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Full text of "Traité pratique du reboisement et du gazonnement des montagnes"

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in  2010  with  funding  from 

University  of  British  Columbia  Library 


littp://www.archive.org/details/traitpratiquedOOdemo 


TRAITÉ   PRATIQUE 


DU 


REBOISEMENT 

ET  DU  GAZOiNNEMENT 

DES  MONTAGNES 


OUVRAGE  PUBLIE  SOUS  LES  AUSPICES 
DES   MINISTÈRES  DE  L'AGRICULTURE   ET  DU  COMMERCE  ET  DES  TRAVAUX   PUBLICS 


DEUXIÈME  ÉDITION,  REVUE  ET  AUGMENTÉE 
Ornée  de  105  Gravures 


PARIS 

J.     ROTHSCHILD,     ÉDITEUR 

13,     RLE    DES    SAINTS-PÈRES,     13 

1<S82 


3-7J 


TRAITÉ   PRATIQUE 


DU 


REBOISEMENT 

ET    DU    GAZONNEMENT 

DES  MONTAGNES 


PARIS 

TYPOGRAPHIE    GEORGES    CHAMEROT 

19,    RUE    DES    SAINTS-PÈRES,    19 


PRATIQUE 


GISEMENT 


ET  DU   GAZOiNNEMENT 


DES  MONTAGNES 

P  A  R 

P.    DEMONTZEY 

Conservateur  des  Forêts 


PUBLIE  SOUS   LES  AUSPICES  DES   MINISTERES  DE  L'AGRICULTURE   ET  DU  COMMERCE 
ET  DES  TRAVAUX  PUBLICS 


DEUXIEME  EDITION,  BEVUE  ET  AUGMENTEE 
Ornée  de  105  Gravures 


Il  n'est  pas  dans  la  nature  de  petits  moyens, 
ou  plutôt  l'action  de  la  nature  ne  rt^sulte  que 
de  l'accuniulation  de  petits  moyens.  L'homme 
peut  donc  aijir  à  son  tour,  puisque  ces  petits 
moyens  sont  à  sa  portée  et  que  son  intelligence 
lui  permet  d'en  apprécier  les  effets. 

(ViQLLET-LE-Duc,  le  Massif  du  Mont-Blanc.) 


PARIS 

J.    ROTHSCHILD,     ÉDITEUR 

13,    RUE    DES    SAINTS-PÈRES,     13 

1882 

Droits   réservés 


...  •        ^ 


J.  ^ 


AVERTISSEMENT 


DE   LA  DEUXIÈME  ÉDITION 


L'Etude  sur  les  travaux  de  Reboisement  et  de 
Gazonnement  des  Montagnes  a  été  publiée  en  1878 
sous  le  haut  palronag^e  de  M.  Tirard,  Ministre  de 
l'Ag-riculture  et  du  Commerce,  suivant  le  désir 
de  l'Administration  des  Forêts,  représentée  par 
M.  Cyprien  Girerd,  Sous-Secrétaire  d'État,  Président 
de  son  Conseil. 

Dès  la  première  année  de  sa  publication,  faite  par 
l'Imprimerie  nationale,  et,  par  suite,  réservée  à  un 
public  restreint  et  spécial,  de  nombreuses  invita- 
tions à  produire  une  édition  populaire  me  furent 
adressées,  et  plusieurs  Conseils  g-énéraux  formulè- 
rent auprès  de  l'Administration  des  forêts  une  de- 
mande analog'ue. 

Quelque  peu  ébranlé  par  d'aussi  flatteuses  sollici- 


AVERTISSEMENT 


talions,  je  me  décidai  à  entreprendre  cette  seconde 
édition  destinée  au  public  lorsqu'il  me  fut  donné  de 
prendre  connaissance  du  compte  rendu  présenté  à 
M.  le  Ministre  de  l'Ag-riculture  et  du  Commerce  par 
M.  Cyprien  Girerd,  Sous-Secrétaire  d'Etat,  concer- 
nant les  travaux  exécutés  en  1876,  1877  et  1878  par 
l'Administration  des  Forêts  pour  le  reboisement  et  le 
g-azonnement  des  montag'nes. 

Je  ne  peux  mieux  justifier  mon  entreprise  qu'en 
plaçant  en  tête  de  cette  nouvelle  édition  le  dernier 
chapitre  de  cet  important  rapport  que  M.  le  Sous- 
Secrélaire  d'Etat,  dans  sa  haute  et  constante  bienveil- 
lance pour  les  travaux  de  reboisement,  a  bien  voulu 
m 'autoriser  à  extraire  et  à  reproduire  in  extenso  : 

CHAPITRE  VII 


«  Jo  no  toniiiiu'iai  pns  ct^  rapport.  Monsieur  le  Minisfro, 
sansrappolcr  li's  deux  lails  piincipaiix  (pii,  dans  la  péiindf  d(> 
1876  à  1.S78,  ont  pins  parlknlièicmcnt  attiré  l'attention  jiéné- 
ralosnrlVrnvre  do  restanraticnuonticean  service  des  forêts;  je 
veux  palier  de  la  publication  de  \'  Etude  sur  le  reboisement  des 
moutofjui's,  \)î\v  M.  Demontzey,  Conservateur  des  Forêts  à  Aix. 
et  do  l'Exposition  nnivcrsolle  de  1878,  on  la  démonstration  des 
méthodes  employées  et  des  résultats  obtenus  a  été  faite  de  la 
façon  la  plus  saisissanli'  dans  l'exposilinii  spéciale  de  l'admi- 
nistration des  forêts. 

«  L'a|)plication  des  lois  du  'JS  juillet  iSiiO  et  du  8  juin  18(ii 
posait,  en  France,  un  problème  nouveau,  très  complexe  et 


DE   LA    DEUXIEME  EDITION. 


sans  précédoiit  connu.  Pour  le  résoudre,  le  service  des  forêls 
a  dû  tout  créer,  et  ce  n'est  qu'après  une  longue  série  d'efforts, 
d'études  et  de  recherches  que  les  méthodes  ont  pu  s'établir 
avec  certitude. 

((  Désireuse  de  consacrer  et  de  fixer  les  résultais  de  l'ex- 
périence ainsi  acquise,  l'Adminislralion  des  f(jrèls  mit  au 
concours  en  1875,  entre  ses  agents,  la  préparation  d'un 
Ti-aité  pratique  de  l'eboisement  et  de  f/azotmeineiil  des  mon- 
tagnes. C'est  dans  ce  concours  que  l'étude  de  M.  Demontzey 
fut  classée  en  première  ligne  par  la  commission  chargée, 
en  1877,  de  juger  les  mémoires  adressés  à  l'Administra- 
tion. 

«  Cet  ouvrage,  remarquable  à  tous  égards,  fui  publié  eu  1878, 
aux  frais  de  l'Administration,  par  l'Imprimerie  nationale,  et 
distribué  aux  bibliothèques  du  Sénat  et  de  la  Chambre  des 
députés,  du  Conseil  d'Etat,  des  différents  Ministères,  des  con- 
seils généraux  et  des  principales  villes  des  régions  monta- 
gneuses; aux  bibliothèques  pubhques,  aux  gouvernements 
étrangers,  etc.,  etc.  Les  autres  exemplaires  ont  été  envoyés 
aux  agents  forestiers  pour  être  déposés  dans  leurs  ar- 
chives, 

«  La  vulgarisation  des  méthodes  et  des  travaux  décrits  par 
M.  Demontzey  avec  la  compétence  la  plus  complète  a  déjà 
produit  des  résultats  appréciables  dans  les  propositions  de 
travaux  soumises,  en  1879,  à  l'Administration;  il  n'est  point 
douteux  qu'elle  n'amène,  à  bref  délai,  dans  cette  branche 
importante  du  service,  toute  l'uniformité  et  l'unité  dési- 
rables. 

«  Les  nombreuses  et  pressantes  demandes  d'exemplaires 
diQ  V Étude  sur  le  rebuàcnient  des  montagnes  qui  ont  été  adres- 
sées à  l'Administration  par  les  ingénieurs  et  les  forestiers 
étrangers  les  plus  distingués,  et  la  traduction  en  langue  alle- 
mande qui  vient  d'être  publiée  à  Vienne  par  le  savant  profes- 
seur Baron  de  Seckendorfî,  directeur  de  la  station  des  essais 
forestiers  au  Ministère  de  l'Agriculture  d'Autriche,  témoignent 


AVERTISSEMENT 


(lu  haut  infcrôt  que  présente  l'ouvrage  de  M.  Demontzey  et  de 
la  faveur  méritée  dont  il  est  l'objet  (1). 

«  L'exposition  interilationale  de  1878  offrait  une  occasion 
particulièrement  favorable  de  mettre  en  lumière  les  grands 
travaux  d'intérêt  public  confiés  au  service  des  forêts  par  la  loi 
sur  le  reboisement  des  montagnes  et  de  faire  connaître  les 
résultats  obtenus  depuis  l'application  de  la  loi  de  1860. 

«  Entre  autres  documents  de  nature  à  permettre  de  bien 
saisir  l'objet  de  cette  vaste  entreprise,  d'en  suivre  la  marche 
et  les  progrès,  l'Administration  fit  prendre,  en  1877,  pour  les 

(1)  On  lit  dans  le  WieJiev  allgemeinen  Zeilung  du  29  avril  1880  : 

■i  Les  vastes  territoires  qui  s'allongent  au  sud  des  possessions  de  l'Empire, 
ces  contrées  désolées,  devenues  improductives  et  changées  en  déserts  grâce 
à  l'impéritie  des  habitants,  à  la  pnssiou  de  destruction  innée  chez  l'homme 
et  aussi  par  suite  de  la  violence  des  éléments,  sont  l'enfant  de  la  doideur 
de  notre  économie  forestière  [dus  Schmerzenkind  imserer  Forstwh'thschaft). 

«  A  la  tin  de  l'année  1877,  les  surfaces  susceptibles  d'être  boisées  en 
Autriche  comprenaient  430,127  hectares.  Ces  incultes  s'étendent  de  jour 
eu  jour;  des  efforts  ont  été  tentés  tardivement  poin-  combattre  le  fléau, 
mais  les  moyens  employés  sont  peu  intelligents  et  n'arrêteront  pas  le  dom- 
mage qui  s'accroît  constamment.  Aussi,  notre  Ministère  de  l'Agriculture  a 
fait  œuvre  méritoire  en  engageant  leD'  von  Seckeudorffà  traduire  en  langue 
allemande  l'ouvrage  si  apprécié  du  conservateur  P.  Demontzey  qui  a  ob- 
tenu le  premier  prix  dans  le  concours  ouvert  par  l'ancien  Directeur  général 
des  Forêts,  M.  Faré,  de  Paris,  pour  la  rédaction  d'un  tr;iité  pratique  sur 
l'extinction  des  torrents  et  le  reboisement  des  montagnes.  Cette  traduction 
aidant,  les  expériences  faites  jusqu'à  présent  deviendront  plus  profitables 
pour  le  département  qu'elles  intéressent;  il  y  a  là  un  grand  service  rendu, 
parce  qu'au  moment  où  nous  apprenions,  par  l'examen  des  budgets  de  la 
France,  que  cet  Etat  cherchait,  dans  un  but  d'utilité  publique,  à  combattre 
avec  la  plus  grande  énergie  \\\\  fléau  ancien  qui  apparaît  aussi  chez  nous, 
il  nous  était  donné  de  connaître  dune  manière  saisissante  les  mesures 
mises  en  vigueur. 

«  En  supposant  que  certains  procédés  suivis  par  les  Français  ne  puis- 
sent pas  toujours  recevoir  leur  application  dans  les  conditions  où  nous  nous 
trouvons,  l'exemple  donné  par  la  France  n'en  sera  pas  moins  utile  à  nos 
Inrestiers;  ils  pourront  puiser  dans  cette  riche  raine  des  méthodes  d'in- 
struction pour  arrêter  la  destruction  des  forêts  par  la  mise  en  culture  et 
le  reboisement  de  tous  les  terrains  susceptibles  de  production » 

{Note  (le  l'Editrur.) 


DE   LA  DEUXIEME   EDITION 


placer  dans  son  exposition  du  chalet  forestier,  une  série  de 
quatro-ving(s  vues  photographiques  de  grandes  dimensions, 
représentant  les  spécimens  les  plus  remarquables  des  diffé- 
rents types  de  travaux  exécutés  dans  les  périmètres  des  Alpes, 
des  Gévennes  et  des  Pyrénées. 

«  Cet  important  travail  fut  exécuté  avec  un  succès  complet 
par  M.  de  Gayffier,  chef  du  service  du  reboisement  à  l'Adminis- 
tration centrale,  que  sa  connaissance  approfondie  des  travaux 
et  son  expérience  spéciale  des  opérations  photographiques 
avaient  plus  particulièrement  désigné  au  choix  du  Ministre. 

«  Un  exemplaire  de  la  collection  des  vues  et  du  texte  des 
monographies  et  descriptions  qui  l'accompagnaient,  a  été 
adressé  par  mes  soins  à  la  bibliothèque  du  Sénat  et  à  celle 
de  la  Chambre  des  députés.  Une  édition  de  plus  petit  format 
a  été  tirée  en  1879  et  distribuée  aux  commissions  du  service 
spécial  du  reboisement,  qui  y  trouvent  d'utiles  enseignements. 

«  Ces  vues  photographiques  donnent  une  idée  complète  de 
l'aspect  des  régions  où  s'exécutent  les  travaux  de  reboisement; 
les  vues  d'ensemble  font  ressortir  d'une  manière  saisissante  le 
relief  du  terrain,  la  dénudation  et  le  ravinement  progressif 
des  versants,  la  formation  des  torrents,  les  dangers  dont  ils 
menacent  les  cultures,  les  routes  et  les  centres  d'habitation. 
Les  vues  de  détail  font  connaître  les  travaux  de  défense,  do 
consolidation  et  de  fixation  exécutés  sur  les  versants  ou  dans 
le  lit  des  ravins.  Elles  font  comprendre,  mieux  que  toute  des- 
cription peut-être,  le  but  de  chaque  ouvrage,  le  mode  d'exé- 
cution des  travaux,  les  résultats  obtenus. 

«  Il  m'a  semblé,  ilonsieur  le  Ministre,  que  je  ne  pouvais 
nie  dispenser  de  mentionner  dans  le  compte  rendu  des  travaux 
de  reboisement  exécutés  dans  la  période  triennale  de  lS7(i  à 
1878  deux  publications  qui  ont  contribue  de  la  façon  la  plus 
heureuse  à  la  vulgarisation  des  procédés  employés  par  l'Ad- 
ministration des  forêts  pour  accomplir  l'œuvre  d'intérêt  na- 
tional qui  lui  est  confiée  et  dont  elle  poursuit  l'achèvement 
avec  le  plus  entier  dévouement . 


AVERTISSEMENT 


«  Grâce  aux  nouvelles  allocations  budgétaires  dont  les 
Chambres  ont  bien  voulu  doter  le  fonds  spécial  du  reboise- 
ment, une  nouvelle  et  ('uergique  impulsion  a  pu  cire  donnée, 
dès  1880,  aux  travaux  sur  tous  les  i)oints  où  ils  sont  nécessaires; 
j'ai  la  confiance  que  les  féconds  résultats  (pi'on  est  en  droit 
d'en  attendre  ne  tarderont  pas  à  se  produire. 

«  Agréez,  Monsieur  le  Ministre,  l'assurance  de  mon  respec- 
tueux dévouement. 

0  Le  Sous-Secrétaire  d'Etat 
«  Président  du  Conseil  d'Aduiinistration  des  Forêts. 


■;<    5i"^«(e  .•  CyPRIEN  GlRERD.    » 


Outre  le  haut  patronag-e  dont  avait  bien  voulu 
ainsi  m'honorer  M.  le  Sous-Secrétaire  d'Etat,  je  me 
trouvais  encourag'é  dans  mon  projet  par  des  sym- 
pathies bien  précieuses  que  m'avaient  manifestées 
bon  nombre  de  personnes,  soit  amies,  soit  jusqu'alors 
inconnues  de  moi,  et  auxquelles  j'adresse  ici  la  nou- 
velle expression  de  ma  vive  g'ratitude. 

Ne  pouvant  les  citer  toutes,  qu'il  me  soit  permis, 
du  moins,  de  placer  sous  les  yeux  du  lecteur  les  en- 
courag-ements  de  certaines  d'entre  elles. 

M.  Hervé-Mangon,  Membre  de  l'Institut,  Direc- 
teur du  Conservatoire  des  Arts  et  Métiers,  voulut 
bien  présenter  à  l'Académie  des  Sciences  l'iiV//^/*?  *Mr 
les  travaux  de  reboisement,  et  prononcer  en  séance  les 
paroles  suivantes  : 


DE  LA  DEUXIEME   EDITION. 


ACADEMIE  DES  SCIENCES 

Séance  du  12  Mai  1879. 

M.  Hervé-Mangon.  «  Messieurs,  j"ai  rhoniieur  de  présenter 
à  TAcadéniie  un  ouvrage  de  M.  Deniontzey,  conservateur  des 
forets,  intitulé  Étude  sur  /es  travaux  de  reboisement  et  de  gazon- 
nement  des  montagnes.  L'autour  s'occupe,  depuis  1853,  do  tra- 
vaux de  reboisement  :  son  ouvrage  est  le  fruit  de  sa  longue 
expérience,  c'est  dire  qu'il  est  excellent  et  appelé  à  rendre  de 
grands  services. 

«  Depuis  vingt  années,  l'Administration  des  Forets  poursuit 
sans  bruit,  avec  une  admirable  persévérance,  l'œuvre  immense 
de  la  consolidation  de  nos  montagnes  dénudées  et  de  la  sup- 
pression des  torrents  les  plus  dangereux.  —  On  ne  saurait  se 
faire  une  idée  de  cette  magnifique  entreprise  sans  avoir  par- 
couru à  pied  les  hautes  montagnes  des  Alpes,  et  sans  avoir 
observé  quelques-uns  des  territoires  reconstitués. 

«  Je  n'essayerai  donc  pas  de  décrire  ces  travaux;  qu'il  me 
suffise  de  dire  qu'avec  les  ressources  les  plus  modestes, 
1,500,000  francs  en  moyenne  par  année,  l'Administration  fo- 
restière a  déjà  obtenu  les  plus  beaux  succès  sur  une  étendue 
de  près  de  100,000  hectares.  —  On  reste,  en  effet,  confondu  de 
la  grandeur  des  résultats  obtenus  comparés  à  la  simplicité  et 
à  l'économie  des  moyens  employés. — Le  succès  dos  ingénieurs 
forestiers  s'explique  d'ailleurs  facilement  par  la  justesse  de  la 
théorie  qui  les  guide.  Appelés  à  lutter  contre  la  puissance 
destructive  des  torrents  et  des  intempéries,  ils  n'ont  point 
cherché  à  la  vaincre  par  de  dispendieux  travaux  de  maçonne- 
rie cyclopéenne.  —  Gomme  Brémontier  l'avait  fait  pour  la 
fixation  des  dunes,  ils  ont  demandé  à  la  force  de  la  végétation 
de  leur  fournir  les  matériaux  vivants  de  la  consolidation  des 
terrains,  et  déjà  l'expérience  apprend  f[uo  la  forôl  parvient . 
on  i)ou  de  temps,  à  (''touffor  les  plus  rcdoulahlcs  torrents. 


AVERTISSEMENT 


«  Le  temps  des  essais  et  des  incertitudes  est  passé,  et  dé- 
sormais le  gouvernement  de  la  République  consacrera  certai- 
nement à  ces  utiles  opérations  de  reboisement  des  montagnes 
toutes  les  ressources  nécessaires.  » 


Le  27  février  1879,  le  classique  auteur  de  V Etude 
sur  ks  torrents  des  Alpes,  l'éminent  ing"énieur  Surell, 
à  qui  j'avais  fait  hommag-e  d'un  exemplaire  de  la 
première  édition  avec  celte  suscription  :  An  savant 
et  patriote  initiateur,  à  l'ardent  et  inflexible  défenseur  du 
reboisement  des  mo7ita(jnes ,  au  Maître,  hommage  res- 
pectueux d'un  humble  disciple  Alpin,  m'adressait  la 
lettre  suivante,  qui  est  tout  un  prog-ramme  : 

«  Versailles,  27  février  1879. 
«  -Monsieur, 

'(  Vous  avez  eu  la  bonté  de  m'adrcsser  votre  importante 
Étude  sur  le  reboisement  des  montagnes.  Je  l'ai  lue  avec  le  plus 
grand  intérôt,  et  je  vous  remercie  à  la  fois  du  grand  service 
(pie  vous  rendez  à  cette  grosse  question  par  une  publication 
si  utile  et  si  opportune,  en  môme  temps  que  de  l'aimable  at- 
tention (pii  vous  a  fait  penser  à  moi. 

K  Votre  (''pigraphc  est  beaucoup  trop  tlaltfMise;  je  n'ai  eu 
que  le  mérilo  de  pousser  le  cri  d'alarme  un  peu  plus  fort  que 
les  autres,  il  y  a  une  trenliiiue  d'années.  C'est  votre  Adminis- 
tration ({ui  a  fait  le  reste,  infiniment  plus  difUcile,  et  votre 
ouvrage,  si  complet,  si  bien  nourri  de  faits,  va  lui  faciliter  sa 
tâche,  et  doit  devenir  le  vade-mecum  de  tous  les  reboiseurs. 

«  J'ai  eu  l'occasion,  il  y  a  quelques  semaines,  de  plaider 
encore  cette  grande  cause  devant  la  commission  su[)(h'ieure 


DE   LA  DEUXIÈME   EDITION. 


de  rainénaf;oinent  dos  eaux,  et  j'ai  réitéré  mes  instances  au 
Ministre  des  Travaux  publics,  fort  préoccupé  en  ce  monienl 
des  inondations.  11  vous  doit  tout  son  concours,  dans  l'intérêt 
des  rivières  qu'il  a  charge  d'endiguer,  d'approfondir  et  de 
régulariser.  Les  deux  Administrations  vont  vers  le  môme  but, 
et  si  elles  doivent  rester  distinctes  quant  à  l'exécution,  elles 
doivent  s'unir  dans  un  commun  effort  pour  obtenir  les  larges 
crédits,  les  développements  administratifs  et  la  reconnaissance 
pleine  et  entière  de  l'utilité  publique,  toutes  choses  indispen- 
sables pour  élever  le  service  forestier  au  niveau  de  sa  nouvelle 
mission,  qui  n'est  plus  seulement  de  conso-ver,  mais  de  7'égc- 
né?'e7\ 

«  Veuillez  agréer,  etc. 

«  Signé  /  Surell.  » 


Dans  ma  long-ue  carrière  de  reboiseur,  j'ai  été 
frappé  maintes  fois  de  l'effet  que  produit  sur  les 
différents  visiteurs  la  vue  des  réglions  dévastées  des 
Alpes  françaises  (i). 

La  première  impression  que  l'on  éprouve  en  effet 
en  parcourant  une  contrée  ravag'ée  par  les  torrents, 
est  une  sorte  de  stupeur  ou  du  moins  de  découra - 
g'ement  qui  vous  pousse  à  mettre  en  doute  la  puis- 
sance de  l'homme  en  face  de  pareils  désastres! 

Mais  si  l'on  y  reg'arde  de  plus  près;  si  l'on  ana- 
lyse avec  soin  les  diverses  conditions  où  l'on  se 
trouve;  si  l'on  compare  avec  attention  le  terrain 
dont  il  s'agnt  avec  d'autres  moins  ruinés  ou  encore 

(1)  Voir  la  note  G. 


AVERTISSEMENT 


boisés,  toutes  circonstances  égales  d'ailleurs;  si, 
enfin  et  surtout,  Ton  se  reporte  à  des  précédents 
qui  pourraient  exister,  même  sur  une  échelle  réduite, 
la  confiance  ne  tarde  pas  à  renaître  et  l'on  reconnaît 
une  fois  déplus  la  puissance  de  la  science  qui,  aidée 
de  l'observation,  fournit  les  moyens  de  rég-énérer, 
sans  bien  g-rand  appareil,  des  montag-nes  que 
l'homme  seul,  par  son  imprévoyance  ou  son 
ég-oïsme,  avait  amenées  à  pareil  état  de  ruine. 

C'est  à  ce  sentiment  que  répond  l'épigraphe  que 
j'ai  empruntée  au  beau  livre  de  M.  VioUet-le-Duc 
sur  le  Massif  du  Mont  Blanc. 

Ce  g-rand  architecte,  cet  illustre  savant,  qui  ai- 
mait la  forêt  par  ce  motif  même  qu'il  avait  appris  à 
connaître  la  montag-ne,  m'écrivait,  le  28  février  1879, 
en  m'annonçant  son  intention  de  visiter  les  travaux 
des  Basses-Alpes,  quelques  mois  avant  sa  mort  sou- 
daine, la  lettre  suivante  : 

«  Paris,  8  Février  1879. 
'(  Monsieur, 

«  J'ai  rorii  voIrc  lollri^  avant-hior,  ot  volro  bol  ouvrage  ce 
soir.  J<'  no  lais,  hion  onicndn,  (iiio  lo  parcourir,  mais  vous  pou- 
vez êtro  assuré  quo  jo  lo  lirai  avec  l'attention  (juo  ni'-rilo  un 
pareil  sujet  et  jo  coiupto  bien,  la  chose  faite,  en  dire  (piobpie 
(;liosc  dans  lo  XIX"  Sikle;  on  ne  saurait  trop  attirer  lallontion 
duput)licsurcesujet  si  mal  connu,  môme,  —  hélas,  — de  ceux 
(pii,  par  la  nature  do  leurs  études,  devraient  s'en  pénétrer.  On 
nie  Irnifp  volonficrs  do  rabAcbour  fpinnd  je  giMiiis  sur  l'aban- 


DE   LA   DEUXIEME  EDITION. 


don  OÙ  on  laisse  nos  montagnes,  el  quand  j'essaye  d'iMnouvoir 
les  intéressés  sur  cette  question.  Aussi  suis-je  heureux  ([\\r 
vous  soyez  venu  à  la  rescousse.  J'avais  déjà  vu  à  l'Exposition 
des  modèles  très  intéressants  concernant  le  reboisement  des 
pentes  et  la  correction  des  torrents,  et  votre  travail  vient  me 
fournir  les  documents  pratiques. 

«  Recevez  donc  mes  sincères  compliments  et  remercîments. 
C'est  une  campagne  à  entamer  avec  beaucoup  d'autres;  mais 
pour  celle-là,  il  faut  espérer  que  tout  le  monde  prendra  aux 
bonnes  raisons  que  nous  chercherons  à  répandre. 

«  Ce  n'était  pas  sans  motifs  que  les  premières  civilisations 
considéraient  les  bois  comme  sac7'és.  Par  intuition,  nos  ancê- 
tres comprenaient  qu'il  y  avait  là  un  foyer  de  conset-vation  qu'il 
fallait  respecter. 

«  La  science  et  l'observation  nous  conduisent  au  même  ré- 
sultat. 

«  Vous  pouvez  être  assuré  qu'à  la  première  occasion  je  me 
ferai  un  vrai  plaisir  de  visiter  vos  travaux  si  utiles. 

«  Agréez,  Monsieur,  etc. 

«  Signé  :  \iOLLv:r-LE-T)\-c.  » 


Le  2  avril  suivant,  il  publiait  dans  le  XIX"  Siècle 
l'article  ci-après,  que,  malg-ré  son  étendue,  je  crois 
devoir  reproduire  in  extenso  à  titre  d'hommag'e  de 
profonde  reconnaissance  envers  la  mémoire  de  ce 
g-rand  patriote  qui,  au  milieu  de  ses  travaux  de 
toutes  sortes,  n'a  cessé  de  défendre  la  cause  du 
reboisement  de  ces  montag-nes  qu'il  aimait  passion- 
nément pour  les  avoir  bien  connues  et  long'uement 
pratiquées. 


AVERTISSEMENT 


LE  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES 

«  S'il  est  bon  de  signaler  les  abus  à  supprimer,  les  réformes 
à  effectuer,  les  maux  dont  souffre  notre  société  française  par 
suite  de  préjugés  longuement  enracinés  et  savamment  exploi- 
tés, il  est  équitable  de  tenir  compte  des  améliorations  qui,  sur 
quelques  points,  sont  obtenues  par  des  hommes  dévoués,  mo- 
destes, patients,  et  dont  le  public  ignore  à  peu  près  l'existence. 

«  J'ai,  à  plusieurs  reprises  déjà,  soulevé  ici  même  une 
question  qui  louche  à  notre  prospérité  nationale  et  qui  est 
faite  pour  fixer  l'attention  de  tous  les  Français,  quelle  que 
soit  la  classe  à  laquelle  ils  appartiennent.  Je  veux  parler  du 
reboisement  des  montagnes. 

«  Après  les  inondations  qui  viennent  encore  de  désoler  cer- 
tains territoires,  ce  sujet  est  de  saison,  car  ces  désastres  sont 
en  grande  partie  la  conséquence  de  l'état  dans  lequel  une 
longue  incurie  a  mis  les  rampes  de  nos  grands  soulèvements 
montagneux,  et  je  profite  d'une  Étude  que  M.  Demontzey, 
conservateur  des  forêts,  vient  de  publier  sur  ce  sujet,  sous  le 
patronage  du  Ministre  de  l'agriculture,  pour  reprendre  la 
question. 

«  Ce  travail  a  obtenu  ]o  i)remier  prix 

«  Voilà  un  de  ces  livres  que  nous  voudrions  voir  introduire 
dans  tous  nos  grands  établissements  d'enseignement  et  qui 
remplacerait  avantageusement  bon  nombre  d'ouvrages,  au 
moins  iniililcs,  répandus  à  profusion  par  le  monde  clérical 
dans  ces  mêmes  établissements. 

«  11  n'y  a  pas  grand  mal  à  promener  la  châsse  d'un  saint 
ou  d'une  sainte  fiuelconque  pour  obtenir  du  ciel  le  retrait 
des  eaux  torrentielles  qui,  périodiquement,  ravagent  nos 
plaines  les  plus  fertiles,  mais  c'est  le  cas  de  répéter  l'adage  : 
«  Aide-toi,  le  ciel  t'aidera.  » 


DE   LA  DEUXIEME   EDITION. 


«  L'homme  peut-il  quelque  chose  pour  détourner  ces  désas- 
tres périodicjuf^s? 

«  Depuis  qu'il  m'a  été  donné  d'étudier  les  pays  montagneux, 
j'ai  toujours  pensé  que  ce  travail  n'était  pas  au-dessus  des 
moyens  humains,  et  je  suis  heureux  de  constater  qu'un  spé- 
cialiste, ayant  passé  sa  vie  à  réunir  des  études  relativement  à 
l'influence  de  la  végétation  sur  les  cours  d'eau,  soit  entière- 
ment d'accord  avec  moi.  Tout  sentiment  de  vanité  à  part,  il 
est  intéressant  que,  sur  un  point  aussi  grave,  l'opinion  d'une 
personne  dont  la  compétence  et  l'expérience  ne  sauraient  être 
récusées,  vienne  compléter  les  dires  d'un  simple  observa- 
teur. 

«  Mais  c'est  qu'en  ceci,  comme  en  bien  d'autres  choses, 
l'observation  conduit  à  des  conclusions  que  viennent  appuyer 
la  théorie  et  la  synthèse.  Or  il  s'agit,  dans  le  livre  de  M.  De- 
montzey,  non  seulement  d'analyses  résultant  d'une  longue 
observation,  mais  aussi  de  la  synthèse,  c'est-à-dire  de  l'appli- 
cation pratique  des  observations  à  la  reconstitution  des  sols 
montagneux  ravagés  par  les  eaux  ;  et  l'expérience  faite  déjà 
sur  d'assez  vastes  territoires  est  concluante. 

«  M.  Demontzey  a  bien  voulu  prendre,  pour  épigraphe 
de  son  bel  ouvrage,  ce  passage,  que  j'ai  imprimé  quelque 
part  :  «  //  nest  pas  dans  la  nature  de  petits  moyens,  ou  plutôt 
l'action  de  la  nature  ne  résulte  que  de  l'accumulation  de  petits 
moyens  .  L'iiomnie  peut  donc  agir  à  son  tour,  puisque  ces  petits 
moyens  sont  à  sa  portée  et  que  son  intelligence  lui  permet  d'en 
apprécier  les  effets.  »  Et  l'ensemble  des  travaux  mis  en  lumière 
par  l'auteur  de  V Étude  sur  les  travaux  de  reboisement  montre, 
en  effet,  que  c'est  par  l'accumulation  de  petits  moyens  à  la 
portée  de  l'homme  que  le  torrent  peut  être  éteint,  comme  on 
dit,  et  changer  son  rôle  dévastateur  en  une  fonction  bienfai- 
sante. 

«  Prévenir  plutôt  que  réprimer.  »  Tout  l'aménagement  des 
cours  d'eau  est  renfermé  dans  ces  quatre  mots.  Et  voyez 
comme  tout  se  tient  en  ce  monde  et  comme  le  bon  sens  s'ap- 


AVERTISSEMENT 


pliqup  à  toute  chose I  Si,  dans  un  État  ordonné,  il  est  sage  de 
connaître  la  cause  première  des  maux  qui  alfectentune  partie 
du  corps  social  pour  la  saisir  et  la  supprimer  avant  que  ces 
maux  n'aient  atteint  une  telle  intensité  qu'il  ne  soit  plus  pos- 
sible d'y  porter  remède,  de  même  est-il  prudent  d'aller  pren- 
dre le  torrent  à  son  origine,  de  ralentir  son  cours  et  même  de 
]('  su|)prinier  à  l'aide  de  moyens  très  simples,  avant  qu'il  n'ait 
acquis  une  force  irrésistible  et  que,  réuni  à  d'autres,  il  ne 
submerge  tout  à  cou})  des  vallées  entières. 

«  Supposons  toutes  les  ramjjes  montagneuses  garnies  de 
forêts  et  gazonnées,  il  n'y  aurait  plus,  à  proprement  parler, 
de  torrents  ;  car  ces  vastes  espaces  composeraient  comme  une 
immense  éponge  retenant  les  eaux  pluviales  ou  les  neiges  et 
distillant  goutte  à  goutte  le  liquide  absorbé.  Les  glaciers  seuls 
et  les  névés  constitueraient  les  cours  d'eaux  normaux,  mais 
les  glaciers  comme  b^s  névés  jaugent  l'écoulement  de  la  fonte 
avec  une  grande  régularité. 

((  Si  ces  cours  d'eau  normaux  ne  rencontraient  sur  leur 
parcours  jusqu'à  la  plaine  que  le  résultat  de  cette  distillation 
lente  des  terrains  couverts  de  végétation,  et  non  les  émissions 
brusques  et  terribles  des  torrents  grossis  par  les  pluies,  ils 
jj;onfleraient  paisiblement  et  jamais  au  point  d'envahir  en  un 
jour  d'énormes  espaces  pour  laisser,  bientôt  après,  la  séche- 
resse s'étendre  sur  ces  mômes  surfaces. 

«  Dans  un  Atlas  très  bien  dressé,  M.  De.monlzey  montre 
comment  l'homme,  j)ar  son  travail,  est  parvtMiu  à  vaincre  ce 
vinlt'iil  lori'i'iil  du  Hourget  (Basses-Alpes)  cl  pliisicius  aiilic^s, 
au  m()y(m  de  barrages  d'uni'  faibli'  inqxu'tance  relative.  Ces 
barrag{;s  retiennent  cailloux  et  sable;  alors  il  s'agit  d'ense- 
mencer ces  atterrissements,  et  le  torreni,  au  lieu  de  suivre 
une  pente  rapide  et  uniforme,  trouve  des  paliers  où  il  calme 
et  épure  son  cours,  où  il  imbibe  cette  végétation  qui  retient 
partie  du  liquide,  des  cascades  cpii,  à  leur  base,  constituent 
des  affouillements  naturels  et  des  bassins  par  conséquent; 
non  seulement  alors  ce  torrent  met  douze  iieures  à  descendre 


DE  LA  DEUXIEME  EDITION. 


du  soniiiieL  (le  l;i  inoiilagno  à  la  base  du  cùuo  de  dcjccdon,  an 
lieu  do  trente  minutes,  mais  il  laisse  une  parti(^  de  son  eau 
dans  CCS  terrains  aplanis  et  spongieux. 

«  Cependant,  pour  que  ces  atterrissements  produits  par  les 
barrages,  qui  constituent  cbacun  un  cône  d(^  déjection,  ne 
viennent  pas  à  augmenter  sans  cesse  par  l'apport  do  cailloux 
et  sables  et  qu'ils  ne  soient  point  rendus  infertiles,  il  faul  ([ue 
les  pentes  latérales  elles-mêmes  se  garnissent  de  végétation, 
afin  de  retenir  ces  sables  et  cailloux  et  de  ne  laisser  corder 
que  de  l'eau  pure. 

«  C'est  alors  qu'intervient  le  reboiseur,  et  c'est  par  des 
tranchées,  par  des  drains,  par  des  piquets  et  des  clayonnages 
que  les  terrains  sont  maintenus  pour  permettre  aux  graines 
de  lever.  Une  fois  que  la  végétation  a  pris  pied  et  qu'elle 
s'élève  d'un  mètre,  elle  se  défend  d'elle-même,  consolide  les 
rochers  qu'elle  entoure  de  ses  racines,  retient  les  menus  cail- 
loux et  les  sables  sous  les  mousses,  et  la  nature  a  repris  son 
empire  ;  car,  ne  l'oublions  pas,  tout  ce  qu'il  nous  faut  refaire 
aujourd'hui,  nous  l'avons  défait  pendant  des  siècles. 

«  Ces  pentes  dénudées,  ravinées,  qui  s'écroulent  à  chaque 
heure,  étaient  toutes,  ou  peu  s'en  faut,  garnies  de  forets. 
L'homme  est  venu  qui  a  jeté  bas  les  arbres.  Ces  grands  végé- 
taux abattus,  les  eaux  qu'ils  ne  retenaient  plus  ont  balayé  les 
gazons,  et  la  montagne,  d'épongé  que  la  nature  l'avait  faite, 
est  devenue  une  ruine  de  pierre  et  de  sable,  sur  laquelle  les 
eaux  s'écoulent  par  le  plus  court  chemin,  précipitant  leur 
cours  à  mesure  qu'elles  descendent,  entraînant  tout,  couvrant 
de  poussière  et  de  cailloux  échoués  d'énormes  cônes  de  dé- 
jections, pour  venir  se  jeter,  furieuses,  dans  le  canal  troncal 
qu'elles  barrent,  jusqu'à  ce  que  cette  masse  de  liquide  accu- 
mulée se  précipite  comme  une  trombe  dans  la  plaine.  Alors 
chacun  de  se  lamenter.  On  souscrit  pour  secourir  les  malheu- 
reux inondés.  L'Etat  s'impose  des  sacrifices  passagers 

«  Qu'il  serait  plus  sage  et  plus  prudent  de  donner  aux 
ingénieurs  forestiers  qui  se  dévouent  à  cette  tache  ingrate 


AVERTISSEMENT 


du  reboisemont  des  montagnes,  les  moyens  d'obtenir  des  ré- 
sultats vraiment  sérieux  ! 

«  Le  jour  où,  sortant  des  demi-mesures  de  la  loi  de  1860, 
on  entrera  largement  dans  la  voie  des  grands  travaux,  sait-on 
ce  qu'il  en  coûtera?  Cent  soixante  millions  à  dépenser  en 
trente  ou  quarante  ans!  Soit  quatre  millions  y  compris  l'ac- 
quisition des  terrains  par  l'État  pour  tout  le  massif  alpestre  de 
la  rive  droite  du  Rhône,  de  la  Savoie  aux  Alpes-Maritimes! 

«  Quand  on  pense  au  bien-être  que  ces  travaux  et  acquisi- 
tions apporteraient  dans  des  vallées  déshéritées,  aux  produits 
(|ue  ces  forêts  bien  aménagées  donneraient,  aux  désastres 
<[u'on  préviendrait,  en  vérité,  cette  somme  de  160  millions  est 
peu  de  chose. 

«  Et  comme  nous  la  trouverions  facilement  en  réformant 
bon  nombre  d'abus! 

«  Mais  rendons  justice  du  moins  aux  travaux  sérieux  de 
nos  forestiers  dans  les  hautes  vallées  alpestres.  Ils  ont  prouvé 
que  le  bien  est  possible  et  qu'il  ne  s'agirait  que  de  vouloir 
l'étendre  sur  une  large  échelle,  aussi  bien  dans  les  Alpes  que 
dans  les  Pyrénées,  pour  nous  éviter  des  désastres  qui,  en 
quarante  ans,  dépassent  de  beaucoup  deux  cents  millions. 


«  Signé  :  E.  Viollet-le-Duc. 


La  première  édition,  par  son  orig*ine  même,  était 
plus  spécialement  destinée  aux  Ag-ents  de  l'adminis- 
tration des  forêts,  aussi  renferme-t-elle  de  nom- 
breux développements,  dont  le  caractère  technique 
et    administratif   impliquait,    soit   la   modification 


DE  LA   DEUXIEME   EDITION. 


pour  les  uns,  soit  la  suppression  pour  les  autres, 
dans  cette  nouvelle  édition. 

Le  chapitre  spécial  aux  travaux  à  entreprendre 
par  les  particuliers  se  trouvait,  pour  le  même  motif, 
un  peu  trop  laconique;  il  a  été  développé  de  façon  à 
satisfaire  pleinement  les  lecteurs  appartenant  à  cette 
catég'orie.  D'autre  part,  les  fîg^ures,  au  lieu  d'être 
réunies  en  un  atlas  séparé,  ont  été,  pour  plus  de  fa- 
cilité, introduites  dans  le  texte,  en  même  temps  que 
certaines  d'entre  elles  ont  été  ajoutées.  Enfin  de 
nouvelles  notes,  ne  laissant  pas  de  présenter  un 
certain  intérêt,  ont  été  annexées  à  la  fin  du  volume. 

Ainsi  qu'on  a  pu  le  lire  dans  l'extrait  du  rapport 
de  M.  Cyprien  Girerd  en  tête  de  cet  avertissement, 
M.  de  Gayffîer,  Conservateur  des  Forêts,  chef  du 
service  du  reboisement  à  l'Administration  centrale, 
avait  exécuté  pour  l'Exposition  universelle  de  1878 
une  collection  de  vues  photog'raphiques  de  g-randes 
dimensions  relatives  aux  travaux  de  reboisement. 

Sollicité  de  tous  côtés  à  livrer  à  la  publicité  cet 
important  recueil,  mon  collèg*ue  et  ami  s'est  dé- 
cidé à  en  faire  une  publication  spéciale  qui  aura 
pour  titre  :  Iconographie  du  Reboisement  des  Montagnes . 

Ce  mag-nifique  ouvragée,  combiné  avec  la  nou- 
velle édition  de  \ Étude  sur  les  travaux  de  reboise- 
ment^ fournira  aux  lecteurs,  au  moyen  de  vues  pho- 
totypog'raphiques  inaltérables  et  d'une  remarquable 
beauté,  l'aspect  saisissant  du  champ  d'action  dans 


XXII    AVERTISSEMENT  DE  LA  DEUXIEME  EDITION 

lequel  on  est  appelé  à  opérer,  et  des  travaux  que 
l'on  exécute. 

Afin  de  bien  montrer  la  relation  qui  existe  entre 
ces  planches  et  le  texte  de  mon  livre  j'ai  inséré  à 
chaque  passag-e  opportun,  un  renvoi  indiquant  le 
numéro  de  la  planche  à  consulter  et  ainsi  libellé  :  (de 
Gayffier,  Pl...);  à  la  fin  du  volume,  la  note  L  donne 
la  nomenclature  de  toutes  ces  vues  ainsi  que  leurs 
lég'endes  descriptives. 

De  son  côté,  \ Iconographie  du  Reboisement  de 
M.  E.  de  Gayffier  renfermera,  en  reg'ard  de  chaque 
planche,  une  description  complète  renvoyant,  pour 
ce  qui  concerne  les  travaux  ou  les  torrents,  aux 
pag-es  respectives  du  présent  volume. 

Ainsi  combinées,  ces  deux  publications,  tout  en 
pouvant  demeurer  indépendantes,  formeront  par 
leur  réunion  un  ensemble  des  plus  complets  pour 
les  lecteurs  désireux  d'étudier  les  diverses  questions 
qu'implique  l'œuvre  nationale  du  reboisement  des 
montag-nes. 


P.^DEMOiNTZKY. 


Aix,  le  l")  Juin  1881. 


AVERTISSEMENT 


DE  LA  PREMIÈRE  EDITION 


La  loi  du  28  Juillet  1860  a  inauguré  dans  F  Adminis- 
tration des  Forêts  l'ère  des  grands  travaux  d'utilité  pu- 
blique, qui,  restreints  avec  raison  au  début,  réclament  lé- 
gitimement aujourd'hui  une  large  extension,  basée  à  la 
fois  sur  les  résultats  sérieux  obtenus  pendant  la  période 
d'essai,  et  sur  l'étendue  des  ravages  restant  à  supprimer 
pour  le  présent  et  à  empêcher  pour  taveiiir. 

Par  arrêté  en  date  du  20  aoùtV^lh,  31.  Faré,  Di- 
recteur général  des  Forêts^  a  mis  au  concours  entre  les 
agents  de  V Administration  la  rédaction  d'un  traité  jrrati- 
que  de  reboisement  et  de  gazonnement  des  montagnes,  el 
constitué  un  Jury  chargé  d'en  apprécier  le  résultat. 

Le  travail  quon  va  lire  a  obtenu  le  premier  prix  dé- 
cerné le  10  Janvier  1878  et  M.  le  Ministre  de  l'Agricul- 
ture et  du  Commerce  a  bien  voulu  décider  quil  aurait 
les  homwurs  de  l'impression. 

En  rédigeant  cette  étude,  fai  eu  pour  but  de  résumer 
les  observations  quil  ma  été  donné  de  faire  pendant  le 
cours  presque  entier  de  ma  carrière  forestière.  Dès  1853, 
en  effet,  je  me  trouvais  chargé  d' importants  travaux  de 


XXIV     AVERTISSEMENT   DE   LA  PREMIERE   EDITION 

reboisement  dans  le  climat  chaud  et  presque  torride  d' Or- 
léansville^  dans  l'Algérie  qui  avait  devancé  de  dix  ans 
la  métropole  dans  des  essais  de  ce  genre. 

Rentré  en  France  en  1862,  je  fus  appelé  depuis  cette 
époque  à  diriger  successivement  les  travaux  de  reboise- 
ment entrepris  dans  les  départements  des  Alpes-Maritimes 
et  des  Basses-Alpes. 

Vaillamment  secondé  par  une  série  de  précieux  colla- 
borateurs, parmi  lesquels  je  compte  autant  d'amis,  guidé 
et  soutenu  par  la  constante  solitude  de  mlices  chefs,  à  tous 
les  degrés  de  la  hiérarchie,  dans  un  service  spécial  où 
des  difficultés  de  tout  ordre  se  présentaient  aussi  nom- 
breuses quêtaient  rares  les  encouragements  du  dehors,  je 
me  suis  trouvé,  par  suite  des  circonstances,  avoir  pu  réa- 
liser, dans  tous  les  climats  de  t échelle  de  la  végétation^ 
une  série  d'observations  prises  sur  les  faits. 

Je  viens  donc  les  exposer  sincèrement,  sans  autre  pré- 
tention que  celle  de  les  présenter  aussi  complètes  que  pos- 
sible, en  praticien  obligé  d  entrer  dans  les  mille  détails 
des  opérations  si  complexes  et  si  attrayantes  que  comporte 
le  reboisement  des  montagnes. 

Je  leur  ai  annexé,  sous  forme  de  notes,  une  série  de  do- 
cuments dont  certains  pourront  être  parfois  utilisés  avan- 
tageusement. 

P.  DEMONTZEY. 

Aix.  \o  i:;  Ftivi-ier  1878. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


CHAPITRE    PREMIER 

DESCRIPTION    ET    FORMATION    DES    TORRENTS 

Pages. 

GÉNÉRAUTÉs.  —  Classification  des  cours  d'eau  de  montagne.  —  Divi- 
sion du  cours  des  torrents  en  trois  régions.  —  Bassin  de  réception. 

—  Canal  d'écoulement.  —  Lit  de  déjection.  —  Gorge.  —  Classifi- 
cation DES  TORRENTS.  —  ToiTents  simplcs.  —  Torrents  composés. 

—  Combe.  —  Action  des  torrents  dans  l'étendue  de  leur  cours. 

—  Triage  des  matériaux.  —  Transport  en  masse.  —  Pente  limite  ou 
profil  de  compensation.  —  Protil  d'équilibre.  —  Profils  en  travers. 

—  Cône  de  déjection.  —  Torrents  à  affouillements.  —  Torrents  à 
casses  et  torrents  glaciaires 11 

CHAPITRE    II 

TRAVAIL  DES  TORRENTS  DANS  LE  SEIN  DE  LA  MONTAGNE 

Effets  produits  par  les  eaux.  —  Description  du  torrent  pi'is  pour 
exemple.  —  Effets  d'un  orage  dans  le  bassin  de  réception.  —  For- 
mation des  laves.  —  Eboulements.  —  Glissements.  —  Fonte  des 
neiges.  —  Puissance  de  l'affouillement.  —  Effets  de  la  végétation 
sur  le  sol 34 

CHAPITRE    III 

CONSTITUTION    DES    PÉRIMÈTRES 

Tracé  de  la  zon^e  de  défense.  —  Nécessité  d'une  zone  continue.  — 
Propriétés  appartenant  aux  particuliers.  —  Acquisitions.  —  Acqui- 
sitions amiables.  —  Expropriations 41 

CHAPITRE    IV 

CORRECTION  DES  TORRENTS  A  AFFOUILLEMENTS 

But  DES  TRAVAUX.  —  Double  affouillement.  —  Affouillement  longitu- 
dinal. —  Affouillement  latéral.  —  Murs  de  chute  ou  barrages.  — 


TABLE   DES  MATIERES. 


Pages. 

Disposition  des  barrages.  —  Correction  des  ravins.  —  Barrages 
vivants.  —  Barrages  vivants  de  premier  et  de  deuxième  ordre.  — 
Clayonuages  ou  fascinages  superposés.  —  Marnes  du  lias  à  strates 
dures 47 

CHAPITRE    V 

EXÉCUTION    DES    TRAVAUX 

Etude  des  projets  de  barrages.  —  Etudes  préalables.  —  Débouché 
sur  le  couronnement.  —  Nombre  et  hauteur  des  barrages.  —  Des- 
cription DES  BARRAGES  EN  MAÇONNERIE.  —  Barrages  en  voûte.  — 
Barrages  rectilignes.  —  Maçonnerie  en  pierre  sèche.  —  Maçonnerie 
avec  mortier  de  chaux  hydraulique.  —  Maçonnerie  mixte.  —  Aque- 
duc ou  pertuis.  —  Effet  du  mode  de  construction  sur  la  nature  de 
l'atterrissement.  —  Avantages  de  la  maçonnerie  mixte.  —  Cas  où  la 
maçonnerie  avec  mortier  doit  être  préférée.  —  Choix  de  la  maçon- 
nerie. —  Discussion  du  choix  des  types  de  barrages.  —  Barrages 
curvilignes  en  maçonnerie  de  pierre  sèche,  en  maçonnerie  mixte  et 
en  maçonnerie  entièrement  en  mortier  de  chaux.  —  Barrages  rec- 
tilignes. —  Barrages  rustiques.  —  Ouvrages  divers  en  maçonnerie. 

—  Radiers.  —  Contre-barrages.  —  Barrages  à  couronnement  irré- 
gulier. —  Perrés.  —  Barrages  en  bois  et  barrages  vivants.  — 
Barrages  en  bois.  —  Clayonnages  de  ])remier  ordre  :  Clayonnages 
moisés  à  l'amont.  —  Clayonnages  à  longriue  encastrée.  —  Clayon- 
nages de  deuxième  ordre.  —  Clayonnages  de  premier  ordre  à  dou- 
ble parement.  —  Fascinages  de  premier  ordre.  —  Fascinages  de 
deuxième  ordre.  —  Fascinages  dans  les  petits  ravins.  —  Clayon- 
nages longitudinaux  et  transversaux  sur  les  atterrissenients  des 
barrages.   —  Travaux  complémentaires.  —  Talutage  des  berges. 

—  Curage  du  lit.  —  Drainages  dans  les  terrains  eu  mouvement.   .       64 

CHAPITRE    VI 

torrents  a  clai'pes  et  torrents   glaciaires 

But  des  travaux.  —  Barrages  de  retenue.  —  Emplacement  des  bar- 
rages de  retenue.  —  Exhaussement  des  barrages.  —  Murs  en  tra- 
vers contre  les  avalanches  et  les  coulées  de  pierres.  —  Places  de 
dépôts.  —  Exécution  des  travaux.  —  Barrages  exhaussés.  —  Bar- 
rages en  gradins.  —  Emplacement  des  nouveaux  gradins.  —  Hau- 
teur des  gradins.  —  Profil  des  barrages  de  retenue  avec  cuvette  et 
contre-mur.  —  Murs  en  travers  contre  les  avalanches  et  les  chutes 
des  pierres.  —  Places  de  déi)6ts 113 

CHAPITRE    VII 

DU    REBOISEMENT    EN    GÉNÉRAL 127 


TABLE  DES   MATIERES. 


CHAPITRE    VIII 

or    CHOIX    DES    ESSENCES 

Pages. 
Du  CLIMAT.  —  Climat  général.  —  Écliello  de  la  végétation  forestière. 

—  Climat  local.  —  Situation.  —  Exjjosition.  —  Vents  dominants. 
,  —  Montagnes  environnantes.  —  Humidité  de  l'atmosphère.  —  Répar- 
tition des  pluies.  —  Intensité  de  la  lumière.  —  Du  sol.  —  Nature 
minéralogique.  —  Etat  physique.  —  Etat  de  la  superficie.  —  Répar- 
tition   DES    ESSENCES    FORESTIÈRES    DANS    LES    DIFFÉRENTES    RÉGIONS 

CLiMATÉRiQUES.  —  Généralités.  —  Essences  dominantes  dans  les 
massifs  forestiers  de  chaque  région.  —  Essences  secondaires.  — 
Peuplements  mélangés.  —  Description  des  essences  forestières 
PROPRES  AU  reboisement.  —  Climat  chaud  :  Arbres  de  massif.  — 
Essences  secondaires.  —  Essences  exotiques.  —  Région  moyenne 
ou  tempérée  :  Essences  de  massif.  —  Région  froide  ou  alpestre  : 
Essences  de  massif.  —  Essences  secondaires.  —  Région  alpine  ou 
très  froide 130 

GHAPITRK    IX 

MESURES  ET  TRAVAUX  PRÉPARATOIRES 

Mise  en  défends.  —  Son  effet  dans  les  différentes  régions.  —  Dans 
les  terrains  instables.  —  Préparation  du  sol.  —  But  de  la  prépa- 
ration du  sol.  —  Sécheresse  du  sol.  Moyen  de  la  combattre.  —  Du 
gel  et  du  dégel.  —  Causes  du  soulèvement.  —  Modes  de  culture  du 
sol.  —  Labour  en  plein,  —  Labour  par  bandes  alternes.  —  Culture 
à  bras  d'homme.  —  Outil  préférable.  —  Bandes  alternes.  —  Bandes 
brisées.  —  Epoques  à  préférer  pour  la  préparation  du  sol.  —  Marnes 
liasiques 171 

CHAPITRE    X 

EXÉCUTION    DES    TRAVAUX    DE    REBOISEMENT 
Du    SEMIS    ET   DE    LA   PLANTATION   EN    GÉNÉRAL.     —     Mode    d'eiTiploi    dcS 

différentes  essences,  suivant  les  régions.  —  Région  méditerranée7ïne  : 
Essences  à  employer  exclusivement  par  semis.  —  Essences  à  em- 
ployer par  les  deux  modes  suivant  les  cas.  —  Régioii  tempérée  : 
Essences  de  semis.  —  Essences  de  plantation.  —  Régions  alpestre 
et  alpine.  —  Conclusion.  —  Des  graines.  —  Lieux  d'origine.  — 
Essences  feuillues  ou  non  résineuses.  —  Récolte.  —  Préparation.  — 
Conservation  des  graines.  —  Graines  de  basse  végétation  forestière. 

—  Concasseur.  —  Graines  d'essences  résineuses.  —  Récolte.  — 
Conservation.  —  Essai  des  graines.  —  Exécution  des  semis  a  de- 
meure. —  Essences  non  résineuses  :  Divers  modes  de  semis.  —  Devis 


TABLE  DES   MATIERES. 


Pages. 

de  la  dépense.  —  Graines  de  résineux  :  Divers  modes  de  semis.  — 
Organisation  du  chantier. —  Quantité  de  graines  à  l'hectare.  —  Saison 
préférable  pour  le  semis  de  résineux.  —  Quantité  de  graines  à  em- 
ployer. —  Enherbement.  —  Enherbement  dans  les  terrains  à  sur- 
face stable.  —  Semis  par  potets.  —  Semis  à  la  volée.  —  Enherbe- 
ment dans  les  terrains  à  surface  instable.  —  Semis  par  sillons 
horizontaux.  —  Époque  des  semis.  —  Des  pépinières.  —  Généralités. 

—  Pépinières  permanentes  ou  cetiirales  :  Choix  de  remj)lacement. 

—  Division  du  terrain.  —  Préparation  du  sol.  —  Nivellement  du 
terrain.  —  Premier  défoncement  du  sol  des  carrés.  —  Fosses  à  ter- 
reau et  à  fumier.  —  Confection  du  terreau.  —  Semis  en  pépinière. 
Résineux.  —  Essences  feuillues.  —  Repiquages  ou  rigolages.  — 
Exécution  du  repiquage.  —  Bouturage  en  pépinière.  —  Calcul  du 
prix  de  revient  du  mille  de  plants  des  différentes  essences.  —  Ex- 
pédition des  plants.  —  Pépinières  volantes  ou  locales  :  Préparation 
du  sol.  —  Éxecution  de  la  plantation.  —  Résineux  :  Age  des 
plants.  —  Mode  d'exécution  dans  les  terrains  préparés  et  non  pré- 
parés. —  Organisation  du  chantier.  —  Époque  préférable  pour  la 
plantation.  —  Plantation  dans  les  terrains  à  surface  instable.  — 
Plantation  dans  les  clappes  ou  casses.  —  Plantation  des  feuillus  : 
Création  de  massifs.  —  Recepage.  —  Création  de  haies.  —  Ban- 
quettes avec  défoncement.  —  Plantation  dans  les  fonds  des  ravins 

et  sur  les  atterrissements 199 

CHAPITRE    XI 

TRAVAUX    DE    GAZONNEMENT 
Des    PATURAGES    DE    MONTAGNES  ;     LEUR    COMPOSITION    DANS    LES    AlPES 

Françaises.  —  Prairies  fauchables.  —  Pâturages.  —  Pâturages  du 
printemps  et  d'automne.  —  Pâturages  d'été.  —  Montagnes  pasto- 
rales. —  RÉGÉNÉRATION  ET  AMÉLIORATION  DES  PATURAGES  PAR  LE 
GAZONNEMENT 300 

CHAPITRl-:    XII 

OPÉRATIONS    TOPOGRAPIIIQ  L'ES 323 

CHAPITRE    XIII 

TRAVAUX    DE    VOIRIE 

Chemins,  sentiers.  —  Application  du  dendromètre  Bouvart 325 

CHAPITRE    XIV 

HYDROGRAPHIE 

But  des  oiiservations.  —  P^tablissement  du  plan,  du  profil  en  long 


TABLE  DES  MATIERES.  xxix 

Pages. 

et  des  profils  en  travers.  —  Description  du  torrent.  —  Chronique 

et  statistique  des  crues  successives 333 

CHAPITRE    XV 

ENTRETIE.X     DES    TR.WAUX     I)  E    CORRECTION 

Barr.\.ges  ex  pierre.  —  Barragres  rustiques.  —  Grands  barrages.  — 
Entretien  des  chemins  et  des  b.4.rrières 3i7 

CHAPITRE    XVI 

ENTRETIEN  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT 

Soins  a  donner  aux  semis  a  demeure.  —  Régions  alpesti-e  et  alpine. 

—  Régions  tempérée  et  chaude.  —  Soins  a  donner  aux  pépinières. 

—  Pépinières  volantes.  —  Pépinières  centrales.  —  Soins  a  donner 
AUX  PLANT.\TiONS.  —  Résineux.  —  Feuillus.  —  Bombyx  procession- 
naire. —  Pyrale.  —  Fidonie  du  pin 354 

CHAPITRE    XVII 

ORDRE    CHRONOLOGIQUE    DES    TRAVAUX    A    PARTIR 

DU    DÉCRET    d'utilité    PUBLIQUE 36G 

CHAPITRE    XVIII 

TRAVAUX    DE    REBOISEMENT    ET    DE    GAZONNEMENT 
FACULTATIFS 

Terrains  appartenant  à  des  particuliers.  —  Terrains  appartenant 
aux  communes  et  aux  établissements  publics 377 

CHAPITRE    XIX 

Subventions  et  primes  pour  l'amélioration  des  pâturages.  —  Tra- 
vaux facultatifs 390 

CONCLUSION 

Conséquences  de  l'extinction  des  torrents  par  les  travaux  obligatoires. 

—  Travaux  facultatifs 393 

NOTE  A 

(Citée  à  la  page  36.) 

Note  de  M.  Schlumberger,  garde  général  des  forets,  sur  la  lave  des- 
cendue le  13  août  1876  dans  le  torrent  de  Faucon,  près  Barcelou- 
nette  (Basses- Alpes).  —  Description  des  lieux.  —  Indices  de  l'orage. 


TABLE   DES   iMATIERES. 


Pages. 
—  Effet  de  la  pluie  et  de  la  gréle.  —  Marche  et  vitesse  de  la  lave  dans 

le  canal  d'écoulement.  —  Son  effet  sur  le  cône  de  déjection.  — 
Évaluatiou  de  son  volume.  —  Comparaison  avec  celui  de  l'eau  tom- 
bée pendant  la  durée  de  l'orage 402 

NOTE    B 

(Citée  aux  pages  75  et  112.) 

Grands  éboulements  de  laves  survenues  en  1873  et  1876  dans  le  tor- 
rent de  Riou-Chanal,  près  Barcelonnette  (Basses-Alpes).  —  Obser- 
vations faites  par  M.  Sardi,  garde  général  adjoint  des  forêts  sur 
la  marche  des  laves  et  leur  passage  sur  le  grand  barrage  construit 
à  l'aval  des  éboulements.  —  Différents  aspects  de  ces  laves.  — 
Effets  produits  sur  le  barrage.  —  Solidité  de  la  maçonnerie  mixte.     415 

NOTE   C 

(Citée  aux  pages  76  et  82.) 

Observations  faites  pendant  l'orage  du  8  août  187G  dans  le  torrent  des 
Sanières  près  Barcelonnette  (Basses-Alpes).  —  Description  du  tor- 
rent. —  Début  de  la  lave,  ses  effets  sur  les  travaux  anciens  et  sur 
ceux  en  construction.  —  Procès-verbal  de  l'enquête  opérée.  — 
Déclaration  des  déposants 421 

NOTE    D 

(Citée  à  la  page  235.) 

Tableau  des  valeurs  des  journées  calculées  par  dixième,  à  l'usage  des 
surveillants  de  chantiers  chargés  de  la  tenue  des  feuilles  d'attache- 
ments journaliers 435 

NOTE    E 

(Citée  à  la  page  316.) 

Nomenclature  des  plantes  principales  qui  composent  les  prairies  et 
les  pâturages  de  montagne  dans  les  Alpes  françaises,  par  M.  Goret, 
80U8-inspecteur  des  Forêts,  et  qu'on  rencontre  dans  les  bois  et  les 
haies,  dans  les  prairies  naturelles  fauchables,  dans  les  pâturages, 
dans  les  terrains  vagues  et  arides,  dans  les  pierrailles,  dans  les 
marnes  ou  terres  noires  dénudées  et  enfin  dans  les  intervalles  des 
rochers 436 

NOTE    F 

(Citée  à  la  page  86.) 

Note  sur  un  nouveau  système  de  radiers  et  de  contre-barrages,  adopté 
en  1880  pour  certains  grands  ouvrages  construits  dans  les  torrents 


TABLE   DES   MATIERES. 


Pages. 

de  Riou-Bourdoux  et  de  Faucon  près  Barcelonnette  (Basses-Alpes.) 

—  Détails  de  la  construction  des  ouvrages.  —  Indication  de  leur 
but.  —  Exposition  des  avantages  qu'ils  procurent 467 

NOTE    G 

(Citée  à  la  page  xiu  de  l'avertissement.) 

