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Full text of "Traite de zoologie medicale"

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IE    MÉDICALE    &    SCIENTIFIQUE 

Em.  le  François 

!  9  et  10,  rue  Casimir-Delavigne 

Place  de  l'Odéon  —  Paris 
Très  le  Luxembourg^eUa  Faculté  de  Médecine 

Tous  les  livres  neufs  de  médecine,  chirurgie 
scie,   chimie,    sciences    naturelles,  etc.! 
sont  vendus  avec 

Remise  moyenne  de  25  °/0 

Vente,  A  chat,  Echange  de  livres  neufs  et  d'occasion 

COMMISSION  —  EXPORTATION  —    RELIURES 


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LIBRARY 


OF  THE 


SCHOOL  OF  HYGIENE  AND  PUBLIC  HEALTH 


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TRAITÉ 


ZOOLOGIE  MÉDICALE 


PRINCIPALES  PUBLICATIONS  DU  MÊME  AUTEUR 


Recherches  sur  la  structure  de  la  peau  des  Lézards.  Bulletin  de  la  Société 
zoologique  de  France,  V,  1880. 

De  Vanesthésie  par  le  protoxyde  d'azote,  d'après  la  méthode  de  M.  le  pro- 
fesseur PaulBert.  Thèse  de  doctorat,  1880. 

Articles  Protoxyde  d'azote  et  Rumination.  Nouveau  dictionnaire  de  mé- 
decine et  de  chirurgie  pratiques. 

Étude  sur  le  tablier  et  la  stéatopygie  des  femmes  boschimanes.  Bulletin 
de  la  Société  zoologique  de  France,  VIII,  1883. 

Les  Universités  allemandes.  Un  vol.  in-8  de  268  pages.  Paris,  1883. 

Les  Coccidés  utiles.  Thèse  d'agrégation.  Paris,  1883. 

Éléments  de  zoologie.  En  collaboration  avec  M.  Paul  Bert.  Un  vol.  in-8 
de  692  pages.  Paris,  1885. 

La  septième  côte  cervicale  de  l'Homme.  Revue  scientifique,  1885. 

Planches  murales  d'anatomie  humaine.  Paris,  1885. 

Note  sur  les  Sarcosposidies  et  sur  un  essai  de  classification  de  ces  Spo  ■ 
vozoaires.  Bulletin  de  la  Société  zoologique  de  France,  X,  1885. 

L'atavisme  chez  l'Homme.  Leçons  professées  à  l'École  d'anthropologie. 
Revue  d'anthropologie,  1885. 

Sur  un  cas  de  polymastie  et  sur  la  signification  des  mamelles  surnumé- 
raires. Bulletin  de  la  Société  d'anthropologie,  1885. 

Notices  helminthologiques.  Bulletin  de  la  Soc.  zoologique  de  France,  XI. 
1886. 

Articles  Helminthes,  Hématozoaires,  Hirudinées,  Pseudo-parasites,  Tri- 
chine, Trichocéphale  et  Vers.  Dictionnaire  encyclop.  des  sciences  médicales, 
1886-1888. 

Les  ennemis  de  l'espèce  humaine.  Revue  scientifique,  1888. 


42U6-85.  —  Corbeil,  Imprimerie  Cféto 


TRAITE 


1)  E 


ZOOLOGIE  MÉDICALE 


Raphaël  BLANCHARD 

PROFESSEUR  AGRÉGÉ  A   LA  FACULTÉ  DE  .MÉDECINE  DE  PARIS 

SECRÉTAIRE     GÉNÉRAL     DE     LA     SOCIÉTÉ     ZOOLOGIQUE     DE     FRANCE 

MEMBRE   DE   LA   SOCIÉTÉ   DE   BIOLOGIE 


TOME   PREMIER 

PROTOZOAIRES,  HISTOIRE  DE  l'(EUF, 

CŒLENTÉRÉS,    ÉCHLNODERMES,     VERS    (aNEURIENS, 

PLÂTHELMINTHES ,     NÉMATHELMINTHES  ) 


Avec  387  figures  intercalées  dans  le  texte 


*    PARIS 

LIBRAIRIE   J.-B.   BAILLIÈRE    et   FILS 

19,  rue  Hautefeuille,  prés  du  boulevard  Saiut-Germain 

1889 
Tous  droits  réservés. 


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PRÉFACE 


Tous  ceux  qui  ont  suivi  le  progrès  des  sciences  médicales 
dans  ces  dernières  années  ont  été  frappés  de  l'importance  im- 
prévue qu'on  a  été  conduit  à  attribuer  aux  parasites,  en  tant 
qu'agents  pathogènes.  Sans  parler  des  Bactéries  ou  Microbes, 
que  leur  nature  végétale  exclut  du  cadre  de  ce  livre,  chacun 
sait  qu'on  a  reconnu  en  des  parasites  animaux  la  cause  de  bon 
nombre  de  maladies  meurtrières,  dont  les  manifestations  cli- 
niques étaient  connues,  mais  dont  l'étiologie  et,  par  suite,  la 
prophylaxie  et  le  traitement  demeuraient  ignorés.  La  connais- 
sance de  cette  cause  a  renouvelé  l'helminthologie  ou  plutôt  la 
parasitologie  (car  tous  les  parasites  en  question  ne  sont  pas  des 
helminthes)  et  a  forcément  donné  à  l'enseignement  de  la  zoo- 
logie dans  les  Facultés  ou  Écoles  de  médecine  une  direction  et 
une  importance  nouvelles. 

Au  début  de  ma  carrière  professorale,  j'ai  eu  le  périlleux 
honneur  d'être  appelé  à  enseigner  ces  questions  nouvelles, 
dans  ce  grand  amphithéâtre  de  la  Faculté  de  Paris,  où  tant  de 
maîtres  illustres  m'avaient  précédé.  Je  me  suis  toujours  efforcé 
de  prendre  exemple  sur  eux,  et  j'ai  tout  mis  en  œuvre  pour  ne 
pas  rester  trop  au-dessous  de  ma  tâche,  Ai-je  été  assez  heu- 
reux pour  atteindre  le  but  que  je  m'étais  proposé?  Je  suis 
presque  tenté  de  le  croire,  quand  je  considère  quel  grand 
nombre  d'auditeurs  ont  suivi  mes  leçons,  avec  une  constance 
et  une  bienveillante  attention  qui  ne  se  sont  jamais  démenties 
et  dont  j'ai  à  cœur  de  leur  exprimer  toute  ma  gratitude. 

Si  ce  livre  a  quelque  valeur,  c'est  à  eux  qu'il  convient  d'en 
attribuer  le  mérite,  car  leur  sympathie  m'a  été  un  précieux 
encouragement,  et  c'est  pour  répondre  à  leurs  pressantes  solli- 
citations que  j'ai  entrepris  de  le  publier.  Us  y  retrouveront  les 
leçons  qu'ils  ont  suivies,  augmentées  d'un  certain  nombre  de 


VI  PREFACE. 

chapitres  rendus  nécessaires  par  le  plan  même  de  l'ouvrage. 

Tout  d'abord,  j'avais  l'intention  d'écrire  uniquement  l'his- 
toire des  maladies  parasitaires  d'origine  animale,  en  me  pla- 
çant moins  au  point  de  vue  de  la  clinique  et  de  l'anatomie 
pathologique  qu'à  celui  de  l'histoire  naturelle,  des  migrations 
et  des  métamorphoses  des  parasites  produisant  ces  affections  : 
la  connaissance  exacte  du  parasite,  de  son  genre  de  vie  et  de 
ses  métamorphoses  est,  en  effet,  seule  capable  d'éclairer  le 
clinicien  sur  le  traitement  à  instituer  et  l'hygiéniste  sur  les 
mesures  prophylactiques  à  préconiser.  Tel  est,  suivant  moi,  le 
but  essentiel  qu'on  doit  se  proposer  d'atteindre,  quand  on  en- 
seigne la  zoologie  dans  une  Faculté  ou  une  École  de  médecine; 
tel  a  été,  du  moins,  mon  principal,  sinon  mon  unique  objectif. 
La  littérature  médicale  française,  pourtant  si  riche  en  ouvrages 
spéciaux,  n'en  possède  encore  aucun  qui  réponde  à  ce  pro- 
gramme; il  n'en  est  pas  de  même  en  Allemagne,  en  Angleterre 
et  en  Italie,  où  les  traités  de  Leuckart,  de  Kiichenmeister,  de 
Gobbold  et  de  Perroncito  sont  dans  toutes  les  mains  et  ont  été 
le  point  de  départ  de  nombreux  et  importants  travaux.  La 
constatation  de  cet  état  de  choses  me  sollicitait  d'autant  plus 
vivement  à  écrire  un  traité  de  parasitologie. 

Mais  la  zoologie  médicale  ne  saurait  se  borner  à  l'étude  des 
parasites,  quelque  importance  primordiale  qu'ait  celle-ci.  Un 
grand  nombre  d'animaux  sont  nuisibles  par  leur  piqûre  ou  par 
leur  morsure,  qui  s'accompagne  de  l'injection  d'un  liquide  ve- 
nimeux. D'autres  encore,  recherchés  comme  aliments,  peuvent, 
à  certaines  époques  ou  dans  certaines  conditions,  devenir  vé- 
néneux et  provoquer  de  graves  intoxications.  Un  plus  petit 
nombre,  enfin,  fournissent  quelques  produits  à  la  matière  mé- 
dicale. J'ai  donc  dû,  de  par  la  nature  même  de  mon  enseigne- 
ment, envisager  tour  à  tour  ces  différentes  questions  et  leur 
réserver  une  place  dans  ce  livre. 

Les  espèces  rentrant  dans  les  catégories  susdites  sont  fort 
diverses  et  se  répartissent  à  peu  près  entre  toutes  les  divisions 
du  règne  animal  :  il  a  donc  semblé  rationnel  de  les  décrire  à 
leur  ordre  systématique  et,  par  conséquent,  d'écrire  un  traité 
complet  de  zoologie,  dans  lequel  les  espèces  intéressant  la 
médecine  seraient  étudiées  à  leur  place,  avec  tous  les  dévelop- 
pements utiles. 

Ce  plan  est,  peut-on  dire,  devenu  classique  en  France,  de- 
puis ([ne  Richard,  puis  Gervais  et  van  lieneden  l'ont  consacré. 
S'il  contraint  l'auteur  à  retracer  l'histoire  de  divers  groupes 
dont  l'importance,  au  point  de  vue  médical,  est  réellement  se 


PREFACE.  VII 

conduire,  il  a  du  moins  l'avantage  de  lui  permettre  les  consi- 
dérations générales  et  les  comparaisons  :  cela  ne  peut  manquer 
d'éclairer  d'une  vive  lumière  l'histoire  naturelle  de  l'Homme, 
qui  ne  saurait  être  comprise,  si  l'on  s'obstinait  encore,  à  l'exem- 
ple de  certains  philosophes,  à  considérer  celui-ci  comme  un 
être  n'ayant  aucune  analogie  anatomo-physiologique  avec  les 
animaux  qui  l'entourent.  La  science  est  assez  avancée  et  la 
philosophie  est,  à  l'heure  actuelle,  assez  libre  de  préjugés,  pour 
que  l'Homme  ne  se  refuse  plus  à  reconnaître  son  origine  ani- 
male, non  plus  que  les  relations  de  toute  sorte  qui  l'unissent 
aux  autres  animaux.  Ces  relations,  il  n'eût  pas  été  sans  intérêt 
de  les  exposer  avec  quelques  détails,  mais  c'eût  été  allonger 
outre  mesure  ce  livre,  dont  la  longueur  dépasse  déjà  mes  pré- 
visions :  le  lecteur  désireux  de  s'instruire  sur  ces  intéressantes 
questions  devra  donc  se  reporter  aux  ouvrages  spéciaux  d'an- 
thropologie. 

J'ai  dit  ce  que  contenait  cet  ouvrage  et  j'ai  fait  pressentir 
quel  esprit  philosophique  avait  présidé  à  son  élaboration. 
Voyons  maintenant  de  quelle  façon  il  a  été  rédigé. 

Nulle  part  plus  qu'en  helminthologie  les  auteurs  ne  se  sont 
complus,  au  gré  de  leur  caprice,  à  embrouiller  la  synonymie, 
à  multiplier  les  dénominations,  à  forger  des  noms  barbares,  à 
substituer,  à  rencontre  de  toute  justice,  des  noms  nouveaux  à 
des  noms  déjà  adoptés.  Je  me  suis  efforcé  d'appliquer  aux  pa- 
rasites les  règles  immuables  de  la  nomenclature  et  de  la  loi  de 
priorité.  C'est  pourquoi  j'ai  dû,  par  exemple,  restituer  à  Tri- 
chocephalus  hominis  et  à  Tœnia  canina  leur  appellation  pre- 
mière, indûment  délaissée..  C'est  pour  un  motif  analogue  que 
j'ai  systématiquement  exclu  du  langage  zoologique  des  noms 
tels  que  scolex,  cueurbitin,  proglottis,  qui  ont  pourtant  été  pro- 
posés par  des  auteurs  des  plus  recommandables,  mais  qui  ont 
le  tort  de  tendre  à  établir  pour  les  Cestodes  une  terminologie 
spéciale  et  de  s'appliquer  à  des  parties  que,  chez  tous  les  autres 
animaux,  on  désigne  sous  les  noms  de  tête,  somite  ou  anneau. 

Ce  travail  de  critique  a  nécessité  de  laborieuses  recherches 
bibliographiques,  qui  ont  singulièrement  prolongé  la  rédaction 
de  ce  livre  (1).  Estimant  que  les  travaux  publiés  avant  le  dix- 
septième  siècle  sont,  en  général,  d'une  interprétation  incertaine, 

(1)  Le  premier  volume  du  Traite'  rie  zoologie  médicale  a  été  publié  en  trois 
fascicules.  Le  premier  fascicule,  comprenant  les  paecs  1  à  192,  est  paru 
le  4  novembre  1885;  le  second,  comprenant  les  pages  193  à  480  est  paru  le 
10  juillet  1886;  le  troisième  et  dernier,  comprenant  les  pages  481  à  la  fin, 
est  paru  le  1"  novembre  1888, 


VIII  PRÉFACE. 

je  les  ai  laissés  de  côté,  sauf  dans  un  petit  nombre  de  cas,  et, 
prenant  comme  point  de  départ  l'année  1700,  en  laquelle  l'hel- 
minthologie  a  été  véritablement  fondée  par  la  publication  du 
livre  de  Nicolas  Andry,  De  la  génération  des  Vers  dans  le  corps  de. 
l'Homme,  je  me  suis  astreint  à  consulter  tous  les  livres  ou  mé- 
moires publiés  depuis  lors  sur  cette  branche  des  sciences  mé- 
dicales. Longue,  ingrate  et  fastidieuse  besogne,  mais  qui  pour- 
tant ne  laisse  pas  que  de  conduire  à  des  résultats  importants  : 
elle  m'a  permis,  en  effet,  de  fixer  plus  d'un  point  d'histoire, 
de  dresser  des  statistiques  et  de  porter  le  coup  de  grâce  à  bon 
nombre  d'erreurs  que  les  auteurs,  se  copiant  servilement,  réé- 
ditaient les  uns  après  les  autres.  J'ai  été  amené  de  la  sorte  à 
compulser  un  nombre  très  considérable  d'ouvrages,  écrits  en 
plus  de  dix  langues  :  sauf  pour  les  langues  slaves,  je  n'ai  confié 
à  personne  qu'à  moi-même  le  soin  de  les  consulter. 

Aussi  àurais-je  quelque  droit  de  faire  mienne  la  devise  du 
philosophe  :  «  cecy  est  un  livre  de  bonne  foy,  »  et  ne  pensé-je 
pas  me  bercer  d'une  illusion  en  assurant  qu'on  y  trouvera  réu- 
nis des  documents  précis,  recueillis  aux  meilleures  sources  et 
passés  au  crible  d'une  critique  sévère. 

L'étudiant  puisera  dans  cet  ouvrage  toutes  les  connaissances 
zoologiques  nécessaires  pour  le  premier  examen  de  doctorat 
en  médecine  et  pour  le  deuxième  examen  probatoire  de  phar- 
macie; le  médecin  praticien  et  le  pharmacien  auront  en  lui 
un  guide  fidèle  pour  la  détermination  des  animaux  nuisibles 
ou  des  parasites,  même  des  plus  rares,  qui  pourraient  s'offrir 
à  eux. 

Je  le  soumets  avec  confiance  à  leur  appréciation. 

Raphaël  BLANCHARD. 


Paris,  le  20  octobre  1888. 


TRAITÉ 


DE 


ZOOLOGIE  MÉDICALE 


INTRODUCTION 

L'anatomie  générale  nous  enseigne  que  les  organes  de  tous 
les  êtres  vivanls  sont  constitués  fondamentalement  par  une 
substance  unique,  à  laquelle  Dujardin  avait  autrefois  appliqué 
le  nom  de  sarcode,  mais  qu'on  désigne  plus  généralement  à 
l'heure  actuelle  sous  le  nom  de  protoplasma. 

Ce  protoplasma,  qui  est  la  substance  organisée,  vivante,  à 
son  état  de  plus  simple  expression,  va  constituer,  disons-nous, 
tous  les  tissus  et  tous  les  organes  des  êtres  vivants.  Dans  ce 
but,  il  se  différencie  et  se  complique  de  plus  en  plus  à  mesure 
qu'on  l'envisage  chez  des  êtres  plus  élevés  en  organisation  :  il 
subit  des  modifications  chimiques  plus  ou  moins  profondes,  de 
manière  à  donner  naissance  à  des  produits  secondaires  dont  la 
nature  peut  varier  pour  ainsi  dire  à  l'infini  ;  ou  bien  il  s'ad- 
joint et  se  juxtapose  des  matériaux  empruntés  au  monde  exté- 
rieur. 

Par  la  suite  de  cet  ouvrage,  nous  aurons  l'occasion  de  suivre 
pas  à  pas  les  diverses  transformations  qu'il  peut  subir;  pour 
.  l'instant,  il  importe  de  l'étudier  à  son  état  de  plus  grande  sim- 
plicité, ne  nous  arrêtant  qu'à  celles  de  ses  propriétés  qu'il  nous 
est  indispensable  de  connaître. 

Blai\chard.  —  Zool.  méd.  ' 


2  INTRODUCTION. 

Le  protoplasma  est  une  substance  du  groupe  chimique  des 
albuminoïdes,  c'est-à-dire  que  les  corps  simples  qui  entrent 
normalement  dans  sa  composition  sont  le  carbone,  l'hydro- 
gène, l'oxygène  et  l'azote.  Des  tentatives  nombreuses  ont  été 
faites  pour  déterminer  la  formule  de  cette  substance  com- 
plexe, mais  toutes  ont  échoué  et,  dans  l'état  actuel  de  la 
science,  on  ne  peut  guère  faire  à  ce  propos  que  des  conjec- 
tures. L'ignorance  où  nous  sommes  relativement  à  la  relation 
qu'affectent  entre  eux,  dans  la  molécule  de  protoplasma,  les 
quatre  corps  simples  que  nous  citions  plus  haut  tient,  d'une 
part,  à  l'imperfection  des  méthodes  d'analyse  dont  nous  dispo- 
sons et,  d'autre  part,  à  ce  que  le  protoplasma  est  encore  plus 
complexe  que  nous  ne  l'avons  annoncé  :  il  est  fréquent,  sinon 
constant,  que  des  corps  nouveaux,  tels  que  le  soufre,  le  fer,  le 
phosphore,  viennent  se  surajouter  au  protoplasma  et  se  com- 
biner chimiquement  avec  lui,  circonstance  qui  rend  son  ana- 
lyse élémentaire  plus  difficile  encore.  D'ailleurs,  sa  formule, 
alors  même  qu'on  parviendrait  à  l'établir,  ne  représenterait 
jamais  qu'un  cas  particulier,  car  le  protopiasma,  par  cela  même 
qu'il  est  vivant,  est  d'une  façon  incessante  le  siège  d'un  double 
courant  d'assimilation  et  de  désassimilation  qui  change  pro- 
fondément d'un  instant  à  l'autre  sa  composition  chimique. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  protoplasma  vit,  c'est-à-dire  qu'il  naît, 
s'accroît,  se  reproduit  et  meurt;  il  se  nourrit,  respire,  est  sen- 
sible, se  meut  même  et  réagit  contre  les  excitations  qui  le 
viennent  provoquer. 

Il  importe  en  outre  de  rappeler  ici  quelques-unes  de  ses  pro- 
priétés physiques  et  chimiques. 

Le  protoplasma  est  doué  de  propriétés  endosmotiques  très 
nettes,  mais,  plongé  à  l'état  vivant  dans  des  solutions  colorées, 
par  exemple  dans  du  carmin  ou  de  l'aniline,  il  absorbera  l'eau 
et  laissera  de  côté  la  matière  colorante  ;  mort,  il  fixera  au  con- 
traire la  matière  colorante  et  se  colorera  même  plus  fortement 
que  la  solution  dans  laquelle  il  est  plongé. 

Il  se  colore  en  rouge  pâle  ou  prend  une  teinte  brunâtre  par 
l'acide  sulfurique,  une  teinte  rose  ou  violette  par  l'acide  chlo- 
rhydrique.  Traité  par  l'acide  azotique,  il  se  colore  en  jaune 
paie  ;  si  on  le  lave  alors,  puis  qu'on  ajoute  de  la  potasse  ou  de 
l'ammoniaque,  il  se  colore  en  jaune  foncé  :  c'est  là  la  réaction 


INTRODUCTION.  3 

de  la  xanthoprotéine,  caractéristique  de  la  matière  vivante. 
Traité  par  le  réactif  de  Millon,  c'est-à-dire  par  l'azotate  acide 
de  mercure,  puis  chauffé,  il  passe  au  rouge  foncé.  L'acide  sul- 
furique,  l'ammoniaque,  la  potasse,  le  dissolvent  plus  ou  moins 
rapidement;  l'alcool,  le  chloral,  l'acide  osmique,  la  chaleur  le 
coagulent. 

Telles  sont,  exposées  succinctement,  les  principales  pro- 
priétés de  la  matière  vivante.  C'est  elle,  avons-nous  dit,  qui,  en 
se  modifiant  de  façons  diverses,  va  servir  à  l'édification  des 
tissus  et  des  organes  de  tous  les  êtres  vivants.  Mais  avant 
d'aborder  l'étude  de  ses  modifications,  nous  pouvons  nous  de- 
mander s'il  n'existe  point  des  êtres  assez  simples  pour  n'être 
constitués  que  par  une  masse  de  protoplasma  sans  la  moindre 
différenciation. 

Des  êtres  de  la  sorte  existent  en  effet  :  Hseckel  les  a  fait  con- 
naître en  1868  et  leur  a  donné  le  nom  de  monères. 


EMBRANCHEMENT  DES  PROTOZOAIRES 


ClASSE  DES  RHIZOPODES 


OHDRE    DES   MONERES 


En  1857,  le  gouvernement  anglais  faisait  exécuter  des  sondages 
dans  le  nord  de  l'océan  Atlantique,  par  4,000  à  8,000  mètres,  dans 
le  but  de  reconnaître  là  nature  des  fonds  sur  lesquels  devait  reposer 
le  câble  sous-marin.  On  préleva  de  la  sorte  des  échantillons  de 
limon  puisés  aux  plus  grandes  profondeurs.  Ces  échantillons  furent 
soumis  à  l'examen  des  naturalistes,  et  dansl'un  d'eux,  en  1868,  Huxley 
découvrit  l'être  le  plus  simple  que  nous  connaissions  :  il  l'appela 
Bathybius  Hdeckeli. 

Depuis  lors,  cet  être  a  été  observé  à  l'état  vivant  par  plusieurs 
naturalistes  (Wyville  Thomson  et  W.  Carpenler,  E.  Besselsj,  en  sorte 
que  son  existence  paraît  bien  incontestable,  malgré  les  discussions 

passionnées  et  les  dénégations  éner- 
giques auxquelles  elle  a  donné  lieu. 
Cet  organisme  (fi g.  1)  a  l'aspect 
de  masses  gélatineuses  informes, 
habituellement  réticulées,  dont  les 
dimensions  varient  depuis  des  gru- 
meaux visibles  à  l'œil  nu  jusqu'à 
des  particules  excessivement  ténues. 
11  rampe  sur  les  fonds  sous-marins 
en  se  déplaçant  avec  une  lenteur 
extrême  :  dans  ce  but,  il  pousse 
dans  un  certain  sens  des  pseudopo- 
des, c'est-à  dire  des  prolongements 
courts  et  lobés,  à  la  façon  d'une 
Limace  allongeant  son  pied,  en  môme  temps  que  sa  substance 
se  rétracte  d'autre  part.  Un  obstacle  s'oflfre-t-il  ou  bien  des  pseudo- 
podes sont-ils  émis  en  deux  sens  opposés,  la  substance  du  corps 


Fig.   1.   —  Bathybius  Ilœckeli. 


OIIDRE   DES  MONÈBES.  5 

s'étrangle  et  se  divise  en  deux,  comme  le  ferait  une  goutte  de  mer- 
cure. Les  deux  organismes  qui  ont  ainsi  pris  naissance  par  scis- 
siparité resteront  désormais  indépendants  l'un  de  l'autre,  chacun 
vivant  de  son  côté  ;  ou  bien,  si  le  hasard  de  leurs  reptations  les  ra- 
mène au  contact  l'un  de  l'autre,  ils  pourront  confondre  de  nouveau 
leur  substance,  de  môme  que  nos  deux  gouttelettes  de  mercure 
pourront  se  réunir  derechef  en  une  seule  goutte. 

Les  pseudopodes  arrêtent  au  passage  les  substances  capables  de 
leur  servir  de  nourriture,  les  englobent,  puis, se  rétractantet  rentrant 
dans  la  masse  sarcodique,  les  entraînent  jusqu'à  l'intérieur  du 
corps.  Cette  involution  des  aliments  n'est  point  localisée,  mais  peut 
se  taire  par  un  point  quelconque  de  la  surface  du  corps.  Après  avoir 
été  englobés  de  la  sorte,  les  aliments  sont  digérés  lentement,  puis  le 
résidu  est  rejeté  de  la  même  manière.  Les  corps  étrangers  incapa- 
bles d'être  digérés  pénètrent  de  la  même  façon,  et  il  est  rare  de  ren- 
contrer une  Monère  qui  n'en  renferme  quelqu'un. 

Le  protoplasma,  comme  nous  venons  de  voir,  est  doué  de  pro- 
priétés digestives.  Il  est  egalementcapable.de  respirer:  cette  fonc- 
tion s'accomplit  par  un  procédé  rudimentaire,  en  empruntant  «à  l'eau 
dans  laquelle  est  plongé  l'organisme  l'oxygène  que  celle-ci  tient  en 
dissolution  et  en  lui  restituant  de  l'acide  carbonique. 

Le  sarcode  est  encore  doué  de  sensibilité.  Un  rayon  de  soleil  vient- 
il  à  tomber  sur  un  vase  renfermant  des  Monères,  on  les  voit,  sui- 
vant les  cas,  se  déplacer  vers  la  lumière  ou  lu  fuir;  un  choc  vient-il  à 
les  atteindre,  un  corps  étranger  vient-il  à  les  toucher,  elles  rétrac- 
tent leurs  pseudopodes  et  se  concentrent  en  une  masse  plus  ou  moins 
sphérique.  C'est  là,  sous  sa  forme  la  plus  simple  et  la  plus  rudimen- 
taire, la  manifestation  de  la  sensibilité,  propriété  d'ordre  vital  (I  ),  que 
nous  allons  voir  se  spécialiser  et  se  compliquer  de  plus  en  plus,  au 
fur  et  à  mesure  que  nous  nous  adresserons  à  des  animaux  plus 
élevés  en  organisation. 

(I)  Il  ne  faudrait  pourtant  pas  croire  que,  réduite  à  une  manifestation  aussi 
primitive,  la  sensibilité  soit  fondamentalement  distincte  de  certaines  proprié- 
tés d'ordre  physique  inhérentes  aux  corps  bruts.  On  a  professé  pendant, 
longtemps  que  la  sensibilité,  propre  à  tous  les  animaux,  n'existait  point  chez 
les  plantes  et  constituait  par  conséquent  une  ligne  de  démarcation  bien  nette 
entre  le  règne  animal  et  le  règne  végétal.  On  est  revenu  aujourd'hui  de  cette 
erreur.  Bien  plus,  on  ne  saurait  contester  actuellement  que  la  sensibilité 
n'est  autre  chose  qu'une  «  réaction  matérielle  a.  une  stimulation,  »  suivant  la 
belle  expression  de  Claude  Bernard,  qu'elle  est  une  simple  forme  de  mou- 
vement et  que,  par  suite,  elle  est  une  propriété  générale  de  la  matière.  Loin 
de  creuser  un  abîme  entre  les  animaux  et  les  plantes,  la  sensibilité  ne  sau- 
rait donc  même  pas  ôtre  invoquée  comme  un  caractère  différenciant  les  êtres 
vivants  des  corps  bruts. 


6  CLASSE  DES  RHIZOPODES. 

Protamœba  primitiva  Hoeckel  (fig.  2)  est  également  une  Monère 
marine;  elle  rampe  à  la  surface  des  corps  submergés.  Elle  diffère 
essentiellement  de  Bathybius  parce  que  sa  taille  es  t  limitée  et  sa  forme 
définie.  A  l'état  de  défense  ou  de  repos,  elle  se  ramasse  en  un  globu  le 
sphéroïdal;  à  l'état  d'activité,  elle  pousse  des  pseudopodes  lobés  ou 
lobopodes,  dont  nous  connaissons  déjà  l'importance;  ceux-ci  ne 
s'anastomosent  jamais  entre  eux.  Le  corps  est  limité  extérieurement 
par  une  zone  claire  ou  ectoplasme,  plus  particulièrement  chargée 
u'émettre  les  lobopodes;  le  reste  du  protoplasma  est  infiltré  de  gra- 
nulations plus  ou  moins  serrées  les  unes  contre  les  autres  et  cons- 
titue Vendoplasme.  Quand  l'organisme  est  arrivé  à  son  maximum  de 
taille,  il  se  reproduit  par  scissiparité  ou  bipartition  . 

Autour  de  Bathybius  et  de  Protamœba  primitiva  viennent  se  ranger 
un  certain  nombre  de  formes,  telles  que  Gloidium  quadrifidum  Soro- 


Fig.  2.  —  Protamœba  primitiva.  —  A,  rampant;  B,  en  train  de  se  diviser; 
C,  divisé  en  deux  moitiés. 


kin,  toutes  caractérisées  par  la  possession  de  lobopodes,  c'est-à- 
dire  d'expansions  sarcodiques  courtes  et  obtuses  :  elles  constituent  le 
groupe  des  Lobomonères. 

Aimé  Schneider  a  décrit  sous  le  nom  de  Monobia  confluens  un  or- 
ganisme d'eau  douce  différant  du  précédent  par  ses  pseudopodes  qui, 
au  lieu  d'être  courts  et  volumineux,  sont  extrêmem  ent  ténus,  recli- 
lignes,  lents  à  se  mouvoir  et  si  longs  qu'ils  dépassent  quatre  fois  la 
longueur  du  corps.  On  donne  à  de  semblables  pseudopodes  le  nom 
plus  spécial  de  rhizopodes;  ils  rayonnent  de  toute  la  surface  du  corps 
et  peuvent  se  fusionner  entre  eux  de  manière  à  former  çà  et  là  des 
réseaux  plus  ou  moins  serrés  (fig.  3). 

Monobia  se  reproduit  encore  par  scissiparité,  mais  sa  multiplication 
s'accompagne  souvent  de  phénomènes  remarquables.  Les  deu  x  indi- 
vidus, au  lieu  de  se  séparer,  resteront  attachés  l'un  à  l'autre  par  un 
pont  de  substance,  chacun  agissant  d'ailleurs  à  sa  guise.  Cette  divi- 
sion incomplète  va  s'opérer  à  son  tour  pjur  les  deux  individus    nou- 


ORDRE  DES  MONÈRES.  7 

veaux,  et  ainsi  de  suite  :  partant  d'un  individu  primitif,  on  voit  de  la 
sorte  se  reconstituer  une  véritable  colonie,  dont  la  forme  est  du 
reste  soumise  à  des  variations  incessantes,  soit  par  isolement  de 
certains    individus,    soit  par   apport    et   juxtaposition    d'individus 


Fig.  3.  —  Monobia  confluens,  d'après  Aimé  Schneider. 


Mentionnons  encore  Protomyxa  aarantiaca,  Monère  marine,  colorée 
en  rouge  orangé,  trouvée  par  Haeckel  aux  Canaries  (fig.  4).  Son  corps 
globuleux  est  hérissé  sur  toute  sa  surface  de  rhizopodes  sans  nombre, 
rayonnants  et  anastomosés  entre  eux.  Quand  le  moment  de  la  repro- 
duction est  arrivé,  l'organisme  rétracte  ses  pseudopodes,  prend  une 


8  CLASSE   DES  RHIZOPODES. 

forme  régulièrement  arrondie,  puis  s'entoure  d'une  sorte  de  mem- 
brane kystique,  à  l'intérieur  de  laquelle  le  protoplasma  va  se  seg- 
menter en  un  nombre  considérable  de  petites  masses  globuleuses  ou 
spores.  Celles-ci  rompront  bientôt  le  kyste  et,  de  la  sorte,  seront 
mises  en  liberté  :  elles  représentent  alors  de  petits  corpuscules 
ovoïdes  dont  la  petite  extrémité  est  munie  d'un  flagellum  ou  filament 
locomoteur  ;  peu  à  peu  la  spore  émet  des  pseudopodes,  en  même 
temps  qu'elle  perd  son  flagellum  et  qu'elle  prend  de  plus  en  plus  les 
caractères  de  l'animal  adulte- 
Autour  de  Monobiael  de  Protomyxa  viennent  se  ranger  un  certain 


—  Vrot'miyxi  aurantiaca. 


nombre  de  formes  constituant  des  colonies  comme  Myxodiclyum 
sociale  Hœckel,  ou  demeurant  libres  comme  Protogenes  primordialis 
Hœckel,  mais  toutes  caractérisées  par  la  possession  de  rbizopodes, 
c'est-à-dire  d'expansions  sarcodiques  longues,  grêles  et  anastomosées 
entre  elles  :  ces  formes  constituent  le  groupe  des  Rhizomonères. 

Le  mode  de  reproduction  de  Protomyxa  est  remarquable  en  ce  qu'il 
nous  aide  à  mieux  définir  les  affinités  des  Monères.  Par  l'intermé- 
diaire des  Vampyrella  et  des  Protomona8t  elles  se  rattachent  étroite- 
ment aux  Champignons,  particulièrement  aux  Chytridinées  et  aux 
Myxomycètes  :  elles  sont  donc  proches  parentes  des  végétaux.  Nous 
allons  voir  d'autre  part  qu'elles  ont  d'intimes  affinités  avec  les  Amibes 


ORDRE   DES   AMIBES  !» 

el  d'aulres  Protozoaires  :  elles  sont  donc  également  proches  parentes 
des  animaux.  On  doit  donc  les  considérer  comme  établissant  le  pas- 
sage du  règne  animal  au  règne  végétal,  ou  plutôt  comme  étant  les 
êtres  primordiaux  d'où  sont  dérivés,  par  une  sorte  de  bifurcation,  les 
animaux  et  les  plantes. 

Les  Monères  n'ont  donc  d'ancêtres  ni  parmi  les  animaux  ni  parmi 
les  végétaux,  puisqu'elles  sont  le  point  de  départ  des  uns  et  des 
autres.  Pourtant  elles  ont  dû  naître  à  un  certain  moment,  car  on  sait 
<fuje  la  vie  n'a  pas  existé  de  tout  temps  sur  notre  planèle.  Si  nous  re- 
cherchons d'où  elles  viennent,  comment  elles  ont  pu  apparaître,  nous 
sommes  amenés  à  conclure  qu'elles  sont  nées  par  génération  spon- 
tanée. Nous  n'insisterons  point  ici  sur  la  question  de  l'origine  de  la 
vie,  nous  l'avons  traitée  ailleurs  avec  tous  les  développements  qu'elle 
comporte. 

R.  Blanchard,  L'origine  de  la  vie  et  l'organisation  de  la  matière.  Revue 
scientifique,  XXXV,  p.  161,  7  février  1885. 

ORDRE   DES  AMIBES 


11  est  fréquent  de  rencontrer  dans  les  eaux,  soit  douces  soit  ma- 
rines, ou  même  dans  la  terre  humide,  des  êtres  microscopiques  dont 
l'organisation  est  un  peu  plus  compliquée  que  celle  des  Monères.  Fai- 
sons macérer  dans  l'eau  un  bouquet  de  fleurs  ou  bien  examinons 
soigneusement  au  microscope  des  Conferves  prises  dans  une  mare, 
nous  y  rencontrerons  presque  à  coup 
sûr  des  animalcules  tels  que  Amœba 
vulgaris  (fig.  5). 

Cet  organisme  ressemble  considé- 
rablement à  une  Monère,  par  son 
corps  dépourvu  de  tégument  et  di- 
visé nettement  en  deux  zones,  un 
ectoplasme  et  un  endoplasme,  et  par 
son  mode  de  locomotion  au  moyen 
de  lobopodes.  Ce  mode  de  progres- 
sion avait  attiré  déjà  l'attention  des 

naturalistes,  longtemps  avant  que  les  Monères  ne  fussent  connues  : 
on  le  croyait  d'abord  particulier  aux  Amibes,  aussi  lui  a-t-on  donné 
le  nom  de  mouvement  amiboide. 

Les  Amibes  diffèrent  des  Monères  en  ce  que  leur  endoplasme  ren- 
ferme toujours  un  corpuscule  à  contour  net,  le  noyau,  dans  l'inté- 
rieur duquel  il  est  habituel  de  voir  un  autre  corpuscule  plus  petit,  le 
nucléole.  Le  noyau  doit  être  considéré  comme  marquant  la  première 


Fig.  5.  —  Amœba  vulgaris. 


10  CLASSE  DES  RHIZOPODES. 

étape  dans  le  sens  de  la  différenciation.  Au  point  de  vue  histo-chi- 
mique,  il  présente  des  réactions  qui  permettent  de  le  distinguer 
nettement  du  protoplasma  ambiant  :  tandis  que  celui-ci  ne  se  colore 
que  faiblement  par  le  carmin,  le  noyau  fixe  au  contraire  cette  tein- 
ture avec  une  grande  énergie,  et  le  nucléole  se  colore  lui-même  plus 
fortement  encore. 

La  masse  du  corps  de  notre  Amibe  renferme  en  outre,  habituelle- 
ment dans  l'endoplasme,  de  petites  vacuoles  arrondies,  pleines  d'un 
liquide  clair  :  si  on  les  examine  pendant  quelque  temps  avec  atten- 
tion, on  les  voit  se  contracter  par  intervalles  et  répandre  dans  le 
protoplasma  qui  les  environne  le  liquide  qu'elles  contenaient  :  ce 
sont  des  vacuoles  contractiles,  premiers  rudiments  des  organes  de 
circulation,  ou  plutôt  d'excrétion,  comme  le  montre  la  comparaison 
avec  les  Infusoires,  chez  lesquels  ces  formations  atteignent  leur 
maximum  de  développement. 

Si  la  présence  du  noyau  distingue  nettement  les  Amibes  des  Mo- 
nères,  les  vacuoles  contractiles  n'ont  pas  la  même  signification  :  on 
les  peut  observer  en  effet  chez  certaines  de  ces  dernières,  par 
exemple  chez  Gloidium. 

Les  différentes  fonctions  s'accomplissent  comme  chez  lesMonères, 
mais  la  reproduction  se  fait  par  un  procédé  un  peu  différent.  De  même 
que  chez  Protamœba  primitiva,  il  s'agit  encore  d'une  bipartition,  mais 
la  division  du  protoplasma  est  précédée  de  celle  du  noyau,  les  deux 
moitiés  de  celui-ci  s'écartent  l'une  de  l'autre  et  c'est  entre  elles  que 
se  produit  l'étranglement  qui  devra  aboutir  au  dédoublement  de 
l'organisme.  11  est  probable  que,  dans  certains  cas,  la  reproduction 
se  fait  aussi  par  enkystement  et  division  du  kyste  en  spores  qui, 
mises  en  liberté,  reproduisent  chacune  une  Amibe.  Ce  mode  parti- 
culier de  multiplication,  encore  mal  connu,  rattache  tout  naturelle- 
ment les  Amibes  aux  Sporozoaires. 

Certaines  Amibes  ont  été  observées  en  parasites  chez  l'Homme  et 
chez  divers  animaux. 

Amœba  coli  Lôsch,   187,c>. 

En  1875,  entrait  dans  la  clinique  du  professeur  Eichwald,  à 
Saint-Pétersbourg,  un  paysan  du  gouvernement  d'Arkangel. 
Cet  individu,  âgé  de  vingt-quatre  ans,  souffrait  d'une  inflam- 
mation ulcéreuse  du  gros  intestin  et  était  atteint  de  diarrhée. 
Lôsch,  assistant  d'Eichwald,  examinant  au  microscope  les 
selles  de  ce  malade,  y  découvrit  des  Amibes  en  nombre  si  con- 
sidérable que  souvent,  môme  à  un  grossissement  de  500  dia- 


ORDRE    DES  AMIBES. 


11 


mètres,  le  champ  du  microscope  en  renfermait  plus  de  soixante. 
A  l'état  de  repos,  ces  Amibes  (fig.  6)  mesurent  de  20  à  30  (x, 
35  |a  au  plus  ;  à  l'état  de  locomotion,  et  lorsqu'elles  présentent 
leur  maximum  d'allongement,  elles  peuvent  atteindre  jusqu'à 
60  (x  de  longueur.  Elles  émettent  des  prolongements  courts, 
mousses,  arrondis  et  se  déplacent  avec  une  assez  grande  len- 
teur. Leur  noyau  est  arrondi,  pâle,  incolore  et  mesure  de  5  à 
7  (x;  sa  consistance  est  peu  considérable,  à  tel  point  qu'il  se 
déforme  souvent  pendant  les  contractions  de  l'animalcule;  il 
renferme  un  nucléole  dont  la  taille  et  la  réfringence  sont  assez 


variables.  Le  protoplasma,  très  fortement  granuleux,  est  diffé- 
rencié en  endosplasme  et  en  ectoplasme;  quand  il  pousse  ses 
pseudopodes,  ceux-ci  sont  au  début  formés  de  protoplasma 
clair  et  dépourvu  de  granulations.  Le  corps  de  l'Amibe  ren- 
ferme en  outre  une  ou  deux,  et  jusqu'à  six  ou  huit  vacuoles 
arrondies,  queLôsch  n'a  pas  vu  se  contracter. 

Le  malade  resta  quatre  mois  entiers  à  l'hôpital  ;  il  finit  par 
succomber,  des  suites  d'une  pleurésie  et  d'une  pneumonie  in- 
tercurrentes, compliquées  d'anémie.  Pendant  longtemps,  les 
Amibes  se  montrèrent  aussi  nombreuses  qu'au  début;  elles  ne 
cédèrent  qu'à  des  lavements  répétés  de  quinine,  et  leur  dispari- 


12  CLASSE  DES   RHIZOPODES. 

tion  coïncida  avec  la  cessation  de  la  diarrhée,  au  moment 
même  où  la  pleurésie  commençait  à  se  manifester.  On  doit 
donc  admettre  que  ces  parasites  trouvent  dans  l'intestin  les 
conditions  favorables  pour  leur  développement  :  la  multiplica- 
tion, qui  n'a  pas  été  observée,  se  fait  sans  doute  par  simple 
scissiparité.  Il  est  également  vraisemblable  que  ce  ne  sont  là 
que  des  parasites  accidentels  et  qu'ils  ont  été  introduits  dans 
le  tube  digestif  par  des  eaux  de  mauvaise  qualité.  Leur  prove- 
nance n'a  pas  été  suffisamment  définie,  maison  peut  les  rap- 
procher d'Amœba  jelaginia  (fig.  7),  que  C. 
de  Mérejkowsky  a  rencontrée  dans  les 
marécages  de  Jelagin,  aux  environs  de 
Saint-Pétersbourg,  c'est-à-dire  dans  l'en- 
droit même  où  le  malade  était  employé 
comme  manœuvre.  Cette  espèce,  il  est 
Y\%.i.-Amœbajelagi-   vrai>   diffère  d'Amœba   coli  par  sa  taille 

ma,  d  après  C.  de  Mé-       .  ,  .  , 

rejkowsky.  P*us  grande, ses  vacuoles  plus  nettement 

contractiles  et  ses  pseudopodes  plus  nom- 
breux, mais  les  autres  caractères  sont  tellement  semblables 
que,  malgré  l'autorité  de  Leuckart,  il  est  bien  difficile  de  ne 
pas  admettre  que  les  variations  constatées  trouvent  dans  la 
différence  des  milieux  une  explication  suffisante. 

La  valeur  pathogénique  du  parasite  semble  moins  discuta- 
ble. Le  malade  avait  présenté  tous  les  signes  d'une  dysenterie 
intense  et  rebelle;  à  l'autopsie,  on  constata  une  violente  in- 
flammation et,  par  places,  une  ulcération  du  gros  intestin,  par- 
ticulièrement dans  ses  parties  inférieures.  Lôsch  admet  que  ces 
lésions  étaient  causées  par  le  parasite  ;  tout  au  moins  se  croit- 
il  autorisé  à  penser  que  celui-ci  avait  entretenu  l'inflammation 
et  avait  empêché  la  guerison  des  ulcères  :  les  mouvements  in- 
cessants des  Amibes  à  la  surface  de  la  muqueuse  malade  avaient 
pu  déterminer  une  excitation  mécanique;  de  plus,  pendant  le 
cours  de  la  maladie,  il  y  avait  une  relation  manifeste  entre  la 
quantité  des  Amibes  et  l'intensité  de  l'inflammation. 

Cette  opinion  est  confirmée  par  des  expériences  consistant  à 
injecter  à  trois  Chiens,  par  la  bouche  et  par  l'anus,  de  1  à  2 
onces  de  matière  diarrhéique  récemment  expulsée  parle  ma- 
lade; l'injection  fut  répétée  trois  jours  de  suite.  Un  quatrième 
Chien  fut  traité  de  la  même  manière,  mais  après  qu'un  lave- 


OKDKE    DES  AMIBES.  13 

ment  à  l'huile  de  croton  lui  eut  donné  une  entérite  aiguë  ;  ce 
dernier  essai  avait  pour  but  de  déterminer  si  les  Amibes  étaient 
capables  d'entretenir  une  inflammation  déjà  établie.  L'expé- 
rience ne  réussit  que  sur  l'un  des  trois  premiers  Chiens.  Au  hui- 
tième jour  après  la  dernière  injection,  on  commença  à  rencon- 
trer dans  les  selles  un  grand  nombre  d'Amibes  vivantes;  les 
jours  suivants,  celles-ci  devinrent  encore  plus  nombreuses,  bien 
que  l'état  général  du  Chien  restât  normal.  Pendant  les  deux 
semaines  qui  suivirent,  aucun  changement  ne  survint  :  l'ani- 
mal fut  alors  sacrifié,  le  dix-huitième  jour  après  la  dernière 
injection.  A  l'autopsie,  on  trouva  la  muqueuse  rectale  enflam- 
mée par  places,  irrégulièrement  tuméfiée,  couverte  d'un  mucus 
sanguinolent,  et  ulcérée  à  la  surface  en  trois  endroits.  Les 
ulcères  étaient  arrondis,  larges  de  4  à  7  millimètres  et  circon- 
scrits par  une  muqueuse  tuméfiée,  fortement  hypérémiée  ;  leur 
fond  était  inégal  et  d'un  rouge  sombre;  au-dessous  d'eux,  la 
muqueuse  était  infiltrée,  hypérémiée  et  tuméfiée.  Dans  le  mucus 
rectal  et  sur  le  fond  des  abcès,  grouillaient  des  masses  d'Amibes 
qui  ne  se  distinguaient  en  rien  des  parasites  injectés.  La  mu- 
queuse du  reste  du  gros  intestin  était  normale. 

En  1870,  Lewis  et  D.  Douglas  Cunningham  avaient  pu  déjà,  à 
Calcutta,  constater  la  présence  d'Amibes  dans  les  affections  du 
gros  intestin.  En  1871,  Cunningham,  poursuivant  ces  études, 
rencontra  le  parasite  dix-huit  fois  sur  centdans  les  déjections  des 
cholériques  ;  ces  Amibes  sont  incolores,  plus  ou  moins  granu- 
leuses et  pourvues  de  vacuoles  non  contractiles.  Elles  peuvent 
s'enkysteret  se  reproduisent  par  division  ;  les  cellules-filles  peu- 
vent alors  se  séparer  de  suite  ou  au  contraire  rester  accolées 
les  unes  aux  autres  et  se  disposer  en  groupes  ou  en  chaînettes. 
Elles  disparaissent  habituellement  dans  les  vingt-quatre  heures 
qui  sui.vent  le  rejet  des  selles.  Les  organismes  observés  par 
Cunningham  ne  peuvent  être  considérés  comme  la  cause  du  cho- 
léra, car  cet  auteur  a  retrouvé  identiquement  les  mêmes  êtres, 
vingt-huit  fois  sur  cent,  dans  les  cas  de  diarrhée  simple;  de 
plus,  il  est  certains  cas  dans  lesquels  on  ne  les  observe  pas  ;  le 
choléra  ne  fait  donc  que  déterminer  des  conditions  favorables  à 
leur  développement  et  à  leur  propagation. 

Ces  conclusions  sont  précisément  celles  auxquelles  arrive  B. 


14  CLASSE  DES  RHIZOPODES. 

Grassi,  qui,  en  1879,  put  observer  six  fois  des  Amibes  dans  les 
selles,  aussi  bien  chez  des  individus  sains  que  chez  des  diarrhéi- 
ques.  Ces  parasites,  dit-il,  sont  très  communs  à  Rovellasca,  à 
Messine,  à  Pavie  et  à  Milan.  L'ectoplasme  et  l'endoplasme  sont 
très  distincts.  Ce  dernier,  très  granuleux,  renferme  un  plus  ou 
moins  grand  nombre  de  vacuoles  non  contractiles,  ou  qui  du 
moins  ne  se  contractent  qu'à  de  longs  intervalles  ;  il  contient 
encore  un  noyau  arrondi,  muni  de  deux  nucléoles,  et  des  corps 
étrangers,  matières  alimentaires,  etc.  Les  pseudopodes  poussés 
par  l'animal  sont  courts,  volumineux,  obtus,  hyalins  ;  ils  sor- 
tent et  rentrent  lentement,  sans  que  celui-ci  change  de  place. 
Les  dimensions  de  ce  parasite  qui,  s'il  n'est  pas  identique  à 
Amœba  coli,  lui  ressemble  du  moins  beaucoup,  sont  très  varia- 
bles :  l'acide  acétique  lui  fait  prendre  la  forme  arrondie,  et  on 
lui  trouve  alors,  dans  une  série  de  mensurations  : 
Diamètrede  l'Amibe,  12  jx,  18  jx,  22  fx; 
Diamètre  du  noyau,  2,3  jx,  5,5  (x  5,5  jx. 

Grassi  pense  que,  à  l'état  sain,  les  Amibes  peuvent  se  rencon- 
trer dans  une  bonne  étendue  de  la  première  portion  du  gros 
intestin  ;  dans  les  cas  de  diarrhée  ou  de  dysenterie,  elles  se 
propageraient  dans  toute  la  longueur  de  cet  intestin. 

Il  s'agit  sans  doute  encore  à' Amœba  coli,  ou  d'une  forme  très 
voisine,  dans  l'observation  rapportée  par  le  Dr  Normand,  en 
1879.  Celui-ci,  médecin  de  YAi-mide,  alors  en  station  devant 
Hong-Kong,  fut  appelé,  à  un  mois  d'intervalle,  à  donner  ses 
soins  à  un  officier  et  à  un  matelot  de  son  bord,  tous  les  deux 
atteints  de  colite.  Cette  inflammation,  sans  retentissement  sur 
les  fonctions  de  l'estomac  et  de  l'intestin  grêle,  était  due  à  la 
présence  d'un  nombre  immense  d'Amibes  dont  les  plus  grosses 
mesuraient  25  fx.  Leur  masse  était  granuleuse  et  présentait 
quelques  vésicules  claires,  que  Normand  ne  dit  pas  avoir  vu  se 
contracter. 

Faut-il  ranger  parmi  les  Amibes,  comme  le  pense  YIndex  me- 
dicus,  un  parasite  intestinal  décrit  par  Riga  Iwatadans  un  jour- 
nal en  langue  japonaise  (1)?  C'est  là  une  question  sur  laquelle 
nous  ne  saurions  actuellement  nous  prononcer. 

(1)  Iji  Sftimshi.  Tokio,  n°  3 "5,  12  avril  188i 


ORDRE   DES  AMIBES.  15 

Amœbaintestinalis  R.  BL,  1885. 

Nous  nommerons  ainsi  des  Amibes  que  Sonsino  a  observées 
au  Caire,  dans  le  mucus  intestinal  d'un  enfant  atteint  de  diar- 
rhée. Ces  parasites,  en  nombre  considérable,  mesuraient  huit 
à  dix  fois  le  diamètre  d'un  globule  rouge  du  sang,  c'est-à-dire 
que  leurs  dimensions  étaient  de  55  à  70  (x;  ils  semblent  ôtre  dif- 
férents d' Amœba  coli,  celle-ci  ne  mesurant  que  30  [/.. 

Kartulis,  médecin. de  l'hôpital  grec  d'Alexandrie,  a  trouvé 
récemment,  dans  le  mucus  intestinal  d'individus  atteints  d'en- 
térite chronique  ou  de  diarrhée,  des  corpuscules  sphériques, 
réfringents  et  dont  les  dimensions  moyennes  sont  de  150 
à  222  p.  Il  les  a  vu  modifier  lentement  leur  forme  sous  l'in- 
fluence d'une  compression  légère,  et  est  enclin  à  les  considérer 
comme  des  Amibes  de  grande  taille.  La  structure  de  ces  orga- 
nismes est  trop  peu  connue  pour  qu'on  puisse  rien  dire  de  po- 
sitif à  leur  égard,  si  ce  n'est  que  ce  ne  sont  certainement  pas 
des  Amibes. 

Amœba  vaginalis  Baelz,  1883. 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  l'intestin  que  les  Amibes  peu- 
vent vivre  en  parasites.  Le  professeur  Bselz,  de  Tokio,  en  a  ren- 
contré dans  la  vessie  et  le  vagin  d'une  jeune  fille  de  vingt-trois 
ans,  morte  de  tuberculose  du  poumon  et  des  organes  génito- 
urinaires.  Entrée  à  l'hôpital  la  veille  de  sa  mort,  la  malade  se 
plaignait  d'atroces  douleurs  dans  la  vessie,  douleurs  qui  s'exa- 
géraient encore  au  moment  de  la  miction.  L'urine,  extraite 
avec  une  sonde,  était  sanguinolente,  purulente  et  renfermait 
un  nombre  immense  d'Amibes  à  mouvements  très  rapides. 
Leur  diamètre  était  de  50  (x  ;  elles  étaient-  donc  plus  grosses 
que  Amœba  coli,  mais  lui  ressemblaient  d'ailleurs  en  tous 
points.  Le  mucus  vaginal  renfermait  ces  mêmes  animalcules  : 
c'est  là  sans  doute  qu'ils  avaient  été  amenés  parles  lavages  ;  ils 
s'y  étaient  multipliés,  et,  remontant  par  l'urèthre,  avaient 
pénétré  jusque  dans  la  vessie.  A  l'autopsie,  on  négligea  de 
rechercher  s'ils  s'étaient  propagés  le  long  des  uretères  jusque 
dans  les  bassinets. 


16  CLASSE  DES   RIIIZOPODES. 

Amœba  buccalis  Steinberg,  1862. 

Nous  nous  bornerons  à  mentionnerce  parasite,  décrit  en  1862 
par  Steinberg  dans  le  tartre  dentaire.  Le  mémoire  où  il  en  est 
question  se  trouve  dans  un  recueil  russe  que  nous  n'avons  pas 
eu  à  notre  disposition.  Grassi  a  lui-même  décrit  une  Amibe 
vivant  dans  la  bouche,  mais  il  est  revenu  plus  tard  sur  son 
observation,  se  demandant  s'il  n'aurait  point  eu  affaire  à  un 
simple  corpuscule  salivaire. 

Les  Amibes  parasites  ne  sont  pas  particulières  à  l'Homme. 
Lieberkiihn,  Leuckart  et  Grassi  en  ont  signalé  dans  la  portion 
inférieure  de  l'intestin  de  Rana  viridis,  et  nous  avons  pu  nous- 
môme  vérifier  le  fait;  Grassi  en  a  vu  dans  l'intestin  de  Mus 
musculus  et  de  Mus  rattus,  ainsi  que  dans  la  cavité  caudale  d'un 
certain  nombre  de  Ghétognathes  (Spadella  mflata Grassï,  Sp.  bi- 
punctata  Qiioy  et  Gaimard,  Sp.  serratodentata  Krohn,  Sagitta 
Claperedei  GrassiJ  ;  enfin,  Biitschli,  Leidy  et  Grassi  en  ont  éga- 
lement observé  dans  le  tube  digestif  de  la  Blatte.  Nos  connais- 
sances relativement  aux  Amibes  parasites  sont  encore  bien 
incomplètes,  et  il  y  aurait  là,  même  chez  l'Homme,  un  inté- 
ressant sujet  d'étude. 

Quel  que  soit  leur  genre  de  vie,  quelle  que  soit  la  forme  de  leurs 
pseudopodes,  les  Amibes  dont  il  a  été  question  jusqu'à  présent  sont  du 
moins  toutes  caractérisées  par  l'absence  de  tout  squelette  extérieur  : 
elles  sont  nues.  Aussi  les  rCunit-on  en  un  groupe  des  Gymno- Amibes. 

Il  en  est  au  contraire  un  très  grand  nombre  d'autres,  chez  lesquelles 
le  corps  est  protégé  extérieurement  par  une  carapace  dont  la  consis- 
tance, la  forme  et  la  nature  chimique  varient  extrêmement.  Quelques 
exemples  rapides  vont  nous  faire  comprendre  l'importance  de  ce  re- 
vêlement; les  êtres  qui  le  présentent  forment  le  groupe  des  Tkêco- 
Amibes. 

On  trouve  fréquemment  dans  la  vase  de  nos  étangs  un  animalcule 
de  forme  ovoïde  dont  le  sarcode  a  produit  une  sorte  de  carapace  ri- 
gide, chitineuse,  à  l'intérieur  de  laquelle  il  est  capable  d'accomplir  des 
mouvements  variés.  La  petite  extrémité  de  cette  carapace  est  percée 
d'un  orifice  circulaire,  par  lequel  l'organisme  se  met  en  rapports 
avec  l'extérieur,  au  moyen  de  lobopodes.  Cet  être  a  reçu  de  Fr.  E. 
Schulze  le  nom  de  Hyalosphenia  lata  (fig.  8). 


OHDRE   DES  AMIBES. 


Chez  d'autres  formes,  le  test,  au  lieu  d'être  partout  continu,  pourra 
être  constitué  par  l'assemblage  d'un  nombre  considérable  de  plaques 
dont  la  forme  et  la  nature  chimique  seront  soumises  à  de  grandes 
variations  :  carrées  et  chitineuses  comme  chez  Quadrilla  symme- 
trica  (fig.  9),  elles  pourront  être  rondes,  hexagonales,  etc.,  pourvues 
d'appendices  variés  et  constituées  par  de  la  silice. 

Lambl  dit  avoir  trouvé  dans 
le  mucus  intestinal  d'un  enfant 
mort  d'entérite  des  Difflugies  et 
des  Arcelles,de  10  à  16  a,  Théco- 
Amibes  qu'il  est  fréquent  de 
rencontrer  dans  les  étangs  et 
dans  les  mares.  Cela  n'a  rien 


Fig.  8.  —  Hyalosphenia  lata. 


Fig.  9.  —  Quadrilla  symmetrica. 


d'impossible  ;  pourtant  il  ne  s'agirait  pas  là  de  véritables  parasites, 
mais  plutôt  d'organismes  introduits  par  hasard  dans  le  tube  digestif 
avec  des  eaux  fangeuses. 

Les  Amibes  dérivent  nettement  des  Lobomonères.  Dans  l'état  ac- 
tuel de  nos  connaissances,  les  Amibes  à  carapace  semblent  n'avoir 
donné  naissance  à  aucune  forme  nouvelle  ;  les  Amibes  nues  se  relient 
au  contraire  étroitement  aux  Sporozoaires  d'une  part,  aux  Flagellés 
d'autre  part  et,  par  l'intermédiaire  de  ceux-ci,  aux  Infnsoires  et  aux 
Métazoaires. 


—  AMOEBA    COLI. 

Lôsch,  Massenhafte  Enlwicklung  von  Amœben  im  Dickdarm.  Virchow's 
Archiv,  LXV,  p.  196,  1875. 

G.  von  Mereschkowsky,  Stwiien  ùber  Protozoen  des  nôrdlichen  Russlands. 
Archiv  f.  mikr.  Anat.,  XVI,  p.  153,  1879.  —  Voir  p.  204,  pi.  XI,  fig.  29  et  30. 

D.  Douglas  Cunningham,  Untersuchungen  ùber  das  Verhâltniss  mikrosko- 
pischer  Organismen  zur  Choiera  in  Indien.  Zeitschrift  fur  Biologie,  VIII. 
p.  251-266,  1872. 

D.  D.  Cunningham,  On  the  development  of  certain  microscopic  Organisms 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  2 


H 


CLASSE  DES  RHIZOPODES. 


occurring  in  the  intestinal  canal.  Quarterly  Journal  of  micr.  science  (2),  XXI, 
p.  234,  1881. 

B.  Grassi,  Dei  protozoi  parassiti  e  specialmente  di  quelli  che  sono  nelV 
uomo.  Gazz.  med.  ital.  Lomb.  (8),  I,  p.  445,  1879. 

Normand,  Note  sur  deux  cas  de  colite  parasitaire.  Archives  de  raéd.  navale, 
XXXII,  p.  211,  1879. 

AMOEBA    INTESTINALIS 

Sonsino,  cité  par  Leuckarf,  Die  Parasiten  des  Mensche?i,  2,e  Auflage,  I,  p.  236, 
1879. 

Kartulis,  Ueber  Hiesen-AmÔben  (?)  bei  chronischer  Darmentzùndung  der 
tâgijpter.  Virchow  s  Archiv,  XCIV,  1885. 

AMOEBA    VAGINALIS 

E.  Baelz,  Ueber  einige  neue  Parasiten  des  Menschen.  Berliner  klin.  Wochen- 
sclirift,  p.  235,  1883. 


ORDRE   DES  HELIOZOAIRES 

Dans  la  vase  des  fossés  et  des  mares,  on  trouve  en  abondance  un 
animalcule  microscopique  qu'on  serait  tenté  de  confondre  avec  une 
Rhizomonère,  s'il  n'était  facile  de  démontrer,  au  centre  delà  masse 


Fig.  10.  —  Actinophrys  sol.  —  f,  fine  baguette  de  sarcode  condensé  placée 
dans  l'axe  du  rhizopode  ;  n,  noyau  ;  v,  vacuole. 


sphérique  qui  le  constitue,  la  présence  d'un  gros  noyau  nucléole. 
Cet  animalcule  a  reçu  le  nom  d' Actinophrys  sol  Ehrbg.  (fig.  10).  Son 


OUDRE   DES  HÉLIOZOAIUES.  49 

corps  est  creusé  d'un  nombre  considérable  de  vacuoles  non  contrac- 
tiles, renfermant  un  liquide  moins  dense  que  le  protoplasma,  dispo- 
sées irrégulièrement  sur  plusieurs  rangées  concentriques  et  en 
général  d'autant  plus  larges  qu'elles  sont  plus  rapprochées  de  la  péri- 
phérie. La  couche  la  plus  superficielle  du  sarcode  granuleux  qui 
constitue  ce  corps  renferme  en  outre  une  grosse  vacuole  contractile, 
qui  attire  le  regard  par  la  forte  saillie  qu'elle  fait  à  la  surface. 

De  toute  la  surface  du  corps  partent  en  divergeant  dans  tous  les 
sens  un  grand  nombre  de  rhizopodes  grêles  et  effilés  :  leur  longueur 
est  variable,  mais  est  d'ordinaire  au  moins  égale  au  diamèlre  du 
corps.  Ils  ne  s'anastomosent  jamais  entre  eux  et  sont  mainlenus  ri- 
gides par  une  sorte  de  baguette  qui  les  parcourt  suivant  leur  axe  et 
qu'il  est  possible  de  poursuivre,  à  travers  la  masse  du  corps,  jusque 
sur  la  membrane  qui  enveloppe  le  noyau.  Cette  fine  baguette  est  sans 
doute  formée  du  sarcode  condensé. 

La  nutrition  se  fait  suivant  un  procédé  qui  nous  est  déjà  connu. 
L'Aclinophrys  se  déplace  en  roulant  sur  l'extrémité  de  ses  pseudo- 
podes :  l'un  d'eux  vient-il  à  rencontrer  un  corps  étranger,  on  le  voit 
se  rélracler  aussitôt,  entraînant  celui-ci  à  sa  suite  ;  le  corps  élranger 
pénètre  alors  dans  la  masse  protoplasmique  et  une  large  vacuole  se 
creuse  autour  de  lui.  C'est  là  qu'il  sera  digéré  petit  à  petit,  s'il  est 
assimilable;  dans  le  cas  contraire,  il  ne  tardera  pas  à  être  rejeté  au 
dehors  par  les  contractions  du  sarcode. 

La  reproduction  de  l'Actinophrys  est  mal  connue.  On  pense  qu'elle 
se  fait  par  simple  bipartition. 

Les  Héliozoaires  peuvent  être  pourvus  d'une  carapace.  Nous  en 


Fig.  11.   —  Acanthocystis  aculeata.  —  A,  individu  normal,  dont  les  rhizo- 
podes sont   rétractes  ;  B,  individu   en  voie  de  reproduction  par  spores 
C,  spore. 

prendrons  comme  exemple  une  forme  d'eau  douce,  Acanthocystis  acu- 
leata Hertw.  et  Lesser  (fig.  11).  Cet  être,  au  corps  arrondi,  présente 


20 


CLASSE  DES   RH1ZOPODES. 


un  endosplasme  clair,  renfermant  un  noyau,  et  un  ectoplasme  foncé, 
très  granuleux  et  creusé  d'un  grand  nombre  de  vacuoles  non  con- 
tractiles. Il  est  entouré  d'une  carapace  également  sphérique,  formée 


Fig.  12.  —   Clathrulina  elegans. 

de  plaques  siliceuses,  irrégulièrement  juxtaposées,  portant  chacune 
à  sa  face  externe  une  épine  aiguë  et  dans  l'intervalle  desquelles  s'in- 
sinuent les  pseudopodes  pour  s'étaler  au  dehors. 


ORDRE   DES   RADIOLAIRES.  21 

Cet  organisme  se  multiplie  par  scissiparité  ou  plutôt  par  gemma- 
tion. Le  noyau  se  divise,  puis  une  masse  de  sarcode  englobant  une 
division  du  noyau  se  sépare  de  l'animalcule,  écarte  les  plaques  du 
test  et  devient  libre  :  elle  nage  pendant  quelque  temps  à  l'aide  de  deux 
flagellums  ;  puis  ceux-ci  sont  résorbés,  la  spore  devient  plus  ou  moins 
sédentaire,  grossit,  se  fabrique  une  carapace  et  reproduit  la  forme 
adulte. 

Chez  Clathrulina  elegans  (fig.  12),  le  test  est  continu  et  représenté 
par  une  sphère  siliceuse,  percée  de  larges  ouvertures  plus  ou  moins 
circulaires.  De  plus,  l'animalcule  est  fixé  par  une  sorte  de  pédoncule 
provenant  d'une  différenciation  du  protoplasma.  La  reproduction  se 
fait  encore  au  moyen  de  spores  munies  de  deux  flagellums  locomo- 
teurs et  dans  l'intérieur  desquelles,  en  outre  d'un  noyau  volumi- 
neux, on  a  pu  encore  constater  la  présence  de  deux  vacuoles  con- 
tractiles. 

Les  Héliozoaires  se  rattachent  directement  aux  Rhizomonères.  Ce 
sont  des  animaux  d'eau  douce  ;  on  ne  connaît  qu'un  nombre  restreint 
de  formes  marines. 


ORDRE   DES   RADIOLAIRES 

On  trouve  dans  la  Méditerranée  un  organisme  que  Haeckel  a  décrit 
sous  le  nom  de  Thalassicola  pelagica.  C'est  un  animalcule  sphéri- 
que  (fig.  13),  d'une  transparence  parfaite,  dont  le  corps  émet  en  tous 
sens  un  nombre  considérable  de  pseudopodes  délicats.  On  y  reconnaît 
aisément  deux  parties,  comme  chez  les  Héliozoaires,  un  endoplasme 
et  un  ectoplasme,  mais  contrairement  à  ce  qui  s'observe  chez  ceux- 
ci,  ces  deux  parties  sont  séparées  l'une  de  l'autre  par  une  membrane 
sphérique,  incolore  et  d'une  notable  épaisseur.  Cette  membrane  ou 
capsule  centrale  est  percée  de  fins  canalicules  qui  établissent  une 
communication  entre  l'ectoplasme  et  l'endoplasme. 

Au  centre  de  ce  dernier  se  trouve  le  noyau,  sous  forme  d'une  grosse 
vésicule  qu'entoure  une  membrane  mince  et  transparente,  à  surface 
réticulée.  L'endoplasme  qui  englobe  le  noyau  est  granuleux  et  creusé 
d'un  grand  nombre  de  vacuoles  sphériques,  non  contractiles,  dispo- 
sées en  séries  rayonnantes  régulières.  Ces  vacuoles  sont  remplies 
d'un  liquide  incol  ore,  dans  lequel  une  ou  plusieurs  gouttelettes  grais- 
seuses se  font  remarquer  par  leur  réfringence. 

L'ectoplasme  est  creusé  lui-môme  de  vacuoles  encore  plus  larges 
que  celles  qui  sont  à  l'intérieur  de  la  capsule  centrale;  son  épaisseur 
est  de  quatre  à  six  fois  plus  grande  que  celle  de  cette  dernière.  Les 
vacuoles  de  l'ectoplasme  sont  séparées  les  unes  des  autres  par  un 


■22 


CLASSE  DES   RHIZOPODES. 


protoplasma  raréfié,  d'autant  plus  dense  qu'on  l'examine  plus  près  de 
la  capsule  centrale  :  c'est  du  voisinage  de  cette  dernière  que  naissent 
les  pseudopodes  qui,  pour  se  répandre  au  dehors,  devront  par  con- 
séquent traverser  toute  l'épaisseur  de  l'ectoplasme,  dans  l'intervalle 
des  vacuoles. 

En  outre  de  celles-ci,  on  trouve  répandues  en  grand  nombre  dans 
tout  l'ectoplasme,  de  petites  vésicules  colorées  en  jaune  et  limitées 
par  une  délicate  membrane  :  on  les  connaît  sous  le  nom  de  cellules 
jaunes.  On  a  cru  pendant  longtemps  qu'il  s'agissait  là  de  capsules 


Thalnssicola  pelagica. 


faisant  partie  intégrante  du  Radiolaire,  mais  on  sait  maintenant  que 
ce  sont  des  Algues  unicellulaires  qui  appartiennent  probablement  au 
groupe  des  Palmellacées.  Ces  Algues  ne  sont  pas,  à  proprement 
parler,  des  parasites,  mais  bien  plutôt  des  auxiliaires  de  l'animal  qui 
les  héberge.  Grâce  à  la  chlorophylle  qu'elles  renferment,  elles  décom- 
posent l'acide  carbonique  et  produisent  de  l'oxygène,  dont  le  Radio- 
laire fait  son  profit. 

Mais  ce  n'est  pas  là  leur  seul  rôle.  Les  cellules  jaunes  n'existent 
pas,  chez  les  Radiolaires,  à  tous  les  âges  de  la  vie.  Quand  l'animal- 
cule est  jeune,  il  se  nourrit  à  la  façon  animale,  grâce  à  ses  pseudo- 
podes; quand  il  vieillit,  les  cellules  jaunes  l'envahissent,  la  production 


ORDRE   DES   RADIOLAIRES. 


23 


des  pseudopodes  devient  moins  active  et  il  ne  prend  plus  dès  lors 
aucune  nourriture,  ou  plutôt  il  s'alimente  à  la  façon  végétale,  grâce 
au  superflu  des  produits  d'assimilation  des  Algues.  En  effet,  les  Ra- 
diolaires présentent  toujours  dans  ces  conditions  des  grains  d'ami- 
don que  celles-ci  leur  ont  cédés. 

Les  cellules  jaunes  ne  sont  pas  particulières  aux  Radiolaires  :  on  peut 
les  observer  encore  chez  les  Foraminifères,  les  Flagellés,  les  Infu- 


Fig.  H, 


Heliosphsera  inermis. 


soires,  les  Spongiaires,  les  Actinies,  les  Bryozoaires  et  chez  certains 
Vers  sédentaires.  11  est  à  remarquer  qu'on  les  rencontre  surtout  chez 
des  animaux  qui  n'ont  que  peu  d'occasions  de  capturer  des  proies, 
chez  des  animaux  fixés  comme  les  Éponges  et  les  Actinies,  ou  flottanls 
et  pélagiques  comme  les  Radiolaires.  Dans  ces  conditions,  il  devient 
donc  manifeste  que  les  cellules  jaunes  sont  les  nourrices  de  leurs 
hôtes. 

Il  est  tout  à  fait  exceptionnel  de  voir  l'ectoplasme  des  Radiolaires 
présenter  les  dimensions  considérables  que  nous  lui  avons  reconnues 


24  CLASSE   DES   RHIZOPODES. 

chez  Thalassicola  pelugica.  Le  plus  souvent  il  est  fort  restreint  et  se 
réduit  à  une  mince  couche  de  sarcode  qui  entoure  la  capsule  centrale 
et  d'où  partent  les  pseudopodes  ;  il  est  dépourvu  de  vésicules,  mais 
l'endoplasme  en  renferme  toujours.  L'ectoplasme  est  en  outre,  dans 
certains  cas,  par  exemple  chez  Physematium  Mùlleri,  caractérisé  par 
la  présence  de  spicules  fusiformes,  épars  et  disposés  tangenlielle- 
ment  par  rapport  à  la  surface. 
Ces  spicules  siliceux  signalent  la  première  apparition  du  squelette 


Fig.  15.  —  Heliosphâsra  elegans. 

Celui-ciVa  se  constituer  bientôt  d'une  façon  plus  complète  et  affecter 
les  formes  les  plus  élégantes  comme  aussi  les  plus  capricieuses.  Chez 
Heliosphœra  inermis  (fig.  14),  ce  sera  une  sphère  percée  d'un  nombre 
considérable  de  fenêtres  régulièrement  hexagonales;  chez  H.  ele- 
gans (fig.  15),  les  mailles  delà  sphère  sont  ornées  de  délicates  épines 
siliceuses,  et  la  carapace  porte  en  outre  de  place  en  place  des  pi- 
quants d'une  grande  longueur.  Quel  que  soit  l'aspect  que  présente  le 
squelette,  sa  forme  fondamenlale  est  toujours  la  sphère,  mais  celle- 
ci  peut  se  modifier  de  mille  manières  :  on  peut  dire  que  toutes  les 


ORDRE  DES   RADIOLAIRES.  25 

combinaisons  géométriques  se  trouvent  réalisées  dans  les  configura- 
lions  du  test  des  Radiolaires. 

Dans  les  formes  sans  nombre  qui  viennent  se  ranger  autour  des 
Héliosphères,  le  squelelte,  quelque  compliqué  qu'il  soit,  est  toujours 
situé  en  dehors  de  la  capsule  centrale;  celle-ci  demeure  toujours  in- 
tacte. Dans  d'autres  cas,  la  capsule  centrale  est  au  contraire  perforée 
par  le  squelelte.  Chez  les  Acanlhomètres,  le  squelette  est  formé  d'un 
certain  nombre  de  baguettes  siliceuses  rayonnantes,  qui  perforent 
la  capsule  centrale  et  se  rencontrent  en  son  milieu,  mais  sans  se 
souder.  Chez  Astrolithium ,  la  disposition  générale  est  la  même,  mais 
la  soudure  s'opère.  Chez  Actinomma  (fig.  16),  il  y  a  une  sorte  de  com- 


Fig.   16.  —  Actinomma  asteracantliion. 


binaison  de  l'état  réalisé  chez  les  Acanthomètres  et  de  celui  qu'of- 
frent les  Héliosphères  :  trois  sphères  fenôtrées  sont  disposées  con- 
centriquement,  l'une  dans  la  capsule  centrale,  la  seconde  dans 
l'ectoplasme,  la  troisième  en  dehors  d-u  corps;  déplus,  l'animal  et 
son  système  de  sphères  sont  traversés  par  un  système  de  baguettes 
qui  se  réunissent  au  centre  de  l'endoplasme. 

Tous  les  Radiolaires  dont  il  a  été  question  jusqu'à  présent  ne  pos- 
sèdent chacun  qu'une  seule  capsule  centrale  :  on  les  réunit  en  un 
groupe  des  Monocyttariens.  Chez  d'autres  que,  par  analogie,  on  ap- 
pelle Polycyttariens,  on  trouve  plusieurs  capsules  centrales  :  aussi  les 
considère-t-on  comme  de  véritables  colonies,  formées  par  la  réunion 
d'un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'individus.  La  colonie  est  habi- 
tuellement arrondie  et  émet  des  pseudopodes  par  toute  sa  périphérie  ; 


26  CLASSE   DES  RH1Z0P0DES. 

les  divers  individus  qui  la  composent  sont  fusionnés  entre  eux  par 
leur  ectoplasme,  qui  renferme  fréquemment  des  cellules  jaunes  et  de 
larges  vacuoles,  mais  l'endoplasme  de  chacun  reste  distinct. 

Comme  les  types  précédents,  les  Polycyltariens  peuvent  se  compor- 
ter de  trois  manières,  relativement  à  la  présence  ou  à  l'absence  d'un 
squelette.  Les  Collozovm  n'ont  pas  de  squelette;  les  Spfoerozoum  en 
ont  un  formé  de  spicules  siliceux  indépendants  les  uns  des  autres  et 
disposés  autour  des  capsules  centrales;  enfin,  chez  Collosphœra,  le 
squelette  est  entier,  sphérique  et  percé  de  fenêtres  polygonales. 

Les  Radiolaires  différent  des  Héliozoaires  par  l'habitat,  puisque  ce 
sont  des  animaux  exclusement  marins  ;  ils  en  diffèrent  en  outre  par 
la  présence  constante  d'une  capsule  centrale,  qui  sépare  l'endoplasme 
de  l'ectoplasme.  Malgré  ces  différences,  on  ne  saurait  méconnaître 
qu'il  existe  entre  ces  deux  groupes  d'étroites  affinités;  on  ne  peut 
dire  pourtant  qu'ils  dérivent  l'un  de  l'autre,  mais  il  est  fort  probable 
qu'ils  proviennent  d'une  souche  commune. 

Les  Radiolaires  sont  des  animaux  pélagiques,  c'est-à-dire  qu'ils  vi- 
vent à  la  surface  des  mers.  Leur  carapace  est  formée  de  silice  emprun- 
tée à  l'eau  de  mer  et  rendue  insoluble.  Quand  l'animal  meurt,  son 
test  tombe  au  fond  et  les  squelettes,  en  s'accumulant  ainsi  les  uns 
aux  autres,  forment  à  la  longue  des  amas  considérables,  qui  consti- 
tuent de  véritables  couches  de  terrain.  Pour  donner  une  idée  de  ce 
phénomène  grandiose,  il  nous  suffira  de  dire  que  les  îles  Nicobar,  les 
îles  Barbades  et  une  grande  partie  de  la  Sicile  ne  sont  pas  formées  par 
autre  chose  que  par  des  carapaces  de  Radiolaires.  On  trouve  encore 
de  puissantes  assises  formées  par  l'accumulation  de  ces  débris  dans 
le  carbonifère  de  Chester,  dans  le  trias  d'Allemagne,  dans  le  calcaire 
triasique  de  Villeneuve  (Suisse),  dans  la  craie  du  nord  de  l'Allema- 
gne, en  Russie,  en  Grèce,  en  Algérie  aux  environs  d'Oran,  aux  Indes, 
aux  Bermudes,  aux  États-Unis  (Maryland,  Virginie),  au  Chili,  en  Bo- 
livie. C'est  encore,  comme  le  pense  Huxley,  ces  animaux  qui  ont 
donné  naissance  aux  rognons  siliceux  de  la  craie. 


ORDRE   DES   FORAMIN1FÈRES 

On  trouve  dans  les  eaux  douces  un  animalcule  décrit  par  Dujardin 
sous  le  nom  de  Gromia  oviformis  (fig.  17).  Il  est  constitué  par  une 
masse  de  sarcode  ovoïde,  munie  d'un  noyau  et  entourée  d'une  coque 
chitineuse;  celle-ci  est  partout  continue,  sauf  à  l'un  des  pôles,  où  se 
voit  une  ouverture,  par  laquelle  le  sarcode  peut  se  répandre  au 
dehors.  Il  s'étale  alors  sur  toute  la  surface  de  la  carapace  et  envoie 
en  tous  sens  des  rhizopodes  délicats,  qui  s'anastomosent  entre  eux  de 


ORDKE   DES   FORAMINIFÈRES. 


27 


manière  à  constituer  un  réticulum  irrégulier.  On  est  frappé  de  la 
grande  ressemblance  que  présentent  ces  pseudopodes  avec  ceux  des 
Rhizomonères. 
La  reproduction  de  Gromia  oviformis  est  mal  connue,  mais  on  a  pu 


K  \    >•&.    ÏV.V      :•  lTf-fSf       A      - 


C  f^ 


Fig.  17.  —  Gromia  oviformis. 


suivre  celle  d'une  espèce  voisine,  Gr.  socialis,  qui  forme  de  véritables 
colonies,  dans  lesquelles  les  individus  s'unissent  par  leurs  pseudo- 
podes. Le  corps  de  l'animal  se  divise  transversalement,  après  que  le 
nnau  et  la  vacuole  contractile  se  sont  eux-mêmes  dédoublés.  On  a 


28 


CLASSE   DES  RHIZOPODES. 


dès  lors  une  loge  renfermant  deux  individus  :  l'individu  supérieur  est 
seul  en  rapport  avec  le  reste  de  la  colonie,  au  moyen  de  ses  pseudo- 
podes. L'autre  individu  reste  quelque  temps  dans  le  fond  de  la  co- 
quille, ramassé  en  boule  ;  puis  il  s'insinue,  en  s'étirant,  le  long  de 
son  congénère,  émet  au  dehors  un  pseudopode  qui  grossit  de  plus  en 
plus,  et  finalement  il  quitte  ainsi  la  carapace.  Devenu  libre,  ce  nouvel 
ôire  se  meut  pendant  un  certain  temps  à  la  façon  des  Amibes;  mais 
il  ne  tarde  à  se  ramasser  en  une  spore  ovoïde,  présentant  à  l'une  de 
ses  extrémités  deux  flagellums,  au  moyen  desquels  il  s'éloigne  de  la 
colonie.  Il  est  probable  que  cette  spore  perd  bientôt  ses  flagellums, 
entre  en  repos  et  s'entoure  d'une  carapace,  de  manière  à  reproduire 
la  forme  adulte. 

Le  test  des  Foraminifères  est  rarement  chitineux.  Sans  parler  des 
formes  où  il  est  arénacé,  c'est-à-dire  constitué  par  des  grains  de 


Fig.  18.  —  Squammulina  Isevis.    Fig.  19. 


Cornuspira  fotiacea.  —  h, 
profil;  B,  de  face. 


de 


sable  agglutinés,  disposition  également  peu  fréquente,  on  peut  dire 
que,  dans  la  plupart  des  cas,  le  test  est  constitué  par  du  carbonate 
de  chaux.  La  forme  la  plus  simple  nous  en  est  fournie  par  Squammu- 
lina lœvis  (fig.  18),  dont  la  coquille,  lenticulaire  ou  sphérique,  est 
percée  d'un  orifice  arrondi,  livrant  passage  aux  pseudopodes. 

Dans  les  Cornuspires  (fig.  19),  la  carapace  s'enroule  sur  elle-même 
à  la  façon  d'une  coquille  de  Mollusque,  en  même  temps  qu'elle 
s'étrangle  plus  ou  moins  à  sa  face  interne,  de  distance  en  distance  : 
elle  tend  de  la  sorte  à  se  diviser  en  loges  ne  communiquant  plus 
entre  elles  que  par  une  étroite  ouverture,  et  c'est  ainsi  qu'on  passe 
des  Foraminifères  à  une  seule  loge  ou  Monothalames  aux  Foramini- 
fères à  plusieurs  loges  ou  Polytfialames.  A  ce  dernier  groupe,  fort 
nombreux  en  espèces,  appartient  Alveoîina  Quoyi,  que  représente 
notre  figure  20. 

Les  espèces  dont  nous  avons  parlé  jusqu'ici  ont  une  carapace  im- 


ORDRE    DES   FORAMINIFÈRES. 


29 


pwforée.  Chez  un  très  grand  nombre  d'autres,  celle-ci  est  au  con- 
traire percée  d'une  foule  de  petits  pertuis  par  lesquels  va  sortir  le 


Fig.  20.  —  Alveolina  Quoyi.  —  Coupe  transversale  de  la  carapace;  a,  in- 
flexions de  la  lame  superficielle  indiquant  la  division  de  la  spire  en  seg- 
ments principaux;  b,  c,  ouvertures  qui  mettent  en  communication  les  seg- 
ments des  différentes  spires  ;  d,  d',  d2,  lames  qui  divisent  chacun  des 
segments  en  une  série  de  chambres  superposées,  e,  e',  e2,  e3. 


sarcode,  en  fins  pseudopodes  s'anastomosant  entre'eux  :  les  animauv 
qui  présentent  ces  caractères  sont  les  Perforés;  ce  sont  les  vrais  Fo- 
ramïnifères,  dans  le  sens  strict  du  mot. 

Les  Perforés  comprennent,  comme 
les  Imperforés,  des  formes  monothala- 
mes,  comme  les  Lagena,  et  des  formes 
polythalames,  comme  les  Globigérines, 
les  Nummulites  (fig.  21)  et  les  Discor- 
bines  (fig.  22). 

La  carapace  des  Foraminifères  affecte 
les  formes  les  plus  variées  et  se  dispose 
de  façons  très  diverses  :  elle  présente 

parfois  une  telle  complication  qu'on  serait  tenté  de  croire  que  ces 
êtres  sont  eux-mêmes  fort  compliqués,  malgré  leur  taille  exiguë  et 
de  fait,  certains  naturalistes  de  grande  valeur  ont  soutenu  une  sem- 


Fig.  2 


Nummulites  Puchi 


30 


CLASSE   DES   RH1ZOPOUES. 


blable  opinion.  Les  chambres  successives  qui  se  montrent  chez  les 
Nummulites,  les  Polystomelles,  les  Alvéolines,  etc.,  s'enroulent  par- 
fois à  la  façon  de  la  coquille  des  Céphalopodes;  on  partait  de  là  pour 
rapprocher  ces  êlres  des  Nautiles  et  des  Ammonites,  et  pour  consi- 
dérer les  Foraminifères  en  général  comme  des  Céphalopodes  micro- 
scopiques. 
Ces   animaux   sont,  en  effet,  presque  tous  invisibles  à    l'œil   nu. 


Fig.  22.  —  Discorbina  globularis. 


Cette  assertion  est  vraie  en  ce  qui  concerne  les  espèces  actuellement 
vivantes  :  on  trouve  pourtant  encore,  vivant  à  de  grandes  profon- 
deurs dans  les  mers  de  la  Sonde,  un  Foraminifère  gigantesque,  ap- 
pelé Cydoclypeus,  qui  a  l'aspect  d'un  disque  biconvexe  de  3  centi- 
mètres de  diamètre.  Dans  la  nature  actuelle,  c'est  à  peu  près  là  le 
seul  exemple  de  ce  genre,  mais,  dans  les  terrains  anciens,  il  est  fré- 
quent de  rencontrer  les  restes  fossiles  de  Foraminifères  de  taille 


ORDRE  DES  FORAMINIFÈRES.  31 

colossale  :  témoin  les  Parkeria  et  les  nombreuses  espèces  de  Num- 
mulites. 

Lorsque  les  Foraminifères  viennent  à  mourir,  leur  coquille,  eu 
raison  môme  de  sa  pesanteur,  tombe  au  fond.  En  s'accumulant  sans 
cesse  dans  les  profondeurs  de  la  mer,  ces  élégantes  carapaces  cons- 
tituent une  couclie  épaisse,  qui  formera  finalement  une  roche  cal- 
caire compacte  :  il  est  possible  de  constater  actuellement  des  phé- 
nomènes de  ce  genre  et  de  voir,  entre  le  60e  degré  de  latitude  nord  et 
le  60e  degré  de  latitude  sud,  se  former  des  couches  de  craie,  grâce  à 
l'accumulation  des  squelettes  des  Globigérines. 

Ces  animaux  ont  été  des  premiers  à  se  montrer,  lors  de  l'appari- 
tion de  la  vie  sur  la  terre  :  le  rôle  considérable  qu'ils  jouent  dans  la 
formation  de  notre  globe,  ils  ont  donc  pu  le  jouer  déjà  aux  époques 
les  plus  anciennes.  En  effet,  les  coquilles  des  Foraminifères,  amon- 
celées en  amas  prodigieux  au  fond  des  océans,  depuis  des  millions 
d'années,  ont  contribué  de  la  façon  la  plus  active  à  la  formation  des 
roches.  Les  terrains  de  sédiment  déposés  le  plus  anciennement  par 
la  mer,  comme  les  couches  cambrienneet  silurienne,  renferment  de 
nombreux  tests  de  Foraminifères  et  en  sont  sans  doute  en  grande 
partie  formés.  Cependant,  ce  n'est  que  plus  tard,  à  la  période  crétacée 
et  pendant  l'époque  tertiaire,  que  ces  animaux  atteignent  leur  plus 
grande  extension. 

«  A  l'époque  des  terrains  carbonifères,  dit  Aie.  d'Orbigny,  une 
seule  espèce  du  genre  Fusalina  a  formé,  en  Russie,  des  bancs  énormes 
de  calcaire.  Les  terrains  crétacés  en  montrent  une  immense  quantité 
dans  la  craie  blanche,  depuis  la  Champagne  jusqu'en  Angleterre.  Les 
terrains  tertiaires  plus  que  tous  les  autres  viendront  nous  en  donner 
la  preuve  évidente,  témoin  les  Nummulites,  dont  est  bâtie  la  plus 
grande  des  pyramides  d'Egypte,  le  nombre  prodigieux  des  Forami- 
nifères des  bassins  tertiaires  de  la  Gironde,  de  l'Autriche,  de  l'Italie 
et  surtout  les  calcaires  grossiers  du  vaste  bassin  parisien.  Ces  cou- 
ches dans  certaines  parties,  en  sont  tellement  pétries,  que  27  milli- 
mètres cubes,  des  carrières  de  Gentilly,  nous  en  ont  offert  plus  de 
58  000,  et  cela  dans  des  couches  d'une  grande  puissance,  résultat 
qui  fait  supposer  par  mètre  cube  à  peu  près  3  000  000  000.  On  peut 
donc  en  conclure  sans  exagération  que  la  capitale  de  la  France  est 
presque  bâtie  avec  des  Foraminifères,  ainsi  que  les  villes  et  les  vil- 
lages de  quelques-uns  des  départements  qui  l'avoisinent.  Ainsi  ces 
coquilles,  à  peine  saisissables  à  la  vue  simple,  changent  aujourd'hui 
la  profondeur  des  eaux  de  la  mer,  et  ont,  aux  diverses  époques  géo- 
logiques, comblé  des  bassins  d'une  étendue  considérable.  » 

Ainsi  se  trouve  confirmée  la  parole  de  lord  Byron  :  «  La  terre  que 
nous  foulons  aux  pieds  fut  jadis  vivante!  » 


32  CLASSE   DES  SPOROZOAIRES. 

Les  Foraminifères  sont  surtout  des  animaux  marins  ;  le  nombre 
des  espèces  d'eau  douce  est  très  restreint.  Ils  se  rattachent  aux  Rhi- 
zomonères  et  constituent,  par  rapport  à  celles-ci,  un  groupe  équivalent 
à  celui  des  Héliozoaires,  bien  qu'il  soit  infiniment  plus  riche  en 
espèces. 

CLASSE  DES  SPOROZOAIRES 

On  connaît,  depuis  longtemps  déjà,  sous  le  nom  de  Gréga- 
rines et  de  Psorospermies ,  des  organismes  parasites  dont  l'his= 
toire  était  jusqu'à  ce  jour  restée  problématique.  Les  brillants 
travaux  du  professeur  Aimé  Schneider,  de  Poitiers,  les  recher- 
ches délicates  et  patientes  du  professeur  Balbiani,  celles  aussi 
de  Butschli  et  de  Leuckart,  sont  venus,  dans  ces  temps  der- 
niers, jeter  une  vive  lumière  sur  l'histoire  encore  obscure  de 
ces  organismes.  Leur  évolution  a  pu  être  suivie  et  on  a  reconnu 
qu'ils  appartenaient  au  grand  embranchement  des  Protozoaires. 
Ils  constituent  un  groupe  d'animacules  fort  remarquables,  tant 
au  point  de  vue  des  phénomènes  de  leur  reproduction  qu'au 
point  de  vue  de  leur  valeur  pathogénique.  Tous,  sauf  quelques 
cas  encore  douteux,  se  reproduisent,  sans  accouplement  et 
sans  fécondation,  au  moyen  de  spores  (psorospermies,  navi- 
celles,  pseudo-navicelles)  qui  se  forment  en  dehors  de  tout  acte 
sexuel,  comme  le  feraient  des  spores  de  végétataux  :  c'est  en 
raison  de  ce  fait  que  Leuckart,  en  1879,  leur  appliqua  le  nom 
de  Sporozoaires. 

Nos  connaissances,  relativement  à  ces  animacules,  sont 
assez  avancées  pour  que  nous  puissions  dès  maintenant  en  dis- 
tinguer cinq  ordres  :  1°  les  Grégarines  ;  2°  les  Coccidies;  3°  les 
Sarcosporidies  ;  4°  les  Myxosporidies  et  5°  les  Microsporidies.  Les 
Myxosporidies  s'observent  chez  les  Poissons,  les  Microspori- 
dies chez  les  Insectes  :  nous  laisserons  de  côté  ces  deux  groupes, 
comme  sans  intérêt  pour  le  médecin.  Les  Grégarines  ne  se  ren- 
contrent point  non  plus  chez  les  Vertébrés,  mais  leur  histoire, 
mieux  connue  que  celle  des  autres  groupes,  doit  servir  en 
quelque  sorte  d'introduction  à  l'étude  de  ceux-ci. 


ORDRE   DES  GREGARINES. 


33 


ORDRE   DES  GREGARINES 


Quand  on  prépare  les  organes  reproducteurs  mâles  d'un 
Ver  de  terre,  il  est  fréquent  de  les  voir,  déjà  à  l'œil  nu,  ponc- 
tués de  noir  à  leur  surface.  C'est  là  un  signe  certain  de  la  pré- 
sence, dans  leur  cavité,  d'un  parasite  qu'on  verra  nager  dans 
l'eau  à  la  façon  d'une  Amibe,  si  on  vient  à  en  faire  une  disso- 
ciation délicate.  Ce  parasite  est  Monocystis  agilis  :  nous  le  pren- 
drons pour  type  du  groupe  des  Grégarines. 

Monocystis  agilis  a  tout  à  fait  l'aspect  d'une  Amibe,  mais, 
comme  on  va  voir,  son  mode  de  reproduction  est  bien  diffé- 
rent. Il  est  simplement  formé  d'une 
masse  de  sarcode  renfermant  un  noyau 
et  entourée  d'une  cuticule  (fig.  23).  Cette 
dernière,  à  laquelle  Schneider  donne  le 
nom  d'épicyte,  est  anhiste,  transparente, 
azotée;  elle  est,  dans  certaines  espèces, 
assez  épaisse  pour  montrer  uu  double 
contour,  et  souvent  aussi  elle  présente 
des  stries  ornementales,  très  fines,  très 
serrées,  soitlongitudinales,  soitobliques. 
La  masse  sarcodique  est,  comme  chez 
les  Amibes,  divisée  en  ectoplasme  et  en 
endoplasme.  L'ectoplasme  ou  sarcocyte 

[parenchyme  cortical  d'Ed.  van  Beneden,  couche  de  Leidy)  est 
formé  d'une  matière  consistante,  homogène  ou  finement  gra- 
nuleuse; son  existence  n'est  pas  constante.  L'endoplasme  ou 
entocyte  [contenu  de  Stein,  parenchyme  médullaire  d'Ed.  van 
Beneden)  renferme  d'abondantes  granulations,  sphériques  ou 
irrégulières,  très  réfringentes  ;  Balbiani  a  montré  que  ces  gra- 
nulations étaient  formées  d'une  substance  animale,  amyloïde, 
azotée,  mais  présentant  avec  l'iode  la  réaction  de  l'amidon.  Ces 
granulations  sont  tenues  en  suspension  dans  un  liquide  que 
Schneider  croit  contractile  et  qu'il  appelle  métaplasme. 

L'entocyte  renferme  toujours  un  noyau.  Les  premiers  obser- 
vateurs qui  aient  étudié  les  Grégarines,  Cavolini  et  Léon  Du- 
four,  le  prenaient  pour  une  bouche  et  rangeaient  ces  animaux 
parmi  les  Distomes;  Kôlliker  reconnut  qu'il  s'agissait  là  d'un 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  3 


Fig.  23.  —  Monocystis  agi- 
lis, d'après  Stein.  —  A, 
état  de  repos  ;  B,  animal 
en  marche. 


34 


CLASSE   DES  SPOROZOAIRES. 


simple  noyau  cellulaire.  Ce  noyau  est  toujours  simple,  sauf 
des  cas  très  exceptionnels  où  il  est  double  ;  il  est  plus  ou  moins 
sphérique,  entouré  d'une  membrane  élastique  et  flotte  dans 
l'entocyte,  où  il  se  déplace  en  suivant  les  mouvements  de 
l'animal.  Au  centre  du  noyau  se  voit  un  nucléole.  La  masse 
du  corps  ne  renferme  jamais  de  vésicule  contractile,  ce  qui 
différencie  nettement  les  Grégarines  des  Rhizopodes  et  des 
Infusoires. 
Telle  est  la  structure  de  Monocystis  agilis.  En  raison  de  la 


Fig.  24.  —  Monocystis  magna,  d'après  Bûtschli.  —  Individus  fixés  dans  les 
cellules  caliciformes  du  testicule  du  Lombric. 


cuticule  qui  le  revêt,  il  ne  peut  se  nourrir  que  par  endosmose. 
Ses  mouvements  diffèrent  notablement  suivant  qu'il  est  fixé 
ou  libre;  est-il  fixé,  il  n'exécute  que  de  très  légers  mouvements 
volontaires  ;  abandonne-t-il  son  point  d'appui  et  devient-il  libre 
dans  la  cavité  testiculaire,  il  rampe  en  se  contractant  avec  une 
grande  activité.  L'espèce  que  nous  avons  prise  pour  type  est 
rarement  fixée;  il  n'en  est  pas  de  même  d'une  forme  voisine, 
Monocystis  màgna,  qui  atteint  jusqu'à  5  millimètres  de  lon- 
gueur (fig.  24).  Cette  Grégarine  se  rencontre  également  dans  le 


ORDRE  DES  GREGARINES. 


35 


testicule  du  Lombric;  pendant  le  jeune  âge,  elle  a  l'une  de  ses 
extrémités  engagée  dans  les  cellules  caliciformes  vibratiles  de 
l'épithélium  testiculaire,  son  corps  pend  dans  la  cavilé;  plus 
tard,  l'animal  se  détache  et  rampe  librement. 

Autour  de  Monocystis  agilis  viennent  se  ranger  un  certain 
nombre  de  Grégarines  ayant  pour  caractère  commun  d'être 
constituées  par  une  simple  cellule.  Elles  forment  le  groupe 
des  Monocystidées. 

Les  Monocystidées  restent  d'ordinaire  isolées  les  unes  des 
autres,  comme  cela  se  voit 
chez  les  Monocystis.  Dans  le 
testicule  du  Ver  de  terre  se 
rencontre  encore  une  autre 
Grégarine,  Zygocystis  cometa 
(fig.  25,  A),  dont  les  individus 
forment  des  syzygies,  c'est-à- 
dire  qu'ils  se  réunissent  deux 
par  deux;  exceptionnellement 
cette  même  espèce  peut  for- 
mer des  syzygies  de  trois  indi- 
vidus (fig.  25,  B).  Les  Mono- 
cystidées, suivantla  remarque 
de  Schneider,  se  mettent  en 
apposition,  c'est-à-dire  qu'elles 
se  réunissent  alors  par  des  ex- 
trémités semblables,  plus  spé- 
cialement par  l'extrémité  cé- 
phalique.Les  individus  en  apposition  sont  toujours  immobiles. 
Schneider  pense  qu'ils  finissent  toujours  par  se  séparer  au  mo- 
ment de  la  reproduction,  chacun  d'eux  s'enkystant  de  son 
côté  ;  pour  Bùtschli,  il  faudrait  voir  là,  au  contraire,  une  vraie 
conjugaison,  commençant  dès  le  jeune  âge  et  aboutissant  à 
une  reproduction  sexuelle  :  les  deux  Grégarines  s'enferme- 
raient dans  un  seul  et  même  kyste,  où  leur  substance  se  mé- 
langerait. 

Si  maintenant  nous  examinons  attentivement  le  contenu  de 
l'intestin  d'un  Homard,  nous  aurons  des  chances  d'y  rencon- 
trer Gregarina  (Porospora)  gigantea.  Ce  parasite,  long  de  10  à 
16  millimètres,  est  le  géant  des  Protozoaires;  il  a  été  décrit  par 


Fig.  25.  —  Zygocystis  cometa,  d'après 
Stein.  —  A,  syzygie  de  deux  indivi- 
dus; B,  syzygie  de  trois  individus. 


36  CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 

Ed.  van  Beneden.  Son  corps,  très  grêle  et  très  allongé,  est  sur- 
monté d'une  petite  tête,  dont  il  est  séparé  par  une  sorte  de 
cloison  transversale.  La  tête  prend  le  nom  de  protomérite,  tan- 
dis que  le  plus  grand  segment,  qui  renferme  toujours  le  noyau, 
a  reçu  celui  de  deutomêrite  (fig.  26). 
L'intestin  de  Blaps  mortisaga  L.,  Goléoptère  hétéromère  qui 


Fig.  26.  —  Porospora  (Gregarina)  gi-  Fig.  27.  —  Stylurhynchus  îongicol- 
ganlea,  de  l'intestin  du  Homard,  d'à-  lis,  d'après  Aimé  Schneider.  —  1, 
près  Ed.  van  Beneden.  céphalin  ;  2,  sporadin. 

a  parfois  été  observé  vivant  en  parasite  chez  l'Homme,  renferm  e 
fréquemment  Stylorhynchus  longicollis  St.,  Grégarine  encore 
plus  complexe  que  la  précédente  (fig.  27)  :  son  corps  est  formé  de 
trois  segments,  ce  qui  est  le  nombre  maximum  que  l'on  puisse 
rencontrer  chez  ces  animaux.  Le  protomérite  est  surmonté  d'un 


ORDRE  DES  GREGARINES. 


37 


■    mm 


segment  effilé,  Yépimérite.  Ici,  l'épimérite  est  à  peu  près  inerme, 
mais  dans  d'autres  espèces  il  porte  des  appendices  variés,  des 
crochets,  des  dents,  des  organes  fixateurs  au  moyen  desquels 
l'animal  s'attache  à  la  paroi  intestinale.  Le  parasite  est  alors 
stationnaireet  on  le  dit  à  l'état  de  céphalin.  Au  bout  de  quelque 
temps,  l'épimérite  tombe,  par  une  sorte  de  mutilation  volon- 
taire, et  dès  lors  la  Grégarine,  réduite  à 
deux  segments,  devient  errante  :  elle  esta 
l'état  de  sporadin. 

Les'Grégarines  à  deux  et  à  trois  segments 
constituent  le  groupe  des  Polycystidées. 
Celles-ci  vivent  habituellement  isolées,  mais 
peuvent  aussi  former  des  syzygies;  dans  ce 
cas,  les  deux  individus  se  mettent  toujours 
en  opposition,  c'est-à-dire  qu'ils  se  réunis- 
sent par  leurs  extrémités  dissemblables,  le 
protomérite  de  l'un  venant  se  fixer  au 
deutomérite  de  l'autre  (fig.  28).  Quand  il 
s'agit  de  Grégarines  à  trois  segments,  il  va 
sans  dire  que  la  syzygie  ne  peut  se  consti- 
tuer qu'avec  des  sporadins.  autrement  dit 
avec  des  individus  ayant  perdu  leur  épimé- 
rite.  Les  individus  unis  en  opposition  sont 
toujours  mobiles. 

Les    Grégarines   polycystidées    peuvent 
également  former  parfois  des  syzygies  dans 
la  constitution  desquelles  entrent  plus  de 
deux  individus.  Cette  disposition  exception- 
nelle semble  être  le  cas  normal  pour  Aggre- 
gata  portunidarum,  que  Frenkel  a  décou- 
verte à  Naples,  dans  l'intestin  de  deux  Crustacés,  Portunus  ar- 
cuatus  et  Carcinus  mœnas.  Les  trois  ou  quatre  individus  qui 
s'unissent  en  opposition  se  renferment  dans  un  kyste  com- 
mun. 

Les  Grégarines,  dont  nous  connaissons  maintenant  la  struc- 
ture, ne  se  rencontrent  que  chez  les  Invertébrés,  mais  elles  n'y 
sont  pas  uniformément  répandues.  Inconnues  chez  les  Mollus- 
ques, où  elles  sont  remplacées  par  les  Coccidies,  elles  s'obser- 
vent chez  les  Tuniciers  et  surtout  chez  les  Vers  (Turbellariés, 


Fig.  28.  —  Syzygie  de 
Clepsidrina  blatta- 
rum,  de  l'intestin  de 
la  Blatte,  d'après 
Aimé  Schneider. 


38  CLASSE   DES     SPOROZOAIRES. 

Planaires,  Némertiens,  Géphyriens).  Elles  sont  fréquentes  chez 
les  Vers  libres,  rares  chez  les  Vers  parasites.  Assez  communes 
chez  les  Crustacés,  elles  deviennent  d'une  abondance  extrême 
chez  les  Myriopodes  et  les  Insectes,  soit  à  l'état  adulte,  soit  à 
l'état  larvaire. 

En  général,  les  Polycystidées  sont  parasites  des  Arthropodes 
et  les  Monocystidées  vivent  chez  les  autres  Invertébrés  ;  certains 
Insectes  hébergent  pourtant  des  Monocystidées.  De  même,  les 
Polycystidées  habitent  toujours  le  tube  digestif;  rencontre-t-on 
des  Grégarines  dans  la  cavité  générale  du  corps  ou  dans  les 
organes  d'un  animal,  on  a  sûrement  affaire  à  des  Monocysti- 
dées; mais  celles-ci  s'observent  aussi  parfois  dans  l'intestin. 

Etudions  maintenant  le  mode  de  reproduction  des  Gréga- 
rines. 

Quand  est  venu  le  moment  de  la  reproduction,  la  Grégarine 
sécrète  autour  d'elle  une  membrane,  qui  va  en  s'épaississant  et 
dans  laquelle  elle  s'enferme.  Parfois  deux  individus  conjugués 
s'enkystent  ensemble,  puis  se  réduisent  en  une  masse  com- 
mune. La  paroi  du  kyste  est  toujours  très  résistante;  elle  est 
imperméable  à  l'eau  et  résiste  à  la  dessiccation.  Dès  que  le 
kyste  est  constitué,  son  contenu  va  se  diviser  pour  aboutir  à 
la  formation  des  spores;  mais  cette  division  peut  se  faire 
de  trois  manières  différentes  :  nous  décrirons  le  procédé  qui, 
d'après  Balbiani,  semble  être  le  plus  fréquent  chez  Monocystis 
agi  lis. 

Le  contenu  du  kyste  (fig.29,  A)  se  divise  en  deux,  puis  en  qua- 
tre ou  cinq  masses  plus  volumineuses.  Chacune  de  ces  masses, 
par  une  sorte  de  bourgeonnement,  se  recouvre  d'une  couche  de 
globules  transparents  ou  faiblement  granuleux  qui  ne  tarde- 
ront pas  à  se  détacher  pour  se  transformer  en  spores  ovalaires,  B  ; 
ces  spores  tendent  à  venir  s'accumuler  contre  la  paroi  interne 
du  kyste,  où  elles  forment  une  couche  plu  s  ou  moins  épaisse,  C. 
Les  masses  de  substance  où  ces  spores  ont  pris  naissance  sont 
désormais  sans  utilité;  elles  finissent  par  se  liquéfier  plus  ou 
moins  complètement  et  c'est  à  leurs  dépens  que  se  forme  le 
liquide  qui  remplit  le  kyste  mûr,  D. 

Les  spores  (psorospermies  des  auteurs  ;  navicelles  de  Stein, 
1848,  et  de  von  Siebold,  1849;  pseudo-navicelles  de  Frantzius, 
1848)  sont  mises  en  liberté  lors  de  la  maturité  du  kyste.  La 


OHDRE  DES  GREGAR1NES. 


39 


déhiscence  de  celui-ci  peut  se  faire  de  plusieurs  manières  :  le 
cas  le  plus  fréquen},  en  même  temps  que  le  plus  simple,  est  la 
déchirure  de  l'enveloppe  du  kyste,  E.  Dans  d'autres  cas,  la  masse 
granuleuse,  qui  esj!  restée  sans  emploi  après  la  production  des 
spores,  se  ramasse  en  un  globule  arrondi  autour  duquel  appa- 


Fig.  29-  —  Développement  de  Monocystis  agilis,  d'après  Balbiani.  —  A,  kyste  ; 
B,  C,  formation  de  globules  clairs  à  la  surface  des  masses  provenant  de  la 
division  du  contenu  du  kyste  ;  D,  transformation  des  globules  clairs  en 
spores  ;  E,  rupture  du  kyste  et  mise  en  liberté  des  spores  avec  les  masses 
de  substance  non  employées. 


raît  une  fine  membrane  :  il  se  forme  ainsi  une  sorte  de 
pseudo-kyste  qui,  en  se  gonflant  au  moment  de  la  maturité,  va 
rompre  la  membrane  du  kyste  véritable  et  va  permettre  aux 
spores  de  s'échapper;  celles-ci  sortiront  alors  sous  forme  de 
longs  chapelets  flottant  dans  le  liquide  (fig.  30). 
Les  spores  ont  la  forme  d'une  navette  de  tisserand.  Elles 


40  CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 

grossissent  et  s'entourent  d'une  enveloppe,  en  même  temps 
que  se  segmente  leur  contenu,  dans  lequel  se  trouve  un 
noyau. 

Les  segments  qui  ont  ainsi  pris  naissance  sont  en  nombre 
variable  d'un  genre  à  l'autre  :  il  y  en  a  de  six  à  huit  chez  Mono- 
cystis  agilis.  Schneider,  qui  lésa  découverts,  leur  donne  le  nom 
de  corpuscules  falcif ormes.  Ceux-ci  ont  l'aspect  d'une  faux  et 
sont  constitués  par  un  protoplasma  pâle,  très  finement  granu- 
leux et  renfermant  un  noyau.  Ils  se  disposent  en  faisceau  dans 
l'intérieur  de  la  spore  et  emprisonnent  entre  eux  un  petit  glo- 
bule granuleux,  le  noyau  de  reliquat,  ordinairement  situé  au 

centre  et  provenant  de  ce 
que  le  protoplasma  de  la 
spore  n'a  pas  été  employé 
tout  entier  à  leur  forma- 
lion. 

Si  on  cultive  dans  l'eau 
des  spores  recueillies  avant 
la  maturité,  on  peut  les 
voir  se  développer  jusqu'à 
la  formation  des  corpuscu- 
les falciformes,  mais  il  est 
impossible  de  franchir  ce 
stade  :  c'est  donc  la  forme 
ultime  que  les  spores  puis- 
sent atteindre  dans  de  semblables  conditions.  Pour  que  le  cor- 
puscule falciformese  transforme  en  une  jeune  Grégarine,  il  faut 
que  la  spore  soit  transportée  dans  un  milieu  favorable,  où  son 
enveloppe  puisse  se  rompre. 

Des  expériences  de  Bùtschli  mettent  hors  de  doute  cette 
transformation  des  corpuscules  falciformes  en  Grégarines.  Il 
donne  à  manger  à  des  Blattes  une  bouillie  de  farine  renfermant 
des  kystes  de  Grégarines  recueilliesdansles  excréments  d'autres 
Blattes.  Au  troisième  jour,  il  voit  déjeunes  Grégarines,  dont  les 
plus  petites  étaient  à  peine  plus  grosses  que  les  spores,  plon- 
gées chacune  jusqu'à  mi-corps  ou  un  peu  plus  dans  une  cel- 
lule de  l'épithélium  intestinal  ;  la  partie  la  plus  large  était  enga- 
gée dans  la  cellule,  le  noyau  se  trouvait  dans  la  partie  libre. 
En  outre  de  ces  formes  jeunes,  on  en  pouvait  rencontrer  d'un 


Fig.  30.  — Émission  des  spores  chez  Stylo- 
rhynchus  ohlongatus,  d'après  Aimé 
Schneider.  Le  tégument,  6,  est  rompu; 
le  pseudo-kyste,  a,  est  au  centre  et  les 
spores  sortent  en  longs  chapelets,  c. 


ORDRE   DES   COCCIDIES.  41 

peu  plus  âgées  qui  présentaient  déjà  deux  segments,  le  proto- 
mérite et  le  deutomérite.  Biïtschli  n'a  pu  observer  le  mode  de 
développement  de  l'épimérite  ;  il  semble  admettre  que  celui-ci 
se  forme  en  dernier  lieu.  La  Grégarine  sur  laquelle  portaient 
ses  expériences  était  Clepsidrina  Blattarum,  Polycystidée  à 
trois  segments. 

Chez  le  Stylorhynchus  lo?igicollis,  Schneider  est  arrivé  à  des 
résultats  très  différents.  Gomme  pour  les  Goccidies,  il  a  vu  les 
jeunes  accomplir  la  plus  grande  partie  de  leur  développement 
à  l'intérieur  des  cellules  de  l'épithélium  intestinal  de  Blaps 
mortisaga.  Le  jeune  Stylorhynque  est  d'abord  formé  d'un  seul 
segment  :  il  bourgeonne  successivement  deux  segments  corres- 
pondant au  deutomérite  et  au  protomérite,  après  quoi  le  seg- 
ment primitif  s'effile  en  un  épimérite.  Le  noyau  reste  dans  sa 
position  première  jusqu'à  ce  que  le  deutomérite  soit  constitué  ; 
il  émigré  alors  du  pôle  proximal  au  pôle  distal,  pour  aller 
prendre  dans  le  deutomérite  la  place  qu'il  devra  désormais 
conserver;  à  l'endroit  qu'il  occupait  d'abord,  l'épimérite  pré- 
sente une  cavité. 

Balbiani,  Leçons  sur  les  Sporozoaires.  Paris,  1883. 

0.  Bvitsclili,  Bronris  Klassen  und  Ordnungen  des  Thier-Reichs.  —  I.  Pro- 
tozoa,  1882-1883.  Sporozoa,  p.  479-61G. 

Aimé  Schneider,  Contributions  à  Vhistoire  des  Grêgarines  des  Invertébrés 
de  Paris  et  de  Hoscoff.  Archives  de  zoologie  expérimentale,  IV,  p.  493-604, 
1875. 

A.  Schneider,  Développement  du  Stylorhynchus.  Comptes  rendus,  XCVII, 
p.  1151,  1883. 

Joli.  Frenzel,  Ueber  einige  in  Seethieren  lebende  Gregarinen.  Archiv  fur 
mikr.  Anatomie,  XXIV,  p.  545,  1885. 

G.  Ruschhaupt,  Beitrag  zur  Entwickelungsgeschichie  der  monocystiden 
Gregarinen  aus  dem  Testiculus  des  Lumbricus  agricola.  Jenaische  Zeit- 
schrift  (2),  XI,  p.  713-750,  1885. 


ORDRE   DES   GOCCIDIES 

Les  Coccidies  ou  Psorospermies  oviformes  ressemblent  beau- 
coup aux  Grêgarines  monocystidées,  auxquelles  Biitschli  les 
réunit  même.  A  part  de  légères  différences  de  taille,  toutes 
sont  semblables  entre  elles  tant  qu'elles  sont  à  la  période  d'ac- 
croissement, mais  les  phénomènes  de  la  reproduction  sont  assez 
variables  pour  que  Aimé  Schneider  ait  pu  établir  une  bonne 


42 


CLASSE  DES  SPOKOZOAIRES. 


classification  de  ces  Sporozoaires.  La  plupart  des  Coccidies 
sont  parasites  à  l'intérieur  des  cellules  épithéliales;  on  en  con- 
naît encore  quelques  formes  qui  vivent  dans  le  tissu  conjonctif. 
Nous  rencontrerons  parmi  elles  un  certain  nombre  de  parasites 
de  l'Homme  et  des  animaux  domestiques. 


Eimeria  falciformis  A.  Schneider,  1881. 

Il  n'est  pas  rare  de  voir,  chez  les  Souris  que  l'on  garde  en 
captivité,  les  cellules  épithéliales  de  l'intestin  renfermer  des 
masses  plus  ou  moins  sphériques  et  volumineuses  de  plasma 


Fig.  31.  —  Eimeria  falciformis  de  l'intestin  de  la  Souris,  d'après  Eimer.  — 

1,  Coccidie  dans  une   cellule    épithéliale  dont  le    noyau  est  refoulé;  — 

2,  Coccidie  enkystée  ;  —  3,  formation  de  la  spore  ;  —  4,  5,  spore.  —  6,  7,  cor- 
puscules falciformes  ;  —  8,  9,  10,  corpuscules  passant  à  l'état  amiboïde. 

granuleux,  munies  d'un  noyau  et  refoulant  dans  un  coin  le 
noyau  propre  de  la  cellule  (fig.  31).  Chacune  de  ces  masses  cor- 
respond à  une  Coccidie,  Eimeria  falciformis  A.  Schneid.  La  ca- 
vité intestinale  contient  des  masses  toutes  pareilles,  mises  en 
liberté  par  rupture  de  la  cellule  qui  les  emprisonnait  tout 
d'abord;  ces  masses  sont  entourées  d'un  kyste  à  double  mem- 
brane, l'interne  délicate,  l'externe  plus  épaisse. 

Dans  d'autres  kystes,  la  masse  est  divisée  déjà  en  un  plus  ou 
moins  grand  nombre  de  globules.  Dans  d'autres  encore,  ces 
globules  se  sont  transformés  en  bâtonnets  falciformes  ou 
recourbés,  appliqués  contre  la  membrane  interne,  à  la  manière 
des  méridiens  d'une  sphère;  ces  corpuscules  falciformes  sont 


ORDRE  DES  COGCIDIES.  43 

munis  chacun  d'un  noyau  et  sont  accompagnés  d'un  noyau  de 
reliquat.  Par  la  suite,  les  corpuscules  perdent  cette  disposition 
régulière  et  prennent  une  situation  quelconque. 

En  examinant  avec  soin  le  contenu  de  l'intestin,  on  y  ren- 
contre des  corpuscules  tout  à  fait  semblables,  mis  en  liberté 
par  la  rupture  du  kyste.  Ils  sont  animés  d'énergiques  contrac- 
tions et  ils  se  transforment  peu  à  peu  en  un  petit  globule  ami- 
boïde.  La  petite  Amibe  qui  provient  ainsi  du  corpuscule  falci- 
forme  rampe  quelque  temps  à  la  surface  de  l'épithélium,  puis 
pénètre  dans  l'une  de  ses  cellules  et,  grossissant,  recommence 
le  cycle  que  nous  venons  de  parcourir. 

Au  lieu  de  poursuivre  son  évolution  dans  l'intestin  même  de 
la  Souris  qui  l'a  produit,  le  kyste  à  corpuscules  peut  être  rejeté 
au  dehors  avec  les  excréments.  Il  y  a  des  chances  pour  qu'il 
soit  avalé  par  une  autre  Souris,  qui,  à  son  tour,  sera  infestée 
de  Coccidies. 

Eimeria  falciformis,  en  s'enkystant,  se  transforme  donc  en 
une  spore  unique,  dans  laquelle  vont  prendre  naissance  des 
corpuscules  falciformes  en  nombre  indéfini.  Les  Coccidies  qui 
présentent  ce  caractère  doivent  former,  d'après  A.  Schneider, 
le  groupe  des  Monosporêes,  par  opposition  aux  Oligosporées, 
chez  lesquelles  le  contenu  du  kyste  se  transforme  en  un  nombre 
constant  et  défini  de  spores,  deux  (Disporées)  ou  quatre  [Tetra- 
sporées). 

En  raison  du  nombre  considérable  de  corpuscules  falciformes 
qui  prennent  naissance  dans  la  spore,  c'est  sans  doute  à  une 
Monosporée  voisine  à? Eimeria  falciformis,  qu'il  convient  de  rap- 
porter les  spores  que  Kiinstler  et  Pitres  ont  observées  dans  le 
liquide  purulent  extrait  par  thoracocenthèse  de  la  cavité  pleu- 
rale gauche  d'un  Homme  de  vingt-sept  ans,  employé  depuis 
plusieurs  années  à  bord  des  paquebots  qui  font  le  service  régu- 
lier de  Bordeaux  au  Sénégal.  Ces  spores,  relativement  volumi- 
neuses, renfermaient  de  dix  à  vingt  corpuscules  falciformes, 
accolés  à  la  membrane  et  accompagnés  d'un  noyau  de  reliquat. 
On  voyait  aussi  nager  dans  le  liquide  des  corpuscules  isolés, 
munis  d'un  noyau  et  mesurant  en  général  de  18  à  20  (x  de  lon- 
gueur; exceptionnellement,  on   en  rencontrait  quelques-uns 
dont  la  taille  était  de  60  jx  et  même  de  100  jx.  Par  suite  du 
manque  d'autopsie,  il  est  bien  difficile  de  se  prononcer  sur  le 


44  CLASSE   DES  SPOROZOAIRES. 

siège  exact  des  Sporozoaires  d'où  provenaient  ces  spores  et 
surtout  sur  le  rôle  qu'ils  ont  pu  jouer  dans  l'évolution  de  la 
pleurésie.  On  doit  noter  toutefois  qu'ils  semblent  avoir  été  la 
cause  déterminante  de  la  maladie.  Depuis  deux  ans  déjà,  le 
patient  éprouvait  de  l'oppression,  de  la  pesanteur  dans  le  côté 
gauche  de  la  poitrine,  un  peu  de  toux  sans  expectoration;  son 
état  général  était  du  reste  excellent  ;  il  n'avait  jamais  de  fièvre, 
ni  de  frissons,  ni  de  sueurs  nocturnes. 

Coccidium  oviforme  Leuckart,  1879. 

Nous  prendrons  pour  type  des  Coccidies  tétrasporées  Cocci- 
dium oviforme,  qui  vit  dans  l'épithélium  des  conduits  biliaires 
du  Lapin  ;  on  Ta  observé  aussi  chez  l'Homme. 


Fig.  32.    —  Coupe  d'un   foie  de  Lapin  envahi  par  le    Coccidium  oviforme, 
d'après  Balbiani.  Les  conduits  biliaires  sont  dilatés  par  les  parasites. 

Coccidium  oviforme  est  très  rare  chez  les  Lapins  sauvages;  il 
est  au  contraire  très  fréquent  chez  les  Lapins  domestiques, 
particulièrement  chez  ceux  de  Paris  :  comme  pour  tous  les 
parasites,  son  développement  et  sa  propagation  sont  favorisés 
par  le  rassemblement  de  nombreux  individus  dans  un  même 
local. 

Les  conduits  biliaires  du  Lapin  sont  très  dilatés  (fig.  32)  :  le 
tissu  hépatique  se  rompt  et  se  détruit  sur  plus  d'un  point,  en 
sorte  qu'il  se  forme  de  véritables  poches,  distendues  par  un 


OUDRE   DKS  COCG1DIES.  45 

liquide  caséeux  ou  purulent,  dans  lequel  on  voit  nager  un 
nombre  considérable  de  cellules  épithéliales.  Celles-ci  renfer- 
ment le  parasite  à  toutes  ses  phases,  et  on  le  reconnaît  dans 
leur  intérieur  sous  forme  de  masses  plus  ou  moins  volumi- 
neuses qui  refoulent  le  noyau  de  la  cellule  vers  l'une  de  ses 
extrémités. 

De  semblables  lésions  ne  sont  pas  sans  entraver  le  fonction- 
nement normal  du  foie.  Le  tissu  conjonctif  prolifère  autour  de 
la  poche  purulente  et  se  développe  aux  dépens  du  tissu  du  foie. 


m  W    mil      w 


rnS 


Tl/ 


-y 


Fig.  33.  —  Coccidiurn  oviforme  du  foie  du  Lapin,  d'après  Balbiani.  —  a,  b,  c, 
jeunes  Goccidies  renfermées  dans  les  cellules  épithéliales  des  canaux  bi- 
liaires; a,  noyau  de  la  cellule  épithéliale;  d,  e,f,  Goccidies  adultes  enkys- 
tées; g,  h,i,  k,  l,  développement  des  spores;  m,  spore  mûre  isolée,  mon- 
trant les  deux  corpuscules  falciformes  dans  leur  position  naturelle,  avec  le 
noyau  de  reliquat;  n,  spore  dans  laquelle  les  deux  corpuscules  sont  écartés 
l'un  de  l'autre  ;  o,  corpuscule  falciforme  isolé  ;  y,  son  noyau. 


Les  vaisseaux  sanguins  se  trouvent  comprimés  et  il  en  peut 
résulter  des  troubles  de  la  circulation.  La  bile  est  sécrétée  en 
moindre  quantité;  elle  est  arrêtée  dans  son  cours  ou  bien  elle 
s'en  va  jusqu'au  duodénum,  mélangée  à  des  substances  étran- 
gères qui  influent  sur  sa  qualité.  En  un  mot,  la  nutrition  géné- 
rale est  tellement  altérée,  que  la  piqûre  du  plancher  du  qua- 
trième ventricule  ne  provoque  plus  le  diabète.  L'animal  maigrit, 
perd  l'appétit;  sa  respiration  s'accélère  et  il  finit  dans  les  con- 
vulsions. 


CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 

Mais  revenons  à  l'évolution  de  notre  Goccidie.  A  côté  des 
cellules  épithéliales  libres  que  nous  signalions  plus  haut,  on 
trouve  dans  les  poches  purulentes  des  Coccidies  libres  et  en- 
kystées (fîg.  33).  Le  kyste  est  d'abord  complètement  rempli 
par  son  contenu  :  il  est  ovoïde  et  mesure  36  (x  sur  18  [/.;  il  gros- 
sit bientôt  et  atteint  une  dimension  de  43  [/.  sur  22(x.  Le  contenu 
se  contracte  alors  en  boule  et  se  sépare  de  la  paroi.  C'est  là  la 
phase  ultime  du  développement  que  l'on  puisse  observer  dans 
le  foie,  mais  si  on  place  dans  l'eau  quelques-uns  de  ces  kystes, 
on  les  verra,  au  bout  de  quelques  jours,  diviser  leur  contenu 
en  deux,  puis  en  quatre  spores  longues  de  12  à  15  p,  larges 
de  7  [/.;  bien  plus,  on  verra  chacune  de  ces  spores  se  différen- 
cier en  un  noyau  de  reliquat  large  de  5  à  6  p  et  en  deux  cor- 
puscules falciformes  nucléés,  accolés  l'un  à  l'autre  et  disposés 
tête-bêche. 

Le  mode  de  propagation  de  cette  Goccidie  est  facile  à  expli- 
quer. Le  kyste  est  entraîné  par  la  bile  jusque  dans  l'intestin, 
puis  il  est  expulsé  au  dehors  avec  les  excréments.  Son  dévelop- 
pement se  poursuit  dans  un  milieu  humide  :  en  quatorze  à 
quinze  jours,  il  est  mûr  et  les  courants  d'air  l'entraînent  proba- 
blement avec  les  poussières  jusque  sur  les  aliments  d'animaux 
sains.  Parvenu  dans  le  tube  digestif,  il  se  rompt,  les  spores 
déchirent  également  leur  paroi  et  mettent  en  liberté  les 
corpuscules  falciformes.  Ceux-ci  passent  à  l'état  amiboïde  et 
remontent  par  le  canal  cholédoque  jusque  dans  les  conduits 
biliaires,  dont  ils  vont  envahir  aussitôt  les  cellules  épithéliales. 

Des  Coccidies  se  peuvent  rencontrer  encore  dans  le  foie  de 
l'Homme.  La  première  observation  date  de  1858  et  est  due  au 
professeur  Gubler.ll  s'agissait  d'un  ouvrier  carrier,  âgé  de  qua- 
rante-cinq ans,  entré  à  l'hôpital  Beaujon  pour  des  troubles 
digestifs  et  une  chloro-anémie  profonde.  Le  foie  était  très  hyper- 
trophié ;  dans  l'hypocondre  droit,  on  sentait  une  tumeur  pleine 
de  liquide,  douloureuse  à  la  pression.  On  porta  le  diagnostic  de 
kyste  hydatique  du  foie.  Pendant  son  séjour  à  l'hôpital,  le  ma- 
lade fit  une  chute,  à  la  suite  de  laquelle  se  déclara  une  périto- 
nite qui  l'enlevait  le  surlendemain.  L'autopsie  fut  faite.  Le  foie, 
très  hypertrophié,  présentait  une  vingtaine  de  tumeurs  de  la 
taille  d'une  noix  ou  d'un  œuf;  une  autre,  remarquable  par  ses 
dimensions,  était  grosse  à  peu  près  comme  la  tête  d'un  fœtus 


ORDRE  DES  COGCIDIES.  47 

de  six  mois,  c'est-à-dire  qu'elle  avait  un  diamètre  de  12  à 
15  centimètres.  Toutes  ces  tumeurs  étaient  remplies  d'une 
substance  puriforme  de  consistance  variable,  caséeuse  ou 
franchement  liquide  :  on  y  trouvait  une  quantité  prodigieuse 
de  spores,  que  Gubler  prit  pour  des  œufs  de  Distome,  bien 
qu'il  exprime  son  étonnement  de  n'avoir  rencontré  dans  ce  foie 
ni  Douve  ni  aucun  autre  parasite.  Le  malade  était  mort  d'une 
péritonite  intercurrente,  mais  il  est  hors  de  doute  que  sa  pso- 
rospermose  l'aurait  tué  dans  un  avenir  prochain. 

En  1860,  Yirchow  faisait  une  constatation  analogue  (1).  A 
la  surface  du  foie  d'une  vieille  femme,  cet  habile  anatomiste 
rencontrait  une  sorte  de  tumeur,  large  de  9  à  11  millimètres, 
d'aspect  tendineux  et  enchâssée  dans  une  légère  dépression; 
elle  avait  la  forme  d'une  sphère  déprimée  et  était  entourée  de 
lobules  hépatiques  légèrement  granuleux.  En  pratiquant  une 
section  de  cette  tumeur,  on  voit  qu'elle  est  circonscrite  par  une 
condensation  du  tissu  conjonctif  ambiant;  elle-même  se  com- 
pose d'une  épaisse  capsule  et  d'un  contenu  caséeux,  peu  dense. 
Ce  dernier  est  constitué  par  une  masse  albumineuse,  très  in- 
filtrée de  granulations  graisseuses  et  renfermant  des  Coccidies 
enkystées.  Ces  kystes  sont  ovales,  longs  de  56  [/.  en  moyenne, 
et  entourés  d'une  membrane  assez  épaisse,  à  double  contour  et 
parfois  striée  légèrement;  ils  présentent  en  outre  une  mem- 
brane interne  d'une  grande  délicatesse.  Leur  contenu  se  pré- 
sente sous  un  aspect  variable,  mais  le  plus  souvent  il  est  formé 
d'un  grand  nombre  de  corpuscules  arrondis  qui  ne  sont  autre 
chose  que  des  spores  en  voie  de  développement  à  l'intérieur. 
Sous  cet  aspect,  le  kyste  peut  être  aisément  confondu  avec  un 
œuf  dont  le  vitellus  est  en  train  de  se  segmenter.  Virchow  est 
précisément  tombé  dans  cette  erreur,  puisqu'il  considère  les 
kystes  en  question  comme  des  œufs  de  Pentastome. 

Ce  ne  sont  point  là  les  seuls  cas  où  des  Coccidies  ont  été 
rencontrées  dans  le  foie  de  l'Homme.  A  Prague,  Dressler  a  ob- 
servé dans  le  foie  d'un  cadavre  humain  trois  nodules  dont  la 
taille  variait  de  celle  d'un  grain  de  millet  à  celle  d'un  haricot; 
ils  étaient  situés  tout  près  de  l'arête  du  foie  et  renfermaient 
des  Coccidies.  Leuckart  rapporte  encore  deux  exemples   du 

(1)  R.  Virchow,  Helminthologische  Notizen.  —  Zuv  Kenntniss  der  Wurm- 
knoten.  Virchow's  Archiv,  XVIII,  p.  523,  1860. 


48  CLASSE   DES  SPOKOZOAIRES. 

même  genre.  Le  premier  a  trait  à  une  pièce  de  la  collection 
Sômmerring  (Institut  pathologique  de  Giessen),  présentant  des 
ulcérations  des  canaux  biliaires  causées  par  des  Coccidies.  Le 
second  lui  a  été  communiqué  par  le  professeur  Péris,  de  Gies- 
sen, qui  le  tenait  lui-même  du  professeur  Sattler,  de  Vienne. 
Il  s'agit  d'un  foie  dont  les  canaux  biliaires  étaient  dilatés  : 
leur  épithélium  avait  été  le  siège  d'une  active  prolifération  et 
renfermait  des  Coccidies. 

A  en  juger  d'après  les  dessins  qu'en  donne  Leuckart,  la  Goc- 
cidie  observée  par  Dressler  était  longue  d'environ  20  tx,  dimen- 
sions notablement  inférieures  à  celles  de  la  Goccidie  du  foie  du 
Lapin;  il  est  donc  possible  qu'elle  n'appartienne  pas  à  la  même 
espèce  que  cette  dernière;  toutefois,  la  question  ne  pourrait 
être  tranchée  que  si  on  connaissait  le  nombre  de  spores  qui 
prennent  naissance  à  l'intérieur  du  kyste. 

Nous  ferons  une  remarque  analogue  à  propos  de  la  Coc- 
cidie  qu'a  décrite  Virchow.  On  se  rappelle  que  sa  longueur 
était  de  56  (/.,  c'est-à-dire  qu'elle  était  presque  deux  fois  plus 
grande  que  la  Coccidie  du  foie  du  Lapin.  Cette  différence  de 
taille' est  ici  en  rapport  avec  une  différence  plus  considérable 
encore  dans  le  nombre  des  spores  produites  dans  le  kyste.  Si 
les  dessins  que  donne  Virchow  sont  exacts,  la  Coccidie  qu'il  a 
observée  non  seulement  n'est  pas  identique  à  Coccidium  ovi- 
forme,  mais  n'appartiendrait  même  pas  au  genre  Coccidium, 
tel  qu'il  a  été  défini  par  Schneider;  il  faudrait  plutôt,  à  notre 
avis,  la  ranger  parmi  les  Monosporées  à  corpuscules  en  nom- 
bre indéfini  et  la  rapprocher  par  conséquent  d'Eimeria  falci- 
formis.  La  membrane  délicate  qui  se  trouve  à  l'intérieur  du 
kyste  n'est  pas  autre  chose  que  l'enveloppe  de  la  spore,  et  les 
nombreux  globules  que  renferme  cette  enveloppe  sont  des  cor- 
puscules falciformes  en  voie  d'évolution. 

Coccidium  Rivolta  Grussi,  1881. 

La  Coccidie  de  l'épithélium  intestinal  du  Chat  a  été  décrite 
par  Grassi  sous  le  nom  de  Coccidium  Rivolta.  Elle  accomplit  les 
premières  phases  de  son  évolution  à  l'intérieur  même  des  cel- 
lules épithéliales;  elle  finit  par  s'enkyster  et  est  mise  alors  en 
liberté,  par  rupture  de  la  cellule,  sous  forme  d'un  corpuscule 


ORDRE  DES  COCCIDIES.  49 

ovale  ou  elliptique  mesurant  de  27  à  30  [x  de  long  sur  22  à 
24  [x  de  large.  C'est  à  cet  état  qu'on  la  retrouve  dans  le  con- 
tenu de  l'intestin  et  qu'elle  est  expulsée  au  dehors.  La  suite 
du  développement  se  poursuit  dans  l'eau  :  la  masse  enkystée 
se  divise  en  deux,  puis  en  quatre  spores  sphériques,  mesurant 
14  fx  et  semblant  renfermer  chacune  quatre  corpuscules  falci- 
formes  (1)  et  un  nucléus  de  reliquat.  L'animalcule  semble 
alors  être  arrivé  au  terme  de  son  existence  indépendante  ; 
pourtant,  Grassi  fit  avaler  à  deux  jeunes  Chats  des  kystes  par- 
venus à  cette  période,  sans  déterminer  chez  eux  la  moindre 
psorospermose. 

Des  Coccidies  analogues  à  Coccidium  Rivolta  ont  été  obser- 
vées par  plus  d'un  auteur  chez  divers  animaux.  Kôlliker  (2)  a 
trouvé  les  villosités  intestinales  du  Lapin  distendues  par  des 
Coccidies  qui  siégeaient  également  dans  l'intérieur  des  cellules 
épithéliales,  et  Lieberkûhn  (3)  a  donné  des  dessins  qui  indi- 
quent une  disposition  toute  semblable.  Finck  (4)  a  attribué  un 
rôle  prépondérant  dans  le  phénomène  de  l'absorption  des  ma- 
tières grasses  à  des  corpuscules  qui  remplissaient  les  villosités 
intestinales  chezle  Chat  et  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  Coc- 
cidies :  celles-ci  toutefois  sont  différentes  du  Coccidium  Rivolta, 
en  raison  de  leurs  dimensions  qui  sont  de  80  à  100  [x  pour  la 
longueur,  sur  70  à  90  (x  pour  la  largeur.  Chez  un  Lapin  dont  les 
canaux  biliaires  ne  présentaient  rien  d'anormal,  Klebs  (5)  a 
observé  çà  et  là,  sur  toute  la  longueur  de  l'iléon,  des  taches 
blanches  irrégulières,  larges  de  2  à  6  millimètres  et  au  niveau 
desquelles  la  muqueuse  était  épaissie  :  le  chorion  était  rempli 
de  Coccidies,  aussi  bien  dans  la  villosité  que  dans  l'intervalle 


(1)  Cette  Coccidie  est  bien  une  Oligosporée  tétrasporée,  mais,  si  la  présence 
de  quatre  corpuscules  falciformes  est  démontrée,  elle  devra  être  distraite  du 
genre  Coccidium,  celui-ci  étant  caractérisé  par  la  production  de  deux  corpus- 
cules dans  chacune  des  quatre  spores  ;  elle  deviendra  même  le  type  d'un 
genre  nouveau. 

(2)  Kôlliker,  Mikroshopische  Anatonve.  Leipzig,  1852.  Voir  II,  p.  173. 

(3)  N.  Lieberkûhn,  Évolution  des  Grégarines.  Mémoires  couronnés  et  mé- 
moires des  savants  étrangers  de  l'Acad.  de  Belgique,  XXVI,  1855.  Voir  pi.  IX, 
fig.  12  et  13  et  pi.  X,  fig.  1. 

(4)  H.  Finck,  Sur  la  physiologie  de  Vépithélium  intestinal.  Thèse  de  mé- 
decine. Strasbourg  (2),  n°  324,  1854.  Voir  p.   17. 

(5)  Klebs,  Psorospermien  im  Innern  von  thierischen  Zellen.  Virchow's 
Archiv,  XVI,  p.  188,  1859. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  4 


50  CLASSE   DÈS  SPORÛZOAIRES. 

des  glandes  de  Lieberkùhn  ;  ces  parasites  s'observaient  encore 
dans  les  cellules  épithéliales,  qui  s'étaient  considérablement 
distendues  et  qui  renfermaient  d'un  à  trois  corpuscules  ovi- 
formes.  Yirchow  (1)  a  vu  des  productions  du  même  genre  per- 
forer sur  une  très  grande  étendue  les  villosités  d'un  jeune 
Chien  et  Neumann  (2)  a  vu  encore  l'épithélium  intestinal  du 
Lapin  se  desquamer  sous  l'influence  des  Coccidies  qui  en 
occupaient  les  cellules  :  ces  parasites  mesuraient  24  [/.  sur  12  (x 
et  pouvaient  se  rencontrer  au  nombre  de  deux  à  six  par  cellule. 
D'autres  observateurs,  comme  Stieda(3)  et  Waldenburg(4),ont 
fait  encore  des  constatations  analogues. 

Coccidium  perforans  Leuckart,  1879. 

Les  Coccidies  de  l'épithélium  intestinal  ont  été  observées 
également  chez  l'Homme,  mais  on  ignore  encore  quels  acci- 
dents elles  déterminent.  Kjellberg  et  Eimer  les  ont  trouvées, 
le  premier  une  fois,  le  second  deux  fois,  sur  des  cadavres  de 
l'Institut  pathologique  de  Berlin.  Dans  le  cas  de  Kjellberg,  elles 
étaient  situées  à  l'intérieur  et  vers  la  pointe  des  villosités  ; 
elles  étaient  du  reste  semblables  à  celles  que  Yirchow  a  vues 
chez  le  Chien.  Dans  le  cas  d'Eimer,  elles  étaient  au  contraire 
renfermées  dans  les  cellules  épithéliales,  qui  étaient  comme 
perforées. 

Itivolta  put  observer,  chez  le  vivant,  des  Coccidies  dans  les 
excréments  d'enfants  et  d'adultes  :  chez  un  jeune  garçon,  il 
constata,  pendant  près  de  trois  mois,  que  des  Coccidies  étaient 
rendues  avec  les  déjections  ;  il  en  trouva  encore  chez  un 
Homme  atteint  de  fièvre  intermittente,  et  Grassi  a  publié  des 
observations  analogues.  Dans  ces  cas,  il  n'est  pas  certain  que 
le  parasite  ait  été  fixé  dans  l'intestin;  il  pouvait  se  trouver  tout 
aussi  bien  dans  le  foie. 


(1)  Yirchow,  Helmintholugische  Notizen.  —  3.    Ueber  Trichina    spiralis. 
Virchow's  Archiv,  XVIII,  p.  330,  18G0.  Voir  p.  342. 

(2)  E.  Neumann,  Kleinere  Mittheilungen.  —  3. Psorospermieîi  im  Darmepithel. 
Archiv  f.  mikr.  Anat.,  II,  p.  512,  1861. 

(3)  L.  Stieda,  Ueber  die  Psorospermien  der  Kaninchenleber  und  ihre  Ent- 
uiickelung.  Virchow's  Archiv,  XXXII,  p.  132,  1865. 

(4)  L.  Waldenburg,  Zur  Entwicklunsgeschichte  der  Psorospermien.  Virchow's 
Archiv,  XL,  p.  435,  1867. 


ORDRE   DES   COCC1D1ES.  51 

Les  Coccidies  pourraient  encore  se  rencontrer  dans  le  rein, 
s'il  faut  en  croire  une  observation,  d'ailleurs  peu  convaincante, 
de  Lindemann,  qui  dit  avoir  vu  des  amas  psorospermiques 
dans  la  tunique  albuginée  du  rein  d'un  individu  mort  de  mal 
de  Bright.  Il  est  néanmoins  certain  que  Virchow  a  fait  une 
constatation  semblable  sur  le  rein  de  la  Chauve-souris. 

Le  professeur  Ch.  Robin  (1)  parle  d'amas  de  Psorospermies 
observés  par  Lebert  surles  cheveux  des  teigneux  et  considérés 
par  lui  comme  étant  de  nature  végétale.  En  1863  et  1865,  Lin- 
demann retrouva  chez  une  jeune  fille,  à  la  racine  des  cheveux, 
des  amas  de  ce  genre,  longs  d'un  millimètre  et  faisant  une 
saillie  d'un  sixième  de  millimètre.  A  Nijni-Novgorod,  ce  fait 
serait  très  fréquent  :  il  s'agirait  là  des  spores  d'une  Coccidie 
qui  vit  dans  l'intestin  des  Poux.  Knoch,  en  4866,  aurait  trouvé 
aussi,  également  en  Russie,  des  Psorospermies  sur  les  cheveux 
de  l'Homme,  mais  Leuckart  n'accorde  qu'une  médiocre  con- 
fiance à  ces  observations. 

A  l'appui  de  cette  opinion  de  Leuckart,  on  peut  du  reste  rap- 
procher le  fait  suivant,  dont  le  savant  helminthologiste  ne 
semble  pas  avoir  eu  connaissance.  En  J8C8,  Beigel  (2)  trouvait 
sur  des  cheveux  des  sortes  de  nodosités  qui  ressemblaient 
beaucoup  à  celles  qu'avait  décrites  Lindemann.  Des  échantil- 
lons en  furent  envoyés  à  Kiichemeister,  qui  consulta  Raben- 
horst.  Celui-ci  y  reconnut  une  espèce  de  Pleurococcus  qu'il 
proposa  d'appeler  PL  Beigeli.  Mais  Beigel  fait  remarquer  que 
les  Pleurococcus  sont  des  Algues,  tandis  que  l'organisme  au- 
quel il  avait  affaire  est  un  véritable  Champignon,  comme  le 
montre  son  mode  de  germination. 

A  part  le  cas  de  Gubler  et  celui  de  Kiinstler  et  Pitres,  les 
Coccidies  ne  semblent  pas  avoir  jamais  provoqué  chez  l'Homme 
des  désordres  bien  considérables,  mais  il  n'en  est  pas  de  môme 
chez  les  animaux.  Ziirn  a  constaté  que  la  fièvre  calarrhale  ma- 
ligne et  contagieuse  des  Lapins,  que  détermine  une  rhinite 
souvent  mortelle,  est  due  à  des  Coccidies  qui  se  rencontrent 
en  quantités  innombrables  dans  les  muqueuses  du  nez,  du 
pharynx,  delà  caisse  du  tympan  et  dans  leurs  produits  de  sé- 

(1)  Ch.  Robin,  Histoire  naturelle  des  végétaux  parasites,  p.  336,  1853. 

(2)  H.  Deigel,  The  Chignon-Fungus.  —  Pleurococcus  Beigeli  {?).  Transactions 
of  the  Pathological  Society  of  London,   XVIII,  p.  270,  1868. 


52  CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 

crétion.  En  1872,  Silvestrini  et  Rrvolta  ont  vu  les  Poulets  des 
environs  de  Pise  décimés  par  une  psorospermose  localisée  au 
pharynx,  au  larynx,  aux  fosses  nasales  et  même -à  la  conjonc- 
tive et  à  la  crête;  ces  observateurs  purent  reproduire  expéri- 
mentalement la  maladie  en  donnant  à  des  Poulets  sains  des  ali- 
ments auxquels  ils  avaient  mélangé  des  Goccidies.  En  1873, 
Arloing  et  Tripier  ont  constaté  une  épizootie  qui  sévissait 
également  sur  les  Poulets  des  environs  de  Toulouse  :  le  foie, 
l'intestin,  l'œsophage,  les  poumons  étaient  remplis  de  tumeurs 
dont  le  volume  variait,  mais  qui  toutes  renfermaient  un  nombre 
immense  de  spores.  Ici  encore,  la  psorospermose  fut  repro- 
duite artificiellement,  en  faisant  manger  à  des  Poulets  sains  la 
matière  extraite  de  ces  tumeurs. 

Les  Goccidies  n'ont  été  signalées  jusqu'à  présent  que  chez 
les  Vertébrés  et  chez  les  Mollusques,  particulièrement  chez  les 
Céphalopodes,  dont  le  rein  en  contient  plusieurs  espèces  (Klos- 
sia),  bien  étudiées  par  Aimé  Schneider.  Ces  organismes  sont 
sans  doute  voisins  des  Grégarines,  auxquelles  Bûtschli  les  réu- 
nit, mais  il  y  a  pourtant  entre  ces  deux  sortes  d'êtres  des  diffé- 
rences importantes  :  les  Goccidies  vivent  le  plus  souvent  à  l'in- 
térieur de  cellules  épithéliales  ;  elles  ne  sont  jamais  libres 
pendant  leur  période  d'accroissement  et  leur  enkystement, 
toujours  solitaire,  n'est  dans  aucun  cas  précédé  d'une  conju- 
gaison. Elles  sont  immobiles  à  toutes  les  phases  de  leur  exis- 
tence, sauf  quand  le  corpuscule  falciforme,  mis  en  liberté  par 
la  rupture  de  la  spore,  rampe  à  la  surface  de  l'épithélium  et 
s'enfonce  dans  une  de  ses  cellules.  On  doit  considérer  les  Goc- 
cidies comme  des  Grégarines  modifiées  par  un  parasitisme  plus 
étroit. 

A.  Gubler,  Tumeurs  du  foie  déterminées  par  des  œufs  d'helminthe  et  com- 
parables à  des  galles  observées  chez  l'homme.  Mém.  Soc.  de  biol.  (2),  1858, 
et  Gazette  méd.  de  Paris,  p.  657,  1858. 

Eimer,  Ueber  die  ei-  oder  kugelfôrmigen  sog.  Psorospermien  der  Wirbel- 
thiere.  Wûrzburg,  1870). 

K.  Lindemann,  Sur  la  signification  hygiénique  des  Grégarines.  Gazette  mé  - 
dicale  de  Paris,  p.  86,  1870. 

A.  Schneider,  Sur  les  psorospermies  oviformes  ou  Coccidies,  espèces  nou- 
velles ou  peu  connues.  Archives  de  zool.  expér.,  IX,  p.  387-404,  1881. 

Arloing  et  Tripier,  Lésions  organiques  de  nature  parasitaire  chez  le  Poulet. 
Transmission  par  la  voie  digestive  à  des  animaux  de  même  espèce.  Analogie 
avec  la  tuberculose.  Association  française  pour  l'avancement  des  sciences,  II, 
p.  810,  1873. 


ORDRE  DES  SARCOSPORIDIES.  53 

Silvestrini  e  Rivolta.  Giornale  di  anatomia  fisiologia  e  patologia  dei  ani- 
mali.  Pisa,  1873. 

Ziirn,  Die  kugel-  cder  eifôrmigen  Psorospermien  als  Ur sache  von  Krank- 
heiten  bei  Hausthieren.  Leipzig,  1874. 

J.  Kûnstler  et  A.  Pitres,  Sur  la  présence  de  corpuscules  falci formes  dans 
le  pus  extrait  de  la  cavité  pleurale  d'un  malade  atteint  de  pleurésie  chronique 
latente.  Comptes  rendus  Soc.  debiol.,  p.  523,  1884. 

J.  Kûnstler  et  A.  Pitres,  Sur  une  Psorospermie  trouvée  dans  une  humeur 
pleurétique.  Journal  de  micrographie,  1884. 

S.  Rivolta,  Dei  parassiti  vegetali.  Torino,  2a  ediz.,  188'».  Voir  p.    390-400. 


ORDRE   DES   SARCOSPORIDIES 

Les  Sarcosporidies  ou  Psorospermies  utriculiformes,  appelées 
encore  tubes  de  Miescher,  tubes  de  Rainey,  vivent  habituellement 
en  parasites  dans  le  tissu  musculaire  strié  ;  mais  il  est  aussi 
certaines  formes  que  nous  avons  fait  connaître  et  qui  se  peu- 
vent rencontrer  dans  le  chorion  des  muqueuses.  Elles  ont  été 
signalées  par  Kiïhn  chezle  Poulet,  mais,  à  part  cette  exception, 
on  ne  les  connaît  que  des  Mammifères  :  on  les  a  vues  chez  le 
Kanguroo,  le  Bœuf,  la  Chèvre,  le  Mouton,  le  Chevreuil,  le 
Porc,  le  Cheval,  le  Lapin,  la  Souris,  le  Rat,  l'Otarie,  le  Singe  et 
l'Homme. 

Bien  qu'un  grand  nombre  d'observateurs  aient  étudié  les 
Sarcosporidies,  on  est  resté  bien  longtemps  dans  l'ignorance, 
quant  à  leur  structure  et  quant  à  leurs  affinités  naturelles. 
C'est  au  professeur  Balbiani  que  revient  le  mérite  d'avoir  dé- 
montré que  c'étaient  des  Sporozoaires.  Nous  avons  pu,  de 
notre  côté,  établir  une  classification  des  formes  actuellement 
connues  et  nous  croyons  avoir  précisé  leurs  relations  avec  les 
Coccidies. 

Miescheria  mûris  R.  Bl.  1885. 

En  1843,  le  professeur  F.  Miescher,  de  Bâle,  rencontra  dans 
les  muscles  de  la  Souris,  allongés  dans  le  sens  des  fibres,  des 
sortes  de  tubes  dont  l'épaisseur  était  environ  quatre  à  six  fois 
plus  considérable  que  celle  des  faisceaux  primitifs  du  muscle 
(fig.  34)  :  leur  diamètre  transversal  variait  en  effet  de  44  à 
208  [x.  Ces  tubes  avaient  pour  paroi  une  simple  membrane 
anhiste;  ils  se  rencontraient  également  dans  tous  les  muscles 
du  tronc,  des  extrémités,  du  cou  et  de  la  face,  dans  ceux  des 


CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 


yeux  aussi  bien  que  dans  le  diaphragme  ;  au  contraire,  les 
muscles  de  la  langue,  ainsi  que  ceux  du  pharynx  et  du  larynx 

et  tous  les  muscles  involontaires 
(cœur,  œsophage,  intestin)  étaient 
demeurés  normaux. 

Miescheria  Hueti  R.  Bl.  1885. 

Chez  une  Otaria  californica, 
morte  au  Muséum  d'histoire  natu- 
relle, le  Dr  L.  Huet  a  vu  le  système 
musculaire  tellement  farci  de  Sar- 
cosporidies,  qu'il'suffisait  d'enlever 
la  moindre  parcelle  de  muscle  pour 
en  rencontrer  un  grand  nombre. 

La  Sarcosporidie  est  renfermée 
dans  l'intérieur  du  faisceau  primi- 
tif, au  milieu  même  des  fibrilles 
primitives  ;  tantôt  elle  est  placée 
dans  l'axe  même,  tantôt  elle  se  rap- 
proche plus  ou  moins  du  sarco- 
lemme,  tantôt  enfin,  mais  plus  ra- 
rement, elle  est  immédiatement 
au-dessous  de  celui-ci.  Sa  largeur 
moyenne  est  de  20  à  30  p,  sa  lon- 
gueur est  de  1  à  4  millimètres. 

A  la  suite  de  Huet,  Balbiani  a 
donné  une  description  magistrale 
de  la  Sarcosporidie  de  l'Otarie, 
description  dont  nous  avons  pu 
nous-même  vérifier  la  parfaite  exactitude ,  en  même  temps 
que  nous  notions  quelques  détails  qui  ne  sont  pas  sans  inté- 
rêt. Voici  de  quelle  manière  on  doit  se  représenter  l'évo- 
lution du  parasite. 

Les  kystes  que  représente  la  figure  35  se  trouvent  à  l'état  de 
reproduction,  c'est-à-dire  qu'ils  sont  parvenus  à  la  période 
ultime  de  leur  évolution,  comme  le  montre  la  présence  des 
corpuscules  réniformes.  Mais,  pour  en  arriver  là,  la  Sarcospo- 
ridie a  dû  passer  par  une  phase  végétative  ou  d'accroissement, 


Fig.  34.  —  Sarcosporidies  des 
muscles  de  la  Souris,  d'après 
Miescher. 


ORDRE   DES   SARCOSPORIDIES. 


55 


durant  laquelle    elle    était   constituée   simplement  par  une 
masse  protoplasmique,  sans  doute  munie  d'un  noyau  et  limi- 


#* 


Fig.  35.  —  Sarcosporidies  des  muscles  de  l'Otarie,  d'après  Balbiani.  —  1,  frag- 
ment de  muscle  strié  montrant  les  Sarcosporidies  dans  les  faisceaux  pri- 
mitifs du  muscle-,  2,  faisceau  primitif  plus  grossi;  3,  groupe  de^spores  ; 
4,  corpuscules  falciformes  isolés  ;  a,  non  mûrs  ;  6,  mûrs. 

tée  par  une  membrane  anhiste  et  d'une  extrême  délicatesse. 
Son  accroissement  achevé,  l'organisme  s'est  segmenté,  à  l'in- 
térieur de  sa  membrane,  en  un  nombre  plus  ou  moins  consi- 


56  CLASSE   DES  SPOROZOAIHES. 

dérablede  vésicules  ou  de  spores,  entourées  chacune  d'une  en- 
veloppe indépendante  de  l'enveloppe  générale  du  kyste. 

La  figure  35  ne  représente  qu'une  phase  de  l'évolution.  Dans 
un  premier  état,  le  sac  est  entièrement  rempli  de  spores  ar- 
rondies et  contenant  elles-mêmes  un  certain  nombre  de  cor- 
puscules réniformes  ;  dans  un  second  état,  plus  avancé,  tous 
les  corpuscules  réniformes  sont  libres  à  l'intérieur  du  kyste  et 
on  ne  trouve  plus  trace  des  vésicules  qui  les  enveloppaient  pré- 
cédemment. Il  est  évident  que  notre  figure  représente  un  stade 
intermédiaire,  caractérisé  par  une  réduction  considérable  du 
nombre  des  spores,  qui  ne  s'observent  plus  qu'à  la  partie 
moyenne  du  kyste  :  les  deux  extrémités  de  celui-ci  ne  présen- 
tent plus  de  spores,  mais  simplement  des  corpuscules  réni- 
formes dépourvus  d'enveloppe  et  serrés  pêle-mêle  les  uns 
contre  les  autres.  Cela  revient  à  dire  que,  pour  la  Sarcospori- 
die  de  l'Otarie,  la  désagrégation  des  spores,  par  suite  de  la 
résorption  de  leur  membrane  d'enveloppe,  marche  de  la  péri- 
phérie au  centre. 

Des  Sarcosporidies  à  membrane  mince  et  anhiste  ont  été  ren- 
contrées encore  par  von  Hessling,  en  1846,  dans  les  muscles 
du  poitrail  du  Chevreuil,  puis  en  1854,  dans  le  myocarde  du 
Bœuf,  du  Veau  et  du  Mouton  (1).  Des  observations  plus  inté- 
ressantes au  point  de  vue  pathologique  sont  dues  à  Leisering 
etWinkler,  à  Dammann  et  à  Siedamgrotzky. 

Le  vétérinaire  départemental  Winkler,  de  Marienwerder, 
avait  vu,  dans  le  courant  de  l'année  1864,  un  grand  nombre 
de  Moutons  mourir  subitement  :  l'autopsie  lui  révélait  l'exis- 
tence, sur  tout  le  trajet  de  l'œsophage,  de  kystes  particuliers, 
dont  la  nature  lui  était  inconnue.  Winkler  fit  part  de  son  ob- 
servation à  Leisering  et  lui  adressa  des  préparations  à  l'appui; 
celles-ci,  communiquées  à  Gurlt,  furent  reconnues  comme  ren- 
fermant des  tubes  psorospermiques.  Leisering  put  d'ailleurs 
examiner  lui-même  un  œsophage  qui  présentait  sur  toute  sa 
longueur  de  nombreux  nodules  d'aspect  jaunâtre,  de  la  gros- 
seur d'un  pois  à  celle  d'une  noisette;  ils  étaient  renfermés 
dans  la  couche  musculeuse  de  l'œsophage  et  faisaient  saillie 
extérieurement,  dans  le  tissu  conjonctif  ambiant  ;  ils  ressem- 

(I)  Th.  von  Hessling,  IHstologische  Mittheilungen.  Zeitschrift  fur  wiss.  Zoo- 
logie, V,  1854.  Voir  p.  19G. 


OHDRE   DES   SARCOSPORIDIES.  57 

blaient  à  de  petits  abcès  pleins  de  pus.  Si  on  les  ouvrait,  on 
voyait  s'écouler  de  quelques-uns  d'entre  eux  un  liquide  lacto- 
purulent,  au  sein  duquel  le  microscope  laissait  voir  en  nombre 
immense  les  petits  corpuscules  réniformes  qui  forment  le  con- 
tenu des  tubes  psorospermiques.  Après  l'écoulement  du  li- 
quide, il  restait  dans  les  nodules  une  masse  plus  cohérente, 
transparente,  tremblotante,  qui,  en  outre  des  corpuscules  réni- 
formes dont  il  vient  d'être  question,  se  composait  de  tissu  con- 
jonctif  et  de  tubes  psorospermiques  complets. 

D'autres  nodules  ne  laissaient  rien  écouler  à  la  suite  de  la 
piqûre.  Leur  contenu  consistait  en  une  masse  un  peu  plus 
cohérente,  que  l'on  pouvait  extraire  en  totalité  avec  une  pince. 
Cette  masse  se  montrait  alors  composée  en  grande  partie  de 
tubes  psorospermiques  intacts  et  serrés  les  uns  contre  les  au- 
tres. Dans  ces  nodules,  Leisering  (1)  n'a  pu  trouver  nulle  part  la 
moindre  fibre  musculaire  bien  conservée  :  ils  étaient  consti- 
tués uniquement  par  des  Sarcosporidies  et  du  tissu  conjonctif. 

La  forme  et  la  structure  des  tubes  ne  permettaient  pas  de 
douter  qu'il  ne  s'agît  là  de  Sarcosporidies,  Il  était  particulière- 
ment intéressant  de  les  voir  accumulées  en  si  grandes  masses 
dans  des  espaces  si  restreints  et  de  les  voir  détruire  toutes  les 
fibres  musculaires  atteintes  par  eux.  Les  parties  de  l'œsophage 
qui  semblaient  être  saines  ne  renfermaient  aucun  de  ces  para- 
sites. 

Un  professeur  de  médecine  vétérinaire  à  l'Académie  de 
Proskau,  Cari  Dammann  (2),  eut  également  l'occasion  d'obser- 
ver, chez  une  Brebis  âgée  de  neuf  ans,  des  tubes  psorosper- 
miques qui  avaient  déterminé  la  mort  de  l'animal.  L'observa- 
tion est  très  analogue  à  la  précédente  :  les  tubes  sont  égale- 
ment amassés  en  nodules  qui  siègent  le  long  de  l'œsophage, 
mais  qu'on  retrouve  aussi  à  la  base  de  la  langue  et  sur  toute 
l'étendue  du  pharynx  ;  c'est  toujours  dans  l'épaisseur  de  la 
couche  musculaire  qu'on  les  rencontre;  la  muqueuse  en  est 
complètement  dépourvue,  mais  présente  à  de  certains  endroits 


(1)  Leisering  und  Winkler,  Psorospermienkrankheit  beim  Schaafe.  Bericht 
ùber  das  Veterinàrwesen  im  Kônigreiche  Sachsen,  1865.  —  Virchow's  Archiv 
fur  patliol.  Anatomie,  XXXVII,  p.  431,  18G5. 

(2)  G.  Dammann,  Ein  Fall  von  «  Psorospermienkrankheit  »  beim  Schafe. 
Virchow's  Archiv,  XLI,  p.  283,  1867. 


58  CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 

des  lésions  secondaires,  comme  de  l'infiltration  et  de  la  rougeur. 

En  outre,  en  examinant  au  microscope  les  fibres  musculaires 
de  l'œsophage  et  du  pharynx,  on  trouve  partout  dans  leur 
intérieur  des  tubes  psorospermiques  :  il  est  très  rare  qu'on  fasse 
une  préparation  de  muscles  provenant  de  ces  organes  sans  en 
rencontrer,  ne  fût-ce  qu'un  seul.  En  maint  endroit,  notamment 
au  voisinage  immédiat  des  nodules,  on  voit  en  outre  les  tubes 
psorospermiques  se  juxtaposer  au  nombre  de  deux  ou  trois  et 
se  loger  dans  l'interstice  des  fibres  musculaires.  On  trouve 
également  ces  tubes  en  assez  grand  nombre  dans  les  muscles 
de  l'abdomen,  du  thorax  et  du  cou,  et  en  cela  l'observation  de 
Dammann  diffère  de  celle  de  Leisering  et  de  Winkler. 

Dammann  explique  la  mort  de  sa  Brebis  par  l'œdème  de  la 
glotte  qui  s'est  développé  à  la  suite  de  l'inflammation  du  pha- 
rynx; cette  inflammation  était  elle-même  la  conséquence  de  la 
présence  des  nodules  parasitaires,  qui  étaient  surtout  nom- 
breux dans  le  voile  du  palais.  Il  pense  que  la  mort  subite,  que 
Winkler  avait  constatée  chez  ses  Moutons  et  qu'il  ne  savait  à 
quelle  cause  rapporter,  était  arrivée  de  cette  même  façon. 

Siedamgrotzky  (i),  professeur  à  l'École  vétérinaire  de 
Dresde,  constata  chez  unChevald'anatomie  une  atrophie  et  une 
pâleur  anormale  de  certains  muscles  des  membres.  Ces  mus- 
cles présentaient,  surtout  dans  les  couches  superficielles,  des 
stries  blanchâtres  ayant  la  direction  des  fibres  et  correspon- 
dant à  des  Sarcosporidies  longues  de  3  à  4  millimètres.  Ces 
parasites  déterminent  par  leur  présence  une  altération  parti- 
culière du  muscle.  Les  noyaux  du  sarcolemme  se  multiplient, 
non  seulement  dans  les  fibres  atteintes,  mais  encore  dans  les 
fibres  voisines;  ces  noyaux  se  forment  comme  des  chapelets 
accolés  au  sarcolemme.  De  plus,  le  tissu  conjonctif  intermus- 
culaire prolifère  et  la  compression  qui  s'ensuit  peut  déterminer 
une  atrophie  simple  de  la  fibre  contractile.  Enfin,  à  la  longue, 
les  utricuîes  psorospermiques  peuvent  subir  la  dégénérescence 
calcaire  et  s'incruster  de  carbonate,  mais  surtout  de  phos- 
phate de  chaux. 

(1)  O.  Siedamgrotzky,  Psorospermienschltiuche  in  der  Musladatur  der 
Pferde.  Wochenschrift  fur  Thierheilkunde  und  Viehzucht,  XVI,  p.  97-101, 
1872.  Analyse  par  Zundcl  dans  le  Recueil  de  médecine  vétérinaire  (5),  IX, 
p.  4G0,  1872. 


ORDRE   DES  SARCOSPORIDIES.  59 

Le  même  auteur  a  fréquemment  observé  les  mêmes  altéra- 
tions des  muscles  sur  les  Chevaux  d'anatomie,  ainsi  que  sur  les 
Chevaux  morts  à  l'infirmerie  de  l'École  vétérinaire.  Il  a  re- 
trouvé les  Sarcosporidies  notamment  dans  la  couche  muscu- 
leuse  de  l'œsophage,  où  elles  se  présentaient  toujours  dans  les 
fibres  transversales,  sous  forme  de  stries  blanchâtres  assez 
faciles  à  distinguer  à  l'œil  nu;  ces  mêmes  productions  se  ren- 
contraient encore  dans  les  muscles  du  pharynx,  dans  les  mus- 
cles cervicaux  inférieurs  et  dans  le  diaphragme.  C'est,  en 
somme,  dans  les  muscles  des  premières  voies  digestives,  ou  à 
l'environ  de  celles-ci,  que  les  tubes  psorospermiques  se  pré- 
sentent chez  le  Cheval  :  ce  fait  indique  sans  doute  que  les  pa- 
rasites pénètrent  dans  l'économie  avec  les  aliments  solides  ou 
liquides. 

Ce  n'est  pas  seulement  chez  les  animaux  que  les  Sarcospo- 
ridées  se  peuvent  observer  :  Lindemann  (1)  a  vu  des  «  Gréga- 
rines»  déterminer  chez  l'Homme  une  hydropisie  mortelle.  Les 
parasites  s'étaient  développés  dans  les  valvules  du  cœur  et  for- 
maient des  amas  longs  de  3  millimètres,  larges  de  lmm,5  et  ayant 
l'aspect  de  noyaux  brunâtres.  Par  suite  de  leur  multiplica- 
tion (?),  ils  avaient  envahi  peu  à  peu  le  tissu  conjonctif  des  val- 
vules et  en  avaient  altéré  la  structure.  L'élasticité  des  valvules 
diminuant,  celles-ci  se  trouvèrent  incapables  de  suppo  rter  la 
pression  sanguine  :  de  là  des  déchirures,  des  stases  consécu- 
tives dans  la  circulation  et  finalement  une  hydropisie  générale. 
Dans  un  autre  cas,  Lindemann  a  trouvé  ces  mêmes  parasites 
dans  le  tissu  même  du  muscle  cardiaque.  Nous  pensons  qu'il 
s'agit,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  de  Sarcosporidées  du  groupe  des 
Miescheria. 

Le  travail  de  Lindemann  ne  nous  est  connu  que  par  le  com  pte 
rendu  qu'en  a  publié  Beaunis.  En  l'absence  du  texte  original 
ou  de  tout  dessin  représentant  les  productions  qu'a  rencon- 
trées notre  auteur,  il  serait  téméraire  d'affirmer  sans  restriction 
qu'il  s'agit  là  de  Sarcosporidies.  Mais,  si  nous  ne  pouvons  don- 
ner de  ce  fait  une  démonstration  péremptoire,  de  sérieuses 
considérations  le  rendent  du  moins  très  probable. 

(I)K. Lindemann,  Ueberdie  hygienische  Bedeutung  der  Gregarinen. Deutsche 
Zeitschrift  fur  Staatsarzneikunde,  1868.  Analyse  par  Beaunis  dans  Gazette  méd. 
de  Paris,  p.  86,  1870. 


60  CLASSE   DES  SP0R0Z0AIRES. 

Les  Sarcosporidies  ont  été  signalées  chez  desMammifères  assez 
variés  d'espèce  et  de  régime  pour  qu'on  puisse  affirmer  que 
l'Homme  n'est  point  à  l'abri  de  leur  atteinte  :  s'il  est  vrai, 
comme  tout  autorise  à  le  croire,  que  ces  parasites  arrivent  dans 
l'organisme  parla  voie  du  tube  digestif,  leur  plus  grande  rareté 
chez  l'Homme  s'explique  par  les  préparations  culinaires  que 
celui-ci  fait  subir  à  ses  aliments.  A  un  autre  point  de  vue,  la 
fréquence  avec  laquelle  ces  tubes  se  rencontrent  dans  le  myo- 
carde, chez  les  animaux,  indique  suffisamment  qu'il  en  peut  être 
de  même  chez  l'Homme.  On  ne  saurait  objecter  que  Linde- 
mann  les  a  rencontrés  aussi  dans  le  tissu  des  valvules  du  cœur, 
puisque  von  Hessling  les  a  décrits  et  figurés  lui-même  en 
dehors  du  muscle  cardiaque,  dans  les  fibres  de  Purkinje. 

Sarcocystis  Miescheri  Ray  Lankester,  1882. 
Synonymie  :  Synchytnum  mischerianum  Ktihn,  1865. 

11  n'est  peut-être  pas  d'animal  dans  les  muscles  duquel  les 
Sarcosporidies  soient  plus  nombreuses  que  chez  le  Porc.  Depuis 
que  Rainey  les  y  a  rencontrées  pour  la  première  fois,  en  1858, 
un  grand  nombre  d'observateurs  ont  porté  sur  elles  leurs  inves- 
tigations :  aussi  la  Sarcosporidie  du  Porc  est-elle  assez  bien 
connue,  grâce  aux  observations  de  Leuckart  et  de  Manz. 

Le  parasite  est  délimité  par  une  épaisse  cuticule,  que  tra- 
versent de  nombreux  canalicules  poreux  (fig.  36).  Rainey  pen- 
sait que  cette  cuticule  était  couverte  de  poils  ou  bâtonnets 
longs  d'à  peu  près  12  (x,  mais  Leuckart  a  montré  que  l'aspect 
décrit  par  Rainey  tient  à  une  désagrégation  de  la  cuticule, 
comme  cela  se  voit  d'ailleurs  pour  le  plateau  des  cellules  épi- 
théliales  de  l'intestin. 

Le  kyste  peut  atteindre  jusqu'à  2  et  3  millimètres  de  lon- 
gueur; sa  largeur  est  de  0,08  à  0,3  millimètres.  Il  est  effilé  à  ses 
deux  extrémités  et  souvent  à  une  seule;  en  cet  endroit,  la 
membrane  semble  s'être  écartée  légèrement  de  son  contenu,  de 
manière  à  laisser  de  part  et  d'autre  un  espace  conique  dans 
lequel  on  ne  trouve  pas  de  corpuscules  réniformes,  mais  seule- 
ment des  granules  brillants.  Cet  aspect,  mentionné  pour  la  pre- 
mière fois  par  J.  Kiïhn,  puis  décrit  avec  soin  par  W.  Manz,  a  été 


ORDRE  DES  SARCOSPORIDIES. 


Gi 


retrouvé  par  le  professeur  Laulanié,  de  l'Ecole  vétérinaire  de 
Toulouse,  sur  de  la  viande  de  Porc,  saisie  à  l'abattoir  de  Nice  : 
l'enveloppe  du  kyste  se  con- 
densait aux  extrémités  sous 
forme  de  deux  pointes  aiguës. 

Le  contenu  des  kystes  est 
d'abord  constituéparunemasse 
sarcodique  homogène;  celle-ci 
se  fractionne  bientôt  en  un  cer- 
tain nombre  de  spores  qui,  ser- 
rées fortement  les  unes  contre 
les  autres,  s'aplatissent  réci- 
proquement et  prennent  une 
forme  polygonale,  mais  qui, 
isolées  les  unes  des  autres, 
prennent  une  forme  sphérique, 
ainsi  que  cela  se  voit  au  niveau 
de  la  déchirure  qui  a  été  prati- 
quée dans  la  membrane  d'en- 
veloppe. Les  spores  sont  d'a- 
bord homogènes,  avec  noyau  ; 
plus  tard,  elles  montrent  une 
paroi  nette  et  leur  masse  se 
segmente  en  corpuscules  réni- 

formes.  Par  la  suite,  les  spores  se  rompront  et  les  corpuscules 
deviendront  libres  dans  le  kyste  qui  les  renferme  :  c'est  ce  stade 
que  Leuckart  a  décrit  et  figuré  dans  le  muscle  du  Porc  (fig.  37). 

En  raison  de  l'épaisseur  considérable  et  de  la  structure 
poreuse  de  sa  membrane  d'enveloppe,  la  Sarcosporidie  du  Porc 
ne  saurait  être  confondue  avec  les  productions  similaires  qui, 
comme  elle,  siègent  à  l'intérieur  des  fibres  musculaires  striées, 
mais  sont  pourvues  d'une  enveloppe  mince  et  anhiste.  Elle  doit 
donc  devenir  le  type  d'un  genre  Sarcocystis,  les  Sarcosporidies 
à  membrane  mince  et  anhiste  prenant  le  nom  de  Miescherla. 

Les  Sarcocystis  se  rencontrent  surtout  chez  le  Porc,  mais  on 
en  connaît  aussi  chez  d'autres  animaux  :  Beale  en  a  observé 
chez  le  Bœuf  et  le  Mouton  et  Ratzel  chez  le  Magot.  Chez  ce 
dernier,  les  kystes  étaient  répartis  également  dans  toutes 
les  parties  du  système  musculaire  qui  ont  été  étudiées;  on 


Fig.  30.  —  Tube  psorospermique  du 
diaphragme  du  Porc,  d'après  Manz. 
L'enveloppe  s'est  rompue.  A  droite, 
on  voit  quelques  corpuscules  falci* 
formes  isolés. 


62 


CLASSE  DES  SP0R0Z0A1RES 


trouvait  en  moyenne  un  kyste  par  centimètre  carré  de  muscle  : 
les  muscles  en  étaient  donc  littéralement  farcis.  Dans  les 
muscles  du  bassin  et  dans  ceux  du  siège,  ils  étaient  encore  plus 
abondants  et  il  est  vraisemblable  que  la  paralysie  dont  le  Singe 
était  atteint  depuis  plusieurs  semaines,  au  dire  de  ses  gar- 
diens, reconnaissait  pour  cause  ces  productions  parasitaires. 
La  plupart  des  auteurs  s'accordent  à  considérer  les  Sarco- 
sporidies  du  Porc  comme  des  parasites  inoffensifs,  ne  détermi- 


B 


Fig.  37.  —  Psoro  s  permies  des  muscles  du  Porc,  d'après  Leuckart.  — 
A,  grossies  40  fois;  B,  fibre  musculaire  contenant  un  tube  psorosper- 
mique,  grossie  100  fois  ;  G,  corpuscules  réniformes  isolés. 


nant  aucune  lési  on  du  muscle  qui  les  héberge.  Chez  le  Porc 
observé  par  Laulanié,  ils  avaient  au  contraire  déterminé  des 
altérations  assez  graves  pour  qu'on  en  prononçât  la  saisie.  Le 
tissu  musculaire  était  criblé  de  granulations  fusiformes,  jaunâ- 
tres, grosses  comme  une  tête  d'épingle  et  disposées  souvent  en 
séries  de  deux  ou  trois  dans  le  sens  des  fibres  musculaires. 
L'examen  microscopique  a  permis  de  constater  que  le  muscle 
était  partout  frappé  de  myosite  interstitielle  diffuse.  Mais  cette 
myosite  (que  Laulanié  a  pu  voir  également  chez  le  Cheval,  dans 


ORDRE    DES  SARCOSPORIDIES.  6!{ 

un  cas  du  même  genre)  se  concentrait  en  certains  points  et  re- 
vêtait la  forme  nodulaire,  de  manière  à  simuler  des  granulations 
tuberculeuses.  Au  fur  et  à  mesure  qu'elles  grossissent,  ces  gra- 
nulations empiètent  sur  le  tissu  musculaire,  dont  elles  englo- 
bent et  détruisent  progressivement  les  fibres.  Le  fait  que  ce  pro- 
cessus pathologique  tient  à  la  présence  des  Sarcosporidies  se 
trouve  démontré  par  l'examen  de  préparations  sur  lesquelles 
on  voit  des  granulations  à  leur  début,  qui  possèdent  en  leur 
centre  un  sac  psorospermique. 

Les  Sarcosporidies  qui  se  développent  en  dehors  du  tissu 
musculaire  ont  été  signalées  par  nous  pour  la  première  fois. 
Elles  forment  un  groupe  naturel  et  diffèrent  par  plus  d'un  point 
des  Sarcosporidies  des  muscles.  Nous  en  formons  le  genre 
Balbiania,  en  l'honneur  du  savant  professeur  du  Collège  de 
France,  dont  les  travaux  ont  fait  faire  un  pas  si  décisif  à  l'his- 
toire des  Sporozoaires. 

Balbiania  mucosa  R.  Bl  ,  1885. 

Nous  avons  rencontré  cette  Sarcosporidie  chez  un  Kanguroo 
des  rochers  (Macropus  penicillatus),  mort  au  Jardin  d'acclima- 
tation. On  trouvait  çà  et  là  dans  le  gros  intestin,  sauf  dans  le 
cœcum,  de  petits  points  blancs,  de  la  taille  d'un  grain  de  mil- 
let, qui  faisaient  saillie  à  la  surface.  Chacun  de  ces  points  blancs 
correspondait  à  un  kyste,  dont  le  siège  mérite  de  fixer  l'atten- 
tion. Les  kystes,  au  nombre  de  plus  de  cinquante,  que  nous 
avons  enlevés,  occupaient  tous  la  couche  sous-muqueuse  ;  aucun 
d'eux  n'empiétait  d'une  façon  quelconque  sur  la  couche  mus- 
culaire du  gros  intestin  et  les  investigations  auxquelles  nous 
nous  sommes  livrés,  à  la  recherche  des  tubes  de  Miescher  dans 
les  divers  points  du  système  musculaire  strié,  sont  demeurées 
vaines  :  nulle  part  les  muscles  ne  renfermaient  de  Psorosper- 
mies,  partout  ils  présentaient  un  aspect  normal. 

Le  kyste  est  situé  au  milieu  même  de  la  couche  conjonctive 
sous-muqueuse  :  celle-ci  l'enserre  de  toutes  parts  et  s'est  con- 
densée à  son  voisinage.  Contrairement  aux  tubes  de  Miescher, 
qui  sont  d'ordinaire  notablement  plus  longs  que  larges,  ses  deux 
diamètres  ne  sont  pas  très  différents  l'un  de  l'autre, et  il  présente 
assez  volontiers   une  forme   subsphérique.    Ses    dimensions 


64  CLASSE  DES  SPORÔZOAIRES. 

extrêmes  sont  de  0mm,71  à  ihm,23  pour  la  longueur  et  de  0mm,56 
à  0mm,93  pour  la  largeur. 

11  convient  sans  doute  de  ne  pas  attacher  trop  d'importance 
aux  différences  que  présentent  entre  eux  les  deux  diamètres  du 
kyste,  suivant  qu'on  examine  des  Sarcosporidies  des  muscles  ou 
la  Sarcosporidie  sous-muqueuse  du  Kanguroo.  Si  la  première 
est  beaucoup  plus  longue  que  large,  si  la  seconde  se  rapproche 
de  la  forme  sphérique,  cela  tient,  pensons-nous,  à  une  sorte 
d'adaptation  au  milieu.  Dans  le  muscle,  le  sens  de  la  moindre 
résistance  coïncide  avec  la  direction  des  fibres  musculaires  :  de 
là  l'étirement  considérable  des  tubes  psorospermiques;  dans  la 
muqueuse  de  l'intestin,  le  tissu  se  laisse  refouler  au  contraire 
à  peu  près  aussi  facilement  dans  tous  les  sens  :  de  là  la  forme 
plus  condensée  du  kyste. 

La  paroi  du  kyste  est  d'une  minceur  extrême  ;  elle  mesure 
au  plus  0,7  (x  d'épaisseur.  Elle  se  colore  fortement  en  rouge 
par  le  carmin  et,  de  cette  manière,  se  différencie  aisément  du 
tissu  conjonctif  condensé  qui  se  trouve  à  son  contact  :elle  est 
parfaitement  anhiste,  partout  d'égale  épaisseur  et  ne  présente 
nulle  part  ni  revêtement  de  cirrhes  ni  canalicules  poreux. 

Le  contenu  du  kyste  se  présente  sous  un  curieux  aspect  :  il 
est  formé  d'un  réticulum  dont  les  mailles  sont  de  taille  très  iné- 
gale suivant  le  point  où  les  examine  ;  très  petites  au  centre 
(fig.  38,  a),  elles  deviennent  d'autant  plus  larges  qu'on  se  rap- 
proche davantage  de  la  périphérie.  La  transition  ne  se  fait  du 
reste  pas  d'une  façon  insensible,  mais  plus  ou  moins  brusque- 
ment; à  côté  des  mailles  les  plus  petites,  a,  on  en  trouve  dont 
les  dimensions  sont  notablement  plus  grandes,  6,  puis  celles-ci 
se  rattachent  par  des  mailles  encore  plus  larges  aux  mailles  pé 
riphériques,  c,  qui  sont  les  plus  vastes  de  toutes. 

La  forme  de  ces  mailles  est  irrégulière  :  parmi  les  plus  petites, 
les  unes  sont  arrondies  et  ont  un  diamètre  de20  [x,  les  autres  sont 
oblongues,  à  grand  axe  dirigé  dans  le  sens  du  rayon,  et  mesu- 
rent 28  [x  sur  42  jx  ;  d'autres  mesurent  28  jx  sur  55  fx,  d'autres 
30  jx  sur  65  jx,  d'autres  encore  25  à  28  [x  sur  80  jx.  Si  on  s'éloigne 
du  centre,  on  rencontre  des  mailles  plus  larges  encore,  et  fina- 
lement on  trouve  à  la  périphérie  des  loges  dont  les  chiffres  sui- 
vants feront  connaître  les  dimensions  :  45  [x  sur  170  p,  56  (x  sur 
165  jx,70|xsur  185  (x,  85  fx  sur  310  (x,  108  jx  sur  240  (x.  11  est  malj 


OUDRli   DES  SAKCOSPOMDIES. 


65 


aisé  de  donner  de  ce  réseau  une  description  qui  s'applique  à 
tous  les  kystes  ;  l'examen  de  la  figure  38  donnera  une  idée  exacte 
de  sa  disposition  générale. 

Au  premier  abord,  il  semble  que  l'intérieur  du  ky>te  soit  di- 
visé par  des  cloisons  anastomosées  entre  elles  et  continues  les 
unes  avec  les  autres.  Mais  une  étude  plus  attentive  permet  de 
constater  qu'il  n'en  est  pas  ainsi.  On  doit  imaginer  que  la  ca- 
vité kystique  est  remplie  de  vésicules  de  taille  très  inégale, 
fortement  déprimées  par  pression  réciproque  et  limitées  cha- 
cune par  une  membrane  anhiste  et  délicate,  que  le  carmin  co- 
lore en  rouge.  Les  membranes  des  diverses  vésicules  s'aggluti- 


Fig.  38.  —  Balbiania  mucosa.  —  a,  spores  centrales  à  protoplasma  granuleux; 
à,  spores  moyennes,  dans  lesquelles  les  corpuscules  réniformes  commencent 
à  se  former  ;  c,  grandes  spores  périphériques  remplies  de  corpuscules  et 
formées  par  la  résorption  des  parois  ci  ;  e,  corpuscules  réniformes  isolés. 


nent  entre  elles  sur  toute  l'étendue  de  leur  contact,  à  tel  point 
qu'elles  semblentneformerqu'unecloisonhomogène,  mais,  dans 
les  angles  et  là  où  plusieurs  vésicules  viennent  à  se  rencontrer, 
il  n'est  pas  très  rare  de  les  voir  se  séparer  légèrement  et  laisser 
entre  elles  un  méat  de  très  petites  dimensions.  En  tout  cas, 
l'adhérence  réciproque  de  ces  membranes  est  toujours  si  in- 
time que,  même  lorsque  la  paroi  du  kyste  a  été  dilacérée,  les 
vésicules  sont  incapables  de  se  séparer  les  unes  des  autres, 
comme  c'est  le  cas  pour  Sarcocystis  Miescheri. 

Nous  avons  dit  que  les  spores  sont  de  taille  très  inégale,  les 
plus  grandes  étant  à  la  périphérie,  les  plus  petites  étant  au 
centre.  Cela  tient  à  un  phénomène  dont  nous  avons  reconnu 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  5 


66  CLASSE  DES  SPOROZOAIRES. 

l'existence  chez  Miesche?na  Hueti  :  au  début,  toutes  les  spores 
sont  à  peu  près  de  dimensions  égales  et  chacune  d'elles  ren- 
ferme une  simple  masse  protoplasmique;  mais  bientôt  les  cor- 
puscules réniformes  commencent  à  prendre  naissance,  et  leur 
formation  est  centripète.  En  effet,  les  spores  périphériques  sont 
toujours  notablementplus  mûres  que  les  spores  centrales;  tandis 
que,  sur  la  plupart  des  kystes,  celles-ci  sont  encore  remplies  d'une 
masse  granuleuse  dans  laquelle  on  ne  distingue  ni  corpuscules 
arrondis  ni  corpuscules  réniformes,  celles-là  renferment  au  con- 
traire exclusivement  des  corpuscules  réniformes  et  sont  limitées 
par  des  cloisons  plus  minces.  Il  est  donc  certain  que  la  produc- 
tion des  corpuscules  réniformes,  organismes  reproducteurs, 
débute  parla  périphérie  et  s'étend  peu  à  peu  vers  le  centre  :  en 
même  temps,  les  vésicules  crèvent  les  unes  dans  les  autres,  par 
suite  de  la  résorption  de  leurs  parois,  d,  et  c'est  ainsi  qu'on  doit 
expliquer  l'existence  de  vastes  loges  à  la  périphérie,  alors  que  la 
région  centrale  est  encore  occupée  par  des  vésicules  de  petites 
dimensions.  Ce  processus  se  poursuivant,  on  arrive  à  un  état  dans 
lequel  le  tube  psorospermique  est  représenté  par  un  simple  sac 
bourré  de  corpuscules  réniformes,  e,  et  dans  l'intérieur  duquel 
on  ne  trouve  plus  de  réticulum  ou  de  vésicules  d'aucune  sorte. 
Il  est  hors  de  doute  que  les  corpuscules  réniformes  des  Sar- 
cosporidies  sont  les  équivalents  des  corpuscules  falciformes  des 
Coccidies  :  comme  ceux-ci,  ils  représentent  donc  l'organisme 
reproducteur.  Les  observations  actuelles  montrent  que  l'état 
de  kyste  à  spores  ou  à  corpuscules  libres  est  l'état  ultime  que 
la  Sarcosporidie  puisse  acquérir  chez  son  hôte.  Que  deviendra- 
t-elle  par  la  suite?  Doit-elle  être  ingérée  par  un  autre  animal, 
en  même  temps  que  les  viandes  qui  la  contiennent?  Gela  est 
peu  probable,  car  on  ne  peut  expliquer  de  la  sorte  ce  fait  que 
les  Sarcosporidies  se  rencontrent  surtout  chez  les  herbivores 
et  les  omnivores;  une  semblable  explication  ne  serait  manifes- 
tement valable  que  pour  les  carnivores.  Du  reste,  Manz  a  fait  avaler 
sans  succès  à  des  animaux  de  la  chair  remplie  de  psorospermies. 
Lessporesou  les  corpuscules  réniformes,  mis  en  liberté  par  putré- 
faction du  muscle,  après  la  mort  de  l'animal,  sont-ils  suscep- 
tibles de  rester  plus  ou  moins  longtemps  eu  vie  latente,  et  ren- 
trent ils  chez  un  nouvel  hôte  soit  avec  l'eau  de  boisson,  soit  avec 
les  aliments,  soit  avec  l'air  inspiré?  Cette  supposition  est,  dans 


ORDRE   DES  SARCOSPORIDIES.  67 

l'état  actuel,  la  seule  que  l'on  puisse  émettre,  mais  il  faut  recon- 
naître que  des  expériences  positives  font  complètement  défaut. 

Le  tube  digestif  est  la  voie  par  laquelle  le  parasite  s'introduit 
normalement  dans  l'organisme.  La  présence  de  Dalbiania  mu- 
cosa  dans  la  muqueuse  du  gros  intestin  suffirait  à  le  démon- 
trer. De  même,  les  Miescheria  et  les  Sarcocystis  se  rencontrent 
surtout  dans  les  muscles  qui  avoisinent  le  canal  digestif,  le  dia- 
phragme, le  psoas,  la  langue,  l'œsophage. 

On  n'a  pas  encore  été  témoin  des  migrations  des  Sarcospori- 
dies, mais  ce  que  nous  savons  des  Grégarines  et  surtout  des 
Coccidies  nous  permet  d'affirmer  que,  parvenus  dans  l'intestin, 
les  corpuscules  réniformes  deviennent  amiboïdes  et  peuvent 
de  la  sorte  accomplir  des  migrations  jusque  dans  le  milieu  qui 
leur  convient.  La  possibilité  pour  les  corpuscules  réniformes  de 
devenir  amiboïdes  est  actuellement  indiscutable  :  Waldeyer  l'a 
observée  et  a  vu  les  corpuscules  rester  en  cet  état  pendant  deux 
heures  ;  placés  sur  un  terrain  favorable,  c'est-à-dire  sur  la  mu- 
queuse digestive,  nul  doute  qu'ils  y  fussentrestéspluslongtemps 
encore.  Virchow  a  pu  constater  aussi  les  mouvements  amiboïdes 
des  corpuscules  réniformes  :  ces  corpuscules,  dit  il,  «se  meuvent 
d'abord  dans  le  liquide  et  changent  de  forme,  par  suite  de  la 
formation  de  saillies  et  d'excroissances.  »  Pagenstecher  dit  les 
avoir  vus  lui-même  accomplir  de  lents  changements  de  forme. 

Arrivés  dans  le  lieu  de  l'organisme  qui  est  propice  à  leur  dé- 
veloppement, ces  petits  corps  amiboïdes  s'arrêtent,  s'entourent 
d'une  membrane  d'enveloppe,  et  grossissent  considérablement 
avant  de  pouvoir  se  fractionner,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  plus 
haut.  A  partir  du  moment  où  le  fractionnement  commence,  on 
assiste  à  la  répétition  des  phénomènes  que  nous  avons  décrits. 

Quant  à  l'importance  pathogénique  des  Sarcosporidies,  elle 
est  suffisamment  démontrée  par  les  diverses  observations  que 
nous  avons  rapportées  plus  haut.  On  voit  que  ces  parasites 
sont,  comme  la  Goccidie  du  foie,  capables  de  causer  la  mort. 

Les  affinités  des  Sarcosporidies  ne  sauraient  être  douteuses  : 
elles  sont  étroitement  apparentées  aux  Coccidies,  plus  particu- 
lièrement aux  Polysporées  (Klossia).  Elles  ne  diffèrent  des  Coc- 
cidies polysporées  que  par  des  détails  secondaires,  tels  que  la 
taille  et  l'habitat.  Les  Klossia,  en  effet,  sont  des  Coccidies,  en  ce 
qu'elles  se  développent  à  l'intérieur  de  cellules  épithéliales  et 


68  CLASSE  DES  FLAGELLES. 

en  ce  qu'elles  sont  d'assez  petite  taille  pour  se  loger  dans  l'une 
de  ces  cellules;  mais  on  pourrait  avec  tout  autant  de  raison  les 
rattacher  aux  Sarcosporidies,  en  considérant  que  leur  spore  est 
arrondie,  de  grandes  dimensions  et  non  naviculaire,  et  qu'à  son 
intérieur  se  forment  un  grand  nombre  de  corpuscules  réni- 
formes,  identiques  aux  corpuscules  des  Sarcosporidies,  mais 
différant  notablement  des  corpuscules  falciformes  des  Gocci- 
dies  vraies,  par  exemple  de  Coccidium  ovi forme. 

Dans  cette  opinion,  on  ne  saurait  être  surpris  de  voir  une 
Sarcosporidie  se  développer  au  sein  des  cellules  épithéliales.  La 
localisation  absolue  des  Coccidies  et  des  Sarcosporidies  n'existe 
point,  quoi  qu'on  en  ait  dit  :  si  les  premières  se  logent  le  plus 
ordinairement  dans  les  éptithéliums,  il  n'est  pourtant  point 
rare  de  les  trouver  aussi  dans  le  chorion  des  muqueuses;  et  si 
les  secondes  sont  parasites  des  fibres  musculaires  striées,  on 
peut  parfois  les  rencontrer  également  dans  l'épaisseur  des  mu- 
queuses ;  il  ne  serait  pas  surprenant  d'observer  encore  des 
formes  de  petite  taille,  vivant  dans  les  cellules  épithéliales.  C'est 
ainsi  que,  par  l'intermédiaire  des  Klossia,  les  Sarcosporidies  se 
rattachent  étoitement  aux  Coccidies. 

R.  Blanchard,  Sur  un  nouveau  type  de  Sarcosporidies.  Comptes  rendus  de 
la  Société  de  biologie,  p.  417,  1885.  —  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  scien- 
ces, C,  p.  1599,  29  juin  1885.  —  R.  Blanchard,  Note  sur  les  Sarcosporidies  et 
sur  un  essai  de  classification  de  ces  Sporozoaires.  Bulletin  de  la  Société  zoolo- 
gique de  France,  X,  p.  244,  1885. 

CLASSE  DES  FLAGELLÉS 

Les  Flagellés  forment  un  groupe  nombreux  d'animaux  dont 
quelques-uns  peuvent  présenter  un  notable  degré  de  compli- 
cation, mais  dont  les  formes  les  plus  simples  {Mastigamœba  as- 
pera,  Ccrcomonas  ramufosa)  ont  tant  de  ressemblance  avec  les 
'  Amibes,  qu'on  pourrait  sans  inconvénient  les  rattacher  à  celles- 
ci.  Ces  faits,  joints  à  d'autres  qui  trouveront  leur  place  par  la 
suite,  rendent  manifestes  les  relations  qu'affectent  entre  eux 
ces  deux  groupes  de  Protozoaires. 

Quelle  que  soit  leur  forme,  quel  que  soit  leur  degré  de  com- 
plication, les  Flagellés  sont  tous  reconnaissables  à  ce  que  leurs 
organes  de  locomotion  ou  de  préhension  des  aliments  (chez  les 
formes  sédentaires)  sont  constitués  par  un  ou  plusieurs  longs 


TRYPANOSOMA  SANGUIMS. 


G9 


filaments  ou  flagellums,  animés  d'un  mouvement  très  rapide  : 
ils  sont  toujours  dépourvus  de  cils,  rryais  peuvent  être  parfois 
plus  ou  moins  amiboïdes  ou  être  ornés  de  membranes  ondulantes. 
On  rencontre  parmi  eux  un  certain  nombre  de  formes  parasites. 


Trypanosoma  sanguinis  Gruby,  1843. 

Synonymie:  Paramecium  loricatum  Mayer,  18i3. 
Amœba  rotatoria  Mayer,  1843. 
Globularia  radiata  Wedl,  1849. 
?  Paramecium  costatum  Chaussât,  1850. 
Undulina  ranarum  Ray  Lankestcr,  1871. 
? Paramecioides  costatus  Grassi,  1882. 
Hsematomonas  Mitrophanow,  1883. 

En  1843,  Gruby  trouva  dans  le  sang  de  Grenouilles  vivantes 
et  adultes,  au  printemps  et  en  été,  un  organisme  allongé, 
aplati,  transparent  et  con- 
tourné trois  ou  quatre  fois  sur 
lui-mêmecommeun  tire-bou- 
chon (fig.  39).  Sa  longueur va- 
riaitentre  40  et80(x,  sa  largeur 
entre  5  et  10  (x.  L'un  de  ses 
bords  était  lisse,  l'autre  était 
au  contraire  dentelé  en  sciesur 
toute  son  étendue.  Le  corps 
enfin  se  terminait  à  chacune  de 
ses  extrémités  par  un  filament 
effilé  :  l'antérieur  était  le  plus 
mobile  et  mesurait  10  à  12  p 
de  longueur. 

L'organisme  ainsi  constitué 
présente  un  genre  de  locomo- 
tion des  plus  remarquables. 
Il  progresse  en  accomplissant 
un  mouvement  de  vis  et  ac- 
complit à  la  seconde  quatre 
rotations  complètes  autour 
de  son   axe,   ce   qui  fait    un 


Fig.  39.  —  Trypanosoma  sanguinis, 
d'après  Gruby. 

total  de    14  400   révolutions   à 


l'heure.  A  l'état  de  repos,  il  est  doué  d'actifs  mouvements 
amiboïdes  et  présente  des  aspects  variés.  Cet  être  n'est  pas  très 


70  CLASSE   DES   FLAGELLÉE 

fréquent  :  sur  100  Grenouilles,  Gruby  ne  le  trouve  que  chez  deux 
ou  trois,  et  chaque  goutle  de  sang  n'en  renferme  également  que 
deux  ou  trois;  il  ne  le  voit  pas  chez  les  jeunes  animaux  et  le 
rencontre  plus  souvent  chez  la  femelle  que  chez  le  mâle. 

En  1850,  J.-B.  Chaussât,  dans  un  travail  méconnu,  confirme 
la  découverte  de  Gruby. 

Ray  Lankester,  en  1871,  retrouva  cet  organisme  dans  le  sang 
de  la  Grenouille.  Le  croyant  nouveau,  il  lui  donna  le  nom 
d' Undulina  ranarum  et  le  décrivit  comme  un  corps  comprimé, 
étalé  en  éventail,  strié  longitudinalement  à  sa  surface  et  muni 
d'un  noyau  volumineux,  ovoïde,  mais  dépourvu  de  vacuoles 


Fig.  40.  —  Trypanosoma  sanguinis,  d'après  Ray  Lankester. 

contractiles  ainsi  que  de  bouche.  A  l'une  de  ses  extrémités, 
l'animalcule  présente  un  prolongement  susceptible  de  s'étirer 
beaucoup  et  de  se  transformer  en  un  flagellum  mobile,  à  peu 
près  aussi  long  que  le  corps  (fig.  40). 

Plus  tard,  Gaule  émit  à  l'égard  des  Trypanosomes  une  opi- 
nion singulière  :  pour  lui,  il  ne  s'agirait  point  là  de  parasites, 
mais  de  simples  leucocytes,  dont  il  aurait  pu  suivre  sous  le  mi- 
croscope la  transformation  en  Trypanosomes;  inversement,  les 
Trypanosomes  pourraient  redevenir  des  globules  blancs.  Cette 
opinion  n'eut  d'autre  défenseur  que  son  auteur  même  et  fut 
combattue  au  contraire  par  tous  les  naturalistes. 

Le  Trypanosome  fut  observé  encore  par  Grassi,  non  seulement 
chez  la  Grenouille,  mais  encore  chez  la  Rainette  et  le  Crapaud. 


TRYPANOSOMA   SANGU1NIS.  71 

Cet  auteur  a  vu  dans  le  sang  de  la  Grenouille  des  formes  qui 
pourraient  bien  représenter  l'état  jeune  du  parasite  :  ce  sont 
des  corps  globuleux,  à  la  surface  desquels  on  voit  prendre 
naissance  une  très  étroite  membrane  ondulante,  qui  finit  libre- 
ment par  un  flagellum.  Grassi  décrit  encore  dans  le  sang  de  la 
Grenouille  un  organisme  auquel  il  donne  le  nom  de  Paramecioides 
costatus.  Il  est  possible  que  ce  soit  là  une  simple  forme  du  Trypa- 
nosome  :  les  mouvements  amiboïdes  dont  peutêtre  doué  celui-ci 
suffisent  à  expliquer  l'absence  du  flagellum  et  la  forme  spéciale  ; 
il  est  en  tout  cas  identique  à  Paramecium  costatum  Chaussât. 

Nous  avons  pris  pour  type  des  Trypanosomes  celui  des  Batra- 
ciens, parce  qu'il  est  le  mieux  connu  ;  mais  ces  parasites  ne  sont 
point  spéciaux  à  cette  classe  de  Vertébrés.  A.-F.-J.-C.  Mayer  et 
Chaussât  avaient  observé  déjà,  l'un  dans  le  sang  de  Cyprinus 
caramus,  l'autre  dans  le  sang  du  Barbeau  de  la  Seine,  des  Try- 
panosomes que  Mitrophanow  retrouva  récemment  chez  Cobitis 
fossilis  et  Carassius  vulgaris  et  qu'il  appela  Hœmatomonas  (H. 
cobitis  et  H.  Carassii)',  Mayer  les  avait  appelés  Amœba  rotaturia. 
Le  sang  des  Ghéloniens  peut  également  renfermer  de  semblables 
parasites,  comme  l'ont  montré  Leydig  et  Kunstler.  Enfin,  ce  qui 
doit  nous  intéresser  bien  davantage,  c'est  de  constater  leur  pré- 
sence dans  le  sang  des  Mammifères  :  Kunstler  les  a  encore  obser- 
vés dans  le  sang  du  Cobaye,  et  c'est  peut-être  également  à  un 
Trypanosome  qu'il  faut  rapporter  le  parasite  découvertàGalcutta 
par  Lewis,  dans  le  sang  de  Mus  decumanus  et  de  Mus  rufescens. 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  le  sang  que  vivent  les  Trypa- 
nosomes :  on  les  peut  rencontrer  encore  en  divers  points  de 


Fig.  41.  —  Trypanosoma  Balbianii,  d'après  Certes. 

l'appareil  digestif.  Certes  a  décrit  sous  le  nom  de  Trypanosoma 
ftalbianii  un  parasite  de  l'intestin  de  l'Huître  :  c'est  un  orga- 


72  CLASSE   DES  FLAGELLÉS. 

nisme  long  de  40  à  120  p,  large  de  1  à  3  p,  sur  lequel  les  réac- 
tifs font  apparaître  une  crête  délicate  :  il  se  meut  en  vrille  avec 
une  extrême  vitesse  et  semble  se  reproduire  par  division  lon- 
gitudinale (fig.  41).  Enfin,  Eberth,  en  1861,  a  trouvé  dans 
l'intestin  de  divers  Oiseaux  (Poule,  Perdrix,  Oie,  Canard)  un 
organisme  aplati,  long  de  12  à  14  p,  large  de  6  à  8  p,  auquel 
Saville  Kent  donne  le  nom  de  Tr.  Eberthi  :  peu  abondant  dans 
le  contenu  de  l'intestin,  il  pullule  au  contraire  dans  la  lumière 
des  glandes  de  Lieberkiihn.  Ajoutons  toutefois  que  ce  dernier 
organisme  a  été  revu  par  Kiïnstler,  qui  le  considère  comme  une 
Trichomonade  à  membrane  ondulante  élevée  et  très  plissée. 

Gruby,  Sur  une  nouvelle  espèce  d'hématozoaire,  Trypanosoma  snnguinis, 
Comptes  rendus,  XVII,  p.  1134,  1843.  Annales  des  se.  nat.  zool.,  (3),  I,  p.  104. 
1844. 

J.  B.  Chaussât,  Recherches  microscopiques  appliquées  à  la  pathologie.  —  Des 
hématozoaires.  Thèse  de  Paris,  1850. 

E.  Ray  Lankester,  On  Vndulina,  the  type  of  a  new  groupe  of  Infusoria. 
Quart,  journ.  of  micr.  science,  (2),  XI,  p.  387,  1871. 

A.  Râttig,  Ueber  Parasiten  des  Froschblutes.  Inaug.  diss.  Berlin,  1875. 

T.  R.  Lewis,  Flagellated  organism  in  the  blood  of  healthy  rats.  Quarterly 
journal  of  micr.  science,  (2),  XIX,  p.  109,  1879. 

J.  Gaule,  Beobachtungen  der  farblosen  Elemente  des  Froschblutes.  Arehiv 
fur  Physiologie,  p.  375,  1880. 

A.  Certes,  Note  sur  les  parasites  et  les  commensaux  de  l'Huître.  Bull,  de  la 
Soc.  zool.  de  France,  VII,  p.  347,  1882. 

B.  Grassi,  Sur  quelques  Protistes  endoparasites  appartenant  aux  classes  des 
Flagellata,  Lobosa,  Sporozoa  et  Ciliata.  Archives  ital.  de  biologie,  II,  p.  402, 
1882  et  III,  p.  23,  1883. 

P.  Mitrophanow,  Beitràge  zur  Kenntniss  der  Hâmafozoen.  Biolog.  Gentral- 
blatt,  III,  p.  35,  1883. 

J.  Kunstler,  Recherches  sur  les  Infusoires  parasites.  Sur  quinze  Protozoai- 
res nouveaux.  Comptes  rendus,  XGVII,  p.  755,  1883. 


Cercomonas  hominis  Davaine,  1854. 

Synonymie  :  Cercomonas  intestinalis  Lambl,  1875  (nec  1859). 
Cercomonas  Davainei  Moquin-Tandon,1860. 
Bodo  hominis  Saville  Kent,  1880. 

Pendant  l'épidémie  de  choléra  de  1853-1854,  Davaine  vit 
souvent  dans  le  service  de  Rayer,  à  la  Charité,  des  malades 
dont  les  selles  renfermaient  des  animalcules  en  quantité  parfois 
si  considérable,   que   chaque  goutte   en   contenait  plusieurs 

(Kg.  42;  a). 


CERCOMONAS  HOM1NIS.  73 

Davaine  a  décrit  ces  parasites  sous  le  nom  de  Cercomonas 
hominis  et  en  a  donné  la  diagnose  suivante  : 

«  Corps  piriforme,  variable,  long  de  10  à  12  (x;  extrémité 
amincie  se  terminant  par  un  filament  caudal  épais  aussi  long 
que  le  corps  ;  filament  flageliiforme  antérieur  situé  à  l'extrémité 
obtuse,  opposé  au  précédent,  très  long  (deux  fois  aussi  long 
que  le  corps  ?)  et  mince,  toujours  agité,  très  dfûcile  à  voir; 
trait  longitudinal  vers  l'extrémité  antérieure,  donnant  l'appa- 
rence d'un  orifice  buccal  (?)  ;  point  de  nucléus  bien  appréciable. 
Locomotion  assez  rapide,  quelquefois  suspendue  par  l'aggluti- 
nation du  filament  caudal  aux  corps  environnants;  l'animal 
oscille  alors,  comme  un  pendule,  autour  du  filament.  » 

En  outre  de  ces  animalcules  observés  dans  les  matières  ré- 
centes des  cholériques,  Davaine  vit  en  grand  nombre  dans  les 
déjections  d'un  individu  atteint  de  a  b 

fièvre  typhoïde  des  Monadiens  très 
analogues  (fi  g,  42,  b),  mais  pour- 
tant pas  identiques  aux  précé- 
dents :  il  les  considère  comme  une 
seconde  variété  de  Cercomonas  ho- 
minis, variété  qu'il  caractérise  &*•  *\~  Cercomonas  hominis, 
y       «iivk^     4«  vaiciv,.^    ov,       d'apres Davaine.  —  a,  première 

ainsi:  variété;  b,  deuxième    variété. 

«  Plus  petite  que  la  précédente; 
corps  moins  piriforme,  à  contours  moins  arrondis,  long  de  8  ja  : 
deux  filaments,  l'un  antérieur,  l'autre  caudal,  situés  un  peu 
latéralement;  longueur  des  filaments  non  déterminée;  locomo- 
tion très  rapide.  Cette  variété  se  rapproche  des  Amphimonas.  » 

Ces  animalcules  disparaissent  dès  que  les  matières  fécales 
commencent  à  se  refroidir.  Leur  petitesse,  la  continuité  et  la 
rapidité  de  leurs  mouvements,  rendent  une  observation  exacte 
très  difficile,  observation  qui  ne  peut  êlre  complétée  après  leur 
mort,  car  il  devient  impossible  alors  de  les  distinguer  des  cor- 
puscules de  nature  diverse,  des  cellules  épithéliales  plus  ou 
moins  altérées  parmi  lesquels  ils  se  trouvent. 

Les  deux  variétés  distinguées  par  Davaine  sont  trop  peu 
connues  pour  savoir  s'il  convient  de  les  considérer  comme  spé- 
cifiquement différentes;  aussi  convient-il  de  les  réunir.  Nous 
en  dirons  autant  d'animalcules  signalés  par  bon  nombre  d'ob- 
servateurs et  rapportés  par  eux  à  l'espèce  Cercomonas  hominis, 


74  CLASSE   DES   FLAGELLÉS. 

mais  étudiés  trop  superficiellement  pour  qu'on  puisse  être  bien 
fixé  sur  leur  valeur  systématique.  Le  seul  point  qui  semble  bien 
précis,  c'est  l'indication  de  la  taille.  Or,  la  comparaison  des 
chiffres  donnés  parles  divers  auteurs  nous  amène  à  cette  con- 
clusion que,  sous  le  nom  de  Cercomonas  hominis,  on  comprend 
un  certain  nombre  de  formes  que  nous  sommes  incapables  de 
séparer  actuellement  les  unes  des  autres,  mais  que  bientôt 
nous  saurons  distinguer.  Cercomonas  hominis,  tel  qu'il  est  com- 
pris par  les  auteurs  et  tel  que  nous  sommes  contraint  de  le 
comprendre  nous-même,  n'est  donc  pas  une  espèce,  mais  un 
groupe  d'espèces. 

Cercomonas  hominis  est  bien  plus  fréquent  que  ne  le  pensait 
Davaine.  Non  seulement  il  habite  l'intestin  dans  le  cas  de  cho- 
léra et  de  fièvre  typhoïde,  mais  on  le  trouve  encore  dans  les 
diarrhées,  aiguës  ou  chroniques,  etLôsch,  en  même  temps  qu'il 
découvrait  Amœba  coli,  le  rencontrait  avec  une  telle  fréquence 
chez  les  diarrhéiques,  qu'il  y  croyait  sa  présence  habituelle. 
Ekecrantz,  en  1868,  a  pu  lui-même  l'observer  deux  fois,  au  Sé- 
raphiner-Lazaret,  à  Stockholm  ;  dans  un  cas,  il  s'agissait  d'un 
Homme  de  34  ans,  dans  l'autre  cas  le  malade  était  un  Homme  de 
29  ans.  Les  parasites  étaient  les  mêmes  dans  les  deux  cas  et  répon- 
daient à  la  description  de  Davaine.  L'eau  les  tuait  rapidement, 
mais  ils  vivaient  longtemps  dans  la  salive  ou  l'urine  ;  par  une 
température  de  16  à  18°  G.,  la  plupart  vivaient  encore  cinq  ou  six 
heures  après  l'évacuation  ;  l'exposition  au  soleil  retardait  le  mo- 
ment de  leur  mort.  Enfin,  Nothnagel  a  vu  dans  l'intestin  des 
Monades  dont  il  donne  une  description  trop  incomplète  pour 
qu'on  puisse  dire  s'il  convient  de  les  rapporter  au  genre  Cerco- 
monas. 

Jusqu'à  présent,  on  n'a  pas  signalé  dans  nos  climats  la  pré- 
sence de  ces  parasites  chez  des  individus  sains;  mais,  aux  Indes, 
Lewis  et  Gunningham  les  ont  fréquemment  observés  dans  ces 
conditions.  Ce  dernier  observateur  les  a  trouvées  66  fois  sur 
100  dans  les  cas  de  choléra,  et  28  fois  sur  100  dans  les  cas  de 
diarrhée  simple  ou  chez  les  individus  normaux.  Chez  les  cholé- 
riques, ce  ne  sont  pas  toujours  les  seuls  parasites  que  l'on  ren- 
contre dans  l'intestin,  mais  elles  sont  toujours  en  majorité; 
leur  apparition  n'est  pas  en  rapport  avec  un  stade  particulier 
de  la  maladie,  bien  qu'elles  se  montrent  surtout  en  abondance 


CERCOMONAS   HOMINIS.  75 

vers  le  milieu  de  celle  ci.  Leurs  mouvements  s'arrêtent  parfois 
deux  heures  après  l'évacuation,  parfois  aussi  ils  persistent  pen- 
dant plusieurs  jours. 

Si  les  Gercomonades  sont  incapables  de  faire  naître  la  diar- 
rhée, il  n'en  est  pas  moins  certain  que  leur  présence  est  dans 
une  certaine  relation  avec  l'état  de  l'intestin  :  elles  sont  d'au- 
tant plus  nombreuses  que  la  lésion  est  plus  intense  et,  inver- 
sement, la  guérison  coïncide  toujours  avec  leur  disparition. 

Bien  que  les  constatations  à  cet  égard  soient  encore  fort  in- 
complètes, nous  ne  pensons  pas  que  leur  présence  dans  l'in- 
testin soit  la  cause  de  la  diarrhée  :  nous  pensons  qu'elles  n'ap- 
paraissent que  secondairement,  amenées  du  dehors,  mais  nous 
croyons  aussi  que  l'affection  détermine  un  état  particulier  dans 
lequel  elles  trouvent  les  conditions  les  plus  favorables  à  leur 
développement.  Elles  se  reproduisent  alors  activement  et  peu- 
vent irriter  à  tel  point  la  muqueuse,  que  le  cours  de  la  mala- 
die en  soit  influencé  et  que  celle-ci  en  éprouve  une  exacerba- 
tion.  L'augmentation  du  nombre  des  parasites  coïncide  en 
effet  avec  une  augmentation  de  la  diarrhée,  et  celle-ci  acquiert 
dans  ce  cas  des  caractères  spéciaux  qui  permettent  aisément 
d'en  reconnaître  la  nature  et  la  cause.  Les  selles  prennent  une 
teinte  brun-jaunâtre  et  émettent  une  fade  odeur  de  putréfac- 
tion; elles  sont  très  visqueuses  et  ont  une  consistance  de 
bouillie  épaisse,  due  à  la  présence  de  nombreuses  masses  de 
mucosités. 

Les  Cercomonades  ne  vivent  pas  seulement  dans  l'intestin. 
Destrée  en  a  trouvé  dans  le  liquide  évacué  de  l'estomac,  au 
moyen  de  la  pompe  gastrique,  chez  une  femme  qui  souffrait 
depuis  près  de  deux  ans  d'une  gastrite  chronique  :  il  est  vrai 
qu'elles  avaient  pu  remonter  de  l'intestin  dans  l'estomac,  car 
celui-ci  renfermait  de  la  bile.  C'étaient  des  animalcules  longs 
de  10  à  12  fx,  à  corps  pyriforme,  à  filament  caudal  court  et 
rigide;  l'extrémité  antérieure  était  constituée  par  un  cil  long 
de  3à4(x. 

Des  animalcules  du  même  groupe  ont  été  vus  par  Zunker 
dans  la  bouche,  à  la  surface  de  la  langue  d'un  malade  atteint 
de  cancer  de  l'estomac;  les  selles  de  ce  malade  n'en  renfer- 
maient que  fort  peu. 

Dans  un  mémoire  consacré  à  l'étude  microscopique  du  tartre 


76  CLASSE   DES  FLAGELLÉS. 

dentaire,  Steinberg  aurait  également  vu  dans  la  bouche  jus- 
qu'à douze  espèces  de  Flagellés,  dont  cinq,  du  genre  Cercomo- 
nas, sont  désignés  sous  les  noms  de  Bodo  (Cercomonas)  socialls 
Ehrbg.,  Bodo  (Cercomonas)  intestinalis  Ehrbg.,  C.  biflagellata 
Steinberg,  C.  acuminata  Duj.  et  C.  globulus  Duj.  Ces  mêmes 
espèces  se  retrouveraient  à  l'intérieur  des  dents  cariées. 
Parmi  les  animalcules  observés  par  Steinberg,  un  seul,  Cer- 
comonas intestinalis,  étaitconnu  déjà  pour  être  accidentellement 
parasite  du  rectum  des  Batraciens  ;  un  autre  semble  avoir  été 
observé  pour  la  première  fois  ;  les  trois  autres  étaient  connus 
pour  vivre  à  l'état  de  liberté  dans  l'eau.  Ce  fait  ne  saurait 
nous  surprendre  outre  mesure,  et  l'on  conçoit  que,  chez  un 
individu  ignorant  les  soins  de  propreté,  même  les  plus  rudi- 
mentaires,  buvant  des  eaux  malpropres,  certains  des  Fla- 
gellés que  renferment  celles-ci  puissent  se  retrouver  dans  la 
bouche  (1). 

Cercomonas  hominis  a  encore  été  trouvé  dans  le  foie  par 
Lambl.  Un  jardinier,  porteur  de  kystes  hydatiques  du  foie, 
meurt  de  péritonite,  à  la  suite  d'une  application  de  pâte  corro- 
sive.  L'autopsie  est  faite  au  bout  de  douze  heures  :  on  trouve 
un  Échinocoque  de  taille  considérable,  mesurant  32  centimè- 
tres de  longueur  sur  18  à  20  centimètres  de  largeur,  et  ren- 
fermé dans  un  kyste  vraisemblablement  formé  par  un  canali- 
cule  biliaire  élargi  et  dégénéré.  Ce  kyste,  en  outre  de  l'Échi- 
nocoque,  contenait  un  liquide  visqueux  au  sein  duquel 
nageaient  des  Vibrions  de  taille  variable  et  une  énorme  quan- 
tité de  Cercomonades  vivantes. 

Celles-ci  étaient  animées  de  mouvements  extrêmement  vifs  : 
on  les  voyait  fréquemment  se  grouper  par  douzaines  autour 
d'un  point  commun.  Leur  taille  était  variable  et  oscillait  entre 
5  et  14  [x.  La  forme  variait  aussi  suivant  l'état  de  contraction  du 
corps,  mais  elle  était  le  plus  souvent  elliptique  ou  fusiforme, 
parfois  même  plutôt  piriforme  ou  cylindrique.  Le  flagellum  et 
le  filament  caudal  étaient  bien  nets,  et  le  premier  se   faisait 


(1)  En  outre  des  cinq  Cercomonades  que  nous  avons  citées,  Steinberg  a  vu 
encore  dans  le  tartre  dentaire  quatre  Monades,  savoir  :  Monas  crepusculum 
Ehrbg.,  M.  lens  Duj.,  M.  elongata  Duj.,  M.  globulus  Du].  S'il  n'y  a  pas  eu 
erreur  do  détermination,  il  est  intéressant  do  retrouver  ici  cette  dernière 
espèce,  qui  est  marine. 


CEltCOMONAS  HOMINIS.  77 

remarquer  par  son  extrême  finesse;  l'un  et  l'autre  semblaient 
manquer  chez  quelques  individus. 

A  la  base  du  flagellum  se  trouve  un  orifice  qui  représente  une 
bouche  et  qu'entourent  des  bords  contractiles.  Le  parenchyme 
du  corps  est  hyalin  et,  sauf  quelques  granulations  très  réfrin- 
gentes, on  n'y  voit  que  deux  vacuoles  contractiles  situées  en 
arrière. 

Les  Gercomonades  se  conservèrent  vivantes  pendant  des  se- 
maines dans  leur  liquide.  Lambl  vit  leur  reproduction  se  faire 
par  division,  aussi  bien  chez  des  individus  mobiles  que  chez 
des  individus  qui,  dépourvus  de  flagellum  et  de  filament  cau- 
dal, s'étaient  contractés  en  boule. 

Malgré  les  recherches  les  plus  attentives,  il  fut  impossible  de 
rencontrer  des  Cercomonades  ailleurs  que  dans  le  kyste  dont 
il  a  été  question;  on  n'en  trouvait  aucune  dans  l'intestin.  11  est 
certain  néanmoins  que  c'est  bien  de  l'intestin  qu'elles  étaient 
venues,  par  le  canal  cholédoque,  jusque  dans  le  foie;  mais  il 
est  vraisemblable  que  cela  remontait  déjà  à  une  époque  recu- 
lée :  en  effet,  on  ne  pouvait  admettre  que  l'infection  se  fût 
prolongée  jusque  dans  les  derniers  temps,  en  raison  du  séjour 
de  deux  mois  que  le  malade  fit  à  l'hôpital,  en  raison  surtout 
de  la  localisation  si  précise  des  parasites  au  niveau  du  kyste. 

Ce  qui  doit  nous  frapper  surtout,  c'est  de  voir  une  si  grande 
masse  d'animalcules  vivre  et  pulluler  pendant  des  mois  dans 
un  liquide  que  l'on  doit  a  priori  considérer  comme  totalement 
dépourvu  d'oxygène.  Des  conditions  tout  aussi  défectueuses  se 
trouvent  réalisées  pour  les  parasites  du  vagin  ou  même  de 
l'intestin.  Ces  faits  en  apparence  paradoxaux  trouvent  leur 
explication  dans  l'opinion  suivant  laquelle  l'absorption  d'oxy- 
gène ne  servirait  guère  qu'à  produire  de  la  chaleur  :  les  êtres 
qui  se  trouvent  suffisamment  réchauffés  par  le  milieu  ambiant, 
sans  qu'il  leur  soit  nécessaire  d'élever  eux-mêmes  leur  tem- 
pérature, n'auraient  pour  ainsi  dire  pas  besoin  d'oxygène. 
Bunge  (1)  a  récemment  institué  à  ce  propos  des  expériences  qui 
sont  venues  confirmer  cette  manière  de  voir;  ses  recherches 
portaient  sur  Ascaris  myslax,  Nématode  parasite  de  l'intestin 
du  Chat. 

(1)  G.  Buoge,  Ueber  Sauerstoffbedùrfniss  dtr  Darmparasiten.  Zeitschrift  fur 
physiologischeChemie,  Vllf,  p.  4Q,  1883. 


78  CLASSE   DES  FLAGELLES. 

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col.  Bruxelles,  LXXVII,  p.  122-124,  1883. 


Cystomonas  urinaria  R.  Bl.,  1885. 

Synonymie  :  Trichomonas  irregularis  Salisbury,  1868. 
Bodo  urinarius  Kûnstler,  1883. 

Nous  créons  le  genre  Cystomonas  (xuttiç,  vessie;  monas,  mo- 
nade) pour  un  organisme  qu'il  est  impossible  de  faire  rentrer 
dans  aucun  des  genres  connus  de  Flagellés  :  sa  caractéristique 
est  la  présence,  à  l'extrémité  antérieure,  de  deux  longs  flagel- 
lums  d'égale  taille,  et  à  l'extrémité  postérieure  effilée,  d'un  tla- 
gellum  encore  plus  long  que  les  précédents. 

En  1868,  D.-D.  Salisbury  trouvait  en  abondance,  dans  l'urine 
et  le  mucus  vaginal  d'une  fille  de  seize  ans,  venue  dix  mois 
auparavant  d'Allemagne  à  Philadelphie,  un  parasite  dont  il  ne 
donne  point  les  dimensions,  si  ce  n'est  qu'il  l'indique  comme 
plus  petit  que  Trichomonas  vaginalis.  Cet  organisme  répond  à 
la  diagnose  qui  précède,  bien  que  Salisbury  décrive  comme 
caudale  l'extrémité  à  deux  flagellums,  que  nous  appelons  an- 
térieure. 

Depuis,  Ktinstler  eut  l'occasion  d'examiner  les  urines  fraî- 
ches d'un  malade  atteint  de  pyélite  chronique  consécutive  à 
une  opération  de  taille.  Il  y  découvrit,  perdues  au  milieu  d'une 
foule  innombrable  de  globules  de  pus,  de  petites  Monades, 
très  difficiles  à  distinguer  au  début,  à  cause  de  leur  petitesse, 
de  leur  transparence  et  de  leur  agilité  ((ig.  43).  Leur  longueur 
ne  dépassait  généralement  pas  10  (x  ;  quelques-unes  pourtant 
atteignaient  15  (x. 

Ces  organismes  possèdent  à  la  partie  antérieure  du  corps 
deux  longs  filaments  locomoteurs  d'une  finesse  extrême;  dans 


CYSTOMONAS  URINARIA. 


79 


certains  cas,  on  en  peut  voir  trois  ou  quatre,  ce  qui  est  sans 
doute  l'indice  d'une  division  longitudinale.  Ces  flagellums  sont 
insérés  sur  l'extrémité  atténuée  d'une  sorte  de  bec  ordinaire- 
ment tourné  en  bas  et  semblant  déterminer  une  face  ventrale. 
L'extrémité  postérieure  du  corps  s'effile  considérablement  et  se 
termine  par  un  long  flagellum  notablement  plus  gros  que  les 
deux  précédents;  il  est  à  peu  près  cons- 
tamment animé  d'un  mouvement  de 
rotation  et  d'ondulation,  de  manière  à 
constituer  un  puissant  organe  de  pro- 
pulsion. Le  corps  de  l'animalcule  est 
courbe,  obtus  et  renflé  en  avant,  atté- 
nué en  arrière;  à  la  base  des  flagel- 
lums antérieurs  se  voit  un  espace  clair 
circulaire,  qui  est  sans  doute  le  noyau. 
Hassall,  en  1859,  a  vu  dans  l'urine 
des  cholériques  et  dans  l'urine  albu- 
mineuse  des  animalcules  auxquels  il 
donna  le  nom  deBodouiinarius.  Il  leur 
assigne  une  longueur  de  14  fx  et  une 
largeur  de  8  à  9  (x;  ils  sont  de  forme 
ovale  ou  ronde,  plus  larges  à  une  extré- 
mité qu'à  l'autre  et  munis  d'un,  deux 
ou  trois  longs  flagellums,  au  moyen 
desquels  ils  se  meuvent  avec  la  plus 
grande  rapidité  :  quand  il  y  a  trois  fla- 
gellums, ceux-ci  sont  disposés  deux  à 
un  bout  et  un  à  l'autre.  Ces  animal- 
cules, qui  se  reproduisent  par  division, 
ressemblent  assez  à  une  Gystomonade, 
mais  nous  pensons  qu'on  ne  doit  pas 

les  comprendre  au  nombre  des  parasites  de  1  Homme  :  en  effet, 
Hassall  ne  dit  pas  nettement  les  avoir  vus  dans  l'urine  aussitôt 
après  la  miction,  mais  seulement  dans  l'urine  alcaline  exposée 
à  l'air  depuis  plusieurs  jours. 


Fig.  43.  —  Cystomonas  uri- 
îiaria,  d'après  Kunstlcr. 


J.  Kùnstler,  Analyse  microscopique  des  urines  d'un  malade  atteint  de  pyé- 
Ute  chronique  consécutive  à  une  opération  de  taille.  Travail  communiqué  à 
la  Société  d'anatomie  et  de  physiologie  de  Bordeaux,  dans  la  séance  du  27  no- 
vembre 1883. 


80 


CLASSE   DES  FUGLLLES. 


Monocercomonas  hominis  Grassi,  1832. 
Synonymie  :  Protomyxomyces  coprinarius  Cunningham,  1880. 

Grassi  a  vu,  dans  les  déjections  d'une  centaine  d'individus 
atteints  de  diarrhée,  des  parasites  de  forme  plus  ou  moins 
ovoïde,  longs  de  4  à  10  \l  et  larges  de  3,3  à  4,8  (x,  pourvus  de 
trois  ou  quatre  flagellums,  à  la  base  desquels  se  voit  même 
parfois  une  sorte  de  bouche  (flg.  44).  Il  est  probable  que  les 
flagellums  sont  normalement  au  nombre  de  quatre  et  si  par- 
fois on  n'en  aperçoit  que  trois,  cela  est  imputable  à  l'extrême 
délicatesse  de  ces  appendices.  La   queue  s'étire   en  pointe 


Fig.  44.  —  Monocercomonas  hominis^  d'après  Grassi.  —  AC,  état  normal  ; 
DG,  réduction  du  nombre  des  flagellums. 


comme  chez  Trichomonas.  Le  corps  renferme  des  vacuoles 
(contractiles?)  et  un  noyau  situé  à  la  base  même  des  flagellums. 
Ces  animalcules  meurent  entre  45  et  50°;  ils  disparais- 
sent vite  dans  les  déjections  acides,  mais  peuvent  vivre  fort 
longtemps  (jusqu'à  50  jours!)  dans  les  déjections  non  acides  et 
non  putréfiées.  Il  est  rare  de  les  observer  dans  les  cas  de  dysen- 
terie, mais  ils  se  rencontrent  très  communément  chez  les 
diarrbéiques,  bien  que  tous  n'en  présentent  pas.  On  les  trouve 
en  grand  nombre  dans  l'entérocolite  ab  ingestis,  sans  qu'aucun 
symptôme  spécial  indique  leur  présence;  parfois  pourtant  ils 
peuvent  manquer  complètement.  Les  Monocercomonades 
fourmillent  parfois  dans  les  selles  diarrbéiques  provoquées  par 
les  purgatifs;  d'autres  fois,  on  n'en  trouve  pas  une  seule.  On 


TttlCIlOMONAS  VAGINALÏS.  81 

n'en  trouve  jamais  dans  la  diarrhée  causée  par  des  aliments  tels 
que  l'oignon,  le  lait  caillé,  non  plus  que  dans  les  évacuations 
diarrhéiques  des  enfants  à  la  mamelle.  Enfin,  dans  les  cas  de 
diarrhée  chronique,  il  est  rare  d'en  trouver  beaucoup;  géné- 
ralement, il  y  en  a  peu  ou  point.  De  tous  ces  faits,  Grassi 
conclut  que,  dans  la  plupart  des  cas  de  diarrhée,  mais  non 
dans  lous,  se  trouvent  des  Monocercomonades  :  elles  apparais- 
sent d'ordinaire  dès  le  commencement  de  la  diarrhée  et  dispa- 
raissent lorsque  celle-ci  prend  fin. 

C'est  vraisemblablement  à  la  Monocercomonade  qu'il  faut 
rapporter  les  Flagellés  décrits  par  Gunningham  et  considérés 
par  lui  comme  étant  un  simple  état  de  développement  d'un  or- 
ganisme parasite  auquel  il  donne  le  nom  de  Protomyxomy  ces 
coprinarins  et  qui  passerait  successivement  par  les  états  de  Mo- 
nade et  d'Amibe  et  se  reproduirait  par  spores.  Il  est  manifeste 
que  cet  observateur  s'est  laissé  entraîner  faussement  à  établir 
des  relations  de  parenté  entre  des  êtres  fort  différents  qu'il 
rencontrait  côte  à  côte  dans  le  contenu  de  l'intestin. 

D.  D.  Cunningham,  On  the  development  of  certain  microscopical  organisais 
occurring  in  the  intestinal  canal.  Quarterly  journal  of  micr.  science,  (2),  XXI, 
p.  234,  1880. 

Trichomonas  vaginalis  Donné,  1837. 

Synonymie  :  Trichomonas  vaginx  Salisbury,  18G8. 
?  Ciliaris  bicaudalis  Salisbury,  1868. 

En  1837,  le  célèbre  micrographe  Al.  Donné,  alors  chef  de 
clinique  médicale  à  la  Faculté  de  médecine  de  Paris,  décou- 
vrait dans  le  mucus  vaginal  un  parasite  du  groupe  des  Flagel- 
lés, auquel  il  donna  le  nom  de  Trichomonas  vaginale.  Depuis 
lors,  cet  organisme  a  été  revu  par  un  certain  nombre  d'obser- 
vateurs, par  Henle,  Kolliker  et  Scanzoni,  Hennig,  Hausmann 
et  surtout  par  Kunsller,  qui  en  a  donné  une  bonne  description. 
Davaine  l'a  vu  dans  l'urine  de  femmes  atteintes  d'écoulement 
leucorrhéique,  et  Salisbury  a  pu  faire,  lui  aussi,  une  consta- 
tation analogue. 

Le  mucus  vaginal  est  normalement  très  acide,  ce  qui  semble 
constituer  une  excellente  condition  pour  le  développement  du 
parasite.  Celui-ci  ne  s'observe  en  effet  jamais  au  niveau  de  la 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  6 


82  CLASSE   DES   FLAGELLÉS. 

vulve,  non  plus  que  dans  l'utérus,  les  muqueuses  de  ces  deux 
régions  sécrétant  un  mucus  alcalin.  Pourtant  Gassera  constaté 
que  les  variations  de  la  réaction  de  la  sécrétion  vaginale  sont 
sans  influence  appréciable  sur  son  existence  et  son  dévelop- 
pement; on  le  trouverait  aussi  bien  dans  les  sécrétions  putrides 
à  réaction  acide  que  dans  celles  qui  sont  alcalines,  le  plus  sou- 
vent cependant  dans  les  cas  d'hypersécrétion  modérée  du  col 
et  du  vagin. 

Donné  pensait  déjà  que  ce  parasite  ne  se  rencontre  jamais 
dans  le  mucus  vaginal  sain  et  normal,  fait  qu'ont  confirmé  tous 
les  auteurs.  On  ne  le  voit  même  pas  quand  la  sécrétion  est  aug- 
mentée sans  que  ses  principes  constituants  aient  subi  d'altéra- 
tion. Mais,  dans  le  catarrhe  virulent  des  organes  génitaux, 
accompagné  d'une  sécrétion  muco-purulente  abondante,  à 
réaction  fortement  acide,  il  pullule  tellement  que  la  dixième 
partie  environ  de  ce  muco-pus  se  compose  de  parasites  vivants, 
accolés  les  uns  aux  autres.  Toutes  les  fois  qu'ils  s'y  trouvent,  le 
mucus  présente  un  aspect  spumeux  que  Donné  considérait 
déjà  comme  caractéristique. 

Les  injections  d'eau  dans  le  vagin  amènent  bientôt  chez  eux 
la  cessation  de  tout  mouvement,  puis  la  mort  ;  le  tannin,  l'acide 
chromique,  les  solutions  faibles  de  benzine,  d'acide  phénique, 
de  sulfate  de  cuivre  ou  de  bichlorure  de  mercure,  etc.,  ont  le 
même  effet.  Le  passage  du  flux  menstruel  ou  le  travail  de  l'ac- 
couchement leur  sont  tout  aussi  funestes;  Gasser  note  qu'ils 
réapparaissent  le  sixième  ou  septième  jour  qui  suit  l'accou- 
chement, aussi  bien  dans  les  lochies  que  dans  le  vagin. 

Trichomonas  vaginalis  est  un  parasite  extrêmement  fréquent. 
On  l'observe  surtout  chez  des  femmes  adultes  et  on  le  ren- 
contre aussi  bien  chez  les  petites  filles  de  six  à  sept  ans  que  chez 
des  femmes  ayant  passé  l'âge  de  la  ménopause.  Hennig  dit 
néanmoins  ne  l'avoir  jamais  vu  avant  la  puberté  ni  après  qua- 
rante ans.  Kôlliker  et  Scanzoni  l'ont  trouvé  dans  plus  de  la  moitié 
des  cas  observés  par  eux,  aussi  bien  chez  des  femmes  enceintes 
que  chez  des  femmes  non  gravides.  Hausmann  l'a  trouvée  75  fois 
sur  200  femmes  enceintes,  ce  qui  donne  une  proportion  de 
37,5  pour  100;  le  même  auteur  Ta  constaté  40  fois  sur  100  femmes 
non  enceintes.  D'après  ses  observations  faites  à  l'hôpital  Saint- 
André,  à  Bordeaux,  dans  le  service  du  professeur  Pitres,  Kiins-» 


TRICHOMONAS   VaGINALIS. 


83 


lier  a  pu  se  convaincre  que  ces  chiffres  sont  bien  au-dessous  de 
la  vérité  et  que,  à  très  peu  d'exceptions  près,  le  parasite  se  peut 
observer  chez  toute  femme  atteinte  d'écoulement  purulent,  à 
la  condition  que  celle-ci  ne  s'administre  pas  trop  fréquemment 
des  injections  froides  ou  alcalines. 

Il  est  difficile  de  déterminer  si  la  ïrichomonade  du  vagin  est 
la  cause  de  l'élat  pathologique  dans  lequel  on  l'observe;  la  plu- 


Fig.  45.  —  Trichomonas  vaginalis,  d'après  Kiinstler. 


part  des  auteurs  disent  non,  mais  Kiinstler  dit  oui.  Pour  lui,  le 
parasite  se  développe  dans  les  vagins  affectés  de  pertes  blanches  ; 
il  provoque  l'irritation  de  la  muqueuse  et  cause  ainsi  progres- 
sivement une  vaginite  purulente  et  acide. 

Trichomonas  vaginalis  (fig.  45)  est  long  d'environ  15  à  25  [a  et 
le  plus  ordinairement  de  16  à  18  {/.,  d'après  Kiinstler.  Il  se 
trouve  mélangé  dans  le  mucus  vaginal  à  une  foule  de  globules 
de  pus,  dont  il  est  parfois  difficile  de  le  distinguer,  à  un  examen 


84  CLASSE   DES   FLAGELLÉS. 


superficiel.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  des  groupes  de  cinq  ou  six 
individus  réunis  par  la  queue  ou  encore  greffés  sur  un  globule 
de  pus  ou  sur  un  grumeau  muqueux. 

Le  corps,  habituellement  ovoïde  ou  fusiforme,  est  de  forme 
changeante  et  se  présente  sous  des  aspects  divers.  Se  déplace- 
t-il  librement  dans  le  mucus,  l'organisme  garde  sa  forme  carac- 
téristique et  la  translation  se  fait  à  peu  près  exclusivement  au 
moyen  des  flagellums.  Est-il  au  contraire  comprimé  et  gêné 
dans  ses  mouvements  par  l'accumulation  des  globules  de  pus, 
il  rampe  et  se  déplace  à  la  manière  des  Sangsues.  Une  tempé- 
rature de  20  à  37°  favorise  ses  mouvements  :  il  est  alors  très 
actif;  on  le  voit  modifier  ses  contours  et  pousser  des  pseudo- 
podes de  taille  parfois  considérable.  Il  semble  que  cette  faculté 
pe  changer  de  forme  soit  particulière  aux  adultes  :  les  jeunes 
animalcules  présentent  en  effet  les  configurations  les  plus  ré- 
gulières. 

Les  mouvements  se  ralentissent  et  bientôt  s'arrêtent  quand 
la  température  s'abaisse;  se  relève-t-elle,  on  les  voit  réappa- 
raître. L'animalcule  cesse  encore  ses  mouvements  quand  on 
le  traite  par  l'eau  froide  :  il  devient  rigide,  bulleux  et  finit  par 
se  détruire  ;  les  injections  alcalines  déterminent  les  mêmes  mo- 
difications. Il  prend  alors  plus  ou  moins  l'aspect  d'une  cellule 
épithélialevibratile  et  c'est  ce  qui  a  conduit  Gliige,  Valentin,  von 
Siebold,  Vogel  et  d'autres  à  révoquer  son  existence  en  doute. 
L'extrémité  antérieure  du  corps  est  pourvue  d'une  sorte  de 
rostre  sur  le  côté  duquel  s'insèrent  les  flagellums.  Donné,  Du- 
jardin  et  Davaine  n'en  admettaient  qu'un  seul;  Leuckart,  puis 
Hennig  n'en  ont  décrit  que  deux  et  exceptionnellement  trois: 
Butschli  et  Blochmann  ont  admis  qu'il  en  existait  trois;  enfin 
Kùnstler  a  montré  que  le  nombre  normal  de  ces  organes  loco- 
moteurs était  de  quatre.  Ceux-ci  sont  au  moins  aussi  longs  que 
le  corps  et  sont  souvent  jusqu'à  trois  fois  plus  longs.  Ils  adhèrent 
habituellement  entre  eux  sur  une  longueur  variable  à  partir  de 
leur  base;  ils  sont  rectilignes  ou  onduleux,  très  fréquemment 
rabattus  le  long  du  corps,  ce  qui  les  rend  fort  difficiles  à 
voir. 

Le  pôle  postérieur  du  corps  se  prolonge  ordinairement  en 
une  sorte  de  queue  dont  la  forme  et  les  dimensions  sont  extrê- 
mement variables  :  c'est  le  plus  souvent  une  pointe  fine  plus 


TRICHOMONAS  VAGINALIS.  83 

ou  moins  recliligne;  c'est  parfois  un  appendice  incurvé,  tordu 
en  spirale,  aplati  ou  claviforme,  qui  remonte  assez  fréquem- 
ment, mais  à  une  faible  distance,  sous  forme  de  crête  saillant 
à  la  surface  du  corps. 

Des  flagellums  à  l'appendice  caudal  s'étend,  suivant  une  ligne 
spirale,  une  membrane  ondulante  dont  Kiïnstler  a  le  premier 
reconnu  la  nature;  jusqu'alors,  on  avait  pensé  qu'il  s'agissait 
d'une  rangée  de  cils  vibratiles.  Getle  membrane  est  peu  élevée 
et  son  bord  libre  est  plus  long  que  son  bord  adhérent,  en  sorte 
qu'elle  se  montre  plissée  et  festonnée  à  la  manière  de  la  crête 
du  spermatozoïde  des  Tritons.  Elle  est  très  surbaissée  dans  le 
tiers  postérieur  du  corps,  et  peut  passer  aisément  inaperçue,  à 
moins  d'un  examen  des  plus  attentifs.  En  outre  du  rôle  impor- 
tant qu'elle  joue  dans  les  phénomènes  de  la  locomotion,  Kiïns- 
tler remarque  que  cette  membrane  agit  à  la  manière  d'une  vis 
d'Archimède  et  détermine  dans  le  liquide  renfermant  l'ani- 
malcule un  courant  qui  vient  passer  devant  la  bouche. 

Celle-ci  est  située  au  voisinage  de  l'extrémité  antérieure  du 
corps,  à  une  distance  variable  de  la  base  des  flagellums  et  à 
l'opposé  du  rostre.  Elle  est  constituée  par  une  ouverture  infun- 
dibuliforme  qui  donne  accès  dans  une  sorte  de  tube  œsophagien , 
paraissant  assez  rigide  et  d'une  certaine  longueur.  Ce  tube  est 
indiqué  nettement  par  une  double  rangée  de  corpuscules 
plongés  au  sein  du  parenchyme  du  corps  et  qui  paraissent  être 
des  Bactériens  ingérés,  tant  ils  ressemblent  à  ceux  de  ces  êtres 
qui  se  peuvent  observer  dans  le  mucus  ambiant. 

Le  parenchyme  du  corps  est  finement  pointillé;  au  centre  et 
en  avant,  on  voit  des  amas  de  granulations.  Ce  parenchyme  est 
limité  extérieurement  par  une  mince  cuticule  anhiste  ;  il  est  dé- 
pourvu de  vacuole  contractile,  mais  renferme  un  noyau  unique, 
ovalaire,  allongé,  sans  nucléole  et  appliqué  contre  le  tube 
œsophagien,  près  de  1'extrémité.antérieure  du  corps. 

Le  mode  de  reproduction  de  ce  parasite  n'a  pas  encore  été 
observé,  mais  certains  faits  rapportés  par  Hausmann  et  par 
Hennig  tendent  à  faire  admettre  que  la  multiplication  se  fait 
par  simple  division  longitudinale. 

Donné,  Recherches  microscopiques  sur  la  nature  du  mucus.  Paris,  1837. 
Hausmann,  Die  Parasitai  der  weiblichen  Geschlechtsorgane.  Berlin,  1870- 
Hennig,  Der  Katarrh  der  inneren  weibliclœnSexualorgane.  Leipzig,  1870. 


86  CLASSE   DES   FLAGELLES. 

J.-F.  Gasser,  Des  parasites  des  organes  génitaux  de  la  femme.  Thèse  do 
Paris,  1874. 

D.  Haussmann,  Parasites  des  organes  sexuels  femelles  de  l'Homme  et  de 
quelques  animaux.  Paris,  in-8  de  198  pages,  1875. 

J.  Kiinstler,  Recherches  sur  les  Infusoires  parasites.  Sur  quinze  protozoai- 
res nouveaux.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  XGV1I,  p.  755,  1883. 

F.  Blochmann,  Bemerkungen  ùber  einige  Flagellaten.  Zeitschrift  fur  wiss. 
Zoologie,  XL,  p.  42,  1884. 

J.  Kiinstler,  Sur  deux  Infusoires  parasites.  Journal  de  micrographie,  1 8 8  i . 

J.  Kiinstler,  Trichomonas  vaginalis.  Journal  de  micrographie,  1884. 


Trichomonas  intestinalis  Leuckart,  1879. 
Synonymie  :  Cercomonas  intestinalis  Marchand,  1875. 

Le  parasite  dont  il  s'agit  ici  a  été  rencontré,  en  1875,  par 
Marchand  dans  les  selles  d'un  typhique  ;  depuis  il  a  été  revu 
sept  fois  par  Zunker  dans  diverses  affections  graves  de  l'in- 
testin. 

Cet  animalcule  (fig.  46),  dont  la  description  est  d'ailleurs 
fort  incomplète,  ne  diffère  guère  que 
par  l'habitat  de  Trichomonas  vagina- 
lis, avec  lequel  il  offre  de  grandes 
ressemblances  par  la  taille,  par  la 
forme  du  corps  et  "par  la  présence 
d'un  filament  caudal;  aussi  est-ce  à 
juste  titre  que  Leuckart  lui  a  donné 
le  nom  de  Tr.  intestinalis. 

Les  auteurs  qui  l'ont  observé  ne  lui 
Fig.  4G.  —  Trichomonas  intes-  .  . 

tinalis,  d'après  Zunker.        décrivent  point  de  flagellums,   mais 

quand  on  songe  à  la  délicatesse  ex- 
trême de  ces  prolongements  et  à  l'habitude  toute  spéciale  qu'il 
faut  avoir  de  ces  recherches,  on  n'est  point  surpris  de  voir 
qu'ils  sont  passés  inaperçus.  La  question  qui  se  pose  n'est  donc 
pas  de  savoir  s'ils  existent,  mais  de  savoir  en  quel  nombre  ils 
existent. 

Le  corps  est  long  de  10  à  15  (x,  large  de  7  à  10  {x  ;  il  porte  en 
outre  un  prolongement  caudal  qui  mesure  de  2  à  3[x.  Il  pré- 
sente sur  l'un  de  ses  côtés  une  membrane  ondulante  antéro- 
pos  térieure,  qui  est  décrite  par  les  auteurs  comme  une  rangée 
de  cils  vibratiles,  mais  dont  la  signification  ne  saurait  être  mise 


TRICHOMONAS   INTESTINALE.  87 

en  doute,  après  les  délicates  observations  de  Kiïnstler  sur  7V. 
vaginalis. 

L'animalcule  au  repos  a  la  forme  d'un  noyau  d'amande. 
Son  corps  est  formé  d'un  protoplasma  transparent,  renfer- 
mant quelques  granulations  éparses  et  présentant  à  sa  partie 
postérieure  un  ou  deux  petits  espaces  clairs  qui  sont  peut-être 
des  vacuoles.  L'extrémité  postérieure  est,  comme  nous  l'avons 
dit,  pourvue  d'une  sorte  de  piquant  ;  l'antérieure  est  au  con- 
traire arrondie  et  la  membrane  ondulante  y  est  sans  cesse  en 
mouvement. 

Tr.  intestinalis  est  extraordinairement  agile  ;  il  est  doué  d'une 
grande  contractilité,  en  sorte  que  son  corps  devient  parfois 
pour  ainsi  dire  amiboïde.  Les  conditions  deviennent-elles 
moins  favorables  à  son  existence,  on  le  voit  ralentir  ses  mouve- 
ments :  il  s'arrête,  tourne  en  cercle  sur  son  pôle  postérieur  ou 
bien  s'attache  par  son  prolongement  caudal  et  se  balance  d'un 
mouvement  pendiculaire  qui  va  en  se  ralentissant  de  plus  en 
plus.  Quand  enfin  la  mort  vient  le  surprendre,  sa  membrane 
ondulante  n'est  plus  visible,  il  s'arrondit  et  prend  ainsi  l'aspect 
d'une  simple  cellule  à  contenu  granuleux. 

Zunker  pense  que  ce  parasite  est  plus  fréquent  que  Cerco- 
monas  hominis  :  il  l'a  vu  sept  fois,  tandis  qu'il  n'a  observé  que 
deux  fois  ce  dernier.  On  le  rencontre  du  reste  indifféremment 
dans  les  cas  chroniques  (diarrhée)  et  dans  les  cas  aigus  (fièvre 
typhoïde,  péritonite,  diarrhée  profuse  liée  à  l'ictère  ou  à  la 
pneumonie).  Le  parasite  se  tient  surtout  dans  le  côlon  et  le 
rectum  et  serait  capable,  suivant  Zunker,  de  provoquer  une 
vive  irritation  de  la  muqueuse,  comme  aussi  d'entretenir  et 
d'aviver  les  inflammations  déjà  existantes.  Ce  même  auteur  l'a 
observé  une  fois  dans  la  bouche. 

Rappin  l'a  également  rencontré  dans  la  bouche,  sur  lui- 
même  et  chez  untyphique.  11  le  prend  pour  une  Gercomonade, 
mais  la  description  qu'il  en  donne  ne  peut  s'appliquer  qu'à  une 
Trichomonade.  Le  corps,  dit-il,  est  un  peu  long,  ovalaire,  de 
forme  très  variable.  «  11  possède  à  une  extrémité  un  long  fla- 
gellum  ayant  environ  une  fois  et  demie  la  longueur  du  corps  ; 
à  l'autre,  un  aiguillon  raide  au  moyen  duquel  il  s'accroche  aux 
parties  solides  de  la  préparation,  tandis  qu'il  s'agite  en  mou- 
vements désordonnés.   Sur  un  de  ses  bords  on  aperçoit  avec 


88 


CLASSE  DES  FLAGELLÉS. 


très  peu  de  nettelé  des  cils  latéraux  se  mouvant  avec  une  très 
grande  rapidité....  On  observe  aussi  dans  l'intérieur  du  corps 
et  dans  certains  cas  seulement  une  sorte  de  noyau  vésiculeux.  » 
Ce  parasite  peut  donc  se  rencontrer  sur  des  individus  sains, 
puisque  Rappin  était  en  parfaite  santé  quand  il  l'observa  sur 
lui-même.  Nous  savons  déjà  que  la  prétendue  rangée  de  cils 
vibratiles  correspond  à  une  membrane  ondulante;  quant  aux 

flagellums,  il  est  probable  que  Rap- 
pin les  a  méconnus  pour  la  plupart, 
en  raison  de  leur  extrême  délicatesse, 
et  que,  là  encore,  leur  nombre  nor- 
mal doit  être  de  quatre. 

Nous  pensons  qu'il  faut  rapporter  à 
Tr.  intestinalis  les  animalcules  que 
Leeuwenhoek  a  découverts  dans  ses 
matières  fécales  et  dans  lesquels  Stein 
voudrait  reconnaître Balantidium  coli. 
La  lecture  attentive  du  texte  de  Leeu- 
wenboek  amène  forcément  à  cette 
conclusion,  que  Tr.  intestinalis  est, 
parmi  les  parasites  actuels  de  l'intes- 
tin de  l'Homme,  le  seul  auquel  se 
puisse  appliquer  la  description  suivante  : 

«  ....  In  materia  pellucida  temporibus  quibusdam  queedam 
animalcula,  venuste  sese  moventia,  omnia  unius  ejusdemque 
formae,  aliqua  majora,  aliqua  globulo  sanguinis  minora,  vidi  ; 
corpora  eorum  longiora  quam  crassa,  et  abdomina  ungulis 
multis  instructa,  quibus  per  pellucidam  materiam  ac  globulos 
talem  ciebant  motum,  quasi  multipedam  per  parietem  curren- 
tem  nobis  imaginaremur,  et  quamvis  celerrimum  ungulis  suis 
motum  efficiebant,  tarde  tamen  promovebant,  horum  animal- 
culorum  in  hac  materia  hoc  tempore  saltem  unum  in  magnitu- 
dine  arenae,  altero  iterum  tempore  quatuor  aut  quinque  imo 
aliquando  sex  aut  octo,  semel  quoque  alia  animalcula  ejusdem 
magnitudinis,  sed  alterius  formationis,  animadverti.  » 

Pour  en  finir  avec  les  Trichomonades,  nous  ajouterons  que 
Sleinberg  a  signalé  dans  la  bouche  l'existence  de  trois  Flagellés 
qu'il  rapporte  à  ce  groupe  et  qu'il  désigne  sous  les  noms  de 
Trichomonas  elongat  a  >  Tr.  cuiuluta  et  Tr.  flagellata. 


Fig.  47.  —  Trichomonas  intes 
tinalh,  d'après  Rappin. 


MEGASTOMA   INTESTINALE.  80 

A.  a  Lceuwenhoek,  Analomia  seu  interiora  rerum,cum  animatarum  tum 
innniniaturum,  ope  et  beneficio  exquisitissimomm  microscopiorum  détecta, 
variisque  experimentis  demonstrata.  Lugd.  Batav.,  1G87.  —  Voir  fascicule  II, 
p.  38,  Devivis  animalculis  existentibus  in  exe  rementis. 

F.  Marchand,  Ein  Fait  von  Infusorien  im  Tijphusstuhl  Archiv  fur  puthol. 
Anatomie,  LXIV,  p.  293,  1875. 

Zunker,  Ueber  da->  Vorkommen  der  Cercomonas  intestinali<;  im  Digestion*  ■ 
/canal  des  Menscken  und  deren  Btziehung  zu  DiarrhÔen.  Deutsche  Zeitschr. 
fiir  prakt.  Medicin,  p.  I,  1878. 

G.  Rappin,  Contribution  à  l'étude  des  bactéries  de  la  bouche  à  l  état  nor- 
mal et  dans  la  fièvre  typhoïie.  Thèse  de  Paris,  1881. 


Megastoma  intestinale  R.  Bl.,  188o. 

Synonymie  :  Cercomonas  intestinalù  Lambl,  1859  (nec  1875). 
Dimorphus  mûris  Grassi,  1879. 
Megastoma  entericum  Grassi,  18S2. 

Ce  parasite,  bien  étudié  par  Grassi,  est  de  forme  singulière. 

On  peut  le  comparera  une  poire  divisée  en  deux  suivant  son 

é  axe.  principal;  la  base  est  en  avant  et  le  sommet  en  arrière 

(fig.  48  et  49).  Les  deux  cinquièmes  antérieurs  sont  échancrés 


Fig.  48.  —Megnstoma  intestinale,    Fig.  49.  —  Megastoma  intestinale,  d'après 
d'après  Grassi.  Grassi.  Différents  aspects  de  l'animalcule 

dépourvu  de  cils. 

et  profondément  déprimés  en  une  sorte  de  ventouse  réniforme 
et  transversale,  à  hiie  postérieur.  Le  corps  est  transparent  et 
incolore  ;  il  est  limité  extérieurement  par  une  membrane  chi- 
tinoïde  d'une  extrême  finesse,  légèrement  épaissie  au  pourtour 
de  la  dépression.  En  arrière  de  celle-ci,  et  sur  la  ligne  mé- 
diane, une  légère  crête  antéro-postérieure  parcourt  le  corps 
dans  toute  sa  longueur. 

Il  est  fréquent  de  voir  au   fond  de  la  ventouse   deux  petites 
taches  (vacuoles  ?)  claires,    elliptiques,  dirigées  en   long,   sur 


90  CLASSE    DES   FLAGELLÉS. 

lesquelles  le  carmin  peut  se  fixer  (fig.  49,  A,  B).  En  outre,  près 
de  l'extrémité  antérieure  de  la  crête  dont  il  vient  d'être  ques- 
tion se  voit  un  très  pelit  corpuscule  arrondi,  que  le  carmin  ne 
colore  pas. 

L'animal  est  long  de  5  à  10  tx  et  large  de  4  à  6  u..  En  géné- 
ral, il  progresse  en  roulant  sur  son  axe,  mais  parfois  aussi  il 
se  déplace  sans  effectuer  la  moindre  rotation.  Il  est  habi- 
tuellement muni  de  huit  flagellums  plus  longs  que  le 
corps  :  deux  s'attachent  à  l'extrémité  postérieure,  les  six  autres 
sont  disposés  symétriquement  de  part  et  d'autre  de  la  crête 
et  s'insèrent  sur  le  bord  de  la  ventouse. 

Ce  parasite  a  été  rencontré  d'abord  chez  la  Souris  et  chez 
diverses  espèces  de  Rais  ;  il  est  très  commun  quand  ces  animaux 
sont  un  peu  vieux.  On  le  trouve  aussi,  mais  très  rarement  chez 
le  Chat.  Il  habile  de  préférence  le  duonénum  et  le  jéjunum  ;  il 
est  rare  dans  l'iléon  et  est  presque  introuvable  dans  le  gros 
intestin.  11  vit  en  troupes  peu  nombreuses  ;  volontiers  il  s'ap- 
plique par  sa  ventouse  contre  les  cellules  de  l'épithélium  in- 
testinal, ce  qui  semble  indiquer  qu'il  vit  aux  dépens  de  ces 
cellules.  Il  ne  semble  pas  toutefois  que  l'hôte  chez  lequel  il  se 
trouve  en  soit  incommodé:  en  effet,  Grassi  a  souvent  observé 
des  Campagnols  qui  en  renfermaient  une  immense  quanlilé, 
sans  que  l'intestin  offrît  la  moindre  altération. 

Le  Mégastome  se  rencontre  également  chez  l'Homme.  Sur 
50  cas  environ,  il  a  été  vu  3  fois.  Les  individus  chez  lesquels 
cette  constatation  fut  faite  étaient  des  paysans  de  Rovellasca, 
atteints  de  diarrhée  :  deux  cas  étaient  chroniques,  l'autre  était 
suraigu.  Chaque  selle  renfermait  des  millions  de  parasites, 
mais  il  ne  faut  sans  doute  pas  considérer  ceux-ci  comme  la 
cause  de  la  maladie.  Il  convient  plutôt  de  croire  que  la  lésion 
intestinale  préexistait  et  qu'elle  avait  préparé  un  terrain  favo- 
rable à  leur  développement:  en  effet,  à  plusieurs  reprises  Grassi 
avala  un  grand  nombre  de  Mégastomes,  sans  jamais  en  retrouver 
un  seul  dans  sesselles.  Cetauteur  croitpourtantque  la  présence 
des  Mégastomes  dans  les  déjections  peut  servir  à  éclairer  le 
diagnostic  :  elle  indiquerait  une  affection  de  la  partie  supé- 
rieure de  l'intestin  grêle. 

La  transmission  du  parasite  se  ferait  du  Hat  à  l'Homme. 
Les  paysans  de  Rovellasca  ont  l'habitude  de  conserver  leur  pain 


MEGASTOUÀ  INTESTINAL!-:.  01 

dans  les  greniers,  où  les  Rats  peuvent  le  souiller  de  leurs  ex- 
créments. 

Nous  sommes  d'avis  qu'il  faut  distraire  du  groupe  Cercomo- 
nas hominis,  pour  le  ranger  à  côté  de  l'animalcule  précédent, 
le  parasite  vu  par  Lambl,  en  1859,  dans  les  mucosités  gélati- 
neuses de  l'intestin  des  enfants  et  décrit  par  cet  auteur  sous  le 
nom  de  Cercomonas  intestinalis  (nec  Lambl,  1875).  Cet  animal- 
cule (fig.  50,  mesure  18  à  21  [/.  de  long  sur  8,6 
à  11  fx  de  large  :  il  est  donc  de  taille  notable- 
ment plus  grande  que  le   précédent,   mais 
pour  tous   les   autres  caractères   ces    deux 
êtres  se  ressemblent  d'une  façon  remarqua- 
ble. Il  est  vrai  que  Lambl  n'a  point  vu  de  Fig.  50.  -  Megasto- 
flagellums  ;   mais    quoi    d'étonnant  à   cela,      ^mKsgi 
quand  on  sait  la  finesse  d'observation  qu'il      540  fois. 
faut  déployer  pour  les  apercevoir  et  quand 
des  micrographes  aussi  habiles  que  Donné,  Leuckart  et  BiUschli 
se  sont  trompés  sur  le  nombre  des  flagellums  de  Trichomonas 
vaginal  is? 

Voici  du  reste  la  description  que  donne  Lambl  du  parasite 
qu'il  a  découvert.  Qu'on  la  mette  en  parallèle,  d'une  part  avec 
celle  de  Cercomonas  hominis,  d'autre  part  avec  celle  du  Mégas- 
tome  décrit  par  Grassi,  ou,  mieux  encore,  qu'on  compare  les 
dessins  originaux  de  Lambl  et  de  Grassi,  et  on  demeurera 
convaincu  que  le  rapprochement  que  nous  faisons  est  légitime. 

«  La  forme  est  celle  d'une  Scorpène;  il  est  muni,  à  son  ex- 
trémité tronquée,  d'une  ventouse  ovale-arondie,  dans  la  pro- 
fondeur de  laquelle  brillent  deux  corpuscules  nucléiformes. 
La  queue  est  longue  de  3  à  4  p  et  épaisse  de  0,8  à  1,6  [x.  Les 
mouvements  de  locomotion  se  font  par  des  tours  circulaires, 
semblables  au  vol  de  l'Hirondelle,  puis  l'animal  vacille,  de  ma- 
nière à  se  montrer  de  profil;  en  outre,  quand  l'animal  est  au 
repos,  on  voit  la  queue  vibrer  comme  celle  d'un  spermatozoïde; 
à  l'agonie,  il  ouvre  et  ferme  par  ondulations  le  bord  de  sa  ven- 
touse, ce  qui  ressemble  à  un  mouvement  respiratoire.  Ce  mou- 
vement a  pu  être  observé  pendant  des  heures  entières  dans  les 
excréments  frais  ;  quelques  animaux  étaient  encore  reconnais- 
sablés  le  lendemain.  Les  plus  jeunes  formes  ressemblent  à  des 
corpuscules  muqueux  ovales  et  gonflés.  » 


92  CLASSE  DES   FLAGELLÉS. 

C'est  encore,  pensons-nous,  au  Mégastome  qu'il  faut  rappor- 
ter les  «  Monades  »  observées  à  Calcutta  par  Gunningham  dans 
un  grand  nombre  de  cas  de  choléra  ou  de  diarrhée  simple  et 
caractérisées  ainsi  :  «  L'autre  Monade  possède  un  corps  aplati 
en  spatule,  convexe  d'un  côté,  concave  de  l'autre  et  étiré  en 
un  appendice  délicat  et  filiforme,  au  voisinage  duquel  se  voient 
sur  la  face  concave  quelques  petits  cils  à  rapides  vibrations. 
Cette  espèce  n'est  pas  aussi  fréquente  que  les  Cercomonades 
ordinaires,  mais  parfois  elle  est  très  abondante.  » 

W.  Lambl,  Mikroskopische  Untersuchungen  der  Darm-Excrete.  Prager  Vier- 
teljahrsschrift  fur  praktische  Heilkunde,  LXI,  p   51,  1859. 

Lambl,  Aus  dem  Franz  Josef-Kinderspitale  in  Prag.  Prag,  1860. 

D.  D.  Cunningham,  Untersuchungen  ûber  das  Verhaltniss  mikroskopischer 
Organismen  zur  Choiera  in  Indien.  Zeitschrift  fur  Biologie,  VIII,  p.  551,  1872. 

R.  Grassi,  Sur  quelques  Protides  endoparasites  appartenant  aux  classes 
des  Flagellata,  Lobosa,  Sporozoa  et  Ciliata.  Archives  ital.  de  biologie,  II, 
p.  402,  1882,  et  III,  p.  23,  1883. 

TabUau  des  Flagellés  parasites  de  r  Homme. 

Un  flagellum  en  avant. . .     Cvrcomonas. 


.  .  ,  I  flagelli forme, 

noneenancre  l  (  Deux  flagellums  en  avant.    Cijstomonas. 

en  avant.      » 


„    ,  \  rigide  et  fixe.  i  absente..     Monocercomonas. 

_,    Prolongement    Quatr0  fl*geiiums  en  avant. 
©)        caudal        ^       Membrane  ondulante       (présente.     Trichomonas. 

éebancré  en  avant.  Six  flagellums  en   avant,  deux  en  J  \ieoasioma 
arrière ^ 


ORDKE   DES   PERIDINIENS 

Les  Péridiniens  ou  Dinoflagellés  sont  des  animaux  marins  ou  d'eau 
douce  :  leur  étude  est  intéressante  à  cause  des  enseignements  de 
physiologie  générale  qui  en  ressortent  :  ces  êtres  participent  en  effet 
des  caractères  des  animaux  et  de  ceux  des  plantes. 

Les  Péridiniens  varient  extrêmement  déforme;  leur  corps  est  le 
plus  souvent  divisé  par  un  sillon  transversal  en  deux  parties  plus 
ou  moins  semblables  l'une  à  l'autre.  Le  tégument  est  formé  d'un 
grand  nombre  de  pelites  plaques  disposées  côte  à  côte,  en  une  sorte 
de  cuirasse  offrant  les  réactions  delà  cellulose,  et  présente  fréquem- 
ment des  appendices  membraneux  ou  piquants,  sortes  de  cornes 
dont  la  forme  est  très  variable  :  on  en  peut  observer  trois  chez  Cera- 
tium  cornutum. 


OUDRE   DES   PÉRIDINIENS. 


93 


Ces  êtres  fig.  51)  présentent  un  flagellum,  a,  dont  l'existence  n'est 
pas  constante.  Un  autre  flagellum,  6,  est  enroulé  autour  du  corps, 
caché  dans  le  sillon  transversal  :  on  Ta  pris  longtemps  pour  une 
couronne  de  cils  vibraliles  et  c'est  pour  ce  motif  qu'on  leur  donnait 
naguère  le  nom  de  Cilio-flagellés.  Ce  dernier  flagellum  va  en  s'effi- 
lant  et  est  ondulé  sur  toute  sa  longueur  :  ce  sont  ses  ondulations 
qui  ont  été  considérées  comme  une  rangée  de  cils,  comme  c'a  été 
longtemps  le  cas  pour  la  membrane  des  Trichomonades. 

Les  Péridiniens   du   genre  Polykrikos   sont   remarquables  en  ce 
qu'ils    présentent  plusieurs  noyaux,    deux  au   moins,  et  plusieurs 
sillons  transversaux,  ces  derniers  pouvant  ûlre  au  nombre  de  huit  : 
enfin,    fait    remarquable    chez 
un  Protozoaire,  leur  tégument 
renferme  des  nématocystes. 

Le  proloplasma  renferme  un 
gros  noyau,  incurvé  souvent  en 
fer  à  cheval  et  contenant  un  ou 
plusieurs  nucléoles.  On  ne 
trouve  point  de  vésicules  con- 
tractiles, mais  la  masse  du 
corps  peut  être  creusée  de 
grandes  vacuoles  qui  occupent 
fréquemment  une  place  déter- 
minée et  remplissent  la  plus 
grande  partie  du  corps. 

La  plupart  des  Péridiniens  sont  colorés  en  jaune  ou  en  brun, 
grâce  à  la  présence  de  grains  de  diatomine;  d'autres  sont  incolores 
ou  bien  colorés  en  vert  par  la  chlorophylle,  ou  en  rouge.  Le  proto- 
plasma contient  encore  des  grains  d'amidon  et  des  gouttelettes  hui- 
leuses qui  sont  le  plus  ordinairement  incolores,  mais  peuvent  aussi 
être  teintées  de  jaune  ou  de  rouge  :  Ebrenberg  les  prenait  pour  des 
yeux. 

Le  développement  des  Péridiniens  est  encore  très  peu  connu.  Ils 
se  reproduisent  principalement  par  division  longitudinale,  mais, 
dans  beaucoup  de  cas,  le  plan  de  division  est  oblique  par  rapport  à 
l'axe  principal  ou  longitudinal  du  corps.  On  n'a  encore,  relativement 
à  une  reproduction  sexuelle,  que  des  données  très  incertaines. 

Certains  de  ces  animaux  abandonnent  leur  test  dans  des  conditions 
déterminées  et  subissent  une  véritable  mue  :  les  deux  flagellums  dis- 
paraissent, le  corps  se  rétracte  en  boule  au'  centre  de  l'enveloppe 
solide,  non  par  diminution  de  substance,  mais  plutôt  par  expulsion 
du  liquide  qui  remplissait  les  vacuoles.  Le  kyste  venant  alors  à  se 
rompre,  l'anima!   sort,  soit  à  l'état  de  forme  nue  {Peridinium),  soit 


Fig.  51.  —  Peridinium  tubulalum, 
d'après  Klebs. 


H  CLASSE   DES   FLAGELLÉS. 

après  avoir  revêtu  une  nouvelle  cuirasse  (Glenodiniwn).  Stcin  pense 
que  la  forme  nue  se  divise  en  deux  moitiés,  dont  chacune  devient 
bientôt  ovoïde  et  sécrète  une  cuticule  anhiste,  rudiment  de  la  future 
carapace. 

La  position  systématique  des  Péridiniens  est  des  plus  incertaines. 
Ils  ont  des  rapports  évidents  avec  les  Flagellés,  spécialement  avec 
les  Cryptomonades,  auxquelles  ils  se  relient  par  l'intermédiaire 
à' Exuviœlla  marina  Gnk.  (Postprorocentrum  maximum  Gourret).  On 
ne  saurait  méconnaître  d'autre  part  leurs  affinités  avec  les  Diatomées, 
à  côté  desquelles  Klebs  les  range  parmi  les  Thallophytes.  Enfin, 
G.  Pouchet  présente  bon  nombre  d'arguments  qui  les  rapprochent 
des  Noctiluques.  Des  recherches  nouvelles  sur  le  mode  de  reproduc- 
tion de  ces  êtres  pourront  seules  trancher  la  question. 

Jusqu'à  présent,  on  ne  connaît  aucune  espèce  de  Dinoflagellé  pa- 
rasite. On  a  voulu  pourtant  rattacher  à  ce  groupe  un  prétendu  para- 
site de  l'Homme  dont  il  nous  faut  dire  quelques  mots. 


Asthmatos  ciliaris  Salisbury,  1873. 

Un  médecin  américain,  Salisbury,  a  fait  connaître  sous  ce  nom  un 
organisme  de  forme  extrêmement  variable,  qu'il  avait  rencontré 
dans  le  mucus  des  yeux,  du  nez  et  de  la  gorge,  chez  des  malades 
atteints  de  certaines  formes  de  lièvres  catarrhales  :  il  le  crut  de 
nature  parasitaire  et  le  considéra  comme  la  cause  de  l'affection.  Les 


Fig.  5?.  —  Asthmatos  ciliaris,  d'après  Salisbury. 

figures  que  nous  donnons  de  cet  organisme  (fig.  52)  nous  dispense- 
ront d'insister  plus  longuement  sur  sa  description.  Salisbury  a  ob- 
servé en  cinq  ans  60  cas  de  cette  «  fièvre  de  foin  »  ou  «  fièvre  catar- 
rhale  »  et  toujours  il  a  trouvé  cet  organisme  en  grande  quantité  ;  la 
guérison  coïncidait  avec  sa  mort  et  sa  disparition. 

Le  DrEphraïm  Cutter,  de  Boston,  put  à  son  tour  observer  Asthmatos 
ciliaris  dans  une  centaine  de  Cas;  il  décrit  ses  formes  si  variées, 
jusqu'à  son  mode  de  reproduction  et  le  place  dans  la  série  zoologique 
à  côté  des  Actinophrys. 


ORDRE    DES  CYSTOFLAGELLES.  95 

Saville  Kcnt(l)  accepte  cet  organisme  comme  une  bonne  espèce 
zoologique  et  le  classe  parmi  ses  Cilio-flagellata.  Malgré  l'autorité  de 
cet  auteur,  il  faut  revenir  à  une  critique  plus  saine  et  rayer  définiti- 
vement Asthmatos  ciliaris  de  la  liste  des  parasites  de  l'Homme,  liste 
qui,  à  son  défaut,  sera  encore  assez  longue.  Le  professeur  Leidy,  de 
Philadelphie,  a  en  eff't  démontré  que  ces  prétendus  parasites  n'é- 
taient autre  chose  que  des  cellules  d'épithélium  isolées  et  nageant, 
au  moyen  de  leurs  cils  vibratiles,  dans  le  mucus  des  bronches  et  des 
fosses  nasales.  Cutter  cherche,  il  est  vrai,  à  maintenir  l'animalité 
d' Asthmatos  ciliaris,  mais  ses  arguments  ne  sauraient  convaincre 
personne. 

J.-H.  Salisbury,  Infusorial  Catarrh  and  Asthma.  Discovevy  of  the  cause  o, 
one  Form  of  Hay  Fever,  Hay  Asthma,  Catarrh  al  Fever,  etc.  Zeitschrift  fur 
Pasasitenkunde,  IV,  p.  6  (1873),  1875. 

Eplir.  Cutter,  Rhizopods  (Asthmatos  ciliaris)  a  cause  of  disease,  Virginia 
médical  montbly,  V,  p.  605,  novembre  1878. 

J.  Leidy,  Asthmatos  ciliaris.  Is  it  a  parasite,  the  cause  of  catarrhal  affec- 
tion? American  Journal  of  médical  science,  LXXVII,  p.  85,  1879. 

Ephr.  Cutter,  Rhizopoda  (so  called)  as  a  cause  of  disease  ;  treatment;  se- 
co?id  report.  Virginia  medioal  montbly,  VI,  p.  28,  1879. 


ORDRE   DES  CYSTOFLAGELLES 

Le  majestueux  phénomène  de  la  phosphorescence  de  la  mer,  qui 
s'observe  à  la  belle  saison,  est  dû  le  plus  souvent  aux  Noctiluques, 
qui  surnagent  en  innombrables  quantités  à  la  surface  des  flots. 
Ces  Protozoaires  sont  le  type  d'un  petit  groupe  voisin  des  Péridi- 
diens  ;  ils  sont  assez  gros  pour  être  visibles  à  l'œil  nu. 

Le  corps  de Noctiluca  miliaris  (fi g.  53)  est  globuleux,  transparent  et 
ressemble  à  un  grain  de  tapioca  à  demi  gonflé  par  l'eau  ;  il  est 
limité  par  un  tégument  mince  et  finement  grenu.  A  l'un  de  ses 
pôles  se  voit  une  dépression,  au  fond  de  laquelle  se  trouve  la  bouche 
et  qui  se  continue  sur  la  face  dorsale  par  une  sorte  de  sillon  qui  va 
en  s'alténuant;  celui-ci  est  bordé  par  deux  lèvres  saillantes  et  plis- 
sées,  qui  peuvent  s'écarter  ou  se  rapprocher  tour  à  tour,  au  gré  de 
l'animal.  La  bouche  n'est  apparente  que  quand  le  sillon  s'entr'ouvre 
et  lorsque  la  Noctiluque  ingurgite  une  proie. 

(1)  Saville  Kenr,  A  manual  of  the  Infusoria.  Voir  pp.  466-468  et  pi.  XXIV, 
fig.  62-64.  Les  figures  données  par  Kent  ne  sont  pas  la  reproduction  exacte  et 
fidèle  de  celles  de  Salisbury;  elles  peuvent  aisément  donner  le  change  sur  la 
véritable  structure  de  l'organisme  et  faire  croire  qu'il  s'agit  là  d'un  Infusoire 
ou  d'un  Péridinien.  Certains  auteurs  ont,  depuis,  reproduit  les  figures  de  Kent, 
sans  se  reporter,  comme  nous,  aux  dessins  originaux  de  Salisbury. 


96 


CLASSE   DES  FLAGELLES- 


Fig.  53.  —  Noctiluca  miliaris. 


Deux  appendices  se  montrent  au  voisinage  de  la  bouche,  un  fla- 
gellum et  un  tentacule.  Le  flagellum  n'est  visible  qu'autant  que  la 
dépression  buccale  s'écarte  pour  laisser  voir  la  bouche  elle-même. 
11  est  très  grêle  et  partout  d'égale  épaisseur;  il  s'agite  en  produisant 
des  ondulations  tantôt  lentes  et  étendues,  tantôt  rapides  et  courtes, 

ou  bien  encore  en  s'infléchissant  et 
en  se  roulant  en  spirale,  mais  ces 
mouvements  ne  peuvent  servir  en 
rien  à  la  locomotion  de  l'animal  et  ne 
semblent  avoir  d'autre  but  que  de  di- 
riger vers  la  bouche  les  matières 
nutritives. 

Le  tentacule,  deux  ou  trois  fois  plus 
long  et  surtout  beaucoup  plus  gços 
que  le  flagellum,  est  aplati  et  va  en 
s'effilant;  il  se  termine  par  un  som- 
met tronqué  et  arrondi.  Il  est  situé 
transversalement  et  animé  de  mou- 
vements lents,  capables  de  diriger  les  corps  étrangers  vers  la  bouche, 
mais  incapables  de  déplacer  la  Noctiluque. 

La  bouche,  au  niveau  de  laquelle  le  tégument  fait  défaut,estle  point 
par.  lequel  les  aliments  pénètrent  dans  la  masse  du  corps  ;  elle  fonc- 
tionne également  comme  anus.  Le  protoplasma  renferme  un  noyau 
central,  sphérique  ou  ovoïde,  dépourvu  de  nucléole.  Le  corps  cellulaire 
proprement  dit  est  disposé  autour  du  noyau  en  une  zone  peu  épaisse, 
d'où  partent  en  rayonnant  des  tractus  protoplasmiques  qui  vont  en 
se  ramifiant  de  plus  en  plus,  à  mesure  qu'ils  se  rapprochent  du  té- 
gument. Ces  filaments  sarcodiques  n'ont  rien  de  fixe,  mais  peuvent 
changer  profondément  d'un  instant  à  l'autre  ;  ils  traversent  la  cavité 
du  corps,  pleine  d'un  liquide  incolore,  et  leurs  derniers  tractus, 
anastomosés  entre  eux,  aboutissent  à  un  réseau  serré  qui  tapisse 
toute  la  face  interne  de  la  paroi  propre  de  la  Noctiluque. 

Le  protoplasma  ne  renferme  point  de  vésicule  contractile,  mais  on 
y  voit  ci  et  là  se  creuser  des  vacuoles,  autour  des  corps  étrangers  qui 
ont  été  introduits  par  la  bouche.  11  est  ordinairement  chargé  de 
granulalionsjauncs  ou  de  gouttelettes  huileuses,  il  est  enfin  éminem- 
ment contractile,  surtout  au  niveau  des  filaments  radiés. 

Les  Noctiluques  se  reproduisent  de  différentes  manières  :  les 
deux  plus  fréquentes  sont  la  gemmiparité  et  la  fissiparilé  ;  l'une  et 
l'autre  ne  se  présentent  que  chez  des  individus  adultes,  ayant  un 
diamètre  d'un  demi-millimètre  au  moins. 

La  gemmation  est  précédée  parla  chute  du  flagellum  et  du  tenta- 
cule, ainsi  que  par  l'oblitération  de  la  bouche  et  du  sillon  qui  lui 


OHDHE   DES  CYSTOFLAGELLÉS.  97 

fait  suite:  l'animal  s'est  ainsi  transformé  en  une  sphère  creuse  à 
paroi  close  de  toutes  parts.  Le  corps  cellulaire  entourant  le  noyau 
se  déplace  pour  gagner  la  périphérie  et  repousse  devant  lui  la  paroi 
cellulaire.  Alors  commence  la  segmentation  du  noyau  et  du  proto- 
plasma :  à  mesure  qu'elle  se  fait,  le  tégument  de  la  Noctiluque  se 
soulève  en  une  poche  dans  laquelle  vient  se  loger  chaque,  segment 
nucléaire  etprotoplasmique.  Cette  segmentation  se  fait  très  réguliè- 
rement en  2,  4,  8,  16,  32,  64,  128;  elle  s'arrête  quelquefois  au  stade 
2o6,  mais  va  le  plus  souvent  jusqu'au  stade  512  ;  onze  à  douze  heures 
suffisent  pour  l'achèvement  du  phénomène. 

Les  gemmes,  une  fois  que  leur  production  est  achevée,  sont  plus 
ou  moins  rapprochées  les  unes  des  autres  et  sont  disposées  en  une 
sorte  de  calotte  qui  recouvre  environ  le  tiers  ou  le  quart  de  la 
sphère  représentée  par  l'individu  générateur.  Leur  base  s'étrangle 
alors  de  plus  en  plus,  présage  de  leur  isolement  prochain,  en  môme 
temps  qu'au  voisinage  de  leur  sommet  on  voit  apparaître  un  flagel- 
lum.  D'abord  immobile,  celui-ci  commence  à  s'agiter  dès  qu'il  a 
une  fois  et  demie  à  deux  fois  la  longueur  de  la  gemme  ;  complètement 
développé,  il  est  six  à  sept  fois  plus  long  que  cette  dernière  :  c'est 
alors  que  les  gemmes  s'isolent  une  à  une,  pour  vivre  isolément. 

Devenues  libres,  les  gemmes  progressent  rapidement,  grâce  aux 
ondulations  de  leur  flagellum,  qui  les  pousse  en  quelque  sorte  devant 
lui.  Elles  sont  longues  de  18  u.,  larges  de  12  à  14  p..  Outre  le  noyau 
et  le  sarcode  à  lentes  contractions,  on  voit  à  leur  intérieur  une  et 
quelquefois  deux  vésicules  contractiles.  Le  développement  des  gemmes 
en  Noctiluques  est  encore  inconnu. 

La  fissiparité  est  un  mode  de  reproduction  moins  fréquent  que  le 
précédent.  Elle  s'annonce  par  l'effacement  de  la  dépression  buccale, 
la  disparition  du  flagellum  et  du  tentacule;  le  corps  de  la  Noctiluque 
s'allonge  alors  transversalement,  puis  s'étrangle  circulairement  de 
proche  en  proche,  à  partir  du  pôle  aboral.  Le  sillon  ainsi  formé  de- 
vient de  plus  en  plus  profond;  finalement,  au  bout  d'une  heure  et 
demie  à  deux  heures,  la  Noctiluque  est  complètement  divisée  en  deux 
sphères,  qui  peuvent  encore  rester  plus  ou  moins  longtemps  accolées 
l'une  à  l'autre. 

Les  nouveaux  individus  ont  toujours  un  diamètre  de  0min,2  au  moins 
et  souvent  plus.  Ils  sont  aisément  reconnaissables  à  ce  qu'ils  ont  une 
bouche,  mais  sont  dépourvus  de  tentacules  ;  pourtant,  ce  dernier 
commence  déjà  à  se  développer  avant  la  séparation  complète  des 
deux  individus;  la  striation  transversale  n'y  apparaîtra  que  plus  tard. 
Le  développement  du  flagellum  n'a  pas  encore-été  observé. 

Les  Noctiluques  se  maintiennent  à  peu  près  immobiles  à  la  surface 
de  la  mer  :  elles  sont  agitées  tout  au  plus  de  légers  mouvements  de 
Blanchard.  —  Zo  ol.  nied.  7 


98  CLASSE   DES  1NFUS0IUES. 

balancement  déterminés  par  le  tentacule.  Mais,  pour  qu'elles  se  mon- 
trent à  la  surface,  il  faut  que  certaines  conditions  de  chaleur  soient 
réalisées,  il  faut  en  outre  le  calme  le  plus  absolu;  la  moindre  pluie 
les  force  à  regagner  le  fond.  Elles  sont  parfois  tellement  abondantes 
que  la  mer  présente  une  couleur  rouge  assez  intense  et  acquiert  la 
consistance  du  tapioca.  Il  est  à  remarquer  que  Ja  phosphorescence 
de  la  mer  s'observe  surtout  dans  les  points  où  les  vagues  se  brisent 
et  viennent  frapper  le  rivage;  d'autre  part,  une  eau  obscure  aupara- 
vant devient  tout  d'un  coup  phosphorescente,  si  on  y  jette  une  pierre. 
Ces  faits  s'expliquent  aisément,  si  l'on  sait  que  la  lumière  émise  par 
les  Noctiluques  ne  se  produit  que  lorsque  celles-ci  sont  soumises  à 
une  excitation  quelconque,  par  exemple  lorsqu'elles  viennent  à  se 
heurter  les  unes  contre  les  autres.  On  peut  déterminer  la  phospho- 
rescence dans  une  eau  chargée  de  Noctiluques  en  la  faisant  traver- 
ser par  un  courant  électrique. 

La  phosphorescence  des  Noctiluques  est  due  à  un  simple  phéno- 
mène d'oxydation.  Le  principe  photogénique  ou  noctilucine  absorbe 
de  l'oxygène  et  dégage  de  l'acide  carbonique  tant  qu'on  le  main- 
tient dans  un  milieu  humide  :  en  même  temps,  il  demeure  lumineux  : 
son  éclat  augmente  notablement  quand  on  le  place  dans  une  atmos- 
phère d'oxygène  pur  ou  dans  un  air  riche  en  ozone.  Il  y  a  des  rai- 
sons de  penser  que  ce  même  principe  existe  dans  tous  les  animaux 
phosphorescents,  aussi  bien  que  dans  celles  des  matières  organiques 
en  voie  de  putréfaction  qui  ont  la  propriété  d'émettre  de  la  lumière. 

Herlwig  a  fait  connaître  sous  le  nom  de  Leptodiscus  medusoides  un 
Protozoaire  pélagique,  dépourvu  de  tentacule,  qu'il  range  parmi  les 
Cystoflagellés  et  qui  établirait  le  passage  de  ceux-ci  aux  Flagellés  ; 
d'autres  observateurs,  notamment  G.  Pouchet,  rapprochent  plus  vo- 
lontiers les  Noctiluques  des  Péridiniens,  et  cet  auteur  pense  môme 
qu'elles  proviennent  directement  de  Peridinium  divergens. 

Ch.  Robin,  Recherches  sur  la  reproduction  gemmipare  et  fissipare  des  Noc- 
tiluques. Journal  de  l'anatomie,  p.  563,  1878. 

W.  Vignal,  Recherches  histologiques  et  physiologiques  sur  les  Noctiluques. 
Archives  de  physiologie,  (2),  V,  1879. 


CLASSE  DES  INFUSOIRES 

Primitivement,  on  désignait  sous  le  nom  d'Infusoires  tous  les 
petits  animaux  qui  vivent  dans  les  eaux  stagnantes  et  qu'on  ne 
peut  voir  qu'avec  le  secours  du  microscope  :  comprise  de  la 
sorte,  cette  dénomination  s'appliquait,  non  seulement  a  tous 
les  Protozoaires  microscopiques,  mais  encore  à  d'autres  ani- 


CLASSE   DES  1NFUS01RES.  09 

maux  de  fort  petite  taille,  comme  les  Rotateurs,  les  Cercaires, 
les  Anguillules,  et  beaucoup  d'Algues.  Peu  à  peu,  ce  nom 
d'Infusoires  s'est  spécialisé,  et  il  s'applique  maintenant  à  un 
groupe  bien  défini  de  Protozoaires. 

Les  Infusoires  ont  été  découverts  en  1675  par  Leeuwenbœk, 
célèbre  naturaliste  hollandais.  Qu'on  place  une  substance  vé- 
gétale, une  feuille,  un  fragment  de  tige,  et  mieux  quelques 
brins  de  foin,  dans  une  quantité  d'eau  suffisante  pour  que  la 
putréfaction  ne  se  produise  point,  et  l'on  trouvera  au  bout  de 
quelques  jours,  allant  et  venant  sans  cesse  dans  le  liquide,  des 
milliers  d'animalcules  dont  le  microscope  seul  peut  nous  révé- 
ler l'existence.  Ces  êtres  sont  nés  dans  l'infusion  que  nous 
avons  faite  :  de  là  le  nom  à'infusoires  qui  leur  a  été  donné 
en  1763  par  Ledermiiller. 

La  classe  des  Infusoires  renferme  un  nombre  immense 
d'animaux,  presque  tous  invisibles  à  l'œil  nu.  Ils  vivent  dans 
les  eaux,  soit  douces,  soit  salées,  ou  se  trouvent  parfois  en 
parasite  chez  d'autres  animaux;  nous  aurons  à  en  décrire  une 
espèce  chez  l'Homme.  Par  suite  des  conditions  particulières 
dans  lesquelles  ils  sont  appelés  à  vivre,  certains  Infusoires 
passent  par  des  alternatives  d'humidité  et  de  sécheresse  :  ils 
peuvent  présenter  alors  de  curieux  phénomènes  de  revivis- 
cence, dont  nous  aurons  également  à  parler. 

Malgré  leur  quantité  innombrable,  malgré  la  grande  variété 
de  leur  forme  et  de  leur  structure,  il  est  assez  facile  d'établir 
une  classification  rationnelle  des  Infusoires  :  celle-ci  repose  sur 
la  présence  de  cils  vibratiles  à  la  surface  du  corps  ou  sur  leur 
absence  et  leur  remplacement  par  des  sortes  de  tentacules  pro- 
toplasmiques.  Les  Infusoires  dont  le  corps  porte  des  cils  vi- 
bratiles forment  la  division  des  Ciliés  ;  ceux  dont  le  corps  est 
dépourvu  de  cils,  mais  muni  de  tentacules  suceurs,  forment 
le  groupe  des  Acinètes,  Suceurs  ou  Tentacull fèves.  Les  Ciliés  se 
laissent  diviser  à  leur  tour  en  Holotriches,  Hétérotriches,  Péri- 
triches  et  Hypotriches,  suivant  la  nature  et  la  répartition  des 
cils  à  la  surface  du  corps. 

R.  Blanchard,  Sur  la  préparation  et  la  conservation  des  organismes  infé* 
rieurs.  Revue  internat,  des  sciences,  III,  p.  245,  1879. 

G.  Fialbiani,  Les  organismes  uniccllulaires.  Les  Protozoaires.  Journal  do 
micrographie,  V,  1881;  VI,  1882. 


100 


CLASSE   DES   1NFUSOIRES. 


Sous-classe  des  Ciliés. 

ORDRE    DES    HOLOTRICHES 

Ces  animaux,  extrêmement  nombreux,  ont  comme  caractère  com- 
mun d'avoir  la  surface  entière  du  corps  couverte  de  cils  vibratiles 
tous  semblables  entre  eux  et  qui  semblent  être  disposés  suivant  des 
lignes  longitudinales.  On  voit  parfois,  au  voisinage  de  la  bouche, 
quelques  cils  plus  longs,  ce  qui  établit  insensiblement  la  transition 
avec  les  lnfusoires  hétérotriches. 


Paramaecium  Aurélia  0.  F.  Mûller,  1786. 

Cet  Infusoire  (fig.  54)  se  développe  en  grand  nombre  dans  les  infu- 
sions végétales;  il  est  de  forme  oblongue  et  arrondi  à  ses  deux  extré- 
mités. Son  corps  est  limité  par  une  cuticule,  in- 
soluble dans  la  potasse  et  probablement  consti- 
tuée par  de  la  chitine  ;  il  est  en  outre  recou- 
vert sur  toute  sa  surface  de  cils  vibratiles  déli- 
cats, au  moyen  desquels  il  se  déplace.  Les  cils 
ne  sont  pas  des  prolongements  de  la  cuticule, 
mais  prennent  naissance  d<\ns  la  substance 
même  du  corps  :  la  cuticule  est  criblée  de  per- 
tuis  par  lesquels  ils  passent,  structure  qui  s'ob- 
serve également  sur  les  cellules  épilhéliales  vi- 
bratiles. 

La  masse  du  corps  se  laisse  diviser  en  deux 
couches  inégalement  développées.  La  couche 
externe  ou  couche  corticale,  plus  ou  moins 
épaisse,  est  résistante  et  homogène;  avec  la 
cuticule,  elle  forme  la  paroi  du  corps.  Très  ap- 
parente chez  les  Paramécies,  où  elle  renferme 
noyau;  /?,  penstomo ;  fréquemment  des  grains  de  chlorophylle,  elle 
y,  vacuole  contractile.        .     ,.fP  .,     ,      ,.  ..  ,  .,     ,         ,    P 

est  difficile  a   distinguer   chez   d  autres  lnfu- 
soires et  se  confond  avec  la  masse  centrale. 

Quand  on  laisse  une  Paramécie  se  dessécher  sur  une  lame  de  verre, 
quand  encore  on  la  comprime,  on  voit  de  sa  surface  jaillir  de  longs 
filaments  semblables  à  des  aiguilles  cristallines,  beaucoup  plus 
longues  que  les  cils  vibratiles  qui  revêtent  la  cuticule.  On  peut  cons- 
tater que  ces  filaments  proviennent  de  l'allongement  de  petits  bâ- 
tonnets renfermés  dans  la  couche  corticale,  au  contact  même  de  la 


Fig.  54.  —    Paramse- 
cium  Aureliaï  —  n, 


OUDRIÎ   DES   II0L0TR1CHES.  401 

cuticule,  et  perpendiculaires  à  celle-ci  ;  ce  sont  les  trichocystes.  On  les 
a  comparés  aux  nématocystes  des  Cœlentérés,  mais  Stem  croit  plu- 
tôt que  ce  sont  des  filaments  tactiles. 

Les  vésicules  contractiles  se  trouvent  encore  dans  la  couche  corti- 
cale. La  Paramécie  en  présente  deux,  l'une  en  avant,  l'autre  en 
arrière;  mais  leur  nombre  et  leur  situation  varient  considérablement 
chez  les  autres  Infusoires.  Elles  n'ont  pas  de  paroi  propre,  mais  sont 
limitées  par  une  simple  condensation  du  protoplasma.  Leurs  pulsa- 
tions sont  régulières  et  leur  nombre,  variable  d'une  espèce  à  l'autre, 
reste  le  môme  pour  les  individus  d'une  même  espèce;  on  a  remar- 
qué que  ce  nombre  était,  d'une  façon  générale,  moins  considérable 
chez  les  Infusoires  marins  que  chez  les  Infusoires  d'eau  douce.  Les 
pulsations  sont  nettement  influencées  par  la  température  :  de -[-4 
à  +  30°,  leur  nombre  va  en  augmentant  avec  la  température;  de  30 
à  35°,  ce  nombre  reste  fixe  ;  enfin,  au-dessous  de  0°  et  au-dessus  de 
-f-40°,  les  pulsations  cessent  complètement. 

Les  vésicules  contractiles  représentent  un  appareil  aquifère  rudi- 
mentaire;  elles  reçoivent  l'eau  du  milieu  ambiant  et  sont  chargées 
de  distribuer  celle-ci  dans  la  masse  du  corps  ;  aussi  les  voit-on  com- 
muniquer avec  des  canaux  qui  se  dilatent  quand  elles  se  contractent 
et  qui  redeviennent  plus  ou  moins  invisibles  quand  les  vésicules  se 
dilatent.  Ces  dernières  ont  en  outre  pour  rôle  d'expulser  au  dehors 
les  liquides  chargés  des  produits  de  désassimilation  :  dans  ce  but, 
elles  s'ouvrent  au  dehors  par  un  étroit  orifice;  quand  l'Infusoire  vide 
brusquement  ses  vésicules,  il  se  trouve  projeté  en  avant  par  un  mou- 
vement de  recul  et  de  choc  en  retour. 

La  substance  médullaire  ou  parenchyme  du  corps  de  la  Paramécie  se 
dislingue  nettement  de  la  couche  corticale  par  les  mouvements  de  ro- 
tation qu'elle  présente:  elle  descend  le  long  du  bord  droit  et  remonte 
le  long  du  bord  gauche,  par  un  phénomène  de  circulation  proto- 
plasmique  comme  on  en  peut  constater  dans  beaucoup  de  cellules, 
par  exemple  chez  les  Charagnes.  Elle  a  l'aspect  et  la  composition  chi- 
mique du  protoplasma  cellulaire,  notamment  du  protoplasma  des 
cellules  végétales;  après  la  mort  de  l'animal,  elle  se  colore  faiblement 
par  le  carmin,  l'hémaloxyline  et  les  réactifs  habituels,  mais  jouit  de 
la  curieuse  propriété  de  se  colorer  pendant  la  vie  par  le  dahlia,  le 
brun  Bismarck,  le  bleu  de  quinoléine,  etc. 

C'est  dans  le  parenchyme  que  se  rendent  les  aliments  solides  et 
liquides  de  la  Paramécie.  Ces  aliments  pénètrent  par  une  bouche 
dont  la  position  est  très  variable,  mais  qui,  dans  notre  type,  est  la- 
térale et  située  vers  la  partie  moyenne  du  corps  ;  elle  se  continue  par 
un  court  œsophage,  le  long  duquel  s'infléchit  la  cuticule  et  qui  se 
termine  brusquement  dans  le  sarcode.  Celui-ci  se  creuse  de  vacuoles 


102  CLASSE   DES  INFUSOIRES. 

dans  lesquelles  il  englobe  les  matières  nutritives;  puis,  quand  Ja  di- 
gestion en  esl  achevée,  on  le  voit  se  contracter  pour  en  transporter 
le  résidu  jusqu'à  l'anus,  situé  à  peu  près  à  égale  distance  entre  la 
bouche  et  l'extrémité  postérieure  du  corps. 

La  plupart  des  Infusoires  munis  d'une  bouche  sont  également 
pourvus  d'un  anus,  mais  fréquemment  celui-ci  n'est  visible  qu'au 
moment  où  le  bol  fécal  s'y  engage.  Sa  situation  par  rapport  à  la 
bouche  est  très  variable,  il  est  le  plus  souvent  placé  à  la  partie  pos- 
térieure. La  position  relative  de  ces  deux  orifices  n'est  pas  sans 
intérêt  :  Balbiani  a  en  effet  démontré  que,  dans  les  cas  de  re- 
production fissipare,  la  ligne  de  division  passait  toujours  entre 
la  bouche  et  l'anus.  Il  va  sans  dire  que  ces  ouvertures  n'ont  aucune 
homologie  avec  les  ouvertures  de  môme  nom  chez  les  Métazoaires. 

Nous  avons  vu  que  les  Rhizopodes  capturent  à  l'aide  de  leurs  pseu- 
dopodes et  introduisent  indifféremment  dans  leur  masse  tous  les  corps 
alibiles  qu'ils  peuvent  rencontrer  ;  ils  sont  incapables  de  faire  aucun 
choix  dans  leur  alimentation.  Les  Infusoires,  au  contraire,  discernent 
avec  une  remarquable  précision  les  êtres  qui  doivent  servir  à  leur 
alimentation  et,  en  cela,  font  preuve  de  mémoire,  de  volonté  et  de 
discernement.  C'est  ainsi,  par  exemple,  que  Bursaria  truncatella  se 
nourrit  exclusivenent  de  Navicelles  et  d'Oscillaires,  que  Didinium 
nasutum  ne  fait  la  chasse  qu'à  Paramœcium  Aurélia. 

Le  parenchyme  renferme  le  noyau  ou  endoplaste,  corpuscule  ar- 
rondi ou  elliptique,  entouré  d'une  membrane  d'enveloppe.  Comme  le 
noyau  des  cellules  ordinaires,  il  semble  être  formé  de  nucléine,  subs- 
tance insoluble  dans  le  suc  gastrique  et  riche  en  phosphore.  Le 
noyau  des  Infusoires  est  habituellement  excentrique  :  il  proémine 
plus  ou  moins  dans  le  parenchyme  et  reste  fixé  à  la  face  interne  de  la 
couche  corticale.  Les  connexions  avec  cette  dernière  sont  parfois 
assez  lâches  pour  lui  permettre  des  déplacements  étendus  ;  c'est  pré- 
cisément ce  qui  a  lieu  chez  la  Paramécie,  où,  au  lieu  de  rester  à  la 
partie  moyenne  du  corps,  il  se  trouve  fréquemment  reporté  soit  en 
avant,  soit  en  arrière. 

On  trouve  encore  dans  le  parenchyme  un  petit  corps  arrondi  ap- 
pelé endoplastule  ;  certains  auteurs  l'appellent  nucléole,  mais  il  faut 
rejeter  cette  dénomination,  car,  tandis  que  le  nucléole  véritable  est 
toujours  renfermé  dans  le  noyau,  l'endoplastule  est  toujours  en  dehors 
et  à  côté  du  noyau;  il  a  du  reste  la  signification  d'un  petit  noyau.  Il 
est  de  beaucoup  plus  petite  taille  que  l'endoplasle,  à  la  surface  du- 
quel il  est  souvent  accolé  ;  parfois  même  il  est  logé  dans  une  petite 
dépression,  qui  l'enchâsse  et  le  moule  en  quelque  sorte,  C'est  tou- 
jours aux  environs  du  noyau  qu'il  convient  de  le  chercher  ;  il  a  même 
réfringence  et  même  structure  que  celui-ci.  L'endoplastule  n'a  encore 


ORDRE    DES    HOLOTRICHES.  10:J 

été  observé  que  chez  les  Infusoires  ciliés  ;  il  n'existe  ni  chez  les  Fla- 
gellés ni  chez  les  Acinètes. 

Les  Infusoires  se  reproduisent  de  diverses  manières  :  le  mode  le 
plus  répandu,  celui  qui  assure  à  ces  ôtres  la  propagation  la  plus 
rapide  et  la  plus  active,  est  la  fissiparité  ou  scissiparité.  On  peut  l'ob- 
server aisément  chez  les  Paramécies.  Le  corps  de  l'animalcule  com- 
mence par  s'étrangler  plus  ou  moins  profondément,  suivant  un  plan 
transversal  qui  passe  entre  la  bouche  et  l'anus,  puis  on  voit  une 
bouche  nouvelle  apparaître  dans  le  segment  inférieur;  il  est  vrai- 
semblable que  le  nouvel  appareil  buccal  se  forme  en  connexion  avec 
celui  de  l'animal  primitif  et  s'en  détache  par  la  suite.  L'endoplasle, 
qui  jusqu'alors  était  demeuré  intact,  commence  alors  à  se  modifier  : 
il  s'allonge,  de  manière  à  pénétrer  profondément  dans  chacune  des 
moitiés  du  corps,  puis  il  s'étrangle  en  son  milieu  et  se  divise  en  deux 
noyaux  qui  s'écartent  l'un  de  l'autre  et  se  portent  chacun  dans  un  des 
nouveaux  individus. 

Cependant,  l'endoplastule  prend  également  part  à  la  division.  11 
s'allonge  parallèlement  à  l'endoplaste,  de  manière  à  se  placer,  comme 
lui,  perpendiculairement  au  plan  suivant  lequel  la  Paramécie  se  dé- 
double et,  en  môme  temps  qu'il  s'allonge,  il  présente  la  striation  lon- 
gitudinale qui  caractérise  les  noyaux  des  cellules  en  voie  de  segmen- 
tation ;  chez  les  Paramécies,  on  peut  môme  reconnaître  cet  aspect 
strié  de  l'endoplastule  en  dehors  des  phénomènes  de  multiplication 
par  fissiparité,  pendant  toute  l'existence  de  l'animal.  L'analogie  que 
présentent  les  phases  de  la  division  de  l'endoplastule  avec  celles  de  la 
division  des  cellules  ordinaires  est  assez  frappante  pour  qu'on  puisse 
attribuer  à  celui-là  la  signification  d'un  noyau  de  cellule  ;  celte  ana- 
logie existe  encore,  il  est  vrai,  pour  l'endoplaste,  mais  avec  une 
moindre  netteté.  Les  vésicules  contractiles  se  forment  de  toutes 
pièces  et  ne  résultent  pas  de  la  division  de  celles  que  possédait  l'in- 
dividu primitif. 

En  outre  de  la  division  scissipare,  les  Infusoires  présentent  de 
curieux  phénomènes  de  conjugaison,  dont  la  signification  resta  long- 
temps incomprise  :  Stein  y  voulait  voir  une  division  longitudinale, 
Balbiani  y  reconnaissait  au  contraire  une  reproduction  sexuelle,  dans 
laquelle  l'endoplaste  aurait  joué  le  rôle  d'un  ovaire,  et  l'endoplas- 
tule celui  d'un  testicule.  Des  travaux  plus  récents  de  Biitschli  et  de 
Balbiani  lui-même  ont  fait  voir  que  cette  théorie  de  l'hermaphro- 
disme des  Infusoires  n'était  pas  fondée. 

La  conjugaison  se  fait  à  des  époques  qu'il  est  impossible  de  pré- 
voir, et  dans  des  conditions  difficiles  à  saisir.  Quand  les  Infusoires  se 
sont  multipliés  activement  par  fissiparité,  celle-ci  s'arrête  et  on  voit 
alors  la  conjugaison  apparaître.  Elle  s'annonce  toujours,  comme  l'a 


104  CLASSE   DES   INFUSOIRES. 

constaté  Dulbiani,  par  des  actes  analogues  à  ceux  par  lesquels  les  ani- 
maux supérieurs  préludent  au  rapprochement  sexuel.  «  Aux  approches 
des  époques  de  propagation,  les  Paramécies  viennent  de  tous  les  points 
du  liquide  se  rassembler  en  groupes  plus  ou  moins  nombreux  qui, 
vus  à  l'œil  nu,  apparaissent  comme  de  petits  nuages  blanchâtres, 
autour  des  objets  flottant  à  la  surface  de  l'eau  ou  sur  divers  points 
du  flacon  qui  renferme  la  petite  mare  artificielle  où  l'on  conserve  les 
animalcules  à  l'état  de  captivité.  Une  agitation  extraordinaire,  et  que 
le  soin  de  l'alimentation  ne  suffit  plus  à  expliquer,  règne  dans  chacun 
de  ces  groupes.  Un  instinct  supérieur  semble  dominer  tous  ces  petits 
êtres;  ils  se  recherchent,  se  poursuivent,  vont  de  l'un  à  l'autre  en 
se  palpant  à  l'aide  de  leurs  cils,  s'agglutinent  pendant  quelques  ins- 
tants dans  l'attitule  du  rapprochement  sexuel,  puis  se  quittent  pour 
se  reprendre  bientôt  de  nouveau.  Lorsqu'on  disperse  ces  petits  amas 
en  agitant  le  liquide,  ils  ne  tardent  pas  à  se  reformer  sur  d'autres 
points.  Ces  jeux  singuliers,  par  lesquels  ces  animalcules  semblent  se 
provoquer  mutuellement  à  l'accouplement,  durent  souvent  plusieurs 
jours  avant  que  celui-ci  ne  devienne  définitif.  » 

Chez  Paramœcium  Aurélia,  la  conjugaison  dure  de  vingt-quatre  à 
trente-six  heures  :  deux  individus  se  placent  parallèlement  l'un  à 
l'autre  et  s'accolent  par  la  surface  en  contact  ;  cet  accotement  latéral 
s'observe  chez  toutes  les  espèces  dont  la  bouche  est  déjetée  sur  le 
côté.  Quand  les  deux  animalcules  se  sont  réunis  de  la  sorte,  l'endo- 
plaste  et  l'endoplastule  subissent  de  profondes  modifications,  qui  ont 
été  surtout  étudiées  par  Bùtschli  et  Balbiani  ;  les  observations  de  ce 
dernier,  faites  à  l'aide  du  vert  de  méthyle,  qui  colore  les  productions 
nucléaires  sur  l'Infusoire  vivant,  ont  une  valeur  toute  particulière. 

L'endoplastule  se  divise  tout  d'abord  en  deux,  puis  en  quatre  cap- 
sules présentant  une  striation  longitudinale  ;  au  moment  où  les  deux 
individus  conjugués  vont  se  séparer  l'un  de  l'autre,  les  quatre  capsules 
se  divisent  chacune  en  deux  autres,  en  sorte  que  chaque  Infusoire  pos- 
sède huit  capsules  striées,  provenant  du  nucléole.  La  séparation  ache- 
vée, les  huit  capsules  s'arrondissent;  quatre  d'entre  elles  ne  se  mo- 
difient pas  davantage  et  conservent  leur  aspect  strié,  mais  les  quatre 
autres  se  transforment  plus  complètement:  leur  contenu  se  condense 
et  prend  un  aspect  granuleux  ;  en  leur  centre  apparaît  bientôt  une  petite 
vésicule  claire,  sur  laquelle  viennent  se  déposer  des  granulations  bril- 
lantes qui,  par  leur  accumulation  progressive,  finissent  par  se  souder 
et  par  former  une  enveloppe  à  la  vésicule.  A  partir  de  ce  moment, 
ces  quatre  capsules  ne  se  colorent  plus  par  le  vert  de  méthyle,  ce  qui 
indique  que  leur  substance  a  perdu  son  caractère  nucléaire  et  a  pris 
les  propriétés  du  protoplasma,  que  le  réactif  laisse  incolore. 

Balbiani  donne  à  ces  quatre  capsules  le  nom  de  corps  oviformes. 


ORDHE   DES   UOLOTRICHES.  |n:i 

Ceux-ci  grossissent  et  se  montrent  chez  l'animal  vivant  comme  des 
taches  rondes  et  claires,  très  visibles,  à  l'intérieur  desquelles  on  voit 
encore  la  vésieule  centrale.  Bientôt  les  corps  oviformes,  continuant 
à  grossir,  subissent  une  sorte  de  régression  ;  iis  perdent  leur  vési- 
cule centrale  et  se  transforment  chacun  en  un  globule  homogène 
qui  pâlit  de  plus  en  plus.  Dès  lors,  ils  recommencent  à  se  teindre  par 
le  vert  de  méthyle,  ce  qui  annonce  un  retour  de  leur  substance  à 
l'état  de  substance  nucléaire. 

A  partir  de  ce  stade,  la  marche  ultérieure  des  événements  dépend 
des  circonstances  extérieures  :  les  animaux  conjugués  pourront,  ou 
non,  se  diviser  par  fissiparité.  S'ils  sont  renfermés  dans  un  liquide 
appauvri,  la  division  n'a  pas  lieu  :  les  corps  oviformes  se  transforment 
alors  en  éléments  nucléaires  et  se  soudent  très  lentement  pour  cons- 
tituer un  nouveau  noyau.  S'ils  sont,  au  contraire,  contenus  dans  un 
liquide  riche  en  principes  nutritifs,  chacun  des  deux  animalcules 
conjugués  se  divise  et  produit  ainsi  deux  Paramécies,  présentant 
l'une  et  l'autre  deux  corps  oviformes  dans  leur  parenchyme.  Une 
nouvelle  multiplication  a  lieu,  à  la  suite  de  laquelle  chaque  individu 
ne  renferme  plus  qu'un  seul  corps  oviforme,  qui  n'est  autre  chose 
désormais  que  le  noyau  ou  endoplasle. 

En  effet,  pendant  que  le  nucléole  subissait  ses  premières  modifica- 
tions et  achevait  de  se  segmenter  en  huit,  le  noyau  ne  restait  pas 
inaclif  ;  il  se  transformait  en  un  cordon  flexueux,  pelotonné,  qui  se 
déroulait  et  se  divisait  en  fragments  plus  petits,  lesquels  produisaient 
à  leur  tour  des  fragments  sphériques  de  plus  en  plus  petits.  Lors  de 
la  bipartition  des  individus  conjugués,  ces  fragments  nucléaires  se 
répartissent  entre  les  deux  animaux  qui  prennent  ainsi  naissance;  on 
les  retrouve  encore  dans  les  autres  générations,  devenus  de  plus  en 
plus  rares  et  de  moins  en  moins  distincts.  Il  est  du  moins  certain 
qu'ils  ne  jouent  aucun  rôle  essentiel  dans  la  conjugaison  et  qu'ils 
n'ont  rien  à  voir  avec  le  noyau  rede\enu  normal  à  partir  de  la 
deuxième  génération  qui  suit  la  conjugaison,  celui-ci  dérivant  mani- 
festement du  nucléole  des  individus  conjugués. 

A  la  suite  de  la  conjugaison,  les  lnfusoires  sont  dépourvus  de  nu- 
cléole; leurs  descendants,  au  contraire,  en  présentent  un.  Comment 
donc  se  reconstitue-t-il?  On  se  rappelle  que,  des  huit  capsules  striées, 
quatre  seulement  se  sont  transformées  en  corps  oviformes.  Balbiani 
admet  que,  des  quatre  capsules  non  transformées,  il  en  est  trois  qui 
avortent  et  se  résorbent;  il  n'en  persisterait  qu'une  seule,  qui  devien- 
drait le  nucléole,  lequel  se  partagerait  par  des  divisions  successives 
entre  les  individus  provenant  des  générations  fissipares  consécutives 
à  la  conjugaison.  C'est  seulement  les  quatre  individus  de  la  seconde 
génération  qui  reprennent  une  structure  normale  et  présentent  un 


106  CLASSE  DES  INFUSOIRES. 

noyau  et  un  nucléole,  les  deux  individus  de  la  première  génération 
renfermant  un  nucléole  et  deux  corps  oviformes  ou  noyaux.  Désor- 
mais, la  reproduction  se  poursuit  simplement  par  division  transver- 
sale à  travers  un  très  grand  nombre  de  générations  successives. 

Pendant  la  conjugaison,  Balbiani  a  vu  souvent  des  capsules  striées, 
provenant  de  la  division  de  l'endoplastule,  s'engager  dans  l'ouverture 
buccale.  11  voit  là  l'indice  d'un  échange  de  capsule  entre  les  deux 
Paramécies  conjuguées  et  il  croit  que  c'est  la  capsule  échangée  entre 
les  deux  animaux  qui  persiste,  alors  que  les  trois  autres  se  résor- 
bent, et  qui,  en  se  divisant,  donne  naissance  au  nucléole  des  quaire 
petites  filles  provenant  des  individus  accouplés. 