Considérations  statistiques  et  économiques  sur  les  départements  des 
Basses  et  des  Hautes-Alpes.  —  Description  de  la  région  monta- 
gneuse. —  Extraits  du  rapport  d'Adolphe  Blanqui  à  l'Académie  des 
sciences  morales  et  politiques  et  de  l'enquête  agricole  de  1866.  — 
Marche  de  la  dépopulation  dans  ces  deux  départements,  —  Compa- 
raison entre  ces  divers  arrondissements.  —  Etat  superficiel  du  sol 
au  point  de  vue  de  la  production  comparé  à  celui  de  la  France  en 
général 474 

NOTE    H 

(Citée  à  la  page  373.) 

Monographie  du  périmètre  de  Faucon,  près  Barcelonnette  (Basses- 
Alpes).  —  Statistique  du  périmètre.  —  Motifs  de  son  établissement, 

—  Historique  des  travaux  de  correction  et  de  reboisement.  —  Dé- 
penses effectuées.  —  Résultats  obtenus 484 

NOTE    K 

Prix  de  revient  des  différentes  espèces  de  maçonnerie  dans  les  tra- 
vaux de  barrage  construits  dans  la  vallée  de  l'Ubaye  (Basses- 
Alpes.)   .j04 

NOTE    L 

Nomenclature  et  description  sommaire  des  différentes  planches  con- 
tenues dans  Y  Iconographie  du  reboisement  des  montagnes,  publiée 
par  E.  de  Gayffier,  conservateur  des  Forêts.    ,       506 

Table  des  figures  du  Traité  du  Reboisement  et  des  planches  de  Vlcono- 

gi^aphie 510 

Table  alphabétique  des  matières  et  des  planches 517 


REBOISEMENT 


ET 


GAZONNEMENT    DES    MONTAGNES 


INTRODUCTION 


Los  lois  du  28  juillet  1860  sur  le  reboisement  et  du 
8  juin  1864  sur  le  gcizonnement  forment  l'ensemble  des 
mesures  législatives  qui  ont  pour  objet  l'amélioration  du 
régime  des  cours  d'eau  par  la  régénération  des  monta- 
gnes et  l'extinction  des  torrents. 

Les  prescriptions  communes  à  ces  deux  lois  sont  de 
deux  natures  différentes  :  d'une  part  l'encouragement, 
d'autre  part  la  coercition. 

Les  moyens  d'encouragement  consistent  en  la  faculté 
donnée  à  l'Etat  d'exciter  l'intérêt  des  propriétaires  en 
les  aidant,  par  l'allocation  de  subventions  en  nature  et  eu 
argent,  à  mettre  en  valeur,  par  le  reboisement  ou  le 
gazonnemcnt,  des  terrains  le  plus  souvent  improductifs 
ou  des  pâturages  épuisés  dont  l'état  actuel  pourrait  con- 
tribuer soit  à  la  formation  de  nouveaux  torrents,  soit  à 

1 


REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


rextension  des  torrenls  existants.  Cette  mesure  est  sus- 
ceptible d'être  appliquée  à  rensemblc  des  régions  mon- 
tagneuses et  présente  un  caractère  essentiellement  pré- 
ventif, car  elle  a  pour  but  final  le  maintien  et  la  protection 
<lu  sol  par  une  série  de  reboisements  ou  de  gazonnements 
(juc  la  loi  a  nommé  facultatifs^  et  qui  sont  ainsi  utiles  à 
rintérèt  général,  tout  en  avantageant  leurs  propriétaires. 

Les  moyens  de  coercition  attribués  h  TEtat  lui  donnent 
le  droit  d'imposer,  au  nom  de  l'utilité  publique,  des  reboi- 
sements ou  des  gazonnements  dits  obligatoires  sur  tous 
les  points  où  leur  exécution  serait  commandée  par  une 
impérieuse  nécessité,  reconnue  à  la  suite  d'une  enquête 
préalable. 

Ici,  la  coercition  a  pris  la  place  de  l'encouragement, 
mais  son  but  change  de  nature  et  son  champ  d'action 
reçoit  des  limites  bien  arrêtées. 

Il  ne  s'agit  plus  en  effet  de  sauvegarder  l'avenir  par 
une  amélioration  souvent  fructueuse  et  parfois  facile.  On 
n'a  plus  affaire  à  un  ennemi  encore  éloigné  ;  les  torrents 
sont  là,  au  contraire,  menaçants,  terribles  ;  ils  ont  envahi 
certains  territoires  et  s'y  sont  installés  sur  les  points  (|ii(' 
rincurie  des  habitants  avait  privés  de  leurs  défenses  natu- 
relles, et,  des  hauteurs  oîi  ils  se  sont  fortifiés,  ils  mettent 
en  péril  l'existence  de  populations  tout  entières.  Il  faut  les 
combattre  sans  merci,  les  dompter,  les  mettre  dans  l'impos- 
sibilité de  nuire  à  jamais,  les  enserrer  de  toutes  parts 
dans  mit-  enceinte  continue  de  végétation,  et  les  étoiillcr 
dans  les  mille  bras  de  la  forêt,  le  seul  athlète  assez  puis- 
•sant  pour  les  anéantir. 

Une  pareille  entreprise*  ne  i>eut  être  abandonnée  à  la 


INTRODUCTION. 


discrétion  des  propriétaires  du  sol  et  dépassera  toujours 
les  forces  dont  ils  disposent  ;  il  ne  s'agit  plus  ici,  du  reste, 
d'une  mise  en  valeur  quelconque,  mais  bien  d'une  ([ues- 
lion  d'intérêt,  voire  même  de  salut  public.  De  là  ces  reboi- 
sements et  ces  gazonnements  obligatoires  prescrits  par 
les  lois  qui  fournissent  cà  l'Etat,  devant  le  refus,  l'incurie 
ou  l'impuissance  des  propriétaires,  la  faculté  de  préparer 
le  terrain  de  la  formidable  lutte  que,  ])ien  certainement, 
il  sera  seul  à  soutenir  et  que,  plus  certainement  encore, 
il  est  seul  capable  tle  terminer  avec  succès. 

La  pensée  qui  domine  dans  ces  deux  lois  peut  donc  se 
résumer  ainsi  : 

D'une  part,  prévenir  la  formation  des  torrents  par  la 
consolidation  du  sol  sur  toute  l'étendue  des  régions  mon- 
tagneuses, résultat  fourni  par  les  reboisements  ou  les  ga- 
zonnements facultatifs  et  même  parfois  par  des  gazon- 
nements obligatoires  ; 

D'autre  part,  supprimer  les  effets  désastreux  des  tor- 
rents actuels  par  leur  complète  extinction  que  produiront 
les  reboisements  obligatoires,  combinés  dans  certains 
cas  avec  des  gazonnements  obligatoires  ; 

Enfin,  obtenir  et  maintenir,  par  les  résultats  de  ces 
deux  premiers  effets,  la  régularisation  du  régime  des 
rivières  torrentielles  et  la  protection  des  vallées  infé- 
rieures. 

Les  dispositions  de  la  loi  de  1860,  accueillies  comme  un 
véritable  bienfait  par  tous  les  esprits  sérieux,  compétents 
et  désintéressés,  ne  pouvaient,  au  moment  de  son  appari- 
tion, s'appuyer  sur  des  précédents  quelconques  qui  fai- 
saient totalement  défaut  ;  elles  étaient  uniquement  basées 


REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


sur  los  observations  ot  les  déductions  d'une  série  d'admi- 
nistrateurs, d'économistes,  d'ingénieurs  et  d'agents  fores- 
tiers avant  vécu  dans  ces  régions  montagneuses  les  plus 
déshéritées.  Connaissant  Lien  ces  contrées,  ils  s'étaient 
donné  la  noble  mission  de  rechercher  et  tic  publier  les 
causes  de  leur  sihuilion  désastreuse  et  les  effets  qui  en 
résultaient  dans  les  riches  vallées  inférieures  ;  ils  avaient 
été  unanimes  pour  reconnaître  que  les  torrents  qui  déchi- 
rent les  montagnes  et  détruisent  leurs  vallées  étaient  l'un 
des  plus  puissants  auxiliaires  des  inondations  de  plus  en 
plus  fréquentes  dans  les  pbiines,  et  que  la  cause  première 
de  la  formation  ainsi  que  de  l'extension  des  torrents  con- 
sistait dans  le  déboisement.  Cette  thèse  venait  d'être  net- 
tement posée  et  victorieusement  soutenue  par  M.  l'ingé- 
nieur Surell,  dans  son  Etude  sur  les  torrents  des  Alpes, 
l'œuvre  la  plus  complète,  la  plus  saisissante  et  la  plus 
vraie  qu'il  fût  ])Ossible  de  produire  à  ce  sujet.  Après  avoir 
soigneusement  décrit  ces  torrents  ainsi  que  les  divers 
phénomènes  qu'ils  présentent,  après  avoir  profondé'ment 
analysé  les  nombreuses  conditions  où  ils  fonctionnent, 
ce  savant  observateur  avait  éloquemment  démontré  les 
j)ro[)ositions  ci-jiprès  : 

1°  —  Im  ])résence  d'une  forêt  sur  u)i  sol  etnpt'che  la  for- 
mation des  torrents  ; 

2"  —  Le  déboisement  d'une  forrt  livre  le  sol  en  proie  au.r 
torrents  ; 

3°  —  Le  développement  des  forets  provoque  f  extinction 
drs  torre)its  ; 

4"  —  La  chute  des  forêts  redouble  la  violence  des  torrents, 
pout  uiènv  les  faire  renaître. 


INTRODUCTION. 


On  a  admis,  lors  de  la  discussion  de  la  loi  de  1864,  que, 
dans  (M'ilains  cas  spéciaux,  la  forêt  pouvait  être  avanta- 
geusement remplacée,  en  partie  au  moins,  par  la  végéta- 
tion serrée  d'une  pelouse  gazonnée,  et,  sous  cette  réserve, 
les  dispositions  de  ces  deux  lois  répondent  aux  proposi- 
tions qui  précèdent. 

Les  principes  une  fois  nettement  posés  par  les  mesures 
législatives,  il  restait  à  les  faire  passer  du  domaine  de  la 
théorie  dans  celui  de  la  pratique.  Mais,  dans  une  question 
d'un  ordre  si  nouveau,  il  était  indispensable  de  débuter 
prudemment  et  de  tenter,  tout  d'abord,  une  série  d'expé- 
riences d'une  durée  et  d'une  ampleur  suffisantes  pour 
permettre  de  proportionner  plus  tard  l'importance  des 
remèdes  à  l'étendue  bien  constatée  des  maux  à  réparer. 

Aussi  ces  deux  lois,  déclarées  lois  d'essai,  ne  donnèrent- 
elles  aux  mains  de  l'Administration  que  des  moyens  finan- 
ciers simplement  suffisants  pour  une  première  expérience 
appelée  à  décider  de  l'avenir. 

Cette  expérience  toute  nouvelle  était  k  peine  commen- 
cée, que  certains  publiscites  s'empressaient  de  la  déclarer 
impossible  et  n'hésitaient  pas  à  soutenir  que  le  reboise- 
ment des  montagnes,  même  aussi  restreint  que  le  faisait 
la  loi,  était  une  entreprise  absolument  chimérique,  irréa- 
lisable et  destinée  à  n'apporter  que  d'amères  déceptions. 

Plus  de  seize  années  se  sont  écoulées  depuis  que  l'on  a 
mis  la  première  main  à  l'œuM'e  ;  les  études  nombreuses 
auxquelles  on  s'est  li\Té,  les  précieuses  observations  que 
l'on  a  recueillies,  enfin  les  indéniables  et  vivants  résultats 
que  l'on  a  obtenus,  ont  victorieusement  répondu  aux 
objections  de  la  première  heure. 


REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


Les  comptes  rendus  successifs  publiés  par  TAdminis- 
tratiou  ont  fait  connaître  le  degré  d'avancement  des  tra- 
vaux, leur  succès  et  leur  dépense.  Sur  tous  les  points  des 
régions  montagneuses  de  la  France  où  des  reboisements, 
soit  facultatifs,  soit  obligatoires,  ont  été  entrepris,  la  jeune 
forêt  existant  aujourd'bui  présente  et  maintient  la  réfuta- 
tion la  plus  catégorique  des  allégations  des  esprits  cha- 
grins qui  lui  avaient  refusé  la  possibilité  de  naître,  de 
vivre  et  de  se  développer. 

Dans  les  hautes  régions  des  Alpes,  cette  terre  classique 
des  torrents,  on  peut  voir  aujourd'hui  de  nombreux  peu- 
[dements  d'essences  résineuses ,  appropriées  au  climat 
local,  étaler  leur  vigoureuse  végétation,  non  seulement 
dans  les  bassins  de  réception  des  premiers  torrents  atta- 
qués par  les  travaux,  mais  même  sur  leurs  berges  vives 
fixées  et  protégées  pour  toujours,  tandis  que  ces  torrents 
eux-mêmes,  jadis  si  redoutés,  sont  devenus  dos  ruisseaux 
non  seulement  inofîensifs,  mais  d'autant  plus  précieux 
qu'ils  procurent  à  ragricuiture  des  eaux  d'irrigation  meil- 
leures et  plus  abondantes. 

On  jiout  ajiprécier,  par  ces  premiers  résultats,  ce  que 
l'on  est  en  droit  d'attendre  de  ravciiir,  si  l'on  considère 
qu'au  lendemain  des  lois  dont  il  s'agit,  l'Administration 
des  forêts  s'est  trouvée  en  présence  d'un  problî-me  sans 
jtrécédents  non  seulement  en  France,  mais  même  chez 
aucune  autre  nation;  qu'il  a  fallu  former  un  ])ersonnel, 
recherclicr  Irs  meilleures  voies  d'exécution  el  él.iblir  les 
liadilions  (jni  ni;iii(|Uiiieiil  à  ces  lra\aiix  ahsoliinienl  nou- 
veaux, toutes  conditions  qui  ont  nécessairement  entraîné 
une  série  d'exjK''rieii('es  nombreuses  dont   l'intluence    n'a 


INTRODUCTION. 


pas  laissé  Je  peser  sur  l'intensité  des  résultats  obtenus. 

Aujourd'hui  Ton  est  sorti  de  la  période  des  essais  :  hi 
voie  est  ouverte  et  le  moment  parait  arrivé  d'y  marcher 
avec  la  résolution  et  la  célérité  qu'imposent  la  grandeur 
et  la  distance  du  but  à  attendre. 

D'autre  part,  on  peut  admettre  que  dans  l'exécution  des 
travaux  entrepris  jusqu'cà  ce  jour,  on  a  passé  par  l'im- 
mense majorité,  pour  ne  pas  dire  la  totalité,  des  condi- 
tions de  toute  nature  qui  peuvent  se  présenter. 

Il  est  donc  devenu  possible,  et  il  ne  sera  pas  sans  quel- 
que utilité  de  dégager  de  cette  vaste  expérience  la  série 
des  enseignements  qui  en  découlent,  et  d'en  extraire  les 
méthodes  les  plus  pratiques,  les  plus  économiques  et  les 
plus  sûres  qu'elle  peut  avoir  sanctionnées. 

Tel  est  le  but  de  l'étude  qui  va  sui\Te.  Nous  ne  nous 
dissimulons  pas  les  difficultés  de  la  tâche  que  nous  entre- 
prenons, et  nous  n'avons  nullement  la  prétention  de 
poser  des  règles  générales  et  absolues.  Notre  horizon 
n'embrasse  qu'une  partie  des  Alpes  dans  lesquelles  il 
nous  a  été  donné  de  diriger  et  de  suivre  une  série  de 
travaux  dont  l'importance  n'a  pas  laissé  de  s'accentuer 
d'année  en  année.  C'est  dans  cette  région  alpestre  que 
nous  puiserons  nos  observations. 

Aussi  bien  elle  présente  tous  les  degrés  des  climats 
successifs,  depuis  le  littoral  méditerranéen  jusqu'aux  der- 
nières limites  de  la  végétation  forestière  ;  elle  renferme 
les  natures  de  sol  les  plus  variées  et  la  collection  com- 
plète de  tous  les  genres  de  torrents  qn'on  peut  rencontrer 
dans  les  Alpes,  unie  à  la  plus  vaste  étendue  de  mon- 
tagnes ravagées  qu'on  puisse  voir. 


REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 


Au  point  lie  vue  de  la  multiplicité  des  faits  à  observer, 
les  différences  qu'on  peut  trouver  entre  une  région  quel- 
conque et  celle  qui  nous  occupe  sont  toutes  à  l'avantage 
de  cette  dernière  ;  et  il  est  permis,  sans  crainte  d'être  con- 
tredit, d'affirmer  qu'il  serait  difficile  de  trouver  ailleurs 
une  réunion  aussi  complète  des  conditions  les  plus  défa- 
vorables de  sols  et  de  climats  unies  à  une  aussi  grande 
variété  de  torrents  et  de  ruines  '. 

1.  —  Voir  la  note  G  à  la  tin  de  l'ouvrafre. 


PREMIERE   PARTIE 


TRAVAUX    D'UTILITE   PUBLIQUE 

DITS  OBLIGATOIRES 


LIVRE  PREMIER 


LES  TORRENTS 


CHAPITRE  PREMIER 

DESCRIPTION    ET  FORMATION  DES  TORRENTS 

GÉNÉRALITÉS.  —  Classification  des  cours  d'eau  de  montagne.  —  Division 
du  cours  des  orrents  en  trois  régions.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal 
d'écoideuieuf.  ■  Lit  de  déjection.  —  Gorge.  —  Classific.vtiox  des 
TORRENTS.  —  Torrents  simples.  —  Torrents  composés. —  Combe.  — 
Action  des  torrents  dans  l'étendue  de  leur  cours.  —  Triage  des 
matériaux.  —  Transport  en  masse.  —  Pente  limite  ou  profil  de  compensa- 
tion. ^  Profil  d'équilibre.  —  Profils  en  travers.  —  Cône  de  déjection.  — 
Torrents  à  atfouillements.  —  Torrents  à  casses  et  torrents  glaciaires. 

Presque  toujours,  sauf  quelques  exceptions  très  rares,  les 
travaux  obligatoires  ont  pour  but  l'extinction  des  torrents 
par  la  création  d'un  massif  forestier  appelé  à  produire  et  à 
perpétuer  la  fixation  du  sol  sur  le  versant  des  montagnes. 

Aussi,  avant  d'entrer  dans  tous  les  développements  que 
comporte  l'exécution  des  travaux  de  cet  ordre,  parait-il  in- 
dispensable d'exposer  certaines  considérations  sur  les  tor- 
rents, sur  les  causes  de  leur  formation  et  sur  les  effets  de 
leurs  crues. 

En  abordant  la  question  des  torrents,  nous  n'avons  nulle' 
intention    d'entrer   dans  des  considérations   théoriques   qui 


12  LES  TORRENTS. 


ponrraionl  nous  onIraîutM"  bion  loin  ot  no  soraiont  pas  d'ail- 
leurs ici  àloiir  vôiilablc  place.  Aussi  bien  on  trouvera  tous  les 
dévoloppemciils  utiles,  appuyés  parles  observations  les  plus 
com{)lèf('s,  dans  les  trailés,  études  ou  rapports  présentés  par 
de  nombreux  auteurs,  notamment  MM.  Surell;  Scipion  Tiras, 
ingénieur  des  mines;  (^lulmann,  inj.;énieur  suisse;  r]iilii)pe 
Breton,  ingénieur  en  chef  des  ponts  et  cbaussécs;  Marchand, 
sous-inspecleur  des  forêts;  (^osta  de  Bastelica,  conservateur 
des  forêts,  et  Viollet-le-Duc,  architecte  '. 

Les  origines  de  la  formation  des  torrents,  l(>s  lois  auxqucd- 
Ics  ils  obéissent  dans  leurs  diverses  crues,  les  etfets  qu'ils 
produisent  sur  les  différentes  parties  de  leur  parcours,  les 
causes  qui  peuvent  augmenter  l'intensité  de  ces  effets  ou  la 
diminu(  r  jus([u'à  leur  suppression  même,  tout  cela  a  fait 
l'objet  des  recherches  de  ces  savants  observateurs;  sans  y 
insister  donc,  nous  nous  bornerons  à  certaines  consMérations 
indispensables  sur  les  torrents. 

Généralités.  —  Dans  son  Etude  sur  les  torrents  des  Haules- 
Alpes,  M.  Surell  partage  les  cours  d'eau  des  montagnes  alpes- 
tres en  quatre  classes  :  les  r'wihes,  les  rivièi'es  t07-rentielles, 
les  torrents  et  les  ruisseaux,  et  (h'finit  ainsi  qu'il  suit  les  carac- 
tères de  chacune  de  ces  classes  -  : 

«  Les  rivières  couleul  dans  des  vallées  larges,  ont  un  assez 
fort  Volume  d'eau  el  {\r^  crues  prolongées;  leur  piMit»^  cou- 

1.  — Surell,  Elude  sur  les  tovretits  des  Uautcs-Alpes.  (Paris,  iS'J.) 
Scipiou  Gras,  Etude  sur  les  torrents  des  IIuutes-Mpes.  {Annotes  des  ponts 

et  cliaussées,  i^'M.) 

Culmann,  Rapport  au  Cotiscil  fédéral  sto'  les  torrents  des  Alpes  suisses. 
(Lau.saune,  ISlio.) 

Pliili|)lie  Breton,  Mémoire  sur  les  retenues  îles  f/rriviers  dans  les  gorges 
des  torrents.  (Paris,  1867.) 

Marchand,  Les  Torrents  fies  Alpes  et  le  piUurage.  (Arhois,  1872.) 

Costa  de  Hastelica,  Les  Torrents,  leurs  lois,  leun  causes,  leurs  effets.  (Paris, 
1874.) 

Viollel-li'-Du.-,  Le  Massif  du  iinmt  lilane.  (Paris,  187C.) 

2.  —  Pa-es  4-10.  —  Surell,  .-(lition  de  1872. 


DESCRIPTION   ET  FORMATION.  13 


stante  sur  de  grandes  longueurs  n'excède  pas  15  millimètres 
par  mètre;  leur  trait  saillant  est  de  divaguer  sur  un  lit  plat 
très  large  et  dont  elles  n'occupent  jamais  qu'une  très  petite 
portion. 

«  Les  rivières  torrentielles  forment  les  affluents  principaux 
des  rivières;  leurs  vallées  sont  moins  longues  et  plus  resser- 
rées; les  variations  de  leur  j)ente  sont  plus  rapides;  leur  vo- 
lume d'eau  est  moins  considérable;  elles  divaguent  peu  ou 
point,  par  suite  de  leur  encaissement,  et  leur  pente  n'excède 
pas  6  centimètres  par  mètre. 

«  Les  torrents  coulent  dans  des  vallées  très  courtes,  parfois 
même  dans  de  simples  dépressions;  leurs  crues  sont  courtes 
et  presque  toujours  subites  ;  leur  pente  excède  (i  centimètres 
par  mètre  sur  la  plus  grande  longueur  de  leur  cours;  elle 
varie  très  vite  et  ne  s'abaisse  pas  au-dessous  de  2  centimètres 
par  mètre;  ils  ont  une  propriété  tout  à  fait  spécifique  :  ils 
affouillent  dans  la  montagne,  ils  dé})osent  dans  la  vallée  et 
divaguent  ensuite,  par  suite  de  ces  dépôts;  cette  propriété, 
formée  par  un  triple  fait,  ne  se  retrouve  dans  aucune  des 
deux  classes  précédentes  et  fournit  un  caractère  bien  tranché. 

«  Les  ruisseaux  ont  un  petit  volume  d'eau,  un  parcours 
peu  prolongé,  soit  qu'ils  coulent  sur  des  pentes  douces,  soit 
que  leurs  berges  et  leur  lit  soient  solides;  ils  n'affouillent 
pas,  ne  charrient  pas  de  matériaux,  et  dès  lors  ne  déposent 
pas;  ils  fournissent  la  plupart  des  cascades.  » 

Cette  classification  n'a  rien  d'absolu  :  «  L'on  conçoit  facile- 
ment qu'il  peut  y  avoir  des  cours  d'eau  qui  n'appartiennent 
rigoureusement  à  aucune  de  ces  quatre  classes  et  qui,  dans 
l'étendue  de  leur  cours,  ne  manifestent  que  des  caractères 
mixtes,  résultat  de  la  fusion  de  deux  classes  voisines.  » 

Il  y  a  plus,  le  mémo  cours  d'eau,  observé  en  différents 
points  de  sa  longueur,  ne  présente  pas  partout  les  mêmes 
caractères  et  peut  passer  d'une  classe  à  l'autre  selon  les  cas 
et  les  parties  de  son  cours  que  l'on  considère. 

A  ces  quatre  classes  nous  ajouterons  le  ravin,   qui  n'est 


14  LES   TORRENTS. 


qu'un  diminutif  du  lorront  et  fonctionne  d'une  manière 
identique;  à  l'état  isolé,  il  représente  le  plus  souvent  le  début 
d'un  torrent;  à  l'état  d'affluent,  le  ravin  devient  l'auxiliaire 
de  l'agrandissement  du  torrent.  Dans  ce  dernier  cas,  on  dis- 
tingue les  ravins  en  principaux,  secondaires,  tertiaires,  etc., 
suivant  le  rang  qu'ils  occupent  dans  la  ramification  des 
affluents  d'un  torrent  donné. 

Gela  posé,  nous  dirons  d'un  torrent  (pi'il  est  en  activité  i?i\\i 
qu'il  fonctionnera  conformément  à  la  détinition  qui  précède, 
c'est-à-dire  tant  (pi'il  affouillera  à  son  amont  et  déposera  à 
son  aval,  tant,  en  un  mot,  qu'il  charriera  des  matériaux  de 
toutes  sortes. 

Nous  appellerons  éteint  un  torrent  qui,  après  une  période 
d'activité  plus  ou  moins  longue,  se  trouve,  par  suite  de  cir- 
constances spéciales,  ne  plus  charrier  de  matériaux,  avoir 
des  crues  plus  longues,  moins  subites,  dès  lors  moins  volu- 
mineuses, et  passer  ainsi  à  l'étal  de  ruisseau  après  avoir 
abandonné  ses  caractères  torrentiels. 

Enfin  nous  entendrons  par  correction  d'un  torrent  ou  d'un 
ravin  l'opération  qui  a  pour  but  :  1°  de  donner  par  des  tra- 
vaux spéciaux  au  lit  et  aux  berges  une  stabilité  telle  que  l'un 
soit  mis  à  l'abri  des  afTouillements,  et  les  autres  en  état  de 
recevoir  et  conserver  la  végétation  forestière;  2"  de  diminuer 
nu  (riirrèt(M',  suivant  le  cas,  le  charroi  de  matériaux  i)rove- 
nant  de  sources  étrangères  à  raffouillemcut. 

((  Il  ressort  de  la  définition  même  des  torrents  (|ue,  si  Ion 
observe  attentivement  leur  rouis,  depuis  leur  source  lu  plus 
élevée  justprà  leur  débouché  dans  les  grantles  vallées,  on  y 
doit  distinguer  trois  régions  (jui  sont  d'ailleurs  nettement  ca- 
ractérisées par  leur  forme,  j)ar  leur  j)osilion  et  par  les  effets 
constants  que  les  eaux  exercent  sur  chacune  d'elles  : 

«  D'abord  une  région  dans  la((uolle  les  eaux  s'amassent  et 
a/fouillent  le  terrain,  i'^lli'  forme  un  bassin  caché  dans  la  mon- 
tagne à  la  naissance  du  torrent. 

«  Puis  une  autre  région  dans  hupielje  les  eaux  déposent  les 


DESCRIPTION   ET  FORMATION.  lo 

matières  provenant  de  raffouillcment.  Elle  forme  un  lar;^e  lit 
situé  dans  les  vallées. 

«  Enfin,  entre  ces  deux  régions,  une  troisième  où  se  fait 
le  passage  de  raffouillement  à  rcxhaussement.  On  conçoit  en 
effet  que,  si  le  torrent  passe  d'une  action  à  une  action  direc- 
tement contraire,  il  doit  exister  une  limite  oîi  finit  la  pre- 
mière et  où  la  seconde  commence.  Cette  limite,  qu'il  est  tou- 
jours possible  de  déterminer,  comprend  une  région  plus  ou 
moins  étendue,  où  les  eaux  coulent  sans  affouiller  leur  canal 
et  sans  l'exhausser  '.  » 

M.  Surell  caractérise  de  la  manière  suivante  ces  trois  ré- 
gions :  {de  Gayffie?',  PI.  ;2,  3,  i,  i-i,  45,  -47.) 

1*  Le  bassin  de  réception,  «  ayant  généralement  la  forme 
d'un  vaste  entonnoir  diversement  accidenté  et  aboutissant  à 
un  goulot  placé  dans  le  fond.  )> 

2»  Le  canal  d'écoulement,  «  région  placée  au-dessous  du 
bassin  de  réception  et  à  la  suite  du  goulot ,  dans  laquelle  il 
n'y  a  plus  d'affouillement  et  pas  encore  de  dépôt.  Cette  ré- 
gion est  la  moins  bien  caractérisée  et  presque  toujours  la 
moins  étendue.  » 

3°  Le  lu  de  déjection,  «  région  où  se  déposent,  d'après  des 
lois  régulières,  les  matériaux,  et  qui  présente  la  forme  appa- 
rente d'un  monticule  très  aplati,  placé  à  la  sortie  de  la  gorge 
et  accolé  à  la  montagne  comme  un  contrefort.  » 

Tout  le  monde  est  d'accord  sur  ce  qu'on  doit  entendre  par 
lit  de  déjection,  qu'on  a  généralement  appelé  cône,  ainsi 
qu'on  le  verra  plus  loin.  Le  canal  d'écoulement  se  comprend 
mieux  qu'il  ne  se  définit;  dans  certains  torrents,  il  est  parfai- 
tement visible  et  reconnaissable,  mais  bien  rarement  il  répond 
à  la  stabilité  qui  fait  la  base  de  la  définition  de  M.  Surell;  de 
là  cette  réserve  que  c'est  la  région  la  moins  bien  caracté- 
risée. 

Nous  préférons  de  beaucoup  la  désignation  de  gorge,  adop- 

1.  —  Surell,  chap.  m,  p.  13.  (2c  édition.) 


16  LES  TORRENTS. 


téo  par  M.  Costa  do  Bastclica  et  dont  M.  Suroll  se  sort  dans  la 
(léliiiilion  du  lit  do  dcjoction. 

La  (jorge  existe  dans  tous  les  torrents  :  à  l'état  rudimcntairo 
clioz  les  uns,  elle  prend  de  grands  développements  chez  les 
autres  ;  elle  est  facilement  rcconnaissable  et  représente  le  canal 
qui  se  trouve  entre  le  goulot  et  le  point  où  cessent  les  berges. 

11  en  résulte  que  les  dépôts  peuvent  non  seulement  remon- 
ter dans  la  gorge,  mais  même  la  recouvrir  sur  toute  sa  lon- 
gueur, parfois  de  plusieurs  kilomètres,  jusqu'au  goulot,  au 
])i('(l  dos  escarpements;  dans  ce  cas  très  commun,  ainsi  que 
dans  bien  d'autres,  le  canal  d'écoulement  de  M.  Surell  n'existe 
pas,  et  cependant  la  gorge  se  maintient,  avec  un  profil  en 
long  variablo,  toujours  contenue  dans  ses  berges  et  parfaite- 
ment distincte,  au  moins  par  la  forme,  du  cône  de  déjection. 

Classification  des  Torrents.  —  M.  Suroll  a  proposé  pour  les 
différents  genres  de  torrents  une  classification  basée  sur  la 
position  que  leurs  bassins  de  réception  occupent  dans  les 
montagnes,  et  les  a  répartis  en  trois  genres  : 

Le  premier  comprend  ceux  qui  partent  d'un  col  et  coulent 
dans  une  véritable  vallée;  [de  Gayffiei-,  PL  4i.) 

1^0  douxiômo,  ceux  (jui  descendent  d'un  faîte  on  suivant  la 
ligno  de  plus  grande  pente  ;  [de  Gayffier,  PL  i,  45,  46,  47.) 

Le  troisième  enfin,  ceux  dont  la  source  est  au-dessous  du 
faîte  et  sur  les  flancs  mêmes  de  la  montagne,  {da  Gaijffier, 
PL  3,  4,  8.) 

Cette  classification  ne  laisse  pas  de  présenter  dans  l'appli- 
cation de  très  nombrousos  difficultés,  et  ne  fixe  pas  suffisam- 
ment sur  le  caractèio  ou  rimi)orlance  du  torrent. 

M.  Costa  de  Bastclica  ',  abandonnant  cette  classificaliuii, 
partage  les  torronis  on  doux  gonros  : 

1°  Les  torronis  simples,  coux  qui  no  compn>nni'iil  <|u"une 
gorge  à  laquelle  aboutissont  dos  ravins  on  pins  ou  moins 

1.  —Les  Torrents,  leurs  lois,  leurs  eaux  et  leurs  effets,  p.  74.  (1874.) 


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IS  LES  TORRENTS. 


^l'iind  noiiil)r(^:  i»rfs((uo  tons  los  (onoiils  du  dfuxir'mo  i^onre 
do.M.SiiivUsoiil  des  I orronl s  simples. (c/f  6V//////('r,  IM.  '■2,Vôà  il.) 

;2°  Les  torronls  r<))ii/)osés,  ceux  (jui  soid  pourvus  t\o  doux  ou 
plusifMU's  gorges  dout  l'une  est  la  priuci[)iile;  cliiupie  gorge 
secondaire  pouvant  être  considérée  comme  un  toiicul  simple 
distinct,  le  torrent  composé  est  donc  celui  (jui  est  l'uruK'  par 
idusieurs  torrents  simides  se  réunissant  dans  une  même  gorge. 
La  plupart  des  torrents  du  premier  genre  de  M.  Surell  sont 
des  torrents  composés,  {de  Gai/f/ier,  IM.  ii.) 

Tout  en  adoptant  de  préférence  ces  deux  dénominations, 
nous  y  ajouterons  la  cninbe,  (jui  se  pr(''seute  sous  la  forme  d'une 
large  échancruro  entamant  la  base  ou  le  flanc  d'un  versant, 
profondément  rong(''e  par  une  multitude  de  petits  ravins  qui 
se  réuniss-ent  presque  au  même  point,  sont  toujours  ù  sec  et 
ne  reçoivent  en  temps  de  pluie  que  l'eau  qui  tombe  sur  leur 
cbamp  d'érosion  ;  dans  la  combe,  la  gorge  n'existe  qu'à  l'état 
rudimentaire.  (^/'3  Gayffîer,  PI.  3,  o,  12  à  li.) 

Ces  classitications,  (pii  ont  pour  but  de  fixer  par  une  simple 
désignation  limportance  d'un  t(jrr(Mit  donné,  sont  loin  d'at- 
teindre le  résultat  clierch('>.  Tel  torrent  simple  peut  être  bien 
l)lus  dangereux  que  tel  autre  torrent  qui  sera  composé,  et 
d'autre  part,  il  arrive  souvent  qu'une  combe  peut  présenter 
des  dangers  bien  autrement  sérieux  qu'un  torrent  des  deux 
autres  genres  adoptés.  D'où  il  suit  que  cette  classification 
peut  ne  procurer  à  l'esprit  d'autre  idée  que  celle  de  la  forme 
qu'alfecte  tel  torrent  doimé. 

La  figure  l  donne  la  vue  d'ensemble  du  torrent  du  Bourget 
(Basses-Alpes'i,  qui  appartient  au  deuxième  genre  (Surell)  et 
forme  un  torrent  composé  (Costa)  avec  complication  de  citmbes. 

Les  figures  2  et  lî  représentent  des  exemi)les  en  plans  des 
trois  genres  de  torrent  :  le  torrent  shniih',  le  torrent  rompusé 
et  la  combe. 

Action  des  Torrents  dans  l'étendue  de  leur  Cours.  — Huel  (pie 
Soit  le  genre  aufinrl  ils  appartiennent,  les  torrents  fonrtii.>n- 


DESCRIPTION    ET   FORMATION. 


1^ 


nont  tous  (lo  la  mèiiie  manièro,  ainsi  ([u'il  résulte  do  leur  dé- 
finition mrnie. 
Afin  do  passer  complètement  on  revue  la  série  des  phéno- 


Fig.  2.  —  Plan  du  périmètrk  de  Saint-Pons  (Vallée  de  Barcelonnette). 
(de  Gayffier  PI.  4  J.) 

Equidistance  des  courbes  :  40  mètres.   —    Les  parties  rayées  indiquent  le  périmètre. 
Torrents  composés  j  [^  ^^ttï""'"".''.'      s"  ^ -'^  '  ^"'-"' 


Torrents  simples      |  v^.inf.'ij 
Combes 


la  Bérardo.. . 
ons. . . 
Bouzoume  .... 
Saint-Bernard. 


I  .,. 


mènes  qui  se  produisent  dans  les  diverses  phases  de  l'activité 
des  torrents,  considérons,  pour  bien  fixer  les  idées,  le  torrent 
le  plus  simple  et  observons  les  dilTércnts  états  sous  lesquels 
il  se  présente  successivement.  Cette  analyse  nous  sera  d'au- 


20 


LES   TORRENTS. 


tant  plus  facile  que  les  exemples  ne  font  pas  défaut  et  four- 


Fig.    3.     —  COMDR  DE  L'Il.LCnXBKN   (VaLAIS). 

Équidistance  des  courbes  :  35  mètres. 

nisscnt  los  diverses  conditions  des  différents  âges  que  nous 
avons  à  considérer. 


DESCRIPTION   ET   FORMATION.  21 

Chaque  année,  soit  au  printemps,  à  la  suite  d'une  fonte 
subite  de  neige,  soit  on  été,  à  la  suite  d'un  violent  orage,  on 
peut  constater,  sur  certains  versants  rapides,  la  brusque  ap- 
parition d'un  ravin  que  la  topographie  des  lieux  ne  pouvait 
faire  présager.  Ce  ravin  présente  dans  la  partie  inférieure 
l'aspect  d'un  grand  sillon  qui  aurait  été  ouvert  bien  droit  sur 
la  ligne  de  plus  grande  pente  par  une  charrue  colossale  à 
double  versoir. 

A  droite  et  à  gauche  du  sillon  on  trouve  en  effet  une  sorte 
de  digue  composée  de  matériaux  de  toutes  sortes,  le  plus  sou- 
vent très  régulière  et  surmontant  de  toute  sa  hauteur  le  terrain 
naturel.  A  la  base  du  sillon  se  trouve  un  amas  de  matériaux 
provenant  de  l'amont  et  étalé  en  un  lit  de  déjection  présentant 
une  forme  d'éventail  symétrique  par  rapport  à  l'axe. 

Soit  donc  {fig.  4)  BG  le  profil  en  long  du  versant,  RB  celui  de 
la  vallée  et  RR  celui  de  la  rivière  ;  si  l'on  relève  le  profd  en 
long  de  ce  sillon  et  du  lit  de  déjection,  on  obtient  une  courbe 
concave  vers  le  ciel  ed  représentant  le  profil  de  la  partie  affouil- 
lée  et  une  courbe  convexe  ea  représentant  le  profil  des  dépôts. 

Si,  pendant  un  certain  temps,  aucune  fonte  extraordinaire 
de  neige  ou  aucun  orage  violent  ne  projette  subitement  une 
grande  masse  d'eau  dans  la  brèche  ainsi  formée  sur  le  ver- 
sant; si,  dès  lors,  cette  brèche  n'a  eu  à  subir  que  le  simple  ef- 
fet des  eaux  ordinaires,  les  nouveaux  profils  en  long  que  l'on 
trouvera  seront  figurés  par  deux  courbes  telles  que  ED  et  AE, 
toutes  deux  concaves  vers  le  ciel  et  représentant,  la  première 
le  profil  des  dépôts,  la  seconde  le  profil  des  affouillements. 

Qu'après  une  période  de  calme  survienne  un  nouvel  événe- 
ment météorologique  extraordinaire,  il  se  produira  à  l'amont 
du  point  D  un  nouvel  afîouillement  qui  aura  pour  conséquence 
un  nouveau  dépôt,  et  le  profil  en  long  du  torrent  se  trouvera 
représenté  par  la  courbe  convexe  a'é  et  la  courbe  concave  e'd\ 
après  quoi,  les  conditions  météorologiques  redevenant  nor- 
males pendant  plusieurs  années,  le  profil  se  modifiera  de  nou- 
veau suivant  les  deux  courbes  concaves  A'E'  et  E'D'. 


LKS   TORRKNTS. 


Si  le  sol  compris  entro  les  points  B  et  G  se  trouve  encore  af- 
fouillable,  les  mêmes  alternatives  survenant  à  nouveau,  le  tor- 
rent présentera  successivement  \t'  inolil  a'e'd" ,  composé  de 
<i"e" ,  courbe  convexe,  e"d",  courbe  concave,  bientôt  suivi  par 
le  profil  A"E"D",  composé  de  deux  courbes  concaves. 

Ainsi  donc,  tandis  que  la  courbe  qui  représente  les  aflbuil- 
lements  demeure  constamment  concave,  la  courbe  des  dépôts 
passe  alternativement  de  l'état  convexe  à  l'état  concave  ;  mais 
elle  n'est  convexe  qu'au  lendemain  de  grands  événements  mé- 
téorologiques tandis  que  dans  les  conditions  de  calme  elle 
passe  et  demeure  à  la  forme  concave. 

Cette  concavité,  qui  devient  ainsi  le  signe  d'une  sorte  de  ré- 
l^ularité  dans  le  travail  du  torrent,  résulte  de  ce  qu'en  hydrau- 
lique on  nomme  le  triage  des  malérlaux . 

Dans  le  cas  d'une  crue  ordinaire,  les  matériaux  entraînés 
marchent  indépendants  les  uns  des  autres  et  s'arrêtent  suc- 
cessivement aussitôt  que  leur  résistance  devient  supérieure  à 
la  force  d'entraînement;  les  plus  gros  blocs  s'arrêtent  les  pre- 
miers, puis  les  galets,  les  graviers,  enfin  les  sables  plus  ou 
moins  terreux,  ce  qui  détermine  la  concavité  de  la  courbe'. 

De  ce  qui  précède  il  résulte  évidemment  que  si  un  jour  la 
courbe  du  lit  de  déjection  vient  à  se  présenter  sous  la  forme 
convexe,  on  peut  être  certain  que  la  loi  du  triage  des  maté- 

1.  —  La  vitesse  d'une  j)ieiTe  sera  d";uit;iiit  plus  ^'rande  que  la  pierre  est 
plus  petite.  Toiites  les  pierres  sont  donc  eutraiuées  avec  des  vitesses  iné- 
gales. Le  graiu  de  saliie  fuira  avec  une  grande  vitesse,  le  gravier  le  suivra 
<le  près,  mais  plus  lentement,  le  galet  plus  lentement  encore,  et  ainsi  de 
suite  jusqu'aux  i)lus  grosses  pierres  qui  roideraieut  i)éuililement. 

Le  résultat  de  cette  action  est  une  séparation  des  matériaux  d'après  leiu* 
grosseur,  (f'osta  de  Hastelica,  Les  Torrents  et  leurs  lois,  p.  25.  (1874.) 

Toutes  les  matières  entraînées  se  classent  d'après  leur  poids  et  leur  vo- 
lume. Toutes  les  jiierres  d'une  même  résistance  et  ayant  par  conséquent 
une  même  vitesse,  limite  d'entraînement,  tendront  donc  à  former  uni' iiente 
correspondante  à  cette  vitesse  limitée.  Le  dépôt  de  toutes  les  matières 
tendra  à  son  tour  à  former  une  série  de  pentes,  celles-ci  allant  en  croissant 
vers  l'amont. 

Ces  pentes  iront  en  croissant  de  j)lus  en  plus  vers  l'amont,  par  la  raison 
<jue  si  les  dimensions  des  pierres  suivent  un*'  lui  arithmétique,  leur  résistance 


Figures   1  et  U). 
rrulil  en  long  et  l'iaii  d'un  Torrent  iJé? 


\A  I    \  f 

r^i  vu 


^fiip^SP^i^ 


.  ^*iffl:^p.\î*î?^'?^:^ 


rf  A. 


^^-fM 


24  LES   TORRENTS. 


riaux  a  été  suspendue.  Si  l'on  examine  alors  attentivement  le 
lit  de  déjection,  au  lieu  de  renconiror  les  grosses  pierres  ex- 
chisivcnKMit  ù  l'iimonl,  et  au  sfinuiu'l  du  lil,  ou  en  trouve  au 
contraire  en  grandes  quantités  à  son  extrémité  aval,  en  mé- 
lange avec  des  matériaux  de  tout(>s  dimensions.  Le  dépôt  pré- 
sente alors  une  apparence  de  désordre  cliaoti(|U('  (pii  provient 
de  ce  que  rentraînoment  des  matériaux  s'est  opéré;  j)ar  trans- 
port en  masse  donnant  lieu  à  des  laces.  On  appelle  ainsi  le  cou- 
rant qui  se  produit  à  la  suite  de  certaines  grandes  crues,  sous 
forme  de  boues  plus  ou  moins  épaisses  dans  lesquelles  la  quan- 
tité des  matériaux  entraînés  dépasse  de  beaucoup  le  volume  de 
l'eau,  d'où  il  résulte  que  tous  les  matériaux,  se  touchant  pres- 
([ue,  perdent  leur  indépendance  commune.  Mais,  au  bout  d'un 
certain  parcours,  les  plus  grosses  pierres,  en  vertu  de  la  vitesse 
acquise,  tendent  à  dépasser  les  plus  petites.  Au  moment  où 
le  courant  débouche  dans  la  plaine,  sur  des  pentes  relative- 
ment très  douces,  l'effet  du  ralentissement  se  produit  de  l'aval 
vers  l'amont,  les  grosses  pierres  qui  sont  alors  en  avant  s'ar- 
rêtent d'abord,  puis  à  leur  amont  les  galets,  les  graviers  et 
enfin  les  plus  petits  matériaux;  la  courbe  du  lit  ainsi  formée 
devient  dès  lors  convexe. 

On  conçoit  aisément  que  la  courbe  convexe  ao  ne  {)eut  durer 
longtemps;  aussitôt  en  effet  que  cesse  le  transport  en  masse, 
la  loi  du  triage  reprend  le  dessus  et  la  courbe  AE  prend  la  place 
de  ae;\ii  section  /leV]  se  trouve  remblayée,  tandis  qu'un  allouil- 
lement  se  produit  de  Avers  A.  Il  est  évident  que  les  mêmes 
effets  se  présenteront  après  chacune  des  grandes  laves  qui 
pourront  arriver  ù  la  suite  de  nouveaux  transports  en  masse. 

Ce  que  nous  venons  d'indiquer  pour  la  courbe  af  s'applique 
donc  égalcmi'iit  à  ne',  a'e",  etc. 

suit  une  loi  géométrique  qui  est  celle  du  carré  i\o  la  vitesse.  Dès  lors  les 
pentes  croîtront  de  plus  en  plus  rapidement. 

Si  l'on  suppose  que  les  matériaux  passent  d'une  manière  continue  par 
tous  les  degrés  de  grandeur,  le  profil  en  long  du  dépôt  |)rendra  une  cour- 
hure  dont  la  concavité  sera  tournée  vers  le  ciel  en  se  relevant  de  plus  ea 
plus  vers  l'amont.  (Même  ouvrage,  p.  40.) 


DESCRIPTION   ET   FORMATION.  25 

Cependant  le  lit  de  déjection  ne  peut  s'exhausser  indéfini- 
ment, ot  l'on  doit  admettre  que  son  profil  finira  par  prendre 
une  ponfo  telle  qu'en  un  point  quelconciue  il  descende  autant 
de  matériaux  vers  l'aval  qu'il  en  arrive  de  l'amont  :  ce  sera 
le  rolil  qin  .M.  Breton  a  nommé  profil  de  compensation,  et 
M.  Surell  la  pente-limite.  On  conçoit  facilement  que  ce  profil 
une  fois  atteint  ne  pourra  se  maintenir  qu'autant  que  le  tor- 
rent ne  cessera  pas  de  charrier  en  un  temps  donné  une  quan- 
tité égale  de  matériaux  identiques.  La  stabilité  de  ce  profil  de 
compensation  est  donc  précaire  et  varie  avec  la  quantité  et 
les  dimensions  des  matériaux  charriés.  D'où  il  résulte  que,  si 
par  une  cause  quelconque  le  torrent  venait  à  ne  plus  donner 
que  de  l'eau  claire,  le  lit  de  déjection  subirait  à  son  tour  une 
série  d'affouillements  analogues  à  ceux  opérés  dans  la  monta- 
gne ;  le  profil  en  long  du  nouveau  lit  irait  en  s'abaissant  de 
plus  en  plus  jusqu'à  ce  que  la  résistance  des  matériaux  les 
plus  mobiles  fît  exactement  équilibre  à  la  puissance  d'entraî- 
nement, auquel  cas  l'eau  n'entraînerait  plus  aucune  pierre. 
Ce  dernier  profil,  M.  Breton  l'a  nommé  profl  d'équilibre,  et 
nous  conserverons  précieusement  cette  dénomination. 

Admettons,  par  hypothèse,  qu'à  partir  de  D"  le  terrain  af- 
fouillable  fasse  place  à  une  roche  très  dure,  dont  la  coupe 
soit  en  D"K;  supposons  en  outre  que  le  profil  A"E"  soit  le 
profil  de  compensation.  Dans  ces  conditions,  la  propagation 
de  l'affouillement  vers  l'amont  va  s'arrêter  nécessairement; 
le  profil  E"D"  ira  se  redressant  de  plus  en  plus  jusqu'à  se  con- 
fondre avec  la  ligne  rocheuse  D"K,  de  sorte  que  le  profil  de 
compensation  deviendra  A"E"'.  Arrivé  là,  la  quantité  des  ma- 
tériaux charriés  venant  à  diminuer,  les  eaux  deviendront  de 
plus  en  plus  atfouillantes,  et  le  profil  de  compensation  s'abais- 
sera peu  à  peu  en  prenant  successivement  les  positions  A"N.M, 
A"N'.M',  A"N"M",  jusqu'à  ce  qu'il  atteigne  A"N"'M"'  représentant 
par  exemple  le  profil  d'équilibre  convenant  à  la  nature  des 
matériaux  du  lit.  Le  profil  définitif  ainsi  obtenu  se  composera 
d'une  courbe  allant  s'aplatissant  de  plus  en  plus  vers  l'aval  et 


26  LES   TORRENTS. 


se  redrossant  do  jjIus  on  plus  vors  l'amont.  ToUo  est  la  coiirlx- 
finalo  de  tout  toirt'nl  ([ui,  livré  à  lui-même,  viendrait  à  ne 
plus  donner  que  de  l'eau  claire. 

Après  avoir  ainsi  passé  en  revue  les  diverses  modifications 
que  peut  subir  le  profil  on  lono-  d'un  torrent,  examinons  ce 
([ui  se  passe  dans  les  protils  en  travers. 

Aussitôt  après  le  j)remier  allduilienienl  ed  (ip<'r(''.  le  prolil 
on  travers  dans  la  partie;  supérieure  de  cette  courbe  donne 
une  section  prcsijue  lrianj;idaire  ahc  {fîg.  5).  Mais,  dans  la 
partie  inférieure  de  la  courbe,  la  section  {fig.  6)  présente  sur 
ses  deux  bords  un  dépôt  cbaotique  de  matériaux  de  toutes 
dimensions  disposés  sous  forme  de  talus  dd'  parfois  très  réjiu- 
liers.  Enfin  le  protil  on  travers  du  lit  do  déjection  i)ris  suivant 
les  lignes  XY  {fi(j.  10)  et  ZZ'  (////.  i)  donne  pour  le  (l(''p(")t  ac  une 
courbe  présentant  vors  son  sommet  une  convexité  très  pro- 
noncée, et  vers  ses  deux  extrémités  au  contraire  une  certaine 
concavité.  Au  sommet  mémo  on  remarcjue  une  hiiiic  di-pres- 
sion  indiquant  le  passage  des  eaux  i)rincipalos,  bordé  do  clia- 
que  côté,  comme  en  amont  du  point  e,  par  une  sorte  do  digue 
ayant  l'aspect  de  fortes  bavures  {fiy.  11).  Lorsque  le  courant 
de  matières  a  débouché  en  B  sur  la  plaine,  n'étant  plus  res- 
serré entre  les  berges  et  trouvant  un  fort  changement  de  ponte, 
il  s'est  aplati  et  épanoui  en  un  vaste  éventail,  le  raient isso- 
meiit  se  faisant  de  plus  en  plus  sentir  à  mesure  (jnc  TiUoigne- 
monl  du  point  B  devenait  plus  grand.  .Mais  en  nuMiie  temps, 
en  vertu  de  la  vitesse  ac((uise.  il  s'est  maintenu,  dans  la  direc- 
tion générale  du  torrent,  un  courant  piinciiial  suivi  de  i)réfé- 
rence  parles  plus  grosses  pierres.  Toutes  celles  (pii  venaient  à 
gêner  le  courant  ont  été  rojetées  par  lui  sur  les  Ixu'ds,  en 
mélange  avec  dos  matériaux  de  toutes  sortes:  en  nu  lue  temi)s 
se  produisaient  à  gauche  et  à  droite  des  épanchenirnis  dn  conrs 
princii)al  ;  mais  dès  ce  moment  rc^^  d(''rivalions  ('taient  sous- 
tiaites  aux  effets  du  transport  en  masse.  La  loi  du  triage  avait 
(ion<:  i-epris  le  dessus  et  classe-  1rs  niati'riaux  d'aprr^  Icni'  vo- 
lume res|)i'clil',  ce  (jiii  a  donne''  naissance  à  la  de'pression  cou- 


DESCRIPTION   ET   FORMATION. 


27 


cave  qui  torminc  la  courbo  convoxe  du  profil  on  travers. 
Les  profils  en  travers  {fiy.  1,  8  et  9)  indiquent  les  divers 
états  du  torrent  aux  différentes  époques  que  nous  avons  con- 
sidérées dans  l'examen  du  profil  en  long:.  Après  le  premier 
grand  affouillement  ed,  le  profil  K  est  formé  par  les  deux  li- 
gnes a'/»' et  b'c'.  Le  chenal  ainsi  défini  est  vide  alors,  mais  tend 
à  se  remplir  peu  à  peu,  et  (juand  le  profil  en  long,  se  creu- 
sant de  plus  en  i)lus  vers  l'amont,  a  att<'iiit  l-VD',  le  \)\-oW\  en 


r 


Fig.  5  Fig.  6  Fig.  7  Fig.  8 

Profils  en  travers  successifs  du  Torrent. 


Fig.  9 


travers  E  se  remblaye  dans  la  section  jusqu'en  f(j  et  devient 
hfgi  par  suite  do  l'exhaussement  du  dépôt,  qui  remonte  ainsi 
dans  le  lit  du  torrent.  En  même  temps  en  E'  {fig.  8)  le  profit 
en  travers  devient  a"b"c',  formant  un  chenal  vide.  Le  torrcnit 
s'est  donc  fortement 

creusé  et  a  produit  —''"- 

ainsi  des  berges  de 
plus  en  plus  hautes. 
Ce  nouveau  chenal, 
comme  le  premier, 
tend  à  se  remplir  peu  à  peu,  et  quand  le  })rofll  en  long  arrive 
à  E"D"  ifig.  -i),  le  profil  en  travers  devient  mkln  (fig.  8);  le  dé- 
l)ôt  a  remonté  jusqu'à  E"  {fg.  i),o\x  le  profil  entravers  indique 
{fig.  9)  un  creusement  du  lit  de  plus  en  plus  formidable  ; 
quant  au  profil  hfgi  [fig.  7),  il  disparaît  enfoui  sous  les  déjec- 
tions et  devient  k'I'  (fig.  7).  Ces  exhaussements  se  produisent 
simultanément  sur  le  lit  de  déjection,  dont  les  profils  en  .xjj 
deviennent  successivement  o;j(7/>o,r/y^ 'y 'y>'o',  et  <>"i>"f/'p"o"{fig.\  1). 


Fiï.  11. 


Coupe  en  travers  du  Cône  de  déjections. 


28  LES  TORRENTS. 


Kn  niômo  tomps  quo  les  dépôts  remontent  dans  le  canal 
d'écoulement,  le  sommet  du  cône  s'élève  graduellement  et 
I)asse  successivement  de  F  en  F'  et  en  F",  de  sorte  que  les  ber- 
ges situées  de  F  en  F'  et  de  F'  en  F"  finissent  par  disparaître 
sous  le  développement  du  cône  [rie  Gayffin-,  PL  ii). 

Généralement  les  choses  ;sont  loin  de  se  passer  aussi  régu- 
lièrement que  nous  venons  de  l'indiquer.  Les  eaux  des  diffé- 
rentes crues  divaguent  sur  le  lit  de  déjection  ;  tantôt  elles  dé- 
posent sur  une  partie  seulement  de  la  surface,  et  après  l'avoir 
exhaussée  elles  vont  produire  le  même  effet  sur  le  reste  ;  mais, 
dans  tous  leurs  divers  mouvements,  elles  ne  cessent  de  fonc- 
tionner comme  nous  l'avons  exposé.  Il  est  évident  que  la  pente 
'générale  d'un  lit  de  déjection  varie  avec  la  nature  des  matériaux 
qui  composent  la  masse  de  ces  déjections;  plus  ces  matériaux 
seront  volumineux,  plus  la  pente  du  lit  sera  relevée. 

On  a  donné,  et  l'usage  l'a  adopté,  au  grand  éventail  qui 
forme  ainsi  le  lit  de  déjection,  le  nom  de  cône,  bien  que,  d'a- 
près ce  qui  précède,  ce  dépôt  ne  présente  pas  en  réalité  une 
surface  conique.  Mais  si,  négligeant  pour  un  moment  la  cir- 
constance de  la  courbure  du  profil  en  long,  on  admet  qu'elle 
se  change  en  une  ligne  droite,  le  cône  de  déjection,  au  moins 
dans  la  majeure  i)artie  de  la  durée  de  son  accroissement,  ne 
pourra  être  considéré  comme  une  partie  d'un  cône  régulier 
à  base  circulaire,  présentant  sur  toute  sa  surface  des  arêtes 
d'égale  longueur  et  dès  lors  de  même  pente.  D'après  ce  que 
nous  avons  exposé  des  effets  du  transport  en  masse  combinés 
avec  ceux  du  triage,  le  cône  de  déjection  doit,  au  contraire, 
dans  les  premières  années  de  sa  formation,  donner  en  plan  la 
figure  d'une  i)arti(;  d'ellipse  dunt  le  cours  générateur  est  le 
grand  axe  '  (/le  Gaijffier,  IM.  2,  i,  ii  à  M.) 

Il  en  résulte  {fî(j.  10)  que  la  ligne  FP  est  plus  courte  que  la 
ligne  FA  et  que  la  pente  FP  est  plus  raidc  que  la  pente  FA. 
Dès  lors,  pour  peu  que  dans  son  cours  le  torrent  trouve  en  F 

1-  —  Viollet-le-Duc,  Le  Massif  du  mont  Blanc,  p.  186. 


DESCRIPTION   ET  FORxMATION.  29 

le  moindre  obstacle,  il  tendra  à  quitter  le  lit  FA  pour  couler 
plus  rapidement  sur  la  pente  FP,  sur  laquelle  il  opérera  le 
même  travail  que  sur  FA  en  prolongeant  le  cône,  et  par  suite 
en  l'exhaussant  dans  cette  partie  ;  comme  il  n'y  a  aucune  rai- 
son qui  s'oppose  à  ce  que  le  courant  se  transporte  do  la  même 
manière  à  toutes  les  positions  ([ue  peut  i)rendro  la  lii^no  FP 
sur  la  surface  primitivement  ellipsoïdale,  en  lonrnaiit  sur  F 
comme  pivot,  les  différentes  lignes  FP  tendront  à  prendre 
toutes  une  même  longueur,  égale  à  AF;  par  suite,  la  base  du 
cône  abandonnera  peu  à  peu  la  forme  elliptique  pour  devenir 
circulaire.  Si  les  circonstances  s'y  prêtent,  le  cône,  en  se  pro- 
longeant vers  l'aval,  refoulera  la  rivière  en  R'R'  vers  la  rive 
opposée,  et  changera  même  son  cours  tant  que  cette  rive 
pourra  être  affouillée,  et  que  les  matériaux  du  cône  ne  pour- 
ront être  entraînés  par  le  courant  [de  Gayffîer,  PL  ii.) 

Mais,  si  la  rive  opposée  est  inalTouillable,  le  cône  ne  pourra 
se  prolonger  dans  la  direction  perpendiculaire  à  la  rivière, 
tandis  que  rien  ne  l'empêchera  de  s'épanouir  dans  la  plaine 
suivant  les  autres  directions;  cette  ligne  perpendiculaire  de- 
viendra donc  la  direction  de  la  plus  grande  pente  et  du  plus 
court  charroi,  et  formera  l'arête  principale  du  cône. 

Les  crues  moyennes  l'affouilleront  fortement  en  raison  de 
sa  pente  plus  grande,  le  courant  s'y  encaissera  de  plus  en 
plus  et,  le  profd  de  compensation  venant  h.  s'y  établir,  le  reste 
du  cône  pourra  être  mis  à  l'abri  de  tout  dépôt  nouveau  de 
matériaux,  à  la  condition  toutefois  que  la  rivière  entraîne 
tous  les  matériaux  amenés  dans  son  lit. 

On  rencontre  dans  les  Alpes  françaises  un  certain  nombre 
de  torrents  qui  se  sont  ainsi  encaissés  d'eux-mêmes  dans  leurs 
anciennes  déjections;  mais  le  plus  bel  exemple  que  nous  puis- 
sions citer  nous  est  fourni  par  le  grand  torrent  d'Illgraben 
[fig.  3),  canton  du  Valais  ,  dont  le  cône  de  déjection  dans  la 
vallée  du  Rhône  est  l'un  des  plus  vastes  parmi  ceux  apparte- 
nant à  des  torrents  actuellement  en  activité. 

Nous  avons  dit  que  le  dépôt  que  l'on  est  convenu  d'appeler 


30  LKS  TORRENTS. 


cône  do  déjocfion  no  pouvait  être  représenté  par  une  portion 
do  la  liguro  géométrique  de  ce  nom,  La  description  le  plus 
heureusement  trouvée  nous  paraît  être  celle  que,  dans  son 
Etude  sur  les  toi'vents  (p.  99),  M.  Costa  de  Hastelica  donne  dans 
les  termes  suivants  :  «  Si  l'on  veut  se  faire  une  idée  géométri- 
que exacte  d'un  cône  de  déjection,  on  n'a  qu'i\  imaginer  une 
surface  engeudri'O  par  un  arc  bandé  glissant  sur  l'arête  cen- 
trale comme  directrice  et  se  débandant  i)rogressivement.  » 

Il  est  évident  (pu>  la  pente  générale  d'un  cône  varie  avec  la 
nature  des  matériaux  (pii  composent  la  masse  des  déjections; 
plus  ces  matériaux  seront  volumineux,  plus  le  cône  sera 
relevé. 

Les  formes  générales  des  cônes  de  déjection  sont  suscepti- 
bles de  certaines  variations  qui  dépendont  surtout  dos  travaux 
que  la  main  des  hommes  a  pu  y  exécuter,  })ondant  et  après 
leur  formation;  c'est  ainsi  que  dans  It^s  Alp(^s  françaises,  no- 
tamment dans  les  vallées  de  la  Durance  et  de  ses  ariluents,  on 
rencontre  une  myriade  de  petits  cônes  dont  la  forme  est  de- 
venue pyramidale,  ou  même  prismatique.  Cet  cflet  est  dû  à 
l'encaissement  qu'on  a  imposé  et  maintenu  au  torrent  sur 
son  cône  au  moyen  de  digues  quelconques  entretenues,  ex- 
haussées ou  renouvelées  d'année  en  année  jusqu'au  jour  où 
le  profil  en  long  de  cet  encaissement  a  pu  arriver  à  la  pente- 
limilc. 

Aussi  dans  ces  vallées  voit-on  les  moindres  ravins  donner 
naissance  à  ces  sortes  de  grandes  levées,  siu'  l'arête  des- 
quelles coulent  les  eaux  pluviales,  à  une  hauteur  souvent  si 
considérable  au-dessus  des  cultures,  que  les  routes  ou  les  voies 
ferrées  sont  obligées  de  les  traverser  au  moyen  de  petits 
tunnels. 

Tels  sont  les  différents  phénomènes  qui  se  produisent  dans 
le  fonctionnement  du  torrent  simple,  pris  pour  exemple,  pen- 
dant les  difléii'iitf's  piiascs  de  son  activité. 

Si,  au  lien  d'inlmi'ltn'  qu'en  D"  st;  trouvi;  um;  n^cln!  dure  et 
indestructible,  nous  supposons  ([u'en  C  se  trouve  la  ligne  de 


PESCRIPTION   ET   FORMATION.  31 


faîlo  (|ui  (l<tinino  le  vorsant  H  ([uo  jns({no-là  lo  sol  soit,  affoiiil- 
lable.  nous  aurons  lo  lorront  du  douxirnio  i;o!iro  do  M.  Siircll  ; 
si  nous  niaintonoMs  qu"<'n  D"  so  trouM'  un  banc  do  roche  in- 
destructiblo,  mais  supportant  à  son  amont  un  sol  afi'ouilla])h', 
il  se  passera  de  D"  en  G  ce  que  nous  avons  indique  do  13  en  D", 
les  mêmes  lois  présideront  à  l'affouillement,  dont  les  produits 
iront  iirossir  le  côno  situé  dans  la  plaine  et  le  [)i(»lil  du  torrent 
dessinera  une  cascade. 

Il  en  sera  de  même  i)our  un  torrent  compose;  des  phéno- 
mènes idenli([ues  se  produiront  dans  chacune  de  ses  Ijraiiches 
pour  aboutir  à  la  constitution  d'inicùne  do  déjection  à  la  base 
de  la  gorge  principale. 

L'affouillement  dans  le  bassin  de  réception,  tout  en  étant 
la  source  de  production  la  plus  générale  et  la  i)lus  puissante 
des  matériaux,  n'est  pas  la  cause  unique  qui  alimente  indifie- 
remment  tous  les  torrents.  Dans  les  hautes  montagnes,  les 
glaciers  sont  continués  à  leur  aval  i)ar  des  torrents  aux({uels 
ils  fournissent  les  matériaux  de  toutes  sortes  qu'ils  ont  arra- 
chés aux  versants  ou  recueillis  de  leur  décomposition. 

Mais  en  dehors  encore  de  la  région  des  glaciers,  bon  nom- 
bre de  torrents  sont  sujets  à  recevoir  vers  leur  naissance  une 
quantité  plus  ou  moins  importante  de  matériaux  dont  la  pro- 
duction est  étrangère  à  leurs  affouillements  ;  cette  circonstance 
se  manifeste  dans  tous  les  torrents  dont  les  bassins  de  récep- 
tion sont  dominés  ou  surmontés  par  des  assises  plus  ou  moins 
puissantes  de  rochers  situés  à  des  altitudes  supérieures  à 
celle  de  la  végétation,  et  sur  lesquels  dès  lors  les  influences 
atmosphériques  opèrent  avec  une  intensité  que  rien  ne  vient 
contrarier.  Au  pied  de  ces  rochers  on  rencontre  souvent 
d'énormes  amas  de  pierres  de  toutes  dimensions  provenant 
de  la  décomposition  de  la  roche  par  les  gelées  et  déposées 
soit  par  suite  d'éboulis  directs,  soit  par  les  avalanches  du 
printemps. 

Ces  matériaux  ainsi  accumulés  oflrent  des  aspects  variés; 
tantôt  ils  forment  sur  les  versants  de  grandes  nappes  nivelant 


32  LES  TORRKNTS. 


les  petites  dépressions  du  sol,  tantôt  ils  recouvrent  toutes  les 
parois  d'un  circjuc  et  pi-ésentcnt  la  l'orme  d'un  vaste  entonnoir, 
taiilùt  onliu  ils  an'octont  la  l'orme  ré^uliùro  d'un  cùne  de  dé- 
jection, soit  qu'ils  proviennent  d'éhoulis  i)assant  par  un 
couloir,  soit  qu'ils  aient  été  entraînés  i)ar  les  avalanches  du 
printemps.  La  disposition  des  matériaux  dans  toutes  ces  accu- 
mulations est  toujours  inverse  à  la  loi  du  triaj^e  des  matériaux 
charriés  par  les  eaux  ;  les  plus  gros  sont  à  la  base  des  cônes 
ou  des  amas,  tandis  que  les  plus  petits  en  occupent  le  sommet  ; 
ces  immenses  champs  de  pierres,  connus  dans  les  Alpes  sous 
le  nom  de  Clappes  ou  de  Casses,  renferment  souvent  des  ma- 
tières terreuses  enfouies  dans  les  interstices  de  pierres  ù  des 
profondeurs  variables  {de  Gaijfficr,  PI.  1,  9,  10,  11,  15,  35,  3ti). 

On  conçoit  qu'il  doit  arriver  un  moment  où  les  amas  ne 
peuvent  plus  s'exhausser  et  parviennent  comme  les  cônes  de 
déjection  des  vallées  à  leur  pente-limite,  de  sorte  que  la  source 
de  production  ne  tarissant  pas,  les  matériaux  sont  envoyés 
dans  les  régions  inférieures,  où  ils  viennent  apporter  aux  tor- 
rents un  surcroît  de  charroi  parfois  très  important. 

Trlles  sont  les  considérations  aux(iu('lles  nous  avons  dû 
borner  les  généralités  sur  les  torrents  et  pour  le  développe- 
ment desquelles  nous  renvoyons  aux  ouvrages  précédemment 
indiqués. 

Il  en  résulte  que  les  torrents  peuvent  se  répartir  en  deux 
classes  d'après  les  conditions  de  l'origine  des  déjections  qu'ils 
charrient  : 

La  première  classe  comprendra  les  torrents  dont  les  déjec- 
tions sont  uniquement  le  produit  de  l'affouillcment  des  eaux 
dans  le  versant  des  montagnes  :  nous  les  dénonmierons 
torrents  à  a/fouillemenls. 

La  deuxièunj  renferme  : 

1°  Les  torrents  qui  prennent  dans  raffouillement  une  par- 
tie seulement  des  matériaux  et  reroivent  le  reste  ijar  le  sim- 
ple effet  de  la  pesanteur  qui  précipite  dans  leur  lit  les  débris 
de  la  désagrégation  des  rochers  supérieurs; 


DESCIlirTION   ET  FORMATION.  33 

"2°  Les  torrents  qui  sont  alimentés  par  les  glaciers. 

Nous  nommerons  les  premiers  torrcnls  à  casses  et  les  se- 
conds torrents  glaciaires. 

Dans  les  parties  moyennes  ou  inférieures  de  leur  cours,  ces 
torrents  se  comportent  évidemment  comme  ceux  à  afrouille- 
ment  et  n'en  difiëront  que  par  leur  régime  dans  la  région 
supérieure.  On  conçoit  à  priori  ([ue  si  l'on  peut  se  donner 
pour  but  l'extinction  complète  des  torrents  à  atrouillcments, 
l'on  se  trouve  dans  l'obligation  de  se  contenter  de  la  simple 
correction  pour  les  torrents  de  la  deuxième  classe. 

L'étude  du  travail  qui  s'opère  dans  le  soin  de  la  montagne 
pendant  la  période  d'activité  de  ces  torrents  aura  ])our  consé- 
quence la  discussion  et  le  choix  des  moyens  les  plus  ration- 
nels en  même  temps  que  les  plus  efticaces  à  employer  pour 
arriver  économiquement  à  la  complète  extinction  des  uns  et 
à  la  simple  correction  des  autres. 

Pour  le  moment,  nous  ne  nous  occuperons  dans  ce  qui  va 
suivre  que  des  torrents  de  la  première  classe ,  nous  réservant 
de  signaler  en  temps  opportun  les  diflerences  que  pourra 
présenter  le  traitement  des  autres. 


LES    TORRENTS. 


CHAPIÏRK    11 


TRAVAIL  DES  TORRENTS  DANS  LE  SEIN  DE  LA  MONTAGNE 


Effets  produits  par.  les  eaux.  —  Descriiitioa  du  torrent  pris  pour  exem- 
])le.  —  Effets  d'uu  ornge  dans  le  bassin  de  réception.  —  Formation  îles 
laves.  —  p]boulements.  —  Glissements.  —  Foute  des  neiges.  —  Puissance 
DE  l'affouillement.  —  Effets  de  la  végétation  sur  le  sol. 


Effets  produits  par  les  Eaux.  —  Afin  do  bien  étudier  le 
travnil  qu'oix'-n!  dans  le  sein  de  la  montagne  un  torrent  en 
aciivilé,  i)renons  pour  exemple  un  des  types  qu'on  rencontre 
le  plus  souvent  dans  les  Alpes  et  indi(iuons  d'abord  les  di- 
verses conditions  où  il  se  trouve  : 

Son  bassin  no  renformo  aucune  végétation  forestière,  sur 
birii  (les  [joints  niùmc  l'iicibo  fait  défaut  et  1<>  sol  est  absolu- 
ment nu. 

Les  pentes,  partout  très  fortes,  deviennent  à  certains  en- 
droits excessives  et  atteignent  jusqu'à  120  pour  100,  notam- 
ment dans  les  berges  dmit  la  liantcur  dépasse  souvent 
100  mètres. 

Le  proill  en  long  du  torrent  présente  une  sorte  de  coin'be 
très  concave  vers  \r.  ciel,  relativement  aplatie  à  son  aval, 
mais  de  plus  en  plus  redressée  vers  l'amont,  oITrant  des 
pentes  passant  successivement  de  6  à  50  centimètres  par 
mètre. 

Le  terrain  appartient  aux  étages  secondaire  et  tertiaire;  à 
la  ])ase  et  jusrpi'au  milieu   de  la  montagne  s'étendent  des 


TRAVAIL  DANS  LA  MONTAGNK. 


marnes  oxfordionncs  qui  supportont,  soit  le  grès  du  flysli, 
soit  dos  terrains  nummulitiques.  Tantôt  le  sol  est  formé  des 
débris  des  rochers  supérieurs  accumulés  au  pied  des  escarpe- 
ments en  grandes  masses  très  épaisses,  renfermant  dans  leur 
sein  des  blocs  de  toutes  dimensions  en  mélange  avec  les  ma- 
tières terreuses;  tantôt  la  roche  apparaît  absolument  nuo  et 
livrée  à  toutes  les  influences  atmosphériques;  tantôt  enfin, 
la  roche  supporte  une  couche  plus  ou  moins  épaisse  de  terre 
végétale. 

Les  altitudes  extrêmes  sont  par  exemple  à  la  base  du  cône 
de  déjection  de  1,100  mètres  et  au  sommet  de  la  montagne, 
à  Torigine  du  torrent,  de  3,000  mètres. 

Le  bassin  de  réception  présente  une  superficie  do  5  à  600  hec- 
tares au  plus,  on  forme  do  cirque,  ou  mieux,  de  vaste  en- 
tonnoir, sillonné  par  une  multitude  de  ravins  de  tous  ordres 
aboutissant  à  la  gorge  principale  à  peu  de  distance  les  uns 
des  autres. 

Ces  conditions,  qui  sont  celles  de  la  plupart  des  torrents 
alpestres ,  étant  admises  par  hypothèse ,  examinons  ce  qui  va 
se  passer  au  moment  et  à  la  suite  immédiate  d'un  violent 
orage,  venant  à  éclater  dans  le  bassin  de  réception  : 

La  pluie  commence  à  tomber  avec  une  intensité  telle  que 
souvent,  en  moins  de  vingt  minutes,  les  pluviomètres  indi- 
quent une  lame  de  5  à  6  centimètres  d'épaisseur.  Los  eaux, 
que  rien  n'arrête  sur  ces  vastes  versants  à  pentes  excessives, 
se  réunissent  dans  la  moindre  dépression  et  entraînent  les 
éléments  terreux  servant  d'appui  aux  pierres  petites  ou 
grosses  qui,  perdant  leur  assiette  antérieure,  descendent 
vers  le  milieu  de  chaque  petite  dépression,  (r/e  Gayffîpj',  PI.  5, 
6  et  7.)  Arrive  la  grêle,  bien  plus  redoutable  encore;  car, 
aux  résultats  de  l'entraînement  produit  parles  eaux,  viennent 
s'ajouter  les  effets  mécaniques  de  la  chute  de  la  grêle  elle- 
même,  effets  qui,  dans  certains  terrains,  sont  terribles;  elle 
opère  un  déchaussement  soudain  à  l'entour  des  matériaux 
rocheux,  qui,  perdant  simultanément  leur  assiette,  se  précipi- 


36  LES  TORRENTS. 


font  presque  inslanlanément  dnnslo  Ihahvogdo  chafiuo  ravin. 
Cos  oirpts  de  la  grêle  très  caractérises  sont  les  plus  justement 
redoutes  par  les  riverains  des  torrents,  admis  de  longue  date 
à  observer  leur  puissance  destructive. 

Ces  matériaux  une  fois  en  mouvement,  poussés  par  les 
eaux,  se  précipitent  au  fond  des  ravins  où  la  masse  li(juide 
n'a  i)as  tardé  à  acquérir  une  puissance  considérable,  roulent 
pêle-mêle  avec  elle,  et  bien  souvent  la  i)récèdent  en  vertu  de 
leur  vitesse  acquise.  Leur  frottemoni,  sur  les  berges  d'abord, 
dans  le  fond  du  lliahvog  ensuite,  facilite  singulièrement  l'en- 
traînement des  matériaux  partout  où  le  lit  en  est  recouvert 
d'une  couche  plus  ou  moins  épaisse.  Si  au  contraire  le  fond 
du  lit  est  composé  de  roches  tendres  telles  que  les  marnes  du 
lias,  il  se  creuse  profondément  sous  l'influence  du  labour 
énergique  produit  par  l'entraînement  des  matériaux  en  mé- 
lange avec  l'eau.  De  sorte  qu'en  très  peu  d'instants  fous  les 
ravins,  fonctionnant  de  la  même  manière  et  au  même  moment, 
précipitent  brusquement  dans  la  gorge  une  véritable  avalan- 
che liquide  dont  la  puissance  destructive  est  en  fonction  de 
la  largeur  du  lit,  de  la  pente  du  profil  en  long  et  de  la  régula- 
rité ainsi  que  de  la  solidité  des  berges.  Le  moindre  obstacle 
que  rencontre  la  masse  liquide  la  détourne  de  l'axe  du  thal- 
weg et  la  précipite  sur  une  berge  dont  le  pied,  rapidement 
miné,  ne  farde  pas  à  disparaître  en  provoquant  réltonlcmrnt 
des  terrains  supérieurs.  Ces  effets  destructifs  se  répètent  suc- 
cessivement et  provo(pient  ainsi  une  série  d'ébiuilemcnts 
dont  les  masses,  s'ajoutant  aux  niasses  descendant  di-  raniont, 
forment  ces  grandes  débâcles  si  justement  dénommées  laves^ 

Ces  éboulements  partiels  dans  les  berges  ne  sont  pas  les 
seuls  effets  (pie  produise  l'allouillemenf  dans  le  lit  des  tor- 
rents. Il  arrive  souvent  (pi'au-dessus  des  berges  vives  se  ma- 
nifestent des  glissements  de  pans  de  montagne  occuf)anf  dos 
surfaces  parfois  très  vastes,  tantôt  sur  une  seule  rive  du  tor- 

l.  —  Voir  la  note  A  sur  la  marche  des  laves,  page  iOi. 


TRAVAIL  DANS  LA  MONTAGNE.  37 

ronl,  laiilùt  sur  s(>s  deux  rives,  lanlùt  mémo  dans  ioxû  l'cii- 
somblo  (lu  bassin  do  r6('oi)(ion  sur  los  rivos  do  plusif^urs 
grandos  branches,  si  le  torrent  est  composé. 

Dune  part,  l'afTouillemcMil  du  lil ,  dans  h^  sens  du  profil  on 
long,  tend  à  augmenter  la  baulcur  des  berges  précisément 
dans  les  parties  où  le  fond  du  lit  est  le  plus  susceptible  d'être 
creusé. 

D'aulre  part,  l'afTouillement  du  pied  des  berges,  dans  le 
sens  du  profil  en  travers,  dû  à  l'irrégularité  du  cours  et  à  la 
violence  des  crues,  préparant  d'abord  et  provoquant  ensuite 
réboulement,  à  un  moment  donné,  d'une  portion  des  berges, 
détermine  un  élargissement  momentané  du  profil  en  travers. 
Mais,  dès  ({ue  cette  portion  do  berge,  cjui  servait  d'appui 
à  la  tranche  de  terrain  reposant  sur  le  plan  de  glissement,  a 
été  enlevée,  les  terrains  perméables  ne  tardent  pas  à  entrer 
en  mouvement  sous  l'influence  des  eaux  surabondantes  qui 
s'écoulent  souterrainement  sur  le  plan  de  glissement  formé 
de  roches  ou  de  terrains  imperméables.  Le  mouvement  s'ar- 
rête lorsque  la  tranche  glissante  est  venue  s'appuyer  sur  le 
fond  du  lit,  voire  même  contre  la  berge  opposée;  le  profil 
redevient  alors  resserré,  il  se  maintient  ainsi  jusqu'à  ce  qu'une 
nouvelle  crue  vienne  le  rélargir  à  nouveau  et  permettre  le 
retour  du  mouvement  de  glissement  et  ainsi  de  suite.  De  là 
ces  séries  de  gradins  échelonnés  qu'on  rencontre  toujours 
dans  ces  sortes  de  terrains  en  suivant  un  })rùfil  en  travers 
donné,  [de  Gayffiei^,  PL  17.) 

Ce  rapide  exposé  des  phénomènes  qui  se  manifestent  dans 
le  bassin  do  réception  d'un  torrent  au  moment  d'un  violent 
orage  s'applique  également,  et  en  tous  points,  aux  ellofs  pro- 
duits par  une  fonte  subite  de  neige  sous  l'influence  d'un  coup 
de  vent  très  chaud. 

Puissance  de  rAffouillement.  —  L'observation  et  l'analyse  de 
ces  i)hénoniènes  amènent  à  cette  conclusion  que  leur  cause 
unique  se  résume  dans  raffouillement,  dont  la  puissance  dé- 


38  LES  TORRENTS. 


pend  dos  conditions  que  présente  un  lieu  donné  aux  divers 
points  de  vue  de  son  climat  spécial,  de  sa  situation  topogra- 
phique, de  la  nature  géologique  du  terrain  ainsi  que  de  l'état 
de  la  superficie,  et  dont  le  résultat  est  une  instabilité  perma- 
nente du  sol,  tantôt  simplement  à  la  surface,  tantôt  jusqu'à  de 
très  grandes  profondeurs. 

Le  problème  de  rexlinclion  d'un  torrent  consiste  donc  a 
supprimer  l'affouilkment  en  combattant  les  éléments  do  puis- 
sance qu'il  reçoit  des  conditions  spéciales  du  lieu  et  parmi 
lesquelles  un  petit  nombre  seulement  est  susceptible  de  modi- 
fications. 

On  ne  peut  songer,  en  effet,  à  apporter  le  moindre  change- 
ment aux  conditions  de  la  nature  géologique  du  terrain.  Il  en 
est  de  môme  i)our  le  climat  en  général,  et  tout  au  jibis  esl-il 
possible  d'espérer  parfois  (piolques  modifications  au  climat 
local.  Restent  donc  les  conditions  que  présentent  la  topogra- 
phie et  l'état  de  la  superficie  du  sol. 

C'est  donc  exclusivement  dans  ces  deux  conditions  que  l'on 
doit  chercher  les  éléments  du  combat  et  la  certitude  de  la 
victoire. 

Pour  cela  il  l'aul  protéger  le  sol  contre  Vo[\o[  ni(''cani(iu(' 
des  grosses  pluies  et  des  grêles,  diviser  à  sa  surface  les  eaux 
l)luviales,  en  retenir  une  bonne  partie,  ralentir  récoulement 
du  reste,  retardiT  leur  agLiloniération  dans  les  ravins  i>l  empê- 
cher leur  rassemblement  simultané  dans  la  gorge  principale. 

D'a]jrês  ce  (pie  nous  avons  dit  des  causes  de  l'érosion  su- 
perficielle, il  est  évident  (|ue  1  nnicpie  moyen  de  la  supprimer 
consiste  à  recouvrir  le  sol  d'niie  cuirasse  protectrice  (pToii  ne 
peut  trouver  que  dans  la  production  d'une  végétât i(»n,  soit 
herbacée,  soit  ligneuse,  qui,  par  son  couvert,  i»rotégera  le 
sol  contre  l'effet  inécaiii(|ue  dr  la  plnii^  on  de  la  grêle,  par  ses 
feuilles,  ses  racines  et  son  humus  retiendra  une  partie  des 
eaux  ou  la  fera  i)én(''trer  en  terre,  et  qui  enlin,  par  les  innom- 
I)rables  obstacles  l'uinnis  |i;ir  .^es  tiges,  divisera  et  lalentira 
l'écoulement  du  reste  des  eaux  et  retardera  leur  concentration. 


TRAVAIL  DANS  LA  MONTAGNE.  39 

D'où  il  résulto  qwo  plus  afl'ouillablo  sera  lo  terrain  tant  par 
sa  nature  minéraloyiqne  que  jiar  la  raideur  do  sa  pente,  plus 
il  faudra  chercher  à  procurer  de  puissance  ù  la  couverture  de 
végétation. 

Mais  pour  introduire  et  surtout  maintenir  la  végétation, 
soit  herbacée,  soit  ligneuse,  adoptée  suivant  les  cas,  il  est  in- 
dispensable que  le  sol  présente  une  stabilité  suffisante,  qu'on 
ne  trouvera  dans  le  bassin  de  réception  tout  au  plus  que  dans 
les  Intervalles  que  les  ravins  laissent  entre  eux  sur  les  ver- 
sants. 

Presque  toujours,  dans  le  reste ,  on  rencontrera  une  insta- 
bilité telle,  qu'avant  de  songer  à  y  introduire  d'emblée  une 
végétation  qui  ne  saurait  s'y  maintenir,  on  sera  obligé  de 
procurer  la  fixité  nécessaire  au  sol,  par  une  série  de  travaux 
préparatoires  ;  d'autre  part,  dans  bien  des  cas,  pour  combat- 
tre efficacement  l'affouillement  dans  le  lit  du  torrent  et  de 
ses  affluents,  il  faudra  chercher  à  diminuer  les  pentes  sou- 
vent excessives  de  leurs  profils,  et  modifier  ainsi  les  condi- 
tions topographiques  du  lieu. 

De  là,  déjà,  deux  grands  ordres  do  travaux  :  d'une  i)art, 
ceux  qui  ont  pour  objectif  immédiat  la  création  de  la  végéta- 
tion protectrice  dans  les  parties  relativement  stables  du  bas- 
sin de  réception  et,  d'autre  part,  ceux  qui  ont  pour  but  la 
correction  préalable  du  torrent  et  des  ravins,  entraînant  la 
fixation  définitive  du  sol  et  par  suite  la  possibilité  d'y  intro- 
duire ultérieurement  la  végétation. 

L'exécution  des  travaux  correspondant  à  ces  doux  ordres 
d'idées  entraînera  l'obligation  d'établir,  on  outre,  un  certain 
nombre  d'ouvrages  soit  provisoires,  soit  permanents,  tels  que 
chemins,  baraquements,  barrières  de  protection,  etc.,  etc. 

Mais  avant  d'entreprendre  tous  ces  travaux,  il  faudra  en 
étudier  le  projet,  qui  comprendra  l'établissement  de  la  zone 
de  défense  appelée  à  limiter  le  champ  des  opérations,  la  des- 
cription des  diverses  natures  de  travaux  et  le  devis  des  dépen- 
ses; puis,  cela  fait,  obtenir  la  déclaration  d'utilité  publique. 


40  LES   TORRENTS. 


Opérations  successives  à  exécuter  en  vue  de  l'Extinction  d'un 
Torrent.  —  Un  peut  donc  rûsumer  ainsi  qn'ilsuil  les  dilîrronles 
opérations  ipi'il  sera  nécessaire  d'exécuter  pour  arriver  à 
l'extinction  d'un  torrent  dans  le  cas  de  travaux  obligatoires  : 

1"  Le  tracé  de  la  zone  de  défense  que,  par  métonymie,  on 
est  convenu  de  désigner  sous  le  nom  do  périmètre,  et  l'étude 
des  projets  ; 

2°  Les  travaux  de  correction; 

3°  Les  travaux  de  reboisement  ou  de  gazonnement,  suivant 
le  cas; 

■i"  Les  travaux  divers,  préparatoires  aux  travaux  qui  pré- 
cèdent. 

Ces  quatre  genres  de  travaux  demandant  de  grands  dévelop- 
pements, nous  allons  d'abord  étudier  chacun  d'eux  spéciale- 
ment et,  cela  fait,  nous  pourrons  plus  clairement  et  plus  faci- 
lement discuter  l'ordre  clironologi(iue  de  leur  exécution  et 
résunior  la  si-rio  dos  opérations  et  des  mesures  qu'elb;  en- 
traîne. 


LIVRE  DEUXIÈME 


ETUDES  ET  OPERATIONS   PREPARATOIRES 


CHAPITRE    III 

CONSTITUTION   DES   PÉRIMÈTRES 

Tracé  de  la  zone  de  défense.  —  Nécessité  d'iiue  zone  continue.  —  Pro- 
priétés appartenant  aux  particuliers.  —  Acquisitions.  —  Acquisitions 
amiaViles.    -  Expropriations. 

Tracé  de  la  Zone  de  Défense.  —  Il  est  impossible  de  mieux 
définir  le  tracé  du  périmètre  ({ue  ne  l'a  fait  M.  Surell  '  dans  les 
prescriptions  qui  suivent  : 

«  On  commencerait  par  tracer  sur  Tune  et  l'autre  desdeu\ 
rives  du  torrent  une  ligne  continue  qui  suivrait  toutes  les  in 
flexions  de  son  cours,  depuis  son  origine  la  plus  élevée  jus- 
qu'à la  sortie  de  sa  gorge.  La  bande  comprise  entre  chacune 
de  ces  lignes  et  le  sommet  des  berges  formerait  ce  que  j'ap- 
pellerai une  zone  de  défense.  Les  zones  des  deux  rives  se  re- 
joindraient dans  le  haut  en  suivant  le  contour  du  bassin  et 
borderaient  ainsi  le  torrent  Jans  toute  son  étendue,  de  même 
qu'une  ceinture.  Leur  largeur,  variable  avec  les  i)entes  et 
avec  la  consistance  du  terrain,  serait  d'environ  iO  mètres 
dans  le  bas,  mais  elle  croîtrait  rapidement  à  mesure  que  la 

1.  —  Surell,  Étude  sw-  les  torrents  des  Hautes- Alpes,  chap.  xxxn,  p.  202. 


i2        ÉTUDES  ET  OPERATIONS  PREP ARATO  IRES. 

zone  s'élèverait  dans  la  montagne  et  cllo  finirait  par  embras- 
ser des  espaces  de  400  à  500  mètres. 

«  Ce  tracé  s'appliquerait  non  seulement  à  la  hranclio  ))rin- 
cipale  du  torrent,  mais  encore  aux  divers  torrents  secondaires 
qui  s'y  déversent.  Il  s'applicpierait  encore  aux  ravins  que 
reçoit  chacun  des  torrents  secondaires  et,  j)Oursuivant  ainsi 
une  branche  ai)rès  l'autre,  il  ne  s'arrêterait  (|u'à  la  naissance 
(lu  dernier  filet  d'eau. 

((  De  cette  manière,  le  torrent  se  trouvera  ainsi  enveloppé 
jusque  dans  ses  plus  petites  ramifications.  Gomme  les  zones 
de  défense,  en  pénétrant  dans  le  bassin  de  réception,  s'élar- 
gissent beaucoup;  comme,  d'un  autre  côté,  les  ramifications 
sont  dans  cette  i)artie  plus  multipliées  et  plus  rapprochées, 
il  arrivera  que  les  zones  voisines  se  toucheront,  se  superpo- 
seront même,  et  qu'elles  se  confondront  dans  une  zone  géné- 
rale qui  couvrira  toute  cette  partie  de  la  montagne,  sans  y 
laisser  de  place  vide.  » 

Il  est  évident  qui;  les  chiffres  indiqués  pour  les  largeurs  de 
la  zone  sont  susceptibles  de  très  grandes  variations  suivant 
les  cas;  il  peut  arriver  que,  dans  la  section  inférieure  du  tor- 
rent, certaines  berges  ou  i>arties  de  berges  soient  en  bon  état, 
voire  môme  boisées,  ce  qui  tendrait  à  réduire  à  zéro  la  lar- 
geur de  la  zone  sur  ces  points;  mais  dans  ce  cas  il  est  néces- 
saire de  la  maintenir,  sauf  à  lui  donner  des  diuKMisions  res- 
treintes. Quel  (pie  soit  en  effet  l'étal  de  la  berge,  il  importe  de 
s'assurer  la  faculté  de  posséder  le  lit  (pii,  d'après  la  h'gisla- 
tion  française,  ai)|>artient  i)ar  nmitii''  aux  riverains,  (h-,  préci- 
sément i)ar  ce  motif  que  les  berges  sont  (>n  bon  elat.  on 
pourra  se  trouver  dans  l'obligation  de  les  choisir  pour  y  ap- 
jiuyer  les  ouvrages  nécessaires  à  la  consolidation  do^  ])erges 
instables  situées  à  l'amont  ;  d'autfe  part,  il  sera  Idiiiuins  in- 
dispensable de  se  procurer  un  accès  facile  et  assun'"  sur  loute 
la  liuigneur  des  rives  du  torrent  et  d'établir  dans  ce  but  une 
série  de  sentiers  et  parfois  de  chemins;  ces  diverses  condi- 
tions imposent  donc  l'obligation  de  maintenir  à  l'elat  continu 


CONSTITUTION    DES  PERIMETRES.  43 

la  ceinturo  formée  par  la  ligne  périmétralo  aiilour  du  torront 
ot  (le  SCS  ramifications,  sauf  à  diminuer  au  besoin  sa  largeur 
dans  certains  cas  donnés.  La  ligure  2  donne  l'exemple  d'un 
périmètre  compliqué. 

Les  études  entrei)rises  ayant  pour  objet  la  création  de  pé- 
rimètres destinés  à  corriger  le  régime  des  rivières  torren- 
tielles par  l'extinction  des  torrents  qui  s'y  déversent  doivent 
nécessairement  être  poursuivies  au  moins  commune  par  com- 
mune. Il  importe  on  effet  que  la  part  à  faire  au  reboisement 
pour  cause  d'utilité  publique  soit  immédiatement  déterminée 
de  manière  à  })ermettre  à  la  commune  ou  aux  i)articuliers, 
soit  d'aménager  les  pâturages  qui  restent  à  leur  disj)osition, 
soit  de  prendre  à  l'égard  de  l'industrie  pastorale  locale  telle 
mesure  qui  serait  jugée  utile. 

En  procédant  ainsi  de  proche  en  proche,  il  arrivera  fréquem- 
ment que  les  périmètres  créés  dans  deux  ou  plusieurs  com- 
munes voisines  se  souderont  entre  eux  par  certains  côtés  '. 

Il  conviendra  de  rechercher  ce  résultat  autant  que  possible 
afin  de  permettre  entre  deux  périmètres  voisins  une  facile 
communication  qui  peut  exercer  dans  l'exécution  des  travaux 
et  dans  leur  avenir  une  salutaire  influence  au  point  de  vue 
de  l'économie  de  la  dépense,  des  travaux,  de  la  garde  et 
même  de  l'exploitation  dans  l'avenir.  Il  arrive  fréquemment 
que  le  territoire  d'une  même  commune  renferme  plusieurs 
torrents  voisins,  mais  indépendants  les  uns  des  autres;  la  plu- 
part du  temps  les  zones  de  défense  de  chacun  d'eux  se  join- 
dront vers  le  haut  pour  laisser  entre  elles  les  hameaux,  les 
cultures  et  les  pâturages  en  bon  état,  qui  formeront  ainsi  des 
sortes  de  demi-enclaves. 

Dans  les  pays  de  montagnes,  les  grandes  agglomérations 
sont  presque  toujours  remplacées  par  une  série  de  petits  ha- 
meaux entourés  de  cultures  qui  souvent  se  trouveront  entiè- 

1 .  —  La  figure  2  donne  l'exemple  d'un  périmètre  renfermant  plusieurs  tor- 
rents, étudié  sur  la  surlace  d'une  commune  entière  et  soudé  par  le  haut 
avec  des  périmètres  établis  dans  des  communes  voisines. 


4i         ETUDES   ET   OPERATIONS   PREPARATOIRES. 

rement  onclavéos  dans  le  périmètre.  Dans  ce  cas  il  convien- 
dra de  prévoir  un  nombre  suffisant  de  passages  libres  pour  la 
circulation  des  troupeaux,  afin  de  n'apporter  que  le  moins  de 
gône  possible  aux  habitants  de  ces  hameaux. 

Enfin  il  se  rencontrera  parfois  rpielques  petites  propriétés 
de  particuliers  en  assez  bon  état  pour  ne  pas  paraître  déprime 
abord  devoir  être  coUoquées  dans  les  périmètres.  Il  sera  bon 
cependant  do  les  y  comprendre,  soit  pour  faciliter  l'établisse- 
ment de  la  viabilité  future  dans  le  périmètre,  soit  pour  per- 
mettre à  l'Etat  de  les  acquérir  et  de  procurer  ainsi  au  pro- 
priétaire la  légitime  indemnité  à  laquelle,  en  droit,  il  ne  peut 
prétendre,  mais  que  justifie  souvent  la  dépréciation  parfois 
considérable  qu'amènera  la  soumission  au  régime  forestier 
des  terrains  eiilourani  do  foules  paris  ses  propriétés. 

Dans  les  pays  de  montagnes  les  i)ropriétés  communales  sont 
généralement  très  étendues,  aussi  composent-elles  le  plus  sou- 
vi'nl  la  presque  totalité  des  terrains  compris  dans  les  pi'rimè- 
trcs;  les  propriétés  appartenant  aux  i)articuliers  n'y  entrent 
([ue  pour  une  faible  partie  et  on  les  rencontre  surtout  dans 
les  régions  moyennes  et  inférieures,  notamment  le  long  des 
gorges  des  torrents  principaux  et  autour  des  combes,  occu- 
pant ainsi  un  assez  long  dévelop})ement  mais  une  très  mince 
largeiH'  et  bordant  généralement  des  champs,  (h^s  pn''s  el  des 
pàlnrrs.  Hjpu  (pi'elles  ne  |)Ossèd('id  par  elle-mèmes  ([u'une 
valeur  g('Mi(''raliMnent  très  minime,  leurs  propriétaires  s'oppo- 
sent g(''n(''ralr'nieiit  à  leur  collocation  dans  les  pi'-rimèlres, 
parce  (pTils  reduiilenl  le  voisinage  iuinKMJial  du  n'giiue  fores- 
tier i)Our  les  troupeaux  ((uils  mènent  dans  les  cluunps. 

Aussi  convieiit-il,  dans  le  cas  où  le  périmètre  borde  des 
cultures,  de  prévoir  dans  le  projet  rétablissement  de  bar- 
rières, de  haies  vives,  etc.,  destinées  à  garantir  les  berges  de 
l'incursion  des  animaux. 

Étude  du  Projet.  — Les  diflércntcs  questions  que  soulève  la 
rédaction  des  pièces  formant  l'ensemble  du  projet  ont  trail 


CONSTITUTION   DES   PERIMETRES. 


à  la  slatistiquo  générale,  à  la  dcscripUoii  du  périmètre  pro- 
posé et  à  l'exposé  de  la  nature  ainsi  que  de  la  dépense  des 
travaux  à  exécuter. 

Il  est  souvent  très  difllcile  d'obtenir  des  municipalités  tous 
les  renseignements  statistiques,  mais  on  les  trouve  toujours, 
soit  dans  les  archives  de  la  préfecture,  soit  dans  les  bureaux 
de  la  direction  des  contributions  directes. 

(Juant  à  l'indication  des  différents  travaux  à  exécuter  ainsi 
qu'à  l'estimation  de  la  dépense  (ju'ils  entraîneront,  tous  les 
éléments  utiles  se  trouveront  dans  ceux  des  chapitres  sui- 
vants qui  renferment  l'étude  des  travaux  de  toutes  sortes 
(pi'on  peut  être  appelé  à  exécuter. 

Déclaration  d'"[Jtilité  publique.  —  Le  projet,  une  fois  a\)- 
prouvé  par  l'Administration,  est  soumis  aux  enc[nètos  prévues 
par  la  loi  en  vue  de  la  déclaration  d'utilité  i)ublique.  Los 
agents  forestiers  n'ont  à  intervenir  dans  toute  la  série  de  ces 
formalités  que  comme  membres  de  la  conmiission  spéciale 
appelée  à  donner  son  avis  sur  l'enquête  ouverte  dans  les  com- 
munes intéressées. 

Ils  peuvent,  en  outre,  être  invités,  soit  par  le  conseil  d'ar- 
rondissement, soit  par  le  conseil  général,  à  fournir  à  ces  as- 
semblées les  renseignements  jugés  nécessaires  au  moment  où 
elles  examinent  les  pièces  du  projet  sur  l'utilité  })ubli{iuc  du- 
quel elles  sont  appelées  à  donner  leur  avis. 

L'enquête  une  fois  terminée,  le  dossier  est  transmis  au  Con- 
seil d'État,  qui  provoque  le  décret  déclaratif  d'utilité  pu- 
blique. 

Acquisitions.  —  L'acquisition  amiable  présente  de  grands 
avantages;  elle  permet  à  l'État  d'entrer  promptement  en  pos- 
session du  terrain  que  réclame  l'utilité  publique;  elle  dispense 
l'Administration  des  longues  et  minutieuses  formalités  qu'im- 
pose l'expropriation,  n'excite  dans  les  localités  où  elle  s'opère 
ni  émotion  ni  regrets  et  maintient  une  juste  pondération  en- 


Ki         ÉTUDES   ET   OPERATIONS  PREPARATOIRES. 

tro  les  intérêts  des  propriétaires  qui  vendent  et  ceux  de  l'État 
qui  achète. 

Dans  le  cas  où  le  vendeur  est  une  commune,  les  actes  sont 
généralement  passés  en  la  forme  administrative  par-devant  le 
préfet  du  déparlement  ou  son  délégué  et  en  présence  du  di- 
recteur dos  domaines  et  du  conservateur  des  forêts  ou  de  leurs 
délég)u''s. 

Le  mémo  mode  })eut  être  employé  également  pour  les  ac- 
quisitions de  propriétés  particulières,  mais  nous  n'hésitons 
pas  à  donner  la  préférence  aux  actes  notariés,  surtout  dans  le 
cas  où  de  nombreux  propriétaires  sont  en  présence  et  où  les 
questions  d'établissement  de  la  propriété  demandent  des  re- 
cherches parfois  très  minutieuses  qui  ressortent  beaucoup 
plus  de  la  compétence  dos  notaires  que  de  celle  des  agents 
du  domaine. 

L'acquisition  amia])le  doit  toujours  être  la  règle  et  ce  n'est 
qu'ai)rès  avoir  éi)uisé  tous  les  moyens  de  conciliation  qu'il 
convient  de  recourir  à  l'expropriation. 

Toutes  les  formalités  relatives  à  l'expropriation  pour  cause 
d'utilité  publique  sont  contenues  dans  la  loi  du  3  mai  1841, 
dont  l'application  aux  travaux  de  reboisement  est  autorisée 
parla  loi. 


LIVRE  TROISIÈME 


TRAVAUX  DE   CORRECTION 


CHAPITRE    lY 

CORRECTION  DES  TORRENTS  A  AFFOUILLEMEXTS 

BfT  BES  TRAVAUX.  —  Double  affouillement.  —  Affouilleraent  longitudinal. 
—  Aflbuilleraent  latéral.  —  Murs  de  chute  ou  barrages.  —  Disposition 
des  barrages.  —  Correction  des  ravins.  —  Barrages  vivants.  —  Bar- 
rages vivants  de  premier  et  de  deuxième  ordre.  —  Clayonnages  ou  iasci- 
nages  superposés.  —  Marnes  du  lias  à  strates  dures. 

But  des  Travaux.  —  Tout  ce  qui  va  suivre  concerne  les  tor- 
rents de  la  première  classe  à  affomllements;  nous  exposerons 
ensuite  les  travaux  que  peuvent  réclamer  en  outre  ceux  de 
l'autre  classe. 

Des  considérations  générales  que  nous  avons  présentées  sur 
les  torrents  il  résulte  qu'on  peut  distinguer  deux  sortes  d'af- 
fouillcments  :  l'affouillement  que  nous  appellerons  longitudi- 
nal, qui  se  manifeste  dans  le  sens  du  profil  en  long,  et 
l'affouillement  laté^'al,  qui  se  produit  dans  le  sens  du  profil 
en  travers. 

La  puissance  de  l'affouillement  longitudinal  est  en  fonction 
de  la  pente  et  de  la  solidité  du  lit  en  même  temps  que  de 
la  masse  d'eau  qui  s'y  précipite  à  un  moment  donné.  Pour  la 


48  TRAVAUX  DE  CORRECTION. 

conihatlro,  il  l'aul  donc  diininucr  la  ponlo,  consolider  lo  nou- 
veau lit  ainsi  i'ornié,  oX  réduire  considérablement  la  masse 
des  eaux. 

Ce  dernier  résultat  étant  surtout  l'un  des  buts  atteints  par 
le  reboisement,  les  deux  autres  restant  à  obtenir  incombent 
aux  travaux  de  correction. 

L'affouillemcnt  latéral,  étant  produit  par  les  divagations  de 
la  crue  ({ui  va  miner  le  pied  des  berges,  ne  peut  être  arrêté 
que  par  la  diminution  do  la  crue  combinée  avec  un  (''largisse- 
ment  et  un  encaissement  du  lit  qui  permettent  de  mrlti-o  les 
berges  à  l'abri  de  toute  attaque. 

Il  en  résulte  que  les  travaux  de  correction  doivent  avoir  le 
triple  but  de  diminuer  la  pente  du  prolil  en  long,  de  consoli- 
der le  nouveau  lit,  et  d'élargir  sa  section  dans  toutes  les  par- 
ties du  torrent  susceptibles  d'être  affouillées. 

Dans  la  jjlnijart  des  cas,  en  effet,  lo  cours  tout  entier  du 
torrent  no  se  présente  pas  dans  dos  conditions  identiques  au 
point  de  vue  de  railVjuillemont.  Sur  certaines  jjarties  de  ce 
cours,  le  torrent  peut  couler  sur  un  tond  de  roche  très  dure 
et  avoir  lo  pied  de  ses  berges  formé  de  la  même  roche  dure 
jusqu'au-dessus  du  niveau  de  ses  plus  hautes  crues.  Dans  ces 
sections,  ils  est  é'vidonl  (pio  tout  travail  de  correction  devient 
superflu  ;  d'une  part,  en  effet,  l'affouillement  longitudinal  ne 
peut  s'y  produire  et  d'autre  part  les  berges,  n'ayant  rien  à 
redouler  de  ralfouillement  latéral,  no  sont  jjIus  exposées  ({u'à 
la  simple  ('rosion  de  la  suit'ace  par  les  eaux  dorage  ou  la 
fonlo  dos  neiges,  érosion  que  lo  reboisement  intégral  do  la 
surface  suffit  à  combattre  efficacement. 

Ce  n'est  donc  (juc  dans  les  sections  où  un  torrent  présenle 
soit  un  lit  susceptible  de  creusement  rapide,  soit  des  berges 
affûuillables  et  partant  instables,  soit  les  deux  cas  ensemble, 
que  s'impose  la  nécessité  de  travaux  de  correction. 

Considérons,  dans  un  torrent  donné,  une  section  répondant 
à  ces  conditions  redoutables,  et  admettons  même  qu'au- 
dessus  des  berges  se  produisent  des  glissements  de  pans  de 


TORRENTS  A  AFFOU  ILLKMENTS.  49 

montajïnc,  le  tout  avec  les  pentes  excessives  que  présentent 
généralement  les  profils  en  long  dans  de  semblables  cir- 
constances. 

Nous  aurons  là  évidemment  le  type  le  plus  complet  des 
parties  de  torrent  qu'on  puisse  avoir  à  traiter. 

Si  maintenant  nous  supposons  qu'un  colossal  et  solide 
pavage  en  grosses  pierres  résistantes  puisse  économiquement 
recouvrir  le  fond  du  lit  ainsi  que  le  pied  des  berges,  à  une 
hauteur  supérieure  à  celle  des  })lus  hautes  crues,  nous  retom- 
bons immédiatement  dans  le  cas  de  la  première  hypothèse  du 
torrent  roulant  sur  un  fond  et  entre  des  berges  en  rocher 
dur,  et,  à  la  condition  que  ce  pavage  demeure  inébranlable^ 
nous  pourrons  admettre  que  la  stabilité  des  berges  est  assurée 
et  que  les  glissements  cesseront  de  se  produire. 

Si  donc  cet  immense  pavage  était  possible  et  surtout  éco- 
nomiquement praticable,  tout  danger  d'affouillement  serait 
conjuré.  Mais  on  ne  peut  songer  à  la  réalisation  d'un  pareil 
travail,  qui  entraînerait  des  dépenses  hors  de  proportion  avec 
le  but  à  atteindre  et  ne  pourrait  même,  dans  bien  des  cas, 
être  exécuté  faute  de  matériaux. 

Murs  de  Chute  ou  Barrages.  —  La  construction  des  murs  de 
chute  ou  barrages  combinés  avec  une  série  d'autres  travaux 
complémentaires  permet  heureusement  do  surmonter  cette 
difficulté  et  d'arriver  au  même  résultat  par  dos  moyens  plus 
économiques,  plus  praticables  et  plus  sûrs. 

Supposons  en  effet  que  dans  la  section  à  traiter  on  ait  dis- 
posé un  certain  nombre  de  barrages  successifs,  tel  qu'entre 
deux  quelconques  d'entre  eux,  la  ligne  qui  joint  le  pied  du 
supérieur  au  couronnement  de  l'inférieur  détermine  la  pente 
d'équilih?'e. 

Il  est  évident  que  les  matériaux  charriés  par  le  torrent  vien- 
dront s'arrêter  à  l'amont  de  ces  barrages  pour  y  former  une 
série  d'atterrissements  inafîouillables,  puisque  leur  pente  ne 
dépassera  pas  la  pente  d'équilibre.  Si  en  outre  nous  admet- 


Sn  TRAVAUX   DE  CORRECTION. 

tons  que  la  hauteur  donnée  à  ces  barrages  soit  suffisante 
pour  que  les  attcrrissements  aient  donné  au  lit  une  section 
assez  élargie  pour  permettre  de  forcer  les  eaux  à  suivre  le 
uiilitMi  du  thalweg  et  leur  interdire  toute  attaque  contre  les 
berges,  le  problème  sera  évidemment  résolu,  car  la  pente  du 
priilil  en  long  aura  été  diminuée  au  degré  voulu  et  le  nouveau 
lit  sera  iuadouillable,  ainsi  que  le  pied  des  berges. 

.Mais  avec  un  pareil  système  on  arrive  encore  à  des  impo.s- 
sibilités,  résultant  de  la  dépense  excessive  entraînée  par  le 
nombre  trop  considérable  d'ouvrages  à  construire. 

La  hauteur  cumulée  des  barrages  au-dessus  de  l'ancien  lit 
(non  compris  les  fondations)  arriverait  en  effet  à  être  sensi- 
blement égale  à  la  différence  de  niveau  qui  existe  entre  les 
deux  i^oints  extrêmes  de  la  section  à  traiter,  car  la  pente 
d'équilibre,  très  faible  par  elle-même,  multipliée  par  la 
distance  horizontale  de  ces  deux  points,  ne  donnerait  (pi'unc 
fjuantili''  bien  minime  à  retrancher  de  leur  différence  de 
niveau. 

D'autre  part,  les  peutes  sont  presque  toujours  très  fortes, 
de  sorte  (jue,  la  distance  entre  deux  barrages  consécutifs 
construits  dans  ces  conditions  devenant  forcément  très  faible, 
ces  ouvrages  risqueraient  d'être  pour  ainsi  dire  entassés  les 
uns  sur  les  autres. 

On  est  donc,  obligé  de  renoncer  à  obtenir  ainsi,  directement 
et  d'embli'c,  par  l'emploi  des  barrages,  une  série  d'attcrrisse- 
nients  doid  les  pentes  ne  dépassent  pas  la  pente  d'équilibre, 
à  cause  de  la  faiblesse  de  son  ordonnée. 

Aussi  bien,  sur  les  attcrrissements  ou  dépôts  produits  par 
un  torrent  livré  à  lui-même,  le  profd  d'équilibre  ne  s'établit 
pas  immédiatemeiM.  il  est  précédé  par  le  prtijil  de  compensa- 
tion qui  fournit  l'ordonnée  constante  la  plus  forte  tant  (pie  le 
torrent  charrie  des  matériaux,  car  les  prolils  plus  (■•l('\('s  qui 
peuvent  se  manifeslcr  à  nu  moment  donm-  ne  ])r(''sentent 
aucune  stabilité  et  no  lardent  |)as  à  redescendre  au  prolil  de 
compensation. 


TORRENTS  A  AFFOU  ILLEMENTS.  51 

Gela  posé,  si  l'on  considère  que  dans  un  torrent  quelcon- 
que l'ordonnée  du  protil  de  compensation  est  toujours  très 
supérieure  à  celle  du  profil  d'équilibre,  on  est  amené  à  substi- 
lucr  le  premier  nu  second  dans  le  profil  des  alferrissements 
demandés  aux  barrages. 

L'écart  entre  ces  deux  ordonnées  est  évidemment  variable, 
puisque  cliacune  d'elles  déi)end  de  la  nature  et  de  la  dimen- 
sion des  matériaux  charriés  et  déposés;  mais  il  est  toujours 
très  considérable,  car  le  plus  souvent  l'ordonnée  du  profil  de 
compensation  se  trouve  être  au  moins  décuple  de  l'autre. 

Dans  ces  conditions,  l'on  conçoit  que  si  l'on  dispose  dans 
la  section  donnée  du  torrent  un  certain  nombre  de  barrages 
tels  que  l'atterrissement  provoqué  par  un  barrage  inférieur 
présente  la  pente  de  comi)ensalion  et  atteigne  à  son  amont  le 
pied  du  barrage  supérieur,  le  nombre  dos  ouvrages,  à  hau- 
teur égale  poui;  chacun  d'eux,  sera  considérablement  dimi- 
nué. 

Supposons,  en  effet,  pour  fixer  les  idées,  que  la  section  à 
traiter  ait  iOO  mètres  de  longueur  horizontale  et  une  pente 
de  25  p.  0/0;  admettons  que  les  barrages  auront  tous -4  mètres 
de  hauteur  au-dessus  du  lit;  enfin,  adoptons  pour  la  pente 
du  profd  d'équilibre  1  centimètre  par  mètre  et  pour  celle  du 
profil  de  compensation  10  centimètres  par  mètre  : 

Dans  le  cas  des  atterrissements  avec  la  pente  d'équilibre 
de  1  centimètre  par  mètre,  la  hauteur  cumulée  des  barrages 
sera  égale  à  100  mètres  (différence  de  niveau  des  points  ex- 
trêmes de  la  section)  moins  4  mètres  (hauteur  correspondante 
à  la  pente  de  1  centimètre  sur  iOO  mètres  de  longueur),  soit 
à  96  mètres. 

Dans  le  second  cas,  au  contraire,  la  hauteur  cumulée  des 
barrages  sera  égale  à  100  mètres  moins  40  mètres  (hauteur 
correspondante  à  la  perte  de  10  centimètres  sur  400  mètres), 
soit  60  mètres. 

La  différence  de  ces  deux  hauteurs  sera  donc  de  36  mètres, 
et  au  lieu  de  vingt-quatre  barrages  de  4  mètres  (ju'il  aurait 


TRAVAUX   DE   CORRECTION. 


fallu  dans  lo  premier  cas,  il  suffira  d'en  construire  quinze, 
soil  une  économie  de  neuf  de  ces  ouvrages. 

Mais  cette  économie  n'est  pas  le  seul  avantage  obtenu,  car 
à  moins  do  pentes  excessives  il  devient  possible  de  donner, 
entre  les  barrages,  un  espacement  suffisant  pour  ne  plus  cou- 
rir le  risque  de  les  entasser  les  uns  sur  les  autres.  Enfin,  le 
nombre  des  ouvrages  étant  considérablement  diminué,  on  a 
moins  à  redouter  que  les  matériaux  nécessaires  à  leur  con- 
struction viennent  à  faire  défaut. 

De  ce  qui  précède  il  résulte  évidemment  que  la  hauteur 
des  barrages  devra  être  combinée  avec  leur  emplacement 
d'après  les  conditions  du  profil  en  long  et  des  profils  en 
travers. 

Construits  dans  des  dimensions  convenables,  ils  devront 
[)résenter  chacun  une  masse  isolée  suffisante  pour  tenir  tète  à 
la  violence  des  premières  crues  dont  ils  auront  à  supporter 
l'effet.  Leur  couronnement,  construit  en  courbe  concave  vers 
le  ciel  et  muni  de  chaque  côté  d'ailes  relevées,  assurera  leur 
conservation  en  les  empêchant  d'être  tournés  par  les  eaux  et 
uflrira  précisément  la  section  conslant(>  ({n'aurait  eue  lo  grand 
l)avage  idéal  auquel  nous  avons  dû  renoncer. 

On  obtiendra  ainsi  des  atterrissements  successifs  formés 
par  les  dépôts  des  crues  et  déteriniiianl  une  série  de  paliers  à 
large  section  et  à  pentes  plus  ou  moins  fortes,  selon  la  nature 
et  les  dimensions  des  matériaux  déposés. 

Atterrissements.  —  Selon  la  nature  et  la  grosseur  des  ma- 
tériaux déposés,  les  atterrissements  prennent  à  l'amont  des 
barrages  des  jjentes  variables  atteignant  jiiscpi'ù  15  et  20 
pour  100  et  même  plus  dans  le  cas  de  gros  blocs. 

Tl  est  constant  aussi  (pie  ces  atterrissements  se  j)roduisent 
toujours  sous  la  forme  de  cônes  de  dt'jections,  c'est-à-dire  avec 
un  i)rofil  en  travers  présentant  une  courbe  convexe  vers  le 
ciel;  {de  Gayffier,  PI.  Si,  27  et  28.)  de  sorte  (pie  déjù,  si  l'on 
n'y  prenait  garde  et  si  on  les  abandonnait  à  eux-mêmes,  les 


TORRENTS  A  AFFOU  ILLEMENTS.  53 

altorrissouionts  pourraicnl  dovciiir  un  dan^or  on  pornioUanl 
aux  eaux  de  divaguer  et  d'aller  se  butler  alternativement  sur 
les  deux  berges,  dont  la  stabilité  pourrait  de  nouveau  être 
compromise. 

.Mais  il  y  a  i)lus,  on  ne  peut  admettre  qu'au  bout  d'un  temps 
donné  le  torrent,  dont  la  correction  a  été  entreprise,  conti- 
nuera à  apporter  des  dépôts  sur  les  atterrissemcnts.  On  doit 
au  contraire  com})t('r  ({u'il  arrivera,  plus  ou  moins  prompte- 
ment,  un  moment  oi^i  les  travaux  de  reboisement  et  autres 
auront  assez  fixé  le  sol  pour  qu'il  no  vienne  plus  que  de  l'eau. 
C'est  alors  que,  si  l'on  n'y  avait  pas  pris  garde,  on  risquerait 
de  compromettre  en  majeure  partie  l'effet  attendu  des  barra- 
ges. Il  arriverait  infailliblement  que  les  pentes  de  10  pour  100, 
15  pour  100,  etc.,  obtenues  suivant  les  cas  dans  les  atterrisso- 
ments,  tendraient  à  disparaître,  la  loi  d'écoulement  dos  eaux 
reprendrait  le  dessus  et  il  se  manifesterait  dans  le  profil  on 
long  de  chaque  palier  un  redressement  violent  vers  son  amont 
et  un  aplatissement  vers  l'aval,  ayant  pour  résultat,  au  pied 
du  barrage  supérieur,  un  creusement  du  lit  à  une  profondeur 
presque  égale  à  la  différence  de  niveau  de  ce  pied  avec  le 
couronnement  du  barrage  inférieur;  car  les  eaux  tendraient  à 
prendre  la  pente  d'équilibre  analogue  à  celle  des  rivières,  pré- 
sentant à  peine  quelques  millimètres  par  mètre. 

Ce  que  nous  avançons  ici  n'est  nullement  de  la  spéculation 
théorique,  nous  avons  pu  l'observer  surabondamment  dans  de 
nombreux  torrents  traités  récemment. 

Or,  ce  creusement  une  fois  fait,  le  lit  ne  demeurerait  pas 
fixe,  et  il  se  produirait  infailliblement  dans  ses  berges  et  dans 
le  sens  du  profd  en  travers  une  série  d'affouillements  succes- 
sifs qui  finiraient  par  opérer  sur  toute  la  surface  de  l'atterris- 
sement  une  sorte  de  nivellement  général  qui  le  réduirait  à  la 
presque  horizontalité,  auquel  cas  le  système  des  barrages 
construits  deviendrait  insuffisant  et  imposerait  la  nécessité  de 
nouveaux  travaux. 

Si  donc  on  veut  que  le  rôle  des  barrages  primordiaux  se 


34  TRAVAUX  DE  CORRECTION. 

porprlno,  il  faut  maint fnir  invarial)lo  la  pento  générale  ou 
moyonnc  du  profil  en  long  des  altorrisscments  qu'ils  ont  pro- 
voqués et  combattre  la  forme  conique  de  ces  dépôts  en  forçant 
les  eaux  à  suivre  un  cours  régulier  dans  la  direction  qu'on 
préfère  donner  au  thalweg  définitif. 

Ce  double  résultat  pourrait  être  intégralement  obtenu  en 
établissant  sur  chaque  palier  un  solide  pavage  suivant  la  pente 
de  l'atterrissement  et  ayant  une  section  transversale  sembla- 
ble à  celle  du  couronnement  des  barrages.  Mais  ce  genre  d'ou- 
vrage, qui  peut  être  utilement  exécuté  dans  certaines  condi- 
tions exceptionnellement  favorables,  ne  serait  généralement 
pas  économique,  car  la  plupart  du  temps  on  ne  trouverait  pas 
sur  place  la  masse  des  matériaux  nécessaires.  Il  y  a  donc  lieu 
de  recourir  à  des  travaux  d'un  autre  ordre. 

Clayonnages  longitudinaux  et  transversaux.  —  Suppos(jns 
en  effet  :  1°  qu'à  gauche  et  à  droite  de  l'atterrissement  d'un 
barrage  donné,  on  construise  symétriquement,  par  rapport  au 
milieu  du  couronnement  et  parallèlement  à  l'axe  qu'on  s'est 
fixé  pour  le  futur  thalweg,  un  fort  clayonnage  longitudinal; 
2*  qu'en  même  temps  on  établisse  en  travers  du  nouveau  lit, 
ainsi  tracé,  une  série  de  clayonnages  également  distants  entre 
eux,  dont  les  arêtes,  au  milieu,  passent  i)ar  la  ligne  de  pente 
de  l'atterrissement  et  dont  la  hauteur  soit  pres({ue  égale  à 
l'ordonnée  de  la  pente  corresjjondant  à  leur  écartement  mu- 
fuel;  admettons  de  plus  que  le  couronnement  de  ces  clayon- 
nages transversaux  représente  une  courbe  semblable  à  celle 
du  couronnement  du  barrage,  et  que  l'écartement  constant 
des  doux  clayonnages  longitudinaux  ait  été  combiné  avec  leur 
hauteur  de  façon  à  donner  au-dessus  d'un  clayonnage  trans- 
versal quelconque  une  section  suffisante  pour  le  débouché  des 
eaux,  c'est-à-dire  presqtie  égale  à  celle  offerte  par  le  couron- 
nement du  barrage,  et  examinons  ce  qui  va  se  passer. 

Les  eaux  claires,  c'est-à-dire  débarrassées  de  matériaux, 
ayant  uno  grande  puissance  d'affouillement,  ne  tarderont  pas 


TORRENTS  A  AFFOUILLEMENTS. 


à  dégarnir  l'aval  do  chaque  clayonnage  transversal  et  à  dis- 
poser les  matériaux  suivant  la  pente  d'équilibre  dont  nous 
avons  parlé,  do  sorte  (jue  le  prolil  en  long  du  chenal  déter- 
miné par  les  deux  clayonnages  longitudinaux,  au  lieu  de 
donner  comme  auparavant  une  ligne  régulière  inclinée  au 
10  pour  100  par  exemi)le,  présentera  une  série  de  lignes  of- 
frant, dans  leur  ensemble,  l'asjject  dun  escalier  dont  les 
marches,  légèrement  inclinées  vers  l'aval,  auraient  une  lar- 
geur presque  décuple  de  la  hauteur  de  la  contre-marche  et 
dont  les  arêtes  détermineraient  l'ancien  profd  à  10  pour  100. 

On  ne  peut  donner  aux  clayonnages  transversaux,  formant 
ainsi  les  contre-marches  de  ces  larges  marches,  une  bien 
grande  hauteur,  à  peine  d'en  compromettre  la  solidité.  Il  im- 
porte en  effet  do  diminuer,  autant  (pie  possible,  les  causes 
d'affouillemcnt  et  partant  la  hauteur  de  la  chute.  Leur  espa- 
cement devra  donc  être  calculé  de  façon  qu'ils  n'aient  que 
50  à  60  centimètres  au  plus. 

Pour  éviter  tout  affouillement  à  l'aval  des  clayonnages  lon- 
gitudinaux et  transversaux,  il  suffira  de  garnir  leur  pied  avec 
les  pierres  qu'on  trouvera  presque  toujours  sur  place,  car  il 
en  faudra  une  faible  quantité. 

Mais  ce  système  de  clayonnages  ainsi  établi  ne  restera  pas 
inerte;  les  nombreuses  boutures  qui  les  garnissent,  bien  en- 
racinées, assureront  leur  solidité,  et  les  arbres  qu'elles  pro- 
duiront fourniront  des  myriades  d'obstacles  à  la  rapidité  de 
l'écoulement  d'une  crue  exceptionnelle. 

Dans  les  torrents,  en  effet,  l'écoulement  des  eaux  ordinaires 
ne  réclame  qu'une  petite  section  ;  au  milieu  do  chaque  clayon- 
nage  transversal,  ce  sera  la  seule  partie  non  garnie  de  végé- 
tation; mais  les  deux  côtés  pourront  la  conserver  pour  peu 
(|u'on  l'entretienne  après  les  premières  fortes  crues. 

Si,  pendant  les  premières  années,  on  a  soin  de  bien  diriger 
l'écoulement  des  eaux  et  do  rejeter  au  pied  des  clayonnages 
transversaux  toutes  les  pierres  mises  à  nu  ou  déplacées,  on  ne 
tardera  pas  à  donner  une  assiette  définitive  au  lit  d'écoulement . 


56  TRAVAUX   DE  CORRECTION. 

D'autre  part,  en  arrièro  de  chaque  clayonnage  longitudinal, 
on  talulera  les  berges  raides;  les  déblais  viendront  remplir 
les  vides  qui  se  trouveraient  derrière  ces  clayonnages;  des 
plantations  serrées  de  gros  plançons  de  saule  et  de  peuplier 
seront  exécutées  en  lignes  tracées  à  45  degrés  vers  l'amont, 
de  façon  qu'au  cas  d'une  crue  improbable  qui  viendrait  à 
dépasser  ces  clayonnages,  les  eaux  soient  rejetées  vers  le 
thalweg;  enfin,  dans  les  intervalles  de  ces  plançons  seront 
introduites  des  essences  forestières  à  fort  pivot,  appelées  à 
l)rocurer  la  consolidation  la  plus  complète  de  ces  nouvelles 
berges. 

On  peut  remplacer  les  clayonnages  que  nous  venons  de  dé- 
crire par  des  seuils  en  pierre  sèche  établis  dans  des  condi- 
tions analogues. 

La  forme  des  ouvrages  demeure  la  même  et  l'on  n'intro- 
duit qu'une  substitution  de  matériaux. 

Dans  ce  dernier  cas  môme  on  peut  parfois  supprimer  la 
petite  digue  qui  remplacerait  le  clayonnage  longitudinal  :  il 
suffit  de  prolonger  et  d'accentuer  les  ailes  de  chacun  des 
seuils  de  façon  à  obliger  le  courant  à  se  maintenir  au  milieu 
du  thalweg  nouveau  et  à  rcnipècher  ainsi  d'attaquer  latérale- 
ment le  pied  des  berges. 

L'emploi  des  clayonnages  est  avantageux  et  économique 
lorsque  l'on  ne  rencontre  à  pird  d'dMivrc  (pi'une  très  petite 
quantité'  do  pierres  susceptibles  d  (■nq)lt)i.  (',e  cas  se  pri-sente 
géni'ralement  dans  tous  les  terrains  marneux  et  surtout  dans 
les  marnes  (ixlordicnncs. 

Mais  il  arrive  paitois  cpie  la  construction  des  barrages  n'a 
pu  absoiber  tous  les  blocs  situés  suit  dans  le  lit  même  du 
torrent,  soit  à  proximité  d*'  li  iir  cuiplacemont,  et  (pi'on 
trouve  encore  économi(juement  disponible  des  pierres  en 
quantité  suffisante,  aiupicl  cas  les  seuils  pcuvmt  être  pré- 
férés aux  clayonnages. 