Les  résultats  essentiels  de  la  conjugaison  sont  donc  la  disparition 
du  noyau  après  fragmentation  et  son  remplacement  par  un  segment 
du  nucléole  primitif.  Quelle  est  la  signification  physiologique  de  ce 
curieux  phénomène?  Engelmann  et  Bùtschli  ne  considèrent  pas  la 
conjugaison  comme  un  mode  particulier  de  reproduction  :  le  pre- 
mier y  voit  une  réorganisation  et  un  remaniement  de  l'individu,  par 
suite  delà  reconstitution  du  noyau;  pour  le  second,  c'est  un  rajeu- 
nissement qui  consiste  principalement  en  un  remplacement  de  l'an- 
cien noyau  par  un  nouveau.  Balbiani  l'interprète  au  contraire  comme 
un  phénomène  sexuel,  comme  un  véritable  accouplement,  dans 
lequel  le  nucléole  jouerait  le  rôle  d'organe  mâle  et  le  noyau  celui 
d'organe  femelle.  A  la  suite  de  la  conjugaison,  l'aptitude  des  Infu- 
soires  à  la  fissiparité  se  trouve  considérablement  augmentée  :  c'est 
là  la  conséquence  la  plus  remarquable  de  la  conjugaison,  comme 
l'aptitude  de  l'œuf  à  se  segmenter  est  la  conséquence  de  sa  fécon- 
dation. 

Nous  devons  signaler  encore,  dans  l'ordre  des  Holotriches,  un  cer- 
tain nombre  de  formes  présentant  un  intérêt  particulier.  De  ce  nombre 
sont  les  Golpodes,  qui  sont  à  proprement  parler  les  Pleuronectes  des 
Infusoires  :  en  effet,  leur  corps  ovalaire  est  aplati  latéralement  ;  les 
faces  dorsale  et  ventrale  se  réduisent  chacune  à  un  bord  tranchant. 
Us  nagent  sur  le  côté  et  la  bouche,  en  forme  de  fente,  et  située  sur 
le  bord  ventral  ;  elle  s'ouvre  directement  dans  le  parenchyme.  La 
vésicule  contractile  est  unique  et  placée  au  voisinage  de  l'anus. 

Les  Colpodes  vivent  dans  l'eau  de  nos  mares  et  de  nos  ruisseaux. 
Us  se  multiplient  activement  par  fissiparité;  mais,  chez  eux,  ce 
phénomène  est  remarquable  en  ce  que,  au  préalable,  chaque  animal 
s'est  renfermé  dans  un  kyste,  au  sein  duquel  il  se  sépare  en  deux, 
quatre,  huit,  quelquefois  môme  en  seize  fragments  qui,  après  rupture 
de  la  membrane,  forment  seize  individus  nouveaux,  jouissant  d'une 
existence  indépendante.  La  conjugaison  s'accomplit  encore  à  l'inté- 


ORDRE   DES   HOLOTRICllES. 


107 


rieur  d'un  kyste  :  deux  individus  se  réunissent  dans  une  môme  enve- 
loppe, puis  se  fusionnent  en  une  seule  masse,  qui  finalement  se  di- 
vise en  quatre. 

Les  Colpodes  sont  surtout  remarquables  par  l'état  de  vie  latente 
dans  lequel  ils  tombent,  lorsque  les  conditions  extérieures  devien- 
nent défavorables,  par  exemple  quand  la  mare  qui  les  renferme  vient 
à  se  dessécher;  ils  s'enkystent  encore  et  peuvent  garder  ainsi  leur 
vitalité  pendant  un  temps  très  long.  Balbiani  a  conservé  en  vie 
latente,  pendant  plus  de  sept  ans,  des  Colpodes  enkystés  sur  une  lame 
de  verre,  à  condition  de  les  humecter  tous  les  ans.  Les  kystes  de  con- 
servation diffèrent  des  kystes  de  reproduction  par  l'épaisseur  plus 
considérable  de  leur  paroi  et  aussi  parce  que  l'animal  enkysté  a  com- 
plètement suspendu  les  battements  de  sa  vésicule  contractile.  Les 
Colpodes  nous  offrent  donc  un  inté- 
ressant exemple  de  reviviscence, 
comme  on  en  peut  constater  encore 
chez  certains  Vers,  tels  que  les  An- 
guillules  et  les  Rotifères. 

C'est  encore  un  Hololriche,  lcktkyo- 
phthirius  multifiliis,  qui  vit  dans  la 
peau  des  Poissons  d'eau  douce  et  qui 
cause  la  mort  des  jeunes.  Quand  il  a 
atteint  son  complet  développement, 
il  se  détache  et  tombe  au  fond  de 
l'eau;  il  est  alors  gros  comme  une  Fig.  55.  —  Enkystement  des  Col- 
tête  d'épingle.  A  ce  moment,  il  forme  Podes-  ~  a>6>c'  ColPodes  se  di~ 
des  kystes  très  épais,  à  l'intérieur 
desquels  il  se  multiplie  par  segmen- 
tation avec  une  telle  activité  que  fré- 
quemment un  seul    kyste   renferme 

jusqu'à  mille  individus  jeunes.  Ceux-ci,  mis  en  liberté  par  rupture 
du  kyste,  s'attachent  aux  alevins  et  se  nourrissent  par  endosmose 
aux  dépens  de  leur  hôte.  L'anus  et  la  bouche  font  défaut  :  cette  der- 
nière existait  sans  doute  chez  l'ancêtre  libre,  mais,  par  adaptation  à 
la  vie  parasitaire,  elle  s'est  transformée  en  une  petite  ventouse,  mu- 
nie de  cils  vibraliles,  qui  sert  exclusivement  à  la  fixation  de  l'infu- 
soire. 

L'absence  de  la  bouche,  par  suite  du  parasitisme,  est  encore  plus 
accusée  chez  certains  Holotriches  endoparasites,  tels  que  Haptophrya 
et  Opalina.  Les  Haptophryes  habitent  l'intestin  des  Batraciens;  elles 
n'avaient  été  signalées  que  chez  les  Batraciens  d'Algérie,  quand  nous 
en  avons  découvert  une  espèce  intéressante  (f/.  tritonis  Certes),  chez 
le  Triton  de  nos  pays. 


visant  à  l'intérieur  de  leurs 
kystes;  d,  Colpode  sortant  de 
son  kyste;  e,  Colpode  libre;  /, 
Colpode  enkysté. 


108  CLASSE   DES  INFUSOIRES. 

Les  Opalines  se  rencontrent  également  dans  l'intestin  des  Batra- 
ciens ;  elles  sont  assez  grandes  pour  être  visibles  à  l'œil  nu.  Ces  Infu- 
soires,  au  corps  aplati  et  à  peu  près  elliptique,  n'ont  ni  bouche  ni 
anus,  ni  vésicule  contractile,  ni  nucléole  ou  endoplastule.  En  re- 
vanche, ils  ont  un  grand  nombre  de  noyaux,  et  ce  nombre  va  en 
augmentant  avec  l'âge,  par  suite  de  divisions  successives.  Lors  de  la 
fissiparité,  ces  noyaux  se  répartissent  simplement ,  en  quantité  à 
peu  près  égale,  entre  les  deux  individus,  sans  s'étrangler  ni  subir 
aucune  segmentation. 


ORDRE   DES  HETEROTRIGRES   ' 

Les  Infusoires  de  cet  ordre  ont  le  corps  recouvert  sur  toute  son 
étendue  de  cils  locomoteurs  très  fins.  La  bouche  est  située  au  fond 
d'une  dépression  en  entonnoir  ou  péristome,  dont  le  bord  est  en 
outre  muni  d'une  rangée  de  cils  longs  et  robustes  qui  servent  à  la 
préhension  des  aliments. 

C'est  à  ce  groupe  qu'appartient  le  seul  Infusoire  qui  ait  été  jusqu'à 
présent  rencontré  en  parasite  chez  l'Homme. 

Balantidium  coli   Slein,  1862. 

Synonymie  :  Paramsecium  coli  Malmsten,  1857. 

Plagiotoma  coli  Claparède  et  Lachmarm,  1858. 
Leucophrys  coli  Stein,  1860. 
Holophryii  coli  Leuckart,  1863. 

En  1856,  le  professeur  Malmsten,  de  Stockholm,  fut  appelé 
à  donner  ses  soins  à  un  homme  de  trente-huit  ans  qui,  deux 
ans  auparavant,  avait  survécu  à  une  violente  attaque  de  cho- 
léra, mais  qui  se  plaignait  depuis  de  troubles  digestifs  cons- 
tants, s'accompagnant  tantôt  de  constipation,  tantôt  de  diar- 
rhée. L'examen  du  rectum  permit  de  constater,  à  un  pouce 
environ  au-dessus  de  l'anus,  l'existence  d'une  petite  plaie  pro- 
duisant un  pus  sanguinolent  dans  lequel  nageaient  des  Infu- 
soires en  grande  quantité  (fig.  56).  L'ulcération  guérit  bientôt, 
mais  les  douleurs  persistèrent,  et  on  continua  de  rencontrer 
les  parasites  dans  le  mucus  intestinal. 

Le  professeur  Sven  Lovén,  chargé  de  l'examen  du  parasite, 
le  rapporta  avec  doute  au  groupe  des  Holotriches  et  lui  donna 
le  nom  de  Paramsecium  coll. 


OHOIllî   DES   IIÉrÉUOTMCIIES.  100 

Peu  de  temps  après,  ce  même  parasite  fut  retrouvé  en  grande 
masse  chez  une  femme  qui,  depuis  plusieurs  années,  souffrait 
d'une  colite  chronique  et  qu'épuisaient  des  selles  sanguino- 
lentes et  purulentes.  La  malade  vint  à  mourir.  A  l'autopsie, 
on  trouva  dans  le  gros  inteslin  un  nombre  considérable  de 
petits  abcès  gangreneux.  A  partir  de  l'S  iliaque,  l'intestin  était 
rempli  de  pus  fétide.  Dans  cette  région,  les  parasites  étaient 
rares,  mais  ils  pullulaient  sur  toute  la  portion  saine  de  la  mu- 
queuse du  gros  intestin,  c'est-a-dire  dans  le  cascum  et  l'appen- 
dice iléo-csecal.  On  n'en  trouvait  pas  trace  dans  l'intestin  grêle 
ni  dans  l'estomac. 


V- 


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Fig.  ôG.  —  Balantidium  coli  dans  les  selles. 

A  la  suite  de  Malmsten,  un  certain  nombre  d'auteurs  obser- 
vèrent Balantidium  coli.  Stieda  le  vit  deux  fois  à  Dorpat  chez 
des  typhiques.  En  Suède,  Ekeckrantz,  Belfrage,  Winbladh  et 
Wising  le  signalèrent  chacun  une  fois  ;  Petersson  le  vit  dans 
trois  cas  et  Henschen  dans  six.  Dans  le  cas  de  Belfrage,  il 
accompagnait  de  nombreux  abcès  du  gros  intestin,  particu- 
lièrement du  caecum,  qui  finirent  par  tuer  le  malade.  Dans 
l'un  des  cas  de  Henschen,  l'affection  du  gros  intestin  se  com- 
pliquait d'un  catarrhe  aigu  de  l'estomac  et  de  l'intestin  ;  mais 
on  doit  considérer  ce  fait  comme  exceptionnel. 

En  1870,  Losch  observa  deux  cas  à  Saint-Pétersbourg,  dans 
la  clinique  du  professeur  W.-E.  Eck.  L'un  des  malades  sortit 
de  l'hôpital  avant  sa  guérison  ;  l'autre  mourut  :  à  l'autopsie, 
on  trouva  des  ulcérations  du  gros  intestin.  Ces  observations  de 


110  CLASSE   DES   INFUSOIRES. 

Lôsch  ne  semblent  pas  avoir  été  publiées;  elles  nous  sont  con- 
nues par  la  courte  mention  qu'en  fait  Raptchevsky. 

Ce  dernier  auteur,  en  1880  et  en  1882,  a  vu  trois  fois  le  pa- 
rasite à  la  clinique  du  docent  Lôsch,  à  l'hôpital  Nicolas.  Le 
premier  cas  est  relatif  à  un  gardien  de  l'hôpital,  âgé  de  vingt- 
trois  ans.  Cet  individu  était  atteint  depuis  une  vingtaine  de 
jours  d'une  diarrhée  abondante  :  les  selles  étaient  très  liquides, 
brun  jaunâtre,  fétides  et  renfermaient  des  grumeaux  muco- 
purulents  colorés  par  du  sang.  L'examen  microscopique  prati- 
qué au  bout  de  ce  temps  y  fit  découvrir  des  Balantidium  en 
nombre  tellement  considérable,  qu'on  en  voyait  fréquemment 
5  ou  6  exemplaires  par  champ  visuel,  à  un  grossissement  de 
300  diamètres.  Les  parasites  étaient  bien  vivants  et  surtout 
nombreux  dans  les  grumeaux.  Le  mucus  pris  dans  le  rectum, 
à  l'aide  d'une  sonde,  en  contenait  aussi  en  grande  abondance. 

Sur  les  conseils  de  Lôsch,  Raptchevsky  essaya  l'action  de 
l'acide  salicylique  sur  Balantidium.  En  traitant  l'Infusoire  par 
une  solution  au  millième,  celui-ci  meurt  au  bout  d'une  mi- 
nute et  demie;  il  perd  sa  forme  ovale,  s'arrondit,  devient  angu- 
leux, irrégulier,  puis  son  protoplasma  se  trouble.  Cette  action 
nocive  une  fois  constatée,  Raptchevsky  ordonna  au  malade  des 
lavements  à  l'acide  salicylique  au  millième  et  lui  fit  prendre 
également  à  l'intérieur  15  grammes  d'acide  salicylique  addi- 
tionnés de  sulfate  de  soude  et  d'acide  chlorhydrique  ;  ce  der- 
nier agent  avait  pour  but  d'empôcher  la  formation  de  salicy- 
lates,  dont  l'action  est  moins  énergique.  Au  bout  de  trois  jours 
de  ce  traitement,  le  parasite  devient  plus  rare  dans  les  selles  ; 
au  quatrième  jour,  on  ne  l'y  rencontre  plus.  Bientôt  après,  la 
diarrhée  cesse,  les  selles  reprennent  leur  aspect  normal,  les 
coliques  disparaissent  et  le  malade  s'en  va  guéri. 

La  deuxième  observation  est  relative  à  un  individu  de  vingt 
et  un  ans,  soldat  dans  la  garde  impériale.  On  trouvait  dans  les 
selles  une  grande  quantité  de  Balantidium,  qui  disparurent 
complètement  au  bout  de  cinq  jours,  grâce  au  traitement  par 
l'acide  salicylique. 

La  troisième  et  dernière  observation  est  celle  d'un  homme 
de  vingt-trois  ans,  gardien  à  l'hôpital  Nicolas.  Le  traitement 
fut  encore  efficace,  mais  le  malade  mourut  d'une  exténuation 
générale.  A  l'autopsie,  on  trouva  l'intestin  grêle  hyperhémié, 


OKDHE   DES   HETEUOTIUCHES. 


Ml 


les  follicules  hypertrophiés  et  pigmentés  sur  leurs  bords.  La 
muqueuse  du  gros  intestin  était  de  couleur  livide,  parsemée  de 
suffusions  sanguines,  épaissie,  d'aspect  spongieux;  ses  folli- 
cules étaient  hypertrophiés,  quelques-uns  même  présentaient 
à  leur  sommet  des  ulcérations  cratériformes.  La  muqueuse  du 
côlon  descendant,  et  particulièrement  de  l'S  iliaque,  était 
épaissie,  de  couleur  ardoisée  et  couverte  d'ulcérations  assez 
larges,  s'étendant  souvent  jusqu'à  la  couche  musculaire;  les 
bords  en  étaient  un  peu  épaissis  et  comme  mordillés.  L'exa- 
men microscopique  du  gros  intestin  permit  de  reconnaître  les 
lésions  ordinaires  de  l'inflammation  chronique. 

Jusqu'à  présent,  les  observations  de  Balantidium  coli  se  rap- 
portent à  une  aire  géographique  très  restreinte.  On  ne  l'a  vu 
qu'à  Stockholm,  à  Upsal,  à  Dorpat  et  à  Saint-Pétersbourg;  on 
ne  l'a  signalé  ni  en  France,  ni  en  Angleterre,  ni  en  Allemagne. 
Pourtant,  au  cours  d'une  campagne  en  Gochinchine  et  en 
Chine  faite  en  1874,  Treille,  alors  médecin- major  de  l'aviso 
le  Volta,  l'a  vu  sur  un  certain  nombre  d'officiers  et  d'hommes 
d'équipage,  atteints  de  dysenterie  aiguë;  cet  auteur  note  que, 
contrairement  à  l'opinion  de  Malmsten,  le  parasite  ne  meurt 
pas  pour  ainsi  dire  aussitôt  après  l'évacuation  des  matières 
qui  le  contiennent,  puisqu'on  le  retrouve  encore  vivant  au 
bout  de  six  heures  et  demie.  Ajoutons  enfin  que  Graziadei  et 
Perroncito  l'ont  observé,  en  1880,  chez  des 
ouvriers  du  Saint-Gothard  atteints  d'ané- 
mie des  mineurs. 

Balantidium  coli  (fîg.  57)  est  un  animal- 
cule ovoïde,  long  de  70  à  100  [x,  large  de 
50  à  70  (x.  La  forme  du  corps  est  très  cons- 
tante. 11  se  compose  d'une  masse  finement 
granuleuse  dans  laquelle  on  voit  souvent, 
surtout  dans  la  région  postérieure,  des 
gouttelettes  graisseuses  de  taille  variable 
et  des  corpuscules  plus  gros,  granuleux, 
qui  sont  sans  doute  des  excréments.  La 
nutrition  semble  se  faire  par  osmose,  aux 
dépens  des  matières  élaborées  par  l'individu  chez  lequel  vit  le 
parasite  ;  pourtant  Wising  a  vu  la  substance  de  son  corps 
renfermer  des  globules   du  sang  et,  chez  le  Porc  nourri  de 


Fig.5: 


-  Balantidium 
coli. 


H  2  CLASSE   DES  INFUSOIRES. 

pommes  de  terre,  Leuckart  y  a  signalé  la  présence  de  grains 
d'amidon. 

La  masse  granuleuse  dont  nous  venons  de  parler  est  entourée 
par  une  sorte  de  couche  corticale  de  protoplasma  clair  et  trans- 
parent, dans  laquelle  se  trouvent  renfermés  le  noyau  et  les 
vacuoles  contractiles.  Le  noyau,  situé  dans  la  moitié  anté- 
rieure du  corps,  est  elliptique  et  faiblement  incurvé,  de  ma- 
nière à  présenter  un  aspect  réniforme;  il  est  pâle,  homogène, 
à  contours  plus  ou  moins  nets  et  dépourvu  de  nucléole.  Les 
vacuoles  contractiles  sont  ordinairement  au  nombre  de  deux  : 
l'une  d'elles  est  située  à  l'extrémité  postérieure  du  corps,  l'au- 
tre en  est  plus  ou  moins  éloignée  ;  quelquefois  on  en  observe 
trois,  quelquefois  une  seule,  et  c'est  alors  la  postérieure  qui 
persiste.  Leurs  contractions  sont  extraordinairement  lentes  et 
faibles,  en  sorte  qu'elles  peuvent  facilement  passer  inaperçues. 
On  les  voit  du  reste  fréquemment  changer  de  place.  Stein  dit 
qu'elles  communiquent  l'une  avec  l'autre  au  moyen  d'une 
lacune  et  que  l'antérieure  se  vide  dans  la  postérieure. 

Au  pôle  antérieur,  à  peine  tronqué,  se  voit  le  péristome, 
sorte  de  dépression  en  entonnoir  qui,  née  un  peu  sur  le  côté 
du  corps,  s'enfonce  obliquement  vers  le  milieu  de  celui-ci.  Le 
péristome  a  souvent  été  pris  pour  la  bouche,  mais  il  n'en  est 
que  le  vestibule  :  il  aboutit  en  effet  à  un  court  canal  qui  s'en- 
fonce à  travers  la  zone  périphérique  de  protoplasma  clair  et  se 
termine  en  cul-de-sac  aux  confins  de  la  masse  granuleuse  in- 
terne. Observe-t-on  l'animalcule  en  train  de  manger,  on  voit  le 
péristome  s'élargir  et  se  contracter  tour  à  tour;  il  prend  alors 
une  forme  triangulaire  ;  son  bord  le  plus  proche  du  pôle  est 
plus  long  et  plus  mobile  que  l'autre.  Du  reste,  la  faculté  de 
contraction,  toujours  très  atténuée,  ne  s'observe  guère  qu'au 
niveau  du  péristome  et  surtout  de  sa  lèvre  antérieure,  qui 
s'étire  parfois  en  une  sorte  de  cou.  L'anus,  fort  difficile  avoir, 
est  situé  au  pôle  postérieur. 

Le  corps  entier  est  recouvert  d'une  mince  cuticule  dont  la 
surface  est  marquée  de  stries  qui  partent  toutes  du  péristome 
pour  s'en  aller  vers  l'extrémité  postérieure,  en  décrivant  une 
spirale  allongée.  Ces  stries  sont  surtout  apparentes  en  avant, 
où  elles  se  disposent  en  rayonnant  autour  du  péristome.  Elles 
sont  très  régulièrement  espacées  les  unes  des  autres  et  dans 


ORDRE   DES   FIÉTÉROTRICHES.  H3 

leurs  intervalles  s'implantent  de  courts  cils  vibratiles  qui  revo- 
tent la  surface  entière  du  corps.  Le  péristome  est  lui-môme 
dépourvu  de  cils  vibratiles,  mais  son  bord  postérieur  est  orné 
d'une  rangée  de  cils  longs  et 
puissants  qu'anime  une  vive 
vibration  et  qui  donnent  sou- 
vent   l'illusion   d'un   mouve- 
ment de  roue. 

Wising  a  observé  le  début 
de  la  conjugaison  de  ces  ani- 
malcules :  deux  individus 
s'accolent  par  le  péristome  et 
se  fusionnent  en  ce  point,  le 
reste  du  corps  demeurant 
libre  (fig.  58).  Cet  auteur  n'a 
pas  vu  le  noyau  subir  la 
moindre  modification. 

La  multiplication  par  divi- 
sion transversale  est  beaucoup  plus  fréquente  (fig.  59).  Stein, 
Ekeckrantz,  Wising  et  Leuckart  en  ont  souvent  été  témoins. 


Fig. 


—  Balnntidium  coli  en  conju- 
gaison, d'après  Wising. 


Fig.  59.  —  Balantidium  coh.  Reproduction  iissipare,  d'après  Leuckart. 


Elle  débute  par  la  production,  vers  la  partie  moyenne  du  corps, 
d'une  ceinture  de  longs  cils  vibratiles,  au  niveau  de  laquelle 
le  corps  ne  tarde  pas  à  s'étrangler  profondément.  Le  noyau  et 
Bi.AKcnARD.  —  Zool.  méd.  8 


114  CLASSE   DES  INFUSOIRES. 

les  vacuoles  contractiles  se  dédoublent  alors;  puis  le  segment 
inférieur  se  déprime  en  une  excavation  qui  deviendra  le  péris- 
tome  et  dans  laquelle  la  ceinture  de  cils  s'enfonce  de  plus  en 
plus. 

Les  deux  individus  ainsi  formés  se  séparent  davantage  et 
bientôt  ne  tiennent  plus  l'un  à  l'autre  que  par  un  pédoncule 
qui  finit  par  se  briser.  Le  fragment  de  ce  pédoncule  se  rétracte 
par  la  suite,  mais  il  persiste  encore  quelque  temps  sous  forme 
d'une  petite  masse  sphérique  qui  a  donné  lieu  à  des  interpré- 
tations diverses.  Certains  auteurs  la  prenaient  pour  un  ex- 
crément; Ekeckrantz  la  considérait  au  contraire  comme  un 
bourgeon,  et  partait  de  là  pour  admettre  que  la  reproduction 
pouvait  se  faire  encore  par  gemmiparité. 

Dansla première  édition  de  son  grand  ouvrage  sur  lesparasites 
de  l'Homme,  en  1863,  Leuckart  faisait  connaître  que  Balanti- 
dium coli  se  rencontre  constamment  en  grande  quantité  dans 
le  côlon  et  le  caecum  du  Porc  de  Saxe.  Il  suffit,  pour  l'observer, 
d'introduire  une  sonde  par  l'anus  et  de  ramener  ainsi  un  peu  de 
matière  fécale  ou  de  mucus  intestinal  :  déjà  à  la  loupe,  les  In- 
fusoires  sont  aisément  reconnaissables;  ils  se  présentent  sous 
l'aspect  de  points  blancs  qui  se  déplacent. 

Cette  observation  de  Leuckart  a  été  confirmée  par  Stein  pour  . 
diverses  localités  de  l'Allemagne,  par  Ekeckrantz  et  Wising 
pour  la  Suède,  par  Grassi  pour  l'Italie.  Raptchevsky  l'a  égale- 
ment confirmée  pour  Saint-Pétersbourg  :  3  Porcs  sur  18  lui 
ont  présenté  Balantidium  coli  en  grande  quantité.  L'intestin  de 
Porc  habité  par  le  parasite  a  une  muqueuse  normale,  ne  pré- 
sentant ni  congestion  ni  hypersécrétion  :  il  semble  donc  que  le 
Porc  ne  soit  pas  incommodé  par  la  présence  du  parasite. 

Nous  devons  ajouter  que  nous  avons  nous-même  cherché  vai- 
nement le  parasite  sur  les  Porcs  provenant  des  abattoirs  de 
Paris,  mais  peut-être  nos  observations,  n'ayant  porté  que  sur 
un  petit  nombre  d'individus,  n'ont-elles  pas  été  assez  nom- 
breuses. 

Quoi  qu'il  en  soit,  on  peut  dire  que  le  Porc  est  l'hôte  véri- 
table de  Balantidium  coli.  C'est  donc  par  ce  quadrupède  que  le 
parasite  est  transmis  à  l'Homme,  chez  lequel  il  peut  persister 
pendant  longtemps  et  où  il  atteint,  d'après  Wising,  une  taille 
un  peu  moins  considérable  que  chez  le  Porc  (60  à  70  ja). 


ORDRE   DES   HÉTÉHOTRICHES.  Ilo 

Si  on  met  l'animalcule  en  contact  avec  l'eau,  sa  vivacité  n'est 
pas  tout  d'abord  ralentie,  mais,  au  bout  d'un  temps  assez  long, 
on  le  voit  s'arrêter,  se  contracter  et  perdre  ses  cils  ;  ceux  du 
péristome  disparaissent  les  derniers.  Le  corps  prend  alors  l'as- 
pect d'une  boule  de  80  à  100  [x,  autour  de  laquelle  la  cuticule 
épaissie  finit  par  s'isoler.  A  l'intérieur,  on  peut  encore  distin- 
guer la  zone  claire  périphérique  de  la  masse  centrale  granu- 
leuse; dans  cette  dernière  se  voient  quelques  gouttelettes 
graisseuses . 

En  faisant  l'examen  d'excréments  de  Porc  en  partie  dessé- 
chés, on  y  retrouve  des  kystes  semblables  à  ceux  que  nous  ve- 
nons de  décrire.  On  doit  admettre  que  leur  formation  est  nor- 
male et  qu'elle  tient  à  ce  que,  sous  l'influence  de  la  dessicca- 
tion, comme  tout  à  l'heure  sous  l'influence  d'une  trop  grande 
humidité,  les  animalcules  expulsés  du  gros  intestin,  cherchent 
à  se  mettre  en  garde  conlro  des  conditions  qui  leur  sont 
défavorables. 

Les  kystes ,  dans  lesquels  Balantidium  est  à  l'état  de  vie 
latente,  sont  doués  d'une  grande  force  de  résistance  aux  causes 
diverses  de  destruction;  ils  s'effritent  et  se  dispersent  avec  les 
excréments  et  viennent  souiller  de  la  sorte  les  objets  les  plus 
divers.  L'Homme  va  donc  s'infecter  en  avalant  des  substances 
sur  lesquelles  se  sont  déposés  les  kystes  :  le  Porc  s'infectera  de 
la  même  façon,  ou  mieux  en  se  repaissant  d'excréments  qui  en 
renferment. 

Ce  mode  de  propagation  du  parasite  ressemble  à  celui 
qu'Engelmann  et  Teller  ont  observé  pour  Opalina  ranarum.  Il 
nous  explique,  en  outre,  l'insuccès  des  expériences  d'Ekeck- 
ranlz,  de  Wising  et  de  Raptchevsky,  qui  essayèrent  en  vain  de 
communiquer  le  parasite  à  des  Chiens  et  à  d'autres  animaux  en 
leur  faisant  absorber  par  la  bouche  ou  par  l'anus  des  matières 
fécales  dans  lintérieur  desquelles  on  s'était  assuré  de  sa  pré- 
sence. Le  kyste  résiste  à  l'action  du  suc  gastrique,  tandis  que 
l'animal  adulte,  imparfaitementprotégépar  une  mince  cuticule, 
ne  peut  traverser  impunément  l'estomac. 

La  valeur  pathogénique  de  Ba  'antidium  coli  est  encore  obscure. 
Chez  le  Porc,  il  vit  dans  un  intestin  tout  à  fait  sain,  mais  on  ignore 
s'il  est  capable  de  vivre  chez  l'Homme  dans  les  mêmes  condi- 
tions  Jusqu'à  présent,  on  ne  l'y  a  observé  que  dans  des  cas  de 


116  CLASSE  DES  INFUS01KES. 

maladie  :  en  est-il  la  cause  déterminante,  ou  celles-ci  préparent- 
elles  simplement  un  terrain  favorable  à  son  développement? 
Autant  de  questions  auxquelles  nous  ne  pouvons,  pour  l'ins- 
tant, donner  aucune  réponse. 

Pour  combattre  ce  parasite,  Malmsten  avait  recours  à  l'acide 
chlorhydrique  dilué;  Henschen  préférait  des  la\\  ments  d'acide 
acétique  et  de  tannin.  On  peut  également  empluyei  la  benzine 
ou  l'acide  phénique;  nous  avons  dit  déjà  quels  résultats  Rapt- 
chevsky  a  obtenus  avec  l'acide  salicylique. 

Malmsten,  Infusorien  als  Intestinal! hiere  Ici  MenscJien.  Archiv  fur  palhol. 
Anatomie,  XII,  p.  302,  1857. 

P.-J.  Wising,  Titl  kdnnedomen  om  Balantidium  coli  hos  mànniskan.  Nor- 
diskt  med.  arkiv,  III,  n°  3,  1871. 

O.-V.  Petersson,  Nya  (ail  af  Balantidium  coll.  Upsala  làkarefôreniigs 
fôrhandiingar,  VIII,  p.  251-266,  1873. 

G.  Treille,  Note  sur  le  Paramecium  coli  observé  dans  la  dysenterie  de  Co- 
chinchine.  Archives  de  méd.  navale,  XXIV,  p.  129,  1875. 

Henschen,  Fem  nya  fait  af  Balantidium  coli.  Upsala  lâkaref.  fôrhandl.,  X, 
p.  120,  1875. 

Graziadei,  //  Paramsecium  coli  umano  in  Italia.  Archivio  per  le  scienze  mc- 
diche,  IV,  no  21,  1880. 

Perron cito,  L'anémia  dei  contadini,  fornaciai  e  minatori  in  rapporto  coli' 
attuale  epidemia  negli  opérai  del  Gottardo.  Annali  délia  R.  accademia  d'agri- 
coltura  di  Torino,  XXII,  1880.  —  Voir  p.  228. 

I.-F.  Raptchevsky,  Un  cas  de  catarrhe  chronique  du  gros  intestin,  avec 
présence  de  Balantidium  coli.  Vratch,  n°  31,  1880.  —  Id.,  De  l'emploi  de 
Vacide  salicylique  contre  Balantidium  coli.  Meditsinsky  viestnik,  nos  23,  24, 
25,  1882. 

A  côté  de  Balantidium  coli,  ou  peut  citer  encore  B.  duodeni  Stein, 
qui  vit  dans  l'intestin  de  la  Grenouille  ;  Plagiotoma  lumbrici  Duj.,  pa- 
rasite de  l'intestin  du  Ver  de  terre  ;  Nyctotherus  Duboisi  Kiïnstler, 
qui  habite  l'intestin  de  la  larve  à'Oryctcs  nasicornis. 

En  outre  de  ces  Hétérotriches  parasites,  il  en  est  d'autres  qui  vi- 
vent en  liberté,  mais  dont  l'histoire  mérite  de  fixer  un  instant  notre 
attention  ;  tels  sont  les  Stentors.  Ces  animaux  sont  les  plus  gros  de 
tous  les  Infusoires;  ils  sont  visibles  à  l'œil  nu. 

Stentor  polymorphus  Ehrenberg  est  très  abondant  dans  l'eau  des 
mares.  Son  corps  a  la  forme  d'un  cône  allongé,  dont  la  base  est  an- 
térieure et  correspond  au  péristome.  Le  bord  de  celui-ci  présente 
une  échancrure,  grâce  à  laquelle  il  afJTVcte  la  forme  d'une  spire;  il 
est  hérissé  sur  tout  son  parcours  de  soies  longues  et  raides,  qui  ont 
pour  fonction  de  déterminer  des  tourbillons  amenant  tout  à  la 
fois  la  nourriture  et  de  l'eau  chargée  d'oxygène.  Le  péristome  est 
fortement  creusé  en  entonnoir  et  présente  en  son  point  le  plus  dé- 


ORDRE   DES   IlÉTÉROTRICHES.  117 

clive  une  bouche  siluée  latéralement.  La  surface  entière  du  corps 
est  couverte  de  cils  fins  et  délicats,  réservés  à  la  locomotion. 

Les  gros  cils  adoraux  sont  volontaires;  les  cils  qui  revêtent  la  cu- 
ticule sont  involontaires.  Des  poisons  tels  que  la  strychnine,  la  mor- 
phine, l'alcool,  arrêtent  rapidement  les  vibrations  des  cils  volon- 
taires, mais  ne  paralysent  que  tardivement  les  cils  involontaires;  de 
môme,  quand  la  température  s'abaisse,  les  cils  volontaires  cessent 
leurs  mouvements  bien  plus  tôt  que  les  autres. 

La  couche  corticale  ou  ectoplasme  est  parcourue  d'une  extrémité 
du  corps  à  l'autre  par  des  bandes  longitudinales,  suivant  lesquelles  se 
font  toujours  les  contractions  du  corps  :  ce  sont  de  véritables  fibres 
musculaires.  Une  différenciation  non  moins  intéressante  nous  est 
offerte  par  la  vésicule  contractile  :  elle  se  continue  a\ec  un  long  ca- 
nal, qui  parcourt  toute  la  longueur  du  corps  ;  il  convient  de  dire  à 
ce  propos  que  les  Haptophryn,  parmi  les  Holotriches,  présentent  une 
disposition  analogue. 

D'après  ce  que  tout  à  l'heure  nous  disions  des  cils  vibratiles,  il  est 
aisé  de  reconnaître  qu'il  existe  pour  ceux-ci  deux  centres  moteurs 
distincts,  diversement  influencés  par  les  agents  toxiques.  Or,  on  doit 
admettre  un  troisième  centre,  qui  a  sous  sa  dépendance  les  contrac- 
tions de  la  vésicule  :  en  effet,  l'électricité  arrête  immédiatement  les 
vibrations  ciliaires,  mais  laisse  intactes  les  contractions  de  la  vési- 
cule. Ces  centres  moteurs  sont-ils  constitués  par  de  la  substance 
nerveuse?  Dans  l'état  actuel,  il  serait  téméraire  de  l'affirmer;  mais, 
en  considérant  les  différenciations  variées  que  peut  subir  le  sarcode 
des  Infusoires,  notamment  sa  transformation  en  fibres  contractiles 
analogues  à  des  muscles,  il  ne  semble  pas  impossible  que  des  réac- 
tifs appropriés  permettent  de  découvrir  un  jour  une  substance  ner- 
veuse. 

La  substance  médullaire  ou  endoplasme  du  Stentor  polymorphe 
renferme  un  grand  nombre  de  grains  d'amidon.  Elle  est  surtout  re- 
marquable par  son  noyau  :  celui-ci  est  moniliforme  et  constitué  par 
une  série  de  onze  fragments,  reliés  les  uns  aux  autres  par  un  fila- 
ment qui  semble  tout  d'abord  être  disposé  comme  le  fil  d'un  chape- 
let; mais  ce  filament  est  un  tube  creux,  qui  entoure  les  grains  et  qui 
reste  vide  et  s'accole  à  lui-même  dans  l'intervalle  de  ceux-ci;  ce  n'est 
donc  pas  autre  chose  qu'une  véritable  enveloppe  nucléaire. 

L'anus  est  situé  au-dessous  et  à  peu  de  distance  de  la  bouche.  La 
fissiparité  se  fait  suivant  un  plan  transversal  légèrement  oblique. 
Quand  elle  va  s'accomplir,  ou  voit  le  noyau  présenter  de  curieuses 
modifications  :  tous  les  grains  qui  le  composent  se  rapprochent  les 
uns  des  autres  et  se  fusionnent,  en  même  temps  que  la  membrane 
nucléaire  revient  sur  elle-même.  Puis  le  noyau  simple  qui  provient 


118  CLASSE    DES   INFUSOIRES. 

de  cette  fusion  s'allonge  derechef  et  retourne  à  l'état  moniliforme, 
mais  il  possède  alors  un  nombre  de  grains  double  du  nombre  pri- 
mitif. Quand  la  division  sera  achevée,  chacun  des  deux  animaux  pos- 
sédera un  noyau  normal,  à  onze  segments. 

Stentor  poly m orphus  est  véritablement  un  Infusoire  libre;  il  peut 
pourtant  se  fixer  à  volonté  par  son  extrémité  postérieure,  à  la  sur- 
face de  corps  étrangers.  Cette  faculté  de  fixation  est  bien  plus  mani- 
feste chez  une  espèce  voisine,  St.  Rœseli  Ehrbg,  qui  est  normalement 
fixée;  ce  Stentor  sécrète  même  une  logette  tubuleuse,  fermée  à  la 
base,  béante  à  son  autre  extrémité,  dans  laquelle  il  peut  se  cacher 
lorsqu'il  se  contracte.  Il  nous  conduit  ainsi  aux  Freia,  dont  la  cara- 
pace est  encore  plus  développée^ 


ORDRE   DES   PERITRICHES 

Les  Infusoires  péritriches  ont  le  corps  cylindrique  et  nu.  Le  péris- 
tome  est  orné  d'une  couronne  spirale  de  longs  cils  sétacés  ;  parfois 
le  corps  présente  en  outre,  à  une  distance  variable  du  péristome, 
une  couronne  circulaire  de  cils  locomoteurs,  ou  de  cirrhes  rigides. 

Dictyocysta  mitra  Hseckel,  qui  vit  dans  l'Atlantique  et  dans  la  Mé- 
diterranée, est  remarquable  par  la  présence  d'une  cuirasse  siliceuse 
qui  enveloppe  tout  son  corps,  sauf  dans  la  région  du  péristome.  Celte 
cuirasse  ressemble  tout  à  fait  à  la  carapace  d'un  Radiolaire. 

Les  animaux  les  plus  remarquables  de  ce  groupe  sont  les  Vorti- 
celles,  autour  desquelles  viennent  se  ranger  un  certain  nombre  de 
formes. 

Les  Vorticelles,  si  abondantes  dans  les  ruisseaux  et  les  étangs,  res- 
semblent à  de  petites  fleurs  en  forme  de  clochette,  dressées  à  l'extré- 
mité d'un  pédicule.  Celui-ci  est  éminemment  contractile  :  ordinaire- 
ment, la  Vorticelle  l'étend  pour  chercher  sa  nourriture  aux  alentours 
de  son  point  de  fixation;  mais  si  un  Infusoire  plus  gros  qu'elle,  et 
dont  elle  redoute  l'attaque,  vient  à  se  montrer,  soud.iin  elle  se  con- 
tracte, et  le  pédicule  s'enroule  sur  lui-môme  comme  un  ressort  à 
boudin  :  l'animal  s'applique  alors  contre  l'objet  sur  lequel  il  s'est 
fixé  et  demeure  immobile  jusqu'à  ce  que  tout  danger  ait  disparu. 

Le  pédicule  qui  se  contracte  ainsi  est  constitué  par  un  filament 
central,  entouré  d'une  sorte  d'enveloppe  homogène  (fig.  60).  Si  on 
décapite  une  Vorticelle,  le  pédicule  s'enroule  en  hélice,  mais  il  s'é- 
tend de  nouveau  quand  le  filament  central  commence  à  se  détruire, 
soit  par  altération  naturelle,  soit  par  l'action  des  réactifs.  Ce  fait  met 
donc  hors  de  doute  que  le  filament  central  est  le  siège  véritable  des 
contractions.  Celles-ci  ont  toujours  excité  la  curiosité  des  observa- 


ORDRE   DES    PÉR1TR1CI1ES. 


110 


teurs  et  le  professeur  Ch.  Rougel  leur  u  attribué  une  grande  impor- 
tance, en  voulant  assimiler  à  l'enroulement  hélicoïde  du  style  des 
Vorticelles  la  contraction  de  la  fibre  musculaire  striée.  On  sait  au- 
jourd'hui que  cette  manière  de  voir  ne  correspond  point  à  la  réalité. 

L'enveloppe  amorphe  du  pédi- 
cule se  continue  avec  la  cuticule 
du  corps,  dont  elle  n'est  qu'un  pro- 
longement. Le  filament  central  s'é- 
panouit lui-même  en  coupe  autour 
delà  Vorticelle  et  forme  ainsi  une 
cavité  qui  embrasse  la  surface  en- 
tière de  celle-ci.  De  la  sorte  se 
constitue  au-dessous  de  la  cuticule 
une  membrane  composée  de  fibril- 
les délicates  et  représentant  la  par- 
tie contractile  du  corps  de  l'animal. 
On  trouve  donc  encore  ici  de  véri- 
tables fibres  musculoïdes,  comme 
celles  que  nous  avons  signalées 
déjà  chez  les  Stentors. 

Vers  la  partie  antérieure  du 
corps  se  voit  une  vacuole  contrac- 
tile, dont  les  battements  se  font 
avec  une  grande  régularité  de  huit 
en  huit  secondes  ;  on  y  trouve  en- 
core un  long  noyau  rubané,  enroulé 
en  forme  de  fer  à  cheval  et  accom- 
pagné d'un  endoplastule  non  étiré. 

Le  corps,  avons-nous  dit,  a  la 
forme  d'une  cloche;  le  bord  de 
celle-ci  se  renverse  en  dehors  en 
un  bourrelet  plus  ou  moins  épais, 
qui  donne  insertion  à  une  rangée 
de  cils  vibratiîes.  Ainsi  se  trouve 
délimité  le  péristome,  mais  celui- 
ci  ne  circonscrit  pas  une  ouver- 
ture libre,  il  est  en  effet  obturé 
par  le  disque,  sorte  d'opercule  qui 

adhère  par  la  plus  grande  partie  de  son  bord  au  bord  du  péristome, 
et  qui  laisse  d'autre  part  entre  lui  et  ce  dernier  un  espace  libre,  cor- 
respondant à  la  bouche.  Celle-ci  donne  accès  dans  le  vestibule,  large 
canal  qui  s'avance  parallèlement  au  plan  du  disque  et  s'incurve  en 
genou  en  arrière.  Au  fond  du  vestibule  se  trouvent  deux  orifices:  l'un, 


Fig.  GO.  —  Carchesium  epistylis. 


120  CLASSE  DES  1NFUSOIRES.  ■ 

l'anus,  ne  se  voit  qu'au  moment  de  l'expulsion  des  résidus  ;  l'autre, 
la  bouche  véritable,  se  continue  avec  un  œsophage  légèrement  si- 
nueux et  rétréci,  qui  se  termine  par  une  dilatation  disposée  de  ma- 
nière à  empêcher  le  reflux  des  aliments.  Enfin,  au  delà  de  cette 
ampoule,  se  voit  un  canal  fin  et  recourbé,  ayant  l'apparence  d'une 
ligne  claire  :  c'est  le  canal  de  Greeff;  il  s'ouvre  librement  dans  le  pa- 
renchyme par  son  extrémité  profonde.  Dans  le  fond  du  vestibule, 
entre  la  bouche  e(  l'anus,  s'insère  une  longue  soie  qui  fait  saillie  au 
dehors,  soie  raide  et  non  vibratile,  dont  Futilité  n'est  pas  facilement 
saisissable. 

Les  Vorticelles  sont  toujours  solitaires  et  sont  portées  par  un  pé- 
dicule rclractile.  Certaines  espèces  voisines  forment  au  contraire  des 
colonies  ramifiées,  portées  par  un  pédicule  commun;  le  style  de 
chaque  individu  peut  alors  être  contractile  (Carchesium  (fig.  60),  Zoo- 
thamnium)  ou  rigide  (Epistylis,  Opercularia). 

Les  Vorticelles  se  reproduisent  par  fissiparité.  Quand  le  moment 
est  venu,  l'animalcule  ferme  son  péristome,  le  contracte  fortement 
et  n'admet  plus  aucune  parcelle  alimentaire,  tant  que  dure  le  phé- 
nomène. Le  noyau  en  forme  de  boudin  allongé  se  ramasse  sur  lui- 
même,  de  façon  à  n'avoir  plus  que  la  moitié  ou  le  tiers  de  sa  lon- 
gueur primitive  et  se  transforme  en  une  masse  cylindrique  qui  vient 
se  placer  dans  le  sens  où  elle  devra  être  coupée  par  le  plan  de  divi- 
sion. L'animal  se  fend  alors  longitudinalement  :  l'un  des  individus 
nouveaux  reste  fixé  au  pédicule,  l'autre  acquiert  une  couronne  de 
cils  près  de  son  extrémité  postérieure,  se  détache  et  nage  pendant 
quelque  temps  dans  l'eau  ;  il  se  fixe  alors,  perd  son  revêtement  ci- 
liaire  et  se  fabrique  un  style. 

En  outre  de  la  reproduction  fissipare,  les  Vorticelles  peuvent  en- 
core se  multiplier  par  gemmation,  procédé  fort  rare  chez  les  Infu- 
soires  ciliés,  puisqu'il  n'est  connu  que  chez  les  Péritriches  (Vorti- 
celliens,  Ophrydium,  Spirochona) .  On  voit  apparaître  un  épaississement 
latéral  du  corps  de  l'infusoire,  sur  une  étendue  égale  au  tiers  ou  au 
quart  de  sa  longueur;  puis  cet  épaississement  se  sépare  et  s'isole 
peu  à  peu,  par  un  étranglement  qui  marche  à  la  fois  d'avant  en  ar- 
rière et  de  dehors  en  dedans,  en  sorte  que  le  bourgeon  est  latéral. 
Celui-ci  n'adhère  bientôt  plus  que  par  un  étroit  pédoncule  au  corps 
de  la  mère  :  il  commence  alors  à  s'organiser;  une  petite  cavité  semi- 
lunaire  se  creuse  à  son  intérieur;  de  longs  cils  à  mouvements  ondu- 
latoires apparaissent,  qui  indiquent  le  péristome;  le  disque  vibratile 
se  dessine  et  la  vacuole  contractile  se  montre.  Le  bourgeon  devient 
alors  le  siège  de  contractions,  s'étrangle  de  plus,  se  munit  d'une 
couronne  de  cils  vibratiles  à  son  pôle  distal  et  finit  par  se  séparer 
complètement;  il  est  alors  pourvu  d'un  noyau  qui  provient  par  divi- 


ORDRE   DES   PER1TIUCIIES. 


l-.'i 


sion  de  celui  de  la  mère.  La  gemme  qui  a  pris  ainsi  naissance  nage 
pendant  quelque  temps,  puis  secrète  un  style  au  moyen  duquel  elle  se 
fixe  sur  un  corps  submergé  ;  on  voit  dès  lors  se  résorber  la  couronne 
aborale  de  cils  vibraliles. 

Les  Vorticelles  présentent  encore  des  phénomènes  de  conjugaison, 
et  celle-ci  peut  môme  être  de  deux  sortes,  latérale  ou  gemmiforme. 

Dans  la  conjugaison  latérale  (fig.  61),  deux  individus,  fixés  sur 
leur  pédoncule,  contractent  adhérence  par  la 
région  moyenne  du  corps;  ils  sont  alors  à  l'état 
de  demi-contraction,  l'organe  vibralile  est  ré- 
tracté à  l'intérieur  du  corps.  Les  deux  animaux 
se  fusionnent  de  plus  en  plus  et  leur  coalescence 
se  fuit  de  telle  sorte,  qu'ils  sont  déjà  complète- 
ment confondus  par  leur  partie  postérieure, 
alors  qu'ils  sont  encore  distincts  en  avant.  A  ce 
moment,  il  se  forme  une  couronne  de  cils  autour 
de  la  partie  postérieure  de  cet  être  mixte  ou 
zygozoîte;  celui-ci  se  sépare  de  son  double  pédi- 
cule et  nage  librement  dans  l'eau,  la  couronne 
ciliée  en  avant  ;  il  présente  un  épais  noyau, 
étendu  transversalement  dans  le  double  corps 
et  provenant  de  la  fusion  des  deux  noyaux  pris 
milifs.  On  ignore  encore  ce  que  devient  le  zy- 
gozoîte nageur. 

La  conjugaison  gemmiforme  est  beaucoup 
plus  fréquente  que  la  précédente  ;  chez  les  Vor- 
ticelliens  vivant  en  colonies,  comme  Epistylis, 
Carchesium,  etc.,  un  individu  se  divise  en  deux, 
puis  en  quatre  et  parfois  même  en  huit  parties, 
qui  se  disposent  en  bouquet  ou  en  rosette  à 
l'extrémité  d'un  style  commun.  Chacune  de  ces 
microgonidies  développe  bientôt  une  couronne  de 
cils  vibraliles  à  sa  partie  postérieure  et  s'isole  de 
ses  congénères.  Chez  les  Vorticelliens  solitaires, 
comme  Vorticella ,  la  microgonidie  naît  sur  individu  normal,  par 
un  véritable  bourgeonnement.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  microgonidie, 
devenue  libre,  se  met  à  la  recherche  d'un  individu  fixé  ou  macrogo- 
nidie  :  pour  ne  pas  être  rejetée  au  loin  par  les  contractions  de  celte 
dernière,  elle  se  fixe  par  un  filament  très  ténu  à  la  partie  supérieure 
du  style  de  la  macrogonidie,  et  finit  par  se  mettre  en  contact  avec  elle 
en  un  point  situé  un  peu  au-dessus  de  l'insertion  du  style.  La  micro- 
gonidie se  fixe  par  son  extrémité  aborale,  c'est-à-dire  par  celle  qui 
porte  la  couronne  de  cils.  Puis  les  deux  individus  contractent  adhé- 


Fig.  61.  —  Conjugai- 
son latérale  de  deux 
Vorticelles. 


122  CLASSE    DES  INFUSOIRES. 

rence  d'une  façon  si  intime,  que  la  substance  du  pelit  passe  peu  à  peu 
dans  celle  du  gros;  bientôt  il  ne  reste  plus  de  la  microgonidie  qu'une 
membrane  cuticulaire,  vide  et  plissée,  qui  est  rejetée  par  les  con- 
tractions de  la  macrogonidie.  Tandis  que  cette  fusion  s'accomplit,  les 
noyaux  et  nucléoles  des  deux  individus  conjugués  subissent  des 
modifications  sur  la  nalure  desquelles  on  n'est  pas  encore  complè- 
lement  fixé. 

ORDRE  DES   HYP0TR1CHES 

Chez  les  Infusoires  hypotriches,  on  distingue  nettement  une  face 
dorsale  convexe  et  une  face  ventrale  plane  ou  parfois  même  un  peu 


Fig.  62.  —  Aspidisca  turrita  de  face 
et  de  profil. 


concave.  La  face  dorsale  est  toujours  dépourvue  de  cils  ;  la  face  ven- 
trale porte  au  contraire  des  cils  dont  la  forme,  l'usage  et  les  dimen- 
sions sont  assez  variables;  elle  présente  encore  la  bouche  et  l'anus, 
situés  l'un  et  l'autre  à  une  assez  grande  distance  de  l'extrémité  anté- 
rieure. Aspidisca  turrita  (fig.  62),  Euplotes  Charon  (fig.  63),  Oxy tricha 
caudata  (fig.  6i),  qui  sont  au  nombre  des  espèces  les  plus  communes 
dans  nos  ruisseaux,  permettent  de  bien  comprendre  l'organisation  du 
groupe.  Stylonychia  mytilus  (fig.  65)  présente  des  phénomènes  de  ils- 
siparité  très  analogues  à  ceux  que  nous  avons  décrits  plus  haut  chez 
Paramxcium  Aurélia;  il  est  pourvu  de  deux  noyaux  accolés  l'un 
à  l'autre  et  munis  chacun  d'un  double  nucléole. 


SOUS-CLASSE    UES   ACINETES. 


121 


Sous-classe  des  Acinètes. 

Les  Acinètes  ou  Suceurs,  pour  lesquels  Podophrya  elongata  (fig.  66) 
nous  servira  de  premier  type,  ont  une  structure  des  plus  simples. 


Fig.  14.  —  Ojytricha  cawlata.        Fig.  Gë 


Stylo?iychia  mytilus. 


Le  corps  est  formé  de  protoplasma  granuleux,  limité  par  une  enve- 
loppe mince  et  flexible,  qui  permet  dans  une  certaine  mesure  des 
mouvements  sarcodiques.  A  l'intérieur  on  observe  un  noyau  allongé 
et  quatre  vésicules  contractiles  rapprochées  de  la  surface.  En  regard 
de  chacune  d'elles,  on  voit  partir  une  touffe  de  prolongements  fili- 
formes, rigides  et  constitués  par  des  expansions  protoplasmiques 
jouant  le  rôle  de  suçoirs  :  l'animal  ne  présente  en  effet  ni  bouche  ni 
anus,  ni  aucun  point  de  sa  surface  spécialement  réservé  à  la  péné- 
tration des  aliments  ;  sa  membrane  d'enveloppe  est  d'ailleurs  assez 
résistante  pour  constituer  pour  les  corps  étrangers  une   barrière 


*2i  CLASSE   DES  INFUSOIRES. 

infranchissable.  Les  Suceurs  se  nourrissent  de  proie  vivante  :  ils  font 
habituellement  la  guerre  à  d'autres  Protozoaires,  en  particulier  aux 
Infusoires,  qu'ils  happent  au  passage  et  qu'ils  vident  petit  à  petit  au 
moyen  de  leurs  suçoirs. 
Un  bon  nombre  d'Acinètes  sont  constitués  comme  nous  venons  de 
dire:  tel  est  le  cas  de  Trichophrya,  Digiti- 
phrya,  Sphœrophrya,  qui  sont  des  formes 
libres.  Mais  Podophrya  elongata  est  carac- 
térisée en  outre  par  la  présence  d'un  pé- 
doncule qui  la  fixe  et  l'immobilise  à  la 
surface  des  corps  étrangers.  Deux  aulres 
bouquets  de  tentacules  se  voient  à  la  base 
du  corps,  au  voisinage  du  pédoncule. 

A  côté  de  ces  formes  nues,  il  en  est 
d'autres  dont  le  corps  est  en  partie  protégé, 
sur  une  étendue  variable,  par  une  logette 
distincte,  de  la  surface  même  du  corps.  Ici 
encore,  il  y  a  lieu  de  distinguer  entre  des 
formes  libres  (Solenophrya,  Calix)  et  des 
formes  supportées  par  un  pédoncule  (Aci- 
neta).  Les  Urnida  établissent  le  passage  des 
unes  aux  autres,  en  ce  sens  que,  dépour- 
vues de  pédoncule,  elles  sont  néanmoins 
fixées  par  le  fond  de  leur  logette. 
La  figure  67  représente  Acineta  mystacina.  Celte  espèce  est  une 
des  mieux  connues  au  point  de  vue  de  la  reproduction.  La  fissiparité 
est  le  mode  habituel  ;  l'un  des  deux  individus  résultant  de  la  division 
reste  dans  la  logette,  l'autre  se  couvre  de  cils  vibratiles  sur  toute  sa 
surface,  devient  libre  et  nage  quelque  temps  avant  de  se  fixer  et  de 
sécréter  une  nouvelle  carapace.  Un  autre  mode  de  reproduction  con- 
siste dans  la  formation  d'embryons  à  l'intérieur  du  corps  de  l'Aci- 
ncte  :  ceux-ci  soulèvent  l'ectoplasme  de  leur  mère,  puis  finissent  par 
le  déchirer  ;  ils  se  séparent  alors  sous  forme  de  jeunes  individus 
munis  de  cils  vibratiles  et  renfermant  un  noyau  provenant  de  la 
division  du  noyau  de  l'organisme  mère. 

Malgré  leur  plus  grande  simplicité  de  structure,  les  Infusoires  ten- 
taculifères  sont  apparentés  étroitement  aux  Infusoires  ciliés.  Cette 
parenté  est  mise  en  évidence  par  l'état  cilié  de  leurs  embryons  ;  elle 
l'est  plus  encore  par  ce  fait  curieux  que,  dans  de  certaines  condi- 
tions, on  peut  voir  l'animal  adulte,  chez  certaines  espèces  de  Podo- 
phryes  et  chez  toutes  les  Sphérophryes,  perdre  ses  suroirs,  se  cou- 
vrir de  cils  vibratiles  et  nager  librement  pendant  un  temps  variable  ; 
enfin,  dans  quelques  espèces,  l'embryon  possède  une  bouche  ru  l 


Fig.  66.  —  Podophrya  elon- 
gata. —  n,  noyau  ;  vc, 
vacuole  contractile. 


SOUS-CLASSE    DES   ACINÈTES.  125 

mentaire.  Ces  faits  démontrent  que  les  Acinètes  ne  sont  que  des 
Ciliés  dégénérés.  C.  de  Mérejkowsky  a  du  reste  attiré  dernièrement 
l'attention  sur  Acarclla  siro,  Infusoirê  marin   qui  possède  à  la  fois 


Fig.  G7.  —  Acineta  mystucina. 


des  suçoirs  et  des  cils  et  qui,  à  ce  point  de  vue,  établit  bien  nette- 
ment le  passage  des  Ciliés  aux  Tentaculileres.  On  peut  toulefots  se 
demander  également  si  cet  être  ne  devrait  pas  être  considéré  plutôt 
comme  le  représentant  d'un  ancien  groupe  d'où  dériveraient  les  In- 
fusoires  ciliés  et  les  Acinètes. 

C.  de  Mérejkowsky,  Les  Suctociliés,  nouveau  groupe  (Flnfusoires,  intermé- 
diaire entre  les  Ciliés  et  les  Acinèliens.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  scien- 
ces, XCV,  p.  1232,  11  décembre  1882.  Voir  aussi  XGV,  p.  1381  ;  XCVI,  p.  27G 
et  516,  1883. 

Les  Infusoires  constituent  un  groupe  très  homogène,  dans 
lequel  s'observe  le  plus  haut  degré  de  complication  organique 
qui  se  puisse  rencontrer  parmi  les  Protozoaires.  Ils  possèdent 
un  appareil  digestif  rudimentaire,  représenté  par  une  bouche  et 
un  tube  œsophagien;  ils  sont  pourvus  d'un  véritable  appareil 
d'excrétion,  constitué  par  des  vacuoles  contractiles;  ils  sont 
parfois  munis  de  fibres  musculoïdes  et  d'organes  sensoriels  tels 


126  CLASSE   DES   hNFUSOIRES. 

queles  trichocystes,  etc.;  ils  se  reproduisent  par  des  phénomènes 
aussi  variés  que  compliqués.  Mais,  quelque  perfection  que  pré- 
sente leur  structure,  leur  substance  n'est  jamais  formée  que 
d'une  seule  masse  protoplasmique  :  aussi  a-t-on  pu  dire  qu'ils 
étaient  des  êtres  unicellulaires. 

Cette  formule  n'est  sans  doute  pas  à  l'abri  de  toute  critique; 
elle  est  pourtant  vraie  quant  au  fond,  et  on  peut  même  l'étendre 
à  l'embranchement  tout  entier  des  Protozoaires,  avec  cette  res- 
triction toutefois  que  l'état  unicellulaire  est  le  maximum  de 
complication  que  ceux-ci  puissent  atteindre.  En  effet,  il  ne  vien- 
drait à  l'esprit  de  personne  de  considérer  comme  de  véritables 
cellules  les  Monères,  constituées  par  une  simple  masse  de  sar- 
code,  sans  noyau  ni  membrane  d'enveloppe. 

Les  Protozoaires  sont  donc  tous  unicellulaires.  Tous  les  au- 
tres animaux  sont,  au  contraire,  formés  par  l'accumulation  d'un 
nombre  parfois  extrêmement  considérable  de  cellules  distinctes  et 
d'autant  plus  différenciées  qu'on  s'élève  davantage  dans  la  série 
des  êtres.  Cette  multiplicité  cellulaire  a  pour  conséquence  une 
spécialisation  physiologique  que  nous  verrons  désormais  s'ac- 
centuer de  plus  en  plus.  On  donne  le  nom  de  Métazoaires  aux 
animaux  pluricellulaires,  qui  vont  nous  occuper  maintenant. 

Une  autre  différence  capitale  sépare  les  Métazoaires  des  Pro- 
tozoaires. Comme  nous  l'avons  vu,  ceux-ci  se  reproduisent  par 
des  procédés  essentiellement  divers, fissiparité, bourgeonnement, 
conjugaison,  etc.,  mais  on  peut  dire,  en  somme,  que  jamais  chez 
aucun  d'eux  on  n'a  vu  la  reproduction  se  faire  au  moyen  d'œufs 
et  de  spermatozoïdes.  Les  Métazoaires  peuvent  parfois  se  mul- 
tiplier aussi  par  bourgeonnement,  etc.,  mais,  en  outre  de  cette 
reproduction  asexuelle,  ils  sont  toujours  capables  de  produire 
des  œufs  et  des  spermatozoïdes,  organismes  sexuellement  dis- 
tincts qui  prennent  naissance  dans  des  organes  spéciaux. 

La  reproduction  sexuelle  acquiert,  même  chez  les  Métazoaires, 
une  telle  importance  que  l'étude  de  ceux-ci  n'es  profitable 
que  lorsqu'on  a  une  connaissance  exacte  de  l'œuf  et  des  phéno- 
mènes compliqués  qui  accompagnent  sa  maturatiou,  sa  fécon- 
dation et  les  premières  phases  de  son  développement.  C'est 
pour  cette  raison  que,  avant  d'aborder  l'histoire  des  Cœlen- 
térés, qui  constituent  la  première  classe  des  Métazoaires,  nous 
envisagerons  l'œuf  sous  ces  divers  points  de  vue. 


AFFINITÉS   ET   DESCENDANCE. 


127 


Les  affinités  des  Infusoires  avec  les  autres  Protozoaires  ne 
sont  pas  des  plus  précises.  Tant  qu'on  a  cru  à  l'existence  de 
Gilio-Flagellés,  il  était  tout  naturel  de  les  rattacher  aux  Fla- 
gellés par  l'intermédiaire  de  ceux-ci  ;  mais,  depuis  qu'il  est  dé- 
montré que  les  Péridiniens  sont  dépourvus  de  cils  vibratiles,  la 
parenté  des  Infusoires  et  des  Flagellés  est  moins  manifeste. 
Néanmoins,  c'est  encore  avec  ces  derniers  qu'ils  ont  le  plus 
d'affinités.  Le  tableau  suivant  montre  du  reste  de  quelle  ma- 
nière on  doit  concevoir  la  descendance  des  Protozoaires  et 
leurs  relations  réciproques  : 


(Spongiaires.) 
Cœlentérés. 


(Catallactes). 


Infusoires  ciliés. 


Acinètes. 


i 
Flagellés. 

I       Sporozoaires. 
j 

(  Mastigàmœbn). 


Gymno-amibes. ... 


Théco-amibes. 


Radiolaires. 

j 

!     Héliozoaires. 


Foraminifères 

j Rhizomonères. 


Amibes. 

i 

Lobomonères. 


Oomycètes,  etc. 


Myxomycètes. 


ANIMAUX. 


i 
VÉGÉTAUX. 


MONÈRES. 


STRUCTURE  ET  COMPOSITION  DE  L'ŒUF 


OEUF    ALECITHE 

L'œuf  a  toujours  la  signification  d'une  cellule.  Parfois  celle-ci 
reste  simple,  parfois  au  contraire  elle  se  complique  par  l'ad- 
jonction de  parties  destinées  à  servir  à  la  nourriture  de  l'em- 
bryon et  non  à  l'édification  des  tissus. 

L'œuf  le  plus  simple  est  donc  Yœuîalécithe,  c'est-à-dire  celui 
qui  ne  renferme  point  de  particules  nutritives.  Il  peut  lui-même 
varier  de  structure,  suivant  qu'il  est  nu 
ou  au  contraire  entouré  d'une  membrane 
d'enveloppe. 

L'ovule  nu  est  composé  d'une  masse 
de  protaplasma  plus  ou  moins  granu- 
leuse, renfermant  un  noyau  nucléole 
(fig.  68).  C'est  là,  comme  on  voit,  la 
Fig'  G8de~î'œifgramme  structure  d'une  véritable  cellule,  mais 
on  a  donné  aux  différentes  parties  que 
nous  venons  d'énumérer  des  noms  que  l'usage  a  consacrés.  La 
masse  protoplasmique  s'appelle  vitellus,  a,  le  noyau  vésicule 
germinative  ou  vésicule  de  Purkinje,  b,  et  le  nucléole  tache  ger- 
minatice  ou  tache  de  Wagner,  c. 

Un  œuf  de  ce  genre  s'observe  chez  les  Éponges  et  chez  bon 
nombre  de  Cœlentérés,  notamment  chez  les  Méduses.  L'œuf  des 
Spongiaires  présente  même  une  particularité  intéressante  :  son 
vitellus  est  pénétré  d'une  quantité  considérable  de  fines  granu- 
lations, mais  celles-ci  n'arrivent  point  jusqu'à  la  surface,  en 
sorte  qu'on  peut  aisément  distinguer  un  exoplasme  et  un  en- 
doplasme.  Si  on  joint  à  cela  que  l'œuf  mûr  des  Éponges  (Hali- 
sarca)  est  animé  d'actifs  mouvements  amiboïdes  et  qu'il  rampe 
librement  à  la  surface  des  cavités  internes  de  l'animal,  on  ne 
sera  pas  surpris  d'apprendre  qu'il  ait  pu  être  pris  pendant  long- 
temps pour  une  Amibe  parasite. 


ŒUF  ALÉCITHE. 


129 


Chez  certaines  Méduses  et  chez  l'Hydre  d'eau  douce  (fig.  G9), 
au  moins  pendant  un  certain  temps,  l'œuf  est  déjà  limité  par 
une  délicate  membrane  d'enveloppe.  Celle-ci  est  bien  plus  appa- 


Fig.  69.  —  A,  œuf  de  l'Hydre  à  l'état  amiboïde,  avec  des  sphérules  vitelline 
(pseudocelles)  et  des  grains  de  chlorophylle,  d'après  Kleinenberg  ;  B,  pseu 
docelle  isolée. 

rente  chez  l!Amphioxus.  Ou  lui  a  donné  le  nom  de  membrane 
vitelline,  pour  rappeler  qu'elle  entoure  le  vitellus,  dont  elle  n'est 


Fig.  70.  —  OEuf  non  mûr  de  Toxop-  Fig.  71.  —  OEuf  de  Toxopneustes  va- 
neustes  lividus,  d'après  0.  Hert-  riegatus  avec  les  prolongements  en 
wig.  forme  de  pseudopodes  pénétrant  la 

zma  radiata.  zr. 


qu'unproduit.  Ellepeut  être  mince  et  complètement  anhiste(Am- 
phioxus)  ou  présenter  au  contraire  une  certaine  épaisseur  et  être 
perforée  de  nombreux  pores  rayonnes,  comme  c'est  le  cas  chez 

Blanchard.  -  Zool.  méd.  9 


130  STRUCTURE  ET  COMPOSITION  DE  L'ŒUF. 

les  Échinodermes  (fig.  70)  :  ici,  ces  pores  sont  destinés  à  assurer 
la  nutrition  de  l'œuf,  ils  permettent  au  vitellus  de  pousser  au 
dehors  des  sortes  de  pseudopodes  (fig.  71). 

L'ovule  des  Tuniciers  est  encore  entouré  d'une  enveloppe, 
mais  celle-ci  n'est  point  formée  par  le  protoplasma  de  l'œuf  et 
n'est  point,  par  conséquent,  une  membrane  vitelline.  Elle  pro- 
vient au  contraire  du  follicule  de  l'œuf  et  a  reçu  le  nom  de  cAo- 
rion. 

La  membrane  vitelline  et  le  cborion  sont  les  deux  seules 
membranes  ovulaires  primaires  ;  on  les  désigne  sous  ce  nom  pour 
les  distinguer  des  membranes  ovulaires  secondaires,  dont  nous 
aurons  à  parler  par  la  suite  et  dont  on  peut  donner  dès  mainte- 
nant une  idée,  en  disant  que  la  coquille  de  l'œuf  de  Poule  rentre 
dans  cette  catégorie.  La  membrane  vitelline  et  le  chorion, 
que  nous  avons  vus  exister  séparément,  peuvent  également 
coexister. 

Nous  verrons,  dans  le  chapitre  suivant,  que  la  caractéristique 
essentielle  de  l'œuf  alécithe  est  de  subir  une  segmentation  totale 
et  régulière. 

GEUF    TÉLOLÉCITUE 

Nous  avons  dit  que  l'œuf  alécithe  ne  renfermait  point  de  par- 
ticules nutritives;  il  eût  été  plus  exact  de  dire  que,  du  moins 
dans  le  cas  où  de  semblables  particules  existent  évidemment 
dans  l'ovule  (1),  celles-ci  sont  partout  réparties  d'une  façon  si 
régulière,  qu'eUes  n'exercent  aucune  influence  sur  la  marche 
de  la  segmentation,  qui  demeure  complète  et  égale.  Mais  les 
particules  alimentaires  peuvent  se  séparer  nettement  des  par- 
ticules formatives  et  la  segmentation  régulière  fait  place  désor- 
mais à  la  segmentation  inégale;  de  même,  le  fractionnement 
peut,  dans  ce  cas,  devenir  incomplet. 

Dans  un  œuf  dont  les  parties  nutritives  tendent  à  s'accumu- 
ler en  certains  endroits  et  à  se-  séparer  plus  ou  moins  nette- 
ment des  parties  formatives,  il  y  a  lieu  de  distinguer  le  vitellus 
de  formation  [protoplasme,  Ed.  van  Beneden  ;  arckilécitke,  W.  His  ; 
Bildungsdotter  des  Allemands)  et  le  vitellus  de  nutrition  (deuto- 
ylasme,  par  alécithe  ou  Nahrurujsdotter)\  ce  dernier,  dont  la  na- 

(I)  Par  exemple,  dans  l'œuf  de  l'Hydre,  on  reconnaît,  môme  sur  notre  figure 
des  globules  vitellins  qui  sont  de  véritables  particules  alimentaires. 


ŒUF   TÉLOLÉCITUE. 


131 


ture  est  très  variable,  est  le  plus  souvent  composé  de  subs- 
tances albuminoïdes  ou  graisseuses. 

Le  vitellus  de  formation  et  le  vilellus  de  nutrition  peuvent  se 
disposer  réciproquement  de  deux  façons  principales  :  ou  bien 
chacun  d'eux  tend  à  occuper  un  pôle  déterminé  de  l'œuf,  ou 
bien  le  premier  entoure  complètement  le  second.  De  là  une  di- 
vision toute  naturelle  des  œufs  à  double  vitellus  :  ceux  du  pre- 


Fig.  72.  —  Ovule  du  Lapin.  —  a,  cellules  ovariennes  de  la  vésicule  de  de 
Graaf;  b,  membrane  vitelline;  r,  vésicule  germinative  ;  d,  tache  germina- 
tive  ;  e,  granulations  du  vitellus. 


mier  type  sont  appelés  télolécithes  par  Ray  Lankester  et  Balfour, 
ceux  du  second  type  prennent  le  nom  de  centrolécithes. 

Nous  commencerons  par  l'œuf  télolécilhe.  Les  ovules  de  tous 
les  Vertébrés,  à  l'exception  de  l'Amphioxus,  se  rangent  dans 
cette  catégorie  ;  nous  prendrons  comme  premier  exemple 
l'ovule  des  Mammifères  vivipares  (fig.  72),  c'est-à-dire  de  tous 
les  Mammifères,  à  l'exception  des  Monotrèmes. 

A  ne  considérer  que  sa  structure,  sa  parfaite  homogénéité  et 


132  STRUCTURE  ET  COMPOSITION   DE  L'ŒUF. 

la  grande  régularité  avec  laquelle  les  granulations  sont  éparses 
dans  le  vitellus,  on  serait  tenté  de  prendre  l'ovule  des  Mammi- 
fères pour  le  type  des  œufs  alécithes.  C'est  pourtant,  à  n'en  pas 
douter,  un  œuf  télolécithe,  à  segmentation  inégale,  comme 
cela  ressort  nettement  des  observations  d'Ed.  van  Benedeu  chez 
le  Lapin.  L'inégalité  se  manifeste  dès  le  début  du  fractionne- 
ment :  l'œuf  se  divise  en  effet  en  deux  blastomères  presque  égaux, 
dont  l'un  est  un  peu  plus  gros  et  plus  transparent  que  l'autre. 

Bien  que  le  microscope  soit  impuissant  à  y  déceler  la  pré- 
sence d'un  vitellus  nutritif  localisé  à  l'un  des  pôles,  l'ovule  des 
Mammifères  doit  donc  être  considéré  comme  télolécithe,  mais 
on  peut  dire  qu'il  l'est  au  minimum.  L'inégalité  de  la  segmen- 
tation et  la  formation  du  blastoderme  par  épibolie  sont  l'indice 
d'un  état  ancien,  dans  lequel  l'œuf  renfermait  une  proportion 
plus  ou  moins  considérable  de  vitellus  de  nutrition  :  alors  la 
segmentation  était  encore  plus  inégale  que  maintenant,  elle 
était  même  vraisemblablement  partielle  et  le  développement 
de  l'embryon  se  faisait  en  grande  partie,  sinon  en  totalité,  au 
dehors  de  l'organisme  maternel,  comme  cela  se  voit  encore 
actuellement  chez  les  Monotrèmes. 

Il  faut  donc  envisager  d'une  part  l'irrégularité  du  fractionne- 
ment et  l'épibolie  comme  des  restes  de  cet  état  primitif,  d'autre 
part  l'absence  de  vitellus  nutritif  comme  une  modification  se- 
condaire-, par  suite  du  passage  de  l'oviparité  à  la  viviparité  : 
autant  des  réserves  alimentaires  étaient  nécessaires  dans  le 
premier  de  ces  états,  autant  elles  sont  inutiles  dans  le  second. 

A  ce  point  de  vue,  il  est  très  désirable  de  connaître  les  pre- 
mières phases  du  développement'chezles  Mammifères  vivipares 
à  naissance  prématurée  (Marsupiaux)  :  il  est  à  prévoir  qu'on 
trouvera  la  segmentation  très  inégale,  par  suite  delà  présence 
dune  certaine  quantité  de  vitellus  de  nutrition  (1).  11  est  pos- 
sible d'autre  part  que,  chez  des  Mammifères  plus  perfectionnés 

(1)  Cette  prévision  se  trouve  confirmée  par  une  observation  toute  récente  de 
Selenka  {Uebev  die  Entwkklunçj  des  Opossum.  Biologisches  Centralblatt,  V, 
p.  2U4,  lô  Juli  1885).  Ce  naturalisée,  ayant  pu  étudier  les  premiers  dévelop- 
pements de  Didelphys  virgi?iia?ia,  a  reconnu  que  l'ovule,  gros  d'un  demi-mil- 
limètre  environ,  tient  le  milieu  entre  L'œuf  méroblastique  et  l'œuf  holoblas- 
t  que.  On  voit,  pendant  la  segmentation,  s'accumuler  à  l'un  de  ses  pôles  un 
vitellus  de  nutrition,  que  l'ectodcrme  ne  vient  recouvrir  qu'au  bout  de  trois 
jours. 


ŒUF  TÉLOLÉCITIIE.  133 

que  les  Rongeurs,  par  exemple  chez  les  Primates,  la  segmen- 
tation soit  égale.  On  ne  saurait  contester  que  les  Mammifères 
dérivent  d'animaux  vivipares,  à  œuf  télolécithe  et  méroblas- 
tique  :  on  les  verrait  de  la  sorte  s'écarter  de  plus  en  plus  de  leur 
type  primordial  et  partir  de  la  segmentation  inégale  et  partielle 
pour  aboutir  à  la  segmentation  régulière  et  totale. 

Un  œuf  plus  franchementtélolécithequeceluides  Mammifères 
s'observe  chez  un  grand  nombre  d'animaux,  par  exemple  chez 
les  Mollusques  céphalophores,  où  le  fractionnement  est  encore 
total.  Sans  nous  arrêter  à  dé- 
crire  ces  variétés,  abordons 
immédiatement    l'étude    des 
œufs  à   fractionnement  par- 
tiel. 

Les  Poissons  osseux  nous 
serviront  d'exemple.  Leur 
œuf  est  circonscrit  par  une 
capsule  relativement  épaisse 
et  résistante,  striée  dans  toute 
son  épaisseur  par  des  canaux 
poreux,  trop  fins  pour  que  le 
spermatozoïde  puisse  les  tra- 
verser :  aussi  cette  capsule 
présente-t-elle  en  un  certain 
point  de  sa  surface  un  micro- 
pyle,  orifice  conique  par  le- 
quel s'engage  le  filament  fécondateur  pour  arriver  jusqu'au 
vitellus.  Cette  enveloppe  est  un  chorion  :  elle  existe  déjà  dans 
le  follicule,  dont  elle  est  vraisemblablement  une  production.  En 
dedans  d'elle,  se  voit  le  vitellus,  ordinairement  nu,  parfois 
pourtant  entouré  d'une  membrane  vitelline,  comme  chez  le 
Hareng. 

L'ovule  de  ce  Poisson  est  formé  d'une  masse  vitelline  homo- 
gène, à  1  intérieur  de  laquelle  les  granulations  sont  régulière- 
ment distribuées.  Quand  la  fécondation  va  avoir  lieu,  on  voit 
le  vitellus  formatif,  d'abord  uniformément  répandu  dans  toute 
la  masse  de  l'œuf,  se  condenser  au  pôle  qu'occupe  le  micropyle 
et  se  séparer  complètement  du  vitellus  de  nutrition.  Celui-ci, 
qui  représente  la  plus  grande  partie  de  l'œuf,  a  dès  lors  l'aspect 


Fig.  7  3.  —  OEuf  de  Truite,  d'après  Ral- 
biani.  —  c,  coque  ;  g,  germe  ou  vitel- 
lus de  formation  ;  m,  micropyle  ;  v, 
vitellus  de  nutrition. 


13t 


STRUCTURE  ET  COMPOSITION  DE  L'ŒUF, 


d'une  sphère  dont  un  des  pôles  serait  excavé  en  une  cupule 
dans  laquelle  vient  se  loger  le  vitellus  de  formation.  Chez 
d'autres  Téléostéens,  la  séparation  des  deux  vitellus  se  fait 
longtemps  avant  la  maturité  de  l'œuf. 

A  part   des  différences    secondaires, 
forme    et  à  la   structure   de  la    coque 
tomes,  des  Reptiles  et  des  Oiseaux  a  la  même  constitution.  Nous 
décrirons  celui  de  la  Poule,  qui  est  d'une  observation  facile. 

Le  jaune  ou  vitellus  de  l'œuf  d'Oiseau  est  le  véritable  ovule  : 
lui  seul  provient  de  l'ovaire.  Il  est  entouré  d'une  délicate  mem- 
brane vitelline  et  se  compose  de  deux  parties  qu'il  est  aisé  de 


tenant  surtout  à   la 
l'œuf  des   Plagios- 


Fig.  74.  —  Coupe  d'un  œuf  de  Poule.  —  A,  pôle  obtus  ;  B,  pôle  aigu  ;  a,  co- 
quille; b,  chambre  à  air;  c,  membrane  coquillière;  d,  dédoublement  de  la 
membrane  coquillière  au  niveau  de  la  chambre  à  air;  e,  f,  couche  de  l'al- 
bumine ;#,  chalaze;  h,  vitellus  jaune  ;  i,  k,  latébra;  /,  m,  cicatricule. 


distinguer,  si  Ton  brise  à  sa  face  supérieure  la  coquille  d'un 
œuf  qui  est  resté  pendant  quelque  temps  en  repos,  couché  sur 
son  grand  axe  (fig.  74).  Dans  ces  conditions,  on  observe  à  la  sur- 
face de  la  sphère  vitelline  un  petit  disque  blanc,  large  d'envi- 
ron 4  millimètres  :  c'est  le  blastoderme  ou  la  cicatricule  (fig.  74, 
/,  m);  le  reste  du  vitellus  est  jaune  sur  toute  son  étendue. 

On  peut  donc  reconnaître  l'existence  d'un  vitellus  blanc  ou  de 
formation  et  d'un  vitellus  jaune  ou  de  nutrition,  mais  les  rap- 
ports et  l'importance  relative  de  ces  deux  vitellus  ne  peuvent 
être  saisis  que  si  on  pratique,  sur  un  œuf  durci  par  la  coction, 
une  coupe  diamétrale  du  vitellus  passant  par  la  cicatricule.  On 
constate  alors  que,  partant  de  cette  dernière,  le  vitellus  blanc 


ŒUF  TEL0LEC1TUE.  135 

s'enfonce  vers  le  centre  de  la  sphère  vilelline  et  prend  l'aspect 
dune  sorte  de  bouteille,  dont  le  col  évasé  en  entonnoir  corres- 
pondrait à  la  cicatricule  et  dont  le  corps  renflé  en  sphère  occu- 
perait le  centre  de  l'ovule;  cette  masse  blanche  centrale,  i,  a 
reçu  le  nom  de  latebra.  A  la  périphérie,  le  col  de  la  bouteille  se 
continue  avec  une  mince  couche  de  vilellus  blanc  qui  se  répand 
sur  toute  la  surface  de  l'œuf. 

Les  deux  sortes  de  vitellus  ne  diffèrent  pas  seulement  par  la 
couleur;  elles  diffèrent  aussi  par  la  structure.  Le  vitellus  jaune 
(fig.  75,  À)  est  formé  de  vésicules  assez  grosses,  mesurant  de 
25  à  100  [/.,  dépourvues  de  noyau  et  remplies  de  granulations 
très  fines  et  très  réfringentes  ;  ces  granulations,  insolubles  dans 
l'alcool  et  dans  l'éther,  semblent  être  de  nature  albuminoïde. 
Le  jaune  renferme  encore  de  la  graisse,  des  sels,  des  globules 


A 


Fig.  75.  —  Éléments  vitellins  de  l'œuf  de  Foule. —  A,  vitellus  jaune; 
B,  vitellus  blanc. 


biréfringents  de  lécithine  et  une  matière  colorante  qui  serait  de 
l'hématoïdine.  On  voit  parfois  dans  l'épaisseur  du  jaune  un  cer- 
tain nombre  de  zones  blanches  concentriques,  qu'on  a  décrites 
comme  constituées  par  du  vitellus  blanc  :  Balbiani  s'est  assuré 
que  ces  zones  renfermaient  encore  des  véhicules  du  vitellus 
jaune,  mais  dépourvues  de  matière  colorante. 

Le  vitellus  blanc  (fig.  75,  B)  est  formé  de  sphérules  dont  le 
diamètre  varie  entre  4  et  75  p  ;  chacune  d'elles  renferme  un  cor- 
puscule réfringent,  de  nature  graisseuse  et  qu'on  a  pris  souvent 
pour  un  noyau.  A  côté  de  ces  sphérules,  on  en  voit  d'autres 
de  plus  grandes  dimensions,  renfermant  chacune  un  certain 
nombre  de  petites  sphères  semblables  aux  précédentes  :  il  semble 
que  les  premières  proviennent  de  la  rupture  des  secondes. 

Telle  est  la  structure  de  l'œuf  de  la  Poule,  au  moment  où  il  se 
détache  de  l'ovaire.  Il  est  alors  entouré  d'une  délicate  mem- 
brane, formée  de  fibrilles  entre-croisées  dans  tous  les  sens;  la 


136  STRUCTURE  ET  COMPOSITION   DE  L'ŒUF. 

plupart  des  auteurs  la  considèrent  comme  une  membrane  vitel- 
line  proprement  dite,  mais  Balbiani  croit  plutôt  que  c'est  un 
chorion,  produit  par  le  follicule  ovarien. 

A  ce  moment,  si  on  étudie  la  structure  de  la  cicatricule 
(fig.  76),  on  constate  qu'elle  est  constituée  par  une  masse  len- 
ticulaire de  protoplasma,  renfermant  en  son  milieu  un  corps 
sphérique  ou  ellipsoïdal,  fortement  réfringent,  qui  est  la  vési- 
cule germinative;  celle-ci,  large  d'environ  310  (x,  contient  elle- 
même  une  tache  germinative. 

En  quittant  l'ovaire,  l'œuf  est  saisi  par  l'oviducte.  11  en  fran- 
chit rapidement  la  première  portion,  longue  de  3  à  5  centimè- 
tres, mais  marche  avec  plus  de  lenteur  dans  la  portion  suivante, 
longue  de  25  centimètres  environ  ;  il  lui  faut  deux  ou  trois  heures 


Fig.  76.  — -  Coupe  de  la  cicatricule  de  l'œuf  de  Poule  encore  contenu  dans  sa 
capsule.  —  a,  tissu  conjonctif  de  la  capsule;  b,  épithélium  de  la  capsule, 
à  la  surface  interne  duquel  est  appliquée  la  membrane  vitelline  ;  c,  sub- 
stance granuleuse  de  la  cicatiicule  qui  formera  le  blastoderme  ;  wyy  vitellus 
blanc  passant  insensiblement  à  la  substance  finement  granuleuse  de  la  cica- 
tricule ;  x,  vésicule  germinative  entourée  d'une  membrane  distincte,  mais 
rétractée;  y,  espace  primitivement  rempli  par  la  vésicule  germinative. 

pour  la  parcourir.  C'est  1\  qu'il  s'entoure  de  la  membrane  chala- 
zifère,  qui  double  extérieurement  la  membrane  vitelline,  et  de 
sa  couche  épaisse  d'albumine.  La  membrane  chalazifère  est 
très  fine;  aux  deux  extrémités  du  diamètre  correspondant  au 
grand  axe  de  l'œuf,  elle  se  termine  par  les  ckalazes,  cordons 
enroulés  en  spirale  (fig.  74,  g)  et  formés  d'une  couche  d'albu- 
mine condensée;  leur  enroulement  en  lire-bouchon  tient  à  ce 
que  l'œuf,  en  descendant  dans  l'oviducte,  est  animé  d'un  mou- 
vement de  rotation  sur  lui-même,  déterminé  par  les  replis  que 
présente  la  muqueuse  de  ce  canal.  L'albumine  est  elle  même 
déposée  autour  de  l'œuf  en  une  couche  enroulée  de  gauche  à 
droite  et  de  la  grosse  à  la  petite  extrémité;  sur  un  œuf  non 
pondu,  cette  couche  albumineuse  est  assez  dense  pour  pouvoir 


ŒUF   TELOLECITUE.  137 


être  facilement  déroulée;  elle  se  liquéfie  quelque  temps  avant 
laponte, sans  qu'on  sacheexactementla  cause  de  ce  phénomène. 

La  troisième  portion  de  l'oviducte  est  longue  de  9  centimètres 
seulement,  mais,  en  raison  de  son  étroitesse,  qui  lui  a  valu  le 
nom  d'isthme  de  l'oviducte,  l'œuf  met  environ  trois  heures 
à  la  parcourir.  Il  s'y  entoure  de  la  membrane  coquillière 
(fig.  74,  c).  Celle-ci  est  en  réalité  formée  de  deux  feuillets 
intimement  accolés  l'un  à  l'autre  et  constitués  chacun  par  un 
feutrage  de  fibres  entre-croisées  en  tous  sens;  les  fibres  sont 
plus  fines  dans  le  feuillet  externe  que  dans  le  feuillet  interne.  Il 
est  vraisemblable  que  ces  fibres  ne  sont  autre  chose  que  des 
concrétions  de  l'albumine;  en  agitant  de  l'albumine  avec  diffé- 
rents sels,  ou  en  y  insufflant  simplement  de  l'air  par  un  tube 
rétréci,  on  obtient  des  fragments  d'une  sorte  de  tissu  formé  de 
filaments  entre-croisés. 

La  quatrième  portion  de  l'oviducte  n'est  longue  que  de  4  cen- 
timètres, mais  est  élargie  eteonstitue  une  sorte  d'utérus.  L'œuf  y 
séjourne  vingt-quatre  heures  et  s'y  entoure  de  sa  coquille.  Celle-ci 
(fig.  74,  a)  est  blanche  chez  la  Poule,  mais  peut  se  colorer  de 
diverses  nuances  chez  d'autres  Oiseaux;  on  pense,  sans  preuves 
suffisantes,  que  cette  teinte,  qui  se  fait  dans  le  cloaque,  est 
due  aux  matières  colorantes  de  la  bile.  La  coquille  a  la  môme 
structure  et  la  même  origine  que  la  membrane  coquillière,  elle 
doit  sa  consistance  à  ce  qu'elle  est  imprégnée  d'une  sécrétion 
laiteuse  chargée  de  carbonate  de  chaux,  sécrétion  produite  par 
l'utérus. 

Quand  l'œuf  est  pondu,  l'air  y  pénètre  à  travers  les  pores  de 
la  coquille  et  les  deux  feuillets  de  la  membrane  coquillière  se 
séparent  l'un  de  l'autre  :  il  se  forme  une  chambre  à  air  (fig.  74,  b), 
qui  se  montre  habituellement  au  gros  bout  de  l'œuf,  mais  qui 
peut,  suivant  les  circonstances,  apparaître  en  tout  autre  point. 
D'abord  très  petite,  la  chambre  à  air  s'élargit  avec  le  temps, 
en  sorte  qu'on  peut,  d'après  ses  dimensions,  juger  de  la  fraî- 
cheur de  l'œuf.  Elle  constitue  un  réservoir  aérien,  aux  dépens 
duquel  s'accomplira  la  respiration  de  l'embryon. 

La  membrane  chalazifère,  la  membrane  coquillière  et  la  co- 
quille sont  autant  de  membranes  ovulaires  secondaires.  Il  faut 
aussi  ranger  parmi  celles-ci  la  membrane  vitelline,  si,  comme 
le  pense  Balbiani,  elle  est  formée  par  le  follicule  ovarien. 


1:18  STUUCTURE  ET  COMPOSITION   DE  L'ŒUF. 


ŒUF   CENTROLGCITIIE. 

Dans  l'œuf  centrolécithe,  le  viLellus  de  formation  et  le  vitellus 
de  nutrition  sont  encore  nettement  séparés  l'un  de  l'autre, 
mais  celui-ci  est  situé  au  centre  de  l'œuf  et  est  complètement 
entouré  par  le  vitellus  formatif.  L'œuf  centrolécithe  est  carac- 
téristique des  Arthropodes.  Sa  segmentation  peut  se  faire  sui- 
vant divers  modes,  mais  toujours  elle  est  partielle,  ainsi  que 
nous  aurons  l'occasion  de  le  voir  par  la  suite. 

Les  enveloppes  de  l'œuf  centrolécithe  présentent  les  variétés 
que  nous  avons  reconnues  déjà  pour  les  œufs  alécithe  et  télo- 
lécithe.  Par  exemple,  l'œuf  des  Aranéides  et  des  Insectes  est 
muni  d'une  membrane  vitelline,  quand  il  se  sépare  de  l'ovaire  ; 
en  parcourant  l'oviducte,  il  s'entoure  en  outre  d'un  mince  cho- 
rion  ;  parfois  même,  il  se  forme  deux  chorions.  De  plus,  la  coque 
de  l'œuf  est  fréquemment  percée  d'un  micropyle,  comme  chez 
les  Gopépodes  parasites  et  chez  les  Insectes;  il  est  même  des 
Insectes,  comme  la  Puce,  dont  l'œuf  présente  un  grand  nombre 
de  micropyles  à  chacune  de  ses  extrémités. 

En  outre  de  la  vésicule  germinative,  l'œuf  des  Arthropodes 
renferme  fréquemment  un  corpuscule  analogue,  découvert  en 
1845  par  von  Wittich  dans  l'œuf  de  l'Araignée  et  revu  depuis 
par  von  Siebold,  V.  Garus,  etc.  Ce  dernier  auteur  lui  donna  le 
nom  de  noyau  vitellin;  en  France,  on  le  connaît  plutôt  sous  le 
nom  de  cellule  ou  vésicule  embryoyène,  que  H.  Milne-Edwards 
lui  appliqua  en  1867.  Ce  corpuscule  a  été  surtout  étudié  par 
Balhiani.  Si  son  observation  est  particulièrement  facile  chez  les 
Arthropodes,  il  ne  leur  appartient  pourtant  pas  en  propre  : 
on  le  connaît  à  l'heure  actuelle  chez  un  très  grand  nombre 
d'animaux,  aussi  bien  chez  les  Vertébrés  que  chez  les  Inver- 
tébrés; Balbiani  a  même  constaté  sa  présence  dans  l'ovule  de 
la  femme. 

La  vésicule  embryogène  (fig.  77)  est  une  véritable  cellule, 
munie  d'un  noyau  nucléole.  Elle  naît  par  bourgeonnement  de 
l'une  des  cellules  épithéliales  qui  entourent  l'œuf  dans  le  folli- 
cule de  de  Graaf  ;  sa  croissance  achevée,  elle  se  met  en  contact 
avec  le  vitellus  de  l'ovule  primordial,  le  déprime  et  s'enfonce 
peu  à  peu  dans  son  intérieur.  Le  canal  par  lequel  elle  a  pénétré 


ŒUF  CENTROLÉClTIIli.  139 

reste  parfois  visible  pendant  quelque  temps  ;  le  plus  souvent  il 
s'oblilère  par  l'accolement  de  ses  parois.  Arrivée  dans  l'œuf, 
la  vésicule  embryogène  conserve  son  individualité  :  son  proto- 
plasma ne  se  fusionne  pas  avec  le  vitel- 
lus.  Elle  persiste  jusqu'à  la  maturité  de 
l'œuf,  mais  disparaît  toujours  avaut  le 
commencement  du  développement. 

Si  l'origine  de  la  vésicule  embryo- 
gène n'est  pas  douteuse,  le  rôle  qu'elle 
est  appelée  àj  ouer  est  moins  certain. 
Balbiani  pense  que  sa  nature  épithé- 
liale  en  fait  un  élément  analogue  à  une 
cellule  séminale,  qui  doit  exercer  sur 
l'œuf  une  action  semblable  à  celle  d'un 
spermatozoïde.  C'est  sous  l'influence  de 
cette  sorte  de  fécondation  que  se  for- 
merait le  germe  dans  l'ovule  :  on  cons- 
tate, en  effet,  que  c'est  toujours  autour 
de  cet  élément  que  se  déposent  les  gra- 
nulations plastiques".  Là  se  bornerait  le 
plus  souvent  son  action;  mais,  dans 
certaines  espèces  animales,  elle  pour- 
rait suffire  à  déterminer  d'une  façon  plus  ou  moins  complète 
les  premières  pbases  du  développement  de  l'œuf.  Parfois 
même,  cette  préfécondation  de  l'ovule  par  la  vésicufe  embryo- 
gène aurait  pour  conséquence  le  développement  total  de  l'œuf, 
et  c'est  ainsi  que  s'expliquerait  la  parthénogenèse. 

Dans  cette  manière  de  voir,  l'œuf  serait  donc  constitué  parla 
conjugaison  de  deux  éléments,  l'un  mâle,  l'autre  femelle,  et 
serait  par  conséquent  un  véritable  organisme  hermaphrodite. 


Fig.  77.  —  Follicule  ovarien 
de  Clubiona  atrox.  —  b, 
vésicule  embryogène  en- 
tourée de  granulations  vi- 
tellines  formant  le  germe 
de  l'œuf;  «,  vésicule  ger- 
minative;  c,  pédoncule  du 
follicule. 


Ed.  van  Beneden,  Recherches  sur  la  composition  et  la  signification  de  Vœuf. 
Mém.  couronnés  del'Acad.  de  Belgique,  XXXIV,  18G8. 

H.  Ludwig,  Veber  die  Eibildiaig  im  Thierreiche.  Arbeiten  aus  dem  zool.-zoot. 
Institut  in  Wûrzburg,  I,  1874. 

0.  Galeb,    De  l'œuf  dans  la  série  animale.  Thèse  de  médecine.  Paris,  1878. 

Al.  Brandt,  Veber  das  Ei  und  seine  Bildungsstalte.  Leipzig,  1878. 

G.  Balbiani,  Leçons  sur  la  génération  des  Vertébrés.  Paris,  187J. 


440 


LA  MATURATION   ET   LA   FÉCONDATION   DE   LŒUF 


LA  MATURATION  ET  LA   FÉCONDATION  DE  L'OEUF 


Les  phénomènes  qui  accompagnent  la  maturation  et  la  fé- 
condation de  l'œuf  ont  été,  dans  ces  dernières  années,  l'objet 
d'un  grand  nombre  de  recherche?,  grâce  auxquelles  la  lumière 
s'est  faite  complètement  sur  ces  points  jusqu'alors  obscurs. 
Sans  entrer  dans  le  détail  des  observations  des  divers  auteurs, 
nous  renverrons  le  lecteur  aux  ouvrages  de  Slrasburger  et  de 

Mark,  ainsi  qu'au  mé- 
moire dans  lequel  nous 
avons  résumé  l'état  de  la 
question,  et  nous  décri- 
rons ces  phénomènes  en 
les  rapportant  plus  spé- 
cialement à  Asterias  ijla- 
cialis,  Echinoderme  sur 
lequel  Fol  a  fait  récem- 
ment une  série  de  belles 
observations. 

L'œuf  ovarien  (fig.  78), 
parvenu  au  stade  ultime 
deson  développement,  est 

Fig.  78.-  mutmbvà'AstenasglQci'jUs  rc-  constitué  par  une  masse 

vêtu  d'une    enveloppe    mucilagineuse    et  vitelline   finement  granu- 

contenant  une  vésicule  germinative  et  une  leuse    que  revêt  extérieu- 
tacne    germinative    excentriques.  D'après  , 

H.  Fol.  rement  une  enveloppe  gé- 

latineuse appelée  zona  va- 
diaia.  La  vésicule  germinative,  située  exceutriquement,  est 
entourée  d'une  membrane;  elle  renferme  une  tache  germina- 
tive et  un  réseau  protoplasmique. 

Aussitôt  après  la  ponte,  la  vésicule  germinative  devient  le  siège 
de  modifications  qui  vont  aboutir  à  son  expulsion  du  vitellus 
(fig.  79).  Elle  présente  des  contractions  actives  et  change  inces- 
samment de  forme,  en  même  temps  que  sa  membrane  et  son 
réseau  protoplasmiquedisparaissentetque  sa  tache  germinative, 
dont  les  contours  vont  ens'eflaçant,  finit  par  se  dissoudre  (fig.  80). 
Peu  à  peu,  la  vésicule  germinative  s'organise  en  un  corps  fusi- 


LÀ   MATURATION   ET   LA   FECONDATION   DE  L'ŒUF. 


lit 


forme,  appelé  fuseau  nucléaire,  autour  des  extrémités  duquel  les 
granulations  vitellines,  jusqu'alors  disséminées  au  hasard,  se 
disposent  en  séries  longitudinales  rayonnées,  de  façon  à  simuler 
deux  étoiles  accouplées  :  on  a  donné  à  cette  figure  le  nom  d'a?rc- 
phiaste?-  (fig.  81).  Le  fuseau  se  montre  parcouru  dans  le  sens  de 
sa  longueur  par  un  faisceau  de  Fibrilles  délicates,  qui  présentent 


Ë 


Fig.  79.  —  Deux  stades  successifs  de  la  métamorphose  graduelle  de  la  vési- 
cule et  de  la  tache  germinatives  de  l'œuf  d'Asterias  glacialis,  immédiatement 
après  la  ponte.  D'après  Fol. 

en  leur  milieu  un  épaississement  constituant,  la  plaque  nucléaire. 
11  s'approche  lentement  de  la  périphérie  de  l'œuf,  entraînant  avec 
lui  sa  double  auréole  et  tout  en  conservant  une  direction  ra- 


Fig.  80.  —  OEuf  d'Asterias  glacialis  Fig.   81.   —  Œuf  d'Asterias  glacialis 

montrant  les  espaces  clairs  qui  rem-  au  même  stade  que  le   précédent, 

placent    la    vésicule    germinative.  mais  traité  par  l'acide  picrique.  D'a- 

CEuf  vivant.  D'après  Fol.  près  Fol. 

diaire  par  rapport  au  centre.  L'extrémité  du  fuseau  gagne  bien- 
tôt la  surface;  elle  tend  à  sortir  de  l'œuf,  refoulant  devant  elle 
une  faible  quantité  devitellus. 

Quand  le  fuseau  se  trouve  expulsé  à  moitié,  il  s'étrangle  et  se 
divise  en  deux  parties,  l'une  située  dans  la  protubérance  et 
l'autre  dans  l'œuf;  sa  division  s'accompagne  du  dédoublement 


142        là  maturation  et  la  fécondation  de  L'œuf. 

de  la  lame  nucléaire  :  les  deux  lames  ainsi  formées  reculent 
chacune  vers  une  extrémité  du  fuseau  nucléaire  et  c'est  seule- 
ment lorsqu'elles  y   sont  parvenues  que  la  division  du  noyau 
s'accomplit. 
La  protubérance  s'étrangle  à  son  tour  et  se  sépare  complète- 


.  à&ÊÊm 


Fig.  82.  —  Portion  de  l'œuf  d'Asttrias  Fig.  83.  —  Portion  do  l'œuf  d'As- 

glacialis  au  moment  où  le  premier  glo-  terias  glocialis   avec  le  premier 

bule  polaire  se  détache  et  le  reste  du  globule  polaire  tel  qu'il  se  montre 

fuseau  se  rétracte  dans  l'œuf.  Prcpa-  à  l'état  vivant.  D'après  Fol. 
ration  à  l'acide  picrique.  D'après  Fol. 

ment  du  vitellus,  pour  former  un  globule  polaire  (fig.  82,  83), 
dans  l'intérieur  duquel  l'aster  se  désorganise,  en  même  temps 
que  le  fragment  du  fuseau  perd  son  aspect  fibrillaire  et  prend 
l'apparence  d'un  simple  noyau. 

Le  globule  polaire  a  la  valeur  d'une  cellule  :  son  mode  de 
production,  comme  Biitschli  l'a  fait  voir,  n'est  qu'un  simple 

processus  actif  de  division,  et  les 
phénomènes  qui  président  à  sa  for- 
mation ne  diffèrent  en  rien  de  ceux 
qui  accompagnent  la  division  cellu- 
laire ordinaire. 

Il  est  rare  qu'il  ne  se  forme  qu'un 
seul  globule  polaire;  il  s'en  produit 
d'ordinaire  deux  ou  trois.  Dans  ce 

Cas,  la  moitié  du  fuseau  de  direc- 
tement après  la  formation  du  tion  qui  est  demeurée  dans  l'œuf, 
second  globule  polaire.  Pré-  par  simple  allongement  de  ses  fibres, 

paration    à    1  acide  picrique.    r  r  °  uubobuwr, 

D'après  Fol.  se  transforme  en  un  second  fuseau, 

muni  d'un  aster  à  chacune  de  ses 
extrémités.  Ce  fuseau,  qui  s'est  reconstitué  dans  l'intérieur 
du  vitellus,  à  une  faible  distance  de  la  surface,  va  se  rappro- 


3TJ8 


Fig.   84.   —   Portion    de  l'œuf 
d'Asterias  glacialis  immédia- 


LA   MATURATION   ET   LA   FÉCONDATION   DE   L'ŒUF.  1  \\\ 

cher  de  celle-ci  et  se  comporter  comme  le  premier  fuseau 
(fig.  84). 

Les  globules  polaires  proviennent  donc  de  la  vésicule  germi- 
native,  opinion  qui  avait  été  jadis  émise,  mais  sans  preuves 
suffisantes,  par  Dumortier  (1).  Une  fois  produits,  ils  ne  tardent 
pas  à  se  détruire  et  ne  jouent  manifestement  aucun  rôle  par  la 
suite  du  développement  de  l'embryon.  Il  convient  néanmoins 
de  rechercher  leur  signification. 

On  a  cru  pendant  longtemps,  à  la  suite  de  Frilz  Mûller  (2), 
qu'ils  exercent  une  influence  considérable  sur  la  direction  des 
sillons  du  vitellus  et  sur  la  situation  réciproque  des  blasto- 
mères  :  de  là  le  nom  de  vésicules  de  direction,  sous  lequel  cer- 
tains auteurs  les  décrivent  encore;  nous  savons  maintenant 
que  ce  n'est  point  là  leur  rôle,  du  moins  dans  bon  nombre  de 
cas.  Semper  a  voulu  voir  dans  ces  globules  les  produits  «  d'une 
sorte  de  défécation  »  par  l'ovule  «  de  matières  devenues  inu- 
tiles »  ;  Fol  lui  même  est  d'un  avis  analogue  et  il  leur  donne  le 
nom  de  «  corpuscules  de  rebut».  «Il  peut  être  important  pour 
le  vitellus,  dit-il,  de  se  débarrasser  de^certaines  matières  deve- 
nues superflues,  et  l'expulsion  de  cette  matière  peut  avoir  lieu 
en  un  point  constant,  sans  que  nous  devions  y  voir  autre  chose 
qu'une  simple  excrétion.  »  Giard  émet  une  opinion  un  peu  plus 
satisfaisante  :  pour  lui,  les  globules  ne  seraient  que  «  des  cel- 
lules rudimentaires  ayant  une  signification  atavique». 

Balfour  fait  remarquer  que  chez  les  Arthropodes  et  les  Roti- 
fères,  les  globules  polaires  n'ont  pas  été  observés  jusqu'à  pré- 
sent d'une  manière  satisfaisante  :  or,  par  une  coïncidence 
frappante,  ce  sont  là  précisément  les  deux  groupes  chez 
lesquels  la  parthénogenèse  se  produit  d'une  façon  normale. 
11  part  de  cette  observation  pour  émettre  l'hypothèse  que, 
dans  la  formation  des  globules  polaires,  une  portion  des  parties 
constituantes  de  la  vésicule  germinative,  indispensables  pour 
qu'elle  fonctionne  comme  un  noyau  complet  et  indépendant, 
est  rejetée  pour  permettre  l'accès  des  parties  nécessaires  qui 
lui  seraient  rendues  par  la  fécondation.  Ce  qui  reste  de  la  vési- 

(1)  Dumortier,  Mémoire  sur  V embryogénie  des  Mollusques  gastéropodes. 
Ann.  des  se.  nat.,  VIII,  1837. 

(2)  Fr.  Mûller,  Zur  Kenntniss  des  Fur  chung  s  processes  im  Sclme<:keneie. 
Archiv  fur  Naturgeschichte,  I,  1848. 


144  LA  MÀTUUATION   ET  LA   FÉCONDATION   DE  L'ŒUF.  „ 

cule  germinative  dans  l'intérieur  de  l'œuf,  après  l'expulsion 
des  globules  polaires,  serait  donc  incapable  de  se  développer 
davantage  sans  le  secours  du  spermatozoïde;  et  s'il  ne  se  for- 
mait pas  de  globule  polaire,  la  parthénogenèse  pourrait  norma- 
lement exister.  En  un  mot,  la  faculté  de  former  des  cellules 
polaires  aurait  été  acquise  par  l'œuf  dans  le  but  exprès  de  pré- 
venir la  parthénogenèse  (1). 

Enfin,  Biïlschli  a  produit  récemment,  à  la  suite  de  re- 
cherches sur  le  développement  des  Volvox  et  autres  Flagellés 
vivant  en  colonie,  une  théorie  qui  consiste  à  considérer  la  for- 
mation des  globules  polaires  comme  rappelant  un  état  dans  le- 
quel les  Métazoaires  primitifs  étaient  capables  de  former  des 
colonies  de  gamètes  femelles,  semblables  à  celles  qui  s'obser- 
vent encore  aujourd'hui  chez  certains  Protozoaires.  Cette  con- 
ception s'appuie  du  reste  sur  des  faits  trop  spéciaux  pour  que 
nous  puissions  ici  l'exposer  en  détail. 

Quand  la  production  des  globules  polaires  est  achevée,  la 
moitié  du  dernier  fuseau  qui  reste  finalement  dans  l'œuf  ne 
Larde  pas  à  perdre  sa  striation  longitudinale  ;  elle  se  transforme 
en  deux  ou  trois  vésicules  claires  (fig.  85),  qui  se  réunissent 
bientôt  en  un  simple  noyau  arrondi.  Celui-ci,  entouré  ou  non 
d'un  aster,  suivant  les  cas,  se  rapproche  du  centre  de  l'œuf,  que 
souvent  il  vient  occuper  (fig.  86);  quand  il  est  arrivé  au  terme  de 
sa  migration,  l'aster  qui  l'entourait  disparaît.  Ce  noyau  prend 
le  nom  de  noyau  de  l'œuf  ou  pronucleus  femelle;  il  renferme 
un  nucléole. 

C'est  seulement  à  la  suite  de  ces  métamorphoses  que  l'œuf 
est  véritablement  muret  apte  à  être  fécondé;  chez  un  grand 

(1)  Il  importe  de  remarquer,  h  propos  de  cette  théorie  de  Balfour,  que  des 
globules  polaires  ont  été  signalés  chez  certains  Arthropodes,  par  Leydig  chez 
Daphnia  longispina,  par  Grobben  chez  Moina  reclirosiris,  par  Henneguy 
chi  z  Oniscus  et  chez  Asellus  aquatkus.  Une  observation  de  Hœk  relative  à 
l'œuf  de  Balanus  balanoïdes  semble  moins  positive. 

Chez  les  Insectes,  on  désigne  encore  sous  le  nom  de  globules  polaires  de-s 
corpuscules  qui  se  séparent  de  l'œuf  avant  la  segmentation  et  dont  le  nombre 
est  assez  considérable  (3  d'après  Balbiaui,  12  d'après  Weismann,  1G  à  20 
d'après  Ch.  Robin).  Mais  ces  corpuscules  auraient  une  tout  autre  significa- 
tion que  les  véritables  globules  polaires  :  ils  ne  se  détruisent  point  comme 
le  font  ceux-ci,  mais  pénètrent  dans  l'œuf  en  voie  de  développement,  et  c'est 
;i  leurs  dépens,  suivant  Balbiani  {Sur  la  signification  des  cellules  polaires 
des  Insectes.  Comptes  rendus,  XCV,  p.  927,  13  novembre  1882),  que  se  forme- 
raient les  organes  génitaux. 


LA  MATURATION  ET  LA  FÉCONDATION   DE  L'ŒUF.  14o 

nombre  d'animaux  à  fécondation  extérieure,  ce  n'est  môme 
qu'après  avoir  passé  par  ces  différentes  phases  qu'il  est  expulsé 
au  dehors. 

L'acte  de  la  fécondation  consiste  en  une  fusion  directe  des 
couches  superficielles  du  vitel- 
lus  avec  la  tête  du  spermato- 
zoïde. Il  faut  donc,  pour  que 
ce  phénomène  se  produise,  que 
le  spermatozoïde  traverse  l'en- 


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Fig.  85.  —Portion  de  l'œuf  d'Asterias 
glacialis  après  la  formation  du  se- 
cond globule  polaire,  montrant  la 
partie  du  fuseau  qui  reste  dans 
l'œuf  se  transformant  en  deux  vési- 
cules claires.  Préparation  à  l'acide 
picrique.  D'après  Fol. 


Fig.  86.  —  OEuf  iïAsterias  glacialis 
avec  les  deux  globules  polaires  et  le 
pronucléus  femelle  entouré  de  stries 
radiaires.  Œuf  vivant.  D'après  Fol. 


veloppe  de  l'œuf.  Dans  le  cas  où  celle-ci  est  dure  et  résistante, 
un  micropyle  lui  livre  passage,  comme  cela  se  voit  chez  lus 
Poissons,  les  Insectes,  etc.  Lorsqu'au  contraire  l'enveloppe  de 
l'œuf  n'est  représentée  que  par  une  masse  gélatineuse  plus  ou 
moins  épaisse,  ou  par  un  mince  follicule  jouant  le  rôle  de  mem- 
brane vitelline,  sa  force  de  propulsion  suffit  à  faire  traverser 
au  spermatozoïde  cette  barrière  peu  résistante. 

Dès  que  le  spermatozoïde  a  traversé  l'enveloppe  de  l'œuf 
pour  pénétrer  dans  le  liquide  périvitellin,  le  vitellus  présente 
des  modifications  remarquables.  Ainsi  que  Fol  l'a  observé  chez 
l'Etoile  de  mer,  a  avant  qu'aucun  contact  ait  eu  lieu  entre  le 
zoosperme  et  le  vitellus,  le  protoplasme  de  ce  dernier  s'amasse 
du  côté  qui  fait  face  au  spermatozoïde,  et  y  constitue  une 
mince  couche  hyaline  qui  recouvre  le  vitellus  granuleux;  puis 
cette  couche  transparente  se  soulève  à  son  centre  en  une  bosse 
qui  s'avance  à  la  rencontre  de  l'élément  mâle  (fig.  87,  A).  La  bosse 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  10 


146  LÀ  MATURATION   ET  LA   FÉCONDATION  DE  L'ŒUF. 

se  change  en  un  cône,  et  bientôt  on  voit  un  mince  filet  de  proto- 
plasme établir  la  communication  entre  le  sommet  du  cône  et 
le  corps  du   zoosperme  (fig.  87,  B).   Ce  dernier  s'allonge  et 


Fig.  87.  —  Faibles  portions  de  l'œuf  à!Asterias  glacialis.  Les  spermatozoïdes 
sont  représentés  enveloppés  dans  la  membrane  mucilagineuse.  En  A,  il  se 
forme  à  la  surface  de  l'œuf  une  protubérance  dirigée  vers  le  spermatozoïde 
le  plus  voisin.  En  B,  le  spermatozoïde  et  la  protubérance  se  sont  rencon- 
trés. D'après  Fol. 

s'écoule  pour  ainsi  dire  dans  le  vitellus.  La  queue  reste  seule  au 
dehors,  où  on  peut  la  distinguer  encore  quelques  minutes.  » 

Chez  Asterias  glacialis,  au  moment  même  où  la  couche  pro- 
toplasmique  hyaline,  qui  s'est  différenciée  à  la  périphérie  de 
l'œuf,  se  met  en  contact  avec  la  tête  du  spermatozoïde,  on  voit 
cette  couche  homogène  se  séparer  de  l'œuf  et  constituer  une 
membrane  vitelline  (fig.  88).  «  La  différenciation  de  cette  mem- 
brane gagne  tout  le  tour  du  vitellus,  en  commençant  par  le  point 
de  fécondation,  où  il  reste  une  sorte  de  petit  cratère.  Chez  un 
œuf  bien  mûr  et  bien  frais,  tous  ces  phénomènes  sont  telle- 
ment rapides  que  l'accès  du  vitellus  est  barré  à  tout  zoosperme 
qui  serait  de  peu  de  secondes  en  retard  sur  le  premier.  La  pé- 
nétration a  lieu  en  un  point  quelconque  de  la  surface  du  vi- 
tellus. La  fécondation  normale  de  l'Etoile  de  mer  se  ferait  à 
l'aide  d'un  seul  zoosperme  par  œuf,  ce  qui  est  tout  à  fait  évi- 
dent chez  l'Oursin.  » 

La  tête  du  spermatozoïde,  après  avoir  pénétré  dans  l'œuf,  se 
transforme  en  un  corps  clair,  réfringent,  qui  est  le  noyau  sptr- 
matique  ou  pronucléus  mâle.  Ce  noyau  s'enfonce  dans  le  vitellus, 
en  se  dirigeant  vers  le  centre,  non  en  vertu  d'un  mouvement 


LA   MATURATION   ET  LA  FÉCONDATION   DE   L'ŒUF.  U7 

propre,  mais  plutôt  grâce  aux  contractions  dont  le  vitellus  est 
alors  animé,  contractions  qui  favorisent  son  déplacement.  Au- 


:•  .c*"  '"':  "•"  •' c'.'°  •  i". 


Fig.  88.—  Portion  de  l'œuf  û'Asterias 
glacialis  après  la  pénétration  d'an 
spermatozoïde.  On  voit  la  protubé- 
rance de  l'œuf  dans  laquelle  le  sper- 
matozoïde est  engagé.  Une  membrane 
vitelline  avec  un  orifice  cratériforme 
est  distinctement  formée.  D'après 
Fol. 


Fig.  89.  —  OEuf  û'Asterias  glacialis 
avec  pronucléus  mâle  et  pronu- 
cléus  femelle,  présentant  une 
striation  radiaire  autour  du  pre- 
mier. D'après  Fol. 


tour  de  lui,  les  granulations  vitellines  se  déposent  en  rayon- 
nant. La  figure  formée  par  l'ensemble  du  soleil  et  du  noyau 
spermatique  situé  en  son  centre  est  Vaste?*  mâle  (fig.  89). 

L'aster  mâle  marche  à  la  rencontre  du  pronucléus  femelle,  et 
quand  ses  stries  radiaires  ont  atteint  ce  dernier,  on  voit  celui- 
ci  se  mettre  en  marche  à  son  tour,  pénétrer  dans  l'aster  et  se 


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Fig.  90,  91,  92.  —  Trois  stades  successifs  dans  la  fusion  des  pronucléus  mâle 
et  femelle  chez  Asterias  glacialis.  D'après  Fol. 

fusionner  avec  le  pronucléus  mâle  (fig.  90,  91,  92).  De  la 
fusion  de  ces  deux  pronucléus  résulte  le  noyau  de  segmentation 
(fig.  93).  La  fécondation  est  alors  accomplie  :  comme  on  le 
voit,  elle  consiste  essentiellement  en  la  coalescence  de  deux 
noyaux  de  nature  sexuelle  différente  (1). 

(1)  Quand  plusieurs   spermatozoïdes  arrivent  en  même  temps  à  la  surface 


H8 


LA  MATURATION   ET  LA  FÉCONDATION  DE  L'ŒUF. 


Fig.  93.  —  OEuf  à'Aslerias  gJacialis 
après  la  coalescence  des  pronucléus 
mâle  et  femelle.  D'après  Fol. 


Le  noyau  de  segmentation,  une  fois  constitué,  se  porte  plus 
ou  moins  au  centre  de  l'œuf  :  l'aster  qui  rayonnait  autour  du 
pronucléus  mâle  disparaît.  Mais  le  noyau  de  segmentation  ne 
reste  pas  longtemps  inactif:  il  ne  tarde  pas  à  s'allonger,  comme 

la  vésicule  germinative,  en  un 
corps  fusiforme  et  fibreux,  qui 
prendje  nom  de  fuseau  de  seg- 
mentation et  aux  extrémités 
duquel  se  montre  un  amphias- 
ter.  Le  fuseau  s'étire  de  plus 
en  plus  ;  finalement  il  se  divise 
transversalement  et  sa  divi- 
sion ne  tarde  pas  à  être  suivie 
de  celle  du  vitellus  :  l'œuf  se 
fractionne  de  la  sorte  en  deux 
moitiés,  appelées  blastomères, 
et  qui  ont  la  signification  de 
cellules  véritables  (1).  Chaque 
blastomère  se  divisant  à  son 
tour,  et  ainsi  de  suite,  on  est  dès  lors  témoin  du  phénomène  de 
la  segmentation,  qui  aboutit  à  la  constitution  du  blastoderme, 
c'est-à-dire  à  la  formation  de  feuillets  cellulaires  qui  vont 
donner  naissance  au  corps  de  l'embryon.  Nous  assistons  donc, 

du  vitellus,  il  se  forme  pour  chacun  d'eux  un  aster.  Ces  pronucléus  mâles  se 
mettent  en  marche  vers  le  pronucléus  femelle  et  plusieurs  d'entre  eux  vont 
pouvoir  se  fusionner  avec  celui-ci;  d'autres  restent  en  route  et  se  résorbent. 
Ces  divers  pronucléus  mâles  se  repoussent  manifestement  les  uns  les  autres, 
mais  sont  attirés  par  le  pronucléus  femelle.  Dans  les  cas  de  ce  genre,  l'em- 
bryon serait  monstrueux,  d'après  Hertwig  et  Fol,  et  la  monstruosité  s'établi- 
rait d'emblée  ;  d'après  Selenka,  la  segmentation  se  ferait  normalement  jusqu'au 
stade  de  la  gastrula,  et  c'est  seulement  alors  que  le  développement  deviendrait 
anormal. 

(I)  Les  phénomènes  remarquables  que  nous  venons  de  décrire  à  propos  de 
la  multiplication  du  noyau  et  de  la  division  du  vitellus  ne  sont  point  particu- 
liers à  l'œuf  animal  :  Strasburger  a  observé  un  processus  identique  dans 
l'ovule  des  Conifères.  Bien  plus,  ce  n'est  point  seulement  dans  l'œuf  qu'on 
peut  constater  des  faits  de  cet  ordre,  mais  on  peut  dire  que  toute  division  de 
cellule,  animale  ou  végétale,  s'accomplit  de  celte  façon. 

Les  histologistes  s'étaient,  jusqu'à  ce  jour,  accordés  pour  décrire  la  multi- 
plication des  noyaux  des  cellules  animales  comme  se  faisant  par  simple  divi- 
sion en  deux  moitiés,  après  multiplication  préalable  des  nucléoles.  Il  est 
possible  que  ce  phénomène  s'accomplisse  dans  certains  cas,  mais  les  obser- 
vations de  ces  dernières  années  viennent  toutes  démontrer  que,  dans  la  plu- 
part des  cas,  cette  théorie  si  simple  ne  saurait  être  invoquée. 


LA  MATURATION   ET  LA  FÉCONDATION   DE   L'ŒUF.  140 

à  partir  de  cet  instant,  aa  développement  d'un  nouvel  être. 

En  règle  générale,  la  fécondation  est  donc  indispensable 
pour  que  le  fractionnement  du  vitellus,  prélude  du  développe- 
ment de  l'embryon,  puisse  s'accomplir.  Il  est  pourtant,  avons- 
nous  dit,  un  certain  nombre  d'êtres,  chez  lesquels  le  dévelop- 
pement peut  se  faire  sans  fécondation  préalable  ;  ces  exemples 
de  parthénogenèse  n'ont  été  jusqu'à  présent  observés  d'une 
façon  certaine  que  chez  certains  Vers  (Rotifères)  et  chez  un 
assez  grand  nombre  d'Arthropodes  :  parmi  les  Crustacés,  il 
convient  de  citer  à  cet  égard  des  Branchiopodes  tels  que  Apus, 
Limnadia,  des  Cladocères  tels  que  Daphnia  ;  parmi  les  Insectes, 
des  Lépidoptères  tels  que  Psyché  hélix,  des  Hyménoptères  tels 
que  Apû,  Vespa,  Nematus,  Xeurotherus,  etc.  ;  des  Diptères  tels 
que  Cecidomyia,  et  surtout  des  Hémiptères  tels  que  les  Puce- 
rons. Enfin,  Greef  aurait  vu  chez  Asterias  rubens  un  développe- 
ment parthénogénésique,  qui  ne  diffère  que  par  sa  lenteur  du 
développement  de  l'ovule  fécondé. 

Dans  tous  ces  cas,  la  parthénogenèse  est  complète  :  elle 
aboutit  à  la  formation  d'un  nouvel  être  qui  ne  diffère  en  rien 
de  ceux  qui  se  développent  normalement,  aux  dépens  d'un 
œuf  fécondé,  ou  bien  elle  produit  un  individu  à  caractères 
sexuels  particuliers.  D'autres  fois,  la  parthénogenèse  est  in- 
complète et,  dans  ce  cas,  elle  se  limite  d'ordinaire  à  la  seg- 
mentation du  vitellus  et  à  la  constitution  plus  ou  moins  par- 
faite des  feuillets  blastodermiques  :  des  exemples  de  ce 
phénomène  s'observent,  parmi  les  Insectes,  chez  des  Coléop- 
tères tels  que  Gastrophysa  raphani  et  Adoxus  vitis;  parmi  les 
Vertébrés,  chez  les  Batraciens  tels  que  la  Grenouille,  chez  des 
Oiseaux  tels  que  la  Poule,  le  Pigeon,  etc. 

Qu'elle  soit  complète  ou  incomplète,  la  parthénogenèse 
reste  encore  inexpliquée,  à  moins  d'admettre  la  théorie  expo- 
sée par  M.  Balbiani  et  que  nous  avons  résumée  plus  haut,  en 
parlant  de  la  vésicule  embryogène. 

Ed.Strasburger,  Ueber  Befruclitung  und  Zelltheilung.  Jenaische  Zeitschrift, 
XI,  p.  435-536,  1877. 

R.  Blanchard,  La  fécondation  dans  la  série  animale,  d'après  les  publica- 
tions les  plus  récentes.  Journal  de  l'anatomie,  1ST8. 

E.-L.  Mark,  Maturation,  fecundation  and  segmentation  of  Limax  campes- 
tris.  Bull,  of  the  Muséum  of  comp.  zool.  at  Harvard  Collège,  \1,  n°  12, 
1831. 


fàO  LA  SEGMENTATION  DE  L'ŒUF. 

H.  Fol,  Recherches  sur  la  fêcond-ition  et  le  commencement  de  l'hénogénie. 
Genève,  1879. 

0.  Butschli,  Gedanken  ùbe^  die  morphologUche  Bedeutung  der  sog. 
Ilichtungskorperchen.  Biologisches   Centralblatt,  IV,  p.  .">,  1884. 


LA  SEGMENTATION  DE  L'OEUF 
OEUF   ALÉCITHE 

L'œuf  le  plus  simple,  ainsi  que  nous  l'avons  vu  déjà,  est 
l'œuf  alécithe,  c'est-à-dire  l'œuf  dépourvu  de  vitellus  nutritif 
^fig.  94,  A,  B).  Il  subit  une  segmentation  totale,  c'est-à-dire  que 
toutes  ses  parties  vont  prendre  part  au  phénomène  du  frac- 
tionnement et  vont  être  directement  employées  à  la  formation 
du  blastoderme;  on  peut  désigner  ces  qualités  d'un  mot,  en 
disant  que  c'est  un  œuf  holoblastique;  sa  segmentation  est  tou- 
jours égale  ou  régulière. 

Lorsque  la  segmentation  est  totale  et  régulière,  l'œuf  se  divise 
en  2,  puis  en  -4,  8,  16,  32,  64,  etc.,  cellules  ou  blastomères,  G,  D. 
Quand  la  segmentation  est  achevée,  les  blastomères  forment 
un  amas  mûriforme,  que,  à  l'exemple  d'Hœckel,  on  peut,  par 
abréviation,  désigner  sous  le  nom  de  morula,  E.  Bientôt  les  cel- 
lules s'écartent  les  unes  des  autres  ;  elles  sont  refoulées  peu 
à  peu  à  l'extérieur,  par  suite  de  l'apparition,  au  centre  de  la 
morula,  d'une  cavité  qui  va  sans  cesse  en  grandissant  :  c'est 
la  cavité  Je  segmentation,  cavité  de  von  Baer  ou  blastocœle,  F,  G. 
Quand  sa  croissance  est  achevée,  la  morula  a  disparu:  les  cellules, 
disposées  sur  plusieurs  couches,  qui  la  constituaient,  se  sont 
réparties  en  un  seul  rang,  pour  former  la  paroi  d'une  sphère 
creuse  qui  est  la  blastophère  ou  blastula.  La  couche  cellulaire 
unique,  constituée  par  ces  cellules  semblables  et  à  forme  épi- 
théliale,  est  le  blastoderme. 

Le  plus  souvent  la  cavité  de  segmentation  se  constitue 
d'emblée,  en  sorte  que  l'œuf,  à  la  fin  de  son  fractionnement, 
est  une  blastophère,  sans  avoir  passé  par  la  phase  intermé- 
diaire de  la  morula.  Toutefois,  cette  phase  s'observe  chez  un 
grand  nombre  de  Cœlentérés,  chez  quelques  Némertiens,  etc. 
11  existe  du  reste  tous  les  intermédiaires  entre  ces  deux  formes 
extrêmes. 


ŒUF  ALÉCITHE. 


i.ii 


Bientôl  se  produit  à  la  surface  de  la  blastula  une  dépression 
qui  va  en  augmentant,  à  mesure  que  la  cavité  de  segmentation 


Fig.  94.  —  Segmentation  et  formation  de  la  gastrula  chez  Monoxenia  Darwini. 
D'après  Hreckel. 

diminue  d'importance,  H.  Cette  dernière  finit  par  disparaître  : 
l'invagination  arrive  de  la  sorte  à  son  maximum,  la  paroi  inva- 


152  LA  SEGMENTATION  DE  L'ŒUF. 

ginée  venant  s'accoler  à  la  paroi  demeurée  normale,  I,  K.  La  blas- 
tula  s'est  transformée  de  la  sorte  en  une  gastrula,  formée  de 
deux  feuillets  :  le  feuillet  externe  prend  le  nom  d'ectoderme,  le 
feuillet  interne  celui  d'endoderme  (1).  Avant  l'invagination, 
toutes  les  cellules  de  la  blastula  étaient  semblables;  dès  que 
l'embolie  est  achevée,  les  cellules  se  différencient,  de  façon  à 
présenter  dans  chacun  des  deux  feuillets  des  caractères  spé- 
ciaux. 

L'endoderme  limite  une  cavité  centrale,  qu'il  importe  de  ne 
pas  confondre  avec  la  cavité  de  segmentation  :  c'est  Vintestin 
primitif,  progaster  ou  protogaster.  Cette  cavité  communique 
avec  l'extérieur  au  moyen  d'un  orifice,  prostome,  protostome  ou 
blastopore,  qui  correspond  au  point  où  l'invagination  s'est  faite 
et  où  les  deux  feuillets  se  continuent  l'un  avec  l'autre.  Enfin, 
le  pourtour  du  blastopore  mérite  un  nom  spécial,  en  raison  du 
rôle  important  qu'il  est  appelé  à  jouer  lors  de  la  formation 
d'un  troisième  feuillet  blastodermique,  le  mésoderme  (2),  inter- 
médiaire entre  les  deux  premiers  :  on  lui  donne  le  nom  de 
propéristome. 

Au  stade  de  la  blastophère,  le  blastoderme  élait  homaxial  ; 
dès  que  la  gastrula  est  constituée,  il  devient  monaxial  :  l'axe 
embryonnaire  passe  par  le  blastopore  et  présente  deux  extré- 
mités, appelées  respectivement  orale  et  aborale. 

Sauf  de  très  légères  divergences  qui  peuvent  s'observer  à  des 
stades  divers  du  fractionnement,  particulièrement  chez  des 
Eponges  calcaires  telles  que  Sycandra,  chez  les  Cténophores  et 
chez  Amphioxus,  la  segmentation  totale  et  régulière  se  ren- 
contre très  communément  chez  les  Éponges  et  les  Cœlentérés; 
elle  est  pour  ainsi  dire  caractéristique  des  Échinodermes;  elle 
se  présente  encore  chez  un  grand  nombre  de  Vers  comme  les 
Turbellariés,  les  Némertiens,  lesNématodes  (Gordius),  les  Ché- 
tognathes  (Sagitta),  les  Gastrotriches  (Chxtonotus),  quelques 
Géphyriens  [Phoronis)  et  quelques  Chétopodes  (Serpula).  A 
mesure  qu'on  s'élève  dans  la  série  animale,  on  voit  la  segmen- 


(1)  L'ectoderme  est  encore  souvent  appelé  épiblaste  ou  feuillet  externe  du 
blastoderme  ;  Ray  Lankester  l'appelle  déron.  De  môme,  l'endoderme  est  dési- 
gné sous  le  nom  tfhypoblaste  ou  de  feuillet  interne  du  blastoderme  ;  Ray 
Lankester  lui  donne  le  nom  d'entéro?i. 

(2)  Appelé  encore  mésoblaste  ou  feuillet  moyen  du  blastoderme. 


ŒUF  ALÉC1THE.  i:;3 

tation  totale  et  régulière  devenir  moins  fréquente  :  dans  le 
groupe  des  Arthropodes,  elle  n'est  pourtant  pas  très  rare  parmi 
les  Crustacés  inférieurs  et  s'observe  même  chez  des  Amphi- 
podes  tels  que  Phronima,  mais  elle  devient  exceptionnelle  chez 
les  Trachéates,  et  jusqu'à  ce  jour  Podura  en  fournit  le  seul 
exemple  connu.  Elle  est  également  très  rare  chez  les  Mol- 
lusques ;  Chiton  en  offre  pourtant  un  bon  type,  et  chez  quelques 
Nudibranches  elle  s'est  conservée  presque  intacte.  Les  Tuni- 
ciers  la  présentent  assez  communément;  enfin  Amphioxus  est 
le  seul  Vertébré  chez  lequel  on  la  rencontre. 

La  gastrula  prend  le  plus  souvent  naissance  par  invagination 
ou  embolie,  comme  l'ont  fait  voir  les  belles  recherches  de 


Fig.  95.  —  Figure  diagrammatique  de 
la  délamination  de  l'œuf  de  Geryo- 
nia,  d'après  Fol.  — ■  a,  endoplasme  ; 
b,  ectoplasme;  es,  cavité  de  seg- 
mentation. Les  lignes  pointillées  in- 
diquent le  trajet  des  plans  de  divi- 
sion suivants. 


Fig.  96.  —  Embryon  de  Geryonw, 
après  la  délamination,  d'après  Fo'. 
—  ep,  épiblaste;  h?j,  liypoblaste. 


Kowalewsky  ;  toutefois,  elle  peut  se  former  encore  par  suite 
d'un  autre  processus,  qui  est  connu  sous  le  nom  de  délamina- 
tion. Cette  forme  particulière  de  gastrula  est  beaucoup  plus 
rare  que  la  précédente,  bien  que  pendant  longtemps  on  l'ait 
crue  très  répandue  :  elle  n'a  guère  été  observée  d'une  façon 
positive  que  par  H.  Fol,  dans  l'œuf  de  Geryonia,  Hydroïde  du 
groupe  des  Trachyméduses.  Néanmoins  Ray  Lankester  croit  à 
l'ancienneté  de  ce  mode  déformation  du  blastoderme,  et  sup- 
pose que,  dans  la  suite  des  âges,  l'invagination  s'est  peu  à  peu 
substituée  à  la  délamination. 

Quand  la  blastula  est  constituée,  les  cellules  qui  la  compo- 
sent vont  bientôt,  par  suite  de  leur  nutrition,  se  différencier 


I5i 


LA  SEGMENTATION   DE   L'ŒUF. 


chacune  en  deux  zones  :  l'externe  restera  claire  et  homogène;: 
l'interne,  au  contraire,  se  chargera  de  granulations  (fig.  95).  Puis„ 
à  l'endroit  où  ces  deux  zones  se  confondent,  apparaîtra  une 
ligne  de  séparation  qui  dédoublera  finalement  toutes  les  cellules 
dans  le  sens  transversal.  Ce  processus  achevé,  la  blastula  se 
montrera  composée  de  deux  couches  concentriques  de  cellules 
ayant  respectivement  le  caractère  d'un  ectoderme  et  d'un  en- 
doderme (iïg-  96)  :  Salensky  a  proposé  d'appeler  diblastula  l'œuf 
parvenu  à  ce  stade. 
La  diblastula  ne  diffère  de  la  gastrula  invaginée  que  par 


Fig.  97.  —  Trois  stades  larvaires  ftEncope  polystila,  d'après  Kowalewsky.  — 
A,  blastula  avec  sphères  hypoblastiques  se  détachant  et  tombant  dans  la* 
cavité  de  segmentation  ;  B,  parencbymula  avec  hypoblaste  solide;  C,  paren- 
rhymula  avec  cavité  gastrique;  ep,  épiblaste  ;  hyy  hypoblaste;  ai,  cavitô- 
gastrique. 


l'absence  de  blastopore.  Celui-ci  apparaîtra  bientôt  à  l'un  des 
pôles  du  blastoderme,  par  suite  de  la  disparition,  ou  plutôt 
du  déplacement  de  quelques  cellules.  La  gastrula  ainsi  formée 
par  délamination  ne  se  distingue  dès  lors  en  rien  de  la  gastrula 
née  par  invagination  :  il  y  a  pourtant  entre  elles  une  différence 
fondamentale,  c'est  que,  dans  cette  dernière,  la  cavité  de  seg- 
mentation et  le  progaster  sont  tout  à  fait  distincts,  tandis  que, 
dans  la  gastrula  délaminée,  ils  ne  sont  qu'une  seule  et  même 
cavité. 

On  connaît  enfin  un  troisième  mode  de  formation  du  blas- 


ŒUF  ALÉCITI1E.  155 

toderme  dans  les  cas  de  segmentation  totale  et  régulière  :  il  a 
été  décrit  avec  soin  par  C.  de  Mérejkowsky  chez  Obelia,  et  par 
Kowalewsky  chez  Eucope. 

"  La  blastula  a  la  forme  d'un  ovale  très  large  et  le  blastoderme 
est  partout  uniforme,  partout  de  même  épaisseur.  Les  cellules 
se  munissent  de  cils  vibratiles  et  la  larve  se  met  à  nager,  en 
même  temps  qu'elle  devient  ovoïde;  pendant  la  nalation,  la 
grosse  extrémité  est  dirigée  en  avant.  A  cette  période,  la  blas- 
tula présente  une  particularité  remarquable  :  sa  paroi  est  per- 
cée d'un  grand  nombre  de  pores,  qui  établissent  une  commu- 
nication entre  l'extérieur  et  la  cavité  de  segmentation. 

Cet  état  persiste  pendant  un  certain  temps;  la  blastula  est 
toujours  formée  d'une  seule  couche  de  cellules.  Puis,  on  aper- 
çoit à  son  Intérieur  une  ou  plusieurs  cellules  douées  d'éner- 
giques mouvements  amiboïdes,  qui  rampent  à  la  face  interne 
du  blastoderme  ou  nagent  librement  dans  le  liquide  dont  est 
remplie  la  cavité  de  segmentation  :  ce  sont  les  cellules  de  l'en- 
doderme ;  elles  apparaissent  exclusivement  à  l'extrémité  pos- 
térieure de  la  larve. 

Ces  cellules  endodermiques  étaient  à  l'origine  des  éléments 
du  blastoderme  :  elles  ont  perdu  leurs  cils  vibratiles,  puis  se 
sont  ramassées  sur  elles-mêmes,  de  façon  à  perdre  leur  forme 
cylindrique  et  à  devenir  plus  ou  moins  cubiques  :  cette  méta- 
morphose accomplie,  elles  ont  émigré  petit  à  petit  à  l'intérieur 
de  la  cavité  de  segmentation  ;  l'espace  qu'elles  occupaient  s'est 
trouvé  immédiatement  rempli  par  les  cellules  voisines  (fig.  97). 

Vne  fois  qu'il  est  établi,  ce  processus  de  migration  se  con- 
tinue avec  une  certaine  activité,  en  se  limitant  toutefois  à  la 
région  postérieure  de  la  blastula.  La  cavité  de  segmentation  se 
comble  donc  peu  àpeu,  mais  l'endoderme,  aulieude  formerune 
couche  régulière  accolée  à  l'ectoderme,  constitue  un  amas  in- 
forme qui  remplit  toule  la  cavité  de  la  larve  :  celte  forme  par- 
ticulière de  diblastula  prend  le  nom  de  parenchymula.  Le 
progaster  ne  se  montrera  que  plus  tard,  dans  l'intérieur  du 
parenchyme  endodermique,  sous  forme  d'une  simple  fente 
longitudinale;  les  cellules  endodermiques  se  disposent  alors 
en  une  couche  régulière  ;  à  un  stade  encore  plus  tardif,  alors 
que  la  larve  aura  subi  déjà  des  modifications  importantes,  on 
verra  finalement  une  bouche  se  creuser. 


156  LA   SEGMENTATION  DE  L'ŒUF. 

La  formation  d'une  parençhymula,  par  suite  de  l'immigra- 
tion de  certaines  cellules  de  la  région  postérieure  de  la  blas- 
tula,  est  un  phénomène  assez  répandu  chez  les  Métazoaires  in- 
férieurs :  on  le  connaît  chez  des  Éponges,  telles  que  Halisarca 
et  Ascetta,  etchez  des  Hydroméduses,  telles  que  Eucope,  Obelia, 
Tiaria,  Zygodactyla. 

Metschnikoff  attribue  à  la  parençhymula  une  importance 
considérable  :  ce  serait  là,  suivant  lui,  la  forme  la  plus  primi- 
tive des  Métazoaires,  et  les  gastrulas  par  délamination  et  par 
invagination  ne  représenteraient  que  des  formes  plus  récentes, 
qu'il  faudrait  considérer  comme  des  abréviations  du  procédé 
primitif  de  l'immigration.  Cette  hypothèse  séduisante,  mais 
rien  moins  que  démontrée,  est  en  opposition  formelle  avec 
celle  dont  Hseckel  s'est  institué  la  champion. 

Ce  dernier  veut  voir,  au  contraire,  dans  la  gastrula  la  forme 
primitive  des  Métazoaires,  qui  tous,  d'après  ses  conceptions 
phylogéniques,  dériveraient  de  la  Gastrœa  :  cette  forme  an- 
cestrale  hypothétique,  qui  devait  consister  en  une  simple 
gastrula  invaginée,  aurait  vécu  dans  les  mers  laurentiennes  (1). 
La  gastrula  par  invagination  étant  le  point  de  départ  de  toute 
la  série  des  Métazoaires,  la  gastrula  délaminée  et  la  paren- 
çhymula ne  devraient  être  considérées  que  comme  des  falsi- 
fications du  type.  Hseckel  trouvait  un  puissant  appui  pour  sa 
théorie  dans  ce  fait  que,  de  nos  jours  encore,  des  Éponges  très 
simples,  telles  que  Haliphysema  et  Gastrophysema,  restent 
pendant  toute  leur  vie  à  l'état  de  gastrula  invaginée.  Mais, 
par  un  singulier  retour  des  choses,  les  recherches  les  plus 
récentes  sont  toutes  venues  démontrer  que  la  théorie  de  la 
Gastrœa,  basée  plus  spécialement  sur  le  développement  des 
Éponges,  n'était  précisément  pas  applicable  à  ce  groupe  d'a- 
nimaux. 

Telle  est  la  manière  dont  se  comportent  les  œufs  alécithes  : 
comme  on  voit,  leur  segmentation  est  totale  et  régulière,  mais 
trois  procédés  différents,  dont  le  plus  fréquent  est  l'invagina- 
tion, peuvent  être  employés  en  vue  de  la  formation  du  blas- 
toderme. 

(1)  «  Sûrement,  durant  la  période  laurentienne,  la  gastnea  a  vécu  dans  la 
mer;  elle  y  nageait  et  s'y  ébattait  au  moyen  de  ses  cellules  ciliées,  comme  le 
font  encore  les  gastrula)  actuelles.  »  Hajckcl,  Anthropogénie,  p.  315. 


ŒUF  TELOLECITHE. 


io7 


ŒUF  TELOLECITHE. 

Nous  abordons  maintenant  l'étude  des  œufs  télolécilhes, 
dont  la  segmentation  est,  suivant  les  cas,  totale  ou  partielle; 
en  tout  cas,  elle  est  constamment  inégale  ou  iiYégulière.  Les 
œufs  à  segmentation  totale  sont,  comme  précédemment,  des 
œufs  holoblastiqu.es ;  ceux  à  segmentation  partielle  sont  méro- 
blastiques. 

La  segmentation  peut  être  irrégulière  d'emblée,  la  première 
division  du  vitellus  produisant  deux  blastomères  de  taille  iné- 
gale; d'autres  fois,  ce  n'est  qu'au  bout  d'un  certain  nombre  de 
divisions  que  l'irrégularité  se  manifestera.  Quoi  qu'il  en  soit, 
il  se  forme  deux  amas  de  cellules  très  distinctes,  les  unes  plus 


Fig.   93.  —   Segmentation  totale  et  inégale  de  l'œuf  de  Fabricia,  d'après 
Hœckel.  Formation  de  la  gastrula  par  invagination. 

grosses,  les  autres  plus  petites  :  les  plus  grosses  sont  les  cel- 
lules végétatives,  elles  formeront  l'endoderme  ;  les  plus  petites 
sont  les  cellules  animales,  elles  formeront  l'ectoderme.  Bientôt 
ces  dernières  se  multiplient  plus  rapidement  que  les  autres,  en 
sorte  qu'on  trouve  au  pôle  animal  de  l'œuf -un  grand  nombre 
de  petites  cellules,  et  au  pôle  végétatif  un  petit  nombre  de 
grandes  cellules.  Par  la  suite  de  la  segmentation,  l'œuf  peut 
également  passer  par  les  phases  de  la  morula  et  de  la  blastula, 
une  cavité  de  segmentation  venant  à  se  produire,  et  la  gastrula 
peut  se  former  encore  par  invagination,  comme  c'est  le  cas 
par  exemple  chez  certains  Ghétopodes  tels  que  Fabricia  (fig.  98). 
D'autres  fois,  elle  se  forme  par  épibolie  :  les  petites  cellules 
animales,  par  suite  de  leur  pullulation  plus  active,  empiètent 
petit  à  petit  sur  les  grosses  cellules  végétatives,  les  envelop- 
pent de  plus  en  plus  et  finissent  par  se  rencontrer  au  pôle  végé- 


158 


LA  SEGMENTATION    DE   L'ŒUF. 


tatif,  désormais  pôle  oral,  circonscrivant  en  ce  point  un  ori- 
fice qui  est  le  blastopore  (fig.  99,  A)  :  ce  stade,  qui  correspond  a 
la  gastrula  des  œufs  précédents,  est  la  métagastrula ;  le  blasto- 
pore est  bouché,  quoique  sur  un  plan  inférieur,  par  des  cel- 
lules endodermiques  qui  forment  le  bouchon  vitellin  (Ecker) 
ou  bouchon  endodermique  (Ed.  van  Beneden).  Il  ne  se  forme  pas 
de  cavité  de  segmentation.  Plus  tard,  le  blastopore  finit  par 
disparaître,  obstrué  qu'il  est  par  les  cellules  de  l'ectoderme 
■(fig.  99,  B).  On  a  dès  lors  un  blastoderme  dont  la  disposition 
rappelle  tout  à  fait  la  parenchymuîa  ftObelia,  bien  qu'il  se  soit 
constitué  par  un  processus  tout  différent. 


Fig.  99.  —  Coupes  optiques  d'un  œuf  de  Lapin  à  deux  stades  peu  après  la 
segmentation.  D'après  Ed.  van  Beneden.  —  ep,  épiblaste;  hy,  ljypoblaste 
primaire;  bp%  blastopore. 


Désormais,  l'œuf  augmente  de  volume  dans  son  ensemble, 
beaucoup  plus  que  ne  le  comporterait  la  simple  hypertrophie 
ou  segmentation  de  ses  éléments  constitutifs  :  il  se  produit 
dans  son  épaisseur,  entre  l'ectoderme  et  la  masse  endoder- 
mique, une  cavité  qui,  bien  distincte  d'une  cavité  de  segmenta- 
tion, prend  le  nom  de  cavité  blastodermique.  L'ectoderme  et 
l'endoderme  demeurent  intimement  unis  au  pôle  oral;  c'est 
donc  au  pôle  aboral  que  se  produira  la  fente  blastodermique. 
Cette  fente  va  en  augmentant,  et  l'ectoderme,  en  môme  temps 
qu'il  multiplie  ses  cellules  et  augmente  de  diamètre,  se  trans- 
forme en  une  cavité  close  dont  la  paroi  est  constituée,  sur  la 
plus  grande  partie  de  son  étendue,  par  une  seule  couche  cellu- 


ŒUF  TÉLOLÉCITHE. 


139 


laire  :  la  partie  de  la  vésicule  ectodermique  à  la  face  interne  de 
laquelle  s'applique  la  lame  endodermique  forme  avec  elle  le 
yastrodisque ;  l'épaississement  médian  du  gastrodisque  est  le 
début  de  la  tache  embryonnaire  (fig.  100). 

Par  la  suite,  l'endoderme  va  s'étendre  à  son  tour  et  s'étaler 
•de  plus  en  plus  vers  le  pôle  aboral  ;  mais  cette  progression  se 
feraavecune  lenteurextrême,  il  faudra  plusieurs  jours  pour  que 
■son  occlusion  s'achève  et  pour  que  le  blastoderme  se  montre 
partout  constitué  de  deux  feuillets  emboîtés  l'un  dans  l'autre. 


Fig.  100.  —  OEuf  de  Lapin  de  70  à  90  heures  après  la  fécondation,  d'après 
Ed.  van  Beneden.  —  bv,  cavité  blastodermique  (sac  vitellin)  ;  ep,  épiblaste  ; 
tyi  liypoblaste  primaire  ;  Zp,  enveloppe  muqueuse  (zone  pellucide). 


Avant  même  que  l'occlusion  de  l'endoderme  soit  parfaite, 
ses  éléments,  jusqu'alors  polygonaux  et  irréguliers,  vont  su- 
bir une  différenciation  :  les  cellules  périphériques  du  gastro- 
disque et  les  cellules  profondes  de  la  tache  centrale  se  trans- 
forment en  cellules  aplaties,  de  façon  à  constituer  ensemble 
un  feuillet  cellulaire  continu,  qui  est  le  véritable  endoderme. 
Les  éléments  de  la  tache  centrale  qui  n'ont  point  pris  part  à 
cette  transformation  constituent  une  couche  intermédiaire 
entre  l'ectoderme  et  l'endoderme,  c'est-à-dire  le  mésoderme. 
L'endoderme  et  le  mésoderme  dérivent  donc  de  l'amas  cellu- 


160  LA  SEGMENTATION  DE  L'ŒUF. 

laire  que  jusqu'alors  nous  avions  appelé  amas  endodermique 
et  auquel  il  eût  mieux  valu,  par  conséquent,  donner,  avec 
Ch.  Robin,  le  nom  d'amas  endo-mésodermique. 

Nous  avons  dit  que,  lorsque  cette  différenciation  s'accom- 
plit, l'endoderme  ne  s'est  encore  pas  étendu  jusqu'au  pôle 
aboral  de  l'œuf.  A  ce  stade,  la  tache  embryonnaire,  située  au 
pôle  oral,  est  donc  tridermique,  la  zone  périphérique  du  gas- 
trodisque est  didermique,  le  reste  du  blastoderme  est  mono- 
dermique. 

Ce  mode  particulier  de  formation  du  blastoderme,  à  la  suite 
de  la  segmentation  totale  et  inégale,  n'a  été  reconnu  jusqu'à 
présent  que  chez  les  Mammifères  :  Ed.  van  Beneden  l'a  décrit 
chez  le  Lapin,  le  même  auteur  et  Julin  l'ont  également  fait 
connaître  chez  les  Chiroptères. 

Chez  les  Mammifères,  le  mode  suivant  lequel  se  fait  le  frac- 
tionnement du  vitellus  ne  diffère  pas  très  notablement  de  la 
segmentation  égale  ;  les  différences  caractéristiques  ne  s'accu- 
seront qu'au  bout  d'un  certain  temps,  lors  de  l'épibolie.  Chez 
les  Batraciens,  dont  l'œuf  subit  encore  la  segmentation  totale 
et  inégale,  l'irrégularité  se  manifeste,  au  contraire,  dès  le 
début. 

L'œuf  de  la  Grenouille  a  été  bien  étudié;  on  peut  le  prendre 
pour  type.  Les  deux  hémisphères  de  cet  œuf  sont  dissembla- 
bles, le  supérieur  étant  chargé  de  pigment  noir,  l'inférieur  en 
étant,  au  contraire,  dépourvu.  La  segmentation  débute  par  un 
sillon  vertical  qui,  parti  du  pôle  supérieur,  se  propage  de  moins 
en  moins  vite  à  mesure  qu'il  se  rapproche  du  pôle  inférieur 
(fig.  101).  Dès  qu'il  s'est  rejoint  en  bas  à  lui-même,  un  second 
sillon  vertical  apparaît,  qui  se  dispose  à  angle  droit  avec  le 
précédent  et  se  comporte  quant  au  reste  de  la  même  façon 
que  celui-ci.  Jusqu'ici,  la  segmentation  s'est  faite  régulière- 
ment, mais  elle  va  devenir  désormais  inégale.  L'irrégularité 
se  manifeste,  en  effet,  dès  le  stade  8  par  l'apparition  d'un  sillon 
horizontal  qui  se  montre  entre  l'équateur  et  le  pôle  supérieur 
de  l'œuf,  sillon  qui  conduit  au  stade  16  et  qui  divise  l'œuf  en 
quatre  petits  et  en  quatre  gros  blastomères.  Ces  huit  cellules 
laissent  entre  elles  un  petit  espace  qui  correspond  à  la  cavité 
de  segmentation  ;  on  peut  voir  cette  dernière  augmenter  de 
dimensions  dans  les  stades  ultérieurs. 


ŒUF  TÉLOLÉCITIIE. 


161 


La  suite  de  la  segmentation  est  nettement  indiquée  par  la 
ûgure  101.  On  passe    successivement,  par  les  stades  16,  32 


Fig.  101.  —  Segmentation  de  l'œuf  de  la  Grenouille,  d'après  Ecker.  Les  nu- 
méros placés  au-dessus  des  figures  indiquent  le  nombre  des  segments  du 
stade  figuré. 


et  64.  Jusque-là,  l'hémisphère  supérieur  s'est  segmenté  beau- 
coup plus  vite  que  l'inférieur  ;  deux  sillons  horizontaux 
s'y  montrent  encore  avant 
qu'aucun  sillon  nouveau 
n'apparaisse  dans  ce  der- 
nier ;  on  arrive  ainsi  au 
stade  128,  dans  lequel  la 
moitié  supérieure  de  l'œuf 
est  composée  de  96  cellules, 
l'inférieure  de  32  seulement. 
Dès  lors,  il  n'y  a  plus  aucune 
régularité  dans  la  segmen- 
tation, mais  l'hémisphère 
supérieur  continue  pourtant 
à  se  fractionner  plus  vite 
que  l'autre  ;  en  même 
temps,  la  cavité  de  segmen- 
tation ne  cesse  de  s'accroî- 
tre, et  finalement  son  plan- 
cher  est  constitué  par  de 

grosses  cellules,  remplies  de  vitellus  formatif,  tandis  que  son 
toit  est  formé  de  cellules  plus  petites  (fig.  102). 
Les  œufs  télolécithes  méroblastiques,  c'est-à-dire  à  segmenta- 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  11 


Fig.  102.  —  Coupe  d'un  œuf  de  Gre- 
nouille à  la  fin  de  la  segmentation.  — 
s  g,  cavité  de  segmentation;  //,  grosses 
cellules  remplies  de  vitellus  nutritif; 
ep,  petites  cellules  du  pôle  formatif 
(épiblaste). 


162  LA  SEGMENTATION  DE  L'ŒUF. 

lion  partielle,  se  rencontrent  chez  les  Poissons  (i)  et  chez  les 
Vertébrés  allantoïdiens  ovipares  (2). 

Nous  avons  vu  déjà  plus  haut  quelle  est  la  structure  de  l'œuf 
de  Poule  ;  nous  savons  que  le  vitellus  formatif  est  limité  à  la 
cicatricule  ou  disque  germinatif  et  à  la  latebra  qui  est  en  con- 
tinuité avec  elle.  La  fécondation  s'opère  dans  la  portion  supé- 
rieure de  l'oviducte,  vraisemblablement  avant  le  dépôt  des  pre- 
mières couches  d'albumine  et  la  segmentation  est  déjà  com- 
mencée au  moment  où  la  coquille  se  forme  autour  de  l'œuf. 

Enexaminantlacicatriculeparsafacesupérieure,onvoitnaître 
un  sillon  vertical  qui  la  sépare  en  deux  moitiés,  non  pas  absolu- 
ment égales,  comme  l'a  cru  Coste,  mais  légèrement  symétriques, 


A  b  c 

Fig.  103.  —  Vue  de  face  des  premiers  stades  de  la  segmentation  de  l'œuf  de 
Poule,  d'après  Costa.  —  a,  bord  du  disque  germinatif;  6,  sillon  vertical; 
c,  petit  segment  central  ;  d,  segment  périphérique  plus  grand. 

ainsi  que  l'a  démontré  Kolliker  (fig.  103,  A).  Un  second  sillon 
vertical  se  produit  bientôt,  qui  croise  le  premier  à  angle  droit 
et  se  propage  comme  lui  jusqu'à  la  limite  du  disque  prolifère,  B. 
Chacun  des  quatre  segments  ainsi  formés  se  divise  à  son  tour 
en  deux  autres,  par  des  segments  verticaux  rayonnants  ;  puis 
apparaissent,  perpendiculairement  aux  rayons,  d'autres  sillons 
verticaux,  qui  divisent  chacun  des  segments  précédents  en  deux 
parties,  l'une  périphérique,  l'autre  centrale,  cette  dernière  étant 
la  plus  petite,  G.  A  partir  de  ce  moment,  la  segmentation  se- 

(1)  Sauf  chez  l'Amphioxus,  les  Cyclostomes,  les  Ganoïdes  et  probablement 
aussi  chez  les  Dipnoïques. 

(2)  C'est-à-dire  chez  les  Reptiles,  les  Oiseaux  et  les  Monotrèmes. 


ŒUF  TELOLECÏTHE. 


Ml 


poursuit  rapidement  et  semble  se  faire  sans  orJre;  toutefois, 
elle  marche  notablement  plus  vite  au  centre  de  la  cicatricule 


Fig.  104.  —  Vue  de  face  du  disque  germinatif  de  l'œuf  de  Poule,  à  un  stade 
avancé  de  la  segmentation.  —  a,  gros  segments  marginaux  incomplètement 
circonscrits;  6,  segments  moins  gros  en  dedans  des  premiers;  c,  petites 
sphères  de  segmentation  centrales  ;  e,  bord  du  disque  germinatif. 

qu'à  sa  périphérie  (fig.  104).  Si  on  étudie  alors  le  blastoderme 


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,v>    / 


Fig.  105.  —  Coupe  du  disque  germinatif  de  l'œuf  de  Poule  aux  derniers  stades 
de  la  segmentation.  Cette  coupe  représente  un  peu  plus  de  la  moitié  de  la 
largeur  du  blastoderme,  la  ligne  médiane  étant  indiquée  par  le  pointe.  — 
(i,  grosse  cellule  périphérique  ;  b,  cellules  plus  grosses  des  parties  infé- 
rieures du  blastoderme  ;  c,  ligne  médiane  du  blastoderme  ;  e,  bord  du  blas- 
toderme adjacent  au  vitellus  blanc;  u»,  vitellus  blanc. 


sur  des  coupes  menées  suivant  le  diamètre  de  la  sphère  vitel- 
line,  on  constate  que  le  fractionnement  ne  s'est  pas  fait  seule- 


164  LA   i^EGMENTATlOiN   DE   L'ŒUF. 

ment  suivant  le  sens  vertical  ou  diamétral,  mais  encore  hori- 
zontalement, c  est-à-dire  suivant  des  plans  perpendiculaires  au 
rayon.  Le  disque  germinatif  se  trouve  ainsi  divisé  en  un  grand 
nombre  de  blastomères,  très  petits  au  centre,  mais  d'autant 
plus  volumineux  qu'on  se  rapproche  davantage  de  la  périphérie 
(fig.  105). 

La  segmentation  partielle  de  l'œuf  télolécithe,  telle  que  nous 
venons  de  la  voir  se  produire  chez  l'Oiseau,  semble,  au  premier 
aspect,  différer  considérablement  de  la  segmentation  totale  et 
inégale  que  nous  avons  reconnue  dans  l'œuf  télolécithedesBatra- 
ciens.  Toutefois,  la  dissemblance  est  plus  apparente  que  réelle; 
elle  tient  uniquement  à  ce  que,  chez  les  Ghondroptérygiens,  les 
Téléostéens,  les  Reptiles,  les  Oiseaux  et  les  Monotrèmes,  l'ovule, 
c'est-à-dire  la  sphère  vitelline,  renferme  une  grande  abondance 
de  vitellus  nutritif,  plus  nettement  localisée  à  l'un  des  pôles  de 
l'œuf  et  sur  laquelle  le  fractionnement  n'a  que  difficilement 
prise.  Une  moindre  abondance  du  vitellus  de  nutrition  permet- 
trait au  blastoderme  de  s'étaler  à  la  surface  de  l'œuf  sur  une 
étendue  proportionnellement  plus  considérable  et  nous  ramè- 
nerait ainsi  graduellement  à  la  segmentation  totale  et  inégale. 

OEUF     CENTROLÉC1THE. 

Le  dernier  groupe  des  œufs  méroblastiques  est  constitué 
par  les  œufs  centrolécithes  :  chez  eux,  le  vitellus  nutritif  est 
accumulé  au  centre,  tandis  que  le  vitellus  formalif  est  disposé 
à  la  périphérie.  Les  œufs  de  ce  genre  ne  se  rencontrent  que 
chez  les  Arthropodes  ;  leur  segmentation,  qui  peut  se  faire  sui- 
vant divers  modes,  est  partielle  et  superficielle. 

La  segmentation  régulière  a  été  observée  par  Ha3ckel  chez 
Penœus  (fig.  106).  L'œuf  se  divise  en  2,  puis  en  4,  8,  etc.,  mais  la 
division  ne  porte  que  sur  le  vitellus  déformation  etles  segments 
restent  unis  entre  eux  dans  la  profondeur,  la  division  s'arrêtant 
aux  confins  du  vitellus  nutritif  et  n'empiétant  point  sur  celui-ci. 
La  segmentation  aboutit  alors  à  la  formation  d'une  couche  de 
cellules  qui  ne  se  sépareront  que  fort  tard  de  la  masse  nutritive 
centrale.  Ici,  les  stades  de  la  morula  et  de  la  planula  se  con- 
fondent; la  cavité  de  segmentation  fait  défaut,  remplie  qu'elle 
est  par  le  vitellus  de  nutrition.  La  gastrula  va  se  former  bientôt 


ŒUF  CENTROLÉCITUE. 


16: 


par  invagination,  mais  elle  sera  peu  profonde  et  les  deux 
couches  de  l'ectoderme  et  de  l'endoderme  ne  viendront  point 
en  contact;  quand  elle  sera  achevée,  on  verra  apparaître  au  pro- 
péristome  quelques  grosses  cellules,  qui  dérivent  probablement 
de  l'endoderme  et  qui,  s'insinuant  entre  les  deux  feuillets  pri- 
mitifs, sont  le  premier  indice  du  mésoderne. 
Des  phénomènes  du  même  ordre  ont  été  observés  par  Bo- 


-■*g;:J£SJr 


Fig.  106.  —  Segmentation  de  l'œuf  de  Penxus,  d'après  Hae:kel.  —  yk,  niasse 
vitelline  centrale;  1  et  '2,  vue  do  face  et  coupe  du  stade  dans  lequel  l'œuf 
est  divisé  en  quatre  blastomères  :  en  2,  on  voit  que  les  sillons,  visibles  à 
la  surface,  ne  s'étendent  pas  jusqu'au  centre  de  l'œuf;  3  et  4,  vue  de  face 
et  coupe  d'un  œuf  vers  la  fin  de  la  segmentation.  La  masse  vitelline  cen- 
trale est  très  visible  en  4. 


bretzky  chez  Palœmon,  par  Reichenbach  et  Huxley  chez  AUa- 
cus  fluvialilis. 

Chez  un  autre  Grustacé  décapode,  Eupagarus  Prideauxi, 
P.  Mayer  a  signalé  un  mode  de  segmentation  qui,  au  premier 
abord,  semble  différer  totalement  de  celui-ci,  mais  qui  n'en 
e-t  pourtant  qu'une  variété  (fig.  107).  Le  noyau  se  divise  en  2, 4,  8 
noyaux-filles,  qui  se  portent  dans  les  couches  superficielles  de 
l'œuf  et  s'écartent  régulièrement  l'un  de  l'autre.  Puis  l'œuf  se 
segmente  en  2,  4,  8  blastomères  complètement  séparés  l'un  de 
l'autre;  la  segmentation  semble  donc  être  totale;  mais,  après 


166 


LA  SEGMENTATION   DE  L'ŒUF. 


la  quatrième  phase  du  fractionnement,  lesblastomères  se  con- 
fondent au  centre,  et  on  retombe  dès  lors  dans  le  cas  pré- 
cédent. 

G.  de  Mérejkowsky  a  vu  chez  un  autre  Décapode,  Callianassa, 
un  procédé  peu  différent  ;  16  noyaux  se  disposent  à  la  péri- 
phérie de  l'œuf  avant  que  la  segmentation  ne  commence  ;  on 
voit  alors  se  former  d'un  seul  coup  16  cellules  qui  n'atteignent 
pas  le  centre  de  l'œuf;  puis,  la  division  continue  comme 
précédemment.  Il  est  à  remarquer  que,  dans  ce  cas  et  dans 


âk 


a 


w 


Fig.  107.  —  Coupes  transversales  de  l'œuf  d'Eupagurus  Prideauxi  à  quatre 
stades  de  la  segmentation.  D'après  P.  Mayer.  —  bl,  blastoderme. 


celui  d'Fupagurus,  l'œuf  a  passé  par  l'état  de  syncytium,  avant 
le  début  du  fractionnement. 

Supposons  maintenant  qu'au  lieu  de  16  noyaux,  il  en  appa- 
raisse un  nombre  considérable  dans  la  couche  périphérique 
du  vitellus  formatif,  puis  que  le  blastoderme  se  constitue  d'un 
seul  coup  (fig.  108)  :  après  que  tous  ces  noyaux  auront  pris 
naissance,  nous  aurons  le  type  de  segmentation  qui  se  ren- 
contre chez  les  Insectes,  d'après  les  observations  de  Ganin  et 
«de  Metschnikoff. 

La  masse  vitelline  centrale  finit  d'ordinaire  par  se  segmenter 


ŒUF  CENTROLÉCITHG. 


1G7 


à  son  tour  en  un  certain  nombre  de  grosses  sphères  qui  ont  la 
•signification  de  cellules,  chacune  d'elles  renfermant  un  noyau. 
•Celui-ci  provient  du  noyau  primitif  de  l'œuf,  situé  habituelle- 
ment au  centre,  qui  a  pu  se  diviser  plus  ou  moins  avant  que 
4es  noyaux-filles  ne  se  portent  à  la  périphérie.  Ces  phénomènes 


Fig.  108.  —  Segmentation  de  l'œuf  à'Aphis  rosx,  d'après  Metschnikoff.  Dans 
tous  les  stades,  il  existe  une  masse  vitelline  centrale  entourée  d'une  couche 
de  protoplasma.  Dans  celui-ci,  deux  noyaux  sont  apparus  en  1,  quatre 
noyaux  en  2  :  en  3,  les  noyaux  ont  pris  une  disposition  régulière  et,  en  4, 
le  protoplasma  s'est  divisé  en  cellules  columnaires  dont  le  nombre  corres- 
pond à  celui  des  noyaux;  tu,  pôle  du  blastoderme  qui  ne  prend  pas  part  à 
la  formation  de  l'embryon. 

peuvent  présenter  de  grandes  variations  qu'il  serait  hors  de 
propos  de  rapporter  ici;  de  même,  le  fractionnement  du  vitel- 
lus  peut  se  faire  d'après  des  processus  fort  divers,  comme  le 
montrent  par  exemple  les  observations  de  Ludwig  sur  les  Arai- 
gnées; toutefois  ces  différents  modes  ne  sont  que  des  variétés 
des  formes  typiques  dont  nous  avons  donné  la  description.] 

SEGMENTATION. 

E.  Hasckel,  Anthropogénie  ou  histoire  de  révolution  humaine.  Paris,  1877. 

E.  Haeckel,  Studicn  zur  Gastraeu-Theorie.  Jena,  1877.  Traduction  française 
in  Revue  internationale  des  sciences,  I,  1878. 

E.  Ray-Lankester,  De  L'embryologie  et  de  la  classification  des  animaux. 
•Quarterly  microsc.  Journal,  1877.  Traduction  française  in  Revue  internat. 
des  sciences,  VII,  1881.  Publié  à  part  in  Biblioth.  biologique  internat.,  1881. 

F. -M.  Balfour,  Sur  la  structure  et  les  homologies  des  feuillets  germinatifs 
4e  V embryon.  Quart.  Journ.  micr.  se,  1832.  Traduction  française  in  Revue 
internat,  des  se,  IX,  p.  414,  1882. 


OEUF  ALECITHE. 


A.  Kowalewsky,  Entwicklungsgeschichte  des  Amphioxus  lanceolatus.   Mé- 
moires Acad.  des  se.  de  Saint-Pétersbourg,  (7),  XI,  1867.  , 


108  LA  SEGMENTATION  DE  L'ŒUF. 

» 

H.  Fol.  Die  erste  Entwicklung  des  Geryonideneies.  Jen.  Zeitschriff,  VII, 
p.  47,  1873. 

A.  Kowalewsky,  Weitere  Studien  ùber  die  Entwicklungsgeschichte  des  Am- 
phioxus  Innceotatus .  Archiv  fur  mikr.  Anatomie,  XIII,  1877. 

E.  Hœckel,  Die  Physemarien  (Ha'iphysema  et  GastropJiysema),  Gastraeaden 
der  Gegenwart.  Jen.  Zeitschrift,  XI,  1877. 

Metschnikoff,  Vergleichend-embryologische  Studien.  Z.  f.  w.  Z.,  XXXVII, 
188?. 

C.  de  Mérejkowsky,  Histoire  du  développement  de  la  Méduse  Obelia.  Bull, 
de  la  Soc.  zoologique  de  France,  VIII.  p.  9  S,  1883. 


OEUF  TELOLECITHE. 

a.  —  A  segmentation  totale. 

Ch.  van  Bambeke,  Recherches  sur  V embryologie  dus  Batraciens.  Bull.  Acad. 
de  Belgique,  1875. 

Gôtte,  Die  Enlwickelungsgeschichte  der  Unke.  Leipzig,  1875. 

G.  Moquin-Tandon,  Recherches  sur  les  premières  phases  du  développement 
des  Batraciens  anoures.  Ann.  se.  nat.,  (6),  III,  1875. 

Ch.  van  Bambeke,  Nouvelles  recherches  sur  V embryologie  des  Batraciens. 
Arch.  de  biologie,  I,  1880. 

Ed.  van  Beneden,  Recherches  sur  l'embryologie  des  Mammifères.  La  forma- 
tion des  feuillets  chez  le  Lapin.  Arch.  de  biol.,  I,  p.  136-225,  1880. 

Ed.  van  Beneden  et  Ch.  Julin,  Observations  sur  la  maturation,  la  fécon- 
dation et  la  segmentation  de  l'œuf  chez  les  Chéiroptères.  Arch.  de  biol.,  I, 
p.  551-571,  1880. 

p.  —  A  segmentation  partielle. 
M.  Foster  et  F. -M.  Balfour,  Éléments  d'embryologie,  Paris,  Î877. 

OEUF  CENTROLÉCITHE. 

E.  Metschnikoff,  Embryologische  Studien  an  bisect-n.  Z.  f.  w.  Z.,  XVI,  186G. 

M.  Ganin,  Beitrage  zur  Erkenntniss  der  E ntwickilungsgeschichte  bei  den 
Insecten.  Z.  f.  w.  Zv  XIX,  1869. 

H.  Ludvvig,  Ueber  die  Bildung  des  Blastoderms  bei  den  Spinnen.  Z.  f. 
w.  Z.,  XXVI,  1876. 

P.  Mayer,  Zur  Entwicklungsgeschichte  der  Dekapoden.  Jen.  Zeitschr.,  XI, 
1877. 

C.  von  Mereschkowski,  Eine  neue  Art  von  Blasiodermbildung  bei  den  Deca- 
poden.  Zoolog.  Anzeiger,  V,  p.  21,  1882. 


MÉTAZOAIRES 


EMBRANCHEMENT  DES  COELENTÉRÉS 


SOUS-EMBRANCHEMENT  DES  SPONGIAIRES 

Fr.  E.  Schulze  a  bien  étudié  le  développement  de  Sycandra  rapha- 
nus,  Éponge  calcaire  que  nous  prendrons  pour  type.  L'œuf  est  alé- 
cithe,  nu  et  se  déplace  à  la  façon  d'une  Amibe  dans  le  réseau  mésoder- 
mique de   l'animal.  Après  la  fécondation,  il  subit  la  segmentation 


Fig.  109.  —  Stades  successifs  de  la  segmentation  de  Sycandra  raphanus, 
d'après  F.-E.  Schulze.  —A,  stade  à  8  segments  encore  disposés  par  paires, 
vu  en  dessus  ;  B,  stade  8,  vu  de  profil  ;  C,  stade  J6,  vu  de  profil  ;  D,  stade  48, 
vu  de  profil;  E,  stade  48,  vu  en  dessus;  F,  blastosphère  vue  de  profil  ; 
huit  des  cellules  granuleuses  qui  donnent  naissance  à  l'épiblaste  de  l'adulte 
se  montrent  au  pôle  inférieur  ;  es,  cavité  de  segmentation  ;  ec,  ectoderme  ; 
en.  endoderme. 


totale  et  régulière,  en  présentant  toutefois  d'intéressantes  particula- 
rités. Il  se  divise  suivant  un  plan  vertical  en  deux,  puis  en  quatre 
blastomères  cunéiformes;  la  division  suivante  se  fait  encore  verli- 


170 


CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 


calement,  en  sorte  que  l'œuf  se  trouve  segmenté  en  huit  cellules 
ayant  chacune  la  forme  d'une  pyramide  (fig.  109,  A  et  B)  ;  ces  cel- 
lules ne  se  rencontrent  point  au  centre,  mais  laissent  entre  elles  un 
léger  espace  équivalent  à  une  cavité  de  segmentation.  Du  stade  8,  on 
passe  au    stade    16,   grâce    à   l'apparition   d'un    sillon    horizontal 


•Fig.  110.  —  Larve  de  Sycandra  raphanus,  au  stade  pseudo-gastrula,  en 
place  dans  les  tissus  materne's.  D'après  F. -E.  Schulze.  —  ec,  cellules  gra- 
nuleuses de  la  larve  qui  donnent  naissance  à  l'ectoderme  :  à  ce  stade,  elles 
sont  en  partie  invaginées;  en,  cellules  claires  de  la  larve,  qui  finissent  par 
s'invaginer  pour  former  l'endoderme;  hy, cellules  à  collerette  formant  l'en- 
doderme ou  hypoblaste  de  l'adulte  ;  me,  mésoderme  de  l'adulte. 


(fig.  109,  C)  :  l'œuf  a  pris  l'aspect  d'une  lentille  biconvexe,  dont  l'axe 
est  encore  traversé  par  un  canal  central;  il  est  formé  de  deux  ran- 
gées cellulaires  superposées.  Chacune  de  celles-ci,  à  son  tour,  est  dé- 
doublée par  un  sillon  horizontal,  de  manière  à  ce  qu'il  se  forme 
quatre  assises  cellulaires  :  les  deux  rangées  extrêmes  restent  intactes, 
•mais  les  cellules  des  deux  rangées  médianes  se  divisent  chacune  par 


CLASSE  DES  SPONGIAIRES.  171 

un  plan  vertical  :  on  arrive  ainsi  au  stade  48  (fig.  109,  D  et  E).  Dès 
lors,  les  huit  cellules  basilaires  deviennent  granuleuses,  ce  qui  cons- 
titue la  première  différenciation  des  feuillets  blastodermiques  :  ces 
cellules,  en  effet,  formeront  l'ectoderme,  toutes  les  autres  étant  des- 
tinées à  donner  naissance  à  l'endoderme.  Les  cellules  endoder- 
miques  claires  se  multiplient  alors  au  pôle  opposé  aux  cellules  granu- 
leuses, et  de  la  sorte  se  forme  le  canal  axial,  qui  devient  ainsi  une 
véritable  cavité  de  segmentation,  en  môme  temps  que  la  masse  des 
blastomères  s'est  transformée  en  une  véritable  blastula  (fig.  109,  F). 
La  segmentation  est  alors  achevée,  ce  qui  n'empêche  pas  les  cel- 


Fig.  11!.  —  Deux  stades  libres  du  développement  de  Sycandra  raphanus, 
d'après  F.-E.  Schulze.  —  A,  amphiblastula  ;  B,  stade  ultérieur,  après  que 
les  cellules  ciliées  ont  commencé  à  s'invaginer;  es,  cavité  de  segmentation  ; 
ec,  ectoderme;  en,  endoderme. 


Iules  de  la  blastosphère  de  se  multiplier  encore  et  de  subir  certaines 
modifications.  Les  cellules  endodermiques  s'allongent  en  colonnes 
ou  en  palissades  et  se  munissent  à  leur  surface  d'un  seul  cil  vibra- 
tile;  les  cellules  ectodermiques  se  multiplient  jusqu'à  ce  qu'elles 
soient  à  peu  près  au  nombre  de  trente-deux,  après  quoi  elles  s'inva- 
ginent  dans  la  cavité  de  segmentation,  au  point  de  s'appliquer  contre 
les  cellules  ciliées  (fig.  HO).  11  semble  donc  se  former  ainsi  une  gas- 
trula,  mais  nous  allons  voir  que  ce  n'est  qu'une  pseudo-gastrula, 
c'est-à-dire  un  état  particulier  de  la  blastula,  déterminé  sans  doute 
par  l'habitat  spécial  de  l'embryon.  En  effet,  celui-ci  est  jusqu'à  pré- 
sent renfermé  dans  le  mésoderme  de  son  parent,  et  l'on  conçoit  que 


172 


CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 


l'espace  restreint  dont  il  dispose  le  contraigne  à  celte  sorte  d'inva- 
gination. 

Parvenu  au  stade  de  la  pseudo-gastrula,  l'embryon  va  devenir 
libre  :  il  lui  suffit  pour  cela  de  perforer  l'épithélium  endodermique, 
hy,  au-dessous  duquel  il  s'est  développé  ;  il  tombe  alors  dans  une 
cavité  où  les  courants  d'eau  qui  traversent  le  corps  de  l'Éponge  le 
prendront  bientôt  pour  l'entraîner  au  dehors. 

Quand  la  larve  est  devenue  libre,  les  grosses  cellules  granuleuses 
de  l'ectodermes'évaginent  :  la  cavité  de  segmentation,  tout  à  l'heure 
fort  réduite,  redevient  considérable,  et  la  larve  se  transforme  en 
une  amphiblastula  (fig.  111,  A).  A  celle-ci  succède  bientôt  une  gas- 
trula  comprimée  (fig.  111,  B),  par  suite  de  l'embolie  de  l'hémisphère  à 
cellules  columnaires  et  vibraliles. 
La  larve  reste  encore   errante  pendant  quelque  temps,  tandis  que 

son     blastopore,     qu'en- 
ejt  toure  une  rangée  de  quinze 

à  seize  grosses  cellules 
ectodermiques,  se  rétrécit 
de  plus  en  plus.  Quand  il 
est  devenu  très  étroit,  la 
larve  se  fixe  par  sa  face 
plane,  c'est-à-dire  par  son 
propéristome,  à  la  surface 
d'un  corps  étranger  quel- 
conque (Gg.l  12).  En  même 
temps,  toutes  les  cellules 
ectodermiques  deviennent 
amiboïdes  et  se  fusion- 
nent en  un  syncytium, 
c'est-à-dire  que  leurs  contours  disparaissent  et  qu'elles  se  confondent 
en  une  masse  protoplasmique  commune,  au  sein  de  laquelle  sont 
épars  des  noyaux.  Le  blastopore  est  alors  obturé;  son  occlusion 
complète  ne  tardera  pas  à  se  faire. 

Pendant  que  ces  phénomènes  s'accomplissent,  les  cellules  endo- 
dermiquesdeviennent  plus  courtes,  plus  réfringentes  et  perdent  leurs 
flagellums  ;  en  même  temps,  le  syncytium  ectodermique  s'éclaircit 
au  point  de  laisser  voir  l'endoderme  par  transparence.  11  apparaît  en 
outre,  entre  les  deux  feuillets  primitifs,  une  couche  mésodermique, 
dérivée  del'ectoderme,  et  au  sein  de  laquelle  vont  se  former  bientôt 
des  spicules  calcaires  ayant  l'aspect  de  baguettes  non  ramifiées  et 
effilées  à  leurs  deux  extrémités. 

Dès  qu'elle  est  fixée,  la  larve  s'allonge  rapidement  et  s'étire  en  un 
cylindre.  Les  spicules  se  développent  de  plus  en  plus  et  présentent 


Fig.  112.  —  Fixation  de  la  gastrula  de  Sycan- 
dra  raphanus,  d'après  F.-E.  Schulze. 


CLASSE   DES   SPONGIAIRES. 


173 


différentes  variétés  ;  mais  la  plupart  ont  la  forme  d'étoiles  à  trois 
branches.  L'extrémité  libre  du  cylindre,  ou  extrémité  aborale,  est 
aplatie  et  dépourvue  de  spicules,  mais  est  entourée  d'un  cercle  de 
spicules  à  quatre  rayons  (fig.  113). 

En  cet  état,  la  larve  représente  un  cylindre  creux  et  dépourvu 
d'ouvertures.  Sa  face  supérieure  se  perce  alors,  à  peu  près  en  son 
centre,  d'un  orifice  qui  prend  le  nom  d'oscule  exhalant,  en  même 
temps   que  des  pertuis  plus  étroits  ou  pores  inhalants  apparaissent 


Fig.  113.  —Jeune  Sycandra  raphanus  peu  après  le  développement  des  spi- 
cules, d'après  F.-E.  Schulze.  —  A,  vu  de  profil  ;  B,  vu  par  la  face  supé- 
rieure ;  ec,  ectoderme  ;  en,  endoderme  formé  de  cellules  ciliées  ;  os,  oscule. 
L'oscule  et  les  pores  sont  représentés  sous  forme  d'espaces  blancs  ovales. 


sur  la  paroi  latérale.  La  cavité  centrale  de  la  jeune  Éponge  se  trouve 
de  nouveau  mise  en  communication  avec  l'eau  ambiante  ;  elle  va  dé- 
sormais être  traversée  par  un  courant  dont  la  direction  est  df'jà  suf- 
fisamment indiquée  par  les  noms  que  nous  avons  donnés  aux  orifices 
qui  se  formaient  tout  à  l'heure  :  l'eau  entre  par  les  pores  et  est  ex- 
pulsée par  l'oscule.  Ce  courant  est  déterminé  par  les  cellules  endo- 
dermiques  qui,  dès  laformation  des  pores  et  de  l'oscule,  se  sont  mu- 
nies chacune  d'un  long  flagellum  et  ont  développé  autour  de  leur  face 
libre  une  collerette  tubuleuse  \fig.  113,  B,  en).  Un  semblable  épilhé- 


Fi  g.  114.  —  Sycan- 
dra  ciliata. 


17*  CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 

lium  endodermique,  dont  la  figure  110,  hy,  indique  bien  la  structure, 
est  caractéristique  des  Spongiaires;  nous  verrons  par  la  suite  quelle 
signification  lui  a  été  attribuée. 
Le  développement  de  l'Éponge  est  alors  achevé.   Celle-ci  pourra 
rester  en  cet  état,  comme  c'est  le  cas,  par  exem- 
ple, pour  Sycandra  ciliata  (fig.  114);  le  plus  ordi- 
nairement, elle  deviendra  le  point  de  départ  d'une 
colonie  dont  la  complication  sera  parfois  extrême. 
Les  colonies  peuvent  se  former  de  diverses  façons  : 
si  deux  individus  se  trouvent  en  contact,  leurs  spï- 
cules  s'entre-croisent,  leurs  syncytiums   ectoder- 
miques  se  fusionnent,  puis  des  canaux  de  communi- 
cation s'établissent  de  l'un  à  l'autre. 

Plus  habituellement,  c'est  par  bourgeonnement 
que  la  colonie  se  constitue.  La  paroi  latérale  de 
l'individu  dont  nous  venons  de  suivre  le  développe- 
ment, va  se  soulever  en  un  point,  de  manière  à 
former  une  sorte  de  sinus  communiquant  avec  la 
cavité  centrale.  Ce  sinus  pourra  acquérir  des  di- 
mensions notables,  devenir  aussi  gros  que  l'in- 
dividu même  sur  lequel  il  a  pris  naissance  et  se  percer  à  sa  face 
supérieure  d'un  orifice  exhalant  et  sur  ses  faces  latérales  d'orifices 
inhalants  plus  petits.  On  a  dès  lors  deux  individus,  dont  l'un  pro- 
vient d'un  bourgeonnement  de  l'autre  ;  chacun  de  ces  individus  jouit 
d'une  certaine  indépendance,  puisqu'il  possède  ses  pores  et  son 
oscule;  il  reste  néanmoins  intimement  uni  à  son  voisin,  avec  le- 
quel il  communique  par  un  canal  plus  ou  moins  rétréci.  Le  bour- 
geonnement que  nous  venons  de  constater  peut  se  faire  sur  tous  les 
points  de  la  paroi  latérale  de  l'individu  primitif,  en  sorte  que  celui-ci 
est  le  point  de  départ  d'une  colonie  nombreuse,  dont  les  différents 
membres  peuvent  se  comporter  à  leur  tour  de  la  même  façon.  La  co- 
lonie ne  se  propage  du  reste  pas  seulement  dans  le  sens  horizontal,, 
mais  dans  tous  les  sens  à  la  fois  :  les  individus  se  superposent  sur 
plusieurs  couches,  en  sorte  que,  munis  au  début  chacun  d'un  oscule 
et  de  pores  inhalants,  ils  vont  bientôt  se  modifier  de  telle  sorte  que 
les  individus  de  la  surface  auront  seuls  un  oscule,  les  individus  de  la 
profondeur  communiquant  simplement  avec  leurs  congénères  au 
moyen  de  canaux  plus  ou  moins  allongés,  simples  ou  ramifiés. 

Une  Éponge  est  donc  habituellement  une  colonie  dont  la  surface,, 
tapissée  d'un  syncytium  amiboïde,  dénature  eclodermique,  présente 
une  certaine  quantité  d'oscules  et  un  nombre  bien  plus  grand  de 
pores.  Ces  derniers  sont  l'origine  de  canaux  qui  traversent  la  masse 
en  tous  sens,  parfois  avec  une  grande  régularité.   Les  canaux  sont 


CLASSE   DES  SPONGIAIRES. 


17; 


revêtus  d'un  épilhélium  plat;  çà  et  là  ils  se  dilatent  en  des  chambres 
plus  ou  moins  vastes,  plus  ou  moins  arrondies,  qui  sont  les  cham- 
bres flagellées  ou  corbeilles  vibratiles,  et  au  niveau  desquelles  l'épithé- 
lium  change  de  nature  :  il  est  alors  formé  de  ces  cellules  flagellées  à 
collerette  dont  nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  (fîg.  110,  hy).  Les 
chambres  flagellées  correspondent  à  la  cavité  du  corps  des  divers  in- 
dividus de  la  colonie  ;  les  canaux  à  épilhélium  plat  établissent  la 
communication  entre  ces  individus;  l'épithélium  de  ces  deux  sortes 
d'organes  est  de  nature  endodermique. 

La  masse  au  sein  de  laquelle  sont  creusés  les  canaux  et  les  cor- 
beilles vibratiles,  et  sur  laquelle  re- 
posent les  épithéliums,  n'est  autre 
que  le  mésoderme.  Sa  nature  est 
assez  variable  :  chez  certaines  Épon- 
ges (Halisarca),  il  reste  mou,  gélati- 
neux, hyalin  et  dépourvu  de  spicu- 
les  ;  dans  les  autres  groupes,  il  se 
différencie  en  cellules  conjonctives 
étirées  en  fibres  et  renferme  des  cel- 
lules amiboïdes  migratrices,  ainsi 
que  des  spicules  dont  la  forme  (fîg. 


115)  et  dont  la  nature  chimique  pré- 
sentent de  notables  différences. 
Dans  nos  classifications  actuelles,  la 
composition  chimique  des  spicules 

sert  de  base  à  la  division  de  la  classe  des  Spongiaires  :  ces  produc- 
tions squelettiques  sont  formées  de  carbonate  de  chaux,  de  silice  ou* 
de  substance  cornée. 

Les  cellules  migratrices  que  l'on  voit  se  déplacer  en  rampant  dans 
le  mésoderme  ont  été  prises  pour  des  Amibes  parasites.  On  sait 
maintenant  que  ce  sont  des  productions  normales  et  qu'elles  sont 
de  deux  sortes  :  les  unes  sont  destinées  à  devenir  les  œufs,  les  au- 
tres produiront  les  spermatozoïdes.  Ceux-ci,  observés  déjà  chez  Ha- 
lisarca et  Sycandra,  ont  été  découverts  en  1882  chez  Sycandra 
raphanus  par  Poléjaeff,  qui  a  bien  étudié  leur  développement  ;  ils  ont 
la  forme  d'une  épingle  et  mesurent  30  y.  de  longueur.  Sycandra 
raphanus  est  donc  hermaphrodite;  mais  certains  individus  sont  plus 
mâles  que  femelles  ou  réciproquement,  ce  qui  nous  conduit  à  des 
formes  très  nombreuses,  où  la  diœcie  est  la  règle.  Par  exception, 
S.  raphanus  est  vivipare  ;  d'ordinaire,  l'œuf  est  expulsé  au  dehors 
aussitôt  après  la  fécondation. 

La  reproduction  sexuée  semble  être  moins  fréquente  qu'une  re- 
production asexuée  au  moyen  de  gemmules;  celte  dernière  a  été  bien 


Spicules  d'Épongés. 


176  CLASSE   DES  SPONGIAIRES. 

étudiée  dans  les  Éponges  d'eau  douce.  On  voit,  en  certaines  régions, 
les  cellules  du  syncytium  ectodermique  devenir  granuleuses  et  se 
délimiter  par  un  contour  net.  Elles  forment  alors  un  amas  sphérique, 
dont  les  cellules  vont  se  différencier  de  telle  sorte,  que  celles  de  la 
périphérie  s'entourent  d'une  enveloppe  de  kératose  qui,  se  fusion- 
nant avec  celle  de  la  cellule  voisine,  finit  par  entourer  la  masse 
centrale  d'une  double  membrane,  dans  l'épaisseur  de  laquelle  est 
renfermée  la  zone  de  cellules  périphériques  :  chacune  de  celles-ci  dé- 
veloppe alors  dans  son  protoplasma  un  spicule  siliceux  ayant  la  forme 
de  deux  disques  écartés  l'un  de  l'autre  et  réunis  par  leur  centre  au 
moyen  d'une  tige  délicate.  Le  développement  de  la  gemmule  est 
alors  achevé;  sa  capsule  est  percée  en  un  point  d'un  hile,  analogue 
au  micropyle  de  l'œuf  de  certains  animaux.  Cependant  la  gemmule 
s'est  séparée  de  l'organisme  producteur  :  elle  reste  sous  cette  forme 
pendant  toute  la  mauvaise  saison  ;  au  printemps,  les  cellules  font 
irruption  par  le  hile  et  se  différencient  de  manière  à  reproduire  les 
diverses  parties  du  corps  d'une  petite  Éponge.  On  ne  saurait  mé- 
connaître les  analogies  que  présente  ce  mode  de  reproduction  par 
gemmules  avec  la  propagation  par  kystes,  si  fréquente  chez  les 
Protozoaires. 

On  trouve  chez  les  Éponges  une  première  indication  du  système 
musculaire  :  certaines  fibres  du  mésoderme  sont  manifestement  con- 
tractiles. On  y  trouverait  même,  au  moins  chez  les  Éponges  calcai- 
res, un  rudiment  du  système  nerveux.  Von  Lendenfeld,  en  effet,  a 
décrit  chez  les  Sycons,  dans  la  paroi  des  pores,  immédiatement  au- 
dessus  du  point  où  ceux-ci  sont  le  plus  rétrécis,  des  cellules  sen- 
sorielles très  petites,  longues  de  16  ja  et  larges  de  lu.,4  au  niveau  du 
renflement  nucléaire.  Ces  cellules  dépendent  du  mésoderme  ;  elles 
forment  un  anneau  autour  du  pore;  leur  extrémité  proximale  se  ra- 
mifie en  fins  prolongements  qui  se  perdent  dans  le  mésoderme.  Les 
Leucons  n'ont  point  de  cercle  de  cellules  sensorielles  autour  des  po- 
res, mais  on  retrouve  ces  cellules  irrégulièrement  dispersées  par 
faisceaux  à  la  surface  externe  de  l'Éponge. 

La  respiration  est  diffuse,  mais  se  fait  principalement  par  les  cel- 
lules à  collerette.  On  a  cru  pendant  longtemps  que  ces  mômes  cel- 
lules étaient  les  agents  de  la  digestion,  mais  on  sait  maintenant 
que  celle-ci  est  intracellulaire  et  s'accomplit  par  l'épithélium  plat 
des  canaux  qui  conduisent  aux  chambres  ciliées.  Les  ferments  éla- 
borés par  cet  épithélium  sont  analogues,  sinon  identiques  à  la  pep- 
sine el  à  la  trypsine  des  animaux  supérieurs.  La  nutrition  est  par- 
fois si  active  que  des  réserves  s'accumulent  dans  le  mésoderme  :  on 
observe  alors  des  amas  d'une  substance  fortement  réfringente, 
assez  analogue  à  de  la  graisse  ;   cela  montre  bien  l'homologie  de  ce 


CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 

mésoderme  avec  le  lissu  conjonctif,  qui, 
chez  les  animaux  supérieurs,  est  également 
«l'origine  mésodermique.  Le  feuillet  moyen 
•des  Spongiaires  renferme  encore  parfois 
-des  grains  d'amidon,  mais  ceux-ci  sem- 
blent toujours  liés  à  la  présence  d'Algues 
parasites  analogues  aux  cellules  jaunes  des 
Radiolaires.  Enfin,  le  corps  des  Éponges 
est  fréquemment  coloré  de  façons  diverses  : 
ces  teintes  sont  dues  à  ce  que  des  pig- 
ments se  sont  déposés  dans  l'un  quel- 
conque des  trois  feuillets. 


177 


Les  Éponges,  avons-nous  dit,  se  clas- 
sent d'après  la  structure  de  leur  méso- 
derme  et  d'après  les  productions  sque- 
lettiques  qui  peuvent  s'y  développer. 
Nous  les  diviserons  eh  quatre  ordres. 

I.  llyxospongeg.  —  Éponges  mu- 
queuses ou  gélatineuses,  dépourvues 
de  squelette  (Hallsarca). 

II.  Cératosponges.  —  Éponges  dont 

le  squelette  est  formé  de  fibres  cornées. 
A  ce  groupe  appartiennent  les  espèces 
-employées  en  médecine  ou  pour  les 
usages  domestiques,  [espèces  dont  il 
sera  question  plus  loin  (Easpongia). 

III.  Silicisponges.  —  Éponges  dont 
le  squelette  est  constitué  par  des  spi- 
cules  siliceux.  Suivant  la  structure  des 
•spicules,  cet  ordre  se  laisse  aisément 
diviser  entre  quatre  sous-ordres  : 

1°  Monactinellides.  —  Squelette  de 
spicules  monoaxes,  auxquels  s'adjoi- 
gnent parfois  des  libres  cornées  (Cha- 
lina,  Reniera,  Suberitas,  Vioa,  Desma- 
tella,  Axinella,  fig.  116).  Les  Vioa  sont 
■des  Éponges  perforantes  ;  certaines  es- 
pèces (V.  typica,  V.  celata)  s'établissent 
sur  les  coquilles  des  Huîtres  et  les  dé- 

Blanchard.  —  Zool.  m  éd. 


Fig.  11G.  —  Axinella  poly- 
poides. 

12 


178  CLASSE  DES  SPOiNGIAIRES. 

truisent  peu  à  peu  ;  elles  peuvent  causer  de  grands  dégâts  dans 
les  huîtrières.  Il  faut  rattacher  à  ce  groupe  et  particulièrement  à 
Reniera  la  petite  famille  des  Éponges  d'eau  douce  (Spongilla  flu- 
viatilis,  Sp.  lacustris),  dont  il  est  fréquent  de  trouver  des  exem- 
plaires aux  environs  de  Paris,  notamment  dans  le  canal  latéral 
à  la  Marne,  à  la  surface  des  pieux  ou  des  bois  flottés. 

2°  Tétractinellides.  —  Squelette  formé  principalement  de  spi- 
cules  en  ancres  ou  à  quatre  rayons  (Geodia,  Ancorina). 

3°  Lithistides.  —  Spicules  en  ancres  ou  à  quatre  axes,  bran- 
chus  et  parfois  très  irréguliers  [Cor altistes). 

4°  Hexactinellides.  —  Squelette  formé  de  spicules  à  six  rayons, 
quelquefois  soudés  entre  eux  par  une  substance  siliceuse  stra- 
tifiée. A  ce  groupe  appartient  Euplectella  aspergillum,  la  plus 
élégante  de  toutes  les  Éponges;  cette  espèce,  originaire  des 
Philippines,  loge  souvent  dans  sa  cavité  deux  sortes  de  Crus- 
tacés, un  Isopode  {Aega  spongiphila)  et  un  Décapode  macroure 
(Palœmon). 

IV.  Caicisponges.  —  Squelette  constitué  par  des  spicules 
calcaires  (Grantia,  Leucon,  Sycon). 

Les  Gératosponges  employées  en  médecine  ou  servant  aux 
usages  domestiques  sont  de  provenances  très  diverses  et  appar- 
tiennent par  conséquent  à  plusieurs  espèces.  Elles  ont  été  dé- 
crites par  les  auteurs  sous  le  nom  collectif  de  Spongia  officinalis, 
mais  0.  Schmidt,  qui  a  bien  étudié  les  Éponges  de  la  mer  Adria- 
tique, distingue  parmi  les  Spongiaires  de  cette  mer  jusqu'à  cinq 
espèces  répondant  au  signalement  de  Sp.  officinales,  savoir  : 

Spongia  adriatica  0.  Schmidt  ; 

Sp.  quarnerensis  O.S.; 

Sp.  zimoccaO.  S.  (gttoyyoç  7tuxvôtocto;  Aristote); 

Sp.  equina  0.  S.  (c-rzofyoç  (xavoç  Ar.); 

Sp.  mollissima  0.  S.  (a-Koyyoq  nuxvoç  Ar.). 

Qu'on  juge,  d'après  cela,  du  nombre  considérable  d'espèces 
qui  ont  été  confondues  sous  la  dénomination  de  Sp.  officinalis, 

A  part  quelques  genres  d'eau  douce  {Spongilla,  Carlerella, 
Meyenia,  Heteromeyenia,  Tubella),  dont  les  quatre  derniers  sont 
américains,  les  Éponges  sont  des  animaux  marins.  Elles  vivent 
par  des  profondeurs  variables  et,  suivant  le  cas,  sont  récoltées 
de  diverses  façons.  Quand  la  profondeur  est  peu  considérable 


CLASSE  DES  SPONGIAIRES.  179 

et  lorsque  l'eau  est  suffisamment  transparente,  on  les  recueille 
au  moyen  d'une  fourche  à  cinq  dents,  emmanchée  à  l'extré- 
mité d'une  perche  et  munie  d'un  filet.  Si  la  profondeur  est  plus 
grande,  des  Hommes  plongent  au  fond  de  l'eau  et,  à  l'aide  d'un 
couteau  dont  ils  se  sont  munis,  coupent  le  pied  par  lequel 
l'Éponge  adhère  au  rocher.  Mais  c'est  là  un  procédé  dange- 
reux et  qui  expose  les  pêcheurs  aux  redoutables  atteintes  du 
mal  des  plongeurs,  dont  Paul  Bert  a  découvert  les  causes  (1)  et 
dont  nous  avons  fait  connaître  l'anatomie  pathologique  (2).  Par 
les  fonds  de  150  à  200  mètres,  on  se  sert  de  la  drague,  mais  les 
Éponges  que  cet  instrument  ramène  sont  souvent  déchirées  et 
ont  par  conséquent  moins  de  valeur  que  les  autres. 

Le  golfe  du  Mexique,  les  bancs  de  Bahama,  la  mer  Rouge  et 
une  foule  d'autres  points  fournissent  des  Éponges  de  grande 
taille,  mais  en  général  assez  grossières  et  qu'on  ne  peut  guère 
employer  que  pour  laver  les  parquets  ou  pour  des  usages  de  ce 
genre.  Les  fines  Éponges  de  toilette  sont  plus  petites  :  elles 
proviennent  des  mers  tempérées  et  particulièrement  de  la 
Méditerranée.  C'est  surtout  dans  l'Adriatique  et  dans  l'Archi- 
pel, sur  les  côtes  de  Garamanie  et  de  Syrie,  qu'on  se  livre  à  leur 
pêche.  Celle-ci  ne  peut  guère  se  faire  que  pendant  une  moitié 
de  l'année.  Sur  les  côtes  de  Croatie  seulement,  les  revenus  de 
cette  pêche  pour  une  demi-année  varient  entre  150  000  et 
300  000  francs.  La  récolte  en  est  si  active  que  les  bancs  se  sont 
dépeuplés  dans  une  notable  proportion  :  aussi  le  gouvernement 
autrichien  entreprit-il,  de  1863  à  1872,  des  essais  de  spongicul- 
ture  dans  l'Adriatique.  Ces  essais  furent  finalement  abandon- 
nés comme  improductifs;  il  est  pourtant  certain  que  des  cul- 
tures bien  conduites  pourraient  donner  des  résultats  satisfai- 
sants. 

Les  Éponges  contiennent  toujours  une  notable  proportion  de 
corps  étrangers,  tels  que  du  sable,  du  limon,  etc.  Pour  les  en 
débarrasser,  on  les  comprime,  on  les  soumet  à  des  battages 
réitérés,  ainsi  qu'à  des  lavages  à  l'eau  de  mer,  puis  à  l'eau 
douce  ;  on  les  traite  ensuite  par  l'acide  chlorhydrique  dilué, 

(1)  P.  Bert,  La  pression  barométrique .  Paris,  1878.  Voir  p.  939-081. 

(2)  R.  Blanchard  et  P.  Regnard,  Sur  les  lésions  de  la  moelle  épinière  dans 
la  maladie  des  plongeurs.  Société  de  biologie,  9  juillet  1881.  Gazette  médi- 
cale, p.  443,  1881. 


180  CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 

dans  le  but  de  détruire  les  parties  calcaires.  Quand  on  les  a 
soigneusement  lavées  une  dernière  fois,  on  les  fait  sécher,  et 
les  plus  fines,  destinées  à  la  toilette  ou  aux  usages  médicaux, 
sont  blanchies  par  le  chlore. 

On  ne  s'est  servi  pendant  longtemps  que  d'Épongés  pêchées 
dans  la  Méditerranée  (1)  ;  la  détermination  des  espèces  ou  plu- 
tôt des  différentes  sortes  commerciales  pouvait  alors  présenter 
quelque  intérêt;  cet  intérêt  n'existe  plus,  depuis  qu'on  apporte 
sur  les  marchés  européens  des  Éponges  venant  pour  ainsi  dire 
de  tous  les  coins  du  globe  et  sur  la  provenance  desquelles  il 
est  parfois  fort  difficile  d'avoir  des  renseignements  précis.  On 
trouvera  encore  à  cet  égard,  dans  les  ouvrages  consacrés  à 

l'étude  des  drogues  simples,  des  dis- 
tinctions qui  sont  au  moins  subtiles 
et  sur  lesquelles  nous  ne  croyons 
pas  devoir  nous  arrêter  (2).  Disons 
simplement  que  l'Éponge  fine  et 
douce  de  Syrie  serait  donnée  par 
Spongia  moltissima  0.  Schmidt  (Sp. 
nsùatlssima  Lamarck),  l'Éponge  fine 
fïg.  in.  -  Éponge  de  Dal-  de  l'Archipel  par  Sp.  zimocca,  l'É- 
matie.  ponge  grossière  du  nord  de  l'Afrique 

par  Sp.  equina  et  l'Éponge  de  Dal- 
matie  (fig.  117)  par  Sp.  adriatica.  Enfin  l'Éponge  brune  de  Bar- 
barie ou  Éponge  de  Marseille  est  Sp.  communis  Lamk. 

Les  Éponges  servent,  en  chirurgie,  non  seulement  à  étancher 
le  sang  ou  à  nettoyer  la  surface  des  plaies,  mais  encore  à  dila- 
ter les  orifices  naturels  ou  accidentels,  par  exemple  le  col  de 
l'utérus  ou  des  trajets  fistuleux.  Dans  ce  but,  on  les  prépare  de 
trois  manières. 

UÉponge  préparée  à  la  cire  (Spongia  cerata  de  l'ancienne 
pharmacopée)  est  d'abord  lavée  et  coupée  par  tranches  que 

(1)  Il  en  venait  pourtant  d'autres  endroits,  comme  nous  l'apprend  Leyme- 
vie  :  «  On  dit  qu'il  en  vient  beaucoup  d'une  isle  d'Asie  nommée  Icarie  ou 
Nicarie,  où  les  garçons  sont  obligez  de  les  aller  pêcher  au  fond  et  au  milieu 
de  la  mer,  s'ils  veulent  être  mariez,  car  les  filles  sont  le  prix  et  la  récom- 
pense de  ceux  qui  demeurent  le  plus  long-temps  dans  la  mer,  et  qui  en  ra- 
portent  le  plus  d'Épongés.  »  (N.  Leymerie,  Traité  universel  des  drogues  sim- 
ples. Paris,  2'  édition,  171 4. 

(2)  Voir  notamment  Guibourt,  Histoire  naturelle  des  drogues  simples,, 
V  édition,  IV,  p.  382  et  suiv. 


CLASSE   DES  SPONGIAIRES.  181 

l'on  maintient  plongées  dans  la  cire  vierge  en  fusion,  jusqu'à  ce 
qu'elles  en  soient  complètement  imprégnées.  Ces  tranches  sont 
ensuite  modérément  pressées  entre  deux  plaques  de  fer  qu'on  a 
eu  soin  de  chauffer  au  préalable  :  on  obtient  ainsi  par  refroi- 
dissement des  gâteaux  que  l'on  peut  conserver  indéfiniment  et 
qu'il  suffit  de  couper  en  morceaux  de  dimensions  convenables. 
L'Eponge  à  la  cire,  introduite  dans  l'orifice  qu'il  s'agit  de  dila- 
ter, ne  se  gonfle  que  lentement  et  sous  l'influence  d'une  cha- 
leur assez  intense  ;  aussi  n'en  fait-on  guère  usage  et  lui  pré- 
fère-t-on  la  préparation  suivante. 

V  Éponge  préparée  à  la  ficelle  (Spongia  compressa)  s'obtient  avec 
des  Éponges  fines  et  bien  nettoyées.  On  les  imbibe  d'eau  dans 
toutes  leurs  parties,  parfois  même  de  blanc  d'œuf  ou  d'eau 
gommée,  puis  on  exprime  le  liquide  avec  soin.  Quand  l'Éponge 
est  encore  humide,  on  enroule  fortement  une  ficelle  autour 
d'elle,  de  manière  à  ne  laisser  aucun  espace  entre  les  tours 
de  spire;  on  fait  alors  sécher  l'Éponge  dans  une  étuve.  Quand 
on  doit  s'en  servir,  on  déroule  la  ficelle  sur  une  certaine  éten- 
due, et  l'on  se  procure  ainsi  un  morceau  d'Épongé  auquel  on 
peut  donner  avec  des  ciseaux  la  forme  convenable  pour  l'intro- 
duire dans  le  conduit  que  l'on  veut  élargir;  l'Éponge  se  gonfle 
alors  en  absorbant  les  liquides  et  dilate  en  même  temps  le  con- 
duit qui  la  renferme. 

V  Eponge  préparée  à  la  gomme  [Spongia  gummata)  diffère 
peu  de  l'Éponge  à  la  cire,  mais  est  plus  rarement  employée.  On 
imprègne  l'Éponge  avec  de  la  gomme,  au  lieu  de  cire,  puis  on 
la  presse  dans  du  papier  ciré,  jusqu'à  ce  qu'elle  sèche  et  se  pré- 
sente sous  l'aspect  de  lames  solides. 

Les  Cératosponges  ont  encore  été  employées  pour  l'usage 
interne  à  l'état  d'Épongé  calcinée  ou  de  charbon  d'Épongé. 
Arnaud  de  Villeneuve  imagina  le  premier  cette  méthode  pour 
guérir  la  scrofule,  et  les  praticiens  adoptèrent  avec  enthou- 
siasme ce  nouveau  remède,  auquel  le  scorbut  et  le  goitre,  jadis 
rebelles  à  tout  traitement,  ne  pouvaient  résister.  Mais,  dit 
Ghaumeton,  «  j'ai  parcouru  le  pays  des  crétins  ;  j'ai  observé 
une  multitude  de  scrofuleux  auxquels  on  a  prescrit  l'Éponge 
brûlée;  pas  un  seul  n'a  été  guéri  (1).  »  Après  que  plusieurs 

K\)  Chaumeton,  Éponge.  Dictionnaire  des  se.  méd.  en  60  vol.  Paris,  1815. 


CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 

médecins  eurent  reconnu  l'inefficacité  de  l'Eponge  calcinée,  on 
en  \int  à  considérer  celle-ci  comme  un  médicament  inerte  et 
ridicule;  mais  plus  tard,  l'analyse  chimique  y  ayant  décelé  la 
présence  de  l'iode,  on  revint  à  l'opinion  ancienne  et  l'on  pensa 
que  l'Éponge  calcinée  pouvait  combattre  utilement  le  goitre. 

L'iode  existe,  en  effet,  en  grande  quantité  dans  l'Éponge.  Il 
s'y  trouve  à  l'état  d'iodure  soluble  dans  l'eau,  mais  sa  plus 
grande  partie  semble  surtout  être  combinée  à  la  spongine, 
c'est-à-dire  à  la  substance  organique  qui  constitue  la  trame 
fibreuse.  Quand  l'Éponge  est  torréfiée  à  une  chaleur  modérée, 
la  matière  organique  seule  est  carbonisée  et  l'iode  forme  de 
l'iodure  de  calcium,  en  réagissant  sur  le  carbonate  de  chaux 
qui  se  trouve  constamment  dans  l'Éponge,  même  la  mieux  net- 
toyée. Si  l'on  chauffe  au  rouge,  l'iodure  de  calcium  est  décom- 
posé et  l'iode  se  volatilise.  En  admettant  que  les  cendres 
d'Épongé  jouissent  de  quelques  propriétés  thérapeutiques,  il 
importe  donc  de  n'employer  que  des  cendres  obtenues  à  une 
température  peu  élevée. 

Pour  en  finir  avec  l'histoire  médicale  des  Éponges,  ajoutons 
que  les  Russes,  au  dire  de  Gmelin(l),  emploient  contre  les 
Vers  une  poudre  préparée  avec  Spongilla  fluviatilis  :  une 
poudre  aussi  rude  peut  déterminer  une  excitation  de  l'intestin 
ayant  pour  résultat  l'évacuation  des  Vers  (2). 

Laposilion  systématique  des  Éponges  a  été  longtemps  discutée.  A 
l'heure  actuelle,  les  zoologistes  ne  sont  point  encore  d'accord  :  les 
uns,  comme  J.  Clark,  Carter,  Saville-Kent,  0.  Butschli,  ne  veulent  y 
voir  que  des  Protozoaires  vivant  en  colonie  ;  les  autres,  comme  Hux- 
ley, en  font  un  embranchement  de  Métazoaires  parallèle  à  celui  des 
Cœlentérés  :  d'autres  enfin,  et  ce  sont  les  plus  nombreux,  les  con- 
sidèrent, à  l'exemple  de  Leuckart,  comme  de  véritables  Cœlentérés. 
Cette  dernière  opinion  s'impose,  quand  on  étudie  de  près  la  structure 
et  l'embryogénie  des  Éponges. 

La  plupart  des  auteurs  anglais  et  américains  considèrent  les  Épon- 

(l)Gmelin,  Rnse  durch  Russland  zur  Untersuchung  dcv  drcy  Natur-Rekhe. 
Saint-Petersburg,  1770.  Voir  I,  p.  150. 

(2)  Gmelin  dit  encore  ceci  :  «  Les  filles  cosaques  se  frottent  le  visage  avec 
cette  poudre,  pour  le  rendre  rouge;  car  ce  qui  est  rouge  est  beau,  puisque 
dans  la  langue  russe  la  beauté  est  exprimée  par  la  couleur  rouge.  »  Les  mots 
krasnota  (rougeur)  et  krasota  (beauté)  sont  en  effet  très  voisins  l'un  de 
l'autre. 


CLASSE   DES   SPONGIAIRES.  183 


ges  comme  des  colonies  de  Protozoaires  :  à  la  surface  se  trouveraient 
des  Amibes  réunies  en  un  syncytium;  à  l'intérieur  se  trouveraient 
des  Flagellés  du  groupe  desCraspédomonades.  Dans  cette  conception, 
les  cellules  flagellées  qui  tapissent  les  chambres  vibratiles  représen- 
teraient chacune  un  individu  distinct.  Il  est  en  effet  difficile  de  mé- 
connaître l'analogie,  voire  môme  l'identité  de  structure  que  présen- 
tent ces  cellules  avec  des  Flagellés  tels  que  Codonosiga,  Codonocladium 
et  Salpingœca,  mais  ce  n'est  point  là  une  raison  suffisante  pour  s'ar- 
rêter à  l'opinion  que  nous  venons  de  dire:  le  fait  que  les  Spongiaires 
produisent  des  spermatozoïdes  et  des  œufs,  dont  l'évolution  marche 
d'après  le  type  commun  à  tous  les  Métazoaires,  est  un  argument  d'une 
valeur  bien  plus  grande  et  qui  démontre  surabondamment  qu'il  faut 
voir  en  eux  de  véritables  Métazoaires. 

Puisqu'il  est  acquis  que  les  Éponges  sont,  dans  la  hiérarchie  zoo- 
logique, placées  au-dessus  des  Protozoaires,  devra-t-on,  avec  W.  J. 
Sollas,  les  séparer  des  Métazoaires  et  par  conséquent  des  Cœlentérés, 
pour  en  faire  un  groupe  particulier,  celui  des  Parazoaires  ?  Sollas 
admet  qu'elles  se  sont  développées  des  Craspédomonades  comme  un 
phylum  indépendant,  car,  dit-il,  il  est  malaisé  d'admettre  que  des 
organes  aussi  compliqués  que  les  cellules  flagellées  à  collerette  se 
rencontrent  avec  des  caractères  identiques  dans  deux  groupes  zoolo- 
giques différents,  sans  avoir  une  origine  commune.  Il  pense  donc  que, 
chez  les  Spongiaires,  ces  cellules  sont  transmises  par  l'hérédité, 
qu'elles  ont  une  signification  phylogénique,  tandis  que  les  particula- 
rités d'ordre  plus  élevé,  comme  la  reproduction  sexuelle,  sont  des 
acquisitions  de  date  récente. 

Balfour  rattache  nettement  les  Éponges  aux. Cœlentérés,  mais  il 
croit  qu'elles  sont  nées  séparément  des  Protozoaires.  Il  appuie  cette 
opinion  sur  plusieurs  considérations,  notamment  sur  la  structure 
des  larves  libres,  qui  différeraient  notablement  de  celles  des  autres 
Cœlentérés.  Cette  observation  est  exacte  en  ce  qui  concerne  les  Cal- 
cisponges,  auxquelles  appartient  Sycandra  raphanus  :  mais  si  l'espace 
nous  avait  permis  de  parler  plus  longuement  des  Spongiaires,  il  nous 
eût  été  facile  de  montrer  que,  chez  beaucoup  d'entre  eux,  la  larve  a 
précisément  la  même  structure  que  celle  de  beaucoup  de  Cœlentérés. 

Les  Éponges  sont  de  véritables  Métazoaires  :  elles  ont  une  repro- 
duction sexuelle  et  leurs  larves  sont  constituées  par  deux  couches 
cellulaires.  Mais,  si  c'est  là  un  fait  acquis,  on  peut  discuter  encore 
leurs  relations  avec  les  Protozoaires  d'une  part,  avec  les  Cœlentérés 
d'autre  part.  En  ce  qui  concerne  les  premiers,  on  se  trouve  amené,  à 
cause  de  la  présence  des  cellules  à  collerette,  à  rapprocher  les  Éponges 
des  Craspédomonades  et  à  établir  entre  ces  deux  groupes  un  lien 
phylogénique.  Pourtant,  un  examen  plus  attentif  permet  de  recon- 


184  CLASSE  DES  SPONGIAIRES. 

naître  que  ce  n'est  là  qu'une  apparence.  L'étude  des  Flagellés  montre 
que  l'acquisition  de  la  collerette  est  en  rapport  avec  la  préhension  des 
aliments;  chez  les  Spongiaires,  il  en  est  tout  autrement  :  nous  avons- 
vu,  en  effet,  que  ces  animaux  absorbent  leur  nourriture  par  toute  lit 
surface  endodermique,  à  l'exception  des  chambres  flagellées.  Déplus, 
les  cellules  à  collerette  n'apparaissent  dans  l'Éponge  que  lorsque  la 
cavité  du  corps  s'est  mise  en  communication  avec  le  milieu  ambiant 
au  moyen  d'un  double  système  d'orifices;  elles  ne  proviennent  d'ail- 
leurs que  d'une  différenciation  spéciale  de  cellules  endodermiques, 
qui  d'abord  avaient  la  même  structure  queles  autres;or,  si  elles  étaient 
un  héritage  légué  par  les  Craspédomonades,  elles  se  montreraient  cer- 
tainement au  début,  et  non  à  la  fin  du  développement  ontogénique. 
On  doit  donc  conclure  que  les  Craspédomonades  et  les  cellules  flagel- 
lées des  Éponges  n'ont  aucun  lien  phylogénique  et  que  toutes  deux 
doivent  cette  remarquable  concordance  de  structure  à  des  adaptations 
particulières. 

Quant  aux  relations  des  Éponges  avec  les  autres  Cœlentérés,  il  nous 
est  difficile  de  les  discuter  maintenant,  puisque  nous  n'avons  pas  en- 
core fait  l'étude  de  ces  derniers.  Les  différences  essentielles  entre  ces 
deux  groupes  tiennent  à  ce  que  les  Spongiaires  sont  dépourvus  de 
tentacules  et  d'organes  urticants  (1)  et  il  n'y  a  aucune  raison  de  croire 
que  leurs  ancêtres  en  aient  jamais  possédé.  Le  reste  de  l'organisation 
générale  des  Éponges  concorde  d'ailleurs,  comme  nous  le  verrons 
bientôt,  avec  l'organisation  des  Cœlentérés  supérieurs  ;  à  part  le  cas 
des  Calcisponges,  les  larves  nageuses  présentent  notamment  de  re- 
marquables analogïes,"et  les  différences  fondamentales  dans  la  struc- 
ture des  deux  groupes  ne  se  montrent  qu'après  la  métamorphose.  On 
doit  donc  admettre  que  les  Spongiaires  et  les  Cœlentérés  dérivent 
d'une  souche  commune  et  que  les  premiers  se  sont  séparés  des  se- 
conds à  un  stade  du  développement  phylogénique  qui  correspond  au 
moment  où  la  larve  ciliée  va  passer  à  l'état  adulte,  moment  où  les 
caraclères  typiques  des  Cœlentérés  n'étaient  pas  encore  acquis.  On 
comprend  ainsi  que  les  Spongiaires  soient  dépourvus  de  tentacules  et 
de  nématocystes. 

Th.  Kimer,  Nesselzelkn  und  Samen  bei  Seeschwcimmen.  Arch.  f.  mikr. 
Anat.,  VIII,  p.  281,  1872. 

H.-G.  Bronn's  Klassen  und  Ordnungen  des  Thier-reichs.  —  H.Poriferavon 
G.-C.-J.  Vosmaer.  Leipzig,  1882-1885. 

N.  Polejaeff,    Ueber  das  Sperma  und   die  Spermatogcnese  bei   Syccmdra 

(I)  Le  caractère  distinctif  tenant  h  l'absence  de  nématocystes  chez  les 
Kponges  n'est  pourtant  pas  absolu  :  Eimer  a  trouvé  des  cellules  urticanies 
autour  dos  pores  inhalants  (Reniera)  et  dans  les  canaux  qui  aboutissent  aux 
oscules  {Reniera  fibulata,  Desmacella  vagabunda). 


S0US-EMBRANCF1EMENT    DES   CNIDÀIRES. 


is: 


raphanus  Bûckel.  Sitzungsber.  der  Akad.  d.  wiss.  zu  Wien,  LXXXVI,  l.  Abtli., 
p.  276,  1882. 

B.  Solger.  Ueber  einige  der  anatomischen  Untersuc'tung  zngângliche  Lr- 
bewserscheinungen  der  Spangien.  Biolog.  Centralblatt,  III,  p.  227.  1883. 

R.  von  Lendenfeld.  The  digestion  ofSponges  effected  bg  ectoderm  or  ento- 
derm?  Proced.of  the  Linnean  Soc.  of  New  South  Wales,  IX,  p.  434,  188i.  — 
Id.,  Dos  Nervensgstem  der  Spongien.  Zool.  Anzeigpr,  VIII,  p.  47,  1885. 

Fr.-E.  Schulze,  Ueber  dos  Verwandtschaftsverhii'tnis  der  Spongien    tu 
Choanoflagellaten.   Sitzungsber.  der  k.    preuss.  Akad.  der  Wiss.  zu  Berlin 
p.  179-191,  1885. 

W.  Marshall,  Bemerkungen  uber  die  Cœlenteralennatur  der  Spongien.  Je- 
naische  Zeitschrift.  XVIII,  p.  SOS.  1885. 


SOUS-£3IBRA>'CIIE>IENT    DES   CNIDURES 


Des  Cœlentérés  tels  que  l'Actinie,  la  Méduse,  le  Béroé  diffèrent 
autant  entre  eux  qu'ils  diffèrent 
des  Eponges;  ils  méritent  pour- 
tant d'être  réunis  en  un  même 
groupe,  à  cause  de  particularités 
de  structure  qui  leur  sont  com- 
munes, mais  qui  manquent  aux 
Spongiaires.  Ils  sont  tous  urti- 
cants,  par  suite  de  la  présence 
dans  l'ectoderme  de  capsules  qui, 
au  moindre  contact,  projettent  un 
filament  d'une  extrême  délica- 
tesse, avec  émission  probable 
d'une  gouttelette  de  liquide  cor- 
rosif. Ces  capsules  (fig.  118),  déve- 
loppées aux  dépens  de  certaines 
cellules  ectodermiques,  sont  les 
nématocystes  ou  cwdoblastes.  Aussi 
réunit-on  les  Cœlentérés  qui  les 
possèdent  en  un  sous-embranche- 
ment des  Cnidaires.  Ceux-ci  diffè- 
rent d'ailleurs  des  Éponges  par 
une  complication  notable  de  l'organisation  et  par  un  ensemble 
de  particularités  qu'on  sera  à  même  d'apprécier  par  la  suite. 


Fig.  118.  —  Nématocystes. 


CLASSE  DES  ANTHOZOAIKES. 


CLASSE   DES    ANTHOZOAIRES 


ORDRE   DES  ZOANTHAIRES 


Fig.  119.  —  Actinia  effœfa. 


Les  Zoanthaires  sont  représentés  sur  nos  côtes  par  les  Actinies 
(fig.  H9),  dont  quelques  espèces  sont  particulièrement  communes  : 
de  ce  nombre  est  Actinia  equina  (A.  mesembryranthemum),  que  nous 

prendrons  pour  type,  en  raison  des 
études  approfondies  dont  elle  a  été 
l'objet. 

L'œuf  est  toujours  fécondé  dans 
le  corps  de  la  mère,  le  plus  souvent 
dans  l'ovaire;  il  subitles premières 
phases  de  son  évolution  dans  la 
cavité  générale  de  la  mère.  La  seg- 
mentation est  totale  et  aboutit  à  la 
formation  d'une  gastrula  par  inva- 
gination, dont  le  feuillet  externe 
est  cilié.  Bientôt  la  gastrula  prend 
une  forme  allongée  et  se  revêt  à 
l'extrémité  aborale  d'une  houppe 
de  longs  cils  vibratiles  ;  l'épiblaste 
se  déprime  en  même  temps  à 
l'autre  extrémité  et  s'invagine  par  le  blastopore  dans  le  progaster.  De  la 
sorte  se  constitue  une  sorte  de  tube  raccourci,  ouvert  à  sa  partie 
inférieure  dans  le  progaster  et  soudé  à  sa  partie  supérieure  au  pour- 
tour du  blastopore  ;  c'est  le  tube  œsophagien,  tapissé  à  sa  face  interne 
par  Tépiblaste  et  à  sa  face  externe  par  l'hypoblaste. 

L'embryon  est  mis  alors  en  liberté.  Il  nage,  en  dirigeant  en  avant 
son  pôle  aboral;  son  corps  s'aplatit  et  sa  bouche,  jusque-là  circulaire, 
s'allonge,  de  manière  à  déterminer  une  symétrie  bilatérale.  En  même 
temps  apparaît,  entre  l'ectoderme  et  l'endoderme,  une  zone  d'abord 
simplement  granuleuse,  plus  tard  fibreuse,  qui  représente  le  méso- 
derme ou  troisième  feuillet  blastodermique  :  cette  couche  ne  prend 
pas  naissance  par  une  formation  cellulaire  distincte,  mais  résulte 
d'une  simple  différenciation  de  la  région  basilaire  de  l'ectoderme. 

Le  progaster,  dont  la  cavité  était  demeurée  simple,  va  commencer 
à  se  cloisonner,  grâce  à  la  formation  de  lamelles  rayonnantes,  aux- 
quelles on  donne  le  nom  de  mésentères  ou  de  replis  mésentéroides  :  leur 
développement  a  été  suivi  par  de  Lacaze-Duthiers.  On  voit,  suivant 
un  plan  transversal  par  rapport  au  grand  axe  de  la  bouche,  se  for- 


ORDRE   DES  ZOANTIUIEIES. 


187 


mer  symétriquement  deux  bourrelets  verticaux  qui  parcourent  la 
cavilé  gastrique  dans  toute  sa  hauteur  et  qui,  partis  de  la  paroi  de  celle- 
ci,  s'avancent  de  plus  en  plus  vers  le  centre,  sans  pourtant  l'atteindre 
jamais.  Leur  croissance  marche  lentement  :  elle  s'arrêtera  quand, 
par  leur  partie  supérieure,  ils  auront  rencontré  le  tube  œsophagien 
et  se  seront  soudés  avec  lui. 

Les  deux  premiers  mésentères  divisent  la  cavité  gastrique  en  deux 
loges  inégales  :  ils  sont  constitués  par  le  soulèvement  de  l'endoderme 
en  deux  lamelles  entre  lesquelles  s'insinue  un  prolongement  du  mé- 
soderme. Quand  ils  se  sont  avancés  à  une  certaine  distance,  deux 
mésenlères  nouveaux  se  développent  de  la  même  façon  dans  la  plus 
grande  loge,  puis  une  division  semblable  se  fait  dans  la  plus  petite  : 
on  a  donc  6  loges.  La  grande  loge  se  divise  à  son  tour  par  deux  cloi- 
sons nouvelles.  Ce  processus  se  continuant  par  le  développement 
successif  de  nouvelles  paires   de   mésentères,  comme  l'indique  la 


Fig.  120.  —  Schéma  représentant  le   développement  des  lames  d'après  de 
Lacaze-Duthiers.   Les  chiffres  indiquent  l'ordre  d'apparition  des  lames. 


Ggure  120,  on  passe  ainsi  successivement  par  des  états  où  il  existe 
8,  10  et  12  loges.  Le  nombre  de  celles-ci  croit  donc  en  progression 
arithmétique. 

Tel  est,  d'après  de  Lacaze-Duthiers,  le  mode  de  développement 
des  replis  mésentéroïdes.  Les  frères  Herlwig  en  donnent  une  descrip- 
tion un  peu  différente.  Pour  eux,  les  replis  apparaissent  toujours  par 
paires  et  d'après  un  procédé  que  met  suffisamment  en  relief  la 
figure  121.  Les  lames  3  et  4  sont  toujours  reconnaissables  à  cer- 
taines particularités  de  structure;  de  plus,  elles  sont  situées  dans 
l'axe  de  la  bouche,  tant  que  celle-ci  a  la  forme  d'une  fente  allongée, 
et  elles  indiquent,  même  chez  l'Actinie  adulte,  le  plan  AB  de  symé- 
trie bilatérale. 

La  struclure  particulière  des  mésentères  3  et  4  fournit  sans  doute 
un  argument  de  valeur,  mais  ce  n'est  point  le  seul  qui  vienne  dé- 
montrer que  la  symétrie  rayonnée  des  Zoanlhaires  est  une  simple 


188  CLASSE   DES  ANTIIOZOAIRES. 

apparence;  chez  ces  animaux,  la  symétrie  est  bien  réellement  bila- 
térale et  cette  règle  s'applique  même  à  toute  la  sous-classe  des  Cni- 
daires.  Nous  verrons  par  la  suite  qu'il  en  est  exactement  de  même 
pour  les  Échinodermes,  en  sorte  que  la  dénomination  de  Rayonnésy 
appliquée  par  Cuvier  aux  Cœlentérés  et  aux  Échinodermes  des  classi- 
fications actuelles,  pourrait  à  la  rigueur  disparaître  du  langage  zoo- 
logique. Elle  a  pu  être  exacte,  tant  que  l'étude  des  animaux  s'est  faite 
parla  dissection  ;  elle  ne  l'est  plus,  depuis  que  le  microscope  a  per- 
mis de  pénétrer  la  structure  intime  des  tissus  et  de  suivre  le  déve- 
loppement embryonnaire. 

Quant  au  nom  de  Zoophyles,  que  Cuvier  donnait  encore  à  ces  mêmes 
animaux,  ilnesauraitleurconvenirdavantage.  Les  véritables  animaux- 
plantes,  c'est-à-dire  les  êtres  qui  établissent  la  transition  entre  le 


Fig.  121.  —  Schéma  représentant  le  développement  des  lames,  d'après  0.  et 
R.  Hertwig.  —  A3,  plan  de  symétrie  bilatérale.  Les  chiffres  indiquent 
l'ordre  d'apparition  des  lames. 


règne  animal  et  le  règne  végétal,  ce  sont  les  Monères,  les  Amibes, 
les  Flagellés;  ce  ne  peut  être  en  aucun  cas  des  animaux  aussi  diffé- 
renciés que  l'Actinie  ou  l'Oursin. 

Quand  il  en  est  arrivé  au  stade  12,  le  développement  des  mésen- 
tères s'arrête  :  les  loges,  jusqu'alors  très  inégales,  régularisent  leurs 
dimensions.  A  ce  moment,  la  larve  est  très  contractile  :  elle  présente 
des  changements  de  forme  incessants.  La  surface  externe  est  mar- 
quée de  sillons  longitudinaux  qui  correspondent  aux  lames  mésenté- 
ruïdes  ;  Fectoderme  a  gardé  les  caractères  que  nous  lui  connaissons 
déjà,  il  commence  pourtant  à  montrer  de  nombreux  nématocystes; 
l'endoderme  s'est  couvert  de  cils  vibratiles. 

Avant  que  les  cinquième  et  sixième  paires  de  mésentères  n'aient 
commencé  à  se  développer,  on  voit  déjà  s'esquisser  certains  organes 
d'une  grandeimportance;  nous  voulons  parler  des  tentacules.  Entre  les 


ORDRE  DES  ZOANTHAIltES.  IS9 

lames  2(fig.  120),  c'est-à-dire  dans  la  plus  grande  des  deux  loges  pri- 
maires el  à  l'extrémité  antérieure  du  grand  a\e  de  l'orifice  buccal,  le 
plancher  se  soulève  en  un  bourrelet  creux  qui  fait  saillie  à  la  face  su- 
périeure ou  buccale  de  la  larve  et  qui  va  en  s'allongeanl  de  plus  en 
plus.  Parla  suite,  il  se  formera  de  la  môme  manière  un  tentacule  au- 
dessus  de  chacune  des  douze  loges,  mais  celui  qui  se  développe  au- 
dessus  de  la  loge  impaire  antérieure,  c'est-à-dire  au-dessus  de  la 
plus  grande  des  deux  loges  primitives,  apparaît  le  premier  et  garde 
pendant  quelque  temps  sa  prééminence  (fig.  122).  Le  second  tenta- 


Fig.  122.  —  Deux  stades  du  développement  iïActinia  equina,  d'après  de 
Lacaze-Duthiers.  —  A,  embryon  vu  de  profil  ;  un  seul  tentacule  est  déve- 
loppé; B,  embryon  plus  âgé,  vu  de  face;  on  voit  l'indication  des  huit 
premiers  tentacules. 

cule  qui  se  forme  est  diamétralement  opposé  à  celui-ci,  mais  les  autres 
se  développent  sans  qu'il  y  ait  la  moindre  relation  entre  leur  taille  et 
leur  ordre  d'apparition.  Quand  chaque  loge  possède  le  sien,  ils  se 
divisent  secondairement  en  deux  cycles  alternants,  un  premier  cycle 
de  six  grands  tentacules  et  un  second  cycle  de  six  petits  tentacules; 
le  premier  tentacule  formé  fait  partie  du  premier  cycle. 

Pendant  ce  temps,  les  lames  sont  venues  se  souder  à  la  face  externe 
de  l'œsophage,  mais  elles  restent  flottantes,  sans  se  réunir  entre 
elles,  au-dessous  de  celui-ci.  Les  organes  de  reproduction  commen- 
cent alors  à  se  développer  dans  l'épaisseur  des  replis  mésentériques, 
dans  l'ordre  où  ces  replis  eux-mêmes  sont  apparus,  tandis  que  leur 


190  CLASSE  DES  ANTH0Z0AIRES. 

bord  libre  devient  à  son  lour  le  siège  de  nouvelles  différenciations. 
Il  se  charge  d'un  long  renflement,  suspendu,  pour  ainsi'dire,  à  l'ori- 
fice œsophagien,  et  ressemblant  à  un  gros  cordon  cylindrique,  con- 
tourné sur  lui-même  à  la  façon  des  anses  intestinales  :  c'est  le  cordon 
entéroïde. 
C'est  seulement  quand  celui-ci  s'est  développé,  que  le  nombre  des 


U-ï—£*4 


Fig.  123.  —  Schéma  représentant  le  développement  des  lames  et  des  tenta- 
cules. Les  lames  et  les  tentacules  des  divers  cycles  portent  les  numéros 
correspondants  et  sont  figurés   avec  des  dimentions  proportionnelles. 

lames  et  des  tentacules  subit  une  augmentation  :  on  voit  alors  se  for- 
mer douze  lames  nouvelles.  Elles  ne  naissent  pas,  ainsi  qu'on  pour- 
rait s'y  attendre,  dans  chacune  des  loges  existant  déjà  ;  elles  se 
montrent  par  paires  dans  chacune  des  loges  portant  les  petits  tenta- 
cules ou  tentacules  du  second  cycle.  Chacune  des  loges  nouvelles 
développe  bientôt  un  tentacule  par  sa  partie  supérieure,  et  on  voit  se 
former  ainsi  un  troisième  cycle,  composé  de  douze  tentacules,  encore 


ORDKE  DES  ZOANT11AIRES, 


101 


plus  petits  que  ceux  du  second  cycle  (fig.  123,  A).  Les  tentacules  qui, 
au  début,  se  trouvaient  répartis  suivant  la  formule  1.2.1.2.1.2,  etc., 
indiquant  leur  alternance  parfaite  d'un  cycle  à  l'autre,  répondent 
maintenant  à  la  formule  1.3.2.3.1.3.2.3.1.3  (fig.  123,  B),  c'est-à-dire 
que  de  chaque  côté  des  tentacules  du  second  cycle  a  pris  naissance 
un  tentacule  de  troisième  ordre. 

La  larve,  jusqu'alors  errante,  se  fixe  au  moment  où  le  nombre  de 
ses  tentacules  passe  de  douze  à  vingt-quatre  :  elle  perd  sa  houppe  de 
cils  allongés  et  adhère  au  rocher  par  le  point  où  celle-ci  était  dévelop- 
pée, c'est-à-dire  par  son  extrémité  aborale. 

Le  nombre  des  mésentères  et  des  tentacules  pourra  s'accroître  en- 
core.  Comme  précédemment,  les  lames 
nouvelles  apparaîtront  par  paires  dans  c%     *\ 

les  loges  de  dernière  formation,  ainsi 
que  le  montre  la  figure  123.  Les  tenta- 
cules du  quatrième  cycle  seront  donc  au 
nombre  de  24,  disposés  d'après  la  for- 
mule 1.4.3.4.  i.  4. 3. 4. 1 . 4. 3.4.2.4.3.4.1 .4 
(fig.  123,  G),  etc. 

Cependant,  l'Actinie  est  arrivée  à  l'état 
adulte.  Comme  on  le  voit,  le  blastopore 
de  la  gastrula  est  devenu  la  bouche  et  le 
progaster  est  devenu  la  cavité  gastro- 
vasculaire,  dans  laquelle  se  rencontrent 
à  la  fois  les  aliments,  les  résidus  de  la 
digestion,  les  œufs,  les  spermatozoïdes, 
et  dans  laquelle  se  rend  encore  l'eau 
chargée  d'oxygène  et  destinée  à  la  respi- 
ration. Celte  eau,  grâce  aux  cils  vibratiles 
dont  est   muni  l'endoderme,  subit  une 

sorte  de  circulation  :  elle  pénètre  par  la  bouche,  remonte  dans  la  ca- 
vité des  tentacules  et  est  expulsée  par  un  pore  qui  s'est  creusé  à  l'ex- 
trémité de  ceux-ci.  La  cavité  gastro-vasculaire  est  libre  en  son  centre, 
mais  elle  est  subdivisée  à  la  périphérie  en  un  certain  nombre  de 
loges,  grâce  à  la  présence  de  lames  rayonnantes  qui  lui  donnent  l'as- 
pect d'une  capsule  de  pavot.  Ces  loges,  ainsi  que  les  tentacules  qui  les 
surmontent,  sont  en  nombre  variable,  suivant  que  l'animal  est  plus 
ou  moins  avancé  en  âge,  12,  24,  48,  mais  toujours  ce  nombre  est  un 
multiple  de  6.  C'est  pour  cette  raison  qu'on  a  donné  encore  aux  Zoan- 
thaires  le  nom  de  Hexactiniaires,  par  opposition  aux  Alcyonaires  ou 
Octoactiniaires,  chez  lesquels,  ainsi  que  nous  le  verrons,  le  nombre 
des  loges  et  des  tentacules  est  toujours  fixé  à  huit. 

La  paroi  du  corps  est  formée  des  trois  couches  que  nous  y  avons 


Fig.  124.  —  Larve  à'Âctinia 
equina,  vue  de  face,  d'après 
de  Lacaze-Duthiers.  24  ten- 
tacules viennent  de  se  for- 
mer. Les  lettres  indiquent 
l'ordre  de  succession  des 
tentacules  [e  et  /  doivent 
être  intervertis). 


192  CLASSE   DES   ANTI10Z0A1RES. 

reconnues  précédemment,  mais  chacune  de  celles-ci  s'est  divisée  en 
plusieurs  assises,  dont  la  structure  varie  suivant  le  point  du  corps 
qu'on  vient  à  examiner. 

L'ectoderme  comprend  d'abord  une  couche  épilhéliale  dans  laquelle 
-on  reconnaît  jusqu'à  quatre  sortes  d'éléments  anatomiques  :  1°  des 
■cellules  vibratiles  (fîg.  1 25,  a);  2°  des  cellules  sensorielles,  6,  munies 
d'un  seul  cil  à  leur  extrémité  libre  et  se  résolvant  à  leur  extrémité 
profonde  en  un  certain  nombre  de  fibrilles  délicates  qui  s'unissent  à  un 
réseau  nerveux  ;  3°  des  nématocystes,  très  abondants  sur  le  disque 
huccal  et  sur  les  tentacules;  4°  enfin  des  cellules  glandulaires,  c,  qui 
sécrètent  le  mucus  dont  se  recouvre  le  corps  de  l'Actinie,  quand  on 
vient  à  l'exciter.  Au-dessous  de  l'épithélium  se  trouve  une  couche 
nerveuse,  constituée  par  un  réseau  serré  de  fibres,  parmi  lesquelles 
se  voient  un  grand  nombre  de  cellules  ganglionnaires  multipolaires, 
en  connexion  manifeste  avec  les  cellules  sensorielles  de  l'épithélium  ; 
la  couche  nerveuse  s'observe  sur  les  tentacules,  sur  le  disque  buccal 
et  sur  l'œsophage,  mais  fait  totalement  défaut  dans  la  paroi  latérale 
*du  corps.  Enfin,  on  peut  encore  rattacher  à  l'ectoderme  une  couche 
musculaire,  dont  l'existence  ne  se  constate  que  sur  le  disque  buccal 
•et  sur  les  tentacules  :  elle  se  compose  delonguesfibres  lisses  (fîg.  126), 
disposées  sur  les  tentacules  suivant  la  longueur  et  sur  le  disque  buc- 
cal suivant  le  rayon.  Chaque  fibre  présente  latéralement,  vers  le  mi- 
lieu de  sa  longueur,  un  amas  plasmatique  granuleux,  renfermant  le 
noyau. 

Le  mésoderme  est  formé  de  fibres  délicates,  noyées  dans  une  sub- 
stance homogène  ;  entre  ces  fibres,  on  trouve  un  grand  nombre  de 
petites  cellules  conjonctives,  étoilées  ou  fusiformes,  terminées  par 
des  prolongements  ramifiés.  Très  réduite  surles  tentacules,  la  couche 
•conjonctive  mésodermique  augmente  d'épaisseur  sur  le  disque 
•buccal  et  se  développe  au  maximum  dans  la  paroi  latérale  et  sur  le 
disque  pédieux. 

L'endoderme  est  constitué  par  un  épithélium  musculaire  (fig.  127). 
Chaque  cellule,  munie  d'un  flagellum  unique  à  sa  face  libre,  s'im- 
plante par  sa  face  profonde  sur  une  fibre-cellule  à  direction  trans- 
versale. Les  cellules  musculo-épilhéliales  sont  habituellement 
infestées  de  ces  Algues  parasites  qui  constituent  les  «  cellules 
jaunes  »  des  Radiolaires  et  dont  nous  avons  parlé  à  propos  de 
<:eux-ci. 

A  la  face  externe  du  corps,  immédiatement  au-dessous  de  la 
couronne  externe  de  tentacules,  on  trouve  un  cercle  de  petites 
saillies  sphériques  qui,  chez  Actinia  equina,  attirent  aussitôt  le 
regard,  à  cause  de  leur  belle  teinte  bleue  :  ce  sont  les  bourses  mar- 
ginales ou   bourses  chromatophores.   A  leur  niveau,  l'ectoderme  se 


ORDRE   DES  ZOANTHMRES.  19  J 

montre  extraordinairemont  riche  en  némalocystes  :  les  bourses  mar- 


Fig.  125.  —   a  et  à  doivent  être  intervertis  .  —  a,  cellule  vibratile  de  soutien 
b,  cellule  sensorielle  ;  c,  c',  cellules  glandulaires. 


Fig.  126.  —  Fibres  musculaires  ectodermiques. 


ginales  sont  donc  de  vraies  batteries  de  cnidoblasles,  fonctionnant 
comme  organes  du  toucher,  mais  aussi  surtout  comme  organes  de 
défense. 

Chez  un  certain  nombre  d'Ac- 
tinies, la  paroi  latérale  du  corps 
est  percée  de  pores  délicats,  ap- 
pelés cinclides,  par  lesquels  l'eau 
s'échappe ,  quand  l'animal  se 
contracte.  Ces  pores  laissent  en- 
core sortir  des  organes  de  dé- 
fense, les  aconties,  dont  nous  au- 
rons à  parler  par  la  suite. 

Les  lames  mésentéroïdes  sont 
toujours  en  nombre  multiple  de 
six.  Elles  sont  inégalement  dé- 
veloppées :  d'ordinaire,  les  douze 
premières  sont  seules  com- 
plètes, c'est-à-dire  que  seules  elles  se  soudent  au  tube  œsopha- 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  13 


Fig. 


r:7.  —  Cellules  musculo-épithé^ 
liâtes  de  l'endoderme. 


194 


CLASSE   DES  ANTHOZOAIRES. 


gien;;les  autres  restent  incomplètes  et  s'avancent  d'autant  moins 
vers  le  centre  qu'elles  sont  de  formation  plus  récente. 


Fig.  128.  —  Coupe  transversale  d'une  lame  d'Edwardsia  tuberculata,  d'après 
O.  et  R.  Hemvig.  —  e,  entéroïde;  ec,  ecloderme;  en,  endoderme;  f,  cou- 
che musculaire;??*,  mésoderme;  ml,  muscles  longitudinaux;  o,  ovules. 

Quelque  développement  qu'ils  présentent,  les  mésentères  sont  tou- 
jours formés  par  une  lamelle  de  soutien,  de  nature  fibro-conjonc- 
tive  et  d'origine  mésodermique,  recouverte  à  ses  deux  faces  par  la 


Fig.   120.  —  a,  cellules  glandulaires  de  l'épithélium  des  lames  ;  b,  cellules 
ncuro-épithélialcs  de  même  provenance. 


couche  musculo-épilhéliale  de  l'endoderme.  Sur  le  bord  libre    de  la 
lame,  l'épilliélium  prend  une  structure  spéciale  et  forme  l'entéroïde. 


OHDHE   DES  ZOANTHA1RES. 


19o 


sur  lequel  nous  aurons  à  revenir.  On  voit  encore,  dans  l'épaisseur  de 
la  lame,  deux  couches  musculaires  séparées  l'une  de  l'autre  par  la 
lamelle  de  soutien,  une  couche  transversale  ordinairement  peu  im- 
portante et  une  couche  longitudinale,  beaucoup  plus  considérable,  et 
que  la  figure  128  nous  dispensera  de  décrire. 

L'épithélium  des  lames  est  semblable  à  celui  qui  revêt  intérieure- 
ment la  paroi  du  corps;  mais,  en  outre  des 
cellules  musculo-épithéliales,  on  y  trouve  des 
cellules  glandulaires  (fig.  129,  a),  des  némato- 
cysteset  des  cellules  neuro-épithéliales  (fig.  129, 
6)  ;  ces  dernières  sont  comparables  aux  cellules 
sensorielles  de  l'ectoderme  et,  comme  elles,  se 
continuent  avec  les  fibrilles  d'un  réseau  ner- 
veux sous-jacent  à  Tépithélium. 

Les  organes  génitaux  se  développent  dans  l'é- 
paisseur de  la  lamelle  de  soutien,  mais  se  for- 
ment aux  dépens  de  l'endoderme.  Ils  sont  situés 
en  dedans  du  muscle  longitudinal  et  à  moitié 
chemin  de  celui-ci  et  du  bord  libre  du  mésen- 
tère. A  leur  niveau,  la  lame  s'amincit,  en 
sorte  qu'ils  produisent  à  sa  surface  un  épaissis- 
sement  ligamenteux  qui  se  termine  de  part  et 
d'autre  par-  une  extrémité  arrondie.  Ce  cordon 
sexuel,  beaucoup  plus  long  que  large,  se  replie 
transversalement  sur  lui-môme.  Partout  où  les 
glandes  génitales  se  développent,  la  couche 
musculaire  fait  défaut. 

On  a  considéré  pendant  longtemps  les  Acti- 
nies comme  des  animaux  hermaphrodites,  chez 
lesquels  le  testicule  et  l'ovaire  se  dévelop- 
paient soit  en  même  temps,  soit  l'un  après  l'au- 
tre. On  doit  croire  en  effet  qu'il  en  est  ainsi 
chez  bon   nombre  d'espèces,   mais  les   frères 


Hertwig,  auxquels  nous  devons  l'étude  la  plus 


Fig.  130.— Coupe  trans- 
versale d'une  lame 
génitale  mâle.  —  t, 
follicule  testiculaire. 


complète  sur  le  développement  et  la  structure 
des  glandes  génitales,  ont  fait  voir  que  le  nom- 
bre des  espèces    dioïques    était   assez    consi- 
dérable. Leurs  observations    ont  porté  surtout  sur  Sagartia  para- 
sitica. 

Chez  le  mâle,  chaque  bande  sexuelle  est  formée  d'un  grand  nombre 
de  follicules  tesliculaires  (fig.  130),  disposés  en  séries  transversales. 
Ils  sont  renfermés  dans  la  lamelle  de  soutien  qui,  par  suile  de  leur 
développement,  s'atrophie  au  point  de  ne  plus  être  représentée  que 


196 


CLASSE  DES  ANTH0Z0A1RES. 


par  de  minces  feuillets  qui  séparent  les  follicules  les  uns  des  autres 
et  de  l'épithélium.  Les  plus  petits  follicules  sont  remplis  simplement 
de  cellules  assez  grosses,  à  noyau  très  volumineux  :  ce  sont  les  cel- 
lules-mères des  spermatozoïdes.  Les  follicules  de  plus  grande  taille 
renferment  en  outre  des  spermatozoïdes  mûrs.  Ceux-ci  se  rassem- 
blent en  une  sorte  de  papille  qui  fait  saillie  soit  d'un  côté,  soit  de 
l'autre,  soulève  l'épilhélium,  crève  la  membrane  du  follicule,  puis 
l'épithélium  lui-môme  et  est  expulsée  au  dehors. 

Les  organes  femelles  sont  construits  sur  le  même  t\pe  que  les 
organes  mâles.  A  la  place  des  follicules  tesliculaires,  on  trouve  des 
œufs  à  vésicule  germinative  excentrique  (fig. 
131).  L'œuf  apparaît  au  début  comme  une  cel- 
lule épithéliale  qui,  plus  globuleuse  et  plus 
claire  que  ses  voisines,  va  s'enfoncer  bientôt 
dans  le  mésoderme.  Il  est  vraisemblable  que 
les  follicules  testiculaires  sont  également  d'ori- 
gine endodermique,  mais  on  ne  peut  faire  en- 
core, dans  l'état  actuel,  que  des  conjectures  à 
ce  propos. 

Les  cntéroïdes,  qu'on  appelle  encore  fila- 
ments mésentériques  ou  corps  pelotonnés,  sont 
des  organes  filamenteux  particuliers,  situés  sur 
le  bord  libre  des  plus  grandes  lames  mésenté- 
riques, comme  l'intestin  grêle  est  appendu  au 
bord  libre  du  mésentère.  Ils  naissent  à  une 
certaine  distance  du  disque  pédieux  et  s'éten- 
dent jusqu'au  bord  inférieur  de  l'œsophage,  au 
moins  sur  les  lames  qui  se  soudent  à  ce  der- 
nier. Sur  les  lames  qui  s'avancent  moins  loin 
vers  le  centre,  les  entéroïdes  ne  remontent  pas 
jusqu'au  disque  buccal  et  ne  descendent  pas 
jusqu'au  disque  pédieux,  en  sorte  que,  dans  ses 
parties  supérieure  et  inférieure,  le  bord  libre  de  la  lame  en  reste  dé- 
pourvu. A  ses  deux  extrémités,  l'entéro'ide  est  assez  rectiligne;  à  sa 
partie  moyenne,  il  est  au  contraire  tellement  pelotonné  sur  lui-même 
que,  étire,  il  aurait  plusieurs  fois  la  longueur  de  l'animal.  Il  forme 
un  peloton  inextricable,  qui  pend  au-dessous  de  l'œsophage  et  qui, 
sur  le  vivant,  présente  d'incessantes  contractions  vermiformes. 

L'enléroïde  n'a  pas  partout  la  même  structure.  Sur  une  coupe 
transversale,  sa  région  supérieure  affecte  la  forme  d'une  feuille  de 
trèfle,  l'épithélium  se  trouvant  soulevé  par  trois  prolongements  du 
mésoderme  (fig.  128,  e).  Les  deux  folioles  latérales  constituent  les 
bandes  vibratiles  ;  leur   <'pithélium  est   de  très  petites   dimensions 


—  Coupe 
transversale  d'une 
lame  génitale  fe- 
melle. —  o,   ovule. 


OKDRE  DES  ZOANTHAIRES.  107 

et  est  exclusivement  composé  de  cellules  filiformes,  munies  d'un 
cil  unique  et  qu'on  prendrait  aisément  pour  des  cellules  senso- 
rielles, si  à  leur  base  se  rencontrait  un  réseau  nerveux.  La 
foliole  médiane  constitue  la  baïuîe  à  nématocystes  :  son  épithélium 
renferme  quatre  sortes  d'éléments  qui  sont,  par  ordre  de  fré- 
quence :  des  cellules  glandulaires,  des  nématocystes,  des  cellules 
épithéliales  proprement  dites  et  des  cellules  sensorielles;  ces 
dernières  se  prolongent  par  leur  base  en  un  filament  très  délicat 
qui  se  met  en  rapport  avec  un  filet  nerveux  :  les  fibres  et  les  cellules 
nerveuses  forment,  au-dessous  de  l'épithélium,  une  masse  finement 
granuleuse  qui  repose  immédiatement  sur  le  mésoderme. 

A  mesure  qu'on  se  rapproche  de  la  base  de  la  lame,  on  voit  la 
structure  de  l'entéroïde  se  modifier.  Sur  les  lames  complètes, 
soudées  à  l'œsophage,  les  bandes  vibratiles  vont  en  s'atténuant  et 
finissent  par  disparaître,  la  bande  à  nématocystes  persistant  seule, 
sans  subir  de  modifications  bien  notables.  Au  contraire,  sur  les 
lames  incomplètes,  le  ruban  médian  va  en  s'atrophiant  et  l'entéroïde 
n'est  bientôt  plusconstitué  que  parles  deux  bandes  vibratiles  (fig.  130). 

Les  entéroïdes  remplissent  différentes  fonctions  :  leurs  némato- 
cystes tuent  les  proies  encore  vivantes  ;  les  bandes  latérales,  par  leurs 
cils  vibratiles,  mettent  en  mouvement  le  contenu  de  la  cavité  gas- 
tro-vasculaire  ;  leurs  cellules  glandulaires  ne  sont  sans  doute  que 
de  simples  cellules  muqueuses  et  ne  produisent  point  de  sucs  diges- 
tifs,  d'autant  plus  que  des  cellules  semblables  se  retrouvent  dans 
l'ectoderme.  Les  entéroïdes  sont  encore  chargés  d'assimiler  les  ali- 
ments, mais  la  digestion  est  intra-cellulaire  :  les  cellules  épithéliales 
de  l'endoderme  jouissent  delà  propriété  d'émettre  des  pseudopodes, 
au  moyen  desquels  elles  saisissent  les  corpuscules  alimentaires  et  les 
font  pénétrer  dans  leur  intérieur,  pour  les  y  soumettre  à  l'élabora- 
tion digestive.  Cette  digestion  intra-cellulaire  est,  on  peut  le  dire, 
caractéristique  des  Cœlentérés;  elle  a  été  observée  dans  tous  les 
groupes  de  cet  embranchement  et  elle  rend  compte  de  l'absence 
d'organes  digestifs  particuliers. 

On  voit  souvent  sortir  par  la  bouche  ou  par  les  cinclides  des  fila- 
ments urticantsqui,  une  fois  sortis,  rentrent  lentement  dans  le  corps: 
ce  sont  les  aconties,  que  la  plupart  des  observateurs  ont  confondus 
avec  les  entéroïdes.  Ils  se  distinguent  pourtant  de  ceux-ci  par  leur 
teinte  d'un  blanc  brillant  ou  violacé,  autant  que  par  leur  situation. 
Ils  s'attachent  à  la  base  des  lames,  non  sur  l'arête  même,  mais  un 
peu  de  côté,  et  sont  séparés  de  l'extrémité  de  l'entéroïde  par  un 
certain  espace.  Ils  se  présentent  sous  l'aspect  de  longs  filaments, 
pelotonnés  sur  eux-mêmes  et  animés  d'un  mouvement  vermicu- 
laire.  Ils  n'existent  point  chez  toutes  les  Actinies. 


198 


CLASSE  DES  ANTHOZOAIRES. 


La  structure  de  l'aconlie  est -des  plus  simples  :  un  cordon  de  tissu 
conjonctif,  entouré  de  toutes  paris  d'une  couche  épithéliale.  La  sec- 
tion transversale  est  convexe-concave  :  sur  la  face  concave,  l'épithé- 
lium  est  formé  uniquement  de  cellules  endodermiques  granuleuses, 
entre  lesquelles  se  voient  quelques  cellules  glandulaires  ;  sur  la  face 
convexe,  on  rencontre  surtout  des  nématocystes,  parmi  lesquels  se 
reconnaissent  un  petit  nombre  de  cellules  épithéliales,  de  cellules 
glandulaires  et  de  cellules  sensorielles  ;  ces  dernières  sont  en  rapport 
avec  un  réseau  nerveux  sous-épithélial.  En  raison  de  leur  structure, 
les  aconties  doivent  être  considérés  comme  des  batteries  filiformes 

de  nématocystes  :  ce  sont 
de  véritables  armes  offen- 
sives et  défensives. 

A  côté  des  Actinies, 
dont  nous  venons  de  faire 
longuement  l'histoire  , 
prend  place  le  genre  Mi- 
nyas,  qui  habite  les  mers 
du  sud  ;  il  est  remarqua- 
ble en  ce  que  les  êtres 
qui  le  composent  ont  leur 
disque  pédieux  trans- 
formé en  une  sorte  d'ap- 
pareil hydrostatique  , 
grâce  auquel  ils  peuvent 
nager  librement. 

Les  Cérianthes  consti- 
tuent un  groupe  voisin  : 
ils  se  rencontrent  dans 
la  Méditerranée.  Ce  sont 
des  animaux  à  corps  al- 
longé, dont  l'extrémité 
inférieure  amincie  s'en- 
fonce dans  le  sable  et  est 
percée  d'un  pore  (fig. 
132)  ;  celui-ci  ne  joue 
point  le  rôle  d'un  anus, 
mais   sert  à  l'expulsion 

des  produits  de  la  génération  et  à  la  sortie  de  l'eau  qui  a  pénétré  par 

la  bouche. 

Tous  ces  animaux  restent  solitaires;  ils  se  reproduisent  toujours 

par  voie  sexuelle,  à  part  les  Zoanthus,  et  sont  incapables  de  se  multi- 


Ccrianthus  evectm. 


ORDRE   DES  ZOANTHWRES. 

plier  par  bourgeonnement.  De  plus,  la  paroi  de  leur  corps  reste 
mole  et  ne  s'incruste  point  de  particules  calcaires  ou  cornées.  En 
tenant  compte  de  ce  dernier  fait,  on  les  réunit  dans  le  sous-ordre 
des  Zoemtkairts    . 

A  part  l'urtication  peu  redoutable  que  causent  leurs  néma- 
Hican  des  animaux  de  ce  groupe  n'intéresse  directe- 
ment la  médecine.  Il  paraîtrait  qu'Actinia  edulis  Risso,  espèce 
très  molle  et  de  couleur  verte  variée  de  brun,  jouerait  un  cer- 
tain rôle  dans  l'alimentation,  aux  environs  de  Nice.  Gervais  et 
van  Beneden  disent  qu'A,  coriacea  se  vend  sur  le  marché  de 
Rochefort,  pendant  les  mois  de  janvier,  février  et  mars. 

H.  de  Lacaze-Duthier?.  Développement  des  Coralliains.  —  /.  Actiniaires 
sans  polypier.  Archives  de  zool.  expérim.  I.  p.  289-396,  18 

O.  Hertwlg  und  R.  Hertwig.  Die  Actinien  anaiomisch  und  hislologiseh  mit 
besonderer  BerRcksichtigun  sumuskelsystems  untersucht.  Jenaische 

ichrift,  Xin,  p.  456-64  880. 

F.:.  Jourdan,  Recherches  zoologiques  et  histoiogicfues  sur  l  s  Zoanthaires  du 
golfe  de  Marseille.  Ann.  se.  nat.  Zoo 

E.  Metschnikoff,  Ueber  die  intracelhdâre  Yerdauung  bei  Cœ  lente  raten. 
Zoologischer  Anzeiger,  III.  >30. 

H.  de  Lacaze-Duthiers.  Étude  d'une  Actinie  prise  comme  type.  Son  em~ 
fénie  et  son  organisation.  Revue  scientifique,  (3).  Y.  p.  513,  18S3. 

Les  Antipathaires  ou  Zoanthaires  sclérobasiques  constituent  un  second 
sous^ordre.  Ces  animaux  ne  sont  pourvus  que  de  six  tentacules  très 
courts,  non  rélractiles;  primitivement,  ils  possèdent  aussi  six  mésen- 
tères, mais  quatre  s'atrophient  bientôt  et  les  deux  qui  persistent  cor- 
respondent aux  commissures  de  la  bouche  et  portent  des  entéroï- 
des.  Les  Antipathaires  forment  des  colonies,  disposées  autour  d'un 
jrné;  leur  éeoree  est  molle,  dépourvue  de  dépôts  calcaires, 
renferme  parfois  des  spicules  siliceux,  analogues  à  ceux  des 
Éponges.  Ce  sont  des  animaux  hermaphrodites,  à  l'exceplionde  Gerai*- 
dia,  dont  les  colonies  sont  les  unes  monoïques,  les  autres  dioïques  ; 
ce  dernier  se  distingue  encore  par  la  possession  de  vingt-quatre  ten- 
tacules, répartis  en  deux  cycles. 

L'Anlipathe  (fig.  133  ,  que  les  pêcheurs  connaissent  sous  le 
nom  de  Corail  noir,  ne  doit  pas  être  confondu  avec  la  variété 
noire  de  C oral  Hum  rubrum.  11  a  longtemps  joui  d'une  singulière 
réputation  :  on  le  croyait  un  remède  souverain  contre  toutes 
les  douleurs,  et  c'est  cette  propriété,  purement  imaginaire,  qui 
lui  a  valu  son  nom  [àrà,  contre:  koôoç,  douleurï.  C'est  le  C 


200 


CLASSE   DES  ANTHOZOAIRES. 


lium  nigrum,  C.  adulterinum  ou  Antipathes  delà  vieille  phar- 
macopée. Son  polypier  renferme  de  la  silice,  mélangée  à  une 
petite  quantité  de  magnésie,  de  phosphate  de  chaux  et  une 
proportion  encore  plus  faible  de  carbonate  de  chaux. 


Fig.  133.  —  Antipathes  arborai. 


Les  Madréporaires  ou  Zoanthaires  sclérodermés,  qui  forment  le  troi- 
sième et  dernier  sous-ordre,  représentent  aussi  le  groupe  le  plus  im- 
portant. Ces  animaux  se  reproduisent  par  voie  sexuée,  mais  un  indi- 
vidu primitif  devient,  par  bourgeonnement  et  scissiparité,  le  point  de 
départ  d'une  colonie  (fig.  134),  qui  prend  avec  le  temps  une  extension 
de  plus  en  plus  considérable. 

Dans  une   colonie    de   Madréporaires,  chacun   des  individus  a  la 


ORDRE    DES   ZOANT11AIRES. 


201 


Fig.  13i.  —  Dendroph'jllia 


structure  d'une  Actinie,  mais  se  construit  un  squelette  ou  scléren- 
chyme  calcaire,  qui  a  joué  et  joue  encore  un  rôle  considérable  clans 
l'histoire  delà  terre.  Ce  sque- 
lette prend  le  nom  de  poly- 
pier; chacun  des  individus  de 
la  colonie  est  un  Polype  ou  un 
Polypiérite. 

Les  premières  phases  de  la 
reproduction  sexuée  ont  été 
suiviesparde  Lacaze-Duthiers 
chez  Astroïdes  calycularis.  Elles 
sont  à  peuprès  les  mômes  que 
pour  les  Actinies.  La  larve  se 
fixe  après  l'apparition  de  douze 
mésentères  et  de  douze  tenta- 
cules :  c'est  alors  qu'elle  com- 
mence à  se  fabriquer  un  sque- 
lette. Des  petits  corpuscules 

solides,  appelés  sclérites  et  formés  de  carbonate  de  chaux,  se  déposent 
dans  l'épaisseur  de  la  couche  mésodermique,  non  de  la  lame  mésen- 
téroïde,  ainsi  qu'on  pourrait  le  croire, 
mais  d'un  repli  radiaire  de  la  paroi  du 
corps,  repli  dont  la  valeur  est  facile  à 
déterminer,  si  on  remarque  qu'il  est 
immédiatement  surmonté  par  le  ten- 
tacule. Les  sclérites  se  déposent,  dans 
chaque  repli,  en  trois  centres  de  cal- 
cification, dont  chacun  finit  par  con- 
stituer une  plaque.  Les  trois  plaques 
s'unissent  par  la  suite  et  produisent 
ainsi  une  plaque  unique,  bifurquéeen 
Y  (fig.  135).  Cette  plaque  a  reçu  le  nom 
de  cloison  ou  septum. 

Quand  les  cloisons  se  sont  déve- 
loppées, des  sclérites  se  déposent  dans 
le  mésoderme  du  disque  pédieux,  puis 
envahissent  la  paroi  latérale,  de  façon 
à  constituer  autour  du  corps  une  sorte 
de  coupe  ou  calice,  dont  les  bords  s'é- 
lèvent de  plus  en  plus  avec  les  progrès 


Fig.  13 


—  Larve  à' Astroïdes  ca- 
lycularis peu  après  sa  fixation, 
d'après  de  Lacaze-Duthiers.  La 
figure  montre  le  développo- 
ment  des  cloisons  en  Y,  dans 
les  intervalles  des  mésentères. 
La  position  de  ces  derniers  est 
indiquée  par  les  lignes  ombrées. 
La  muraille  s'est  développée 
en  dehors. 

de  l'Age  :  de  cette  manière  se  forme 

une  sorte  de  loge,  à  l'intérieur  de  laquelle  peut  rentrer,  en  se  con- 
tractant, la  partie  supérieure  du  corps,  restée  molle  et  dépourvue  de 


202 


CLASSE  DES  ANTH0Z0AIRES. 


sclérites.  L'enveloppe  calcaire,  qui  s'est  ainsi  constituée  autour  du 
corps,  est  la  muraille  ou  theca.  D'abord  complètement  distincte  des 
cloisons,  elle  se  soude  bientôt  à  celles-ci,  et  l'espace  compris  entre  les 
deux  branches  de  l'Y  ne  tarde  pas  à  être  comblé  par  un  dépôt  cal- 
caire. 

L'espace  circonscrit  par  le  cercle  de  la  muraille  est  la  cellule;  elle 
renferme  les  organes  internes.  Les  cloisons  alternent  régulièrement 
avec  les  lames  mésentéroïdes.  Nous  nous  rappelons  que  l'espace  com- 
pris entre  deux  mésentères  successifs  s'appelle  une  loge  (1)  :  le  milieu 
de  la  loge  est  donc  occupé  par  la  cloison.  De  môme,  l'espace  compris 
entre  deux  cloisons  successives  s'appelle  une  chambre  :  le  milieu  de 
la  chambre  est  occupé  par  le  mésentère. 

Quand  la  muraille  est  formée,  les  douze  cloisons,  jusqu'alors  sem- 
blables, subissent  une  modification  qui  a  pour  résultat  de  les  diviser 
en  deux  cycles,  par  suite  de  l'accroissement  prédominant  de  six  d'en- 
tre elles.  Il  peut  encore,  par  la  suite,  se  développer  d'autres  cycles, 
dont  le  mode  de  formation  n'est  pas  encore  connu. 


Fig.  130.  —  Coupe  verticale  d'un  Fig.  1,37.  —  Caryophyllia  cyathus,  d'après 
polypier.  —  a,  muraille  ;  b,  H.  Milne-Edwards.  Calice  vu  d'en  haut, 
cloison  ;  c,  columelle  ;  d,  pa-  montrant  au  centre  la  columelle,  plus 
lis.  en   dehors  les  palis   et   extérieurement 

les  cloisons. 


Les  cloisons  ne  conservent  pas  partout  la  môme  largeur  :  à  leur 
base,  elles  s'avancent  davantage  vers  le  centre  de  la  cellule  et  peuvent 
môme  s'y  rencontrer   :   elles   peuvent  alors   se  fusionner  sur  une 


(1)  On  donne  parfois  ce  nom  h  l'espace  qu'ici  nous  appelons  cellule.  Cotte 
dernière  dénomination  doit  seule  être  conservée,  encore  qu'elle  prôte  à  con- 
fusion. 


ORDRE   DES  ZOANTI1A1RES. 
étendue   plus    ou   moins   grande.    11    est  alors   assez 


203 


fréquent  de 

voir  s'élever  de  leur  point  de  rencontre  une  tige  verticale  qui  est 
la  columclle  (fîg.  136,  c)  ;  souvent  môme,  des  tiges  plus  petites  ou  pa«. 
lis,  d,  s'élèvent  latéralement  à  celle-ci  et  forment  un  cercle  autour 
d'elle. 

Les  cloisons  peuvent  présenter  à  leur  surface  des  prolongements 
coniques,  papillaires,  qui  atteignent  par  leur  extrémité  une  cloison 
voisine  ou  la  pointe  d'un  prolongement  opposé.  Ces  appendices  sont 
les  synapticules  (fîg.  i  38,  g).  Ils  se 
développent  parfois  au  point  de 
constituer  entre  les  cloisons  des 
minces  feuillets  transversaux,  qui 
donnent  au  tissu  du  polypiérite 
une  structure  spongieuse  et  qui 
sont  les  dissépimoits  ou  traverses 
èndothécales,  h.  Enfin,  si  les  traver- 
ses se  développent  encore  plus,  se 
soudent  entre  elles  d'une  cham- 
bre à  l'autre  et  envahissent  le 
centre  de  la  cellule,  elles  consti- 
tuent les  planchers,  véritables  cloi- 
sons transversales  qui  peuvent 
être  disposées  sur  plusieurs  étages. 

Toutes  les  parties  que  nous  ve- 
nons d'énumérer  sont  situées  en 
dedans  de  la  thèque  :  elles  forment 
donc  V appareil  endothécal.  Il  peut 
se  développer  de  môme  un  appa- 
reil exothécal.  Chaque  septum  peut 
se  prolonger  plus  ou  moins  en 
dehors,  sous  forme  de  côte,  c  : 
celle-ci  constitue  à  la  surface  de  la 

muraille  une  saillie  verticale  qui  proémine  d'autant  plus  qu'elle  cor- 
respond à  une  cloison  elle-même  plus  développée.  Les  côtes  peuvent 
également  porter  des  synapticules,  des  dissépiments  et  des  planchers. 
Le  tout  est  quelquefois  limité  extérieurement  par  un  épithèque  ou 
périthéque,  sorte  de  mur  très  mince. 

Les  Madréporaires,  qui  ont  été  représentés  par  un  nombre  consi- 
dérable de  formes  aux  âges  géologiques  antérieurs,  sont  encore  très 
abondants  dans  nos  mers.  Ils  se  laissent  aisément  diviser  en  deux 
groupes,  suivant  que  leur  muraille  est  percée  de  pores  ou  en  est,  au 
contraire,  dépourvue. 

Les  Perforés  n'ont  pas  de  côtes;  leurs  cloisons  restent  rudimentai- 


Fig.  138, 
mode  d 
parties 


—  Schéma  représentant  le 
développement  des  diverses 
}ui  peuvent  entrer  dans  la 
constitution  du  polypier.  —  a,  théca 
ou  muraille  ;  b,  cloison  ou  septum  ; 
c,  côte  ;  d,  columclle  ;  e,  palis  ;  /, 
chambre;  9,  synapticules;  h,  tra- 
verses endothécales  ;  i,  épithèque  ; 
k,  traverses  épithécales;  6,  cloison 
du  premier  cycle  ;  /,  cloison  du  se- 
cond cycle;  m,  cloison  du  troisième 
cvcle. 


204 


CLASSE  DES  ANTHOZOAIRES. 


res  et  leurs  planchers  ne  sont  jamais  complètement  développés  ; 
enfin,  le  sclérenchyme  est  partout  percé  de  pores.  A  ce  groupe  appar- 
tiennent les  Porites  et  les  Madrépores  (fig.  139),  ainsi  que  les  Den* 
drophyllies  (fig.  134)  et  les  Astroïdes. 
Les  Imperforés  sont  plus  nombreux  que  les  précédents.  Chez  eux, 

les  cloisons  atteignent  un  grand 
développement,  ainsi  que  l'appa- 
reil endothécal.  De  ce  groupe 
sont  les  Fongies,  les  Astrées  (fig. 
140),  les  Caryophyllies,  les  Ocu- 
lines,  etc. 

On  employait  autrefois,  au 
même  titre  que  le  Corail  rouge, 
et  on  désignait  alors  sous  le  nom 
de  Corail  blanc,  un  certain  nom- 
bre de  Madréporaires.  Le  plus 
estimé,  connu  sous  le  nom  de 
Corallîum  album  oculalum,  n'était 
autre  qiïOculina  mrginea  Lmk., 
qui  se  trouve  dans  l'Océan  indien. 
Besler  l'a  décrit  sous  Je  nom  de 
Corallîum  album  indicum,  et 
Rumph  sous  celui  d' Accarbariitm 
album  verrucosum. 

Les  Madréporaires,  représentés 
dans  nos  mers  par  quelques  es- 
pèces qui  n'atteignent  qu'un  fai- 
ble développement,  abondent  au 
contraire  dans  les  mers  chaudes. 
Leurs  colonies,  d'une  immense 
étendue,  jouent  un  rôle  impor- 
tant dans  la  nature,  car  ce  sont 
elles  qui  forment  ce  qu'on  ap- 
pelle à  tort  les  récifs  de  Corail.  Les 
espèces  qui  prennent  part  à  la  formation  de  ces  récifs  sont  toutes 
confinées  dans  une  zone  relativement  étroite  de  la  surface  du  globe  : 
on  ne  les  trouve,  en  effet,  qu'entre  les  lignes  isothermes  de  GO  degrés, 
c'est-à-dire  qu'elles  ne  dépassent  guère  de  chaque  côté  de  l'équateur 
le  30e  degré  de  latitude.  Mais,  dans  cette  zone,  la  distribution  de  ces 
êtres  semble  singulièrement  capricieuse;  en  effet,  on  n'en  rencon- 
tre point  sur  la  côte  occidentale  de  l'Afrique,  non  plus  que  sur  la 
côte  orientale  de  l'Amérique  du  Nord,  et  il  n'y  en  a  que  très  peu 
sur  la  côte  orientale  de  l'Amérique  du  Sud.   Dans  l'océan  Indien, 


Fig.  139.  —  Madrepora  verrucosa. 


ORDRE   DES   ALCYONAIRES. 
dans  l'océan  Pacifique  et  dans  la  mer  des  Antilles,  ces  Coraux  sont 


Fig.  140.  —  Astraea  paltida. 


au  contraire  extrêmement  abondants  et  s'étendent  sur  des  milliers 
de  kilomètres  carrés. 


ORDRE  DES  ALCYONAIRES 

Les  Alcyonaires  sont  toujours  pourvus  de  huit  replis  mésentéroïdes 
non  calcifiés  et  de  huit  tentacules  :  ce  sont  des  Octoactiniaires.  Les 
tentacules  ne  sont  pas  perforés  à  leur  sommet,  comme  ceux  des 
Hexactiniaires,  et  sont  remarquables  en  outre  par  leur  largeur  et 
par  les  denticulations  en  scie  que  présente  chacun  de  leurs  bords  : 
c'est  pour  cette  raison  que  de  Blainville  avait  donné  à  ces  animaux 
le  nom  de  Cténoccres. 

La  reproduction  se  fait  par  voie  sexuelle  :  parfois  le  jeune  individu 
provenant  de  l'œuf,  ou  oozoïte,  demeure  solitaire  (Haimca,  Hartea)^ 
mais  c'est  là  un  fait  rare.  Habituellement,  l'oozoïte  produit  par  bour- 
geonnement latéral  d'autres  individus,  appelés  blastozoïtes,  et  de  la 
sorte  se  forment  des  colonies  dont  la  forme  est  assez  variable.  Sui- 
vant l'abondance  et  la  nature  des  dépôts  calcaires  qui  s'accumulent 
dans  les  téguments,  le  polypier  présente  une  consistance  variable; 
celui-ci  n'a  pas  la  structure  filamenteuse  cristalline  du  polypier  des 
Madréporaires,  mais  est  formé  de  sclérites  de  forme  déterminée, 
colorés  d'ordinaire  en  rouge  ou  en  jaune. 

Il  est  de  règle  que  les  Polypes  soient  unisexués  ;  parfois  môme 
les  deux  sexes  sont  portés  par  deux  colonies  différentes,  et  on  se 
trouve  alors  en  face  d'un  véritable  cas  de  diœcie.  Le  Corail  présente 


206  CLASSE  DES  ANTHOZOA1RES. 

même  un  exemple  de  polygamie,  au  sens  que  Linné  attachait  à  ce 
mot  dans  sa  classification  du  règne  végétal  :  on  observe  en  effet,  sur 
un  même  polypier,  des  individus  mâles,  des  individus  femelles  et, 
plus  rarement,  des  individus  hermaphrodites. 

Nous  citerons  d'abord  les  Alcyons  (fig.  141),  dont  le  polypier 
charnu  est  dépourvu  d'axe  et  repré- 
senté simplement  par  une  substance 
molle,  incrustée  de  spicules  ;  ceux-ci 
n'ont  jamais  la  même  forme  d'une  es- 
pèce à  l'autre.  Les  Alcyons  étalent  sur 
les  rochers  sous-marins  leurs  croûtes 
charnues  ;  ils  se  fixent  souvent  sur 
la  coquille  des  grands  Mollusques  et 
il  n'est  point  rare,  en  particulier,  de 


Fig.  141.  —  Alcyonium  auranliacum. 


Fig.  142.  — •  Pennatuta  argentea, 
avec  polype  isolé. 


les  voir,  sur  les  côtes  de  Bretagne,  fixés  à  l'une  des  valves  de  la  coquille 
de  Pecten  jacobaeus  ou  de  P.  maximus.  Au  lieu  de  se  ramifier  à  la 
façon  d'un  arbre,  comme  le  fait  le  Corail,  ils  s'épanouissent  sous 
forme  de  digitations  :  de  là  le  nom  de  «  doigts  d'hommes  morts  » 
que  leur  donnent  les  Anglais. 

Les  animaux  les  plus  élégants  de  ce  groupe  sont  assurément  les 
Pennatules,  qui  habitent  la  Méditerranée  et  qui  ont  la  taille  et  l'as- 
pect d'une  belle  plume  d'Autruche  (fig.  142).  La  base  de  la  colonie,  au 
lieu  d'adhérer  fortement  aux  rochers,  comme  dans  les  espèces  précé- 
dentes, est  formée  d'une  simple  tige  cornée,  qui  s'enfonce  plus  ou 
moins  dans  le  sable  et  qui  porte  à  son  extrémité  supérieure  des  bran- 
ches latérales  sur  lesquelles  se  trouvent  les  Polypes.  Ces  animaux  se 
font  souvent  remarquer  par  une  vive  phosphorescence,  produite  par 


ORDRE  DES  ALCYONAIRES. 


20' 


des  cellules  à  contenu  graisseux  et  brillant,    disposées  en  cordons 
autour  de  la  bouche.   Les  Pennatules  sont  encore  remarquables  par 
leur  dimorphisme  :  à  côté  d'individus  sexués,  s'en  trouvent  d'autres 
complètement  neutres. 
Les  Tubipores  ou  Orgues  de  mer  (fig.  143)  ont  leur  polypier  formé 


Fig.  143.  —  Tubipora  musica. 


de  tubes  calcaires  parallèles  entre  eux,  espacés  les  uns  des  autres, 
mais  unis  pourtant  de  distance  en  distance  par  des  lamelles  horizon- 
tales. Ce  polypier  est  ordinairement  coloré  en  rouge  :  il  a  la  signifi- 
cation d'une  simple  thèque,  c'est-à-dire  que  les  tubes  se  sont  formés 
aux  dépens  du  mésoderme  de  la  paroi  latérale  du  Polype. 

Le  groupe  le  plus  important  d'Alcyonaires  est  celui  des  Gorgonides, 
dans  lequel,  à  côté  des  Gorgones  et  des  Briarium,  on  trouve  le  Corail 
rouge. 

Corallium  rubrum  Lamouroux,  1816. 

Le  plus  célèbre  des  Octoactiniaires  est  le  Corail  rouge.  Il  fut 
considéré  pendant  longtemps  comme  une  pierre;  mais  la  fa- 
culté de  grandir  que  lui  avaient  reconnue  les  pêcheurs,  lui  fai- 
sait attribuer  quelque  chose  de  la  nature  végétale.  Ferrante 
Imperato,  en  1699,  et  Tournefort,  en  1700,  affirmaient  que  le 


208  CLASSE   DES  ANTHOZOAIRES. 

Corail  était  une  plante  pierreuse,  mais  ni  l'un  ni  l'autre  ne  pou- 
vait asseoir  son  opinion  sur  des  bases  inébranlables.  La  dé- 
monstration sembla  définitive  quand,  en  1706,  le  comte  L.  de 
Marsilli  annonça  qu'il  avait  vu  les  fleurs  du  Corail.  Cependant, 
en  1725,  Peyssonel,  jeune  médecin  marseillais  envoyé  par  le 
roi  sur  les  côtes  de  Barbarie,  à  l'effet  d'en  faire  connaître  les 
produits  naturels,  put  observer  le  Corail  à  loisir  et  se  convain- 
cre ainsi  de  sa  nature  animale.  «  Je  vis  fleurir  le  Corail,  dit-il, 
dans  des  vases  pleins  d'eau  de  mer,  et  j'observai  que  ce  que 
nous  croyions  être  la  fleur  de  cette  prétendue  plante  n'était,  au 
vrai,  qu'un  Insecte  semblable  à  une  petite  Ortie  ou  Poulpe.  » 
Malgré  la  violente  opposition  de  Réaumur  et  de  Bernard  de 
Jussieu,  il  ne  fut  plus  permis  dès  lors  de  douter  que  le  Corail 
ne  soit  un  véritable  animal. 

Le  Corail  habite  la  Méditerranée  :  on  le  pêche  sur  les  côtes 
d'Italie,  autour  de  la  Corse  et  de  la  Sardaigne,  et  sur  la  côte 
d'Afrique,  de  Bône  à  Tunis.  Il  se  rencontre  également  dans  l'o- 
céan Atlantique  et  n'est  rare  ni  dans  les  parages  de  l'archipel 
du  cap  Vert  ni  sur  les  côtes  du  Sénégal.  Les  colonies  qu'il  forme 
poussent  comme  une  plante,  et  il  se  présente  sous  l'aspect  d'un 
arbre  branchu,  haut  de  30  à  35  centimètres.  Il  se  rencontre  par 
des  profondeurs  qui  varient  de  3  à  300  mètres.  Il  s'attache  aux 
corps  durs  sous-marins,  mais  il  se  fixe  toujours  la  tête  en  bas, 
pour  ainsi  dire,  au-dessous  des  aspérités  des  rochers,  et  c'est  là 
une  condition  qui  contribue  à  rendre  sa  pêche  pénible  et  dif- 
ficile. Il  présente  d'ordinaire  une  couleur  rouge  vif,  mais  sa 
teinte  peut  varier  beaucoup,  depuis  le  blanc  jusqu'au  noir, 
en  passant  par  différentes  nuances  de  rouge  :  le  plus  estimé  est 
le  rose,  auquel  les  pêcheurs  italiens  donnent  le  nom  de  peau 
d'ange,  et  qui  provient  surtout  de  Dalmatie. 

Si  on  place  dans  l'eau  de  mer  une  branche  de  Corail  qui  vient 
d'être  pêchée,  on  voit  à  sa  surface  des  petits  mamelons  coni- 
ques, au  sommet  desquels  se  montreront  bientôt  les  Polypes, 
sous  forme  de  tubes  blancs,  surmontés  chacun  d'une  couronne 
de  huit  tentacules  barbelés  (fig.  144).  A  la  moindre  agitation  de 
l'eau,  le  Polype  se  rétracte,  ses  tentacules  et  son  corps  lui- 
même  s'invaginent,  et  on  ne  voit  plus  à  la  surface  du  mamelon 
qu'un  orifice  étroit. 

Les  Polypes  6ont  donc  logés  dans  une  multitude  de  petites 


ORDRE   DES  ALCYONAIRES.  209 

cellules,  creusées  dans  une  substance  molle  qui  se  répand 
comme  une  écorce  à  la  surface  entière  du  Corail  :  cette  sorte 
d'écorce  est  molle  et  charnue,  fa- 
cile à  entamer  avec  l'ongle  quand 
elle  est  fraîche,  pulvérulente 
quand  elle  est  sèche;  elle  consti- 
tue la  véritable  couche  vivante 
formée  par  les  polypiers.  H.  Milne- 
Edwards  et  J.  Haime  l'appellent 
polypiéroïde  ;  de  Lacaze-Duthiers 
lui  donne  le  nom  de  sarcosome. 
Cette  partie  corticale  revêt  de 
toutes  parts  une  sorte  de  tige  cen- 
trale, dure,  cassante,  pierreuse, 
qui  est  le  polypier  (Réaumur). 
Voyons  la  structure  de  ces  diffé- 
rentes parties. 

Le  sarcosome  n'a  pas  partout  la 
même  épaisseur  :  il  est  beaucoup 

plus  mince  à  la  base  que  vers  les  extrémités.  Il  est  constitué 
par  une  masse  fondamentale,  de  nature  mésodermique,  creusée 
d'un  grand  nombre  de  vaisseaux  et  renfermant  des  spicules  ou 


Fig.  144.  —  Branche  de  Corail 
avec  Polypes  épanouis,  d'après 
de  Lacaze-Duthiers. 


Fig.  145.   —    Spicules  du  Corail,  grossis 
500  fois,  d'après  de  Lacaze-Duthiers. 


&  i\  0> 


Fig.  146.  —  Spicules  en  voie 
de  développement. 


sclérites  vivement  colorés  en  rouge.  Ceux-ci  se  présentent  sous 
des  aspects  très  divers,  mais  leur  forme  typique  est  celle  d'un 
corpuscule  à  peu  près  deux  fois  aussi  long  que  large  et  hérissé 
de  huit  nodosités  (fig.  1-45).  En  se  développant,  les  sclérites  ont 
la  forme  de  deux  triangles  isocèles  superposés,  le  sommet  de 
l'un  dépassant  la  base  de  l'autre  et  réciproquement  (fig.  14G); 


Blanchard.  —  Zool.  méd, 


44 


210  CLASSE   DES  ANTH0Z0A1RES. 

c'est  à  eux  seuls  qu'est  due  la  coloration  du  sarcosome,  au  sein 
duquel  ils  sont  partout  régulièrement  répartis  ;  leur  longueur 
moyenne  est  de  50  à  70  ja. 

B' 


A% 


Fig.  147.  —  Coupe  d'une  portion  de  tige  de  Corail,  d'après  de  Lacaze-Du- 
thiers.  Portion  d'une  tige  dont  l'écorce  a  été  fendue  suivant  la  longueur 
et  en  partie  enlevée.  —  A,  sarcosome  avec  ses  vaisseaux  en  réseaux  irré- 
guliers ;  /*,  en  réseaux  à  tubes  longitudinaux,  f.  B,  Polype  dont  les  tenta- 
cules, d,  sont  épanouis  ;  k,  bouche  ;  m,  œsophage  ;  i,  bourrelet  ou  sphincter 
inférieur  de  l'œsophage;  /',  replis  raésentéroïdes.  B',  Polype  à  tentacules,  (/, 
rentrés  dans  les  loges  périœsophagiennes;  e,  espace  circulaire  autour  do 
la  bouche  et  œsophage;  c,  orifice  correspondant  aux  tentacules  retournés  ; 
A,  partie  du  corps  formant  le  tube  saillant  quand  l'animal  est  épanoui  ; 
o,  festons  du  calice.  P,  polypier;  g,  ses  cannelures,  dans  lesquelles  se 
logent  les  vaisseaux  longitudinaux,  /. 

La  figure  147,  qui  représente  la  coupe  d'une  tige  de  Corail, 
va  nous  permettre  de  comprendre  la  disposition  des  vaisseaux 


OHuKE  DES  ALCY0NA1RE8.  24 i 

du  sarcosome.  Ces  vaisseaux  sont  de  deux  ordres  :  les  uns,  fort 
réguliers,  sont  situés  au  contact  même  du  polypier  et  consti- 
tuent une  couche  profonde  de  tubes  longitudinaux  parallèles,  /', 
qui  ne  s'anastomosent  que  de  place  en  place;  les  autres,  plus 
petits  et  très  irréguliers,  h,  forment  un  réseau  dont  les  mailles 
inégales  se  répandent  dans  toute  l'épaisseur  du  sarcosome.  Ces 
derniers  canaux  s'entre-croisent  et  s'anastomosent  en  tous  sens  ; 
ils  communiquent  avec  les  vaisseaux  du  réseau  profond  et 
présentent,  d'autre  part,  des  relations  intimes  avec  la  cavité  du 
corps  des  Polypes.  11  suit  de  là  que  tous  les  Polypes  sont  étroi- 
tement reliés  les  uns  aux  autres,  non  seulement  sur  une  même 
branche,  mais  dans  la  colonie  tout  entière  et  que,  par  exemple, 
les  aliments  saisis  par  l'un  d'eux  peuvent  profiter  à  ses  voisins, 
grâce  à  la  circulation  de  matières  qui  se  fait  à  l'intérieur  des 
canaux,  tapissés  par  un  épithélium  vibratile.  Si  l'on  casse 
l'extrémité  d'un  rameau  vivant,  on  voit  s'écouler  un  liquide 
blanc,  miscible  à  l'eau  et  d'apparence  laiteuse  :  on  le  connaît 
depuis  bien  longtemps  sous  le  nom  de  lait  du  Corail.  Ce  liquide 
contient  tout  à  la  fois  les  produits  de  la  digestion  et  les  œufs, 
car  il  est  à  remarquer  que  ceux-ci  ne  sont  expulsés  au  dehors 
qu'après  avoir  subi  une  partie  de  leur  développement  dans  l'in- 
térieur des  canaux. 

Le  polypier,  P,  est  une  tige  cylindro-conique,  dont  la  surface 
est  sillonnée  de  cannelures,  </,  parallèles  entre  elles,  ordinai- 
rement rectilignes  et  longitudinales,  quelquefois  disposées  en 
spirale;  ces  cannelures  ne  sont  autre  chose  que  l'impression  des 
vaisseaux  profonds  du  sarcosome.  Sur  une  coupe  transversale, 
on  s'assure  que  la  vive  couleur  rouge  du  polypier  n'est  point 
partout  égale  :  il  se  montre  formé  de  zones  à  contours  vagues, 
alternativement  claires  et  foncées,  disposées  à  la  fois  en  cou- 
ches concentriques  et  dans  le  sens  du  rayon;  son  centre  est 
occupé  par  une  substance  incolore,  dure  et  compacte. 

Le  polypier  est  la  partie  du  Corail  que  l'on  utilise  en  bijou- 
terie :  pour  cela,  on  lui  fait  subir  certaines  préparations  qui  ont 
principalement  pour  but  de  le  polir  et  de  faire  disparaître  les 
côtes  de  sa  surface.  La  poussière  qui  s'en  détache  alors  est  em- 
ployée pour  la  fabrication  de  certaines  poudres  dentifrices 
rouges,  qui  ont  le  défaut  d'user  à  la  longue  l'émail  des  dents. 
Actuellement,  c'est  là  le  seul  emploi  du  Corail  en  médecine, 


212  CLASSE   DES  ANTHOZOAIRES. 

mais  autrefois  il  jouissait  d'une  grande  faveur.  Louis  Gan- 
sius  (1)  lui  a  consacré  une  curieuse  monographie,  où  il  nous 
apprend  qu'il  préserve  de  la  foudre,  des  ombres  sataniques; 
que,  répandu  en  poudre  sur  les  champs,  il  les  féconde;  que, 
porté  au  cou,  il  enlève  les  douleurs  de  ventre,  etc.  On  le  consi- 
dérait encore  comme  capable  d'exciter  les  désirs  vénériens,  si 
on  le  portait  au  cou  ou  au  bras,  mais  Gansius  doute  de  cette 
vertu  (2). 

Au  temps  de  Lémery,  le  Corail  était  déjà  grandement  dé- 
chu de  sa  splendeur.  On  le  tenait  pour  un  alcalin,  opinion  que 
justifient  pleinement  sa  composition  chimique  et  sa  richesse 
en  carbonate  de  chaux,  et  on  l'employait  en  poudre  fine  contre 
les  aigreurs  de  l'estomac  et  dans  les  cas  de  diarrhée  et  d'hémor- 
rhagie;  on  attribuait  à  sa  matière  colorante  rouge  «  de  grandes 
vertus  pour  purifier  le  sang,  pour  réjouir  et  fortifier  le  cœur  ». 
Au  commencement  du  siècle,  on  employait  encore  une  teinture 
et  un  sirop  préparés  avec  du  Corail  dissous  dans  le  suc  de 
Berbéris.  Cette  confection  est  elle-même  tombée  en  désuétude, 
et  le  Corail  n'est  plus  utilisé  en  médecine  que  pour  la  prépara- 
tion de  poudres  dentifrices.  Nous  avons  dit  déjà  que  celles-ci 
étaient  faites  avec  la  poussière  résultant  du  polissage  des  ra- 
meaux :  on  les  prépare  également  en  pulvérisant  les  rameaux 
dans  un  mortier  de  fer,  en  passant  au  tamis  de  crin  et  en  lavant 
à  l'eau  bouillante  à  plusieurs  reprises;  on  porphyrise  ensuite 
la  poudre  humide,  on  sépare  par  l'agitation  les  parties  les  plus 
ténues  et  on  recommence  l'opération  jusqu'à  ce  que  le  tout  soit 
réduit  en  une  poudre  impalpable. 

Le  Corail  disparut  de  la  pharmacopée  lejour  où  l'on  connut 
enfin  sa  composition  chimique.  La  première  analyse  en  fut  faite 
en  1814,  par  Vogel,  de  Munich.  En  voici  les  résultats  : 

Acide  carbonique 27,50 

Chaux 50,50 

(1)  Joan.  Ludovici  Gansii  D.  medici  Francofurtensis  Corallorum  historia, 
qua  mirabilis  eorum  ortus,  locus  natalis,  varia  gênera,  prxparaiiones  chy- 
micse  quamplurimœ,  vircsque  eximise  proponuntur,  1630. 

(2)  «  Coralia  Venerem  stimulare  sunt  qui  credant.  Quamobrem  id  fiât,  cau- 
sam  nullam  adferunt.  Aiunt  autem  lias  illis  vires  esse,  si  collo  aut  bracliio 
adalligata.  Quod  si  ita  se  liabet,  haud  scio  cur  fœminis  licentia  permittatur 
coralia  collo  et  brachiis  gestandi,  cura  vel  sine  illis  satis  appetentes  vi- 
deantur  ». 


ORDRE   DES  ALCYONAIRES.  213 

Magnésie 3 

Oxyde  rouge  de  fer 1 

Sulfate  de  chaux 0,50 

Débris  animaux 0,50 

Eau 5 

Chlorure  de  sodium traces 

Une  autre  analyse,  faite  par  Watting,  a  conduit  aux  résultats 
suivants  : 

Carbonate  de  chaux 82,25 

Carbonate  de  magnésie 3,50 

Oxyde  de  fer 4,25 

Matière  organique 7,75 

Pertes 2,25 

Enfin,  plus  récemment  le  D1'  Al.  Tischer,  professeur  de  chimie 
à  l'Institut  technique  de  Trévise,  a  fait,  à  la  demande  de  G.  et 
R.  Canestrini,  une  analyse  comparative  du  Corail  rouge  et  de 
sa  variété  noire  : 

Corail  Corail 

rouge.  noir. 

Carbonate  de  chaux 86,974  85,801 

Carbonate  de  magnésie 6,804  0,770 

Sulfate  de  chaux 1,271  1,400 

Sesquioxyde  de  fer 1,720  0,800 

Matière  organique 1,350  3,070 

Eau 0,550  0,600 

Phosphates,  silice,  pertes 1,331  1,559 

100,000  100,000 

Vogel  concluait  de  son  analyse  que  la  couleur  rouge  du  Corail 
était  due  à  l'oxyde  de  fer,  et  cette  opinion  a  été  acceptée  parla 
plupart  des  chimistes.  Mais  il  en  est  d'autres  qui  font  à  cet  égard 
les  plus  expresses  réserves  :  de  ce  nombre  sont  Pelouze  et 
Frémy,  puis  Guibourt.  Ce  dernier  parle  de  la  facilité  avec  la- 
quelle le  Corail  se  décolore  par  certains  agents  réductifs,  et  re- 
prend ensuite  sa  couleur  au  contact  de  l'air,  ce  qui  n'est  pas  le 
fait  de  l'oxyde  de  fer.  «  J'ai  vu,  dit-il,  des  boucles  d'oreilles  de 
Corail,  blanchies  par  l'application  d'un  cataplasme  de  farine  de 
lin,  reprendre  leur  couleur  primitive  après  quelques  jours 
d'exposition  à  l'air.  On  sait  aussi  qu'une  forte  transpiration  fait 
perdre  au  Corail  une  partie  de  sa  couleur.  Les  corps  gras  et  les 
huiles  volatiles  le  décolorent  également.  Nul  doute  que  l'oxyde 
de  fer  ne  fasse  une  partie  essentielle  de  la  matière  rouge  du 


214  CLASSE  DES  HYDROMEUUSES.. 

Corail,  mais  il  est  possible  qu'il  ne  la  compose  pas  à  lui  tout 
seul.  »  La  nature  du  principe  colorant  n'est  pas  encore  suffisam- 
ment connue. 

Quant  au  Corail  noir,  on  doit  le  considérer  comme  une  va- 
riété cadavérique.  Vogel  a  montré  que  l'hydrogène  sulfuré  avait 
la  propriété  de  faire  passer  au  noir  le  Corail  rouge.  Or,  le  Corail 
noir,  connu  dans  le  commerce  sous  le  nom  de  Corail  mort  ou 
de  Corail  pourri,  est  effectivement  mort  depuis  plus  ou  moins 
longtemps,  quand  l'engin  de  pêche  le  ramène  à  la  surface.  La 
putréfaction  qui  s'est  emparée  de  ses  parties  molles,  après  sa 
chute  au  fond  de  la  mer,  a  donné  naissance  à  l'hydrogène  sul- 
furé, sous  l'influence  duquel  le  polypier  a  pris  la  coloration 
noire. 

H.  Lacaze-Duthiers,  Histoire  naturelle  du  Corail.  Paris,  18G4. 

Giov.  e  Rie.  Ganestrini,  //  Corallo.  Annali  dell'industria  e  del  commercio. 

Roma,  1882. 

CLASSE  DES  HYDROMÉDUSES 

ORDRE   DES   HYDROIDES 

La  première  division  des  Hydroïdes  est  constituée  par  les  Hydro- 
corallincs,  qui  établissent  nettement  le  passage  des  Hydraires  aux 
Coralliaires.  Ce  groupe,  dont  une  famille, 
celle  des  Stromatoporides,  se  retrouve 
abondamment  à  l'état  fossile  dans  les  ter- 
rains silurien  et  dévonien,  est  encore  re- 
présenté dans  les  mers  chaudes  de  notre 
époque  par  les Milléporides  (fi g.  148)  elles 
Stylastérides  ;  ces  deux  dernières  familles 
sont  également  fossiles  dans  le  crétacé, 
l'éocène,  le  miocène.  Moseley  a  démontré 
que  le  squelette  des  Milléporides  est  de 
nature  ectodermique,  tandis  que  celui  des 
Anthozoaires  est  formé  par  le  mésoderme. 
Le  sous -ordre  des   Tubulaircs  nous  ar- 

Fig.  148.  —  Millepora  rotera  plus  longtemps  :  il  renferme  diverses 
alcicomis.  formes  dont  la  connaissance  nous  est  in- 

dispensable. 

Protohydra  Leuckarti  R.  Greeff,  semble  être  le  plus  simple  des 
Cœlentérés  actuels.  Cet  animal  est  long  de  0mm,5  à  3mm  et  vit  dans  la 


OHUKK    DES   HYDROIDES. 


m 


vase  du  fond  de  la  mer.  11  est  constitué  par  un  simple  sac  allongé, 
fixé  par  son  extrémité  aborale  et  ne  présentant  ni  cloisons  ni  tenta- 
cules. La  reproduction  sexuelle  n'a  pas  été  observée,  mais  l'animal  se 
multiplie  activement  par  division  trans- 
versale   i  . 

11  n'est  pas  d'étang  dans  lequel  on  ne 
puisse  trouver,  fixés  sur  les  plantes 
aquatiques,  de petitsêtres, lougs  au  plu 
de  1  à  2  millimètres  et  dont  le  corps  est 
terminé  par  une  couronne  de  filaments 
déliés,  capables  de  se  mouvoir  en  tous 
sens.  Ces  animaux  sont  des  Hydres 
d'eau  douce  (fig.  149).  Leur  corps  se 
compose  d'une  simple  poche,  fixée  aux 
herbes  aquatiques  par  son  extrémité 
eu  cul-de-sac;  la  cavité,  qui  fonctionne 
comme  appareil  digestif,  communique 
avec  l'extérieur  par  un  orifice,  tenant 
lieu  tout  à  la  fois  de  bouche  et  d'anus, 
et  situé  à  la  base  des  bras. 

Ceux-ci  sont  ordinairement  au  nom- 
bre de  G,  mais  on  peut  en  rencontrer 
12  et  même  18.  Ils  sont  couverts  d'un 
très  grand  nombre  de  nématocystes. 
Tantôt  le  Polype  les  étend  autour  de 
lui  pour  se  fixer  aux  objets  voisins, 
tantôt  il  s'en  sert  pour  pêcher  dans 
l'eau  qui  l'entoure  :  les  animaux  de 
petite  taille  qui  viennent  à  les  rencon- 
trer sont  aussitôt  frappés  de  paralysie 
et  restent  adhérents  au  bras  qu'ils  ont 
touché.  Celui-ci  s'enroule  autour  d'eux 
et  les  porte  à  la  bouche  du  Polype. 

L'Hydre  d'eau  douce  a  été  observée 
pour  la  première  fois  en  1703  par  Leeuwenhœk.  En  1740,  sans  rien 
connaître  des  travaux  antérieurs,  Trembley  la  découvrit  à  son  tour. 
Ces  petits  êtres  de  couleur  verte,  assez  semblables  à  des  plantes,  l'in- 
triguèrent fort  :  il  pensa  tout  d'abord  que  c'étaient  des  végétaux  ;  mais 
les  ayant  vus  se  déplacer  et  se  mouvoir,  le  doute  germa  dans  son  es- 
prit et  il  entreprit,  pour  l'élucider,  les  plus  curieuses  expériences. 

(1)  Edw.  Potts  [The  development  and  structure  of  Microhydra  Ryderi.  Ame- 
rican naturalisa  XIX,  p.  1?32,  1885  vient  de  faire  connaître  un  petit  Cœlen* 
téré  d'eau  douce  très  analogue  à  Prosohydra  Leuckarti. 


lu.  Ii9.  —  Hydra  fusca,  avec 
deux  bourgeons  —  a,  néraa- 
tocyste. 


216  CLASSE  DES  HYDROMEDUSES. 

Élevons  des  Hydres  dans  un  vase  dont  l'eau  renferme  en  abon- 
dance des  animalcules  tels  que  les  Cyclopes  et  les  Daphnies  :  les  Po- 
lypes, grâce  à  leur  gloutonnerie,  en  avaleront  un  grand  nombre,  et 
leur  estomac  se  dilatera  outre  mesure.  Prenons  alors  l'un  deux  avec 
un  peu  d'eau  dans  une  verre  de  montre  et,  au  moyen  d'une  soie  de 
Porc,  refoulons  lentement  vers  l'intérieur  le  fond  du  sac  qui  le  cons- 
titue. Avec  un  peu  de  précaution,  il  est  assez  facile  d'arriver  à  re- 
tourner l'animal  à  la  façon  d'un  doigt  de  gant.  Dans  ces  conditions, 
pensez-vous,  l'Hydre  ne  pourra  plus  vivre  ?  Le  bouleversement  apporté 
dans  son  organisme  ne  suffit-il  pas  en  effet  à  lui  donner  la  mort  ? 
Pendant  quelques  heures,  le  Polype  semble  en  effet  mal  à  l'aise,  il 
fait  de  grands  efforts  pour  arriver  à  se  déretourner,  pour  employer 
l'expression  de  Trembley.  Mais  ses  tentatives  demeurent  très  souvent 
infructueuses  et,  prenant  bientôt  son  parti  de  cette  situation  nouvelle, 
il  ne  tarde  pas  à  étendre  de  nouveau  ses  bras  et  à  manger  copieuse- 
ment. Chose  étrange!  la  paroi  de  son  nouvel  estomac  digère  les  ali- 
ments avec  autant  de  facilité  que  si  rien  d'anormal  ne  s'était  produit; 
l'ancienne  muqueuse  stomacale,  devenue  la  peau,  fonctionne  à  son 
tour  comme  organe  du  tact. 
Trembley  découvrit  encore  d'autres  faits  tout  aussi  remarquables. 
On  peut  faire  avaler  à  une  Hydre  une  autre  Hydre,  presque  aussi 
grande  qu'elle.  Coupons  à  la  première  l'exlrémité  de  son  corps  ter- 
minée en  cul-de-sac  :  elle  n'en  continuera  pas  moins  d'avaler  sa  proie 
et  celle-ci,  demeurée  intacte,  pourra  dépasser  à  ses  deux  extrémités 
le  Polype  extérieur  qui  la  recouvre  exactement  à  la  manière  d'un 
manchon.  Le  Polype  intérieur  ne  sera  point  digéré,  mais  s'efforcera, 
par  ses  contorsions,  d'échapper  aux  étreintes  de  son  hôle.  Il  parvien- 
drait bientôt  à  ses  fins,  mais  il  est  facile  de  l'en  empêcher  :  il  suffit 
pour  cela  d'embrocher  les  deux  Polypes  au  moyen  d'une  soie.  L'Hydre 
intérieure  sera-t-elle  alors  digérée?  Pas  davantage.  Bien  plus,  les 
deux  animaux  parviendront  à  se  séparer  l'un  de  l'autre,  mais  au  prix 
de  quelles  mutilations!  L'Hydre  extérieure  se  fend  suivant  toute  sa 
longueur,  et  sa  victime  se  trouve  alors  mise  en  liberté;  pour  l'une  et 
l'autre,  se  débarrasser  de  la  soie  n'est  plus  que  l'affaire  d'un  instant. 
Avec  de  semblables  blessures,  voilà,  pensez-vous,  l'Hydre  extérieure 
en  grand  danger  de  mort?  Point.  Les  deux  bords  de  la  plaie  se  rap- 
prochent, se  soudent  l'un  à  l'autre,  le  cul-de-sac  se  referme,  et  l'ani- 
mal continue  à  vivre  comme  si  de  rien  n'était. 

Répétons  celte  expérience,  mais  en  ayant  soin  de  faire  avaler  à  un 
Polype  demeuré  normal  un  autre  Polype  préalablement  retourné  en 
doigt  de  gant.  Dans  ces  conditions  nouvelles,  les  deux  Polypes,  mis 
en  contact  par  leurs  surfaces  digeslives,  vont,  au  bout  de  quelques 
jours,  se  souder  intimement  l'un  à  l'autre  :  le  Polype  retourné  pour- 


ORDRE  DES  HYDROIDES.  217 

voira  à  la  nourriture  de  tous  les  deux,  et  il  est  à  remarquer  que  c'est 
par  son  ancienne  peau  qu'il  digérera  ses  aliments. 

Les  expériences  dont  il  vient  d'être  question  sont  d'une  exécution  fort 
délicate.  Mais  en  voici  de  plus  faciles  et  de  non  moins  remarquables: 

Chez  l'Hydre,  toutes  les  parties  du  corps  sont  aptes  non  seulement 
à  vivre  séparées  les  unes  des  autres,  mais  encore  à  reproduire  dans 
ces  conditions  un  organisme  analogue  à  celui  de  qui  elles  ont  é(é 
détachées.  Si  on  coupe  une  Hydre  en  deux  moitiés  dans  le  sens  de 
la  longueur,  chaque  moitié  ne  met  pas  plus  d'un  jour  pour  se  re- 
fermer, de  façon  à  constituer  une  Hydre  nouvelle  capable  de  digérer 
une  proie.  Si  on  coupe  une  Hydre  en  travers,  deux  jours  suffisent 
pour  que  la  moitié  postérieure  acquière  de  nouveaux  tentacules  et 
pour  que  la  moitié  antérieure  se  refasse  un  pied.  Allons  plus  loin,  et 
coupons  une  Hydre  en  cinquante  morceaux,  à  la  condition  d'attendre 
que  les  parcelles  en  voie  de  restauration  aient  atteint  une  taille  assez 
considérable  pour  qu'on  puisse  les  saisir  avec  des  ciseaux  :  nous 
pourrons  ainsi,  avec  un  seul  et  même  individu,  donner  naissance  à 
cinquante  Hydres  nouvelles.  Ces  phénomènes  de  rédintégralion, 
c'est-à-dire  de  réédification  des  parties  perdues,  ne  sont  du  resle 
point  particuliers  à  l'Hydre,  mais  nulle  part  ils  ne  se  manifestent 
avec  une  plus  grande  activité. 

Le  mode  de  multiplication  par  bourgeonnement,  dont  nous  avons 
déjà  constaté  maint  exemple,  s'observe  aussi  très  fréquemment  chez 
l'Hydre.  Les  individus  nouveaux  se  forment  de  préférence  au  point 
où  le  corps  du  Polype  commence  à  s'amincir  pour  former  le  pied 
(fig.  149).  C'est  là  le  commencement  d'une  colonie,  mais  cet  état  dure 
peu  :  au  bout  de  quelques  jours  ou  de  quelques  semaines,  suivant 
que  la  température  est  plus  ou  moins  élevée,  le  jeune  se  sépare  de 
sa  mère  et  va  se  fixer  ailleurs,  pour  vivre  isolément. 

L'élude  histologique  de  l'Hydre  d'eau  douce  a  été  faite  par  Kleinen- 
berg,  puis  par  Jickeli.  Le  système  nerveux  a  été  signalé  en  18SO  par 
le  professeur  Ch.  Rouget  :  les  cellules  multipolaires  qui  le  constituent 
sont  interposées  au  mësoderme  et  à  la  couche  épithélio-musculaire 
de  l'ectoderme;  elles  sont  en  continuilé  avec  les  nématocystes. 

En  outre  de  la  reproduction  par  bourgeonnement,  l'Hydre  peut  se 
multiplier  encore  par  voie  sexuelle.  A  la  fin  de  la  belle  saison,  on  voit 
apparaître  à  la  surface  du  corps  des  excroissances  qui,  au  lieu  de 
communiquer  avec  la  cavilé  digestive,  de  se  percer  d'un  orifice  buc- 
cal et  de  produire  des  bras,  se  transforment  en  petits  sacs  dont  les 
uns  donnent  des  spermatozoïdes,  les  autres  des  ovules.  Les  testi- 
cules se  développent  à  la  partie  supérieure  du  corps,  presque  au  con- 
tact des  tentacules;  ils  sont  toujours  plus  nombreux  que  les  ovaires 
et  se  montrent  un  peu  avant  ces  derniers.  Ils  s'organisent  aux  dépens 


218  CLASSE  DUS  H\DROMÉDUSES. 

de  petites  cellules  granuleuses,  disposées  par  amas  entre  les  autres 
éléments  de  Tectoderme;  celles-ci  se  transforment  en  spermato- 
zoïdes à  tête  globuleuse  et  à  long  flagellum.  Le  sac  testiculaire  finit 
par  percer  l'ectoderme  et  se  vide  à  plusieurs  reprises  :  son  orifice 
s'oblitère  dans  l'intervalle  des  émissions. 

Les  ovaires  se  forment  de  la  même  façon  que  les  testicules,  mais 
se  montrent  vers  la  partie  moyenne  du  corps.  Les  œufs  proviennent 
directement  des  cellules  qui  occupent  le  milieu  de  l'amas  ovarien  ;  ils 
sont  d'abord  amiboïdes  et  remplis  de  substances  nutritives  (fig.  69), 
mais  bientôt  ils  régularisent  leurs  contours  et  tendent  à  faire  irrup- 
tion au  dehors  :  la  mince  membrane  ectodermique  qui  les  recouvre 
finit  par  se  percer  d'un  orifice,  qui  livre  passage  aux  spermatozoïdes. 
Les  premières  phases  du  développement  s'accomplissent  avant  l'ex- 
pulsion de  l'œuf.  Le  fractionnement  est  régulier,  mais  il  ne  se  forme 
pas  de  cavité  de  segmentation,  et  la  suite  du  développement  présente 
encore  d'autres  anomalies  sur  lesquelles  nous  ne  pouvons  nous 
étendre  ici. 

11  existe  dans  nos  étangs  jusqu'à  trois  espèces  d'Hydres  déjà  re- 
connues par  Trembley,  Hydra  viridis,  H.  grisea  ouvulgaris}etH.fuscu; 
ce  sont  du  reste,  avec  Cordylophora,  les  seuls  Cœlentérés  d'eau  douce 
que  possèdent  nos  pays.  Ces  espèces  sont  difficiles  à  distinguer  l'une 
de  l'autre;  de  Mérejkowsky  a  cherché  récemment  à  les  caractériser 
par  l'époque  à  laquelle  les  tentacules  se  développent  sur  les  individus 
nés  par  bourgeonnement;  mais  Jickeli  a  indiqué  un  caractère  plus 
positif,  en  montrant  que  la  forme  des  nématocystes,  fixe  dans  une 
même  espèce,  variait  au  contraire  d'une  espèce  à  l'autre. 

O.  Kleinenberg.  Hydra.  Leipzig,  1872. 

Ch.  Piouget,  Les  organes  du  mouvement  et  de  la  sensibilité  chez  les  Poly- 
pes hydraires.  Rapport  annuel  des  professeurs  du  Muséum,  p.  69,  1880-1881. 

C.  F.  Jickeli,  Der  Bau  der  Hydroïdpolypen.  Morpliolog.  Jahrbucli,  VIII, 
p.  373,  1883. 

Comme  second  et  dernier  type  du  sous-ordre  des  Tubulaires,  nous 
étudierons  Cladonema  rndiatum  Duj.,  Hydroïde  qui  vit  dans  la  Médi- 
terranée (fig  150).  Déjà,  par  suite  du  bourgeonnement  latéral,  l'Hydre 
d'eau  douce  présentait  une  certaine  tendance  à  la  formation  de  co- 
lonies de  Polypes;  chez  Cladonema,  ces  derniers  se  développent  tou- 
jours sur  une  colonie  rampante  et  ramifiée.  Ils  sont  pourvus  de  huit 
tentacules  capités,  disposés  sur  deux  verlicilles  égaux.  Ici  encore, 
la  colonie  a  eu  pour  point  de  départ  le  bourgeonnement  d'un  in- 
dividu primitif  asexué  et  tous  les  Polypes,  en  nombre  souvent  consi- 
dérable, qui  ont  ainsi  pris  naissance,  sont  eux-mêmes  asexués.  Mais, 
en  outre  de  «ette  reproduction  par  bourgeonnement,  on  voit  à  cer- 


UHDRE    DES   HYUROlDliS. 