On  ccjnçoit  du  n'sic  rpir  ].•  ciidix  di-s  matt'iinux  d(''pend 
absolument   des  «•ondilions  du   heu   et    peut   varier  dans  un 


TORRENTS  A  AFFOUILLEMENTS.  57 

mémo  torrent  suivant  la  situation  de  chacune  des  parties  à 
traiter. 

Résultat  de  l'Emploi  des  Barrages  et  Clayonnages.  —  En  rc'- 
sunié,  parles  moyens  que  nous  venons  d'indi([U('r  on  aura  suc- 
cessivement obtenu  : 

1°  Par  les  barrages  :  de  vastes  atterrissemonts  ayant  [)r()- 
duit  Texhaussement  du  lit  et  l'élargissement  de  la  section; 

-2°  Par  les  clayonnages'  •:  le  maintien  de  cet  exhaussement 
et  de  cet  élargissement,  jusqu'à  ce  que  la  puissance  de  la  vé- 
gétation ait  eu  le  temps  de  se  manifester  assoz  vigoureuse- 
ment pour  assurer  la  durée  des  résultats  obtenus; 

3»  Par  les  barrages  :  des  chutes  appelées  à  annihiler,  au 
pied  de  chaque  barrage,  la  rapidité  du  cours  d'eau; 

i°  Par  les  clayonnages  :  un  frein  à  la  vitesse  que  pourrait 
reprendre  l'écoulement  sur  la  pente  des  atterrissemonts. 

Par  la  combinaison  des  barrages  avec  les  seuils  (en  clayon- 
nages ou  en  pierre),  on  aura  non  seulement  atteint  mais  dé- 
passé môme  le  résultat  qu'aurait  fourni  le  grand  pavage  idéal 
dont  nous  avons  reconnu  l'impraticabilité  en  général;  car, 
tout  en  substituant  à  l'ancien  lit  un  lit  non  affouillable,  on 
aura  singulièrement  aidé  au  ralentissement  du  cours  des 
eaux  par  les  chutes  successives  et  par  la  végétation  rendue 
possible  sur  les  bords  mêmes  du  nouveau  canal  d'écoule- 
ment. 

D'autre  part,  la  pente  d'équilibre  se  rencontrant  d'un  bar- 
rage à  l'autre  entre  chacun  des  seuils,  on  aura  obtenu  exac- 
tement le  même  résultat  que  si  on  l'avait  recherchée  directe- 
ment et  exclusivement  avec  les  grands  barrages;  seulement 
la  hauteur  cumulée  qu'auraient  fournie  ces  ouvrages  se 
retrouvera  par  la  somme  des  hauteurs  cumulées  des  barrages 
à  nombre  réduit  et  des  seuils.  On  aura  ainsi  réalisé  une  très 
sérieuse  économie,  car  d'une  part  on  aura  réduit  au  mini- 
mum possible  le  nombre  des  grands  barrages  et  d'autre  part 
la  construction  des  seuils  soit  en  pierre,  soit  en  clayonnages, 


58  TRAVAUX  DE   CORRECTION. 

nr»  coûtera  jamais  la  dixième  partie  de  la  dépense  des  bar- 
rages (lu'ils  remi)lacent. 

Celte  base  des  travaux  à  exécuter  dans  les  torrents  à  af- 
l'ouillemenfs  étant  une  fois  admise,  nous  allons  entrer  dans 
les  développements  nécessaires  sur  la  forme  et  les  dimen- 
sions des  ouvrages,  ainsi  que  sur  les  diverses  modifications 
qu'ils  peuvent  subir  suivant  le  cas.  Nous  indiquerons  ensuite 
le  mode  de  construction  qu'il  y  aura  lieu  de  préférer  dans  les 
(lillérentes  circonstances  qu'on  poui'ra  rencontrer. 

Mais  auparavant  il  nous  reste  à  entrer  dans  quelques  ra- 
pides considérations  sur  la  correction  des  ravins. 

Correction  des  Ravins.  —  Ainsi  ({u'il  r(''sulte  de  leur  défini- 
tion môme,  les  ravins  fonctionnent  comme  de  petits  torrents 
dont  ils  ne  sont,  à  vrai  dire,  qu'une  réduction.  Il  n'y  a  dès  lors 
aucune  raison  pour  ne  pas  les  traiter  comme  la  branche  mère, 
dans  laquelle  ils  déversent  leurs  déjections,  et  les  mêmes  prin- 
cipes doivent  servir  de  guide  au  point  de  vue  des  nioditications 
à  apporter  dans  le  fond  de  leur  lit,  dans  son  profil  en  long  et 
dans  ses  profils  m  travers. 

Mais,  par  suite  de  leurs  faibles  dimensions  relatives  et  de 
leurs  pentes  presque  toujours  beaucoup  plus  relevées,  il  est 
à  présumer  à  priori  que  l'armature  des  grands  barrages  indis- 
pensables à  la  branche  mère  ne  sera  guère  ici  susceptible 
d'un  emploi  avantageux;  la  plupart  du  temps  les  matériaux 
nécessaires  à  ces  grands  ouvrages  ne  s'y  rencontreront  pas 
t'ii  (pianliir's  sullisanles,  et,  s'y  trouvcraicnl-ils  niènic.  il  y  au- 
rai! le  i)lus  souvent  économie  sérieuse  à  ne  pas  les  utiliser 
l)our  des  murs  de  chute,  mais  seulement  jjour  la  consolida- 
liun  du  iKHivcaii  lit  à  nhlcuir  par  un  système  d'nuvrages 
moins  coûteux,  plus  faciles  à  établir  et  n'exigeant  dans  l'ave- 
nir aucun  des  entreliens  (pie  rc'clamernnt  prescpie  toujours 
les  grands  barrages  construits  dans  le  lit  principal. 

Ces  ouvrages,  que  nous  appellerons  vivants  par  rapport  aux 
barrages  on  pien'e,  sont  exécutés  avec  des  matt'riaux  en  bois 


TORRENTS   A  AFFOUILLEMENTS. 


donl  \mo  bonno  paitio  ost  susceptible  de  végétation  immé- 
diate; do  sorte  (\nii  mesure  que  l'ouvrage  vieillit,  plus  il 
prend  de  développement  et  plus  dès  lors  son  effet  utile  aug- 
mente d'iuleusifé. 

Ces  barrages  vivants  sont  de  deux  sortes  :  les  elayonnages 
et  les  fascinages  ;  en  traitant  plus  loin  de  leur  mode  de  con- 
struction, nous  indiquerons  ce  qui  les  difFérencie.  Pour  le  mo- 
ment, nous  nous  contentons  de  poser  en  principe  que  ces 
ouvrages,  à  l'encontre  des  barrages,  ne  sont  pas  susceptibles 
d'une  grande  bauteur  et  que  l'expérience  a  démontré  qu'elle 
ne  doit  pas  aller  au  delà  de  l'^joO  au-dessus  du  lit. 

Les  barrages  vivants  se  divisent  en  deux  catégories  :  l'une 
comprend  les  ba?')'oges  vivants  de  premier  oîrlre  corresjjondant 
aux  grands  barrages  des  torrents,  l'autre  les  barj'ages  vivants 
de  deuxième  oindre  appelés  à  un  rôle  identique  à  celui  des 
seuils. 

Avant  d'entreprendre  la  correction  d'un  ravin,  on  en  lèvera, 
comme  dans  les  torrents,  le  plan  et  le  profil  en  long,  mais  on 
pourra  se  contenter  d'un  plus  petit  nombre  de  profils  en  tra- 
vers par  ces  motifs  :  1°  que  les  ouvrages  à  exécuter  sont  très 
peu  coûteux  et  ne  peuvent  exiger  })our  cbacun  d'eux  un 
projet  spécial  comme  les  grands  barrages;  2°  que  les  profils 
en  travers  de  ces  ravins  présentent  généralement  beaucoup 
moins  de  différences  brusques  que  le  lit  principal  ;  3"  qu'en- 
fin il  n'y  a  aucun  intérêt  à  ne  pas  donner  à  tous  les  ouvrages 
du  môme  ordre  la  même  hauteur.  Le  profil  en  long  est  ici  la 
donnée  la  plus  importante  à  posséder.  Une  fois  qu'on  l'aura 
levé,  on  établira  facilement  l'emplacement  de  chacun  des 
barrages  vivants  de  premier  ordre  de  la  manière  suivante  : 

Admettons  que  l'on  se  donne  pour  les  ouvrages  de  cette 
sorte  une  hauteur  constante  h,  au-dessus  du  lit. 

Supposons  un  instant  que  la  pente  d-e  la  section  d'un  ravin 
donné  est  uniforme  et  appelons-la  P. 

Soit  p  la  pente  du  profil  de  compensation  résultant  des  ob- 
servations faites  sur  les  dépôts  dans  le  ravin  dont  il  s'agit  et 


60 


TRAVAUX  DE   CORRECTION. 


admise  comino  ponto  des  atterrissements  recherchés.  Soit  en- 
fin /  la  distance  horizontale  qui  devra  séparer  deux  barrages 
vivants  consécutifs  d'une  hauteur  h;  pour  que  l'atterrissement 
l)rt'nn(^  la  i)('iil(^/v  en  recouvrant  la  pciilc  P,  nous  aurons  ihi- 

ileuinient  h  =  /  \P  — /j),  d'où  /= . 

V—jj 

En  adniotlanl  donc  qu'un  ravin  AB  ait  une  i)ente  uniforme 
P,  on  aurait  innnédiatenient  ainsi  le  nombre  et  l'emplacement 
des  barrages  vivants  de  premier  ordre,  d'une  hauteur  con- 
stante h,  à  y  construire,  en  divisant  la  projection  horizontale 
AB'par/ifig.  12). 


Fig.  12. 

La  hauteur  h  et  la  pente  p  étant  des  constantes,  il  en  résulte 
que  /variera  en  raison  inverse  de  P. 

Mais  généralement  la  pente  d'un  ravin  n'est  pas  uniforme  sur 
tout  son  parcours;  il  y  aura  donc  lieu  de  tenir  compte  des 
changements  indiqués  par  le  protil  en  long.  On  obtiendra  dès 
lors  pour  /  une  série  de  dillV-rentes  dimensions  (ju'tui  n'aura 
plus  (|n'à  iiidiqiii'r  au  surveillant  pour  les  déterminations  des 
emplacements  des  barrages  vivants  de  premier  ordre. 

Ceux-ci  une  fois  atterris,  on  construira  à  lavai  de  chacim 
il'eux  une  st'iie  de  barrages  vivants  de  deuxième  ordre,  aux- 
(|uels  on  ne  donnera  guère  plus  de  50  centimètres  de  hauteur 
et  (pii  joueront  le  rôle  des  seuils  construits  sur  les  atterrisse- 
ments des  grands  barrages  dans  la  branche  principale  du  tor- 
rent. 

Telle  est  la  base  des  travaux  de  correction  de  ravins  au 
moyen  de  clayonnages  ou  de  fascinages  de  premier  ordre 
ayant  une  hauteur  constante,  au  moins  dans  une  section  don- 
née, {de  Gayf/irr,  PI.  1 1,  tîl,  2i.) 


TORRENTS   A  AKFOl  ILLEMEX  TS.  Cl 

Les  ravins  dans  lesquels  on  viendrait  à  rencontrer  do  nom- 
breuses et  bonnes  pierres,  comme  cela  arrive  parfois,  surtout 
vers  les  origines  des  torrents,  seront  traités  de  la  môme  ma- 
nière, avec  cette  seule  différence  qu'on  remplacera  les  clayon- 
nages  ou  les  fascinages  par  de  petits  barrages  en  pierre  sèclie 
ayant  la  môme  hauteur  au-dessus  du  lit  et  que  l'on  nomme 
barrages  rustiques. 

En  règle  générale,  comme  les  clayonnages  ou  les  fascinages 
exigent  des  matériaux  qu'il  faut  faire  monter  parfois  d'assez 
loin,  on  utilisera  une  partie  des  pierres  qu'on  trouvera  sur 
place,  pour  en  faire  des  barrages  rustiques  qui  pourront  se 
trouver  disséminés  dans  la  série  des  barrages  vivants;  ce  mé- 
lange est,  du  reste,  très  avantageux  à  tous  égards;  mais  on 
aura  toujours  soin  de  conserver  disponible  une  quantité  de 
pierres  suffisante  pour  la  confection  de  petits  enrochements 
et  des  pavages  indispensables  à  l'aval  des  ouvrages  dans  les 
terrains  affouillables.  (f/e  Gayf/io-,  Pi.  -li  et  !2o.) 

Les  barrages  vivants  ou  les  barrages  rustiques  de  premier 
ordre  une  fois  construits,  on  établira  successivement  sur  leurs 
atterrissements  une  série  de  clayonnages  ou  de  fascinages  de 
deuxième  ordre  en  forme  de  seuils  peu  élevés  appelés  chacun 
à  maintenir  l'atterrissement  primordial  et  à  le  relever  sur 
chaque  palier.  Si  l'on  veut  qu'à  la  fin  de  leur  construction  les 
parements  aval  des  ouvrages  de  premier  ordre  se  trouvent  on 
partie  noyés  dans  ratterrissomontet  ne  présentent  plus  qu'une 
chute  d'eau  égale  à  colles  i)rovoquées  par  les  ouvrages  de 
deuxième  ordre,  on  disposera  ces  derniers  de  telle  sorte  que 
leurs  arêtes,  au  milieu  du  couronnement,  atteignent  toutes  la 
ligne  droite  qui  joindrait  le  milieu  du  couronnement  de  l'ou- 
vrage de  premier  ordre  inférieur  au  milieu  du  couronnement 
de  l'ouvrage  de  premier  ordre  immédiatement  supérieur. 
Mais,  en  général,  on  peut  laisser  aux  ouvrages  toute  leur 
hauteur,  qui,  déjà  faible,  est  encore  diminuée  par  les  enro- 
chements. 

Dans  chaque  palier,  on  marchera  de  l'aval  vers  l'amont  en 


62  TRAVAUX  DE   CORRECTION. 


ayant  soin  do  ne  procéder  à  la  construction  de  nouveaux  seuils 
qu'au  fur  et  à  mesure  que  ratterrissemcnt  des  précédents 
sera  formé  et  tassé  ;  le  mieux  sera  de  construire  entre  chaque 
palier  un  seuil  au  printemps  et  un  autre  à  l'automne,  cl  ainsi 
de  suite  jusqu'à  ce  (|ue  chacun  de  ces  paliers  soit  complrte- 
ment  traité.  (Nous  décrirons  jilus  loin  le  détail  de  l'opéra- 
tion.) 

Dans  des  sections  de  ravins  qui  viendraient  à  présenter  un 
profd  en  travers  très  aigu,  formé  par  des  berges  élevées  et 
très  redressées,  il  pourra  se  faire  que  le  nouveau  lit  obtenu 
par  ces  ouvrages  d'une  aussi  faible  hauteur  ne  présente  pas  un 
élargissement  sufiisant  pour  permettre  de  mettre  les  berges  à 
l'abri  de  raffouillement  et  modifier  suflisammcnl  leur  proiil 
en  travers. 

Dans  ces  cas  exceptionnels,  on  se  trouvera  dans  la  nc'ci^ssité 
de  relever  de  nouveau  le  lit,  et  pour  cela  on  construira,  sur  le 
premier  système  de  clayonnages,  une  ou  plusieurs  séries  de 
mômes  ouvrages,  jusqu'à  ce  qu'on  obtienne  avec  le  nouveau 
lit  un  profil  en  travers  convenable,  [de  Gmjffiar,  PI.  ii,  i20.) 

Cette  opération  sera  d'autant  i)lus  avantageuse  ^\\\\'\\  môme 
temps  on  modifiera  le  profil  en  long  à  l'amont  de  la  section 
dont  il  s'agit,  à  l'tMidroit  môme  où  il  s'est  fortement  redressé 
à  la  suite  du  creusement  profond  ({u'il  s'agit  de  combler. 

Cette  opération,  dont  les  exenq)les  sont  nombreux  et  an- 
ciens, notamment  en  Suisse,  à  Niederurnen,  canton  de  (îlaris, 
ne  doit  être  exécutée  qu'avec  la  certitude  de  pouvoir,  une  fois 
les  derniers  clayonnages  terminés,  exécuter  au  milieu  de  l'àt- 
terrisscment  de  chacun  d'eux  un  petit  pavage  en  forme  de 
rigole  destinée  à  empêcher  tout  affouillement  longitudinal. 

On  rencontre  parfois  des  terrains,  ai)parl(Miaiil  à  ci'rlaines 
marnes  du  lias,  dans  lescpiels  se  sont  fornit^'s  des  myriades  de 
petits  ravins  au  fond  desquels  la  roche  nue  apparaît  comme 
sur  les  berges  mêmes.  Cette  roche,  se  délitant  facilement  sous 
les  influences  atmospbériciues,  ne  i)eut  conserver  aucun  de  ses 
détritus  par  suite  du  lavage  continuel  qu'opèrent  les  eaux  plu- 


TORRENTS  A  AFFoUI  LLEMEXTS.  (i:j 

viales  sur  cos  pentos  qui  représeutont  assez  bien  dos  toils 
d'ardoises. 

Dans  de  pareilles  conditions,  la  correction  des  petits  ravins 
ne  peut  être  entreprise  avec  la  méthode  que  nous  venons  d'in- 
diquer, car  il  faudrait  beaucoup  trop  de  temps  pour  obtenir 
des  atterrissements  que  fournirait  exclusivement  le  simple 
produit  lin  délitement  de  la  surface.  Dans  ce  cas,  on  opère  de 
la  manière  suivante  : 

On  construit,  à  la  partie  inférieure  du  ravin  ù  traiter,  un 
solide  clayonnage  ou  un  barrage  qui  servira  de  base  à  tout  le 
système,  puis  on  écrète  toutes  les  saillies  que  peuvent  présen- 
ter les  berges,  de  manière  à  fournir  économiquement  une 
quantité  de  matériaux  rocheux  suffisants  pour  relever  le  fond 
du  lit  de  1  à  2  mètres.  Ces  débris  rocheux  une  fois  dans  le 
thalweg,  on  en  emploie  une  partie  à  construire  des  petits 
seuils  de  50  à  60  centimètres  de  hauteur,  que  l'on  recouvre 
comme  leurs  intervalles  avec  le  reste  des  débris  jusqu'à  la 
hauteur  voulue,  en  ayant  soin  de  donner  au  nouveau  profil  en 
travers  une  légère  concavité  vers  le  ciel.  Cela  fait,  on  construit 
à  la  surface  du  nouveau  lit  une  série  de  seuils  en  fascinages 
très  bas  appelés  à  le  maintenir  comme  on  ferait  pour  un  atter- 
rissement  naturel;  la  surface,  exposée  seule  aux  influences 
atmosphériques,  se  délite  et  fournit  ainsi  des  éléments  terreux 
dont  une  partie  s'insinue  dans  les  vides  des  débris  rocheux  et 
le  reste  demeure  à  la  surface.  Il  devient  dès  lors  possible  d'y 
planter  des  boutures  et  des  plants  feuillus  ou  résineux. 

Les  gros  matériaux  restant  couverts,  et  mis  ainsi  à  l'abri 
des  influences  atmosphériques,  demeurent  à  l'état  rocheux, 
se  maintiennent  en  place  soit  par  l'effet  des  petits  seuils  en- 
terrés, soit  par  leur  propre  masse,  et  forment  au  fond  de  l'an- 
cien ht  une  sorte  de  drainage  qui  favorise  en  même  temps  la 
bonne  venue  des  plants  et  le  maintien  du  nouveau  lit  mis 
ainsi  à  l'abri  de  tout  affouillement  de  la  part  d'eaux  trop  vio- 
lentes courant  à  la  surface,  [de  Gayffier,  PI.  31.) 


64  TRAVAUX   DE   CORIIKCTION. 


CHAPITRE    V 


EXECUTION  DES   TRAVAUX 


Étude  des  projets  de  darrages.  —  Études  préaLables.  —  Débouché  sur 
le  couronnement.  —  Nombre  et  liauteur  des  barrages.  —  Description 
des  uarrac.es  en  maçonnerie.  —  Barrages  en  voûte.  —  Barrages  rectili- 
gnes.  —  Maçonnerie  en  pierre  sèche.  —  Maçonnerie  avec  mortier  de 
chaux  hydrauhque.  —  Maçonnerie  mixte.  —  Aqueduc  ou  pertuis.  — 
Effet  du  mode  de  construction  sur  la  nature  de  l'atterrissement.  —  Avan- 
tages de  la  maçonnerie  mixte.  —  Cas  oii  la  maçonnerie  avec  mortier 
doit  être  préférée.  —  Choix  de  la  maçonnerie.  —  Discussion  du  choix 
des  types  de  barrages.  —  Barrages  curvilignes  en  maçonnerie  de  pierre 
sèche,  eu  maçonnerie  mixte  et  en  maçonnerie  entièrement  en  mortier 
(le  chaux.  —  Barrages  rectilignes.  —  Barrages  rustiques.  —  Ouvrages 
DIVERS  en  maçonnerie.  —  Radiei's.  —  Contre-barrages.  —  Barrages  à 
couronnement  irrégulier.  —  Ferrés.  —  Barrages  en  bois  et  barrages 
VIVANTS.  —  Barrages  en  bois  —  Clayonnages  de  premier  ordre  :  Clayon- 
nages  moisés  à  Tamont.  —  Clayonnages  à  longrine  encastrée.  —  Clayon- 
nages  de  deuxième  ordre.  —  Clayonnages  de  premier  ordre  à  double 
parement.  •—  Fascinages  de  premier  ordre.  —  Fascinages  de  deuxième 
ordre.  —  Fascinages  dans  les  petits  ravins.  —  Clayonnages  longitudi- 
naux et  transversaux  sur  les  atterrissements  des  barrages.  —  Travaux 
complémentaires.  —  Talutage  des  berges.  —  Curage  du  lit.  —  Draina- 
ges dans  les  terrains  en  mouvement. 

Etude  des  Projets  de  Barrages.  —  La  picniitTO  opéralion 
coiisi.strra  dans  le  Icvô  : 

1"  Du  plan  du  lit  et  do  ses  berges  immédiates  dans  les  par- 
lies  (ju'une  reconnaissance  préalable  aura  indiquées  comme 
(levant  être  traitées  ; 

2°  Du  profil  en  long  correspondant; 

3"  D'une  série  de  profils  en  travers  pris  à  cbaque  cliange- 
ment  important  dans  les  conditions  des  berges, 

Ai)rès  avoir  lové  la  section  du  torrent  à  traiter,  on  rapporte 
les  ojiérations.  On  dessine  le  plan  des  alignements  et  la  trace 


É  EXÉCUTÉS 


^^li¥|* 


î  '/ 


y, h. 


-;llu.j|^8n    Rameau 
..    y*    •''^'âu  Bourdet 


/ 


^■«   oonf       de       d. 


■  \  ¥  f 

u't-ltons  f       ,  I    . 


Fig.  13.  —  TORRENT  DU  BOURGET  (Basses-Alpes) 

PLAN  iJ'IiXSEMBLlC  DE  LA  SECTION  DANS  LAQUELLE  DE  GRANDS  TRAVAUX  ONT  ÉTÉ  EXÉCUTÉS 
(Voir  pages  60  et  suivantes) 


.^ ^jyK'llaimiu  \     \ 


Clayonnages  longitudii 
Barrages  rectilignes. 


B  ET  MOYENNE  DU  TORRENT  DU  BOURGET 


intes) 


î  que  celle  des  Longueurs.) 


Fig.  M.  -  PROFIL  EN  LONG  DES  SECTIONS  INFÉRIEURE  ET  MOYENNE  DU  TORRENT  DU  BOURGET 


LV'chelle  des  Hauteurs  est  3  fois  plus  grande  r|iie  celle  des  Longueu 


EXECUTION  DES  TRAVAUX.  65 

des  profils  en  travers,  sur  liuiiiollo  on  indiiiiie  le  sommet  des 
berges  et  la  largeur  du  lit,  les  numéros  des  profds  et  des  som- 
mets d'angle. 

Ce  plan  fait,  l'opérateur  y  trace  ensuite  les  chemins,  les 
carrières,  les  différentes  natures  de  sol,  les  emplacements 
paraissant  propices  à  la  construction  de  barrages,  enfin  toutes 
les  données  nécessaires  pour  obtenir  la  topographie  du  torrent 
et  guider  l'agent  chargé  de  la  confection  des  projets. 

Les  figures  13  et  14  donnent  l'exemple  du  plan  et  du  profil 
en  long  d'un  torrent. 

Ces  dessins  une  fois  terminés,  on  recherchera  quelle  est  la 
pente  maxima  qu'on  doit  attribuer  aux  atterrissements  futurs. 
On  prendra  pour  base  les  pentes  que  présentent,  sur  le  cône 
du  torrent  dans  la  vallée,  les  déjections  formées  par  des  ma- 
tériaux analogues  à  ceux  qui  sont  encore  charriés.  On  pourra 
aussi  lever  les  pentes  des  atterrissements  qu'on  rencontre 
parfois  dans  certains  paliers  du  lit.  A  défaut  de  ces  bases,  on 
supputera  la  pente  d'après  la  nature  et  la  grosseur  des  maté- 
riaux charriés. 

Cette  pente  une  fois  admise  pour  une  section  donnée  du 
torrent,  un  calcul  très  simple  déterminera  la  hauteur  totale  à 
racheter  au-dessus  du  lit  par  les  hauteurs  cumulées  des  barra- 
ges à  établir. 

Supposons  en  effet,  pour  fixer  les  idées,  que  la  section  de 
torrent  à  traiter  AB  ait  700  mètres  de  longueur  et  que  la  na- 
ture de  ses  berges,  comme  celle  de  son  lit,  nécessite  partout 
la  construction  de  barrages. 

Admettons  que  le  profil  en  long  indique  entre  le  point  A  et 
le  point  B  une  différence  de  niveau  de  115  mètres,  et  enfin 
que  les  matériaux  étant  de  môme  nature  sur  toute  la  section 
AB,  on  a  fixé  à  10  pour  100  la  pente  de  chaque  atterrissement. 

Il  en  résultera  que  la  différence  de  niveau  gagnée  par  les 
atterrissements  cumulés  sera  de  700  mètres  X  0,10  =  70  mè- 
tres, hauteur  qui,  retranchée  de  la  différence  totale  de  niveau 
convenue  plus  haut  à  115  mètres,  donnera  45  mètres  pour 

5 


66  TRAVAUX  DE  CORRECTION. 

la  hauteur  minima  au-dossns  du  lil,  à  racheter  par  des  bar- 
rages. 

Gela  posé,  il  reste  à  rechercher  quel  s<>ra  le  nombre  de  ces 
barrages,  quelle  hauteur  il  conviendra  de  donner  à,  chacun 
d'eux  et  quelle  sera  la  section  de  leur  couronnement. 

Les  dimensions  de  la  section  à  donner  au  couronnement 
seraient  faciles  à  déterminer  si  les  torrents  fonctionnaient 
comme  des  rivières;  elles  ne  dépendraient  que  de  l'étendue 
du  bassin  de  réception,  de  son  degré  de  perméabilité  et  de  la 
pente  adoptée  pour  l'atterrissement;  on  les  obtiendrait  au 
moyen  des  tables  dressées  par  les  ingénieurs  pour  les  débou- 
chés des  ponts  sur  les  rivières. 

Mais,  dans  le  cas  i)résent,  une  section  ainsi  déterminée  se- 
rait beaucoup  trop  faible,  et  bonne  tout  au  plus  pour  le 
régime  futur  du  torrent  une  fois  éteint.  Il  conviendra  donc  de 
l'agrandir  considérablement,  en  vue  surtout  des  laves  qui 
peuvent  descendre  pendant  les  premières  années  avant  que 
le  système  complet  do  barrages  ait  pu  donner  tout  son  eff(^t, 
surtout  dans  h^s  cas  où  l'urgence  commande  de  cijuimencer 
les  travaux  par  en  bas. 

En  l'absence  de  données  précises,  le  mieux  est  alors  de  re- 
chercher dans  le  lit  môme  du  torrent  certains  points  sur 
lesquels  des  observations  récentes,  ou  des  traces  d'anciennes 
crues,  ou  enfin  les  renseignements  fournis  par  les  riverains, 
])(Mivi'iil  iiidiipier  les  hauteurs  atteintes  par  des  crues  excep- 
tionnelles. 11  ne  reste  plus  cpi'à  pnMidre  le  })ro[il  en  travers,  à 
en  calcuhn-  la  surface  et  à  le  pr(»])orli(»nner  à  la  pente  admise 
pour  les  alterrissements  :  on  ohlicnt  ainsi  une  valiMir  suHi- 
sante  de  la  dimension  (lu'on  peut  adopter  pour  la  section  du 
débouché  au  couronnement  des  barrages. 

(Juant  à  la  hauteur  à  donner  aux  barrages,  nous  sommes 
d'avis,  avant  tout,  qu'il  convient  do  partir  d'un  maximum  au 
delà  duquel  il  pourrait  y  avoir  do  grands  dangers  d'affouille- 
ment  et  que  l'on  ne  dépasserait  f|ue  dans  des  cas  tout  à  fait 
spéciaux   et  exceptionnels.   Ce  maximum,  nous  le  lixons  à 


EXECUTION  DES  TRAVAUX. 


5  mètres  au-dessus  du  lit  :  c'est  la  hauteur  la  plus  grande 
adoptée  généralement. 

Cette  base  une  fois  admise,  on  indiquera  provisoirement 
sur  le  plan,  d'après  les  profils  en  travers  et  les  données  de  la 
reconnaissance  générale,  les  emplacements  (pii,  au  premier 
abord,  ont  paru  préférables.  On  rapportera  ces  points  sur  le 
profil  en  long,  et  l'on  tracera  à  partir  de  chacun  d'eux  des 
pentes  à  10  pour  100  jusqu'à  la  rencontre  des  ordonnées  des 
points  inférieurs;  si  certaines  de  ces  ordonnées  dépassent 
5  mètres,  on  procédera  à  d'autres  recherches  jusqu'à  l'obten- 
tion d'une  solution  satisfaisante. 

On  rapportera  les  différentes  ordonnées,  déterminées  par  le 
profil  en  long  de  chaque  atterrissement,  sur  les  profils  en  tra- 
vers correspondants.  On  y  tracera  la  section  qu'y  formera 
l'atterrissement  et  l'on  examinera  si  elle  correspond  à  celle 
qu'on  s'est  donnée  pour  les  barrages,  ou  bien  si  la  nature  de» 
berges  permettra  d'élargir  le  profil  par  un  talutage  con- 
venable. 

Si  ces  conditions  ne  sont  pas  remplies,  et  si  dès  lors  sur  cer- 
tains points  il  y  a  nécessité  de  relever  l'atterrissement  pour 
élargir  la  section,  on  calculera  sur  ces  profils  la  hauteur  dont 
il  faudrait  relever  le  barrage  (c'est  pour  ce  cas  exceptionnel 
que  nous  avons  indiqué  ci-dessus  la  hauteur  de  45  mètres 
comme  un  minimum). 

Le  profil  en  long  du  torrent  étant  nécessairement  irrégulier, 
on  pourra  donc  avoir  obtenu,  après  ces  études,  le  choix  de 
l'emplacement  de  onze  barrages,  par  exemple,  dont  quatre 
auraient  0  mètres  de  hauteur,  soit  "20  mètres  au  total;  quatre, 
4  mètres  de  hauteur,  soit  16  mètres;  deux,  3  mètres  de  hau- 
teur, soit  6  mètres;  un,  4", 20  de  hauteur,  soit  4™, 20;  soit  un 
total  de  46", 20  au  lieu  de  45  trouvés  ci-dessus,  le  tout  en 
adoptant  l'hypothèse  que  le  dernier  a  dû  être  exhaussé  de 
1™,20,  afin  d'obtenir  un  relèvement  plus  marqué  du  lit  et  une 
section  plus  large  à  l'extrémité  de  son  atterrissement. 
Cet  exemple  suffit  à  démontrer  l'utilité  des  levés  préalables 


68 


TRAVAUX  DE  CORRECTION. 


SOUS  forme  de  plans  et  profils,  (jui  permettent  ainsi,  d'une 
part,  une  économie  très  sérieuse  dans  les  constructions  pri- 
mordiales dont  le  nombre  et  les  dimensions  peuvent  ainsi  être 
déterminés  à  l'avance  très  exactement,  et  d'autre  part,  une 
coordination  absolue  et  complète  dans  l'ensemble  des  travaux 
entrepris  dans  un  torrent  donné  [de  Gnyfficr,  PLI 7,  20.) 


Description  des  Barrages  en  Maçonnerie.  —  Les  barrages  en 
mac^'onnerie  peuvent  se  classer,  (^uant  à  leur  forme  générale, 
en  deux  grandes  catégories  :  les  barrages  en  voîde  hoinzontale, 
les  barrages  en  murs  reclillgnes. 

Dans  cbacune  de  ces  deux  catégories  on  peut  construire  un 


Fiff.  13 


1"  type.  —  Modèle  n'I. 
(rfe  Gayffier,  PI.  17,  18.) 

Fi-.  16. 


Fif?.  17. 


nombre  de  types  se  distinguant  entre  eux  par  des  différences 
introduites  soit  dans  le  plan,  soit  dans  l'élévation,  soit  dans  la 
coupe. 

Le  prcinior  type  des  grands  barrages  construits  dans  les 
Alpes  fran(;aises  présente  la  forme  suivante  : 

Le  parement  amont  est  rectiligne  et  perpendiculairo  à  l'axe 
du  torrent. 

Le  parrmenl  aval  e.sl  en  voûte  liorizonlali^  à  courbure  peu 
cintrée  ;  il  est  construit  avec  un  fruit  qui  varie  de  20  à  30  p.  100, 
et  présente  une  surface  conique  ayant  pour  directrice  une 
ligne  inclinée  suivant  le  fruit  adoptent  pour  axe  la  verticale 
passant  par  le  centre  de  la  courbo. 

Le  couronnement  est  formé  par  une  courbe  régulière  ayant 


EXECUTION   DES  TRAVAUX. 


69 


une  llèche  et  une  corde  déterminées  par  la  section  à  donner 
au  débouché. 

Ce  type,  qui  a  été  généralement  adopté,  surtout  pour  les 
barrages  en  maçonnerie  de  pierre  sèche  (f/e  Gayf'fier,  PI.  26), 
présente  quelques  variétés,  tantôt  par  la  forme  du  couronne- 
ment et  par  des  ailes  qui  sont  ajoutr-es,  tantôt  par  l'absence 
du  fruit  extérieur  du  parement  d'aval,  fruit  qui  est  reporté  à 
l'intérieur,  c'est-à-dire  au  parement  d'amont. 

Les  modifications  apportées  au  couronnement  consistent  en 
ce  qu'au  lieu  d'une  sec- 


tion  en  forme   de  seg- 
ment, on  lui  donne  une 
section    polygonale    en 
l'aplatissant  presque  en- 
tièrement et  en  le  bor-  ..j^  ^^  _  j^^^^.j^  ^„  ^ 
dant  à  chacune   de  ses  (''<"  Oatjffier,  pi.  22.) 
extrémités  par  des  ailes  en  maçonnerie,  destinées  à  forcer  les 
eaux  à  passer  par  la  section  ainsi  déterminée. 

Certains  constructeurs,  dans  le  but  de  détruire  plus  com- 
plètement la  vitesse  de  l'eau,  d'éviter  sur  le  parement  d'aval 
le  frottement  des  matériaux  entraînés  et  d'épargner  à  sa  base 

le  choc  des  blocs  

qui  peuvent  fran- 
chir le  barrage,  re- 
portent le  fruit  à 
l'intérieur,  c'est-à- 
dire  au  parement 
amont,  et  établis- 
sent le  parement 
d'aval  bien  vertical. 

Le  deuxième  type  forme  une 
voûte  horizontale  à  courbure  plus  prononcée  ;  son  parement 
d'amont  présente  une  surface  cylindrique  verticale  dont  on 
s'est  donné  le  rayon.  Le  parement  d'aval  forme  une-  surface 
conique  ayant  pour  directrice  une  ligne  inclinée  suivant  le 


iSffl 


■'l 


Fi-.  19- 
Modèle  n"  3. 


F\g.  20. 

2"  type.  —  Modèle  n"  4. 

(de  Gaijffier,  PI.  17.) 


70 


TRAVAUX  DE  CORRECTION. 


f= 


fruit  extérieur  adopté  et  pour  axe  la  verticale  passant  par  le 
centre  de  la  courbe  du  parement  d'amont. 

Ce  type  peut  être  modifié  par  le  report  du  fruit  du  parement 
d'aval  au  parement  amont.  (Modèle  n°  5.) 

Quant  à  la  forme  du  couronnement,  elle  demeure  sembla- 
ble dans  ces  deux  modèles  et  consiste  en  une  courbe  régulière 
dont  la  corde  est  liorizontale. 

On  construit  aussi  des  barrages  présentant  une  voûte  hori- 
^^  !,^^S      zontale  cylindrique  à  l'amont  et  co- 

nique à  l'aval,  qui,  au  lieu  de  se 
I)rolonger  jusque  dans  les  berges  et 
d'avoir  ainsi  des  longueurs  irrégu- 
lières, s'appuie  sur  des  murs  recti- 
lignes  construits  suivant  la  tangente 
à  la  courbe  à  chacune  des  extrémi- 
tés d'un  arc  donné.  Le  couronne- 
ment présente,  de  son  côté,  une  ligure  ayant  la  forme  d'une 
courbe  i)rolongée  de  chaque  côté  i)ar  des  droites  suivant  la 
tangente  à  chacune  de  ses  extrémités. 

l'arfois  on  supprime  les  courbes  aux  deux  parements.  Le 
parement  d'amont  forme  un  plan  vertical  perpendiculaire  à 
l'axe  du  torrent. 

Le  parement  d'aval  est  incliné  suivant  le  fruit  adopté. 

Le    couronnement    présente 


Fig-.  21. 
.3'  t\pe.  —  Jlodèle  n»  6. 


une   courbe   régulière   à  corde 
horizontale. 

CjO  type  peut  se  modifier  par 
le  changement   du  IVnit    ([u'on 
attribuerait    au    pan-mcut   d'a- 
nionl  pour  faire  vertical  le  pare- 
,  .      '\":,     , ,  meut  d'aval.  (Modèle  n"  8.) 

4*  type.  —  Modèle  n°  7.  \  ' 

{de  hayffier,  l'i.  .'o,  21.)  l'armi  CCS  différents  types  il 

y  a  un  choix  à  faire,  soit  d'après  les  circonstances  locales  où 
lon'fpf.nt  se  trouver,  soit  même  d'après  les  avantages  d'un 
type  sur  un  autre  considéré  intrinsèquement. 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX.  71 

Mais  avant  de  poser  les  bases  de  la  préférence  à  accorder,  il 
convient  d'examiner  les  différents  genres  de  maçonnerie  qu'on 
peut  employer  dans  la  construction  des  barrages. 

La  maçonnerie  peut  être  faite  de  plusieurs  façons  :  soit  en 
pierre  sècbe,  soit  avec  mortier  de  chaux  hydraulique,  soit  en- 
fin en  associant  judicieusement  les  doux  modes. 

.La  maçonnerie  en  pierre  sèche  {de  Gayffie}',V\.'2i,  26  et  32), 
la  plus  usitée  pour  les  travaux  exécutés  dans  certaines  con- 
trées, se  présente  naturellement  la  première  au  choix  du 
constructeur  dans  les  torrents  dont  le  lit  renferme  une  exubé- 
rance de  matériaux  placés  pour  ainsi  dire  à  pied  d"œuvre.  On 
se  trouve  tenté  par  l'apparence  du  bon  marché  que  présente 
l'exécution  de  cotte  maçonnerie;  mais  souvent  dans  la  suite 
on  est  exposé  à  perdre  bien  des  illusions  à  cet  égard,  à  cause 
des  dégâts  que  subissent  les  ouvrages  et  les  façons  qu'on  se 
voit  obligé  de  donner  aux  joints  dans  les  parements  vus,  d'où 
résulte  une  augmentation  de  dépense  très  sérieuse. 

Nous  sommes  d'avis  que  la  maçonnerie  à  pierre  sèche  ne 
doit  être  employée  que  dans  les  cas  oîi,  par  raison  d'écono- 
mie bien  établie,  tout  autre  mode  devient  impraticable. 

D'un  autre  côté,  la  maçonnerie  exécutée  entièrement  avec 
mortier,  tout  en  offrant  de  grands  avantages  au  point  de  vue 
de  la  durée  et  de  la  puissance,  entraîne  généralement  des  dé- 
penses très  élevées,  et  ne  nous  parait  utile  que  dans  certains 
cas  spéciaux,  {de  Gayffi€r,'P\.  17.) 

Aussi  donnons-nous  la  préférence,  partout  où  cela  est 
praticable,  à  un  genre  de  maçonnerie  qu'on  peut  qualifier  de 
mixte,  que  nous  avons  appliquée  avec  succès  depuis  nombre 
d'années  dans  nos  travaux  et  qui  consiste  dans  les  disposi- 
tions ci-après  :  {de  Gaijffier,  PI.  15,  16,  22.) 

Le  corps  du  barrage  est  construit  en  pierre  sèche,  mais  le 
parement  aval  est  en  maçonnerie  ordinaire  de  mortier  sur 
une  épaisseur  de  80  centimètres;  le  couronnement  reçoit  un 
revêtement  analogue,  et,  de  plus,  son  arête  vers  l'aval  est  en 
pierre  de  taille  avec  joints  en  mortier.  Eiifin  un  aqueduc  ou 


72 


TRAVAUX  DE  CORRECTION. 


porluis,  suffisant  i)our  les  eaux  ordinaires,  traverse  l'ouvrage 
à  sa  ])arlie  inférieure  ;  il  est  également  bâti  en  maçonnerie  sur 
80  centimètres  d'épaisseur  tout  autour  (fig.  23,  24,  25  et  26). 


Fiir.  23.  —  Barrage  en  Maçonnerie  mixte.  —  Élévation  dégagée  des  terres. 


Coupe  donnant  l'épaisseur 
du  barrage  sur  chaque 
redan  du  côté  droit. 


Coupe  donnant  l'épaisseur 
du  barrage  sur  chaque 
redan  du  côté  gauche. 


Par  ce  moyen,  toute  la  i)artie  du  barrage  exposée  aux  dan- 
gers (pie  peut  présenter  l'écoulement  des  eaux  et  des  laves 


Kig.  24.  —  Plan  dégagé  des  Terres. 


Ibrme  une  seule  masse  bien  homogène,  parfaitement  liée,  et 
présentant  des  garanties  de  stabilité  et  de  durée  bien  plus 
considérables    qu'une   maçonnerie   en   pierre   sècbe,   où    le 


EXECUTION   DES   TRAVAUX. 


73 


drpart  (111110  seule  pierre  peut,  à  un  monient  donné,  com- 
promettre la  solidité  de  l'ensemble.  Cette  maçonnerie  de 
mortier  réalise  même  une  économie  dans  la  dépense,  car 
elle  sui)prime  l'obligation  de  parer  sur  quatre  faces  au  moins 
les  pitn-ros  du  couronnement  et  du  parement  aval,  obligation 
indispensable  si  l'on  veut  obtenir  des  joints  convenables  dans 
le  cas  de  la  pierre  sècbe,  mais  certainement  très  coûteuse. 

En  effet,  le  prix  du  simple  ébaucbage 
des  quatre  faces,  plus  la  tète  de  chacune 
des  pierres  qui  doivent  former  le  parement 
d'aval  et  le  couronnement ,  est  toujours 
élevé,  vu  la  grandeur  de  la  surface  de  l'en- 
semble de  ces  parements.  Il  est  certaine- 
ment toujours  plus  fort  que  le  prix  de  la 
maçonnerie  dans  le  cas  où  les  matériaux 
sont  des  calcaires  durs,  et  ne  lui  devient  sensiblement  infé- 
rieur que  dans  le  cas  où  l'on  emploie  des  grès  dont  le  clivage 
facile  économise  considérablement  le  travail  préparatoire  des 
joints. 


Fig.  25.  —  Coupe 
eu  travers  sur  Taxe. 


Fig. 26.  —  Plan  des  Longueurs  développées. 


Enfin  la  maçonnerie  dispense  des  crampons  en  fer  destinés 
à  relier  les  pierres  du  couronnement  et  auxquels  on  est  sou- 
vent obligé  d'avoir  recours  avec  la  pierre  sèche. 

Mais  l'avantage  le  plus  marqué  de  ce  mode  de  construction 
réside  dans  la  possibilité  d'établir  un  aqueduc  et  de  maintenir 
son  fonctionnement  au  besoin  pendant  plusieurs  années, 
avantage  des  plus  précieux  surtout  dans  les  terres  noires, 
ainsi  que  nous  allons  le  démontrer. 


74  TRAVAUX  DE   CORRECTION. 

Il  est  admis  sans  contosto  que  les  attorrissements  doivent, 
aufant  qno  possible,  ôlre  faits  en  matériaux  de  toute  sorte, 
mais  (ju'on  doit  en  écarter  les  boties,  (jui  ne  présontont  au- 
cune consistance  et  seraient  un  obstacle  à  la  formation  ulté- 
rieure du  vaste  conglomérat  que  doit  produire,  avec  le  temps, 
la  masse  des  matériaux  accunmlés  et  retenus. 

Ola  posé,  comparons  l'etrct  produit  par  un  barrage;  en 
pierre  sècbe  et  par  un  barrage  en  maçonnerie  mixte,  et  pre- 
nons pour  excmi)le  le  cas  d'un  torrent  traversant  des  terres 
noires  et  cbarriant  ainsi  des  matériaux  mêlés  à  des  boues  : 

Le  barrage  en  pierre  sècbe  n'ayant  pas  d'aqueduc,  mais 
présentaid,  entre  les  joints  des  pierres,  une  série  de  vides, 
laissera  d'abord  filtrer  toutes  les  eaux  arrêtées  momentané- 
ment à  son  amont.  Il  est  très  vrai  (ju'il  fonctionne  au  début 
comme  un  vaste  crible  à  mailles  très  serrées  et  ne  laissant 
passer  avec  l'eau  que  les  petites  molécules  de  terre;  mais,  s'il 
survient  une  forte  lave  de  boue,  les  joints  seront  colmatés  ra- 
pidement et  il  arrivera  infailliblement  (|ue,  si  après  la  crue 
l'atlerrissement  n'est  pas  complet,  il  se  formera  à  l'amont  un 
petit  lac  dont  les  eaux  ne  trouveront  plus  d'écoulement  que 
par  le  couronnement,  e(  (pie  les  boues  auront  produit  dès  la 
première  crue,  sur  les  joints  des  pierres  sècbes,  un  effet  ana- 
logue à  celui  que  donne  le  mortier.  Force  sera  bien  alors  de 
conserver  les  boues  nouvelles  qui  pourront  survenir  à  l'amont 
jusqu'à  ce  que  l'atterrissement,  ens'exhaussant,  permette  aux 
matériaux  ultérieurs  do  passer  sur  le  barrage. 

Prenons,  au  contraire,  le  cas  d'un  ouvrage  en  maçonnerie 
mixte  avec  un  aeiuediic  de  bonnes  diniensions;  nous  établis- 
sons à  l'entrée  de  Itupieduc,  à  l'amoiil  du  barrag<\  un  grillage 
vertical  en  forts  pieux  de  niiMèze  de  10  centimètres  de  diamè- 
tre au  moins,  espacés  d'aulant  entre  eux  et  s'appuyant  sur  le 
mur  mèrne.  Ce  grillage  retiendra  les  gros  matériaux,  et  lais- 
sera liltrcr  non  seulement  les  eaux,  mais  toutes  les  boues  pos- 
sibles; et  si,  par  liasard,  les  larges  vides  du  grillage  viennent  à 
être  boiicbés  jjar  un  cobnalage  niomeidané,  rien  ne  sera  i)lus 


EXECUTION   DES   TRAVAUX.  75 

facile  (iu<^  de  les  ouvrir,  soit  au  moyen  d'une  barre  à  mine, 
soit  en  soulevant  un  des  pieux,  et  dès  lors  on  ne  redoutera 
jamais,  pour  peu  (pion  preime  de  soin,  le  moindre  amas  de 
boue,  pas  plus  que  le  plus  petit  réservoir  d'eau,  à  l'amont  du 
barrage,  et  l'on  aura  ainsi  obtenu  ce  criblage  des  matériaux 
dont  l'utilité  est  incontestable. 

On  voit  donc  que,  loin  de  nuire  à  la  production  d'un  bon 
atterrissement,  les  barrages  en  maçonnerie  présentent  à  cet 
égard  les  plus  grands  avantages.  Aussi  sommes-nous  d'avis 
qu'à  ce  seul  point  de  vue  déjà,  il  est  préférable  d'employer  ce 
mode  de  construction  partout  où  il  est  possible,  et  qu'il  con- 
vient de  confiner  les  barrages  en  pierre  sèche  dans  les  seuls 
endroits  où  les  transports  de  la  chaux  et  du  sable  seraient  par 
trop  onéreux. 

Ce  n'est  pas  là  le  seul  avantage  de  la  maçonnerie  de  mor- 
tier. Son  emploi  permet  en  effet  de  diminuer  sensiblement 
l'épaisseur  des  ouvrages  sans  nuire  à  leur  solidité,  et  partant 
réalise  une  économie  importante. 

On  admet  généralement,  en  effet,  que,  pour  les  barrages 
en  pierre  sèche,  on  doit  donner  au  milieu  du  couronnement 
une  épaisseur  égale  à  la  moitié  de  la  hauteur  de  l'ouvrage  au- 
dessus  du  lit  et  qu'il  convient  de  donner  au  parement  aval  un 
fruit  de  25  p.  0/0,  soit  le  quart. 

Dans  nos  barrages  mixtes,  au  contraire,  nous  donnons  une 
épaisseur  moyenne  égale  à  la  moitié  de  la  hauteur  et  un  fruit 
de  20  p.  0/0,  soit  un  cinquième,  ce  qui  diminue  considérable- 
ment le  cube  de  la  maçonnerie,  ainsi  que  l'exemple  suivant  le 
démontre  : 

Supposons,  pour  fixer  les  idées,  une  hauteur  de  4  mètres 
au-dessus  du  lit.  Dans  le  cas  de  la  pierre  sèche,  nous  aurons 
au  milieu  du  couronnement  une  épaisseur  de  2  mètres,  qui, 
avec  le  fruit  de  25  p.  0/0,  donnera  une  épaisseur  de  3  mètres 
à  la  base,  de  sorte  que  la  coupe  formera  un  trapèze  ayant  une 
surface  de  5  x  2  =  10  mètres  carrés. 

Dans  le  cas  de  la  maçonnerie  mixte,  nous  avons  une  épais- 


76  TRAVAUX   DE   CORRECTION. 

spur  moyenne  de  2  mètres,  soit  l^jôO  au  couronnement  et 
i>'",iO  à  la  base.  D'où  la  surface  de  la  coupe  sera  de  4  X  2  = 
8  mètres.  Le  cube,  pour  une  longueur  égale,  sera  donc  dimi- 
nué d'un  cinquième. 

Un  second  avantage,  le  plus  sérieux,  consiste  en  ce  que  si, 
par  une  grande  lave,  le  barrage  vient  à  être  attaqué,  il  ne  dis- 
paraîtra pas  connno  s'il  était  l'ail  en  pierre  sèche  et  ne  subira 
qu'une  brèche  à  son  couronnement  qu'on  pourra  réparer 
rapidement  et  à  peu  de  frais.  Le  couronnement  est,  en  effet, 
la  partie  la  plus  sensible  des  barrages;  c'est  par  là  qu'ils  sont 
surtout  attaqués  par  les  laves;  aussi  convient-il  de  le  con- 
struire aussi  uni  que  possible,  sans  la  moindre  aspérité  qui 
puisse  donner  prise  aux  arêtes  des  blocs  en  mouvement  '. 

Un  troisième  avantage  se  manifeste  pendant  le  cours  de  la 
construction  même;  s'il  arrive  une  crue,  il  n'y  a  guère  que 
la  maçonnerie  fraîche  de  un  à  deux  jours  qui  est  emportée, 
le  reste  résiste ,  ce  qui  n'a  pas  lieu  dans  la  maçonnerie  en 
pierre  sèche,  d'où  résulte  encore  une  économie  importante  ^ 

l"]nfin  la  maçonnerie  mixte,  nécessitant  un  cube  de  maté- 
riaux inférieur  à  la  maçonnerie  en  pierre  sèche  et  permettant 
l'emploi  de  plus  petits  matériaux,  rend  plus  facile  l'exécution 
des  barrages  dans  les  torrents  où  la  pierre  de  bonne  qualité 
ne  se  trouve  pas  en  grande  abondance. 

Il  peut  se  présenter  certains  cas  spéciaux  où  la  maçonnerie 
mixte  esl  insuffisante  et  où  il  devient  indispensable  de  con- 
struire l'ouvrage  tout  entier  en  maçonnerie  de  mortier.  Sup- 
posons, en  effet,  une  partie  de  torrent  à  lit  affouillable  dont 
les  berges  instables  manifestent  des  tendances  au  glissement 
dans  le  sens  du  profd  en  travers;  admettons,  en  outre,  qu  le 
profil  en  long  de  cette  partie  du  torrent  ne  permette  pas  de 
donner  à  un  barrage,  établi  ù  l'aval  sur  des  terrains  solides, 
une  jiauteur  assez  grande  pour  produire  l'atterrissement  né- 
cessaire à  l'arrêt  des  glissements;  nous  aurons  là  un  exemple 

i.  —  Voir  la  note  B,  page  414. 
2.  —  Voir  la  note  C,  page  421. 


EXECUTION  DES  TRAVAUX.  77 

des  cas  exceptionnels  où  l'on  sera  obligée  de  recourir  ù  la  ma- 
çonnerie exclusive  de  mortier.  A  cause  de  ces  glissements,  il 
faut  produire  un  élargissement  do  ."Section  d'autant  plus  mar- 
qué que,  dans  ces  cas  exceptionnels,  le  lit  est  généralement 
très  resserre  ;  force  est  donc  d'établir  un  ouvrage  qui  puisse 
présenter  une  solidité  à  toute  épreuve,  jusqu'à  la  production 
de  l'atterrissement  qui  mettra  fin  à  tout  danger  de  glissement  ; 
il  faudra  donc  un  massif  compact,  bien  homogène  et  qui 
résiste  par  sa  masse  soit  aux  crues  dans  le  sens  du  profil  en 
long,  soit  aux  poussées  des  berges  dans  le  sens  du  profil  en 
travers,  toutes  conditions  auxquelles  peut  seul  satisfaire  un 
barrage  rectiligne  construit  dans  son  entier  en  maçonnerie 
de  mortier  hydraulique  [de  Gayffier,  PL  17). 

En  résumé,  dans  les  constructions  de  barrages  en  pierre 
dans  les  torrents,  nous  conseillons  : 

1°  De  réserver  la  maçonnerie  de  pierre  sèche  aux  seules  par- 
ties du  torrent  placées  dans  des  altitudes  telles  que  le  transport 
de  la  chaux  et  du  sable  devienne  par  trop  onéreux  et  donne 
au  prix  du  mètre  cube  de  maçonnerie  un  taux  beaucoup 
plus  élevé  que  celui  du  mètre  cube  des  gros  moellons  piqués , 
indispensables  au  parement  d'aval  et  au  couronnement; 

2°  D'employer  partout  ailleurs,  dans  les  cas  ordinaires,  la 
maçonnerie  mixte  ; 

3°  De  ne  construire  entièrement  en  maçonnerie  de  mortier 
que  dans  des  cas  très  rares  et  tout  à  fait  exceptionnels. 

Maintenant  que  les  genres  de  maçonnerie  qu'on  peut  em- 
ployer, selon  les  cas,  sont  connus,  il  reste  à  rechercher  les 
types  qu'il  conviendra  d'adopter  définitivement  dans  les  divers 
cas  qui  pourront  se  présenter. 

Nous  commencerons  par  éliminer  de  la  série  exposée  ci- 
dessus  les  trois  modèles  portant  les  n°  3,  o  et  8,  dans  lesquels 
le  parement  d'aval  est  vertical.  Dans  les  torrents  à  affouille- 
ment  qui  nous  occupent,  on  ne  peut  admettre,  en  effet,  que 
les  barrages  auront  perpétuellement,  ou  même  seulement 
pendant  un  grand  nombre  d'années,  à  supporter  le  passage 


78  TRAVAUX  DE  CORRECTION. 

de  jîros  matériaux;  l'on  doit,  au  contraire,  partir  du  principe 
que,  le  plus  souvent,  les  barrages  n'auront  à  subir  ces  passa- 
ges que  très  rarement  et  en  petite  quantité,  si  les  circonstan- 
ces locales  ont  permis  d'entreprendre  la  correction  par  le 
haut  et,  dans  le  cas  contraire,  qu'ils  n'auront  à  redouter  les 
grandes  laves  que  pendant  un  nombre  d'années  très  restreint, 
car  la  correction  une  fois  commencée  doit  être  continuée 
sans  interruption. 

D'autre  part,  le  parement  d'aval  vertical  ne  peut  convenir 
exclusivement  qu'aux  barrages  en  })ierre  sèche  ;  cette  disposi- 
tion serait,  dans  le  cas  de  la  maçonnerie  mixte  ou  pleine  avec 
mortier,  des  plus  contraires  à  la  stabilité  de  l'ouvrage  dont 
la  construction  doit  s'opposer  à  un  renversement  de  l'ensem- 
ble et  fournir  la  plus  grande  résistance  à  la  poussée  venant 
de  l'amont,  tandis  que  dans  la  maçonnerie  de  pierre  sèche, 
ie  danger  est  moins  dans  le  renversement  de  la  masse  totale 
que  dans  l'instabilité  des  matériaux  presque  indépendants  les 
uns  des  autres,  qui,  dans  le  cas  du  fruit  à  l'amont,  se  trou- 
vent mieux  assis  et  ne  risquent  aucun  choc  à  l'aval. 

Quant  à  la  rupture  totale  de  la  vitesse  de  l'eau,  les  travaux 
exécutés  à  l'aval  des  barrages  eidèvent  tout  intérêt  à  cette  con- 
sidération, d'ailleurs  peu  importante,  au  cas  actuel. 

La  forme  en  voûte  doit  toujours  être  préférée  chaque  fois 
que  les  fondations  creusées  dans  les  berges  mettent  à  décou- 
vert une  roche,  ou  même  un  terrain  assez  solide,  pour  que  la 
voûte  puisse  y  trouver  un  point  d'appui  inébranlable. 

Mais  on  conçoit  que  cette  forme  réclame  des  berges  très 
solides,  sans  lesquelles  la  voûte,  privée  d'appui,  ne  résisterait 
plus  (pie  ])ar  sa  propre  masse,  auquel  cas  dès  lors  il  est  préf(';- 
rable  de  lui  substituer  un  mur  rectiligne  à  l'amont  et  à  l'aval, 
tout  en  conservant  d'ailleurs  le  même  fruit  et  le  même  cou- 
ronnement. Avec  un  cube  égal  de  maçonnerie  on  pourra  pro- 
longer plus  avant,  dans  les  berges,  les  fondations  de  l'ou- 
vrage, et  leur  donner  ainsi  un  apjiui  jilus  efficace  que  dans  le 
cas  de  la  forme  en  voûte. 


EXECUTION    DES  TRAVAUX.  70 

Pour  los  barrages  en  voûto,  nous  sommes  d'avis  d'adopter 
exclusivement  le  deuxième  type,  modèle  n"  4,  à  parement 
d'amont  cylindrique  et  parement  d'aval  conique,  et  de  rejeter 
les  autres  pour  les  motifs  suivants  : 

Le  type  n°  1  ne  permet  pas  de  donner  à  la  voûte  ime  cour- 
bure suffisante  pour  qu'elle  produise  son  véritable  effet,  sans 
quoi  la  rectitude  du  parement  d'amont  entraînerait  à  un  cube 
de  maçonnerie  par  trop  considérable.  Si,  en  effet,  comme 
cela  doit  être,  les  pierres  sont  posées  en  voussoirs,  la  maçon- 
nerie forme  un  anneau  aux  deux  aisselles  duquel  on  place  un 
cube  important  de  maçonnerie,  dont  l'expérience  a  démontré 
qu'on  pourrait  parfaitement  se  passer.  Le  barrage  portant  le 
n°  2  (à  la  figure  31)  est  construit  dans  ce  genre.  Appelé  à 
servir  de  base  à  un  système  de  onze  barrages  successifs  éta- 
blis dans  le  but  d'arrêter  d'énormes  glissements,  il  a  été 
bâti  entièrement  en  maçonnerie  de  mortier  hydraulique; 
ce  n'est  qu'après  l'achèvement  de  cet  ouvrage,  représen- 
tant le  premier  grand  barrage  construit  dans  les  Basses- 
Alpes,  que  nous  avons  modifié  la  forme  des  ouvrages  ulté- 
rieurs. 

Les  ailos  du  modèle  n°  2  (1"  type)  présentent  le  grave  in- 
convénient d'offrir  aux  grandes  laves  des  saillies  qui  risquent 
d'être  enlevées,  vu  le  peu  de  résistance  qu'elles  peuvent  pos- 
séder. 

Dans  le  cas  où  le  torrent  n'est  sujet  qu'à  des  crues  d'eau, 
elles  sont  avantageusement  remplacées  par  une  courbe  apla- 
tie en  son  milieu  et  relevée  à  ses  deux  extrémités,  qui  empê- 
che la  concentration  de  la  masse  des  eaux  au  milieu  et  dimi- 
nue la  puissance  de  l'affouillement. 

Ces  considérations  nous  amènent  donc  à  ne  conserver, 
pour  les  barrages,  que  trois  types  généraux,  savoir  : 

Le  n°  4,  pour  les  barrages  en  voûtes; 

Le  n"  6,  pour  les  barrages  en  voûte  sur  une  partie  seulement  ; 

Et  le  n°  7,  pour  les  barrages  rectilignes. 

Cela  posé,  nous  allons  examiner  les  cas  où  ces  types  devront 


80  TRAVAUX   DE  CORRECTION. 

être  appliqués,  la  maçonnerie  qu'il  sera  préférable  d'euqjloyer 
et  les  conditions  générales  de  leur  construction  : 

Les  barrages  du  type  n"  i,  que  nous  désignerons  à  l'avenir 
sous  le  nom  de  barrages  cio'viliynes,  peuvent  être  employés 
dans  tous  les  cas  où  les  berges  dans  lesquelles  ils  seront  en- 
castrés ne  manifestent  aucune  tendance  à  se  mettre  en  mou- 
vement. 

Pour  leur  construction  on  emploiera,  soit  la  i>ierre  sèche, 
soit  la  maçonnerie  mixte,  à  l'exclusion  de  la  maçonerie  de 
mortier  de  chaux  hydraulique  en  plein,  qui  n'a  aucune  raison 
d'être  ici. 

Si  les  conditions  locales  ont  fait  décider  (pn!  l'on  bâtirait 
en  pierre  sèche,  on  donnera  au  parement  aval  un  fruit  de 
25  p.  100;  les  pierres  seront  posées  en  voussoirs,  de  manière  que 
leur  lit  soit  dans  un  plan  vertical  et  leur  queue  dans  le  sens 
du  rayon  de  la  courbe;  on  pourra,  si  l'on  veut,  incliner  ces 
queues  de  façon  à  les  mettre  normales  au  fruit,  mais  on  devra 
éviter  que  cette  disposition  se  prolonge  jusqu'au  couronnement, 
dont  la  coupe  devra  toujours  être  horizontale  et  non  perpen- 
diculaire au  parement  aval.  Cette  disposition  est  des  plus  im- 
portantes pour  le  maintien  des  pierres  de  l'arête  du  couronne- 
ment, qui,  sans  cela,  risqueraient  d'être  arrachées  par  des 
blocs  exerçant  une  forte  pesée  sur  le  bord  de  cette  arête. 

L'épaisseur  du  barrage  mesurée  au  milieu  de  son  couronne- 
ment sera  égale  à  la  moitié  de  sa  hauteur  au-dessus  du  lit, 
hauteur  prise  sur  le  parement  d'amont. 

Le  barrage  sera  solidement  fondé  dans  le  fond  du  lit  comme 
dans  les  deux  berges.  A  cet  effet  on  opérera  comme  nous  le 
décrirons  ci-après  pour  les  barrages  en  maçonnerie  mixte. 

La  courbe  du  i)aremi'nt  d'amunt  sera  détcrmint'e  par  un 
arc  de  cercle  ayant  une  llèche  égale  au  dixième  de  la  corib;. 

Au  parement  d'aval  la  courbe  du  couronnement  aura  pour 
projection  sur  le  plan  vertical,  normal  à  Taxe  du  lonciit,  un 
arc  de  cercle  tracé  dans  des  conditions  identi(|U('s.  Au  pare- 
ment d'amont  elle  sera  aussi  un  arc  de  cercle  à  flèche  égale, 


EXECUTION   DES  TRAVAUX.  8i 

mais  à  oordo  plus  loniiiu»  délonniiKM:"  par  la  direction  donnée 
aux  extrémités  de  la  section  du  débouché  que  l'on  trace  dans 
le  sens  du  rayon  de  la  courbe  de  la  voûte.  On  obtient  ainsi, 
pour  la  section  du  débouché,  une  surface  légèrement  gau- 
che qu'en  construction  il  est  très  facile  d'établir  à  cause  de  la 
disposition  des  pierres  en  voussoirs. 