219 


I 


laines  époques  intervenir  une  reproduction  sexuée,  dans  des  condi- 
tions qui  méritent  de  fixer  notre  attention. 

Vers  la  base  du  corps  du  Polype  se  forme  un  bourgeon  creux  ou 
yonophore  (8g.  loi,  A,  B), 
dont  la  cavité,  ",  commu- 
nique avec  la  ca\ité  gas- 
tro-vasculaire  du  Polype 
lui-même.  De  bonne  heure 
se  différencie  dans  ce  bour- 
geon, aux  dépens  des  élé- 
ments de  l'ectoderme,  un 
amas  cellulaire,  c,  qui 
donnera  naissance  aux 
produits  sexuels,  et  que 
recouvre  encore  une  mem- 
brane de  nature  ectoder- 
mique,  6.  Bientôt  après, 
un  bourrelet  circulaire 
fig.  151,  C,  b'  s'élève  au- 
tour de  la  base  du  bour- 
geon et  se  dispose  à  l'é- 
gard de  celui-ci  comme 
une  cloche  par  rapport  à 
son  battant.  On  peut  dès 
lors  distinguer  deux  par- 
ties :  la  cloche  a  reçu  le 
nom  de  disque  ou  à' ombrelle, 
et  le  battant  celui  de  ma- 
Hubrium.La  cavité  gastro- 
vasculaire  du  Polype,  que 
nous  avons  vue  se  propa- 
ger dans  l'axe  du  manu- 
brium  C,  «'),  présente 
alors,  au  niveau  de  l'om- 
brelle, des  diverticules  la- 
téraux, '/",  qui  pénètrent 
dans  l'épaisseur  de  cette 
dernière  VD,  ><")  et  s'éten- 
dent, sous  forme  de  ca- 
naux, jusqu'au  voisinage 
de  son  bord  libre.  Chez 
Cladonema,  ces  canaux  ra- 
diaires  sont  au  nombre  de  huit  et  partagent  la  surface  de  l'ombrelle 


xl^ 


Fig.  150.  —  Cladonema  radiatum.  Fragment 
de  colonie  présentant  un  Polype  dont  la 
cavité  gastrique  renferme  un  petit  Crustacé 
et  sur  lequel  s'est  développé  un  bourgeon 
sexuel. 


220  CLASSE  DES  HYDROMÉDUSES. 

eu  huit  segments  égaux;  le  long  du  bord  de  celle-ci,  ils  communi- 
quent tous  ensemble  au  moyen  d'un  canal  circulaire.  On  peut  voir 


Fig.  151.  —  Schéma  montrant  la  formation  des  bourgeons  sexuels  chez  les 
Hydroïdes.  d'après  Gegenbaur.  —  a,  cavité  générale  du  corps  avec  prolon- 
gements dans  les  bourgeons;  a',  continuation  de  la  cavité  du  corps  dans 
la  cavité  gastrique  du  Médusoïde;  «",  prolongement  latéral  de  la  cavité  du 
corps  représentant  les  canaux  rayonnants;  6,  manteau;  L' ',  disque  ou  cloche 
du  Médusoïde;  b" ',  vélum  qui  rétrécit  l'ouverture  de  la  cloche;  c,  produits 
sexuels;  A,  B,  C,  Médusoïdes  en  voie  de  développement;  D,  E,  Médusoides 
complètement  développés. 

encore  se  développer  sur  le  bord  libre  de  l'ombrelle  une  sorte  de 
diaphragmé,  6",  ou  vehim,  percé  en  son  milieu;  ce  voile  est  disposé 
de  manière  à  rétrécir   l'ouverlure  de  l'ombrelle  :  l'orifice  qu'il  pré- 


ORDRE   DES   HYDROIDES. 


■J-21 


/ 


sente  peut  d'ailleurs,  suivant  le  cas,  livrer  passage  au  manubrium 
ou  aux  appendices  de  nature  diverse  que  celui-ci  peut  porter.  Dans 
un  dernier  état  (fig.  loi,  E),  le  canal  qui  parcourt  l'axe  du  manubrium 
vient  s'ouvrir  au  sommet  de  celui-ci  et  communique  désormais  avec 
l'extérieur  par  une  sorte  de  bouche,  a'".  En  même  temps,  il  se  dé- 
veloppe sur  le  bord  de  l'om- 
brelle, dans  la  continuation 
des  canaux  radiaires,  des 
sortes  de  tentacules,  dont 
le  nombre  et  la  forme  sont 
variables  suivant  les  espèces 
et  constituent  ainsi  des  ca- 
ractères de  classification. 

Quand  le  gonophore  est 
parvenu  à  cet  état  de  déve- 
loppement, il  se  détache  de 
son  parent  et  nage  libre- 
ment, grâce  aux  alternatives 
de  contraction  et  d'épanouis- 
sement qu'il  imprime  à  son 
ombrelle  :  le  canal  a,  qui  se 
voyait  dans  son  pédoncule, 
ne  tarde  pas  à  s'oblitérer  ; 
mais  les  autres  canaux,  a', 
a",  dont  nous  avons  vu  le 
mode  de  formation,  persis- 
tent, ainsi  que  l'orifice  buc- 
cal, a"'. 

L'individu  sexué  qui  a 
pris   ainsi  naissance  est  un 

Médusoîde (fig.  i  52et  io3)  ;  il  importe  de  le  distinguer  des  Polypes  nour- 
riciers et  asexués  ou  Hydrcmthes,  par  lesquels  a  débuté  la  colonie. 
On  donne  encore  au  Médusoîde  les  noms  de  Méduse  craspédote,  cryp- 
locarpe  ou  gymnophthalmc,  suivant  qu'on  le  considère  comme  une 
vraie  Méduse,  caractérisée  soit  par  la  présence  du  vélum,  soit  par 
ce  que  les  organes  génitaux  sont  peu  accessibles  au  regard,  soit 
par  ce  que  les  yeux,  dont  nous  allons  parler  tout  à  l'heure,  ne  sont 
point  recouverts  d'une  membrane  protectrice.  Mais  nous  pensons 
avec  Huxley,  que  le  nom  de  Méduse  ne  saurait  convenir  à  l'individu 
sexué  qui  provient  du  gonophore  des  Hydroïdes,  et  nous  le  dési- 
gnerons sous  le  nom  de  Médusoîde,  réservant  celui  de  Méduse  aux 
Acalèphes,  qui  ont  une  origine  et  une  structure  fort  différentes. 

Nous  dirons  quelques  mots  de  la  structure  des  Craspédotes  (fig.  lo3  . 


Fig. 


151  —  Médusoîde  de  Cladonema 
radiatum. 


222  CLASSE  DES  JIYuROMEDUSES. 

L'ombrelle,  a,  est  habituellement  formée  d'une  masse  homogène 
et  anhiste,  d'origine  mésodermique.  Les  nématocystes  sont  peu  abon- 
dants à  sa  surface  ;  mais  parfois  ils  s'accumulent  au  pourtour  de 
celle-ci,  de  manière  à  constituer  une  véritable  batterie,  qui  protège 
le  système  nerveux,  Le  voile,  c,  est  un  simple  repli  de  l'ectoderme, 
entre  les  feuillets  duquel  s'insinue  une  lamelle  mésodermique;  les 
canaux  gastro-vasculaires  ne  pénètrent  jamais  dans  son  épaisseur, 
mais  il  renferme  de  fortes  assises  de  muscles  annulaires,  dont  les 
contractions  concourent  à  la  natation  de  l'animal. 

Les  tentacules,  h,  prennent  toujours  naissance  en  dehors  du  vélum 
et  s'insèrent  au  bord  de  l'ombrelle,  mais  parfois  s'attachent  plus  ou 
moins  haut  sur  celle-ci.  Us  présentent  de  grandes  variations  quant 
à  leur  nombre  et  quant  à  leur  configuration  :  habituellement  au 
nombre  de  4  ou  d'un  multiple  de  ce  chiffre,  ils  sont  exception- 
nellement au  nombre  de  6  chez  les  Géryonides  (fig.  159).  Il  est 
rare  de  les  voir  creusés  d'un  canal  dépendant  du  système  gastro- 
vasculaire  et  tapissé  par  l'endoderme  ;  le  plus  souvent,  leur  axe  est 
solide  et  constitué  par  des  cellules  endodermiques  à  protoplasma 
étoile;  ces  traînées  cellulaires  peuvent  môme  se  poursuivre  dans 
l'épaisseur  de  l'ombrelle,  qu'elles  rendent  plus  résistante. 

Le  système  gastro-vasculaire  est  constitué  par  un  tube  stoma- 
cal (fig.  151,  E,  a';  fig.  153,  f),  percé  dans  l'axe  du  manubrium,  et 
par  les  canaux  radiaires  (fig.  loi,  a";  fig.  153,  *),  qui  partent  du  fond 
de  l'estomac  pour  cheminer  dans  l'épaisseur  de  l'ombrelle,  comme 
nous  l'avons  dit  déjà.  Ces  canaux  radiaires  sont  le  plus  souvent  au 
nombre  de  4  (Podoeoryne,  Syncoryne,  Bougainvillea,  Campanularia, 
Obelia),  parfois  au  nombre  de  8  (Trachynema,  Cladonema) ,  rarement 
en  plus  grand  nombre  {Mquorea);  par  exception,  il  y  en  a  6  chez 
Gcryonia.  Ils  sont  simples  dans  la  grande  majorité  des  cas,  mais 
sont  ramifiés  chez  Bérénice  et  Willia. 

Le  système  nerveux  (fig.  153,  o)  est  formé  de  deux  cordons  annu- 
laires, placés  l'un  au-dessus  de  l'autre.  Le  cordon  supérieur  repose  sur 
la  lamelle  de  soutien  du  vélum;  il  est  composé  de  fibres  nerveuses 
très  fines  etne  renferme  qu'un  petit  nombre  de  cellulesganglionnaires. 
Le  cordon  inférieur  (fig.  153,  o)  se  trouve  situé  entre  les  muscles  du 
vélum  et  de  la  sous-ombrelle;  ses  fibres  et  ses  cellules  sont  nom- 
breuses et  de  grande  taille  et  s'unissent  par  de  délicates  commissures 
avec  le  cordon  supérieur.  Chacun  de  ces  cordons  envoie  dans  Tépithé- 
lium  voisin  des  filaments  qui  se  mettent  en  relation  avec  des  cellules 
sensitives,  m,  dont  la  surface  porte  un  cil  raide.  On  trouve  encore 
dans  tous  les  organes,  sauf  le  vélum,  des  réseaux  de  fibres  nerveuses, 
sur  le  trajet  desquelles  sont  éparses  des  cellules  ganglionnaires. 

En  outre  des  cellules  sensitives  dont  il  vient  d'être  question  et  de 


ORDRE   DES  IIYDROIDES. 


■±>:\ 


cellules  tactiles  qui  se  rencontrent  le  long  des  tentacules  ou  au  bord 
de  l'ombrelle,  les  organes  des  sens  sont  représentés  par  des  corpus- 
cules marginaux,  n,  qui  sont  oudesyeux  ou  des  vésicules  auditives.  Ces 
deux  sortes  d'organes  s'excluent  réciproquement,  en  sorte  qu'on  a 
pu  diviser  les  Craspédotes  en  ocellés  et  en  vésicules;  TiaropsU  est  le 
seul  genre  où  l'on  trouve  les  deux  organes  à  la  fois. 


Fig.  15:].  —  Schéma  de  l'organisation  d'un  Médusoïde.  Coupe  verticale  pas- 
sant par  un  rayon  à  droite,  par  un  interrayon  à  gauche.  —  a,  ombrelle  ; 
6,  manubrium;  c,  voile  ;  d,  orifice  du  voile;  e,  cavité  de  la  sous-ombrelle; 
/",  cavité  gastro-vasculaire;  g,  tentacules  buccaux;  h,  tentacule  radiaire  ; 
i,  canal  radiaire;  k,  canal  circulaire;  /,  organes  génitaux;  m,  zone  senso- 
rielle ;  ?i,  corpuscule  marginal;  o,  anneau  nerveux. 


Les  ocelles  sont  situés  à  la  base  des  tentacules,  soit  en  dessus 
(Oceania),  soit  en  dessous  (Lizzia),  suivant  que  le  Médusoïde  porte  ses 
tentacules  relevés  ou  pendants,  de  manière  à  toujours  regarder  en 
dehors.  Ils  atteignent  leur  maximum  de  complication  dans  des  gen- 
res comme  Cladunema  et  Lizzia  (fig.  154),  où  l'on  peut  y  reconnaître 
des  parties  analogues  au  cristallin,  à  la  choroïde  et  à  la  rétine.  Ils  ne 
sont  jamais  recouverts  d'une  membrane  protectrice. 

Les  vésicules  auditives  ou  otoeyites  (fig.  15o)  sont  toujours  situées 
au-dessus  de  l'un  des  anneaux  nerveux  et  proviennent  d'uue  difle- 
rencialion  de  Tépithélium  sus-jacent.  Elles  sont  caractérisées  essen- 
tiellement par  la  présence  de  concrétions  calcaires  ou  otolithes 
et  de  cellules  sensorielles  spéciales,  surmontées  de  poils;  elles  peu- 
vent être  du  reste  diversement  compliquées  et  le  sont  au  maximum 
chez  les  Trachyméduses  Geryonia). 

Les  organes  sexuels  sont  des  productions  ectodermiques.  Ils  sont 


22 ï  CLASSE   DES  HYDROMÉDUSES. 

situés  soit  dans  l'épaisseur  du  manubrium  (fig.  loi,E,  c),  soit  à  l'ori- 
gine et  sur  le  parcours  des  canaux  radiaires  principaux  (fig.  153,  /); 
les  produits  sexuels  sont  mis  en  liberté  par  rupture  des  tissus.  Les  Mé- 
dusoïdes  sont  toujours  unisexués,  mais  les  Hydraires  qui  les  ont  pro- 
duits sont  rarement  monoïques  (Tubularia).  L'œuf  est  alécithe  et 
nu;  il  se  forme  une  planula  ciliée,  qui  se  transforme  en  gastrula  par 
résorption  d'un  point  de  sa  paroi  ;  la  gaslrula  se  fixe  par  son  pôle 
aboral  et  s'organise  en  Polype  hydraire. 


Fig.  154.  —  OEil  de  Lizzia  Kôllikeri,  d'après  O.  et  R.  Hertwig.  A,  vu  de  côté, 
B,  détails  de  structure.  —  it  cristallin  ;  p,  tunique  pigmentaire  ;  se,  bâ- 
tonnets rétiniens. 


Partis  du  Polype  asexué,  nous  revenons  donc  au  Polype  asexué, 
après  avoir  passé  par  l'état  de  Médusoïde  sexué.  Dès  lors  les  phé- 
nomènes se  reproduiront  indéfiniment  dans  l'ordre  où  nous  les 
avons  vus  s'accomplir,  c'est-à-dire  que  l'Hydroïde  passera  alternati- 
vement par  les  états  de  Polype  et  de  Médusoïde.  Ces  faits  remarqua- 
bles constituent  ce  qu'on  appelle  génération  alternante  (Steenstrup), 
métagenèse  (Owen)  ou  généagenèse  (de  Quatrefages).  L'espèce  com- 
prend deux  sortes  d'individus  fort  dissemblables  et  qui  se  succèdent 
tour  à  tour  :  tous  deux  sont  aptes  à  se  reproduire,  mais  le  Polype 
n'est  capable  que  de  bourgeonnement,  ce  qui  assure  à  la  colonie 
une  extension  peu  considérable  et  forcément  limitée  à  un  étroit 
horizon,  tandis  que  le  Médusoïde  produit  des  œufs,  puis  des  larves 
nageuses  qui  peuvent  se  disséminer  au  loin  :  l'extension  géographi- 
que de  l'espèce  se  trouve  facilitée  d'autant. 


ORUHE  DES  HYDROlDES. 


Avec  Cladoncma,  nous  avons  pris  pour  exemple  un  Hydroïde  chez 
lequel  les  gonopliores  se  transforment  en  Médusoïdes  qui  se  sépa- 
rent de  la  colonie  et  deviennent  libres.  Mais  il  n'en  est  pas  toujours 
ainsi  :  dans  bien  des  cas,  les  gonophores  sont  sessiles  et  restent 
fixés  à  la  colonie.  Certains  naturalistes  invoquent  ce  fait  pour  refu- 


Fig.  155.  —  Otocyste  de  Cunina,  d'apivs  O.  et  R.  Hertwig  ;  a,  couche  épi- 
tliéliale  ;  ?i,  rameaux  nerveux  gagnant  l'otocyste;  o,  otolithe  unique  et  rem- 
plissant presque  complètement  la  cavité  de  l'otocyste,  que  bordent  de 
larges  cellules  nucléées. 


ser  au  Médusoïde  le  caractère  d'individu  :  ils  le  considèrent  simple- 
ment comme  un  organe  sexuel,  dont  la  croissance  est  plus  ou  moins 
tardive;  séparé  ou  non  de  la  colonie,  il  n'en  aurait  pas  moins  la 
signification  d'un  simple  organe,  et  son  apparition  constituerait  une 
simple  métamorphose. 

Il  est  difficile  d'admettre  celte  manière  de  voir.  La  génération 
alternante  n'est  du  resle  point  particulière  aux  Hydroméduses  :  nous 
la  retrouverons  chez  les  Trématodes  et  les  Tuniciers,  et  sa  réalité 
sera  mise  hors  de  doute  quand  l'élude  des  Insectes  nous  aura  mon- 
tré ses  rapports  inlimes  avec  l'hélérogonie  et  la  parthénogenèse. 

Les  Médusoïdes  sont  toujours  des  individus  sexués;  mais,  en  outre 
Iîi.anchahi).  —  Zool.  méil.  I;) 


226 


CLASSE   DES  HYDROMÉDUSES. 


de  lu  reproduction  sexuelle,  ils  peuvent  parfois  se  multiplier  par 
bourgeonnement.  Les  nouveaux  individus  sexués  qui  naissent  de  la 
sorte  se  montrent  en  des  endroits  divers  :  à  la  base  des  tentacules 


Fig.  156.  —  Campanularia  gelatinosa,  d'après  van  Beneden  ;  a,  branches 
terminales  portant  des  Polypes  ;  b,  bf,  bourgeons  en  voie  de  développe- 
ment ;  c,  hydrothèques  vides;  d,  d\  d'\  hydrothèques  renfermant  des 
Polypes;  e,  e',  e\  gonophores;  f,  cœnosarc  ;  g,  étranglements  annulaires  à 
la  base  des  rameaux. 


(Hybocodon,  Sarsia),  sur  le  manubrium  (Cytais,  Lizzia,  Sarsin),  plus 
rarement  sur  le  vaisseau  circulaire  (Eleutheria)  ou  sur  les  vaisseaux 
radiaires  (Tiaropsis). 

O.  und  R.  Hertwig,  Ueber  das  Newensystem  und  die  Stnnensorgane  der 
Medusen.  Jenaische  Zeitschrift<  XI,  pi  355,  1877. 


ORDRE   DES  HYDROÏDES. 


227 


Fig.  157.  —  Médusoïde  de  Cam- 
panularia  gelatinosa—  a,  corps  ; 
b,  bouche  ;  rf,  tentacules. 


ld.,  Das  Nervensystem  uad  die  Sinwsorgane  dev  Medusen  monogruphisch 
dargestellt.  Leipzig,  1878. 

Le  sous-ordre  des  Campakulaires  comprend  des  Hydroïdes  vivant 
en  colonie.  Les  rameaux  de  celle-ci  (fig.  lo(>,  a),  sont  revêtus  d'une 
gaine  chitineuse,  cornée,  qu'on  appelle  périderme  ou  périsarc  et  qui, 
au  niveau  du  Polype,  s'épanouit  en 
une  sorte  de  calice  ou  hydrothcquc, 
c,  d,  à  l'intérieur  duquel  celui-ci 
peut  se  rétracter.  Les  gonophores 
ou  bourgeons  sexuels  se  dévelop- 
pent aux  dépens  de  Polypes  dépour- 
vus de  tentacules  et  de  bouche,  inca- 
pables par  conséquent  de  nourrir  la 
colonie,  et  dont  l'hydrothèque  est 
elle-même  close,  e.  Les  Médusoïdes 
qui  en  proviennent  (fig.  157)  étaient 
autrefois  décrits  sous  les  noms  de 
Thaumantias,  Eucope,  JEquorea.  Il  est 

possible  que  certaines  Equorides,  dont  on  ne  connaît  pas  l'état 
polypoïde,  se  développent  directement  sans  passer  par  la  forme 
agame. 

Les  genres  Plumularia,  Scrtularia,  Campunularia,  Obelia,  Mquorm, 
sont  les  principaux  de  ce  groupe.  Chez  les  Plumulaires,  les  hydro- 
thèques  des  Polypes  nourriciers  sont  ac- 
compagnées de  petits  calices  accessoires 
ou  nématophores,   remplis  d'une   masse 
éminemment  amiboïde,  que  l'on  a  long- 
temps considérée  comme  dépourvue  de 
structure.  C.  de  Mérejkowsky  a  vu,  au 
contraire,  que  les  nématophores  étaient 
non  seulement  formés  par  des  cellules, 
mais  qu'on  y  pouvait  reconnaître  les  trois 
couches  blastodermiques.  Il  veut  y  voir 
des  Polypes  dégénérés,  devenus  inutiles 
pour  la  colonie.  Nous  pensons,  au  con- 
traire, que  les  nématophores  représentent 
un  état  ancien,  par  lequel  ont  passé  à  l'o- 
rigine les  Polypes.  Cette  opinion  est  la 
seule  qui  puisse  nous  donner  une  expli- 
cation satisfaisante  de  la  structure  et  des  affinités  des  Graptolithes 
(fig.  158),  Hydroïdes  fort  élémentaires,  qui  furent  les  premiers  à  se 
montrer:  ils  apparaissent  à  la  fin  de  l'époque  cambrienne,  devien- 


Fig.  158.  —  Graptolithus 
tunicidatus. 


228 


CLASSE   DES  HYDROMÉDUSES. 


nent  très  abondants  dans  les  mers  siluriennes  et  s'éteignent  défini- 
tivement à  l'aurore  de  l'époque  dévonienne. 

C.  de  Mérejkowsky,  Sur  les  nématophoves  des  Hydroïdes.  Bull,  de  la  Soc. 
zool.  de  France,  VII,  p.  220,  1882. 

Le  dernier  sous-ordre  des  Hydroïdes  est  constitué  par  les  Tra- 
chymkduses,  Médusoïdes  qui  ont  la  plus  grande  ressemblance  avec 
ceux  qui  proviennent  de  Polypes  hydraires, 
mais  qui  présentent  le  curieux  caractère  de 
se  développer  directement,  sans  passer  par 
la  forme  polypoïde.  Leur  ombrelle  est  d'or- 
dinaire assez  consistante  et  soutenue  par  des 
cordons  cartilagineux  radiés.  Trachynema, 
JEgina,  Cunina,  Leuckartia  (fig.  159),  Geryo- 
nia  appartiennent  à  ce  groupe. 

H.  Fol  a  étudié  le  développement  de  Ge- 
ryonia.  La  segmentation  est  totale  et  régu- 
lière ;  la  gastrula  se  forme  pardélamination 
i  fig.  93  et  96).  La  vésicule  endodermique  s'é- 
carte alors  de  la  vésicule  ectodermique,  de- 
meure à  peu  près  inerte  et  s'aplatit  comme 
|   une  lentille,  tandis  que  l'ectoderme  continue 

Ide  s'accroître  rapidement.  Les  deux  vésicu- 
les, de  taille  très  inégale,   sont  en  contact 

.     ,  l'une  avec  l'autre  en  un  certain  point  ;  la 

Fis.  1°9.    —  Leukartiac  .  ,  ,      ,      «,  , 

^oboscidatis  cavité  qui   les  sépare  partout   ailleurs  est 

bientôt  comblée  par  un  tissu  gélatineux.  Des 

cils  se  développent  alors  à  la  surface  de  l'ectoderme,  et  la  larve 

devient  une  planula  nageuse.  Cependant,  au  point  où  il  est  uni  au 


: 


Fig.  1G0.  —  Coupe  optique  du  pôle  oral  de  Geryonia,  après  l'appareil  du  tissu* 
gélatineux  du  disque,  d'après  Fol.  —  o,  bouche;  t,  tentacule  ;  v,  voile.  Les 
parties  ombrées  représentent  le  tissu  gélatineux. 

feuillet  interne,  l'ectoderme  s'est  épaissi  en  une  sorte  de  disque  dont 
le  centre   se  perce  d'un  orifice,  qui  fait  communiquer  la  cavité  de 


ORDRE   DES  SIPHONOPHORES, 


:2:i 


segmentation  avec  l'extérieur  et  qui  transforme  la  planula  en  gas- 
trula  (fig.  160,  o).  On  voit  alors  se  former  au  pourtour  du  disque  un 
bourrelet  ectodermique,  qui  est  le  premier  rudiment  du  voile,  v.  En 
dehors  de  celui-ci  apparaissent  encore  six  tentacules,  t.  Quand  la 
larve  s'est  ainsi  constituée,  elle  perd  sa  forme  arrondie,  s'aplatit, 
puis  se  creuse  à  sa  face  inférieure  ou  buccale,  pour  prendre  la  forme 
d'ombrelle.  Elle  n'est  pas  alors  très  différente  de  l'adulte. 


ORDRE   DES  SIPHONOPHORES 

Il  n'est  pas  d'êtres  plus  compliqués  et  plus  capricieusement  con- 
formés que  les  Siphonophores  :  aucun  n'affecte  des  formes  plus 
étranges  ou  des  aspects  plus  variés  ;  nul  ne  présente  plus  grande  pro- 
fusion de  couleurs  étincelantes,  nul  n'est  plus  gracieux  ou  plus  dé- 
licat. Bien  longtemps  les  naturalistes  sont  restés  impuissants  à  pé- 
nétrer le  secret  de  leur  organisation  :  le  voile  est  maintenant  soulevé. 
Si  l'on  a  bien  saisi  ce  qui  précède,  si  l'on  s'est  bien  rendu  compte 
de  ce  qu'est  une  colonie  d'Hydrai- 
res,  de  sa  constitution  et  de  ses  rap- 
ports avec  les  Médusoïdes,  il  ne 
sera  pas  difficile  de  comprendre  ce 
ce  que  sont  les  Siphonophores. 

Prenons  comme  exemple  Physo- 
phora  hydrostatica  (fig.  161),  espèce 
commune  dans  la  Méditerranée.  Le 
Physophore,  comme  tous  les  Si- 
nophores,  du  reste,  n'est  jamais 
fixé,  mais  nage  librement  :  d'ordi- 
naire mollement  ballotté  à  la  sur- 
face des  vagues  et  déplacé  par  elles 
au  hasard  de  leurs  ondulations,  il 
est  néanmoins  capable  de  se  dé- 
placer à  sa  guise  et  de  s'enfoncer 
dans  la  profondeur  des  eaux.  Il 
se  compose  essentiellement  d'une 
tige  verticale,  dont  l'extrémité  su- 
périeure présente  une  très  petite 
vésicule  aérifère  ou  pneumatophore, 
véritable  appareil  hydrostatique, 
percé  d'un  pertuis  apical.  La  tige 
porte  en  outre  une  double  rangée  de  cloches  contractiles  diaphanes, 
au  moyen  desquels  le  Physophore  se  met  en  mouvement.  Elle  se  ter- 
mine enfin  inférieurement  par  une  sorte  de  plateau  auquel  sont  ap- 


Fig.  161.  —  Physophora  hydrostatica. 


230  CLASSE   DES  HYDROMÉDUSES. 

pendus  des  organes  variés,  parmi  lesquels  il  est  tout  d'abord  malaisé 
de  se  reconnaître,  mais  dont  on  ne  tarde  pas,  avec  un  peu  d'attention, 
à  distinguer  plusieurs  sortes.  Les  uns,  disposés  circulairement  au- 
tour du  plateau,  ont  l'aspect  de  longs  tubes  vermiformes,  imperforés 
à  leur  extrémité  libre,  mais  communiquant  à  leur  base  avec  la  cavité 
dont  est  creusé  l'axe  de  la  tige  :  on  les  appelle  les  dactylozoîdes.  Les 
autres,  situés  en  dedans  des  premiers,  sont  plus  gros,  plus  raccourcis 
et  pourvus  d'un  orifice  à  leur  extrémité  libre;  on  leur  a  donné  le 
nom  de  siphons,  et  leur  présence  constante  chez  les  animaux  dont 
nous  faisons  l'étude  a  valu  à  ceux-ci  le  nom  de  Siphonophores.  Les 
siphons  communiquent  également  avec  la  cavité  de  la  tige.  Ils  por- 
tent chacun  à  sa  face  externe  un  long  filament  pécheur  présentant  de 
dislance  en  distance  des  boulons  d'un  beau  rouge,  constitués  par  un 
amas  considérable  d'énormes  nématocystes.  Enfin,  les  produits 
sexuels  sont  élaborés  encore  par  d'autres  appendices  intercalés  entre 
les  siphons. 

Chez  les  Hydroïdes,  nous  avons  reconnu  des  individus  de  deux 
sortes  :  des  Hydranlhes  ou  individus  nourriciers,  et  des  Médusoïdes 
ou  individus  reproducteurs.  Le  polymorphisme  s'exagère  encore 
chez  les  Siphonophores  :  là  est  tout  le  secret  de  leur  organisation.  Ils 
sont  constitués  par  des  colonies  d'Hydraires,  à  tige  non  ramifiée  et 
dont  les  divers  individus  se  sont  modifiés  en  différents  sens,  pour 
s'adapter  chacun  à  une  fonction  particulière.  La  division  du  travail, 
que  nous  avons  pu  voir  s'esquisser  chez  les  Hydroïdes,  atteint  ici  un 
haut  degré  de  perfectionnement. 

Les  siphons  ou  gastrozoïdes  sont  de  véritables  Hydranthes,  bien  que 
toujours  dépourvus  de  tentacules  :  ils  absorbent  la  nourriture  et, 
après  l'avoir  élaborée,  la  distribuent  dans  tout  le  reste  de  la  colonie  ; 
ce  sont,  à  proprement  parler,  des  individus  nourriciers.  La  proie 
leur  est  du  reste  transmise  par  les  filaments  pécheurs  :  ceux-ci 
atteignent  d'ordinaire  une  longueur  considérable  et  se  ramifient 
plus  ou  moins  ;  de  nature  musculaire,  ils  explorent  sans  cesse  l'eau 
qui  les  entoure  et  sont  capables  de  se  contracter  en  s'enroulant  en 
spirale.  Les  dactylozoîdes  sont  encore  des  Polypes,  mais  des  Polypes 
incomplètement  développés:  n'étant  point  destinés  à  jouer  le  rôle 
d'individus  nourriciers,  leur  bouche  ne  s'est  point  perforée  et  ils  se 
sont  transformés  en  des  organes  protecteurs  ;  comme  les  gastrozoïdes, 
ils  portent  un  filament  pêcheur,  mais  plus  court,  plus  simple  et  dé- 
pourvu de  filaments  secondaires  et  de  nématocystes. 

En  outre  de  ces  Polypes  de  diverses  sortes,  la  colonie  produit  en- 
core des  Médusoïdes,  qui  arrivent  à  un  développement  plus  ou  moins 
complet.  Les  bourgeons  sexuels  sont  de  ce  nombre:  les  Médusoïdes 
qui  les  représentent  se  développent  ordinairement  en  grand  nombre, 


ORDRE    DES  SIPHONOPFIORES. 


T.U 


et,  comme  de  vrais  Médusoïdes,  sont  constitués  par  un  manubrium 
bourré  d'oeufs  ou  de  spermatozoïdes  et  entouré  d'une  ombrelle  que 
parcourent  un  vaisseau  circulaire  et  des  vaisseaux  radiaires.  Les  Sipho- 
nophores  sont  presque  toujours  monoïques  ;  la  diœcie  est  rare  (Apo- 
lemia  uvaria,  Diphyes  acuminata).  Il  est  également  rare  de  voir  les 
bourgeons  sexuels  s'isoler,  comme  chez  les  Vélelles,  pour  devenir  des 
Médusoïdes  nageurs,  connus  sous  le  nom  de  Chrysomitra. 


Fig.  102.  —  Physalia  pelogica. 


Les  cloches  contractiles  ou  nectocalyces  sont  encore  des  Médusoïdes 
modifiés  :  ils  n'ont  ni  manubrium,  ni  bouche,  ni  tentacules,  ni  cor- 
puscules marginaux  ;  par  suite  de  la  régression  de  ces  derniers,  le 
système  nerveux  a  lui-môme  avorté.  En  revanche,  la  couche  muscu- 
laire s'est  hypertrophiée,  pour  répondre  au  rôle  exclusivement  loco- 
moteur que  les  nectocalyces  sont  appelés  à  jouer. 

Un  autre  type  de  Siphonophores  est  représenté  par  la  Physalie  ou 
Galère  (fig.  162),  qui  se  rencontre  dans   l'océan  Atlantique.  On  ne 


232  CLASSE  DES  HYDROMEDUSES. 

trouve  plus  ici  de  nectocalyces,  mais  la  tige  s'est  transformée  en  une 
large  chambre,  presque  horizontale,  à  l'intérieur  de  laquelle  se  trouve 
un  vaste  pneumatophore  communiquant  avec  l'extérieur  par  son 
extrémité  effilée.  L'ensemble  présente  à  peu  près  l'aspect  d'une  cor- 
nemuse qui  porterait  à  sa  face  supérieure  une  crête  longitudinale  ; 
celle-ci  n'est  autre  chose  qu'une  voile  tendue  au  vent  et  grâce  à  la- 
quelle la  Physalie  peut  flotter  à  la  surface  des  eaux.  Au-dessous  de 
ce  réservoir  à  air,  on  voit  une  forêt  de  tubes  et  de  filaments  qui  ne 
diffèrent  pas  essentiellement  de  ceux  que  nous  avons  étudiés  chez  le 
Physophore. 

Les  Siphonophores  sont  tous  extrêmement  urticanls  et,  à 
ce  point  de  vue,  la  Galère  se  place  au  premier  rang,  en  raison 
des  nématocystes  innombrables  dont  ses  longs  filaments  sont 
hérissés  de  toutes  parts.  Ces  redoutables  propriétés  ont  été 
signalées  par  bien  des  auteurs,  entre  autres  par  le  P.  du  Ter- 
tre et  par  Labat.  «  Le  poison  de  cet  animal,  dit  ce  dernier,  est 
si  caustique,  si  violent  et  si  subtil,  que  s'il  touche  la  chair  de 
quelque  animal  que  ce  soit,  il  y  cause  une  chaleur  extraordi- 
naire avec  une  inflammation  et  une  douleur  aussi  pénétrante 
que  si  cette  partie  avait  été  arrosée  d'huile  bouillante.  »  Le 
mal  n'est  pourtant  point  de  longue  durée,  et  Labat  conseille 
«  de  ne  point  appliquer  d'autre  remède  que  celui  de  la 
patience  ». 

Leblond  s'exprime  de  la  même  manière,  d'après  sa  propre 
expérience  «  Un  jour,  dit-il,  je  me  baignais...  sur  une  grande 
anse,  devant  l'habitation  où  je  demeurais...  Une  Galère, 
dont  plusieurs  étaient  échouées  sur  le  sable,  se  fixa  sur  mon 
épaule  gauche  au  moment  où  la  lame  me  rapportait  à  terre; 
je  la  détachai  promptement;  mais  plusieurs  de  ses  filaments 
restèrent  collés  à  ma  peau  jusqu'au  bras.  Bientôt  je  sentis  à 
l'aiselle  une  douleur  si  vive  que,  prêt  à  m'évanouir,  je  saisis 
un  flacon  d'huile  qui  était  là  et  j'en  avalai  la  moitié  pendant 
qu'on  me  frottait  avec  l'autre.  Revenu  à  moi,  je  me  sentis 
assez  bien  pour  retourner  à  la  maison,  où  deux  heures  de 
repos  me  rétablirent,  à  la  cuisson  près,  qui  se  dissipa  dans 
la  nuit.  » 

Les  Physalies  ont  encore  la  réputation  de  tuer  ou  tout  au 
moins  de  rendre  malades  l'Homme  et  les  animaux  qui  les  man- 
gent; la  chair  de  ces  derniers  serait  elle-même  toxique.  Mais 


OUDHE   DES   ACALEIMIES. 


233 


Ricord-Madiana  a  entrepris  à  la  Guadeloupe  des  expériences  qui 
ont  démontré  l'inexactitude  de  cette  croyance. 

J.  du  Tertre,  Histoire  générale  des  Antilles  habitées  par  les  Fra?içais.  Paris, 
4  vol.  in-4°,  1GG7-1G71. 

Labat,  Nouveau  voyage  aux  isles  de  l'Amérique.  La  Haye,  ln-4°,  1721. 
Voir  I,  lre  partie,  p.  158. 

Leblond,  Voyage  aux  Antilles  et  à  V Amérique  méridionale.  Paris,  in-8°,  1813. 
Voir  p.  350. 

Pùcord-Madiana,  Histoire  naturelle  et  toxique  de  la  Physalide  pélasgienne. 
Journal  de  pharmacie,  XV,  p.  375,  1829. 


ORDRE   DES  ACALEPHES 


Sans  nous  arrêter  aux  deux  groupes  peu  importants  des  Calyco- 
zoaires  (Lucernaria,  fig.  163)  et  des  Charybdéf.s,  qui  n'auraient  pas 
grand  intérêt  pour  nous,  nous  aborderons  immédiatement  l'histoire 
des  Discophores  ou  Méduses  acraspèdes. 
Nous  prendrons  pour  type  Aurélia  mi- 
lita, dont  Michaël  Sars  a  découver f,  en 
1837,  les  curieuses  métamorphoses. 

On  connaissait  sous  le  nom  à'Hydm 
tuba  ou  de  Scyphistoma  un  Polype  ma- 
rin, très  semblable  à  une  Hydre  d'eau 
douce  (fig.  164,  A):  comme  celle-ci,  il 
était  capable  de  se  multiplier  par  bour- 
geonnement latéral.  Un  autre  Polype, 
plus  grand  et  plus  allongé,  avait  un 
corps  cylindrique  régulièrement  an- 
nelé  :  on  en  faisait  le  genre  Strobila,  B. 
Ce  dernier  présentait  parfois  de  pro- 
fonds étranglements,  et  chacun  de  ses  segments  portait  sur  son 
bord  huit  lobes  échancrés  en  leur  milieu,  C. 

Il  semble  au  premier  abord  que  le  Scyphistome  et  le  Strobile 
soient  des  animaux  fort  distincts,  à  peine  apparentés  l'un  à 
l'autre.  Or,  il  n'en  est  rien  :  on  trouve  entre  eux  toutes  sortes  de 
transitions  et,  en  les  observant  de  près,  on  peut  voir  le  Scyphistome 
se  transformer  peu  à  peu  en  Strobile.  Les  deux  êtres  reconnus  précé- 
demment par  Sars  doivent  donc  être  réunis  :  ils  ne  représentent  que 
deux  phases  successives  du  développement  d'un  seul  et  même 
animal. 

Le  Strobile  présente  l'aspect  d'une  pile  d'assiettes  creuses.  Le  seg- 
ment supérieur  est  également  découpé  en  lobes,  mais  continue  à 
porter  les  tentacules  dont  nous  avons  reconnu  précédemment  l'exis- 


Fig.  103.  —  Lucernaria  campa- 
nulata,  vu  de  face,  les  tenta- 
cules écartés. 


234 


CLASSE  DES  HYDROMEDUSES. 


tence  chez  le  Scyphistome.  Par  la  suite,  les  divers  segments  du 
Strobile  s'accentuent  de  plus  en  plus  et  se  séparent  les  uns  après  les 
autres,  D,  pour  vivre  indépendants  et  libres.  Ces  segments  déta- 
chés du  Strobile  ne  sont  pas  autre  chose  que  des  petites  Méduses 


Fig.  16'i.  —  Développement  d' Aurélia  aurita,  d'après  Sars.  —  A,  forme  poly- 
poïdo  avec  des  bourgeons  en  voie  de  formation  (Scyphistoma)  ;  B,  la  môme 
commençant  à  se  diviser  en  segments  transversaux  (Strobila)  ;  C,  la  môme 
dont  la  division  est  plus  avancée;  D,  Strobile  dont  il  ne  reste  plus  que 
quatre  segments  prêts  à  se  détacher;  E,  l'un  de  ces  segments  (Proglottis) 
détaché  et  libre  [Ephyra);  F,  Méduse  complètement  développée. 


connues  depuis  longtemps  sous  le  nom  d' Ephyra,  E;  celles-ci  sont 
munies,  au  fond  de  l'échancrure  des  lobes,  de  taches  pigmentaires 
sensorielles,  dont  on  aurait  déjà  pu  suivre  le  développement,  sur 
les  segments  du  Strobile. 

Quand  toutes  les  Ephyres  se  sont  enfin  détachées  du  Strobile,  ce- 
lui-ci, réduit  à  son  segment  basilaire,  ne  diffère  plus  du  Polype  pri- 
mitif que  par  l'absence  de  tentacules  :  des  appendices  de  ce  genre 


ORDRE   DES  ACALEPHES. 


233 


se  développent  bientôt,  et  on  revient  ainsi  à  la  forme  Eydra  tuba. 
Les  Ephyres  qui  proviennent  du  Strobile,  ne  sont  pas  encore  des 
animaux  parfaits.  A  mesure  qu'elles  grandissent,  on  les  voit  se  trans- 
former petit  à  petit  :  leur  ombrelle  devient  plus  large  et  plus  régu- 
lière; un  grand  nombre  de  filaments  délicats  se  développent  sur  son 
bord,  en  môme  temps  qu'un  manubrium  quadrifide  apparaît  dans 
son  fond.  L'Epbyre  s'est  métamorphosée  en  Aurélia  aurita,  forme 
sexuée,  F.  Celle-ci  pond  des  œufs  qui  reproduiront  des  Scyphislo- 
mes.  On  se  trouve  donc  ici  en  présence 
d'un  nouvel  exemple  de  génération  alter- 
nante. 

Sars  a  constaté  encore  un  développement 
analogue  pour  une  autre  Méduse,  Cyanea 
capillata.  Toutes  les  Méduses  ne  passent 
pourtant  point  par  les  phases  que  nous  ve- 
nons de  décrire  :  les  Pélagides  (fig.  165), 
dont  certaines  espèces  habitent  la  Médi- 
terranée, ne  présentent  jamais  de  généra- 
tion alternante  et  ont  un  développement 
direct,  accompagné  d'une  simple  métamor- 
phose :  l'Ephyre  provient  directement  de 
la  gastrula  (1). 

A  part  cette  exception,  toutes  les  Mé- 
duses vraies  proviennent  de  Scyphistomes. 
Déjà  très  différentes  des  Médusoïdes  quant 
à  leur  mode  de  production,  les  Méduses 
ne  sont  pas  moins  bien  caractérisées  par 
leur  structure  et  leur  organisation.  Avec 
les  Lucernaires  et  les  Charybdées,  elles 
constituent  l'ordre  des  Acalèphes,  nom  qui 
indique  leurs  propriétés  urticantes.  On  les 
appelle  encore  Acraspèdes,  pour  indiquer 
qu'elles  sont  dépourvues  de  vélum;  Disco- 
phores,  parce  que  leur  ombrelle  est  dis- 
coïde ;  Phanérocarpes,  parce  que  leurs  or- 
ganes reproducteurs  sont  bien  visibles  ;  ou 

Stéganophthalmrs,  parce  que  leurs  corpuscules  sensoriels  (ocelles)  sont 
recouverts  d'une  membrane  protectrice. 

Tous  les  Acalèphes  ont  le  corps  constitué  par  une  ombrelle  de 
consistance  gélatineuse,  transparente  comme  le  cristal,  irisée  comme 


Fig.  165.  —  Pelagia 
ponopyra. 


(I)  Ce  développement  direct,  que   Hœckel  propose  d'appeler  hypogenèse, 
s'observerait  parfois  aussi  chez  Aurélia  aurita. 


236  CLASSE   DES   HYDROMÉDUSES. 

le  diamant.  Sa  couleur  est  assez  variable  :  tantôt  d'un  blanc  laiteux 
comme  chez  l'Aurélie  à  oreilles,  tantôt  jaunâtre  avec  ornements 
bruns  oupourprés,  comme  certaines  Cyanées,  tantôt  d'un  bleu  d'azur, 
comme  chez  le  Rhizostome  de  Guvier.  L'ombrelle  est  agitée  de  con- 
tractions incessantes  :  elle  s'étale  et  se  contracte  tour  à  tour,  à  la 
façon  d'un  parapluie  qu'on  ouvre  ou  qu'on  ferme,  et  grâce  à  ces  con- 
tractions l'animal  peut  progresser  au  sein  des  eaux.  Certaines  espèces 
voyagent  fréquemment  par  bandes  nombreuses.  Pendant  la  nuit, 


Fig.  166.  —  Vue  théorique  de  la  sous-ombrelle  d'une  Méduse  acraspède. 
n,  bras;  0,  bouche;  c,  corpuscule  sensoriel;  d,  glande  génitale;  e,  orifice  de 
la  poche  génitale;  /",  canal  angulaire;  g,  canal  génital;  h,  ramifications 
des  canaux  angulaires  et  génitaux;  i,  canal  intermédiaire;  k,  canal  circu- 
laire; /,  tentacules;  o,  centre  de  la  bouche;  ol,  perrayon  ou  rayon  prin- 
cipal; oll,  interrayon  ou  raj^on  secondaire  ;  oIII,  adrayon  ou  rayon  tertiaire. 


elles  tracent  dans  la  mer  (1)  comme  un  sillage  de  feu  :  c'est  qu'en 
effet  beaucoup  d'entre  elles  sont  phosphorescentes,  grâce  à  l'accu- 
mulation d'une  matière  graisseuse  dans  leur  épiderme  ou  à  la  sur- 
face de  quelques-uns  de  leurs  organes  :  elles  contribuent  de  la  sorte 
à  produire  le  phénomène  de  la  phosphorescence  de  la  mer. 

(I)  Les  Méduses  sont  en  effet  des  animaux  marins,  à  l'exception  d'un 
petit  nombre  d'espèces  qui  peuvent  vivre  dans  l'eau  saumâtre  et  môme  dans 
l'eau  douce.  De  ce  nombre  sont  Crambessa  Tagi,  qui  se  trouve  dans  le  Tage, 
et  quelques  formes  analogues,  d'ailleurs  mal  connues,  qu'on  a  signalées  dans 
le  Niger  et  dans  les  fleuves  de  Sierra  Leone. 


ORDRE   DES  ACALEPHKS. 


23' 


L'ombrelle,  eu  général  peu  bombée,  présente  un  bord  festonné  et 
découpé  en  lobes;  le  nombre  fondamental  de  ces  derniers  est  de  8 
(Aurélia,  fig.  166),  mais  peut  devenir  fréquemment  un  multiple  de 
ce  chiffre  (i).Sur  le  bord  de  l'ombrelle  et  dans  l'intervalle  des  lobes, 
on  trouve  les  corpuscules  marginaux,  c,  dont  le  nombre  fondamental 
est  également  de  8;  mais  on  en  peut  rencontrer  12  (Polyclonia),  ou 
16  (Phacellophora).  Ces  corpuscules,  contrairement  à  ce  qui  s'observe 
chez  les  Médusoïdes,sont  toujours  recouverts  d'une  petite  membrane 
protectrice,  qui  s'insère  plus  ou  moins  loin  sur  l'ombrelle  ;  la  forme 
de  la  lamelle  varie  d'ailleurs  beaucoup,  mais  il  est  rare  de  la  voir  se 
souder  par  son  bord  avec  l'ombrelle,  de  manière  à  se  transformer 
en  une  petite  poche,  au  fond  de  laquelle  est  enchâssé  le  corpuscule 
sensoriel  (Pelagia). 

Le  bord  de  l'ombrelle  est  dépourvu  d'appendices  chez  les  Hhizos- 
tomes  (fig.  167),  mais  ce  fait  est 
exceptionnel.  En  règle  générale, 
il  porte  des  tentacules,  au  nom- 
bre de  8  et  alternant  alors  avec 
les  corpuscules  marginaux  (Nau- 
sithoe,  Pelagia,  fig.  165),  de  24 
(Chrysaora),  de  40  (Dactylo met?' a). 
Les  tentacules  sont  tous  sembla- 
bles entre  eux,  ou  au  contraire 
sont  dimorphes  ;  par  exemple, 
Chrysaora  en  possède  8  grands  et 
16  petits.  Au  lieu  de  s'insérer  au 
bord  de  l'ombrelle,  ils  s'atta- 
chent parfois  à  la  face  inférieure 
(Cyanea),  ou  à  la  face  supérieure 
(Aurélia).  Enfin,  ils  restent  tou- 
jours simples  et  sont  creusés, 
suivant  leur  axe,  d'un  canal  qui 

ne  fait  défaut  que  chez  Nausithoè  ;  ce  canal  se  termine  en  caecum  à 
l'extrémité  libre  du  tentacule,  mais  débouche,  à  la  base  de  celui-ci, 
dans  le  canal  circulaire  parallèle  au  bord  de  l'ombrelle. 

En  examinant  la  Méduse  par  sa  face  inférieure  (fig.  166),  on  peut  se 
rendre  compte  plus  exactement  de  son  organisation.  Le  manubrium 
quadrifide  attire  tout  d'abord  le  regard  :  il  est  divisé  en  quatre  bras, 
rt,  plus  ou  moins  développés  et  dont  chacun  présente  à  sa  face  in- 
terne une  rainure  longitudinale,  d'autant  plus  accentuée  qu'on  se 

(t)  Le  véritable  nombre  fondamental  des  Méduses  n'est  pourtant  point  8, 
mais  4,  comme  le  montre  l'existence  de  4  replis  gastrique^  chez  le  Scyphis- 
tome,  de  4  glandes  génitales  et  de  4  bras   manubriaux  chez  la  Méduse,  etc. 


Fig.  167.   —  Rhizostoma  pulmo. 


238 


CLASSE  DES  HYDROMÉDUSES. 


rapproche  davantage  de  la  base.  En  suivant  l'une  quelconque  de  ces 
rainures,  on  aboutit  à  une  cavité  de  forme  quadrilatère,  6,  qui  occupe 
exactement  le  centre  de  la  Méduse  :  cette  cavité  est  la  bouche;  par 
elle,  on  tombe  dans  la  cavité  gastro-vasculaire. 

Les  Rhizostomes  (fig.  167)  présentent  une  disposition  curieuse, 
dont  il  nous  faut  dire  quelques  mots.  Au  début,  ils  sont,  comme  les 
autres  Méduses,  pourvus  de  quatre  bras  et  d'une  bouche  centrale, 
mais  les  bras  se  dédoublent  bientôt,  en  même  temps  que  la  bouche 
s'oblitère  :  la  jeune  Méduse  se  modifie  alors  pour  présenter  la  dispo- 


Fig.  168.  —  Coupe  schématique  verticale  d'un  Rhizostome,  passant  par  un 
interrayon,  d'après  Glaus,  mais  légèrement  modifiée.—  a,  ombrelle;  6,  es- 
tomac; c,  sous-ombrelle;  d,  ruban  génital;  e,  cavité  génitale;  /,  filament 
gastrique;  g,  muscles  de  la  sous-ombrelle;  h,  vaisseau  radiaire  ;  i,  corpus- 
cule marginal  (otocyste)  ;  k,  lobe  oculaire;  /,  plis  supérieurs  du  bras  ;  m,  plis 
dorsaux  ;  n,  plis  ventraux  ;  o,  extrémité  des  bras  ;  p,  vaisseaux  circulaires  : 
7,  fosette  olfactive;  r,  fossette  sensorielle;  s,  tache  oculaire;  t,  épithélium 
sensitif. 


sition  qu'indique  la  figure  168.  Chacun  des  huit  bras,  très  festonné  à 
sa  partie  inférieure  et  à  sa  face  interne,  se  creuse  d'un  canal  longi- 
tudinal ;  celui-ci  porte,  au  niveau  des  festons,  un  grand  nombre  de 
branches  latérales,  qui  se  ramifient  plus  ou  moins  et  qui  s'ouvrent 
finalement  au  dehors  par  une  sorte  de  suçoir. 

La  cavité  gastrique  est  toujours  quadrangulaire,  mais  est  assez  va- 
riable dans  ses  dimensions  (fig.  168,  b).  Comme  chez  les  Médusoïdes, 
elle  émet  par  sa  périphérie  des  canaux  qui  s'enfoncent  en  rayonnant 
dans  le  tissu  de  l'ombrelle.  Elle  renferme  d'autre  part  les  organes 


ORDRE  DES  ACALÈPHES.  239 

génitaux,  d,  disposés  sur  son  plancher  sous  forme  de  quatre,  parfois 
de  huit  (Nausithoè,  Cassiopeu)  glandes  rubauées,  pelotonnées  sur 
elles-mêmes.  A  proprement  parler,  ces  glandes  ne  sont  pas  renfer- 
mées dans  la  cavité  gastrique,  bien  qu'elles  puissent  y  faire  parfois 
une  saillie  considérable  :  elles  sont  en.  effet  toujours  recouvertes 
d'une  mince  lamelle  endodermique.  Les  organes  génitaux  sont  très 
apparents  en  raison  de  leur  grosseur  et  de  leur  vif  éclat.  Ils  provien- 
nent de  l'ectoderme  et  s'enfoncent  vers  la  cavité  gastrique  à  mesure 
qu'ils  se  développent,  en  sorte  que  la  sous-ombrelle  se  déprime  à 
leur  niveau  en  une  sorte  de  cavité  (fig.  1G6  et  168,  ej,  ou  poche  géni- 
tale. Quand  les  produits  sexuels  sont  mûrs,  la  glande  se  rompt  et 
émet  ses  produits,  non  dans  la  poche  située  au-dessous,  mais  dans 
la  cavité  gastrique,  d'où  ils  sont  rejetés  au  dehors  par  la  bouche.  La 
diœcie  est  la  règle  ;  Chrysaora,  qui  est  hermaphrodite,  fait  seul  excep- 
tion. 

En  face  et  en  dedans  de  chaque  glande  génitale,  on  voit  dans  la 
cavité  gastrique  un  filament  particulier  (fig.  168,  /*),  que  l'on  doit  con- 
sidérer comme  étant  l'analogue  du  repli  mésentéroïde  des  Antho- 
zoaires.  Les  filaments  gastriques  rappellent  quatre  bourrelets  longi- 
tudinaux que  présente  la  cavité  du  corps  du  Scyphistome.  Ce  sont  de 
petits  cœcums  très  contractiles  et  communiquant  avec  les  poches 
génitales. 

L'appareil  vasculaire  est  plus  compliqué  que  chez  les  Médusoïdes  ; 
la  figure  166  va  nous  rendre  compte  de  sa  disposition,  en  même 
temps  qu'elle  nous  fera  connaître  les  principaux  plans  de  symétrie  des 
Acalèphes.  Quatre  canaux  radiaires,  f,  appelés  angulaires  par  C.  Vogt 
etE.  Yung,  correspondent  aux  quatre  coins  de  la  bouche,  et  parcou- 
rent l'ombrelle  suivant  la  direction  du  rayon  principal  ou  pcrrayon, 
ol,  pour  adopter  la  nomenclature  proposée  par  Hœckel.  Quatre  autres 
canaux,  g,  ou  canaux  génitaux,  intermédiaires  aux  précédents,  divi- 
sent en  deux  parties  égales  l'espace  laissé  libre  entre  deux  perrayons 
consécutifs  :  ils  traversent  l'ombrelle  suivant  un  rayon  secondaire  ou 
interrayon,  oll.  Enfin,  les  huit  segments  délimités  chacun  par  un  per- 
rayon  et  un  interrayon  consécutifs  sont  divisés  en  deux  moitiés  égales 
par  un  nouveau  canal,  i,  ou  canal  intermédiaire,  qui  prend  la  direction 
d'un  rayon  tentaculaire  ou  adrayon,  olll. 

Les  canaux  angulaires  et  les  canaux  génitaux  se  développent  les  pre- 
miers :  ils  aboutissent  chacun  à  un  corpuscule  marginal,  et  émettent 
le  long  de  leur  trajet  un  nombre  variable  de  branches  latérales,  qui 
s'en  vont  vers  le  bord  de  l'ombrelle  en  se  ramifiant  de  plus  en  plus. 
Les  canaux  intermédiaires  restent  au  contraire  indivis  ou  ne  se  ra- 
mifient que  fort  peu,  vers  leur  extrémité  périphérique.  L'ensemble 
des  canaux  que  nous  venons  de  décrire  vient  finalement  se  jeter  dans 


240  CLASSE  DES  HYDROMÉDUSES. 

ua  canal  annulaire,  k,  situé  au  voisinage  du  bord  de  l'ombrelle. 

Les  perrayons,  ol,  passent  par  le  coin  de  la  bouche  et  correspon- 
dent aux  divisions  du  manubrium.  Les  interrayons,  oïl,  passent  par 
les  filaments  gastriques  et  par  les  glandes  génitales.  Ces  deux  sortes 
de  rayons  passent  .en  outre  chacun  par  un  corpuscule  marginal  sen- 
soriel, et  permettent  de  diviser  le  corps  de  la  Méduse  en  deux  moitiés 
symétriques.  L'adrayon,  oIII,  ne  détermine  jamais  qu'une  division 
asymétrique  et  ne  passe  par  l'axe  d'aucun  organe  essentiel,  à  part  le 
canal  radiaire,  dont  il  prend  la  direction  :  il  correspond  pourtant  aux 
tentacules,  dans  le  cas  où  ceux-ci  sont  au  nombre  de  huit. 

L'ombrelle  des  Acraspèdes  est  d'ordinaire  très  épaisse  et  peut  at- 
teindre, chez  les  espèces  de  grande  taille,  une  consistance  voisine  de 
celle  du  cartilage.  Sa  substance  est  rarement  anhiste,  comme  chez  les 
Craspédotes,  mais  est  constituée  par  une  masse  gélatineuse,  au  sein 
de  laquelle  sont  plongées  des  fibres  élastiques  disposées  en  réseau 
et  des  cellules  ramifiées.  On  y  trouve  encore  parfois,  disséminées  çà 
et  là,  des  cellules  fusiformes  qui  semblent  s'être  séparées  de  l'endo- 
derme par  une  sorte  de  migration.  Les  muscles  locomoteurs  sont 
situés  à  la  face  inférieure  de  l'ombrelle,  au»voisinage  du  bord  libre, 
et  disposés  en  faisceaux  longitudinaux  et  radiaires  :  le  bord  lobé  qui 
les  renferme  est  appelé  vélarium;  il  correspond  donc,  dans  une  cer- 
taine mesure,  au  vélum  des  Craspédotes,  mais  il  s'en  distingue  en  ce 
que  les  dernières  ramifications  du  système  gastro-vasculaire  pénè- 
trent à  son  intérieur. 

Le  système  nerveux  central  est  plus  rudimentaire  que  chez  lesMé- 
dusoïdes.  On  n'a  pas,  jusqu'à  présent,  signalé  d'anneau  nerveux  sur 
la  face  sous-ombrellaire,  si  ce  n'est  chez  les  Charybdées,  et  c'est  seu- 
lement à  la  base  et  dans  le  pédoncule  des  corpuscules  marginaux 
qu'on  a  pu  déceler  la  présence  d'une  épaisse  couche  de  fibres  ner- 
veuses, mélangées  à  des  cellules  bipolaires.  Ce  tissu  nerveux  fait 
partie  de  l'ectoderme  et  est  en  rapport  avec  les  cellules  épithéliales 
sus-jacentes»  11  se  réfléchit  sur  les  bras  du  manubrium,  mais  y  est 
difficile  à  suivre. 

Le  corpuscule  marginal  (fig.  168,  i)  est  porté  à  l'extrémité  d'un 
court  pédoncule,  dans  l'axe  duquel  pénètre  un  petit  diverticulum  du 
canal  gastro-vasculaire  annulaire.  Il  correspond  à  une  vésicule  audi- 
tive ou  otocyste  (1)  et  présente  à  sa  base  et  à  sa  partie  supérieure  une 
tache  pigmentaire,  s,  qui  est  l'organe  visuel.  Entre  celui-ci  et  l'inser- 
tion de  la  membrane  protectrice,  k,  s'étend  un  épithelium  vibratile 
particulier,  t,  doué  sans  aucun  doute  d'une  sensibilité  spéciale.  On 

(l)  D'où  le  nom  do  Méduses  vésiculces  qui  a  encore  été  donné  aux 
Acrispècks. 


ORDRE   DES   ACALÈPIIES.  2U 

peut  encore  reconnaître  à  la  base  du  corpuscule  marginal  deux 
dépressions  tapissées  d'épithélium  vibratile,  l'une  inférieure,?-,  l'autre 
supérieure,  q;  cette  dernière  est  considérée  par  Claus  comme  élanl 
une  fossette  olfactive. 

L'œuf  est  alécithe  et  forme,  après  la  segmentation,  une  gastrula 
(fig.  109,  A),  dont  le  blastopore  se  ferme  prématurément.  La  larve 
astome  est  alors  semblable  à  la  planula  des  Hydraires  ;  elle  se  couvre 
de  cils  et  s'allonge  de  manière  à  prendre  un  aspect  ovoïde,  B.  Après 
être  restée  quelque  temps  errante,  elle  se  fixe  par  son  extrémité  ré- 
trécie  ;   une  bouche  nouvelle  ou  stomodamm   se  creuse  bientôt  à 


Fjg.  169.  —  Quatre  stades  du  développement  de  C/irysaora,  d'après  Claus. 
A,  gastrula.  —  B,  stade  postérieur  à  la  fermeture  du  blastopore.  —  C,  larve 
fixée  au  moment  de  l'apparition  de  la  nouvelle  bouche.  —  D,  larve  fixée 
avec  bouche  et  tentacules  naissants.  —  bl,  blastopore  ;  ep,  épiblaste  ;  ////, 
hypoblaste  ;  m,  bouche  ;  st,  nouvelle  boucho  ou  stomodaoum. 

l'extrémité  opposée,  G.  11  se  forme  peu  après  une  sorte  de  disque  pé- 
dieux  qui  sert  de  base  à  la  larve  et,  autour  de  la  bouche,  une  sorte  de 
plateau  sur  lequel  se  développent  successivement  deux  paires  de  ten- 
tacules pleins,  dont  l'axe  est  occupé  par  un  prolongement  de  l'endo- 
derme, D.  Quatre  tentacules  nouveaux  apparaissent  ensuite  dans  l'in- 
lervalle  des  premiers,  en  même  temps  que  la  cavité  gastrique  se 
subdivise  incomplètement  en  quatre  chambres,  grâce  à  la  production 
de  quatre  replis  endodermiques  longitudinaux,  qui  prennent  nais- 
sance dans  le  même  plan  vertical  que  les  tentacules  de  dernière  for- 
mation. Les  tentacules  augmentent  encore  de  nombre  jusqu'à  ce  qu'il 
s'en  soit  formé  seize,  et  la  forme  Scyphistoma,  qui  a  été  le  point  de 
départ  de  notre  étude,  se  trouve  alors  reconstituée. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  lu 


242  CLASSE   DES  HYDROMÉDUSES. 

Grâce  à  leurs  nombreux  nématocystes,  les  Acalèphes  sont 
au  nombre  des  animaux  les  plus  urticants.  On  est  assurément 
loin  de  s'attendre  à  voir  cette  urtication  mise  à  profit  dans  un 
but  thérapeutique  :  le  fait  existe  pourtant,  il  a  été  signalé 
récemment  par  Spencer  Wells. 

Aux  eaux  de  Sandifjord,  en  Norvège,  on  traite  les  névralgies 
et  les  douleurs  rhumatismales  par  l'application  d1 Aurélia  aurila. 
Cette  méthode  fut  imaginée,  en  1837,  par  le  Dr  Thaulow  et 
introduite  par  lui  dans  l'établissement  thermal  dont  il  est  le 
fondateur;  l'idée  de  ce  traitement  lui  fut  suggérée  par  l'obser- 
vation d'un  malade  atteint  de  douleurs  névralgiques  et  qui  fut 
complètement  guéri  après  avoir  été  piqué  par  une  Méduse,  en 
prenant  un  bain  de  mer.  L'application  de  l'Acalèphe  est  d'ail- 
leurs des  plus  simples.  Un  baigneur  tient  celui-ci  par  la  face 
convexe  ou  supérieure  de  l'ombrelle,  qui  est  lisse  et  dépour- 
vue de  nématocystes,  et  touche  légèrement  à  plusieurs  repri- 
ses, avec  la  face  inférieure,  les  parties  au  niveau  desquelles 
on  veut  produire  une  révulsion.  Il  en  résulte  une  irritation 
assez  forte;  le  patient  ressent  une  vive  cuisson,  une  brûlure; 
la  peau  rougit,  la  région  se  tuméfie  et  reste  ainsi  pendant  plu- 
sieurs heures  ;  parfois  même,  on  observe  de  l'érythème  qui 
persiste  pendant  quelques  jours.  Le  malade  ressent  dans  diver- 
ses parties  du  corps  des  douleurs  fulgurantes  et  un  ébranle- 
ment qu'il  compare  à  une  décharge  électrique;  la  céphalée  est 
assez  fréquente.  Des  névralgies  et  des  rhumatismes  rebelles 
ont  cédé  rapidement  à  cette  médication. 

Th.  Einier,  Die  Medusen  physiologisch  und  morphologisch  auf  ihr  Serveîi- 
system  Untersucht.  Tûbingen,  1878. 

E.  Hœckel,  Das  Si/stem  der  Medusen.  Iena,  1879. 

E.  Hœckel,  Die  Tiefsee- Medusen  der  Challenger-Reise  und  der  Organismus 
der  Medusen.  Iena,  1881. 

E.  Haockel,  Metagenesis  und  Hypogenesis  von  Aurélia  aurita.  Iena,  1881. 

T.  Spencer  Wells,  Remarks  on  holiday -making  a?id  health-resorts  ofNorway. 
British  med.  journal,  II,  p.  504,  1G  sept.  1882. 

On  ne  peut  méconnaître  que  les  Acalèphes  ont  avec  les  Anthozoai- 
res  de  grandes  affinités,  que  nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  faire 
ressortir  :  il  y  a  donc  lieu  de  penser  que  ceux-ci  ont  été  les  ancêtres 
de  ceux-là  ou  tout  au  moins  que  les  uns  et  les  autres  dérivent  d'une 
souchecommune.  Les  HydroïdesetlesSiphonophores  sontétroitement 
apparentés  les  uns  aux  autres;  ils  ont  moins  de  ressemblance  avec 


CLASSE   DES  CTÉNOPHORES. 


243 


les  Actinozoaires  qu'avec  les  Hydrocorallines,  dont  l'origine  est  très 
ancienne.  La  classe  des  Hydromôduses  semble  donc  provenir  de  deux 
souches  fort  distinctes.  Dans  les  espèces  à  génération  alternante,  les 
observateurs  s'accordent  à  regarder  la  forme  sédentaire  et  asexuée 
comme  la  forme  primitive.  C.  Vogt  et  E.  Yung  pensent  au  contraire 
que  la  forme  médusaire  représente  l'état  primitif  de  l'animal,  et  la 
forme  fixe  polypoïde  un  état  tout  secondaire.  Les  arguments  qu'ils 
apportent  à  l'appui  de  leur  opinion  ne  sont  point  encore  suffisam- 
ment convaincants. 


CLASSE  DES  CTÉNOPHORES 

Les  Cténophores  sont  tous  des  animaux  marins.  Ils  nagent  libre- 
ment, ne  présentent  point  d'alternances 
de  génération  et  ne  forment  jamais  de 
colonies.  Leur  corps  est  habituellement 
sphçrique  ou  cylindrique,  mais  peut  quel- 
quefois s'aplatir  comme  un  ruban  (Ces- 
ttim).  La  symétrie  est  nettement  bilaté- 
rale, aussi  bien  suivant  le  plan  trans- 
versal que  suivant  le  plan  sagittal.  La 
substance  du  corps,  constituée  en  grande 
partie  par  une  masse  gélatineuse  ana- 
logue à  celle  des  Méduses  et  d'origine 
mésodermique,  est  parfois  d'une  trans- 
parence parfaite  (Bolina),  en  sorte  qu'on 
peut  aisément  saisir  les  détails  de  son 
organisation,  à  moins  que  du  pigment 
ne  s'accumule  dans  l'ectoderme. 

La  surface  du  corps  présente  huit  ban- 
des de  palettes  ciliées  (fig.  172,  g),  formant 
des  plaques  pectiniformes  au  moyen  des- 
quelles les  Cténophores  nagent  et  aux- 
quelles ils  doivent  d'ailleurs  leur  nom  ; 
ces  bandes,  dont  l'étendue  est  très  varia- 
ble, sont  disposées  longitudinalement, 
suivant  des  méridiens.  Dans  les  cas  où 
les  lobes  péribuccaux  font  défaut,  elles 
constituent  le  seul  appareil  de  locomo- 
tion dont  puisse  disposer  l'animal,  le 
corps  ne  présentant  point  ces  actives  con- 
tractions que  nous  avons  constatées  chez 
les  Méduses.  Le  CU'nophore  meut  à  son  gré  ses  palettes  natatoires, 


Fi».   KO.  —    Beroe   Forskali. 


2U  CLASSE   DES  CTÉNOPHORES. 

soit  toutes  ensemble,  soit  par  séries,  soit  par  groupes  de  palettes. 
La  bouche  est  toujours  dirigée  en  arrière  pendant  la  natation.  Elle 
est  située  à  l'un  des  pôles  (fig.  172,  a),  et  est  assez  fréquemment  en- 
tourée de  lobes  plus  ou  moins  développés.  Large  chez  Beroe  (fig.  170), 
elle  est  rétrécie  chez  Pleurobrachia  (fig.  171),  et  cette  différence  de 
forme  a  permis  de  distinguer  les  Cténophores  en  Eurystomes  (Beroe, 
Idyopsis,  Ringia)  et  en  Sténostomes  (Pleurobrachia,  Cydippe,  Owenia, 
Cestim,  Bolina,  Mnemia,  etc.)-  L'estomac  (fig.  172,  b),  qui  fait  suite  au 


Fig.  171.  —  Pleurobrachia  pileux. 


tube  buccal,  est  très  vaste  chez  les  Eurystomes,  mais  rétréci  chez  les 
autres  Cténophores;  il  est  parcouru  longitudinalement  par  deux 
saillies  glandulaires,  c.  Son  fond,  que  des  muscles  spéciaux  peuvent 
clore,  communique  avec  une  cavité  nouvelle,  Yentonnoir,  d,  qui 
occupe  l'axe  du  corps  et  qui,  au  pôle  aboral,  émet  deux  petits  canaux, 
e,  venant  chacun  déboucher  au  dehors  ;  leur  orifice  de  sortie,  entouré 
d'un  muscle  qui  en  permet  l'occlusion,  n'est  situé  dans  aucun  des 
deux  plans  de  symétrie,  mais  est  compris  dans  un  plan  qui  croise 
ceux-ci  suivant  un  angle  de  4o°. 
L'entonnoir  est  fortement  aplati  dans  le  sens  latéral.  Il  émet  un 


CLASSE  DES  CTÉNOPHORES. 


certain  nombre  de  diverticulums  qui  prennent  tous  naissance  dans 
le  plan  transversal,  au  niveau  de  l'estomac.  Ce  sont  d'abord  deux 
culs-de-sac  (fig.  172,  f),  qui  marchent  parallèlement  à  l'estomac 
c'est  ensuite,  de  chaque 
côté,  un  canal  gastro- 
vasculaire  transversal , 
g.  Ce  dernier  canal  se 
divise  de  bonne  heure 
en  deux  branches,  h, 
dont  chacune  se  bifur- 
que à  son  tour,  i,  pour 
aller  se  terminer  dans 
un  canal  méridien,  /, 
qui  court  parallèlement 
à  la  bande  ciliée  et  à  peu 
de  distance  au-dessous 
d'elle.  Eu  égard  à  leur 
situation  par  rapport 
aux  deux  plans  de  sy- 
métrie, les  huit  bandes 
ciliées  peuvent  être  di- 
visées en  deux  groupes  : 
les  unes  sont  sub-sagit- 
taies,  les  autres  sont 
sub  -  transversales  ;  les 
canaux  méridiens  cor- 
respondants peuvent  re- 
cevoir la  même  dénomi- 
nation. Chez  les  Pleuro- 
brachies,le3  huit  canaux 
méridiens  se  terminent 
de  part  et  d'autre  en 
cul-de-sac  ;  mais  chez 
d'autres  Cténophores , 
tels  que  les  Mnémides, 
certains  vaisseaux  peu- 
vent se  réunir  entre  eux 
par  des  anastomoses 
transversales,  sans  que  pourtant  on  observe  jamais  d'anneau  vas- 
culaire  péri-buccal. 

Tous  les  Sténostomes  sont  munis  de  deux  longs  tentacules  latéraux, 
o,  diversement  ramifiés  et  capables  de  se  rétracter  dans  une  poche,  ?î, 
creusée  dans  la  substance  gélatineuse.  Comme  chez  les  Méduses,  ces 


Fig.  17'2.  —  Coupe  verticale  théorique  du  corps 
d'un  Cténophore  (Pleuvobrachia).  La  coupe 
passe  par  le  plan  transversal  du  côté  gauche 
et  par  le  plan  du  canal  méridien  subtransver- 
sal du  côté  droit.  —  a,  bouche  ;  b,  estomac  ; 
c,  bourrelet  glandulaire;  d,  entonnoir;  e,  ca- 
naux par  lesquels  l'entonnoir  s'ouvre  au  de- 
hors; f,  caecums  parallèles  à  l'estomac;  g,  ca- 
nal gastro-vasculaire  transversal;  h,  ses  bran- 
ches de  bifurcation;  »,  branches  de  bifurcation 
du  canal  h;  /,  canal  méridien  ;  m,  canal  tenta- 
culaire;  ?z,  poche  tentaculaire;  o,  tentacule; 
p,  otocyste;  q,  palette  ciliée. 


246  CLASSE  DES  CTEiNOPHORES. 

tentacules  sont  creusés  d'un  canal,  m,  qui  n'est  lui-même  qu'une 
branche  du  canal  gastro-vasculaire  transversal.  Leur  paroi  est  très 
musculeuse  et  est  tapissée  d'un  épithélium  externe  renfermant  un 
grand  nombre  de  nématocystes  d'une  structure  particulière;  l'épithé- 
lium  interne  est  cilié,  comme  du  reste  dans  toute  l'étendue  du  sys- 
tème gastro-vasculaire. 

Le  pôle  aboral  est  occupé  par  une  grosse  vésicule,  p,  dans  laquelle 
l'examen  microscopique  permet  de  reconnaître  un  otocyste,  enchâssé 
au  fond  d'une  dépression  que  l'animal  peut  faire  disparaître  à  son 
gré.  On  n'a  pas  réussi  jusqu'à  présent  à  reconnaître  le  système  ner- 
veux central,  mais  il  est  vraisemblable  que  des  recherches  ultérieures 
le  feront  découvrir  dans  les  tissus  qui  avoisinent  la  vésicule  audi- 
tive. 

Les  Gténophores  sont  des  animaux  hermaphrodites.  Leurs  glandes 
génitales  se  développent  dans  les  canaux  méridiens  et  plus  particu- 
lièrement dans  des  culs-de-sac  que  présentent  latéralement  ces  ca- 
naux, au  niveau  de  chaque  palette  ciliée.  Les  produits  sexuels  s'y 
forment  d'une  façon  très  régulière  :  un  côté  du  canal  est  tout  entier 
mâle,  tandis  que  l'autre  côté  est  femelle.  Ces  glandes  dérivent  sans 
doute  de  l'ectoderme  :  elles  sont  recouvertes  par  l'épithélium  cilié 
qui  tapisse  le  canal,  mais,  au  moment  de  la  maturité,  leurs  produits 
déchirent  cet  épithélium  et  tombent  dans  la  lumière  du  vaisseau.  Le 
développement  est  direct  et  sans  métamorphoses. 

E.  Hseckel,  Ursprungund  Slammverwandtschaft  der  Ctenophoren.  Sitzuugs- 
berichte  der  Jenaischen  Gesellschaft,  p.  70,  1879. 

C.  Gtiun,  Die  Ctenophoren  des  Golfes  von  Neapel.  Leipzig,  1880. 

R.  Hertwig,  Ueber  den  Bau  der  Ctenophoren.  Jenaische  Zeitschrift,  XIV, 
p.  313,  1880. 


Les  affinités  des  Cténophores  sont  longtemps  demeurées  incertaines. 
Hseckel  a  décrit  récemment,  sous  le  nom  Ctenaria  ctenophora,  un  cu- 
rieux Médusoïde  qui  se  rattache  étroitement  à  Cladonema,  mais  qui,  de 
même  que  les  Gténophores,  présente  un  entonnoir,  deux  tentacules 
pouvant  se  rétracter  dans  des  poches  creusées  dans  le  tissu  de  l'om- 
brelle, et  huit  zones  méridiennes  ciliées,  situées  à  la  surface  dans  le 
plan  des  adrayons.  11  n'hésite  pas  à  considérer  cette  forme  comme 
établissant  directement  le  passage  des  Anthoméduses,  tels  que  Clado- 
nema  et  Gemmaria,  aux  Gténophores  tels  que  Cydippe  et  Plcurobrachia ; 
il  en  conclut  que  les  Gténophores  dérivent  des  Graspédotes.  Cette 
opinion  est  des  plus  plausibles  ;  on  ne  doit  pourtant  pas  perdre  de 
vue  que,  si  leur  phylogénie  semble  les  rapprocher  de  ces  derniers, 
l'ontogénie  des  Gténophores  n'est  pas  sans  analogie  avec  celle  des 
Acalèphes,  comme  le  prouve  la  formation  d'un  stomodœum  chez  la 


CLASSE   DES  CTÉNOPHORES. 


larve,  c'est-à-dire  d'une  bouche  secondaire  produite  par  perforation 
du  blastoderme,  après  oblitération  du  blastopore  ;  il  est  d'ailleurs 
possible  que  ce  caractère  soit  une  acquisition  secondaire. 

Le  tableau  suivant  montre  la  descendance  et  les  affinités  des  Cœlen- 
térés entre  eux,  autant  que  permeltentd'en  juger  les  données  actuelles 
de  la  science  : 


Àcalèphcs. 


Anthozoaires. 


Siphonophores 


Spongiaires. 


Cténophores. 


(Ctenhria  . 


(Craspédotes). 

j 
Synhydraires. 

Hydràires. 


(Gastrxa?) 
COELENTÉRÉS  PRIMORDIAUX, 


EMBRANCHEMENT  DES  EGHINODERMES 


CLASSE  DES  CRINOIDES 

Les  Crinoïdes  sont  les  plus  anciens  des  Éehinodermes;  ils  appa- 
raissent dans  les  mers  cambriennes  et  un  groupe  important,  celui 
des  Cyslidées,  s'éteint  déjà  dans  le  carbonifère.  Après  avoir  eu  une 
période  d'extraordinaire  prospérité  durant  la  période   secondaire, 


Fig.  r 


A?Uedo?i  rosaceus  {Comalula  mediterranea),  vu  en  dessous. 


les  Grinoïdes  ont  rapidement  décliné  dans  les  périodes  suivantes; 
leurs  espèces  sont  devenues  infiniment  moins  nombreuses  et  infini- 
ment moins  bien  représentées. 

Il  eu  existe  pourtant  encore  dans  toutes  les  mers,  des  deux  pôles  à 
l'équateur.  La  plupart  vivent  dans  les  plus  grandes  profondeurs;  les 


ORDRE  DES  STELLÉR1DES.  219 

Bathycrines  et  les  Hyocrines,par  exemple,  habitent  des  fonds  de  1,800 
à  4,500  mètres,  en  compagnie  de  certaines  espèces  de  Comatules. 
D'autres  Comatules,  au  conlraire,  remontent  sur  nos  côtes,  à  peu  de 
distance  des  grèves  que  le  reflux  laisse  à  découvert,  et  demeurent 
souventà  secpendantquelques  heures,  au  moment  des  marées  d'équi- 
noxe.  L'espèce  qui  se  trouve  ainsi  répandue  dans  nos  mers  est  Ante- 
don  rosaceus  Links  (fig.  173). 

Les  Crinoïdes  se  divisent  en  trois  ordres:  1°  Eucrinoïdes  ou  Bra- 
chiales; 2°  Cystidées;  3°  Blastoîdes.  Les  espèces  actuellement  vivantes 
appartiennent  à  la  première  de  ces  divisions .  Leur  étude,  intéressante 
au  point  de  vue  de  l'anatomie  comparée,  est  trop  spéciale  pour  que 
nous  nous  y  arrêtions. 


CLASSE  DES  ASTÉRIDES 

ORDRE    DES    STELLÉRIDES 

On  trouve  en  abondance  sur  nos  côtes  un  animal  en  forme  d'étoile 
à  cinq  branches,  d'un  rouge  violacé,  brunâtre  ou  presque  orangé  sur 
la  face  supérieure  ou  dorsale,  d'un  blanc  jaunâtre  sur  la  face  infé- 
rieure ou  ventrale  :  c'est  Asterias  rubens  L.,  que  nous  pouvons  prendre 
pour  type  de  l'ordre  des  Stellérides  ou  Étoiles  de  mer. 

Le  corps  de  cet  animal  est  composé  d'une  partie  médiane,  le 
disque,  et  de  cinq  rayons  ou  bras  divergents,  un  peu  renflés  à  leur 
origine.  11  est  de  forme  aplatie  et,  malgré  son  apparence  rayonnée, 
offre  une  symétrie  bilatérale  des  plus  nettes.  On  remarque  en  effet, 
à  la  face  supérieure  ou  aborale,  une  plaque  impaire  et  excentrique, 
la  plaque  madrcporique  (fig.  174  et  180,  f),  dont  nous  aurons  à  parler 
par  la  suite.  Cette  plaque  est  située  dans  l'un  des  angles  formés  par 
la  réunion  de  deux  bras:  puisque  le  nombre  de  ces  derniers  est 
de  cinq,  elle  est  donc  opposée  à  un  bras.  Celui-ci  sera  le  bras  anté- 
rieur, et  les  quatre  autres  bras  se  trouveront  dès  lors  divisés 
en  deux  groupes  égaux,  dont  l'un  est  situé  à  droite  et  l'autre  à  gauche. 
La  ligne  OC  (fig.  174)  qui,  partie  du  centre,  passe  par  les  bras,  con- 
stitue le  rayon;  la  ligne  intermédiaire  OD,  qui  passe  par  l'intervalle 
des  bras,  constitue  Yinterrayon.  Le  plan  de  symétrie  se  trouve  dès 
lors  défini  par  la  ligne  AB,  qui  passe  par  le  rayon  du  bras  antérieur 
et  par  l'interrayon  postérieur,  sur  le  trajet  duquel  est  situé  la  plaque 
madréporique. 

Examinons  maintenant  notre  Astérie  par  la  face  inférieure.  Au 
centre  se  voit  la  bouche,  située  au  fond  d'une  excavation  penlago- 
nale.  Les  cinq  bras  sont  creusés  suivant  leur  longueur  d'un  profond 


250 


CLASSE   DES  ASTERIDES. 


sillon  (fig.  178],  dans  lequel  on  remarque,  de  part  et  d'autre  de  la 
ligne  médiane,  deux  rangées  d'appendices  délicats  et  contractiles, 
capables  de  rentrer  dans  le  corps  ou  au  contraire  de  sortir  au  de- 
hors :  ce  sont  les  ambulacres,  i;  le  sillon  qui  les  renferme  prend  le 
nom  de  gouttière  ambulacraire  ou  d'avenue.  Enfin,  l'extrémité  libre  de 
chacun  des  rayons  présente  vers  sa  partie  supérieure  un  petit  cor- 
puscule rouge  (fig.  180,  y),  que  l'on  considère  comme  un  œil. 

Nous  venons  de  voir  que,  chez  Aster  (as,  les   séries    d'ambulacres 


Fig.  174.  —  Schéma  de  l'organisation  d'une  Astérie,  vue  par  la  face  dorsale. 
AB,  plan  de  symétrie  bilatérale  :  OA,  OC,  rayons  ;  OB,  OD,  interrayons  ;  b, 
estomac;/,  plaque  madréporique  ;  m,  cœcum  hépatique;  q,  canal  péri- 
anal;  r,  anses  qu'il  forme;  s,  branches  se  rendant  aux  glandes  génitales  ; 
t,  branches  se  rendant  k  l'estomac;  u,  glandes  de  Greeff;  j-,  cavité  géné- 
rale; z,  glande  génitale. 


sont  au  nombre  de  quatre  ;  il  en  est  de  même  chez  Stichaster,  Anas- 
terias,  Calvastcrias,  Pycnopodia  et  Heliaster.  Mais  toutes  les  autres 
Stellérides  ont  seulement  deux  rangées  d'ambulacres  (Brisiîigajly as- 
ter, Caulaster,  Echinaster,  Linckia,  Goniaster,  Asterina,  Ptcraster,  As- 
trupecten,  Archaater,  etc.).  On  peut,  d'après  ce  caractère,  classer  les 
Astéries  et  la  division  ainsi  établie  coïncide  à  peu  près  exactement  avec 
celle  que  nous  indiquerons  par  la  suite  comme  basée  sur  la  struc- 
ture de  la  bouche. 


ORDRE   DES  STELLÉRIDES. 


2il 


La  constitution  du  tégument  diffère  notablement,  suivant  qu'on 
l'étudié  à  la  face  dorsale  ou  à  la  face  ventrale  ;  elle  varie  également 
dans  ses  différentes  parties.  Examinons  d'abord  la  face  dorsale. 

Elle  est  hérissée  de  mamelons  ou  d'épines  (fig.  178,  m),  qui  ne  sont 
jamais  articulés,  mais  font  corps  avec  des  plaques  calcaires  dévelop- 
pées dans  l'épaisseur  du  tégument.  Ces 
plaques  squelettiques,  6,  très  variables 
d'aspect  d'une  espèce  à  l'autre,  ont  été 
étudiées  avec  grand  soin  par  Viguier,  qui 
a  montré  toute  leur  importance  pour  la 
classification.  Elles  laissent  entre  elles  des 
lacunes  ou  méats,  par  lesquels  font  saillie 
des  tubes  en  caecum,  disséminés  çà  et  là, 
communiquant  avec  la  cavité  générale  du 
corps  et  appelés  branchies  dermiques,  e,  en 
raison  du  rôle  respiratoire  qu'on  leur  attri- 
bue. Le  squelette  dermique  des  bras  est 
plus  parfait  que  celui  du  disque  :  les  seg- 
ments calcaires  qui  le  constituent  s'arti- 
culent entre  eux,  de  façon  à  donner  à  l'As- 
térie une  assez  grande  consistance  et  une 
certaine  raideur.  En  dépit  de  cette  rigi- 
dité, l'animal  peut  néanmoins  plier  ses 
bras  ;  son  test  représente  en  effet  une 
sorte  de  cotte  de  mailles,  dont  la  solidité 
n'est  pas  incompatible  avec  la  flexibilité. 
En  outre  de  la  plaque  madréporique,  dont 
nous  avons  indiqué  déjà  la  situation,  la 
face  supérieure  offre  en  son  centre  l'orifice 
anal  ;  mais  celui-ci  peut  faire  défaut  (As- 
tropecten,  Ctenodiscus,  Luidia),  et  tel  serait 
aussi  le  cas  d'A sterias  rubens,  suivant  Hoff- 
mann ;  on  peut  trouver,  en  revanche,  des 
Astérides  pourvues  de  plusieurs  plaques 
madréporiques   (Ophidiaster ,  Acanthaster). 

Si  maintenant  nous  passons  à  la  face 
inférieure,  les  pièces  calcaires  du  pour- 
tour de  la  bouche  se  montrent  dans  l'épaisseur  du  tégument,  réunies 
par  des  parties  molles.  Chacun  des  côtés  de  la  gouttière  ambula- 
craire  est  constitué  par  une  file  unique  de  plaques  ambulacraires 
(fig.  176  et  178,  a),  qui  laissent  entre  elles  des  pertuis  par  lesquels 
passent  les  ambulacres.  En  dehors  de  la  gouttière,  mais  encore  à  la 
face  orale,  on  peut  en  outre  observer  de   chaque  côté  une  plaque 


Fig.  175.  —  Squelette  du 
bras  d'Echinaster  sepositus 
vu  par  la  face  ventrale, 
d'après  Viguier;  d,  dent. 


25: 


CLASSE   DES  ASTERIDES. 


B 


adambulacraire,  ad,  dont  le  bord  externe  s'unit  aux  plaques  de  la  face 
dorsale. 

La  surface  entière  du  corps  est  recouverte  d'une  cuticule,  ciliée 
par  places,  notamment  autour  de  la  bouche,  et  surmontant  un  épi- 
théiium  cylindrique,  dont  les  cellules  sont  remplies  de  granulations 
pigmentaires  auxquelles  est  due  la  couleur  spéciale  présentée  par 
l'Astérie. 
On  trouve  encore  sur  toute  la  surface  du  corps,  mais  plus  parti- 
culièrement au  voisinage  du  sillon  ambula- 
craire,  des  appendices  de  très  petite  taille 
connus  sous  le  nom  de  pédicellaires  (tig.  178, 
d).  Ce  sont  des  sortes  de  pinces  bivalves,  de 
nature  calcaire,  mises  en  mouvement  par  des 
muscles  spéciaux  et  supportées  par  un  pédon- 
cule qui  s'attache  directement  sur  la  peau  ; 
quelquefois  le  pédoncule  fait  défaut,  et  le  pé- 
dicellaire  est  sessile  (Pentagonaster).  Les  pédi- 
cellaires  sont  considérés  comme  des  organes 
de  préhension:  un  corps  étranger  vient-il  à 
passer  à  leur  portée,  ces  pinces  minuscules  le 
saisiraient,  puis  se  le  transmettraient  de  pro- 
che en  proche,  de  manière  à  le  porter  vers 
la  bouche. 
Le  nombre  des  bras  est  habituellement  de  cinq,  comme  chez  As- 
tenus  rubens,  Pedicellaster,  Caulaster,  lly aster,  etc.,  mais  il  peut  être 
plus  grand.  C'est  ainsi,  par  exemple,  qu' Asterias  polar is,  A.  borealis 
et  Solaster  glaciaîis  en  ont  6,  Solaster  affinis  7,  Luidia  6  à  9,  Asterina8, 
Solaster  endeca  9  à  U,  Solaster  furcifer  10,  Brisinga  9  à  12,  llymeno- 
discus  Agassizi  12,  Solaster  papposus  12  à  14  (fig.  177),  Acanthaster  lt 
à  21,  Pycnopodia  20,  Labidiasler  radiosas  30  et  plus,  Heliaster  29  à  40. 
Quand  on  a  fendu  le  tégument  d'une  Astérie  ou  de  tout  autre  Échi- 
noderme,  on  tombe  dans  une  cavité  générale  ou  cœlôme  (fig.  174 
et  178,  x),  dans  laquelle  sont  contenus  les  divers  organes  et  qui, 
contrairement  à  la  cavité  gastro-vasculairc  des  Cœlentérés,  est  dis- 
tincte tout  à  la  fois  de  l'appareil  digestif  et  de  l'appareil  circulatoire. 
Le  cœlôme,  que  nous  observons  ici  pour  la  première  fois,  différencie 
nettement  les  Échinodermes  des  Cœlentérés  ;  nous  allons  le  retrou- 
ver désormais  chez  tous  les  animaux,  sauf  chez  quelques  types  dé- 
gradés par  le  parasitisme. 

Dans  le  cas  particulier  de  l'Astérie,  il  est  partout  revêtu  d'une 
délicate  membrane  épilhcliale  ciliée  (fig.  178,  f),  sorte  de  péritoine  qui 
s'infléchit  autour  de  tous  les  organes  ou  qui,  en  s'accolant  à  lui- 
môme,  leur  constitue  des  ligaments  fixateurs.  Le  cœlôme  est  rempli 


Fig.  176.  —  Coupe 
transversale  d'un  bras 
d1 ' Echinaster  seposi- 
tus.  —  a,  pièce  am- 
bulacraire;  ad,  pièce 
adambulacraice.  D'a- 
près Viguier. 


ORDRE   DES  STELLERIDES.  WA 

d'un  liquide  de  môme  nature  que  celui  que  nous  allons  bientôt 
reconnaître  dans  les  appareils  ambulacraire  et  circulatoire.  Il  envoie 
enfin,  au  travers  du  tégument,  des  sortes  de  cœcums  qui  ne  sont 
autre  chose  que  les  branchies  dermiques,  e,  dont  il  a  été  déjà 
question. 

La  bouche,  dépourvue  d'appareil  masticateur,  est  ronde,  très  con- 
tractile. Elle  est  percée  au  centre  d'une  membrane  buccale,  ciliée  à 
sa  surface  et  tendue  dans  un  cadre  solide  dont  la  constitution  varie. 
Suivant  les  cas,  ce  cadre,  dont  les  pièces  prennent  le  nom  de  dents 
fig.  173,  d),  est  formé  de  pièces  ambulacraires  ou  de  pièces  adambu- 


Fig.  177.  —  Solaster  papposus. 


lacraires  modifiées  :  de  là  une  importante  division,  mise  en  lumière 
par  Viguier. 

La  bouche  présente  sur  ses  bords  des  papilles  et  des  pédicellaires. 
Elle  s'ouvre  directement  dans  une  large  poche  stomacale  (fig.  174 
et  180,  6),  tapissée  intérieurement  d'un  épithélium  vibratile.  L'esto- 
mac émet  par  sa  partie  supérieure  cinq  caecums  allongés,  m,  qui 
pénètrent  dans  la  cavité  des  bras.  11  se  rétrécit  alors  pour  se  conti- 
nuer par  un  rectum  raccourci,  c,  qui  débouche  à  la  face  supérieure 
du  disque.  L'anus  est  d'ordinaire  plus  ou  moins  excentrique,  et 
s'ouvre  au  milieu  des  tubercules  de  la  peau;  nous  avons  vu  qu'il 
pouvait  manquer. 

L'estomac  peut  se  retourner  en  dehors  à  la  volonté  de  l'animal.  De 


254 


CLASSE   DES  ASTÉiUDES. 


cette  manière,  celui-ci  digère,  en  quelque  sorte  à  l'extérieur,  les  dé- 
bris d'animaux  dont  il  se  nourrit.  Les  sucs  digestifs,  capables  de 
transformer  les  albuminoïdes  et  les  matières  amylacées,  sont  four- 
nis par  les  cœcums  radiaux  ou  sacs  hépatiques.  Ceux-ci,  en  pénétrant 
dans  les  bras,  se  divisent  chacun  en  deux  longs  conduits  auxquels 
sontappendus  de  petits  diverticules  glandulaires.  Ils  sont  rattachés  à 
la  paroi  supérieure  du  rayon  par  un  double  repli  mésentérique 
émanant  de  la  membrane  qui  revêt  la  cavité  du  corps,  à  la  façon 
d'un  péritoine  (fig.  178,  s). 


Fig.  178.  —  Coupe  transversale  schématique  d'un  bras  d'Astérie.  —  a,  pièce 
ambulacraire;  ad,  pièce  adambulacraire;  b,  pièces  calcaires  de  la  surface 
aborale  ;  c,  épithélium  externe  ;  d,  pédicellaire  bivalve  ;  e,  branchie  dermi- 
que ;  f,  épithélium  limitant  la  cavité  générale  (péritoine)  ;  g,  vésicule  am- 
bulacraire ;  h,  canal  ambulacraire;  i,  ambulacre;  k,  canal  infra-brachial; 
l,  branche  latérale  du  canal  infra-brachial  allant  s'ouvrir  librement  dans  la 
cavité  générale;  m,  épithélium  nerveux,  d'après  Lange  ;n,  épithélium  ner- 
veux, d'après  Ludwig;  o,  canal  nerveux;  p,  épithélium  nerveux,  d'après 
Hoffmann  et  d'après  Perrier  et  Poirier;  q,  caecum  hépatique;  r,  glande 
génitale  ;  s,  mésentère  ;  t,  mésoarium;  îi,  épine  calcaire;  x,  cavité  générale. 


Nous  aurons  achevé  la  description  de  l'appareil  digestif,  quand 
nous  aurons  signalé  l'existence  de  petits  crecums  qui  se  développent 
dans  les  interrayons,  sur  le  trajet  du  rectum  (fig.  180,  d).  Leur  nom- 
bre n'est  pas  constant  :  on  en  trouve  deux  chez  Asterias  rubens, 
cinq  dans  d'aulres  espèces; ils  manquent  assez  ordinairement,  quand 
l'anus  est  lui-môme  absent.  Leur  rôle  est  encore  inconnu  ;  on  les  a 
considérés  comme  des  organes  urinaires. 

Le  système  aquifère  ou  ambulacraire,  auquel  Hoffmann  donne  le 
nom  de  système  lymphatique,  communique  avec  l'extérieur  par  l'inter- 
médiaire de  la  plaque  madréporique  (fig.  180,   f).  Sur  cette  plaque 


OliURE   DES  STELLÉR1DES. 


•>:;:; 


prend  naissance  le  canal  hydropliore,  g,  appelé  encore  canal  pierreux 
ou  canal  du  sable.  Situé  dans  le  plan  de  l'interrayon  postérieur,  il 
présente  à  son  origine  une  sorte  de  dilatation  ampullaire;  il  descend 
obliquement  de  la  face  dorsale  à  la  face  ventrale,  en  se  recourbant 
plus  ou  moins  en  S.  Dans  ses  parois  s'est  déposé  un  squelette  qui  lui 
a  valu  son  nom,  et  qui  est  constitué  par  50  à  60  petits  anneaux  cal- 
caires. 11  existe  parfois  plusieurs  canaux  hydrophores,  ayant  chacun  sa 
plaque  madréporique  interradiale  (Acanthaster,  Ophidiaster). 

Le  canal  hydropliore  aboutit  à  un  anneau  vasculaire  circumbuccal, 
h,  situé  en  dehors  du  test,  immédiatement  au-dessous  de  l'articula- 
tion  médiane   des   plaques 
ambulacraires,    mais    au- 
dessus    de    la    membrane 
buccale.  L'anneau  vasculaire 
présente  d'ordinaire,  dans  le 
plan  des  interrayons,  cinq 
vésicules  de  Poli,  ampoules 
contractiles    dont    l'action, 
jointe  à  celle  des  cils  vibra- 
tiles  qui  tapissent  le  système 
aquifère    dans     toute    son 
étendue,    a   pour    but    de 
mettre  en  mouvement  le  li- 
quide contenu  dans  ce  sys- 
tème. Les  vésicules  de  Poli 
existent  chez  la  plupart  des 
Astérides    {Solaster ,  Astro- 
pecien).  Elles  manquent  par- 
fois Ptcraster,  Asterias  ru- 
bens)  et  sont  alors  rempla- 
cées par  cinq  paires  d'ap- 
pendices sphériques, appelés 
corpuscules  de   Tiedemann  et  de  slructure  glandulaire.  D'après  Hoff- 
mann, les  corpuscules  de  Tiedemann  seraient  les  centres  de  produc- 
tion des  éléments  cellulaires  qui  nagent  dans  le  liquide  du  système 
aquifère.  En  même  temps  qu'il  donne  aux  ambulacres  la  turgescence 
qui  leur  est  indispensable,  ce  liquide  sert  sans  doute  à  la  respiration  : 
on  est  du  moins  en  droit  de  le  conclure  d'une  observation  de  Foet- 
tinger,  qui  y  arencontré,  chez  une  Ophiure,  Ophiactis  virens,  des  glo- 
bules teintés  en  rouge  par  l'hémoglobine.  * 

L'anneau  vasculaire  donne  encore  naissance  à  cinq  tubes  radiaires 
(fig.  178,  /i;fig.  480,  i),  qui  cheminent  tout  le  long  des  bras,  cachés 
chacun  au  fond  d'un  sillon  ambulacraire,  à  l'extrémité  duquel  ils  se 


Fig.  179.  —  Schéma  de  l'appareil  aquifère 
des  Astéries.  —  >*,  canal  ambulacraire  avec 
ses  expansions  vésiculeuses  latérales,  a  ; 
p,  pieds  ambulacraires.  P,  vésicules  de 
Poli  ;  m,  plaque  madréporique  avec  le  canal 
hydropliore. 


256 


CLASSE  DES  ASTÉRIDES. 


terminent  en  cul-de-sac.  Ces  canaux  ambulacraires  communiquent, 
au  moyen  de  branches  latérales  traversant  le  test,  avec  des  vésicules 
ambulacraires  contractiles  (fig.  178,  g;  fîg.  180,  h),  qu'il  est  aisé 
d'observer,  après  avoir  fendu  le  bras  suivant  sa  longueur,  par  la  face 
dorsale,  et  après  avoir  déplacé  ou  enlevé  les  caecums  hépatiques  et 
les  glandes  génitales  :  ces  vésicules  se  montrent  alors  appliquées 
contre  les  plaques  ambulacraires  et  disposées  sur  deux  rangées  de 
chaque  côté  de  la  ligne  médiane;  elles  alternent  régulièrement  d'une 
rangée  à  l'autre.  Chaque  vésicule  est  en  communication  directe  avec 
un  tube  ou  pied  ambulacraire  (fig.  178,  i;fig.  180,1),  sorte  d'expansion 
érectile,  terminée  en  cul-de-sac  et  capable  de  faire  saillie  au  dehors 
ou  de  se  rétracter  à  l'intérieur  du  corps,  au  gré  de  l'animal  ;  dans 


Fig.  180.  —  Coupe  verticale  schématique  d'une  Astérie,  passant  à  droite  par 
le  rayon,  à  gauche  par  l'interrayon.  —  a,  bouche;  by  estomac;  c,  rectum  ; 
d,  caecum  rectal;  e,  anus;  /",  plaque  madréporique  ;  g,  canal  hydrophore  ; 
h,  anneau  ambulacraire  ;  i,  canal  ambulacraire;  k,  vésicule  ambulacraire; 
/,  ambulacre;  m,  caecum  hépatique  ;  n,  canal  fusiforme  et  glande  de  Jour- 
dain ;  o,  anneau  circulatoire:  p,  canal  infra-brachial;  qt  anneau  périanal; 
r,  anses  qu'il  forme  ;  s,  branches  se  rendant  aux  glandes  génitales;  t,  bran- 
ches se  rendant  à  l'estomac;  w,  glande  de  Greeff;  v,  anneau  nerveux; 
x,  nerf  radiaire  ;  y,  œil;  s,  glande  génitale. 


ce  but  sont  ménagés  entre  les  plaques  ambulacraires  des  espaces 
par  lesquels  s'insinuent  les  ambulacres.  Ces  appendices  en  caecum 
sont  distendus  et  rendus  turgides  par  le  jeu  des  vésicules  placées  à 
leur  base  ;  ils  se  fixent  par  leurextrémité  libre,  disposée  en  ventouse, 
puis,  venant  à  se  contracter,  entraînent  à  leur  suite  le  corps  de  l'As- 
térie ;  ils  jouent  ainsi  le  rôle  d'organes  locomoteurs. 

En  même  temps  qu'ils  servent  à.  la  locomotion, les  ambulacres  sont 
de  délicats  organes  du  toucher.  Mais  cette  fonction  semble  être  plus 
particulièrement  dévolue  à  des  ambulacres  tentaculiformes, disposés 
en  petit  nombre  à  l'extrémité  des  bras  et  revêtus  d'un  épithélium 
dont  les  cellules  en  bâtonnet  présentent  les  caractères  d'un  épithé- 
lium sensoriel. 

L'appareil  circulatoire  se  compose   essentiellement  de  deux  an- 


ORDRE  DES  STELLÉR1DES.  257 

neaux,  l'un  dorsal,  l'autre  ventral,  réunis  l'un  à  l'autre  par  un  canal 
vertical. 

L'anneau  dorsal  (fig.  17  5-,  et  180,  q)  circonscrit  presque  tout  le 
disque,  en  englobant  l'anus,  mais  non  la  plaque  madréporique.Dans 
le  plan  des  interrayons,  il  est  interrompu  par  cinq  anses,  r,  à  con- 
vexité dirigée  vers  l'intérieur  et,  des  points  où  chacune  de  ces  anses 
se  rattache  à  l'anneau  dorsal,  on  voit  un  vaisseau,  s,  se  diriger  vers 
l'extérieur  et  se  rendre  à  la  glande  génitale  correspondante,  z.  L'anse 
postérieure  est  plus  profondément  infléchie  et  contourne  la  plaque 
madréporique,  qui  reste  en  dehors  de  l'anneau.  A  cetle  même  anse 
sont  suspendues  en  dedans  les  deux  glandes  de  Greeff,  w,  organes 
pulsatiles  qui  débouchent  dans  l'anneau  dorsal  au  point  môme  où 
s'en  sépare  le  canal  fusi forme,  n. 

Ce  dernier  n'est  autre  chose  que  le  canal  vertical  qui  réunit  l'an- 
neau dorsal  à  l'anneau  ventral.  Il  est  intimement  uni  au  tube  hydro- 
phore,  à  la  droite  duquel  il  est  situé,  et  renferme  dans  son  intérieur 
la  glande  de  Jourdain,  organe  que  Tiedemann,  et,  à  sa  suite,  un  grand 
nombre  d'anatomistes  ont  décrit  comme  un  cœur.  Ce  canal,  suivant 
Hoffmann,  déboucherait  au  dehors  par  la  plaque  madréporique  ; 
suivant  Jourdain,  il  s'ouvrirait  également  en  bas,  sur  le  plancher 
buccal  par  un  très  petit  oriGce  destiné  à  livrer  passage  aux  produits 
sexuels. 

L:anneau  ventral  ou  circumbuccal  (fig.  180,  o)  est  situé  au-dessous 
de  l'anneau  ambulacraire  ;  comme  ce  dernier,  il  a  la  forme  d'un 
pentagone  dont  les  angles  répondent  aux  rayons.  De  chacun  de  ces 
angles  part  un  vaisseau  radiaire,  qui  se  place  dans  le  fond  du  sillon 
ambulacraire  et  qu'on  peut  suivre  jusqu'à  l'extrémité  du  bras;  c'est 
le  vaisseau  infrabrachial  (fig.  178,  k;  fig.  180,  p).  De  bonne  heure,  il 
perd  ses  parois  propres  et  n'est  plus  délimité  que  par  le  tissu  ambiant. 
Ce  vaisseau  émet  latéralement  un  grand  nombre  de  branches  trans- 
versales (fig.  178,  /),qui  s'avancent  jusqu'au  bord  de  la  gouttière  am- 
bulacraire; arrivées  là,  elles  se  bifurquent  et,  d'une  paire  à  l'autre, 
deux  rameaux  se  rapprochent  pour  pénétrer  de  concert  dans  un  trou 
situé  entre  les  deux  pièces  ambulacraires  et  les  pièces  adambula- 
craires  voisines:  pendant  leur  trajet  à  l'intérieur  de  ce  trou,  les  deux 
rameaux  se  réunissent  en  un  tronc  commun,  qui  s'ouvre  directement 
dans  la  cavité  générale. 

L'anneau  ambulacraire  et  l'anneau  vasculaire  circumbuccal  sont 
séparés  l'un  de  l'autre  par  un  troisième  anneau  pentagonal,  de  nature 
conjonctive.  Celui-ci,  par  chacun  de  ses  angles,  envoie  dans  la 
gouttière  ambulacraire  un  prolongement  qui  se  poursuit  jusqu'au 
bout  des  rayons  et  qui  ne  tarde  pas  à  se  déboubler  en  deux  feuillets, 
dont  l'un  s'étend  transversalement  au-dessous  du  canal  ambula- 
Blancîîard.  —  Zool.  méd.  17 


258  CLASSE  DES  ASTERIDES. 

craire,  tandis  que  l'autre,  disposé  verticalement,  comprend  le  vais- 
seau infra-brachial  dans  son  épaisseur  et  divise  en  deux  moitiés  la 
cavité  connue  sous  le  nom  de  canal  nerveux  (fig.  178,  o) 

Le  système  nerveux  se  compose  également  d'un  collier  circum- 
buccal,  de  forme  pentagonale  et  situé  superficiellement,  au-dessous 
de  l'anneau  vasculaire  (fig.  180,  v).  De  chacun  des  angles  de  ce  pen- 
tagone se  détache  un  filet  nerveux  qui  vient  se  placer  dans  l'axe  de 
la  gouttière  ambulacraire,  à  la  surface  de  laquelle  il  se  présente  sous 
l'aspect  d'un  bourrelet  médian  (fig.  178,  wi,  n,  p).  Le  nerf  radiaire  se 
prolonge  jusqu'à  l'extrémité  du  rayon  et  aboutit  à  l'œil  et  aux  ambu- 
lacres  palpiformes  que  nous  avons  reconnus  déjà  à  sa  face  infé- 
rieure. 

L'œil  des  Astéries  (fig.  180,  y)  a  été  découvert  par  Ehrenberg.  11  se 
présente  sous  l'aspect  d'une  tache  pigmentaire  rouge,  cachée  au- 
dessous  des  palpes  et  enchâssée  dans  une  rainure  que  présente  infé- 
rieurement  la  plaque  ocellaire,  pièce  impaire,  située  dans  l'axe  même 
du  bras  et  parfois  remarquable  par  ses  grandes  dimensions  (Astro- 
pecten,  Ctenodicus,  Luidia).  Cet  œil  est  supporté  par  un  court  pédoncule 
et  se  compose  de  80  à  200  yeux  simples  coniques,  que  recouvre  une 
cornée  commune.  Chacun  de  ceux-ci  est  formé  d'une  lentille  réfrin- 
gente surmontant  des  petits  bâtonnets  qui  sont  sans  doute  en  rap- 
port avec  les  nerfs  ;  il  est  séparé  de  son  voisin  par  une  cloison  cel- 
lulaire infiltrée  de  pigment  rouge.  Il  n'est  pas  douteux  que  ce  ne  soit 
là  un  appareil  visuel  :  l'Astérie  est  attirée  par  la  lumière,  mais  y  reste 
indifférente  quand  on  lui  a  extirpé  l'œil. 

Les  Slellérides,  comme  la  grande  majorité  des  Échinodermes, 
ont  les  sexes  séparés,  mais  aucun  caractère  extérieur  ne  permet  de 
distinguer  les  mâles  des  femelles  et  souvent  même  la  nature  de  la 
glande  génitale  est  difficile  à  déterminer  sans  le  secours  du  mi- 
croscope. Ed.  van  Beneden  a  noté  que,  chez  Asterias,  l'ovaire  est 
jaunâtre  ou  d'un  brun  pâle,  alors  que  le  testicule  est  d'un  blanc  de 
lait  ;  de  plus,  les  lobules  ovariens  sont  plus  courts  et  plus  arrondis 
que  ceux  du  testicule. 

Les  glandes  génitales  sont  au  nombre  de  dix  ;  chacune  d'elles  est 
appendue  à  l'un  des  canaux  divergents  que  nous  avons  vus  se 
séparer  des  anses  de  l'anneau  vasculaire  dorsal.  On  doit  les  consi- 
dérer théoriquement  comme  formées  de  cinq  groupes  interradiaux, 
qui  se  bifurquent  bientôt  et  dont  chaque  branche  s'insinue  dans  la 
cavité  du  bras  correspondant;  un  groupe  génital  se  trouve  donc  à 
cheval  sur  deux  bras. 

Hoffmann  croit  que  les  vaisseaux  sanguins  sont  chargés  d'évacuer 
les  produits  de  la  génération.  Jourdain  va  plus  loin  et  dit  que  les 
œufs  ouïes  spermatozoïdes,  déversés  dans  l'anneau  dorsal,  puis  dans 


ORDRE   DES  STELLÉRIDES. 


259 


le  canal  fusiforme,  sortent  de  ce  dernier  par  l'orifice  qu'il  présen- 
terait au  niveau  du  plancher  buccal.  Ces  faits  méritent  confirmation; 
en  tout  cas,  ils  sont  en  complet  désaccord  avec  les  observations  de 
H.  Ludwig.  Suivant  cet  auteur,  le  canal  auquel  est  appendue  la 
glande  génitale  n'est  pas  le  canal  excréteur  de  celle-ci,  mais  bien  un 
sinus  sanguin,  à  l'intérieur  duquel  se  trouve  le  véritable  canal  excré- 
teur. Ce  dernier  canal  s'unit  à  son  congénère,  au  point  môme  où  il 
rejoint  les  plaques  criblées,  pièces  calcaires  situées  dans  l'interrayon, 
au  bout  du  disque,  et  percées  de  petits  pores  par  lesquels  sortent  les 
produits  sexuels. 
La  fécondation  est  extérieure  et  abandonnée  au  hasard.   L'œuf 


Fig.  181.  —  Diagrammes  représentant  diverses  formes  de  larves  d'Astérides, 
d'après  J.  Mûller.  A,  13,  C,  Bipinnaria.  D,  Brachiolaria.  —  an,  anus; 
m,  bouche.  Les  lignes  noires  représentent  les  bandes  ciliées  et  les  parties 
ombrées  l'espace  intermédiaire  aux  bandes  préorale  et  post-orale. 


entouré  d'une  membrane  vitelline,  produit  une  gastrula  invaginée. 
De  celle-ci  dérive  une  larve  d'aspect  singulier,  connue  sous  le  nom 
de  Bipinnaria  (fig.  181,  A,  B,  C),  caractérisée  par  la  présence  d'appen- 
dices brachiaux  et  de  deux  bandes  ciliées,  l'une  préorale,  l'autre 
post-orale.  La  Bipinnaria  se  transforme  en  Astérie,  grâce  à  des  mé- 
tamorphoses des  plus  compliquées,  mais  il  n'est  pas  rare  de  la  voir 
auparavant  acquérir  trois  nouveaux  bras,  sans  rapports  avec  les 
bandes  ciliées  et  couverts  de  papilles  :  elle  passe  ainsi  à  l'état  de  Bra- 
chiolaria (fig.  181,  D). 

Certaines  Astéries  présentent  des  mutilations  volontaires  qui  cons- 
tituent à  proprement  parler  un  mode  de  reproduction  asexuelle.  Des 
Asterias,  tels  que  A.  tenui>pina,  qui  possèdent  deux  plaques  madré- 


260  CLASSE  DES  ASTÉRIDES. 

poriques  et  plus  de  cinq  bras,  sont  capables  de  se  diviser  spontané- 
ment, mais  c'est  surtout  chez  Linckia  Ehrenbergi  et  L.  Guildingi  que 
s'observe  ce  phénomène.  Par  une  sorle  d'amputation  spontanée, 
l'Astérie  va  détacher  l'un  de  ses  bras  et  ne  tardera  pas  à  se  recons- 
tituer de  toutes  pièces  un  bras  nouveau  qui,  rapidement,  acquerra 
la  taille  du  premier.  Le  bras  ainsi  isolé  ne  mourra  pas,  mais  bour- 
geonnera par  sa  surface  de  section,  et  petit  à  petit  on  verra  se  dévelop- 
per sur  lui  le  disque  et  tous  les  autres  bras  d'un  nouvel  animal 
Haeckel  considère  même  ce  phénomène  comme  un  mode  normal  de 
reproduction,  qui  inlerviendrait  à  des  époques  déterminées;  il 
signale  Asterias  glacialis,  parmi  les  animaux  de  nos  pays,  comme  le 
présentant  fréquemment.  Les  Slellérides  jouissent  donc  à  un  haut 
degré  de  la  faculté  de  rédintégration,  c'est-à-dire  de  la  possibilité  de 
reproduire  les  parties  détruites  et  de  reconstituer  l'intégralité  de  l'or- 
ganisme. 

Certaines  Astéries,  comme  Asterias  rubens  et  Solaster  pap- 
posus,  sont  considérées  comme  des  animaux  vénéneux  ;  elles 
ont  la  réputation  de  donner  aux  Huîtres  et  aux  Moules  des  pro- 
priétés toxiques,  en  déposant  leur  frai  dans  la  coquille  de 
ces  Mollusques;  il  est  plus  vraisemblable  que  les  accidents 
qu'on  a  pu  observer  étaient  dus  à  ces  derniers  eux-mêmes, 
ainsi  que  nous  aurons  l'occasion  de  le  voir  par  la  suite. 

Il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  les  Astéries  peuvent  renfermer 
des  substances  toxiques,  sans  doute  du  groupe  de  ptomaïnes, 
comme  cela  semble  ressortir  des  expériences  de  Parker.  Un 
Solaster  papposus  est  donné  en  pâture  à  deux  Chats,  l'un  par- 
venu à  la  moitié  de  sacroissance,  l'autre  adulte.  Au  bout  de  dix 
minutes,  le  plus  petit  est  très  malade  et  meurt  en  moins  d'un 
quart  d'heure.  Bientôt  après,  l'autre  commence  à  crier  piteu- 
sement et  présente  des  signes  certains  de  malaise;  il  est  bientôt 
incapable  de  marcher  ou  de  se  tenir  debout  et  meurt  dans  de 
violentes  convulsions,  environ  deux  heures  après  avoir  mangé 
l'Astérie.  A  l'autopsie,  on  ne  trouve  pas  trace  d'irritation  sto- 
macale. 

Les  Astérides  présentent  de  notables  affinités  avec  les  Crinoïdes, 
qui  sont  les  plus  anciens  de  tous  les  Échinodermes.  Certaines  Cys- 
tidées,  comme  Agelacrinus  elEdrioaster,  sont  des  Crinoïdes  à  carac- 
tères d'Astérides  ;  nous  connaissons  de  môme  des  Astérides  qui  se 
rapprochent  des  Crinoïdes  par  d'importants  caractères. 


OUDRE  DES  STELLER1DES.  261 

On  suit  que  les  Grinoïdes  sont  fixés,  au  moins  pendant  le  jeune 
âge,  par  un  pédoncule.  On  ne  connaissait  rien  d'analogue  chez  les 
Astérides,  quand  l'expédition  du  Travailleur  trouva  sur  la  côte  nord  de 
l'Espagne,  par  des  fonds  de  1960  et  de  2630  mètres,  deux  exemplaires 
d'une  Astérie  de  petite  taille,  munie  de  cinq  bras  et  à  laquelle 
Perrier  donna  le  nom  de  Caulaster  pedunculatus.  Cet  animal  est  ca- 
ractérisé par  la  présence  d'un  pédoncule  dorsal,  tout  à  fait  semblable 
pour  sa  position  à  celui  qui  soutient  et  fixe  au  sol  les  jeunes  Coma- 
tules  et  les  Crinoïdes  adultes  de  toutes  les  autres  familles  ;  de  plus,  les 
plaques  dorsales  de  Caulaster  présentent  une  disposition  identique  à 
celles  du  calice  des  Crinoïdes. 

Peu  de  temps  après,  Danielssen  et  Koren  firent  connaître  une  obser- 
vation analogue.  Ils  décrivirent  sous  le  nom  iïllyaster  mirabilis  une 
Astérie  également  munie  d'un  pédoncule  dorsal,  draguée  dans 
l'océan  Atlantique,  à  la  hauteur  de  Drontheim,  par  64°  2'  latitude 
nord  et  o°  35'  longitude  est  de  Greenwich;  elle  provenait  d'un  fond  de 
911  mètres.  Les  zoologistes  norvégiens  s'accordent  avec  le  professeur 
Perrier  pour  voir  là  une  transition  remarquable  entre  les  Crinoïdes 
et  les  Astéries.  Ce  pédoncule  dorsal,  dernière  trace  de  la  tige  des 
Crinoïdes,  est  allé  en  s'alténuant;  mais  on  le  retrouve  encore  chez 
Ctenodiscus,  sous  la  forme  d'un  léger  tubercule,  et  peut-être  faut-il 
en  rapprocher  aussi  le  tubercule  qui,  chez  Astropecte?i,  occupe  le 
milieu  de  la  face  dorsale  du  disque. 

C.  K.  Hoffmann,  Sur  l'anatomit  des  Astérides.  Archives  néerlandaises  des 
sciences  exactes  et  naturelles,  IX,  p.  131,  1874. 

V iguier >Anatomie  comparée  du  squelette  des  S tellérides.  Archives  de  zoolo- 
gie expérimentale,  VII,  p.  33,  1878. 

Ch.  A.  Parker,  Poisonous  qualities  of  the  Star-fish  {Solaster  papposus).  The 
Zoologist,  V,  p.  214,  1881. 

Edm.  Perrier  et  J.  Poirier,  Sur  l'appareil  circulatoire  des  Étoiles  de  mer. 
Comptes  rendus,  XC1V,  p.  658,  1882. 

S.  Jourdain,  Sur  les  voies  par  lesquelles  le  liquide  séminal  et  les  œufs  sont 
évacués  chez  l'Astérie  commune.  Comptes  rendus,  XCIV,  p.  744,   1882. 

Edm.  Perrier,  Sur  une  Astérie  des  grandes  profondeurs  de  l'Atlantique, 
pourvue  d'un  pédoncule  dorsal.  Comptes  rendus,  XCV,  p.  1375),  1882. 

D.  C.  Danielssen  og  J.  Koren,  Fra  den  norske  Sordhavs-expedition.  Nyt 
magazin  for  naturvidenskaberne,  XVIII,  1883. 

D.  C.  Danielssen  og  J.  Koren,  Asteroidea.  Den  norske  nordhavs-expedition, 
XI,  I88i. 


262 


CLASSE   DES  ASTER1DES. 


ORDRE    DES    OPH1UR1DES 


Les  Ophiurides  diffèrent  notablement  des  Stellérides.  Leur  corps  est 
encore  étoile,  mais  les  bras,  cylindriques  et  flexibles,  sont  nettement 
distincts  du  disque,  dont  il  est  très  facile  de  les  séparer.  Ces  bras 
restent  simples  chez  les  vraies  Ophiures  (fig.  182),  mais  peuvent  se 


Fig.  182. —  Ophiothrix  fragilis. 


ramifier  plus  ou  moins  chez  les  Euryales  (fig.  183).  Ils  ne  renferment 
jamais  ni  prolongements  de  l'estomac  ni  glandes  sexuelles;  ces  der- 
nières sont  renfermées  à  l'intérieur  du  disque.  Les  bras  sont  donc 
simplement  parcourus  par  un  lube  ambulacraire  dépourvu  de  vési- 
cules, par  un  vaisseau  sanguin  et  par  un  filet  nerveux;  les  ambu- 
lacres,  au  lieu  d'être  situés  à  la  face  inférieure  des  bras,  se  montrent 
sur  les  cotés.  La  plaque  madréporique  se  voit  à  la  face  ventrale. 


ORDRE   DES  OPHIURIDES.  263 

L'anus  fait  constamment   défaut.  Les  pédicellaires   n'existent  que 
chez  les  Euryales. 

Les  Ophiurides  se  rencontrent  dans  toutes  les  mers;  on  en  trouve 
fréquemment  sur  nos  côtes,  aussi  bien  dans  la  Méditerranée  que  dans 
l'Océan.  Ces  animaux  subissent  des  métamorphoses  non  moins  com- 
pliquées que  celles  des  Astéries,  mais  la  forme  larvaire  est  diffé- 
rente; de  la  gastrula  embolique  dérive  une  larve  appelée  Plitteus  et 
ayant  la  forme  d'un  chevalet  ou  d'un  trépied.  Notre  figure  184  repré- 


Fig.  183.  —  Astrophyton  verrucosum. 


sente  Pluteus   paradoxus,    larve    à'Ophiolepis    ciliata,   sur    laquelle 
J.  Mùller  a  fait  ses  mémorables  observations. 

L'oviparité  est  la  règle,  mais  Ophiocomavivipani,  qui  vit  dans  les 
grands  fonds,  est  vivipare;  dans  les  cas  de  ce  genre,  les  métamor- 
phoses se  simplifient.  La  diœcie  est  également  l'état  normal,  mais 
Metschnikoff  a  montré  qu'Amphiura  squamata  est  hermaphrodite.  La 
distinction  des  sexes  est  assez  facile;  le  testicule  est  blanc  ou  à  peine 
rosé,  l'ovaire  est  rouge  intense  ou  orangé,  colorations  qui  se  perçoi- 
vent déjà  par  transparence,  si  on  examine  les  inlerrayons  par  la 
face  ventrale. 


264 


CLASSE  DES  ECHINIDES, 


Les  phénomènes  de  reproduction  asexuelle,  par  mutilation  spon- 
tanée, sont  ici  plus  actifs  que  chez  les  Stellérides.  Ils  constituent,  à 
proprement  parler,  des  faits  normaux  chez  bon  nombre  d'Ophiures, 


Fig.  184.  —  Pluleus  paradoxus,  larve  d'Ophiolepis  ciliata,  d'après  J.  Millier. 
A,  bras  latéraux;  B,  bras  inférieurs;  C,  bras  antérieurs;  D,  bras  posté- 
rieurs; a,  bouche;  a',  œsophage;  6,  estomac;  c,  corps  granuleux;  d,  petits 
csecums,  premier  indice  du  développement  de  l'Étoile;  e,  frange  ciliée; 
/,  tiges  calcaires  du  squelette  ;  g,  bourrelet  cilié  de  l'extrémité  supé- 
rieure ;  x,  noyaux  et  filets  nerveux. 

telles  que  Ophiocoma  Valenciamei,  0.  pumila,  Ophiothela  tiidicola, 
Ophiactis  Savignyi,  0.  sexradia,  0.  virescens,  0.  Krebsi,  0.  Mùlleri,  0. 
virent» 

i\.  Chr.  Apostolidès,  Anatomie  et  développement  des  Ophiures.  Archives  de 
zool.  expérimentale,  X,  1881. 


CLASSE   DES    ECHINIDES 


ORDRE   DES   RÉGULIERS 


Nous  prendrons  comme  type  des  Echinides  réguliers  l'Oursin  li- 
vide, Strongylocentrotus  (Toxopneustes)  lividus,  très  abondant  sur  nos 
côtes. 


ORDRE   DES  REGULIERS.  265 

Pour  se  rendre  compte  de.  la  forme  et  de  la  structure  du  corps  de 
cet  animal,  il  est  bon  d'arracher  les  piquants  qui  en  hérissent  la 
surface  entière  (fîg.  185);  il  se  présente  alors  sous  l'aspect  d'une 
sphère  aplatie  dans  le  sens  de  sa  hauteur  et  dont  le  plus  court  dia- 
mètre, ou  diamètre  vertical  correspond  à  l'axe  du  corps.  Comme  chez 
l'Astérie,  la  bouche  est  située  au  pôle  inférieur,  tandis  que  l'anus 
occupe  le  pôle  supérieur. 

Le  corps  est  limité  par  un  test  dur  et  résistant,  non  compressible, 
et  formé  de  pièces  distinctes,  hexagonales,  solidement  enchâssées 
les  unes  dans  les  autres  à  la  façon  des  lames  d'un  parquet.  Ces 
plaques  calcaires  ou  assules  sont  disposées  en  vingt  rangées  méri- 
diennes, interrompues  seulement  au  voisinage  des  deux  pôles.  Elles 


Fig.  185.  —  Test  d'Oursin  dont  une  moitié  est  dépourvue  de  ses  piquants. 

sont  de  deux  sortes:  les  unes,  percées  de  fins  perluis  par  lesquels 
passent  des  ambulacres  analogues  à  ceux  des  Astéries,  sont  les 
plaques  ambulàcr aires;  les  autres,  dépourvues  de  pores,  sont  les 
plaques  anambulacraires  ou  interambulacraires.  Les  vingt  rangées  mé- 
ridiennes d'assules  se  disposent  par  paires  et  alternent  avec  une 
grande  régularité  ;  chaque  double  rangée  de  plaques  ambulacraires 
correspond  à  un  rayon  (fig.  186,  a);  chaque  double  rangée  de  plaques 
interambulacraires  correspond  à  un  interrayon,  î.  De  môme  que  chez 
les  Astéries,  les  rayons  sont  parcourus  par  les  vaisseaux  ambula- 
craires et  sanguins  et  par  un  filet  nerveux,  les  interrayons  étant  oc- 
cupés parles  glandes  génitales. 

Au  pôle   inférieur  ou    oral,  les    dix  rangées    doubles   d'assules 
s'arrêtent  à  quelque  distance  du  centre  et  circonscrivent  un  espace 


266 


CLASSE  DES  ECH1NIDES. 


pentagonal,  que  ferme  normalementune  membrane  au  centre  laquelle 
est  creusée  la  bouche.  Les  deux  dernières  plaques  de  chaque  rayon 
portent  sur  leur  bord  libre  un  appendice  calcaire  qui  se  dresse  à 
l'intérieur  du  test  et  qui,  en  s'unissant  à  son  congénère,  constitue 
une  sorte  d?arc  appelé  auricule  (fig.  190,  au).  Les  cinq  auricules  sont 
séparés  les  unes  des  autres  par  les  interrayons. 

A  la  face  supérieure,  les  rangées  méridiennes  d'assules  s'arrêtent 
encore  à  quelque  distance  du  pôle,  mais  celui-ci  est  comblé  par 
des  productions  calcaires.  Chez  les  jeunes  Oursins,  on  ne  trouve 
qu'une  seule  pièce,  la  plaque  centrale,  à  l'un  des  bords  de  laquelle 

se  montre  l'anus.  Par  la  suite,  il 
se  produit  au  pourtour  de  la  plaque 
centrale  un  nombre  variable  de 
plaques  plus  petites,  au  milieu  des- 
quelles aboutit  l'intestin  et  parmi 
lesquelles  la  plaque  primitive  est 
toujours  reconnaissable  à  ses  plus 
grandes  dimensions. 

Cet  amas  arrondi  de  plaquettes, 
ou  aire  apicale,  est  enserré  par  la 
terminaison  supérieure  des  ran- 
gées méridiennes  d'assules,  et  plus 
spécialement  par  des  plaques  par- 
ticulières,disposées  sur  deux  zones, 
dont  chacune  correspond  respecti- 
vement aux  rayons  ou  aux  inter- 
rayons. Chacune  des  doubles  ran- 
gées de  plaquesinterambulacraires 
aboutit  à  une  grande  plaque  géni- 
tale ou  apicale,  de  forme  irréguliè- 
rement pentagonale  et  présentant 
vers  son  sommet  externe, un  pore 
génital  (fig.  186,  g)  ;  les  cinq  plaques  génitales  sont  contiguës  et  for- 
ment un  cercle  ininterrompu.  Chacune  des  doubles  rangées  de  pla- 
ques ambulacraires  aboutit,  de  son  côté,  à  une  petite  plaque  ocellairc 
ou  intergénitale,  ig,  à  la  surface  de  laquelle  on  avait  cru  reconnaître 
un  ocelle  semblable  à  celui  qui  termine  le  bras  des  Astéries; 
les  cinq  plaques  ocellaires  sont  séparées  les  unes  des  autres  et  dis- 
posées en  un  cycle  plus  extérieur.  L'ensemble  des  plaques  génitales 
et  des  plaques  ocellaires  a  reçu  le  nom  de  périprocte. 

L'une  des  plaques  génitales,  m,  lcgèrementplus  grande  queles  autres, 
attire  encore  l'attention  par  son  aspect  criblé  :  on  la  dirait  percée  d'un 
nombre  considérable  de  petits  trous.  C'est  la  plaque  madréporique. 


Fig.  186.  —  Pôle  apical  du  test  de 
Strongylocentrotus  livklus.  —  a, 
aires  ambulacraires  ;  g,  plaques 
génitales  ;  i,  aires  interambula- 
craires  ;  ig,  plaques  intergénitales; 
m,  plaque  madréporique  ;  x,  ou- 
verture anale.  Les  tubérosités  des 
plaques  n'ont  été  figurées  que  sur 
une  aire  interambulacraire  et  sur 
une  aire  ambulacraire  ;  sur  celle- 
ci,  les  pores  ont  aussi  été  indiqués. 


ORDRE   DES   REGULIERS. 

De  tout  ce  qui  précède,  on  pourrait  conclure  à  la  parfaite  symétrie 
radiaire  (quinaire)  du  corps  de  l'Oursin  ;  mais  la  situation  de  la  pla- 
que madréporique,  à  laquelle  aboutit  un  canal  hydrophore  constam- 
ment unique,  nous  force  à  reconnaître  une  symétrie  bilatérale.  Le 
plan  de  symétrie  passe  par  l'interrayon  qui  se  termine  à  la  plaque 
madréporique  (interrayon  impair  ou  postérieur)  et  par  le  rayon  qui 
lui  est  diamétralement  opposé  (rayon  impair  ou  antérieur) (i).  Dèfl 
lors,  on  peut  reconnaître  dans  un  Oursin  une  face  antérieure,  cons- 
tituée par  une  aire  ambulacraire  opposée  à  la  plaque  madréporique 
et  suivant  laquelle  l'animal  progresse  le  plus  habituellement,  une 
face  postérieure,  correspondant  à  la  plaque  madréporique,  et  deux  fa- 
ces latérales,  dont  chacune  renferme  deux  aires  ambulacraires  et 
deux  aires  interambulacraires. 

Le  test  n'est  pas  directement  superficiel,  mais  est  recouvert  d'un 
périsome,  couche  conjonctive  peu  épaisse,  au  sein  de  laquelle  sont 
des  amaspigmentaires  qui  donnent  à  l'animal  sa  teinte  caractéris- 
tique. Le  périsome  est  tapissé  d'un  épithélium  vibratile  et  se  conti- 
nue sur  la  plupart  des  appendices  du  test. 

Ces  appendices  sont  de  nature  diverse.  Les  plus  importants  sont 
les  piquants  ou  radiales,  sortes  de  bâtonnets  calcaires  dont  la  forme, 
constante  dans  une  même  espèce,  varie  au  contraire  d'une  espèce  à 
l'autre,  en  sorte  qu'on  a  pu  leur  attribuer  une  grande  valeur  dans 
les  classifications.  Ils  s'articulent  sur  des  mamelons  que  présente  la 
face  externe  du  test,  aussi  bien  sur  les  plaques  ambulacraires  que 
sur  les  plaques  interambulacraires;  il  est  exceptionnel  (Arbacia,  Po- 
docidaris)  de  voir  les  mamelons  faire  défaut  et  les  radioles  s'insérer 
directement  sur  le  test.  Ceux-ci  sont  entourés  à  leur  base  d'une 
épaisse  couche  musculo-conjonctive  qui,  tout  en  les  fixant  solide- 
ment, leur  permet  une  assez  grande  mobilité. 

Les pédicellaires  ne  sont  que  des  radioles  modifiés,  comme  Agassiz 
l'a  démontré.  On  les  observe  exclusivement  dans  les  aires  ambula- 
craires, et  ils  sont  particulièrement  nombreux  autour  de  la  bouche. 
On  en  peut  distinguer  plusieurs  sortes.  Quelle  que  soit  leur  forme,  ils 
sont  toujours  constitués  essentiellement  par  un  pédoncule  calcaire 
ou  hampe,  qui  s'articule  sur  un  très  petit  mamelon  du  test,  et  une 
pince,  ordinairement  à  trois  mors  (fig.  187);  ceux-ci  sont  pourvus  de 
muscles  spéciaux,  charges  de  les  mouvoir.  Fœttinger  a  fait  con- 
naître récemment  chez  Sphœrechinus  granularis,  puis  chez  d'autres 
Oursins,  une  variété  de  pédicellaires  dont  la  hampe  présente,  à  une 

(1)  Lovén  avait  aussi  reconnu  chez  les  Oursin3  une  symétrie  bilatérale  ; 
nous  ne  pouvons  discuter  ici  son  opinion,  qui  est  peu  admissible.  Disons  seu- 
lement que  notre  rayon  impair  correspond  à  son  rayon  V  et  notre  interrayon 
impair  à  son  interrayon  2. 


268 


CLASSE  DES  EGHhNIDES. 


certaine  hauteur,  trois  sacs  glandulaires  alternes  avec  les  trois  valves 
de  la  pince  et  venant  déboucher  au  dehors  par  un  pelit  orifice  situé 
au  sommet  de  celles-ci. 

On  admet  généralement  que  les  pédicellaires  ont  pour  fonction  de 
saisir  les  particules  alimentaires  et  de  les  amener  jusqu'à  la  bouche. 
Agassiz  les  croit  plutôt  destinés  à  saisir,  pour  les  rejeter  dans  l'eau, 
les  matières  expulsées  par  l'anus  et  tombées  sur  le  périprocte. 
Kœhler  a  reconnu  la  réalité  de  ce  phénomène,  mais  il  faut  admettre 
aussi  que  les  pédicellaires  servent  à  la  locomotion,  en  saisissant, 
jusqu'à  ce  que  les  ambulacres  aient  eu  le  temps  de  s'y  fixer, les  aspé- 
rités que  présentent  les  surfaces  le  long  desquelles  grimpe  l'Oursin. 
Loven  a  décrit  sous  le  nom  de  sphéridies,  de  petits  corps  sphéri- 
ques  s'articulant  sur  un  mamelon  du  test  par  un 
très  court  pédoncule  calcaire.  Le  corps  globuleux 
est  en  grande  partie  formé  d'une  substance  vi- 
treuse très  dure,  disposée  par  minces  couches 
concentriques;  il  est  recouvert  d'une  mince  cou- 
che conjonctive  et  d'un  épithélium  vibratile.  Les 
sphéridies  sont  sans  doute  encore  des  piquants 
modifiés.  Elles  ne  se  rencontrent  que  dans  les 
aires  ambulacraires,  le  plus  ordinairement  tout 
près  de  la  suture  des  plaques  ;  elles  sont  aussi 
très  abondantes  autour  de  la  bouche.  Arbacia  ne 
possède,  dans  chaque  aire  ambulacraire,  qu'une 
seule  sphéridie,  placée  dans  une  petite  fossette, 
tout  près  du  bord  du  péristome  ;  Cidaris  en  est 
totalement  dépourvu.  Lovén  rattachait  les  sphé- 
ridies aux  organes  des  sens  et  les  croyait  desti- 
nées à  apprécier  la  nature  du  milieu  ambiant, 
comme  le  feraient  des  organes  du  goût  ou  de 
l'odorat  ;  leur  rôle  est  encore  inconnu. 

En  brisant  le  lest  d'un  Oursin,  on  tombe  dans  un  cœlôme(fig.  l'JO, 
az)y  à  l'intérieur  duquel  sont  renfermés  les  principaux  organes.  Ce 
cœlôme  est  tapissé  de  toutes  parts,  ainsi  que  les  organes  qui  y  sont 
contenus,  par  une  membrane  péritonéale  vibratile.  Il  est  rempli 
d'un  liquide  un  peu  trouble,  d'une  teinte  légèrement  gris  rougeâtre, 
et  dont  la  densité  est  la  môme  que  celle  de  l'eau  de  mer.  Ce  liquide 
n'est  pourtant  pas  simplement  de  l'eau  de  mer  :  il  est  alcalin,  ren- 
ferme une  matière  albuminoïde  peu  abondante  et  se  coagule  au  con- 
tact de  l'air.  Le  caillot,  d'abord  volumineux,  se  contracte  très  vite  et 
ne  tarde  pas  à  se  réduire  à  quelques  grumeaux  d'un  rouge  bru- 
nâtre, qui  occupent  le  fond  d'un  liquide  transparent  et  à  peu  près 
incolore. 


Fig.  Ibl.  —  Pédicel- 
laire  de  Leiocida- 
ris  Stokesi,  d'après 
Edm.  Perrier. 


ORDRE   DES  RÉGULIERS.  269 

Le  caillot  est  formé  par  des  éléments  figurés  qui  s'observent  nor- 
malement dans  le  liquide  périviscéral  et  dont  l'étude  détaillée  a  été 
faite  par  Geddes.  Ces  éléments  figurés  sont  de  diverses  sortes:  les  uns 
sont  des  cellules  blanches,  amiboïdes  et  nucléées,  à  pseudopodes 
longs,  filiformes,  ramifiés  et  à  sarcode  finement  granuleux  ;  les  autres 
sont  encore  incolores,  mais  de  bien  plus  grande  taille  que  les  précé- 
dents el  remplis  de  gros  granules  spbériques  qui  cachent  le  noyau; 
leurs  pseudopodes  sont  courts  et  émoussés.  D'autres  corpuscules 
sont  très  semblables  aux  précédents,  mais  leurs  granules  ont  une 
teinte  brun-acajou  et  ne  masquent  pas  le  noyau. 

Les  vaisseaux  sanguins  de  l'intestin  et  souvent  aussi  divers  points 
de  l'appareil  ambulacraire  renferment  des  cellules  à  l'intérieur  des- 
quelles se  voient  des  sphères  jaune  verdâtre,  de  taille  très  variable. 
Bon  nombre  de  ces  sphérules  s'observent  aussi  à  l'état  de  liberté: 
elles  s'unissent  alors  en  amas  irréguliers,  et  l'acide  acétique  montre 
qu'elles  sont  entourées  d'une  mince  zone  proloplasmique,  mais  dé- 
pourvues de  noyau.  Quelques-uns  de  ces  corpuscules  sont  plus 
grands  et  ont  une  teinte  brune  plus  ou  moins  foncée;  certains  de 
ces  corpuscules  bruns  possèdent  enfin  un  noyau.  Entre  les  cellules  à 
granules  brun-acajou  de  la  cavité  périviscérale  et  les  sphérules  vertes, 
on  trouve  donc  tous  les  intermédiaires,  en  sorte  que  les  premières 
dérivent  des  secondes.  Le  pigment  acajou  n'a  pas  encore  été  suffi- 
samment étudié  au  point  de  vue  chimique;  on  sait  pourtant  qu'il 
renferme  du  fer,  ce  qui  autorise  à  le  considérer  comme  jouant  un 
rôle  dans  la  respiration. 

Geddes  pense  que  la  cavité  générale  communique  avec  l'extérieur 
par  l'intermédiaire  de  la  plaque  madréporique  ;  en  revanche,  elle 
ne  communiquerait  pas  avec  les  canaux  ambulacraires,  et  les  cel- 
lules acajou  s'y  rendraient  par  migration  à  travers  les  tissus.  De  son 
côté,  Perrier  admet  qu'il  n'existe  aucun  orifice  extérieur  permettant 
l'introduction  directe  de  l'eau  dans  la  cavité  générale. 

Mourson  et  Schlagdenhauffen  disent  que  certains  habitants 
du  midi  de  la  France  boivent  le  liquide  périviscéral  des  Oursins 
comme  excitant  des  fonctions  digestives  ;  ils  pensent  qu'on  en 
peut  retirer  quelqueprofitcommeeau  minéraleanimaleanalogue 
à  l'eau  des  Huîtres  et  susceptible  d'être  prescrite  dans  les  mêmes 
conditions.  A  la  dose  d'un  demi-verre  par  jour,  elle  est  tonique, 
reconstituante,  eupeptique  ;  à  la  dose  d'un  ou  deux  verres  pris 
en  une  seule  fois,  elle  est  purgative  à  la  manière  de  l'eau  de 
mer. 

Ces  observateurs  ont  fait  une  étude  chimique  détaillée  du 


270 


CLASSE   DES  ÉCHINIDES. 


liquide  de  Sb'ongylocenlrolus  lividus.  Ils  ont  pu  reconnaître 
ainsi  que  ce  liquide  diffère  de  l'eau  de  mer  en  ce  qu'il  est  plus 
riche  en  acide  carbonique  et  en  azote,  plus  pauvre  en  oxygène, 
en  ce  qu'il  renferme  des  matières  albuminoïdes  et  des  matières 
grasses  qui  lui  sont  propres.  Il  contient  encore  des  produits 
excrémentitiels,  parmi  lesquels  ils  ont  pu  définir  l'urée  et  une 
ptomaïne  particulière.  Ces  produits  excrémentitiels  sont  sans 
doute  d'autant  plus  abondants  que  l'activité  nutritive  est  plus 
développée.  Par  exemple,  la  ptomaïne  doit  être  produite  en  plus 
grande  quantité  au  moment  du  frai,  et  c'est  vraisemblablement 
à  elle  qu'il  faut  attribuer  les  phénomènes  d'intoxication  qu'il 
est  si  fréquent  d'observer  dans  les  pays  chauds  après  ingestion 
d'Oursins,  surtout  à  l'époque  delà  reproduction. 

A  la  bouche  fait  suite  un  pharynx  que  circonscrit  un  appareil  mas- 
ticateur   compliqué,  connu   sous  le  nom  de  lanterne  d'Aristote.   Cet 


Fig.  188.  —Lanterne  d'Aristote,  vue  en  place. 


appareil  (fig.  188  et  189)  a  la  forme  d'une  pyramide  à  cinq  côtés, 
dont  la  base  serait  supérieure  et  proéminerait  dans  la  cavité  géné- 
rale de  l'Oursin,  et  dontle  sommet  sortirait  plus  ou  moins  au  dehors 

par  l'orifice  buccal.  La  lanterne  d'A- 
ristote est  constituée  par  vingt-cinq 
pièces  disposées  en  symétrie  quinaire 
autour  de  l'axe  vertical  :  ce  sont  les 
compas  ou  pièces  en  Y  et  les  faux,  si- 
tuées dans  le  plan  des  rayons,  et  les 
pyramides,  les  dents  et  les  plumes, 
situées  dans  le  plan  des  interrayons. 
Ces  différentes  pièces  calcaires  sont 
mises  en  mouvement  par  des  mus- 
cles puissants. 

Le  pharynx  s'étend  depuis  la  bouche  jusqu'à  la  base  de  la  lan- 
terne (fig.  190,  /);  pentagonal  en  bas,  il  devient  circulaire  en  s'éloi- 
gnant  de  la  bouche.  Il  se  termine  par  un  léger  étranglement,  qui 
sert  de  ligne  de  démarcation  entre  lui  et  l'œsophage.  Celui-ci,  m, 


Fig 
A 


189.  —  Lanterne  d'Aristote. 
vue  de  profil;  B,  vue  par  sa 


face  supérieure. 


ORDRE   DES  RÉGULIERS. 


271 


s'avance  verticalement  vers  la  plaque  madréporique,  mais  sans  l'at- 
teindre; en  effet,  il  se  recourbe  dans  la  direction  du  rayon  antérieur, 


/   / 


Fig.  190.  —  Schéma  de  l'organisation  d'an  Oursin  régulier.  Coupe  verticale 
passant  à  droite  par  le  rayon  IV,  à  gauche  par  l'interrayon  1.  —  a,  test; 
b,  tubercules  du  test  ;  c,  radiole  ou  piquant;  cl,  pédicellaire  ;  e,  périprocte  : 
ff  anus;  g,  plaque  génitale;  h,  plaque  madréporique;  i,  plaque  ocellaire  ; 
k,  bouche;  /,  pharynx;  m,  œsophage;  n,  première  courbure  de  l'intestin  ; 
o,  diverticule  situé  à  son  origine;  p,  seconde  courbure  intestinale;  q,  rec- 
tum; r,  glande  génitale;  s,  canal  hydrophore;  t,  anneau  vasculaire  ambu- 
lacraire  ;  w,  vaisseau  qu'il  envoie  à  la  vésicule  de  Poli  ;  v,  vésicule  de  Poli  ; 
x,  vaisseau  ambulacraire;  y,  branche  qu'il  envoie  au  tentacule  circumbuc- 
cal  ;  z,  tentacule  circumbuccal  ;  aa,  branche  de  division  supérieure  du  vais- 
seau ambulacraire  ;  ab,  branche  qu'elle  envoie  à  la  vésicule  ambulacraire  ; 
ac,  branche  de  division  inférieure  du  vaisseau  ambulacraire  ;  ad,  branche 
qu'elle  envoie  à  la  vésicule  ambulacraire;  ae,  af,  branches  que  la  vésicule 
envoie  à  travers  le  test  vers  l'ambulacre  ;  ag,  ambulacre  ;  ah,  canal  de  la 
glande  de  Jourdain  ;  ai,  glande  de  Jourdain;  ak,  canal  faisant  communiquer 
la  glande  de  Jourdain  avec  l'anneau  vasculaire  supérieur;  al,  anneau  vascu- 
iaire  supérieur;  am,  branches  qu'il  envoie  à  la  vésicule  de  Poli;  a?i,  vais- 
seau marginal  interne  ou  artère  intestinale  ;  ao,  vaisseau  marginal  externe 
ou  veine  intestinale  ;  ap,  branches,  au  nombre  de  dix  environ,  que  le  vais- 
seau marginal  externe  émet  en  dehors  et  par  lesquelles  il  s  unit  au  vais- 
seau collatéral  ;  aq,  vaisseau  collatéral  ;  ar,  siphon  ;  as,  vésicule  ambula- 
craire ;  at,  anneau  nerveux;  au,  auricule;  av,  nerf  radiaire;  ax,  poche 
sous-madréporique  dans  laquelle  viennent  déboucher  le  canal  hydrophore 
et  le  canal  de  la  glande  de  Jourdain  ;  ay,  pièces  de  la  lanterne  d'Aristote  ; 
az,  cœlùme. 


puis  se  déjette  vers  la  droite  pour  se  continuer  avec  l'intestin,  n. 
L'intestin  débute  par  une  dilatation,  o,  peu  considérable  chez  les 


272  CLASSE   DES  ECFUNIDES. 

Oursins  réguliers,  mais  qui,  chez  les  Spatangides,  atteint  de  grandes 
dimensions.  Il  fait  deux  tours  sur  lui-môme  :  en  partant  de  la  ter- 
minaison de  l'œsophage,  on  le  voit  s'enrouler  de  gauche  à  droite  et 
d'avant  en  arrière,  suivant  l'équaleur  du  test.  Quand  il  a  accompli 
de  la  sorte  un  tour  complet,  il  se  replie  sur  lui-même  et  trace  de 
droite  à  gauche  et  d'avant  en  arrière  une  nouvelle  circonférence,  p, 
superposée  à  la  première.  Finalement,  il  se  redresse  en  une  sorte  de 
rectum,  q,  qui  marche  verticalement  vers  le  périprocte. 

Les  deux  circonvolutions  intestinales  se  distinguent  aisément  l'une 
de  l'autre  par  leur  coloration  :  la  première  est  brun  foncé,  la  seconde 
est  claire  et  jaunâtre.  Cela  tient  à  ce  que  les  vaisseaux  sanguins  se 
distribuent  exclusivement  à  la  courbure  inférieure,  dont  l'épithé- 
lium  est  constitué  par  de  grandes  cellules  à  protoplasma  fortement 
granuleux  ;  l'épithélium  de  la  courbure  supérieure  est  moins  riche 
en  granulations,  ce  qui  est  sans  doute  en  rapport  avec  une  moindre 
activité  dans  la  production  des  sucs  digestifs. 

De  la  terminaison  de  l'œsophage  naît  un  canal  qui  court  le  long  du 
bord  interne  de  la  première  circonvolution  intestinale,  entre  ce  bord 
el  l'artère  intestinale  ou  vaisseau  marginal  interne,  qui  le  longe 
également.  Ce  canal,  appelé  siphon  intestinal,  ar,  s'ouvre  d'autre  part 
dans  l'intestin,  à  l'endroit  où  la  première  circonvolution,  après  avoir 
décrit  une  circonférence  entière,  se  réfléchit  sur  elle-même  pour  se 
continuer  avec  la  seconde  courbure.  Le  siphon  a  une  structure  ana- 
logue à  celle  de  l'intestin;  son  calibre  est  environ  d'un  millimètre. 
Considéré  par  Agassiz  comme  un  organe  glandulaire,  il  joue  sans 
doute  un  rôle  fort  différent  :  il  est  probable  qu'une  grande  partie  de 
l'eau  avalée  par  l'Oursin  suit  la  route  du  siphon  pour  passer  direc- 
tement de  l'œsophage  dans  la  seconde  courbure  de  l'intestin,  où  elle 
sert  à  la  respiration;  déplus,  la  paroi  de  cette  seconde  circonvolu- 
tion étant  amincie,  l'eau  doit  la  traverser  facilement  par  osmose,  pour 
aller  se  mélanger  au  liquide  de  la  cavité  générale. 

Les  deux  courbures  intestinales  décrivent  des  arcades  dont  la  con- 
cavité est  tournée  du  côté  des  aires  ambulacraires  et  dont  la  convexité 
regarde  les  aires  interambulacraires.  Au  niveau  de  ces  dernières, 
l'intestin  est  appendu  au  test  par  de  minces  tractus  mésentériques. 
On  voit  en  outre,  tendue  entre  la  partie  recourbée  de  l'œsophage  et 
la  dilatation  du  début  de  l'intestin,  une  mince  lamelle  fibreuse,  qui 
s'insère  d'autre  part  sur  la  partie  voisine  du  test  et  remonte  ainsi 
jusqu'au  pôle  apical  ;  cette  lamelle  renferme  dans  son  épaisseur  la 
glande  de  Verrier. 

Celle-ci  est  formée  de  tubes  ramifiés  et  enchevêtrés  entre  eux,  qui 
s'unissent  les  uns  aux  autres  pour  former  un  canal  unique  s'ouvrant 
dans  la  terminaison  du  canal  excréteur  de  la  glande  de  Jourdain,  ah; 


OHDRE   DES    RÉGULIERS.  273 

d'autres  tubes  glandulaires  débouchent  directement  dans  un  espace 
infundibuliforme,  ace,  délimité  au-dessous  de  la  plaque  madrépo- 
rique  par  un  prolongement  de  la  membrane  du  test;  cet  espace 
communique  avec  l'extérieur  par  l'intermédiaire  des  pertuis  de  la 
plaque.  La  glande  de  Perrier, comme  la  glande  de  Jourdain,  constitue 
donc  un  organe  d'excrétion  qui  déverse  ses  produits  au  dehors  par 
les  pores  de  la  plaque  madréporique.  Elle  est  analogue  aux  glandes 
de  Greeff,  que  nous  avons  signalées  chez  l'Astérie. 

L'appareil  aquifère  est  construit  sur  le  môme  plan  que  celui  des 
Astéries.  Le  canal  hydrophore,  s,  est  vertical  et  réunit  la  plaque  ma- 
dréporique, h,  à  un  cercle  vasculaire,?,  entourant  l'œsophage  et  situé 
sur  la  base  même  de  la  lanterne  d'Aristote.  Cinq  vésicules  de  Poli 
inlerradiales,  v,  sont  suspendues  à  ce  cercle  et  c'est  au  niveau  même 
de  la  vésicule  postérieure  gauche  qu'aboutit  le  canal  hydrophore. 
Du  cercle  t  on  voit  partir,  dans  le  plan  des  rayons,  cinq  canaux,  x, 
qui,  d'abord  horizontaux  et  dirigés  vers  l'extérieur,  s'insinuent  cha- 
cun sous  la  faux  correspondante  et  ressortent  de  la  lanterne  au-des- 
sous de  l'échancrure  des  compas.  Ces  canaux  descendent  alors  vers 
les  auricules  et,  au  moment  de  les  traverser,  ils  envoient  deux  pe- 
tites branches  latérales,  y,  qui.se  distribuent  chacune  à  un  grand  ten- 
tacule buccal,  z.  Après  avoir  franchi  l'orifice  de  l'auricule,  au,  le 
vaisseau  se  divise  en  deux  branches  de  calibre  inégal,  aa,  ac,  qui  res- 
tent dans  le  plan  des  rayons  et  se  superposent  exactement,  la  plus 
petiteétant  supérieure  ou  interne.  Ces  deux  vaisseaux  ambulacraires, 
dont  Kœhler  a  reconnu  la  disposition,  remontent  le  long  de  l'aire  am- 
bulacraire;  chacun  d'eux  se  termine  finalement  en  un  cul-de-sac  qui 
s'enfonce  dans  une  petite  dépression  de  la  plaque  ocellaire,  dépres- 
sion qui  correspond  à  un  pore  fermé  par  une  délicate  membrane  et 
dans  lequel  on  avait  cru  reconnaître  un  œil.  Chemin  faisant,  ces 
vaisseaux  envoient  des  branches  tranversales  ab,  ad,  aux  vésicules 
ambulacraires,  as. 

Les  rapports  de  ces  dernières  avec  les  ambulacres  sont  autres  que 
chez  les  Astéries.  Ici  encore,  chaque  vésicule  correspond  à  un  ambu- 
lacre,  mais  la  communication  entre  les  deux  organes  se  fait  au  moyeu 
de  deux  canaux  d'une  grande  délicatesse  ae,  af,  qui,  nés  de  la  vési- 
cule, traversent  le  test  chacun  par  un  pore  particulier,  et  s'ouvrent 
dans  la  cavité  de  l'ambulacre,  ag  (Echinus,  Sphxrcchinus,  Stronyylo- 
cenlrotus).  Chez  Borocidaris,  les  pores  ambulacraires  ne  sont  pas  gé- 
minés, mais  simples  :  la  vésicule  et  l'ambulacre  sont  reliés  l'un  à 
l'autre  par  un  canal  unique.  Les  ambulacres  des  Oursins  ont  une 
structure  un  peu  spéciale  :  leur  ventouse  terminale  est  soutenue  par 
des  pièces  calcaires,  le  cadre  et  la  rosace. 
En  outre  de  leur  rôle  locomoteur,  les  ambulacres  sont  considérés 
Bi.ANCHAr.D.  —  Zool.  méd.  18 


274 


CLASSE   DES   EC H INI DE S 


comme  servant  à  la  respiration.  Immédiatement  autour  de  la  bouche, 
on  en  trouve  dix,  désignés  plus  haut  sous  le  nom  de  tentacules  buc- 
caux, ce  qui  indique  qu'on  les  rapporte  plus  volontiers  aux  organes 
des  sens  :  ils  sont  remarquables  par  leur  taille  raccourcie  et  par 


Fig.  191.  —  Appareil  vasculairc  à'Echinus  sphœra,  d'après  Edm.  Perrier. — 
è,  brides  unissant  l'intestin  au  test;  t,  bord  dorsal  de  l'intestin;  c,  an- 
neau vasculaire  situé  sur  le  plan  supérieur  de  la  lanterne  d'Aristote  et 
auquel  aboutit  le  tube  liydrophore  ;  d,  vaisseau  marginal  externe  (ce  vais- 
seau ne  se  prolonge  ni  sur  l'œsophage  ni  sur  la  plus  grande  partie  de  la 
seconde  courbure  de  l'intestin;  il  est  uni  tout  le  long  de  la  première  cour- 
bure au  vaisseau  v  par  des  arborescences  vasculaires  formant  un  réseau 
capillaire  très  riche);  f,  feuillets  des  branchies  internes  ou  ampoules  am- 
bulacraires;  g,  g  ande  de  Jourdain  ;  //,  pyramides  de  la  lanterne  d'Aristote; 
ï,  première  courbure  de  l'intestin  ;  i\  seconde  courbure  coupée  tout  près 
de  sa  naissance  pour  montrer  les  détails  de  la  première;  k,  plumes  den- 
taires; n,  branches  vasculaires  ascendantes  faisant  communiquer  le  vais- 
seau u  avec  le  vaisseau  d;  o,  auricules;  ce,  œsophage  ;  r,  vaisseaux  ambula- 
craires  ;  s,  canal  hydrophore  ;  t,  test  calcaire;  u.  grand  canal  de  dérivation  du 
vaisseau  d,  flottant  librement  dans  la  cavité  générale  et  s'abouchant  dans 
ce  canal  par  ses  deux  extrémités  (canal  collatéral);  t,  vaisseau  marginal 
interne;  v',  vaisseau  naissant  de  l'anneau  c,  remontant  le  long  de  l'œsophage 
et  se  réfléchissant  sur  le  bord  libre  de  l'intestin  pour  former  le  vaisseau 
marginal  interne;  x,  siphon  intestinal;  z,  vésicules  de  Poli. 

leur  grosseur;  déplus,  au  lieu  d'une  ventouse  concave,  ils  présen- 
tent a  leur  terminaison  un  léger  renflement. 

La  glande  de  Jourdain  ou  glande  ovoïde,  ai,  s'ouvre  supérieure- 
ment par  son  canal  excréteur  dans  un  espace  clos,  sous-jacent  à  la 


ÛRUHt:    UES   RÉGL'LIEKS. 


plaque  niadréporique  et  auquel  aboulit  également  le  canal  hydro- 
phore.   Eu  bas,  elle  se  continue  par  un  canal,  <ik,  qui  s'accole  à  ce 
dernier  et  qui  débouche  dans  un  second  anneau  vasculaire  périœso- 
phagien,  al,  superposé  à  celui  dont  nous  avons  déjà  parlé.  Ce  nouvel 
anneau,  découvert  par  Kœhler,  envoie  également  des  branches,  am. 
aux  vésicules  de  Poli.  De  plus,  on  en  voit  partir,  suivant  le  plan  de 
l'inlerrayon  antérieur  droit,   un   vaisseau  qui    remonte  le  loi 
l'œsophage    et  auquel  on  donne  le   nom  à* artère   intestinale  ou   de 
m  marginal  interne  ^fig.  190.  an:  fi  g.  191,  i).  Ce  vaisseau  con- 
tinue son  trajet  le  long   du  bord  interne  de  la  première  courbure 
intestinale  et,  au  point  où  celle-ci  va  s'unir  à  la  seconde  courbure, 
on  le  voit  se  renfler  considéra- 
blement en  une  sorte  d'ampoule 
irrégulière  et  allongée  qui  en- 
voie à  l'intestin  un  grand  nom- 
bre de  grosses  branches  et  qui 
passe  sur  la  seconde  courbure, 
mais  pour   s'y   perdre  presque 
aussitôt. 

Au  point  où  l'œsophage  s'unit 
à  l'intestin,  on  voit  naître  un 
autre  vaisseau,  la  veine  intesti- 
nale ou  vaisseau  margin 
fig.  190,  ao;  fig.  191,  d),  qui 
court  le  long  du  bord  externe  de 
la  première  circonvolution  intes- 
tinale, et  se  prolonge  sur  la  se- 
conde courbure  un  peu  plus  loin 
que  le  vaisseau  précédent.  L'ar- 
tère et    la  veine    émettent   un 


Fi 


:.  —  Anneau  et  troncs  nerveux 
de  Strongylocentrotut  lividus.  d'après 
Krohn. —  a,  œsophage  coupé  en  tra- 
vers; b,  fond  de  la  cavité  buccale; 
c,  bandelettes  qui  lient  ensemble  les 
extrémités  des  pyramides  de  l'appareil 
masticateur  ;  d,  commissures  nerveu- 
ses formant  autour  de  l  oesophage  un 
anneau  pentagonal;  <?,  troncs  nerveux 
rayonnants, 
grand  nombre  de  rameaux  qui  se 

distribuent  dans  les  parois  de  l'intestin  et  qui  établissent  de  faciles 
communications  d'un  vaisseau  à  l'autre.  La  veine  intestinale  donne 
encore  naissance,  par  son  côté  externe,  à  dix  branches  tu.  190,  ap; 
lig.  191,  n  ,  venant  toutes  aboutir  à  un  gros  vaisseau  circulaire  qui 
est  suspendu  à  l'intestin  et  qui  fait  à  peu  près  le  tour  complet  du 
test.  Ce  vaisseau  cottaténU (6g.  190,  aq;  fig.  10 L  u  n'est  soutenu  que 
par  les  dix  branches  qui  le  rattachent  au  vaisseau  marginal  externe, 
avec  lequel  il  communique  par  ses  doux  extrémités. 

L'anneau  nerveux  pentagonal  fig.  190,  ai;  fig.  192.  d  ,  est  situé  au- 
tour du  pharynx,  au  voisinage  de  la  bouche  ;  il  est  en  dedans  de  la 
lanterne  et  se  voit  assez  facilement  quand  on  écarte  les  pyramides. 
De  chacun  de  ses  angles  part  un  filet  radiaire,  av,  e,  qui  passe  entre 


276  CLASSE  DES  ÉGH1N1DES. 

deux  pyramides,  à  leur  point  d'origine,  sort  de  la  lanterne,  traverse 
l'auricule  et  remonte  tout  le  long  du  test,  au-dessous  du  vaisseau 
ambulacraire,  pour  aller  se  terminer,  en  compagnie  de  celui-ci, 
dans  la  dépression  que  présente  la  plaque  ocellaire.  Cette  terminai- 
son nerveuse  est  d'ordinaire  dépourvue  de  tout  appareil  optique; 
elle  n'est  pas  sensible  à  la  lumière. 

Le  nerf  radiaire  émet  une  branche  latérale  pour  chaque  ambu- 
lacre  ;  au  point  où  ce  dernier  sort  par  l'orifice  de  la  plaque  ambula- 
craire, la  branche  en  question  l'accompagne  et,  devenue  extérieure 
au  test,  se  met  en  rapport  avec  un  réseau  nerveux  sous-épithélial 
qui  enveloppe  le  corps  entier  et  qui  a  sous  sa  dépendance  les  mou- 
vements des  radioles  et  des  pédicellaires.  Ce  réseau  communique 


Fig.  193.  —  Organes  sexuels  de  FOursin.  —  a,  ampoules  des  ambulacres  ; 
g,  glandes  sexuelles;  i,  dernière  portion  de  l'intestin. 

à  travers  le  test  avec  un  réseau  semblable,  sous-jacent  à  la  mem- 
brane péritonéale  qui  tapisse  la  cavité  générale. 

Nous  avons  déjà  dit  que  les  plaques  ocellaires,  malgré  leur  nom, 
étaient  dépourvues  d'yeux;  jusqu'ici  on  ignorait  même  l'existence 
d'organes  visuels  chez  les  Oursins.  Les  frères  Sarasin  en  ont  ré- 
cemment découvert  chez  Diadema  setosum.  Les  plaques  ocellaires 
ne  présentent  rien  de  particulier  ;  sur  les  plaques  génitales,  ainsi 
que  dans  les  aires  interambulacraires,  se  voient  au  contraire  des 
séries  de  grosses  taches  bleues,  dont  chacune  représente  un  véritable 
œil  composé,  de  structure  complexe. 

Les  Oursins  ont  les  sexes  séparés.  Leurs  glandes  génitales,  au 
nombre  de  cinq,  occupent  les  aires  interambulacraires  (fig.    1 00,  r; 


ORDRE  DES  RÉGULIERS. 


(ig.  193)  et  sont  toutes  d'égales  dimensions,  si  ce  n'est  que  la  glande 
de  l'interrayon  antérieur  gauche  (interradius  o  de  Lovén)  est  tou- 
jours un  peu  moins  développée  que  les  autres.  Aucun  caractère 
extérieur  ne  permet  de  distinguer  les  mâles  des  femelles  ;  l'examen 
des  produits  est  indispensable  pour  arriver  à  cette  détermination. 
Mais  quelquefois  une  coloration  spéciale  de  la  glande  permet  déjà 
de  reconnaître  le  sexe  :  chez  Strongylocentrotus,  les  testicules  sont 
ordinairement  roses  et  les  ovaires  jaunes  ;  chez  Psammechinus,  les 
testicules  sont  plus  petits  et  plus  bruns  que  les  ovaires,  qui  ont  la 
môme  teinte  que  dans  le  cas  précédent. 

Les  organes  génitaux  sont  des  glandes  en  grappe  ;  leurs  culs-de- 
sac  déversent  leur  produit  dans 
un  canal  excréteur  commun,  qui 
s'ouvre  à  l'extérieur  par  le  pore 
génital.  Originairement  distinctes 
les  unes  des  autres,  ces  glandes 
finissent  très  fréquemment  par  se 
souder  entre  elles,  comme  van 
Ankum  l'areconnu  chez  un  grand 


Fig.  194.  —  Gastrula  ù' Echinus  pid- 
chellus,  deux  jours  après  la  féconda- 
tion. —  6,  progaster  ;  e,  premier  état 
des  tiges  calcaires  ;  e',  cellules  qui  se 
montrent  dans  l'endroit  où  commence 
la  sécrétion  calcaire  ;  o,  blastopore. 


Fig.  195.  —  Pluteus  d'Echinus  pul- 
chellus,  sept  jours  après  la  fécon- 
dation. —  a,  bouche  ;  a',  pharynx  ; 
b,  estomac;  b',  intestin;  o,  anus 
A,  bras  ventraux  du  voile  ;  F,  bras 
de  l'appareil  buccal  ou  du  voile  oral . 


nombre  d'Oursins  réguliers  appartenant  aux  genres  les  plus  divers 
(Strongylocentrotus,  Psammechinus,  Echinus  sphœra,  Acrocladia  mamil- 
lata,  Tripneustes  angulosus,  Echinometra  lucunter,  Cidaris  hystrix). 
Très  fréquemment,  la  soudure  ne  se  fait  pas  entre  les  glandes  des 
deux  aires  interambulacraires  du  côté  gauche,  parce  que  le  rayon 
qui  les  sépare  (rayon  antérieur  gauche)  est  occupé  par  l'œsophage. 
Enfin,  chez  Echinus  melo,  Sphœrechinus  granularis,  Strongylocentrotus 
brevispinosus,  St.  lividus  et  Psammechinus  tuberculatus,  il  n'y  a  ja- 
mais soudure  d'aucune  glande.  Quand  il  y  a  soudure,  les  canaux 
excréteurs  des  glandes  génitales  sont  tous  réunis  par  un  canal  cir- 


278  CLASSE  DES   ÉGHINIDES. 

culaire,  qui  a  été  souvent  décrit  comme  un  cercle  vasculaire  anal  et 

qui  s'ouvre  au  dehors  par  les  pores  génitaux. 

Van  Ankum  a  encore  observé  chez  divers  Oursins  réguliers  (Sphœre- 
chinus  grannlaris,  Tripneustes  angulosus,  Acrocladia  mumillata),  aussi 
bien  dans  dans  les  glandes  génitales  que  dans  d'autres  parties  du 
corps,  par  exemple  dans  la  paroi  de  l'intestin,  des  spicules  en  forme 
d'S  ou  décroissant.  Ces  spicules  sont  constitués  par  du  carbonate  de 


Fig.  19G.  —  Phiteua  iïEchinus  pulchellus,  d'après  J.  Millier.  Stade  un  peu 
plus  avancé  que  le  précédent.  Les  lettres  ont  la  même  signification.  B,  bras 
latéraux  postérieurs;  E,  bras  accessoires  de  l'appareil  buccal;  c,  disque 
échinodermique;  d,  frange  ciliée;/,  épaulettes  ciliées. 


chaux  et  par  une  substance  organique,  la  spiculine  ;  ils  sont  creu- 
sés, comme  ceux  des  Éponges,  par  un  fin  canal  central  dans  lequel 
se  Irouve  un  filament  protoplasmique.  Des  productions  analogues  ont 
été  signalées  encore  dans  les  ambulacres  d'un  grand  nombre  d'es- 
pèces par  Ch.  Stewart  et  par  Bell. 

Chez  les  Oursins,  la  fécondation  est  extérieure.  L'œuf  se  trans- 
forme en  une  gastrula  dans  l'épaisseur  de  laquelle  s'effectuent  de 
bonne  heure  des  dépôts  calcaires  (fig.  194).  La  larve  qui  provient  de 
cette  gastrula  présente  une  symétrie  bilatérale;  c'est  encore  un  Plu- 


ORDRE   DES  CLYPÉASTR1DES.  JT'.i 

teus(ûg.  195  et  196),  qui  ne  diffère  de  celui  des  Ophiures  que  par  des 
caractères  secondaires.  Phitcus  se  transformera  finalement  en  un 
animal  adulte, en  subissant  des  mélamorphoses  compliquées  (6g.  197), 
dont  la  connaissance  exacte  est  due  à  J.  Millier. 


Au  temps  de  Lemery,  on  administrait  les  Oursins  à  l'exté- 
rieur et  à  l'intérieur;  on  les  considérait  comme  «  apéritifs, 
détersifs,  incisifs,  digestifs,  réso- 
lutifs, propres  pour  nettoyer  les 
vieux  ulcères  ».  Aujourd'hui,  on 
ne  croit  plus  guère  à  leurs  vertus 
curatives,  mais,  dans  certaines 
contrées,  ils  entrent  pour  une 
part  assez  importante  dans 
l'alimentation;  en  France,  par 
exemple,  on  les  mange  très  com- 
munément sur  tout  le  littoral 
méditerranéen;  à  Naples,  on  les 
sert  sous  le  nom  de  frutti  di 
mare.  Les  glandes  génitales  sont 
seules  comestibles  et  se  man- 
gent crues;  il  est  donc  prudent 
de  ne  faire  usage  de  ce  mets, 
d'ailleurs  agréable,  qu'à  l'épo- 
que où  ces  glandes  sont  au  re- 
pos, c'est-à-dire  de  septembre  à 

avril;  en  toute  autre  saison,  l'on  court  le  risque  de  s'intoxi- 
quer, par  suite  de  la  production  plus  active  de  la  plomaïne 
dont  Mourson  et  Schlagdenhauffen  ont  reconnu  l'existence. 


Fig.  197.  —  Pluteus  se  transfor- 
mant en  Échinoderme,  d'après 
J.  Ifûller.  —  g,  pédicellaires  ;  x 
ambalacres  ;  y,  tentacules. 


ORDRE   DES   CLYPÉASTRIDES 


Les  Clyspéaslrides  constituent  un  premier  groupe  d'Oursins  irré- 
guliers. Leur  test,  aplati  en  forme  de  bouclier,  présente,  au  centre 
de  sa  face  inférieure,  une  bouche  armée  d'un  appareil  dentaire  qui 
diffère  notablement  de  la  lanterne  d'Aristote  des  Oursins  réguliers. 
Le  test  possède  en  outre  des  prolongements  internes,  en  forme  de 
piliers  ou  de  lamelles,  qui  réunissent  l'une  à  l'autre  les  faces  ventrale 
et  dorsale.  La  plaque  madréporique  est  située  au  centre  de  cetie 
dernière  et  est  entourée  de  pores  génitaux,  ordinairement  au  nombre 


280  CLASSE   DES   ÉGHINIDES. 

de  cinq  ;  mais  l'anus  a  pris  une  position  excentrique:  il  est  déjeté  en 
arrière,  au  point  de  devenir  marginal  ou  môme  inframarginal. 

Le  test  est  presque  entièrement  constitué  par  des  assules  inter- 
ambulacraires,  portant  un  grand  nombre  de  petits  radioles,  ordi- 
nairement inclinés.  Les  plaques  ambulacraires  sont  localisées  à  la 


Fig.  198.  —  Echinarachnius  parma. 

(ace  dorsale,    où    elles  se   disposent  en  une  rosace   à  cinq  pétales 
(fig.  198). 

Les  Clypéaslrides  ont  commencé  à  apparaître  dans  le  trias  (Pygas- 
ter),  mais  ont  été  surtout  abondants  à  l'époque  tertiaire.  Ils  ne  sont 
plus  représentés  dans  nos  mers  que  par  un  petit  nombre  de  formes 
{Echinocyamus,  Filularia,  Clypeaster,  Laganum,  Dendraster,  Echina- 
rachnius, Arachnoides),  dont  l'anatomie  est  très  imparfaitement 
connue. 

ORDRE   DES  SPATANGIDES 

Ce  troisième  ordre  renferme  des  Oursins  irréguliers  dont  le  lest  est 
allongé,  plus  ou  moins  cordiforme.  Comme  chez  les  Clypéaslrides, 
les  aires  ambulacraires  sontdisposées  en  une  rosace  à  quatre  pétales 
qui  occupe  la  face  supérieure.  L'anus  est  encore  déjeté  à  la  face  infé- 
rieure, dans  l'interrayon  postérieur;  la  bouche  est  encore  ventrale, 
mais  elle  a  quitté  le  centre  et  s'est  avancée  dans  le  ravon  antérieur. 


ORDRE   DES  SPATANGIDES.  281 

La  plaque  madréporique  est  apicale  ;  autour  d'elle  se  voient  au  plus 
quatre  pores  génitaux. 

Le  test  porte  des  piquants  petits,  minces  et  semblables  à  des  soies. 
11  est  en  outre  parcouru  de  bandes  sur  lesquelles  les  radioles  font  dé- 
faut et  qui  ont  été  appelées  sémites  par  Philippi  et  fascioles  par 
Agassiz.  Les  fascioles  s'observent  chez  tous  les  Spatangides  actuels, 
mais  se  comportent  différemment  d'un  genre  à  l'autre,  en  sorte  que 
leur  élude  a  pu  fournir  de  bons  caractères  de  classification.  Elles 
sont  occupées  par  des  clavulcs,  sortes  de  soies  en  forme  de  massue 
et  qui,  comme  les  pédicellaires,  proviennent  sans  doute  d'une  trans- 
formation des  radioles.  Ces  clavules  sont  formées  d'une  tige  calcaire, 
renflée  à  son  extrémité,  tantôt  articulée,  tantôt  directement  fixée  sur 
le  test;  elles  sont  tapissées  d'un  épithélium  vibratile  délicat;  le  rôle 
qu'elles  jouent  est  encore  inconnu. 

Les  pédicellaires  sont  abondants  à  la  surface  du  corps  des  Spatan- 
gides. Kœhler  en  a  découvert  une  forme  tédradactyle,  c'est-à-dire 
à  quatre  mors,  qui  semble  être  propre  au  genre  Schizaster. 

Par  sa  face  interne,  le  test  émet  des  appendices  calcaires  qui  font 
saillie  dans  la  cavité  générale  et  sur  lesquelles  viennent  s'insérer  les 
replis  mésentériques. 

La  bouche,  qu'entourent  deux  lèvres,  l'une  antérieure,  l'autre  pos- 
térieure, se  montre  tout  d'abord  au  centre  de  la  face  ventrale,  ainsi 
que  l'a  vu  Lovén,  et  devient  excentrique  avec  l'âge.  Elle  est  totalement 
dépourvue  d'appareil  masticateur.  Le  tube  digestif  est  construit  sur 
le  môme  plan  que  celui  des  Oursins  réguliers,  mais  l'intestin  débute 
par  une  dilatation  considérable. 

Les  glandes  génitales  sont  au  nombre  de  quatre  :  celle  qui  occupe 
l'inlerrayon  postérieur  droit  disparaît  et  sa  place  est  prise  par  l'anus. 
Chez  Brissus,  la  glande  antérieure  gauche  fait  également  défaut; 
enfin,  chez  Schizaster,  l'atrophie  porte  tout  à  la  fois  sur  les  deux 
glandes  déjà  nommées  et  sur  celle  de  l'interrayon  postérieur  gauche. 
Philippi,  en  1845,  a  signalé  le  fait  que  Hemiaster  cavernosus  est  vivi- 
pare, observation  qu'Ai.  Agassiz  a  récemment  confirmée.  Anochanus 
sinensis  est  également  vivipare. 

Un  assez  grand  nombre  de  Spatangides  sont  encore  vivants  à  l'heure 
actuelle.  D'ordinaire  ils  s'enfouissent  complètement  dans  la  vase. 
Les  genres  Spatangus,  Echine-car  dium,  Schizaster,  Brissopsis  et  Brissus 
sont  représentés  sur  nos  côtes. 

Les  Paléchinides,  c'est-à-dire  les  Echinides  qui  se  montrèrent 
les  premiers  à  la  surface  du  globe,  diffèrent  considérablement  des 
formes  actuelles.  En  revanche,  certains  d'entre  eux  présentent  des 
caractères  ambigus  qui  les  rapprochent  des  Crinoïdes;  de  ce  nombre 


282  CLASSE   DES   ÉCHINIDES. 

sont  Cystocidaris  Zittel  (Echiiiocystites  Wyv.  Thom.)  et  Bothriocidaris , 
fossiles  du  silurien  inférieur,  que  l'on  doit  considérer  comme  étroite- 
ment apparentés  aux  Cystidées.  Pendant  tout  le  cours  de  la  période 
primaire,  les  l'aléchinides  subissent  des  différenciations  et  des  modi- 
fications graduelles  qui  aboutissent,  dès  le  début  de  l'époque  secon- 
daire, à  l'apparition  des  Échinides  vrais  et  à  la  constitution  du  type 
Cidaris,  autour  duquel  se  groupent  naturellement  les  Oursins  régu- 
liers. 

La  phylogénie  des  Clypéastrides  est  facile  à  établir  :  les  Galéritides 
(Echinoconus,  Discoidea,  Pygaster),  du  terrain  crétacé,  les  relient  di- 
rectement aux  Cidarides.  C'est  encore  à  ceux-ci  que  se  rattachent  les 
Spatangides,  par  l'intermédiaire  des  Collyritides  (Dysaster)  et  des 
Echinocorydes  (Holaster). 

Les  Cystidées  ont  donc  été  le  point  de  départ  des  Paléchinides. 
Ceux-ci,  en  modifiant  peu  à  peu  leurs  caractères,  ont  fini  par  cons- 
tituer le  type  Cidaris  ou  du  moins  un  type  voisin,  et  c'est  de  ce  der- 
nier que  sont  dérivées  les  trois  formes  principales  d'Oursins  actuels. 
La  bouche  et  l'anus  étaient  donc  primitivement  centraux;  leur  posi- 
tion excentrique  n'est  que  secondaire,  comme  suffiraient  du  reste  à 
le  prouver  les  observations  de  Lovén  chez  les  Spatangides.  De  même, 
la  disparition  de  l'appareil  masticateur  et  la  réduction  des  aires  am- 
bulacraires  à  de  simples  rosettes  se  sont  faites  graduellement. 

C.  K.  Hoffmann,  Zur  Anatomie  der  Echinen  und  Spatungen.  Niederl.  Arcli. 
f.  Zool.,  I,  p.  11,  1871. 

H.J.  van  Ankum,  Jets  omtrent  de  generatie-organen  bij  Echinus  esculen- 
tus.  Tijdschr.  der  nederl.  dierk.  Vereeniging,  I,  p.  52,  1872. 

Lovén,  Etudes  sur  les  Echinoïdés.  Kongl.  svenska  Vetenskaps-Akad.  hand- 
lingar,  XI,  1874. 

H.  J.  van  Ankum,  Sur  la  soudure  des  organes  génitaux  des  Oursins  régu- 
liers. Archives  néerl.  des  se.  exactes,  XI,  p.  9',  1876. 

Al.  Agassiz,  On  viviparous  Echini  from  the  Kerguelen  islands.  Proceed. 
amer.  Aead.  of  arts  and  sciences,  (2),  III,  p.  231,  187G. 

Patr.  Geddes,  Observations  sur  le  liquide  périviscéral  des  Oursi?is.  Arcli. 
de  zool.  expérim.,  VIII,  p.  483,   1880. 

F.  J.  Bell,  Noie  on  the  spicides  found  in  the  ambulacral  tubes  of  the  regu- 
lar  Echinoidea.  Journal  of  the  R.  microscopical  Society,  (2),  II,  p.  297,  1882. 

J.  Mourson  et  F.  Schlagdenliauflen,  Nouvelles  recherches  chimiques  et  phy- 
siologiques sur  quelques  liquides  organiques.  Comptes  rendus,  XCV,  p.  791, 
1882. 

Romanes  und  Ewart,  Zur  Nervenphysiologie  der  Echinodermen.  Biolog. 
Centralblatt,  III,  p.  44,  1883. 

R.  Kœhler,  Recherches  sur  les  Échinides  des  côtes  de  Provence.  Annales 
du  musée  de  Marseille.  Zoologie,  I,  n°  3,  1883.  Thèse  de  la  Faculté  des  scien- 
ces de  Paris,  1883. 

(1.  1'.  und  P.  B.  Sarasin,  Ueber  einen  mit zusammengesetzten%Augen  bedccklen 
Seeigel.  Zoolog.  Anzeiger.  VIII,  p.  715,  1885. 


CLASSE   DES  U0L0THUR1DES. 


CLASSE  DES  IIOLOTHURIDES 

Les  Échinodermes  de  celte  classe  sont  répandus  dans  toutes  les 
mers;  par  exemple,  la  Méditerranée  renferme  en  abondance  Uolo- 
thuria  mbiuosa  (fig.  199),  que  nous  pouvons  considérer  comme  le  type 


V.  , 


Fig.  199.  —  Holotkuria  tubulosa. 


du  groupe.  Cet  animal,  long  de  15  à  20  centimètres,  esta  peu  près 
cylindrique  et  arrondi  à  ses  extrémités.  Son  corps  aplati  ne  présente 
pas  la  moindre  trace  de 
symétrie  radiaire,  mais, 
comme  celui  des  Vers,  a  une 
symétrie  bilatérale.  Ses  té- 
guments ne  forment  point 
un  test  calcaire  solide,  mais 
constituent  une  enveloppe 
résistante  et  coriace,  dans 
l'épaisseur  de  laquelle  se 
montrent,  disséminées  ça 
et  là,  des  incrustations  de 
carbonate  de  chaux,  res- 
semblant à  des  ancres,  à  des 
roues,  à  des  hameçons  (fig. 
200).  A  l'extrémité  anté- 
rieure du  corps  se  voit  la 
bouche,  orifice  arrondi,  en 
arrière  duquel  se  trouve  un 
anneau  complet,  formé   de 

dix  plaques  calcaires  qui  constituent  un  squelette  interne  (fig.  201,  k), 
analogue  aux  auricules  des  Oursins. 


Fig.  200.  —  Corpuscules  calcaires  aV  la 
Synapte,  d'après  de  Quatrefages. 


284 


CLASSE  DES   I10L0THURIDES. 


Fig.  201.  —  Haplodactyla  holothu- 
rioides,  d'après  Selenka.  —  G, 
appareil  reproducteur;  K,  cercle 
calcaire,  L,  L',  tubes  foliacés  res- 
piratoires ;  T,  bouche  ;  i,  intestin. 


Synapta  inhérent. 


La  bouche,  qu'entoure  une  cou- 
ronne de  vingt  tentacules  tubuleux, 
n'est  pas  inférieure  et  centrale, 
comme  chez  les  autres  Echinoder- 
mes,  mais  est  située  à  l'extrémité 
antérieure  du  corps,  comme  chez 
les  Vers.  L'anus  est  situé  à  la  partie 
postérieure  ;  à  son  voisinage,  l'in- 
testin présente  deux  poches  tubulea- 
ses  très  ramifiées,  dans  les  parois 
desquelles  viennent  se  répandre  de 
nombreux  vaisseaux  sanguins,  et 
dont  la  cavité  se  trouve  constam- 
ment remplie  par  de  l'eau  venue 
de  l'extérieur  :  ces  appendices  rami- 
fiés, ou  poumons,  servent  sans  nul 
doute  à  la  respiration  ;  mais  on  les 
considère  encore  comme  des  organes 
excréteurs.  Ils  sont  ordinairement 
au  nombre  de  deux,  mais 
on  en  rencontre  parfois 
trois  (Haplodactyla,  fig.  201 , 
L,  L')  ou  quatre  (Psolus, 
Echinocucumis  ,  Rhopalo- 
dind) . 

Les  organes  locomoteurs 
sont  représentés  par  des 
ambulacres,  répartis  à  la 
surface  du  corps  suivant 
cinq  bandes  longitudinales. 
Ils  atteignent  un  dévelop- 
pement excessif  sur  l'une 
de  ces  bandes,  qui  devient 
alors  la  face  de  reptation. 
Les  Holothurides  qui  possè- 
dent des  ambulacres  cons- 
tituent un  premier  groupe, 
celui  des  Pédicellés.  Il  existe 
en  effet  des  animaux  de 
cette  classe  qui  sont  Apo- 
des, c'est-à-dire  dépourvus 
d'ambulacres ;  les  uns  ont 
des    poumons    (Molpadia , 


CLASSE   DKS   IIOLOTHURIDES. 
llaplodactyla),   les  autres  n'en   possèdent   point    Synapta,  IL 

Les  organes  génitaux  (fig.201,  G)  forment  un  Holothuria,  Mùlleria, 
Apodes)  ou  deux  (Stichopus,  Thyone,  Cucumaria)  groupes  de  tubes  ra- 
mifiés, dont  le  canal  excréteur  vient  s'ouvrir  en  avant  sur  la  face 
dorsale  et  tout  près  de  la  bouche.  Les  Apodes  sont  hermaphrodites, 


Fig.  203.  —  Auricularia  vue  par  la  face    Fig.  "205.  —  Chrysalide  d'Holothu- 


dorsale.  —  a,  bouche;  6,  œsophage;  c, 
estomac;  cl,  intestin;  e,  anus;  g,  fila- 
ment canaliculô^attiré  latéralement  sur 
la  face  dorsale;  h,  vésicule  qui  lui  est 
suspendue  et  aux  dépens  de  laquelle 
se  forme  la  couronne  de  tentacules. 


rie.  —  a,  intestin  ;  c,  canal  an- 
nulaire du  système  aquifère  ; 
c',  vésicule  de  Poli  ;  d,  vésicules 
avec  les  doubles  noyaux  ;  e, 
anneau  calcaire;  /",  tentacules. 


ce  qui  est  exceptionnel  dans  l'embranchement  des  Échinodermes. 
Le  développement  direct  n'est  pas  rare.  Quand  il  y  a  des  métamor- 
phoses, le  larve  ou  Auricularia  (fig.  203)  se  transforme  en  une  sorte 
de  chrysalide  (fig.  204  ,  à  l'intérieur  de  laquelle  se  développe  la  forme 
adulte. 

Dans  le  midi  de  l'Europe,  les  classes  pauvres  se  nourrissent 
parfois  d'Holothuries,  mais  la  pêche  de  ces  Échinodermes  n'y 
est  jamais  importante.  Elle  constitue  au  contraire  une  industrie 
des  plus  florissantes  en  certaines  autres  régions. 

On  connaît,  sous  le  nom  malais  de  tripang  ou  trépang  et  sous 
le  nom  portugais  de  bkho  do  mav  (1),  un  produit  alimentaire  fort 


(1;  D'où  les  Français  ont  fait  Biche  de  mer  et  les  Anglais  Heach  la  mar 


286  CLASSE    DES  HOLOTHURIDES. 

apprécié  des  Chinois  et  qui  consiste  en  conserves  d'Holothu- 
ries. Chaque  année,  des  centaines  de  jonques  malaises  quittent 
Macassar  et  les  îles  de  la  Sonde  pour  aller  pêcher  les  Cornichons 
de  mer.  On  part  en  automne,  à  la  mousson  d'ouest,  et  on  revient 
en  avril,  à  la  mousson  d'est.  Les  jonques,  montées  surtout  par 
des  Bouguis,  nation  essentiellement  maritime  de  la  Malaisie, 
s'en  vont  dans  toute  les  îles  disséminées  dans  la  partie  sud- 
ouest  de  l'océan  Pacifique;  elles  se  rendent  notamment  aux 
îles  qui  avoisinent  le  détroit  de  Torrès,  dans  l'archipel  des 
Nouvelles-Hébrides,  jusque  sur  les  côtes  de  la  Nouvelle-Calé- 
donie. Dans  cette  dernière  île,  les  indigènes  se  livrent  eux- 
mêmes  à  la  pêche  des  Holothuries,  et  il  en  est  de  même  sur  la 
côte  nord  de  l'Australie. 

Les  Holothuries  vivent  ordinairement  près  des  côtes  :  en 
marchant  dans  les  eaux  peu  profondes,  le  pêcheur  les  heurte  du 
pied  ;  il  lui  est  dès  lors  facile  de  les  prendre  à  la  main  ou  de  les 
saisir  avec  un  bâton  dont  l'extrémité  est  armée  d'un  crochet  et 
de  les  jeter  dans  la  barque  qu'il  traîne  à  sa  remorque.  Quand 
l'eau  est  plus  profonde,  on  va  les  chercher  en  plongeant, 
comme  Dumont  d'Urvillel'a  vu  faire  dans  la  baie  Raffles  (Aus- 
tralie). 

Quand  la  barque  est  remplie,  on  revient  en  toute  hâte  au 
campement  installé  sur  le  rivage,  car  l'action  du  soleil  dessèche 
et  racornit  rapidement  les  Holothuries.  On  les  jette  alors  dans 
de  vastes  chaudières,  où  on  les  fait  cuire  dans  l'eau  de  mer 
pendant  environ  vingt  minutes.  Cela  fait,  on  les  fend  suivant 
leur  longueur,  de  la  bouche  à  l'anus,  on  enlève  tous  les  viscères  ; 
puis  on  les  porte  sous  des  hangars,  on  les  y  dispose  sur  des 
claies  de  Bambou  et  on  les  enfume  avec  des  vapeurs  de  Mimosa. 
Le  tripang  est  très  hygrométrique  ;  aussi  convient-il  de  laisser 
le  feu  allumé  jusqu'au  moment  de  l'embarquement. 

Ainsi  préparé,  le  tripang  est  expédié  sur  les  marchés  de  Ma- 
cassar, de  Manille,  de  Chine  et  de  Cochinchine:  il  y  arrive  en 
énormes  quantités;  pour  Port-Ëssington  seulement,  Gronen 
évalue  à  1200  le  nombre  des  pêcheurs  occupés  à  la  récolte  des 
Holothuries  et  à  600  tonnes  la  quantité  de  tripang  qui  s'exporte 
annuellement. 

Les  Holothuries  qui  servent  à  la  fabrication  du  tripang 
appartiennent  au   moins  à  six  espèces  distinctes;   les  mieux 


CLASSE  DES   UOLOTHURIDES. 

connues  sont  Holothuria  edulis,  H.  (/émula  et  //.  vagabunda. 
Elles  constituent  un  mets  fort  recherché  des  peuples  polygames 
de  l'extrême  Orient,  à  cause  des  propriélés  aphrodisiaques  qu'on 
lui  attribue.  «  D'après  les  renseignements,  dit  Péron,  que  nous 
nous  sommes  procurés  à  Timor,  auprès  de  quelques  Chinois 
éclairés,  il  paraîtrait  que  la  forme  des  tripangs,  qui  leur  a 
mérité,  en  diverses  contrées,  le  nom  de  Priapus  marinus,  ainsi 
que  leurs  grandes  dimensions,  sont  la  source  principale  des 
rares  vertus  qu'on  leur  prête.  » 

Péron,  Voyage  de  découvertes  aux  terres  australes.  II.  Paris,  1810. 

Dumont  dTrville,  Voyage  de  l'Astrolabe  et  de  la  Zélée.  Paris,  184i.  Voir 
M,  p.  47. 

Gronen,  Die  Trepang-Fischerei  in  Nord-Australien.  Zoologischer  Garten, 
XXII,  p.  9i,  1881. 

H.  Jouan,  La  chasse  et  la  pèche  des  animaux  marins.  Bibliothèque  utile, 
LXXV.  Paris,  1883. 


Les  Holothuries  ont  tant  de  ressemblance  avec  les  Géphyriens 
inermes,  et  en  particulier  avec  les  Siponcles,  que  pendant  longtemps 
ces  Vers  leur  ont  été  adjoints. 

Celte  ressemblance  n'est  point  A  b 

seulement    extérieure  ,     mais 


porte  encore  sur  divers  points 
d'organisation.  Les  Holothuries 
se  rapprochent  donc  des  Vers  à 
certains  égards,  et  les  seules 
raisons  importantes  pour  les- 
quelles on  les  rattache  aux 
Eehinodermes  sont,  d'une  part, 
la  présence  (non  constante)  de 
l'appareil  ambulacraire,  d'autre 

part  la  structure  de  la  larve.  A  Fig-  205. 

j     *  •                .i                  h  larve  d'Astéride;  a,  anus;  /.  c,  bande 

ce  dernier  point  de   vue,  elles  '    .,    ,      .,    ,.  »,  '..!.'    K.„ 

r  cihee  longitudinale  primitive;  m,  bou- 

présentent,  au  moins  au  début       che;  pr   c    bande  ciliée  préorale;  st, 
de  leur  évolution,  de  remar-       estomac, 
quables  affinités  avec  les  Asté- 
ries (fig.  205].   On  est  donc  autorisé  à  considérer  les  Hololhuridcs 
comme  ménageant  la  transition  entre  les  Vers  et  les  Echinodermes 
à  symétrie  radiaire  apparente. 


„ y 

A,  larve  d'Holoihuride  ;   B, 


CLASSE  DES  ENTEROPNEUSTES. 


CLASSE  DES  ENTEROPNEUSTES 


On  doit  rattacher  à  l'embranchement  des  Échinodermes  le  curieux 
animal  découvert  par  délie  Chiaje  dans  le  golfe  de  Naples  et  connu 


Fig.  20G.  —  lialanofjlossus  Kowalewskyi,  d'après  Al.  Agassiz.  —  a,  anus  ; 
c,  collet;  d,  d'",  vaisseau  dorsal  central  ;  p't  trompe;  s,  estomac  ou  tube 
digestif. 

sous  le  nom  de  Balanoglossus  (fig.  200),  A  l'état  adulte,  il  a  l'aspect  d'un 
Ver  aplati,  parfois  long  de  près  d'un  mètre,  et  dont  l'extrémité  an- 
térieure est  munie  d'unetrompe,  p*,  au  moyen  de  laquelle  il  peut  s'en- 


CLASSE  DES  ENTÉROPNEUSTES.  289 

foncer  dans  le  sable;  mais  sa  larve  ou  Tornavia  (fig.  207)  est  si  sem- 
blable à  de  jeunes  Bipinnaria,  que  J.  Miiller,  qui  la  décrivit  en  I84&, 
n'hésita  pas  à  la  considérer  comme  une  larve  d'Échinoderme.  Cette 
opinion  est  encore  soutenue  actuellement  par  Metschnikoff,  Giard, 
Claus,  qui  rangent  résolument  les  Balanoglosses  à  la  suite  des  Echi- 
nodermes. 

D'autre  part,  on  ne  peut  méconnaître  la  similitude  de  Tomaria 
avec  les  larves  trochosphères  des  Ghétopodes  :  l'aspect  vermiforme  de 
l'adulte  rapproche  encore  Balanoglossus  de  ces  derniers. 


BCfv;ClUER 


Fig.  207.  —  Tomaria,  d'après  Al.  Agassiz.  —  «,  anus;  d,  pore  dorsal;  e,  ta- 
ches oculaires;  g,  branchies;  i,  intestin;  mb,  bande  musculaire  s'étendant 
des  taches  oculaires  à  la  partie  antérieure  du  système  aquifère;  o,  œso- 
phage ;  p,  squelette  de  la  base  de  la  trompe;  s,  estomac  ou  tube  digestif; 
u,  ses  appendices  supérieurs;  u',  ses  appendices  inférieurs;  v',  bande  ci- 
llée longitudinale;  w,  système  aquifère;  w',  éperons  droit  et  gauche  de  ce 
système. 


Enfin  l'adulte  a  certaines  affinités  avec  les  Tuniciers  et  avec  Am- 
phioxus  :  il  possède  une  corde  dorsale, 'suivant  Bâte  son.  L'appareil 
respiratoire  est  analogue  à  celui  A'Amphioxus  et  môme  de  certains 
Poissons  :  il  consiste  en  un  certain  nombre  de  branchies,  entre 
lesquelles  se  voient  des  fentes  par  où  l'eau  pénètre  jusque  dans  l'œso- 
phage; la  respiration  se  fait  donc  par  une  portion  du  tube  digestif, 
d'où  le  nom  tf  Entéropneustes  donné  par  Gegenbaur  aux  Balano- 
glosses. 

Les  animaux  qui  nous  occupent  nous  présentent  donc  des  carac- 
tères ambigus,  qui  les  rapprochent  à  la  fois  des  Tuniciers,  des  Acrfl- 
Bi.anchard.  —  Zool.  méd.  •  19 


290  CLASSE   DES  ENTÉROPNEUSTES. 

niens,  des  Annélides  et  surtout  des  Échinodermes.  En  réalité,  ils 
n'appartiennent  en  propre  à  aucun  de  ces  groupes;  ils  représentent 
bien  plutôt  les  derniers  survivants  d'êtres  fort  anciens,  aux  dépens 
desquels  ont  pris  naissance  certains  types  d'Échinodermes  et  de 
Vers.  Du  type  primitif,  que  Balanoglossus  représente  dans  la  nature 
actuelle,  ont  pu  dériver  encore,  par  une  différenciation  dans  un 
autre  sens,  les  Tuniciers  et  les  Acrâniens. 

Al.  Agassiz,  The  history  of  Balanoglossus  and  Tornaria.  Mcm.  of  tho  amer. 
Acad.  of  arts  and  sciences,  IX,  1873.  —  Analyse  par  Edm.  Perrier  dans  Arch.  do 
zool.  expér.,  II,  p.  395,  1873. 

J.-W.  Spengol,  Ueber  den  Bau  und  die  Entwicklung  von  Balanoglossus. 
Amtlicher  Beiichtder  50.  Versammlung  deutscher  Naturforscher  und^Erzte. 
Mûnchen,  1877. 

El.  Metschnikoff,  Ueber  die  systematische  Stellung  von  Balanoglossus.  Zoolo- 
gischer  Anzeiger,  IV,  p.  139  et  153,  1881.  —  Traduit  dans  Bulletin  scientif. 
du  département  du  Nord,  IV,  p.  361,  1881. 

W.  Bateson,  The  later  stages  in  the  development  of  Balanoglossus  Kowa- 
lewskyi,  with  a  suggestion  as  to  the  affinities  of  the  Enter opneusta.  Quar* 
terly  Journal  of  micr.  science,  XXV,  suppl.,  p.  81,  1885. 

Les  Échinodermes   n'ont  aucune  relation  avec  les  Cœlentérés,  ni 
par  la  constitution  des  larves  ni  par  la  structure  de  l'adulte  ;  la  seule 
raison  qui  a  fait  si  longtemps  réunir  l'un  à  l'autre  ces  deux  groupes 
est  l'apparence  rayonnée  qu'offrent  quelques  Échi- 
A  nodermes  ;  mais  nous  savons  que  ces  derniers 

présentent  toujours,  et  à  travers  les  divers  stades 
de  leur  évolution,  une  symétrie  bilatérale,  quel- 
que déguisée  qu'elle  puisse  être.  Ce  n'est  donc 
point  du  côté  des  Cœlentérés  qu'il  faut  chercher 
leurs  affinités. 

Ils  se  montrent  au  contraire  étroitement  appa- 
rentés aux  Vers,  comme  nous  avons  eu  maintes 
fois  l'occasion  de  le  faire  ressortir  dans  les  pages 
qui  précèdent,  et  il  est  particulièrement  intéres- 
sant de  constater  que  les  Crinoïdes,  qui  semblent 
avoir  produit  secondairement  les  Astérides  et  les 
Échinides,  ont  un  Echinopœdium  (1)  fort  semblable 
Fig.   208.    -  ■    Larve  à  certaines  larves  d'Annélides  (fig.  208).  On  se 

VAntedonrosaceus  rappeiie  d'autre  part  les  relations  manifestes  qui 
immédiatement  a-       r\  . r       „  ,   ,,       .,  .    .        n.    ■ 

près  l'éclosion.        existent  entre    les  Holothundes   et    les   Géphy- 

riens.  Tout  cela  tend  à  prouver  que  les  Échino- 
dermes se  sont  séparés,  aune  époque  fort  ancienne,  du  grand  groupe 
des  Vers.  Contrairement  à  quelqaes  auteurs  qui  attribuent  à  ceux-là 

(1)  Huxley  donne  ce  nom  aux  larves  d'Échinodermes  à  symétrie  bilatérale 
et  pourvues  de  bandes  ciliées. 


CLASSE  DES  ENTEROPNEUSTES. 


201 


un  ancêtre  commun,  nous  pensons  qu'ils  dérivent  de  trois  souches 
distinctes,  en  sorte  que  les  Vers  primordiaux  ou  Prolhelminthes  ont 
suivi  trois  voies  différentes  pour  arriver  à  constituer,  à  des  degrés 
divers,  le  type  Échinoderme.  Ce  type  est  complètement  développé 
chez  les  Crinoïdes,  les  Àstérides  et  les  Échitiides;  il  est  beaucoup 
plus  restreint  chez  les  Holothuiides  ;  il  est  enfin  transitoire  et  réduit 
à  la  période  larvaire  chez  les  Entéropneustes. 

Quant  à  la  façon  dont  on  peut  concevoir  les  relations  des  Vers  avec 
les  Échinodermes  du  premier  groupe,  nous  nous  bornerons  à  ren- 
voyer le  lecteur  à  un  ouvrage  dans  lequel  Perrier  a  exposé  cette 
théorie. 

Edm.  Perrier,  Les  colonies  animales  et  la  formation  des  organismes,  Pari», 
1881. 

C.  Viguier,  Constitution  des  Echinodevmes.  Comptes  rendus,  XCVIII,  p.  1451, 
1884. 


Nous  résumerons  dans  le  tableau  synoptique  ci-joint  les  considéra- 
tions que  nous  venons  d'exposer  : 

Acrâniens 


Clypéastrides. 
(Galéritides). 


Astérides. 

(Ilyaster) 

(Caulaster^ 


Spatangides. 

(Echinocorydes) 

(Collyritides). 


(Cidaris  . 

Echinidés      Holothurides.      Géphyriens.     Annélides. 

réguliers.  \  ; 


(  Edrioaster)     (Bot/a  iocidai-i* 
kgetacrinus'.     {Cistocidaris\ 


/Entéropneustes  ï 

;         \ 


Cystulées. 
Crinoïdes. 


PHOTHELMINTHES. 


EMBRANCHEMENT  DES  VERS 


CLASSE  DES  ANEUR1ENS 


ORDRE    DES    RHOMBOZOAIRES 


Les  Rhombozoaires  vivent  en  parasites  dans  les  organes  rénaux 
des  Céphalopodes.  Ils  ont  été  bien  étudiés,  dans  ces  derniers  temps, 
par  Ed.  van  Beneden  et  par  Whitman.  La  structure  de  leur  corps  est 
d'une  extrême  simplicité,  puisqu"il  ne  se  com- 
pose que  d'un  endoderme  unicellulaire,  qu'enve 
loppeun  ectoderme  formé  de  plusieurs  cellules. 
Dicyemennea  (Dicyemella)  Midleri  (fîg.  209)  est 
parasite  à'Eledone  cirrosa.  L'ectoderme  est  formé 
d'une  rangée  unique  de  cellules  plates,  dont  la 
':'  face  externe  est  couverte  de  cils  vibratiles.  L'a 

nimal  se  fixe  au  corps  spongieux  de  son  hôl 
par  le  renflement  céphalique  ou  tôte,  séparé  di 
tronc  par  un  sillon  circulaire.  La  tête  est  for- 
mée par  les  cellules  polaires,  constituant  pa 
leur  ensemble  la  coiffe  polaire  et  régulièremen 
disposées  autour  de  l'extrémité  antérieure  di 
corps.  Ces  cellules  sont  toujours,  lorsqu'elle: 
existent,  disposées  sur  deux  rangs:  le  premier 
en  renferme  toujours  quatre,  dites  cellules  pro- 
polaires; le  second  en  contient  soit  quatre  (Dr 
cyerna),  soit  cinq  (Dicyemennea),  dites  cellules  mé- 
tapolaires.  Les  Rhombozoaires  pourvus  d'une 
coiffe  polaire  forment  le  groupe  des  Dicyémi- 
des;  cette  formation  ectodermique  ne  s'observe 
jamais  chez  les  Hétérocyémides  (Conocyema 
Microcyema  . 
Le  nombre  des  cellules  qui  constituent  le  corps  semble  être  cons- 
tant chez  un  même  animal  :  Dicyema  typus  en  a  toujours  2G,  savoir, 


Fig.  209.  —  Dicyemen- 
nea Miilleri. 


' 


ORDRE   DES   RF1OMI30ZOA1RES.  20:5 

une  endodermique  et  25  eclodermiques,  dont  8  polaires.  Chez  l'em- 
bryon et  le  jeune,  les  cellules  ectodermiques  sont  cuboïdes  ;  à  mesure 
que  l'individu  avance  en  âge,  elles  s'allongent  dans  la  direction  du 
grand  axe  du  corps,  deviennent  fusiformes  et  se  creusent  en  gout- 
tière à  leur  face  interne  pour  se  mouler  sur  la  cellule  endodermique, 
qui  est  toujours  cylindroïde;  elles  peuvent  atteindre  une  taille  consi- 
dérable. En  outre  de  leur  noyau  uninucléolé,  elles  ne  renferment  d'a- 
bord qu'un  protoplasma  finement  granuleux,  mais,  avec  l'âge,  elles 
se  chargent  de  granules,  de  globules  volumineux,  de  bâtonnets,  de 
gouttelettes  claires.  Toutes  ces  productions  se  déposent  sans  ordre, 
en  sorte  que  l'ectoderme  ne  s'épaissit  pas  également  sur  tous  les 
points  de  sa  surface,  mais  prend  un  aspect  bosselé,  verruqueux. 

Le  cellule  unique  qui  constitue  l'endoderme  s'étend  dans  toute  la 
longueur  du  corps  et  se  trouve  partout  recouverte  par  l'ectoderme. 
Elle  est  cylindroïde  et  présente  partout  le  môme  diamètre,  sauf  aux 
deux  extrémités  du  corps,  où  elle  s'effile  pour  se  terminer  en  pointe 
mousse.  Sa  structure  rappelle  celle  des  cellules  végétales  :  elle  est  en 
effet  limitée  extérieurement  par  une  couche  assez  dense  de  proto- 
plasma,  d'où  part  un  réticulum  dontles  mailles  sont  occupées  par  des 
vacuoles  d'apparence  gélatineuse;  ce  réseau  sarcodique  est  animé 
de  lents  mouvements  de  translation.  La  cellule  axiale  présente  tou- 
jours vers  le  milieu  de  sa  longueur  un  énorme  noyau  ovalaire,  en- 
touré d'une  épaisse  membrane  et  muni  d'un  très  petit  nucléole. 
Whitman  a  reconnu  que  le  noyau  était  souvent  multiple  :  dans  ce 
cas,  les  noyaux  sont  toujours  en  nombre  impair  chez  les  Némato- 
gènes,  tandis  qu'ils  sont  indifféremment  en  nombre  pair  ou  impair 
chez  les  Rhombogènes. 

Le  cellule  axiale  est  à  la  fois  l'organe  formateur  des  germes  et  le 
lieu  dans  lequel  s'accomplissent  toutes  les  phases  de  l'évolution  de 
l'embryon.  Les  Dicyémides  produisent  deux  sortes  d'embryons  :  les 
uns,  vermiformes,  sont  produits  par  des  individus  plus  grêles  et  plus 
allongés,  que  van  Deneden  appelle  Nématogènes ;  les  autres,  infuso- 
riformes,  tirent  leur  origine  d'individus  plus  courts  et  plus  gros,  ap- 
pelés Rhombogènes.  Van  Beneden  pensait  qu'on  ne  rencontre  jamais 
les  deux  sortes  d'embryons  chez  un  même  individu,  mais  Whitman 
a  reconnu  que  les  embryons  vermiformes  et  infusoriformes  pouvaient 
naître  dans  un  même  parent. 

Les  germes  qui  produisent  les  embryons  vermiformes  dérivent  pri- 
mitivement du  noyau  de  la  cellule  axiale  du  Nématogène.  Ils  mesurent 
de  12  à  ti  \j.  et  présentent  un  noyau  sphérique  de  o  à  6  u,  pourvu 
d'un  nucléole  puncliforme.  Leur  nombre  et  leurs  dimensions  sont 
très  variables.  Arrivés  à  l'état  de  complet  développement,  ils  se  com- 
portent à  la  façon  d'un  ovule  et  subissent  une  segmentation. totale 


294 


CLASSE  DES  ANEURIENS. 


Fig.  210.  —  A,  gastrula  de  Di- 
cyema  typus;  B,  embryon  ver- 
miforme.  D'après  Ed.  van  Be- 
neden. 


et  inégale,  aboulissant  à  la  formation  d'une  gastrula  épibolique  à 
13  cellules,  dont  12  ectodermiques  et  une  endodermique  (fig.  210,  A). 
Par  la  suite,  l'embryon  s'allonge  et  augmente  de  volume,  la  cellule 

centrale  s'étire  elle-même  et  devient 
fusiforme,  en  môme  temps  que  les  cel- 
lules ectodermiques  augmentent  de 
nombre  et  que  le  blastopore  s'oblitère; 
pour  Ed.  van  Beneden,  cette  oblitéra- 
tion se  ferait  à  l'extrémité  du  grand 
axe  où  se  montrera  plus  tard  la  coiffe 
polaire  ;  pour  Whitman  elle  se  ferait  à 
l'extrémité  opposée.  L'embryon  est  dès 
lors  véritablement  vermiforme  (fig. 
210,  B). 

La  suite  du  développement  consiste 
en  ce  que  le  noyau  de  la  cellule  axiale 
de  l'embryon  se  divise  à  deux  reprises  successives,  de  manière  à 
former  deux  germes  nouveaux,  qui  se  montrent  de  chaque  côté  du 
noyau  et  qui  sont  destinés  à  produire  eux-mêmes  des  embryons 
de  deuxième  génération.  Les  cellules  antérieures  se  différencient 
alors,  puis  des  cils  vibratiles  apparaissent  sur  toute  la  surface  ecto- 
dermique,  et  l'embryon,  qui  ne  diffère  plus  de  l'adulte  que  par  la 
taille,  sort  du  corps  de  son  parent  par  le  pôle  oral;  plus  rarement  il 
sort  par  la  face  latérale  du  corps  maternel,  soit  en  s'insinuant  entre 
les  cellules  ectodermiques,  soit  même  en  perforant  l'une  de  celles-ci. 
Devenu  libre,  le  jeune  Dicyema  vermiforme  reste  en  parasite  dans 
l'organe  spongieux  du  Céphalopode. 

Au  moment  où  l'embryon  quitte  son  parent,  son  endoderme  ren- 
ferme quatre  germes,  deux  en  avant  du  noyau  et  deux  en  arrière; 
un  peu  plus  lard,  il  en  contient  huit,  disposés  en  deux  groupes.  Tous 
ces  germes  nouveaux  proviennent  exclusivement  de  la  division  des 
deux  germes  primitifs  ;  le  noyau  reste  désormais  en  repos.  Si  ce  pro- 
cessus se  poursuit,  le  jeune  individu  libre  deviendra  un  Nématogène; 
si,  au  contraire,  le  nombre  des  germes  reste  de  4  ou  8,  on  aura  un 
Khombogène,  ainsi  que  l'a  reconnu  Whitman. 

Les  Hhombogènes,  moins  longs  et  plus  larges  que  les  Nématogènes, 
sont  caractérisés  en  outre  par  ce  fait  que  le  nombre  de  leurs  cellules  ec- 
todermiques est  moins  considérable.  Ils  donnent  naissance  aux  em- 
bryons infusoriformes,  mais  par  un  procédé  différent  de  celui  que 
nous  venons  de  décrire.  Les  germes  ou  plutôt  les  cellules  germigènes, 
dont  nous  avons  reconnu  l'origine,  mesurent  en  moyenne  21  p..  Cha- 
cune de  ces  cellules  commence  d'abord  par  expulser  un  corps  ana- 
logue à  un  globule  polaire.  Ce  corpuscule,  qui  a  toute  l'apparence 


UH DUE   DES   RH0MB0ZÛA1RES. 


205 


d'un  corps  nucléaire  entouré  d'une  mince  zone  sarcodique,  est  le  pa- 
ranucléus;  il  se  sépare  complètement,  devient  indépendant,  grossit  et 
persiste  dans  la  cellule  axiale  sous  forme  d'un  noyau.  Le  germi- 
gène  se  divise  alors  :  il  en  résulte  la  formation  d'un  amas  de  cellules 
qui,  par  épibolie,  en  enveloppent  une  plus  grosse.  Celte  dernière  en- 
gendre à  son  tour  des  générations  successives  de  germes,  c'est-à-dire 
de  cellules  qui  toutes,  sauf  celles  de  la  dernière  génération,  sont  des- 
tinées à  produire  des  embryons  infusoriformes.  Le  germigène  ne  tarde 
pas  à  s'épuiser  :  tout  son  corps  protoplasmique  est  employé  à  la  for- 
mation de  la  dernière  génération  de  germes  ;  son  noyau  persiste  seul 
et  se  retrouve  dans  la  cellule  axiale,  sous  forme  de  noyau  résiduel. 
Chacun  des  germes  se  développe  alors  en  un  embryon  infusori- 


Fig.  211.  —  Embryon  infusoriforme  de  Dicyema  typus.  —  A,  B,  C,  trois 
stades  avancés  du  développement;  D,  E,  F,  larve  complètement  développée, 
vue  de  face  en  D,  de  profil  en  E  et  par  la  face  supérieure  en  F;  G,  vue 
latérale  de  l'urne;  gr,  corps  granuleux  remplissant  l'intérieur  de  l'urne; 
l,  couvercle  de  l'urne;  r,  corps  réfringents;  u,  paroi  de  l'urne. 


forme,  en  subissant  à  son  tour  la  segmentation  totale  et  inégale  et 
en  passant  par  les  phases  que  représente  la  figure  21t.  L'embryon 
devient  cilié  et  atteint  à  peu  près  son  développement  complet  avant 
de  quitter  l'organisme  maternel  :  il  nage  quelque  temps  à  l'intérieur 
de  la  cellule  endodermique,  puis  devient  libre  en  traversant  la  paroi 
du*corps  de  son  parent,  ordinairement  par  l'extrémité  céphalique.  11 
présente  alors  l'aspect  d'une  poire  ou  d'une  toupie  et  nage  en  diri- 
geant en  avant  sa  grosse  extrémité  ou  tète,  dépourvue  de  cils. 

La  tôte  se  compose  de  trois  organes,  dont  un  symétrique  et  médian, 
situé  du  côté  du  ventre,  est  Viorne;  les  deux  autres,  latéraux  et  dis- 
symétriques, placés  au-dessus  et  en  avant  de  l'urne,  sont  les  corps 
réfringents,  r.  La  paroi  ou  capsule  de  l'urne  est  formée  de  deux  grosses 
cellules,  a,  au-dessus  desquelles  se  voient  deux  autres  cellules  plus 


296  CLASSE  DES  ANEURIENS. 

petites,  l,  formant  le  couvercle.  Le  contenu  de  l'urne  est  constitué 
par  quatre  petites  cellules,  gr,  qui  finissent  par  devenir  multinu- 
cléées  et  par  se  remplir  de  granulations  :  celles-ci  représentent  de  vé- 
ritables spermatozoïdes,  en  sorte  que  l'urne  serait  un  testicule  et 
l'infusoriforme  un  individu  mâle.  Le  reste  des  cellules  de  l'embryon 
forme  la  queue  ou  le  corps  ciliaire.  Les  cellules  granuleuses  sont 
souvent  rejetées  au  dehors,  en  apparence  à  la  volonté  de  l'ani- 
malcule. 

Contrairement  à  l'embryon  vermiforme,  l'infasoriforme  résiste  à 
l'action  de  l'eau  de  mer  :  il  nage  activement  dans  celle-ci  et  s'y  trouve, 
à  n'en  pas  douter,  dans  son  milieu  normal.  Son  sort  ultérieur  est  in- 
connu, mais  il  est  probable  que  l'espèce  se  propage  par  lui  d'un  Cé- 
phalopode à  l'autre. 

Ed.  van  Beneden,  Recherches  sur  les  Dicyémides,  survivants  actueU  d'un 
embranchement  des  Mésozoaires.  Bull.  acad.  des  se.  de  Belgique  (2),  XLI, 
p.   1160-1205;  XLIF,  p.  35-97,  1876. 

Ed.  van  Beneden,  Contribution  à  l'histoire  des  Dicyémides.  Archives  de 
biologie,  III,  p.  195-228,  1876. 

C.  O.  Whitman,  A  contribution  to  the  embryology,  life-history,  and 
classification  of  the  Dicyemids.  Mittheil.  aus  der  zool.  Station  zu  Neapel,  IV, 
p.  1  —  90,  1883. 

ORDRE  DES  ORTHONECTIDES 

Les  détails  dans  lesquels  nous  venons  d'entrer  relativement  aux 
Dicyémides  nous  permettent  d'être  bref  à  l'égard  des  Orthonectides. 
Ces  animaux,  bien  étudiés  par  Giard,  par  Metschnikoff  et  par  Julin, 
sont  parasites  des  Némertiens,  des  Turbellariés  et  des  Ophiures;  ils 
ùvent  dans  les  organes  génitaux,  dont  ils  amènent  l'atrophie. 

Rkopalura  Giardi  est  parasite  d'Ophiocoma  neglecta.  Le  mâle  adulte 
est  long  de  104  p.  et  a  la  forme  d'un  fuseau  allongé,  dont  les  extré- 
mités sont  peu  effilées.  L'ectoderme,  composé  de  nombreuses  cel- 
lules dont  la  plupart  sont  ciliées,  présente  cinq  sillons  transversaux, 
ce  qui  détermine  la  production  de  six  anneaux.  L'endoderme,  d'abord 
formé  de  plusieurs  cellules,  se  résout  finalement  en  un  sac  allongé, 
limité  par  une  membrane  anhiste  et  rempli  de  spermatozoïdes.  On 
peut  reconnaître  encore,  entre  l'ectoderme  et  le  corps  testiculaire  dé- 
rivé de  l'endoderme,  l'existence  d'une  couche  fibrillaire  à  direction 
longitudinale,  d'abord  continue,  mais  disposée  en  plusieurs  faisceaux. 
Quand  la  maturité  sexuelle  est  arrivée,  le  sac  testiculaire  se  rompt, 
les  cellules  ectodermiques  se  détachent  çà  et  là,  et  les  spermatozoïdes 
sont  mis  en  liberté. 

Julin  reconnaît  deux  sortes  de  femelles  :  une  forme  cylindrique  et 
une  forme  aplatie.  Nous  ne  pouvons  insister  sur  leurs  caractères  :  il 


ORDRE    DES   ORTHONECTIDES. 

importe  pourtant  de  noter  que  les  œufs  de  la  première  ne  produisent 
que  des  mâles  et  que  ceux  de  la  seconde  ne  produisent  que  des  fe- 
melles. Chacune  de  ces  deux  formes  se  compose  essentiellement  d'un 
ectoderme  multicellulaire,  d'une  couche  sous-jacenle  fibrillaire  et 
d'un  endoderme  multicellulaire,  dont  les  éléments  se  transforment 
en  œufs.  Ceux-ci  donneront  des  mâles  ou  des  femelles,  suivant  la  ma- 
nière dont  ils  se  comporteront  au  moment  de  la  segmentation.  Voyons 
d'abord  le  développement  du  mâle. 

L'œuf  est  nu  et  sphérique  et  mesure  lo  [*.  11  subit  la  segmentation 
totale  et  inégale  et  forme  son  blastoderme  par  épibolie.  L'endoderme 
reste  longtemps  représenté  par  une  seule  grosse  cellule  ;  mais  on  voit 
bientôt  celle-ci  émettre  à  chacun  de  ses  pôles  une  petite  cellule  qui  se 
divisera  en  deux  autres  :  ce  sont  les  cellules  intermédiaires  antérieures 
et  postérieures.  Les  antérieures  bouchent  le  biastopore;  mais  ce  der- 
nier ne  tarde  pas  à  être  oblitéré  d'autre  part  par  la  pullulai  ion  des 
éléments  ectodermiques,  qui  se  rejoignent  à  son  niveau,  puis  se  cou- 
vrent de  cils  vibratiles.  Par  la  suite,  les  modifications  les  plus  essen- 
tielles tiennent  à  ce  que  la  grosse  cellule  endodermique  se  seg- 
mente activement  et  à  ce  que  les  cellules  intermédiaires  se  multi- 
plient de  manière  à  se  réunir  d'un  pôle  à  l'autre  et  à  former  ainsi 
une  couche  cellulaire  continue,  séparant  l'ectoderme  de  l'endoderme. 
Cette  couche  intermédiaire  se  transformera  en  la  couche  fibrillaire 
dont  il  a  été  question  plus  haut,  tandis  que  les  cellules  cndodermiques 
produiront  les  spermatozoïdes. 

Quand  l'œuf  doit  donner  naissance  à  une  femelle,  la  segmentation 
est  encore  totale  et  inégale,  le  blastoderme  se  forme  encore  par  épi- 
bolie, mais  l'endoderme  est  pluricellulaire  d'emblée.  Le  biastopore 
s'oblitère,  l'ectoderme  devient  cilié,  puis  les  cellules  endodermiques, 
d'abord  toutes  semblables  entre  elles,  se  différencient  en  une  assise 
périphérique  à  éléments  cylindriques  et  en  une  masse  centrale  à  élé- 
ments polygonaux  :  la  masse  centrale  produira  les  œufs,  l'assise  pé- 
riphérique deviendra  la  couche  fibrillaire. 

Les  femelles  adultes  peuvent  sortir  du  corps  de  l'Amphiure  et, 
après  avoir  nagé  librement  pendant  quelque  temps,  pénétrer  dans  le 
corps  d'un  nouvel  hôte. 


A.  GiarJ,  Les  Orthonectides,  classe  'nouvelle  du  phylum  des  Vers.  Journal 
de  l'anat.,  XV,  1879. 

El.  Metsdinikoff,  Zur  Naturgeschichte  der  Orthonediden.  Zool.  Anzeiger, 
II,  p.  547,  1879. 

El.  Metschnikoff,  Nachtrcigliche  Bemerkungen  ùber  Orthonectidcn.  Zool. 
Anzeiger,  II,  p.  (;18,  1879. 

S.  Jourdain,  Sur  une  forme  très  simple  du  groupe  des  Vers.  Revue  des 
sciences  naturelle?,   1880. 


298  CLASSE  DES  ANEURIENS. 

El.  Metschnikoff,  Untersuchungen  ùber  Orthonectiden.  Z.  f.  w.  Z.,  XXXV, 
1881. 

Spengel,  Die  Ortlionectiden.  Biologisches  Centralblatt,  I,  p.  1*5,  1881. 

Ch.  Julin,  Contribution  à  l'histoire  des  Mésozoaires.  Recherches  sur  l'orga- 
nisation et  le  développement  embryonnaire  des  Orthoneclides.  Archives  de 
biologie,  III,  p.  1-54,  1882. 

Les  affinités  des  (Mhonectides  avec  les  Rhombozoaires  sont  très 
évidentes.  Ces  derniers  se  présentent  sous  deux  formes  distinctes  : 
les  Xématogènes  qui  produisent  les  embryons  vermiformes,  destinés 
sans  doute  à  devenir  des  femelles,  et  les  Rhombogènes  qui  produi- 
sent les  embryons  infusoriformes,  c'est-à-dire  les  mâles.  De  même,  on 
peut  reconnaître  chez  les  Orthonectides  deux  sortes  de  femelles  :  la 
forme  aplatie,  qui  donne  exclusivement  des  femelles,  et  la  forme 
cylindrique,  qui  donne  exclusivement  des  mâles.  Dans  l'un  et  l'autre 
cas,  la  gastrula  se  forme  par  épibolie.  Tout  l'organisme  de  l'adulte 
consiste  en  deux  couches  cellulaires,  mais  l'endoderme  est  unicel- 
lulaire  chez  les  Dicyémides,  tandis  qu'il  est  pluricellulaire  chez  les 
Orthonectides  ;  de  plus,  ces  derniers  possèdent,  entre  leurs  deux  as- 
sises cellulaires,  une  couche  fibrillaire  d'origine  endodermique.  Ces 
ressemblances  sont  assez  considérables  pour  nous  autoriser  à  réunir 
les  deux  ordres  dont  nous  venons  de  faire  l'étude  en  une  classe  des 
Aneuriens,  caractérisée  par  l'absence  complète  de  tout  organe  nerveux. 
Il  nous  faut  discuter  maintenant  la  place  qu'il  convient  de  lui  attri- 
buer dans  la  classification. 

Ed.  van  Beneden,  Julin,  C.  Vogt  et  Yung,  d'autres  encore,  admet- 
tant que  les  Aneuriens  ne  présentent  jamais  qu'un  ectoderme  et  un 
endoderme  et  sont  toujours  dépourvus  de  mésoderme,  en  font  un 
groupe  des  Mésozoaires,  intermédiaire  aux  Protozoaires  sans  blasto- 
derme et  aux  Métazoaires  triblastiques.  D'autres  auteurs,  comme 
Giard  et  W  hit  m  an,  les  rattachent  aux  Vers.  Nous  n'hésitons  pas  à 
adopter  cette  opinion. 

Pour  nous,  les  Aneuriens  sont  des  Vers  véritables,  mais  ils  ne  peu- 
vent rentrer  dans  la  classe  des  Plalhelminth.es,  à  cause  de  leur  orga- 
nisation vraiment  rudimentaire,  à  cause  surtout  de  l'absence  de  tout 
appareil  nerveux.  Notre  manière  de  voir  se  trouverait  ébranlée,  si 
l'on  venait  à  démontrer  la  nature  nerveuse  du  petit  organe  cellulaire 
que  Julin  a  reconnu  chez  la  forme  aplatie  des  femelles  d'Orthonec- 
tides,  à  la  partie  antérieure  du  corps.  11  n'en  demeurerait  pas  moins 
vrai  que  les  Aneuriens  diffèrent  encore  des  Plathelminthes  par  l'ab- 
sence de  tout  appareil  excréteur,  digestif  ou  fixateur  et  par  un  ensem- 
ble de  caractères  primordiaux,  sur  lesquels  nous  ne  pouvons  insister. 
Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  qu'ils  n'aient  pu  dériver  primitivement 
des  Plathelminthes,  mais  leur  séparation  est  sans  doute  fort  ancienne, 


ORDRE   DliS  CESTODES.  2'JO 

et  leur  vie  parasilaire  a  contribué  encore  fortement  à  leur  donner  la 
structure  rudimentaire  que  nous  leur  avons  reconnue. 

Quant  à  l'opinion  de  van  Beneden  et  Julin,  il  suffit,  pour  en  faire 
la  critique,  de  rappeler  l'existence  de  la  coucbe  fibrillaire,  séparée  de 
l'endoderme  et  qui  n'est  ni  plus  ni  moins  développée  que  ce  qu'on 
est  convenu  d'appeler  mésoderme  cbez  bon  nombre  de  Cœlentérés; 
il  suftit  de  faire  remarquer  d'autre  part  qu'il  est  au  moins  prématuré 
d'établir  un  groupe  des  Mésozoaires  avec  des  êtres  que  le  parasi- 
tisme a  certainement  dégradés. 


CLASSE  DES  PLATHELMINTHES 


ORDRE   DES  CESTODES 

L'ordre  des  Cestodes  renferme  des  Vers  plats  dont  l'histoire, 
déjà  fort  importante  pour  le  naturaliste,  en  raison  de  leur 
structure  compliquée  et  de  leurs  migrations  curieuses,  est  plus 
importante  encore  pour  le  médecin.  Les  deux  principales  fa- 
milles de  cet  ordre,  celles  des  Ténias  et  des  BoLhriocéphales, 
sont  représentées  chez  l'Homme  par  des  espèces  endopara- 
sites,  qui  peuvent  s'y  rencontrer  soit  à  l'état  adulte,  soit  à 
l'état  larvaire. 

FAMILLE     DES    TÉNIADÉS 

Les  animaux  fort  nombreux  (1)  qui  constituent  cette  famille 
diffèrent  entre  eux  par  la  structure,  parle  mode  de  développe- 
ment, par  la  taille,  par  l'habitat,  en  un  mot  par  tous  les  carac- 
tères que  l'on  invoque  d'ordinaire  pour  établir  des  coupes  gé- 
nériques dans  une  famille  naturelle  ;  néanmoins  ils  sont  tous 
réunis  encore  à  l'heure  actuelle  en  un  seul  et  même  genre, 
Tœnia,  le  plus  disparate  qui  existe.  On  peut  prévoir  que,  dans 
un  avenir  prochain,  un  zoologiste  autorisé  n'hésitera  pas  à  le 
démembrer.  En  1845,  Dujardin  faisait  déjà  des  tentatives  dans 
ce  sens,  lorsqu'il  reconnaissait  parmi  les  Ténias  sept  sections, 
établies  d'après  la  disposition  des  orifices  génitaux  et  d'après 

(1)  En  1878,0.  von  Linstow  en  cite  256  espèces  dans  son  Compendium  der 
Uelminthologie.  On  peut  évaluer  à  peu  près  à  300  le  nombre  des  espèces 
actuellement  connues. 


300  OKDRE  DES  CESTUDES. 

la  présence  ou  l'absence  de  crochets.  En  1854 ,  Diesing  recon- 
nut dans  le  genre  Ténia  deux  sections,  caractérisées  par  la  pré- 
sence ou  l'absence  de  rostre  et  subdivisées  chacune  en  deux 
groupes.  P.  J.  van  Beneden  admit  dans  la  famille  des  Ténia- 
dés  les  trois  genres  Taenia,  Halysis  et  Triœnophorus  ;  mais  le 
genre  Halysis  n'a  pas  été  conservé,  et  le  genre  Triœnophorus 
a  été  rattaché  à  la  famille  des  Bothriocéphalidés.  Eu  1858, 
Weinland  établit  la  sous-famille  des  Sclerolepidota  pour  les 
Ténias  dont  l'œuf  a  une  coque  épaisse  et  dure,  et  celle  des 
Malacolepidota  pour  les  Ténias  dont  l'œuf  est  entouré  d'une 
coque  mince;  la  première  comprenait  les  cinq  genres  Taenia, 
Acanthotrias,  Tœniarhynchus,  Echinococcifer  et  Diplacanthus;h\ 
seconde  renfermait  un  grand  nombre  de  genres,  mais  les 
genres  Hymenolepis  et  Alyselminthvs  étaient  seuls  parasites  de 
l'Homme. 

En  se  basant  sur  l'embryologie,  Leuckart  put  diviser  les 
Ténias  en  deux  groupes  :  les  Ténias  vésiculaires  ou  Cystiques 
[Taenia  saginata,  solium,  acanthotrias ,  marginata,  echinococcus) 
et  les  Ténias  non  vésiculaires  ou  Cysticercoïdes  (T.  nana,  flavo- 
punctata,  niadagascariensis,  cucumerina).  De  son  côté,  Kiichen- 
meister  reconnaît  trois  groupes  de  Ténias  :  les  Platycerques 
(T.  cucumerina,  nana,  flavopunctata),  les  Cysticerques  [T.  so- 
lium, acanthotrias,  marginata,  saginata)  et  les  Gystoplatycerques 
[T.  echinococcus).  Enfin,  en  tenant  compte  de  la  façon  dont  naît 
la  vésicule  caudale  de  la  larve  ou  Cystique,-  Villot  arrive  à 
classer  les  Ténias  de  la  même  façon  que  Leuckart.  C'est  égale- 
ment la  classification  que  nous  adopterons. 

A.  Villot,  Classification  des  Cystiques  des  Ténias  fondée  sur  les  divers 
modes  de  formation  de  la  vésicule  caudale.  Revue  des  sciences  naturelles  [3), 
II,  1882. 

A.  Villot.  Mémoire  sur  les  Cystiques  des  Ténias.  Annales  des  sciences  na- 
turelles, Zoologie  (6),  XV,  1883. 

TÉNIAS    DU    PREMIER    GROUPE   (TÉNIAS    VÉS!CULAIRK>) 

c<  Cystiques  dont  la  vésicule  caudale  procède  du  Proscolex  par 
simple  accroissement  et  modification  de  structure,  sans  qu'il  y  ait, 
à  proprement  parler,  production  d'une  partie  nouvelle.  »  Villot. 

Ce  groupe  de  Ténias  correspond  à  peu  près  à  la  première  di- 
vision admise  par  Leuckart.  Les  Cystiques  sont  toujours  para- 


T.K.NIA     5ERRATA.  301 

sites  d'an  animal  verlébré;  ils  sont  entourés  d'un  kyste  adven- 
tice fourni  par  les  tissus  de  ce  dernier.  Villot  reconnaît  dans 
ce  groupe  les  trois  genres  Cysticercus.  Cœnurus  etEchinococcus. 


Tœnia  serrata  Gôze,  1782. 

Ce  Ver  n'est  point  parasite  de  l'Homme;  sa  larve  ou  Cysticer- 
cus pisifonnis  Zeder  vit  chez  le  Lapin,  le  Lièvre,  la  Souris;  à 
l'état  adulte,  il  se  rencontre  dans  l'intestin  grêle  du  Chien.  Il 
est  pourtant  indispensable  d'en  faire  une  étude  détaillée,  parce 
que  son  histoire,  bien  mieux  connue  que  celle  des  Ténias  de 
l'Homme,  est  de  nature  à  nous  fournir  les  plus  précieux  rensei- 
gnements sur  le  développement  de  ces  derniers. 

Les  premières  phases  du  développement  se  passent  alors  que 
l'œuf  est  encore  renfermé  à  l'intérieur  des  derniers  anneaux 
de  l'animal;  elles  ont  été  bien  étudiées  parle  professeur  Moniez, 
aux  belles  recherches  duquel  nous  aurons  maintes  fois  recours. 
Après  la  fécondation,  la  cellule  ovulaire  se  divise  en  deux  par- 
ties égales,  mais  dont  les  caractères  optiques  ne  tardent  pas  à 
devenir  dissemblables  :  dans  l'un  des  deux  segments  (fig.  212 
A, a),  les  granules  sont  très  réfringents  et  nettement  circons- 
crits; dans  l'autre,  b,  ils  ont  un  aspect  moins  brillant  et  sont 
moins  bien  délimités.  Ces  deuxmasses  vitellines  ne  feront  point 
partie  du  corps  de  l'embryon,  mais  produiront  par  bourgeon- 
nement les  cellules  blastodermiques,  B,<?.  Au  moment  où  la 
première  se  forme,  on  voit  apparaître  la  membrane  vitelline,  d. 
La  cellule  blastodermique  ne  tarde  pas  à  se  diviser  et  il  se  forme 
ainsi  un  grand  nombre  d'éléments  indépendants  les  uns  des 
autres.  Ceux-ci  continuent  à  se  diviser  activement  et  forment 
une  morula  dépourvue  de  membrane  propre,  C,c.  Désormais, 
les  deux  masses  vitellines  ne  prendront  plus  aucune  part  à  la 
vie  de  l'embryon;  elles  se  désagrégeront  et  chacune  d'elles 
mettra  en  liberté  une  petite  cellule  réfringente,  cachée  primi- 
tivement au  sein  de  ses  granulations  et  que  Moniez  considère 
comme  un  globule  polaire,  G, A. 

A  mesure  qu'ils  se  multiplient,  les  blastomères  deviennent 
plus  petits;  la  masse  qu'ils  forment  s'arrondit,  puis  leur  cou- 
che périphérique  se  sépare  des  éléments  sous-jacents,  formant 
ainsi  une  sorte  de  membrane  cellulaire.  D,/",  autour  des  autres 


302  ORDRE  DES  CESTODES. 

cellules  blastodermiques,  D,e.  La  couche  délaminée  se  modifie 
activement  :  les  cellules  qui  la  constituent  se  détruisent  et  se 
transforment  en  une  zone  granuleuse,  E,f.  Les  granules  péri- 
phériques se  soudent  alors  entre  eux,  et  acquièrent  une  grande 


â- 


f 


Fig.  212.  —  Embryologie  des  Ténias  du  groupe  de  Taenia  saginata,  d'après 
Moniez.  Les  figures  A,  B,  C,  G  se  rapportent  à  T.  marginata,  les  figures 
D,  E,  F  à  T.  serrata.  —  a,  b,  masses  vitellines  ;  c,  cellules  blastodermi- 
ques ;  d,  membrane  vitelline  ;  e,  embryon  ;  f,  zone  délaminée;  g,  granules 
périphériques  donnant  naissance  à  la  membrane  de  bâtonnets;  h,  globule 
polaire;  i,  membrane  chitineuso  entourant  l'embryon. 


réfringence,  F, g.  ;  puis  ils  augmentent  de  volume,  perdent 
leur  forme  sphérique  et  deviennent  des  corps  très  allongés, 
origine  d'une  membrane  de  bâtonnets  qui  entoure  définitive- 
ment l'embryon,  G, g.  La  partie  interne  de  la  membrane  déla- 
minée,  n'ayant  pris  aucune  part  à  la  formation  des  bâtonnets, 


T^NIA   SERRATA.  :;...; 

constitue  une  couche  granuleuse  qui  ne  se  résorbe  pas;  du 
côté  de  l'embryon,  elle  s'organise  en  une  mince  lamelle  ehi- 
tineuse. 

L'amas  cellulaire  que  circonscrivent  la  membrane  de  bâton- 
nets et  la  couche  granuleuse  sous-jacente  constitue  donc  dé- 
sormais l'embryon.  Au  moment  où  les  bâtonnets  se  forment, 
on  voit  apparaître  à  la  surface  de  celui-ci  six  crochets,  dont 
l'origine  n'a  pas  été  suffisamment  reconnue  :  on  est  alors  au 
stade  de  Yoncosphère  ou  de  Y  embryon  hexacanthe  (fig.  217,  B,G). 
Celui-ci  est  constitué  par  une  petite  masse  de  cellules,  iden- 
tiques en  apparence,  au  sein  de  laquelle  on  ne  peut  distinguer 
aucune  trace  d'organisation.  Les  crochets  sont  disposés  en  trois 
paires  et  situés  à  la  surface  d'un  même  hémisphère. 

C'est  en  cet  état  que  l'œuf,  jusqu'alors  renfermé  dans  l'u- 
térus, arrive  au  dehors,  par  suite  de  la  séparation  et  de  l'expul- 
sion spontanée  des  anneaux  qui  le  renferment.  Rejetés  au  de- 
hors en  même  temps  que  les  matières  fécales  ou  même  dans 
l'intervalle  des  selles,  les  anneaux  se  détruisent  rapidement  et 
les  œufs  se  trouvent  mis  en  liberté  :  la  membrane  vitelline 
s'est  rompue  depuis  longtemps  déjà,  et  l'embryon,  entouré 
de  son  épaisse  coque  striée,  est  mélangé  à  la  poussière  ou 
entraîné  par  les  eaux.  C'est  lui  qu'on  a  l'habitude,  par  un 
manifeste  abus  de  langage,  de  considérer  comme  l'œuf.  Il  est 
ovoïde,  long  de  36  à  40  f*,  large  de  31  à  36  \l. 

L'embryon  renfermé  dans  sa  coque  est  capable  de  rester  en 
vie  latente  pendant  un  temps  fort  long,  jusqu'à  ce  qu'il  se 
trouve  placé  dans  les  conditions  indispensables  à  la  suite  de 
son  évolution.  Ces  conditions,  il  les  trouve  réalisées  quand  il  est 
amené,  par  les  aliments  ou  par  les  boissons,  dans  le  tube  diges- 
tif du  Lapin  ou  du  Lièvre.  Les  sucs  digestifs  dissolvent  la  coque, 
et  l'embryon  est  mis  en  liberté.  Il  revient  alors  à  la  vie  active 
et  ne  tarde  pas  à  traverser  la  paroi  de  l'intestin  :  dans  ce  but, 
il  se  fraye  un  chemin  àl'aide  de  ses  crochets,  comme  une  per- 
sonne pressée  dans  une  foule  joue  des  coudes  pour  se  faire  de 
la  place.  L'embryon  tombe  ainsi  dans  une  des  branches  d'o- 
rigine de  la  veine  porte  et  le  torrent  circulatoire  l'entraîne 
dans  le  foie.  Cette  migration  accomplie,  il  subit  des  modifica- 
tions qui  l'amènent  à  l'état  de  Cysticerque,  de  Cy s  ligue,  de 
larve  ou  de  Vervésiculaire. 


304  OBDRE  DES  CESTODES. 

Leuckart  et  Moniez  ont  pu  suivre  les  premières  phases  du 
développement  :  ils  ont  vu  l'oncosphère  émigrer  dans  le  foie, 
puis  dans  le  péritoine  du  Lapin  et  nous  ont  ainsi  fait  connaître 
les  modifications  diverses  qu'elle  subit. 

L'infestation  s'annonce  de  bonne  heure  et,  dès  le  second 
jour,  on  observe  dans  le  foie  de  très  petits  tubercules  blancs  et 
des  traînées  particulières.  Le  volume  des  tubercules  augmente 
rapidement  et  ils  acquièrent  une  certaine  dureté  :  le  cinquième 
jour,  ils  ont  atteint  la  taille  d'un  petit  grain  de  Ghènevis  ;  ils 
sont  accompagnés  de  fines  traînées  distribuées  dans  tous  les 
sens  et  que  l'on  trouve,  comme  les  nodosités,  aussi  abondam- 
ment dans  la  profondeur  des  tissus  qu'à  la  surface  de  l'organe. 
On  ne  peut  énucléer  ces  nodosités  sans  arracher  en  même 
temps  des  fragments  de  tissu  hépatique.  Elles  sont  peu  trans- 
parentes ou  même  opaques  et  se  montrent  formées  d'une  en- 
veloppe très  épaisse,  renfermant  un  corps  réfringent  et  de 
forme  ovale.  L'enveloppe  passe  insensiblement  au  tissu  du  foie 
et  résulte  uniquement  de  la  transformation  des  cellules  hépa- 
tiques; la  partie  claire  qui  y  est  contenue  a  la  même  origine 
et  ne  rappelle  en  rien  l'embryon  ;  elle  est  simplement  plus 
avancée  en  régression. 

Ce  processus  inflammatoire  se  produit  en  certains  points  du 
foie,  autour  d'un  embryon  mort.  L'embryon  vivant  siège  au 
contraire  dans  les  fins  canalicules  disposés  en  traînées,  dans 
lesquels  Laulanié  a  toujours  reconnu  des  branches  d'origine  de 
la  veine  sus-hépatique.  Il  est  de  fort  petite  taille  et  mesure  à 
peine  1  millimètre  de  long,  pour  une  largeur  bien  moindre.  Sa 
structure  est  des  plus  simples  :  son  enveloppe  est  une  mince 
cuticule,  son  tissu  est  formé  d'un  réseau  très  délicat,  très  fine- 
ment granuleux,  emprisonnant  dans  ses  mailles  un  liquide 
clair  et  non  coagulable.  Les  crochets  de  l'embryon  hexacan- 
the  ont  disparu  sans  laisser  de  trace  et  il  est  impossible  de  sa- 
voir où  et  quand  a  eu  lieu  cette  disparition.  Les  mailles  du 
réseau  ressemblent  à  celles  qui  s'observent  dans  le  corps  des 
Cystoflagellés;  elles  ont  été  longtemps  considérées  comme  des 
contours  cellulaires,  mais  on  ne  voit  jamais  de  véritable  épi- 
thélium  sous  la  cuticule  des  Gysticerques. 

Les  embryons  arrivés  dans  le  foie  depuis  huit  jours  se  trou- 
vent dans  les  mêmes  conditions.  Leur  croissance  est  rapide  : 


T.ENIA  SERRATA.  30! 


au  douzième  jour,  ils  sont  déjà  longs  de  3  millimètres  et  peu- 
vent accomplir  d'obscurs  mouvements  de  contraction;  on  voit 
enfin  se  développer  à  leur  surface  des  papilles  que  nous  re- 
trouverons plus  tard.  Les  contractions  dont  nous  venons  de 
parler  sont  déterminées  par  des  éléments  sous-cuticulaires  qui 
se  continuent  avec  le  tissu  parencliymateux;  ces  éléments 
sont  fort  distincts  des  fibres  musculaires,  qui  ne  sont  pas  en- 
core différenciées. 

A  mesure  que  le  jeune  Ver  se  développe,  il  prend  un  aspect 
de  plus  en  plus  allongé,  et  la  galerie  qui  le  loge  va  en  s'élargis- 
sant.  Leuckart  pensait  que  les  nodosités  se  transformaient  pro- 
gressivement en  galeries,  mais  Moniez  a  reconnu  qu'elles  se 
forment  autour  de  Cysticerques  morts  de  bonne  heure,  tandis 
que  les  galeries  sont  en  rapport  avec  des  Cysticerques  vivants, 
qui  se  meuvent  pour  aller  de  la  profondeur  à  la  surface,  ou  qui 
vivent  près  de  la  surface  du  foie  et  savent  résister  au  travail 
d'enkystement  en  agrandissant  progressivement  leur  galerie. 
Aussi  voit-on  le  volume  des  nodosités  rester  bientôt  station- 
naire,  alors  que  les  galeries  s'agrandissent. 

Nous  avons  dit  que,  huit  jours  après  leur  arrivée  dans  le  foie, 
le  tissu  des  jeunes  Cysticerques  présente  un  réticulum  très 
finement  granuleux,  dont  les  mailles  sont  remplies  d'un  li- 
quide. Le  réticulum  se  modifie  bientôt  et,  chez  des  individus 
âgés  de  moins  d'un  mois,  il  a  pris  déjà  l'aspect  d'un  tissu  con- 
jonctif.  Tout  le  corps  de  l'embryon  subit  cette  transformation, 
à  part  le  point  où  va  se  développer  le  rudiment  du  futur  Ténia  ; 
il  reste  pourtant  entre  les  trabécules  conjonctives  une  certaine 
quantité  de  la  substance  liquide  primitive.  Celle-ci  se  modifie 
à  son  tour,  devient  coagulable,  au  moins  par  les  agents  chi- 
miques, et  est  capable  de  se  charger  de  matières  inorganiques  : 
elle  forme  alors  des  éléments  particuliers,  les  corpuscules  cal- 
caires, Ceux-ci  sont  des  éléments  ovalaires  ou  arrondis,  formés 
de  couches  concentriques  et  faisant  effervescence  sous  l'in- 
fluence des  acides. 

Au  vingt-deuxième  jour  qui  suit  Tinfestation,  les  larves  sont 
longues  d'environ  1  centimètre  et  larges  de  moins  de  l  milli- 
mètre. On  peut  les  voir  alors  présenter  un  curieux  phéno- 
mène, que  Moniez  a  découvert.  Le  Cysticerque  s'étrangle  en 
son  milieu  et  se  montre  constitué  par  deux  parties  animées  dé 
Blanchard.  —  Zool.  mod.  20 


306  ORDRE  DES  CESTODES. 

contractions  et  reliées  l'une  à  l'autre  par  un  pédicule  plus  ou 
moins  rétréci.  Celui-ci  finit  par  se  rompre  et  les  deux  portions 
se  trouvent  de  la  sorte  isolées  l'une  de  l'autre.  Vient-on  alors  à 
les  examiner  attentivement;  on  constate  que  le  segment  pos- 
térieur a  conservé  partout  sa  structure  primitive;  il  en  est  de 
même  pour  l'autre  segment,  sauf  pour  sa  partie  antérieure,  où 
l'on  peut  reconnaître  une  zone  réfringente,  formée  de  cellules 
très  petites,  très  finement  granuleuses,  très  serrées ,  disposées  en 
demi-sphère  et  correspondant  à  une  dépression  circulaire  peu 
profonde  :  on  se  trouve  en  présence  du  rudiment  de  la  tête  du 
futur  Ténia  ;  la  tête  naît  donc,  non  par  une  invagination  pure 
et  simple,  mais  en  même  temps  par  une  active  prolifération 
cellulaire,  localisée  h  l'un  des  pôles  de  la  larve. 

Moniez  donne  de  ces  faits  l'explication  suivante  :  il  pense 
que  la  larve  se  divise  en  deux  et  perd  sa  moitié  postérieure 
parce  que  celle-ci  est  devenue  histologiquement  impropre  à  la 
reproduction,  cette  fonction  étant  dévolue  à  la  moitié  anté- 
rieure, et  que,  conservée  en  entier,  elle  eût  été  superflue, 
même  pour  protéger  la  tête  et  le  cou  du  jeune  Ténia.  La  moitié 
postérieure  se  vide  de  ses  éléments  et  n'est  bientôt  plus  re- 
présentée que  par  sa  cuticule  et  quelques  fibres  conjonctives: 
finalement  elle  se  détruit.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  très  inté- 
ressant de  rapprocher  ces  faits  d'observations  analogues  faites 
par  Thomas  sur  le  sporocyste  de  Distoma  hepaticum  (1). 

Nous  avons  vu  en  quel  point  apparaissaient  les  premiers 
rudiments  de  la  tête  du  jeune  Ténia.  Suivons  maintenant  de 
plus  près  son  développement.  Cet  organe  prend  naissance  par 
un  processus  de  bourgeonnement  qu'avaient  entrevu  déjà  Wa- 
gcner  et  von  Siebold,  et  que  Moniez  a  pu  suivre  récemment. 
Les  belles  recherches  de  cet  auteur  contredisent  formellement 
l'opinion  de  Leuckart,  adoptée  sans  conteste  jusqu'à  ce  jour 
par  tous  les  zoologistes. 

Au  pôle  antérieur  de  la  larve,  on  voit  la  surface  se  déprimer 
en  une  invagination  circonscrite  par  une  couche  très  épaisse 
de  cellules  granuleuses  ;  à  mesure  que  l'invagination  s'accentue 
et  que  la  prolifération  cellulaire  dont  elle  est  le  siège  devient 
plus  active,  la  cavité  s'élargit  dans  sa  portion  inférieure.  En 

(1)  Ouvrage  cité  plus  loin,  pi.  II,  (ig.  9. 


TENIA     SERRATA 


:kï7 


même  temps,  le  fond  se  soulève  en  un  mamelon  qui  est  le  pre- 
mier indice  de  la  tête.  En  réalité,  ce  ma- 
melon ne  prend  pas  naissance  exactement 
au  fond  du  receptaculum,  mais  un  peu  sur 
le  côté  ;  il  est  formé  de  très  petites  cellules 
granuleuses  et  serrées,  et  ne  se  trouve  re- 
couvert extérieurement  par  aucune  mem- 
brane cuticulaire  (fig.  213). 

Le  bourgeon  céphalique  continue  son 
développement  :  à  sa  base  apparaissent 
bientôt  quatre  autres  protubérances  arron- 
dies, peu  volumineuses,  qui  sont  les  rudi- 
ments des  ventouses;  leur  transformation 
n'a  pas  été  suivie.  En  même  temps  que 
l'invagination  s'accentue  et  que  le  rudi- 
ment céphalique  se  complète,  on  voit  appa- 
raître la  première  indication  des  crochets. 

Ceux-ci  se  montrent  sous  la  forme  d'ai- 
guillons chitineux,  implantés  par  leur 
grosse  extrémité  autour  du  mamelon  cé- 
phalique et  disposés  parallèlement  à  lui, 
la  pointe  en  haut.  Ils  ne  présentent  point 
encore  les  diverses  parties  qu'on  y  re- 
connaîtra plus  tard  (fig.  214,  215,  216). 
D'abord  répartis  irrégulièrement  en  trois 
ou  quatre  rangées,  ils  se  régularisent  peu 
à  peu,  deviennent  alternes  et  se  disposent 
sur  deux  rangs,  un  certain  nombre  des 
crochets  primitifs  ne  se  développant  pas.   FiS\21/3-  T  c'isticel'cf 

v  .      .       r  pisiformis,  larve  agee 

A  ce  moment,  la  larve  a  d'ordinaire  plus 
d'un  centimètre  de  longueur  :  elle  est 
douée  de  mouvements  assez  énergiques 
et,  à  l'état  de  repos,  se  présente  sous  l'as- 
pect vermiforme  qu'indique  la  figure  213  ; 
de  plus,  elle  est  renflée  à  la  partie  où 
bourgeonne  la  tête.  La  surface  entière  du 
corps  est  couverte  de  formations  particu- 
lières, constituées  par  des  plis  circu- 
laires. Ces  sortes  de  papilles  ont  une  structure  assez  simple  : 


d'environ  un  mois,  d'a- 
près Montez.  —  f, 
fibres  longitudinales 
courant  à  la  base  des 
papilles  ;  <y,  partie  cen- 
trale, finement  grenue, 
suivant  laquelle  se  fera 
la  déchirure  des  tis- 
sus ;  rc,  rcceptaculum 
capitis;  t,  bourgeon 
céphalique. 


308 


ORDRE  DES  CESTODES. 


devant  elles  courent  quelques  fibres  longitudinales,  /",  qui  vont 
s'unir  aux  éléments  de  même  nature  formés  dans  les  rudiments 


Fig.  214.  —  Coupe  de  Cysticercus pisiformis  complètement  développe,  d'après 
Moniez  ;  la  tète  est  dévaginée.  —  b,  bulbe  ;  c,  corpuscules  calcaires;  et,  cuti- 
cule; d,  dépression  constante  h  la  partie  postérieure  du  Cysticerquc  et  due 
à  l'atrophie  de  la  partie  postérieure  du  corps;  ml,  fibres  musculaires  lon- 
gitudinales; mt,  fibres  musculaires  transversales;^,  papilles;  rc,  recepta- 
culum  capitis;  v,  ventouses;  ve,  vésicule;  vs,  coupe  des  vaisseaux  longi- 
tudinaux au  moment  où  ils  s'anastomosent;  vs',  coupe  des  vaisseaux  dans 
la  vésicule;  s,  zone  sous-cnticulaire,  formée  d'éléments  en  prolifération. 


du  jeune  Ténia  et  qui  régularisent  les  mouvements  de  la  larve. 
La  partie  centrale  du  corps  présente  alors  une  zone  granu- 
leuse, g$  qui  marque  la  régression  des  tissus.  On  voit  bientôt 


T/ENIA  SERRATA.  309 

se  produire  une  déchirure  dans  toule  la  partie  de  la  larve  si- 
tuée en  arrière  du  bourgeon  céphalique,  et  le  corps  se  trans- 
forme ainsi  en  une  vésicule  gonflée  de  liquide  et  dans  laquelle 
s'enfoncent  les  formations  nouvelles  :  celte  invagination  s'ac- 
centue d'autant  plus  que  les  parties  environnantes,  qui  for- 
ment les  parois  de  l'invagination,  prolifèrent  considérablement 
et  se  plissent,  de  manière  à  constituer  le  reneptaculum  capi- 
lis,  rc.  La  larve  passe  donc  à  l'état  de  Ver  vésiculaire  ou  de 
Cvsticerque  proprement  dit  (fig.  214). 

Cependant  les  jeunes  Cyslicerques  quittent  le  foie  et  arrivent 
dans  le  péritoine,  où  ils  ne  tardent  pas  à  devenir  hydropiques. 
Le  bourgeon  céphalique  s'organise,  achève  la  formation  de  ses 
crochets,  développe  un  bulbe  musculaire,  b,  des  ventouses,  i\ 
des  masses  nerveuses,  des  vaisseaux,  vs.  Ceux-ci,  que  nous  étu- 
dierons plus  complètement  chez  Taenia  saginata  adulte,  se  con  - 
tinuent  sur  la  vésicule  elle-même,  vs,  où  on  les  retrouve  tant  que 
dure  l'état  vésiculaire  et  où  ils  forment  un  réseau  très  développé, 
dont  les  mailles  sont  plus  étroites  au  haut  de  la  vésicule  et  plus 
larges,  en  général,  quand  elles  courent  transversalement.  De 
la  tôle  partent  encore  des  muscles,  ml,  mt,  qui  suivent  exac- 
tement les  contours  du  receptaculum,  pour  gagner  finalement 
la  paroi  de  la  vésicule  et  se  mettre  en  continuité  de  tissu  avec 
les  fibres  longitudinales  que  tout  à  l'heure  nous  voyions  courir 
contre  les  papilles. 

La  vésicule  pourra  encore  grandir,  le  pédoncule  plus  ou 
moins  raccourci  qui  porte  la  tôte  pourra  s'allonger,  de  manière 
à  constituer  un  cou,  et  le  Cyslicerque  arrivera  de  la  sorte  à  son 
complet  développement. 

Mourson  et  Schlagdenhauffen  ont  reconnu  que  le  liquide  qui 
remplit  la  vésicule  des  Cyslicerques  renferme  des  proportions 
relativement  considérables  d'albumine  et  de  leucomaïne  (1)  et 
possède  des  propriétés  vénéneuses  très  accusées.  Si  on  l'in- 
jecte sous  la  peau  d'un  animal,  on  observe  les  mêmes  symptô- 
mes qu'à  la  suite  de  la  piqûre  de  certains  animaux  venimeux. 
Un  Lapin,  dans  la  cavité  péritonéale  duquel  ce  liquide  a  été 

(l)  Page  2G0,  ligne  24,  et  page  270>  ligne  7,  il  faut  lire  leucomaïne  au  lieu 
de  ptomaïne.  La  feuille  17  était  tirée  avant  que  le  professeur  A.  Gautier  n'ait 
publié  le  remarquable  mémoire  dans  lequel  il  fait  connaître  et  caractérise  la 
classe  de  principes  toxiques  auxquels  il  a  donné  le  nom  de  leucomaïnes. 


310  ORDRE   DES   CESTODES. 

introduit,  meurt  avec  des  signes  de  décomposition  du  sang. 
Parvenu  à  l'état  que  nous  venons  de  dire,  c'est-à-dire  après 
s'être  complètement  développé,  le  Cysticerque  ne  subira  plus 
aucune  modification  nouvelle.  Pour  que  son  évolution  puisse 
se  poursuivre,  il  est  indispensable  qu'il  passe  chez  un  hôte 
nouveau,  qui  est  le  Chien.  Amené  dans  l'intestin  de  celui-ci 
avec  les  entrailles  du  Lapin  ou  du  Lièvre  qui  l'hébergeait,  il  se 
transformera  rapidement  en  un  animal  adulte  et  sexué.  Mais 
si  le  Lapin,  dans  les  organes  duquel  il  est  logé,  n'est  pas 
mangé  par  le  Chien,  le  Cysticerque  finira  par  mourir  et  sera 
dès  lors  envahi  par  des  concrétions  calcaires,  qui  persisteront 
sous  forme  de  nodule,  comme  trace  de  son  existence  an- 
cienne. 

Les  migrations  du  Ténia  en  scie  ont  été  définies  par  Kûchenmeister 
et  par  Baillet.  Introduit  dans  l'intestin  du  Lapin,  l'œuf  livre  passage  àun 
embryon  hexacanthe  qui  se  transforme  en  Cysticercus pisiformis  dans 
le  foie  et  le  péritoine.  Ce  Cysticerque,  avalé  par  le  Chien,  devient 
Tœnia  serrata  dans  l'intestin  de  ce  dernier.  Le  Ténia  pond  finalement 
des  œufs  grâce  auxquels  le  cycle  pourra  recommencer. 

Ces  faits,  et  d'autres  du  même  genre,  sont  assez  solidement  établis 
pour  qu'on  doive  admettre  qu'un  changement  d'habitat  est  indispen- 
sable au  Cysticerque  et  peut  seul  lui  permettre  d'arriver  à  l'état 
adulte  :  son  hôte  tarde-t-il  à  être  dévoré,  le  Cysticerque  meurt  et  subit 
la  dégénérescence  calcaire. 

D'après  cela,  les  animaux  carnivores  devraient  seuls  posséder  des 
Ténias.  Or,  les  herbivores  en  sont  également  infestés.  Comment  donc 
les  contractent-ils?  Ce  n'est  assurément  pas  en  se  repaissant  de  Mam- 
mifères qui  en  hébergeraient  la  larve  et  l'origine  de  ces  Ténias  est 
encore  problématique.  Remarquons  en  passant  que  les  Ténias  des 
carnivores  sont  habituellement  armés,  tandis  que  ceux  des  herbi- 
vores sont  d'ordinaire  inermes.  Mégnin  est  parti  de  ces  diverses  con- 
sidérations pour  émettre  l'opinion  «  1°  que  les  Ténias  inermes  des 
herbivores  sont  des  Ténias  parfaits  qui  ont  suivi  toutes  leurs  phases, 
et  subi  toutes  leurs  métamorphoses  chez  le  même  animal;  2°  que  les 
Ténias  armés  sont  das  Ténias  imparfaits,  quoique  adultes,  provenant 
des  mômes  larves  cystiques  dont  dérivent  les  premiers  —  (chaque 
Ténia  inerme  ayant  son  correspondant  armé),  —  mais  transportées 
dans  les  intestins  d'un  carnassier  ou  d'un  omnivore,  où  leur  trans- 
formation dernière  a  subi,  sous  l'influence  de  ce  même  milieu,  un 
temps  d'arrêt  caractérisé  par  la  persistance  de  la  couronne  de  crochets 
du  scolex.  » 


TiENIA     SERRATA.  *H 

Mégnin  dit  avoir  observé  dans  plusieurs  circonstances  ce  polymor- 
phisme des  Ténias.  D'après  lui,  Cysticercus  pisiformis  devient  Tarnia 
scrnita,  forme  armée,  dans  l'intestin  du  Chien,  mais  deviendraitaussi 
T.  pectinata,  forme  inerme,  dans  l'intestin  et  le  péritoine  du  Lapin. 
De  môme,  l'Échinocoque  du  Cheval  devient  T.  echinococcus,  forme 
armée,  dans  l'intestin  du  Chien,  et  deviendrait  T.  perfoliata,  forme 
inerme,  dans  l'intestin  du  Cheval.  Ainsi  s'expliquerait  la  présence  do 
Ténias  chez  les  herbivores. 

Malgré  toute  l'attention  que  méritent  les  travaux  de  Mégnin,  il  est 
difficile  d'admettre  l'opinion  que  nous  venons  de  rapporter  :  la  saga- 
cité habituelle  de  cet  habile  observateur  s'est  trouvée  en  défaut.  Sa 
manière  de  voir  s'appuie  sur  des  observations  trop  peu  nombreuses 
et  les  formes  adultes  qu'il  fait  dériver  d'un  môme  Cysticerque  sont  si 
profondément  dissemblables  que,  môme  en  admettant  la  possibilité 
du  polymorphisme  chez  les  Ténias,  on  ne  peut  songer  à  établir  entre 
elles  les  moindres  relations  de  parenté. 

P.  Mégnin,  Nouvelles  observations  sur  le  développement  et  les  métamor- 
phoses des  Ténias  des  Mammifères.  Journal  de  l'anatomle,  XV,  p.  225,  1879. 

Parvenu  dans  l'intestin  grêle  du  Chien,  le  Cysticerque  se 
trouvera  mis  en  liberté  :  les  sucs  digestifs  sont  sans  action  sur 
lui.  Il  évagine  alors  sa  tête,  se  fixe  solidement  à  la  muqueuse 
intestinale  au  moyen  de  ses  quatre  ventouses  et  subit  aussitôt 
d'importantes  modifications. 

Celles-ci  sont  très  comparables  à  celles  que  nous  avons 
reconnues  précédemment  chez  les  Acalèphes.  Nous  avons  vu 
le  Scyphistome  se  transformer  par  bourgeonnement  en  un 
Strobile  dont  chaque  segment  devenait  un  individu  sexué, 
capable  de  vivre  isolément  et  de  pondre  des  œufs  aux  dépens 
desquels  se  reconstituait  le  Scyphistome.  Les  Ténias  présen- 
tent également  les  phénomènes  de  la  génération  alternante. 
Le  Cysticerque  est,  comme  le  Scyphistome,  un  individu  asexué. 
Sa  tête  ou  scolex  n'est  qu'un  organe  de  fixation,  en  arrière  du- 
quel la  portion  que  nous  avons  désignée  déjà  sous  le  nom  de 
cou  va  produire  par  bourgeonnement,  et  d'une  façon  inces- 
sante, un  très  grand  nombre  de  segments  qui  transformeront 
le  corps  de  l'animal  en  un  véritable  strobile  (i).  Les  divers 

(1)  La  séparation  de  la  vésicule  caudale,  désormais  inutile,  est  un  phéno- 
mène qui  coïncide  avec  l'évagination  de  la  tête  et  qui  précède  la  production 
des  premiers  anneaux. 


312  ORDRE  DES  CESTODES. 

anneaux  de  ce  strobile  sont  appelés  proglotlis  ou  cucurbitins  : 
chacun  d'eux  représente  un  individu  adulte  et  hermaphrodite, 
dont  les  œufs  reproduiront  le  Cysticerque,  analogue  au  Scyphis- 
tome.  D'après  cela,  un  Ténia  n'est  donc  pas  un  animal,  mais 
bien  une  colonie  d'animaux:  chacun  de  ceux-ci  sera  d'autant 
plus  avancé  dans  son  développement  qu'il  aura  pris  naissance 
plus  anciennement,  c'est-à-dire  qu'il  sera  plus  éloigné  de  la 
tête.  A  mesure  qu'ils  atteignent  leur  maturité  sexuelle,  les 
anneaux  se  séparent  du  strobile,  soit  isolément,  soit  en  chaî- 
nons plus  ou  moins  allongés  et  sont  rejetés  hors  de  l'intestin. 
Cette  période  d'existence  libre  est  fort  courte,  encore  qu'elle 
puisse  durer  plusieurs  jours  :  l'anneau  finit  par  mourir,  se 
putréfie  et  les  œufs  qu'il  renferme  vont  pouvoir  pénétrer  dans 
l'intestin  du  Lapin  par  un  procédé  que  nous  avons  déjà  fait 
connaître. 

L'interprétation  que  nous  venons  de  donner  du  développe- 
ment des  Ténias  a  cours  dans  la  science  depuis  que  Steenstrup 
a  défini  la  génération  alternante  :  elle  a  été  adoptée  notamment 
par  von  Siebold,  van  Beneden  et  Leuckart. 

Le  professeur  Moniez  a  émis  une  autre  opinion.  D'après  lui, 
il  n'y  a  chez  les  Gestodes  ni  alternance  de  génération,  ni  bour- 
geonnement d'un  individu  sur  un  autre,  et  la  tête  du  Ténia 
n'est  pas  un  être  nouveau,  mais  un  organe  de  fixation.  «  Pour 
nous,  dit-il,  le  Cysticerque  entier  n'est  qu'un  même  animal,  un 
jeune  Ténia  :  la  vésicule  représente  le  premier  anneau  de  la 
chaîne  future;  elle  tombe  dans  la  plupart  des  cas,  sans  rien 
produire,  après  avoir  servi  d'organe  de  protection...  L'on  sait 
que,  dans  l'embryon  hexacanthe,  les  crochets  sont  situés  à  la 
partie  antérieure,  du  moins  au  point  qui,  dans  la  progression, 
se  tient  en  avant.  Il  est  certain  que  la  tête  bourgeonne  toujours 
à  l'extrémité  de  l'embryon  opposée  aux  crochets,  en  d'autres 
termes  à  la  partie  postérieure.  Cela  est  démontré  par  les  ob- 
servations de  Stein,  de  Siebold,  deRatzel,  de  Leuckart  et  il  n'y 
a  pas  de  raison  pour  admettre,  comme  dans  l'ancienne  inter- 
prétation, le  changement  complet  dans  l'orientation  de  l'ani- 
mal. Ce  qu'on  appelle  la  tête  est  donc  morphologiquement  un 
organe  de  fixation,  développé  à  la  partie  postérieure  du  Ténia, 
et  cette  tête  est  comparable  aux  armatures  de  la  partie  posté- 
rieure des  Polystomes  et  non  aux  armatures  antérieures  que 


TENIA   SERRATA.  313 

l'on  observe  chez  certains  Trématodes  endo-parasites.  La  pré- 
sence d'une  commissure  nerveuse  ne  doit  pas  être  mise  en  ob- 
jection car  elle  s'explique  par  l'importance  fonctionnelle  de 
l'organe. 

«  Si  l'on  accepte  cette  manière  de  voir  basée  sur  la  mor- 
phologie, outre  que  l'on  simplifie  l'histoire  des  Cestodes,  on 
fait  disparaître  une  de  leurs  particularités  les  plus  exception- 
nelles, et  l'on  facilite  la  comparaison  avec  ce  qui  se  passe  d'or- 
dinaire chez  les  autres  Vers.  Je  veux  parler  du  point  où  se  for- 
ment les  anneaux  nouveaux.  L'on  sait  que,  jusqu'ici,  les  Ces- 
todes étaient  opposés  aux  autres  Vers,  par  le  fait  que  le  point 
où  se  forment  chez  eux  les  nouveaux  anneaux,  était  situé  près 
de  la  tête,  tandis  que,  chez  les  Annélides  par  exemple,  ce  point 
est  à  la  partie  postérieure  du  corps. 

«  Dans  notre  interprétation,  les  anneaux  des  Cestodes  nais- 
sent à  la  partie  postérieure  du  corps,  comme  chez  les  autres 
Vers  et,  si  on  les  considère  comme  des  individus,  on  doit  dire 
que  l'embryon  hexacanthe,  la  vésicule,  a  représenté  le  pre- 
mier d'entre  eux  et  a  porté  la  véritable  tête,  tandis  que  les  nou- 
veaux anneaux  naissent  à  l'extrémité  postérieure,  au  voisinage 
de  la  pseudo-tête  qui  est  véritablement  un  organe  de  fixation.  » 

L'opinion  de  Moniez,  appuyée  sur  des  arguments  de  valeur 
et  défendue  avec  une  grande  habileté,  mérite  d'être  prise  en 
sérieuse  considération.  Nous  ne  croyons  pas  toutefois  que  le 
moment  soit  venu  d'abandonner  l'ancienne  théorie  de  la  géné- 
ration alternante,  et  cela  pour  plusieurs  raisons.  D'abord,  si  on 
se  range  à  l'avis  de  Moniez,  il  n'en  reste  pas  moins  certain  que 
la  métagenèse  existe  chez  les  Vers  plats,  par  exemple  chez  les 
Trématodes.  En  second  lieu,  Niemiec  a  fait  voir  récemment 
que  ce  que  Moniez  considère  comme  une  simple  commissure 
nerveuse  constituait  en  réalité  des  centres  nerveux  «  qu'il  fau- 
drait homologuer  avec  l'anneau  œsophagien  des  Annélides  ». 

Tsenia  serrata  se  rencontre  avec  une  extrême  fréquence  dans 
l'intestin  grêle  du  Chien.  S'il  était  pour  nous  de  la  plus  haute 
importance  d'étudier  avec  soin  son  développement,  il  serait 
hors  de  propos  de  décrire  longuement  son  état  adulte  :  nous 
achèverons  donc  sa  description  en  indiquant  ses  caractères 
essentiels. 

C'est  un  Ver  long  de  50  à  170  centimètres,  à  tête  arrondie, 


314 


ORDRE  DES  CESTODES. 


subtétragone  et  légèrement  plus  large  que  le  cou.  Un  rostre 
court  et  épais  donne  insertion  à  une  double  couronne  de  34  à 


Fig.  215.  —  Couronne  de  crochets  de  Taenia  serrata,  d'après  Krabbe. 
Grossie  120  fois. 

48  crochets  (fig.  215  et  216);  les  plus  grands  mesurent  de  225 
à  250  (x,  les  plus  petits  de  130  à  162  jx.  D'abord  notablement 


Fig.  21G.  —  A,   grand  crochet  de  Tarda  serrata;  B,  petit  crochet. 
Grossis  245  fois. 


plus  larges  que  longs,  les  anneaux  deviennent  carrés  à  25  ou 
30  centimètres  de  la  tête  :  leur  bord  postérieur  est  plus  long 


TjENIA    serrata. 

que  l'antérieur,  d'où  résulte  un  aspect  en  dents  de  scie  pré- 
senté par  les  côtés  de  l'animal.  Cette  disposition  ne  se  retrouve 
plus  sur  les  anneaux  mûrs  :  ceux-ci  sont  longs  de  10  à  17  mil- 
limètres et  larges  de  4  a  G.  Les  pores  génitaux,  au  nombre 
d'un  seul  par  anneau,  sont  [irrégulièrement  alternes.  L'utérus 
présente  un  petit  nombre  de  branches  transversales,  irréguliè- 
rement ramifiées. 

D'après  Vital,  Taenia  serrata  aurait  été  vu  deux  fois  chez 
l'Homme,  à  Gonstantine.  La  première  observation  remonte  à 
1838  et  se  rapporte  à  un  Arabe  qui,  en  même  temps  qu'un  T. 
solium,  aurait  évacué  un  T,  serrata  long  de  1  mètre  et  large 
de  6  millimètres.  La  seconde  observation  est  de  date  plus  ré- 
cente :  il  s'agit  d'une  Femme,  mise  au  régime  de  la  viande 
crue  et  qui  aurait  expulsé  deux  T.  saginata  et  un  7 .  serrata, 
déterminés  par  Cauvet.  On  doit  faire,  à  l'égard  de  ces  deux 
observations,  les  plus  expresses  réserves. 

A.  Vital,  Les  entozaires  à  l'hôpital  militaire  de  Constantine.  Gazette  médi- 
cale, p.  *285,  1874. 


Taenia  saginata  Gôze,  1782. 

onymie  :  Tœnia  solium  Linné,  17G7  (pro  parte). 
T.  cucurbitina  Pallas,  1781  (pro  parte). 
T.  inermis  hominis  Brera,  1802  (pro parte). 
Pentasloma  coarctata  Virey,  1823. 
Tœnia  dentata  Nicolaï,  1830. 
T.  lata  Pruner,  1847. 

Bothrioeephahis  tropicus  Sclimidtmuller,  1847. 
Taenia  mediocanellata  Kiiclienmeister,  1852. 
T.  solium,  var.  mediocanellata  Diesing,  1854. 
Tœnia  vom  Cap  der  guten  Hoffnung  Kuchenmeister,  18.V». 
Txniarhynchus  mediocanellatus  Weinland,  1858. 
Tsenia  inermis  Moquin-Tandon,  1860. 
T.  tropica  Moquin-Tandon,  1860. 
T.  (Cystotœnia)  mediocanellata  Leuckart,  1862. 

En  1700,  Nicolas  Andry  décrit  sous  le  nom  de  Solium  ou  de  Ténia 
sans  épine  un  Cestode  qui  n'est  autre  que  Taenia  saginata;  les  figures 
qu'il  en  donne,  les  caractères  qu'il  lui  attribue  ne  laissent  pas  le 
moindre  doute  à  cet  égard.  En  1714,  Vallisneri  décrit  et  figure  encore 
ce  même  parasite  sous  le  nom  de  Solium. 

En  17o0,  le  célèbre  philosophe  genevois  Cb.  Bonnet  entreprend 
l'étude  du  Ténia  de  l'Homme  :  il  lui  reconnaît  une  tête  teintée  en  noir, 


316  ORDRE  DES   CESTODES 

munie  de  quatre  ventouses  groupées  par  paires  et  présentant  un  en- 
foncement au  lieu  de  la  couronne  de  crochets  que  Tyson,  par  exemple, 
avait  fait  connaître  pour  le  Ténia  du  Chat.  Il  s'agissait  bien  là  d'une 
tête  de  T.  saginata;  Bonnet  la  fit  dessiner  et  la  fit  placer,  dans  sa 
planche,  au-dessus  de  quelques  anneaux  de  Bothriocéphale.  Notre 
auteur  reconnut  son  erreur  37  ans  plus  tard,  en  1777,  et  indiqua  la 
véritable  structure  de  la  tête  du  Bothriocéphale. 

Ce  mémoire  rectificatif  de  Bonnet  semble  avoir  passé  à  peu  près 
complètement  inaperçu.  Aussi  l'ancienne  erreur  se  propage-t-elle  et 
voit-on  tous  les  auteurs,  même  les  plus  recommandables,  comme 
Pallas,  Gœze,  Bloch  et  Rudolphi,  décrire  sous  le  nom  de  T.  lata  le 
Ténia  à  articulations  courtes  de  Bonnet,  c'est-à-dire  un  être  fantas- 
tique à  tête  de  T.  saginata  et  à  corps  de  Bothriocéphale. 

Cependant  la  12e  édition  du  Systema  naturœ  de  Linné  avait  désigné 
sous  le  nom  de  T.  solium  un  Ver  parasite  de  l'Homme,  dont  les  an- 
neaux étaient  allongés  et  présentaient  un  orifice  sur  leur  bord  laté- 
ral :  chose  remarquable  Linné  prend  comme  forme  typique  de  son 
espèce  un  T.  saginata.  Il  constate  d'ailleurs  lui-même  que  ce  Ver  ne 
présente  pas  toujours  le  même  aspect. 

Pallas  confirme  cette  observation  :  T.  solium  (qu'il  appelle  T.  cucur- 
bitina et  auquel  il  attribue  une  couronne  de  crochets)  est  tantôt  déli- 
cat, mince  et  étroit,  tantôt  fort,  épais  et  comme  engraissé.  Aujour- 
d'hui, ces  deux  formes  sont  aisément  explicables  :  la  première  se  rap- 
porte à  notre  T.  solium,  la  seconde  à  T.  saginata. 

Les  deux  formes  dont  il  vient  d'être  question  n'échappent  point  à 
la  perspicacité  de  Gôze,  qui  les  sépare  résolument  l'une  de  l'autre, 
pour  en  former  deux  espèces.  La  première  reçoit  le  nom  de  Tœnia 
cucurbitina,  grandis,  saginata,  la  seconde  celui  de  Tœnia  cucurbitina, 
plana,  pellucida.  Gôze  possédait  neuf  exemplaires  de  T.  saginata,  dont 
deux  complets  avec  la  tête  et  sept  incomplets;  il  note  expressé- 
ment la  rareté  relative  de  cette  espèce  à  Quedlinburg,  duché  de 
Brunswick  (t). 

Batsch  se  range  à  l'opinion  de  Gôze.  Comme  Pallas,  il  préfère  le 
nom  de  T.  cucurbitina  et  dislingue  dans  cette  espèce  deux  variétés 
constantes,  reconnaissables  même  aux  ramifications  de  l'utérus  : 
l'une  est  grande  et  forte,  l'autre  est  aplatie,  délicate  et  transparente. 
Il  semble,  ajoute-t-il,  que,  suivant  les  régions,  l'une  ou  l'autre  variété 
devienne  plus  fréquente. 

Ces  judicieuses  distinctions  passèrent  inaperçues.  On  continua  de 

(1)  Les  figures  1,  2  et  3  de  la  planche  XXI  de  Goze  se  rapportent  à  T.  sa- 
§inata.  Quoi  qu'en  pense  Kuchenmeister,  il  n'est  pas  certain  qu'il  en  soit  de 
môme  pour  la  fig  12  :  les  ramifications  latérales  de  l'utérus  nous  paraissent 
ressembler  bien  plus  a  celles  de  T.  solium. 


T.KNIA  SERIUTA.  311 

confondre  T.  saginata  avec  T.  soliwn,  le  considérant  comme  une 
simple  variété  de  ce  dernier. 

A  Montpellier,  Montblanc  semble  avoir  rencontré  surtout  di 
nias  inermes  :  «in  apice  qualor  papillas  perforatas,  tenoissimis  pilis 
guandoque  circumdatas.  » 

A  Berlin,  Rudolphi  observait  surtout  des  Ténias  armés;  à  Vienne, 
Bremser  examinait  au  contraire  cinq  à  six  Ténias  sans  y  voir  la 
double  couronne  de  crochets;  mais  Rudolphi  et  Gœrgen  lui  envoyè- 
rent chacun  un  exemplaire  qui  la  présentait.  Bremser  pense  alors, 
a?e  '  Me  h  lis,  que  la  plupart  des  Ténias  sont  armés  seulement  pen- 
dant le  jeune  âge  et  perdent  leurs  crochets  en  vieillissant. 

Parmi  un  grand  nombre  de  Ténias  observés  par  lui  à  Vienne, 
"Wawruch  n'en  a  jamais  rencontré  un  seul  armé.  Weishaar  note 
que,  dans  la  partie  du  Wiirtlemberg  située  dans  le  bassin  du  Danube, 
on  trouve  surtout  le  Ténia  inerme,  tandis  que  dans  le  bassin  du 
Neckar  on  ne  trouve  que  le  Ténia  armé,  à  de  rares  exceptions 
près. 

A  Java,  la  variété  inerme  semble  seule  exister  :  en  lo  ans, 
Schmidtmiiller  observe  1*8  Ténias,  dont  aucun  n'était  armé;  il  les 
décrit  sous  le  nom  de  Bothrioccphalus  tropicus. 

En  1822,  B.  A.  Gomez  publiait  à  Lisbonne  une  brochure  relatant  les 
observations  qu'il  avait  pu  faire  sur  le  Ténia,  tant  au  Brésil  qu'en 
Portugal  :  il  n'a  jamais  rencontré  que  des  Ténias  inermes,  et  la  plan- 
che qui  accompagne  son  mémoire  permet  de  reconnaître  sans  peine 
la  tête  et  les  anneaux  de  T.  saginata.  La  tête  de  l'un  des  individus  dé- 
crits offrait  une  dépression  centrale,  que  Gomez  considéra  comme 
une  cinquième  ventouse  et  Virey  proposa  même  d'appeler  du  nom  de 
Pentastoma  coarctata  les  Ténias  qui  présentent  ce  caractère,  créant 
pour  eux  le  genre  Pentastoma,  bien  que  cette  dénomination  ait  été 
attribuée  déjà  par  Rudolphi  à  d'autres  parasites. 

En  1831,  B.  A.  Gomez  fils  reprend  l'étude  des  Vers  plats  parasites 
de  l'Homme  et  continue  à  confondre  T.  saginata  avec  T.  solium;  il 
constate  l'absence  fréquente  du  rostre  et  des  crochets.  L'année  sui- 
vante, Mérat  fait  la  même  constatation. 

Dujardin  ne  dit  rien  du  ténia  inerme,  mais  les  caractères  qu'il  at- 
tribue à  T.  solium  sont  assez  précis.  Diesing  n'admet  encore  que  cette 
dernière  espèce,  mais  la  description  qu'il  en  donne  est  fort  ambiguë 
et  prouve  qu'il  a  dû  observer  nos  deux  espèces  actuelles  à  peu  près 
avec  une  égale  fréquence.  H  place  en  effet  son  T.  solium  dans  un 
groupe  de  Cestodes  dont  la  caractéristique  serait  :  «  Os  limbo  elevato, 
uncinulorum  corona  intcrdum  decidua  armatum.»  Rajoute  la  remar- 
que suivante  :  «In  collectione  Mus.  Cas.  Vind.  prostant  individualon- 
giludine  varia,  capite  inermi  v.  armatu,  articulis  brevissimis  v.  Ion- 


318  OKDRE  DES   CESTODES. 

gissimis,  latissimis  v.  angustissimis,  crassis  v.  tenuibus  diaphanis, 
subquadratis,  parallelepipedis,  cuneatis  v.  lunatis.  » 

En  1852,  Seeger  se  montre  fort  intrigué  par  la  prétendue  variété 
inerme  de  T.  solium.  «  Le  Ténia  à  tête  inerme,  dit-il,  qui  s'observe 
dans  certaines  régions,  semble  former  une  variété  assez  cons- 
tante (1).  »  Et  ailleurs  :  «  Un  phénomène  remarquable,  c'est  le  fait, 
basé  sur  de  nombreuses  observations,  qu'il  y  a  des  régions,  même 
des  pays  entiers,  où  le  Ténia  indigène  n'a  jamais  ou  presque  jamais 
été  trouvé  armé  delà  couronne  de  crochets,  tandis  que  dans  d'autres 
le  Ténia  armé  est  presque  toujours  seul  expulsé.  »  Quant  à  l'opinion 
de  Mehlis  et  de  Bremser,  Seeger  ne  peut  l'accepter  sans  réserves 
expresses,  car,  chez  des  Ténias  qui  semblaient  être  de  même  âge,  et 
même  chez  de  vieux  individus,  il  a  constaté  tantôt  la  présence  et  tan- 
tôt l'absence  de  la  couronne  de  crochets. 

La  question  se  trouvait  donc  déjà  suffisamment  élucidée  quand, 
cette  même  année  1852,  F.  Kiichenmeister  vint  déclarer  qu'il  y  avait 
lieu  de  reconnaître,  parmi  les  Ténias  de  l'Homme,  deux  espèces  dis- 
tinctes, caractérisées  par  leur  aspect  général,  mais  surtout  par  la 
structure  de  leur  tête  et  de  leur  ovaire.  L'une,  T.  solium,  est  armée 
de  crochets  ;  l'autre,  plus  grande  et  plus  large,  est  toujours  inerme. 
Kiichenmeister  donna  à  cette  dernière  le  nom  de  T.  mediocanellata.  Au 
bout  de  70  ans,  la  question  en  était  donc  revenue  au  point  même 
où  l'avait  laissée  Goze.  Mais  pendant  ce  laps  de  temps,  grâce  surtout 
aux  travaux  de  Rudolphi,  le  nom  de  T.  solium,  attribué  d'abord  par 
Linné  au  Ténia  inerme,  avait  été  reporté  au  Ténia  armé.  En  bonne 
justice,  il  faudrait  donc  réserver  au  Ténia  inerme  le  nom  de  T.  so- 
lium et  donner  au  Ténia  armé  la  dénomination  de  T.  pellucida  Goze, 
mais  cette  rectification,  d'accord  avec  les  règles  de  la  nomenclature 
zoologique,  aurait  le  désavantage  d'augmenter  la  confusion  déjà 
grande  qui  règne  dans  les  écrits  des  différents  auteurs  qui  se  sont 
occupés  des  Cestodes. 

N.  Andry,  De  la  génération  des  Vers  dans  le  corps  de  l'Homme.  Ve  édition, 
Paris,  1700  ;  Amsterdam,  1701.  2e  édition,  Paris,  1714.  3e  édition,  Paris,  1741. 
—  Dans  la  dernière  édition,  la  figure  de  la  page  4  de  la  préface  et  celles  des 
pages  198,  202,  205,  224  et  268  se  rapportent  h  Tœnia  saginata  ;  il  en  est  de 
môme  pour  la  première  planche  de  la  page  200.  Andry  ne  semble  pas  avoir 
yu  le  Ténia  arme. 

A.  Vallisneri,  Opère  fisico-mediche.  Venezia,  1733.  —  Les  planches  XVIII 
et  XIX  du  tome  I  se  rapportent  à  T.  saginata. 

Ch.  Bonnet,  Dissertation  sur  le  Ver  nommé  en  latin  Tœnia  et  en  français 

(1)  Les  figures  1  p,  y  et  6,  fig.  5  a  et  p,  fig.  7  et  flg.  15  de  la  planche  I  de 
Seeger  se  rapportent  à  Tœnia  saginata,  ce  qui  montre  la  grande  fréquence 
de  ce  parasite  dans  le  Wiirtteniberg  en  1852. 


T£NIA     SERRATA. 

solitaire.  Mémoires  de  math,  et  de  physique  présentés  à  l'Académie  r.  des 
sciencps,  I,  p.  478,  1750. 

Ch.  Bonnet,  Nouvelles  recherches  sur  la  structure  du  Tœnia.  Observations 
6ur  la  physique,  l'hist.  nat.  et  les  arts,  p.  IX,  243,  1777. 

Pallas,  Neue  nordische  Beytrâge.  Saint-Petersburg  und  Leipzig,  1781.  — 
Bemerkuugen  ùber  die  Bandwiirmer  in  Mmschen  und  Thieren,  p.  :i9. 

J.  A.  E.  Gôze,  Versuch  einer  Xalurgeschichte  der  Emgeweidewùrmer  thie- 
rischer  Kôrpcr.  Blankenburg,  178?. 

A.  J.  G.  C.  Batsch,  Noturgetchichte  der  Bandwurmgattung  ùberhaupt  und 
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—  Traité  zoologique  et  physiologique  sur  les  Vrers  intestinaux  de  l'Homme. 
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B.  A.  Gomez,  Memoria  sobre  a  virlude  txnifuga  da  casca  da  vair  de  Bo- 
meira.  Lisboa,  1 8*22.  —  Analysé  par  Mérat  dans  Journal  complém.  du  dict. 
des  se.  méd.,  XVI,  p.  194,  1823. 

Virey,  Usage  de  Cècorce  de  Grenadier  comme  vermifuge  et  description  du 
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Deutsches  Archiv  fur  Geschichte  der  Medicin,  II,  p.  77,  183,  308  et  379,  1879; 
III,  p.  25,  149,  273  et  ilO,  1880. 


Pour  des  raisons  que  nous  avons  fait  connaître  plus  haut, 
nous  avons  dû,  pour  l'étude  des  premières  phases  du  dévelop- 
pement des  Ténias,  prendre  comme  type  une  espèce  chez  la- 
quelle ces  premières  phases  fussent  bien  connues  :  c'est  pour- 
quoi nous  avons  commencé  par  décrire  Txnia  servata.  Il  ne 
faudrait  pas  croire  que  l'étude  que  nous  en  avons  faite  nous  ait 
éloigné  beaucoup  de  T,  saglnata  ou  de  T.  solium.  A  part  des 
détails  d'importance  secondaire,  qui  trouveront  leur  place  par  la 
suite,  tout  ce  que  nous  avons  dit  de  Cysticevcus  pîsifovmis  peut 
au  contraire  s'appliquer  en  tous  points  aux  Cysticerques  des 
deux  Ténias  de  l'Homme.  Et  le  fait  que  T.  saginata  est  inerme, 
alors  que  T.  servata  et  7.  soliiun  sont  munis  de  crochets,  ne 
saurait  constituer  un  argument  contre  cette  opinion,  car  la 
marche  générale  du  développement  est  la  môme  pour  ces  trois 
Ténias. 


320 


ORDRE  DES  CESTODES. 


L'œuf  de  T.  saginata  (fig.  217,  A)  se  développe  exactement 
de  la  même  manière  que  celui  de  T.  scrrata.  Au  moment  où  il 
est  expulsé  de  l'intestin  de  l'Homme,  il  est  encore  renfermé 
dans  l'anneau,  mais,  au  bout  de  peu  de  temps,  il  est  mis  en 
liberté  par  suite  de  la  destruction  de  ce  dernier  :  il  a  perdu 
alors  sa  membrane  vilelline  et  est  réduit  à  la  coque  striée  ren- 
fermant l'embryon  hexacanthe.  Cette  coque  est  légèrement 
ovale  et  a  une  longueur  moyenne  de  36  à  39  [l  sur  une  lar- 
geur de  28  à  35  (/.;  son  épaisseur  est  de  5,7  à  6,4  (x;  Heller  a 
vu  parfois  la  coque  mesurer  41  [/.  sur  35  tu  et  plus  rarement 
encore]47  [/.  sur  43  [*.  L'embryon  hexacanthe  qui  y  est  contenu 


Fig.  217.  —  A,  œuf  de  Taenia  saginata,  grossi  1050  fois  ;  B,  C,  embryons  libres 
grossis  1500  fois,  d'après  Stein. 


(fig.  217,  B,  C)  mesure  lui-même  20  \k  suivant  Leuckart,  et  de  28 
à  32  [j.  de  long  sur  23  à  26  f/.  de  large,  d'après  Kuchenmeister, 
Davaine  et  Laboulbène. 

Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer  des  embryons  qui  possèdent 
plus  de  six  crochets  :  Heller  en  a  vu  avec  12,  16  et  même  32 
crochets,  en  partie  bien  développés,  en  partie  représentés  par 
de  très  courts  bâtonnets  chitineux.  Moniez  a  observé  des  em- 
bryons à  12  crochets;  Leuckart  en  a  vu  à  10  et  24.  Les  em- 
bryons ont  alors  une  taille  notablement  plus  considérable  qu'à 
l'état  normal;  on  pense  qu'en  se  développant  ils  produisent 
certaines  catégories  de  Ténias  monstrueux  dont  il  sera  ques- 
tion plus  loin. 

L'embryon  hexacanthe  reste  en  vie  latente,  renfermé  dans  sa 
coque,  jusqu'à  ce  qu'il   se  trouve  amené  avec  l'eau   ou  avec 


TVENIA   SAGINATA.  321 

les  aliments  dans  l'intestin  du  Bœuf,  de  la  Girafe  (1)  et  proba- 
blement aussi  de  quelques  autres  Ruminants. 

Cette  pénétration  de  l'œuf  de  T.  saginala  dans  l'intestin  du 
Bœuf,  puis  de  l'embryon  bexacanthe  dans  l'intimité  des  tissus, 
est  démontrée  tout  à  la  fois  par  des  preuves  indirectes  et  par  des 
preuves  directes.  Les  premières  consistent  en  la  découverte,  dans 
les  organes  du  Bœuf,  de  Cysticerques  présentant  des  caractères 
tels,  qu'il  est  impossible  de  les  rapporter  à  aucune  autre  espèce 
qu'à  T.  saginata.  Les  secondes  sont  tirées  d'expériences  par  les- 
quelles on  a  fait  avaler  à  des  Bœufs  ou  à  des  Veaux  des  œufs  de 
Ténia,  ingestion  à  la  suite  de  laquelle  on  a  vu  se  développer 
chez  ces  animaux  des  Cysticerques  identiques  aux  premiers. 

Le  Gysticerque  du  Ténia  inerme  a  été  vu  par  Judas  en  1854, 
dans  les  poumons  des  Bœufs  des  abattoirs  d'Orléansville  en 
Algérie  (1).  En  1860,  Kûchenmeister  crut  le  découvrir  dans  le 
tissu  cellulaire  du  Porc,  à  côté  de  Cysticercus  ccllulosx.  Vers  la 
même  époque,  Huber  émettait  l'avis  que  la  larve  devait  se  ren- 
contrer dans  les  muscles  et  les  viscères  du  Bœuf  et  Leuckart  ap- 
puyait cette  manière  de  voir.  Les  observations  de  Knoch  à 
Saint-Pétersbourg,  celles  d'Arnould  et  de  Cauvet  en  Algérie, 
celles  de  Talairach  à  Beyrouth  achevèrent  de  démontrer  le 
fait.  Il  était  donc  acquis,  par  voie  indirecte,  que  le  Bœuf  est 
l'hôte  véritable  de  la  larve  du  Ténia  inerme. 

Comme  celui  de  Tœnia  solium,  le  Gysticerque  de  T.  saginata 
se  fixe  dans  le  tissu  conjonctif,  surtout  dans  celui  qui  est  situé 
à  l'intérieur  ou  à  la  périphérie  des  muscles  volontaires. 

La  fréquence  de  plus  en  plus  considérable  du  Ténia  inerme 
permet  de  supposer  que  ce  Cysticerque  n'est  pas  rare  chez 
le  Bœuf;  sauf  les  cas  d'infestation  expérimentale  dont  il  est 
question  plus  loin,  il  est  pourtant  rare  de  l'y  observer,  au 
moins  en  Europe,  ce  qui  tient  sans  aucun  doute  à  ses  petites 

(I)  Ant.  Fritsch  (Der  zoologische  Garten,  IV,  p.  64.  1863)  et  K.  Mobius 
(Beobac/itimgen  der  Finne  der  Txnia  mediocanellata  Kùchm.  in  einer  Girnffe. 
Ibidem,  XII,  p.  168,  1871)  ont  trouvé  dos  Cysticerques  de  T.  saginata  dans 
le  foie  et  les  poumons  de  la  Girafe. 

(1)  «  Il  s'abat  ici,  dit-il,  peu  de  Bœufs  qui  n'aient  les  poumons  farcis  de 
tubercules,  de  kystes,  etc.  »  On  pourrait  croire  qu'il  s'agit  là  non  du  Cys- 
ticerque de  T.  saginata,  mais  de  Cysticercus  tennicollis,  larve  de  T.  murgi- 
nata.  Nous  ferons  observer  que  ce  dernier  Cysticerque  se  rencontre  surtout 
dans  le  foie  et  dans  le  mésentère,  tandis  que  celui  du  Ténia  inerme  se  déve- 
loppe volontiers  dans  le  poumon. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  21 


322  ORDRE   DES  CESïODES. 

dimensions,  et  aussi  à  ce  que,  dans  les  abattoirs,  la  viande  de 
Bœuf  est  soumise  à  un  contrôle  moins  sévère  que  la  viande  de 
Porc.  Gobbold  dit  expressément  que  personne  en  Angleterre 
n'a  encore  pu  constater  sa  présence.  En  ce  qui  concerne  l'Al- 
lemagne, Heller  ne  cite  qu'une  observation,  due  au  Dr  Gloss 
de  Francfort-sur-le-Mein  ;  celui-ci  a  trouvé  des  Gysticerques 
dans  une  langue  de  Bœuf  dont  un  fragment  est  conservé  à 
l'Institut  pathologique  deKiel,  et  un  autre  au  Musée  Sencken- 
berg,  à  Francfort.  Ces  mêmes  Cysticerques  ont  été  vus  deux 
fois  en  Suisse:  à  Zurich  par  Siedamgrotzky  dans  les  muscles 
de  la  lèvre  d'un  Bœuf,  à  Worb  près  Berne  par  Guillebeau  dans 
les  muscles  de  la  langue.  Railliet  dit  encore  qu'on  les  a  trouvés 
en  Hongrie  et  en  Alsace,  mais,  à  notre  connaissance,  personne 
ne  les  a  vus  en  France. 

Il  n'en  est  pas  de  même  en  Algérie,  en  Syrie,  en  Abyssinie, 
et  même  aux  Indes,  où,  suivant  Cobbold  la  ladrerie  du  Bœuf 
serait  extrêmement  fréquente,  surtout  dans  les  provinces  du 
nord-ouest.  On  trouvera  dans  l'ouvrage  de  Gobbold,  de  longs 
détails  à  cet  égard,  empruntés  aux  rapports  de  J.  Fleming, 
Hewlett,  Lewis  et  Veale. 

A.  Judas,  Nouveaux  documents  sur  la  fréquence  du  Taenia  en  Algérie. 
Recueil  de  mémoires  de  médecine,  de  chir.  et  de  pharm.  militaires  (2;,  XIII, 
p.  230,  1854.  —  Voir  p.  299. 

F.  Kuchenmeister,  Développement  du  Taenia  mediocanellula.  Comptes 
rendus,  L,  p.  367,  1860. 

Huber,  Bericht  des  naturhist.  Vereins  in  Augsburg,  p.  127,  1860. 

R.  Leuckart,  Bericht  Hier  die  wiss.  Leistungen  in  der  Naturgeschiclite.... 
Troschel's  Archiv,  II,  p.  279,  1861. 

J.  Knoch,  Mikroskopische  Studien  auf  dem  Gebiete  der  Parasitenlehre. 
Saint-Petersburger  med.  Zeitschrift,  X,  p.  245, 1866.  —  J.  Knoch,  Der  Nachweis 
des  Cysticercus  Tsenix  mediocanellatx  in  den  quergestreiften  Muskeln  der 
Ri?ider.  Bull.  Acad.  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg,  XII,  1868. 

Siedamgrotzky,  Bericht  der  naturforschenden  Gesellschaft  zu  Zurich,  1869. 

Cauvet,  Note  sur  le  Ténia  d'Algérie.  Gazette  médicale,  p.  41?,  1874. 

J.  Arnould,  Sur  le  Ténia  d'Algérie,  à  propos  de  la  note  de  M.  Cauvet. 
Gazette  médicale,  p.  425,  1874. 

Rochard,  Note  sur  la  fréquence  du  Txnia  mediocanellata  'en  Syrie,  et  sur 
la  présence  du  Cysticerque  qui  lui  donne  naissance  dans  la  chair  musculaire 
des  Bœufs  de  ce  pays.  Bulletin  de  l'Académie  de  médecine  (2),  VI,  p.  998, 
1877.  —  Rapporte  les  observations  de  Talairach. 

Guillebeau,  Mittheil.  der  naturf.  Ges.  in  Bern.  p.  21,  1879. 

T.  S.  Gobbold,  Parasites;  a  treatise  on  th<>  Entozoa  of  m  an  and  animais. 
London,  1879.  —Voir  p.  61  et  76. 

Arrivons  maintenant  aux  preuves  directes.  Les  expériences 


TjENIA  SAGINATA.  323 

que  nous  résumons  sont  remarquablement  concordantes.  Nous 
en  citerons  quelques-unes  avec  détails,  ce  qui  nous  permettra 
de  reconnaître  en  quels  points  de  l'organisme  peuvent  se  déve- 
lopper les  Cysticerques. 

lre  expérience.  Leuckart,  1861.  —  Le  13  novembre,  on  administre  à 
an  Veau  de  quatre  semaines  un  fragment  de  Ténia  long  de  4  pieds.  Huit 
jours  après,  administration  d'un  fragment  plus  court.  L'animal  ne 
semble  pas  malade,  mais  on  le  trouve  mort  25  jours  après  la  pre- 
mière ingestion,  17  jours  après  la  seconde.  A  l'autopsie,  tous  les 
muscles,  surtout  ceux  du  cou,  de  la  poitrine,  le  psoas  sont  farcis  de 
kystes  longs  d'environ  2  à  4mm,  larges  d'environ  imm,5.  Chacun  de 
ces  kystes  renferme  un  Cysticerque  mesurant  0mm, 7  surOmm,4.  Les 
plus  grands  présentent  un  bourgeon  céphalique  long  de  0ram,3.  Des 
Cysticerques  se  voient  encore  dans  le  cœur,  dans  la  capsule  adipeuse 
des  reins,  dans  les  ganglions  lymphatiques,  entre  les  circonvolutions 
cérébrales. 

2e  expérience.  Leuckart,  1861.  —  On  administre  à  un  Veau  25  à  30 
anneaux  de  Ténia.  Dans  la  3°  semaine,  il  est  très  malade,  mais  il  se 
rétablit  complètement.  Le  48e  jour,  on  lui  enlève  nne  portion  du 
muscle  slerno-mastoïdien,  dans  laquelle  on  compte  une  douzaine  de 
Cysticerques  à  tête  bien  développée,  munie  de  quatre  ventouses,  mais 
dépourvue  de  crochets. 

3e  expérience.  Mosler,  1863.  —  Le  10  mars,  un  Veau  âgé  d'environ 
deux  mois  et  demi  prend  dans  du  lait  100  anneaux  de  Ténia  mûrs  et 
conservés  dans  l'eau  depuis  7  jours.  Le  13,  nouvelle  ingestion  de  50 
anneaux  de  môme  provenance.  Jusqu'au  2 1 ,  l'animal  est  bien  portant  : 
alors  il  devient  triste,  est  pris  de  fièvre  et  présente  les  symptômes 
de  l'helminthiasis  aiguë  ;  il  meurt  le  1er  avril.  L'autopsie  est  faite 
5  heures  après  la  mort.  Tous  les  muscles  sont  envahis  par  de  nom- 
breux Cysticerques,  mais  surtout  le  diaphragme  ;  le  cœur  en  est 
criblé.  On  en  trouve  encore  dans  la  langue,  dans  les  muscles  du 
pharynx,  de  l'œsophage  et  môme  de  l'intestin,  dans  le  tissu  con- 
jonctif  sous-péritonéal,  dans  la  capsule  adipeuse  des  reins;  le  cer- 
veau, les  poumons,  le  foie,  la  rate,  les  reins,  la  vessie  n'en  présen- 
tent point. 

4e  expérience.  Mosler,  1863.  —  Expérience  analogue,  même  résul- 
tat. 

5e  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1864.  —  Le  2J  décembre,  un  Veau 
d'un  mois  prend  dans  du  lait  80  anneaux  mûrs.  Il  continue  à  se  bien 
porter,  mais,  le  6  janvier  1865,  il  manifeste  une  certaine  agitation 
qui  dure  2  ou  3  jours.  Le  25  janvier,  plus  de  200  anneaux  mûrs,  dont 
100  avaient  été  placés  dans  l'alcool  dilué,  sont  administrés  de  nou- 


324  ORDRE  DES  CESTODES. 

veau.  Le  1er  février,  l'animal  devient  souffrant;  du  8  au  12,  la  fièvre 
se  déclare  avec  des  phénomènes  morbides  qui  font  craindre  pour  sa 
vie..  Une  petite  portion  du  muscle  sterno-mastoïdien  étant  enlevée, 
on  y  trouve  3  Cysticerques  en  voie  de  développement.  Une  améliora- 
tion se  manifeste  au  bout  de  quelques  jours  et,  le  15,  la  convales- 
cence est  établie.  Le  3  avril,  le  Veau  est  bien  portant:  on  le  lue.  On 
trouve  un  grand  nombre  de  Cysticerques  sous  la  peau,  ainsi  que  dans 
les  muscles  de  la  poitrine,  de  la  colonne  vertébrale,  du  cou,  de  la 
face,  de  l'œil  et  dans  les  muscles  extrinsèques  de  la  langue;  les 
muscles  propres  de  cet  organe  n'en  renferment  pas.  On  en  rencontre 
encore  dans  les  muscles  des  membres,  mais,  sauf  le  cœur,  aucun 
des  organes  internes  n'en  contient. 

6e  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1865.  —  Le  3  mars,  une  génisse 
hollandaise  prend  90  anneaux;  le  15  mars,  108;  le  5  avril,  100.  Quel- 
ques jours  après,  l'animal  est  agité,  mais  il  reprend  bientôt  son  état 
normal.  Le  13  avril,  on  administre  encore  200  anneaux.  Les  jours 
suivants,  agitation;  au  bout  de  8  jours,  tout  rentre  dans  l'ordre.  Le 
4  avril  1866,  l'animal  est  abattu.  On  ne  trouve  pas  de  Cysticerques, 
mais  en  examinant  les  muscles  à  la  loupe,  on  y  observe  un  grand 
nombre  de  dépôts  calcaires  à  contour  irrégulier,  correspondant  à  des 
Cysticerques  dégénérés. 

7e  expérience.  Rôll,  1865.  — Expérience  faite  à  Vienne  sur  de  jeunes 
Bœufs.  Résultat  positif. 

8e  expérience.  Gerlach,  1870.  —  Expérience  faite  à  Hanovre  sur  un 
Veau.  Résultat  positif. 

9e  expérience.  Zùm,  1872.  —  Un  Veau  âgé  de  trois  mois  prend  57 
anneaux  de  Ténia.  Il  meurt  au  bout  de  23  jours,  avec  les  signes  d'une 
helminthiasis  aiguë.  Tous  les  muscles  et  surtout  le  cœur  sont  en- 
vahis par  une  innombrable  quantité  de  vésicules  larges  de  0mm,05, 
dépourvues  de  bourgeon  céphalique,  et  renfermées  dans  des  kystes 
de  3mm. 

10e  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1872.  —  Le  27  mai,  un  Veau  avale 
des  anneaux  mûrs.  Le  7  juin,  se  montrent  des  symptômes  marqués; 
ils  s'atténuent  le  12  et  disparaissent  le  20.  Résultat  positif. 

11e  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1872.  —  Le  17  octobre  1872, 
le  1"  et  le  U  janvier  1S73  et  le  8  mars,  un  Veau  prend  des  anneaux 
de  Ténia.  On  l'observe  pendant  six  à  huit  mois.  Aucun  symptôme. 
Tas  d'autopsie. 

12°  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1873.  —  Le  18  octobre,  un  Veau 
de  six  mois  prend  des  anneaux  murs.  Aucun  symptôme.  On  l'abat  au 
bout  de  quelques  mois.  Résultat  négatif? 

13e  expérience.  Saint-Cyr,  1873.  —  On  administre  des  anneaux  de 
Ténia   à  une  génisse.   Deux  petites  tumeurs  se  montrent  sous   la 


TENIA   SAG1NATA.  325 

langue.  L'animal  est  tue  au  bout  de  224  jours.  Pas  de  Cysticerques, 
mais  neuf  kystes  calcifiés  dans  le  cœur  et  deux  sous  la  langue. 

14e  expérience.  Saint-Cyr,  1873.  —  Un  Veau  prend  40  anneaux.'  On 
le  tue  au  bout  de  54  jours.  On  trouve  20  Cysticerques  dans  le  tissu 
conjonctif,  sous  la  muqueuse  linguale,  le  long  de  l'œsophage,  sous  le 
péritoine,  aucun  dans  les  muscles  ou  dans  les  organes  internes. 

loç  expérience.  Jolicœur,  1873.  —  Un  Veau  de  deux  mois  prend  deux 
anneaux  desséchés.  Aucun  accident.  L'animal  est  abattu  le  23  jan- 
vier 1874.  On  trouve  un  grand  nombre  de  Cysticerques  dans  le  cœur; 
on  en  voit  aussi,  mais  en  plus  petite  quantité,  dans  les  muscles  de  la 
région  antérieure  du  cou,  dans  ceux  de  la  poitrine  et  dans  les  muscles 
avoisinant  l'anus.  Rien  dans  le  diaphragme. 

16e  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1874.  —  Le  19  mai  et  le  12  juin, 
une  jeune  génisse  prend  des  anneaux  de  Ténia.  Aucun  symptôme 
apparent,  mais  l'animal  meurt  en  octobre.  On  trouve  des  Cysti- 
cerques calcifiés,  mais  dans  le  foie  seulement. 

17e  expérience.  Cobbold  et  Simonds,  1875.  —  Le  24  mai,  un  Veau 
prend  des  anneaux  mûrs.  Il  succombe  le  15  juillet  à  une  maladie  du 
larynx.  On  trouve  dans  le  foie  des  vingtaines  de  Cysticerques  bien 
dévoleppés,  à  côté  de  centaines  d'autres  Cysticerques  à  divers  états 
de  calcification.  On  rencontre  encore  dans  le  poumon  quatre  Cysti- 
cerques, dont  deux  dégénérés. 

18e  expérience.  Masse  et  Pourquicr,  1876.  —  Le  10  mai,  on  admi- 
nistre des  anneaux  de  Ténia  à  un  Veau  âgé  d'un  mois.  A  trois  re- 
prises différentes  et  à  trois  jours  d'intervalle,  on  renouvelle  l'ingestion. 
Dès  le  vingtième  jour,  le  Veau  se  montre  malade.  Son  état  va  en 
s'aggravant  jusqu'au  61e  jour;  il  est  devenu  très  maigre;  on  le  tue. 
On  trouve  des  Cysticerques  uniquement  dans  le  tissu  musculaire  de 
la  vie  de  relation  :  dans  le  grand  pectoral,  dans  l'ilio-spinal,  dans  les 
fessiers,  dans  l'ischio-tibial  postérieur  et  sous  la  langue.  Tous  les 
viscères,  y  compris  le  cœur,  en  sont  exempts. 

19e  expérience.  Pcrroncito,  1876.  —  Le  1er  novembre,  on  donne  à  un 
Veau  de  deux  mois  environ  un  fragment  deTénia  long  de  lm,50.  L'ani- 
mal est  tué  le  2  mars  1877.  On  trouve  des  Cysticerques  dans  les 
muscles  de  diverses  régions,  dans  le  tissu  conjonctif  sous-cutané, 
surtout  dans  les  muscles  de  la  langue  et  dans  le  tissu  conjonctif  am- 
biant. Rien  dans  le  cœur  ni  dans  les  viscères. 

20e  expérience.  Pcrroncito,  1876.—  Le  1er  novembre,  on  donne  à  un 
Veau  âgé  d'environ  3  mois  et  demi  un  fragment  de  Ténia  long  de 
lm,50.  L'animal  est  tué  le  16  mars  1877.  On  trouve  de  grands  Cysti- 
serques  dans  le  mésentère  et  dans  l'épiploon,  une  vingtaine  dans  le 
cœur,  deux  sous  la  capsule  du  foie,  quelques-uns  dans  les  poumons, 
sous  le  péritoine  abdominal,  sous  la  capsule  du  rein,  dans  le   dia- 


326  ORDHE   DES  CESTODES. 

phragme,  dans  les  muscles  des  membres,  sous  l'arachnoïde,  etc. 
Ajoutons  que  Zenkera  fait  sur  la  Chèvre  trois  expériences  positives 
et  Heller  deux  ;  que  ce  dernier  a  réussi  encore  à  infester  le  Mouton. 
En  revanche,  des  expériences  négatives  ont  été  faites  par  Zûrn  sur  la 
Chèvre  ;  par  Zûrn,  Leuckart,  Masse  et  Pourquier  sur  le  Mouton  ;  par 
Kùchenmeister,  Zenker,  Leuckart,  Schmidt  sur  le  Porc;  par  Probts- 
mayr,  Heller,  Masse  et  Pourquier  sur  le  Chien  ;  par  Heller,  Masse  et 
Pourquier  sur  le  Lapin  ;  par  Heller  sur  le  Cochon  d'Inde  et  le  Singe. 