A  chacune  des  extrémités  de  l'arc  du  couronnement  déter- 
minant la  section  jugée  suffisante  pour  le  débouché,  les  ailes 
seront  prolongées  vers  les  berges  en  lignes  soit  horizontales, 
soit  inclinées,  suivant  le  cas. 

Cette  disposition  des  pierres  en  voûte,  sur  toute  la  section 
du  couronnement  destinée  au  débouché,  aide  beaucoup  au 
maintien  des  pierres  entre  elles,  mais  ne  suffit  pas  néanmoins  ; 
aussi  est-il  toujours  prudent  de  réunir  ces  pierres  par  des 
crampons  en  fer  forgé  (voir  note  F,  page  167)  bien  scellés. 

Si  l'on  a  choisi  la  maçonnerie  mixte  pour  le  barrage,  on 
modifiera  ainsi  les  dimensions  précédentes  : 

L'épaisseur  ne  sera  plus  calculée  au-dessus  du  couronne- 
ment, mais  bien  au  milieu  de  la  hauteur  du  barrage  au-dessus 
du  lit  à  l'amont;  on  aura  ainsi  l'épaisseur  moyenne  à  laquelle 
on  donnera  pour  dimension  la  moitié  de  cette  hauteur  du 
barrage. 

La  courbe  du  parement  d'aval  sera  toujours  déterminée 
par  un  arc  ayant  sa  corde  décuple  de  la  flèche.  Les  figures  23, 
24  et  2o  donnent  le  type  d'un  barrage  de  ce  genre. 

On  pourra  adopter,  pour  le  couronnement,  des  courbes 
régulières  analogues  à  celles  indiquées  pour  le  barrage  en 
pierre  sèche ,  mais  sans  y  être  autant  obligé  dans  l'intérêt  de 
la  solidité,  car  ici  le  couronnement  est  fait  en  maçonnerie  de 
mortier  hydraulique  où  toutes  les  pierres,  bien  relié^s,  de- 
viennent solidaires. 

On  pourra  donc,  si  l'on  veut,  se  contenter  d'une  ligne 
courbe,  au  plus  bas  du  couronnement,  et  la  prolonger,  de 
chaque  côté,  par  deux  lignes  droites  plus  ou  moins  inclinées. 
Le  couronnement  sera  alors  déterminé,  à  sa  partie  inférieure, 

6 


82  TRAVAUX  DE  CORRECTION. 


par  une  surface  à  pou  près  cj'lindrique  et,  sur  ses  deux  côtés, 
par  une  surface  plane,  {de  Gaijffic.r,  PI.  22.) 

Les  fondations  dans  le  fond  du  lit  seront  ouvertes  à  la  pro- 
fondeur indiquée  par  des  sondages  préalables,  exécutés  lors 
des  études,  et  seront  poursuivies  jusqu'à  une  profondeur  suf- 
fisante, au  cas  où  ces  sondages  auraient  donné  des  indications 
erronées. 

Si  l'on  trouve  la  roche,  on  y  continuera  les  fondations  jus- 
qu'à une  profondeur  variant  de  1  mètre  à  2  mètres,  suivant  la 
dureté  de  cette  roche;  ces  fondations  pourront  être  menées 
plus  profondes  au  parement  aval  et  tracées  par  ressauts  verti- 
caux avec  assises  horizontales  formant  une  série  de  redans. 

Si  la  roche  n'api)araît  que  sur  certains  points,  laissant  entre 
eux  des  espaces  terreux,  on  préparera  les  fouilles  sur  ces 
points  rocheux,  pour  permettre  d'y  fonder  les  culées  de  vous- 
soirs  posés  achevai  sur  les  espaces  terreux,  et  l'on  remplira 
les  vides  de  ces  petites  voûtes  avec  de  la  maçonnerie. 

Si,  enfin,  on  ne  trouve  pas  de  roche,  on  poussera  jusqu'au 
terrain  dur  que  l'on  pilotera  au  besoin,  et  sur  lequel  on  éten- 
dra une  couche  de  béton  avant  de  commencer  la  maçonnerie. 

Le  fruit  du  parement  aval  est  poursuivi  jusqu'au  point  le 
plus  bas  dos  fondations. 

Dans  les  berges,  les  fondations  seront  creusées  par  redans 
ayant  leur  hautotu"  suivant  la  verticale,  et  leur  longueur  sui- 
vant l'horizontale. 

Si  l'on  trouve  la  roche  dans  les  fouilles  des  berges,  on  éta- 
blit des  redans  de  petites  dimensions,  de  1  mètre  par  exemple. 
Dans  le  cas  contraire,  où  l'on  rencontre  de  la  terre,  on  donne 
aux  redans  des  dimensions  plus  fortes  et  l'on  fait  pénétrer  plus 
avant  les  fondations. 

Les  barrages  curvilignes  à  maçonnerie  mixte  présentent 
une  force  de  résistance  extraordinaire,  que  nous  avons  pu 
constater  pendant  les  violents  orages  de  l'été  de  1876  '. 

1.  —  Voir  la  note  C,  iia;,'e  421. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX.  83 

Dans  certains  cas,  si  l'on  so  trouve  avoir  à  construire,  à  la 
partie  inférieure  d'une  section  où  le  torrent  est  très  redoutable, 
un  ouvrage»  appelé  à  servir  de  base  à  tout  un  système,  on  peut 
le  bâtir  tout  entier  en  maçonnerie  de  mortier  liydraulicpie;  le 
couronnement  est  fait  en  maçonnerie  de  pierre  de  taille,  le 
parement  d'aval  en  moellons  piqués  et  le  corps  du  barrage  en 
maçonnerie  ordinaire  [de  Gayffier,  PL  17). 

Le  type  n°  7,  que  nous  appellerons  désormais  barrages  recti- 
Ikjnes,  ne  peut  être  utilement  construit  en  pierre  sècbe,  à 
cause  du  peu  de  liaison  qu'auraient  entre  eux  les  matériaux, 
(pii  ne  sauraient  présenter  une  force  suffisante  de  résistance 
à  l'entraînement. 

Dans  le  cas  où  les  mouvements  du  sol  des  berges  ne  sont 
l)as  très  redoutables,  on  peut  employer  avantageusement  la 
maçonnerie  mixte.  Mais  si  les  mouvements  sont  importants, 
il  convient  de  s'en  tenir  à  la  maçonnerie  de  mortier  en  plein 
pour  tout  l'ouvrage.  On  dispose  la  construction  comme  pour 
les  barrages  en  courbe,  sauf  la  différence  que  produit  l'ab- 
sence de  courbure  de  l'ouvrage.  (Les  figures  35,  36  et  38  four- 
nissent dans  le  barrage  portant  le  n°  3  un  modèle  complet  de 
ce  genre  d'ouvrage)  Uk  Gayffit'r,  1*1.  i?0,  "11). 

Le  type  n"  6  ne  peut  convenir  à  un  grand  ouvrage  qui  aurait 
à  supporter  une  puissante  pression  à  son  amont,  car  les  points 
d'appui  de  la  voûte  ne  seraient  pas  suffisamment  forts. 

Mais  il  convient  parfaitement  aux  nombreux  ouvrages  de 
faibles  dimensions  qu'on  peut  avoir  à  construire  vers  les  ori- 
gines des  ravins  et  des  torrents,  dans  les  sections  où  le  profil 
en  long  très  relevé  nécessite  de  nombreux  ouvrages,  où  la 
pierre  abonde  et  où  la  maçonnerie  de  mortier  devient  trop 
coûteuse  pour  être  généralisée. 

On  doit  donc  s'en  tenir  ici  à  la  construction  en  pierre  sèche 
exclusivement.  Ces  ouvrages,  vu  leurs  faibles  dimensions, 
coûtent  relativement  peu  et  ne  nécessitent  pas  un  devis  spécial 
pour  chacun  d'eux  :  on  les  construit  sur  quelques  types 
donnés. 


84 


TRAVAUX  DE   CORRECTION 


Ils  jonent,  aux  grandes  altitudes,  dans  les  ravins  très  garnis 
de  pierres,  le  rôle  des  clayonnages  et  des  fascinages  dans  les 


Fig.  27.  —  Barrage  rustique.  —  Élévation  dégagée  des  Terres. 

ravins  inférieurs  et  dans  les  combes  des  terrains  schisteux  où 
la  pierre  fait  défaut.  Pour  bien  les  distinguer,  nous  leur  avons 


Fig.  28.  —  Plan  dégagé  des  Terres. 

donné  le  nom  de  barrar/es  rustiques.  (Les  ligures  27,  28  et  29 
donnent  le  modèle  des  ouvrages  do  ce  genre.) 

Il  y  a  tout  avantage 


'.-yi 


y. 


à  donner  à  l'entreprise 
les  travaux  de  maçon- 
nerie. 

D'une  pari ,  en  effet, 

les  agents  forestiers  ne 

sauraient   entrer    dans 

les  iiiille  (lélails  commerciaux   <pie  réclame  l'exécution  de 

pareils  ouvrages  sans  risquer  d'arriver  à  des  dépenses  bien 

supérieures  au  prix  fpie  peuvent  consentir  des  entrepreneurs 


Fig.  29.  —  Coupe  sur  l'axe. 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX.  85 

habitués  à  ces  travaux  et  bien  outillés  en  ouvriers  et  eu  matériel. 
D'autre  part,  l'intérêt  mémo  do  l'entrepreneur  est  adéquat 
avec  celui  de  l'État,  car  il  a  tout  avantage  à  employer  dans 
la  maçonnerie  les  plus  gros  matériaux  possibles.  Au  sur- 
plus, le  devis  doit  prévoir  toutes  les  conditions,  et  il  ne  reste 
qu'à  en  assurer  l'exécution  par  une  surveillance  constante  et 
attentive. 

Ouvrages  divers  en  Maçonnerie.  —  Les  barrages  ne  sont  pas 
toujours  fondés  dans  le  roc,  et  dès  lors  leur  base  se  trouve 
exposée  à  tous  les  dangers  de  l'affouillement  que  provoque 
inévitablement  une  cbute  qui  atteint  parfois  une  bauteur  de 
5  mètres  et  acquiert  une  puissance  très  considérable  lors  des 
crues  extraordinaires.  Dans  le  cas  môme  où  ils  seraient  fon- 
dés dans  le  roc,  il  peut  arriver  que  ce  roc  se  délite  sous  les 
influences  atmosphériques  et  se  laisse  creuser  par  la  cbute  de 
l'eau  et  des  matériaux  qu'elle  charrie. 

Il  importe  donc  de  préserver  leur  pied  contre  un  pareil 
affouillement  susceptible  d'atteindre  et  de  dépasser  même  la 
base  des  fondations  et  de  compromettre  ainsi  la  stabilité  de 
l'ouvrage. 

On  a  eu  recours,  dans  ce  but,  à  bien  des  systèmes  dans  les- 
quels le  bois  joue  un  grand  rôle,  tels  que  :  radiers  formés  de 
grandes  pièces  de  charpente  entre-croisées  et  dans  les  vides 
desquelles  on  dispose  de  gros  blocs;  radiers  avec  pièces  de 
bois  posées  sous  les  fondations  du  barrage  et  formant  une 
sorte  de  grillage  placé  sur  un  lit  de  fascines  de  plus  d'un  mètre 
d'épaisseur;  radiers  en  blocages  avec  une  tète  formée  par  une 
ou  plusieurs  grandes  pièces  de  bois  maintenues  par  des  pilots 
fortement  enfoncés  dans  le  lit,  etc. 

Tous  ces  radiers  ont  le  défaut  capital,  surtout  dans  le  cli- 
mat sec  du  Midi,  d'avoir,  pour  base  de  leur  solidité,  le  bois, 
qui,  exposé  aux  alternatives  d'humidité  et  de  sécheresse,  de 
chaleur  et  de  froid ,  ne  tarde  pas  à  se  décomposer  et  à  com- 
promettre ainsi  la  durée  de  l'ouvrage. 


86  TRAVAUX   DE   CORRECTION. 

Aussi  loin-  préférons-nous  ce  qu'on  est  convenu  d'appeler 
le  contre-bnrrage ,  c'est-;\-(lire  un  mur  en  travers,  courbe  ou 
rectiligne,  suivant  les  cas,  profondément  fondé  i\  l'aval  du 
barrage,  à  une  distance  toujours  plus  grande  que  la  hauteur 
de  chute,  et  n'ayant  dans  le  sens  du  profil  on  long  qu'une 
minime  saillie  au-dessus  du  lit,  do  manière  à  ne  provoquer  à 
son  aval  aucun  afTouillomont. 

Si  le  sol  sur  lequel  est  construit  le  barrage  est  très  affouil- 
lablo,  on  réunira  le  contre-barrage  avec  le  pied  du  barrage 
par  une  maçonnerie  suffisamment  épaisse,  faite  avec  mortier 
hydraulique  si  possible,  et  à  défaut  en  pierre  sèche,  mais 
avec  les  plus  gros  matériaux  qu'on  pourra  se  procurer  '. 

On  lui  donnera ,  en  coupe  on  travers ,  une  forme  analogue 
à  celle  du  couronnement  du  barrage,  de  façon  à  lui  procurer 
une  section  non  égale  mais  supérieure  ;\  celle  du  débouché, 
à  cause  du  remous  des  eaux  qui  s'y  produira  infailliblement, 
par  suite  de  la  pente  faible,  ou  mémo  nulle,  qu'<ui  lui  donnera 
dans  le  prolil  en  long.  Celte  pente  ne  doit  pas  dépasser  en 
général  2  ou  3  centimètres  par  mètre;  il  est  môme  souvent 
avantageux,  dans  certains  cas,  de  la  suppriiuor  et  de  con- 
struire le  radier  horizontal  dans  le  sens  du  prolil  en  long. 

On  peut  disposer  le  contre-barrage  par  rapport  au  radier 
maçonné  à  son  amont,  soit  en  établissant  son  couronnement 
dans  le  prolongement  môme  du  radier,  soit  en  le  plaçant  en 
contre-haut;  si  la  hauteur  du  barrage  d'amont  n'est  pas  très 
forte,  on  pourra  adopter  la  première  disposition  et  opérer 
ainsi  (ju'il  suit  : 

Ou  constiuira  sur  los  doux  bergos  un  mur  de  revèloment 
destiné  à  los  préserver  contre  tout  allouillcmont  causé;  par  le 
remous,  et,  pour  proléger  à  son  tour  le  contro-barrage  contre 
un  afiouillemont  quelconque,  on  exécutera  à  son  aval,  sur 
une  longueur  à  peu  près  égale  à  la  sienne,  un  bon  enroche- 
ment maintenu  par  des  jjilots  et  bordé  de  chaque  côté  par  des 
clayonnages  longitudinaux. 

1.  —  Voir  la  note  F,  page  4C7. 


EXECUTION   DES  TRAVAUX.  87 

Enfin,  à  la  base  de  ces  enrochements,  on  commencera  la 
série  dos  clayonnages  transversaux  reliés  par  des  clayonnages 
longitudinaux,  tous  deux  appelés  à  empêcher  tout  affouille- 
ment  longitudinal  ou  latéral  du  lit,  et  ;\  uiainlcnir  sa  régida- 
rité. 

Les  figures  suivantes  donnent  le  détail  complot  d'un  pareil 
système  exécuté  dans  le  torrent  du  Bourget  (Bassos-Alpos) , 
sur  une  section  dos  plus  dang(nouses  par  la  nature  aflbuilla- 
ble  du  lit,  bordé  de  chaque  côté  de  berges  en  mouvement  de 
glissement  (c/e  Gayffier,  PI.  18,  19). 

La  figure  30  donne  le  plan  des  lieux  avant  l'exécution  des 
travaux. 

La  figure  31  donne  le  plan  du  iovvQwiaprès  l'exécution  dos 
barrages,  la  production  des  atterrissements,  la  construction 
des  fascinages,  le  talutage  des  berges  et  leur  plantation. 

La  figure  32  indique  le  profil  en  long  de  la  section  avant  et 
après  les  travaux. 

Les  figures  33  et  34  donnent  les  détails  de  la  constructi(jn 
des  clayonnages  placés  à  l'aval  du  radier. 

Les  figures  35 ,  36 ,  37  et  38  fournissent  tous  les  détails  de 
la  construction  du  barrage,  du  contre-barrage,  du  radier  et 
du  mur  de  revêtement. 

Les  murs  de  revêtement,  qui,  près  du  barrage,  sont  inclinés 
à  I  et  doivent  se  raccorder  à  leur  extrémité  avec  les  clayon- 
nages longitudinaux  établis  verticalement,  présentent  néces- 
sairement une  surface  gauche. 

Les  murs ,  le  radier  ainsi  que  le  contre-barrage  sont  exé- 
cutés en  maçonnerie  de  mortier;  le  couronnement  du  contre- 
barrage  ne  présente  aucune  saillie  dépassant  le  niveau  du 
radier,  et  un  fort  enrochement  est  construit  à  son  aval. 

Si,  au  contraire,  la  hauteur  de  chute  du  barrage  d'amont  est 
forte,  il  sera  préférable  de  disposer  le  contre-barrage  en  saillie 
au-dessus  du  radier  et  l'on  procédera  de  la  manière  suivante  : 

On  établira  la  partie  supérieure  du  radier  en  contre-bas  de 
l'ancien  lit  au  pied  du  barrage  et  on  ne  lui  donnera  aucune 


o         _ 


te        ^ 


90 


TRAVAUX  DE    CORRECTION. 


penlo  ;  le  couronnement  du  contre-barrage  s'élèvera  en  saillie 


à  50  fontiniùtres  au-dessus  de  ce  radier  et  sera  muni  à  son 
aval  d'nn  enrochement  en  pentes  douces. 

Au  moyen  de  colle  disposition,  les  eanx  tomberont  di^  la 


EXECUTION   DES   TRAVAUX. 


91 


haut(Mir  (lu  harraj^o  sur  une  ciJaissiMir  liquide  de  50  centimè- 
tros  a  moins,  Ibrniant  uuo  soi1o  de  matelas  amortissant  le 
choc;  elles  y  perdront,  par  suite  du  remous,  toute  la  vitesse 


Fig.  33.  —  Coupe  suivant  CD.  —  Détails  de  la  construclion 
d'un  Clayonnage  longitudinal. 


Fig.  3t.  —  Coupe  d'un  clayonnage  transversal. 


Fig.  35.  —  Plan  du  barrage  n°  3,  du  radier,  des  murs  de  revêtement  à 
surface  gauche  et   d'une   portion    de   renrochement. 


acquise  et  ressortiront  sans  la  moindre  violence  parle  couron- 
nement du  contre-barrage  ,  qui  sera  le  point  de  départ  d'une 
nouvelle  vitesse  dans  le  parcours  situé  à  son  aval. 


92 


TRAVAUX   DE  CORRECTION. 


Quand  le  fond  du  lit  ne  sera  pas  très  a(rouillable,on  pourra 
se  contenter  de  placer  entre  le  contre-barrage  et  le  pied  du 
barrage  un  simple  enrocliement  de  gros  blocs  qui,  maintenus 


^USi. 


Kig.  36.  —  Coupe  du  Radier  et  des  murs  en  aile  suivant  le  jjrotil 
en  travers  n°  1. 


Kig.  37.  —  Coupe  sur  la  tête  du  radier  et  des  murs  suivant  le  proiil 
en  travers  n°  2. 


^ms^\W' 


^'■"V^i  ..xîi-  ; 


-  i      .*     »^<!! 


Kig.  38.  —  Coupe  en  long  stiivaiit  la  ligne  lîS  du  i)laii. 


par  la  saillie  du  couronnoiiiful  du  ('oMlrf-banagc.  ne  pourronl 
être  entraînés  et  remplaceront  éconoiiii*|U('iii('iit  hi  maçoime- 
rie  du  radier. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX.  93 

Enfin,  dans  bien  des  cas,  on  pourra  même  se  dispenser  du 
contre-barrage  et  se  contenter  d'un  enrochement  soutenu  par 
des  pieux  fortement  enfoncés  et  par  le  premier  clayonnage 
transversal  de  l'aval. 

Il  peut  arriver,  dans  certaine  section  d'un  torrent  donné, 
qu'une  des  berges  soit  en  mouvement  de  glissement  vers  la 
berge  opposée,  composée  de  roche  très  dure.  Dans  ce  cas,  le 
profil  en  travers  du  torrent  est  toujours  étroit  et  aigu.  Afin 
d'évitor  tout  affouillement  au  pied  de  la  berge  instable,  on  est 
obligé  de  rélargir  la  section  du  lit  au  moyen  de  barrages; 
mais,  comme  on  a  tout  intérêt  à  diriger  les  eaux  vers  la  berge 
solide,  on  ne  peut  évidemment  donner  au  couronnement  une 
section  symétrique  analogue  à  celle  que  nous  avons  indiquée 
jusqu'ici;  on  la  modifie  alors  de  façon  que  la  plus  grande 
masse  des  eaux  soit  portée  vers  la  berge  solide. 

Il  peut  arriver  parfois  aussi,  dans  certaine  section  de  torrent 
située  vers  ses  origines  et  présentant  dès  lors  des  pentes 
énormes  de  30  à  -iO  pour  100,  qu'une  rive  (la  droite  par  exem- 
ple) soit  formée  de  rochers  très  durs  dont  les  couches  plongent 
sous  la  rive  gauche,  ne  présentant  que  des  berges  qui,  for- 
mées de  terre  et  do  pierrailles,  sans  cesse  rongées  par  le  tor- 
rent, contribuent  pour  une  large  part  à  la  formation  des  laves; 
il  faut  alors  empêcher  le  torrent  de  creuser  sur  la  rive  gauche 
et  le  forcer  à  couler  vers  sa  rive  droite  formée  de  roches  dures. 
Pour  atteindre  ce  but  on  construit,  à  distances  égales  et  assez 
rapprochées,  10  mètres  par  exemple,  une  série  d'épis  placés 
perpendiculairement  à  l'axe  du  torrent  et  ayant  la  position  de 
barrages  en  murs  inclinés. 

Ces  ouvrages,  construits  nécessairement  en  pierre  sèche,  vu 
l'altitude  du  lieu,  ont  pour  but  de  retenir  un  enrochement  de 
blocs  qu'on  établit  entre  eux  et  dont  la  surface  est  indiquée 
par  un  plan  passant  par  le  couronnement  de  deux  e/j^'s  succes- 
sifs. On  arrive  par  ce  moyen  à  encaisser  les  eaux,  toujours 
moins  redoutables  à  ces  grandes  altitudes,  entre  la  rive  droite 
solide  et  l'enrochement  incliné   sur  la  rive  gauche  qui  se 


94  TRAVAUX  DE  CORRECTION. 

Irouvc  dès  lors  jjarantio,  car  les  épis  sorvoiit  de  seuils  et  em- 
pêchent fout  afi'ouillement  longitudinal,  pendant  f[ue  l'endi- 
truenient  met  obstacle  à  l'afTouilliMnent  latéral.  Ces  travaux  ne 
peuvent  s'exécuter  dans  les  grands  torrents  qu'aux  fortes  al- 
titudes, vers  leur  origine,  et  par  suite  sur  des  points  où  leur 
puissance  est  beaucoup  ninindr»^  (pie  dans  les  régions  infé'- 
rieures. 

Il  peut  se  rencontrer  aussi,  dans  ces  mômes  altitudes  et 
dans  des  conditions  de  profils  en  long  et  en  travers  analogues, 
qu'une  section  de  torrent  présente  les  conditions  suivantes  : 

Le  torrent  coule  sur  un  lit  terreux,  encaissé  dans  des  berges 
également  l'ormées  do  terre;  il  affouillo  sans  cesse  et  donne 
naissance  à  do  nombreux  glissements  sur  ces  deux  berges.  La 
première  idée  qui  vient  à  l'esprit  pour  corriger  cette  section 
est  d'y  construire  une  série  de  barrages  appelés  à  empocher 
tout  affouillement  en  relevant  le  lit  du  torrent.  Mais  la  pente 
excessive  du  profil  en  long  va  entraîner  la  construction  d'un 
nombre  énorme  de  barrages,  nécessitant  de  profondes  fonda- 
tions dans  le  lit  commo  dans  les  berges,  et  placés  pour  ainsi 
dire  les  uns  sur  les  autres;  de  là  une  dépense  trop  considéra- 
ble qu'il  est  indisi)ensablo  d'éviter. 

Dans  de  pareilles  conditions  on  est  ramené  à  songer  à  la 
construction  d'un  grand  perré  en  pierre  sèche,  vu  l'altitude, 
occupant  toute  la  longueur  de  cette  partie  du  torrent  et  pré- 
sentant une  section  que  ne  puissent  jamais  surmonter  les  plus 
hautes  eaux.  Mais,  avec  une  pente  de  30  à  iO  pour  100,  on  ne 
peut  penser  à  construire  un  tel  j)erré,  en  suivant  le  profil  en 
long,  sans  avoir  à  craindre  l'enlèvement  des  |)ierres  par  la 
force  d'entraînement  ou  d'alfouillcment  des  (>aux  se  précipi- 
tant sur  des  pentes  excessives.  Pour  parer  à  pareille  difficulté, 
on  établit  une  série  de  seuils  en  pierre  sèche  avec  même  sec- 
tion ((ue  le  perré  et  ayant  une  hauteur  de  chute  destinée  à 
modifier  la  pente  générale.  Quant  au  perré  lui-môme,  on  l'é- 
tablit avec  ressauts  de  faible  haut(Mir,  de  façon  à  diminuer  en- 
core la  pente  dans  chacun  des  paliers,  et  on  le  fonde  sur  un 


EXECUTION   DES  TRAVAUX.  93 

enrochement  établi  préalablement  d'après  le  profil  nouvelle- 
ment adopté.  Pour  augmenter  le  ralentissement  du  cours  de 
l'eau,  on  ménage  au  pied  de  chaque  seuil  un  radier  horizon- 
tal. Enfin,  à  la  base  môme  de  tout  le  système,  on  construit  un 
petit  barrage  en  maçonnerie  de  mortier,  fondé  solidement  sur 
la  roche  au  point  oii  cesse  le  lit  terreux,  et  destiné  à  mainte- 
nir inébranlable  le  pied  du  perré  ainsi  construit. 

Les  perrés  sont  encore  susceptibles  d'un  fructueux  emjjloi 
dans  la  région  tout  à  fait  inférieure  du  torrent,  sur  son  côno 
de  déjection,  quand  il  ne  charrie  plus  de  matériaux  en  grande 
abondance  et  approche  de  son  extinction  ;  la  section  du  perré 
n'a  plus  besoin  d'être  bien  forte,  et  dès  lors  la  dépense  peut  se 
trouver  en  rapport  avec  le  bénéfice  qu'elle  procure  aux  j)ro- 
priétaires  du  cône,  qui  sont  les  premiers  intéressés  à  le  mettre 
à  l'abri  des  incursions  ou  de  l'affouillement  des  eaux. 

L'examen  de  ce  genre  de  travail  démontre  qu'il  ne  peut  ôlre 
appliqué  indifféremment  dans  toutes  les  parties  d'un  torrent 
et  qu'il  faut,  pour  l'employer  économiquement,  que  la  section 
nécessaire  au  débouché  des  eaux  soit  très  réduite. 

Barrages  en  Bois  et  Barrages  vivants.  —  Il  arrive  souvent  que 
des  sections  de  torrents  et  de  ravins  ne  présentent  ni  dans  le 
fond  de  leur  lit,  ni  dans  leurs  berges,  des  pierres  soit  d'assez 
bonne  qualité,  soit  en  assez  grande  quantité,  pour  permettre 
d'y  construire  économiquement  des  barrages  en  maçonnerie 
de  pierre  sèche  ou  de  mortier. 

Dans  les  pays  forestiers  de  la  Suisse,  l'on  a  recours  au  bois 
avec  lequel  on  construit  des  barrages  ayant  parfois  de  très 
grandes  dimensions.  Ces  ouvrages  ont  toujours  le  grave  dé- 
faut de  ne  pouvoir  durer  longtemps,  d'obliger  dès  lors  à  des 
reconstructions  fréquentes,  et  de  présenter  en  outre  des  dan- 
gers de  rupture  au  moment  oii  l'on  aurait  cru  pouvoir  comp- 
ter encore  sur  leur  sohdité. 

Au  point  de  vue  donc  de  la  construction  de  grands  omTages 
appelés  à  produire  et  à  maintenir  perpétuellement  leur  effet, 


96 


TRAVAUX   DE   CORR'.ECTION. 


comme  la  plupart  des  grands  barrages  en  maçonnerie,  il  faut 
renoncer  à  utiliser  le  bois,  soit  seul,  soit  en  mélange  avec  les 
pierres. 

Aussi  bien  les  travaux  de  reboisement  en  France  ne  s'opè- 
rent généralement  pas  dans  des  contrées  bien  forestières  et  le 
bois  ne  s'y  présente  pas  dès  lors  dans  des  conditions  de  bas 
prix  susceptibles  de  provoquer  une  grande  tentation  do  l'em- 
ployer pour  do  grands  ouvrages  appelés  à  se  perpétuer. 

Il  faut  donc  s'en  tenir  à  la  construction  d'une  série  de  petits 
ouvrages  dont  Tensemble  puisse  produire  sur  la  correction  de 


Fig.  39.  —  Clayonnage  de  1"  ordre  avec  I.ongrines,  Moises  et  Radier  (1"  type). 

Élévation. 


a  section  à  traiter  un  effet  analogue  à  celui  d'un  ou  plusieurs 
grands  barrages,  et  alors  abandonner  toute  idée  de  barrage  e  n 
bois,  pour  s'arrêter  exclusivement  aux  clayonnages  et  aux  fas- 
cinages.  Ces  genres  d'ouvrages  sont  bien,  il  est  vrai,  con- 
struits avec  du  bois,  mais  ils  ont  sur  les  premiers  l'avantage 
précieux  de  se  perpétuer  et  de  développer  leur  effet  avec  le 
temps  au  lieu  de  disparaître;  ils  forment,  en  définitive,  de  vé- 
ritables barrages  vivants  dans  le  fond  du  ravin. 

Les  clayonnages  de  premier  ordre  sont  les  plus  importants 
parmi  les  barrages  vlvarits.  Ils  peuvent  atteindre  parfois  une 
assez  grande  longueur  (do  '20  à  30  mètres)  ;  mais  leur  bautour 
ne  dépasse  jamais  l"',-iO  ou  l'°,50  au-dessus  du  lit  du  torrent. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX. 


97 


Nous  les  rangeons  on  deux  types  principaux  :  le  clayonnage 
à  nioises  à  l'amont  et  le  clayonnage  à  longrinc  encastrée,  cha- 
cun nayant  qu'un  seul  parement  tressé. 

Les  figures  39,  iO  et  il  représentent  le  premier  (yp(^  en  élé- 
vation, plan  et  eoui)o  {fk  (jai/f'fio?;V\.  14). 


Fis.  40.  —  Plan. 


La  hauteur  au-dessus  du  lit  est  de  l'",iO. 

Le  couronnement  est  horizontal  sur  une  longueur  de  3'^,o() 
de  chaque  côté  de  l'axe  et  fortement  relevé  à  ses  deux  extré- 
mités il'°,oO  de  base  pour  i  mètres  de  hauteur). 


Fig.   11.  —  Coupe  en  long  suivant  A  B  du  plan. 

Le  tressage  est  formé  au  moyen  de  branches  de  saule  les 
plus  fortes  qu'on  puisse  employer,  placées  alternativement 
en  avant  et  en  arrière  de  piquets  verticaux  également  espacés 
et  fixés  solidement  sur  tout  le  développement  de  l'ouvrage. 
Ces  piquets  sont  de  deux  sortes  :  les  uns  sont  en  bois  le  plus 
dur  (|u'on  ait  à  portée  des  travaux,  les  autres  sont  d(^s  plan- 

7 


98  TRAVAUX   DE  CORRECTION. 

(,'ons  (If  saulo  appolés  ;\  véiiétor.  Los  gros  piqilols  sont  reliés 
entre  eux  i)ar  une  longrine  placée  horizontalement  un  peu 
au-dessous  de  la  ligne  du  couronnement. 

De  chaque  côté  de  cette  longrine  centrale,  il  s'en  trouve 
une  antre  reliant  les  piquets  jjlacés  sur  les  ailes. 

A  l^joO  en  amont  du  parement  clayonné,  sont  solidement 
plantés  quatre  piquets  dépassant  le  sol  de  80  ceiilimèlres  au 
plus  et  reliés  avec  la  longrine  horizontale  par  des  nioises  des- 
tinées î\  augmenter  la  résistanc(^  du  clayonnage  ti  la  poussée 
de  rallerrissenient  et  à  le  maintenir  ainsi  rectiligne. 

Au  pied  du  clayonnage  est  établi  un  radier  dont  la  tùte  est 
formée  par  un  petit  clayonnage  de  50  centimètres  de  hauteur 
ayant  lui-même,  à  son  pied,  un  petit  enrochement. 

A  l'amont  de  l'ouvrage  se  trouve  un  remblai  en  terre  et 
I)ierraille,  def  (Jhj.  il),  ayant  une  plate-forme  de  1™,50  de 
largeur  au  sommet  et  talutée  îi  io  degrés.  Ce  terrassement  est 
destint''  à  pr()t(''ger  le  clayonnage  coidre  le  i)renuer  choc  des 
crues  avant  son  alterrissement  el  à  permctire  aux  boutures 
d'entrer  immédiatement  en  végétation.  Ces  boutures  sont  de 
deux  sortes  :  les  unes,  placées  prescpie  horizontalement  dans 
le  sens  de  l'axe  du  ravin,  passent  leur  tête ;\ travers  le  clayon; 
les  aulit's  soiil  enfoncées  verticalement  dans  la  plate-forme 
du  terrassenienl. 

Ainsi  citnsliiiil  ,  le  clayonnage  pr(''S(>nte .  (|uanl  à  sa  forme 
générale,  l'analogie  la  i)lns  complète  avec  les  barrages  rectili- 
gnes  en  maçonnerie. 

Dans  l'exemple  (l(inl  il  s'agit,  les  pi(Hiets  sont  en  undèze 
apoinlés  au  gros  boni  et  leur  |)lus  petit  diamètre  varie 
de  \-l  à  IH  ceidimèires;  on  les  carbonise  sur  r",oO  de  lon- 
gueur du  côti'ï  du  gros  bout,  (pii  doit  ôlre  mis  en  ferre. 

Les  pi(piets  de  saule  sont  jtris  dans  des  branches  cou- 
])(''(^s  depuis  cinq  jours  au  i)lus;  ou  a  soin  de  ralVaicliir  b-ur 
bout  par  une  section  bien  nette  au  moment  de  leur  em- 
ploi. 

Les  longrines,  ainsi  (\\w.  les  moises,  sont  également  en  mé- 


EXECUTION  DES  TRAVAUX.  99 

lèze,  et  (loivont  avoir  20  centimètres  de  largeur  sur  1  i  centi- 
mètres d'épaisseur. 

Les  branches  de  saule  sont  fournies  par  fascines  de  3  mètres 
de  longueur  sur  1  mètre  de  tour,  préparées  avec  des  rejets, 
de  deux  h  quatre  ans,  coupés  depuis  moins  de  cinq  jours  avant 
remploi. 

Pour  exécuter  l'ouvrage,  on  ouvre  d'abord  une  fouille  sur 
toute  sa  longueur,  de  manière  à  atteindre  le  roc  (dans  les  terres 
noires  du  lias)  ou  le  sol  dur  (dans  d'autres  terrains)  ;  notre 
exemple  étant  choisi  dans  les  marnes  basiques,  on  rencon- 
trera le  roc  à  peu  de  profondeur. 

La  fouille  une  fois  ouverte,  on  creuse  à  la  barre  à  mine  et 
on  drague  les  trous  destinés  à  recevoir  les  piquets  ;  leur  dia- 
mètre est  en  moyenne  de  15  centimètres,  leur  profondeur  va- 
rie de  80  centimètres  dans  le  roc  ;\  1  mètre  dans  la  terre  dure. 

Les  piquets  de  mélèze  sont  placés  à  1  mètre  d'axe  en  axe 
et  ceux  de  saule  à  33  centimètres,  soit  'deux  piquets  de  saule 
dans  l'intervalle  de  deux  piquets  de  mélèze. 

On  place  les  piquets  de  mélèze  dans  leur  trou  par  le  gros 
bout  et  on  les  consolide  en  chassant  à  coups  de  masse  des 
pierres  dures  faisant  coin  dans  les  trous. 

Les  branches  destinées  au  tressage  du  clayon  doivent  avoir 
au  moins  2  mètres  de  longueur;  elles  sont  entre-croisées  de 
manière  à  passer  alternativement  devant  et  derrière  tous  les 
piquets  ;  le  tressage  doit  être  serré  fortement  ;  aussitôt  qu'il  a 
atteint  30  centimètres  de  hauteur,  on  établit  à  son  amont  un 
remblai  à  la  surface  duquel  on  étend  un  lit  de  boutures, 
de  80  centimètres  de  longueur,  placées  normalement  au 
clayonnage ,  espacées  entre  elles  de  5  à  6  centimètres  et  dé- 
passant de  3  ou  4  centimètres  le  tressage  que  l'on  continue 
sur  une  nouvelle  hauteur  de  30  centimètres;  on  le  remblaye 
à  son  tour  et  on  y  pose  un  nouveau  lit  de  boutures,  et  ainsi 
de  suite. 

Les  longrines  sont  placées  à  20  centimètres  en  dessous  des 
têtes  des  grands  piquets  préalablement  arasés  à  la  hauteur  de 


100 


TRAVAUX   DE  CORRECTION. 


I^,i0,  et  fixées  à  ces  piquets  par  des  crosses  en  fer  forgé  de 
23  cenfimètres  de  longueur  et  de  1  centimètre  de  côté. 

Les  nioises  sont  entaillées  au  bout  qui  rencontre  les  lon- 
grines,  de  manière  à  bien  les  prendre;  elles  sont  de  plus  fixées 
par  une  crosse  en  fer  au  piquet  qui  leur  correspond,  ainsi 
qu'au  piquet  d'attache  enfoncé  à  2  mètres  en  amont. 

Quant  au  petit  clayonnage,  tôte  de  radier,  il  est  exécuté  de 
la  même  manière,  mais  sans  longrine. 

Les  clayonnages  du  second  type  sont  rcctilignes  à  un  seul 
pareuîent  {de  Gaijflh'r,V\.  21). 

Les  piquets  de  mélèze  ont  2  mètres  de  longueur  et  sont  en- 
foncés de  80  centimètres  dans  le  roc;  leur  diamètre,  au  petit 
bout,  est  de  14  centimèlres.  Une  fois  les  trous  bien  préparés, 

les  piquets, apoin- 
lés  et  carbonisés, 
y  sont  assujettis 
solidement.  Gela 
fait ,  on  établit 
une  petite  fouille 
qui  met  partout 
la  roche  à  décou- 
vert, afin  de  pou- 
voir clayonner 
jus(|u'à  cette  roche  et  éviter  ainsi  le  passage  de  l'eau  par  des- 
sous. 

Après  cela,  on  assujettit  des  i)i(piets  de  saule  de  l'",30  de 
long  et  de  5  centimètres  de  diamètre  au  i)etit  bout.  Ces  piquets 
étant  (iisliiiils  de  33  centimètres,  il  y  en  a  par  suite  deux 
entre  liuHjue  couple  de  grands. 

Ensuite  on  claymne  avec  de  Irèsfitrtes  branches  de  saule 
de  2  nn''tres  de  long  au  ninins,  on  place  un  lit  de  biiulures  tous 
les  30  centimètres,  et,  au  fur  et  à  mesure,  on  élève  un  T-iiau- 
Icment  de  terre  par  derrière. 

On  encastre  le  clayonnage  de  no  centimètres  dans  la  berge; 
l'on  pose,  à  la  partie  supérieme,  une  longrine  horizontale  fixée 


?f>»^ 


Fig.  42.  —  Clayonnage  de  1"  ordre  ii  un  seul 
parement  avec  longrine  (2«  type).  —Éléva- 
tion dégagée  des  Terres. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX.  101 

aux  i)i(iut'(s  (le  uu'lr/.r  par  de  Toiles  crosses  en  fer.  On  achève 
ensuite  de  clayonner  les  ailes,  auxquelles  on  donne  une  pente 
de  25  pour  100  de  chaque  côté  de  l'axe.  La  hauteur  du  clayon- 
nage  à  l'axe  est  de  1™,20  au-dessus  du  lit. 

L  ouvrage  terminé,  on  étahlit  à  son  pied  un  fort  enroche- 
ment, long  de  I  mètre  et  r(>tenu  par  des  pi(iuets,  afin  d'(mipô- 
cher  l'affouillement. 

On  donne  parfois  aux  clayonnages  de  premier ordri^  un  fruit 
de  0  à  10  pour  100,  en  les  inclinant  vers  l'amont.  Nous  esti- 
mons, vu  le  peu  de  hauteur  des  ouvrages,  qu'il  est  préférable 
de  se  rapprocher  le  plus  possible  de  la  verticale,  afin   de 


P'ig.  13.  —  Plan  d'une  série  de  Clayonnages  de  1"  et  S'  ordra. 

ménager  davantage  le  tressage,  qui,  avec  un  fruit,  subirait 
le  passage  de  toutes  les  eaux  et  des  matériaux  entraînés. 

Construits  au  printemps,  ces  clayonnages  sont  amplement 
atterris  à  l'automne  suivant. 

C'est  alors  qu'on  commence  la  construction  des  clayonnages 
de  deuxième  ordre,  auxquels  on  donne  généralement  une  hau- 
teur de  50  à  60  centimètres. 

Pour  fixer  leur  emplacement  on  détermine,  par  un  cordeau 
bien  tendu,  la  ligne  allant  du  couronnement  d'un  des  clayon- 
nages de  premier  ordre  au  couronnement  de  celui  du  même 
ordre  placé  immédiatement  au-dessus,  et  l'endroit  où  le  cor- 
deau arrive  à  50  centimètres  de  l'atterrissement  du  clayonnage 


102 


TRAVAUX  DE   CORRECTION. 


inférieur  est  choisi  pour  emplacement  du  premier  clayonnap:e 
secondaire. 

Les  piquets  de  mélèze  sont  remplacés  partout  par  des  pi- 
<piefs  de  saule  placés  à  33  centimètres  l'un  de  l'auti-e. 

Ces  piquets  sont  enfoncés  de  1  mètre  de  profoiid(Mir  dans 
des  trous  ouverts,  à  la  pince,  dans  l'atterrissement. 

Ceux  plantés  dans  les  berges  sont  fixés  dans  des  trous  laits 
à  la  barre  à  mine. 

Ces  clayonnages  sont  tous,  du  reste,  construits  exactement 
comme  ceux  de  premier  ordre,  mais  sans  longrine. 

Le  i)remier  clayonnage  de  deuxième  ordre  étant  construit 
en  amont  de  chaque  clayonnage  de  premier  ordre,  on  pave 


Kitr.  11.  —  l'i-olil  en  Imi';-  outre  duux  Clavoniinires  de  1"  ordro. 


grossièremi'iil  sur  nui'  largeur  variable,  selon  les  r;ivins.  tout 
l'espace  compris  entre  ces  deux  ouvrages,  et  l'on  })lant<^  la 
partie  non  pavée  avec  des  boutures  et  des  l)rins  de  leuillns, 
tels  (pie  fiènes,  ormes,  érables,  etc. 

Cela  t'iiil.  on  allend  (pie  laltorrissement  se  complète,  ce 
<pii  arrive  en  ipiebpies  mois. 

Un  construit  alors  un  second  pdii  chiyonnage.  dont  rem- 
placement est  choisi  comme  pour  le  premier;  l'on  plante  (>t 
l'on  pave,  comme  auparavant,  l'espace  entre  les  deux  pelils. 
vt  ainsi  de  suite,  jiisrprà  ce  (pie  l'on  soil  arriv(''  ;iu  boni  dn 
palier. 

(bi  voit  (pie.  par  i-e  proce(l('',  le  lit  du  ra\in  se  trouve  relevé 


EXECUTION   DES  TRAVAUX.  i03 

d'iiiK'  lacoii  uiiironno  et  sur  tout  smi  parcours.  l']ii  niùnio 
temps,  il  se  Irouve  i)avé  dans  le  milieu  et  planté  sur  les  Ixtrds. 

Il  l'aul  toujours  laisser  écouler  un  certain  temps  avant  de 
construire  un  clayonnage  sur  l'atterrissement  du  précédent, 
atin  (pie  la  terr(>  de  cet  atterrissemenl  ait  eu  le  temjjs  de  se 
bien  tasseï'. 

On  construit  parfois  des  clayonnai^cs  d(^  j)rcmicr  ordre  à 
double  iiaremcnt.  Dans  ce  cas,  les  deux  j)arements  dc'ternii- 
nent  une  véritable  forme  de  barrage,  qu'on  remplit  do  terre  à 
mesure  que  les  lignes  de  boutures  sont  posées  et  que  le  tres- 
sage avance  {de  Gayffer,  PI.  14). 

Ce  genre  de  clayonnage,  employé  parfois,  nous  parait  pou- 
voir être  avantageusement  remi)lacé  })ar  le  premier  type  de 
clayonnage  de  i)remier  ordre  (jue  nous  avons  décrit  i)récé- 
demment.  Le  second  parement,  en  effet,  n'avait  été  conçu  que 
pour  augmenter  la  force  de  résistance  de  l'ouvrage  contre  le 
premier  cboc  d'une  crue.  Des  expériences  récentes  ont  dé- 
montré que  les  dispositions  adoptées  pour  nos  deux  types  leur 
procurent  toute  la  solidité  désirable.  Il  n'y  a  donc  pas  d'inté- 
rêt à  construire  ce  second  parement,  qui  coûte  beaucoup  plus 
cber  que  les  quelques  moises  en  usage  aujourd'bui. 

Les  fascinages  de  premier  ordre  sont  construits  d'une  façon 
analogue  aux  clayonnages,  dont  ils  ne  diffèrent  ({ue  par  une 
plus  grande  simplicité  dans  l'exécution  [de  (layf/ier,  PI.  15). 

A  l'aval  sont  plantés  des  piquets  de  bois  dur  espacés  de 
1  mètre,  d'axe  en  axe,  et  disposés  dans  les  deux  plans,  l'hori- 
zontal et  le  vertical,  de  manière  à  présenter  une  légère  courbe 
convexe  vers  l'amont  ou  vers  le  ciel;  les  piquets  une  fois 
plantés,  on  nivelle  le  fond  du  ravin  sur  lequel  on  étend  un 
premier  lit  de  boutures  dans  la  direction  de  l'axe.  Un  pose 
alors  une  première  fascine  de  saule  en  travers  du  ravin  sur 
l'extrémité  de  ces  boutures  et  à  l'amont  des  piquets;  cette 
fascine  doit  être  confectionnée  de  manière  à  présenter  une 
longueur  égale  au  développement  de  l'ouvrage  à  la  hauteur 
où  elle  est  placée,  et  une  circonférence  constante  fixée  gêné- 


TRAVAUX   DE   CORRECTION. 


raloinciil  à  I  iiK'Iro;  ollo  os(.  sr>rr(''o  ot  hion  inaiiitoinio  par  des 
liarts  on  saulo  ot  roliôo  do  iiiènio  à  (;ha([uo  i)i(iiiot;  onlin  on 
l'onraslro  à  chaquo  cxtréniil/'  dans  les  borgos  do  nianièro  à 
empOclior  los  oaux  do  tournor  l'ouvrago. 

On  recouvre  alors,  à  l'aniunt,  los  boutures  par  une  couche 
de  terre  jusqu'à  la  hauteur  do  la  fascine  et  l'on  pose  un  nou- 
veau lit  de  boutures  ot  une  seconde  fascine  qu'on  remblaye  de 
niôuie  et  ainsi  de  suite. 

Ciônéralement  le  nombre  dos  fascines  est  de  trois,  ce  qui 
donne  au  fascinage  une  hauteur  de  1  mètre  qui  se  réduit  à 
S()  contimôlros  par  le  tasseniont;  mais  on  peut  aller  jus(ju'à 

cinq, car  à  cause 


du  tassement  on 
ne  dépasse  pas 
1"',50  do  hau- 
teur. 

Ces  fascinagos 
sont  moins  com- 
pli({ués  que  les 
c  1  a  y  o  n  n  a  g  e  s , 
mais  ils  no  peu- 
vent è(ro  employés  (juo  pour  des  profils  en  travers  peu  con- 
sidérables, de  6  à  8  mètres  au  maximum;  on  les  dispose  du 
reste  comme  des  clayonnages  de  premier  ordre  quant  au  choix 
de  leur  emplacement. 

Les  fascinages  de  deuxième  ordre  sont  employés  de  la 
même  manière  que  les  clayonnages  d*^  mèiuo  ordre.  On  les 
conslruil  à  un  ou  doux  rangs  do  j'asciuos  au  i)lus.  Los  pi(|uols 
soni  lonjoiu's  on  saulo  ot  enfoncés  tantôt  on  avant,  lanlùl  au 
miliou  mèuu>  des  fascines. 

(]es  pi(juots  sont  aj)pol(''s  à  vég(''|or  comme  les  boutures  et 
parfois  quelques  parties  môme  des  fascines;  mais  ce  dornior 
cas  est  rare  et  il  n'y  faut  pas  trop  compter. 

Los  fascinages  de'deiixième  ordre  sont  égalomonl  encastrés 
dans  los  berges;  leurs  intorvaljos  soiil  pianlt's  au  fur  ot  à  nio- 


Fig.  45. 


Fascinage  de  l"  oi-di'o, 
défrayée  des  Terres. 


Elévation 


EXÉCUTION   DES   TRAVAL'X.  105 

sure  (lo  lour  ox(''(utioii  ;  giMirTalcinont  on  n'oxécuto  pas  do 
pavé  régulier,  mais  on  rassemble  à  l'aval  des  fascinages  toutes 
les  pierres  (ju'on  peut  trouver  à  portée. 

Les  fascinages  que  nous  venons  d'énumérer  sont  di^stinés 
aux  ravins  d'une  certaine  importance,  dans  lesquels  la  cor- 
rection réclame  i)lusieurs  années  consécutives  pour  èlre  ter- 
minée. 

Mais  on  rencontre  presque  toujours  d'autres  ravins  jdus  pe- 
tits et  très  nombreux  dans  chacun  descpiels  on  peut  opérer  la 
correction  en  deux  saisons  au  plus. 

A  cet  effet,  au  printemps  par  exemple,  on  établit  les  fasci- 
nages do  premier  ordre  en  se  servant  de  piquets  de  bois  dur  si 
le  fond  du  ravin  présente  la  roche  nue,  ou  de  simples  piquets 
de  saule  s'il  est  garni  de  déjections;  puis  en  automne  on  garnit 
leurs  intervalles  avec  des  fascinages  de  deuxième  ordre. 

Les  petits  ravins,  étant  très  nombreux  en  général,  exigent 
une  quantité  souvent  très  considérable  de  matériaux  qu'on  ne 
trouve  pas  toujours  à  portée  convenable  du  lieu  d'emploi. 
Afin  de  réaliser  de  ce  chef  une  économie  très  sérieuse,  on 
peut  remplacer  avantageusement,  dans  le  corps  des  fascines, 
les  branches  de  saule  par  d'autres  branches  provenant  des 
arbres  et  des  broussailles  que  l'on  rencontrerait  h  portée  des 
travaux.  On  forme  ainsi  des  sortes  de  saucissons  dont  l'inté- 
rieur est  composé  de  ces  branches  de  toutes  sortes  et  dont  la 
cape  extérieure  est  toujours  formée  de  branches  de  saule, 
essence  d'une  durée  bien  plus  longue  que  celle  de  toute 
autre. 

Les  profils  de  ces  petits  ravins  étant  très  étroits,  les  fascines 
n'ont  que  de  petites  dimensions  et  il  n'y  a  dès  lors  aucun  in- 
convénient à  ce  qu'elles  ne  soient  pas  entièrement  compos('es 
de  saule.  Dans  ces  petits  ravins,  en  effet,  les  atterrissements 
des  fascinages  sont  destinés  à  être  entièrement  garnis  sur  toute 
leur  surface  par  des  plantations  de  boutures  et  de  feuillus,  et 
l'on  n'est  pas  obligé  de  conserver  pour  les  eaux,  comme  dans 
les  ravins  plus  grands,  un  libre  passage  formant,  d'un  fasci- 


106  TRAVAUX  DE   CORllbX'TIOX. 

n;ii:('  à  r;ui(n\  une  sorte  de  canal  (r(''conlemeiit,  horih'-  sur 
cliaciue  rive  de  i)lantali(»ns  serr(''es  ot  parfois  inêine  de  petits 
clayonnages  longitudinaux  très  bas;  de  sorte  que.  peu  d'an- 
nées après  la  confection  des  fascinages,  les  petits  ravins  sont 
absolument  et  entièrement  étouffés  par  la  végétation,  qui 
s'empare  plus  rapidement  du  terrain,  ce  qui  permet  de  ne  pas 
demander  aux  ouvrages  une  durée  aussi  longue  (pi'à  ceux 
établis  dans  les  grands  ravins. 

A  cause  môme  des  éléments  (jui  les  composent,  et  dont  une 
partie  est  appelée  à  végéter,  l'on  ne  doit  entreprendre  en  géné- 
ral tous  les  travaux  de  fascinages  et  de  clayonnages  qu'au 
printemps  et  à  l'automne.  Cette  dernière  saison  est  bien  pré- 
férable à  l'autre  pour  les  grands  travaux,  à  cause  de  la  pré- 
cocité de  la  végétation  des  saules  au  printemps. 

La  construction  des  clayonnages  sur  les  atterrissements  des 
grands  barrages  réclame  des  soins  spéciaux  «ju'il  convient  d'in- 
diquer : 

l'our  bien  fixer  les  idées,  nous  donnons  pour  exo!iij)le  la 
section  du  Uourget,  comprise  entre  les  barrages  n"*  '2  et  i. 

Entre  ces  deux  ouvrages,  le  plan  (fig.  31)  indique  le  barrage 
n"  15  dnnl  la  construction  a  eu  i)nnr  ])u(  de  relever  fortemenl 
le  lit  ot  de  produire  ainsi  à  son  amont  im  élargissement  de  la 
section,  beaucoup  trop  étroite  auparavant;  le  lit  se  trouvait  en 
effet  très  resserr»'  entre  des  berges  de  terre  en  mouvement 
susceptibles  d'être  affouillées  {de  Gayffîev,  PI.  18). 

La  ligne  AB  indique  l'axe  clioisi  i)()ur  le  tbahvog  du  futur 
ruisseau  sur  la  i)ente  de  l'atterrissemenf . 

Sur  les  lignes  (jFE1)(],  (l'F'E'D'C,  soni  iii(li(|U(''s  les  clayon- 
nages longitudinaux  ('lablis  sur  les  atterrissements  [fuj.  31). 

Les  clayonnages  transversaux  sont  placés  à  des  distances 
variant  de  5  mètres  à  i  mètres,  suivant  leur  position;  ils  ont 
tous  10  mètres  de  corde  pour  oU  centimètres  de  llèclie;  leur 
bauteur  varie  de  50  centimètres  à  70  centimètres,  selon  leur 
place;  la  coupe  en  long  (//f/.  3:2)  indique  les  variations  de  bau- 
teur ainsi  (|ue  la  courliure  doimt'e  à  l'arête  des  clayonnages 


EXECUTION  DES  TRAVAUX.  107 


longitudinaux  connno  au  i)r()lil  en  long',  suivant  Taxe  du  lit; 
l'olto  courbure  ost  plus  rolov(''ovprs  l'amont  <[U0  vers  l'aval  alin 
do  paror  aux  oirots  do  la  vitesse  acquise  sur  un  parcours  rela- 
tivement assez  grand.  Dans  les  paliers  moins  importants, 
comme  celui  ipii  se  trouve  entre  les  barrages  n°^  3  et  i,  on  se 
contonto  d'une  ligne  droite. 

Les  clayonnages  longitudinaux  sont  construits  à  un  seul 
parement  comme  les  transversaux;  leur  tôte  se  trouve  placée 
à  60  centimètres  au-dessus  de  cliaque  extrémité  de  ces  der- 
niers, de  sorte  que  la  section  maxima  du  débouché  sur  un 
clayonnage  transversal  est  représentée  par  ahcd  [fhj.  3i),  pres- 
que égale  à  celle  du  couronnement  des  barrages  n°"  "2  et  3. 

On  la  laisse  à  dessein  plus  faible  parce  qu'aujoiu'd'hui  Ton 
n"a  plus  à  redouter  de  grandes  laves  par  suite  des  barrages 
construits  à  l'amont,  et  qu'il  ne  viendra  plus  que  de  l'eau,  oc- 
cupant nécessairement  un  moindre  volume.  Cette  eau  cou- 
lera donc  nécessairement  dans  le  grand  chenal  déterminé  par 
le  système  des  clayonnages. 

Afin  d'éviter  une  masse  tro[)  compacte  au  moment  de  déver- 
ser sur  le  couronnement,  on  a  incliné  à  droite  et  à  gauche  les 
clayonnages  longitudinaux  do  H  à  C  et  de  H'  à  (V,  de  telle 
fagon  que  la  tôte  des  piquets  près  du  parement  amont  du  bar- 
rage vienne  araser  le  couronnement  [fig.  31)  ;  on  obtient  ainsi 
un  épanouissement  de  la  lame  d'eau  et  par  suite  son  amincis- 
sement; on  opère  de  même  à  l'amont  de  chacun  des  barrages. 
Derrière  ces  clayonnages  longitudinaux,  élevés  ainsi  à  (50  cen- 
timètres au-dessus  de  l'atterrissement,  on  a  taluté  les  berges 
vives  du  torrent;  les  terres  s'appuient  sur  la  face  extérieure  et 
forment  de  la  sorte,  au  nouveau  lit  du  ruisseau,  des  berges 
eu  pente  douce  (pron  a  i)lantées  on  saules  et  en  grand  f(Miil- 
lus. 

Les  lignes  de  saules  et  autres  essences  sont  indiquées  sur  la 
figure  Si  par  des  lignes  pointillées  et  disposées  à  io  degrés  par 
rapport  à  la  direction  de  l'axe,  de  telle  façon  que  si,  par  im- 
possible, il  survenait  une  crue  dépassant  la  hauteur  des  dé- 


108  TRAVAUX  DE  CORRECTION, 

fensos  do  rives,  les  eaux  soient  constanmiont  rejolées  vers  le 
thalweg,  ce  qui  sera  d'autant  plus  facile  que  le  profil  en  tra- 
vers des  nouvelles  berges  est  en  pente,  douce  d'abord,  puis  de 
plus  en  plus  jjrononcéo,  jus({u'à  altoiiKltc  la  pente  naturelle 
(les  terres. 

Les  trails  noirs  ligures  sur  le  couronnement  du  barrage 
n°  2  {fig.  33)  représentent  les  divisons  de  réchelle  linminiélri- 
(pie  destinée  à  mesurer  la  hauteur  des  crues;  la  graduation 
est  faite  de  20  en  20  centimètres  ;  les  traits  représentent  l'in- 
tersection de  la  courbe  du  couronnement  par  des  plans 
horizontaux  passant  par  ces  graduations;  cette  courbe,  ayant 
2  mètres  de  flèche,  renferme  donc  dix  intervalles. 

De  la  guérite-observatoire  construite  au-dessus  de  l'aile 
droite  du  barrngc  n"  2,  on  peut  dès  lors  observer  et  coter  fa- 
ciltunent  tous  les  mouvements  d'une  grande  crue  sur  le  vaste 
déversoir  que  présente  le  couronnement. 

La  figure  32  représente  le  profil  m  long,  suivant  l'axe  du 
plan  de  la  section  du  torrent. 

Les  lignes  KL  et  MN  indiquent  le  proiil  de  l'ancien  lit  et  le 
reste  du  dessin  présente  la  coupe  des  ouvrages  transversaux, 
ainsi  que  l'élévation  des  clayonnages  longitudinaux. 

La  figure  30  donne  le  plan  des  lieux  avant  1(>  commence- 
ment des  travaux. 

L;i  lignri'  ."il  rournit  \o  plan  des  lieux  aprôs  l'exéculion  des 
travaux,  y  compris  le  talutagc  des  berges. 

I^a  ligure  33  donne  la  coupe  en  long  des  clayonnages  longi- 
tudinaux, le  long  desquels  règne  un  enrochement  continu  ;  la 
ligure  38  les  montre  en  élévation. 

La  ligure  3i  indique  l'i-Iévatiou,  di'gagée  des  terres,  d'un 
clayonnage  transversal  el  la  coupe  des  clayonnages  longitu- 
dinaux. Le  milieu  de  la  coiiibe,  sur  une  I(]|igiieur  de  i  mèfiN^s, 
est  plus  garni  de  pi(piels  de  im-lèze  (jue  les  ailes,  à  cause  de 
la  perpi-luiti'  du  courant  des  eaux  ordinaires,  tandis  cpie  sur 
les  côtés  les  iiiiinels  de  siiuie  poiiridiil  donner  de  lu  végétation 
appelée  fi  se  m;iinteiiir,  au  cas  plus  (pu^  probable  où  la  section 


EXECUTION   DES   TRAVAUX.  10!) 

adoptée  pour  le  chenal  viendrait  à  être  trop  grande,  ce  qui 
se  produira  de  plus  en  plus  h  mesure  que  l'extinction  du  tor- 
rent sera  plus  complète  et  que  la  foret  créée  dans  le  bassin 
de  réception  exercera  de  son  côté  une  influence  toujours 
croissante. 

Travaux  complémentaires.  —  Ouln^  la  consIrucliDu  de  tous 
les  ouvrages  que  nous  avons  passés  en  revue,  il  y  a  d'autres 
travaux  que  l'on  est  souvent  obligé  d'exécuter  dans  les  tor- 
rents, soit  en  vue  de  mettre  le  sol  en  état  de  recevoir  le  reboi- 
sement, soit  en  vue  d'aider  à  la  régularisation  du  cours  des 
eaux  et  à  la  fixation  définitive  des  berges  en  mouvement. 

On  ne  peut  évidemment  laisser  les  berges  dans  l'état  abrupt 
où  elles  présentent  parfois  des  pentes  ou  des  irrégularités 
telles  que  l'on  ne  pourrait  songer  à  y  entreprendre  d'emblée 
des  travaux  de  reboisement. 

Pour  modifier  un  pareil  état,  on  est  donc  obligé  delestalu- 
ter  sur  les  points  dont  il  s'agit,  afin  de  leur  donner  un  profil 
en  travers  convenable  qui  permette  h  la  végétation  de  s'y 
maintenir,  et  l'on  fait,  en  conséquence,  tomber  dans  le  fond 
du  lit  les  principales  saillies  du  sol,  de  manière  à  enlever  de 
sa  surface  tout  ce  qui  pourrait  risquer  plus  tard  soit  de 
s'écrouler,  soit  d'être  entraîné. 

On  applique  les  déblais  ainsi  obtenus  à  l'amélioration  du  lit; 
les  pierres  sont  employées  pour  les  enrochements  et  le  pavage 
grossier  du  milieu  du  lit;  les  terres  sont  répandues  en  arrière 
des  clayonnages  longitudinaux  et  le  surplus  est  entraîné  par 
les  eaux  dans  les  atterrissements  des  barrages. 

Ces  opérations  viennent  naturellement  à  la  suite  immédiate 
de  la  construction  des  divers  ouvrages. 

Dans  les  torrents  comme  dans  les  petits  ravins,  on  doit  évi- 
ter avec  le  plus  grand  soin  de  laisser  subsister  au  milieu  du 
lit  les  grosses  pierres  qui  y  font  saillie  et  peuvent,  à  un  mo- 
ment donné,  détourner  le  cours  des  eaux  et  les  rejeter  contre 
les  berges. 


110 


TRAVAUX   DE   CORRECTION. 


On  utiliso  los  pierres,  d'abord  pour  les  enrochements,  puis 
pour  le  pavage  du  nouveau  lit  sur  les  attcrrissenicnts;  s'il  en 
reste  en  surj^lus,  on  les  rejette  de  chaiiue  cùlé  du  lit  au  pied 
des  bertres. 

On  rencontre  i)arfois  dans  les  berges,  ou  sur  les  versants 
qui  les  dominent,  des  alTaisscments  de  terrains  qu'on  ne  sau- 


Kip.  4R.  —  Drainaf,'e  des  Sanièrcs.  —  Kiiuidistauce  des  Courbes  :  5  mètres. 


rait  allribucr  à  rairouillenienl  du  sol  par  les  torrents  ou  les 
ravins,  (.es  untuvcuienls  ne  sont  dus  (ju'à  l'cllet  des  eaux 
l)rovenanl,  soit  i\i'  la  luiih'  des  neiges,  soit  de  soui'ccs  locales 
<pii,  h  un  nioineid  diuini-,  satiircnl  des  terrains  perméables 
rej)osant  sur  un  i)lan  lorun-  pur  des  terrains  ou  des  rochers 
imperméables  présentant  unr  inclinaison  très  prononcée.  Le 
sol,  qui,  sans  cet  excès  d'eau,  présentait  toutes  les  apparen- 
ces de  la  soliditi'.  perd  su])ilriiiciit  sa  cohésion;  les  parties  les 


EXECUTION   DES  TRAVAUX. 


111 


plus  saturées  s'écoulent  coinnn^  forait  du  mortier  sur  un  plan 
incliné;  la  surface  se  J)oursoulle  dans  le  sens  du  prolil  en 
long-,  surloul  vers  le  bas,  et  s'épanouit  dans  son  prolil  en  tra- 
vers ;  le  glissement  commence  et  se  répercute  à  son  amont 
où  les  masses  terreuses,  perdant  leur  i)oint  d'appui,  s'écartent 
et  s'alfaissent  jusqu'à  ce  qu'elles  aient  rencontré  une  stabiliti' 
relative. 

I^e  seul  remède  à  une  pareille  situation  consiste  à  donner 
aux  eaux  un  écoulement  plus  facile  et  plus  régidier,  au  moyen 
di^  grands  drainages.  A  cet  effet,  on  ouvr(^  une  série  de  fossés 


Fig.  47.  —   Coupe  d'un  Drain 
(le  1"  ordre. 

Devis  du  mètre  courant  : 
Déblais.   .    .    .     1"'"120  à  If'-QO  —  l''12 
Pierrailles     de 

remplissage.     l'^'-'OiO  à  2f'50  —  2f'60 
Pavage  du  fond    0     080  à  6  00  —  0    18 


Fig.  48.  —  Coupe  d'un  Drain 
de  2"  ordre. 

Devis  du  mètre  courant  : 
Déblais  ....     0'»«409  à  l'^OO  —  0''U) 
Pierrailles    de 

remplissage.     0°":'^360  à  2''50  —  0''90 
Pavage  du  fond    0      040  à  6  00  —  0  42 


4  20 


1  54 


disposés  en  forme  de  drains,  aboutissant  par  groupes  à  une 
artère  principale;  ces  fossés  sont  creusés  aussi  profonds  qu'il 
convient;  on  dame  leur  fond  et  on  le  revêt  d'un  pavage,  aussi 
régulier  que  possible,  que  l'on  recouvre  en  remplissant  le 
fond  avec  de  grosses  pierres,  en  disposant  ensuite,  au-dessus 
d'elles,  des  cailloux  et  enfin  du  gravier  et  de  la  terre  ;  l'artère 
principale  est  préparée  de  la  même  façon,  car  il  faut  éviter, 
avant  tout,  de  provo({uer  le  moindre  ravinement  ou  éboidc- 
ment  sur  de  pareils  terrains. 

Ces  travaux  exigent  une  étude  très  attentive  du  terrain  et 
se  modifient  suivant  les  circonstances  locales. 

La  figure  40  donne  un  exemple  d'un  travail  de  ce  genre 


112  TllAVArX   DE   CORRECTION. 

oxécntù  avec  plein  succès  dans  une  bcrgo  on  mouvomonl. 
Les  glissements  de  ce  genre,  qui  sont  de  véritables  etl'on- 
drements,  se  manifestent  surtout  à  la  suite  de  la  tonte  subite 
des  neiges,  dans  les  années  où  elles  ont  été  abondantes;  ils  se 
produisent  parfois  au  milieu  du  terrain  du  plus  bel  aspect, 
tels  que  des  prairies  de  montagne  non  irriguées,  et  donnent 
tout  d'un  coup  naissance  à  de  vérital)les  coinhcs  di's  plus  diffi- 
ciles à  corriger  et  ;\  éteindre  '. 

1.  —  Voir  la  note  B,  page  Hl. 


TORRENTS  A  CLAPPES   ET  GLACIAIRES.  113 


CHAPITRE    VI 


TORRENTS  A  CLAPPES  ET  TORRENTS  GLACIAIRES 


But  des  travaux.  —  Barrages  de  retenue.  —  Emplacement  des  barrages 
de  retenue.  —  Exhaussement  des  barrages.  —  Murs  en  travers  contre 
les  avalanches  et  les  coulées  de  pierres.  —  Places  de  dépôts.  —  Exécu- 
tion DES  TRAVAUX.  —  Barrages  exhaussés.  —  Barrages  en  gradins.  — 
Emplacement  des  nouveaux  gradins.  —  Hauteur  des  gradins.  —  Profil 
des  barrages  de  retenue  avec  cuvette  et  contre-mur.  —  Murs  en  travers 
contre  les  avalanches  et  les  chutes  des  pierres.  —  Places  de  dépôts. 

But  des  Travaux.  —  Nous  avons  défini  les  torrents  glaciai- 
res et  ceux  à  clappes  dans  la  fin  du  chapitre  P'".  La  diffé- 
rence caractéristique  qui  les  sépare  des  torrents  à  affouil- 
lements  consiste  en  ce  que  dans  ces  derniers  on  peut  arriver 
à  supprimer  non  seulement  le  transport  des  matériaux,  mais 
même  leur  production,  tandis  que  dans  les  premiers,  surtout 
les  glaciaires,  on  ne  peut  songer  à  tarir  complètement  la 
source  de  production  des  matériaux,  que  l'on  se  trouve  obligé 
dès  lors  de  retenir,  soit  dans  le  sein,  soit  dans  le  bas  de  la 
montagne. 

Il  est  évident  que  ces  torrents  peuvent  présenter,  dans  les 
parties  inférieure  et  moyenne  de  leur  cours,  la  plus  complète 
analogie  avec  ceux  à  afîouillement  et  nécessiter  dès  lors  des 
travaux  identiques  en  vue  de  la  régularisation  du  lit,  de  la 
consolidation  et  de  la  fixation  des  berges.  Tous  ces  travaux, 
une  fois  terminés  jusqu'au  point  le  plus  élevé  possible,  auront 
bien  substitué  à  l'ancien  lit  affouillable  un  nouveau  lit,  solide 


114  TRAVAUX  DE   CORRECTION. 


et  ferme,  mais  non  mis  ;\  l'abri  de  tout  charriage  de  maté- 
riaux, car  lo  glacior  ou  1(^  délitoment  des  roches  supérieures 
eontinucra  à  luuniir  dos  nialrriaux  on  dehors  de  l'action  du 
torronl. 

Ici  donc  la  consolidation  et  la  réjïularisation  du  lit  ne  sont 
})lus  les  soûls  inoyons  d'ohlonir  la  suppression  du  charriage 
dos  mali'riaux;  il  faut  do  plus  arrêter  ot  retenir  les  matériaux 
venant  du  plus  haut  point  où  les  travaux  des  hommes  seraient 
d'un  cfTot  plus  que  douteux. 

D"où  il  résulte  que,  tout  en  combattant  l'affouillcment  laté- 
ral et  longitudinal  dans  les  sections  qui  viendraient  à  réclamer 
ce  genre  de  travail,  il  devient  indispensable  d'entreprendre  la 
conslruclion  d'ouvrages  destinés  à  retenir  et  à  conserver  au- 
tant que  possible  dans  lo  sein  de  la  montagne  les  matériaux 
fournis  au  torrent  en  dehors  de  sa  propre  action. 

Ces  ouvrages  consistent,  dans  le  cours  du  torrent,  en  bar- 
rages dits  de  retenue^  et  dans  la  valléo  sur  son  cône,  on  places 
de  dépôts  {de  Gayffier,  PI.  27  à  29). 

Il  ne  s'agit  plus  ici  d'établir  un  système  de  barrages  de  hau- 
teurs généralement  faibles,  appelés  à  poser  par  leur  couron- 
nement les  jalons  d'un  canal  régulier,  à  ressauts  destinés  à 
briser  la  vitesse  d'écouloment  ot  à  pontes  assez  douces  pour 
empêcher  l'érosion  :  il  faut  au  contraire  dos  ouvrages  dispo- 
sés de  telle  façon  qu'ils  puiss<>nt  rotonir,  ;\  lour  anutut  ot  par 
rapport  à  la  hauteur  dont  ils  sont  suscopliblos.  la  ]>lus  grande 
quantité  possible  de  matériaux. 

Les  matériaux  fournis  par  les  glaciers  sont  do  deux  sortes  : 
d'»  ne  part,  les  boues  glaciaires  produites  par  les  détritiis  des 
ruches,  striées  et  broyées  pendant  le  mouvement  du  glacier, 
mélangées  avec  l'eau  ((ui  on  découle;  d'autre  part,  les  débris 
dos  roches  supérieures  qui,  par  l'olTot  dos  iniluoucos  atmo- 
sjjhériques,  se  dt'lachont  do  la  montagne,  tomhoni  sur  le  gla- 
cier et  Unissent  par  constituer  sa  moraine  frontale  et  ses 
moraines  latérales. 

(Jue  le  glacier,  dans  ses  mouvements,  vienne  à  reculer,  son 


TORRENTS   A  CLAPFES   ET   GLACIAIRES.  llo 

ancienne  moraine  frontale  cl  l'exlrémité  inférieure  de  ses  mo- 
raines latérales  se  trouvent  en  butte  à  l'atrouillement  des 
eaux.  Mais  les  matériaux,  disposés  en  forme  de  digues  trans- 
versales et  longitudinales,  résistent  longtemps  à  l'enlraîne- 
ment  et  ne  s'en  vont  que  peu  à  peu. 

En  général,  du  reste,  les  glaciers  sont  moins  à  redouter  au 
point  de  vue  des  crues  exce})tionnellos  ({ue  les  neiges  non 
perpétuelles  (pii  fondent  en  été  '  ;  on  peut  môme  dire  qu'ils 
régularisent  en  quelque  sorte  le  débit  des  eaux. 

Les  neiges  produisent  au  printemps  de  nombreuses  avalan- 
ches qui  donnent  naissance  à  des  cônes  de  déjection  composés 
de  matériaux  meubles  dont  les  plus  légers  demeurent  au 
sommet  et  les  plus  lourds  occupent  la  base  ;  leurs  pentes  sont 
fortes  dans  le  sens  du  profil  en  long,  mais  souvent  assez  apla- 
ties dans  le  profil  en  travers  pour  former  d'immenses  clappes 
au-dessus  desquelles  émergent  les  rochers  à  pic. 

Ces  avalanches,  qui  prennent  naissance  dans  des  endroits 
spéciaux,  à  pentes  redressées  violemment  vers  l'amont  et  for- 
mant une  sorte  de  bassin  où  les  neiges  ont  pu  s'agglomérer, 
se  précipitent  périodiquement  par  les  mêmes  passages  et  ten- 
dent ainsi  à  augmenter  la  masse  des  matériaux  du  cône 
qu'elles  laissent  à  découvert  après  leur  fonte. 

Dans  les  années  ordinaires,  la  neige  disparaît  peu  à  peu  et 
n'occasionne  aucun  mouvement  notable  dans  ces  matériaux  ; 


1.  — Lorsque  la  chaleur  est  grande  ou  que  les  pluies  chaudes  sout  ahou- 
dantes,  on  constate  que  les  torrents  axigmeutent  de  volume,  mais  cepen- 
dant leur  débit  ne  correspond  pas  à  la  fonte  apparente  ou  au  volume  d'eau 
tombée  du  ciel.  La  nuit,  lorsque  le  temps  est  clair,  au-dessus  de  2,000  mè- 
tres, toutes  les  eaux  qui  sillonnent  la  siu-face  des  glaciers,  sous  forme  de 
petits  ruisseaux,  se  regèlent,  et  au  murmure  de  ces  rigoles  succède  le  si- 
lence le  plus  absolu  ;  les  torrents  qui  sortent  des  glaciers  ne  continuent  pas 
moins  à  débiter  une  quantité  d'eau  à  peu  près  équivalente  à  celle  qu'ils 
débitent  le  soir  d'une  belle  journée  de  chaleur.  Le  glacier  remplit  donc 
l'office  d'une  éponge  qui,  au  besoin,  retient  l'excès  d'eau  jusqu'à  ime  cer- 
taine limite,  ou  en  fournit  sur  sa  réserve  ;  l'hiver,  les  torrents  cessent 
presque  complètemeut  de  couler  ou  diminuent  sensiblement.  (Viollet-le- 
Duc,  Le  Mont  Blanc,  p.  l'tO.) 


116  TRAVAUX   DE   CORRECTION. 

mais,  aprps  les  hivers  de  grandes  neiges  qui  donnent  lieu  à 
des  avalanches  puissantes,  la  masse  do  neige,  entassée  à  la 
base  des  cùnes,  devient  très  considérable,  dure  plus  long- 
temps et  se  maintient  souvent  jusqu'aux  chaleurs  estivales 
qui,  combinées  avec  une  pluie  d'orage,  en  opèrent  rapide- 
ment la  brusque  fusion  à  la  suite  de  laquelle  des  matériaux 
nombreux  sont  entraînés  dans  le  lit  du  torrent. 

Les  points  où  doivent  être  élevés  les  barrages  de  retenue 
ne  sont  plus  indiqués  par  les  mêmes  considérations  qui  ont 
servi  de  guide  dans  l'établissement  des  barrages  de  consolida- 
tion que  nous  avons  d(;crits  dans  les  développements  du  cha- 
pitre IV. 

Un  barrage  de  retenue  doit,  avant  tout,  provoquer  à  son 
amont  un  bassin  de  la  plus  grande  capacité  possible.  La  di- 
mension de  ce  bassin  sera  déterminée  par  la  hauteur  du  bar- 
rage, la  largeur  de  la  gorge  au-dessus  do  l'ouvrage  et  enfin 
par  la  pente-limite  ou  de  compensation  répondant  à  la  nature 
et  aux  dimensions  des  matériaux  à  retenir. 

D'où  il  résulte  tout  d'abord  que  le  barrage  ne  devra  pas 
être  placr'  à  l'aval  d'nno  ponte  trop  forte,  mais  au  contraire 
sur  une  ponte  aussi  faible  ({ue  possible. 

Ces  cmplacomonts  se  rencontrent  le  plus  souvent  à  l'amont 
des  cascades  que  présentent  généralement  les  torrents,  sur- 
tout dans  les  régions  élevées. 

Ils  sont  des  plus  avantageux  en  outre  pour  les  motifs  ci- 
après  : 

1°  C'est  là,  plus  (lue  partout  ailleurs,  (ju'on  a  la  ciiance  de 
rencontrer,  soit  au  fond,  soit  sur  les  berges,  un  roc  solide 
qui  pormottra  do  donner  à  l'ouvrage  une  assiette  iiK-brardablo  ; 

2°  C'est  à  l'amont  de  ces  cascades  rpio  la  gorge  se  rélargit 
presque  toujours; 

3°  Le  prulil  on  travers  à  ronqjlacomcnt  du  barrage  étant 
étroit  diminue  la  dépense  et  facilite  l'exhaussement  ultérieur 
du  barrage,  considération  des  plus  importantes,  car  l'effica- 
cité d'un  pareil  ouvrage  est  en  raison  directe  de  sa  hauteur. 


TORRENTS   A  CLAPPES   ET  GLACIAIRES.  117 

même  abstraction  faite  de  la  largeur  croissante  de  la  gorge  à 
son  amont. 

Il  est  évident  que  si  le  torrent  présente  des  sections  sujettes 
àraffouillement,  ({u'il  faut  traiter  par  un  système  de  barrages 
de  consolidation,  ce  n'est  qu'à  l'amont  de  la  i)lus  haute  de  ces 
sections  que  devra  commencer  la  série  des  barrages  de  rete- 
nue, qui  seront  dès  lors  aussi  rapprochés  que  possible  de  la 
source  de  production  des  matériaux. 

Dans  cette  hypothèse,  le  torrent  se  composera  donc  de  deux 
parties  :  l'une ,  l'inférieure ,  qui  sera  traitée  par  des  barrages 
de  consolidation  en  vue  de  garantir  son  lit  et  ses  berges  contre 
tout  affûuillement  ;  l'autre ,  la  supérieure ,  qui  renfermera  les 
barrages  de  retenue  appelés  à  empêcher  les  matériaux  prove- 
nant de  causes  étrangères  au  torrent  lui-même  de  descendre 
dans  le  nouveau  canal  d'écoulement  et  à  les  conserver  dans  le 
sein  même  de  la  montagne. 

Le  rôle  d'un  barrage  de  retenue  cesse  évidemment  du  mo- 
ment où  son  atterrissement  a  pris  une  pente  égale  à  celle  de 
compensation ,  à  partir  de  laquelle  les  matériaux  venant  d'en 
haut  passeront  sur  son  couronnement.  Force  sera  donc  d'en 
construire  successivement  d'autres  en  remontant  vers  l'amont, 
ou  d'exhausser  le  premier  autant  que  possible,  sauf  à  en  con- 
struire d'autres  beaucoup  plus  tard  sur  des  points  dès  lors 
plus  reculés  vers  l'amont. 

Il  n'y  a  pas  d'inconvénients  sérieux  à  donner  à  ces  barrages 
une  hauteur  plus  grande  que  celle  des  barrages  de  consolida- 
tion. Ici,  en  effet,  on  est  certain  d'établir  l'ouvrage  sur  la 
roche  et  presque  toujours  sur  la  roche  très  dure  :  les  condi- 
tions de  stabilité  sont  donc  beaucoup  plus  complètes;  de  plus, 
la  situation  même  des  ouvrages,  placés  dans  les  régions  supé- 
rieures du  torrent,  fait  que  la  masse  des  eaux  est  beaucoup 
moindre  que  vers  le  bas;  enfin  ils  n'ont  à  supporter  leffoit 
d'aucune  véritable  lave. 

L'exhaussement  d'un  barrage  de  retenue  peut  s'opérer  de 
deux  façons  :  soit  par  la  superposition,  sur  le  barrage  lui- 


118 


TRAVAUX  DE   CORRECTION. 


mémo,  d'une  nouvollo  assise  formant  son  prolongement;  soit 
par  l'établissement  d'une  série  de  barrages  disposés  en  gra- 
dins (Tune  largeur  sensiblement  égale  à  leur  liauleur  et  con- 
struis au  fur  et  à  mesure  de  la  formation  des  atterrissemcints. 
Il  est  évident  qu'au  point  de  vue  de  la  quantité  des  maté- 
riaux retenus  au  moyen  d'une  égale  hauteur  cumulée  de  murs, 
il  y  a  tout  avantage  à  exhausser  un  barrage  donné,  plutôt 
que  d'établir  à  son  amont  une  série  de  jjelils  barrages  égaux 
en  hauteur  à  chacun  des  exhaussements  successifs.  La  dé- 
pense en  effet  est  sensiblement  la  même,  mais  le  cube  de  la 
retenue  est  bien  supérieur  dans  le  i)remii'r  cas  (pic  dans  le 


Fig.   19.  —  Comparaison  dos  diirorents  S3'stéines  de  Barrages. 


second.  Par  les  mômes  motifs,  l'exhaussemenl  en  gradins,  s'il 
n'offrait  ])as  d'ailleurs  certains  avantages,  devrait  toujours 
laiic  plaei'  ;'i  j'exlinnssemenl  du  barrage .  suivant  le  prolon- 
gement de  son  i)ar(>ment  d'aval. 

La  figure  i9  fait  ressortir  ces  dillV'i'enees  d'iine  façon  assez 
claire  pour  dispenser  d'entrer  à  ce  sujet  dans  de  jjjus  grands 
développements. 

Ces  barrages  de  retenue  ne  sont  pas  les  seuls  onvragi's  (pie 
l'on  ait  à  établir  dans  ces  hautes  régions  oii  il  faut  chercher 
soit  à  diminuer,  soit  mC'me  à  supprimer  les  avalanches. 

A  cet  effet  ',  «  à  rextr(''mité  du  lit  d'avalanches,  au-dessus 
de  l'exutoire  placé  en  amont  du  (une  de  dt'jeetion,  on  peut, 

1.  —  ViulIut-le-Duc,  Lr  Mont  Hhuir,  p.  :i.'.l. 


TORRENTS   A  CLAPPES    ET   GLACIAIRES. 


MO 


Fig.  50. 
Couloir  d".\.valanche. 


à  l'aide  des  pierres  abondantes  sur  ces  lits,  former  une  sério 
de  barrages  perpendiculaires  aux  directions  des  pentes.  Ces 
bourrelets  de  roches  et  pierrailles  {fi(j.  50,  voir  en  A),  n'ayant 
qu'un  assez  faible  relief,  arrê- 
tent les  neiges,  les  empêchent 
de  glisser  en  nappes  et  les  obli- 
gent à  fondre  sur  place  ou  à 
se  déverser  pour  couler.  Ces 
barrages  bien  connus  et  aux- 
quels les  montagnards  de  la 
Savoie  donnent  le  nom  de  tour- 
nes ne  sont  établis  par  eux  que 
dans  les  vallées,  au  point  de 
chute  extrême  des  avalanches, 
pour  protéger  leurs  habitations. 
(Cependant  c'est  non  à  la  limite 
du  parcours  des  avalanches  qu'il 
les  faudrait  élever,  mais  là  oi^i  les  avalanches  s'accumulent 
pour  descendre  en  masses  formidables  dans  les  couloirs. 
Les  neiges  ne  se  précipitent  dans 
ces  couloirs  cjue  parce  qu'elles 
trouvent  au-dessus  le  lit  mou- 
tonné, poli,  d'un  ancien  glacier,  lit 
dépourvu  d'aspérités.  Il  suffit  gé- 
néralement de  quelques  obstacles 
pour  les  arrêter  dans  leur  course, 
au  moment  où  elles  commencent  à 
se  mettre  en  mouvement. 

«  Ces  tournes  [fig.  51),  présentées 
en  projection  horizontale  A  et  en  coupe  suivant  a  b. 

coupe  B  sur  ah^  peuvent  n'avoir  dans  la  i)]ui)art  des  cas  que 
2  à  3  mètres  de  hauteur  à  l'éperon  au-dessus  du  profil  de  la 
pente,  et  l'on  doit  tenir  leur  surface  supérieure  plus  ou  moins, 
déclive  en  raison  de  cette  pente. 

«  Elles  ne  sauraient  arrêter  une  avalanche  au  milieu  de  sa 


Fio-.  51. 


Plan  il'iine  tourne. 


120  TRAVAUX   DE  CORRECTION. 


course,  mais  elles  résistent  à  son  gjlissement  initial  bien  mieux 
encore  qu'à  l'ellort  terminal  à  fin  de  course,  lequel  ne  peut 
jamais  ôtre  connu  exactement. 

«  Toutefois,  les  points  où  elles  doivent  ôtre  établies,  dans  les 
larges  entonnoirs  qui  surmontent  les  cônes  de  ^déjection,  de- 
mandent à  être  marqués  par  un  bon  observateur.  Leur  conser- 
vation et  leur  effet  préventif  dépendent  du  choix  de  ces  points.» 

Dans  les  grandes  clappes,  en  dehors  même  du  parcours  des 
avalanches,  on  emploie  avec  avantage  des  murs  en  travers 
construits  avec  un  fruit  extérieur  très  prononcé  et  retenant  à 
leur  amont  les  débris  des  roches  supérieures  ;  ces  nmrs  se  con- 
struisent par  gradins  en  parlant  de  l'aval  et  en  remontant  suc- 
cessivement vers  l'amont  {de  Gayffier,  PI.  39). 

Malgré  l'effet  des  barrages  de  retenue  dans  les  régions  supé- 
rieures et  des  barrages  de  consolidation  dans  les  parties  plus 
basses  d'un  torrent,  il  pourra  parfois  arriver  que  des  maté- 
riaux de  petites  dimensions  et  des  boues  descendent  dans  la 
vallée  jusque  sur  le  cône  de  déjection.  Si  les  circonstances 
locales,  telles  que  l'endiguement  de  la  rivière,  exigent  que  les 
matériaux  ne  puissent  pénétrer  dans  le  lit  de  cette  dernière, 
on  se  trouvera  dans  la  nécessité  de  les  retenir  dans  la  vallée 
même,  aux  abords  des  cônes. 

Pour  atteindre  ce  résultat,  on  aura  recours  à  la  construc- 
tion dune  place  de  dépôt,  système  qui  a  produit  d'excellents 
effets  dans  le  canton  de  Cdaris  (Suisse),  où  il  a  été  inanguré  à 
la  suite  de  la  correction  de  la  Linfh. 

Ces  places  de  dépôts  consistent  m  un  cmphiccnicnt,  choisi 
dans  des  c^mdilions  convenables  et  entouré  de  digues,  dans 
lequel  le  troi)-plein  de  matériaux  vient  se  di'jjoser  pour  ne 
laisser  sortit,  piir  un  rxiiloire  grillagé,  (|ue  l'eau  seule.  Une 
disposition  spéciale  peiiuet  de  combattre  la  tendance  des  dé- 
jections à  se  former  en  cône  et  les  répand  en  couches  aplaties 
sur  la  surface  plane  do  dépôt,  dont  les  digues  sont  exhaussées 
en  cas  de  besoin. 

Une  fois  cette  j)la(e  remplie  jus(iu'à  la  hauteur  maxima 


TORRENTS  A   CLAPPES  ET  GLACIAIRES. 


121 


qu'on  pont  donner  à  ces  digues,  on  en  établit  une  nouvelle  et 
on  reboise  l'ancienne  dans  le  but  de  fixer  définitivement  le 
sol,  sauf  à  le  rendre  dans  l'avenir  à  l'agriculture  une  fois  que 
ses  conditions  de  stabilité  auront  été  reconnues  suffisantes. 

Exécution  des  Travaux.  —  Les  barrages  de  retenue,  par  suite 
de  leur  situation,  ne  peuvent  généralement  être  construits 
qu'en  pierre  sèche. 

Appelés  à  agir  comme  murs  de  soutènement  contre  la  pous- 


Fig.  52.  —  Coupe  d'un  Barrage  exhaussé. 
{de  Gayffier,  PI.  27  et  28.) 

sée  des  matériaux  amenés  et  accumulés  à  leur  amont,  ils  doi- 
vent présenter  les  conditions  de  solidité  les  plus  complètes. 
Aussi  les  construit-on  sur  le  môme  type  que  les  barrages  de 
consolidation,  en  voûte  horizontale.  Comme  généralement  on 
ne  travaille  pas  avec  des  pierres  de  taille,  mais  avec  des  blocs 
presque  bruts,  on  donne  à  la  courbe  de  voûte  un  rayon  plus 
court  afin  de  i)rocurer  au  calage  des  pierres,  par  un  arc  plus 
cintré,  une  plus  grande  résistance  ;  quant  aux  parements,  on 
élève  celui  d'amont  verticalement;  l'on  donne  ù  celui  d'aval 
un  fruit  de  25  à  30  pour  100  et  l'on  bâtit  par  assises  perpen- 
diculaires à  ce  fruit.  On  n'a  plus  ici,  en  efiét,  à  redouter  le 


122  TRAVAUX   I)K   COURE(;TION. 


passap:o  dos  laves  comme  dans  les  barraj?os  de  consolidation  ; 
l'eau,  à  peu  près  seule,  franchira  le  couronnement,  et  enlin 
rallerrisscnienl  ne  sera  formé  ((uc  de  nialériaux  rurhcux  el 
(le  i)ierrailles. 

Jje  barrage  étant  construit  d'abord  sur  une  haut(Mn'  de  i  mè- 
(res,  par  exemple,  eu  dessus  du  lit,  il  arrive  un  mouuMit  oii 
la  nécessité  de  l'exhausser  se  fait  sentir  par  la  pente  prise  par 
l'attcrrissement  et  qui  devient  telle  que  les  matériaux  no  tar- 
deront pas  à  ne  plus  pouvoir  s'y  arrêter.  On  procède  alors  à 
roxhaussoment  du  barratie  lel  (|ue  le  représente  en  00'  la 
lifïure  ^"2. 

Derrière  la  maçonnerie  de  blocs  «,  0,  c,  d,  de  2  mètres  d'é- 
paisseur, on  a  ou  soin  d'élever  une  maçonnerie  c,  r/,  c,  f\  aussi 
épaisse  en  ce,  mais  à  parement  ef  vertical  et  construite  avec 
des  pierres  sèches  de  dimensions  ordinaires.  Cette  couche  de 
maçonnerie  reçoit  directement  la  pression  dos  matériaux 
charriés  et  la  transmet  divisée  à  l'anneau  maçonné  on  ji:ros 
blocs,  ce  qui  tend  à  lui  enlever  tout  effet  nuisible. 

Elle  sert  en  outre  à  procurer  de  bonnes  fondations  à  l'ex- 
haussement <^/>'. 

Lorsqu'a])rès  un  certain  nombre  d'années,  celui-ci  <'sl  rem- 
pli et  que  l'atterrissement  va  prendre  la  pente  />',  on  procède 
M  un  nouvel  exhaussement  vu  h' h"  el  :iinsi  de  suite,  juscju'à 
ce  qu'on  ait  atteint  la  hauteur  maxima  qu(^  l'on  s'est  inq)osée. 

Nous  avons  vu  dans  le  lUifliruns,  comnmne  de  Mollis ,  can- 
ton de  (iliuis  (Suisse),  des  barrages  de  ce  genre  (pii,  à  la 
suite  d'exhaussements  successifs,  avaient  atteint  une  hauteur 
de  70  i)ieds,  soit  de  21  mètres.  Les  blocs  du  parement  d'aval 
avaient  tous  des  dimensions  en  longueur,  largeur  et  hauteur, 
dniil  li's  nmiiidrcs  variiiieiil  de  1  uièjre  à  r",,)(). 

(les  barrages,  construits  depuis  plus  de  trente  ans.  pn'-sen- 
tenl  l'aspect  de  la  solidité  la  plus  di'sirable. 

Le  système  des  barrages  en  gradins  pidposi-  par  M.  l'ing(''- 
nieiir  Hrctou  '  trouve  ici  son  apphi'atinn. 

1.  —  Mémoire  sitr  lr<;  liurrngcx  de  rrlenuc  de  graviers.  (Paris,  1867.)  Étude 


TORRENTS   A   CLAPPKS   ET   (GLACIAIRES.  123 

La  figuro  53  fait  voir  immédiatoinont  la  disposition  des  bar- 
rages échelonnés,  dont  nous  empruntons  la  description  à 
y  Étude  sur  le  s>/s(ème  général  de  défenses  contre  les  ton-eiits,  \)u- 
bliée  en  1875  par  l'Imprimerie  nationale  : 

«  Dans  le  choix  de  l'emplacement  du  premier  gradin,  ou 
du  premier  barrage,  on  a  dû  chercher  à  donner  le  plus  grand 
volume  i)0ssil)le  au  magasin  de  gravier  à  retenir,  atin  d'allon- 
ger autant  que  possible  la  durée  de  l'efficacité  complète  :  le 
même  motif  exige  cpie  le  second  gradin  soit  placé  le  plus  près 
possible  en  amont  du  premier.  Entre  ces  deux  gradins,  il 
convient  do  laisser  un  petit  intervalle,  où  la  nouvelle  chule 


3^  gradin' 


Fig-.  53.  —  Profil  d'une  suite  de  Barrages  en  Gradins. 

pourra  creuser  un  affouillement  assez  profond  pour  que  la 
force  vive  de  la  chute  s'y  amortisse  sur  place  dans  les  tour- 
billons ;  mais  il  est  bon  que  cet  intervalle  ne  dépasse  pas  en 
longueur  ce  qu'exige  le  développement  de  ces  tourbillons, 
atin  que  la  crête  du  premier  barrage  fonctionne  comme  le 
bord  d'une  cuvette  qui  limite  l'approfondissement. 

«  Après  que  le  deuxième  gradin  aura  achevé  le  service  qu'il 
peut  rendre  en  retenant  complètement  les  déjections,  c'est-à- 
dire  quand  les  déjections  qu'il  retient  affleureront  sa  crête, 
on  en  (HaJjlira  un  troisième,  et  ainsi  de  suite  à  mesure  des 
besoins. 

((  La  hauteur  de  chacun  des  gradins  doit  être  réglée  de  ma- 

sur  le  sjjsfpine  r/rnéral  de  défenses  contre  les  torrents.  (Imprimerie  Na- 
tionale, 187.J.) 


124  TRAVAUX   DE   CORRECTION. 

nièro  que  l'i'tan^^'  formé  on  amonl  du  barrage  aiLuiio  longuoiir 
suriisanlo  pour  qu'on  soit  sur  quo  le  torrent  no  pourra  jamais 
pousser  en  une  seule  crue  un  l)anc.  do  gravier  juscpi'à  la  crête 
du  barrage,  do  manière  que  les  déjections  la  t'rancbissent  tout 
de  suite,  sans  avoir  rempli  un  grand  réservoir  de  gravier  sur 
lequel  on  avait  compté. 

«  Lorsque  les  circonstances  locales  motivent  l'emploi  de 
la  maçonnerie  à  cbaux  bydraulique  ou  mortier  \  on  peut 
adopter  un  profil  analogue  à  ceux  dos  murs  de  soutènement, 
avec  un  fort  talus  ou  de  larges  retraites  en  aval  et  le  parement 
d'amont  vertical.  Il  convient  alors  de  recevoir  la  cbuto  de 
l'eau  sur  un  radier  épais,  formant  le  fond  d'une  cuvette  en 
contre-bas  du  lit  naturel  du  gravi(M";  l'autre  bord  de  la  cuvette 
doit  être  fornn'^  d'un  contre-mur  élevé  jusqu'à  ileur  du  lit 
naturel  de  gravier;  et,  en  prévision  de  l'approfondissement  du 
lit,  qui  se  produira  dès  que  les  graviers  entraînés  en  aval  ne 
seront  plus  remplacés  par  les  déjections  retenues  derrière  le 
barrage,  il  est  indispensable  de  fonder  le  contre-mur  le  plus 
bas  (juo  l'on  peut.  Autrement  on  serait  trop  tôt  forcé  d(^  repren- 
dre à  grands  frais  le  contre-mur  on  sous-œuvre. 

'<  La  largeur  do  la  cuvette,  depuis  le  pied  (hi  i)aremont  d'aval 
du  barrage  juscpTau  contre-mur,  doit  être  suffisante  pour  que 
les  liantes  eaux,  («iinhant  on  déversoir  par-dessus  le  barrage, 
atteignent  le  fond  de  la  cuvette  assez  loin  avant  le  contre-mur; 
car  il  faut  que  cette  grosse  veine  tluide  ait  l'espace  suftisanl 
pour  se  relever  derrière  le  contre-mur,  pour  s'épanouir  j)lus 
liant  en  laissant  sur  elle  un  tourbillon  cyliiidri(iue  (jui  lonr- 
n(tie  sur  j)lace,  et  pour,  de  là,  prendre  son  cours  en  aval  ai)rès 
avoir  perdu  le  plus  possible  de  son  agilalion. 

"  (Juand  le  gravier  retenu  allleure  le  ])reinier  gradin,  il  faut 
creuser  derrière  son  couronnement  une  cuvette  aussi  profonde 
et  aussi  large  que  la  jjremière,  également  revêtue  d'un  fort 

1 .  —  Nous  avons  indiqué  jilus  haut  que  dans  le  ca.s  spécial  des  barrages  de 
retenue  le  même  profil  peut  être  adoi)té  pour  la  maçonnerie  en  pierre 
sèche. 


TORRENTS    A  CLAPPES   ET   GLACIAIRES.  125 

radier  et  liée  d'un  bord  au  parement  do  derrière  du  premier 
barrage  et  de  l'autre  au  pied  du  mur  de  terrasse  formant  le 
second  gradin.  Ainsi,  pour  ce  second  gradin,  le  haut  du  pre- 
mier mur  fait  fonction  do  contre-mur.  » 

Le  système  des  gradins  coûte  évidemment  plus  cher  que 
celui  des  barrages  exhaussés,  puisqu'on  a  on  plus  les  fonda- 
tions de  chacun  des  gradins  et  les  radiers,  mais  il  présente 
l'avantage  précieux  de  rompre  la  vitesse  des  eaux,  d'éviter  une 
hauteur  de  chute  toujours  très  dangereuse  et  de  faire  courir 
beaucoup  moins  de  risques  en  cas  de  rupture  ou  de  dégrada- 
tion d'un  des  gradins. 

Dans  des  cas  exceptionnels  où  il  faudrait  absolument  obte- 
nir un  relèvement  énergique  du  lit,  on  pourrait  môme  l'em- 
ployer pour  les  barrages  de  consolidation  dans  les  régions 
inférieures  du  torrent,  mais  à  la  condition  que  les  atter- 
rissements  ne  soient  formés  que  de  blocs  et  de  pierrailles ,  à 
l'exclusion  des  matières  terreuses  et  des  boues,  ce  qui  est  bien 
plus  rare  à  rencontrer  qu'aux  grandes  altitudes  où  les  débris 
de  la  roche  supérieure  dominent  presque  exclusivement. 

Les  murs  en  travers  sont  construits  en  pierre  sèche. 

Dans  les  clappes,  ces  murs  peuvent  être  construits  sur  des 
longueurs  plus  grandes  et  occuper  la  place  d'une  courbe  hori- 
zontale. 

Le  couronnement  de  ces  murs  doit  être  bâti  avec  les  plus 
grosses  pierres,  bien  assemblées  entre  elles,  de  manière  à  pré- 
senter une  grande  résistance  par  leur  masse. 

Les  figures  54  et  55  donnent  le  plan  et  la  coupe  d'une  place 
de  dépôt,  disposée  sur  un  cône  de  déjection  indiqué  par  des 
lignes  pointillées;  en  a  se.  trouve  le  dernier  barrage  de  conso- 
lidation, à  l'aval  duquel  est  construit  un  perré  /destiné  à  diri- 
ger les  eaux  vers  la  place  D  qui  est  entourée  de  digues  d,  for- 
mées d'une  levée  en  matériaux  de  terre  et  pierraille  pris  sur 
le  cône  môme,  avec  revêtement  intérieur  en  maçonnerie 
de  pierre  sèche;  en  bc  est  construite  une  digue  transver- 
sale  de  môme  hauteur  ({ue   les  digues  d,  destinée  à  corn- 


l;iG 


T  K  A  \'  A  U  X   D  E  COUR  !■:  C  T I  0  X . 


battro  la  tendance  des  dépôts,  à  former  une  surface  conique 
et  à  les  répandre  sur  la  surface  de  la  place  D  ;  en  g  se  trouve 


;ÎN 


i;Jl 


l'ig.  51.—  riace  de  Déput. 

lin  triple  grillage  en  forts  pieux,  chargé  do  retenir  les  maté- 
riaux un  pou  gros;  en  h  est  un  perluis,  muni  d'une  vanne, 

par  lequel  les  eaux  décantées  s'é- 
coulent et  se  dirigent  vers  la  rivière 
en  suivant  le  canal  K. 

Les  emplacements  de  la  place 
de  dépôt. D  peuvent  occuper  suc- 
cessiveniciil  la  surface  cnliér.'  du  cône  de  déjection  et  per- 
mettre ainsi  d'y  conserver  le  trop-i)leiu  des  matériaux  cpie 
n'auraient  pu  arrêter  les  travaux  exécutés  à  l'amont. 


V\g.  .").">.  —  Coupe  suivant  hi  n 
d'une  Place  de  Dépùt. 


LIVRE  QUATRIÈME 

TRAVAUX  DE  REBOISEMENT  ET  DE  GAZONNEMEiNT 


CHAPITRE    VU 

DU  REBOISEMENT   EN   GÉNÉRAL 

Avant  d'entrer  dans  l'examen  détaillé  des  diverses  questions 
que  soulève  l'exécution  des  travaux  de  reboisement  sur  des 
montagnes  dénudées,  il  est  indispensable  de  bien  préciser  le 
but  qu'on  se  propose  en  entreprenant  une  semblable  opéra- 
tion. 

Ce  but  est  la  création  d'une  végétation  ligneuse  qui  réponde 
aux  conditions  suivantes  : 

1°  Posséder  des  racines  assez  puissantes  pour  enserrer  le 
sol  dans  leurs  innombrables  réseaux,  le  rendre  au  besoin  plus 
perméable  et  le  protéger  contre  l'entraînement  ; 

2°  Présenter  un  couvert  assez  complet  pour  abriter  sa  sur- 
face contre  les  influences  météorologiques  ; 

3°  Fournir  un  bumus  de  plus  en  plus  abondant,  appelé 
d'une  part  à  fertiliser  le  sol  et  à  augmenter  ainsi  la  puissance 
de  la  végétation,  et  d'autre  part  à  favoriser  le  ralentissement 
et  la  régularisation  du  débit  des  eaux  pluviales  ou  des  neiges 
fondant  à  sa  surface  ; 

4°  Maintenir,  sans  interruptions  momentanées  et  perpétuel- 


128  REBOISEMENT   ET    G  AZONNEMEN  T. 

loment,  ces  salutaires  effets  et  les  développer  avec  l'aide  du 
lomps. 

La  futaie  seule  est  capable  do  satisfaire  sans  restrictions  h 
l'ensemble  de  ces  conditions;  c'est  donc  sa  création  et  son  dé- 
veloppement qui  doivent  être  le  but  final  du  reboisement. 

Il  est  évident  que,  dans  les  conditions  où  se  présentent  le 
plus  souvent  les  terrains  destinés  au  reboisement,  on  ne  peut 
songer  à  obtenir  indifféremment  partout  et  d'emblée  «la  créa- 
tion d'un  peuplement  appelé  à  former  la  futaie  désirée,  et 
que  sur  bien  des  points  il  faudra  se  contenter  d'abord  de  pro- 
duire une  végétation  quelconque  et  attendre  de  longues  an- 
nées pour  que  les  conditions  du  sol  se  soient  suffisamment 
modifiées.  Mais  il  demeure  constant  que  partout  où  l'on  pourra, 
dès  le  début,  préparer  des  massifs  susceptibles  d'être  élevés 
en  futaies,  on  devra  rejeter  toute  pensée  de  création  do  taillis, 
auxquels  certains  auteurs  ont  donné  sur  la  futaie  une  préfé- 
rence que  rien  ne  peut  justifier  sérieusement. 

Le  taillis,  en  effet,  ne  se  régénérant  que  par  souches,  est 
loin  de  présenter  les  garanties  do  perpétuité  que  possède  la 
futaie  qui  se  régénère  par  semis. 

Le  taillis  s'exploite  par  surfaces  assez  grandes  qu'il  laisse  à 
découvert  en  tout  ou  en  partie,  selon  qu'il  est  simple  ou  com- 
posé, tandis  que  la  futaie,  quand  il  s'agit  de  forêts  de  protec- 
tion, ne  s'exploite  que  par  un  furetage  ou  jardinage  n'inter- 
rompant jamais  le  massif  d'une  façon  appréciable. 

La  futaie,  surtout  dans  les  pays  de  lumière  comme  les  mon- 
tagnes du  Midi,  comporte  le  plus  souvent  deux  étages  de  vé- 
gétation :  le  plus  haut,  composé  de  grands  arbres  formant  le 
massif,  et  le  second,  d'une  basse  végétation  forestière  qui 
forme  un  complément  précieux  i\  la  couverture  du  sol  fournie 
par  les  grands  arbres. 

Kniïn  le  taillis  ne  dépasse  guère  une  allilude  de  t,!200;\ 
t,500  mètres  au-dessus  de  laquelle  on  est  bien  ubligi';  d'avoir 
recours  à  la  futaie,  i)nis(pieles  résineux  seuls  peuvent  y  for- 
mer des  massifs. 


DU   REBOISEMENT  EN   GENERAL.  129 


Le  but  des  liavaux  de  reboisement  étant  bien  précisé 
coninie  eonsistant  à  créer  des  futaies  soit  directenicnl.  soit  à 
l'aide  d'une  végétation  transitoire,  nous  allons  examiner  les 
diverses  (juestions  que  soulève  sa  poursuite  et  qui  se  ré'sument 
en  deux  principales,  savoir  : 

Dune  part,  le  choix  des  essences  que  l'on  doit  adopter,  se- 
lon les  cas,  comme  définitives  et  comme  transitoires,  si  besoin 
en  est; 

D'autre  part,  la  nature  des  mesures  préparatoires  et  des  tra- 
vaux que  leur  emploi  nécessite  et  le  mode  d'exécution  qui 
parait  préférable,  selon  les  cas. 


130  REBOISEMENT  ET   G  AZO  N  N  E  .^rE^'T. 


CHAPITRE   YIII 


DU   CHOIX  DES  ESSENCES 


Du  CLIMAT.  —  Climat  général.  —  Échelle  de  la  végétation  forestière.  — 
Climat  local.  —  Situation.  —  Exposition.  —  Vents  dominants.  —  Mon- 
tagnes environnantes.  —  Humidité  de  l'atmosphère.  —  Répartition  des 
pluies.  —  Intensité  de  la  lumière.  —  Du  sol.  —  Nature  minéralogique. 

—  État  physique.  —  État  de  la  superficie.  —  Répartition  des  essences 

FORESTIÈRES  DANS  LES  DIFFÉRENTES  RÉGIONS  CLIMATÉRIQUES.  —  Générali- 
tés. —  Essences  dominantes  dans  les  massifs  forestiers  de  chaque  région. 

—  Essences  secondaires.  —  Peuplements  mélangés.  —  Description  des 
ESSENCES  forestières  PROPRES  -VU  REBOISEMENT.  —  Climat  chaucl  :  Ar- 
bres de  massif.  —  Essences  secondaires.  —  Essences  exotiques.  —  Ré- 
gion moyenne  ou  tempérée  :  Essences  de  massif.  —  liéfjian  froide  on 
alpestre  :  Essences  de  massif.  —  Essences  secondaires.  —  liégion  alpiw 
ou  trèx  froide. 

Le  choix  dos  osscncos  qu'on  doit  adojjlor  dépend  d'une  série 
d'observations  multiples  ayant  pour  résultat  la  dtHerniination 
des  conditions  .de  climat  et  de  sol  où  se  trouve  le  terrain  à  re- 
boiser. 

Cette  (Hude  préalable  doit  être  considéri'C  comme  la  base 
essentielle  de  toute  entreprise  de  reboisement  et  l'inobserva- 
tion des  enseignements  qu'elle  im])lique  amènerait  iatalejnent 
d'amères  déceptions. 

Aussi  croyons-nous  devoir  entrer  à  ce  sujet  dans  certains 
développements. 

Du  Climat.  —  L(3  climat  peut  être  considéré  sous  les  deux 
points  de  vue  :  (jénéral  et  local. 


DU   CHOIX  DES   ESSENCES.  131 


Lo  climat  f/éncral  est  détormiiié  lo  plus  souvent  par  la  lati- 
tude, bien  que  dans  de  nombreux  cas  la  longitude  vienne  ap- 
l)ortcr  (les  modifications  importantes  suivant  la  plus  ou  moins 
grande  i)roximité  de  la  mer  et  l'orientation  des  côtes. 

On  sait  en  effet  que  dans  les  continents  les  côtes  occidenta- 
les jouissent,  i\  latitude  égale,  d'une  température  moyenne 
plus  élevée  que  les  côtes  orientales;  de  là,  pour  la  France,  un 
climat  général  assez  doux,  dans  une  zone  longeant  les  côtes  de 
l'Océan  et  subissant  l'influence  des  courants  chauds. 

Abstraction  faite  de  cette  influence  du  voisinage  de  la  mer, 
il  est  constant  que,  d'une  part,  plus  on  s'éloigne  de  l'équateur 
en  remontant  vers  le  nord,  plus  la  température  diminue,  et 
que,  d'autre  part,  un  abaissement  graduel  de  la  température 
se  manifeste  à  mesure  qu'on  s'élève  verticalement  au-dessus 
(lu  niveau  de  la  mer. 

En  ce  qui  concerne  la  France,  M.  Gh.  Martins,  après  avoir 
calculé  le  nombre  de  myriamètres  à  parcourir  en  plaine  du 
sud  au  nord  pour  arriver  à  un  abaissement  de  température 
de  1°  centigrade,  et  recherché  la  hauteur  verticale  où  il  fau- 
drait s'élever  pour  arriver  à  la  même  baisse  thermométrique, 
a  obtenu  pour  résultat  qu'en  partant  d'un  point  donné,  on 
trouve  un  climat  analogue  soit  en  s'élevant  de  180  mètres,  soit 
en  s'avançant  dans  la  plaine  de  '2-2  myriamètres  vers  le  nord*. 
De  cette  loi  il  découle  donc  que  81"", 81,  soit  8:2  mètres  en 
nombre  rond,  d'ascension  verticale  correspondent  à  l'avance- 
ment d'un  degré  vers  le  nord  en  plaine. 

Le  cMmat  g énéj'al,  déterminé  surtout  par  la  température  des 
différentes  saisons,  assigne  aux  i)lantes  leur  aire  d'habitation, 
d'où  il  résulte  qu'on  peut  établir  des  régions  climatériques 
caractérisées  par  certaines  plantes  spéciales  qu'on  rencontrera 
successivement  en  marchant  en  plaine  du  sud  vers  le  nord. 

Les  plaines  de  France,  se  trouvant  comprises  entre  le  42*  et 
le  51*^  degré  de  latitude,  ne  peuvent  ofîrir  du  sud  au  nord,  à 

1.  —  Du  Spitzbery  au  Sahara,  p.  33. 


132  REBOISEMENT  ET  G  AZON  NEMEN  T. 

altitude  éiialc.  (iiruuc  (liHV'i'ciici'  de  i",0<S  dans  la  t(Miip(''i'atiiro 
moyenne,  abstraction  faite  des  intluonces  locales  dues  à  l'abri 
fourni  par  des  montagnes,  à  rhumidité  do  l'air  et  à  la  nature 
du  sol;  tandis  que,  dans  les  limites  des  mêmes  parallèles,  les 
montagnes,  dont  certaines  supportent  des  neiges  éternelles, 
présentent  successivement,  suivant  les  altitudes,  toutes  les 
écbelles  de  climat  (ju'on  rencontrerait  en  remontant  du 
42*  degré  de  latitude  jus([u"au  delà  du  cercle  polaire. 

Il  en  résulte  que,  dans  l'éclielle  des  altitudes,  on  peut  éta- 
blir diverses  régions  climatériques  dont  les  iniV'rieures  pour- 
ront trouver  en  France  leurs  analogues  dans  l'ordre  des  lati- 
tudes, mais  dont  les  supérieures  api)artiendront  exclusivement 
aux  montagnes. 

Au  point  de  vue  forestier,  nous  adopterons  les  quatre  gran- 
des zones  climatériques  indiquées  par  M.  Mathieu,  sous-direc- 
teur à  l'Ecole  forestière,  savoir  *  : 

1°  La  région  médilerj-anéenne  ou  chaude,  du  niveau  de  la  mer 
à  600  mètres  ; 

"1°  La  moyenne  ou  tempérée,  de  HOC  à  1,000  mètres; 

3°  V alpestre  ou  fruide,  de  1,000  à  1,800  mètres; 

-i"  Val/)ine  ou  t7'ès  froide,  de  1,800  à  3,000  mètres. 

1°  riiiiini  iin'ililcrranéen.  —  Caractéris(''  dans  le  bassin  mé- 
dilerraM('eii  i»;ir  l'olivier  ([ui  y  atteint  600  mètres  d'altilude  (à 
Digne,  point  culminant  de  cette  culture),  ce  clinuit  (l(''t(M-mine 
l'habitation  des  pins  d'Alep,  pinier  et  maritime,  des  chênes 
verts,  yeuse,  liège  et  kermès.  On  y  rencontre  exceptionnelle- 
ment le  caroubier, 

i°  Climat  tempéré.  —  C'est  le  climat  par  excellence  des  chênes 
rouvre  et  pé'ddnculé;  on  y  rencontre  encore  le  pin  maritime, 
mais  nmi  loin  de  la  nier:  \r  pin  d'Alep  w  disparu  lotalenienl, 
aitjsi  ((ue  les  chênes  à  feuilles  persistantes;  \i\  chàtaigner,  les 
peupliers,  le  frêne,  l'orme  et  l'érable  plane  y  abondent;  enfin, 

1.  —  Mulliieu  (Sous-direcleur  ;i  l'Ecole  forestière).  —  Le  Reboisement  et  le 
Gazonncment  des  Alpes.  (18C5.) 


DU   CHOIX   DES   ESSENCES.  133 


dans  los  parties  supérieures,  apparaissent  le  pin  sylvestre,  le 
hêtre  et  exeeptionnellenient  le  sapin. 

3°  CUmat  froid  ou  alpestre.  —  ('.e  climat  se  si,unale  par  la  ra- 
reté des  massifs  feuillus,  dont  l'essence  princii)ale  est  1(>  hêtre 
mélangé  avec  l'érable  sycomore,  le  bouleau  et  le  sorbier  des 
oiseleurs.  Les  massifs  principaux  sont  essentiellement  fournis 
par  des  résineux  :  le  pin  à  crochets,  le  sapin,  l'épicéa  et  le  mé- 
lèze. 

■i°  Climat  très  froid  ou  alpin.  —  Caractérisé  par  l'absence 
totale  de  massifs  feuillus,  ce  climat  ne  présente  plus  que  le 
mélèze  et  le  pin  cembro  comme  essences  forestières  qu'on 
trouve  jusqu'à  près  de  3,000  mètres  au-dessus  du  niveau  de 
la  mer,  dans  les  Alpes  françaises,  où  cette  altitude  peut  être 
considérée  comme  la  limite  supérieure  de  la  végétation  fores- 
tière. 

Dans  l'échelle  des  latitudes,  on  ne  rencontre  dans  les ;j/a//?es 
de  France  que  les  deux  premières  régions  entières,  la  troi- 
sième ne  s'y  trouve  qu'en  partie,  et  la  quatrième  fait  totale- 
ment défaut. 

Cette  classilication  établit  dans  l'échelle  des  altitudes,  pour 
les  essences  forestières,  un  ordre  de  succession  qui  n'a  rien 
d'absolu  et  peut  être  modifié  par  une  série  de  circonstances 
locales  indépendantes  du  climat  général  d'une  région  donnée. 

C'est  ainsi  qu'en  montagne,  dans  une  même  région  clima- 
térique,  on  rencontre,  soit  la  même  essence  à  des  altitudes 
qui  présentent  parfois  des  écarts  de  plusieurs  centaines  de 
mètres,  soit  à  altitude  égale  des  essences  appartenant  à  des 
régions  climatériques  différentes,  soit  enfin  telles  essences 
spéciales,  à  l'exclusion  absolue  de  telles  ou  telles  autres  qu'on 
retrouve  à  des  altitudes  semblables  dans  d'autres  parties  de 
la  même  région. 

Ces  modifications  dans  l'ordre  de  succession  ou  dans  l'ha- 
bitation des  essences  forestières  sont  dues  à  deux  causes  dé- 
terminantes :  le  climat  local  et  les  conditions  du  sol. 

D'où  il  résulte  que  pour  bien  choisir  les  essences  à  préférer 


i;i4  REBOISEMENT   ET   GAZONNEMENT. 

dans  lo  roboispinoiit  d'un  lorrain  donné,  il  no  suffit  pas,  mal- 
gré l'imporlance  de  co  proinior  oxamon,  do  détorniinor  à 
quelle  région  climatérique  il  appartient,  mais  quil  laut  de 
plus  étudier  les  conditions  du  climat  local  et  du  sol  ;  le  résul- 
tat de  cette  étude  indiquera  seul  avec  certitude  les  essences 
qui  peuvent  végéter  convenablement  dans  les  conditions  du 
lieu  et  il  n(>  restera  plus  (pi'à  donner  la  préférence  à  celles  qui 
répondent  le  mioux  au  but  du  reboisement  qu'on  veut  entre- 
prendre et  dont  les  elfets,  comme  les  produits,  paraîtront  les 
plus  utiles. 

Le  climat  lucnl  d'un  lorrain  donné  dépend  de  sa  situation, 
de  son  exposition,  do  la  nature  et  do  l'intensité  des  vents  do- 
minants, de  l'abri  formé  par  les  montagnes  envirunnantos,  do 
Ihumidité  plus  ou  moins  grande  do  l'atmosplière,  de  la  ré- 
partition des  pluies  dans  les  différentes  saisons,  de  l'intensité 
de  la  lumière,  enfin  des  transitions  plus  ou  moins  brusques 
ontro  la  clialour  o(  lo  froid,  soil  dans  les  journées,  soit  dans 
les  saisons. 

ha.  situation  est  déterminée  par  l'altitude  du  lion  ot  par  l'o- 
rographie de  ses  environs;  do  là,  dos  situations  en  plaim-s  et 
en  coteaux,  en  montagnes  ot  on  vallées,  on  versants  ot  on  pla- 
teaux. 

Tout  versant  de  coteaux  ou  de  montagnes  présente  une  incli- 
naison quelconque  vers  un  point  donné  de  l'horizon  :  c'est  ce 
(ju'on  nomme  son  exposition;  d'où  résulte  une  série  d'exposi- 
tions répondant  aux  directions  do  la  rose  des  vents  et  parmi 
lesquelles  les  quatre  priiicipalos  sont  :  les  expositions /<o?ï/,  est, 
si(d  et  ouest. 

Examinées  au  point  dr  vue  inlrinsé([uo,  ces  expositions 
sont  caractérisées  ainsi  (piil  siiil  :  l'exposition  /mrd.  pies(|iie 
entièrement  soustraite  à  rinlliienee  solain'  directe,  est  plus 
froide,  partant  la  i)lus  fraîciio;  celle  de  Vcsl,  no  recevant  lo  so- 
leil que  le  matin,  est  soumise  à  une  chaleur  tempérée,  qui 
modère  l'cvaporation  ;  celle  <hi  sud,  livrt'e  aux  ardeurs  du  so- 
leil presque  toute  la  jouiin'e,  es!    la  pins  sèche;  enlin  celle  de 


DU  CHOIX  DES  ESSENCES.  \:V.-> 

Voiiest  est  beaucoup  plus  chaude  que  celle  de  l'est,  car  elle  est 
frappée  par  le  soleil  au  moment  où  la  température  de  l'air  est 
la  plus  élevée. 

La  natm-e  et  l'intensité  des  vents  dominants  peuvent,  dans 
certaines  contrées,  modifier  les  influences  de  la  situation  et  de 
l'exposition.  D'une  part,  les  vents  qui  amènent  les  pluies 
varient  de  l'ouest  à  l'est  suivant  les  régions;  c'est  ainsi  ({ue 
dans  la  haute  et  basse  Provence  les  vents  d'est  jouent  le 
rôle  des  vents  d'ouest  dans  la  majeure  partie  de  la  France 
et  réciproquement.  D'autre  part,  dans  certaines  vallées,  les 
orages  suivent  une  direction  constante,  parfois  diamétrale- 
ment opposée  à  celles  suivies  dans  d'autres  vallées.  Enfin,  sui- 
vant l'orographie  d'une  contrée,  les  vents  sont  localement  dé- 
tournés de  leur  direction  générale  et  peuvent  modifier  le  ca- 
ractère relatif  des  différentes  expositions. 

L'influence  de  l'exposition  est  une  des  questions  les  plus 
importantes  à  examiner.  Presque  nulle  près  de  l'équateur, 
elle  augmente  en  importance  à  mesure  qu'on  s'en  éloigne, 
atteint  son  maximum  au  45°  degré  de  latitude  et  va  en  dé- 
croissant à  mesure  qu'on  remonte  vers  le  pôle. 

En  France,  c'est  donc  dans  les  régions  méridionales  qu'elle 
se  manifeste  avec  le  plus  d'énergie  '. 


1.  — Le  sommet  du  Veutoux  est  ;i  44ol0'  de  latitude,  c'est-à-dire  nonloia 
du  4oc,  qui  est  ù  distance  égale  du  pôle  et  de  Téquateur.  Or,  c'est  sur  le 
cercle  correspondant  au  45<=  degré  que  la  différence  entre  l'exposition  nord 
est  le  plus  marquée.  Je  vais  essayer  de  le  démontrer  :  on  sait  que  plus  ou 
s'avance  vers  le  pôle,  plus  le  soleil  en  été  se  lève  et  se  couche  au  nord  de 
l'observateur,  et,  par  conséquent,  plus  les  jours  deviennent  longs.  A  partir 
du  cercle  polaire,  le  nombre  des  jours  sans  nuit  augmente  jusqu'au  pôle, 
c'est-à-dire  que  le  nombre  des  jours  où  le  soleil  ue  se  couche  pas  s'accroit 
•  progressivement.  Imaginez  une  nioutague  dans  ces  contrées.  Pendant  l'été, 
quand  le  soleil  se  couche,  le  versant  nord  est  éclairé  presque  autant  que  le 
versant  sud,  et  quand  il  ne  se  couche  pas,  l'astre  semble  tourner  autour  de  la 
montagne,  dont  le  côté  sud  est  éclairé  pendant  douze  heures  et  le  côté  nord 
pendant  le  même  espace  de  temps.  Dans  ces  latitudes,  la  différence  de 
deux  versants  opposés  est  donc  presque  nulle  sous  le  point  de  vue  du  ré- 
chauffement et  de  l'illumination  solaires.  Il  eu  est  de  même  quand  on  des- 


136  R  E  B  0 1 S  K  M  E  N  T  I;T  G  A  Z  0  N  N  E  M  E  N  T. 


Dans  l'échelle  dos  altitudes,  rinflnence  de  l'exposition  obéit 
h  une  loi  analogue  et  se  nianifcslc  (raulanf  moins  qu'on 
s'élève  davantage;  mais,  à  notre  point  de  vue  spécial,  ce  n'esl 
guère  que  dans  la  quatrième  région  qu'on  peut  se  dispenser 
d'en  tenir  un  compte  aussi  sévère  (pic  dans  les  autres. 

Les  montagnes  environnantes  exercent  parfois  aussi  une 
grande  influence  sur  le  climat  local  d'un  terrain  donné  ;  l'abri 
direct  qu'elles  peuvent  fournir  contre  les  vents  froids  ou 
chauds,  les  neiges  qu'elles  conservent  plus  ou  moins  long- 
temps sur  leurs  sommets,  leur  état  de  dénudation  ou  de  boi- 
sement, toutes  ces  conditions  peuvent  apporter  des  modifica- 
tions au  climat  local  '. 

Le  degré  général  dliumiditc  de  l'atmosphère  est  une 
donnée  précieuse,  car  il  est  loin  d'être  identique  d'un  lieu  à 
un  autre  et  exerce  sur  la  végétation  une  part  d'influence 
notable. 

Il  en  est  de  môme  de  la  répartition  des  pluies  dans  les  dif- 
férentes saisons.  Dans  telle  contrée  les  pluies  ne  tombent 
qu'au  printemps  et  à  l'autonme,  les  hivers  et  les  étés  sont 
secs,  comme  dans  \n  midi  de  la  France,  tandis  (pie  dans  tdlr 
autre,  bien  que  In  (piiintilé  (Teau  tnnih('e  annuellement  soi! 


cend  du  l'i*"  degré  de  latitude  vers  l'équatenr.  En  eftet,  i)lus  on  est  |)rèt 
de  la  ligue  équinoxiale,  plus  le  soleil  s'élève  au-dessus  de  Ihorizou  et  se 
rapproche  du  zénilli  ;  or,  on  conipreud  que  dans  cette  dernière  position,  il 
éclaire  le  versant  nord  et  le  versant  sud  d'une  montagne,  et  plus  il  est  voi- 
sin de  la  verticale.  ])lus  le  contraste  envers  les  deux  versants  diminue. 
C'est  donc  sous  le  450  degré  que  ce  contraste  est  aussi  grand  que  possible, 
et  le  Veutoux  occupe,  sous  ce  point  de  vxie,  la  position  géographiqtie  la 
plus  favoralile.  (Ch.  Marliiis,  Du  Spitzheiij  au  Sn/inra.) 

i.  —  Quand  une  montagm-  fait  partie  d'un  massif  ou  d'une  cliaine,  certains 
versants  sont  abrités  par  les  contreforts  voisins,  d'autres  ne  le  sont  pas  ; 
elle  est  en  outre  souvent  ilominée  par  les  sommets  qui  la  dépassent;  de  là 
des  influences  très  diverses.  La  montagne  sera  à  l'abri  de  tel  veut,  exposée 
à  tel  autre  ;  elle  recevra  la  chaleiir  répercutée  vers  l'un  de  ses  flancs  par 
un  escarpement  voi.sin,  tandis  que  l'autre  rayonnera  librement  vers  le  ciel. 
Les  conditions  de  chaleur,  d'humidité,  d'aération,  varieront  suivant  les 
diff'érents  azimuts;  rien  de  pareil  |)Our  une  montagne  isolée.  (Ch.  Martins, 
iJu  i>i>itzherg  au  Sahara.) 


nr   CHOIX   DES  ESSENCES.  l'H 


sensibltMiiciil  part-illc .  h'-^  pluies,  réparlios  sur  loulo  l'an- 
née, sont  moins  inlcnses  mais  plus  IVtMiucntcs  et  dunnenl 
ainsi  au  sol  une  fraîrlnMii"  plus  constante. 