Cobbold  et  Simonds,  Voir  Cobbold,  Parasites;  a  treatise  o>i  the  Entozoa  of 
man  and  animais.  London,  1879. 

Zûrn,  Zoopathologische  und physiologische  tinter suchung en.  Stuttgart,  1872. 

Saint-Cyr,  Expériences  sur  le  scolex  du  Tsenia  mediocanellata.  Comptes 
rendus,  LXXVII,  p.  536,  1873.  —  Recueil  de  méd.  vétérinaire,  p.  773,  1873.  — 
Journal  de  l'anatomie,  IX,  p.  504,  1873. 

Jolicœur,  Conférence  clinique  sur  le  Tsenia  inerme,  ou  Tsenia  me  Uocanel- 
latade  Kùchenmeister.  Bulletin  de  la  Soc.  méd.  de  Reims,  XII,  p.  178,  1873. 

Masse  et  Pourquier,  Note  sur  la  ladrerie  du  Bœuf  par  le  Tsenia  inerme 
de  VHomme.  Comptes-rendus,  LXXXI1I,  p.  236,  1876.  —  Recueil  de  méd. 
vétérinaire,  p.  893,  1876. 

E.  Perroncito,  Esperimenti  sulla  produzione  del  Cisticerco  nelle  carni  dei 
bovini,  colf  amministrazione  di  anelli  délia  Tsenia  mediocanellata  delC 
aomo.  Lo  Studente  veterinario,  Parma,  p.  146,  1876.  —  E.  Perroncito,  Espe- 
rimenti sulla  produzione  del  Cysticercus  délia  Tsenia  mediocanellata  nelle 
carni  dei  vitelli.  Annali  délia  R.  Accad.  d'agricoltura  di  Torino,  XX,  1877. 

Le  Cysticerque  dont  nous  venons  de  reconnaître  l'existence 
chez  le  Bœuf  a  été  désigné  par  Davaine  sous  le  nom  Cysticer- 
cus  Tœm'œ  me  dio  cane  liât de  et  par  Cobbold  sous  celui  de  C.  bovis. 
Sa  surface  présente  de  simples  papilles,  et  non  des  plis  circu- 
laires comme  C.pisiformis.  Contrairement  à  ce  dernier,  que 
nous  avons  vu  se  développer  dans  le  foie,  puis  émigrer  dans  le 
péritoine,  il  se  fixe  en  des  organes  très  divers:  on  pourra  se 
faire  une  idée  exacte  de  sa  répartition  dans  les  organes  du 
Bœuf  en  se  reportant  au  résumé  des  expériences  qui  précè- 
dent; on  se  convaincra  de  la  sorte  qu'il  siège  de  préférence 
dans  les  muscles  striés.  Il  se  développe  au  sein  du  tissu  con- 
junctif  intermusculaire,  et  celui-ci  lui  constitue  un  kyste  adven- 
tice épais  et  dense,  rempli  d'un  liquide  dans  lequel  le  Cysti- 
cerque flotte  parfois  à  la  manière  d'une  vésicule  oviforme  ren- 
fermée dans  la  première;  le  liquide  qui  distend  le  kyste  provient 
sans  doute  des  tissus  voisins  et  non  du  Cysticerque  lui-même. 

Un  Cysticerque  de  T.  soginata  est-il  placé  dans  de  l'eau  dont 
la  température  est  maintenue  à  37  ou  40°  C,  il  ne  tarde  pas  à 


TjBNIà  SÀG1NATA.  327 

évaginer  sa  tête  ;  on  obtient  le  même  résultat  en  le  pressant  dé- 
licatement entre  deux  lames  de  verre.  On  peut  se  convaincre 
alors  qu'il  ne  diffère  que  fort  peu  du  Gystîcerque  de  T.  sermta, 
comme  le  démontre  l'existence  d'un  bulbe  musculeux  tout  à 
fait  comparable  à  celui  qui,  chez  les  vrais  Ténias  armés  tels  que 
T.  serrata  ou  T.  solium,  est  le  premier  indice  du  rostre, à  la  base 
duquel  s'insère  la  double  couronne  de  crochets.  La  seule  diffé- 
rence tient  à  ce  que  le  bulbe,  au  lieu  de  poursuivre  son  dévelop- 
pement comme  chez  ces  deux  derniers  Ténias,  reste  bientôt 
stationnaire  et  se  retrouve  chez  l'adulte  avec  une  structure 
presque  identique  à  celle  qu'il  avait  chez  le  Cysticerque.  On 
ne  saurait  dire  si  la  présence  de  ce  bulbe  est  en  rapport  avec  la 
régression  d'une  ancienne  couronne  de  crochets  ou  au  con- 
traire avec  le  développement  progressif  de  ces  mêmes  organes  : 
en  tout  cas,  elle  montre  l'étroite  parenté  qui  existe  entre  les 
vrais  Ténias  armés  et  T.  saginata. 

On  n'a  pas  encore  déterminé  d'une  façon  précise  combien 
de  temps  le  Cysticerque  est  capable  de  résister  à  la  mort,  au 
cas  où  ne  s'effectue  point  le  passage  dans  son  milieu  définitif; 
les  expériences  rapportées  plus  haut  nous  renseignent  pourtant 
à  cet  égard  d'une  façon  très  approximative.  Saint-Cyra  trouvé 
les  Gysticerques  calcifiés  224  jours  après  l'infestation  ;  dans 
deux  expériences,  Cobbold  et  Simonds  les  ont  vus  dans  le 
même  état  au  bout  d'un  an  et  au  bout  de  cinq  mois  ;  dans  une 
dernière  circonstance,  ces  mêmes  expérimentateurs  ont  trouvé, 
au  bout  de  53  jours  et  chez  un  même  Veau,  la  plupart  des 
Cysticerques  dégénérés,  alors  que  d'autres  étaient  encore  vi- 
vants. D'autre  part,  les  Cysticerques  ont  été  retrouvés  encore 
vivants  par  Saint-Cyr  après  54  jours,  par  Masse  et  Pourquier 
après  61  jours,  par  Cobbold  et  Simonds  après  72  jours,  par 
Perroncito  après  122  et  136  jours.  Il  est  difficile,  d'après  des 
données  aussi  incertaines,  de  dire  combien  de  temps  le  Cysti- 
cerque est  capable  de  garder  sa  vitalité. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  Cysticerque  sera  introduit  dans  l'intes- 
tin de  l'Homme  en  même  temps  que  la  viande  de  Bœuf  au 
sein  de  laquelle  il  est  plongé,  et,  si  celle-ci  n'a  pas  été  soumise 
à  une  cuisson  capable  de  le  tuer,  il  ne  tardera  pas  à  se  déve- 
lopper en  un  Ténia.  Les  expériences  de  Perroncito  ont  montré 
qu'il  meurt  habituellement  quand  il  se  trouve  exposé  pen- 


228  ORDRE  DES  CESTODES. 

dant  o  minutes  à  une  température  de  44°  G,  mais  qu'il  meurt 
toujours  entre  47  et  48°  G.  Il  importe  d'observer  que  ces  déter- 
minations ont  été  faites  sur  des  Gysticerques  isolés  et  soumis 
directement  à  l'action  de  la  chaleur.  Dans  les  conditions  ordi- 
naires, les  choses  ne  se  passent  point  ainsi  et  le  Cysticerque, 
abrité  par  les  tissus  qui  l'environnent,  pourra  n'être  soumis 
qu'aune  température  insuffisante  pour  le  tuer.  Par  exemple, 
les  viandes  grillées  sont  bien  cuites  à  la  périphérie,  mais  leur 
centre  est  saignant,  c'est-à-dire  crû  ou  très  incomplètement 
cuit:  le  Cysticerque  renfermé  dans  ces  parties  centrales  ne 
meurt  pas.  Nous  verrons  plus  loin  que  T.  saginata  devient  par- 
tout de  plus  en  plus  fréquent  :  on  doit  attribuer  ce  fait  à  l'ha- 
bitude peu  généralisée  de  manger  crue  la  viande  de  Bœuf, 
mais  surtout  à  l'usage  très  répandu  des  viandes  saignantes. 

Le  développement  de  Cysticercus  bovis  en  Tœnia  saginata 
dans  l'intestin  de  l'Homme  nous  est  démontré  par  des  preuves 
indirectes  et  par  des  preuves  directes.  Les  premières  reposent 
sur  la  présence  habituelle  du  Ténia  inerme  chez  les  individus 
qui  font  usage  de  viande  de  Bœuf  crue  ou  insuffisamment 
cuite.  Les  secondes  résultent  d'expériences  par  lesquelles  on 
a  donné  à  l'Homme  le  Ténia  inerme  en  lui  faisant  avaler  des 
Gysticerques  pris  dans  les  muscles  du  Bœuf;  ces  expériences 
sont  encore  intéressantes  en  ce  qu'elles  permettent  d'apprécier 
avec  quelle  rapidité  se  développe  le  parasite.  Nous  aurons  plus 
tard  l'occasion  de  parler  des  preuves  indirectes;  voyons 
maintenant  en  quoi  consistent  les  essais  d'infestation. 

G'est  à  Oliver,  médecin  de  l'armée  des  Indes,  en  garnison 
à  Jullundur,  que  l'on  doit  les  premières  expériences  d'infesta- 
tion de  l'Homme  au  moyen  de  Cysticerques  du  Bœuf.  En  1869, 
il  fit  prendre  à  deux  indigènes  de  la  viande  de  Bœuf  renfermant 
des  Gysticerques  bien  vivants.  Le  premier  était  un  groom  mu- 
sulman ;  il  développa  un  Ténia  dans  l'espace  de  trois  mois  en- 
viron. Le  second  était  un  jeune  Hindou  qui  n'avait  jamais 
mangé  de  Bœuf:  au  bout  de  trois  ou  quatre  mois,  il  rendait 
des  fragments  de  Ténia. 

Les  expériences  de  Perroncito  sont  plus  précises.  Ce  savant 
eut  recours  au  bon  vouloir  de  quelques-uns  de  ses  élèves. 
Le  4  mars  1877,  le  Dr  Ragni  avale  un  Cysticerque  porté  préala- 
blement à  la  température  de  47°  G,  et  ne  donnant  plus  signe 


TjENIÀ  SAGINATà.  .    329 

de  vie  :  rien  ne  s'ensuivit.  Le  16  mars,  l'étudiant  Gemelli  ingère 
un  Cyslicerque  chauffé  à  45°  et  privé  de  mouvements  :  résultat 
négatif.  Le  16  mars,  l'étudiant  Ant.  Martini  ingère  un  Cysli- 
cerque chauffé  à  44°  et  présentant  des  mouvements  fort 
obscurs:  aucun  Ténia  ne  se  développa  par  la  suite. 

Par  mesure  de  contrôle,  le  -4  mars,  une  autre  personne  prend 
un  Cysticerque  bien  vivant  et  non  chauffé.  Au  bout  de  54  jours, 
des  anneaux  commencent  à  être  éliminés.  Le  67e  jour,  une 
dose  de  kousso  et  d'huile  de  ricin  détermine  l'expulsion 
en  17  fragments  d'un  Tœnia  saginata,  long  de  4m,274  et  formé 
de  866  anneaux.  En  y  ajoutant  les  34  anneaux  rendus  pré- 
cédemment et  dont  chacun  était  long  de  14  millimètres  en 
moyenne,  on  arrivait  ainsi  à  reconstituer  un  Ver  long  de  4m,7o. 
Si  l'on  admet  enfin  que  le  cou  et  la  tête  aient  été  longs  de  8  mil- 
limètres, on  obtient  au  total  un  Ténia  long  de  4m,83,  formé 
de  900  anneaux  et  développé  en  67  jours.  Le  Ver  croît  donc 
de  72  millimètres  et  produit  de  13  à  14  anneaux  par  jour. 

Ed.  Perroncito,  Sulla  rapidità  di  svlluppo  délia  Ténia  mediocanellata  nell' 
uomo  e  nuove  prove  sulla  tenacità  di  vita  del  Cisticereo  délia  stessa  Ténia. 
Archivio  per  le  scienze  mediche,  II,  1878. 

Tœnia  saginata,  lorsqu'il  est  arrivé  à  complet  développement, 
est  le  plus  long  des  Ténias  de  l'Homme.  C'est  un  Ver  aplati, 
formé  d'un  nombre  considérable  d'anneaux  disposés  en  série 
linéaire  :  Sommer  en  a  compté  1221  sur  un  Ténia  de  longueur 
moyenne. 

La  forme  des  anneaux  varie  suivant  qu'ils  sont  plus  ou  moins 
avancés  dans  leur  développement.  Les  plus  jeunes,  c'est-à-dire 
les  plus  proches  de  la  tête,  sont  plus  larges  que  longs.  Ils  pas- 
sent insensiblement  à  des  anneaux  carrés,  dont  la  longueur 
et  la  largeur  sont  égales.  Enfin,  les  anneaux  les  plus  anciens 
sont  plus  longs  que  larges  et  d'autant  plus  allongés  qu'il  sont 
plus  avancés  en  âge.  Les  derniers  anneaux,  qui  se  détachent 
spontanément  et  tombent  dans  l'intestin,  sont  assez  souvent 
jusqu'à  six  et  huit  fois  plus  longs  que  larges. 

La  longueur  que  peut  atteindre  l'animal  est  assez  variable. 
Kiichenmeister  l'évalue  à  8  ou  9  mètres,  Leuckait  à  7  ou  8  mè- 
tres à  l'état  d'extension  et  seulement  à  4  mètres  à  l'état  de 
contraction.  Les  plus  longs  Ténias  qu'ait  mesurés  Laboulbène 


330 


ORDRE  DES  CESTODES. 


avaient  5,  6  et  au  plus  8  mètres.  Tous  ces  chiffres  sont  d'accord 
avec  la  statistique  suivante,  publiée  par  Hamon-Dufougeray  et 
dressée  d'après  des  mensurations  faites  sur  Tœnia  saginata 
dans  les  hôpitaux  maritimes  de  Saint-Mandrier,  de  Cherbourg 
et  de  Lorient. 


Saint 

Mandrier. 

Cherbourg. 

Lorient. 

Au  dessous  de  2  mètres 

.        19 

8 

7  > 

De  2  à  3  mètres 

.       15 

12 

10  /  40 

,5  p.  100 ayant  moins 

3  à  4 

20 

22 

r 

de  5  mètres. 

4  à  5 

10 

23 

5  à  6 

14 
17 
11 
11 

19 
13 
11 
11 

6  N 

6  à  7 

7  à  8 

8 
4 
3 

40,  7  p.  100  entre 

8  à  9 

5  et  10  mètres. 

9  à  10 

4 

7 

1  ; 

10  à.  11 

G 

3 

4 

11  à  12 

12  à  13 

1 
1 
2 
2 
2 

4 
2 

1 
2 

8,  4  p.  100  entre 

13  à  14..  .. 

10  et  15  mètres. 

14  à  15 

15  à  16 

16  à  17 

» 

17  à  18 

» 

1 

. 

18  à  19 

19  à  20 

» 

» 

1 

3  p.  100  ayant  plus 
de  15  mètres. 

20  à  21 

21  à  22 

22  à  23 . . 

23  à  24 

Ayant   30  mètres 

1 

"56 

Totaux 

.     142 

140 

C'est  donc  à  une  longueur  moyenne  de  8  à  iO  mètres  qu'il 
faut  évaluer  la  taille  de  T.  saginata.  Sur  un  Ver  de  cette  di- 
mension, les  derniers  anneaux  sont  mûrs,  renferment  des  œufs 
déjà  pourvus  d'un  embryon  hexacanthe  et  se  détachent  spon- 
tanément. Au-dessous  de  cette  taille,  l'animal  n'est  pas  encore 
arrivé  à  son  complet  développement,  ses  derniers  anneaux  ne 
sont  pas  mûrs.  Quant  aux  Ténias  longs  de  18,  de  20,  de  2i,  de 
36  mètres,  il  faut  croire  à  une  erreur  d'appréciation  :  si  un  Ver 
de  celte  longueur  était  rendu  d'un  seul  morceau,  le  doute  ne 
serait  pas  permis,  mais,  à  cause  de  l'opinion  erronée  que  le 
Ténia  est  solitaire,  on  a  trop  de  tendance  à  rapporter  à  un  seul 
et  même  parasite  des  fragments  provenant  de  plusieurs  Vers 
qui  vivent  côte  à  côte  dans  le  même  intestin;  l'erreur  est  d'au- 


T.KNH    SAG1NATA.  331 

tant  plus  facile,  que  fréquemment  la  tête  n'est  point  expulsée. 

La  tête  de  T.  saginata  est  assez  grosse  pour  être  visible  à 
l'œil  nu;  elle  atteint  fréquemment  une  largeur  de  2  millimè- 
tres et  une  épaisseur  de  1mm,5.  De  forme  presque  carrée,  elle 
présente  latéralement  quatre  larges  ventouses,  visibles  à  l'œil 
nu,   et    se    termine    par  une 

surface  plane,  dépourvue   de  b 

couronne  de  crochets  :  cette 
absence  de  crochets  a  valu  à 
l'animal  le  nom  de  Ténia 
inerrae,  sous  lequel  on  a  l'ha- 
bitude de  le  désigner. 

Les  ventouses  sont  oblon- 
gues  et  mesurent  0mm,829  sur 
0mm,7ii,  d'après  Kûchenmeis- 
ter;  elles  sont  arrondies  et 
larges  de  0mm,8,  d'après  Leuc- 
kart.  Chacune  d'elles  est  cons- 
tituée par  une  sorte  de  cupule 
creusée  dans  les  tissus  de  la 
tête  et  communiquant  avec 
l'extérieur  au  moyen  d'un  ori- 
fice rétréci,  reporté  en  avant 
et  dont  le  diamètre  est  à  peine 
supérieur  au  tiers  de  la  lar- 
geur totale  de  l'organe.  Sur 
des  Ténias  morts,  les  ven- 
touses se  montrent  plus  ou 
moins  rétractées;  mais,  chez 

l'animal  vivant,  elles  sont  douées  d'activés  contractions  et  peu- 
vent se  projeter  au  dehors,  comme  portées  par  un  pédoncule. 

Elles  sont  habituellement  teintées  en  noir  par  un  pigment 
qui  les  rend  bien  apparentes  et  qui  parfois  peut  se  répandre 
aussi  sur  les  parties  voisines  :  il  s'y  dépose  alors  sous  forme  de 
stries  ou  de  lignes  plus  ou  moins  régulières.  La  pigmentation 
de  la  tête  n'est  nullement  en  rapport  avec  l'âge  du  Ténia  et  dé- 
pend uniquement  de  conditions  individuelles.  Bien  marquée 
chez  certains  Vers,  elle  peut  être  très  réduite  ou  même  faire 
défaut  chez  d'autres  :  on  pourra  donc  rencontrer,  parmi  les 


Fig.  218.  —  Extrémité  céphalique  de 
Taenia  saginata,  grossie  8  fois,  d'a- 
près Leuckart.  —  A,  à  l'état  de  ré- 
traction; B,  à  l'état  d'extension. 


332 


ORDRE   DES   CESTODES. 


Ténias  inermes,  des  individus  à  tête  noire  et  d'autres  individus 
à  tête  blanche.  Nous  ignorons  d'ailleurs  dans  quelles  condi- 
tions se  forme  ce  pigment,  et  l'opinion  qui  le  fait  dériver  de 
l'hémoglobine  ne  repose  sur  aucune  observation  directe. 

On  se  rappelle  que  nous  avons  constaté  chez  le  Gysticerque 
l'existence  des  premiers  rudiments  d'un  rostre  analogue  à  ce- 
lui qui,  chez  les  Ténias  armés,  se  développe  pour  donner  in- 
sertion par  sa  base  à  la  couronne  de  crochets.  Cette  formation 

persiste  le  plus  habituellement 
chez  le  Ténia  adulte  :  elle  a  l'as- 
pect d'une  dépression  centrale 
s'ouvrant  au  dehors  par  un  porc 
rétréci.  Goze  l'avait  déjà  considé- 
rée comme  une  cinquième  ven- 
touse. Batsch  y  voyait  une  «  pa- 
pille médiane  »,  Bremser  la  décri- 
vit comme  «  une  petite  ouverture 
presqueimperceptible  »,  Gomez  en 
fit  une  cinquième  ventouse,  Leuc- 
kart  lui  donna  le  nom  de  cupule 
frontale.  Tout  récemment,  Bonnet 
la  considéra  comme  une  bouche 
(fig.  219,  E),  dont  le  fond  commu- 
niquerait avec  les  anses  céphali- 
ques  de  l'appareil  aquifère,  G,  au 
moyen  de  canalicules  rayonnants, 
D  ;  mais  l'existence  de  ces  derniers 
est  purement  illusoire,  en  sorte  qu'il  n'existe  pas  la  moindre 
communication  entre  les  canaux  excréteurs  et  la  cupule  frontale. 
A  la  suite  de  la  tête  vient  un  cou  qui,  d'après  Kûchenmeister, 
serait  très  court  et  large.  Leuckart  est  plus  exact,  quand  il  re- 
connaît que  sa  forme  est  variable  suivant  son  état  de  contrac- 
tion et  suivant  les  conditions  dans  lesquelles  on  l'observe:  par 
exemple,  s'il  est  tué  par  l'alcool  ou  par  tout  autre  liquide  dont 
l'action  est  énergique  et  rapide,  le  Ver  se  contracte  fortement 
et  son  cou  raccourci  est  presque  aussi  large  que  la  tête  ;  meurt- 
il,  au  contraire,  dans  un  liquide  plus#indifférent,  son  cou  est 
long  et  effilé  et  se  sépare  de  la  tête  par  une  ligne  de  démarca- 
tion assez  nette  (fig.  218). 


Fig.  219.  —  Tète  de  Tsenia  sar/i 
nata  vue  un  peu  obliquement 
d'après  Bonnet. 


T/RNIA   S  AGI  N  ATA.  33i{ 

Los  premières  portions  du  cou  n'ai  tirent  l'attention  par  au- 
cune particularité,  si  ce  n'est  par  les  corpuscules  calcaires  qui 
sont  accumulés  en  nombre  immense  dans  ses  tissus;  sa  région 
postérieure  présente  des  stries  transversales,  d'abord  peu  ap- 
parentes et  serrées  les  unes  contre  les  autres,  puis  de  plus  en 
plus  marquées  et  de  plus  en  plus  espacées,  a  mesure  qu'on 
s'éloigne  de  la  tôte.  Ces  lignes  transversales  sont  la  première 
indication  des  anneaux,  ainsi  que  Baumes  l'avait  déjà  reconnu 
en  17^1.  «  Cette  partie  antérieure  filiforme,  dit-il,  est  composée 
de  si  petites  articulations  qu'elle  en  semble  ridée.  Ces  rides 
sont  sans  doute  les  rudiments  des  anneaux  du  Ver,  et  à  mesure 


**&~- 


Fig.  Ï'2Q.  —  Sommet  de  la  tôte  de  Tœnia  sayinata,  d'après  Bonnet. 

que  l'animal  vieillit,  ou  qu'il  souffre  des  pertes,  ces  rides  ou 
ces  petites  articulations  se  développent  et  s'allongent  de  plus 
en  plus  (1).  »  Pour  être  de  tous  points  exact,  ce  vieil  observa- 
teur aurait  dû  ajouter  qu'il  se  forme  sans  cesse  de  nouveaux 
anneaux,  entre  la  tête  et  ceux  qui  existent  déjà,  au  fur  et  à 
mesure  que  ceux-ci  se   développent. 

Les  jeunes  anneaux  ont  une  structure  très  simple.  Ils  sont 
limités  extérieurement  par  une  cuticule  mince  et  anbiste,  due 
à  une  modification  des  cellules  sous-jacentes.  Celles-ci  sont 
volumineuses,  douées  de  propriétés  conctractiles,  serrées  les 
unes  contre  les  autres  et  souvent  disposées  sur  plusieurs  cou- 

1  Baumes,  Lettres  sur  le  Taenia,  à  M.  P"*,  docteur  en  médecine  de  Mont- 
pellier. Journal  deméd.,  chir.  et  pluirm.,  LVf,  p.  iOC,  1781. 


334  OHDRE  DES  CESTODES. 

ches.  De  cette  assise  cellulaire  part  un  réseau  conjonctif  aux 
mailles  serrées,  qui  forme  toute  la  masse  du  corps  ou  le  pa- 
renchyme de  l'anneau.  Le  réseau  est  constitué  par  des  cellules 
plus  ou  moins  développées,  complètes  ou  réduites  à  l'état  de 
simple  nodule,  et  munies  de  prolongements  à  l'aide  desquels 
elles  s'unissent  aux  cellules  voisines.  Très  nombreux  et  peu 
différenciés  dans  les  jeunes  anneaux,  ces  éléments  deviennent 
plus  rares  dans  les  anneaux  âgés,  parce  qu'ils  ont  subi  diverses 
transformations:  les  uns' prennent  l'aspect  de  fibres  conjonc- 
tives, d'autres  deviennent  des  corpuscules  calcaires,  d'autres 
encore  vont  donner  naissance  aux  vaisseaux,  au  système  ner- 
veux, aux  rudiments  des  glandes  génitales  et  de  leurs  annexes. 

Fraipont,  qui  a  bien  étudié  l'appareil  excréteur  des  Pla- 
thelminthes,  a  reconnu,  chez  ces  Vers,  l'existence  d'espaces 
et  de  canalicules  peu  étendus,  creusés  entre  les  cellules  du 
tissu  conjonctif.  C'est  là  un  véritable  cœlôme  lacunaire,  dans 
lequel  circule  un  liquide  nourricier  qui  tient  en  suspension 
des  granules  ;  la  circulation  est  provoquée  par  les  contractions 
du  corps.  Nous  aurons  bientôt  à  déterminer  les  relations  de  ce 
système  lacunaire  avec  l'appareil  excréteur. 

Au  sein  même  du  réseau  conjonctif  et  en  intime  connexion 
avec  lui,  on  trouve  des  éléments  particuliers,  auxquels  on 
attribue  la  signification  de  fibres  musculaires.  Ils  sont  disposés 
en  deux  couches  principales,  dont  l'externe  est  longitudinale 
et  l'interne  transversale.  Les  muscles  longitudinaux  forment 
une  couche  épaisse  à  quelque  distance  des  grosses  cellules 
sous-cuticulaires  ;  ils  envoient  vers  ces  dernières  un  grand  nom- 
bre de  fibres  ou  même  de  faisceaux  secondaires.  Les  muscles 
transversaux  sont  justaposés  aux  précédents:  il  ne  forment 
point  autour  de  l'anneau  un  cercle  complet,  mais  constituent 
deux  plans,  l'un  dorsal,  l'autre  ventral,  qui  s'étendent  sur 
toute  la  largeur  de  l'anneau  et  se  perdent  sur  les  côtés  dans 
la  zone  sous-cuticulaire,  sans  se  réunir  entre  eux.  Les  muscles 
transversaux  circonscrivent  la  zone  centrale  de  l'anneau  à  l'inté- 
rieur de  laquelle  se  développe  l'appareil  génital  hermaphrodite. 

Les  corpuscules  calcaires,  que  déjà  nous  avons  rencontrés 
chez  le  Cysticerque  (fig.  2U,  c)  se  rencontrent  presque  par- 
tout dans  le  parenchyme,  mais  deviennent  surtout  abondants 
dans  les  vieux  anneaux.  Ils  proviennent  de  la  transformation 


TiBNIA  SAGINATA.  335 

de  certaines  cellules  du  parenchyme,  et  Schiefferdecker  admet- 
tait que  la  calcification  débutait  par  le  noyau,  pour  s'étendre 
peu  à  peu  à  toute  la  cellule.  Moniez  a  suivi  leur  évolution. 
«  La  cellule,  dit-il,  qui  doit  donner  naissance  à  un  corpuscule 
calcaire  subit  d'abord  une  transformation  assez  analogue  à 
la  cuticularisation;  elle  augmente  aussi  de  volume.  Elle  se 
divise  ensuite  en  deux  parties,  dont  l'une,  plus  volumineuse, 
forme  le  corpuscule  calcaire  même,  et  dont  l'autre  s'atrophie 
progressivement.  La  membrane  cellulaire  reste  intacte,  aussi, 
lorsqu'elle  est  déchirée  par  un  accident  et  que  le  corpuscule 
calcaire  tombe  au  dehors,  elle  persiste  à  la  façon  d'une  maille, 
maintenue  qu'elle  est  par  ses  prolongements.  On  ignore  la 
signification  exacte  de  ces  cellules  encroûtées  ;  mais  leur 
répartition  très  inégale  parfois  entre  deux  individus  de  la  même 
espèce,  leur  extrême  abondance  dans  les  parties  du  Gysticer- 
que  qui  doivent  se  détruire,  etc.,  semblent  leur  enlever  tout 
sens  morphologique  pour  ne  leur  laisser  qu'une  valeur  physio- 
logique de  peu  d'importance.  »  Fraipont  a  émis  l'opinion  que 
ces  corpuscules  étaient  de  nature  excrémentitielle,  à  cause  de 
leur  analogie  avec  les  éléments  produits  par  les  reins  d'autres 
animaux  inférieurs  ;  en  outre  des  carbonates  qui  font  efferves- 
cence sous  l'action  des  acides,  il  renfermeraient  encore  de  la 
guanine. 

L'appareil  vasculaire  débute  par  un  anneau  situé  au  sommet 
de  la  tête.  De  cet  anneau  se  séparent  quatre  vaisseaux  de  même 
calibre,  qui  descendent  vers  le  cou  en  passant  chacun  derrière 
une  ventouse.  Mais  les  deux  vaisseaux  du  même  côté  se  rap- 
prochent bientôt  des  cordons  nerveux  principaux,  en  dedans 
desquels  il  se  placent,  tout  en  conservant  leur  symétrie.  A  une 
faible  dislance  de  la  tête,  on  verra  finalement  l'un  de  ces  vais- 
seaux tourner  en  dehors,  augmenter  de  volume  et  prendre 
une  forme  ovale;  l'autre  vaisseau  ne  change  ni  ses  caractères 
ni  sa  situation. 

Désormais  on  aura  donc,  dans  toute  la  série  des  anneaux, 
et  de  chaque  côté,  deux  vaisseaux  bien  distincts:  l'externe, 
situé  à  côté  mais  en  dedans  du  gros  tronc  nerveux  latéral, 
est  la  lacune  longitudinale;  l'interne  est  le  véritable  vaisseau. 
Sur  les  figures  222  à  228,  la  lacune  est  indiquée  par  la  lettre  b, 
et  le  vaisseau  par  la  lettre  t. 


336  ORDRE  DES  CESTODES. 

Les  quatre  canaux  qui  courent  ainsi  tout  le  long  du  corps 
du  Ténia  sont  tout  d'abord  réunis,  à  la  partie  postérieure  de 
chaque  anneau,  par  deux  vaisseaux  transverses,  correspondant 
à  un  vaisseau  circulaire.  Mais  cet  état  dure  peu,  la  plus  grande 
partie  de  cet  anneau  vasculaire  entre  en  régression  et  il  ne 
persiste  que  la  branche  qui  unit  entre  elles  les  deux  lacunes. 
Les  deux  systèmes  de  canaux  longitudinaux  ne  communiquent 
donc  plus  entre  eux  qu'au  niveau  de  l'anastomose  qui  les 
réunit  dans  la  tête. 

La  lacune  provient  d'une  transformation  de  celui  des  deux 
vaisseaux  de  chaque  paire  céphaliquequi  est  le  plus  rapproché 
de  la  face  ventrale.  Elle  va  en  augmentant  graduellement  de 
largeur  :  son  diamètre,  qui  est  de  77  jx  sur  l'anneau  180,  atteint 
la  dimension  de  44i  [/.  sur  l'anneau  872.  De  plus,  elle  est 
reliée  de  distance  en  distance  à  la  lacune  du  côté  opposé  par 
une  large  anastomose  transversale,  désignée  par  la  lettre  c  sur 
toutes  nos  figures.  Cette  anastomose  se  rencontre  dans  chaque 
anneau:  elle  est  toujours  située  à  la  partie  la  plus  postérieure 
de  celui-ci.  Immédiatement  au-dessous  du  point  où  l'anasto- 
mose débouche  dans  la  lacune,  celle-ci  présente  une  sorte  de 
valvule,  découverte  par  Platner  en  1838.  La  valvule  permet  au 
liquide  qui  remplit  la  lacune,  de  couler  vers  l'extrémité  posté- 
rieure du  Ténia,  où  il  est  expulsé  au  dehors,  mais  lui  inter- 
dit la  marche  inverse.  Sous  l'influence  de  l'alcool  absolu,  ce 
liquide  se  coagule  en  une  sorte  de  bouillie  dans  laquelle  l'a- 
nalyse décèle  la  présence  de  substances  très  voisines  de  la  xan- 
thine  ou  de  la  guanine,  ce  qui  met  hors  de  doute  le  rôle  de  la 
lacune  comme  appareil  d'excrétion. 

Contrairement  à  la  lacune,  le  vaisseau  garde  partout  le 
même  calibre:  aussi  bien  sur  l'anneau  180  que  sur  l'an- 
neau 872,  son  diamètre  est  de  44  \l\  il  ne  présente  d'ailleurs 
ni  anastomoses  transversales,  ni  clapets;  son  parcours  est 
sinueux.  Il  est  encore  renfermé  dans  la  couche  moyenne  du 
corps,  mais  Sommer  a  reconnu  qu'il  était  plus  rapproché  de  la 
face  supérieure,  tandis  que  la  lacune  était  plutôt  tournée  du 
côté  ventral.  Le  vaisseau  a  une  paroi  extrêmement  délicate; 
on  le  voit  avec  une  netteté  particulière  quand  il  croise  l'anas- 
tomose transversale  des  lacunes  ou  lorsque,  comme  chez  Tœnia 
solium,  sa  paroi  est  infiltrée  de  pigment  noir.  Il  renferme  un 


T\ENIA  SAGINATA.  337 

liquide  homogène  et  facilement  coagulable,  que  Sommer  con- 
sidère comme  le  sang. 

Les  gros  vaisseaux  que  nous  venons  de  décrire  ne  représentent 
qu'une  partie  de  l'appareil  vasculaire,  ou  plutôt  de  l'appareil  excré- 
teur du  Ténia,  celle  qui  est  facilement  accessible  à  l'observation.  Ce 
ne  sont  en  effet  que  des  troncs  collecteurs,  chargés  de  rejeter  au 
dehors  certaines  substances  excrémentitielles,  qui  proviennent  de 
l'intimité  même  des  tissus  et  qui  leur  sont  amenées  par  un  système 
compliqué  de  très  fins  canalicules.  Nous  avons  signalé  plus  haut 
l'existence  de  lacunes  lymphatiques  représentant  une  cavité  du  corps  : 
dans  ces  lacunes  se  voient  des  entonnoirs  ciliés,  d'où  partent  des  ca- 
nalicules délicats,  qui  viennent  se  jeter  dans  les  vaisseaux  longitu- 
dinaux ;  ces  capillaires  peuvent  s'observer  dans  toute  l'étendue  du 
corps,  mais  ils  sont  surtout  apparents  dans  les  endroits  de  moindre 
épaisseur  et  de  moindre  opacité,  par  exemple  dans  la  tête,  où 
Leuckart  les  a  représentés  chez  T.  saginata  (1). 

Chez  le  Cyslicerque,  les  vaisseaux  longitudinaux  affectent  la  même 
disposition,  dans  la  tête  et  le  cou,  que  chez  le  Ténia  adulte,  mais  ils 
constituent,  dans  les  parois  de  la  vésicule,  un  réseau  compliqué, 
dont  nous  avons  déjà  parlé  plus  haut  et  qui  débouche  finalement  au 
dehors  par  un  orifice  unique  et  postérieur,  le  for  amen  caudale;  celui- 
ci  s'ouvre  dans  la  région  marquée  d  dans  la  fîg.  214.  Quand  le  Ver 
perd  sa  vésicule  caudale,  par  suite  de  son  passage  de  l'état  de  Cysli- 
cerque à  l'état  adulte,  les  vaisseaux  se  réunissent  à  l'extrémité  pos- 
térieure pour  former  un  nouveau  for  amen  caudale,  d'après  les  obser- 
vations de  Fraiponl  sur  T.  echinococcus  ;  cette  disposition  persiste 
sans  doute  jusqu'à  ce  que,  le  Ténia  ayant  atteint  toute  sa  croissance, 
les  derniers  anneaux  commencent  à  se  détacher. 

Il  peut  se  former  alors  un  nouveau  pore  caudal  sur  le  nouvel  anneau 
terminal,  ainsi  que  Leuckart  l'a  reconnu  chez  T.  cucumerina,  ou  bien, 
suivant  Fraipont,  certains  canaux  se  ferment  en  cul-de-sac,  tandis 
que  les  autres  restent  ouverts  et  débouchent  librement  au  dehors. 

Quand  le  corps  subit  un  allongement  considérable,  le  foramen  cau- 
dale ne  suffit  plus  à  l'expulsion  des  produits  excrétés  :  on  voit  alors 
apparaître  des  foramina  sccundaria,  c'est-à-dire  des  pores  latéraux 
qui  mettent  les  canaux  longitudinaux  en  communication  avec  l'ex- 
térieur. Ces  pores  se  montrent  en  des  points  variables  suivant  les 
espèces,  soit  dans  la  tête  (Hoek,  Fraipont),  soit  au  cou,  en  arrière  des 
ventouses  (Wagener,  Leuckart,  Kôlliker).  Le  corps  s'allonge-t-il  en- 
core plus,  les  canaux  se  mettent  en  communication  avec  l'extérieur 

(1)  Louckart,  Die  Parasiten  des  Menschen*  2,c  Auflago,  I,  p.  379,  fig.  133. 
Blanchard.  —  Zool.  mcd.  22 


338  ORDRE  DES  CESTODES. 

par  un  plus  grand  nombre  de  pores  latéraux  :  on  n'en  trouve  plus 
seulement  à  l'extrémité  antérieure  du  corps,  mais  dans  chaque  an- 
neau; leur  répartition  devient  même  symétrique. 

Telle  est  la  disposition  générale  de  l'appareil  excréteur  des  Cesto- 
des.  Sa  structure  n'a  pas  été  étudiée  chez  les  Ténias  de  l'Homme,  mais 
on  doit  penser  que  les  choses  se  passent  comme  nous  venons  de 
dire.  Maigre  les  recherches  de  Fraipont  et  de  Pintner,  nos  connais- 
sances relativement  à  cet  appareil  sont  encore  bien  incomplètes;  il 
est  du  moins  démontré  qu'il  ne  diffère  pas  essentiellement  de  celui 
des  Trématodes. 

Les  Cestodes  sont  tous  dépourvus  d'appareil  digestif:  ils 
n'ont  ni  bouche,  ni  intestin  et  ils  se  nourrissent  simplement  en 
absorbant  par  endosmose,  à  travers  leur  tégument,  les  ma- 
tières assimilables  renfermées  dans  l'intestin  de  leur  hôte  et 
élaborées  par  les.  sucs  digestifs  de  celui-ci.  11  y  a  néanmoins 
des  raisons  de  penser  qu'ils  possédaient  primitivement  un 
appareil  digestif  et  que  son  atrophie  est  une  conséquence  de 
leur  vie  parasitaire:  Kahane  a  vu  dans  la  tête  de  Taenia  perfo- 
liata  du  Cheval  des  masses  musculaires  qu'il  assimile  aux  mus- 
cles pharyngiens  des  Trématodes  et  des  Turbellariés,  et  Lang 
a  rencontré  des  cellules  glandulaires  qu'il  rapproche  des  glan- 
des salivaires  de  ces  mêmes  Plathelmintes. 

Le  système  nerveux  des  Ténias  a  été  découvert  en  1847,  par 
Em.  Blanchard  ;  récemment,  Niemiec  en  a  repris  l'étude  et  en 
a  donné  une  bonne  description.  La  figure  221  fera  comprendre 
quelle  complication  le  système  nerveux  central  présente  dans 
la  tête  de  Taenia  saginata.  Au-dessous  de  la  cupule  frontale  se 
trouve  un  anneau  nerveux,  a,  qui  offre  sur  son  trajet  des  ren- 
flements caractérisés  par  la  présence  de  cellules  ganglionnaires. 
Chez  les  Ténias  armés,  cet  anneau  émet  une  série  de  branches 
qui  se  rendent  aux  muscles  des  crochets  ;  ici,  il  se  borne  à  don- 
ner naissance,  au  niveau  de  ses  renflements,  à  huit  troncs  ner- 
veux descendants.  Ce  sont  d'abord,   de  chaque  côté,    deux 
grosses  branches,  qui  se  réunissent  presque  aussitôt  en   un 
tronc  commun,  0,  lequel  se  termine  sur  le  ganglion  latéral,  c. 
Les  deux  ganglions  latéraux  sont  unis  transversalement  l'un  à 
l'autre  par  une  commissure,  sur  le  trajet  de  laquelle  se  voit 
le  gros  ganglion  central,  d;  Niemiec  donne  le  nom  de  cerveau 
à  l'ensemble  de  ces  trois  ganglions. 


T.ENIÀ   SAGINATA. 


339 


Chacun  des  ganglions  latéraux  émet  neuf  branches  nerveuses  : 
1°  la  branche  supérieure,  b  ;  2°  deux  branches  acétabulaires 
ou  nerfs  des  ventouses,  /;  3°  deux  branches,  i,  qui  se  diri- 
gent vers  les  nerfs  descendants  secondaires,  g,  et  se  soudent 
à  eux;  ces  derniers  sont  d'autre  part  réunis  entre  eux  par 
une  commissure  transversale,/,  en  sorte  qu'il  se  forme  à  ce 
niveau  une  commissure  polygonale;  4°  deux  branches  des- 
cendantes latérales,/1;  5°  un  cordon  nerveux  principal,  e;6°  la 
commissure  principale  qui  se  rend  au  ganglion  central,  d. 

L'anneau  nerveux,  a,  donne  naissance  à  huit  nerfs  descen- 


Fig.  2*21 .  —  Schéma  du  système  nerveux  central  de  Taenia  saginata  (moitié 
inférieure  ou  ventrale),  d'après  Niemiec.  —  a,  anneau  nerveux;  6,  branche 
réunissant  l'anneau  nerveux  avec  le  ganglion  latéral;  c,  ganglion  latéral; 
tf,  ganglion  central  ;  e,  cordon  nerveux  principal  ;  f,  branches  latérales  accom- 
pagnant le  cordon  principal;  #,  faisceaux  nerveux  secondaires;  h,  branche 
commissurale  supérieure  des  faisceaux  nerveux  secondaires;  i,  commissure 
unissant  le  nerf  descendant  secondaire  au  ganglion  latéral;,/,  commissure 
transversale  unissant  les  deux  nerfs  descendants  secondaires;  /,  branches 
acétabulaires  partant  du  ganglion  ;  m,  branches  acétabulaires  partant  des 
faisceaux  secondaires  ;  n,  renflement  supérieur  des  nerfs  secondaires  ; 
0,  renflement  inférieur  des  mêmes  nerfs. 


dants.  Quatre  de  ces  nerfs,  disposés  en  deux  paires,  nous  sont 
déjà  connus;  ce  sontles  origines  du  tronc  latéral,  b,  qui  abou- 
tit au  ganglion  latéral  et  qui,  au  delà  de  celui-ci,  se  continue 
dans  toute  la  longueur  de  la  tête  et  du  cou,  puis  dans  toute  la 
série  des  anneaux,  formant  ainsi  le  cordon  nerveux  princi- 
pal, e,  qu'accompagnent  sur  toute  sa  longueur  deux  branches 
latérales,  f. 

Les  quatre  autres  branches  qui  naissent  de  l'anneau  nerveux 
sont  plus  fines  et  disposées  par  paires  :  elles  s'en  détachent 
suivantles  faces  dorsale  et  ventrale  et  se  portent  directement  en 
arrière,  en  suivant  également  le  cou  et  la  chaîne  des  anneaux. 
Elles  constituent   les   faisceaux   nerveux  secondaires,  g.  Au 


340  .  ORDRE  DES  CESTODES. 

niveau  du  ganglion  central,  d,  les  deux  nerfs  du  même  côté 
s'unissent  l'un  à  l'autre  au  moyen  d'une  commissure  trans- 
versale, h,  et  ils  présentent  en  cet  endroit  un  premier  renfle- 
ment, n,  d'où  part  un  rameau  nerveux,  p,  qui  se  perd  de 
bonne  heure.  Un  peu  plus  en  arrière,  les  deux  nerfs  secon- 
daires sont  encore  réunis  l'un  à  l'autre  par  une  seconde 
commissure, y,  dont  nous  avons  déjà  parlé  :  ils  se  renflent  encore 
5  ce  niveau  en  une  nouvelle  masse,  o,  qui  émet  vers  la  ventouse 
correspondante  une  petite  branche,  m  ;  de  chaque  extrémité  de 
la  commissure  inférieure  part  enfin  un  filet  nerveux  qui 
aboutit  au  ganglion  central. 

Quant  à  la  structure  de  toutes  ces  parties,  Niemiec  a  vu  des 
cellules  ganglionnaires,  pour  la  plupart  bipolaires,  dans  tous 
les  points  où  les  faisceaux  nerveux  s'entre-croisent;  les  fais- 
ceaux eux-mêmes  n'en  ont  pas. 

Voilà  pour  le  système  nerveux  central.  En  dehors  de  la  tête, 
le  système  nerveux  est  représenté  par  les  dix  branches  descen- 
dantes e,  /,  #,  qui  poursuivent  leur  trajet  dans  toute  la  série 
des  anneaux  ;  primitivement,  ils  se  répandaient  à  la  surface  de 
la  vésicule  du  Cysticerque.  Aucun  Cestode  ne  présente  d'or- 
ganes des  sens. 

Les  différences  profondes  qui  s'observent  entre  les  divers 
anneaux  d'un  même  Ténia  portent  principalement  sur  la 
structure  et  le  développement  des  organes  génitaux.  Nous 
devons  entrer  dans  quelques  détails  à  cet  égard,  mais  il  importe 
de  bien  préciser  au  préalable  la  valeur  de  certains  termes  que 
nous  allons  employer.  Contrairement  à  Sommer  qui  supposait 
le  Ténia  placé  verticalement,  la  tête  en  haut  et  la  face  femelle 
en  avant,  il  nous  semble  plus  rationnel  de  supposer  l'animal 
dans  sa  position  normale,  la  tête  en  avant  et  la  face  femelle  en 
bas.  Nous  reconnaîtrons  donc  dans  chaque  anneau  un  bord 
antérieur  tourné  vers  la  tête,  un  bord  postérieur  en  rapport  avec 
l'anastomose  transversale  des  lacunes  longitudinales,  un  bord 
latéral  droit,  un  bord  latéral  gauche,  une  face  inférieure,  ven- 
trale ou  femelle  et  une  face  supérieure,  dorsale  ou  maie. 

Pour  achever  notre  description  anatomique  du  Ténia,  il  nous 
reste  à  parler  des  organes  génitaux.  Nous  indiquerons  d'abord, 
d'après  Sommer,  dans  quel  ordre  ils  se  développent;  cela  fait, 
nous  étudierons  leur  structure  quand  ils  sont  définitivement 


TENIA  SAG1NATA.  341 

constitués,  en  prenant  encore  pour  guide  les  recherches  de 
Sommer,  mais  en  tenant  compte  des  corrections  importantes 
que  Moniez  y  a  apportées  sur  plus  d'un  point. 

Anneau  140.  —  Première  indication  de  l'appareil  génital  herma- 
phrodite. On  reconnaît,  au  sein  du  parenchyme  indifférent  qui  forme 
la  masse  fondamentale  de  l'anneau,  un  cordon  cellulaire  qui  s'étend 
transversalement,  mais  sans  l'atteindre,  vers  le  vaisseau  longitudi- 


Fig.  222.  —  Organisation  de  l'anneau  140  de 
Txnia  saginata,vx\.  par  la  face  dorsale.  — 
a,  bord  postérieur  de  l'anneau  ;  b,  lacune 
longitudinale  ;  c,  anastomose  transversale 
des  lacunes  ;  t,  vaisseau  longitudinal  ; 
on,  cordon  cellulaire  transversal.  —  Les 
figures  222  à  227  sont  d'après  Sommer. 


Fig.  223.  —  Anneau  178.  — 
Les  lettres  comme  dans  la 
figure  précédente. 


nal  (fig.  222,  x)  ;  par  son  extrémité  interne,  légèrement  incurvée  en 
arrière,  ce  cordon  ne  dépasse  pas  la  ligne  médiane. 

A.  178.  —  Le  cordon  cellulaire  est  peu  modifié  :  son  extrémité  in- 
terne s'est  épaissie  et  s'infléchit  presque  à  angle  droit  en  arrière  ;  son 
bout  externe  atteint,  mais  ne  dépasse  pas  le  vaisseau  (fig.  223). 

A.  268.  —  Ce  même  cordon  s'étend  latéralement  jusqu'au  bord 
externe  delà  lacune  :  il  passe  dans  l'espace  compris  entre  celle-ci  et 
ie  vaisseau,  c'est-à-dire  que  la  lacune  est  située  au-dessous  et  le 
vaisseau  au-dessus  de  lui.  Son  bout  interne  s'est  bifurqué  :  la  bran- 
che antérieure  (fig.  224,  y)  deviendra  le  canal  déférent;  la  posté- 
rieure, z,  produira  le  vagin  et  ses  annexes. 

A.  287.  —  Le  cordon  cellulaire  dépasse  la  lacune  et  s'avance  jus- 
qu'au voisinage  du  bord  latéral.  La  bifurcation  dont  nous  venons  de 
parler  s'est  poursuivie  jusqu'à  la  lacune.  Le  cordon  qui  formera  le 
canal  déférent  (fig.  225,  d)  est  large  seulement  de  11  p.  Celui  d'où 
proviendra  le  vagin,  f,  est  très  renflé  à  son  extrémité  interne  :  en 
arrière,  il  émet  quelques  traînées  cellulaires  délicates,  qui  sont  les 
premiers  rudiments  des  oviductes;  en  avant  et  suivant  l'axe  même 


342 


ORDIlti   DES  CUSTODES, 


de  l'anneau,  il  donne  naissance  à  un  nouveau  cordon  cellulaire,  k, 
qui  est  le  premier  indice  de  l'utérus. 

A.  328.  -—  Les  premières  vésicules  testiculaires  apparaissent  dans 
les  régions  antérieure  et  latérales. 

A.  363.  —  Première  indication  du  pore  marginal. 

A.  366.  —  La  poche  du  cirre  apparaît  à  l'extrémité  latérale  du  ca- 


-y 

3 


Fig.  224.  —  Anneau  2G8.  —  Bifurcation  du 
cordon  cellulaire  et  sa  division  en  deux 
branches  dont  l'une,  y,  deviendra  le  canal 
défcrentetdontl'autre,  z,  formera  le  vagin. 


Fig.  225.  —  Anneau  287.  — 
d,  canal  déférent;  f,  vagin; 
/c,  utérus. 


nal  déférent  :  les  deux  cordons  cellulaires  mâle  et  femelle  sont 
maintenant  partout  séparés. 

A.  379.  i —  L'extrémité  postérieure  du  cordon  vaginal  s'est  incom- 
plètement séparée  par  un  étranglement,  pour  former  le  premier  ru- 
diment du  corps  de  Mehlis.  En  arrière  se  montre  le  lobe  médian  de 
l'ovaire  (fig.  226,  s);  sur  les  côtés  apparaissent  les  lobes  latéraux,  q. 

A.  395.  —  Le  cordon  du  canal  déférent  commence  à  se  creuser  à  son 
extrémité  interne  ;  du  môme  point  partent  en  rayonnant  des  traînées 
qui  sont  le  premier  rudiment  des  canaux  spermatiques. 

A.  411.  —  Le  cordon  vaginal  commence  à  se  creuser  d'un  canal 
par  son  extrémité  interne;  celle-ci  se  renfle  pour  former  la  vésicule 
séminale. 

A.  417.  —  Le  canal  déférent  est  déjà  perforé  jusqu'au  niveau  de 
la  lacune  longitudinale. 

A.  419.  —  On  voit  apparaître  tous  les  organes  qui  proviennent  du 
bout  central  du  cordon  vaginal,  savoir  :  le  canal  de  la  vésicule  sémi- 
nale, celui  de  la  glande  ovarienne  médiane,  l'oviducte;  le  corps  de 
Mehlis  s'accentue. 

A.  440.  —  La  fossette  marginale  est  perforée  et  communique  avec 
le  cloaque  génital,  provenant  de  ce  que  le  vagin  et  le  canal  déférent 
débouchent  dans  la  même  cavité. 


T.ENIA    SAGINATA. 


343 


A.  442.  —  Le  canal  déférent  est  perforé  sur  toute  son  étendue. 

A.  4*5.  —  Il  en  est  de  môme  pour  le  vagin. 

A.  *6l. —  La  fossette  marginale  commence  à  s'entourer  d'un  bour- 
relet saillant. 

A.  481.  — On  trouve  du  sperme  dans  le  canal  déférent.  Le  passage 
du  sperme  dans  le  vagin  s'opère  régulièrement  à  partir  de  l'anneau 
suivant. 

A.  494.  --  Le  cordon  utérin  est  parcouru  dans  toute  sa  longueur  par 
un  très  fin  canal. 

A.  570.  —  La  cavité  de  l'utérus  s'est  élargie:  le  fond  de  l'organe 
s'est  renflé  (fig.  227). 


Fig.  226.  —  Anneau  379.  —  m,  vési- 
cules testiculaires;  q,  lobes  laté- 
raux de  l'ovaire  ;  s,  lobe  médian 
de  l'ovaire. 


S  A  otf 

Fig.  227.  —  Anneau  570.  —  e,  poche 
du  cirrc;  f,  fossette  marginale; 
h,  corps  de  Mehlis;  n,  canaux  sper- 
matiqucs. 


A.  581.  —  Les  œufs  commencent  à  pénétrer  dans  l'utérus. 

A.  602.  —  L'utérus  présente  à  son  extrémité  antérieure  une  dilata- 
tion dans  laquelle  s'accumulent  des  œufs. 

A.  612.  —  L'utérus  présente  de  petits  diverliculums,  première  in- 
dication des  branches  latérales. 

A.  628.  —  État  un  peu  plus  avance  (fig.  228). 

A.  700.  —  Les  branches  latérales  de  l'utérus  se  sont  considérable- 
ment développées    fig.  233). 

A.  880.  —  Les  lobes  latéraux  de  l'ovaire  cessent  de  produire  des 
œufs  et  commencent  à  s'atrophier. 

A.  980.  —  On  voit  encore  les  restes  des  lobes  latéraux  de  l'ovaire; 
à  partir  de  cet  anneau,  on  n'en  trouve  plus  trace. 

A.  996.  —  L'utérus  est  gorgé  d'œufs  dont  quelques-uns  sont  déjà 
en  train  de  former  la  coque  entourant  l'embryon. 

A.  1054.  —  Le  lobe  médian  de  l'ovaire  s'atrophie. 

A.  1102.  —  Ce  même  lobe  a  complètement  disparu  Jfig.  231  . 


344 


ORDRE  DES  CESTODES. 


A„  1215.  —  Le  corps  de  Mehlis  est  encore  visible,  mais  est  en  voie 
d'atrophie  (fig.  235).  Les  six  derniers  anneaux  sont  en  train  de  se 
détacher  spontanément. 

Voyons  maintenant  quelle  estla  structure  des  organes  repro- 
ducteurs, lorsqu'ils  sont  arrivés  à  leur  complet  développement. 


Fig.  228.  —  Anneau  628  de  Taenia  saginata,  vu  par  la  face  inférieure  ou  fe- 
melle, d'après  Sommer.  —  a,  bord  postérieur  de  l'anneau  627  ;  b,  lacune 
longitudinale  ;  c,  lacune  transversale  établissant  la  communication  entre 
les  deux  lacunes  longitudinales;  d,  canal  déférent;  e,  poche  du  cirre  ; 
f,  fossette  marginale;  g,  vagin;  h,  corps  de  Mehlis;  À-,  utérus;  m,  vésicules 
testicnlaires  ;  n,  traînées  spermatiques  ;  o,  réservoir  spermatique  ;  p,  branche 
descendante  de  l'oviducte;  q,  lobe  latéral  de  l'ovaire;  r,  canal  réunissant  les 
deux  lobeslatéraux  de  l'ovaire  ;  s,  lobe  ovarien  impair  ;  £,  vaisseau  longitudinal. 


L'anneau  628  (fig.  228)  nous  offre  un  excellent  objet  d'études. 
L'appareil  génital  mâle  va  nous  occuper  tout  d'abord.  11 
comprend  un  nombre  considérable  de  vésicules  testiculaires, 
arrondies  ou  ovales,  renfermées  dans  la  couche  moyenne  de 
l'anneau.  Ces  vésicules,  m,  sont  surtout  abondantes  dans  la 
moitié  antérieure  de  celui-ci  :  elles  remplissent  tout  l'espace 


T.-EN1A  SAGINATA.  348 

interposé  entre  l'utérus  et  les  lacunes  longitudinales;  dans  la 
moitié  postérieure,  elles  sont  moins  nombreuses  et  n'occupent 
qu'un  étroit  espace,  à  cause  de  la  grande  expansion  de  l'ovaire. 
On  peut  évaluer  à  1200  en  moyenne  le  nombre  de  testicules 
que  renferme  un  seul  anneau  :  l'anneau  560  en  contient  612 
dans  un  seul  de  ses  côtés. 

Sur  les  jeunes  anneaux,  les  testicules  sont  de  petite  taille. 
Mais,  au  moment  où  la  formation  des  œufs  commence,  ils 
grossissent;  puis,  quand  l'acte  de  la  fécondation  se  fait  active- 
ment et  que  les  branches  de  l'utérus  s'étendent  de  plus  en 
plus  vers  le  bord  latéral  de  l'anneau,  le  nombre  des  testicules 
diminue  progressivement.  L'un  après  l'autre,  ils  se  vident  de 
leur  contenu  et  deviennent  invisibles.  Ce  processus  débute 
par  les  vésicules  les  plus  voisines  de  la  ligne  médiane  et 
s'étend  de  proche  en  proche  jusqu'aux  plus  éloignées.  En  même 
temps,  les  testicules  qui  persistent  viennent  se  placer  au-dessus 
des  ramifications  de  l'utérus.  Ils  sont  donc  plus  éloignés  de 
la  face  inférieure  de  l'anneau  que  de  la  face  supérieure,  c'est 
pourquoi  cette  dernière  mérite  de  porter  le  nom  de  face  mâle. 

Chaque  testicule  se  compose  d'une  fine  membrane  d'enveloppe  et 
d'un  contenu  qui  varie  suivant  l'anneau  qu'on  examine.  Sur  l'anneau 
422  (fig.  229),  par  exemple,  le 
contenu  consiste  en  petites 
cellules  nucléées,  appliquées 
contre  la  paroi  à  la  façon 
d'un  épithélium  et  faisant  sail- 
lie dans  la  cavité  de  la  vési- 
cule, a.  Ailleurs,  b,  on  voit 
des  noyaux  isolés,  entourés 
seulement  d'une  très  petite 
quantité  de  protoplasma;  ail- 
leurs encore,  dans  les  plus  Fig>  22d.  —  Vésicules  testiculaires  de  l'an- 
grosses  vésicules,  les  cellules  neau  422,  d'après  Somrner.Grossissement 
sont  plus  volumineuses  et  de  975  diamètres.  —  a,  b,  vésicules  a 
renferment     deux     ou     trois       divers  degrés  de  développement  ;  c,  cor- 

puscules    calcaires   renfermes    dans    la 
noyaux  a  contour  délicat.  masse  fondamentale  de  nature  conjonc- 

Sur  l'anneau  522,  les  vési-       tive. 
cules  testiculaires  ont  consi- 
dérablement grossi  :  la  plupart  des  cellules  ont  plusieurs  noyaux, 
quelques-unes  même  ont  commencé  à  produire  des  spermatozoïdes. 


3*6 


0HDI1IÎ   DES  CESÏOUES, 


La  formation  de  ceux-ci  est  en  pleine  activité  dans  l'anneau  b82(fig.  230): 
les  cellules  testiculaires  mesurent  44  y.,  sont  in  filtrées  de  fines  granula- 
tions et  ont  perdu  en  grande  partie  leurs  contours  réguliers.  Sur  une 
étendue  plus  ou  moins  grande,  leur  bord  est  dentelé,  comme  rongé  : 
le  protoplasma  se  prolonge  en  franges  auxquelles  sont  appendus  des 
faisceaux  de  spermatozoïdes.  La  tête  de  ceux-ci  est  très  délicate  et  est 
enfoncée  dans  le  protoplasma  cellulaire  ;  la  queue  pend  librement 
dans  la  vésicule.  Les  zoospermes  proviennent  donc  du  protoplasma 
et  non  du  noyau  cellulaire.  A  mesure  qu'ils  se  forment,  le  proto- 
plasma disparaît,  les  noyaux  deviennent  libres  et  présentent  un  con- 
tour net;  ils  semblent 
gonflés,  homogènes  et 
clairs  comme  de  l'eau; 
ils  finissent  par  s'affais- 
ser, comme  s'ils  se 
vidaient  d'un  liquide,  et 
se  détruisent  ou  bien 
sont  expulsés  avec  le 
sperme. 

Moniez  décrit  le  déve- 
loppement des  sperma- 
tozoïdes d'une  façon  un 
psu  différente.  Le  pre- 
Fig.  230.  —  Grandes  cellules  sperraatiques  mul-   mjer    phénomène    con- 
tinucléées    provenant   d'un    testicule    mûr  de  augmen- 

1  anneau    582,    d'après    Sommer.    Production         m  b 

spermatique   très    active.     Grossissement    de   tation    de    volume    des 
975  diamètres.  cellules  embryonnaires 

des  follicules  testicu- 
laires, augmentation  de  volume  corrélative  de  l'apparition  de  granules 
très  fins  et  très  nombreux  à  l'intérieur  de  ces  cellules  ;  les  follicules 
testiculaires  ne  seraient  pas  entourés  d'une  membrane  d'enveloppe. 
D'abord  très  net,  le  noyau  finit  par  disparaître,  dissous  ou  caché  par 
les  granules,  et  ce  second  stade  est  suivi  brusquement  de  l'apparition, 
à  l'intérieur  de  la  cellule  primitive,  d'un  grand  nombre  de  cellules- 
filles  nées  par  voie  endogène.  Celles-ci,  augmentant  de  volume  et  de 
nombre,  se  trouvent  bientôt  à  l'étroit  dans  la  cellule-mère  :  l'une 
d'elles  soulève  la  paroi  de  cette  dernière,  à  la  manière  d'un  bourgeon, 
et  finit  par  devenir  nettement  extérieure.  Celte  première  cellule  qui 
fait  hernie  est  bientôt  suivie  par  une  seconde,  puis  par  une  troisième, 
mais  le  bourgeonnement  ne  se  produit  que  sur  un  seul  côté  de  la 
cellule-mère;  finalement,  on  peut  voir  à  l'un  des  pôles  de  celle-ci  un 
bouquet  de  cellules-filles  au  nombre  de  12,  16,  18  et  plus,  nettement 
pédiculécs,  arrondies  dans  leur  partie  libre  et  qui  arrivent  môme  à 


TjENIA   SAGINATà.  317 

se  superposer  en  plusieurs  étoges,  puis  à  recouvrir  entièrement  la 
cellule-mère.  Les  cellules-filles  grossissent  rapidement  et  se  détachent; 
elles  forment  alors  des  amas  en  rosettes,  dont  les  éléments  pyriformes 
deviennent  de  plus  en  plus  granuleux,  puis  s'isolent  complètement  et 
s'arrondissent.  Chacune  d'elles  se  divise  alors  en  cellules  petites-filles, 
qui  sortent  par  tous  les  points  de  la  surface,  s'amincissent  à  leur 
extrémité  libre  et  deviennent  pyriformes  :  la  partie  effilée  prend  un 
allongement  considérable  et  devient  ainsi  la  queue  d'un  spermato- 
zoïde, dont  la  tête  est  représentée  parla  cellule  petite-fille. 

Parvenus  à  maturité,  les  spermatozoïdes  s'éloignent  du  point 
où  ils  ont  pris  naissance  et  s'acheminent  vers  le  canal  déférent 
(fig.  228,  d),  en  se  frayant  un  chemin  à  travers  le  tissu  fonda- 
mental de  l'anneau.  Ils  se  disposent  ainsi  en  traînées,  n,  qui 
partent  de  points  très  divers  et  convergent  toutes  vers  l'extré- 
mité interne  du  canal  déférent,  en  passant  au-dessus  de  l'utérus 
et  de  ses  ramifications.  La  communication  entre  les  testicules 
et  le  canal  déférent  ne  s'établit  donc  pas,  à  proprement  par- 
ler, par  des  tubes  à  paroi  propre,  mais  par  de  simples  lacunes 
creusées  dans  la  substance  de  l'anneau.  Sommer  avait  déjà 
soupçonné  cette  disposition,  dont  Moniez  a  démontré  la  réalité. 

Le  canal  déférent  ou  spermiducte,  d,  est  au  contraire  un 
tube  véritable;  nous  savons  déjà  de  quelle  manière  il  se  déve- 
loppe. Sur  les  jeunes  anneaux,  il  occupe  à  peu  près  exactement 
l'axe  transversal  ;  sur  des  anneaux  plus  âgés,  il  est  reporté 
plus  ou  moins  en  arrière,  mais  il  reste  toujours  parallèle  à  cet 
axe.  Il  est  reporté  vers  la  face  dorsale  de  l'anneau  et  est  situé 
en  avant  de  l'oviducte,  qu'il  rencontre  néanmoins  à  son  extré- 
mité latérale.  D'abord  rectiligne,  le  canal  déférent,  lorsqu'il  se 
creuse  d'un  canal,  commence  à  décrire  des  ondulations  et  des 
sinuosités  qui  vont  toujours  en  s'accentuant  et  finissent  par 
être  très  développées. 

A  son  extrémité  latérale,  le  canal  déférent  est  entouré  d'un 
organe  musculeux,  connu  sous  le  nom  de  poche  du  cirre  ou  de 
j.oche  péniale  (fig.  228,  e;  fig.  232,  /).  C'est  un  corps  cylin- 
droïde,  arrondi  à  son  extrémité  interne,  effilé  à  son  extrémité 
externe;  cette  dernière  est  capable  de  s'évaginer  etde  s'allonger 
au  point  de  faire  saillie  au  dehors,  sous  forme  de  pénis  ou  de 
cirre;  elle  est  percée  d'un  orifice,  qui  est  la  terminaison  du 
canal  déférent.  La  poche  du   cirre  est  formée  d'une  épaisse 


348  ORDRE   DES  CESTODES. 

couche  de  muscles  circulaires;  de  sa  face  interne  part  un  sys- 
tème de  fibres  rayonnantes,  qui  vont  se  fixer  à  la  terminaison 
du  canal  déférent. 

Les  glandes  génitales  femelles  sont  constituées  par  trois 
lobes  ovariens,  situés  dans  la  moitié  postérieure  de  l'anneau 
et  rapprochés  de  la  face  ventrale.  Deux  de  ces  lobes  sont  laté- 
raux et  symétriques  (fig.  228,  q)  et  réunis  l'un  à  l'autre  par 
un  canal  commun,  r.  Le  troisième  lobe,  s,  décrit  par  Leuckart 
comme  un  germigène  et  par  Sommer  comme  une  glande  albu- 
mineuse,  est  médian  et  de  plus  petites  dimensions  que  les  précé- 
dents :  de  forme  très  surbaissée,  il  s'étend  transversalement  dans 
l'étroit  espace  laissé  entre  ceux-ci  et  la  lacune  anastomotique. 
Son  canal  excréteur  n'a  aucune  connexion  avec  celui  des  deux 
lobes  latéraux,  mais  va  s'ouvrir  directement  dans  l'oviducte. 

Les  lobes  latéraux  ont  été  considérés  par  Leuckart  comme 
des  vitellogènes  et  par  Sommer  comme  les  ovaires  véritables  ; 
ils  ont  une  taille  considérable  et  atteignent  en  hauteur  presque 
la  moitié  de  l'anneau  ;  ils  sont  assez  éloignés  des  vaisseaux  et 
par  conséquent  aussi  des  bords  latéraux.  Ils  sont  arrondis,  et 
celui  qui  est  situé  du  même  côté  que  le  vagin  est  toujours  plus 
petit  que  l'autre. 

Sommer  décrit  l'ovaire  comme  constitué  par  des  glandes 
en  tube  dont  les  canaux,  limités  par  une  membrane  anhiste, 
extrêmement  mince  et  élastique,  communiquent  entre  eux 
en  formant  un  réseau  et,  dans  la  région  périphérique,  s'incur- 
vent les  uns  vers  les  autres  en  arcades.  Ces  canaux  présentent 
toujours  sur  leur  trajet  un  grand  nombre  d'appendices  en 
caecum  ;  ils  convergent  vers  la  ligne  médiane  de  l'anneau,  en 
se  réunissant  entre  eux  à  angle  aigu  pour  former  des  canaux 
pins  volumineux,  mais  sans  présenter  d'appendices  en  cœcum. 
Moniez  a  démontré  quelles  trois  lobes  ovariens  avaient  la  môme 
structure  et  que  la  membrane  délicate  décrite  par  Sommer 
n'existait  point  :  les  ovules  proviennent  de  cellules  parenchyma- 
teuses  disposées  en  amas  dichotomiques  ou  irrégulièrement 
réticulés  et  leur  structure  est  la  même  dans  la  prétendue 
glande  albumineuse  que  dans  les  lobes  latéraux. 

Au  voisinage  du  plus  grand  des  deux  lobes  latéraux,  le 
canal  transversal  qui  réunit  ceux-ci  (fig.  228,  r;  fig.  231,  e) 
donne  naissance  à  un  pavillon  infundibuliforme,  constitué  par 


TAENIA   SAGINÀTA.  :U9 

des  muscles  circulaires.  De  son  fond  part  l'oviducte  (fig.  228,/?; 
fig.  231,  f),  canal  qui  se  dirige  en  arrière  jusqu'au  voisinage 
du  lobe  impair  de  l'ovaire;  avant  d'atteindre  ce  dernier,  il 
s'incurve  en  avant  et  en  haut  (fig.  231,  g,  h)  et  remonte  jusqu'à 
l'extrémité  postérieure  de  l'utérus,  en  suivant  un  parcours  très 
sinueux.  Dans  les  anneaux  où  l'utérus  est  encore  linéaire  et 
ne  renferme  pas  d'oeufs,  la  branche  montante  de  l'oviducte 
s'ouvre   simplement  dans  le  fond  de  l'utérus.  Mais  quand  ce 


Fig.  231.  —  Mode  d'union  des  diverses  parties  de  l'appareil  génital  femelle, 
d'après  Sommer.  Anneau  781  vu  parla  face  inférieure  ou  femelle.  Grossisse- 
ment de  b'iO  diamètres.  —  a,  vagin;  6,  lamelle  chitineuse  intercalée  à 
l'extrémité  du  vagin;  c,  réservoir  séminal  ;  d,  son  conduit  ;  e,  canal  réunis- 
sant les  deux  lobes  latéraux  de  l'ovaire  ;  f,  branche  descendante  de  l'ovi- 
ducte; g,  inflexion  de  l'oviducte  ;  h,  branche  de  l'oviducte  montant  derrière 
l'utérus;  i,  ramifications  de  l'utérus;  k,  canal  excréteur  du  lobe  postérieur 
de  l'ovaire;  /,  corps  de  Mehlis. 


dernier  a  pris  une  plus  grande  extension,  elle  remonte  au- 
dessus  de  l'extrémité  de  l'utérus  et  débouche  sur  sa  face  dor- 
sale, après  un  trajet  contourné. 

Le  conduit  excréteur  dulobe  postérieur  de  l'ovaire  (fig.  231 ,  k) 
vient  déboucher  dans  l'oviducte  au  point  g,  c'est-à-dire  à 
l'endroit  même  où  ce  canal  change  de  direction. 

C'est  également  en  ce  point  que  se  voit  le  corps  de  Mehlis, 
considéré  par  Sommer  commeune  glande  coquillère(fig.  228,  h  ; 


3oO  ORDRE   DES  CESTODES. 

fig.  231,  /)  et  par  Moniez  comme  une  simple  dilatation  de 
l'oviduete,  à  laquelle  il  donne  le  nom  de  col  de  la  matrice. 
D'après  Sommer,  cet  organe  serait  formé  d'un  amas  de  glandes 
unicellulaires,  serrées  les  unes  contre  les  autres,  rondes  on 
ovales,  larges  de  20  y.  et  dont  la  membrane  propre  s'étirerait 
en  un  court  et  fin  canal  excréteur,  large  de  2  [a  et  venant 
s'ouvrir  dans  l'incurvation  de  l'oviduete.  Nous  savons  que  la 
coque  qui  entoure  les  embryons  des  Ténias  n'est  nullement  un 
produit  de  sécrétion  :  la  fonction  attribuée  par  Sommer  au 
corps  de  Mehlis  n'est  donc  pas  exacte;  les  observations  histo- 
logiques  de  cet  auteur  ne  sont  pas  plus  précises.  Moniez  a  fait 
voir  qu'il  s'agissait  simplement  d'une  dilatation  fusiforme  de 
l'oviduete,  entourée  d'un  appareil  fibrillaire  au  milieu  duquel 
on  peut  observer  de  nombreuses  cellules.  Ces  fibres  passent 
d'un  côté  aux  tissus  de  la  zone  centrale  de  l'anneau  et  s'atta- 
chent de  l'autre  aux  parois  du  col  de  l'utérus.  Il  est  bien  pro- 
bable que  les  cellules  de  cette  enveloppe  fibrillaire  sont  douées 
simplement  de  propriétés  musculaires  et  ne  jouent  pas  le  rôle 
de  glandes  dont  le  produit  se  déverserait  dans  l'oviduete. 

La  première  portion  de  l'oviduete  communique  encore  avec 
un  canal  (fig.  231,  cl),  qui  est  la  terminaison  du  vagin;  nous 
l'étudierons  plus  tard.  L'oviduete  est  formé  d'un  tube  incurvé 
en  anse  et  sinueux  sur  tout  son  trajet  ;  par  le  pavillon  infundi- 
buliforme,  il  se  sépare  du  canal  qui  unit  les  deux  lobes  laté- 
raux de  l'ovaire,  se  porte  en  arrière,  puis  change  de  direction 
pour  venir  en  avant  et  déboucher  dans  le  fond  de  l'utérus  ;  sa 
première  branche  reçoit  le  vagin  ;  au  niveau  de  sa  réflexion 
aboutit  le  canal  excréteur  du  lobe  postérieur  de  l'ovaire;  c'est 
au  même  endroit  que  se  trouve  le  corps  de  Mehlis.  Le  pavillon 
et  la  portion  de  l'oviduete  qui  s'étend  de  son  fond  jusqu'à  la 
terminaison  du  vagin  sont  hérissés  intérieurement  de  cils 
dirigés  vers  ce  dernier  et  destinés  à  s'opposer  au  refoulement 
des  œufs  vers  l'ovaire. 

L'utérus  est  tout  d'abord  constitué  par  un  tube  linéaire 
(fig.  225-227,  /c),  situé  dans  l'axe  de  l'anneau  ;  par  la  suite,  ce 
tube  va  prendre  un  développement  considérable,  dont  le  point 
de  départ  est  indiqué  par  les  légères  dilatations  sacciformes 
qui  se  peuvent  observer  déjà  sur  l'anneau  628  (fig.  228,  k). 
A  ce  stade,  l'utérus  n'est  plus  absolument  rectiligne,  mais  pré- 


TjENIA  SAGINATà.  351 

sente  de  légères  indexions;  on  peut  remarquer  notamment 
qu'il  forme,  au  niveau  et  du  côté  du  canal  déférent,  un  coude 
très  prononcé,  qui  est  caractéristique  de  Tœnia  saginata. 

Nous  avons  noté  déjà  les  rapports  de  l'oviducte  avec  l'uté- 
rus; par  son  extrémité  antérieure,  ce  dernier  organe  se  ter- 
mine en  cul-de-sac.  Sommer  dit  qu'il  est  limité  par  une 
membrane  anhiste,  très  élastique,  capable  de  se  dilater  beau- 
coup et  qu'il  est  dépourvu  de  toute  enveloppe  musculaire. 
Moniez  a  reconnu,  au  contraire,  que  l'utérus  «  se  présente 
d'abord  sous  l'aspect  d'un  organe  tapissé  d'une  couche  entiè- 
rement cellulaire.  L'accumulation  des  œufs,  par  suite  de  leur 
accroissement  continu  en  nombre  et  en  volume,  détermine 
sur  les  parois  de  la  matrice  un  certain  nombre  de  hernies 
bientôt  remplies,  mais  qui  ne  tardent  pas  à  céder  en  écartant 
les  éléments  cellulaires  qui  les  limitent;  les  œufs  se  répandent 
alors  dans  la  zone  centrale  et  se  disposent  assez  régulièrement, 
sans  toutefois  être  maintenus  dans  une  membrane  propre.  » 

En  même  temps  qu'il  communique  avec  le  fond  de  l'utérus, 
l'oviducte  est  mis  en  rapport  avec  l'extérieur  par  l'intermé- 
diaire du  vagin  (fig.  228,  g),  canal  long  et  mince  qui  va  débou- 
cher au  dehors  à  côté  de  la  poche  du  cirre.  Dans  ce  long 
trajet,  le  vagin  n'est  point  rectiligne,  mais  marche  suivant 
deux  directions  :  il  remonte  d'abord  à  peu  près  parallèlement 
à  Taxe  de  l'anneau,  puis  contourne  le  plus  petit  des  lobes  laté- 
raux de  l'ovaire  et  marche  transversalement  vers  sa  terminai- 
son ;  c'est  seulement  dans  sa  portion  la  plus  externe  qu'il 
devient  parallèle  au  canal  déférent  et  à  la  poche  du  cirre,  en 
arrière  et  au-dessous  desquels  il  est  situé. 

Sauf  à  ses  deux  extrémités,  le  vagin  a  partout  le  même 
calibre.  A  son  extrémité  externe,  il  est  élargi;  à  son  extrémité 
interne,  il  est  notablement  rétréci  (fig.  231,  d).  Il  présente 
d'autre  part,  à  très  peu  de  distance  de  l'oviducte,  une  vaste 
dilatation  qui  fonctionne  comme  réservoir  séminal  (fig.  228,  o ; 
fig.  231,  c)  :  c'est  là  que  le  sperme  vient  s'accumuler,  en  atten- 
.  dant  que  les  œufs  arrivent  à  maturité  et  puissent  recevoir 
l'imprégnation  fécondante.  Enfin,  Sommer  signale,  au  point 
même  où  la  portion  antérieure  du  vagin  débouche  dans  le 
réservoir  séminal,  l'existence  d'une  portion  rétrécie  (fig.  231,  b), 
que  Moniez  dit  n'avoir  pas  observée. 


3o2  OKDRE  DES  CESTODES. 

Sur  de  jeunes  anneaux,  le  vagin  est  limité  par  de  grosses 
cellules  fusiformes,  plus  volumineuses  et  plus  serrées  au  voi- 
sinage de  son  embouchure  dans  l'oviducte,  assez  lâches  plus 
loin  ;  il  contient  à  l'intérieur  des  cils  nombreux,  dirigés  de  de- 
dans en  dehors  et  visibles  tantôt  dans  la  moitié  interne  seule- 
ment, tantôt  dans  toute  l'étendue  du  vagin,  sauf  dans  la  portion 
qui  est  située  immédiatement  en  arrière  de  la  poche  du  cirre: 
ces  cils  sont  allongés,  chitineux  et  semblent  n'avoir  d'autre 
rôle  que  de  s'opposer  à  la  pénétration  de  corps  étrangers.  Sur 
des  anneaux  plus  âgés,  Sommer  admet  que  le  vagin  est  limité 
par  une  membrane  anhiste,  à  double  contour,  épaisse  de  1,  3  (jl 
et-très  résistante.  A  la  longue,  les  cils  se  détachent  et  ne  sont 
pas  remplacés;  dans  les  anneaux  d'où  ils  ont  disparu,  la  mem- 
brane du  vagin  devient  habituellement  le  siège  d'un  dépôt  de 
pigment  noir. 

Nous  avons  dit  qu'à  leur  extrémité  latérale  le  canal  déférent 
et  le  vagin  venaient  déboucher  côte  à  côte  au  dehors.  11  nous 
faut  maintenant  préciser  la  façon  dont  les  choses  se  passent. 

Le  bord  latéral  de  l'anneau  présente,  en  alternance  irrégu- 
lière, tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche,  une  petite  fossette  ta- 


Fig.  232.  —  Appareil  marginal  et  orifices  sexuels  latéraux  de  l'anneau  7f>0, 
d'après  Sommer.  Grossissement  de  187  diamètres,  —  a,  fossette  marginale; 
à,  son  fond  aplati  et  légèrement  relevé;  c,  pore  génital;  d,  sinus  génital; 
c,  canal  déférent;  f,  poche  du  cirre;  h,  vagin. 

pissée  par  la  cuticule  (fig.  228,  f;  fïg.  232,  a).  Celte  fossette 
marginale  ne  devient  apparente  qu'à  partir  de  l'anneau  363; 
elle  se  montre  tout  d'abord  vers  le  milieu  de  la  longueur  de 


TiENIA  SAGINATA.  353 

l'anneau  (fig.  228);  mais,  plus  tard,  quand  ce  dernier  a  vieilli  et 
grandi,  elle  se  trouve  plus  ou  moins  reportée  en  arrière 
(fig.  233-235).  Elle  a  la  forme  d'une  poche  dont  le  fond  est  sur- 
élevé (fig.  232,  b)  et  dans  laquelle  on  accède  par  un  pore  mar- 
ginal. Celui-ci,  suivant  l'état  de  contraction  des  muscles  lon- 
gitudinaux, est  circulaire,  anguleux  ou  en  fente.  Sur  les 
anneaux  mûrs,  le  pourtour  du  pore  se  soulève  en  un  bourrelet 
saillant.  Le  fond  de  la  fossette  est  percé  en  son  milieu  d'une 
petite  ouverture,  le  pore  génital,  c,  qui  conduit  dans  une  petite 
cavité,  le  cloaque  sexuel  ou  sinus  génital,  d.  C'est  dans  le  fond 
de  ce  sinus  que  viennent  s'ouvrir,  en  avant  le  canal  déférent,  e, 
traversant  la  poche  du  cirre,  /",  en  arrière  le  vagin,  h.  Notre 
figure  représente  le  cirre  en  protraction,  traversant  le  sinus 
génital  et  le  pore  génital  pour  venir  faire  saillie  dans  la  fossette 
marginale. 

L'appareil  que  nous  venons  de  décrire  a  une  grande  impor- 
tance, en  ce  que  nous  pourrons  maintenant  nous  rendre 
compte  de  la  manière  dont  s'effectue  la  fécondation.  Leuckart 
avait  pensé  que  le  cirre  en  protraction  représentait  un  véri- 
table organe  d'accouplement,  capable  de  s'introduire  dans  le 
vagin,  pour  y  amener  les  spermatozoïdes:  il  aurait  eu  notam- 
ment cette  disposition  chez  Tœnia  echinococcus.  D'après  Som- 
mer, les  choses  se  passeraient  autrement.  Pendant  l'acte  de  la 
fécondation,  le  pore  marginal  est  obturé,  par  suite  d'une  éner- 
gique contraction  des  muscles  longitudinaux,  le  pore  génital 
est  lui-même  fermé,  le  cirre  est  totalement  rétracté.  On  voit 
alors  s'étendre  à  travers  le  sinus  génital  une  traînée  filamen- 
teuse de  sperme,  qui  sort  du  canal  déférent  et  se  propage 
jusque  dans  le  vagin,  puis  dans  le  réservoir  spermatique,  où 
il  s'accumule. 

Le  sperme  pénètre  dans  l'appareil  génital  femelle  à  partir 
de  l'anneau  482:  c'est  seulement  sur  l'anneau  581  qu'on  voit 
les  œufs  pénétrer  dans  l'utérus.  Les  glandes  mâles  fonction- 
nent donc  plus  tôt  que  les  glandes  femelles  ;  leur  activité  cessera 
aussi  plus  tôt  que  celle  de  ces  dernières  ;  et  quand  l'atrophie 
s'emparera  des  glandes  génitales,  on  verra  les  testicules  dispa- 
raître avant  les  ovaires.  On  peut  donc  dire  que  l'anneau  d'un 
Ténia  n'est  hermaphrodite  qu'en  apparence,  en  ce  sens  que 
ses  deux  appareils  sexuels  se  succèdent  et  ne  fonctionnent 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  23 


354  ORDRE  DES  CESTODES. 

point  en  même  temps.  Il  se  passe  là  quelque  chose  de  compa- 
rable à  ce  qui  s'observe  dans  la  glande  hermaphrodite  des 
Mollusques  gastropodes  et  dans  les  plantes  dichogames  pro- 
térandres. 

Sur  l'anneau  268,  qui  nous  a  servi  de  type  dans  l'étude  qui 
précède,  nous  observions  déjà  la  première  indication  des  bran- 
ches latérales  de  l'utérus.  Dans  les  anneaux  suivants,  ces  dila- 


Fig.  233.  —  -Anneau  790  de  Tsenia  saginata,  vu  [par  la  face  supérieure  ou 
mâle,  d'après  Sommer.  —  l,  ramifications  latérales  de  l'utérus;  m',  grosses 
vésicules  testiculaires,  fortement  remplies  et  en  voie  d'activé  production 
séminale.  —  Les  autres  lettres  comme  dans  la  figure  228.  Les  lobes  latéraux 
de  l'ovaire  sont  indiqués  en  pointillé. 


tations  sont  allées  en  s'accentuant,  par  suite  de  la  réplétion  de 
l'utérus  par  un  nombre  d'œufs  toujours  croissant.  Sur  l'an- 
neau 790,  elles  sont  déjà  bien  développées  (fig.  233,  /)  et  se 
sont  plus  ou  moins  subdivisées  ;  elles  tendent  à  se  rapprocher 
du  vaisseau  longitudinal,  ainsi  que  de  la  lacune  anastomo- 
tique.  On  peut  dès  lors  reconnaître  avecPlatner  trois  sortes  de 
ramifications  :  des  branches   latérales  très   nombreuses,  des 


T.£NIA  S  AGI  N  ATA. 


brandies  postérieures  ou  radicales  et  des  branches  antérieures 
ou  apîcales;  ici,  ces  dernières  sont  encore  peu  marquées. 

Sommer  croyait  toutes  ces  branches  limitées  par  une  mem- 
brane propre,  provenant  d'une  dilatation  excessive  de  la  paroi 
de  l'utérus.  Au  début,  cette  paroi  se  laisse  en  effet  distendre, 
mais  Moniez  a  constaté  qu'elle  ne  tarde  pas  à  se  rompre  ;  les 
œufs  se  répandent  alors  dans  le  parenchyme  de  l'anneau. 


\.  —  Anneau  1102  de  Tvnia  saginata,  vu  par  la  face  supérieure  ou 
mile,  d'après  Sommer.  Les  testicules,  l'ovaire  et  la  glande  de  l'albumine 
sont  déjà  atrophiés.  —  i,  branche  montante  de  l'oviducte.  —  Les  autres 
lettres  comme  dans  la  figure  228. 

Sur  l'anneau  1102    flg.  234  ,  les  ramifications  utérines  sont 
encore  plus   développées  et   atteignent  en  arrière  la  lacune 


356 


ORDRE   DES  CESTODES. 


anastomotique,  sur  les  côtés  les  vaisseaux,  en  avant  le  bord 
antérieur  de  l'anneau  ;  les  branches  apicales  se  montrent  avec 
leur  forme  en  doigts  de  gant  qui  est  caractéristique  du  Taenia 

saginata.  Les  testicules  ont  disparu 
depuis  longtemps.  Il  en  est  de  même 
pour  les  lobes  latéraux  de  l'ovaire, 
dont  la  dernière  trace  s'est  évanouie 
sur  l'anneau  980.  Le  lobe  impair 
s'est  conservé  plus  longtemps  ;  il 
n'a  commencé  à  s'atrophier  qu'à 
partir  de  l'anneau  1003  et  a  disparu 
définitivement  à  partir  de  l'anneau 
1101. 

Les  œufs  ont  eux-mêmes  subi 
d'importantes  modifications:  ils  ont 
parcouru  peu  à  peu  les  diverses 
phases  que  nous  connaissons  déjà 
(fig.  212)  et  l'embryon,  à  partir  de 
l'anneau  996,  s'est  entouré  de  sa 
coque  striée.  Jusqu'alors  les  œufs, 
enveloppés  de  leur  délicate  mem- 
brane vitelline,  étaient  restés  indé- 
pendants les  uns  des  autres  :  à  par- 
tir de  ce  stade,  ils  perdent  cette 
membrane  et  les  deux  masses  vitel- 
lines  extérieures  à  l'embryon,  en 
s'agglutinant  à  celles  des  œufs  voi- 
sins, contribuent  à  former  une 
masse  réfringente  et  disposée  en 
mailles  étroites  dans  lesquelles  sont 
renfermés  les  embryons. 

Plus  loin  encore,  à  l'extrémité 
postérieure  du  Ténia,  l'anneau  1215 
(fig.  235)  présente  d'intéressantes 
modifications.  Le  corps  de  Mehlis,  /<, 


Fig.  235.  —  Anneau  1215  de 
Tsmia  saginata,  d'après  Som- 
mer. L'anneau  a  déjà  com- 
mencé h  s'étrangler.  Les 
glandes  coquillières  sont  en 
voie  de  résorption.— y, rami- 
fications latérales  de  l'utérus. 
Les  autres  lettres  comme 
dans  la  figure  2?8. 

n'a  pas  encore  disparu,  bien  que  son 
atrophie  marche  à  grands  pas;  la  branche  de  l'oviducte  qui 
l'unit  au  fond  de  l'utérus,  ?',  est  encore  bien  visible.  On  ne  trouve 
plus  la  moindre  trace  des  organes  génitaux,  soit  mâles,  soit  fe- 


Ï.KNIA   SAGINATA.  357 

melles,  si  ce  n'est  que  la  moitié  externe  et  transversale  du  ca- 
nal déférent  et  du  vagin  s'est  conservée  :  on  constate  en  môme 
temps  que  les  branches  latérales  de  l'utérus  font  défaut  à  leur 
niveau,  ou  du  moins  sont  très  réduites.  Les  branches  radicales 
de  l'utérus  n'atteignent  pas  complètement  la  lacune  transver- 
sale; en  revanche,  les  branches  apicales  empiètent  légèrement 
sur  l'anneau  précédent. 

C'est  en  cet  état  que  les  anneaux  se  détachent  spontané- 
ment :  sur  notre  figure,  on  peut  reconnaître  déjà  que  l'anneau 
est  en  train  de  s'isoler  du  précédent.  Cette  séparation  se  fait 
simplement  par  suite  d'une  exagération  de  l'étranglement 
interannulaire.  Une  fois  qu'il  s'est  détaché,  l'anneau  va  pouvoir 
continuer  à  vivre  pendant  plus  ou  moins  longtemps  :  c'est 
alors,  suivant  la  pittoresque  expression  de  Pallas,  un  véritable 
«  ovaire  ambulant  ».  En  même  temps,  grâce  à  la  double  solu- 
tion de  continuité  que  présente  son  tégument,  aux  points  où 
il  s'est  séparé  des  deux  anneaux  entre  lesquels  il  était  primi- 
tivement intercalé,  il  pourra  se  vider  plus  ou  moins  de  ses 
œufs  :  ceux-ci  tomberont  dans  l'intestin  et  seront  expulsés  avec 
les  matières  fécales,  dans  lesquelles  le  microscope  permettra 
de  les  reconnaître.  L'anneau  qui  se  débarrasse  ainsi  de  ses 
œufs  perd  plus  ou  moins  complètement  ses  ramifications  uté- 
rines et  diminue  de  taille,  surtout  de  largeur.  Mégnin  a  dans  sa 
collection  des  anneaux  de  Ténia  inerme,  expulsés  en  mars  1881 
par  un  cuisinier  :  ce  sont  des  sortes  de  bandelettes  longues  de 
30  à  35  millimètres,  larges  de  5  millimètres  seulement,  et  dans 
l'intérieur  desquelles  on  ne  voit  plus  que  quelques  œufs  épars. 
Une  ponte  toute  semblable  à  celle  que  nous  venons  de  dire 
s'observe  encore  assez  fréquemment  sur  le  dernier  anneau  du 
Ténia  et  môme,  par  son  intermédiaire,  sur  les  deux  ou  trois 
anneaux  qui  le  précèdent  immédiatement. 

A  moins  de  violences,  telles  que  l'administration  d'un  médi- 
cament anthelmintique,  qui  ont  pour  résultat  habituel  de 
rompre  le  Ver  plus  ou  moins  près  de  la  tête  et  de  provoquer 
l'expulsion  d'un  chaînon  composé  d'un  grand  nombre  d'an- 
neaux, les  segments  de  Taenia  saginata  se  séparent  un  à  un 
et  sont  expulsés  de  l'intestin,  non  seulement  avec  les  matières 
fécales,  mais  encore  dans  l'intervalle  des  selles,  malgré  la 
volonté  du  malade  et  quelques  efforts  que  fasse  celui-ci  pour 


358  ORDRE  DÈS  CESTOÙES. 

contracter  le  sphincter  anal.  C'est  là  un  caractère  important, 
qui  permet  déjà  de  diagnostiquer  presque  à  coup  sûr  le  Ténia 
inerme. 

Des  signes  plus  précis  seront  fournis  par  l'examen  même  du 
Ver,  soit  qu'on  en  obtienne  un  fragment  formé  de  plusieurs 
anneaux,  soit  qu'on  obtienne  un  seul  anneau.  Dans  le  premier 
cas,  l'alternance  irréguiière  des  pores  marginaux  permettra  de 
distinguer  T.  saginata  et  de  ne  point  le  confondre  avec  T.  solium, 
chez  lequel  l'alternance  se  fait  au  contraire  régulièrement 
d'anneau  à  anneau.  Dans  le  second  cas,  on  pourra,  même  à 
l'œil  nu  et  sans  le  secours  d'aucun  réactif,  mais  plus  aisément 
après  action  de  la  potasse  à  1  p.  100  ou  de  l'acide  acétique 
à  1  p.  5,  distinguer  de  chaque  côté  du  tronc  de  l'utérus 
20  à  30  branches  parallèles,  dont  chacune  se  subdivise  en 
2  ou  3  rameaux  secondaires.  Chez  T.  solium,  on  ne  trouverait 
que  6  à  13  de  ces  branches  et  leurs  ramifications  seraient  plus 
dendritiques  (fig.  250).  Ajoutons  que  l'anneau  du  Ténia  inerme 
est  doué,  après  son  expulsion  de  l'intestin,  d'une  active 
contractilité  :  il  rampe  en  changeant  de  forme,  et  en 
s'allongeant  et  se  raccourcissant  tour  à  tour.  Enfin,  la  forme 
générale  de  l'anneau  est  plus  allongée  chez  T.  saginata  que 
chez  T.  solium  :  il  est  ordinairement  long  de  15  à  120  milli- 
mètres et  atteint  souvent  des  dimensions  plus  considérables; 
sa  largeur  est  de  6  à  8  millimètres;  Mégnin  l'a  vu  atteindre 
parfois  jusqu'à  35  millimètres  de  longueur. 


F.  Sommer,  Ueber  den  Bau  und  die  Entwickelung  der  Geschlechtsorgane 
von  Tsenia  mediocanellata  (Kùchenmeister)  und  Taenia  solium  (Linné).  Z.  f. 
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Wussergefàsssystem  der  lland.wùrmcr.  Ibidem,  IV,  1881. 


TAN1A  SAG1NATA.  359 

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gique suisse,  II,  p.  589,  1885. 

Les  Ténias  présentent  de  fréquentes  anomalies,  et  T.  saginatû 
semble  être  particulièrement  remarquable  à  cet  égard.  Nous  avons 
dit  déjà  que  les  ventouses  étaient  habituellement  teintées  en  noir  par 
du  pigment.  Il  n'est  pas  rare  de  voir  celui-ci  se  répandre  au  voisinage 
des  ventouses,  et  la  tôte  présente  alors  dans  son  ensemble  une  colo- 
ration noire  plus  ou  moins  régulière.  Dans  certains  cas,  la  production 
de  pigment  peut  s'exagérer  encore  :  le  cou  et  môme  la  chaîne  tout 
entière  des  anneaux  peuvent  prendre  une  teinte  noire. 

Le  professeur  Laboulbène  a  décrit,  en  1875,  sous  le  nom  de  T.  ni- 
grat  une  variété  de  Ténia  inerme  remarquable  par  sa  coloration  noire 
ou  plutôt  d'un  noir  ardoisé.  Ce  Ver,  long  de  Gm50,  avait  été  rendu  par 
un  Homme  qui  avait  longtemps  habité  les  États-Unis;  les  pores  mar- 
ginaux, saillants  et  gonflés,  avaient  une  teinte  blanchâtre  qui  tranchait 
sur  le  fond  du  corps  et  les  faisait  ressembler  à  des  perles.  La  femme 
du  malade,  ayant  elle-même  habité  l'Amérique  du  Nord,  assura  que 
les  négresses  rendaient  souvent  des  Vers  noirs.  De  son  côté,  Liber- 
mann  a  pu  voir  à  Monterey  les  débris  de  deux  Ténias  à  coloration  gris 
ardoisé  foncé,  recueillis  au  Mexique,  chez  des  métis  de  Mexicains  et 
d'Indiens;  on  lui  affirma  que  cette  variété  se  rencontrait  parfois  dans 
ces  contrées. 

11  s'agit  encore  d'une  anomalie  du  même  genre  dans  l'observation 
de  Bruneau,  qui  a  vu  rendre  par  une  femme  «  un  fragment  de  Tœnia 
d'une  longueur  de  75  centimètres,  à  anneaux  très  petits,  mais  presque 
cylindriques  et  dont  les  pores  génitaux  présentaient  une  saillie  très 
marquée:  de  plus,  la  couleur  de  ce  Tœnia  était  d'un  brun  assez  foncé. 
La  tôte  ne  fut  point  trouvée  ». 

Nous  croyons  devoir  rapprocher  de  ces  variétés  celle  que  Redon  a 
rencontrée  chez  les  soldats  des  colonnes  du  Sud-Oranais  et  qu'il  a 


360  ORDRE  DES  CESTODES. 

décrite  sous  le  nom  provisoire  de  Tamia  algérien.  11  s'agit  d'un  Ténia 
inerme,  d'une  teinte  uniformément  grise,  mais  dont  les  ventouses, 
profondes  et  arrondies,  seraient  dépourvues  de  pigment. 

Le  nombre  des  ventouses  peut  par  exception  être  porté  à  5  ou  6, 
par  suite  du  développement  de  1  ou  2  ventouses  surnuméraires;  mais 
il  faut  bien  se  garder  de  prendre  pour  une  ventouse,  comme  l'a  fait 
plus  d'un  observateur,  et  notamment  Gomez,  la  dépression  qui  par- 
fois occupe  le  sommet  de  la  tête.  L'augmentation  du  nombre  des  ven- 
fouses  semble  être  en  rapport  avec  certaines  monstruosités  doubles 
dont  il  sera  question  plus  loin. 

Chaque  anneau  ne  présente  normalement  qu'un  seul  pore  marginal, 
correspondant  à  un  seul  appareil  génital  hermaphrodite.  Mais  il  n'est 
pas  rare  de  rencontrer  des  Ténias  dont  quelques  anneaux  sont 
remarquables  par  la  pluralité  des  orifices  marginaux,  soit  que  ceux- 
ci  se  trouvent  placés  les  uns  au-dessus  des  autres,  plus  ou  moins  nom- 
breux, sur  un  même  bord  latéral,  soit  qu'ils  se  disposent  régulièrement 
sur  l'un  et  l'autre  côté.  Cobbold  parle  d'un  T.  saginata  dont  quelques 
anneaux  consécutifs  présentaient  un  pore  marginal  de  chaque  côté. 
Pallas  a  vu  2  et  3  pores  marginaux  sur  un  même  anneau  ;  Leuckart  en  a 
compté  jusqu'à  5.  Dans  les  cas  de  ce  genre,  il  est  possible  de  constater, 
par  une  étude  anatomique  délicate,  qu'un  appareil  génital  herma- 
phrodite est  en  rapport  avec  chacun  des  pores  marginaux  :  les  organes 
centraux,  tels  que  l'ovaire  et  l'utérus,  sont  plus  ou  moins  réduits, 
mais  le  vagin  et  le  canal  déférent  acquièrent  d'habitude  un  déve- 
loppement normal.  Cette  observation  a,  dans  l'espèce,  une  certaine 
importance,  en  ce  qu'elle  nous  montre  que  l'anomalie  en  question 
est  due  à  la  coalescence  et  à  la  fusion  complète  de  plusieurs  anneaux, 
ou  plutôt  à  ce  que  la  segmentation  est  venue  à  manquer  sur  une  cer- 
taine longueur. 

Si  cette  anomalie  se  produit  sur  une  étendue  encore  plus  considé- 
rable, le  Ténia  se  présente  sous  le  singulier  aspect  qu'a  décrit  et 
figuré  le  professeur  Colin,  du  Val-de-Grâce,  d'après  un  fragment  de 
T.  solium  expulsé,  en  1868,  par  un  officier  revenant  du  Sénégal.  Ce 
fragment  (fig.  236)  était  formé  de  6  anneaux  à  structure  normale,  à 
la  suite  desquels  venait  un  ruban  long  d'environ  15  centimètres  et 
sur  toute  la  longueur  duquel  tous  les  anneaux  s'étaient  fusionnés  en 
une  seule  masse,  sans  aucune  ligne  de  démarcation.  Les  pores  margi- 
naux étaient  répartis  sans  ordre,  14  d'un  côté  et  12  de  l'autre,  tan- 
tôt espacés,  tantôt  pressés  les  uns  contre  les  autres.  Colin  propose  de 
donner  à  cette  anomalie  le  nom  de  Tœnia  fusa  ou  T.  continua. 

Welch  mentionne  un  cas  analogue  chez  T.  saginata  :  sur  une 
étendue  d'environ  5  centimètres,  on  ne  distinguait  aucune  limite, 
ni  externe  ni  interne,  entre  les  anneaux;  les  pores  marginaux  étaient 


T/ENIA   SAGINATA. 


361 


amassés  des  deux  côtés  en  paquets  de  2  à  5  et  leur  nombre  total  était 
bien  supérieur  à  la  normale.  Un  utérus  commun  s'étendait  d'un  bout 
à  l'autre  de  la  région  ainsi  constituée,  sans  présenter  la  moindre 
trace  de  segmentation;  les  vagins  et  les  canaux  déférents  étaient 
nombreux,  au  contraire,  et  l'appareil  femelle 
était  rempli  d'oeufs  bien  développés. 

Vallin  a  pu  encore  observer  cette  anomalie 
sur  un  Ténia  expulsé  par  un  individu  qui  reve- 
nait du  Sénégal  :  il  y  avait  fusion  complète  des 
anneaux  sur  une  grande  longueur  ;  les  pores 
génitaux  étaient  situés  sur  le  bord  et  très  irré- 
gulièrementdisposés,  mais  quelques-unsd'entre 
eux  se  voyaient  sur  l'une  des  faces  de  l'anneau. 
Ce  môme  Ténia  présentait  encore  d'autres  ano- 
malies :  quelques-uns  de  ses  anneaux  étaient 
fenêtres  et  sa  portion  terminale  était  brune  sur 
une  longueur  de  deux  mètres;  le  changement 
de  teinte  se  faisait  brusquement  au  niveau  d'un 
anneau  dont  une  moitié  était  brune  et  l'autre 
d'un  blanc  nacré. 

Au  dire  de  Cobbold,  il  existe  également  au 
musée  du  Royal  Collège  of  Surgeons  deux  frag- 
ments de  T.  solium  qui  présentent  une  sem- 
blable anomalie:  l'un  d'eux  est  perce  de  32  ori- 
fices sexuels,  disposés  irrégulièrement  sur  les 
bords  et  dont  l'un  s'ouvre  sur  la  ligne  médiane 
de  la  face  ventrale,  comme  chez  les  Bothriocé- 
phales. 

Entre  la  fusion  et  la  séparation  complètes  des 
différents  anneaux,  on  peut  s'attendre  à  voir, 
comme  terme  de  transition,  des  exemples  de 
coalescence  imparfaite,  une  ligne  de  démarca- 
tion partant  de  l'un  des  bords  ets'avançant  plus 
ou  moins  loin,  mais  sans  l'atteindre,  à  la  ren- 
contre du  bord  opposé.  Andry  a  déjà  figuré  cette 
anomalie  chez  T.  saginata,  où  nous  l'avons  nous- 
même  observée;  Weinland  l'a  rencontrée  aussi 
chez  T.  solium.  Chaque  segment  de  ces  anneaux 
doubles,  présentant  un  pore  marginal,  possède  aussi  ses  glandes  gé- 
nitales; à  l'endroit  où  toute  ligne  de  démarcation  fait  défaut,  elles 
peuvent  se  rapprocher  plus  ou  moins  de  celles  du  segment  contigu, 
mais  sans  pourtant  se  fusionner  avec  ces  dernières. 
Une  autre  anomalie  se  trouve  réalisée  dans  les  cas,  observés  par 


Tig.  23C.  —  Txnia 
fusa  ou  continua, 
d'après  Léon  Colin. 


362 


ORDRE  DES  CESTODES. 


Welcïi,  où  un  anneau  à  limites  nettes  est  pourvu  de  deux  pores  mar- 
ginaux, s'ouvrant  vis-à-vis  l'un  de  l'autre  et  chacun  sur  un  bord 
latéral.  Il  semble  au  premier  abord  que  l'on  ait  affaire  à  une  dis- 
position analogue  à  celle  qui  s'observe  chez  T.  cucumerina,  mais,  si  les 
testicules  sont  répartis  en  deux  groupes,  dont  chacun  communique 
avec  un  canal  déférent,  il  est  du  moins  facile  de  constater  que  l'appa- 
reil femelle  est  unique,  à  part  la  duplicité  du  vagin. 
Il  faut  rapprocher  des  cas  précédents  ceux  où  un  anneau  surnu- 
méraire s'enfonce  plus  ou  moins  pro- 
fondément, à  la  façon  d'un  coin,  entre 
deux  autres  anneaux.  Cette  anomalie 
a  encore  été  vue  et  figurée  par  Wein- 
land  chez  T.  solium,  par  Leuckart  chez 
T.  saginata  (fig.  237).  Moniez  pense 
qu'elle  tient  à  un  dédoublement  tran- 
sitoire de  la  zone  génératrice  des  an- 
neaux. 

On  doit  encore  considérer  comme 
une  simple  variété  de  T.  saginata  le 
Ver  décrit  par  "Weinland  sous  le  nom 
de  T.  solium,  var.  abietina.  Ce  Ver 
figure  dans  les  collections  du  Musée 
zoologique  de  Cambridge,  Mass.  ;  il 
provient  d'un  Indien  de  Saut  Sainte- 
Marie  (Lac  Supérieur)  et  a  été  rap- 
porté en  1850  par  L.  Agassiz.  C'est  une 
chaîne  de  quelques  pieds  de  longueur,  formée  par  la  partie  mûre  du 
Ver  :  la  tête,  le  cou  et  la  moitié  antérieure  font  défaut.  Bien  que 
Weinland  considère  ce  Ténia  comme  une  simple  variété  de  T.  solium, 
il  est  plus  rationnel  de  le  rapporter  au  Ténia  inerme,  auquel  il  res- 
semble notablement  par  ses  œufs  et  par  ses  anneaux,  si  ce  n'est  que 
ces  derniers  sont  plus  étroits  et  plus  minces. 

Tous  les  anneaux  sont  en  effet  très  minces,  presque  transparents  et 
tous  également  étroits  :  leur  largeur  est  d'environ  4  millimètres,  leur 
longueur  de  12  millimètres  (fig.  238,  A).  Les  orifices  génitaux  sont 
très  petits  et  sans  lèvres  extérieures.  L'utérus  est  plus  régulier  que 
chez  T.  solium  ou  chez  T.  saginata;  toutefois,  il  ressemble  davantage 
à  celui  de  ce  dernier.  Le  tronc  médian  de  l'organe  est  droit;  les  bran- 
ches qui  en  partent  sont  au  nombre  de  30  environ;  elles  naissent  à 
angle  droit  sur  le  tronc  principal,  ou  bien  en  formant  un  angle  d'en- 
viron 45°.  Ces  branches  sont  toujours  parallèles  entre  elles  et  ordi- 
nairement droites;  elles  ne  se  subdivisent  pas  à  leur  extrémité,  sauf 
l'antérieure  et  la  postérieure  de  chaque  anneau.  Les  œufs  sont  très 


Fig.  237.  —  Anneaux  surnumé- 
raires de  Tsenia  saginata,  d'a- 
près Leuckart. 


i; 


T^NIA  SAGINATA.  363 

nombreux  et  donnent  à  l'utérus  une  teinte  jaunâtre  visible  à  l'œil  nu. 
Ils  mesurent  30  {/.  sur  33  \t.  (fi g.  238,  B)  :  leur  membrane  extérieure 
est  épaisse  de  3  |a;  en  dedans  d'elle  se  voit  une 
seconde  enveloppe,  épaisse  de  0,6  a  et  renfermant 
un  embryon  long  de  10  p.. 

Bremser  a  décrit  comme  résultant  de  la  coales- 
cence  de  deux  Ténias  une  monstruosité  caractéri- 
sée par  l'aspect  prismatique  ou  trièdre  des  an- 
neaux. «  C'est,  dit-il,  un  morceau  de  Ténia  de 
plusieurs  pieds  de  long,  et  qui  offre  cela  de  par- 
ticulier, qu'il  y  a  deux  Ténias  fortement  unis  au  \ 
bord  d'une  articulation.  »  Ce  spécimen  est  encore    rig.  238.  —  Txnîa 
conservé  dans  la  collection  helminthologique  du       abietina ,    d'après 
Musée  de  Vienne  ;  Diesing  en  parle  en  ces  termes  :       Weinland.  —   A , 

.  ,  „  m.  •        4  •      3  i  anneau    montrant 

u  Adest  prœterea  fragmentum  circa  tnpedale,  in-       los.    ranijficatjons 

dividuis  binis    lateribus   concretis,    marginibus       de  l'utérus.  B,  œuf 

vero  liberis.  »  Sur  un  Ténia  de  Chat  qui  présen-       grossi  350  fois. 

tait  la  même  anomalie,  Bremser  a  pu  reconnaître 

que  celle-ci  coïncidait  avec  l'existence  de  six  ventouses  et  Leuckart 

a  fait  plus  récemment  une  observation  semblable  chez  T.  cœnurus. 

Le  «  Ténia  hybride  »  signalé  par  Brera  rentre  sans  doute  dans  cette 
anomalie.  11  en  est  certainement  de  môme  pour  les  cas  de  Levacher, 
de  Zenker,  de  Vaillant,  pour  T.  capensis  Kùch.,  pour  T.  lophosoma 
Cobbold,  etc.  Levacher  a  vu  une  fillette  de  trois  ans  expulser  un  Ténia 
porteur  d'une  crête  longitudinale,  qu'il  était  capable  de  coucher  ou  de 
redresser  à  volonté.  Kûchenmeister  a  décrit  sous  le  nom  de  «  Ténia 
du  cap  de  Bonne-Espérance  »  un  Ver  que  le  Dr  Rose  lui  avait  envoyé 
de  l'Afrique  australe  :  l'animal,  dont  la  tête  est  inconnue,  avait  les 
anneaux  conformés  comme  ceux  du  spécimen  vu  par  Levacher;  Leuc- 
kart montra  qu'il  s'agissait  d'une  simple  anomalie  et  Fespèce  T.  ca- 
pensis dut  disparaître  du  cadre  zoologique. 

Vaillant  a  décrit  un  Ténia  d'espèce  indéterminée,  sans  doute 
T.  saginata,  dont  chaque  anneau  présentait  sur  l'une  de  ses  faces  une 
crête  médiane  et  longitudinale,  dont  la  hauteur  était  égale  à  la 
moitié  de  la  largeur  de  l'anneau  ;  les  pores  génitaux,  bien  visibles  sur 
chaque  article,  étaient  irrégulièrement  alternes  sur  chacun  des  trois 
bords.  La  tête  n'a  pas  été  observée,  mais  Vaillant  admet  avec  raison 
que  la  monstruosité  avait  été  occasionnée  par  une  malformation  pri- 
mitive  de  l'extrémité  céphalique. 

Il  ne  faut  voir  encore  qu'une  monstruosité  du  même  ordre  dans  la 
prétendue  espèce  que  Cobbold  a  décrite  sous  le  nom  T.  lophosoma, 
d'après  un  exemplaire  du  Musée  du  Middlesex  Hospilal.  Complet, 
l'animal  devait  avoir  une  longueur  de  8  pieds  :  une  crête  longitudi- 


3tit 


ORDRE  DES  CESTODES. 


nale  en  occupe  toute  l'étendue.  Les  segments  sont  beaucoup  plus 
petits  que  les  anneaux  adultes  de  T.  solium;  ils  sont  de  plus  caracté- 
risés par  la  disposition  des  pores  génitaux  en  une  série  unilatérale, 
occupant  le  milieu  du  bord  gauche  de  chaque  anneau.  Les  œufs 
mesurent  environ  30  p.. 
Çullingworth  a  observé,  chez  une  femme  âgée  de  40  ans,  un  Ténia 

dépourvu  de  tête  et  muni  d'une 
crête  longitudinale  sur  laquelle 
s'ouvrait  le  pore  génital.  Sur 
304  anneaux  examinés,  4  seule- 
ment avaient  le  pore  s'ouvrant 
sur  le  côté;  un  seul  anneau  pré- 
sentait deux  orifices,  savoir  : 
l'un  sur  le  côté,  l'autre  sur  la 
crête.  Les  œufs  étaient  sembla- 
bles à  ceux  de  T.  saginata;  l'uté- 
rus envoyait  des  prolongements 
dans  la  crête.  Celte  observa- 
tion est  fort  semblable  à  celle 
de  Cobbold  et  des  considéra- 
tions diverses  conduisent  à  pen- 
ser que  l'espèce  T.  lophosoma, 
encore  défendue  par  cel  hel- 
minthologiste,  n'est  pas  valable. 
Les  observations  précédentes 
se  rapportent  à  T.  saginata.  La 
suivante  nous  est  au  contraire 
fournie  par  T.  solium  :  elle  est 
particulièrement  intéressante 
en  ce  qu'elle  nous  démontre 
l'existence  possible  de  mons- 
truosités identiques  chez  ces 
deux  Cestodes,  ce  qui  d'une 
part  montre  leur  étroite  pa- 
renté, et  d'autre  part  nous  au- 
torise encore  une  fois  à  établir 
une  comparaison,  au  point  de  vue  de  la  tératologie,  entre  les  deux 
grands  Ténias  de  l'Homme.  Zenker  a  vu  un  exemplaire  de  T.  solium 
long  de  46  centimètres  et  parcouru  par  une  crête  longitudinale  et 
médiane,  sur  laquelle  s'ouvraient  tous  les  pores  génitaux.  Ce  qui  rend 
celte  observation  particulièrement  importante,  c'est  que  la  tête  était 
pourvue  de  six  ventouses. 
Pour  en  finir  avec  les  monstruosités  des  Ténias,  nous  devons  parler 


'ig.  239.  —  Taenia  fenestrata,  d'après 
Léon  Colin. 


T^NIA  SAGINATA.  .165 

encore  de  ceux  dont  les  anneaux  se  montrent  perforés.  Cette  anoma- 
lie a  été  décrite  et  figurée  pour  la  première  fois  sur  T.  saginata  par 
Masars  de  Cazeles  :  cet  observateur  crut  avoir  affaire  à  une  espèce 
particulière,  le  Ténia  fenêtre.  Bremser  a  vu  deux  fois  cette  mons- 
truosité :  dans  un  cas,  quelques  anneaux  seulement  étaient  perforés; 
dans  l'autre  tous  les  anneaux  étaient  troués  sur  une  longueur  de 
plusieurs  pieds.  Délie  Chiaje  a  représenté  18  anneaux  d'un  Ténia 
fenêtre.  Semblable  anomalie  a  été  observée  par  le  professeur  Colin 
sur  un  T.  saginata  (fig.  239)  rendu  par  un  soldat  qui  l'avait  contracté 
pendant  la  campagne  de  Syrie  :  32  anneaux  étaient  fenêtres,  les  au- 
tres élant  pleins  et  normaux.  Leuckart  a  observé  des  fragments 
provenant  de  deux  Ténias  qui  présentaient  une  malformation  analo- 
gue :  sur  l'un  d'eux,  formé  de  121  anneaux,  on  pouvait  suivre  l'ano- 
malie depuis  son  point  de  départ  jusqu'à  son  complet  développe- 
ment. Récemment  enfin,  Notta  et  Marfan  ont  encore  rencontré  celte 
même  monstruosité  chez  le  Ténia  inerme.  De  tous  ces  faits  on  peut 
conclure  que  la  perforation  débute  par  le  centre  et  s'irradie  vers  le 
bord  de  l'anneau  ;  elle  est  d'autant  plus  accentuée  qu'on  examine  des 
anneaux  plus  éloignés  de  la  tête.  La  lésion  se  produit  de  dedans  en 
dehors  et  semble  être  occasionnée,  dans  la  plupart  des  cas,  par  la 
rupture  de  l'utérus,  qui  a  pour  conséquence  la  déchirure  de  la  paroi 
des  anneaux.  11  est  pourtant  des  cas  où  la  perforation  débute  par  une 
érosion  superficielle,  que  Kiichenmeister  et  Marfan  ont  voulu  expli- 
quer par  une  action  digestive. 

Andry.  De  la  génération  des  Vers  da?is  le  corps  de  l'Homme.  3e  édition. 
Paris,  17 il.  —  Voir  p.  X'02. 

Masars  de  Cazeles,  Sur  le  Tœnia,ou  Ver  solitaire,  et  plus  particulièrement 
sur  un  Taenia  percé  à  jour.  Journal  de  méd.,  chir.,  pharm.,  XXIX,  p.  26, 
1768. 

Bremser,  Traité  zoologique  et  physiologique  sur  les  Vers  intestinaux  de 
l'Homme.  Paris,  1837.  —  Voir  p.  197  et  Atlas  par  Leblond,  pi.  VI,  fig.  <;,  7  et 
8;  pi.  VII,  fig.  9. 

Levacher,  Comptes  rendus  de  l'Académie  des  sciences,  XIII,  p.  G61,  1841. 

S.  délie  Chiaje,  Elmintografia  umana.  Xapoli,  18ii.  —  Voir  pi.  IV,  fig.  2 
et  6. 

Fr.  Kiichenmeister,  Die  in  und  an  dem  Korper  des  lebenden  Menschen  vor- 
kommenden  Parasiten.  Leipzig,  1855.  —  Voir  p.  93. 

D.  F.  Weinland,  Beschreibung  zweier  neuer  Txnioiden  aus  dem  Menschen . 
Verhandl.  der  k.  Leop.-Carol.  deutschen  Akademie,  XXVIII,  18(51.  —  Voir 
pi.  V. 

Cobbold,  New  speevs  of  human  fape-worm.  Trans.  of  the  pathol.  Soc.  of 
London,  XVII,  p.  438,  1866. 

L.  Vaillant,  Note  sur  un  Tsenia  monstrueux  de  V Homme.  Comptes  rendus 
Soc.  de  biologie,  p.  168,  1869. 

Cullingwortli,  Notes  of  a  remarkable  spécimen  of  tape-worm,  Txnia  lopho- 
soma  Cobbold.  Med.  Times  and  Gaz.,  II.  p.  6G0,  1873. 


366  ORDRE  DES  CESTODES. 

A.  Laboulbène,  Observation  d'un  Ténia  remarquable  par  sa  coloration  ar- 
doisée. Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux  (2),  XII,  p.  298,  1875. 

L.  Colin,  Tœnia  fusa  ou  continua.  Ibidem,  p.  323. 

Vallin.  Ibidem  (2),  XIV,  p.  238,  1877. 

R.  Moniez,  Observations  tératologiques  sur  les  Tœnias.  Bull,  scieniif.  du 
départ,  du  Nord  (2),  I,  p.  202,  1878. 

Fr.  E.  Bruneau.  Répertoire  de  pharmacie  (2),  VII,  p.  379,  1879. 

H.  G.  Redon,  Recherches  sur  les  Tœnias  de  l'homme.  Une  nouvelle  espèce 
de  Tœnia  en  Algérie.  Archives  de  méd.  militaire,  II,  p.  181,  1883. 

M.  Notta,  Note  sur  un  Tœnia  solium  feneslrata.  Des  avantages  qu'il  y  au- 
rait à  lui  substituer  le  nom  de  Tœnia  scalariforme.  Union  méd.  (3),  XL, 
p.  673,  1885. 

Marfan,  Recherches  sur  un  Tœnia  solium  fenêtre.  Comptes  rendus  de  la 
Soc.  de  biologie,  p.  63,  1886. 

M.  Notta  et  Marfan,  Recherches  histologiques  et  expérimentales  sur  le 
Tœnia  solium  fenêtre.  Progrès  médical  (2),  III,  p.  217,  188G. 

La  présence  du  Ténia  une  fois  constatée,  le  malade  a  hâte 
de  se  débarrasser  de  cet  hôte  incommode  :  aussi  n'a-t-on  que 
peu  de  renseignements  quant  à  sa  longévité.  Mialhes  a  publié 
l'observation  d'un  Ténia  ayant  duré  plus  de  3  ans;  Judas  et 
Maublanc  l'ont  vu  durer  4  ans,  Strandberg  5  ans  et  demi, 
Lebail  8  ans,  Judas  et  Delpech  9  ans,  Judas  et  van  Peteghen 
10  ans,  Mérat  et  Gomez  12  et  15  ans.  Wawruch  rapporte  quel- 
ques cas  où  la  maladie  a  persisté  pendant  15,  25  et  même 
35  ans. 

Dans  tous  ces  cas,  l'expulsion  du  parasite  a  été  provoquée 
par  l'administration  d'un  médicament  approprié  ;  il  ne  s'agit 
donc  point  ici  de  sa  mort  naturelle.  Ce  que  nous  savons  de  la 
chute  des  anneaux  et  de  la  production  incessante  de  nouveaux 
segments  dans  la  région  du  cou  nous  amène  presque  à  conclure 
que  l'existence  du  Ténia  n'est  limitée  que  par  celle  de  l'indi- 
vidu qui  l'héberge.  Et  pendant  toute  la  durée  de  sa  longue 
existence,  il  produira  chaque  jour,  comme  l'a  montré  Perron- 
cito,  13  à  14  anneaux  dont  chacun  renferme  en  moyenne 
8800  œufs.  Existe-t-il  dans  la  nature  un  seul  animal  qui 
dispose,  pour  assurer  sa  reproduction,  d'aussi  puissants 
moyens? 

Sans  sortir  du  domaine  des  faits  habituels,  évaluons  a 
15  années  la  longévité  du  Ténia  inerme  et  supposons  que  tous 
les  anneaux  demeurent  attachés  les  uns  aux  autres  :  au  bout 
de  ce  temps,  il  se  sera  formé  une  chaîne  longue  d'environ 
400  mètres,  composée  d'à  peu  près  7500  anneaux  et  renfer- 
mant plus  de  G50  millions  d'œufs. 


TENIA  SAGINATA.  367 

Le  Ténia  inerme  siège  dans  l'intestin  grêle  :  nous  avons  indi- 
qué déjà  ce  fait,  mais  il  ne  sera  pas  hors  de  propos  d'y  revenir, 
pour  le  préciser.  Ce  parasite  se  fixe  d'ordinaire  à  peu  de  dis- 
tance du  pylore,  parfois  même  dans  la  première  portion  du 
duodénum  :  il  engage  sa  tête  entre  les  villosités  et  adhère  si 
fortement  à  l'aide  de  ses  ventouses  qu'il  est  très  difficile  de  le 
détacher;  il  s'étire  et  s'allonge  quand  on  cherche  à  l'isoler  et 
se  brise  dans  la  région  cervicale,  plutôt  que  de  lâcher  prise. 
Il  faut  croire  que.  chez  les  Ténias  armés,  les  crochets  ne 
servent  pas.  ou  du  moins  ne  servent  que  secondairement  à  la 
fixation  :  les  cliniciens  savent  en  effet  que,  des  deux  Ténias 
habituels  de  l'Homme,  Taenia  solium  est  plus  facile  à  expulser 
que  T.  saginata. 

Du  point  où  il  s'attache  sur  la  muqueuse,  le  Ver  s'étend 
vers  la  valvule  iléo-cœcale.  en  suivant  les  circonvolutions  de 
l'intestin;  il  est  d'ordinaire  allongé;  plus  rarement,  il  se  replie 
ou  se  pelotonne  sur  lui-même.  Primer  a  trouvé  chez  un  nègre, 
dont  il  faisait  l'autopsie,  cinq  Ténias  occupant  tout  l'intestin. 
qui  en  paraissait  comme  rembourré.  Dans  le  cas  où  le  parasite 
atteint  une  longueur  exceptionnelle,  on  peut  le  voir  passer 
dans  le  gros  intestin  :  Robin  (1766)  a  trouvé  dans  le  cadavre 
d'un  Homme,  immédiatement  au-dessous  du  pylore,  un  Ténia 
formant  dans  le  duodénum  un  peloton  gros  comme  une  pomme 
de  reinette  et  qui  s'étendait,  en  outre,  dans  toute  la  longueur 
des  intestins,  jusqu'à  7  ou  8  pouces  de  l'anus.  L'extrémité  de 
l'animal  peut  même  sortir  de  l'anus  au  moment  de  la  déféca- 
tion, puis  remonter  dans  l'intestin,  comme  Andry  l'a  constaté. 
On  doit  considérer  comme  exceptionnel  le  cas,  observé  par 
Brendel  sur  le  cadavre  d'un  enfant  de  dix  ans  :  un  Ténia  s'atta- 
chait à  l'iléon  et  se  dirigeait,  vers  le  duodénum,  en  sens  inverse 
du  cours  des  matières  intestinales.  Siebert  a  vu  également  le 
Ténia  se  diriger  vers  l'estomac. 

On  croit  assez  généralement  que  le  Ténia  est  expulsé  spon- 
tanément au  cours  des  maladies  graves  pouvant  occasionner 
la  mort,  en  sorte  qu'on  ne  le  trouverait  pas  à  l'autopsie.  C'est 
là  une  erreur  contre  laquelle  s'élevait  déjà  Davaine  :  on  trou- 
vera citées  dans  son  excellent  ouvrage  (1)  un  grand  nombre 

l    Davaine,  Traité  des  Entozoaires,  2P  édit.  Paris,  1877.  —  Voir  p.  95  et  96. 


368  ORDRE  DES  CESTODES. 

d'observations  de  Ténia  sur  le  cadavre.  Davaine  lui-môme  n'a 
jamais  constaté  le  fait,  mais  le  professeur  Laboulbène  a  eu 
récemment  l'occasion  de  trouver  vivant,  33  heures  après  la 
mort  subite  du  malade,  un  Taenia  saginata  long  de  4m,10.  Welch 
rencontra  quatre  Ténias  inermes  dans  l'intestin  d'un  individu 
dont  il  fit  l'autopsie  à  l'hôpital  de  Netley. 

A.  Laboulbène,  Le  Ténia  observé  dans  Vintestin.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des 
hôpitaux  (2),  XVII,  p.  148,  1880. 

Dans  l'immense  majorité  des  cas,  le  Ténia  est  évacué  par  l'anus  : 
il  peut  exceptionnellement  être  rendu  par  le  vomissement.  La  pre- 
mière observation  de  ce  genre  est  due  à  J.  Rodriguez  (Amatus  Lusi- 
tamis)  :  une  femme  rendit  par  la  bouche,  après  une  quinte  de  toux, 
un  Ver  dont  la  description  se  rapporte  au  Ténia.  Schenck,  en  1644,  a 
vu  une  femme  vomir  un  Ténia  rassemblé  en  boule  et  long  de  3  au- 
nes ;  Vallisneri  dit  d'une  femme  juive  qu'elle  rendait  des  fragments 
de  Ténia  par  la  bouche  ;  van  Dœveren  rapporte  l'histoire  d'un  paysan 
auquel  on  avait  administré  l'émétique  et  qui  vomit  un  Ténia;  White 
vit,  en  1797,  un  homme  de  trente-six  ans  vomir  un  Ténia  long  de 
18  aunes  ;  Lavalette  (de  Meaux)  parle  d'une  femme  de  trente  ans  qui 
rendait  des  cucurbitins  par  la  bouche;  Rebsaamen,  en  1836,  a  vu, 
dans  ie  canton  de  Zurich,  une  femme  vomir  un  Ténia  ;  Weishaar  a 
\u  une  phlhisique,  peu  de  temps  avant  sa  mort,  vomir  un  Ténia 
complet;  Schneider,  de  Fulda,  a  encore  observé  le  même  fait  chez 
une  femme.  Seeger  ajoute  à  cette  liste  deux  cas  nouveaux  :  l'un  est 
relatif  à  une  femme  de  trente-deux  ans,  chez  laquelle  le  parasite 
avait  déterminé  de  très  graves  accidents  épileptiformes;  l'autre  se 
rapporte  à  une  petite  fille  d'un  an  et  demi,  qui  rendit  par  le  vomis- 
sement deux  jeunes  Ténias  armés.  Plus  récemment,  Bérenger-Féraud 
a  rapporté  l'observation  d'un  soldat  d'infanterie  de  marine  qui  vomit 
un  fragment  de  Ténia  de  2  mètres,  et  Hitch  a  vu,  au  Poplar  and  Step- 
ney  Sick  Asylum,  une  femme  de  soixante-dix-neuf  ans  évacuer  par  la 
bouche  un  Tœnia  saginata  muni  de  sa  tête  et  long  de  28  pieds.  Labbé 
a  observé  un  fait  analogue  chez  le  Chien. 

On  connaît  enfin  des  cas,  d'ailleurs  fort  rares,  où  des  Ténias  erra- 
tiques sont  sortis  par  une  lésion  de  l'intestin.  Davaine  fait  remarquer 
avec  raison  que  le  Ver  n'est  pour  rien  dans  la  production  de  la  lé- 
sion qui  lui  donne  issue;  sa  tête,  qu'il  enfonce  dans  la  membrane 
muqueuse  de  l'intestin,  ne  détermine  aucune  inflammation,  aucun 
changement  appréciable  dans  cette  membrane  et  ne  peut  en  causer 
la  perforation.  Bellacatus,  Darbon,  Law  et  Burdach  ont  vu  des  Té- 
nias sortir  par  le  canal  de  l'urèthre,  les  deux  premiers   chez  des 


T^NIA  SAGINATA.  369 

hommes,  les  deux  derniers  chez  des  femmes  ;  le  parasite  avait  sans 
doute  pénétré  dans  la  vessie  par  le  moyen  d'une  ulcération  faisant 
communiquer  celle-ci  avec  le  rectum;  une  observation  du  môme 
genre  rapportée  par  Jobert  (de  Guyonvelle)  est  douteuse.  Hildesius 
a  vu  sortir  un  Cestode  par  un  abcès  inguinal  ;  Rosenstein,  Spôring, 
Moulenq  ont  vu  des  Ténias  sortir  par  une  fistule  inguinale;  von  Sie- 
bold  en  vit  un  autre  apparaître  au  dehors  par  un  abcès  ombilical. 
Enfin,  Bellom  rapporte  l'observation,  faite  sur  un  nègre  du  Sénégal, 
d'un  Ténia  ayant  passé  presque  entièrement  dans  la  cavité  péritonéale 
par  une  ulcération  étroite  et  sinueuse  faisant  communiquer  cette 
dernière  avec  le  jéjunum. 

Ed.  Labbé.  Bull,  de  la  Soc.  mcd.  des  hôpitaux  (2),  XVII,  p.  200,  1880. 
F.  Hitch,  Case  of  tapeworm  passed  by  the  moutk.  British  med.  journal,  II, 
p.  789,  1882. 

Les  Ténias  sont  appelés  vulgairement  Vers  solitaires,  en 
raison  de  la  croyance  que  l'intestin  ne  peut  jamais  renfermer 
qu'un  seul  de  ces  parasites.  En  effet,  le  Ténia  est  le  plus 
souvent  unique;  on  a  pu  pourtant,  dans  bien  des  cas,  en 
observer  un  plus  ou  moins  grand  nombre  chez  la  même 
personne.  Bremser,  délie  Ghiaje,  Seeger,  Kiichenmeister, 
Gobbold,  Laboulbène,  H.  Roger,  C.  Paul,  Laveran,  Hamon- 
Dufougeray  en  ont  vu  évacuer  2  à  la  fois  ;  la  plupart  des  mêmes 
observateurs,  puis  Dozy,  Martin-Solon,  Brasseur,  Bérenger- 
Féraud  et  Féréol  en  ont  vu  expulser  3;  Rudolphi,  Kiichen- 
meister, Welch,  Vidal,  Palm,  Krabbe,  Friis,  Bérenger- 
Féraud  et  Hamon-Dufougeray  4;  Werlhove,  Pruner,  Bilharz, 
Kiichenmeister,  Donnadieu  (cité  par  Vaillant)  et  Elben  5;  Weis- 
haar,  Seeger  et  Barth  6;  Pfaff,  Louis  et  Arm.  Moreau  7; 
Salathé,  Kiichenmeister,  Bilharz  et  Krabbe  8;  Mongeal  et  Bé- 
renger-Féraud  12  ;  Mayer  13,  Escallier  et  Zenker  14,  Kubyss  15, 
Leprieurl6,  Leuckart  17,  Gérard  Nitert  (cité  par  de  Haen)  18, 
Werner  21,  Laveran  23,  Kubyss  25,  Richard  27,  le  professeur 
Heller  (de  Kiel)  28,  Mmc  Heller  (de  Hambourg)  30,  Kiichen- 
meister 33,  Kleefeld41  et  Laker  59. 

Dans  ce  dernier  cas,  il  s'agissait  de  jeunes  Taenia  solium, 
encore  dépourvus  d'organes  génitaux  et  longs  seulement  de 
quelques  centimètres;  il  en  était  probablement  de  même  dans 
l'observation  précédente. 

Pour  la  plupart  de  ces  observations,  surtout  pour  les  plus 

Blanchard.  —  Zool.  m6d.  24 


370  OBDRE  DES  CESTODES. 

anciennes,  on  ne  saurait  dire  à  quel  Ténia  on  avait  affaire. 
Cette  détermination  n'aurait  du  reste  pas  grande  importance, 
car  Tœnia  solium  et  T.  saginata  semblent  à  cet  égard  se  com- 
porter de  la  même  manière  :  par  exemple,  Richard  a  vu  27 
T.  saginata  et  Heller  28  T.  solium  chez  le  même  malade. 

Les  observations  qui  précèdent  nous  montrent  la  pluralité 
possible  des  Ténias  chez  un  même  individu,  mais  il  ne  faut 
pas  perdre  de  vue  que  ce  fait  est  exceptionnel,  surtout  lorsqu'il 
s'agit  de  chiffres  élevés.  Aussi  convient-il  de  ne  mentionner 
qu'avec  réserve  le  cas  rapporté  par  Lister,  qui  aurait  trouvé 
100  Ténias  dans  un  duodénum  très  dilaté. 

Dans  les  cas  de  pluralité  des  Gestodes  chez  un  même  indi- 
vidu, on  peut  rencontrer  parfois  des  Vers  d'espèce  différente. 
Le  professeur  Heller,  de  Kiel,  a  vu  chez  un  boucher  Tœnia 
saginata  en  même  temps  que  T.  solium.  Des  observations 
toutes  semblables  ont  été  faites  par  Millier  et  par  Werner. 
D'autre  part,  Gréplin  a  trouvé  un  Ténia  d'espèce  indéterminée 
en  même  temps  qu'un  Bothriocéphale,  et  Boéchat  a  vu  un 
malade  expulser  à  la  fois  un  Ténia  inerme  long  de  5  mètres  et 
un  Bothriocéphale  long  de  16  mètres  ;  Davaine  rapporte  égale- 
ment quelques  cas  analogues. 

L.  Vaillant,  Remarques  à  V occasion  d'une  observation  de  Tœnia  multiple 
chez  l'Homme.  Comptes  rendus  de  la  Société  de  biologie  (5),  II,  p.  50,  1870. 

P.  Boéchat,  Sur  un  cas  de  Vers  intestinaux  chez  l'Homme.  Gazette  médi- 
cale, p.  581,  1874. 

Millier,  Slatistik  der  menschlichcn  Enlozoen.  Itiaug.  diss.  Erlangen,  1874. 

E.  Richard,  Vingt-sept  Té?iias  inermes  chez  le  même  individu.  Bulletin 
de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  XVJII,  p.  :j25»  1881. 

C.  Laker,  Ueber  multiples  Vorkommen  von  Tœnia  solium  beim  Menschen. 
Deutschus  Archiv  fur  klin.  Medicin,  XXXVII,  p.  487,  1885. 

T.  A.  Palm,  A  case  in  which  four  tapeworms  coexisted  in  one  perso?i.  The 
Lancet,  II,  p.  991,  1885. 

T.  Sp.  Cobbold,  Four  tapeworms  at  once.  Ibidem,  p.  100). 

A.  Laveran,  Vingt-trois  Ténias  expulsés  le  même  jour  par  un  officier.  Obser- 
vation et  réflexions.  Arch.  de  méd.  et  pharra.  militaires,  V,  p.  173,  1885. 

Werner,  Tœnia  saginata  und  Tœnia  solium.  M^d.  Korrespondcnzblatt  des 
wûrttemb.  arztl.  Landesvereins,  p.  221,  1885. 

C'est  surtout  chez  des  adultes  que  s'observe  le  Ténia,  mais 
on  le  rencontre  aussi  assez  souvent  chez  des  enfants  et  chez 
des  vieillards.  11  est  particulièrement  digne  d'intérêt  de  cons- 
tater sa  présence  chez  des  enfants  nouveau-nés  ou  chez  des 
enfants  qui  ne  mangent  pas  encore  de  viande  et  qui,  par  con- 


TyfiNIA  SÀG1NATA.  371 

séquent,  semblent  devoir  échapper  aux  causes  habituelles 
d'infestation.  En  1830,  Millier  (de  Tubingen)  fit  rendre  à 
un  enfant  de  cinq  jours  un  Ténia  long  d'un  pied  et  demi. 
En  1871,  Armor  vit  au  Long  Island  Hospital,  à  Brooklyn, 
N.-Y.,  un  enfant  de  trois  jours  rendre  par  l'anus  des  an- 
neaux mûrs  de  Ténia.  Il  n'est  pas  possible  de  révoquer  en 
doute  ce»  observations,  surtout  la  dernière,  qui  a  été  rele- 
vée au  jour  le  jour  pendant  un  mois  et  demi  et  qui  présente 
toutes  les  garanties  de  sincérité  désirables.  Les  faits  auxquels 
elles  se  rapportent  n'en  sont  pas  moins  paradoxaux  et  diffi- 
cilement explicables  dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances 
quant  au  développement  et  au  mode  de  propagation  des 
Ténias. 

Il  est  plus  aisé  de  comprendre  la  présence  de  Ténias  chez 
des  enfants  âgés  de  quelques  mois,  encore  que  ce  soit  là  un 
rare  phénomène.  Kennedy  parle  d'un  enfant  de  5  mois, 
en  parfaite  santé  et  nourri  au  biberon,  qui  expulsa  spontané- 
ment un  Ténia  de  petite  taille.  Hufeland  a  vu  un  Ténia  rendu 
par  un  enfant  de  6  mois.  Weishaar  a  observé  à  peu  près  500  cas 
de  Ténia,  dont  deux  se  rapportaient  à  des  enfants  de  G  mois. 
Wolfius  a  vu  un  Ténia  chez  un  enfant  de  8  mois  ;  Betz,  Laroche, 
Legendre,  Fleischmann,  chez  des  enfants  de  10  mois  ;  Spire, 
chez  un  enfant  de  13  mois  ;  Legendre  et  Gobbold,  chez  des  en- 
fants de  14  et  15  mois. 

Pendant  une  période  de  sept  années,  de  novembre  1867  à 
décembre  1871,  Roger  n'a  observé  que  10  cas  de  Ténia  à  la 
clinique  de  l'hôpital  des  Enfants  :  le  parasite  est  donc  rare  à 
Paris  pendant  l'enfance.  Il  en  serait  tout  autrement  à  Vienne, 
d'après  Monti.  Cet  observateur  rapporte  l'histoire  de  159  cas 
de  Ténia  observés  par  lui,  pendant  une  période  de  dix  ans, 
de  1872  à  1881,  dans  la  première  division  d'enfants  de  la 
policlinique  générale  de  Vienne;  il  rapporte  également, 
d'après  les  documents  que.  lui  a  transmis  Fiirth,  l'histoire  de 
81  cas  observés  dans  la  deuxième  division  de  la  même  policli- 
nique, pendant  la  môme  période.  Il  arrive  ainsi  à  un  total  de 
240  caSj  qui  se  reparaissaient  comme  le  montre  le  tableau  suN 
vant  : 


372  ORDRE  DES  CESTODES. 

Première         Deuxième 
division.  division. 

Au-dessous  de  3  mois 0  0 

De  3  à  6  mois... 3  0 

De  6  mois 0  3 

De  6  à  12  mois 2  0 

De  12  à  18  mois 5  0 

De  18  à  24  mois 18  1 

De  2  à  3  ans 36  13 

De  3  ans 0  17 

De  4  ans 12  9 

De  5  ans 18  12 

De  6  ans 9  3 

De  7  ans 18  5 

De  8  ans 9  5 

De  9  ans 4 

De  10  ans G  2 

De  11  ans 3  l 

De  12  ans  et  au  delà 16  4 

Totaux 159  "sT 

Le  Ténia  est  donc  rare  chez  les  nourrissons.  Il  est  surtout 
fréquent  dans  la  première  enfance,  d'un  à  trois  ans,  c'est-à-dire 
au  moment  où  on  commence  à  nourrir  les  enfants  avec  de  la 
viande  :  ce  fait  contredit  l'opinion  de  Lebert  et  de  Bouchut, 
qui  croyaient  ce  parasite  plus  abondant  dans  la  seconde  en- 
fance. Quant  à  sa  fréquence  comparée  chez  l'enfant  et  chez 
l'adulte,  Monti  dit  que,  pendant  la  période  décennale  qui  a 
fait  l'objet  de  ses  recherches,  18  pour  1000  des  enfants. venus 
à  la  policlinique  souffraient  du  Ténia;  pendant  cette  même 
période,  la  proportion  n'était  que  de  10  pour  1000  chez  les 
adultes.  Il  en  conclut  que  le  Ténia  est  plus  rare  à  l'âge  adulte 
que  dans  l'enfance.  Cette  conclusion,  à  laquelle  Monti  se 
trouve  amené  par  les  chiffres  mêmes  qu'il  a  publiés,  ne  nous 
semble  pas  exacte:  si  on  vient  volontiers  consulter  le  médecin 
pour  un  enfant,  dont  le  moindre  malaise  cause  toujours  de 
vives  inquiétudes,  il  ne  faut  pas  oublier  que  l'adulte,  qu'in- 
commode rarement  son  Ténia,  se  contente  le  plus  souvent 
de  demander  au  pharmacien  un  remède  propre  à  l'en  débar- 
rasser. 

Les  faits  suivants  démontrent  du  reste  que  le  Ténia  se  con- 
tracte le  plus  habituellement  à  l'époque  moyenne  de  la  vie. 
Wawruch,  qui  a  étudié  173  cas,  dit  que  l'époque  de  la  plus 
grande  fréquence  du  parasite  est  comprise  entre  15  et  40  ans. 
Pour  Mérat,  elle  serait  un  peu  plus  courte  et  irait  seulement 


Txnia 

Txnia 

saginata 

solium. 

0 

0 

G 

7 

0 

5 

3G 

14 

24 

11 

13 

4 

G 

2 

3 

0 

T/ENIA  SAGINATA.  373 

1e  20  à  30  ans.  C'est  également  à  ce  résultat  qu'arrive  Krabbe, 
par  l'étude  de  94  cas  de  Txnia  saginata  et  de  43  cas  de  T.  solium; 
ces  cas  se  répartissaient  ainsi  : 


Au-dessous  diî  1  an 

Do  1  an  à  10  ans. 

De  10  à  20  ans 

De  20  à  30  ans 

De  30  à  40  ans 

De  40  à  50  ans 

De  50  à  GO  ans 

De  GO  à  70  ans 

Totaux ÔT  43* 

Les  individus  les  plus  âgés  chez  lesquels  Krabbe  et  Friis  aient 
observé  des  Ténias  avaient  63  et  55  ans.  On  a  encore  rencon- 
tré ces  parasites  chez  des  vieillards  plus  avancés  en  âge  :  Lom- 
bard en  a  trouvé  chez  un  centenaire;  Duhaume  en  a  vu  deux 
chez  une  femme  de  80  ans  ;  de  Thomas  en  a  observé  un  autre 
chez  une  femme  de  8G  ans. 

Hufeland,  Ein  Bandwurm  in  einem  halbjàhrigen  Kinde.  Journal  der  prac- 
tischen  Heilkunde,  XVIII,  n°  1,  p.  111,  1804. 

Paasch,  Piidiatrische  M'UUieilungen.  —  III.  Tœni'i  sdium  bei  einem  21  Mo- 
nate  alten  Kinde.  Journal  fiir  Kinderkrankheiten,  XXX,  p.  207,  1858. 

H.  Krabbe,  Beretning  om  100  Tilfulde  of  Bândeiorm  hos  Mennesket, 
iagttagne  lier  i  Landet,  meddeelt  paa  Prof.  A.  Hannovers  og  egn°.  Vegne. 
Ugerskrift  for  Lâger  (3),  VII,  1 809.  —  ld.,  Om  Forekomsten  af  Bîindeloi  me 
hos  Mennesket  i  Danmark.  Nordiskt  med.  Arkiv,  XII,  n°  23,  1880. 

S.  G.  Armor,  A  fully  matured  Tœnia  solium  expulsed  from  a  chi/d  five  days 
old.  New  York  med.  journal,  XIV,  p.  618,  1871. 

H.  Kennedy,  Tapeworm.  Dublin  journal  of  med.  science,  LXII,  p.  245, 
1876. 

H.  Roger,  Du  Ténia  chez  les  enfanta;  du  Ténia  inerme  produit  par  le  régime 
de  la  viande  crue.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux  (2),  XIII,  p.  38,  1876. 

Monti,  Erfahrungen  ùber  Tœnia  im  Kindesalter.  Archiv  fiir  Kinderheil- 
kunde,  IV,  p.  175,1882. 

L.  Deligny,  Des  Vers  iîitestinaux  chez  les  enfants.  Annales  de  la  Soc.  de 
méd.  d'Anvers,  XLV,  p.  213,  1884. 

Friis,  50  Tilfulde  af  Biindelorme  hos  Mennesket.  Nordiskt  med.  Arkiv,  XVI, 
1884. 

Il  est  difficile  d'admettre  que  le  sexe  puisse  constituer  une 
prédisposition  à  contracter  le  Ténia.  Il  est  pourtant  à  remar- 
quer que  la  plupart  des  observateurs  ont  constaté  la  plus 
grande  fréquence  du  parasite  chez  la  femme  :  Bremser,  AYeis- 
haar,  etc.,  sont  de  cet  avis.  Parmi  les  173  malades  de  Wawruch 


374  OIIDRE  DES  CESTODES. 

se  trouvaient  117  femmes  et  seulement  56  hommes.  Crisp  a 
rapporté  247  cas,  dont  loi  chez  des  femmes.  Seeger  arrive  à 
des  chiffres  très  analogues  :  10  hommes  contre  16  femmes. 

Parmi  les  240  enfants  dont  Monti  rapporte  l'histoire,  se  trou- 
vaient 111  garçons  et  129  filles.  Parmi  les  10  enfants  observés 
par  Roger  se  trouvaient  3  garçons  et  7  filles. 

Pour  97  cas  de  Tœnia  saginata,  Krabbe  comptait  31  hom- 
mes et  66  femmes  ;  pour  49  cas  de  T.  soiium,  13  hommes  et 
36  femmes. 

En  regard  de  ces  observations,  nous  devons  placer  celles  de 
Theurer  (de  Leonberg),  qui  prétend  au  contraire  que,  parmi 
les  malades  atteints  de  Ténia,  les  trois  quarts  sont  des  hom- 
mes; de  son  côté,  Mérat  dit  qu'il  n'y  a  pas  de  différences 
appréciables  entre  les  deux  sexes. 

Si  le  sexe  semble  être  sans  influence,  il  n'en  est  plus  de 
même  pour  la  profession:  les  relations  de  celle-ci  avec  le  dé- 
veloppement du  Ténia  sont  des  plus  manifestes.  En  1804, 
Forlassin  remarquait  déjà  «  que  ceux  qui  sont  occupés  à  des 
préparations  de  matières  animales  fraîches  ont  plus  souvent  le 
Ténia  que  ceux  qui  ont  une  autre  profession.  »  En  1825,  Des- 
landes faisait  des  observations  du  même  genre,  à  propos  d'une 
femme  atteinte  du  Ténia  :  «  Je  consignerai  ici,  dit-il,  une 
remarque  trop  singulière  pour  que  je  l'omette.  Mme  Saint- 
Aubin  était  charcutière;  le  mari  de  cette  dame  a  rendu,  à  di- 
verses époques,  de  longues  portions  de  Ténia  ;  le  sujet  d'une 

autre  observation était    aussi  charcutier.  Ces  personnes 

connaissent  et  m'ont  cité  un  certain  nombre  d'individus  de  la 
même  profession  qui  sont  affectés  du  Ténia;  on  m'en  a,  d'au- 
tre part,  désigné  plusieurs  autres.  » 

Wawruch  pensait,  avec  d'autres  médecins  de  son  époque, 
que  l'usage  habituel  de  la  viande,  particulièrement  du  Porc 
fumé  et  des  saucissons  préparés  avec  de  la  viande  crue,  pré- 
disposait au  Ténia:  parmi  les  173  malades  observés  par  lui  à 
Vienne,  se  trouvaient  39  cuisinières,  26  servantes,  13  restaura- 
teurs, garçons  et  bouchers.  Merk  (de  liavensburg)  notait  égale- 
ment la  fréquence  du  Ténia  chez  les  charcutiers;  en  Bavière, 
Jan  en  observait  6  cas,  dont  quatre  chez  des  restaurateurs  ;  en 
Angleterre,  Mason  Good  était  frappé  de  sa  fréquence  chez  les 
bouchers.  Enfin,  Seeger  constatait  que  presque  tous  les  bon- 


T.ENIA  SAGINATA.  375 

chers  et  brasseurs  de  sa  contrée  avaient  le  Ténia:  il  ne  con- 
naissait qu'un  seul  boucher  qui  ne  l'eût  point. 

Maintenant  que  les  migrations  des  Ténias  nous  sont  connues, 
la  plus  grande  fréquence  de  ces  parasites  chez  «  ceux  qui  sont 
occupés  à  des  préparations  de  matières  animales  fraîches  » 
ne  saurait  nous  surprendre.  Mais,  avant  de  savoir  que  le  Ténia 
inerme  était  transmis  à  l'Homme  par  la  viande  de  Bœuf,  on 
avait  remarqué  déjà  que  la  présence  de  ce  Ver  était  en  rela- 
tions avec  l'usage  de  la  viande  de  Bœuf  crue.  En  1819,  Knox 
mentionnait  une  véritable  épidémie  de  Ténias  chez  les  soldats 
anglais  de  la  colonie  du  Cap  qui  combattaient  les  Cafres  et 
qui,  pour  la  plupart,  étaient  nourris  de  Bœufs  non  sains  et  sur- 
menés. En  1861,  Karschin  mentionnait  que  les  Burètes,  qui 
se  nourrissent  de  viande  crue  de  Bœuf,  de  Mouton,  de  Cha- 
meau et  de  Cheval,  étaient  très  souvent  atteints  de  Ténias. 
En  1841.  Weisse,  de  Saint-Pétersbourg,  proposait  la  viande  de 
Bœuf  crue  pour  combattre  la  diarrhée  des  enfants  sevrés:  ce 
traitement  donnait  d'excellents  résultats,  mais  il  avait  l'incon- 
vénient de  provoquer  l'apparition  du  Ténia  chez  les  petits  ma- 
lades, ainsi  que  Weisse  lui-même  ne  tardait  pas  aie  constater. 

L'usage  de  la  viande  de  Bœuf  étant  presque  universel,  le 
Ténia  inerme  est  lui-même  cosmopolite.  Le  court  historique 
par  lequel  débute  ce  long  chapitre  met  hors  de  doute  que 
l'espèce  qui  nous  occupe  était  déjà  très  répandue  en  Europe 
avant  que  Goze  et  Kûchenmeister  l'aient  distinguée  de  Taenia 
solium,  mais  ce  dernier  était  lui-même  fort  commun.  Aujour- 
d'hui ,  il  n'en  est  plus  ainsi  et  on  a  pu  observer,  dans  ces 
dernières  années,  une  propagation  extrême  de  T.  soginata,  en 
même  temps  qu'une  diminution  de  T.  solium.  Ce  phénomène 
remarquable  reconnaît  plusieurs  causes  :  la  plus  grande  fré- 
quence de  T.  soginata  tient  à  l'usage  de  plus  en  plus  répandu 
de  la  viande  crue  ou  saignante,  et  aussi  h  ce  que,  dans  les 
abattoirs  ou  sur  les  marchés,  la  viande  de  Bœuf  n'est  sou- 
mise qu'à  un  contrôle  illusoire  ;  son  Cysticerque,  nous  le 
savons,  est  d'ailleurs  de  petites  dimensions  et  assez  difficilement 
visible.  Il  résulte  delà  une  rareté  relative  de  T.  solium.  La  ra- 
reté de  ce  Ver  est  également  absolue,  en  raison  du  contrôle 
sévère  dont  la  viande  de  Porc  est  l'objet. 

Sans  insister  outre  mesure  sur  ce  point,  nous  emprunterons 


376 


ORDRE  DES  CESTODES. 


à  la  thèse  de  Hamon-Dufougeray  un  tableau  résumant  les  cas 
de  Ténia  observés  dans  les  hôpitaux  maritimes  de  Saint-Man- 
drier,  Cherbourg  et  Lorient  de  1860  à  1883.  Ce  tableau  est 
intéressant,  en  ce  qu'il  montre  d'une  façon  frappante  la  mar- 
che envahissante  du  Ténia  inerme.  C'est  à  cette  espèce  en  effet- 
qu'appartiendraient  tous  les  Ténias  observés  pendant  la  pé- 
riode en  question,  à  supposer  qu'il  n'y  ait  pas  eu  la  moindre 
erreur  de  détermination  spécifique  ;  à  Lorient  seulement,  on 
aurait  observé  un  Ténia  armé. 


Saint- 

Saint- 

Mundrier. 

Cherbourg. 

Lorient. 

Maodrier. 

Cherbourg, 

Lorient 

1860.... 

0 

0 

0 

Report.. 

80 

45 

9 

1861.... 

1 

1 

0 

1873.... 

20 

36 

10 

1862. . . . 

0 

1 

1 

1874.... 

41 

35 

9 

1863.... 

1 

2 

0 

1875.    .. 

36 

27 

4 

1864.... 

6 

0 

0 

1876.... 

71 

42 

6 

1865.... 

4 

0 

0 

1877.... 

52 

41 

7 

1866.... 

5 

5 

0 

1878.... 

123 

36 

17 

1867.... 

7 

2 

1 

1879.... 

165 

21 

22 

1868.... 

8 

6 

0 

1880.... 

113 

35 

27 

1869.... 

6 

1 

1 

1881 

84 

61 

27 

1870.... 

9 

3 

1 

1882.... 

lit 

54 

9 

1871.... 

15 

10 

3 

1883.... 

149 

95 

15 

1872.... 

18 

14 

2 

Totaux. . 

1U48 

528 

162 

A  reporter. 

80 

45 

9 

Le  tableau  qui  précède  résume  tous  les  cas  de  Ténia  obser- 
vés chez  la  population  des  hôpitaux  maritimes:  c'est  dire  qu'il 
ne  se  rapporte  point  exclusivement  à  des  Ténias  contractés  en 
France.  Tel  qu'il  est,  il  démontre  néanmoins  la  fréquence  de 
plus  en  plus  grande  du  parasite.  Quant  aux  cas  de  Ténia 
inerme  contractés  en  France,  il  est  certain  qu'ils  deviennent 
eux-mêmes  de  plus  en  plus  abondants  :  tous  les  observateurs 
sont  d'accord  sur  ce  point.  En  1862,  van  Peteghen  signalait  à 
Lille  une  recrudescence  considérable  dans  les  cas  de  Ténia 
inerme  et,  en  1 869,  J.-B.  Jobert  faisait  à  Strasbourg  une  remarque 
analogue.  A  l'hôpital  Necker,  à  Paris,  le  professeur  Laboulbène 
observait  déjà,  en  1875,  de  15  à  20  Taenia  saginata  pour  1  T.  s<>- 
lium,  alors  que,  les  années  précédentes,  ou  bien  il  y  avait 
égalité  entre  les  deux  espèces  ou  bien  la  dernière  l'emportait 
sur  l'autre.  En  1877,  Jolicœur  constatait  également,  à  Reims, 
une  plus  grande  fréquence  du  Ténia,  cette  fréquence  étant  le 
fait  du  Ténia  inerme. 


•LENIA  SAGINATA.  377 

On  a  voulu  expliquer  ces  faits  par  l'importation  croissante 
de  Bœufs  algériens,  chez  lesquels  le  Gysticerque  du  Ténia 
inerme  est  loin  d'être  rare;  on  a  même  voulu  circonscrire  la 
zone  de  France  dans  laquelle  ces  Bœufs  africains  étaient  in- 
troduits et  où,  par  conséquent,  le  Ténia  inerme  devrait  être 
surtout  abondant,  par  un  triangle  dont  la  base  correspondrait 
à  la  côte  méditerranéenne  et  dont  Paris  serait  le  sommet.  Ce 
sont  là  sans  doute  des  opinions  fort  vraisemblables,  mais  il  ne 
faudrait  pas  croire  que  le  Bœuf  français  n'héberge  point  de 
Cysticerques  ou  que  le  Ténia  inerme  ne  s'observe  point  en 
dehors  de  la  zone  dont  nous  venons  d'indiquer  les  limites. 

En  Allemagne  et  en  Autriche,  les  anciennes  observations  de 
Bremser,  de  Rudolphi,  de  AYawruch,  de  Weishaar,  de  Seeger, 
nous  montrent  que  Tœnia  solium  était  surtout  abondant  dans 
le  nord,  tandis  que  T.  saginata  s'observait  dans  le  sud.  Dans 
la  première  édition  de  son  ouvrage,  Leuckart  disait  encore  que 
cette  dernière  espèce  ne  se  rencontrait  qu'exceptionnellement 
dans  les  parties  septentrionales  de  l'Allemagne.  Aujourd'hui, 
elle  a  pris  une  grande  extension  et  tend  à  prédominer.  En  1874, 
Fritsch  et  Robinski  constataient  déjà  qu'elle  était  à  peu  près 
aussi  fréquente  à  Berlin  que  T.  solium.  Dans  le  Holstein,  on 
trouve  en  moyenne  4  T.  saginata  pour  1  T.  solium. 

En  Suisse,  le  Ténia  inerme  se  propage  également.  A  l'heure 
actuelle,  il  est  bien  plus  fréquent  que  le  Bothriocéphale,  même 
dans  les  villes  où  celui-ci  prédominait.  Zàslein  dit  qu'à  Baie, 
en  1881,  on  ne  rencontrait  que  T.  saginata  et  son  abondance 
était  telle  que  7,2  pour  1000  habitants  en  étaient  atteints.  La 
fréquence  relative  des  deux  espèces  de  Ténia  était  d'ailleurs  la 
suivante  : 

A  Bâle 102  7.  saginata  pour   10  T.  solium. 

A  Zurich 61  —  7  — 

A  Saint-Gall.       17  —  — 

En  Italie,  on  constate  aussi  la  propagation  du  Ténia  inerme. 
En  moyenne,  on  trouve  34  T.  saginata  pour  un  1  T.  solium.  Pour 
l'Espagne  et  le  Portugal,  les  documents  précis  font  défaut, 
mais  si  on  veut  bien  se  rappeler  que  Gomez,  en  1822,  observait 
à  Lisbonne  à  peu  près  exclusivement  le  Ténia  inerme,  il  sera 
permis  de  penser  que  cette  espèce  est  encore  actuellement  très 


378  ORDRE  DES  CESTODES. 

répandue  dans  la  péninsule  ibérique.  En  Angleterre,  d'après 
Bateman,  1  malade  sur  500  souffre  du  Ténia,  et  celui-ci  n'est 
autre  que7\  saginata,  comme  le  prouvent  les  100  observations 
publiées  par  Gobbold. 

Les  statistiques  publiées  par  Krabbe  nous  montrent  de  la 
manière  la  plus  frappante  la  propagation  du  Ténia  inerme  en 
Danemark,  en  même  temps  que  la  rareté  plus  grande  du  Ténia 
armé.  Avant  4869,  ce  savant  helminthologiste  observait  37  cas 
de  T.  saginata  et  53  cas  de  T.  solium  ;  de  1869  à  1880,  il  obser- 
vait au  contraire  67  cas  de  T.  saginata  et  19  cas  de  T.  solium. 
De  1862  à  4883,  Friis  relevait  à  Tônder  42  cas  de  T.  saginata 
et  seulement  6  cas  de  T.  solium. 

Le  Ténia  inerme  est  également  très  répandu  en  Asie  et  dans 
les  régions  voisines.  Pendant  une  station  du  croiseur  le  Du- 
couèdic  à  Beyrouth,  Talairach  a  vu  le  parasite  sur  19  des  152  hom- 
mes d'équipage  ;  la  plupart  des  malades  avaient  plusieurs  Vers 
à  la  fois.  Bonnet,  Bérenger-Féraud  et  d'autres  médecins  de  la  ma- 
rine ont  remarqué  l'extraordinaire  fréquence  du  Ténia  inerme 
chez  les  marins  qui  revenaient  du  Levant  et  de  Gochinchine(l); 
dans  ce  dernier  pays,  Gandé  nous  a  fait  connaître  également  son 
abondance,  et  Ghallan  de  Belval  a  noté  le  même  fait  pour  le  Ton- 
kin.  Bàlz  dit  encore  que  ce  parasite  est  le  Cestode  le  plus  répandu 
au  Japon.  On  se  rappelle  que,  pendant  un  séjour  de  quinze  ans 
à  Java,  Schmidtmiiller  a  observé  148  Ténias,  qui  tous  étaient  iner- 
mes.  A  partie  Bothriocéphale,  dont  la  fréquence  est  extrême, 
le  Ver  qui  nous  occupe  est  encore  le  seul  Gestode  qu'ait  re- 
cueilli Fedchenko,  au  cours  de  son  exploration  scientifique  du 
Turkestan.  Il  est  enfin  le  seul  Ténia  que  l'on  observe  en  Perse 
et  aux  Indes:  dans  certaines  régions  de  ces  dernières,  il  est  si 
commun  qu'un  soldat  sur  trois  en  est  atteint,  exception  faite 
des  régiments  indigènes  qui  ne  se  nourrissent  que  de  végétaux. 
Ceci  nous  amène  à  faire  remarquer  que,  de  T.  solium  et  de 
T.  saginata,  le  dernier  doit  seul  s'observer  chez  les  musulmans, 
les  israélites,  les  bouddhistes  et  en  général  chez  tous  ceux  qui, 
par  mesure  d'hygiène  ou  par  prescription  religieuse,  ne  con- 
somment point  de  viande  de  Porc. 

(1)  Bérenger-Féraud  dit  que  77  pour  100  des  malades  traités  pour  le  Ténia 
à  L'hôpital  Saint-Mandrier,  depuis  1870  jusqu'en  1879,  revenaient  de  Cochin- 
chine. 


T.ENIA  SAGINATA.  379 

L'Afrique  n'échappe  point  à  cet  envahissement:  peut-être 
môme  n'est-il  point  de  pays  où  le  Ténia  inerme  soit  plus  ré- 
pandu. En  Abyssinie,  l'habitude  de  manger  le  bi-ondo,  brindo 
ou  broadou,  fait  de  viande  de  Bœuf  crue  et  hachée,  a  pour 
conséquence  la  présence  du  Ténia  chez  tous  les  habitants.  Le 
fait  a  été  signalé  tout  d'abord  par  Bruce.  «  Les  Abyssiniens  des 
deux  sexes  et  de  tout  âge,  dit-il,  sont  affligés  d'une  maladie 
terrible,  qu'ils  s'habituent  à  supporter  avec  une  sorte  d'in- 
différence. Chaque  individu  rend,  au  moins  une  fois  par  mois, 
une  grande  quantité  de  Vers.  »  Primer,  Ferret  et  Galinier, 
H.  Blanc,  etc.,  disent  également  que  personne  en  Abyssinie 
n'est  épargné  par  ie  Ténia,  pas  même  les  Européens,  s'ils 
adoptent  le  genre  de  vie  des  indigènes.  «  Tous  les  Abyssins, 
sans  exception,  dit  Rochet  d'Héricourt,  sont  affectés  du  Tamia... 
Heureusement  la  nature  a  placé  le  remède  à  côté  du  mal.  Dès 
l'âge  de  quatre  ans  les  enfants  commencent  à  prendre  la  fleur 
du  Cousso  qui  a  la  propriété  d'extirper  le  Ver  solitaire...  On 
évacue  le  Ver  sous  forme  de  boule,  mais  très  rarement  avec  la 
tète  :  celle-ci  demeure  presque  toujours  dans  le  corps  de  l'in- 
dividu... On  fait  usage  de  ce  remède  de  deux  mois  en  deux 
mois.  » 

Taenia  saginata  est  encore  très  abondant  en  d'autres  régions 
du  continent  africain.  En  Egypte,  au  dire  de  Pruner,  presque 
tous  les  nègres  dont  on  fait  l'autopsie  en  renferment  plusieurs. 
Il  est  très  commun  au  Cap  et  au  Sénégal,  ainsi  que  dans  le 
Haut-Sénégal  et  dans  le  Haut-Niger,  d'après  des  renseignemenls 
que  nous  a  transmis  le  Dr  Bellamy;  ce  médecin  distingué  a 
constaté  souvent  l'existence  de  Cysticerques  dans  les  muscles 
du  Bœuf.  Dès  les  premiers  temps  de  l'occupation  de  l'Algérie, 
les  médecins  de  notre  armée  furent  frappés  de  l'extrême  fré- 
quence du  Ténia,  aussi  bien  chez  les  soldats  que  dans  la  po- 
pulation civile  ;  on  sait  maintenant  de  façon  certaine  que  la 
grande  majorité  de  ces  observations  se  rapportent  au  Ténia 
inerme.  Nous  ne  pouvons  insister  sur  ce  point,  pour  lequel  le 
lecteur  devra  se  reporter  à  de  nombreux  mémoires,  dont  nous 
indiquons  les  principaux  ;  nous  nous  bornerons  à  citer  quelques 
chiffres  à  l'appui  de  notre  assertion.  De  1866  à  187 i,  on  a 
observé,  à  l'hôpital  de  Constantine,  8L  cas  de  Ténia  chez  les  Euro- 
péens et  71  cas  chez  les  indigènes  :  sur  ce  nombre,  les  premiers 


380  ORDRE   DES  CESTODES. 

n'ont  présenté  que  3  Ténias  armés  et  les  derniers  un  seul. 
Ajoutons  encore  que  le  Dr  Bertherand  signale  la  fréquence  crois- 
sante du  Ténia  inerme  en  Algérie,  surtout  à  Bône  et  à  Oran, 
et  que,  d'après  Redon,  un  quart  des  soldats  en  colonne  dans  le 
Sud-Oranais  a  été  ou  est  porteur  du  Ténia. 

L'Amérique  n'est  pas  non  plus  épargnée  par  le  Ténia 
inerme.  Il  abonde  dans  la  République  argentine  et  au  Brésil, 
où  Gomez  l'avait  déjà  rencontré  ;  il  se  propage  au  Pérou  d'une 
façon  alarmante.  En  revanche  il  semble  être  très  rare  aux 
États-Unis.  Leidy  le  vit  pour  la  première  fois  en  1871,  puis  en 
observa  deux  nouveaux  cas  en  1878,  dont  l'un  chez  un  indi- 
vidu qui  avait  l'habitude  de  manger  de  la  viande  de  Buffle  crue. 

On  peut  résumer  tout  ce  qui  précède  en  disant  que  le  Ténia 
inerme  est  bien  plus  répandu  que  le  Ténia  armé  :  c'est,  à  pro- 
prement parler,  un  parasite  cosmopolite. 

Bruce,  Voyage  en  Nubie,  en  Abyssinie  pendant  les  années  17G8-1773.  Paris, 
1701.  —Voir  Mil,  p.  120. 

L.  Aubert,  Mémoire  sur  les  substances  anthelminthiques  usitées  en  Abyssi- 
ne. Mém.  de  l'Acad.  de  médecine,  IX,  p.  689,  1841. 

Ferret  et  Galinier,  Voyage  en  Abyssinie.  Paris,  1847.  —  Voir  II,  p.  109. 

Rochet  d'Héricourt,  Voyage  sur  la  côte  orientale  de  la  mer  Rouge,  dans  le 
pays  aVAdel  et  le  royaume  de  Choa.  Paris,  in-8°,  1841.  —Voir  p.  308. 

Boudin,  Notice  sur  Cendémicité  du  Ténia  en  Algérie.  Recueil  de  mém.  de 
méd.,  de  chir.  et  de  pharm.  militaires,  (2),  IV,  p.  204,  1848. 

A.  Judas,  Seconde  note  sur  la  fréquence  du  Ténia  en  Algérie.  Ibidem, 
p.  208. 

Miaîhes,  Observations  sur  trois  cas  de  Txnia,  recueillies  à  l'hôpital  militaire 
de  Cherchell.  Ibidem,  p.  212. 

A.  Judas,  Nouveaux  documents  sur  la  fréquence  du  Txnia  en  Algéne. 
Ibidem,  XIII,  p.  230,  1854. 

Frasseto,  Rapport  spécial  sur  divers  cas  de  Txnia  observés  à  l'hôpital  mili- 
taire de  Sidi-Bel-Abbès.  Ibidem,  p.  308. 

Tarneau,  Du  Ténia  eu  Algérie  et  de  son  endémicité  dans  la  ville  de  B  ône 
Thèse  de  Montpellier,  1860. 

J.-B.  Jobert,  Note  sur  l'étiologie  et  la  fréquence  duTcvnia  mediocanetlata. 
Thèse  de  Strasbourg,  18G9. 

I.  Leidy,  Remarks  on  Txnia  mediocanetlata.  Proceed.  Acad.  nat.  liist.  Phi- 
ladelphia,  p.  53,  1871.  —  Id.,  Tœnia  causal  by  the  use  of  raw  beef.  Amer, 
journal  of  med.  science,  1871. 

II.  Blanc,  Notes  médicales  recueillies  durant  une  mission  diplomatique  en 
Abyssinie,  Gazette  hebdom.,  1874. 

À.  Vital,  Les  Entozoaires  à  V hôpital  militaire  de  Constantine.  Gazette  mé- 
dicale, p.  274  et  285,  1874. 

Sev.  Bobinski,  Das  Vorkommen  (1er  T.rnia  mediocanellata  in  Berlin.  Ber- 
liner  klin.  Woch.,  p.  4G1,  1874. 

G.  Fritsch,  Zur  differenliellen  Diagnose  von  Tœnia  solium  und  Tvnia  me- 
diocanellata. Ibidem,  p.  4G1,  1874. 


T.ENU  SAGINATA.  38J 

Levi,  Délia  frequenza  délia  Ténia.  Giornale  veneto  di  scienze  mediche, 
I,  p.   109,  1874. 

Sp.  Cobbold,  Remarks  on  eighty  cases  of  tapeicorm.  The  Lancet,  1,  187  i. 
Id.,  Additional  cases  of  tapeworm.  Ibidem,  II,  p.  56G,  1885. 

C.  Giacomini,  Sul  C>,sticercu<  cellulose  hominis  e  sulta  Txnia  medioca- 
*ndlata.  Giornale  délia  r.  Accad.  di  med.  di  Torino  (3),  XVI,  p.  128,  149  et 
I7i>,  1874. 

V.  Laborde,  Le  Tœnia  mediocanellata  ou  inerotis.  Ses  caractères  distinctifs. 
Sa  fréquence  relative  dans  l'espèce  humaine.  Tribune  médicale,  VII,  p.  789, 
1S75;  VIII,  p.  3î,  69,  US  et  151,  1876. 

A.  Dumas,  Six  cas  de  Tznia  à  la  suite  de  Tusage  de  la  viande  crue.  Fré- 
quence de  ce  Ver  à  Cette.  Montpellier  médical,  XXXV,  p.  1.  18TÔ. 

Castiaux,  Observations  de  Txnia  chez  an  malade  faisant  usage  de  la  viande 
crue.  Bull.  méd.  du  Xord,  p.  11,  1S7S.  — ld.,  Un  nouveau  cas  de  Tsenia  inennis 
chez  une  malade  ayant  fait  usage  de  la  viande  de  Bœuf  crue.  Ibidem,  XXIII, 
p.  387.  18S4. 

E.  Vidal,  De  la  fréquence  du  Ténia  inerme.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hô- 
pitaux [2),  XIII,  p.  72,  1876. 

J.  Leidy.  On  Txnia  mediocnnellata.  Proceed.  Acad.  nat.  hist.  Philadelphia, 
p.  405,  187S. 

Roth,  l'eber  das  Vorkommen  der  Baridvùrmer  in  Basel.  Correspondenzblatt 
fur  Schweizer  Aerzte,  p.  743.  1878. 

J.  Ch.  Huber,  l'eber  die  Yerbreitung  der  Cestodeîi,  besonders  der  Tiinien 
im  bayerischen  Schivaben.  Aerzil.  Intelligenzblatt,  1879.  —  Id.,  Helmintho- 
togische  Xotizen.  Ibidem,  p.  75,  1885. 

Bérenger-Feraud,  Le  Txnia  à  l'hôpital  Saint-Mandrier.  Bull.  gén.  de 
thérapeutique,  XCIX.  p.  49  et  10G,  1S80.  —  Id.,  Le  Tœnia  à  r  hôpital  de 
Cherbourg.  Ibidem,  CIII,  p.  97.  1882, 

Zâslein,  l'eber  die  geographische  Verbreitung  und  HOufigkeit  der  menschli- 
chen  Enttizoèn  in  der  Schiceiz.  Correspondenzblatt  fur  Sclnveiz.  Aerzte,  XI, 
1881. 

J.  B.  Candé,  Quelques  recherches  sur  les  helminthes  cesto'ides  de  l'Homme 
en  Cochmchine,  précéde'es  d'un  coup  d'œil  sur  les  caractères  généraux  et  la 
distribution  géographique  des  Téniadcs  et  des  Bothriocéphalidés.  Thèse  de 
Paris,  J  882. 

B.  Almenara,  Ftecuencia  alarmante  de  la  Ténia  en  Lima.  Crén.  méd.  de 
Lima,  II.  p.  130,  1885. 

B.  Dupont.  Endémia  de  la  Ténia  solium  en  la  Repnblica  argentina.  Bue- 
nos-Airts,  in-8°  de  69  p..  1885. 

H.  Vierordt.  Zur  Statistik  der  Bandwurmer  in  Wurtemberg.  Med.  Corres- 
pondenzblatt des  wiirttemb.  arztl.  Vereins,  LV,  p.  193,  1885. 

Challan  de  Beival,  Au  Tonkin.  Paris,  1886. 


Dans  la  plupart  des  cas,  le  Ténia  ne  détermine  par  sa  pré- 
sence aucun  symptôme  particulier,  la  santé  générale  reste 
bonne:  c'est  tout  au  plus  s'il  cause  un  peu  de  dyspepsie  et 
quelques  phénomènes  d'embarras  gastrique.  11  n'est  pourtant 
point  rare  de  le  voir  occasionner  des  accidents  divers,  notam- 
ment des  phénomènes  nerveux,  d'ordre  réflexe  et  extrêmement 
variés.'  Ncus  ne  pouvons,  sans  sortir  du  cadre  de  cet  ouvrage, 


382  ORDRE  DES  CESTODES. 

nous  étendre  sur  ce  point.  On  trouvera  dans  le  livre  de  Davaine 
quelques  observations  remarquables  et  nous  donnons  ci-après 
l'indication  de  travaux  récents  qui  méritent  de  fixer  l'attention. 

Pasquiou,  Des  helminthes  vivant  dans  le  tube  digestif.  Thèse  de  Paris, 
1865. 

P.  M.  P.  Bellom,  Considérations  sur  la  pathologie  du  Txnia  et  son  traite- 
ment par  la  graine  de  Courge.  Thèse  de  Paris,  1875. 

A.  Puistienne,  Des  helminthes  et  des  accidents  qu'ils  déterminent.  Thèse  de 
Paris,  1875. 

Féréol,  Vertiges  épileptiques  et  attaque  épilepti forme  chez  un  individu  qui 
rendait  des  fragments  de  Ténia  depuis  plusieurs  aimées.  Administration  du 
Kousso.  Expulsion  simultanée  de  trois  têtes  de  Txnia  soliurh.  Bull,  de  la  Soc. 
méd.  des  nôpitaux  (2),  XIII,  p.  172,  1876. 

F.  Morano,  Ambliopia  amaurotica  per  Ténia.  Giornale  délie  malattie  degli 
occhi,  1880. 

Langer,  Hémiplégie  und  Txnia.  Medizinische  Jahrbticher  der  Gesellschaft 
der  Aerzte  in  Wien,  p.  485,  1881. 

N.  Letulle,  Txnia  solium.  Accidents  hépatiques  ressemblant  au  début  d'une 
cirrhose  et  rapidement  amendés  après  l'expulsion  de  l'helminthe.  Revue  de 
médecine,  p.  439,  1882. 

Vodiagni,  De  Tavortement  provoqué  par  les  Vers  intestinaux.  Medizinskoié 
obozrénié,  nov.  1883. 

F.  Despagnet,  Des  troubles  oculaires  provoqués  par  le  Txnia.  Recueil  d'oph- 
thalmologie  (3),  VII,  p.  284,  1885. 

Leontieff,  Un  cas  d'épilepsie  causé  par  le  Ténia  solium.  Vratch,  1885. 


Taenia  solium  Rudolphi,  1810  (nec  Linné,  1767). 

Synonymie  :  Txnia  cucurbilina  Pallas,  1781. 

T.  cucurbitina,  plana,  pellucida  Goze,  1782. 

T.  vulgaris  Werner,  1782. 

T.  dentata  Graelin,  1790. 

lia ly sis  solium  Zeder,  1800. 

Txnia  humana  armata  Brera,  1802. 

T.  {Cystotxnia)  solium  Leuckart,  I8G2. 

Les  longs  détails  dans  lesquels  nous  sommes  entrés  à  propos 
de  Txnia  saginata  vont  nous  permettre  de  retracer  plus  briève- 
ment l'histoire  de  T.  solium.  Ces  deux  Gestodes  sont  si  voisins 
l'un  de  l'autre,  au  point  de  vue  purement  zoologique,  qu'on 
ne  sera  pas  surpris  de  les  voir  se  ressembler  aussi  au  point 
de  vue  de  leurs  diverses  manifestations  chez  l'Homme:  nom- 
bre, longévité,  fréquence,  valeur  pathogénique,  etc.  11  nous  a 
semblé  plus  rationnel  de  développer  ces  différentes  questions 
en  parlant  du  Ténia  inerme,  à  cause  de  la  plus  grande  fréquence 
de  ce  dernier. 


T\£NIA  S0L1UM.  383 

Le  mot  soîium  est  d'origine  inconnue  ;  on  ne  le  trouve  dans  aucun 
auteur  latin,  môme  de  la  basse  latinité,  et  Ducange  ne  le  mentionne 
point  dans  son  Glossaire.  Leuckart  a  voulu  élucider  cette  question  et 
s'est  adressé  pour  cela  à  son  collègue  Krehl,  professeur  de  langues 
orientales  à  l'Université  de  Leipzig.  D'après  ce  philologue,  il  faudrait 
faire  dériver  le  mot  solium  du  mot  syriaque  schuschl,  qui  signifie 
chaîne.  Les  Arabes  auraient  transformé  ce  mot  en  susl  ou  sosl,  devenu 
sol  dans  les  langues  romanes  ;  en  ajoutant  la  désinence  htm,  on  ar- 
rive à  la  solution  cherchée.  Mais  quel  détour  ne  faut-il  pas  suivre! 
Et  quelle  torture  infliger  à  son  esprit  !  Aucun  texte  ne  vient  démon- 
trer l'existence  des  mois  susl  ou  sosl  chez  les  auteurs  arabes  ;  ceux-ci 
appellent  le  Ténia  dùd  ou  chalb-al-hari. 

Combien  plus  admissible  et  naturelle  est  l'opinion  qui  voit  dans  le 
mot  solium  une  simple  altération  du  mot  solum,  par  exemple  une 
forme  populaire,  comme  la  langue  latine  en  possédait  tant.  Cela,  du 
reste,  ressort  nettement  de  certain  passage  d'un  viel  auteur,  Arnauld 
de  Villeneuve,  qui  vivait  vers  l'an  1300  :  «  quidam  dicunt  quod  isti 
cucurbitini  generantur  in  ventre  cujusdam  maximi  lumbrici  qui  ali- 
quando  emiltitur  longior  uno  vel  duobus  brachiis,  qui  solium  sive 
cingulum  dicitur  (1).  »  Andry  n'était  pas  d'un  autre  avis,  quand  il  par- 
lait d'une  espèce  de  Ténia  «  qui  se  nomme  Solium,  parce  qu'il  est 
toujours  seul  de  son  espèce  dans  les  corps  où  il  se  trouve.  » 

L'œuf  de  ï;enia  solium  a  la  même  structure  que  celui  de 
T.  saginata;\\  s'en  distingue  pourtant  par  ses  dimensions  un 
peu  plus  petites  et  par  sa  forme  globuleuse  ou  à  peine  ovoïde. 
Son  diamètre  est  de  30  (x  d'après  Leuckart,  de  33  \i  d'après 
Davaine  et  Laboulbène,  de  31  à  36  [i  d'après  Railliet,  de  36  y. 
sur  32  il  d'après  Heller.  L'embryon  hexacanlhe  a  une  taille 
moyenne  de  20  p. 

Le  développement  de  l'embryon  se  fait  normalement  chez  le 
Porc,  dans  le  tissu  conjonctif  intermusculaire  duquel  il  se 
transforme  en  un  Cysticerque  connu,  depuis  Rudolphi,  sous  le 
nom  de  Cyslicercus  celtulosœ.  Par  exception,  cet  état  larvaire 
peut  s'observer  aussi  chez  d'autres  animaux,  tels  que  le  San- 
glier, le  Chevreuil,  le  Mouton,  l'Ours,  le  Chien,  le  Chat,  le  Rat, 
le  Singe,  enfin  chez  l'Homme  lui-même. 

Cyslicercus  cellulose  détermine  chez  le  Porc  un  état  parti- 
culier, la  ladrerie,  dont  Delpech  a  fait  une  remarquable  étude. 

(1)  Arnaldi  Villanovani  Opéra  onnia.  Basileœ,  in-fol.,  1580.  —  Voir  p.  IW9, 
Breviarii  lib.  II,  cap.  m,  De  fumbricis  <*t  ascaridibus. 


384 


ORDRE   DES  CESTODES. 


Les  Cysticerques,  déjà  bien  connus  du  temps  d'Aristophane, 
sont  répandus  dans  le  système  musculaire,  mais  surtout  dans 
les  muscles  dé  la  langue,  du  cou  et  des  épaules  ;  puis  viennent, 
par  ordre  de  fréquence,  les  muscles  intercostaux,  les  psoas, 
les  muscles  de  la  cuisse  et  enfin  ceux  de  la  région  vertébrale 
postérieure.  Le  cœur  est  aussi  très  fréquemment  atteint,  mais 
le  pannicule  adipeux  ne  l'est  que  par  exception.  Les  kystes 

écartent  les  fibres  musculaires, 
sans  les  détruire,  et  se  disposent 
dans  leur  intervalle  (fig.  240). 

Le  tissu  conjonctif  sous-muqueux 
de  la  face  inférieure  de  la  langue 
est  encore  très  fréquemment  envahi 
par  les  Cysticerques.  C'est  vers  la 
base  de  la  langue  et  vers  les  par- 
ties latérales  du  frein  qu'on  en  aper- 
çoit le  plus  grand  nombre  :  ils 
constituent  des  élevures  opalines, 
demi-transparentes,  globuleuses  ou 
ovoïdes,  qui  soulèvent  la  muqueuse. 
Le  doigt  passé  sur  ces  vésicules 
en  reconnaît  aisément  la  saillie. 
C'est  là  un  fait  du  plus  haut  inté- 

cerques 'isolés   de   leur  kyste   rêt,    puisqu'il   porte    SUT    un    point 

adventif-  accessible  à  l'examen  pendant  la 

vie  de  l'animal,  et  qu'il  peut  servir 
au  diagnostic  de  l'affection  parasitaire.  Aussi  l'opération  du  lan- 
'juei/agc  ne  doit-elle  pas  être  négligée;  dans  la  plupart  des  cas, 
elle  seule  peut  faire  reconnaître  avec  certitude  la  ladrerie  du 
Porc  vivant.  Il  devait  venir  à  l'esprit  des  éleveurs  de  faire  dis- 
paraître ce  signe:  d'où  la  pratique  à  laquelle  on  a  donné  le 
nom  d'épinglage.  Celte  pratique  consiste  à  crever  les  vésicules 
des  Cysticerques,  soit  en  les  piquant  avec  une  épingle,  soit  en 
les  coupant  avec  des  ciseaux.  Une  autre  fraude,  usitée  par  les 
garçons  d'abattoirs,  consiste  à  enlever  les  grains  de  ladrerie  de  la 
surface  de  la  viande  abattue,  de  façon  à  tromper  les  inspecteurs. 


Fig.  240.  —  Ladrerie  du  Porc 
A  droite,  on  voit  deux  Cysti 


En  France,  d'après  Delpech,  la  ladrerie  s'observerail  principalement 
chez  les  Porcs  appartenant   aux   races  limousine  el  perigourdiue; 


I  .KM A   SULIUM. 

mais  elle  ne  serait  pas  rare  non  plus  en  Normandie,  en  Picardie,  en 
Lorraine,  dans  le  Bordelais,  en  Gascogne,  en  Dauphiné.  A  Paris 
môme,  on  voit  assez  rarement  des  Porcs  ladres  :  en  1860,  on  n'en  a 
saisi  que  33  à  l'abattoir  de  la  rue  Château-Landon  et  40  en  1861,  ce 
qui  tient  d'une  part  à  l'usage  très  peu  répandu  de  la  viande  de  Porc, 
et  d'autre  part  à  ce  qu'on  n'expédie  vers  la  capitale  que  des  animaux 
sains  et  de  belle  qualité. 

Kniebusch  dit  que  la  ladrerie  n'existe  pas  chez  les  Porcs  serbes  et 
roumains  dits  Bakonyer,  que  l'on  nourrit  avec  du  maïs  ;  on  ne  l'ob- 
serve pas  davantage  chez  les  Porcs  mecklembourgeois,  d'origine  an- 
glaise, que  l'on  nourrit  avec  des  fèves  et  des  pois.  Au  contraire, 
elle  est  très  fréquente  chez  les  Porcs  de  Pologne  et  de  Poméranie, 
nourris  avec  les  eaux  de  vaisselle,  les  reliefs  de  table  et  des  pommes 
de  terre. 

De  1872  à  1874,  on  inspecta  dans  le  district  de  Cassel  149,500  Porcs: 
158étaientladres,  ce  qui  donneune  proportion  de  1  pour  945.  En  1876, 
on  examina  en  Prusse  1,728,600  Porcs  :  4705  étaient  ladres,  soit 
1  pour  370.  La  même  année,  on  vit  à  Vienne  la  ladrerie  chez  163 
Porcs  sur  10,000,  soit  1  pour  307.  D'autre  part,  Mosler  rapporte  une 
statistique  d'après  laquelle  9  Porcs  seulement  ont  été  trouvés  ladres 
sur  20,000,  soit  1  pour  2222  ;  sans  qu'il  y  eût  ladrerie  généralisée,  le 
huitième  de  ces  Porcs  hébergeait  quelques  Gysticerques.  En  tenant 
compte  de  ces  différences  considérables  dans  le  nombre  des  para- 
sites, Leuckart  émet  l'opinion  que,  dans  certaines  régions  d'Alle- 
magne, on  observe  la  ladrerie,  môme  très  restreinte,  chez  2  ou 
3  pour  100  des  Porcs. 

En  Italie,  Pellizzari  estime  à  1  pour  3  à  4000  le  nombre  des  Porcs 
à  ladrerie  généralisée.  Perroncito  dit  au  contraire,  d'après  des  ren- 
seignements communiqués  par  les  langueyeurs,  qu'on  trouve  à  Turin 
1  Porc  ladre  sur  250,  à  Milan  1  sur  70. 

Quelque  imparfaites  que  soient  ces  statistiques,  elles  montrent  du 
moins  que  la  ladrerie  du  Porc  n'est  pas  une  affection  rare»  On  com- 
prend du  reste  que  sa  fréquence  doive  présenter  des  variations  consi- 
dérables, suivant  que  le  Porc  est  élevé  dans  une  étable  ou  laissé 
libre;  dans  ce  dernier  cas,  les  chances  d'infestation  augmentent  no- 
tablement. Quand  un  individu  est  porteur  de  Tœiiia  solium,  il  est  donc 
de  toute  nécessité  de  soustraire  ses  matières  fécales  aux  atteintes  des 
Porcs.  Mosler  rapporte  l'histoire  d'un  malade  qui  infesta  15  Porcs, 
ceux-ci  ayant  brisé  la  clôture  qui  les  séparait  des  fosses  d'aisance. 
C'est  à  des  faits  analogues,  ou  plus  simplement  à  l'exposition  des 
excréments  humains  sur  les  fumiers,  qu'il  faut  attribuer  l'extrême 
fréquence  de  la  ladrerie  du  Porc  en  Irlande,  en  Esclavonie  et  dans 
certaines  contrées  de  l'Amérique  du  nord. 

Blanchard.  —  Zool.  mécK  25 


386  ORDRE  DES  CKSTODES. 

A.  Delpech,  De  la  ladrerie  du  Porc,  au  point  de  vue  de  l'hygiène  privée  et 
publique.  Annales  d'hygiène  publique  et  de  méd.  légale  (2),  XXI,  1864.  — 
Id.,  Ladrerie.  Dictionnaire  encyclop.  des  sciences  médicales,  1868. 

J.  M.  Guardia,  La  ladrerie  du  Porc  dans  V antiquité.  Ann.  d'hygiène  publ. 
et  de  méd.  légale  (2),  XXIII,  p.  420,  1865. 

S.  Alv.  Montequin,  E studios  sobre  la  lepra  del  Cerdo,  como  productora 
de  la  Tœnia  soliwn  en  el  Hombre.  Rev.  asturiana  de  cienc.  med.,  I,  p.  75, 
97  y  110.  Oviedo,  J884-1885. 

Le  fait  que  la  ladrerie  du  Porc  est  due  à  ce  que  cet  animal 
ingère  des  œufs  du  Ténia  armé  de  l'Homme  a  été  démontré  au 
moyen  des  expériences  suivantes. 

lre  expérience.  P.  /.  van  Beneden,  1853.  —  «  Nous  avons  donné  à  un 
Cochon  des  œufs  de  Tœnia  solium  à  avaler,  et  quand  il  a  été  abattu,  il 
était  ladre  ;  un  grand  nombre  de  Cysticerques  celluleux  étaient  logés 
dans  ses  muscles.  Un  autre  Cochon,  nourri  et  élevé  dans  les  mêmes 
conditions  que  le  précédent,  né  en  môme  temps  de  la  même  mère  et 
qui  n'avait  pas  pris  des  œufs  de  Tsenia  solium,  n'en  contenait  pas.  » 

2e  et  3e  expériences.  Haubner  et  Kuchenmeister,  4855.  —  Le  30  mars 
et  le  5  avril,  des  anneaux  d'un  Ténia  rendu  la  veille  sont  administrés 
à  deux  Cochons  de  lait.  L'un  est  sacrifié  le  15  mai  :  on  ne  découvre 
aucun  Cysticerque.  L'autre  est  autopsié  le  20  mai  :  même  résultat. 

4e,  5e  et  6e  expériences.  Haubner  et  Kùchenmeister,  1855.  —  Les  7,  24 
et  26  juin,  2  et  13  juillet,  trois  Cochons  de  lait  prennent  des  anneaux 
de  Ténia.  L'un,  tué  le  26  juillet,  avait  de  petits  Cysticerques  dont  la 
tête  était  incomplètement  développée.  Chez  le  second,  tué  le  9  août, 
on  trouva  un  millier  de  Cysticerques  disséminés  dans  divers  orga- 
nes. Le  troisième,  tué  le  23  août,  possédait  un  grand  nombre  de 
Cysticerques.  Un  quatrième  Cochon  de  lait,  n'ayant  pas  pris  d'œufs 
de  Ténia,  n'avait  aucun  Cysticerque. 

7e  expérience.  LeucUart,  1856.  —  A  deux  reprises,  un  Cochon  de  lait 
prend  des  anneaux  de  Ténia.  On  le  tue  quarante  jours  après  la  pre- 
mière ingestion,  trente-deux  jours  après  la  seconde.  Les  Cysticerques 
sont  extrêmement  nombreux,  longs  de  1  à  5  millimètres,  les  plus 
grands  déjà  de  forme  oblongue  ;  le  bourgeon  céphalique  est  en  voie 
de  formation,  mais  ni  les  crochets  ni  les  ventouses  ne  sont  encore 
indiqués.  Us  sont  particulièrement  nombreux  dans  les  muscles  de 
l'abdomen,  de  la  poitrine  et  du  cou,  ainsi  que  dans  le  diaphragme; 
quelques-uns  se  trouvent  dans  le  cerveau  et  le  foie. 

8e  expérience.  Leuckart,  1856.  —  Un  Cochon  de  lait  prend  des  an- 
neaux de  Ténia.  Au  42e  jour,  on  prélève  un  fragment  du  muscle 
sterno-hyoïdien,  dans  lequel  on  constate  la  présence  de  Cysticerques. 
Le  104°  jour,  nouvelle  ingestion  d'œufs  de  Ténia.  Le  i24°  jour,  on 


T^NIA  SOLIUM.  387 

trouve,  surtout  dans  les  muscles  de  la  poitrine  et  du  cou,  quelques 
centaines  de  Gysticerques  complètement  développés,  longs  de  12  mil- 
limètres, larges  de  5mm,5  et  pourvus  d'un  bourgeon  céphalique  long 
de  3  millimètres. 

9e  expérience.  Leuckart,  1856.  —  Un  Cochon  de  lait  prend  des  œufs 
de  Ténia;  on  renouvelle  Finfestation  au  bout  de  36  et  de  67  jours. 
L'autopsie  est  faite  le  107e  jour.  On  trouve  un  nombre  considéra- 
ble de  Cysticerques,  au  moins  12,000,  répandus  partout,  dans  le 
cœur,  le  poumon,  le  cerveau,  aussi  bien  que  dans  les  muscles  volon- 
taires. 11  n'y  en  a  pas  dans  le  globe  oculaire,  mais  l'orbite  et  les 
muscles  de  l'œil  en  sont  farcis.  Les  plus  grands  sont  longs  de  8  mil- 
limètres ;  les  plus  petits,  qui  se  trouvent  dans  le  cerveau,  mesu- 
rent 2mm,5. 

10e  expérience,  leuckart,  1856.  —  Cochon  de  lait  tué  82  jours  après 
la  première  ingestion  d'anneaux  de  Ténia  et  29  jours  après  la  se- 
conde. On  ne  peut  trouver  qu'un  seul  Cysticerque,  logé  dans  les  mus- 
cles de  la  nuque. 

11e  expérience.  Leuckart,  1856.  —  Cochon  de  lait  tué  six  mois  après 
l'infestation.  On  trouve  de  2  à  3000  Cysticerques  complètement  dé- 
veloppés; sauf  quelques  exceptions,  ils  sont  tous  logés  dans  les  mus- 
cles périphériques  du  corps. 

12e  expérience.  Mosler,  1865.  —  Un  Cochon  avale  des  anneaux  mûrs 
de  Ténia.  Au  9°  jour,  on  trouve,  entre  les  fibres  musculaires  du 
cœur,  des  petits  Vers  mesurant  33  {/.  sur  24  u. 

13e  expérience.  Gerlach,  1870.  —  Dans  les  muscles  d'un  Cochon  de 
six  mois,  21  jours  après  l'infestation,  on  trouve  un  grand  nombre  de 
vésicules  qui  portent  les  premières  ébauches  de  la  tête  du  Cysti- 
cerque ladrique. 

14e,  15e,  16e  et  17e  expériences.  Gerlach,  1870.  —  Mêmes  expé- 
riences. L'autopsie  du  Porc  est  faite  40,  60,  110  jours  après  l'infesta- 
tion. Résultat  positif  pour  les  jeunes  Cochons  de  lait,  négatif  pour 
des  animaux  âgés  de  neuf  mois  et  même  de  six  mois.  Gerlach  con- 
clut que  le  Porc  ne  peut  contracter  la  ladrerie  que  pendant  sa  jeu- 
nesse. 

P.  J.  van  Beneden,  Mémoire  sur  les  Vers  intestinaux.  Supplément  aux 
Comptes  rendus  des  séances  de  l'Acad.  des  sciences,  II,  1861.  —  Voir 
p.  146. 

Mosler,  Helminthologische  Studien  und  Beobachtungen.  Giessen,  1865.  — 
Voir  p.  5'2. 

Gerlach.  Zweiter  Jahresbericht  der  kgl.  Thierarzneisclmle  in  Hannover, 
1870. 

Les  premières  phases  du  développement  de  Cysticercus  cellu- 


. 


388 


ORDRE   DES  CESTODES. 


losse  sont  très  imparfaitement  connues  (1).  Au  9e  jour  de  l'in- 
festation,  Mosler  a  vu  les  jeunes  Cysticerques  constitués  par 
des  vésicules  ovales,  longues  de  33  (x,  larges  de  22  [/.,  situées 
dans  l'interstice  des  fibres  musculaires  et  dépourvues  de 
capsule  enveloppante.  A  cette  époque,  ce  sont  donc  des  Vers 
dont  les  dimensions  sont  peu  supérieures  à  celles  de  l'embryon 
hexacanthe,  mais  qui  se  distinguent  de  celui-ci  par  l'absence 
d'épines  et  parleur  contenu  granuleux. 

Au  21e  jour,  Leuckart  a  trouvé  les  Cysticerques  dans  les 
muscles;  c'étaient  des  vésicules  libres,  à  mince  paroi,  mesurant 
au  plus  0mm,8.  De  forme  sphérique,  ils  s'effilaient  à  l'extrémité 

céphalique  et  le  rudiment 
de  la  tête  se  montrait  en 
ce  point  sous  forme  d'un 
petitbourgeon.  Leur  corps 
n'était  pas  encore  creusé 
d'une  cavité,  ni  parcouru 
par  des  vaisseaux. 

Au  32e  jour,  ce  sont  des 
vésicules  longues  de  1  mil- 
limètre, larges  de  0mm,7, 
autour  desquelles  le  tissu 
conjonctif  intermuscu- 
laire ne  s'est  pas  encore 
condensé  en  un  kyste  ad- 
ventice ;  ce  tissu  présente 
néanmoins,  au  voisinage 
même  du  kyste,  une  zone 
finement  granuleuse,  for- 
mée de  cellules  serrées  les 
unes  contre  les  autres;  à 
mesure  que  le  Gysticerque 
avancera  en  âge,  on  verra 
ces  cellules  se  modifier 
pour  lui  constituer  une  capsule.  La  jeune  larve  est  alors  hydro- 
pique;  sa  paroi,  épaisse  seulement  de  70  fx,  est  parcourue  par 

(1)  Rainey,  qui  a  rencontré  pour  la  premiôre.fois  Sarcocystis  Mies  chéri  dans 
les  muscles  du  Porc,  avait  pris  ce  Sporozoaire  pour  un  jeune  Gysticerque.— 
Voir  page  GO. 


Fijç.  241.  —  Coupe  de  Cysticercus  cellulosœ, 
d'après  Moniez.  —  eh,  tissus  appartenant 
à  l'embryon  hexacanthe.  Les  autres  lettres 
comme  dans  la  fig.  214. 


T.  KM  A  S0L1UM.  ;}80 

un  grand  nombre  de  vaisseaux  ramifiés,  qui  s'anastomosent  en 
partie:  des  entonnoirs  vibratiles  se  voient  sur  les  plus  petites 
branches. 

Les  modifications  que  subira  désormais  le  Gysticerque  por- 
teront sur  la  tête  ou  sur  son  receptaculum.  La  tête,  avec  ses 
ventouses  et  ses  crochets  (fig.  241),  se  forme  de  la  même  ma- 
nière que  chez  Cysticercus  pisiformis  (fig.  214):  elle  prend 
naissance  dans  le  fond  du  receptaculum  capilis  et  un  peu  sur  le 
côté.  Le  receptaculum  est  lui-même  remarquable  par  l'extrême 
développement  de  ses  plis.  D'après  Moniez,  il  persiste,  derrière 
le  receptaculum,  «  une  masse  importante  des  tissus  de  l'em- 
bryon hexacanthe,  et  cette  masse  est  même  plissée  d'ordinaire 


ci 


Fig.  242.  —  Cysticercus  cellulose.  A  gauche,  de  grandeur  naturelle:  en  bas, 
intact;  en  haut,  avec  la  tête  et  le  cou  évaginés.  Au  milieu,  tête  et  cou  très 
grossis.  A  droite,  deux  crochets,  un  de  chaque  rangée,  très  grossis. 

comme  s'il  s'agissait  d'anneaux  (fig.  241,  eh;  fig.  242).  La  par- 
tie de  la  vésicule  qui  lui  fait  suite  se  réfléchit  et  glisse  sur  les 
parois  du  receptaculum,  et  peut  atteindre  jusqu'à  son  sommet. 
Notre  dessin  représente  un  Cysticerque  dont  les  deux  lèvres 
de  la  paroi  d'invagination  ont  cessé  d'être  intimement  appli- 
quées sur  les  autres  parties  du  receptaculum  et  se  sont  dégagées 
de  la  vésicule.  »  Les  corpuscules  calcaires  n'existent  pas  chez 
Cysticercus  cellulosœ  ;  on  en  trouve  bien  dans  les  tissus  de  la 
vésicule  qui  suivent  le  receptaculum,  mais  ce  dernier  en  est 
totalement  dépourvu  (fig.  241,  c). 

Leuckart  admet  que  le  Cysticerque  est  parvenu  à  son  com- 
plet développement  avant  la  fin  du  troisième  mois.  Quant  à  sa 


390  ORDRE  DES  CESTODES. 

longévité,  les  documents  précis  font  encore  défaut,  du  moins 
pour  la  ladrerie  du  Porc;  nous  aurons  plus  loin  l'occasion  de 
revenir  sur  ce  point.  Les  expériences  de  Perroncito  ont  fait  voir 
que  ce  Cysticerque  ne  résistait  pas  à  une  chaleur  de  47  à  48°  ; 
il  est  un  peu  plus  tenace  que  celui  de  la  ladrerie  du  Bœuf.  Dans 
les  viandes  de  la  cuisse  du  Porc,  on  le  trouve  encore  vivant 
vingt-neuf  jours  après  la  mort  de  son  hôte;  dans  les  mêmes 
conditions,  le  Cysticerque  du  Bœuf  est  déjà  mort  au  bout  de 
quatorze  jours. 

La  ladrerie  du  Porc  engendre  le  Ver  solitaire.  Ce  fait  est 
assurément  connu  depuis  l'antiquité  la  plus  reculée,  et  c'est  à 
lui,  sans  aucun  doute,  qu'il  faut  attribuer  l'interdiction  de  la 
viande  de  Porc  faite  par  Moïse  aux  Hébreux,  interdiction  que 
prononça  également  Mahomet. 

Au  dire  de  Leuckart,  Kiichenmeister  est  le  premier  qui 
ait  montré,  en  se  basant  sur  la  parfaite  similitude  de  la  tête, 
les  rapports  de  Cysticercus  ceilulosœ  du  Porc  avec  Taenia  solium 
de  l'Homme,  et  qui  ait  conclu  que  le  premier  était  l'état 
jeune  du  second.  Il  est  vrai  que  Kiichenmeister  est  le  pre- 
mier qui  ait  songé  à  faire  dériver  ces  deux  formes  l'une  de 
l'autre,  grâce  à  une  migration;  mais  il  n'est  pas  exact,  sauf  ce 
dernier  point,  de  dire  qu'il  ait  le  premier  admis  leur  étroite 
parenté .  Cette  opinion  était  déjà  nettement  exprimée  par 
Dujardin  en  1845  (1). 

Les  expériences  que  nous  avons  rapportées  plus  haut  prou- 
vent que  Cysticercus  ceilulosœ  du  Porc  provient  du  développe- 
ment des  œufs  de  Taenia  solium.  Pour  achever  de  démontrer 
l'identité  spécifique  de  ces  deux  Gestodes,  il  était  indispensable 
de  voir  le  Cysticerque  se  transformer  en  Ténia  adulte.  En  outre 
de  l'observation  journalière  de  Ténias  chez  les  individus  qui 
mangent  habituellement  de  la  viande  de  Porc  crue  ou  peu 
cuite,  la  question  a  été  résolue  expérimentalement. 

lrc  expérience.  Humbert,  1854.  —  Le  11  décembre,  Aloys  Humbert 
avale,  en  présence  de  Cari  Vogt  et  de  Moulinié,  14  Cysticerques  pro- 
venant d'un  Porc  ladre.  Dans  les  premiers  jours  de  mars  18oo,  il 
commence  à  rendre  des  fragments  considérables  de  Ténia,  que  Vogt 
reconnaît  pour  appartenir  à  Taenia  solium. 

(1)  F.  Dujardin,  Histoire  naturelle  des  helminthes,  Paris,  1845.  —  Voir 
p.  544  et  033. 


TAENIA  SOLIUM.  301 

2e  expérience.  Kùchenmeister,  1855.  —  Un  condamné  à  mort  prend 
successivement  et  à  son  insu,  dans  du  boudin  et  du  potage,  12,  18,  15, 
12,  18  Cysticerques  ladriques,  à  des  époques  correspondant  à  72,  60, 
36,  24,  12  heures  avant  l'exécution.  Ces  Cysticerques  provenaient 
d'un  Porc  tué  84  heures  avant  la  première  ingestion.  L'autopsie  est 
faite  48  heures  après  l'exécution  :  on  trouve  dans  le  duodénum  4  jeu- 
nes Ténias,  qui  tous  avaient  encore  sur  la  tête  une  ou  deux  paires 
de  crochets;  l'un  de  ces  Vers  avait  encore  la  couronne  de  crochets 
presque  cemplète.  On  trouve  en  outre,  dans  la  lavure  des  intestins, 
six  autres  Ténias  qui  manquaient  de  crochets. 

3°  expérience.  Leuckart,  1856. —  Un  Homme  de  trente  ans  prend 
4  Cysticerques.  Deux  mois  et  demi  après,  il  rend  des  anneaux;  un 
mois  plus  tard,  une  dose  de  Cousso  expulse  deux  Tœnia  solium,  dont 
l'un  sans  la  tête. 

4e  expéi-ience.  Leuckart,  1856. —  Un  Homme  de  quarante-cinq  ans, 
atteint  du  mal  de  Bright,  prend  environ  12  Cysticerques  provenant 
d'un  Porc  ladre.  Résultat  négatif. 

5e  expérience.  Leuckart,  1856.  —  On  administre  à  un  phthisique  en- 
viron 12  Cysticerques  provenant  d'un  Porc  ladre;  le  malade  meurt 
deux  mois  après.  Résultat  négatif. 

6e  expérience.  Hollenbach,  1859.  —  Hollenbach  avale  lui-même  une 
cuillerée  à  thé  de  Cysticerques  ladriques.  Il  rend  au  bout  de  5  mois  un 
fragment  de  Ténia  long  de  5  pieds,  dépourvu  de  tête. 

7e  expérience.  Kùchenmeister,  1859.  —  Le  24  novembre  1859  et  le 
18  janvier  1860,  on  administre  un  total  de  40  Cysticerques  à  un  con- 
damné à  mort,  dont  l'exécution  eut  lieu  le  31  mars  suivant.  A  l'au- 
topsie, on  trouve  11  Ténias  avec  les  anneaux  mûrs  et  8  autres  non 
encore  tout  à  fait  mûrs. 

8e  expérience.  Heller,  1870.  —  Un  phthisique  prend  25  Cysticerques 
ladriques.  Il  meurt  au  bout  de  18  jours  :  à  l'autopsie,  on  trouve 
dans  l'intestin  12  tètes  de  Tœnia  solium,  encore  très  petites  et  ne 
présentant  pas  de  segmentation  visible  à  l'œil  nu. 

Ajoutons  que  des  expériences  du  même  genre  ont  été  tentées, 
mais  en  vain,  chez  le  Lapin,  le  Cochon  d'Inde,  le  Chien  et  chez  Ma- 
cacus  cynomolgus.  Après  24  heures,  on  retrouvait  encore  les  têtes  de 
Ténia  ingérées;  plus  tard,  on  n'en  voyait  plus  la  moindre  trace,  elles 
avaient  sans  doute  été  digérées. 

G.  Bertolus,  Dissertation  sur  les  métamorphoses  des  Cestoïdes.  Thèse  de 
Montpellier,  185G,  rapporte  l'expérience  de  Humbert,  p.  47. 

Fr.  KucliennieiSter,  Ùffenes  Hendsclueiben  an  die  k.  k.  Gesellschaf't  der  *Erzte 
zu  Wien.  Experimenteller  Nachweis,  dass  Cysticercus  cellulose  innerhalb  des 
menschlkhen  Darmkanales  sich  in  Tœnia  solium  umwandelt.  Wiener  ined. 
Wochensclirift,  V,  p.  1,  1855.  —  Id.,  Erneuter  Versucli  der  llmwandlung  des 


392  ORDRE  DES  CESTODES. 

Cysticercus  cellulosse  in  Taenia  solium  hominis.  Deutsche  Klinik,  XII,  p.  187, 
1860. 

Leuckart,  Die  Blasenbandwùrmer  und  ihre  Entwicklung.  Giessen,  1856. 
—  Voir  p.  53. 

Hollenbach.  Wochenschrift  der  Thierheilkunde  und  Viehzucht,  II,  p.  301 
u.  353,  1859. 

Heller,  Darmschmarotzer.  Ziemssen's  Handbuch  der  speciellen  Pathologie 
und  Thérapie,  VII,  2,  p.  597.  Leipzig,  1876. 

Avant  d'aborder  l'étude  de  Tœnia  solium, nous  devons  parler 
maintenant  des  cas  où  Cysticercus  cellulosœ  se  rencontre  chez 
l'Homme.  Rumler,  en  1558,  est  le  premier  observateur  qui  en 
fasse  mention  :  il  trouva  sur  la  dure-mère  et  contre  la  boîte  crâ- 
nienne d'un  épileptique  des  tumeurs  dans  lesquelles  il  est  aisé 
de  reconnaître  des  Gysticerques  (1).  En  1650,  Panarolus  en  vit 
également  sur  le  corps  calleux  d'un  prêtre  épileptique.  En  1656, 
Wharton  retrouva  ces  mêmes  parasites  en  grand  nombre  dans 
le  pannicule  adipeux  et  dans  les  muscles  d'un  soldat  ;  il  les  prit 
pour  des  glandes  (2).  La  nature  animale  des  Gysticerques  fut 
reconnue  en  1685  par  Ph. -J.Hartmann,  deKônigsberg,  d'après 
des  observations  faites  sur  Cysticercus  tenuicollis;  trois  ans  plus 
tard,-  ce  même  auteur  exprimait  encore  la  même  opinion  : 
«  glandia,  aut  quocunque  nomine  bis  affines  veniant  pustulœ, 
nidos  esse  vermiculorum,  mihi  fit  verosimile.  » 

Nousdevons  rechercher  maintenant  de  quelle  manière  se  fait 
l'infestation.  Au  premier  abord,  il  semble  évident  qu'elle  s'ef- 

(1)  «  Secto  a  me,  in  capite,  pustulae  supra  duram  meningem  apparuerunt, 
erosâ  ipsâ  et  cerebro  per  foramina  eminente  pluribus  in  locis.  »  —  J.  Ud. 
Rumleri  Observationes  medicx,  1558.  Voir  obs.  LUI,  p.  32". 

(2)  Cette  observation  vaut  la  peine  d'être  citée  en  entier  :  «  Hujus  generis 
glandulas  sanas  valde  numerosas  nuper  vidinius  in  milite  quodam,cui  nomen 
Rice  Evans,  in  nosocomio  Sabaudiensi  London,  curationis  gratia  tune  morante. 
In  cujus  brachiis  et  femoribus  modo  simplices,  modo  racematim  crescentes 
sub  ente  deprehendebantur,  et  vol  in  panniculo  carnoso,  vel  cute  adiposa  se- 
dem  haliebant.  Omnes  autem  mobiles  erant  et  indolentes,  licet  pressiuscule 
contractarentnr.  Cliirurgus  expertissimus  M.  Trappam,  ut  huic  malo  occur- 
rerot,  salivationem,  inuncto  mercurio,  movebat,  sed  frustra  :  quanquam  enim 
aeg'-r  ad  tnmpus   levamin's  aliquid    percipere  visus  est  :   paulo   post  tamen 

•bus,  m  prius,  incruduit.  Chirurgus  me  pressente,  facta  incisione,  unam 
majuBCulara  <;x  femore  dextre  extrahebat.  Qnœ  citra  ullum  putridum  aut  cor- 
rup  ura  liumorem  totaex  solida  glandulosa  atque  alba  carne  constabat.  Quod 
salis  demonstrat,  dari  glandulas  adventitlaa  plane  sanas,  niai  quod  in  numéro 
partium  prœternaturalium  recenseantur.  »  —  Th.  Wharton,  Adenographia, 
sive  glandularum  totius  corporis  descriptio.  Londini,  in-8,  1G56;  Amstelo- 
dami,  in-12,  1659.  —  Cap.  xxxvni,  Divisio  glandularum  adventitiarum,  et 
primo  de  semis. 


"LENIA  SOLIUM.  393 

fectue  pour  l'Homme  de  la  même  façon  que  pour  le  Porc,  c'est- 
à-dire  par  la  simple  pénétration  des  œufs  de  Taenia  solium 
dans  le  tube  digestif.  Ces  œufs  microscopiques  peuvent  être 
amenés  par  l'eau,  par  des  végétaux  au  contact  desquels  on  a 
mis  du  fumier,  par  des  poussières  déposées  à  la  surface  de 
différents  objets  que^  l'on  a  coutume  d'introduire  dans  la  bou- 
che, etc.  Des  habitudes  de  malpropreté  seront  une  cause  pré- 
disposante :  Stich  a  reconnu  que  la  ladrerie  étaitplus  fréquente 
dans  les  classes  pauvres  que  dans  la  classe  aisée.  Dans  ces 
conditions,  on  peut  s'attendre  à  ne  trouver  chez  le  malade 
qu'un  petit  nombre  de  Cysticerques,  parfois  même  un  seul  : 
d'après  Dressel,  ce  dernier  cas  s'observerait  37  fois  sur  100. 

Mais  si  l'individu  est  soumis  à  des  causes  persistantes  d'in- 
festation,  par  exemple  s'il  ignore  les  soins  de  propreté  les  plus 
usuels,  s'il  cohabite  avec  une  personne  atteinte  de  Ténia,  les 
Cysticerques  pourront  être  nombreux.  Baistrocchi  en  a  trouvé 
154  chez  un  homme,  dont  141  dans  les  muscles.  Stich  en  a 
trouvé  de  500  à  600  dans  les  muscles  et  sous  la  peau  d'une 
femme.  Lessing  a  vu,  chez  une  aliénée,  plus  de  1000  Cysticer- 
ques répandus  sur  toute  la  surface  du  corps  ;  sous  la  peau,  on 
les  sentait  disposés  en  cordons.  Lancereaux  a  publié  l'observa- 
tion d'une  chiffonnière,  qui  survécut  à  la  ladrerie  et  dont,  par 
conséquent,  l'autopsie  n'a  pas  été  faite  :  les  Cysticerques  acces- 
sibles au  regard  et  à  la  palpation  étaient  au  nombre  de  plus  de 
mille. 

Chez  un  vieillard  desoixante-dix-sept  ans,  mortàl'Hôtel-Dieu 
de  Lyon,  Bonhomme  put  retirer  des  muscles  900  kystes;  il 
évalue  à  plus  de  2000  le  chiffre  total  des  kystes  renfermés  dans 
les  divers  organes.  Un  gendarme  de  la  garde,  vu  par  Onimus 
au  Val-de-Grâce,  avait  les  muscles  littéralement  farcis  de  Cys- 
ticerques. Ces  parasites  étaient  aussi  extrêmement  nombreux 
chez  le  malade  vu  par  Boyron  dans  le  service  de  Broca,  chez 
ceux  de  Féréol,  de  Duguet,  de  Rendu,  etc.  Chaillou  compte 
20  ou  25  Cysticerques  dans  un  carré  de  5  centimètres.  Après 
avoir  sectionné  longitudinalement  un  morceau  de  muscle  delà 
face  postérieure  de  la  cuisse,  Rendu  compta  63  Cysticerques 
sur  les  deux  surfaces  de  la  section,  mesurant  ensemble  un  peu 
plus  de  20  centimètres  carrés. 

Notons  d'une  façon  toute  spéciale  que  la  femme  de  l'un  des 


394  ORDRE  DES  CESTODES. 

malades  de  Troisier  était  atteinte  du  Ténia  depuis  sept  ans. 

On  doit  admettre  encore  que  les  coprophages  puissent  être 
pour  le  Gysticerque  ladrique  une  proie  facile,  comme  le  mon- 
trent des  observations  deWendt  et  de  Birch-Hirschfeld,  et  que 
le  parasite  se  développe  en  grande  masse  à  la  suite  de  l'intro- 
duction dans  l'estomac,  non  plus  d'œufs  isolés,  mais  d'anneaux 
entiers  :  ceux-ci  peuvent  être  amenés  à  la  bouche  dans 
diverses  circonstances,  par  exemple  pendant  le  sommeil  chez 
les  individus  porteurs  d'un  Ténia  :  on  se  trouve  alors  en  présence 
d'une  auto-infestation  véritable. 

L'auto-infestation  peut  d'ailleurs  se  faire  sans  que  l'anneau 
rempli  d'œufs  passe  nécessairement  par  la  bouche.  Tant  à 
cause  des  mouvements  de  reptation  dont  ils  sont  capables,  que 
par  suite  des  contractions  antipéristaltiques  de  l'intestin  grêle, 
un  ou  plusieurs  anneaux  peuvent  remonter  jusque  dans  l'es- 
tomac; nous  avons  déjà  parlé  des  cas  où  le  Ténia  était  rendu 
par  le  vomissement.  Dans  ces  circonstances,  le  suc  gastrique 
agit  sur  l'anneau,  dénude  les  œufs  et  en  digère  la  coque  ; 
l'embryon  hexacanthe  se  trouve  mis  en  liberté  et  peut  traverser 
la  paroi  du  tube  digestif  pour  s'en  aller  dans  les  organes. 

Cette  explication  n'est  valable  que  dans  les  cas  où  la  présence 
de  Tœnia  solium  a  été  constatée  dans  l'intestin  du  malade  soit 
au  moment  où  les  Gysticerques  se  développaient,  soit  un  peu 
avant. 

La  coexistence  du  Ténia  et  des  Gysticerques  ne  serait  pas 
très  rare  :  en  1875,  Lewin  pouvait  en  réunir  20  ou  21  cas,  dont 
5  ou  6  étaient  dus  à  von  Gràfe.  Depuis  lors,  Mùller  en  a 
observé  deux  cas  nouveaux  et  Pertot,  Heller,  de  Wecker, 
Boyron,  Féréol,  Rathery,  Rampoldi  et  Troisier  chacun  un  cas,  ce 
qui  fait  un  total  de  30  à  31  cas  bien  constatés. 

Quel  que  soit  le  mode  d'infestation,  les  embryons  hexacan- 
thes  pénètrent  dans  les  organes  et  s'y  transforment  en  Gysti- 
cerques. Ceux-ci  n'ont  point  encore  été  rencontrés  dans  les  os, 
du  moins  une  observation  de  ce  genre  rapportée  par  Froriep 
n'est  pas  indiscutable  ;  ils  sont  rares  également  dans  le  foie, 
mais  se  voient  avec  une  grande  fréquence  dans  les  muscles, 
dans  l'encéphale,  sous  la  peau  et  dans  l'œil,  etc. 

On  trouvera  dans  l'ouvrage  de  Davaine  le  résumé  d'un  grand 
nombre  d'observations  de  ladrerie  chez  l'Homme.  Nous  devons 


■LENIA  S0L1UM.  395 

néanmoins  entrer  nous-mêmedans  quelques  détails  quant  à  la 
distribution  et  quant  à  la  fréquence  des  Cysticerques  dans  les 
différents  organes. 

Le  vieillard  dont  Bonhomme  a  fait  l'autopsie  avait  environ 
2000  Cysticerques  dans  le  tissu  conjonctif  sous-cutané,  sous- 
aponévrotique  et  intermusculaire;  son  mésentère  était  farci  de 
kystes;  on  en  trouvait  encore  111  dans  les  centres  nerveux, 
16  dans  les  poumons,  3  ou  4  sur  les  côtés  du  larynx,  plusieurs 
dans  la  parotide,  quelques-uns  à  la  surface  des  reins,  un  seul  à 
la  base  de  la  langue,  dans  le  pancréas  et  dans  le  cœur.  On  n'en 
rencontrait  aucun  dans  les  os,  les  yeux,  le  foie,  la  rate,  les 
reins,  la  moelle  ;  cette  dernière,  il  est  vrai,  n'a  été  qu'incom- 
plètement examinée.  L'intestin  ne  renfermait  pas  de  Ténia. 

L'individu  dont  Baistrocchi  a  fait  l'autopsie  avait  141  Cysti- 
cerques dans  les  muscles,  9  dans  le  cerveau,  2  dans  le  péri- 
toine, 1  dans  le  cœur  et  1  dans  le  poumon. 

Miiller  a  relevé  36  cas  de  ladrerie  chez  l'Homme  dans  les 
registres  d'autopsie  des  hôpitaux  de  Dresde  et  d'Erlangen  ;  22 
cas  se  rapportent  à  la  première  de  ces  villes,  14  à  la  seconde. 
Le  parasite  siégeait  21  fois  dans  le  cerveau,  12  fois  dans  les 
muscles  (11  cas  à  Dresde,  1  cas  à  Erlangen)  et  3  fois  dans  le 
cœur.  De  la  môme  manière,  Dressela  relevé  87  cas  de  ladrerie 
à  l'Institut  pathologique  de  Berlin.  Le  parasite  siégeait  72  fois 
dans  le  cerveau  (dont  66  fois  à  l'exclusion  de  tout  autre  organe), 
13  fois  dans  les  muscles  (dont  5  fois  à  l'exclusion  de  tout  autre 
organe),  6  fois  dans  le  cœur  (dont  2  fois  à  l'exclusion  de  tout 
autre  organe),  3  fois  dans  le  poumon,  3  fois  sous  la  peau  et  2 
fois  dans  le  foie. 

Les  observations  de  Bonhomme  et  de  Baistrocchi  nous  amè- 
nentà  conclure  que,  de  même  que  chez  le  Porc,  le  Cysticerque 
ladrique  se  loge,  chez  l'Homme,  de  préférence  dans  le  tissu 
conjonctif  intermusculaire.  Mais  les  statistiques  publiées  par 
Miiller  et  Dressel  conduisent  à  une  conclusion  toute  différente  : 
il  en  résulte  que  le  parasite  se  fixerait  le  plus  habituellement 
dans  l'encéphale.  Malgré  la  concordance  des  résultats  obtenus 
par  ces  deux  auteurs,  nous  estimons  qu'il  s'agit  là  d'une  pure 
apparence,  et  que  bien  réellement  le  Cysticerque  siège  d'ordi- 
naire dans  les  muscles.  Plongé  dans  ces  organes,  ilpasse  aisément 
inaperçu  et  ne  trahit  sa  présence  que  par  des  accidents  peu 


396  ORDRE   DES  CESTODES. 

graves;  il  amène  rarement  la  mort  et,  même  dans  ce  cas,  l'au- 
topsie n'est  pas  toujours  faite.  Renfermé  dans  les  centres  ner- 
veux, il  provoque  au  contraire  l'apparition  de  symptômes  et 
d'accidents  variés,  dont  la  mort  est  l'issue  habituelle  et  dont  la 
cause,  le  plus  souvent  obscure,  doit  être  recherchée  par  le 
médecin  :  celui-ci  pratique  donc  l'autopsie,  qui  lui  fait  décou- 
vrir le  parasite. 

Les  Cyslicerques  sous-cutanés  et  sous-aponévrotiques  ren- 
trent dans  la  catégorie  des  Gysticerques  intramusculaires. 
Comme  ceux-ci,  ils  siègent  au  sein  du  tissu  conjonctif  ;  et 
Lewin,  qui  leur  a  consacré  une  importante  étude,  est  d'accord 
avec  tous  les  auteurspour  reconnaître  que  les  Gysticerques  dits 
cutanés  «  ne  siègent  pas  dans  la  peau,  mais  au-dessous  d'elle, 
dans  le  tissu  sous-cutané  ou  dans  les  diverses  couches  de  la 
musculature.  »  Ce  fait  a  encore  été  confirmé  récemment  par 
Sevestre,  qui  eut  l'occasion  de  faire  l'autopsie  d'un  individu 
mort  de  ladrerie  «  sous-cutanée»  :  tous  les  parasites  siégeaient 
dans  les  muscles,  bien  que  faisant  saillie  sous  la  peau. 

A  l'inverse  de  ce  qui  s'observe  chez  le  Porc,  il  est  extrême- 
ment rare  de  rencontrer  le  parasite  sous  la  langue  de  l'Homme: 
le  langueyage  ne  saurait  ici  éclairer  en  rien  le  diagnostic.  Les 
seuls  observateurs  qui,  à  notre  connaissance,  aient  signalé 
l'existence  de  kystes  sublinguaux  sont  Rudolphi,  Bonhomme  et 
Lancereaux. 


Lessing.  Schmidt's  Jahrbiicher,  XCIX,  p.  98,  1858. 

Bonhomme,  Observation  de  généralisation  de  Cysticerques  chez  l'Homme. 
Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biologie  (3),  V,  p.  62,  1863. 

Onimus,  Cysticerques  chez  l'Homme.  Mort.  Gazette  des  hôpitaux,  XXXVIII, 
p.  237,  1865. 

Paulet,  Des  Cysticerques  chez  l'Homme.  Ibidem,  p.  257. 

Lancereaux,  Sur  la  ladrerie  chez  V Homme.  Arch.  gén.  de]  méd.  (6),  XX, 
p.  543,  1872. 

Merli,  SulV  autoinfezione  elmintica.  Il  Morgagni,  XVI,  p.  460,  1874. 

Lewin,  Ueèer  Cysticercus  celluloses  und  sein  Vorkommen  in  der  Haut  des 
Menschen.  Charité-Annalen,  II,  p.  609,  187."). 

J.  Boyron,  Essai  sur  la  ladrerie  chez  l'Homme,  comparée  à  cette  affection 
chez  le  Porc.  Thèse  de  Paris,  1876. 

Gillette,  Nouveau  cas  de  ladrerie  chez  l'Homme.  Union  médicale  (3),  XXI, 
p.  662  et  720,  1876. 

Dressel,  Zur  Statistik  des  Cysticercus  cellulos.e.  Inaug.  diss.  Berlin,  1877. 

J.  Rendu,  Ladrerie  généralisée  chez  l'Homme.  Lyon  médical,  XXV,  p.  474, 1877. 

Ed.  Schiff,  Ein  F  ail  von  Cysticercus  cellulosx  cutaneus.  Vierteljahrsschrift 
fur  Dermatologie  und  Syphilis,  IX,  p.  27ô,  1879. 


-LENIA  S0L1UM.  397 


Féréol,  Ladrerie  généralisée  chez  un  Homme  ayant  rendu  un  Tœnia;  com- 
plication de  diabète  sucré.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôp.  (2),  XVI,  p.  161, 
1870. 

Ratherv,  Observation  de  ladrerie  chez  C  Homme.  Ibidem  (2),  XVII,  p.  8£, 
1880. 

Duguet,  Ladrerie  chez  l'Homme.  Ibidem,  p.  G8. 

J.  Pellot,  De  la  ladrerie  chez  l'Homme.  Thèse  de  Paris,  1880. 

Ett.  Baistrocchi,  Un  caso  di  Cysticercus  cellulosx  hominis.  Rivista  clinica 
di  Bologna,  p.  41  i,  1881. 

Fr.  Guarmonprez,  La  ladrerie  chez  l'Homme.  Journal  des  se.  méd.  de  Lille, 
IV,  p.  877,  1882.  —  Id.,  Note  sur  un  cas  de  Cysticerque  du  sein.  Lyon  médical, 
XLIV,  p.  73,   1883. 

Troisier,  Un  cas  de  ladrerie  chez  l'Homme.  Coïncidencede  Ténia  solium  et  de 
Cysticerques.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôp.  (2),  XIX,  p.  206,  1882.  — Id.,  Con- 
tribution à  l'histoire  de  la  ladrerie  chez  l'Homme.  Ibidem  (2),  XXII,  1885. 

A.  Sevestre,  Note  sur  un  cas  de  ladrerie  chez  l'Homme.  Note  complémen- 
taire. Union  médicale  (3),  XXXV,  p.  457,  1883.  —  (Malade  vu  déjà  par  Ra- 
thery). 

C.  Bergonzini,  Caso  di  Cisticerchi  multipli  in  una  donna.  Lo  Spallanzani 
(2),  XII,  p.  316,  1883. 

T.  de  Amicis,  Tre  nuovi  casi  di  Cysticercus  cellulosx  nella  cute  umana  dia- 
gnosticati  sul  vivente.  Giorn.  internaz.  délie  scienze  mediche  (2),  VII,  p.  145, 
1885. 

Les  Cysticerques  s'observent  très  fréquemment  dans  l'encé- 
phale. En  1868,  Kiichenmeister  en  a  rassemblé  88  cas,  à  propos 
desquels  il  a  publié  d'intéressantes  statistiques.  De  son  côté, 
Dressel  en  a  recueilli  71  observations.  Les  parasites  se  répar- 
tissaienteommesuit,  dans  les  cas  rapportés  parKuchenmeister  : 

f  Dure-mère 6  j 

Méninges j  Arachnoïde. 11  [  40  fois. 

(  Pie-mère 23  ) 

Plexus  choroïdes 9  — 

Surface  des  hémisphères 59  — 

Substance  corticale 41  — 

Substance  médullaire 19  — 

Ventricules  et  aqueduc  de  Sylvius. 16  — 

Corps  strié  et  commissure  antérieure 17  — 

Couches  optiques  et  commissure  grise 15  — 

Tubercules  quadrijumeaux 4  — 

Glande  pinéale .  4  — 

Protubérance  annulaire 4  — 

Nerf  olfactif 2  — 

Corps  calleux 2  — 

Bulbe 2  — 

Olives 1  — 

Lobes  frontaux 4  — 

Nerf  optique 1  — 

Entre  les  nerfs  optiques 1  — 

Cervelet. .  k >  18  -*■ 


398 


ORDRE  DES  CESTODES. 


Bonhomme  nous  fournit  aussi  des  renseignements  statisti- 
ques sur  la  distribution  des  Cysticerques  dans  l'encéphale. 
L'individu  qu'il  eut  l'occasion  d'examinerlui  présenta  111  para- 
sites encéphaliques ,  dont  22  siégeaient  dans  les  méninges, 
84  dans  le  cerveau,  5  dans  le  cervelet  et  1  dans  le  bulbe. 

Les  Cysticerques  se  trouvent  logés  le  plus  souvent  dans  les 
méninges  ou  à  la  surface  du  cerveau  :  on  les  voit  alors  s'étirer 
volontiers  dans  le  sens  des  sillons  qui  séparent  les  circonvo- 
lutions cérébrales.  Par  ordre  de  fréquence,  on  les  trouve 
ensuite  dans  l'épaisseur  des  diverses  parties  de  l'encéphale  ; 
plus  rarement,  ils  sont  libres  dans  la  cavité  des  ventricules.  Nous 
ne  pouvons  du  reste  insister  sur  les  particularités  nombreuses 
qu'ils  peuvent  présenter. 

Avant  de  parler  des  Cysticerques  de  l'œil,  nous  devons  pour- 
tant signaler  encore  une  forme  remarquable  que  peuvent 
prendre  parfois  les  Cysticerques  encéphaliques.  Zenker  a  fait 


Fig.  243.  —  Fragment  d'un  Cysticercus  racemosus,  d'après  Zenker 
(grandeur  naturelle). 

connaître  sous  le  nom  de  Cysticercus  racemosus  (1)  une  variété  de 
C.  cellulosx  qui  se  présente  sous  un  aspect  singulier.  Au  lieu 
d'être  arrondie  et  globuleuse,  la  vésicule  du  Cysticerque  prend 

(1)  Heller  appelle  cette  variété  Cysticercus  botryoides  et  Kuchenmeister 
C.  multilocularis. 


TiENIA  S0L1UM.  399 

la  forme  la  plus  irrégulière  :  elle  est  constituée  par  une  série 
d'étranglements  et  de  dilatations  de  taille  très  inégale;  elle  se 
bifurque  de  manière  à  ressembler  plus  ou  moins  à  une  grappe 
de  raisin  (fig,  243).  Zenker  a  fait  une  étude  détaillée  de  celte 
variété  de  Cysticerques;  il  en  reconnaît  quatre  formes  : 
\°  forme  festonnée,  2°  forme  plurivésiculée,  3°  forme  acineuse, 
4°  forme  en  grappe.  Ces  distinctions,  tout  artificielles,  n'ont 
d'autre  importance  que  de  montrer  que  l'état  en  question  peut 
se  développer  à  des  degrés  très  divers. 

Les  vésicules  ainsi  modifiées  atteignent  parfois  une  taille 
considérable.  Zenker  a  vu  Tune  d'elles  mesurer  15  centimètres 
de  longueur  et,  dans  un  cas,  Heller  leur  aurait  même  trouvé 
une  longueur  de  25  centimètres.  La  véritable  nature  de  ces 
productions  est  suffisamment  démontrée  par  leur  structure 
même,  qui  est  celle  des  Cysticerques  normaux  :  aussi,  l'obser- 
vation de  la  tête  n'est-elle  pas  indispensable  pour  assurer  le 
diagnostic.  Celle-ci,  du  reste,  est  difficile  à  t-.ouver  :  elle  peut 
se  développer  aussi  bien  sur  le  trajet  d'une  portion  rétrécie  que 
dans  une  dilatation;  dans  bien  des  cas,  elle  demeure  incom- 
plète, ses  crocbets  étant  en  petit  nombre  ou  même  ne  dépas- 
sant point  la  forme  de  bâtonnets  chitineux  sous  laquelle  ils  se 
montrent  tout  d'abord.  D'une  façon  générale,  on  peut  dire  que 
plus  il  se  différencie  et  s'écarte  du  type  normal,  plus  Cysticercus 
racemosus  a  de  tendance  à  la  stérilité.  Il  ne  faut  pourtant  pas 
croire,  avec  Marchand,  que  la  tête  s'est  d'abord  complètement 
développée,  pour  entrer  ensuite  en  régression  :  l'absence  de 
bourgeon  céphalique  est  primitive,  comme  dans  la  variété 
d'Hydatides  que  nous  apprendrons  plus  tard  à  connaître  sous  le 
nom  d'Acéphalocystes. 

La  variété  rameuse  du  Cysticerque  ladrique  n'a  encore  été 
observée  qu'au  niveau  des  centres  nerveux.  Elle  occupe  les 
espaces  sous-arachnoïdiens  de  l'encéphale  et  de  la  moelle,  ainsi 
que  les  ventricules  cérébraux.  Sauf  de  rares  exceptions,  les 
Cysticerques  sont  libres,  c'est-à-dire  non  enkystés,  et  la  forme 
remarquable  qu'ils  affectent  tient  d'une  pari  à  ce  que  l'absence 
de  capsule  leur  permet  de  s'étaler,  d'autre  part  à  la  disposition 
même  des  espaces  dans  lesquels  ils  sont  contenus,  espaces  dont 
ils  suivent  les  sinuosités  et  les  détours.  Ajoutons  à  cela  que 
l'irrégularité  est  encore  déterminée  par  la  présence  des  brides 


■ 


400  ORDRE  DES  CESTODES. 


vasculaires  qui  traversent  les  espaces  sous-arachnoïdiens  :  en 
venant  buter  contre  celles-ci,  les  Cysticerques  s'étranglent  et 
poussent  de  chaque  côté  de  l'obstacle  un  prolongement  qui 
pourra  se  comporter  à  son  tour  de  la  même  manière. 

Quelle  que  soit  la  voie  suivie  par  l'embryon  hexacanthe  pour 
parvenir  jusqu'à  l'encéphale,  on  doit  se  demander  si  les  Cysti- 
cerques se  sont  trouvés  libres  d'emblée  dans  les  espaces  lym- 
phatiques ou  s'ils  n'ont  pas  été  primitivement  enkystés. 
Leuckartest  de  ce  dernier  avis  :  s'appuyant  sur  des  faits  analo- 
gues dont  nous  parlerons  bientôt  à  propos  des  Cysticerques  de 
l'œil,  il  admet  que  l'état  libre  n'est  que  secondaire.  Telle  est 
aussi  notre  manière  de  voir  :  nous  pensons  que  le  Cysticerque, 
renfermé  tout  d'abord  dans  le  tissu  même  de  l'arachnoïde  ou 
de  la  pie-mère  et  n'y  jouissant  que  d'un  espace  fort  restreint,  a 
fait  saillie  en  dehors  de  celle-ci  au  fur  et  à  mesure  de  son  déve- 
loppementhydrophique  et  a  fini  de  la  sorte  par  tomber  dans  la 
cavité  sous-arachnoïdienne.  Cette  sorte  de  migration  passive 
s'accomplit  de  bonne  heure,  avant  que  le  tissu  conjonctif 
ambiant  se  soit  condensé  autour  du  parasite. 

En  raison  des  conditions  spéciales  qui  lui  donnent  naissance, 
la  variété  rameuse  du  Cysticerque  s'observe  assez  rarement. 
Les  premiers  cas  en  ont  été  signalés  par  Calmeil  et  par  Forget  ; 
ces  deux  observateurs  croyaient  avoir  affaire  à  des  Hydatides 
intra-craniennes.  Plus  tard,  Virchow  en  observa  3  cas, 
Zenker  7,  Marchand  3,  Klob  2,  Westphal  et  Merkel  chacun  un 
cas.  Enfin,  Davaine  a  rencontré  lui-même  cette  forme,  si  on  en 
juge  par  le  n°  3  de  sa  figure  14. 

Calmeil,  Encéphale.  Dictionnaire  do  mcd.  en  30  volumes.  Paris,  183.r>. 

Forget,  Cas  d'Hydatides  intra-craniennes.  Gazette  méd.  (3),  I,  p.  975,  1846. 

R.  Virchow,  Helminthologisctie  Notizen.  —  V.  Trauben-hydatiden  der  wei- 
c.hen  Hirnhaut.  Virchow's  Archiv,  XVIII,  p.  5->8,  1860. 

Westphal,  Cysticercen  des  Gehirns  und  Rùckeamarks.  Berliner  klin.  Wochen- 
schrift,  p.  425,  I8G5. 

Klob,  Cysticercus  cellulosœ  im  Gehirn.  Wiener  med.  Wochenschrift,  p.  115 
u.  129, 1867. 

Fr.  Kuchenmeister,  Ueber  die  Cysticercen  des  Hirns  und  ihr  Verhtiltniss  zu 
Lûhmungen,  Epilepsie  und  Geisteskrankheiten.  Oesterr.  Zeitschrift  fur  pract. 
Heilkunde,   1868. 

H.  Wendt,  Fall  von  Cysticercen  im  Gehirn  als  Fo/ge,  nicht  a/s  Ursache  der 
Geistesstbrung.  Allgemeine  Zeitschrift  fur  Psychiatrie,  XXXI,  p.  401,  1874. 

Pertot,  Cistirerco  multiplo  del  cervello.  Il  Morgagni,  XVI,  p.  379,  1874. 

Arn.  Heller,  Invasions- Krankheiten.  Ziemssen's  Handbuch  der  spec.  Patho- 


TiENlA  SOLIUM.  401 

logie  und  Thérapie,  III.  {*•  Auflage,  p.  333,  1874  ;  2tc  Auilage,  p.  360,  1876. 

A.  Sevestrc,  Cyslicerqv.es  de  l'encéphale.  Bull,  do  la  Soc.  anatomique,  (2), 
XX,  p.  847,  1875. 

F.  Marchand,  Ein  Fa  II  von  s-genamiten  Cysticercus  racemosus  des  Gehirns. 
Virchow's  Arcliiv,  LXXV,  p.  M4,  1879.  —  Id.,  Ueber  zwei  neue  Fàlle  von  Cys- 
ticercus racemosm  des  Gehirns.  Breslauer  ârztliche  Zeitschrift,  n°  5,  1881. 

Fr.  Flint,  A  case  of  Cysticercus  cellulosx  in  Ihe  venlricles  of  tke  brain\ 
sudden  dea'h.  The  Lancet,  I,  p.  574,  1881. 

F.  A.  Zt-nkcr,  Ueber  den  Cysticercus  racemosus  des  Gehirns.  Beitrâge  zur 
Anat.  und  Embryol.  als  Festgabe  Jacob  Henle  zum  4.  April  1882  dargebracht 
von  seinen  Schulern.  Bonn,  p.  119,  1882. 

D.  Bernard,  Note  sur  un  cas  de  Cysticerques  celluleux  de  l'encéphale. 
Arch.  de  neurologie,  VII,  p.  218,  1884. 

Les  Cysticerques  se  rencontrent  fréquemment  dans  l'œil  ou 
dans  ses  annexes;  depuis  la  découverte  de  l'ophthalmoscope, 
les  cas  s'en  sont  considérablement  multipliés,  surtout  dans  la 
chambre  postérieure  et  sous  la  rétine.  Jusqu'en  1866,  A.  von 
Grafe  a  observé  80  000  individus  atteints  de  maladies  des  yeux  : 
80  avaient  des  Cysticerques.  La  distribution  de  ces  derniers 
était  la  suivante  : 

Sous  la  conjonctive '. 5  fois. 

Dans  le  tissu  conjonctif  de  l'orbite 1     — 

Dans  la  chambre  antérieure 3    — 

Dans  le  cristallin 1     — 

Dans  le  corps  vitré 70    — 

De  son  côté,  Poncet  a  publié  en  1873  une  statistique  relative 
à  oi  cas  de  Cysticerques  de  l'œil  relevés  par  lui  dans  les  au- 
teurs; la  publication  de  von  Gràfe  semble  lui  être  demeurée 
inconnue.  Les  parasites  serépartissaient  ainsi  : 

Dans  les  paupières 3  fois. 

Dans  le  tissu  conjonctif  de  l'orbite 10    — 

Sous  la  conjonctive  et  dans  la  cornée 13     — 

Dans  la  chambre  antérieure 9    — 

Dans  le  corps  vitré 19    — 

D'après  Berlin,  de  Stuttgart,  les  Cysticerques  seraient  très 
rares  dans  le  tissu  conjonctif  de  l'orbite  :  cet  auteur  n'en  con- 
naît que  3  observations  authentiques,  dues  à  von  Grâfe,  Horner 
et  Higgens.  C'est  là,  sans  aucun  doute,  un  chiffre  trop  faible  : 
Poncet  en  a  réuni  10  cas,  parmi  lesquels  figure  celui  de 
Horner,  ce  qui  nous  amène  à  un  total  de  12  observations.  Le 
parasite  se  voit  plus  fréquemment  au-dessous  de  la  conjonctive, 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  20 


402  ORDRE  DES  GESTODES. 

comme  le  montrent  les  statistiques  précédentes,  ainsi  que  les 
observations  plus  récentes  de  Lainati  et  de  Manfredi. 

Le  premier  cas  de  Gysticerque  du  globe  oculaire  est  dû  à 
Portai,  qui  écrivait,  en  1803  :  «  J'ai  trouvé  des  Hydatides  entre 
ces  deux  membranes  (la  choroïde  et  la  rétine).  »  Puis  viennent 
les  observations  de  Schott  et  de  Logan,  en  1830  et  1833,  relatives 


Fig.  244.  —  Cysticerque  de  la  chambre  antérieure  de  l'œil. 
A,  tête  du  Cysticerque. 


à  des  parasites  de  la  chambre  antérieure  de  l'œil  (fig.  244).  Les 
premiers  auteurs  qui  aient  signalé  des  Cysticerques  dans  le 
corps  vitré  sont  Coccius  en  1853  et  von  Gràfe  en  1854;  depuis 
lors,  des  observations  analogues  ont  été  faites  bien  des  fois, 
grâce  à  l'emploi  de  l'ophthalmoscope. 

Le  Cysticerque  du  cristallin  s'observe  très  rarement  en 
France  :  on  n'en  connaît  que  quelques  cas,  relatés  par  Follin, 
Desmarres,  Sichel  fils,  Poncet,  de  Wecker;  ce  dernier  ne  l'a  vu 
qu'une  fois  sur  60000  malades.  11  semble  être  également  très 
rare  en  Autriche,  où  Mauthner  n'en  a  pas  vu  un  seul  cas  sur 
30  000  malades.  En  revanche,  il  est  assez  commun  en  Allemagne  : 
von  Gràfe  et  Hirschberg  en  ont  publié  des  séries  d'observations. 

Le  parasite  se  voit  bien  plus  souvent  sous  la  rétine  ou  dans 
le  corps  vitré  (fig.  245)  et,  toute  proportion  gardée,  on  l'y  ob- 
serverait plus  fréquemment  dans  le  nord  de  l'Allemagne  qu'en 
Suisse,  en  France  ou  dans  l'Allemagne  du  sud. 

Le  Gysticerque  qui  siège  dans  les  chambres  de  l'œil  est  pres- 
que toujours  libre,  c'est-à-dire  dépourvu  de  membrane  d'enve- 
loppe :  il  nage  dans  le  liquide  et  change  de  place  suivant  la 


T/ENIA  SOLIUM.  403 

position  donnée  à  la  tête  ;  en  outre  de  ces  mouvements  passifs, 
il  est  capable  lui-même  de  contracter  sa  vésicule,  d'évaginer  ou 
de  rétracter  sa  tête. 

Leuckart  a  montré  que  les  Cysticerques  du  cristallin  et  des 
chambres  de  l'œil  ne  se  sont  pas  développés  en  ces  endroits, 
mais  bien  dans  les  membranes  voisines,  l'iris  ou  la  choroïde.  Ce 
n'est  que  secondairement,  et  par  une  sorte  de  migration,  qu'ils 


I  ..').  —  Cysticcrque  du  corps  vitré  vu  à  l'oplithalmo^copc,  d'après  von 

Gràfe:  à,  Cysticcrque,  derrière  lequel  disparaissent  les  vaisseaux  rétiniens; 
6,  impressions  laissées  sur  la  rétine  et  causées  peut-être  par  le  parasite. 


tombent  dans  les  milieux  de  l'œil  :  par  exemple,  le  Ver  sous- 
rétinien,  par  suite  de  son  développement  hydropique,  décollo 
la  rétine  sur  une  étendue  plus  ou  moins  considérable,  en  même 
temps  qu'il  déprime  cette  membrane;  il  finit  le  plus  souvent 
par  la  déchirer,  et  l'orifice  ainsi  produit  lui  permet  de  tomber 
dans  la  chambre  postérieure  ou  dans  le  cristallin.  Quand  la 
rétine  se  laisse  décoller  facilement,  le  Gysticerque  ne  fait  point 
irruption  dans  le  corps  vitré  :  il  s'entoure  alor-  d'une  cap>ule 
conjonctive  qui  prend  une  épaisseur  et  une  consistance  consi- 


404  ORDRE  DES  CESTODES. 

dérables.  L'examen  ophthalmoscopique  du  fond  de  l'œil  permet 
toujours  de  constater  sa  présence. 

On  ne  connaît  encore  aucun  cas  de  bi-latéralité  du  Gysti- 
cerque  de  l'œil,  et  Otto  Becker  est  le  seul  observateur  qui  ait 
rencontré  deux  Cysticerques  dans  le  même  œil.  Ce  dernier 
fait,  exceptionnel  chez  l'Homme,  est  beaucoup  plus  fréquent 
chez  le  Porc. 

A.  v.  Grâfe,  Bemerkungen  ùber  Cysticercus.  Archiv  fur  Ophthalmologie, 
XII,  2,  p.  174,1866. 

F.  Poncet,  Note  sur  un  cas  de  Cysticerque  de  l'œil,  logé  entre  la  choroïde 
et  la  rétine.  Mém.  de  la  Soc.  de  biologie,  (5),  V,  p.  155,  1873. 

Lainati,  Cisticerco  sotto-congiuntivale.  Annali  universali  di  raedicina, 
GGXXIX,  p.  182,  1874. 

L.  von  Wecker,  Die  Erkrankungen  des  Uvealtractus  und  des  Glaskôrpers. 
A.  von  GràfeundSàmisch's  Handbuchder  ges.Augenheilkunde,lV,p.  707, 1876. 

Vignes,  D'un  cphthalmozoaire  occupant  l'humeur  vitrée;  opération  et  gué- 
rison.  Progrès  médical,  VI,  p.  157,  1878. 

Berlin,  Die  Tumoren  der  Augenhôhle.  A.  von  Gràfe  und  Sâmisch's  Handbuch 
der  ges.  Augenheilkunde,  VI,  p.  689,  1880. 

R.  Rampoldi,  Cisticerco  retroretinico...  Annali  diottalmologia,  IX, p. 264, 1880. 

H.  Cohn,  Ueber  fùnf  Extractionen  von  Cysticerken.  Breslauer  arztl.  Zeits- 
chrift,  no  28,  1881. 

L.  Jany,  Ueber  Einwanderung  des  Cysticercus  cellulosse  in's  menschliche 
Auge.  Breslau,  in-8°,  23  p.,  1882;  Wiesbaden,  1884. 

G.  Souquières,  Un  cas  de  Cysticerque  du  corps  vitré.  Lyon  médical,  XLIV, 
p.  353,  1883. 

N.  Manfredi,  Un  caso  di  Cisticerco  sotto-congiuntivale.  Atti  délia  r.  Accad. 
di  med.  di  Torino,  VI,  p.  1,  1884. 
F.  Sperino,  Cisticerco  retroretinico  e  suoi  movimenti.  Ibidem,  p.  85. 

Les  phénomènes  pathologiques  provoqués  par  la  présence  des 
Cysticerques  sont  variables  suivant  le  siège  môme  des  parasites.  Ceux 
qui  sont  logés  sous  la  peau  ou  dans  les  muscles  ne  déterminent  d'or- 
dinaire que  des  accidents  peu  graves,  à  moins  que  leur  nombre  ne 
soit  considérable.  Les  Cysticerques  du  cœur  méritent  pourtant  une 
mention  spéciale  :  quand  ils  sont  placés  sous  l'endocarde  ou  suspen- 
dus aux  valvules  par  un  pédoncule,  ils  peuvent  amener  de  la  dyspnée, 
des  syncopes,  des  battements  de  cœur,  etc. 

Les  Vers  intra-oculaires  sont  plus  redoutables  encore.  Ceux  du  cris- 
tallin causent  l'opacité  de  cet  organe,  ceux  de  la  choroïde  décollent 
la  rétine  et  amènent  une  irido-choroïdite  qui  a  pour  conséquence  la 
perte  de  la  vision  ;  Poncet  a  décrit  avec  grand  soin  les  lésions  histo- 
logiques  produites  dans  l'œil  par  un  Cysticerque  qui  avait  décollé 
la  rétine.  En  revanche,  les  Vers  de  la  chambre  antérieure  se  laissent 
facilement  extirper.  On  conçoit  quels  troubles  visuels  peuvent  résulter 
de  la  présence  de  ces  parasites  dans  l'œil;  il  est  intéressant  deremar- 


TiENIA  S0L1UM.  405 

quer  à  ce  propos  que  de  semblables  troubles  peuvent  être  occasionnés 
par  des  Cysticerques  encéphaliques,  ainsi  que  Bernard  l'a  reconnu 
chez  un  individu  dont  le  champ  visuel  était  considérablement  rétréci. 
A  titre  d'exception,  nous  devons  citer  encore  le  cas  de  Teale,  dans 
lequel  un  Cysticerque  a  pu  séjourner  dans  l'œil  pendant  deux  ans, 
sans  amener  aucun  trouble  visuel. 

[.es  Cysticerques  de  l'encéphale  sont  rarement  inoffensifs.  Le  plus 
souvent,  ils  manifestent  leur  présence  par  des  accidents  redoutables, 
tels  que  des  accès  épileptiformes,  des  crampes,  des  paralysies,  des 
troubles  mentaux,  etc.,  soit  seuls,  soit  associés  entre  eux.  La  mort  est 
l'issue  habituelle;  parfois  elle  est  subite,  sans  qu'aucun  accident 
préalable  ait  permis  de  supposer  l'existence  d'une  tumeur  ou  d'un 
parasite  encéphalique.  Kùchenmeister  a  fait  l'étude  de  88  cas  de 
Cysticerques  du  cerveau  :  les  principaux  phénomènes  observés  pen- 
dant la  vie  du  malade  avaient  été  les  suivants  : 

Pas  de  symptômes  appréciables 16  fois. 

Maux  de  tête,  somnolence,  langueur 6  — 

Vertiges 1  — 

Épilepsie 34  — 

Paralysies 15  — 

Troubles  psychiques  sans  épilepsie  24  — 

—  —         avec  épilepsie 17  — 

—  —         avec   apoplexie 10  — 

La  longévité  du  Cysticerque  de  l'Homme  semble  être  considérable. 
D'après  Cobbold,  elle  serait  de  huit  mois;  mais  ce  chiffre  est  certaine- 
ment bien  au-dessous  de  la  réalité.  Stich  l'évalue  à  une  période  de 
3  à  G  années  pour  les  Cysticerques  sous-cutanés.  Lafilte  a  vu  dans  le 
service  de  B.  Anger  un  Homme  de  trente-cinq  ans  ans  qui  portait  un 
Cysticerque  dans  la  paume  de  la  main;  le  parasite  avait  commencé 
à  se  montrer  4  ans  auparavant.  Von  Dumreichcr  a  vu,'  chez  un 
Homme  de  vingt-cinq  ans,  un  Cysticerque  qui  occupait  la  région 
temporale  droite  et  qui  remontait  à  4  ans  environ. 

Le  parasite  vit  encore  plus  longtemps  dans  l'œil  et  dans  le  cerveau. 
Sàmiseh  a  trouvé  en  parfait  état  de  conservation,  dans  un  œil  qu'il 
avait  énuclcé,  un  Cysticerque  dont  il  avait  reconnu  la  présence  10 
ans  auparavant.  Ziilzer  parle  d'une  femme  de  Breslau  qui,  pendant 
plus  de  20  ans,  servit  dans  les  cours  d'ophthalmologie  à  démontrer 
la  présence  du  Ver  dans  l'œil.  Quant  à  l'encéphale,  Giac.  Sangalli  a 
vu  durer  7  ans  des  phénomènes  épileptiformes  reconnaissant  pour 
cause  un  Cysticerque;  von  Gràfe  a  vu  des  troubles  nerveux  durer 
9  ans;  Davaine  les  a  vu  durer  10  ans,  Rodust  12,  Voppel  19. 

La  ladrerie  de  l'Homme  est  plus  rare  en  France  et  en  Suisse 


406  ORDRE   DES  GESTODES. 

qu'en  Allemagne.  Zâslein  nous  donne  pour  la  Suisse  les  rensei- 
gnements suivants  :  à  Zurich,  Hasse  ne  l'a  jamais  vue  etEberth 
ne  l'a  pas  observée  une  seule  fois  sur  2500  cadavres;  à  Bâle, 
G.  E.  E.  Hoffmann  ne  l'a  pas  rencontrée  non  plus  sur  1 100  ca- 
davres, mais  Roth  l'a  vue  6  fois  sur  1914  cadavres.  En  Allema- 
gne, on  l'observerait  en  moyenne  6  fois  pour  1000  à  Kiel, 
6,7  fois  àErlangen,  11,3  fois  à  Dresde  et  16,4  fois  à  Berlin.  En 
ce  qui  concerne  cette  dernière  ville,  Virchow  arrive  à  une 
moyenne  un  pou  moins  forte,  12,5  fois  seulement  pour 
1000  malades,  comme  cela  ressort  de  la  statistique  suivante, 
basée  sur  les  cas  observés  à  la  Charité  de  1875  à  1879  : 

En  1875 16,3  cas  pour  1000 

En  1876 13,2     — 

En  1877 11,1     — 

En  1878 9,7     — 

En  1879 .  12,3     — 

On  doit  s'attendre  à  rencontrer  quelque  jour  des  Gysticerques 
dans  les  organes  du  fœtus  ou  chez  des  enfants  nouveau-nés. 
Certains  observateurs  ont  vu  naître  des  Cochonnets  atteints  de 
ladrerie  et,  dans  l'espèce  humaine,  on  a  vu  les  parasites  se  dé- 
velopper dans  les  tissus  du  placenta.  Ces  faits  s'expliquent 
suffisamment  par  les  migrations  de  l'embryon  hexacanthe. 

Il  est  actuellement  hors  de  doute  que  les  Cysticerques  de 
l'Homme  appartiennent  tous  à  une  seule  et  même  espèce  et 
représentent  l'état  larvaire  de  Tœnia  solium.  D'anciens  auteurs, 
Laennec  et  Kœberlé.  ont  cru  pouvoir  en  reconnaître  plusieurs 
variétés  ou  mêmeplusieurs  espèces,  mais  ces  distinctions  n'ont 
pas  été  adoptées  :  elles  ne  répondent  à  aucun  caractère  zoolo- 
gique certain  et  n'ont  d'ailleurs  aucune  utilité  pratique. 

L'identité  du  Cysticerque  de  la  ladrerie  de  l'Homme  avec 
celui  de  la  ladrerie  du  Porc  est  déjà  évidente  pour  qui  fait  une 
étude  comparative  de  l'un  et  de  l'autre.  Il  élaitbon  néanmoins, 
pour  couper  court  à  toute  discussion,  de  démontrer  le  fait 
expérimentalement  :  c'est  à  Redon  que  revient  le  mérite  d'avoir 
résolu  cette  intéressante  question. 

Redon  ingère,  dans  du  lait  tiède,  quatre  des  kystes  recueillis 
sur  un  cadavre  échoué  à  l'amphithéâtre  des  hôpitaux  de  Lyon. 
En  outre,  comme  ces  Cysticerques  pouvaient  être  ceux  d'un 
Ténia  porté  par  un  animal  en  relation  fréquente  avec  l'Homme  ; 


T.ENIÀ  SOLIUM.  407 

comme  d'autre  part,  si  le  Cysticerque  de  l'Homme  et  le  Cysti- 
cerque  du  Porc  ne  l'ont  qu'un,  le  même  individu  peut  porter 
les  deux  états,  cystique  et  rubanaire,  du  même  entozoaire,  on 
prit  la  précaution  d'en  faire  avaler  un  certain  nombre  à  des 
Porcs  et  à  des  Chiens  à  la  mamelle. 

Des  trois  sujets  mis  en  expérience,  un  seul,  l'Homme,  a  fourni 
le  milieu  favorable.  Les  Porcs,  nourris  dans  des  conditions 
spéciales,  ont  succombé  à  de  l'eutérite,  à  des  intervalles  plus  ou 
moins  éloignés  de  l'époque  de  l'ingestion,  sans  que  l'autopsie, 
faite  avec  le  plus  grand  soin,  révélât  des  traces  de  parasite.  Les 
Chiens  ne  contenaient  non  plus  aucune  trace  de  Ver  rubanaire. 
L'expérimentateur,  au  contraire,  après  trois  mois  et  deux  jours 
d'attente,  constata  la  présence  d'anneaux  dans  ses  selles.  Au 
premier  examen,  le  professeur  Lortet  crut  pouvoir  affirmer  que 
ceux-ci  appartenaient  à  Txnia  solium.  Cette  opinion  fut  bien- 
tôt confirmée  par  l'expulsion  d'un  Ver  complet,  qui  fut  déposé 
au  Musée  de  la  Faculté  de  médecine  de  Lyon. 

Th.  Laennec,  Mémoire  sur  les  Vers  vésiculaires,  et  principalement  sur  ceux 
qui  se  trouvent  dans  le  corps  humain.  Mém.  de  la  Fac.  de  méd.  de  Paris  et  de 
la  Société  établie  dans  son  sein,  (1804)  1812. 

E.  Kœberlé,  Des  Cysticerques  de  Ténias  chez  V Homme.  Gazette  hebdom.  de 
méd.  et  de  cliir.,  VIII,  p.  182,  216,  '2GS  et  328,  18GI.  —  Paris,  in-8  de  50  p.  et 
3  pi.,  1861. 

L.  Lafitte,  Cysticerque  de  la  paume  de  la  main.  Union  médicale,  (3),  VII, 
p.  801,  1869. 

Von  Dumreicher,  Cysticercus  cellulosx  im  Unterhautzellgewebe  der  rechten 
Schliifegegend.  Wiener  med.  Presse,  XIII,  p.  425,  1872. 

Redon,  Expériences  sur  le  développement  rubanaire  du  Cysticerque  de 
V Homme.  Comptes  rendus,  LXXXV,  p.  676,  1877. 

Introduit  dans  l'estomac  de  l'Homme  avec  la  viande  de  Porc 
dans  laquelle  il  est  renfermé,  Cysticercus  cellulosœ  ne  tarde  pas 
à  subir  des  modifications  qui  nous  sont  déjà  connues  et  qui 
l'amènent  à  l'état  parfait.  Il  évagine  sa  tête,  sa  vésicule  est 
digérée  et  se  rompt  à  la  base  du  cou,  puis  il  est  entraîné  dans 
l'intestin  grêle,  entre  les  villosités  duquel  il  se  fixe  au  moyen 
de  ses  ventouses.  A  ce  moment,  le  jeune  Ver  est  à  peine  long 
de  imm,5  :  il  représente  simplement  la  tète  du  Cysticerque  pri- 
mitif et  est  doué  d'activés  contractions.  A  partir  du  deuxième 
jour,  le  cou  commence  déjà  à  se  segmenter  et  l'on  assiste  dé- 
sormais à  la  formation  incessante  de  nouveaux  anneaux.  Bien 
que  des  données  précises  fassent  encore  défaut  à  cet  égard,  on 


408 


ORDRE  DES  CESTODES, 


doit  penser  que  cette  multiplication  des  anneaux  se  fait  à  peu 
près  avec  la  même  rapidité  que  chez  l'espèce  précédente. 
Parvenu  à  l'état  parfait,  Tsenia  solium  ressemble  beaucoup  à 

T.  saginata  ;  on  trouve  pour- 
tant dans  les  dimensions 
générales,  dans  la  forme  et 
la  structure  des  anneaux, 
dans  la  forme  et  la  struc- 
ture de  la  tête,  dans  les 
phénomènes  cliniques  dé- 
terminés par  le  parasite, 
un  ensemble  de  caractères 
différentiels  quenousallons 
passer  en  revue. 

Tsenia  solium  (fig.  246) 
est  plus  court  que  le  Ténia 
inerme  :  Davaine  lui  attri- 
bue une  longueur  de  6  à 
8  mètres,  Kùchenmeister 
une  longueur  de  2  à  3  mè- 
tres seulement  ;  d'après 
Leuckart,  il  mesurerait 
3  mètres  à  3m,50  à  l'état 
d'extension  et  le  plus  sou- 
vent moins  de  2  mètres 
après  rétraction  par  l'al- 
cool. Les  chiffres  indiqués 
par.  ces  deux  derniers  au= 
teurs  sont  certainement  au- 
dessous  de  la  réalité,  car  il 
n'est  pas  rare  de  rencontrer 
des  [exemplaires  complets, 
dont  la  taille  est  de  5  à  7  ou 
8  mètres. 
D'accord  avec  cette  moindre  longueur  du  Ver  adulte,  on 
constate  une  réduction  du  nombre  des  anneaux  :  Leuckart 
admet  qu'ils  sont  au  nombre  de  850  environ  ;  les  80  ou  100  der- 
niers sont  mûrs  et,  à  eux  seuls,  occupent  plus  du  tiers  de  la 
longueur  totale. 


Fig.  24G.  —  Tœnia  solium. 


■LENIA  SOLIUM.  409 

La  tête  (fig.  247)  est  plus  ou  moins  arrondie,  large  deOmm,5 
àOmm,7;  exceptionnellement  elle  atteint  1  millimètre  de  largeur. 
Sa  face  antérieure  est  surmontée  d'une 
sorte  de  saillie  appelée  rostre  ou  pro- 
boscide,  qui  se  montre  parfois  teintée 
en  noir  et  au  pourtour  de  laquelle  s'in- 
sèrent deux  rangées  concentriques  de 
crochets.  Le  rostre  est  d'ailleurs  doué 
d'une  grande  contractilité  :  l'animal 
peut  le  retracter,  l'invaginer  même 
dans  les  tissus  de  la  tête,  ou  l'étirer  au 
contraire  en  une  sorte  de  trompe.  Les 
crochets  suivent  ces  divers  mouve- 
ments et  il  en  résulte  pour  eux  des  si- 
tuations variées. 

Les  ventouses,  au  nombre  de  quatre, 
sont  exactement  arrondies  et  mesurent 
deOmm,4  àOmm,5.  Elles  sont  également 
très  contractiles  etsontcapablesde  faire 
une  saillie  encore  plus  considérable  que 
celles  du  Ténia  inerme.  C'est  surtout 
grâce  à  elles  que  se  fait  la  fixation  du  Ténia  sur  la  muqueuse  in- 
testinale, bien  que  les  crochets  puissent  intervenir  aussi  dans 
une  certaine  mesure,  comme  le  montrent  les  mouvements  de 
rétraction  et  de  protraction  qu'accomplit  le  rostre  :  lors  de  In- 
vagination de  ce  dernier,  les  crochets  s'enfoncent  en  effet  dans 
la  muqueuse,  d'abord  directement,  puis  en  divergeant,  ce  qui 
augmente  leur  adhérence. 


Fig.  247.  —  Tôte  de  Tœnia 
solium,  grossie  45  fois, 
d'après  Leuckart. 


Fig.  248. 


Grand  et  petit  crochets  de  Txnia  solium, 
d'après  Leuckart. 


grossis  280  fois, 


Les  crochets,  répartis  en  deux  rangées  égales  et  alternan- 
tes,   diffèrent   de  taille  d'une  rangée  à  l'autre  (fig,  248)  :  ils 


410  ORDRE  DES  CESTODES. 

sont  disposés  de  manière  à  présenter  leur  pointe  sur  une  même 
ligne  circulaire,  les  plus  petits  s'insérant  un  peu  au-dessous 
des  plus  grands.  Leur  nombre  est  de  26  à  28  d'après  Leuckart 
et  de  22  à  32  d'après  Davaine.  Ces  différences  tiennent  sans 
doute  à  des  variations  individuelles,  et  aussi  à  ce  que  les  cro- 
chets se  détachent  aisément  après  que  le  Ver  a  été  expulsé  de 
l'intestin.  Par  un  examen  attentif,  on  peut  assez  facilement 
s'assurer  du  fait,  les  crochets  déjà  tombés  laissant  sur  la  tête, 
comme  trace  de  leur  existence,  une  logette  au  fond  de  laquelle 
ils  étaient  enchâssés. 

On  a  distingué  dans  un  crochet  trois  parties  distincies  :  un 
manche,  une  garde  ou  talon  et  une  lame  ou  griffe.  Il  est  plus 
simple  et  en  même  temps  plus  exact  de  n'y  reconnaître  qu'une 
lame  et  une  base.  Celle-ci  est  échancrée  en  son  milieu,  de  ma- 
nière à  présenter  deux  lobes  ou  racines,  et  est  renfermée  tout 
entière  dans  la  petite  dépression  dont  il  était  question  tout  à 
l'heure;  la  griffe,  légèrement  incurvée  en  faucille,  fait  seule 
saillie  au-dessus  du  niveau  du  rostre.  Le  crochet  s'insère  sur 
le  rostre  de  telle  sorte  que  l'une  de  ses  racines  est  antérieure 
et  interne,  et  l'autre  postérieure  et  externe,  la  pointe  de  la 
griffe  étant  postérieure  et  le  rostre  complètement  évaginé  ;  la 
racine  antérieure  correspond  à  la  convexité  de  la  griffe  (1). 

La  taille  des  petits  crochets  est  à  celle  des  grands  à  peu  près 
comme  2  :  3.  Leuckart  leur  attribue  les  dimensions  suivantes  : 


Grand  Petit 

crochet.  crochet. 
De  l'extrémité  de  la  racine  antérieure  à 

l'extrémité  de  la  griffe 167  à  I75[x  1 10  à.  130fx 

De  l'extrémité  de  la  racine  postérieure  à 

l'extrémité  de  la  griffe 90  à  100[x  64  à    70p. 

Longueur  de  la  base 00  à  10%  64  à    70p. 

La  base  du  crochet  est  donc  à  peu  près  aussi  longue  que  la 
distance  qui  sépare  la  racine  postérieure  de  l'extrémité  de  la 
grille.  En  outre  des  différences  de  taille,  on  peut  constater  en- 
core des  différences  dans  la  forme  générale  des  crochets.  Par 

(1)  Nous  désignons  sous  le  nom  d'antérieure  la  racine  que  Leuckart  con- 
sidère comme  postérieure,  et  vice  versù.  Nous  avons  eu  en  vue  la  situation 
relative  qu'occupent  les  racines  quand  le  crochet  est  en  place  et  le  rostre  en 
extension. 


T\ENIA  SOLIUM.  411 

exemple,  la  racine  postérieure  des  petits  crochets  est  plus 
large  que  celle  des  grands  et  comme  bilobée;  la  griffe  est  un 
peu  plus  courte,  plus  amincie  à  sa  base  et  plus  fortement 
incurvée.  On  pourrait  signaler  encore  d'autres  particularités 
de  moindre  importance. 

La  structure  de  Taenia  soltum  rappelle  beaucoup  celle  de 
T.  saginata;  les  principales  dissemblances  s'observent  dans  les 
organes  génitaux,  mais  le  reste  de  l'organisation  n'est  pas  sans 
présenter  quelques  particularités  intéressantes.  Les  corpuscules 
calcaires  sont  moins  nombreux  que  chez  le  Ténia  inerme,  la 
couche  musculeuse  est  moins  développée.  D'après  Leuckart, 
le  système  vasculaire  subirait  une  remarquable  modification  : 
on  le  voit,  à  partir  de  la  tête,  se  disposer  exactement  comme 
chez  le  Ténia  inerme,  puis  la  lacune  se  continue  jusqu'à  l'extré- 
mité postérieure,  sans  présenter  aucun  changement;  le  vais- 
seau interne,  au  contraire,  ne  tarderait  pas  à  disparaître. 
Moniez  pense  que  cette  oblitération  est  occasionnée  par  le  dé- 
veloppement des  ramifications  utérines,  mais  Leuckart  dit 
qu'on  l'observe  déjà  sur  les  anneaux  dont  les  organes  génitaux 
sont  encore  de  petites  dimensions.  L'oblitération  est,  du  reste, 
incomplète,  et  un  examen  attentif  permet  le  plus  souvent  de 
retrouver  la  trace  des  vaisseaux  (fig.  249,  i) 

Les  glandes  génitales  se  développent  d'une  façon  qui  nous 
est  déjà  connue  :  elles  font  leur  apparition  vers  l'anneau  250.  Le 
pore  marginal,  d'après  Kiichenmeister,  se  montre  lui-même 
à  partir  de  l'anneau  317,  et  acquiert  une  plus  grande  nettelé 
sur  l'anneau  350  ;  Leuckart  ne  l'a  vu  se  développer  qu'à  25  centi- 
mètres de  la  tête,  c'est-à-dire  vers  l'anneau  370  ou  380. 

Étudions  maintenant  la  structure  des  organes  génitaux  com- 
plètement formés.  La  figure  249  représente  un  anneau  parvenu 
à  peu  près  au  même  stade  que  l'anneau  628  de  Taenia  saginata 
(fig.  228).  On  reconnaît,  au  premier  coup  d'œil,  que  la  struc- 
ture est  essentiellement  la  même,  sauf  de  légères  différences 
dont  il  nous  faut  dire  un  mot.  On  sera  frappé  notamment  de  la 
forme  surbaissée  de  l'anneau. 

L'appareil  génital  mâle  est  tout  à  fait  semblable  à  celui  de 
T.  saginata;  notons  pourtant  que  le  canal  déférent  décrit  des 
sinuosités  plus  nombreuses. 

L'appareil  génital  femelle  est    également  construit  sur  le 


412 


ORDRE  DES  CESTODES. 


même  plan.  Mais,  en  outre  des  trois  lobes  que  nous  avons  re- 
connus chez  le  Ténia  inerme,  l'ovaire  présente  un  lobe  acces- 
soire, intercalé  entre  les  deux  lobes  latéraux  et  tourné  du  côté 


77t 


7°-\ 


Fig.  249. 


Anneau  de  Tœnia  solium,  vu  par  la  face  ventrale,  d'après  Sommer. 
Les  lettres  comme  dans  la  fig.  228. 


du  canal  déférent  ;  ce  lobe  accessoire  est  de  petites  dimensions 
et  se  dirige  obliquement  d'arrière  en  avant.  Le  vagin  est  si- 
nueux et  l'arc  qu'il  décrit,  depuis  le  réservoir  séminal  jusqu'au 
sinus  génital,  est  à  peine  marqué.  Le  réservoir  séminal  est  pro- 
portionnellement plus  petit  que  chez  le  Ténia  inerme;  il  est 
aussi  plus  fusiforme,  surtout  dans  les  anneaux  anciens. 

L'anneau  mûr  que  représente  la  figure  250  est  au  même  stade 
que  l'anneau  1215  de  T.  saginata  (fig.  235),  si  ce  n'est  que  le 
corps  de  Mehlis  est  moins  fortement  atrophié.  L'anneau  est 
notablement  plus  court  que  celui  du  Ténia  inerme.  Les  bran- 
ches latérales  qui  partent  du  tronc  de  l'utérus  sont  moins  nom- 
breuses :  on  en  compte  de  sept  à  douze  de  chaque  côté  ;  elles 
se  disposent  fréquemment  en  alternance  irrégulière  et  les  ra- 
meaux qu'elles  émettent  naissent  à  une  certaine  distance  les 
uns  des  autres  et  affectent  une  disposition  dendritique.  Les 
branches  radicales  ou  postérieures  sont  souvent  dilatées  en 
massue  par  une  énorme  accumulation  d'œufs.  Les  branches 
apicales  ou  antérieures  ont  l'aspect  de  bourgeons  et  n'empiètent 


TiENIA  SOLIUM.  413 

point  sur  l'anneau  précédent.  Lors  de  la  distension  de  l'utérus, 
l'anneau  s'est  allongé  dans  toutes  ses  parties,  mais  surtout 
dans  sa  moitié  postérieure  :  il  en  est  résulté  que  le  canal 
déférent  et  le  vagin,  d'abord  exactement  transversaux,  décri- 
vent maintenant  une  courbe  oblique  d'arrière  en  avant  et  de 
dedans  en  dehors. 

Tel  est  l'état  sous  lequel  les  derniers  anneaux  du  Ténia  armé 
se  séparent  du  reste  de  l'animal.  On  ne  les  voit  que  par  ex- 
ception se  séparer  un  à   un,  mais  le  plus  habituellement  le 


Fig.  250.  —Anneau  mûr  de  Tœnia  solium,  Fig.  251.  —  Fragment  de  Tœnia 
vu  par  la  face  dorsale,  d'après  Sommer.  solium  composé  d'anneaux 
Les  lettres  comme  dans  la  fig.  228.  mûrs,  d'après  Laboulbène. 


malade  rend  un  chaînon  formé  de  4,6  ou  10  anneaux,  et  parfois 
davantage,  attenant  les  uns  aux  autres.  C'est  là,  au  premier 
abord,  un  élément  important  de  diagnostic;  des  indications 
non  moins  précises  seront  fournies  par  l'aspect  général  des 
anneaux,  qui  sont  plus  étroits,  plus  minces,  moins  forts  et 
moins  gros  que  ceux  du  Ténia  inerme,  et  aussi  par  ce  fait 
capital  que  les  pores  marginaux  alternent  régulièrement  d'un 
anneau  à  l'autre  (fig.  251).  Les  chaînons  ainsi  constitués  ne 
sortent  jamais  dans  l'intervalle  des  selles  ou  malgré  la  volonté 


414  ORDRE  DES  CESTODES. 

du  malade  ;  la  motilité  des  anneaux  est  moindre  que  chez  T.  sagi- 
nata,  elle  peut  pourtant  durer  jusqu'à  vingt-quatre  heures. 

Il  a  déjà  été  question  des  anomalies  que  peuvent  présenter  les 
Ténias  ;  nous  avons  reconnu  qu'elles  étaient  en  général  les  mêmes 
chez  Tœnia  saginata  et  chez  T.  soliwn  ;  ce  dernier  peut  pourtant 
offrir  certaines  malformations  qui  lui  sont  particulières  et  qui,  à  ce 
titre,  méritent  une  mention  spéciale. 

Les  variations  dans  le  nombre  des  ventouses  semblent  être  assez 
fréquentes  chez  Tœnia  solium,  sans  que  cette  anomalie  coïncide  for- 
cément avec  l'existence  d'une  crête  longitudinale  sur  le  corps  :  cela 
ressort  du  moins  des  observations  de  Laker,  qui  trouva  deux  Ténias 
à  six  ventouses  parmi  les  cinquante-neuf  Vers  expulsés  par  sa  ma- 
lade. Lewin  a  figuré  (1)  un  Cysticerque  de  l'Homme  avec  cinq  ven- 
touses ;  cette  observation  est  particulièrement  intéressante  à  cause  de 
l'absence  totale  de  crochets,  la  ventouse  surnuméraire  occupant  la 
place  même  de  la  couronne  de  crochets.  Ceux-ci  peuvent  donc  faire 
défaut,  mais  il  est  plus  fréquent  de  les  voir  augmenter  de  nombre 
et  se  disposer  sur  trois  rangs. 

C'est  évidemment  à  une  anomalie  de  ce  genre  qu'il  faut  rapporter 
les  Vers  vésiculaires  que  Weinland  a  décrits  sous  le  nom  de 
Cysticercus  acanthotrias. 

En  1845,  le  Dr  Jeffries  Wyman,  de  Richmond  (Virginie),  faisait  l'au- 
topsie d'une  femme  de  race  blanche,  âgée  de  cinquante  ans,  et  ayant 
succombé  à  la  phthisie  :  il  trouva  de  douze  à  quinze  Cysticerques 
disséminés  dans  le  tissu  conjonctif  intermusculaire  et  dans  le  tissu 
sous-cutané,  à  l'exception  d'un  seul  qui  était  situé  à  la  face  interne 
de  la  dure-mère,  au  voisinage  de  l'apophyse  crista-galli  ;  les  muscles 
renfermaient  en  outre  des  kystes  de  Trichine.  Ces  Cysticerques  furent 
conservés  dans  les  collections  de  la  Boston  Médical  Improvement  Society, 
où  ils  furent  étiquetés  :  Cysticercus  cellulosx;  quelques-uns  furent 
donnés  au  Musée  anatomique  de  Cambridge,  Mass. 

Weinland  eut  l'occasion  d'examiner  ces  Cysticerques,  en  1857.  A 
l'œil  nu,  ils  semblent  ne  différer  en  rien  de  C.  cellulosx,  mais  l'exa- 
men microscopique  permet  de  reconnaître  l'existence  d'une  triple 
couronne  de  crochets  à  la  base  du  rostre  (fig.  252).  En  outre  de  deux 
rangées  de  crochets  à  long  manche,  a,  6,  ressemblant  à  ceux  de 
T.  solium,  on  trouve  une  rangée  externe  de  crochets  plus  petits,  c, 
dont  le  manche  fait  défaut.  Malgré  leur  taille  inégale,  les  crochets  de 
ces  trois  rangées  atteignent  tous  par  leur  pointe  un   môme  cercle 

(1)  Lac-  cit.,  pi.  III,  fig.  8. 


TiENIA  SOLIUM. 


41  o 


extérieur,  par  suite  de  leur  insertion  à  des  hauteurs  diverses  sur  le 
rostre. 

Un  seul  de  ces  Cysticerques  fut  rapporté  par  Weinland  en  Europe, 
et  Leuckart  a  pu  l'examiner.  D'après  le  premier  de  ces  observateurs 
chaque  rangée  renfermerait  14  crochets,  soit  un  total  de  42  crochets  ; 
l'exemplaire  étudié  par  Leuckart  avait  16  crochets  dans  chaque  ran- 
gée, soit  un  total  de  48  crochets.  Le  rostre,  comme  les  ventouses, 
était  large  de  350  y..  La  longueur  des  trois  sortes  de  crochets  est, 
d'après  Weinland,  153  y}  11 4  y.  et  63  y.]  Leuckart  leur  attribue  une 


Fig.  252.  —  Couronne  de  crochets  de  Cysticercus  acanthotrias, 
d'après   Weinland. 


taille  un  peu  plus  grande  :  196  y,  140  y.  et  70  y..  Les  deux  prolonge- 
ments radicaux  (manche  et  garde)  présentent  à  leur  extrémité  un 
écartement  de  100  y.,  70  y.  et  35  y.;  la  distance  entre  l'extrémié  de  la 
garde  et  celle  de  la  lame  est  de  100  y.,  80  f*  et  45  y..  Le  manche  est 
donc  proportionnellement  plus  long  que  celui  des  crochets  de  T.  so- 
lium;  la  forme  générale  du  crochet  est  également  plus  élancée. 

Weinland  et  Leuckart  considèrent  ces  Cysticerques  comme  la  larve 
d'un  Ténia  distinct  de  T.  solium  et  encore  inconnu,  mais  qui  peut- 
être  serait  capable  de  se  développer  dans  l'intestin  de  l'Homme;  à 
l'état  larvaire,  il  doit  être  normalement  parasite  d'un  animal  de 
boucherie.  Weinland   avait  décrit  le  Cysticerque  sous  le  nom  de 


416  ORDRE  DES  CESTODËS. 

C.  acanthotrias;   Leuckart  donne  au  Ténia  supposé  le  nom  de  T. 
acanthotrias. 

Kùchenmeister  admet  au  contraire  qu'il  s'agit  ici  d'une  simple  va- 
riété de  C.  cellulose  :  à  l'appui  de  son  opinion,  il  rappelle  que  T.  echi- 
nococcus  présente  fréquemment  dans  la  forme,  la  constitution  et  le 
nombre  de  ses  crochets,  des  différences  considérables  qui  s'expliquent 
par  des  variations  individuelles  autant  que  par  la  diversité  des  hôtes 
chez  lesquels  il  se  développe.  Davaine  et  Gobbold  sont  également  de 
cet  avis;  ce  dernier  ajoute  que  le  Rev.  W.  Dallinger  possède  un 
C.  cellulosse  armé  d'une  triple  couronne  de  crochets  et  trouvé  dans  le 
cerveau  de  l'Homme.  Ajoutons  encore  que,  sur  une  centaine  de  Cys- 
ticerques  examinés  par  lui,  Redon  en  a  rencontré  un  dont  la  tête 
portait  41  crochets  disposés  sur  trois  rangs. 

On  doit  aussi  considérer,  au  moins  provisoirement,  comme  une 
simple  variété  de  Taenia  solium,  le  Ténia  humain  décrit  par  Gobbold 
sous  le  nom  de  T.  tenella  (nec  T.  tenella  Pallas,  1781;  nec  T.  tenella 
Primer,  1847).  Cette  espèce  nominale  a  été  établie  d'après  des  exem- 
plaires de  petite  taille,  dépourvus  de  tête,  à  anneaux  longs  de  7mm,62 
et  larges'  de  3mm,80  ;  l'utérus  était  rempli  d'oeufs  et  ses  branches 
étaient  tellement  contournées  qu'il  était  difficile  d'en  dire  exactement 
le  nombre;  les  pores  marginaux  étaient  irrégulièrement  alternes. 
Cobbold  pense  que  ce  Ténia  provient  du  Mouton  :  dans  le  but  de 
donner  de  cette  opinion  une  démonstration  expérimentale,  il  fit 
prendre  à  un  Agneau,  pendant  l'automne  de  1872,  des  anneaux  d'un 
Ténia  qu'il  rapportait  à  l'espèce  T.  tenella.  Le  22  janvier  1873,  l'ani- 
mal fut  mis  à  mort,  mais  l'examen  des  muscles  n'amena  la  décou- 
verte d'aucun  Cysticerque.  Il  n'en  est  pas  moins  certain  que  le  Mou- 
ton héberge  un  Cysticerque  armé,  que  Cobbold  appela  Cysticercus 
ovis  :  des  observations  de  J.  Chatin,  communiquées  en  1880  à  la  So- 
ciété nationale  et  centrale  d'agriculture  de  France,  mais  demeurées 
inédites,  ont  montré  qu'il  s'agit  simplement,  dans  ce  cas,  de  C.  tenui- 
collis,  larve  de  Tœnia  marginata. 

Guzzardi  Asmundo  a  décrit  récemment  sous  le  nom  de  T.  solium 
var.  minor,  un  Ténia  long  de  lm,35  et  qui  nous  semble  se  rapprocher 
beaucoup  de  la  variété  précédente.  La  tête  et  le  cou  faisaient  défaut  ; 
à  part  cela,  l'animal  était  complet  et  ses  derniers  anneaux  étaient 
remplis  d'œufs;les  pores  marginaux  alternaient.  Les  derniers  an- 
neaux étaient  les  plus  longs  et  mesuraient  12mm  sur  2mm,5.  Les 
anneaux  mûrs  occupaient  une  longueur  de  30cm,  les  branches  de 
l'utérus,  au  nombre  de  15  à  20  et  non  parallèles  entre  elles,  se  sub- 
divisaient dendriliquement  et  se  renflaient  à  leur  extrémité.  Les  œufs 
étaient  ovoïdes,  longs  de  3(3  \>.,  larges  de  31  (x;  quelques-uns  étaient 
arrondis. 


T.ENIA  SOLIUM.  H7 

La  variété  amaigrie  de  T.  solium  a  encore  été  vue  par  Rlégnin. 
«  J'ai,  nous  écrit  ce  savant,  des  Ténias  armés,  provenant  d'enfants 
malingres  et  misérables,  qui  sont  eux-mêmes  très  étriqués,  et  d'au- 
tres qui  ont  le  double  de  largeur,  provenant  d'individus  en  bonne 
santé.  » 

Mentionnons  encore  un  fait  que  nous  avions  omis  de  signaler  pré- 
cédemment. La  collection  helminlhologique  de  la  Faculté  de  méde- 
cine de  Paris  renferme  18  anneaux  de  T.  solium  trièdre,  envoyés  à 
Davaine,  en  juin  188!,  par  le  Dr  Balp,  de  Draguignan. 

Pour  la  bibliographie  de  Txnia  tenella,  voir  Cobbold,  Parasites,  p.  99. 

M.  G.  Asmundo,  Intorno  ad  un  a  nuovn  varietà  di  Ténia  umana;  Txnia 
solium,  varietas  minor.  Giornalc  internaz.  délie  scienzc  mediche,  (2),  VII, 
p.  577,  1885. 

Taenia  solium  semble  occuper  à  la  surface  du  globe  une  aire 
de  distribution  égale  à  celle  du  Porc  lui-même;  c'est  donc  un 
parasite  à  peu  près  cosmopolite;  sa  fréquence  correspond  du 
reste  à  celle  de  la  ladrerie  du  Porc.  On  ne  l'observe  pas  chez  les 
populations  juives  ou  musulmanes,  non  pins  que  dans  la  zone 
torride,  où  le  Porc  s'élève  mai;  il  est  aussi  des  populations  qui 
ne  font  point  usage  de  viande  de  Porc  et  chez  lesquelles,  par 
conséquent,  le  Ténia  armé  ne  se  rencontre  point. 

Nous  avons  noté  déjà  que  T.  solium  devenait  partout  de  plus 
en  plus  rare  :  la  ladrerie  du  Porc  n'a  pas  diminué  de  fréquence, 
mais  l'habitude  de  faire  cuire  convenablement  la  viande  de 
cet  animal  s'est  généralisée  et  d'ailleurs  cette  viande  est  sou- 
mise, sur  les  marchés  ou  dans  les  abattoirs,  à  une  surveillance 
sévère.  En  France,  la  diminution  progressive  des  cas  de  T.  so- 
lium est  reconnue  par  des  observateurs  tels  que  Laboulbène, 
Mégnin,  Bérenger-Féraud,  etc.,  et  il  en  est  de  même  pour  les 
autres  pays  d'Europe  :  on  le  trouve  partout,  mais  partout  il 
est  bien  moins  fréquent  que  T.  saginata.  Leuckart  dit  pourtant 
qu'il  prédomine  dans  certaines  régions  d'Allemagne,  en  Thu- 
ringe,  en  Saxe,  dans  le  duché  de  Brunswick,  en  Westphalie, 
dans  la  Hesse,  en  Wiirttemberg,  en  un  mot  dans  des  régions  où 
l'élevage  du  Porc  est  une  industrie  florissante  et  où  la  viande 
de  cet  animal  est  la  base  de  l'alimentation.  Mais  ce  sont  là  des 
conditions  particulières  qui  n'infirment  en  rien  la  règle  que 
nous  avons  établie. 

Celle-ci  est  encore  applicable    à    l'Angleterre,  bien   qu'un 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  27 


418 


ORDRE   DES  CESTODES. 


trouve  en  ce  pays  certains  centres  d'élevage  du  Porc  dans 
lesquels  le  Ténia  armé  prédomine  également.  Elle  trouve  aussi 
son  application  à  la  Scandinavie  et  à  la  Suisse,  comme  le  prou- 
vent ies  statistiques  de  Krabbe,  de  Friis  et  de  Zàslein. 

Nous  n'avons  pas  à  revenir  sur  la  rareté  relative  de  T.  solium 
en  Asie  et  en  Afrique  :  au  Japon,  Balz  ne  l'a  vu  qu'une  seule  fois, 
alors  que  T.  saginata  est  fréquent.  Il  est  encore  relativement 
rare  dans  l'Amérique  du  Sud,  mais  il  redevient  assez  fréquent 
aux  Étals-Unis,  à  cause  du  nombre  considérable  de  Porcs  qui 
sont  élevés  en  certaines  contrées. 

L.  Boursin,  Étude  sur  le  Taenia  solium.  Thèse  de  Paris,  1877. 
Teenia  echinococcus  von  Siebold,  1853. 


Synonymie  :  Taenia  cateniformis  (cucumerina  Bloch)  Rudolphi,  1810. 
T.  crassicollis  Diesing,  1851. 
TerratasRôU,  1852  (nec  Gôze,  1782). 
T.  serrata  RÔlli  Kûchenmeister. 

T.  nana  van  Beneden,  1861  (nec  Bilharz  et  von  Siebold,  1853). 
Echinococcifer  echinococcus  Weinland,  1861. 

Ce  Ténia  vit  dans  l'intestin  grêle  du  Chien.  Son  œuf  (fig.  253) 
est  légèrement  ovale  et  mesure  27  \l  sur  30  y.  ;  il  est  limité  par 
une  coque  assez  amincie,  faiblement  granu- 
leuse sur  sa  face  externe.  L'embryon  hexa- 
canthe  se  développe  normalement  dans  le  foie 
du  Mouton,  mais  il  est  fréquent  de  l'observer 
dans  d'autres  organes,  ainsi  que  chez  d'au- 
tres animaux;  il  donne  naissance  à  un  Ver 
vésiculaire  connu  sous  le  nom  ÙEchinocoque 
ou  (VHydatide  et  que  l'on  rencontre  chez 
l'Homme  avec  une  fréquence  particulière. 


Fig.  253.  —  OEufs  do 
Taenia  echinococ- 
cus, grossis  245 
fois  d'après  Krab- 
be. 


Les  Echinocoques  ont  été  signalés  chez  les  Sin- 
ges (Inuus  cynomolgus,  I.  ecaudatus,M acacus  sp.  ?, 
Theropithecus  silcnus),  chez  les  Carnivores  (Chat,  Mangouste),  chez  les 
Rongeurs  (Écureuil),  chez  les  Artiodactyles  (Porc,  Sanglier),  chez  les 
Ruminants  (Rœuf,  Argali,  Mouton,  Chèvre, Girafe, Chameau,  Droma- 
daire,Élan,  Antilope),  chez  les  Périssodactyles  (Cheval,  Zèbre,  Tapir) 
et  chez  les  Marsupiaux  [Kanguroo  géant).  Le  Paon  est  le  seul  oiseau 
où  on  les  ait  observés. 


TjENIA  ECHINOCOCCUS.  119 

Los  premiers  développements  de  la  larve  du  Ténia  éehino- 
coque  ont  été  suivis  par  Leuekart.Dcs  essais  d'infestation  au 
moyen  d'anneaux  mûrs  ne  donnèrent  aucun  résultat  chez  le 
Mouton,  mais  réussirent  pleinement  sur  quatre  Cochons  de 
lait.  Au  bout  de  quatre  semaines,  on  aperçoit,  au-dessous  de 
la  tunique  séreuse  du  foie,  de  petits  nodules  d'aspect  tubercu- 
leux et  mesurant  à  peu  près  un  millimètre  :  chacun  de  ces 
nodules  est  constitué  par  un  kyste  de  tissu  conjonctif,  situé 
dans  le  tissu  interlobulaire,  aux  dépens  duquel  il  a  pris  nais- 
sance. Ce  kyste,  d'épaisseur  négligeable,  renferme  un  corps 
sphérique  ou  vésiculeux,  qui  mesure  de  0mm,25  à  0ram,35  et  qui 
n'est  autre  chose  qu'un  jeune  Échinocoque. 

La  structure  de  ce  dernier  est  des  plus  simples  et  rappelle 
celle  de  l'ovule  des  Mammifères.  Une  capsule  homogène  et 
transparente,  épaisse  de  20  à  50  [/.,  circonscrit  un  contenu  in- 
filtré de  grosses  granulations.  La  capsule  est  très  indifférente  à 
l'égard  des  réactifs  ;  elle  est  totalement  anhiste,  et  se  montre  à 
un  haut  degré  élastique  et  extensible.  Son  contenu,  solide  dans 
toute  son  étendue,  renferme  une  masse  de  gros  granules  bril- 
lants comme  des  gouttelettes  graisseuses  et  surtout  nombreux 
à  la  périphérie.  Enfin,  la  capsule  est  entourée  d'une  épaisse 
couche  granuleuse,  dans  laquelle  on  peut  reconnaître  des  cel- 
lules mal  délimitées,  mesurant  en  moyenne  27  (x;  ces  cellules 
sont  le  siège  d'un  actif  processus  de  multiplication. 

Ala  fin  de  la  huitième  semaine  après  l'infestation,  les  Échino- 
coques  ont  à  peu  près  doublé  de  taille.  Les  kystes  qui  les  ren- 
ferment ont  eux-mêmes  grandi,  mais  dans  une  moindre  pro- 
portion ;  quelques-uns  seulement  mesurent  plus  de  lmm,5  de 
largeur;  tous  siègent  encore  dans  le  tissu  conjonctif  interlobu- 
laire et  la  plupart  sont  immédiatement  au-dessous  de  la  cap- 
sule de  Glisson.  Les  plus  petits  Échinocoques  mesurent  de 
0mra,5  à  0ram8,les  plus  gros  de  2mm  à  2mm,o  :  ce  ne  sont  plus  des 
masses  solides,  mais  des  sphérules  creuses,  au  centre  des- 
quelles s'estaccumulé  un  liquideclaircomme  de  l'eau.  Par  suite 
de  la  présence  de  ce  liquide,  la  masse  granuleuse  qui  remplissait 
primitivement  toute  la  capsule  s'est  condensée  à  la  périphérie 
en  une  seconde  membrane,  la  membrane  germinale  ou  ferli 

(1)  Parenchymschicht  ou  A  /  dos  Allemands,  Parenchym  dos  Da- 

nois, endocyst  des  Anglais,  strato  germinale  ou  parenchimale  d<>s  Italiens. 


420 


ORDRE  DES  GESTODES. 


qui  revêt  intérieurement  la  capsule.  Celle-ci  a  pris  le  carac- 
tère d'une  véritable  cuticule,  dont  l'épaisseur  peut  atteindre 
parfois  jusqu'à  70  p.  :  elle  est  formée  d'un  plus  ou  moins 
grand  nombre  de  lamelles  superposées  (fig.  254).  La  membrane 
germinale  s'est  elle-même  différenciée  en  cellules  dont  la  taille 
et  l'aspect  sont  très  variables  :  la  plupart  sont  pâles  et  à  con- 
tours délicats,  d'autres  sont  chargées  de  granulations  et  de  forme 


Fig.  254.       Coupes  de  la  paroi  d'un  jeune  Échinocoque.  A,  coupe  de  la  cuti- 
cule seule.  B,  coupe  de  la  cuticule  et  de  la  membrane  germinale. 


étoilée.  Sur  les  plus  grosses  Hydatides,on  peut  remarquer  que 
ces  diverses  sortes  de  cellules  se  sont  groupées  d'une  certaine 
façon  :  les  plus  petites  cellules  sont  en  dehors;  les  plus  grosses, 
ressemblant  à  des  gouttelettes,  sont  en  dedans;  les  cellules  gra- 
nuleuses et  étoilées  occupent  les  interstices  irréguliers  de  la 
surface. 

Dix-neuf  semaines  après  l'infestation,  le  foie  renferme  des 
kystes  de  la  grosseur  d'une  noix,  soulevant  plus  ou  moins  la 
tunique  séreuse  du  foie;  le  tissu  de  ce  dernier  n'est  aucune- 
ment modifié.  Chacun  des  kys- 
tes renferme  une  Hydatide. 
Celle-ci  est  plus  ou  moins  sphé- 
rique  et  présente  un  diamètre 
moyen  de  10  àI2mm.  Sa  cuticule 
a  acquis  une  épaisseur  notable; 
elle  est  nettement  stratifiée  et 
s'exfolie  facilement.  L'Hydatide  est  fortement  distendue  par 
son  liquide  intérieur;  elle  s'aplalit  néanmoins  à  la  façon  d'un 
coussin,  quand  elle  repose  sur  un  plan  solide  (fig.  255),  preuve 
que  sa  paroi  ne  jouit  que  d'une  force  de  résistance  limitée. 


Fig.;255.  —  llydatides. 


•LENU   ECHINOCOCCUS.  421 

L'Hydatide  est  transparente.  Sa  surface  présente  de  délicates 
crevasses  qui  s'entre-croisent  en  divers  sens  :  on  dirait  que  les 
couches  cuticulaires  les  plus  externes  se  sont  gercées,  plutôt  que 
de  se  laisser  distendre  davantage  par  la  pression  intérieure;  il 
est  du  moins  certain  que  les  couches  externes  de  la  cuticule 
sont  plus  distendues  que  les  couches  les  plus  internes.  Sur  une 
Hydatide  large  d'un  centimètre,  cette  cuticule  est  épaisse  de 
0mm,2.  Les  différentes  assises  qui  entrent  dans  sa  constitution 
sont  d'autant  plus  nettes  et  d'autant  plus  minces  qu'on  se  rap- 
proche davantage  de  la  membrane  germinale.  A  mesure  que 
les  assises  périphériques  se  perdent  et  s'exfolient,  il  s'en  forme 
de  nouvelles  au  contact  de  cette  dernière. 

La  membrane  germinale,  découverte  par  Goodsir,  en  1841, 
et  bien  étudiée  parle  professeur  Gh.  Robin,  en  1854,  est  assez 
mince,  malgré  le  rôle  important  qu'elle  est  appelée  à  jouer  : 
son  épaisseur  est  à  peine  de  0mm,12.  Sa  structure  est  la  môme 
qu'à  la  fin  de  la  huitième  semaine,  si  ce  n'est  qu'entre  les  cel- 
lules de  la  couche  externe  se  voient  des  corpuscules  calcaires 
de  taille  variable  et  atteignant  parfois  d'assez  grandes  dimen- 
sions. Ces  corpuscules  sont  pour  la  plupart  lenticulaires;  par 
leur  aspect  général  et  leur  structure  stratifiée,  ils  ressemblent 
à  ceux  des  autres  Gestodes  ;  ils  en  diffèrent  pourtant  en  ce  que 
les  acides  les  éclaircissent  sans  dégager  de  gaz.  On  les  trouve 
ordinairement  épars  sur  toute  la  surface  du  Ver;  ils  n'apparais- 
sent que  chez  des  Hydatides  larges  de  8mm. 

A  la  face  interne  de  la  membrane  germinale,  Naunyn  si- 
gnale, soit  isolés,  soit  groupés  par  o  à  10,  des  cirres  vibratiles, 
qu'on  pourrait  croire  en  rapport  avec  un  appareil  excréteur, 
plus  spécialement  avec  des  entonnoirs  analogues  à  ceux  que 
nous  avons  signalés  déjà  chez  Taenia  saginala  (page  337)  ;  tou- 
tefois, on  n'a  pu  jusqu'à  présent  constater  avec  certitude  l'exis- 
tence d'un  semblable  appareil.  L'existence  des  cirres  eux- 
mêmes  n'a  pu  être  vérifiée  ni  par  Leuckart  ni  par  Moniez. 

L'étude  rapide  que  nous  venons  de  faire  nous  montre  des 
différences  considérables  entre  lesÉchinocoques  etlesCyslicer- 
ques.  L'analogie  entre  les  deux  états  larvaires  ne  saurait  être 
méconnue,  mais  l'Echinocoque  est  caractérisé  par  la  grande 
épaisseur  de  sa  cuticule,  par  l'absence  de  toute  musculature, 
par  la  lenteur  de  sa  croissance,  par  le  développement  tardif  du 


422  ORDRE   DES   CESTODES. 

système  vasculaire,  des  corpuscules  calcaires  et  des  rudiments 
céphaliques.  La  formation  de  ceux-ci  est  très  remarquable  ; 
nous  l'étudierons  avec  soin,  quand  nous  connaîtrons  la  com- 
position chimique  de  la  vésicule  et  du  liquide  qui  la  remplit. 

Frerichs  a  démontré  que  la  cuticule  des  Hydalides  n'était  formée 
ni  de  substances  protéiques,  ni  de  substances  capables  de  produire 
du  mucus.  Cette  élude  chimique  fut  reprise  par  Lûcke,  qui  reconnut 
un  corps  très  voisin  de  la  chitine,  mais  en  différant  par  quelques 
caractères  secondaires.  Il  est  du  reste  possible  de  noter  également 
plus  d'une  différence  entre  la  cuticule  des  Échinocoques  jeunes  et 
celle  des  Échinocoques  âgés,  non  seulement  au  point  de  vue  des  réac- 
tions, mais  aussi  quant  à  la  composition  élémentaire.  La  nature  chi- 
tineusedela  cuticule  estencore  prouvéepar  ce  faitque,par  la  méthode 
de  Berthelot,  elle  donne  de  la  glycose  tout  aussi  bien  que  la  chitine 
véritable. 

Le  liquide  qui  remplit  l'Hydatide  est  incolore  ou  légèrement  jau- 
nâtre, de  réaction  neutre  ou  faiblement  acide  ;  son  poids  spécifique 
est  de  1009  à  1015.  11  renferme  environ  1,5  pour  100  de  sels  inorga- 
niques, constitués  pour  moitié  par  du  chlorure  de  sodium.  Claude 
Bernard  y  reconnut  le  premier  la  présence  de  la  glycose  ;  par  la 
suite,  ce  sucre  a  été  signalé  par  Cb.  Bernard  et  Axenfeld,  par  Lûcke, 
Naunyn  et  d'autres.  On  y  rencontre  encore  de  l'inosite  (1),  de  la 
leucine,  de  la  tyrosine,  de  l'acide  succinique  combiné  à  la  chaux.  Il 
ne  se  coagule  pas  par  la  chaleur,  ainsi  que  l'avaient  déjà  reconnu 
Kedi  en  1084  et  Dodarl  en  1697  ;  il  renferme  pourtant  de  l'albumine. 
Celle-ci,  signalée  d'abord  par  Naunyn,  a  été  revue  par  Mourson  et 
Schlagdenhauffen;  elle  est  en  très  petite  quantité  et  proviendrait  du 
sérum  sanguin,  l'Échinocoque  se  nourrissant  aux  dépens  du  sang 
suivant  les  lois  de  l'osmose. 

11  est  d'ailleurs  certain  que  bon  nombre  de  substances,  dont  il  est 
possible  de  déceler  la  présence  dans  le  liquide  des  Hydalides,  n'ont 
pas  été  élaborées  par  celle-ci,  mais  provienneut  soit  du  sang,  soit 
des  organes  voisins.  Ainsi  s'explique  la  présence  de  l'hématoïdine, 
signalée  par  Jones,  Leudet,  Ilyde  Salter,  Robin  et  Mercier,  Charcot  et 
Davaine,  puis  soigneusement  étudiée  par  Habran  ;  ainsi  s'explique 
également  la  présence,  mentionnée  par  Barker,  des  sels  de  l'urine 
dans  le  liquide  d'Ilydatides  du  rein.  C'est  encore  à  une  (iltration 
pure  et  simple  qu'on  doit  attribuer  la  présence  de  la  bile,  celle  de  la 
cholestérine,  celle  de  l'hémoglobine,  peut-être  même  celle  du  sucre; 

(I)  Suivant  Naunyn,  l'inosite  existerait  toujours  dans  les  Hydatides  du 
Mouton,  mais  ne  se  trouverait  jamais  dans  celles  de  l'Homme. 


TiENU  ECHINOCOCCUS.  423 

en  effet,  il  est  peu  vraisemblable  que  ce  dernier  résulte  d'une  trans- 
formation de  la  capsule  de  l'Échinocoque  ;  il  provient  plus  proba- 
blement du  sang,  d'autant  plus  qu'on  ne  l'a  guère  signalé  jusqu'ici 
que  dans  les  Hydatides  du  foie.  Toutefois,  en  ce  qui  concerne  l'hé- 
matoïdine  et  l'hémoglobine,  il  y  a  lieu  d'admettre  que  leur  présence 
dans  le  liquide  hydatique  est  déterminée  par  une  rupture  préalable 
et  plus  ou  moins  ancienne  des  nombreux  capillaires  qui  arrosent  le 
kyste.  La  parfaite  perméabilité  des  Échinocoques  est  d'ailleurs  con- 
nue depuis  longtemps  :  en  1811,  Fréteau  (de  Nantes)  attirait  déjà 
l'attention  sur  elle. 

En  outre  des  substances  accidentelles  dont  il  vient  d'être 
question,  les  Hydatides  semblent  contenir  normalement,  dans 
leurs  déchets  nutritifs,  des  proportions  variables  d'une  leuco- 
maïne  dont  Mourson  et  Schlagdenhauffen  ont  signalé  l'exis- 
tence. Cet  alcaloïde  doit  être  la  cause  des  accidents  toxiques 
(urticaire,  péritonite  souvent  mortelle)  observés  maintes  fois 
chez  l'Homme,  dans  les  cas  où  l'Hydatide  vient  à  s'ouvrir  dans 
une  des  grandes  cavités  séreuses.  Les  déchets  nutritifs,  au  nom- 
bre desquels  figure  cette  leucomaïne,  sont  en  rapport  avec  l'ac- 
tivité nutritive.  Leur  abondance  probable  au  moment  de  l'évo- 
lution des  têtes  de  Ténia  et  leur  rareté  dans  les  périodes  de 
repos  de  l'Échinocoque  expliquent  pourquoi  l'irruption  du  li- 
quide hydatique  dans  une  des  grandes  séreuses  est  tantôt  suivie 
d'accidents  plus  ou  moins  graves,  tantôt  est  inoffensive. 

Ch.  Bernard  et  Axenfeld,  Présence  du  sucre  clans  le  liquide  d'un  ky  s  le 
hi/datique  du  foie.  Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  Biologie,  (2),  III,  p.  90, 
1856. 

A.  Lucke,  Die  Hàllen  der  Echinococcen  und  die  Echinococcen-Flussiykeit. 
Virchow's  Archiv,  XIX,  p.  189,  18G0. 

B.  Naunyn,  UeOer  lieslandtheile  der  Echiuococcus-Flùssigkeiten.  Archiv  fur 
Anatomie,  p.  417,  1863. 

Bôdeker,  Palhologkch-chemische  Mitlheilunyen — •/.  Bemsteinsâure  in 

der  Flùssigkeit  einer  Lebcrcyste.  Zeitschr.  f.  rat.  Medicin,  ;2),  Vil,  p.  137, 
1855. 

Davaine,  Recherches  sur  les  Hydatides,  les  Échinocoques  et  le  Cœnure  et  sur 
leur  développement.  Mémoires  de  la  Soc.  de  la  biologie,  (•;),  II,  p.  157,  1855. 
—  Gazette  médicale,  (3),  XI,  p.  45,  1S56. 

F.  von  Recklinghausen,  Echinococcmflùssigkeit.  Virchow's  Archiv,  XIV, 
p.  481,  1858. 

J.  Habran,  Delà  bile  et  de  l'hématoïdine  dans  les  kystes  hyda  tiques.  Thèse 
de  Paris,  1869. 

Im.  Muuk,  Ueber  die  chemische  Zusamniensetzuny  der  Echinococcuiflùs- 
siykeit.  Virchow's  Archiv,  LXIII,  p.  560,  1875. 


424  ORDRE  DES  CESTODES. 

Dans  des  cas  exceptionnels,  l'Échinocoque  peut  demeurer  en 
cet  état  :  c'est,  pour  ainsi  dire,  un  Gysticerque  qui  serait  de- 
venu hydropique,  mais  dont  la  tête  ne  se  serait  point  dévelop- 
pée. On  a  dès  lors  affaire  à  un  Acéphalocystc.  Laënnec,  qui 
lui  a  donné  ce  nom,  croyait  cette  forme  d'Échinocoque  par- 
ticulière à  l'Homme  et  la  considérait  comme  constiluant  un. 
genre  distinct  des  Hydatides  du  Bœuf  et  du  Mouton,  dans  les- 
quelles il  avait  reconnu  la  présence  de  têtes.  L'opinion  de  cet 
illustre  observateur  fut  généralement  acceptée  ;  en  1809,  Himly 
s'efforça  de  prouver  que  l'Acéphalocyste  est  un  animal  et  peut- 
être,  dit-il,  le  plus  simple  de  tous  les  animaux;  en  1830,  Kuhn 
(de  Niederbronn)  le  rangea  parmi  les  Psychodiaires  de  Bory  de 
Saint-Vincent.  Cependant,  Bremser  avait  montré,  dès  1821,  que 
les  Hydatides  de  l'Homme  ne  sont  pas  plus  dépourvues  de  têtes 
que  celles  des  animaux;  la  preuve  en  fut  définitivement  donnée 
par  les  recherches  de  Livois. 

Le  genre  Acephalocystis  de  Laënnec  devait  donc  disparaître  et 
rentrait  par  conséquent  dans  le  genre  Fchirwcoccits,  tel  que 
l'avait  établi  Rudolphi.  Il  importe  néanmoins  de  noter  l'exis- 
tence possible  d'Acéphalocystes,  c'est-à-dire  d'Échinocoques 
dépourvus  de  tête  pendant  toute  leur  vie,  non  seulement  chez 
l'Homme,  mais  encore  chez  les  divers  animaux.  Du  reste,  on 
doit  être  fréquemment  exposé  à  prendre  pour  des  Acéphalo- 
cystes  véritables  des  Hydatides  dont  l'évolution  n'est  pas  en- 
core achevée  ;  on  se  rappelle  que  ces  dernières  croissent  avec 
une  grande  lenteur  et  qu'elles  atteignent  une  taille  assez  consi- 
dérable, avant  que  toute  formation  céphalique  fasse  son  appa- 
rition. 

Les  Échinocoques  stériles  se  rencontrent  de  préférence  dans 
certains  organes,  plus  fréquemment  dans  le  cerveau,  dans  les 
os,  dans  les  membres,  que  dans  le  foie.  Dans  une  observation 
de  Charcotet  Davaine  dont  nous  reparlerons  plus  loin,  les  Hyda- 
tides appendues  à  l'intestin  grêle  étaient  toutes  stériles;  celles 
des  autres  organes  renfermaient  toutes  des  têtes  de  Ténia. 

Dremser,  Notice  sur  L'Echinococcus  hominis.  Journal  complém.  du  dict.  des 
se.  mcd.,  XI,  p.  28-2,  1821. 

Kuhn,  Recherches  sur  les  Acéphalocystes  cl  sur  la  manière  dont  ces  jn-o- 
ductions  parasitaires  peuvent  donner  lieu  >>  des  tubercules,  Mém.  de  la  Soc. 
d'hiat.  n.a.  de  Strasbourg,  I,  1830.  —  Gaz.  niéd.,  III,  p.  887,  1  So2.  -  Anna- 
les des  se.  nat.,  XXIX,   p.  285,  18 


T.-ENIA   ECI11N0C0CCUS. 


Eug.  Livois,  Recherches  sur  les  Èchinocoques  chez  l'Homme  et  chez  les  ani- 
maux. Thèse  do  Paris,  1843. 

II.  Helm,  Ueber  die  Productivitât  und  Sterilitdt  (1er  Echinococcusblasen. 
Virchow's  Archiv,  LXXIX,  p.  1  il,  1880. 

Quand  l'Échinocoque  ou  vésicule-mère  (1)  a  suffisamment 
grandi,  le  bourgeon  céphalique  commence  à  se  montrer.  Con- 
trairement à  ce  qui  a  lieu  pour  les  Cysticerques,  il  ne  se  pro- 
duit pas  une  seule  tôle,  mais  des  centaines,  parfois  même  des 
milliers. 

Le  développement  de  la  lete  est  assez  compliqué.  Avant  que 
von  Siebold  ne  fît  la  découverte  des  vésicules  proligères,  on 
admettait  généralement  qu'elle  se  for- 
mait par  un  procédé  très  simple,  aux 
dépens  d'un  bourgeon  développé  à  la 
surface  de  la  membrane  germinale  (fig. 
256)  :  on  pensait  également  qu'elle  se 
séparait  de  celle-ci  au  bout  d'un  temps 
plus  ou.  moins  long,  pour  nager  libre- 
ment dans  le  liquide  de  l'Échinocoque. 
Noiis  allons  voir  que  ces  deux  opinions 
sont  inexactes.  Les  recherches  de  Nau- 
nyn,  de  Leuckart  et  de  Moniez  ont  mis 


Fig.  256.—  Coupe  d'Échi- 
nocoque  montrant,  de 
haut  en  bas,  le  dévelop- 
pement supposé  de  la 
tête. 


hors  de  doute  que  la  tête  (2)  prend  tou- 
jours naissance  par  un  autre  procédé, 
qu'il  nous  faut  étudier  maintenant. 

A  la  face  interne  de  la  membrane  ger- 
minale apparaissent  de  petites  papilles,  dont  la  surface,  d'après 
Naunyn,  peut  présenter  également  quelques  soies  vibratiles. 
Quand  leur  épaisseur  est  devenue  double  de  celle  de  la  couche 
germinale,  elles  se  creusent  d'une  petite  cavité  arrondie,  à  la  sur- 
face interne  de  laquelle  se  différencie  bientôt  une  mince  cuticule 
(fig.  257,  a).  La  papille  continue  de  croître,  en  même  temps  que 
sa  cavité  s'agrandit,  b,  et  que  sa  paroi  cellulaire  va  en  s'amincis- 
sant  ;  finalement  elle  se  transforme  en  une  cavité  plus  ou  moins 

1)  Muttcrblase  des  Allemands,  Moderblaere  des  Danois. 
(2)  Davaine  et  quelques  autres  helminthologistes  français  restreignent  le 
sens  du  mot  Échinocoque  :  pour  eux,  l'Hydatide  n'est  autre  chose  que  leVervc- 
Biculaire,  analogue  au  Cysticerque  ;  l'Échinocoque  est  la  tête  de  Ténia  née 
par  bourgeonnement.  Nous  ne  pouvons  adopter  cette  terminologie,  qui  nous 
semble  être  en  désaccord  avec  les  règles  de  la  nomenclature  zoologique. 


426 


OKDRE  DES  GESTODES. 


Fig.  257.  —  Figure  théorique  représentant  les  divers  modes  de  multiplication 
de  l'Échinocoque.  —  «,  6,  développement  de  la  vésicule  proligère  à  la  sur- 
face et  aux  dépens  de  la  membrane  germinale.  —  c,  d,  e,  développement 
des  têtes  de  Ténia,  d'après  Leuckart.  —  /',  y,  //,  i,  /c,  développement  des 
têtes  de  Ténia,  d'après  Moniez.  —  /,  vésicule  proligère  complètement  déve- 
loppée et  remplie  de  têtes  de  Ténia.  —  m,  vésicule  proligère  dont  la  paroi 
s'est  rompue  ;  on  n'en  retrouve  plus  qu'un  fragment,  sur  lequel  s'attachent 
trois  têtes,  à  différents  degrés  d'invagination.  —  n,  tête  mise  en  liberté  par 
la  rupture  d.;  la  vésicule  proligère,  invaginée  en  elle-même  et  parcourue 
par  des  vaisseaux.  —  o,  ?>,  q,  r,  mode  de  formation  des  vésicules  secon- 
daires exogènes,  —s,  vésicule  exogène  a-  l'intérieur  de  laquelle  se  voit  une 
vésicule  proligère  fertile.  —  /,  vésicule  exogène  ayant  produit  deux  vési- 
cules petites-filles,  l'une  exogène,  l'autre  endogène.  —  a,  v,  x,  mode  de 
formation  des  vésicules  secondaires  endogènes,  d'après  Kuhn  et  Davaine.— 
//,  z,  mode  de  formation  des  vésicules  secondaires  endogènes,  d'après 
Naunyn  et  Leuckart  :  //,  aux  dépens  d'une  tète  de  Ténia;  s,  aux  dépens 
d'une  vésicule  proligère. 


TjENIA  ECH1N0C0CGUS.  427 

spacieuse,  qui  a  reçu  le  nom  de  vésicule  proligère  (1)  et  dans 
laquelle  se  formeront  les  têtes  de  Ténia,  par  un  procédé  que 
Leuckart  et  Moniez  interprètent  différemment.  La  vésicule  pro- 
ligère est  formée  d'éléments  analogues  à  ceux  de  la  membrane 
germinale,  mais  l'aspect  de  ces  éléments  est  plus  jeune  ;  ils  ne 
renferment  pas  de  globules  graisseux.  Tapissée  d'une  cuticule 
à  l'intérieur,  mais  non  à  l'extérieur,  la  vésicule  proligère  est  en 
réalité  située  en  dehors  de  la  cavité  de  l'Échinocoque,  de  la 
même  manière  que  le  foie  ou  l'estomac  sont  en  dehors  de  la 
cavité  péritonéale. 

D'après  Leuckart,  la  tête  prendrait  naissance  par  le  procédé 
qu'il  admet  pour  le  bourgeon  céphalique  du  Gysticerque  :  un 
bourgeon  creux,  communiquant  avec  la  cavité  de  la  vésicule 
proligère  par  un  canal  plus  ou  moins  rétréci,  se  formerait  en 
dehors  de  celle-ci,  c.  Ce  bourgeon,  tapissé  intérieurement  par 
la  cuticule,  ne  diffère  de  la  membrane  sur  laquelle  il  est  né  que 
par  sa  grande  épaisseur.  Son  fond  s'élargit  bientôt,  puis  on  voit 
apparaître  sur  ses  parois  des  crochets  et  quatre  ventouses, 
d.  Dès  que  la  formation  de  la  tête  est  achevée,  elle  se  dévagine 
et  devient  fixe  à  l'intérieur  de  la  vésicule  proligère,  e. 

Moniez  a  suivi  de  près  le  développement  des  têtes  et  les  a 
vues  débuter  par  des  mamelons  pleins ,  «  Ces  bourgeons  naissen  t 
bien  par  un  épaississement  en  forme  de  disque  sur  la  mem- 
brane de  la  vésicule  proligère,  mais  cet  épaississement  ne  reste 
pas  à  l'intérieur  de  la  vésicule  comme  le  veulent  Naunyn  et 
Rasmussen  ;  il  fait  saillie  à  l'extérieur  en  même  temps  que  se 
soulève  la  partie  centrale,  tournée  vers  la  cavité  de  la  vésicule 
proligère.  Le  mamelon  naissant  glisse  entre  les  lèvres  qui  li- 
mitent la  dépression  et  il  la  force  ainsi  à  s'accentuer  d'abord, 
mais  bientôt  le  disque  qui  le  porte  ne  peut  s'éloigner  davantage 
et  le  mamelon  pénètre  alors  dans  la  cavité  de  la  vésicule  pro- 
ligère où  il  se  développe  à  l'aise.  » 

Le  mamelon  est  d'abord  arrondi,  f\  par  la  suite,  il  s'amincit 
et  devient  ovale,  g.  Gomme  l'a  vu  Wagener,  il  se  forme  ensuite, 
vers  le  haut,  une  sorte  de  collerette  qui  entoure  le  sommet  du 
cône,  et  c'est  au-dessous  de  cette  collerette  qu'apparaissent 
les  crochets,  semblables,  dans  cet  élat  rudimentaire,  à  ceux 

(I)  Brutkapsel  des  Allemands,  Brood-capsule  des  Anglais,  Redeblaere  des 
Danois,  Cisti-nido  ou  Vescicola  germinativa  des  Italiens. 


428  ORDRE  DES  CESTODES. 

de  Cysticercus  pisiformis,  mais  moins  nombreux,  disposés  sur 
quatre  à  six  rangs  et  irrégulièrement  alternes,  h.  «  La  partie  en- 
tourée par  la  collerette  correspond  au  mamelon  céphalique  du 
Cysticerque  de  Tsenia  serrata  :  elle  va  s'invaginer  un  peu  à  la 
fois  et  on  ne  la  verra  plus  quand  les  crochets  seront  très  dé- 
veloppés. En  même  temps,  la  partie  postérieure  du  mamelon 
se  pince,  s'étire,  les  éléments  arrondis  qui  forment  tout  le 
corps  du  jeune  Ver  se  modifient  en  ce  point  et,  par  suite  de 
cet  allongement,  se  transforment  en  fibres  qui  se  perdent  dans 
les  tissus  de  la  vésicule-fille,  i.  » 

Il  se  forme  ainsi  de  5  à  10  ou  20,  parfois  même  jusqu'à  34 
têtes  à  l'intérieur  d'une  même  vésicule  (1).  Si  on  considère  que 
les  vésicules  peuvent  se  développer  elles-mêmes  en  grande 
quantité,  on  comprendra  qu'un  nombre  considérable  de  têtes 
de  Ténia  puissent  prendre  naissance  dans  un  seul  Échi- 
nocoque. 

A  côté  de  têtes  nées  comme  nous  venons  de  dire",  quelque- 
fois sur  la  même  vésicule  proligère,  Moniez  a  remarqué  d'au- 
tres formations,  beaucoup  moins  fréquentes  et  de  caractère 
différent,  qui  correspondent  évidemment  aux  bourgeons  exté- 
rieurs que  Leuckart  considère  comme  le  point  de  départ  des 
rudiments  céphaliques.  Une  tête  de  Ténia  se  forme  bien, 
comme  le  dit  Leuckart,  au  fond  de  cette  cavité,  avec  la  diffé- 
rence que  les  crochets  n'apparaissent  pas  sur  les  parois,  mais 
sur  un  mamelon  qui  a  bourgeonné  dans  le  fond,  k.  Il  est  d'ail- 
leurs vraisemblable  que  cette  tête  est  toujours  incapable  de 
rentrer  dans  la  vésicule;  elle  reste  en  dehors,  dans  son  enve- 
loppe spéciale,  en  communication  cependant  avec  la  cavité  de 
la  vésicule  proligère.  Naunyn  considérait  ces  diverticules 
comme  produits  sous  l'influence  du  froid  et  comme  résultant 
de  la  dévagination  des  bourgeons  qui  normalement  donnent 
naissance  à  la  tête.  Cette  interprétation  est  manifestement 
inexacte,  puisque  ces  derniers  ne  sont  pas  creux. 

Les  têtes  se  développent  donc  toujours  à  l'intérieur  de  vési- 
cules proligères.  Elles  restent  appendues  à  leur  paroi  et  les 

(,l)  En  examinant  au  hasard  les  vésicules  proligères  provenant  d'une  Ilyda- 
tide  du  foie  du  Mouton,  nous  avons  trouvé  les  chiffres  suivants  :  1',  :>,  ;'»,  (i 
(quatre  fois),  7  (deux  fois),  «S  (cinq  fois),  i)  (deux  fois),  10,  11,  12  (trois  fois), 
îi    deux  fois),  15,  10  (trois  fois),  18  (cinq  fois),  21  (deux  fois). 


T^NIA  ECHINOCOCCUS. 


429 


vésicules  elles-mêmes  restent  fixées  à  la  membrane  germinale, 
tant  que  l'Échinocoque  est  vivant  (fîg.  257,  /).  Les  vésicules 
n'éclatent,  les  têtes  ne  se  séparent  d'elles,  pour  nager  libre- 
ment dans  le  liquide,  m,  rc,  qu'assez  longtemps  après  la  mort 
de  l'Hydatide,  ou  bien  lorsque  celle-ci  est  plongée  dans  un 
liquide  dialysable,  tel  que  l'eau.  C'est  évidemment  à  des  faits 
de  ce  genre  qu'il  faut  attribuer  l'opinion  ancienne,  qui  faisait 
naître  la  tête  directement  sur  la  membrane  germinale;  mais 
un  examen  attentif  permettra  de  reconnaître  à  la  base  des 
têtes,  soit  isolées,  soit  réunies  en  bouquets,  des  débris  de  la 
capsule,  m. 

La  grande  impressionnabilité  que  présentent  les  vésicules 
proligères  à  l'égard  des  agents  extérieurs  s'explique  suffisam- 
ment par  la  délicatesse  de  leur  paroi,  dont  l'épaisseur  dépasse 
à  peine  4  [/.,  même  sur  les  plus  grandes  vésicules.  Malgré  cette 
minceur  considérable,  on  peut  distinguer  deux  couches  dans  la 
paroi  :  en  dedans  une  délicate  cuticule,  en  dehors  une  assise 
de  cellules  nucléées.  On  n'y  trouve  point  d'éléments  muscu- 
laires, bien  qu'on  y  puisse  constater  assez  souvent  d'énergiques 
mouvements  péristaltiques,  qui  prennent  ordinairement  nais- 
sance au  point  où  la  vésicule  s'attache  sur  la  membrane  fer- 
tile. En  revanche,  on  y  peut  reconnaître  sans  trop  de  peine  des 
vaisseaux  qui  sont  en  rapport  avec  ceux  que  nous  allons  dé- 
crire tout  à  l'heure  dans  la  tête;  ils  s'anastomosent  donc  avec 
ceux  des  têtes  du  voisinage,  et  se  réunissent,  au  niveau  du 
pédoncule  de  la  vésicule,  en  un  réseau  dont  les  branches  efte- 
rentes  peuvent  être  poursuivies  tout  le  long  de  ce  pédoncule, 
jusqu'à  la  membrane  germinale; 
ils  échappent  dès  lors  à  toute  in- 


Les  têtes  de  Ténia  renfermées 
dans  une  même  vésicule  proli- 
gère  sont  souvent  d'âge  et  de 
taille  inégaux.  Arrivées  à  com- 
plet développement  (fig.258,B), 
ellesontunedimension  moyenne 
de  0mmI9  sur  0mml(>  ;  elles  sont 

donc  plus  ou  moins  arrondies.  Elles  s'implantent  sur  la  paroi  de 
la  vésicule  par  le  pédicule  rétréci  dont  nous  avons  parlé.  Au 


Fig.  258.  —  Tciesfdont  la  portion 
antérieure  est  invaginée.  —  A, 
état  jeune.  B,  état    définitif.] 


430 


ORDRE   DES  CESTODES. 


pôle  opposé  se  voit  une  dépression  plus  ou  moins  considérable, 
résultant  de  l'invagination  de  la  tête  en  elle-même.  Sur  les  cô- 
tés de  cette  dépression  se  voient  les  ventouses  et,  dans  le  fond, 
les  crochets  formant  une  double  couronne,  large  de  68  à  80  fx 
et  dont  les  différentes  pièces  ont  la  pointe  dirigée  en  avant.  Un 
assez  grand  nombre  de  corpuscules  calcaires  de  8  à  10  [i.  sont 
encore  distribués  dans  les  parties  périphériques  de  la  tête. 
Celle-ci  se  présente-t-elle  complètement  évaginée  (fig.  259), 
on  reconnaît  qu'elle  est  formée  d'une  masse 
solide  et  subcylindrique,  longue  de  0mm,3  au 
plus.  On  y  distingue  deux  régions,  séparées 
d'ordinaire  l'une  de  l'autre  par  un  étrangle- 
ment plus  ou  moins  accusé.  La  partie  pos- 
térieure est  la  plus  rétrécie  ;  elle  correspond 
au  cou  du  futur  Ténia  et  se  termine  par  une 
surface  arrondie,  dont  le  milieu  présente 
une  dépression,  au  fond  de  laquelle  vient 
s'insérer  le  pédoncule  qui  rattache  l'Échi- 
nocoque  à  la  vésicule  proligère.  Les  cor- 
puscules calcaires  sont  plus  nombreux  dans 
la  moitié  postérieure  que  dans  l'antérieure.  Celle-ci  est  renflée 
au  niveau  des  quatre  ventouses,  dont  les  muscles  sont  très  peu 
différenciés,  et  se  termine  également  par  une  surface  arrondie, 
au  pourtour  de  laquelle  s'insèrent  les  crochets  disposés  en  une 
double  couronne. 

Les  crochets  (fig.  260)  présentent  la  configuration  générale 
de  ceux  du  Ténia  adulte  (fig.  264);  ils  en  diffèrent  pourtant  par 
la  moindre  longueur  et  par  la  fornie  plus  effilée  de  leur  base. 
Leuckart  leur  attribue  des  dimensions  notablement  supérieures 
à  celles  que  nous  avons  relevées  nous-môme. 


vïM^ 


Fig.  250.  —  Tète  gros 
sie  90  fois. 


De  l'extrémité  do  la  raciue  antérieure  îi 
l'extrémité  de  la  griffe 

De  l'extrémité  de  la  racine  postérieure  à 
l'extrémité  de  la  grille . . 

Longueur  de  la  base 


Grand  crochet. 

Petit  crochet 

Lkt.      R.BL 

Lkt.      K.H1 

30  n      TU. 

2i|x     20fx 

15         13 

13       10 

li         13 

1  i       12 

La  tête  du  jeune  Ténia  esl  parcourue  dans  le  sens  de  sa  lon- 
gueur par  quatre  vaisseaux  (fig.  259),  que  réunit  en  avant  un 


•LENIA  ECHINOCOCCUS.  431 

anneau  situé  au-dessous  de  la  couronne  de  crochets  et  qui, 
en  arrière,  s'unissent  deux  à  deux,  cheminent  le  long  du  pédon- 
cule et  affectent  avec  les  vaisseaux  de  la  vésicule  proligère  des 
rapports  que  nous  avons  déjà  signalés. 

Parvenu  à  ce  degré  de  développement,  l'Échinocoque  a  par- 
couru toutes  les  phases  de  la  période  larvaire  :  il  restera  en 
cet  état  jusqu'à  ce  qu'il  soit  amené  dans  l'intestin  du  Chien,  où 
les  jeunes  Ténias  trouveront  l'occasion  de  passer  à  l'état  par- 
fait. Si  ce  transport  n'a  pas  lieu  et  si  aucune  cause  étrangère, 
telle  que  l'intervention  d'un  homme  de  l'art,  ne  vient  à  le  dé- 


^ 


Fig.  2G0.  —  A-D,  crochets  d'une  tête  de  Ténia  provenant  d'un  kyste  hydati- 
que de  l'Homme  en  Islande.  E-H,  crochets  d'une  tête  do  Ténia  provenant 
d'un  kyste  hydatique  de  l'Homme  à  Copenhague.  Grossis  000  fois,  d'après 
Krabbe. 


truire,  il  continuera  de  vivre  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long;  sa  mort  pourra  être  spontanée  ou  subordonnée  au  con- 
traire à  celle  de  son  hôte. 

Nous  n'avons  encore  'que  des  données  incertaines  quant  à  la 
longévité  des  Hydatides.  Finsen  dit  qu'elles  peuvent  exisler, 
même  pendant  des  dizaines  d'années,  dans  un  organe  interne 
sans  annoncer  leur  présence  par  aucun  symptôme  ;  il  cite  des 
cas  où  la  maladie  serait  restée  latente  pendant  16  ans  et  18  ans 
au  moins.  Gourty  a  vu  un  kyste  hydatique  de  la  région  i'iaque 
qui  datait  de  35  ans. 

Bien  qu'ayant  achevé  son  évolution,  l'Echinocoque  peut  subir 
néanmoins  certaines  modifications.  A  part  l'augmentation  du 
nombre  des  vésicules  proligères  et  des  têtes,  il  subit  une  crois- 
sance lente  et  régulière.  Si  le  milieu  lui  permet  de  grossir,  il 


432  ORDRE  DES  CESTODES. 

peut  acquérir  de  la  sorte  des  dimensions  considérables,  jus- 
qu'à 15  centimètres  de  diamètre  ;  mais  c'est  là  l'exception  :  sa 
taille  dépasse  rarement  celle  du  poing  et  est  ordinairement 
plus  petite  encore. 

A  mesure  que  la  vésicule-mère  s'accroît,  sa  cuticule  va  en 
s'épaississant  et  atteint  parfois  jusqu'à  lmm  d'épaisseur.  La 
membrane  germinale  ne  subit  pas  un  développement  corré- 
latif, mais  le  développement  du  kyste  conjonctif  suit  celui  de 
l'Hydatide  :  il  peut  mesurer  jusqu'à  5  et  même  10mm  d'épais- 
seur, devient  coriace,  résistant  et  est  parcouru  d'un  grand 
nombre  de  vaisseaux  sanguins.  Sa  face  interne  est  lisse  et 
adhère  intimement  par  endroits  à  la  surface  de  l'Hydatide  ;  on 
peut  enfin  retrouver  les  débris  de  la  masse  cellulaire  dont  nous 
avons  déjà  reconnu  l'existence  en  dehors  de  cette  dernière. 

L'Hydatide  est  ordinairement  sphérique.  Mais  son  expansion 
est-elle  gênée  par  quelque  obstacle,  elle  prend  une  forme  ovale 
ou  irrégulière. 

Les  Échinocoques  ne  se  reproduisent  pas  seulement  par  les 
vésicules  proligères;  ils  peuvent  encore  se  multiplier  par  ce 
que  Kuhn  a  nommé  les  vésicules  secondaires  (1). 

Ce  sont  des  vésicules  tout  à  fait  semblables  à  la  vésicule- 
mère,  dont  elles  dérivent  par  un  processus  que  Kuhn  a  décou- 
vert, que  Levison  a  vu  d'un  peu  plus  près  et  que  Leuckart 
a  pu  suivre  dans  ses  moindres  détails. 

Entre  deux  lamelles  de  la  couche  profonde  de  la  cuticule, 
on  voit  apparaître  un  amas  de  substance  granuleuse  (fig.  257,  o), 
qui  écarte  les  unes  des  autres  les  diverses  couches  cuticu- 
laires  et,  au  bout  d'un  certain  temps,  s'entoure  d'une  cuticule 
propre.  Par  suite  de  la  formation  répétée  d'assises  cuticulaires, 
cet  amas  granuleux  devient  le  centre  d'un  système  stratifié,  /;, 
qui  ressemble  entièrement  aux  premiers  stades  du  dévelop- 
pement de  la  vésicule-mère  :  on  peut  lui  donner  dès  mainte- 
nant le  nom  de  vésicule  secondaire.  Son  contenu  s'éclaircit, 
en  même  temps  qu'elle  tend  à  se  rapprocher  de  plus  en  plus 
de  la  périphérie  de  la  vésicule- mère  :  elle  gagne  finalement  la 
surface  externe,  q,  et  tombe  en  dehors  de  l'Eehinocoque.  Si 
Celui-ci  est  étroitement  enserré  par  son  kyste  advcntif,  la  vési- 

(1)    Tochlcrblase   ou   secunduvc  Blase  des    Allemands,    Datterblaerc    des 
Danois. 


■LfiNIA   ECHINuCOCCUS. 

cule  secondaire  se  détruit;  si  au  contraire  elle  dispose  d'un 
espace  suffisant,  elle  continue  à  se  développer,  se  creuse  d'une 
cavité  centrale,  qui  lui  fait  prendre  l'aspect  d'une  jeune  Ilyda- 
tide,  r,  pourvue  d'une  membrane  fertile  et  d'une  cuticule  stra- 
tifiée. Elle  se  comporte  dès  lors  exactement  de  la  môme  façon 
que  la  vésicule-mère  et  développe  à  son  intérieur  des  vésicules 
proligôres,  dans  lesquelles  se  forment  des  têtes  de  Ténia,  s  ;  ou 
bien  elle  produit  à  son  tour,  par  le  procédé  que  nous  venons 
de  décrire,  de  nouvelles  vésicules  ou  vésicules  petites-filles  (1), 
t,  dans  lesquelles  prennent  encore  naissance  des  vésicules  pro- 
ligères. 

On  observe  de  grandes  différences  dans  l'état  de  dévelop- 
pement qu'a  atteint  la  vésicule  secondaire,  au  moment  où  elle 
crève  la  cuticule  de  TÉcbinocoque  :  tantôt  elle  n'est  pas 
encore  creusée  d'une  cavité,  ainsi  que  nous  l'avons  admis  dans 
la  description  qui  précède;  le  plus  souvent,  cette  cavité  s'est 
déjà  constituée;  parfois  enfin,  comme  Morin  l'a  constaté,  les 
têtes  se  forment  déjà  dans  les  vésicules  proligères. 

La  vésicule  secondaire,  une  fois  isolée,  pourra  rester  dans  la 
poche  kystique  renfermant  l'Hydatide  qui  lui  a  donné  nais- 
sance; d'autres  fois,  elle  se  creuse  un  diverticule,  qu'une  cloi- 
son conjonctive  isolera  bientôt  de  la  poche  primitive  et  trans- 
formera de  la  sorle  en  un  nouveau  kyste.  On  comprend  qu'il 
soit  presque  impossible,  dans  des  cas  de  ce  genre,  de  savoir  si 
l'on  a  affaire  à  une  vésicule  secondaire  ou  à  une  vésicule-mère, 
provenant  de  la  transformation  d'un  embryon  hexacanthe. 
Leuckart  cruit  pourtant  avoir  remarqué  que  les  vésicules  se- 
condaires sont  moins  tardivement  que  leur  mère  capables  de 
produire  des  vésicules  proligères. 

Les  vésicules  secondaires,  que  nous  venons  de  voir  prendre 
naissance  par  bourgeonnement  exogène,  ont  été  décrites  par 
Kuhn  sous  le  nom  d'Echinococcus  exogena  et  par  Kiichen- 
meister  sous  celui  d'/T.  seoleci pariais;  Leuckart  propose  de 
leur  donner  le  nom  cYE.  simplex  ou  E '.  granulosus,  sous  pré- 
texte qu'elles  partagent  avec  toutes  les  autres  variétés  d'IJyda- 
tides,  et  particulièrement  avec  celle  dont  il  nous  reste  a  parler, 
la  faculté  de  produire  des  têtes  de  Ténia. 

(1   Enkelblase  des  Allemands. 

BLAiNCHARD.  —  Zool.  uiéd.  28 


434'  ORDRE  DES  GESTODES. 


Les  vésicules  exogènes  se  rencontrent  principalement  chez 
les  Ruminants  et  chez  le  Porc;  Mégnin  en  a  publié  un  cas  re- 
marquable chez  le  Cheval.  Elles  ne  sont  pas  rares  chez  l'Homme  : 
dans  la  première  édition  de  son  ouvrage,  Kuchenmeister  n'en 
signalait  que  deux  observations,  mais  Sommerbrodt  pouvait, 
en  1866,  en  rassembler  17,  et  les  travaux  plus  récents  de  Bôc- 
ker,  de  Neisser  et  de  Helm  ont  presque  triplé  ce  chiffre. 

Chez  l'Homme,  on  les  trouve  surtout  dans  l'épiploon  et  dans 
les  os  ;  elles  sont  plus  rares  dans  le  foie,  la  rate  et  le  poumon, 
où  elles  cèdent  habituellement  la  place  à  l'autre  variété. 

Celle-ci  prend  naissance  de  la  même  manière  que  la  précé- 
dente, mais  les  vésicules  secondaires  (fig.  257,  w),  au  lieu  de 
devenir  libres  à  la  surface  de  l'Hydatide-mère,  tombent  dans  la 
cavité  de  cette  dernière,  v.  Elles  sont  du  reste  capables  à  leur 
tour  de  produire  des  vésicules  proligères  ou  de  donner  nais- 
sance, par  bourgeonnement  intra-cuticulaire,  à  des  vésicules 
petites-filles,  x,  exactement  comme  dans  le  cas  précédent. 

Les  Hydatides  qui  produisent  cette  variété  de  vésicules  se- 
condaires ont  été  appelées  Echinococcus  endogena  par  Kuhn, 
E.  altricip ariens  par  Kuchenmeister  et  E.  hydatidosus  par 
Leuckart.  Elles  atteignent  d'ordinaire  un  poids  et  un  volume 
bien  plus  considérables  que  ceux  des  plus  grandes  Hydatides  à 
multiplication  exogène  :  Leuckart  parle  de  cas  où  elles  auraient 
pesé  jusqu'à  10  et  15  kilogrammes.  Finsen  assure  qu'en  Islande 
les  Hydatides  de  l'abdomen  atteignent  fréquemment  un  volume 
extraordinaire:  elles  sont  parfois  si  grosses,  que  l'abdomen  est 
aussi  détendu  que  dans  l'ascite  la  plus  développée.  Dans  un 
cas,  il  a  fait  sortir  d'une  semblable  tumeur  jusqu'à  18  litres 
de  liquide.  D'après  ses  observations,  des  kystes  d'aussi  énormes 
dimensions  renferment  toujours  des  vésicules  secondaires  (1). 

Le  nombre  des  vésicules  secondaires  renfermées  à  l'inté- 
rieur de  l'Échinocoque  est  très  variable  :  il  varie  naturellement 
d'après  l'âge  de  la  vésicule-mère,  mais  aussi  avec  les  individus  ; 
leur  taille  est  tout  aussi  peu  fixe.  Dans  de  grandes  Hydatides, 
Krabbe  et  Andral  n'ont  trouvé,  l'un  que  deux,  l'autre  que  trois 

(1)  D'après  Finsen  et  contrairement  à.  l'opinion  généralement  admise,  l'Échi- 
nocoque avec  vésicules  secondaires  serait  relativement  rare  chez  l'Homme  : 
sur  iS  cas  opérés  par  lui  en  Islande,  l'Écliinocoquo  simple  s'est  rencontré 
39  fois. 


TAENIA  ECHINOCOCGUS.  435 

petites  vésicules  secondaires;  dans  une  Hydatide  «  du  volume 
d'un  boulet  de  douze  livres  (1)  »,  Lelouis  trouva  dix  vésicules 
de  la  grosseur  d'une  noix.  Un  Échinocoque  d'environ  quinze 
livres,  observé  par  Kriiger,  renfermait  vingt-cinq  vésicules  se- 
condaires; celui  qu'Eschricht  a  décrit  en  contenait  une  tren- 
taine, de  la  grosseur  d'un  pois  à  celle  d'un  œuf  de  Poule;  l'un 
de  ceux  qu'a  vus  Velpeau,  gros  à  peu  près  comme  un  œuf  de 
Poule,  renfermait  au  moins  une  centaine  de  vésicules  offrant 
le  volume  d'une  tête  d'épingle  à  celui  d'une  noix.  Leroux  a  vu 
le  grand  lobe  du  foie  entièrement  détruit  par  une  Hydatide 
«  dans  laquelle  on  aurait  pu  faire  tenir  huit  à  dix  litres  de 
fluide....  Elle  renfermait  plusieurs  centaines  d'autres  Hydatides, 
quelques-unes  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  Poule,  d'un  œuf  de 
Pigeon,  le  plus  grand  nombre  de  la  grosseur  d'une  noisette  et 
même  d'un  pois.  » 

Le  nombre  des  vésicules  secondaires,  déjù  remarquable  dans 
ces  dernières  observations,  peut  être  encore  plus  considérable. 
Leuckart  rapporte,  d'après  le  récit  que  lui  en  a  fait  Luschka, 
l'histoire  d'une  femme  de  soixante  ans  qui,  depuis  plusieurs 
dizaines  d'années,  portait  une  tumeur  que  l'on  croyait  causée 
par  une  grossesse  extra-utérine;  mais  l'augmentation  constante 
du  volume  de  la  tumeur  dut  faire  abandonner  ce  diagnostic. 
A  l'autopsie,  on  trouva  une  énorme  Hydalide,  dont  le  foie 
avait  été  le  point  de  départ  et  qui  s'était  peu  à  peu  développée 
en  une  poche  du  poids  de  trente  livres,  dans  laquelle  on  trouva 
un  nombre  immense  de  vésicules  secondaires,  plusieurs  mil- 
liers au  moins,  de  la  taille  du  poing  à  celle  d'un  pois  et  au 
dessous  (2). 

Quand  les  vésicules  secondaires  internes  prennent  un  déve- 
loppement aussi  considérable,  elles  peuvent  distendre  et  dilater 
la  vésicule-mère  au  point  de  lui  enlever  toute  vitalité  ;  celle-ci 
entre  alors  plus  ou  moins  en  régression  et  peut  passer  ina- 
perçue, adhérente  qu'elle  est  au  kyste  conjonctif,  à  moins  d'un 
examen  attentif. 

On  a  dit  et  répété  sans  raison  que,  dans  les  cas  d'Échino- 

(1)  Leuckart  a  traduit  :  «  un  Échinocoque  de  douze  livres  !  »  (Die  Para* 
siten  des  Menschen,  2  Auflage,  I,  p.  783.) 

(2)  On  trouvera  dans  l'ouvrage  de  Davaine  (loc.  cit.,  p.  372)  une  série 
d'observations  du  même  genre. 


436  ORDRE  DES  CESTODES. 

coques  endogènes,  la  vésicule-mère  et  les  vésicules  secondaires 
étaient  toujours  des  Acéphalocystes.  Il  est  certain  que  la  ten- 
dance à  la  production  des  vésicules  proligè-res  et  des  têtes  de 
Ténia  est  fréquemment  amoindrie^  parfois  même  au  point  de 
faire  complètement  défaut,  mais  il  faut  se  garder  de  généra- 
liser ce  fait.  Leuckart,  il  est  vrai,  a  souvent  dû  passer  en  revue 
bien  des  vésicules  secondaires  avant  d'en  trouver  une  qui  fût 
pourvue  de  vésicules  proligères  et  de  têtes,  et  pareille  chose 
est  arrivée  à  Lebert  et  à  Helm.  Mais  il  est  des  Hydatides  dont 
les  vésicules  endogènes  sont  toutes  fertiles  :  tel  était  le  cas 
dans  l'observation  d'Eschricht;  Helm  a  observé  des  faits  ana- 
logues. Grâce  à  l'obligeance  de  M.  Baudouin,  interne  des  hôpi- 
taux, nous  avons  pu  nous-même  étudier  récemment  des  Hyda- 
tides provenant  du  foie  d'un  Homme  :  toutes  étaient  remplies 
d'un  nombre  plus  ou  moins  considérable  de  vésicules  endo- 
gènes, dont  l'infime  minorité  était  demeurée  stérile. 

Une  Hydatide  produisant  des  vésicules  exogènes  développe 
ordinairement  à  son  intérieur  des  vésicules  proligères  et  non 
des  vésicules  secondaires  endogènes.  Il  ne  faudrait  pourtant 
pas  croire  que  la  multiplication  exogène  et  la  multiplication 
endogène  s'excluent  réciproquement  et  conclure  à  une  diffé- 
rence spécifique  entre  les  Ténias  au  cycle  évolutif  desquels 
appartiennent  les  Hydatides  qui  présentent  des  dissemblances 
à  cet  égard.  On  peut  concevoir  l'existence  d'Hydatides  qui  pro- 
duisent tout  à  la  fois  des  vésicules  endogènes  et  des  vésicules 
exogènes;  si  lofait  s'observe  rarement,  cela  tient  uniquement 
à  ce  que  le  mode  de  formation  des  vésicules  secondaires  est 
déterminé  par  la  nature  même  du  terrain  au  sein  duquel  se 
développent  les  Hydatides. 

Un  certain  nombre  d'observations  démontrent  la  justesse 
de  cette  opinion  et  prouvent  que  les  Hydalides  n'appartiennent 
point  à  des  espèces  différentes,  suivant  qu'elles  sont  exogènes 
ou  endogènes.  Haen,  Davaine,  AVunderlich  et  Helm  ont  ren- 
contré côte  à  côtelés  deux  sortes  d'Hydatides  dans  le  foie  d'un 
même  individu. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  la  vésicule-mère  et  les  véhi- 
cules secondaires  auxquelles  elle  donne  naissance  pouvaient 
rester  stériles,  c'est-a-dire  ne  développer  à  leur  intérieur  ni 
\ébicules  proligères   ni  têtes  do  Ténia.  On   a  prétendu  que, 


TENIA  ECHINOCOCCUS.  437 

dans  les  cas  de  multiplication  endogène,  l'Hydatido  était 
normalement  stérile  :  cette  opinion  nous  semble  être  totale- 
ment inadmissible.  Kiïster  a  trouvé  dans  un  humérus  humain 
un  Échinocoque  ayant  produit  des  vésicules  endogènes  en 
même  temps  que  des  vésicules  exogènes.  Moniez  a  observé 
dans  le  foie  du  Porc  une  Hydatide  de  petites  dimensions,  qui 
présentait  tout  à  la  fois  des  vésicules  exogènes,  des  vésicules 
endogènes  et  des  vésicules  proligères. 

Le  mode  de  production  des  vésicules  endogènes  dont  nous  venons 
de  donner  la  description  a  été  reconnu  par  Kuhn  et  par  Davaine  ; 
Leuckart  l'admettait  également  dans  la  première  édition  de  son  ou- 
vrage. Aujourd'hui,  ce  savant  professe  une  autre  manière  de  voir  et 
adoptel'opinion  de  Naunyn,  d'après  laquelle  les  vésicules  secondaires 
endogènes  se  formeraient  tantôt  aux  dépens  d'une  vésicule  proligère, 
tantôt  aux  dépens  d'une  tête  de  Ténia. 

Dans  ce  dernier  cas,  parmi  les  nombreuses  têtes  que  renferment 
les  vésicules  proligères  ou  qui  nagent  librement  dans  le  liquide  de 
1  Échinocoque,  il  n'est  pas  rare  d'en  rencontrer  quelques-unes  dont 
la  forme  s'est  singulièrement  modifiée  (fi g.  257,  y).  Elles  sont  plus 
grandes  et  plus  transparentes  que  leurs  congénères.  Leur  partie 
postérieure  s'est  dilatée  ;  elle  s'est  en  outre  creusée  d'une  cavité  à 
parois  amincies,  remplie  d'un  liquide  clair.  A  la  surface  de  l'or- 
ganisme, les  cirres  vibratiles  sont  encore  en  mouvement.  La  face 
profonde  de  la  paroi  est  occupée  par  un  fin  réseau  d'éléments  ré- 
fringents, dont  le  point  de  départ  est  l'endroit  où  s'insèrent  les  cro- 
chets ;  aux  anastomoses  de  ce  réseau  et  sur  le  trajet  de  ses  branches, 
on  trouve  des  gouttelettes  de  taille  variable  et  d'aspect  graisseux.  La 
limite  extérieure  est  constituée  par  une  cuticule  anhiste,  qui  s'épais- 
sit et  prend  une  structure  stratifiée,  à  mesure  que  l'organisme  s'ac- 
croît et  s'arrondit. 

Cependant  la  vésicule  intérieure  s'étend  de  proche  en  proche  vers 
l'extrémité  antérieure  de  la  tète.  Les  ventouses  disparaissent,  les 
corpuscules  calcaires  se  fondent  ;  seule  la  couronne  de  crochets 
trahit  l'origine  de  l'organisme  :  elle  finit  elle-même  par  disparaître, 
quand  celui-ci  a  atteinte  peu  près  la  taille  d'un  grain  de  Millet.  La  tête 
ainsi  transformée  ne  peut  dès  lors  être  en  rien  distinguée  d'une 
jeune  Hydatide,  pas  même  par  son  habitat,  car  la  vésicule  proligère 
se  rompt  avant  l'achèvement  de  cette  métamorphose,  qui  avait  com- 
mencé dans  son  intérieur. 

A  l'appui  de  cette  singulière  théorie,  Naunyh  et  Leuckart  n'appor- 
ent  aucun  fait  précis.  11  n'est  pas  très  rare,  en  effet,  de  voir  nager 


438  ORDRE  DES  CESTODES. 

au  sein  d'une  vésicule  proligère  des  têtes  qui  ont  subi  les  modifica- 
tions que  nous  venons  de  décrire,  mais  personne  encore  ne  les  a 
vues  produire  des  bourgeons  ù  leur  intérieur,  en  sorte  que  rien  ne 
prouve  qu'elles  deviennent  des  vésicules  secondaires.  En  raison  de 
leur  pauvreté  en  éléments  vivants  et  de  l'aspect  encore  plus  délabré 
des  grands  individus,  Moniez  croit  que  ces  têtes  doivent  se  détruire. 
Des  recherches  nouvelles  sont  nécessaires  sur  ce  point. 

Dans  certaines  circonstances,  les  vésicules  proligères  se  transfor- 
meraient elles-mêmes  en  vésicules  secondaires.  La  portion  granu- 
leuse, dépendant  de  la  membrane  germinale,  qui  les  revêt  extérieure- 
ment, se  détruit,  en  même  temps  que  leur  cuticule  interne  s'épaissit 
et  se  stratifié.  Le  pédicule  qui  rattachait  la  vésicule  à  la  paroi  de 
l'Échinocoque  se  rompt  alors  et  cette  vésicule  devient  libre  :  les  têtes 
qu'elle  renfermait  entrent  en  régression  et  se  résolvent  finalement 
en  une  couche  qui  se  répartit  uniformément  à  la  surface  interne  de 
la  cuticule,  de  façon  à  constituer  une  nouvelle  membrane  fertile 
(fig.  257,  z).  Ainsi  transformée,  la  vésicule  ressemble  à  une  jeune 
Hydatide.  La  métamorphose  est  parfois  limitée  à  une  portion  plus  ou 
moins  considérable  de  la  vésicule  proligère  :  cette  portion  se  sépare 
alors  par  un  étranglement. 

Telle  est  l'opinion  de  Naunyn  et  de  Leuckart.  Eschricht  et  Ras- 
mussen  admettent  au  contraire  que  la  cuticule  stratifiée  dérive,  non 
de  la  cuticule  interne  de  la  vésicule  proligère,  mais  d'une  membrane 
délicate  qui  limiterait  celle-ci  extérieurement.  La  transformation  de 
la  vésicule  proligère  en  Hydatide  consisterait  donc  en  une  sorte 
d'enkystement  et  la  membrane  germinale  ne  serait  autre  que  celle- 
là  même  qui  constituait  la  vésicule  primitive. 

Quelle  que  soit  leur  origine,  les  Hydatides  secondaires  internes 
sont  capables  de  se  multiplier  comme  le  fait  la  vésicule-mère,  c'est- 
à-dire  au  moyen  de  bourgeons  intérieurs  qui  produisent  des  vési- 
cules proligères,  puis  des  têtes  de  Ténia.  Ou  bien,  comme  nous 
l'avons  dit  déjà  plus  haut,  ces  Hydatides  se  comportent  à  leur  tour 
comme  celle  qui  leur  a  donné  naissance  et  présentent  à  leur  intérieur 
des  vésicules  petites-filles,  que  Leuckart  fait  dériver  d'une  méta- 
morphose des  têtes  renfermées  dans  les  vésicules  proligères  produi- 
tes par  la  vésicule  secondaire. 

L'Hydatide  qui  renferme  des  vésicules  secondaires  est  le 
siège  d'un  singulier  phénomène  physique,  dont  Briançon  a 
reconnu,  en  1828,  et  l'existence  et  la  cause.  «  Lorsqu'on 
applique  une  main  sur  un  kyste  contenant  des  Acéphalocystes, 
de   manière  à  l'embrasser  le   plus  exactement  possible,   en 


T\ENIA  ECHINOCOCCUS.  439 

exerçant  une  pression  légère,  et  qu'avec  la  main  opposée  on 
donne  un  coup  sec  et  rapide  sur  cette  tumeur,  on  sent,  dit 
cet  auteur,  un  frémissement  analogue  à  celui  que  ferait  éprou- 
ver un  corps  en  vibration  ;  c'est  le  frémissement  hydatique.  Si 
l'on  réunit  l'auscultation  à  la  percussion,  on  entend  des  vibra- 
tions plus  ou  moins  graves,  semblables  à  celles  que  produit 
une  corde  de  basse.  Les  signes  dont  je  parle  n'ont  pas,  dans 
tous  les  cas,  une  égale  intensité.  Tantôt,  en  effet,  ils  sont  très 
prononcés,  tantôt  ils  le  sont  moins.  C'est  au  nombre  des  Acé- 
phalocystes  et  à  la  quantité  de  liquide  contenu  dans  le  kyste 
que  l'on  doit  attribuer  tout  ce  qu'il  y  a  de  variable  en  inten- 
sité dans  les  phénomènes  dont  je  parle...  J'ai  appelé  ce  fré- 
missement frémissement  hydatique,  bien  qu'on  le  retrouve 
ailleurs  que  dans  les  Hydatides,  dans  une  masse  gélatineuse, 
parexemple...  Ce  sont  les  parois  des  vessies  membraneuses  dont 
je  parle  qui  sont  le  siège  de  ce  frémissement;  le  liquide 
qu'elles  renferment  ne  paraît  y  contribuer  qu'en  les  tenant 
dans  une  tension  médiocre.  » 

Briançon  pensait  que  le  frémissement  en  question  ne  peut 
se  produire  que  lorsque  l'Hydatide  renferme  un  grand  nombre 
de  vésicules  secondaires  dans  un  liquide  relativement  peu 
abondant.  Cette  opinion  est  parfaitement  exacte  dans  la  grande 
majorité  des  cas;  mais  Kùster  a  reconnu  que  deux  ou  plusieurs 
Hydatides  dépourvues  de  vésicules  secondaires,  mais  serrées 
les  unes  contre  les  autres,  sont  capables  de  produire  le  frémis- 
sement. Au  point  de  vue  du  traitement,  ce  fait  n'est  pas  sans 
valeur  :  perçoit-on  le  frémissement  sur  un  kyste  qui,  après  la 
ponction,  se  montre  dépourvu  de  vésicules  secondaires,  c'est 
l'indice  certain  de  la  présence  d'une  seconde  Hydatide. 

J.-B.  Mougeot,  Essai  zoologique  et  médical  sur  les  Hydatides.  Thèse  du 
Paris,  n°  240,  an  IX  (1801). 

P. -A.  Briançon,  Essai  sur  le  diagnostic  et  le  traitement  des  Acéphalocystes. 
Thèse  de  Paris,  n°  216,  1828. 

Er.  Wilson,  Classification,  structure  and  development  of  the  Echinococcus. 
Med.  chir.  Transactions,  XXVIII,  p.  21,  1845. 

Frerichs,  cité  par  R.  Leuckart,  Beobachtungen  und  Reflexionen  ùber  die 
Naturgeschichte  der  Blasenwurmer.  Archiv  f.  Naturgeschichte,  I,  p.  7,  1848. 
—  Voir  p.  2i. 

Th. -H.  Huxley,  On  the  anatomy  and  development  of  Echinococcus  veteri- 
norum.  Proceedings  of  the  zool.  soc.  of  London,  XX,  p.  110,  1852. 

Von  Siebold,  Ueber  die  Verwandlung  der  Echinococcushrut  in  Tânien. 
Z.  f.  w.  Z.,IV,  p.  409,  1853. 


4i0  OKDRE  DES  CESTODES.     • 

G.  Wagener,  Die  Enlwicklung  der  Cestoden.  Verhandl.  der  k.  Leop.- 
Carol.  deutschen  Akademie,  XXIV,  Supplément,  1854. 

Vald.  Rasmussen,  Bidrag  lit  Kundskaben  om  Echinococcernes  Udvikling 
ho?  Mennesket.  Afhandling  for  Doctorgraden,  Kjôbenhavn,  18GG. 

Eschricht,  Ueber  Echinocokken.  Zeitschr.  f.  die  ges.  Naturw.,  X,  p. 231, 1857. 

Levison,  Disquisitiones  nonnullse  de  Echinococcis.  LHss.,  Gryphiœ,  1857. 

G.  Davaine,  Recherches  sur  le  frémissement  hydatique.  Gazette  médicale, 
(3),  XVII,  p.  300  et  323,  18G2. 

B.  Naunyn,  Entwickelung  des  Echinococcus.  Arcli.  f.  Anat.,  p.  61*2,  18G2. 

H.-J.  Krabbe,  Recherches  helminthologiques  en  Danemark  et  en  Islande. 
Copenhague  et  Paris,  J8GG. 

K.  Kûster,  Ein  F  ail  von  Echinococcus  im  Knochen.  Bcrliner  klin.  Wocli., 
p.  145, 1870. 

Laboulbènc,  Corpuscules  calcaires  des  Êchinocoques.  Mora.  de  la  Soc.  de 
biologie,  (5),  II,  p.  57,  1870. 

E.  Kiister,  Ein  Fall  von  geheiltem  Leberechinococcus  nebst  Bcmerkungcn 
ùber  das  Hydatidenschwirren.  Deutscbe  med.  Wocli.,  VI,  p.  G,  1880. 

Malassez,  Sur  la  structure  des  Êchinocoques.  Gaz.  méd.,  p.  218  et  288, 1880. 

R.  Moniez,  Essai  monographique  sur  les  Cysticerques.  Thèse  do  la 
Faculté  de  médecine  de  Lille,  1880.  —  Travaux  de  l'Institut  zoologique  de 
Lille,  III,  no  1,  1880. 

Gratia,  De  révolution  du  Tœnia  échinocoque  et  des  accidents  qu'il  provoque 
chez  V Homme  et  chez  les  animaux.  Presse  méd.  belge,  XXXV,  p.  17,  1883. 

Vogler,  Noch  einmal  die  Echinococcus  -Ilaken.  Gorrespondcnzblatt  fur 
Schweizer  Aerzte,  XV,  p.  586,  1885. 

Les  variétés  d'Hydatides  que  nous  venons  d'étudier  ont  été 
diversement  dénommées  par  les  auteurs,  à  l'époque  où  on  les 
considérait  comme  des  Vers  à  l'état  adulte.  Nous  savons  main- 
tenant, à  n'en  pas  douter,  qu'elles  appartiennent  à  l'état  lar- 
vaire d'un  seul  et  même  Cestode,  Tœnia  echinococcus.  Il  ne  sera 
pas  sans  intérêt  de  rapporter  ici  les  principaux  noms  sous  les- 
quels elles  ont  été  décrites  : 

Tœnia  visceralis  socialis  granulosa  Goze,  1782. 

Jlydatigcna  granulosa  Batsch,  178G. 

Vesicaria  granulosa  Schrauk,   1788. 

Tœnia  granulosa  Gmelin,  1 700. 

Polycephalus  hominis  Zeder,  1880, 

/'.  granulosus  Zcder,  1803. 

/'.  humanus  Zcder,  1803. 

P.  echinococcus  Zeder,  1803. 

Acephalocystis  Laennec,  1804. 

Hydatis  erratica  Blumenbach,  1810. 

Echinococcus  velerinorum  Rudolphi,  1810. 

/•;.  simitB  Rudolphi,  1810. 

E.  granulosus  Rudo'phi,  1810. 

/•;.  hominis  Rudolphi,  1810. 

K.  infusorium  Fr.  S.  Leuckart,  1827. 

Diskostoma  acephalocystis  Gôodsir,  1844. 


TjENIA  ECHINOCOCCUS.  441 

E.  givaffx  Gervais,  lS'n. 

E.  polyrnorphus  Diesing,  1851 . 

Rudolpbi  distinguait  trois  espèces  d'Hydatides,  Echinococcus 
veterinorum,  E,  simwe  et  E.  hominis.  Dujardin  n'en  reconnais- 
sait qu'une  seule,  E.  veterinorum,  dont  les  deux  autres  n'étaient 
que  des  variétés  développées  chez  le  Singe  ou  chez  l'Homme. 
Diesing  se  range  à  ce  dernier  avis,  et,  jugeant  avec  raison 
qu'aucune  des  trois  espèces  admises  par  Rudolphi  ne  méritait 
d'imposer  son  nom  aux  deux  autres,  il  désigne  les  Hydatides 
sous  le  nom  d/:\  polyrnorphus,  que  nous  leur  conserverons. 
Bien  que  les  Hydatides  ne  soient  pas  des  animaux  parfaits, 
il  y  a  en  effet  quelque  utilité  pratique  à  maintenir  cette  an- 
cienne appellation,  comme  nous  l'avons  fait  déjà  pour  les 
Cysticerques. 

Il  n'est  aucun  parasite  de  l'Homme  dont  le  siège  soit  aussi 
variable  que  celui  de  l'Échinocoque.  On  peut  l'observer  dans 
presque  tous  les  organes,  même  dans  le  tissu  osseux.  Toute- 
fois, on  ne  le  trouve  point  partout  avec  une  égale  fréquence  : 
son  siège  de  prédilection  est  le  foie;  puis  on  le  rencontre  avec 
une  fréquence  décroissante  dans  le  poumon,  le  rein,  la  rate, 
le  cerveau,  etc.  Le  tableau  suivant  montre  sa  répartition  dans 
les  diverses  parties  du  corps;  il  indique  la  fréquence  relative 
des  Hydatides  suivant  les  organes,  d'après  les  observations  re- 
cueillies par  Davaine,  Bôcker,  Neisser,  Finsen  et   Madelung. 

Davaine. 

Foie ICO 

Poumon 40 

Rate » 

Plèvre » 

Appareil  circulatoire 12 

Cavité  crânienne 22 

Canal  rachidien 3 

Rein 31 

Petit  bassin 2G 

Organes  génitaux    femelles 

et  mamelle 13 

Organes  génitaux  mâles...  3 

Os 17 

Face,  orbite,  bouche 16 

Cou 7 

Tronc  et  membres 20 

Péritoine,  épiploon » 

Totaux 370  000  V  .">.">  196 


Bùcker. 

Neisser. 

Finsen. 

Madelur 

17 

451 

17G 

132 

5 

G7 

7 

21 

4 

28 

2 

3 

» 

17 

» 

2 

1 

29 

>, 

1 

» 

G8 

» 

1 

» 

13 

» 

» 

2 

80 

3 

7 

1 

3G 

" 

7 

a 

ii 

» 

3 

» 

G 

» 

» 

» 

2  S 

» 

3 

» 

21 

4 

» 

» 

10 

1 

» 

» 

» 

8 

13 

2 

2 

54 

3 

442  ORDRE  DES  CESTODES. 

Il  est  fréquent  de  n'observer  chez  l'Homme  qu'un  seul  Échi- 
nocoque,  ou  du  moins  de  n'en  trouver  qu'un  petit  nombre  (1  )  ; 
il  n'est  point  rare  non  plus  de  ne  rencontrer  les  parasites  que 
dans  un  seul  organe,  qui  est  presque  toujours  le  foie.  Ce  fait  ne 
laisse  pas  que  de  surprendre  un  peu,  si  on  se  rappelle  quelle 
prodigieuse  quantité  de  Cysticerques  nous  avons  constatée 
dans  bien  des  cas  ;  il  s'explique  par  la  rareté  relative  du  Ténia 
échinocoque,  au  moins  dans  nos  pays,  rareté  qui  a  pour  con- 
séquence de  rendre  l'infestation  moins  facile;  il  s'explique 
surtout  par  ce  que  le  Ténia  adulte  n'émet  jamais,  ainsi  que 
nous  le  verrons  plus  tard,  qu'un  seul  anneau  rempli  d'oeufs 
mûrs. 

Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  que  les  Hydatides  ne  puissent 
parfois  s'observer  en  plus  ou  moins  grand  nombre.  Dans  ce 
cas,  on  les  trouve  non  seulement  dans  le  foie,  mais  aussi  dans 
d'autres  organes,  le  poumon,  le  rein,  la  rate,  mais  surtout 
dans  le  péritoine  et  dans  le  grand  épiploon.  Le  cas  rapporté 
par  Gharcot  et  Davaine  est  particulièrement  instructif  à  cet 
égard  :  chez  un  Homme  de  soixante-trois  ans,  ces  observateurs 
ont  trouvé  dans  le  foie  une  grande  quantité  de  kystes  hyda- 
tiques,  dont  trois  atteignaient  de  très  vastes  dimensions.  «  Dans 
l'épiploon  gastro-hépatique  se  trouvent  deux  tumeurs  hyda- 
tiques,  égalant  le  volume  d'un  œuf  de  Poule.  Dans  l'épiploon 
gastro-splénique  s'en  trouve  une  autre  plus  volumineuse.  A 
la  surface  du  mésentère,  on  remarque  un  très  grand  nombre 
de  kystes  du  volume  d'une  noix  à  celui  d'un  pois...  Dans  le 
petit  bassin,  entre  le-rectum  et  la  vessie,  existe  un  kyste  hyda- 
tique  du  volume  du  poing.  » 

Nous  voilà  bien  loin  des  milliers  de  parasites  dont  nous  no- 
tions la  présence  dans  les  cas  de  ladrerie  :  le  nombre  des 
Échinocoques  est  rarement  supérieur  à  quelques  dizaines,  à 
moins  que  l'on  ne  compte  comme  des  parasites  distincts  les 
vésicules  secondaires  nées  par  bourgeonnement  d'une  Hyda- 
tide  primitive. 

Nous  ne  saurions  avoir  la  prétention  de  retracer  ici  l'his- 
toire clinique  des  Echinocoques  développés  dans  les  diverses 

(1)  Sauf  au  cuir  chevelu,  où  l'on  rencontre  ordinairement  de  5  à  10  Échi- 
nocoques, Finsen  n'a  pu  diagnostiquer  que  dans  six  cas  plus  d'une  llyda- 
tide  chez  un  môme  malade. 


l.ENIA   ECHINOCOCCUS.  143 

régions  du  corps.  Nous  nous  bornerons  à  des  indications  suc- 
cinctes; quant  au  reste,  on  pourra  trouver  les  renseignements 
les  plus  circonstanciés  dans  le  livre  de  Davaine  ;  on  pourra 
consulter  également  avec  profit  l'ouvrage  de  Neisser  (1). 

Le  foie  ne  renferme  parfois  qu'une  seule  Hydatide  ;  on  en 
trouve  plus  souvent  deux  ou  trois,  rarement  jusqu'à  douze.  Le 
parasite,  amené  sans  doute  par  le  sang  de  la  veine  porte,  peut 
se  fixer  en  un  point  quelconque  de  l'organe  (2)  et  s'y  développer 
à  des  degrés  très  divers  :  l'Échinocoque  acquiert-il  de  grandes 
dimensions,  le  foie  prend  les  aspects  les  plus  variés  et  acquiert 
des  dimensions  six  ou  sept  fois  plus  considérables  qu'à  l'état 
normal. 

Le  parenchyme  hépatique  demeure  normal  tant  que  la  poche 
hydalique  est  de  petite  taille.  Mais,  à  mesure  que  celle-ci 
s'accroît,  le  tissu  du  foie  est  comprimé  ;  il  s'atrophie  de  plus 
en  plus,  en  sorte  que  des  lobes  entiers  peuvent  disparaître  ou 
du  moins  se  réduire  à  une  sorte  de  lame  épaisse  d'un  milli- 
mètre. Quand  elle  atteint  de  grandes  dimensions,  l'Hydatide 
peut  amener  dans  les  organes  voisins  des  lésions  plus  ou  moins 
graves  ;  on  la  voit  alors  déprimer  le  diaphragme  et  s'enfoncer 
dans  le  thorax  ou  dans  le  parenchyme  pulmonaire;  elle  peut 
perforer  le  diaphragme  et,  suivant  les  cas,  s'ouvrir  dans  la 
plèvre  ou  dans  les  bronches  ;  elle  peut  encore  s'ouvrir  dans 
l'estomac  ou  l'intestin,  dans  les  voies  urinaires  ;  elle  peut  dé- 
terminer une  perforation  spontanée  de  la  paroi  abdominale; 
elle  peut  enfin,  en  comprimant  les  canaux  biliaires  ou  les  gros 
Ironcs  sanguins  contenus  dans  l'abdomen,  provoquer  l'appari- 
tion de  phénomènes  divers.  Nous  avons  expliqué  déjà  par 
l'action  d'une  leucomaïne  renfermée  dans  le  liquide  hydatique 
les  accidents  divers  (urticaire,  etc.,  voire  môme  la  mort)  dont 
s'accompagne  la  rupture  des  Échinocoques  dans  une  cavité 
séreuse. 

Les  Hydatides  du  poumon  se  rencontrent  ordinairement 
dans  le  parenchyme  de  l'organe.  Il  est  assez  rare  d'en  ren- 

(1)  Cet  ouvrage  renferme  un  index  bibliographique  assez  complet.  A  moins 
qu'il  ne  s'agisse  de  travaux  importants,  nous  ne  citerons,  parmi  les  plus 
intéressants,  que  ceux  qui  lui  sont  postérieurs  en  date. 

[2  L'Échinocoque  siège  pouitaut  de  préférence  dans  le  lobe  droit  :  sur  86 
cas  de  kystes  du  foie,  Finsen  a  vu  le  parasite  ô8  fois  à  droite  et  28  fois  à  gau- 
che, 


444  ORDRE  DES  CESTODES. 

contrer  deux  dans  un  même  poumon  ;  les  cas  d'un  kyste  dans 
l'un  et  l'autre  poumon  sont  plus  fréquents  ;  en  même  temps 
qu'il  se  trouve  en  ce  point,  le  parasite  s'observe  souvent  dans 
le  foie.  L'Échinocoque  pulmonaire  atteint  parfois  une  taille 
véritablement  énorme  ;  du  côté  malade,  la  poitrine  s'élargit 
notablement,  les  côtes  sont  soulevées,  le  poumon  est  refoulé 
sur  lui-même,  le  cœur  et  le  foie  peuvent  être  écartés  par  la  tu- 
meur ;  les  deux  feuillets  de  la  plèvre  peuvent  se  réunir  l'un  à 
l'autre  au  moyen  d'adhérences.  Bien  souvent,  le  kyste  finit 
par  se  rompre  et  par  s'ouvrir  au  dehors,  soit  à  travers  les  parois 
de  la  poitrine,  soit  à  travers  le  diaphragme  et  la  paroi  abdomi- 
nale; il  est  plus  fréquent  de  le  voir  se  faire  jour  au  dehors  en 
perforant  les  bronches.  En  revanche,  il  est  plus  rare  de  voir 
l'Echinocoque  s'ouvrir  dans  la  plèvre  ou  dans  le  péricarde, 
éroder  les  vaisseaux  sanguins  et  amener  la  mort  par  hémor- 
rhagie,  acquérir  un  volume  tellement  énorme  que  la  mort 
arrive  par  suffocation,  etc.  Davaine  rapporte  un  grand  nombre 
d'observations  d'Hydatides  du  poumon  ;  il  en  résulte  que  ces 
parasites  occasionnent  toujours  de  graves  phénomènes  ;  la 
mort  arriverait  deux  fois  sur  trois  cas.  On  ne  lira  pas  sans  in- 
térêt la  thèse  dans  laquelle  Chachereau  a  relaté  sa  propre 
observation. 

Dans  la  plèvre,  l'Echinocoque  est  rare.  Des  dix-sept  cas  re- 
levés par  Neisser,  les  uns  se  rapportaient  à  des  parasites  dé- 
veloppés dans  la  cavité  même  de  la  séreuse,  les  autres  à  des 
parasites  siégeant  en  dehors  de  son  feuillet  pariétal.  On  peut 
se  demander  si,  dans  le  premier  cas,  il  ne  s'agit  pas  réellement 
d'Hydatides  devenues  libres  par  suite  de  leur  développe- 
ment, grâce  à  un  phénomène  de  migration  analogue  à  celui 
que  nous  avons  reconnu  pour  les  Gysticerques  sous-rétiniens 
tombant  dans  le  corps  vitré  ou  dans  le  cristallin. 

L'Échinocoque  est  plus  rare  encore  dans  la  capsule  surré- 
nale. Deux  cas  seulement  nous  en  sont  connus  :  celui  de  Perrin 
en  1853  et  celui  de  Huber  en  1882.  Ce  dernier  est  remarquable 
en  ce  qu'il  se  rapporte  à  une  variété  d'IIydatide  dont  nous  de- 
vons nous  occuper  avant  d'aller  plus  loin. 

Barrier,  De  l"  tumeur  hydatiquedu  foie.  Thèse  de  Pans,  isio. 
Krummacher,  Ueber    uniloculâren   Echinococcus  der  Lober.  Inaug,  Diss. 
Marburg,  1873. 


T.ENIA  ECI11N0C0CCUS.  445" 

Gcriu-Roze,  Note  sur  un  cas  de  kyste  hydatique  du  foie;  sept  pondions 
avec  aspiration.  Bo?is  résultats.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  ('2),  XII, 
p.  111,  1S75.  —  Id.,  Kyste  hydatique  du  foie  vidé  à  deux  reprises  au  moyen 
de  l'aspirateur  et  guéri  spontanément  par  rupture  et  évacuation  dans  Vesto- 
mac.  Ibidem,  XIV,  p.  1SÎ),  1877. 

A.  Laveran,  Kyste  hydatique  du  foie  ;  guérison  après  une  seule  ponction  ; 
urticaire  consécutive  à  la  ponction.  Ibidem,  XII,  p.  88,  92  et  1ÛG,  1875.  — 
Id.,  Observations  pour  servir  à  l'histoire  des  kystes  hydatiques  des  poumons. 
Arcb.  de  méd.  et  pharm.  militaires,  V,  p.  33,  1865. 

Martineau,  Kyste  hydatique  de  la  face  inférieure  du  foie;  mort  subite  après 
ponction.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hop.,  (2),  XII,  p.  103.  107  et  111,  1875. 

Vidal,  Kyste  hydatique  suppuré  du  foie.  Pondions;  incision;  guérison. 
Ibidem,  XIII,  p.  52.  187G. 

Alb.  Xeisser,  Die  Echinococcen-Krankheit.  Berlin,  in-8°  de  228  p.,  1S77. 

Ch.  Lehmann,  Des  kystes  hydatiques  du  poumon  ouverts  dans  la  plèvre. 
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Max.  Gutierrez,  Hidatides  del  pulmon.  Tésis  de  Buenos  Aires,  1882. 

Marmonnier,  Kyste  hydatique  suppuré  du  foie,  guérison.  Lyon  médical, 
XLIV,  p.  389  et  450,  1883. 

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II.  Faille,  Contribution  à  l'élude  d'une  complication  rare  du  kyste  hyda- 
tique du  fuie.  Tbèse  de  Paris,  1884. 

A.  Reymondon,  Étude  sur  l'élimination  simultanée  des  kystes  hydatiques 
du  foie  dans  les  voies  biliaires  et  dans  la  cavité  thoracique.  Thèse  de  Paris, 
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S.  D.  Bird,  On  Hydatids  of  the  lung  :  their  diagnosis,  prognosis  and  treat- 
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a?is.  Récidive.  Ouverture  dans  le  poumon,  vomique.  Mort  par  cachexie.  — 
Progrés  médical,  (2),  III,  p.  500,  1886. 

L'Éeliinoeoque  du  foie,  du  poumon  cl  de  la  capsule  surrénale  se 
présente  le  plus  souvent  sous  l'aspect  que  nous  lui  avons  décrit 
jusqu'ici;  parfois  cependant,  il  affecte  une  forme  spéciale,  que 
les  médecins  confondaient  anciennement  avec  une  tumeur  col- 
loïde ou  avec  un  carcinome  gélatineux.  Virchow  reconnut  le  pre- 
mier, en  1856,  la  véritable  nature  de  cette  tumeur,  qu'il  désigna 
sous  le  nom  de  «  tumeur  à  Échinocoques  multiloculaire,  à  ten- 
dance ulcéreuse.  «Avec  Carrière,  nous  l'appellerons  tumeur  hydatique 
alvéolaire. 

Cette  tumeur  est  constituée  par  une  substance  fondamentale, 
d'une  dureté  en  général  considérable,  creusée  de  cavités  peu  volu- 
mineuses, ressemblant  à  des  alvéoles,  dans  lesquels  sont  contenues 
des  masses  gélatiniformes;  celles-ci  ne  sont  autre  chose  que  des 
Hydatides  repliées  sur  elles-mêmes,  au  lieu  d'avoir  la  forme  globu- 
leuse habituelle.   Celte  production  pi  évente  une  giandc  tendance  u 


446  ORDRE  DES  CESTODES. 

l'ulcération,  qui  se  manifeste  par  la  formation  d'une  ou  de  plusieurs 
cavités  à  parois  anfractueuses  dans  son  intérieur. 

En  1869,  Carrière  en  relevait  19  cas,  parmi  lesquels  la  tumeur 
occupait  15  fois  le  foie  seul,  2  fois  le  foie  et  le  poumon,  une  fois  le 
poumon  seul  et  une  fois  le  foie,  le  poumon  et  le  péritoine.  Marie 
Prougeansky  en  a  fait  connaître  5  cas,  observés  à  Zurich  de  1867  à 
1873,  et  le  nombre  des  cas  actuellement  connus  peut  être  évalué 
à  70  environ. 

Dans  le  foie,  la  lésion  se  présente  sous  la  forme  d'une  masse  plus 
ou  moins  volumineuse,  solide  à  sa  périphérie,  diffluente  dans  ses 
parties  centrales,  de  façon  à  présenter  là  une  caverne  remplie  de 
détritus.  Son  siège  le  plus  fréquent  est  dans  le  lobe  droit  (11  fois 
sur  16,  d'après  Carrière);  son  volume  est  très  variable,  depuis  la 
taille  d'un  œuf  de  Canard  (Leuckart)  jusqu'à  celle  de  deux  têtes 
d'Homme  (Griesinger)  ;  entre  ces  deux  extrêmes,  on  peut  trouver 
tous  les  intermédiaires.  La  tumeur  est  constituée  par  une  quantité 
considérable  de  petites  cavités  dont  les  dimensions  sont  très  varia- 
bles :  quelques-unes  mesurent  seulement  0mm,03  ;  le  plus  souvent, 
leur  taille  est  à  peu  près  celle  d'un  grain  de  Chènevis,  ou  môme 
celle  d'un  pois.  Les  alvéoles  les  plus  volumineux  sont  parfois  au 
centre  et  les  plus  petits  à  la  périphérie.  Dans  d'autres  circonstances, 
le  centre  de  la  tumeur  est  occupé  par  une  grande  poche,  dont  la 
dimension  varie  depuis  celle  d'une  noix  jusqu'à  celle  du  poing  ;  sa 
forme  est  des  pius  irrégulières  :  elle  présente  une  série  de  diverti- 
cules  petits,  anfractueux,  à  parois  déchiquetées.  En  dehors  de  cette 
cavité  centrale,  se  voient  des  alvéoles  de  petite  taille;  à  son  intérieur, 
il  peut  s'en  rencontrer  aussi. 

Ces  différents  aspects  nous  renseignent  d'une  façon  suffisante  sur 
la  nature  de  la  tumeur  qui  nous  occupe.  La  poche  centrale  dont 
nous  avons  reconnu  l'existence  n'est  autre  chose  qu'une  Hydatide 
mère  qui,  suivant  la  résistance  plus  ou  moins  grande  opposée  par  le 
tissu  dans  lequel  elle  est  venue  se  fixer,  a  gardé.des  dimensions  plus 
ou  moins  restreintes  ;  les  alvéoles  qu'une  coupe  permet  de  recon- 
naître à  son  inférieur  sont  des  vésicules  endogènes;  les  alvéoles 
extérieurs,  beaucoup  plus  nombreux,  sont  des  générations  succes- 
sives de  vésicules  secondaires  exogènes,  comme  le  démontrent  leur 
pullulation  périphérique  et  les  grandes  différences  de  taille  qu'ils 
présentent  entre  eux. 

Les  vésicules  exogènes  sont  disposées  les  unes  à  côté  des  autres, 
dans  des  cavités  creusées  au  sein  d'un  stroma  Ûbro-conjonctif  ; 
elles  sont  affaissées  et  repliées  sur  elles-mêmes,  au  lieu  de  demeurer 
globuleuses,  comme  à  l'état  normal;  elles  sont  trop  grosses  pour 
L'alvéole  qui  les  renferme,  de  là  les  replis  nombreux  que  présente 


TjfiNIA  ECHINOCOCCUS.  447 

leur  paroi.  Dans  les  points  où  le  réseau  conjonctif  ambiant  offre 
une  moindre  résistance,  on  voit  la  vésicule  pousser  des  diverticules 
qui  lui  donnent  un  aspect  assez  semblable  à  celui  que  nous  avons 
décrit  pour  les  Cysliccrques  rameux  de  l'encéphale.  Certains  obser- 
vateurs, Luschka,  Leuckart,   Heschel,  Friedreich,  invoquent   cette 
structure  pour  admettre  que  les  vésicules  extérieures  prennent  nais- 
sance, non  par  le  procédé  ordinaire  de  bourgeonnement  intra-cuti- 
culaire,  mais  par  isolement  de  ces  diverticules  périphériques;  Marie 
Prougeansky  pense  môme  que  c'est  là  leur  unique  mode  de  produc- 
tion.  Chacune  des  vésicules  ainsi  constituées  s'entourerait  à  son 
tour  d'une  coque  conjonctive.  Nous  ne  voulons  pas  nier  la  possi- 
bilité, voire  môme  la  prédominance  d'un  semblable  processus  ;  nous 
ferons  remarquer  simplement  que  cela  n'exclut  pas  le  mode  habi- 
tuel de  multiplication  exogène  :  Marie  Prougeansky  a  noté  l'existence 
d'amas  granuleux,  point  de  départ  des  vésicules  secondaires,  entre 
les  lamelles  de  la  cuticule  de  l'Hydatide  principale.  D'accord  avec 
Virchow  et  contrairement  à  cette  dernière,  Klemm  a  d'ailleurs  re- 
connu nettement  la  production  de  vésicules  exogènes  et  endogènes. 
La  plupart  des  auteurs  admettent  que  les  vésicules  qui  composent 
la  tumeur  hydatique  alvéolaire  demeurent  stériles  ;   Leuckart  dit 
que   la  fertilité  serait  exceptionnelle.  Cette  opinion  est  contredite 
par  les  faits  :  Helm  a  établi  que  les  Hydatides  ordinaires  étaient 
fertiles  78,7   fois  sur   100  et  les  Échinocoques  alvéolaires  G4,7  fois 
sur  100.  Il  est  vrai  néanmoins  que  ces  derniers    ne  produisent  le 
plus  souvent  qu'un  pelit  nombre  de  têtes,  dont  la  constatation  né- 
cessite parfois  des  recherches  prolongées. 

Ces  tôtes  sont  identiques  à  celles  qui  se  développent  dans  les 
vésicules  proligères  des  Hydatides  normales  :  dimensions,  structure, 
tout  est  semblable.  D'après  cette  comparaison,  il  est  déjà  difficile 
d'admettre  la  manière  de  voir  de  Kuhl,  de  Morin  et  de  Huber,  qui 
pensent  que  l'Échinocoque  alvéolaire  est  causé  par  l'état  larvaire 
d'un  Ténia  différent  de  Tsenia  echinococcus.  Cette  opinion  est  formel- 
lement contredite  parles  expériences  de  Klemm,  qui  a  pu  développer 
le  véritable  Ténia  échinocoque  dans  l'intestin  d'un  Chien  auquel  il 
avait  fait  avaler  des  Hydatides  fertiles  provenant  d'une  tumeur 
hydatique  alvéolaire. 

Bien  que  Echinococcus  polymorphus  et  E.  multilocuîaris  s.  alveoîam 
soient  deux  états  d'un  même  parasite,  l'aspect  différent  sous  lequel 
ils  se  présentent  n'en  reste  pas  moins  obscur.  Il  tient  probablement 
à  la  manière  variable  dont  l'organisme  se  comporte  vis-à-vis  de 
l'embryon  hexacanlhe,  puis  du  Ver  cystique  qui  lui  succède;  cette 
différence  de  réaction  de  la  part  de  l'organe  reconnaît  sans  doute 
pour  cause  une  différence  dans  le  siège  qu'occupe  l'embryon.  C'est 


448  ORDRE  DES  GESTODES. 

ainsi  que  la  forme  cystique  ordinaire  se  développerait  presque  sans 
provoquer  de  réaction,  vite  et  régulièrement,  dans  des  voies  non 
préformées;  elle  se  creuserait  un  gîte  au  sein  des  tissus.  La  forme 
alvéolaire  aurait  au  contraire  son  point  de  départ  dans  un  système 
de  canaux  (vaisseaux  lymphatiques,  d'après  Yirchow  ;  canaux  bi- 
liaires, d'après  Friedreich,  Schrœder  van  der  Kolk  et  Morin  ;  vais- 
seaux sanguins,  d'après  Leuckart)  :  ceux-ci,  doués  d'une  exquise  sensi- 
bilité, réagiraient  violemment  ;  il  se  produirait  ainsi  une  abondante 
prolifération  conjonctive  et  l'Échinocoque,  contraint  de  lutter  contre 
elle,  ne  pourrait  croître  que  lentement. 

La  singulière  distribution  géographique  de  l'Échinocoque  alvéo- 
laire n'a  pu  encore  être  expliquée.  En  Islande,  où  les  kystes  hyda- 
tiques  sont  endémiques,  on  ne  l'a  jamais  observé.  Dans  l'Alle- 
magne du  nord,  où  l'Échinocoque  est  relativement  fréquent,  on  n'en 
connaît  encore  que  deux  cas  :  l'un  vu  par  Bartels  à  Kiel  en  1873,  l'au- 
tre observé  par  Trendelenburg  àRoslock  en  1881  ;  le  cas  de  Fr.  Meyer 
se  rapporte  au  centre  de  l'Allemagne.  En  France,  ou  n'en  connaît 
pas  la  moindre  observation,  puisque  le  malade  de  Carrière  était  un 
Bavarois.  Jusqu'à  présent,  c'est  surtout  en  Suisse  et  dans  l'Alle- 
magne du  sud,  où  les  kystes  hydatiques  sont  relativement  rares, 
qu'on  a  observé  l'Échinocoque  alvéolaire;  on  l'a  signalé  aussi  dans 
la  haute  et  la  moyenne  Italie  et  chez  un  nègre  d'Amérique.  Heller 
croit  pouvoir  rapporter  encore  à  l'Hydatide  alvéolaire  deux  pièces  figu- 
rant dans  les  collections  d'anatomie  pathologique  de  Londres  et 
d'Edimbourg. 

Ajoutons  que  cette  variété  d'Hydalides  s'observe  aussi  chez  le 
Bœuf,  où  Friedreich  en  1860,  Huber  en  18G1,  Perroncito  eu  1871, 
Harms  en  1872,  Bullinger  en  1875  et  Brinstciner  en  1881,  en  ont  mi 
chacun  un  cas. 

J.  Carrière,  De  la  tumeur  hydatique  alvéolaire.  Thèse  de  Paris,  18G8.  — 
On  trouvera  dans  cet  excellent  travail  la  traduction  de  toutes  les  observa- 
tions antérieures  de  tumeurs  hydatiques  alvéolaires. 

Ducellier,  Etude  clinique  sur  la  tumeur  à  Echinocoques  multiloculairc 
du  foie  et  des  pownoiïs.  Paris,  1868. 

J.  Carrière,  De  la  tumeur  hydatique  alvéolaire  (tumeur  à  Èchinocoque 
multiloculairc).  Arch.  de  physiol.,  II,  p.  132,  1869. 

Huber,  Ueber  Echinococcus  multilucularis.  Virchow's  Archiv,  LIV,  p.  26$, 
1871.  —  Id.,  Ueber  zwei  neue  Fûlle  von  Echinococcus  multilocularis.  Deut- 
sches  Arch.  f.  kiin.  Med.,  XXIX,  p.  203,  1881. 

M.  Prougeansky,  Ueber  die  multiloculâre  ulcerirende  Echinococcusgc- 
schwulst  in  der  Leber.  luaug.  Diss.  Zurich,,   1873. 

Bollinger,  Er/thiococcus  multilocularis  in  der  Leber  de*  Hindi  s.  Deutsche 
Zcitschr.  f.  Thiermcdicin,  II,  p.  10'J,  187ô. 

E.  ElaiTtcr,  Ein  Fait  von  Echinococcus  multilocularis  lœpatis.  Archiv  der 
il.Mlk.iiide,  XVI,  p.  362,  1875. 


TAENIA  ECHINOCOCCUS. 


449 


Fr.  Moriu,  Deux  cas  de  tumeurs  à  Èchinocoques  multiloculaires.  Thèse  de 
Berne,    1870. 

Buhl.  Annalen  der  sUidtischen  Krankenanstalt  zu  Mûnchen,  IJ,  p.  4o4,  1880. 

L.  Kiiitule,  Fùnf  neue  Faite  von  Echinococcus  multilocularis  hepatis. 
Inaug.  Diss.  Tiibingen,  1880. 

L.  Waldstein,  Ein  Fa/l  von  multilocularem  Echinococcus  der  Leber. 
Virchow's  Archiv,  LXXX1II,  p.  41,  1881. 

Fr.  Meyer,  Ein  Fait  von  Echinococcus  multilocularis.  Inaug.  Diss.  Gottin- 
gen,    188-2. 

J.  Ch.  llubor,  Sludien  und  Beobachtungen  ïtber  den  multiloculâren  Echi- 
nococcus der  Leber  und  der  Nebenniere.  Bcricht  des  naturhisÇ.  Vereins  in 
Augsburg,  XXVI,  p.  151,  1882. 

Jl.  Kleimn,  Zur  Kenntniss  des  Echinococcus  aloeolaris  der  Leber.  Inaug. 
Diss.  Mûnchen,  1883. 

J.  Brinsteiner,  Zur  vergleichenden  Pathologie  des  Alveolar-Echinococcus 
der  Leber.  Inaug.  Diss.  Mûnchen,  1884. 

Quand  les  Hydatides  se  développent  dans  le  tissu  conjonclif 


Fig.  201.  —  Kystes  hydatiques  pédoncules,  d'après  Gharcot  et  Davaine.  — 
a,  intestin  grêle;  6,  mésentère;  c,  kystes  ayant  un  court  pédoncule; 
d,  kyste  supporté  par  un  pédoncule,  e,  très  long  et  très  aminci. 


sous-séreux,  il  peut  se  faire  qu'elles  repoussent  la  membrane 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  29 


4o0  ORDRE  DES  GESTODES. 

séreuse,  s'en  coiffent  en  quelque  sorte  et  ne  restent  en  rap- 
port avec  leur  point  d'origine  que  par  un  pédicule  plus  ou 
moins  allongé  et  aminci.  Chez  un  vieillard  dont  Charcot  et  Da- 
vaine  ont  publié  l'observation,  un  grand  nombre  de  kystes  pé- 
dicules existaient  à  la  surface  du  péritoine  ;  le  pédicule  de 
quelques-uns  d'entre  eux  avait  jusqu'à  7  centimètres  de  lon- 
gueur et  n'était  pas  plus  gros  qu'un  crin  de  Cheval  (fig.  261). 
Gérard  a  rencontré  une  disposition  toute  semblable.  Que  le  pé- 
dicule vienne  à  se  rompre  et  le  kyste  deviendra  libre  dans 
la  cavité  péritonéale,  phénomène  qu'il  n'est  pas  rare  d'observer. 

11  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  rappeler  encore  que,  dans 
les  deux  cas  précédents,  les  Hydatides  pédiculées  étaient  sté- 
riles, alors  que  toutes  celles  du  foie  ou  des  replis  du  péritoine 
étaient  fertiles  :  nous  avons  expliqué  déjà  ce  fait  par  la  moindre 
vitalité  des  premières,  auxquelles  le  sang  n'arrivait  qu'en  très 
faible  quantité. 

On  doit  rattacher  aux  Échinocoques  du  péritoine  ceux  qu'il 
est  si  fréquent  de  rencontrer  dans  le  grand  épiploon,  dans  le 
rein,  dans  la  rate,  dans  les  organes  que  renferme  le  bassin  ; 
ces  derniers  ont  été  confondus  plus  d'une  fois,  chez  la  femme, 
avec  des  kystes  de  l'ovaire  et  ont  été  cause  de  regrettables  in- 
terventions chirurgicales.  Brose  en  cite  quelques  exemples. 

Charcot  et  Davaine,  Note  sur  un  cas  de  kystes  hydatiques  multiples.  Mém. 
delà  Soc.  de  biologie,  (2),  IV,  p.  103,  1857. 

II.  Sclierenberg,  Enormer  Echinococcus  des  Netzes.  Verwechslung  mit 
H  y  drops  ovarii.  Virchow's  Àrcbiv,  XLVI,  p.  392,  18G9. 

Widal,  Présentation  de  kystes  hydatiques  du  péritoine.  Bull,  de  la  Soc. 
méd.  des  hôp.,  (2),  XIII,  p.  202,  1870. 

F.  Gérard,  Des  kystes  hydatiques  du  péritoine.  Thèse  de  Paris,  1876. 

P.  Brose,  Zur  Lehre  von  den  Echinocococcen  des  weiùlichen  Deckens.  Inaug. 
Diss.  G5ttingen,1882. 

Pli.  Masseron,  Des  kystes  hydatiques  multiples  de  la  cavité  abdominale. 
Thèse  de  Paris,  1882. 

J.  B.  Backhouse,  Short  notes  on  three  cases  of  abdominal  Ilydatals. 
Australian  nied.  journal.  Melbourne,  (2),  VII,  p.   i09,   [885. 

Les  Hydatides  se  rencontrent  assez  rarement  dans  le  cœur: 
jusqu'à  CEsterlen ,  dix-sept  auteurs  seulement  en  avaient  publié 
des  observations.  Dans  les  muscles,  elles  sont  plus  fréquentes: 
Marguet  leur  a  consacré  une  intéressante  monographie,  dans 
laquelle  il  reprend  et  appuie  de  preuves  nouvelles  l'opinion, 
émise  précédemment  par  Cruveilhier,  Paul-Bonconr  et  Danlos, 


T^NIA    ECHINOCOCCU?.  ï,\ 

que  leur  développement  reconnaît  le  traumatisme  comme 
cause  occasionnelle  (1). 

Les  Échinocoques  des  os  ont  été  récemment  étudiés  avec 
beaucoup  de  soin  par  Gangolphe,  qui  a  pu  en  réunir  cin- 
quante-deux observations.  Dans  ce  milieu  spécial,  les  parasites 
présentent  d'intéressantes  particularités:  ils  siègent  de  préfé- 
rence dans  les  épiphyses  des  os  longs,  là  où  le  tissu  est  spon- 
gieux, et  leur  permet  de  se  multiplier  sans  trop  de  difficulté. 
Le  kyste  adventif  de  nature  conjonctive  fait  constamment 
défaut;  les  vésicules  restent  toujours  de  très  petites  dimen- 
sions, sauf  dans  les  cas  où  elles  parviennent  à  se  loger  dans 
la  cavité  médullaire  (Bug.  Hahn,  Uchlovski),  et  se  multiplient 
activement  par  voie  exogène.  Elles  déterminent  l'érosion  du 
tissu  osseux  et  peuvent,  entre  autres  accidents,  amener  des 
fractures  spontanées. 

Nous  ne  dirons  rien  des  Hydatides  de  l'encéphale  et  de  la 
moelle,  si  ce  n'est  qu'elles  semblent  être  plus  rares  que  les 
Cysticerques  dans  la  première  de  ces  régions;  les  phénomènes 
pathologiques  dont  s'accompagne  leur  présence  sont  du  reste 
les  mêmes  que  pour  ceux-ci.  Elles  sont  également  moins  fré- 
quentes que  les  Cysticerques  dans  l'œil  et  ses  annexes,  mais 
semblent,  en  revanche,  s'observer  plus  souvent  dans  la  glande 
mammaire. 

A.  Bocker,  Zur  Statistikder  Eehinococcen.  Inaug.  Diss.  Berlin,  1868. 

0.  Oesterlen,  Ueber  Eckinococcus  im  Herzen.  Virchow's  Archiv,  XLII, 
p.  404,  18GS. 

P.  E.  M.  Clémenceaux,  Des  enlozoaires  du  cerveau  humain.  Thèse  do 
Paris,  1871. 

C.  Westphal,  Ueber  einen  Fait  von  intracraniellem  Eckinococcus  mit  Aus- 
gang  in  Heiiung.  Berliner  klin.  Woch.,  X,  p.  205,  1873. 

Ep.  Kotsonopulos,  Zur  Casuistik  cler  Birntumoren.  Virchow's  Archiv, 
LVII,  p.  534,  1873. 

E.  Ilansen,  Zur  Diaqnose  cler  ilusseren  Echinococcusgeschwùlste.  Deutsche 
Zeitschr.  fur  Chirurgie,  III,  p.  354,  1873. 

(1)  Dans  105  cas  d'Hydatidcs  des  muscles,  relevés  par  Marguet,  notamment 
dans  les  publications  françaises,  la  distribution  anatomique  des  parasites  était 
la  suivante  :  cuisse,  17  fois;  région  sacro-lombaire,  13;  bras,  12;  paroi  abdo- 
minale antérieure,  12;  cou,  12  ;  lèvre  inférieure,  7  ;  deltoïde,  G;  partie  anté- 
rieure du  thorax,  G  ;  partie  postérieure  du  thorax,  G  ;  fessiers,  4  ;  avant-bras,  3  ; 
face,  3;  psoas,  1;  œil,  1;  jambe,  1;  paroi  abdominale  postérieure,  1.  Lé 
parasite  siège  de  préférence  dans  les  points  où  l'irrigation  sanguine  est  le 
plus  active. 


452  ORDRE  DES  CESTODES. 

Lauenstein,  Ueber  das  Vor homme n  von  Echinococcus  in  der  Mamma. 
Inaug.  Diss.  Gôttingen,  1874. 

G.  L.  H.  Brassart,  Etude  sur  le  diagnostic  des  hystes  hydatiques  externes. 
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Eug.-Paul  Boncour,  Des  kystes  hydatiques  des  membres.  Thèse  de  Paris,  1878. 

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Woch.,  XX,' p.  632,  1883. 

Bucquoy,  Hémiplégie  et  hémiatrophie  faciales  ;  kyste  hydatique  de  la  base 
du  crâne.  Bull,  de  la  Soc.  méd*  des  hôpitaux,  (4),  I,  p.  246,  1884. 

Eug.  Hahn,  Ueber  Knochenechinoccocus.  Berliner  klin.  Woch.,  XXI, 
p.  81,  1884. 

J.-A.  Uchlovski,  Êchinocoque  dans  la  cavité  médullaire  de  l'humérus. 
Medizinsky  sbornik.  Tiflis,  n°  37,  p.  145,  1884. 

A.  Bourel-Roncière,  Kystes  hydatiques  des  muscles.  Thèse  de  Paris,  1884. 

H.  Berger,  Beitrdge  zur  Casuistik  ùber  die  Echinococcus-Khrankheit .  Inaug. 
Diss.  Berlin,  1885. 

A.  Lenzi,  Due  case  di  ciste  da  echinococco  nella  parotide  e  nella  glandola 
mammaria.  Lo  Sperimentale,  LV,  p    47,  1885. 

L.  Hahn  et  Ed.  Lefèvre,  Èchinocoques.  Dictionn.  encyclop.  des  se.  med., 
(1),  XXXII,  p.  69,  1885. 

Em.  Marguet,  Des  kystes  hydatiques  dans  les  muscles  volontaires.  Thèse  de 
Paris,  1886  (cette  thèse  est  encore  inédite  au  moment  où  paraît  le  second 
fascicule  de  notre  Traité,  juin  1886). 

M.Gangolphe,  Kystes  hydatiques  des  os.  Thèse  d'agrégation.  Paris,  1886. 

L'Échinocoque  peut  s'observer  h  tous  les  âges,  mais  sa  fré- 
quence est  plus  grande  chez  les  adultes,  de  vingt  à  quarante 
ans  :  cela  ressort  du  tableau  suivant,  qui  résume  les  statis- 
tiques dressées  par  différents  auteurs,  tant  en  Islande  (Finsen) 
qu'en  Allemagne. 


-LENIA  ECHINOCOCCUS.  4:i3 

Krum- 

WolIT.  mâcher.  Bôcker.  Finsen.  Neisser.  Helm. 

0  à  10  ans »  4  »  20  29  » 

11  à  20  ans (',  15  4  49  66  10 

21  à  30  ans 12  14  8  G5  154  10 

31  à  40  ans 9  15  8  38  123  17 

41  à  50  ans 1  8  6  32  7G  7 

51  à  60  ans »  4  3  23  31  13 

Gl  à  70  ans »  4  4  11  14  1 

71  à  80  ans »  l  »  5  7  1 

Au  delà  de  80  ans »  »  2  » 

Totaux 28  05  33  2i5  500  59~ 

L'influence  du  sexe  sur  le  développement  des  Echine-coques 
n'est  guère  admissible;  on  ne  saurait  donner  aucune  raison 
sérieuse  de  la  fréquence  plus  grande  du  parasite  chez  la 
femme.  Quelque  inexplicable  qu'il  soit,  le  fait  n'en  semble 
pas  moins  démontré  : 

Krummacher  a  observé     41  hommes  et    45  femmes  sur    86  malades. 
Finsen  —  74  —  181  —         255        — 

Neisser  —  148  —  210  —         358        — 

La  position  ou  les  habitudes  sociales  ont  avec  la  maladie  des 
rapports  bien  plus  manifestes.  Puisque  l'Échinocoque  est  la 
larve  d'un  Ténia  du  Chien,  il  est  évident  qu'il  se  développera 
surtout  chez  les  individus  qui  admettent  cet  animal  dans  leur 
intimité.  D'autre  part,  la  migration  du  Ténia  se  faisant  du 
Mouton  au  Chien,  la  maladie  sera  plus  fréquente  chez  ceux 
qui  vivent  dans  la  compagnie  des  Chiens  de  berger  ou  des 
Chiens  d'abattoir  :  elle  sera  beaucoup  plus  commune  dans  les 
campagnes  que  dans  les  villes.  Nous  verrons  une  confirmation 
éclatante  de  ces  considérations,  quand  nous  étudierons  la 
distribution  géographique  du  parasite  et  de  la  maladie  dont  il 
est  cause. 

L'Échinocoque  qui  s'est  développé  dans  les  tissus  de 
l'Homme  s'est,  à  proprement  parler,  embarqué  dans  une 
impasse  :  il  est  sans  avenir,  sans  espoir,  car  il  a  bien  peu  de 
chances  pour  passer  jamais  dans  l'intestin  du  Chien,  où  il 
pourrait  poursuivre  son  évolution  et  arriver  à  l'état  adulte. 
L'Homme  n'intervient  que  fortuitement  dans  le  cycle  de  déve- 
loppement de  ce  Ténia,  dont  le  Mouton  est  normalement  le 
premier  hôte.  Le  Chien  a  souvent  l'occasion  de  manger  les 
entrailles  du   Mouton  et,  par  conséquent,    d'introduire  dans 


434  ORDRE  DES  CESTODES. 

son  tube  digestif  des  Hydatides,  qui,  si  elles  sont  fertiles, 
pourront,  après  digestion  de  leur  cuticule,  mettre  en  liberté 
un  nombre  considérable  de  jeunes  têtes  de  Ténia.  On  ne  sera 
donc  pas  surpris,  en  examinant  des  Chiens  porteurs  de  Ténias 
échinocoques,  de  constater  que  ceux-ci  existent  toujours  en 
très  grand  nombre  chez  un  même  animal. 

Les  migrations  que  nous  venons  d'esquisser  ont  été  recon- 
nues pour  la  première  fois  par  von  Siebold,  en  185*J  :  en  fai- 
sant ingérer  à  des  Chiens  des  Hydatides  du  Mouton,  cet  expé- 
rimentateur obtint  un  Ténia  de  fort  petite  taille,  qui  jus- 
qu'alors était  passé  inaperçu.  Plus  tard,  Kiichenmeister,  van 
Beneden,  Leuckart  et  Nettleship  virent  le  même  Ténia  se  dé- 
velopper dans  l'intestin  de  Chiens  auxquels  ils  avaient  admi- 
nistré des  Échinocoques  du  Mouton,  du  Porc  et  du  Bœuf. 

Ces  mêmes  expériences  réussirent  moins  aisément  avec  les 
Hydatides  de  l'Homme  :  Kiichenmeister,  Zenker,  Ercolani  et 
Vella,  Levison,  les  tentèrent  en  vain.  Plus  heureux,  Krabbe, 
Finsen  et  Naunyn,  les  uns  en  Islande,  l'autre  à  Berlin,  dé- 
montrèrent en  1863  qu'elles  donnaient  encore 
naissance  au  Ténia  découvert  par  von  Siebold. 
Une  démonstration  toute  semblable  a  été 
donnée  récemment  par  Thomas,  à  Adélaïde. 
Tœnia  echinococcus  est  le  plus  petit  des  Ges- 
todes  connus.  Sa  longueur  est  de  2mm,5  à 
3  millimètres,  au  plus  de  5  millimètres;  Krabbe 
considère  comme  tout  à  fait  exceptionnelle 
une  taille  de  6mm,o.  11  se  compose  d'une  tête 
armée,  à  laquelle  font  suite  trois  ou  quatre 
anneaux  seulement  (fig.  262)  ;  le  dernier,  lors- 
qu'il est  mûr,  atteint  à  lui  seul,  ou  dépasse 
même  la  moitié  de  la  longueur  totale. 

La  tête,  large  à  peine  de  0mm,3,  est  munie 
de  quatre  ventouses  et  d'un  rostre  assez  al- 
Fig.  2G2.—  Tœnia  longé,  large  de  0mm,13  et  dont  la  base  donne 
echinococcus,   insertion  à  une  double  couronne  de  crochets 

vSLSJSk  ('''s-  2C3>- Les  auteurs  sont  loin  d'etre  d'ac- 

cord  quant  au  nombre  de  ces  derniers  ;  cha- 
que rangée  en  renfermerait  quatorze  à  dix-huit,  d'après  von 
Siebold  et  Kiichenmeister,  quatorze  à  vingt-cinq  d'après  Leuc- 


T.ENIA   ECniNOCOCCUS. 


455 


kart,  quinze  à  dix-sept  d'après  Eschricht,  seize  a  vingt  d'après 
Krabbe.  Ces  divergences  considérables  tiennent  à  ce  que  les 
crochets,  surtout  les  plus  grands,  sont  extrêmement  caducs; 
il  est  rare  d'observer  un  Ténia 
dont  la  couronne  soit  intacte. 

Si  on  compare  les  crochets  d'un 
Ténia  adulte  avec  ceux  d'une  tête 
renfermée  dans  uneHydatide,  on 
observe  entre  eux  d'importantes 
différences,  tenant  à  ce  qu'ils 
n'atteignent  leur  complet  déve- 
loppement qu'au  moment  de  la 
métamorphose.  La  griffe  atteint 
son  entier  développement  déjà 
chezl'Échinocoque,  mais  la  base, 
d'abord  courte  et  déliée, augmente 

progressivement  de  taille  et  devient  plus  massive  chez  le  Ver 
adulte.  Cette  modification  se  fait  avec  lenteur,  en  sorte  qu'on 
peut  assez  facilement  suivre  sa  marche  sur  des  Ténias  d'âge 
différent. 

Quand  sa  croissance  est  achevée,  le  crochet  (fi g.  264)  pos- 


Fig.  263.  —  Couronne  de  crochets 
de  Taenia  echiiiococcas  d'un  Chien 
islandais,  d'après  Krabbe,  grossie 
245  fois. 


Fig.  2Gi.  —    Grands   crochets  de    Tœnia  echinococcus    d'un   Chien    danois, 
grossis  900  fois,    d'après  Krabbe. 

sede  une  lame  délicate  et   fortement  incurvée  ;  sa  base  est 
épaissie.  Ses  dimensions  sont  les  suivantes,  d'après  Leuckart: 

Grand  Petit 

crochet.  crochet. 
De  l'extrémité  de  la  racine  antérieure  à 

l'extrémité  de  la  griffe 40  à  45 {i  30  à  38[x 

De  l'extrémité  de  la  racine  postérieure  à 

l'extrémité  de  la  griffe 17  à  19u  13  à  1  .">:;. 

Longueur  de  la  base 25  à  28a  22  à  25fJt 

Comme  dans  tant  d'autres  circonstances,  les  chiffres  donnés 


456  ORDRE  DES  CESTODES. 

par  Leuckart  diffèrent  notablement  de  ceux  qu'indiquent  les 
autres  observateurs.  Von  Siebold  attribue  une  longueur  de 
34  (jl  aux  grands  crochets,  de  21  à  28  (x  aux  petits  ;  d'après 
Krabbe,  la  longueur  serait  de  29  à  46  p  pour  les  premiers,  de 
21  à  33  (x  pour  les  seconds. 

A  la  suite  de  la  tête  vient  un  cou  large  d'environ  0mm,25,  qui 
se  continue  insensiblement  avec  la  première  portion  du  corps. 
Celle-ci  est  dépourvue  de  toute  segmentation  :  elle  est  suivie  d'un 
premier  anneau  à  limites  mal  accusées,  à  peu  près  aussi  long- 
que  large,  et  à  l'intérieur  duquel  on  ne  distingue  aucun  organe 
particulier.  Le  deuxième  anneau  est  environ  deux  fois  plus 
long  que  le  précédent;  on  y  reconnaît  déjà  des  organes  géni- 
taux mâles  et  femelles,  un  cirre  marginal,  un  oviducte  et 
des  œufs. 

Le  troisième  et  dernier  anneau  est  arrivé  à  maturité  com- 
plète; il  est  long  de  2  millimètres,  large  de  0mm,6  et  renferme 
environ  cinq  cents  œufs.  Ceux-ci  sont  limités  par  une  délicate 
membrane  vitelline  et  présentent  la  structure  que  nous  avons 
figurée  plus  haut  chez  Tsenia  marginata  (fig.  212,  G)  ;  ils  me- 
surent 65  (a  et  renferment  une  coque  assez  mince  et  ponctuée, 
à  l'intérieur  de  laquelle  se  voit  l'embryon  hexacanthe.  Le  pore 
marginal  n'est  pas  situé  du  même  côté  que  sur  l'anneau  précé- 
dent, en  sorte  que  T.  echinococcus,  malgré  ses  dimensions  si 
restreintes,  appartient  nettement  au  groupe  des  Ténias  à  pores 
génitaux  alternes.  Quand  approche  le  moment  où  ce  dernier 
anneau  doit  se  séparer,  on  voit  un  nouvel  anneau  prendre 
naissance  dans  la  région  du  cou,  en  sorte  que  l'animal  présente 
pendant  un  certain  temps  quatre  segments;  mais  cet  état  est 
de  courte  durée. 

L'appareil  excréteur  a  été  étudié  par  Fraipont.  Il  est  encore 
formé  de  quatre  canaux  longitudinaux,  disposés  par  paire  de 
chaque  côté  de  la  ligne  médiane  ;  chacun  de  ces  groupes  com- 
prend une  assez  large  lacune  située  en  dehors,  et  un  vaisseau. 
Dans  son  trajet,  la  lacune  se  subdivise  sur  une  étendue  plus 
ou  moins  considérable,  pour  redevenir  ensuite  simple  et  former 
ainsi  des  boutonnières.  Le  vaisseau  est  plus  grêle  et  plus  si- 
nueux ;  il  communique  avec  son  congénère  par  des  branches 
transversales  traversant  toute  l'épaisseur  du  corps  et  avec  la 
lacune  voisine  par  une  ou  deux  anastomoses  très  courtes.  Uu 


•LENU  ECHINOCOCCUS.  451 

peu  au-dessous  des  ventouses,  les  quatre  canaux  longitudinaux 
se  réunissent  deux  à  deux;  ils  forment  alors,  de  chaque  côté, 
un  tronc  unique,  qui  va  se  jeter  dans  un  anneau  vasculaire 
placé  transversalement  au-dessus  des  ventouses.  A  l'extrémité 
postérieure  du  corps,  les  quatre  canaux  se  réunissent  encore 
deux  à  deux,  puis  s'ouvrent  dans  une  vésicule  médiane,  globu- 
leuse et  à  paroi  épaisse  et  contractile.  On  trouve  enfin,  surtout 
dans  la  partie  postérieure,  un  grand  nombre  d'entonnoirs  ci- 
liés, qui  se  prolongent  dans  de  petits  canalicules  dont  les  rap- 
ports avec  les  gros  canaux  sont  encore  ignorés. 

L'appareil  reproducteur  hermaphrodite  est  d'une  structure 
plus  simple  que  chez  les  Ténias  dont  nous  avons  fait  jusqu'à  pré- 
sentl'étude.  Les  vésicules  testiculaires,  au  nombre  d'une  soixan- 
taine environ,  mesurent  en  moyenne  70  [/..  Les  spermatozoïdes 
présentent  une  longueur  et  une  grosseur  exceptionnelles.  Le 
canal  déférent  se  contourne  plusieurs  fois  sur  lui-même  avant 
d'atteindre  la  poche  du  cirre,  très  contractile  et  longue  de 
0mm,4  àOmm,5. 

Les  glandes  génitales  femelles  sont  encore  représentées  par 
trois  ovaires  :  deux  sont  antérieurs  et  latéraux,  le  dernier 
est  postérieur  et  médian.  Les  deux  glandes  latérales,  d'aspect 
lobé  plutôt  qu'acineux,  se  réunissent  l'une  à  l'autre  par  un 
canal  transversal,  d'où  part,  vers  le  milieu  de  son  trajet,  un 
oviducte  qui  se  porte  en  arrière,  à  la  rencontre  d'un  conduit 
analogue  provenant  du  lobe  médian  de  l'ovaire.  Le  canal 
unique  qui  prend  ainsi  naissance  aboutit  presque  aussitôt  au 
réservoir  spermatique,  vésicule  large  de  14  fx,  qui  se  continue 
en  avant  et  en  dehors  par  un  vagin  à  peu  près  rectiligne.  La 
partie  moyenne  de  celui-ci  est  occupée,  sur  une  assez  grande 
étendue,  par  une  dilatation  large  de  50  (x,  dont  la  paroi  chiti- 
neuse  porte  des  sortes  d'épines  dirigées  en  dehors.  L'oviducte 
de  l'ovaire  postérieur  donne  naissance,  par  sa  partie  moyenne, 
à  un  canal  qui  remonte  vers  le  fond  de  l'utérus.  Celui-ci  ne  se 
montre  qu'assez  tard.  Il  n'y  a  pas  de  corps  de  Mehlis.  Le  pore 
marginal  est  dépourvu  de  bourrelet  saillant. 

Von  Siebold,  Uebev  die  Verwandlung  der  Echinococcusôrut  in  Tânien.  Z. 
f.  w.  Z.,  IV,  p.  409,  1853. 

Levison,  Disquisitiones  nonnullœ  de  Eclrinococcis.  Inaug.  diss.  Gryphiae 
1857. 


458  ORDRE  DES  GESTODES. 

B.  Xaunyn,  Ueber  die  eu  Echlnococcus  hominis  gehôrige  Tânie.  Archiv  fur 
Anatomie,  p.  412,  1863. 

Edw.  Ncttlesliip,  Notes  on  the  rearing  of  T.rnia  echlnococcus  in  the  Dog 
from  Hydatids,  wiih  some  observations  on  the  anatomy  oflhe  adidt  Worm. 
Proceed.  of  tlio  R.  Society,  XV,  p.  224,  1866. 

Zenker.  Sitzungsber.  der  med.  pbys.  Gesellschaft  in  Erlangen,  p.  8S,  29. 
Juli  1872. 

Vogler,  Die  Echinococcus- Haken.  Correspondenzblatt  fur  Schweizer 
Aerzte,  XV,  p.  192  u.  58G,  1885. 

J.-D.  Thomas,  Notes  Upon  the . expérimental  bree.ding  ofTxnia  echinococcus 
in  the  Dog  from  the  Echinococci  of  M  an.  Proceed.  R.  Soc,  XXXVIII,  n°  238, 
p.  449,  1885. 


Tsenia  echinococcus  vit  dans  l'intestin  grêle  du  Chien  ;  Pan- 
ceri  l'a  rencontré  encore  chez  le  Chacal  et  Cobbold  chez  le 
Loup.  Il  est  rare  chez  le  Chien,  au  moins  dans  nos  pays, 
mais  les  animaux  qui  le  possèdent  l'hébergent  souvent  en 
grande  abondance.  A  l'Institut  physiologique  de  la  Sorbonne, 
où  nous  avons  fait  l'autopsie  d'un  grand  nombre  de  Chiens,  de 
toute  provenance,  dans  le  but  d'en  rechercher  les  parasites, 
nous  ne  l'avons  jamais  observé.  Dans  les  villes,  on  le  ren- 
contre pourtant  avec  une  fréquence  relative  chez  les  Chiens 
qui  vivent  dans  les  abattoirs  ;  dans  les  campagnes,  où  il  est 
plus  commun,  c'est  encore  chez  les  Chiens  vivant  dans  les 
boucheries,  ou  au  milieu  des  troupeaux,  qu'on  l'observe  sur- 
tout. Krabbe  a  reconnu  qu'il  ne  se  trouve  en  Danemark  que 
chez  2  Chiens  sur  500  ;  en  Islande,  au  contraire,  on  le  ren- 
contre chez  le  quart  de  la  population  canine. 

Comme  le  Chien  et  le  Mouton,  le  Ténia  échinocoque  est  un 
animal  à  peu  près  cosmopolite.  Les  kystes  hydatiques  'qu'il 
occasionne  chez  l'Homme  sont  également  répandus  sur  toute 
la  surface  du  globe,  mais  leur  fréquence  est  en  rapport  avec 
les  habitudes  sociales  et  avec  certaines  conditions  que  nous 
devons  examiner. 

Les  Hydatides  ne  sont  pas  rares  chez  l'Homme,  en  France  ; 
môme  à  Paris,  il  ne  se  passe,  pour  ainsi  dire,  pas  de  mois  sans 
qu'on  en  puisse  observer  quelque  cas  dans  les  hôpitaux.  Elles 
sont,  d'après  Leudet,  plus  communes  à  Rouen  qu'à  Paris  :  on 
les  rencontrerait  (>  fois  sur  près  de  200  autopsies. 

Gratia  dit  que  le  parasite  serait  un  peu  plus  rare  en  Belgique 
qu'eu  France,  mais  sans  donner  aucune  statistique  à  l'appui  de 
cette  assertion.  Tans  le  Royaume-Uni,  Cobbold  évalue  à  ;<<H)  au 


T.-KN1A    ECllliNOCOCCUS. 

moins  le  nombre  des  décès  causés  annuellement  parles  Échi- 
nocoques  ;  cet  helminthologiste  n'a  jamais  vu  le  Ténia  éehino- 
coque  chez  le  Chien,  sauf  dans  les  cas  d'infestation  expérimen- 
tale. Murchison  rapporte  que,  sur  2 100  autopsies  pratiquées 
au  Middlesex  hospitnl  de  1853  à  i 863,  on  trouva  13  fois  des 
Hydatides;  7  fois,  elles  avaient  causé  la  mort. 

La  fréquence  du  parasite  en  Suisse  est  indiquée  par  Ziislein 
dans  la  statistique  suivante  : 

A  Zurich,  Lebert  l'a  vu      0  fois  sur    800  autopsies. 


—      Biermer 

2 

—         768 

—      Eberth 

2 

—      2500* 

Bâle,     Hoffmann, 

4 

—       1100 

—      Roth 

1 

—       1914 

Berne,  Klebs 

2 

—        900 

Notons  aussi  que,  parmi  les  cas  connus  d'Echinocoque  alvéo- 
aire,  19  se  rapportent  à  la  Suisse. 

Le  tableau  suivant  montre  la  fréquence  du  parasite  en  Alle- 
magne : 

A  Berlin,  on  l'a  vu  33  fois  sur  47  70  autopsies. 

A  Breslau  39  —  5128  — 

A  Dresde,  Zenker  l'a  vu  2  —  168  — 

s      A  Gottingen,  Fôrster  3  —  639  — 

A  Ilostock,  Wolff  4  —  150  — 

—  Simon  8  —  101  — 

—  Tbierfelder  13  —  775  — 

La  statistique  des  cas  observés  chez  des  malades  mérite 
aussi  d'être  citée  : 

A  Breslau,   on  l'a  vu.  20  fois  chez  85  062  malades. 

—  22        —        26  367         — 

A  Nuremberg  0        —         15  500        — 

A  Hambourg  0        —        18  000        — 

A  Wiirzburg,  d'après  Rinecker,  il  y  aurait  eu  seulement 
3  cas  d'Hydatides,  de  1833  à  1850,  et  pas  un  cas  en  1870  et  1871; 
à  Leipzig,  d'après  Linder,  18  cas  de  1852  à  1869;  à  Greifswald, 
11  cas  de  1870  à  1875;  dans  la  même  ville,  Mosler  en  a  vu 
27  cas  en  20  ans;  à  Iéna,  d'après  Seidel,  on  observerait  au 
moins  un  cas  par  an. 

D'après  ces  statistiques,  c'est  donc  dans  le  Mecklembourg, 
à  Rostock,  que  la  maladie  hydatique  serait  le  plus  fréquente 


460  ORDRE   DES  CESTODES. 

en  Allemagne.  Un  intéressant  ouvrage  que  viennent  de  pu- 
blier quelques  médecins  mecklembourgeois,  sous  la  direction 
du  professeur  Madelung,  confirme  pleinement  cette  déduction 
et  met  hors  de  doute  la  grande  fréquence  des  Échinocoques 
chez  l'Homme,  dans  les  deux  grands-duchés  de  Mecklembourg- 
Schwerin  et  de  Mecklembourg-Strelitz.  Il  ressort  de  ce  travail, 
non  seulement,  comme  l'avait  dit  Leuckart,  que  la  maladie  est 
bien  plus  fréquente  dans  le  nord  de  l'Allemagne  que  dans  le 
reste  de  l'Empire,  mais  qu'elle  est  plus  fréquente  dans  le  Meck- 
lembourg  que  dans  tout  autre  pays  d'Europe ,  l'Islande 
exceptée.  Malgré  cela,  on  se  rappelle  que  la  plupart  des  cas 
d'Échinocoque  alvéolaire  signalés  en  Allemagne  l'ont  été  dans 
le  sud-ouest  (Wûrttemberg,  Bavière,  duché  de  Bade)  ;  un  seul 
a  été  observé  à  Rostock. 

Les  kystes  hydatiques  sont  rares  en  Autriche.  A  Prague, 
Wrany  les  a  vus  3  fois  sur  1287  cadavres.  A  l'hôpital  général 
de  Vienne,  on  les  a  observés  3  fois  sur  1  229  autopsies  et  38  fois 
sur  369  713  malades;  à  l'hôpital  de  Wieden,  il  n'y  en  a  pas  eu 
un  seul  cas  de  1870  à  1874.  Trois  cas  d'Échinocoque  alvéolaire 
ont  été  observés  à  Vienne. 

Des  renseignements  positifs  quant  à  la  fréquence  et  à  la  ré- 
partition de  la  maladie  hydatique  en  Russie  nous  fonUencore 
défaut  ;  on  doit  penser  qu'elle  est  assez  fréquente  parmi  les 
populations  qui  se  livrent  à  l'élevage  du  bétail.  Disons  seule- 
ment qu'un  cas  d'Échinocoque  multiloculaire  a  été  constaté  à 
Dorpat. 

Krabbe  dit  que  les  Hydatides  sont  rares  en  Danemark;  c'est 
à  peine  si  on  en  observe  un  cas  par  an  dans  les  hôpitaux  de 
Copenhague.  Pendant  un  séjour  de  huit  ans  dans  le  Jiitland  et 
de  dix  ans  dans  Vile  de  Falsler,  Jôn  Finsen  n'en  a  pas  observé 
un  seul  cas,  mais  G  cas  sont  parvenus  à  sa  connaissance. 

En  Norvège,  l'affection  serait  plus  rare  encore.  Un  cas  a  été 
constaté  à  Tromsœ  par  Rolfsen,  en  J882;  ce  serait  la  première 
observation  connue. 

Il  n'en  est  malheureusement  pas  de  même  pour  l'Islande.  La 
maladie,  connue  sous  le  nom  populaire  de  Briostveike  (maladie 
de  poitrine),  s'observerait  chez  un  septième  des  habitants  d'a- 
près Thorstensen  et  Schleisner,  chez  un  sixième  d'après  Esch- 
richt.  Mais   pendant   un  séjour  de   cinq  mois  en  Islande,  et 


"LENIA  ECHINOCOCCUS.  461 

malgré  toutes  ses  recherches,  Krabbe  n'a  pu  rencontrer  que 
20  à  30  malades.  Du  reste,  Skaptason  et  Finsen,  médecins  dans 
le  nord  du  pays,  regardent  la  proportion  de  1/7  comme  fort 
exagérée,  et  Hjallelin,  de  Reykjavik,  partage  également  cette 
opinion.  Pour  les  deux  districts  d'Oefjord  et  de  Thingœ,  qui 
comptent  ensemble  environ  10000  habitants,  c'est-à-dire  plus 
du  septième  de  la  population  de  l'île,  Finsen  a  constaté  l'exis- 
tence d'Hydatides  chez  1/43  des  individus.  Suivant  Jônas  Jô- 
nassen,la  proportion  serait  seulement  de  1  pour  61,  sauf  pour 
Reykjavik,  où  la  maladie  est  plus  rare  qu'en  tout  autre  point 
de  l'île  (1).  Pendant  neuf  ans,  de  J857  à  1865,  Finsen  a  noté 
toutes  les  maladies  qu'il  a  traitées  et  il  a  pu  s'assurer  de  la  sorte 
que  la  proportion  entre  les  Echinocoques  et  les  autres  mala- 
dies était  ciel  :  20,9.  La  fréquence  de  l'affection  n'est,  du  reste, 
pas  la  même  dans  toutes  les  parties  du  pays  :  la  proportion 
précédente  s'élève  à  1 :  20  dans  le  district  de  l'est. 

La  présence  si  commune  des  Echinocoques  chez  les  Islandais  est 
en  relation  étroite  avec  l'apparition  encore  bien  plus  fréquente  de 
ces  parasites  à  l'état  de  Vers  vésiculaires  chez  le  bétail  et  à  l'état  de 
Ténias  chez  le  Chien.  Au  nombre  des  causes  qui  exposent  les  habi- 
tants à  être  infestés  par  les  Hydatides,  Tune  des  plus  actives  est 
assurément  le  nombre  considérable,  relativement  à  la  population, 
de  Chiens  et  de  Ruminants  qui  se  trouvent  en  Islande.  Krabbe  a 
calculé  que,  pour  une  population  de  70  000  habitants,  il  y  avait  en- 
viron 20  000  Chiens,  soit  1  Chien  par  3,5  habitants.  Or,  ces  Chiens 
sont  atteints  du  Ténia  échinocoque  dans  la  proportion  de  28  p.  100. 
La  présence  du  parasite  dans  l'intestin  de  ces  animaux  s'explique 
du  reste  aisément.  En  Islande,  les  Ruminants  domestiques  sont 
extrêmement  nombreux:  .en  1861,  on  y  comptait  488  Moulons  et 
36  Bœufs  pour  100  habitants.  Ces  animaux  ont  leurs  viscères  farcis 
d'Échinocoques.  A  l'automne,  le  défaut  de  fourrage  rend  nécessaire 
l'abattage  d'un  certain  nombre  d'entre  eux  :  on  en  sale  la  chair, 
mais  les  viscères  sont  rejetés,  sans  qu'on  prenne  la  peine  de  les 
enfouir  :  les  Chiens  s'en  repaissent  et  contractent  ainsi  le  Ténia. 

La  présence  de  l'Hydatidechez  l'Homme  et  chez  le  bétail  s'explique 
tout  aussi  aisément.  Pendant  les  longs  mois  d'hiver,  l'absence  de 

(1)  Galliot  rapporte  que,  pendant  une  période  de  neuf  années,  de  1808  à 
1876,  Jônassen  a  traité  4'2  cas  de  kystes  hydatiques  ;  mais  il  a  pu  observer 
un  nombre  trois  fois  plus  considérable  de  kystes  pour  lesquels  aucun  traitc^- 
ment  n'a  été  institué. 


462  ORDRE  DES  CESTODES. 

combustible  contraint  Hommes  et  bêtes  à  s'enfermer  ensemble  dans 
la  même  cabane  :  on  y  vit  dans  la  plus  dangereuse  promiscuité.  Le 
Chien,  dont  l'intestin  renferme  un  nombre  considérable  dé  Ténias, 
émet  sans  cesse  des  anneaux  mûrs,  qui  viennent  souiller  les  objets 
les  plus  divers,  vêtements,  vaisselle,  ustensiles  de  cuisine,  Morues 
desséchées,  etc.,  et  qui,  en  raison  de  leurs  faibles  dimensions,  pas- 
sent aisément  inaperçus.  La  saleté  repoussante  dans  laquelle  vivent 
la  plupart  des  Islandais  contribue  encore  puissamment  à  propager 
la  terrible  maladie. 

Pendant  la  belle  saison,  le  bétail  va  paître  les  pâturages  avoisinant 
les  bœrs  et  avale  de  la  sorte  les  œufs  ou  les  anneaux  mûrs  que  les 
Chiens  de  garde  y  laissent  sans  cesse  tomber. 

La  preuve  que  tel  est  bien  le  mode  de  propagation  de  l'Échino- 
coque  nous  est  donnée  par  ce  fait,  que  la  maladie  est  relativement 
très  rare  chez  les  pêcheurs  de  la  côte,  qui  n'ont  ni  Chiens,  ni  trou- 
peaux, et  chez  les  habitants  de  Reykjavik,  qui  ont  un  grand  nombre 
de  Chiens,  mais  pas  de  bétail. 

Nous  ne  savons  à  peu  près  rien  de  la  fréquence  des  Échino- 
coques  en  Asie  et  en  Afrique.  D'après  Budd,  les  médecins  de 
l'armée  des  Indes  les  mentionnent  rarement;  Challan  de  Belval 
les  croit  assez  fréquents  au  Tonkin.  Bilharz  en  a  vu  3  cas  en 
Egypte,  et  Vital  rapporte  qu'on  en  a  vu  52  cas  à  l'hôpital  militaire 
de  Constantine  :  7  cas  sur  6044  autopsies  d'Européens,  45  cas 
sur  1-463  autopsies  d'indigènes.  Arnould  rencontrait  commu- 
nément ces  parasites  chez  les  Arabes  dont  il  faisait  l'autopsie, 
pendant  le  typhus  de  1868. 

Ces  parasites  seraient  également  très  rares  en  Amérique. 
En  1856,  le  professeur  Leidy,  de  Philadelphie,  n'en  signalait 
que  deux  cas,  l'un  chez  un  mousse  anglais,  l'autre  chez  un 
français;  il  ajoute  n'en  connaître  aucune  observation  chez  un 
anglo-américain.  Weinland  parle  d'Echinocoques  endogènes 
du  poumon  présentés  par  Ellis  à  la  Boston  Society  for  médical 
Improvement  et  ajoute  que  les  journaux  du  pays  en  ont  encore 
publié  d'autres  cas.  L'observation  faite  par  Gutierrez  à  Buenos- 
Aires  et  mentionnée  déjà  plus  haut  se  rapportait  à  un  Italien 
de  :i:i  ans,  arrivé  depuis  trois  ans  en  Amérique. 

Les  kystes  hydatiques  semblent  être  presque  aussi  fréquents 
en  Australie  qu'en  Islande.  Pour  une  période  de  onze  années, 
de  1862  à  1872,  J.-P.  Rowe  a  relevé  200  ras  de  mort,  dont 
125  chez  des  hommes  et  75  chez  des  femmes.  De  son  côté, 


TAENIA  ECHINOCOCCUS.  403 

J.-D.  Thomas  a  noté  307  décès  en  dix  ans,  de  18G8  à  1877.  Ce 
même  observateur  constate  que,  parmi  les  Chiens  examinés 
par  lui  dans  diverses  localités  de  l'Australie  du  sud  et  à  Mel- 
bourne, 43  pour  100  renfermaient  des  Ténias,  depuis  un  petit 
nombre  jusqu'à  plusieurs  milliers. 

H.  Krabbo,  Die  islandischen  Echinokokkcn.  Virchow's  Arcliiv,  XXVII,  p.  225, 
18G3.  —  Id.,  Die  Echinococcen  der  Islàwlcr.  Archiv  fur  Naturgeschichte,  I, 
p.  110,  18G5. 

W.-L.  Richardson,  Notes  on  some  of  the  discases  prévalent  in  Victoria,  Aus- 
tratia.  Edinburgh  médical  journal,  XIII,  p.  525,  18G7. 

J.  Finscn,  Bidrag  til  Kuhdskab  om  de  i  Island  endemiske  Echinococcer. 
Ugeskrift  for  Lacger,  III,  p.  71,  1867.  —  Id.,  Les  Échinocoques  en  Islande. 
Archives  gén.  de  méd.,  (G),  XIII,  p.  23  et  191,  1869  (Traduction  du  précédeut 
mémoire).  —  Id.,  Nogle  Bemerkninger  i  Anledning  af  «  Ekinokoksygdommen, 
belyst  ved  islandske  Laegers  Erfaring  »  af  Jônas  Jônassen.  Ugeskrift  for  Lae- 
ger,(4),  VII,  p.  21  og4l,  1883. 

Hjaltelin,  Noie  sur  le  traitement  des  Hydalides  en  Islande.  Archives  de 
méd.  navale,  XII,  p.  831,  1809. 

Galliot,  De  V infection  par  le  Taenia  echinococcus  et  du  traitement  des  kystes 
hydatiques  en  Islande.  Bull.  gén.  de  thérapeutique,  XGVII,  p.  97,  1879. 

J.  Arnould,  Les  Échinocoques  de  l'Homme  et  les  Ténias  du  Chien.  Annales 
d'hygiène,  (3),  VI,  p.  305,  1881. 

J.-D.  Dunlop,  Case  of  hydatid  diseuse  under  Dv  J.  C.  Verco.  Australasian 
med.  Gazette.  Sydney,  II,  p.  264,  1882. 

J.-W.  Barrett,  Hydatid  disease  in  Victoria.  Med.  Times  and  Gazette,  II, 
p.  G78,  1883. 

J.-D.  Thomas,  Hydatid  disease  wilk  spécial  référence  to  Us  prevalence  in 
Austratia.  Adélaïde,  225  p.,  1884.  —  Id.,  JSote  upon  the  fréquent  occur.  <>nce 
of  Tœnia  echinococcus  in  the  domestic  Doy  in  certain  parts  of  Australia. 
Proceed.  R.  Society,  XXXVIII,  p.  457,  1885. 

O.-W.  Madelung,  Beilrdye  mecklenburgisclier  Aerzte  zur  Lehre  von  der 
Echinococccn-Krankheit.  Stuttgart,  in-8°  de  219  p.,   1885. 

Fr.  Mosler,  Ueber  endemisches  Vorkommen  der  Ecliinococcen-Kranhh ■  it  in 
Neuvorpommern ,  mit  besoîiderer  Berilchsichtigung  eines  Faites  von  Echino- 
coccus der  rechten  Niere.  Deutsche  med.  Woch.,  XII,  p.  101  u.  119,  1886. 

Par  son  développement,  Tœnia  echinococcus  semble,  au  premier 
abord,  dillerer  totalement  des  trois  autres  Cestodes  que  nous  avons 
étudiés  jusqu'ici.  On  ne  saurait  méconnaître,  en  effet,  qu'il  n'y  ait 
entre  eux  des  différences  à  cet  égard,  mais  celles-ci  sont  de  moindre 
importance  qu'on  ne  pourrait  le  supposer. 

L'Hydatide  ou  vésicule-mère  est  morphologiquement  identique  à 
la  vésicule  caudale  du  Cysticerque  :  elle  se  constitue  de  la  même 
façon  que  cette  dernière,  par  suite  de  l'hydropisie  de  l'embryon 
hexaeanthe,  après  que  celui-ci  a  perdu  ses  crochets  et  a  subi  une 
augmentation  de  volume;  elle  n'en  diffère  que  par  un  caractère 
tout  secondaire,  l'épaississement  considérable  et  la  s Irulifi cation  de 
sa  cuticule. 


464  ORDRE  DES   GESTODES. 

On  sera  frappé  de  voir  Echinococcus  polymorphus  produire  à  son 
intérieur  un  nombre  considérable  de  têtes,  renfermées  dans  des 
vésicules  proligères,  tandis  que  Cysticercus  cellulosœ,  par  exemple, 
n'en  produit  jamais  qu'une  seule,  qui  bourgeonne  en  dehors  de  la 
vésicule  caudale.  Là  encore,  la  différence  est  toute  secondaire  :  elle 
s'explique  en  partie  par  la  comparaison  avec  Taenia  eœnurus. 

Cet  animal  vit  dans  l'intestin  du  Chien.  Sa  larve  ou  Camurus  cere- 
bralis  est  parasite  du  cerveau  de  diverses  espèces  de  Ruminants, 
particulièrement  du  Mouton,  chez  lequel  elle  cause  le  tournis.  Le  Cœ- 
nure  n'est  autre  chose  qu'un  Cysticerque  dont  la  vésicule  caudale  a 
la  faculté  de  produire  non  plus  un  seul  bourgeon  céphaliqne,  mais 
un  nombre  considérable  de  bourgeons.  Or,  c'est  précisément  ce  qui 
s'observe  chez  l'Échinocoque,  mais  avec  un  nouveau  degré  de  dif- 
férenciation. 

Celle-ci  tient  à  la  formation  des  vésicules  proligères  :  on  peut  les 
assimiler  à  des  ramifications  de  la  membrane  germinale.  Dans  le 
cas  des  Cysticerques  et  des  Cœnures,  les  choses  se  passent  comme 
pour  une  plante  dont  l'axe,  dépourvu  de  branches,  porterait  une  ou 
plusieurs  fleurs;  dans  le  cas  de  l'Échinocoque,  il  s'agit  d'une  plante 
munie  de  ramifications  primaires,  qui  seules  porteraient  des  fleurs. 
«  De  même  que  les  branches,  dit  Leuckart,  ne  sont  autre  chose,  au 
point  de  vue  morphologique,  que  des  répétitions  du  tronc  sur  lequel 
elles  s'attachent,  de  même  les  vésicules  proligères  ne  sont,  dans  un 
certain  sens,  rien  autre  chose  que  des  répétitions  du  corps  vésiculaire 
qui  les  porte;  ce  sont  des  vésicules-filles,  des  membres  de  l'Échino- 
coque développés  individuellement  et  dont  la  germination  a  pour 
effet  de  transformer  en  une  colonie  le  Cystique  primitivement  simple. 
Bien  que  morphologiquement  homologues  de  la  vésicule-mère,  elles 
n'arrivent  jamais,  comme  c'est,  du  reste,  fréquemment  le  cas  dans 
les  colonies  animales,  à  l'état  d'indépendance  physiologique  com- 
plète :  elles  restent  unies  à  la  vésicule-mère  et  prennent  même,  à  la 
place  de  celle-ci,  conformément  à  la  loi  de  la  division  du  travail;  le 
soin  de  produire  des  têtes.  » 

Quant  au  fait  que  les  têtes  se  forment  en  dedans  chez  l'Échino- 
coque, tandis  qu'elles  prennent  naissance  en  dehors  chez  le  Cysti- 
cerque, il  reconnaît  pour  cause  unique  l'épaisseur  exceptionnelle  de 
la  cuticule  chez  la  première  de  ces  larves.  Dans  un  cas  comme  dans 
l'autre,  la  tête  se  forme  toujours  par  un  bourgeonnement  local  de  la 
couche  granuleuse,  douée  d'activés  propriétés  vitales,  qui  est  sous- 
jacente  à  la  cuticule. 

Villot  a  émis  une  opinion  différente.  Il  considère  la  vésicule  proli- 
gère  comme  l'homologue  du  corps  des  Cysticerques  ou  des  Cœnures  : 
l'Échinocoque   est  pourvu  de  plusieurs  de  ces  corps,  dont  chacun 


TiENIA   NANA.  465 

renferme  plusieurs  (êtes  ;  c'est  donc  un  Cystique  polysomatique  et 
polycéphale.  Chez  le  Cœnure,  chaque  bourgeon  céphaliquc  repré- 
sente un  corps  portant  une  seule  tôle  :  le  Cœnure  est  donc  un  Cys- 
tique polysomatique  et  monocéphale.  Enfin,  le  Cysticerque  ne  pro- 
duit qu'un  seul  bourgeon,  terminé  par  une  seule  tôte  :  c'est  donc  un 
Cystique  monosomatique  et  monocéphale. 


TÉNIAS  DU  SECOND  GROUPE    (TÉNIAS  NON   VÉSICULAIRES). 

«  Cystiques  dont  la  vésicule  caudale  se  forme  par  bourgeonne- 
ment du  proscolex,  c'est-à-dire  par  adjonction  d'une  partie  nou- 
velle. »  Villot. 

Ce  groupe  de  Ténias  correspond  aux  Gysticercoïdes  de  Leue- 
fcart  et  aux  Platycerques  de  Kiïchenmeister.  Leurs  Cystiques 
sont  toujours  parasites  des  Invertébrés  ;  ils  se  logent  dans  les 
tissus  ou  dans  la  cavité  du  corps  de  leur  hôte,  mais  celui-ci  ne 
leur  fournit  pas  d'enveloppe  protectrice..  Villot  reconnaît  dans 
ce  groupe  les  genres  Polycercus,  Monocercus,  Cercocystù,  Sta- 
phylocystis,  Urocystis  et  Cryptocystis,  Ce  dernier  seul  nous 
intéressera. 

Taenia  nana  von  Siebold,  1853  (nec  P.-J.  van  Beneden,  1861). 

Synonymie  :  Diplncanthus  nantis  Weinland,  1858. 

H  y  me  no  l  épis  (Taenia)  na?ia  Leuckart,  1863. 

Ce  Ténia  (fig.  265)  est  de  petite  taille,  mais  plus  long  que 
T.  echinococcus.  A  l'œil  nu,  il  a  l'aspect  d'un  court  filament  et 
peut  aisément  passer  inaperçu.  Il  n'atteint  pas  un  pouce  de 
longueur  :  les  plus  grands  mesurent  de  15  à  20mm  ;  la  largeur 
maximum  e^  de  0mm,5. 

La  tôte  fig.  266)  est  à  peu  près  moitié  plus  épaisse  que  le  cou 
qui  lui  fait  suite  et  dont  la  segmentation  ne  devient  apparente 
qu'après  une  certaine  distance.  Elle  est  sphérique,  large  d'en- 
viron 0mm,3  et  pourvue  de  quatre  ventouses  arrondies,  dont  le 
diamètre  est  de  0mm,d.  Elle  présente  en  avant  un  rostre  long 
de  60  (x,  qui  porte  sur  son  segment  antérieur  émoussé  une 
rangée  unique  de  22  à  24  crochets  extrêmement  tins.  Leuckart, 
auquel  nous  devons  une  bonne  description  de  ce  Ténia,  a 
toujours  trouvé  le  rostre  invaginé. 

Les  crochets  (fig.  266,  a)  sont  encore  formés  d'une  lame  et 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  30 


466 


ORDRE  DES  GESTODES. 

d'une  base;  la  racine  postérieure  de 
celle-ci  est  très  épaisse,  l'antérieure  est 
mince  et  effilée.  Tous  les  crochets  ont 
sensiblement  la  même  forme  et  la  même 
taille;  leurs  dimensions  sont  les  sui- 
vantes : 


De  l'extrémité  de  la  racine  antérieure 
à  l'extrémité  delà  griffe 1 8  jji 

De  l'extrémité  de  la  racine  postérieure 
àl'extrémité  de  la  griffe 7,6[j. 

Longueur  de  la  base 15  y. 

Dans  son  tiers  antérieur,  le  corps  est 
mince  comme  un  fil  ;  il  s'élargit  assez  ra- 
pidement au  delà  de  cette  limite,  puis 
conserve  à  peu  près  partout  la  même 
largeur  jusqu'à  sa  terminaison.  Les  cor- 
puscules calcaires  sont  peu  abondants  et 
sont  de  très  petite  taille.  Le  nombre  des 
anneaux  est  de  150  à  170;  les  20  à  30 
derniers  sont  remplis  d'œufs  mûrs.  Leur 
longueur  est  très  peu  considérable  et, 
même  dans  les  dernières  portions  du 
corps,  égale  à  peine  le  quart  de  la  lar- 
geur. 

L'appareil  excréteur  et  l'organe  mâle 
n'ont  pas  été  vus  ;  les  testicules  sont  vrai- 
semblablement situés  de  chaque  côté  des 
ovaires.  Seule,  la  poche  du  cirre  e*t 
bien  visible  :  elle  accompagne  l'ovaire, 
en  avant  duquel  elle  est  située  et  se 
présente  sous  l'aspect  d'un  organe  clavi- 
forme,  à  contours  nets,  rapproché  du 
bord  antérieur  de  l'anneau  et  dirige  en 
travers  de  ce  dernier  (fig.  267).  Par  son 
extrémité  la  plus  épaisse,  elle  s'étend 
d'abord  jusqu'au  milieu  de  l'anneau,  mais 
à  mesure  que  celui-ci  s'élargit  et  se  laisse 
détendre  par  les  œufs,  elle  semble  se 
rapprocher  de  l'un  des  bords  latéraux.  Elle  est  creusée  d'un 


Fig.  265.  -  Taenia  nana, 
grossi  18  fois,  d'après 
Leuckart. 


•LENÏA   NANA.  407 

canal  cylindrique,  terminaison  du  canal  déférent,  dont  l'extré- 
mité interne  se  renfle  en  une  cavité  sphérique.  Contrairement 
à  ce  que  nous  présentaient  les  Ténias  précédents,  tous  les 
pores  marginaux  sont  situés  d'un  seul  et  même  côté,  sur  toute 
la  longueur  de  l'animal. 

Les  organes  génitaux  femelles  se  montrent  de  bonne  heure  : 
on  voit  déjà  sur  le  milieu  des 
premiers  anneaux  un  amas  de 
granules  sombres,  qui  devient 
d'autant  plus  abondant  et  d'au- 
tant plus  net  qu'on  s'avance  da- 
vantage en  arrière  et  qui  prend 
aussi  peu  à  peu  des  contours 
plus  arrêtés.  En  se  rapprochant 
de  la  partie  moyenne  du  corps, 
cette  masse  granuleuse  se  mon- 
tre comme  formée  de  lobules 
fortement  serrés  les  uns  contre 
les  autres  :  ce  sont  là  les  ovaires. 

Les  lobes  de  l'organe  femelle 
se  groupent  en  une  figure  irré- 
gulière  bilobée,  qui  s'étend  sur 
les   deux    moitiés   latérales   de 

l'anneau,  de  manière  à  constituer  deux  lobes  ovariens  (germi- 
gènes  de  Leuckart).  En  arrière  de  ceux-ci  se  voit  encore  un 
lobe  ovarien  impair,  d'aspect  plus  finement  granuleux  (vitello- 
gène  de  Leuckart), 

Les  anneaux  du  milieu  du  corps  (fîg.  267,  b)  présentent,  en 
dedans  de  la  poche  du  cirre,  une  poche  pyriforme,  remplie  de 
sperme  :  c'est  le  réservoir  séminal,  communiquant  avec  le 
vagin.  Celui-ci  s'ouvre  à  côté,  plutôt  qu'en  arrière  de  la  poche 
du  cirre  et,  comme  cette  dernière,  se  trouve  de  plus  en  plus 
repoussé  vers  le  bord  antérieur,  à  mesure  que  l'utérus  se  gorge 
d'œufs. 

La  forme  de  l'utérus  est  caractéristique.  Sur  les  anneaux 
mûrs  (fig.  267,  c),  les  glandes  génitales  ont  disparu  :  il  ne  reste 
plus,  comme  traces  de  l'ancien  appareil  hermaphrodite,  que  la 
poche  du  cirre  et  le  réservoir  spermatique.  Le  reste  de  l'an- 
neau, considérablement   distendu,  est  occupé  par   l'utérus, 


Fig.  2G6.  —  Tête  do  Tsenia  nana, 

grossie  100  fois  ;  le  rostre  est  in- 
vaginé.  —  a,  crochet  isolé,  grossi 
G00  fois.  D'après  Leuckart. 


468  ORDRE  DES  CESTODES. 

dont  la  forme  se  moule  exactement  sur  celle  du  segment.  C'est 
un  vaste  sac  bourré  d'œufs.  Geux-ci  sont  entourés  de  deux 
membranes  claires  et  minces,  mais  assez  résistantes,  séparées 
l'une  de  l'autre  par  un  large  espace.  Ils  mesurent  40  jjl  de  dia- 


Fig.  267.  —  Anneaux  de  Tarnia  nana,  grossis  100  fois,  d'après  Leuckart.  — 
a,  anneaux  dont  l'ovaire  est  développé  ;  6,  anneaux  dans  lesquels  les  œufs 
commencent  ii  se  former;  c,  anneau  mûr. 


mètre  et  renferment  des  embryons  hexacanthes,  larges  de 
23  p.  Les  crochets  de  ces  derniers  sont  difficiles  à  voir  :  ce  sont 
des  bâtonnets  longs  de  9,5  y.  et  recourbés  en  faux  à  leur  extré- 
mité. 

On  ignore  encore  la  provenance  de  Taenia  nana,  mais,  en 
raison  de  son  analogie  avec  les  Ténias  des  Insectivores,  on  doit 
penser  qu'il  passe  sa  période  larvaire  chez  un  Insecte;  peut- 
être  est-il  amené  chez  1  Homme  par  suite  d'une  perversion  du 
goût. 

Ce  Ténia  a  été  découvert  au  Caire  par  Bilharz,  en  1851,  dans 
l'iléon  d'un  jeune  homme  mort  de  méningite;  il  s'y  trouvait 


T^NIA  NANÀ.    .  469 

en  nombre  considérable.  Von  Siebold  et  Bilharz  en  ont  donné 
une  description  succincte,  que  Leuckart  a  pu  compléter,  d'après 
les  exemplaires  donnés  par  Bilharz  aux  Musées  de  Vienne  et 
de  Halle.  Quatre  exemplaires  de  ce  même  Ténia  figurent  dans 
la  collection  helminlhologique  de  la  Faculté  de  médecine  de 
Paris  ;  ils  avaient  été  donnés  à  Davaine  par  Burguières. 

Le  Ténia  nain  a  encore  été  trouvé  à  Belgrade,  en  1885,  chez 
une  enfant  de  sept  ans,  fille  d'un  barbier.  A  la  suite  de  trou- 
bles digestifs,  imputables  à  la  présence  d'un  Cestode,  le 
Dr  Holez  administre  à  la  fillette  l'extrait  éthéré  de  Fougère 
mâle  :  elle  expulse  un  Taenia  solivm,  quelques  Oxyures  et  50 
Taenia  nana.  Le  pharmacien  militaire  Helic  conseille  alors  l'ad- 
ministration de  nouvelles  doses  de  l'anlhelminthique  :  à  quatre 
reprises  successives,  la  malade  expulse  environ  50  exemplaires 
nouveaux  du  Ténia  :  en  cinq  fois,  elle  rejette  donc  un  total  de 
250  Ténias  nains.  Ceux-ci,  communiqués  à  Leuckart,  ont  été 
reconnus  par  ce  savant  comme  identiques  à  Tsenia  nana.  Nous 
avons  pu  nous-même  nous  assurer  de  l'exactitude  de  cette  dé- 
termination, sur  quelques  exemplaires  qu'a  bien  voulu  nous 
remettre  le  professeur  Dokitch,  en  septembre  1885,  lors  de 
notre  passage  en  Serbie;  ces  exemplaires  sont  déposés  au  Mu- 
sée Orfila. 

En  1873,  Spooner  crut  avoir  rencontré  aussi  le  Ténia  nain 
aux  États-Unis,  chez  un  jeune  homme;  des  exemplaires  en 
furent  présentés  au  Collège  of  Physicians  de  Philadelphie. 
C'étaient  des  Vers  longs  de  8  à  10  lignes  (17  à  2iram),  composés 
de  150  à  170  anneaux.  La  tête  était  large,  obtuse,  quadrangu- 
laire  ;  le  cou,  long  et  rétréci,  s'élargissait  vers  le  corps;  celui- 
ci  était  trois  fois  plus  large  que  la  tête. 

Les  dimensions  que  Spooner  assigne  à  ces  Ténias  concordent 
bien  avec  celles  de  T.  nana,  mais  la  description  qu'il  en  donne 
est  trop  incomplète  pour  qu'on  puisse  se  prononcer  sur  la  dé- 
termination spécifique.  Contrairement  à  l'opinion  de  Leuckart, 
nous  ne  pensons  pas  qu'il  s'agisse  ici  de  T.  flavopunctata,  dont 
la  taille  est  bien  plus  grande,  à  moins  que  Spooner  n'ait  eu 
affaire  qu'à  des  individus  très  jeunes. 

C.  Th.  von  Siebold,  Ein  Beitrag  zur  Helminthographia  humana,  aus  brief- 
lichen  Mittheilungen  des  b*  Bilharz  in  Caivo.  Z.  f.  w.  Z.,  IV,  p.  53,  185'2.  — 
Voir  p.  6-4. 


470  ORDRE  DES  CESTODES. 

E.-A.  Spooner,  Spécimens  of  Taenia  nana.  Amer.  Journal  of  med.  sciences 
(2),  LXV,  p,  13G,  1873. 


Taenia  flavopunctata  Weinland,  d  858. 

Synonymie  :  Hymenolepis  flavopunctata  Weinland,  1858. 

Ce  Ténia,  encore  très  incomplètement  connu,  est  long  de  20 
à  30  centimètres,  d'après  Weinland,  de  33  a  42  centimètres 
d'après  Leidy.  La  tête  est  très  petite,  cuboïde,  large  de  0mm,o; 
elle  est  arrondie  en  avant,  dépourvue  de  rostre  et  de  crochets  (1) 
et  ressemble  assez,  sauf  par  la  taille,  à  celle  de  Taenia  saginata; 
elle  présente  dans  sa  région  antérieure  quatre  ventouses  ellip- 
tiques, mesurant  88  jx  sur  112  a.  Le  cou  est  filiforme,  long  de 

2  à  4mm  ;  large  de  0mm,l.  Il  débute  par  un  étranglement  et  se 
continue  insensiblement  avec  le  corps,  dont  les  anneaux  sont 
bien  délimités. 

Ceux-ci  sont  trapézoïdes,  à  angles  arrondis,  toujours  moins 
longs  que  larges;  on  les  voit  augmenter  progressivement  de 
taille,  aussi  bien  dans  le  sens  de  la  longueur  que  dans  le  sens 
transversal,  à  mesure  qu'ils  s'éloignent  de  la  tête.  Dans  la  ré- 
gion antérieure,  ils  sont,  d'après  Weinland,  longs  de  0mm,2  à 
0mm,5  et  larges  de  lmm  à  lmm,25;  d'après  Parona,  longs  do 
0mm,5  et  larges  également  de  0mm,5. 

La  région  postérieure  est  occupée  par  des  anneaux  mûrs 
dont  la  longueur  atteint  1  millimètre  et  la  largeur  2mm,3  d'après 
Weinland;  Parona  leur  attribue  une  longueur  maximum  de 

3  millimètres  et  une  largeur  maximum  de  4  millimèlres.  C'est 
sur  ces  anneaux  que  la  forme  trapézoïde  se  voit  avec  le  plus  de 
netteté  :  le  bord  antérieur  est  p'us  ou  moins  rétréci,  parfois 
jusqu'à  donnera  l'anneau  tout  entier  l'aspect  d'un  triangle. 

Les  corpuscules  calcaires  sont  petits  et  rares.  Les  lacunes 
longitudinales  sont  très  visibles.  Comme  chez  le  Ténia  nain, 
les  pores  marginaux  sont  tous  situés  du  même  côté. 

Les  anneaux  antérieurs  non  mûrs  ne  montrent  pas  la  moin- 
dre trace  d'organisation  interne  :  ils  renferment  simplement 
de  grosses  granulations.  Un  peu  plus  en  arrière,  le  segment 
est  marqué,  dans  sa  partie  médiane,  d'une  assez  grosse  tache 

I  Peut-être  les  crochets  sont-ils  simplement  de  fort  petite  taille  et  difli- 
cilus  à  voir,  comme  chez  Ttenia  nana. 


■LENIA  FLAVOPUNCTATA. 


471 


V 


fin'!',  ,'/'( 


jaune,  que  Weinland  a  considérée  comme  caractéristique  de 
l'espèce  et  qui  n'est  autre  chose  que  le  réservoir  sperma- 
tique  (l).  Plus  loin  encore,  les  anneaux  ont  perdu  leur  tache 
jaune  el,  par  suite  de  l'accumulation  des  œufs  à  leur  intérieur, 
présentent  une  coloration  gris  brunâtre. 

Les  organes  génitaux  mâles  n'ont  pu  être  reconnus,  à  moins 
qu'on  ne  doive  considérer  comme  des  testicules  des  corps 
arrondis,  ordinairement  au  nombre  de  2  à  5,  que  Leidy  a  vus 
disséminés  au  sein  du  parenchyme  des  anneaux  qui  demeurent 
stériles. 

La  connaissance  de  l'appareil  génital  femelle  est  également 
très  imparfaite.  Le  réservoir  séminal 
(fig.  268,  a,  b),  formé  d'une  vaste  poche 
plus  ou  moins  subdivisée  par  un  étran- 
glement, a  le  même  aspect  et  la  même 
disposition  générale  que  chez  Tsenia 
nana.  Ses  rapports  avec  Toviducte,  l'o- 
vaire et  l'utérus  sont  encore  inconnus; 
il  communique  avec  l'extérieur  au 
moyen  d'un  vagin  large  et  court,  c, 
dont  l'orifice,  d,  est  situé  sur  le  bord 
latéral,  un  peu  en  arrière  du  milieu 
de  la  longueur.  Réservoir  spermatique 
et  vagin  se  trouvent  refoulés  vers  le 
bord  antérieur  de  l'anneau,  au  fur  et 
à  mesure  que  les  œufs,  e,  distendent 
l'utérus.  Ici  encore,  ce  dernier  est  une 
simple  cavité  creusée  dans  le  paren- 
chyme et  limitée  par  la  paroi  amincie 
de  l'anneau. 

A  la  partie  postérieure  du  Ver,  les 
anneaux  mûrs  ne  forment  pas  une  série 
ininterrompue  :  çà  et  là  s'interposent  entre  eux  un  nombre 
variable  d'anneaux  stériles,  c'est-à-dire  dans  lesquels  les  œufs 
ne  se  sont   point  développés   (2).  Ce  caractère,   reconnu  par 


Fig.  2G8.  —  Anneaux  mûrs 
de  Tsenia  flavopunctata  , 
d'après  Weinland.  —  «, 
6,  réservoir  spermatique  ; 
c,  vagin  ;  d,  son  oriiice 
extérieur;  e,  œufs. 


(1)  Ce  caractère  est  d'ailleurs  inconstant.  Weinland  et  Parona  l'ont  cons- 
taté, mais  Leuckart  et  Leidy  ont  noté  son  absence. 

(2)  Sur  un  fragment  long  de  8cm:25,  Leidy  a  reconnu  la  succession  suivante 
des  anneaux  fertiles  et  stériles  :  à  la  suite  de  deux  anneaux  stériles  venaient 


472 


ORDRE  DES  CESTODES. 


Fig.  2G9.  —  OEuf  de  Taenia 
flav  opuntia  ta ,  d'après 
Weinland.    —    a,   mera- 


Weinland  et  par  Leuckart  et  mentionné  depuis  par  Leidy, 
permet  d'affirmer  que  ces  observateurs  ont  eu  bien  réellement 
affaire  à  des  parasites  de  même  nature. 
Les  anneaux  mûrs  renferment  un  très  grand  nombre  d'oeufs. 
Ceux-ci  (fig.   269)  sont  sphériques  d'a- 
près Weinland,  ovoïdes  d'après  Parona; 
ils  sont  limités  par  une  membrane  vi- 
telline, a,  à  l'intérieur  de  laquelle  se 
voit  une  masse  vitelline,  b,  renfermant 
un  embryon   hexacanthe,    d,   entouré 
d'une  coque  assez  épaisse,    striée  ra- 
diairement.  Les   dimensions    de  l'œuf 
brane  vitelline  ;  b,  masse    sont  de  54  p  d'après  Weinland,  de  GO  p 
vitelline  ;c,  enveloppe  de    d>       è     Leuckart,    de  58    (,   sur   68  u. 
1  embryon     hexacanthe  ;  L  »  r  » 

d,  embryon   hexacanthe.    d'après  Parona.   L'embryon  hexacan- 
tbe  est  large  de  près  de  30  [/.  ;  après 
action  de  la  potasse,  il  montre  nettement  ses  deux  crochets, 
longs  de  17  \i. 

On  ignore  encore  chez  quel  animal  s'accomplit  la  phase  lar- 
vaire de  Tsenia  flavopunctata  ;  il  est  alors  probablement  parasite 
des  Insectes.  Ce  Ténia  est  très  voisin  du  Ténia  nain;  il  en 
diffère  néanmoins  par  l'état  inerme  de  sa  tète,  si  les  observa- 
tions de  Parona  sont  exactes  et  si  elles  ont  porté  véritablement 
sur  le  même  parasite  que  celles  de  Weinland  et  de  Leidy. 

Taenia  flavopunctata  n'a  encore  été  observé  que  trois  fois. 
Les  premiers  exemplaires  connus  figurent  à  Boston  dans  la 
collection  de  la  Médical  Improvement  Society,  sous  len°  903  du 
catalogue.  Le  Dr  Ezra  Palmer  les  obtint,  en  1842,  d'un  enfant 
de  dix-neuf  mois,  bien  portant  et  sevré  depuis  six  mois;  il  les 
prit  d'abord  pour  des  fragments  de  Bothriocephalus  latus.  En 
1858,  Weinland  eut  l'occasion  d'examiner  ces  exemplaires  et 
reconnut  qu'ils  appartenaient  à  un  Ténia  d'espèce  nouvelle, 
qu'il  appela  H  y  meno  lepis  (l'aenia)  flavopunctata  et  dont  il  fil  une 
description  sommaire.  Il  s'assura  notamment  que  les  fragments 
qui  se  trouvaient  à  sa  disposition  provenaient  de  six  individus, 
dont  aucun  n'avait  été  rendu  avec  la  tète;  il  reconnut  les  affi- 
nités de  ce  parasite  avec  certains  Ténias  des  Mammifères  et  des 

1.  2,  1,0,  \,  1,  1,  B,  1,  18,  I,  3,  I,  3,  5,   I,   I,  3,   i,  \,  1,  3,  I,  I,  5,  2,  7,    I, 

10,  1,  6,  3,  3,   15,  1,2,  2,  V,  "2  anneaux  alternativement  fertiles  et  stériles. 


T.ENIA   MADAGASCAMENSIS.  473 

Oiseaux  insectivores.  De  retour  en  Allemagne,  Weinland  trans- 
mit à  Leuckart  quelques  anneaux,  grâce  auxquels  ce  savant 
put  compléter  la  description  du  parasite. 

Une  seconde  observation  est  due  à  Leidy.  En  1884,  le  pro- 
fesseur W-.  Pepper  lui  adressa  quelques  fragments  expulsés  par 
un  enfant  de  trois  ans,  après  administration  de  la  santonine. 
Le  Dr  T. -Y.  Crandall,  dans  la  clientèle  duquel  le  cas  s'était  pré- 
senté, raconta  que  l'enfant,  né  à  Philadelphie  de  parents  alle- 
mands, avait  été  sevré  à  vingt  mois,  et  depuis  lors,  avait  tou- 
jours eu  la  même  nourriture  que  ses  parents.  Ces  spécimens 
consistaient  en  une  douzaine  de  fragments  provenant  sans 
doute  de  trois  Ténias;  la  tête  était  absente. 

La  dernière  observation  nous  vient  d'Italie;  elle  est  due  à 
Ed.  Parona.  Ayant  trouvé  dans  les  selles  d'une  fillette  de  deux 
ans,  des  environs  de  Varese,  des  œufs  ressemblant  a  ceux  de 
Tivnia  solium,  il  administra  divers  ténifuges  à  la  petite  malade 
et  lui  fit  rendre  ainsi  quatre  fragments  d'un  Ver  incomplet;  ces 
fragments  étaient  identiques  entre  eux,  longs  chacun  de  12  à 
20  centimètres.  La  tête  ne  faisait  pas  défaut. 

J.  Leidy,  Occurrence  of  a  rare  human  Tapeworm  (Taenia  flavopunctata). 
Amer.  Journal  of  med.  se.  (2),  LXXXVIII,  p.  110,  1884.  —  Id.,  A  rare  human 
Tapeworm  (Tsenia  flavopunctata  ?).  Procecd.  of  the  Academy  of  nat.  se.  of 
Philadelphia,  p.  137,  188i. 

E.  Parona,  Di  un  caso  di  Tœuii  ftavn-punclata  (?)  riscontrata  in  un  a  bam- 
bina  di  Varese.  Giornale  delta  r.  Accademia  di  medicina  di  Torino,  XXXH, 
p.   99,  1884. 

Taenia  madagascariensis  Davaine,    1869. 

Le  Ténia  de  Madagascar  est  très  imparfaitement  connu. 
Davaine  pense  que  c'est  un  Ver  long  de  10  centimètres  envi- 
ron ;  les  anneaux  doivent  être  au  nombre  d'environ  12o;  la 
tête  est  inconnue.  Les  anneaux  les  plus  proches  du  cou  sont 
courts  et  larges  et  mesurent  2,UU1,2  sur  0mm,8  ;  les  derniers  an- 
neaux sont  carrés  et  mesurent  2mm,6  en  long  comme  en  large. 
Il  importe  de  remarquer  que  ces  mesures  ont  été  prises  sur 
des  échantillons  conservés  depuis  plusieurs  mois  clans  l'alcool 
et  par  conséquent  très  rétractés.  Les  anneaux  mûrs,  vus  par 
Grenet  au  moment  de  leur  sortie  de  l'intestin,  étaient  doués 
d'une  grande  contractilité. 


474  ORDRE  DES  CESTODES. 

En  l'absence  de  la  tête  et  du  cou,  les  premiers  anneaux  sont 
asexués.  Les  suivants  possèdent  un  organe  mâle  dont  les  por- 
tions apparentes,  après  action  de  la  potasse  caustique  ou  delà 
glycérine,  sont  le  canal  déférent  et  le  pénis.  Celui-ci  est  court, 
lisse,  cylindrique,  exsertile,  pouvant  faire  au  dehors  une  sail- 
lie de  40  [/.  et  ayant  un  diamètre  de  25  (x.  Le  pore  génital  est  si- 
tué au  milieu  de  la  marge  de  chaque  anneau  ;  à  cet  orifice 
aboutit  aussi  un  vagin  distinct.  Tous  les  pores  génitaux  sont 
unilatéraux;  aucun  des  anneaux  ne  possède  deux  pores  géni- 
taux opposés. 

Sur  les  anneaux  mûrs,  l'appareil  femelle  est  très  remarqua- 
ble. L'anneau  est  complètement  rempli  de  petits  corps  sphéri- 
ques  ou  ovoïdes,  opaques  au  centre,  demi -transparents  à  la 
périphérie,  offrant  l'apparence  d'un  œuf  formé  par  un  vitellus 
entouré  d'un  albumen  abondant.  Ces  corps,  que  le  Dr  Grenet 
prenait  pour  des  œufs,  sont  disposés  en  séries  juxtaposées,  dftnt 
l'ensemble  donne  l'image  d'un  quinconce.  Rien  ne  paraît  re- 
lier tous  ces  petits  corps  entre  eux;  ils  semblent,  dans  l'an- 
neau mûr,  tout  à  fait  indépendants  les  uns  des  autres.  Ils  ont 
environ  0mm,9  dans  leur  grand,  diamètre,  sur  0mm,6  pour  le  plus 
petit.  La  partie  centrale  opaque  a  0mm,5  sur  0mm,3.  Ces  corps 
sont  au  nombre  de  cent  vingt  à  cent  cinquante  dans  chaque 
anneau. 

L'examen  microscopique  montre  que  ces  corps  ne  sont  pas 
des  œufs,  mais  des  poches  ovariennes  d'une  structure  particu- 
lière, dont  la  partie  centrale  opaque  contient  une  grande 
quantité  d'œufs,  au  nombre  de  trois  ou  quatre  cents. 

La  couche  externe  de  la  poche  ovarienne  a  une  structure  qui 
la  fait  ressembler  à  un  cocon  de  Sangsue  :  elle  est  formée  d'un 
tissu  fibruïde  dont  les  fibres  partent  en  rayonnant  de  l'amas 
ovulaire  et  se  dirigent  vers  la  périphérie  en  se  ramiliant  de  plus 
en  plus  ;  on  dirait  des  nervures  de  la  feuille  des  plantes  dico- 
tylédones ;  souvent  l'extrémité  des  plus  fines  ramifications  se 
termine  par  un  petit  renflement.  Dans  le  parenchyme  demi- 
transparent  que  constituent  toutes  ces  ramifications,  se  trouve 
un  petit  nombre  de  corpuscules  calcaires. 

L'œuf  est  limité  par  une  membrane  vitelliue,  plissée  et  ra- 
tatinée, de  telle  sorte  qu'on  ne  puisse  se  faire  une  idée  exacte 
de  ses  dimensions  ;  on  peut  les  évaluer  approximativement  à 


TjENIA  MADAGASCAR1ENSIS.  W-, 

40  [/..  En  dedans  se  trouve  une  coque  membraneuse,  large  de 
20  (x  et  enveloppant  un  embryon  hexacanthe  qui  mesure  lui- 
même  15  [/.. 

Taenia  madagascariensis  est  une  espèce  fort  bien  caractérisée 
par  la  structure  de  son  ovaire.  Celles  dont  il  se  rapproche  le 
plus  sont  assurément  T.  nana  et  T.  flavopunctala,  mais  il  en 
diffère  par  la  configuration  de  ses  glandes  génitales  femelles. 

Ce  Ver  n'a  encore  été  rencontré  que  deux  fois.  Ces  deux  cas 
ont  été  observés  par  le  DP  Grenet,  chef  du  service  de  santé  à 
Mayotte  (Gomores),  l'un  chez  un  petit  garçon  de  dix-huit  mois, 
créole  des  Antilles,  l'autre  chez  une  petite  fille  de  deux  ans, 
créole  de  la  Réunion.  Le  petit  garçon  était  à  Mayotte  depuis 
cinq  mois,  la  fillette  depuis  deux  mois  seulement. 

Dans  l'un  et  l'autre  cas,  les  symptômes  ont  été  les  mêmes  : 
l'enfant  est  en  parfaite  santé,  quand  soudain  ses  yeux  se  voilent, 
ses  pupilles  se  dilatent,  se  portent  en  haut.  L'enfant  tombe 
dans  un  état  convulsif  avec  menace  de  suffocation  ;  il  est  tantôt 
pâle,  tantôt  bleu  jusqu'à  l'asphyxie;  il  a  l'écume  à  la  bouche, 
esi  sans  parole  et  sans  cris  ;  la  tête  va  de  côté  et  d'autre;  la 
mort  paraît  imminente.  Au  moyen  de  révulsifs  externes,  on  le 
rappelle  à  la  vie.  Puis,  une  dose  d'huile  de  ricin  provoque 
l'expulsion  des  parasites. 

Les  Ténias,  envoyés  par  Grenet  à  Le  Rov  de  Méricourt,  ont 
été  décrits  par  Davaine;  ils  font  actuellement  partie  de  la  col- 
lection helminthologique  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
L'un  d'eux  consistait  en  plusieurs  fragments,  dont  le  plus  long 
avait  6,5  centimètres  et  formait  environ  soixante-quinze  an- 
neaux ;  deux  autres  plus  courts  étaient  composés  de  dix-sept  et 
dix-huit  anneaux;  enfin,  trois  fragments  n'avaient  chacun  qua 
deux  anneaux.  L'autre  Ténia  était  représenté  par  une  chaîne  de 
quinze  anneaux  mûrs,  dans  lesquels  l'organe  mâle  avait 
disparu. 

Grenet  et  Davaine,  Note  sur  une  nouvelle  espèce  de  Taenia  recueillie  à 
Mayotte  {Comores),  suivie  de  ïexamen  microscojrique  de  ce  T.-mia.  Mém.  de 
la  Soc.  de  biologie,  (5),  I,  p.  2:33,  18GÏ).  —  Archives  de  mcd.  navale,  Mil. 
p.  13i,  1870. 


47G  ORDRE   DES  CESTODES. 


Taenia  canina  Linné,  176?  (nec  Batsch,  1786). 

Synonymie  :  Tœnia  osculis  marginalibus  oppositis  Linné,  1748. 
T.  moniliformis  Pallas,  1781. 
T.  cucumerina  Blocli,  1782. 
T.  cateniformis  Gôze,  1782  {pro  parle). 
T.  elliptica  Batsch,  1786  [pro  parte). 
T.  cimeiceps  Zeder,  1800. 

Alyselminthus  ellipticus  Zeder,  1800  {pro  parte). 
Halysis   ellijitica  Zeder,   1803  (pro  parte). 
T.  [Alyselminthus)  cucumerina  Weinland,  1858. 
T.  (Dipylidium)  cucumerina  Leuckart,  1863. 

Comme  son  nom  l'indique,  ce  Ténia  est  normalement  para- 
site du  Chien,  mais  il  n'est  pas  très  rare  de  le  rencontrer  aussi 
dans  l'espèce  humaine,  chez  les  jeunes  enfants.  Ses  migrations 
ont  été  étudiées  par  Melnikow. 

L'œuf,  dont  le  développement,  suivi  par  Moniez,  présente  de 
notables  différences  avec  ce  que  nous  avons  observé  chez  les 
espèces  appartenant  au  type  de  T.  servata,  est  large  de  37  à 
46  [a  d'après  Davaine,  de  50  p  d'après  Leuckart.  L'embryon 
exacanthe  mesure  lui-même  23  à  30  u.  d'après  Davaine,  33  [/. 
d'après  Leuckart  ;  ses  crochets  ont  15  p.  de  longueur. 

Avec  les  matières  fécales  ou  avec  l'anneau  mûr  qui  le  ren- 
ferme, l'œuf  va  être  expulsé  de  l'intestin  du  Chien  :  il  se  trouve 
mélangé  à  la  poussière  du  sol  ou  à  la  litière  sur  laquelle  le 
Chien  a  l'habitude  de  se  coucher  et  il  pourra  de  la  sorte  être 
transporté  dans  le  pelage  de  l'animal.  Là,  les  Ricins  ou  Tricho- 
dectes  (Trichodecles  canis),  Hémiptères  parasites  du  Chien, 
pourront  le  rencontrer  et  s'en  repaître. 

L'embryon  hexacanthe,  mis  en  liberté  dans  l'intestin  du 
Trichodecte,  se  rend  dans  la  cavité  générale  de  l'Insecte  et  s'y 
transforme  en  une  larve  cysticercoïde  (fig.  270).  A  l'œil  nu, 
cette  larve  a  l'aspect  d'un  petit  point  blanc  ;  examinée  au  mi- 
croscope, elle  est  pyriforme,  fortement  contractée,  de  couleur 
gris-noiratre,  en  raison  de  la  grande  réfringence  de  ses  nom- 
breux corpuscules  calcaires  ;  elle  est  entourée  d'une  zone  claire 
et  brillante  et  mesure  environ  0mm,3.  L'appareil  excréteur  est 
bien  apparent;  il  s'ouvre  au  dehors  par  un  large  pore  situé  à 
L'extrémité  postérieure.  L'extrémité  antérieure  est  au  contraire 
occupée  par  une  invagination,  au  fond  de  laquelle  se  voit  un 


T/ENIA  CANINA. 


477 


rostre  claviforme,  dont  le  sommet  présente  plusieurs  rangées 
de  très  petits  crochets  ;  contrairement  à  ce  qui  s'observe  pour 
les  têtes  renfermées  dans  les  vésicules  proligères  des  Hydatides, 
ce  rostre  est  simplement  refoulé  au  fond  de  la  dépression,  et 
non  retourné  sur  lui-même  en  doigt  de  gant;  ses  crochets  ne 
sont  pas  renversés. 

Tel  est  leCystique  auquel  Yillot  propose  de  donner  le  nom 
de  Cryptocystis  trlchodectis.  On  l'a  comparé  à  une  tête  d'I^chi- 
nocoque  invaginée  en  elle-même.  Yillot  fait  remarquer  avec 
raison  que  l'analogie  entre  ces  deux  êtres 
est  au  moins  lointaine. 

Dans  le  but  de  démontrer  que  leTrieho- 
decte  était  véritablement  l'hôte  intermé- 
diaire de  Taenia  canina,  Melnikow  entre- 
prit quelques  expériences  et  chercha  à 
faire  développer  le  Cysticercoïde  dans  le 
corps  de  l'Insecte.  Sur  une  portion  de  la 
peau  du  Chien,  envahie  par  un  grand 
nombre  de  Ricins,  il  applique  une  sorte 
de  bouillie  faite  d'anneaux  de  Ténia  mûrs 
et  broyés.  Au  bout  de  sept  jours,  les  Tri- 
chodectes,  qui  s'étaient  nourris  de  la 
bouillie,  furent  examinés  :  dans  la  cavité 
du  corps  de  l'un  d'eux,  on  trouva  quatre  embryons  hexacan- 
thes,  entièrement  semblables  à  ceux  que  renferment  les  œufs 
mûrs,  mais  deux  fois  plus  gros  ;  ils  mesuraient  CO  tu  de  lon- 
gueur. Chez  un  autre,  on  rencontra  encore  des  embryons,  mais 
à  un  stade  plus  avancé. 

De  cette  unique  tentative,  Melnikow  conclut  que  rien  n'est 
plus  clair  que  les  migrations  de  Taenia  canina.  Les  œufs  ar- 
rivent tôt  ou  tard  avec  les  excréments  sur  les  poils  du  Chien, 
soit  renfermés  encore  dans  les  anneaux,  soit  isolés.  LesTricho- 
dectes  qui  habitent  le  pelage  du  Chien  avalent  ces  œufs  et  le 
développement  du  Cysticercoïde  peut  ainsi  s'effectuer.  D'autre 
part,  le  Chien, tourmenté  parla  démangeaison  que  lui  causent 
ses  Poux,  mord  et  avale  ceux-ci  :  le  Cysticercoïde,  parvenu 
dans  l'intestin,  s'y  transforme  en  Ténia  parfait. 


Cysticer- 


270. 

coïde  de  Tœnia  cani- 
na, grossi  60  fois, 
d'après  Leuckart. 


Si   les  migrations    s'accomplissent   réellement,  ainsi    que    nous 


478 


ORDRE  DES  CESTODES. 


venons  de  dire,  il  est  vraisemblable  quele  Ricin  du  Chat  (Triclwdectes 
subrostratus)  est  également  l'hôte  intermédiaire  de  Tœnia  clliptica.  Ce 
Ver,  fort  analogue  à  T.  canina,  n'est  probablement  qu'une  variété 
féline  de  ce  dernier;  du  moins,  les  différences  qui  les  séparent  l'un 
de  l'autre  sont  tellement  faibles,  qu'elles  peuvent  s'expliquer  suffi- 
samment par  la  diversité  de  l'habitat  des  animaux  adultes. 

Si  Tœnia  canina,  dont  la  fréquence  est  extrême,  provenait  tou- 
jours du  Trichodecte,  celui-ci  devait  être  lui-même  un  parasite  fort 
commun.  Or,  c'est  le  contraire  qui  est  vrai.  Hering  l'a  cherché  «  avec 
zèle  »  pendant  des  années  sans  pouvoir  le  rencontrer;  nous-même 
avons  bien  des  fois  examiné  soigneusement,  sans  jamais  y 
trouver  des  Trichodectes,  le  pelage  de  Chiens  dont  l'intestin  renfer- 
mait pourtant  un  très  grand  nombre  de  Ténias. 

On  sait,  d'autre  part,  que  les  Chiens  d'appartement,  qui  n'ont 
jamais  eu  de  Poux,  sont  hantés  du  Ténia  presque  aussi  fréquemment 
que  les  Chiens  de  campagne.  On  doit  donc  penser  que  la  théorie  de 
Melnikow  ne  nous  donne  qu'une  explication  incomplète  de  la  prove- 
nance du  parasite.  Ces  réserves  ne  sauraient  d'ailleurs  nous  amener 
à  partager  l'opinion  de  Hering,  d'après  laquelle  le  Ténia  se  dévelop- 
perait directement,  sans  passer  par  aucune  phase  larvaire. 

D'autres  critiques  peuvent  encore  être  adressées  à  Melnikow.  Si 
le  Trichodecte  héberge  normalement  le  Cysticercoïde,  il  est  surpre- 
nant que,  parmi  le  grand  nombre  d'Insectes  qui,  dans  son  expé- 
rience, pullulaient  dans  le  pelage  du  Chien  et  se  sont  repus  des  œufs 
du  Ténia,  deux  seulement  aient  été  trouvés  porteurs  déjeunes  larves. 
Enfin,  l'expérience  est  incomplète  :  pour  arriver  à  une  démonstra- 
tion indiscutable,  il  eût  fallu  voir  se  développer  en  Ténias,  dans 
l'intestin  d'un  Chien,  les  Gysticercoïdes  de  la  cavité  générale  des 
Trichodectes.  Nous  pensons  donc  qu'il  faut  conclure  à  la  nécessité  de 
nouvelles  recherches  sur  ce  point. 


Le  Ver  adulte  est  long  de  4  5  à  35  centimètres.  La  tête,  ornée 
de  quatre  ventouses,  est  à  peu  près  rhomboïdale  et  deux  fois 
aussi  large  que  le  cou.  Elle  est  surmontée  d'un  prolongement 
claviforme,  assez  court  et  obtus,  dont  le  diamètre  est  égal  à 
0mm,l  :  c'est  le  rostre.  Celui-ci  peut,  à  l'état  de  repos,  s'invagi- 
ner  dans  la  tôte.  Quand,  au  contraire,  il  est  en  protraction,  on 
voit  ;i  sa  base  des  crochets  disposés  sur  trois  ou  quatre  rangs  : 
il  semble  y  avoir,  à  cet  égard,  assez  peu  de  constance.  Le  nom- 
bre des  crochets  n'est  pas  moins  variable  :  Leuckart  en  aurait 
compté  environ  GO,  mais  Davaine  n'en  a  vu  que  48  au  maxi- 
mum :  ce  dernier  auteur  a  constaté  du  reste  qu'ils  tombaient 


TiENIA   CANIN  A.  479 

aisément.  Les  plus  grands  crochets  forment  le  cercle  le  plus 
élevé  :  ils  mesurent  de  11  à  15  \jl  ;  les  plus  petits  forment  le  cer- 
cle le  plus  inférieur  et  mesurent  à  peine  6  jx. 

Le  cou  est  très  contractile.  A  l'état  d'extension,  il  est  fili- 
forme et  large  de  0mm,lo;  contracté,  il  a  0mm,25  de  largeur.  Les 
40  premiers  anneaux  sont  très  courts  et  très  étroits;  ils  n'oc- 
cupent qu'une  étendue  de  6  à  8  millimètres.  Au  delà  de  ce 
point,  les  anneaux  s'allongent  et  deviennent  successivement 
carrés,  arrondis,  moniliformes,  enfin  semblables  à  des  semen- 
ces de  Courge  :  ils  sont  alors  4ào  fois  plus  longs  que  larges  et 
mesurent  6  à7  millimètres  de  long  sur  2  à  3  millimètres  de 
large. 

A  mesure  que  la  taille  des  anneaux  va  en  augmentant,  on 
voit  ceux-ci  se  séparer  plus  nettement  les  uns  des  autres.  Les 
points  de  réunion  s'étranglent,  les  angles  s'arrondissent  et  la 
partie  postérieure  du  Ver  prend  ainsi  un  aspect  de  plus  en 
plus  nettement  caténulé.  Les  anneaux  mûrs,  au  nombre  de  10 
à  25  et  plus,  ont  une  teinte  rougeâtre  due  aux  ovules  ;  ils  se  dé- 
tachent avec  la  plus  grande  facilité  du  reste  de  l'animal. 

D'après  Steudener,  la  première  trace  de  l'appareil  génital  se 
montre  déjà  sur  l'anneau  17.  Ici  en- 
core, le  développement  des  organes 
mâles  précède  celui  des  organes  fe- 
melles, en  sorte  que  les 'spermato- 
zoïdes sont  formés  assez  longtemps 
avant  que  ces  derniers  se  soient  entiè- 
rement constitués.  La  maturité  sexuelle 
est  atteinte  vers  l'anneau  50  ;  à  partir  de 
l'anneau  60,  l'ovaire  entre  déjà  en  ré- 
gression. 

L'anneau  mûr  (fi g.  271)  a  un  aspect  J  1         / 

des  plus  caractéristiques.   Chacun   de     Fig.  27I.  _   Annea(1  mùl.  dc 

ses  bords  latéraux  présente,  un  peu  en        Txnia  elliptica,  d'après  P. -J. 

arrière  de  la  moitié  de  sa  longueur,  un        van  Boneden.  —   a,  œufs; 

pore    marginal   auquel  aboutissent  un        c;  canal  déférentî  £  Pocl,e 
,    ,.r.        ....  .  du  cirre;  e.  vagin;  /",  parcn- 

canal  défèrent  et  un  vagin  ;  il  y  a,  dans         cl)ymc  de  Van^y 

chaque  anneau,  un  double  système  de 

glandes  génitales,  un  double  oviducte,  un  double  corps  de  Mehlis  ; 

mais  l'utérus  est  unique  et  médian. 

Les    vésicules  tesliculaires   sont  presque    sphériques,  logées    en 


480  ORDRE  DES  CESTODES. 

grand  nombre  dans  la  couche  moyenne  de  l'anneau.  Chacune  d'elles 
produit  un  grand  nombre  de  spermatozoïdes,  que  de  fins  canalicules 
amènent  vers  le  milieu  de  l'anneau.  Là  prend  naissance,  de  chaque 
côté,  un  canal  déférent,  c,  qui  court  vers  le  bord  latéral  en  décri- 
vant des  sinuosités  de  plus  en  plus  grandes.  Ce  canal  pénètre 
dans  la  poche  du  cirre,  d,  organe  lagéniforme  et  musculaire,  long 
de  160  a,  épais  de  60  p.,  au  sein  duquel  il  se  contourne  encore  une 
fois  en  boucle;  finalement  il  s'ouvre  sur  le  bord  latéral  de  l'anneau. 

Chaque  moitié  latérale  de  l'anneau  renferme  encore  trois  glandes 
ovariennes  :  les  deux  antérieures,  symétriquement  placées  par 
rapport  au  vagin,  communiquent  directement  avec  la  terminaison  de 
celui-ci  au  moyen  de  courts  canaux  excréteurs.  La  glande  impaire 
et  postérieure,  formée  d'un  grand  nombre  de  tubes  anastomosés 
entre  eux,  déverse  ses  produits  dans  l'oviducte,  au  niveau  du  corps 
de  Mehlis. 

L'oviducte  se  continue  d'une  part  avec  le  vagin,  dont  il  est  séparé 
par  un  large  réservoir  spermatique,  d'autre  part  avec  l'utérus,  sans 
ligne  de  démarcation  appréciable.  Le  vagin,  e,  est  dirigé  très  oblique- 
ment d'arrière  en  avant  et  de  dedans  en  dehors  ;  il  décrit  quelques 
légères  sinuosités  et  débouche  au  dehors  par  un  orifice  situé  immé- 
diatement en  arrière  de  la  poche  du  cirre. 

L'utérus  est  unique  et  commun  aux  deux  groupes  de  glandes 
sexuelles.  Il  affecte  la  disposition  d'un  réseau  qui  se  ramifie  entre 
les  vésicules  testiculaires  et  forme  des  caecums  sur  les  parties  laté- 
rales de  l'anneau.  Ceux-ci  se  laissent  distendre  par  les  œufs  et,  par 
rupture  de  leur  pédoncule,  s'isolent  et-  simulent  alors  des  poches, 
à  l'intérieur  desquelles  on  reconnaît  un  nombre  d'œufs  plus  ou 
moins  considérable,  3,  4, 10,  15,  20,  ou  davantage. 

Taenia  canina  est  un  parasite  extrêmement  fréquent  chez  le 
Chien,  dans  l'intestin  grêle  duquel  il  peut  produire  certaines 
lésions  décrites  par  Schiefferdecker.  Krabbe  l'a  rencontré  à 
Copenhague  chez  240  Chiens  sur  500,  soit  48  fois  sur  400  ;  en 
Islande,  chez  57  Chiens  sur  93.  «Le  nombre  de  ces  Vers,  dit 
Krabbe,  était  souvent  inférieur  à  10,  mais,  dans  la  plupart  des 
cas,  il  yen  avait  une  quantité  plus  considérable,  jusqu'à  100, 
et  il  n'était  pas  rare  d'en  rencontrer  plusieurs  centaines;  j'en 
ai  même  une  fois  trouvé  2000.  »  A  Paris,  nous  sommes  habi- 
tués à  trouver  ce  parasite  au  moins  dans  les  trois  quarts  des 
Chiens;  il  y  existe  en  nombre  variable,  ordinairement  plusieurs 
dizaines. 

Ce  Ver,  avons-nous  dit,  peut  s'observer  aussi  chez  l'Homme, 


TjENIÀ  CANINA.  iM 

surtout  dans  l'enfance.  Il  y  a  été  signalé  pour  la  première  fois 
par  (ïod.  Dubois,  élève  de  Linné  :  «  est  Taeniae  species  quae... 
vulgariter  in  Canibus  et  saepissime  apud  Homines  invenitur.  » 

Cette  observation,  bien  que  contestée  par  Pallas  et  bien  que 
passée  sous  silence  par  Goze,  Bloch  et  Rudolphi,  n'en  doit  pas 
moins  être  considérée  comme  exacte.  En  effet,  ce  n'est  point  la 
seule  de  ce  genre  qui  soit  actuellement  connue  (1). 

Dans  le  Musée  d'anatomie  comparée  de  Halle,  se  trouve,  au 
dire  de  Leuckart,  un  flacon  qui,  d'après  l'étiquette  écrite  par 
la  main  même  de  H.  Meckel,  renfermerait  des  T.  canina  expul- 
sés par  un  jeune  garçon  de  13  ans,  dans  la  clinique  chirurgicale 
de  Blasius.  Leuckart  a  pu  examiner  ces  Vers  et  se  convaincre 
de  la  justesse  de  leur  détermination. 

Salzmann,  d'Esslingen,  a  constaté  ce  même  parasite  chez  un 
enfant  de  16  mois.  Le  Dr  A.  Schmidt,  de  Francfort,  fît  connaître 
à  Leuckart  un  autre  cas,  observé  chez  un  enfant  de  13  semaines  : 
le  Ver  était  incomplet  et  long  d'environ  17  centimètres.  En 
outre  de  ces  cas,  Leuckart  a  eu  connaissance  de  six  obser- 
vations nouvelles  :  le  parasite  était  toujours  porté  par  des  en- 
fants de  9  mois  à  3  ans.  Les  anneaux  sont  d'ordinaire  ex- 
pulsés isolément,  tantôt  spontanément,  tantôt  avec  les  selles  : 
ils  conservent  leur  mobilité  quelque  temps  encore  après 
leur  expulsion.  Dans  un  cas,  ils  ont  été  expulsés  par  le  nez. 
Schoch-Bolley,  de  Zurich,  a  vu  sortir  deux  Vers  à  la  fois. 

Cobbold  rapporte  que  ce  même  parasite  a  été  vu  chez 
l'Homme,  en  Ecosse  :  l'animal  est  conservé  dans  le  Musée  ana- 
tomique  d'Edimbourg. 

C'est  surtout  en  Scandinavie  que  ce  parasite  semble  être 
fréquent  chez  l'Homme.  Jusqu'en  1869,Krabbe  ne  l'y  avait  ren- 
contré qu'une  seule  fois,  mais,  de  1869  à  1880,  il  en  relate 
quatre  observations  nouvelles.  Tous  ces  cas  se  rapportent  à  des 
enfants  âgés  de  moins  d'un  an.  De  son  côté,  Friis  a  vu  deux 
fois  ce  parasite,  de  18G2  à  1883  ;  dans  un  cas,  il  s'agissait  d'une 
fillette  âgée  de  sept  semaines;  dans  l'autre,  d'un  garçon  d'en- 
viron six  mois. 

A  ces  observations,  nous  pouvons  en  ajouter  une  autre,  la 
première,  à  notre  connaissance,  qui  ait  été  faite  en  France  ; 

(I)  Dans  le  cas  d'Eschricht,  rapporté  par  plusieurs  auteurs,  il  s'agit,  non 
de  Txtua  canina,  mais  bien  de  T.  cucurbitina,  c'est- à  dire  de    T.  solium. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  31 


482  ORDRE  DES  CESTODES. 

elle  nous  a  été  gracieusement  communiquée  par  le  Dr  H.  Ch. 
Martin,  de  Passy.  Cette  observation  présente  un  intérêt  par- 
ticulier, en  ce  qu'elle  est  jusqu'à  présent  la  seule  qui  se  rap- 
porte à  un  adulte.  La  personne  qui  en  fait  l'objet  avait  l'habi- 
tude de  faire  coucher  son  Chien  au  pied  de  son  lit,  souvent 
même  le  laissait  entrer  dans  le  lit  ;  le  Ver  était  long  de  40  cen- 
timètres environ. 

En  récapitulant  ces  faits,  on  arrive  donc  à  un  total  de  19  ob- 
servations certaines  de  Tœnia  canina  chez  l'Homme. 

God.  Dubois,  Tœnia.  Linnaei  Amœnitates  academicae.  Holmiae,  1751.  — 
Voir  II,  p.  59. 

Salzmann,  Ueber  das  Vorkommen  der  Tœnia  cucumerina  im  Mens  cher*. 
Jahreshefte  des  Vereins  fur  vaterlând.  Naturkunde  in  Wùrttemberg,  XVII, 
p.  102,  1861. 

N.  Melnikow,  Ueber  die  Jugendzustànde  der  Tœnia  cucumerina.  Archiv  fur 
Naturgeschichte,  I,  p.  62,  1869. 

H.  Krabbe,  Om  Udvihlingenaf  Hundens  Tœnia  cucumerina.  Tidsskrift  for 
Veterinairer,  XVII,   1869. 

Hering,  Versuche  mit  Fûtterung  von  Tœnia  cucumerina  an  Hunden.  Wùrt- 
temberg. naturwiss.  Jahreshefte,  p.  356,  1873. 

P.  Schiefferdecker,  Ueber  eine  eigenthùmliche  pathologische  Verànderung 
der  Darmschleimhaut  des  Hurides  durch  Tœnia  cucumerina.  Virchovv's 
Archiv,  LXII,  p.  475,  1875. 

J.  Chatin,  Sur  la  constitution  de  l'appareil  femelle  et  le  mode  d'union  des 
œufs  chez  le  Tœnia  cucumerina.  Comptes  rendus  de  la  Soc.  de  biologie,  (6)r 
III,  p.  281,  1876. 

Fr.  Steudener,  Untersucliungen  ùber  den  feineren  Bail  der  Ceslodan.  — 
V.  Ueber  den  Bau  der  Gesclilechtsorgane  von  Tœnia  elliptica  Batsch.  Abhandl. 
der  naturforsch.  Gesellschaft  in  Halle,  XIII,  p.  295,  1877. 

En  terminant  l'histoire  des  Ténias,  nous  croyons  utile  de 
résumer  en  un  tableau  dichotomique  les  caractères  tenant  à  la 
disposition  des  pores  marginaux.  Ce  tableau  permettra  d'arri- 
ver aisément  à  la  détermination  spécifique,  au  cas  très  ordi- 
naire où  le  Ver  aurait  été  expulsé  sans  la  tête. 

/   régulièrement  ; 


l      utérus  peu  ra- 

„w.„  „  '      niifié T.  solium. 

alterne    .     .      ... 

I  irrégulièrement; 
utérus  très  ra- 
niiiié T.  saginata. 

!  t armée..     T.  ruina. 

'  unilatéral.  Tète'    ?  T.    muhigascariensis. 

I  (inerme..     T.  flavopunctata. 

\  double  et  bilatéral T.  canina. 


BOTIIRIOCEPHALUS  LATUS.  483 

Le  tableau  suivant  servira,  au  contraire,  dans  le  cas  beau- 
coup plus  rare  où  on  n'aurait  à  sa  disposition  qu'une  extrémité 
céphalique  de  Ténia.  Quand  le  Ver  sera  complet,  une  compa- 
raison de  deux  tableaux  en  fera  rapidement  reconnaître  l'es- 
pèce. 

absents.  Pores  ^irrégulièrement  alternes.     T.  saginata. 
marginaux     (  unilatéraux T.  flavopunctata. 


Crochet?  (  T   nana 

i  /  sur  un  rang ]  n,  , 

I  l  (7.  madagascariensis . 

\  présents <  sur  jeux  rangS j\  solium. 

[  sur  trois  ou  quatre  rangs.     T.  canina. 

FAMILLE     DES     BOTHRIOCÉPHALIDÉS 

La  famille  des  Bothriocéphalidés  comprend  les  trois  genres 
Triœnophorus,  Schistocephalus  et  Bothriocephalus.  Le  premier 
ne  renferme  qu'une  seule  espèce,  Tr.  nodulosus  Rudolphi,  qui 
vit  à  l'état  larvaire  dans  le  foie  et  le  mésentère  de  plusieurs 
Poissons,  notamment  des  Cyprins  et  des  Épinoches,  et  à  l'état 
adulte  dans  l'intestin  du  Brochet.  Le  second  renferme  deux 
espèces,  dont  une  seule,  Sch.  dimorpkus  Greplin,  est  euro- 
péenne :  elle  vit  à  l'état  de  larve  dans  la  cavité  viscérale  des 
Épinoches  et  à  l'état  adulte  dans  l'intestin  des  Oiseaux  aqua- 
tiques. 

Le  genre  Bothriocephalus  est  beaucoup  plus  riche  en  es- 
pèces :  on  en  peut  rencontrer  des  représentants  dans  toutes 
les  classes  des  Vertébrés,  mais  c'est  surtout  chez  les  Poissons 
et  les  Mammifères  que  ces  parasites  s'observent  habituelle- 
ment. L'Homme  lui-même  en  héberge  quatre  espèces,  dont 
trois  sont  très  imparfaitement  connues. 

Bothriocephalus  latus   Bremser,  1810. 

Synonymie  :  Txnia  prima  Plater,  1603. 
T.  veterum  Spigel,  1618. 
T.  sive  Fascia  intestinorum  Spigel,  1618. 
Ténia  de  la  seconde  espèce  Andry,  1100. 
T.  à  épine  Andry,  1 7<<0. 
T.  vulgaris  Linné,  1748. 
T.  lata  Linné,  1748. 
Ténia  à  anneau c  courts  Bonnet,  1750. 


ORDRE  DES  CESTODES. 


T.grisea  Pallas,  17G6. 
T.  membranacea  Pallas,  1781. 
T.  tenella  Pallas,  1781. 
•      T.  dentata  Batsch,  1786. 

T.  humanis  inermis  Brera,  1802. 
Halysis  lata  Zeder,  1803. 
H.  membranacea  Zeder,  1803. 
The  broad  Tapeworm  Bradley,  1813. 
Dibothrium  latum  Diesing,  1850. 

L'œuf  du  Bothriocéphale  large  (fig.  272)  est  brunâtre  et  par- 
faitement elliptique;  il  est  long  de  68  à  70(x  et  large  de  44  à45[x. 
Sa  coque  est  un  peu  épaisse  et  présente  à  l'un  des  pôles  un 
opercule  ou  calotte  qui  donne  à  l'ovule 
l'aspect  d'une  pyxide  :  ce  clapet  devient 
surtout  visible  après  l'action  de  la  glycé- 
rine ou  de  l'acide  sulfurique;  il  s'accuse 
de  plus  en  plus,  à  mesure  qu'avance  le 
développement  de  l'embryon  à  l'intérieur 
de  l'œuf. 

Celui-ci,  lorsqu'il  est  rejeté  au  dehors 
avec  les  excréments,  a  une  structure  assez 
simple:  son  centre  est  occupé  par  une  ou 
plusieurs  masses  cellulaires  claires,  qui 
représentent  le  vitellus  formatif  et  qu'en- 
veloppent complètement  des  masses  cellu- 
laires opaques,  à  grosses  granulations,  représentant  le  vitellus 
de  nutrition. 

Le  développement  se  fait  dans  l'eau  :  Schauinsland  a  pu  le 
suivre  à  peu  près  complètement.  Contrairement  aux  Ténias, 
dont  les  anneaux  mûrs  contiennent  déjà  des  embryons  hexa- 
canthes,  l'évolution  de  l'embryon  se  fait  ici  avec  une  extrême 
lenteur  et  exige  des  semaines  ou  des  mois,  ainsi  que  Schubart 
et  Knoch  l'ont  reconnu.  Bertolus  a  vu  le  développement  se 
faire  en  six  à  huit  mois,  dans  l'eau  courante  ;  en  maintenant  les 
œufs  à  une  haute  température,  parfois  à  30  ou  35°,  Schauins- 
land a  pu  hâter  artificiellement  l'éclosion  des  embryons  :  dans 
ces  conditions,  il  les  a  vus  sortir  de  l'œuf  au  dixième  jour,  au 
plus  tard  au  quatorzième  jour. 

La  première  indication  du  développement  consiste  en  l'ap- 
parition, au  milieu  des  cellules  nutritives  (fig.  273,  A,  a),  d'une 
masse  elliptique,  formée  de  quatre  cellules  embryonnaires: 


Fig.  272.  —  OEufs  de 
Bothriocephalus  la- 
tus  grossis  245  fois, 
d'après  Krabbe. 


BOTIIRIOCEPHALUS  LATUS. 


485 


trois  d'entre  elles,  c,  destinées  à  devenir  l'endoderme,  sont 
coiffées  comme  d'un  capuchon  par  la  quatrième,  c',  qui  for- 
mera l'ectoderme.  A  un  stade  plus  avancé,  B,  celte  différen- 
ciation s'est  déjà  effectuée  :  les  cellules  endodermiques,  e, 
se  sont  multipliées;  la  cellule  ectodermique  s'est  comportée 
de  même  et  les  divers  éléments  auxquels  elle  a  donné  nais- 
sance ont   envahi    par   épibolie   la   masse   de    l'endoderme, 


F 


Fig.  273.  —  Développement  de  Bothriocephalus  la  tus,  d'après  Schauinsland. 
—  a,  vitcllus  de  nutrition  ;  a\  cellules  périphériques  donnant  naissance  au 
chorion  a":  c,  cellules  endodermiques;  c',  cellule  ectodermique;  d,  mem- 
brane vitelline  ou  coque  de  l'œuf;  e,  endoderme,  embryon  proprement 
dit;  /",  ectodermc,  manteau  de  l'embryon;  k,  lamelle  externe  du  manteau; 
l,  lamelle  interne  du  manteau.  XV,  direction  suivant  laquelle  la  larve  libre 
progresse.  —  Dans  le  but  d'établir  les  homologies,  la  plupart  des  lettres 
ont  la  môme  signification  que  dans  la  figure  212. 


autour  de  laquelle  elles  forment  une  assise  cellulaire  unique,  f. 
A  la  périphérie  du  vitellus  nutritif  et  dans  les  interstices  de 
ses  cellules,  se  voient  des  cellules  plus  petites,  a',  qui  donnent 
bientôt  naissance  à  une  délicate  membrane  d'enveloppe,  a", 
sorte  de  chorion  situé  à  l'intérieur  de  la  coque  de  l'œuf. 

L'ectoderme,  formé  d'abord  de  cellules  fortement  renflées 
au  niveau  de  leur  noyau,   se  modifie  bientôt  de  manière  à 


486  ORDRE  DES  CESTODES. 

constituer  une  zone  plus  épaisse,  à  chacune  des  faces  de  la- 
quelle se  différencie  une  sorte  de  cuticule  :  c'est  alors  un 
syncytium  à  grosses  granulations,  dans  lequel  sont  épars  des 
noyaux  et  dont  la  surface  externe  se  revêt  de  bonne  heure  de 
cils  vibratiles  courts  et  délicats,  qui  par  la  suite  s'allongeront 
peu  à  peu,  G.  En  même  temps,  les  cellules  endodermiques, 
d'abord  peu  nombreuses,  se  multiplient:  elles  forment  une 
masse  sphérique  solide,  en  sorte  que  l'embryon  présente 
l'aspect  de  deux  sphères  concentriques. 

Le  vitellus  nutritif  subit  une  destruction  progressive:  il  est 
utilisé  au  fur  et  à  mesure  que  se  fait  le  développement  de 
l'embryon  et  son  importance  est  en  raison  inverse  du  volume 
de  ce  dernier:  les  cellules  dont  il  était  composé  tout  d'abord 
diminuent  progressivement  de  nombre,  leur  noyau  devient  in- 
décis, C,  a.  Quand  l'embryon  a  atteint  sa  maturité,  il  ne  reste 
plus,  comme  dernière  trace  du  vitellus  de  nutrition,  que  quel- 
ques gouttelettes  ou  sphérules  de  volume  variable,  D,  a. 

La  suite  du  développement  consiste  en  une  augmentation  de 
taille  de  l'embryon,  qui  demeure  sphérique  ;  en  même  temps,  il 
s'amasse  dans  l'épaisseur  desonectoderme,/",  auquel  Schauins- 
land  donne  le  nom  de  manteau,  un  nombre  de  plus  en  plus 
grand  de  granules  et  de  gouttelettes,  en  sorte  que  les  noyaux, 
jusqu'alors  bien  visibles,  échappent  presque  complètement  à 
l'observation.  Après  l'apparition  des  trois  paires  de  crochets, 
dont  les  rudiments  se  montrent  de  bonne  heure,  sous  forme  de 
petites  saillies,  et  après  que  les  cils  qui  revêtent  le  manteau 
ont  atteint  leur  taille  définitive,  l'embryon  est  mûr  pour  ré- 
clusion, D. 

Les  contractions  de  son  corps,  apparentes  depuis  longtemps 
déjà,  deviennent  plus  énergiques,  ainsi  que  les  mouvements 
des  crochets  :  les  cils  entrent  en  vibration  et,  au  bout  d'un  cer- 
tain temps,  le  couvercle  se  lève  et  l'embryon  devient  libre,  E. 
Dans  la  coque  de  l'œuf  restent  alors  les  débris  du  vitellus  et 
parfois  aussi  le  chorion,  qui  a  pu  se  conserver  intact  jusque  là; 
d'ordinaire,  il  se  détruit  plus  tôt. 

Devenue  libre,  la  larve  mesure  de  45  à  50  jx  de  largeur,  d'a- 
près Bertolus;  l'ectoderme  est  épais  d'environ  10  ja,  les  crochets 
longs  de  13  [/..  Elle  nage  assez  lentement,  en  roulant  autour  de 
son  axe,  ses  crochets  étant  toujours  dirigés  en  arrière.  Bien 


B0TE1RI0CEPHALUS  LÀTUS.  487 

qu'elle  soit  presque  absolument  sphérique,  elle  n'en  présente 
pas  moins,  par  la  façon  dont  elle  nage,  une  tendance  à  la  sy- 
métrie bilatérale.  L'axe  autour  duquel  elle  tourne  n'est  pas 
quelconque,  mais  est  parallèle  à  la  paire  médiane  de  crochets, 
les  deux  autres  paires  étant  disposées  symétriquement  de 
chaque  côté  ;  la  progression  se  fait  suivant  la  direction  XY,  qui 
coïncide  avec  le  prolongement  de  cet  axe.  Assez  souvent,  le 
corps  prend  même  une  forme  allongée,  surtout  au  début,  quand 
la  larve  nage  très  rapidement.  Les  cils  vibratiles  sont  très  serrés 
et  d'une  longueur  considérable,  bien  que  d'une  délicatesse  et 
d'une  minceur  extrêmes;  ils  sont  d'une  observation  difficile. 

Peu  de  temps  après  l'éclosion,  les  deux  lamelles  du  manteau 
s'écartent  l'une  de  l'autre,  par  suite  de  la  pénétration  de  l'eau: 
le  contenu  de  ce  dernier  se  délaye  et  devient  de  plus  en  plus 
clair  et  transparent.  En  même  temps  apparaissent  de  délicats 
filaments  protoplasmiques,  qui  s'étendent  d'une  lamelle  à 
l'autre  et  entre  lesquels  se  disposent  les  granulations,  E.  Ces 
travées  protoplasmiques  sont  si  régulières  qu'on  dirait  des  con- 
tours cellulaires,  erreur  dans  laquelle  sont  tombés  Bertolus  et 
Leuckart;  mais  il  n'y  a  plus,  à  cette  époque,  de  véritables  cel- 
lules dans  le  manteau  et  les  nombreux  noyaux  qu'il  renfermait 
sont  déjà  disparus  pour  la  plupart;  ceux  qui  ont  persisté  se 
trouvent  suspendus  aux  travées  sarcodiques,  ou  plutôt  sont 
compris  dans  leur  épaisseur. 

L'endoderme,  c'est-à-dire  l'embryon  véritable,  est  presque 
complètement  séparé  du  manteau:  entre  eux  se  trouve  un  es- 
pace libre,  traversé  seulement  d'un  petit  nombre  de  travées. 
Celles-ci  sont  d'une  extrême  finesse,  à  l'exception  d'une  seule, 
située  exactement  dans  l'axe  de  rotation  ou  du  moins  dans  son 
voisinage;  elle  est  en  rapport  avec  une  dépression  infundibuli- 
forme  de  la  lamelle  externe  du  mantea-u. 

Les  embryons  parvenus  à  ce  stade  sont  formés  de  deux  sortes 
de  cellules:  au  milieu,  de  grosses  cellules  à  noyau  arrondi;  à 
la  périphérie,  de  petites  cellules  dont  le  noyau  est  souvent  fu- 
siforme.  Ces  dernières  ne  sont  point  disposées  régulièrement 
en  un  épithélium:  elles  s'insinuent  fréquemment  entre  les  cel- 
lules précédentes. 

La  larve  nage  pendant  plusieurs  jours  dans  l'eau  ;  dans  de 
bonnes  conditions,  on  peut  même  la  conserver  vivante  pendant 


488  ORDRE   DES  CESTODES- 

une  semaine  et  plus.  Si  elle  n'a  pu  rencontrer  l'hôte  qui  lui 
convient  pour  son  développement  ultérieur,  son  mouvement 
vibratile  s'affaiblit  alors,  elle  tombe  au  fond,  agite  lentement 
ses  cils  pendant  quelque  temps  encore,  puis  cesse  toute  vibra- 
tion. Les  crochets  continuent  encore  à  se  mouvoir,  alors  que 
les  mouvements  du  manteau  ont  pris  fin  et  de  légères  contrac- 
tions du  corps  montrent  tout  à  la  fois  que  la  larve  n'est  pas 
encore  morte  et  que  son  endoderme  est  dans  une  grande  in- 
dépendance à  l'égard  de  son  ectoderme  ;  ces  mouvements  eux- 
mêmes  s'arrêtent  et  le  jeune  animal  se  désorganise. 

On  voit  souvent  des  larves  sortir  déjà  de  leur  enveloppe  ciliée 
avant  que  celle-ci  ne  soit  morte.  Il  n'est  pas  rare  non  plus  de 
voir  la  lamelle  externe  du  manteau  se  déchirer  seule:  l'interne 
s'en  sépare  complètement  et  reste  encore  quelque  temps  au- 
tour de  l'embryon,  sous  forme  d'une  membrane  délicate  et 
transparente  :  c'est  elle  queLeuckart  désignait  sous  le  nom  de 
membrane  albumineuse. 

La  larve  peut  cependant  aussi  se  débarrasser  d'un  seul  coup 
de  la  totalité  de  son  manteau,  F.  Elle  rampe  alors  très  lente- 
ment, tandis  que  ses  crochets  sont  animés  de  mouvements 
d'avant  en  arrière,  semblables  à  ceux  qu'effectuent  les  bras  d'un 
nageur.  A  voir  la  vivacité  de  ces  mouvements,  on  comprend 
combien  il  doit  être  facile  à  l'animal  de  perforer  les  tissus. 

On  ignore  encore  combien  de  temps  la  larve  peut  ramper 
sans  son  manteau,  et  si  le  rejet  de  son  enveloppe  ciliée,  lors  de 
son  séjour  dans  l'eau,  est  un  phénomène  pathologique  ou  nor- 
mal. Knoch  est  du  premier  avis,  Leuckart  du  second. 

Le  développement  du  Bolhriocéphale  présente  de  grandes  ressem- 
blances avec  celui  des  Ténias;  on  peut  constater  pourtant  certaines 
différences,  mais  elles  tiennent  à  une  sorte  d'adaptation  au  milieu 
dans  lequel  doit  vivre  l'embryon,  avant  de  passer  chez  son  premier 
hôte. 

La  coque  de  l'œuf  du  Bothrioccphale  est  une  véritable  membrane 
vitelline,  homologue  de  celle  qui  s'observe  d'une  façon  transitoire 
autour  de  l'œuf  d'un  Ténia,  pur  exemple  au  moment  où  il  arrive 
dans  l'utérus.  Cette  homologie  étant  admise,  toute  la  suite  du  déve- 
loppement sera  facilement  comprise.  La  zone  délaminée  (fig.  212,  f), 
qui  deviendra  l'enveloppe  striée  de  l'embryon  hexacanthe  du  Ténia, 
a  la  même  origine  que  le  manteau  cilié  de  l'embryon  du  Bothriocé- 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS.  489 

phale  fig.  273,  f)  :  dans  l'un  et  l'autre  cas,  il  s'agit  d'un  véritable 
ectoderme. 

L'embryon  des  Ténias,  destiné  le  plus  souvent  à  se  développer 
chez  des  animaux  terrestres,  est  entouré  d'une  coque  épaisse  et  ré- 
sistante qui  le  protège  contre  la  dessiccation  ;  l'embryon  du  Bothrio- 
céphale,  destiné  à  se  développer  chez  des  animaux  aquatiques, 
présente  au  contraire  une  enveloppe  vibratile,  au  moyen  de  laquelle 
il  nage  à  la  rencontre  de  l'hôte-  qui  lui  convient.  C'est  là,  nous  le 
répétons,  une  différence  toute  secondaire,  qui  s'explique  suffisam- 
ment par  le  milieu  spécial  dans  lequel  vivent  les  deux  sortes  d'em- 
bryons. 

Puisque  l'enveloppe  ciliée  de  l'embryon  du  Bothriocéphale  et  la 
coque  striée  de  l'embryon  du  Ténia  sont  un  véritable  ectoderme,  que 
le  jeune  animal  abandonnera  lors  de  son  éclosion,  le  Ver,  parvenu  à 
l'état  de  larve  ou  à  l'état  adulte,  ne  possède  donc  plus  de  couche  cc- 
todermique.  On  a  pu  déjà  remarquer  plus  haut  que  les  Ténias  n'a- 
vaient point  d'épiderme  au-dessous  de  leur  cuticule-,  nous  ne  tarde- 
rons pas  à  faire  la  même  observation  chez  les  Bothriocéphales. 

Schauinsland  a  fait  d'infructueuses  tentatives  dans  le  but  de 
déterminer  le  mode  de  migration  des  larves.  Plus  d'une  fois, 
il  a  introduit,  à  l'aide  d'une  pipette,  de  grandes  quantités  de 
larves  nageuses  dans  l'estomac  de  jeunes  Lottes,  mais  il  n'a  pu 
les  voir  percer  la  paroi  intestinale  ni  subir  la  moindre  modifi- 
cation, même  au  bout  de  24  heures:  il  les  retrouvait  vivantes, 
entourées  pour  la  plupart  de  leur  membrane  vibratile  et  accu- 
mulées principalement  dans  les  appendices  pyloriques.  Ainsi 
que  l'avait  déjà  supposé  Max  Braun,  il  pense  que  les  larves  du 
Bothriocéphale  ne  se  développent  pas  chez  ces  Poissons,  mais 
bien  chez  d'autres  animaux  aquatiques,  qui  sont  la  proie  des 
Brochets  et  des  Lottes,  en  sorte  que  Bothriocephalus  lattis  serait 
forcé  de  passer  par  plusieurs  hôtes  avant  d'arriver  chez 
l'Homme. 

Avant  Schauinsland,  Knoch  avait  déjà  tenté  d'infester  divers 
animaux  au  moyen  d'embryons  ciliés,  dans  l'espoir  de  voir 
ceux-ci  se  transformer  en  larves  analogues  aux  Cysticerques  ou 
aux  Cysticercoïdes  des  Ténias.  Ses  expériences,  faites  surtout 
sur  des  Chiens,  n'eurent  point  de  résultats  ;  mais,  comme  il  trou- 
vait assez  souvent  des  Bothriocéphales  dans  l'intestin  des  ani- 
maux sur  lesquels  il  expérimentait,  il  crut  pouvoir  en  conclure 
que  l'embryon  de  B.  la  tus,  amené  par  l'eau  dans  l'intestin  d'un 


490  ORDRE  DES  CESTODES. 

Mammifère  tel  que  le  Chien  ou  l'Homme,  s'y  changeait  directe- 
ment en  Ver  adulte,  sans  subir  aucune  autre  métamorphose. 

Cette  opinion  est  inacceptable.  Les  expériences  de  Knoch 
n'ont  pas  été  faites  avec  la  rigueur  nécessaire:  les  animaux 
n'avaient  été  soumis  à  aucun  régime  particulier.  Knoch  n'avait 
rien  fait  pour  les  soustraire  aux  causes  habituelles  d'infestation  ; 
il  n'avait  pas  même  vérifié  au  préalable  si  leur  intestin  renfer- 
mait ou  non  des  Bothriocéphales.  Or,  on  sait  que  ceux-ci  se 
développent  assez  souvent  chez  le  Chien,  et  on  ne  saurait  être 
surpris  de  les  y  rencontrer  à  Saint-Pétersbourg,  puisque,  d'a- 
près Birsch-Hirschfeld,  environ  15  pour  100  des  habitants  de 
cette  ville  sont  porteurs  du  parasite. 

A  Giessen,  où  le  Bothriocéphale  n'est  pas  endémique,  Leuc- 
kart  a  donné  des  milliers  d'œufs  et  d'embryons  ciliés  à  quatre 
Chiens,  sans  rencontrer  le  moindre  Ver  adulte  dans  leur  intes- 
tin. Lui-même  a  avalé  sans  succès  à  peu  près  une  douzaine 
d'embryons,  et  la  même  expérience  fut  tentée  en  vain  sur  huit 
de  ses  élèves.  Des  essais  du  même  genre  furent  également  faits 
sur  des  Truites,  sans  plus  de  résultats.  Enfin,  plus  récemment, 
Grassi  reprit  ces  mêmes  expériences  et  essaya  vainement  de 
s'infester  lui-même  en  avalant  des  œufs. 

Tous  ces  faits  contredisent  formellement  l'opinion  de  Knoch. 
Néanmoins,  le  développement  direct  est  encore  invoqué  par 
Mégnin,  pour  expliquer  la  présence  d'un  Bothriocéphale  chez 
un  jeune  Chien,  né  et  élevé  à  Vincennes  et  qui  n'avait  jamais 
quitté  cette  localité. 

On  sait  aujourd'hui,  grâce  aux  observations  du  professeur 
Max  Braun,  de  Dorpat,  que,  de  même  que  les  Ténias,  B.  latus 
accomplit  des  migrations,  en  même  temps  qu'il  subit  une  mé- 
tamorphose. Comme  on  le  soupçonnait  depuis  longtemps  déjà, 
les  Poissons  donnent  asile  à  la  larve;  il  est  possible  que  plu- 
sieurs espèces  puissent  être  les  hôtes  de  celle-ci:  le  fait  est  du 
moins  démontré  pour  deux  espèces  d'eau  douce,  le  Brochet 
(Esox  lucius  Lin.)  et  la  Lotte  (Lota  vulgaris  Cuvier). 

Ayant  remarqué  que  les  diverses  espèces  de  Bothriocéphales 
s'observent  chez  des  animaux  exclusivement  ichthyophages  ou, 
du  moins,  dans  l'alimentation  desquels  les  Poissons  entrent 
pour  une  bonne  part,  Braun  pensa  qu'il  fallait  chercher  les 
hôtes  intermédiaires  de  D.  Uitus  parmi  les  Poissons  mangés  or- 


BOTIIRÏOCEPHALUS  LATUS.  491 

dinairemenl  par  l'Homme.  Partant  de  celte  idée,  il  examina 
soigneusement  les  Poissons  apportés  au  marché  de  Dorpat  et  ne 
tarda  pas  à  rencontrer  chez  le  Brochet,  puis  chez  la  Lotte,  de 
jeunes  Bothriocéphales  qu'avait  déjà  vus  Knoch,  mais  dont  il 
n'avait  pas  reconnu  la  nature. 

Ces  Vers  (fig.  274),  dont  la  taille  varie  entre  8  et  30  millimè- 
tres, représentent  des  larves,  analogues  aux  Gysticerques,  aux 
Échinocoques  et  aux  Cyslicercoïdes,  mais 
ayant  avec  ces  derniers  des  affinités  particu- 
lièrement étroites  :  Braun  leur  donne  le  nom 
de  Plérocercoïdes  (1).  Les  Brochets  vendus  à 
Dorpat  proviennent  du  lac  Peipus,  du  Wir- 
zjerw  et  de  l'Embach.  Les  Plérocercoïdes 

sont  si  fréquents  dans  ces  Poissons,  qu'on  Fl|-  2T74;  ~T  Larve  de 
M  '  ^  Bothnocépliale  des 
les  y  trouve  79  fois  sur  80;  ils  siègent  au  muscles  du  Brochet, 
hasard  dans  tous  les  viscères.  En  ouvrant  —  A,  à  l'état  de  ré- 
l'abdomen,  on  les  voit  aisément  dans  la  pa-  JSÎÏÏÎ J?nJ!!!î! 

'  r  d  extension. D  après 

roi  de  l'intestin,  sous  forme  de  stries  blan-  Braun. 
châtres;  on  les  trouve  encore  très  fréquem- 
ment dans  la  rate,  les  organes  génitaux,  le  mésentère,  plus 
rarement  dans  le  foie.  Ils  ne  sont  jamais  enkystés,  mais  sont 
logés  simplement  dans  un  canal  creusé  par  eux,  et  dans  le- 
quel ils  peuvent  se  déplacer  confusément.  Il  n'est  pas  rare 
de  les  voir  à  moitié  sortis  des  organes  et  comme  appendusà 
leur  surface;  on  peut  enfin  les  trouver  libres  dans  la  cavité  gé- 
nérale, ce  qui  donne  encore  à  penser  qu'ils  sont  doués  de  mou- 
vement ;  du  reste,  il  est  parfois  possible  d'observer  çà  et  là  des 
traces  de  leur  passage. 

Si  on  enlève  par  couches  successives  les  muscles  du  tronc 
d'un  Brochet,  on  rencontre  ordinairement  les  Plérocercoïdes 
dès  la  première  incision.  Ils  sont  disposés  de  la  façon  la  plus 
irrégulière  et  ne  suivent  pas  toujours  la  direction  des  fibres. 

Ces  Plérocercoïdes  du  Brochet  sont  en  nombre  variable, 
mais  presque  toujours  abondants  :  chez  des  Brochets  de  taille 

(1)  La  forme  larvaire  plérccercoïde  s'observe  dans  les  genres  Tnsenophorus, 
Piestocystis  et  Bothriocephalus  :  c'est  la  plus  simple  qui  s'observe  chez  les 
Cestodes  ;  elle  est  caractérisée  par  la  présence  d'une  queue  solide,  rubanaire 
ou  ovale,  et  provient  sans  doute  de  l'embryon  hexacanthe  par  simple  allonge- 
ment. Braun  appelle  Plérocerques  les  larves  dont  la  queue  est  sphérique  et 
solide,  comme  chez  les  Tétrarhynques. 


492 


ORDRE  DES   CESTODES. 


moyenne,  on  en  trouve  de  10  à  30,  parfois  même  davantage, 
dans  le  tissu  musculaire.  Leur  taille  est  de  1  centimètre  à 
2cm,5;  ils  sont  doués  de  mouvements  très  obscurs.  Dans  le 
corps  du  Poisson,  leur  tête  est  toujours  invaginée;  on  peut  la 
faire  sortir,  si  on  plonge  le  Ver  dans  l'eau  tiède,  dans  une  so- 
lution de  chlorure  de  sodium  à  0,5  p.  100,  dans  de  l'albu- 
mine, etc.,  et  si  on  le  place  dans  une  étuve.  Les  mouvements 
de  l'animal  deviennent  alors  très  énergiques,  presque  comme 
ceux  d'un  fouet  :  la  tête  s'évagine  et  s'invagine  tour  à  tour  et 
subit  les  changements  de  forme  les  plus  considérables,  en 
même  temps  que  des  ondes  de  contraction  se  succèdent  en  se 
propageant  tout  le  long  du  corps. 

Les  larves  extraites  des  muscles  du  Brochet  conservent  long- 
temps leur  vitalité  dans  l'eau  salée,  8,  10  jours  et  davantage. 
On  peut  alors  les  étudier  à  loisir  et  reconnaître  leur  structure  : 
ce  sont  de  petits  Vers  rubanaires,  sans  la  moindre  cavité  cen- 
trale, sans  organes  différenciés;  la  queue,  dépourvue  d'appen- 
dices, est  le  plus  souvent  invaginée;  la  tête  est  munie  de 
deux  ventouses  allongées  en  forme  de  fentes  et  occupant  le 
milieu  des  faces  supérieure  et  inférieure. 

Les  Brochets  du  lac  Ladoga  et  ceux  du  golfe  de  Finlande,  qui 
sont  apportés  sur  les  marchés  de  Saint-Pétersbourg,  sont  tout 
aussi  infestés  de  Plérocercoïdes  que  ceux  de  Dorpat.  Ceux  du 
lac  Burtnek  le  sont  encore,  mais  moins,  puisqu'on  n'y  trouve 
le  parasite  qu'une  fois  sur  trois.  Enfin,  ce  dernier  est  bien  plus 
rare  dans  la  Lotte  que  dans  le  Brochet. 

D'où  proviennent  ces  Plérocercoïdes?  La  question  n'est  pas 
encore  tranchée.  Malgré  l'examen  le  plus  attentif,  Braun  n'en 
a  jamais  rencontré  dont  la  taille  fût  au-dessous  de  celle  que 
nous  avons  indiquée  plus  haut.  Il  propose  de  ce  fait  plusieurs 
explications,  par  exemple  que  les  jeunes  alevins  sont  seuls 
capables  de  se  laisser  infester,  ou  bien  que  le  Brochet  et  la 
Lotte  ne  sont  pas  les  premiers  hôtes  des  larves,  mais  trouvent 
celles-ci  déjà  bien  développées  dans  d'autres  animaux  dont  ils 
font  leur  proie  :  introduites  chez  un  nouvel  hôte,  les  larves 
perforeraient  l'estomac  de  ce  dernier,  pour  s'en  aller  dans  ses 
divers  organes. 

Quoiqu'il  en  soit,  il  est  du  moins  certain  que  les  Plérocer- 
coïdes dont  il  vient  d'être  question  sont  la  larve  du  Bothrioce- 


BOTHRIOCEPUALUS  LATUS.  493 

phalus  latuSj  comme  Braun  l'a  définitivement  prouvé  par  de 
nombreuses  expériences. 

lre,  2e  et  3e  expériences. — A  Dorpat,  le  Bothriocéphale  est  rare  chez 
le  Chien  et  ne  s'observe  pas  chez  le  Chat.  En  raison  de  cette  rareté, 
on  donne  à  trois  jeunes  Chiens,  sans  prendre  de  précautions  particu- 
lières, des  Plérocercoïdes  renfermés  encore  dans  les  muscles  du  Bro- 
chet ou  extraits  soigneusement  de  ceux-ci.  Aux  4e,  8e  et  11e  jours, 
les  Chiens  sont  sacrifiés:  on  trouve  dans  le  tiers  moyen  de  leur  in- 
testin grêle  un  grand  nombre  de  Bothriocéphales  de  petite  taille,  qui 
se  distinguent  par  plusieurs  particularités  des  Plérocercoïdes  du 
Brochet.  La  tête  est  plus  grosse,  plus  épaisse  et  plus  longue,  un  peu 
en  forme  de  gland,  effilée  en  avant  ;  elle  est  toujours  évaginée,  fixée 
entre  les  villosités,  et  reste  en  extension  même  après  la  mort  du 
jeune  Ver.  Les  ventouses,  dont  l'entrée  se  présente  sous  l'aspect 
d'une  fente  profonde,  occupent  les  deux  faces  de  la  tête,  comme  le 
montre  la  disposition  des  troncs  nerveux  (fig.  275),  qui,  dans  la  tête 
comme  dans  le  cou,  occupent  la  partie  latérale. 

Le-  nombre  des  Bothriocéphales  est  relativement  considérable  et 
correspond  plus  ou  moins  exactement  au  nombre  des  larves  ingé- 
rées ;  on  en  trouvait  jusqu'à  12  et  15.  Ceux  du  11e  jour  étaient  remar- 
quables par  leur  grande  taille. 

4e  expérience.  —  Dans  cette  expérience  et  dans  les   suivantes,  on 
soumit  les    animaux   à   un    traitement    anthelminthique    (Kamala, 
Cousso,  extrait  éthéré  de  Fougère  mâle),  quelques  jours  avant  l'in- 
festation  ;  on  s'assura  en  outre,  par  l'exa- 
men microscopique,  de  l'absence  de  tout  Bo- 
thriocéphale dans  leur  intestin.  Les  animaux 
furent  soumis  dès  lors  à  un  régime  tel,  que 
toute  cause  d'erreur  était  évitée. 

Le  13  septembre  1881,  on  donne  à  un  jeune 
Chat  des  pilules  de  Cousso,  puis  on  le  nour- 
rit avec  du  lait  cuit.  Le"  15,  on  lui  administre 
un  grand  nombre   de   Plérocercoïdes  d'un   Fig.  275.  —  Coupe  trans- 
Brochet  de  l'Embach.  Le  19,  l'animal  est  mis      versale  de  la  tête  d'un 

à  mort:  on  trouve  dans  son  intestin   grêle       Bothriocéphale   âgé    de 
.  °  quatre  joursetdeveloppe 

16  petits  Bothriocéphales  fixés  entre  les  villo-      dans  l'intestin  du  Chat 
sites;   la  tête  a  grossi,  mais  la  segmenta-       (4e  expérience). 
tion  du  corps  n'est  pas  encore  commencée. 

5e  et  6e  expériences.  —  Un  Chat  et  un  Chien,  placés  dans  les  mêmes 
conditions  que  l'animal  de  l'expérience  précédente,  reçoivent  des 
Plérocercoïdes  en  même  temps  que  celui-ci.  Au  bout  de  quatre  jours, 
résultat  positif. 


494  ORDRE  DES  CESTODES. 

7e  expérience.  —  Le  13  septembre  1881,  un  Chien  de  4  mois  prend 
du  Kamala;on  le  nourrit  alors  avec  du  lait,  de  l'eau  filtrée,  delà 
viande  cuite  et  de  la  soupe.  Le  15,  on  lui  donne  20  larves  de  Bothrio- 
céphale  dans  une  saucisse.  Le  4  novembre,  autopsie  :  résultat  né- 
gatif. 

8e  expérience.  —  Le  24  octobre  1881,  un  Chien  de  quelques  semai- 
nes, ayant  toujours  tété  jusqu'alors,  prend  17  Plérocercoïdes.  On  le 
nourrit  avec  du  lait  étendu  d'eau  et  cuit.  Le  3  novembre,  on  le  sacri- 
fie :  on  trouve  15  Bothriocéphales  longs  de  9  à  14  centimètres. 

9e  expérience.  —  Expérience  négative  sur  le  Canard. 

10e  expérience.  —  Le  19  octobre  1881,  un  jeune  Chat  prend  du  Ka- 
mala.  Le  31,  on  lui  donne  8  Plérocercoïdes  des  muscles  du  Brochet; 
l'animal  les  mâche  longuement.  Le  19  novembre,  autopsie:  résultat 
négatif. 

11e  expérience.  —  Le  7  novembre  1881,  un  Chat  reçoit  une  pilule 
de  Kamala  ;  le  10,  il  prend  du  Kamala  et  de  l'huile  de  Ricin.  Le  15, 
on  lui  donne  15  Plérocercoïdes.  Le  19,  on  le  tue  :  un  seul  Bothriocé- 
phale  dans  l'intestin.  L'expérience  n'a  réussi  qu'incomplètement,  à 
cause  de  l'inflammation  de  la  muqueuse,  consécutive  aux  purgations 
réitérées. 

12e  expérience.  —  Le  29  novembre  1881,  un  Chat  adulte  prend  du 
Kamala.  Jusqu'au  9  décembre,  on  le  nourrit  de  viande  de  Bœuf  cuite 
et  de  Poissons  chez  lesquels  la  larve  du  Bothriocéphale  n'existait  pas. 
L'animal  prend  alors  C  Plérocercoïdes  du  Brochet.  Jusqu'au  26  dé- 
cembre, on  le  nourrit  presque  exclusivement  de  Brochets  et  de  Lottes; 
on  choisit  des  morceaux  dépourvus  de  larves,  mais  quelques-unes, 
cachées  dans  les  muscles,  ont  bien  pu  passer  inaperçues.  Du  26  dé- 
cembre 1881  au  26  janvier  1882,  on  cesse  l'usage  du  Poisson  :  le 
Chat  est  nourri  de  viande  de  Bœuf  cuite,  de  lait  cuit,  de  pain,  de 
Souris.  Du  26  janvier  au  4  février,  on  lui  donne  de  nouveau  du  Bro- 
chet chargé  de  Plérocercoïdes.  Le  4  février,  autopsie  :  l'intestin  ren- 
ferme 3  grands  Bothriocéphales,  dont  le  plus  long  mesure  50  centi- 
mètres ;  les  derniers  anneaux  possèdent  des  organes  sexuels,  l'utérus 
est  rempli  d'œufs.  On  trouve  encore  9  petits  Bothriocéphales  de 
taille  diverse,  dont  les  plus  petits  ne  peuvent  être  distingués  de  ceux 
des  muscles  du  Brochet,  si  ce  n'est  que  leur  tête  est  évaginée. 

13e  expérience.  —  Expérience  négative  sur  le  Canard. 

14°  expérience.  —  A  partir  du  13  lévrier  1882,  un  Chat  mange  cha- 
que jour  du  Brochet  crû  et  du  Veau  cuit.  Le  29  mars,  il  meurt.  On 
trouve  dans  son  intestin  11  jeunes  Bothriocéphales  mesurant  jusqu'à 
4  centimètres  de  longueur. 

15e  expérience.  —  A  parlir  du  13  février  1882,  un  Chat  mange  cha- 
que jour  du  Brochet  cru  et  du  Veau  cuit.  Le  4  avril,  autopsie  :  l'in- 


BOTIIRIOCEPHALUS  LATUS.  495 

teslin  renferme  un  grand  nombre  de  petits  Bothriocéphales  et  un 
individu  déplus  grande  taille,  pourvu  déjà  des  rudiments  des  glandes 
génitales. 

16e  expérience.  —  A  partir  du  27  février,  un  Chat  mange  chaque 
jour  du  Brochet  ;  dans  les  premières  semaines  de  l'expérience,  on  lui 
donne  du  Brochet  gelé,  où  les  Plérocercoïdes  sont  certainement 
morts,  puis  on  lui  donne  du  Brochet  frais.  Le  4  avril,  on  le  sacrifie. 
On  trouve  dans  son  intestin  plus  d'une  douzaine  de  jeunes  Bothrio- 
céphales pourvus  d'anneaux,  mais  dont  aucun  n'était  encore  parvenu 
à  maturité  sexuelle. 

17e,  18e  et  19  expériences.  — Trois  étudiants  de  l'Université  de  Dor- 
pat,  originaires  de  Saint-Pétersbourg  et  non  porteurs  du  Bolhriocé- 
phale,  se  purgent  avec  de  l'huile  de  Ricin.  Le  27  novembre  1882,  A  et 
B  prennent  chacun,  avec  du  lait  ou  de  la  saucisse  et  du  pain,  3  Pléro- 
cercoïdes du  Brochet;  G  en  prend  4.  Le  régime  n'est  pas  modifié, 
si  ce  n'est  que  le  Poisson,  sous  quelque  forme  que  ce  soit,  et  l'eau 
crue  sont  rigoureusement  exclus.  Au  bout  de  3  semaines,  l'un  des 
expérimentateurs  ressent  de  légères  douleurs  intestinales  ;  un  autre 
commence  bientôt  à  se  plaindre.  On  fait  alors  l'examen  microscopique 
des  matières  fécales,  le  27  novembre  :  on  trouve  un  grand  nombre 
d'œufs  de  Bothriocéphale  chez  chacun  des  trois  patients.  Dans  les 
jours  suivants,  on  administre  l'extrait  élhéré  de  Fougère  mâle.  A 
expulse  2  Bothriocéphales,  C  en  expulse  3  et  B  rend  seulement  des 
fragments  provenant  d'un  ou  plusieurs  Vers.  L'examen  des  fèces 
pratiqué  au  bout  de  quelques  jours  n'a  montré  chez  ce  dernier  aucun 
œuf  de  Bothriocéphale  ;  il  est  probable  que  le  parasite  aura  été  expulsé 
par  une  selle  non  examinée. 

Les  5  Vers  obtenus  delà  sorte  appartiennent,  à  n'en  pas  douter,  à 
l'espèce  Bothriocephulus  latus  ;  3  seulement  ont  été  expulsés  avec  la 
tête;  les  autres  se  terminent  en  avant  par  des  extrémités  effilées,  où 
l'œil  nu  ne  distingue  aucune  segmentation. 

Le  Ver  n°  1  est  long  de  3IOcm,7  et  formé  d'environ  1000  anneaux. 

—  2     —    362  ,9       —       1115    — 

—  3     —    452  ,8       —        1300    - 

—  4  257  ,8       —        1305    — 

—  5     —    312  ,8       —        1326    — 

Comme  on  voit,  la  longueur  du  Ver  n'est  pas  exactement  en  rap- 
port avec  le  nombre  des  anneaux  qui  le  composent;  il  faut  compter 
avec  l'extension  ou  la  contraction  des  anneaux,  comme  cela  ressort 
de  la  comparaison  des  Vers  3,  4  et  o. 

Les  expériences  ci-dessus  mettent  hors  de  doute  que,  dans 
les  pays  où  le  Bothriocéphale  se  rencontre  chez  l'Homme,  sa 


496  ORDRE   DES  CESTODES. 

larve  est  logée  dans  les  muscles  et  dans  les  viscères  du  Brochet 
et  de  la  Lotte  (1).  Ainsi  tombe  l'opinion  de  Cari  Vogt,  qui 
affirmait  que  le  Bothriocéphale  n'est  point  transmis  à  l'Homme 
par  un  Poisson. 

Après  des  expériences  aussi  nettes,  on  est  vraiment  surpris 
de  voir  Ktichenmeister  se  refuser  à  croire  que  le  Brochet  et  la 
Lotte  soient  les  premiers  hôtes  du  Bothriocéphale.  Ce  savant 
admet,  d'ailleurs  sans  apporter  la  moindre  preuve  à  l'appui 
de  son  opinion,  que  le  parasite  est  transmis  à  l'Homme  par  les 
Salmonidés,  notamment  par  Salmo  salar.  Pour  la  Suisse,  il 
admet  en  outre  que  la  transmission  puisse  se  faire  par  la  Lotte 
et  par  quelques  Gorégones  :  il  incrimine  gratuitement  Core- 
gonus  Wartmanni  du  lac  de  Constance  et,  pour  l'ouest  de  la 
Suisse,  C.  lavaretus  et  C.  fera.  Ce  dernier  Poisson  était  du 
reste  soupçonné  depuis  longtemps,  mais  on  n'a  pas  encore 
démontré  l'existence  dans  ses  organes  de  Plérocercoïdes  du 
Bothriocéphale  large. 

J.  Knoch,  Vorlâuftge  Mitiheilung  iXber  den  Bothriocephalus  latus,  die 
Entwickelung  desselben,  die  Wanderung  und  endliche  Uebertragung  seines 
Embryons  in  den  Mtnschen.  Virchow's  Archiv,  XXIV,  p.  453,  1862.  —  Id., 
Die  Naturgeschichte  des  breiten  llaîidwurms  (Bothriocephalus  latus  auct.)  mit 
besonderer  Berùcksichtigung  semer  Entwickelungsgeschiclite.  Mémoires  de 
l'Acad.  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg,  (7),  V,  n°  5,  1862.  —  Id.,  Sur  le 
mode  de  développement  du  Bothriocéphale  large.  Journal  de  l'anatomie,  VI, 
p.  140,  1869. 

Bertolus,  Sur  le  développement  [du  Bothriocéphale  de  V Homme.  Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  LVII,  p.  56D,  1 8 f J -3 . 

C.  Vogt,  La  provenance  des  entozoaires  de  l'Homme  et  de  leur  évolution . 
Paris,  1877. 

(I)  Voilà  fort  longtemps  que  Ton  a  reconnu  la  présence  de  Cysticercoïdes 
dans  le  foie  de  la  Lotte,  puisque  Conrad  Gesner,  au  commencement  du 
xvie  siècle,  en  fait  déjà  mention.  Voici  en  quels  termes  ce  vieil  auteur  parle 
du  foie  de  la  Lotte,  qu'il  appelle  Quappe,  Aalrupe  ou  Mustela  fluviatilis  : 

«  Jecur  earuni  magnum,  imjue  cibo  lautissimum  est;  sed  aliquando  gran- 
dine  mdrbo,  ut  sues,  vitiatur  :  in'lacustribus  duntaxat  quibusdam,  fluviatilibus 
nuliis,  in  Gryffio  lacu  hoc  malum  eis  accidere  negant  :  in  nostro  autem,  pra>- 
8ertim  quo  tempore  pariunt  et  aliquandiu  post,  hoc  morbo  laborant  :  excepta 
parte  lacus  quae  supra  Rappersuillam  est,  in  qua  salubrius  degunt.  »  (C.  Gcs- 
iini  Wïloriœ  animalium  liber  III.  Tiguri,  1538.  Voir  page  710,  ligne  13.) 
Un  peu  plus  loin,  Gesner  revient  encore  sur  ce  point  :  «  Commendantur  a 
nostria  lii  piices  septembri  mense,  alibi  vero  aprili  et  maio.  Fluviatiles,  prœ- 

sertim  in  puris  ctrapidisfluviis  carne  albioresolidioreque  lautiores  habentur 

Laudanlur  apud  nos  jecinora  earum  prsecipuc  ante  Xaialem  Dominicum  : 
elrca  partum  improbantur ;  quo  tempore  etiam  nonnullis  in  aquis grandinosa 
fcuut.  »  {Ibidem,  p.  713,  1.  53.) 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS.  497 

B.  Grassi,  Contribuzione  allô  studio  delV  elmintologia.  Gazzetta  mcdica 
ital.  Lombardia,  n°  16,  1879. 

Max  Braun,  Zur  Frage  des  Zwischenwirth.es  voîi  Bothriocephalus  latus 
Brems.  Zoologischer  Anzeiger,  IV,  p.  593,  1881;  V,  p.  ;59  u.  194,  1882;  VI, 
p.  97,  188J.  —  Id.,  Ueber  die  Herkunft  des  Bothriocephalus  latus.  Saint- 
Petersburger  med.  Woch.,  n°  16  u.  5?,  1882.  Virchow's  Archiv,  LXXXVIII, 
p.  119,  1882.  —  Id.,  Bothriocephalus  latus  und  seine  Herkunft.  Virchow's 
Archiv,  XCII,  p.  364,  1883.  —  Id.,  Zur  Entwicklungsgeschichte  des  breiten 
Randwurmes  {Bothriocephalus  latus  Brems.).  Wùrzburg,  in-8°  de  56  pages, 
1883.  —  Id.,  Untersuchungen  ùber  Entwickelungsgeschichte  des  Bandwurmes. 
Sitzungsber.  der  Naturf.-Ges.  bei  der  Universitât  Dorpat,  VI,  p.  528,  17.  Mârz 
1883.  —  Id.,  Ergebnisse  der  Untersuchung  von  sechs  Hechlen.  Ibidem,  VII, 
p.  45,  15.  Mârz  1884.  —  Id.,  Salm  oder  Hecht?  Berliner  klin.  Woch.,  XXII, 
p.  804,  1885. 

P.  Mégnin,  De  la  présence  d'un  Bothriocephalus  latus  Bremser  chez  un  Chien 
de  10  mois,  né  et  élevé  à  Vincennes,  et  qui  n'a  jamais  quitté  cette  localité. 
Compte  rendu  de  la  Soc.  de  biologie,  (7),  IV,  p.  308,  1883. 

H.  Schauinsland,  Die  embryonale  Entwicklung  der  Both'iocephalen. 
Ienaische  Zeitschrift  fur  Naturwissenschaft,  XIX,  p.  550,  1885. 

Fr.  Kùchenmeister,  Wie  steckt  sich  der  Mensch  mit  Bothriocephalus  latus  an? 
Berliner  klin.  Woch.,  XXII,  p.  505  u.  527,  1885. 

Les  5  Bothriocéphales  développés  chez  l'Homme  dans  les 
expériences  17,  18  et  19  avaient  une  longueur  moyenne  de 
339cm,4;  le  nombre  moyen  de  leurs  anneaux  était  de  1209. 
Braun  arrive  ainsi  à  reconnaître  que  ces  Gestodes  forment  de 
31  à  32  anneaux  nouveaux  par  jour  et  subissent  un  accroisse- 
ment de  86  millimètres.  Ces  chiffres  se  rapprochent  beaucoup 
de  ceux  auxquels  Eschricht  était  arrivé  déjà  :  cet  auteur  parle 
d'un  Russe  qui,  en  un  an,  expulsa  des  fragments  de  Bothriocé- 
phale  longs  au  total  d'environ  60  pieds;  en  évaluant  à 
10  pieds  la  portion  non  expulsée,  on  arrive  ainsi  à  une  crois- 
sance de  2  pouces  1/3  par  jour,  La  croissance  du  Bothriocé- 
phale  est  donc  comparable  à  celle  de  Tœnia  saginala,  bien 
qu'un  peu  plus  rapide. 

Lorsqu'il  est  entièrement  développé,  Bothriocephalus  latus 
est  le  plus  long  de  tous  les  parasites  de  l'Homme.  Il  présente 
l'aspect  général  des  Ténias,  mais  il  s'en  distingue  déjà  de 
prime  abord  par  le  nombre  et  la  forme  de  ses  anneaux,  ainsi 
que  par  la  position  de  ses  orifices  sexuels. 

Ce  Ver  est  formé  communément  de  3  500  à  4  000  anneaux  ; 
un  individu  observé  par  Stein  en  comptait  ï  133.  Suivant  le 
point  où  on  les  examine,  ceux-ci  présentent  des  différences  de 
taille,  mais  toujours  ils  sont  beaucoup  plus  larges  que  longs. 
Vers  le  milieu  de  la  chaîne,  ou  un  peu  en  arrière,  là  où  les 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  32 


498  ORDRE  DES  CESTODES. 

œufs  distendent  les  anneaux,  ils  présentent  une  longueur 
moyenne  de  2  à  4  millimètres,  pour  une 
largeur  de  10  à  12  millimètres,  parfois 
même  de  18  à  20  millimètres.  Les  der- 
niers anneaux  ont  pondu  leurs  œufs  dans 
l'intestin,  par  un  orifice  spécial  que  nous 
décrirons  plus  tard  :  aussi  les  voit-on  se 
rétrécir  notablement;  et  comme  le  Ver  ne 
les  rejette  point  spontanément,  les  voit-on 
prendre  l'aspect,  chez  des  individus  in- 
tacts, de  segments  flétris  et  ridés  (fig.  276, 
g;  fig.  277).  Remarquons  encore  que  le 
bord  antérieur  des  anneaux  est  plus  étroit 
que  le  bord  postérieur,  d'où  résulte  un 
aspect  en  dents  de  scie  présenté  par  les 
côtés  de  l'animal. 

LeBothriocéphale  mesure  ordinairement 
de  6  à  10  mètres  de  longueur;  des  indi- 
vidus bien  développés  peuvent  atteindre 
jusqu'à  12, 14  et  18 mètres;  une  taille  plus 
considérable  est  tout  à  fait  exceptionnelle 
ou  tient  à  une  erreur  d'observation. 

L'aspect  de  la  tête  présente  de  notables 
variations,  suivant  l'état  de  contraction 
ou  d'extension  de  cet  organe  :  sa  forme 
générale  est  celle  d'une  amande;  elle  varie 
Fig.  27G.    -  Boihrioce-    du  reste  suivant  la  nature  du  liquide  dans 

tti™,  S;:  Ie^iel  on  a  tué  le  Ver- La  lête  esl  lonsue 

ments  pris  de  distance  de  2  millimètres  à  2mm,5  et  large  de  0mm, 7  a 
en  distance.  —  a,  tête    j  millimètre.  Elle  est  dépourvue  de  rostre 

et   cou  ;   d,    anneaux       .    ,  ,  •  * 

moyens,  avec  glandes  et  de  crochets  et  se  termine  en  avant  par 
génitales  bien  déve-  une  surface  obtuse  ;  en  arrière,  elle  se 
loppées  ;  f  e,  anneaux   continue  insensiblement  avec  le  cou  (fig. 

chez  lesquels  la  ponte  .  , 

cstpiusoumoinsavan-  278).  On  ne  trouve  pas  de  ventouses  à  sa 
cée;  g,  derniers  an-   surface,    mais  celles-ci    sont   remplacées 

raepônte.atatinéS  ^   Par  deux  fenles   Pendes  et  allongées, 
qui  ont  reçu  le  nom  de  bothridies,  et  dont 
chacune  est  située  le  long  d'un  des  bords  latéraux. 
La  figure  273  montre  ces  organes  sur  une  coupe  transversale. 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS. 


499 


en  même  temps  qu'elle  permet  de  préciser  leur  situation  par 
rapport  au  reste  du  corps.  La  tête,  comme  on  peut  voir,  est 
notablement  aplatie,  mais  il  est  à  remarquer  que  l'aplatisse- 
ment est  latéral  et  non  dorso-ventral;  cela  ressort  nettement 
de  la  place  occupée  par  les  filets  nerveux  principaux,  dont  la 
situation  est  toujours  latérale.  La  tête  repose  donc  soit  sur  sa 
face  supérieure,  soit  sur  sa 
faceinférieure,parsuite  d'une 
torsion  d'un  quart  de  cercle 
effectuée  par  le  cou  :  cela  re- 
vient à  dire  que  les  bolhri- 
dies  correspondent  respecti- 
vement aux  faces  dorsale  et 
ventrale  de  la  chaîne  des  an- 
neaux. 

Le  cou  est  ordinairement 
long  de  6  à  10  millimètres, 
plus  ou  moins;  dans  certains 
cas,  il  est  si  contracté  que  la 
segmentation    semble    com-  ;\ 

mencer   immédiatement    en  o 

arrière  de  la  tête;  plus  fré-  rig.  277.  —  Ex- 
que  m  ment,  la  première  in-  trémité  posté 
, .      . .  ,  .  rieure  cUun  in 

dication  des  anneaux  ne  de-      dividu  intact. 

vient  apparente  qu'à  15  ou 

20  millimètres,  parfois  même  à  30  millimètres  de  la  tête. 

Si  nous  voulions  suivre  pas  à  pas  le  développement  des 
anneaux,  il  nous  faudrait  répéter  en  grande  partie  ce  que  nous 
avons  dit  des  Ténias;  nous  montrerions  derechef  que  les 
somites  sont  d'autant  plus  courts  et  ont  une  structure  d'autant 
plus  simple  qu'ils  sont  plus  jeunes,  c'est-à-dire  plus  rappro- 
chés de  la  tête;  que  l'évolution  des  glandes  sexuelles  se  fait 
progressivement,  les  organes  mâles  précédant  les  femelles,  etc. 
Les  longs  détails  sur  lesquels  nous  nous  sommes  appesanti  à 
propos  des  Ténias  nous  permettront  d'être  bref  et  de  ne  con- 
sidérer que  la  structure  des  anneaux  mûrs  et  entièrement 
développés. 

Le  corps  est  limité  par  une  cuticule  transparente,  épaisse  de 
6  à  10  [x,  qui  semble,  à  première  vue,  être  formée  d'une 


Fig.  278.  —  Tète  do 

Bothriocéphale.  — 

a,    bothridies  ;  b, 
cou. 


300  ORDRE   DES  CESTODES. 

matière  homogène,  très  réfringente  et  absolument  sans  struc- 
ture. Celte  cuticule  est  produite  par  les  couches  sous-jacentes, 
non  par  sécrétion,  mais  par  transformation  directe;  aussi  peut- 
on  y  rencontrer,  en  certains  points,  des  cellules  fusiformes, 
des  fibres  et  des  corpuscules  calcaires,  en  un  mot  tous  les 
éléments  des  couches  sous-cuticulaires,  lorsque,  pour  une 
cause  quelconque,  ces  éléments  n'ont  pas  pris  part  au  phéno- 
mène général  de  cuticularisation.  Cette  membrane  est  encore 
traversée  dans  son  épaisseur  par  ce  que  différents  auteurs  ont 
décrit  comme  des  canalicules;  Moniez  a  démontré  que  c'étaient 
plutôt  des  sortes  de  cils,  en  continuité  avec  les  fibres  sous- 
cuticulaires,  dont  ils  ne  sont  que  le  prolongement,  et  destinés 
sans  doute  à  venir  puiser  la  nourriture  dans  le  milieu  am- 
biant. ' 

A  la  face  ventrale  et  dans  la  région  médiane,  la  cuticule  est 
ornée  d'une  série  de  papilles  dans  lesquelles  s'enfonce  la  couche 
sous-cuticulaire.  Cette  zone  de  papilles  commence  à  se  montrer 
un  peu  en  arrière  du  bord  antérieur  de  l'anneau  et  s'élargit 
rapidement  en  se  rapprochant  de  la  poche  du  cirre  ;  latérale- 
ment, elle  ne  s'étend  jamais  jusqu'aux  vitellogènes.  En  arrière 
du  cirre,  elle  va  en  se  rétrécissant  et  se  termine  au  niveau  de 
l'orifice  utérin.  Ces  papilles  avaient  été  déjà  figurées,  sinon 
décrites  par  Eschricht;  Braun.  qui  croit  les  avoir  découvertes, 
admet  qu'elles  ont  pour  rôle  de  permettre  le  contact  et  l'adhé- 
rence réciproques  des  faces  portant  les  orifices  sexuels.  Une 
semblable  opinion  serait  soutenable  si  les  divers  anneaux  s'ac- 
couplaient entre  eux  :  or,  on  sait  qu'il  n'en  est  rien. 

Immédiatement  au-dessous  de  la  cuticule,  se  voit  une  couche 
granuleuse  peu  épaisse,  à  laquelle  font  suite  plusieurs  assises 
de  grandes  cellules  fusiformes,  chargées  de  gros  granules 
réfringents.  Les  cellules  des  diverses  assises  diminuent  pro- 
gressivement de  taille  «t  se  continuent  avec  une  nouvelle  zone 
formée  de  grosses  cellules  granuleuses,  en  dedans  desquelles 
se  trouvent  les  deux  couches  musculaires  (fig.  279,  zmc,  zml). 
Celles-ci  ont  la  môme  disposition  que  chez  les  Ténias;  il  en  est 
de  même  pour  la  structure  du  parenchyme  de  l'anneau,  qui  e^t 
encore  constitué  par  un  réticulum  conjonctif,  au  sein  duquel  te 
développent  et  restent  plongés  tous  les  organes. 

Les    corpuscules   calcaires    sont    peu    nombreux    chez   le 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS. 


501 


Bothriocéphale;  Leuckart  avait  même  nié  leur  existence.  Ils 
sont  renfermés  dans  le  parenchyme  etatteignent  de  grandes  di- 
mensions. A  côté  d'eux,  et  en  nombre  peut-être  plus  considé- 
rable, on  trouve  de  nombreux  éléments  calcaires  de  petite 
taille  et  de  forme  ovoïde,  qui  sont  également  formés  aux 
dépens  du  tissu  fondamental. 

L'appareil  excréteur  est  assez  différent  de  celui  des  Ténias, 
en  ce  sens  qu'on  ne  rencontre  qu'un  seul  vaisseau  de  chaque 
côté  du  corps  (fig.  279,  vs;  fig.  280,  D;  fig.  282,  E).  Ce  canal, 
rendu  très  visible  par  les  grosses  cellules  qui  l'entourent,  est 
d'abord  situé  au  voisinage  de. la  face  supérieure  de  l'anneau, 
mais  le  développement  des  organes  le  refoule  vers  le  plan 
inférieur  des  muscles  annulaires.  Dans  les  jeunes  anneaux,  il 
est  situé  à  peu  près  au  milieu  de  l'espace  qui  s'élend  de  la 
ligne  médiane  de  l'anneau  à  son  bord  latéral,  un  peu  en  dedans 
du  cordon  nerveux,  qui  occupe  juste  le  point  médian;  plus 
tard,  selon  Moniez,  ces  rap- 
ports sont  modifiés  et,  tandis 
que  le  cordon  nerveux  con- 
serve sa  situation,  le  vaisseau 
se  dispose  à  peu  près  au  mi- 
lieu de  l'espace  qui  sépare 
celui-ci  de  la  ligne  médiane. 
Le  vaisseau  longitudinal  n'est 
pas  réuni  à  son  congénère  par 
une  anastomose  transversale, 
à  la  manière  de  la  lacune  des 
Ténias  ;  on  ignore  encore  com- 
ment il  se  comporte  dans  la 
tête  et  quels  sont  ses  rapports 

exacts  avec  l'extérieur  et  avec    Fig.  279.  —  Coupe  transversale    d'un 
le  système  des  canaux  plasma-        anneau  jeune  de  liothriocphalus  la- 
ïus, d'après  Moniez;  la  figure  ne  re- 
tigues.  présente  qu'une  moitié  de  la  coupe. 

Celui-ci  est  formé  d'une  se-        —  m,  cordon  nerveux;   m,  vaisseau 

riedevaisseauxlongitudinaux,        de  la  ^ne  centrale;    vs,   vaisseaux 

°  '        90us-cuticulaires;  zmc,  muscles  cir- 

à  parois  très  minces  OU  nulles        culaires  ;*»*/,  muscles  longitudinaux. 

et  situées  dans  la  zone  sous- 

cuticulaire  (fig.  279,  t's')  ;  ils  sont  surtout  visibles  sur  les  jeunes 

anneaux,  mais  se  retrouvent  aussi  sur  les  anneaux  plus  âgés  : 


502  ORDRE  DES  CESTODES. 

sur  la  coupe  transversale  d'un  anneau  jeune,  Moniez  en  a 
compté  une  vingtaine;  ils  semblent  être  plus  nombeux  dans  la 
tête. 

L'appareil  excréteur  de  Bothriocephalus  latus  est  encore  imparfaite- 
ment connu:  l'étude  d'une  espèce  voisine  peut  néanmoins  nous 
fournir  à  son  égard  des  renseignements  utiles.  Fraipont  a  bien  décrit 
cet  appareil  chez  B.  punctatus,  de  l'intestin  du  Turbot. 

Sur  un  des  anneaux  médians  du  corps,  le  parenchyme  se  montre 
creusé  de  lacunes,  munies  ça  et  là  d'entonnoirs  ciliés  Ceux-ci  sont 
le  point  de  départ  de  fins  canalicules,  qui  se  disposent  en  réseau 
et  qui  viennent,  de  distance  en  distance,  s'ouvrir  dans  les  canaux 
du  réseau  superficiel.  Ce  dernier,  situé  dans  la  couche  corticale 
du  corps,  forme  un  système  de  canaux  anastomosés  entre  eux,  de 
façon  à  constituer  des  mailles  polygonales  irrégulières  et  de  di- 
mensions variables  ;  il  s'étend  sur  toute  la  surface  du  Ver  et  se  pro- 
longe aussi,  sans  interruption,  d'un  segment  à  l'autre.  Sur  chaque 
face,  il  débouche  en  certains  points,  par  de  petites  branches,  dans 
deux  canaux  latéraux,  situés  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane. 
Ceux-ci  s'étendent  dans  toute  la  longueur  du  segment  et  passent 
d'un  anneau  à  l'autre.  A  son  tour,  chacun  de  ces  canaux  commu- 
nique ça  et  là,  par  de  petites  branches  latérales,  avec  les  gros 
canaux  descendants. 

Ceux-ci  sont  au  nombre  de  douze;  ils  semblent  être  situés  à  la 
face  inlerne  de  la  couche  musculaire  et  passent  ininterrompus  d'un 
segmenta  l'autre.  Chaque  face  du  corps  en  présente  donc  six  :  les 
deux  plus  gros  sont  médians,  anastomosés  entre  eux  par  deux  à  cinq 
branches  transversales  ou  obliques,  simples  ou  bifurquées  ;leur  par- 
cours est  ondulé. 

On  voit  en  outre,  de  chaque  côté,  deux  autres  troncs  longitudinaux 
plus  rétrécis,  sur  le  trajet  desquels  viennent  déboucher  les  branches 
latérales  des  canaux  ascendants.  Les  deux  troncs  du  môme  côté 
communiquent  entre  eux  par  un  grand  nombre  de  branches  trans- 
versales, en  sorte  que  cette  partie  de  l'appareil  d'excrétion  peut]  pren- 
dre l'aspect  d'un  véritable  réseau.  De  ces  quatre  canaux,  les  deux 
externes  fournissent  des  branches  latérales  qui  vont  s'ouvrir  à  la 
surface  de  la  cuticule,  mettant  ainsi  le  système  des  canaux  descen- 
dants en  rapport  avec  l'extérieur  par  un  grand  nombre  de  foramina 
secundaria.  Tout  le  système  des  canaux  descendants,  leurs  branches 
anastomotiques  et  leurs  branches  transversales  externes  sont  con- 
tractiles. 

Dans  la  tète,  le  système  des  fins  canalicules  à  entonnoirs  ciliés  et 
le  réseau  superficiel  se  comportent  comme  dans  les  anneaux  nié- 


» 


B0TIIR10CEPIIALUS  LATUS.  503 

dians  ;  les  canaux  descendants   s'anastomosent  entre  eux,  se  con- 
tournent dans  toutes  les  directions  et  forment  des  anses  (I). 

Si  le  Ver  a  perdu  déjà  quelques-uns  de  ses  segments,  les  gros  ca- 
naux longitudinaux  sont  rompus  au  niveau  du  bord  postérieur  du 
dernier  anneau  :  les  uns  s'ouvrent  directement  au  dehors,  les  autres 
se  sont  oblitérés  et  se  terminent  en  cul-de-sac.  Si,  au  contraire,  le 
Ver  est  encore  intact,  l'appareil  excréteur  présente  des  modifica- 
tions notables  dans  les  deux  derniers  segments,  parfois  même  dans 
les  quatre  ou  cinq  derniers.  Le  système  des  fins  canalicules  à  en- 
tonnoirs vibratiles  et  le  réseau  superficiel  sont  disposés  comme 
précédemment,  tandis  que  tous  les  canaux  descendants  se  résolvent 
en  un  réseau  à  mailles  irrégulières.  Les  deux  canaux  externes  res- 
tent seuls  reconnaissables  :  tout  le  long  du  dernier  somite,  ils  émet- 
tent un  nombre  variable  de  branches  latérales  qui  vont  déboucher  à 
l'extérieur.  Ils  s'anastomosent  en  arcade  à  l'extrémité  postérieure  et, 
en  ce  môme  point,  donnent  naissance  à  une  dernière  branche  laté- 
rale, un  peu  plus  grosse  que  la  plupart  des  autres  et  qui  peut-être 
représente  un  rudiment  de  vésicule  pulsalile  terminale. 

Le  système  nerveux  de  Bothriocephalus  latus,  décrit  en  1841) 
parEm.  Blanchard,  a  été  méconnu  par  la  plupart  des  auteurs 
qui  suivirent  :  Bottcher,  puis  Sommer  et  Landois  prirent  les 
troncs  nerveux  latéraux  pour  des  vaisseaux.  Moniez  redressa 
cette  erreur,  indiqua  leur  trajet  par  toute  la  chaîne  des  an- 
neaux et  montra  leurs  relations  avec  les  vaisseaux  véritables. 
Enfin,  tout  récemment,  Nieimec  décrivit  en  détail  le  système 
nerveux  duBothriocéphale  qui  nous  occupe. 

Les  cordons  latéraux  (fig.  279,  nv)  remontent  de  la  région 
cervicale  dans  la  tête,  où  ils  continuent  à  cheminer  toujours 
dans  la  même  direction,  sans  qu'on  observe  sur  leur  trajet  ni 
ganglions  ni  commissures.  C'est  seulement  lorsqu'ils  ont  at- 
teint l'extrémité  antérieure,  qu'ils  marchent  l'un  vers  l'autre, 
se  renflent  légèrement  (ganglion  latéral)  et  s'unissent  par  une 
commissure  puissante.  Gefte  dernière  présente  en  son  milieu 
un  épaississement  pourvu  de  cellules  ganglionnaires  et  ana- 
logue au  ganglion  central  que  nous  avons  décrit  plus  haut  chez 
Tœnia  saginata(ftg.  221,  d). 

En  avant,   les    troncs    nerveux   latéraux    poursuivent  leur 

(1)  La  tête  de  B.  latus  est  entourée  d'un  fin  réseau  vasculaire,  qu'on  voit 
aisément  chez  les  individus  frais;  Bottcher  l'a  figuré  et  Knoch  dit  lavoir  ob- 
servé sur  tout  le  corps  des  jeunes. 


504  ORDRE   DES  CESTODES. 

chemin  au  delà  des  ganglions  ;  ils  envoient  à  la  couche  sous- 
cuticulaire  de  la  tête  une  série  de  filets  délicats  ;  d'autres  fibres 
nerveuses  semblent  se  réunir  dans  le  plan  transversal  pour  for- 
mer une  sorte  d'anneau  nerveux  antérieur.  Immédiatement 
au-dessous  des  ganglions  latéraux,  par  lesquels  ils  se  termi- 
nent, les  troncs  principaux  donnent  naissance  à  quatre  nerfs 
de  chaque  côté.  Ces  huits  filets  prennent  d'abord  une  direction 
radiaire,  mais  se  recourbent  bientôt  en  arrière  pour  accompa- 
gner les  cordons  principaux,  disposition  très  analogue  à  celle 
que  nous  présentaient  les  Ténias.  En  somme,  la  ressemblance 
est  grande  entre  le  système  nerveux  des  Ténias  et  celui  des 
Bothriocéphales,  mais  celui  de  ces  derniers  représente  un  état 
plus  simple  et  plus  primitif  de  l'évolution. 

Passons  maintenant  à  l'étude  de  l'appareil  reproducteur  et 
voyons  quelle  est  sa  structure  sur  un  anneau  mûr. 

L'appareil  génital  mâle  doit  être  étudié  par  la  face  supé- 
rieure ou  dorsale.  Il  est  constitué  par  un  très  grand  nombre  de 
follicules  testiculaires,  découverts  par  Eschricht  en  1841.  Ceux-ci 
(fig.  280,  a  ;  fig.  281 ,  b),  au  nombre  de  près  de  i  200  par  anneau, 
s'étendent  en  une  couche  simple  au  sein  du  parenchyme;  en 
dehors  des  grands  vaisseaux  latéraux,  ils  occupent  tout  l'es- 
pace interposé  aux  deux  plans  musculaires  ;  en  dedans  de  ces 
vaisseaux  (fig.  280,  D),  ils  n'occupent  qu'une  zone  rétrécie  : 
quelques-uns  pourtant  s'avancent  jusqu'à  l'utérus  et  se  logent 
même  entre  ses  circonvolutions. 

Les  follicules,  de  forme  ronde  ou  ovalaire,  mesurent  en 
moyenne  136  ja  :  ils  ne  sont  limités  par  aucune  membrane  d'en- 
veloppe et  représentent  de  simples  cavités  creusées  dans  le  pa- 
renchyme et  remplies  par  les  éléments  séminaux.  Ils  provien- 
nent d'une  différenciation  des  cellules  du  parenchyme  :  on  voit 
d'abord  lescellules  indépendantes,  isolées  les  unes  des  autres  et 
munies  chacune  de  deux  ou  plusieurs  prolongements  qui  la  rat- 
tachent au  tissu  ambiant;  plus  tard,  par  suite  de  leur  prolifé- 
ration, de  leur  augmentation  de  taille  et  de  la  transformation 
fibrillaire  des  éléments  interposés,  ces  cellules  se  groupent  en 
follicules  et  donnent  naissance  à  des  spermatozoïdes,  pourvus 
d'une  très  fine  tête  globuleuse  et  d'une  longue  queue. 

Les  follicules  les  plus  proches  de  la  ligne  médiane  arrivent 
les  premiers  à  maturité.  Au  fur  et  à  mesure  qu'ils  produisent 


BOTHRIOCEPHALUS  latus. 


50o 


des  spermatozoïdes,   ceux-ci  s'acheminent  vers  le  canal  défé- 
rent: ils  se  disposent  ainsi  en  traînées  rayonnantes  (fig.  280,  b; 


Tig.  280.  —  Partie  moyenne  d'un  anneau  de  Bothriocephalus  latus,  vu  par 
la  face  supérieure  ou  mâle,  d'après  Sommer  et  Landois.  La  couche  corticale 
de  l'anneau  est  enlevée,  à  l'exception  d'une  petite  bordure  et  la  couche 
moyenne  (parenchyme)  est  mise  à  nu.  —  A,  bord  antérieur  de  l'anneau; 
B,  bord  postérieur;  C,  portion  antérieure  de  l'anneau  suivant;  D,  grand 
vaisseau  latéral  ;  E,  couche  corticale  ;  F,  couche  moyenne  ou  parenchyme. 
a,  follicules  testiculaires  ;  h,  traînées  spermatiques  ;  c,  citerne  spermatique  ; 
d,  canal  déférent;  e,  corps  en  cloche;  f,  poche  du  cirre  ;  g,  vulve;  h,  vagin; 
i,  réservoir  séminal;  l,  lobes  latéraux  de  l'ovaire;  m,  oviducte;  n,  vitello- 
ducte;  o,  lobe  ovarien  impair;  p,  dilatation  fusiforme  de  l'utérus  à  son 
origine;  g,  utérus.  —  Le  premier  e  à  la  droite  de  g  doit  être,  remplacé  par 
la  lettre  /'. 

fig.  281,  d),  qui  se  jettent  les  unes  dans  les  autres  et  viennent 
aboutirflnalementàun  réservoircommun  (fig.  280,  c;Gg.281,e), 


506  ORDRE  DES  CESTODES. 

sorte  de  citerne  spermatique  située  sur  la  ligne  médiane.  Il  est 
probable  que,  comme  chez  les  Ténias,  ces  traînées  sont  de 
simples  lacunes  creusées  dans  le  parenchyme  et  dépourvues  de 
paroi  propre.  Quelques-unes  d'entre  elles,  en  raison  de  la  sta- 
gnation du  sperme,  produit  en  grande  abondance,  peuvent  ac- 
quérir de  notables  dimensions  (fig.  281,  d'). 

Un  fait  remarquable,  c'est  que  le  sperme  élaboré  par  les 
testicules  de  la  portion  antérieure  de  l'anneau  ne  se  rend 
point  à  la  citerne  séminale  de  ce  même  anneau,  mais  bien  à 
la  citerne  de  l'anneau  précédent  (fig.  281,  a,  c).  Cette  disposi- 
tion, pensons-nous,  tient  à  ce  que  les  segments  du  Bothriocé- 
phale  sont  moins  indépendants  les  uns  des  autres  que  ne  le 
sont  ceux  des  Ténias  ;  une  autre  preuve  de  cette  plus  grande 
solidarité  nous  est  encore  donnée  par  le  fait,  signalé  déjà  plus 
haut,  que  le  Bothriocéphale  ne  rejette  pas  spontanément  ses 
anneaux.  A  ce  double  point  de  vue,  le  Bothriocéphale  doit 
être  considéré  comme  moins  différencié  que  le  Ténia,  bien 
qu'il  le  soit  plus  que  d'autres  Cestodes,  la  Ligule  par  exemple. 

Par  sa  portion  antérieure,  la  citerne  spermatique  donne  nais- 
sance au  canal  déférent  (fig.  280,  d\  fig.  281,  /).  Ce  canal, 
limité  par  une  délicate  membrane,  a  un  parcours  des  plus  si- 
nueux; ses  ondulations  accompagnent  celles  de  l'utérus,  mais 
sont  situées  dans  un  plan  supérieur,  immédiatement  au-des- 
sous de  la  couche  musculaire  dorsale.  Les  dimensions  du  canal 
déférent  varient  suivant  son  état  de  réplél.ion  :  elles  peuvent 
osciller  ainsi  entre  25  et  75  j/.,  sans  que  d'ailleurs  il  présente 
partout  le  même  calibre.  Malgré  ses  nombreuses  circonvolu- 
tions, sa  direction  générale  est  posléro-antérieure  et  médiane. 
Quand  l'utérus  se  remplit  d'œufs,  l'anneau  s'allonge  et  s'élargit 
tout  à  la  fois  et,  pour  se  conformer  à  cette  augmentation  de 
taille,  le  canal  déférent  s'étire  plus  ou  moins;  ses  ondula- 
tions s'effacent  en  partie,  parfois  même  il  devient  presque  rec- 
tiligne. 

A  son  extrémité  antérieure,  le  canal  déférent  aboutit  au 
corps  en  cloche  ou  bulbe  de  la  poche  du  clrre  (fig.  280,  e  ; 
fig.  281,  g;  fig.  282,  b),  organe  ovoïde  formé  de  fibres  très  ser- 
rées, disposées  en  une  couche  épaisse;  de  ses  fibres  se  déta- 
chent, à  l'intérieur,  des  cils  dirigés  en  bas  et  vers  le  centre  de 
la  cavité,  cils  dont  la  nature  cellulaire  n'est  pas  douteuse,  puis- 


ISOTIIRIOCEPIIALUS  LATUS. 


507 


'gggg* 

oàm 

ZOcg 

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Â.     I     A 


\JJ?r  GO 


ooiécOqPô'  /, 


ïrig.  281.  —  Partie  moyenne  d'un  anneau  mûr,  vu  par  la  face  supérieure  ou 
mâle,  d'après  Sommer  et  Landois.  —  a,  follicules  testiculaires  de  la  portion 
antérieure  de  l'anneau,  qui  déversent  leur  sperme  dans  le  canal  déférent 
de  l'anneau  précédent;  b,  testicules;  c,  testicules  de  la  portion  antérieure 
de  l'anneau  suivant  ;  d,  traînées  spermatiques;  d' ,  traînée  spermatique  très 
dilatée  par  une  accumulation  de  sperme;  e,  citerne  spermatique;  f,  canal 
déférent;  g,  corps  en  cloche  ;  h,  muscles  radiaires  de  la  poche  du  cirre; 
i,  enveloppe  musculeuse  de  la  poche  du  cirre;  k,  lobe  latéral  de  l'ovaire; 
l,  oviducte;  m,  vitelloducte  ;  n,  lobe  ovarien  impair;  o,  point  d'union  de 
l'oviducte  avec  l'utérus;  p,  dilatation  fusiforme  de  l'utérus  à  son  origine; 
<7,  circonvolutions  cntéroïdes  de  la  partie  postérieure  de  l'utérus;  r,  anses 
utérines. 


508  ORDRE  DES   GESTODES. 


qu'ils  sont  rattachés  par  leur  prolongement  interne  aux  fibres 
qui  constituent  la  trame  du  bulbe.  A  l'extérieur,  de  gros  élé- 
ments, doués  sans  doute  de  propriétés  musculaires,  rayonnent 
de  la  couche  fibrillaire feutrée  qui  forme  le  bulbe;  ils  s'y  rat- 
tachent par  une  extrémité,  tandis  que  par  l'autre  ils  passent 
aux  tissus  ambiants. 

Au  delà  du  bulbe,  le  canal  déférent  aboutit  enfin  à  la  poche 
du  cirre  (fig.  280,  /*;  fig.  281,  h,  i;  fig.  282,  G),  à  l'intérieur  de 
laquelle  il  décrit  un  trajet  sinueux  et  se  montre  revêtu  d'une 
mince  cuticule.  La  poche  du  cirre  est  une  cavité  ovoïde,  longue 
de  644  {x,  large  de  444 [/.;  sa  grosse  extrémité,  dirigée  en  avant, 
est  tournée  vers  la  face  dorsale  de  l'anneau;  sa  petite  extré- 
mité est  reportée  en  arrière  et  s'ouvre  à  la  face  ventrale  par  un 
orifice  qui  est  le  pore  génital  (fig.  282,  H).  Celui-ci  donne  accès 
dans  le  sinus  génital,  i,  dans  lequel  le  canal  déférent  se  termine 
par  une  portion  libre,  c,  percée  à  son  sommet  d'un  orifice  par 
où  s'écoule  le  sperme.  Cette  extrémité  libre  du  canal  déférent 
est  le  cirre  ;  elle  peut  se  renverser  et  saillir  au  dehors  sous 
l'influence  des  contractions  de  la  poche;  peut-être  alors  est- 
elle  capable  de  pénétrer  dans  la  vulve,  d,  qui  se  trouve  située 
tout  à  côté,  bien  que  Sommer  et  Landois  n'admettent  pas  cette 
intromission. 

La  poche  du  cirre  est  une  cavité  musculaire,  formée  inté- 
rieurement d'une  puissante  couche  de  muscles  radiaires 
(fig.  281,  h)\  à  la  périphérie,  elle  est  limitée  par  une  seconde 
couche  musculeuse,  i,  conslituantun  solide  feutrage.  Le  cirreest 
réuni  à  la  face  interne   de  sa  poche  par   un  réticulum  fibreux. 

Les  glandes  génitales  femelles  sont  constituées  par  trois 
lobes  ovariens,  développés  dans  le  parenchyme  de  la  partie  pos- 
térieure de  l'anneau.  Deux  de  ces  lobes,  disposés  symétrique- 
ment de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane  (fig.  280,  /;  fig.  282,  J), 
sont  réunis  l'un  à  l'autre  par  une  partie  moyenne,  autour  de 
laquelle  ils  semblent  rayonner;  ils  sont  rapprochés  de  la  face 
ventrale,  situés  au-dessous  de  l'appareil  mâle  et  renfermés  dans 
la  zone  médiane  de  l'anneau  :  il  n'est  pourtant  point  rare  de 
les  voir  s'étendre  jusque  dans  les  zones  latérales  et  même  y 
acquérir  un  développement  assez  considérable.  Les  deux  lobes 
latéraux  sont  considérés  par  Sommer  et  Landois  comme  re- 
présentant à  eux   seuls  le  germigène,  c'est-à-dire  le  véritable 


B0THR10CEPHALUS  LAITS. 


509 


ovaire;  par  leur  bord  postérieur,  ils   empiètent  plus  ou  moins 
sur  l'anneau  suivant. 


Fig.  282.  —  Anneau  mûr  de  Bothriocephalus  latus,  vu  par  la  face  inférieur 
ou  femelle,  d'après  Sommer  et  Landois.  —  A,  bord  antérieur  de  l'anneau; 
B,  bord  postérieur;  C,  champ  latéral  sombre;  D,  champ  médian  clair; 
E,  grand  vaisseau  latéral  ;  F,  zone  marginale  antérieure  de  l'anneau  sui- 
vant; G,  proéminence  de  la  face  ventrale  causée  par  une  saillie  de  la  poche 
du  cirre  ;  H,  pore  génital;  a,  canal  déférent;  *,  étranglements  du  canal  dé- 
férent au  niveau  desquels  le  sperme  a  subi  la  dégénérescence  graisseuse; 
h,  corps  en  cloche  ;  c,  cirre  portant  à  son  sommet  l'orifice  du  canal  déférent; 
rf,  vulve;  <?,  vestibule  du  vagin;  f,  vagin  ;  g,  réservoir  séminal  ;  h,  canal  de 
dérivation  réunissant  le  réservoir  séminal  à  l'oviducte  ;  i,  sinus  génital  ; 
j,  lobe  latéral  de  l'ovaire  (germigène);  k,  oviducte  ;  k'  orifice  du  fond  de  l'u- 
térus; /,  vitellogènes  ;  m,  conduits  vitellins  ;  n,  vitelloducte  ;  o,  lobe  ovarien 
impair  ;  /),  utérus.  —  Le  k  situé  en  haut  et  à  droite  doit  être  remplacé  par  k'. 

Ces  mêmes  observateurs  ont   décrit  comme  un  amas  de 
glandes  unicellulaires,  destinées  à  produire  la  coque  de  l'œuf,  un 


ii 


510  ORDRE  DES  CESTODES. 

troisième  lobe  ovarien,  impair  et  médian  (fig.  280,  o;  fig.  281,  n; 
fig.  282,  o;  fig.  283,  k).  Mo  niez,  qui  a  reconnu  sa  véritable  na- 
ture, lui  donne  le  nom  ftovaire  central.  C'est  un  lobe  très 
étendu,  décrivant  une  courbe  à  convexité  postérieure  ;  il  abou- 
tit en  avant  au  point  où  l'oviducte  des  deux  lobes  latéraux 
(6g.  283,  f)  vient  s'aboucher  dans  l'utérus,  i,   et  reçoit  le  tube 


Fig.  283.  —  Mode  d'union  des*  diverses  parties  de  l'appareil  génital  femelle, 
d'après  Sommer  et  Landois.  —  a,  réservoir  séminal;  6,  canal  de  dérivation 
réunissant  le  fond  du  vagin  à  l'oviducte  ;  c,  conduit  collecteur  du  vitello- 
gène;  d,  dilatation  ampullaire  de  ce  conduit;  e,  pavillon;  /",  oviducte  ; 
h,  dilatation  fusiforme  de  l'utérus  à  son  origine  ;  i,  première  circonvolution 
de  l'utérus;  k,  lobe  ovarien  impair  (glandes  coquillères  de  Sommer  et 
Landois). 

vitelloducte,  c;  par  son  extrémité  postérieure,  il  s'étend  jus- 
qu'au bord  postérieur  de  l'anneau  et  s'applique  d'autre  part 
contre  la  face  dorsale  :  il  est  donc  situé  dans  un  plan  supérieur 
à  celui  des  lobes  latéraux. 

Pour  Sommer  et  Landois,  l'ovaire  aurait  la  structure  d'une 
glande  en  tube  très  ramifiée  ;  ses  branches  seraient  limitées  par 


BOTIlRIOCtiPlIALUS  LATUS.  5H 

une  délicate  membrane  anhiste.  Moniez  a  démontré  la  faus- 
seté de  cette  opinion  et  prouvé  que  les  trois  lobes  ovariens 
avaient  une  même  origine  et  une  même  structure  :  les  ovules 
proviennent  de  cellules  parenchymateuses  modifiées  ;  celles-ci 
forment  tout  d'abord  des  amas  séparés,  mais  qui,  par  suite  de 
la  croissance  de  leurs  éléments,  se  rencontrent  et  se  fusion- 
nent de  manière  à  se  disposer  en  traînées  irrégulières  et  réti- 
culées, que  ne  limite  aucune  membrane  d'enveloppe.  Moniez  a 
constaté  en  outre  que  l'ovaire  central  est  déjà  en  voie  de  régres- 
sion dans  les  anneaux  mûrs;  ses  cellules  perdent  leur  noyau, 
subissent  la  dégénérescence  graisseuse  et  se  détruisent  sans 
se  transformer  en  ovules.  Cet  auteur  admet  que  le  lobe  ovarien 
impair  n'est  plus  qu'un  organe  rudimentaire,  sorte  de  vestige 
d'un  état  primitif  dans  Lequel  il  était  plus  développé,  les  lobes 
latéraux  n'ayant  pas  acquis  eux-mêmes  l'extension  actuelle. 

Les  lobes  latéraux  représentent  donc  l'ovaire  véritable.  La 
partie  moyenne,  par  laquelle  ils  s'unissent  l'un  à  l'autre,  donne 
naissance,  par  son  bord  postérieur,  à  un  large  pavillon  infun- 
dibuliforme,  dont  l'épaisse  paroi,  formée  de  muscles  circulaires, 
émet  par  sa  périphérie  de  grosses  cellules  musculaires  qui 
vont  se  perdre  en  rayonnant  dans  le  tissu  voisin.  Du  fond  de 
ce  pavillon  (fig.  283,  e)  part  l'oviducte  (fig.  282,  k;  fig.  283,/).  Ce 
canal'a  lui-même  une  paroi  épaisse  sur  une  assez  grande  lon- 
gueur, mais  il  ne  présente  pas  les  fibres  circulaires  caractéris- 
tiques du  pavillon.  L'oviducte  se  dirige  en  arrière,  à  la  rencontre 
du  lobe  médian  de  l'ovaire  :  au  point  où  celui-ci  vient  s'y  abou- 
cher, il  se  continue  à  plein  canal  avec  l'utérus,  dont  le  com- 
mencement est  marqué  d'une  dilatation  fusiforme  (fig.  283,  h). 
Vers  le  milieu  de  sa  longueur,  l'oviducte  communique  encore, 
au  moyen  d'un  étroit  canal  (fig.  282,  A;  fig.  283,  b),  avec  le 
réservoir  séminal  (fig.  282,  g  ;  fig.  283,  a),  qui  se  trouve  situé  à 
l'extrémité  interne  du  vagin. 

A  l'appareil  génital  femelle  se  rattachent  les  vitellogènes, 
dont  les  Ténias  ne  possèdent  aucune  trace.  Ils  constituent  un 
système  de  follicules  pairs,  situés  dans  les  champs  latéraux 
de  l'anneau,  /  ((ig.  282,  C)  et  développés  dans  la  couche  cor- 
ticale seulement,  entre  le  tissu  sous-cuticulaire  et  les  muscles 
longitudinaux. 

Moniez   a  pu  suivre  le   développement  de  ces  organes,  que 


512  ORDRE  DES  CESTODES. 

Sommer  et  Landois  considéraient  à  tort  comme  un  appareil 
glandulaire  très  ramifié.  On  voit  apparaître  d'abord,  dans  l'es- 
pace que  nous  venons  d'indiquer,  des  cellules  très  grandes, 
ayant  le  caractère  des  ovules,  nucléées,  pourvues  d'un  nucléole 
et  chargées  d'un  grand  nombre  de  granulations  vitellines.  Ces 
cellules,  dont  le  prolongement  se  continue  avec  les  éléments 
du  tissu  ambiant,  sontrapprochées,  mais  très  distinctes  les  unes 
des  autres.  Par  la  suite,  elles  augmentent  beaucoup  de  vo- 
lume, en  même  temps  que  leurs  granulations  se  multiplient 
et  deviennent  plus  grosses.  Quelques-unes  d'entre  elles  évo- 
luent isolément,  mais  la  plupart  se  groupent  en  follicules  ova- 
les ou  arrondis,  larges  de  64  à  110  jju 

Les  vitellogènes  prennent  donc  naissance  de  la  même  façon 
que  les  follicules  testiculaires  ou  ovariens;  pas  plus  que  ces 
derniers,  ce  ne  sont  des  glandes  véritables;  comme  eux  encore, 
ils  sont  dépourvus  de  membrane  d'enveloppe  et  de  canaux 
excréteurs  préformés. 

Quand  les  autres  parties  de  l'appareil  reproducteur  sont 
prêtes  à  entrer  en  fonctions,  les  cellules'vitellogènes  devien- 
nent complètement  granuleuses,  en  commençant  par  les  plus 
proches  du  centre  :  elles  rompent  leur  paroi  et  mélangent  plus 
ou  moins  leur  contenu  à  celui  des  cellules  et  des  follicules 
voisins,  en  fusant  entre  les  mailles  du  tissu.  Ainsi  se  forment 
des  traînées  de  vitellus,  les  conduits  jaunes  d'Eschricht 
(flg.  282,  m),  qui  se  réunissent' les  uns  aux  autres.  On  observe 
alors  pour  les  follicules  vitellogènes  le  fait  remarquable  que 
nous  avons  signalé  déjà  pour  les  testicules,  c'est-à-dire  que 
ceux  de  la  partie  antérieure  de  l'anneau  vont  déverser  leurs  pro- 
duits dans  l'anneau  précédent. 

Ces  produits  progressent  donc  ainsi  dans  les  tissus  de  la 
zone  corticale  de  l'anneau,  chassés  par  une  sorte  de  vis  atergo 
résultant  de  leur  .active  élaboration.  Formés  uniquement  dans 
le  champ  latéral,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  dit,  ils  empiètent 
alors  sur  la  zone  médiane,  en  convergeant  vers  la  région  occu- 
pée par  le  lobe  médian  de  l'ovaire.  En  ce  point,  les  traînées 
vitellines  aboutissent  à  un  canal  à  paroi  propre,  le  vitelloducte, 
qui  prend  naissance  en  dedans  de  la  couche  des  muscles  annu- 
laires, par  un  pavillon  comparable  à  celui  de  l'oviducte.  Le  vitel- 
loducte (fig.  281,  m;  lig.  282,  n;  fig.  283,  c)  se  dresse  vertica- 


BOTFIRÏOCEPIIALUS  LAITS.  513 

lement  à  travers  le  parenchyme  central  et,  après  un  très  court 
trajet,  dont  notre  figure  283,  empruntée  à  Sommer  etLandois, 
ne  donne  pas  une  idée  très  exacte,  il  vient  s'ouvrir  dans  l'ovi- 
ducte,  au  point  même  où  celui-ci  se  continue  avec  l'utérus. 

Le  vagin  (fig.  280,  h;  fig.  282,  /)  débute  par  une  vulve 
(fig.  280,  g;  fig.  282,  d)  située  dans  le  sinus  génital,  au  voisi- 
nage immédiat  de  son  bord  postérieur.  Cet  orifice  est  large  de 
52  à  9i  \x  et  conduit  dans  un  tube  rétréci,  le  vestibule  du  vagin 
(fig.  282,  e),  qui  passe  à  la  face  inférieure  du  bulbe  de  la  poche 
du  cirre.  Au  delà  de  cette  première  région  raccourcie,  le  vagin 
s'élargit  progressivement,  à  mesure  qu'il  se  dirige  d'avant  en  ar- 
rière, en  suivant  la  face  ventrale  de  l'anneau;  son  trajet  n'est 
pourtant  pas  absolument  rectiligne,  mais  légèrement  sinueux, 
surtout  dans  sa  partie  postérieure.  Il  passe  immédiatement  au- 
dessus  du  plan  musculaire  inférieur,  c'est-à-dire  qu'il  est  ren- 
fermé dans  la  zone  moyenne  du  corps  ;  il  est  recouvert  par  les 
circonvolutions  de  l'utérus,  mais  recouvre  à  son  tour  la  termi- 
naison antérieure  de  cet  organe,  ainsi  que  la  partie  médiane 
des  lobes  latéraux  de  l'ovaire. 

Le  vagin,  découvert  par  Stieda,  est  limité  par  des  petites  cel- 
lules pourvues  de  cils  dans  toute  sa  longueur.  En  arrière,  il  se 
termine  par  une  vaste  dilatation  ou  réservoir  séminal 
(fig.  282,  g;  fig.  283,  a),  dont  la  paroi  est  dépourvue  de  cils, 
mais  est  tapissée  par  des  cellules  plus  petites  que  celles  du 
tube  vaginal.  C'est  dans  ce  réservoir,  dont  les  dimensions  peu- 
vent varier  de  150  \i  à  220  [l,  suivant  son  état  de  réplétion, 
que  les  spermatozoïdes,  introduits  par  la  vulve,  viennent  s'accu- 
muler en  attendant  le  moment  de  la  fécondation.  Quand  ce 
moment  est  venu,  ils  s'engagent  dans  un  canal  (fig.  282,  h; 
fig.  283,  b),  large  seulement  de  7  |x,  que  nous  avons  déjà  signalé 
plus  haut  comme  faisant  communiquer  le  réservoir  spermati- 
que  avec  l'oviducte. 

La  seconde  moitié  de  l'oviducte  est  donc  une  région  d'une 
haute  importance,  puisque  c'est  là  que  viennent  se  rencontrer 
les  ovules  amenés  par  le  pavillon,  les  spermatozoïdes  déversés 
par  le  vagin  et  les  éléments  vitellins  charriés  par  le  vitelloducte  ; 
toutefois,  les  choses  sont  disposées  de  telle  sorte  que  le  germe, 
jusqu'alors  représenté  par  une  cellule  nue,  puisse  être  fécondé 
avant  d'être  englobé  par  le  vitellus.  C'est  évidemment  en  cet 

Blanchard.  —  ZjoI.  raéd.  33 


ni  4  ORDRE   DES  CESTODES. 

endroit  que  l'œuf  complet  s'organise,  sans  que  ncus  puissions 
encore  préciser  comment  se  fait  cette  organisation.  Un  peu 
plus  loin,  au  commencement  de  l'utérus,  l'œuf  est  déjà  parfai- 
tement isolé  :  sa  coque,  qui  a  la  signification  d'une  membrane 
vitelline,  a  acquis  son  épaisseur,  sinon  sa  solidité  définitive; 
elle  renferme  la  jeune  cellule-œuf  avec  tout  le  viteilus  de  nu- 
trition. A  parlir  de  ce  moment,  l'œuf  se  trouve  définitivement 
constitué  :  il  a  la  forme  et  la  structure  que  nous  lui  avons 
reconnues  au  début  de  ce  chapitre. 

Après  avoir  acquis  dans  l'oviducte  ses  derniers  éléments, 
l'œuf  pénètre  dans  l'utérus.  Cet  organe  est  représenté  par  un 
tube  dont  la  direction  générale  s'étend  d'arrière  en  avant,  sui- 
vant la  ligne  médiane,  mais  dont  le  trajet  est,  en  réalité,  des 
plus  sinueux  (fig.  280,  q;  fig.  281,  r ;  fig.  282,  p).  L'utérus  dé- 
bute par  une  dilatation  fusiforme,  large  de  40  p  (fig.  280, p; 
iig.  281,  p;  fig.  283,  h),  qui  se  continue  par  un  canal  rétréci, 
dont  les  ondulations  et  les  sinuosités  ont  été  comparées  aux 
circonvolutions  de  l'intestin  de  l'Homme  (fig.  281,  q; 
fig.  283,  i). 

Au  delà  de  cette  première  région,  l'utérus  s'élargit  graduelle- 
ment, sans  présenter  pourtant  de  calibre  bien  régulier,  et  décrit, 
de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane,  cinq  à  sept  grandes  anses 
qui  passent  au-dessus  de  l'ovaire  et  du  vagin  et  s'étendent  à 
peine,  sur  les  côtés,  jusqu'au  vaisseau  longitudinal.  Les  deux 
dernières  anses  atteignent  le  niveau  de  la  poche  du  cirre,  en 
arrière  de  laquelle  elles  se  disposent  en  arc  de  cercle.  Finale- 
ment, le  tube  utérin  vient  se  terminer  sur  la  ligne  médiane  et 
déboucher  au  dehors  par  un  pore  ventral,  situé  un  peu  en  ar- 
rière du  sinus  génital  (fig.  282,  A'). 

L'utérus  n'a  pas  la  môme  structure  sur  toute  son  étendue  La 
partie  initiale  a  une  paroi  cellulaire  relativement  très  mince, 
tandis  que  le  reste  du  tube  a  une  paroi  fort  épaisse,  constituée 
par  plusieurs  assises  de  grosses  cellules  fusiformes,  rattachées 
au  parencbyme  par  leurs  prolongements.  (Juandles  œufs  vien- 
nent s'accumuler  dans  sa  cavité,  l'utérus  se  dilate  considérable- 
ment ;  ses  circonvolutions  s'écartent  les  unes  des  autres,  par 
suite  de  rallongement  de  l'anneau  ;  en  môme  temps,  les  cel- 
lules de  la  paroi  du  canal  se  disposent  sur  une  seule  couche  et 
parfois  môme  perdent  leur  contact  réciproque. 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS. 


5ii 


Telle  est  la  structure  des  anneaux  mûrs.  Parvenus  à  cet  état, 
les  segments  vont  commencer  à  pondre  leurs  œufs  dans  Tintes- 
tin  (1),  en  même  temps  que  leurs  glandes  génitales  entreront 
en  régression.  L'évolution  des  appareils  reproducteurs  marche 
rapidement  et  la  ponte  commence  de  bonne  heure,  puis- 
que Braun  a  constaté  qu'elle  se  faisait  déjà  à  50  ou  60  centi- 
mètres de  la  tête  :  les  œufs  sont  déjà  développés,  quoique 
en  petite  quantité,  chez  un  Bothriocéphale  âgé  de  deux  se- 
maines. 

Quand  l'utérus  est  distendu  par  les  œufs,  ses  sinuosités  se 
voient  facilement  par  transparence, 
si  on  examine  l'animal  par  la  face 
ventrale  :  il  se  présente  alors  sous 
l'aspect  d'une  rosette  ou  d'une  fleur 
de  Lis,  aspect  que  les  anciens  auteurs 
avaient  grand  soin  de  signaler  comme 
la  principale  caractéristique  du  «Taenia 
lata  »  (fig.  276,  d,  e,  f;  fig.  284)  ;  en 
particulier,  c'est  à  cause  de  cette  struc- 
ture, qui  parcourt  l'axe  du  corps  du 
Bothriocéphale  comme  l'épine  dorsale 
parcourt  la  ligne  médiane  du  corps 
d'un  Vertébré,  qu'Andry  décrivit  ce 
Ver  sous  le  nom  de  Ténia  à  épine. 

A  mesure  que  l'utérus  se  vide,  l'an- 
neau se  rétrécit  etla  rosette  disparaît. 
Ce  n'est  donc  point,  comme  chez  les 
Ténias,  sur  les  derniers  anneaux  de 
l'animal,  mais  bien  sur  les  anneaux 

du  milieu  de  sa  longueur,  que  les  caractères  distinctifs  sont  le 
mieux  accusés.  Toutefois,  même  pour  les  segments  dont  la 
ponte  est  achevée,  l'existence  d'un  double  orifice  sur  la  ligne 
médiane  de  la  face  ventrale  permettra  toujours  de  reconnaître 
à  coup  sûr  la  nature  du  parasite. 

(1)  Meschede  (Tageblatt  der  45.  Yersammlung  deutsclier  Naturforscher  und 
Aerzte  iu  Leipzig,  p.  186,  1872.  —  Voir  aussi  :  Zuv  pathologischen  Anatomie 
des  Hesessenheitswahns.  Allgem.  Zcitschrift  fur  Psychiatrie,  XXX,  p.  100,  1874) 
attribue  un  cas  de  folie  épileptique  à  la  présence  d'œufs  de  Bothriocéphale 
dans  la  substance  du  cerveau.  Dans  ce  cas,  il  s'agissait  probablement  do 
Coccidies. 


Fii.  284.  —  Trois  anneaux  du 
Bothriocéphale,  vus  par  la 
face  ventrale  et  montrant  la 
rosette  formée  par  l'utérus. 
—  a,  mamelon  formé  par  la 
poche  du  cirre;  6,  pore  ven- 
tral do  l'utérus.  Sur  le  pre- 
mier anneau,  le  cirre  fait 
saillie  au  dehors. 


L!0  ORDRE  DES  CESTODES. 

D.  F.  Escliricht,  Anntomisch-physioloyische  Untersuchunge?i  ùber  die  Bo- 
thriocephalen.  Nova  Acta  Acad.  cœs.  Leop.-Carol.  naturae  curiosorum,  XIX, 
suppl.  II,  1841. 

Em.  Blanchard,  Recherches  sur  L  organisation  des  Vers.  Annales  des  se. 
nat.,  (3),  XI,  p.  113,  1849. 

L.  Stieda,  Ein  Beitrag  zur  Anatomie  des  Bothriocephalus  latus.  Archiv  fur 
Anatomie,  p.  17  i,  ISG'i. 

Arth.  Bôttcher,  Studien  ùber  den  Bail  des  Bolhriocephalus  latus.  Virchow's 
Archiv,  XXX,  p.  97,  1864.  —  Id.,  Verschiedene  Mittheilungen.  —  /.  Das  ober- 
flackiicke  Gefdsssystem  des  Bothriocephalus  latus.  Ibidem,  XLVII,  p.  370,  1869. 

F.  Sommer  und  L.  Landois,  Beitràge  zur  Anatomie  der  Plattwùrmer.  — 
/.  Ueber  den  Bau  der  geschlechtsreifen  Glieder  von  Bothriocephalus  latus 
Bremser.  Z.  f.  w.  Z.,  XXII,  p.  40,  1872. 

J.  Niemiec,  Sur  le  système  nerveux  des  Bothriocéphaiides.  Comptes  rendus 
de  l'Acad.  des  sciences,  C,  p.  1013,  1885. 

Comme  les  Ténias,  le  Bothriocéphale  est  sujet  à  diverses  anoma- 
lies dont  la  connaissance  n'est  pas  indifférente  au  médecin. 

Le  dédoublement  des  orifices  sexuels  est  une  des  monstruosités 
les  pius  fréquentes.  Le  Musée  de  Vienne,  au  dire  de  Bremser,  a  reçu 
de  Sômmerring  «  un  fragment  de  Bothriocéphale  qui  fait  voir,  à 
l'endroit  où  il  a  été  déchiré  (ce  qui  a  pu  avoir  lieu  dans  toute  la 
longueur  de  l'animal)  deux  fossettes  sur  chaque  articulation  ;  ces  fos- 
settes ne  sont  pas  placées  l'une  après  l'autre,  mais  bien  l'une  à  côté 
de  l'aulre.  Cette  disposition  des  fossettes  ne  se  trouve  cependant  que 
sur  onze  articulations,  car  au  delà  de  la  onzième  il  n'y  a,  sur  le  reste 
du  morceau,  qu'une  seule  fossette  sur  chaque  articulation.  »  Délie 
Chiaje  figure  également  un  individu  chez  lequel  celte  anomalie 
s'observait  sur  six  anneaux. 

Cette  monstruosité  est  très  fréquente  chez  certaines  espèces  de 
Bothriocéphales  :  Krabbe  l'a  rencontrée  sur  plusieurs  exemplaires  de 
Bothriocephalus  variabilis,  parasite  de  Phoca  crislata.  La  duplicité  des 
organes  génitaux  serait  môme  la  règle  chez  B.  fasciatus,  parasite  de 
Phoca  hispida. 

Une  autre  anomalie,  dont  on  ne  connaît  encore  qu'un  seul  exem- 
ple et  que  nous  croyons  devoir  rapprocher  de  celle  qui  donne  aux 
anneaux  des  Ténias  l'aspect  trièdre,  a  été  décrite  par  Pittard,  d'après 
un  échantillon  du  Musée  Huntérien  du  Collège  of  Surgeons  :  «  Du 
côté  droit,  il  y  a  trois  demi-segments  ;  celui  du  milieu  s'unit  à  deux 
demi-segments  du  côté  gauche  et  laisse  isolées  et  indépendantes  la 
supérieure  et  l'inférieure  de  ces  trois  moitiés  droites  ;  l'une  de  celles- 
ci  renferme  un  appareil  reproducteur.  » 

Le  Ver  décrit  par  Grassi  sous  le  nom  de  Bothriocephalus  latus,  var. 
tcnellus  ne  constitue  évidemment  qu'une  simple  variété  du  parasite 
qui  nous  occupe  :  l'individu  examiné  par  le  naturaliste  italien  pré- 
pentait  une   c\lré  ne   finesse  et   une    largeur    maximum   de   '2    mil- 


BOTHRIOCEPHALUS   LATTS. 


oi7 


limètres.    Pallas   signalait    déjà,    en    1781,   une   variété    semblable. 

Par  contre,  nous  croyons  devoir  considérer,  au  moins  provisoire- 
ment, comme  appartenant  à  une 
variété  à  larges  anneaux,  les  Vers 
observés  récemment  à  Lausanne 
par  le  Dr  Ed.  Bugnion,  et  dont  ce 
savant  a  bien  voulu  nous  adresser 
de  belles  photographies. 

L'anomalie  de  toutes  la  plus  fré- 
quente est  la  perforation  des  an- 
neaux :  le  Bothriocéphale  présente 
alors  l'aspect  si  singulier  que  nous 
avons  étudié  déjà  chez  les  Ténias 
(fig.  239);  ses  segments sontpercés 


ÊÊÊLM 
ÊÊÊÊ  'lit1 

il    ,|| 


à  jour,  par  suite  d'une  perte  de  sub- 
stance due  à  la  rupture  de  l'utérus 
et  à  l'expulsion  de  son  contenu.  La 
perforation  peut  se  développer  à 
des  degrés  divers  :  dans  le  cas  le 
plus  simple,  elle  ne  siège  que  sur 
quelques  anneaux,  comme  cela  se 
voyait  dans  les  cas  observés  par 
Rayer  et  par  Laboulbène  (fig.  285). 
A  un  degré  plus  avancé,  elle  s'étend 
à  un  grand  nombre  d'anneaux  et 
les  troncs  de  plusi  eurs  anneaux 
consécutifs  peuvent  s'unir  entre 
eux  pour  former  des  fentes  plus  ou 
moins  allongées,  comme  si  le  Ver 
était  bifide.  Si  l'animal  vient  à  se 
rompre  au  niveau  de  celte  fente 
longitudinale,  l'extrémité  posté- 
rieure du  corps  se  montrera  comme 
bifurquée  sur  une  étendue  plus  ou 
moins  considérable,  formant  ainsi 
deux  lanières  longues  et  étroites. 
On  conçoit  d'ailleurs  que  ces  divers 
degrés  de  l'anomalie  puissent   se 

rencontrer  sur  un  seul  et  môme  Bothriocéphale,  comme  cela  s'ob- 
servait dans  les  cas  de  Pallas,  de  Bremscr,  de  Boéchat  et  de  Fock 
(cité  par  Lereboullet). 

Pallas  est  le  premier  auteur  qui  ait  décrit  et  figuré  la  perforation 
des  anneaux  du  Bothriocéphale.  En  outre  des  observateurs  que  nous 


Fi 


g.  2S5.  —  Botlirioccpliales  fenêtres. 
—  A,  cas  de  Rayer;  B,  cas  de  La- 
boulbène. 


ol8  ORDRE  DES  CESTODES, 

avons  nommés,  délie  Ghiaje  et  Fiévet  ont  encore  signalé  cette  ano- 
malie ;  Seeger  la  considérait  comme  très  fréquente. 

Pallas,  Neue  nordische  Beitrage.  Saint*Petersburg  und  Leipzig,  1781.  — 
Bemerkungea  ùber  die  Bandwùrmer  in  Menschen  und  Thieren,  fig.  III,  10. 

Brcmser,  Traité  zoologiqun  et  physiologique  sur  les  Vers  intestinaux  de 
V Homme.  Paris,  1837.  —  Voir  p.  172  et  Atlas  de  Ch.  Leblond,  pi.  IV,  fig.  8  à  1'?. 

S.  délie  Chiaje,  Elmintografia  umana.  Napoli,  2a  edizione,  1833,  pi.  III, 
fig.  3.  —  4a  ediz.,  1844,  pi.  IV,  fig.  3. 

J.  G.  Fiévet,  Quelques  mots  sur  les  helminthes  de  Vllomme.  Thèse  de  Paris, 
n"  235,  1855.  Voir  p.  11. 

S.  R.  Pittard,  Symmetry.  Todd's  Cyclopasdia,  IV,  p.  848,  1849-1852. 

H.  Krabbe.  Recherches  helminthologijues...,  p.  34  et  33.  — Id.,  Diplocotyle 
Olriki,  en  uleddet  Baendelorm  af  Bnthrioceplialeriies  Gruppe.  Yidenskab. 
Medd.  fra  den  naturhist.  Forening  i  Kjdbenhavn,  p.  22,  fig.  7,  8  et  9,  1874. 

P.  Boécliat,  Sur  un  cas  de  Vers  intestinaux  chez  l'Homme.  Compte  rendu 
de  la  Soc.  de  biologie,  p.  336,  1874.  Gazette  médicale,  p.  581,  1874. 

Lereboullct,  Présentation  d'un  Bothriocephulus  latus  fenêtre  et  à  extrémités 
bifides.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  (2),  XIII,  p.  320,  1876. 

Laboulbène,  Communicrdion  sur  le  liothriocéphale.  Ibidem,  XIV,  p.  269,  1878. 

B.  Grassi,  Intorno  ad  un  Botriocefalo  delï  Uomo.  Milano,  1880. 

L'appareil  de  fixation  du  Bothriocéphale  semble  être  moins 
parfait  que  celui  des  Ténias.  On  a  cru  devoir  en  conclure  que  ce 
parasite  restait  moins  longtemps  dans  l'intestin  et  était  plus  fa- 
cile à  expulser  que  les  autres  Gestodes  :  or,  c'est  précisément 
l'inverse  qui  se  produit  et,  suivant  Laboulbène,  ce  Ver  est,  de 
tous  les  Cestodes,  le  plus  tenace  et  le  plus  difficile  à  évacuer. 
Moslera  vu  àGreifswald,  où  le  Bothriocéphale  n'est  pas  endé- 
mique, un  Ver  expulsé  par  un  malade  qui,  6  ans  auparavant, 
avait  habité  la  Suisse^française.Bremser  parle  d'un  jeuneSuisse, 
sorti  depuis  12  ans  de  son  pays  et  qui  ne  fut  averti  qu'au  bout  de 
ce  temps,  par  l'évacuation  de  quelques  morceaux,  qu'il  héber- 
geait un  Bothriocéphale  dans  son  intestin.  Le  malade  observé 
par  Frazer  à  Dublin  était  originaire  de  la  Pologne  russe  :  il  avait 
voyagé  quelque  temps  dans  l'Allemagne  du  nord  et  habitait 
l'Irlande  depuis  12  ans.  Leuckart  parle  également  d'un  profes- 
seur allemand  qui  nourrissait  depuis  12  ans  un  Bothriocéphale 
contracté  à  Dorpat.  Mosler  cite  encore  le  cas  d'un  individu  qui 
ne  se  débarrassa  définitivement  qu'en  1873  d'un  parasite  ac- 
quis à  Dorpat  en  1859,  c'est-à-dire  M  ans  auparavant.  Knoch 
a  vu  la  maladie  durer  20  ans  et  Seeger  21  ans. 

Pas  plus  que  le  Ténia,  le  Bothriocéphale  n'est  expulsé  spon- 
tanément au  cours  des  maladies  graves  :  dans  la  seconde  ob- 
servation  de  Mosler,    ce   parasite    avait    résisté  à    une   lièvre 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS.  810 

typhoïde  et  à  une  fièvre  rémittente.  L'opinion  de  Rudolphi  et 
de  Bremser,  d'après  laquelle  on  n'aurait  jamais  rencontre  de 
Bothriocéphale  sur  le  cadavre  est  donc  difficilement  admissible 
a  priori  :  en  effet,  des  observations  nombreuses  sont  venues 
démontrer  qu'elle  n'était  pas  exacte. 

O'Brien  Bellingham  signale  comme  constituant  le  troisième 
cas  de  Bothriocéphale  en  Irlande  un  Ver  trouvé  à  l'autopsie 
d'un  individu  mort  dans  les  hôpitaux  de  Dublin.  Bôttcher  parle 
d'une  femme,  à  l'autopsie  de  laquelle  on  trouva  dans  l'intestin 
près  d'une  centaine  de  Bothriocéphales,  qui  tous  ne  mesu- 
raient que  quelques  pouces  de  longueur,  à  l'exception  d'un 
seul,  long  d'environ  une  aune.  D'après  Cruse,  le  parasite  a  été 
rencontré  à  Dorpat  28  fois  sur  ï82  autopsies,  soit  dans  6  pour 
100  des  cas;  Hirsch  dit  qu'on  le  trouve  à  Saint-Pétersbourg 
dans  15  autopsies  sur  100.  Le  professeur  Damaschino  a  vu  dans 
l'intestin  grêle  un  Bothriocéphale  long  de  70  centimètres. 

Jusqu'à  présent,  on  ne  connaît  aucun  exemple  de  Bothriocé- 
phale expulsé  par  une  autre  voie  que  l'anus.  Seule,  l'observa- 
tion rapportée  par  Itzigsohn  pourrait  donner  le  change  :  ce  mé- 
decin fut  appelé  à  Neudamm  (Brandebourg),  où  le  Bothriocé- 
phale n'est  pas  endémique,  auprès  d'un  enfant  d'un  an  qui, 
assurait-on,  venait  de  vomir  un  Ver.  On  lui  montra  effective- 
ment un  Bothriocéphale,  mais  un  examen  rigoureux  des  cir- 
constances permit  de  reconnaître  que  l'enfant  avait  joué  avec 
un  Pigeon  tué  la  veille  par  son  père  et  dans  lequel  on  put  re- 
trouver un  Ver  tout  semblable. 

Le  Bothriocéphale  est  ordinairement  solitaire  dans  l'intes- 
tin ;  on  a  pu  pourtant,  dans  bien  des  cas,  en  observer  un  plus 
ou  moins  grand  nombre  chez  le  même  individu.  Sur  les  côtes 
de  la  province  de  Norrbotten  (Suède),  où  ce  parasite  est  endé- 
mique, le  Ver,  au  dire  de  Magnus  Huss,  est  rarement  solitaire; 
en  Danemark,  d'après  Krabbe,  on  trouve  également,  dans  la 
plupart  des  cas,  2  ou  3  parasites  de  cette  espèce  chez  le  même 
malade.  Bonnet  dit  que  Herrenschwand  lui  fit  voir  2  Vers,  longs 
de  plusieurs  aunes,  expulsés  à  la  l'ois  par  la  môme  personne. 
Brandt,  Wagler  et  Rontet  (d'Anvers)  en  ont  également  vu  éva- 
cuer 2.  Guze,  qui  cite  l'observation  de  Wagler,  dit  qu'on  en 
trouve  fréquemment  3  et  davantage.  Une  femme  qui  était,  en 
18i3,  dans  le  service  de  Rayer,  à  la  Chanté,  rendit  3  Bothriocé- 


H20  ORDRE  DES  CESTODES. 

phales  à  la  fois;  Parona  vit,  à  l'hôpital  de  Varese,  un  malade 
expulser  3  Vers,  dont  chacun  mesurait  près  de  16  mètres;  Schoch 
(de  Zurich)  vit  un  cas  semblable.  Cari  Vogt  vit  expulser  4  para- 
sites d'un  coup.  Le  professeur  Laboulbène  a  vu,  à  l'hôpital  de  la 
Charité,  un  Polonais,  récemment  arrivé  à  Paris,  qui  rendit  4  ou 
5  Bothriocéphales.  Ronus  (de  Bâle)  en  vit  expulser  6.  Polese,  en 
1837,  vit  rendre  d'un  seul  coup  9  Vers,  dont  6  étaient  entiers 
et  longs  de  15  à  20  pieds  ;  Maurice  a  rapporté  récemment  une 
observation  analogue.  Enfin,  Heller  a  vu  un  malade  expulser 
48  jeunes  Bothriocéphales  et  Bottcher  en  a  trouvé  près  d'une 
centaine  en  pratiquant  une  autopsie. 

Le  Bothriocéphale  peut  vivre  dans  l'intestin  à  côté  d'autres 
Cestodes.  Aux  observations  de  Creplin,  de  Boéchat  et  de 
Davaine,  que  nous  avons  citées  déjà  plus  haut  (1),  nous  pou- 
vons en  ajouter  quelques  autres.  Rudolphi  et  Bôhniont  noté 
la  coexistence  du  Bothriocéphale  et  du  Ténia  chez  un  même 
individu.  Seeger  rapporte  l'histoire  d'un  jeune  homme,  vu  par 
Frank  (de  Tiibingen)  et  qui  expulsa  en  même  temps  un  Ténia 
et  un  Bothriocéphale.  Des  observations  toutes  semblables  ont 
été  faites  par  Maier,  par  Bruckert  (de  Berlin),  par  Breton,  par 
Vrolik  (cité  par  Greplin)  et  par  Valenta.  Enfin,  Krabbe  et 
Brandt  ont  vu  chacun  un  malade  expulser  tout  à  la  fois  deux 
Bothriocéphales  et  un  Tœnia  solium. 

Gôze,  Versuch  einer  Naturgeschichte  der  Eingeweidewurmev...,  p.  32  et  272. 

Creplin,  Eingeweidewurme  r.  Ersch  und  Grube's  Encyclopâdie,  XXXII,  1831). 

Maier.  Wurttemberg.  medic.  Correspondenz-Blatt,  VI,  p.  192. 

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Mosler,  Ueber  Lebensdauer  und  Renilenz  des  Bothriocephalus  latus.  Vir- 
cliow's  Arcliiv,  LVII,  j>.  529,  IS73. 

(1)  Voir  page  370. 


BOTURIOCEPHALES  LATI  S.  521 

Ern.  Paronn,  Tre  ensi  di  Bothriocephalus  latus,  di  cui  uno  ivipline.  Osscr- 
vatore,  Gazzetia  dollo  ciiniche,  XVI,  p.  545,  1880. 

Damaschino.  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôp.,  (2  ,  XVII,  p.  300,  1880. 

Maurice,  Neuf  Bothviocephnles  expulsés  sùmiltanément.  Annales  de  la 
Soc.  de  mcd.  de  Saint-Etienne  et  de  la  Loire,  VII,  p.  G63,  1880. 

E.  K.  Brandt,  Présence  simultanée  de  deux  Bothriocephalus  latus  et  d'un 
Taenia  solium.  Boussk.  med.  voskresensk,  T.  p.  14,  1883. 

Le  Bothriocéphale  s'observe  surtout  chez  les  adultes,  mais, 
dans  les  pays  où  il  est  endémique,  on  le  rencontre  à  tous  les 
âges,  jusque  dans  la  plus  tendre  enfance.  C'est  ainsi  que  Ma- 
gnus  Huss  cite  le  fait  de  "Waldenstrom  (de  Lulca),  «  qui  a  vu  le 
Cestode  chez  des  nourrissons  qui  n'avaient  encore  pris  d'autre 
nourriture  que  le  lait  maternel.  » 

Dans  18  cas  rapportés  par  Krabbe,  la  répartition  du  parasite 
était  la  suivante  : 

De  20  à  30  ans ...   7  cas. 

De  30  à  40  ans 5  » 

De  40  à  50  ans 4  » 

De  50  à  00  ans 0  » 

De  G0  à  70  ans 1  » 

Total ~ Ts  7~ 

Pas  plus  que  pour  le  Ténia,  nous  ne  pouvons  admettre  que  le 
sexe  puisse  constituer  une  prédisposition  à  contracter  le  para- 
site; une  semblable  influence  serait  totalement  inexplicable. 
Aussi  enregistrons-nous,  à  titre  de  document,  et  sans  y  attacher- 
une  grande  importance,  le  fait  qu'un  seul  homme  se  trouvait 
parmi  20  malades  dont  parle  Krabbe. 

Les  relations  de  la  profession  et  du  régime  avec  la  présence 
du  Ver  sont  plus  manifestes.  Puisque  le  Bothriocéphale  est 
transmis  à  l'Homme  par  un  Poisson,  on  doit  penser  déjà,  d'a- 
près cette  seule  notion,  que  le  parasite  doit  être  surtout  fré- 
quent chez  les  pêcheurs  ou  dans  les  populations  particulière- 
ment ichthyophages;  ce  qui  va  suivre  confirmera  cette  prévision. 

Contrairement  aux  Tienia  saginala  et  solium,  qui  sont  de  vé- 
ritables parasites  cosmopolites,  le  Bothriocéphale  est  loin  d'être 
répandu  à  la  surface  entière  du  globe;  il  ne  se  rencontre  même 
pas  dans  toute  l'Europe,  mais  sa  distribution  géographique  est 
en  rapport  intime  avec  la  constitution  hydrologique  du  pays  et 
avec  la  distribution  de  certaines  espèces  de  Poissons. 

La  patrie  classique  du  Bothriocéphale  est  la  Suisse  française, 


522  ORDRE  DES  CESTODES. 

la  région  des  lacs  de  Genève,  de  Neuchâtel,  de  Bienne  et  de 
Morat;  Lebert  dit  n'avoir  jamais  vu  d'autres  Cestodes  dans  le 
canton  de  Vaud.  Zâslein  a  décrit  avec  un  soin  méticuleux  la 
distribution  du  parasite  sur  le  territoire  de  la  République  hel- 
vétique. Au  voisinage  immédiat  des  quatre  grands  lacs  que  nous 
venons  de  nommer,  le  Ver  est  partout  commun,  si  commun 
même  qu'à  Nidau,  sur  le  lac  de  Bienne,  on  le  voit  chez  20  pour 
100  des  habitants. 

A  Genève,  il  était  jadis  si  universellement  répandu,  qu'Odier 
a  pu  émettre  cet  aphorisme  :  «  Le  Taenia  lata  est  si  fréquent  à 
Genève,  qu'au  moins  le  quart  des  habitants  l'a,  l'a  eu  ou 
l'aura.  »  11  y  a  50  ans,  bon  nombre  de  Genevois  hébergeaient  au 
moins  un  Bothriocéphale  et  les  étrangers  qui  faisaient  dans  la 
ville  un  séjour,  même  peu  prolongé,  acquéraient  presque  sûre- 
ment ce  parasite.  Depuis  30  ans,  au  dire  de  Cari  Vogt,  la  faune 
helminthologique  de  Genève  s'est  modifiée  :  le  Bothriocéphale 
est  devenu  plus  rare  et  a  cédé  la  place  au  Ténia  inerme. 

La  fréquence  du  Bothriocéphale  diminue  graduellement,  à 
mesure  qu'on  s'éloigne  des  lacs  pour  s'enfoncer  dans  l'intérieur 
des  terres.  Dans  les  villes  distantes  des  lacs  de  plus  de  cinq 
lieues,  il  est  déjà  devenu  très  rare  :  à  Berne,  il  est  à  peu  près 
aussi  commun  que  le  Ténia  ;  à  Bâle,  on  ne  rencontre  plus  que 
1G  Bothriocéphales  pour  116  Ténias  (2  cas  sur  1,526  autopsies, 
soit  0,13  pour  100),  à  Zurich  7  Bothriocéphales  pour  68  Ténias. 

Dans  les  villages  situés  à  une  même  distance  des  lacs  ou 
dans  la  campagne,  le  parasite  ne  se  montre  plus  qu'à  l'état 
sporadique  ou  même  est  complètement  inconnu  :  à  Sierre- 
Saxon,  dans  le  Valais,  le  Dr  Bonvin  n'a  vu  que  2  Bothriocé- 
phales en  25  ans  ;  aux  environs  de  Soleure,  le  parasite  n'a  pas 
été  vu  depuis  de  longues  années;  à  Moutier,  le  Dr  Herzog  n'en 
a  pas  vu  un  seul  cas  en  27  ans. 

Il  importe  encore  de  remarquer  qu'aucun  des  autres  lacs  de 
Suisse  ne  transmet  le  Bothriocéphale  :  dans  la  région  des  lacs 
de  Constance,  de  Zurich,  de  Zug,  des  Ouatre-Cantons,  de  Thun, 
de  Brienz.  de  Lugano,  etc.,  le  Ver  ne  s'observe  jamais,  ou  du 
moins  ne  s'observe  que  chez  des  individus  qui  sont  allés  précé- 
demment dans  la  Suisse  française  ou  qui  ont  consommé  du 
Poisson  venant  de  cette  contrée. 

Le  Ver  se  rencontre  encore  dans  la  Haute-Italie;  il  semble  y 


BOTHRIOCEPHALUS  LATUS.  o23 

être  endémique,  mais  beaucoup  plus  rare  que  les  Ténias.  Déjà 
G.  P.  Franck  et  délie  Chiaje  avaient  noté  sa  présence.  Grassi, 
Ern.  Parona  et  Bizzozero  précisèrent  ces  faits,  en  démontrant 
l'existence  du  Bothriocéphale  chez  des  Lombards  qui  n'avaient 
jamais  quitté  leur  province.  A  l'hôpital  de  Varese,  en  Lombar- 
die,  Ern.  Parona  put  en  observer  3  cas  dans  l'espace  de  quel- 
ques mois;  un  des  malades  rendit  3  Vers.  Le  Dr  Petracchi,  au 
dire  de  Bizzozero,  en  avait  lui-même  noté  2  cas,  en  1880,  dans 
cette  même  localité.  Le  professeur  L.  Maggi,  de  Pavie,  en  pos- 
sède un  exemplaire,  rendu  par  un  individu  de  Varallo  Pombia, 
qui  n'avait  jamais  quitté  l'Italie.  A  Milan,  Dubini  en  a  observé 
plusieurs  cas. 