De  plus,  les  météorologistes  admettent  ({ue  la  (juantité 
annuelle  d'eau  tombée  augmente  à  mesure  qu'on  s'élève  sur 
les  montagnes.  Nous  avons  pu,  depuis  quelques  années,  con- 
trôler cette  assertion  par  des  observations  directes  sur  les 
pluies  tombées  pendant  la  belle  saison,  c'est-à-dire  de  mai  à 
décembre  de  chaque  année.  Les  pluviomètres  placés  sur  le 
môme  versant,  dans  le  bassin  d'un  même  torrent,  nous  ont 
constamment  démontré  que  la  quantité  d'eau  tombée  à 
2,500  mètres  était  supérieure  à  celle  constatée  à  2,000  mètres, 
qui,  elle-même,  dépassait  considérablement  celle  trouvée  à 
1,500  mètres.  Le  plus  souvent  même  les  hauteurs  d'eau  à 
2,000  mètres  étaient  une  moyenne  entre  2,500  mètres  et 
1,500  mètres,  le  maximum  demeurant  constamment  acquis  à 
2,500  mètres.  En  comparant  ces  observations  avec  celles  faites 
dans  le  fond  de  la  vallée  à  un  point  voisin  (Barcelonnette) 
situé  à  1.130  mètres,  on  arrivait  à  cette  conclusion  que  la 
hauteur  de  l'eau  tombée  sur  le  sommet  de  la  montagne  est 
supérieure  au  double  de  celle  trouvée  au  fond  de  la  vallée'. 

L'intensité  de  la  lumière  est  aussi  à  considérer;  certaines 
essences  ne  prospèrent  bien  que  sous  l'influence  d'une  vive 
lumière  qui,  dans  le  cours  des  travaux  de  reboisement ,  peut 
être  avantageusement  utilisée,  ainsi  que  nous  l'exposerons 
plus  tard,  pour  le  succès  des  opérations. 

1. —  Ces  observations  pourraient,  pensons-nous,  expliquer  l'anomalie  con- 
statée par  M.  Rauliu,  professeur  à  la  faculté  de  Bordeaux  (Note  A  sur  l-- 
régime  pluvial  des  Alpes  françaises.  Cézanne.  Suite  de  Sî<re//,  t.  IIj,  et  qui 
consiste  en  ce  que,  taudis  que  dans  les  Pyrénées  la  quantité  annuelle  d'eau 
atmosphérique  va  en  augmentant  avec  l'altitude,  c'est  plutôt  (à  l'exception 
du  grand  Saint-Bernard)  l'inverse  qui  se  produit  dans  les  Alpes  françaises, 
d'ailleurs  beaucoup  moins  pluvieuses. 

Nous  ferons  i-emarquer  que  la  plupart  des  stations  pluviométriques  si- 
gnalées sont  situées  au  fimd  des  vallées,  où  la  sécheresse  est  proverbiale, 
et  qu'à  part  celui  du  Saint-Bernard  aucun  de  ces  pluviomèti-es  n'est  placé 
sur  des  versants  ou  des  sommets  de  montagnes. 


138  REBOISEMENT    ET   GAZONNEMENT. 


Enfin  les  transilions  plus  ou  moins  brusques  ontro  la  cha- 
leur et  le  froid  iniluent  considérablement  sur  le  climat  local. 
Dans  certaines  contrées  où  le  ciel  est  toujours  serein,  sauf 
pendant  les  courtes  périodes  bisannuelles  de  pluie ,  les  alter- 
natives de  chaleur  et  de  froid  sont  plus  fréquentes  et  plus  dan- 
iiereuses  qu(^  dans  (-(^les  où  le  ciel  est  souvent  couvert.  Do  là 
des  gels  (M  des  dégels  abondanis;  de  là  aussi  des  |)r(''tVM'euces 
de  la  i)art  de  Iclle  <ui   Icllc  essence  à  rcxclusion  des   aulnes. 

Du  Sol.  —  Les  conditions  du  climat  local  une  fois  détermi- 
nées, il  reste  à  examiner  celles  du  sol,  qui  dépendent  de  sa 
nature  et  de  l'état  de  sa  superficie. 

Au  point  de  vue  minéralogique,  les  éléments  dominanls 
peuvent  être  soit  l'argile,  soit  la  silice,  soit  le  calcaire,  dont  le 
mélange,  suivant  diverses  proportions,  peut  donner  des  sols 
plus  ou  moins  favorables  à  la  vé'gétation.  Certaines  essences 
forestières,  assez  rares  d'ailleurs,  sont  franchement  ennemies 
des  sols  calcaires;  d'autres  s'y  rencontrent  de  préférence,  et 
le  reste  accepte  indifféremment  les  diverses  natures  minéra- 
logiques. 

Les  éléments  chiniicpies  n'exeirent  donc  en  général,  au 
point  de  vue  cpii  nous  occupe,  qu'une  infiucnce  restreinte, 
facile  à  définir  pour  certaines  essences  spéciales;  ils  cèdent  le 
pas  aux  qualités  physiipies  du  sol,  c'est-à-dire  à  sa  profondeur,- 
sa  compacité,  son  hygroscopicitc,  son  aptitud(>  à  léchaulfe- 
ment,  sa  densité  et  sa  dureté. 

C'est  donc  ces  qualités  i)hysi(iui's  (pril  faudra  suiluni  s'iilla- 
cher  à  déterminer,  carde  leur  présence  ou  de  leur  absence  dé- 
pendront \non  des  modifications  à  introduire  dans  les  travaux. 

L'état  de  la  superficie  du  sol  peut  avoir  dans  bien  des  cas 
une  influence  importante,  cur  «m  peut  y  trouver  les  eb-ments 
d'im  abri  herbacé  ou  aridishml  (pii  décide  souvenl  de  ICmploi 
de  telle  ou  telle  r'ssence. 

Répartition  des  Essences  forestières  dans  les  différentes  Ré- 


DU  CHOIX   DES  ESSENCES.  l.J'J 

gions  climatériques.  —  Los  coii(lili(Mis  du  <liiiial  local  cl  du 
sol  ayant  été  dctcrniinécs  pour  un  terrain  qu'on  se  propose 
do  reboiser,  toutes  les  essences  appartenant  à  sa  région  clinia- 
térique  ne  seront  pas  également  susceptibles  d'emploi,  et  dans 
le  choix  à  faire  on  devra  encore  tenir  un  compte  sérieux  du 
caractère  spécial  à  chacune  d'elles;  pour  cola  il  convient  de 
connaître  le  mode  de  végétation ,  les  exigences ,  la  sociabilité 
de  cluKiue  essence,  son  effet  sur  le  sol,  la  nature  et  rini})or- 
tanco  dos  produits  qu'on  peut  en  espérer. 

Dans  quelque  région  climat(''rique  qu'on  so  place,  on  i)eul 
observer  que  les  forêts  se  composent  d'une  ou  plusieurs  es- 
sences dominantes  au  milieu  desquelles  d'autres  se  rencon- 
trent à  l'état  de  dissémination,  mais  sans  fournir  jamais  de 
massifs  compacts.  De  là  diMix  catégories  :  d'une  part,  les 
essences  susceptibles  de  fournir  un  massif  constituant  une 
foret  et,  d'autre  part,  les  essences  isolées,  plus  ou  moins  nom- 
breuses suivant  les  cas,  mais  incapables  de  vivre  et  de  se  per- 
pétuer à  l'état  de  massif  constant. 

Ainsi,  dans  la  région  chaude,  les  essences  (pii  composent  les 
grands  massifs  sont  le  pin  d'Alep ,  le  pin  maritime ,  le  chêne 
vert  ou  yeuse  et  le  chêne  liège. 

Dans  la  région  tempérée ,  on  trouvera  les  chênes  rouvre  et 
pédoncule,  le  châtaignier,  le  charme,  les  pins  sylvestre  et 
laricio,  le  hêtre  et  le  sapin;  dans  la  région  froide,  le  hêtre,  le 
pin  à  crochets,  le  sapin,  l'f'picéa  et  le  mélèze;  enfin,  dans  la 
région  très  froide,  le  mélèze  et  le  pin  cembro. 

Toutes  les  autres  essences  forestières  ne  végètent,  dans 
leurs  régions  respectives,  qu'à  l'état  d'essences  secondaires 
disséminées,  suivant  certaines  circonstances  locales,  au  milieu 
des  grands  massifs,  et  ne  présentant  en  nombre  qu'une  très 
petite  proportion  relativement  aux  essences  dominantes. 

Néanmoins  elles  peuvent  parfois  être  très  utiles  au  reboise- 
ment, à  la  condition  d'être  employées  dans  les  conditions  qui 
leur  sont  propres,  suivant  les  différents  cas  qui  peuvent  se 
présenter. 


1.(1  REBOISEMENT   ET   GAZONNEMENT. 

D'autre  part,  certainos  essences  de  massif  ne  sont  pas  tou- 
jours unicjues  et  vivent  volontiers  avec  d'autres  de  la  mùme 
calt'gorie,  ce  qui  constitue  parfois  des  mélanges  très  avanta- 
geux. 

Enfin,  toutes  les  essences  ne  peuvent  être  employées  direc- 
tement pour  le  reboisement  d(^s  terrains  dénudés;  il  en  est 
dont  les  jeunes  plauls  (Iciiiandenl  ix'iidanl  |)lus  ou  moins 
d'années  un  certain  couvert  qui  les  protège  contre  les  ardi'urs 
solaires  et  qui,  pour  ce  motif,  ne  peuvent  être  introduites 
dans  un  reboisement  qu'après  la  création  d'iui  dagc  fo- 
liacé. 

Dans  la  description  qui  va  suivre,  nous  nous  étendrons  prin- 
cipalement sur  l(>s  essences  propres  à  être  employées  diri^dr- 
nient  dans  1(^  reljoisemcnl  des  Iciiiiins  nus,  et  nous  nous 
contenterons  d'indiquer  cellrs  (jui  ré'clament  un  couvert  pr(''- 
existant  à  leur  emploi. 

Nous  procéderons  en  passaid  en  r<nue,  dans  rlia((ue  région 
climatérique,  les  caractères  spéciaux  des  essences  qu'on  peut 
adopter  suivant  les  eas  et  le  mode  d'introduction  (pii  peut  pa- 
raître préft'rable. 

Description  des  Essences  forestières  propres  au  Reboisement. — 
I"  (TniKil  cIkiikI.  —  Le  |tiii  d'Alrp  est  très  n'i)aii<lu  imi  Algi'TJe, 
où  il  compose  des  liitairs  de  nouil)reux  miliici's  d'Iiectares. 

En  France,  il  se  rencontre»  principalement  en  Trovence,  oîi 
il  est  connu  sous  le  nom  de  p'm  f/fanr,  ot  (jccupe  surtout  li^s' 
versants  calcaires,  bien  (pi'oii  le  trouve  indifféremment  sur  les 
sols  de  toute  nature  min(''ralogique.  Sa  statitui  est  limité'c  du 
bord  de  la  mer  à  une  altitude  de  700  mètres  aux  expositions 
cbaudes  et  de  iOO  mètres  dans  les  autres.  Il  coliabite  gém-ra- 
lement  avec  l'olivier. 

Dans  rirdé-rii'ur  des  terres,  il  s'i'dève  moins  liant  et  c'est 
ain>i  (pi'au  mont  Venloux.  sa  limil(^  supérieure  au  versant  sud 
n'atti'jiil  rpir  {so  mètres  et  (pi'on  ne  je  retrouve  jilus  sur  le 
versant  nord,  dmit  le  pied  r<\  h  (00  mètres. 


DU   CHOIX   DES   ESSKN'CES.  lU 

Se  coiileiilant  dos  plus  iaau\ais  tcriains,  In-avaiil  (1rs  son 
plus  joiino  âge  les  ardeurs  du  soleil,  le  pin  d'Alep  représente, 
au  point  de  vue  du  reboisement  des  terrains  nus,  l'essence  la 
plus  précieuse  pour  la  région  chaude. 

Dans  les  sols  les  plus  pauvres  et  les  plus  secs,  à  base  cal- 
caire, rebelles  à  toute  autre  végétation  forestière,  on  peut, 
par  l'emploi  de  cette  essence,  obtenir  en  peu  de  temps  des 
massifs  complets,  appelés  à  fournir,  en  nièmi»  temjjs  ([ue  des 
produits  d'une  certaine  valeur,  une  rapidt»  et  salutaire  amé- 
lioration du  sol. 

Le  pin  d'Alep  donne  un  couvert  relativement  assez  épais, 
grâce  aux  branches  nombreuses  qui  garnissent  son  tronc  et 
le  distinguent  ainsi  de  la  plupart  des  autres  pins;  ses  aiguilles, 
longues  et  fermes,  fournissent  au  sol  un  abondant  détritus 
qui  ne  tarde  pas  à  le  couvrir.  Sa  croissance  est  rapide ,  dans 
les  vingt  premières  années  surtout,  mais  sa  longévité  est  rela- 
tivement faible,  car  à  quatre-vingts  ans  il  a  attinnt  le  terme  de 
son  exi)loitabilité. 

Son  bois,  à  grain  fin  et  serré,  peut  être  employé  en  char- 
pente, mais  seulement  pour  des  portées  faibles,  car  il  est  plus 
cassant  que  les  autres  résineux;  il  offre  peu  de  ressources  à  la 
menuiserie  fine  et  convient  plutôt  à  la  confection  des  ouvrages 
grossiers  et  des  caisses  d'emballage  ;  enfin,  il  est  utilement 
employé  dès  l'âge  de  vingt  ans  à  la  confection  des  rondins 
pour  les  galeries  de  mines. 

Il  produit,  en  outre,  une  résine  d'aussi  bonne  qualité  que 
celle  des  pins  maritimes,  et  d'autant  plus  abondante  qu'on  se 
trouve  en  pays  plus  chauds. 

Il  croit  très  bien  en  mélange  avec  d'autres  essences,  notam- 
ment avec  le  chêne  vert;  mais  si  l'on  n'y  prend  garde,  dans  ce 
dernier  cas ,  il  ne  tarde  pas  à  envahir  tout  le  sol  et  à  réduire 
le  chône  à  l'état  de  sous-bois. 

Dans  les  reboisements  en  terrain  nu ,  on  peut  employer  le 
pin  d'Alep,  soit  par  semis,  soit  par  plantation,  suivant  les  diffé- 
rents cas  que  présentent  l'état  superficiel  du  sol  et  l'exposition. 


Ii2  REBOISEMENT    ET   GAZONNEMENT. 

ainsi  qiio  nous  l'examinerons  dans  le  chapitre  de  l'exécution 
des  travaux. 

Le  pin  maritime  est  beaucoup  plus  répandu  (|ue  le  pin  d'Alep. 
11  occupe  de  très  vastes  surfaces  à  l'état  de  futaies  pleines  dans 
la  Provence,  dans  le  Languedoc,  dans  les  Landes,  et  remonte 
le  long  de  l'Océan  jusqu'en  Bretagne,  en  pénétrant  dans  l'inté- 
rieur des  terres  jusqu'au  Mans. 

Moins  indifférent  à  la  nature  minéralogique  du  sol  que  le 
pin  d'Alep,  il  semble  affectionner  surtout  les  terrains  siliceux 
ou  bien  appartenant  aux  formations  plutoniques.  Cependant 
on  le  rencontre  dans  les  Alpes-Maritimes  sur  des  terrains  cal- 
caires, et  parfois  en  mélange  avec  le  pin  d'Alep,  voire  môme 
avec  une  variété  locale  du  pin  sylvestre.  D'autre  part,  il  a 
parfaitement  réussi,  dans  des  sols  à  base  calcaire,  par  voie  de 
repeuplement  artificiel,  mais  on  ne  peut  en  conclure  qu'il 
accepterait  indifféremment  toutes  sortes  de  calcaire  ;  il  est 
constant  au  contraire  qu'il  tient  surtout  à  l'état  de  désagréga- 
tion et  de  légèreté  du  sol,  conditions  qui  peuvent  se  rencon- 
trer dans  certains  calcaires  plus  ou  moins  modifiés,  mais  non 
dans  tous  les  terrains  de  cette  espèce. 

Uiioi  qu'il  en  soit,  il  conviendra  toujours  de  donner  la  pré- 
férence au  pin  maritime  dans  les  sols  siliceux  ou  ])lu Ioniques 
et  de  réserver  aux  sols  où  le  calcaire  est  dominant  le  pin 
d'.Mep  partout  où  le  climat  permettra  son  empjni.  Il  supporte 
assez  bien  la  sécheresse,  mais  ù  un  degré  bien  moindre  ((ue  le 
pin  d'Alep. 

Le  couvert  du  i)in  maritime  estléger;  son  port  est  ])lus  droit 
que  celui  du  pin  d'Alep,  son  enracinement  plus  profond  et  sa 
i^roissance  aussi  rapide. 

(iOnmie  le  premier,  il  fournit  rapidement  d'abondants  dé- 
tritus au  sol  et  ne  tarde  pas  à  l'amt'liorer;  enfin,  l'ùge  de  son 
exploitabilité  est  sensiblement  le  même. 

Le  pin  maritime  est  généralement  soumis  au  résinage  qui 
en  représente  le  produit  principal.  Cependant,  en  Provence, 
cette  exploitation  est  peu  généralisée  et  ne  se  rencontre  en- 


DU   CHOIX  DES  ESSENCES.  143 


core  (lu'à  l'état  cxccptioniiol.  Le  résinago,  loin  do  diniinuor 
les  qualités  du  bois,  en  augmente  au  contraire  la  durée  et  la 
résistance,  mais  il  a  pour  résultat  d'altérer  la  croissance  des 
arbres  et  même  de  les  déformer. 

Le  bois  du  pin  maritime  est  employé  aux  mêmes  usages 
que  celui  du  pin  d'Alep,  mais  il  présente  généralement  de 
plus  fortes  dimensions  en  liauteur  et  en  diamètre. 

Cette  essence  supporte  très  bien  le  mélange  avec  le  pin 
d'Alep  :  quant  aux  cbênes,  c'est  plutôt  avec  le  cbêne  liège  qu'on 
le  rencontre  qu'avec  le  cbène  vert,  par  suite  de  sa  préférence 
pour  les  sols  plutoniques  où  le  liège  réside  exclusivement. 

En  Provence,  les  massifs  de  pins  maritimes,  plus  encore 
que  ceux  de  pins  d'Alep ,  dominent  un  sous-bois  qui ,  grâce  à 
l'intensité  de  la  lumière,  à  la  pureté  de  l'air  et  à  la  légèreté  du 
couvert,  devient  tellement  fourré  qu'il  intercepte  le  passage, 
mais  présente  un  danger  permanent  par  suite  de  l'aliment 
qu'il  fournit  aux  incendies  sous  ce  climat  sec  et  parfois  brû- 
lant. 

En  reboisement,  le  pin  maritime  est  employé  plus  souvent 
en  semis  qu'en  plantation.  Son  pivot,  plus  développé  et  moins 
cbevelu  que  celui  du  pin  d'Alep,  présente  plus  de  risques 
dans  la  jdantation.  D'autre  part,  le  prix  de  la  graine  et  sur- 
tout la  nature  du  sol  qu'il  préfère  doivent  en  faire  écarter  la 
plantation  et  adopter  le  semis. 

Le  cbène  vert  ou  yeuse  ne  forme  généralement  en  France 
que  des  taillis  simples  exploités  à  d'assez  courtes  révolutions; 
la  futaie  de  chênes  verts  ne  s'y  rencontre  pas  et  le  taillis  com- 
posé lui-môme  est  fort  rare.  On  trouve  cependant,  à  l'état  isolé 
ou  par  bouquets,  des  chênes  verts  d'assez  belles  dimensions. 

Cette  essence  fournit  une  variété  qui  donne  des  glands 
doux,  comestibles  et  susceptibles  de  remplacer  la  châtaigne 
dans  l'alimentation  de  l'homme  :  c'est  le  chêne  ballote,  ainsi 
nommé  par  les  Arabes  de  l'Algérie,  où  cette  variété  est  très 
répandue  et  présente  des  sujets  de  très  grandes  dimensions, 
soit  à  l'état  isolé,  soit  en  massifs  complets  susceptibles  d'être 


lit  REBOISEMENT  ET   OAZONNEMENT. 

oxploités  en  taillis  composé  ou  môme  en  futaie.  On  roncontro 
cette  variété  dans  quelques  départements  du  Midi,  notanimonl 
do  la  Provence,  mais  très  rarement. 

L'aire  d'hajjilalion  du  eliùne  vert  est  beaucoup  plus  vaste 
<pie  celle  du  pin  d'Alep. 

En  latitude,  elle  est  un  peu  inlérieure  à  eell(_'  du  pin  mari- 
lime,  car  il  remonte  le  long- de  l'Océan  jusqu'à  la  Loire. 

Aux  environs  de  la  mer,  il  dépasse  en  altitude  le  pin  mari- 
lime;  c'est  ainsi  que  dans  les  Alpes-Maritimes  on  trouve  des 
taillis  de  chênes  verts  à  1,200  mètres  aux  expositions  chaudes, 
mais  dans  l'inlérieur  des  terres  il  s'arrête  à  (ioO  mètres  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer. 

Au  point  de  vue  du  sol,  le  chêne  vert  manifeste  une  préfé- 
rence pour  le  calcaire;  aux  basses  altitudes  et  dans  les  terrains 
siliceux  ou  plutoniques,  il  fait  place  au  chêne  liège,  et  sur  les 
points  les  plus  élevés  de  son  aire  il  laisse  au  chêne  rouvre  les 
sols  meubles  ainsi  que  les  expositions  fraîches. 

Le  peu  d'exigence  du  chêne  vert  en  fait  une  essence  pré- 
cieuse pour  le  reboisement  des  calcaires  ;  son  couvert  épais 
procure  au  sol  une  fraîclKun^  salutair(\  Mais  sa  croissance  est 
lente;  aussi  son  bois  est-il  très  diu';  on  l'utilise,  en  Franc»;  sur- 
tout, comme  bois  d'industrie. 

Les  taillis  de  cette  essenee  fournissent  un  excellent  buis  de 
chauffage,  et  surtuut  une  écorce  tellement  estinn-e  (pie,  tlans 
beaucoup  de  contrées,  l'écorcc  des  taillis  de  chênes  ruuvres 
est  absolument  négligée. 

Le  chêne  vert  végète  parl'aitement  en  mélange  avec  le  pin 
d'Alep  ;  la  différence  d'enracinement  et  de  couvert  de  ces  deux 
essences  rend  ce  mélange  1res  avantageux  pour  leur  introduc- 
tion en  terrain  nu,  ainsi  (pic  nous  le  voirons  ulti'iiourement. 

En  reboisement ,  la  pliiiihilimi  ne  jient  èlro  emj)loyé(!  pour 
le  chêne  vert  par  suite  de  la  longueur  demiisuréo  et  de  la  nu- 
dité de  son  pivot.  11  arrive,  en  elfet,  que  des  semis  d'un  an, 
qui  sortent  à  peine  de  quehiues  centimètres  hors  de  terre, 
présentent  des  pivots  dont  certains  atteignent  jusqu'à  l^.iO 


DU  CHOIX  DES   ESSENCES.  145 

de  longueur,  sans  la  moindre  racino  adventivo  et  sans  le  moin- 
dre chevelu.  On  ne  peut  songer,  dans  ces  conditions,  î\  une 
transplantation.  Cet  effet  se  manifeste  du  reste  chez  bon  nom- 
bre d'essences  à  feuilles  persistantes,  notamment  le  chêne 
liège  et  le  caroubier.  On  est  donc  obligé,  pour  ces  essences, 
de  recourir  exclusivement  au  semis.  Cette  propriété  duchône 
vert,  de  présenter  un  aussi  long  pivot,  le  rend  très  avanta- 
geux pour  fixer  les  terrains  profonds  en  pente. 

Le  chêne  liège,  très  répandu  en  Algérie  et  en  Espagne  ,  ap- 
partient, comme  l'olivier,  à  la  flore  méditerranéenne.  Il  ne 
pénètre  pas  profondément  dans  l'intérieur  des  terres,  se  ren- 
contre sur  tout  le  littoral  à  une  altitude  qui  ne  dépasse  pas 
700  mètres  aux  expositions  chaudes  et  500  mètres  aux  autres. 

Il  y  forme  des  massifs  importants,  mais  exclusivement  sur 
les  terrains  généralement  fertiles,  produits  par  la  désagréga- 
tion des  roches  plutoniques  ;  on  ne  le  trouve  jamais  en  massifs 
dans  les  terrains  calcaires,  bien  que  dans  le  voisinage  des 
terrains  d'éruption  on  puisse  en  rencontrer  sur  des  terrains 
calcaires  métamorphosés,  mais  ce  n'est  qu'une  très  petite  ex- 
ception. 

Les  conditions  spéciales  de  sol  que  réclame  cette  essence 
restreignent  considérablement  son  emploi  dans  le  reboise- 
ment des  terrains  nus.  Néanmoins  les  produits  du  chêne  liège 
sont  si  précieux  qu'il  peut  être  avantageux  d'en  créer  des 
bois,  et,  à  ce  titre,  nous  ne  pouvons  le  négliger. 

Sa  croissance  est  très  lente  au  début,  mais  vers  la  sixième 
année  elle  commence  à  se  développer,  et,  de  vingt  à  vingt- 
cinq  ans,  il  atteint  une  circonférence  de  25  à  30  centimètres, 
suffisante  pour  permettre  le  premier  démasclage. 

Le  chêne  liège,  pendant  cette  période,  se  trouve  bien  du 
mélange  du  pin  maritime,  qui  enrichit  le  sol  et  procure  au 
jeune  peuplement  un  ombrage  tutélaire. 

Gomme  pour  le  chêne  vert,  et  pour  les  mêmes  motifs,  le 
semis  est  bien  préférable  à  la  plantation. 

10 


146  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Le  caroubier,  très  répandu  on  Algérie  et  dans  toute  la 
région  méditerranéenne,  ne  se  rencontre  en  France  à  l'état 
indigène  que  sur  une  partie  du  littoral  des  Alpes-Maritimes. 
11  appartient  surtout  à  la  sous-région  chaude,  caractérisée 
par  la  végétation  do  l'orangor  on  pleine  terre.  Cependant  il 
peut  végéter  encore  au  delà  do  Toulon,  où  l'on  en  trouve  de 
beaux  spécimens. 

Il  ne  se  présente  jamais  en  massif  et,  sans  atteindre  une 
très  grande  hauteur,  il  acquiert  de  fortes  dimensions. 

Il  végète  généralement  dans  tous  les  sols,  à  l'exception  des 
terrains  marécageux  ou  sablonneux.  Le  terrain  rocailleux  et 
sec  lui  convient  parfaitement. 

Son  couvert  est  épais;  ses  feuilles  persistantes  protègent 
constamment  le  sol  contre  les  ardeurs  du  soleil  et  maintien- 
nent sa  fraîcheur. 

Son  fruit  sert  de  nourriture  aux  bestiaux,  surtout  aux 
chevaux. 

Son  bois,  très  dur,  très  compact,  est  précieux  pour  l'indus- 
trie et  l'ébénisterie. 

Sa  croissance  est  très  rapide  dans  les  premières  années;  il 
repousse  parfaitement  de  souche  et  s'accommode  très  bien 
du  mélange  avec  le  pin  d'Alep. 

Son  introduction  dans  le  reboisement  dos  terrains  nus, 
nié'O  au  dt'-but  comme  iinjualirable,  est  aujourd'hui  pleine- 
ment JMstilit'e  par  les  résultats  obtenus  on  Algérie  et  dans  les 
Alpcs-.Marilimes,  où  des  sujets  avaient  atteint,  après  sept  ans 
de  semis,  une  hauteur  moyenne  de  3  mètres. 

Gomme  les  chênes  à  feuilles  persistantes,  il  est  rebelle  à  la 
transplantation  et  ne  peut  èlr<'  employé  que  par  voii^  do  semis. 

Le  i)in  pinier  est  cssentiellenient  méditerranéen.  On  le  ren- 
contre sur  le  littnral  à  Vrinl  de  l)i>u(|uels  isolés  présentant 
de  superbes  échantillons  tant  en  hauteur  (|u'en  diiu(Misions. 
On  le  désigne  en  Provence  sous  le  nom  d<^  piijnoH,  donné  à  sa 
graine  volumineuse  et  comestible. 


DU   CHOIX   DES   ESSENCES.  147 

On  \o  rciuMintro  smloiit  dans  los  fonds  do  vallées  près  de  la 
mer;  copendanl  do  nombreux  essais  tentés  sur  des  coteatix 
ou  des  flancs  d(^  montagn(!  ont  démontré  que  cette  essence 
s'accommodait  très  ])ion  dos  sols  secs  et  rocheux,  tant  calcaires 
que  siliceux. 

Sa  croissance  est  assez  rapide,  bien  (prinférieure  à  celle 
des  pins  d'Alep  et  maritime. 

Gomme  le  pin  d'Alop,  il  est  très  fourni  on  branches,  mais 
il  n'alTectepas  la  forme  pyramidale;  dès  los  premières  années, 
on  voit  toutes  ses  branches  se  terminer  pour  ainsi  dire  à  un 
même  plan  horizontal,  ce  qui  lui  donne  une  forme  demi- 
ovoïde  par  suite  du  redressement  de  ses  branches.  Plus  tard, 
quand  l'arbre  devient  âgé,  que  les  branches  inférieures  ont 
disparu  et  que  les  supérieures  ont  pris  de  l'accroissement  en 
diamètre,  l'effet  de  la  pesanteur,  n'étant  plus  combattu  par 
l'influence  solaire,  prend  le  dessus  et  les  branches  s'étalent 
de  plus  en  plus  jusqu'à  laisser  retomber  légèrement  leurs 
extrémités  et  à  accentuer  cette  forme  si  caractéristi(iu(>  du 
pin  pinier,  qui  lui  a  fait  donner  le  nom  de  \m\  parasol. 

Ses  fruits  donnent  un  produit  assez  important  tant  par  la 
graine,  qui  est  comestible  et  très  recherchée,  que  par  ses 
gros  cônes  très  charges  de  résine  et  employés  pour  l'allumage 
des  feux. 

Cette  essence,  à  couvert  épais,  est  précieuse  pour  le  reboi- 
sement par  le  motif  qu'elle  empêche  la  végétation  d'un  sous- 
bois  envahissant  et  très  dangereux  à  cause  dos  incendies,  en 
même  temps  qu'elle  maintient  la  fraîcheur  du  sol. 

Nous  n'en  connaissons  pas  de  massifs  à  l'état  do  i)orchis 
âgés,  mais  depuis  un  certain  nombre  d'années,  on  en  a  fait 
un  nombreux  emploi  dans  les  reboisements  exécutés  par 
l'Etat  ou  les  particuliers  dans  la  Provence,  et  les  résultats 
obtenus  concordent  tous  à  faire  proposer  cette  essence. 

Le  bois  en  est  de  bonne  qualité  tant  au  point  de  vue  do  la 
charpente  que  de  la  menuiserie. 

Son   enracinement   profond    lui   permet    do   parfaiUnncut 


148  REBOISEMENT   ET   GAZoNNEMEXT. 

résister  à  l'action  des  vents  et  en  fait  nne  essence  excellente 
pour  la  fixation  des  sols  instables. 

En  reboisement,  le  semis  et  la  plantation  lui  conviennent 
également  ;  cependant  il  y  a  lieu  le  plus  souvent  de  préférer 
la  plantation,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  loin. 

Telles  sont  les  essences  susceptibles  d'être  utilisées  pour 
le  reboisement  des  terrains  nus  dans  la  région  chaude. 

Quant  aux  nombreuses  essences  exoticiues  qu'on  a  plus  ou 
moins  réussi  à  introduire  dans  les  différents  climats  de  cette 
région,  elles  ajjpaiiii'nnent  pour  la  plupart  plutôt  à  la  caté- 
gorie des  plantes  d'ornement  qu'à  celle  des  essences  fores- 
tières. Il  en  est  cependant  qu'on  a  tenté  d'utiliser  dans  le 
reboisement  de  certains  versants,  telles  que  V Eucalyptus  g lo- 
bulus,  le  Grevillea  robusta,  le  Casuarina  eqidsetifolia  (Filao  de 
Madagascar).  Mais  ces  essais,  entrepris  d'ailleurs  sur  une 
petite  échelle,  ont  suffi  pour  démontrer  leur  inanité.  Ainsi 
VEucalyptus  globulus,  ([ui  gèle  à  Toulon  et  ne  se  soutient  que 
dans  la  sous-région  très  chaude  de  l'oranger,  est  confiné  dans 
les  alluvions  des  vallées,  dans  les  sols  profonds  et  frais  oii  il 
joue  dans  le  climat  chaud  le  rôle  des  peupliers  dans  les  climats 
tempérés,  mais  il  est  loin  de  bien  végéter  dans  les  terrains 
secs  et  peu  profonds  des  flancs  do  coteaux  ou  de  montagnes  ; 
il  lui  faut  en  outre  un  abri  sérieux  contre  les  grands  vents. 

Cette  essence  ne  trouve  donc  sa  vraie  place  en  France  que 
dans  des  parcs  ou  des  conditions  absolument  en  dehors  des 
terrains  (jui  nous  occupent.  Il  en  est  de  même  des  deux  au- 
tres dénommées  ci-dessus,  ainsi  que  de  la  myriade  d'cxoli- 
(pies  cultivés  par  les  i)épiniérisles. 

De  cette  description  il  résulte  donc  que  dans  la  région 
chaude  on  ne  peut  compter  pour  le  reboisement  des  terrains 
nus  que  sur  des  essences  à  feuilles  persistantes,  au  nombre 
de  six,  dont  trois  seulement,  le  pin  d'Alep,  le  chêne  vert  et 
le  pin  maritime,  sont  appelées  à  un  emploi  bien  plus  général 
que  les  autres. 

Il  est  à  remarfpif'r  qui'  dans  la  région  chaude,  comme  nous 


DU  CHOIX  DES  ESSENCES.  119 

le  verrons  plus  lard  pour  la  région  alpine,  il  n'oxislc  aucun 
massif  forestier  composé  d'essences  à  feuilles  caduques;  la 
basse  végétation  forestière  elle-même  ne  comprend  guère 
que  des  plantes  à  feuilles  persistantes,  depuis  les  cystes  jus- 
(|u'aux  lontisiiucs,  myrtes,  arbousiers,  etc. 

"1°  Région  moyenne  ou  tempéi'ée.  —  La  région  tempérée  se 
divise  en  deux  sous-régions  correspondant  :  la  première,  à 
un  climat  doux  caractérisé  par  la  vigne,  les  chênes  rouvre 
et  pédoncule  et  par  de  nombreux  feuillus;  la  seconde,  à  un 
climat  tempéré  oii  se  trouvent  encore  les  chênes,  mais  où  d(j- 
mine  le  pin  sylvestre  et  où  conmiencent  à  apparaître  le  hêtre 
et  le  sapin. 

Le  pin  maritime  s'y  rencontre  encore  sans  rien  perdre  du 
caractère  indiqué  pour  cette  essence  dans  le  climat  chaud; 
nous  ne  nous  y  arrêterons  pas  dès  lors  davantage. 

Les  grands  massifs  forestiers  sont  représentés  par  les  chênes 
à  feuilles  caduques,  dont  les  deux  principales  espèces  sont 
le  rouvre  et  le  i)édonculé.  Ces  deux  essences  sont  les  plus  pré- 
cieuses de  toutes  celles  qui  peuplent  nos  forêts.  Les  qualités 
à  tous  les  points  de  vue  de  leur  bois  sont  tellement  connues 
de  tous  qu'il  nous  paraît  superflu  de  les  développer  ici. 

Le  chêne  pédoncule  se  plaît  surtout  dans  les  plaines  à  sol 
profond,  frais  ou  même  humide;  dans  les  coteaux,  il  se  mêle 
avec  le  chêne  rouvre  et  disparaît  totalement  dans  les  mon- 
tagnes. 

Le  chêne  rouvre,  au  contraire,  préfère  les  sols  accidentés 
et  végète  parfaitement  dans  les  montagnes. 

En  latitude,  le  chêne  pédoncule  remonte  beaucoup  plus 
vers  le  nord  que  le  chêne  rouvre,  et  ne  se  rencontre  que 
très  rarement  dans  le  sud-est  de  la  France,  tandis  qu'en  alti- 
tude il  s'arrête  bien  au-dessous  du  chêne  rouvre,  qui  occupe, 
seul  de  son  espèce,  cette  région  accidentée. 

La  préférence  qu'affecte  le  chêne  pcdonctdé  pour  les  plai- 
nes et  les  terrains  très  frais  lui  enlève  tout  intérêt  au  point 


150  REBOISEMENT  ET  GAZONXEMENT. 

(lo  Yuo  spécial  qui  nous  occupo  ot  roporto  sur  lo  chôno  rou- 
vre toute  l'attention  du  reboiseur. 

Le  chêne  rouvre,  dans  les  régions  montagneuses  des  Alpes, 
fait  immédiatement  suite  au  chêne  vorl  :  on  commence  à  le 
rencontrer,  aux  expositions  fraîches,  à  iOO  mètres  au-dessus 
de  la  mer,  et  il  ne  s'arrôte  que  vers  t,000  mètres,  pour  faire 
place  au  pin  sylvestre. 

En  remontant  en  latitude,  il  se  trouve  dans  le  fond  des 
vallées  et  sur  les  coteaux  où  il  est  mêlé  au  chônc  pédoncule; 
il  pénètre  ensuite  dans  la  région  des  pins  sylvestres  et  va 
même  jusqu'à  atteindre  l'habitation  des  sapins,  tandis  qu'en 
altitude  il  en  est  toujours  séparé  par  la  zone  des  pins  syl- 
vestres. 

Plus  on  descend  du  nord  vers  le  midi,  ])lns  la  fiilaii»  des 
chênes  rouvres  devient  rare,  à  tel  point  qu'en  Prcncnce  elle  a 
presque  totalement  disparu,  pour  faire  place  à  des  massifs 
exploités  le  plus  souvent  en  taillis  simp](\ 

A  cet  état,  les  chênes  occupent  généralement  des  versants 
abrupts  de  montagnes  calcaires  ou  marneuses,  à  sol  médio- 
cre, peu  profond  et  très  rocheux;  les  expositions  fraîches 
présentent  des  massifs  bien  drus  et  d'une  végétation  vigou- 
reuse; aux  autres  expositions,  l'aspect  est  moins  satisfaisant, 
néanmoins  le  massif  persiste. 

D'où  1(111  piMil  ((mcliirc  que  le  chêne  rouvre  s'accomniodc 
de  toutes  les  (jualités  de  sol,  tout  en  préférant  les  expositions 
fraîches  et  les  terrains  d'une  certaine  profondeur. 

En  reboisement,  le  chêne  rouvre  est  donc  une  essence  pré- 
cieuse, qu'on  doit  propager  autant  (pu*  possible. 

Le  semis  nous  en  a  toujours  paru  préférable  à  la  planlalion. 

Le  chêne  rouvre  a  un  couvert  assez  épais,  aussi  son  jeune 
plant  est-il  sensible  aux  inlliiences  atmospln  riques  ;  il  con- 
vient donc  autant  cpu'  i)ossible  de  lui  fournil"  iin  h'ger  abri 
<lans  sa  jeunesse;  à  (h'faut  de  végétation  spontanée,  on  le 
produit  avanlageusenienl  jiar  rintrodiidion  d'autres  e.ssences 
forestières  d'une  croissance  plus  rapide,  destinées  à  disparaî- 


DU   CHOIX  DES  ESSENCES.  loi 

tre  au  moment  opportun  ot  sorvaul  ainsi  d'ossencos  transi- 
toirP:>. 

Lo  chAtaignier  se  rencontre,  en  France,  dans  les  régions 
du  climat  chaud,  comme  dans  la  partie  douce  du  climat  tem- 
péré. Son  aire  d'habitation  est  sensiblement  celle  de  la  vigne. 

Disséminé  sur  quelques  points  favorables  de  la  Provence , 
il  est  très  répandu  dans  le  centre  et  le  sud-est  de  la  France, 
mais  exclusivement  à  l'état  de  grands  arbres  isolés,  ou  en 
bouquets,  toujours  cultivés  en  vue  de  la  production  des  châ- 
taignes, sans  se  présentera  l'état  de  véritable  massif  forestier. 

Cependant,  dans  certaines  contrées  situées  plus  au  nord,  on 
a  constitué  des  massifs  exploités  en  taillis  simple,  notamment 
en  Alsace,  sur  les  versants  orientaux  des  Vosges,  où  il  atteint 
une  altitude  maxima  de  600  mètres  un  peu  supérieure  à  celle 
de  la  vigne.  Dans  les  montagnes  du  Sud-Est,  il  monte,  à  une 
bonne  exposition,  jusqu'à  une  altitude  maxima  de  900  mètres. 

Le  châtaignier  affectionne  exclusivement  les  sols  meubles 
composés  de  la  désagrégation  des  roches  plutoniques  ou  sili- 
ceuses. 

On  en  rencontre  bien  quelques  sujets  sur  des  terrains  cal- 
caires (par  exemple  dans  les  Basses-Pyrénées),  mais  cette 
exception  très  rare  ne  peut  se  justifier  que  par  un  état  tout 
spécial  d'ameublissement  du  sol,  et  n'infirme  en  rien  la  règle 
générale  à  adopter  dans  son  emploi  au  point  de  vue  de  la 
nature  du  terrain  qu'il  préfère. 

Le  châtaignier  redoute  beaucoup  les  gelées  printanières, 
ainsi  que  les  grands  vents,  et  habite  surtout  les  vallées  tempé- 
rées, les  versants  peu  rapides,  peu  rocailleux,  à  terre  meuble 
et  profonde,  sans  rechercher  cependant  les  terrains  humides. 

Son  bois  a  beaucoup  d'analogie  avec  celui  du  chêne,  mais 
ne  possède  pas  toutes  ses  qualités,  surtout  à  l'épreuve  des 
influences  atmosphériques. 

Sa  croissance  est  très  rapide  dès  les  jeunes  années  ;  bien  ((ue 
son  couvert  soit  épais,  les  jeunes  plants  végètent  bien  sans  abri. 


152  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Au  point  de  vue  du  reboisciuent,  cette  essence  est  loin  de 
présenter  les  avantages  du  chêne;  mais,  dans  certains  cas 
spéciaux,  elle  peut  être  utilisée  avec  grand  profit  pour  la 
création  de  taillis  simples  exploités  à  de  très  courtes  révolu- 
tions en  vue  de  la  production  de  paisccaux  pour  la  vigne,  de 
manches  d'outils  et  surtout  de  cercles  de  tonneaux,  dont  il  se 
fait  un  grand  commerce  d'importation  dans  les  ports  du  Midi. 

Le  mode  du  semis  est  de  beaucoup  préférable  à  celui  do  la 
plantation. 

Le  pin  sylvestre  est  très  répandu  dans  les  plaines  du  Nord 
et  de  l'Est  ainsi  que  sur  les  contreforts  des  montagnes  où  il 
occupe  une  zone  nettement  marquée  par  la  lin  des  chênes  et 
le  commencement  des  sapins.  Dans  les  montagnes  des  Alpes 
de  Provence,  il  commence  à  une  altitude  de  1,000  mètres  et 
atteint  jusqu'à  1,800  mètres  aux  expositions  chaudes. 

Le  pin  sylvestre  forme  à  lui  seul  de  très  vastes  massifs, 
mais  supporte  parfaitement  le  mélange  d'autres  essences. 

Tout  en  préférant  les  sols  sablonneux  et  profonds,  il  végète 
sur  les  terrains  les  plus  maigres  et  les  plus  exposés  à  l'ardeur 
du  soleil;  mais  il  est  rebelle  aux  terrains  argileux  et  maré- 
cageux. 

Dans  les  sols  profonds,  où  son  i)ivot  peut  s(>  développer  à 
Taise,  il  ne  présente  que  peu  de  racines  latérales,  mais  dans 
les  sols  marneux,  peu  profonds,  son  pivot  soblitèrc  de  bonne 
heure  et  ses  racines  latérales  se  développent  près  de  la  sur- 
face du  sol  et  présentent  parfois  des  dimensions  énormes. 
(Nous  avons  pu  en  mesurer  de  -18  mètres  de  longueur.) 

Le  couvert  (hi  pin  sylvestre  est  léger;  aussi  son  Jeune  planl 
est-il  robuste  et  résiste  bravcmcni  à  Irllct  du  snlcil. 

Son  bois  est  très  bon  poui'  la  cbarpcnlt',  \v  sciage  et,  géné- 
ralement, tous  les  emplois  des  constructions.  C'est  du  pin 
sylvestre  qu'on  tire  le  goudron,  en  laisanl  combustionner, 
dans  un  four  spécial,  les  souches  et  les  ramilles. 

La  croissance  du  i)in  sylvestre  est  assez  rapide  à  partir  de 


DU   CHOIX  DES  ESSENCES.  153 

Tâge  de  trois  ù  quatre  ans;  dans  ses  jeunes  années,  il  procure 
au  sol,  sinon  un  eouvert  complet,  du  moins  un  abri  salutaire 
et  un  détritus  abondant. 

Sa  rusticité,  sa  facilité  de  vivre  à  des  altitudes  difîérentes  et 
dans  des  sols  médiocres  ou  mauvais  et  son  puissant  enracine- 
ment font  de  cette  essence  une  des  plus  avantageuses  qu'on 
puisse  utiliser  dans  les  reboisements.  Ces  qualités,  jointes  à 
la  légèreté  de  son  couvert  et  à  la  rapidité  de  sa  croissance,  la 
font  employer,  ainsi  que  nous  le  verrons  plus  tard,  comme 
essence  transitoire  destinée  à  protéger,  dans  la  première  pé- 
riode de  croissance,  les  jeunes  peuplements  de  chênes,  de  sa- 
pins ou  de  hêtres,  tout  en  augmentant  la  fertilité  du  sol. 

Le  pin  sylvestre  peut  être  employé  avec  un  égal  succès,  soit 
par  semis,  soit  par  plantation,  selon  les  circonstances  spé- 
ciales où  l'on  peut  se  trouver;  néanmoins  nous  penchons 
beaucoup  vers  la  plantation.  Nous  déduirons  plus  loin  les  mo- 
tifs de  notre  préférence. 

Le  pin  sylvestre  est  le  seul  pin  indigène  de  France  que  l'on 
trouve  dans  la  région  moyenne,  mais  il  est  une  autre  espèce 
de  pin  qui  peut  fournir  une  ressource  précieuse  au  reboise- 
ment et  qui,  à  ce  titre,  mérite  d'être  indiquée  ici  :  nous  vou- 
lons parler  du  pin  latncio.  Parmi  les  variétés  qu'on  distingue 
dans  les  pins  laricio,  deux  seulement  importent  à  notre  but  : 
ce  sont  le  pin  laricio  de  Corse  et  celui  d'Autriche,  plus  connu 
sous  le  nom  de  pin  noir. 

Le  pin  laricio  de  Corse,  spécial  aux  montagnes  de  celte  île, 
y  remplace  le  pin  sylvestre  dans  l'échelle  de  succession  des 
essences  et  atteint  une  altitude  extrême  de  1,700  mètres.  Ses 
dimensions  dépassent  quelque  peu  celles  du  pin  sylvestre,  mais 
il  ne  possède  pas  la  somme  des  qualités  de  cette  dernière  essence. 

Au  point  de  vue  du  reboisement,  le  laricio  de  Corse  ne  nous 
paraît  pas  être  appelé  à  rendre  de  grands  services  ;  d'une  part, 
il  préfère  les  sols  plutoni(iues  aux  sols  calcaires,  ce  qui  res- 
treint déjà  singulièrement  son  aire  d'emploi;  d'autre  part,  il 


134  REBOISEMENT   ET   GAZON  NEMENT. 

est  trt's  sonsible  au  froid,  il  rofuse  de  végéter  dans  les  Alpes 
de  la  Provence  à  une  altitude  de  plus  de  1,400  mètres;  enfin, 
son  jeune  plant  possède  un  pivot  plus  développé  que  celui  du 
pin  sylvestre  ou  du  pin  noir,  ce  qui  en  rend  la  transplanta- 
tion très  périlleuse. 

Néanmoins,  dans  les  conditions  restreintes  d'habitation 
qu'elle  réclame,  il  peut  être  avantageux  d'employer  cette  es- 
sence, à  cause  du  détritus  abondant  qu'elle  fournit  au  sol  et 
de  la  rectitude  de  son  port. 

La  station  principale  du  pin  noir  se  trouve  dans  le  Wiener- 
Wald,  un  des  conlreforts  des  Alpes  styriennes,  à  une  altitude 
moyenne  de  700  mètres,  comprise  entre  les  extrêmes  300  mè- 
tres et  1,100  mètres.  Cette  contrée  est  située  à  la  latitude  de 
Lyon,  sur  le  versant  septentrional  des  Alpes  styriennes  exposé 
aux  vents  froids  du  nord  et  à  l'abri  des  vents  chauds  du  midi. 
Le  climat  y  est  sec  et  parfois  assez  rigoureux;  dans  de  pa- 
reilles conditions,  on  peut  l'admettre  comme  l'analogue  du 
climat  qu'on  supporte,  de  1,200  à  1,600  mètres,  dans  les  Alpes 
francaisi^s  à  la  lalitudo  de  44°,  c'est-à-dire  du  climat  du  pin 
sylv(»stre  indigène  dans  ces  montagnes. 

On  ne  trouve,  en  France,  aucim  vieux  massif  d(>  i)ins  noirs 
(iWulriche.  Les  plus  anciens  essais  d'introduction  de  cette  es- 
sence ne  sont  encore  qu'à  l'état  de  grands  perchis,  cependant 
sa  naturalisation  est  admise  sans  conteste  par  tous  les  fores- 
tiers. Dans  sa  station  naturelle,  il  croît  indifféremment  sur 
des  sols  dt'  natures  bien  diverses,  mais  ses  plus  brllcs  dimen- 
sions se  manifestent  sur  les  calcaires. 

Son  pivot  disparait  de  très  hoinie  licurc  et  fait  place  à  des 
racines  latérales  puissantes  (pii  lui  (Inimcnt  une  solide  assiette; 
aussi  résiste-t-il  aux  orages  les  plus  vinlcnls.  Ses  robustes 
branches  supportent  mieux  que  le  pin  sylvestre  reflet  des 
neiges  abondantes;  sa  cime,  moins  sujette  aux  attaques  des 
pyrales,  demeure  bien  droite,  et  ses  feuilles,  longues  et  abon- 
dantes, [)roriM'ent  an  sol  une  nnir-liorafion  rapide  et  salutaire. 


DU  CHOIX  DES  ESSENCES.  155 

MaliiTc  ([ue  son  couvert  soit  épais,  ses  jeunes  plants  sup- 
portent i)arfaitement  la  lumière  solaire  et  ne  réclament  au- 
cun abri;  les  sujets  élevés  en  pépinière  ont  des  racines  à  che- 
velu assez  abondant  et  à  pivot  relativement  court. 

Son  bois  passe  pour  être  préférablo  à  celui  du  pin  sylvestre 
pour  les  constructions,  tant  au  point  de  vue  de  sa  duré(i  ([u'à 
celui  de  sa  densité;  certains  autours  Icplacinil  immédiatonieul 
après  le  mélèze;  il  fournit  un  excellent  chautfage  cl  une  r(''- 
sine  tellement  abondante  qu'on  le  met  au  premier  rau^-  i)arnii 
tous  les  résineux  d'Europe. 

Ces  diverses  qualités  en  font  une  essence  de  premier  ordre 
pour  le  reboisement  des  terrains  nus,  surtout  des  calcaires. 
Employé  depuis  i)lus  de  quinze  ans,  concurremment  avec  li' 
pin  sylvestre,  dans  les  grands  travaux  de  l'Etat,  il  a  donné 
jusqu'à  présent  les  résultats  les  plus  remarquables,  et  tout 
fait  penser  que,  dans  l'avenir,  il  ne  démentira  pas  la  confiance 
qu'on  a  mise  en  lui,  mais  à  la  condition  que  son  emploi  l'ait 
placé  dans  des  conditions  de  climat  analogues  à  celles  de  sa 
station  originaire.  Bien  que  les  semis  de  cette  essence  réus- 
sissent généralement  bien,  la  plantation  nous  paraît  devoir 
leur  être  préférée,  ainsi  que  nous  l'exposerons  ultérieuremenl. 

Dans  l'ordre  de  succession  des  essences,  en  remontant  l'é- 
chelle des  altitudes,  le  hêtre  apparaît  à  peu  près  en  môme 
temps  que  le  pin  sylvestre.  Ainsi,  dans  les  Alpes  de  Provence, 
on  le  rencontre  aux  expositions  chaudes  vers  1,200  mètres,  et 
il  y  atteint  1,700  mètres,  tandis  (ju'à  l'exposition  nord,  il  com- 
mence à  900  mètres,  pour  finir  entre  1.500  et  1,(Î00. 

Le  sapin,  au  contraire,  ne  se  rencontre  jamais  aux  exposi- 
tions chaudes;  il  réside  exclusivement  à  l'exposition  nord  ou 
ses  plus  voisines,  dans  une  zone  qui  commence  entre  1,000 
et  1,200  mètres,  pour  se  terminer  à  1,800  mètres. 

Ces  deux  essences,  précieuses  au  point  de  vue  forestier,  ne 
peuvent  malheureusement  être  employées  i)Our  le  reboise- 
ment des  terrains  nus;  leurs  jeunes  plants  sont  excessivement 


156  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMEN  T. 

sensibles  aux  influences  atmosphériques,  et,  pour  végéter, 
réclament  pendant  un  grand  nombre  d'années  un  abri  sérieux 
produit  par  un  couvert  assez  complet.  On  ne  peut  donc  que 
les  introduire  ultérieurement,  comme  substitution  d'essences, 
dans  un  ])ois  préexistant,  et,  à  ce  titre,  l'emploi  de  ces  es- 
sences n'est  i)lns  (euvre  de  reboiscmenl ,  niais  seulement  d'a- 
mélioration de  peuplement. 

C'est  dans  cette  région  surtout  que  se  rencontre  la  plus 
grande  quantité  d'essences  feuillues,  incapables  de  former 
comme  les  précédentes  par  elles-mêmes  un  massif  complet, 
mais  végétant  en  mélange  avec  les  premières ,  soit  à  l'état 
isolé,  soit  par  petits  bouquets  disséminés  çà  et  là  suivant  leurs 
préférences  et  les  circonstances  locales.  Les  unes,  par  la  qua- 
lité et  la  valeur  de  leurs  bois,  méritent  d'être  introduites,  au- 
tant que  possible,  dans  le  massif  (pi'on  veut  produire;  les  au- 
tres, par  leur  croissance  rapide,  leur  rusticité  et  leur  sobriété, 
servent  à  créer  un  i)romier  abri  aux  essences  plus  précieuses, 
et  sont  destinées  à  disparaître  une  fois  leurs  fonctions  rem- 
pUes;  d'autres,  enfin,  affectent  une  préférence  marquée  pour 
certaines  stations  telles  que  le  bord  des  cours  d'eau  et  des  ra- 
vins où  elles  remplissent  un  rùie  Important. 

On  distingue  principalement  deux  espèces  d'ormes  :  l'orme 
champêtre  et  l'orme  de  montagne.  Ce  dernier  ne  possède  au- 
cune des  (pialités  qui  donnent  au  i)remier  une  valeur  impor- 
tante, et  lie  iiH'iile  en  rien  d'être  iiiliddiiil  (hiiis  iiii  massif  de 
nouvelle  création.  Aussi  doit-on  s'en  tenir  exclusivement  à 
l'emploi  de  l'orme  clKimj)être,  bien  qu'on  ne  le  rencontre 
généralenn  nt  qu'à  Iflal  de  rareté  dans  les  forêts  existantes. 

Il  dépasse  en  altitude  la  station  du  chêne,  où  cependant  il 
prend  son  plus  beau  développement.  On  peut  l'employer  jus- 
qu'à 1  ,oOO  mètres  dans  la  région  des  Alpes  aux  bonnes  exposi- 
tions. Indifférent  à  la  nature  minéralogiqiie  du  sol,  il  préfère 
les  terrains  meubles  calcaires  ou  autres  et  un  peu  frais.  Son 
enracinement  est  surtout  latéral  et  oblique,  ce  (pii  lui  donne 


DU  CHOIX  DES   ESSENCES.  137 

uno  solide  assietto.  Son  convorl  est  épais,  son  feuillage  abon- 
dant fournit  un  excellent  fourrai;('. 

Enlin  son  bois,  dur  et  résistant,  est  très  précieux,  surtout  au 
point  de  vue  du  cbarronnago ,  et  à  ce  titre  en  fait  une  essence 
de  grande  valeur.  En  reboisement ,  il  ne  peut  être  avantageu- 
sement employé  que  par  voie  de  plantation,  comme,  du  reste, 
la  plupart  des  feuillus  dont  il  s'agit  ici. 

Parmi  les  différentes  espèces  de  frênes  constatées  par  les 
botanistes,  nous  n'acceptons  ici  que  le  frêne  commun. 

Répandu  dans  toute  la  région  tempérée,  il  s'élève  sur  les 
montagnes  à  une  altitude  plus  grande  que  l'orme  et  se  ren- 
contre encore  dans  les  Alpes,  à  1,800  mètres,  dans  des  condi- 
tions climatériques  plus  froides  que  la  station  du  hêtre. 

Son  couvert  est  léger  et  son  feuillage  fournit  un  excellent 
fourrage  ;  aussi ,  dans  de  nombreuses  localités ,  est-il  traité , 
comme  l'orme,  en  têtard. 

Le  frêne  préfère  les  terrains  frais  et  fertiles,  quelle  que  soit 
leur  base  minéralogique;  il  réussit  néanmoins  dans  les  ter- 
rains secs,  s'ils  sont  meubles  et  profonds,  mais  il  est  rebelle 
aux  sols  marécageux  ou  compacts.  On  le  rencontre  souvent 
le  long  des  cours  d'eau,  dont  il  affermit  les  berges  par  ses 
fortes  racines  et  ses  souches  de  grosses  dimensions. 

Tout  le  monde  connaît  les  qualités  remarquables  de  son  bois 
au  point  de  vue  du  charronnage  et  des  divers  objets  qui  récla- 
ment une  grande  élasticité  jointe  à  une  forte  ténacité. 

En  reboisement,  il  ne  peut  être  utilement  employé  que  par 
voie  de  plantation. 

On  distingue  cinq  espèces  d'érables  :  l'érable  sycomore^  l'é- 
rable plane,  l'érable  champêti'e,  l'érable  à  feuilles  d'obier,  et 
enfin  celui  dit  de  Montpellier. 

L'érable  sycomore  est  le  plus  répandu,  surtout  dans  les  mon- 
tagnes où  il  se  rencontre  jusque  dans  la  région  du  mélèze, 
souvent  sous  le  nom  d'érable  blanc.  C'est  un  des  feuillus 
qui  atteignent  les  plus  hautos  altitudes,  et  à   ce  titre  il  ap- 


158  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

parliont  aussi  bion  au  climat  alpestre  qu'au  climat  tempéré. 

Arbre  de  première  grandeur,  de  croissance  rapide ,  il  par- 
vient à  un  âge  très  avancé. 

Son  bois,  tenace  et  dur,  est  très  recherché  pour  l'industrie, 
surtout  du  charronnage  et  du  tour;  il  atteint  un  prix  élevé. 

Son  couvert  est  épais  et  son  feuillage  fournit  un  fourrage 
abondant  et  une  excellente  litière. 

L'érable  plane,  de  moins  grande  taille  (jue  le  sycomore,  est 
loin  de  monter  aux  mômes  altitudes  ;  rare  dans  les  montagnes, 
il  est  plus  abondant  dans  les  coteaux,  et  affecte  une  prédilec- 
tion marquée  pour  les  terrains  très  frais,  môme  humides. 

Son  bois  est  inférieur  en  qualité  à  celui  du  sycomore,  sauf 
au  point  de  vue  du  chauffage.  Son  feuillage  est  moins  estimé 
tant  comme  fourrage  que  comme  litière.  Somme  toute,  cette 
espèce  est  beaucoup  moins  intéressante  pour  le  reboisement 
que  la  précédente. 

L'érable  champêtre  est  un  arbre  de  petite  taille,  plus  répandu 
dans  les  taillis  de  coteaux  que  dans  la  montagne,  où  cepen- 
dant on  le  rencontre  surtout  dans  les  haies  et  dans  la  région 
du  pin  sylvestre. 

Les  feuilles  sont  polilcs,  peu  ahondantos;  aussi  son  couvert 
est-il  léger. 

Il  n'est  pas  diflicile  sur  la  nature  du  sol,  mais  sa  croissance 
est  lente.  Son  bois  est  utilisé  pour  la  sculpture,  la  menuiserie 
et  la  lutherie.  On  en  fait  des  manches  de  fouet  tressés. 

L'érablf!  à  ff'uilles  {Yobier  possède  les  mômes  qualités  (|ue 
l'érable  sycomore,  mais  est  moins  ri-pandu  en  l'"'ran(e  oii  il  ne 
se  rencontre  (pie  dans  les  contrées  du  Sud  et  du  Sud-Est,  dans 
les  montagnes  de  I*rovence. 

L'érable  de  Montpellier  habite  exclnsivemenl  jr  midi  de  la 
France;  ses  dimensions  sont  faibles  et  sa  croissance  très  lente; 
son  principal  intérêt  réside  dans  la  dureté  et  la  ténacité  de 
son  bois,  très  recherché  pour  le  tour  et  la  menuiserie,  et  sur- 
tout dans  sa  facilité  à  végéter  dans  les  sols  les  plus  secs  et  les 
plus  rocailleux. 


DU   CHOIX  DES  ESSENCES.  15!) 

Tous  ces  érables  doivent  Hrc  employés  par  voie  de  plantation. 

Ils  méritent  d'être  utilisés  le  plus  possible  à  l'état  isolé,  dans 
les  massifs  que  l'on  crée  avec  d'autres  essences,  suivant  les 
divers  cas  spéciaux  à  chacune  des  différentes  espèces. 

On  distingue  deux  espèces  de  tilleuls  :  le  tilleul  à  petites 
feuilles,  et  celui  à  qrandes  feuilles^  qui  ofl'rent  d'ailleurs  entre 
eux  une  grande  analogie.  L'enracinement  en  est  pivotant  et 
traçant  à  la  fois.  Le  bois  est  blanchâtre,  léger  et  ductile;  on 
l'emploie  en  menuiserie ,  en  ébénisterie ,  au  tour  et  à  la  scul- 
pture, mais  il  donne  un  très  médiocre  combustible.  On  utilise 
la  substance  filamenteuse  de  son  liber  pour  la  confection  de 
gros  tamis,  de  toiles  d'emballage  et  do  cordes.  Son  couvert  est 
épais,  mais  il  se  dégarnit  de  très  bonne  heure.  Son  feuillage 
fournit  un  excellent  fourrage  pour  le  bétail.  Sa  fleur  est  très 
utilisée  comme  boisson  calmante. 

Il  recherche  les  terrains  profonds  et  meubles ,  mais  végète 
même  dans  les  sols  secs,  calcaires  ou  autres. 

Bien  que  peu  sensible  au  froid,  il  s'étend  plus  en  latitude 
qu'il  ne  s'élève  en  altitude,  et,  dans  les  montagnes  des  Alpes, 
il  ne  dépasse  guère  1,500  mètres  au-dessus  de  la  mer. 

Deux  espèces  principales  de  sorbiers  sont  à  signaler  :  le  sor- 
bier domestique  et  le  sorbier  des  oiseleurs. 

Le  sorbier  domestique  est  assez  rare  dans  les  forêts  ;  il  est 
répandu  dans  toute  la  France,  mais  dans  la  montagne  il  n'at- 
teint pas  des  altitudes  supérieures  à  celles  du  chêne,  au-des- 
sus desquelles  il  fait  place  au  sorbier  des  oiseleurs.  Il  lui  faut 
donc  un  climat  relativement  doux;  son  bois,  très  dense  et  très 
compact,  est  essentiellement  un  bois  de  travail;  on  le  re- 
cherche pour  toutes  les  industries  qui  réclament  remi)loi  de 
bois  dur;  aussi  est-il  généralement  d'un  prix  élevé. 

Son  couvert  est  plutôt  léger  qu'épais  et  sa  racine  essentiel- 
lement pivotante;  il  n'atteint  que  de  faibles  dimensions  en 
hauteur;  il  est  plutôt  un  arbre  de  taillis  que  de  futaie. 

Le  sorbier  des  oiseleurs  préfère  les  climats  froids;  on  le  ren- 


160  IIKP.OISHMKXT   ET  GAZoXNEMKNT. 

contre  encore  dans  la  région  du  mélèze,  où  il  est  assez  ré- 
pandu. C'est  môme  un  des  feuillus  qui  atteignent  dans  les  Alpes 
les  j>Ius  hautes  altitudes,  car  il  dépasse  de  beaucnui)  la  limite 
de  l'érable  sycomore;  il  apparliont  donc  à  deux  r('\aii)us  clima- 
tériques.  Son  bois,  d'un  moins  haut  prix  que  celui  du  sorbier 
domestique,  est  cependant  employé  à  presque  tous  les  mêmes 
usages. 