Le  Piémont  n'est  pas  épargné  davantage.  Perroncito  parle 
d'une  dame  qui  n'était  jamais  allée  à  l'étranger  et  qui  rendit 
un  Bolhriocéphale  long  de  5m,7o.  Ce  même  savant  a,  dans  sa 
collection,  des  Vers  rendus  par  des  Chiens  qui  étaient  nés  et 
avaient  été  élevés  dans  la  contrée. 

Le  Bothriocéphale  s'observe  parfois  encore  en  d'autres  pays 
de  l'Europe.  Davaine  dit  qu'il  n'est  pas  rare  en  Hollande  et  en 
Belgique;  nous  pensons  le  contraire.  Van  Beneden  ne  le 
signale  dans  aucun  de  ces  deux  pays  et  Fock  (d'Utrecht)  af- 
firme qu'il  est  extrêmement  rare  en  Hollande  :  en  40  ans,  il 
n'en  a  observé  que  deux  cas,  chez  des  israélites. 

En  France,  ce  parasite  est  toujours  très  rare,  sauf  dans  les 
départements  voisins  de  la  Suisse;  on  doit  admettre  alors  qu'il 
s'observe  de  préférence,  sinon  exclusivement,  chez  des  indivi- 
dus qui  l'ont  contracté  en  Suisse.  11  en  est  de  même  quand  on 
le  rencontre  à  Paris  (1)  :  le  malade  dont  le  professeur  Laboul- 
bène  rapporte  l'observation  était  un  Polonais.  Disons  pourtant 
que  ce  Ver  peut  être  transmis  exceptionnellement  à  l'Homme 
par  des  Poissons  indigènes  :  Dujardin  l'a  vu  à  Saint-Malo  et 
Mégnin  a  constaté  sa  présence  chez  un  Chien  né  et  élevé  à 
Vincennes. 

Cobbold  dit  expressément  qu'on  ne  le  voit  en  Angleterre  que 


(1)  Le  Bothriocéphale  semble  n'avoir  pas  été  rare  à  Paris,  au  commence- 
ment du  siècle  dernier.  Andry  en  a  eu  d'assez  nombreux  exemplaires  à  sa 
disposition.  Dans  la  3e  édition  de  son  ouvrage,  publiée  en  1141,  les  figures 
des  pages  19j,  106,  197,  201  et  2GG,  ainsi  que  la  planche  II  de  la  page  200, 
représentent  ce  parasite. 


524  OMDRE  DES  CESTODES. 

chez  des  personnes  qui  sont  allées  à  l'étranger.  Il  est  indigène 
en  Irlande  et,  pour  ce  fait,  on  l'a  appelé  «  irish  tapeworm  ». 
Toutefois,  il  semble  être  fort  rare  dans  ce  dernier  pays  :  les 
quatre  ou  cinq  cas  connus  ont  été  publiés  par  Graves,  par 
Bellingham  et  par  Frazer;  cette  dernière  observation,  que  nous 
avons  déjà  signalée,  se  rapportait  à  un  Polonais. 

En  Prusse,  ce  Ver  est  à  peu  près  inconnu.  On  le  signale 
parfois  dans  les  grandes  villes  (1),  où  le  Poisson  des  lacs  suisses 
est  importé;  il  n'y  est  donc  pas  spontané.  En  1853,  Mmc  Heller 
faisait  connaître  à  Kùchenmeister  sa  présence  à  Hambourg, 
mais  seulement  parmi  les  Juifs.  A  Berlin,  Rudolphi  n'en  a 
constaté  qu'un  seul  cas,  chez  une  jeune  Poméranienne.  Mosler 
dit  expressément  qu'on  ne  l'observe  jamais  à  Greifswald  chez 
des  personnes  qui  n'ont  pas  quitté  la  contrée.  Von  Siebold  ne 
l'a  jamais  rencontré  à  Dantzig,  mais  n'a  vu  que  lui  à  Konigs- 
berg.  Ce  dernier  fait  va  s'expliquer  tout  à  l'heure. 

Le  Bothriocéphale  n'existe  pas  non  plus  en  Autriche-Hongrie  : 
Bremser  et  Wawruch  ne  l'ont  vu  que  chez  des  étrangers.  En 
revanche,  les  médecins  bavarois  ont  récemment  attiré  l'atten- 
tion sur  sa  fréquence  relative  dans  l'Allemagne  du  sud.  De 
1879  à  1885,  Bollinger  a  pu  en  recueillir  huit  observations; 
quelques  malades  n'avaient  jamais  quitté  Munich  ou  son  voi- 
sinage immédiat;  d'autres  n'avaient  pas  voyagé  depuis  long- 
temps. Toutefois,  5  d'entre  eux  avaient  séjourné  sur  les  bords 
du  lac  de  Slarnberg;  ce  lac  fournit  à  la  capitale  de  la  Bavière 
la  plus  grande  partie  de  son  Poisson,  notamment  des  Brochets. 
L'examen  de  la  collection  helminthologique  de  Munich  prouva 
qu'aucun  cas  de  Bothriocéphale  n'avait  été  observé  dans  cette 
ville,  depuis  de  longues  années,  fait  que  von  Siebold  vint 
d'ailleurs  confirmer.  Bollinger  pense  donc  que  le  lac  de 
Starnberg  a  été  infesté  tout  récemment,  par  l'un  des  nombreux 
étrangers  qui  viennent  le  visiter.  Toujours  esl-il  que  le  Bo- 
thriocéphale, inconnu  naguère  en  Bavière,  y  est  actuellement 
autochtone  et  endémique.  A  la  suite  de  ces  observations  de 
Bollinger,  Huber  (de  Memmingen)  constata  également  la  pré- 
sence du  parasite  chez  un  individu  qui  n'avait  jamais  quitté  la 
Souabe  et  la  Vieille-Bavière. 

(1)  Stein  en  possède  un  exemplaire  lon<;  de  '"^ôG,  provenant  d'un  Juif  qui 
n'avait  pas  quitté  Francfort  depuis  15  ans. 


HOTHRIOCEPHALUS  LATUS.  523 

Le  Bothriocéphale  ne  s'observe  point  seulement  dans  la 
Suisse  française,  en  Bavière  et  dans  la  Haute-Italie  :  il  occupe 
encore  en  Europe  une  vaste  zone  qui,  partant  de  la  rive  droite 
de  la  Yistule,  s'étend  le  long  du  littoral  de  la  mer  Baltique,  en 
contournant  les  golfes  de  Riga,  de  Finlande  et  de  Bothnie. 
Cette  zone,  déjà  plus  importante  que  la  précédente  par  son 
extension,  l'est  surtout  par  la  fréquence  extraordinaire  du  pa- 
rasite en  certaines  de  ses  contrées;  elle  comprend  la  Poméra- 
nie  orientale,  les  provinces  russes  de  la  Baltique  (Courlande, 
Livonie,  Esthonie,  Saint-Péterbourg),  la  Finlande  et  la  côte 
orientale  de  Suède. 

Le  cours  inférieur  de  la  Vistule  constitue  donc  la  limite 
occidentale  et  méridionale  de  cette  vaste  zone:  cela  nous  ex- 
plique un  fait  que  nous  signalions  tout  à  l'heure,  à  savoir 
l'absence  du  Bothriocéphale  à  Dantzig  et  son  endémicité  à 
Konigsberg. 

Schauinsland  a  fait  les  observations  que  nous  avons  résu- 
mées plus  haut  sur  des  Yers  provenant  de  la  région  du  Ku- 
risches  Haff.  Là,  le  parasite  est  en  si  extraordinaire  abondance, 
qu'aucun  des  pêcheurs  qui  habitent  la  Kurische  Nehrung  n'en 
est  dépourvu.  Ils  contractent  le  Ver  en  faisant  usage  de  Pois- 
son cru,  entre  autres  de  Lottes  et  de  Brochets;  ils  emploient 
encore,  comme  remède  contre  les  maux  d'estomac,  les  viscères 
de  la  Lotte,  principalement  les  appendices  pyloriques  à  peine 
desséchés. 

Les  habitants  de  la  terre  ferme  s'infestent  d'une  autre  ma- 
nière, mais  non  moins  sûrement.  On  vend  sur  les  marchés  des 
Brochets  faiblement  fumés,  dans  lesquels  les  Plérocercoïdes 
sont  d'ordinaire  encore  vivants.  Au  printemps,  au  moment  du 
frai,  on  pêche  le  Brochet  en  telle  abondance,  qu'on  en  apporte 
au  marché  des  charges  entières  de  voitures  ou  de  bateaux. 
Avec  les  œufs  mal  séparés  de  l'ovaire  et  faiblement  salés,  on 
prépare  une  sorte  de  caviar  qui,  à  cause  de  son  prix  peu  élevé, 
est  fort  recherché  des  gens  du  peuple  :  il  renferme  également 
des  larves  vivantes. 

Nous  avons  assez  longuement  parlé  des  recherches  de  Braun 
pour  n'avoir  pas  à  démontrer  la  fréquence  extrême  du  Bo- 
thriocéphale dans  les  provinces  russes  de  la  Baltique.  A  Dor- 
pat,   Szydlow?ki  a  trouvé  les  œufs  du  Yer  dans  les  selles  de 


326  ORDRE  DES  CESTODES. 

10  pour  100  des  habitants.  Cruse  indique  une  proportion  un 
peu  plus  faible,  6  pour  100;  en  revanche,  il  porte  à  15  pour  100 
le  chiffre  des  individus  qui,  à  Saint-Pétersbourg,  hébergent  le 
parasite. 

Si,  partant  de  ce  centre,  on  pénètre  en  Russie  ou  dans  la 
Pologne  russe,  on  voit  le  Ver  devenir  de  moins  en  moins  fré- 
quent; on  le  rencontre  pourtant  dans  presque  toute  l'étendue 
des  provinces  polonaises;  on  le  voit  même  quelquefois  à 
Moscou,  mais  il  est  vraisemblablement  introduit  par  des  Pois- 
sons d'importation. 

Nous  ne  pouvons  donner  aucun  renseignement  précis  quant 
à  sa  fréquence  ou  son  aire  de  distribution  en  Finlande;  il  est 
indiqué  comme  très  commun;  Faxe  l'a  trouvé  en  abondance  à 
Bjorneborg.  Pour  la  Suède,  les  documents  dont  nous  pouvons 
disposer  sont  déjà  anciens,  puisqu'ils  remontent  à  1854.  Dans 
les  provinces  de  Lappmark  et  de  Norrbotten,  suivant  Magnus 
Huss,  le  Bothriocéphale  est  extrêmement  abondant  sur  la  côte  ; 
à  mesure  qu'on  s'enfonce  dans  les  terres,  sa  fréquence  dimi- 
nue; il  disparaît  finalement  à  une  distance  de  8  à  9  lieues.  En 
raison  de  cette  remarquable  concordance  avec  ce  que  nous 
avons  observé  en  Suisse,  on  doit  se  demander  si,  dans  cette 
partie  de  la  Suède,  le  parasite  ne  serait  pas  transmis  à 
l'Homme  par  un  Poisson  de  mer,  par  exemple  par  un  Salmo- 
nide? 

La  fréquence  du  Ver  est  d'ailleurs  démontrée  par  ce  fait  que, 
à  Haparanda  et  dans  les  environs,  «  c'est  à  peine  s'il  existe 
une  maison  dont  une  ou  plusieurs  personnes  ne  soient  at- 
teintes du  parasite.»  A  Gefle,  celui-ci  s'observe  chez  un  habi- 
tant sur  quinze;  sa  fréquence  a  beaucoup  augmenté  vers  la  fin 
de  la  première  moitié  de  ce  siècle. 

Il  n'est  pas  très  rare  en  Danemark.  Avant  1869,  Krabbe  en  a 
relevé  9  cas;  de  1809  à  1880,  il  a  pu  en  recueillir  il  autres  ob- 
servations. Parmi  ces  20  malades,  14,  qui  tous  habitaient 
l'île  de  Seeland,  avaient  sûrement  acquis  le  parasite  dans  le 
pays  même. 

On  a  dit  pendant  longtemps  que  le  Bothriocéphale  ne  s'ob- 
servait pas  en  dehors  de  l'Europe  :  aujourd'hui,  semblable 
opinion  n'est,  plus  soutenante.  L'expédition  de  Fedchenko  dans 
le  Turkeslan  a  prouvé  que  le  Ver  qui  nous  occupe  était  à  peu 


HOTIIRIOCEPHALUS  LATUS.  527 

près  le  seul  Gestode  de  l'Homme  dans  ces  contrées  :  Krabbe 
en  a  du  moins  reconnu  45  exemplaires  pour  un  seul  Tsenia 
sagmata.  Baelz  l'a  rencontré  très  communément  au  Japon. 

Nous  n'avons  pas  de  renseignements  pour  les  autres  pays 
d'Asie;  on  peut  affirmer  pourtant  qu'on  le  signale  à  tort  à 
Ceylan,  l'animal  indiqué  par  Schmidtmiiller,  sous  le  nom  de 
Bothriocepkalus  tropicus,  étant  vraisemblablement  le  Ténia 
inerme  et  non  le  Bothriocéphale.  11  manque  en  Afrique,  pro- 
bablement aussi  dans  l'Amérique  du  sud  et  aurait  été  signalé 
quelquefois  dans  l'Amérique  du  nord;  il  était  inconnu  aux 
États-Unis  du  temps  de  Weinland. 


Graves,  Occurence  of  the  Bothriocepkalus  latus  in  several  members  of  a 
fumily.  The  Dublin  journal  of  med.  science,  XVII,  p.  514,  1840. 

Dubini,  Entozoografia  umana  per  servire  di  complanento  agli  studi  di 
anatomia  patologica.  Milano,  1849.  Voir  p.  10G. 

M.  Huss,    Ueber  die  endemischen  Krankheiten  Schwedeiis.  Brcmen,  1854. 

—  Voir  p.  5  et  24. 

lock,  Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  hôpitaux,  (2),  XV,  p.  38,  1872.  —  Voir  aussi  : 
Cobbold,  Parasites,  p.  108. 
Szydlowski,  Beitraye  zur  Milcroskopie  der  Fiices.  Inaug.  Diss.  Dorpat,  1879. 

—  Voir  p.  51. 

O.  Bollinger,  Ueber  dus  autochtone  Vorkommen  des  Bothriocephalus  latus 
in  Mùnchen.  Aerztliches  Intclligenblatt,  XXVI,  1879.  —  Id.,  Ueber  dos  au- 
tochtone Yorkommen  des  Bothiocephalus  latus  in  Mùnchen,  nebst  ttemer- 
kungen  ùber  die  geographische  Verbreitung  der  Bandwùrmer.  Deutscbcs 
Arcbiv  fur  kiin.  Medicin,  XXXVI,  p.  277,  1884. 

Ern.  Bernier,  Observations  sur  divers  points  ignorés,  obscurs,  ou  mal  vul- 
garisés de  l'histoire  du  Bothriocéphale  et  observation  d'un  cas  de  Bothriocé- 
phale. Bull,  de  la  Soc.  méd.  des  bôpitaux,  (2),  XVI,  p.  240,   1879. 

Ed.  Perroncito,  77  Bothriocephalus  latus  in  Piemonte.  Osservatore,  Gazzetta 
délie  cliniche,  XVI,  p.  641,  1880. 

Fedcbenko,  Voyage  dans  le  Turkestan.  —  III.  Recherches  zoogéographiques, 
2e  partie.  —  Vers,  1er  fascicule  :  Cestodes,  par  H.  Krabbe.  Isviesta  imp. 
obtchestva  lioubitelei  estestvosnania,  anthropologii  i  ethnographii,  XXXIV, 
1883.  —  Voir  p.  20. 

Huber,  He/minthologischc  Notizen.  Aerztliches  Intelligenzblatt ,  XXXII, 
p.  75,  1885. 

L.  Halin,  Le  liothriocéphale,  so?i  déieloppement,  ses  migrations,  sa  distri- 
bution géographique  et  sa  prophylaxie.  Gazette  hebdom.  de  méd.  et  de  chirur- 
gie, (2),  XXII,  p.  450,  1885. 


Bothriocephalus  cordatus  Leuckart,  1863. 

Ce  Ver  atteint  une  longueur  maximum  de  lm,l3  ;  il  peut  com- 
prendre jusqu'à  660  anneaux,   mais  n'en  présente  d'ordinaire 


ORDRE  DES  CESTODES. 


que  400  environ.  11  est  extrêmement  contractile  :  pour  une  lon- 
gueur de  26  centimètres  seulement, 
le  seul  spécimen  jusqu'à  présent 
connu  comme  provenant  de  l'Homme 
(Pig.  286)  comptait  au  moins  300  an- 
neaux; les  100  premiers  occupaient 
une  longueur  d'à  peu  près  30  milli- 
mètres, les  100  suivants  une  longueur 
de  100  millimètres  et  les  100  derniers 
une  longueur  de  130  millimètres. 

Au  lieu  d'être  allongée  et  claviforme 
et  de  porter  ses  ventouses  sur  le  bord 
latéral  comme  chez  Buthriocephalus 
latus,  la  tête  est  courte,  large,  aplatie 
dans  le  sens  latéral  et  porte  une  bo- 
thridie  sur  chacune  de  ses  deux  faces(l). 
La  tête  (fig.  287)  est  longue  de  2  milli- 
mètres et  large  également  de  2  milli- 
mètres. A  partir  de  sa  région  moyenne, 
elle  va  en  s'effilant  en  avant,  tandis 
que  ses  deux  moitiés  latérales  font  en 
arrière  une  saillie  plus  ou  moins  con- 
sidérable, suivant  l'état  de  contrac- 
tion ;  dans  son  ensemble,  elle  présente 
l'aspect  d'un  cœur  de  carte  à  jouer 
ou  d'une  pointe  de  flèche.  Elle  s'aplatit 
peu  à  peu  à  partir  de  sa  pointe,  sans 
pourtant  acquérir  une  minceur  con- 
sidérable ;  sa  plus  grande  épaisseur 
s'observe  dans  la  moitié  postérieure. 
La  moitié  antérieure  de  la  tête,  déjà 

Fig.  m.  —  dothriocephalus   remarquable  par  sa  minceur,  l'est  en- 
cordatus  de  l'Homme,  d'à-    core  plus  par   la   grande   profondeur 
des  bothridies,    qui  ne  sont  plus  sé- 
parées l'une    de   l'autre    que   par  un 

étroit  pont  de  substance  (fig.  288.  a).  A  mesure  qu'on  s'éloigne 


^ 


pris  Leuckart.   Grandeur 
naturelle. 


(1)  On  se  rappelle  qu'il  en  est  de  môme  chez  Bothr.  lalut  et  que  les  bothri- 
dies ne  semblent  occuper  les  cotés  de  la  tête  que  par  suite  d'une  torsion  de 
!)i)"  subie  parle  cou.  Voir  plus  haut  page  499. 


Fig.  287.  —  Tète  et  partie 
antérieure  du  corps  de 
Bothriocephalus  cordatus, 
d'après  Leuckart. 


BOTHRIOCEPHALUS  CORDATTS.  529 

du  sommet  de  la  tète,  on  voit  celles-ci  devenir  moins  pro- 
fondes et  moins  spacieuses  et  se  réduire  progressivement  à  une 
simple  fente  longitudii:  g   288.  b).  En  quelque  point  qu'on 

^imine,  les  lèvres  qui  les  bordent 
se  montrent  toujours  dépourvues  de 
muscles  spéciaux,  comme  il  est  aisé  de 
s'en  convaincre  sur  des  coupes  trans- 
c'estlà  du  reste  un  caractère 
:nurn  à  tous  les  Bothrioeéphales. 
La  musculature  des  bothridies  est  sim- 
plement constituée  par  un  renforce- 
ment de  la  couche  des  muscles  sous- 
cutieulai: 

A  proprement  parler,  le  cou  fait  dé- 
faut, la  tète  est  immédiatement  suivie 
par  le  corps,  muni,  dès  le  début,  de 
_  oents  visibles  à  l'œil  nu  (fig.  286  et 
283  .  Ceux-ci  s'élargissent  si  rapide- 
ment que  la  partie  antérieure  du  corps  a  la  forme  d'une  lan- 
cette: ils  se  développent  si  vite,  qu'à  3  centimètres  de  la  tête, 

sont  déjà  parvenus  à  maturité 
sexuelle  :  3  centimètres  plus  loin, 
nt  acquis  toute  leur  largeur. 
Le   nombre    des   anneaux   non 
mûrs  est  tout  au  plus  d'une  cin- 
quantaine :    et   encore  la  plupart 
itre    eux    présentent-ils    déjà, 
la  ligne  médiane   de  la  face 
ventrale,  des  orifices  sexuels.  Ces 
anneaux  sont  reconnaissables  à  ce 
que  leur  utérus  ne  renferme  point 
d'eeufs  à    coque    solide    et    à    ce 
que,  par  suite,  on  ne  distingue  à 
leur  surface  ni  champ  moyen  ni 
champs  latéraux.   Ces   différentes 
zones    ne   deviennent  apparentes 
que  plus  tard,  à  mesure  que  la  maturité  s'accentue  :  elles  sont 
d'abord  claires,  mais  les  champs  latéraux  finissent  par  prendre 
une  teinte  sombre. 

Blanchard.  —  Zool.  inéd.  34 


KM.  —  Coupes  transversales 
de  la  tète  de  Bothrïoctphalus 
cordntusy  d'après  Leuckart.  — 
a,  en  avant  de  la  partie  moyen- 
ne ;  b,  en  arrière  de  la  partie 
moyenne. 


530 


ORDRE  DES  CESTODES. 


Fig.  289.  —  An- 
neaux mûrs  de 
Bothriocepha- 
lus  corda  tus, 
d'après  Leuc- 
kart. 


La  face  dorsale  est  parcourue,  suivant  sa  ligne  médiane,  par 
un  sillon  longitudinal.  Un  sillon  analogue  se  voit  également  à 
la  face  ventrale  de  chaque  anneau,  en  arrière  des  orifices 
sexuels.  Ce  sont  là  de  bons  caractères  distinc- 
tifs,  mais  l'animal  est  encore  mieux  caractérisé 
par  les  corpuscules  calcaires,  larges  de  28  à 
30  (x,  qui  sont  renfermés  en  grande  abondance 
dans  son  parenchyme,  ainsi  que  par  la  l'orme 
de  la  rosette  utérine  :  celle-ci  (fig.  289)  est  plus 
longue,  plus  étroite  et  présente  un  plus  grand 
nombre  de  branches  latérales  (6  à  8)  que  chez 
le  Bothriocéphale  large. 

Les  anneaux  mûrs  ontune  longueur  moyenne 
de  3  à  4  millimètres;  mais  le  Ver  est  doué 
d'une  contractililé  si  considérable  qu'ils  peu- 
vent se  raccourcir  au  point  de  ne  plus  présen- 
ter qu'une  longueur  de  lmm, 3  ;  la  largeur  maxi- 
mum est  de  7  à  8  millimètres.  Les  derniers 
anneaux  peuvent  être  plus  ou  moins  carrés  et  présenter  un 
diamètre  de  5  à  6  millimètres. 

L'animal  n'émet  point  isolément  ses  anneaux,  mais  les  rejette 
par  chaînons  plus  ou  moins  longs,  comme  le  fait  le  Bothrio- 
céphale large.  L'examen  du  seul  Ver  ob- 
servé dans  l'espèce  humaine  (fig.  286)  met 
le  fait  hors  de  doute.  A  23  millimètres  de 
l'extrémité  postérieure,  cet  individu  pré- 
sente un  étranglement  annulaire  tendant 
à  isoler  les  17  derniers  anneaux;  un  second 
étranglement,  moins  profond  et  isolant 
15  anneaux,  se  voit  16  millimètres  plus 
loin. 

L'étude  des  glandes  génitales  était  dif- 
ficile en  raison  de  l'état  de  conservation 
des  Vers.  La  poche  du  ci  ne  a  une  taille 
remarquable  et  mesure  0imu,60  de  long 
sur  0mm,43  de  large.  L'œuf  (fig.  290)  est 
très  semblable  à  celui  de  Bothriocephalus  lai  us  ;  il  est  long  de 
7r;  à  80  [x,  large  de  50  [*.  On  ignore  complètement  comment  il 
se  développe  et  quel  hôte  héberge  le  Plérocercoïde;  en  revan- 


f  ig.  290.  —  OEufs  de  Bo- 
thriocephalus corda- 
tus,  grossis  245  fuis, 
d'après  Krabbe. 


BOTHRIOCEPIIALUS  CORD.VITS. 


531 


che,  on  connaît  les  premiers  états  du  développement  de  l'a- 
dulte. Leuckart,  en  effet,  a  pu  étudier  quelques  jeunes  indi- 
vidus provenant  du  Chien  et  présen- 
tant  différents   stades    de    révolution 
(flg.  291). 

Le  plus  petit  de  ces  Vers  est  long  de 
30  millimètres.  Clair  et  presque  trans- 
parent, par  suite  du  manque  de  cor- 
puscules calcaires  dans  la  zone  corti- 
cale et  à  cause  du  faible  développemen  l 
de  la  musculature,  il  a  une  largeur 
maximum  de  3  millimètres  ;  celle-ci 
s'observe  à  peu  de  distance  de  la  tête. 
A  part  des  dimensions  plus  réduites, 
l'extrémité  céphalique  présente  exacte- 
ment la  même  structure  que  chez  l'a- 
dulte; l'extrémité  postérieure  s'effile, 
au  contraire,  progressivement  et  s'étire 
en  une  pointe  amincie.  Le  corps  est 
formé  de  140  anneaux;  ceux  de  la  par- 
tie moyenne  sont  à  la  fois  les  plus  lar- 
ges et  les  plus  allongés. 

Les  autres  individus  présentaient  la 
même  structure  que  celui-ci:  leur  lon- 
gueur était  de  40  à  100  millimètres, 
leur  largeur  allait  jusqu'à  5mm,5.  Chose 
remarquable,  malgré  ces  différences 
de  taille,  le  nombre  des  anneaux  res- 
tait pour  tous  à  peu  près  le  même,  125 
à  loi.  Le  développement  s'arrête  donc 
à  un  certain  moment,  en  tant  qu'il 
porte  sur  la  multiplication  des  seg- 
ments :  il  concentre  alors  toute  son  activité  sur  l'augmenta- 
tion de  taille  de  ceux-ci  et  sur  la  formation  des  organes  géni- 
taux. 

Sur  un  Ver  long  de  80  millimètres  et  non  tronqué  à  son 
extrémité  postérieure,  les  anneaux  médians  sont  plus  grands 
que  les  autres  ;  on  y  voit  déjà  un  orifice  sexuel  et  les  premiers 
rudiments  des  glandes  génitales.  Ces  dernières  ne  sont  bien 


Fig.  291.  —  Quatre  jeunes 
Bothriocephaluscordatus, 
d'après  Leuckart.  Gran- 
deur naturelle. 


532  ORDRE  DES  CESTODES. 

accusées  que  sur  un  individu  longde  100  millimètres;  en  même 
temps,  le  champ  médian  du  corps  s'est  surélevé  comme  chez 
l'adulte,  sous  forme 'd'une  bande  longitudinale;  c'est  là  l'in- 
dice du  développement  de  l'appareil  reproducteur  qui,  chez  ce 
même  animal,  n'occupe  encore  que  les  segments  de  la  partie 
moyenne.  C'est  seulement  quand  le  Ver  a  atteint  une  longueur 
d'environ  270  millimètres  que  la  maturité  sexuelle  gagne  les 
derniers  anneaux;  sur  les  184  segments  qui  le  composent,  les 
40  à  50  premiers  sont  seuls  encore  stériles. 

On  ignore  encore  quel  est  le  premier  hôte  de  Bothriocepha- 
lus  cordalus  et  de  quelle  manière  il  est  transmis  aux  animaux 
et  à  l'Homme.  Sa  présence  à  l'état  adulte  chez  des  Esqui- 
maux et  chez  les  animaux  essentiellement  ichthyophages, 
comme  les  Pinnipèdes  et  le  Chien  des  régions  polaires,  dé- 
montre suffisamment  que  l'état  larvaire  se  passe  chez  un 
Poisson. 

Ce  Ver  est,  en  effet,  particulier  aux  régions  boréales.  Il  a 
été  découvert  dans  le  nord  du  Groenland,  à  Godhavn,  par  Olrik, 
inspecteur  du  gouvernement  danois.  Une  vingtaine  d'exemplai- 
res furent  recueillis  par  Olrik  chez  cinq  Chiens  ;  un  seul  fut 
rendu  par  une  femme  de  trente-quatre  ans,  en  1860;  ce  der- 
nier individu,  représenté  par  notre  figure  286,  ne  se  distinguait 
de  ceux  du  Chien  que  par  sa  taille  relativement  moindre.  C'est 
là  l'unique  observation  dans  l'espèce  humaine;  on  peut  donc 
penser  que  le  parasite  est  rare  chez  l'Homme. 

En  revanche,  il  est  très  fréquent  chez  le  Chien.  Trois  Chiens 
examinés  par  Pfaff,  médecin  dans  le  nord  du  Groenland,  hé- 
bergeaient un  total  de  24  Vers.  A  l'île  de  Disco,  Pfaff  rencontra 
encore  4  Vers  dans  l'intestin  grêle  d'un  Phoque  barbu  ;  il  en 
trouva  également  chez  le  Morse. 

Bollirioceplialus  cordalus  n'a  pas  encore  été  rencontré  en 
dehors  du  Groenland.  Krabbe  dit  expressément  qu'il  n'habite 
pas  l'intestin  du  Chien  islandais,  et  Max  Braun  a  reconnu  qu'un 
Ver  de  la  collection  de  Stieda,  à  Dorpat,  signalé  par  Leuckart 
comme  appartenant  à  l'espèce  H.  cordatus,  n'était  autre  chose 
qu'un  D.  latus, 

\\.  Leuckart,  Jahresbericht  Hber  die  wissensch.  Leistungen  in  d<>r  Natur* 
geschichte  der  niederen  Thiere  fur  18G1.  Archiv  fur  Naturgescliichte,  p.  81, 
1802. 


BOTHRIOCEPHALUS  CRISTATUS. 


:;:{:* 


Max  Braun,  Berichtigung  betreffend  dus   Vorkommen  von  Bothriocephalus 
cordatus  Leuck.  in  Dorpat.  Zoologischer  Anzeiger,  V,  p.  4G,  188?. 


Bothriocephalus  cristatus  Davaine,  1874. 


Ce  Bothriocéphale  n'a  encore  été  vu  que  deux  fois  d'une 
façon  certaine;  les  seuls  exemplaires  connus  font  partie  de  la 
collection  helminthologique  de  la  Faculté  de  médecine  de  Paris. 
Ils  ont  été  décrits  par  Davaine,  dont  nous  nous  bornons  à  re- 
produire la  description.  Le 
premier  spécimen  a  été  éva- 
cué par  un  enfant  de  cinq 
ans,  né  et  élevé  à  Paris  :  il 
se  composait  de  plusieurs 
fragments,  dont  l'un  por- 
tait la  tête;  il  a  été  remis 
à  Davaine  par  Féréol.  Le 
second  spécimen,  long  de 
92  centimètres, n'avait  point 
de  tête;  il  avait  été  expulsé 

spontanément  par  un  indi- 
vidu âgé  d'environ  quarante 

ans  et  habitant  le  départe- 
ment delà  Haute-Saône. 
Bothriocephalus  cristatus 

constitue  un  long   ruban, 

épais  et  raide;  il  est  gris- 

roussâtre, opaque,  finement 

et  très  élégamment  strié  en 

travers  avec  un  sillon  longi- 
tudinal médian  visible  sur 

les  deux  faces  et  constitué 

surtout   par  la  dépression 

des  pores  génitaux.  Sur  la 

face  ventrale,  ce  sillon  est 

limité    par     deux     lisérés 

étroits,  blanchâtres,  formés  par  la  saillie  du  champ  médian  des 

anneaux. 

La  tête  (fig.  292)  est  très  remarquable  et  diffère  beaucoup  de 


Fig.  292.  —  Tète  de  Bothriocephalus  cris- 
tatus, vue  de  face  et  de  profil,  d'après 
Davaine.  a,  crête  médiane;  b,  son  pro- 
longement en  arrière;  c,  traînée  externe 
de  corpuscules  calcaires;  d,  traînée 
interne. 


^34  ORDRE  DES  GESTODES. 

celle  de  B.  latm.  Elle  est  aplatie,  ovale-lancéolée,  pointue  en 
avant  et  a  la  forme  d'une  graine  de  Lin  dont  le  bout  obtus  se 
continuerait  avec  le  cou.  Elle  est  longue  de  3  millimètres,  large 
de  1  millimètre,  épaisse  de  0mm,6.  L'extrémité  libre  et  pointue 
présente  sur  chacune  de  ses  faces  planes  une  crête  longitu- 
nale  saillante  et  longue  de  1  millimètre.  Cette  double  crête 
constitue  un  véritable  rostre,  qui  est  raide  et  couvert  de  pa- 
pilles saillantes,  disposées  en  séries  ;  les  autres  parties  de  la  tête 
sont  dépourvues  de  semblables  papilles.  Chacune  de  ces  crêtes 
se  continue  en  arrière  par  deux  prolongements  ou  cuisses,  qui 
s'écartent  de  la  ligne  médiane  et  laissent  entre  elles  une  sorte 
de  calamus  scriptorius.  Il  n'existe  aucune  apparence  de  ven- 
touse (1),  à  moins  qu'on  n'en  trouve  l'indice  dans  un  sillon  de 
la  ligne  médiane  qui  semble  séparer  en  deux  lèvres  longitu- 
dinales le  limbe  de  chacune  des  crêtes,  comme  on  le  voit 
d'une  manière  très  marquée  chez  B.  cordatus.  Le  reste  de  la 
tête  offre  des  rides  transversales.  Le  tissu  en  est  serré,  com- 
pact et  renferme  une  grande  quantité  de  corpuscules  cal- 
caires, disposés  en  quatre  traînées  longitudinales,  c,  d,  se  pro- 
longeant jusque  dans  le  cou.  Les  deux  traînées  latérales  c, 
sont  remarquables  par  le  grand  nombre  de  corpuscules  cal- 
caires qui  les  constituent. 

Le  cou  continue  la  tête  sans  délimitation  bien  appréciable; 
il  s'amincit  jusqu'à  2  millimètres  en  arrière  de  celle-ci.  Il  ne 
mesure  alors  que  0mm,5  dans  le  sens  transversal.  Il  s'élargit  en- 
suite insensiblement;  à  15  centimètres  de  la  tête,  il  est  large 
d'un  millimètre;  de  15  à  20  centimètres,  il  s'élargit  brusque- 
ment et  acquiert  une  largeur  de  4  millimètres. 

Le  corps  du  Ver  continue  de  s'élargir  régulièrement  jusqu'à 
la  distance  de  90  centimètres  en  arrière  de  la  tête  :  il  atteint 
en  ce  point  sa  plus  grande  largeur,  qui  est  de  9  millimètres.  11 
décroît  ensuite  lentement  et  insensiblement;  à  l'extrémité 
postérieure,  les  anneaux  ne  sont  plus  larges  que  de  3  millimètres. 

La  longueur  totale  du  Ver  ne  dépasse  probablement  pas 
3  mètres. 


(I)  Une  coupe  transversale  eût  pu  décider  de  l'existence  de  deux  lèvres  lon- 
gitudinales tonnant  chaque  crête  et  interposant  entre  elles  une  ventouse  qui, 
quoi  qu'il  en  lui,  eût  été  très  rudimentaire.  Eo  raison  de  la  rareté  du  para- 
site, Davaine  n'a  pas  cru  devoir  le  sacrifier  pour  cet  examen,    • 


BOTHRIOCEPIIALUS  CRISTATUS.  o3o 

Les  anneaux  sont  remarquables  par  leur  peu  de  longueur. 
A  2  millimètres  de  la  tête,  ils  sont  déjà  bien  distincts  :  il  sont 
alors  longs  de  0mm,085.  Leur  longueur  est  de  0mm,4  à  10  centi- 
mètres de  la  tête;  elle  est  de  1  millimètre  à  60  centimètres, 
de  lmm,15  à  90  centimètres,  où  les  anneaux  ont  atteint  leur 
plus  grande  largeur,  de  lmm,42  à  Im,90,  qui  est  l'extrémité  du 
premier  segment.  Leur  plus  grande  longueur  se  trouve  à  l'ex- 
trémité postérieure  du  second  segment,  où  elle  est  de  2mm,5, 
alors  que  leur  largeur  n'est  plus  que  de  3  millimètres. 

Les  anneaux  sont  encore  remarquables  parla  saillie  de  leur 
bord  postérieur,  qui  embrasse  l'anneau  suivant  comme  une 
manchette.  Ce  rebord  a  jusqu'à  0ram,2  de  saillie.  La  série  des 
bords  postérieurs  donne  au  Ver  une  apparence  fortement  striée 
sur  les  faces  et  dentelée  en  scie  sur  les  côtés. 

L'épaisseur  et  l'opacité  des  anneaux  ne  permettent  pas  de 
distinguer  la  structure  des  organes  génitaux.  Ceux-ci,  par  la 
saillie  du  champ  médian,  semblent  exister  déjà  à  15  ou  20  cen- 
timètres en  arrière  de  la  tête.  Sur  un  anneau  situé  à  lm,90,  le 
sinus  génital,  situé  sur  la  ligne  médiane  de  la  face  ventrale,  se 
voit  à  0mm,25  du  bord  antérieur  de  l'anneau.  Il  est  entouré  de 
plusieurs  cercles  de  papilles  cutanées  fortement  saillantes, 
arrondies,  quelquefois  bifurquées  au  sommet  et  mesurant  jus- 
qu'à 0mm,5  de  largeur  et  0mm,4  de  hauteur.  Ces  papilles  occu- 
pent une  zone  ovalaire  dirigée  transversalement  et  mesurant 
environ  1  millimètre  dans  son  plus  grand  diamètre.  L'orifice 
du  fond  de  l'utérus  se  voit  à  0mm,3  en  arrière  du  précédent,  sur 
le  bord  de  la  zone  des  papilles. 

Les  sinuosités  de  l'utérus  ne  sont  distinctes  que  sur  les  der- 
niers anneaux,  en  partie  vides  et  flétris.  La  rosette,  qui  n'a 
que  2  millimètres  de  large,  paraît  plus  étroite  et  plus  longue 
relativement  que  chez  B.  latus. 

Les  corpuscules  calcaires  sont  nombreux,  surtout  dans  le 
cou  ;  ils  ont  jusqu'à  20  jx.de  diamètre. 

Les  œufs  ne  diffèrent  point  sensiblement  de  ceux  de  B.  latus. 
Assez  variables  dans  leurs  dimensions,  ils  mesurent  environ 
75  (x  sur  55  \j..  On  voit  assez  ordinairement  à  l'un  des  pôles,  et 
quelquefois  aux  deux,  un  épaississement  de  la  coque  en 
forme  de  bouton. 

A  cela  se  bornent  les  renseignements  fournis  par  Davaine 


536  ORDRE  DES  CESTODES. 

sur  le  Bothriocéphale  crête;  l'histoire  du  Ver  est  donc  encore 
fort  incomplète;  on  ignore  notamment  de  quelle  manière  il 
pénètre  chez  l'Homme.  Malgré  l'imperfection  de  nos  connais- 
sances à  son  égard,  un  point  capital  est  pourtant  acquis  :  les 
deux  spécimens  recueillis  par  Davaine  provenaient  d'une  con- 
trée où  ne  se  trouve  pas  d'ordinaire  le  Bothriocéphale  large  ; 
ils  avaient  été  rendus  par  des  Français  qui  n'avaient  jamais 
quitté  leur  pays. 

Les  deux  observations  de  Davaine  ne  sont  certainement  pas 
les  seules  qui  se  puissent  rapporter  à  ce  Ver  remarquable  ; 
peut-être  est-il  assez  fréquent,  mais  par  manque  d'examen 
microscopique  suffisant,  on  le  confond  avec  B.  talus.  Davaine 
a  du  reste  reconnu  qu'il  ne  s'agissait  pas  d'une  autre  espèce 
dans  le  Ver  décrit  et  dessiné  de  grandeur  naturelle,  en  1777, 
par  un  auteur  anonyme,  d'après  un  exemplaire  rendu  par  un 
homme  de  trente  ans,  à  Kempten  en  Bavière.  De  son  côté,  Cob- 
bold  pense  que  plusieurs  Bothriocéphales  de  l'Homme,  con- 
servés à  Londres  dans  le  musée  du  Westminster  Hospital  mé- 
dical Collège,  peuvent  lui  être  rapportés. 

Anonyme,  Beschreibung  des  Bandwurms,  nebst  den  Mitteln  widerdenselben, 
besonders  desjenigen,  welcher  auf  Befehl  Sr.  jetzt  regierenden  kgl.  Moj.  in 
Frankreich  ohnlângst  bekannt  worden.  Kempten,  2.  Auflage,  in-4°,  1776. 

C.  Davaine,  Cestoïdes.  Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales  (  1  ), 
XIV,  p.  589,  1873.  —  Id.,  Traité  des  entozoaires,  2e  éd.,  p.  928,  1877. 

Cobbold,  Tapeworms,  3rd  éd.,  1875.  —  Voir  p.  21. 

Bothriocephalus  Mansoni  R.  Bl.,  188G. 

Synonymie  :  Ligula  Mansoni  Cobbold,  1883. 

Bothriocephalus  liguloides  Leuckart,  188G. 

Ce  Ver,  trouvé  par  Patrick  Manson,  d'Amoy,  et  décrit  par 
Cobbold,  n'a  encore  été  vu  qu'une  seule  fois  chez  l'Homme; 
il  s'y  trouvait  à  l'état  larvaire. 

Le  21  septembre  1881,  en  faisant  l'autopsie  d'un  Chinois 
mort  de  dysenterie  et  d'ulcère  de  l'œsophage,  à  la  suite  de 
l'opération  de  l'éléphantiasis  scrotal,  Manson  rencontra  13  Vers 
dont  les  mouvements  étaient  lents  comme  ceux  d'un  Ténia  : 
12  étaient  situés  au-dessous  du  péritoine,  au  voisinage  de  la 
fosse  iliaque,  derrière  les  reins  :  un  seul  était  libre  dans  la 
plèvre  droite. 


BOTHRIOCEPHALUS   MANSONI. 


53- 


À  l'état  vivant,  ces  Vers  étaient  longs  de  30  à  35  centimètres, 
larges  de  3mm,  17  et  épais  de  Omm, 4.  Ils  furent  envoyés  àCobbold, 
qui  les  étudia  seulement  à  la  fin  de  septembre  1882.  L'alcool 
les  avait  fortement  rétractés  :  le  plus  long  mesurait  seule- 
ment 8cm, 25,  et  le  plus  court  3cm, 04.  La  plupart  présentaient  leur 
plus  grande  largeur  à  la  tête  et  mesuraient  à  ce  niveau  2mm,o. 

Gobbold  crut  reconnaître  en  eux  des  Ligules  et  les  décrivit 
sous  le  nom  de  Ligula  Mansoni.  Un  examen  ultérieur  permit  à 
Leuckart  de  constater  qu'il  s'agissait  de  jeunes  Bothriocé- 
phales,  appartenant  à  une  nouvelle  espèce  pour  laquelle  il  pro- 
pose le  nom  de  Dothriocephalus  liguloïdes.  Mais  les  règles  de  la 
nomenclature  zoologique  s'opposent  formellement  à  un  sem- 
blable changement  dans  le  nom  spécifique  et  la  seule  déno- 
mination qui  soit  désormais  applicable  aux  parasites  en  ques- 
tion est  celle  de  B.  Mansoni. 


D 


Fig.  293.  —  Larves  de  Bothriocephalus  Mansoni,  d'après  Cobbold.  —  A,  indi- 
vidu un  peu  grossi,  vu  par  la  face  ventrale  B,  individu  un  peu  grossi,  vu 
par  la  face  dorsale.  C.  papille  céphalique  grossie  15  fois.  D,  extrémité  de  la 
papille,  montrant  la  fossette  et  les  corpuscules  calcaires. 

L'animal,  dont  nous  avons  indiqué  déjà  les  dimensions,  est 
rubané,  aplati,  plus  large  en  avant  qu'en  arrière  (fig.  293,  A,  B). 


o38  ORDRE  DES  CESTODES. 

A  la  loupe,  on  distingue  sur  tout  le  corps  des  stries  transver- 
sales, plus  apparentes  et  plus  régulières  dans  la  région  cépha- 
lique.  La  tête  présente  à  son  extrémité  une  sorte  de  papille,  C, 
dont  la  pointe  est  rétractée  en  une  coupe  profonde  ayant  l'as- 
pect d'une  ventouse,  D.  Sur  quelques  spécimens,  on  distingue 
à  la  face  ventrale  une  rainure  longitudinale  s'étendant  de  la 
tête  à  la  queue.  Il  est  impossible,  même  sur  des  coupes  mi- 
croscopiques, de  trouver  la  moindre  trace  d'organes  génitaux. 
Les  corpuscules  calcaires  sont  ovales,  aplatis,  larges  d'en- 
viron 25  u. 

Quelque  incomplète  qu'elle  soit,  cette  observation  n'en 
présente  pas  moins  un  intérêt  considérable.  Elle  est,  en  effet, 
la  première  qui  démontre  la  présence  de  larves  de  Bothriocé- 
phale,  non  seulement  chez  l'Homme,  mais  aussi  chez  les  Ver- 
tébrés autres  que  les  Poissons. 

On  est  réduit  aux  conjectures,  quant  à  la  manière  dont  l'in- 
festation  s'est  faite  :  on  se  heurte  ici  aux  mêmes  difficultés  que 
pour  les  Piérocercoïdes  du  Brochet.  Les  parasites  proviennent- 
ils  directement  d'embryons  ciliés  nageant  librement  dans  l'eau 
et  introduits  avec  elle  dans  le  tube  digestif,  ou  bien  ont-ils  été 
amenés  avec  les  viscères  d'un  animal  aquatique,  chez  lequel 
ilsauraientaccompliles  premières  phases  de  leur  état  larvaire? 
Ces  points  sont  encore  incertains.  Ce  qu'on  sait  du  dévelop- 
pement des  Bothriocéphales  autorise  du  moins  à  rejeter  l'opi- 
nion de  Gobbold,  qui  croyait  pouvoir  expliquer  la  présence 
de  ces  parasites  par  une  sorte  d'auto-infestation  analogue  à 
celle  dont  nous  avons  reconnu  l'existence  dans  les  cas  de 
ladrerie  de  l'Homme,  lorsqu'on  trouve  chez  le  même  indi- 
vidu un  Tarnia  80 Hum  et  des  Cysticerques. 

P.  Manson,  Case  of  tymph  scrotum,  aisociated  with  Filariae  and  other 
parasites.  The  Uncet,  11,  p.  016,  14  oct.  188*2. 

T.  Sp.  Cobbold.  Description  of  Ligula  Mansoui,  a  new  human  Cestode. 
Journal  of  the  Linnean  Soc.  of  London,  Zoology;  XVII,  p.  78,  1883. 

A  l'ordre  des  Ceslodes  se  rattachent  encore  quelques  formes  remar- 
quables, constituant  plusieurs  familles  et  appartenant  aux  genres 
Anthocephalus,  Tetrarbynahus^  Echineibothrium,  Phyllobothrium,  An- 
thobothrium,  Acanthobothrium,  Caryophylleus,  etc.  Tous  sont  parasites 
des  Poissons.  Nous  les  passerons  sous  silence  et  nous  nous  bornerons 
simplement  à  dire  quelques  mois  des  Ligules. 


BOTIIRIOCEPHALUS  MANSONI.  539 

Ce  sont  des  Vers  très  allongés,  aplatis,  dont  la  tôle  n'a  pas  de 
ventouses  proprement  dites,  mais  est  pourvue  de  deux  fossettes  laté- 
rales, allongées  en  forme  de  fentes  ;  elle  est  munie  ou  non  de  cro- 
chets. Le  corps  présente  le  minimum  de  segmentation  qui  s'observe 
chez  les  Gestodes,  celle-ci  portant  exclusivement  sur  les  organes 
génitaux,  dont  les  cirres  sont  disposés  en  série  longitudinale  sur  la 
ligne  médiane  de  la  face  inférieure  ;  les  ovaires  sont  disposés  en  une 
série  simple  ou  double. 

Les  Ligules,  dont  on  ne  connaît  qu'un  très  petit  nombre  d'espèces, 
vivent  à  l'état  larvaire  dans  la  cavité  générale  des  Poissons  osseux, 
notamment  des  Cyprins;  cette  forme  asexuée  correspond  à  Ligula 
simplicissima  Rudolphi.  Elles  achèvent  leur  développement  dans  le 
tube  digestif  des  Oiseaux  aquatiques,  tels  que  le  Canard,  et  y  devien- 
nent sexuées  (L.  altemans  Rud.,  L.  interrupta  Rud.,  L.  sparsa  Rud.). 
Les  migrations  et  les  métamorphoses  des  Ligules  ont  été  décrites  pour 
la  première  fois  par  Creplin,  en  1839,  longtemps  avant  que  P.-J. 
van  fieneden  ne  découvrît  celle  des  Ténias. 

On  a  trouvé  des  Ligules  à  l'état  larvaire  (Ligula  reptans  Diesing) 
chez  un  très  grand  nombre  de  Mammifères,  d'Oiseaux  ou  de  Reptiles  ; 
elles  étaient  enkystées  en  divers  organes  ou  libres  dans  la  cavité 
générale.  On  n'en  a  pas  encore  signalé  chez  l'Homme. 

Rudolphi  a  rapporté  à  une  Ligule  un  Ver  que  Lorenz  Montin  eut 
l'occasion  d'examiner  en  1763  et  qui  avait  été  expulsé  par  une  femme 
de  vingt-cinq  ans.  L'observation,  décrite  avec  détails,  n'est  pas  dou- 
teuse, mais  la  détermination  du  parasite  est  certainement  inexacte: 
il  s'agissait  probablement  d'un  fragment  de  Ténia  présentant  l'ano- 
malie dont  nous  avons  parlé  plus  haut  (1)  sous  le  nom  de  Tœnia  fusa, 
Montin  dit  du  reste  que  sa  malade  rendit  des  Ascarides  et  des  Ténias, 
en  même  temps  que  sa  prétendue  Ligule. 

Dans  certaines  contrées  de  l'Italie,  le  peuple  rechercherait  comme 
un  mets  délicat  les  larves  de  Ligule  qui  se  trouvent  enkystées  chez 
les  Poissons  ;  Briganti  les  a  décrites  sous  le  nom  de  Ligula  edulis. 
Rudolphi  rapporte  cette  coutume  dans  les  termes  suivants  :  «  Ligula1 
in  pisciculi,  Cyprino  barbo  affînis,  abdomine  obviae  Italis,  nomine 
macaroni  piatti  edules,  in  deliciis  sunt.  » 

L.  Montin,  Utdrag  nf  en  Casus,  cm  Fasciola  intestinales  med  flere  slag 
af  maskur  hos  en  sjnk.  Vetensk.  Acad.  Handlingar,  p.  113,  1763. 

Dans  l'état  actuel  de  nos  connaissances,  il  est  fort  difficile  d'établir 
les  affinités  des  Cestodes,  animaux  évidemment  dégénérés  par  suite 
de  leur  adaptation  à  la  vie  parasitaire.  On  ne  saurait  méconnaître 

(1)  Voir  page  3G0. 


540 


ORDRE   DES  CESTODES. 


pourtant  leur  étroite  parenté  avec  les  Trémalo- 
des,  et  il  est  à  peu  près  certain  que  ces  deux 
groupes  d'animaux,  aujourd'hui  nettement  diffé- 
renciés et  classés  en  deux  ordres  distincts,  ont  eu 
à  l'origine  un  point  de  départ  commun. 

A  part  la  conformation  de  la  tête,  la  différence 
essentielle  que  l'on  constate  entre  les  Ténias  et 
les  Bolhriocéphales  tient  à  ce  que,  chez  ceux-ci, 
le  pore  génital  s'ouvre  sur  le  milieu  de  la  face 
ventrale  de  l'anneau,  tandis  que  chez  les  pre- 
miers il  est  situé  sur  le  bord  latéral,  soit  d'un 
seul  côté,  soit  des  deux  côtés.  Il  est  intéressant  de 
constater  qu'il  existe  des  termes  de  passage  entre 
ces  deux  formes:  par  exemple,  un  Ténia  du  Re- 
nard, encore  incomplètement  étudié  (Tœnia  litte- 
rata  Batsch),nous  a  montré  ses  pores  génitaux 
dans  une  situation  identique  à  celle  que  ces 
mêmes  orifices  occupent  chez  les  Bothriocéphales. 

Les  Cestodes  dérivent  d'animaux  qui  devaient 
vivre  à  l'état  de  liberté:  ils  possédaient  alors  un 
appareil  digestif  et  leur  bouche  était  armée  d'une 
ventouse.  Les  rudiments  de  cette  dernière  se  re- 
trouvent chez  Rhynchobothrium  corollatum,  parasite 
des  Plagiostomes,etchez  quelques  Tétrarhvnques. 
Chez  ces  derniers,  on  retrouve  encore  des  glandes 
salivaires  plus  ou  moins  développées,  analogues 
à  celles  des  Trématodes  et  des  Turbellariés;  on 
les  voit  même  chez  Anthocephalus  elongatus,  para- 
site d'Oiihagoriscus  mola,  déboucher  dans  le  fond 
delà  ventouse  buccale  rudimentaire.  Enfin,  nous 
avons  déjà  noté  plus  haut  que  certains  Ténias 
[Taenia  perfoliata)  présentaient  les  débris  des  mus- 
cles pharyngiens.  Tous  ces  faits  remarquables 
nous  autorisent  à  conclure  à  l'existence  ancienne 
d'un  appareil  digestif,  qui  est  allé  en  s'atrophiant 
sous  l'influence  du  parasitisme. 

Il  est  tout  aussi  certain  que  la  métamérisation 
des  Cestodes,  c'est-à-dire  la  formation  d'anneaux 
disposés  en  série  linéaire,  est  un  phénomène  se- 

Fig.  294.  —  Caryaphyllmui  mutabilité  d'après  Em. 
Blanchard.  —  a,  testicule;  6,  capsule  spermatiquo  ; 
c,  origine  de  l'utérus.  Les  ovaires  se  voient  dans 
presque  toute  la  longueur  du  corps. 


ORDRE  DES  TRÉMATODES.  541 

condaire  :  de  même  que  les  Trématodes,  ces  animaux  étaient  tout 
d'abord  dépourvus  de  segmentation.  Cet  état  primitif  est  conservé, 
dans  une  certaine  mesure,  chez  Caryophyllœus  mutabiUs  (fig.  294', 
dont  le  corps  n'est  point  segmenté  et  dont  l'appareil  génital  est 
simple.  Les  Ligules,  dont  le  corps  est  également  non  segmenté, 
mais  dont  les  organes  génitaux  sont  multiples  et  disposés  en  série 
linéaire,  nous  présentent  le  premier  degré  de  différenciation.  Celle-ci 
s'accentue  chez  les  Bothriocéphales,  est  plus  nette  encore  chez  les 
Ténias  et  atteint  son  maximum  chez  Echeneibothrium.  L'anneau  isolé 
est  alors  capable  de  vivre  indépendant,  à  la  façon  d'un  véritable  ani- 
mal: non  seulement  il  se  contracte  et  exécute  des  mouvements  de 
reptation,  mais  encore  il  se  nourrit  et  augmente  de  volume. 


ORDRE  DES  TREMATODES 

L'ordre]  des  Trématodes  renferme  des  Vers  plats  vivant  en 
parasites  chez  les  animaux  les  plus  divers;  leur  corps  est 
inarticulé;  ils  présentent  une  bouche  et  un  tube  digestif 
bifurqué,  mais  sont  dépourvus  d'anus. 

D'après  l'ensemble  de  leurs  caractères  morphologiques, 
embryologiques  et  biologiques,  on  peut  les  diviser  en  deux 
groupes  naturels  on  sous-ordres  :  les  Distomiens  et  les  Poly- 

STOMIENS. 

Les  Distomiens  sont  munis  au  plus  de  deux  ventouses;  ils 
vivent  en  parasites  à  l'intérieur  des  organes  et  présentent 
des  phénomènes  fort  compliqués  de  génération  alternante. 
La  plupart  sont  hermaphrodites,  mais  quelques  formes  sont 
unisexuées  (Monostoma,  Billiarzia).  Ce  groupe  comprend 
les  quatre  familles  des  Monostomidés,  des  Holostomidés,  des 
Distomidés  et  des  Gastérostomidés;  la  première  et  la  troi- 
sième renferment  des  parasites  de  l'Homme. 

Les  Polystomiens  sont  au  contraire  des  ectoparasites  ;  ils  se 
développent  sans  génération  alternante  et  présentent  toujours 
deux  petites  ventouses  antérieures  et  un  plus  ou  moins  grand 
nombre  de  ventouses  postérieures.  Ils  comprennent  les  trois 
familles  des  Tristomidés,  des  Polystomidés  et  des  Gyrodacty- 
lidés,  dont  chacune  renferme  plusieurs  genres  ;  aucun  ne  se 
rencontre  chez  l'Homme. 


842  ORDRE  DES  TREMATODES. 


FAMILLE     DES    MONOSTOMIDÉS 

Cette  famille  comprend  le  seul  genre  Monostoma  Zeder,  1803, 
représenté  par  plus  de  60  espèces  :  une  seule  a  été  indiquée 
chez  l'Homme,  et  encore  l'observation  n'est-elle  point  incon- 
testable. Les  Monostomes  sont  des  Trématodes  à  corps  ovale, 
plus  ou  moins  arrondi,  pourvus  d'une  seule  ventouse  entourant 
la  bouche.  Ils  sont  fort  analogues  aux  Distomes,  mais  diffèrent 
de  ceux-ci  par  l'absence  de  ventouse  ventrale. 

Monostoma  lentis  von  Nordmann,  1832. 
Synonymie  :  Festucaria  lentis  Moquin-Tandon,  1860. 

Dans  le  cristallin  d'une  femme  âgée,  opérée  de  la  cataracte, 
von  Nordmann  rencontra  huit  Monostomes.  Ces  parasites 
étaient  logés  dans  les  couches  superficielles  de  la  substance 
du  cristallin,  avaient  0mm,21  de  longueur  et  se  mouvaient, 
quoique  lentement,  après  avoir  été  mis  dans  l'eau  chaude. 
L'examen  fut  pratiqué  aussitôt  après  l'opération.  Il  est  à 
remarquer  que  le  cristallin  n'était  point  encore  obscurci,  que 
la  cataracte  était  en  voie  de  formation  et  que  le  tissu  du  cris- 
tallin était  encore  mou. 

Diesing,  Leuckart  et  Cobbold  pensent  que  Monostoma  lentis 
est  identique  à  Distoma  oculi  kumani;  Kùchenmeister  croit 
d'autre  part  qu'il  s'agissait  là  d'une  Rédie.  Il  est  certain  que 
l'observation  rapportée  par  von  Nordmann  est  trop  sommaire 
pour  qu'on  puisse  se  prononcer  avec  assurance  sur  la  nature 
des  parasites  qu'il  a  rencontrés;  mais  la  présence  de  Mono- 
stomes dans  l'œil  de  l'Homme  n'est  pas  chose  impossible.  On 
sait  en  effet  que  certaines  espèces  peuvent  vivre  chez  les  Mam- 
mifères et  Monostoma  Setteni  a  été  trouvé  par  Numan  dans 
l'œil  du  Cheval  (1). 

Al.  von  Nordmann,  Miltrograpldsche  Iieitrâge  zur  Naturgeschichte  der  wir* 
bellosen  TMere.  Berlin,  in-4",  1832.  Voir  II,  p.  ix.  — Analysé  par  Rayer,  Note 
(nlditwnnelle  sur  les  Vers  observés  dans  Vœil  ou  dans  l'orbite  des  animaux 
vertébrés.  Archives  de  médecine  comparée,  I,  p.  113,  KSi;5.  Voir  p.  1  16. 

(1)  De  môme*  Monostoma  constrictum  a  été  vu  par  Diesing  dans  l'œil  de  la 
Brème. 


DISTOMA  HEPATICUM.  543 

A.  Numan,  Over  Wormen,  voorkomende  in  de  oogenvan  somuiigc  dieren  en 
den  Mcnsch,  vergezeld  van  eene  vuiarne.mmg  orntrent  een,  tôt  dus  ver  niet 
beschreven,  Worm,  verwijderd  uit  het  oog  van  een  Paard  doov  de  opening 
von  luit  hoornvlies.  Tijdschrift  voor  natuurl.  gescliiedonis  en  physiologie, 
VII,  p.  358,  18Î0. 


FAMILLE    DES    DISTOMIDÉS 

Cette  importante  famille  est  constituée  par  des  animaux  à 
corps  lancéolé,  munis  de  deux  ventouses.  En  outre  de  la 
ventouse  buccale,  on  trouve  en  effet  à  la  face  ventrale  une 
seconde  ventouse  dont  la- situation  varie  :  est-elle  rapprochée 
de  la  précédente,  on  a  affaire  au  genre  Distoma  Retzius,  1786; 
est-elle  reportée  vers  l'extrémité  postérieure  du  corps,  large 
et  plus  ou  moins  excavée,  on  a  affaire  au  genre  Amphistoma 
Rudolphi,  1810.  Les  Distomes  et  les  Amphistomes  sont  herma- 
phrodites ;  les  animaux  du  genre  Bilharzia  Gobbold  sont,  au 
contraire,  à  sexes  séparés. 

Les  trois  genres  que  nous  venons  de  nommer  sont  les  prin- 
cipaux de  la  famille:  tous  trois  renferment  des  espèces  para- 
sites de  l'Homme.  Les  Amphistomes  et  les  Bilharzies  sont  peu 
nombreux,  mais  on  connaît  environ  350  espèces  de  Dis- 
tomes, les  unes  microscopiques,  les  autres  de  très  grande 
taille  et  mesurant  jusqu'à  10  ou  12  centimètres  de  longueur, 
comme  Distoma  ingens  Moniez  et  D.  gigas  Nardo. 

Distoma  hepaticum  Relzius,  1786. 

Synonymie  :  Fasciola  hepatica  Linné,  17G7. 
F.  humana  Gmelin,  1789. 
F.  lanceolata  Rudolphi,  1803. 

La  Douve  hépatique  vit  normalement  dans  les  canaux 
biliaires  du  foie  du  Mouton;  on  l'observe  aussi  quelquefois 
chez  l'Homme  et  chez  un  certain  nombre  d'animaux,  notam- 
ment chez  des  Ruminants  et  des  Rongeurs. 

Les  œufs  se  voient  en  très  grande  quantité  dans  les  canaux 
et  dans  la  vésicule  biliaire;  ils  donnent  à  la  bile  une  teinte 
brun  sombre  et  un  aspect  sableux;'  ils  s'accumulent  parfois 
dans  les  plus  fins  canalicules,  au  point  de  former  une  masse 
brune  et  compacte  qui  les  oblitère  complètement.   Ils  sont 


544  ORDRE  DES  TRÉMAÎODES. 

entraînés  avec  la  bile  dans  l'intestin,  et  l'examen  microscopique 
des  matières  fécales  permet  de  les  retrouver,  en  même  temps 
qu'il  est  le  seul  moyen  de  diagnostiquer  la  présence  du  parasite- 

L'œuf,  en  effet,  a  une  structure  caractéristique.  C'est  un 
corps  ovoïde,  limité  par  une  coque  chitineuse,  lisse,  transpa- 
rente et  d'un  brun  jaunâtre.  Ses  dimensions  moyennes  sont 
de  130  (j.  sur  80  [*;  elles  peuvent  varier  d'ailleurs  de  105  à 
145  [/.  pour  la  longueur  et  de  66  à  90  p.  pour  la  largeur.  L'extré- 
mité antérieure  est  un  peu  plus  arrondie  que  la  postérieure  ; 
celle-ci  est  parfois  légèrement  épaissie  et  rugueuse.  Au  pôle 
antérieur  se  voit  une  ligne  circulaire  légèrement  ondulée,  qui 
limite  un  opercule  large  de  28  ja.  Ainsi  constitué,  cet  œuf 
ressemble  beaucoup  à  celui  de  Bothriocephalus  latus,  dont  il  ne 
se  distingue  guère  que  par  sa  taille  à  peu  près  double  ;  il  ne 
lui  ressemble  pas  moins  par  la  structure  et  par  le  mode  de 
développement. 

L'œuf  mûr  renferme  une  seule  cellule  ovulaire,  fournie  par 
le  germigène,  et  un  grand  nombre  de  cellules  nutritives, 
fournies  par  le  vitellogène.  La  segmentation  commence  lorsque 
l'œuf  descend  dans  l'oviducte;  ses  diverses  phases  n'ont  pas 
encore  été  suivies  chez  Dlstoma  hepaticum,  mais  Schauinsland, 
que  nous  prendrons  encore  pour  guide,  les  a  bien  étudiées 
chez  diverses  autres  espèces,  notamment  chez  D.  tereticolle. 

Le  vitellus  de  formation,  représenté  par  la  cellule  ovulaire  (fig.  293, 
A,  c),  occupe  le  pôle  de  l'œuf  où  se  formera  la  partie  antérieure  de 
l'embryon  et  où  se  voit  l'opercule.  Le  reste  de  l'œuf  est  constitué  par 
le  vitellus  de  nutrition,  b,  dont  l'origine  cellulaire  est  encore  indi- 
quée par  un  grand  nombre  de  noyaux;  il  est  infiltré  dans  toute  sa 
masse  de  granulations  réfringentes.  C'est  le  vitellus  formatif  qui,  par 
ses  divisions  successives,  fournit  toutes  les  cellules  blastodermiques, 
processus  au  cours  duquel  le  vitellus  nutritif  est  absorbé  peu  à  peu. 

La  cellule-œuf  possède  un  gros  noyau  nucléole;  elle  est  d'abord 
complètement  sphérique.  Elle  s'allonge  bientôt  dans  le  sens  du  grand 
axe  de  l'œuf,  puis  se  divise  en  deux  blastomères,  B,  d.  Ceux-ci  se 
placent  ordinairement  l'un  derrière  l'autre  et  sont  de  taille  inégale. 
L'irrégularité  de  la  segmentation  se  poursuivant,  on  passe  par  des 
stades  avec  3,  4,  5,  6,  7  cellules  de  dimensions  variables  ;  il  devient 
bientôt  très  difficile  de  fixer  le  nombre  des  blastomères:  leurs  con- 
tours sont  si  incertains,  que  L'ensemble  a  l'aspect  d'une  grande  cel- 
lule plurinucléée. 


DISTOMA  IIEPATICUM. 


o45 


Vers  les  derniers  stades  de  la  segmentation,  on  remarque  une 
cellule  qui  se  sépare  légèrement  des  autres,  dont  elle  se  distingue 
d'autre  part  en  ce  qu'elle  occupe  le  sommet  de  l'amas  des  blastomères. 
Cette  cellule  ne  larde  pas  à  se  diviser  en  deux  cellules  nouvelles,  D,  e, 
qui  recouvrent  la  morula  à  la  façon  d'une  calotte  et  l'enveloppent 
progressivement,  leurs  bords  s'allongeant  en  une  membrane  extrê- 
mement mince.  Ainsi  se  constitue  un  chorion,  qui  ne  prend  aucune 


Fig.  295.  —  Développement  de  Distomn  tereticolle,  d'après  Schauinsland.  — 
a,  coque  de  l'œuf  ou  membrane  vitelline  ;  6,  vitellus  nutritif;  c,  vitellus 
formatif  ou  cellule  ovulaire;  d,  blastomères  provenant  de  la  segmentation 
de  la  cellule  ovulaire  et  aboutissant  à  la  formation  de  la  morula  ;  e,  cellules 
polaires  donnant  naissance  au  chorion. 


part  à  la  formation  de  l'embryon.  11  n'est  d'abord  formé  que  par  les 
deux  cellules  dont  nous  venons  de  parler,  et  ne  s'avance  que  jusqu'à 
la  limite  du  vitellus  de  nutrition,  enveloppant  ainsi  tout  l'amas  em- 
bryonnaire, E,  e.  A  mesure  que  le  vitellus  nutritif  est  absorbé  et  que 
la  morula  augmente  de  taille,  les  deux  cellules  qui  ont  donné  nais- 
sance au  chorion  se  multiplient  par  division  :  on  voit  apparaître  en 
divers  points  de  ce  dernier  quelques  cellules  plates,  ordinairement 
groupées  par  paire.  La  membrane  enveloppe  alors  progressivement 
le  vitellus  de  nutrition  et  englobe  ainsi  tout  le  contenu  de  l'œuf; 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  35 


546  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

cela  fait,  il  se  montre  au  pôle  postérieur  du  chorion,  comme  naguère 
au  pôle,  antérieur,  une  cellule  en  capuchon  qui  se  divise  bientôt  en 
deux,  F,  e. 

Pendant  que  le  chorion  se  constituait,  la  segmentation  se  pour- 
suivait sans  relâche.  Les  blastomères  deviennent  plus  nombreux  et 
plus  petits,  et  forment  une  masse  solide  qui  refoule  de  plus  en  plus 
le  vitellus  nutritif,  jusqu'à  ce  qu'enfin  elle  remplisse  l'œuf  tout  en- 
tier. Il  ne  reste  plus  alors  que  quelques  débris  du  vitellus  de  nutri- 
tion, sous  forme  de  petits  globules  très  réfringents,  suspendus  dans 
une  masse  homogène  semi-liquide.  Ces  globules  sont  groupés  aux 
deux  pôles  de  l'œuf  et  se  disposent  aussi  en  une  mince  couche 
entre  la  membrane  d'enveloppe  et  la  morula,  F,  b. 

A  cette  phase  du  développement,  le  contenu  de  l'œuf  consiste  donc 
en  une  morula  solide,  ayant  l'aspect  d'un  ellipsoïde  de  révolution  et 
formée  de  petites  cellules  toutes  semblables  entre  elles,  à  noyau  nu- 
cléole et  à  contours  très  peu  accentués.  Le  tout  est  enveloppé  par  un 
chorion  complètement  clos,  qui  englobe  également  les  résidus  du 
vitellus  de  nutrition. 

Le  développement  entre  dès  lors  dans  une  phase  nouvelle,  carac- 
térisée par  la  différenciation  de  l'endoderme  et  de  l'ectoderme;  ce 
dernier  se  forme  vraisemblablement  par  épibolie.  L'amas  des  cel- 
lules embryonnaires,  jusque-là  complètement  homogène,  se  montre 
alors  revêtu  sur  toute  sa  surface  d'une  couche  unique  de  cellules 
aplaties,  qui  se  recouvrent  bientôt  de  cils  vibratiles  longs  et  serrés. 
L'endoderme  est  d'abord  représenté  par  une  masse  solide,  mais  bien- 
tôt quelques-unes  de  ses  cellules  se  disposent  régulièrement,  de  ma- 
nière à  former  un  cul-de-sac  intestinal  qui  s'enfonce  à  l'intérieur  du 
corps  jusque  vers  le  milieu  de  la  longueur.  Ce  caecum  est  rempli  par 
une  masse  granuleuse;  son  extrémité  antérieure  constitue  un  rostre 
qui  demeure  invaginé  tant  que  l'embryon  reste  dans  l'œuf. 

Quant  aux  autres  cellules  endodermiques,  certaines  d'entre  elles 
s'appliquent  contre  l'ectoderme;  elles  sont  reconnaissables  à  leur 
l'orme  aplatie  et  à  leur  disposition  régulière;  elles  délimitent  ainsi 
une  sorte  de  cœlôme  que  remplissent  un  grand  nombre  de  cellules  sphé- 
riques  conservant  l'aspect  et  les  propriétés  des  cellules  embryon- 
naires primitives.  Ces  blastomères,  non  utilisés  dans  la  formation  de 
l'embryon,  sont  destinés  à  devenir  les  cellules  germinatives,  aux  dé- 
pens desquelles  proviendront  en  partie  les  générations  nouvelles. 

L'embryon  se  meut  alors  à  l'intérieur  de  l'œuf:  une  légère  pres- 
sion suffit  à  faire  sauter  le  clapet  et  à  déchirer  le  chorion.  Ce  dernier 
reste  dans  l'œuf,  alors  que  l'embryon  devient  libre;  pendant  le  cours 
du  développement,  il  a  perdu  de  plus  en  plus  son  caractère  cellu- 
laire et  s'est  transformé  en  une  membrane  mince  et  vitreuse,  dam 


DISTOMA  nEPATICUM.  54" 

laquelle  les  réactifs  colorants  sont  seuls  capables  de  déceler  la  pré- 
sence de  noyaux  en  partie  détruits. 


Tel  est,  d'après  Schauinsland,  le  développement  de  Distoma 
tèreticolle;  il  y  a  lieu  de  penser  que,  sauf  de  légères  différences, 
les  choses  se  passent    de  la  même  maniée  pour  l'œuf    de 
D.  hepaticum.   Ce  dernier   se  développe  rapidement,  s'il  est 
placé  dans  l'eau  et  soumis  à  une 
température  modérée,  telle  que 
23  à  26°;  l'embryon  cilié,  infu- 
soriforme   (fig.  296),  se   forme 
alors  en  deux  à  trois  semaines  ; 
le  développement  se  trouve  en- 
core accéléré  par  l'adjonction 
de  0,5  p.    100  de  chlorure   de 
sodium.    A    une    température 
moins  élevée,  le  développement 
est  plus  lent:  à  16°,  par  exem- 
ple, il  exige  deux  ou  trois  mois. 
Le  froid  de  l'hiver  arrête  tout 
travail  évolutif,  mais  l'œuf  n'est 
pas  tué  par  une  température  de 
0°.  Tous  les  œufs  ne  se  dévelop- 
pent du  reste  pas  avec  une  égale 
rapidité  :    dans   les    conditions 
normales,   l'œuf    étant   exposé 
dans  l'eau  pure  à  la  température 
ambiante,  Baillet  a  vu  l'éclosion 
se  faire  après  un  minimum  de 
50  à  52  jours,  parfois  au  bout 
de  47  jours  ;  mais  il  n'est  point 
rare  de  la  voir  se  produire  avec 
un  retard  de  24,  33,  41  et  même 


Fig.  29G.  —  OEuf  contenant  un  em- 
bryon près  d'éclore,  d'après  Tho- 
mas. —  a,  opercule;  6,  capuchon 
de  mucus  contre  lequel  s'appuie 
l'extrémité  céphalique  de  l'em- 
bryon; c,  résidus  vitellins  ;  d,  rostro 
ou  papille  céphalique;  e,  épidémie 
vibratile  ;  /",  rudiments  de  l'appa- 
reil digestif;  g,  taches  oculaires; 
h,  entonnoir  cilié  ;  »,  cellules  blas- 
todermiques  remplissant  la  cavité 
du  corps. 


54  jours. 

Quand  l'embryon,  complètement  formé,  est  prêt  à  éclore,  il 
présente  l'aspect  que  représente  la  figure  296.  C'est  un  animal- 
cule légèrement  incurvé  sur  lui-même  et  à  côté  duquel  se 
voient  les  débris  du  vitellus  de  nutrition,  c.  Il  est  limité  par 
un  épithélium,  e,  couvert  de  longs  cils  vibratiles  sur  toute  son 


o  ORDRE  DES  TREMATODES. 

étendue,  sauf  à  l'extrémité  antérieure,  où  se  distingue  un  rostre 
ou  papille  céphalique,  d.  Ce  rostre  est  toujours  tourné  du  côté 
de  l'opercule,  a,  et  s'appuie  contre  une  masse 
muqueuse  qui  forme  une  sorte   de   coussi- 
net, b. 

Parvenu    à   ce  degré  de   développement, 
SH99  l'embryon  est  capable  de  vivre  librement  :  ses 

I  H  H  mouvements  deviennent  de  plus  en  plus  mar- 

qués et  finalement,  par  un  mouvement  d'ex- 
TlHnf  tension  de  tout  le  corps,  il  fait  sauterie  clapet 

de  l'œuf.  Le  coussinet  muqueux  est  expulsé 
W$  du  même  coup  et  l'embryon  fait  sortir  de  la 

Fig. 297. —Embryon     COque  de  l'œuf  la  partie  antérieure  de  son 
cihe,  au  moment  ,  ..  .  .      .,  ..... 

de  l'éciosion.  corps  :  les  cils  commencent  a  vibrer  aussitôt 

que  l'eau  les  touche.  L'animalcule  a  encore 

quelques  efforts  à  faire  pour  passer  tout  entier  par  l'étroite 

ouverture;  quand  il  s'est  enfin  dégagé,  il  part  comme  un  trait 

et  s'éloigne  rapidement  dans  l'eau  (fig.  297}. 

L'embryon  a  l'aspect  d'un  cône  allongé,  à  sommet  arrondi; 
il  est  long  d'environ  130  [/.  et  large  de  27  ^  à  son  extrémité  an- 
térieure. Celle-ci  correspond  à  la  base  du  cône  et  présente  en 
son  centre  une  sorte  de  rostre  ou  papille  céphalique,  courte  et 
rétractile  (fig.  29ti  et  298,  d).  Le  corps  est  limité  extérieurement 
par  un  ectoderme  dont  les  cellules,  larges  et  aplaties,  sont  dis- 
posées en  cinq  et  parfois  en  six  rangées  transversales  :  la  lon- 
gueur de  ces  cellules  varie  entre  25  et  35  (x  ;  chacune  d'elles 
possède  un  noyau  large  seulement  de  3  p.  Les  cellules  de  la 
première  rangée,  au  nombre  de  quatre  et  parfois  de  cinq,  sont 
plus  épaisses  que  les  autres  et  ressemblent  à  des  épaulettes 
(fig.  298,  /);  celles  de  la  seconde  rangée  sont  au  nombre  de 
cinq  ou  six;  les  deux  rangées  suivantes  en  contiennent  quatre 
et  la  dernière  seulement  deux.  Toutes  ces  cellules  sont  poly- 
gonales et  couvertes  de  cils  vibratiles  longs  de  12  (x;  ces  der- 
niers sont  plus  serrés  et  plus  apparents  sur  les  cellules  du 
premier  rang;  ils  n'existent  point  sur  le  rostre. 

Au-dessous  des  cellules  ciliées  se  trouve  une  couche  granu- 
leuse, dont  Thomas  a  démontré  la  nature  cellulaire  et  que 
Biehringer  considère  comme  un  véritable  épiderme,  analogue 
à  l'hypoderme  des  autres  Vers.  Celte  couche  granuleuse  est 


DISTOMA  IIEPATICUM,  B40 

elle-même  superposée  aune  double  assise  musculaire,  dont  les 
fibres  transversales,  situées  en  dehors,  sont  beaucoup  plus  dé- 
veloppées que  les  fibres  longitudinales.  De  cette  couche  dépen- 
dent les  deux  taches  oculaires:  on  les  représente  habituelle- 
ment sous  la  forme  d'un  X  (fig.  297),  mais  ce  sont  en  réalité 
deux  masses  de  pigment  sombre,  ayant  l'aspect  de  croissants 
adossés  parleur  face  convexe,  au  voisi- 
nage de  leurs  cornes  antérieures  (fig.  296 
et  298,  g).  Chaque  tache  oculaire  est  en 
réalité  composée  d'une  cellule  dans  la- 
quelle le  pigment  est  déjeté  d'un  côté, 
sous  forme  d'un  croissant  dont  la  con- 
cavité est  remplie  par  une  substance  ré- 
fringente jouant  le  rôle  de  cristallin.  La 
paroi  du  corps  renferme  encore  un  grand 
nombre  de  granules  jaunâtres  réfrin- 
gents, notamment  en  arrière  des  taches 
oculaires. 

L'embryon  est  pourvu-  d'un  appareil 
excréteur,  représenté  par  deux  espaces 
infundibuliformes  et  ciliés  (fig.  296,  h). 
Ceux  ci  sont  situés  de  chaque  côté  de  la 
partie  moyenne  du  corps  :  chacun  d'eux 

renferme   un  grand    cil  porté   par  une   Fig.  298.  —  Embryon  en 
cellule  nucléée  et  ordinairement  dirigé      train  de  perforer  les  tis- 
en  avant.  Le  cil  s'unit  par  un  disque  à 
la  cellule  basilaire;  il  est  linguiforme  et 


sus  du  Mollusque,  d'a- 
près Thomas.  —  /,  cel- 
lules en  épaulettes  de 
la  première  rangée;  d 
et  g,  comme  dans  la 
figure  29G. 


est  constamment  en  mouvement,  par 
suite  d'ondulations  qui  se  propagent  de 
la  base  au  sommet, 

Immédiatement  en  arrière  du  rostre,  on  remarque  une  masse 
granuleuse,  que  Thomas  considère  comme  un  appareil  digestif 
rudimentaire,  f.  Le  reste  de  la  cavité  du  corps  est  occupé  par 
des  cellules  fortement  granuleuses,  qui  proviennent  directe- 
ment des  cellules  de  segmentation,  i. 

L'embryon  est  extrêmement  actif  :  il  tient  son  rostre  rétracté 
et  nage  rapidement,  sans  trêve  ni  repos;  il  ressemble  alors 
beaucoup  à  un  gros  Infusoire,  quoiqu'il  soit  plus  agile.  Parfois 
il  se  dirige  en  avant  :  il  tourne  alors  sur  son  grand  axe,  se 


550  ORDRE  DES  TREMATODES. 

déviant  tantôt  à  droite,  tantôt  à  gauche,  comme  pour  chercher 
quelque  chose.  D'autres  fois  il  s'incurve  sur  lui-même  et  se 
déplace  vivement  en  cercle  ;  parfois  encore,  il  s'incurve  davan- 
tage et  tourne  sur  lui-même  sans  changer  de  place.  Arrive-t-il 
au  contact  de  quelque  objet,  il  s'arrête  un  instant,  comme 
pour  en  reconnaître  la  nature;  s'il  n'est  pas  satisfait  de  cet 
examen,  il  s'éloigne  en  toute  hâte.  Il  ne  s'arrête  que  lorsqu'il 
rencontre  enfin  l'hôte  chez  lequel  il  doit  accomplir  la  suite  de 
son  développement;  dans  le  cas  contraire,  ses  mouvements  se 
ralentissent  et  il  meurt  au  bout  de  huit  heures  environ. 

Cet  hôte  intermédiaire  est  resté  longtemps  ignoré.  Ce  qu'on  savait 
du  développement  et  des  migrations  des  Distomes  voisins  de  la  Douve 
hépatique  donnait  pourtant  à  penser  que  ce  devait  être  un  Mollusque. 
Le  revêlement  cilié  de  l'embryon,  reconnu  par  Creplin,  indiquait  d'au- 
tre part  un  habitat  aquatique  et  aurait  dû  faire  songer  à  un  Mollusque 
fluvialile.  Aussi  a-t-on  lieu  d'être  surpris  de  voir  Moulinié  proclamer 
que  Limax  agrestis  est  l'hôte  intermédiaire,  comme  si  le  passage  de 
l'embryon  dans  ce  Gastropode  terricole  était  chose  possible. 

Plus  tard,  von  Willemœs-Suhm  lit  remarquer  que  la  Douve  du  foie 
est  très  commune  chez  les  Moutons  des  îles  Kœrœ.  Or,  la  faune  des 
Gastropodes  terrestres  et  fluviatiles  de  cet  archipel  se  réduit  à  huit 
espèces  (Arion  ater,  A.  cinctus,  Limax  agrestis,  L.  tnarginatus,  Vitrifia 
jpellucida,  Hyalina  alliaria,  Limnœa  truncatula  et  L.  peregra).  En  rai- 
son de  l'extrême  fréquence  de  Limax  agrestis,  von  Willemœs-Suhm 
considéra  cet  animal  comme  l'hôte  intermédiaire.  De  leur  côté,  Rol- 
leston  et  Kùchenmeister  attribuaient  le  même  rôle  à  Arion  alcr;  Er- 
colani  l'attribuait  également  à  Hélix  carthvsianella  et  II.  maculosq  et 
Piana  à  certaines  espèces  terrestres. 

Von  Linstow  essaya  sans  succès  d'infester  Succinea  amphibia  et 
Planorbis  vorlex,  au  moyen  d'embryons  éclos  dans  des  aquariums 
renfermant  ces  Mollusques. 

C'est  à  Weinland  que  revient  le  mérite  d'avoir  donné  la  première 
indication  quant  a  l'hôte  intermédiaire.  En  août  1873,  il  trouva  à 
Urach,  dans  les  Alpes  de  Souabe,  un  Limnœa  truncatula  dont  le  foie  était 
rempli  de  Cercaires.  Celles-ci  étaient  dépourvues  d'aiguillon  cépba- 
lique,  mais  étaient  couvertes  de  fines  épines.  Elles  avaient  une  ten- 
dance marquée  à  ramper  à  la  surface  des  objets:  elles  perdaient  alors 
leur  queue.  Weinland  pensa  que  ces  Cercaires  s'enkystaient  sur 
l'herbe,  au  voisinage  de  l'eau  et,  passant  dans  l'intestin  du  Mouton, 
se,  transformaient  en  Douves  hépatiques. 

Cette  observation  de  Weinland  mit  Leuckart  sur  la  voie  qui  devait 


DISTOMA   IIEPATICUM.  551 

le  conduire  à  une  rigoureuse  démonstration  expérimentale.  Le  pro- 
fesseur de  Leipzig  avait  déjà  tenté  de  vaines  expériences  d'infestation 
sur  divers  animaux  aquatiques,  quand,  vers  le  milieu  de  l'été  de  1 879, 
il  plaça  dans  ses  aquariums  un  certain  nombre  de  Limnœa  peregra 
(fig.  299,  B).  Peu  de  jours  après,  il  constata  que 
des  embryons  de  Douve  étaient  allés  se  fixer  sur  la  a 
plupart  de  ces  Mollusques;  on  les  trouvait  surtout 
dans  le  fond  de  la  cavité  respiratoire,  tantôt  isolés,  WJL 
tantôt  réunis  en  grand  nombre;  ils  avaient  déjà  ™ 
perdu  leur  manteau  cilié  et  se  trouvaient  à  l'état  de  A 
Sporocvste.  Fig.  299.  -  A,  Lem- 

_        .  .  ,  ,  »    «.  nxa  truncatula  ; 

Leuckart  en  conclut  que  les  embryons  aeDistoma       Bj  umnxa  per. 

hepaticum  sont  capables  de  se  développer  à  l'inlé-  egra. 
rieur  de  Limnsea  peregra.  Plus  les  Mollusques  sont 
jeunes,  plus  l'infestation  est  sûre  et  complète.  Chez  des  individus 
gros  comme  une  tête  d'épingle,  on  trouve  fréquemment  enkystés  plu- 
sieurs douzaines  d'embryons;  les  animaux  adultes  ou  à  moitié  déve- 
loppés sont  presque  complètement  épargnés.  Les  autres  espèces  de 
Limnées(£.  palustris,  L.  auricularia)  se  sont  comportées  de  la  même 
façon. 

Cependant  des  expériences  ultérieures  ont  montré  à  Leuckart  que, 
bien  loin  de  produire  des  Cercaires,  les  Rédies  développées  chez 
L. peregra  meurent  au  bout  de  quatre  à  cinq  semaines:  ce  Mollusque 
n'est  donc  point  le  véritable  hôte  intermédiaire,  encore  qu'il  en  soit 
très  voisin.  Dans  le  but  d'expérimenter  sur  L.  (minuta)  truncatula 
(fig.  299,  A),  espèce  inconnue  aux  environs  de  Leipzig,  Leuckart  eut 
recours  à  Weinland  pour  se  procurer  ce  Mollusque.  Ce  dernier  est, 
à  n'en  pas  douter,  l'hôte  intermédiaire,  il  se  laisse  infester  bien  plus 
aisément  que  le  précédent  et  est  apte  à  recevoir  le  parasite  à  tout 
âge. 

Tandis  qu'en  Allemagne  Leuckart  faisait  cette  importante  observa- 
tion, en  Angleterre  Thomas  arrivait  à  un  résultat  identique.  En  dé- 
cembre 1880,  cet  observateur  trouva  dans  un  Limnœa  truncatula  cap- 
turé dans  un  champ  infesté,  à  Wytham,  près  Oxford,  une  Cercaire 
qu'il  crut  devoir  rapporter  à  la  Douve  hépatique.  Pendant  l'été  de  1882, 
il  expérimenta  sur  cette  même  Limnée  et  fut  assez  heureux  pour  voir 
l'embryon  de  la  Douve  s'y  développer  jusqu'à  l'état  de  Cercaire  mûre  ; 
comparant  celle-ci  avec  celle  qu'il  avait  trouvée  à  Wytham,  il  re- 
connut leur  parfaite  identité  (1). 

(1)  Bien  que  les  publications  de  Thomas  soient  un  peu  antérieures  à  celles 
de  Leuckart,  le  mérite  d'avoir  démontré  le  premier  expérimentalement  le 
passage  de  l'embryon  de  la  Douve  chez  Limnœa  truncatula  revient  pourtant 
à  celui  ci.  En  effet,  dès  1880,  Leuckart  faisait  connaître  à  Cobbold  le  résultat 


5B2  ORDRE  DES   TRÉMATODES. 

Limnœa  truncatula  est  donc  l'hôte  chez  lequel  se  développe 
l'embryon  delà  Douve.  Dès  qu'il  rencontre  le  Mollusque,  l'em- 
bryon commence  à  en  perforer  les  tissus;  dans  ce  but,  il  se 
sert  de  son  rostre.  Cet  organe  n'est  ordinairement  long  que  de 
6  p;  son  axe  est  occupé  par  une  sorte  de  baguette  semi-rigide. 
Dès  que  le  forage  commence,  le  rostre  s'allonge,  s'effile  et 
devient  conique  :  l'embryon  tourne  autour  de  son  axe,  les  cils 
de  sa  surface  vibrent  énergiquement  et  le  pressent  contre  le 
Mollusque  ;  cette  pression  est  encore  augmentée  par  les  mou- 
vements de  l'embryon,  qui  tour  à  tour  se  contracte  sur  lui- 
même  et  se  relâche  brusquement.  Le  rostre  s'allonge  de  plus 
en  plus,  à  mesure  qu'il  s'enfonce  dans  les  tissus  de  la  Limnée  ; 
il  peut  atteindre  ainsi  jusqu'à  cinq  fois  sa  longueur  première 
(fig.  298).  Les  tissus  finissent  par  s'écarter,  comme  sous  la 
pression  d'un  coin,  et  par  présenter  une  brèche,  grâce  à  la- 
quelle l'embryon  pénètre  dans  le  Mollusque. 

Nous  avons  reconnu  plus  haut  que  l'embryon  sait  discerner 
exactement  l'hôte  qui  lui  convient;  mais  il  n'est  pas  toujours 
aussi  heureux  dans  le  choix  de  l'organe  dans  lequel  il  pénètre. 
Assez  souvent  il  s'enfonce  dans  le  pied,  où  il  ne  pourra  qu'ex- 
ceptionnellement poursuivre  son  développement:  il  y  meurt 
d'ordinaire  au  bout  de  deux  ou  trois  jours.  Son  habitat  naturel 
semble  être  la  chambre  pulmonaire,  que  la  minceur  de  ses  pa- 
rois rend  très  accessible.  On  peut  rencontrer  aussi  quelques 
embryons  dans  la  cavité  du  corps. 

L'embryon  subit  alors  une  métamorphose  consistant  en  la 
perte  de  ses  organes  locomoteurs  :  il  perd  sa  couche  de  cellules 
ciliées,  exactement  comme  le  fait  l'embryon  du  Bothriocéphale 
et  se  transforme  en  un  Sporocyste  inerte.  Au  cours  de  sa  mé- 
tamorphose, il  peut  présenter  divers  aspects,  mais  finit  par 
prendre  la  forme  d'une  masse  elliptique.  Les  taches  oculaires 
se  séparentl'une  de  l'autre  et  perdent  leur  aspect  en  croissant; 
elles  persistent  néanmoins,  ainsi  qu'un  rudiment  du  rostre.  Le 
rudiment  du  tube  digestif  persiste  encore  quelque  temps, 
mais  finit  par  s'effacer. 

de  ses  observations  et,  dans  une  lettre  adressée  au  Times,  à  la  date  du  7  avril 
1880,  l'helmintliologiste  anglais  écrivait  ceci  :  «  Les  recherches  récentes  de 
Leuckart  indiquent,  le  Mollusque  appelé  Limnxa  truncatula  comme  l'hôte 
de  la  Cercaire  de  Fasciola  hepatica.  » 


DISTOMA   11EPATICUM.  553 

Quand  tous  ces  changements  sont  accomplis,  le  Sporocyste 
n'est  long  que  de  70  \i.  Il  atteint  sa  taille  définitive  en  moins 
de  quinze  jours,  pendant  la  chaleur  de  l'été;  en  un  mois  envi- 
ron, pendant  l'automne.  Il  reste  elliptique  jusqu'à  ce  qu'il 
atteigne  une  longueur  de  150  [x.;  sa  croissance  se  fait  alors  plus 
rapidement  suivant  le  diamètre  longitudinal  et  il  acquiert  la 
forme  d'un  sac  dont  la  paroi  se  compose  de  trois  couches. 

Conformément  à  ce  que  nous  avons  reconnu  chez  le  Bothrio- 
céphale,  le  manteau  cilié  que  rejette  l'embryon  au  moment  où 
il  se  transforme  en  Sporocyste  représente  l'ectoderme  tout 
entier,  au-dessous  duquel  se  développe  une  cuticule.  Biehrin- 
ger  n'admet  pas  cette  manière  de  voir  :  pour  lui,  le  manteau 
cilié  correspond  seulement  à  la  couche  externe  de  l'ectoderme, 
comparable  à  la  couche  épithéliale  externe  d'une  larve  d'Echi- 
noderme  ou  de  Némertien  ;  la  cuticule  aurait  donc  la  significa- 
tion d'un  véritable  épiderme.  Au-dessous  de  celle-ci  viennent 
une  très  mince  couche  musculaire,  formée  de  deux  assises 
rudimentaires,  et  un  épithélium  qui  limite  intérieurement  la 
cavilé  du  corps  et  constitue  la  partie  principale  de  la  paroi 
du  Sporocyste  (1). 

La  cavité  du  corps  est  remplie  d'une  masse  de  cellules  claires 
et  arrondies  que  l'on  appelle  cellules  germinalives.  Quelques- 
unes  dérivent  peut-être  des  cellules  blastodermiques  dont  nous 
avons  noté  l'existence  dans  la  cavité  du  corps  de  l'embryon, 
mais  la  plupart  prennent  naissance  aux  dépens  de  l'épithélium 
interne  du  Sporocyste.  En  un  point  quelconque  de  la  couche 
épithéliale,  on  peut  voir  une  cellule  se  diviser  en  deux  suivant 
un  plan  perpendiculaire  au  grand  axe  de  l'animal;  par  suite  de 
divisions  successives,  il  se  forme  4,  8,  16  cellules  et  plus,  qui 
se  disposent  en  une  sorte  de  morula.  Cette  masse,  développée 
dans  l'épaisseur  de  l'épithélium,  proémine  bientôt  à  la  surface 
de  ce  dernier  et  finit  par  tomber  dans  la  cavité  centrale,  où 
elle  complète  son  développement,  c'est-à-dire  arrive  à  l'état  de 
Rédie. 

Cependant  le  Sporocyste  continue  de  croître:  il  atteint  fina- 

1  Quelques  Sporocystes  présentent  parfois  une  quatrième  couche,  qui 
enveloppe  les  trois  premières.  Lcuckart  avait  déjà,  reconnu  qu'elle  n'apparte- 
nait pas  véritablement  à  la  paroi  du  Sporocyste;  Biehringer  montre  qu'elle  est 
formée  par  les  globules  sanguins  de  l'hôte. 


oo4  ORDRE   DES  TREMATODES. 

lement  une  longueur  de  0mm,5  à  0mm,7;  les  cellules  germina- 
tives  sont  déjà  libres  et  disposées  en  masses  ayant  l'aspect  de 
morulas,  alors  qu'il  n'est  encore  long  que  de  0mm,2. 

L'appareil  excréteur  est  logé  dans  l'épaisseur  de  la  paroi  du 
Sporocyste;  on  trouve  dans  le  tiers  moyen  de  la  longueur  du 
corps,  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane,  une  demi-douzaine 
d'entonnoirs  ciliés,  ayant  la  même  structure  que  chez  l'em- 
bryon. Cesentonnoirs  ne  semblent  pas  être  en  rapport  avecdes 
canaux,  maisilscommuniquent  avec  un  vaste  systèmedelacunes 
irrégulières, interposées  aux  cellules  de  la  paroi  du  corps.  On  n'a 
pu  voir  encore  ces  lacunes  s'ouvrir  ni  à  l'intérieur,  dans  la 
cavité  générale,  ni  à  l'extérieur,  à  la  surface  du  tégument. 

Le  Sporocyste  est  capable  de  se  multiplier  directement,  soit 
par  division  transversale,  soit  par  production  de  nouveaux 
Sporocystesaux  dépens  des  amas  de  cellules  germinatives,  soit 
encore  indifféremment  par  l'une  et  l'autre  manière  chez  une 
même  espèce  [Cercaria  chlorolica).  Le  premier  cas  peut  se 
continuer  à  travers  plusieurs  générations,  comme  chez  Cerca- 
ria limoeis;  il  s'observe  quelquefois  chez  Distoma  hêpalicwn, 
mais  ne  s'effectue  que  chez  de  très  jeunes  Sporocystes. 

Nous  avons  vu  les  cellules  se  multiplier  activement  et  se  dis- 
poser en  amas  mûriformes.  Chacun  de  ces  derniers  se  comporte 
par  la  suite  à  la  façon  d'une  véritable  morula,  c'est-à-dire  qu'il 
produit  par  invagination  une  gastrula  d'abord  arrondie,  puis 
ovale,  que  délimite  bientôt  une  délicate  membrane.  Le  germe 
ainsi  constitué  va  se  développer  en  une  Rédie,  qui  prendra 
bientôt  une  forme  allongée  (tig.  300).  A  l'entrée  du  progaster, 
certaines  cellules  se  différencient  en  un  pharynx  sphérique,  0; 
un  peu  en  arrière  de  celui-ci,  une  sorte  de  collier  fait  légè- 
rement saillie  à  la  surface  du  corps,  c,  tandis  que,  vers  l'extré- 
mité postérieure,  se  montrent  deux  appendices  courts  et 
mousses,  e,  analogues  à  des  membres  rudimentaires. 

Le  Sporocyste  mûr  renferme  donc  un  certain  nombre  de 
Ilédies  à  différents  degrés  de  développement.  Quand  la  Rédie 
a  atteint  une  longueur  moyenne  de  2(30  jx,  elle  est  apte  à  quitter 
le  Sporocyste  qui  lui  a  donné  naissance  :  elle  est  alors  animée 
de  mouvements  dont  l'énergie  augmente  jusqu'à  ce  qu'elle 
finisse  par  rompre  la  paroi  du  Sporocyste  :  elle  élargit  la  déchi- 
rure ainsi  produite  et  se  sépare  de  son  parent.  Certains   Spo- 


DISTOMÀ  I1EPATICUM. 

rocystes,  comme  celui  d'où  dérive 
Cercaria  gracilis,  ont  un  orifice  spé- 
cial pour  la  mise  en  liberté  des  Ré- 
dies;  le  Sporocyste  du  Distome  hé- 
patique ne  présente  rien  de  sem- 
blable. 

Aussitôt  qu'elle  est  devenue  libre, 
la  Rédie  (fig.  300)  se  fraye  un  che- 
min à  travers  les  tissus  de  son  hôte 
et  va   se  fixer  dans  divers  organes, 
mais  surtout  dans  le  foie.  Elle  gran- 
dit jusqu'à  ce  qu'elle  atteigne  une 
longueur  de  lmm,3  à  imm,6;  elle  est 
alors  d'une  forme  cylindrique  allon- 
gée.  L'extrémité  antérieure  s'eftile 
légèrement,  puis  se  termine  brus- 
quement par  une  surface  tronquée, 
au  centre  de  laquelle  se  voit  la  bou- 
che. Un  peu  en  arrière  du  pharynx,     g..|M 
b,  on  remarque  à  la  surface  du  corps 
le  collier  circulaire,    c,   dont  nous 
avons  déjà  parlé.  En  arrière  de  celui- 
ci,  le  corps  se  rétrécit  légèrement, 
puis  va  en  s'élargissant  jusque  vers 
le  milieu  de  sa  longueur;  il  s'effile 
alors  plus  ou  moins  rapidement  jus- 
qu'à l'extrémité  postérieure,  qui  se 
termine  par  une  surface  arrondie.  A 
peu  près  à  l'union  des  trois  quarts 
antérieurs  et  du  quart  postérieur  du 


55  S 


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Fig.  300.  —  Rédie  adulte  contenant  une  Ré- 
die-fille,  une  Cercaire  approchant  de  sa 
maturité,  deux  autres  Gercaires  plusjeunes 
et  des  germes  de  toutes  dimensions.  D'a- 
près Thomas.  —  a,  cellules  glandulaires?  ; 
6,  pharynx;  c,  collier;  (/,  orifice  d'éclo- 
sion;  e,  appendices  postérieurs  représen- 
tant des  membres  rudimentaires  ;  /",  germes 
à  divers  états  de  développement;  «/,  cellule  germinative.  —  Les  lettres  grec- 
ques se  rapportent  h  la  Cercaire.  a,  ventouse  buccale;  [3,  œsophage  ;  •/,  caecum 
intestinal;  o,  rudiments  de  la  ventouse  ventrale. 


5o6  ORDRE  DES   TRÉMATODES. 

corps,  se  trouvent  les  deux  appendices  coniques  et  mousses 
qui  jouent  le  rôle  de  membres  rudimentaires,  e  :  ils  servent  en 
effet  à  affermir  la  Rédie  et  l'empêchent  de  glisser  en  arrière, 
tandis  qu'elle  se  déplace  au  sein  des  tissus  de  son  hôte.  Ces 
appendices  sont  symétriquement  opposés  l'un  à  l'autre,  situés 
à  la  face  ventrale  et  dirigés  en  dehors  et  en  arrière. 

La  paroi  du  corps  a  la  même  structure  que  chez  le  Sporo- 
cyste,  sauf  de  légères  différences.  Les  fibres  musculaires  sont 
beaucoup  plus  développées,  surtout  dans  la  partie  antérieure, 
en  sorte  que  la  Rédie  est  notablement  plus  mobile  que  le 
Sporocyste.  Elles  sont  surtout  marquées  dans  le  collier  où  elles 
présentent  une  disposition  particulière  :  les  fibres  transversales 
semblent  être  immédiatement  sous-jacentes  à  la  cuticule  ;  elles 
sont  plus  denses  vers  les  bords  du  collier  que -vers  sa  partie 
convexe.  Les  fibres  longitudinales  ne  s'infléchissent  pas  pour 
suivre  la  surface  du  collier,  mais  traversent  directement  d'un 
bord  à  l'autre  de  sa  base.  La  saillie  que  fait  le  collier  à  la  sur- 
face du  corps  varie  considérablement  suivant  les  individus  ;  elle 
tient  à  l'état  de  contraction  des  fibres  musculaires.  Le  collier 
a  pour  fonction  de  maintenir  la  forme  du  corps  et  de  donner 
au  cou  une  base  solide  sur  laquelle  il  puisse  se  mouvoir. 

L'appareil  sécréteur  de  la  Rédie  est  mieux  développé  que 
celui  du  Sporocyste  :  on  observe  dans  la  paroi  du  corps  des 
canaux  à  limites  nettes.  De  chaque  côté  se  voit  un  vaisseau 
longitudinal  sinueux;  il  est  difficile  de  le  suivre  sur  une  bien 
grande  longueur,  mais  ses  ramifications  sont  plus  distinc- 
tes. On  ne  saurait  dire  si  ce  système  de  vaisseaux  s'ouvre  à 
l'extérieur:  ses  branches  prennent  naissance  par  un  entonnoir 
long  et  étroit,  dans  lequel  un  gros  cil  est  sans  cesse  en  mou- 
vement. Les  entonnoirs  vibratiles  sont  disposés  en  deux  grou- 
pes de  chaque  côté  du  corps  :  le  groupe  antérieur  est  situé  un 
peu  en  arrière  du  collier,  le  postérieur  est  contigu  au  prolon- 
gement latéral. 

La  Rédie  se  distingue  essentiellement  du  Sporocyste  par  la 
présence  d'un  appareil  digestif.  La  bouche  est  entourée  de 
plis  saillants  ou  lèvres  auxquels  un  développement  particulier 
des  muscles  permet  de  fonctionner  a  la  façon  d'un  sphincter. 
Les  lèvres  circonscrivent  un  espace  fort  étroit,  qui  débouche 
presque  directement  dans  le  pharynx,  0,   organe   musculaire 


DfSTOMA  HEPATICUM.  557 

elliptique,  au  moyeu  duquel  l'animal  déchire  les  tissus  dont 
il  se  nourrit.  Le  pharynx  est  limité  en  dehors  par  une  mem- 
brane; il  est  tapissé  en  dedans  par  une  épaisse  cuticule.  A  sa 
suite  vient  le  tube  digestif,  simple  cul-de-sac  dont  la  longueur 
varie  d'un  individu  à  l'autre,  mais  dépasse  rarement  0mm,3  à 
0mm,4.  Il  se  compose  d'une  simple  membrane  anhiste,  à  l'inté- 
rieur de  laquelle  se  voit  une  couche  unique  de  cellules  claires 
et  nucléées;  quand  il  est  distendu  par  la  masse  alimentaire, 
celles-ci  s'aplatissent  tellement  que  le  noyau  proémine  à  leur 
surface. 

La  cavité  du  corps  est  traversée  en  différentes  directions  par 
un  tissu  trabéculaire  dont  l'abondance  est  des  plus  inégales, 
suivant  les  individus.  11  s'accumule  en  grande  quantité  dans  la 
partie  antérieure,  autour  du  pharynx  et  du  cul-de-sac  digestif; 
il  fait  parfois  complètement  défaut  dans  la  partie  postérieure. 
A  l'union  du  pharynx  et  de  l'intestin,  on  remarque  dans  ce  tissu 
quelques  grandes  cellules  rondes  dont  le  protoplasma  est  clair 
et  le  noyau  de  grande  taille  :  ce  sont  probablement  des  cellu- 
les glandulaires,  a. 

Sur  l'un  des  côtés  de  la  Rédie,  un  peu  en  arrière  du  collier, 
se  trouve  un  petit  orifice  impair,  d,  par  où  sortiront,  quand  ils 
seront  aptes  à  quitter  leur  parent,  les  êtres  qui  se  développent 
à  l'intérieur  du  corps. 

Par  un  procédé  semblable  à  celui  que  nous  avons  étudié  chez 
le  Sporocyste,  la  Rédie  produit  des  cellules  germinatives,  g, 
dont  l'évolution  en  morulas  nous  est  déjà  connue,  j.  Chaque 
morula  est  entourée  d'une  délicate  membrane  et  se  transforme 
en  une  gastrula  dont  l'évolution  peut  se  faire  de  deux  façons, 
•suivant  qu'elle  produit  une  Rédie-fille  ou  une  Gercaire. 

La  cause  de  cette  remarquable  différence  dans  le  dévelop- 
pement est  encore  ignorée.  Thomas  croit  la  trouver  dans  la 
saison  :  il  n'a  vu  les  Rédies  donner  naissance  aux  Rédies- 
filles  que  pendant  la  saison  chaude  ;  en  hiver,  elles  produisent 
toujours  directement  des  Cercaires.  Dans  les  saisons  inter- 
médiaires, telles  que  l'automne,  on  peut  voir  parfois,  chez  une 
même  Rédie,  une  seule  Rédie-fille  se  développer  au  milieu 
d'un  grand  nombre  de  Cercaires.  La  Rédie  destinée  à  produire 
une  nouvelle  génération  de  Rédies  est  ordinairement  plus  petite 
que   celle   qui  produit  des  Cercaires,    mais  son  pharynx  et 


558  ORDRE   DES  TRÉMATODES. 

son  tube  digestif  sont  plus  grands  que  chez  cette  dernière.  De 
plus,  une  Rédie-mère  ne  contient  jamais  plus  de  10  Rédies- 
filles  ou  germes  de  Rédies-filles  à  divers  états  de  développement  ; 
elle  renferme  au  contraire  jusqu'à  23  Cercaires. 

La  Rédie-fille  se  développe  exactement  delà  même  façon  que 
sa  mère  ;  l'évolution  de  la  Gercaire  suit  une  marche  différente. 
La  gastrula,  dont  nous  avons  reconnu  l'origine,  s'allonge  et 
l'une  de  ses  extrémités  s'effile  plus  que  l'autre.  L'extrémité  la 
plus  grêle  se  comprime  pour  former  la  queue.  Le  reste  de  la 
gastrula  s'aplatit  en  une  sorte  de  disque  qui  représente  le 
corps  de  la  Gercaire.  Les  cellules  superficielles  se  différencient 
à  l'extrémité  antérieure,  de  manière  à  produire  une  ventouse 
buccale  (fig.  300,  a;  301,  a),  au  fond  de  laquelle  s'ouvre  la  bou- 
che ;  les  cellules  situées  au  milieu  de  la  face  inférieure  se 
différencient  également  eu  une.  ventouse  ventrale  (fig.  300,  S; 
fig.  301,  d),  de  même  taille  que  la  précédente. 

L'appareil  digestif  se  présente  alors  sous  la  forme  d'un  cor- 
don cellulaire  plein.  Le  bulbe  pharyngien  (fig.  300,  p;  fig.  301, 
b)  vient  immédiatement  à  la  suite  de  la  ventouse  buccale  ;  il  est 
suivi  lui-même  d'un  étroit  œsophage  (fig.  301,  b'),  qui  remonte 
légèrement  vers  la  face  dorsale  et  qui,  en  avant  de  la  ventouse 
ventrale,  se  bifurque  en  deux  branches  intestinales  (fig.  300,  x; 
fig.  301,  c).  Chacune  de  ces  dernières  se  prolonge,  de  chaque 
côté  de  la  ventouse  ventrale,  jusque  vers  l'extrémité  du  corps; 
elle  est  encore  constituée  par  une  simple  rangée  d'épaisses 
cellules  discoïdes. 

Les  parties  latérales  du  corps  sont  occupées  par  des  cel- 
lules dont  quelques-unes,  qui  se  laissent  infiltrer  par  des 
granulations,  sont  destinées  à  prendre  part  à  la  formation  du 
kyste  de  la  Cercaire  et  méritent  le  nom  de  cellules  cystogènes,  e. 
Les  granulations  sont  d'abord  en  petit  nombre  et  peu  appa- 
rentes; elles  deviennent  progressivement  plus  nombreuses  et 
finissent  par  obscurcir  le  noyau  et  par  rendre  la  cellule 
opaque.  Parmi  les  autres  cellules  constituant  le  parenchyme 
du  corps  de  la  Gercaire,  on  en  voit  beaucoup  dont  le  proto- 
plasma est  rempli  de  corpuscules  en  bâtonnets,  dont  la  forme 
et  la  taille  rappellent  celles  des  Bactéries.  Ceux-ci  sont  longs 
de  ()|j.  et  se  disposent  souvent  côte  à  côte  en  rangées  qui,  à 

ntérieur  d'une  même  cellule,  marchent  toutes  sensiblement 


à 


une  vingtaine   de 


DISTOMÀ  IIEPÀTICUM.  559 

dans  la  môme  direction.  Leuckart  croyait  ces  bâtonnets 
destinés  à  se  réunir  en  faisceaux,  pour  donner  naissance  aux 
spicules  qui  se  montrent  à  la  surface  de  la  Douve  adulte  ; 
Thomas  rejette  cette  interprétation,  sans  pourtant  pouvoir 
dire  rien  de  précis  sur  la  nature  de  ces  corpuscules. 

La   Rédie  adulte  renferme    à  peu   près 
germes;   parmi  ceux-ci,   on  trouve 
communément  d'une  à  trois,    par- 
fois même  jusqu'à  six  Gercaires  ap- 
prochant de  leur  maturité. 

Dès  que  son  développement  est 
achevé,  la  Cercaire  sort  du  corps  de 
la  Rédie  par  l'orifice  d'éclosion  (fig. 
300,  d)  :  à  l'aide  de  ses  ventouses  et 
de  sa  queue ,  elle  rampe  et  serpente 
jusqu'à  ce  qu'elle  parvienne  au 
dehors  de  son  hôte.  Devenue  libre, 
elle  est  très  agile  et  se  contracte  si 
activement  que  sa  forme  et  ses  di- 
mensions présentent  des  modifica- 
tions incessantes.  A  l'état  de  repos, 
elle  est  de  forme  ovale  et  déprimée 
(fig.  301)  ;  elle  mesure  en  moyenne 
0mm,28  de  long  sur  0mm,23  de  large  ; 
les  plus  grands  exemplaires  mesurent 
parfois  plus  de  0mm,30  de  longueur. 
La  queue  a  plus  de  deux  fois  la  lon- 
gueur du  corps;  elle  est  extrême- 
ment contractile.  La  ventouse  buc- 
cale est  subterminale  ;  l'orifice  de  la 
bouche  est  dirigé  en  bas  et  en  avant 
et  est  large  de  60  u.;  le  pharynx  est 
large  de  34  [t.  La  ventouse  ventrale, 
située  un  peu  en  arrière  du  centre  de  la  face  inférieure,  a  les 
mêmes  dimensions  que  la  précédente  ou  est  même  un  peu  plus 
grande. 

Gomme  il  arrive  dans  la  plupart  des  cas  où  les  Gercaires  sont 
produites  par  des  Rédies,  la  Cercaire  est  dépourvue  d'épine 
côphalique.  Dans  sa  partie  antérieure,  la  surface  des  individus 


Fig.  301.  — Cercaire  libre,  d'a- 
près Thomas. —  a,  ventouse 
buccale  ;  b,  pharynx  ;  6', 
œsophage  ;  c,  caecum  intes- 
tinal :  d,  ventouse  ventrale; 
e,  cellules  cystogènes. 


560  ORDRE  DES  TRÉMATODES, 

mûrs  est  couverte  d'épines  d'une  extrême  finesse.  Mais  ce  qui 
caractérise  surtout  la  Cercaire,  c'est  la  présence  des  cellules 
cystogènes,  si  infiltrées  de  gros  granules  réfringents  qu'elles 
en  paraissent  tout  à  fait  opaques.  Elles  sont  réparties  en  deux 
lobes  situés  de  chaque  côté  du  corps  (fig.  301,  e),  depuis  le  pha- 
rynx jusqu'à  l'extrémité  postérieure.  Immédiatement  en  avant 
de  la  ventouse  ventrale,  on  voit  un  autre  groupe  de  semblables 
cellules  ;  cet  amas  est  souvent  assez  large  pour  se  fusionner 
avec  les  deux  masses  latérales.  Quelques  autres  cellules  sont 
encore  éparses  en  arrière  de  la  ventouse  ventrale. 

Les  cellules  cystogènes  masquent  les  autres  organes  ren- 
fermés dans  le  corps  de  la  Cercaire;  on  peut  voir  néanmoins 
la  vésicule  contractile  du  système  excréteur  et,  de  chaque 
côté,  les  vaisseaux  latéraux. 

La  Cercaire  libre  (1)  ne  nage  pas  longtemps  dans  l'eau; 
elle  s'arrête  bientôt  à  la  surface  d'un  corps  submergé,  par 
exemple  sur  une  plante  aquatique  ,  et  s'enferme  dans  un 
kyste  blanc  comme  neige.  Elle  s'arrondit  tout  d'abord,  puis  du 
mucus  suinte  de  toute  la  surface  de  son  corps,  entraînant  les 
granulations  que  contenaient  les  cellules  cystogènes.  La  queue 
tombe  parfois  avant  que  l'animal  ne  commence  à  s'enkyster  ; 
habituellement  elle  persiste  tant  que  dure  la  formation  du 
kyste  et  continue  à  fouetter  énergiquement  de  côlé  et  d'autre, 
jusqu'à  ce  qu'enfin  elle  se  détache  par  une  contraction  plus 
vigoureuse.  L'enkystement  est  très  rapide  :  en  quelques  mi- 
nutes il  se  forme  une  couche  très  épaisse,  qui  durcit  presque 
aussitôt.  Si  on  isole  alors  la  Cercaire  avec  précaution,  on 
constate  qu'elle  est  devenue  claire  et  transparente  :  les  cel- 
lules cystogènes  ont  disparu  ;  sous  l'effort  des  contractions  de 
l'animal,  elles  ont  été  expulsées  et  ont  servi  à  la  construction 
du  kyste. 

Les  mœurs  de  Limnœa  truncalula  nous  rendent  compte  de 

(!)  Ercolani  avait  noté  que  l'eau  légèrement  salée  exerce  sur  les  Cercaires 
une  action  mortelle.  Perroncito  a  déterminé  le  titre  de  la  solution  de  chlo- 
rure de  sodium  capable  de  tuer  les  Cercaires  et  les  petits  Distomes.  Les 
Corcairc*  hébergées  par  Limmea  palus  tris  meurent  rapidement  dans  uno 
solution  à  \  p.  100;  elles  succombent,  en  moins  de  cinq  minutes  à  2  p.  100; 
elles  meurent  au  bout  de  20  a  :3f>  minutes  à  1  p.  100,  après  avoir  progressive- 
ment ralenti  leurs  mouvements.  La  mort  arrive  en  une  demi-heure  à  0,G.r) 
p.  100,  mais  elles  vivent  encore  après  20  heures  dans  la  solution  à  0,25  p.  100. 


DISTOMA   1IEPATICUM.  561 

la  manière  dont  les  Cercaires  enkystées  peuvent  être  avalées 
par  les  Mammifères  herbivores  chez  lesquels  elles  parviennent 
à  l'état  adulte.  Ce  Gastropode  d'eau  douce  est  en  réalité 
amphibie  :  il  se  tient  très  souvent  hors  de  l'eau.  Après  des 
pluies  abondantes,  on  le  trouve  en  très  grande  quantité  dans 
l'herbe,  sur  le  bord  des  fossés;  il  reste  vivant  dans  le  gazon 
aussi  longtemps  que  celui-ci  est  humide;  pendant  la  séche- 
resse, il  se  ramasse  dans  sa  coquille  et  demeure  plus  ou  moins 
longtemps  en  une  sorte  de  vie  latente.  Dans  de  semblables 
conditions,  il  est  aisé  de  comprendre  comment  se  fait  l'infes- 
tation  du  bétail,  soit  en  avalant  les  plantes  sur  lesquelles 
s'est  enkystée  la  Gercaire,  soit  en  avalant  le  Mollusque  lui- 
même. 

Quant  aux  cas  où  le  Distome  pénètre  chez  l'Homme,  ils 
s'expliquent  par  l'ingestion  d'eau  renfermant  des  Cercaires  en 
liberté  ou  de  Cresson  dont  la  tige  ou  les  feuilles  supportent  des 
kystes. 

J.-J.  Moulinié,  De  la  reproduction  chez  les  Trcmatodes  endo-parasites.  Mérn. 
de  l'Institut  genevois,  III,  1855. 

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bryologie der  Trematoden.  Z.  f.  w.  Z.,  XXIII,  p.  33'2,  1873. 

D.  F.  Weinland,  Die  Weichthierfauna  der  schwiibischen  Alb.  Stuttgart, 
1875.  Voir  p.  101.  —  Jahreshefte  des  Vereins  fur  vaterl.  Naturkunde  in 
Wurttemberg,  XXXII,  p.  234,  187G.  Voir  p.  333.  —  Id.,  Zur  Entwicklungsge- 
schichte  des  Leberegels  [Distoma  hepaticum).  Jahreshefte  des  Vereins  fur  rater* 
làndische  Naturkunde  Wiirttembergs,  XXXIX,  p.  89,  1883. 

O.  von  Linstow,  Beobachtungen  an  neuen  und  bekannten  Hebninthen.  Archiv 
♦fur  Xaturgeschichte,  I,  p.  183,  1875.  Voir  p.  103. 
■    C.  Baillet,  Note  sur   le  développement  de  l'embryon  dans  les  œufs  de  la 
Douve  hépatique.  Mém.  de  l'Acad.  des  sciences  de  Toulouse,  (2),  I,  p.  197, 
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G.  Rolleston.  The  Times,  14tu  april  1880. 

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p.  123,  1880-1.  —  Id.,  Dell'  adattamento  délia  specie  alï  ambiente.  Nuove 
ricerche  sulla  storia  genetica  dei  Trematodi.  Memorie  dell'  Accad.  délie  se. 
dell'  Istituto  di  Bologna,  (4),  II,  p.  239,  1 881.  —  ld.,  De  l'adaptation  des  espè- 
ces au  milieu  ambiant,  nouvel  es  recherches  sur  l'origine  des  Trématodes. 
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XMI,  p.  1,  aprii  1881.  —  Id.,  A  second  rep  rt  of  experimeots  on  the  develop- 
•ment  of  lirer-fl.ke  Fasciola  hepatica  Ibidem,  XVIII,  p.  439,  oct.  18s*2.  — 
ld.,  A  parasite  of  Lminœa  truncatula.  Journal  of  Conch  >logy,  III.  p.  329,  1882. 
—  ld.,  Second  report  of  experiments  on  thé  devet  opinent  of  the  liver-ftuke  {Fas- 
ciola hepatica  ,  Veterinarian,  LVI,  p.  IS  ».  338  and  10 i.  18^3.  —  Id.,  The  life- 
Blanthahd.  —  Zool.  raéd.  36 


562  ORDRE  DES  TRËMATODES. 

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geschichte,  I,  p.  80, 1882.  Analysé  dans  Archives  des  se.  physiques  et  nat.,  (3), 
VIII,  p.  467,  1882. 

G.  P.  Piana,  Le  Cercarie  net  Molluschi  studiate  in  rapporto  colla  pvesenza 
del  Distoma  epitico  e  del  Distoma  lanceolato  nel  fegato  dei  Ruminanti  do- 
mestici.  La  clinica  veterinaria,  V,  1882. 

H.  Schauinsland,  Beitrage  zur  Kenntniss  der  E  mbnjonalentwickelung  der 
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der  Embryonalentwicklung  der  Trematoden.  Jenaische  Zeitschrift,  XVI, 
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J.  T.  Marshall,  On  a  parasite  of  Limnsea  truncatula.  Journal  of  concho- 
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dessèchement.  Archives  italiennes  de  biologie,  VI,  p.  154,  1884. 

W.  Schwarze,  Die  postembryonale  Entwicklung  der  Trematoden.  Z.  f.  w.  Z., 
XL1II,  p.  41,  1886. 

Dès  qu'elle  a  pénétré  chez  son  hôte  définitif,  la  Gercaire  su- 
bit rapidement  les  transformations  qui  l'amènent  à  l'état 
adulte.  Son  kyste  est  dissous  par  les  sucs  digestifs  ;  elle  rede- 
vient active  et  remonte  par  le  canal  cholédoque  jusque  dans 
les  canaux  biliaires.  Elle  s'accroît  alors  très  vite  et  change 
complètement  de  forme  ;  la  partie  postérieure,  dans  laquelle 
se  développent  les  organes  génitaux,  l'emporte  bientôt  sur 
l'antérieure.  La  ventouse  postérieuse  prend  part  elle-même, 
dans  une  certaine  mesure,  à  l'accroissement  de  la  partie  pos- 
térieure du  corps  :  chez  la  Gercaire,  les  deux  ventouses  étaient 
à  peu  près  d'égale  taille  ;  chez  la  Douve  adulte,  l'antérieure  est 
à  la  postérieure  comme  1 :  1,33. 

La  Douve  hépatique  a  été  déjà  décrite  bien  des  fois  ;  son 
étude  anatomquea  élé  faitesurtout  parMehlis,  Em.  Blanchard, 
Slieda,  Leuckart,  Sommer  et  Macé  ;  la  plupart  des  détails  qui 
suivent  sont  empruntés  aux  excellentes  descriptions  de  ces 
trois  derniers  auteurs. 

C'est  un  animal  dont  le  corps  aplati,  plus  long  que  large,  a  la 
forme  d'une  feuille  de  Myrte  ou  d'une  lancette  (fig.  302).  La 


DISTOMA   HEPATICUM.  563 

longueur  moyenne  est  de  15  à  33  millimètres,  la  largeur  de 
ï  à  13  millimètres.  L'épaisseur  est  variable  suivant  l'état  de 
réplétion  ou  de  vacuité  des  organes  sexuels, 
qui  occupent  la  partie  médiane  du  corps. 

Celui-ci  est  divisé  en  deux  parties,  de 
taille  inégale.  L'antérieure,  longue  seule- 
ment de  3  à  4  millimètres,  large  de  3  mil- 
limètres à  sa  base  et  épaisse  de  2mm,o,  a 
la  forme  d'un  cône  tronqué,  dont  la  plus 
petite  base  est  antérieure  :  c'est  le  prolon- 
gement céphalique,  toujours  tourné  en  avant 
lors  de  la  locomotion  et  renfermant  les 
centres  nerveux  et  la  partie  initiale  du  tube  H I 

digestif.    L'autre    partie,    beaucoup     plus  W 

large,   est  le    corps  proprement  dit  ;  elle   Fig.  302.  —  Distomâ 

contient  la  plupart  des  organes.  hepaticum,&e  gran- 

r     r  °  deur  naturelle,  va 

Qu'on  l'examine  par  la  face  dorsale   ou      par  la  face  ventrale. 

par  la  face  ventrale,  le  corps  de  la  Douve 

se  montre  parcouru  dans  le  sens  de  la  longueur  par  cinq  zones 

différentes  d'aspect  :  une  zone  médiane  et,  de  chaque  côté, 

deux  zones  latérales. 

La  zone  médiane  (1)  est  blanchâtre  chez  les  individus  jeunes  ; 
elle  présente  de  grosses  taches  brunes  à  sa  partie  antérieure, 
chez  les  individus  en  pleine  maturité  sexuelle.  La  couleur 
blanchâtre  est  due  aux  tubes  testiculaires,  dont  les  sinuosités 
remplissent  cet  espace  médian,  du  moins  dans  ses  deux  tiers 
postérieurs;  les  taches  brun  rougeâtre  tiennent  aux  œufs  mûrs, 
à  coque  colorée,  qui  distendent  l'oviducte. 

Les  deux  bandes  qui,  de  chaque  côté,  bordent  la  zone  mé- 
diane sont  les  zones  latérales  (2).  La  zone  latérale  interne 
forme  une  bande  assez  large,  fortement  piquetée  de  brun  noir; 
elle  est  occupée  par  les  vitellogènes,  très  développés  chez  les 
adultes.  Entin,  la  zone  latérale  externe,  d'aspect  blanchâtre  et 
limitée  au  bord  latéral  du  corps,  est  occupée  par  les  caecums 
latéraux  de  l'intestin. 

Si  l'on  examine  une  Douve  par  la  face  ventrale,  on  remarque 
tout  d'abord  les  deux  ventouses,  au  moyen  desquelles  se  fixe 

(1)  Mittetfeld  ou  Hodenfeld  de  Leuckart. 

(2)  Seitenfelder  de  Leuckart. 


564  ORDRE   DES    TRÉMATODES. 


l'animal  et  qui  jouent  d'autre  part  un  rôle  important  dans  la 
locomotion.  L'antérieure  (fig.  303  et  306,  A;  fig.  304,  c\ 
fig.  305,  e),  au  fond  de  laquelle  se  trouve  l'orifice  buccal,  est 
située  au  sommet  du  prolongement  céphalique  :  elle  est  large 
de  0mm,12  à  0mm,84  ;  la  plupart  des  auteurs  la  décrivent  comme 
exactement  terminale,  bien  qu'elle  soit  manifestement  repor- 
tée sur  la  face  ventrale.  La  ventouse  postérieure  (fig.  303  et 
306,  Bi,  située  à  l'union  du  prolongement  céphalique  avec  le 
corps,  est  plus  grande  et  plus  forte  que  la  précédente  et  me- 
sure de  1  millimètre  à  imm,10;  son  orifice  est  triangulaire.  Les 
anciens  observateurs  pensaient  que  cette  ventouse  était  per- 
forée et  la  considéraient  comme  une  seconde  bouche  ;  on  a 
depuis  longtemps  reconnu  l'inexactitude  de  cette  opinion. 

En  avant  de  la  ventouse  postérieure,  on  voit  un  orifice  ellip- 
tique, dirigé  obliquement  en  bas  et  en  dehors  :  c'est  le  sinus 
génital  (fig.  306,  D),  sorte  de  cloaque  peu  profond  où  viennent 
s'ouvrir,  à  gauche  la  vulve,  petite  et  en  forme  de  boutonnière, 
à  droite  la  poche  du  cirre.  Le  sinus  génital  esta  une  dislance 
de  0mm,3  à  0mm,o  en  avant  de  la  ventouse  postérieure  ;  il  est 
habituellement  médian,  mais  il  n'est  point  rare  de  le  voir  dé- 
jeté sur  la  gauche.  Sa  forme  est  variable  ;  il  a  d'ordinaire 
l'aspect  d'un  ovale  dont  le  diamètre  longitudinal  mesure 
0mm,35  à  0mm,50  et  le  transversal  de  0mm,07  à  0mm,44. 

La  face  dorsale  est  elle-même  pourvue  d'orifices,  mais  de 
plus  petites  dimensions  que  les  précédents.  Vers  la  partie 
moyenne,  on  remarque  la  terminaison  du  canal  de  Laurer, 
orifice  large  de  20  \l,  qui  le  plus  souvent  se  trouve  déjeté  en 
dehors  de  la  ligne  médiane,  soità  droite,  soit  àgauche.  A  l'extré- 
mité postérieure  se  voit  enfin  un  dernier  pertuis,  en  forme  de 
fente  :  c'est  le  pore  terminal  de  l'appareil  excréteur  (fig.  303,  h). 
Les  téguments,  dans  lesquels  Macé  a  le  premier  reconnu 
l'existence  de  corpuscules  calcaires,  analogues  à  ceux  des 
Ce>todes,  se  composent  de  plusieurs  couches. 

La  première  est  constituée  par  une  cuticule  anhiste  et  trans- 
parente, épaisse  de  20  à  30  p  et  présentant  des  plis  transver- 
saux assez  réguliers.  Elle  ne  recouvre  pas  seulement  toute  la 
surface  du  corps,  mais  tapisse  aussi  l'intérieur  des  ventouses  et 

réfléchit  dans  la  première  portion  de  l'appareil  digestif,  dans   ' 
le  sinus  (génital  et  dans  le  commencement  de  l'utérus.  Elle  est  H 


DISTOMA   HEPATICCM. 

hérissée  de  petites  écailles  losangiques,  dont  l'extrémité  anté- 
rieure est  arrondie  et  l'extrémité  postérieure  tronquée.  Ces 
écailles,  plus  épaisses  au  milieu  que  sur  les  côtés,  ont  leur  bord 
antérieur  grossièrement  pectine  :  par  la  pression,  on  peut  les 
décomposer  en  une  série  de  petits  bâtonnets  qui  tiennent  tous 
entre  eux  par  la  base,  comme  les  rayons  d'un  éventail.  Elles 
résistent  aux  réactifs,  même  à  la  potasse  concentrée,  ce  qui 
démontre  leur  nature  chitineuse. 

La  répartition  des  écailles  n'est  pas  la  même  sur  les  deux 
faces  de  l'animal.  Elles  sont  serrées  les  unes  contre  les  autres 
à  la  face  ventrale  et  se  montrent  partout  distribuées  uniformé- 
ment; à  la  face  dorsale,  elles  sont  beaucoup  plus  espacées  et 
font  même  complètement  défaut  dans  la  région  postérieure. 
D'après  Macé ,  ce  fait  s'expliquerait  aisément  :  les  écailles 
servent  à  maintenir  la  Douve  quand  elle  progresse  dans  les 
conduits  biliaires;  comme  elle  s'y  tient  enroulée  en  cornet,  la 
face  dorsale  devenant  interne,  cette  dernière  face  a  moins  be- 
soin que  l'autre  d'être  munie  d'aiguillons.  Ceux-ci  sont  dispo- 
sés en  rangées  transversales  alternes, 'plus  serrées  sur  la  tête 
et  plus  espacées  sur  le  corps;  ils  sont  longs  de  36  à  40  p  sur  la 
tête,  de  50  à  68  usur  le  corps. 

Au-dessous  de  la  cuticule,  Macé  décrit  une  couche  élastique 
facile  à  décomposer  en  fibres  d'une  extrême  longueur.  Puis 
vient  la  couche  musculaire,  dans  laquelle  on  reconnaît  jusqu'à 
quatre  systèmes  de  fibres  :  1°  des  fibres  annulaires,  assez  ir- 
régulièrement développées  et  atteignant  leur  maximum  sur  le 
prolongement  céphalique;  2°  des  fibres  diagonales,  qui  n'exis- 
tent que  dans  le  tiers  antérieur  du  corps  :  elles  ne  sont  pas  iu- 
triquées  dans  les  muscles  longitudinaux,  comme  le  pense 
Leuckart,  mais  entre  ceux-ci  et  les  muscles  annulaires  ;  3°  des 
fibres  longitudinales,  surtout  développées  dans  la  partie  pos- 
térieure du  corps  :  ces  fibres  sont  disposées  en  faisceaux  épais 
et  fréquemment  anastomosés  entre  eux;  leurs  intervalles  sont 
souvent  comblés  parles  éléments  de  la  couche  cellulaire  sous- 
jacente;  4°  des  fibres  dorso-ventrales,  groupées  en  faisceaux 
plus  ou  moins  épais,  qui  partent  de  l'une  des  faces  du  corps, 
traversent  le  parenchyme  et  vont  prendre  insertion  dans  les 
couches  musculiiires  de  la  face  opposée. 

La  partie  profonde  du  tégument  est  constituée  par  l'hypo- 


566  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

derme,  que  la  plupart  des  auteurs  ont  cru  formé  de  glandes 
unicellulaires  déversant  leur  produit  au  dehors  par  de  préten- 
dus canalicules  de  la  couche  cuticulaire.  Cette  assise  est,  en 
réalité,  formée  par  des  amas  de  cellules  jeunes,  éléments  de 
réserve  destinés  à  prendre  part,  suivant  les  cas,  soit  à  l'accrois- 
sement des  différentes  couches  que  nous  venons  d'étudier, 
soit  à  celui  du  parenchyme. 

Les  ventouses,  dont  nous  avons  indiqué  déjà  la  position  et 
les  dimensions,  se  rattachent  au  système  tégumentaire.  L'an- 
térieure, dont  l'épaisseur  est  considérable,  est  séparée  des  té- 
guments et  du  parenchyme  par  une  épaisse  coque  fibreuse  qui 
lui  donne  sa  forme  caractéristique  et  qui  sert  à  l'insertion  des 
muscles  dont  est  formée  la  majeure  partie  de  l'organe.  Ceux-ci 
sont  disposés  en  quatre  couches  :  la  première,  sous-jacente  à 
la  capsule  fibreuse,  est  constituée  par  des  fibres  méridiennes, 
allant  du  bord  supérieur  au  bord  inférieur  ;  la  seconde  com- 
prend des  fibres  annulaires,  qui  font  le  tour  de  la  ventouse  et 
sont  disposées  en  petits  faisceaux  ;  la  troisième,  qui  est  de 
beaucoup  la  plus  importante  et  qui  forme  presque  à  elle  seule 
la  masse  de  l'organe,  est  formée  de  fibres  radiaires  allant  de  la 
face  externe  à  la  face  interne  ;  enfin  vient  une  seconde  couche 
de  fibres  annulaires.  La  ventouse  est  revêtue  intérieurement 
d'une  cuticule  assez  épaisse,  qui  est  en  continuation  directe 
avec  celle  des  téguments. 

Laventousepostérieure  présente  la  même  structure  générale. 

En  outre  de  leurs  muscles  intrinsèques,  les  ventouses  don- 
nent encore  insertion,  par  leur  face  externe,  à  des  faisceaux 
musculaires  étalés  en  éventail,  qui  vont  se  perdre  dans  les  té- 
guments et  semblent  appartenir  au  syslème  de  muscles  diago- 
naux ou  dorso-ventraux.  Ces  faisceaux  sont  de  véritables  mus- 
cles rotateurs  de  la  ventouse, qu'ils  ont  pour  fonction  de  déplacer. 

La  structure  de  la  ventouse  étant  connue,  il  est  aisé  de  com- 
prendre son  fonctionnement.  L'organe  étant  appliqué  sur 
quelque  surface,  les  fibres  radiaires  se  contractent,  agrandis- 
sent ainsi  la  cavité  centrale  et,  par  conséquent,  y  font  un  vide 
relatif  qui  est  cause  de  l'adhérence.  La  contraction  des  autres 
couches  musculaires  ramène,  au  contraire,  la  cavité  de  la  ven- 
touse à  son  volume  primitif  et  rétablit  l'équilibre  de  pression 
avec  l'extérieur. 


DISTOMA   HEPATICUM.  o67 

Le  mode  de  locomotion  de  la  Douve  est  tout  aussi  facile  à 
expliquer.  Les  mouvements  du  corps  sont  dus  à  la  contraction 
des  diverses  couches  musculaires  et  sont  presque  localisés 
dans  le  prolongement  céphalique.  Tandis  que  la  partie  posté- 
rieure ne  présente  qu'une  succession  de  mouvements  ondula- 
toires peu  étendus,  le  prolongement  céphalique  est  extrême- 
ment contractile  :  il  s'allonge  en  se  portant  de  côté  et  d'autre, 
comme  en  tâtonnant.  L'extrémité  antérieure  s'abat  bientôt 
et  se  fixe  par  la  ventouse.  Les  muscles  longitudinaux  prennent 
alors  un  point  d'appui  sur  cette  partie  fixée,  se  contractent  et 
ramènent  la  ventouse  postérieure  près  de  l'antérieure,  entraî- 
nant à  sa  suite  toute  la  partie  élargie  du  corps,  qui  aide  à  la 
progression  par  des  ondulations.  La  ventouse  postérieure  se 
fixe  alors  à  son  tour,  l'antérieure  se  détache  et  le  prolonge- 
ment céphalique  recommence  à  s'allonger. 

L'appareil  tégumentaire  délimite  la  cavité  du  corps,  qui  se 
trouve  remplie  complètement  par  une  masse  parenchymateuse 
au  sein  de  laquelle  sont  plongés  tous  les  organes.  Ce  paren- 
chyme est  formé  de  grosses  cellules  polyédriques  ou  arrondies 
qui,  sous  l'influence  de  certains  réactifs  et  par  suite  de  la  rup- 
ture de  leurs  parois,  peuvent  donner  l'illusion  de  traînées 
conjonctives.  Ces  cellules,  larges  d'environ  80  tx,  non  seule- 
ment comblent  les  vides  laissés  entre  les  divers  organes,  mais 
fournissent  encore  à  ceux-ci  une  sorte  d'enveloppe  protectrice. 

C'est  dans  le  parenchyme  que  prend  naissance  l'appareil 
excréteur,  dont  Bojanus,  en  1821,  donna  la  première  descrip- 
tion. Pour  en  faire  l'étude,  il  est  indispensable  d'injecter  un 
liquide  coloré  dans  l'une  de  ses  branches  principales  (fig.  303). 

L'appareil  excréteur  est  construit  d'après  le  type  général  que 
nous  avons  reconnu  chez  les  Cestodes.  Entre  les  cellules  du 
parenchyme  existe  un  système  de  lacunes  et  de  petits  espaces, 
véritable  cœlôme  dans  lequel  circule,  grâce  aux  contractions 
du  corps,  un  liquide  chargé  de  granulations.  De  ce  système 
lacunaire  part  une  infinité  de  fins  canalicules  qui  naissent  au 
moyen  d'entonnoirs  vibratiles  (1)  et  qui  aboutissent  d'autre 

(1)  Les  entonnoirs  vibratiles  et  les  fins  canalicules  qui  en  partent  sont 
assez  faciles  à  voir  chez  les  Distomes  de  petite  taille.  11  n'en  est  pas  de 
même  chez  Dtstoma  hepaticiun ,  à  cause  de  la  trop  grande  épaisseur  du 
corps  :  Fiuipont  est  pourtant  parvenu  à  les  observer,  en  se  servant  de  très 
forts  grossissements  et  en  comprimant  progressivement  l'animal  vivant. 


Fig.  303.  —  Distoma  hepaticum  vu  par  la  face  supérieure;  L  appareil  exe 


DISTOM.V   IIEPATÏCIM.  569 

part  à  des  vaisseaux  collecteurs  de  dimensions  notablement 
plus  grandes,  a. 

Ceux-ci  forment  un  lacis  superficiel  à  chacune  des  deux  sur- 
faces du  corps.  Sur  des  préparations  injectées,  le  lacis  super- 
ficiel de  chaque  face  semble  être  distinct  de  celui  de  la  face 
opposée  :  ses  plus  fines  branches  paraissent  s'arrêter  au  bord 
latéral  du  corps,  un  peu  au  delà  de  la  limite  des  vitellogènes  ; 
on  doit  pourtant  penser  qu'à  ce  niveau  les  deux  réseaux  dor- 
sal et  ventral  communiquent  entre  eux,  de  manière  à  consti- 
tuer une  sorte  de  sac  à  mailles  étroites  qui  entoure  le  paren- 
chyme et  les  divers  organes. 

De  ce  premier  réseau  se  séparent  des  branches  plus  volumi- 
neuses, qui  s'étalent  encore  sous  la  couche  tégumentaire,  mais 
plus  profondément,  b.  Ce  réseau,  plus  régulier  que  le  précédent, 
se  distribue  dans  le  parenchyme  et  se  comporte  de  façon  variable, 
suivant  le  point  où  on  l'examine.  Dans  le  prolongement  cépha- 
lique,  ses  trabécules  s'unissent  entre  elles  de  façon  à  constituer 
deux  branches  principales,  f,  dans  lesquelles  viennent  se  jeter 
un  très  grand  nombre  de  ramuscules  venus  de  tous  les  organes 
voisins.  Ces  deux  vaisseaux,  dont  l'origine  se  voit  nettement 
au  niveau  de  la  ventouse  antérieure,  sont  rapprochés  de  la  face 
ventrale  :  ils  courent  d'avant  en  arrière,  sous  les  téguments 
et  parallèlement  aux  troncs  nerveux  principaux.  Au  niveau  de 
la  ventouse  postérieure,  ils  reçoivent  encore  quelques  grosses 
branches  et,  plus  loin,  finissent  par  s'anastomoser  l'un  avec 
l'autre,  au  point  même  où  ils  rencontrent  un  vaisseau  ana- 
logue, e,  né  de  la  même  manière  à  la  face  dorsale  de  la  portion 
antérieure  du  corps. 

Ainsi  se  trouve  constitué  un  tronc  unique  et  ordinairement 
médian,  g,  qui,  né  dans  la  région  ventrale,  remonte  aussitôt 
vers  le  dos,  puis  continue  à  se  porter  en  arrière  ;  chemin  fai- 
sant, il  reçoit  un   nombre  considérable  de  ramuscules  dont 

tour  est  injecté,  d'après  Sommer.  —  A,  ventouse  buccale  ;  B,  ventouse 
ventrale;  C,  poche  du  cirre;  D,  sinus  génital;  E,  contour  des  conduits 
vitellins  longitudinaux;  F,  contour  des  conduits  vitellins  transversaux;  a, 
vaisseaux  collecteurs  de  l'appareil  excréteur  ;  />,  réseau  excréteur;  c,  canaux 
de  dérivation  prenant  naissance  dans  le  réseau;  d,  branches  latérales  du 
tronc  longitudinal  impair;  e,  branches  dorsales  de  la  portion céphalique  du 
tronc  longitudinal;  /,  branches  ventrales  de  la  portion  céphalique  du 
tronc  longitudinal  ;  g,  tronc  longitudinal  impair  et  médian  ;  A,  pore  excréteur. 


570  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

quelques-uns,  avant  de  l'atteindre,  forment  même  par  leur 
réunion  des  branches  assez  volumineuses,  d.  Le  tronc  longi- 
tudinal médian  se  rétrécit  à  mesure  qu'il  se  rapproche  de 
l'extrémité  postérieure  ;  il  aboutit  finalement  au  pore  excré- 
teur ou  for  amen  caudale,  h,  dont  nous  avons  déjà  signalé  l'exis- 
tence. Cet  orifice,  situé  sur  la  face  dorsale,  est  en  réalité  sub- 
terminal :  il  a  la  forme  d'une  fente  dont  la  longueur  est 
d'environ  Cmm,5,  mais  dont  la  largeur  atteint  à  peine  0mm,1. 
Chez  beaucoup  de  Distomes,  le  pore  excréteur  est  immédia- 
tement précédé  d'une  dilatation  pulsatile,  dont  la  présence  n'a 
pas  été  constatée  chez  la  Douve  hépatique. 

L'appareil  digestif  est  très  développé  ;  il  occupe,  en  long  et 
en  large,  toute  la  partie  moyenne  du  corps  et  présente  en  sur- 
face une  étendue  considérable  (fig.  306)  ;  chez  des  animaux 
adultes,  le  développement  des  organes  génitaux  le  refoule  vers 
la  face  dorsale.  Cet  appareil  forme  un  système  très  ramifié,  ne 
communiquant  avec  l'extérieur  que  parune  seule  ouverture,  la 
bouche,  a,  située  au  fond  de  la  ventouse  antérieure,  A.  Nous 
avons  vu  déjà  que  l'absence  d'orifice  anal  est  caractéristique 
de  l'ordre  des  Trématodes:  les  résidus  de  la  digestion,  s'il  y  en 
a,  sont  donc  rejetés  par  l'unique  ouverture. 

Cet  appareil  est  formé  de  deux  parties  :  l'une,  intestin  buccal 
ou  œsophagien,  est  destinée  à  l'ingestion  des  aliments;  l'autre, 
intestin  stomacal  ou  tube  digestif  proprement  dit,  les  trans- 
forme et  les  digère.  Ces  deux  portions,  séparées  l'une  de  l'autre 
par  un  étranglement  (fig.  304  et  305,  h),  diffèrent  considéra- 
blement dans  leur  structure  :  l'épithélium  caractéristique  ne  se 
trouve  que  dans  la  seconde. 

L'intestin  buccal  est  lui-même  formé  de  trois  parties  :  l'in- 
fundibulum  buccal,  le  pharynx  et  l'œsophage. 

L'infundibulum  buccal  occupe  le  fond  de  la  ventouse  anté- 
rieure (fig.  304,  c  ;  fig.  305,  e).  Il  est  constitué  par  deux-culs-de- 
sac  assez  profonds,  situés  l'un  du  côté  dorsal,  l'autre  du  côté 
ventral  et  séparés  l'un  de  l'autre  par  deux  lames  de  tissu  fibril- 
laire,  d,  faisant  saillie  en  avant  dans  la  cavité  de  la  ventouse 
buccale  et  circonscrivant  l'orifice  de  la  bouche;  le  cul-de-sac 
antérieur  est  de  beaucoup  le  plus  considérable.  Ces  deux  culs- 
de-sac  ont  une  structure  qui  se  rapproche  beaucoup  de  celle 
des  téguments:  on  leur  trouve  une  épaisse  cuticule  et  deux 


DISTOMA   IlEPATICm.  571 

couches  musculaires,  l'une  annulaire  et  l'autre  longitudinale. 
On  a  longtemps  considéré  ces  formations  comme  des  glandes, 
mais  cette  opinion  est  manifestement  inexacte  et  il  est  pro- 
bable que  les  culs-de-sac  ont  pour  but  de  permettre  une  exten- 
sion plus  grande  de  la  ventouse  et  de  laisser  au  pharynx  une 
certaine  mobilité  dans  la  cavité  ainsi  formée. 
Les  deux  replis  fibrillaires,  cl,  qui  sont  situés  en  dedans  de 


Fig.  304.  —  Coupe  dorso-ventralc  antéro-postérieure  et  médiane  de  la  partie 
antérieure  du  corps  de  Distojna  hepaticum,  d'après  Sommer.  —  a,  couche 
rausculo-cutanée,  avec  sou  revêtement  d'écaillés;  b,  parenchyme  du  corps; 
c,  ventouse  buccale;  (/,  repli  semi-lunaire  du  vestibule  de  la  bouche; 
e,  pharynx;  f,  muscle  protracteur  du  pharynx;  g,  muscle  rétracteur  du 
pharynx;  /i,  rétrécissement  par  lequel  l'intestin  buccal  communique  avec 
l'œsophage;  »,  œsophage;  A-,  coupe  de  la  commissure  supérieure  du 
pharynx;  /,  ganglion  pharyngien  inférieur. 


ces  diverticulums,  ont  la  forme  d'un  coin  dont  la  base  ferait 
saillie  dans  la  cavité  de  la  ventouse  et  dont  le  sommet  s'enfonce- 
rait profondément  entre  le  pharynx  et  les  tissus  voisins.  Ils  sont 
limités  par  une  cuticule,  au-dessous  de  laquelle  se  trouve  une 
couche  de  fibres  longitudinales  ;  la  masse  est  constituée  par  un 
tissu  fibrillaire  très  extensible,  parcouru  par  de  gros  faisceaux 
musculaires  à  direction  circulaire. 


572 


ORDRE  DES  TRÉMATORES. 


A  la  suite  du  vestibule  de  la  bouche  vient  le  pharynx  (fig.  304, 
e;  fig.  305,  c;  fig.  306,  b),  organe  ovoïde,  dirigé  obliquement 
de  bas  en  haut  et  d'avant  en  arrière  et  dont  la  grosse  extrémité 
est  tournée  vers  l'œsophage.  Il  est  long  en  moyenne  de  0mm,6, 
large  de  0mm,4,J  et  percé,  suivant  son  grand  axe,  d'un  canal 
assez  étroit.  Sa  structure  est  identique  à  celle  des  ventouses  : 
limité  extérieurement  par  une  coque  fibreuse,  il  présente  de 


Fig.  305.  —  Coupe  horizontale  antôro-postérieurcjde  la  partie  antérieure  du 
corps  de  Distoma  hepatkum,  d'après  Sommer.  —  «,  6,  <Y,  f,  h,  ?',  /,  comme 
dans  la  figure  précédente;  c,  pharynx;  e,  ventouse   buccale;  /<•,  gangl 
pharyngien   supérieur;   mt   commissure  latérale 


e  buccale  ;  /<•,  ganglion 
.  réunissant  le  ganglion 
pharyngien  supérieur  au  ganglion  pharyngien  inférieur;  ?/,  nerf  antérieur  ; 
o,  nerf  postéro-externe  ;  /;,  nerf  postérj-inteine. 


dehors  en  dedans  une  couche  mince  de  fibres  musculaires  lon- 
gitudinales, unecouche  défibres  annulaires,  une  épaisse  couche 
de  fibres  radiales  formant  la  majeure  partie  de  l'organe  et 
enfin  une  nouvelle  couche  de  muscles  annulaires.  La  cuticule 
qui  revêt  la  ventouse  et  ses  culs-de-sac  se  continue  à  la  l'ace 
interne  du  pharynx  et  présente  les  mômes  ornements  qu'à  la 
surface  du  corps. 
L'œsophage  (Q$.  304  et  305,  i;  fig.  30G,  c),  qui  fait  suite  au 


blSTOftïA  hepàTICIM.  573 

pharynx,  est  regardé  par  la  plupart  des  auteurs  comme  le  dé- 
but de  l'intestin  stomacal,  mais  Macé  fait  observer  avec  raison 
que  cette  portion,  où  manque  l'épithélium  caractéristique  de 
la  région  digestive,  n'exerce  aucune  action  sur  la  masse  ali- 
mentaire et  doit,  par  conséquent,  être  rattachée  à  l'intestin 
buccal.  Elle  est  tapissée  par  une  épaisse  cuticule  plissée,  con- 
tinue avec  la  couche  correspondante  du  pharynx,  et  comprend 
en  outre  deux  assises  musculaires,  dont  l'annulaire  est  interne 
et  peu  développée. 

La  longueur  de  l'œsophage  égale  à  peine  celle  du  pharynx. 
Immédiatement  en  avant  de  la  poche  du  cirre  et  de  la  ventouse 
postérieure,  l'œsophage  se  bifurque  et  donne  naissance  ainsi  à 
deux  branches  (fig.  306,  d)  qui  bientôt  se  rapprochent  l'une  de 
l'autre  et  se  prolongent  jusqu'à  l'extrémité  postérieure  du 
corps,  où  elles  se  terminent  en  cœcum.  De  chaque  côté,  ces 
branches  intestinales  émettent  des  rameaux  qui,  à  peine  mar- 
qués du  côté  interne,  se  développent  au  contraire  d'une  façon 
considérable  vers  le  côté  externe  et  se  divisent  dichotomique- 
ment,  de  manière  à  constituer  des  arborescences  compliquées,  e. 
Celles-ci  sont  au  nombre  de  16  à  17  de  chaque  côté  :  les 
deux  premières,  renfermées  dans  la  portion  céphalique  de 
l'animal,  ne  se  ramifient  qu'une  ou  deux  fois;  toutes  les  autres 
se  subdivisent  un  assez  grand  nombre  de  fois  et  présentent  jus- 
qu'à six  et  sept  dichotomies.  Chacun  de  ces  rameaux  se  ter- 
mine par  un  petit  cul-de-sac  arrondi,  ordinairement  distendu 
par  les  matières  alimentaires. 

Malgré  leur  grande  extension,  les  deux  caecums  intestinaux 
et  les  branches  nombreuses  qui  en  partent  présentent  partout 
la  même  structure.  Le  parenchyme  du  corps  leur  forme  exté- 
rieurement une  tunique  adventive,  en  dedans  de  laquelle  se  voit 
une  couche  musculaire  :  celle-ci  est  constituée  par  des  fibres 
longitudinales,  auxquelles  sont  interposés  de  nombreux  fais- 
ceaux à  direction  circulaire.  La  couche  musculaire  est  limitée 
intérieurement  par  une  membrane  hyaline,  que  revêt  d'autre 
part  l'épithélium  digestif.  Celui-ci  est  constitué  par  de  grandes 
cellules  cylindriques,  renfermant  un  noyau  volumineux  et  un 
protoplasma  fortement  granuleux;  leur  longueur  peut  attein- 
dre jusqu'à  50  jx. 

Les  cœcums  intestinaux  sont  remplis  d'un  liquide  brun  tt 


Fiff.  30C.    - 


Distoma   hepaticum  vu   par  la  lace   ventrale   et   montrant 


MSTOMA  HEPATICUM.  575 

visqueux,  semblable  à  celui  qui  se  trouve  accumulé  dans  les 
canaux  biliaires  de  l'hôte  de  la  Douve.  Cette  bile  ne  doit  pas  sa 
coloration  à  la  présence  exclusive  des  excréments  ou  des  œufs 
du  parasite,  ainsi  qu'on  l'a  prétendu.  Les  œufs  du  Distome  s'y 
retrouvent  en  effet  en  grande  abondance,  mais  il  n'est  pas 
prouvé  que  celui-ci  rejette  des  matières  excrémentitielles  :  la 
teinte  spéciale  du  liquide  biliaire  tient  à  ce  que  ses  matières  co- 
lorantes normales  se  sont,  par  suite  d'altérations,  transformées 
en  une  substance  peu  définie,  la  bilihumine.  L'examen  micros- 
copique permet  de  reconnaître  dans  le  contenu  de  l'intestin 
des  cellules  épithéliales  altérées,  provenant  des  conduits  bi- 
liaires, et  un  assez  grand  nombre  de  petits  globules  dont  l'as- 
pect rappelle  celui  des  globules  de  chyle.  En  outre  de  la  bili- 
humine, l'analyse  chimique  permet  encore  de  déceler  la  pré- 
sence d'une  grande  quantité  d'acides  biliaires;  aucun  procédé 
ne  révèle  la  présence  de  globules  sanguins  ou  de  matières 
colorantes  provenant  du  sang  de  l'animal  qui  héberge  la  Douve. 

La  bile,  aux  dépens  de  laquelle  le  Distome  se  nourrit,  est 
introduite  dans  le  tube  digestif  par  le  jeu  de  l'appareil  mus- 
culaire du  pharynx.  Nous  avons  étudié  déjà  les  muscles  intrin- 
sèques de  cet  organe;  voyons  maintenant  les  muscles  extrin- 
sèques. 

Us  sont  au  nombre  de  deux,  un  protracteur  et  un  rétracteur. 
Le  muscle  protracteur  du  pharynx  (fig.  304  et  305,  f),  s'in- 
sère sur  tout  le  pourtour  inférieur  de  la  ventouse  buccale  et 
vient  d'autre  part  embrasser  le  pharynx  dans  ses  deux  tiers 
inférieurs,  sauf  au  point  d'insertion  de  l'œsophage.  Prenant  son 
point  d'appui  sur  la  ventouse,  il  a  évidemment  pour  fonction 
de  projeter  le  pharynx  dans  l'infundibulum  buccal. 

Le  muscle  rétracteur  du  pharynx  (fig.  304,  g)  s'attache  d'une 
part  à  la  partie  antérieure  du  pharynx,  en  s'insinuant  sous  la 

système  nerveux  et  l'appareil  digestif  injecté,  d'après  Sommer.  —  A,  ven- 
touse buccale  ;  B,  ventouse  ventrale;  G,  poche  du  cirre  ;  D,  sinus  génital; 
E,  réservoir  vitellin  ;  F,  contour  de  la  glande  coquillère  ;  a,  orifice  buccal; 
6,  pharynx;  c,  œsophage;  d,  cascum  intestinal;  e,  ses  branches  latérales; 
/",  ganglion  pharyngien  supérieur;  f/,  ganglion  pharyngien  inférieur;  h, 
filets  nerveux  partant  du  ganglion  pharyngien  supérieur  et  se  portant  en 
avant;  i,  filets  nerveux  partant  du  même  ganglion  et  se  dirigeant  en 
arrière  et  en  dehors;  k,  tronc  nerveux  longitudinal  ou  nerf  latéral;  /, 
branche  se  séparant  du  nerf  latéral  et  se  rendant  à  la  poche  du  cirre  ; 
m,  branche  se  rendant  à  la  ventouse  postérieure. 


576  ORDRE   DES   TREMATODES. 

commissure  nerveuse  supérieure,  /«■;  il  s'insère  d'autre  part  au 
tégument  dorsal,  vers  le  milieu  du  prolongement  céphalique. 
Son  rôle  consiste  à  faire  basculer  la  partie  antérieure  du  pha- 
rynx vers  la  face  supérieure,  puis  à  tirer  en  arrière  l'organe 
tout  entier. 

Grâce  au  jeu  de  ces  muscles,  l'appareil  pharyngien  fonctionne 
à  la  façon  d'une  pompe  aspirante  et  foulante.  La  Douve  se  fixe 
par  sa  ventouse  et  la  cavité  de  cette  dernière,  élargie  par  la  di- 
latation des  culs-de-sac,  se  remplit  du  mélange  de  mucus  et 
de  bile  qui  doit  pénétrer  dans  le  tube  digestif.  Le  pharynx,  tiré 
en  avant  par  son  muscle  protracteur,  se  projette  béant  dans  la 
cavité,  se  remplit  de  liquide,  puis  est  ramené  dans  sa  position 
primitive  par  son  muscle  rétracteur.  Une  nouvelle  quantité  de 
bile  pénètre  dans  la  ventouse,  puis  le  cycle  recommence. 

Une  fois  dans  le  pharynx,  le  liquide  est  refoulé  en  arrière  par 
la  contraction  des  muscles  propres  de  l'organe.  Il  arrive  ainsi 
jusque  dans  l'intestin,  où  il  est  également  poussé  de  proche  en 
proche  par  les  contractions  des  parois,  bien  plus  que  par  celles 
des  faisceaux  musculaires  du  parenchyme. 

Le  système  nerveux  est  représenté  par  un  collier,  constitué 
par  l'union  de  trois  masses  ganglionnaires,  et  par  des  filets  di- 
rigés en  différents  sens.  Les  deux  ganglions  antérieurs  (fig.  305, 
k  ;  fig.  300,  f)  sont  disposés  symétriquement  à  l'origine  du 
pharynx,  immédiatement  au-dessous  de  la  ventouse  buccale. 
Ils  ont  une  forme  irrégulièrement  quadrilatère  et  sont  réunis 
l'un  à  l'autre  par  une  commissure  transversale  (fig.  304,  fc),  qui 
passe  au-dessus  du  pharynx. 

Au  niveau  du  rétrécissement  qui  fait  communiquer  le  pha- 
rynx avec  l'œsophage,  on  voit  en  outre,  à  la  face  ventrale,  un 
petit  ganglion  impair  et  médian  fig.  304,  l;  fig.  306,  g  ,  le  gan- 
glion pharyngien  postérieur  ou  inférieur.  Il  est  réuni  à  chacun 
des  précédents  par  une  commissure  antéro-postérieure  et 
dorso- ventrale  Rg.  305,  m),  qui  contourne  la  l'ace  inférieure  du 
pharynx  et  complète  ainsi  le  collier  nerveux. 

Le  ganglion  inférieure!  postérieur  n'a  que  peu  d'importance: 
une  seule  fois,  Macé  en  a  ?u  partir  deux  nerfs  qui,  descendant 
obliquement,  prenaient  sensiblement  la  direction  des  deux 
branches  de  la  bifurcation  intestinale.  Les  ganglions  antérieurs 
el  supérieurs  sont  au  contraire  le  point  de  départ  d  importants 


DISTOMA  BEPÀTICUM. 

fîleLs  nerveux.  Chacun  d'eux  émet  au  moins  trois  nerfs  :  l'un  se 
porte  directement  en  haut,  vers  la  ventouse  buccale  dont  il 
perce  la  coque  fibreuse  pour  se  perdre  dans  sa  masse  muscu- 
laire (fig.  oiiri,  n)  ;  le  second,  dirigé  plus  obliquement,  se  lend 
aux  téguments  du  prolongement  céphalique  (fig-.  305,  o; 
fig.  300.  h.  i)\  le  dernier  enfin,  beaucoup  plus  important  que 
les  autres,  constitue  le  tronc  nerveux  longitudinal  ou  nerf 
latéral  (fig.  305,  p\  lig.  300,  A\ 

Les  deux  nerfs  latéraux  ont  une  largeur  assez  notable.  Ils 
s'écartent  tout  d'abord  assez  fortement  l'un  de  l'autre,  de  ma- 
nière a  marcher  a  peu  près  parallèlement  au  bord  latéral  du 
prolongement  céphalique;  à  partir  de  la  ventouse  postérieure, 
ils  reprennent  une  direction  longitudinale  et  se  portent  paral- 
lèlement a  l'axe  du  corps,  jusqu'au  voisinage  de  l'extrémité  pos- 
térieure. Dans  tout  leur  trajet,  ils  sont  accolés  aux  téguments 
de  la  face  ventrale  et  recouverts  par  l'intestin  et  les  organes 
génitaux.  Chemin  faisant,  ils  émettent  de  chaque  côté  des 
branches  destinées  aux  organes  voisins.  On  remarque  surtout, 
dans  le  prolongement  céphalique,  un  fort  rameau  qui  va  se 
distribuer  aux  téguments;  d'autres  branches  se  rendent  à  la 
poche  du  cirre  et  à  la  ventouse  postérieure  (fig.  300,  /,  m). 

Nous  avons  dit  déjà  que  les  Distomes  étaient  des  animaux 
hermaphrodites.  Les  testicules  forment  deux  glandes  en  tubes 
dont  les  sinuosités  remplissent  une  grande  partie  de  la  zone 
médiane  du  corps.  Leurs  nombreux  culs-de-sac,  situés  sous  les 
téguments  de  la  face  ventrale,  se  réunissent  en  trois  ou  quatre 
troncs  efférents  qui  convergent  pour  donner  naissance  à  un 
canal  de  moindre  diamètre,  le  canal  déférent  (fig.  309,  c). 

D'après  leur  position,  les  testicules  peuvent  être  distingués  en 
antérieur  et  en  postérieur.  L'antérieur,  b,  est  celui  dont  le 
canal  déférent  est  à  gauche  de  la  ligne  médiane  ;  il  est  situé  un 
peu  au-dessous  de  son  congénère,  dont  les  sinuosités  le  recou- 
vrent en  partie.  Son  canal  déférent  prend  naissance  à  peu  près 
au  niveau  de  la  bifurcation  du  tronc  médian  de  l'appareil  excré- 
teur: les  culs-de-sac  dont  il  émane  ne  pénètrent  guère  sur  la 
moitié  postérieure  du  corps;  en  avant,  ils  s'étendent  jusqu'au 
vitelloducte  transversal  et  môme  jusque  sous  les  branches  infé- 
rieures de  l'ovaire. 

Le  testicule  postérieur,  a.  s'étend  beaucoup  plus  loin  que  le 
Hi  wvtivrn    —  Zoo!,  méd.  ;t7 


578  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

précédent;  chez  les  individus  bien  développés,  il  s'avance  jus- 
qu'au dernier  cinquième  du  corps  de  l'animal.  Son  canal  défé- 
rent naît  tout  à  fait  en  arrière;  il  se  porte  en  avant  en  décrivant 
tout  d'abord  quelques  inflexions,  mais  il  devient  rectiligne  dès 
qu'il  a  atteint  l'origine  de  son  congénère,  auquel  il  est  alors 
parallèle. 
Les  tubes  testiculaires  sont  limités  par  une  mince  paroi,  que 

parcourent  longitudina- 
lement  de  petites  fibrilles 
d'aspect  élastique.  Les 
culs-de-sac  sont  tapissés 
de  petites  cellules  arron- 
dies, larges  de  15  tx  et 
renfermant  un  gros 
noyau  (fig.  307,  a).  En 
s'éloignant  du  caecum, 
les  cellules  deviennent 
plus  grosses  et  présen- 
tent quatre«à  six  noyaux 
plus  ou  moins  serrés  les 
uns  contre  les  autres, 
b.c.  Plus  loin  encore,  le 
protoplasma     cellulaire 

Fig.  307.  —  Contenu  des  tubes  testiculaires,  tend  à  disparaître  et  les 

d'après  Sommer.  -  a,  b,  c,  cellules  sperma-  novaux  se  transforment 
togènes  à  divers  états  de  développement;  cl,  .       .   , 

e,  détritus  cellulaires  avec  spermatozoïdes;  en  aulanl  Cie  petites  têtes 

/",  spermatozoïdes  libres.  de  spermatozoïdes  dont 

le  corps  est  noyé  dans 
une  masse  granuleuse,  provenant  de  la  destruction  des  cellules- 
mères. 

Les  spermatozoïdes  sont  longs  de  76  tu.;  leur  tète  est  sphé- 
rique,  leur  queue  filiforme  et  très  mobile.  L'eau  abolit  instan- 
tanément leurs  mouvements,  en  même  temps  qu'elle  gonfle 
la  tôte. 

Les  canaux  déférents  ont  une  paroi  beaucoup  plus  épaisse 
que  celle  des  tubes  testiculaires.  Arrivés  au  niveau  des  vitello- 
ductes  transversaux  (fig.  309,  i),  ils  passent  au-dessus  de  ceux- 
ci,  circonscrivent  la  glande  coquillère,  »,  et  poursuivent  leur 
trajet   dans  un    plan  supérieur  à  celui  des.  organes   femelles.. 


i 


*       DISTOMA  HEPATICUM.  579 

Quand  ils  ont  atteint  la  ventouse  postérieure,  ils  se  rapprochent 
l'un  de  l'autre  et  se  réunissent  à  la  base  de  la  poche  du  cirre  en 
un  seul  canal  impair  et  renflé,  auquel  on  donne  le  nom  de 
vésicule  séminale  (fig.  308,  f;  fig.  309,  d). 

Cette  vésicule  est  fusiforme,  plus  large  dans  sa  première  por- 
tion et  contournée  en  S  dans  la  partie  postérieure  de  la  poche 
du  cirre.  Sa  grosseur  varie  suivant  qu'elle  est  plus  ou  moins 
remplie  de  sperme;  sa  paroi  est  assez  épaisse  et  renferme  une 


d  y 


Fig.  308.  —  Sinus  génital,  d'après  Sommer.  —  A,  le  retournement  du  cirre 
commence  à  s'effectuer;  B,  l'évagination  du  cirre  est  achevée;  a,  ventouse 
postérieure;  6,  poche  du  cirre;  c,  sinus  génital;  d,  cirre;  e,  canaux  défé- 
rents; /",  vésicule  séminale;  g,  canal  éjaculateur  ;  /<,  glandes  unicellulaires 
annexées  h  l'appareil  copulateur;  i,  vagin;  k,  vulve. 


double  couche  de  fibres  musculaires,  les  unes  annulaires,  les 
autres  longitudinales. 

La  vésicule  séminale  se  rétrécit  à  son  extrémité  et  se  conti- 
nue avec  le  canal  éjaculateur  ou  canal  séminal  (fig.  308,  g  ; 
fig.  309,  e).  Celui-ci  est  large  de  30  \l  ;  sa  paroi  est  assez  épaisse  et 
semble  n'être  que  la  continuation  de  la  cuticule  du  cirre,  auquel 
il  aboutit  après  un  court  trajet.  Le  canal  séminal  est  entouré 
d'un  amas  de  glandes  unicellulaires  (fig.  308,  h;  fig.  309,  /),  qui 
viennent  déboucher  dans  sa  lumière  et  qui  sont  plongées  dans 
un  tissu  fibrillaire  particulier. 


Fig.  309.        Distoma  hepaticum  vu  par  la  lace  ventrale  et  montrant  le  double 


DISTOMÀ  HEPATICUM.  581 

Le  cirre  (fig.  308,  d;  fig.  309,  E)  est  la  dernière  portion  de 
l'appareil  mâle;  il  est  formé  des  mêmes  couches  que  les  tégu- 
ments dont  il  n'est  qu'une  invagination.  C'est  un  tube  cylindri- 
que, long  d'environ  lnim,2,  large  de  0mm,3o  et  diversement 
contourné  sur  lui-môme.  Il  aboutit  à  l'orifice  génital  mâle 
(fig.  308,  A,  c),  par  lequel  il  est  capable  de  faire  saillie  après 
s'être  entièrement  retourné  sur  lui-même  à  la  façon  d'un  doigt 
de  gant  (fig.  308,  B)  :  c'est  alors  seulement  qu'il  constitue  un 
véritable  organe  copulateur. 

La  vésicule  séminale,  le  canal  séminal  et  le  cirre  sont  con- 
tenus à  l'intérieur  de  la  poche  du  cirre  (fig.  308,  b;  fig.  309,  G), 
organe  ovoïde  dont  la  petite  extrémité,  tournée  en  arrière, 
est  située  dans  l'espace  compris  entre  le  tiers  antérieur  de  la 
ventouse  ventrale  et  les  téguments  de  la  face  dorsale.  Cette 
poche  est  dirigée  obliquement  de  haut  en  bas  et  d'arrière  en 
avant  ;  sa  longueur  dépasse  1  millimètre  et  sa  plus  grande  lar- 
geur est  de  0mm,8.  Ses  parois  sont  très  épaisses  et  renferment 
deux  couches  musculaires,  dont  l'interne  est  annulaire  et 
l'externe  longitudinale  :  la  présence  de  ces  muscles  rend  compte 
du  rôle  que  joue  la  poche  lors  de  l'émission  du  sperme.  En 
dehors  des  organes  dont  nous  avons  parlé,  la  cavité  de  la 
poche  du  cirre  est  comblée  par  un  tissu  fibrillaire  réticulé,  au 
sein  duquel  on  peut  reconnaître  quelques  rares  libres  muscu- 
laires. 

Les  organes  femelles  sont  encore  plus  compliqués  que  les 
organes  mâles.  L'ovaire  ou  germigène  (fig.  309,  /)  est  une  glande 
rameuse  située  dans  la  moitié  droite  du  corps  (1),  en  avant  du 
canal  vitellin  transversal,  entre  le  canal  vitellin  longitudinal  et 
le  canal  déférent  du  même  côté;  il  est  appliqué  contre  la  face 

(1)  L'ovaire  est  quelquefois  situé  à  gauche;  parfois  môme  il  est  pair  et 
symétrique.  Ce  dernier  cas,  très  exceptionnel,  était  considéré  par  Bojanu3 
comme  la  règle. 

appareil  génital,  d'après  Sommer.  —  A,  B,  C,  D,  comme  dans  la  figure  306; 
E,  cirre;  F,  contour  du  pharynx;  (i,  contour  de  l'œsophage. — a,  testicule 
postérieur;  6,  testicule  antérieur;  c,  canaux  déférents  droit  et  gauche; 
</,  vésicule  séminale;  e,  canal  éjaculateur;  /',  glandes  annexes  de  l'appareil 
éjaculateur;  g,  vitellogène;  //,  canaux  vitellins  longitudinaux;  ?',  canaux 
vitellins  transversaux  ;  fe,  réservoir  vitellin  se  continuant  avec  le  vitelloducte  ; 
/,  germigène  ou  ovaire;  m,  glande  coquillère  ;  n,  oviducte  ou  utérus;  o, 
vulve  ou  orifice  génital  femelle. 


582  ORDRE  DES  TRÉMATODKS. 

ventrale  du  corps  et  s'étend  en  avant  jusque  vers  le  milieu  de 
l'espace  compris  entre  la  glande  coquillère,  m,  et  la  ventouse 
postérieure,  B. 

Les  caecums  principaux  de  l'ovaire  sont  seulement  au  nom 
hre  de  six  à  douze  ;  leur  extrémité  ramifiée  est  entourée  par  le 
vitellogène  voisin.  Ils  sont  répartis  en  deux  petits  lobes,  munis 
chacun  d'un  canal  excréteur.  Leur  paroi,  plus  épaisse  que 
celle  des  testicules,  comprend  trois  couches  :  à  l'extérieur  se 
voit  une  enveloppe  assez  dense,  constituée  par  une  modifica- 
tion du  parenchyme;  la  couche  moyenne,  qui  forme  la  paroi 
proprement  dite  de  la  glande,  est  fibro-élastique;  la  couche 
interne  est  un  épithélium  à  petites  cellules  cubiques  qui,  en  se 
détachant,  deviendront  les  ovules.  Ceux-ci  sont  des  cellules 
nues,  larges  de  1 5  à  25  ku  et  renfermant  un  noyau  et  un  nucléole 
de  grande  taille. 

Chacun  des  deux  lobes  ovariens  émet  un  petit  canal  qui  s'unit 
à  son  congénère  au  niveau  du  canal  déférent  :  il  se  forme  ainsi 
un  canal  excréteur  unique  (fig.  310,  «),  qui  se  porte  oblique- 
ment en  dedans  et  en  arrière,  vers  la  glande  coquillère 
(fig.  309,  m  ;  fig.  310,  g).  En  pénétrant  dans  celle-ci,  le  canal 
excréteur  de  l'ovaire  ou  germiducle  se  rétrécit  notablement 
(fig.  310,  b)  et  ne  tarde  pas  à  se  rencontrer  avec  le  vitelloducte, 
e.  De  l'union  de  ces  deux  canaux  résulte  l'oviducte,  h,  sur 
lequel  nous  aurons  à  revenir. 

Les  vitellogènes  sont  représentés  par  un  important  système 
de  glandes  en  grappe  (fig.  309,  g),  réparties  en  deux  groupes 
distincts,  dont  l'un  appartient  à  la  face  dorsale  et  l'autre  à  la 
face  ventrale.  Ces  glandes,  localisées  dans  les  zones  latérales 
externes,  occupent  presque  toute  la  longueur  du  corps;  dans  le 
cinquième  postérieur,  elles  se  fusionnent  même  complètement 
avec  celles  du  côté  opposé.  Les  culs-de-sac  glandulaires  sont 
appendus  à  de  fins  canalicules  qui,  après  s'être  réunis  entre 
eux  pour  former  successivement  des  conduits  de  deuxième,  de 
troisième  et  de  quatrième  ordres,  aboutissent  finalement  à  un 
long  canal  vite  l  lin  longitudinal,  h. 

Ce  canal  prend  naissance  a  la  hauteur  de  la  ventouse  posté- 
rieure ;  de  là,  il  se  dirige  en  arrière  et  court  tout  le  long  du 
corps,  à  quelque  distance  du  bord  latéral.  D'abord  de  petites 
dimensions,  il  augmente  progressivement  de  calibre,  en  se  rap- 


DISTOMÀ  HEPATICL'M.  583 

prochant  de  la  face  ventrale  :  au  niveau  de  la  glande  coquil- 
lère,  il  atteint  déjà  un  diamètre  d'environ  130  [*,  qu'il  conserve 
dans  presque  tout  le  reste  de  son  parcours  ;  parvenu  à  l'extré- 
mité postérieure,  il  se  rapproche  de  la  ligne  médiane  et  s'unit 
au  canal  du  côté  opposé. 

Les  canaux  vitellins  longitudinaux  sont  les  tubes  collecteurs 
dans  lesquels  viennent  se  déverser  les  produits  élaborés  par  les 
vitellogènes,  aussi  bien  de  la  face  dorsale  que  de  la  face  ven- 
trale. Au  niveau  de  la  glande  coquillère,  chacun  de  ces  canaux 
donne  naissance  à  un  canal  vitellin  transversal  (fig.  309,  i; 
fig.  310,  à),  qui  marche  vers  la  ligne  médiane,  où  il  s'anastomose 
par  inoculation  avec  son  congénère,  immédiatement  en  ar- 
rière de  la  glande.  En  ce  même  endroit,  on  remarque  une  dila- 
tation, véritable  réservoir  vitellin  (fig.  309,  k;  fig.  310,  cl),  dont 
la  forme  et  le  volume  varient  beaucoup  d'après  la  quantité  de 
son  contenu.  Ce  réservoir  est  habituellement  pyriforme  ;  par 
son  sommet  dirigé  en  avant,  il  donne  naissance  à  un  court 
canal  impair  et  médian,  le  vitelloducte  (fig.  310,  e),  qui  est  com- 
pris tout  entier  dans  la  glande  coquillère,  au  sein  de  laquelle 
il  se  rencontre  avec  le  germiducte. 

Les  caecums  du  vitellogène  ont  une  paroi  hyaline  et  d'une 
extrême  minceur,  que  revêtent  intérieurement  de  grosses  cel- 
lules remplies  de  sphérules  très  réfringentes  et  d'une  coloration 
brun  noirâtre.  Dans  les -canaux  excréteurs,  les  cellules  se  sont 
rompues  et  ont  mis  en  liberté  les  corpuscules  qui  les  remplis- 
saient :  ceux-ci  vont  parcourir  les  différents  conduits  de  l'appa- 
reil vitellogène  et  arriver  finalement  au  contact  de  l'ovule, 
autour  duquel  ils  se  disposeront;  ainsi  prendra  naissance  le 
vitellus  de  nutrition,  véritables  réserves  albumineuses  dont  la 
structure  nous  est  déjà  connue  et  dont  nous  avons  indiqué  le 
rôle  lors  du  développement  embryonnaire. 

Nous  avons  dit  que  le  germiducte  et  le  vitelloducte  se  ren- 
contraient dans  l'épaisseur  même  de  la  glande  coquillère. 
Celle-ci  (fig.  309.  m;  fig.  310,  g)  est  entourée  d'une  mince 
membrane  propre  et  se  compose  d'un  nombre  considérable  de 
glandules  unicellulaires;  l'extrémité  effilée  de  chacune  d'elles 
se  continue  par  un  fin  et  long  canal  qui  vient  s'ouvrir  au  point  de 
rencontre  des  deux  gros  conduits  émanant  du  vitellogène  et 
de  l'ovaire.  Ces  cellules,  disposées  en  couches  concentriques, 


584  ORDRE   DES  TRÉMATODES. 

produisent  de  petites  gouttelettes  brillantes  et  incolores  qui  se 
réunissent  entre   elles  en  prenant  une  teinte  brun  clair,  puis 
s'accolent  à  l'œuf  autour  duquel  elles  finissent  par  former  une 
membrane  continue. 
Au  point  où  aboutissent  le  germiducte,  le  vitelloducte  et  les 


Fig.  310.  —  Mode  d'union  des  diverses  parties  de  l'appareil  génital  femelle, 
d'après  Sommer.  Grossissement  de  185  diamètres.  —  a,  b,  germiducte; 
c,  canaux  vitellins  transversaux;  cl,  réservoir  vitellin  ;  c,  vitelloducte;  f, 
canal  de  Laurer;  g,  glande  coquillère;  h,  début  de  l'oviducte;  i,  son  pre- 
mier repli  se  dégageant  de  la  glande  coquillère  ;  /,-,  canaux  déférents. 

canalicules  de  la  glande  coquillère,  point  d'où  part  également 
l'oviducte  (fig.  «310,  h),  on  voit  se  terminer  encore  le  canal  de 
Laurer,  f,  sorte  de  conduit  dont  l'existence  a  été  signalée  pour 
la  première  fois  par  Laurer,  en  1830,  chez  Amphistoma  conicum; 
von  Siebold  est  le  premier  qui  l'ait  rencontré  chez  les  Distomes, 
en  1836. 
Le  canal  de  Laurer  est  constitué  par  une  invagination  des 


DïSTOMÀ   BEPATIGOM. 

téguments;  il  s'ouvre  sur  la  ligne  médiane  de  la  face  dorsale  et 
se  porte  de  haut  en  bas,  pour  se  terminer  au  point  de  l'appareil 
femelle  que  nous  venons  d'indiquer,  après  s'être  contourné  une 
fois  sur  lui-même.  Il  est  épais  de  35  jx;  sa  paroi  a  la  plus 
grande  analogie  de  structure  avec  les  téguments.  On  trouve 
en  dedans  une  cuticule  épaisse  de  13  j/.;  au-dessous  de  celle-ci  se 
voit  une  couche  de  muscles  annulaires  et,  moins  distinctement, 
une  couche  longitudinale;  puis  vient  une  couche  cellulaire 
hypodermique.  La  lumière  du  canal  est  plus  étroite  et  de  forme 
étoilée;  elle  mesure  à  peine  4  tu. 

Les  fonctions  du  canal  de  Laurer  ne  sont  pas  élucidées.  Von  Sie- 
bold  pensait  qu'il  réunissait  les  organes  femelles  aux  organes  mâles 
et  le  considérait  comme  permetlant  l'auto- fécondation  chez  les  Tré- 
matodes.  Blumberg  démontra  qu'il  prenait  naissance  sur  la  face  dor- 
sale et  le  trouva,  chez  Amphistoma  conicum,  rempli  de  spermatozoïdes  : 
Stieda  crut  alors  pouvoir  le  considérer  comme  le  véritable  vagin  de 
la  Douve  et  admit  que  le  cirre  pénétrait  dans  ce  canal,  suffisamment 
dilaté  pour  le  recevoir.  Cette  singulière  opinion  a  été  assez  générale- 
ment admise,  malgré  son  inexactitude  évidente:  de  morne  que  l'an- 
neau de  Ténia,  le  Distome  est  capable  de  se  féconder  lui-même;  or 
il  y  a  impossibilité  absolue  à  ce  que  la  fécondation  se  fasse  par  cette 
voie,  d'abord  à  cause  de  l'énorme  disproportion  des  organes,  puis  à 
cause  de  leur  éloignement  considérable,  qui  empêche  tout  rappro- 
chement. La  présence  de  spermatozoïdes  dans  le  canal  de  Laurer  n'a 
d'ailleurs  rien  de  surprenant:  le  sperme  pénètre  normalement  jus- 
qu'au vestibule  commun  des  conduits  femelles  et  il  est  aisé  de  com- 
prendre qu'il  puisse  accidentellement  refluer  jusque  dans  ce  canal. 
Chez  les  Distomes,  dont  l'appareil  femelle  est  pourvu  d'un  réservoir 
spermatique,  ce  réservoir  est  du  reste  toujours  situé  au  voisinage  de 
l'extrémité  interne  du  canal  de  Laurer,  comme  chez  Distoma  sinense, 
parfois  même  est  intimement  uni  à  ce  dernier. 

Quelle  est  donc  la  signification  morphologique  du  canal  de  Laurer? 
Leuckart  admet  qu'il  est  1  homologue  du  vagin  des  Cestodes  et  le  con- 
sidère comme  un  vagin  supplémentaire  qui  n'entre  en  action,  et  cela 
d'une  manière  incomplète,  que  dans  certaines  circonstances.  Nous 
serions  plus  porté  à  croire,  avec  Sommer,  Macé  et  Poirier,  qu'il  sert  à 
déverser  au  dehors  le  trop-plein  des  vitellogènes  et  qu'il  joue,  à 
l'égard  de  ceux-ci,  le  rôle  d'un  canal  de  dérivation  ou  d'une  soupape 
de  sûreté. 

L'oviducte,  dont  l'origine  nous  est  déjà  connue  (fig.  310,  h), 


o86  ORDRE  DES  TREMATODES. 

est  un  long  canal  situé  originairement  à  la  face  ventrale,  au- 
dessous  de  l'appareil  digestif,  et  dont  les  sinuosités  occupent 
la  zone  médiane  dans  le  quart  antérieur  de  la  partie  élargie  du 
corps;  ses  premières  anses  sont  comprises  dans  l'épaisseur  de 
la  glande  coquillère,  mais  il  se  dégage  bientôt  de  celle  ci,  i, 
et  suit  alors  une  direction  postéro-antérieure,  tout  en  décrivant 
de  part  et  d'autre  de  la  ligne  médiane  de  nombreuses  circon- 
volutions (fig.  309,  ri). 

Son  diamètre  varie  considérablement  d'un  endroit  à  l'autre, 
suivant  le  nombre  des  œufs  qu'il  renferme;  sa  portion  moyenne 
dilatée  prend  plus  particulièrement  le  nom  d'utérus.  Au  voisi- 
nage de  la  ventouse  postérieure,  son  calibre  se  régularise,  ses 
parois  s'épaississent  et  il  ne  laisse  plus  passer  les  œufs  qu'un 
à  un  et  avec  difficulté.  Cette  portion  antérieure  est  le  vagin 
(fig.  308,  i)  :  elle  passe  à  gauche  de  la  ventouse,  suit  la  face 
inférieure  de  la  poche  du  cirre  et  aboutit  à  la  vulve  (fig.  308,  k; 
fig.  309,  o),  dont  l'orifice  se  voit  dans  la  partie  gauche  du  sinus 
génital. 

La  paroi  de  l'oviducte  a  une  épaisseur  variable,  suivant  son 
état  de  distension.  On  y  distingue  deux  couches  :  l'interne  est 
une  membrane  transparente,  pourvue  de  fibres  élastiques  et 
revêtue  de  cellules  peu  distinctes  ;  l'externe  est  formée  de 
quelques  fibres  musculaires  à  direction  circulaire.  Le  vagin, 
dont  le  diamètre  transversal  est  sensiblement  uniforme  et 
mesure  environ  60  ^,  a  la  même  structure  que  le  canal  de 
Laurer  :  il  provient  donc,  comme  celui-ci,  d'une  invagination 
du  tégument.  Sa  lumière  n'est  pas  assez  large  pour  laisser 
passer  les  œufs  :  aussi  ces  derniers  n'y  progressent-ils  que 
péniblement,  grâce  aux  contractions  péris taltiques  du  canal  (1). 

Le  sinus  génital  ou  cloaque  sexuel  (fig.  308,  e;  fig.  309,  D).  au- 
quel aboutissent  le  canal  éjaculateur  et  le  vagin,  est  ana- 
logue à  l'organe  du  môme  nom  chez  les  Ténias  et  les  Bothrio- 
céphales.  C'est  une  sorte  de  cupule  ovalaire,  à  grand  axe 
transversal,  et  située  un  peu  à  droite  de  la  ligne  médiane.  Cette 
cupule  a  la  même  structure  que  le  tégument,  dont  elle  n'est 
encore  qu'une  invagination  ;  elle  est  munie  pourtant  d'un 
système  de  fibres  musculaires  rayonnantes  qui,  partant  de  ses 

I  Thomas  estime  ;'i  plusieurs  centaines  de  mille  le  nombre  des  œufs  que 
peut  pondre  chaque  Douve. 


DISTOMA  HEPATICUM.  587 

bords,  vont  se  perdre  dans  les  couches  tégumentaires  voisines; 
ces  muscles  ont  pour  fonction  d'ouvrir  et  de  fermer  le  sinus. 

Il  nous  reste  à  rechercher  de  quelle  manière  les  ovules  arri- 
vent à  être  fécondés.  Nous  avons  dit  déjà  que  le  canal  de  Laurer 
n'était  point  un  organe  d'accouplement.  Nous  ne  pouvons 
admettre  davantage  l'intromission  directe  du  cirre  dans  le 
vagin  :  des  considérations  de  divers  ordres  s'opposent  en  effet 
à  cette  manière  de  voir.  Tout  d'abord,  l'intromission  est  im- 
possible, en  raison  de  la  grosseur  considérable  du  cirre;  d'au- 
tre part,  celui-ci  ne  fait  jamais  saillie  chez  l'animal  vivant;  il 
est  enfin  un  grand  nombre  de  Trématodes  chez  lesquels  il  ne 
peut  faire  saillie  en  dehors  du  sinus  génital. 

On  se  trouve  donc  conduit  à  admettre  que  la  fécondation  se 
fait  de  la  même  manière  que  chez  les  Ténias  :  le  cloaque  sexuel 
se  ferme,  par  suite  de  la  contraction  de  ses  muscles.  Le  sperme, 
amené  par  les  canaux  déférents,  est  déversé  dans  sa  cavité, 
d'où  il  pénètre  par  capillarité,  et  grâce  aussi  aux  mouvements 
des  spermatozoïdes,  jusque  dans  le  vagin;  il  suit  alors  les 
sinuosités  de  l'utérus  et  de  l'oviducte  et  arrive  finalement  au 
carrefour  vers  lequel  nous  avons  vu  converger  les  canaux  venus 
du  germigène,  du  vitellogène  et  de  la  glande  coquillère.  La 
fécondation  se  fait  donc  en  ce  point,  avant  que  la  coque  ne  se 
soit  formée  autour  de  l'œuf. 

K.  A.  Ramdohr,  Anatomische Berner kung en  ùber  denEgelinder  Schaflcber. 
Magazin  der  Gesellschaft  naturforschender  Freunde  zu  Berlin,  VI,  1814. 

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angeblichen  inneren  Zusammenhang  der  mdnnlichcn  und  weiblichen  Organe 
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588  ORDRE  DES  TREMATODES. 

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Trématodes,  considéré  sous  le  double  point  de  vue  de  sa  structure  et  de  ses 
fonctions.  Zoolog.  Anzeiger,  V,  p.  505,  183?. 

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Tremutoden.  Zoolog.  Anzeiger,  II,  p.  588,  1879. 

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w.  Z.,  XXXIV,  p.  539,  1880. 

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1885.  Archives  de  zool.  expérim.,  (2),  III,  p.  465,  18^5. 

La  Douve  hépatique  s'observe  avec  une  extrême  fréquence 
dans  les  voies  biliaires  du  Mouton  (1);  elle  détermine  une 
maladie  qu'il  convient  de  désigner  sous  le  nom  de  dislomatose, 
mais  que  les  vétérinaires  connaissent  mieux  sous  ceux  de  pour- 
riture et  de  cachexie  aqueuse  (2).  Dans  les  années  pluvieuses, 
la  Douve  peut  devenir  si  abondante,  qu'il  en  résulte  de  véri- 
tables épizooties  qui  déciment  les  troupeaux  :  on  cite  notam- 
ment les  épizooties  qui  ont  sévi  aux  environs  d'Arles,  en  1743 
et  1744,  dans  le  Boulonnais  en  1761  et  1762,  dans  le  Beaujolais 
en  1809,  dans  les  départements  du  Rhône,  de  l'Hérault  et  du 
Gard  en  1812,  aux  environs  de  Béziers  en  1820,  dans  la  Meuse 
en  1829  et  1830,  dans  le  Berry,  le  Gâtinais  et  la  Sologne  en 
1853  et  1854,  etc.  Le  nombre  des  parasites  qui  se  rencontrent 
dans  les  canaux  biliaires  d'un  animal  présente  de  grandes 
variations  :  s'il  est  habituel  de  n'en  trouver  que  quelques-uns, 
ou  tout  au  plus  quelques  dizaines,  il  n'est  pourtant  point  rare 
d'en  voir  100  et  davantage;  parfois  même,  on  en  trouve  jusqu'à 
600.  Il  va  sans  dire  que,  dans  ces  cas  extrêmes,  le  parasite 
détermine  des  lésions  hépatiques,  des  troubles  digestifs  et 
même  un  état  cachectique  général  qui  peut  causer  la  mort. 

Les  auteurs  sont  d'accord  pour  admettre  que  la  Douve  ne 
demeure  dans  le  foie  de  son  hôte  que  pendant  un  certain 
temps,  après  lequel  elle  est  évacuée  par  l'intestin  :  Pech  et 
Friedlander  l'évaluent  a  9  mois,  Gerlach  a  13  mois  au  plus. 

(1)  Le  parasite  se  rencontre  encore  cheE  la  Chèvre,  le  Bœuf,  le  Chameau, 
le  Cheval,  l'Ane,  le  Porc,  le  Lièvre,  li1  Chat,  etc. 

(2)  Les  Anglais  donnent  à  la  distomatose  le  nom  de  rot;  les  Allemands  lui 
donnent  ceux  de  Leberfûule,  Egelfâu'e,  Lebevegelkrankkeit,  LeOeregciseurhe. 
AnbrUchigkeit. 


DISTOMA   HEPATICI' M.  589 

Thomas  a  constaté,  de  son  côté,  qu'elle  peut  vivre  plus  d'une 
année  et  a  trouvé  les  appareils  digestif  et  reproducteur  en 
pleine  activité  chez  des  individus  âgés  de  13  mois  au  moins. 
Quelques-unes  des  observations  ci-dessous  donnent  à  penser 
que  la  longévité  du  parasite  est  encore  plus  grande. 

Distoma  hepaticum  se  rencontre  très  rarement  dans  l'espèce  hu- 
maine. La  première  observation  positive  est  due  à  Palias  et  date 
de  1760;  avant  lui  trois  auteurs,  Pierre  Borel,  Malpighiet  Bidloo, 
avaient  déjà  signalé  la  présence  du  parasite  dans  les  voies  bi- 
liaires de  l'Homme,  mais  sans  rapporter  d'observations  précises. 

Les  observations  authentiques  de  Douve  hépatique  dans  les 
voies  biliaires  de  l'homme  sont  jusqu'à  présent  au  nombre  de 
17.  Nous  croyons  utile  de  les  résumer  ici. 

1°  Cas  de  Palias,  1760.  —  «  In  hepate  et  biliario  systemate...  abun- 
dant  Fasciohe  varice,  inque  humano  jecinore  a  se  visas  asserit  Rid- 
ions, quemadmodum  ipse  quoque  Berolini  easdem  mortuas,  contrac- 
tasque  ramo  hepatici  ductus  incuneatas  in  feminœ  cadavere  vidi.  » 
Ailleurs  :  «  lit  mea  me  denique  docuit  experientia  in  theatro  anato- 
micoBerolinensi,  ubiin  feminœ  fibris  Fasciolam  ramo  ductus  hepatici 
insertam  vidi.  » 

2°  Cas  de  Fortassin  (1),  1804.  —  «  Bidloo  a  cru  en  avoir  vu  (des 
Douves)  dans  le  foie  d'un  Homme...  11  y  a  longtemps  que  j'en  ai 
trouvé  deux  dans  les  pores  biliaires  du  foie  d'un  Homme.  » 

3°  Cas  de  Frank,  1821.  —  «  Antoinette  Aragnoli,  âgée  de  huit  ans, 
fut  reçue  à  1  hôpital  de  Milan  le  27  novembre  1782;  elle  était  réduite 
au  dernier  degré  du  marasme  ;  elle  avait  le  pouls  fréquent  et  très 
faible,  la  face  cadavéreuse,  l'abdomen  météorisé.  La  diarrhée  la  fati- 
guait depuis  six  mois  et  s'accompagnait  d'une  douleur  à  la  région 
hépatique.  Cette  douleur  devenait  quelquefois  si  vive  que  la  malade 
l'exprimait  par  des  contorsions  et  une  anxiété  violente;  malgré  la 
longueur  de  la  maladie,  on  n'observa  jamais  de  nuance  ictérique.  La 
vie  se  soutint  encore  quelques  jours  dans  cet  état  fâcheux  et  la  mort 
survint  au  milieu  des  convulsions.  A  l'ouverture  du  cadavre,  on  re- 
marqua que  le  conduit  hépatique  avait  le  volume  d'une  plume  à 
éerire  de  médiocre  grosseur;  il  présentait  de  plus,  à  sa  naissance, 
une  poche  au  milieu  de  laquelle  étaient  cinq  Vers  roulés  en  peloton, 
tous  vivants,  de  couleur  vert  jaunâtre,  de  la  grosseur  d'une  paille 
plate,  de  la  longueur  d'un  Ver  à  soie.  » 

.1)  Le  nom  de  cet  auteur  devient  Fo7itassi?i  dans  l'ouvrage  de  Leuckart  et 
Fontaine  dans  celui  de  Kiichenmeister. 


590  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

Cette  observation,  dont  Frank  n'indique  point  la  source,  est  fort 
incomplète,  au  moins  en  ce  qui  touche  à  la  description  des  parasites  ; 
il  est  pourtant  difficile  de  reconnaître  en  ceux-ci  autre  chose  que  des 
Douves  hépatiques. 

4°  Cas  de  Mehlis,  1825.  —  L'observation  rapportée  par  Mehlis  a  été 
considérée  par  Kiichenmeister  et  par  Leuckart  comme  apocryphe. 
Nous  ne  pouvons  partager  cette  manière  de  voir  et  l'authencité  du 
cas  en  question  ne  nous  semble  pas  douteuse  ;  il  est  môme  particu- 
lièrement intéressant  de  remarquer  la  grande  similitude  de  celte 
observation  avec  celle  de  Prunac,  dont  nous  parlons  plus  loin. 

Une  femme  de  trente  et  un  ans  vomit  à  plusieurs  reprises,  au 
printemps  de  1821,  du  sang  coagulé  renfermant  des  Douves  vivantes. 
L'administration  d'un  purgatif  n'amène  l'évacuation  d'aucun  para- 
site ;  la  malade  se  porte  mieux.  Deux  semaines  plus  tard,  elle  rend 
par  l'anus  un  assez  grand  nombre  de  Vers  («  satis  multos  illorum  ver- , 
mium  »)  enveloppés  dans  une  masse  muqueuse  et  non  mélangés 
aux  matières  fécales.  Dans  le  courant  de  l'année  suivante,  la  malade 
présente  divers  phénomènes  nerveux  :  jaunisse  et  dyspnée  fréquentes, 
toux  sèche,  tuméfaction  de  l'abdomen,  douleur  et  tension  des  hypo- 
condres,  grande  lassitude  dans  les  membres;  de  temps  à  autre,  vo- 
missements muqueux  ou  sanguinolents,  après  quoi  une  amélioration 
notable  s'établit;  l'état  général  est  d'ailleurs  bon,  l'appétit  est  con- 
servé. En  juin  1823,  tous  ces  symptômes  s'aggravent  considérable- 
ment ;  la  malade  finit  par  vomir  des  matières  bilieuses  contenant 
plusieurs  Distoma  hepaticum.  Quelques  jours  plus  tard,  les  vomisse- 
ments reviennent  :  ils  renferment  encore  des  Douves  hépatiques,  soit 
entières,  soit  à  l'état  de  débris,  et  jusqu'à  cinquante  D.  lanceolatum; 
aucun  Ver  dans  les  selles.  Depuis  lors,  la  malade  va  mieux,  mais  son 
foie  ne  semble  pas  être  encore  totalement  débarrassé  de  ses  para- 
sites. 

o°  Cas  de  Partridge,  1832.  —  Ce  cas  est  rapporté  par  Rudd.  En  assis- 
tant à  l'autopsie  d'un  individu  mort  à  l'hôpital  de  Middlesex,  le  pro- 
fesseur Partridge,  de  King's  Collège,  fut  frappé  de  l'apparence  de  la 
vésicule  biliaire  qui,  au  lieu  d'ôtre  colorée  comme  d'ordinaire  par  la 
bile,  était  parfaitement  blanche.  Il  trouva  dans  son  intérieur  un  Dis- 
tome que  le  professeur  Owen  ne  put  différencier  en  rien  de  la  grande 
Douve  du  Mouton.  La  vésicule  elle  canal  cystique,  qui  étaient  parlai  - 
ment  sains,  sont  conservés  dans  le  musée  de  King's  Collège. 

6°  Cas  de  Eratter,  1858.  —  Diesing  rapporte,  d'après  le  dire  de 
Jos.  Kralter,  médecin  de  district  dans  la  basse  Dalmatie,  que  la  Douve 
y  est  très  commune  chez  l'Homme  :  «  lu  incolarum  ad  Narentam 
ductibus  hepaticis,  in  Dalmatia  frequentissime.  » 

7°  C((S  de  Lambl,  1859.  —  Un  Italien  de  vingt  et  un  ans  meurt  de 


DISTOMA   IlEPATICl'M.  591 

pleurésie  purulente  à  l'hôpital  militaire  de  Prague.  A  l'autopsie,  on 
trouve  une  Douve  dans  l'un  des  canaux  biliaires  du  grand  lobe  du 
foie.  Cet  organe  était  notablement  hypertrophié,  mais  Lambl  ne  pense 
pasqueceltehyperlrophiedoiveêtre  attribuée  àla présence  duparasite. 

8°  Ci?s  de  Biermer,  1863.  —  Un  individu  âgé  de  quarante-trois  ans, 
originaire  du  canton  de  Berne  et  depuis  trois  ans  soldat  à  Sumatra, 
entre  le  5  janvier  1863  à  la  clinique  médicale  de  Berne  (l),  où  il 
meurt  le  18  février.  En  juin  1802,  se  montre  un  ictère,  avec  accom- 
pagnement de  phénomènes  fébriles.  En  août,  départ  de  Java  pour 
l'Europe:  survient  une  amélioration  notable,  mais  l'ictère  persiste  et 
les  matières  fécales  sont  décolorées  ;  le  malade  présente  des  signes 
de  périhépatite.  Arrivée  en  Europe  à  la  fin  de  novembre  :  amaigris- 
sement considérable  pendant  la  traversée  ;  l'ictère  s'accentue. 

Le  o  janvier  1803,  jour  de  l'entrée  à  1  hôpital,  la  peau  est  d'une 
teinte  brun  jaunâtre  intense  ;  pas  de  fièvre;  le  foie  est  lisse  et  non 
hypertrophié.  Le  10,  très  vives  douleurs  dans  la  région  hépatique. 
Le  12,  crachats  sanguinolents;  les  douleurs  hépatiques  arrivent  au 
paroxysme  ;  l'ictère  augmente.  Du  21  au  29,  symptômes  thoraciques: 
toux  et  vomissements  consécutifs;  infiltration  du  poumon  droit  ;  vue 
indistincte  au  crépuscule.  Le  29,  frissons,  vomissements,  douleurs 
clans  la  région  gastro-hépatique.  Le  31,  selles  sanguinolentes;  abcès 
difl'us  et  extrêmement  douloureux  de  la  région  parotidienne  gauche. 
Le  1er  février,  céphalalgie,  fièvre  intense  (40°2)  ;  les  douleurs  paroti- 
diennes  augmentent  et  L'inflammation  se  propage  au  tissu  cellulaire 
du  cou  ;  la  fièvre  tombe.  Le  11,  symptômes  d'un  nouveau  genre  :  très 
vive  douleur  dans  le  côté  droit,  suiTusion  sanguine  au-dessous  de 
l'aisselle;  en  ce  point,  la  peau  est  lisse,  chaude,  brillante.  Le  io,  le 
malade  commence  à  délirer;  la  température  tombe  à  3o°4;  collapsus 
qui,  le   18,  se  termine  par  la  mort. 

A  l'autopsie,  le  foie  est  de  volume  à  peu  près  normal.  Vers  la 
moitié  du  trajet  du  canal  cholédoque,  on  trouve  une  Douve  de  taille 
moyenne,  qui  remplit  tout  le  canal,  mais  sans  le  dilater.  Le  canal 
cystique  est  perméable,  mais  le  canal  hépatique  est  totalement  obli- 
téré et  transformé  en  un  cordon  plein,  sur  une  longueur  de  5  milli- 
mètres, au  point  où  il  se  bifurque.  En  amont  de  cette  oblitération,  les 
canaux  biliaires  sont  extrêmement  dilatas  et  présentent  un  grand 
nombre  de  dilatations  ampullaires.  Biermer  n'hésite  pas  à  considérer 
tous  les  graves  symptômes  que  nous  avons  sommairement  décrits, 
ainsi  que  les  lésions  trouvées  à  l'autopsie,  comme  uniquement  dus  à 
la  présence  du  parasite. 

1  L^uckari,  Dwaine  et  d'autres  auteurs  disent  par  erreur  que  le  cas  a 
été  observé  à  Zurich. 


o92  ORDRE  DES  TREMATODES. 

9°  Cas  de  Wyss,  1868.  —  En  faisant  l'autopsie  d'une  femme  de 
trente-trois  ans,  morte  d'une  intoxication,  le  Dr  Cari  Bock,  de  Breslau, 
trouva  dans  le  canal  cholédoque  un  peu  élargi,  mais  d'ailleurs  abso- 
lument sain,  une  Douve  enroulée  sur  elle-même  dans  le  sens  de  la 
longueur.  La  malade  n'avait  jamais  eu  d'ictère  ni  de  douleurs  hépati- 
ques. Par  son  absolue  bénignité,  ce  cas  se  range  donc  à  côté  de  ceux 
de  Partridge  et  de  Lambl. 

10°  Cas  de  Kfeôs,  1869.  —  Cas  observé  à  Berlin  par  Yirchow,  à 
l'époque  où  Klebs  était  son  assistant.  Deux  Douves  furent  trouvée* 
dans  les  canaux  biliaires;  ceux-ci  ne  présentaient  pas  trace  de  dila- 
tation ni  d'aucune  autre  lésion.  L'individu  était  mort  de  fièvre 
typhoïde. 

11°  Cas  de  Murchison,  1877.  —Un  Homme  de  trente-neuf  ans,  ayant 
joui  jusqu'alors  d'une  excellente  santé,  devient  gravement  ictérique; 
inappétence,  abattement;  pas  de  douleurs  ni  de  vomissements; 
selles  peu  colorées,  urine  foncée.  Le  8  mai  1874,  foie  un  peu  gros; 
voussure  légère,  mais  distincte  en  avant  des  cartilages  costaux,  à 
droite  de  l'extrémité  inférieure  du  sternum  :  légère  sensibilité  en  cet 
endroit,  mais  rien  qui  ressemble  à  de  la  fluctuation.  Le  13  octo- 
bre 1874,  l'ictère  est,  depuis  quelques  semaines,  plus  intense  ;  la  vous- 
sure persiste;  les  selles  sont  très  claires  et  l'urine  très  foncée;  l'ap- 
pétit est  bon,  le  malade  est  bien  disposé  et  n'éprouve  aucune  dou- 
leur dans  la  région  du  foie.  Le  3  février  1876,  amélioration  notable: 
les  forces  et  l'appétit  augmentent  ;  les  selles  ont  la  couleur  et  la  con- 
sistance normales  ;  la  voussure  des  côtes  s'est  effacée.  Le  malade 
reste  en  cet  état  et  continue  à  vaquer  à  ses  occupations  jusqu'en  août 
1876.  Alors  se  développe  une  ascite,  qui  augmente  lentement  et  s'ac- 
compagne de  douleur  intense  dans  la  région  hépatique  et  d'émacia- 
tion  rapide.  Les  selles  sont  claires  et  muqueuses,  l'urine  chargée  de 
bile.  Une  ponction  amène  l'évacuation  de  près  de  9  litres  de  liquide 
séreux,  jaune.  Un  grand  soulagement  s'ensuit,  mais  le  malade  con- 
tinue à  maigrir  et  meurt  le  26  janvier  1877. 

A  l'autopsie,  on  trouve  les  canaux  cholédoque  et  cystique  complè- 
tement oblitérés  parla  rétraction  cicatricielle  du  tissu  libreux  dans  la 
scissure  porte.  Vésicule  biliaire  considérablement  distendue,  pleine 
d'un  liquide  incolore,  floconneux.  Les  canaux  biliaires  sont  modéré- 
ment distendus  :  l'un   d'eux  contient  une  Douve. 

12°  Cas  de  Prunac,  1879.  —  Celle  très  remarquable  observation,  fort 
analogue  à  celle  de  Mehlis,  a  été  faite  chez  une  femme  de  trente  et 
un  ans.  «  Depuis  trois  ans,  la  malade  se  plaint  de  troubles  digestifs  ; 
elle  éprouve  souvent  de  vives  douleurs  à  l'épigastre  et  de  l'endo- 
lorissement  dans  les  hypocondres  ,  spécialement  à  droite.  Les 
digestion*  sont  lentes  laborieuses.  Elle  eut,  eu  1876,  une  hématé- 


DISTOMA   HEPATICUM.  593 

mèse  abondante  qui  s'est  reproduite  à  cinq  reprises  différentes  et  à 
intervalles  plus  ou  moins  éloignés.  Depuis  six  mois,  elle  vomit  du  sang 
presque  toutes  les  semaines.  Elle  s'admiuistre  30  grammes  d'huile  de 
ricin,  qui  amènent  l'expulsion  de  quatre  Lombrics  par  les  garde- 
robes.  Depuis  deux  mois,  mélsena  en  même  temps  que  syncopes 
fréquentes,  presque  continuelles;  elle  en  a  éprouvé  autrefois,  mais 
plus  éloignées  ;  actuellement,  elles  sont  d'une  excessive  fréquence. 

«  Cette  femme  est  sujette  aussi  à  la  toux,  mais  à  une  toux  sèche 
accompagnée  d'oppression.  Rien  à  l'auscultation  du  cœur  et  de  la 
poitrine,  souffle  très  intense  dans  les  carotides.  Pâleur  considérable 
des  téguments.  Aménorrhée,  amaigrissement  et  perte  de  l'appétit. 
Constipation  opiniâtre  ;  selles  noirâtres,  constituées  par  du  sang  coa- 
gulé. A  plusieurs  reprises,  tremblements  violents  dans  les  membres; 
durant  ces  crises,  intégrité  de  l'intelligence,  mais  aphonie  complète, 
modifications  sensibles  du  caractère  de  la  malade,  qui  devient  apa- 
thique et   indifférente. 

«  En  raison  de  ces  divers  phénomènes,  le  diagnostic  d'ulcère  simple 
nous  avait  paru  rationnel:  nous  trouvions,  en  effet,  réunis  tous  les 
symptômes  classiques  de  cette  affection,  jusqu'aux  points  rachidien 
et  xiphoïdien  qui  nous  étaient  nettement  accusés.  Seule,  l'absence  de 
vomissements  alimentaires  nous  inspirait  des  doutes  sur  la  nature 
vraie  de  la  maladie. 

«  La  diète  lactée,  le  nitrate  d'argent  à  l'intérieur,  les  alcalins  furent 
concurremment  employés  ;  cette  médication  resta  sans  résultat.  Pour 
faire  cesser  la  constipation,  nous  eûmes  recours  au  sel  de  Seignette 
(30  gr.).  Peu  d'instants  après  survinrent  des  convulsions  générales 
avec  perte  de  connaissance  et  consécutivement  l'expulsion,  par  le 
vomissement,  de  deux  Distomes  mélangés  avec  du  sang  coagulé,  en 
même  temps  que  des  selles  sanguinolentes  noirâtres,  dans  lesquelles 
la  malade  découvrit  un  amas  de  Distomes  pelotonnés  (une  trentaine 
environ),  vivants  et  animés  de  mouvements  parfaitement  percep- 
tibles. 

«  Le  lendemain,  nouvelle  purgation  qui  amena  l'expulsion  de  frag- 
ments de  Ténia  (25  à  30  centim.).  Nous  prescrivons,  le  soir, 
8  grammes  d'extrait  éthôré  de  Fougère  mâle,  puis  30  grammes  de 
sel  de  Seignette.  Le  Ténia  est  expulsé  avec  la  tête,  en  même  temps 
qu'un  nouvel  amas  de  Distomes  (une  vingtaine  environ).  »  Les  trou- 
bles digestifs  diminuent  alors  notablement,  mais  l'inappétence  et  la 
constipation  persistent.  Les  règles,  supprimées  depuis  sept  mois,  se 
rétablissent:  l'état  général  s'améliore.  Une  nouvelle  purgation  pro- 
voque des  selles  diarrhéiques  non  sanguinolentes  et  ne  renfermant 
plus  ni  Distomes  ni  anneaux  de  Ténia. 

«  Le  mois  suivant,  nouvelle  hématémèse;  la  diarrhée  persiste.  On 
Blanchard.  —  ZjoI.  mcd.  38 


594  ORDRE  DES  TREMATODES. 

constate,  par  intervalles,  du  sang  dans  les  garde-robes;  la  région  du 
l'oie  est  toujours  douloureuse  ;  la  pression  et  les  mouvements  exaspè- 
rent la  douleur.  Les  jours  suivants,  expulsion,  par  le  vomissement, 
de  trois  Distomes  mélangés  avec  du  sang  liquide  et  rutilant.  » 

Les  Vers  rendus  par  la  malade  qui  fait  l'objet  de  cette  curieuse 
observation  lurent  remis  au  professeur  Martins,  de  Montpellier,  qui 
reconnut  en  eux  des  Distoma  hepaticum.  Au  bout  de  cinq  ans,  la  ma- 
lade continuait  à  se  bien  porter. 

13°  Cas  de  Wilson,  1879.  —  Une  jeune  fille  de  seize  ans  évacue  par 
l'anus  une  Douve,  que  l'on  retrouve  sur  la  chemise  au  moment  où  on 
va  la  laver.  Après  enquête  minutieuse,  Wilson  ne  doute  pas  que  le  Ver 
ait  été  rendu  par  Fanus  :  la  patiente  se  plaignait  à  cette  même  époque 
de  douleurs  internes  et  de  troubles  gastriques. 

14°  Cas  de  Humble  et  Lush,  1881.  —  Un  laboureur  de  cinquante- 
deux  ans  vient  consulter  le  Dr  Humble,  le  6  novembre  1879  :  depuis 
deux  mois,  il  souffre  de  vomissements  incoercibles  et  de  douleurs  à  la 
partie  supérieure  de  l'abdomen  ;  son  état  général  rappelle  celui  des 
malades  atteints  de  cancer  de  l'estomac  ou  de  cancer  du  foie,  mais  le 
diagnostic  n'est  pas  net.  Le  malade  entre  au  Dorset  County  Hospital, 
le  21  novembre  et  meurt  le  31  mars  1880.  A  l'autopsie,  le  foie  pèse 
3  livres  et  présente  une  coloration  rouge  grisâtre;  il  est  mou  et 
friable.  Les  canaux  biliaires,  considérablement  épaissis  et  dilatés, 
renferment  à  peu  près  vingt-six  Douves  adultes. 

15°  Cas  de  Roth,  1881.  —  Cette  observation,  rapportée  par  Zâslein, 
est  due  au  professeur  Roth,  de  Baie.  Le  canalcholédoque  d'un  Homme 
de  vingt-quatre  ans  renfermait  un  jeune  Distoma  hepaticum,  dont  la 
présence  n'avait  occasionné  de  troubles  d'aucune  sorte. 

10°  Cas  de  Perroncito,  1881.  —  Des  œufs  de  Douve  ont  été  vus  dans 
les  selles  d'un  individu  dont  l'intestin  renfermait  des  Ankylostomes. 
17°  Cas  de  Bostrôm,  1883.  —  Un  individu  âgé  de  soixante-cinq  ans, 
garde  d'écluses  sur  le  canal  du  Danube  au  Main,  entre  à  la  clinique 
médicale  d'Erlangen  le  28  juillet  1880  et  meurt  Je  9  août.  Les  premiers 
signes  de  maladie  apparurent  le  11  juillet,  sans  cause  appréciable  : 
inappétence,  douleurs  à  l'épigastre,  sécheresse  de  la  bouche.  .Le  2G, 
jaunisse,  teinte  ictérique  de  l'urine,  faiblesse  généralisée.  Le  28,  jour 
de  l'entrée  à  l'hôpital,  hypertrophie  du  foie  et  de  la  rate  ;  la  palpalion 
de  celte  dernière  est  douloureuse;  la  vésicule  biliaire,  très  dilatée, 
soulève  la  peau.  Les  jours  suivants,  cette  vésicule  augmente  encore 
de  taille  et  soulève  la  peau  de  plus  en  plus.  Le  0  août,  l'ictère  est  en- 
core augmenté.  Une  pneumonie  du  lobe  inférieur  gauche,  en  voie 
d'évolution  depuis  le  3,  s'accentue  et  amène  la  mort,  le  9  août.  Depuis 
le  7,  le  volume  de  la  vésicule  biliaire  avait  diminué  considérable- 
ment. 


DISTOMA   HEPATICUM.  5«J5 

A  l'aulopsie,  on  trouve  un  rétrécissement  cicatriciel  du  canal  hépa- 
tique et  de  ses  branches,  avec  induration  conjonctive  des  tissus  voi- 
sins; ce  canal  renferme  une  Douve.  Les  canaux  biliaires  sont  très 
dilates.  Le  canal  cystique  est  oblitéré  ;  hydropisie  de  la  vésicule 
biliaire.  Pneumonie  pseudo-membraneuse  du  lobe  inférieur  gauche  ; 
indurations  plates  du  sommet  des  deux  poumons;  emphysème  et 
œdème  pulmonaire.  Hypertrophie  du  ventricule  droit  du  cœur. 

Dans  tous  les  cas  qui  précèdent  (1),  les  Distomes  étaient  logés 
dans  les  voies  biliaires  :  nous  rangeons  dans  cette  catégorie 
les  observations  de  Mehlis  et  de  Prunac,  car  la  présence  de 
parasites  dans  le  foie  nous  semble  être  démontrée  par  les  vives 
douleurs  que  ressentaient  les  malades  dans  la  région  hépatique. 
Les  Vers  évacués  par  le  vomissement  ou  avec  les  matières  fé- 
cales provenaient  sans  aucun  doute  du  foie  et  étaient  amenés 
dans  l'intestin  avec  la  bile,  ce  qui  explique  leur  évacuation 
intermittente. 

Le  nombre  des  Douves  est  variable  :  le  plus  souvent,  on  n'en 
trouve  qu'une  seule*(cas  nos  1,  5,  7,  8,  9,  fi,  13,  15,  17),  quel- 
quefois 2  (nos  2,  10),  plus  rarement  5  (n°  3),  plus  rarement  en- 
core 26  ou  un  plus  grand  nombre  (nos  4,  12,  14).  Klebs  croyait 
à  l'innocuité  du  parasite,  lorsqu'il  était  unique  :  la  lecture  des 
observations  qui  précèdent  montrera  combien  cette  opinion  est 
erronée  :  s'il  est  des  cas  où  la  mort  ne  semble  pas  avoir  été 
causée  par  le  parasite  (nos  5,  7,  9,  15),  il  en  est  d'autres  où  elle 
doit  lui  être  attribuée  (nos  3,  8;  11,  17).  Dans  les  cas  de  Distomes 
multiples,  la  mort  peut  de  même  survenir  (n°  14)  ou  le  malade 
peut,  au  contraire,  revenir  à  la  santé,  après  avoir  évacué  ses 
parasites,  soit  par  la  bouche,  soit  par  l'anus  (nos  4,  12). 

Les  17  observations  que  nous  avons  rapportées  nous  sem- 
blent être  d'une  authenticité  incontestable  (2)  :  seule,  celle  de 

(1)  Aux  cas  rapportés  ici  nous  pouvons  en  ajouter  trois  autres,  observés 
en  Australie  par  H.  B.  Allen  [Fluke  in  the  human  liver.  The  Australian 
med.  journal,  (2),  III,  p.  "257,  1881).  «  Pendant  les  cinq  dernières  années,  dit 
cet  auteur,  j'ai  trouvé  trois  fois  des  Douves  dans  los  canaux  du  foie  de 
l'Homme.  Dans  un  cas,  il  y  en  avait  sept;  dans  chacun  des  autres  cas,  une 
seulement.  L'espèce  était  le  Distome  hépatique  ordinaire.  Il  y  avait,  dans 
chaque  cas,  un  abcès  du  foie.  »  En  ajoutant  ces  trois  observations  aux  précé- 
dentes, on  arrive  donc  à  un  total  de  vingt  cas  de  Distoma  hepaticum  chez 
l'Homme.  [Sote  ajoutée  au  moment  de  la  mise  en  pages.) 

{'!)  Nous  signalons,  dans  notre  index  bibliographique,  une  note  de  Shibaza- 
buro  Kirazato,   sur   laquelle  nous    n'avons   aucun  renseignement.   V Index 


506 


ORDRE  DES  TREMATODES. 


Wilson  (n°  13)  pourrait  donner  prise  à  la  critique,  mais  l'ex- 
pulsion d'une  Douve  vivante  par  l'anus  peut  se  faire  sans  que 
le  malade  en  ait  conscience;  qu'on  se  rappelle  ce  que  nous 
avons  dit  plus  haut  (page  357)' de  l'évacuation  des  anneaux  de 
Tœnia  saginata  et  on  demeurera  convaincu  que  la  Douve  peut 
se  comporter  de  la  même  manière. 

Distoma  hepaticum  ne  se  rencontre  point  seulement  dans  les 
voies  biliaires  de  l'Homme  :  un  certain  nombre  de  faits  précis 
nous  montrent  que  des  individus  erratiques  peuvent  pénétrer 
dans  les  vaisseaux  sanguins  et,  par  l'intermédiaire  de  ceux-ci, 
s'en  aller  dans  diverses  régions  du  corps. 
Treutler  a  décrit,  en  1793,  sous  le  nom  d'Hexathyridium  vend- 
rum,  un  Ver  plat  (fig.  311)  qu'il  aurait  ex- 
trait de  la  veine  tibiale  antérieure,  ouverte 
spontanément  chez  un  jeune  Homme,  pen- 
dant que  celui-ci  se  baignait  à  la  rivière. 
«  Jam  igitur  enarrabo  historiam  morbi  ado- 
«  lescentis  sedecim  circiter  annorum...  Hic 
o  nimirum  adolescens  sordidam  fabri  fer- 
«  rarii  artem  ediscens  ad  munditiem  cor- 
«  poris  servandam  frequenti  lavatione  in 
«  flumine  uti  admonitus  est.  Is  igitur  cum 
«  aliquando  pedetentim  aquam  intrasset, 
«  vix  per  hora3  momentum  ibi  commoranti 
«  sponte  rupta  est  vena  tibialis  antica  dex- 
«  tri  pedis,  atque  non  levis  hacmorrhagiii 
«  eam  rupturam  secuta  est,  qua?  modo 
«  intermisit,  modo  vehementior  rediit. 
«  Quod  sanguinis  profluvium  nec  reme- 
«  diis  stipticis,  nec  firmiori  fascia  cohiberi 
«  poterat  ;  in  quod  diligentius  inquirendum  eapropter  sum 
«  provocatus.  Et  dum  huic  examini  prœessem,  sanguis  modo 
«  lentiori,  modo  citation  flumine  promanavit,  atque  cum  ea 
«  vena  materiem  aliquam  densiorem  eminere  viderim,  eam 
«  pro  cruore  sanguinis  coagulato  primum  habui,  sed  accura- 
«  tins  intuenti  duo  animalcula  vivendi  et  se  movendi  facultale 
«  inslructa  se   obtulerunt,  quibus   sine   magna  opéra   e  vena 

medicusli  donrro  comme  so  rapportant  à  Distoma  hepaticum;  l'auteur  japo* 
nais  no  parle-t  il  pas  plutôt  de  D.  sinense  ou  de  D.  japonicum  /* 


Fig.  311.  —Hexathy- 
ridium  venarum, 
d'après  Treutler. — 
a,  de  grandeur  na- 
turelle ;  b}  grossi 
six  fois. 


DISTOMA  HEPATICUM.  597 

«  rupta  extractis,  confesLim  sanguis  effluere  desiit  :  vulnus  au- 
«  tem  ruptum  post  très  fere  septimanas  demum  coaluit  (1).  » 

L'observation  ci-dessus  a  donné  lieu  à  bien  des  controverses  ; 
il  était,  en  effet,  difficile  de  l'admettre,  tant  qu'on  ne  connaissait 
point  d'exemples  plus  authentiques  de  la  présence  de  Distomes 
dans  les  vaisseaux  sanguins.  Mais  ce  fait,  longtemps  considéré 
comme  douteux,  est  aujourd'hui  démontré.  On  peut  donc 
admettre  que  les  Hexathyridium  venarum  de  Treuller  n'étaient 
autre  chose  que  des  Distoma  lanceolatum  ou,  plus  vraisembla- 
blement, de  jeunes  D.  hepaticum,  ainsi  que  semblent  l'indiquer 
les  ramifications  latérales  portées  par  chacun  des  deux  caecums 
intestinaux  (2). 

Un  cas  plus  remarquable  est  rapporté  par  Duval,  professeur 
d'anatomie  à  l'École  de  médecine  de  Rennes.  En  disséquant  le 
système  veineux  abdominal  chez  un  Homme  âgé  d'environ 
quarante-neuf  ans,  mort  de  maladie  indéterminée,  mais  qui, 
de  son  vivant,  ne  s'était  jamais  plaint  de  rien  de  particulier, 
Duval  trouva  cinq  à  six  ûistoma  hepaticum  de  grande  taille.  Ces 
helminthes  étaient  contenus  dans  le  tronc  de  la  veine  porte, 
dans  le  sinus  et  les  divisions  sous-hépatiques  de  ce  vaisseau 
et  dans  les  branches  de  la  veine  situées  à  l'intérieur  du  foie. 

D'après  Vital,  une  observation  analogue  aurait  été  faite  en 
1845,  à  l'hôpital  militaire  de  Constantine  :  en  faisant  l'autopsie 


(I  Brera  [Memorie,  p.  114  rapporte  que  ce  même  parasite  a  été  trouvé  chez 
une  nonne,  en  1807,  dans  le  sang  extrait  d'une  veine  par  une  saignée.  Délie 
Chiaje  assure  également  qu'il  a  été  vu  dans  le  sang  d'individus  hémoptysiques 
par  Gallo,  par  Folinea,  par  Civinini  et  par  lui-même  (S.  délie  Chiaje,  Com- 
pendio  di  elmintogrufia  umana.  Napoli,  2a  cdizione,  p.  15,  1833.  —  Elmin- 
togrufia umana,  4a  ediz.,  p.  18,  1844). 

(2)  Treutlcr  a  encore  fait  connaître  sous  le  nom  d1 'Hexathyridium  pinguicola 
un  prétendu  Trématode  trouvé  par  lui  dans  une  petite  tumeur  adipeuseentou- 
rant  l'ovaire  d'une  femme  de  vingt-six  ans,  morte  à  la  suite  d'un  accouche- 
ment laborieux.  L'observation  est  vraisemblablement  apocryphe,  ainsi  que 
cela  ressort  du  passage  suivant  de  Rudolphi  :  u  Phialam  qu'idem  bénévole 
raecum  communicuvit  (Treutlerus),  quoe  Pinguicolam  forsan  contiueret,  sed 
eandem  Berolini  attentissime  perscrutando  non  nisi  'corpusculum  nigrum 
contractum  el  durum  reperi,  quod  omnem  organisationis  notam  denegavit.  » 
(Rudolphi,  Entozoorum  synopsis,  p.  437-138,  1819.) 

Nous  ne  croyons  pas  devoir  insister  longuement  sur  d'autres  Trématodes, 
rencontrés  par  Lucarelli  en  1826,  dans  les  urines  d'une  femme  sexagénaire, 
et  décrits  pur  Délie  Chiaje  sous  le  nom  de  Tetrastoma  rénale.  Il  n'est  pas 
certain  que  ces  Vers  aient  été  rendus  avec  l'urine  Délie  Chiaje,  loc.  cit., 
2a  ediz.,  p.  13  e  11G;  4a  ediz.,  p.  1G  c  128;. 


598  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

d'un  Maltais  de  quarante-trois  ans,  mort  de  pleuro-pneumonie, 
on  trouva  dans  le  sang  veineux  un  Ver  vivant,  long  de  22  mil- 
limètres, large  de  15  millimètres  aussitôt  après  le  cou,  qui 
était  très  court,  et  large  seulement  de  4  millimètres  à  l'extré- 
mité caudale.  Vital  ne  doute  pas  qu'il  ne  s'agisse  là  d'une  Douve 
hépatique. 

Il  convient  de  rapprocher  de  ces  cas  ceux  où  des  Douves  ont 
été  trouvées  dans  des  tumeurs  sous-cutanées.  Ces  Vers,  sans 
aucun  doute,  étaient  primitivement  libres  dans  le  sang  :  en- 
traînés avec  celui-ci,  ils  se  sont  arrêtés  dans  les  capillaires  et 
leur  présence  s'est  manifestée  par  la  production  d'une  tumeur. 

Le  premier  cas  de  ce  genre  a  été  rapporté  par  Giesker.  Depuis 
plusieurs  mois,  une  femme  présentait  à  la  plante  du  pied  droit 
une  tuméfaction  indolore  et  sans  fluctuation.  La  tumeur  fut 
ouverte  :  elle  ne  laissa  échapper  ni  pus  ni  corps  étranger,  mais 
seulement  du  sang  coagulé.  Après  que  l'écoulement  du  sang  fut 
arrêté,  on  fit  un  pansement  avec  de  la  charpie  et  on  laissa 
l'appareil  pendant  huit  jours.  Au  bout  de  ce  temps,  on  leva  les 
pièces  du  pansement  pour  la  première  fois  :  en  comprimant 
de  haut  en  bas,  on  fit  sortir  de  la  plaie  deux  jeunes  Distomes 
hépatiques  ;  l'un  d'eux  fut  écrasé  par  mégarde,  l'autre  était 
vivant  et  mesurait  13  millimètres  de  longueur.  La  guérison  se 
fit  rapidement. 

Penn  Harris,  de  Liverpool,  cite  l'observation  d'un  enfant  de 
vingt-cinq  mois,  chez  lequel  une  tumeur  large  comme  une 
orange  se  développa  à  la  partie  supérieure  de  l'occiput.  L'abcès 
s'ouvrit  spontanément  et  rendit  une  grande  quantité  de  pus  : 
il  continua  à  suppurer  pendant  environ  trois  semaines,  quand 
un  jour,  après  avoir  enlevé  le  cataplasme  et  abstergé  le  pus, 
on  aperçut,  sur  la  serviette  destinée  à  cet  usage,  six  Distomes 
qui  ne  donnaient  aucun  signe  de  vie  (l). 

Une  observation  très  analogue  est  rapportée  par  Fox,  de 
Topsham,  Devonshire.  Il  s'agit  d'un  marin  ûgé  de  trente-huit 
ans,  chez  lequel  un  bouton  apparut  un  peu  en  arrière  de  l'o- 


(I)  dette  observation  de  Penn  Harris  est  généralement  considérée  comme 
une  mystification.  Il  est,  en  effet,  possible  que  la  bonne  loi  de  l'auteur  ait 
été  surprise  et  que  la  serviette  sur  laquelle  ont  été  trouvés  les  Distonios  ait 
déjà  servi  a  d'autres  usages,  par  exemple  a  envelopper  un  foie  de  Mouton; 
mais  ce  n'est  là  qu'une  supposition  toute  gratuite. 


DISTOMA   HEPATICLM.  599 

reille.  «  Ce  boulon  grossit  et  atteignit  la  taille  d'une  petite  noix. 
Une  solution  iodée  fut  appliquée  pour  dissoudre  la  tumeur, 
mais  sans  succès.  Quelque  temps  après,  pendant  que  cet  homme 
était  en  mer,  le  bouton  s'enflamma  et  s'ouvrit,  rendant  par  deux 
petites  ouvertures  un  liquide  séro-sanguinolent.  Le  bouton 
se  guérit  alors,  et,  après  quelque  temps,  se  remplit  de  nouveau 
d'un  liquide  semblable.  On  en  fit  l'ouverture  et  la  plaie  fut 
pansée  avec  de  la  charpie  sèche.  Le  lendemain,  examinant  cette 
plaie,  je  crus  voir  quelque  chose  se  mouvoir,  et,  l'ayant  extrait, 
je  reconnus  un  Distome.  » 

Le  dernier  cas  a  été  publié  par  Dionis  des  Carrières.  Un 
Homme  de  trente-cinq  ans  portait  dans  la  région  hypocondria- 
que droite  une  petite  tumeur  très  douloureuse,  qui  le  privait 
de  sommeil  et  l'empêchait  de  vaquer  à  ses  occupations.  Cette 
tumeur,  de  la  grosseur  d'un  œuf  de  Pigeon,  était  très  dure  et 
non  fluctuante.  Au  bout  de  quelques  mois,  elle  n'était  pas 
encore  acuminée  et  n'offrait  pas  la  moindre  trace  de  fluctua- 
tion; la  peau  avait  partout  sa  coloration  normale,  mais  au 
centre  se  voyait  un  petit  point  bleuâtre  de  la  grosseur  d'une 
tête  d'épingle  et  formé  par  une  pellicule  mince  et  transparente 
comme  une  pelure  d'Oignon,  derrière  laquelle  on  distinguait 
facilement  une  gouttelette  de  sérosité  de  couleur  violacée.  En 
pressant  à  droite  et  à  gauche  avec  les  deux  pouces,  comme  on 
ferait  pour  une  petite  tumeur  sébacée,  une  goutte  de  sérosité 
jaillit,  et  aussitôt  après  s'échappa  un  Distome  hépatique  très 
vivace,  avant  à  peine  1  centimètre  de  longueur.  Des  pressions 
plus  fortes  et  réitérées  ne  firent  plus  rien  sortir.  En  quelques 
jours  la  tumeur  s'affaissa,  et  depuis  ce  temps  le  malade  n'a 
plus  rien  ressenti. 

Il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  rappeler  encore  que  des 
Douves  erratiques  ont  été  vues  dans  le  poumon  du  Bœuf  par 
Rivolta  et  par  Mégnin  ;  dans  l'observation  de  ce  dernier  auteur, 
elles  étaient  renfermées  dans  des  tumeurs  à  paroi  fibreuse  très 
épaissie  et  bosselée. 


M.   Malpighi,  Opéra  posthuma.  Londoni,  1G97.  Voir  p.  84. 

G.  Bidloo,  Observatio  de  animalcults,  in  ovino  aliorumque  animantium 
hepate  detectis   Delft.  1 698. 

Bidloo  et  P.  Borel  cités  par  D.  Le  Clerc,  Historia  naturalis  et  medica  lato- 
rum  Lumbricorum.  Genevae,  p.  119  et  283,  1715. 


600  ORDRE  DES  TREMATODES. 

P.  S.  Pallas,  Disseriatio  de  infestis  viventibus  intra  viventia.  Lugd.  Bat., 
1760.  Voir  p.  5  et  28. 

Fr.  A.  Treutler,  Observationes  pathologico-anatomicse  auctarium  ad  AeZ- 
minthologiam  humani  corporis  cojilinentes.  Lipsite,  1793. 

L.  Fortassin,  Considérations  sur  l'histoire  naturelle  et  médicale  des  Vers 
du  corps  de  l'Homme.  Thèse  de  Paris,  an  XII,  1804.  Voir  p.  19. 

P.  Frank,  Traité  de  médecine  pratique.  Paris,  1823.  Voir  V,  p.  351. 

Duval,  Note  sur  un  cas  de  Distome  hépatique.  Gaz.  méd.,  X,  p.  709,  1842. 

Giesker  und  Frey,  Helminthologischer  Beitrag.  Mittheil.  der  naturforsch. 
Gesellschaft  in  Zurich,  II,  p.  89,  1850. 

Delafond,  Traité  sur  la  pourriture  ou  cachexie  aqueuse  des  bêtes  à  lai?ie. 
Paris,  2e  édition,  1854. 

Ch.  Fox  et  J.  PennHarris,  cités  par  Edw.  Lankester  dans  l'édition  anglaise 
de  Kuchenmeister,  I,  appendice  B,  p.  434.  Londres,  1857. 

G.  M.  Diesing,  Revision  der  Myzhelminthen.  Sitzungsber.  der  k.  k.  Akad. 
der  Wiss.  in  Wien,  XXXII,  1858.  Voir  p.  331. 

W.  Lambl,  Mikroskopische  Untersuchungen  der  Darm-Excrete .  Prager 
Vierteljahrsschrift,  LXI,  1859.  Voir  p.  49. 

A.  Biermer,  Distomum  hepaticum  beim  Menschen.  Schweizerischc  Zeitschrift 
fur  Heilkunde,  II,  p.  381,  1863. 

Al.  An.  Florance,  De  la  distomatose  chez  l'Homme  et  les  animaux.  Thèse 
de  Strasbourg,  1866. 

O.  Wyss,  Ein  Fall  von  Distomum  hepaticum  beim  Menschen.  Archiv  der 
Heilkunde,  IX,  p.  172,  1868. 

E.Klebs,  Handbuchder pathologiscfœn  Anatomie.  Berlin,  1809.  Voirl,p.520. 

E.  D.  Harrop,  Remarks  on  the  Fluke  (Fasciola  hepatica).  Proceed.  of  tho 
R.  Society  of  Tasmania,  p.  12,  1869. 

A.  Vital,  Les  entozoaires  à  l'hôpital  militaire  de  Constantine.  Gazette  méd., 
(4),  111,  p.  274,  1874. 

Dionis  des  Carrières,  cité  par  Davaine,  Traité  des  entozoaires,  2e  éd., 
p.  386.  Paris,  1877. 

C.  Murchison,  Clinical  lectures  on  diseases  of  the  liver.  London,  2nd  éd., 

1877.  Voir  p.  684.  —  Leçons    cliniques  sur   les    maladies  du  foie.  Paris, 

1878.  Voir  p.  637. 

A.  Prunac,  De  la  Douve  ou  Distome  hépatique  chez  l'Homme.  Gazette  des 
hôpitaux,  LI,  p.  1147,  1878.  —  Id.,  Note  sur  la  grande  Douve  du  foie  (Dis- 
toma  hepaticum).  Montpellier  et  Paris,  in-8°  de  14  p.,  1884. 

A.  Wilson,  On  the  occurrence  of  the  commofi  Fluke  (Fasciula  hepatica)  in 
the  human  subject.  Edinburgh  med.  journal,  XXV,  p.  413,   1879. 

Ziindel,  La  distomatose  ou  cachexie  du  Mouton;  sa  nature,  ses  eu  uses  et 
les  moyens  naturels  de  la  combattre.  Strasbourg,  1880. 

Win.  Edw.  Humble  and  Wm,  Vavvdrcy  Lush,  A  case  of  Distoma  hepaticum 
{tir a- fluke)  in  man.  Briiish  med.  journal,  II,  p.  75,   ISS!. 

Ed.  Perroncito,  L'anémia  dei  contadin/,  fornaciai  e  minatori  in  rapporto 
coW  attuale  epidemia  negli  opérai  del  Gottardo.  Annali  délia  R.  Arcad. 
d'agricoltura  di  Torino,  XXIII,  1881. 

P.  Mégnin,  Tubercules  des  poumons  chez  une  Vache  causés  par  des  Duuves 
(Distoma  hepaticum).  Compte  rendu  de  la  Soc.  de  biologie,  p.  221,  1882. 

Eug.  Bostrom,  Ueber  Distoma  hepaticum  beim  Menschen.  Deutsches  Archiv 
f.  klin.  Medicin.,  XXXIII,  p.  .V.7,  1883. 

Shibazaburo  Kitazato.  Chiuga  Iji  Shinpo.  Tokio,   n°  99,   10  mai   1884 
japonais). 

L.  Ilahn  et  Ed.  Lcfèvre,  Douves.  Dictionnaire  encyclop.  des  se.  méd.,  188i. 


DISTOMA   HEPATICUM.  601 


On  serait  tenté  d'admettre  que  la  distribution  géographique 
de  Distoma  hepaticum  doive  être  intimement  liée  à  celle  de 
Limniea  truncatula,  qui  lui  sert  d'hôte  intermédiaire.  Ce  Mollus- 
que habite  toute  l'Europe,  la  Sibérie,  l'Afghanistan,  le  ïhibet, 
le  territoire  de  l'Amour,  le  Maroc,  l'Algérie  et  la  Tunisie  (1). 
Mais  la  répartition  du  Distome  à  la  surface  du  globe  n'est  pas 
absolument  corrélative  de  celle  de  son  hôte  :  il  manque  en 
certaines  régions  où  se  trouve  celui-ci  ;  inversement,  on  l'observe 
dans  des  pays  où  la  Limnée  fait  défaut.  On  doit  donc  penser 
que  le  Ver  est  capable  d'accomplir  les  premières  phases  de  son 
développement  chez  des  hôtes  appartenant  à  des  espèces  di- 
verses, dont  une  seule  nous  est  actuellement  connue. 

La  Douve  est  répandue  par  toute  l'Europe,  sauf  l'Islande, 
ainsi  que  Krabbe  et  Jonsson  le  disent  expressément;  L.  trun- 
catula et  L.  peregra  se  trouvent  pourtant  dans  cette  île,  d'après 
Morch.  Elle  est  très  fréquente  dans  les  îles  Shetland,  où,  d'a- 
près Forbes,  on  ne  trouverait  que  L.  peregra;  elle  n'est  pas  rare 
auxîlesFaerœ,d'aprèsKrabbe.Ceparasite  cause  parfois  enEurope 
des  épizooties  désastreuses,  dont  on  trouvera  le  récit  dans  le 
livre  de  Davaine  et  dans  divers  ouvrages  de  médecine  vétérinaire. 

Le  Distome,  que  nous  sachions,  n'a  pas  encore  été  observé 
en  Asie,  bien  que  son  hôte  intermédiaire  vive  en  plusieurs 
contrées  et  bien  que  le  Mouton  soit  partout  abondant.  Il  est 
rare  en  Afrique  (Egypte  (2),  Algérie).  Peu  répandu  dans  l'Amé- 
rique du  nord  (3),  où  le  genre  Limnœa  est  représenté,  mais 
par  aucune  des.  deux  espèces  L.  truncatula  et  L.  peregra,  il 
devient  très  fréquent  dans  l'Amérique  du  sud. 

Dans  la  République  argentine,  d'après  Wernicke,  deux 
espèces  de  Planorbes  et  une  espèce  de  Limnée  lui  servent 
probablement  d'hôtes  intermédiaires.  Dans  le  district  de  Tan- 
dil,  plus  de  100,000  Moutons  ont  succombé  à  la  distomatose 

(1)  Linmsea  peregra  habite  toute  l'Europe,  la  Sibérie,  le  Tliibet,  l'Asie 
Mineure  et  le  territoire  de  l'Amour. 

(2)  W.  Youatt  [Sheep,  theiv  breeds,  management  and  diseoses.  Lomlon, 
1S37.  Voir  p.  400,  en  note)  dit  que  la  distomatose  est  très  fréquente  en 
Egypte,  notamment  après  les  crues  du  Nil.  Hamont,  fondateur  de  TÉcole  vété- 
rinaire en  Egypte,  a  donné  des  détails  précis  sur  les  ravages  causés  par 
cette  maladie. 

Heureusement  pour  les  fermiers  américains,  cette  malade  destructive 
est  comparativement  peu  fréquente  dans  leurs  troupeaux.  »  L.  A.  Morrell, 
The  american  s/iepherd.  New-York,  1803,  p.  362. 


602  ORDRE  DES  TREMATODES. 

pendant  les  huit  premiers  mois  de  l'année  1886  :  de  petits 
éleveurs  n'ayant  que  6  à  8,000  Moutons  ont  perdu  leurs  trou- 
peaux presque  en  totalité.  On  trouve  jusqu'à  280  exemplaires 
chez  un  même  animal;  dans  un  cas,  on  en  a  même  vu  jusqu'à 
480.  Le  Ver  se  rencontre  aussi  chez  le  Bœuf,  mais  cause  rare- 
ment la  mort. 

On  le  voit  encore  en  Tasmanie  et  en  Australie,  pays  où  les 
Limnées  ne  se  rencontrent  pas,  d'après  les  observations  de 
Hutton.  Enfin,  Leuckart  le  signale  au  Groenland,  mais  Rolles- 
ton  fait  remarquer  que  c'est  là  sans  doute  une  erreur  :  vers 
l'année  1855,  il  n'y  avait  au  Groenland,  d'après  Rink,  que  30  à 
40  Vaches,  100  Chèvres  et  20  Moutons  ;  cette  poignée  de  bétail 
était  réunie  à  Julianshaab,  sur  la  côte  occidentale. 

O.  A.  L.  Môrch,  Faunula  Molluscorum  Islandiœ.  Meddelelser  fra  den 
naturhistorisk  Forening,  I,  p.  185,  1868. 

F.  W.  Hutton,  On  the  geographical  relations  of  the  New  Zealand  fauna. 
Transactions  of  the  New  Zealand  Institute,  V,  p.  527,  1872.  Voir  p.  244. 

Sn.  Jonsson,  Hausthierzucht  und  Hausthierkrankheiten  in  Islcmd.  Deutsclio 
Zeitschrift  f.  Thiermed.  und  vergl.  Pathologie,  V,  p.  388,  1879.  Voir  p.  413. 

G.  Rolleston,  Note  on  the  geographical  distribution  of  Limax  agrestis, 
Albion  hortensis  and  Fasciola  hepatica.  Zoologischer  Anzeiger,  III,  p.  400,  1880. 

R.  Wernicke,  Die  Parasiten  der  Haustierc  in  Buenos- Ayr  es.  Deutsche 
Zeitschr.  f.  Thiermed.  und  vergl.  Pathologie,  XII,  p.  304,  1886. 


Distoma  lanceolatum  Mehlis,  1825. 

Synonymie  :  Planaria  latiuscula  Gôze,  178?. 
Fasciola  hepatica  Bloch,  1782. 
Distoma  hepaticum  Zeder,  1800;  Rudolphi,  1810. 
F.  lanceolata,  Kudolphi,  1803. 
D.  (Dicrocœlium)  lanceolatum  Dujardin,  1845. 
Dicrocœlium  lanceolatum  Wcinland,  1858. 

L'œuf  du  Distome  lancéolé  est  noirâtre,  long  de  40  à  45  f*, 
large  de  30  (x;  les  deux  pôles  sont  émoussés;  l'antérieur  est 
muni  d'un  clapet,  tandis  que  le  postérieur  est  orné  d'un  épais- 
sissement  en  forme  de  bouton.  La  coque  de  l'œuf  est  plus 
épaisse  que  chez  la  Douve  hépatique  et  est  constituée  par  deux 
couches  différant  par  leurs  propriétés  optiques.  Le  développe- 
ment commence  déjà  dans  l'utérus  ;  il  se  fait  avec  une  telle 
rapidité  qu'au  moment  de  la  ponte  on  peut  voir  déjà  dans 
chaque  œuf  l'embryon  tout  formé. 


DISTOMA  LANCEOLATUM.  tf03 

Celui-ci,  d'après  Moulinié,  se  présente  sous  l'aspect  d'un 
corps  pyriforme  clair  et  dont  la  partie  postérieure  arrondie 
serait  ornée  latéralement  de  deux  amas  granuleux  de  forme 
ovale  et  de  nature  encore  indéterminée.  Il  est  long  de  26  à  33  (*, 
large  de  16  (x;  chacune  des  masses  granuleuses  mesure  7a,  5. 
Le  parenchyme  du  corps  est  formé  d'une  substance  claire  et 
transparente,  à  peu  près  homogène.  L'embryon  a  toujours  son 
extrémité  céphalique  effilée  et  tournée  du  côté  du  clapet;  elle 
en  est  séparée  encore  par  un  coussinet  de  mucus  relativement 
plus  développé  que  dans  l'œuf  de  la  Douve  hépatique. 

Malgré  l'état  de  développement  avancé  dans  lequel  se  trouve 

l'embryon  au  moment  de  la  ponte,  l'éclosion  n'a  guère  lieu 

qu'après  trois  semaines  de  séjour  dans  l'eau. 

On  voit  alors  sortir  de  l'œuf  un  animalcule 

sphérique  ou  pyriforme  (fig.  312),  moins  agile 

que  l'embryon  de  l'espèce  précédente,  ce  qui 

tient  à  ce  que  les  cils,  longs  de  10  jx,  ne  se 

montrent  que   dans   la  partie  antérieure  du 

corps,  sur  le   prolongement   céphalique.    Ce   Fig.  312.  —  Em- 

dernier  a  une  structure  granuleuse  particulière      bry°n  de  }D*sto~ 

.     °  .  ma  lanceolatum, 

et  est  arme  d  une  épine  frontale,  qui  peut  être      d'aprèsLeuckart. 

tour  à  tour  projetée  en  avant  ou  rétractée  et 

qui  joue,  mais  plus  efficacement,  le  même  rôle  que  le  rostre 

chez  l'embryon  de  Distoma  hepaticum. 

On  a  longtemps  ignoré  chez  quel  animal  l'embryon  se  fixait: 
la  présence  de  l'épine  frontale  faisait  néanmoins  penser  à  un 
Mollusque;  le  revêtement  ciliaire  indiquait  d'autre  part  un  ani- 
mal aquatique.  Il  est  donc  surprenant,  en  tenant  compte  de 
ces  importantes  considérations,  de  voir  Piana  émettre  l'avis 
que  Cercaria  hmgo-caudata^  parasite  d'Hélix  carthusiana,  doit 
être  la  larve  de  la  Douve  lancéolée.  Les  observations  de  Leuc- 
kart  et  de  von  Willemœs-Suhm  donnent  à  penser,  malgré  les 
récentes  dénégations  d'Ercolani,  que  ce  Distome  accomplit  sa 
période  larvaire  chez  Planorbis  marginalus,  dans  les  organes 
duquel  il  se  présenterait  5041s  la  forme  de  Cercaria  cystophora 
Wagener.  Toutefois,  la  démonstration  de  ce  fait  ne  saurait 
encore  être  considérée  comme  définitive. 

En  1866,  Guido  Wagener  décrivit  chez  le  Planorbe  bordé  des  Spo- 


004  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

rocystes  qu'il  faudrait  considérer  comme  provenant  des  embryons 
décrits  ci-dessus.  Ce  sont  des  sacs  allongés,  fusiformes,  visibles  à 
l'œil  nu.  Le  tégument  est  marqué  de  fines  stries  transversales,  régu- 
lièrement espacées,  et  recouvre  une  double  couche  musculaire,  au- 
dessous  de  laquelle  se  voit  la  couche  cellulaire  donnant  naissance 
aux  Rédies.  Celles-ci  remplissent  la  cavité  du  corps,  soit  à  l'état 
de  morulas,  soit  à  l'état  de  Rédies  plus  ou  moins  parfaites.  L'appa- 
reil excréteur  est  très  développé,  mais  n'a  été  qu'incomplètement 
étudié.  Les  entonnoirs  vibratiles  sont  nombreux  :  ils  sont  surlout 
abondants  vers  le  tiers  postérieur  du  corps  et  se  montrent  à  ce 
niveau  disposés  en  une  sorte  de  large  ceinture,  en  rapport  avec  des 
vaisseaux  à  direction  transversale. 

Les  Rédies  sont  mises  en  liberté  par  la  déchirure  des  parois  du 
Sporocyste;  elles  ont  plus  de  2  millimètres  de  longueur,  sont  très 
agiles  et  sont  remplies  de  germes  de  Cercaires.  Le  pharynx  est  très 
petit;  le  cul-de-sac  digestif  est  de  couleur  brunâtre  et  occupe  plus 
de  la  moitié  de  la  longueur  du  corps.  Le  tégument  est  dépourvu  de 
striation  transversale,  mais  renferme  un  riche  système  vasculaire 
émanant  de  deux  gros  troncs  longitudinaux.  Ceux-ci  occupent  les 
parties  latérales,  sont  limités  par  une  paroi  propre  et,  un  peu  avant 
d'atteindre  chacune  des  extrémités,  se  résolvent  en  un  bouquet  de 
vaisseaux  plus  petits;  ils  reçoivent  d'autre  part  un  grand  nombre 
de  branches  latérales.  L'orifice  qui  livre  passage  aux  Cercaires 
mûres  semble  être  situé  sur  la  ligne  médiane,  immédiatement  en 
arrière  du  pharynx. 

Les  Cercaires  ont  une  structure  des  plus  remarquables.  Lorsque 
leur  évolution  est  encore  peu  avancée,  un  étranglement  annulaire 
vient  séparer  leur  partie  postérieure,  de  manière  à  former  une  por- 
tion caudale,  dont  l'extrémité  se  bifurque  bientôt  :  l'une  des  branches 
de  bifurcation  reste  courte  et  épaisse;  l'autre  est  plus  longue  et  plus 
mince;  celte  dernière  deviendra  la  queue. 

La  Cercaire  arrivée  à  son  complet  développement  présente  une 
ventouse  buccale  presque  deux  fois  aussi  large  que  la  ventouse  pos- 
térieure, et  surmontée  d'une  sorte  de  capuchon  mobile,  formé  par 
les  muscles  du  cou.  Le  pharynx  est  immédiatement  accolé  à  la  ven- 
touse buccale;  l'œsophage  reste  assez  longtemps  sans  se  diviser  et 
donne  naissance  à  deux  caecums  latéraux,  qui  s'avancent  en  décri- 
vant de  légères  sinuosités  jusqu'au  voisinage  de  la  portion  caudale. 
Le  tégument  est  orné  de  petits  spicules  dans  la  région  céphalique. 

La  portion  caudale  s'est  transformée  en  un  kyste  globuleux,  limité 
par  une  épaisse  paroi  et  rempli  intérieurement  par  une  masse  trans- 
parente et  finement  granuleuse;  celle-ci  disparaît  de  bonne  heure. 
Le  kyste  est  alors  devenu  une  sorte  de  calice,  au  fond  duquel  la  Cer- 


DISTOMA  LANCEOLATUM.  605 


caire  s'attache  par  son  extrémité  postérieure  et  dans  lequel  la  queue 
prend  également  insertion.  Ce  long  appendice,  mince  et  aplati,  est 
formé  d'une  membrane  anhiste  dont  l'extrémité  renflée  se  creuse 
d'une  petite  cavité  à  contenu  très  réfringent;  au  voisinage  de  ce 
renflement,  on  remarque  à  la  surface  de  la  queue  une  striation 
transversale  des  plus  nettes. 

Le  kyste  s'ouvre  au  dehors  par  un  col  marqué  de  replis  annu- 
laires. La  Cercaire  peut  se  rétracter  complètement  à  son  intérieur 
et  peut  également  y  rétracter  sa  queue  :  l'animal  se  replie  alors  sur 
lui-même  à  la  façon  du  chiffre  8,  et  l'orifice  finit  par  s'oblitérer. 

Cercaria  cystophora  a  été  trouvée  par  von  Willemœs-Suhm 
chez  des  Planorbes  bordés  vivant  dans  des  aquariums  dont 
l'eau  avait  été  ensemencée  quelques  mois  auparavant  avec  des 
œufs  de  Douve  lancéolée  :  avant  cet  ensemencement,  on  n'a- 
vait rencontré  chez  ces  mêmes  Mollusques  aucune  Cercaire  de 
ce  genre,  et  il  ne  fut  pas  possible  d'en  découvrir  davantage  chez 
d'autres  Planorbes  capturés  à  l'endroit  même  d'où  provenaient 
les  premiers. 

Quant  à  l'évolution  ultérieure  de  la  Cercaire,  elle  se  ferait, 
au  moins  partiellement,  chez  le  Planorbe  lui-même  :  à  l'inté- 
rieur de  son  kyste,  la  Cercaire  prendrait  les  caractères  d'une 
Douve  lancéolée  (1).  C'est  ainsi  que  vers  1861,  en  examinant  des 
Planorbes  bordés  qu'il  conservait  depuis  quelque  temps  dans 
un  aquarium.  Leuckart  rencontra,  presque  dans  chaque  exem- 
plaire, des  kystes  de  Distome  longs  d'environ  0mm.2  ;  les  jeunes 
animaux  qui  y  étaient  renfermés  ressemblaient  si  complète- 
ment à  la  Douve  lancéolée  par  plusieurs  caractères,  qu'il  ré- 
solut de  les  utiliser  pour  une  expérience  d'infestation.  Il  fit 
avaler  quelques  douzaines  de  ces  kystes  à  un  agneau  de  quatre 
mois  qui,  depuis  sa  naissance,  n'avait  été  nourri  qu'avec  du 
fourrage  sec  et  par  conséquent  à  peu  près  inoffensif.  Au  bout 
de  six  semaines,  l'autopsie  fut  faite  :  on  trouva  dans  les  canaux 
biliaires  huit  Distoma  lanceolatum  complètement  adultes. 

G.  R.  Wagener,  Uebcr  Redien  und  Sporocysten  Filippi.  Archiv  fiir  Ana- 
tomie.  p.   14ô,  18GG. 

R.  von  Willemœs-Suhm,  Ueber  einige  Tremntoden  wvl  Semathelminlhen. 
Z.  f.  w.  Z..  XXI,  p.  175,  1871. 

P  {\)  Quelque  singulier  qu'il  paraisse,  le  fait  n'est  pas  sans  exemple  :  de  la 
Valette  Saint-George  l'a  signalé  chez  Cercaria  echinifera. 


606 


ORDRE  DES  TRÉMATODES. 


Distoma  lanceolatum  (fig.  313)  est  un  animal  de  forme  lan- 
céolée, long  de  8  à  10  millimètres,  large  de  2  à  2mm,4.  Le  corps 
est  lisse,  dépourvu  d'écaillés,  aminci  et  effilé  à  ses  deux  extré- 
mités, l'antérieure  étant  la  plus  étroite;  la  plus  grande  largeur 
s'observe  à  la  région  postérieure,  par  suite  de 
l'accumulation  des  œufs  dans  les  circonvolu- 
tions de  l'utérus. 

Les  cellules  musculaires  du  tégument  sont  à 
peu  près  d'aussi  grande  taille  que  chez  D.  he- 
paticum,  mais  elles  sont  peu  nombreuses  et 
fortement  séparées  les  unes  des  autres;  elles 
sont  plus  serrées  dans  la  couche  circulaire  que 
dans  la  couche  diagonale.  Elles  se  condensent 
surtout  dans  la  partie  antérieure  du  corps  ; 
aussi  cette  région  est-elle  de  toutes  la  plus 
mobile  ;  elle  peut,  comme  chez  la  grande  Douve 
du  foie,  s'allonger  au  point  de  ressemblera  un 
appendice  en  forme  de  filament  ou  de  trompe. 
Les  deux  ventouses  sont  situées  à  la  face  ven- 
trale :  par  rapport  aux  dimensions  du  corps, 
elles  sont  plus  grandes  que  chez  D.  hepaticum, 
mais  leur  grandeur  absolue  est  moins  considé- 
rable. La  ventouse  antérieure,  large  de  0mm,5, 
est  surmontée  d'un  rebord  cutané  dont  la  sur- 
face est  criblée  d'orifices  glandulaires;  sa  marge 
est  ornée  de  délicates  denticulations  et  pour- 
vue d'un  puissant  sphincter,  ce  qui  semble  devoir  faire  attri- 
buer à  celles-ci  un  certain  rôle  dans  la  préhension  des  ali- 
ments. La  ventouse  elle-même  est  dans  le  fond  d'une  dépres- 
sion ;  pendant  la  vie,  son  orifice  a  fréquemment  la  forme  d'une 
fente  transversale;  après  la  mort,  il  redevient  circulaire.  La 
ventouse  postérieure  est  large  de  0mm,6  et,  par  conséquent,  un 
peu  plus  grande  que  la  précédente.  L'espace  qui  les  sépare  l'une 
de  l'autre  correspond  a  peu  près  à  la  cinquième  partie  de  la  lon- 
gueur totale  et  se  confond  insensiblement  avec  le  reste  du  corps. 
Le  parenchyme  a  la  même  structure  que  chez  la  Douve  hépa- 
tique, si  ce  n'est  que  les  cellules  sont  beaucoup  plus  petites  ; 
elles  ont  rarement  plus  de  25  tu.  de  largeur;  leur  noyau  mesure 
7à9(x. 


Fig.  313.  —  Dis- 
toma lanceola- 
tum, vu  par  la 
face  dorsale. 


DISTOMA  LANCEOLATUM.  607 

L'appareil  excréteur  est  moins  compliqué  que  dans  l'espèce 
précédente.  Les  entonnoirs  vibratiles  ont  été  vus  par  Walter  ; 
les  canalicules  qui  en  partent  donnent  naissance  de  chaque 
côté  du  corps  à  un  canal  qui,  devenu  apparent  dans  le  tiers 
antérieur,  se  porte  en  avant.  Arrivé  au  voisinage  du  pharynx, 
ce  canal  s'infléchit  sur  lui-même  et,  changeant  de  direction, 
continue  son  trajet  vers  l'extrémité  postérieuse  ;  son  dia- 
mètre est  alors  d'à  peu  près  20  ix.  Tout  en  décrivant  des  si- 
nuosités plus  ou  moins  accusées,  il  court  à  côté  du  caecum  in- 
testinal et  du  nerf  latéral  ;  vers  le  tiers  postérieur  du  corps, 
on  le  voit  se  rapprocher  de  la  ligne  médiane,  de  manière  à 
s'anastomoser  avec  son  congénère.  De  la  sorte  prend  naissance 
un  tronc  dorsal  médian  et  impair  qui  occupe  à  peu  près  le  quart 
de  la  longueur  totale  et  qui  s'ouvre  à  l'extrémité  postérieure 
par  un  foramen  caudale  large  de  45  (x  et  pourvu  d'une  sorte  de 
sphincter. 

Le  pharynx,  immédiatement  accolé  à  la  ventouse  buccale, 
est  assez  régulièrement  sphérique.  A  sa  suite  vient  un  œso- 
phage long  de  0mm6,  large  de  18  jx,  mince  canal  pourvu  de  puis- 
sants muscles  circulaires.  Immédiatement  en  avant  du  sinus 
génital,  il  se  divise  en  deux  cœcums  intestinaux  qui  diffèrent 
considérablement  de  ceux  de  la  Douve  hépatique,  en  ce  qu'ils 
ne  présentent  pas  la  moindre  ramification  latérale.  Ce  sont 
deux  tubes  dont  le  calibre  augmente  progressivement  en  ar- 
rière :  larges  de  20  tx  à  l'origine,  ils  atteignent  finalement  un 
diamètre  de  100  à  130  [x  ;  leur  largeur  varie  du  reste  avec  leur 
degré  de  réplétion.  Les  deux  CEecums  s'avancent  jusqu'au  voi- 
sinage du  quart  postérieur  du  corps;  ils  restent  normalement 
distincts  l'un  de  l'autre  et  séparés  par  un  large  espace  qu'oc- 
cupent les  circonvolutions  de  l'utérus,  mais  ils  peuvent  parfois 
se  rapprocher  sur  la  ligne  médiane  et  entrer  en  coalescence, 
ainsi  que  J.  Ghatin  l'a  observé. 

Walter  a  décrit  comme  des  organes  salivaires  déversant  leur 
produit  dans  la  ventouse  buccale,  des  cellules  glandulaires  dis- 
persées en  assez  grande  quantité  dans  la  partie  antérieure  du 
corps.  Ces  cellules  mesurent  jusqu'à  37  fx,  leur  noyau  est  large 
de  11  p;  chacune  d'elles  possède  un  long  canal  excréteur,  large 
de  7  (x,  qui  vient  s'ouvrir,  après  un  trajet  plus  ou  moins  recti- 
ligne,  à  l'un  des  pores  dont  nous  avons  déjà  noté  l'existence  sur 


608  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

le  prolongement  cutané   qui   recouvre  la  ventouse  buccale. 

Le  système  nerveux  a  la  disposition  générale  que  nous  lui 
avons  déjà  reconnue  dans  l'espèce  précédente  :  la  commissure 
transversale  qui  unit  l'un  à  l'autre  les  deux  ganglions  pharyn- 
giens antérieurs  est  seulement  un  peu  plus  reportée  en  arrière. 
Les  nerfs  partent  tous  du  bord  externe  du  ganglion.  Us  sont  au 
nombre  de  cinq  :  l'antérieur,  remarquable  par  sa  grande  finesse, 
se  rend  à  la  ventouse  buccale;  les  autres  ont  le  trajet  habituel. 
Le  postérieur  ou  nerf  latéral  passe  à  la  face  inférieure  du 
caecum  intestinal  correspondant,  puis  poursuit  son  trajet  en 
suivant  le  bord  interne  de  ce  même  ca3cum. 

Les  organes  génitaux  sont  également  beaucoup  moins  com- 
pliqués que  chez  la  grande  Douve  du  foie  ;  leur  disposition  réci- 
proque n'est  pas  non  plus  la  même,  les  diverses  glandes  étant 
forcées,  en  raison  de  l'allongement  du  corps,  de  se  loger  les 
unes  à  la  suite  des  autres.  Le  sinus  génital  occupe  exactement 
l'angle  de  bifurcation  du  tube  digestif;  à  l'état  de  repos  les 
deux  orifices  sexuels  sont  placés  l'un  derrière  l'autre,  la  vulve 
étant  située  en  avant;  mais  quand  le  cirre  vient  à  faire  saillie 
au  dehors,  la  vulve  se  trouve  rejetée  du  côté  gauche. 

Les  testicules  se  voient  immédiatement  en  arrière  de  la  ven- 
touse postérieure,  sur  la  ligne  médiane  et  entre  les  deux  bran- 
ches de  l'intestin'.  Ce  sont  deux  sacs  aplatis,  à  contour  plus  ou 
moins  sinueux  et  occupant  toute  l'épaisseur  du  corps  ;  leur 
largeur  est  presque  de  1  millimètre.  Le  testicule  antérieur  émet 
le  canal  déférent  du  côté  gauche;  le  postérieur  donne  le  canal 
du  côté  droit,  de  longueur  à  peu  près  double.  L'union  de  ces 
deux  canaux  se  fait  au  niveau  du  bord  antérieur  de  la  ventouse 
ventrale  :  ainsi  se  constitue  un  canal  éjaculateur  qui  atteint 
presque  aussitôt  l'extrémité  postérieure  arrondie  de  la  poche 
du  cirre,  à  l'intérieur  de  laquelle  il  se  dilate  en  une  large  vési- 
cule séminale  contournée  en  S  ou  en  spirale.  Cette  vésicule  est 
ordinairement  remplie  de  sperme;  sa  paroi  possède  une 
couche  musculaire  assez  puissante  et  est  tapissée  intérieure- 
ment d'une  couche  de  cellules  granuleuses,  larges  de  15  (x,  que 
Leuckart  considère  comme  produisant  quelque  substance  qui 
se  mélange  à  la  masse  spermatique.  La  vésicule  séminale  se 
continue  finalement  par  le  cirre,  appendice  mince  et  filiforme, 
long  de  0mm,3,  peu  ou  point  recourbé  sur  lui-même  et  dans  la 


DISTOMA    LANOEOLAITM.  609 

paroi  duquel  on  reconnaît,  au-dessous  de  la  cuticule,  une 
double  couche  musculaire.  La  poche  du  cirre  est  assez  al- 
longée ;  elle  occupe  à  peu  près  tout  l'espace  compris  entre  la 
bifurcation  intestinale  et  la  ventouse  postérieure;  c'est  un 
organe  de  forme  ovale,  long  de  0îum,G5,  large  de  0mm,2G  et 
légèrement  effilé  en  avant. 

En  arrière  des  deux  testicules  se  voit  un  organe  arrondi,  de 
taille  plus  petite  et  large  seulement  de  0mm,4.  Quelques  obser- 
vateurs, entre  autres  Mehlis,  l'ont  décrit  comme  un  troisième 
testicule,  mais  on  sait  maintenant  que  ce  n'est  autre  chose  que 
l'ovaire  ou  germigène.  Le  germiducte,  qui  s'en  échappe  à  la 
partie  postérieure  et  du  côté  droit,  se  renfle  aussitôt  en  un 
réservoir  spermaiique  large  de  0mra,15,  auquel  aboutit  un  mince 
conduit  provenant  du  bord  droit  du  testicule  postérieur, 
conduit  qui  se  montre  toujours  plein  de  sperme. 

Les  deux  vitellogènes  sont  relativement  peu  développés  et 
occupent  à  peine  la  cinquième  partie  de  la  longueur  du  corps. 
Ils  sont  situés  dans  la  région  moyenne,  en  dehors  des  caecums 
intestinaux.  Chacun  d'eux  est  formé  d'un  canal  longitudinal 
auquel  sont  appendus  un  grand  nombre  de  petits  sacs  glandu- 
laires plus  ou  moins  arrondis,  dont  la  largeur  est  de  20  à  40  (x 
et  dont  la  longueur  peut  atteindre  jusqu'à  150  p.  Vers  le  milieu 
de  l'organe,  c'est-à-dire  au  niveau  du  réservoir  spermatique,  ce 
canal  donne  naissance  à  un  vitelioducte  transversal  qui  vient 
s'ouvrir  dans  le  germiducte,  à  quelque  distance  en  arrière  du 
réservoir  spermatique  et  au  sein  même  de  la  glande  coquillère. 
Celle-ci  est  encore  constituée  comme  chez  la  Douve  hépatique, 
mais  les  glandes  unicellulaires  ne  sont  pas  aussi  serrées  les 
unes  contre  les  autres  que  chez  cette  dernière. 

L'oviducte  ou  utérus  fait  suite  au  germiducte,  il  prend  nais- 
sance au  delà  du  point  de  rencontre  des  deux  vitelloductes  avec 
ce  dernier  et  renferme  des  œufs  dont  la  structure  et  les  dimen- 
sions nous  sont  déjà  connues  et  dont  le  nombre  est  extrême- 
ment considérable,  puisque  Leuckart  l'évalue  à  plus  d'un 
million;  leur  coque  brunit  progressivement,  en  sorte  que  les 
œufs  qui  séjournent  depuis  longtemps  dans  l'utérus  présentent 
une  teinte  noirâtre  plus  ou  moins  foncée. 

Le  tube  utérin  est  relativement  beaucoup  plus  étendu  que 
chez  Distoma  hepaticum  :  il  a  plus  de  douze  fois  la  longueur  de 
Blanchard.  —  Zooh  méd.  39 


610  ORDRE   DES  TREMATODES. 

l'animal,  c'est-à-dire  qu'il  mesure  au  moins  10  centimètres  de 
longueur;  à  l'état  de  vacuité,  il  est  large  de  23  u.,  mais  atteint 
jusqu'à  70  (x  quand  il  est  distendu  par  les  œufs.  Il  occupe  toute 
la  partie  postérieure  du  corps  et  forme,  entre  les  caecums  intes- 
tinaux et  en  arrière  de  ceux-ci,  un  grand  nombre  d'étroites  cir- 
convolutions qui  s'étendent  d'un  côté  à  l'autre  du  corps  et  se 
disposent  en  deux  couches  :  l'une,  rapprochée  de  la  face  ven- 
trale, contient  des  circonvolutions  dont  la  direction  générale 
est  antéro-postérieure;  l'autre,  reportée  vers  la  face  dorsale, 
est  formée  de  replis  dont  la  direction  générale  est  postéro-an- 
térieure.  La  distinction  entre  ces  deux  couches  n'est  d'ailleurs 
pas  absolue  et  les  circonvolutions  de  l'une  s'entremêlent  plus 
ou  moins  avec  celles  de  l'autre. 

Dès  que  les  circonvolutions  antérieures  de  la  face  dorsale  ont 
atteint  le  niveau  des  vitelloductes  transversaux,  elles  restrei- 
gnent considérablement  leur  parcours  et  s'insinuent  dans  l'es- 
pace laissé  libre  entre  l'ovaire,  le  testicule  postérieur  et  le 
caecum  intestinal  du  côté  gauche;  elles  s'atténuent  alors  au 
point  de  devenir  un  tube  à  peu  près  rectiligne  qui  passe  entre 
les  deux  testicules,  chemine  le  long  du  bord  droit  du  testicule 
antérieur,  puis,  contournantle  bord  gauche  de  la  ventouse  pos- 
térieure, va  se  terminer  dans  le  sinus  génital  par  un  vagin 
pourvu  d'une  puissante  couche  de  muscles  annulaires. 

G.  Walter,  Beitrâge  zur  Analomie  und  Histologie  einzelner  Trematoden. 

Archiv  fur  Naturgescliichte,  p.  269,  1858. 

J.  Chatin,  Anomalies  de  l'appareil  digestif  chez  la  Douve  lancéolée.  Compte 
rendu  de  la  Soc.  de  biologie,  p.  244,  18SG. 

La  Douve  lancéolée  se  rencontre  dans  les  canaux  biliaires  du 
Mouton  (J),  très  souvent  en  compagnie  de  la  Douve  hépatique; 
elle  vil  ordinairement  en  colonies  nombreuses,  formées  de  plu- 
sieurs centaines  d'individus.  Gomme  l'espèce  précédente,  elle 
peut  également  produire  parfois  de  véritables  épizoolies,  no- 
tamment pendant  les  années  pluvieuses  :  les  rivières  et  les  ruis- 
seaux débordent  dans  les  prairies  et  les  eaux,  en  se  retirant, 
abandonnent  dans  les  pâturages  les  Mollusques  porteurs  de 
Gercaires. 

(I)  On  la  trouve  encore  chez  d'autres  animaux,  tels  que  le  Bœuf,  la  Chèvre, 
l'Antilope,  le  Cerf,  le  Porc,  le  Lapin,  le  Lierre  et  le  Chat. 


DISTOMA  LANCEOLATUM.  011 

Distoma  lanceolatum  n'a  encore  été  vu  que  cinq  fois  che^ 
l'Homme  ;  dans  le  cas  de  Mehlis,  il  était  associé  à  D.  hepaticum . 

1°  Cas  de  BuMolz,  1790.  —  Cetle  observation  a  été  publiée  par 
Jôrdens.  «  La  nouvelle  découverte  de  l'eu  le  conseiller  des  mines 
Buchholz,  à  YYeimar,  éloigne  ce  qu'il  y  a  de  douteux  dans  celte  obser- 
vation (de  Vers  dans  le  foie)  et  les  autres  pareilles;  en  effet,  il  a 
trouvé,  en  1700,  dans  la  vésicule  biliaire  d'un  forçat,  mort  de  fièvre 
putride,   une  grande  quantité  de  Vers  qu  il   envoya   au    professeur 

Lenz,  qui  mêles  a  communiqués Malheureusement,  Buchholz  ne 

nous  a  rien  dit  des  circonstances  particulières  de  la  maladie  de  ce 
condamné  et  des  changements  contre  nature  qu'il  a  trouvés  dans  le 
cadavre.  »  Les  parasites  sont  conservés  dans  la  collection  de  Wei- 
mar;  ils  ont  été  examinés  par  Rudolphi  et  Bremser,  puis  par  Leuc- 
kart,  qui  reconnut  en  eux  des  Douves  lancéolées. 

2°  Cas  de  Chabeft,  1810.  —  Ce  cas  a  été  publié  par  Rudolphi;  le 
célèbre  vétérinaire  français  lui  avait  envoyé  une  grande  quantité  de 
Vers  rendus  par  une  jeune  fille,  à  laquelle  il  avait  administré  son 
huile  empyreumatique.  Rudolphi  décrit  ces  parasites  comme  de 
jeunes  Douves  hépatiques;  il  prenait  en  effet  Distoma  lanceolatum 
pour  l'état  jeune  de  D.  hepaticum. 

3°  Cas  de  Brera,  1811.  —  «  Le  cadavre  d'un  individu  scorbutique  et 
hydropique  m'offrit  un  foie  assez  dur  et  volumineux,  couvert  à  la 
surrace  d'Hydatides  et  rempli  de  Douves  dans  sa  substance  interne, 
lesquelles  ici  solitaires,  là  réunies  en  nombre  plus  ou  moins  grand, 
se  trouvaient  principalement  dans  les  acini  biliaires.  »  Leuckart 
considère  cette  observation  comme  douteuse;  avec  Davaine,  nous  la 
croyons  authentique,  mais  nous  pensons  qu'il  s'agit  du  Distome 
lancéolé. 

4°  Cas  de  Mehlis,  1825.  —  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  cette  obser- 
vation, qui  se  trouve  déjà  résumée  plus  haut. 

o°  Cas  de  Kirchner,  1863.  —  L'observation  est  rapportée  par  Leuc- 
kart. «  Je  suis  redevable  de  ce  cas  à  la  communication  amicale  du 
Dr  Kirchner,  de  Kaplilz  en  Bohème,  qui,  sur  ma  demande,  mit  à 
ma  disposition  un  certain  nombre  de  Vers,  en  accompagnant  son 
envoi  de  la  notice  suivante,  fort  intéressante  pour  l'histoire  de  Dis- 
toma lanceolatum  et  de  son  existence  chez  l'Homme. 

«  C'est,  comme  dans  le  cas  de  Chabert,  une  jeune  fille  (de  quatorze 
ans  qui  hébergeait  ces  parasites.  Son  père  était  berger  communal 
à  Kaplitz  et,  depuis  sa  neuvième  année,  elle  était  employée  à  la  garde 
des  Brebis.  La  lande  sur  laquelle  elle  paissait  son  troupeau  était  en- 
tourée de  bois,  traversée  par  deux  fossés  et  couverte  d'une  dizaine 
de  mares,  dont  l'eau  malpropre  était  habitée  par  un  grand  nombre 


61  "2  ORDRE  DES  TREMATODES. 

de  Batraciens  et  de  Mollusques  (Limnées,  Paludines,  etc.).  La  fillette 
se  désaltérait  tout  le  jour  avec  l'eau  de  ces  fossés  ou  de  ces  mares. 
Sa  nourriture  consistait  en  pain  sec,  auquel  elle  peut  avoir  ajouté, 
suivant  la  coutume  des  pâtres  bohémiens,  du  Cresson  qui  croissait 
abondamment  en  cet  endroit.  Depuis  assez  longtemps  déjà,  la  fillette 
était  maladive  :  l'abdomen  se  tuméfiait,  les  jambes  maigrissaient, 
les  forces  disparaissaient.  Elle  dut  prendre  le  lit  six  mois  avant  sa 
mort.  Le  Dr  Kirchner,  qui  la  vit  pour  la  première  fois  trois  jours 
seulement  avant  son  décès,  la  trouva  gonflée,  avec  les  pieds  œdéma- 
teux, et  le  foie  fortement  hypertrophié.  L'enfant  prétendait  y  avoir 
ressenti  de  vives  douleurs  depuis  plusieurs  années.  A  l'autopsie,  on 
trouva  dans  le  foie  très  hypertrophié  (du  poids  de  11  livres)  huit  cal- 
culs biliaires,  et  dans  la  vésicule  du  fiel,  qui  était  d'ailleurs  très  con- 
tractée et  presque  vide  de  bile,  47  Distomes  lancéolés  complètement 
développés.  On  ne  put  déterminer  si  les  deux  lésions  étaient  en  rap- 
port l'une  avec  l'autre  ou  indépendantes  l'une  de  l'autre,  de  même 
que  rien  ne  permettait  de  croire  d'une  façon  précise  que  l'état  anor- 
mal du  foie  fût  déterminé  par  les  parasites.  » 

La  Douve  lancéolée  a  une  aire  de  distribution  à  peu  près  iden- 
tique à  celle  de  la  Douve  hépatique,  autant  qu'on  en  peut  juger 
d'après  des  renseignements  fort  incomplets.  Sa  distribution 
n'est  qu'imparfaitement  liée  à  celle  de  Planorbis  marginatus  ; 
c'est  ainsi  que,  d'après  Thomas,  le  parasite  n'existerait  pas  en 
Angleterre,  pays  où  le  Mollusque  se  rencontre  pourtant.  Ce 
dernier  habite  toute  l'Europe,  la  Sibérie,  le  territoire  de  l'Amour 
et  l'Algérie. 

Les  lésions  déterminées  par  le  Distome  lancéolé  sont  identi- 
ques à  celles  que  provoque  l'espèce  précédente,  si  ce  n'est  que, 
en  raison  de  la  plus  petite  taille  du  parasite,  elles  sont  en  géné- 
ral beaucoup  plus  bénignes. 

J.  II.  Jôrdens,  Entomologie  uncl  Helminthologié  des  menschiiohen Kôrpers, 
llof,  ln-4°,  1802.  Voir  p.  64  et  pi.  VII,  flg.  13  et  14. 

Ghabert,  cité  par  Rudolplii,  Entozoorum  sive  vermium  intestinalium  his- 
toria  naturalis.  Paris,  :\  vol.  in-8°,  1810.  Voir  I,  p,  326;  II,  p.  35(>. 

V.  L.  lircra,  Memorie  fisico-mediche  sopra  i  principali  Vermi  d>l  corpo 
umano   vivente.  Oema,  in-i°,  1811.  Voir  p.  'Ji. 

Distoma  conjunctum  Cobbold,  1859. 

Cet  animal  (flg.  ill  I)  est  de  forme  lancéolée,  effilé  à  ses  deux 
extrémités,  mais  plus  obtus  en  arrière;  il  est  long  en  moyenne 


DISTOMA  CONJUNCTUM. 


fil  3 


de  9mm,5,  large  de2mm,5et  couvert  sur  toute  sa  surface  de  petites 
écailles.  La  ventouse  buccale  (fig.  315,  a)  est 
plus  grande  que  la  postérieure,  d.  Les  caecums 
intestinaux,  c,  sont   dépourvus   de  ramifica- 
tions latérales.  Les  deux  testicules,  k,  /,  glo-  % 
buleux  et  bien  distincts,  sont  situés  dans  la  <|gg^> 
région  postérieure  du  corps,  en  arrière  des  Fig.  314.  —  Disfoma 
organes  femelles.    Ceux-ci    sont  représentés  conjunctum      de 
par  deux  vitellosènes,  h.  et  un  eermigène,  g.  B^ndeur      natu- 

\  .  °    ,      '       ,        .     °  n    r        .  relie,  d'après  Mac 

duquel  part  un  utérus  très  sinueux,  f.  Le  si-       Connell. 

nus  génital,  e,  est  situé  immédiatement  en 

avant  de  la  ventouse  postérieure.  L'œuf  (fig.  316)  est  ovale,  à 

double  contour,  long  de  34  u.,  large 

de  21  p. 

Ce  parasite  a  été  découvert  en  1858 
par  Cobbold,  chez  un  Renard  améri- 
cain (Canis  fulvus)  mort  dans  la  mé- 
nagerie de  la  Société  zoologique  de 
Londres  :  les  canaux  biliaires  renfer- 
maient un  grand  nombre  de  Vers 
longs  de  6  millimètres  environ.  Lewis 
et  Cunningham  ont  retrouvé  ce  même 
helminthe  à  Calcutta,  dans  le  foie  du 
Chien  paria  ;  il  y  serait  même  assez 
fréquent.  Enfin,  Mac  Connel  l'a  ren- 
contré deux  fois  chez  l'Homme. 


1"  cas.  Mac  Connell,  1876.  —  Jamalli 
Khan,  coolie  mahométan,  âgé  de  vingt- 
quatre  ans,  entre  à  l'hôpital  du  Médical 
Collège  de  Calcutta  le  25  décembre  1875. 
Depuis  doux  mois,  il  souffre  d'une  fièvre 
qui,  d'abord  intermittente,  est  devenue 
plus  ou  moins  continue.  Le  malade  est 
très  émacié  et  très  affaibli.  La  compres- 
sion du  foie  et  de  la  rate  est  douloureuse; 
celte  dernière  est  hypertrophiée.  La  mort 
arrive  le  S  janvier  1876. 

L'autopsie  est  faite  treize  heures  après 
la  mort.  Tous  les  organes  sont  plus  ou 


Fig.  315.  —  Distoma  conjunc- 
tum grossi  environ  G  fois, 
d'après  Mac  Connell.  —  a, 
ventouse  buccale  ;  ù,  pha- 
rynx; c,  caecum  intestinal; 
d,  ventouse  postérieure;  e, 
sinus  génital;  /",  utérus;  g, 
ovaire  ou  gcrmigène  ;  h,  vi- 
tellogcne  ;  t,  vitelloducte  ;  k% 
testicule  antérieur  ou  droit; 
Z,testicu!e  postérieur  ou  gau- 
che ;  p,  appareil  excréteur. 

moins  anémiés  ;  la  rate  est 


614  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

hypertrophiée.  Le  foie  est  de  volume  à  peu  près  normal:  sa  substance 
est  résistante,  mais  d'une  teinte  foncée  anormale.  Les  canaux  biliaires 
sont  épaissis,  dilatés  et  remplis  de  Distomes:  la  première  incision  en 
laisse  échapper  environ  une  douzaine  et  on  en  trouve  à  peu  près  deux 
fois  autant  dans  les  canaux  d'une  partie  du  lobe 
droit;  le  foie  entier  n'en  contenait  probablement 
pas  moins    d'une    centaine.  Tous   ces   parasites 
étaient  morts.  La  vésicule  biliaire  ne  contient  ni 
Douve,  ni  œufs;  le  canal  cystique  n'est  pas  obs- 
trué :  la  bile  coule  normalement  dans  l'intestin. 
Fig.  316.  —  GEufs  de   La  présence  des  Distomes  semble  avoir  occasionné 
Distoma  conjunc-   un  catarrhe  de  la  muqueuse  des  canaux  biliaires, 
tum  grossis  eny-   en  môme  temps  que  l'épaississement  et  la  dilata- 
ron  300  fois,    d  a-      .         ,  ■-«„., 

près  Mac  Connell.  uon  "e  ces  canaux»  Pas  d  iclere.  Le  tissu  hépati- 
que est  sain,  hormis  une  légère  infiltration  grais- 
seuse des  lobules.  Le  côlon  transverse  et  le  côlon  descendant  pré- 
sentent de  nombreuses  ulcérations  pigmentées;  dans  le  rectum  se 
voient  d'autres  ulcérations,  de  formation  plus  récente;  le  tissu  sous- 
muqueux  est  partout  épaissi. 

2e  cas.  Mac  Connell,  1878.  —  Bhanoo,  batelier  mahomélan,  âgé  de 
vingt-quatre  ans,  entre  à  l'hôpital  du  Médical  Collège  de  Calcutta,  le 
23  janvier  1878,  pour  une  dysenterie.  Celle-ci  dure  depuis  environ 
deux  mois;  le  malade  est  amaigri  et  anémique.  Les  selles,  d'abord 
rares,  sont  devenues  abondantes,  séreuses  et  souvent  involontaires. 
Le  foie  et  la  rate  ne  sont  pas  hypertrophiés  ;  pas  de  douleur  à  la 
région  hépatique.  Le  malade  meurt  le  20  février,  toute  médication 
ayant  été  inefficace. 

L'autopsie  est  faite  dix-huit  heures  après  la  mort.  La  totalité  du 
gros  intestin,  mais  surtout  l'S  iliaque,  est  coifverle  d'un  nombre 
immense  de  petits  ulcères.  Le  foie  est  petit;  sa  capsule  est  épaissie; 
à  la  section  il  est  foncé  et  grisâtre.  Les  canaux  biliaires  sont  dilatés, 
remplis  d'une  bile  jaune  et  épaisse  et  renferment  un  grand  nombre 
de  Douves;  on  en  rencontre  deux  autres  dans  la  vésicule  biliaire, 
mais  aucune  dans  l'intestin.  Tous  ces  parasites  sont  morts. 

Dans  chacun  de  ces  deux  cas,  les  Distomes  mesurent  9I,1IU,;i, 
parfois  môme  jusqu'à  12""", 7  de  longueur  et  sont,  par  consé- 
quent, un  pou  plus  grands  que  les  exemplaires  décrits  par 
Cobbold,  ceux-ci  De  mesurant  que  6mm,3;  il  y  a,  quant,au  reste, 
complète  identité  de  structure. 

La  provenance  du  parasite  est  encore  ignorée;  il  accomplit  pro- 
bablement ses  premiers  développements  chez  un  petit  Mollusque. 


DISTOMA  SINENSE.  615 

T.  Sp.  Cobbold,  Synopsis  of  the  Dislomidœ.  Journal  of  the  Linnean  Soc. 
of  London,  Zoology,  Y,  p.  I,  1859.  —  Id.,  Furthcr  observations  on  Entozoa, 
with  expérimenté.  Transact.  of  the  Linnean  Society,  XX11I,  p.  349,  18G0.  — 
ld.,  List  of  Entozoa,  inctuding  Pentastomes,  from  animais  dying  at  the  So- 
ciety s  Ménagerie,  between  the  years  1 857-00.  Proceed.  of  the  Zoolog.  Soc, 
p.  117,  1861. 

T.  II.  Lewis  and  D.  D.  Cunningham,  Microscopical  and  physiological  ré- 
searches.  Lighth  animal  report  of  the  sanit.  commission  with  the  government 
of  Iudia.  Calcutta,  1872.  Voir  appendix  C,  p.  168,  en  note. 

J.  F.  P.  Mac  Connell,  On  the  Distoma  conjunctv.m  as  a  hwnan  entozoon. 
The  Lancet,  I,  p.  343,  187G.  —  Id.,  Distoma  conjunctum.  Ibidem,  I,  p.  476, 
1878. 

Distoma  sinense  Cobbold,  187b. 
Synonymie  :  Distoma  spalhidalum  Leuckart,  1876. 

Ce  Distome  (fig.  317)  a  une  longueur  moyenne  de  18  milli- 
mètres et  une  largeur  maximum  de  4  millimètres.  Il  est  étroit, 
aplati,  lancéolé,  l'extrémité  antérieure  étant 
plus  effilée  que  la  postérieure.  La  surface  du 
corps  est  lisse,  sans  spicules  ;  les  bords  sont 
légèrement  ondulés. 

La  ventouse  buccale  (fig.  318,  a),  large  de 
1  millimètre  environ,  est  intimement  acco- 
lée au  pharynx,  6,  en  arrière  duquel  le  tube 

digestif  se   divise  immédiatement  en  deux   Fig-  3lT-  —  Distoma 

.    .      ..  , , ,        ,       .    .  si?iense  de  grandeur 

cae  ums  intestinaux,  c,  qui   s  étendent  jus-      naturelle      d'après 

qu'à  l'extrémité  postérieure  du  corps  et  ne      Mac  Connell. 
présentent  de  ramifications  latérales  en  au- 
cun point  de  leiiT  trajet.  La  ventouse  ventrale,  d,  est  large  de 
0"IID,8  et  est  par  conséquent  plus  petite  que  la  précédente,  à 
i  millimètres  de  laquelle  elle  est  située. 

L'appareil  excréteur  est  représenté  par  un  canal  impair  et 
médian,  p,  dont  l'origine  n'a  pas  été  reconnue.  11  devient  ap- 
parent en  arrière  de  l'ovaire,  g;  il  passe  au-dessus  de  l'appa- 
reil génital  mâle  et  se  termine  au  foramen  caudale,  après  un 
trajet  sinueux. 

Contrairement  à  ce  qui  s'observe  chez  Distoma  lanceolatum, 
l'appareil  mâle  est  situé  en  arrière  de  l'appareil  femelle;  sa 
structure  n'a  pas  été  suffisamment  élucidée.  Le  testicule  est 
représenté  par  une  sorte  de  canal  à  ramifications  dendritiques, 
m,  en  rapport  avec  deux  organes  ovoïdes,  /»,  /,  dont  la  nature 


G1G 


ORDRE   DES   TRÉMATODES. 


Fig.  318.  —  Distoma  si- 
nense  grossi  environ 
G  fois,  d'après  Mac  Con- 
nell. —  ?,  vulve;  k, 
glande  coquillère  (?)  ; 
l,  réservoir  spermati- 
que  (?);  m,  testicule  : 
?i,  canal  déférent;  o, 
terminaison  du  canal 
déférent.  —  Les  autres 
lettres  comme  dans  la 
figure  315. 

Connell,  mais  il  est.  plus  vr; 
cher  au  co  nmencement  de 


est  indéterminée  (1).  Le  postérieur,  /,  de 
l'aveu  même  de  Mac  Connell,  n'aurait 
pas  une  existence  constante;  l'antérieur, 
k,  est  peut-être  une  glande  coquillère, 
auquel  cas  ses  rapports  avec  les  parties 
voisines  n'auraient  pas  été  figurés  exacte- 
ment. L'ensemble  de  ces  organes  est 
granuleux  et  d'une  teinte  de  rouille. 

Le  canal  déférent,  n,  s'échappe  de  la 
partie  antérieure  du  testicule  et  se  di- 
rige en  avant.  Dès  qu'il  a  atteint  l'o- 
vaire, il  échappe  à  la  vue,  mais  on  le 
retrouve  dans  la  partie  antérieure,  sous 
forme  d'un  étroit  canal,  o,  qui  contourne 
le  côté  droit  de  la  ventouse  postérieure 
et  s'ouvre  dans  le  sinus  génital,  à  côté  de 
la  vulve.  La  poche  du  cirre  semble  faire 
défaut. 

L'ovaire  ou  germigène,  </,  est  situé 
immédiatement  en  avant  des  organes 
mâles,  mais  occupe  la  partie  la  plus  pos- 
térieure de  l'appareil  génital  femelle.  Il 
est  aplati,  plus  ou  moins  carré  et  reçoit 
de  chaque  côté  un  vitelloducte,  i,  pro- 
venant du  vitellogène  correspondant, 
h  (2).  D'autre  part,  Foviducte  eu  uté- 
rus, /,  se  sépare  de  la  portion  antérieure 
de  l'ovaire  :  c'est  un  long  tube,  rempli 
d'œufs  et  replié  sur  lui-même,  de  ma- 
nière à  former  des  circonvolutions  inex- 
tricables. Il  occupe  tout  le  tiers  moyen 
du  corps;  il  passe  finalement  à  gauche 


(1)  Cobbold  considère  les  deux  organes  /,-  et  / 
comme  des  réservoirs  sperma  tiques;  Mac,  Connell 
les  prenait  au  contraire  pour  tes  véritables  testi- 
cules et  considérait  l'organe  m  comme  un  réser- 
voir spermatique. 

(2)  Telle  est  la  description  donnée  par  Mac. 
lisemblable  que  les  vitelloducles  viennent  débou- 

l'oviducte. 


DISTOMA  SltfËNSE.  017 

de  la  ventouse  ventrale,  en  avant  de  laquelle  il  aboutit  à  la 
vulve,  p.  L'œuf  (fig.  319)  est  ovoïde,  long  de  30  a,  large  de  16^ 
et  présente  un  clapet  à  sa  petite  extrémité. 
On  ignore  chez  quel  hôte  s'accomplissent 
les  premiers  développements  du  parasite.  Mac- 
gregor  et  Mac  Connell  pensent  que  celui-ci 
est  transmis  à  l'Homme  par  le  Tripang,  mets 

r      t        .•      '  nu-  l        x         L  î       tt  Fig.  319.  — Œufs 

fort  estime  en  Chine  et  préparé  avec  des.IIo-  de  j)ist0ma$i- 
lothuries;  plus  vraisemblablement  il  provient  nense  grossis 
d'un  Mollusque  d'eau  douce.  ?n.viron  „    ;™° 

i  ■  •  ,    ,  r    ,.       o   •        i  *0,a  '       d après 

Lhstoma  smense  a  été  observe  dix  fois  chez        Mac  Connell. 
l'Homme;  il  habite  les  canaux  biliaires.  On  ne 
l'a  vu  encore  que  chez  des  Chinois,  ce  qui  tient  sans  doute  à 
quelque  habitude  culinaire  de  ce  peuple. 

Ier  cas.  Mac  Connell,  1874.  —  Le  9  septembre  1874,  en  faisant  l'au- 
topsie d'un  charpentier  chinois  âgé  de  vingt  ans,  le  professeur  Mac 
Connell,  du  Médical  Collège  de  Calcutta,  trouva  les  canaux  biliaires 
obstrués  par  un  grand  nombre  de  Douves  d'une  espèce  particulière. 
L'individu  avait  été  apporté  mourant  à  l'hôpital,  la  veille  à  minuit, 
en  sorte  qu'on  ne  put  avoir  que  peu  de  renseignements  sur  son 
compte;  on  sut  seulement  qu'il  avait  eu  continuellement  la  fièvre 
pendant  la  dernière  quinzaine.  A  l'autopsie,  faite  cinq  heures  et  demie 
après  la  mort,  la  conjonctive  a  la  teinte  ictérique;  le  foie  est  gros, 
gonflé,  rouge  pourpre  à  sa  surface,  plus  pâle  intérieurement.  En 
incisant  l'organe,  on  trouve  les  canaux  biliaires  obstrués  çà  et  là  par 
un  grand  nombre  de  parasites,  dont  aucun  n'est  vivant.  La  vésicule 
biliaire  est  pleine  de  bile,  mais  ne  renferme  ni  œufs  ni  Douves;  les 
canaux  cystique  et  cholédoque  sont  perméables.  Le  tissu  du  foie  est 
en  voie  de  dégénérescence  grauulo-graisseuse,  mais  la  mort  tien- 
drait bien  plutôt  à  des  accidents  de  cholémie,  déterminés  par  l'obs- 
truction des  canaux  biliaires.  Mac  Connell  pense  que  la  découverte 
de  Distoma  sinense  est  de  nature  à  éclairer  la  pathogénie  de  certaines 
hypertrophies  du  foie,  avec  ou  sans  ictère,  qu'il  est  fréquent  d'obser- 
ver dans  la  région  indo-chinoise. 

2* —  9e  cas.  Macgregor,  1874-1*77.  —  En  1877,  Macgregor,  médecin 
de  la  colonie  de  Fiji,  fit  connaître  huit  cas  nouveaux,  observés  par 
lui  à  l'hôpital  civil  de  Port-Louis,  île  Maurice  :  tous  se  rapportaient  à 
des  Chinois  et  quatre  avaient  été  mortels.  Les  malades  présentaient 
une  forme  spéciale  de  paralysie  réflexe  à  marche  rapide,  accompa- 
gnée d'atrophie  musculaire  :  les  jambes  et  les  bras  étaient  ordinaire- 


618  OtiDRE  DES  TRÉMÀTODES. 

ment  le  siège  de  cette  paralysie,  mats  la  face,  la  langue  et  les 
sphincters  restaient  indemnes.  Macgregor  considère  la  paralysie 
comme  liée  à  la  présence  du  parasite. 

10e  cas.  Mac  Connell,  1878.  —  Afï'oo,  Chinois  de  quarante- cinq  ans, 
maître-coq  à  bord  d'un  des  paquebots  faisant  le  service  entre  Cal- 
cutta et  Hong  Kong,  entre  à  l'hôpital  le  1  janvier  1878  :  il  ne  com- 
prend ni  l'anglais  ni  l'hindoustaiii,  en  sorte  qu'on  ne  peut  avoir 
aucun  renseignement  positif  sur  son  histoire.  Un  mois  avant  son 
entrée  à  l'hôpital,  il  a  été  pris  d'une  sorte  de  fièvre  intermittente; 
pendant  les  dix  derniers  jours,  œdème  des  jambes  avec  gêne  de  la 
respiration.  L'auscultation  révèle  une  dilatation  du  cœur  droit  et 
une  insuffisance  aortique  et  mitrale.  Le  foie  n'est  pas  notablement 
hypertrophie,  mais  la  pression  exercée  dans  la  région  hépatique 
s'accompagne  de  douleur;  la  rate  est  normale.  La  mort  arrive  le 
5  janvier,  sans  fièvre,  pendant  une  syncope. 

A  l'autopsie,  le  diagnostic  de  la  lésion  cardiaque  se  vérifie; 
quelques  îlots  de  pneumonie  lobulaire  ;  muqueuses  stomacale  et  in- 
testinale fortement  congestionnées  par  places.  Le  foie  est  un  peu 
petit;  sa  capsule  est  épaissie,  sa  surface  est  granuleuse.  11  résiste  à 
l'incision  et  présente  la  teinte  muscade.  On  trouve  5  Douves  dans 
les  canaux  biliaires  ;  on  n'en  rencontre  ni  dans  la  vésicule  biliaire 
ni  dans  l'intestin.  Mac  Connell  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  la  moindre 
relation  entre  la  présence  de  ces  parasites  dans  le  foie  et  une  forme 
quelconque  de  paralysie. 

J.  F.  P.  Mac  Connell,  llemarks  on  the  anatomy  and  pathological  relations 
of  a  new  species  of  Liver-fluke.  The  Lancet,  II,  p.  271,  1875.  —  Id.,  Distoma 
sinense  (Mue  Connelli).  Ibidem,  I,  p.  406,  1878. 

T.  Sp.  Cobbold,  The  new  human  Ftuke.  Ibidem,  II,  p.  423,  1 S 7 r> . 

Macgregor,  A  new  for  m  of  paralync  disease  associaled  vjit/i  the  présence 
of  a  new  species  of  liver  parasite.  Glasgow  med.  journal,  1877.  Analysé  dans 
The  Lancet,  1,  p.  775,  1877. 

Distoma  japonicum  H.   131.,  1886. 

Synonymie  :  Distoma  hepatis  endemicum  sire  perniciosum  Bii'z,  1883. 
I).  hepatis  innocuum  B&lz,  1883. 

Nous  croyons  devoir  réunir  l'une  à  l'autre  et  décrire  sous  ce 
nom  les  deux  sortes  de  Douves  que  Biilz,  de  l'Université  de 
Tokio,  a  découvertes  au  Japon  en  188,'};  il  les  a  décrites  sous 
les  deux  noms  indiqués  en  synonymie.  En  comparant  avec  soin 
les  descriptions  de  ces  deux  formes,  on  se  convainc  que  toutes 
deux  appartiennent  à  une  seule  et  môme  espèce  ;  les  différences 


DISTOMA   JAPONICUM.  610 

qu'elles  présentent  sont  trop  secondaires  pour  légitimer  une 
distinction  spécifique.  Nous  reproduirons  tout  d'abord  les  des- 
criptions de  Balz,  en  adoptant  provisoirement  ses  dénomina- 
tions. 

Disloma  kepatis  endemicum  sive  perniciosum  (fig.  320)  est  long 
de  8  à  11  millimètres,  large  de  3  à  4  millimètres.  C'est  un  Ver 
de  couleur  rougeâtre,  aplati,  un  peu  transparent;  sa  forme  est 
celle  d'un  ovale  allongé;  il  s'effile  en  avant  et  s'arrondit  en 
arrière. 

La  ventouse  buccale  (fig.  32 1 ,  a)  est  très  puissante,  ses  mus- 


Fig.  320.  —  Dis- 
toma  pernicio- 
sum de  gran- 
deur naturelle, 
d'après  Balz. 


?rv 


Fig.  321.  —  Distoma  perniciosum,  d'après  Fig.322.— Œul 
Biilz.  —  e,  point  où  débouche  le  canal  de  Distoma 
déférent  ;  /',  vulve.  Les  autres  lettres  perniciosum 
comme  dans  la  figure  318.  grossi      300 

fois,  d'apj-ès 
Balz. 


cles  circulaires  sont  très  développés.  La  ventouse  postérieure, 
d,  plus  petite  que  la  précédente,  est  à  2  millimètres  en  arrière 
de  celle-ci.  Elle  présente  en  dedans  une  couche  de  muscles 
annulaires  et  en  dehors  une  couche  de  muscles  rayonnants; 
elle  est  fixée  aux  muscles  du  tégument  par  des  fibres  muscu- 
laires plus  ou  moins  longues. 

A  l'intérieur  de  la  cavité  buccale  se  trouvent  de  nombreux 
petits  crochets  cuticulaires.  Le  pharynx,  b,  se  continue  par  un 


629  ORDRE  DES  TREMATODES. 

long  œsophage  qui,  longtemps  avant  d'atteindre  la  ventouse 
postérieure,  se  divise  en  deux  caecums  non  ramifiés,  c.  L'appa- 
reil excréteur  est  bien  développé  :  en  arrière,  on  reconnaît  aisé- 
ment l'existence  d'un  canal  impair  et  médian,  p. 

Les- testicules  sont  situés  dans  la  partie  postérieure  du  corps 
et  représentés  par  un  organe  tubulaire  à  ramifications  dendri- 
tiques,  m,  formé  tantôt  d'un  seul  lobe,  tantôt  de  deux.  Le  canal 
déférent,  légèrement  sinueux,  remonte  le  long  de  la  face  dor- 
sale. L'ovaire,  g,  est  en  avant  du  testicule.  Les  vitellogènes,  h, 
occupent  surtout  la  moitié  antérieure  du  corps  :  ce  sont  des 
organes  foncés,  dendritiques,  qui  souvent  se  divisent  en  six 
à  huit  glomérules  distincts.  L'oviducte  ou  utérus,  f,  est  long 
de  2  à  3  millimètres,  large  de  1  à  2  millimètres  et  débouche  au 
dehors  immédiatement  en  avant  de  la  ventouse  postérieure. 
La  vulve,  /"',  est  située  à  gauche  et  assez  distante  de  l'orifice 
du  canal  déférent,  e. 

L'œuf  (fig.  322)  est  brunâtre,  entouré  d'une  mince  coquille, 
long  de  20  à  30  [/.,  large  de  15  à  17  fx.  Il  présente  un  clapet  à  son 
plus  petit  pôle;  l'autre  pôle  est  souvent  orné  d'une  sorte  de 
petit  bouton.  Les  œufs  qui  séjournent  depuis  quelque  temps 
dans  l'utérus  sont  absolument  noirs  et  donnent  à  cet  organe 
une  teinte  sombre. 

Le  développement  et  la  provenance  de  ce  Ver  sont  inconnus  ; 
il  se  développe  sans  doute  chez  quelque  Mollusque  et  la  Cer- 
caire  pénètre  dans  l'estomac  de  l'Homme  avec  l'eau  de  boisson. 
Le  parasite  est  endémique  dans  deux  régions  bien  circon- 
scrites du  centre  du  Japon;  il  y  cause  une  véritable  calamité 
publique,  tant  sa  fréquence  est  considérable.  L'une  de  ces  ré- 
gions, comprise  dans  la  province  d'Okayama,  est  limitée  à  quel- 
ques petits  villages  bâtis  sur  un  sol  insalubre,  fangeux,  ga- 
gné depuis  peu  sur  la  mer  et  transformé  en  rizières;  celles-ci 
sont  recouvertes  par  les  vagues  à  marée  haute.  Les  habitants 
de  ces  villages  boivent  une  eau  depuis  longtemps  stagnante, 
trouble  et  d'une  incroyable  saleté  :  aus>i  sont-ils  envahis  par 
le  parasite  dans  la  proportion  de  plus  de  20  p.  100,  sans  dis- 
tinction d'âge  ni  de  sexe.  Déjà  a  I  ou  2  kilomètres  dans  les 
terres,  là  où  l'eau  de  boisson  est  meilleure,  la  distomatose 
est  à  peu  près  inconnue. 
La  seconde  région    où   se  rencontre  le  parasite  est  éloignée 


DISTOMA  JAPONICU.M.  621 

de  la  précédente  de  70  kilomètres  et  en  est  séparée  par  un  ter- 
ritoire absolument  indemne.  Là,  l'affection  est  encore  mieux 
localisée;  elle  ne  frappe  que  Katayama,  petit  village  de 
200  habitants.  Il  est  vraisemblable  que  cette  affection  peut 
s'observer  encore  en  d'autres  région  du  Japon. 

La  maladie  peut  être  diagnostiquée  pendant  la  vie,  l'examen  mi- 
croscopique des  selles  permettant  de  reconnaître  la  présence  des 
œufs.  Elle  est  caractérisée  par  les  symptômes  suivants  :  la  faim 
augmente,  on  éprouve  une  sensation  de  pression  et  de  douleur  à 
l'épigastre,  le  foie  s'hypertrophie  considérablement;  il  est  habituel- 
lement douloureux  à  la  pression.  Pas  d'ictère.  La  rate  est  notable- 
ment hypertrophiée.  Cet  état  peut  durer  plusieurs  années,  supporté 
tant  bien  que  mal.  Mais  tôt  ou  tard,  malgré  une  nourriture  abon- 
dante, surviennent  des  troubles  de  la  nutrition  :  diarrhées  incoer- 
cibles, souvent  sanguinolentes,  ascite,  œdème  des  jambes,  cachexie 
et  mort. 

A  l'autopsie,  on  trouve  le  foie  hypertrophié,  mais  de  couleur  nor- 
male. Dans  la  paroi  de  la  vésicule  biliaire  et  des  canaux  biliaires 
se  voient  des  diverticules  kystiques  ou  des  cavités  dont  la  taille  va 
de  celle  d'une  noisette  à  celle  d'une  noix;  ils  renferment  des  cen- 
taines de  petits  Vers  rougeàtres.  Ces  espaces  communiquent  avec  les 
canaux  biliaires  largement  dilatés,  en  sorte  qu'on  peut  trouver  quel- 
ques Vers  libres  dans  les  canaux,  et  même  dans  le  duodénum.  Le 
tissu  hépatique  est  atrophié  au  voisinage  des  kystes  et  des  canaux 
biliaires.  La  rate  a  augmenté  de  volume  ;  catarrhe  gastro-intestinal; 
ascite,  œdème. 

Distoma  hepatis  innocuum  (fig.  323  et   324)  est  identique  au 
précédent,  comme  suffit  à  le  prouver  l'examen  comparatif  des 
figures  et  des  principales  mensurations.  Les 
caractères  invoqués  par  Bâlz  pour  légitimer 
la  séparation  spécifique  de  ces  deux  formes 
sont  sans  aucune  importance  :  D.  innocuum 
pourrait  atteindre  jusqu'à  20  millimètres 
de  longueur  ;  ses  œufs  seraient  longs  de  21     Fig.  323.  —  Distoma 
à  36  a.  larges  de  18  à  20  i*.  h^atis  jnnocuum 

.  ,    ,  ,  de  grandeur  natu- 

Ce  parasite  a  ete  trouve,  au  nombre  d  en-       rene)  d'après  Baiz. 
virori   50   exemplaires,   dans   le    foie  d'un 
phthisique  qui,  pendant  sa  vie,  n'avait  présenté  aucun  trouble 
hépatique.  Le  foie  n'était  ni  hypertrophié  ni  affecté  d'une  façon 


622 


ORDRE  DES  TRÉMATODES. 


quelconque  par  la  présence  du  parasite.  Les  canaux  biliaires 
étaient  élargis,  leur  paroi  était  fortement  épaissie;  ils  étaient 
remplis  d'une  masse  jaunâtre  semi- 
liquide  qui  renfermait  un  grand  nom- 
bre d'oeufs.  Cette  première  observation 
se  rapporte  à  un  Japonais  de  Tokio. 
Six  mois  plus  tard,  le  même  helminthe 
fut  retrouvé  àOkayamachez  un  individu 
mort  d'une  maladie  de  cœur. 

Distoma  japonicum  a  les  plus  grandes 
analogies  avec  D.  sinense;  peut-être  des 
études  ultérieures  démontreront-elles 
l'identité  spécifique  de  ces  deux  formes. 

Nakahama  Toichiro.  Journal  de  médecine  de 
Tokio,  J883  (en  japonais). 

E.  Bâ!z,  Ueber  einigeneue  Parasite»  des  Metis- 
chen.  Berliner  kl  in.  Wochenschrift,  p.  235,  1883. 

Cb.  Rémy,  Notes  médicales  sur  le  Jupon.  Ar- 
chives générales  de  médecine,  I,  p.  513,  1883. 

VV.  Taylor,  Distomata  hominis.  China.  Impé- 
rial maritime  customs.  Médical  reports,  XXVII, 
p.  44,  1884. 


Distoma  Buski  Lankester,  1857. 

Synonymie  :  Dicrocœlium  Z?ws/d  Weinland,  1858. 
Distoma  crassum  Busk,  1859  (nec 
von  Siebold,  1836). 

Ce  Dislome,  l'un  des  plus  grands  que 
Fig.324.  —  Distoma hepatis    l'on   connaisse,    est   plat,    très    épais, 
innocuum,  d'après  Baiz.    oblong,  obtus  à  chacune  de  ses  extré- 

—  Les  lettres  comme  dans  ...  .       ,        , , 

la  figure  321.  mités,  mais  plus  étroit  en  avant  qu  en 

arrière.  Il  est  long  de  4  à  7  centimè- 
tres, large  de  lcm,7  à  2  centimètres.  Le  tégument  est  lisse, 
dépourvu  de  spicules.  Les  deux  ventouses  sont  arrondies  et 
distantes  l'une  de  l'autre  de  3  millimètres;  la  postérieure,  qui 
est  la  plus  volumineuse,  est  circulaire  et  large  de  imBl,6. 

Les  cœcums  intestinaux  s'étendent  jusqu'à  l'extrémité  pos- 
térieure du  corps;  ils  sont  dépourvus  de  ramifications  laté- 
rales. L'appareil  excréteur  est  formé  d'un  tronc  médian  qui  se 
divise  en  avant  en  deux  branches  latérales. 


DISTOMA  BUSKI.  023 

Les  teslicules  sont  représentés  par  deux  masses  volumi- 
neuses, situées  l'une  derrière  l'autre,  dans  la  moitié  posté- 
rieure du  corps.  L'ovaire  n'a  pas  été  vu;  il  se  trouve  probable- 
ment en  avant  du  testicule  antérieur.  Les  vitellogènes  sont 
très  développés.  L'utérus  décrit  de  nombreuses  circonvolutions 
qui  occupent  toute  la  partie  antérieure  du  corps  et  qui  abou- 
tissent au  sinus  génital,  situé  immédiatement  en  avant  de  la 
ventouse  postérieure  et  un  peu  à  gauche.  L'œuf  a  une  dimen- 
sion moyenne  de  125  p  sur  75  p. 

Ce  parasite  a  été  rencontré  six  fois  chez  l'Homme. 

ior  cas.  Bush,  1843.  —  Cette  observation  est  rapportée  par  Budd 
en  ces  termes  :  «  Dans  l'hiver  de  1843,  14  Douves  furent  trouvées 
par  M.  Busk  dans  le  duodénum  d'un  lascar  mort  au  Seamen's  Hos- 
pital.  11  n'y  en  avait  ni  dans  la  vésicule  ni  dans  les  conduits  biliaires. 
Ces  Douves  étaient  beaucoup  plus  épaisses  et  plus  grandes  que  celles 
du  Mouton;  elles  avaient  d'un  pouce  et  demi  à  près  de  trois  pouces 
de  longueur.  Leur  forme  rappelait  celle  de  Distoma  hepaticum,  mais 
leur  structure  était  semblable  à  celle  de  D.  lanceolatum.  Comme  chez 
ce  dernier,  les  deux  canaux  digestifs  étaient  sans  ramifications; 
l'espace  compris  entre  eux,  dans  la  région  postérieure  du  corps,  était 
occupé  par  un  utérus  ramifié.  Deux  des  Douves  qui  m'ont  été  don- 
nées par  M.  Busk  se  trouvent  dans  le  musée  du  King's  Collège 
(prép.  346).  » 

Des  14  Vers  recueillis  par  Busk,  plusieurs  ont  été  perdus.  Cobbold 
remit  à  Leuckart  celui  qu'il  avait  lui-même  reçu  de  Busk.  Un  second 
exemplaire  se  trouve  au  musée  du  Middlesex  Hospital.  Un  troisième, 
le  mieux  conservé  de  tous,  est  au  musée  du  Royal  Collège  of 
Surgeons. 

2e  cas.  Kerr,  1873.  —  Une  fillette  de  quatre  ans,  née  de  parents 
anglais  et  habitant  Canton,  rejette  par  l'anus  9  Vers  en  une 
seule  fois. 

3e  cas.  Kerr,  1873.  —  Un  jeune  Chinois  de  quinze  ans,  habitant 
Canton,  vomit  an  Ver  ayant  l'aspect  d'une  Sangsue.  Le  Ver  encore 
vivant  est  apporté  au  Dr  J.-G.  Kerr,  qui  le  fait  parvenir  au  professeur 
J.  Leidy,  de  Philadelphie.  Celui-ci  le  présente  à  l'Academy  of  natural 
sciences,  le  14  octobre  1873,  et  le  considère  comme  un  Distoma  hepa- 
ticum, malgré  d'importants  caractères  différentiels.  L'animal  est 
notablement  plus  grand  que  la  Douve  hépatique  :  après  un  séjour 
prolongé  dans  l'alcool  fort,  il  est  long  de  40  millimètres,  large  de 
14  millimètres  et  épais  de  i  millimètres  en  son  milieu.  Le  tégument 
est  lisse  sur  toute  son  étendue.  La  ventouse  antérieure  est  large  de 


624  ORDRE  DES  TREMATODES. 

0mm,8  ;  la  postérieure  est  large  de  lmm,7.  Le  sinus  génital  est  situé 
immédiatement  en  avant  de  cette  dernière  ;  le  cirre  est  évaginé. 

4°,  5°  et  0e  cas.  Cobbold,  1873-1878.  —  Un  missionnaire  et  sa 
femme  font  en  Chine  un  séjour  de  quatre  ans.  Ils  demeurent  quelque 
temps  dans  la  province  de  Ningpo  et,  pendant  ce  temps,  se  nour- 
rissent principalement  d'Huîtres  et  de  Poissons.  En  novembre  1872, 
ils  quittent  Ningpo  et  s'avancent  jusqu'à  130  milles  dans  l'intérieur 
du  pays.  En  septembre  1873,  le  missionnaire  est  atteint  d'une  diar- 
rhée qui  persiste  jusqu'à  ce  qu'il  évacue  quelques  parasites  ;  quelques 
mois  plus  tard,  sa  femme  elle-même  est  prise  de  diarrhée.  Chez 
tous  les  deux,  les  selles  sont  décolorées  et  d'autres  symptômes  en- 
core font  croire  à  une  affection  du  foie  ;  indigestions  ;  filets  de  sang 
dans  les  selles,  mais  pas  de  dysenterie. 

En  1874,  ces  deux  malades  sont  revenus  à  Londres.  Ils  consultent 
le  Dr  G.  Johnson  pour  leurs  parasites.  Celui-ci  les  adresse  à  Cobbold, 
auquel  ils  apportent  deux  Douves  conservées  dans  l'alcool.  Cobbold 
reconnaît  des  Distoma  Buski  et  insiste  pour  qu'on  lui  procure  des 
individus  frais  :  quelques  jours  après,  on  lui  en  apportait  7,  dont  3 
étaient  mutilés.  Cobbold  put  ainsi  examiner  12  exemplaires,  dont  le 
plus  grand  mesurait  à  peine  5  centimètres  de  longueur;  sa  largeur 
maximum  était  de  1CIU,4.  Le  plus  petit,  déposé  dans  le  musée  de 
l'Université  d'Oxford,  avait  moins  de  2om,5.  Aucun  de  ces  Vers  n'ap- 
prochait des  dimensions  que  Busk  assigne  à  quelques-uns  de  ceux 
qu'il  a  examinés. 

En  février  1875,  Cobbold  revoit  le  missionnaire  et  sa  femme  :  les 
symptômes  indicateurs  de  la  présence  du  Distome  sont  tous  revenus. 
Toutefois,  les  médications  les  plus  variées  sont  incapables  d'expulser 
le  moindre  parasite.  Le  missionnaire  retourne  alors  en  Chine. 

11  revient  en  Europe  au  printemps  de  1$78  :  il  avait  récemment 
ressenti  les  attaques  du  parasite,  ainsi  que  sa  femme.  Bien  plus,  un 
de  ses  enfants,  une  fillette,  est  elle-môme  atteinte  de  ce  môme 
helminthe  et  en  rend  quelques  exemplaires  par  l'anus. 

G.  Budd,  On  diseases  of  the  liver.  London,  2,,(1  édition,  1852  ;  3r<i  éd.,  p.  494, 
1875. 

Edw.  Lankester,  dans  Kùchenmeister's  Manual  of  animal  and  vegelable 
parasites,  I,  appendix  15,  p.  i;i7.  Londres,  1857. 

T.  Sp.  Cobbold.  Synopsis  of  the  Distomidx.  Journal  of  the  Linnean  So- 
ciety, V,  p.  I,  18.59.  —  Id.,  On  the  supposée  rarity^  nomenclature \  structure, 
affinities,  and  source  of  the  large  /un/uni  Fluke  (Distoma  crassum  Busk). 
Ibidem,  XII,  p.  285,  1875.  —  id.,  Observations  on  the  large  human  Fluke, 
u'itli  notes  oftwo  cases  in  which  a  missionary  and  his  wife  were  the  victims. 
The  Veterinarian,  febr.  187G.  —  Id.,  Remarks  on  the  human  Fluke  fauna, 
tnih  especial  référence  l<>  récent  additions  from  India  and  the  east.  Ibidem, 
april   1876. 


DISTOMA   HETEROPHYKS. 


62; 


J.  Leidy,  On  Distoma  hepaticum.  Proceed.  of  Lit c  Acad.  of  nat.  se.  of  Phi- 
ladelphia,  p.  364,  1873. 

Q.  C.  Smith,  The  Distomum  crassum.  Nashville  journal  raed.  and  surg., 
(2),  XXVIII,  p.   14,  1881. 


Distoma  heterophyes  von   Siebold,  I8o2. 

Synonymie  :  Dicrocœlium  heterophyes  Weinland,  1858. 
Fasciola  heterophyes  Moquin-Tandon,  1860. 

Cette  Douve  (fig.    325 )  a  été  vue   deux   fois  par  Bilharz  au 
Caire,  dans  l'intestin  grêle.  Le  26  avril  1851,  en  faisant  l'au- 
topsie d'un  jeune  garçon,  il  trouva  dans 
l'intestin  une  masse  de  petit  points  rou- 
ges, dans  lesquels  le  microscope  permit 
de  reconnaître  des  Distomes  adultes.  Un 
peu  plus  tard,  Bilharz  eut  encore  l'occa- 
sion de  faire  une  observation  analogue. 
Les  parasites  étaient  en  nombre  considé- 
rable :  il  en  recueillit  à  peu  près  une  cen-      c 
taine,  mais  en  laissa  une  quantité  plus      r 
grande  encore  dans  l'intestin.  Ces  Yers 
furent  donnés  au  musée  de   Halle,   où 
Leuckart   put  s'en  procurer    quelques- 
uns,  sur  lesquels  il  rectifia  et  compléta 
la  description  de  Bilharz;    deux  exem- 
plaires furent  également  transmis  à  Cob- 
bold  par  Leuckart. 

Distoma  heterophyes  a  la  forme  d'un 
ovale  allongé  ;  il  est  effilé  en  avant  et  ar- 
rondi en  arrière.  Sa  longueur  est  de 
lmillimètre  à  lmai,5;  sa  largeur  maxi- 
mum est  de  0mm,7.  La  face  inférieure  est 
plane;  immédiatement  en  avant  de  sa 
partie  moyenne,  elle  présente  une  puis- 
sante ventouse,  d,  qui  est  large  de  0mm, 25 

à  0mm,35,  et  qui  occupe  plus  du  tiers  de  la  largeur  totale.  La  face 
supérieure  est  légèrement  bombée.  La  moitié  antérieure  du 
corps  est  couverte  d'un  revêtement  serré  de  petits  piquants  di- 
rigés en  arrière  ;  au  delà  de  la  moitié  de  la  longueur,  ces  pi- 
quants disparaissent  progressivement. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  40 


Fig.  325.  —  Distoma  hete- 
rophyes, d'après  Bilharz. 
—  a,  ventouse  buccale; 
/;,  pharynx;  c,  caecum 
intestinal;  d,  ventouse 
ventrale;  f,  utérus;  g, 
germigène;  A,  vitello- 
gene  ;  /c,  testicule  gau- 
che; /,  testicule  droit; 
o,  bourrelet  circulaire 
entourant  les  orifices 
sexuels  ;  p,  appareil  ex- 
créteur. 


626  ORDRE  DES  TRÊMATODES. 

La  ventouse  buccale,  «,  est  subterminale  et  reportée  à  la 
face  inférieure;  elle  est  large  de  0mm,10  à  0mm,l3  et  est,  par 
conséquent,  près  de  trois  fois  plus  petite  que  la  ventouse 
ventrale.  Le  pharynx,  b,  est  situé  à  quelque  distance  en  arrière 
de  la  bouche;  il  est  à  peu  près  quatre  fois  moins  large  que  la 
ventouse  postérieure.  L'œsophage,  qui  lui  fait  suite,  se 
porte  directement  en  arrière  :  arrivé  au  niveau  de  la  ven- 
touse ventrale,  il  se  divise  en  deux  caecums  intestinaux,  c. 
Ceux-ci  gagnent  les  côtés  et  se  prolongent  jusque  dans  la  partie 
postérieure  du  corps;  en  arrière,  l'espace  qu'ils  laissent  entre 
eux  est  occupé  par  les  deux  testicules,  k,  /,  disposés  symétrique- 
ment, et  par  la  poche  pulsatile  de  l'appareil  excréteur,  p.  Sur 
les  côtés  de  l'œsophage,  on  remarque  des  traînées  sombres, 
dues  sans  doute  à  la  présence  de  ce  tissu  spécial  que,  chez 
Disloma  lanceolatum,  nous  avons  étudié  sous  le  nom  de  «  glan- 
des salivaires.  » 

Les  testicules,  dont  nous  venons  reconnaître  la  position, 
sont  larges  d'environ  140  i/.;  les  canaux  déférents  n'ont  pas  été 
vus.  L'appareil  génital  femelle  est  situé  en  avant  des  glandes 
mâles,  entre  les  caecums  intestinaux.  Le  germigène,  g,  mesure 
à  peu  près  0mm,l;  il  est  peu  apparent,  caché  qu'il  est  par  les 
circonvolutions  utérines.  Ces  dernières,  f,  sont  assez  déve- 
loppées; elles  sont  remplies  d'œufs  qui  mesurent  26  [/.  sur 
15  a  et  dont  la  coque,  épaisse  et  colorée  en  rouge  brunâtre, 
communique  à  l'animal  tout  entier  la  teinte  rouge  que  nous 
avons  déjà  signalée.  Les  vitellogènes,  A,  sont  de  petites  dimen- 
sions ;  ils  sont  constitués  par  quelques  culs-de-sac  claviformes, 
situés  au  niveau  du  germigène,  en  dehors  et  au-dessus  des 
caecums  intestinaux. 

Les  orifices  sexuels  présentent  une  disposition  fort  remar- 
quable; ils  s'ouvrent  en  arrière  de  la  ventouse  ventrale,  et  non 
en  avant  de  celle-ci,  comme  c'est  la  règle  pour  les  autres  Dis- 
tomes.  Ils  sont  entourés  d'un  bourrelet  circulaire,  o,qui  a  l'as- 
pect d'une  ventouse  surnuméraire  et  que  Bilharz  considérait 
comme  la  poche  du  cirre.  Ce  bourrelet  est  large  d'au  moins 
0mm,2  ;  il  a  presque  la  taille  (h;  la  ventouse,  à  gauche  et  en  ar- 
rière de  Laquelle  il  est  situé,  Ionien  lui  étant  accolé.  Sur  une 
coupe  transversale,  il  a  la  forme  d'un  prolongement  semi- 
lunaire,  dont  la  base  est  entourée  d'un?  collerette  de  mus- 


DISTOMA  RINGERI.  627 

cles  circulaires.  Leuckart  n'est  pas  éloigné  de  penser  que  cet 
organe  est  capable  de  s'enfoncer  dans  le  corps,  de  manière  à 
représenter  une  fossette  dont  l'orifice  serait  fermé  par  une 
sorte  de  sphincter  ;  dans  cette  fossette  viennent  déboucher  les 
organes  mâles  et  femelles,  encore  que  l'orifice  de  la  vulve 
ou  du  canal  déférent  n'ait  pas  été  vu;  on  n'a  vu  non  plus  ni 
poche  du  cirre  ni  réservoir  spermatique. 

Le  bord  interne  de  ce  sinus  génital  est  orné  d'un  cercle  de 
70  à  72  petits  bâtonnets  cornés  ou  chitineux,  longs  de  20  jx  et 
enchâssés  dans  la  cuticule  par  toute  leur  longueur  (I).  Cha- 
cun d'eux  présente,  sur  son  côté  convexe,  cinq  branches  laté- 
rales longues  de  7  p  et  qui  donneraient  insertion  à  des  fibres 
musculaires. 

On  ignore  si  la  présence  du  parasite  détermine  quelque  phé- 
nomène pathologique.  Peut-être  une  irritation  plus  ou  moins 
considérable  de  la  muqueuse  intestinale  est-elle  occasionnée 
par  le  grand  nombre  de  Vers  et  par  les  épines  qui  hérissent 
leur  surface. 

La  provenance  de  ce  Distome  est  inconnue.  En  raison  de 
l'existence  de  «  glandes  salivaires  »  le  long  de  l'œsophage,  on 
peut  penser  qu'il  dérive  d'une  Gercaire  armée,  et  alors  son  pre- 
mier hôte  a  pu  être  tout  aussi  bien  un  Insecte  ou  une  larve  d'In- 
secte qu'un  Mollusque.  Les  centaines  d'exemplaires  que  Bilharz 
a  trouvés  sur  le  même  cadavre  montrent  que  l'infestation  s'est 
faite  à  plusieurs  reprises.  Et  comme  d'autre  part  ce  parasite 
n'est  observé  que  très  rarement,  on  doit  probablement  l'attri- 
buer à  une  perversion  du  goût,  par  exemple  à  l'ingestion  d'In^ 
sectes. 

Bilharz,  Kin  Beitrag  zur  lîelminthogvaphia  humana,  nebst  Bemerkangen 
ion  Prof.  C.  Th.  von  Siebold.  Z.  f.  w.  Z.,  IV,  p.  53*  1852.  Voir  p.  G2. 

Distoma  Ringeri  Cobbold,    1880. 
Synonymie  :  Distoma  pulmônale  Bâlz,  1883. 

CeVer(fig.  326;  est  parasite  du  poumon  de  l'Homme  ;  il  cause 
des  hémoptysies.  C'est  un  animal  trapu,  de  forme  cylindrique* 

(1)  Chez  Octobothrium,  le  pourtour  des  orifices  génitaux  est  également 
orné  de  baguettes  cornées  disposées  en  cercle,  mais  celles-ci  font  Saillie 
comme  des  griffes. 


628  ORDRE   DES   TRÉMÀTODES. 

long  de  8  à  10  millimètres,  large  de  5  à  6  millimètres;  forte- 
ment arrondi  en  avant,  il  l'est  un  peu  moins  en  arrière.  Il  est 
épais,  la  coupe  transversale  du  corps  étant  presque  circulaire. 
L'animal  vivant  est  brun  rougeâtre;  après  la  mort,  il  est  gris 
mit.  Ses  mouvements  ressemblent  à  ceux  de 
la  Sangsue.  Les  ventouses  buccale  et  posté- 
rieure sont  presque  d'égale  taille  ;  cette  der- 
Fig.  32G.  —Distoma  nière  a  une  limite  nette,  comme  si  elle  était 
Ringeri  de  gran-   creusée  à  l'emporte-pièce.  L'œuf  est  ovoïde 

deurnaturelle,  d'à-      .  j      orv  ,    jrvri 

près  Bâlz  e^  mesure  en  moyenne   de  80  à  100  jx  sur 

50  p.  La  coque,  d'un  brun  rougeâtre  sale, 
est  à  double  contour,  sans  ornements  et  pourvue  d'un  opercule 
à  sa  grosse  extrémité. 

L'anatomie  de  ce  Distome  est  encore  très  peu  connue;  la 
seule  figure  détaillée  que  l'on  en  ait  a  été  publiée  dans  le  Jour- 
nal de  médecine  de  Tokio  rédigé  en  langue  japonaise  et  a  été 
reproduite  par  Wallace  Taylor;  elle  est  trop  imparfaite  pour 
que  nous  la  donnions  ici.  On  ignore  également  la  provenance 
et  les  migrations  du  parasite;  on  sait  du  moins,  par  les  expé- 
riences de  Patrick  Manson,  que  l'œuf  se  développe  dans  l'eau. 

Les  œufs  sont  entraînés  hors  du  poumon  avec  les  mucosités 
expectorées  par  le  malade.  Celles-ci  tombent  à  terre  et  se  des- 
sèchent; l'œuf  reste  ainsi  en  vie  latente  pendant  un  temps 
plus  ou  moins  long.  Il  se  trouve  finalement  entraîné  par  la 
pluie  ou  de  tout  autre  manière  jusque  dans  l'eau  des  ruisseaux 
ou  des  étangs;  son  développement  commence  alors.  Au  bout 
de  vingt-six  à  vingt-huit  jours,  par  une  température  de  26  à 
34  degrés,  on  reconnaît  déjà  dans  l'œuf  un  embryon  mobile, 
couvert  de  longs  cils  vibratiles  dans  ses  deux  tiers  postérieurs  ; 
la  partie  antérieure  est  nue  et  munie  d'une  sorte  de  rostre. 
C'est  seulement  après  six  semaines  à  deux  mois  d'incubation 
que  l'embryon  est  apte  à  sortir  de  l'œuf  :  il  soulève  le  clapet, 
puis  nage  dans  l'eau  à  la  façon  d'un  Infusoire. 

Quel  est  le  sort  ultérieur  de  cet  embryon?  On  l'ignore  encore  ; 
Manson  a  pu  le  garder  vivant  pendant  vingt-quatre  heures.  Il 
passe  sans  doute  alors  dans  le  corps  d'un  Mollusque  d'eau 
douce  et,  si  celui-ci  vient  à  ôtre  avalé  par  l'Homme,  pénètre 
ainsi  chez  ce  dernier.  La  Cercaire,  devenue  libre,  peut  encore 
ôtre  introduite  dans  le  tube  digestif  avec  l'eau  de  boisson  ou 


DISTOMA    RINGEKI.  629 

avec  des  plantes  aquatiques,  à  la  surface  desquelles  elle  serait 
enkystée.  De  l'intestin,  la  jeune  Douve  est  transportée  parles 
vaisseaux  sanguins  jusque  dans  le  poumon. 

Elle  s'arrête  dans  les  branches  de  l'artère  pulmonaire  et,  à 
mesure  qu'elle  grandit,  provoque  des  ruptures  vasculaires  qui 
détruisent  partiellement  le  tissu  pulmonaire  et  occasionnent 
parfois  des  hémoptysies  dangereuses.  On  trouve  alors  les  para- 
sites, non  dans  la  paroi  ou  dans  la  cavité  des  bronches,  mais 
isolés  dans  des  espaces  caverneux  disposés  à  la  périphérie  de 
l'organe,  à  peu  près  comme  des  infarctus  hémorrhagiques.  Ces 
cavités  renferment  une  sorte  de  bouillie  rougeâtre  formée  de 
mucus,  de  globules  rouges,  de  leucocytes,  de  débris  du  tissu 
pulmonaire,  de  cristaux  de  Gharcot  et  d'un  nombre  immense 
de  Douves.  Ces  cavités  sont  limitées  par  une  paroi  plus  ou  moins 
épaisse  formée  de  tissu  conjonctif  condensé;  elles  ne  commu- 
niquent avec  les  bronches  que  par  des  orifices  rétrécis,  par  les- 
quels les  œufs  sont  expulsés.  Ceux-ci  se  retrouvent  dans  les 
crachats,  parfois  en  très  grande  abondance,  en  sorte  que  le 
diagnostic  peut  se  faire  pendant  la  vie. 

Le  malade  tousse  fréquemment  et  rejette  des  crachats  san- 
guinolents, auxquels  la  présence  des  œufs  à  coque  brunâtre 
donne,  d'autre  part,  l'aspect  des  crachats  de  la  pneumonie.  La 
maladie  ne  serait  pas  incurable.  Manson  a  obtenu  des  guéri- 
sons  à  la  suite  d'inhalations  de  diverses  substances,  telles  que 
teinture  et  infusion  de  Quassia,  infusion  de  Kousso,  solutions 
alcooliques  de  térébenthine  et  de  santonine. 

La  distomatose  pulmonaire  est  une  maladie  extrêmement 
commune  à  Formose;  d'après  des  documents  recueillis  par 
Manson,  elle  frapperait  au  moins  15  p.  iOO  de  la  population. 
Elle  semble  ne  pas  exister  dans  la  région  continentale  corres- 
pondante, par  exemple,  dans  les  environs  d'Amoy.  En  revan- 
che, elle  est  également  très  répandue  au  Japon  ;  Bâlz  (1)  en  a 
observé  plus  de  cent  cas  dans  toutes  les  parties  du  pays;  elle 
semble  particulièrement  fréquente  dans  les  provinces 
d'Okayama  et  de  Kumamoto,  toutes  deux  très  montagneuses, 
et  Taylor  dit  qu'elle  est  surtout  répandue  dans  le  sud  du  Japon. 

(1)  Dès  1880,  Balz  avait  reconnu  les  œufs  du  parasite  dans  les  expectora- 
tions; il  les  prenait  tout  d'abord  pour  un  Sporozoaire  auquel  il  donnait  le 
nom  de  Gregarina  pulmonalis  ou  G.  fnsca. 


030  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

Balz  a  constaté  encore  que  l'hémoptysie  parasitaire  n'est 
point  particulière  aux  îles,  mais  se  retrouve  aussi  sur  le  conti- 
nent asiatique.  Il  a  pu  l'observer  chez  un  prince  de  la  famille 
royale  de  Corée  qui,  depuis  huit  ans,  avait  chaque  jour  des 
crachats  sanguinolents  et  qui,  peu  auparavant,  avait  eu  deux 
fortes  hémoptysies. 

E.  Bâlz,  Ueber  parasitâre  Hâmoptoë  (Gregarinosis  puhnonum).  Centralblatt 
fur  die  med.  Wissenschaften,  p.  721,  1880. 

P.  Manson,  Distoma  Ringeri.  China.  Imp.  maritime  customs.  Médical  re- 
ports, XX,  p.  10,  1881.  Médical  Times  and  Gazette,  II,  p.  8,  1881.  —  Id.,  Dis- 
toma Ringeri  and  parasitical  hsemoptysis.  China.  Imp.  mar.  customs.  Med. 
reports,  XX,  p.  55,  1882.  Med.  Times  and  Gazette,  II,  p.  42,  1882. 

Nakbama  Toichiro,  Sur  les  Distomes  du  poumon  et  du  rein.  Chiugai  Iji 
Shinpo.  Tokio,  25  février  1883  (en  japonais). 

P.  Sonsino,  Délia  emottisi  da  Distoma  endemica  in  Giappone  e  in  For- 
mosa  in  confronto  colla  ematuria  da  Mlharzia  endemica  in  Egitto  e  in  altre 
contrade  affricane.  Lo  Sperimentale,  LIV,  p.  17,  1884. 

Chédan,  Le  Distoma  Ringeri  et  l'hémoptysie  parasitaire.  Archives  de  méd. 
navale,  XLV,  p.  241,  1886. 

Distoma  oculi  humani   von  Ammon,    1833. 

Synonymie  :  Distoma  ophthahnobium  Diesing,  1850. 

Dicrocœlium  oculi  humani  Weinland,  1858. 
Fasciola  ocularis  Moqnin-Tandon,  1862. 

Le  professeur  von  Ammon,  de  Dresde,  eut  l'occasion  d'exa- 
miner  l'œil  d'un  enfant  de  cinq  mois,  venu  au  monde  avec  une 
cataracte  lenticulaire  accompagnée  d'opacité  partielle  de  la 
capsule  et  mort  d'  «  atrophie  mésentérique  ».  Entre  le  cristallin 
et  sa  capsule  étaient  logés  quatre  Distomes,  dont  Gescheidt  a 
donné  la  description.  En  examinant  la  capsule  par  sa  face 
externe,  on  pouvait  reconnaître  à  l'œil  nu  le  lieu  qu'ils  occu- 
paient, à  de  petites  taches  opaques.  Les  animalcules  étaient 
longs  d'une  demi-ligne  à  un  quart  de  ligne  (1  millimètre  à 
0mm,50)  et  étaient  entourés  par  une  matière  blanchâtre  non 
transparente,  qui  formait  autour  d'eux  comme  une  enveloppe. 
Leur  largeur  était  à  leur  longueur  comme  1  :  3;  leur  couleur 
était  blanche.  La  ventouse  antérieure,  d'un  tiers  plus  petite  que 
la  postérieure,  paraissait  demi-circulaire  avec  des  bords  garnis 
de  bourrelets  a  peine  perceptibles  et  avec  des  fibres  rayon- 
nantes. Le  pharynx  était  court  et  élroit  et  se  terminait  brus- 
quement par  un  œsophage  de  dimension  à  peu  près  égale, 
qui  se  bifurquait  un  peu  au-dessus  delà  ventouse  postérieure, 


DÏSTÛM.V   OCULI   Tlï'MANI 


03  i 


descendait  sur  les  deux  côtés  de  celle-ci,  vers  l'extrémité  cau- 
dale et  là,  recouvert  par  les  ovaires,  devenait  invisible,  il  était 
difficile  de  reconnaître  l'organisation  de  ces  derniers. 

Les  Distomes  observés  par  Gescbeidt  étaient  déjeunes  indi- 
vidus chez  lesquels  les  organes  sexuels  n'étaient  pas  encore 
développés  ;  aussi  est-il  difficile  de  dire  s'il  s'agit  là  d'une  es- 
pèce particulière  ou  simplement  de  l'état  jeune  d'une  des 
espèces  habituellement  parasites  de  l'Homme.  Leuckart  les 
considère  comme  de  jeunes  Distomes  lancéolés  qui  auraient 
pénétré  jusque  dans  l'œil,  soit  par  les  vaisseaux  sanguins,  soit 
directement  du  dehors  en  perforant  la  cornée.  La  question  ne 
peut  être  actuellement  résolue. 

Gcscheidt,  Die  Entozoen  des  Auges.  Zeitschrift  fur  Ophthalmologie,  III, 
p.  405,  1833. 

Von  Araraon,  Klinische  Darstellungen  ûer  Krankheiten  des  menschïichen 
Auges,  1838.  Voir  I,  pi.  XII,  fig.  24  et  25;  III,  pi.  XIV,  fig.  19  ot  20. 

Avec  Distoma  oculi  humant  finit  la  liste  des  Distomes  qui  se 
peuvent  observer  chez  l'Homme.  Le  tableau  suivant  fera  res- 
sortir quelques-uns  de  leurs  caractères  distinctifs,  ceux  du 
moins  qui  sont  de  nature  à  conduire  à  une  détermination  rapide. 

Tableau  comparatif  des  Distomes  parasites  de  l'Homme. 


ta  kepalicum. 

D.  lanceolaium 

D.  conjunetum 

>'nse 

D.  japonieum 

ISSUT» 

D.  heterophyes.  . . 
D.  Riogeri 


DISTRIBUTION 

GEOGRAPHIQUE. 


Cosmopoli  te 

Cosmopolite 


Indes,  Amérique 

du  Nord 

Chine 


Japon 

Indes,  Chine..  . 



Chine,  .lapon. . 
Europe 


HABITAT. 


Foie. 
Foie. 


Foie. 

Foie. 

Foie. 

Intestin 
!.'rèle. 

Intestin 
grêle. 

Poumon. 

Œil. 


DIMENSIONS 

DU   VER 

en  millimètres. 


15  à  33 

s  à   I" 


40  à  70 


1 
à  10, 


DIMENSIONS 

df.  i.'on  r 

en  millièmes  de 

millimètre. 


Largeur. 


h  à  13,5 

H  2 

17  a  20 
0,15  à  0:33 


130  à  H0 


20  à  36 


7o  à  00 
30 


10 


632  ORDRE   DES   TREMATODES. 

Les  Amphistomes,  dont  on  connaît  à  peine  vingt-cinq  es- 
pèces, sont  représentés  chez  l'Homme  par  une  espèce  dont  la 
découverte  est  assez  récente. 


Amphistoma  hominis  Lewis  et  Mac  Connell,  1876. 

Ce  Trématode  n'a  encore  été  vu  que  deux  fois,  dans  l'Hin- 
douslan,  et  les  deux  observations,  ainsi  que  la  description 
de  l'animal,  ont  été  publiées  par  T.  R.  Lewis  et  J.  F.  P.  Mac 
Connell. 

Le  28  mai  1871,  le  Dr  J.  O'Brien,  de  Gowhatty,  envoyait  à 
Lewis  des  parasites  qu'il  avait  trouvés  avec  le  Dr  R.  H.  Curran 
dans  le  gros  intestin  d'un  Assamite  mort  du  choléra.  Ces  ani- 
maux s'y  rencontraient  par  centaines,  surtout  au  voisinage  de 
la  valvule  de  Bauhin;  ils  se  trouvaient  également  en  grand 
nombre  dans  l'appendice  iléo-cœcal.  Vus  à  l'état  frais  et  en 
place  dans  l'intestin,  ils  ressemblaient  à  des  Limaces  en  minia- 
ture et  paraissaient  s'attacher  à  la  muqueuse  au  moyen  de  leur 
ventouse  postérieure. 

Cette  observation  attira  l'attention  de  Lewis  et  Mac  Connell 
sur  une  pièce  d'anatomie  pathologique,  donnée  par  le  Dr  Simp- 
son au  musée  du  Médical  Collège  de  Calcutta  et  mentionnée 
comme  suit  au  catalogue  : 

«  Caecum  d'un  prisonnier  indigène  mort  du  choléra  à  l'infir- 
merie de  la  prison  de  Tirhoot,  avec  un  grand  nombre  de  pa- 
rasites particuliers  et  probablement  inconnus  jusqu'à  ce  jour, 
trouvés  vivants  dans  cette  partie  du  tube  digestif.  » 

En  môme  temps  qu'il  déposait  cette  pièce  au  musée,  Simpson 
consignait,  dans  le  rapport  annuel  de  la  prison  de  Tirhoot  pour 
1857,  l'histoire  du  malade  et  les  résultats  de  l'autopsie.  Le  pri- 
sonnier, âgé  de  trente  ans,  fut  atteint  du  choléra  le  13  juillet  et 
mourut  le  14;  jusqu'alors,  il  n'était  jamais  allé  à  l'hôpital  et 
était  employé  à  nettoyer  la  prison.  L'autopsie  fut  faite  trois 
heures  api  es  la  mort.  «  Côlon  livide  extérieurement,  contracté; 
contient  un  peu  de  sérosité  avec  des  flocons  de  mucus.  Mem- 
brane muqueuse  saine,  à  part  une  injection  veineuse.  Dans  le 
caecum  et  le  côlon  ascendant,  de  nombreux  parasites  ressem- 
blant à  des  têtards,  vivants,  adhérant  à  la  muqueuse  par  la 


AMPHÏSTOMA   HOMINIS.  633 

bouche  (1).  Membrane  muqueuse  marquée  d'un  grand  nombre 
de  petites  taches  rouges  semblables  à  des  piqûres  de 
Sangsue,  produites  par  ces  parasites.  Ceux-ci  ne  se  trouvent  que 
dans  le  cœcum  et  le  côlon  ascendant;  aucun  ne  se  rencontre 
dans  l'intestin  grêle.  Je  n'ai  jamais  vu  de  semblables  parasites 
et,  apparemment,  ils  sont  inconnus  aux  indigènes.  Ils  sont  de 
couleur  rouge,  de  la  taille  d'un  têtard,  les  uns  jeunes,  les  autres 
adultes,  bien  vivants  et  adhérant  à  la  membrane  muqueuse. 
Tête  ronde,  munie  d'une  bouche  circulaire,  qu'ils  peuvent  dila- 
ter et  contracter.  Corps  court  et  terminé  en  pointe  mousse  (2).  » 

Dans  le  cas  de  Simpson,  comme  dans  celui  de  0'  Brien  et 
Curran,  le  parasite  fut  trouvé  chez  un  cholérique,  mais  il  ne 
faut  voir  là  qu'une  simple  coïncidence,  car  de  semblables  ani- 
maux n'ont  été  observés  dans  aucun  autre  cas.  Peut-être  aussi 
peut-on  admettre  que,  par  suite  de  l'irritation  produite  à  la 
surface  de  la  muqueuse  intestinale,  des  accidents  cholériformes 
sont  venus  se  surajouter,  dans  l'un  et  l'autre  cas,  à  toute  autre 
maladie  mortelle.  Lewis  et  Mac  Connell  ont  pu  reconnaître,  sur 
la  préparation  de  Simpson,  que  les  glandes  solitaires  du  caecum 
étaient  partout  proéminentes  et  hypertrophiées  ;  cet  état,  il  est 
vrai,  s'observe  communément  dans  le  choléra,  mais  il  semble 
avoir  été  particulièrement  accentué  dans  ce  cas,  probablement 
à  cause  de  l'irritation  déterminée  par  la  présence  du  parasite. 

Amplrisloma  homïnis  (fig.  327)  est  long 
de  o  à  8  millimètres  et  large  de  3  à  4  mil- 
limètres, dans  le  sens  du  plus  grand  dia- 
mètre. Il  a  la  forme  d'un  disque  aplati, 
auquel  se  rattache  une  sorte  de  pédon-   ... 

^  r  r  ig.  327.  —  Amphistoma 

cule;  on  peut  donc  aisément  y  reconnaître  /jommw,  vu  par  la  face 
deux    parties:  le   disque   correspond  au      ventrale  et  par  la  face 

-,         r-,  i      \    i         i    '  il  dorsale,  d'après  Lewis 

corps  et  le  pédoncule  à   la  région   anté-       et Mac  Connell.  Grossi 

rieure  ou  céphalique  ;  cette  dernière  est      deux  fois. 

à  peu   près  moitié   aussi   longue  que  le 

corps.  La   face  supérieure  de  l'animal  est  lisse  et  dépourvue 

d'orifices;  du  moins,  le  canal  de  Laurer  n'a  pas  été  reconnu. 

(1)  Ce  que  Simpson  prend  ici  pour  la  bouche  n'est  autre  chose  que  la 
ventouse  postérieure. 

(2)  Ici  encore,  Simpson  se  trompe  sur  la  signification  des  parties  :  il  prend 
le  corps  pour  la  tête  et  réciproquement. 


63 


ORDRE   DES  TREMATODES, 


La  l'ace  ventrale  présente  au  contraire  plusieurs  particularités 
intéressantes  :  la  petite  ventouse  buccale,  située  à  l'extrémité 
antérieure,  puis  le  pore  génital,  vers  le  milieu  de  la  longueur  du 
pédoncule.  Le  corps  est  formé  d'une  bourse  circulaire,  a  l'ex- 
trémité postérieure  de  laquelle  est  située  la  ventouse  ventrale; 
cette  bourse  se  montre  à  différents  états  de  contraction  chez  les 
divers  spécimens  :  quand  elle  est  dilatée  et  aplatie,  elle  est  large 
d'environ  4  millimètres.  La  ventouse  postérieure  a  la  forme 
d'une  coupe  et  est  constituée  par  des  muscles  annulaires  et 
rayonnants.  Son  diamètre  transversal  est  de  lmm,25,  mais  elle 
présente  une  largeur  de  2mm,10,  si  on  la  mesure  en  partant  de 


Fig.  328.  —  Âmphisioma  hominis,  d'après  Lewis  et  Mac  Connell.  Section 
longitudinale  grossie  12  fois.  —  a,  ventouse  buccale;  6,  pharynx;  6',  œso- 
phage ;  c,  caecum  intestinal  ;  d,  ventouse  postérieure;  c,  pore  génital;  /",  vagin  ; 
g,  ovaire;  />,  vitellogène  vu  par  transparence  à  travers  la  peau  :  k,  testicule; 
//,  canal  déférent;  /?, canal  excréteur;  r,  vitelloducte ;  s,  ganglion  œsopha- 
gien ;  t,  nerf. 


la  lèvre  externe  du  bourrelet  qui  la  limite;  dans  la  figure  328, 
elle  est  coupée  suivant  un  plan  vertical. 

La  ventouse  buccale,  (/,  dont  nous  avons  indiqué  déjà  la  si- 


ÀMPHÎSTOMA   HOMINIS.  63S 

tuation,  se  présente  sous  l'aspect  d'un  orifice  ovale,  dirigé 
transversalement  et  entouré  d'un  anneau  musculaire.  Elle  con- 
duit à  un  pharynx  bulbeux  et  cordiforme,  6,  à  sommet  dirigé 
en  avant,  et  auquel  fait  suite  un  œsophage,  b\  long  de  jmm,6 
à  2:utM,  qui  se  bifurque  au  niveau  ou  un  peu  au-dessus  du 
pore  génital  ;  chacun  des  deux  canaux  ainsi  formés  se  termine 
en  cppcum  à  peu  près  en  face  de  la  partie  moyenne  de  la  ven- 
touse postérieure. 

L'appareil  excréteur  est  représenté  de  chaque  côté  par  un 
tronc  principal,  en  connexion  intime  avec  le  tube  intestinal  et 
duquel  se  détachent  un  grand  nombre  de  fins  canalicules. 

Le  système  nerveux  consiste  en  deux  ganglions  que  réunit 
une  commissure  sous-œsophagienne  et  qui  émettent  des  nerfs 
en  tous  sens;  on  voit  notamment,  de  chaque  côté,  un  gros 
tronc  nerveux,  t,  courir  le  long  delà  face  ventrale  de  l'intestin. 

Le  pore  génital,  comme  nous  l'avons  dit  déjà,  est  situé  à 
2  millimètres  environ  en  arrière  de  la  bouche  ;  c'est  à  lui  qu'a- 
boutissent le  vagin  et  le  canal  éjaculateur;  il  est  entouré  de 
muscles  circulaires  et  radiés.  L'appareil  reproducteur  mâle  est 
formé  d'un  testicule,  /.-,  situé  à  peu  près  à  l'union  du  corps 
avec  la  partie  céphalique,  et  qui  se  continue  par  le  canal  défé- 
rent, n:  ce  canal  se  replie  ordinairement  deux  fois  sur  lui-même  ; 
il  est  large  de  90  p. 

L'appareil  femelle  se  compose  d'un  ovaire,  g,  en  rapport  avec 
un  tube  extrêmement  contourné  et  dont  les  ciconvolutions 
occupent  une  grande  partie  de  l'intérieur  de  l'animal  :  c'est 
l'utérus,  à  la  suite  duquel  vient  le  vagin,  f(i).  Ce  dernier,  chez 
les  individus  à  maturité  sexuelle,  est  rempli  d'oeufs  et  a,  près 
de  son  orifice  de  sortie,  un  diamètre  transversal  d'environ 
180  [i,  c'est-à-dire  qu'il  est  deux  fois  plus  large  que  le  canal 
déférent.  L'œuf  (fig.  329)  a  une  capsule  solide;  il  est  muni 
d'un  clapet  et  mesure  en  moyenne  11  p  sur  150  u..  Déjà  à  tra- 

(I)  L'organe  que,  d'après  Lewis  et  Mac  Connell,  nous  décrivons  ici  comme 
l'ovaire  est  considéré  par  Cobbold  comme  un  second  testicule  et  par  Kiïchen- 
meister  comme  la  glande  coquillère  :  Lewis  et  Mac  Connell  disent  en  effet 
qu'on  y  voit  parfois  aboutir  les  canaux  du  vitellogène.  Il  se  peut  que  l'une 
ou  l'autre  de  ces  opinions  soit  exacte,  mais,  dans  l'impossibilité  où  nous 
sommes  de  trancher  la  question,  il  nous  semble  prudent  de  réserver  notre 
appréciation  et  de  nous  en  tenir,  au  moins  provisoirement,  à  la  description 
des  deux  auteurs  anglais. 


030  ORDRE  DES   TREMATODES. 

vers  le  tégument  de  l'Amphistome,  on  peut  voir  les  canaux 
ramifiés  duvitellogène  présenter  un  arrangement  dendriforme, 
particulièrement  distinct  sur  loute  la  surface  de  la  bourse.  Ces 

conduits  principaux  (fig.  328,  r)  se  portent 

vers  l'ovaire. 
L'Amphistome    de    l'Homme    a    les    plus 

grands  rapports   avec   Gast?*odiscus  Sonsinoi 

Gobbold,  vers  lequel  il  sert  de  transition.  Ce 
Fig.  3-29.  -  Œufs   dernier>   découvert  à  Zagazig   (Egypte),   en 
grossis  65  fois.       1876,  par  Sonsino,  dans  l'intestin  du  Cheval, 

ressemble  à  notre  Amphistome,  en  ce  que  sa 
face  ventrale  est  transformée  en  une  sorte  de  large  capsule,  à 
bords  relevés,  en  arrière  de  laquelle  est  située  la  ventouse 
postérieure  ;  mais  cette  capsule  venlrale  présente  en  outre, 
disséminées  à  sa  surface,  un  grand  nombre  de  très  petites 
ventouses. 

T.  R.  Lewis  and  J.  F.  P.  Mac  Connell,  Amphistoma  honnnis  :  n.  sp.  A  new 
parasite  affecting  man.  Proceed.  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal,  p.  182, 187G. 

Bilharzia  haematobia  Cobbold,  1858. 

Synonymie  :  Distomum  hœmatobium  Bilharz,  1852. 

Gynxkophorus  hœmalobius  Diesing,  1858. 
Schistosoma  hœmntobium  Wcinland,  1858. 
Thecosoma  hœmatobium  Moquin -Tandon,  18G0. 
Distoma  capense  Hacley,  18Gi. 

Ce  Trématode  appartient  à  un  groupe  remarquable  de  Disto- 
mes unisexués.  Il  a  été  découvert  en  1851,  dans  le  sang  de  la 
veine  porte,  par  Bilharz,  alors  professeur  à  l'Ecole  de  médecine 
du  Caire. 

Le  mâle  (fig.  330,  m)  est  long  de  11  à  14  millimètres  ;  sa 
largeur  peut  atteindre  1  millimètre;  il  est  à  peu  près  gros 
comme  un  Oxyure  et  d'un  blanc  d'opale.  L'extrémité  anté- 
rieure du  corps  est  nettement  aplatie  et  porte  les  ventouses. 
Celles-ci,  a,  d,  sont  à  peu  près  d'égale  taille,  situées  à  peu  de 
distance  l'une  de  l'autre,  et  font  une  notable  saillie  à  la  surface 
du  corps;  elles  ont  un  diamètre  d'environ  c2(>0  v.. 

En  arrière  de  la  ventouse  ventrale,  d,  le  corps  s'épaissit  assez 
brusquement,  puis  conserve  la  môme  épaisseur  jusqu'à  l'extré- 
mité caudale,  terminée  en  pointe  arrondie.  Le   corps  semble 


BIL11ARZIA    ll.EMATOBIA. 


637 


/ 


tout  d'abord  cylindrique,  mais  un  examen  plus  attentif  permet 
de  reconnaître  qu'il  est  lui-même  aplati,  plus  aplati  même  que 
la  partie  antérieure.  L'apparence  cylindrique  lient,  ainsi  qu'on 
peut  le  constater  aisément  sur 
des  coupes  transversales  (fig. 
331),  a  ce  que  la  face  ventrale 
s'est  enroulée  sur  elle-même  en 
gouttière  ;  cet  enroulement  est 
si  complet  que  les  deux  bords 
chevauchent  l'un  sur  l'autre.  Il 
se  forme  de  la  sorte,  à  la  partie 
postérieure  du  corps  du  mâle, 
un  canal  incomplètement  clos 
(fig.  330,  r),  qui  sert  d'abri  à  la 
femelle,  /'.  Ce  canal  a  été  re- 
connu par  Bilharz,  qui  lui  donna 
le  nom  de  cana/is  gynxcophorus. 
Quand  la  femelle  est  fécondée 
et  qu'elle  grossit  par  suite  du 
développement  des  œufs,  les  lè- 
vres du  canal  s'écartent  l'une  de 
l'autre,  mais  jamais  assez  pour 
ne  plus  la  retenir  et  pour  la 
laisser  tomber. 

La  partie  antérieure  du  corps 
n'occupe  que  la  huitième  ou  la 
neuvième  partie  de  la  longueur 
totale;  le  tégument  en  est  lisse 
et  mou.  Le  reste  du  corps  est 
au  contraire  orné,  sur  sa  face 
supérieure  ou  externe,  d'un 
grand  nombre  de  papilles  sur- 
montées de  petites  épines.  La  face  ventrale,  c'est-à-dire  l'inté- 
rieur du  canal  gynécophore,  est  elle-même  pourvue  d'innom- 
brables petites  saillies  coniques,  très  serrées  les  unes  contre  les 
autres;  seule,  la  ligne  médiane  du  canal  reste  lisse.  Les  deux 
ventouses  ont  un  aspect  chagriné,  grâce  à  la  juxtaposition 
d'un  nombre  considérable  de  granules  aplatis  qui  se  trouvent 
disposés  à  leur  surface  interne. 


Fig.  330.  —  Deux  individus  de  liil- 
harzia  hsematobia  en  voie  d'accou- 
plement, d'après  Bilharz.  Le  mâle, 
m,  renferme  dans  sa  rainure  ven- 
trale ou  canal  gynécophore,  r,  une 
femelle,  f,  dont  les  deux  extrémi- 
tés sont  libres  et  pendantes;  o, 
ventouse  buccale  du  mâle;  a', 
ventouse  buccale  de  la  femelle  ; 
c,  branches  intestinales  ;  c',  cul- 
de-sac  unique  provenant  de  leur 
réunion  dans  la  partie  postérieure  ; 
(f,  ventouse  ventrale  du  mâle;  cl ', 
ventouse  ventrale  de  la  femelle; 
f,  corps  de  la  femelle  ;  m,  corps 
du  mâle;  r,  canal  gynécophore; 
s,  fond  du  canal. 


638 


ORDRE  DES  TRÉMATODES* 


Fig.  331.  —  Sections  transversales  du  corps  de 
Bilhnrzia  hsematobia  mâle,  d'après  Leuc- 
kart.  —  a,  coupe  au  niveau  des  organes  gé- 
nitaux; b,  coupe  pratiquée  vers  le  milieu  de 
la  longueur  du  corps. 


Au-dessous  de  la  cuticule  se  voit  une  double  assise  muscu- 
laire; la  couche  longitudinale,  qui  est  la  plus  importante,  est 

formé  de  cellules  fusi- 
formes  parallèles  entre 
elles,  bien  distinctes  les 
unes  des  autres  et  lon- 
gues de  30  fx  ;  la  couche 
diagonale  est  constituée 
par  des  faisceaux  très 
espacés  les  uns  des  au- 
tres. Le  parenchyme  du 
corps  est  formé  de  cel- 
lules conjonctives  ser- 
rées, dont  le  noyau  me- 
sure 4ji.  L'enroulement  de  la  partie  postérieure  du  corps  n'est 
point  dû  à  l'action  des  muscles. 

L'appareil  excréteur  est  représenté 
par  deux  canaux  clairs  et  étroits,  de 
largeur  inégale  et  non  ramifiés,  qui 
sont  situés  dans  les  parties  latérales 
du  corps,  mais  se  réunissent  en  ar- 
rière, suivant  la  ligne  médiane,  en  un 
canal  unique  :  celui-ci,  après  un  court 
trajet,  s'ouvre  à  l'extrémité  de  la 
queue.  Au  point  où  les  deux  branches 
latérales  s'anastomosent,  on  voit  éga- 
lement aboutir  un  fin  canalicule  qu'il 
est  possible  de  suivre  quelque  temps 
sur  la  ligne  médiane. 


Tig.  332. 


Partie  antérieure 
du  corps  de  Bilharzia  ha- 

mutobia  mâle,  vue  par  la 
face  ventrale,  d'après  Bil- 
harz.  —  a, ventouse  buccaiu  ; 
6,  œsophage;  c,  branches 
intestinales  ;  (/,  ventouse 
ventrale  :  '•,  orifice  génital  : 
k,   vésicules  testiculaires. 


Le  tube  digestif  commence  à  la  ven- 


touse antérieure  ou  buccale  ;  il  se 
renfle  en  un  pharynx  de  petites  di- 
mensions, puis  se  continue,  sous 
forme  d'un  canal  étroit  et  sinueux 
(fig.  3.'Ji,  A),  jusqu'à  la  ventouse  ven- 
trale, d.  Immédiatement  en  avant  de 
celle-ci,  il  se  divise  en  deux  bran- 
ches, c,  dont  chacune  se  porte  dans  la  partie  latérale  corres- 
pondante et  présente    un    diamètre   transversal   de  40   |*  au 


BIJLHARZIA  ILEMATOBIA.  639 

maximum.  Les  deux  branches  intestinales  poursuivent  leur  tra- 
jet d'avant  en  arrière,  puis  finissent  par  se  réunir  en  un  seul 
caecum,  dont  le  fond  se  trouve  situé  à  peu  près  à  0mm,3  de  l'ex- 
trémité caudale. 

Les  organes  génitaux  ont  une  structure  des  plus  simples.  Un 
peu  en  arrière  de  la  ventouse  postérieure,  au  point  précis  où 
la  partie  antérieure  du  corps,  lisse  et  aplatie,  se  continue  avec 
la  partie  postérieure,  on  voit  cinq  à  six  vésicules  testiculnires 
arrondies,  serrées  les  unes  contre  les  autres,  larges  de  1:20  a. 
et  disposées  en  alternance  suivant  la  longueur  (fi g.  332,  k). 
Ces  vésicules  aboutissent  à  un  canal  déférent  que  limite  une 
paroi  propre  et  qui  s'ouvre  presque  aussitôt  dans  le  fond  du 
du  canal  gynécophore  par  un  orifice  qui  semble  être  circon- 
scrit par  un  bourrelet,  e.Asa  terminaison,  ce  canal  présente  du 
côté  gauche  un  diverticule  constitué  par  une  vésicule  sémi- 
nale à  paroi  contractile.  L'appareil  copulateur  fait  défaut;  il 
n'existe  pas  de  poche  du  cirre. 

La  femelle  (fig.  330,  /')  est  plus  longue  que  le  mâle,  dont 
elle  diffère  considérablement  par  sa  complication  anatomique; 
elle  mesure  de  15  à  20  millimètres,  son  corps  est  plus  élancé, 
presque  cylindrique  et  rappelle  par  son  aspect  général  celui 
des  Nématodes.  Elle  est  d'une  grande  ténuité,  fine  comme  un 
fil  de  soie  et  passe  aisément  inaperçue  dans  le  sang  de  la  veine 
porte,  si  on  n'a  pas  soin  de  verser  celui-ci  en  mince  nappe  sur 
une  assiette,  pour  l'examiner  attentivement  ;  elle  se  présente 
alors  sous  la  forme  d'un  filament  blanchâtre,  tandis  que  le 
mâle,  environ  quatre  fois  plus  épais,  est  enroulé  sur  lui-même 
en  une  sorte  de  grumeau. 

Sur  une  coupe  transversale,  le  corps  de  la  femelle  présente 
une  forme  très  variable.  Depuis  la  ventouse  buccale  (fig.  330,  a'; 
fig.  333,  a)  jusqu'à  la  ventouse  ventrale  (fig.  330,  cl'  ;  fig.  333,  rf), 
la  section  a  l'aspect  d'un  ovale  aplati.  La  distance  entre  ces 
deux  ventouses  est  seulement  de  0mm,225,  malgré  la  taille 
relativement  considérable  de  l'animal  ;  elles  font  saillie  à 
la  surface  du  corps  et  ont  un  diamètre  de  80  p..  A  la  ven- 
touse postérieure  commence  un  profond  sillon  qui  s'étend 
tout  le  long  de  la  ligne  médiane  de  la  face  ventrale  et  qui 
correspond  au  canal  gynécophore  de  mâle  ;  ce  sillon  s'efface 
vers  la  partie  moyenne  du   corps,    mais  réapparaît   dans  la 


6*0  ORDRE  DES  ÏRÉMATODES. 

région  caudale  et  se  continue  jusqu'à  l'extrémité  postérieure. 

Le  corps  s'épaissit  progressivement  d'avant  en  arrière  et  son 
épaisseur  va  de  70  p  à  280  p.  La  cuticule  n'est  pas  complète- 
ment lisse,  mais  porte  de  fines  épines  cylindriques,  qui  sont 
particulièrement  développées  dans  la  région  caudale,  où  elles 
forment  un  revêtement  serré  à  la  surface  du  sillon  ventral  :  ces 
épines  sont  dirigées  en  avant  et  s'opposent  peut-être  à  ce  que 
la  femelle  ne  glisse  dans  le  canal  gynécophore. 

La  ventouse  buccale,  étirée  en  avant  en  une  pointe  mousse 
et  profondément  échancrée  sur  les  côtés,  conduit  par  un  étroit 
orifice  dans  un  large  pharynx  en  forme  de  bocal  et  à  faible 
musculature.  A  celui-ci  fait  suite  un  œsophage  sinueux  qui, 
immédiatement  en  avant  de  la  ventouse  ventrale,  se  divise  en 
deux  branches,  dont  la  largeur  est  considérable,  mais  qui  se 
rétrécissent  notablement,  aux  points  où  les  organes  génitaux 
viennent  à  les  comprimer.  En  arrière  de  ces  derniers,  les  deux 
branches  intestinales  (fig.  330,  c)  se  réunissent  comme  chez  le 
mâle,  en  un  tube  assez  large,  c',  qui  se  contourne  d'ordinaire 
légèrement  en  spirale  et  se  termine  en  un  cul-de-sac  dont  le 
fond  est  séparé  de  l'extrémité  caudale  par  une  distance  de 
0um,12  àOmm,28. 

Dans  les  premières  portions  du  tube  digestif,  l'épithélium  est 
souvent  mal  développé,  surbaissé,  indistinct;  plus  loin,  mais 
surtout  après  la  fusion  des  deux  branches  latérales,  il  est  encore 
ii  régulier  ,mais  devient  plus  puissant,  sans  que  pourtant  on  y 
puisse  reconnaître  de  hautes  cellules  cylindriques.  Les  cellules 
cubiques  ou  cylindriques  surbaissées  portent  à  leur  surface 
libre  des  filaments  protoplasmiques  granuleux,  analogues  à 
ceux  qu'a  décrits  Sommer  chez  la  Douve  hépatique.  Ces  pro- 
longements remplissent  en  grande  partie  la  cavité  intestinale; 
ils  se  séparent  parfois  des  éléments  sous-jacents,  sous  forme  de 
masse  cohérente  et  laissent  derrière  eux  des  cellules  à  contours 
bien  accusés  et  à  sommet  arrondi.  Plus  l'intestin  est  étroit,  plus 
sa  paroi  devient  visible;  celle-ci  est  certainement  contractile, 
bien  qu'on  ne  puisse  encore  rien  dire  de  précis  sur  les  muscles 
qui  entrent  dans  sa  structure. 

L'appareil  excréteur  est  très  développé;  sa  disposition  géné- 
rale est  la  même  que  chez  le  mâle.  Deux  larges  canaux,  qui  oc- 
cupent les  côtés  etqu'il  est  facile  de  suivre  jusque  vers  le  milieu 


BILT1ARZ1A   H.EMATOBIA.  641 

de  la  longueur  du  corps,  s'anastomosent  entre  eux;  à  leur  con- 
fluent aboutit  également  un  petit  canal  médian.  Ces  différents 
canaux  sont  tapissés  par  un  épithélium  vibratile;  ils  consti- 
tuent par  leur  rencontre  une  poche  collectrice  longue  de  80  à 
180  fx;  cette  poche  communique  avec  l'extérieur  au  moyen 
d'un  orifice  étroit  et  contractile,  percé  à  l'extrémité  caudale. 

Les  organes  génitaux  femelles  ont  la  même  structure  géné- 
rale que  chez  les  Distomes,  si  ce  n'est  qu'ils  sont  plus  dissociés, 
en  raison  de  l'allongement  exceptionnel  du  corps. 

L'ovaire  ou  germigène  est  de  forme  ovale  allongée;  on  le 
trouve  dans  l'angle  que  constituent  les  deux  branches  intesti- 
nales en  se  fusionnant  en  un  cul-de-sac  unique.  Il  est  lobé, 
épais,  long  de  0mm,4;  son  épithélium  est  formé  de  cellules  po- 
lyédriques très  distinctes  et  de  taille  différente  suivant  leur  état 
de  maturité.  Les  cellules  ovulaires  les  plus  mûres  sont  ovales  et 
entourées  d'une  couche  d'albumine,  substance  qui  s'accumule 
çàet  là  en  grande  quantité  à  l'intérieur  de  l'ovaire  et  sépare  les 
ovules  les  uns  des  autres. 

De  l'extrémité  postérieure  de  l'ovaire  part  un  canal  qui  se 
réfléchit  aussitôt  en  avant  et  se  dirige  vers  l'orifice  sexuel  :  ce 
canal  est  l'oviducte;  on  voit  souvent  à  son  intérieur  des  ovules 
en  plus  ou  moins  grand  nombre,  reconnaissables  à  la  réfrin- 
gence de  leur  vésicule  germinative.  Après  un  assez  long  trajet, 
il  aboutit  à  la  glande  coquillère;  mais  avant,  il  s'est  uni  au 
conduit  qui  provient  des  vitellogènes. 

Ceux-ci  sont  représentés  par  deux  organes  glandulaires,  longs 
de  12  à  14  millimètres  et  situés  de  chaque  côté  du  cœcum  in- 
testinal. Ils  émettent  de  toutes  parts  des  canaux  courts  et  à 
mince  paroi,  de  l'union  desquels  résulte  un  canal  unique,  le 
conduit  vitellin. 

L'oviducte  et  le  conduit  vitellin  suivent  la  même  direction; 
ils  s'enroulent  l'un  autour  de  l'autre,  mais  sans  quitter  pour- 
tant la  ligne  médiane,  serrés  qu'ils  sont  de  part  et  d'autre  par 
les  branches  intestinales.  Ils  sont  d'ailleurs  assez  faciles  à  dis- 
tinguer l'un  de  l'autre;  le  conduit  vitellin  augmente  progressi- 
vement de  calibre,  jusqu'à  acquérir  une  largeur  à  peu  près 
égale  à  celle  de  l'oviducte;  il  est  en  outre  caractérisé  par  son 
contenu,  formé  d'éléments  vitellins  cellulaires,  à  grosses  gra- 
nulations, agglomérés  entre  eux  et  de  même  taille  que  les  ovules. 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  41 


642 


ORDRE   DES  TREMATODES. 


L'oviducte  et  le  conduit  vitellin  finissent  donc  par  s'anasto- 
moser :  le  canal  unique  qui  résulte  de  leur  fusion  se  jette  immé- 
diatement dans  la  glande  coquillère.  Celle-ci  a  la  forme  d'un 
fruit  légèrement  effilé  par  sa  partie  supérieure  et  supporté  par 
un  court  pédoncule  ;  elle  semble  ne  pouvoir  contenir  qu'un  seul 
œuf  à  la  fois.  Elle  est  revêtue  intérieurement  d'un  épithélium 
glandulaire,  dont  les  cellules  cubiques  sont  disposées  en  séries 
longitudinales,  ce  qui  détermine  une  sorte  de  striation;  cet  épi- 
thélium se  surbaisse  peu  à  peu,  pour  se 
continuer  jusque  dans  le  pédoncule.  Le 
produit  sécrété  par  la  glande  se  dispose  au- 
tour de  l'œuf  dont  il  forme  la  coquille;  la 
cavité  du  pédoncule  produit  elle-même  l'é- 
peron dont  tout  à  l'heure  nous  reconnaî- 
trons l'existence  à  la  surface  de  l'œuf.  Cet 
éperon,  d'après  Fritsch,  serait  exactement 
terminal  quand  l'utérus  débouche  dans  le 
fond  même  de  la  glande  coquillère;  il  serait 
latéral  quand  l'orifice  utérin  est  situé  en 
dehors  de  l'axe  de  la  glande. 

Par  son  extrémité  antérieure,  située  à 
0mm,6  en  arrière  de  la  ventouse  ventrale,  la 
glande  coquillère  donne  naissance  à  l'uté- 
rus, canal  large  et  sinueux,  limité  par  une 
mince  paroi,  qui  se  dirige  d'arrière  en  avant 
et  se  termine  par  un  rétrécissement  subit. 
Au  delà  de  celui-ci,  se  voit  une  chambre 
spacieuse,  à  paroi  épaissie,  longue  de  160  fx, 
large  de  100  (x.  Cette  chambre  ou  réservoir 
séminal  se  continue  finalement  par  un  va- 
gin étroit  et  musculeux,  long  de  180  [x,  large  de  30  fx  (fig.  333,  f), 
qui  débouche  au  dehors  par  une  vulve  située  immédiatement 
en  arrière  de  la  ventouse  ventrale,  comme  l'orifice  sexuel  du 
mâle. 

Nous  avons  dit  déjà  que  le  canal  gynécophore,  formé  par 
l'enroulement  du  corps  du  mâle  sur  lui-même,  était  destiné  à 
donner  abri  à  la  femelle,  lors  de  l'accouplement.  Le  corps  de 
cette  dernière  est  trop  long  pour  être  contenu  en  entier  dans  le 
canal  :  il  s'en  échappe  par  chacune  de  ses  extrémités,  mais 


Fig.  333.  —  Partie  an- 
térieure du  corps  de 
Bilharzia  hsemato- 
bia  femelle,  vue  de 
profil,  d'après  Bil- 
harz.  —  «,  ventouse 
buccale;  c,  branche 
intestinale;  d,  ven- 
touse ventrale  ;  f, 
vagin. 


A 


BILIIARZIA   H.EMATOBIÀ.  643 

surtout  en  arrière  ;  les  parties  qui  sont  ainsi  pendantes  repré- 
sentent plus  de  la  moitié  de  la  longueur  totale  de  la  femelle 
(fig.  330). 

Les  deux  animaux  en  copulation  sont  disposés  ventre  à 
ventre.  Par  suite  de  l'absence  de  tout  organe  d'accouplement, 
le  sperme  s'écoule  dans  le  canal  gynécophore  et  fuse  sans 
doute  le  long  du  sillon  ventral  de  la  femelle, 
jusqu'à  l'orifice  vaginal  qui  l'aspire  par  capil- 
larité. Cette  manière  de  voir  est  d'autant  plus 
vraisemblable  qu'on  n'a  pas  observé  jusqu'à  A 
présent  d'une  façon  certaine  le  canal  de  Lau-  I 
rer.  .  I 

L'œuf  est  de  forme  allongée  (fig.  334),  assez  1 

régulièrement  ovale  et  mesure  160  \t  sur  60  j/.  ; 
il  porte  à  l'un  de  ses  pôles  un  éperon  effilé, 
long  de  25  u  et  terminé  par  une  pointe  très  i^-^ 

acérée  (1).  A  part  cet  appendice,  dont  le  rôle    F'»-  *334,  ~~  c^,uf 

ii  ».         \    *iz  x      x    v   i»L  deBilharzie,d'a- 

împortant  va  nous  être  révélé  tout  à  1  heure,       près  j,  chatin. 
la  coque  de  l'œuf  est  absolument  lisse;   elle 
est  du  reste  très  mince,  doublée  intérieurement  d'une  seconde 
enveloppe  ovulaire  et  dépourvue  du  clapet  caractéristique  de 
l'œuf  des  Distomes  hermaphrodites. 

L'éperon  est  d'ordinaire  exactement  polaire,  c'est-à-dire 
situé  à  l'une  des  extrémités  du  grand  axe  de  l'œuf;  parfois 
il  est  plus  ou  moins  latéral  :  nous  avons  indiqué  plus  haut 
quelle  disposition  anatomique  semblait  être  cause  de  cette 
variation.  Certains  observateurs  ont  voulu  en  conclure  à  l'exis- 
tence de  deux  espèces  distinctes  de  Bilharzies ,  mais  cette 
opinion  doit  être  définitivement  rejetée;  on  trouve  en  effet 
tous  les  intermédiaires  entre  l'œuf  à  éperon  polaire  et  l'œuf  à 
éperon  franchement  latéral.  De  même,  on  peut  voir,  dans  cer- 
tains cas,  l'éperon  diminuer  de  taille,  au  point  que  l'œuf  semble 
dépourvu  d'appendice  ;  mais  on  ne  saurait  considérer  cette  va- 
riété d'ovules  comme  caractéristique  d'une  espèce  particulière 
de  Bilharzie,  puisque,  cette  fois  encore,  on  peut  trouver  toutes 
les  transitions  entre  l'œuf  à  éperon  et  l'œuf  à  coque  inerme  : 

(l)  L'œuf  de  Distoma  ovation  Rud.,  qui  vit  dans  la  bourse  de  Fabricius  de 
divers  Oiseaux  {Fringilla  cœlebs  L.,  Passer  montanus  L.,  Turdus  visci- 
voriis  L.),  a  également  une  épine  polaire,  mais  plus  petite  et  plus  courte. 


644 


ORDRE  DES   TRÉMATODES. 


Harley  admettait  que  cette  dernière  variété  était  propre  à  l'es- 
pèce nominale  Bilharzia  capensis,  du  cap  de  Bonne-Espérance, 
alors  que  B.  hœmatobia,  d'Egypte,  avait  toujours  des  ovules 
éperonnés. 

L'embryon  ne  se  développe  qu'après  la  ponte,  mais  son  évo- 
lution commence  fréquemment  avant  que  l'œuf  soit  expulsé  : 
aussi,  en  examinant  avec  attention  un  assez  grand  nombre 
d'ovules  éliminés  avec  l'urine,  en  trouve-t-on  toujours  quel- 
ques-uns à  l'intérieur  desquels  l'embryon  est  déjà  complète- 
ment formé. 

La  segmentation  est  totale  et  semble  être  régulière.  Elle 
aboutit  à  la  formation  d'un  embryon  cilié,  assez  semblable  à 
celui  des  Distomes  et  ressemblant,  comme  lui,  à  un  Infusoire 


Fig.  335.  —  Premières  phases  du  développement  de  la  Bilharzie,  d'après 
J.  Chatin.  —  A,  embryon  inclus  dans  l'œuf  et  vu  par  transparence;  B,  em- 
bryon plus  avancé,  mais  non  encore  éclos  ;  C,  embryon  éclos  et  expulsant 
ses  corpuscules  contractiles.  —  p,  rostre;  s,  corpuscules  contractiles; 
v,  caecum  principal;  »',  caecums  latéraux. 


holotricbe(fig.  335,  A).  Sa  masse  interne  est  encore  remplie  par 
un  amas  cellulaire  et  ne  présente  aucune  trace  de  différencia- 
tion. Cependant,  un  cœlôme  ne  tarde  pas  à  se  creuser,  en  même 
temps  que  la  région  céphal.ique  se  trouve  indiquée  par  la  pro- 
duction d'une  sorte  de  mamelon  conique,  B,  p,  au  niveau 
duquel  les  cils  vibratiles  disparaissent.  En  ce  même  point  naît 
alors  par  invagination  un  caecum  intestinal,  v,  qui  plonge  dans 
le  cœlôme;  on  voit  en  même  temps  apparaître,  vers  le  pôle 


BILHARZIÀ   ll.EMATOBIA.  645 

opposé,  deux  ou  trois  grosses  masses  arrondies  et  réfringentes, 
s,  véritables  germes  de  Rédies  qui  se  meuvent  librement  dans 
la  cavité  et  dont  le  nombre  ira  en  augmentant. 

Le  caecum  ne  se  développe  parfois  qu'après  l'éclosion;  plus 
rarement  ses  branches  latérales  se  sont  déjà  formées  avant 
l'éclosion. 

Jusqu'à  ce  moment,  l'embryon  était  demeuré  immobile  ;  il 
devient  alors  le  siège  de  vigoureuses  contractions,  qui  se  pro- 
duisent surtout  dans  la  région  antérieure.  Celle-ci  vient  heurter 
par  saccades  et  à  de  courts  intervalles  la  paroi  de  l'ovule,  qu'elle 
cherche  à  briser  comme  ferait  un  bélier.  Sous  ces  chocs  ré- 
pétés, la  coque  se  déchire  longitudinalement  sur  les  deux  tiers 
de  sa  longueur;  presque  toujours  la  première  rupture  se  fait 
entre  l'éperon  et  la  région  médiane.  L'embryon  apparaît  donc  au 
dehors,  mais  il  est  rare  qu'il  parvienne  à  se  dégager  d'un  seul 
coup,  et  de  nouveaux  efforts  sont  nécessaires  pour  qu'il  puisse 
atteindre  ce  résultat.  Au  moment  de  sa  sortie,  il  s'étrangle  en 
son  milieu  à  la  façon  d'un  sablier,  par  suite  de  l'étroitesse  de 
la  déchirure  pratiquée  dans  la  coque;  quand  il  est  définiti- 
vement mis  en  liberté,  sa  forme  redevient  promptement  ova- 
laire. 

La  rapidité  avec  laquelle  l'embryon  sort  de  l'œuf  varie  nota- 
blement suivant  la  nature  du  liquide  au  sein  duquel  se  fait 
l'éclosion  ;  d'après  Gobbold,  deux  minutes  suffiraient  dans  l'eau 
pure;  si  l'on  ajoute  quelques  traces  d'urine,  l'éclosion  serait 
beaucoup  plus  lente  et  exigerait  cinquante-cinq  minutes;  elle 
ne  se  ferait  pas  dans  l'urine  pure  et  les  embryons  ne  donne- 
raient aucun  signe  de  vitalité.  Zancarol  a  eu  pourtant  l'occa- 
sion de  trouver  l'embryon  libre  dans  la  vessie  même,  dans  le 
parenchyme  rénal  ou  dans  la  muqueuse  du  gros  intestin. 

A  partir  du  moment  de  l'éclosion,  le  tégument  de  l'embryon 
s'épaissit  notablement,  et  l'on  voit  s'y  développer  un  appareil 
aquifère  constitué  essentiellement  par  deux  troncs  principaux 
qui  se  dirigent  d'avant  en  arrière  en  suivant  un  trajet  sinueux 
et  en  émettant  un  certain  nombre  de  branches  anastomotiques  ; 
on  ne  trouve  pas  de  pore  excréteur  à  l'extrémité  postérieure. 

Pendant  que  cet  appareil  se  développe,  le  csecum  intestinal 
(fig.  335,  B  et  C,  v)  donne  bientôt  naissance,  par  une  invagina- 
tion nouvelle,  à  deux  branches  latérales,  v\  que  Cobbold  croi-t 


C46  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

pouvoir  comparer  aux  lemnisques  des  Echinorhynques.  Fina- 
lement, les  masses  sarcodiques  réfringentes  augmentent  de 
nombre  et  de  volume  à  l'intérieur  de  la  cavité  somatique. 

Quand  la  formation  de  ces  corpuscules  a  pris  fin,  l'embryon 
cilié  ne  tarde  pas  à  se  rompre;  les  globules  sarcodiques,  dans 
lesquels  il  faut  sans  doute  voir  des  Rédies  envoie  de  "dévelop- 
pement, sont  ainsi  mis  en  liberté  et  on  les  trouve  nageant  et 
se  contractant  au  sein  du  liquide  ambiant.  L'embryon  se  vide 
donc  peu  à  peu  comme  le  fait  le  Sporocyste  des  Distomes; 
quand  tous  les  globules  se  sont  séparés  de  lui,  il  continue 
encore  à  nager  quelque  temps,  bien  que  réduit  à  sa  cuticule 
ciliée. 

A  cela  se  bornent  nos  connaissances  sur  le  développement  de 
la  Biîharzie;  les  phases  ultérieures  de  l'évolution  sont  encore 
inconnues,  et  on  ne  pourrait  sans  doute  les  étudier  avec  succès 
que  dans  les  pays  infestés. 

Cobbold  a  entrepris  le  premier  des  expériences  d'infestation  avec 
l'embryon  infusoriforme  :  il  le  mit  en  présence  de  Mollusques  d'eau 
douce,  de  petits  Crustacés,  de  Poissons  ;  il  essaya  de  faire  pénétrer 
les  œufs  chez  des  larves  de  Diptères,  chez  des  Entomostracés,  des 
Écrevisses,  des  Limnées,  des  Paludines,  des  Planorbes  et  chez  d'autres 
espèces  de  Mollusques  fluviatiles  :  toutes  ces  tentatives  demeurèrent 
infructueuses  ;  il  vit  simplement  les  embryons  éclore  et  émettre  leurs 
germes  contractiles.  Dans  une  autre  série  d'expériences,  le  môme 
observateur  put  voir  l'embryon  essayer  de  pénétrer  dans  le  corps 
d'Hélix  alliaria. 

Des  tentatives  du  même  genre  furent  faites  par  Harley  :  pensant 
que  la  Biîharzie  se  développait  directement,  sans  passer  par  un  hôte 
intermédiaire,  ce  dernier  fit  avaler  des  embryons  à  des  animaux  ver- 
tébrés, tels  que  le  Chien  et  le  Lapin;  il  n'obtint  aucun  résultat. 

Cette  même  question  fut  encore  reprise,  sans  plus  de  succès,  par 
Sonsino;  les  expériences  étaient  faites  avec  des  œufs  séparés  de 
l'urine  aussi  soigneusement  que  possible,  puis  divisés  en  deux  lots  : 
un  premier  lot  servait  pour  les  expériences  faites  directement  sous 
le  microscope,  le  reste  était  mis  dans  un  aquarium  renfermant  un 
certain  nombre  de  Gastropodes  d'eau  douce  (Vivipara  unicolor, 
Cleopatra  cyclostomoides.  Cl.  bulimoides,  Physa  alexandrina  et  Melania 
tuberculata) ;  on  ne  retrouva  pas  la  moindre  trace  des  œufs  ni  de 
leurs  coques  dans  aucun  organe  de  ces  Mollusques,  malgré  l'examen 
le  plus  attentif.  Le  résultat  ne  fut  pas  plus  favorable  avec  des  larves 


BILHARZIA  H/EMATOBIA.  647 

d'Insectes,  avec  de  petits  Coléoptères  ou  Névroptères  aquatiques. 

En  présence  de  tentatives  aussi  infructueuses,  Sonsino  considère 
comme  assez  probable  que  la  Bilharzie,  qui  s'éloigne  à  tant  de  points 
de  vue  des  autres  Distomes,  ait  pour  hôtes  intermédiaires  des  ani- 
maux appartenant  à  d'autres  classes  que  ceux  chez  lesquels  se  fixent 
ces  derniers,  ou  même  puisse  accomplir  tout  son  cycle  évolutif  en 
pénétrant  chez  un  hôte  unique  et  définitif  (Homme,  Singe);  peut-être 
même  se  développerait-elle  sans  génération  alternante. 

Nous  croyons  devoir  faire  les  plus  expresses  réserves  à  l'égard  de 
cette  opinion.  Malgré  l'insuccès  des  expériences  que  nous  venons 
de  rapporter,  il  demeure  probable  que  la  Bilharzie  passe  par  un  hôte 
intermédiaire  et  que  celui-ci  est  un  Gastropode. 

L'infestation  se  fait  par  les  eaux  de  boisson,  soit  qu'on 
ingère  l'hôte  intermédiaire  lui-même,  et  alors  il  s'agirait  d'un 
Mollusque  de  petites  dimensions,  soit  plutôt  qu'on  avale  la 
Gercaire  nageant  librement  dans  l'eau.  Cette  larve,  autant 
qu'on  en  peut  juger  par  analogie,  doit  être  armée  d'une  dent 
perforante,  grâce  à  laquelle  elle  s'enfonce  dans  les  parois  intes- 
tinales et  tombe  dans  une  des  branches  d'origine  de  la  veine 
porte. 

Th.  Bilharz,  Ein  Beitrag  zur  II  el  min  (ho  g  raphia  hum  ana ,  nebst  Bemerkimgen 
von  Prof.  C.  Th.  von  Siebotd.  Z.  f.  w.  Z.,  IV,  p.  53, 1852.  —  Id.,  Ferne  Mitthei- 
lungen  ùber  Distomum  hsemalobium.  Ibidem,  p.  454. 

T.  Sp.  Cobbold,  On  the  embryon  of  Bilharzia.  British  association  Report, 
1864.  —  ld.,  On  the  development  of  Bilharzia  hœmatobia,  together  with  re- 
marks on  the  ova  of  another  urinary  parasite  occurring  in  a  case  of  hœma- 
turia  from  Natal.  British  med.  journal,  II,  p.  89,  1872. 

J.  Chatin,  Sur  l'embryon  cilié  de  la  Bilharzie.  Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  XCI,  p.  554,  1880.  —  Id.,  Observations  sur  le  développement  et 
l'organisation  du  proscolex  de  la  Bilharzia  hsematobia.  Annales  des  se. 
nat.  (6),  XI,  1881.  Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes  Études,  XX1VT  1881. 
—  Id.,  Sur  les  œufs  de  la  Bilharzie.  Compte  rendu  de  la  Soc.  de  biologie, 
p.  364,  1884. 

P.  Sonsino,  Bicerche  sullo  sviluppo  délia  Bilharzia  hxmatobia.  Giornale 
délia  reale  Accad.  di  med.  di  Torino,  XXXII,  p.  380,  1884. 

G.  Fritsch,  Zur  Anatomie  von  Bilharzia  hsematobia  Cobbold.  Zoolog.  An- 
zeiger,  VIII,  p.  407,  1885. 

On  a  supposé  que  le  parasite  pénétrait  dans  l'organisme  à 
travers  la  peau  et,  par  suite,  on  a  interdit  formellement  les 
bains  de  rivière.  Cette  interdiction  ne  nous  semble  aucunement 
justifiée;  encore  que  nous  ignorions  les  phases  ultimes  du  dé- 
veloppement, il  y  a  de  sérieuses  raisons  d'admettre  que  l'Hel- 
minthe pénètre  réellement  par  la  voie  que  nous    avons  indi- 


648  ORDRE  DES  TREMATODES. 

quée  plus  haut.  C'est  donc  l'usage  d'eau  non  filtrée  ou  non 
bouillie  qu'il  faut  rigoureusement  proscrire  dans  les  pays 
contaminés  ;  l'usage  des  bains  est  indifférent. 

LaBilharzie  se  rencontre  à  l'état  adulte  dans  la  veine  porte 
et  ses  branches  (notamment  dans  la  veine  splénique),  dans  la 
veine  rénale  et  dans  les  plexus  veineux  de  la  vessie  et  du  rec- 
tum. On  a  vu  de  quelle  manière  la  larve  pouvait  s'introduire 
dans  le  système  porte,  mais  la  présence  du  parasite  dans  les 
veines  du  petit  bassin  ou  dans  les  branches  de  la  veine  cave  est 
moins  facile  à  comprendre.  Le  fait  n'est  pourtant  pas  inexpli- 
cable. 

Les  veines  du  système  porte  sont,  comme  on  sait,  dépourvues 
de  valvules  ;  rien  ne  s'oppose  donc  à  ce  que  la  Bilharzie  des- 
cende par  la  veine  mésentérique  inférieure  jusque  dans  les 
veines  rectales.  De  celles-ci,  elle  peut  passer  également  dans  les 
veines  hémorrhoïdales  moyennes  et  inférieures,  qui  s'anasto- 
mosent avec  les  branches  pelviennes  de  la  veine  cave;  des  hé- 
morrhoïdales inférieures,  elle  peut  remonter  dans  les  veines 
honteuses  internes  et  gagner  les  veines  vésicales  par  l'intermé- 
diaire du  plexus  de  Santorini. 

Le  parasite  se  nourrit  de  sang;  on  en  retrouve  les  globules 
en  grand  nombre  dans  son  tube  digestif'.  Kiichenmeister  admet 
qu'il  puise  ce  sang  dans  les  vasavasorum  bien  plus  que  dans  le 
torrent  circulatoire  au  sein  duquel  il  est  plongé  ;  cette  opinion 
nous  semble  peu  soutenable. 

Zuckerkandl,  Ueber  die  XVanderuiig  des  Distomum  hœmntobium  aus  der 
Pfortader  in  die  Blase.  Eine  anatomische  Notiz  aus  dem  Nach/asse  des  llerrn 
^  H.  Sachs-Bey.  Wiener  med.  Blatter,  III,  p.  1253,  1880. 

Les  œufs  sont  pondus  par  amas  dans  les  vaisseaux  sanguins; 
le  cours  du  sangles  entraîne  dans  les  capillaires  de  divers  or- 
ganes où  ils  s'accumulent  et  déterminent  à  la  longue  des  lésions 
dont  la  nature  est  très  variable,  suivant  l'organe  qui  en  est  le 
siège.  Ces  lésions  et  les  symptômes  qui  les  accompagnent  ont 
été  étudiés  déjà  par  de  nombreux  observateurs  :  Bilharz,  Grie- 
singer,  Harley,  Sonsino,  Mantey,  Guillemard,  etc.  Les  recher- 
ches les  plus  complètes  et  les  plus  récentes  sont  dues  à  Zanca- 
rol,  Damaschino,  Belelli  etKartulis. 

Pour  les  lésions  anatomo-pathologiques,  dans  le  détail  des- 


BILIIARZIA  HiEMATOBIA.  049 

quelles  le  cadre  de  cet  ouvrage  ne  nous  permet  pas  d'entrer, 
nous  renverrons  le  lecteur  à  notre  article  Hématozoaires  du 
Dictionnaire  encyclopédique  des  sciences  médicales.  Disons 
seulement  que  la  Bilharzie  est  un  des  plus  redoutables  para- 
sites de  l'Homme  ;  elle  détermine,  dans  les  organes  urinaires 
ou  du  côté  du  rectum,  des  lésions  assez  souvent  mortelles. 

La  bilharziose,  dont  V  «  hématurie  d'Egypte  »  n'est  que  la 
manifestation  la  plus  ordinaire,  n'a  encore  été  observée  qu'en 
Afrique  ou  du  moins  chez  des  individus  ayant  fait  dans  ce 
continent  un  séjour  plus  ou  moins  long  (1).  Gomme  on  sait,  le 
parasite  qui  la  cause  a  été  découvert  en  Egypte,  et  c'est  encore 
dans  ce  pays  que  la  maladie  semble  être  le  plus  répandue.  Elle 
y  est  si  fréquente  que  Griesinger  trouvait  le  Ver  117  fois  sur 
363  autopsies,  et  Sonsino  30  fois  sur  54  autopsies  de  sujets 
arabes;  ces  chiffres  suffisent  à  montrer  que  le  parasite  reste 
très  fréquemment  à  peu  près  inoffensif,  sans  doute  parce  que 
le  patient  n'a  été  soumis  qu'accidentellement  et  pendant  un 
temps  fort  court  aux  causes  d'infestation. 

La  race  semble  n'être  pas  sans  influence  sur  la  production 
de  la  maladie,  mais  ce  n'est  là  qu'une  simple  apparence  due  à 
ce  que  certaines  castes,  par  leur  habitat  et  par  leur  genre  de 
vie,  se  trouvent  particulièrement  exposées  à  ses  atteintes.  C'est 
ainsi  que  l'hématurie  est  surtout  fréquente  dans  les  villages  et 
chez  les  individus  de  la  classe  pauvre,  qui  ne  font  jamais  usage 
d'eau  filtrée  ;  elle  est  plus  rare  chez  les  femmes.  D'après  Bilharz, 
les  fellahs  et  les  Coptes  sont  le  plus  fréquemment  atteints  ;  puis 
viennent,  par  ordre  de  fréquence,  les  Nubiens  et  les  nègres. 
Quant  à  la  provenance  du  parasite,  Belelli  accuse  formellement 
l'eau  du  Nil  et  note  qu'il  est  à  peu  près  inconnu  dans  les  villes 
qui  reçoivent  de  l'eau  filtrée. 

La  bilharziose  s'observe  dans  toute  l'Egypte,  notamment 
dans  le  delta  du  Nil.  Les  médecins  qui  nous  ont  laissé  des  rela- 
tions de  l'expédition  d'Egypte  en  1799,  ont  noté  que  les  soldats 
français  avaient  souffert  d'hématurie  ;  il  est  à  peu  près  certain 
que  ces  désordres  étaient  causés  par  la  Bilharzie. 

D'Egypte,  le  parasite  s'étend  tout  le  long  de  la  côte  orientale 
d'Afrique,  jusqu'au  cap  de  Bonne-Espérance  ;  il  est  vrai  que  sa 

(1)  Wortabeh  en  a  observé  deux  cas  à  Beyrouth.  Il  ne  dit  pas  si  ses  malades 
étaient  allés  ou  non  en  Egypte. 


650  ORDRE  DES   TRÉMATODES. 

présence  n'a  pas  été  suffisamment  observée  sur  toute  l'étendue 
du  littoral,  mais  on  l'a  notée  en  des  points  si  divers,  qu'on  est 
autorisé  à  penser  que  des  recherches  ultérieures  nous  la  feront 
connaître  dans  les  régions  où  on  ne  l'a  point  encore  signalée. 
Les  habitants  de  Tibbu,  de  Tciad,  du  Darfour  et  du  Kordofan 
sont  fréquemment  atteints  d'hématurie  que  Nachtigall  attribue 
à  la  Bilharzie.  Au  bord  du  lac  Nyassa  et  dans  tout  le  bassin  du 
Zambèze,  les  habitants  sont  également  atteints  d'hématurie  et 
en  font  remonter  la  cause  à  des  Vers  qu'ils  verraient  sortir  de 
temps  en  temps  par  le  canal  de  l'urèthre. 

Le  parasite  a  été  du  moins  reconnu  d'une  façon  certaine  à 
Zanzibar,  à  Natal  (Gobbold),  à  Pietermaritzburg  (Allen).  On  le 
voit  aussi,  mais  plus  rarement,  dans  la  Cafrerie  anglaise: 
Spredy  l'a  observé  à  East  London,  ville  côtière  à  l'embouchure 
du  Buffalo  et  à  King  William's  Town,  ville  située  plus  haut  sur 
ce  même  fleuve  ;  on  ne  le  cite  pas  plus  avant  dans  les  terres.  On 
le  rencontre  encore  assez  fréquemment  au  Gap,  où  John  Harley 
l'a  vu  le  premier,  en  1864;  on  l'a  vu  notamment  à  Uitenhage, 
ville  située  sur  le  Zwartekop  River,  à  3  lieues  de  son  em- 
bouchure dans  la  baie  d'Algoa,  et  à  Port-Elisabeth,  ville  située 
sur  la  baie  même  et  tirant  ses  légumes  d'Uitenhage. 

Quant  aux  cas  que  certains  auteurs  disent  avoir  observés  à 
Madagascar,  à  Maurice  et  à  la  Réunion,  nous  les  considérons 
comme  insuffisamment  démontrés  et  nous  les  rapportons  à 
l'hématurie  intertropicale  causée  par  la  Filaire  du  sang. 

L'espèce  Bilharzia  hœmatobia  n'est  point  particulière  à 
l'Homme  ;  Gobbold  l'a  retrouvée  chez  un  Singe  égyptien  (Cer- 
copithecus  fuliginosus),  mort  au  Jardin  zoologique  de  Londres. 
D'autre  part,  Sonsino  a  découvert  chez  le  Bœuf  et  le  Mouton 
une  espèce  particulière  qu'il  décrivit  d'abord  sous  le  nom  de 
B.  bovis,  puis  sous  celui  de  B.  crassa. 

W.  Griesinger,  Klinische  und  anatomische  Beobachlungen  iïber  die  Krank- 
heiten  von  JEgypten.  Archiv  fur  physiol.  Heilkunde,  XIII,  p.  561,  1854.  Ge- 
sanimelle  Abhandlungen,  II,  p.  479,  1872.  —  Id.,  Dos  Wesen  dev  exotischen 
lltimaturie.  Archiv  (1er  Heilkunde,  VII,  p.  9G,  1866.  Gesammelte  Abhandlun- 
gen, II,  p.  472,  1872. 

Th.  Bilharz,  Distomum  fi.vmatobium  und  sein  Verhiillniss  zu  gewissen  pa- 
thologischen  Verdnderungen  dev  menscbiu-hcn  Havnovgane.  Wiener  med. 
Wochenschrift,  VI,  p.  49  et  65,  18TJG. 

C.  M.  Diesing,  Revision  dev  Myzhelminthen.  Abtheilung  :  Tvematoden. 
Sitzungsber. der Wiener  Akad.  derWiss.,math.-nat.Classe,XXXII,p.307,  1858. 


B1LHARZIA   H.-EMATOBIA.  Col 

T.  Sp.  Cobbold,  On  some  new  forms  of Entozoa  (Bilharzia  magna).  Trans. 
of  tho  Linnean  Society,  XXII,  p.  364,  1859.  —  Id.,  Synopsis  of  the  Distomida>. 
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Times,  I,  p.  161,  1864.  —  Id.,  A  second  communication  oji  the  endémie  hsema- 
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induce  nelV  orgnnismo  umano,  loro  importanza  corne  fattori  délia  morbidité 
e  mortalité  in  Egitto,  con  cenno  sopra  una  larva  di  lnsetto  par  as  si  ta  delV 
l'omo.  L'Imparziale,  XV,  p.  738.  1875;  XVI,  p.  3  e  33,  1876.  —  Id.,  La  Bil- 
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(Bilharzia  bovis\  Rendiconto  délia  R.  Accad.  délie  se.  fis.  e  mat.,  1876.  — 
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632  ORDRE  DES  TRÉMATODES. 

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a 

Les  Trématodes,  avons-nous  dit  déjà  (page  540),  ont  avec  les  Ces- 
Iodes  des  relations  si  étroites,  qu'on  doit  considérer  ces  deux  ordres 
de  Vers  comme  ayant  eu  à  l'origine  un  point  de  départ  commun. 
Tous  deux  se  sont  adaptés  à  la  vie  parasitaire  et  ont  subi  des  régres- 
sions diverses  :  très  accentuées  chez  les  Gestodes,  celles-ci  sont  moins 
considérables  chez  les  Trématodes,  qui  se  rapprochent  par  consé- 
quent davantage  du  type  primitif.  Comme  il  arrive  souvent  chez  les 
parasites,  l'atrophie  a  porté  notamment  sur  les  organes  des  sens  : 
c'est  ainsi  que  la  Douve  adulte  ne  présente  plus  aucune  trace  de  l'ap- 
pareil oculaire,  parfois  pourvu  d'un  cristallin,  qui  s'observe  chez  l'em- 
bryon in  fusori  forme. 

La  structure  de  ce  dernier  rappelle  si  bien  celle  des  Aneuriens,  et 
particulièrement  celle  des  Orthonectides,  qu'on  ne  sera  point  sur- 
pris de  nous  voir  maintenir  ces  animaux  parmi  les  Vers  :  ils  appa- 
raissent comme  des  Plathelminthes  demeurés  au  premier  état  lar- 
vaire, bien  qu'ils  soient  capables  de  se  multiplier  par  voie  sexuelle. 

L'appareil  excréteur  des  Trématodes  ressemble  beaucoup,  dans  sa 
disposition  générale,  a  celui  des  Ceslodes.  Comme  chez  ces  derniers, 
il  se  réduit  essentiellement  à   un  système   de    fins   canalicules  qui 


ORDRE  DES  TURBELLARIÉS.  653 

prennent  naissance  dans  de  petits  entonnoirs  ciliés  communiquant 
avec  un  cœlôme  rudimentaire,  représenté  par  un  système  lacunaire  ; 
ces  canalicules  se  réunissent  entre  eux,  de  manière  à  former  de  gros 
canaux  qui  s'étendent  dans  toute  la  longueur  du  corps  et  qui  abou- 
tissent finalement  à  une  vésicule  terminale  débouchant  à  l'extérieur. 
L'appareil  excréteur  des  Cestodes,  il  est  vrai,  est  caractérisé  par  la 
présence  de  foramina  secundaria  et  par  l'absence  habituelle  de  vési- 
cule terminale,  mais  ce  sont  là,  comme  l'a  montré  Fraipont,  des  dif- 
férences qui  n'ont  rien  d'essentiel  et  qui  s'expliquent  amplement  par 
l'allongement  du  corps  et  la  tendance  plus  ou  moins  accusée  à  la 
métamérisation. 

ORDRE  DES  TURBELLARIÉS 

Les  Turbellariés  ressemblent  beaucoup  aux  Trématodes,  tant  par  la 
forme  extérieure  que  par  l'organisation  interne.  Sauf  de  rares  formes 
parasites  (Graffilla,  Fecampia),  ils  vivent  librement  dans  l'eau  douce  ou 
salée  ou  même  dans  la  terre  humide  :  aussi  sont-ils  dépourvus  de  tout 
appareil  fixateur  (ventouses,  crochets)  et  recouverts  de  cils  vibratiles 
sur  toute  leur  surface.  Le  tégument  renferme  des  organes  urticants  de 
conformation  variable,  nés  dans  des  cellules  particulières  :  ce  sont 
des  nématocystes  semblables  à  ceux  des  Cœlentérés  (Microstoma  li- 
neare),  des  toxocystes  (i)  ou  cellules  lançant  au  loin  une  aiguille  libre 
(Planaria  quadrioculala) ,  des  bâtonnets  de  formes  très  diverses  (Me- 
sostoma),  des  filaments  mucilagineux  (Plagiostoma)  :  leur  situation  le 
long  des  nerfs  ou  à  proximité  des  ganglions  permet  de  les  considérer 
comme  des  organes  tactiles.  On  trouve  encore  dans  les  téguments 
diverses  matières  pigmenlaires  (chlorophylle  :  Vartex  viridis)  et  des 
glandes  muqueuses  piriformes  :  celles-ci  deviennent  parfois  de  véri- 
tables organes  à  venin,  surmontés  d'une  épine  chitineuse  canaliculée 
(Convoluta  paradoxa).  Le  système  dermo -musculaire  est  formé  au 
moins  de  deux  assises  de  fibres  longitudinales  et  transversales  ;  il 
comprend  parfois  encore  une  couche  diagonale.  Le  cœlôme  n'est  re- 
présenté que  par  les  fines  lacunes  dans  lesquelles  prend  naissance 
l'appareil  excréteur;  quelquefois  cependant  on  observe  des  lacunes 
plus  vastes  autour  du  tube  digestif. 

Ce  dernier  est  toujours  dépourvu  d'anus,  sauf  de  très  rares  excep- 
tions (Microstoma  lineare).  La  bouche,  située  à  la  face  ventrale,  est 
quelquefois  reportée  jusqu'au  milieu,  parfois  même  encore  plus  en 
arrière.  Elle  mène  dans  un  pharynx  ordinairement  musculeux,  qui 
est  souvent  protraclile  à  la  façon  d'une  trompe  et  dans  lequel  viennent 

1)  To£euu>,  lancer  des  flèches;  v/ja-\^  vessie,  cellule. 


634  ORDRE  DES   TURBELLARIÉS. 

fréquemment  aboutir  des  glandes  salivaires.  Quant  au  reste,  l'appareil 
digestif  présente  d'importantes  variations  que  nous  étudierons  plus 
loin  :  c'est  sur  sa  structure  que  repose  la  classification  des  Turbel- 
lariés. 

Le  système  nerveux,  analogue  à  celui  des  ïrématodes,  est  formé  de 
deux  ganglions  antérieurs,  réunis  par  une  commissure  transversale 
et  émettant  en  divers  sens  des  filets  nervenx;  les  deux  nerfs  princi- 
paux se  portent  en  arrière  et,  dans  certains  cas,  se  rattachent  l'un  à 
l'autre  par  une  ou  plusieurs  commissures  transversales. 

Les  organes  des  sens  sont  représentés  par  des  taches  oculaires  et 
par  des  otocystes.  Les  premières  sont  des  amas  de  pigment  noir,  brun 
ou  rouge,  disposés  par  paires  sur  les  ganglions  cérébraux  ou  recevant 
de  ceux-ci  des  nerfs  particuliers;  les  taches  pigmentaires  ne  sont 
souvent  qu'au  nombre  de  deux  et  renferment  alors  en  leur  milieu  un 
ou  plusieurs  organes  réfractant  la  lumière,  véritables  cristallins  à 
chacun  desquels  aboutit  un  nerf.  Les  otocystes  sont  plus  rares  : 
quand  il  existe,  l'organe  auditif  est  toujours  simple,  médian  et  situé 
dans  le  voisinage  des  ganglions  nerveux;  il  renferme  un  ololithe 
sphérique  ou  discoïde,  ayant  parfois  encore  la  forme  d'un  bouton 
de  chemise.  Les  yeux  et  les  otocystes  coexistent  souvent  (Convohita 
Schultzei). 

Delage  a  décrit  chez  cette  même  espèce,  sous  le  nom  ftorgane 
frontal,  un  appareil  sensoriel  particulier,  constitué  par  une  masse 
ovoïde,  claire,  réfringente,  située  à  l'extrémité  antérieure.  Le  corpus- 
cule s'étend  du  système  nerveux  central  à  la  face  profonde  des  tégu- 
ments qui,  à  ce  niveau,  sont  dépourvus  de  cils  et  munis  de  courtes 
papilles  coniques.  L'organe  est  limité  sur  les  côtés  par  une  double 
couche  de  cellules  ganglionnaires;  quelques  autres  cellules  de  même 
nature  se  trouvent  à  son  intérieur,  entremêlé  es  à  un  réseau  nerveux 
d'où  partent  finalement  des  filets  qui  viennent  se  terminer  chacun 
dans  l'une  des  papilles  susdites.  L'appareil  est  très  mobile  et  l'animal 
s'en  sert  pour  explorer  sans  cesse  à  l'environ. 

Si  l'organe  précédent  appartient  certainement  au  sens  du  toucher, 
il  faut  sans  doute  rapporter  à  celui  de  l'odorat  un  autre  organe  dé- 
couvert par  Hallcz  chez  Mesostoma  lingua.  11  s'agit  d'une  fossette  située 
sur  la  ligne  médiane  ventrale,  entre  l'extrémité  antérieure  et  la 
bouche,  un  peu  en  arrière  du  cerveau.  Elle  se  dirige  obliquement 
d'arrière  en  avant  et  se  bifurque  à  son  extrémité  ;  elle  reçoit  ses 
nerfs  de  la  face  inférieure  du  cerveau. 

L'appareil  excréteur  fait  défaut  chez  les  Acœles  ;  il  est  diversement 
conformé  dans  les  autres  groupes,  bien  que  construit  sur  le  même 
plan  général  que  chez  les  Trématodes.  Parfois  formé  d'un  seul  tronc 
médian  (Stenostoma),  il  comprend  plus  ordinairement  deux  troncs  qui 


ORDRE   DES   TURBELLARIÉS.  655 

se  réunissent  postérieurement  en  une  seule  branche  débouchant  au 
dehors  par  un  orifice  unique  [Plagiostoma,  Pronotis).  Dans  d'autres 
cas,  les  deux  troncs  restent  distincts  et  s'ouvrent  séparément  à  l'exté- 
rieur, par  des  orifices  situés  soit  en  arrière  et  sur  les  côtés  (Derostoma, 
Gyrator),  soit  vers  le  milieu  du  corps,  au  moyen  de  branches  trans- 
versales (Pvorhynchus),  soit  enfin  dans  le  vestibule  du  pharynx  (Vortex, 
Mesostoma).  Chez  Gunda  segmejitata,  l'appareil  aquifère  a  une  disposi- 
tion rappelant  celle  des  organes  segmentaires  des  Hirudinées. 

La  plupart  des  Turbellariés  sont  hermaphrodites  et  se  reproduisent 
par  voie  sexuelle  ;  par  exception,  Microstoma  et  Stenostoma  sont  dioï- 
ques  et  peuvent  se  reproduire  par  un  bourgeonnement  analogue  à 
celui  qui  produit  la  chaîne  des  anneaux  d'un  Ténia,  si  ce  n'est  que  ce 
bourgeonnement  se  fait  ici  à  l'extrémité  postérieure,  comme  l'a  dé- 
montré Hallez.  L'intestin  se  ferme  par  une  double  cloison,  puis  un 
nouveau  pharynx  et  un  nouveau  système  nerveux  central  se  dévelop- 
pent dans  chaque  segment.  Les  glandes  génitales  sont  diversement 
conformées  ;  la  présence  du  cirre  est  constante,  mais  sa  forme  et  son 
armature  sont  variables.  Les  orifices  mâle  et  femelle,  habituellement 
réunis  en  un  même  sinus  génital,  sont  parfois  séparés  {Macrostoma, 
Convoluta). 

Le  sous-ordre  des  RHABDOCŒLEs'comprend  les  Turbellariés,  dont  l'in- 
testin est  droit  et  sans  ramifications  ou  absent.  Ce  dernier  cas  s'ob- 
serve chez  les  Acœles,  dépourvus  d'appareil  aquifère,  mais  possédant 
tous  un  otocyste  [Convoluta,  Proporus)  :  les  aliments  sont  amenés  par 
l'œsophage  dans  une  masse  sarcodique  qui  les  englobe  et  les  digère 
à  peu  près  comme  cela  se  fait  chez  les  Infusoires;  d'après 
Pereyaslawzew,  on  Irouverait  pourtant  une  cavité  digestive  sur  des 
coupes  transversales. 

Les  Rhabdocœles  proprement  dits  ont  un  appareil  aquifère,  mais 
rarement  un  otocyste.  A  l'exemple  des  Acœles,  les  Macrostomides 
Macrostoma,  Orthostoma)  et  les  Microstomides  (Microstoma,  Stejiosto- 
ma,  DinopJiylus  ont  un  pharynx  simple  et  non  musculeux  ;  dans  les 
autres  groupes,  cet  organe  présente  les  formes  les  plus  diverses  et, 
par  suite  de  la  production  d'un  repli  particulier  ,  est  précédé 
d'une  sorte  de  vestibule  dans  lequel  viennent  s'ouvrir  les  canaux 
excréteurs. 

La  plupart  des  Rhabdocœles  vivent  dans  l'eau  douce:  de  Man  a  fait 
voir  pourtant  que  quelques-uns  sont  terrestres  [Geocentrophora  sphy- 
rocephala),  et  Giard  a  décrit  sous  le  nom  de  Fecampia  erythrocephala 
une  curieuse  espèce  marine,  très  commune  sur  les  plages  deFécamp 
et  d'Yport  et  qui,  pendant  le  jeune  âge,  vit  en  parasite  dans  la  cavité 
générale  de  divers  Crustacés  décapodes. 

Le  sous-ordre  des  Dendrucœles  renferme  des  espèces  à  intestin  ra- 


656 


ORDRE   DES  TURBELLARIES. 


mifié,  à  pharynx  musculeux  et  ordinairement  protractile;  on  les  con- 
naît sous  le  nom  général  de  Planaires.  Certaines  formes,  dont  la 
plupart  sont  d'eau  douce  ou  terrestres,  ont  un  orifice  génital  unique 
(Triclades   ou   Monogonopores  :  Planaria,    Dendrocœlum,    Polycelis 

(fig.  336),  Geoplana)  ;  d'autres,  ma- 
rines, ont  un  orifice  sexuel  double 
(Polyclades  ou  Digonopores  :  Sty- 
lochus,  Leptoplana ,  Cephalolepta, 
Thysanozoon).  Les  Triclades  ont  un 
appareil  excréteur  ;  les  Polyclades 
en  semblent  dépourvus. 

Nous  avons  déjà  signalé  les  affi- 
nités des  Turbellariés  avec  les  Tré- 
matodes.  Il  est  extrêmement  re- 
marquable de  constater  que  ces 
mêmes  animaux  se  rattachent  aux 
Cténophores,  au  moins  par  deux 
formes  de  passage. 

Kowalewsky  a  décrit  sous  le  nom 
de     Cœloplana    Metschnihoivi    une 
Planaire  de  la  mer  Rouge  qui,  de 
chaque  côté  de  l'otocyste,  présente 
une  poche  dans  laquelle  peut  s'a- 
briter un  long  tentacule  rétractile  ; 
ce  dernier  est  ramifié  et  fort  sem- 
blable à  celui  de  Cydippe  ou  d'Es- 
chscholtzia,  si  ce  n'est  qu'il  n'est 
creusé   d'aucun  canal.  L'estomac 
est  quadrilobé  et  rappelle  l'enton- 
noir des  Cténophores  ;  il  émet  un 
grand  nombre  de  canaux  qui  rayon- 
nent vers  la  périphérie  et  se  jet- 
tent tous  dans  un  canal  circulaire 
marginal. 
D'autre  part,  Korotneflf  a  trouvé  à  Poulo-Pandane    un  Cténophore 
rampant,  Ctenoplana  Kowalewskyi.  Cet  animal  se  rapproche  beaucoup 
des  Planaires  et  est  muni  de  huit  paires   de  plaques   vibratiles   qui 
peuvent  se  retirer  dans  des  poches  spéciales. 

Les  Turbellariés  sont  donc  alliés  aux  Cœlentérés,  mais  l'adaptation 
à  la  vie  de  reptation  les  a  profondément  modifiés.  Nous  avons  noté 
déjà  qu'une  Triclade  marine,  Gunrta,  faisait  d'autre  part  la  transition 
avec  les  Hirudinées. 


Fig.  336.  —  Anatomie  de  Polycelis 
levigatus.  —a,  bouche  ;  6,  trompe  ; 
c,  cardia;  d,  estomac;  e,  ramifica- 
tions gastriques  ;  f,  cerveau  et 
nerfs;  g,  testicule;  h,  vésicule  sé- 
minale ;  £,  cirre  ;  k,  oviducte;  l, 
poche  copulatrice;  m,  orifice  géni- 
tal femelle.  —  Des  œufs  sont  ré- 
partis dans  toutes  les  lacunes  du 
corps. 


ORDRE   DES   NÉMERTIENS.  657 

P.  Hallez,  Contributions  à  l'histoire  naturelle  des  Turbellariés.  Thèse  de  la 
Sorbnnne.  1879.  —  Id.,  ^ur  un  nouvel  organe  des  sens  'lu  Mesostomn  lingua 
Ose.  Scfun.  Comptes  rendu*  de  l'Acad.  des  sciences,  Cil,  p.  G84,  1886. 

A.  Kowalewsky,  Ueber  Cœloplaua  Metschnitkowi.  Zoolog.  Anzeiger,  III, 
p.  140,  18S0. 

A.  Giard,  Un  nouveau  type  de  transition,  Cœloidana  Metschnikowi.  Bull, 
scientif.  du  département  du  Nord,  (2),  III,  p.  251,  188').  —  Id.,  Sur  un  Rhab- 
docœle  nouveau,  porosité  et  nidulant  {Fecampia  erythroce^hala).  Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  CM,  p.  4  99,  1886. 

S.  Pereyaslawzew,  Sur  le  développement  des  Turbellariés.  Zoolog.  Anzeiger, 
VIII,  p.  569,  1*85. 

Y.  Delage,  De  l'existence  d'un  système  nerveux  chez  les  Planaires  acœfrs  et 
d'un  organe  des  sens  nouveau  chez  laConvoluta  Schultzei  0.  Schm.  Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  se,  CI,  p.  256,  1885. 

A.  Korotnpff,  Ctenoplana  Kowalewskyi.  Z.  f.  w.  Z.,  XLIFI,  p.  24?,  1886.  — 
Id.,  Compte  rendu  d'un  voi/age  scientifique  dans  les  Indes  néerlandaises. 
Bail,  de  l'Acad.  de  Belgique,  .3  ),  XII,  p.  5i0,  1886.  Voir  p.  562. 

G.  Dutilleul,  Un  nouveau  type,  de  transition,  Ctenoplana  Kowalewskyi. 
Bull,  scientif.  du  département  du  Xord,    2  ,  IX.  p.  282,  1886. 


ORDRE   DES   NEMERTIENS 

Les  Xémertiens  sont  souvent  confondus  avec  les  Turbellariés,  dont 
ils  se  distinguent  pourtant  par  leur  corps  allongé,  par  leur  taille  con- 
sidérable et  par  leur  organisation  plus  parfaite.  Le  corps,  souvent 
aplati,  est  limité  par  un  épidémie  cilié. 

Le  système  nerveux  a  la  même  disposition  que  chez  les  animaux 
précédents,  mais  prend  un  grand  développement;  le  cerveau  se 
divise  en  deux  groupes  ganglionnaires  formant  un  anneau  qui  en- 
toure la  trompe.  Le  tube  digestif  débute  par  une  bouche  située  à  la 
face  ventrale  et  dans  la  région  antérieure;  il  est  rectiligne  et  présente 
toujours  à  son  extrémité  postérieure  un  anus  terminal.  L'intestin, 
pourvu  de  cils  vibratiles  à  son  intérieur,  présente  souvent  des  caecums 
latéraux.  Au-dessus  du  tube  digestif  se  voit  une  trompe  tubuleuse, 
prolractile,  plus  longue  que  le  corps,  à  l'intérieur  duquel  elle  se  re- 
plie sur  elle-même  ;  elle  fait  saillie  au  dehors  par  un  orifice  situé  au 
sommet  de  la  tète. 

Les  organes  des  sens  sont  représentés  par  des  taches  oculaires 
dont  l'existence  n'est  pas  constante,  par  des  otocystes  et  par  des  fos- 
settes ciliées,  situées  dans  la  région  céphalique  et  à  propos  desquelles 
on  a  émis  les  opinions  les  plus  diverses  :  Saint-Loup  pense  que  leur 
rôle  varie  suivant  les  espèces  et  qu'elles  sont,  suivant  leur  structure, 
tantôt  un  organe  auditif  Amphiporus  sipuncahis),  tantôt  un  appareil 
d'irrigation  \Lineus  viridis),  tantôt  un  appareil  excréteur  [Borlasia  Eli- 
zabethx).  Les  fossettes  ciliées  manquent  chez  Cephalothrix  et  chez 
Maiacoldella. 

Blanchard.  —  Zool.  med.  42 


658  ORDRE  DES  NÉMERTIENS. 

L'appareil  excréteur  est  encore  peu  connu;  toutes  les  espèces  ne 
semblent  pas  en  être  pourvues.  Il  en  est  au- 
trement pour  un  remarquable  appareil  cir- 
culatoire, constitué  par  trois  vaisseaux  lon- 
gitudinaux, deux  latéraux  et  un  dorsal.  Ces 
vaisseaux,  dont  la  paroi  est  contractile,  sont 
réunis  entre  eux  par  des  anses  à  chacune 
des  extrémités  et  à  la  hauteur  du  cerveau  ; 
de  nombreuses  anastomoses  transversales 
les  rattachent  encore  les  unes  aux  autres 
tout  le  long  de  leur  trajet.  Le  sang  qu'ils 
renferment  est  habituellement  incolore;  il 
est  parfois  coloré  en  rouge  par  des  globules 
imprégnés  d'hémoglobine  (Amphiporus  splen- 
dens,  Borlasia  splendida). 

Les  Némertiens  sont  unisexués,  sauf  de 
rares  exceptions  (Borlasia  hermaphroditica, 
B.  Refersteini).  Quelques-uns  sont  vivipares, 
les  embryons  se  développant  soit  dans  l'o- 
vaire (Prosorochmus  Claparedeï),  soit  dans  la 
cavité  viscérale  (Tetrastemma  obscurum , 
fig.  337). 

La  plupart  de  ces  Vers  vivent  dans  la 
mer,  sous  les  pierres  ou  dans  la  boue  ; 
quelques-uns  habitent  les  eaux  douces 
(Prorhynchus  stagnalis),  d'autres  encore  viven  t 
à  terre  (Tetrastemma  agricola,  Geonemertes 
pœelensis,  G.  chalicophora) .  Leur  vitalité  est 
surprenante;  des  parties  mutilées  repoussent 
sans  difficulté  et  des  fragments  du  corps 
peuvent,  dans  certains  cas,  reproduire  un 
animal  entier.  Quelques  espèces  sont  péla- 
giques (Pelagonemertes)  ;  d'autres  sont  para- 
sites, comme  Nemertes  carcinophila,  qui  se 
rencontre  dans  l'abdomen  de  la  femelle  de 
Carcinus  mœnas,  et  Malacobdella  grossa,  qui 
vit  sur  le  manteau  et  les  branchies  des  La- 
mellibranches. 

Le  sous-ordre  des   Enopla  comprend  des 

Vers  qui  se  développent  sans  métamorphose 

et  dont  la  trompe  est  armée  d'un  stylet  mé- 

/  dian  et  pourvue  latéralement  de  deux  sacs 

obscurum.  glandulaires;  l'animal  projette  sa  trompe  en 


ORDRE  DES  NEMERTIENS.  659 

la  retournant  complètement  sur  elle-même.  Ce  premier  groupe  ren- 
ferme les  genres  Amphiporus,  Tetrastemma,  Nemertes,  Prorhynchus  et 
Geonemertes. 

Dans  le  sous-ordre  des  Anopla,  la  trompe  est  inerme  et  le  dévelop- 
pement se  fait  ordinairement  au  moyen  de  larves  ciliées.  Une  forme 
larvaire  spéciale,  dite  larve  de  Desor,  n'a  encore  été  vue  que  chez 
Lineus  ;  cette  larve  n'a  pas  d'existence  libre.  Dans  d'autres  Némer- 
tiens  de  ce  groupe,  la  larve  libre  et  ciliée  porte  le  nom  de  Pilidium 


Fig.  338.  —  Deux  stades  du  développement  de  Pilidium, 
d'après  Metschnikoff. 

(fig.  338);  la  jeune  Némerte  ne  provient  point  de  sa  transformation, 
mais  se  développe  plutôt  à  son  intérieur. 

Le  groupe  des  Anopla  renferme  les  genres  Lineus,  Cerebratulus, 
Micruria,  Carinella,  Cephalothrix  et  Malacobdella.  Signalons  aussi 
Avenardia  Priei,  Némertien  long  de  plus  d'un  mètre,  qui  n'a  encore  été 
trouvé  qu'au  Pouliguen;  ses  cœcums  intestinaux  présentent  des  ra- 
mifications dendritiques  rappelant  celles  des  Planaires  et  dont  on  ne 
trouve  d'autre  exemple,  parmi  les  Némertiens,  que  chez  Pelagone- 
mertes  Rollestoni.  La  Malacobdelle  est  un  véritable  Némertien,  bien 
que  longtemps  ou  l'ait  classée  parmi  les  Hirudinées  :  elle  n'a  pas  de 
fossettes  céphaliques  et,  comme  les  Sangsues,  présente  une  large 
ventouse  à  son  extrémité  postérieure. 

Les  affinités  des  Némertiens  sont  encore  incertaines  :  d'importants 
caractères  les  éloignent  notablement  des  Turbellariés  et  des  types 
qui  en  dérivent  (Trématodes  et  Cestodes);  par  la  Malacobdelle,  ils  se 


660 


ORDRE  DES   NEMATODES. 


rapprochent,  au  contraire,  des  Hirudinées,  avec  lesquelles  ils  n'ont 
pourtant  que  des  rapports  très  lointains.  11  n'est  pas  possible,  dans 
l'état  actuel  de  nos  connaissances,  de  fixer  d'une  façon  précise  leurs 
relations  avec  les  autres  animaux. 

J.  Barrois,  Mémoire  sur  l'embryologie  des  Némertes.  Annales  des  se.  nat., 
(6),  XI,  1"877 

A.  Giard,  Sur  l'Avennrdia  Prier,  Némertien  géant  de  la  côte  occidentale  de 
France.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  LXXXVII,  p.  72,  1878. 

R.  Saint-Loup,  Sur  les  fossettes  céphaliques  des  Némertes.  Ibidem,  Cil, 
p.  1576,  1886. 

"W.  Salensky,  bau  und  Métamorphose  des  Pilidium.  Z.  f.  w.  Z.,  XLIII, 
p.  481,  1886. 

CLASSE  DES  NÉMATHELMINTHES 


Les  Némathelminthes  sont  des  Vers  filiformes,  cylindriques, 
non  ciliés,  à  corps  non  segmenté,  bien  que  le  tégument  pré- 
sente souvent  une  annulation  super- 
ficielle; presque  tous  sont  unisexués. 
Cette  classe  comprend  trois  ordres 
importants,  les  Nématodes,  les  Gor- 
diens et  les  Acanthocéphales,  dont 
nous  aurons  à  faire  l'étude;  elle  ren- 
ferme encore  trois  ordres  secondaires, 
les  Chétognathes  [Sagilta,  fig.  339), 
les  Chétosomes  (Chœfosoma,  Rhabdo- 
gaster)  et  les  Desmoscolécides  (Desmo- 
scolex),  dont  la  description  nous  en- 
traînerait trop  loin. 

ORDRE  DES   NÉMATODES 

Les  Nématodes  ont  le  corps  allongé, 
fusiforme  ou  filiforme;  ils  sont  pour- 
vus d'une  bouche  et  d'un  tube  diges- 
tif se  terminant  par  un  anus.  Cet 
ordre  renferme  un  nombre  considé- 
rable d'espèces,  dont  le  genre  de  vie 
les  unes  sont  libres  dans  l'eau  douce, 
dans  la  mer,  dans  la  terre  humide,  ou  encore  dans  des  liquides 
organiques  (vinaigre,  colle  de  pâte,  etc.)  ;  les  autres  sont  para- 


Fig.  339.  —  Sagilta  bipunc 
tata,  d'après  Krolin. 

est  des  plus  variables 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  661 

sites  chez  des  animaux  ou  chez  des  plantes.  On  peut  les  répar- 
tir en  un  certain  nombre  de  familles  naturelles ,  dont  plusieurs 
sont  représentées  chez  l'Homme. 

FAMILLE     DES    ASCARIDES 

Les  Vers  de  ce  groupe  ont  le  corps  relativement  ramassé  sur 
lui-  même,  bien  que  quelques-uns  puissent  atteindre  de  grandes 
dimensions.  La  bouche  est  entourée  de  trois  lèvres  ou  nodu- 
les :  l'une  occupe  la  face  dorsale,  les  deux  autres  se  touchent 
sur  la  ligne  médiane  de  la  face  ventrale.  Cette  importante 
famille  renferme,  entre  autres,  les  genres  Ascaris,  Heterakis, 
Oxijuris,  Nematoxys  et  Oxysoma;  le  premier  et  le  troisième 
renferment  des  parasites  de  l'Homme. 


Ascaris  lumbricoides  Linné,   1758. 

Synonymie  :  "EXjj.iv;  Hippocrate. 

"E),[jliv;  crTpoyyO>?]  Aristote. 

Tinea  rotunda  Pline. 

Lumbricus  teres  Celse. 

L.  longus  et  rotundus  Sérapion. 

L.  rotundus  Caelius  Aurelianus. 

Ascaris  gigas  Goze,  1782. 

F  maria  lumbricoides  Zeder,  1800. 

L'Ascaride  lombricoïde  vit  en  parasite  dans  l'intestin  grêle 
de  l'Homme.  La  femelle  pond  dans  l'intestin  des  œufs  qui  sont 
expulsés  avec  les  matières 
fécales,  à  l'intérieur  des- 
quelles le  médecin  doit  sa- 
voir les  reconnaître.  Ce  sont 
des  œufs  ovoïdes  (fîg.  340), 
blancs  avant  la  ponte,  tein- 
tés ensuite  en  brun  par  les 
sucs  intestinaux,  pourvus 
de  deux  enveloppes  distinc- 
tes :  l'interne  est  lisse  et  ré- 
sistante; l'externe  est  consti- 
tuée par  une  couche  albumineuse  transparente  et  mamelonnée, 
qui  donne  à  la  coque  un  aspect  mûriforme.  L'œuf  mesure  75  jx. 
sur  58  [x. 


Fig.  340.  —  Œufs  d'Ascaris  lumbricoides. 


662  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

Le  développement -embryonnaire  se  fait  dans  l'eau  et  ne 
commence  que  longtemps  après  que  l'œuf  a  été  expulsé  de 
l'intestin  de  l'Homme:  c'est  seulement  au  bout  de  cinq  à  six 
mois  qu'on  peut  distinguer  l'embryon  à  son  intérieur.  Pendant 
les  chaleurs  de  l'été,  le  développement  se  fait  assez  rapide- 
ment; mais  en  automne  et  en  hiver,  l'œuf  peut  rester  cinq, 
six  et  huit  mois  sans  présenter  la  moindre  trace  de  segmenta- 
tion. 

Gros,  de  Moscou,  est  le,  premier  observateur  qui  ait  étudié  le  déve- 
loppement de  l'Ascaride.  Le  4  août,  des  œufs  sont  mis  dans  une 
étuve  dont  la  température  est  de  15  à  16°  :  dans  les  vingt-quatre  pre- 
mières heures,  ils  se  développent,  puis  en  restent  là  sans  pourtant 
se  détruire.  Le  2  décembre,  ils  sont  en  parfait  état  de  développement; 
ils  sont  restés  tout  l'été  «  en  état  de  vésiculation.  » 

La  question  fut  également  étudiée  par  Schubart,  prosecteur  à 
Utrecht  ;  ses  observations,  faites  en  1853  sur  Ascaris  megalocephala,  du 
Cheval,  furent  communiquées  par  Verloren  en  1857,  au  Congrès  des 
naturalistes  allemands.  Vers  la  même  époque,  Richter  constatait 
également  que  les  œufs  d'A.  lumbricoides  restent  longtemps  dans 
l'eau  ou  dans  des  infusions  corrompues  sans  se  détruire  :  plaçant 
ces  œufs  dans  l'eau,  il  vit,  au  bout  de  onze  mois,  que  tous  renfer- 
maient un  embryon  immobile. 

Ces  essais  de  culture  furent  bientôt  poursuivis  par  d'autres  obser- 
vateurs. Au  Congrès  de  1857,  Leuckart  présenta  des  œufs  d'A.  lumbri- 
coides, à  l'intérieur  desquels  l'embryon  était  mobile.  Leur  dévelop- 
pement s'était  effectué  dans  l'eau  et  avait  duré  de  cinq  à  six  mois. 
La  rapidité  du  développement  est  soumise  à  des  variations  considé- 
rables et  dépend  notamment  de  la  température  :  en  hiver,  même  dans 
une  chambre  chauffée,  l'évolution  ne  fait  pour  ainsi  dire  aucun 
progrès,  mais  les  fortes  chaleurs  de  l'été  l'activent  à  tel  point  que 
l'embryon  peut  quelquefois  être  déjà  tout  formé  au  bout  de  deux 
semaines.  La  dessiccation  arrête  le  processus  embryogénique  pendant 
plus  ou  moins  longtemps,  mais  cet  arrêt  n'est  point  définitif.  L'em- 
bryon lui-môme  peut  être  desséché  sans  perdre  sa  vitalité  ;  l'addition 
d'un  peu  d'eau  le  ramène  à  son  état  primitif. 

De  son  côté,  Davaine  étudia  avec  soin  le  développement  et  les  mi- 
grations de  l'Ascaride.  Le  15  décembre  1861,  il  recueille  des  œufs 
dans  les  selles  d'un  enfant  et  les  met  dans  l'eau.  11  en  fait  deux 
parts,  dont  l'une  est  conservée  dans  un  appartement  et  l'autre  dans 
une  cave.  Les  premiers  commencèrent  à  se  développer  à  la  fin  de 
mai  1862.  Les  autres  ne  présentaient  encore  aucun  indice  de  déve- 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  663 

loppement,  à  la  date  du  12  juillet  1863  ;  le  flacon  qui  les  contenait 
ayant  alors  été  exposé  au  soleil,  les  œufs  ne  tardèrent  pas  à  se  seg- 
menter. Les  conditions  extérieures  exercent  donc  une  grande 
influence  sur  la  marche  du  développement  ;  toutefois,  les  œufs  d'une 
même  ponte,  placés  dans  les  mêmes  conditions,  offrent  entre  eux  de 
grandes  différences  dans  l'époque  ou  dans  la  rapidité  du  déve- 
loppement. 

Celui-ci  se  fait  dans  l'eau,  ainsi  que  dans  la  terre  ou  dans  une 
atmosphère  humide  ;  il  n'a  point  lieu  dans  une  atmosphère  sèche  (1). 
Conservés  plus  d'un  an  dans  des  matières  fécales  desséchées,  les 
œufs  n'offrent  aucun  indice  de  développement  ;  leur  rend-on  alors 
de  l'humidité,  on  constate  que  tous  n'ont  pas  perdu  la  faculté  de  se 
développer.  La  gelée  ou  une  température  de  42°  les  laisse  parfaite- 
ment intacts.  Un  séjour  de  plusieurs  mois  dans  de  l'urine  ou  dans 
des  matières  putréfiées  leur  fait  perdre  la  faculté  de  se  segmenter  ou 
tue  l'embryon  déjà  formé  à  leur  intérieur;  mais  on  observe  encore 
d'assez  grandes  variations  sous  ce  rapport. 

L'embryon  est  cylindrique,  long  de  250  à  300  {/..  Son  extrémité 
antérieure  est  obtuse;  la  postérieure  est  brusquement  amincie  et 
acumince.  Pendant  les  premiers  temps  de  sa  formation,  et  quand  la 
température  est  élevée,  on  le  voit  se  mouvoir  à  l'intérieur  de  l'œuf.  11 
peut  rester  jusqu'à  cinq  années  renfermé  dans  ce  dernier;  ses  mou- 
vements se  ralentissent  et  se  manifestent  à  de  plus  grands  intervalles  ; 
il  tombe  ainsi  en  vie  latente.  Quand  finalement  la  mort  arrive,  ses 
tissus  subissent  la  dégénérescence  graisseuse. 

L'embryon  ne  sort  pas  spontanément  de  l'œuf,  tant  que  celui-ci 
reste  dans  la  terre  humide  ou  dans  l'eau.  Davaine  a  montré,  par  des 
expériences  sur  le  Chien,  que  si  l'œuf  est  introduit  dans  l'intestin, 
par  exemple  avec  l'eau  de  boisson,  l'embryon  perce  sa  coque, 
ramollie  par  les  sucs  digestifs,  et  se  trouve  alors  dans  le  milieu  favo- 
rable à  son  développement  ultérieur. 

Le  8  octobre  1862,  Davaine  donne  à  un  Rat,  tenu  à  jeun  depuis 
vingt-quatre  heures,  du  lait  contenant  un  grand  nombre  d'œufs 
d'Ascaride  conservés  dans  l'eau  depuis  le  2  octobre  1857,  c'est-à-dire 
depuis  cinq  ans.  Au  bout  de  douze  heures,  le  Rat  est  sacrifié  :  le  lait 
occupe  tout  le  tube  digestif  depuis  l'estomac  jusqu'au  cœcum.  Dans 
l'estomac  et  dans  la  première  portion  de  l'intestin  grêle,  on  retrouve 
tous  les  œufs  intacts;  dans  la  seconde  moitié,  mais  presque  exclusi- 
vement à  la  fin  de  l'intestin  grêle,  on  trouve  des  embryons  sortis  de 
l'œuf  et  bien  vivants  et  d'autres  qui  sont  en  voie  d'éclosion  :  la  coque 

(1)  Hallez  a  montré  que  le  développement  ne  se  fait  point  davantage  dans 
une  atmosphère  dépourvue  d'oxygène. 


664  ORDRE   DES   NÉMATODES. 

n'est  point  dissoute,  mais  les  embryons  sortent  par  une  perforation 
qu'ils  ont  produite  à  l'un  des  pôles. 

Devenu  libre  dans  l'intestin  du  Rat,  l'embryon  est  incapable  de  se 
développer  en  un  pareil  milieu  :  il  est  bientôt  expulsé  avec  les  excré- 
ments. Mais  si  l'œuf  eût  été  introduit  dans  l'intestin  de  l'Homme, 
l'embryon  s'y  fût  sans  doute  maintenu  et  eût  atteint  son  développe- 
ment complet. 

Davaine  pense  donc  que  l'embryon  de  l'Ascaride,  en  quittant  l'œuf, 
ne  peut  trouver  ailleurs  que  dans  l'intestin  grêle  de  l'Homme  les  con- 
ditions de  son  évolution  ultérieure.  Il  en  conclut  que  ce  Nématode 
rentre  directement  chez  l'Homme  et  ne  passe  par  aucun  hôte  inter- 
médiaire. En  dehors  des  résultats  expérimentaux  qui  précèdent, 
Davaine  voit  encore  son  opinion  corroborée  par  différents  faits, 
entre  autres  par  ce  que  l'Ascaride,  très  commun  à  Paris  au  siècle 
dernier  et  jusque  dans  les  premières  années  de  ce  siècle,  y  est  devenu 
relativement  très  rare,  depuis  que  l'usage  des  eaux  filtrées  s'est 
répandu. 

Contrairement  à  ces  conclusions,  certains  auteurs  admettent  que 
l'Ascaride  passe  d'abord  par  un  premier  hôte  :  de  ce  nombre  sont 
Schneider,  Leuckart  (1)  et  von  Linstow. 

Ce  dernier  a  récemment  émis  l'opinion  que  l'hôte  intermédiaire 
de  l'Ascaride  était  un  Myriapode,  Iulus  guttulatus. 

Ce  petit  Chilognathe,  extrêmement  commun  dans  les  jardins,  se 
nourrit  de  préférence  de  graines  (concombre,  potiron,  haricots, 
fèves),  de  betteraves,  de  racines,  de  pommes  de  terre,  de  fruits 
tombés  à  terre,  etc.  ;  il  y  creuse  des  trous  au  fond  desquels  il  se 
blottit  en  s'enroulant  sur  lui-même,  de  manière  à  passer  aisément 
inaperçu.  Les  excréments  humains,  déposés  dans  les  jardins  ou  uti- 
lisés comme  engrais,  semblent  renfermer  des  substances  qui  l'at- 
tirent; du  moins  les  horticulteurs  et  les  maraîchers  sont-ils  d'accord 
pour  reconnaître  qu'il  est  particulièrement  abondant  dans  les  plan- 
tations amendées  avec  cet  engrais.  On  conçoit  que,  dans  de  sembla- 
bles conditions,  l'Iule  puisse  avaler  des  œufs  d'Ascaride.  L'embryon 
devient  libre  et,  grâce  à  la  dent  dont  il  est  armé,  perfore  l'intestin 
de  son  hôte  et  tombe  dans  la  cavité  générale  ou  bien  va  s'enkyster 
dans  quelque  organe.  La  larve  attend  en  cet  état  les  conditions  favo- 
rables à  la  suite  de  son  développement. 

Ces  conditions  se  trouvent  réalisées  quand  viennent  à  être  mangés 
les  fruits  ou  les  racines  dans  lesquelles  se  cache  le  Myriapode.  Ainsi 
s'expliquerait  l'extrême  fréquence   du    parasite  dans   l'intestin    du 

(1)  On  trouvera  le  détail  des  expériences  de  cet  auteur  dans  son  livre 
classique  sur  les  parasites  de  l'Homme,  H,  p.  221  et  suivantes. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  665 

Porc  (i),  et  sa  fréquence  presque  aussi  grande  chez  l'enfant.  L'Iule 
est  tué,  puis  digéré  dans  l'estomac  ou  l'intestin,  mais  la  larve  de 
l'Ascaride  est  respectée  et  ne  tarde  pas  à  parvenir  à  l'état  adulte.  On 
remarquera  que  le  parasite  est  plus  fréquent  chez  les  enfants,  qui 
mangent  volontiers  les  fruits  tombés  à  terre,  que  chez  les  adultes, 
et  qu'il  est  également  plus  commun  à  la  campagne  ou  dans  les 
"villages  que  dans  les  villes.  Leuckart  a  fait  également  ressortir  qu'il 
s'observe  avec  une  grande  fréquence  chez  les  maniaques  ou  chez  les 
individus  atteints  de  perversion  du  goût.  On  sait  enfin,  et  Hippocrate 
l'avait  déjà  noté,  qu'il  se  montre  de  préférence  à  la  fin  de  l'automne, 
en  sorte  qu'on  est  en  droit  d'admettre  que  l'infestalion  s'est  produite 
dans  le  courant  de  l'été  ou  de  l'automne. 

Telle  est  l'opinion  de  von  Linstow.  Elle  n'a  point  encore  reçu  la 
consécration  de  l'expérience  et,  d'autre  part,  ne  rend  point  compte 
des  cas  où  l'Ascaride  a  été  observé  chez  de  jeunes  enfants  à  la  ma- 
melle :  aussi  doit-on  ne  l'accueillir  qu'avec  une  extrême  réserve.  Elle 
est  d'ailleurs  en  contradiction  formelle  avec  les  expériences  de 
Davaine  que  nous  avons  rappportées  plus  haut,  ainsi  qu'avec  les  deux 
expériences  suivantes,  dues  à  Grassi  et  à  Calandruccio. 

Pendant  plus  d'un  an,  Grassi  recherche  dans  ses  selles  des  œufs 
d'Ascaride  ;  le  résultat  est  toujours  négatif.  Il  ingère  alors,  le  20  juillet 
1879,  une  centaine  d'oeufs  renfermant  des  embryons  vivants  et  mûrs  ; 
ces  œufs  avaient  été  recueillis  le  10  octobre  1878  dans  le  gros  intestin 
d'un  cadavre  et  cultivés  depuis  lors  dans  des  matières  fécales,  que 
l'on  maintenait  humides  en  y  ajoutant  de  temps  en  temps  quelques 
gouttes  d'eau.  A  partir  du  21  août  1879,  il  note  la  présence  constante 
d'œufs  d'Ascarides  dans  ses  matières  fécales  :  il  hébergeait  donc  dans 
son  intestin  un  ou  plusieurs  parasites. 

Un  élève  de  Grassi,  S.  Calandruccio,  avait  avalé  un  grand  nombre 
d'œufs  renfermant  des  embryons,  mais  sans  pouvoir  parvenir  à  s'in- 
fester. L'expérience  réussit  au  contraire  sur  un  jeune  garçon  de  sept 
ans.  Celui-ci  avait  eu  jadis  des  Ascarides,  mais  en  avait  été  totalement 
débarrassé.  Après  qu'on  se  fut  assuré,  par  l'examen  microscopique 
des  selles  pratiqué  pendant  plusieurs  semaines,  qu'aucun  œuf  ne  se 
trouvait  dans  les  matières  fécales,  on  administra  à  l'enfant,  vers  la 
fin  de  septembre  1886,  une  pilule  renfermant  au  moins  150  embryons 
vivants.  Pendant  vingt  jours,  l'examen  des  selles  est  pratiqué  sans 
succès;  on  le  suspend  alors  jusqu'au  30  novembre:  ce  jour-là,  les 
fèces  se  montrent  pleines  d'œufs.  Vers  le  1er  janvier  1887,  sans  avoir 

(1)  Von  Linstow  admet,  avec  Schneider  et  Leuckart,  l'identité  de  l'Ascaride 
du  Porc  avec  Ascaris  Iwubricoides.  Cette  identité  ne  nous  semble  nullement 
démontrée  et  nous  pensons  que  Dujardiu  a  eu  raison  d'établir  une  nouvelle 
espèce,  A.  suil/a,  pour  l'Ascaride  du  Porc. 


666  ORDRE  DES  NEMATODES. 

présenté  aucun  signe  d'helminthiase,  l'enfant  expulse  143  Ascarides 
longs  de  180  à  SSO111111.  Pendant  toute  la  durée  de  l'expérience,  il  avait 
été  soustrait,  dans  la  mesure  du  possible,  aux  causes  d'infestation. 

Des  expériences  rapportées  ci-dessus  il  ressort  que  l'Asca- 
ride lombricoïde  se  développe  directement  (1).  L'œuf,  rejeté 
au  dehors  avec  les  excréments,  produit  un  embryon,  en  un 
temps  qui  varie  de  quelques  semaines  à  un  ou  deux  ans.  Est-il 
alors  ramené  dans  l'intestin  de  l'Homme  avec  les  eaux  de 
boisson,  l'œuf  met  en  liberté  l'embryon  qu'il  renferme,  puis 
celui-ci  devient  une  larve  qui,  sans  changer  d'habitat,  sans 
!  accomplir  aucune  migration,  est  capable  de  parvenir  à  l'état 
|  adulte.  Ces  faits,  basés  sur  les  expériences  de  Davaine,  de  Grassi 
et  de  Galandruccio,  nous  semblent  définitivement  acquis.  Aussi 
ne  doit-on  attacher  aucune  importance  à  l'opinion  de  Radu, 
d'après  laquelle  l'Ascaride  serait  parfois  vivipare  et  pourrait  se 
reproduire  par  des  petits  vivants,  nés  dans  le  corps  de  la  femelle. 

Le  développement  d'Ascaris  lombricoides  et  d'A.  megaloce- 
phala  a  été  suivi  dans  toutes  ses  phases  par  Hallez.  Quand  il 
est  achevé,  l'œuf  renferme  un  embryon  cylindrique,  enroulé 
trois  ou  quatre  fois  sur  lui-même  en  une  spirale  irrégulière 
dont  les  tours  varient  sans  cesse  d'aspect,  par  suite  des  mou- 
vements de  l'animalcule. 

Celui-ci  peut,  avec  quelque  précaution,  être  extrait  de  la 
coque  de  l'œuf  :  on  lui  trouve  alors  une  longueur  moyenne 
de  300  |x  pour  une  largeur  de  14  (x;  il  présente  partout  le 
même  diamètre  transversal,  si  ce  n'est  que  son  extrémité 
caudale  s'effile  en  un  cône  raccourci.  La  cuticule  est  mince 
et  anhiste  :  elle  limite  des  téguments  qui  laissent  voir  par 
transparence  l'appareil  digestif.  Celui-ci  est  formé  de  deux 
parties  différentes  d'aspect  :  l'œsophage,  qui  occupe  un  peu 
plus  du  tiers  de  la  longueur  totale,  est  clair  et  terminé  en  arrière 
par  un  léger  renflement;  l'intestin  est  au  contraire  granuleux; 

(1)  Hering  a  fait  sur  Ascaris  mystax,  du  Chien  et  du  Chat,  une  série 
d'observations  tendant  à  démontrer  que  ce  Ver  se  développe  directement. 
Unterbepger  (Oesterr.  Vierteljahrschrift  fur  Thierheilkunde,  XXX,  p.  38, 
1868)  a  démontré  expérimentalement  l'absence  d'hôte  intermédiaire  pour 
Heterakis  (Ascaris)  maculosa,  du  Pigeon.  Enfin.  Leuckart  lui-môme  a  cons- 
taté le  développement  direct  d'/i.  mystax,  chez  un  Chat  dont  le  tube  digestif 
renfermait  des  Vers  à  tous  les  états,  depuis  la  phase  embryonnaire  jusqu'à 
l'état  adulte. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  667 

il  s'ouvre  au  dehors  par  un  anus  situé  à  la  base  de  la  queue. 
L'appareil  génital  est  indiqué  déjà  par  un  petit  amas  de  cellu- 
les claires  situé  sur  le  côté  de  l'intestin.  L'animal  est  en  outre 
armé  d'une  dent  perforante  de  petites  dimensions.  11  subit 
une  première  mue  à  l'intérieur  de  l'œuf:  on  voit  alors,  à  l'une 
ou  à  l'autre  de  ses  extrémités,  une  mince  membrane  se  séparer 
plus  ou  moins  de  la  surface  du  corps. 

Quand  l'œuf,  parvenu  à  cet  état  de  développement,  est 
amené  dans  le  tube  digestif  de  l'Homme  avec  l'eau  de  boisson, 
l'embryon  est  bientôt  mis  en  liberté  et  est  apte  à  continuer  son 
évolution.  On  ignore  encore  quelles  transformations  le  Ver 
subit,  depuis  le  moment  où  il  quitte  l'œuf  jusqu'à  celui  où  il 
revêt  la  forme  adulte  (1).  On  sait  du  moins  que  son  évolution 
est  très  rapide,  puisque  la  femelle  pond  déjà  des  œufs  au  bout 
d'un  mois. 

De  très  jeunes  Ascarides  n'ont  encore  été  vus  que  rarement 
dans  le  tube  digestif  de  l'Homme.  Heller  a  rencontré  à  Erlan- 
gen,  dans  l'intestin  grêle  d'un  fou,  dix-huit  vermisseaux  dont 
la  longueur  variait  de  2mm,75  à  13  millimètres  ;  la  tête  présen- 
tait déjà  les  trois  lèvres  caractéristiques,  mais  le  sexe  était 
indécis.  Le  même  auteur  dit  encore  avoir  trouvé  plusieurs 
fois  des  Ascarides  d'aussi  petite  taille.  Leuckart  a  reçu  de 
Kiïchenmeister  cinq  jeunes  Vers  longs  de  7mm,5  à  20  milli- 
mètres, larges  de  0mm,21  à  0mm,48  ;  chez  tous,  l'extrémité 
postérieure  était  droite  et  se  terminait  par  une  pointe 
conique,  longue  de  0mm,16  à  0mm,24;  l'appareil  labial  ne 
différait  de  celui  de  l'adulte  que  par  ses  dimensions.  Grassi  a 
observé  à  Milan  un  individu  long  de  15  millimètres;  cette  obser- 
vation, faite  le  15  janvier,  montre  que  le  parasite  est  capable  de 
se  développer  chez  l'Homme  même  en  hiver,  remarque  qui  avait 
été  faite  déjà  par  Jean  Duval.  Laënnec  a  vu  l'estomac  d'un 
enfant  rempli  d'Ascarides  longs  de  six  lignes  à  5  pouces  (18  à 
180  millimètres).  Vix  a  observé  un  Ver  long  de  20  millimètres, 

(1)  Leuckart,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  déjà  plus  haut,  a  trouvé  dans  l'es- 
tomac du  Chat  des  embryons  d'Ascaris  mystnx  longs  de  0mm,4.  Ces  embryons 
restent  dans  l'estomac  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  atteint  une  longueur  de  lmm,5  à 
2mm  ;  iis  passent  alors  dans  l'intestin.  Quand  ils  sont  longs  de  2mm,8,  ils 
muent,  perdent  leur  dent  perforante  et  acquièrent  les  trois  nodules  labiaux 
caractéristiques  des  adultes.  On  doit  penser  qu'A,  lumbricoides  se  comporte 
de  la  môme  manière. 


668  ORDRE  DES   NEMATODES. 

large  de  Omm,o.  Kiichenmeister  expulsa  lui-même  un  individu 
«  non  parvenu  à  maturité  sexuelle  »,  qui  mesurait  de  40  à 
30  millimètres.  Leuckart  décrit  encore  deux  Vers  de  petite 
taille  :  l'un  était  long  de  49  millimètres  et  avait  une  largeur 
maximum  de  0mm,7;  l'autre  était  long  de  85  millimètres  et 
large  de  lmra,3  à  sa  partie  moyenne.  Enfin,  le  professeur  La- 
boulhène  nous  dit  avoir  observé  lui-même,  dans  l'intestin  de 
l'Homme,  des  Ascarides  de  fort  petite  taille. 

Le  petit  nombre  de  cas  de  ce  genre  tient  sans  doute  à  ce  que 
le  parasite  atteint  très  rapidement  sa  taille  définitive.  Les 
observations  de  Grassi  ont  en  effet  démontré  que  l'Ascaride 
se  développe  très  rapidement  dans  l'intestin.  L'accroissement 
porte  surtout  sur  la  moitié  postérieure  du  corps,  par  suite  du 
développement  de  l'appareil  génital  :  le  tableau  suivant,  qui 
indique  la  longueur  de  l'œsophage  par  rapport  à  la  longueur 
totale  du  corps,  met  ces  faits  en  évidence  : 

Chez  l'embryon,  l'œsophage  occupe  1/3  de  la  longueur 

Chez  un  Ver  long  de  2mm,75  à  4mm,l,        —  —      1/6 

_  _  4mmj4  à  8mm,  —  —      1/7  — 

_  _  8mm,18  à  limm,94,     —  —       1/8  — 

—  —  13™m,  _  _       1/9 

Chez  un  mâle  long  de  22mm,8,  —  —  1/13  — 

Chez  une  femelle  longue  de  85mm,  —  —  1/21  — 

—  —            —         143^m,  —  —  1/24  — 
Chez  le  Ver  adulte,  —  —  1  '40  — 

Rapport  sur  une  observation  lue  par  Laënnec.  Bulletin  de  la  Faculté  de 
médecine,  n°  5,  20  nivôse,  an  XIII. 

Laënnec,  Ascaride.  Dictionnaire  des  se.  méd.,  II,  p.  340,  1812. 

G.  Gros,  Fragments  oVhelminthologie  et  de  physiologie  microscopique.  Sur 
les  Lombrics  cholériques.  Bull,  de  la  Soc.  imp.  des  naturalistes  de  Moscou, 
XXII,  p.  549,  1849. 

Richter.  Sachse's  Allgemeine  naturhist.  Zeitschrift,  I,  p.  5,  1855. 

Verloren.  Amtlicher  Bericht  iiber  die  33.  Versammlung  deutscher  Xatur- 
forscher  und  yErzte  zu  Bonn.  Bonn,  1859.  Voir  p.  147. 

R.  Leuckart.  Ibidem. 

C.  Daviiinc,  Recherches  sur  le  développement  et  la  propagation  du  Tricho- 
céphule  de  l'Homme  et  de  l'Ascaride  lombricoïde.  Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  XLVI,  p.  1217,  1858.  Journal  de  la  physiologie,  II,  p.  295,  1859. 

—  Id.,  Nouvelles  recherches  sur  le  développement Mém.  de   la  Soc.  de 

biologie,  (3),  IV,  p.  201,   1863. 

C.  Ileller,  Ueher  Ascaris  lumbricoides.  Sitzungsber.  der  pbys.-med.  Societat 
in  Erlangen,  IV,  p.  71,  1H72. 
E.Hering,  Beiirâge  zur  Entwicklungsgeschichte  einige»'  Eingcweidc-Wiirmer. 

—  /.  Buitrag  zur  Entwicklungesgeschichte  der  Ascnriden.  Jalircsliefte  des 
Vereins  fur  vatcrl.  Naturkunde  in  Wurttemberg,  XXIX,  p.  305,    1873. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  669 

L.  Oerley,  Zur  Entwickelungsgcschichte  der  Nematoden.  Inaug.  Diss. 
Budapest,  1877. 

B.  Grassi,  Note  intorno  adalcuni  parassiti  delV  uomo.  —  lit.  Intorno  ail' 
Ascaris  Imnbricoide*.  Gazzetta  degli  ospitali,  II,  p.  432,  1881.  Voir  p.  438. 

J.-J.  Radu,  Zur  Frage  der  Vennehrang  des  Spidwurmes  bei  Menschen. 
Wiener  med.  Bliitter,  V,  p.  1386,  1882. 

P.  Hallnz,  Sur  le  développement  des  Nématodes.  Comptes  rendus  de  l'Acad. 
des  sciences,  CI,  p.  831,  1885.  Bull,  scientif.  du  département  dd  Nord,  VII- 
VIII,  p.  205,  18«5.  —  Id.,  Recherches  sur  l'embryogénie  et  sur  les  conditions 
du  développement  de  quelques  Nématodes.  Mém.  de  la  Soc.  des  sciences  de 
Lille,  (4),  XV,  1886.  —  Id.,  Nouvelles  études  sur  l'embryogénie  des  Néma- 
todes. Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  CIV,  p.  517,  1887. 

O.  von  Linstow,  Ueber  den  Zwischenwirth  von  Ascaris  lumbricoides  L. 
Zoolog.  Anzeiger,  IX,  p.  525,  1886. 

B.  Grassi,  Trichoceph'dus-  und  Ascarisen'wicklung.  Centralblatt  fur 
Bactériologie  und  Parasitenkunde,  I,  p.  131,  1887. 


L'Ascaride  lombricoïde,  parvenu  à  l'état  adulte,  est  un  Ver 
cylindrique,  grisâtre  ou  rougeâtre  pendant  la  vie,  effilé  à 
chacune  de  ses  extrémités,  mais  surtout  à  l'antérieure.  La 
surface  du  corps  est  marquée  d'une  fine  striation  transversale. 
Le  mâle  est  long  de  15  à  17  centimètres,  d'après'  Davaine  ;  de 
15  à  25  centimètres  pour  une  largeur  maximum  de  4  millimè- 
tres, d'après  Kiichenmeister.  Le  premier  de  ces  auteurs  attribue 
à  la  femelle  une  longueur  de  20  à  25  centimètres,  le  second 
une  longueur  de  16  à  40  centimètres  et  une  largeur  de  6  milli- 
mètres. On  a  vu  parfois  la  femelle  dépasser  ces  dimensions  et 
mesurer  jusqu'à  45  centimètres  de  longueur,  comme  Morland 
en  cite  un  exemple.  Les  mâles  sont  tou- 
jours 3  ou  4  fois  moins  abondants  que  les 
femelles. 

En  outre  de  la  taille,  la  forme  de  l'ex- 
trémité caudale  fournit  de  bons  caractères 
pour  la  distinction  des  sexes.  Chez  le 
mâle  (fig.  341),  cette  extrémité  est  incur- 
vée en  crochet  vers  la  face  ventrale,  et 
plus  ou  moins  aplatie  du  côté  de  la  conca- 
vité :  à  sa  terminaison  se  voit  l'orifice  cloa-  Fis-  3U*  ""  Extrémi,é 

,  i  .  ..      .  ,     ...      .   ,  .  ,.  postérieure  d'un  mâle, 

cal,  par  lequel  il  est  habituel  de  voir  sortir      d'après  Leuckart. 

deux  spicules  chitineux,  auxquels  est  dé- 
volu un  rôle  important  dans  l'acte  de  la  copulation.  C'est  du  reste 
en  vue  de  cet  acte  que  le  corps  présente  l'enroulement  dont  il 
vient  d'être  question  :  il  permet  au  mâle  de  saisir  la  femelle  et 


670  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

de  se  fixer  à  celle-ci  au  niveau  de  l'orifice  vulvaire.  C'est  sans 
doute  un  rôle  analogue  que  jouent  les  papilles  qui  s'observent 
à  la  face  ventrale,  sur  la  partie  enroulée.  Ces  papilles  s'étendent 
sur  une  longueur  de  près  de  36  millimètres  et  sont  plus  serrées 
en  arrière  qu'en  avant  ;  on  en  compte  de  69  à  75  de  chaque  côté. 
Le  sexe  mâle  est  encore  caractérisé  par  un  léger  élargissement 
latéral  que  présentent  les  téguments  en  arrière  du  cloaque. 
L'extrémité  postérieure  de  la  femelle  (fig.  342)  a  une  tout 

autre  forme.  Elle  est  constituée 
par  une  pointe  raccourcie,  à  la 
base  et  à  la  face  ventrale  de 
laquelle  se  voit  l'anus,  sous 
forme  d'une  fente  transversale 
à  lèvres  saillantes.  Elle  est  dé- 
pourvue de  papilles  et  n'est 
point  enroulée  sur  elle-même. 

Le  corps  de  l'Ascaride  est  limité 

extérieurement  par  une  cuticule 
Fjg.    342.   —    Extrémité    postérieure    .        .        .„  ' ,      .    ,.  .  .    .. 

d'une  femelle,  d'après  Leuckart.  -  incolore  ^  343>  rt)'  llsse  et  bnl" 
A,  vue  de  profil  ;  B,  vue  par  la  face  lante,  qui  se  réfléchit  à  l'intérieur 
ventrale.  par  les  orifices  buccal,  anal  et  gé- 

nital. Son  épaisseur  peut  atteindre 
jusqu'à  90  p.;  elle  diminue  progressivement  du  milieu  du  corps  vers 
les  extrémités,  mais  se  renfle  pourtant  d'une  façon  considérable  au 
pourtour  de  la  bouche,  de  manière  à  former  les  trois  papilles  dont  il 
a  déjà  été  question. 

Chez  le  jeune  Ver,  la  cuticule  est  mince  et  homogène  ;  chez  l'adulte, 
par  suite  des  mues  successives,  on  y  reconnaît  plusieurs  couches. 
L'externe,  de  nature  chitineuse,  est  la  plus  mince  ;  elle  est  striée  trans- 
versalement et  formée  de  rubans  larges  d'environ  \2  {/..  Chacun  de 
ces  rubans  est  dirigé  en  travers  et  s'étend  sur  une  demi-circonfé- 
rence; ses  extrémités  aboutissent  aux  champs  latéraux,  au  niveau 
desquels  elles  s'unissent  à  celles  des  rubans  de  l'autre  demi-cercle 
par  un  raccord  irrégulier.  Une  seconde  couche  cuticulaire,  qui  peut 
avoir  jusqu'à  45  ja  d'épaisseur,  est  totalement  anhiste;  elle  a  été  re- 
connue par  Czermak.  Viennent  ensuite  deux  assises  de  fibrilles  déli- 
cates, 6,  dirigées  obliquement  et  disposées  de  manière  à  s'entre- 
croiser :  les  fibrilles  de  la  couche  externe  sont  dirigées  à  gauche, 
celles  de  la  couche  profonde  sont  dirigées  à  droite;  chacune  de  ces 
assises  est  épaisse  de  14  p..  Au-dessous  d'elles  se  voient  enfin  deux 
minces  couches  homogènes,  épaisses  de  3  (*,  5. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES. 


671 


La  couche  sous-cuticulaire  ou  hypoderme,  c,  doit  être  considérée 
comme  la  matrice  des  précédentes.  Elle  a  une  épaisseur  notable, 
parfois  jusqu'à  16  ja.  Elle  est  tout  d'abord  formée  de  cellules,  mais 
celles-ci  se  modifient  et  se  transforment  en  fibrilles  à  direction  trans- 
versale. Cette  couche  est  en  rapport  par  sa  face  interne  avec  la  cou- 


Fig.  343.  —  Coupe  transversale  d'Ascaride  femelle  passant  par  la  région 
moyenne  du  corps,  au  niveau  des  tubes  génitaux,  d'après  Vogt  et  Yung.  — 
a,  cuticule;  6,  couche  fibrillaire;  c,  couche  granuleuse  sous-cuticulaire  ou 
hypoderme  ;  d,  soulèvement  en  bourrelet  de  la  couche  granuleuse,  pre- 
nant part  à  la  formation  des  champs  latéraux;  e,  champs  latéraux  ;  f,  re- 
pli de  la  cuticule  des  champs  latéraux,  pénétrant  dans  la  masse  granuleuse 
et  la  divisant  en  deux  moitiés  dans  le  sens  longitudinal;  g,  canal  excré- 
teur; ft,  portion  fibreuse  striée  des  cellules  musculaires  ;  i,  portion  vési- 
culaire  des  muscles,  dirigée  vers  l'intérieur  du  corps;  k,  bourrelet  de  la 
couche  granuleuse  constituant  la  ligne  médio-dorsale  ;  k',  ligne  médio- 
ventrale  ;  /,  lamelle  cuticulaire  externe  de  la  paroi  intestinale  ;  m,  épithé- 
lium  cylindrique  de  l'intestin  ;  n,  lamelle  chitineuse  interne  de  l'intestin  ; 
o,  tubes  ovariens  coupés  transversalement  et  montrant  les  ovules  groupés 
régulièrement  autour  du  rachis  ;  p,  les  deux  utérus  coupés  transversale- 
ment et  montrant  les  replis  de  leur  épithélium  papillifère.  On  n'a  pas 
représenté  les  œufs  qui,  chez  l'adulte,  remplissent  toujours  en  nombre 
immense  la  cavité  de  chaque  utérus. 


che  musculaire,  entre  les  faisceaux  de  laquelle  elle  s'insinue.  Elle 
est  continue  à  elle-même  sur  tout  le  pourtour  du  corps,  mais  prend 
un  développement  considérable  le  long  de  chacun  des  côtés,  ainsi  que 
le  long  des  faces  supérieures.  Ainsi  prennent  naissance  quatre  bour- 
relets longitudinaux  qui  font  saillie  dans  la  cavité  générale  du  corps  de 
l'Ascaride  et  qui,  sur  des  individus  frais,  se  voient  facilement  par 


672  ORDRE   DES   NÉMÀTODES. 

transparence  ;  ils  interrompent  la  couche  musculaire  et  la  divisent 
en  quatre  faisceaux. 

Les  bourrelets  qui  occupent  les  côtés  du  corps  ont  reçu  le  nom 
de  champs  latéraux,  e;  ils  résultent  d'un  épaississement  local  de 
la  couche  granuleuse  sous-cuticulaire.  A  leur  base,  cette  dernière 
se  soulève  en  une  sorte  de  crête  longitudinale,  d,  dont  la  surface 
libre  est  recouverte  d'une  lamelle  chitineuse  ;  celle-ci  s'infléchit 
même  à  l'intérieur  de  la  masse  granuleuse,  de  manière  à  la  diviser 
en  deux  moitiés  ovalaires  ou  pyriformes,  e,  f.  Les  champs  latéraux 
se  présentent  sous  l'aspect  de  deux  cordons  blancs,  qui  se  continuent 
d'une  extrémité  du  corps  à  l'autre  et  ont  près  de  0mm,5  de  largeur. 
En  arrière,  ils  se  rapprochent  l'un  de  l'autre  et,  par  leur  face  in- 
terne, entrent  en  contact  avec  le  rectum.  Celui-ci  se  portant  vers  la 
face  ventrale  du  corps  pour  se  terminer  à  l'anus,  les  champs  laté- 
raux se  comportent  de  même  et  s'atténuent  progressivement  ;  finale- 
ment ils  disparaissent  en  se  confondant  avec  la  couche  granuleuse 
sous-cuticulaire.  En  avant,  ces  organes  se  terminent  d'une  manière 
analogue,  au  delà  du  collier  nerveux  œsophagien. 

Les  crêtes  qui  courent  le  long  des  faces  supérieure  et  inférieure 
du  corps  constituent  les  lignes  médio-dorsale,  k,  et  médio-ventrale,  k! . 
Elles  sont  de  même  nature  que  les  champs  latéraux,  mais  moins 
volumineuses;  elles  font  à  l'intérieur  du  corps  une  saillie  bien  moins 
considérable  et  s'effilent  encore  à  leurs  extrémités  pour  disparaître 
dans  l'hypoderme.  Au  point  où  elle  est  contiguë  à  l'anneau  œsopha- 
gien, la  ligne  médio-ventrale  porte  un  amas  de  cellules  nerveuses,  le 
ganglion  ventral;  au  voisinage  de  l'anus,  elle  porte  encore  le  ganglion 
anal,  moins  volumineux  que  le  précédent.  Chez  la  femelle,  cette 
même  ligne  se  dévie  et  contourne  la  vulve;  elle  ne  l'embrasse  point 
comme  l'admettait  Cloquet. 

La  couche  musculaire  est  formée  de  cellules  pyriformes  et  vésicu- 
laires,  remplissant  toute  la  cavité  du  corps,  qu'elles  réduisent  à 
quelques  lacunes  étroites,  occupées  par  le  liquide  nourricier;  la 
figure  343  ne  donne  donc  qu'une  idée  insuffisante  de  leur  dispo- 
sition :  elles  se  sont  rétractées  sous  l'action  des  réactifs. 

Ces  cellules  s'appliquent  par  leur  extrémité  sur  l'hypoderme,  c,  qui 
s'insinue  entre  elles  plus  ou  moins  loin;  chacune  d'elles  est  formée 
de  deux  parties  distinctes.  La  portion  externe,  h,  est  striée  transver- 
salement et  séparée  en  deux  moitiés  par  une  sorte  de  fissure  qui 
n'est,  en  somme,  qu'un  prolongement  de  la  portion  interne.  Celle- 
ci,  i,  est  renflée,  vésiculeuse,  quatre  à  cinq  fois  plus  longue  que  la  pré- 
cédente et  limitée  par  une  délicate  membrane  d'aspect  conjonctif  (1)  : 

(1)  La    partie    vésiculeuse   de   la   cellule    musculaire   était  désignée   par 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  673 

elle  contient  une  substance  claire,  finement  granuleuse,  striée  lon- 
gitudinalement,  et  un  gros  noyau  nucléole. 

La  vésicule  musculaire  émet  par  sa  face  interne  des  prolonge- 
ments filamenteux,  simples  ou  multiples;  suivant  le  champ  muscu- 
laire qu'on  examine,  on  voit  ces  prolongements  converger  soit  vers 
la  ligne  médio-dorsale,  soit  vers  la  ligne  médio-ventrale,  au  sommet 
de  laquelle  ils  se  réunissent  tous  en  un  seul  faisceau.  Quelques 
filaments  vont  s'insérer  sur  le  tube  digestif;  cette  disposition  s'ob- 
serve principalement  dans  les  régions  pharyngienne  et  rectale,  aussi 
Leuckart  attribue-t-il  à  ces  prolongements  le  rôle  de  muscles  dila- 
tateurs et  rétracteurs.  Semblable  disposition  s'observe  sur  les  canaux 
excréteurs  des  glandes  génitales. 

Les  cellules  musculaires  forment  par  leur  réunion  des  faisceaux 
longitudinaux,  disposés  suivant  des  lignes  légèrement  diagonales,  qui 
marchent  des  champs  latéraux  vers  les  lignes  médio-dorsale  et 
médio-ventrale. 

Cette  remarquable  structure  musculaire  ne  s'observe  pas  chez  tous 
les  Nématodes.  Ceux  qui  la  présentent  constituent  le  groupe  des 
Polymy aires  ou  des  Cœlomy aires.  Tous  les  autres  forment  le  groupe 
des  Platymy aires,  dont  nous  indiquerons  plus  loin  la  caractéristique. 

D'après  von  Siebold,  l'humeur  exhalée  par  la  Filaire  de  Médine 
serait  acide  et  les  Nématodes  ne  seraient  pas  tout  à  fait  inoffensifs 
sous  ce  rapport.  En  étudiant  Ascaris  megalocephala,  Miram  fut  atteint 
à  deux  reprises  d'accidents  morbides:  éternuements,  gonflement 
des  caroncules  lacrymales,  abondante  sécrétion  de  larmes,  vives 
démangeaisons  et  gonflement  des  doigts.  Des  accidents  analogues 
ont  été  éprouvés  par  Cobbold,  Bastian  et  Huber. 

Bastian  a  observé  que  le  Ver  est  capable  de  produire  des  acci- 
dents, môme  lorsqu'il  est  conservé  dans  l'alcool  depuis  un  certain 
temps.  Nous  avons  pu  nous-mème  constater  la  réalité  de  cette  asser- 
tion :  une  étudiante  en  médecine,  en  disséquant  des  Ascarides  du 
Cheval,  conservés  dans  l'alcool  depuis  quelques  jours,  eut  le  front 
couvert  de  vésicules  séreuses  qu'on  eût  prises  pour  des  bulles  d'urti- 
caire ;  ces  vésicules  disparurent  rapidement  et,  le  lendemain,  il  n'y 
en  avait  plus  trace. 

Cette  action  remarquable  est  attribuée  par  Leuckart  à  une  sub- 
stance soluble  dans  l'alcool,  et  probablement  huileuse,  qui  semble  se 
trouver  principalement  dans  le  renflement  vésiculeux  des  fibres  mus- 
culaires. 


Cloquet  sous  le  nom  d'appendice  nourricier.  Lowne  en  a  également  méconnu 
la  signification  et  a  voulu  la  rattacher  à  l'appareil  excréteur;  Joseph  a  émis 
une  opinion  analogue. 

Blanchard.  —  Zool.  inéd.  43 


674 


ORDRE  DES  NEMATODES. 


Huber,  Emige  Bemerkungen  ûber  die  klinische  Bedeutung  von  Ascaris  lum- 
bricoïdes.  Deutsches  Archiv  fur  klin.  Medicin,  VIII,  p.  450,  1870. 

Le  système  nerveux  (fig.   344)  passe   aisément  inaperçu, 
enchâssé  qu'il  est  dans  les  lignes  longitudinales.  Les  centres 

nerveux  sont  représen- 
tés par  un  collier  œso- 
phagien, b,  qui  se  voit, 
chez  les  individus  d'assez 
grande  taille,  à  lmm,5  ou 
2  millimètres  en  arrière 
de  l'extrémité  céphali- 
que  et  immédiatement 
en  avant  du  pore  excré- 
teur. Ce  collier  enserre 
étroitement  l'œsophage 
et  se  soude  d'autre  part 
aux  champs  latéraux,  a, 

et  aux  lignes  médio-dor- 
Fig.  344.  — Schéma  du  système  nerveux,  d  a-  a  A'  1 

près  Leuckart.  —  a,  champs  latéraux  mon-  sa*e   e^  mêdlO- ventrale, 

trant  ça  et  là  des  cellules  nerveuses  dans  c,  en  sorte  qu'on  pour- 
le  voisinage  de  l'anneau  œsophagien  ;  b  an-  ul  considérer  comme 
neau  œsophagien  ;  c,  ligne  médio-ventrale  ; 

d,  ganglion  ventral;  e,  cellules  nerveuses;  une  sorte  de  commissure 

f,  canaux  excréteurs  au  point  où  ils  se  réu-  circulaire  étendue  entre 

nissent  en  un  canal  impair,  g,  qui  s'ouvre  .  ♦        r  l 

par  un  pore  excréteur  sur  la  face  ventrale.  les  <Iualre  Hgnes  longi- 
tudinales ,  bien  qu'en 
réalité  celles-ci  ne  se  fusionnent  avec  lui  que  par  leur  partie 
la  plus  superficielle;  toutefois,  un  examen  attentif  de  ce  collier 
permet  d'en  reconnaître  la  véritable  nature  et  de  constater 
qu'il  est  formé  de  fibres  nerveuses  et  de  cellules  ganglion- 
naires, dont  l'accumulation  constitue  trois  ganglions,  un  ven- 
tral et  deux  latéraux. 

Le  ganglion  ventral,  d,  est  un  épaissement  de  la  ligne  médio- 
ventrale;  il  est  situé  au  niveau  du  canal  impair,  g,  par  lequel  se  ter- 
mine l'appareil  excréteur.  En  arrière,  il  se  prolonge  en  deux  lobes 
latéraux  renfermant  des  cellules  larges  de  30  (/.  en  moyenne;  son  ex- 
trémité antérieure  se  relie  à  l'anneau  œsophagien  et  renferme  des 
cellules  larges  de  15  p..  Le  ganglion  renferme  environ  60  cellules, 
dont  les  prolongements  constituent  l'anneau. 

Les  ganglions  latéraux  sont  représentés  par  quelques  cellules  peu 


ASCARIS   LUMBRICOIDES.  675 

nombreuses,  e,  disséminées  dans  les  lignes  latérales  au  voisinage  de 
l'anneau  œsophagien.  Ces  cellules  commencent  à  se  montrer  au 
point  où  les  canaux  excréteurs,  f,  quittent  les  lignes  latérales  et 
s'infléchissent  l'une  vers  l'autre  pour  se  rencontrer  sur  la  ligne  mé- 
diane de  l'abdomen  et  constituer  le  canal  impair,  g;  elles  deviennent 
de  plus  en  plus  nombreuses  jusqu'au  niveau  de  l'anneau  œsophagien; 
quelques-unes  se  voient  encore  au-delà  de  ce  dernier.  Ce  sont  des 
éléments  de  taille  variable  :  les  cellules  postérieures  sont  larges  de 
65  u.,  avec  un  noyau  de  28  m- ;  les  antérieures  n'ont  que  14  à  18  {/., 
mais  quelques-unes  d'entre  elles  atteignent  par  exception  une  taille 
considérable.  Une  partie  des  fibres  nerveuses  émanées  du  ganglion 
latéral  se  prolongent  au-delà  de  l'anneau,  jusqu'à  la  bouche.  L'an- 
neaului-même  ne  contient  qu'un  très  petitnombre  de  cellules  de  petites 
dimensions. 

Le  système  nerveux  périphérique  est  d'une  étude  plus  délicate  ;  la 
méthode  des  coupes  facilite  son  observation.  En  outre  des  nerfs  la- 
téraux, qui  parcourent  la  partie  antérieure  des  lignes  latérales,  on 
observe  encore  quatre  autres  nerfs  qui  ont  la  même  direction  et  se 
séparent  du  collier  œsophagien  dans  l'intervalle  des  lignes  longitudi- 
nales, à  la  face  dorsale  comme  à  la  face  ventrale  :  ce  sont  les  nerfs 
submédians  de  Schneider.  Chacun  de  ces  nerfs  est  entouré  d'une 
gaîne  conjonctive;  les  nerfs  latéraux  sont  les  plus  gros  et  renferment 
environ  20  fibres.  Sans  aucun  doute,  d'autres  nerfs  se  distribuent 
également  au  reste  du  corps  :  ils  sont  enfouis  dans  la  profondeur 
des  lignes  longitudinales.  On  reconnaît  aisément  un  nerf  ventral  et 
deux  nerfs  latéraux,  correspondant  aux  trois  ganglions  décrits  plus 
haut;  Leuckart  admet  en  outre  l'existence  d'un  nerf  dorsal,  que 
Vogt  et  Yung  n'ont  pas  observé.  Ces  nerfs  postérieurs  peuvent  être 
suivis  jusqu'à  un  pouce  en  arrière  du  collier  œsophagien  ;  plus  loin, 
ils  deviennent  indistincts  et  ne  se  retrouvent  plus  que  sur  des  coupes 
transversales.  Le  nerf  ventral  aboutit  à  un  ganglion  anal,  amas  gan- 
glionnaire de  forme  triangulaire,  situé  immédiatement  en  avant  de 
l'anus  et  renfermant  un  nombre  restreint  de  cellules. 

Les  organes  des  sens  sont  représentés  par  les  quatre  papilles 
que  portent  les  lèvres  et  par  celles  qui  se  trouvent  au  voisinage 
de  l'anus.  Les  yeux  font  défaut;  on  les  rencontre  seulement 
chez  quelques  Nématodes  libres  (EnoplusT  Phanoylene,  En- 
chelidium). 

Les  Nématodes  sont  toujours  pourvus  d'un  appareil  digestif 
tubulaire,  rectiligne  et  débouchant  au  dehors  par  chacune  de 
ses  extrémités. 


676 


ORDRE  DES  NÉMATODES. 


La  bouche  est  entourée  d'un  appareil  labial  (fig.  345)  qui 
surmonte  l'extrémité  antérieure  du  corps  à  la  façon  d'un 
bouton  et  qui  se  trouve  délimité  à  sa  base  par  un  profond 
sillon.  Cet  appareil,  qui  peut  avoir  jusqu'à  un  millimètre  de 
large  chez  les  femelles  de  grande  taille,  est  formé  de  trois 
lèvres,  dont  l'une  est  dorsale  et  impaire,  et  les  deux  autres 
inférieures,  latérales  et  symétriques.  Chaque  lèvre  est  formée 
d'une  pièce  chitineuse  dont  les  faces  internes  ou  latérales  sont 
planes,  tandis  que  la  face  externe  est  convexe.  Cette  dernière 
est  bordée  d'un  ourlet  qui,  sur  les  côtés,  est  pourvu  de  dente- 
lures microscopiques  servant  à  la  mastication;  elle  porte  en 
outre  des  papilles  tactiles  :  la  lèvre  dorsale  en  possède  deux, 


SP 

t'"^9 

f 

m 

i 

11 

! 

1 

m 

Il 

m 

Fig.  345.  —  Extrémité  céphalique  d'Ascaris  lumbricoïdes,  d'après  Leuçkart. 
A,  face  dorsale;   B,  face  ventrale. 


les  lèvres  inférieures  seulement  chacune  une.  Les  trois  lèvres 
sont  contiguës  par  leur  face  latérale  à  leur  point  d'attache; 
elles  sont  mobiles  et  peuvent  alternativement  s'écarter  et  se 
rapprocher,  grâce  à  deux  faisceaux  musculaires  qui  provien- 
nent des  muscles  longitudinaux  du  corps  et  se  continuent  à 
leur  intérieur  :  le  plus  gros  faisceau  joue  le  rôle  de  rétracteur, 
le  plus  faible  est  son  antagoniste. 

Même  lorsqu'elles  sont  rapprochées  les  unes  des  autres,  les 
lèvres  laissent  entre  elles  un  étroit  canal  triangulaire  qui,  à 
leur  base,  se  continue  avec  l'infundibulum  buccal.  Ce  dernier 
se  continue  lui-même  avec  l'œsophage,  tube  cylindrique,  long 
de  6  à  7  millimètres,  large  de  lmm,3,  à  lumière  étroite  et  d'or- 
dinaire plus  ou  moins  régulièrement  triangulaire.  L'œsophage 


ASCARIS   LUMBRICOIDES.  677 

est  constitué  par  une  épaisse  couche  de  muscles  radiaires, 
limitée  à  chacune  de  ses  deux  faces  par  une  cuticule  chitineuse  ; 
la  cuticule  interne  provient  d'une  réflexion  de  la  couche  chiti- 
neuse du  tégument.  Ce  tube  est  limité  en  arrière  par  un  étran- 
glement circulaire,  sorte  de  sphincter  qui  se  ferme  au  moment 
de  l'ingestion  des  aliments  et  qui  s'ouvre  ensuite  pour  per- 
mettre à  ceux-ci  de  pénétrer  dans  l'intestin. 

D'après  Lowne,  l'œsophage  présenterait  à  son  origine  trois 
crêtes  en  forme  de  raquette,  alternes  avec  les  lèvres  et  cou- 
vertes d'un  grand  nombre  de  pointes  acérées  :  ainsi  seraient 
constituées  trois  dents  pharyngiennes,  dont  la  face  externe 
donnerait  insertion  à  des  muscles  pharyngiens  transversaux; 
ceux-ci  correspondent  sans  doute  au  sphincter  que  Leuckart 
signale  et  qui  a  pour  antagoniste  de  courtes  fibres  rayonnantes 
allant  de  l'extrémité  antérieure  de  l'œsophage  au  tégument. 

L'œsophage  ne  joue  aucun  rôle  dans  les  phénomènes  chi- 
miques de  la  digestion  :  il  aspire  simplement  les  liquides  au 
milieu  desquels  le  Ver  est  plongé.  Le  jeu  de  ses  muscles 
radiaires  dilate  sa  cavité  et  le  remplit  de  substances  que  le 
simple  relâchement  de  ces  mêmes  muscles,  joint  sans  doute  à 
l'occlusion  du  sphincter  supérieur,  suffit  à  refouler  jusque  dans 
l'intestin. 

Ce  dernier  est  la  portion  la  plus  importante  de  l'appareil 
digestif  :  il  occupe  toute  la  longueur  du  corps  et,  chez  les 
individus  de  grande  taille,  peut  avoir  jusqu'à  2  millimètres  de 
largeur;  il  est  aplati  de  haut  en  bas  et  élargi  dans  le  sens  des 
champs  latéraux,  auxquels  il  se  rattache  par  du  tissu  conjonctif 
délicat.  C'est  seulement  à  chacune  de  ses  extrémités,  au  voisi- 
nage de  l'œsophage  et  du  rectum,  qu'il  présente  une  section 
transversale  circulaire.  Dans  ses  deux  tiers  postérieurs,  il  est 
entouré  par  les  circonvolutions  des  tubes  génitaux  (fig.  346 
et  348)  ;  dans  le  reste  de  son  trajet,  il  est  uni  aux  vésicules  mus- 
culaires d'une  façon  si  intime,  que  la  cavité  du  corps  s'oblitère 
en  entier  et  se  réduit  aux  étroits  espaces  situés  entre  les  lignes 
latérales  et  la  paroi  de  l'intestin. 

L'intestin  a  une  teinte  brunâtre,  qui  tient  à  ce  que  son 
épithélium  renferme,  surtout  dans  sa  moitié  externe,  de  nom- 
breuses granulations  graisseuses.  Cet  épithélium  est  formé  de 
cellules  cylindriques,  longues  de  140  à  180  jx,  larges  de  10  (x  : 


678  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

leur  surface  interne  est  recouverte  d'une  cuticule  percée  de 
fins  canalicules. L'intestin  est  totalement  dépourvu  de  muscles  : 
la  progression  des  aliments  ne  peut  s'y  faire  que  grâce  à  la 
contraction  des  muscles  du  corps. 

Le  rectum  est  représenté  par  un  court  canal  cylindrique, 
plus  étroit  que  l'intestin  dont  il  est  séparé  par  un  léger  étran- 
glement. A  peine  appréciable  chez  la  femelle,  il  est  un  peu  plus 
apparent  chez  le  mâle  et  reçoit  à  la  face  dorsale  le  canal  éjacu- 
lateur.  Il  est  reconnaissable  à  son  épithélium  cylindrique,  plus 
surbaissé  que  celui  de  l'intestin,  mais  recouvert  d'une  cuticule 
épaisse  et  plissée;  il  est  pourvu  extérieurement  de  muscles 
longitudinaux,  dont  l'équivalent  ne  se  retrouve  point  sur  l'in- 
testin. Celui-ci  présente  enfin  à  sa  terminaison  deux  glandes 
unicellulaires,  larges  de  200  [/.  et  situées  à  la  face  ventrale. 
Chez  le  mâle,  le  rectum  et  les  organes  génitaux  s'ouvrent  dans 
un  cloaque  commun  (fig.  347),  qui  débouche  au  dehors  par 
un  orifice  subterminal,  percé  à  la  face  ventrale;  chez  la  femelle, 
le  rectum  s'ouvre  seul  au  dehors,  par  un  anus  également  sub- 
terminal et  ventral,  limité  par  deux  lèvres  saillantes  (fig.  342). 

L'Ascaride  est  dépourvue  d'appareil  vasculaire.  Lowne  a  décrit 
comme  tel  un  système  compliqué  de  vésioules  et  de  canaux.  Les  vé- 
sicules ne  sont  autre  chose  que  la  partie  interne  des  cellules  muscu- 
laires; elles  seraient  réunies  par  des  branches  transversales  à  quatre 
troncs  longitudinaux  qui  se  ramifieraient  en  avant  pour  former  un 
réseau;  celui-ci  serait  limité  finalement  par  un  anneau  que  Bastian 
a  pris  jadis  pour  un  anneau  nerveux  et  duquel  partiraient  six  courtes 
branches  longitudinales,  allant  s'ouvrir  chacune  à  la  base  et  sur  le 
côté  des  trois  lèvres.  L'existence  de  ce  système  n'a  été  constatée  par 
aucun  autre  observateur. 

Le  liquide  nourricier  remplit  donc  la  cavité  du  corps,  représentée 
par  les  espaces  compris  entre  la  couche  musculaire  et  1  intestin  :  c'est 
un  liquide  albumineux,  clair  et  sans  granulations. 

L'appareil  excréteur  est  constitué  par  deux  canaux  qui  courent 
tout  le  long  des  lignes  latérales,  au  voisinage  de  la  surface  in- 
terne, et  qu'il  est  aisé  de  reconnaître  sur  les  coupes  transversales 
(fig.  343,  g;  fig.  344,  f).  Ces  canaux  avaient  été  observés  déjà 
par  Bojanus  et  Cloquet;  leur  lumière  est  ovale  et  large  de  25  \l 
au  maximum.  Arrivés  à  un  demi-millimètre  environ  en  arrière  du 
collier  œsophagien,  ils  s'infléchissent  vers  la  ligue  médio-veutrale  et 
se  réunissent  en   un    seul  tronc   médian  (fig.  344,  g),  qui  s'ouvre 


ASC.V'.US   LUMBRICOIDES. 

à  la  face  ventrale  au-dessous  du  ganglion  ven- 
tral  fig.  345,  B). 

Les  canaux  excréteurs  (1)  s'oblitèrent  en  ar- 
rière, au  point  où  les  champs  latéraux  se  confon- 
dent avec  la  couche  granuleuse  de  la  cuticule.  Ils 
renferment  un  liquide  incolore  et  transparent 
qui,  en  raison  de  l'absence  de  cils,  ne  peut  être 
mis  en  circulation  que  par  la  ris  à  tergo  ou  par 
les  contractions  générales  du  corps. 

Comme  la  grande  majorité  des  Némaiodes, 
l'Ascaride  lombricoïde  est  toujours  unisexué; 
nous  avons  indiqué  déjà  quels  caractères  ex- 
térieurs permettent  de  distinguer  les  deux 
sexes  (fîg.  341  et  342  . 

L'appareil  génital  mâle  est  formé  d'un 
simple  tube  auquel  sont  annexés  deux  spi- 
cules  jouant  le  rôle  d'organes  d'accouple- 
ment (fig.  346  et  347).  Le  tube  a  environ 
huit  fois  la  longueur  du  corps  :  il  occupe  la 
moitié  postérieure  du  corps  et  n'empiète 
que  fort  peu  sur  la  moitié  antérieure  ;  il  se 
replie  sur  lui-même  un  grand  nombre  de  fois 
et  se  loge  surtout  à  la  face  inférieure  de 
l'intestin.  En  l'examinant  de  près,  on  recon- 
naît dans  sa  disposition  générale  une  branche 
montante  et  une  branche  descendante, 
toutes  deux  très  sinueuses. 

A  son  extrémité  libre,  le  tube  testiculaire 
est  si  fin  qu'il  est  difficilement  visible  à  l'œil 


679 


M 


(l)  D'après  Joseph,  ces  canaux  ne  pourraient  s'in- 
jecter d'avant  en  arrière,  par  le  pore  excréteur;  l'injec- 
tion ne  pourrait  se  faire  que  d'arrière  en  avant,  vers 
le  milieu  de  la  longueur  du  corps. 

Fig.  346.  —  Ascaride  mâle,  de  grandeur  naturelle,  ou- 
vert dans  une   partie  de   sa   longueur,  d'après   Da- 
vaine.  —  a,  extrémité  antérieure  ;  6,  extrémité  pos- 
térieure ;  à  côté,   la   même  grossie  et  montrant  les  deux  spicules  ;  c,  c'  : 
l'intestin  a  été  enlevé  entre  ces  deux  points,  pour  montrer  les  replis  du 
tube  génital  flottant  dans  la  cavité  abdominale  ;  d,  insertion  du  canal  dé 
férent  sur  la  vésicule  séminale. 


680 


ORDRE   DES  NEMATODES. 


nu  :  il  n'a  que  34  |x  de  largeur.  Son  diamètre  va  en  augmen- 
tant progressivement  et  mesure  déjà  0mm,2  dans  la  partie  infé- 
rieure de  la  branche  ascendante  ;  il  atteint  1  millimètre  et  plus 
au  point  où  la  branche  descendante  vient  se  terminer  sur  la 
vésicule  séminale  (fîg.  346,  d). 

Le  tube  testiculaire  est  limité  extérieurement  par  une  cuticule 
anhiste;  en  dedans,  il  est  tapissé  d'un  épithélium  dont  la  structure 
présente,  suivant  les  régions,  les  modifications  les  plus  grandes;  cette 
structure  a  été  bien  étudiée  par  Ed.  van  Beneden  et  Julin.  La  lumière 
du  canal  est  remplie  dans  presque  toute  son  étendue,  sur  plus  d'un 
mètre  de  longueur,  par  les  cellules-mères  des  spermatozoïdes,  élé- 
ments globuleux,  larges  de  22  y.  et  renfermant  un  gros  noyau.  Dans 
la  portion  la  plus  externe  du  tube,  sur  une  longueur  de  40  à  50  mil- 
limètres seulement,  les  cellules-mères  des  spermatozoïdes  se  divisent 
en  deux,  puis  en  quatre  et  donnent  ainsi  naissance  à  des  globules 
arrondis,  infiltrés  de  grosses  granulations,  larges  de  13  à  16  y.,  dé- 
pourvus d'enveloppe,  mais  munis  d'un  gros  noyau. 

Ces  globules  ne  sont  autre  chose  que  les  spermatozoïdes  :  ceux-ci 
ont  donc  un  aspect  tout  particulier,  reconnu  tout  d'abord  par  von 
Siebold;  ils  sont  dépourvus  du  long  flagellum  qui  caractérise  les  zoo- 
spermes  des  autres  animaux.  Ils  se  déplacent  au  moyen  de  mouve- 
ments  amiboïdes    et,    chez    les 
Strongylides,    les    changements 
de  forme  sont  tellement  accen- 
tués qu'ils  rendent  parfois  l'orga- 
nisme    totalement     méconnais- 
sable. 

Leuckart  appelle  canal  défé- 
rent la    partie  inférieure    du 
tube  testiculaire,  celle  où  les 
cellules-mères    subissent   les 
modifications  qui  doivent  don- 
ner naissance  aux  spermato- 
zoïdes. Le  canal  déférent  abou- 
tit à  la  vésicule  séminale  (fi g. 
346, d;  (ig.  347,  «),  canal  cylin- 
drique, dirigé  d'avant  en  ar- 
rière. Celle-ci  est  longue  de  60  à  70  millimètres,  large  de  près  de 
2  millimètres  et  située  au-dessous  de  l'intestin.  Sa  cuticule  est 
épaissie  ;  sa  couche  épithéliale  est  formée  de  cellules  fusionnés 


Fi  g.  347.—  Coupe  longitudinale  dorso- 
ventrale  de  l'extrémité  postérieure 
de  l'Ascaride  mâle,  d'après  Leuckart. 
—  a,  vésicule  séminale;  b,  intestin  ; 
c,  cloaque  ;  d,  anus;  e,  spicule. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  681 

en  une  masse  granuleuse,  dont  la  surface  libre  est  irrégu- 
lière et  recouverte  de  papilles.  Celles-ci  supportent  enfin  des 
faisceaux  de  longs  filaments  ramifiés ,  ayant  l'aspect  des 
pseudopodes  des  Foraminifères  et  animés  comme  eux  de  lents 
changements  de  forme.  La  vésicule  séminale  est  un  réservoir 
dans  lequel  le  sperme  s'accumule.  Elle  se  rétrécit  en  arrière 
et  présente  à  sa  terminaison  une  sorte  de  sphincter;  celui-ci 
ne  peut  être  forcé  que  par  la  contraction  de  certains  fais- 
ceaux musculaires  qui  s'étendent  des  faces  latérales  à  la  ligne 
médio-ventrale  et  fonctionnent  à  la  façon  de  compresseurs  de 
la  vésicule  séminale. 

Cette  dernière  communique  finalement  avec  le  cloaque  par 
l'intermédiaire  du  canal  éjaculateur ,  conduit  long  de  7  à 
8  millimètres,  dont  Tépithélium  est  formé  de  hautes  cellules 
cylindriques  qui  le  réduisent  à  une  étroite  lumière.  Ce  canal 
possède  une  double  assise  musculaire  :  une  couche  longitu- 
dinale et  une  couche  transversale,  qui  s'intriquent  et  s'anas- 
tomosent l'une  avec  l'autre,  de  manière  à  constituer  un  réseau 
dont  les  diverses  parties  se  contractent  en  même  temps.  Ces 
muscles  ont  pour  effet  d'aider  à  l'éjaculation  du  sperme,  au 
moment  du  coït. 

Sur  la  paroi  dorsale  du  cloaque,  un  peu  en  arrière  de  la 
terminaison  du  canal  éjaculateur,  viennent  déboucher  deux 
étroits  culs-de-sac,  dans  chacun  desquels  se  trouve  logé  un 
spicule  (fig.  347,  é).  Les  spicules  sont  des  bâtonnets  chiti- 
neux  longs  de  2  millimètres  environ,  larges  de  0mm,25  au 
maximum  et  légèrement  incurvés.  Leur  extrémité  interne  ou 
antérieure  est  comme  tronquée  et  donne  insertion  à  quel- 
ques fibres  musculaires  qui  les  mettent  en  mouvement  et  qui 
vont  se  perdre  d'autre  part  dans  la  paroi  du  corps  ;  l'extré- 
mité postérieure  est  effilée,  obtuse  et  peut  faire  saillie  au 
dehors,  à  travers  les  lèvres  du  cloaque  (fig.  341  ;  fig.  346,  b). 
Grâce  à  l'incurvation  de  son  extrémité  caudale,  l'Ascaride 
mâle  peut  s'enrouler  autour  du  corps  de  la  femelle  dans  l'acte 
de  la  copulation  :  les  spicules  proéminent  alors  et  s'introdui- 
sent dans  la  vulve  qu'ils  maintiennent  béante. 

L'appareil  génital  femelle  (fig.  348)  est  formé  de  deux  tubes, 
repliés  un  grand  nombre  de  fois  sur  eux-mêmes  et  dont  la 
longueur  est   encore    plus  considérable    que  celle   du  tube 


682 


ORDRE  DES   NÉMATODES. 

testiculaire  :  chez  une  femelle  longue  de 
20  centimètres,  les  deux  tubes  ont  une 
longueur  totale  de  280  centimètres;  chez 
une  femelle  de  28  centimètres,  leur  lon- 
gueur totale  atteint  près  de  3  mètres  ;  ils 
sont  donc  proportionnellement  plus  longs 
chez  le  jeune  que  chez  l'adulte.  Les  deux 
tubes,  e,  s'unissent  finalement  l'un  à  l'au- 
tre pour  constituer  un  court  vagin.  Celui- 
ci  s'ouvre  au  dehors  par  la  vulve,  c,  au  ni- 
veau de  laquelle  le  corps  s'élargit  légère- 
ment. 


Le  tube  génital,  e,  se  compose  de  trois  par- 
lies  à  structure  bien  distincte:  l'ovaire,  l'ovi- 
ducte  et  l'utérus.  Vovaire  occupe  une  longueur 
d'environ  120  centimètres:  il  commence  par 
une  extrémité  effilée,  fermée  en  cul-de-sac  et 
consiste  en  un  long  tube  blanc,  à  mince  paroi. 
Celle-ci  est  constituée  par  une  cuticule  anhiste, 
tapissée  intérieurement  par  un  épithélium  gra- 
nuleux, dont  les  cellules  très  allongées  ont 
pris  l'aspect  de  fibrilles.  L'axe  du  canal  est  oc- 
cupé par  un  cordon  fibreux,  le  rachis,  sur  le- 
quel sont  attachées  les  cellules  ovulaires. 
Celles-ci  sont  en  nombre  si  considérable  qu'on 
en  trouve  parfois  jusqu'à  cent  et  davantage 
sur  une  môme  coupe  transversale  :  elles  sont 
en  forme  de  coin,  rayonnent  autour  du  rachis 
et,  dans  les  parties  inférieures  de  l'ovaire,  at- 
teignent une  longueur  de  200  p.,  alors  que 
leur  base  n'est  large  que  de  40  p..  Dans  ces 
mômes  régions,  le  rachis  s'amincit  notable- 
ment et  se  divise  en  petites  grappes  ovulaires. 
En  môme  temps,  les  ovules  perdent  leur  as- 
pect conique;  ils  se  raccourcissent  et  se  ren- 
flent, de  manière  à  prendre  davantage  leur 


Fig.  348.  —  Ascaride  femelle,  de  grandeur  natu- 
relle, ouvert  dans  toute  sa  longueur,  d'après  Davaine.  —  a,  extrémité  anté- 
rieure ;  h,  extrémité  postérieure;  c,  vulve;  d,  ligne  latérale;*?,  les  deux 
tubes  génitaux  s'unissant  l'un  à  l'autre  au  voisinage  de  la  vulve,  pour  for- 
mer un  court  vagin. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  683 

forme  définitive.  Finalement,  les  œufs  se  détachent  de  leur  support 
et  le  rachis  disparaît. 

Voviducte  fait  suite  à  l'ovaire,  dont  il  se  distingue  par  l'absence  de 
rachis  et  par  la  présence  d'une  couche  musculaire  transversale  qui 
va  en  augmentant  d'épaisseur  vers  l'utérus.  Son  épithélium,  formé  de 
cellules  courtes  et  larges,  rappelle  celui  de  la  vésicule  séminale,  chez 
le  mâle  :  elles  sont  recouvertes  de  longues  villosités  claviformes,  qui 
réduisent  d'un  tiers  au  moins  la  cavité  de  l'organe.  Cette  cavité  est 
remplie  d'ovules  libres  qui,  lorsqu'ils  sont  abondants  et  répartis  par 
petits  amas,  la  distendent  et  lui  donnent  un  aspect  noueux. 

Leuckart.  appelle  receptaculum  seminis  la  portion  du  tube  génital  qui 
fait  suite  à  l'oviducte  :  c'est  un  segment  cylindrique,  long  de  16  mil- 
limètres et  dont  la  largeur,  variable  avec  le  degré  de  réplétion,  est  à 
peu  près  double  de  celle  de  la  partie  précédente.  L'épithélium  a  la 
même  structure  générale  que  dans  l'oviducte,  mais  les  villosités  sont 
plus  écartées  les  unes  des  autres;  au  lieu  d'être  claviformes,  elles  ont 
l'aspect  de  hautes  lamelles  triangulaires,  dont  les  contours  délicats 
sont  munis  d'expansions  de  forme  si  changeante  qu'on  ne  peut  dou- 
ter de  leur  nature  amiboïde.  La  surface  entière  des  lamelles  est  cons- 
tamment recouverte  des  spermatozoïdes.  L'intérieurde  la  poche, dont 
la  cavité  est  notablement  plus  vaste  que  celle  de  l'oviducte,  est  égale- 
ment remplie  d'un  nombre  immense  de  spermatozoïdes  :  c'est  en  cette 
partie  de  l'appareil  femelle  que  s'accomplit  la  fécondation.  Après  leur 
pénétration  dans  les  voies  génitales  femelles,  les  spermatozoïdes  su- 
bissent de  profondes  modifications  dont  Ed.  van  Beneden  a  repris 
l'étude  chez  Ascaris  megalocephala. 

Les  muscles  du  receptaculum  seminis  sont  la  continuation  directe  de 
ceux  de  l'oviducte.  Ils  sont  disposés  circulairement  et  forment  une 
couche  distincte  ;  quelques  fibres  longitudinales  se  séparent  à  angle 
droit  des  précédentes  et,  après  un  trajet  plus  ou  moins  long,  se  ter- 
minent par  des  ramifications  nombreuses. 

L'utérus  communique  avec  le  réservoir  séminal  par  un  rétrécisse- 
ment en  forme  de  sphincter  ;  il  est  dirigé  d'avant  en  arrière,  à  la  face 
inférieure  du  tubedigestif.il  estreconnaissable  à  sa  grande  épaisseur, 
qui  est  de  lmm,5  à  lmm,7.  Sa  longueur  est  de  200  millimètres  chez  une 
femelle  longue  de  280  millimètres;  elle  est  de  113  à  150  millimètres 
chez  une  femelle  longue  de  205,  d'après  Leuckart.  Cet  auteur  évalue 
la  capacité  des  utérus  à  900  ou  1000  millimètres  cubes  et  à  dix  ou 
onze  millions  la  quantité  d'œufs  qu'ils  peuvent  contenir.  Comme  ces 
organes  sont  toujours  remplis,  on  peut  ainsi  se  faire  une  idée  de 
l'étonnante  fécondité  de  l'Ascaride;  Eschricht  évalue  à  60  millions  le 
total  des  œufs  renfermés  dans  l'appareil  femelle  tout  entier. 

La  paroi  utérine  est  constituée  par  une  tunique  propre  anhiste,  en 


684  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

dehors  de  laquelle  se  voit  une  couche  musculaire  dont  les  fibres,  plus 
ramifiées  que  celles  du  réservoir  séminal,  s'intriquent  entre  elles  ;  les 
fibres  longitudinales,  situées  en  dehors  des  fibres  circulaires  et  plus 
indépendantes  que  dans  le  précédent  segment,  sont  relativement  peu 
nombreuses.  L'épithélium  qui  tapisse  la  cavité  de  l'utérus  est  assez 
semblable  à  celui  qui,  chez  le  mâle,  revêt  la  moitié  inférieure  de  la 
vésicule  séminale.  Il  est  hérissé  d'un  grand  nombre  de  grosses  pa- 
pilles, longues  parfois  de  70  i*.  et  dont  chacune  renferme  un  novau 
large  de  20  p.:  par  leur  base,  elles  s'intercalent  les  unes  entre  les 
autres  et  on  les  prendrait  pour  des  cellules,  comme  l'a  fait  Glaparède 
pour  l'Ascaride  du  Porc,  si  on  ne  constatait  qu'elles  se  perdent  dans 
une  couche  granuleuse  commune.  Les  papilles  n'ont  pas  la  même 
forme  dans  toutes  les  parties  de  l'utérus  :  dans  la  région  postérieure, 
elles  s'aplatissent  peu  à  peu,  de  manière  à  passer  insensiblement  aux 
lamelles  du  receptaculum  seminis;  du  côté  du  vagin,  elles  cessent  au 
contraire  brusquement. 

Le  vagin  est  long  de  6  à  10  millimètres.  Sa  face  interne  est 
parcourue  de  plis  longitudinaux,  recouverts  d'une  cuticule 
claire  et  assez  épaisse  ;  la  lumière  de  l'organe  est  presque  en- 
tièrement comblée  par  ces  plis  et  se  réduit  à  une  fente  étroite 
et  étoilée.  Les  muscles  et  la  couche  granuleuse  dont  dépen- 
dent les  plis  occupent  environ  un  tiers  de  l'épaisseur  totale; 
les  muscles  longitudinaux,  du  moins  dans  la  moitié  antérieure, 
sont  presque  aussi  développés  que  les  muscles  circulaires. 

Quand  l'œuf  arrive  dans  l'utérus,  il  n'est  encore  constitué 
que  par  un  amas  vitellin  plus  ou  moins  régulièrement  ovale, 
long  de  50  à  65  (/.,  large  de  43  ja  et  dépourvu  de  membrane 
d'enveloppe  ;  il  n'est  pas  rare  de  voir  des  spermatozoïdes  atta- 
chés à  sa  surface.  La  coque  se  montre  bientôt,  sous  forme 
d'une  mince  membrane  à  contour  net  :  par  suite  de  son 
épaississement,  elle  se  dédouble  en  deux  membranes  super- 
posées. L'interne  est  la  plus  résistante  et  la  plus  réfringente  ; 
une  assez  forte  pression  est  nécessaire  pour  la  rompre. 
L'externe  est  plus  friable,  malgré  sa  plus  grande  épaisseur  : 
elle  est  formée  de  couches  concentriques  indiquées  par  une 
délicate  striation.  Quand  cette  double  coque  s'est  constituée, 
l'œuf  arrive  dans  la  moitié  antérieure  de  l'utérus  :  une  sub- 
stance albumineuse  claire  se  dépose  alors  à  sa  surface.  Cette 
substance  forme  d'abord  un  revêtement  homogène,  mais  se 
soulève  bientôt  en  petits   tubercules  hémisphériques,  longs 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  685 

de  5  à  6  (x,  qui  donnent  à  l'œuf  un  aspect  caractéristique 
(fig.  340).  Les  œufs  sont  agglutinés  entre  eux  par  leur  enve- 
loppe d'albumine,  de  manière  à  former  dans  la  partie  anté- 
rieure de  l'utérus  des  amas  plus  ou  moins  volumineux;  ils 
ne  se  séparent  les  uns  des  autres  qu'au  moment  du  passage 
à  travers  le  vagin;  mais  leur  union  est  parfois  si  intime  que, 
plutôt  que  de  se  rompre,  les  tubercules  s'étirent  en  longs  et 
minces  filaments. 

J.  Cloquet,  Anatomie  des  Vers  intestinaux .  Ascaride  lombricoïde  et  Echi- 
norhynque  géant.  Paris,  1824. 

W.  W.  Morland,  Ascaris  lumbricoïdes  of  unusual  size.  Boston  raed.  and 
surgical  journal,  LVIII.  p.  62,  1858. 

J.  Czermak,  Ueber  den  Bau  und  dos  optische  Verhalten  der  Haut  von 
Ascaris  lumbricoïdes.  Sitzungsber.  der  Wiener  Akad.  derWiss.,  math.-nat. 
Classe,  IX,  p.  755,  1852. 

B.  T.  Lowne,  The  anatomy  of  the  round  worm.  Monthly  microscopical 
Society,  V,  p.  55,  1871. 

G.  Joseph,  Vortàufige  Bemerkungen  ùber  Musculatur,  Excretionsorgane 
und  peripherisches  Nervensystem  von  Ascaris  megalocephala  und  lumbri- 
coïdes. Zoolog.  Anzeiger,  V,  p.  603,  1882.  Voir  aussi  VI,  p.  71,  125,  196  et  274, 
1883. 

Em.  Ronde,  Beitrage  zur  Kennt?iiss  der  Anatomie  der  Kematoden.  Schnei- 
der's  zoolog.  Beitrage,  I,  p.   Il,  1883. 

Mor.  Nussbaum,  Zur  Befruchtung  bei  den  Nematoden.  Zoolog.  Anzeiger, 
VI,  p.  515,  188:1. 

Ed.  van  Beneden,  L'appareil  sexuel  femelle  de  V Ascaride  mégalocéphale. 
Archives  de  biologie,  IV,  p.  95,  1883.  —  Id.,  Recherches  sur  la  maturation 
de  V œuf  et  la  fécondation.  Ascaris  megalocephala.  Ibidem,  p.  265,  1884. 

Ed.  van  Beneden  et  Ch.  Julin,  La  spermatogenèse  chez  l'Ascaris  megalo- 
cephala. Bull,  de  l'Acad.  de  Belgique,  (3),  VII,' p.  312,  1884. 

P.  Hallez,  Sur  la  spermatoyenèse  et  sur  les  phénomènes  de  la  fécondation 
chez  les  Ascaris  megalocephala.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences, 
XCVIII,  p.  695,  1884. 

0.  Zacharias,  Ueber  die  feineren  Vorgânge  bei  der  Befruchtung  des  Etes 
von  As  aris  megalocephala.  Zoologischer  Anzeiger,  X,  p.  164,  1887. 

On  admet  généralement  que  l'Ascaride  lombricoïde  ne  vit 
pas  très  longtemps  et  que  son  existence  ne  dépasse  pas  une 
année  :  la  femelle  mourrait  ou  serait  expulsée  quand  la  ponte 
est  achevée  et  la  présence  de  Vers  chez  un  même  individu 
pendant  plusieurs  années  tiendrait  à  la  continuité  de  l'infes- 
tation.  Cette  opinion  est  sans  donte  le  plus  souvent  exacte; 
elle  est  néanmoins  contredite  par  les  cas  exceptionnels  où  le 
parasite  détermine  certains  accidents  de  longue  durée,  qui 
prennent  fin  au  moment  de  son  évacuation. 

Le  Ver  se  tient  dans  les  premières  portions  de  l'intestin 


686  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

grêle  ;  l'anus  est  la  voie  par  laquelle  il  est  normalement 
expulsé,  mais  il  n'est  point  rare,  ainsi  que  nous  le  verrons 
plus  loin ,  de  le  rencontrer  en  d'autres  points  du  tube  diges- 
tif et  de  le  voir  sortir  par  d'autres  orifices.  En  dehors  de  l'ob- 
servation du  parasite,  la  présence  des  œufs  dans  les  matières 
fécales  (1)  ou  même  dans  les  vomissements  (2)  est  un  signe 
certain  de  diagnostic. 

L'Ascaride  est  rarement  solitaire;  il  est  habituel  de  trouver  dans 
l'intestin  deux  à  six  individus,  mais  c'est  par  exception,  du  moins 
dans  les  climats  tempérés,  qu'on  en  trouve  un  plus  grand  nombre; 
dans  les  régions  tropicales,  les  parasites  peuvent  au  contraire  devenir 
extrêmement  nombreux  et  constituer  un  véritable  danger.  Cobbold 
parle  d'un  cas  dans  lequel  le  Dr  Cooper  Rose  aurait  vu  un  entant  de 
quinte  mois  expulser  30  Vers,  à  la  suite  de  l'administration  de  la 
santonine.  Smith   cite  un  enfant  qui  en  a  rendu  39;  Playfair  en  vit 
évacuer  69,  Spalding  100,  Kùchenmeister  103,  Victor  122,  Martin  140 
chez  un  enfant  de  cinq  ans.   Mackeith,    de  Sandhurst,  Kent,  en  fit 
rendre  300,  d'après  Cobbold,  à  une  fillette  de  cinq  ans  et  demi.  Mor- 
land  en  trouva  365  dans  l'intestin  grêle  d'un  enfant  qui  en  avait  déjà 
rendu  un  grand  nombre  par  la  bouche.  Kiïchenmeister  cite  encore 
un  enfant  qui  en  rendit  de  3  à  400.  Pôle  en  vit  évacuer  441  en  trente 
quatre  jours  et  Gilli  parle  d'un  enfant  qui  en  rendit  510.  Levacherdit 
avoir  vu  souvent,  aux  Antilles,  des  enfants  rendre  jusqu'à  400  et  600  As- 
carides. Cruveilhier  estime  à  plus  de  1000  le  nombre  de  ceux  qui 
furent  trouvés  dans  l'intestin  d'une  fille  idiote  :  l'intestin  grêle  en  était 
tout  rempli.  D'après  Vital,  le  nombre  des  Ascarides  observés  à  l'hô- 
pital militaire  de  Gonstantine  est  le  plus  souvent  de  2  à  4  chez  les 
Européens,  de  2  à  7  ou  8  chez  les  indigènes;  il  s'est  élevé  plusieurs 
fois  à  une  trentaine  chez  ces  derniers  et,  chez  un  enfant,  il  a  même 
dépassé  1  800  ;  l'enfant  revint  à  la  santé  en  très  peu  de  jours.  Petit,  de 
Lyon,   parle   d'un  jeune  garçon  qui   en   rendit  2  500  en  cinq  mois. 
Enfin  Fauconneau-Dufresne  a  publié  un  cas  dans  lequel  un  garçon 
de  douze  ans  rendit  plus  de  5  000  Vers  en  moins  de  trois  années,  la 
plupart  par  le  vomissement;  600  furent  évacués  en  un  seul  jour. 
La  présence  de  l'Ascaride  n'exclut  point  celle  d'autres  parasites 

(1)11  faut  bien  se  garder  de  commettre  l'erreur  dans  laquelle  sont  tombés 
certains  observateurs.  Debey,  d'Aix-la-Chapelle  (Deutsche  Klinik,  n°«  1,  2  et 
5,  1867),  a  trouve  constamment  l'œuf  de  l'Ascaride  dans  les  selles  des  cho- 
lériques et  l'a  décrit  comme  un  Champignon  particulier  au  choiera.  En 
Angleterre,  Swaync,  Budd  et  Brittan  ont  attribué  la  même  signification  aux 
œufs  do  l'Ascaride,  de  l'Oxyure  et  du  Trichocéphale. 

(2)  Ruggi  en  cite  un  cas  dont  il  sera  question  plus  loin. 


ASCARIS  LUMBRIC01DES.  687 

dans  l'intestin.  Mûller  a  relevé  le  résultat  de  135  autopsies  faites  à 
l'asile  des  aliénés  d'Erlangen  :  le  parasite  a  été  rencontré  39  fois, 
savoir  :  14  fois  seul,  6  fois  avec  l'Oxyure,  8  fois  avec  le  Trichocéphale, 
11  fois  avec  l'Oxyure  et  le  Trichocéphale.  De  même,  sur  611  autopsies 
pratiquées  à  Kiel  du  Ier  octobre  1872  au  30  septembre  1875,  Arn. 
Hellera  trouvé  108  fois  l'Ascaride,  savoir  :  32  fois  seul,  16  fois  avec 
l'Oxyure,  26  fois  avec  le  Trichocéphale,  34  fois  avec  l'Oxyure  et  le  Tri- 
chocéphale. 11  est  inutile  d'insister  davantage  sur  ce  point  et  de  faire 
ressortir  que  l'Ascaride  peut  encore  se  rencontrer  dans  l'intestin 
avec  des  Cestodes  ou  des  Trématodes. 

Le  parasite  s'observe  surtout  chez  les  enfants,  quelques  auteurs 
disent  même  exclusivement.  Puistienne  a  recueilli  100  observations 
d'après  lesquelles  il  conclut  que  la  plus  grande  fréquence  est  de  six 
à  dix  ans;  il  a  cherché  en  vain  des  cas  se  rapportant  aux  deux  âges 
extrêmes  de  la  vie.  Gribbohm  le  dit  plus  fréquent  d'un  à  quinze  ans. 
A  Baie,  Zâslein  indique  sa  prédominance  de  un  à  dix  ans  (19,4  p.  100 
des  cas)  et  de  onze  à  vingt  ans  (21,3  p.  100  des  cas).  De  Lille  dit  l'avoir 
observé  chez  un  enfant  de  onze  semaines. 

Pendant  un  an  et  demi  de  service  à  Indret,  J.  Duval  a  observé 
153  cas  d'Ascarides  ayant  manifesté  leur  présence  par  des  troubles 
de  la  santé  de  ceux  qui  en  étaient  porteurs.  Ces  153  cas  peuvent  se 
répartir  ainsi  : 

De  8  mois  et  demi  à  un  an 2  cas 

De  1  an  à  10  ans 72 

De  10  ans  à  16  ans 51 

De  16  ans  à  26  ans 18 

De  20  à  35  ans 9 

A  85  ans 1 


s  au- 


De  son  côté,  Millier  est  arrivé  au  résultat  suivant,  d'après  le 
topsies  faites  à  Dresde  de  1852  à  1862  et  à  Erlangen  de  1862  à  1872  : 

De  1  à  5  ans 10,09  p.  100 

De  15  Ji  20  ans 27,58      — 

De  45  à  50  ans 15.12      — 

Ces  statistiques  démontrent  que  l'Ascaride  peut  s'observer  chez 
l'Homme  à  tous  les  âges  de  la  vie  (1),  mais  qu'il  est  particulièrement 
fréquent  dans  la  jeunesse  et  dans  l'adolescence.  La  prédominance  du 
parasite  dans  le  jeune  âge  a  été  constatée  par  la  plupart  des  obser- 
vateurs, encore  que,  dans  certains  cas,  elle  soit  très  peu  marquée; 
parfois  même  on  observe  sa  plus  grande  fréquence  à  l'âge  adulte  et 
chez  les  femmes. 

(I)  Heller  Ta  vu  à  Kiel  chez  un  vieillard  de  7S  ans. 


688  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

K.  Miiller  a  encore  donné  des  renseignements  précis  sur  la  fré- 
quence du  parasite  d'après  l'âge  et  le  sexe.  Pour  Dresde,  la  statistique 
était  la  suivante  : 

1164  hommes  ont  présenté  l'Ascaride  95  fois,   soit  8,1    p.    100 

739  femmes  —               —  70        —  9,5        — 

36  enfants  —                —  15        —  41,0        — 

Au  total,  1939  individus  —               —  180        —          9,1         — 

Pour  Erlangen,  le  résultat  était  fort  différent,  en  ce  qui  concerne  le 
jeune  âge  : 

845  hommes    ont  présenté  l'Ascaride    93  fois,  soit  11  p.    100 

513  femmes  —  —  81        —        15,7      — 

397  enfants  —  —  53        —        13,3      — 

Au  total,  1755  individus  —  —  227        —        12,9      — 

Enfin,  Arn.  Hetler  a  publié  une  statistique  analogue,  d'après  les 
autopsies  pratiquées  à  Kiel  du  1er  octobre  1872  au  30  septem- 
bre 1875: 

266  hommes    ont  présenté  l'Ascaride  32  fois,  soit  12  p.  100 

194  femmes                —  —              43        —  22,2      — 

151  enfants                —  —  33        —  21,8      — 

Au  total,    611  individus             —  —  108        —  17,7       — 

Dans  ces  différentes  statistiques,  on  compte  comme  enfants  tous 
les  individus  âgés  de  moins  de  quinze  ans. 

Sur  482  autopsies  faites  à  Dorpat,  Cruse  a  observé  le  parasite  dans 
9,9  p.  100  des  cas,  savoir  :  chez  8  p.  100  des  individus  mâles  et  chez 
12,4  p.  100  des  individus  femelles.  A  Kiel,  Gribbohm  dit  qu'on  le 
trouve  dans  18,3  p.  100  des  autopsies.  D'après  752  autopsies  faites 
à  Bâle,  de  1877  à  1880,  Zàslein  dit  qu'on  l'a  rencontré  86  fois,  soit 
dans  la  proportion  de  11,4  p.  100.  Enfin,  Vital  dit  que,  à  Constantine, 
on  le  voit  1  fois  sur  7  indigènes  et  1  fois  sur  33  Européens. 

Le  sexe  n'a  aucune  influence  sur  l'aptitude  à  contracter  le  parasite  ; 
il  en  est  évidemment  de  même  de  l'état  social  et  de  la  profession.  Sa 
plus  grande  fréquence  à  la  campagne  qu'à  la  ville  s'explique  par 
l'usage  plus  répandu  d'eau  non  filtrée*. 

Quant  à  sa  fréquence  chez  les  aliénés  ou  les  idiots,  elle  s'explique 
bien  plus  par  une  perversion  du  goût  que  par  un  état  constitutionnel  par- 
ticulier. A  Erlangen,  tandis  qu'on  ne  rencontre  l'Ascaride  que  227  fois 
sur  1755  autopsies  faites  dans  les  hôpitaux,  c'est-à-dire  dans  la  pro- 
portion de  12,92  p.  100,  ce  môme  parasite  s'observe  39  fois  sur  135 au- 
topsies faites  à  l'asile  d'aliénés,  c'est-à-dire  dans  la  proportion  de 
28,88  p.  100. 


ASCARIS  LUMBRIC01DES.  689 

Ces  résultats  sont  d'accord  avec  ceux  qu'avait  obtenus  Vix,  auquel 
est  due  la  découverte  de  la  prédominance  des  helminthes  chez  cer- 
tains aliénés,  notamment  chez  les  coprophages.  A  l'asile  de  Hofheim, 
cet  observateur  a  examiné  3o  coprophages  qui  tous  avaient  des  para- 
sites (t),  tandis  que,  dans  le  même  établissement,  les  personnes 
saines  et  les  individus  légèrement  malades  n'étaient  atteints  que  dans 
la  proportion  de  8  p.  100.  Sur  86  aliénés  ayant  des  helminthes,  Vix  a 
trouvé  l'Ascaride  18  fois,  c'est-à-dire  dans  la  proportion  de  21  p.  100. 

On  attribue  généralement  à  la  saison  une  certaine  influence  sur  la 
propagation  de  l'Ascaride.  A  l'exemple  d'Hippocrate,  de  nombreux 
auteurs  assurent  qu'il  est  plus  commun  en  automne,  peut-être  parce 
qu'ils  attribuent  aux  fruits  une  certaine  action  sur  sa  dissémination; 
d'autres  considèrent  le  printemps  comme  la  saison  la  plus  favorable 
à  son  développement.  Ces  faits  tiennent  sans  doute  à  ce  que  les  pluies, 
plus  abondantes  en  ces  saisons,  entraînent  dans  les  puits  ou  les  ruis- 
seaux un  plus  grand  nombre  d'œufs  et  favorisent  ainsi  i'infestation. 

Clir.  Ev.  De  Lille,  De  pntpatione  cordis.  Zwollae,  1755. 

Playfair,  Case  of  Lwnbricus  cured  by  the  mudur.  Transactions  of  the 
Calcutta  med.  and  phys.  Society,  II,  p.  407,  1826. 

P.  Spalding,  Case  of  worms.  Boston  med.  and  surg.  journal,  1839. 

Gilli,  Account,  of  a  case  in  which  510  worms  (Lumbrici)  voere  voided  by  a 
child.  Médico-chirurgical  Review,   1843. 

D.  T.  Martin,  Large  number  of  worms  discharged  from  a  child  five  years 
old.  Boston  med.  and  surg.  journal,  XLIV,  p.  301,  1851. 

W.  W.  Morland,  Ejection  ofnumerous  Lumbrici  from  the  mont  h,  impaction 
of  the  small  intestine  ivith  Lumbrici,  of  which  365  were  removed  post  mor- 
tem.  Ibidnm,  LVI,  1857. 

J.  N.  Smith,  Thirty-nine  spécimens  of  Ascarii  lumbricoïdes  in  a  child. 
Ibidem,  1856. 

C.  Davaine,  Lombric  ou  Ascaride  lombricoïde.  Dictionn.  encyclop.  des  se. 
méd.,  (2),  III,  p.  87,  1870. 

D'Ardenne  de  Lacapelle-Marival,  Nombreux  Ascarides  lombricoïdes.  Jour- 
nal d'hygiène,  1880. 

Fauconneau-Dufresne,  Plus  de  5000  Vers  Ascarides  lombricoïdes  rendus  en 
moins  de  trois  années,  la  plupart  parle  vomissement  ;  guérison.  Union  méd., 
(3),  XXIX,  p.  7:>7,    1880. 

J.  Duval,  Contribution  à  l'étude  de  l'Ascaride  lombricoïde.  Un  an  et  demi 
d'observation  à  Indret.  Thèse  de  Paris,  18SO. 

A.  C.  PoIh,  Expulsion  of  441  lumbricoid  worms  within  34  days.  Médical 
Chronicle.   Baltimore,  I,  p.  184,  1 88*2. 

P.  Victor,  122  large  round  worms  discharged  by  a  child  in  five  days.  Indian 
med.  Gazette.  Calcutta,  XX,  p.  319,  1885. 

W.  von  Schrôder,  Ueber  die  Wirkung  einiger  Gifle  auf  Askariden . 
Archiv  fur  exper.  Pathol.  und  Pharmakologie,  XIX,  p.  290,  1885. 

(1)  Il  ne  s'agit  pas  ici  seulement  de  l'Ascaride,  mais  également  de  l'Oxyure 
et  du  Trichocéphale,  ce  qui  montre  bien  que  la  transmission  de  ces  divers 
helminthes  reconnaît  comme  cause  commune  la  voracité  et.  la  malpropreté 
des  malades. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  44 


690  ORDRE   DES  NEMATODES. 

Il  n'est  point  rare  de  voir  l'Ascaride  sortir  par  la  bouche  ou  s'enga- 
ger dans  toute  autre  voie.  Nous  ne  pouvons  songer  à  entrer  dans  de 
longs  détails  relativement  aux  Ascarides  erratiques;  nous  nous  bor- 
nerons à  quelques  exemples  récents  et  nous  renverrons  pour  le  reste 
au  livre  de  Davaine. 

L'Ascaride  remonte  fréquemment  par  le  pylore  jusque  dans  l'esto- 
mac. Ruggi  parle  d'une  fille  de  vingt-trois  ans  qui,  à  la  suite  de 
coliques,  vomit  un  liquide  acide  dans  lequel  on  reconnut  les  œufs  du 
parasite.  Haueur  cite  le  cas  d'un  jeune  enfant  qui,  sous  l'influence  de 
4  dragées  de  santonine,  rendit,  tant  parles  vomissements  que  par  les 
selles,  83  Ascarides. 

Le  Ver  peut  remonter  dans  l'œsophage  et  jusque  dans  le  pharynx. 
11  sort  alors  habituellement  par  la  bouche  (1)  ou  par  les  narines; 
mais  s'il  rencontre  sur  son  chemin  quelque  abcès  ou  quelque  trajet 
fistuleux,  il  pourra  s'y  engager  et  occasionner  des  accidents  plus  ou 
moins  graves.  Lepelletier,  du  Mans,  a  vu  deux  fois  des  Ascarides  sortir 
par  des  abcès  de  Fœsophage  :  chez  le  premier  malade,  un  enfant  de 
douze  ans,  2  Vers  occupaient  la  partie  inférieure  du  lobe  moyen  du 
poumon  gauche,  un  troisième  était  encore  engagé  dans  l'ulcère; 
six  autres  étaient  contenus  dans  l'œsophage.  Le  second  malade  était 
une  fillette  de  cinq  ans,  chez  laquelle  l'œsophage  était  perforé  sur  un 
pouce  au  moins  d'étendue:  un  Ver  se  trouvait  engagé  dans  l'orifice; 
deux  autres  occupaient  la  partie  correspondante  du  rachis  ;  trois 
étaient  encore  dans  l'œsophage.  Minaglia,  cité  par  Leuckart,  a  vu  un 
Ver  pénétrer  dans  un  trajet  fistuleux  existant  depuis  longtemps  entre 
le  pharynx  et  les  muscles  du  cou  :  sa  tête  s'était  insinuée  entre  les 
corps  vertébraux  et  avait  occasionné  une  méningite  mortelle. 

Davaine  ne  cite  que  deux  cas  d'Ascarides  ayant  pénétré  dans  la 
trompe  d'Eustache;  celui  de  Winslow  et  celui  de  Bruneau  ;  nous  pou- 
vons ajouter  trois  autres  observations.  Reynolds  cite  le  cas  d'une 
femme  de  trente-cinq  ans  qui,  à  la  suite  de  phénomènes  généraux 
graves  et  à  la  suite  de  douleurs  d'oreille  très  intenses,  rendit  un 
Ascaride  par  le  conduit  auditif  externe  droit  et  deux  autres  par  le  con- 
duit gauche.  Turnbull  parle  d'une  fillette  de  huit  ans  qui,  depuis  un 
an  environ,  se  plaignait  de  légères  douleurs  d'oreille  :  à  la  suite  d'une 
scarlatine,  celles-ci  devinrent  plus  vives  et  toute  médication  fut  im- 

(1)  Il  s'agit  sans  doute  d'un  cas  de  ce  genre  dans  ce  passage  de  Hollerius  : 
«  Constat  cnim  longos  et  rotundos  (vernies)  in  superioribus  intestinis  conti- 
neri  et  per  os  rcjici.  Anno  1558,  in  Collegio  D.  Barbarae  puer  annos  12  natus 
intervallis  vomere  solobat  longos  vermes  albos,  e  ventriculo.  Sentiebat  mo- 
tum,  morsum  et  commotionem.  Dum  urgebant,  sitiebat,  angebatur.  Nutritus 
fuerat  lacté,  et  fructibus.  »  J.  Hollerius,  Omnia  opéra  practica.  Parisiis,  1664. 
Voir  p.  420. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  691 

puissante  à  les  combattre.  Subitement,  l'enfant  ressentit  une  vive 
douleur  dans  le  conduit  auditif  externe;  elle  tira  elle-même  un  As- 
caride hors  de  ce  conduit  ;  les  douleurs  qui  duraient  depuis  dix- 
neuf  mois  cessèrent  alors.  Dagand  rapporte  un  exemple  analogue  : 
au  cours  d'une  rougeole,  un  enfant  fut  atteint  d'un  grand  nombre  de 
Vers;  l'un  d'eux  sortit  par  le  canal  auditif. 

On  a  vu  encore  des  Ascarides  passer  des  fosses  nasales  dans  le 
canal  nasal  et  déboucher  par  les  points  lacrymaux,  à  l'angle  interne 
de  l'œil:  tels  sont  les  cas  d'Amatus  Lusitanus  (Rodriguez)etde  Vrayet, 
cité  par  N.  An  dry. 

Le  parasite  peut  encore  s'introduire  par  la  glotte  jusque  dans  les 
voies  respiratoires  et  déterminer  la  mort  par  suffocation.  Davaine  en 
cite  15  cas,  dont  9  se  rapportent  sûrement  à  des  Vers  introduits  dans 
les  voies  respiratoires  pendant  la  vie  :  dans  un  cas,  la  guérison 
s'établit  ;  dans  un  autre,  l'introduction  de  l'helminthe  dans  le  larynx 
ou  la  trachée  n'est  pas  certaine;  enfin,  dans  les  trois  derniers  cas,  le 
parasite  s'était  peut-être  introduit  après  la  mort  dans  l'appareil  res- 
piratoire. Donati  a  vu  un  garçon  de  cinq  ans  mourir  suffoqué  par  un 
Ascaride. 

De  l'intestin  grêle,  l'animal  peut  passer  dans  le  canal  de  Wirsung 
et  s'enfoncer  plus  ou  moins  dans  la  substance  du  pancréas.  Davaine  en 
cite  4  exemples;  Nash  en  a  observé  un  autre. 

Ruggi,  Uova  d'Ascaridi  lombricoïdi  trovata  accidentalmente  in  Uquido 
rigetta  pervomite.  Rivista  clinica  di  Bologna,  (2),  II,  p.  15,  1872. 

Haueur.  Union  méd.  et  scientif.  du  nord-est,  I,  p.  53,  1877. 

Donati,  Un  caso  di  suffocazione  per  un  Ascaride  penetrato  nelle  vie  aëree. 
Annali  univ.  di  medicina,  1878. 

Turnbull,  Communication  concerning  tvuo  cases  of  perforation  of  themem- 
brana  tympani  from  Ascaris  lombricoïdes,  wit/i  remarks  upon  the  curious 
habits  of  this  humun  parusite.    The  med.  and  snrgical  Reporter,  XIV,  1881. 

P.  Dagand,  Lombrics  observés  en  grand  nombre  pendant  une  rougeole  ;  sortie 
d'un  Lombric  par  le  conduit  auditif.  Journal  de  méd.  et  de  chir.  pratiques, 
LIV,  p.  258,  1883. 

J.  P.  Nash,  Lumbricus  in  pancréas.  British  med.  journal,  II,  p.  770,  1883. 

G.  Andrieu,  Gastrorrhagie  causée  par  des  Ascarides  lombricoïdes  ;  guérison. 
Gazette  méd.  de  Picardie.  Amiens,  II,  p.  166,  1884. 

Il  est  beaucoup  plus  fréquent  de  voir  le  parasite  s'engager  dans  les 
voies  biliaires.  En  1838,  Bonfils  en  citait  déjà  23  cas  ;  Davaine  a  pu  en 
réunir  39  et,  depuis  lors,  divers  observateurs  ont  constaté  des  faits 
analogues  :  c'est  ainsi  que  Schuppel  en  a  vu  6  cas.  Le  parasite  se 
comporte  de  diverses  façons  :  dans  le  cas  le  plus  simple,  il  n'est  en- 
gagé qu'en  partie  dans  le  canal  cholédoque,  le  reste  de  son  corps 
étant  encore  dans  le  duodénum  ;  d'autres  fois,  il  est  contenu  en  en- 
tier dans  le  canal  cholédoque,  dans  la  vésicule  biliaire  ou  dans  les 


692  OKDRE  DES  NÉMATODES. 

conduits  biliaires  plus  ou  moins  dilatés,  mais  sans  que  le  tissu  du 
foie  soit  altéré  ;  dans  d'autres  circonstances,  les  canaux  biliaires  sont 
rompus,  le  tissu  hépatique  est  plus  ou  moins  altéré  ;  enfin,  le  Ver  a 
été  vu  par  Rœderer  et  Wagler  dans  un  kyste  hydatique  du  foie. 

On  ne  trouve  ordinairement  qu'un  seul  Ascaride,  ou  qu'un  petit 
nombre  d'Ascarides,  le  plus  souvent  encore  vivants,  dans  les  canaux 
biliaires  sains.  On  peut  croire  alors  que  le  parasite  a  pénétré  dans  les 
voies  biliaires  peu  de  temps  avant  la  mort,  peut-êire  même  après 
celle-ci.  Dans  d'autres  cas,  le  Ver  séjourne  depuis  plus  longtemps 
dans  les  canaux  :  il  détermine  alors  de  profondes  lésions  soit  des 
canaux  eux-mêmes,  soit  du  foie,  et  provoque  l'apparition  de  graves 
symptômes  qui  peuvent  amener  la  mort. 

L'helminthe  pénètre  par  l'ampoule  de  Vater  :  le  pore  biliaire, 
large  de  2  millimètres,  s'élargit  alors  considérablement.  Davaine 
admet  qu'il  a  dû  être  élargi  au  préalable  par  diverses  causes,  telles 
que  le  passage  d'Échinocoques  ou  de  calculs  biliaires  ;  mais  il 
n'est  pas  nécessaire  d'invoquer  une  semblable  explication,  car  le  pore 
biliaire  est  facilement  dilatable  et  on  sait  d'ailleurs  que  c'est  surtout 
dans  le  foie  des  enfants  que  se  rencontre  le  parasite.  Celui-ci  a  tou- 
jours la  tête  dirigée  en  avant;  s'il  se  présente  en  sens  inverse  à  l'inté- 
rieur des  canaux  biliaires,  c'est  qu'il  a  fait  volte-face  soit  dans  une 
dilatation  de  ceux-ci,  soit  dans  la  vésicule. 

On  doit  considérer  comme  exceptionnels  les  cas  où  l'Ascaride  pé- 
nètre dans  les  voies  biliaires  par  une  autre  voie  que  celle  dont  il  vient 
d'être  question.  Dans  un  cas  rapporté  par  Gôller,  Schuppel  a  vu  chez 
un  vieillard  les  ganglions  lymphatiques  voisins  du  duodénum  devenir 
le  siège  d'un  ramollissement  qui  s'était  ouvert  d'une  part  dans  l'in- 
testin, d'autre  part  dans  le  canal  hépatique  et  dans  la  veine  porte: 
plusieurs  Ascarides  avaient  suivi  cette  route  pour  arriver  jusque  dans 
les  canaux  biliaires  et  dans  les  vaisseaux  du  foie. 

Le  nombre  des  Vers  trouvés  dans  les  voies  biliaires  chez  un  même 
individu  est  très  variable.  On  en  rencontre  ordinairement  un  seul, 
rarement  plus  de  3  ou  4.  D'après  Leidy,  le  Musée  de  l'Université  de 
Philadelphie  renferme  la  préparation  d'un  foie  d'enfant,  dans  les  ca- 
naux biliaires  duquel  un  certain  nombre  d'Ascarides  s'étaient  enga- 
gés. Pellizzari  a  vu  chez  un  seul  individu  16  Vers,  renfermés  en  diffé- 
rents points  des  voies  biliaires.  A  l'hôpital  général  de  Vienne,  Mur- 
chison  a  vu  une  préparation  dans  laquelle  le  canal  cholédoque  était 
transformé  en  une  poche  grosse  comme  le  poing  et  remplie  d'un 
grand  nombre  de  parasites.  Chez  un  vieillard  de  soixante  ans,  mort 
d'ictère  généralisé  avec  fièvre  intense,  Vinay  a  trouvé  plus  de  20  Asca- 
rides dans  le  canal  cholédoque  ;  le  canal  pancréatique  en  contenait 
également  dans  presque  toute  son  étendue;  on  en  trouvait  encore  dans 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  693 

le  cœcum  et  jusque  dans  la  partie  moyenne  de  l'œsophage.  Chez  un 
individu  âgé  de  trente  ans,  Kariulis  a  trouvé  dans  le  foie  environ 
80  Vers,  longs  de  6  à  1 4  centimètres  ;  la  plupart  étaient  encore  vivants. 
Les  canaux  biliaires,  extrêmement  dilatés  et  tapissés  d'une  mu- 
queuse rugueuse,  étaient  entourés  d'une  énorme  quantité  de  petits 
abcès;  le  lobe  droit  renfermait  la  plupart  des  parasites,  le  lobe  de 
Spigel  n'en  contenait  que  5  ou  6.  De  plus,  le  canal  cholédoque  en 
renfermait  3,  le  canal  hépatique  3  et  la  vésicule  biliaire 5  ;  on  en  trou- 
vait encore  plus  de  120  dans  l'intestin  grêle,  plus  de  20  dans  le  gros 
intestin,  plus  de  20  dans  l'estomac,  20  encore  dans  l'œsophage  et  le 
pharynx. 

Les  lésions  provoquées  par  les  Ascarides  engagés  dans  les  voies  bi- 
liaires sont  généralement  très  graves.  Ils  obstruent  les  canaux  et 
arrêtent  ainsi  le  cours  de  la  bile  :  il  en  résulte  de  l'ictère,  de  la  cholé- 
mie,  delà  dilatation  des  canaux.  La  dilatation  est  parfois  limitée,  sac- 
ciforme;  elle  peut  aller  jusqu'à  la  rupture  du  canal,  mais  Schtippel 
admet  que  cette  rupture  est  préparée  par  quelque  ulcération  due  au 
parasite.  Quand  ce  dernier  séjourne  longtemps  dans  les  canaux, 
ceux-ci  s'enflamment,  leur  paroi  se  remplit  de  pus  et  l'inflammation 
peut  se  propager  au  tissu  hépatique  lui-même  :  ainsi  prennent  nais- 
sance des  abcès  du  foie,  parfois  fort  étendus. 

Ces  abcès  s'ouvrent  de  diverses  manières.  En  1786,  Kirkland  a  vu 
sortir  un  Ascaride,  en  même  temps  que  le  pus,  d'un  abcès  du  foie 
qui  s'était  ouvert  à  travers  la  peau,  au  niveau  de  la  dernière  fausse 
côte  droite.  Chez  une  fille  de  quinze  ans,  Lebert  a  vu  un  abcès  du 
foie  s'ouvrir  à  travers  la  diaphragme,  puis  se  frayer  un  chemin  à 
travers  le  poumon  droit  jusque  dans  les  bronches. 

La  mort  est  la  terminaison  habituelle  de  cas  aussi  graves.  Toute- 
fois, même  dans  les  cas  d'hépatite  suppurée,  la  guérison  peut  se 
faire,  si  les  abcès  s'ouvrent  et  expulsent  les  Vers  soit  à  travers  la 
peau,  soit  dans  l'intestin. 

11  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  consigner  ici  une  observation 
dont  nous  sommes  redevables  au  Dr  J.  Cassagnon,  médecin  de  la 
marine  :  il  s'agit  d'un  Ascaride  d'espèce  indéterminée,  trouvé  dans 
le  foie  d'un  Chimpanzé  mâle,  venu  du  Gabon  et  mort  à  Saint-Louis 
du  Sénégal,  après  un  séjour  d'une  dizaine  de  jours  environ.  Le  Ver 
avait  causé  un  abcès  de  la  grosseur  d'un  fort  œuf  de  Pigeon  ;  il  était 
encore  vivant  quand  on  l'en  retira,  plus  de  douze  heures  après  la 
mort.  Quelques  jours  auparavant,  leChimpanzé  avaitrendu  par  l'anus 
un  assez  grand  nombre  de  parasites  de  même  nature. 

E.  A.  Bonfils,  Des  lésions  et  des  phénomènes  pathologiques  déterminés  par 
la  présence  des  Vers  Ascarides  lombricoïdes  dans  les  canaux  biliaires.  Arch. 
gén.  de  méd.,  I,  p.  G61,  1858. 


694  ORDRE  DES  NEMATODES. 

G.  Pellizzari,  Di  sedieci  ver  mi  lombricoï'H  penetrati  nei  condotti  biliari 
nel  fegato  durante  la  vita  dell'  infermo.  Bollettino  del  Museo  e  délia  scuola 
d'anat.  patol.  di  Firenze,  1864. 

Vinay,  Observation  d'ictère  généralisé  tenant  à  la  présence  de  Lombrics 
dans  les  voies  biliaires.  Lyon  médical,  I,  p.  251,  1869. 

O.  Schtippel,  Die  Krankheiten  der  Gallenwege  und  der  Pfortader.  H.  von 
Ziemssen's  Handbuch  der  spec.  Pathol.  und  Thérapie,  VIII,  1.  Hâlfte, 
2.  Abth.,   1880.  Voir  p.  171. 

Kartulis,  Ueber  einen  Fall  von  Auswanderung  einer  grossen  Anzahl  von 
Ascariden  {Ascaris  lumbricoï'ies)  in  die  Gallengiinge  und  die  Leber.  Central- 
blatt  fur  Bactériologie  und  Parasitenkunde,  I,  p.  65,  1887. 

Il  arrive  parfois  que  l'Ascaride  passe  de  l'intestin  dans  la  cavité 
péritonéale.  A  l'autopsie,  on  trouve  dans  celle-ci  un  ou  plusieurs 
Vers  :  par  exception,  Mangon  en  a  rencontré  29  et  Duben  47.  La  pro- 
venance du  parasite  n'est  pas  douteuse  :  on  trouve  d'autres  Vers  de 
même  espèce  dans  l'intestin  el  la  paroi  de  celui-ci  est  le  plus  souvent 
percée  de  trous  plus  ou  moins  nombreux  qui  ont  livré  passage  aux 
individus  erratiques. 

La  cause  de  ces  perforations  a  été  très  discutée  :  Spigel,  Andry, 
van  Dœveren  et  d'autres  l'attribuent  uniquement  à  l'action  des  Vers, 
soit  que  ces  derniers  les  aient  produites  eux-mêmes,  soit  qu'ils  aient 
déterminé  la  formation  de  foyers  de  gangrène  ;  Plater,  Rudolphi, 
Bremser,  Kuchenmeister  etDavaine  admettent  au  contraire  qu'elles 
se  forment  toujours  sans  la  participation  du  parasite.  Ces  deux  opi- 
nions sont  évidemment  trop  absolues. 

Mondière,  de  Loudun,émit  une  autre  manière  de  voir,  qui  fut  adop- 
tée par  différents  auteurs,  notamment  par  von  Siebold.  Le  Ver  serait 
capable  de  traverser  la  membrane  intestinale  (1),  en  écartant  sim- 
plement les  fibres  ;  son  passage  achevé,  celles-ci  reviendraient  sur 
elles-mêmes,  grâce  à  leur  élasticité  et  à  leur  contractilité,  et  toute 
trace  de  perforation  pourrait  disparaître.  Ainsi  s'expliqueraient  les 
cas  où,  à  l'autopsie,  la  paroi  de  l'intestin  se  montre  intacte  sur  toute 
son  étendue. 

Il  est  certain  que  beaucoup  d'helminthes  traversent  la  paroi  de 
l'intestin  delà  manière  invoquée  par  Mondière  :  des  exemples  nom- 
breux de  ce  fait  nous  sont  fournis  parla  classe  même  des  Némalo- 
des  (Trichine,  Filaire  du  sang,  Filaire  de  Médine),  mais  il  est  à  re- 
marquer que  les  animaux  qui  se  comportent  ainsi  sont  toujours  de 
fort  petite  taille.  Or,  on  ne  saurait  admettre  que  l'Ascaride,  môme 
jeune,  puisse  traverser  la  paroi  de  l'intestin  sans  laisser  derrière  lui 
un  orifice,  comme  trace  de  son  passage.  Aussi  Davaine  a-t-il  eu  rai- 
son de  rejeter  l'explication  proposée  par  Mondière. 

(1)  Stôrck  a  rencontré  des  Ascarides  dans  l'épaisseur  môme  de  L'intestin, 
chez  une  femme. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  695 

Davaine  fait  remarquer  d'ailleurs  que,  dans  les  cas  où  on  l'observe, 
l'intégrité  de  l'intestin  ne  saurait  surprendre,  puisque  l'Ascaride  ne 
traverse  pas  toujours  la  paroi  de  celui-ci  :  sur  15  cas  qu'il  rapporte, 
le  Ver  a  perforé  6  fois  l'intestin  grêle,  6  fois  l'estomac,  2  fois  l'ap- 
pendice iléo-caecal  et  une  fois  le  caecum.  A  ces  15  observations,  nous 
pouvons  en  ajouter  15  autres  (I)  :  dans  14  cas,  la  perforation  siégeait 
sur  l'intestin  grêle;  dans  le  dernier  cas,  elle  siégeait  sur  l'estomac. 
L'intestin  grêle  n'est  donc  percé  que  dans  20  cas  sur  30,  soit  dans 
la  proportion  de  66,66  p.  100. 

Comment  donc  se  produisent  les  perforations  intestinales?  Remar- 
quons tout  d'abord  que,  en  dehors  de  la  présence  de  l'Ascaride,  les 
perforations  sont  fréquentes  dans  les  cas  d'abcès  de  l'intestin;  si 
l'intestin  renferme  des  parasites,  ceux-ci  pourront  s'engager  par  ces 
déchirures  et  tomber  ainsi  dans  le  péritoine. 

On  ne  saurait  méconnaître  d'autre  part  que,  si  elles  sont  impuis- 
santes à  perforer  la  paroi  de  l'intestin,  les  lèvres  de  l'Ascaride  peu- 
vent du  moins  en  exciter  et,  pour  ainsi  dire,  en  brouter  la  muqueuse 
Ces  mordilleme'nts  peuvent,  parleur  persistance,  produire  des  foyers 
inflammatoires  qui,  suivant  les  cas,  se  termineront  par  résolution  ou 
au  contraire  formeront  de  petits  abcès,  au  niveau  desquels  la  mem- 
brane s'ulcérera  et  pourra  même  se  perforer. 

Dans  15  cas  cités  par  Davaine,  o  seulement  avaient  été  accom- 
pagnés de  péritonite;  et  encore,  dans  2  cas,  celle-ci  avait  été  de 
faible  importance.  Considérant  qu'un  parasite  de  la  taille  de  l'As- 
caride ne  saurait  guère  séjourner  dans  le  péritoine  sans  en  pro- 
voquer l'inflammation,  Davaine  admet  que,  dans  la  grande  majorité 
des  cas,  la  pénétration  de  l'helminthe  dans  la  séreuse  abdominale  est 
un  phénomène  post  mortem,  dont  il  trouve  la  cause  dans  le  refroidis- 
sement du  cadavre.  Les  parasites,  dit-il,  n'ont  généralement  aucune 
tendance  à  quitter  la  partie  qu'ils  habitent,  tant  qu'ils  y  trouvent  les 
conditions  d'existence  ;  ils  se  hâtent  au  contraire  de  l'abandonner, 
dès  que  ces  conditions  leur  font  défaut.  C'est  ainsi  que  les  Ascarides 
cherchent  à  quitter  l'intestin  qui  se  refroidit;  dans  leur  agitation,  ils 
rencontrent  ou  achèvent  les  perforations  qui  leur  livrent  passage  ;  de 

(1)  Ce  sont  les  cas  de  Tisseire,  de  Bourguet,  de  Le  Bariller,  de  Sandwith, 
cités  par  Davaine  dans  son  Supplément  (2e  éd.,  p.  936)  ;  ceux  que  cite 
Leuckart  (Menschliche  Parasiten,  II,  p.  240)  ;  ceux  de  Buchner  (3  cas),  de 
David,  de  Kell  et  de  Morgan,  ciiés  par  Cobbold  {Parasites,  p.  251  et  suiv.)  ; 
enfin  ceux  de  Kovatsch,  de  Marcus  et  de  Vichnevsky. 

L'observation  de  Kovatsch  se  rapporte  à  un  enfant  de  3  ans  :  entre  les 
viscères  et  dans  l'interstice  desanses  intestinales,  on  trouvait  dans  le  péritoine 
au  moins  une  centaine  d'Ascarides  ;  l'estomac  et  l'intestin  grêle  ne  renfer- 
maient point  de  Vers,  mais  le  caecum  et  le  côlon  en  contenaient  un  grand 
nombre. 


696  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

là  la  multiplicité  des  Vers  émigrés,  de  là  aussi  l'absence  d'accidents 
consécutifs  à  leur  migration. 

Cette  explication  est  assurément  fort  plausible,  mais  elle  n'envisage 
qu'un  seul  côté  de  la  question;  il  n'en  reste  pas  moins  acquis  que  le 
Ver  peut,  pendant  la  vie,  provoquer  la  production  de  petits  abcès  qui, 
après  rupture,  pourront  lui  livrer  passage  jusque  dans  la  séreuse 
abdominale.  La  péritonite  qui  en  résulte  peut  demeurer  bénigne  et 
ne  pas  compromettre  l'existence,  si  le  contenu  de  l'intestin  ne  s'en- 
gage pas  lui-même  par  la  même  voie  :  l'orifice  se  cicatrise  alors  et 
le  Ver  demeure  plus  ou  moins  longtemps  dans  la  séreuse.  Au  bout 
de  quelque  temps,  il  cherche  un  autre  séjour  et  il  peut  traverser 
ainsi  la  paroi  de  l'abdomen  pour  s'échapper  au  dehors. 

Il  est,  en  effet,  très  fréquent  de  voir  des  Ascarides  sortir  à  travers 
la  paroi  de  l'abdomen  ;  on  se  trouve  alors  en  présence  d'abcès  ver- 
mineux,  tels  qu'Hippocrate  en  cite  déjà  un  exemple  (1).  Ces  abcès  ont 
l'apparence  ordinaire.  Ils  s'ouvrent  au  dehors  et  livrent  passage,  soit 
dès  leur  ouverture,  soit  plus  tard,  à  un  ou  plusieurs  Vers;  il  est  habi- 
tuel de  les  voir  également  évacuer  avec  le  pus  des  excréments  ou  une 
bouillie  alimentaire,  ce  qui  met  hors  de  doute  leur  communication 
avec  l'intestin. 

En  ajoutant  aux  observations  citées  par  Davaine  et  par  Leuckart 
celles  que  nous  avons  pu  relever  nous-même,  nous  arrivons  à  un 
total  de  81  cas  d'Ascarides  sortis  par  les  parois  du  corps.  Ces  cas  se 
répartissent  comme  suit,  quant  au  point  de  sortie  du  parasite  : 

Ombilic 29  fois  (2) 

Aine 30  (3) 

Point  indéterminé  de  l'abdomen 10  (4) 

Hypocondre 2 

Région  lombaire 2 

Abcès  inguinal  par  congestion 2 

Région  sacrée 1 

—  pubienne 1 

—  périnéale 1 

Abcès  de  la  cuisse 1 

Partie  inférieure  du  thorax 1 

Ligue  blanche 1 

Cette  statistique  prouve   nettement   que  l'Ascaride   sort  presque 

(1)  Hippocrate,  De  morbis  vulgariôus,  sectio  VII,  lib.  VII,  §  127. 

(2)  Savoir  :  19  cas  cités  par  Davaine,  5  cas  cités  par  Leuckart  (M ense Illicite 
Parcuiten%  II,  p.  2i1),  le  cas  de  Pomeroy  cité  par  Cobbold  et  les  4  cas  de 
Muralto,  de  Vital,  de  Casali  et  de  Weilje. 

(3)  Savoir  :  21  cas  cités  par  Davaine,  0  cas  cités  par  Leuckart  et  les  3  cas 
de  Doublas,  Howall  et  Mnesson  cités  par  Cobbold. 

(4)  Parmi  lesquels  les  7  cas  de  Bigelow,  Blatchley,  Lettsom,  Mac  Laggan, 
Scheppard,  Young  et  Reginald  Pierson,  cités  par  Cobbold. 


ASCARIS  LUMBRICOIDES.  697 

exclusivement  par  l'ombilic  ou  par  l'aine.  En  ce  qui  concerne  ces 
deux  régions,  il  est  intéressant  de  considérer  l'âge  des  individus  chez 
lesquels  l'observation  a  été  faite.  Dans  40  cas  rentrant  dans  celte  ca- 
tégorie et  cités  par  Davaine,  la  sortie  de  l'helminthe  s'est  faite  : 

A  l'ombilic,  15  fois  chez  des  individus  ayant  moins  de   15  ans. 

—  4  —  —  plus  — 
A  l'aine,           2                  —                  —              moins  — 

—  19  —  —  plus  — 

L'Ascaride  sort  donc  généralement  par  l'ombilic  chez  les  enfants  et 
par  l'aine  chez  les  adultes.  Ces  faits,  conclut  judicieusement  Davaine, 
parlent  d'eux-mêmes  :  la  sortie  du  parasite  à  travers  les  parois  abdo- 
minales est  en  rapport  avec  le  siège  des  hernies,  plus  fréquentes  à 
l'ombilic  chez  les  enfants,  dans  l'aine  chez  les  adultes. 

Davaine  admet  que  l'helminthe  ne  joue  aucun  rôle  dans  la  produc- 
tion de  l'abcès  vermineux  :  pour  lui,  les  choses  se  passent  comme 
dans  les  cas  ordinaires  de  fistule  intestinale,  si  ce  n'est  que  le  malade 
présente  cette  particularité  toute  fortuite,  que  son  intestin  renferme 
des  parasites  ;  ceux-ci  profitent  simplement  de  l'occasion  qui  leur 
est  offerte  de  sortir  au  dehors  par  un  chemin  inusité;  leur  expulsion 
par  cette  voie  n'aurait  donc  pas  plus  d'importance  ni  d'autre  signi- 
fication que  celle  des  matières  fécales. 

Leuckart  s'élève  avec  raison  contre  cette  opinion  trop  exclusive  et 
émet  l'avis  que  la  plupart  des  abcès  vermineux  sont  directement  cau- 
sés par  les  parasites  eux-mêmes.  Contrairement  à  l'opinion  de  Ru- 
dolphi,  de  Bremser  et  de  Davaine,  il  admet  que  l'Ascaride  ne  se  dé- 
place que  fort  peu  à  l'intérieur  de  l'intestin,  ainsi  que  le  prouve  du 
reste  l'examen  in  situ  de  parasites  analogues  chez  des  animaux  qu'on 
vient  de  sacrifier.  L'animal  est  donc  habituellement  sédentaire;  il  le 
devient  encore  plus,  quand  il  se  trouve  engagé  dans  un  sac  herniaire, 
comme  dans  l'observation  de  Brera.  Grâce  à  sa  rigidité,  la  tête  vient 
alors  butter  contre  la  paroi  de  l'intestin,  par  suite  de  l'inflexion  du 
corps  en  arc.  La  pression  contre  la  membrane,  d'ailleurs  tiraillée, 
détermine  une  inflammation  qui,  dans  de  semblables  conditions,  a 
vite  pour  conséquence  la  production  d'un  abcès.  Celui-ci  finit  par 
s'ouvrir  au  dehors  et  expulse  avec  le  pus  le  parasite  ;  ce  dernier  étant 
rejeté,  toute  cause  d'abcès  a  disparu;  aussi  l'orifice  ne  tarde-t-il  pas 
à  se  fermer  et  à  se  cicatriser.  Si  d'autres  Vers  se  trouvent  au  voisinage 
de  celui  auquel  est  due  la  production  de  l'abcès,  ils  pourront  sortir 
parla  même  voie  ;  c'est  ainsi  que  Lini,  en  1 838,  a  vu  un  jeune  garçon 
de  sept  ans  rendre  ô'6  Vers  par  l'ombilic,  à  différentes  reprises,  et  que 
Weihe  a  vu  un  enfant  de  quatre  ans  en  évacuer  2i  en  deux  fois. 

Dans  les  cas  qui  précèdent,  le  Ver  reste  passif,   en  quelque  sorte, 


698  ORDRE  DES   NÉMATODES. 

et  se  comporte  à  la  façon  d'un  corps  inerte  qui  serait  introduit  dans 
le  sac  herniaire.  Mais  il  peut  quelquefois  jouer  un  rôle  plus  actif, 
ainsi  que  nous  l'avons  dit  déjà,  et  contribuer  directement  à  la  perfo- 
ration de  l'intestin.  Dans  ces  cas,  l'ombilic  et  l'aine  sont  encore  les 
points  d'élection  :  les  dépressions  en  entonnoir  que  présente  leur  face 
interne  sont  à  peu  près  les  seuls  endroits  sur  lesquels  le  Ver,  tombé 
dans  le  péritoine,  puisse  avoir  facilement  prise;  toutefois,  le  parasite 
peut  sortir  par  des  points  fort  différents. 

Parmi  les  observations  de  tumeur  vermineuse  sans  communication 
apparente  avec  l'intestin  rapportées  par  Davaine,  il  en  est  16  qui  sont 
justiciables  de  cette  explication  (1).  Il  en  est  de  même  pour  les  cas  où, 
au  lieu  de  se  frayer  un  chemin  au  dehors,  l'helminthe  quitte  la  ca- 
vité péritonéale  pour  pénétrer  dans  d'autres  organes.  C'est  ainsi  que 
l'Ascaride  a  été  trouvé  dans  la  cavité  pleurale  par  Luschka  en  1854  et 
par  Millier  en  1872;  qu'il  a  été  vu  dans  la  rate  par  Mayer,  en  1832. 

On  le  trouve  également  dans  les  organes  génito-urinaires.  Parmi 
les  nombreuses  observations,  d'ailleurs  peu  précises,  de  Nématodes 
dans  le  rein,  il  en  est  sans  doute  plus  d'une  qui  se  rapporte  à  l'As- 
caride. 

Celui-ci  peut  encore  pénétrer  dans  les  voies  urinaires  autrement 
que  parle  rein.  Davaine  cite  14  observations  dans  lesquelles  le  Ver  a 
été  rendu  avec  l'urine  par  des  enfants  ou  des  adultes  des  deux  sexes  ; 
il  n'est  pas  rare  de  voir  le  malade  émettre  par  l'urèthre  des  matières 
fécales,  ce  qui  met  hors  de  doute  l'existence  d'un  trajet  fistuleux  fai- 
sant communiquer  l'intestin  avec  les  voies  urinaires.  Le  nombre  des 
Vers  expulsés  de  la  sorte  est  ordinairement  peu  considérable  :  un 
seul  dans  les  cas  de  Blasius,  Pereboom,  Bobe-Moreau,  Chopart,  Du- 
méril,  Peter  Clark,  Laugier  et  Davaine;  2  dans  le  cas  d'Auvily;  5  dans 
le  cas  d'Alexandre. 

Dans  ces  observations,  l'expulsion  du  parasite  n'a  eu  lieu  qu'une 
fois,  en  un  seul  jour  ;  d'autres  fois,  elle  peut  se  répéter  à  des  inter- 
valles plus  ou  moins  éloignés.  Alghisi  a  vu  un  enfant  de  sept  ans 
rendre  par  l'urèthre,  en  une  année,  60  Vers,  Ascarides  et  Oxyures. 

(1)  Ces  observations  se  répartissent  ainsi  :  Hypocondre  gauche  (cas  de 
Ronsseus,  1584);  aine  (Tulpius,  Willius,  Lebeau,  Wandeibach)  ;  abcès  par 
congestion  à  l'aine  (Duret,  Velpeau)  ;  côté  du  bas-ventre  (un  cas  de  Chailly  et 
Michaud);  ombilic  (Blanchet,  Heer  et  un  anonyme)  ;  points  divers  de  la  pa- 
roi abdominale  (Mondièrc,  Destretz,  Ménard)  ;  région  périncale  (Malacarne); 
région  sacrée  (J.  Cloquet). 

On  peut  citer  encore  les  cas  suivants  :  hypogastre  (Bingert,  1784)  ;  abcès 
de  la  cuisse  (Combes,  1844);  région  lombaire  (Desanctis,  Piatnitski).  Ajou- 
tons encore  h  cette  liste  l'observation  de  Payre,  citée  par  Leuckart,  observa- 
tion dans  laquelle  trois  Vers  furent  trouvés  dans  les  muscles  du  dos,  chez  un 
individu  mort  d'un  vaste  abcès  du  psoas. 


ASCARIS   LUMBHICOIDES.  G99 

Chapotin  vit  à  l'île  de  France  un  nègre  de  vingt  ans  rendre  par  la 
même  voie,  en  plusieurs  mois,  un  grand  nombre  d'Ascarides  longs 
de  3  à  4  centimètres  seulement.  L'observation  de  Kingdon  se  rapporte 
à  un  enfant  de  sept  ans  qui  rendit  plusieurs  Vers  à  plusieurs  mois 
d'intervalle;  celle  de  Krakowilzer  est  relative  à  un  garçon  de  huit  ans 
qui  évacua  trois  Vers  à  plusieurs  années  d'intervalle.  Enfin,  Dujardin 
cite  le  cas  d'un  individu  qui  rendit  3  Ascarides  par  le  méat  urinaire, 
à  des  intervalles  de  huit  et  de  deux  jours. 

Le  trajet  fistuleux  par  lequel  l'Ascaride  arrive  dans  les  voies  uri- 
naires  a  été  reconnu  à  l'autopsie  dans  les  cas  de  Pereboom,  de  King- 
don et  de  Krakowilzer  et  sur  le  vivant  dans  ceux  d'Alghisi,  de  Chopart 
et  de  Laugier.  Lu  plus  souvent  la  fistule  fait  communiquer  la  vessie 
avec  un  point  quelconque  de  l'intestin;  dans  le  cas  de  Chopart,  elle 
s'était  formée  entre  le  rectum  etl'urèthre,  à  la  suite  d'une  opération 
de  taille. 

L'observation  rapportée  par  Anciaux  est  sans  doute  encore  relative 
à  des  Vers  engagés  dans  un  trajet  fistuleux.  Il  s'agit  d'une  femme  qui 
expulsa  par  le  vagin  un  certain  nombre  d'Ascarides. 

A.  Vital,  Enfant  scrofuleux  ;  foyer  purulent  intra-peritonéal  ;  tumeur  om- 
bilicale ;  issue  d'un  Ascaride  lombricoïde  à  travers  la  tumeur.  Gaz.  médicale, 
p.  333,  1874. 

Dujardin,  Sur  l'expulsion  de  trois  Ascarides  lombrico'ides  par  le  méat 
urinaire.  France  médicale,  XXIV,  p.  107,  1877. 

T.  Casali,  Un  caso  di  elmintiasi  con  fuoriuscita  di  Ascaridi  lombricoidi 
dalV  ombellico.  Raccoglitore  medico,  Forli,  (4),  XII,  p.  281,  1879. 

G.  Desanchis,  Abcès  de  la  région  lombaire  droite,  avec  issue  d'Ascarides 
lombrico'ides.  Gazz.  med.  di  Torino,  1880.  Gaz.  des  se.  méd.  de  Montpellier, 
1880. 

E.  Marcus,  Durchborung  des  Dur  mes  durch  Rundwùrmer.  Deutsches 
Archiv  fur  klin.  Med.,  XXIX.  p.  601,  1881. 

Weihe,  Beitrag  zu  den  Wurmkrankheiten  des  Menschen.  Rerliner  klin. 
Woclienschrift,  XX,  p.  131,  1883. 

Th.  D.  Vichnevsky,  Vers  ronds,  cause  de  nombreux  cas  de  chorée  et  de 
perforations  de  l'intestin.  Vratch,  V,  p.  481,  1884  (en  russe). 

J.  J.  Piatnit.ski,  Ascaris  lumbricoïdes  dans  l<i  région  du  rein.  Medizinskoie 
Obozrenie,  Moscou,  XXII,  p.  431,  1884.  Voyenno  med.  J.,  Saint-Pétersbourg, 
CLIII,  p.  303,  1885  (en  russe). 

L'Ascaride  lombricoïde  est  un  parasite  cosmopolite;  il  est 
bien  peu  de  régions  du  globe  où  on  n'ait  signalé  sa  présence. 
D'une  façon  générale,  il  est  surtout  commun  dans  les  régions 
tropicales  et  il  diminue  de  fréquence  dans  les  régions  froides 
et  tempérées;  mais  cette  règle  souffre  de  nombreuses  excep- 
tions et  il  est  des  pays  froids,  comme  la  Finlande  et  le  Groenland, 
où  il  semble  être  extrêmement  répandu.  On  peut  dire  encore 


700  ORDRE  DES   NÉMATODES. 

qu'il  est  plus  commun  à  la  campagne  que  dans  les  villes  et 
que,  suivant  les  années,  il  se  montre  en  plus  ou  moins  grande 
abondance. 

En  France,  le  parasite  est  à  peu  près  également  répandu 
partout.  Guersant  le  trouvait  à  Paris  chez  20  p.  100  des  enfants 
âgés  de  3  à  10  ans,  mais  ce  nombre  doit  être  considéré  comme 
trop  élevé,  depuis  que  la  population  parisienne  fait  usage 
d'eau  filtrée.  On  a  observé  en  France  plusieurs  épidémies 
d'Ascarides  :  Bouillet  dit  qu'après  l'hiver  peu  rigoureux  de  1730 
la  population  de  Béziers  fut  attaquée  presque  tout  entière  par 
l'helminthe  et  que  beaucoup  de  personnes  moururent. 

En  Allemagne,  Virchow  l'a  trouvé  à  Wûrzburg  avec  une 
extrême  fréquence;  les  statistiques  que  nous  avons  publiées 
plus  haut  montrent  d'autre  part  combien  il  est  peu  rare  dans 
des  villes  comme  Dresde,  Erlangen  et  Kiel;  en  17H2,  Rôderer 
et  Wagler  le  trouvaient  à  Gôttingen  12  fois  sur  13  autopsies. 
En  Suisse,  d'après  Zâslein,  le  Ver  est  surtout  commun  dans 
le  Miinsterthal;  à  Undervillier,  tous  les  habitants  en  seraient 
atteints  sans  distinction,  sauf  les  ouvriers  qui  boivent  beau- 
coup de  vin.  A  la  suite  de  la  grande  inondation  de  1852,  on  a 
constaté  sa  plus  grande  fréquence  dans  quelques  villages 
riverains  du  lac  de  Bienne  ;  quelques  cas  furent  suivis  de 
mort. 

Le  parasite  est  également  répandu  dans  toute  l'Angleterre, 
mais  Abbott  Smit  et  Gobbold  sont  d'accord  pour  reconnaître 
qu'il  s'observe  de  préférence  chez  les  habitants  des  campagnes  . 
On  le  rencontre  également  avec  une  grande  fréquence  en 
Belgique  et  son  extension  considérable  en  Hollande,  en  Suède 
et  en  Finlande  montre  nettement  que  sa  propagation  se  fait 
plus  facilement  dans  les  régions  où  il  y  a  abondance  d'eau 
douce.  D'après  Magnus  Huss,  il  n'est  pour  ainsi  dire  aucun 
des  habitants  du  Smaland  qui  n'en  héberge  quelques  exem- 
plaires. Enfin,  Finsen  et  Krabbe  disent  que  le  Ver  est  extrême- 
ment rare  en  Islande  :  Finsen  ne  l'a  vu  qu'une  fois,  chez  un 
enfant  de  3  ans,  fils  d'un  fonctionnaire  et  peut-être  l'enfant 
avait-il  pris  son  parasite  avant  de  quitter  le  Danemark. 

L'Ascaride  semble  être  très  fréquent  dans  toute  l'Asie. 
Robertson  et  Guys  le  signalent  en  Syrie,  Primer  en  Arabie. 
Son  extrême  fréquence  aux  Indes  et  dans  toute  l'Asie  orientale 


ASCARIS   LUMBRICOIDES.  701 

a  été  notée  dès  1830  par  Ward  et  Grant,  puis  par  Waring 
en  1859,  par  Day  en  1862;  des  auteurs  plus  récents,  Huillier, 
Aubœuf,  Gobbold,  confirment  ces  faits.  Il  a  encore  été  observé 
en  Cochinchine  par  Raynaud,  Bernard  et  Beaufils,  en  Chine  par 
Wilson,  Senart  et  Sirot,  etc.  Duteuil  admet  que,  dans  les  cas  de 
dysenterie,  il  peut  provoquer  certaines  complications,  en  entre- 
tenant la  muqueuse  intestinale  dans  un  état  permanent  d'irri- 
tation. Presque  tous  les  cas  de  fièvre  intermittente  observés 
par  Vidal  en  Cochinchine  s'accompagnaient  d'expulsion  d'Asca- 
rides :  cet  auteur  pense  que  le  parasite  occasionne  fréquem- 
ment des  accidents  fort  graves,  dont  la  vraie  cause  passe  le  plus 
souvent  inaperçue,  mais  qui  prennent  fin  après  l'expulsion  de 
l'helminthe;  certains  cas  de  fièvre  et  de  diarrhée  seraient  même 
uniquement  causés  par  ce  dernier.  Chalian  de  Belval  dit  que 
l'Ascaride  est  très  fréquent  au  Tonkin.  Enfin,  les  renseigne- 
ments fournis  par  Friedel  et  Wernich  sur  son  extension  au 
Japon  se  trouvent  corroborés  par  les  observations  de  Bâlz  : 
suivant  cet  auteur,  le  Ver  y  serait  plus  commun  que  partout 
ailleurs.  Sur  23  cadavres,  il  l'a  rencontré  21  fois,  soit  dans  la 
proportion  de  93  p.  100;  le  parasite  occasionne  souvent  de 
graves  anémies  chroniques  et  même,  chez  l'adulte,  des  épilepsies 
vermineuses;  on  trouve  fréquemment  jusqu'à  30  et  50  Vers 
pelotonnés  ensemble. 

L'Afrique  est  également  infestée  par  l'Ascaride.  Pruner, 
Hartmann  et  Vauvray  signalent  sa  grande  fréquence  en  Egypte 
et  dans  la  vallée  du  Nil;  Harris  et  Gourbon  le  mentionnent  en 
Abyssinie,  Chassaniol  et  Carrade  au  Sénégal,  Daniell  sur  la 
côte  de  Guinée,  etc.  Nous  avons  dit  déjà  dans  quelle  propor- 
tion, suivant  Vital,  on  le  rencontre  à  l'hôpital  militaire  de 
Constantine:  d'une  façon  générale,  il  est  plus  commun,  en 
Algérie,  chez  les  habitants  des  tribus  que  chez  les  habitants 
des  villes;  parmi  ces  derniers,  les  musulmans  et  les  israélites 
en  sont  surtout  atteints.  Dutrieux  l'a  encore  observé  dans 
l'Afrique  intertropicale,  Borctygrevink  et  Rey  à  Madagascar, 
Allan  et  Mahé  aux  Seychelles,  Grenet  à  Mayotte  et  Dyce  à 
l'île  Maurice.  «  Cette  maladie,  dit  Dyce,  est  presque  universelle 
à  Maurice...  Dans  la  population  noire,  les  Ascarides  se  voient 
en  si  grand  nombre  que  j'ai  été  souvent  dégoûté  de  les  voir 
sortir  en  même  temps  de  l'anus  et  de  la  bouche.  Un  nègre  m'en 


702  ORDRE  DES  NÉMATODES. 


apporta  plein  son  chapeau;  il  m'assura  les  avoir  rendus  peu  de 
temps  auparavant.  » 

Aux  États-Unis,  Leidy  signale  l'extrême  fréquence  de  l'hel- 
minthe; il  est  pourtant  moins  commun  que  l'Oxyure.  Sa  fré- 
quence augmente  considérablement  dans  les  régions  chaudes  : 
aux  Antilles,  il  est  signalé  par  Pouppée-Desportes,  Levacher, 
Dazille,  Rufz  de  Lavison,  etc.  ;  tous  insistent  sur  sa  grande 
importance  pathogénique;  Levacher  dit  qu'il  est  fréquent  de 
voir  des  enfants  rendre  jusqu'à  400  et  600  Vers.  Bernouilli  l'a 
observé  dans  l'Amérique  centrale,  Rodschied  et  Bajon  à  la 
Guyane,  Jobim  et  Sigaud  au  Brésil,  Raynaud  sur  la  côte  du 
Venezuela  :  à  Cayenne,  d'après  Bajon,  la  maladie  des  Vers  et 
le  tétanos  seraient  les  causes  de  mort  les  plus  fréquentes  et  les 
autopsies  feraient  souvent  découvrir  dans  le  tube  digestif  un 
nombre  prodigieux  d'Ascarides.  L'helminthe  est  également 
très  répandu  au  Paraguay  et  dans  la  République  Argentine. 
Enfin,  sa  fréquence  a  été  notée  à  Terre-Neuve  par  Gras  et  du 
Bois  Saint-Sevrin,  au  Groenland  par  Lange. 

Signalons  encore  sa  présence  en  Océanie  :  Waitz,  Heymann 
et  van  Leent  l'ont  observé  dans  l'Archipel  Indien. 

Wolfring,  Ueber  das  Vorkommen  der  Helminthiasis  in  Thalmersingen 
Med.  Correspondenzblatt  bayerischer  Aerzte,  p.  805,  1842. 

Waitz,  On  diseases  incident  to  children  in  hot  climates.  Bonn,  1843. 
Voir  p.  263. 

E.  Robertson,  Médical  notes  on  Syria.  Edinburgh  med.  and  surg.  journal, 
LIX,  p.  233,  1843.  Voir  p.  247. 

Sigaud,  Du  climat  et  des  maladies  du  Brésil.  Paris,  1844.  Voir  p.  425. 

Harris,  The  highlands  of  Aethiopia.  London,  1844.  Voir  II,  p.  407. 

Wilson,  Médical  notes  on  China.  London,  1846.  Voir  p.  193. 

Daniell,  Sketch  of  the  médical  topography  of  the  gulf  of  Guinea.  London, 
1849.  Voir  p.  53. 

A.  Courhon,  Observations  topographiques  et  médicales  recueillies  dans  un 
voyage  à  l'isthme  de  Suez,  sur  le  littoral  de  la  mer  Rouge  et  en  Abyssinie. 
Thèse  de  Paris,  1861.  Voir  p.  35. 

Raynaud,  Quelques  cas  de  colique  vcrmineusc  observée  à  bord  de  /'Adonis, 
côte  du  Venezuela.  Thèse  de  Montpellier,  1864. 

Duteuil,  Quelques  notes  médicales  recueillies  pendant  un  séjour  de  cinq 
ans  en  Chine,  Cochinchine  et  Japon.  Thèse  de  Paris,  18G4. 

Lange,  Uemaerkningar  om  Grœnlands  sygdomsforhold.  Kjœbenhavn,  1864. 
Voir  p.  43. 

M.  F.  A.  Vidal,  De  l'Ascaride  lombricoïde,  au  point  de  vue  des  maladies 
des  Européens  dans  les  mers  de  Chine  et  du  Japon.  Thèse  de  Montpellier, 
n»  28,  1805. 

Grenet,  Souvenirs  médicaux  de  quatre  armées  à  Mayotte  du  Irr  juillet  1861 
au  Z0  juin  1865.  Thèse  de  Montpellier,  1866. 


ASCARIS   LUMBRICOIDES.  703 

Chassaniol,  Contributions  à  la  pathologie  de  la  race  nègre.  Archives  de 
méd.  navale,  III,  p.  505,  1865.  Voir  p.  511. 

Gras,  Quelques  mots  sur  Miquelon.  Thèse  de  Montpellier,  1867.  Voir 
p.  24. 

Van  Leent,  Contributions  à  la  géographie  médicale.  Les  possessions  néerlan- 
daises des  Indes  orientales.  Archives  de  méd.  navale,  VIII,  p.  161,  1867. 
Voir  p.  170. 

Bernard,  De  Vinfluence  du  climat  de  la  Cochinchine  sur  les  maladies  des 
Européens.  Thèse  de  Montpellier,  1867. 

Rufz  de  Lavison,  Chronologie  des  maladies  de  la  ville  de  Saint-Pierre, 
Martinique.  Ibidem,  p.  440,  1869. 

Vauvray,  Contributions  à  la  géographie  médicale.  Port-Saïd  {Egypte). 
Archives  de  méd.  navale,  XX,  p.  161,  1873. 

A.  Wernich.  Stntistischer  Bericht  iiber  das  in  der  medicinischen  Klinik 
und  Poliklinik  zu  Yedo  vom  1.  April  bis  zum  31.  Juli  1876  zur  Beobachtung 
gekommene  Krankenmaterial...  Deutsche  med.  Wochenschrift,  IV,  1878. 
Voir  p.    122. 

Beaufils,  Notes  sur  la  topographie  de  Yinh-Long  (Cochinchine).  Archives 
de  méd.  navale,  XXXVII,  p.  257,   1882.  Voir  p.  265. 

J.  Aubœuf,  Contribution  à  l'étude  de  l  hygiène  et  des  maladies  dans 
l'Inde.  Thèse  de  Paris,  1881.  Voir  p.  70. 

O.  Sirot,  De  quelques  accidents  déterminés  par  les  Ascarides  loyyibricoïdes. 
Observations  recueillies  à  bord  de  la  Thémis,  pendant  la  campagne  dans 
les  mers  de  Chine  et  du  Japon.  Thèse  de  Lyon,  1882. 

P.  Dutrieux,  Aperçu  de  la  patho'ogie  des  Européens  dans  l'Afrique  inter- 
tropicale. Thèse  de  Paris,  1885.  Voir  p.  50. 

Carrade,  Contribution  à  la  géographie  médicale.  Le  poste  de  Podor 
(Sénégal).  Thèse  de  Bordeaux,  1886.  Voir  p.  77. 

Du  Bois  Saint-Sevrin,  Deux  ans  aux  îles  Saint-Pierre  et  Miquelon  (Terre- 
Neuve).  Notes  médicales,  1882-1884.  Thèse  de' Bordeaux,  1886.  Voir  p.  52. 

Nous  nepouvons  aborder  l'étude  des  divers  accidents  sympathiques 
ou  réflexes  (lésions  de  l'intelligence,  hystérie,  attaques  épileptiformes, 
aphonie,  cécité,  etc.,  etc.)  dont  la  présence  d'Ascarides  dans  l'in- 
testin est  trop  souvent  le  point  de  départ.  Le  médecin  doit  avoir  une 
connaissance  précise  de  ces  faits,  qui  lui  donneront  l'explication 
d'une  foule  de  phénomènes  nerveux  qu'il  aura  fréquemment  l'occasion 
d'observer,  surtout  chez  les  enfants.  On  trouvera  dans  le  livre  de  Da- 
vaine  (1)  le  résumé  d'un  nombre  considérable  d'observations  de  ce 
genre;  on  consultera  encore  avec  profit  le  mémoire  de  Guermon- 
prez;  nous  donnons  enfin  l'indication  de  quelques  travaux  récents. 

T.  Welsh,  Curious  faets  respecting  Worms.  Médical  papers  communicated 
to  the  Massachusetts  med.  Society,  I,  p.  87,  1790. 

Schleifer,  Case  of  deaf  and  dumb  child  restored  after  the  discharge  of 
worms.  Amer,  journal  of  med.  science,  VIII,  p.  473,  1844. 

G.  C.  Holland,  A  peculiar  case  of  nervous  disease  or  dérangement  of  the 
nervous  system.  Edinburgh  med.  and  surg.  journal,  LXIII,  1845. 

F.  D.  Lente,  Report  of  cases  occurring  in  the  New-York  Haspital.  Lumbri- 

(1)  Traité  des  entozoaires,  2c  éd.,  p.  53  et  suîy. 


704  ORDRE   DES   NEMATODES. 


eus  in  tîie  stomach  causing  dyspnœa.  New-York  journal  cf  med.,  (2\  V, 
p.  167,  1850. 

H.  Roger,  Des  Ascarides  lombricoïdes  et  du  rôle  qu'ils  jouent  dans  lu 
pathologie  humaine.  Revue  méd.  française  et  étrangère,  1864. 

P.  Fidnlin,  Des  accidents  produits  par  les  Ascarides  lombricoïdes  et  les 
Oxyures  vermiculaires.  Thèse  de  Paris,  1873. 

A.  Vulpian,  Pérityphiite  suppurée,  expulsion  de  Lombrics  dans  les  selles. 
Archiv.  gén.  de  méd.,  p.  22.r>,  1815. 

E.  Goubert,  Des  Vers  chez  les  enfants  et  des  maladies  vermineuses.  Paris, 
1878. 

Wintrebert,  Observation  d'accidents  causés  par  les  Vers  intestinaux. 
Journal  des  se.  méd.  de  Lille,  1881. 

Fr.  Guermonprez,  Étude  sur  les  accidents  sympathiques  ou  réflexes  déter- 
minés par  les  Ascarides  lombricoïdes  dans  le  canal  digestif  de  rHomrne, 
spécialement  pendant,  l'enfance.  Paris,  in-8°  de  73  p.,  1881. 

J.  Normann,  Dvd  fremkaldt  ved  Ascaris  lumbricoïdes.  Norsk  Magazin  for 
Lâgevidenskab,  (3),  XI,  p.  272,  1881. 

Egeberg,  Et  nos  te  Asharider  som  Dôdsarsag.  Ibidem,  XII,  p.  76,  1882. 

L.  M.  Reuss,  Des  affections  vermineuses  des  enfants.  Journal  de  thérapeu- 
tique, X,  p.  179,  1883. 

Th.  Eiselt,  Chorea  et  helminthiasi .  Med.  chir.  Gentralblatt,  p.  334,  1883. 

H.  Girard,  Un  cas  d'hémiplégie  passagère ])araissa?it  due  à  la  présence  de 
Lombrics  dans  le  canal  intestinal.  Revue  méd.  de  la  Suisse  romande,  IV, 
p.  448,  1884. 

P.  Galvagno-Bordonari,  Vermi  e  verminazione ;  contributo  di  patologia  e 
clinica  pediatrica.  Rivista  italiana  di  terap.  ed  igiene.  Piacenza,  V,  p.  215, 
277,  309,  341  e  373,   1885. 

On  a  vu,  dans  certains  cas,  des  Ascarides  s'engager  dans  les  trous 
de  boutons,  d'agrafes  avalés  par  mégarde  et  être  évacués  de  la  sorte 
avec  les  excréments;  certains  auteurs  ont  môme  proposé  comme 
piège  àVers  des  objets  de  ce  genre  !  Gobbold  dit  que  le  Musée  du  Royal 
Collège  of  Surgeons,  à  Edimbourg,  renferme  la  préparation  d'un  Ver 
qui  s'était  pris  dans  une  agrafe. 

Ascaris  mystax  Hudolphi,   1801. 

Synonymie  :  Lumbricus  canis  Werner,  1782. 

Ascaris  lumbricoïdes  Bloch,  1782. 

A.  teres  Gôze,  1782. 

A.  cati  Schrank,  1788. 

A  caniculx  Schrank,  1788. 

A.  canis  Gmelin,  1789. 

A.  felis  Gmelin,  i7K'.). 

A.marginata  Rudolphi,  1793. 

Fusoria  mystax  Z«der,   1800. 

F.  marginata  Zeder,  1800. 

Ascaris  canis  aurez    Rudolphi,  1819. 

.'  .1.  microptera  Rudolphi,   1819. 

?  A.  brachyoplc.ru  Rudolphi,  1819. 

A.  alata  Rellingham,  183'.). 


ASCARIS  MYSTAX.  705 

Cet  helminthe  est  commun  dans  l'intestin  grêle  du  Chat  et 
du  Chien  ;  on  le  trouve  parfois  chez  l'Homme.  L'œuf  (fig.  319) 
est  assez  régulièrement  sphérique  et  large  de  68  à  72  tx;  son 
enveloppe  albumineuse  externe  est  ornée  à  sa  surface  d'un 
élégant  réseau,  dont  les  mailles,  larges  de  3,4  (x,  circonscrivent 
de  petites  dépressions;  de  même  que  chez  l'espèce  précédente, 
cette  couche  d'albumine  se  détruit  pendant  le  cours  de  déve- 
loppement, parfois  même  au  bout  de  quelques  jours. 

Le  développement  embryonnaire  se  fait  encore  dans  l'eau  ou  dans 
la  terre  humide  ;  il  se  poursuit  môme  dans  l'alcool,  l'acide  chromique 
et  l'essence  de  térébenthine,  comme  l'a  constaté  Nelson.  L'embryon 
ressemble  beaucoup  à  celui  d'Ascaris  lumbri- 
coïdes,  mais  est  plus  grand,  long  de  0mm,36  à 
0mm,42  et  pourvu  d'une- dent  perforante  plus 
nette;  il  n'a  pas  d'estomac  glandulaire.  On  ne 
sait  pas  encore  d'une  façon  précise  combien 
de  temps  l'embryon  renfermé  dans  l'œuf  con- 
serve sa  vitalité.  Leuckart  pense  qu'il  vit  rare- 
ment plus  de  six  à  dix  mois,  mais  Munk  l'a 
trouvé  encore  vivant  au  bout  de  quinze  mois, 
dans  une  solution  de  carbonate  de  potasse  à 
2  p.  100. 

Nous  avons  démontré  que  l'Ascaride  lom- 
bricoïde.  se  développait  directement,  sans  pas- 

ser  par  un  hôte  intermédiaire.  Il  en  est  cer-    ^fm^^d'a^ 
tainement  de  même   pour  l'espèce  qui  nous       Ant.  Schneider, 
occupe,  bien  que  Leuckart  n'ait  réussi  aucune 

de  ses  tentatives  d'infestation.  Le  développement  direct  setrouvesuf- 
fisamment  prouvé  par  les  observations  de  cet  auteur  et  par  celles  de 
Hering. 

L'œuf  est  introduit  dans  l'estomac  avec  les  aliments  ou  les  boissons; 
sa  coque  est  dissoute  et  l'embryon  est  mis  en  liberté.  Celui-ci  ne 
passe  dans  l'intestin  grêle  que  lorsqu'il  atteint  une  longueur  de 
lmm,3  à  lmm,8,  bientôt  après,  il  mue  et  sa  bouche  présente  alors  les 
trois  lèvres  caractéristiques  des  Ascarides;  la  cuticule,  jusque-là  lisse 
et  anhiste,  montre  une  striation  transversale;  l'extrémité  posté- 
rieure du  corps  se  termine  par  une  courte  pointe  incurvée  vers  le 
dos. 

La  structure  buccale  définitive  s'observe  déjà  chez  des  individus 
de  moins  de  2  millimètres  et  larges  de  0mm,037.  Quand  le  Ver  est  long 
de  2mm,8,  on  peut  déjà  distinguer  les  sexes.  A  6  millimètres,  les  ailes 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  45 


706  ORDRE  DES  NEMATODES. 

apparaissent  sur  les  côtés  du  cou  et  les  deux  sexes  se  caractérisent 
par  la  forme  de  la  queue  :  celle-ci  est  plus  longue  et  plus  effilée  chez 
la  femelle,  plus  courte  et  plus  mousse  chez  le  mâle.  Les  papilles 
caudales  ne  se  montrent  que  plus  tard,  quand  l'animal  est  long  de 
12  millimètres  et  au  moment  où  les  spicules  se  forment. 

Les  nombreuses  observations  de  Hering  rendent  compte  de  la  rapi- 
dité avec  laquelle  croît  l'Ascaride.  Ce  parasite  est  si  fréquent  chez  les 
tout  jeunes  Chiens,  que  presque  tous  en  sont  atteints  et  souvent  en 
hébergent  plusieurs  centaines.  Chez  un  Chien  de  six  jours,  on  trouve 
des  Ascarides,  mais  leur  longueur  ne  dépasse  pas  2  à  4  millimètres  ; 
chez  un  Chien  de  douze  jours,  le  parasite  est  long  de  21  millimètres; 
chez  un  Chien  de  quatorze  jours,  il  atteint  35  millimètres;  chez  un 
Chien  de  vingt  et  un  jours,  il  est  long  de  63  à  84  millimètres;  enfin, 
chez  un  Chien  de  vingt-huit  jours,  il  est  long  de  105  millimètres  et 
parvenu  à  l'état  adulte.  Les  premiers  œufs  apparaissent  quand  le  Ver 
est  long  de  38  à  60  millimètres.  Quoi  qu'en  pense  Hering,  ces  obser- 
vations ne  démontrent  point  que  l'infestation  se  produit  quand  lejeune 
animal  tette  sa  mère;  elles  prouvent  du  moins  avec  quelle  rapidité  se 
fait  le  développement  de  l'Ascaride. 

Ascaris  mystax  est  plus  petite!  plus  mince  qu'A,  lumbricoides . 
Le  mâle  (fig.  350,  a)  est  long  de  40  à  60  millimètres  et  large 
de  1  millimètre.  La  femelle,  b,  est  longue  de  60  à  110  milli- 
mètres et  large  de  lmm,7;  sa  longueur  dépasse  très  rarement 
120  millimètres,  bien  que  Schneider  fixe  à  200  millimètres  ses 
dimensions  maximum.  A.  marginata,  ou  variété  canine,  est 
ordinairement  plus  grand  qu'A,  felis  ou  variété  féline,  mais 
ces  deux  variétés  sont  si  semblables  quant  au  reste,  qu'on  ne 
peut  douter  de  leur  identité  spécifique. 

L'appareil  labial  est  large  de  0mm,3,  pour  une  hauteur  à  peu 
près  équivalente.  Les  dents  qui  ornent  le  bord  des  lèvres  sont 
hautes  de  4  jx  vers  le  milieu,  mais  vont  en  s'effaçant  progressi- 
vement de  part  et  d'autre.  Le  parenchyme  des  lèvres  est 
formé  de  deux  lobes  digitiformes,  séparés  l'un  de  l'autre  par 
un  profond  sillon  ;  la  face  externe  de  ces  lobes  est  bosselée,  de 
telle  sorte  qu'ils  semblent  dédoublés  en  certains  endroits.  En 
outre  des  vrais  tubercules  tactiles  qui  ornent  les  lèvres  infé- 
rieures, le  Ver  possède  encore  deux  très  petites  papilles  senso- 
rielles, situées  à  l'extrémité  antérieure  des  lobes  supérieurs,  au 
voisinage  l'une  de  l'autre. 

L'animal  est  caractérisé  essentiellement  par  deux   crêtes 


ASCARIS   MYSTAX. 


707 


aliformes,  c,  d,  qui  courent  chacune  le  long  du  corps,  sur  une 
longueur  de  2  à  4  millimètres.  Elles  naissent  à  quelque  distance 
de  l'extrémité  antérieure  et  sont  représentées  par  un  simple 
repli  cuticulaire  dans  la  constitution  duquel  n'entre  aucun 
muscle;  leur  forme  générale  est  celle  d'un  cœur  renversé;  elles 
présentent  d'ailleurs,  dans  leur  forme  et 
dans  leur  hauteur,  de  notables  variations 
individuelles. 

L'extrémité  postérieure  est  conique,  à 
peine  plus  longue  que  large  et  terminée 
par  une  pointe  incurvée  vers  la  face  dor- 
sale. Chez  le  mâle,  la  queue  porte  8  pa- 
pilles post-anales,  diminuant  de  taille 
d'avant  en  arrière  et  disposées  en  deux 
rangées  longitudinales,  de  chaque  côté  et 
au  voisinage  de  la  ligne  médiane  ventrale  ; 
une  paire  de  papilles  plus  grosses  se  voit 
immédiatement  en  arrière  de  l'orifice  gé- 
nital; enfin,  on  remarque  en  avant  de 
-celui-ci  deux  nouvelles  rangées  divergen- 
tes, comprenant  chacune  environ  30  pa- 
pilles. Aussi  loin  que  ces  dernières  s'éten- 
dent, l'extrémité  caudale  du  mâle  est 
enroulée  en  spirale. 

La  paroi  du  corps  est  assez  mince,  les 
vésicules  musculaires  n'ayant  qu'un  faible 
développement;  il  en  résulte  que  la  cavité 
générale  est  plus  vaste  que  dans  l'espèce 
précédente.  Le  tube  digestif,  qui  s'y  trouve 
librement  suspendu  dans  toute  son  éten- 
due, présente  entre  l'œsophage  et  l'in- 
testin, au  niveau  même  de  l'extrémité 
postérieure  des  ailes  latérales,  un  petit 
estomac  glandulaire,  segment  sphérique,  large  de  0mm,8  au 
maximum.  L'intestin  est  d'apparence  cylindrique,  mais  sa 
lumière  est  encore  réduite  à  une  étroite  fente  transversale. 

Le  tube  testiculaire  a  près  de  5  fois  la  longueur  du  corps  : 
il  mesure  170  millimètres  chez  un  individu  long  de  39  millimé- 
trés; il  est  compris  presque  tout  entier  dans  la  moitié  anlé- 


Fig.  350.  —  Ascaris  mys- 
tax,  d'après  van  Bene- 
den.  — a,  mâle;  6,  fe- 
melle ;  c,  d,  expansions 
aliformes  de  la  partie 
antérieure,  vues  de 
face  et  de  profil. 


708  ORDRE  DES  NEMATODES. 

rieure  du  corps  et  remonte  en  avant  jusqu'à  6  millimètres  de 
l'extrémité.  La  vésicule  séminale  est  très  développée  :  c'est  un 
important  canal,  aussi  large  que  l'intestin  et  prenant  déjà 
naissance  dans  la  moitié  antérieure  du  corps;  tout  en  se  por- 
tant en  arrière,  elle  s'effile  peu  à  peu,  jusqu'à  prendre  le 
diamètre  restreint  de  0mm,3;  mais,  à  3  ou  4  millimètres  du 
cloaque,  elle  double  subitement  de  grosseur  et  forme  ainsi  le 
canal  éjaculateur.  Les  spicules  ont  une  forme  remarquable  : 
ce  sont  deux  bâtonnets  cbitineux,  fortement  incurvés,  grêles 
et  longs  de  près  de  3  millimètres  chez  un  mâle  de  grande 
taille;  leur  épaisseur  n'est  que  de  0mm,03  et  diminue  progressi- 
vement de  la  base  à  la  pointe  ;  cette  dernière  est  arrondie. 
Chacun  de  ces  bâtonnets  est  pourvu  de  deux  larges  crêtes  lon- 
gitudinales, divergentes  et  insérées  sur  toute  la  longueur  de 
sa  face  concave  :  le  spicule  se  trouve  ainsi  transformé  en  une 
véritable  gouttière.  Ces  crêtes,  assez  épaisses  à  la  base,  vont 
en  s'amincissant  vers  leur  bord  libre  ;  l'interne  est  un  peu 
plus  large  que  l'autre.  Toutes  deux  sont  enroulées  à  l'inté- 
rieur de  la  gaine  des  spicules,  la  plus  large  recouvrant  la  plus 
étroite;  la  paroi  de  la  gaine  s'infléchit  entre  elles,  de  manière 
à  combler  presque  tout  l'espace.  Ces  expansions  aliformes  des 
spicules  semblent  ne  se  développer  qu'après  les  spicules  eux- 
mêmes  :  chez  un  jeune  mâle  de  20  millimètres,  dontles  spicules 
sont  longs  de  1  millimètre  et  larges  de  0mm,01,  on  n'en  trouve 
pas  encore  la  moindre  trace.  L'extrémité  postérieure  du  corps, 
toujours  aplatie  chez  Ascaris  lumbricoides,  l'est  ici  moins  fré- 
quemment. 

Le  tube  ovarien  est  long  de  35  millimètres  chez  un  Ver  de 
45  millimètres,  qui  arrive  seulement  à  maturité  sexuelle;  il 
mesure  160  millimètres  chez  une  femelle  longue  de  65  milli- 
mètres; ses  circonvolutions  s'étendent  encore  surtout  dans  la 
portion  antérieure  du  corps.  Le  receptaculum  seminis  est  long 
de  18  millimètres  chez  un  Ver  de  48  millimètres,  de  24  milli- 
mètres chez  une  femelle  de  74  millimètres.  L'utérus  est  d'au- 
tant plus  court  que  le  réservoir  séminal  est  plus  long  :  chez 
une  femelle  longue  de  48  millimètres,  il  mesure  23  millimètres; 
chez  une  femelle  de  78  millimètres,  il  est  long  de  35  millimètres  ; 
ses  dimensions  sont  rarement  supérieures  à  40  millimètres. 
De  l'union  des  deux  utérus  résulte  un  canal  impair  dont  le 


ASCARIS  MYSTAX.  709 

tiers  antérieur,  long  de  3  à  4  millimètres,  correspond  au  vagin  ; 
celui-ci  n'est  reconnaissable  qu'à  sa  structure,  aucun  signe 
extérieur  n'indiquant  ses  limites.  La  vulve  s'ouvre  vers  le  milieu 
de  la  première  moitié  du  corps. 

Ascaiis  mystax  vit  normalement  dans  l'intestin  grêle  du 
Chien  et  du  Chat;  on  l'a  encore  trouvé  chez  le  Renard  et  le 
de  Lynx.  On  l'a  rencontré  chez  le  Lion  au  Jardin  zoologique 
Berlin;  von  Olfers  et  Sello ,  au  Brésil,  l'ont  observé  chez 
le  Puma;  enfin,  Ant.  Schneider  le  croit  identique  à  A.  mi- 
croptera  Rudolphi,  du  Lion,  et  à  A.  brachyoptera  Rud.,  de 
la  Genette.  Ce  même  helminthe  se  rencontre  parfois  chez 
l'Homme  :  on  en  connaît  actuellement  huit  observations  au 
thentiques  (1). 

\eTcas.  Pickells,  1824.  —  Mary  Riordan,  vingt-huit  ans,  du  comté  de 
Cork,  rend  un  Ver  en  avril  1822  ;  le  Dr  J.  V.  Thomson,  de  Cork,  lui 
trouve  beaucoup  de  ressemblance  avec  Ascaris  mystax.  Au  bout  de 
vingt-deux  mois,  en  février  1824,  plusieurs  autres  Vers  sont  encore 
expulsés  ;  puis  11  autres  en  novembre  1825;  puis  9  autres  vivants  en 
mars  1826.  La  malade  rend  en  tout  environ  50  Vers,  de  taille  variable, 
tant  par  la  bouche  que  par  l'anus,  le  plus  souvent  sans  médicament  ; 
elle  évacue  en  même  temps  des  Ascarides  lombricoïdes  et  un  nombre 
considérable  de  larves  de  Mouches  et  de  Blaps  mortisaga  à  l'état  de 
larves  et  à  l'état  parfait. 

La  malade  était  hystérique:  elle  avait  eu  autrefois  l'habitude  de 
boire  de  l'eau  argileuse,  puisée  dans  le  sépulcre  d'un  prêtre,  dans 
l'espoir  de  se  mettre  à  l'abri  du  péché  et  de  la  maladie.  Aussi  Leuckart 
considère-t-il  cette  observation  comme  un  cas  de  simulation. 

2e  cas.  Bellingham,  1839.  —  Un  enfant  de  cinq  ans  présente  des 
symptômes  d'helminthiase;  on  lui  administre  un  vermifuge.  Un  ou 
deux  jours  après,  on  apporte  à  Bellingham  deux  Vers  morts  :  c'étaient 
deux  femelles,  dont  la  ressemblance  avec  A.  mystax  fut  reconnue, 
mais  pour  lesquelles,  à  cause  de  prétendues  différences  secondaires, 
on  crut  devoir  créer  la  nouvelle  espèce  A.  alata. 

3e  cas.  Leuckart,  1861.  —  En  février  1861,  Max  Schultze  adresse  à 
Leuckart  7  Vers  que  lui  avait  remis  un  médecin  des  environs  de  Bonn  : 
c'était  un  mâle  et  6  femelles  d'A.  mystax;  ils  avaient  été  vomis  pen- 
dant un  accès  de  toux  par  une  paysanne  qui  souffrait  depuis  long- 

(1)  Un  cas  dont  parle  Krabbe  (Om  Forekomsten  af  Bândelorme  hos  Men- 
nesket  i  Danmark.  Nordiskt  med.  Arkiv,  XII,  n°  23,  1880)  est  certainement 
apocryphe. 


710  ORDRE  DES   NEMATODES. 


temps  d'un  catarrhe  chronique;  aucun  d'eux  n'était  complètement 
développé. 

4e  cas.  Cobbold,  1863.  —  Le  20  novembre  1862,  le  DrEdw.  Lankester, 
de  Londres,  donne  à  Cobbold  8  A.  mystax  qu'il  avait  reçus  de 
Scattergood,  de  Leeds.  Ces  Vers  avaient  été  trouvés  dans  les  matières 
fécales  d'un  enfant  de  treize  mois  (1  )  ;  ils  étaient  sortis  spontanément  ; 
l'administration  d'un  anthelminthique  demeura  sans  résultat. 

5e  cas.  Morton,  1865.  —  Un  enfant  de  quatorze  mois  expulse  une 
femelle  longue  d'environ  10  centimètres. 

6e  cas.  Helkr,  1872.  —  L'Institut  pathologique  d'Erlangen  possède 
une  femelle  A' A.  mystax,  longue  de  55  millimètres  et  donnée  par  le 
Dr  Bôhm,  de  Gunzenhausen  ;  elle  avait  été  évacuée  par  un  jeune 
garçon, 

7e  cas.  Leuckart,  1876.  —  Leuckart  a  reçu  du  professeur  Steenstrup 
un  Ascaride  qui,  d'après  les  renseignements  fournis  par  Olrik,  avait 
été  rejeté  dans  un  accès  de  toux  par  une  femme  de  Godhavn, 
Groenland. 

8e  cas.  Kelly,  1884.  —  Une  femme  vomit  environ  25  Vers,  longs  de 
4  à  6  millimètres. 

Ces  observations  démontrent  d'une  façon  indiscutable  la  pré- 
sence d'A.  myslax  chez  l'Homme;  cet  helminthe  n'est  jamais 
qu'un  parasite  rare  et  accidentel.  Grassi  a  cherché  vainement 
chez  plus  de  1000  personnes  l'Ascaride  ou  ses  œufs;  au  con- 
traire, il  l'a  toujours  trouvé  chez  le  Chat  en  plus  ou  moins 
grand  nombre.  D'autre  part,  ce  même  expérimentateur  a  avalé 
à  4  reprises  3  ou  4  Vers,  sans  parvenir  à  les  garder  vivants  dans 
son  intestin.  Il  conclut  de  ces  recherches  qu'A,  mystax  n'est  pas 
un  vraientozoairede  l'Homme,  conclusion  assurément  inexacte. 

W.  Pickells,  Case  of  a  yonng  womnn  viho  has  discharged,  and  continues  to 
discharge,  from  lier  stomach  a  number  of  insects  in  différent  stages  of  their 
existence.  Transactions  of  the  assoc.  of  fellows  and  licentiates  of  the  King 
and  Queen's  Collège  of  physicians  of  Ireland,  IV,  p.  189  and  44l  ;  V,  p.  171, 
1824. 

O'  Brien  Bellingham,  On  an  undescribed  species  of  human  intestinal 
worm.  The  Dublin  med.  press,  I,  p.  104,  1839. 

Id.,  Sur  une  espèce  non  décrite  encore  de  Ver  intestinal  chez  l'Homme. 
Gazette  des  hôpitaux,  (2),  I,  p.  07,  1839. 

T.  Sp.  Cobbold,  On  the  occurencc  of  Ascaris  mystax  in  (fie  human  body. 
The  Lancet,  I,  p.  31,  1863. 

T.  Morton,  Ascaris  mystax.  Ibidem,  I,  p.  278,  1865. 

(1)  Et  non  d(!  14  ans,  comme  le  dit  Leuckart  (Menschliche  Parasiten,  II, 
p  260). 


OXYURUS  VERMICULARIS. 


711 


C.  Heller,  Ueber  Ascaris  lumbricoïdes.  Sitzungsber.  der  Erlanger  phys . 
med.  Societat,  IV,  p.  71,  1872. 

B.  Grassi,  Contrifntiione  allô  studio  delC  ehnintologia.  —  V.  Intorno  alV 
>ï$  mystax.  Gazz.  med.  ital.  Lombardia,  XXXIX,  p.  276,  1879. 

H.  A.  Kelly,  The  occurence  ofthe  Ascaris  mystax  [Rudolphi)  in  the  human 
body.  With  a  case.  Amer,  journal  of  med.  sciences,  (2),  LXXXVIII,  p.  483, 
1884. 


Ascaris  maritima  Leuckart,  1876. 


Fig.  351.  —  Lèvre  supé- 
rieure d'Ascai'is  mari- 
tima, d'après  Leuckart. 


Cet  Ascaride  n'a  encore  été  observé  qu'une  fois.  Le  seul 
exemplaire  connu  est  une  femelle  longue  de  43  millimètres, 
large  de  1  millimètre  au  maximum,  non  encore  parvenue  à 
maturité  sexuelle;  le  maximum  de  lar- 
geur s'observe  au  commencement  du 
tiers  postérieur  du  corps.  L'extrémité 
caudale  a  l'aspect  d'un  cône  effilé,  long 
de  0mm,5;  l'appareil  labial  (fig.  351)  est 
de  petites  dimensions  (largeur  0mm,16; 
hauteur  0mm,065),  bien  que,  à  1  milli- 
mètre en  arrière,  l'extrémité  antérieure 
soit  déjà  large  de  0mm,5.  Les  expansions  membraneuses  font 
défaut  sur  les  côtés  de  la  tête,  mais  la  cuticule  se  relève  légè- 
rement en  forme  de  crête. 

Ce  Ver  a  été  envoyé  à  Leuckart  par  Krabbe,  qui  l'avait  reçu 
en  1867  de  Pfaff.  médecin  de  district  à  Jakobshavn,  non  loin 
de  Godhavn,  dans  le  Groenland  du  nord;  il  avait  été  vomi  par 
un  enfant,  en  avril  1865.  Il  appartient  au  groupe  d'Ascaris  lum- 
bricoïdes et  dTA.  mystax,  c'est-à-dire  aux  Ascarides  dont  les 
lèvres  sont  dentelées  sur  les  bords  et  ne  sont  point  séparées 
les  unes  des  autres  par  des  saillies  plus  ou  moins  proéminentes. 
Il  est  très  voisin  d'A.  transfuga,  de  l'Ours,  mais  ne  lui  est  point 
identique 


Oxyurus  vermicularis  Bremser,  1819. 

Synonymie  :  'Aaxapi;  Hippocrate. 

Lumbricidus  Aldrovande. 
Ascaris  vermicularis  Linné,  1767. 
Fusaria  vermicularis  Zeder,  1800. 


L'œuf  de  l'Oxyure  vermiculaire  (fig.  352)  mesure  50  à  52  ^ 


7J2  ORDRE  DES  NEMATODES. 


sur  16  à  24  [x  :  vu  par  en  haut,  il  est  de  forme  ovale  ;  vu  de 
profil,  la  face  ventrale  paraît  aplatie  et  la  face  dorsale  bombée, 
l'extrémité  céphalique  étant  plus  effilée  que  l'autre.  La  coque  est 
lisse,  résistante,  formée  de  trois  couches  superposées  et  entou- 
rées en  outre  d'une  mince  enveloppe  albumineuse,  grâce  à  la- 
quelle les  œufs  adhèrent  entre  eux  après  la  ponte.  L'acide  acé- 
tique sépare  le  chorion  du  reste  de  la  coque,  sauf  en  un  point 
large  de  7  {*,  situé  à  la  face  dorsale  de  l'œuf,  en  arrière  du  pôle 
céphalique;  à  ce  niveau,  la  couche  moyenne  de  la  coque  fait 
défaut,  en  sorte  que  les  deux  couches  externe  et  interne  entrent 
en  contact.  Cette  particularité  de  structure  a  une  grande  im- 
portance :  sous  l'influence  des  acides,  du  suc  gastrique  ou  de  la 
putréfaction,  le  point  en  question  se  détache  à  la  moindre 
pression,  laissant  derrière  lui  un  étroit  orifice  par  lequel  l'em- 
bryon pourra  s'échapper. 

L'œuf  est  encore  dans  l'utérus  quand  il  parcourt  les  premières 
phases  de  son  développement.  Au  moment  de  la  ponte,  il  renferme 
déjà  un  embryon  gyriniforme,  découvert  par 
Claparède  :  le  corps  est  une  masse  ovoïde  qui 
remplit  toute  la  cavité  de  l'œuf  et  à  laquelle 
est  appendue  une  queue  effilée,  repliée  sous 
la  face  ventrale.  Si  les  conditions  extérieures 
sont  favorables,  si  l'humidité  est  suffisante  et 
si  la  température  n'est  pas  inférieure  à  30  ou 
32°  G.,  le  développement  de  l'embryon  se 
poursuit  plus  ou  moins  activement;  à  40°,  il 

est  très  rapide.  L'embryon  perd  alors  sa  forme 
Fig.    352.     -    Œufs      ,    ...      ,    ".     ,  „  â      *  j  , 

d'Oxyure,     d'après     de  letard  :  û  s  allonSe>  surtout  dans  la  région 
Eichhom.  postérieure;  le  corps  s'amincit,  la  queue  s'é- 

tire et  s'épaissit.  Quand  elle  a  atteint  le  pôle 
antérieur  de  l'œuf,  elle  se  réfléchit  en  arrière  et  continue  à  croître 
jusqu'à  ce  qu'elle  ait  parcouru  de  nouveau  toute  la  longueur  de 
l'œuf;  parfois  môme  elle  se  termine  par  un  court  crochet,  commen- 
cement d'une  inflexion  nouvelle. 

Quand  son  développement  est  achevé,  l'embryon  est  long  de 
140  p.,  dont  21  (x  sont  occupés  par  la  queue;  sa  largeur  maximum  est 
de  10  fx.  L'extrémité  antérieure  est  arrondie  et  large  de  8  jx;  la 
queue  est  un  cône  effilé,  large  de  5  p.  à  la  base.  Le  tube  digestif  se 
voit  distinctement  à  travers  la  paroi  du  corps  :  l'œsophage,  long 
de  42  p.,  s'élargit  en  poire  à  son  extrémité,  mais  est  encore  dépourvu 


OXYURUS  VERMICULARIS.  713 

de  dents;  sa  lumière  est  limitée  par  une  mince  couche  chitineuse. 
L'embryon  est  mobile  à  l'intérieur  de  l'œuf,  mais  l'activité  de  ses 
mouvements  dépend  de  la  température. 

L'embryon  ne  se  développe  pas  seulement  au  dehors  :  si  l'œuf 
séjourne  assez  longtemps  dans  l'intestin  de  l'Homme,  le  développe- 
ment peut  tout  aussi  bien  s'y  accomplir.  Les  œufs  que  Ton  ren- 
contre dans  les  matières  fécales  fraîches  renferment  des  embryons 
complètement  développés,  bien  plus  souvent  que  des  embryons  gyri- 
niformes  (1).  Vixa  vu,  dans  le  mucus  du  rectum  et  de  la  région 
anale,  des  œufs  à  embryons  mûrs  et  des  embryons  en  train  d'éclore; 
il  en  conclut  que  le  jeune  Oxyure  est  capable  de  se  développer  sur 
place,  sans  passer  par  une  phase  d'existence  libre,  mais  cette  déduc- 
tion hâtive  ne  s'appuie  sur  aucune  preuve  (2). 

On  doit  admettre,  au  contraire,  que  les  œufs  à  embryons  mûrs 
sont  normalement  rejetés  au  dehors  avec  les  excréments  et  subis- 
sent désormais  le  même  sort  que  ceux  qui,  pondus  au  stade  gyrini- 
forme  ou  même  plus  tôt,  ont  achevé  leur  évolution  en  dehors  de 
l'organisme  humain.  L'œuf  restera  en  ùe  latente  pendant  des  semai- 
nes ou  des  mois,  jusqu'à  ce  qu'il  se  trouve  ramené  dans  l'estomac 
de  l'Homme.  L'embryon  ne  résiste  pas  à  l'action  prolongée  de  l'eau  : 
celle-ci  ne  jouera  donc  que  rarement  le  rôle  de  véhicule  pour  l'œuf; 
mais  ce  dernier,  mélangé  à  la  poussière  qui  résulte  de  la  dessicca- 
tion des  matières  fécales,  pourra  être  amené  à  la  surface  des  fruits, 
de  la  salade,  ou  de  tout  autre  objet  qui  pénétrera  dans  l'estomac  ou 
simplement  dans  la  bouche. 

L'absence  d'hôte  intermédiaire  pour  l'Oxyure  est  démontrée  par 
une  foule  d'observations  journalières,  et  notamment  par  voie  expéri- 
mentale. En  octobre  1863,  Leuckart  et  trois  de  ses  élèves  avalèrent 
chacun  quelques  douzaines  d'œufs,  cultivés  dans  une  étuve  et  ren- 
fermant des  embryons  mûrs.  Vers  la  fin  de  la  deuxième  semaine, 
trois  des  expérimentateurs  trouvèrent  dans  leurs  fèces  quelques  Vers 
longs  de  6  à  7  millimètres,  c'est-à-dire  presque  adultes;  Leuckart  en 
évacua  encore  plus  tard,  jusqu'à  la  quatrième  semaine,  et  en  rendit 
en  tout  18  à  20. 

Grassi  a  voulu  répéter  sur  lui-même  cette  expérience.  11  com- 

(i)  Quelques  heures  après  l'évacuation  de  ces  matières,  on  observe  le  phé- 
nomène inverse,  les  femelles  rejetées  avec  elles  s'étant  mises,  sous  l'influence 
des  agents  extérieurs,  à  vider  leurs  utérus  et  à  pondre  des  œufs  de  plus  en 
plus  frais. 

(2)  Kûehenmeister  a  adopté,  en  l'exagérant,  l'opinion  de  Vix.  Non  seulement 
il  admet  que  l'Oxyure  peut  se  développer  sur  place,  il  pense  même  que  ce 
parasite  peut  se  propager,  par  exemple  si  on  partage  le  lit  d'un  individu, 
enfant  ou  adulte,  qui  en  est  infesté  :  le  Ver  sortirait  spontanément  de  l'anus 
du  malade  et  cheminerait  à  la  rencontre  de  l'autre  dormeur! 


714  ORDRE  DES  NEMATODES. 

mence  par  s'assurer  qu'il  ne  porte  pas  d'Oxyures,  puis  avale  six 
femelles  prises  sur  un  individu  mort  depuis  vingt-quatre  heures  ; 
c'était  à  la  fin  de  janvier  1879.  Au  bout  de  quinze  jours,  il  commence 
à  ressentir  du  prurit  à  l'anus  et  à  trouver  dans  ses  selles  de  nom- 
breuses femelles  remplies  d'œufs;  il  les  observe  dans  chaque  selle 
pendant  plus  d'un  mois. 

Dès  que  l'œuf  est  parvenu  dans  l'estomac,  sa  coque  est  attaquée 
et  ramollie  par  le  suc  gastrique  et  se  perce  au  point  que  nous 
avons  indiqué  :  sous  les  efforts  de  l'embryon ,  une  sorte  de  clapet 
se  détache  et  laisse  derrière  lui  un  orifice  ovalaire  qui  livre  passage 
au  jeune  Ver.  Celui-ci,  long  de  0mm,14,  se  rend  alors  dans  la  partie 
supérieure  de  l'intestin  grêle,  où  il  subit  une  ou  deux  mues  succes- 
sives, tout  en  s'accroissant  rapidement  :  sa  queue  a  la  forme  d'une 
alêne  ou  d'un  poinçon  et  il  est  encore  impossible  de  reconnaître  à 
quel  sexe  il  appartiendra  par  la  suite  ;  il  n'a  encore  ni  lèvres,  ni 
vésicule  céphalique,  ni  dents  pharyngiennes.  Mais  quand  il  a  atteint 
une  certaine  taille,  les  caractères  sexuels  apparaissent  :  la  queue 
prend  la  forme  caractéristique,  en  môme  temps  que  l'appareil  géni- 
tal se  développe;  le  spicule  du  mâle  se  montre  déjà.  Le  jeune  mâle 
mesure  alors  lmm,i  à  lmm,8  de  long  sur  0mm,8  de  large;  sa  queue 
est  longue  de  0mm,t.  La  femelle  est  longue  de  lmm,78  à  lmm,97;  sa 
queue  mesure  0mra,4;  la  vulve  est  à  0mm,8  de  l'extrémité  céphalique. 
Quand  il  a  acquis  la  structure  et  les  dimensions  que  nous  venons  de 
lui  assigner,  l'animal  subit  une  nouvelle  mue,  prélude  de  son  passage 
à  l'état  adulte. 

Selon  toute  apparence,  le  mâle  arrive  à  maturité  sexuelle  plus  rapi- 
dement que  la  femelle.  Un  mâle  long  de  3  millimètres  a  déjà  des 
spermatozoïdes  dans  la  plus  grande  partie  de  son  testicule,  alors 
que,  chez  une  femelle  de  môme  taille,  les  organes  génitaux  sont 
fort  peu  développés.  Mais,  quand  la  femelle  a  atteint  une  longueur 
de  5  millimètres,  leur  développement  s'achève  rapidement.  Le  pre- 
mier accouplement  se  fait  peu  de  temps  après  :  chez  des  individus 
longs  de  6  à  7  millimètres,  le  vagin  a  acquis  sa  structure  définitive 
et  se  montre  presque  toujours  rempli  de  sperme,  môme  avant  que 
l'utérus  ne  renferme  des  œufs  ;  les  premiers  œufs  embryonnésont  été 
rencontrés  par  Leuckart  chez  une  femelle  longue  de  7,um,3  et  large 
de  0m,ll,48- 


L'Oxyure  adulte  est  de  petites  dimensions  et  effilé  à  chacune 
de  ses  extrémités.  Le  mâle  (fig.  353)  est  long  de  3  à  5  millimè- 
tres, large  de  0mm,16  à  0mm,20;  son  extrémité  postérieure  est 
assez  brusquement  tronquée.  Après  la  mort,  il  se  raccourcit 


OXYURUS  VERMICULARIS. 


715 


notablement,  en  même  temps  que  son  épaisseur  augmente  ; 
sa  queue,  légèrement  sinueuse  pendant  la  vie,  s'enroule  alors 
plus  ou  moins  en  spirale.  La  queue  porte  en- 
core six  paires  de  papilles,  dont  les  antérieu- 
res et  les  postérieures  sont  les  plus  grosses; 
ces  dernières  sont  situées  au  bord  externe  et 
donnent  à  l'extrémité  du  corps  un  aspect 
fourchu. 

La  femelle  (fig.  354)    est  longue   de  9  à 
12  millimètres;  sa  plus  grande  largeur  est  de 
0mm,4  à  0mm,6  et  s'observe  au  niveau  de  la 
vulve  qui,  chez  l'adulte,  s'ouvre  à  3  millimè- 
tres environ  en  arrière  de  l'extrémité  cépha-  l 
lique,  c'est-à-dire  un  peu  en  avant  du  milieu 
du  corps.  La  queue  a  conservé   la    même 
forme  que  chez  la  larve  :  elle  est  longue,  en 
alêne,  occupe  à  peu  près  le 
cinquième   de    la    longueur 
totale  du  corps  et  présente  à 
sa  pointe  une  légère  incurva- 
tion en  vis;  l'anus  débouche 
à  sa  base. 

Le  mâle  est  resté  long- 
temps inconnu.  Bremser 
pensait  que  l'espèce  se  re- 
produisait par  parthénoge- 
nèse, mais  Sommerring  lui 
envoya  plusieurs  mâles  qu'il 
avait  recueillis.  On  crut  dès 
lors  à  la  grande  rareté  du 
mâle.  Rudolphi  et  von  Sie- 
bold  n'en  rencontrèrent  au- 
cun et  admirent  l'hypothèse 

de  Bremser,  au  moins  pour  certains  cas.  Depuis  lors,  Zenker  a 
prouvé  qu'il  est  aisé  de  rencontrer  le  mâle  dans  les  autopsies,  si 
on  racle  légèrement  avec  un  scalpel  la  surface  de  la  muqueuse, 
dans  les  endroits  débarrassés  de  matières  fécales,  et  qu'on  étale 
sur  une  lame  de  verre  les  mucosités  ainsi  enlevées  :  Zenker  ad- 
met donc  que  le  mâle  est  à  peine  plus  rare  que  la  femelle.  Leuc- 


Fig.  353.  —  Oxyuvus 
vermicularis  mâ- 
le. —  a,  de  gran- 
deur naturelle  ; 
6,  grossi. 


Fig.  354.  —  Oxyu- 
rus  vermicularis 
femelle.  —  a,  de 
grandeur  natu- 
relle;   6,   grossi. 


716  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

kart  combat  cette  opinion,  mais  en  se  basant  sur  des  observa- 
tions faites  sur  le  vivant  ;  en  examinant  avec 
soin  des  selles  diarrhéiques,  il  trouve  dans 
un  cas  12  mâles  et  110  femelles,  dans  un 
autre  cas  9  mâles  et  80  femelles,  soit  une 
moyenne  de  1  mâle  pour  9  femelles.  Il  est 
d'ailleurs  possible  que  les  mâles,  dont  la  ma- 
turité sexuelle  précède  celle  des  femelles, 
meurent  et  soient  évacués  plus  tôt  que  ces 
dernières,    en  sorte    qu'ils   seront    devenus 

Fig.  355.  —  Extré-  rares  au  moment  ou  Ie  prurit  anal  dénon- 
mité  antérieure  de  cera  la  présence  du  parasite,  c'est-à-dire  au 
l'Oxyure,  vue  de   moment  de  la  maturité  sexuelle  des  femel- 

profil,    d'après    ,  T  ..  .    ..         ,         , 

Leuckart.  *es-  La  proportion  relative  des   deux  sexes 

varie  donc  aux  diverses  époques  de  l'infes- 
tation  :  au  début,  les  deux  sexes  sont  à  peu  près  en  même 
nombre. 

Le  corps  de  l'Oxyure  est  limité  par  une  cuticule  épaisse  de  o 
à  6  p.,  et  formée  de  trois  couches,  dont  l'externe  porte  des  stries 
transversales,  écartées  de  12  à  17  p..  La  striation  est  peu  apparente, 
mais  devient  de  plus  en  plus  nette  dans  la  région  antérieure;  elle 
s'efface  parfois  chez  les  femelles  ovigères,  par  suite  de  la  distension 
du  corps.  Au-dessus  de  chacune  des  lignes  latérales  se  voit  une 
crête  longitudinale,  qui  se  poursuit  en  arrière  presque  jusqu'à  l'extré- 
mité de  la  queue  et  en  avant  jusqu'au  voisinage  de  la  vésicule 
céphalique.  Cetle  crête  est  un  simple  épaississement  triangulaire  de 
la  cuticule,  haut  de  20  \».  et  large  de  40  {/.;  on  pourrait  la  prendre 
tout  d'abord  pour  la  projection  du  canal  latéral,  mais  celui-ci  est 
de  petites  dimensions  ;  les  lignes  latérales  sont  elles-mêmes  fort  diffi- 
ciles à  voir  sur  l'animal  intact,  leur  largeur  étant  exactement  celle  de 
la  crête  qui  les  surmonte. 

L'extrémité  antérieure  du  corps  est  très  effilée.  A  son  niveau, 
la  cuticule  se  creuse  d'une  cavité  dans  laquelle  s'accumule  un 
liquide  clair  qui  se  coagule  sous  l'action  de  certains  réactifs. 
Cette  vésicule  se  soulève,  aux  faces  supérieure  et  inférieure, 
en  une  sorte  de  crête  semi-lunaire  (fig.  355)  qui  n'a  rien  à 
voir  avec  la  crête  latérale  du  corps  et  que  l'on  a  parfois  compa- 
rée à  tort  à  l'expansion  latérale  de  la  tête  d'Ascaris  mystax. 


OXYURUS  VERMICULARIS.  717 

La  vésicule  céphalique  donne  à  la  tête  de  l'Oxyure  l'aspect  du 
bout  d'ambre  d'une  pipe  turque;  sa  surface  est  striée  transver- 
salement, son  bord  libre  est  orné  d'environ  25  dents  chez  la 
femelle,  de  15  dents  chez  le  mâle.  Elle  a  environ  le  quart  de  la 
longueur  du  pharynx  et  disparaît  totalement,  chez  la  femelle, 
à  0mm,24  en  arrière  de  l'extrémité  céphalique  ;  en  avant,  elle 
est  limitée  par  le  bord  postérieur  des  trois  lèvres. 

Leuckart  considère  la  vésicule  céphalique  comme  un  appa- 
reil élastique  destiné  à  propulser  les  lèvres.  A  l'état  de  repos, 
celles-ci  sont  saillantes  ;  quand  leurs  muscles  se  contractent, 
elles  se  retirent  plus  ou  moins  profondément.  Aucun  muscle 
n'étant  affecté  à  la  protraction,  la  saillie  de  la  tête  doit  alors  ré- 
sulter du  choc  du  sang  contre  l'extrémité  antérieure.  Leuckart 
admet  que  cette  propulsion  se  fait  avec  une  grande  force  :  le 
prurit  insupportable  qu'occasionne  le  parasite  tient,  non  pas 
au  frétillement  de  la  queue,  comme  on  le  croit  généralement, 
mais  aux  mouvements  de  l'appareil  labial  et  aux  mordillements 
consécutifs  de  la  muqueuse. 

L'Oxyure  est  platymyaire  et  méromyaire,  d'après  la  nomenclature 
de  Schneider.  Ses  muscles  consistent  en  un  petit  nombre  de  cellules, 
en  tout  40  à  50,  disposées  en  deux  rangées  dans  chacun  des  espa- 
ces interposés  aux  lignes  longitudinales.  Chaque  cellule  est  large 
de  150  p.  et  longue  de  près  de  2  millimètres,  mais  cette  longueur  est 
en  grande  partie  occupée  par  les  deux  extrémités,  étirées  en  mem- 
brane ou  en  fibre;  le  reste  correspond  au  segment  moyen,  plus  épais 
et  plus  large. 

La  cellule  est  d'une  épaisseur  remarquable,  qui  peut  atteindre 
parfois  jusqu'à  0mm,16.  Elle  n'est  pas  contractile  dans  toute  sa  sub- 
stance, mais  seulement  par  sa  partie  externe.  La  couche  contractile 
est  épaisse  de  50  p.,  et  de  structure  fibrillaire  ;  le  reste  de  la  cellule, 
qui  proémine  plus  ou  moins  dans  la  cavité  du  corps,  est  formé  d'une 
masse  claire,  renfermant  un  grand  nombre  de  granules  jaunâtres  et 
un  noyau  nucléole.  Les  cellules  musculaires  s'étendent  en  avant 
jusque  dans  l'épaisseur  des  lèvres;  en  arrière,  elles  deviennent  de 
plus  en  plus  petites  et  surbaissées,  mais  se  retrouvent  jusqu'à  l'extré- 
mité de  la  queue. 

La  ligne  latérale  est  constituée  essentiellement  comme  chez  les 
Ascarides  :  elle  est  divisée  en  deux  moitiés  symétriques  par  une 
sorte  de  cloison  qui  renferme  le  canal  latéral.  Le  pore  terminal  de 
l'appareil  excréteur  s'ouvre  à  0mm,8  en  arrière  du  pharynx  :  en  ce 


718  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

point,  les  lignes  latérales  s'unissent  l'une  à  l'autre  au  moyen  d'une 
bande  transversale  qui  passe  au-dessus  des  muscles  abdominaux. 
L'anneau  nerveux  (fig.  355),  bien  plus  apparent  que  l'appareil  excré- 
teur, se  voit  au  niveau  de  l'extrémité  postérieure  de  la  vésicule 
céphalique.  11  s'unit  aux  lignes  latérales  et  médianes  ;  ces  dernières 
ont  en  ce  point  à  peu  près  la  même  largeur  que  les  lignes  latérales  ; 
partout  ailleurs,  elles  sont  très  réduites. 

La  bouche  est  entourée  de  trois  lèvres,  une  dorsale  plus 
grande  et  deux  latéro-ventrales  plus  petites;  leur  bord  n'est 
pas  dentelé.  La  cavité  buccale  est  courte  et  triangulaire  et  se 
continue  avec  l'œsophage.  Celui-ci  est  très  musculeux  et  s'é- 
largit insensiblement  en  arrière;  après  un  trajet  de  0mm,5  chez 
le  mâle  et  de  1  millimètre  chez  la  femelle,  il  aboutit  à  l'estomac 
ou  bulbe  pharyngien,  puissante  masse  musculaire  arrondie, 
dont  la  surface  interne  est  armée  de  trois  dents  chitineuses, 
disposées  de  manière  à  empêcher  les  substances  ingérées  de 
repasser  dans  l'œsophage;  ces  organes  ne  servent  aucunement 
à  mâcher  les  aliments,  qui  d'ailleurs  sont  puisés  à  l'état  plus  ou 
moins  liquide,  mais  les  poussent  dans  l'intestin. 

Tandis  que  l'œsophage  et  l'estomac  étaient  revêtus  intérieu- 
rement d'une  cuticule  imperforée,  l'intestin  est  tapissé  d'un 
épithélium  dont  la  surface  porte  une  cuticule  percée  d'un  grand 
nombre  de  pores.  Cette  portion  du  tube  digestif  traverse  en 
ligne  droite  la  cavité  générale  et  présente  des  mouvements  pé- 
ristaltiques  à  son  extrémité.  Ceux-ci  sont  dus  à  la  contraction 
de  fibres  annulaires  délicates,  disposées  à  quelque  distance  les 
unes  des  autres  et  anastomosées  entre  elles  ;  ces  fibres  se  con- 
densent en  un  véritable  sphincter,  au  point  où  l'intestin  se 
continue  avec  le  rectum.  A  ce  même  niveau,  on  remarque  de 
chaque  côté  de  l'intestin  deux  glandes  unicellulaires,  larges  de 
82  [i.  Le  rectum  est  long  de  0mm,25  ;  chez  le  mâle,  il  débouche 
dans  le  cloaque  ;  chez  la  femelle,  il  s'ouvre  à  la  base  de  la  queue. 
L'anus  peut  se  dilater  sous  l'action  de  fibres  musculaires  qui, 
de  chaque  côté,  rayonnent  en  éventail  et  vont  s'insérer  sur  la 
paroi  du  corps,  au  voisinage  de  la  ligne  dorsale. 

La  cavité  du  corps  est  assez  vaste,  sauf  aux  extrémités,  où 
elle  s'effile  et  se  réduit  à  un  étroit  canal.  Elle  est  remplie  par 
le  liquide  nourricier,  au  sein  duquel  nagent  des  sphérules 
brillantes,    larges    de   .'*   à   L'J    (*,    les    plus   grosses   donnant 


OXYURUS  VERMICULARIS.  719 

naissance  aux  plus  petites  par   une  véritable  segmentation. 

L'appareil  génital  mâle  est  d'une  grande  simplicité.  11  est 
formé  d'un  large  tube  rectiligne,  rapproché  de  la  face  dorsale 
et  dont  la  longueur  n'est  pas  supérieure  aux  deux  tiers  de  la 
longueur  totale  du  Ver  ;  son  extrémité  antérieure  s'infléchit  vers 
la  face  ventrale  en  un  crochet  long  de  0mm,2  au  plus.  Ce  tube 
se  subdivise  assez  nettement  en  quatre  segments  :  testicule, 
canal  déférent,  vésicule  séminale,  canal  éjaculateur.  Ce  dernier 
s'unit  au  rectum  pour  constituer  un  cloaque,  dans  lequel  dé- 
bouche d'autre  part  la  poche  du  spicule.  L'organe  d'accouple- 
ment est  en  effet  constitué  par  un  unique  bâtonnet  chitineux, 
assez  épais  et  dépourvu  d'appareil  de  soutien;  sa  longueur 
peut  atteindre  jusqu'à  70  (/.;  son  extrémité  s'amincit  et  s'in- 
curve en  S.  Le  cloaque  vient  s'ouvrir  à  la  face  ventrale,  au  voi- 
sinage immédiat  de  l'extrémité  caudale  ;  celle-ci,  comme  on 
sait,  ne  se  termine  point  en  alêne,  mais  se  tronque  brusque- 
ment et  s'infléchit  en  demi-cercle  vers  la  face  ventrale;  cette 
disposition  facilite  sans  doute  l'accouplement,  comme  le  mon- 
trent d'ailleurs  les  papilles  qui  ornent  l'extrémité  caudale. 

Les  deux  tubes  génitaux  femelles  des  Ascarides  couraient 
parallèlement  l'un  à  l'autre  et  se  disposaient  symétriquement 
par  rapport  au  plan  médian.  Chez  l'Oxyure,  il  n'en  est  plus  de 
même  :  les  deux  tubes  sont  symétriques  par  rapport  à  un  plan 
transversal,  c'est-à-dire  que  l'un  d'eux  occupe  la  moitié  anté- 
rieure avec  ses  différents  replis,  tandis  que  l'autre  remplit  la 
moitié  postérieure.  La  symétrie  est  d'ailleurs  imparfaite,  le 
tube  antérieur  étant  plus  court  que  l'autre  :  chez  une  femelle 
adulte,  le  premier  est  long  de  6  à  7  millimètres,  le  second  de 
10  à  il  millimètres.  Ces  dimensions  varient  d'ailleurs  notable- 
ment, suivant  que  l'ovaire  et  l'utérus  sont  plus  ou  moins  dis- 
tendus par  les  œufs.  Ceux-ci  peuvent  s'accumuler  en  si  grande 
abondance,  que  le  tube  génital  se  dilate  au  point  de  remplir 
et  de  distendre  toute  la  cavité  du  corps:  les  autres  organes 
sont  comprimés  et  l'animal  entier  a  l'aspect  d'un  sac  bourré 
d'oeufs.  Leuckart  estime  de  10  à  12,000  le  nombre  des  œufs 
qui  peuvent  ainsi  distendre  l'utérus. 

Les  deux  utérus  s'unissent  l'un  à  l'autre  à  0mm,5  environ  en 
avant  du  milieu  du  corps.  Le  vagin  qui  prend  ainsi  naissance 
est  long  de  lmm,3  à  lmm;5  :  il  court  d'arrière  en  avant,  le  long  de 


720  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

sa  face  ventrale  et  débouche  au  dehors  par  une  vulve  située  à 
3  millimètres  environ  de  l'extrémité  céphalique. 

Au  moment  de  la  fécondation,  l'œuf  est  encore  dépourvu  rie 
coque.  Celle-ci  prend  naissance  quand,  après  avoir  traversé  le  réser- 
voir séminal,  il  pénètre  dans  la  première  portion  de  l'utérus.  Ré- 
sulte-t-elle  d'une  sécrétion  particulière  ou,  comme  le  pense  Schneider, 
d'une  différenciation  du  vitellus?  on  ne  sait;  toujours  est-il  que  sa 
production  est  rapide,  car  il  est  fort  rare  de  trouver  dans  l'utérus  des 
œufs  à  coque  imparfaitement  développée  ;  le  clapet  ne  se  solidifie 
que  plus  tard. 

C'est  seulement  chez  les  femelles  dont  l'ovaire  est  encore  turges- 
cent que  la  poche  séminale  se  trouve  remplie  de  sperme.  Par  excep- 
tion, les  œufs  de  l'Oxyure  ne  se  forment  pas  et  ne  se  détachent  pas 
d'une  façon  continue,  mais  par  intervalles,  en  sorte  qu'il  y  a  de  véri- 
tables périodes  de  rut.  A  chaque  période,  la  provision  de  sperme  est 
utilisée  :  on  ne  trouve  donc  point  de  sperme  dans  la  poche  séminale, 
en  dehors  du  moment  du  rut;  d'autre  part,  chaque  période  nouvelle 
nécessite  un  nouvel  accouplement. 

On  croit  généralement  que  l'Oxyure  se  tient  de  préférence 
dans  le  rectum;  mais  c'est  là  une  erreur  que  les  obserrations 
de  Zenker  ont  redressée.  Après  son  éclosion,  l'embryon  pénètre 
dans  l'intestin  grêle,  pour  y  subir  ses  mues  et  y  atteindre  sa 
maturité  sexuelle.  Les  jeunes  Vers  séjournent  plus  ou  moins 
longtemps  dans  l'intestin  grêle  ;  ils  y  achèvent  leur  croissance 
et  la  plupart  d'entre  eux  s'y  accouplent.  On  trouve  ainsi,  de- 
puis le  duodénum  jusqu'à  la  valvule  de  Bauhin,  un  grand 
nombre  d'Oxyures  à  tous  les  états  de  développement;  après 
l'accouplement,  les  femelles  fécondées  passent  dans  le  caecum, 
accompagnées  d'un  petit  nombre  de  mâles;  la  plupart  de  ces 
derniers  demeurent  dans  le  jéjunum  et  l'iléon.  Il  arrive  donc 
un  moment  où  l'intestin  grêle  ne  contient  plus  que  quelques 
jeunes  femelles,  à  côté  d'une  grande  quantité  de  mâles,  tandis 
que  le  ca3cum  renferme  un  grand  nombre  de  femelles  et  une 
petite  quantité  de  mâles;  dans  ces  conditions,  on  conçoit  que 
certains  accouplements  puissent  également  se  faire  dans  le 
caecum.  Les  mâles  meurent  du  reste  rapidement  après  la  copu- 
lation ;  ils  sont  éliminés  avec  les  fèces  avant  qu'aucun  sym- 
ptôme soit  venu  signaler  la  présence  du  parasite. 

Les  femelles  fécondées  séjournent  dans  le  cœcum,  tant  que 


OXYL'RUS  VERMICULARIS.  721 

le  développement  des  œufs  n'est  pas  achevé  ;  elles  peuvent 
même  pénétrer  dans  l'appendice  iléo- caecal,  mais  ce  dernier 
semble  être  le  recoin  préféré  des  mâles  (1).  Quand  les  œufs 
ont  enfin  acquis  leur  maturité,  les  femelles  cheminent  le  long 
du  côlon  et  arrivent  au  rectum,  dans  lequel  elles  effectuent 
en  partie  leur  ponte  ;  elles  tendent  également  à  quitter  l'intes- 
tin, comme  le  prouve  le  prurit  insupportable  que  le  malade 
éprouve  à  l'anus.  Un  grand  nombre  d'oeufs  sont  donc  pondus 
dans  le  mucus  anal  et  sur  le  tégument  humide  de  la  région 
voisine  :  leur  dissémination  et  leur  introduction  possible  dans 
l'estomac  de  l'Homme  se  font  par  les  procédés  que  nous  avons 
déjà  signalés.  La  propagation  de  l'helminthe  est  encore  assurée 
par  l'effritement  des  matières  fécales,  qui  contiennent  des 
œufs  libres  et  des  femelles  plus  ou  moins  bourrées  d'œufs, 
suivant  que  leur  ponte  s'est  effectuée  ou  non  dans  l'intestin. 

Nous  avons  dit  que  l'œuf,  au  moment  de  son  évacuation, 
renferme  déjà  un  embryon  gyriniforme;  celui-ci  ne  peut  con- 
tinuer son  développement  qu'autant  que  le  suc  gastrique,  en 
ramollissant  la  coque  de  l'œuf,  a  contribué  à  le  mettre  en  li- 
berté. L'infesLation  n'est  donc  possible  que  si  l'œuf  est  ramené 
dans  l'estomac,  au  bout  d'un  temps  variable  (2).  Yix  croyait 
que  les  embryons  encore  renfermés  dans  l'œuf  étaient  capables 
de  se  développer  dans  le  rectum  ;  mais  cette  opinion  n'est  pas 
soutenable. 

J.-M.  Bany,  On  the  origin  of  intestinal  worms,  particularly  the  Oxyurus 
vermicularis.  Transactions  of  the  Assoc.  of  fcllows  and  licentiatcs  of  king's 
and  queen's  Collège  of  physicians  in  Ireland,  II,  p.  383,  181S. 

E.  Yix.  Ueber  Entozoen  bei  Geisteskranken,  in  s  Besondere  iïber  die  Bedeu- 
timg,  dos  Vorkommen  und  die  Behaudlung  von  Oxyurus  vermicularis.  Allge- 
meine  Zeitschrift  fur  Psychiatrie,  XVII,  p.  I,  149  et  225,  1860. 

W.  Stricker,  Physiologisch-pathologische  Bemerkungen  iïber  Oxyurus  ver- 
micularis. Virchow's  Archiv,  XXI,  p.  360,  1861. 

J.  H.  L.  Flôgel,  Ueber  die  Lippen  einiger  Oxyurisarten.  Z.  f.  w.  Z.,  XIX, 
p.  234,  1869. 

1  En  recherchant  le  sexe  des  Oxyures  trouvés  dans  l'appendice,  Heller  a 
noté  :  dans  un  cas,  36  mâles;  dans  un  autre  cas  19  femelles  et  19  mâles;  une 
autre  fois,  9  femelles  et  30  mâles;  dans  un  dernier  examen,  27  femelles  et 
46  mâles. 

(2)  On  ignore  si  l'œuf  introduit  prématurément  dans  l'estomac,  c'est-à-dire 
avant  la  formation  complète  de  l'embryon,  est  capable  d'y  poursuivre  son 
évolution.  Le  fait  ne  semble  pas  impossible,  si  on  considère  que  le  dévelop- 
pement de  l'embryon  est  très  rapide  et  que  l'action  du  suc  gastrique  sur  la 
coque  n'est  pas  instantanée. 

Ri.wchard.  —  Zool.  raéd.  46 


722  ORDRE  DES  NEMATODES. 

Zenker,  Tageblatt  der  42.  Versammlung  deutscher  Naturforscher  und  ^Erzte 
zu  Dresden,  p.  140, 1868.  —  Id.,  Ueber  die  Naturgeschichte  des  Oxijurus  ver- 
micularis.  Verhandlungen  der  phys.  med.  Societâtzu  Erlanger»,  II,  p.  20,  1870. 

L'Oxyure  est  généralement  transmis  à  l'enfant  par  le  linge 
ou  par  les  mains  sales  des  personnes  qui  le  soignent,  quand  ces 
dernières  en  sont  elles-mêmes  infestées.  Dès  que  quelques 
Vers  se  sont  développés  dans  l'intestin,  la  persistance  du  para- 
site chez  le  même  malade  s'explique  aisément  sans  qu'il  soit 
nécessaire  de  supposer  que  des  œufs  nouveaux  sont  sans  cesse 
introduits  dans  l'estomac.  En  effet,  les  conditions  sont  très 
favorables  à  l'auto-infestation. 

Sous  l'influence  de  la  chaleur  du  lit,  l'Oxyure  descend  dans 
le  rectum  et  provoque  dans  la  région  anale  un  prurit  insuppor- 
table, qui  engage  les  malades  à  se  gratter.  S'il  s'agit  d'enfants 
ou  d'adultes  négligeant  trop  les  soins  de  propreté,  les  ongles  se 
chargent  ainsi  de  matières  fécales  et  de  mucosités,  au  sein 
desquelles  le  microscope  permet  de  reconnaître  un  grand 
nombre  d'œufs,  dont  le  transport  à  la  bouche  se  fait  pendant 
le  sommeil,  ou  si  le  malade  a  l'habitude  de  sucer  son  pouce  ou 
de  se  ronger  les  ongles:  Zenker  et  Heller  ont  vu,  en  effet,  à 
plusieurs  reprises,  des  œufs  et  même  des  femelles  entières 
dans  le  pli  ou  sous  le  bord  de  l'ongle.  L'auto-infestation  peut 
êtresans  limites;  les  conditions  qui  la  favorisent  augmentent  de 
plus  en  plus  avec  le  nombre  des  Vers;  ainsi  s'explique  la  per- 
sistance du  parasite  chez  un  même  individu  pendant  de  longues 
années  :  Cruveilhier  et  Marchand  l'ont  vu  persister  pendant 
dix  et  quinze  ans;  Oppolzer,  Hervieux  et  d'autres  l'ont  même 
vu  infester  des  individus  depuis  l'enfance  jusqu'à  un  âge  avancé. 
De  cette  façon  s'explique  encore,  dans  une  certaine  mesure,  la 
propagation  du  Ver  d'un  individu  à  l'autre,  par  l'usage  du 
même  linge  ou  du  même  lit.  Aussi  l'helminthe  s'observe-t-i. 
surtout,  et  parfois  sous  forme  endémique,  dans  les  maisons 
d'éducation,  dans  les  orphelinats,  les  prisons,  les  casernes,  les 
asiles  d'aliénés  (1).  La  prédisposition  aux  Oxyures,  que  l'on 
admettait  jadis,  trouve  encore  son  explication  dans  les  faits 
dont  nous  venons  de  parler. 

La  contamination  se  fait  donc  avec  la  plus  grande  facilité, 

(I)  Vix  l'a  trouvé  5G  fois  chez  8G  aliénés,  soit  dans  GO  p.  100  dos  cas. 


OXYURUS  VERMICULARIS.  723 

pour  peu  qu'on  ait  affaire  à  des  personnes  infestées  par  l'Oxyure 
ou  qu'on  ait  occasion  de  toucher  des  objets  quelconques  leur 
ayant  appartenu.  A  l'époque  où  ils  étudiaient  le  parasite,  Leuc- 
kart  et  Heller  en  furent  eux-mêmes  atteints,  bien  qu'ils  eussent 
pris  les  plus  grandes  précautions. 

Puisque  le  périnée  et  même  la  vulve,  comme  nous  le  ver- 
rons par  la  suite,  sont  ordinairement  parsemés  d'un  grand 
nombre  d'œufs,  il  n'est  pas  impossible  que  la  mère,  au  moment 
de  l'accouchement,  transmette  le  parasite  à  l'enfant.  Peut-être 
doit-on  expliquer  de  la  sorte  le  fait,  observé  par  Heller,  d'un 
enfant  de  cinq  semaines  dont  l'appendice  iléo-csecal  renfer- 
mait des  Oxyures  adultes.  Ce  fait,  en  tout  cas,  est  intéressant, 
en  ce  qu'il  nous  démontre  avec  quelle  rapidité  se  fait  le  déve- 
loppement de  l'helminthe. 

Le  nombre  des  Oxyures  hébergés  par  un  même  malade  est  soumis 
aux  plus  grandes  variations  :  ils  sont  parfois  si  abondants  et  si  serrés 
les  uns  contre  les  autres  que,  d'après  Vix,  la  surface  entière  du  gros 
intestin  ressemble  à  de  la  fourrure.  Leur  présence  n'exclut  pas  celle 
d'autres  parasites  :  les  statistiques  de  Millier  et  de  Heller  nous  en 
donnent  la  preuve.  Sur  135  autopsies  d'aliénés  faites  à  Erlangen, 
l'Oxyure  a  été  observé  78  fois,  soit  dans  la  proposition  de  57,77  p.  100, 
savoir  :  35  fois  seul,  6  fois  avec  l'Ascaride  lombricoïde,  26  fois  avec  le 
Trichocéphale,  11  fois  avec  l'Ascaride  et  le  Trichocéphale.  Sur  611  au- 
topsies faites  à  Kiel,  il  a  été  vu  142  fois,  soit  dans  la  proportion  de 
23,24  p.  100,  savoîr  :  57  fois  seul,  16  fois  avec  l'Ascaride,  35  fois  avec 
le  Trichocéphale,  34  fois  avec  l'Ascaride  et  le  Trichocéphale. 

Nous  empruntons  encore  à  Millier  pour  Dresde  et  Erlangen,  et  à 
Heller  pour  Kiel,  les  statistiques  suivantes  relatives  à  la  fréquence  de 
l'Oxyure.  A  Dresde  : 

1164  hommes  ont  présenté  l'Oxyure  24  fois,  soit  2,  1  p.  100. 

739  femmes             —             —  19        —  2,  5       — 

36  enfants  —  —  0        —  0 

Au  total,  1939  individus           —              —  43        —  2,  2       — 

Pour  Erlangen,  le  résultat  était  le  suivant  : 

845  hommes  ont  présenté  l'Oxyure  113  fois,  soit  13,  4  p.  100. 

513  femmes             —              —          57  —         11,   l  — 

397  enfants              —              —          43  —        10,  8  — 

Au  total,  1755  individus          —             —        213  —        12,13  — 

Enfin,  le  résultat  des  autopsies  faites  à  Kiel  a  donné  les  chiffres  sui- 
vants : 


724  ORDRE  DES  NEMATODES. 

266  hommes  ont  présenté  l'Oxyure  50  fois,  soit  18,  8  p.  100. 

194  femmes  —  —  41        —  21,  1       — 

151  enfants  —  —  51         —  33,  8       — 

Au  total,    611  individus  —  —  142        —  23,2       — 

A  Baie,  d'après  Zâslein,  le  parasite  a  été  vu  10  fois  dans  50  autopsies 
consécutives,  soit  dans  20  p.  100  des  cas. 

L'Oxyure  se  rencontre  à  tout  âge,  mais  est  plus  commun  chez  les 
enfants  et  chez  les  femmes  :  Heller  l'a  observé  chez  un  enfant  de 
cinq  semaines  et  chez  un  vieillard  de  82  ans;  Bremser  l'avait  vu  chez 
un  autre  vieillard  de  80  ans. 

Les  anciens  observateurs  prétendaient  que  l'Oxyure  est  plus  fré- 
quent et  plus  vivace  au  printemps  et  en  automne  qu'en  toute  autre 
saison;  P.  Frank  et  Grassi  assurent  qu'il  est  plus  abondant  au  voi- 
sinage du  printemps;  c'est  même,  suivant  ce  dernier  auteur,  le  seul 
moment  de  l'année  où  l'on  puisse  assez  facilement  se  le  procurer  à 
Milan. 

On  sait  quel  est  l'habitat  normal  du  parasite  et  par  quelle  voie  il  est 
expulsé  au  dehors;  néanmoins,  on  le  voit  parfois  s'engager  dans  des 
voies  anormales.  Brera  dit  en  avoir  rencontré  plusieurs  amas  dans 
l'œsophage  d'une  femme  morte  d'une  maladie  chronique,  et  P.  Frank 
rapporte  plusieurs  cas  analogues  :  «  Une  société  médicale  d'Angle- 
terre, dit-il,  parle  d'un  malade  qui  en  rejeta  une  grande  quantité  par 
le  vomissement.  Un  enfant  nous  présenta,  à  Vienne,  en  1802,  un  cas 
absolument  semblable.  Chez  un  autre  enfant  du  même  âge,  qui  ve- 
nait de  succomber  à  une  violente  cardialgie,  nous  trouvâmes  l'es- 
tomac rempli  de  cette  espèce  de  Vers  :  ils  étaient  encore  adhérents 
aux  parois  de  ce  viscère.  »  Enfin,  Pomper  a  publié  l'observation  d'une 
fillette  de  dix  ans,  qui  avait  des  Oxyures  à  l'anus  et  qui,  tous  les 
soirs,  en  rendait  par  la  bouche. 

Il  est  moins  rare,  chez  les  femmes  et  surtout  chez  les  petites  filles, 
de  voir  l'helminthe  sortir  de  l'anus,  pénétrer  dans  la  vulve  et  remon- 
ter dans  le  vagin;  Davaine(l)  en  rapporte  quelques  cas.  Le  Ver  pro- 
duit un  prurit  incommode  et  parfois  une  excitation  des  plus  fâcheuses  ; 
il  provoque  la  masturbation  et  même  donne  lieu  à  des  accès  de  nym- 
phomanie, ainsi  que  Raspailen  a  observé  un  cas;  enfin,  il  détermine 
une  leucorrhée  persistante  chez  les  femmes  qui  ne  se  soignent  pas. 
Garteaux  parle  d'une  femme  âgée  de  78  ans,  qui  portait  un  pessaire 
depuis  3i)  ans  environ;  ce  pessaire,  ayant  été  oublié  depuis  deux  ans 
dans  le  vagin,  provoqua  des  accidents  divers;  la  partie  inférieure  du 
vagin  était  remplie  de  mucosités  et  d'Oxyures.  Heller  vit  dans  une  au- 

(1)  G.  Davaino,  Traité  des  entozoaires.  Paris,  2e  éd.,  1877.  Voir  p.  300-313, 
851  et  852. 


OXYURUS  VERMICULARIS.  725 

topsie  un  Oxyure  dans  le  vagin;  le  même  auteur  rapporte  que  West- 
phalen,  à  l'aide  du  spéculum,  en  observa  un  autre  sur  le  museau  de 
tanche. 

Les  Vers  erratiques  dans  la  vulve  ou  le  commencement  du  vagin 
peuvent  être  balayés  par  l'urine,  comme  le  montrent  les  cas  d'Andry 
et  de  Frank.  D'autres  fois,  le  parasite  passe  du  rectum  dans  la  vessie, 
à  la  faveur  d'une  fistule,  et  est  réellement  expulsé  par  le  canal  de 
l'urèlhre  :  les  cas  de  Fabrice  de  Hilden,  d'Alghisi  et  de  Kùhn  appar- 
tiennent à  cette  catégorie. 

C'est  encore  à  des  Oxyures  erratiques  que  se  rapporte  l'observation 
publiée  par  Michelson,  de  Kônigsberg.  Cet  auteur  a  rencontré,  chez 
un  jeune  garçon,  un  eczéma  intertrigo  simple,  localisé  à  la  peau  du 
sillon  génito-crural  et  à  la  portion  où  le  scrotum  et  la  cuisse  étaient 
en  contact;  le  reste  du  scrotum  et  le  périnée  étaient  intacts.  Dans  les 
régions  malades,  l'épiderme  était  perforé  et  occupé  par  un  nombre 
immense  d'œufs  d'Oxyure. 

Ajoutons  enfin  que,  d'après  Heller,  le  Ver  arrive  quelquefois,  mais 
très  rarement,  sous  le  prépuce  et  dans  l'urèthre  de  l'Homme. 

L'helminthe  est  ordinairement  inoffensif;  le  seul  symptôme  qui 
dénote  sa  présence  est  le  prurit  anal  qui  se  manifeste  au  début  de  la 
nuit,  sous  des  influences  encore  mal  déterminées;  ce  prurit,  Grassi 
a  cherché  en  vain  à  le  retarder  ou  à  l'avancer,  en  changeant  l'heure 
des  repas  et  des  selles;  peut-être  eût-il  obtenu  un  meilleur  résultat  en 
changeant  l'heure  de  son  coucher.  Le  retour  du  prurit  et  des  divers 
phénomènes  qui  peuvent  l'accompagner  se  fait  parfois  avec  une  si 
ponctuelle  régularité  qu'on  a  pu  croire,  dans  certains  cas,  avoir  af- 
faire à  une  fièvre  intermittente.  D'autres  fois,  les  démangeaisons  et 
les  élancements  que  le  Ver  occasionne  à  l'anus  et  dans  le  rectum  se 
propagent  jusqu'aux  organes  génitaux  et  provoquent  des  érections, 
des  sensations  incommodes  ou  douloureuses,  dont  l'enfant  cherche  à 
se  débarrasser  par  des  attouchements  qui,  trop  souvent,  lui  feront 
prendre  l'habitude  de  la  masturbation.  A  un  âge  plus  avancé,  l'irri- 
tation provoquée  par  les  Vers  pourra  même  être  suivie  de  pertes  sé- 
minales involontaires,  ainsi  que  Raspail  et  Lallemand  en  citent  des 
exemples. 

Comme  l'Ascaride,  l'Oxyure  détermine  parfois,  par  voie  sympa- 
thique ou  réflexe,  des  accidents  fort  divers,  dont  le  médecin  aura 
grand'peine  à  reconnaître  l'origine.  Ce  sont  des  lésions  de  l'intelli- 
gence, des  attaques  épileptiformes,  de  l'incoordination  motrice,  de 
l'amaurose,  des  syncopes,  de  l'incontinence  d'urine,  etc.  ;  on  trouvera 
dans  le  livre  de  Davaine  le  résumé  des  principaux  cas  (1). 

(I)  Loco  citato,  p.  53-60. 


726  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

L'Oxyure  vermiculaire  n'a  encore  été  rencontré  que  chez 
l'Homme  ;  les  Singes  d'Amérique  sont  infestés  par  une  espèce 
très  voisine,  mais  différente,  Oxyurus  minuta  Schneider.  Ce  pa- 
rasite est  vraisemblablement  cosmopolite;  on  le  connaît  par 
toute  l'Europe;  il  est  fréquent  en  Islande,  d'après  Jôn  Finsen. 
En  Asie,  on  l'a  signalé  en  Syrie  et  aux  Indes;  Fedchenko  l'a 
recueilli  chez  des  enfants  kirghis,  et  Bâlz  dit  qu'il  est  un  peu 
moins  abondant  au  Japon  qu'en  Europe.  D'après  Vital,  il  est 
fréquent  à  Gonstantine  parmi  les  diverses  races  dont  se  com- 
pose la  population.  Pruner  le  signale  encore  en  Egypte  et 
Tutschek  à  Tumale,  dans  l'Afrique  centrale.  Leidy  le  considère 
comme  le  plus  commun  de  tous  les  helminthes  des  Anglo- 
Américains.  Il  est  très  rare  à  la  Martinique,  d'après  Rufz,  mais 
est  fréquent  dans  l'Uruguay,  à  Java,  à  Sumatra,  aux  Moluques 
et  au  Groenland;  Olrik  dit  que,  dans  cette  dernière  région,  il 
incommode  extrêmement  les  Européens  et  les  indigènes. 

J.  A.  Chr.  Kûhn,  De  Ascaridibus  per  urinam  emissis,  adjuncta  commenta' 
tione  de  vermium  intestinalium  generatio?ie.Iex\3e,  1798. 

Carteaux,  Extraction  d'un  pessaire  après  un  séjour  de  plusieurs  années 
dans  la  cavité  du  vagin.  Journal  de  méd.  et  de  cliir.  pratiques,  II,  p.  98,  1836. 

F.  V.  Raspail,  Sur  la  cause  immédiate  et  la  médication  de  la  plupart  des 
cas  de  surexcitation  des  organes  sexuels-  {wtyriasis,  nymphomanie,  pertes 
séminales  involontaires  et  habitude  précoce  de  la  masturbation).  Gazette  des 
hôpitaux,  XII,  p.  559  et  563,  1838.  —  M.,  Sur  la  structure  anatomique,  les 
habitudes,  les  effets  morbides  de  V Ascaride  vermiculaire  (Oxyurus  vermicu- 
laris)  et  sur  les  moyens  curatifs  propres  à  prévenir  ou  à  dissiper  les  désor- 
dres pathologiques  que  détermine  sa  présence  dans  nos  divers  organes.  Ibid., 
XII,  p.  579,  591,  604,  607,  612  et  615,  1838.  —  Id.,  Histoire  naturelle  de  la 
santé  et  de  la  maladie.  Paris,  1843.  Voir  II,  p.  198. 

Lallemand,  Des  pertes  séminales  involontaires.  Paris,  1842.  Voir  III,  p.  116. 

E.  Marchand,  Essai  sur  V Oxyure  vermiculaire.  Gazette  des  hôpitaux,  (2), 
IX,  p.  367,  395,  455  et  503,  1847. 

Hervieux,  De  quelques  accidents  graves  déterminés  par  les  Oxyures  et  de 
leur  traitement.  Union  médicale,  (2),  II,  p.  345  et  352,  1859. 

Le  Cœur,  Traitement  des  Oxyures  vermiculaires  par  les  lavements  au  chlo- 
rure de  zinc.  Ibidem,  (2),  II,  p.  599,  1859. 

Alph.  Loroau,  Des  Ascarides  vermiculaires.  Simple  note  sur  quelques-uns 
de  leurs  méfaits  et  sur  les  moyens  d'en  triompher.  Le  Progrès,  1860. 

Fr.  Mosler,  Ueber  den  Nutxen  der  Einfûhrung  grôsserer  Mengen  von  Flûs- 
sigkeit  in  den  Darmkanal  bei  Behandlung  interner  Krankhciten.  Berliner 
klin.  Wochenschrift,  X,  p.  533,  1873. 

Hegar,  Ueber  Einfûhrung  von  Flilssigkeiten  in  Darm  und  tlamblase. 
Deutsche  Klinik,  XXV,  p.  73,  1873.  Berliner  klin.  Wochenschrift,  XI,  p.  61 
und  74,  1874. 

Michelson,  Die  Oberhaut  der  Genitocrur  al  faite  und  ihrer  Umgebung  als 
Brutstùttc  von  Oxyurus  vermicularis.  Berliner  klin.  Wochenschrift,  XIV,  1877. 


EUSTRONGYLUS  GIGAS.  727 

Pomper,  Beitrag  sur  Lettre  vom  Oxyurus  vennicularis.  Inaug.  Diss.,  Berlin, 
1878. 


FAMILLE     DES    STRONGYLIDES 

Cette  famille  renferme  des  Vers  dont  le  caractère  principal 
est  fourni  par  le  mâle  :  il  se  termine  en  arrière  par  un  appareil 
copulateur  particulier,  sorte  de  bourse  urcéolée  qui  entoure 
l'orifice  cloacal  et  dont  le  bord  porte  un  nombre  variable  de 
papilles.  Quand  elle  atteint  de  grandes  dimensions,  la  bourse 
est  membraneuse  et  est  parcourue  par  des  faisceaux  muscu- 
laires dont  chacun  aboutit  à  une  papille  marginale;  grâce  à 
ces  muscles,  dont  le  nombre  et  la  disposition  présentent  de 
bons  caractères  spécifiques,  la  bourse  peut  s'écarter  ou  se  res- 
serrer au  contraire  et  contribuer  ainsi  à  fixer  le  mâle  contre  le 
corps  de  la  femelle,  dans  l'acte  de  la  copulation.  La  bouche, 
dont  la  forme  et  la  structure  sont  variables  et  également  ca- 
ractéristiques, est  entourée  de  papilles  plus  ou  moins  grosses  ; 
l'œsophage  est  musculeux,  sans  bulbe  pharyngien,  et  parcouru 
dans  le  sens  de  la  longueur  par  des  crêtes  chitineuses. 

Les  Strongylides  comprennent  environ  10  genres,  dont  les 
principaux  sont  Fustrongyhis,  Strongylus,  Ankylostoma,  Scleros- 
toma,  Syngamus,  Physaloptera,  Cucullamis;  les  3  premiers  ren- 
ferment des  espèces  parasites  de  l'Homme. 

Eustrongylus  gigas  Diesing,   1851. 

Synonymie  :  Serpetit  des  rogno?is  des  Loups  Jean  de  Clamorgan,  1570. 
Dracunculus  longissimus  Césalpin. 
Ascaris  canii  et  martis  Schrank,  1788. 
A.  visceralis  Gmelin,  1789. 
A.  renalis  Gmelin,  1789. 
Fusaria  visceralis  Zeder,  1800. 
F.  renalis  Zeder,  UO0. 
Dioctophyme  Collet-Meygret,  1802. 
Strongylus  gigas  Rudolphi,  1802. 
Sf.  renalis  Moquin-Tandon,  1860. 

Le  genre  Eustrongylus,  qui  ne  renferme  qu'un  très  petit 
nombre  d'espèces,  dont  la  plupart  sont  très  imparfaitement 
connues,  a  été  confondu  avec  les  Vers  du  genre  Strongylus, 
jusqu'au  jour  où  Diesing  mit  en  relief  ses  caractères  différen- 


728  ORDRE  DES   NÉMATODES. 

tiels  :  lesEustrongles  sont  polyrnyaires  et  n'ont  qu'un  spicule  et 
qu'un  utérus  ;  les  Strongles  sont  méromyaires  et  possèdent  deux 
spicules  et  deux  utérus. 

L'Eustrongle  géant  habite  les  voies  urinaires  d'un  certain 
nombre  de  Mammifères,  plus  rarement  de  l'Homme.  Il  pond 
des  œufs  ellipsoïdes,  un  peu  amincis  vers  les  pôles,  mesurant 
64  à  68  (x  sur  42  à  44  f/.  (fig.  356).  La  coque 
est  chitineuse,  épaisse,  mais  cependant  très 
fragile,  de  couleur  brune,  sauf  aux  deux 
extrémités,  où  elle  est  incolore  ;  elle  est 
également  plus  épaisse  aux  pôles,  bien  que 
ce  soit  le  point  de  moindre  résistance. 
Elle  présente  une  structure  caractéris- 
tique :  sa  surface  est  criblée  de  petits  per- 
tuis,  larges  de  2  à  5  (x,  qui   tranchent  en 

F7t?otgyTuT"[%EaUs]  clair  sur  la  teinte  brune  générale  et  dont 
d'après  Baibiani.  chacun  est  entouré  d'une  assez  large  bor- 
dure ;  les  uns  sont  circulaires,  les  autres 
sont  bi  ou  trilobés.  Ces  pertuis  ne  sont  autre  chose  que 
l'embouchure  de  petits  canaux  en  entonnoir  qui  traversent 
la  coque  de  part  en  part,  sans  pourtant  mettre  le  vitellus  en 
communication  avec  l'extérieur;  celui-ci,  en  effet,  est  enve- 
loppé de  la  membrane  vitelline,  qui  s'unit  intimement  à  la  face 
interne  de  la  coque.  Cette  remarquable  structures'observe  sur 
toute  la  surface  de  l'œuf,  sauf  aux  pôles,  qui  offrent  toujours 
un  aspect  homogène. 

Baibiani  a  démontré  que  l'Eustrongle  est  ovipare.  L'œuf  pondu  ne 
renferme  encore  que  deux  blastomères,  et  rien  n'autorise  à  penser 
qu'il  se  segmente  davantage  dans  le  tube  génital  de  la  femelle.  Il  est 
entraîné  au  dehors  avec  l'urine,  au  moment  de  la  miction.  S'il  arrive 
alors  dans  l'eau  ou  dans  la  terre  humide,  il  s'écoule,  en  hiver,  5  à 
6  mois  avant  que  le  développement  de  l'embryon  ne  soit  achevé;  en 
été,  l'évolution  du  Ver  est  sans  doute  plus  rapide. 

L'embryon  peut  séjourner  au  moins  cinq  ans  dans  l'œuf  sans  périr. 
Si  on  vient  à  le  faire  éclore  artificiellement  et  qu'on  le  mette  dans 
1  eau  pure,  il  s'y  altère  rapidement  et  ne  vit  bien  que  dans  les  liquides 
albumineux;  ce  fait  montre  donc  que  l'eau  n'est  pas  le  milieu  qui 
convienne  au  jeune  Ver  à  sa  naissance.  D'autre  part,  l'embryon  ne 
résiste  pas  à  une  dessiccation  prolongée,  comme  l'explique  du  reste 


EUSTRONGYLUS  GIGAS. 


720 


la  structure  de  la  coque.  Cette  grande  fragilité  rend  suffisamment 
compte  de  l'extrême  rareté  de  l'Eustrongle,  bien  qu'il  produise  des 
œufs  en  nombre  immense. 

L'embryon  (fig.  357)  a  une  longueur  moyenne  de  240  m-  pour  une 
largeur  de  14  p.;  il  est  fusiforme  et  se  termine  en  arrière  par  une 
queue  conique.  La  bouche  s'ouvre  à  l'extrémité 
antérieure  :  c'est  une  petite  ouverture  arrondie, 
qui  n'offre  aucune  trace  des  six  papilles  qui  l'en- 
toureront chez  l'adulte;  elle  est  munie,  au  con- 
traire, d'une  petite  dent  perforante,  à  laquelle 
le  jeune  animal  imprime  à  son  gré  des  mouve- 
ments d'extension  et  de  rétraction.  La  cuticule 
est  finement  et  régulièrement  striée  en  travers. 
L'œsophage  est  cylindroïde  et  occupe  environ 
le  cinquième  de  la  longueur  du  corps  ;  sa  por- 
tion antérieure  est  plus  large  et  se  termine  par 
une  petite  armature  dentaire,  formée  de  trois 
petites  dents  chitineuses  développées  aux  dépens 
de  la  cuticule  interne. 

Balbiani  a  cherché  sans  succès  à  infester  des 
Chiens  auxquels  il  avait  fait  avaler  des  œufs 
embryonnés  ;  il  conclut  de  ses  études  que 
l'Eustrongle  géant  passe  forcément  par  un  hôte 
intermédiaire  avant  de  pénétrer  chez  son  hôte 
définitif.  Cela  étant  admis,  quel  peut  être  l'hôte 
intermédiaire? 

Schneider  et  Leuckart  ont  observé  chez  quel- 
ques Poissons  exotiques  (Symbranchus  laticau- 
datus  et.  Galaxias  scriba)  des  kystes  renfermant  des  larves  d'Eu- 
strongle  (Agamonema  cysticum  Dies.)  ;  ainsi  s'expliquerait  la  présence 
des  adultes  chez  des  animaux  ichthyophages  :  par  exemple,  Eustron- 
gylus  [Hystrichis)  tubifex  vit  chez  divers  Oiseaux  aquatiques  (Harle, 
Grèbe,  Plongeon,  Canard).  L'Eustrongle  géant  s'est  lui-même  tou- 
jours montré  plus  fréquent  chez  les  Mammifères  ichthyophages, 
tels  que  le  Phoque,  la  Loutre,  le  Vison  d'Amérique,  etc.,  que  chez 
ceux  qui  ont  un  régime  différent;  s'il  a  été  vu  aussi  chez  le  Chien, 
le  Loup,  le  Renard,  le  Cheval,  l'Homme,  etc.,  cela  pourrait  s'ex- 
pliquer, d'après  Schneider,  par  ce  fait  que,  dans  les  localités  où  le 
Poisson  abonde,  celui-ci  peut  entrer  parfois  dans  la  nourriture  de  ces 
animaux.  Pour  vérifier  ces  présomptions,  Balbiani  fil  avaler  à  des 
Anguilles,  à  des  Carpes,  à  des  Cyprins  dorés,  des  œufs  d'Eustrongle 
renfermant  un  embryon  bien  développé;  le  résultat  fut  toujours 
négatif.  Des  expériences  du  même  genre  furent  faites  sans  plus  de 


Fig.  357.  —  Embryon 
à'Eustrongylus  gi- 
gas  et  portion  an- 
térieure du  même, 
d'après  Balbiani. 


730  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

succès  sur  le  Chien,  le  Lapin  et  la  Couleuvre  ;  les  œufs  furent  rendus 
intacts.  L'hôte  intermédiaire  est  donc  encore  inconnu,  mais  l'opinion 
de  Leuckart  et  de  Schneider  demeure  la  plus  vraisemblable. 

G.  Balbiani,  Recherches  sur  le  développeme?it  et  le  mode  de  propagation  du 
Strongle  géant  [Eustrongylus  gigos  Dies.).  Journal  de  l'anatomie,  VII,  p.  180, 
1870.  —  Id.,  Comptes  rendus  de  îa  Soc.  de  biologie,  (6),  I,  p.  125,  1874. 

L'Eustrongle  est  un  Ver  de  grande  taille,  à  corps  cylindrique 
dans  presque  toute  son  étendue  et  effilé  en  avant,  surtout  chez 
le  mâle;  il  présente  normalement  une  coloration  rouge  (1); 
l'extrémité  postérieure  varie  notablement  suivant  le  sexe.  Le 
mâle,  long  de  14  à  35  centimètres  et  large  de  4  à  6  millimètres, 
est  pourvu  à  son  extrémité  postérieure  d'une  bourse  copula- 
trice  (fig.  361)  qui  le  rend  aisément  reconnaissable  et  sur  la- 
quelle nous  aurons  à  revenir.  La  femelle  est  longue  de  25  cen- 
timètres à  1  mètre  et  large  de  4mm,5  à  12  millimètres  (2)  ;  elle 
se  termine  en  arrière  par  une  surface  arrondie,  percée  d'un 
anus  transversal  (fig.  360). 

Le  tégument  est  mince,  transparent  et  strié  en  travers;  chez 
les  individus  conservés  dans  l'alcool,  on  peut  voir  par  transpa- 
rence les  lignes  latérales  et  les  cellules  musculaires.  Au  niveau 
des  lignes  latérales,  la  cuticule  porte  un  grand  nombre  de  pe- 
tites papilles  disposées  en  séries  longitudinales  (fig.  358);  ces 
papilles  punctiformes  sont  plus  écartées  les  unes  des  autres 
dans  la  partie  moyenne  du  corps  qu'aux  extrémités;  on  en 
compte  environ  150  de  chaque  côté.  On  trouve  encore  des  pa- 
pilles au  pourtour  de  la  bouche  et  d'autres  au  voisinage  de 
l'anus  :  chez  la  femelle,  ces  dernières  sont  portées  par  une 
sorte  de  crête  qui  contourne  la  lèvre  inférieure  de  l'anus  et  ne 
sont  que  la  continuation  de  la  rangée  de  papilles  qui  occupe 
chacune  des  lignes  latérales. 

Celles-ci  n'ont  que  0mm,14  de  largeur  et  0mm,03  d'épaisseur; 
ce  sont  d'étroites  bandes  de  substance  granuleuse.  Les  lignes 

(1)  Quand  on  le  plonge  dans  l'eau,  le  Ver  se  gonfle  par  endosmose  et  finit 
môme  par  éclater  avec  un  certain  bruit,  en  projetant  le  liquide  sanguinolent 
dont  il  est  rempli,  ainsi  que  Hartmann  et  Rudolphi  l'ont  constaté. 

(2)  Une  femelle  chargée  d'œufs,  observée  par  Balbiani,  était  longue  de 
XG0  millimètres,  large  de  7  millimètres  et  pesait  40Pr,8.  Le  môme  auteur  a 
observé  deux  mâles  :  h;  premier  était  long  de  270  millimètres,  large  de 
4  millimètres  et  pesait  3er,4  ;  l'autre  était  long  de  230  millimètres,  large  de 
3mm,5  et  pesait  l2*r,'i:>. 


EUSTRONGYLUS  GIGAS.  73 i 

médianes  sont  d'une  structure  tout  aussi  simple,  mais  elles 
ont  jusqu'au111111, 2  d'épaisseur;  leur  largeur  est  peu  considérable. 
Le  nombre  des  lignes  longitudinales  n'est  plus  de  quatre,  comme 
chez  les  Ascarides,  mais  de  huit,  par  suite  d'un  véritable  dédou- 
blement des  quatre  champs  musculaires  primitifs  ;  chacun  d'eux 
présente  en  son  milieu  une  étroite  lacune  longitudinale,  à  la- 
quelle on  donne  le  nom  de  ligne  submédiane  et  qui  donne  in- 
sertion à  des  muscles  radiaires  se  rattachant  à  l'intestin. 

La  couche  des  muscles  sous-cuticulaires  est  assez  faible  :  elle  se 
divise  en  huit  champs  dont  chacun  comprend,  dans  le  sens  transver- 
sal, 20  à  24  cellules  fusiformes  ou  cylindriques,  larges  de  0mm,l  et 
dont  la  longueur  dépasse  4  millimètres;  ces  cellules  ne  sont  contrac- 
tiles que  par  leur  partie  externe. 

Par  suite  du  faible  développement  de  la  musculature,  la  cavité 
générale  du  corps  est  assez  vaste  :  elle  est  tapissée  d'une  sorte  de 
séreuse  qui  se  comporte  à  la  façon  d'un  véritable  péritoine.  Celte 
membrane  recouvre  de  toutes  parts  la  couche  musculaire  et  passe 
sans  s'infléchir  au-dessus  des  lignes  latérales  ;  elle  forme  un  certain 
nombre  de  replis,  dont  les  uns  s'insinuent  entre  les  cellules  muscu- 
laires, tandis  que  les  autres  s'unissent  à  l'intestin  comme  le  ferait  un 
mésentère  et  servent  à  le  consolider.  On  voit  ainsi  deux  mésentères 
s'attacher  tout  le  long  du  tube  digestif,  l'un  à  droite,  l'autre  à  gauche  : 
ces  deux  lamelles  divisent  la  cavité  du  corps  en  deux  étages  super- 
posés, qui  ne  communiquent  l'un  avec  l'autre  que  par  un  petit  nombre 
de  perforations. 

Nous  avons  mentionné  déjà  l'existence  de  muscles  radiaires  s'insé- 
rant  d'une  part  le  long  des  lignes  submédianes  et  d'autre  part  à  la 
surface  du  tube  digestif.  Ces  muscles,  formés  de  fibres  larges  et  pla- 
tes, presque  lamelleuses,  sont  comprises  dans  l'épaisseur  d'un  repli 
péritonéal  et  forment  ainsi  quatre  cloisons  longitudinales  qui  divisent 
la  cavité  générale  en  quatre  chambres,  une  dorsale  ou  supérieure, 
une  ventrale  ou  inférieure,  une  latérale  droite  et  une  latérale  gauche  ; 
les  mésentères  cloisonnent  les  chambres  latérales. 

L'extrémité  antérieure  est  arrondie  et  percée  d'une  bouche 
hexagonale,  large  de  0mm,28  chez  les  plus  grands  individus  et 
entourée  d'une  couronne  de  six  nodules  saillants  (fig.  358  ; 
fig.  359,  a).  Ceux-ci  peuvent  mesurer  jusqu'à  0mra,25  de  lar- 
geur; ils  sont  groupés  de  façon  que  deux  d'entre  eux  corres- 
pondent aux  lignes  latérales,  les  quatre  autres  étant  répartis 
par  paires  à  chacune  des  faces  dorsale  et  ventrale.  Le  nodule 


732 


ORDRE  DES  NEMATODES. 


Le  pourtour  de  la 
autres  papilles   plus 


est  surmonté  d'une  papille  large  de  0mm,12. 
bouche  est   encore  orné  de  quelques 
petites. 

La  bouche  est  une  cavité  cupuliforme,  profonde  de  0mm,5  ; 
elle  devient  triangulaire  dans  sa  profondeur,  et  sa  lumière  se 
rétrécit  à  tel  point  que,  déjà  en  se  continuant  avec  l'œsophage, 


Fig.  358.  —  Extrémité  cépha- 
lique  à'Eustrongy/us  gigas 
vue  de  profil,  d'après  Leuc- 
kart. 


Fig.  359.  —  Eustrongylus  gigas  mâle,  d'après 
Davaine.  —  a,  extrémité  céphalique  mon- 
trant les  six  nodules  qui  entourent  la  bou- 
che ;  b,  extrémité  caudale  avec  la  bourse  co- 
pulatrice,  du  centre  de  laquelle  sort  le  spicule. 


elle  a  l'aspect  d'une  étoile  à  trois  branches.  Elle  est  constituée 
par  une  coque  chitineuse,  à  la  surface  de  laquelle  s'insèrent  un 
certain  nombre  de  puissants  muscles  radiaires,  qui  ont  pour 
effet  delà  dilater  et  d'aider  ainsi  à  sa  réplétion;  ces  muscles 
sont  au  nombre  de  six  en  avant  et  interposés  aux  nodules  la- 
biaux; en  arrière  ils  se  bifurquent  et  leur  nombre  devient 
double. 

L'œsophage  est  un  étroit  canal  qui  s'épaissit  progressivement  en 
arrière;  il  occupe  un  cinquième  de  la  longueur  totale  chez  les  indi- 
vidus de  petite  taille  et  un  quatorzième  seulement  chez  les  adultes.  Un 
mésentère  le  rattache  de  chaque  côté  à  la  paroi  ventrale,  à  peu  près 
au  niveau  des  lignes  submédianes  inférieures.  Dans  leur  partie  anté- 
rieure et  sur  un  parcours  d'environ  10  millimètres,  ces  deux  mésen- 
tères sont  traversés  par  des  fibres  musculaires  rayonnantes  et  un  peu 
obliques  en  arrière,  qui  vont  de  la  paroi  du  corps  à  l'œsophage;  elles 
ont  pour  but  d'allonger  celui-ci  et  de  le  mouvoir  soit  en  avant,  soit 
en  arrière. 

Au-dessous  de  la  couche  péritonéale  qui  revêt  extérieurement 
l'œsophage,  on  trouve  une  couche  de  muscles  diagonaux,  dont  l'ana- 
logue n'est  guère  représenté  que  chez  Filaria  papillosa,  et  qui  commu- 
nique au  bol  alimentaire  son  mouvement  de  progression.  Puis  vien- 
nent, entre  celle-ci  et  la  cuticule  interne,  des  faisceaux  de  muscles 


EUSTRONGYLUS  GIGAS.  733 

radiaires  entre  lesquels  sont  interposées  des  colonnes  granuleuses. 
Ces  dernières  sont  au  nombre  de  3  au  début  de  l'œsophage,  de  6  dans  la 
partie  antérieure,  de  14  dans  la  partie  moyenne  ;  leur  nombre  aug- 
mente donc  d'avant  en  arrière,  par  des  dichotomies  successives.  Cha- 
cune de  ces  colonnes  est  percée  d'un  canal  central  large  de  40  (/.  et 
dans  lequel  circule  pendant  la  vie  un  liquide  granuleux.  Schneider 
considère  ce  système  de  canaux  comme  des  glandes,  dont  il  n'a  d'ail- 
leurs pas  vu  le  pore  excréteur;  Leuckart  y  voit  plutôt  un  appareil  de 
brassage  et  de  déplacement  pour  le  contenu  de  l'œsophage. 

L'intestin  est  rectiligne  et  de  coloration  jaune.  Aplati  de  haut  en 
bas  dans  sa  moitié  antérieure  et  large  de  3mm,5  au  moins,  il  offre 
néanmoins  quatre  arêtes  latérales,  c'est-à-dire 
qu'il  présente  deux  faces  latérales  hautes  cha- 
cune d'un  millimètre  environ.  En  arrière,  ces 
dernières  deviennent  de  plus  en  plus  hautes,  jus- 
qu'à ce  qu'elles  atteignent,  dans  le  quart  posté- 
rieur du  Ver,  les  mêmes  dimensions  que  les  deux 
laces  dorsale  et  ventrale,  soit  2mm,7  environ.  L'in- 
testin a  donc  partout  quatre  faces  et  quatre  arêtes  ; 
celles-ci  donnent  insertion  aux  quatre  bandes 
musculaires.  Il  aboutit  finalement  à  l'anus,  dont      'caudale~deX  [a"fe- 
nous  indiquerons  bientôt  la  disposition  chez  le       melle,  vue  par  der- 
mâle  et  qui,   chez  la  femelle,  a  l'aspect  d'une       rière,  d'après  Leuc- 
fente  transversale,  incurvée  en  croissant  et  per-       kart- 
cée  à  l'extrémité  postérieure  du  corps  (fig.  360). 

Les  glandes  sexuelles  sont  relativement  courtes  :  elles  ne  dépas- 
sent pas  le  double  ou  le  triple  de  la  longueur  totale  du  Ver  :  la  fécon- 
dité est  moindre  que  chez  les  Ascarides.  Elles  se  développent  à  la 
face  ventrale  et  devraient  donc  être,  chez  l'adulte,  renfermées  dans 
la  chambre  ventrale,  mais  certaines  parties  peuvent  traverser  les 
bandes  musculaires  ou  les  mésentères  et  passer  secondairement  dans 
les  chambres  voisines. 

Chez  un  mâle  long  de  150  millimètres,  le  tube  génital  mesure 
337  millimètres,  soit  un  rpeu  plus  du  double  de  la  longueur  :  il  est 
formé  d'une  branche  montante  ou  postéro-antérieure,  le  testicule, 
et  d'une  branche  descendante  ou  antéro-postérieure,  le  canal  défé- 
rent. Le  cul-de-sac  testiculaire  se  trouve  dans  la  chambre  gauche, 
à  10  millimètres  environ  en  avant  de  l'extrémité  caudale;  il  est  rat- 
taché à  la  paroi  du  corps  par  du  tissu  conjonctif.  Le  tube  remonte 
jusqu'à  7  millimètres  de  l'extrémité  antérieure;  il  s'infléchit  alors  (1) 

(1)  Au  point  où  il  s'infléchit  et  sort  de  la  chambre  gauche  pour  pénétrer 
dans  la  chambre  caudale,  le  tube  testiculaire  présente  un  petit  caecum  long 


734  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

et  redescend  dans  la  chambre  ventrale,  qu'il  parcourt  suivant  toute 
sa  longueur.  Ces  deux  branches  ne  sont  sinueuses  que  dans  leur  tiers 
antérieur,  c'est-à-dire  que  les  sinuosités  ne  portent  que  sur  le  tiers 
moyen  du  tube  génital  mâle. 

Celui-ci  finit  par  s'unir  au  tube  digestif  pour  constituer  un  cloaque, 
dans  lequel  débouche  d'aulre  part  un  unique  cul-de-sac  renfermé 
dans  la  chambre  dorsale  et  contenant  un  seul  spicule.  Cette  poche 
est  longue  de  17  millimètres  et  libre  par  toute  son  étendue  :  elle  est 
formée  de  deux  parties  ;  l'antérieure  est  épaisse,  longue  de  7  milli- 
mètres et  large  de  0mm,4  ;  la  postérieure  est  effilée  et  longue  de  10  mil- 
limètres. Le  spicule  n'occupe  que  cette  dernière  :  c'est  un  bâtonnet 
large  de  0mm,2  à  sa  base,  mais  qui  s'effile  assez  rapidement  en  arrière 
jusqu'à  0mm,l  et  même  jusqu'à  0mm,03. 

Le  cloaque  débouche  dans  le  fond  de  la   bourse  caudale, 
sorte  de  pavillon  cupuliforme  superposé  à  l'extrémité  posté- 
rieure du  corps  et  rappelant  l'aspect  d'une 
ventouse  (fig.  359,  b;  fig.  361).  Cette  bourse 
est  de  forme  ovale  et  a  son  plus  grand  dia- 
mètre dirigé  transversalement  ;  chacun  de 
—   Bourse   ses  deux  bords  supérieur  et  inférieur  est 
caudale  du  mâle.  —   échancré  en  son  milieu,  de  manière  à  la 
A,  vue  de  profil;  B,   transformer  en  une  sorte  de  pince  dont  les 

vue  par  la  face  pos-  ...  .    ,     ..     .    ,       .... 

térieure.  mors  latéraux  sont  destinés  a  saisir  et  a  em- 

brasser le  corps  de  la  femelle  dans  l'acte 
de  la  copulation;  Ch.  Drelincourt  a  pu  constater,  en  effet, chez 
le  Chien,  que  l'accouplement  se  fait  bien  de  la  sorte  et  dure 
assez  longtemps.  Le  bord  de  la  bourse  est  orné  d'un  grand 
nombre  de  papilles  qui  n'ont  aucun  rapport  avec  celles  des 
lignes  latérales;  elles  sont  espacées  les  unes  des  autres  de  0mm,4 
à  0mm,l  et  sont  difficilement  visibles  à  l'œil  nu.  La  bourse,  dont 
l'épaisseur  est  assez  notable  et  partout  uniforme,  comprend 
trois  couches  musculaires  distinctes:  une  couche  superficielle 
de  fibres  diagonales,  un  sphincter  marginal,  puis  une  couche 
de  fibres  rayonnantes  qui  rappellent  les  muscles  des  ventouses 
des  ïrématodes  et  des  Hirudinées.  Le  fond  de  l'organe  se  sou- 
lève en  une  saillie  conformée  en  Y  (fig.  361,  B),  dont  la  branche 
impaire  correspond  au  bord  ventral;  au  point  où  celle-ci  s'unit 

de  2  millimètres,  qui  se  dirige  eu  avant  et  qu'Olto  avait  déjà  vu,  mais  mal 
interprété. 


EUSTRONGYLUS  GIGAS.  735 

aux  deux  branches  dorsales,  on  remarque  une  petite  papille 
large  de  0mm,3  dont  le  sommet  est  percé  d'un  orifice  cloacal 
par  lequel  il  est  fréquent  de  voir  sortir  le  spicule,  sous  l'aspect 
d'une  soie  longue  de  5  à  6  millimètres  (fig.  359,  b). 

L'appareil  génital  femelle  se  compose  d'un  seul  tube  qui  se  replie 
sur  lui-même  de  manière  à  constituer  deux  branches  montantes  et 
une  branche  descendante.  Le  cul-de-sac  ovarien,  fixé  à  l'intestin  par 
du  tissu  conjonctif,  est  logé  dans  la  chambre  ventrale,  à  5  millimè- 
tres en  avant  de  l'extrémité  caudale.  L'ovaire  reste  dans  cette  même 
chambre  pendant  un  trajet  d'environ  80  millimètres,  puis  passe  dans 
la  chambre  droite  ;  il  demeure  dans  cette  dernière  jusqu'à  ce  qu'il 
ne  soit  plus  qu'à  40  millimètres  de  la  vulve.  11  rebrousse  alors  che- 
min, pénètre  de  rechef  dans  la  chambre  ventrale  et  y  chemine  jus- 
qu'au point  où  le  cul-de-sac  ovarien  pénètre  dans  la  chambre  droite; 
il  passe  alors  dans  la  chambre  gauche  ;  parvenu  à  l'extrémité  pos- 
térieure du  corps,  il  revient  sur  lui-même  et  se  dirige  en  avant, 
pour  passer  dans  la  chambre  venlrale  après  un  parcours  de  80  milli- 
m cires  environ  ;  tant  qu'elle  est  dans  la  chambre  gauche,  la  branche 
montante  décrit  de  nombreuses  sinuosités. 

Revenu  dans  la  chambre  ventrale,  le  tube  génital  se  dilate  pro- 
gressivement en  un  utérus  rectiligne,  qui  se  termine  à  24  millimè- 
tres de  la  vulve.  Le  vagin  s'en  sépare  brusquement  et  représente 
un  tube  large  de  0mw,8  qui,  aussitôt  après  avoir  pris  naissance,  se 
dirige  en  arrière;  mais  après  un  trajet  d'environ  9  millimètres,  il  se 
reporte  en  avant  et  passe  dans  la  chambre  droite,  où  il  reste  pen- 
dant un  parcours  de  30  millimètres,  c'est-à-dire  jusqu'au  voisinage 
de  la  vulve  ;  il  regagne  alors  la  chambre  ventrale  pour  aboutir  aussi- 
tôt à  la  vulve.  Celle-ci,  fortement  reportée  en  avant,  est  à  70  ou  75  mil- 
limètres de  l'extrémité  céphalique,  chez  les  femelles  de  grande 
taille;  elle  s'ouvre  sur  la  ligne  médio-ventrale,  en  sorte  que,  pour 
lui  livrer  passage,  le  cordon  ventral  se  déjette  sur  le  côté  gauche. 

Au  moment  où  il  pénètre  dans  l'utérus,  l'œuf  est  encore  nu  ;  il 
s'entoure  alors  d'une  première  membrane  chitineuse,  mince  et  lisse, 
à  contour  net;  puis  ou  voit  se  déposer  autour  de  lui  une  masse  gra- 
nuleuse assez  épaisse,  qui  s'organise  progressivement  en  une  enve- 
loppe chitineuse  et  criblée  de  dépressions. 

L'Eustrongle  géant  vit  ordinairement  chez  le  Chien;  on  le 
rencontre  dans  le  rein  ou  la  vessie,  parfois  dans  l'urèthre,  plus 
rarement  encore  dans  les  lombes  ou  aux  environs  des  reins  ;  il 
peut  tomber  dans  la  cavité  péritonéale,  où  Gréhant  l'a  rencon- 


736  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

tré  chez  le  Chien,  et  devenir  migrateur  à  la  façon  des  Ascarides  ; 
Lisitsin  l'a  vu  se  loger  dans  le  lobe  gauche  du  foie  et  détermi- 
ner de  l'éclampsie. 

Le  parasite  ne  semble  être  particulier  à  aucune  espèce  ani- 
male :  on  l'a  encore  trouvé  chez  le  Loup,  le  Renard,  le  Chien 
d'Amérique,  le  Vison,  la  Martre,  la  Loutre,  le  Putois,  le  Cheval, 
le  Bœuf,  le  Phoque  et  l'Homme.  Ce  Ver  n'est  jamais  commun  : 
Rayer  l'a  cherché  à  Paris  sur  3,000  reins  d'Homme  sans  le  ren- 
contrer une  seule  fois  ;  il  ne  fut  pas  plus  heureux  avec  500  reins 
de  Chien,  mais  il  le  vit  chez  le  Loup;  en  Hollande,  Kerkring 
en  trouva  trois  exemplaires  à  sa  quarante  et  unième  autopsie 
de  Chien,  puis  n'en  observa  plus  jamais  ;  Érasme  Miller  en  cite 
6  cas  chez  le  Vison  ;  Mégnin  l'a  vu  aussi  à  plusieurs  reprises 
chez  le  Chien,  qui  semble  être  son  hôte  favori.  Le  nombre  des 
Helminthes  hébergés  par  un  même  hôte  se  réduit  le  plus  sou- 
vent à  2  ou  3  ;  il  y  en  a  rarement  plus  de  8. 

Cet  helminthe  produit  parfois  de  graves  désordres.  La  substance 
rénale  est  détruite;  on  y  constate  des  hémorrhagies,  et  souvent,  sous 
la  capsule  externe  qui  persiste  seule,  il  n'y  a  plus  qu'une  sorte  de 
bouillie  sanguinolente  ou  purulente  :  Pallas  a  vu  le  rein  se  réduire 
à  l'état  d'un  simple  sac  membraneux.  Le  bassinet  peut  s'épaissir  et 
se  calcifîer  par  places  :  l'animal  s'enroule  dans  sa  cavité  et  l'oblitère 
complètement;  les  urines  sont  sanguinolentes,  bourbeuses,  puru- 
lentes et  renferment  sans  aucun  doute  des  œufs,  dont  la  recherche 
microscopique  sera  le  seul  moyen  d'éclairer  le  diagnostic.  Le  rein 
sain  s'hypertrophie  par  compensation  physiologique.  Parfois  cepen- 
dant, l'animal  ne  semble  pas  être  incommodé  de  son  parasite, 
comme  Ruysch  l'a  remarqué  pour  le  Chien  et  Miller  pour  le  Vison. 

L'Eustrongle  a  été  signalé  pour  la  première  fois,  en  1570,  par  Jean 
de  Clamorgan,  seigneur  de  Saave  et  capitaine  de  chasse.  «  Il  y  a 
une  chose,  dit-il,  qui  n'a  esté  escrite  par  aucun,  au  moins  que  je 
l'ay  lue  ou  ouy  dire  :  que,  dedans  les  rognons  d'un  vieil  Loup,  s'en- 
gendrent et  nourrissent  des  Serpents,  ce  qu'ay  veu  à  trois,  voire  à 
quatre  Loups.  Aucune  fois,  à  un  Loup,  y  a  en  un  rognon  deux  Ser- 
pents, l'un  d'un  pied,  l'autre  d'un  pouce  de  long.  Les  autres,  moin- 
dres et  par  succession  de  temps,  font  mourir  le  Loup  et  deviennent 
Serpents  et  botes  fort  venimeuses.  » 

A  la  suite  de  Jean  de  Clamorgan,  un  grand  nombre  d'observa- 
teurs ont  rencontré  l'helminthe  ;  on  le  prit  tout  d'abord  pour  un 
Serpent  et,  comme  on  le  rencontre  surtout  chez  le  Chien,  on  crut 


EUSTRONGYLUS  GIGAS.  737 

qu'il  pourrait  engendrer  la  rage,  à  caitse  de  son  venin.  Sa  véritable 
nature,  déjà  soupçonnée  par  Gh.  Rayger  (1),  fut  reconnue  par  Redi 
et  Vallisnieri  ;  mais  c'est  seulement  au  début  de  ce  siècle  que  sa 
place  dans  la  classification  fut  définitivement  prouvée  :  elle  le  fut 
simultanément  par  Collet-Meygret,  qui  donna  au  Ver  le  nom  de  Dioc- 
tophyme,  par  Albers  et  par  Rudolphi. 

Il  est  certain  que  l'Eustrongle  géant  se  voit  parfois  chez 
l'Homme,  mais  les  cas  de  ce  genre  sont  fort  rares.  Malgré  le 
nombre  considérable  d'observations  que  renferme  la  littérature 
médicale,  on  ne  saurait  réunir  plus  de  six  cas  indiscutables, 
bien  que  Davaine  en  considère  sept  comme  très  probables.  Le 
plus  souvent,  en  effet,  les  auteurs  ont  confondu  avec  l'Eus- 
trongle des  Ascarides  erratiques,  par  exemple  dans  le  cas  de 
Moublet  ;  d'autres  fois  il  s'agit  de  Vers  dont  la  taille  est  res- 
treinte et  l'espèce  indéterminée  ;  parfois  encore  de  simples 
caillots  fibrineux  trouvés  à  l'autopsie  ou  évacués  par  l'urèthre. 
Ajoutons  enfin  qu'on  a  vu  des  hystériques  s'introduire  dans  le 
canal  de  l'urèthre  et  dans  la  vessie  des  intestins  d'Oiseau  dé- 
pourvus de  mésentère,  qui  plus  tard  furent  rejetés  avec  l'urine 
et  décrits  comme  des  Vers  :  tel  estle  cas  d'Arlaud, que  les  obser- 
vations ultérieures  de  Ch.  Robin  ont  réduit  à  une  simple  mys- 
tification. 

Nous  donnons  ci-après  le  résumé  des  six  observations  dont 
l'authencité  nous  semble  certaine. 

1°  Cas  de  Bises,  1674.  —  «  Renem  hune  illumve  in  Canibus  sub- 
stantiâ  suâ  non  solùm  privari,  verùm  et  Lumbricis,  saepe  plurimis, 
variisque,  loco  consumpto  se  exhibentibus,  repleri,  frequentissimum 
adeo  anatomicis,  ut  vix  attentionem  aliquam  mereri  videatur.  At  in 
homine  talia  evenire  rarissimum,  licet  plurium  dissectioni  praefue- 
rim  adfuerimve,  non  nisi  unicâ  tantum  vice  in  emaciato  sene  repe- 
rire  mihi  concessum  Vermes  duos,  ulnae  ad  minimum  longitudinem 
habentes,  rubicundioris  coloris,  aquoso  liquore  scatentes,  similes 
omninô  iis  quos  in  caninis  renibus  reperiri  dixi.  Adumbrat  unum 
eorum  figura  IX,  licet  annulos  ipsos  ex  quibus  videtur  constare  haud 
clarè  adeo  exhibere  queat.  » 

(1)  Cet  auteur,  en  1G75,  trouve  deux  Vers  dans  les  reins  d'un  Chien  et 
s'exprime  en  ces  termes  :  «  Je  ne  déciderai  pas  si  on  doit  donner  le  nom  de 
Serpents  à  ces  deux  Vers,  et  si,  plus  tard,  ils  auraient  pu  devenir  venimeux, 
ou  si  les  Loups  sont  les  seuls  animaux  dans  lesquels  les  Vers  prennent  ainsi 
la  forme  de  Serpents.  » 

Blanchard.  —  Zool.  raéd.  47 


738  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

Dans  un  autre  ouvrage,  le  professeur  d'Amsterdam  rapporte  en- 
core cette  même  observation  :  «  Calculis  renés  domicilium  prsebere 
quam  frequentissimum,  tam  rarum  Lumbricos  hic  colligi.  In  viro 
emacialo  ulnse  et  quod  excedit  longitudinem  habentes  duos  ali- 
quando  reperi;  coloris  erant  rubicundi,  aquoso  humore  turgidi, 
quasi  ex  annulis  plurimis  affabrè  junctis  constare  videbantur.  » 

2°  Cas  de  Ruysch,  1737.  —  «  In  renibus  humanis  semel  eos  me 
vidisse  memini  quales  in  canum  renibus  longé  frequentius  occur- 
runt.  » 

3°  Cas  de  Josephi,  1819.  —  Cette  observation  est  rapportée  par 
Rudolphi  :  «  Cel.  Josephi,  professor  Rostochiensis,  entozoa  magna  ex 
hominis  urethra  dejecta  vidit,  amico  qui  mihi  mitteret  data,  sed  casu 
perdita,  hue  certe  pertinentia.  » 

4°  Cas  d'Aubinais,  1846.  —  Un  cultivateur,  âgé  de  soixante  ans..., 
fut  pris  de  douleurs  aiguës  et  profondes  dans  la  région  du  rein  droit... 
Après  trois  ans  de  douleurs  atroces  et  incessantes,  le  malade,  dont 
l'obésité  était  considérable  au  début  du  mal,  se  trouvait  réduit  à  une 
maigreur  squelettique.  Dans  les  six  derniers  mois,  cette  maigreur 
permettait  de  sentir  à  travers  les  parois  de  l'abdomen  et  môme  de 
voir  des  mouvements  de  gonflement  et  d'ondulation  qui  agitaient  le 
rein  droit.  Le  malade  accusait  la  sensation  d'un  mouvement  de 
reptation  dans  la  région  du  rein;  le  péritoine  sembla  rester  sain  jus- 
qu'aux derniers  instants  de  la  vie;  des  eschares  se  manifestèrent 
au  sacrum  et  aux  trochanters,  et  le  malade  succomba  dans  le 
marasme. 

«  L'autopsie  complète  ne  fut  pas  permise  par  les  parents  qui,  seu- 
lement, autorisèrent  le  médecin  à  inciser  le  flanc  droit,  pour  exami- 
ner le  rein.  Vingt  heures  après  la  mort,  cet  organe  fut  extrait  de 
l'abdomen,  et  les  mouvements  ondulatoires  qui  s'y  manifestaient 
prouvaient  que  l'entozoaire  était  encore  vivant.  Le  rein  étant  ouvert, 
on  y  trouva  un  Strongle  d'un  peu  plus  de  43  centimètres  de  longueur 
sur  5  à  6  millimètres  de  grosseur.  Le  tissu  du  rein  était  profondé- 
ment altéré,  son  parenchyme  détruit  en  grande  partie  et  son  poids 
réduit  de  moitié.  » 

5°  Cas  de  Sheldon,  1857.  —  Une  femelle  longue  de  18  pouces  fut 
trouvée  dans  le  rein  d'un  malade  par  Th.  Sheldon.  Elle  figure  dans 
la  Hunterian  Collection  ou  Musée  royal  du  Collège  des  chirurgiens, 
à  Londres,  et  provient  de  la  collection  Jos.  Brookes.  D'abord  signalée 
par  Edw.  Lankester,  en  1857,  elle  fut  ensuite  décrite  et  disséquée  par 
Cobbold,  en  1865;  Ralfe  l'a  vue  également. 

6°  Cas  de  R.  Blanchard,  188G.  —  «  En  pratiquant  l'autopsie  d'un 
homme,  en  1879,  dans  la  section  de  chirurgie  et  d'ophthalmologie  de 
l'hôpital  Collsa,  à  Bucharest,  on  trouva  dans  la  vessie  un  Eustrongle 


EUSTRONGYLUS  GIGAS.  739 

géant.  Le  Ver  est  conservé  actuellement  dans  l'armoire  L,  n°  20,  du 
musée  d'anatomie  de  Bucharest;  il  porte  le  n°  814  du  catalogue.  11 
est  long  de  87  centimètres,  et  présente  tous  les  caractères  d'Eustron- 
gylus  gigas  femelle,  ainsi  que  cela  ressort  nettement  de  l'examen 
que  nous  en  avons  pu  faire.  Nous  n'avons  pu  malheureusement 
recueillir  aucun  renseignement  précis  sur  l'histoire  clinique  de  l'indi- 
vidu chez  lequel  cette  observation  a  été  faite  ;  il  eût  été  intéressant 
de  savoir  si  la  présence  du  Ver  avait  occasionné  quelques  accidents 
du  côté  de  l'appareil  urinaire.  » 

Nous  ne  citerons  point  ici  les  cas  de  Grotius  et  de  Jansonius, 
de  Rodriguez  (Zacutus  Lusitanus),  d'Albrecht,  d'Ent,  de  Pechlin, 
de  Raisin,  de  Lapeyre  et  d'Arlaud,  dont  aucun  ne  se  rapporte  à 
l'Eustrongle  géant  et  queDavaine  considère  avec  raison  comme 
très  incertains  ;  nous  dirons  simplement  quelques  mots  de 
deux  observations  que  cet  auteur  considère  comme  probables, 
puis  d'autres  cas  dont  il  ne  parle  pas  ou  qui  lui  sont  postérieurs 
en  date. 

Dans  l'observation  de  Moublet,  il  s'agit  simplement  d'Asca- 
rides erratiques  sortis  par  l'urèthre  et  par  un  abcès  de  la  région 
lombaire,  chez  un  enfant  de  cinq  ans.  Le  Ver  d'un  rouge  brun, 
que  le  malade  de  Duchâteau  évacua  par  l'urèthre,  n'était  sans 
doute  qu'un  simple  caillot  fibrineux.  C'est  encore  un  caillot  de 
fibrine  qu'un  Homme  de  cinquante  et  un  ans  évacua  par  l'urè- 
thre, le  A  août  1866,  dans  la  clinique  de  Bartels  et  que  von 
Linstow  (1)  décrivit  comme  un  fragment  d'Eustrongle.  Enfin, 
le  cas  de  Scheuten  et  celui,  plus  récent,  de  Gannon  à  Valpa- 
raïso,  ne  sauraient  être  expliqués  d'une  autre  manière. 

L'Eustrongle  géant  semble  avoir  une  très  vaste  extension 
géographique.  Il  a  été  vu  en  France  et  à  Paris,  par  Duverney, 
Méry,  Mégnin,  etc.;  en  Hollande  par  van  Swieten,  Bartholin, 
Ruysch;  en  Italie  par  Redi  et  Vallisnieri;  en  Allemagne  par 
Sennert,  Hartmann,  Wolf,  etc.;  en  Russie,  par  Lisitsin.  On  l'a 
encore  observé  au  Canada,  aux  États-Unis,  au  Paraguay,  au 
Chili. 

Jean  de  Clamorgan,  La  chasse  au  Loup.  Lyon,  1Ô70.  Édition  de  1583,  in-4°, 
p.  5. 

(1)  Ce  même  auteur,  bien  connu  des  helminthologistes,  décrivit  et  figura 
également  (fig.  a,b,  et  v-vn)  pour  les  œufs  de  l'Helminthe  des  spores  de  Lyco- 
pode  qui  se  trouvaient  par  hasard  dans  ses  préparations. 


740  ORDRE  DES  NEMATODES. 

Ch.  Rayger,  Sur  un  Serpent  gui  sortit  du  corps  d'un  Homme  après  sn  mort. 
Ephemerides  naturrc  curiosorum,  decas  I,  anno  VI  et  VII,  obs.  GGXV,  1675. 
Collection  académique,  partie  étrangère,  III,  p.  309. 

Ger.  Blasii,  Observata  anatomica  in  Homine,  Simia,  Eguo,  etc.  Lugduni 
Batavorum,  1674.  Voir  p.  125,  Lumbrici  in  renibus.  —  Id.,  Observationes 
anatomicœ  rariores.  Amstelodami,  in-18,  1677.  Voir  p.  80,  pars  VI,  obs.  XII, 
Vei*mes  in  rené  geniti. 

Fr.  Ruyschii,  Opéra  omnia.  Amstelodami,  1737.  Voir  I,  p.  60. 

Moublet,  Sur  des  Vers  sortis  des  reins  et  de  Vurèthre  d'un  enfant.  Journal 
de  méd.  et  de  cliir.,  IX,  p.  544,  1758. 

G.  F.  H.  Collet-Meygret,  Mémoire  sur  un  Ver  trouvé  dansle  rein  d'un  Chien. 
Journal  de  physique,  de  chimie  et  d'hist.  nat.,  LV,  p.  458,  1802. 

Albers,  Beitrdge  zur  Anatomie  und  Physiologie  der  Thiere.  Bremen,  1802. 
VoirI,  p.  115. 

Duchâteau,  Observations  sur  des  Vers  contenus  dans  tes  voies  urinaires. 
Journal  de  méd.,  de  chir.,  XXXV,  p.  242,  1816. 

C.  A.  Rudolphi,  Entozoorum  synopsis.  Berolini,  1819.  Voir  p.  261. 

P.  Rayer,  Traité  des  maladies  des  reins.  Paris,  1841.  Voir  III,  p.  728. 

C.  Arlaud,Sw  une  observation  de  Strongles  géants  sortis  des  voies  urinaires 
d'une  femme.  Bull,  de  l'Acad.  de  médecine,  XI,  p.  246,  1846.  —  Id.,  Lettre  au 
directeur  de  la  Gazette  des  hôpitaux.  Gaz.  des  hôp.,  p.  869,  1881. 

Aubinais.  Journal  de  la  section  de  méd.  de  la  Soc.  académique  du  dépar- 
tement de  la  Loire-Inférieure,  livraison  CVI.  Revue  médicale,  p.  569,  1846. 

Edw.  Lankester  in  Fr.  Kuchenmeister,  On  animal  and  vegetable  parasites 
ofthehuman  body.  London,  1857.  Voir  I,  p.  379,  en  note. 

J.  Lecoq,  Du  Strongle  géant  dans  les  voies  urinaires  de  l'Homme.  Archives 
gén.  de  médecine,  I,  p.  666,  1859. 

T.  Sp.  Cobbold,  Catalogue  of  entozoa  in  the  Muséum  of  the  Royal  Collège 
of  surgeons.  London,  1866.  Voir  p.  3. 

O.  von  Linstow,  De  Eustrongylo  gigante  Dies.  {Strongylo  aut.)  in  Hominis 
rené  observato.  Diss.  inaug.  Kiliae,  1866. 

Al.  Laboulbène,  Histoire  des  maladies  parasitaires.  Du  Strongle.  Gazette 
des  hôpitaux,  p.  794  et  817,  1881. 

F.  V.  Lisitsin,  Archiva  veter.  naouk.  Saint-Pétersbourg,  XV,  p.  186,  1885 
(en  russe). 

Ch.  H.  Ralfe,  A  practical  treatise  on  diseases  of  the  kidneys  and  urinary 
dérangements.  London,  1885.  Voir  p.  378. 

R.  Blanchard,  Nouvelle  observation  de  Strongle  géant  chez  l'Homme. 
Compte  rendu  de  la  Soc.  de  biologie  (8),  III,  p.  379,  1886. 

R.  Cannon,  Case  of  Strongylus  gigas.  The  Lancet,  I,  p.  264,  1887. 


Strongylus  longevaginatus  Diesing,  1851. 

Synonymie  :  ?  Filaria  trachealis  Bristowc  et  Rainey,  1855. 
Metastrongylus  longevaginatus  Molin,  1861. 

Ce  Yer  n'a  encore  été  vu  qu'une  seule  fois,  en  1845  :  le  Dr  Jort- 
sits  (1),  de  Klausenburg,  en  Transylvanie,  le  trouva  en  grande 

(1)  Jortsits  ou  Jovitsits  :  Diesing  emploie  d'abord  la  première  orthographe, 
puis  la  seconde. 


STRONGYLUS  LONGEVAGINATUS. 


741 


abondance  dans  le  parenchyme   pulmonaire  d'un  garçon  de 
six  ans,  mort  d'une  maladie  inconnue;  il  l'envoya  à  Rokitansky, 
lequel  le  transmit  à  Diesing  ;  ce  dernier 
en  donna  deux  exemplaires  à  Leuckart. 

L'animal  est  cylindrique ,  un  peu  effilé 
en  avant  et  terminé  par  une  extrémité 
céphalique  conique.  Le  mâle,  long  de  15  à 
17  millimètres,  large  de  0mm, 55,  s'infléchit 
à  son  extrémité  postérieure  et  présente 
une  bourse  bilobée,  dont  chacun  des  lobes 
est  pourvu  de  trois  côtes;  la  côte  externe 
est  simple,  les  deux  autres  sont  bifur- 
quées.  La  femelle,  longue  de  26  millimè- 
tres et  large  de  0mm,7,  est  aisément  re- 
connaissable  à  ce  que  son  extrémité 
postérieure  porte  un  appendice  court  et 
mince,  conformé  en  alêne  (fig.  362)  ;  la 
vulve,  bordée  en  avant  par  une  crête, 
précède  immédiatement  l'anus  et  s'ouvre  avec  lui  à  la  base  de 
l'appendice  caudal. 


Fig.  362.  —  Extrémité 
caudale  de  la  femelle, 
d'après  Leuckart. 


La  cuticule  est  dense,  épaisse,  formée  de  plusieurs  couches  et  pré- 
sente une  striation  transversale.  On  remarque  en  outre  une  stria- 
tion  longitudinale,  qui  est  occasionnée  par  la  musculature  et  qui, 
par  conséquent,  fait  défaut  au  niveau  des  lignes  latérales.  Celles-ci 
sont  larges  de  0mm,8,  et  sont  marquées  de  raies  transversales,  régu- 
lièrement espacées,  qui  délimitent  des  segments  à  peu  près  carrés; 
ces  segments  sont  dus  sans  doute  à  des  plis  de  la  cuticule;  Diesing 
les  prenait  pour  des  œufs  disposés  en  séries  à  l'intérieur  de  l'utérus. 

La  bouche  est  entourée  de  six  papilles  d'assez  grande  taille 
(fig.  363),  toutes  semblables  entre  elles.  Le  pore  excréteur 
s'ouvre  non  loin  de  l'extrémité  antérieure,  vers  le  milieu  de 
la  longueur  de  l'œsophage.  Le  tube  génital  mâle,  dont  le 
cul -de -sac  se  voit  immédiatement  en  arrière  de  l'œso- 
phage, décrit  quelques  légères  inflexions.  L'organe  copu- 
lateur  est  constitué  par  deux  spicules  jaune  d'or,  longs  de 
6  à  7  millimètres,  c'est-à-dire  ayant  environ  la  moitié  de 
la  longueur  du  corps;  ils  sont  droits,  striés  en  travers  et 
font  ordinairement   saillie  hors  de  leur  gaine,  avec  laquelle 


742 


ORDRE  DES  NEMATODES. 


Fig.  363.  —  Extré- 
mité céphalique  de 
Strongylus  longe- 
vaginatus,  d'après 
Leuckart. 


Diesing  les  confondait  :  d'où  le  nom  de  l'Helminthe.  Le  tube 
femelle  est  unique  et  assez  court  ;  il  renferme  des  œufs  larges 
de  40  [x,  qui,  dans  la  portion  externe  de  l'utérus,  contiennent 
déjà  un  embryon  effilé  et  enroulé  sur  lui-même. 
Nous  avons  dit  que  les  parasites  se  rencontraient  en  très 
grande  abondance,  les  uns  dans   les  bron- 
chioles, les  autres  dans  le  parenchyme  pul- 
monaire. En  tenant  compte  des  lésions  que 
provoque  la  présence  de  Strongylus  commu- 
tatus  dans  le  poumon  du  Lapin,  de  Str.  para- 
doxus  dans  celui   du  Porc  et  de  Str.  filaria 
dans  celui  du  Mouton,  il  y  a  lieu  de  penser 
que  le  poumon  de  l'enfant  ne  devait  pas  être 
normal.  Quand  ils  sont  nombreux,  ces  para- 
sites déterminent  en  effet  une  violente  in- 
flammation des  dernières  bronchioles  et  du 
parenchyme  voisin,  inflammation  qui  s'étend 
souvent  à  une  grande  partie  de  l'organe  et 
peut  même  causer  la  mort.  Il  est  donc  vrai- 
semblable que  l'enfant  a   succombé  à  une 
pneumonie  vermineuse. 

Comment  se  fait  la  propagation  du  parasite?  Celui-ci  est 
sans  doute  ovovivipare,  à  la  façon  de  Str.  filaria  :  l'embryon, 
mis  en  liberté  dans  les  bronches,  ne  s'y  développe  pas,  mais 
est  rejeté  au  dehors  avec  les  mucosités.  Leuckart  pense  qu'il 
est  alors  avalé  par  un  Insecte  ou  un  Mollusque,  qui  lui  servirait 
d'hôte  intermédiaire;  l'infestation  se  ferait  quand  le  hasard 
amènerait  ce  dernier  dans  le  tube  digestif  de  l'Homme. 

Cette  hypothèse  est  peu  plausible:  les  observations  de  Colin, 
de  Baillet  et  d'Ercolani  ont  prouvé  que  les  larves  de  Str.  filaria 
sont  douées  d'une  grande  vitalité,  qu'elles  se  conservent  vi- 
vantes dans  l'eau  pendant  des  mois  entiers  et  qu'elles  résistent 
à  un  dessiccation  prolongée.  Ces  larves  peuvent  donc  s'intro- 
duire chez  le  Mouton  soit  par  l'eau,  soit  parle  fourrage,  et  il  est 
probable  que  celles  de  Str.  longevaginatus  se  comportent  de 
même  à  l'égard  de  l'Homme.  Quant  à  la  pénétration  dans  le 
poumon,  elle  peut  se  faire  de  différentes  façons,  soit  que  l'Hel- 
minthe passe  du  pharynx  dans,  l'œsophage  pour  atteindre  le 
poumon,  comme  le  fait  la  larve  de  Rhabdonema  nigrovcnosum, 


STRONGYLUS  LONGEVAGINATUS. 


743 


soit  qu'il  gagne  cet  organe  en  traversant  l'estomac  et  le  dia- 
phragme. 

Il  s'agit  peut-être  d'une  larve  de  Strongle  pulmonaire  en  train 
d'accomplir  ses  migrations  dans  le 
cas  rapporté  par  Rainey.  En  faisant 
une  autopsie  médico-légale,  cet 
observateur  trouva  à  la  surface  de 
la  muqueuse  du  larynx  et  de  la 
trachée  un  grand  nombre  de  Vers 
très  agiles,  longs  de  0mm,5,  larges 
de  0œm,017  (flg.  364).  La  descrip- 
tion qu'il  nous  en  a  laissée  est  des 
plus  incomplètes.  C'étaient  des 
larves  sans  striation  transversale, 
dont  l'extrémité  antérieure  était 
obtuse  et  arrondie  et  l'extrémité 
caudale  insensiblement  amincie; 
à  quelque  distance  de  cette  der- 
nière se  voyait  une  petite  papille, 
correspondant  sans  doute  à  l'anus. 

Bristowe  et  Rainey  désignèrent 
ces  vermisseaux  sous  le  nom  de 
Filaria  trachealis:  il  est  difficile  de 
dire  à  quelle  espèce  ils  appartien- 
nent réellement;  on  peut  du  moins 
assurer  que  ce  ne  sont  point  des 

Filaires  et  qu'ils  ont  de  grandes  ressemblances  avec  les  larves 
d'Ascarides  et  avec  celles  des  Strongles  du  poumon. 


Fig.  364.  —  Filaria  trachealis, 
d'après  Rainey. 


C.  M.  Diesing,  Systema  helminthum.  Vindobonœ,  1851.  Voir  II,  p.  317.  — 
Id.,  Revision  der  Nematoden.  Sitzungsber.  der  Wiener  Akad.  der  Wiss., 
math.-nat.  Classe,  XL1I,  p.  722,  1860. 

Rainey,  Entozoon  found  in  the  larynx.  Transactions  ofthe  pathological  So- 
ciety of  London,  VI,  p.  370,  1855. 


744  ORDRE  DES  NÉMATODES. 


Ankylostoma  duodenale  Dubini,  1843. 

Synonymie  :  Agchylostoma  duodenale  Dubini,  1S4-3. 
Ancylostoma  duodenale  Creplin,  1845. 
Anchylostoma  duodenale  Primer,  1847. 
Ancylostomum  duodenale  Dubini,  1850. 
Anchylostomum  duodenale  Diesing,  1851. 
Slrongylus  quadridentatus  von  Siebold,  1851. 
Dochmius  ancylostomum  Molin,  1860. 
Strongylus  duodenalis  Schneider,  1866. 
Dochmius  duodenalis  Leuckart,  1876. 
Uncinaria  duodenalis  Railliet,  1885. 

L'Ankylostome  a  été  découvert  en  mai  1838,  par  Angelo 
Dubini,  dans  l'intestin  d'une  jeune  paysanne,  morte  à  l'hôpital 
de  Milan.  Considéré  pendant  longtemps  comme  un  parasite 
inoffensif,  on  sait  maintenant  que  c'est  l'un  des  plus  redouta- 
bles qui  s'attaquent  à  notre  espèce. 

Les  individus  dont  l'intestin  héberge  ce  parasite  rejettent 
constamment  avec  les  selles  des  œufs  qui  ont  déjà  subi  les 
premières  phases  de  la  segmentation,  mais  dont  le  développe- 
ment ultérieur  ne  peut  se  poursuivre  qu'en  dehors  de  l'orga- 
nisme humain.  En  effet,  tandis  qu'ils  restent  dans  celui-ci,  leur 
évolution  demeure  stationnaire,  sans  doute  à  cause  de  l'élé- 
vation de  la  température  :  Perroncito  a  montré  qu'ils  n'éclo- 
sentpas,  si  on  les  tient  à  une  température  de  35  à  40°  pendant 
plusieurs  jours  ;  tout  au  plus  arrivent-ils  à  l'état  de  morula.  Dans 
les  conditions  normales,  il  faut  au  contraire  de  huit  à  dix  heu- 
res pour  que  le  développement  de  l'embryon  s'achève. 

L'œuf  est  régulièrement  elliptique  et  arrondi  aux  deux  bouts  ; 
sa  coque  est  mince,  lisse,  transparente  et  assez  résistante;  il 
mesure  de  55  à  65  (jl  sur  32  à  43  p.  On  pourrait  le  confondre 
avec  l'œuf  de  l'Oxyure,  mais  il  suffit  de  se  reporter  à  la  des- 
cription de  celui-ci  (page  711)  pour  juger  des  différences  de 
taille  et  de  structure.  Ajoutons  que,  au  moment  de  la  ponte, 
l'œuf  de  l'Ankylostome  ne  renferme  encore  que  quelques  blas- 
tomères,  tandis  que  celui  de  l'Oxyure  contient  déjà  un  embryon 
gyriniforme. 

Les  œufs  expulsés  avec  les  excréments  continuent  à  se  développer 
au  sein  de  ceux-ci  ou  dans  la  terre  humide.  Au  bout  de  douze  à  quinze 
heures  d'incubalion,  si  la  température  est  favorable,  ou  si  on  cultive 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  7io 

les  œufs  dans  une  étuve  chauffée  à  25  ou  30°,  on  commence  à  voir 
quelques  embryons  précoces,  qui  continuent  à  vivre  dans  la  vase;  au 
bout  d'un  jour  et  demi  à  deux  jours,  la  plupart  des  ovules  sont  éclos, 
mais  Téclosion  se  poursuit  jusqu'au  quatrième  jour  et  même  au  delà, 
l'évolution  n'étant  pas  également  rapide  pour  tous  les  ovules. 

L'embryon  nouvellement  éclos  est  long  de  0mm,20  et  large  de  lia  au 
maximum;  il  s'amincit  légèrement  clans  son  quart  antérieur  et  se 
termine  en  arrière  par  une  queue  effilée  en  alêne.  La  tête  est  tri- 
lobée ;  la  bouche  est  constituée  par  un  canal  rectangulaire ,  long  de  12  u, 
large  de  1  a,  qui  aboutit  au  pharynx.  Ce  dernier  est  tout  à  fait  sem- 
blable à  celui  des  Rhabditis  :  c'est  un  canal  musculeux  à  parois 
épaisses,  qui  occupe  près  des  deux  cinquièmes  de  la  longu  eur  du  corps. 
Il  débute  par  un  renflement  allongé,  fusiforme  et  long  de  30a,  qui  se 
rétrécit  graduellement  en  un  tube;  après  un  trajet  de  16  a,  celui-ci  se 
dilate  en  un  renflement  sphérique,  long  de  12 a, large  de  10a  et  pourvu 
intérieurement  de  trois  dents  chiniteuses. 

L'intestin,  large  de  8  a  environ,  est  de  nature  cellulaire;  sa  lumière 
a  l'aspect  d'une  ligne  claire  en  zigzag  ;  l'anus  s'ouvre  sur  une  petite 
papille  latérale,  à  la  base  de  la  queue.  Un  peu  au-dessus  de  lui  et 
vers  la  partie  moyenne  de  l'intestin,  on  observe  un  corpuscule  ovoïde, 
qui  mesure  4  à  5  a  sur  3  a  et  représente  le  rudiment  des  organes  gé- 
nitaux. 

Cet  embryon  rhabditoïde  diffère  essentiellement  de  l'animal  adulte. 
Il  mange  beaucoup  et  croît  vite;  il  se  nourrit  de  débris  organiques, 
mais  ne  dédaigne  pas  de  se  repaître  du  cadavre  des  femelles  qui  ont 
pu  être  entraînées  avec  les  matières  fécales  ou  des  œufs  qui  ne  se 
sont  pas  développés.  Au  bout  d'un  jour,  il  est  déjà  long  de  0mm,25,  et 
Perroncito  a  calculé  qu'il  gagne  chaque  jour  80  à  100a  en  longueur 
et  2a  en  largeur.  Le  troisième  jour,  il  subit  une  première  mue,  au 
cours  de  laquelle  il  perd  la  pointe  en  alêne  de  sa  queue.  A  la  fin  de 
la  première  semaine,  il  a  terminé  sa  croissance:  il  est  long  de  0mm,56 
et  large  de  0mm,024.  Il  mue  alors  pour  la  seconde  fois;  le  bulbe  pha- 
ryngien perd  son  armature  dentaire,  en  même  temps  que  sa  structure 
musculeuse,  d'abord  nettement  accusée,  fait  place  à  un  aspect  gra- 
nuleux ;  l'intestin  est  devenu  rectiligne  et  marque  l'axe  du  corps.  Le 
rudiment  des  glandes  génitales  s'est  un  peu  développé;  deux  papilles 
cutanées  commencent  à  se  montrer  sur  les  côtés  de  l'œsophage. 

Ces  faibles  modifications  sont  le  signal  du  passage  à  l'état  larvaire  ; 
elles  ont  en  outre  une  grande  influence  sur  l'évolution  du  jeune  animal. 
Celui-ci  ne  prend  plus  désormais  aucune  nourriture  et  cesse  de  s'ac- 
croître ;  il  reste  longtemps  en  cet  état,  des  semaines  et  des  mois, 
vivant  dans  l'eau  vaseuse  ou  dans  la  boue  ;  l'eau  pure  lui  fait  perdre 
ses  mouvements  et  finit  par  le  tuer.  Il  émigré  parfois  dans  de  petits 


746  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

Gastéropodes  aquatiques  (Physa),  mais  sans  subir  aucune  modifi- 
cation ;  cette  migration  constitue  une  anomalie. 

La  larve  reste  parfois  enfermée  dans  la  peau  de  sa  mue  ;  elle  y  frétille 
d'autant  plus  vivement  que  la  température  est  plus  élevée.  C'est  à  36 
ou  37°  qu'elle  est  le  plus  agile  ;  néanmoins  on  la  trouve  bien  vivante 
dans  des  eaux  à  20,  15  et  même  12°.  Perroncito,  Leichtenstern  et  Trossat 
ont  considéré  cette  persistance  accidentelle  de  la  peau  de  la  mue  au- 
tour du  corps  de  la  larve  comme  un  enkystement  normal,  permettant 
à  celle-ci  de  supporter  la  sécheresse  et  de  se  laisser  transporter  à  de 
grandes  distances  avec  la  poussière  :  ainsi  se  produirait  l'infestation  de 
localités  dans  lesquelles  l'Ankylostome  était  précédemment  inconnu. 

Cette  théorie  est  inexacte:  ce  n'est  point  par  le  vent  que  se  fait  la 
propagation  du  parasite,  mais  bien  par  l'Homme  lui-môme,  ainsi  que 
nous  le  démontrerons  plus  loin.  En  effet,  la  larve  est  destinée  à 
périr  au  bout  d'un  temps  plus  ou  moins  long,  à  moins  qu'elle  ne 
soit  amenée  dans  le  tube  digestif  de  l'Homme  avec  l'eau  bourbeuse 
ou  par  un  objet  (pain,  pipe,  etc.)  introduit  dans  la  bouche  après  avoir 
été  déposé  sur  la  boue.  Parvenue  dans  l'intestin  grêle,  elle  acquiert 
sa  forme  adulte  dans  l'espace  de  quelques  semaines  ;  au  bout  de  9  à 
10  jours,  elle  subit  une  nouvelle  mue,  au  cours  de  laquelle  l'œsophage 
perd  son  aspect  rhabditoïde  et  acquiert  sa  structure  définitive;  on  voit 
s'esquisser  la  capsule  buccale,  qui  indique  pour  la  première  fois  la 
nature  strongyloïde  de  l'animal.  Celui-ci  reste  trois  à  quatre  jours  en 
cet  état,  puis  mue  de  nouveau;  mais  c'est  seulement  à  la  troisième 
mue  que  les  deux  sexes  peuvent  être  facilement  distingués. 

L'Ankylostome  ne  passe  donc  point  par  un  hôte  intermé- 
diaire :  l'adulte,  renfermé  dans  l'intestin  grêle  de  l'Homme, 
pond  des  œufs  qui  se  développent  dans  l'eau  vaseuse  en  des 
larves  qui  ne  passeront  elles-mêmes  à  l'état  adulte  que  si 
l'Homme  vient  à  boire  l'eau  qui  les  contient  ou  à  en  souiller  les 
objets  qu'il  porte  à  sa  bouche.  Si  ce  transport  dans  l'intestin  de 
l'Homme  ne  s'effectue  pas,  ces  larves  seraient  destinées  à  périr 
au  bout  d'un  temps  plus  ou!  moins  long.  Toutefois,  des  obser- 
vations récentes  de  Leichtenstern  donnent  à  penser  que  cer- 
taines d'entre  elles,  douées  d'une  plus  grande  résistance,  se- 
raient capables  de  se  transformer  en  adultes  rhabditoïdes,  se 
reproduisant  par  une  série  illimitée  de  générations  libres. 

L'Ankylostome  adulte  est  un  Ver  de  petite  taille,  à  corps  à 
peu  près  cylindrique.  Le  mâle  (fig.  «ÎC5,  d,  e,  f;  fig.  370)  est 
long  de  6  à  Hmm,5  et  large  de  0mm,4  à  0mm,5  dans  la  partie 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE. 


'47 


Fi  g.  365.  —  Ankylos- 
toma  duodenale 
de  grandeur  na- 
turelle ,  d'après 
Schulthess.  —  a, 
b,  c,  femelles;  ci, 
e,  f,  mâles. 


moyenne;  il  s'effile  graduellement  en  avant  et  se  termine  en 
arrière  par  une  large  bourse  copulatrice.  La  femelle  (fig.  365, 
a,  b,  c  ;  fig.  374)  est  longue  de  7  à  15,  parfois 
même  à  18  millimètres;  sa  largeur  peut  aller 
jusqu'à  1  millimètre  au  voisinage  de  l'extré- 
mité postérieure;  le  corps  se  rétrécit  pro- 
gressivement en  avant  et  se  termine  en  ar- 
rière par  une  pointe  conique  dont  la  longueur 
est  environ  de  1  millimètre  (fig,  366).  Les  deux 
extrémités  du  mâle  sont  généralement  incur- 
vées vers  la  face  dorsale,  tandis  que  le  corps 
entier  de  la  femelle  est  ordinairement  arqué 
à  plat,  la  face  dorsale  étant  convexe.  Le  corps 
est  blanc  ou  plus  ou  moins  rosé,  suivant  la 
quantité  de  sang  contenue  dans  l'intestin. 

La  cuticule  recouvre  toute  la  surface  du  corps,  à  l'exception  de  la 
pointe  des  deux  dents  situées  sur  le  bord  dorsal  de  la  capsule  buccale 
(fig.  367  et  368,  c).  Elle  est  d'une  transparence 
parfaite  et  présente  partout  une  délicate  stria- 
tion  transversale,  sauf  en  un  petit  espace 
semi-lunaire,  situé  au-dessous  du  bord  dor- 
sal de  la  bouche  (fig.  367  et  368)  ;  la  stria- 
tion  est  également  très  indistincte  en  arrière 
des  papilles  postanales  de  la  femelle  (fig.  366, 
d).  Son  épaisseur  varie  avec  la  taille  et  le  sexe 
de  l'animal  et  avec  les  différents  points  du 
corps  :  chez  un  mâle  de  moyenne  grandeur, 
elle  est  de  26  à  40  p.  à  la  partie  moyenne  du  Fig.  366 
corps  ;  chez  une  femelle,  de  40  à  45  \>..  Elle 
diminue  progressivement  vers  l'extrémité 
antérieure  dans  l'un  et  l'autre  sexe,  ainsi 
que  vers  l'extrémité  postérieure  de  la  femelle  ; 
elle  s'épaissit  au  contraire  au  voisinage  de 
l'extrémité  postérieure  du  mâle.  La  cuticule 
est  formée  de  deux  couches:  l'externe  (fig. 
366,  a),  qui  est  la  plus  épaisse,  s'interrompt 
à  l'extrémité   postérieure  de  la    femelle  et 

laisse  passer  la  couche  profonde,  6,  sous  forme  d'une  courte  pointe 
conique,  c;  parfois  cette  pointe  ne  fait  pas  saillie,  mais  est  logée  au 
fond  d'une  dépression  de  la  couche  externe. 

Le  tégument  est  orné  d'un  certain  nombre  de  papilles.  Dubini  en 


Extrémité  cau- 
dale de  la  femelle  vue 
par  la  face  dorsale,  d'a- 
près Schulthess.  —  a, 
couche  superficielle  du 
tégument  ;  6,  sa  couche 
profonde;  c,  pointe  cau- 
dale formée  par  la  cou- 
che profonde  du  tégu- 
ment; d,  papilles  post- 
anales (?). 


748  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

avait  déjà  reconnu  deux  assez  grosses,  vers  le  milieu  de  l'œsophage 
et  de  chaque  côté;  on  ignore  encore  leurs  relations  avec  les  lignes 
latérales  et  avec  l'anneau  nerveux,  mais  Bugnion  assure  qu'on  y  a  vu 
pénétrer  un  filet  nerveux.  Schulthess  a  observé,  à  l'extrémité  posté- 
rieure de  la  femelle,  deux  papilles  latérales  (fig.  366,  d).  Le  même  au- 
teur a  vu  chez  le  mâle  une  petite  papille  (fig.  370,  t)  située  au  niveau 
de  la  racine  de  chaque  côte  ventrale.  Enfin,  la  bourse  copulatrice 
est  ornée  d'un  certain  nombre  de  papilles  dont  nous  aurons  à  parler 
plus  loin. 

Les  glandes  cervicales  (fig.  370,  i,  k)  doivent  être  considérées 
comme  des  dépendances  du  tégument.  Ces  organes  sont  longs  de  2 
à  3  millimètres  et  s'étendent  bien  au  delà  de  l'œsophage;  Dubini 
les  avait  désignés  déjà  sous  le  nom  de  corps  fusiformes.  Ce  sont 
deux  glandes  unicellulaires,  dont  la  partie  postérieure  est  renflée  en 
fuseau,  large  de  146  à  212^.,  et  renferme  un  noyau  ovale,  large  de  50à 
70  p..  La  partie  antérieure,  qui  joue  le  rôle  de  canal  excréteur,  /,  bien 
que  sa  structure  granuleuse  ne  diffère  en  rien  de  celle  du  reste  de 
l'organe,  est  large  de  20y.  environ;  elle  se  renfle  en  avant  en  une  sorte 
d'ampoule,  dans  laquelle  se  voit  également  un  noyau,  puis  vient 
s'ouvrir  au  pore  excréteur.  Celui-ci  est  situé  sur  la  ligne  médio- 
ventrale,  à  mi-longueur  de  l'œsophage,  un  peu  en  arrière  du  ganglion 
œsophagien;  il  reçoit  également  l'autre  glande  et  les  canaux  excré- 
teurs. La  glande  cervicale  gauche  est  toujours  un  peu  plus  longue 
que  la  droite;  l'allongement  porte  uniquement  sur  la  partie  rétrécie. 
La  paroi  de  ces  glandes  est  constituée  par  une  membrane  anhiste,  que 
Leuckart  considère  comme  l'enveloppe  delà  cellule  primitive;  Schul- 
thess est  plutôt  disposé  à  admettre  qu'elle  est  formée  de  cellules 
plates. 

L'Ankylostome  est  méromyaire  :  ses  muscles  sont  disposés  en 
huit  rangées  longitudinales  et  formés  de  cellules  rhomfooïdales,  en- 
tourées chacune  d'une  enveloppe  anhiste.  Ces  cellules  ont  la  môme 
structure  et  la  môme  disposition  que  chez  l'Oxyure  ;  elles  font  saillie 
dans  la  cavité  du  corps  plus  fortement  par  leur  bord  antérieur  que 
par  leur  bord  postérieur;  elles  sont  longues  de  2  millimètres  environ 
et  larges  de  0mxa,i5  àOmm,17.  En  avant,  les  muscles  pénètrent  dans 
l'épaisseur  de  la  capsule  buccale,  mais  n'atteignent  pas  le  bord  labial  ; 
ils  s'en  rapprochent  davantage  à  la  face  dorsale  qu'à  la  face  ven- 
trale et  sont  limités  par  une  série  de  six  arcades  à  convexité  anté- 
rieure. En  arrière,  les  muscles  remplissent  le  fond  de  la  pointe  cau- 
dale de  la  femelle;  chez  le  mâle,  on  les  voit  s'étendre  aux  deux  faces 
dorsale  et  ventrale  un  peu  plus  loin  que  sur  les  côtés,  mais  sans  se 
continuer  avec  les  côtes  de  la  bourse  copulatrice. 

Quand  on  examine  à  plat  la  face  interne  de  la  paroi  du  corps,  on 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  740 

constate  encore  l'existence  d'un  autre  appareil  musculaire.  Celui-ci 
est  constitué  par  un  double  système  de  fibres  transversales  qui  s'éten- 
dent sur  toute  la  longueur  du  corps.  L'un  de  ces  systèmes  occupe  la 
moitié  supérieure  de  la  cavité  générale,  l'autre  la  moitié  inférieure. 
Chacun  d'eux  s'insère  par  ses  deux  extrémités  au  bord  correspon- 
dant des  deux  lignes  latérales;  les  fibres  se  séparent  de  celles-ci  à  des 
intervalles  assez  réguliers  et  se  portenttransversalement  ;  pendantleur 
trajet,  elles  s'unissent  fréquemment  par  des  anastomoses  en  arc,  et  on 
les  voit  s'élargir,  parfois  môme  porter  des  cellules,  à  leur  point  de 
rencontre.  En  certains  endroits,  par  exemple  au  voisinage  de  la 
vulve  et  de  l'anus  de  la  femelle,  les  fibres  transversales  se  conden- 
sent en  de  véritables  cordons  dont  les  fibres  externes  s'insèrent  dans 
chacun  des  interstices  musculaires  qu'elles  rencontrent,  tandis  que 
les  fibres  moyennes  passent  comme  un  pont  au-dessus  de  ceux-ci  ;  ces 
cordons  émettent  d'autre  part  un  certain  nombre  de  fibres  qui  vont 
se  fixer  sur  la  membrane  d'enveloppe  des  cellules  musculaires,  soit 
au  milieu,  soit  plus  souvent  sur  les  bords. 

Les  quatre  lignes  longitudinales  sont  nettement  visibles.  Les  laté- 
rales sont  les  plus  larges  et  les  plus  compliquées,  mais  toutes  sont 
formées  d'une  substance  granuleuse,  dans  laquelle  sont  plongés  des 
noyaux  peu  distincts. 

La  ligne  médio-ventrale  se  voit  déjà  au  bord  postérieur  de  la  cap- 
sule buccale;  sa  largeur  est  presque  partout  de  22p.;  le  pore  excré- 
teur la  traverse.  Chez  le  mâle,  elle  se  prolonge  jusqu'à  la  naissance 
du  lobe  ventral  de  la  bourse  copulatrice;  chez  la  femelle,  elle  est  tra- 
versée par  la  vulve  et  par  l'anus,  au  delà  duquel  elle  se  continue  ; 
comme  la  vulve  a  une  largeur  de  près  de  90  {/.,  on  voit  la  ligne  mé- 
dio-ventrale s'élargir  notablement  à  son  niveau. 

La  ligne  médio-dorsale  a  partout  la  même  largeur;  ses  dimensions 
sont  à  peu  près  les  mêmes  que  celles  de  la  précédente.  Elle  ne 
se  poursuit  pas  jusqu'aux  extrémités  du  corps;  en  effet,  les  cellules 
musculaires  des  zones  supéro-latérales  entrent  en  contact  en  ces 
endroits. 

Les  lignes  latérales  sont  formées  chacune  de  deux  faisceaux  de 
substance  granuleuse,  chacun  de  ceux-ci  étant  entouré  d'une  mem- 
brane d'enveloppe  et  creusé  d'un  canal  central.  Chez  la  femelle,  on 
les  suit  jusqu'au  voisinage  de  la  pointe  caudale;  chez  le  mâle,  elles 
semblent  atteindre  également  la  naissance  de  la  bourse,  bien  qu'un 
peu  modifiées  (fig.  373,  o). 

A  la  partie  moyenne  du  corps,  les  lignes  latérales  sont  larges  de 
116 a;  leur  largeur  est  donc  à  peu  près  celle  d'une  fibre  muscu- 
laire. Le  canal,  que  nous  avons  déjà  signalé  dans  chacun  des  deux 
faisceaux  de  substance  granuleuse,  est  large  de  23  u.  et  dépourvu  de 


ïoO 


ORDRE  DES  NÉMATODES. 


paroi  propre;  un  troisième  canal,  large  de  13  p.  et  limité  par  une 
couche  chitineuse  assez  résistante,  se  voit  entre  les  deux  précédents. 
Ce  dernier  représente  l'appareil  excréteur;  à  la  hauteur  du  pha- 
rynx, il  s'infléchit  vers  la  face  ventrale  et  s'unit  à  son  congénère 
pour  former  un  canal  unique  qui,  après  un  court  trajet,  débouche 
au  pore  excréteur.  Quant  aux  deux  autres  canaux,  leur  nature  est 
encore  inconnue;  en  avant,  ils  ont  déjà  disparu  avant  d'atteindre  le 
pore  excréteur. 

Le  système  nerveux  est  encore  imparfaitement  connu.  Le  collier 

œsophagien  se  voit  assez  facilement  : 
il  est  situé  un  peu  en  avant  de  la 
partie  moyenne  de  l'œsophage  et 
émet  des  filets  qui  se  portent  en 
différents  sens. 


L'appareil  digestif  débute  par 
une  capsule  buccale  en  forme  de 
cloche,  large  suçoir  formé  de  di- 
verses pièces  chitineuses  et  dans 
lequel  on  peut  distinguer  deux 
parties  :  la  capsule  proprement 
dite  et  l'appareil  dentaire. 

L'axe  de  la  capsule  est  dévié 
de  telle  sorte  que  celle-ci  (fîg. 
370,  a)  forme  presque  un  angle 
droit  avec  le  reste  du  corps.  Elle 
a  l'aspect  d'une  coque  ovoïde, 
longue  de  0mm,l ,  large  de  0mm,085, 
constituée  par  une  superposition 
de  lamelles  chitineuses  et  en- 
châssée dans  le  commencement 
de  l'œsophage  comme  un  œuf 
dans  un  coquetier.  Cette  coque 
(flg.  367  et  368)  est  percée  de 
deux  ouvertures  inégales,  taillées 
en  biseau  aux  dépens  de  la  face 
dorsale  :  en  avant  se  voit  la  bou- 


Fig.  367.  —  Extrémité  céphalique 
d'une  femelle,  vue  parla  face  dor- 
sale, d'après  Schulthess.  —  a, 
première  dent  ou  dent  interne  ; 
6,  deuxième  dent  ou  dent  ex- 
terne ;  c,  dent  conique  du  bord 
dorsal  ;  (/,  échancrure  du  bord 
dorsal;  e,  large  lamelle  triangu- 
laire recouvrant  la  fente  dorsale 
de  la  capsule;  /",  limite  de  la 
fente  dorsale;  g,  anneau  repré- 
sentant la  moitié  dorsale  de  l'ap- 
pareil dentaire  ;  //,  mince  lamelle 
recouvrant  h  demi  les  deux  dents 
internes  ;  i,  bord  cutané  ;  k,  sur- 
face externe  de  la  capsule  ;  m, 
limite  de  la  couche  musculaire  ; 
o,  œsophage  ;  r,  fente  dorsale  de 
la  capsule. 


che,  large  de  68  à  70  fi.  et  entou- 
rée d'un  bord  labial  rigide  et  immobile;  en  arrière  est  un  petit 
orifice  ovale,  qui  fait  communiquer  la  capsule  avec  l'œsophage. 


ANKÏLOSTOMA   DUODENALE. 


La  face  ventrale  de  la  capsule  est  fortement  bombée  et  par- 
tout continue  à  elle-même;  sa  paroi  est  brunâtre,  plus  épaisse 
et  plus  résistante  que  celle  de  la  face  dorsale.  Celle-ci  est 
plane,  beaucoup  plus  courte  et  divisée  en  deux  moitiés  par  une 
fente  médiane,  r,  qui  s'étend  du 
bord  postérieur  jusqu'au  voisinage 
du  bord  antérieur;  ces  deux  moitiés 
sont  unies  l'une  à  l'autre  par  une 
étroite  lamelle,  en  avant  de  laquelle 
on  remarque  une  petite  échancrure, 
d.  Les  deux  lèvres  de  cette  fente 
sont  ordinairement  juxtaposées  et 
bordées  d'un  ourlet  orné  de  petites 
dépressions  imperforées;  en  arrière, 
elles  s'écartent  l'une  de  l'autre 
presque  à  angle  droit  et  forment  une 
pointe  en  s'unissant  chacune  avec 
le  bord  correspondant  de  la  paroi 
ventrale.  Le  bord  antérieur  de  la 
capsule  est  entier  dans  toute  la  par- 
tie dorsale,  mais  des  fentes  assez 
profondes  viennent  diviser  sa  partie 
ventrale  en  cinq  lobes,  un  médian  plus  large  et  quatre  laté- 
raux disposés  par  paires. 

La  fente  dorsale  est  recouverte  d'une  lamelle  chitineuse  en 
forme  de  gouttière,  rétrécie  en  avant,  plus  large  en  arrière. 
Elle  est  elle-même  abritée  sous  une  autre  lamelle  plus  large, 
mais  moins  longue,  e,  qui  est  tendue  comme  un  ressort  au- 
dessus  de  la  fente  dorsale,  dont  elle  comble  la  partie  anté- 
rieure. 

La  face  interne  de  la  capsule  buccale  est  marquée  de  stries 
obliques  d'avant  en  arrière  et  de  bas  en  haut.  Sa  partie  anté- 
rieure est  occupée  par  un  anneau  chitineux,  dans  la  moitié 
ventrale  duquel  se  trouvent  enchâssées  quatre  dents,  disposées 
symétriquement  de  chaque  côté  de  la  ligne  médiane.  La  por- 
tion supérieure  double  intérieurement  l'étroite  lamelle  qui 
réunit  l'une  à  l'autre  les  deux  moitiés  de  la  face  dorsale  de  la 
capsule;  à  ce  niveau  elle  présente  une  échancrure  médiane,  d, 
limitée  en  avant  par  deux  dents  coniques,  c. 


Fig.  368.  —  Extrémité  cépba- 
lique  d'une  femelle  vue  de 
profil,  d'après  Schulthess.  — 
Les  lettres  comme  dans  la 
figure  précédente. 


732  ORDRE   DES  NÉMATODES. 

Les  quatre  dents,  dont  Dubini  avait  déjà  reconnu  l'existence 
à  la  partie  ventrale  de  l'orifice  buccal,  ont  la  forme  de  crochets 
dont  la  pointe  serait  infléchie  à  l'intérieur  de  la  capsule  ;  elles 
sont  en  continuité  avec  de  fortes  pièces  chitineuses  saillantes, 
qui  occupent  environ  un  tiers  de  la  longueur  de  la  capsule  et 
qui  se  fixent  aux  deux  paires  de  lobes  digitiformes  que  celle-ci 
présente  à  sa  face  ventrale.  Ces  quatre  dents  ont  sensiblement 
la  même  forme  :  elles  sont  très  acérées,  et  la  première  ou  l'in- 
terne de  chaque  côté,  a,  est  plus  petite  que  la  seconde,  b;  elle 
porte  sur  son  bord  interne,  à  une  faible  distance  de  la  pointe, 
un  petit  tubercule  inégalement  développé  suivant  les  indi- 
vidus. L'appareil  dentaire  tout  entier  est  recouvert  de  fines 
lames  chitineuses  qui  contribuent  puissamment  aie  consolider 
et  à  le  fixer  à  la  capsule,  tout  en  l'immobilisant;  un  rôle  ana- 
logue est  encore  dévolu  à  une  autre  membrane,  h,  qui  recouvre 
comme  un  voile  les  deux  dents  internes.  Ces  dents  crochues, 
auxquelles  l'animal  doit  son  nom  (1),  constituent  des  armes 
redoutables  dont  la  connaissance*  va  bientôt  nous  expliquer  les 
lésions  produites  par  le  parasite  :  grâce  à  elles,  il  se  fixe  forte- 
ment à  la  muqueuse  intestinale,  dont  il  déchire  les  capillaires. 
Pour  se  rendre  compte  de  leur  structure,  il  importe  de  les 
examiner  par  la  face  dorsale  (fig.  307);  elles  ne  sont  pas  visi- 
bles par  la  face  opposée,  cachées  qu'elles  sont  parle  bord  labial 
qui  les  déborde. 

L'intérieur  de  la  capsule  buccale  est  encore  occupé,  dans  sa 
partie  profonde  et  à  la  face  ventrale,  par  deux  arêtes  tran- 
chantes et  pointues,  semblables  à  des  dents  de  scie;  Bugnion 
leur  donne  le  nom  de  lames  pharyngiennes,  et  Schulthess  les 
compare  à  des  pyramides  à  trois  faces.  Elles  rétrécissent  la  ca- 
vité buccale  à  tel  point  que  la  moitié  inférieure  n'est  plus  re- 
présentée que  par  un  canal  large  de  45  f*,  qui  conduit  directe- 
ment dans  l'œsophage.  Elles  sont  en  continuité  avec  la  capsule 
et  recouvertes  d'une  épaisse  couche  de  chitine;  néanmoins 
quelques  auteurs  les  considèrent  comme  douées  d'une  certaine 
mobilité  ;  elles  contribuent  encore  à  inciser  les  tissus  et  à  faire 
couler  le  sang,  par  exemple  lorsque  le  Ver,  faisant  jouer  les 
muscles  de  son  œsophage,  aspire  jusque  dans  le  fond  de  la 

(1,  'Ayy.0)ov,  crochu;  atôjxa,  bouche. 


ANKYLOSTOMA.    DUODENALE.  753 

capsule  buccale  une  villosité  ou  une  portion  de  la  muqueuse 
intestinale. 

On  peut  encore  observer  dans  la- bouche,  à  la  face  dorsale  et 
un  peu  en  arrière  de  Téchancrure  d,  une  éminence  conique 
dont  la  pointe  se  dirige  en  avant.  Elle  renferme  une  pulpe 
molle  et  striée,  que  recouvre  un  mince  revêtement,  et  pré- 
sente à  sa  surface  une  rainure  longitudinale,  qui  donne  à 
penser  qu'elle  représente  la  terminaison  de  quelque  organe 
glandulaire  ;  celui-ci,  toutefois,  serait  distinct  des  glandes  cé- 
phaliques,  qui  viennent  également  s'ouvrir  dans  la  bouche. 

Ces  glandes  ont  été  découvertes  par  Leuckart.  Ce  sont  deux 
organes  allongés,  qui  s'étendent  à  l'intérieur  du  corps  jusqu'au  delà 
de  la  moitié  et  qui,  chez  la  femelle,  vont  presque  jusqu'à  la  vulve; 
ils  sont  donc  plus  longs  que  les  glandes  cervicales.  Ils  atteignent  une 
largeur  maximum  de  0mm,15  vers  leur  partie  moyenne  et  s'effilent  à 
chacune  de  leurs  extrémités.  Sur  tout  leur  parcours,  ces  glandes  sont 
suspendues  à  la  moitié  dorsale  des  lignes  latérales,  mais  elles  se  dis- 
tinguent nettement  de  ces  dernières,  auxquelles  elles  ne  sont  que 
lâchement  unies;  elles  ont  parfois  aussi  des  connexions,  dans  leur 
partie  postérieure,  avec  quelques  anses  des  glandes  génitales. 

Les  glandes  céphaliques  ont  une  structure  fort  analogue  à  celle  des 
glandes  cervicales  :  elles  sont  formées  d'une  membrane  claire  et 
anhiste,  renfermant  un  contenu  granuleux,  mais  elles  sont  creusées 
d'un  assez  large  espace,  qui  résulte  probablement  de  la  liquéfaction 
de  la  partie  centrale.  Leur  canal  excréteur  remonte  sur  les  côtés  de  la 
capsule  buccale,  jusqu'au  bord  labial;  Leuckart  pense  qu'il  débouche 
à  la  face  externe  et  sur  le  côlé  du  bord  labial,  mais  Sehulthess  admet 
qu'il  s'ouvre  plutôt  dans  la  bouche,  à  côté  de  la  dent  externe 
(fig.  367,6). 

L'œsophage  (fig.  370,  b)  représente,  suivant  les  individus,  un 
dixième  à  un  cinquième  de  la  longueur  totale.  C'est  un  canal  cylin- 
drique et  large  de  0mm,07  à  0mm,09  dans  sa  première  moitié,  dont 
l'extrémité  se  taille  en  biseau  pour  loger  obliquement  la  capsule  buc- 
cale; il  se  renfle  en  massue  dans  sa  moitié  postérieure,  e,  et  acquiert 
peu  à  peu  une  largeur  de  0mm,13  à  0mm,17.  Sa  lumière  est  tapissée 
d'une  couche  chitineuse  d'abord  de  forme  triangulaire  (fig.  369,  A), 
elle  ne  tarde  pas  à  prendre  l'aspect  d'une  étoile  à  trois  branches, 
B,  C;  chacune  de  celles-ci  présente  à  ses  deux  faces  et  à  son  extré- 
mité des  saillies  plus  ou  moins  proéminentes  qui  constituent  autant 
de  crêtes  longitudinales  donnant  insertion  à  des  muscles. 

Ceux-ci  sont  de  deux  sortes,  longitudinaux  et  radiaires.  Les  fibres 
Blanchard.  —  Zool.  méd.  48 


754  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

radiaires  sont  surtout  développées;  elles  se  groupent  en  faisceaux 
qui,  dans  la  portion  renflée,  atteignent  une  assez  grande  longueur 
pour  que  leur  contraction  puisse  déterminer  une  dilatation  capable 
d'opérer  une  succion  énergique  sur  le  contenu  de  la  capsule  buccale 
ou  sur  les  parties  situées  en  avant  d'elle.  Les  faisceaux  musculaires 
ne  remplissent  point  toute  a  paroi  de  l'œsophage:  ils  laissent  entre 
eux  çà  et  là  des  lacunes  que  vient  combler  une  substance  granu- 
leuse. L'une  de  ces  lacunes,  qui  correspond  à  la  ligne  médio- 
dorsale,  est  remarquable  non  seulement  par  sa  largeur,  mais  aussi 
parce  qu'elle  se  continue  sur  toute  la  longueur  du  pharynx.  On 
trouve  trois  de  ces  lacunes  dans  la  première  moitié  de  l'œsophage  et 
neuf  dans  la  seconde.  Cette  dernière,  dont  la  cavité  ne  renferme 

Jr%      JW%      yV 


Fig.  369.  —  Coupes  du  squelette  chitineux  de  l'œsophage,  d'après  Schulthess. 
—  A,  coupe  faite  au  voisinage  de  la  capsule  buccale  ;  B,  coupe  pratiquée 
au  niveau  des  papilles  ;  C,  coupe  faite  dans  la  partie  inférieure. 


point  de  dents  chitineuses,  s'arrondit  à  son  extrémité  et  s'enfonce 
dans  l'intestin  comme  le  fait  le  col  de  l'utérus  dans  le  vagin  ;  cette 
portion  pénétrante  est  divisée  en  trois  lobules  qui  constituent  une 
sorte  de  valvule  s'opposant  au  retour  des  aliments  dans  l'œsophage 
et  dont  chacun  renferme  à  son  intérieur  un  noyau  cellulaire. 

L'intestin  (fig.  370,  h,  m)  est  rectiligne  et  plus  large  que  l'œsophage, 
en  sorte  qu'il  remplit  plus  de  la  moitié  de  la  cavité  du  corps,  dans 
laquelle  il  flotte  librement.  Il  présente,  sur  les  coupes,  les  formes 
les  plus  diverses,  mais  prend  dans  la  partie  postérieure,  au  voisinage 
de  l'anus,  l'aspect  d'une  fente  transversale.  11  est  limité  extérieurement 
par  une  mince  membrane  anhiste,  en  dedans  de  laquelle  se  voit 
une  masse  infiltrée  de  fines  granulations  brun  jaunâtre,  plus  foncées 
chez  le  mâle  que  chez  la  femelle.  Cette  masse  se  laisse  difficilement 
réduire  à  une  couche  de  cellules  épithéliales,  dont  la  taille  est  telle- 
ment exceptionnelle  que,  sur  une  coupe  transversale,  on  n'en  trouve 
jamais  que  deux  l'une  à  côté  de  l'autre.  La  surface  de  cet  épithélium 
est  tapissée  d'une  épaisse  couche  cuticulaire  qui,  comme  chez  Eu- 
strongylus  gigas,  s'est  transformée  en  un  revêtement  de  bâtonnets 
rigides. 


ANKYLOSTOMA   DUODENALE. 


755 


L'Ankylostome  se  nourrit  du  sang  de 
son  hôte  :  on  devra  donc  trouver  son 
intestin  gorgé  de  sang.  C'est  en  effet  ce 
qu'on  observe  chez  la  plupart  des  Vers 
examinés  aussitôt  après  leur  évacua- 
tion ou  trouvés  dans  des  autopsies  faites 
peu  de  temps  après  la  mort  ;  mais  quand 
celles-ci  sont  pratiquées  tardivement, 
les  Vers  ont  rejeté  le  sang  qu'ils  avaient 
absorbé  ou  bien  ont  eu  le  temps  de  le 
digérer  :  aussi  est-il  habituel  de  voir  leur 
intestin  vide.  Ainsi  s'explique  com- 
ment quelques  auteurs,  parmi  lesquels 
se  trouve  Sangalli,  ont  pu  croire  que 
l'helminthe  ne  se  nourrit  point  de  ce 
liquide. 

Le  rectum  est  fort  court  et  s'ouvre, 
chez  la  femelle,  à  la  base  de  la  pointe 

Fig.  370.  —  Ankylostoma  duodenale  mâle,  très 
grossi,  d'après  Schulthess.  —  a,  capsule  buc- 
cale; b,  œsophage;  c,  collier  œsophagien;  d, 
pore  excréteur;  e,  extrémité  postérieure  de 
l'œsophage  ;  f,  cuticule  ;  g,  couche  musculaire  ; 
h,  début  de  l'intestin  ;t,  glande  cervicale  droite; 
/»,  glande  cervicale  gauche;  /,  canal  excréteur 
de  la  glande  cervicale  gauche  ;  ?n,  intestin  ; 
n,  tube  testiculaire  ;  o,  cul-de-sac  du  tube 
testiculaire  ;  p,  vésicule  séminale  ;  q,  canal 
éjaculateur  ;  r,  extrémité  antérieure  des  spi- 
cules;s,  spicules  ;  t,  papille  latérale  gauche; 
u,  papille  anale;  v,  pièce  chitineuse  creuse, 
en  arrière  des  glandes  anales  ;  w,  tronc  des 
deuxième,  troisième  et  quatrième  côtes  laté- 
rales; x,  côte  antérieure  gauche;?/,  côte  anté- 
rieure droite;  z,  troisième  côte  latérale  droite. 


756  ORDRE  DES  NEMATODES. 

caudale  et  sur  le  milieu  de  la  face  ventrale  (fig.  374,  e)  ;  chez  le 
mâle,  il  s'unit  aux  organes  génitaux  pour  former  un  cloaque 
qui  débouche  dans  le  fond  de  la  bourse  copulatrice.  Dans  ce 
cloaque  viennent  se  jeter  d'autre  part  deux  paires  de  glandes 
anales  (fig.  373,  d,  d'),  dont  l'analogue  n'existe  point  chez  la 
femelle. 

L'appareil  génital  mâle  est  constitué  par  un  tube  qui  est  au 
moins  deux  fois  aussi  long  que  le  corps.  Chez  un  individu  long 
de  7mm,5,  il  mesure  15mm,7,  savoir  :  llmm,5  pour  le  testicule, 
1  millimètre  pour  la  vésicule  séminale  et  3mm,2  pour  le  canal 
éjaculateur. 

Le  testicule  (fig.  370,  w),  est  un  canal  filiforme  qui  occupe  surtout 
le  second  quart  de  la  longueur  du  corps.  Il  se  compose  essentielle- 
ment d'une  branche  ascendante,  qui  commence  par  un  cul-de-sac,  o, 
situé  un  peu  en  arrière  de  la  vésicule  séminale,  et  une  branche  des- 
cendante qui  aboutit  à  cette  dernière.  Ces  deux  branches  s'observent 
facilement  chez  les  jeunes,  mais  sont  moins  reconnaissables  chez  les 
adultes,  à  cause  des  nombreuses  circonvolutions  qu'elles  décrivent, 
par  suite  de  l'allongement  de  l'organe  :  ces  circonvolutions  ne  s'en- 
roulent pas  complètement  autour  de  l'intestin,  mais  s'appliquent 
seulement  contre  ses  faces  ventrale  et  latérales.  Les  cellules-mères  des 
spermatozoïdes  prennent  naissance  sur  un  rachis. 

La  vésicule  séminale,  p,  est  située  vers  le  milieu  du  corps;  le  tes- 
ticule vient  y  déboucher  brusquement.  C'est  une  poche  longue  de 
1  millimètre  à  lmm,5,  large  de  0mm,5,  remplie  de  spermatozoïdes  en 
forme  de  bâtonnet  et  longs  de  10  p.„ 

Le  canal  éjaculateur,  q,  vient  à  la  suite  de  la  vésicule  séminale  ; 
d'après  Leuckart,  la  communication  se  ferait  au  moyen  d'un  canal 
rétréci  et  contourné  en  S.  Cet  organe  occupe  la  moitié  postérieure 
de  la  cavité  du  corps,  sauf  la  partie  dorsale,  qui  renferme  l'intestin  ; 
il  est  claviforme,  plus  effilé  en  arrière  et  s'unit  à  l'extrémité  du  rec- 
tum pour  constituer  le  cloaque.  Son  tiers  postérieur  est  rattaché  à  la 
paroi  du  corps  par  des  muscles  particuliers  (fig.  372  et  373,  m),  qui  pren- 
nent insertion  sur  sa  face  ventrale  et  remontent  obliquement  d'arrière 
en  avant  pour  aller  se  fixer  aux  lignes  latérales.  Ces  muscles  (Bursal- 
muskeln  de  Schneider)  sont  constitués  par  d'étroits  faisceaux,  légè- 
rement séparés  les  uns  des  autres.  On  trouve  en  outre,  dans  la  paroi 
môme  du  canal,  de  puissants  muscles  annulaires. 

Les  deux  spicules  (fig.  370,  s;  fig.  371  et  373,  p)  sont  logés  à  la 
face  dorsale  et  sur  les  côlés  de  l'intestin.  Ce  sont  deux  bâtonnets 
brunâtres,  minces  et  élastiques,  ayant  jusqu'à  2  millimètres  de  Ion- 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  757 

gueur:  assez  larges  à  l'extrémité  antérieure  (fig.  370,  r),  ils  se  rétrécis- 
sent assez  rapidement  et  vont  en  s'effilant  de  plus  en  plus  jusqu'à 
leur  extrémité  libre  ;  ils  sont  striés  en  travers  sur  presque  toute  leur 
longueur.  Chacun  d'eux  est  renfermé  dans  une  longue  gaine  de  tissu 
granuleux  (fig.  371,  gp),  qui  s'étend  en  avant  jusqu'au  voisinage  de 
la  vésicule  séminale  et  en  arrière  jusqu'à  celui  de  la  papille  anale 
(fig.  370,  n).  Les  spicules  s'écartent  l'un  de  l'autre,  comme  les  deux 
branches  d'un  Y,  par  leur  extrémité  antérieure;  ils  sont  juxtaposés  et 
plus  ou  moins  rectilignes  dans  le  reste  de  leur  parcours,  si  ce  n'est 
qu'ils  divergent  de  nouveau  à  leur  extrémité  libre. 

La  position  de  l'orifice  cloacal  est  indiquée  par  celle  de  la  papille 
anale  (fig.  370,  u;  fig.  372,  pa),  qui  se  voit  au  fond  de  la  bourse  co- 
pulatrice  et  du  côté  ventral.  Cette  papille  est  d'assez  grande  taille 
et  limitée  de  chaque  côté  par  un  prolongement  digitiforme  du  tissu 
sous-cuticulaire (fig. 372 et 373,  h);  en  examinant  l'animal  par  sa  face 
latérale,  on  l'aperçoit  aisément  entre  la  côte  ventrale  et  le  tronc  d'où 
se  détache  la  quatrième  côté  latérale.  En  regard  de  cette  papille,  et 
reportée  vers  la  partie  dorsale,  on  remarque  une  pièce  chitineuse 
particulière  (fig.  370,  v;  fig.  372  et  373,  h),  creusée  d'une  rainure 
comme  une  sonde  cannelée.  C'est  dans  cette  rainure  que  s'engagent 
et  glissent  les  spicules,  lorsqu'ils  sortent  du  cloaque;  chez  la  plupart 
des  mâles,  on  les  trouve  ordinairement  à  moitié  sortis. 

La  bourse  copulatrice  est  une  sorte  de  pavillon  formé  par 
un  repli  du  tégument  et  dont  le  bord  est  divisé  en  quatre  lobes 
inégaux  par  des  échancrures  peu  profondes.  Le  lobe  dorsal 
(fig.  371,  372  et  373,  f)  est  le  plus  petit;  les  lobes  latéraux 
(fig.  371  et  373,  g)  sont  les  plus  grands;  le  lobe  ventral,  qui  est 
de  taille  intermédiaire,  est  très  surbaissé,  mais  est  notablement 
plus  large  que  le  dorsal. 

La  striation  transversale  de  la  cuticule  reste  régulière  jus- 
qu'à l'origine  de  la  bourse.  Celle-ci  est  marquée  à  ses  deux 
faces  de  stries  longitudinales  qui  s'infléchissent  autour  du  bord 
libre,  pour  passer  de  la  face  externe  à  la  face  interne.  Il  n'y 
a  d'exception  que  pour  le  lobe  ventral,  dont  la  face  externe  est 
encore  parcourue  de  stries  transversales,  continues  avec  celles 
du  reste  du  corps.  En  certains  points  de  la  face  interne 
(fig.  372,  ma),  les  stries  se  bifurquent  et  se  ramifient;  cela 
s'observe  plus  aisément  sur  les  lobes  latéraux  que  sur  le  lobe 
dorsal. 

L'épaisseur  de  la  bourse  est  parcourue  par  onze  côtes  rayon- 


7o! 


ORDRE  DES  NÉMATODES. 


...ea 


nantes  :  la  disposition  de  ces  organes  est  caractéristique  et  sert, 

chezles  Strongles  et  les 
Ankylostomes,  à  la  dis- 
tinction des  espèces. 
Chez  l'animal  qui  nous 
occupe,  la  côte  dorsale 
ou  postérieure  (fig.  371, 
372  et  373,  cp)  est  im- 
paire, toutes  les  autres 
étant  symétriques  :  elle 
se  bifurque  à  son  extré- 
mité et  chacune  de  ses 
branches  se  divise  à  son 
tour  en  trois  digitations. 
De  chaque  côté  de  la 
côte  dorsale  se  sépare 
encore  une  autre  côte, 
c1,  qui  se  porte  dans  la 
région  postérieure  du 
lobe  latéral  correspon- 
dant :  Leuckart  la  dési- 
gne sous  le  nom  de  pre- 
mière côte  latérale.  La 
partie  moyenne  du  lobe 
latéral  est  encore  par- 
courue par  trois  grosses 
côtes,  c2,  c3  et  c'%  qui  se 
séparent  en  divergeant 
d'un  tronc  commun  (fig. 
370,  w)  :  ce  sont  les 
deuxième, troisième  (fig. 
370,  s)etquatrièmecôtes 
latérales.  Enfin,  le  tronc 
de  ces  trois  dernières 
côtes  émet  par  sa  base 
une  cinquième  côte  laté- 
rale  ou    côte    ventrale 


Fig.  371.  —  Bourse  du  mâle  vue  par  la  face 
dorsale,  d'après  Schulthess.—  a,  cuticule; 
b,  couche  musculaire;  c,  tronc  de  la  côte 
dorsale  et  des  deux  premières  côtes  laté- 
rales ;  ca,  côte  antérieure  ou  ventrale;  cp, 
côte  postérieure  ou  dorsale;  c*,  première 
côte  latérale;  c2,  deuxième;  c3,  troisième; 
c'f,  quatrième  ;  f,  lobe  dorsal  de  la  bourse  ; 
,7,  bord  du  lobe  latéral  gauche  de  la  bourse  ; 
(//>,  gaine  du  spicule;  ;>,  spicule;  r,  rectum; 
si,  ligne  latérale.  — N.  B.  Lire  c  et  ca,  au 
lieu  de  e  et  ea. 


(fig.  370,  x%  y;  fig.  371, 
372  et  373,  ea),  qui  vient  se  terminer  au  niveau  de  l'échan- 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  759 

crure  qui  sépare  le  lobe  ventral  des  deux  lobes  latéraux.  Cette 
dernière  côte,  assez  puissante,  est' profondément  échancrée  à 
son  extrémité. 

Chacune  de  ces  onze  côtes  aboutit  à  une  petite  papille  cuti- 
culaire,  située  à  l'une  ou  à  l'autre  face  de  la  bourse  et  plus  ou 
moins  loin  du  bord.  Les  papilles  des  première  et  quatrième 
côtes  latérales  sont  à  quelque  distance  du  bord  et  à  la  face 
externe;  celles  des  côtes  dorsale  et  ventrale,  ainsi  que  des 


t?s 


<yz     y 


Fig.  372.  —  Bourse  vue  par  la  face  ventrale,  d'après  Schulthess.  —  h,  pièce 
chitineuse  en  forme  de  sonde;  i,  échancrure  séparant  le  lobe  ventral  du 
lobe  latéral  de  la  bourse  ;  m,  muscles  de  la  bourse;  n,  expansion  digiti- 
forme  limitant  la  papille  anale  ;  nay  point  où  les  stries  de  la  cuticule  se 
bifurquent;  pa,  papille  anale.  — Les  autres  lettres  comme  dans  la  figure 
précédente. 

deuxième  et  troisième  côtes  latérales,  se  voient  à  la  face  interne 
et  au  voisinage  du  bord. 

Les  côtes  sont  des  prolongements  du  tissu  sous-cuticulaire  : 
on  y  reconnaît  des  parties  granuleuses  et  des  fibres,  dont  on 
voit  nettement  les  faisceaux  se  séparer  dans  le  tronc  des  côtes 
latérales.  Grâce  à  ces  faisceaux  musculaires,  la  bourse  est 
douée  d'une  certaine  mobilité  :  elle  s'étale  ou  se  resserre  au 
gré  de  l'animal  et  peut  jouer  ainsi,  dans  l'acte  de  la  copulation, 
le  rôle  d'un  appareil  de  fixation. 

L'appareil  génital  femelle  (fig.  374)  se  compose  de  deux  tubes 


760 


ORDRE   DES  NEMATODES. 


dont  la  longueur  totale  est  à  peu  près  cinq  fois  supérieure  à 
celle  de  l'animal  lui-même;  chez  une  femelle  de  taille  moyenne, 
cette  longueur  est  de  65mm,6,  savoir  :  50  millimètres  pour  les 
deux  ovaires  et  15mm,6  pour  les  deux  utérus. 

La  cavité  du  corps  est  remplie,  depuis  la  terminaison  de  l'œso- 


Fig.  373.  —  Bourse  vue  par  la  face  latérale  gauche,  d'après  Schulthess.  — 
rf,  paire  supérieure  de  glandes  anales;  d,  paire  inférieure  de  glandes 
anales  ;  A,  pièce  chitineuse  en  forme  de  sonde  ;  /,  lobe  ventral  de  la  bourse 
replié  sur  lui-môme;  n,  prolongement  de  la  couche  musculaire  dans  la 
papille  anale;  o,  ligne  latérale.  Les  autres  lettres  comme  dans  les  deux 
figures  précédentes.  —  N.  B.  Lire  ca  et  c/;,  au  lieu  de  ea  et  ep. 


phage  jusqu'à  l'anus,  par  un  nombre  considérable  de  circonvolutions 
formées  par  les  deux  tubes  génitaux,  mais  surtout  par  les  ovaires  : 
ceux-ci  ont  un  parcours  assez  différent  pour  qu'on  doive  les  étudier 
l'un  après  l'autre. 

L'ovaire  antérieur,  p,o,i,  débute  par  un  cul-de-sac  situé  au  niveau 
de  l'union  de  l'œsophage  avec  l'intestin.  Tout  en  décrivant  de  nom- 


ANKYLOSTOMA  DL'ODENALE. 


m 


breuses  sinuosités,  il  se  porte  en  arrière  jusqu'à 
l'anus,  au  niveau  duquel  il  rebrousse  chemin 
pour  regagner  son  point  de  départ;  au  moment 
de  l'atteindre,  il  s'infléchit  vers  la  face  ventrale 
et  se  jette  dans  l'utérus  antérieur,  h,  qui  court 
d'avant  en  arrière,  appliqué  contre  cette  face. 

L'ovaire  postérieur,  n,  m,  l,  k,  prend  naissance 
au  même  niveau  que  son  congénère  et,  comme 
lui,  se  porte  en  arrière;  mais  arrivé  au  niveau 
de  la  vulve,  il  rebrousse  chemin  et  remonte  vers 
son  point  de  départ;  il  s'infléchit  alors  derechef 
et  court  tout  le  long  de  la  face  dorsale  jusqu'à 
l'anus,  au  niveau  duquel  il  se  jette  dans  l'utérus 
postérieur,  g.  Celui-ci  marche  d'arrière  en  avant, 
le  long  de  la  face  ventrale,  et  finit  par  rencontrer 
l'utérus  antérieur,  avec  lequel  il  se  fusionne.  De 
Ja  réunion  de  ces  deux  tubes  résulte  un  court  va- 
gin, qui  s'ouvre  aussitôt  sur  la  ligne  médio-ven- 
trale.  La  vulve,  f,  se  voit  à  un  millimètre  enviro  n 
en  arrière  de  la  moitié  du  corps  :  c'est  une  fen  te 
transversale  à  lèvres  saillantes,  large  de  95  p. 

L'ovaire  a  une  largeur  maximum  de  7o  y.;  les 
ovules  qui  s'y  forment  sont  disposés  en  rayonnant 
autour  du  rachis.  Dans  sa  portion  externe  ou 
oviducte,  le  rachis  fait  défaut  et  les  ovules  sont 
libres  ;  ils  sont  serrés  les  uns  contre  les  autres  et 
mesurent  30  {/.  sur  28  u..  La  paroi  de  ce  tube  est 
revêtue  intérieurement  d'une  couche  claire,  au 
sein  de  laquelle  on  voit  çà  et  là  des  noyaux. 

L'utérus  est  d'emblée  notablement  plus  large 
que  l'ovaire  ;  il  est  dépourvu  de  fibres  muscu- 
laires et  est  tapissé  à  sa  face  interne  de  grandes 
cellules  épithéliales,  rappelant  celles  de  l'intestin  : 
ces  cellules  sont  groupées  en  quatre  colonnes  lon- 
gitudinales et  sont  jusqu'à  dix  fois  plus  larges  que 
longues;  leur  épaisseur  n'est  que  de  17j/..  L'utérus 
est  rempli  d'ovules,  au  milieu  desquels  on  re- 


// 


J 


Fig.  374.  —  Schéma 
de  l'appareil  gé- 
nital femelle,  d'a- 
près Schulthess. 
—  a,  bouche  ;  b, 
œsophage;  c,  in- 
testin ;  d,  point  de 
réflexion  de  la 
branche  descendante  du  tube  génital  antérieur;  <?,  anus;  /",  vulve  et  vagin; 
g,  utérus  postérieur;  /i,  utérus  antérieur;  i,  continuation  de  l'utérus  anté- 
rieur avec  le  tube  ovarien  correspondant;  &,  continuation  de  l'utérus  pos- 
térieur avec  le  tube  ovarien  correspondant;  /,  m,  réflexions  de  l'ovaire  pos- 
térieur; ?i,  sa  terminaison  en  cul-de-sac;  p,  terminaison  en  cul-de-sac  de 
l'ovaire  antérieur. 


762  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

marque  un  grand  nombre  de  spermatozoïdes  coniques  et  immobiles. 
C'est  en  effet  dans  sa  cavité  que  la  fécondation  s'opère  :  le  sperme 
s'y  accumule  après  l'accouplement  et  s'y  conserve  longtemps  intact. 
L'œuf  est  donc  fécondé  quand  il  quitte  l'utérus  ;  il  s'est  entouré  d'une 
coque  chitineuse  et  parfois  même  a  déjà  parcouru  les  premiers  stades 
de  la  segmentation. 

Sur  une  longueur  de  0mm,3,  la  terminaison  de  l'utérus  se  trans- 
forme en  un  tube  entouré  de  deux  puissantes  couches  musculaires 
formées  de  fibres  diagonales  serrées  :  ces  fibres  s'enroulent  en  sens 
inverse,  de  manière  à  se  croiser  presque  à  angle  droit.  Ce  tube, 
que  Leuckart  et  Schulthess  considèrent  comme  le  vagin,  malgré  sa 
duplicité,  est  revêtu  d'un  épithélium  dont  les  cellules,  larges  de  80  p. 
et  épaisses  de  40  p.,  proéminent  à  son  intérieur  et  réduisent  sa  lumière 
à  un  canal  étroit,  mais  extensible,  tapissé  d'une  cuticule.  Ces  cellules 
sont  claires,  finement  granuleuses  et  renferment  un  noyau  large  de 
10  p.;  comme  celles  du  reste  de  l'utérus,  elles  se  disposent  sur  quatre 
rangées. 

Le  véritable  vagin  est  représenté  par  le  court  canal  transversal  qui 
résulte  de  l'union  des  deux  utérus  et  se  rend  à  la  vulve.  Ce  canal  ne 
possède  plus  qu'une  seule  couche  de  fibres  musculaires  longitudi- 
nales ;  il  ne  renferme  plus  l'épithélium  que  nous  venons  de  décrire 
mais  est  limité  intérieurement  par  une  épaisse  cuticule.  De  la  ligne 
latérale  droite  partent  deux  faisceaux  de  fibres  musculaires  qui, 
nés  à  0mm,2o  l'un  de  l'autre,  se  dirigent  l'un  vers  l'autre  et  se 
rejoignent  au  pourtour  de  la  vulve;  il  est  à  remarquer  que  rien 
de  semblable  n'existe  du  côté  gauche. 

L'accouplement  se  fait  dans  l'intestin  :  le  mâle  se  fixe  au 
niveau  de  la  vulve  et  embrasse  étroitement  le  corps  de  la  fe- 
melle au  moyen  de  sa  bourse  copulatrice;  ses  spicules  s'intro- 
duisent dans  le  vagin  et  aident  encore  à  le  consolider;  peut- 
être  même  sa  papille  anale  s'introduit-elle  dans  la  vulve.  Les 
deux  individus  en  copulation  prennent  l'aspect  d'un  Y  dont 
l'une  des  branches  et  le  pied  sont  représentés  par  la  femelle  et 
l'autre  branche  par  le  mâle.  Ils  restent  probablement  accouplés 
pendant  plusieurs  jours  consécutifs,  puisqu'on  trouve  des  cou- 
ples dont  les  femelles  renferment  déjà  des  œufs  segmentés;  les 
vermifuges  sont  souvent  impuissants  à  leur  faire  lâcher  prise. 
Lutz  dit  que,  sur  100  femelles,  on  en  trouve  une  en  copulation  ; 
mais  c'est  là  une  exagération. 

A.  Dubini,   Nuovo  verme  intestinale    nmano   (Âgchylostoma  duodenale), 
Ituente  un  seslo  génère  dei  Nematoidei  proprii  del?  uomo.  Annali  uuiv. 


ANKYLOSTOMA   DUODENALE.  763 

di  raed.  d'Omodei,  CVI,  p.  5-13,  1843.  —  Id.,  Entozoografia  umana.  Milano, 
1850. 

C.  Th.  von  Siebold,  Ein  Beitrag  zur  Helminthographia  humana....  Z.  f. 
w.  Z.,  IV,  p.  53,  1852.  Voir  p.  55. 

Ed.  Bugnion,  V  Ankylostome  duodénal  et  l'anémie  du  Saint-Gothard.  Revue 
méd.  de  la  Suisse  romande,  n°s  5  et  7,  1881.  Genève,  in-8°  de  62  p.,  1881. 

M.  Schulthess,  Ankylostoma  duodenale.  Zoolog.  Anzeiger,  IV,  p.  379,  1881. 
—  Id.,  Beitràge  zur  Anatomie  von  Ankylostoma  duodenale  {Dubini)  = 
Dochmhts  intestinalis  {Leuckart).  Z.  f.  w.  Z.,  XXXVII,  p.  163,  1882. 

P.  Mégnin,  Sur  l'organisation  de  la  bouche  des  Dochmius  ou  Ankylostomes, 
à  propos  de  parasites  de  ces  deux  genres  trouvés  chez  le  Chien.  Comptes 
rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  XCIV,  p.  G63,  1882.  —  Id.,  Ankylostomes  et 
Dochmies.  Bull,  de  la  Soc.  Zool.  de  France,  VII,  p.  282,  1882. 

Ed.  Perroncito,  L'anémie  des  mineurs  au  point  de  vue  parasitologique. 
Archives  ital.  de  biologie,  II,  p.  315,  1882;  III,  p.  7,  1883. 

J.  Chatin,  Sur  la  reviviscence  de  l'Anchylostome  duodénal.  Compte  rendu 
de  la  Soc.  de  biologie,  p.  503,  1885. 

O.  Leichtenstern,  Zur  Entwicklungsgeschichte  von  Ankylostoma  duodenale. 
Centralblatt  fur  klin.  Medicin,  VII,  p.  132,  1886. 

L'Ankylostome  habite  le  duodénum  et  surtout  les  deux  tiers 
antérieurs  du  jéjunum  ;  Dubini  ne  l'a  jamais  vu  dans  l'estomac 
ni  dans  le  gros  intestin  et  ne  l'a  observé  qu'une  seule  fois  dans 
l'iléon;  mais,  suivant  Bâumler,  on  pourrait  le  voir,  dans  cer- 
tains cas,  s'avancer  assez  loin  dans  celui-ci.  Grâce  à  son  arma- 
ture buccale,  il  se  fixe  à  la  muqueuse,  entre  les  villosités,  et 
on  ne  peut  l'en  détacher  qu'avec  une  certaine  difficulté;  on  le 
brise  plutôt  que  de  lui  faire  lâcher  prise.  Il  s'étend  dans  le  sens 
du  cours  des  aliments,  le  dos  appliqué  contre  la  paroi. 

Avec  ses  dents,  le  Ver  perce  la  muqueuse  et  dilacère  les  ca- 
pillaires sanguins;  souvent  même  il  enfonce  dans  l'épaisseur  de 
la  muqueuse  toute  la  partie  antérieure  de  son  corps,  allant  à  la 
rencontre  de  troncs  vasculaires  plus  volumineux.  Parfois  en- 
core, on  trouve  au-dessous  de  la  muqueuse  de  petites  cavités 
pleines  de  sang,  dans  lesquelles  on  voit  un  Ver  enroulé  sur 
lui-même  et  gorgé  de  sang;  ce  fait  a  été  observé  par  Bilharz, 
Grassi,  Niepce  et  d'autres. 

Il  se  produit  donc,  au  point  où  s'implante  l'helminthe,  une 
hémorrhagie  capillaire  :  par  suite  de  la  déchirure  de  la  mu- 
queuse et  des  vaisseaux  sanguins,  le  sang  s'écoule  dans  l'intes- 
tin et  celui-ci  se  montre  rempli  d'un  liquide  épais,  comme  gé- 
latineux, d'une  odeur  sui  generis  et  d'une  couleur  cendrée  ou 
rouge  obscur,  liquide  dont  la  coloration  est  en  rapport  avec  le 
nombre  des  parasites  attachés  à  la  paroi.  L'animal  lui-même 


764  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

exerce  sur  les  capillaires  une  succion  énergique  et  se  gorge  de 
sang;  il  ne  l'absorbe  point  en  totalité,  mais  peut  le  rendre  à 
l'état  de  pureté  par  l'anus  (Grassi  et  Leichtenstern). 

L'hémorrhagie  ainsi  produite  est  de  faible  importance  et  est 
aisément  compensée  par  l'apport  incessant  de  matières  nutri- 
tives dans  l'organisme,  quand  les  Ankylostomes  sont  peu  nom- 
breux et  s'attaquent  à  un  individu  vigoureux.  Au  contraire, 
lorsque  les  parasites  sont  nombreux  et  portés  par  un  hôte 
débilité  ou  mal  nourri  et  soumis  à  une  mauvaise  hygiène, 
ainsiqu'àdescauses  prolongées  d'infestation,  ils  produisent  une 
grave  maladie,  à  laquelle  on  donne  les  noms  les  plus  divers,  sui- 
vant les  pays,  mais  qu'il  convient  de  désigner  sous  le  nom 
tiankylostomasie.  On  trouve  alors  dans  l'intestin  plusieurs  cen- 
taines de  parasites,  parfois  même  plusieurs  milliers  (jusqu'à 
3000  et  plus)  ;  renouvelés  sans  cesse,  ceux-ci  demeurent  long- 
temps dans  l'intestin,  et  l'individu  qui  les  héberge,  saigné  sans 
interruption  pendant  des  mois  et  même  des  années  par  tous 
ces  parasites  qui  se  repaissent  de  son  sang,  va  en  s'affaiblissant 
de  plus  en  plus  et  finit  par  présenter  tous  les  signes  d'une  pro- 
fonde anémie,  accompagnée  de  graves  troubles  digestifs,  dus  à 
ce  que  le  Ver  s'attaque  à  la  portion  la  plus  active  de  l'intestin  ; 
la  terminaison  est  fréquemment  fatale.  Grassi,  Bozzolo  et  Con- 
cato  ont  constaté  une  grande  diminution  dans  le  nombre  des 
globules  rouges  du  sang;  la  teneur  de  ce  liquide  en  hémoglo- 
bine est  diminuée  de  plus  de  moitié.  Il  n'est  pas  douteux  que 
le  Ver  ne  soit  la  cause  directe  de  l'anémie;  néanmoins,  quel- 
ques auteurs,  comme  P.  Fabre  (de  Commentry)  et  Trossat,  lui 
dénient  encore  ce  rôle. 

Wucherer  n'a  jamais  vu  le  parasite  ni  ses  œufs  dans  les  déjections 
des  malades,  même  après  usage  du  suc  de  Gamelleira.  L'helminthe, 
en  effet,  est  assez  rare  dans  les  selles,  car  il  ne  quitte  pas  volontiers 
l'intestin,  mais  ses  œufs  sont  toujours  plus  ou  moins  abondants  : 
Campiglio  en  a  compté  jusqu'à  50  à  80  par  gramme  de  matières 
fécales;  chez  un  malade  qui  hébergeait  567  femelles,  Leichtenstern 
évalue  ai  216  930  les  nombre  des  œufs  renfermés  dans  une  seule 
selle  du  poids  de  223  grammes. 

Bilharz  estimait  que  les  mâles  étaient  trois  fois  moins  nombreux 
que  les  femelles.  D'autres  observateurs  ont  donné  des  chiffres  très 
différents  ;  mais,  qu'on  recherche  les  Vers  à  l'autopsie  ou  dans  les 


ÀNKYLOSTOMÀ  DUODENALE.  705 

selles,  après  ingestion  d'un  purgatif  ou  d'un  anthelminthique,  les 
mâles  sont  toujours  plus  rares  que  les  femelles. 

Cette  différence  tient  à  ce  que  le  mâle  vit  moins  longtemps  que  la 
femelle  :  suivant  qu'on  étudie  la  proportion  numérique  des  sexes  peu 
de  temps,  ou  au  contraire  longtemps  après  l'infestation,  on  note 
donc  de  grandes  variations  dans  le  nombre  des  mâles;  ceux-ci  finis- 
sent même  par  disparaître,  alors  que  les  femelles,  plus  vivaces,  sont 
encore  abondantes.  D'autre  part,  ainsi  que  E.  Parona  l'a  découvert, 
les  mâles  résistent  mieux  que  les  femelles  à  l'action  des  anthelmin- 
thiques;  ils  ne  se  montrent  guère  que  dans  les  dernières  selles.  Chez 
un  individu  qui  expulsa  en  tout  131  mâles  et  189  femelles  , 
les  mâles  étaient  aux  femelles  dans  la  proportion  de  1  :  i,44,  savoir  : 

La  lre  selle  contenait      S  mâles  et  104  femelles. 
2°  —  16      —  19        — 

3e  —  107      —  66        — 

Leichtenstern  a  observé  des  faits  du  même  genre  ;  un  individu 
évacua  38  mâles  et  131  femelles,  soit  1  :  3,44. 

La  lre  selle  contenait    10  mâles  et  124  femelles. 
2e  —  28      —  7        — 

Le  parasite  est  doué  d'une  grande  longévité,  que  Schulthess  esti- 
mait à  8  mois  au  maximum;  mais  Leichtenstern  a  encore  vu  le  Ver, 
chez  un  briquetier  anémique,  21  mois  après  que  celui-ci  eut  cessé 
tout  travail.  L'animal  est  incapable  de  se  reproduire  dans  l'intestin  de 
l'Homme  :  quand  la  maladie  n'a  pas  atteint  trop  profondément  l'or- 
ganisme, et  quand  le  malade  est  tenu  longtemps  à  l'écart  des  causes 
d'infestation ,  la  guérison  peut  donc  s'établir  spontanément,  par 
suite  de  la  mort  successive  de  chacun  des  parasites. 

L'ankylostomasie  est  extrêmement  répandue  à  la  surface  du 
globe.  En  Europe,  elle  est  connue  sous  le  nom  iïanémie  des  mi- 
neurs, maladie  décrite  pour  la  première  fois,  en  1802,  par  Noël 
Halle  chez  des  mineurs  d'Anzin  et  dont  la  cause  est  longtemps 
demeurée  inconnue  ;  on  l'attribuait  naguère  encore  à  de  mau- 
vaises conditions  hygiéniques,  à  Faction  de  gaz  délétères,  etc. 
L'attention  fut  attirée  sur  elle  en  1879,  le  jour  où,  à  Turin,  à  la 
clinique  de  Bozzolo,  Graziadei  trouva  le  parasite  en  faisant 
l'autopsie  d'un  mineur  anémique  qui  avait  travaillé  au  perce- 
ment du  tunnel  du  Saint-Gothard.  Un  grand  nombre  de  mi- 
neurs avaient  déjà  succombé  dans  de  semblables  circonstances; 
des  centaines  moururent  encore  et  chez   tous  on    retrouva 


766  ORDRE  DES  NEMATODES. 

l'helminthe.  Aussi  Perroncito  proclama-t-il  que  l'anémie  des 
ouvriers  du  Saint-Gothard  était  d'origine  purement  parasitaire. 
Ce  même  savant  constata  lui-même  la  présence  de  l'helminthe 
chez  les  mineurs  anémiques  de  Saint-Étienne,  fait  confirmé 
plus  tard  par  Trossat  et  Éraud  ;  Lesage  et  Manouvriez  firent  la 
même  observation  chez  ceux  de  Valenciennes.  Fabre  et  Dran- 
sart  l'ont  encore  rencontré  dans  les  mines  de  Commentry  ; 
G.  Parona,  puis  Bergesio  et  Aicardi  dans  quelques  mines 
sardes. 

Les  ouvriers  du  Saint-Gothard  avaient  à  leur  disposition  de 
l'eau  puisée  dans  le  Tessin  ;  elle  était  d'une  limpidité  parfaite 
et  était  amenée  dans  les  galeries  renfermée  dans  des  wagon- 
nets. Ce  n'était  pas  à  cette  eau  qu'il  fallait  attribuer  l'épidémie, 
mais  bien  plutôt  aux  flaques  stagnant  en  divers  points  du  tun- 
nel. Ces  flaques  d'eau,  dans  lesquelles  les  ouvriers  déposaient 
leurs  excréments,  étaient  bien  le  milieu  le  plus  favorable  pour 
le  développement  des  Vers  ;  nous  savons  déjà  par  quel  procédé 
ils  pouvaient  passer  de  là  dans  l'intestin  de  l'Homme. 

L'anémie  causée  par  l'Ankylostome  ne  s'observe  pas  dans  toutes 
sortes  de  mines.  Dans  les  mines  de  sel  gemme  de  Wieliczka,  près 
Cracovie,  'elle  n'a  jamais  été  constatée  :  cela  tient,  ainsi  que  nous 
l'avons  démontré,  à  la  salure  des  eaux  qui,  à  peu  près  concentrées, 
constituent  un  milieu  dans  lequel  les  larves  ne  sauraient  se  déve- 
lopper. 

En  Hongrie,  la  maladie  a  été  signalée  dans  les  mines  d'or  de 
Schemnitz  par  Schillinger,  Tôth  et  Perroncito,  mais  n'a  jamais  été 
vue  dans  celles  de  Kremnitz,  bien  que  ces  deux  villes  soient  voisines 
l'une  de  l'autre,  et  que  les  mines  y  soient  exploitées  par  des  ouvriers 
qui  passent  fréquemment  de  l'une  à  l'autre. 

Nous  avons  démontré  que  cela  lient  à  la  nature  de  la  roche  :  à 
Kremnitz,  celle-ci  est  constituée  par  de  la  marcassite,  sorte  de 
bisulfure  de  fer  qui,  à  l'air  humide,  se  désagrège  en  donnant  de 
l'acide  sulfurique  libre.  C'est  donc  à  l'acidité  des  eaux  qui  stagnent 
dans  les  galeries  qu'il  faut  attribuer  l'absence  de  l'Ankylostome.  A 
Schemnitz,  la  roche  renferme  une  moindre  quantité  de  marcassite  ; 
aussi  a-t-on  pu  voir,  jusqu'en  1881,  l'anémie  y  sévir;  nous  dirons 
tout  à  l'heure  par  suite  de  quelles  mesures  elle  a  disparu. 

L'ankylostomasie  a  encore  été  signalée  récemment  dans  le 
bassin  houiller  de  Liège  par  Firket,  puis  par  Masius  et  Fran- 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  767 

cotte,  et  dans  celui  d'Aix-la-Chapelle  par  G.  Mayer  et  Vôlckers. 

Grassi  et  les  deux  Parona  ont  également  reconnu,  en  1879, 
que  l'helminthe  était  la  cause  de  l'anémie  des  briquetiers  et  des 
tuiliers,  connue  depuis  longtemps  en  Allemagne  et  attribuée 
par  quelques  auteurs  aux  émanations  des  fours.  Graziadei, 
Bozzolo  et  Perroncito  reprirent  la  question  et  confirmèrent  les 
observations  de  leurs  devanciers.  En  Allemagne,  Menche  et 
Leichtenstern  ont  également  démontré  que  l'Ankylostome  est 
très  répandu  chez  les  briquetiers  des  environs  de  Cologne  et 
de  Bonn,  chez  lesquels  il  détermine  des  symptômes  analogues 
à  ceux  que  présentaient  les  ouvriers  du  Saint-Gothard.  Snyers 
a  observé  à  Liège  un  certain  nombre  d'anémiques  venant  de 
Cologne,  et  Dubois  a  vu  dans  le  Limbourg,  aux  environs  de 
Maestricht,  quatre  briquetiers  qui  avaient  pris  également  le 
parasite  aux  environs  de  Cologne.  Celui-ci  ne  se  voit  pas 
chez  les  brûleurs,  mais  seulement  chez  ceux  qui  travaillent 
avec  leurs  mains  l'argile  humide  ou  qui  portent  au  séchoir  les 
briques  encore  mouillées. 

Divers  médecins  italiens  ont  encore  observé  que  l'Ankylos- 
tome est  la  cause  de  l'anémie  dont  sont  fréquemment  atteints 
les  ouvriers  des  rizières;  il  est  également  commun  chez  les 
ouvriers  des  solfatares,  ainsi  que  Cantù,  Giordano  et  Pernice 
l'ont  démontré. 

En  Italie,  le  Ver  n'avait  pas  été  revu  depuis  Dubini  et  Castiglioni 
(1884),  quand  Sangalli  le  retrouva  à  Pavie,  en  1866,  environ  dans  50 
pour  100  des  autopsies.  Sonsino  et  Morelli  l'observent  à  Florence 
en  1878,  Ciniselli  à  Pavie  en  1878,  Grassi  et  les  deux  Parona  à  Pavie 
et  à  Milan  en  1878;  Grassi  apprend  à  reconnaître  les  œufs  du  parasite 
dans  les  selles  des  malades.  Depuis  la  célèbre  épidémie  du  Saint- 
Gothard,  on  l'a  encore  rencontré  en  diverses  localités:  Perroncito 
l'a  vu  à  Carignano,  sur  le  Pô,  dans  la  province  de  Turin  ;  Bozzolo  à 
Novare,  à  Naples  et  en  Toscane;  Tosatto  dans  la  province  de  Brescia, 
Cantù  dans  celle  de  Forli,  Bonuzzi  dans  celle  de  Vérone  et  Vanni 
dans  celle  de  Florence.  Enfin,  Grassi,  E.  Parona,  Rho,  Calandruccio 
et  Cammareri,  l'ont  encore  observé  en  diverses  localités  de  la  Sicile. 
On  doit  encore  considérer  comme  un  cas  italien  l'observation  d'an- 
kylostomasie  faite  à  Vienne  par  Kundrat,  en  1872,  chez  un  individu 
qui  avait  été  militaire  en  Italie.  On  peut  dire,  en  un  mot,  que  le 
parasite  est  répandu  par  toute  l'Italie,  y  compris  la  Sicile  et  la  Sar- 
daigne,  mais  qu'il  abonde  surtout  dans  les  régions  du  nord  :  il  y 


768  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

était  déjà  fréquent  à  l'époque  de  Dubini,  puisque  cet  auteur  le  ren- 
contrait dans  20  pour  100  des  autopsies. 

Suivant  Cobbold ,  le  Ver  serait  inconnu  en  Angleterre. 
Rodriguez  Mendez  l'a  observé  en  Espagne.  Kiichenmeister, 
Gervais  et  van  Beneden  et  Moquin-Tandon  le  signalent  encore 
en  Islande,  mais  Krabbe  a  prouvé  qu'il  n'y  existe  pas. 

En  Asie,  l'Ankylostome  a  été  observé  par  Day  à  Gochin.  D'a- 
près Mac  Connell,  il  est  loin  d'être  rare  aux  Indes  parmi  les  in- 
digènes, du  moins  dans  le  bas  Bengale  ;  il  ne  semble  pas  pro- 
voquer d'accidents.  Il  a  été  rencontré  plusieurs  fois  au  Japon,  à 
Kioto  par  Scheube  et  à  ïokio  par  Bâlz  ;  il  détermine  des  anémies 
profondes. 

Le  parasite  existe  encore  dans  l'archipel  malais;  suivant 
van  Leent,  il  est  fréquent  chez  les  forçats  qui  travaillent  dans 
les  mines  de  Bornéo  et  Roth  l'a  vu  à  Bâle,  en  1879,  à  l'autopsie 
d'un  soldat  suisse  qui  revenait  de  Batavia. 

Il  est  également  fort  répandu  en  Egypte,  où  Pruner  l'a 
observé  en  1847.  Griesinger  a  reconnu,  en  1851,  qu'il  est  la 
cause  unique  de  la  maladie  connue  sous  le  nom  de  chlorose 
d'Egypte,  dont  est  atteinte  la  moitié  de  la  population  pauvre. 
Il  est  si  commun  au  Caire,  au  dire  de  Bilharz,  qu'il  est  excep- 
tionnel de  faire  une  autopsie  sans  le  rencontrer.  Il  semble  ne 
pas  exister  en  Algérie  (1),  mais  Lostalot-Bachoué  l'a  vu  sur  la 
côte  de  Zanzibar,  et  Monestier  et  Grenet  l'ont  observé  à 
Mayotte  :  il  cause  Yhypohémie  inter tropicale.  D'après  Davaine, 
on  l'aurait  vu  en  Abyssinie.  Sur  la  côte  occidentale  d'Afrique, 
Stormont  et  Clarke  l'ont  vu  en  Guinée;  Moulin,  Thaly  et  Borius 
l'ont  signalé  dans  le  Haut-Sénégal;  d'autres  l'ont  observé  à 
Sierra  Leone  et  sur  la  côte  d'Or. 

En  certains  pays  d'Amérique,  l'Ankylostome  atteint  une  telle 
fréquence  qu'il  est  au  nombre  des  plus  grands  dangers  que 
puisse  encourir  la  population  :  nulle  part  il  n'est  plus  abondant 
qu'aux  Antilles  et  au  Brésil.  Aux  Antilles,  il  cause  la  cachexie 
aqueuse,  le  mal-cœur,  le  mal  d'estomac  des  nègres,  la  chlorose 
tropicale,  maladie  qui  a  été  observée  tout  d'abord  à  la  Guade- 
loupe, en  1742,  par  le  P.  Labat,  puis  à  la  Jamaïque,  en  1793, 

(1)  A.  Vital  dit  qu'on  ne  l'a  vu  qu'une  seule  fois  à  l'hôpital  militaire  de 
Constantine,  chez  un  indigène  récemment  arrivé  de  la  Mecque. 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  769 

par  Bryon  Edwards.  Depuis  lors,  on  l'a  constatée  tour  à  tour  à 
Saint-Domingue,  à  Porto-Rico,  à  Saint-Thomas,  à  Saint-Mar- 
tin, à  la  Martinique,  à  la  Dominique,  à  Sainte-Lucie,  à  Grenade, 
à  la  Trinité,  etc.  Elle  s'observe  encore  dans  les  Guyanes  :  Bajon 
et  Segond  l'ont  constatée  à  Cayenne,  où  Riou  Kérangal  a  vu  le 
parasite  ;  Rodschied  et  Hancock  l'ont  observée  dans  la  Guyane 
anglaise;  Cragin,  Hille,  van  Leent  et  d'autres  ont  noté  son  exis- 
tence à  Surinam. 

La  maladie  est  commune  en  Colombie,  notamment  dans  la 
province  d'Antioquia,  d'après  Posada-Arango  ;  elle  est  connue 
sous  le  nom  de  tun-tun  et  les  malades  sous  celui  de  tuntunientos . 

Cette  même  maladie  est  encore  très  fréquente  au  Brésil,  où 
G.  Piso  la  signalait,  dès  1648,  sous  le  nom  à' oppilatio.  En  1831, 
Jobim  la  décrivait  sous  ceux  d'anémie  intestinale  et  fthypohémie 
intertropicale;  on  l'appelle  encore  aujourd'hui  opilaçâo  et  can- 
çaço  (1).  Elle  s'attaque  à  toutes  les  races  et  à  tous  les  âges,  sauf 
aux  enfants  à  la  mamelle.  C'est  une  erreur  de  croire,  comme 
on  l'a  fait  longtemps,  qu'elle  s'observe  principalement  ou  même 
exclusivement  chez  les  nègres  :  elle  est  en  effet  plus  fréquente 
chez  ceux-ci,  mais  cela  tient  à  ce  qu'ils  vivent  dans  des  condi- 
tions qui  prédisposent  davantage  à  la  maladie. 

En  1866,  Wucherer  vit  à  Bahia  l'Ankylostome  chez  tous  les 
malades  atteints  d'opilation  ;  presque  en  même  temps , 
J.-R.  de  Moura  faisait  la  même  découverte  à  Theresopolis  ; 
en  1871,  D.  C.  Tourinho  conûrmait  ces  observations.  Depuis 
lors,  un  grand  nombre  d'auteurs  ont  étudié  l'ankylostomasie 
et  cette  maladie  est  actuellement  au  nombre  de  celles  qui  sont 
le  mieux  connues.  Elle  est  rare  dans  les  villes,  où  elle  s'observe 
presque  toujours  chez  des  individus  venant  de  la  campagne  ; 
les  agriculteurs  et  les  jardiniers  sont  le  plus  frappés ,  les 
hommes  sont  atteints  plus  souvent  que  les  femmes.  Elle  s'ob- 
serve dans  presque  tout  le  Brésil  ;  très  fréquente  dans  la  région 
intertropicale,  elle  s'atténue  dans  le  sud  et  ne  dépasse  pas 
Porto  Alegre,  c'est-à-dire  le  30e  degré  de  latitude. 

L'ankylostomasie  s'observe  encore  en  d'autres  régions  d'A- 
mérique. Aux  États-Unis,  Chabert  et  Duncan  l'ont  rencontrée 
dans  la  Louisiane  ;  Lyell  l'a  constatée  dans  l'Alabama  et  la  Géor- 

(1)  Suivant  le  professeur  Cl.  Jobert,  dans  le  sertào  de  Goyaz  et  de  Minas 
Geraes,  on  dit  qu'un  individu  atteint  par  l'Ankylostome  est  empalamado. 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  49 


770  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

gie;  les  observations  d'Heusinger  et  de  Geddings  pour  la  Caro- 
line du  sud,  celles  de  Little  et  de  Letherman  pour  la  Floride 
sont  douteuses  et  se  rapportent  plutôt  à  la  malaria. 

Castêlnau  l'a  encore  rencontrée  au  Pérou,  dans  le  bassin 
du  haut  Marafion,  et  Galt  en  Bolivie,  chez  les  indigènes  de 
Sarayacu. 

Ankylostoma  duodenale  ne  se  trouve  que  chez  l'Homme;  il  s'y  ob- 
serve fréquemment  en  compagnie  de  Rhabdonema  intestinale.  L.  Vail- 
lant dit  l'avoir  vu  aussi  chez  le  Gibbon  :  le  fait  n'a  rien  de  surprenant, 
puisqu'on  sait  que  ce  Ver  existe  dans  l'archipel  malais;  toutefois,  il 
n'est  pas  impossible  qu'il  s'agisse  d'une  espèce  distincte. 

D'après  Mégnin,  les  Ankylostomes  du  Chien  et  du  Chat  ne  se- 
raient que  de  simples  variétés  de  l'espèce  qui  s'attaque  à  l'Homme, 
mais  on  les  considère  plus  ordinairement  comme  une  forme  spéciale, 
A.trigonocephalum;  cet  animal  produit  chez  le  Chien  une  anémie  perni- 
cieuse, qui  décime  les  meutes  dans  diverses  régions  de  la  France. 

A.  tubœforme  Zeder,  et  A.  Balsami  Grassi  et  Parona,  parasites  du 
Chat,  sont  identiques  au  précédent.  A.  stenocephalum  Railliet  se  voit 
chez  le  Chien,  A.  cernuum  Creplin  chez  le  Mouton  et  la  Chèvre, 
A.  radiatum  Rud.  chez  le  Veau,  A.  boue  R.  Bl.  chez  le  Boa. 

En  quelque  pays  qu'on  l'observe,  le  parasite  se  comporte  donc 
toujours  de  la  môme  façon  à  l'égard  de  l'organisme  humain  :  partout 
il  détermine  de  profondes  anémies,  dont  le  traitement  est  des  plus 
simples.  L'extrait  éthéré  de  Fougère  mâle  à  la  dose  de  10  à  15  gram- 
mes, l'acide  thymique  à  la  dose  de  10  grammes,  la  doliarine  (i)  sont 
particulièrement  efficaces;  la  santonine,  le  calomel,  le  Chénopode 
anthelminthique  sont  sans  effet.  Moura  dit  qu'à  San  Paulo  de  Muri- 
ahé,  dans  la  vallée  du  Rio  Parahyba,  on  administre  avec  succès  le 
latex  de  €aricq  dodecaphylla  Velloso,  plante  appelée  communément 
jarqco  tia,  jaracatia ,  o  u  j a  m  t  la . 

La  prophylaxie  se  trouve  indiquée  déjà  par  ce  qui  précède;  dans 
les  pays  chauds,  où  l'anémie  est  endémique,  l'usage  d'eau  bouillie 
ou  filtrée  empêchera  sûrement  l'introduction  du  parasite  dans  l'in- 
testin; les  ouvriers  des  mines,  des  tuileries  ou  des  rizières  auront 
soin  de  ne  prendre  leurs  repas  qu'après  s'être  lavé  scrupuleusementles 

(1)  La  doliarine  est  un  principe  cristallisable,  extrait  par  Peckolt  du  suc 
laiteux  à'Urostigma  (Ficus)  doliavium  ;  le  suc  est  évaporé  en  un  extrait 
sec,  qu'on  fait  bouillir  dans  l'alcool  absolu  ;  on  filtre  la  solution  bouillante  qui, 
par  le  refroidissement,  laisse  déposer  des  flocons  blancs;  ceux-ci  peuvent 
encore  être  lavés  à,  l'alcool  absolu,  puis  desséchés.  Au  Brésil,  les  curiosos  ou 
curadeiros,  sortes  de  charlatans  guérisseurs,  traitent  l'opilation  par  le  suc 
récemment  extrait  du  tronc  et  en  obtiennent  de  bons  résultats. 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  771 

mains  et  de  ne  rien  porter  à  leur  bouche  qui  ait  été  en  contact 
avec  l'eau  bourbeuse.  Quant  aux  mesures  à  prendre  dans  les  mines 
où  l'anémie  est  en  permanence,  il  nous  suffira,  pour  dire  en  quoi 
elles  consistent,  de  citer  l'exemple  des  mines  de  Schemnitz.  De- 
puis 1881,  l'ankylostomasie  a  si  complètement  disparu  de  ces  mines, 
qu'on  n'en  a  plus  observé  un  seul  cas.  Ce  brillant  résultat  est  dû  à 
l'application  stricte  des  mesures  suivantes  : 

Dans  les  galeries  où  les  eaux  d'infiltration  étaient  particulièrement 
abondanles  et  arrivaient  à  former  des  plaques,  un  canal  profond 
d'environ  2  mètres  a  été  creusé.  Ce  canal  est  souterrain  sur  toute 
son  étendue,  mais  présente  de  distance  en  distance  des  orifices 
recouverts  de  planches  mobiles,  et  dont  l'usage  comme  fosse  d'ai- 
sances est  obligatoire,  sous  peine  d'une  forte  amende.  Les  canaux 
ainsi  creusés  dans  les  diverses  galeries  aboutissent  tous  à  un  canal 
collecteur  qui  traverse  le  flanc  de  la  montagne,  sort  de  terre  et  va  se 
jeter  dans  le  fleuve  voisin.  Depuis  la  mise  en  pratique  de  ces  mesu- 
res, le  sol  des  galeries  de  mine  est  devenu  très  sec,  et,  les  causes 
d'infestation  ayant  été  ainsi  anéanties,  l'anémie  des  mineurs  a  dis- 
paru sans  retour. 

La  bibliographie  de  l'Ankylostome  est  extrêmement  étendue. 
Nous  ne  citerons  ici  que  les  publications  importantes  qui  ne  se 
trouvent  signalées  ni  dans  le  mémoire  de  Bugnion,  ni  dans  la 
thèse  de  Trossat. 

Fonssagrivcs  et  Le  Roy  de  Méricourt,  Du  mal-cœur  ou  mal  d'estomac  des 
nègres.  Archives  de  méd.  navale,  I,  p.  36'?,  1864. 

E.  Monestier,  Hôpital  de  Mayotte.  Observations  de  clinique  médicale. 
Ibidem,  VII,  p.  209,  1867. 

A.  Le  Roy  de  Méricourt,  Relation  entre  la  présence  de  l'Ankylostome  duo- 
dé  nal  et  la  cachexie  aqueuse  ou  mal-cœur.  Ibidem,  VIII,  p.  72,  1867.  —  Id., 
Cachexie  aqueuse.  Dictionn.  encyclop.  des  se.  méd.,  XI,  p.  39J,  1870. 

Riou  Kérangal,  L'Ankylostome  duodénal  observé  à  Cayenne.  Arch.  de  méd. 
nav.,  X,  p.  311,  1868. 

Alf.  Marchand,  Des  causes  et  du  traitement  de  l'anémie  chez  les  transportés 
à  la  Guyane  française.  Thèse  de  Montpellier,  n°  52,  1869. 

Kundrat,  Ueber  einen  merkwùrdigen  pathologisch-anatomischen  Befund. 
Oesterr.  Zeitschrift  fur  prakt.  Heilkunde,  1873. 

C.  Fer.  Alves,  Hypoemia  intertropical.  Thèse  de  Rio  de  Janeiro,  1874. 

J.  J.  de  Azevedo  Lima,  Hypoemia  intertropical.  Thèse  de  Rio,  1875. 

Ant.  Teixeira  de  Souza  Magalhàes,  Hypoemia  intertropicaL  Thèse  de  Rio, 
1875. 

L.  J.  da  Silva  Pinto,  Hypoemia  intertropical.  Thèse  de  Rio,  1875. 

L.  G.  Correa  do  Couto,  Hypoemia  inter tropical.  Thèse  de  Rio,  1876. 

Eug.  Pires  de  Amorim,  Hypoemia  intertropical.  Thèse  de  Rio,  1876. 

M.  V.  Pereira,  Anchylostomo  duodénal.  Chlorose  do  Egypto.  Hypoemia  in- 
tertropical. Gazeta  med.  da  Bahia,  (2),  II,  p.  31  et  68,  1877. 


ORDRE  DES  NÉMATODES. 


B.  Grassi,  Intorno  ad  un  caso  d 'anchilostomiasi.  Archivio  per  le  scienze 
med.,  III,  n°  20,  1879.  —  Ici.,  Anchilostomi  ed  Anguillule.  Gazz.  degli  ospi- 
tali,  n°  41,  1882.  —  Id.,  UrC  altra  nota  sulle  Anguillule  e  sugli  Anchilostomi 
Giornale  délia  r.  Accad.  di  med.  di  Torino,  XXXI,  p.  119,  1883. 

Alf.  C.  Ribeiro  da  Luz,  Investigaçoes  helminthologicas  com  applicaçao  a 
pathologia  brasileira.  —  77.  Contribuçao  ao  estudo  do  Dochmius  intestinalis 
e  dos  effeitos  de  sua  presença  no  intestino  humano.  Rio  de  Janeiro,  1880. 
Analysé  dans  Arch.  de  méd.  nav.,  XXXIV,  p.  462,  1880. 

Ed.  Perroncito,  L'anémia  dei  co?itadini,  for?iaciai  e  minatori  in  rapporto 
coW  attuale  epidemia  negli  opérai  del  Gottardo.  Annali  délia  R.  Accademia 
d'agricoltura  di  Torino,  XXIII,  1880.  —  Id.,  HelmintJwlogical  observations 
upon  the  endémie  disease,  developed  among  the  labourers  in  the  tunnel  of 
mount  Saint-Gotthard.  The  Journal  of  the  Quekett  microscopical  club.  —  Id., 
Observations  helminthologiques  et  recherches  expérimentales  sur  la  maladie 
des  ouvriers  du  Saint-Gothard.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  sciences,  XG, 
p.  1373,  1880.  —  Id.,  On  the  action  of  chemical  agents  and  médicinal  subs- 
tances on  the  larva  of  Dochmius  and  Anguillulse,  including  therapeutical 
considérations  relative  to  the  cure  of  patients  from  mount  Saint-Gotthard.  The 
Veterinarian,  1880.  —  Id.,  Les  Anchylostomes  en  France  et  ta  maladie  des 
mineurs.  Comptes  rendus  de  l'Acad.  des  se,  XCIV,  p.  29,  1882.  —  Id.,  L'ané- 
mie des  mineurs  au  point  de  vue  par asito logique.  Archives  ital.  de  biologie, 
II,  p.  315,  1882;  111,  p.  7,  1883. 

P.  Fabre,  La  maladie  des  mineurs  du  Saint-Gothard  et  VAnchylostome 
duodénal.  Gazette  méd.,  (6),  III,  p.  189,  1881. 

Ch.  Ba umler,  Ueber  die  Abtreibung  des  Anchylostomum  duodenale.  Corres- 
pondenzblatt  fur  Schweizer  Aerzte,  XI,  p.  481,  1881.  —  Id.,  Ueber  die  Ver- 
breitung  des  Anchylostomum  duodenale  auf  der  Darmschleimhaut...  Ibidem, 
XV,  p.  3,  1885. 

P.  Mégnin,  Du  rôle  des  Ankylostomes  et  des  Trichocéphales  dans  le  déve- 
loppement des  anémies  pernicieuses .  Compte  rendu  de  la  Soc.  de  biologie,  (7), 
V,  p.  172,  1882.  —  Id.,  L'anémie  pernicieuse  des  Chiens  de  meutes  causée  par 
l'Ankylostome.  L'Acclimatation,  1883. 

F.  Trossat  et  Eraud,  L'Ankylostome  duodénal  et  l'anémie  des  mineurs. 
Loire  médicale,  IV,  p.  197,  1885. 

Cantù,  L 'anémia  dei  solfatari  e  l'Anchilostoma  duodenale.  Rivista  clinica  di 


II,  1882. 

Due  casi  di  anémia  del  Gottardo.  Lo  Sperimentale,  LU,  p. 


153, 


L  anchilostomiasi  nell'  ospedale  di  Pisogne.  Brescia,  in-16°, 


Bologna,  (3), 

P.  Burresi, 
1883. 

E.  Tosatto, 
1883. 

P.  Pennato,  Intorno  ad  una  pubblicazione  del  Prof.  Burresi  sull'  anchitos- 
tomia.  Gazz.  med.  ital.  délie  prov.  venete.  Padova,  XXVI,  p.  302,  1883. 

H.  Sahli,  Beitrâge  zur  klinischen  Geschichte  der  Aniïmie  der  Gotthard- 
Tunnelarbeiter.  Deutsches  Archiv  fiir  klin.  Medicin,  XXXII,  p.  421,  1883. 

Ch.  Firket,  Note  sur  plusieurs  cas  d'anchylostomasie  observés  en  Belgique. 
Archives  de  biologie,  V,  p.  581,  1885. 

H.  Barth,  VAnchylostome  duodénal  et  l'anémie  des  mineurs.  Union  méd., 
XXXVII,  p.  525,  1884. 

P.  Bonuzzi,  L' anchilostomiasi  e  l'Anchilostoma  nella  provincia  di  Verona. 
Gaiz.  med.  ital.,  prov.  venete.  Padova,  XXVII,  p.  281,  289,  302,  323  e  331, 
1884. 

P.  Polatti,  Caso  di  anchilostomiasi  in  un  bambino.  Gazz.  med.  ital.  Lom- 
bardia,  n<>  26,  1884. 


ANKYLOSTOMA  DUODENALE.  773 

Ad.  Lutz,  Ueber  Ankylostomum  duodenale  und  Ankylostomiasis.  Volk- 
mann's  Sammlung  klinischer  Vortrâge,  nos  255,  256  et  265,  1885. 

F.  Trossat,  De  VAnkylostome  duodénal,  ankylostomasie  et  anémie  des  mi- 
neurs.  Thèse  de  Lyon,  1885.  Paris,  in-8°  de  100  p.,  1885. 

F.  Rho,  Un  caso  di  anémia  da  Anchilostoma  in  un  marinaio  messinense. 
Giorn.  di  med.  milit.,  XXXIII,  p.  1139,  1885. 

G.  Rosenfeld,  Ueber  Ankylostoma  duodenale.  Med.  Gorrespondenzblatt  des 
wûrttemb.  àrztl.  Vereins,  LV,  p.  273,  1885. 

R.  Blanchard,  L'anémie  des  mineurs  en  Hongrie.  Compte  rendu  de  la  Soc. 
de  biologie,  p.  713,  1885.  —  Id.,  Helminthes.  Dictionn.  encycl.  des  se.  méd., 
(*),  XII,  p.  627,  1886.  Voir  p.  639,  n°  30. 

A.  Frankel,  Ueber  Anchylostomum.  Mitthel.  des  Vereins  der  ^Erzte  in 
Nieder-CEsterreich.  Wien,  XI,  p.  249,  1885.  Deutsche  med.  Woch.,  XI,  p.  443, 
1885. 

P.  Richard,  De  V anémie  du  Saint-Gothard.  Thèse  de  Montpellier,  n<>  26, 
1885. 

G.  Vôlckers,  Ueber  die  Anchylostoma-Endemie  in  dem  Tiefbau  der  Grube 
Maria  zu  Hôngen  bei  Aachen.  Berliner  klin.  Woch.,  XXII,  p.  573,  1885. 

S.  Calandruccio,  Primo  caso  d'anchilostomanemia  in  Sicilia.  Giorn.  inter- 
naz.  d.  se.  med.,  (2),  VII,  p.  552,  1885.  —  Id.,  Secondo  caso  di  anchilosto- 
manemia  in  Sicilia,  seguita  da  guarizione.  Rivista  clin,  e  terap.  Napoli,  VIII, 
p.  508,  1886. 

E.  Parona,  Relazione  intoimo  alla  cura  dei  minatori  del  Gottardo  accolti  a 
carico  del  r.  governo  nel  civico  ospedale  di  Varese.  Varese,  in-8°  de  46  p., 
1885.  —  Id. ,  Uanchilostomiasi  nelle  zolfare  di  Sicilia.  Annali  univ.  di  med., 
CCLXXVII,p.  464,  1886. 

O.  Leichtenstern,  Ueber  Anchylosloma  duodenale  bei  den  Ziegelarbeitern 
in  der  Umgebung  Kôlns.  Deutsche  med.  Woch.,  XI,  n°s  28-30,  1885.  —  Id., 
Weitere  Beitriige  zur  Ankylostoma frage.  Ibidem,  XII,  p.  173,  194,  216  et 
237,  1886.  —  Id.,  Einiges  ùber  Ankylostoma  duodenale.  Ibidem,  XIII,  p.  565 
et  712,  1887. 

O.  Schulte-Steinberg,  Ueber  parasitâre  Aniimie.  Inaug.  Diss.  Berlin,  1885. 

V.  Cammerari,  Due  casi  di  anchylostomiasis  a  Messina.  Gazz.  degli  ospi- 
tali,  VI,  p.  485,  1885. 

L.  Vanni,  II  primo  caso  d' Anchilostoma  osservato  in  provincia  di  Firenze. 
Ibidem,  p.  547,  555,  562  e  572,  1885. 

H.  Strachan,  Ankylostomum  duodenale  m  Jamaica.  Bristish  med.  Journ., 
I,  p.  1291,  1885. 

P.  Guttmann,  Anchylostoma  duodenale,  lebend  demonstrirt  in  der  Sitzung 
des  Vereins  fur  innere  Medicin  am  29.  Juni  1885.  Deutsche  med.  Woch., 
p.  486,  1885. 

W.  Schulthess,  Noch  ein  Wort  ùber  Ankylostoma  duodenale.  Berliner  klin. 
Woch.,  XXIII,  p.  797  et  812,  1886. 

B.  Pernice,  Trc  casi  di  anchilostomiasi  nei  zolfatari.  Morgagni,  XXVIII, 
p.  403,  1886. 

Ed.  Snyers,  Relation  de  quelques  cas  d' ankylostomasie  {anémie  perni- 
cieuse). Progrès  médical,  (2),  III,  p.  105,  1886. 

V.  Dubois,  Ankylostomiasis  in  Limburg,  Nederl.  Tijdschrift  voor  Genees- 
kunde,  I,  p.  268,  1886. 

J.  Rutgers,  Anchylostomum  duodenale.  Ibidem,  II,  p.  328,  1886. 

Ch.  Schmit,  Anémie  pernicieuse  progressive  et  parasites  intestinaux.  Union 
méd.,  p.  801,  1887. 

A.  Posada-Arango,  Tun-tun.  Dictionn,  encycl.  des  se.  méd.,  1887. 


774  ORDRE  DES  NEMATODES. 

FAMILLE     DES    TR1CHOTRACHÉLI  DES 

Cette  famille  renferme  des  Vers  de  moyenne  taille,  à  corps 
très  effilé,  dont  l'extrémité  antérieure  est  percée  d'une  bouche 
punctiforme  et  dépourvue  de  papilles;  l'anus  est  plus  ou  moins 
exactement  terminal.  Dans  le  genre  Trichina,  le  mâle  est  dé- 
pourvu de  spicule;  on  voit  alors  le  cloaque  s'évaginer  pour 
aider  à  la  copulation.  Dans  les  autres  genres,  le  spicule  est  tou- 
jours simple  et  ordinairement  d'une  grande  longueur;  il  est 
entouré  d'une  gaine  chitineuse,  lisse  ou  hérissée  de  pointes. 
Tous  les  animaux  de  ce  groupe  se  ressemblent  par  la  forme  du 
corps,  la  structure  de  l'œsophage  et  des  organes  génitaux,  le 
mode  de  formation  des  ovules  et  des  spermatozoïdes  ;  ils  ne 
semblent  subir  de  mue  à  aucune  époque  de  leur  existence. 

Certains  genres  (Trichinâ,  Oncophora,  Sclerotrichum)  sont 
ovovivipares;  les  autres  pondent  des  œufs  ovales,  dont  la  coque 
solide  et  brune  est  percée  à  chacun  de  ses  pôles  d'un  trou 
qu'obture  un  bouchon  albumineux;  le  développement  de  ces 
œufs  ne  se  fait  qu'après  un  séjour  plus  ou  moins  prolongé 
dans  l'eau  ou  dans  la  terre. 

Ces  helminthes  sont  parasites  des  Vertébrés,  notamment  de 
ceux  à  température  constante.  D'ordinaire,  le  développement 
est  direct,  sans  l'intermédiaire  de  migrations;  la  Trichine  fait 
exception  à  cette  règle.  Cette  famille  comprend  les  genres 
Trichocephalus,  Trichinâ,  Trichosoma,  Sclerotrichum  et  Onco- 
phora.  Les  deux  premiers  renferment  des  parasites  de  l'Homme  ; 
le  troisième  compte  environ  70  espèces,  réparties  surtout  en- 
tre les  Mammifères  (Carnassiers,  Rongeurs)  et  les  Oiseaux. 

R.  Blanchard,  Trichosome.  Dict.  encycl.  des  sciences  médicales,  (3),  XVIIf, 
p.  202,  1887.  —  Id.,  Trichotrachélides.  Ibidem,  (3),  XVIII,  p.  205,  1887. 

Trichocephalus  hominis  Schrank,  1788. 

Synonymie  :  Trichuris  Buttner,  1761. 

Ascaris  trichiura  Linné,  1771. 

Trichocephalos  Gôzc,  1782. 

Trichocephalus  simiœ  patas  Trcutler,  1793. 

Tr.  dispar  Rudolphi,  1801. 

Mastigodes  hominis  Zeder,  1803. 

M.  simi<v  Zeder,  1803. 

Tr.  lemuris  Rudolphi,  1819. 

Tr.  paix ft>r mis  Rudolphi,  1819. 


TRICUOCEPHALUS  HOM1NIS.  775 

Le  Trichocéphale  habite  le  caecum  de  l'Homme.  Son 
œuf  (fîg.  375)  est  long  de  50  à  56  a  et  large  de  24  (x  ;  il  est  un 
peu  brunâtre,  ovale,  lisse  et  en  forme  dé  citron,  par  suite  de  la 
présence  d'un  petit  bouton. brillant  à  chacun  de  ses  deux  pô- 
les :  cette  structure  caractéristique  permet  de  le  reconnaître 
aisément,  quand  on  pratique  l'examen  microscopique  des  ma- 
tières fécales. 

Le  Trichocéphale  se  propage  à  la  façon  de  l'Ascaride  :  Use  transmet 
directement,  sans  passer  par  un  hôte  intermédiaire  (Davaine).  L'œuf, 
expulsé  avec  les  excréments,  ne  se 
développe  que  lentement,  au  bout  de 
plusieurs  mois,  au  bout  d'un  an  et 
demi,  et  parfois  même  plus  tardive- 
ment encore.  Le  développement  se 
fait  dans  l'eau,  mais  l'œuf  est  doué 
d'une  grande  force  de  résistance 
contre  les  influences  extérieures  :  il 
peut  rester  exposé  à  la  gelée  sans 
mourir;  l'évolution  se  fait  simple- 
ment avec  plus  de  lenteur  :  Heller  p.g>  375  _  Œufs  de  Tpichocé- 
a.  pu   faire  développer  encore   des  pi,aie|  d'après  Eichhorst. 

œufs  qui,  pendant  plusieurs  jours, 

avaient  été  complètement  gelés.  Quand  il  a  achevé  son  développe- 
ment, l'embryon  peut  enfin  rester  en  vie  latente  pendant  plusieurs 
années,  à  l'intérieur  de  l'œuf. 

L'œuf  renfermant  un  embryon  mûr  est-il  amené  dans  le  tube 
digestif  avec  l'eau  de  boisson,  sa  coque  est  dissoute  par  les  sucs  diges- 
tifs et  l'embryon  est  mis  en  liberté  ;  suivant  Davaine,  cette  éclo- 
sion  se  fait  dans  l'estomac  et  non  dans  l'intestin.  Quatre  à  cinq 
semaines  suffisent  pour  permettre  au  jeune  Ver  d'arriver  jusqu'à 
maturité  sexuelle,  ainsi  que  Leuckart  l'a  prouvé  par  les  expériences 
suivantes.  11  donne  à  un  Agneau  des  œufs  de  Trichocephalus  affinis 
renfermant  chacun  un  embryon  mûr  :  au  bout  de  seize  jours, 
l'intestin  renferme  un  grand  nombre  de  petites  femelles,  longues  de 
0mm,8  à  i  millimètre.  Une  autre  expérience,  faite  sur  le  Porc  avec  des 
œufs  embryonnés  de  Tr.  crenatus,  donna  un  résultat  analogue  :  à 
l'autopsie,  pratiquée  quatre  semaines  après  l'infestation,  on  trouva 
50  à  80  Trichocéphales  encore  jeunes,  mais  déjà  parvenus  à  maturité 
sexuelle  et  longs  de  10  à  30  millimètres. 

Railliet  a  donné  une  démonstration  semblable  pour  le  Trichocé- 
phale  du  Chien   :   des   œufs  de  Tr.    depressiusculus,  recueillis    le 


776 


ORDRE  DES  NEMATODES. 


19  février  1884  et  conservés  dans  l'eau,  mirent  cinq  mois  à  évoluer 
jusqu'à  la  formation  complète  de  l'embryon  ;  le  28  juillet,  on  les  fit 
ingérer  à  un  Chien,  dans  le  cœcum  duquel  on  trouva,  le  27  octobre, 
c'est-à-dire  au  bout  de  trois  mois,  plus  de  150  Vers  qui  avaient  atteint 
leur  complet  développement. 

Les  expériences  qui  précèdent  prouvent  le  développement  direct  du 
Trichocéphale ;  d'autres  recherches  du  même  genre,  exécutées  sur 
l'Homme,  ont  conduit  à  des  résultats  iden- 
tiques; elles  ont  été  publiées  parGrassi. 
L'un  des  élèves  du  professeur  de  Catane, 
S.  Calandruccio,  poursuit  pendant  plus  de 
six  mois  l'examen  microscopique  de  ses 
matières  fécales  et  s'assure  ainsi  que  son 
intestin  ne  renferme  aucun  Trichocéphale  : 
il  avale  alors,  le  27  juin  1886,  un  certain 
nombre  d'œufs  embryonnés  de  Trichoce- 
phalus  hominis.  Le  24  juillet  suivant,  il  ob- 
serve pour  la  première  fois  dans  ses  selles 
l'œuf  caractéristique  de  l'helminthe  :  les 
embryons  s'étaient  donc  développés.  Sem- 
blable expérience  fut  entreprise  chez  un 
jeune  Homme  avec  le  même  succès. 


Le  Ver  adulte  (fig.  376)  présente  un 
aspect  caractéristique  :  son  corps  est 
formé  de  deux  parties  inégales.  L'an- 
térieure, qui  correspond  à  peu  près  aux 
trois  cinquièmes  de  la  longueur  totale, 
a  la  finesse  d'un  fil  ;  elle  ne  renferme 
que  l'œsophage.  La  partie  postérieure 
se  renfle  assez  brusquement,  au  point 
d'atteindre  fréquemment  jusqu'à  un 
millimètre  d'épaisseur  :  elle  renferme 
l'intestin  et  l'appareil  génital  et  se 
comporte  différemment  dans  les  deux 
sexes. 

Chez  le  mâle,  «,  ô,  dont  la  longueur 
totale  est  de  35  à  45  millimètres,  cette 
portion  postérieure  s'enroule  sur  elle- 
même  en  une  spirale  aplatie,  la  face  ventrale  du  Ver  corres- 
pondant à  la  convexité  ;  l'extrémité  est  percée  d'un  orifice 


Fig.  376.  —  Trichocephalus 
hominis.  —  a,  mâle  de 
grandeur  naturelle  ;  b , 
mâle  grossi  ;  c,  femelle  de 
grandeur  naturelle. 


TRICHOCEPHALUS   HOMINIS.  777 

cloacal,  hors  duquel  le  prépuce  du  spicule  fait  ordinairement 
saillie.  Chez  la  femelle,  c,  dont  la  taille  varie  de  35  à  50  milli- 
mètres, la  partie  renflée  du  corps  est  rectiligne  ou  légère- 
ment arquée,  en  sorte  que  le  corps  tout  entier  a  la  forme  d'un 
fouet  de  piqueur  ;  la  queue  se  termine  par  une  pointe  mousse, 
un  peu  en  avant  de  laquelle  l'anus  se  présente  sous  l'aspect 
d'une  fente  transversale  ;  la  vulve  s'ouvre  au  point  où  la  por- 
tion effilée  du  corps  s'unit  à  la  portion  renflée. 

La  cuticule  s'épaissit  d'avant  en  arrière  et  va  de  15  à  20  y.  d'épais- 
seur; elle  est  ornée  de  stries  annulaires,  distantes  de  3  à  4  [>..  Les 
deux  couches  cuticulaires  profondes  semblent  être  homogènes, 
mais  l'action  prolongée  de  l'acide  acétique  ou  de  l'acide  chlorhy- 
drique  à  20  p.  100  met  en  évidence,  d'après  Eberth,  une  structure 
fibreuse,  surtout  accusée  dans  la  couche  profonde  :  les  fibres  sont 
disposées  en  diagonale  autour  du  corps;  en  dedans  d'elles,  on  voit 
encore  d'autres  fibres  plus  fines,  disposées  radiairement. 

La  face  ventrale  est  marquée,  dans  la  partie  antérieure  du  corps, 
par  la  bande  longitudinale,  formée  d'une  foule  de  petites  saillies 
punctiformes  :  à  son  niveau,  la  cuticule  est  traversée  dans  toute  son 
épaisseur  par  des  bâtonnets  chitineux  larges  de  1,  [*.  7,  dont  l'extré- 
mité périphérique  soulève  légèrement  la  mince  pellicule  cuticulaire 
demeurée  intacte.  Cette  bande  est  sans  doute  un  organe  d'accouple- 
ment :  elle  commence  à  0^m,l  en  arrière  de  la  bouche  et  se  continue 
jusqu'au  voisinage  de  la  partie  postérieure  du  corps;  chez  la  femelle, 
elle  s'arrête  un  peu  en  avant  de  la  vulve  ;  d'abord  très  étroite,  elle 
occupe  bientôt  toute  la  largeur  de  la  face  ventrale.  Chacun  de  ces 
bâtonnets  est  le  prolongement  et  comme  le  produit  d'une  des  cellules 
cylindriques  dont  la  couche  granuleuse  sous-cuticulaire,  exception- 
nellement épaisse  à  ce  niveau,  se  montre  composée. 

Les  Trichotrachélides  ont  été  placés  par  Schneider  dans  le  groupe 
des  Holomyaires,  à  côté  des  Anguillules,  des  Pseudalius,  des  Mermis  et 
des  Gordiens  :  leurs  muscles  seraient  purement  fibrillaires  et  ne 
seraient  point  formés  de  cellules  distinctes;  Leuckart  admet  pourtant 
que  les  cellules  sont  nombreuses,  étroites  et  transformées  en  fibril- 
les, ce  qui  permettrait  de  ranger  le  Trichocéphale  parmi  les  Pla- 
tymyaires.  La  couche  musculaire  est  d'ailleurs  partout  également 
mince,  en  sorte  que  le  Ver  est  peu  agile;  la  partie  postérieure 
est  à  peine  mobile,  alors  que  l'antérieure  s'agite  assez  vivement 
dans  l'eau  chaude. 

Il  semble,  au  premier  abord,  que  les  muscles  sont  partout  continus 
à  eux-mêmes  et  ne  sont  point  interrompus  par  les  lignes  longitudi- 


778  ORDRE  DES  NEMATODES. 

nales  :  celles-ci  existent  pourtant,  mais  ne  se  voient  que  sur  des 
coupes  transversales.  Les  lignes  latérales  sont  fort  réduites  ;  elles  sont 
formées  d'un  cordon  cylindrique,  percé  d'un  étroit  canal  et  qu'on  ne 
retrouve  point  dans  la  partie  renflée  du  corps.  Les  lignes  médio- 
dorsale  et  médio-ventrale  sont  encore  plus  rudimentaires  et  sont  à 
peine  apparentes. 

La  disposition  de  l'appareil  excréteur  et  la  situation  de  son  pore 
terminal  sont  encore  inconnues  :  cet  appareil  semble  être  très  réduit. 
11  en  est  de  même  pour  le  système  nerveux,  que  Leuckart  croit  avoir 
reconnu  à  0mm,l  en  arrière  delà  bouche. 

L'extrémité  antérieure  du  corps  est  cylindrique  et  large  de  17  p  : 
elle  est  arrondie  et  percée  d'un  petit  orifice  buccal,  dépou/vu  de 
papilles;  à  sa  suite  vient  une  cavité  buccale  infundibuliforme,  longue 
de  4  ia  seulement  et  dont  la  paroi  est  capable  de  s'évaginer. 

L'œsophage  est  d'une  longueur  exceptionnelle  :  il  s'étend  tout  le 
long  de  la  partie  antérieure  du  corps;  sa  lumière  n'a  pas  plus  de  6  p.  de 
largeur  et  ses  muscles  rudimentaires  permettent  à  peine  quelques  mou- 
vements de  déglutition.  Aussi  doit-on  se  demander  si  l'animal  ne  se 
nourrit  pas  par  absoption  cutanée,  plutôt  qu'en  avalant  des  aliments  ; 
Kuchenmeister  le  croit  coprophage,  mais  son  intestin  ne  renferme 
jamais  qu'un  liquide  clair. 

L'œsophage  est  formé  de  deux  parties  très  inégales.  La  première 
est  longue  de  400  {/.  et  s'élargit  graduellement  de  10  à  20  p.  :  c'est  un 
tube  chitineux  trièdre,  entouré  de  muscles  radiaires.  La  seconde 
partie  a  une  structure  très  remarquable  :  c'est  un  canal  chitineux, 
large  de  14  y.  et  dépourvu  de  muscles  ;  il  se  loge  dans  une  sorte  de 
gouttière  creusée  à  la  face  ventrale  d'une  rangée  longitudinale  de 
grosses  cellules  qui  constituent  le  corps  cellulaire.  Celui-ci  est  formé 
de  cellules  allongées  qui,  dans  la  partie  postérieure,  mesurent  jus- 
qu'à 200  {/.  de  longueur;  le  noyau  mesure  23  ja  ;  sauf  dans  les  premières 
portions,  ces  cellules  sont  cerclées  chacune  de  5  à  8  étranglements 
annulaires.  Le  corps  cellulaire  atteint  jusqu'à  100  ^  de  largeur;  il  est 
entouré  d'une  membrane  péritonéale  qui  enveloppe  également  le 
canal  œsophagien  ;  de  chaque  côté  de  la  face  ventrale,  il  émet  une 
sorte  de  lamelle  mésentérique,  analogue  à  celle  que  nous  avons 
décrite  déjà  chez  l'Eustrongle  géant;  cette  lamelle  va  se  fixer  à  la 
paroi  du  corps,  sur  le  côté  de  la  bande  longitudinale.  A  son  extrémité 
postérieure,  le  corps  cellulaire  présente  deux  petits  appendices  laté- 
raux, que  certains  auteurs  ont  considérés  comme  des  caecums  car- 
diaques; ce  sont  simplement  les  deux  dernières  cellules,  de  forme 
spéciale. 

I  ii  étranglement  marque  la  limite  entre  l'œsophage  et  l'estomac. 
Ce  dernier  a  un  diamètre  de  0mm,14;  sa  lumière  est  élargie  et  revêtue 


TRICHOCEPHALUS  HOMINIS.  779 

d'un  épithélium  cylindrique,  de  coloration  brune  ou  jaunâtre,  que 
surmonte  une  cuticule  claire.  Il  aboutit  à  un  étroit  rectum,  dont  les 
cellules  sont  basses  et  sans  pigment.  Chez  la  femelle,  celui-ci  est  long 
de  0mm,3  et  large  de  40  u;  l'anus  s'ouvre  à  la  face  ventrale,  à  40  p 
seulement  de  l'extrémité  du  corps.  Chez  le  mâle,  il  s'unit  au  canal  éja- 
culateur  après  un  trajet  à  peu  près  égal;  à  sa  suite  vient  le  cloaque. 

L'appareil  génital  est  logé  exclusivement  dans  la  partie  renflée  du 
corps;  Dujardin  a  vu  que  les  très  jeunes  Trichocéphales  sont  fili- 
formes comme  des  Trichosomes. 

Le  testicule  prend  naissance  au  niveau  du  point  où  le  rectum  et  le 
canal  éjaculateur  viennent  à  se  rencontrer;  il  se  porte  en  avant 
jusqu'au  voisinage  du  cardia,  en  décrivant  un  grand  nombre  de 
sinuosités  très  serrées  les  unes  contre  les  autres.  Il  est  large  de 
0mm,15  et  est  constitué  par  une  membrane  vitreuse  et  anhiste, 
tapissée  intérieurement  de  plusieurs  assises  cellulaires,  dont  les 
éléments,  qui  ont  jusqu'à  17  (/.  de  largeur,  se  détachent  de  bonne 
heure  et  continuent  leur  évolution  à  l'intérieur  du  tube  testiculaire. 
Les  spermatozoïdes  sont  plus  petits  que  leurs  cellules-mères  :  ils  sont 
clairs,  dépourvus  de  membrane  d'enveloppe,  mais  munis  d'un  noyau  ; 
de  forme  variable,  ils  ont  assez  souvent  l'aspect  conique  ou  polygo- 
nal. On  trouve  encore  à  côté  d'eux,  dans  la  cavité  du  testicule,  de 
grandes  vésicules  claires  mesurant  jusqu'à  25  p.  et  dont  la  paroi  ren- 
ferme un  noyau  :  ce  sont  sans  doute  des  cellules-mères  des  sperma- 
tozoïdes avortées. 

Le  canal  déférent,  qui  fait  suite  au  testicule,  se  porte  d'avant  en 
arrière.  D'abord  très  rétréci,  il  s'élargit  bientôt  et  aboutit  à  la  vésicule 
séminale,  réservoir  large  de  0mm32,  long  de  près  de  5  millimètres  et 
de  forme  cylindrique.  L'extrémité  postérieure  de  cette  vésicule  se 
continue  par  un  canal  étroit  et  court,  contourné  en  S,  qui  aboutit  au 
canal  éjaculateur.  Celui-ci  est  long  de  3mIU,6  et  large  de  0mm,35  ; 
il  se  rétrécit  légèrement  en  arrière  et  s'unit  finalement  à  la  face  dor- 
sale du  rectum  par  une  portion  étroite  et  courte. 

Le  canal  déférent  est  formé  d'une  membrane  propre  qu'entourent 
de  minces  muscles  annulaires,  de  plus  en  plus  serrés  en  arrière  ;  sa 
face  interne  est  ornée  d'un  épithélium  pavimenteux  surbaissé.  La 
vésicule  spermatique  est  dépourvue  de  muscles,  mais  possède  le 
même  épithélium  que  la  précédente  portion.  Le  canal  éjaculateur  a 
de  puissants  muscles  annulaires,  auxquels  viennent  se  superposer 
des  fibres  longitudinales  ;  son  épithélium  est  villeux  et  formé  de  cel- 
lules cylindriques,  longues  de  70  à  90  p,  qui  rétrécissent  notablement 
sa  lumière. 

Le  cloaque  (fig.  377)  est  constitué  par  un  canal  cylindrique,  long 
d'environ  4  millimètres  et  contourné  en  spirale;  son  orifice  est  re- 


780 


ORDRE  DES  NÉMATODES. 


porté  sur  la  face  dorsale  et  est  légèrement  débordé  par  un  prolonge- 
ment de  la  partie  ventrale.  Un  peu  en  arrière  de  son  milieu,  il  pré- 
sente une  invagination  dorsale,  longue  de  1  millimètre  environ.  Cette 
invagination,  dont  le  fond  est  fixé  à  la  paroi  du  corps  par  deux  fibres 
musculaires  assez  longues,  n'est  autre  chose 
que  la  gaine  du  spicule  ;  elle  remonte  d'arrière 
en  avant,  le  long  de  la  face  dorsale. 

La  portion  du  cloaque  qui  précède  la  gaine 
du  spicule  présente  une  couche  musculaire  ex- 
trêmement puissante;  elle  est  formée  d'un  feu- 
trage serré  de  fibres  annulaires,  dont  la  face 
interne  est  revêtue  d'une  couche  de  cellules 
cylindriques  brillantes,  longues  de  10  p.,  larges 
de  3  p.,4,  que  l'on  pourrait  prendre  pour  des 
bâtonnets  chitineux.  La  lumière  du  canal  est 
étroite  et  ne  mesure  que  34  p.  dans  la  partie 
initiale;  elle  s'élargit  un  peu  en  arrière. 

Le  cloaque  est  parcouru  dans  toute  sa  lon- 
gueur par  un  tube  chitineux  qui  s'insère  au 
pourtour  de  son  orifice  externe  et  qui,  sur  tout 
le  reste  de  son  étendue,  est  libre  dans  la  cavité 
et  sans  connexions  avec  la  paroi.  Ce  tube  ré- 
sulte d'une  mue  du  cloaque  ;  dans  la  première 
moitié  de  celui-ci,  il  est  imperforé  et  réduit  à 
l'état  d'une  simple  lamelle  plissée;  plus  bas,  il 
constitue  au  spicule,  qui  a  pénétré  à  son  inté- 
rieur, une  sorte  de  prépuce  dont  la  face  interne 
est  ornée  d'épines  ou  d'écaillés  à  pointe  dirigée 
en  arrière.  Ce  prépuce  est  capable  de  s'évagi- 
ner  :  il  sort  alors  plus  ou  moins  et  se  retourne  sur  lui-même  comme 
le  fait,  par  exemple,  le  rectum  dans  les  cas  de  prolapsus  ;  ses 
écailles  ont  alors  la  pointe  tournée  en  avant.  Leuckart  admet  que  ce 
retournement  se  fait  par  suite  de  l'accumulation  d'un  liquide  au 
pourtour  de  l'orifice  cloacal,  entre  les  deux  tubes  chitineux  et  grâce  à 
la  contraction  péristaltique  des  muscles  annulaires  du  cloaque  ;  la 
contraction  antipéristaltique  de  ces  mêmes  muscles  aurait  pour  con- 
séquence le  retrait  du  prépuce. 

La  sortie  du  spicule  est,  dans  une  certaine  mesure,  indépendante 
de  celle  du  prépuce  :  elle  est  sous  la  dépendance  des  muscles  longi- 
tudinaux de  la  gaine  même  de  l'organe,  et  surtout  de  ceux  du  cloa- 
que. Dans  la  seconde  moitié  de  ce  dernier,  les  muscles  annulaires 
sont  recouverts  par  une  couche  de  fibres  longitudinales,  qui  devien- 
nent de  plus  en  plus  puissantes  et  finissent  par  prendre  entièrement 


Fig.  377.  —  Cloaque 
et  spicule  du  Tri- 
chocéphale,  d'après 
Leuckart. 


TRICHOCEPHALUS  HOMINIS.  781 

la  place  des  fibres  annulaires.  Ces  muscles  protracteurs  ont  pour 
antagonistes  les  deux  muscles  qui  s'insèrent  au  fond  de  la  gaine  du 
spicule,  et  peut-être  aussi  un  autre  petit  muscle  qui  est  situé  un  peu 
en  avant  de  ceux-ci,  et  s'étend  de  la  paroi  du  corps  à  l'extrémité  anté- 
rieure du  cloaque. 

Le  spicule  est  un  bâtonnet  solide,  long  de  2mia,o  et  large  à  peu 
près  partout  de  34  à  40  jx;  il  est  formé  de  plusieurs  assises  super- 
posées et  son  axe  est  occupé  par  une  masse  médullaire  claire,  qui 
passe  aisément  inaperçue;  aussi  certains  auteurs  ont-ils  cru  que  le 
spicule  était  creusé  d'un  canal. 

L'appareil  génital  femelle  est  plus  développé  que  le  mâle;  il  par- 
court trois  fois  la  longueur  de  la  partie  postérieure  du  corps.  L'ovaire 
correspond  exactement  au  testicule  ;  comme  celui-ci,  il  prend  naissance 
un  peu  en  avant  de  l'extrémité  postérieure  et  s'étend  le  long  de  la  face 
dorsale,  en  décrivant  de  nombreuses  sinuosités;  à  quelque  distance  du 
cardia,  il  se  continue  avec  l'oviducte,  qui  se  porte  aussitôt  en  arrière, 
jusqu'à  l'extrémité  postérieure.  Les  œufs  se  forment  de  la  même 
manière  que  les  cellules-mères  des  spermatozoïdes  ;  ils  atteignent 
jusqu'à  40  y.  et  remplissent  la  cavité  ovarienne. 

L'oviducte  est  large  de  80  f*  et  à  peu  près  rectiligne.  Sa  tunique  pro- 
pre est  entourée  d'un  réseau  de  fibres  musculaires  minces  et  pâles; 
son  épithélium  est  cylindrique,  surbaissé.  Quand  l'œuf  y  est  arrivé, 
il  ne  tarde  pas  à  perdre  sa  forme  globuleuse  et  à  prendre  un  aspect 
plus  allongé  ;  ses  deux  pôles,  d'abord  arrondis,  s'étirent  chacun  en 
une  sorte  de  cône  qui  perd  bientôt  ses  granulations  vitellines.  L'œuf 
est  d'ailleurs  limité  par  une  mince  zone  de  protoplasma  non  granu- 
leux :  cette  zone  s'accentue  progressivement  et  s'indure  de  manière 
à  constituer  une  membrane  vitelline.  Avant  l'apparition  de  celle-ci, 
la  fécondation  a  eu  lieu  ;  à  la  suite  de  l'accouplement,  du  sperme 
s'était  emmagasiné  dans  la  dernière  portion  de  l'oviducte  et  dans  la 
première  portion  de  l'utérus. 

Quand  il  est  fécondé  et  entouré  de  sa  membrane  vitelline,  l'œuf 
pénètre  dans  l'utérus  et  acquiert  une  épaisse  coque  brunâtre  :  cha- 
que pôle  est  percé  d'un  trou  que  le  cône  de  substance  claire  et  non 
granuleuse  vient  obturer  à  la  façon  d'un  tampon. 

L'utérus  marche  d'arrière  en  avant,  ainsi  que  le  vagin  qui  lui  fait 
suite;  c'est  une  large  poche,  remplie  de  milliers  d'œufs  (1)  et  occu- 
pant la  plus  grande  partie  de  la  moitié  postérieure  du  corps.  Il  se 
sépare  nettement  de  l'oviducte;  sa  couche  musculeuse  est  réduite  à 
une  simple  lamelle;  son  épithélium  interne  est  formé  de  cellules 

(1)  Leuckart  estime  à  5,800  le  nombre  des  œufs  contenus  dans  l'utérus 
d'une  seule  femelle  et  évalue  à  3  ou  400,000  œufs  la  production  annuelle  de 
celle-ci. 


782  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

cylindriques  granuleuses,  hautes  de  28  p.,  larges  de  7  p.  et  recou- 
vertes d'une  mince  cuticule. 

Le  vagin  débute  par  une  première  portion  longue  de  2mm,o,  large 
de  omm,l  et  formant  4  à  6  inflexions  spirales;  la  couche  musculaire 
est  épaisse  de  30  p.  au  début  et  augmente  peu  à  peu  d'importance. 
L'epithélium  est  formé  de  villosités  longues  de  14  p.  et  recouvertes 
d'une  mince  cuticule. 

La  seconde  portion  du  vagin  est  longue  de  0mm,7  et  large  de0mm,15  ; 
elle  est  nettement  distincte  de  la  précédente.  Elle  se  porte  directe- 
ment en  avant,  puis,  arrivée  au  niveau  du  cardia,  s'infléchit  presque 
à  angle  droit  pour  aller  se  terminer  à  la  vulve.  Elle  est  pourvue  de 
muscles  très  puissants  ;  son  épithélium  est  réduit  à  une  couche  de 
cellules  granuleuses,  épaisses  de  6  p.  et  recouvertes  d'une  cuticule 
chitineuse  dont  la  surface  est  hérissée  d'épines.  Celles-ci  sont  tour- 
nées vers  la  vulve;  elles  remplissent  si  complètement  l'étroite  lu- 
mière de  l'organe,  que  les  œufs  ne  peuvent  y  passer  qu'un  à  un. 

La  vulve  s'ouvre  à  la  face  ventrale;  on  voit  souvent  la  paroi  vagi- 
nale sortir  par  son  orifice  en  se  retournant  sur  elle-même  comme  le 
fait  le  prépuce  du  mâle.  Cette  évagination  est  causée  par  le  jeu 
des  puissants  muscles  annulaires  qui  entourent  l'extrémité  du  vagin  ; 
elle  se  produit  sans  doute  au  moment  de  l'accouplement  et  rend 
celui-ci  plus  intime,  les  épines  du  prépuce  et  celles  du  vagin  s'ac- 
crochant  les  unes  dans  les  autres. 

Le  ïrichocéphale  vit  normalement  dans  le  caecum  ;  il  se 
rencontre  aussi  parfois  dans  l'appendice  iléo-cœcal,  où  Mal- 
pighi  l'a  découvert,  et  dans  les  premières  portions  du  côlon  ; 
O'BrienBellingham  l'aurait  même  vu  parfois  dans  toute  l'éten- 
due de  ce  dernier.  Puisqu'il  éclôt  dans  l'estomac,  ainsi  que 
Davaine  l'a  démontré,  on  peut  admettre  que,  pour  certains 
individus  tout  au  moins,  les  premières  phases  de  la  vie  libre  se 
passent  dans  l'intestin  grêle  ;  on  pourra  donc  observer  quel- 
ques Vers  en  divers  points  de  ce  dernier.  C'est  ainsi  que  Wris- 
berg  en  a  rencontré  un  dans  le  duodénum  ;  de  même,  Heller 
a  vu,  à  plusieurs  reprises,  dans  l'intestin  grêle,  quelques  exem- 
plaires qui  semblaient  un  peu  plus  petits  que  ceux  du  cœcum  ; 
Werner  et  Bellingham  en  ont  trouvé  dans  la  partie  inférieure 
de  l'iléon  ;  Vix  en  a  vu  un,  long  de  9  centimètres,  accolé  à  la 
valvule  de  Bauhin.  Quant  au  cas  rapporté  par  Busk,  dans  le- 
quel une  femelle  de  Trichocephalus  affinis  aurait  été  trouvée 
dans  l'amygdale  gangrenée  d'un  soldat,  on  doit  faire  à  son 


TRICHOCEPtlALUS   HOM1NIS.  783 


égard  les  plus  expresses  réserves  ;  la  détermination  spécifique 
de  l'helminthe,  voire  même  sa  détermination  générique,  est 
certainement  inexacte. 

On  ne  trouve  habituellement  que  quelques  Vers  sur  le  même  cada- 
vre, mais  il  n'est  pas  rare  d'en  observer  un  plus  grand  nombre,  70  à 
100;  Bellingham  en  a  vu  119  chez  un  enfant  de  14  ans.  Il  est  excep- 
tionnel d'en  rencontrer  davantage,  comme  Rudolphi  qui,  dans  un 
cas,  en  a  compté  plus  de  1000.  Le  parasite  s'observe  chez  des  in- 
dividus de  tout  âge,  sauf  peut-être  les  très  jeunes  enfants.  Wrisberg 
l'a  constaté  chez  des  enfants  de  2  ans  et  Heller  a  noté  sa  présence  de 
2  ans  et  demi  à  78  ans;  ce  même  observateur  l'a  vu  chez  un  enfant 
de  11  mois  et  chez  un  vieillard  de  89  ans.  Bellingham  l'a  trouvé  de 
8  ans  à  70  ans,  chez  des  individus  morts  d'affections  diverses. 

D'après  Zâslein,  il  s'observe  surtout  de  H  à  20  ans.  En  tenant 
compte  des  sexes,  on  remarque  que,  contrairement  à  ce  qui  a  lieu 
pour  tant  d'helminthes,  les  mâles  ne  sont  pas  plus  rares  que  les 
femelles;  souvent  même  ils  semblent  être  plus  fréquents  :  en  5  au- 
topsies, Bellingham  recueillit  145  Trichocéphales,  savoir  :  85  mâles  et 
60  femelles  (1). 

La  fréquence  du  parasite  est  subordonnée  au  genre  de  vie  des- 
populations chez  lesquelles  on  l'observe  :  puisqu'il  provient  de  l'eau, 
l'usage  habituel  d'eau  filtrée  ou  bouillie  sera  donc  un  puissant  pré- 
servatif contre  l'infestation. 

Ajoutons  que,  comme  les  autres  entozoaires,  et  notamment  comme 
l'Ascaride  et  l'Oxyure,  il  se  rencontre  de  préférence  chez  les  aliénés  (2) 
ou  chez  les  individus  atteints  de  perversion  du  goût.  Ces  remarques 
faites,  on  ne  sera  pas  surpris  des  différences  considérables  que  pré- 
sentent entre  elles  les  statistiques  suivantes,  auxquelles  il  ne  faut 
d'ailleurs  attacher  qu'une  importance  toute  secondaire,  en  raison  du 
petit  nombre  de  cas  sur  lesquels  elles  reposent  : 

L'helminthe  a  été  vu  à  Bâle,  de  1877  à  1880,  178  fois  sur  752  au- 
topsies, soit  dans  23,7  p.  100  des  cas;  par  Rœderer  à  Gôttingen 
6  fois  sur  13,  soit  dans  la  proportion  de  46,15  p.  100;  par  Cooper  à 
Greenwich  il  fois  sur  16,  soit  dans  la  proportion  de 68,75  p.  100  ;  par 
Bellingham,  à  l'hôpital  Saint-Vincent,  à  Dublin,  26  fois  sur  29,  soit 
dans  89,65  p.  100  des  cas.  On  le  trouve  le  plus  ordinairement  chez 
les  adolescents,  de  11  à  20  ans  :  dans  36,2  p.  100  des  cas,  à  Bâle. 

(1)  Ie*  cas  :  19  tf,  '2b  ?;  2e  cas  :  61  cT,  24  9;  3e  cas  :  1  d,  1  9;  4e  cas  \kc\ 
5e  cas,  10  9. 

(2)  Vix  l'a  vu  40  fois,  soit  dans  la  proportion  de  46  p.  100,  chez  86  aliénés 
hébergeant  des  helminthes. 


784  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

Sa  fréquence  est  encore  indiquée  par  les  statistiques  suivantes, 
dont  les  deux  premières  sont  empruntées  à  K.  Mùller  et  la  dernière 
à  Arn.  Heller.  A  Dresde  : 

1,164  hommes  ont  présenté  le  Trichocéphale  35  fois,  soit  3     p.  100. 

739  femmes  —  —  11—1,5      — 

36  enfants  —  —  4      —        1,1      — 

Au  total,  1,939  individus  —  —  50      —        2,5     — 

A  Erlangen  : 

845  hommes  ont  présenté  le  Trichocéphale  107  fois,  soit  12,7   p.  100. 
513  femmes  —  —  69      —      13,5       — 

397  enfants  —  —  19      —        4,8       — 

Au  total,  1,755  individus  —  —  195      —      11.11      — 

A  Kiel  : 

266  hommes  ont  présenté  le  Trichocéphale    80  fois,  soit  30,  l  p.  100. 
194  femmes  —  —  56      —       28,8     — 

151  enfants  —  —  49       —      32,5     — 

Au  total,     611  individus  —  —  185       —      30,6     — 

Il  n'est  point  rare  de  rencontrer  d'autres  parasites  dans  l'intestin 
en  môme  temps  que  le  Trichocéphale  :  cela  ressort  des  statistiques 
de  Muller  et  de  Heller,  qui  se  rapportent  aux  trois  Nématodes  les  plus 
communs  chez  l'Homme.  Sur  135  autopsies  d'aliénés  faites  à  Erlan- 
gen, on  a  trouvé  le  Trichocéphale  80  fois,  soit  dans  la  proportion  de 
59,25  p.  100,  savoir:  35  fois  seul,  8  fois  avec  l'Ascaride,  26  fois  avec 
l'Oxyure,  H  fois  avec  l'Ascaride  et  l'Oxyure.  Sur  6H  autopsies  faites  à 
Kiel,  le  Trichocéphale  a  été  observé  185  fois,  soit  dans  la  proportion 
de  30,27  p.  100,  savoir:  90  fois  seul,  26  fois  avec  l'Ascaride,  35  fois  avec 
l'Oxyure,  34  fois  avec  l'Ascaride  et  l'Oxyure  (1). 

Bremser  cite  le  cas  d'une  fillette  de  six  ans,  qui  avait  tout  à  la  fois 
le  Trichocéphale,  l'Oxyure,  l'Ascaride  et  le  Ténia. 

(1)  Nous  avons  parlé  déjà  bien  souvent  des  statistiques  de  Heller.  11  ne 
sera  pas  hors  de  propos  de  les  résumer  ici.  Les  611  autopsies  faites  par  Heller 
se  répartissent  ainsi  : 

Sur  266  hommes,  126  avaient  des  parasites,  soit  47,3  p.  100. 

—  194  femmes,      96           —               —  49,4       — 

—  151  enfants,       69           —               —  45,7       — 
Au  total,   —    611  individus,  291            —               —  47,6       — 

D'autre  part,  sur  ces  611  autopsies,  on  trouvait  : 

Ascaride  dans  la  proportion  de  17,7  p.  100. 
Oxyure            —                —  23,2      — 

Trichocéphale  —  90,6      — 

Nématodes  en  général      —  47,6       — 


TRICÏI0CEPIIALU5  HOMINIS.  785 

Le  Trichocéphale  est  un  parasite  cosmopolite.  On  a  signalé 
sa  présence  à  peu  près  par  toute  l'Europe.  Au  commencement 
de  ce  siècle,  Pascal  et  Mérat  le  trouvaient  à  Paris  chez  presque 
tous  les  individus.  Davaine  pensait  lui-même  que  la  moitié  de 
la  population  parisienne  en  était  infestée;  mais  aujourd'hui, 
il  est  certainement  devenu  moins  fréquent,  à  cause  de  l'usage 
plus  répandu  de  l'eau  filtrée  ;  il  était  très  commun  à  Rennes 
du  temps  de  Dujardin. 

Cobbold  dit  qu'il  est  assez  répandu  en  Angleterre  et  en  Ir- 
lande, mais  est  moins  fréquent  en  Ecosse.  D'après  Krabbe,  il 
est  très  rare  en  Danemark,  mais  sa  fréquence  en  Allemagne  et 
en  Suisse  nous  est  prouvée  par  les  statistiques  précédentes. 
C'est  d'ailleurs  à  Gottingen  qu'il  a  été  découvert  (1),  à  la  fin 
de  1760  ;  Rœderer  et  Wrisberg  en  donnèrent  les  premières 
descriptions  et  Goze  en  reprit  l'étude.  Rudolphi  le  rencontrait 
à  Berlin  dans  presque  toutes  les  autopsies,  et  Virchow  dit 
l'avoir  observé  plus  souvent  à  Wiirzburg  qu'à  Berlin. 

Tichomirow  l'a  étudié  à  Moscou.  Enfin,  délie  Chiaje  et  Thi- 
bault l'ont  observé  à  Naples  :  le  premier  de  ces  auteurs  l'a 
rencontré  fréquemment  chez  des  individus  morts  de  choléra, 
bien  qu'il  le  considère  comme  rare  en  Italie  ;  le  second  a  noté 
sa  présence  dans  80  cas,  c'est-à-dire  chez  tous  les  individus, 
cholériques  ou  autres,  dont  il  a  fait  l'autopsie. 

Il  est  encore  très  fréquent  au  Japon,  d'après  Balz  ;  en  Syrie  et 
en  Egypte,  d'après  Pruner  ;  en  Nubie,  d'après  Hartmann;  à 
Constantine,  d'après  A.  Vital.  Il  a  été  signalé  comme  très  com- 
mun chez  les  indigènes  de  Sumatra  et  de  l'archipel  malais  par 
van  Leent,  Scheffer,  Haga  et  Erni  ;  ce  dernier  l'a  vu  2i  fois 
sur  30  autopsies,  et  lui  attribue  un  rôle  pathogénique  des  plus 
importants.  Disons  enfin  qu'il  est  très  répandu  dans  l'Amérique 
du  Nord,  d'après.  J.  Leidy. 

Pour  indiquer  d'un  mot  la  distribution  géographique  de 
l'helminthe,  on  peut  donc  dire  qu'il  se  rencontre  de  préfé- 
rence dans  les  régions  chaudes  ou  tempérées  et  qu'il  devient 
plus  rare  dans  les  régions  froides. 

(1)  Morgagni  l'avait  pourtant  observé  déjà  chez  plusieurs  cadavres,  mais  sa 
découverte  était  passée  inaperçue  (J.-B.  Morgagni,  Epistolarumanatomicanwi 
duodsvigiJiti  ad  scripta  pertitientiion  ce/,  viri.  Ant.  Mar.  Vnlsalvœ.  Vcnetiis, 
1740.  Voir  III,  epistola  XIV,  §  4?,  p.   '«"»  . 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  50 


786  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

Nous  avons  déjà  dit  que  le  parasite  se  logeait  surtout  dans 
le  csecum  :  il  est  libre  à  la  surface  de  la  muqueuse  ou  plus  ou 
moins  complètement  enfoui  dans  la  masse  fécale.  Le  saisit-on 
avec  une  pince,  son  extirpation  se  fait  d'ordinaire  sans  la 
moindre  difficulté  ;  parfois  cependant  il  adhère  assez  forte- 
ment. La  cause  de  cette  adhérence  est  encore  discutée  :  Vix 
et  Leuckart  l'attribuent  à  ce  que  le  Ver  transperce  la  mu- 
queuse avec  la  partie  effilée  de  son  corps,  de  manière  à  ne 
laisser  libres  que  l'extrémité  buccale  et  la  partie  postérieure 
renflée;  Klebs,  Heller,  d'autres  encore,  nient  cette  perforation 
et  les  observations  nombreuses  que  nous  avons  pu  faire,  non 
sur  l'Homme,,  mais  sur  des  Singes  ou  sur  des  Ruminants,  nous 
font  adopter  leur  manière  de  voir.  Heller  admet  que  la  portion 
effilée  s'insinue  entre  les  replis  superficiels  de  la  muqueuse  et 
les  enserre  de  ses  sinuosités  ;  si  véritablement  la  perforation 
de  la  muqueuse  s'observe  dans  certains  cas,  elle  est  donc 
loin  d'être  la  règle.  On  pourrait  prétendre  que,  par  suite  du 
décès  de  son  hôte,  le  Ver  succombe  lui-même  rapidement  et 
quitte  alors  la  muqueuse  ;  mais  cette  opinion  n'est  guère  sou- 
tenante, car  il  est  encore  vivant  48  et  même  78  heures  après  le 
refroidissement  du  cadavre. 

Le  Trichocéphale  est  ordinairement  inoffensif:  nous  l'avons  mainte 
fois  observé  chez  les  Singes,  sans  constater  jamais  la  moindre  lésion  ; 
aucun  des  26  individus  chez  lesquels  Bellingam  Ta  rencontré  ne  pré- 
sentait de  lésions  intestinales,  et  aucun  d'eux,  soit  avant,  soit  pen- 
dant la  maladie  qui  occassionna  la  mort,  ne  présenta  aucun  symp- 
tôme d'helminthiase.  Rudolphi  n'a  noté  rien  d'anormal  chez  une 
femme  dont  le  gros  intestin  renfermait  plus  de  1000  Trichocéphales. 

Il  est  pourtant  des  cas  exceptionnels  où  le  parasite  peut  provoquer 
l'apparition  de  symptômes  plusoumoins  graves.  Félix  Pascal  rapporte 
uncasmortel  dephénomènes  cérébraux  chez  une  fillette  de  quatre  ans; 
une  énorme  quantité  de  Trichocéphales  se  trouvait  dans  le  caecum  et 
dans  le  côlon.  Daniel  Gibson  a  publié  l'observation  d'une  fillette  de 
six  ans,  qui  avait  perdu  la  faculté  de  marcher  et  qui  ne  pouvait  plus 
parler  nettement  et  sans  se  mordre  la  langue:  la  paralysie  des  extré- 
mités et  la  perte  de  la  parole  devinrent  complètes;  la  malade  évacua 
à  plusieurs  reprises  un  grand  nombre  de  Trichocéphales  et  put  guérir 
complètement  en  moins  d'un  mois  et  demi.  Enfin,  Barth  a  commu- 
niqué à  la  Société  médicale  d'observation  l'histoire  d'un  malade  de 
l'Hôtel-Dieu,  qui   mourut  avec  tous  les  signes  d'une  méningite  :  à 


TRICHINA  SPIRALIS.  787 

l'autopsie,  on  trouva  l'encéphale  absolument  sain,  mais  l'intestin  ren- 
fermait une  énorme  quantité  de  Trichocéphales.  On  remarquera  que 
ces  phénomènes  nerveux  ne  sont  nullement  particuliers  au  parasite 
qui  nous  occupe,  mais  qu'il  n'est  point  rare  de  les  voir  résulter  du 
parasitisme  du  Ténia  ou  de  tout  autre  entozoaire,  notamment  de 
l'Ascaride. 

Nous  rappellerons  pour  mémoire  que  Rœderer  et  Wagler  croyaient 
voir  dans  le  Ver  la  cause  du  morbus  mucosus,  c'est-à-dire  de  la  tièvre 
typhoïde  ;  plus  récemment,  Rokitansky  a  émis  une  opinion  analogue. 
D'autre  part,  délie  Chiaje  a  cru  qu'il  jouait  un  certain  rôle  dans  la 
pathogénie  du  choléra. 

Une  signification  forte  différente  lui  a  été  récemment  attribuée  par 
Erni,  médecin  à  Batavia  :  celui-ci  a  voulu  voir  en  lui  la  cause  unique  et 
essentielle  du  béribéri.  Cette  théorie  a  été  réduite  à  néant  par  Scheffer, 
médecin  militaire  aux  Indes  néerlandaises  ;  d'ailleurs  Erni  lui-même 
avait  constaté  l'absence  du  parasite  dans  6  cas  de  béribéri  sur  30. 

Trichocephalus  homïais  n'est  pas  exclusivement  parasite  de 
l'Homme:  on  le  trouve  encore  chez  un  grand  nombre  de  Singes  et 
chez  les  Lémuriens  (Lemurmongoz).  On  connaît  actuellement  quinze 
espèces  du  môme  genre;  toutes  sont  parasites  des  Mammifères  ter- 
restres. 

On  trouvera  la  bibliographie  complète  du  Trichocépale  à  la 
fin  de  l'article  suivant  : 

R.  Blanchard,  Trichocéphale.  Dictionnaire  encyclop.  des  se.  méd.,  (3),XV1II, 
p.   171,  1887. 

Trichina  spiralis  Owen,  1833. 

Synonymie  :  Vibrio  humana  Lizars,  1843. 

Trichinia  spiralis  Bischoff,  1840. 
Pseudalius  trichina  Davaine,  1862. 

La  Trichine  adulte  se  rencontre  dans  l'intestin  grêle  dn  Porc. 
Le  mâle  meurt  peu  de  temps  après  l'accouplement  ;  la  femelle 
survit  au  contraire  pendant  quelques  jours  encore  :  l'évolution 
embryonnaire  se  fait  très  activement  à  l'intérieur  du  tube 
ovarien  et  de  l'utérus.  Dans  ce  dernier  organe,  l'ovule  perd 
finalement  sa  coque  protectrice,  mettant  l'embryon  en  liberté. 
La  Trichine  est  donc  ovovivipare. 

Les  embryons  libres  sont  accumulés  dans  le  vagin  au  nom- 
bre de  100  à  200  :  ils  cheminent  jusqu'à  la  vulve,  par  laquelle 
ils  abandonnent    l'organisme    maternel.   Une   seule  femelle 


788  ORDRE  DES  NEMATODES. 

donne  donc  naissance  à  un  nombre  considérable  d'embryons, 
puisque  la  production  de  ceux-ci  peut  durer  sept  ou  huit  se- 
maines, des  ovules  se  détachant  sans  cesse  de  l'ovaire. 

Après  sa  naissance,  l'embryon  frétille  dans  le  mucus  intes- 
tinal du  Porc  ;  malgré  ses  faibles  dimensions,  il  est  important 
de  connaître  sa  structure  et  ses  caractères  généraux,  car  sa 
recherche  dans  le  contenu  de  l'intestin  s'impose  au  clinicien, 
sa  constatation,  ainsi  que  celle  des  adultes,  suffisant  à  établir 
le  diagnostic  de  la  trichinose  intestinale  et  à  distinguer  celle-ci 
des  diverses  affections  entériques  avec  lesquelles  on  pourrait 
la  confondre. 

L'embryon  est  lancéolé,  long  de  90  à  100  jx  et  large  de  6  fx 
dans  sa  partie  moyenne.  Son  séjour  dans  l'intestin  du  Porc  est 
de  courte  durée  :  il  traverse  la  paroi  et  chemine  à  travers  le 
tissu  conjonctif  et  la  cavité  des  séreuses  pour  s'en  aller  dans 
les  muscles.  L'individu  dont  l'intestin  renferme  des  Trichines 
adultes  s'infeste  donc  lui-même  avec  la  progéniture  de  celles-ci  : 
cette  auto-infestation  est  si  constante  que,  dans  les  cas  de  tri- 
chinose musculaire,  on  peut  affirmer  que  l'individu,  à  une 
époque  antérieure,  a  eu  dans  l'intestin  des  Trichines  adultes 
provenant  de  l'ingestion  de  viandes  trichinées.  Toutefois,  des 
animaux  coprophages,  tels  que  le  Porc  et  le  Rat,  pourront  par 
exception  s'infester  en  se  repaissant  soit  de  l'intestin  d'un  ani- 
mal récemment  sacrifié,  soit  de  selles  fraîchement  évacuées  et 
renfermant  des  embryons  ou  des  femelles  adultes. 

La  durée  de  la  migration  dépend  de  la  longueur  du  chemin 
parcouru  ;  on  peut  admettre  qu'elle  ne  se  poursuit  pas  au  delà 
du  dixième  jour.  Tant  qu'elle  n'est  pas  achevée,  l'embryon  ne 
grandit  que  fort  peu  :  il  mesure  120  à  160  fx  sur  7  à  8  p  ;  il  est 
effilé  à  l'extrémité  postérieure,  l'antérieure  étant  obtuse  et 
rigide.  L'intestin  est  indiqué  par  un  cordon  cellulaire  solide, 
subdivisé  en  deux  portions,  et  occupant  l'axe  du  corps  dans  les 
trois  quarts  postérieurs  ;  l'œsophage  est  indiqué  par  un  cor- 
don chitineux  ;  on  ne  voit  encore  aucune  trace  des  organes 
génitaux. 

Les  embryons  (fig.  378)  se  distribuent  dans  tout  le  corps, 
mais  se  logent  de  préférence  dans  les  muscles  de  certaines 
régions.  Par  exemple,  on  les  trouve  en  plus  grande  abondance 
dans  la  moitié  supérieure,  dans  le  tronc  que  dans  les  membres  ; 


TRICHINA   SPIRALIS. 


789 


leur  siège  de  prédilection  est  constitué  par  le  diaphragme,  les 
muscles  interscostaux,  ceux  de  la  gorge,  du  cou  et  de  l'œil  ; 
le  cœur  est  à  peu  près  complètement  épargné.  Dans  les  mem- 
bres, ils  s'accumulent  ordinairement 
au   voisinage   des   extrémités   tendi- 
neuses  des  muscles  ;  ils  deviennent 
moins  nombreux,  à  mesure  qu'on  les 
cherche  en  un  point  plus  éloigné  du 
tronc.  Il  y  a  du  reste,  quant  à  leur 
répartition  dans  le  corps,  des  diffé- 
rences considérables,  non  seulement 
d'une  espèce  à   l'autre,   mais   aussi 
d'un  individu  à  l'autre. 

Parvenu  dans  le  muscle,  l'embryon 
va  grandir  et  s'entourer  d'un  kyste,   Fig-  378.  —  Jeune  Trichine 
dans  lequel  il  achèvera  son  dévelop-      £  ™-  £%S«X 
pement  larvaire,  puis  tombera  en  vie      près  J.  Ghatin. 
latente,  en  attendant  des  conditions 

favorables  à  son  passage  à  l'état  adulte.  On  sait  avec  une 
suffisante  précision  quelles  modifications  successives  présente 
le  jeune  animal  ;  en  revanche,  ses  rapports  avec  les  tissus 
ambiants  et  le  mode  de  formation  de  son  kyste  ne  sont  pas 
interprétés  de  la  même    manière  par  tous  les  observateurs. 

Deux  théories  se  trouvent  en  présence:  pour  les  uns  (Virchow, 
Leuckart,  Heller,  etc.),  le  Verse  logerait  à  l'intérieur  de  la  fibre  mus- 
culaire et  le  kyste  se  formerait  en  dedans  de  la  gaine  de  sarcolemme; 
pour  les  autres  (J.  Ghatin),  le  parasite  s'arrête  simplement  dans  le 
tissu  conjonctif  interfasciculaire,  à  l'exemple  du  Cysticerque,  et  le 
kyste  provient  d'une  irritation  de  ce  tissu. 

Si  le  tissu  conjonctif  est  le  véritable  habitat  du  Ver,  peut-être  ren- 
contrera-t-on  celui-ci  en  dehors  du  muscle,  en  des  points  où  ce  tissu  est 
plus  ou  moins  abondant,  par  exemple  dans  les  masses  de  graisse,  aux- 
quelles on  accorde  une  immunité  constante.  J.  Chatin  a  vérifié  chez 
le  Porc  l'exactitude  de  cette  présomption,  et  ses  observations  ont  été 
confirmées  par  Delavau,  Fourment  et  d'autres.  Ces  observateurs  ont 
rencontré  dans  des  fragments  de  lard  des  parasites  a  divers  états  de 
développement  (fig.  379  et  380)  ;  leurs  kystes  étaient  identiques  à  ceux 
des  muscles.  Des  expériences  d'infestation  sur  le  Cobaye  et  le  Rat  ont 
d'ailleurs  prouvé  que  ces  Trichines  des  masses  adipeuses  n'étaient 
pas  moins  redoutables  que  celles  des  muscles. 


790 


ORDRE  DES  NEMATODES. 


Le  parasite  peut  s'observer  encore  en  dehors  du  tissu  adipeux.  Chez 
les  Porcs  américains,  qui  sont  fréquemment  hypertrichinés,  J.  Cha- 
tin  a  vu  d'innombrables  Trichines  dans  les  tuniques  celluleuse  et  mus- 


Srrc 


JFig.  379.  —  Trichine  enkystée  sur  les  confins 
du  tissu  adipeux,  c  a,  et  du  tissu  muscu- 
laire, fm,  d'après  J.  Chatin.  Aucune  trace 
de  couche  pariétale  ;  cependant  le  tissu  kys- 
tique est  déjà  en  voie  de  dégénérescence 
graisseuse  (Cobaye  trichinose  expérimenta- 
lement). 


Fig.  380.  —  Trichine  com- 
plètement entourée  par  le 
tissu  adipeux,  d'après  J. 
Chatin. 


culeuse  de  l'intestin;  la  plupart  étaient  protégées  par  des  kystes  nor- 
malement constitués.  Ce  fait  nous  montre  que  parfois  l'infestation 
peut  se  faire  par  les  boudins,  saucisses,  cervelas,  andouilles  et  autres 
préparations  faites  avec  l'intestin  du  Porc,  alors  que  les  viandes  em- 
ployées pour  ces  préparations  sont  parfaitement  saines.  Il  nous 
explique  en  outre  parfaitement  une  ancienne  observation  de  Bakody:  cet 
auteur  avait  vu  déjà  le  Ver  enkysté  dans  l'intestin  du  Rat,  mais  imbu  de 
l'idée  que  la  Trichine  ne  se  rencontrait  jamais  en  dehors  des  muscles 
volontaires,  il  avait  méconnu  l'importance  de  sa  découverte  et  avait 
cru  devoir  rattacher  le  parasite  à  une  espèce  particulière  de  Trichine. 
Ainsi,  il  est  acquis  que  les  embryons  de  la  Trichine  ne  se  logent 
pas  exclusivement  dans  les  muscles  et  à  fortiori  qu'ils  ne  se  ren- 
contrent qu'exceptionnellement  à  l'intérieur  des  fibres  musculaires. 


TRICHINA  SPIRALIS. 


791 


L'ancienne   théorie  de  la  production  du  kyste  se  trouve  ainsi  réduite 
à  néant,  et  il  importe  maintenant  de  recher- 
cher de  quelle  manière  celui-ci  prend  nais- 
sance. 

Nous  savons  déjà  que  l'embryon  progresse 
dans  les  organes  en  suivant  les  lacunes  du 
tissu  conjonctif.  C'est  encore  dans  ce  tissu 
qu'il  s'arrêle  définitivement  :  il  l'irrite  par 
son  contact  prolongé  et  par  ses  mouvements. 
Les  fibres  s'hypertrophient ,  les  cellules  se 
multiplient  activement  et  le  tissu  semble 
bientôt  n'être  plus  représenté  que  par  une 
masse  granuleuse  d'apparence  amorphe, 
dans  laquelle  des  noyaux  sont  disséminés 
(fig.  381).  Cette  masse  est  en  réalité  formée 
de  cellules  embryonnaires  qui,  grâce  à  leur 
rapide  pullulation,  s'accumulent  entre  les 
faisceaux  primitifs  et  les  écartent;  elles  se 
laissent  pénétrer  de  granulations  protéiques, 
puis  se  remplissent  de  matière  glycogène. 

Bientôt  après,  d'importantes  modifications 
vont  se  produire  à  la  périphérie  de  la  masse 
granuleuse.  Le  Ver  a  poursuivi  son  évolution 
et,  sans  subir  aucune  mue,  a  acquis  tout  son 
développement  larvaire  :  il  s'est  enroulé  sur 
lui-môme  et  est  tombé  en  vie  latente  (fig. 


Fig.  381.  —  Jeune  Tri- 
chine dans  le  tissu  mus- 
culaire, d'après  J.  Cha- 
tin.  Autour  du  Ver  ap- 
paraîtunenôoformation 
constituée  par  des  cel- 
lules embryonnaires. 
(Muscles  d'un  Cobaye 
trichinose  expérimen- 
talement.) 


Fig.  382.  —  Larve  fixée  dans  le  tissu  musculaire  et  complètement  spiralée, 
d'après  J.  Chatin.  L'extrémité  caudale,  r,  montre  les  premiers  linéaments 
de  la  bourse  et  des  appendices.  Autour  du  Ver  s'est  développée  la  néofor- 
mation, composée  de  cellules  embryonnaires  et  montrant  déjà,  çà  et  là,  des 
gouttelettes  de  graisse. 

382).  On  assiste  alors  à  la  production  du  kyste;  la  néoformation  s'in- 


792 


ORDRE  DES  NÉMATODES. 


dure  vers  sa  partie  externe,  les  éléments  de  cette  zone  modifient  leur 
forme  et  leur  structure  pour  constiuer  une  couche  fort  mince,  qui 
va  en  s'épaississant  par  la  suite. 

Ainsi   qu'Owen  le    supposait  déjà,  le  kyste  résulte  donc  d'une  al- 
tération produite  par  le  parasite  dans  le  tissu  conjonctif  ambiant.  11 


Fig.  383.  —  Kyste  de  forme  normale, 
renfermant  une  seule  Trichine  et 
ayant  déterminé  à  ses  deux  pôles 
un  abondant  dépôt  de  graisse  écar- 
tantles  faisceaux  primitifs  ambiant^. 
D'après  J.  Chatin. 


Fig.  384-  —  Kyste  volumineux  conte- 
nant sept  Trichines  diversement  en- 
roulées, mais  en  général  faiblement 
spiralées  et  entourées  d'un  abondant 
tissu  kystique  limité  par  une  coucbe 
pariétale  relativement  mince.  D'a- 
près J.  Chatin. 


est  ordinairement  de  forme  ovale  (fig.  383),  son  grand  axe  étant  pa- 
rallèle à  la  direction  des  fibres  musculaires;  chacun  de  ses  deux 
pôles  s'étire  plus  ou  moins  en  une  sorte  de  tubercule  émoussé,  qui 
qui  donne  à  l'ensemble  l'aspect  d'un  citron.  Que  les  deux  tubercules 
polaires  viennent  à  s'effacer  et  que  le  kyste  se  renfle  en  son  milieu, 
on   passera  ainsi    par  toutes  les    transitions  de  la  forme  ovale  à  la 


TRICHINÀ  SPIRALIS.  703 

forme  sphérique.  Celle-ci  n'est  point  rare  chez  l'Homme,  mais  se  voit 
surtout  chez  le  Chat  et  le  Rat. 

Le  kyste  est  constitué  par  une  capsule  chitineuse,  plus  ou 
moins  épaisse  et  stratifiée;  la  superposition  des  couches  s'ob- 
serve surtout  dans  les  tubercules  polaires,  mais  est  manifeste 
aussi  sur  le  reste  du  kyste.  Sa  substance  est  infiltrée  de  très 
petites  granulations,  qui  parfois  se  disposent  de  manière  à 
donner  l'illusion  d'une  striation  rayonnante. 

Les  dimensions  moyennes  du  kyste  sont  de  0mm,40  sur 
0mm,25  ;  sa  longueur  peut  varier  entre  0mm,3Q  et  0mm,80,  sa  lar- 
geur entre  0mm,20  et  0mm,40.  Ces  dilférences  portent  bien  plus 
sur  l'épaisseur  de  la  paroi  que  sur  la  capacité  de  la  cavité 
qu'ellecirconscrit  :  celle-ci,  en  effet,  présente  assez  généralement 
une  forme  ovoïde,  mais  son  espace  diminue  avec  le  temps,  par 
suite  de  l'épaississement  progressif  de  la  coque. 

Pendant  assez  longtemps,  l'intérieur  du  kyste  se  montre  constitué 
par  les  cellules  embryonnaires  nucléées,  au  milieu  desquelles  se  trouve 
le  Ver.  Celles-ci  finissent  par  subir  diverses  régressions.  Elles  se 
laissent  tout  d'abord  infiltrer  par  des  granulations  pigmentaires  jau- 
nâtres, puis  brunâtres  ;  elles  subissent  ensuite  la  dégénérescence 
adipeuse.  Cette  transformation  s'établit  progressivement  et  aboutit  à 
la  destruction  des  cellules,  dont  le  noyau  persiste;  pendant  qu'elle 
s'accomplit,  on  observe  parfois  à  l'intérieur  du  kyste  des  aiguilles 
cristallines,  formées  probablement  par  de  l'acide  stéarique. 

Le  contenu  du  kyste  consiste  dès  lors  en  un  liquide  clair  et  fine- 
ment granuleux,  dans  lequel  nagent  un  grand  nombre  du  corpus- 
cules elliptiques  mesurant  de  10  à  15  y.  sur  5  à  8  a.  Le  liquide  est  al- 
bumineux,  coagulable  par  l'alcool  et  la  glycérine.  Quant  aux  corpu- 
cules,  nous  venons  d'indiquer  leur  nature  ;  Leuckart  les  considérait 
comme  les  noyaux  des  fibres  musculaires  qui  auraient  été  renfermées 
dans  la  capsule  en  même  temps  que  le  Ver,  puis  détruites  ultérieure- 
ment. 

Chaque  kyste  ne  renferme  normalement  qu'une  seule  larve;  par- 
fois cependant  on  trouve  deux  ou  trois  Vers  dans  le  môme  kyste,  ainsi 
que  Owen  et  Farre  l'avaient  déjà  constaté  ;  dans  les  viandes  amé- 
ricaines hypertrichinées,  il  n'est  pas  rare  de  trouver  jusqu'à  six  et 
sept  Vers  dans  un  môme  kyste,  comme  J.  Chatin  l'a  observé  (fîg.  384). 
Ceux-ci  se  disposent  alors  de  façons  diverses:  les  uns  sont  nettement 
spirales,  alors  que  d'autres  sont  à  peine  repliés  sur-mômes.  Parfois 
aussi  le  kyste  présente  certaines   anomalies  qui  résultent  précisé- 


794 


ORDRE   DES   NÉMATODES. 


ment  de  ce  qu'une  innombrable  quan- 
tité de  parasites  a  envahi  les  tissus; 
on  le  voit  prendre  l'aspect  moniliforme, 
acquérir  une  longueur  considérable  et 
se  subdiviser  en  une  série  de  cavités 
successives,  séparées  les  uns  des  au- 
tres par  des  étranglements  (fig.  385). 
Ces  kystes  pluriloculaires  s'observent 
aussi  bien  dans  le  pannicule  adipeux 
que  dans  les  muscles  ;  leurs  différentes 
loges  sont  de  taille  variable  et  renfer- 
ment chacune  un  ou  plusieurs  Vers. 

Dans  le  muscle  mort  et  refroidi, 
la  larve  se  montre  ramassée  sur  elle- 
même  et  enroulée  sur  la  face  dor- 
sale en  4  à  5  tours  de  spire;  elle 
reste  immobile,  à  moins  qu'on  ne  la 
réveille  par  la  chaleur  ou  par  l'ad- 
dition de  potasse  caustique. 

La  larve  est  longue  de  0mm,8  à 
1  millimètre,  effilée  en  avant  et 
arrondie  en  arrière;  la  bouche  et 
l'anus  s'ouvrent  chacun  à  une  ex- 
trémité. 

La  cuticule,  épaisse  de  i  {/.,  est  trans- 
parente et  striée  en  travers  ;  au-dessous 
se  voient  l'hypoderme  et  une  couche 
musculaire.  Celle-ci  est  interrompue 
de  chaque  côté  par  la  ligne  latérale, 
large  de  12  p.,  proéminant  à  l'intérieur 
et  parcourue  suivant  sa  longueur  par 
un  étroit  vaisseau  dont  les  sinuosités 
se  laissent  suivre  jusqu'au  niveau  du 

Fig.  385.  —  Kyste  pluriloculaire  formé  de 
trois  loges  superposées,  renfermant  cha- 
cune une  Trichine  et  séparées  par  du  tissu 
kystique  en  voie  de  dégénérescence  grais- 
seuse. La  couche  pariétale  n'est  nette- 
ment distincte  que  dans  la  partie  supé- 
rieure du  kyste.  Vers  le  côté  droit  de  la  loge  supérieure,  on  voit  s'effec- 
tuer un  travail   inflammatoire   dans   le  tissu  ambiant.  D'après  J.  Chatin. 


TRICHINA  SPIRÀLIS.  795 

corps  cellulaire  ;  au  voisinage  de  l'anneau  nerveux  qui  entoure  la 
partie  moyenne  de  l'œsophage,  les  deux  vaisseaux  se  réunissent  et 
débouchent  sur  la  face  ventrale.  En  outre  des  lignes  latérales,  la 
couche  musculaire  est  encore  interrompue  par  deux  lignes  mé- 
dianes étroites  et  surbaissées,  l'une  dorsale,  l'autre  ventrale. 

Autour  de  la  bouche  se  voient  de  minces  replis,  constitués  non 
seulement  par  les  couches  cutanées,  mais  encore  par  un  renforce- 
ment local  du  système  musculaire.  L'œsophage  a  la  même  structure 
que  chez  le  Trichocéphale .  L'intestin  débute  par  une  dilatation,  mais 
se  rétrécit  aussitôt,  puis  garde  le  même  calibre  sur  toute  sa  longueur. 
Sa  lumière  est  assez  large;  en  dedans  de  la  gaine  péritonéale  qui 
l'enveloppe,  il  est  constitué  par  une  couche  assez  épaisse,  dans  la- 
quelle on  distingue  des  granulations  graisseuses  et  çà  et  là,  surtout 
dans  la  portion  renflée,  une  assise  de  cellules  plates.  Le  tube  digestif 
se  termine  par  un  rectum  de  petites  dimensions,  pourvu  en  dehors 
d'une  couche  musculeuse  très  épaisse  et  tapissé  en  dedans  d'un  re- 
vêtement cuticulaire  qui  se  continue  par  l'anus  avec  celui  du  tégu- 
ment. L'anus  est  exactement  terminal. 

L'anneau  nerveux  siège  sur  l'œsophage,  en  avant  du  corps  cellu- 
laire. Il  est  distinctement  formé  de  cellules  et,  suivantPagenstecher, 
émet  des  filets  latéraux  qui  se  dirigent  en  avant  et  en  arrière. 

La  Trichine  est  au  nombre  des  rares  Nématodes  dont  la  larve  pré- 
sente des  caractères  sexuels  nettement  indiqués  et  possède  un  appa- 
reil reproducteur  exceptionnellement  développé.  La  glande  génitale 
s'étend  le  long  de  la  face  ventrale  convexe,  sous  forme  d'un  large 
tube  qui  parcourt  presque  toute  la  longueur  de  la  moitié  postérieure 
du  corps.  Elle  est  plus  épaisse  que  l'intestin  et  se  présente  dans  l'un 
et  l'autre  sexe  sous  l'aspect  d'un  cylindre  à  mince  paroi,  large  de 
25  {*  et  rempli  de  cellules.  Elle  se  termine  en  cul-de-sac,  à  l'endroit 
où  le  rectum  se  sépare  de  l'intestin.  En  avant,  elle  se  rétrécit  nota- 
blement et  s'avance  jusqu'à  la  dilatation  initiale  de  l'intestin.  Cbez 
les  individus  enkystés  depuis  longtemps,  cette  portion  rétrécie  pré- 
sente un  amas  de  corpuscules  irréguliers  et  réfringents,  amas  que 
Farre  avait  déjà  observé  et  avait  pris  pour  l'organe  génital  lui-même; 
on  ignore  sa  nature  et  sa  composition  chimique;  on  sait  du  moins 
qu'il  n'existe  point  chez  la  jeune  larve. 

La  glande  génitale  se  continue  en  avant  par  un  prolongement  fili- 
forme qui  donnera  plus  tard  naissance  à  l'appareil  vecteur  et  qui 
présente  déjà  des  caractères  sexuels.  Chez  la  femelle,  c'est  un  tube 
rectiligne  qui  pénètre  dans  la  partie  antérieure  du  corps  et  court 
pendant  un  certain  temps  à  la  face  interne  de  la  paroi  ventrale;  il  se 
termine  encore  en  cul-de-sac,  suivant  Leuckart,  mais  J.  Chatin 
admet  que  la  vulve  est  déjà  visible. 


796 


ORDRE  DES  iNÉMATODES. 


Chez  le  mâle,  le  canal  excréteur  s'infléchit  presque  aussitôt  sur 
lui-môme  et  se  porte  en  arrrière,  en  passant  entre  la  glande  génitale 
et  l'intestin  ;  finalement,  il  s'unit  au  commencement  du  rectum. 
Dans  l'un  et  l'autre  sexe,  cet  appareil  vecteur  est  du  reste  encore  fort 
peu  développé  :  il  consiste  en  un  mince  cordon  cellulaire,  solide  dans 
toute  son  étendue,  sauf  au  point  où  il  s'unit  à  la  glande  génitale.  Il 

n'est  pas  rare,  enfin,  de  trouver  chez  le 
mâle  les  premières  indications  de  la 
bourse  copulatrice. 

La  Trichine  enkystée  dans  les 
musclés  ou  dans  tout  autre  organe 
peut  rester  vivante  pendant  de  nom- 
breuses années,  sans  subir  aucune 
modification.  Chez  l'Homme,  Grien- 
penkerl  l'a  vue  encore  vivante  au 
bout  de  5  années,  Tiïngel  au  bout  de 
12  années  ;  les  kystes  n'étaient  pas 
encore  calcifiés.  Chez  le  Porc,  Dam- 
mann  a  fait  la  même  observation 
11  ans  et  quart  après  l'infestation  ; 
les  kystes  étaient  à  peine  calcifiés. 
D'autres  observateurs  ont  constaté 
encore  qu'au  bout  de  20  et  même  de 
24  ans  (Klopsch),  le  parasite  avait 
gardé  toute  sa  vitalité. 

La  calcification  ne  s'établit  donc 
qu'à  la  longue,  alors  que  l'helminthe 
est  enkysté  depuis  plus  ou  moins 
longtemps  :  l'animal  est  incapable 
de  demeurer  en  vie  latente  au  delà 
d'un  certain  nombre  d'années  (le 
délai  dont  il  dispose  est  déjà  fort 
aux  deux  pôles  du  kyste,  les  iong)  comme  on  l'a  vu)  et  l'envahis- 

traccs  manifestes    d'un    pro-  .  .  ,        ,      .        ,n      OOPs 

cessus  inflammatoire.  sèment  par  les  sels  calcaires  (fig.  386) 

est  l'indice  d'une  mort  prochaine. 

Telle  est  la  destinée  qui  attend  la  larve  quand,  par  exemple, 
elle  se  trouve  hébergée  par  un  Homme  jeune  qui  a  subi  de 
bonne  heure  l'infestation.  Au  contraire,  est-elle  logée  dans  les 
muscles  d'un  Porc,  dont  l'engraissement  et  l'abatage  n'exigent 


Fig.  386.  —  Kyste  crétifié  dans 
une  viande  américaine,  d'a- 
près J.  Chatin.  Les  faisceaux 
musculaires  ambiants  sont 
atrophies    et    l'on    constate, 


TRICHINA.  SPIRALIS. 


797 


Fig.  387.  —  Trichina  spiralis  adulte,  d'après  J.  Chatin.  —  A,  mâle;  à  l'extré- 
mité postérieure  se  voit  l'expansion  caudale  avec  les  appendices  digités.  — 
B,  C,  femelles;  le  tube  digestif  est  complètement  masqué  par  l'appareil 
sexuel  montrant  des  œufs  dans  la  région  postérieure  du  corps  de  l'animal 
et  des  embryons  dans  la  région  antérieure. 


798  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

que  quelques  mois,  elle  peut  être  transportée  dans  l'intestin  de 
l'Homme  avant  que  la  mort  ne  soit  venue  la  saisir,  voire  même 
avant  que  la  calcification  de  son  kyste  n'ait  commencé.  Elle 
se  trouve  donc  dans  les  conditions  nécessaires  et  suffisantes  à 
la  suite  de  son  développement  :  celui-ci  s'achève  avec  une  ex- 
trême rapidité. 

Aussitôt  que  les  Vers  arrivent  dans  l'estomac  de  l'Homme 
ou  de  tout  autre  animal  approprié,  la  longue  période  de  vie 
latente  prend  fin  brusquement.  Le  suc  gastrique  digère  le 
kyste,  ou  tout  au  moins  le  perfore,  et  met  ainsi  en  liberté  les 
jeunes  larves.  Déjà  3  à  4  heures  après  l'ingestion,  on  trouve 
dans  l'estomac  un  grand  nombre  de  jeunes  Vers  qui  passent 
rapidement  dans  l'intestin  grêle  pour  y  atteindre  leur  maturité 
sexuelle.  Ce  phénomène  s'accomplit  en  30  à  40 heures  et  même 
en  24  heures  pour  les  larves  récemment  enkystées.  Celles-ci 
n'ont  du  reste  que  fort  peu  de  modifications  à  subir  pour 
devenir  adultes,  en  raison  de  l'état  de  développement  avancé 
que  présentaient  leurs  organes  génitaux. 

A  la  fin  du  second  jour,  le  mâle  mesure  lmm,2  à  lmm,4  et  la 
femelle  lmm,5  à  lmra,8  :  l'accouplement  s'effectue  alors  ;  toute- 
fois les  animaux  ne  sont  point  arrivés  à  leur  taille  définitive. 

Le  mâle  complètement  adulte  (fig.  387,  A)  est  long  de  lmm,4 
à  imm,6  et  moitié  plus  petit  que  la  femelle.  Son  corps  est  cylin- 
dro-conique  :  il  s'effile  et  s'atténue  en  avant,  tandis  qu'il  se 
renfle  en  arrière,  pour  se  terminer  par  deux  appendices  coni- 
ques dont  l'extrémité  libre  est  tournée  vers  la  face  ventrale. 
Ces  appendices  ressemblent  aux  deux  mors  d'une  pince  et 
constituent  une  sorte  nourse  copulatrice;  entre  eux  se  voit 
l'orifice  cloacal,  en  arrière  duquel  se  dressent  deux  paires  de 
papilles  ;  les  antérieures,  situées  immédiatement  en  arrière  du 
cloaque,  sont  hémisphériques  ;  les  postérieures  sont  coniques. 

La  femelle,  B,  C,  est  longue  de  3  à  4  millimètres,  effilée  en 
avant,  moins  atténuée  en  arrière.  L'anus  est  exactement  termi- 
nal; la  vulve  s'ouvre  à  la  face  ventrale,  à  l'union  du  premier 
cinquième  avec  les  quatre  cinquièmes  postérieurs. 

La  cuticule  est  mince  et  marquée  de  fines  stries  transversales. 
L'hypoderme,  assez  distinct  chez  la  larve,  n'est  plus  indiqué  que  par 
des  noyaux  disséminés  dans  une  masse  nbro-plastique.  Les  couches 
musculaires  sont  relativement  moins  épaisses  que  chez  la  larve;  elles 


TRICHINA  SPIRALIS.  799 

sont  formées  de  cellules  distinctes  et  non  d'une  substance  fonda- 
mentale homogène,  simplement  nucléée,  ainsi  qu'Ant.  Schneider 
l'admettait  pour  ranger  la  Trichine  parmi  ses  Holomyaires. 

L'organisation  de  la  larve  est  tellement  parfaite  que  la  métamor- 
phose qui  marque  le  passage  à  l'état  adulte  se  réduit  à  fort  peu  de 
chose.  Les  transformations  portent  à  peu  près  exclusivement  sur 
l'appareil  génital,  sauf  chez  le  mâle,  dont  le  rectum  subit  aussi  de 
profondes  modifications.  Non  seulement  cet  organe  est  deux  fois 
plus  long  que  chez  la  femelle,  mais  il  est  encore  entouré  d'une 
épaisse  couche  musculaire  qui  réduit  sa  lumière  à  tel  point  que  cer- 
tains auteurs  ont  pris  pour  un  spicule  son  revêtement  chitineux 
interne;  or,  les  Trichines  sont  totalement  dépourvues  de  spicule. 

L'erreur  est  d'autant  plus  facile  que  ces  helminthes  ont  la  faculté 
d'évaginer  leur  rectum  jusqu'à  l'embouchure  du  canal  déférent. 
Cette  portion  de  l'intestin  apparaît  alors  au  dehors  sous  l'aspect  d'un 
appendice  en  forme  de  cloche,  qui  proémine  bien  au-delà  des  deux 
lobes  de  la  bourse  copulatrice  et,  de  même  que  ceux-ci,  s'incurve 
vers  la  face  ventrale.  11  est  vraisemblable  que,  lors  de  l'accouplement, 
cet  appareil  se  fixe  sur  la  vulve  à  la  façon  d'une  ventouse  et  facilite 
ainsi  l'introduction  du  sperme. 

Le  sac  testiculaire  est  à  peine  modifié  dans  son  aspect;  il  est  long 
de  0mm,43  à  0mm,50,  et  large  de  0mm,03  ;  il  a  donc  augmenté  de  taille, 
bien  que,  par  suite  de  l'allongement  du  rectum,  il  descende  moins 
loin  en  arrière.  Sa  mince  et  transparente  paroi  semble  être  dépour- 
vue d'épithélium  interne  ;  la  cavité  est  pleine  de  cellules  larges  de  7  (/., 
pâles  et  renfermant  un  contenu  divisé  en  quatre  masses  nucléées, 
larges  de  3  f*  ;  chacune  d'elles  s'isolera  pour  devenir  un  spermato- 
zoïde. 

Le  canal  déférent  a  un  épithélium  interne  ;  de  plus,  il  possède  des 
fibres  musculaires  disposées  annulairement.  Ce  canal  se  sépare 
encore  de  l'utérus  au  niveau  du  commencement  de  l'intestin;  il 
présente  le  même  trajet  que  chez  la  larve.  Sa  partie  postérieure,  qui 
débouche  dans  le  rectum,  s'est  seule  modifiée  :  elle  s'est  dilatée,  par 
suite  de  l'accumulation  du  sperme,  en  un  réservoir  allongé  ou  vési- 
cule séminale. 

Au  moment  de  l'accouplement,  la  femelle  n'est  guère  plus  grande 
que  le  mâle.  Les  produits  élaborés  par  la  glande  génitale  sont  diffé- 
rents, mais  l'aspect  de  celle-ci  n'a  guère  varié  :  elle  est  longue  de 
0mm,30  à  0mm,45  et  large  de  0mm,035.  L'oviducte  s'ouvre  mainte- 
nant au  dehors  par  une  vulve  située  vers  le  milieu  du  corps  cellu- 
laire. La  limite  entre  l'ovaire  et  l'oviducte  est  marquée  par  un  étran- 
glement d'autant  plus  net  que  ce  dernier  est  encore  vide  d'œufs  ;  sa 
partie  postérieure  se  dilate  en  une  poche,  dans  laquelle  le  sperme  s'ac- 


800  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

cumule  après  la  fécondation.  La  structure  de  l'oviducle  rappelle  celle 
du  canal  déférent;  les  muscles  sont  plus  épais  et  forment  un  véritable 
sphincter  derrière  la  vulve.  Celle-ci  est  un  orifice  transversal,  limité 
par  des  lèvres  saillantes  provenant  de  ce  que  le  tégument  est  soulevé 
par  le  sphincter.  Ce  sphincter  maintient  la  vulve  fermée  à  l'état  de  re- 
pos; un  autre  appareil  musculaire,  constitué  par  quatre  groupes  de 
fibres  rayonnantes  qui  émanent  delaparoi  du  corps,  assure  l'écartement 
des  lèvres  vulvaires,  soit  pour  permettre  la  copulation,  soit  pour  livrer 
passage  aux  jeunes  embryons. 

L'œuf  mesure  20  p.  au  maximum  ;  la  vésicule  germinative  est  large 
de  près  de  10  p.  et  renferme  une  tache  germinative.  La  coque  fait 
défaut  et  l'enveloppe  extérieure  de  l'ovule  est  représentée  par  une 
membrane  anhiste  d'une  extrême  délicatesse. 

Les  œufs  s'accumulent  en  grande  quantité  dans  le  tube  ovarien. 
Ils  prennent  naissance,  ainsi  que  Claus  l'a  reconnu,  le  long  d'un 
cordon  qui  forme  une  sorte  de  bande  continue  tout  le  long  de  l'un 
des  côtés  de  l'ovaire  et  qui  proémine  au-dessus  de  la  membrane 
anhiste  de  celui-ci.  Quand  les  ovules  ont  atteint  une  certaine  taille, 
ils  se  détachent  et  tombent  dans  la  cavité  ovarienne. 

Dans  l'acte  de  la  copulation,  le  mâle  se  fixe  à  l'aide  de  sa 
bourse  caudale  à  l'orifice  vulvaire  et  s'y  maintient  en  introduisant 
dans  celui-ci  son  cloaque  évaginé.  Les  muscles  du  canal  déférent 
entrent  alors  en  jeu  et  projettent  le  sperme  dans  l'oviducte,  en  même 
temps  que  certaines  petites  masses  musculaires,  situées  sur  les  flancs 
du  rectum,  se  contractent  et  interrompent  momentanément  toute 
communication  entre  l'intestin  et  le  cloaque. 

Les  œufs  n'arrivent  dans  l'oviducte  qu'après  l'accouplement;  ils 
traversent  alors  la  dilatation  dans  laquelle  le  sperme  s'est  accu- 
mulé et  sont  fécondés  au  passage.  Deux  jours  après  l'infestation, 
on  trouve  déjà  dans  l'intestin  un  grand  nombre  de  femelles  dont 
l'oviducte  se  remplit  d'œufs  en  train  de  se  segmenter.  Par  suite  de 
leur  arrivée  incessante,  l'oviducte,  qui  à  l'état  de  vacuité  avait  à 
peu  près  la  longueur  de  l'ovaire,  s'allonge  et  se  dilate  de  plus  en 
plus.  Au  bout  de  quelques  jours,  ce  canal  a  doublé  de  longueur, 
ce  qui  a  pour  résultat  un  allongement  corrélatif  de  la  partie  posté- 
rieure du  corps  de  la  femelle. 

Cependant  l'évolution  de  l'œuf  se  poursuit  :  les  premiers  embryons 
apparaissent  du  sixième  au  septième  jour  de  linfestation,  bien  que 
l'oviducte  n'ait  pas  encore  atteint  son  maximum  de  réplétion;  dès 
que  le  corps  de  l'embryon  est  formé,  la  membrane  vitelline  se  dé- 
truit. Les  embryons  situés  au  voisinage  de  la  vulve  sont  le  plus  avan- 
cés dans  leur  développement  :  ils  se  dégagent  bientôt  de  la  masse 
commune  qui  les  englobait  et  sont  expulsés  au  fur  et  à  mesure, 


TR1CH1NA  SPIRALIS.  801 

grâce  à  un  mouvement  péristallique  de  l'oviducte.  La  Trichine  est 
donc  vivipare. 

Les  embryons  commencent  à  prendre  naissance  deux  ou  trois  jours 
avant  que  la  femelle  n'ait  acquis  sa  taille  définitive  et  longtemps 
avant  que  la  production  des  œufs  n'ait  cessé.  Une  femelle  de  huit  à 
dix  jours  mesure  jusqu'à  3mm,5  de  longueur;  son  vaste  oviducte 
occupe  plus  de  la  moitié  de  la  longueur  du  corps  et  renferme 
au  moins  400  germes,  à  tous  les  degrés  de  développement.  Si  on  con- 
sidère que  la  femelle  reste  féconde  pendant  les  cinq  à  six  semaines 
que  dure  son  existence,  on  peut,  sans  exagérer,  évaluer  à  plusieurs 
milliers  le  nombre  de  ses  rejetons.  Krabbe  a  trouvé  plusieurs  cen- 
taines de  mille  déjeunes  Vers  dans  les  muscles  d'un  Lapin  auquel, 
cinq  semaines  et  demie  auparavant,  il  avait  donné  400  Trichines 
musculaires.  Toutefois,  la  femelle  ne  semble  pas  garder  une  égale 
fécondité  pendant  toute  sa  vie  :  dans  les  dernières  semaines,  l'utérus 
et  l'ovaire  sont  bien  moins  remplis  d'œufs  qu'au  début. 

La  Trichine  adulte  est  trop  petite  pour  être  trouvée  dans  le  con- 
tenu de  l'intestin  sans  le  secours  du  microscope.  En  raison  de  la 
différence  de  taille,  le  mâle  se  soustrait  plus  aisément  que  la  fe- 
melle à  l'investigation.  La  rareté  relative  des  mâles  ne  reconnaît  du 
reste  pas  cette  seule  cause;  elle  tient  encore  à  ce  que,  pour  la  Tri- 
chine comme  pour  les  autres  Nématodes,  les  deux  sexes  ne  sont 
pas  représentés  dans  la  même  proportion.  On  constate  à  cet  égard 
de  notables  différences  d'un  cas  à  l'autre  ou  même  aux  diverses 
époques  d'une  même  infestation  :  peu  de  temps  après  le  début  de 
celle-ci,  le  nombre  des  femelles  n'est  guère  supérieur  à  celui  des 
mâles;  plus  tard,  les  mâles  sont  devenus  très  rares.  La  cause  de  ce 
phénomène  réside  en  ce  que  les  mâles  meurent  peu  de  temps 
après  la  copulation,  qui  s'effectue  de  bonne  heure,  tandis  que  les 
femelles  persistent  plus  ou  moins.  Au  bout  de  cinq  semaines,  leur 
nombre  a  notablement  diminué  et,  vers  la  fin  du  second  mois,  on 
ne  trouve  plus  que  quelques  retardataires. 

L'Homme,  le  Porc  et  le  Rat  étant  cosmopolites,  il  y  a  lieu  de 
penser  que  la  Trichine  est  elle-même  répandue  sur  une  grande 
partie  de  la  surface  du  globe.  Toutefois,  on  constate  dans  sa 
fréquence  des  différences  considérables,  même  dans  des  pays 
voisins,  comme  la  France  et  l'Allemagne.  Cela  tient  tout  à  la 
fois  à  une  rareté  relative  de  la  trichinose  du  Porc  dans  cer- 
taines régions  et  aux  habitudes  culinaires  de  la  population, 
ainsi  que  nous  aurons  l'occasion  de  le  démontrer  plus  loin. 

La  Trichine,  comme  on  sait,  a  été  découverte  en  Angleterre 

Blanchard.  —  Zool.  méd.  5i 


802  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

et,  dans  un  court  espace  de  temps,  on  a  pu  l'y  rencontrer  plu- 
sieurs fois  dans  les  cadavres.  Il  ne  faudrait  pas  croire,  d'après 
cela,  que  c'est  surtout  en  ce  pays  que  s'observe  le  parasite. 
C'est  l'Allemagne,  au  contraire,  qui  jouit  de  ce  triste  privilège. 
Depuis  que  Zenker,  en  1860,  a  prouvé  qu'elle  est  une  maladie 
parfois  mortelle,  transmise  à  l'Homme  par  le  Porc,  la  trichi- 
nose a  sévi  à  de  nombreuses  reprises  parmi  la  population  alle- 
mande :  nous  en  avons  recueilli  et  publié  ailleurs  plus  de 
100  cas  et  encore  notre  statistique  n'a-t-elle  point  la  prétention 
d'être  complète.  D'autre  part,  l'examen  critique  des  écrits 
d'anciens  auteurs  a  permis  de  reconnaître  encore  la  trichinose 
dans  des  maladies  à  marche  bizarre,  revêtant  parfois  la  forme 
épidémique  et  qui  avaient  été  .fréquemment  confondues  avec 
la  fièvre  typhoïde,  le  choléra  ou  d'autres  maladies  infectieuses. 

Nous  venons  de  parler  d'épidémies  de  trichinose.  Les  auteurs  alle- 
mands désignent  en  effet  sous  le  nom  impropre  d'épidémie  les  cas 
où  la  maladie  s'attaque  à  un  plus  ou  moins  grand  nombre  d'indi- 
vidus. Ces  cas  se  présentent  dans  ces  circonstances  qu'il  est  facile 
d'apprécier  :  un  jambon  trichine,  mangé  en  famille,  n'occasionnera 
que  quelques  cas  isolés  de  trichinose  ;  un  Porc,  tué  par  un  charcu- 
tier et  réparti  dans  une  clientèle  nombreuse,  pourra  au  contraire 
répandre  la  maladie  dans  une  localité  tout  entière,  voire  môme  dans 
les  localités  voisines,  et  la  maladie  aura  dès  lors  l'apparence  épidé- 
mique; il  est  de  toute  évidence  qu'il  ne  s'agit  point  là  d'une  véri- 
table épidémie,  dans  le  sens  exact  et  précis  du  mot. 

La  maladie  est  extrêmement  rare  en  France,  à  cause  de 
l'heureuse  coutume  qu'a  la  population  de  soumettre  la  viande 
de  Porc  à  une  cuisson  prolongée  et  aussi  en  raison  déjà  grande 
rareté  des  Trichines  chez  cet  animal. 

De  1828  à  1829  sévissait  à  Paris  l'acrodynie,  maladie  mal  définie 
qui  eut  une  énorme  extension  et  qui  se  propagea  encore  en  d'autres 
villes  :  on  en  attribuait  la  cause  à  la  viande  de  Porc  et  Le  Roy  de 
Môricourt  a  émis  l'opinion  qu'elle  était  identique  à  la  trichinose, 
opinion  à  laquelle  se  sont  ralliés  bon  nombre  de  médecins. 

Le  parasite  n'a  été  trouvé  que  trois  fois  dans  les  muscles  de 
l'Homme  :  à  Paris,  pur  Cruveilhier  et  par  A.uzias-Turenne,  cité  par 
Moquin-Tandon  ;  à  Strasbourg,  par  Kœbcrlé. 

La  seule  observation  authentique  et  indiscutable  de  trichi- 


TRICHINA  SPIRALIS.  803 

nose  en  France  est  due  à  Jolivet,  de  Crépy-en-Valois  (Oise).  En 
1878,  plusieurs  personnes  furent  malades  pour  avoir  ingéré  de  la 
viande  de  Porc  :  un  morceau  de  l'animal  fut  transmis  à  Laboul- 
bène,  qui  y  découvrit  des  Trichines.  Cet  habile  observateur  fit 
alors  une  enquête  et  constata  que,  sur  21  personnes  ayant  fait 
usage  de  la  viande  infestée,  17  avaient  été  malades  ;  une  jeune 
fille  était  morte  vers  le  douzième  jour.  Le  Porc  avait  été  acheté 
dans  l'Oise  ou  dans  la  Seine-Inférieure,  régions  dans  lesquelles 
aucune  maladie  particulière  n'a  été  signalée  chez  les  Porcs  ; 
l'infestation  était  du  reste  de  date  récente  et  s'était  faite  à 
Grépy,  peut-être  à  plusieurs  reprises,  comme  l'indiquait  l'inégal 
développement  des  parasites.  Le  Porc  avait  été  élevé  dans  un 
réduit  dont  le  toit  et  l'intérieur  étaient  visités  et  habités  par 
de  nombreux  Rats,  attirés  par  le  fumier  d'un  boucher  voisin  : 
il  s'était  sans  doute  infesté  en  mangeant  l'un  de  ceux-ci. 

La  trichinose  est  rare  en  Suisse,  en  Autriche,  en  Grande-Bre- 
tagne, en  Belgique,  en  Suède,  en  Espagne,  en  Roumanie;  elle 
est  un  peu  plus  fréquente  en  Russie. 

En  Asie,  Wortabet  en  a  observé  une  épidémie  occasionnée  par 
la  viande  de  Sanglier,  dans  un  village  voisin  des  sources  du 
Jourdain,  Elle  ne  serait  point  rare  au  Bengale,  parmi  les  indi- 
gènes, et  Patrick  Manson  a  noté  son  existence  chez  le  Porc 
chinois.  Le  Ver  a  encore  été  vu  par  Gaillard,  à  Alger,  dans  les 
muscles  d'un  cadavre  ;  on  l'a  également  observé  en  Egypte  et 
en  Australie.  L'Amérique  du  Sud  n'échappe  point  à  ses  at- 
teintes :  Tiïngel  l'a  trouvé  à  Hambourg  chez  un  jeune  mousse 
qui  avait  été  infesté  par  un  Porc  chilien;  toutefois,  d'après 
Lutz,  il  n'aurait  pas  encore  été  observé  au  Brésil. 

L'extrême  abondance  de  la  Trichine  chez  les  Porcs  élevés  aux 
Etats-Unis  permet  d'affirmer  que  la  trichinose  y  est  très  fré- 
quente chez  l'Homme,  peut-être  même  encore  plus  fréquente 
qu'en  Allemagne.  Aussi  beaucoup  d'États  européens,  entre  autres 
laFrance,ont-ilsprohibé  l'importation  des  salaisons  américaines. 

Puisque  la  maladie  résulte  de  l'usage  de  la  viande  de  Porc,  la  pro- 
phylaxie doit  tendre  à  un  double  but  :  diminuer  la  fréquence  de  la 
trichinose  chez  le  Porc  et  prendre  des  mesures  propres  à  empêcher 
l'infestation  de  l'Homme  par  des  Porcs  trichines. 

Pour  répondre  à  la  première  de  ces  questions,  il  importe  de  re- 
chercher de  quelle  manière  le  Porc  contracte  la  trichinose.  Parmi  les 


804  ORDRE  DES  NÉMATODES. 

animaux  chez  lesquels  s'observe  le  parasite,  le  Rat  mérite  d'être  cité 
en  première  ligne.  Un  grand  nombre  d'auteurs  l'ont  considéré  comme 
le  point  de  départ  de  la  trichinose  porcine.  Ce  Rongeur  a  une  récep- 
tivité particulièrement  grande  à  l'égard  de  la  Trichine,  comme  il  est 
facile  de  le  démontrer  expérimentalement;  partout  où  il  a  l'occasion 
de  manger  de  la  viande  trichinée,  on  le  trouve  infesté  lui-même  ; 
il  se  montre  enfin  très  fréquemment  contaminé  dans  des  régions  où 
la  trichinose  humaine  n'a  pas  encore  été  observée  ou  du  moins  ne 
l'a  été  que  très  rarement.  On  connaît  d'autre  part  la  voracité  du  Porc 
et  sa  tendance  à  se  nourrir  principalement  de  viande.  Il  est  donc 
vraisemblable  que  cet  animal  dévore  des  Rats  à  l'occasion,  et  Kiihn 
a  constaté  la  réalité  du  fait.  Il  semble  démontré  de  la  sorte  que  le 
Porc  et  secondairement  l'Homme  tirent  leurs  Trichines  du  Rat.  Ces 
Vers  seraient  essentiellement  des  parasites  de  ce  dernier  :  ils  se 
propageraient  dans  le  genre  Rat  par  reproduction  continue  d'un  indi- 
vidu à  l'autre,  indépendamment  de  toute  autre  source  d'infestation. 
Ils  passent  parfois  du  Rat  dans  d'autres  animaux,  mais,  sans  l'apport 
de  nouveaux  Rats  infestés,  ils  finiraient  par  disparaître  chez  ceux-ci. 
En  exterminant  les  Rats,  on  exterminerait  donc  aussi  la  Tricbine. 

Leuckart  est  demeuré  l'un  des  plus  fidèles  partisans  de  cette 
théorie,  dont  Zenker  et  Gerlach  ont  cherché  à  démontrer  la  fausseté. 
Considérant  que  les  Rats  trichines  se  trouvent  le  plus  souvent  dans 
les  équarrissages,  les  abattoirs  et  les  boucheries,  où  ils  ont  de  la 
viande  de  Porc  à  satiété,  ces  auteurs  pensent  au  contraire  que  les 
Rats  s'infestent  en  mangeant  de  la  viande  de  Porc  :  la  cause  princi- 
pale de  l'infestation  résiderait  donc  dans  la  race  porcine  elle-même. 

Dès  lors,  comment  la  propagation  du  parasite  peut-elle  se  faire  ? 
Diverses  circonstances  peuvent  se  présenter.  Un  premier  cas,  assez 
rare,  est  celui  où  un  Porc  sain  vient  à  se  repaître  des  excréments 
d'un  Homme  ou  d'un  Porc  récemment  infesté,  dans  lesquels  se 
trouvent  des  Trichines  adultes  et  des  embryons;  par  cette  voie,  l'in- 
festation sera  fort  incertaine,  car  le  suc  gastrique  tue  et  digère  la 
plupart  des  adultes  et  des  embryons.  Un  second  cas,  plus  fréquent, 
est  celui  où  un  Porc  sain  mange  de  la  viande  d'un  Porc  infesté.  Le 
cas  se  présente  ordinairement  dans  les  équarrissages,  que  Zenker 
considère  comme  les  établissements  le  mieux  adaptés  à  l'élevage  des 
Porcs  trichines.  Une  dernière  circonstance  est  encore  plus  favorable 
que  les  précédentes  à  la  propagation  de  la  trichinose  chez  le  Porc  : 
c'est  l'babitude  qu'on  a  dans  les  étables  et  dans  les  abattoirs  de  nourrir 
les  Porcs  vivants  avec  les  déchets  des  Porcs  abattus.  De  plus,  on  a 
coutume  de  déverser  dans  l'auge  qui  contient  la  nourriture  des 
Porcs  l'eau  qui  a  servi  à  nettoyer  les  tables,  billots  et  instruments 
avec  lesquels  on  prépare  la  viande  ;  les  déchets  de  celle-ci,  mélangés 


TFUCIIINA   SPIIULIS.  805 

à  cette  eau.  deviendront  donc  le  point  de  départ  d'une  infestation 
nouvelle,  s'ils  sont  eux-mêmes  contaminés.  Ainsi  s'expliquent  les  cas 
où,  dans  une  môme  porcherie,  on  voit  un  certain  nombre  d'animaux 
Être  atteints  successivement,  à  des  intervalles  plus  ou  moins  grands. 

L'exactitude  de  tous  ces  faits  n'est  pas  douteuse;  mais  s'il  faut  y 
voir  les  conditions  habituelles  de  la  propagation  du  parasite,  il  n'en 
demeure  pas  moins  vrai  que  celui-ci  peut  encore  être  transmis  au 
Porc  par  le  Rat,  suivant  l'opinion  ancienne. 

11  importe  donc  de  surveiller  rigoureusement  la  nourriture  des 
Porcs  :  la  nature  des  végétaux  avec  lesquels  on  les  nourrit  semble 
assez  peu  importante,  mais  il  est  indispensable  d'éviter  l'adjonction 
de  substances  suspectes,  telles  que  les  débris  de  boucherie,  les  reliefs 
de  cuisine,  etc.;  dans  les  cas  exceptionnels  où  on  leur  donnera  des 
substances  animales,  celles-ci  devront  toujours  ôtre  cuites  soigneuse- 
ment. D'autre  part,  les  porcheries  doivent  être  spacieuses,  bien 
aérées  et  tenues  proprement;  la  destruction  ou  leloignement  des 
Rats  mérite  une  attention  toute  spéciale,  et  le  cadavre  de  ces  ani- 
maux sera  toujours  mis  hors  de  portée  des  Porcs.  Enfin,  il  importe 
de  veiller  à  ce  que  ceux-ci  ne  séjournent  ni  dans  les  ateliers  d'équar- 
rissage  ni  dans  les  abattoirs. 

La  Trichine  musculaire  survit  assez  longtemps  à  son  hôte  et  peut 
même  ôtre  trouvée  encore  vivante,  au  bout  de  cent  jours,  dans  la 
viande  putréfiée.  On  doit  se  demander  quelle  est  la  limite  de  cette 
survivance  et  quelle  action  est  exercée  sur  le  parasite  par  le  salage, 
le  fumage  et  les  variations  de  la  température. 

Des  Vers,  renfermés  dans  des  salaisons  préparées  depuis  quinze 
mois  au  moins  et  salées  au  maximum,  peuvent  encore  infester  et 
tuer  des  Souris  dans  l'espace  de  quelques  jours  (Fourment).  D'autre 
part,  Benecke  a  trouvé  les  parasites  encore  vivants  dans  un  jambon 
et  un  saucisson  qui  furent  placés  dans  la  saumure  durant  douze 
jours,  puis  fumés  et  examinés  quatre  et  neuf  mois  après.  Le  salage 
et  le  fumage  ne  tuent  donc  pas  l'helminthe  et  ne  constituent  pas  une 
garantie  contre  les  dangers  auxquels  on  est  exposé  par  la  consom- 
mation de  viandes  infestées. 

En  outre  de  l'infestation  expérimentale,  qui  permet  de  constater  la 
vitalité  des  Trichines  renfermées  dans  les  viandes  salées  ou  fumées, 
celle-ci  peut  être  mise  plus  simplement  en  évidence  par  un  procédé 
qui  consiste  à  les  examiner  au  microscope  sur  la  platine  chauffante. 
A  une  température  de-{-40o,  on  voit  l'helminthe  accomplir  quelques 
déplacements,  qui  s'accentuent  de  42  à  45°.  De  plus,  plongée  dans  le 
bleu  d'aniline  ou  le  picrocarminate  d'ammoniaque,  la  Trichine  reste 
incolore  tant  qu'elle  est  encore  vivante  ;  elle  fixe  promptement  la 
matière  colorante,  dès  qu'elle  vient  à  mourir. 


806  ORDRE  DES  NEMATODES. 

11  y  a  encore  incertitude  quant  à  l'abaissement  de  température 
nécessaire  pour  tuer  les  Trichines  enkystées  dans  les  viandes.  Bouley 
et  Gibier  les  ont  trouvées  mortes  dans  deux  gros  fragments  de  jambon 
maintenus  pendant  deux  heures  et  demie  à  un  froid  de  —  22°  à  —  27°  ; 
mais  Leuckart  a  constaté  leur  parfaite  vitalité  dans  des  jambons  frais 
qui  avaient  été  exposés  pendant  une  nuit  d'hiver  et  même  pendant 
trois  jours  à  une  température  de  —  22  à  —  25°. 

Les  préparations  culinaires  habituelles  sont-elles  du  moins  suffi- 
santes pour  donner  une  immunité  absolue?  Perroncito  a  reconnu 
qu'une  température  de  -f- 48  à-}- 50°  C,  prolongée  pendant  cinq  à  dix 
minutes,  tue  sûrementles  Trichines;  mais  il  opère  avec  la  platine 
chauffante  usitée  en  micrographie  et  se  place  par  conséquent  dans 
des  conditions  artificielles.  Rodet  trouve  les  Vers  bien  vivants  dans 
des  parcelles  de  muscle  plongées  pendant  quelque  temps  dans  de 
l'eau  à  +  70  et  +  80°. 

Puisque  d'aussi  hautes  températures  sont  incapables  de  tuer  le 
parasite,  lorsqu'on  opère  sur  des  fragments  de  muscle  dont  la  petite 
masse  se  laisse  facilement  pénétrer  par  la  chaleur,  il  est  de  toute 
évidence  que  la  cuisson  de  grosses  pièces  de  viande  se  montrera 
encore  plus  inefficace.  Par  exemple,  Ch.  Girard  et  Pabst  ont  reconnu 
que  la  température  d'un  jambon  bouilli  dans  l'eau  n'était  que  de  -f-  70° 
après  six  heures  et  demie  d'ébullition;  elle  atteignait  -|-  85°  seule- 
ment au  bout  de  dix  heures. 

Pour  être  réellement  efficace,  la  cuisson  doit  donc  être  prolongée 
bien  au  delà  des  limites  habituelles  ;  les  procédés  ordinaires  de  cuis- 
son des  viandes  ne  tuent  pas  les  parasites  et  sont  loin  de  donner  une 
sécurité  absolue  à  l'égard  de  l'infestation.  Dès  lors,  c'est  pour  les 
pouvoirs  publics  un  devoir  impérieux  de  ne  laisser  livrer  à  la  con- 
sommation que  des  viandes  saines  et  exemptes  de  tout  parasite.  Eu 
Allemagne,  où  la  trichinose  du  Porc  est  endémique,  on  a  créé  dans 
ce  but  une  véritable  armée  d'experts  micrographes,  chargés  de  pra- 
tiquer l'examen  microscopique  des  muscles  de  tout  Porc  abattu  dans 
leur  circonscription.  On  trouvera  décrite,  dans  l'article  ci-dessous, 
l'organisation  de  cet  important  service. 

Pour  la  bibliographie,  voir  l'article  suivant  : 

R.  Blanchard,  Trichine,  trichinose.  Dictionn.  encyclop.  des  se.  môd.,  \)\ 
XVIII,  p.  113,  1887. 


FIN   tir   TOME   PREMIER, 


TABLE  DES  MATIERES 

DU    TOME    PREMIER 


Pages. 

Préface v 

Introduction l 

Embranchement  des  Pro- 
tozoaires    i 

CLASSE  DES  RHIZOPODES. . .  4 

Ordre  des  Monères...  4 

—  Amibes 9 

Amœba  cou 10 

Amœhaintestinalis.  15 

Amœba  vaginalis  .  15 

Amœba  buccalis. . .  1G 

Ordre  des  Héliozoaires.  18 

—  Radiolaires. .  .  21 

—  Foraminiféres.  2G 
CLASSE  DES  SPOROZOAIRES.  32 

Ordre  des  Grégarines.  33 

—  Coccidies.  .  41 
Eimeria     falci for- 
ints.     42 

Coccidiumovi  forme  44 

Coccidium  Hivolta.  48 
Coccidium     perfo- 

rans 50 

Ordre  des  Sarcospori- 

dies 53 

Miescheria  mûris..  53 

Miescheria   Hueti..  54 
Sarcocystis      Mies- 

cheri 60 

Balbiania  mucosa.  G3 

CLASSE  DES  FLAGELLÉS. ...  G8 
Trypanosoma    san- 

guinis G!) 

Cercomonas    homi- 

nis 72 

Cystomonas  urina- 

ria 78 

Mo  nocercomonas 

hominis 80 

Trichomonas    vagi- 
nalis   81 

Trichomonas  intes- 

tinalis 80 


Pages. 
Megastoma  intesti- 
nale   Si) 

Ordre  des  Péridiniens.  92 

Asthmatos  ciliaris.  9i 
Ordre  des  Cystoflagel- 

lés 95 

CLASSE    DES   INFUSOIRES. . .  98 
Sous-classe  dos  Ciliés....  100 
Ordre  des  Holotriches.  100 
ParamœciUm  Auré- 
lia   100 

Ordre    des    Hétérotri- 

ches 108 

Balantidium  coll.,  108 

Ordre  des  Péritriches.  118 

—  Hypotriches.  122 
Sous-classe  des  Acinètes.  123 

Structure    et    composition    do 

l'œuf 128 

OEuf  alécithe 128 

OEuf  télolécithe 130 

OEuf  centrolécithe 138 

La   maturation    et  la  féconda- 
tion de  l'œuf 140 

La  segmentation  de  l'œuf 150 

OEufalécithc 150 

OEuf  télolécithe 151 

OEuf  centrolécithe ici 

MÉTAZOAIRES 1G9 

Embranchement  des  Cœ- 
lentérés   1G9 

Sous-embranchement  des  Spon- 
giaires   1G9 

Sous-embranchement  des  Cni- 

dairea 185 

CLASSE  DES  ANTHOZOAIRES.  ESC. 

Ordre  des  Zoanthaires.  186 

—       Alcyonaires.  205 

Corallium  rubrum.  207 

CLASSE  DES  HYÛROMÊDUSES.  214 

Ordre  des  Hydroïdes. .  214 

—  Siphonophores.  229 

—  Acaléphes 233 


808 


Zt> 


TABLE  DES   MATIERES. 


p 

CLASSE  DES  CTÉNOPHORES. 
Embranchement  des  Échi- 

nodermes. . . .. 

CLASSE  DES  CRINOIDES 

—           ASTÉRIDES.... 
Ordre  des  Stellérides. 

iges. 
243 

248 
248 
240 
249 
262 
2G4 
264 
276 
280 
283 
288 
202 
202 

202 

29G 

201) 
200 
200 

300 
301 
315 

382 
418 

46.'» 
405 

470 

473 
476 

483 

483 

527 
s 

533 
s 
536 

Ordre  des  Trématodes. 

Famille  des  Monosto- 

midés 

Monostoma  lentis.. 

Famille  des  Distomi- 
dés 

iges. 
541 

542 
542 

543 

—         Ophiurides. 

CLASSE  DES  ÉCHINIDES 

Ordre  des  Réguliers... 

—  Clypéastrides. 

—  Spatangides. . 
CLASSE  DES  IIOLOTHURIDES. 

—       ENTÈROPNEUSTES. 

Embranchement  des  Vers. 

CLASSE  DES  ANEURIENS 

Ordre     des    Rhombo- 
zoaires 

Distoma  hepaticum. 
Distoma    lanceola- 

tum., . 

Distoma     conjunc- 

tuin 

543 

602 
612 

Distoma  sinense. , . 
Distoma  japonicum. 
Distoma  Buski, . . . 
Dis  t  mo  m  a  hetero- 

phyes 

Distoma  Ringeri.. . 
Distoma  oculi  hu- 

mani 

615 
618 

622 

625 
627 

Ordre    des    Orthonec- 
tides 

630' 

CLASSE    DES    PLATHELMIN- 
THES 

Amphistoma  homi- 
nis 

633 

Ordre  des  Cestodes... 

Famille  des  Téniadés. 

Bilharzia    haemato- 
bia 

636 

Ténias     du     premier 

Ordre  desTurbellariés. 
—       Némertiens . 

CLASSE  DES  NÉMATHELM1N- 
THES. 

653 

657 

Tsenia  serrata 

Taenia  saginata 

Taenia  solium... . . . 

Taenia  echinococcus. 

Ténias      du       second 

groupe 

660 

Ordre  des  Nématodes. 

Famille  des  Ascarides. 

Ascaris  lum  bri- 

coïdes 

Ascaris  mystax. . . . 

Ascaris  maritima. . 

Oxyuris     vermicu- 

iaris 

660 

661 

6(11 

Taenia  nana 

Taenia     flavopunc- 
tala 

704 
711 

Tœnia  ?nadagai>ca- 

riensis 

Taenia  canina 

711 

Famille  des  Strougy- 
lides 

727 

Famille   des    Bothrio- 

céphalidés 

Uothrioeephalus  la- 

Eitstrongylus  g  igas, 
Strongylus     longe- 

vaginatus 

Ankylostoma    duo- 

denale 

Famille  des  Trichotra- 

chélides 

727 
740 

Bol/iriocephalus  cor 
datas 

744 

Bothriocep  h  a  lu 
cris  ta  lus 

Bo  thriocep/i  al  a 

774 

Trichocephalus  ho- 
minis 

774 

Trichina  spiralis... 

787 

!  i.N    DE    l.\    TABLE    DES   MATERES. 


i.  —  CoiiBBiL.  Imprimerie  Crété. 


HEAL 

H   SCIENCES  LiBRARY 

UNIV 

.i    SITY  OF  MARYLAND 

BALTIMORE 

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