Il  est  indifférent  aux  diverses  natures  de  sol,  préfère  les  ter- 
rains frais  et  profonds ,  mais  est  rebelle  aux  terrains  très  hu- 
mides. 

Dans  les  montagnes  on  ne  rencontre  que  l'alisier  blanc,  qui, 
dans  les  plaines  et  les  coteaux ,  fait  place  à  l'alisier  tnrminnl. 
Aussi  ne  signalons-nous  ici  que  le  premier. 

L'alisier  blanc  est  un  arbre  de  petite  taille  et  à  croissance 
lente;  ludifférent  à  tous  les  sols,  il  accepte  très  bien  les  cal- 
caires les  plus  rocheux,  et  n'est  rebelle  qu'aux  terrains  argi- 
leux et  humides. 

Bien  (jue  d'un  feuillage  léger,  il  supporte  facilement  le  cou- 
vert. 

On  le  rencontre  dans  les  montagnes  à  d'assez  grandes  alti- 
tudes; il  manifeste,  quoique  à  un  moindre  degré,  toutes  les 
préférences  du  sorbier  des  oiseleurs.  Son  bois  est  employé 
aux  mômes  usages  que  celui  de  cette  essence. 

Le  cerisier-merisier  est  un  arbre  de  moyenne  grandeur, 
très  répandu  dans  les  forôts  ;  il  préfère  les  contrées  acciden- 
tées et  s'élève  jusqu'à  la  limite  supérieure  du  hôtre.  Ses  raci- 
nes sont  fortes  et  obliques,  sa  croissance  est  rapide  jusque 
vers  quarante  ans,  et  il  végète  indifféremment  dans  toutes  les 
natures  de  sol,  notamment  dans  le  calcaire;  mais  il  redoute 
l'humidité  et  réussit  très  bien  dans  un  sol  graveleux  et  sec, 
sauf  dans  les  terrains  sablonneux.  Son  bois,  excellent  pour  le 
fhauffage,  est  recherché  |ti>iii-  l;i  nirnuiserie,  l'ébénisteric  et  la 
lutlKTie.  C'est  avec  le  noyau  df  smi  fruit  qu'on  obtient,  |)ar 
la  distillation,  le  kirsch  si  renommé  des  Vosges. 


DU  CHOIX  DES  ESSENCES.  ICI 

Lo  bouleau  se  partage  en  deux  espèces  principales  :  le  bou- 
leau blanc  et  le  bouleau  pubescent.  L'aire  d'Iiabitation  du  pre- 
mier est  moins  développée  que  celle  du  second  et  se  limite  à 
celle  du  pin  sylvestre,  tandis  que  le  bouleau  pubescent  re- 
monte dans  le  nord  de  l'Europe  jusque  vers  les  limites  de  la 
végétation  forestière  et  atteint  d'assez  grandes  altitudes  sur 
les  montagnes. 

Les  exigences  et  les  qualités  de  ces  deux  espèces  offrent  une 
grande  analogie  ;  elles  se  distinguent  donc  surtout  par  la  pn'"- 
férence  de  leur  station  climatérique. 

Le  bouleau  recberche  les  sols  sablonneux  et  frais  ;  c'est 
ainsi  que  dans  les  Alpes,  où  les  terrains  purement  calcaires 
sont  dominants,  cette  essence  est  rare  et  ne  se  rencontre  que 
dans  les  versants  à  sol  formé  par  les  détritus  des  grès  et  le 
long  des  ravins  ou  des  cours  d'eau. 

Son  bois  fait  un  assez  bon  cliauffage  et  sert  à  la  menuiserie, 
au  tour  et  au  charronnage.  On  tire  du  bouleau  de  nombreux 
produits  accessoires,  soit  de  son  écorce,  soit  de  sa  sève,  ou 
même  de  ses  brandies.  Son  feuillage  est  léger,  bien  qu'a- 
bondant. 

Les  exigences  de  cette  essence,  au  point  de  vue  de  la  na- 
ture du  sol,  restreignent  considérablement  son  emploi,  même 
à  titre  d'essence  isolée,  dans  les  reboisements,  et  le  subor- 
donnent à  certains  cas  tout  spéciaux  que  nous  examinerons. 

Originaire  de  l'Américiuo  du  Nord,  le  robinier  est  aujour- 
d'hui naturalisé  en  France;  mais,  à  l'encontre  des  autres  es- 
sences, il  est  incapable  de  se  reproduire  par  lui-même. 

Il  est  indifférent  à  la  nature  du  sol,  tout  en  préférant  les 
terrains  légèrement  frais;  son  bois,  nerveux  et  dense,  suscep- 
tible d'une  longue  durée,  est  excellent  pour  le  charronnage 
et  tous  les  emplois  tels  que  tuteurs  et  échalas.  On  l'utilise 
pour  la  confection  des  chevilles  de  bordage  dans  les  navires 
en  bois,  mais  après  les  avoir  comprimées  jusqu'à  réduction 
de  moitié  de  leur  diamètre.  Dans  ces  conditions,  ces  che- 

11 


•162  REBOISEMENT   ET    GAZONNEMEXT. 

villos  sont  susceptibles  d'uno  (lnr(''o  et  d'iino  solidité  à  tonto 
épreuve. 

La  croissance  du  robinier  est  très  raijidc  dans  b's  premières 
années  et  peut  être  utibsée  dans  les  reljoisenients,  soit  pour 
en  faire  un  premier  abri  aux  essences  du  massif  définitif,  soit 
pour  lixer  des  terrains  instables  ou  des  talus  dénudés.  Son  aire 
d'habitation  dépasse  celle  du  cbône,  et  on  peut  l'employer 
en  montagne  jusqu'à  1,500  mètres  aux  bonnes  expositions. 

Le  seul  aune  intéressant  de  cette  région  climatérique  est 
l'aune  blanc,  très  commun  dans  les  forôts  et  sur  le  bijrd  des 
ruisseaux  en  montagne,  où  il  s'élève  à  une  très  grande  alti- 
ude,  pour  pénétrer  jusque  dans  la  région  alpestre  au  milieu 
des  mélèzes,  mais  à  l'état  d'arbrisseau. 

Les  qualités  de  son  bois  sont  surtout  d'èlre  très  apte  aux 
travaux  hydrauliques;  on  l'emploie  en  charpente,  mais  à  cou- 
viirt,  car,  aux  alternatives  de  sécheresse  et  d'humidité,  il 
pourrit  rapidement  ;  il  sert  aussi  à  la  menuiserie  et  à  la  bois- 
sellerie. 

Ses  racines  traçantes  et  très  ramifiées  drageonnent  considé- 
rablement et,  par  leur  entrelacement,  soutiennent  et  raffer- 
missent les  rives  des  cours  d'eau  que  cette  essence  affectionne, 
sans  cependant  s'y  confiner;  il  végète  parfaitement  dans  tous 
les  sols  et  dans  tous  les  divers  climats  de  la  région  moyenne, 
voire  même  alpestre,  mais  il  lui  faut  au  moins  un  peu  (b^  fraî- 
cheur constante,  et  il  est  rebelle  aux  sols  compacts,  pierreux 
ou  rocheux. 

Sa  croissance  rapiih'  dans  les  premières  années  peut  être 
utilisé  dans  certains  cas  pour  fournir  un  premier  abri  à  des 
essences  plus  préci-euses. 

Les  quatre  espèces  principales  de  peupliers  qu'on  trouve 
en  France  sont  :  le  peuplier  blanc  on  yprcau,  le  i)eup]ier  noir, 
le  peuplier  d'Italie  ri  le  Ircinhlc. 

Les  trois  premiers  aHectiunnenl  plus  spécialement  le  jjord 
des  cours  d'eau  et  sont  remar(pi:il»lês  par  leur  a|)lilude  à  se 


DU  CHOIX  DES  ESSENCES.  16» 

propager  par  boutures.  Le  tremble  est  au  contraire  rebelle  à 
ce  mode  de  reproduction,  mais  beaucoup  plus  envahissant;  il 
est  répandu  dans  les  forets  au  point  de  devenir  parfois  grnant 
pour  les  peuplements. 

Le  peuplier  blanc  est  le  seul  qui  donne  un  bon  bois  qu'on 
recherche  pour  la  layetterie  et  certaines  parties  de  la  menui- 
serie; très  répandu  dans  les  plaines  et  les  coteaux,  il  no  dé- 
passe pas  dans  les  montagnes  la  station  du  chêne. 

Le  peuplier  noir  et  le  peuplier  à' Italie  supportent  des  cli- 
mats plus  rigoureux  et  peuvent  végéter  dans  les  Alpes  jus- 
qu'à 1,500  mètres  d'altitude. 

Enfin  le  tremble  offre,  dans  son  aire  d'habitation,  unn  com- 
plète analogie  avec  l'aune  blanc  et  se  rencontre  par  bouquets 
dans  la  région  du  mélèze. 

Ces  peupliers  n'offrent  d'utilité  dans  le  reboisement  que  sur 
les  bords  des  ruisseaux,  dans  les  fonds  de  ravin  et  dans  les 
éboulements,  partout  enfin  où  règne  une  certaine  humidité; 
ils  sont  là  les  compagnons  des  aunes  et  des  saules. 

On  peut  les  remplacer  avantageusement,  dans  les  reboise- 
ments, par  certains  peupliers  exotiques,  tels  que  le  peuplier 
du  Canada,  de  Virginie,  de  VOntario,  de  Lindley,  qui  mani- 
festent généralement  une  végétation  remarquable  et  fournis- 
sent un  bois  apprécié  en  tant  que  bois  blanc  et  léger. 

On  compte  un  grand  nombre  d'espèces  de  saules,  de  tailles 
bien  diverses.  Au  point  de  vue  du  reboisement,  certains  saules 
offrent  des  ressources  précieuses  pour  la  fixation  de  la  végéta- 
tion dans  le  fond  des  ravins  et  le  soutien  de  leurs  berges.  Leur 
aptitude  remarquable  à  pousser  par  boutures  en  rend  renii)lni 
facile  et  économique. 

On  peut  les  utiliser  dans  les  reboisements,  soit  pour  en 
obtenir  des  arbres,  soit  pour  en  faire  des  fascinages  ou  des 
clayonnages. 

Pour  les  arbres,  les  meilleures  espèces  sont  le  saule  blanc, 
le  saule  marceau  et  le  saule  à  grandes  feuilles. 


164  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Le  saule  blanc  manifeste  à  peu  près  les  mômes  exigences  et 
les  mêmes  qualités  que  le  peuplier  blanc,  et  atteint  la  dimen- 
sion d'un  arbre  de  moyenne  grandeur.  Il  fournit  un  bon  bois 
et  des  osiers  de  première  qualité. 

Le  saule  marceau  est  très  répandu  dans  les  forêts  de  la  ré- 
gion moyenne,  mais  très  rare  dans  le  sud-est  de  la  France; 
dans  les  Alpes,  il  est  remplacé  par  le  saule  à  larges  feuilles, 
qui  pénètre  même  très  avant  dans  la  région  alpestre  du  mé- 
lèze, et  atteint  d'assez  fortes  dimensions. 

Pour  les  fascinages  et  les  clayonnages  on  emploie  de  préfé- 
rence les  petits  saules,  flexibles,  à  feuilles  étroites  et  lan- 
céolées, végétant  à  l'état  d'arbustes  ou  d'arbrisseaux,  tels  que 
le  saule ^^owr/jre,  le  saule  rf;'a/>(?' et  le  saule  daphné,  qui,  du  reste, 
n'exigent  pas  une  grande  bumidité  et  végètent  convenable- 
ment dans  des  sols  d'une  fraîcbeur  ordinaire. 

Dans  la  nomenclature  que  nous  venons  de  faire  pour  la  ré- 
gion moyenne,  nous  avons  omis  avec  intention,  parmi  les 
essences  principales,  le  charme,  qui  forme  souvent  la  majorité 
du  peuplement  de  bon  nombre  de  forêts  dans  l'Est  et  le  Xord. 
Mais  cette  essence,  si  précieuse  pour  le  cbaufTage,  ne  se  ren- 
contre ni  dans  l'Ouest  ni  dans  le  Midi  et  dans  les  contrées  ofi 
le  reboisement  est  le  plus  nécessaire  on  ne  la  trouve  nulle  part, 
même  sur  les  montagnes  dos  Alpes,  dans  des  conditions  cli- 
matériques  analogues  à  sa  station  préférée.  Il  y  a  donc  pré- 
somption qu'elle  serait  difficile  à  introduire  en  dehors  de  ses 
limites;  de  jjIus,  son  couvert  est  épais,  son  jeune  plant  est 
très  jnvotant  et  dès  lors  d'une  reprise  difiicile;  le  semis  ré- 
clame, comme  le  hêtre  et  le  sapin,  un  abri  préalable  et  de  lon- 
gue durée;  tous  ces  motifs  suffisent  pour  écarter  le  charme 
des  essences  à  adopter  dans  le  reboisement  des  terrains  nus. 

Le  cèdi'e  est  une  essence  qu'on  rencontre  par  grands  mas- 
sifs, dans  les  montagnes  de  l'Algérie  présentant  des  conditions 
climatériques  quelque  peu  analogues  à  celles  des  contreforts 
des  Alpes  de  Provence.  Aussi,  dans  le  début  des  travaux  de 


DU   CHOIX   DES  ESSENCES.  .  1G5 

reboisement,  l'attention  a  été  attirée  vers  cette  essence  sur  la- 
quelle on  avait  fondé  des  espérances  qui  ont  été  loin  de  se 
réaliser  entièrement.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  l'emploi  du  cèdre 
doive  (Hro  proscrit,  nous  pensons  au  contraire  que,  dans  cer- 
tains cas  spéciaux,  on  peut  utiliser  l'un  do  ses  principaux 
avantages,  qui  réside  dans  l'épaisseur  de  son  couvert. 

Son  aire  d"hal)ilation  est  à  peu  près  celle  des  pins  sylvostre 
et  d'Autriche,  avec  lesquels  il  peut  être  avantageusement  mé- 
langé dans  le  but  de  fournir  au  sol  une  fraîcheur  que  ces  deux 
autres  essences  sont  incapables  de  lui  procurer.  Le  cèdre 
présente  donc  un  certain  intérêt  au  reboiseur,  mais,  comme 
le  sapin  et  le  hêtre,  il  est  préférable  de  ne  l'introduire  que  sous  le 
couvert  ou  au  moins  à  l'abri  d'une  végétation  préexistante. 

Parmi  les  nombreux  arbrisseaux  et  arbustes  que  renferme 
cette  région,  certains  fournissent  un  utile  concours  à  l'œuvre 
du  reboisement,  tant  au  point  de  vue  de  la  fixation  préalable 
du  sol  qu'à  celui  d'un  premier  abri  pour  les  jeunes  plants  des 
grandes  essences.  Le  but  de  leur  emploi  suffit  à  lui  seul  pour 
indiquer  que  la  plantation  doit  être  préférée  au  semis,  auquel 
on  peut  d'autant  plus  renoncer  que  leurs  graines  demandent 
pour  la  plupart  dix-huit  mois  de  mise  en  terre  pour  lever. 

Nous  nous  bornons  ici  à  donner  leur  nomenclature,  sauf  à 
indiquer  plus  tard  les  différents  modes  de  leur  emploi  : 

Le  coud7'ie7'-noisetie}',  les  cornouillers,  Vnubépine,  Vamélun- 
chier,  le  cerisier  mahaleb,  le  genévrier  sabine,  le  cytise  des  Alpes, 
V églantier,  le  buis,  Vargousier  [hippophaë),  la  bugrane  arbrisseau 
et  les  genêts  forment  les  principales  de  ces  essences  si  utiles. 

On  peut  y  ajouter  Vérable  negundo  et  Vailanfe  glanduleux, 
mais  seulement  dans  les  parties  les  moins  froides  de  la  région. 

3°  Région  froide  ou  alpestre.  —  En  parcourant  de  bas  en 
haut  la  région  froide  ou  alpestre,  on  rencontre  encore  des 
massifs  de  hêtres  et  de  sapins,  puis  le  pin  à  crochets,  l'épicéa 
et  le  mélèze,  selon  les  cas. 


166  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Le  pin  à  crochets  se  trouve  surtout  dans  les  Alpes  et  dans 
les  Pyrénées,  où  il  se  présente  en  massifs  parfois  assez  impor- 
tants; son  bois,  d'excellente  qualité,  peut  être  employé  pour 
les  constructions.  Cette  essence  est  des  plus  précieuses  pour 
le  reboisement  de  certains  hauts  versants  de  la  région  froide 
qui  présenteraient  des  conditions  de  sol  et  d'exposition  défa- 
Torables  à  l'épicéa  ou  au  mélèze.  Les  jeunes  plants  sont  ro- 
bustes et  pourvus  d'un  chevelu  qui  facilite  leur  reprise. 

Le  pin  â  crochets  est  beaucoup  moins  en  butte  que  le  pin 
sylvestre  et  d'Autriche  aux  dégâts  occasionnés  par  les  neiges 
abondantes,  par  suite  du  port  do  ses  ])ranches  qui  affectent  la 
forme  de  branches  de  candélabre  que  présente,  à  un  plus  haut 
degré  encore,  le  pin  cembro. 

Cette  essence  mérite  d'être  répandue  dans  les  hautes  mon- 
tagnes où  elle  est  appelée  à  rendre  les  plus  grands  services  et 
à  remplacer  môme,  dans  maint  endroit  élevé,  les  pins  sylves- 
tres rabougris  qui  s'y  aventurent. 

L'épicéa  forme,  avec  le  mélèze,  la  majeure  partie  des  grands 
massifs  (pi'on  rencontre  dans  cette  région  ;  plus  robuste  que 
le  sapin  contre  les  grands  froids,  il  atteint  des  altitudes  bien 
plus  élevées  et  s'accroche  aux  pentes  les  plus  raides  dans  les 
intervalles  des  rochers. 

Les  qualités  de  son  bois  sont  assez  connues  pour  qu'il  soit 
inutile  d'y  insister.  Au  point  de  vue  du  reboisement,  l'épicéa 
ne  présente  pas  les  ressources  que  son  développement  dans 
les  Alpes  aurait  pu  faire  espérer.  Sans  être  aussi  difficile  à 
réussir  que  le  sapin  sur  les  montagnes  dénudées,  il  est  cepen- 
dant sensible  dans  les  premières  années  aux  inlluences  atmo- 
sphériques et  réclame  du  sol  une  certaine  fraîcheur  que  l'on 
rencontre  difficilement  dans  les  versants  privés  d'abris  végé- 
taux. D'autre  part,  il  affectionne  plus  particulièrement  les 
expositions  nord,  qui  sont  les  moins  fréquentes  dans  les  ter- 
rains à  reboiser. 

Ces  diverses  exigences  en  restreignent  forcément  l'emploi, 


DU  CHOIX  DES  ESSENCES.  I(i7 

qui  ne  pourra  se  faire  utilement,  sur  une  large  échelle,  (jne 
sous  le  couvert  d'une  végétation  préalable. 

L'épicéa  forme  avec  le  mélèze  un  mélange  très  heureux  la 
plupart  (lu  temps,  car,  par  son  couvert  épais,  il  fournit  au  sol 
une  fraîcheur  ipK^  ce  dernier  est  inc;ipa])le  de  lui  i)rocurerseul. 

Le  mélèze,  confiné  tlans  certaines  régions  montagneuses,  ne 
se  trouve  en  France,  par  grands  massifs,  que  dans  les  Alpes  de 
la  Provence,  du  Dauphiné  et  de  la  Savoie.  En  Suisse,  on  ne  le 
rencontre  que  dans  le  haut  Valais  et  dans  les  Grisons. 

Cette  essence,  précieuse  à  tous  titres,  est  la  base  du  reboi- 
sement aux  grandes  altitudes.  Elle  végète  dans  ses  conditions 
normales  dès  1,000  à  1,-200  mètres  d'altitude,  accepte  toutes 
les  natures  de  sol  et  monte  jusqu'à  !2,oOO  mètres.  Dès  sa  jeu- 
nesse, le  mélèze  résiste  admirablement  aux  influences  atmo- 
sphériques les  plus  rudes  et  ne  réclame  aucun  abri.  Yéritable 
arbre  de  lumière,  il  demande  à  ne  pas  demeurer  en  massif 
serré  ;  son  couvert  léger,  dû  à  ses  branches  menues,  courtes 
et  peu  abondantes,  suffit  pour  abriter  la  végétation  herbacée 
qui  se  développe  autour  de  lui  avec  d'autant  plus  de  vigueur 
que  la  chute  annuelle  de  toutes  ses  feuilles  fournit  au  sol  des 
éléments  précieux  de  fertilité.  Le  mélèze  possède  la  faculté  re- 
marquable de  produire  facilement,  sur  une  écorce  déjà  assez 
vieille,  des  bourgeons  adventifs  qui  forment  de  nouvelles 
branches  lorsque  les  premières  ont  été  coupées;  on  dit  com- 
munément alors  qu'il  repique  sur  le  vieux  bois.  Il  n'est  pas 
rare  de  rencontrer  des  mélèzes  déjà  âgés,  ayant  de  "lo  à 
30  mètres  de  hauteur  et  présentant  la  forme  d'une  grande 
colonne  de  verdure  surmontée  d'un  petit  panache.  Ce  sont  des 
arbres  qui  ont  été  élagués  presque  jusqu'à  la  cime,  et  sur  les- 
quels de  nouvelles  branches  se  sont  produites  au  même  mo- 
ment, ont  la  même  longueur  et  forment  ainsi  une  colonne 
régulière  de  verdure.  Cette  faculté  est  très  précieuse  pour  les 
jeunes  brins  qui  viendraient  à  être,  sinon  recepés,  du  moins 
coupés  assez  près  de  terre;  pourvu  ([u'il  reste  quelques  bran- 


IGS  REBOISEMENT   ET   GAZONNEMENT. 

chos,  ]o  sujet,  une  fois  mis  à  l'abri  de  nouveaux  accidents,  ne 
tarde  pas  à  se  refaire  une  tète  et  à  végi'ter  vigoureusement. 

11  est  facile  de  constater  fréffuemment  ce  fait.  Dans  les  prai- 
ries voisines  de  forêts  de  mélèzes,  on  rencontre  en  effet  des 
brins  qui,  pendant  un  nombre  d'années  considérable,  ont  été 
fauchés  avec  les  lierbes;  qu'on  les  mette  à  l'abri  de  la  faux 
pendant  deux  années  au  plus,  ils  s'élancent  rapidement  cl  dé- 
passent de  plus  d'un  mètre  les  herbes  environnantes. 

Pendant  les  trois  premières  années,  les  jeunes  mélèzes  de 
semis  s'élèvent  peu  ;  leur  végétation  est  très  lente. 

Cette  lenteur  est  même  })lus  marcpiée  encore  chez  les  sujets 
plantés,  fpii,  généralement,  présentent  un  aspect  peu  encou- 
rageant i)our  <|iii  n'y  est  pas  habilué';  mais,  dès  la  (pialrièmc 
année,  la  végétation  prend  un  essor  rapide  et  il  n'est  ])as  rare 
de  rencontrer  des  mélèzes  de  cinq  à  six  ans  qui,  dans  des  con- 
ditions de  sol  ordinaires,  fournissent  en  une  même  année  une 
pousse  de  1  mètre. 

Cette  rapidité  dans  la  croissance  pendant  les  jeunes  années, 
très  caractéristicjue  et  qu'un  constate  dans  tous  les  peuple- 
ments où  le  mt'lèze  se  trouve  mélangé  avec  d'autres  résineux, 
j(jinte  à  la  propriét(''  (pi'il  jjossède  de  végéter  de  1,000  à  2,500 
mètres  au  moins  d'altitude,  en  fait  l'essence  la  plus  pr(''(i(Mise 
j)iiur  le  rcljoiscmcnt  dans  les  hautes  montagnes  des  AIp(^s, 
d'autant  plus  <pie  le  semis  et  la  plantation  lui  conviennent 
également  suivant  les  cas;  on  a  donc  tout  intérêt  à  le  propa- 
ger le  plus  possible,  car,  outre  ces  propriétés  si  favorables,  il 
fournit  un  bois  d'une  qualité  telle  (pi'il  porte  à  juste  titre  le 
nom  ûechènede  lainnntof/ne.  Mais  les  (pialités  si  remarquables 
de  son  bois  ne  persistent  ([ut^  dans  son  aire  d'habitation;  il  lui 
faut  le  climat  sec,  les  forts  et  constants  coups  de  soleil  de  l'été 
sur  les  hautes  montagnes,  le  froid  sec  de  l'hiver;  transplanté 
dans  la  plaine  ou  dans  les  montagnes  à  climat  humide  et  à 
ciel  souvent  couvert,  il  perd  la  plupart  de  ses  qualités  remar- 
quables ;  sa  végétation,  toujours  vigoureuse  dans  les  preniièrcs 
années,  ne  tarde  pas  à  se  ralentir;  il  languit  rapidement  et  ne 


DU   CHOIX  DES  ESSENCES.  lliO 

peut  arriver  au  g^rand  âge  que  son  vrai  climat  seul  peut  lui 
permettre  d'atteindre. 

Certaines  essences  secondaires  de  la  région  moyenne  peu- 
vent supporter  le  climat  de  la  région  alpestre  et  sont  suscep- 
tibles d'y  fournir  un  concours  utile  au  rchoisement.  Ce  sont, 
parmi  les  arbres  :  le  f?'ène,  le  bouleau  dans  son  terrain,  le  sor- 
hier  des  oiseleurs,  Ych'able  syco7no)'e,  les  saules  niarceau,  pouriire  et 
drapé;  et,  parmi  les  arbrisseaux  et  arbustes  :  VauOépine,  le  n/- 
tise  et  Vargousier. 

Parmi  les  arbrisseaux  et  arbustes  de  la  région  alpestre,  on 
ne  peut  guère  utiliser  que  deux  essences  :  le  prunier  de  Brian- 
çon  et  Y épinc-vinetle . 

Le  prunier  de  Binançon  est  un  arbrisseau  qui  ne  dépasse  pas 
généralement  5  mètres  de  bautenr,  qu'on  rencontre  dans  les 
hautes  vallées  des  Alpes  françaises;  il  végète  indiflV'remment 
dans  tous  les  sols,  même  dans  les  marnes  noires  du  lias,  où  il 
est  très  abondant  aux  environs  de  Barcelonnette  (Basses-Alpes). 

L'epme-yme^fÉ",  arbrisseau  beaucoup  plus  petit  (de  1  à  2  mètres), 
présente  la  même  faculté  que  le  prunier  de  Briançon,  de 
croître  sur  les  sols  secs  et  escarpés.  Aussi  ces  deux  essences 
sont-elles  employées  avec  le  plus  grand  succès  pour  la  fixa- 
tion des  sols  à  surface  instable  et  la  création  d'abris  sur  les 
terrains  trop  arides  pour  recevoir  d'emblée  les  essences  fores- 
tières qui  doivent  les  recouvrir  plus  tard.  Ces  deux  essences 
ne  sont  employées  que  par  voie  de  plantation. 

4°  Région  alpine  ou  très  froide.  —  Le  pin  cembro  est  le  der- 
nier représentant  de  la  végétation  forestière  qu'on  rencontre 
en  montant  vers  le  sommet  des  hautes  montagnes;  comme 
le  nu'lèze,  c'est  un  arbre  essentiellement  alpestre  et  n'habitant 
exclusivement  que  les  climats  secs  ;  c'est  ainsi  qu'on  ne  le 
rencontre  guère  en  Suisse  que  dans  la  haute  Engadine  (Grisons) 
et,  en  France,  que  dans  les  Alpes  de  la  haute  Provence  et  d'une 
partie  seulement  du  Dauphiné  (le  Briançonnais). 


170  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Il  r(^prôspnl('  dans  la  flore  forostirro  ouropéonne  le  seul  pin 
indigène  à  cinq  ieuilles.  Dou(3  du  tempérament  le  plus  robuste, 
il  supporte  vaillamment  les  plus  rudes  climats  de  sa  station 
élevée,  ([ui  atteint  jusqu'à  3,000  mètres  dans  les  Alpes  fran- 
(,*aises.  Ses  branches,  disposées  en  forme  de  candélabre,  serrées 
contre  le  tronc,  ne  donnent  qu'une  faible  prise  aux  vents  les 
plus  violents  et  bravent  le  poids  de  la  neige  et  du  givre.  Aussi 
le  rencontre-t-on  jusque  sur  des  crêtes  rocheuses  exposées  à 
tous  les  vents  les  plus  terribles,  accroché  pour  ainsi  dire  aux 
anfracluosités  des  rochers.  Il  vit  généralement  en  compagnie 
des  rhododendrons,  de  l'aune  vert  et  des  derniers  représen- 
tants de  la  végétation  ligneuse  aux  grandes  altitudes.  Dans  de 
pareilles  conditions,  sa  croissance  est  très  lente  et  il  n'atteint 
pas  do  bien  grandes  dimensions;  son  bois  est  surtout  propre 
au  travail  de  la  sculpture. 

Cette  essence  ne  tarderait  certainement  pas  à  disparaître  si 
ses  précieuses  qualités  ne  la  faisaient  rechercher  pour  le  re- 
boisement des  grandes  altitudes. 

Le  semis  du  pin  cembro  réussit  très  bien  ([uand  il  est  exé- 
cuté dans  des  conditions  convenables  de  premier  abri  contre 
le  déchaussement. 

Il  supporte  également  Ijjen  la  plantation  et  fournit,  par  ce 
mode,  des  résultats  très  remarquables. 

Pouvant  descendre  et  végéter  dans  de  bonnes  conditions  à 
1,500  mètres  d'altitude,  on  le  mélange  avantageusement  au 
mélèze,  de  1,500  mètres  à  2,500  mètres;  mais,  plus  haut,  il  de- 
vient liiiilipie  ressource  du  reboiscur. 

En  deux  campagnes,  on  en  a  employi''  près  de  20,000  kilo- 
grammes de  graines  dans  les  Basses-Alpes,  avec  un  succès 
qui  s'accentue  tous  les  ans  et  promet  pour  l'avenir  un  déve- 
loppement considérabli-  dans  la  propagation  de  telle  essence. 


MESURES   ET   TRAVAUX   PREPARATOIRES.         171 


CHAPITRE  IX 


xMESURES  ET   TRAVAUX   PREPARATOIRES 


Mise  en  défends.  —  Sou  effet  dans  les  différentes  régions.  —  Dans  les 
terrains  instables.  —  Préparation  du  sol.  —  But  de  la  i)réparation  du 
sol.  —  Sécheresse  du  sol.  Moyen  de  la  combattre.  —  Du  gel  et  du  dégel. 
—  Causes  du  soulèvement.  —  Modes  de  culture  du  sol.  —  Labour  en 
plein.  —  Labour  par  bandes  alternes.  —  Cultiu'e  à  bras  dliomme.  — 
Outil  préférable.  —  Bandes  alternes.  —  Bandes  brisées.  —  Époques  à 
préférer  pour  la  préparation  du  sol.  —  Marnes  liasiqiies. 

Le  choix  des  essences  à  préférer  ayant  été  définitivement 
arrêté,  leur  introduction  sur  les  terrains  à  reboiser  devra  né- 
cessairement s'opérer  soit  par  la  voie  du  semis,  soit  au  moyen 
de  la  plantation. 

Mais  avant  de  procéder  à  l'une  quelconque  de  ces  opéra- 
tions, il  faudra  le  plus  souvent,  pour  ne  pas  dire  toujours,  faire 
subir  au  sol  une  préparation  plus  ou  moins  complexe  desti- 
née à  le  mettre  en  état  de  recevoir  et  d'entretenir,  dans  les 
meilleures  conditions  de  végétation  possibles,  les  jeunes  sujets 
appelés  à  le  recouvrir  plus  tard. 

De  là  une  série  de  travaux  préparatoires  que  nous  allons 
passer  en  revue  avant  d'aborder  l'exécution  des  semis  et  des 
plantations. 

Mise  en  Défends.  —  La  mise  en  défends  d'un  terrain  à  re- 
boiser est  une  mesure  indispensable  qui  est  appelée  à  produire 
deux  effets  également  précieux  et  plus  ou  moins  rapides  sui- 
vant les  cas.  Le  premier  consiste  dans  le  rafl'ermissement  de 


172  REBOISEMENT   ET   GAZONNEMEXT. 

la  snp(M"li(io  du  sol  précrdominonl  déchirée  et  désaf^régéo  par 
le  pii'liiKMni'nt,  et  le  second,  dans  la  recrudescence  et  l'exten- 
sion d'iuK^  véjiétation  herbacée  ou  autre,  antérieurement  li- 
vrée à  la  dent  des  bestiaux. 

Le  raffermissement  de  la  superficie  du  sol  se  produit  rapi- 
dement, à  toutes  les  altitudes  et  dans  tous  les  climats,  sur  les 
versants,  soit  recouverts  de  terre  végétale  plus  ou  moins 
épaisse  ou  môléc  de  pierres,  soit  môme  à  sous-sol  mis  à  nu. 
Les  différences  dans  l'intensité  de  l'effet  produit  ne  dépendent 
dès  lors  que  de  la  déclivité  du  sol. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  môme  en  ce  qui  concerne  l'expan- 
sion de  la  végétation  spontanée. 

Dans  les  climats  chauds  et  lenip(''rés  (ju'on  rencontre  dans 
les  régions  montagneuses,  mais  toujours  à  leur  base  et  par 
conséquent  à  l'extrémité  inférieure  des  vallées,  les  effets  de  la 
mise  en  défends  sont  parfois  très  rapides  et  l'on  constate  sou- 
vent qu'en  deux  ou  trois  années  des  terrains  presque  entière- 
ment dénudés  se  sont  recouverts  d'une  végétation  herbacée 
qui  ne  tarde  pas  à  se  mélanger  d'arbustes  de  toutes  sortes, 
spéciaux  aux  climats  ou  aux  différentes  natures  du  sol.  Les 
reboisements  opérés  dans  les  Alpes-Maritimes  ont  fourni  à  ce 
sujet  des  observations  fort  intéressantes  et  très  concluantes. 

Si  l'on  remonte  davantage  vers  les  hauteurs,  mais  sans  dé- 
passer une  altitude  de  1,000  à  1,200  mètres,  c'est-à-dire  le  cli- 
mat du  chône  dans  les  Alpes,  on  constate  encore  des  effets 
d'une  impoiiance  réelle,  mais  cependant  moins  prompts  et 
surtout  moins  complets  que  dans  les  régions  inférieures,  toutes 
circonstances  égales  d'ailleurs  (mi  ce  (}ui  concerne  la  composi- 
tion minéralogique  et  Tt-tal  physique  du  sol. 

Il  est  loin  d'en  ôtre  ainsi  aux  grandes  altitudes,  sur  les  vastes 
versants  oii  les  torrents  les  plus  violents  ont  pris  naissance  et 
se  développent  dans  leur  activité  la  plus  désastreuse.  Dans  ces 
régions  désolées,  la  ruine  de  la  montagne  est  parfois  tellement 
avancée,  la  dénudation  est  si  complète,  le  climat  se  montre  si 
rude,  que  les  seuls  efforts  de  la  nature  réclameraient  des  pc- 


MESURES   ET  TRAVAUX   PREPARATOIRES.        173 

riodes  de  iniso  on  défonds  d'une  longuoiir  excessivo,  pour 
aboutir,  somnio  louto,  à  dos  résultats  proscjuc  insignifiants. 

Nous  avons  pu  faire  et  répéter  maintes  fois  cette  observa- 
tion dans  les  hautes  montagnes  des  Basses-Alpes,  où  les  élé- 
ments d'étude  les  plus  favorables  se  trouvaient  répartis  sur  de 
nombreux  points.  En  parcourant  des  versants  d'une  altitude 
de  1,600  à  2,000  mètres,  et  dont  certains,  soumis  au  régime 
forestier,  étaient  mis  en  défends  depuis  plus  de  trente  ans, 
nous  avons  constamment  constaté  ce  qui  suit,  quelle  ciuo  soil 
du  reste  la  nature  minéralogique  du  sol  : 

1"  La  surface  du  terrain,  n'étant  plus  sujette  au  piétinement, 
s'est  raffermie  ; 

2°  Avant  la  mise  en  défends,  le  sol  était  sillonné  par  un 
inextricable  réseau  de  petits  sentiers  dénudés  et  sensiblement 
horizontaux,  formés  par  le  passage  des  troupeaux  et  décou- 
pant les  gazons  dont  les  traces  n'existaient  plus  qu'à  l'état  ru- 
dimentaire.  Aujourd'hui  ces  gazons  ne  présentent  plus  l'aspect 
malingre  d'autrefois;  ils  sont  bien  verts,  végètent  librement  et 
sont  intrinsèquement  aussi  beaux  qu'on  pourrait  le  désirer, 
mais  ils  se  s'étendent  pas,  ils  ne  se  propagent  pas,  et  les  traces 
des  petits  sentiers  continuent  à  présenter  un  sol  absolument 
privé  de  toute  végétation.  Quant  à  la  végétation  ligneuse,  elle 
est  très  rare  et  représentée  seulement  par  quelques  groseilliers, 
cytises  à  feuilles  sessiles,  amélanchiers,  etc.,  tous  anciens  su- 
jets, jadis  abroutis,  et  ayant  auj(jurd'liui  repris  un  certain  dé- 
veloppement. 

Un  pareil  résultat,  si  contraire  à  l'opinion  indistinctomonl 
admise  pour  toutes  les  montagnes  et  à  l'espoir  tant  do  fois  for- 
mulé dans  bien  des  documents  relatifs  à  la  régénération  des 
montagnes,  s'explique  facilement  par  les  phénomènes  météo- 
rologiques qui  se  manifestent  sur  leshauts  versants.  Les  neiges, 
en  effet,  disparaissent  bien  plus  rapidement  sur  les  sols  dé- 
boisés que  sur  les  sols  couverts.  C'est  ce  qui  explique  on  par- 
tie pourquoi  l'on  a  défriché  et  détruit  les  forêts  plutôt  aux 
expositions  chaudes  qu'à  celles  du  nord,  qui,  seules,  présen- 


174  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 


tent  aujourd'hui  un  état  à  peu  près  boisé,  mais  n'offrent  pas 
en  revanche  des  herbages  aussi  recherchés  que  ceux  des  autres 
expositions  ;  on  a  toujours  cherché  à  agrandir  les  pâturages 
jugés  l(^s  meilleurs,  et  à  en  jouir  chaque  année,  au  plus  tôt  et 
le  plus  longtemps  possible,  cnpormotLant  à  la  neige  de  dispa- 
raître plus  rapidement  et  en  diminuant  ainsi  la  durée  de  la 
slabulation  des  troupeaux.  La  fonte  des  neiges  est  donc  accé- 
lérée à  la  l'ois  par  l'état  de  déboisement  du  sol  et  l'exposition 
des  versants;  aussi,  dès  les  premiers  jours  du  printemps,  le 
terrain  commence-t-il  à  perdre  son  abri  tutélaire.  Alors,  à  ces 
hauteurs  et  sous  l'influence  d'un  ciel  presque  constamment 
pur,  survient  la  série,  non  interrompue  souvent  pendant  deux 
ou  trois  mois,  des  alternatives  du  gel  et  du  dégel,  qui  sou- 
lèvent le  sol  nu  et  détruisent  ainsi  la  faible  végétation  spon- 
tanée que  commençaient  à  produire  les  graines  fournies  par 
les  plantes  voisines  des  vides. 

On  peut  donc  conclure  de  ces  observations  que  plus  Valti- 
lude  d'un  lieu  à  reboiser  augmente,  toutes  autres  circonstances 
étant  égales  d'ailleurs,  plus  s'impose  la  nécessité  de  rintervention 
de  l'honime  pour  seconder,  développer  et  hâter  les  efforts  de  In 
nature. 

Nous  n'avons  parlé  jusqu'ici  que  des  versants  dont  le  sol  est 
relativement  stable,  mais  en  ce  qui  concerne  les  terrains  crou- 
lants, glissants,  profondément  ravinés,  ou  enfin  ceux  absolu- 
ment privés  d'une  végétation  quelconque,  tels  que  les  terres 
noires  du  lias,  la  mise  en  défends  devient  une  pure  chimère  et 
il  n'y  a  que  le  seul  travail  de  l'homme  qui  puisse  arriver  à  y 
introduire  et  à  y  mainlenir  la  végétation  appelée  à  les  prolé- 
ger et  à  les  fixer. 

Nous  savons  bien  qno  lOn  rencontre  d'anciens  torrents  com- 
])lèlement  inoffonsifs  aujourd'hui,  gn\ce  à  la  forêt  (pii  em- 
lirasse  leurs  bassins  tout  entiers  et  (jui  n'existe  que  par  les  ef- 
forts de  la  nature. 

Mais  sait-on  ce  qu'il  a  fallu  de  temps  pour  que  ce  résultai 
fût  atlfint?  Possède-t-on  la  moindre  base  pour  le  calculer? 


MESURES  ET  TRAVAUX  PREPARATOIRES.    17:i 

D'autre  part,  s'osl-on  rendu  compte  des  transformations 
qu'a  subies  le  torrent  avant  son  extinction  et  des  effets  qu'il  a 
produits  pendant  toute  cette  période  dans  les  vallées?  L'obser- 
vation d'un  torrent  quelconque,  en  activité  aujourd'liui,  peut 
en  donner  la  mesure  et  l'on  peut  constater,  en  l'étudiant  de 
très  près,  que  tous  les  terrains  affouillables  existant  dans  son 
bassin  de  réception  seraient  certainement  entraînés  dans  les 
vallées  inférieures  pendant  l'espace  énorme  de  temps  qu'il 
faudrait  à  la  végétation  naturelle  pour  s'y  implanter;  de  sorte 
(jue  la  forêt,  ainsi  produite,  ne  ferait  plus  que  maintenir  une 
extinction  qu'elle  n'aurait  pas  provoquée,  mais  qui  aurait  été 
due  surtout  à  réi)uisement  momentané  des  sources  de  maté- 
riaux où  s'approvisionnait  le  torrent.  Gela  posé,  si  l'on  consi- 
dère que  dans  les  terrains  jurassiques,  où  les  torrents  se  déve- 
loppent avec  le  plus  d'intensité,  on  rencontre  le  plus  souvent 
des  couches  de  marnes  calloviennes  qui  atteignent  des  épais- 
seurs de  plusieurs  centaines  de  mètres  (il  y  en  a  de  1 ,200  mètres) 
et  représentent  des  terrains  absolument  affouillables,  on  peut 
concevoir  quelles  seraient  les  transformations  que  subiraient 
les  torrents  livrés  aux  seuls  efforts  de  la  nature  et  quels  épou- 
vantables bouleversements  elles  apporteraient  dans  les  vallées 
inférieures  î 

Recepages  et  Marcottages.  —  Dans  bien  des  terrains  appe- 
lés à  être  reboisés  se  rencontrent  des  vestiges  de  végétaux 
ligneux  appartenant  soit  aux  arbustes,  soit  aux  arbrisseaux 
réduits  par  les  dents  des  bestiaux  à  l'état  de  buissons  in- 
formes. 

Il  est  du  plus  haut  intérêt  d'opérer  dès  le  début  un  recepage 
complet  de  tous  ces  sujets,  afin  de  leur  procurer  un  dévelop- 
pement qui  ne  tardera  pas  à  singuhèrement  aider  l'introduc- 
tion des  grandes  essences  forestières. 

Le  mode  le  plus  avantageux  et  en  môme  temps  le  plus 
facile  d'opérer  les  recepages  consiste  à  couper  entre  deux 
terres  tous  les  brins  de  la  souche  au  moyen  d'une  pioche  à 


17G  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 


taillant  bion  affilé;  on  obtient  ainsi  nno  production  de  rejets 
plus  abondants  et  plus  vigoureux  que  si  l'on  s'était  contenté 
de  couper,  à  la  serpe  ou  à  la  hacbe,  les  brins  au-dessus  du 
collet  de  la  racine,  et  l'opération,  beaucoup  moins  chère,  est 
bien  plus  rapidement  exécutée. 

Les  nouvelles  cépées  ainsi  (d)l(Miuos  présentent  le  plus  sou- 
vent un  très  grand  nombre  de  rejets  élancés  qui  fournissent 
un  abri  bien  précieux  au  sol  immédiatement  environnant; 
riierbe  ne  tarde  pas  à  pousser  vigoureusement  et  chaque 
buisson,  devenant  une  sorte  de  petite  oasis  de  verdure  au  mi- 
lieu du  désert  de  la  montagne,  fournit  aux  grandes  essences 
un  asile  où  elles  peuvent  se  développer  à  l'aise,  grâce  à 
l'humus  retenu  au  pied  de  la  cépée  et  à  l'abri  i)rucuré  par  les 
rejets  contre  les  influences  atmosijlu'-ricpics. 

Mais  là  ne  s'arrête  pas  l'heureux  eil'et  de  ces  recepages,  car 
ils  permettent  encore  d'augmenter  considérablement,  à  peu 
de  frais  et  rapidement,  la  végétation  arbustante  spontanée. 
Les  rejets,  en  effet,  dans  chaque  cépée,  sont  généralement 
nombreux  et  longs,  droits  et  flexibles.  Hien  de  plus  facile  dès 
lurs  (pie  dr"  les  coucher  en  rayons  disposés  tout  autour  d(>  la 
cépée  et  de  couvrir  ainsi  une  surface  importante  par  une  sorte 
de  marcottage  qui  n'exigera  pas  même  ultérieurement  i)Our 
chaque  marcotte  son  sevrage,  c'est-à-dire  sa  séparation  d'avec 
la  souche  mère. 

Certaines  essences  sont  des  plus  précieuses  à  cet  égard, 
\' églantier,  par  exemple.  Bien  souvent  les  rejets  d'un  an  arri- 
vent à  uMf  hiiulriir  variant  de  l'",oO  à  -1  mètres.  En  admettant 
par  exemple  que  hi  cépéf  mère  occupait  un  cercle  présentant 
60  centimètres  de  diamètre,  soit  une  surface  de  "H  décimètres 
carrés,  on  obtiendrait,  ai)rès  le  marcottage  de  brins  de 
2  mètres,  une  surface  circulaire  ayant  i"\»)0  de  diamètre  et 
une  contenance  de  IT^jliS,  soit  soixante-quatre  fois  plus 
grande. 

A  cet  avantage,  déjà  précieux,  il  convient  d'ajouter  ((ue  le 
succès  de  l'opération  est  toujours  certain,  rpie  dès  les  prc- 


MESURES  ET  TRAVAUX  PREPARATOIRES.  177 

mières  années  la  végétation  est  des  plus  vigoureuses,  et  que 
l'exécution  est  des  plus  faciles.  Il  suffit  en  effet  d'ouvrir,  pour 
chaque  brin,  une  rigole  de  15  à  20  centimètres  de  profondeur, 
de  l'y  coucher  avec  toutes  ses  branches,  puis  de  les  recouvrir 
de  terre  sur  laquelle  on  tasse  avec  le  pied  quelques  mottes  de 
gazon  si  possible,  et  à  défaut  quelques  pierres;  l'extrémité 
seule  du  rejet  demeure  à  la  lumière.  Les  parties  ainsi  enter- 
rées ne  tardent  pas  à  projeter  des  racines  qui  enserrent  le 
sol  dans  un  réseau  inextricable  et  le  consolident  en  peu  de 
temps. 

Enherbement.  —  Dans  bien  des  pentes  plus  ou  moins  rele- 
vées, la  superficie  du  sol  n'est  ni  assez  ferme  ni  assez  stable 
pour  que  les  essences  forestières  qu'on  y  aurait  introduites 
puissent  y  demeurer  sans  dangers.  Ces  jeunes  plants,  en  effet, 
ne  prennent  pas  un  développement  bien  rapide  dans  les  pre- 
mières années,  et  ne  peuvent  par  eux-mêmes  fournir  au  sol 
un  abri  suffisant  contre  l'entraînement  par  les  eaux,  d'autant 
plus  qu'ils  sont  forcément  espacés  entre  eux.  Dans  ces  condi- 
tions, le  sol  friable  qui  les  entoure  venant  à  disparaître  peu  à 
peu,  ces  jeunes  plants  ne  tardent  pas  à  être  déchaussés  au 
point  que  leur  existence  en  soit  compromise.  On  ne  peut  pas 
toujours  parer  à  pareil  inconvénient  en  disposant  des  pierres 
bien  calées  en  talus  au  pied  de  chacun  des  plants  ou  à  l'extré- 
mité inférieure  des  trous  ou  bandes,  car  le  plus  souvent,  dans 
ces  sortes  de  terrains,  la  pierre  fait  absolument  défaut.  En  pa- 
reil cas,  il  faut  donc  chercher  à  maintenir  la  surface  du  sol, 
pendant  les  premières  années  au  moins,  de  manière  à  donner 
aux  essences  forestières  le  temps  de  se  développer  et  de  four- 
nir à  leur  tour  un  abri  définitif  et  complet. 

L'emploi  de  certaines  graines  fourragères,  à  tempérament 
robuste,  à  végétation  vigoureuse  et  rapide,  atteint  parfaite- 
ment le  but  qu'on  se  propose,  et  constitue  l'opération  que  l'on 
est  convenu  d'appeler  enherbement,  pour  le  distinguer  du  rjazon- 
nement,  qui  répond  à  un  ordre  d'idées  tout  différent. 

12 


178  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 

Afin  d'éviter  dos  répétitions,  nous  nous  réservons  de  dévelop- 
per toutes  les  questions  de  détail  qui  se  rattachent  à  Yenherbe- 
ment  quand  nous  traiterons  spécialement  du  g azonnement.  Pour 
le  moment,  nous  nous  contenterons  de  bien  préciser  que  Ven- 
hei'bement  n'a  d'autre  but  que  de  fournir  aux  essences  fores- 
tières, pendant  les  premières  années  de  leur  introduction,  des 
abris  multiples  appelés  à  les  protéger  contre  les  phénomènes 
météorologiques  de  toutes  sortes  qui  peuvent  compromettre 
leur  développement  et  môme  leur  existence. 

De  sorte  qu'il  peut,  soit  précéder  les  travaux  de  semis  ou  de 
plantation  d'essences  forestières,  soit  coïncider  avec  eux. 

En  ce  qui  concerne  le  premier  cas,  nous  verrons  à  l'article 
du  gazonnement  en  quoi  consistera  l'opération.  Dans  le  second 
cas,  l'enherbement  est  si  intimement  lié  avec  les  autres  tra- 
vaux, qu'il  ne  nous  paraît  possible  d'en  parler  avec  détails 
<|u'au  moment  où  nous  passerons  en  revue  ces  travaux  eux- 
mêmes. 

Préparation  du  Sol.  —  Certains  sols  destinés  au  reboisement 
sont  généralement  durcis  par  les  influences  atmosphériques, 
piétinement  ou  toute  autre  cause.  Dans  le  cas  donc  où  ils  n'of- 
frent pas  aux  jeunes  plants  qu'on  veut  y  introduire  un  état 
d'anuMiblissement  sullisant  pour  permettre  à  leurs  racines  déli- 
cates de  fonctionner  convenablement,  il  devient  indispensable 
de  le  i)rocurer  arfifHiellt'ment  par  une  culture  appropriée, 
dont  l'importance  dépend  de  plusieurs  circonstanc<>s,  telles 
que  les  influences  atmosphériques,  la  nature  du  sol,  sa  décli- 
vité et  l'état  de  sa  superficie. 

Les  racines  fonctionnent  par  l'absorption  des  sucs  nutritifs 
solubles  produits  par  l'influence  combinée  de  la  chaleur,  de 
l'humidité  et  de  l'air  atmosphérique;  chez  les  végétaux  fores- 
tiers elles  se  développent  avec  lenteur,  et  sont  généralement 
peu  abondantes  dans  les  premières  années.  Il  iniporle  donc 
«lue,  dès  le  début,  les  jeunes  plants  soient  placés  dans  les  con- 
ditions du  meilleur  fonctionnement  de  leurs  organes  nutritifs; 


MESURES  ET   TRAVAUX  PREPARATOIRES.        179 

la  chaleur  étant,  en  majeure  partie  du  moins ,  indépendante 
des  soins  de  l'homme,  il  lui  reste  à  assurer  aux  racines  lliu- 
midité  et  l'aération  sufMsantes  ;  tel  doit  donc  ôtre  le  but  de  la 
préparation  du  sol. 

On  conçoit  qu'ainsi  posé,  le  problème  soit  susceptible  de  so- 
lutions multiples  suivant  la  nature  des  sols  et  des  climats  où 
l'on  opère.  Mais,  toutes  circonstances  égales  d'ailleurs,  avant 
d'entrer  dans  l'examen  des  différents  cas  généraux  qu'on  peut 
prévoir,  il  est  essentiel  d'établir,  en  ce  qui  concerne  les  cli- 
mats, deux  grandes  catégories  :  d'une  part,  les  climats  où  le 
sol  ne  gèle  pas  pendant  l'hiver,  et  d'autre  part,  ceux  où  le  sol 
gèle  plus  ou  moins  profondément. 

Dans  les  climats  de  la  première  catégorie,  le  grand  et  le  seul 
ennemi  à  combattre  est  la  sécheresse  de  la  saison  chaude, 
tandis  que  dans  ceux  de  la  seconde,  cet  ennemi,  parfois  tout 
aussi  redoutable,  est  doublé,  pendant  la  saison  rigoureuse  et 
surtout  pendant  le  printemps,  par  le  gel  et  le  dégel. 

D'où  il  résulte  déjà  que  par  les  seules  influences  atmosphé- 
riques le  reboisement,  dans  les  climats  froids  ou  demi-tempé- 
rés, offre  des  difficultés  plus  grandes  que  dans  les  climats 
chauds  ou  doux.  Nous  verrons  ultérieurement  ces  diiticultés 
s'accentuer,  quand  nous  traiterons  des  semis  et  plantations. 

L'intensité  de  la  dessiccation  du  sol  de  même  nature  ne  croît 
pas  en  raison  de  la  température  du  lieu,  elle  dépend  surtout 
de  la  répartition  des  pluies  dans  les  différentes  saisons.  Un 
climat  peut  être  sec  sans  être  pour  cela  chaud ,  tempéré  ou 
froid;  c'est  à  ce  titre  qu'on  peut  dire  que  le  climat  de  la  Pro- 
vence est  sec,  et  cela  dans  les  quatre  régions  climatériques, 
tandis  que  celui  du  Dauphiné  est  plus  humide,  et  celui  des 
Vosges  encore  davantage.  De  là,  pour  une  même  nature  du 
sol  et  à  la  même  exposition,  des  écarts  considérables  dans  la 
dessiccation. 

Le  défoncement  profond  du  sol  est  l'unique  moyen  de  com- 
battre efficacement  la  sécheresse.  L'ameublissement  qu'il  dé- 
termine, enlevant  toute  cohésion  aux  matières  inorganiques 


J80  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

ot  autres  qui  forment  la  terre,  permet  à  l'air  de  pénétrer  et  de 
(lonieuror  dans  tous  les  intervalles  où  il  joue  le  rôle  d'un  écran 
protecteur  contre  l'air  chaud  du  dehors,  de  la  même  façon 
(jue  les  doubles  fonôtres,  adoptées  dans  les  habitations  du 
Nord,  garantissent  contre  le  froid. 

L'eau  s'infiltre  facilement  dans  un  sol  ainsi  ameubli  et  ne 
peut  s'évaporer  aussi  rapidement  que  dans  les  sols  tassés  où 
la  liaison  intime  dos  matières  terreuses  permet  un  appel  con- 
stant de  l'humidité  inférieure  vers  la  surface  desséchée.  Il 
arrive  souvent  que  cette  surface  se  durcit  par  l'influence  du 
soleil  succédant  à  de  fortes  pluies,  et  forme  une  croûte  qui 
vient  suspendre  momentanément  le  bon  effet  du  défoncement; 
il  devient  alors  indispensable  de  procéder  à  des  binages  desti- 
nés à  rendre  à  cette  surface  son  état  d'ameublissement  désira- 
ble, et  à  lui  maintenir  ainsi  sa  faculté  d'absorber  des  rosées 
d'autant  plus  abondantes  que  les  journées  sont  plus  chaudes 
et  le  ciel  plus  pur,  conditions  ordinaires  des  climats  secs. 

Le  défoncement  profond  du  sol  pour  combattre  la  séche- 
resse n'a  pas  toujours  été  admis  en  culture  forestière,  et  bon 
nombre  de  personnes,  encore  aujourd'hui,  sont  convaincues 
(|uil  produit  justement  l'elTet  inverse,  en  permettant  à  l'air 
chaud  do  circuler  jusqu'au  fond  du  sol  ameubli  et  d'enlever 
ainsi  l'humidité  qu'il  peut  contenir.  11  suffit  cependant  de  cul- 
buter en  plein  été,  au  milieu  des  plus  fortes  sécheresses,  une 
fourmilière  ou  une  butte  de  terre  meuble  d'un  certain  volume 
pour  constater  que  son  intérieur  recèle  encore  une  humidité 
qu'on  n'aurait  pas  soupçonnée. 

Dans  les  reboisements  que  nous  dirigions  il  y  a  plus  de 
vingt  ans,  en  Algérie,  à  Orléansville,  un  des  climats  les  plus 
torrides  de  cette  colonie,  nous  ne  sommes  arrivé,  après  de 
nombreux  essais  infructueux  do  loiitos  les  méthodes  connues, 
à  des  résultats  certains  qu'en  défonçant  profondément  un  ter- 
rain calcaire  sec  et  rocailleux,  soumis  à  des  chaleurs  qui  attei- 
gnaient jusqu'à  près  de  70  degrés  au  soleil  et  ^S  degrés  à 
l'ombre,  et  à  un  climat  où  le  plus  souvent,  du  mois  d'avril  au 


MESURES  ET  TRAVAUX  PRÉPARATOIRES.        181 

mois  de  décombro,  les  pluies,  absolument  absentes,  étaient 
remplacées  par  les  bouffées  brûlantes  du  siroco.  Dans  les 
divers  reboisements  que  nous  avons  fait  exécuter  depuis,  dans 
les  climats  chauds  en  France ,  le  dcfoncement  des  plus  mau- 
vais sols  a  produit  les  mêmes  bons  résultats.  C'est  donc  sur 
une  longue  et  constante  expérience  que  nous  pouvons  nous 
baser  pour  poser  en  principe  que  le  défoncement  préalable  devra 
être  d'aillant  plus  la  règle  que  le  climat  sera  plus  sec  et  le  sol  plus 
sujet  à  la  dessiccation  par  sa  nature  ou  son  exposition. 

L'application  do  cette  règle  doit  être  généralisée  dans  les 
climats  chauds,  surtout  dans  les  calcaires,  qui  déjà,  par  leur 
nature ,  retiennent  bien  moins  l'humidité  que  les  autres  ter- 
rains ;  mais  elle  subira  des  restrictions  d'autant  plus  pronon- 
cées qu'on  opérera  dans  des  climats  plus  humides  ou  du  moins, 
sujets  à  des  pi  ies  plus  fréquentes.  Néanmoins  nous  conseil- 
lons encore  le  défoncement  à  cause  de  la  facilité  qu'il  procure 
aux  plantes  de  développer  rapidement  un  puissant  enraci- 
nement. 

Dans  les  climats  moins  doux  et  surtout  les  climats  froids  de 
montagne,  les  chances  de  dessiccation  sont  moins  générales 
et  n'affectent  guère  que  les  expositions  chaudes,  mais  juste- 
ment celles  qui  sont  le  plus  en  butte  aux  dangereux  effets  des 
alternatives  de  gel  et  de  dégel.  Aux  expositions  fraîches,  les 
neiges,  plus  persistantes  et  plus  continues,  ne  sont  pas  encore 
fondues  que  les  autres  expositions  en  sont  déjà  dégarnies.  Le 
sol,  humide  alors,  passe  par  des  alternatives  dégel  et  de  dégel 
provoquées  l'un  par  le  rayonnement  nocturne  ou  un  coup  de 
vent  du  nord,  l'autre  par  l'inlluence  solaire  du  jour  ou  un  coup 
de  vent  du  sud;  et  de  ces  alternatives  il  résulte  qu'une  fois  les 
froids  terminés,  le  sol  paraît  avoir  été  émietté,  présente  des 
surfaces  bossuées,  au-dessus  desquelles  les  jeunes  plants  appa- 
raissent presque  entièrement  déchaussés,  ne  tenant  plus  que 
par  l'extrémité  de  leurs  racines,  et  ne  tardent  pas  à  dépérir  si 
l'on  n'apporte  à  pareil  dégât  un  remède  qui  presque  toujours 
arrive  trop  tard,  les  plants  ainsi  soulevés  présentant  en  effet 


182  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

leurs  organes  souterrains  aux  influences  du  vont  et  du  soleil 
qui  en  peu  d'instants  peuvent  les  dessécher.  Il  n'est  pas  rare 
de  voir  des  semis  ou  des  plantations  de  un  an  et  de  deux  ans 
complètement  soulevés  ou  perdus,  si  l'on  n'a  pas  pris  les  pré- 
cautions nécessaires  pour  les  protéger.  Il  n'y  a  pas  môme  que 
ces  jeunes  plants  qui  soient  sujets  an  soulèvement,  et  nous 
avons  vu  souvent  des  boutures  de  saules,  assez  fortes,  de  5 
à  6  centimètres  de  tour,  enfoncées  en  terre  à  plus  de  40  centi- 
mètres, ayant  poussé  pendant  un  an  ou  deux,  être  non  seule- 
ment soulevées,  mais  complètement  projetées  hors  du  sol. 

Si  l'on  observe  attentivement  un  terrain  quelconque  où  se 
manifestent  ces  soulèvements,  on  ne  tarde  pas  à  constater 
(ju'ils  se  produisent  exclusivement  dans  les  parties  où  la  végé- 
tation, herbacée  ou  autre,  n'est  pas  très  drue;  que  leur  inten- 
sité est  proportionnelle  à  l'état  de  nudité  du  sol  qui  environne 
ef  soutient  les  jeunes  plants,  et  qu'enfin  les  plants  d'un  certain 
âge  ne  sont  plus  sujets  à  être  soulevés. 

On  peut  aisément  se  rendre  compte  des  causes  (pii  produi- 
sent ces  effets.  Au  moment  où  le  sol  nu  est  soumis  au  froid 
violent,  l'eau  qu'il  renferme  alors  en  abondance  se  change  en 
glace  et,  par  la  force  de  sa  dilatation,  soulève  hors  de  leur 
niveau  ordinaire  toutes  les  parties  terreuses  ainsi  ([uo  les 
jeunes  plants  qu'elles  entourent. 

Si  au  froid  succède  une  subite  chaleur,  la  glace  revient  im- 
médiatement à  l'état  d'eau  qui  retombe  rapidement,  (Mitraî- 
nant  avec  elle  les  parties  les  plus  lourdes  des  matières  ter- 
reuses, tandis  que  les  plus  légères,  ne  pouvant  suivre  le 
mouvement,  demeurent  émiettécs  à  la  surface  au-dessus  de 
laquelle  demeure  seule  la  petite  tigelle  beaucoup  plus  légère 
encore,  et  dont  les  racines,  soulevées  par  la  dilatation  de  la 
glace,  se  trouvent  subitement  abandonnées  par  les  matières 
terreuses  qui  l'entouiainit  jadis. 

On  conq)rend  dès  lors  (pic  ce  phénomène  soit  surtout  à  re- 
douter aux  expositions  ciiaudes,  où  la  neige,  fondant  vite, 
laisse  le  sol  sans  abri  contre  les  gelées  de  la  nuit.  Dans  ces 


MESURES   ET  TRAVAUX  PREPARATOIRES.        183 

expositions,  tous  les  sols  sont  sujets  au  soulèvement,  mais  à 
un  degré  inégal,  et  les  terrains  légers  doivent  évidemment  le 
subir  beaucoup  plus  (juc  les  terrains  compacts  et  lourds; 
enfin,  parmi  les  sols  légers,  les  calcaires  sont  plus  maltraités 
à  cet  égard  que  les  siliceux,  qui  sont  composés  de  gravier 
d'une  densité  plus  grande  et  retiennent  moins  d'eau  dans  leurs 
parties  supérieures. 

Que  si,  au  contraire,  l'on  considère  aux  mêmes  expositions 
un  sol  couvert  de  végétation  arborescente  ou  même  herbacée, 
on  n'y  observe  aucun  soulèvement;  la  superficie  du  terrain 
étant  mise  à  l'abri  du  rayonnement  nocturne  gèle  beaucoup 
moins  facilement,  mais  surtout  dégèle  avec  moins  de  rapidité, 
protégée  qu'elle  est  aussi  contre  un  échauffement  trop  brus- 
que ;  les  alternatives  sont  donc  réduites  en  intensité  et  présen- 
tent des  écarts  très  restreints.  C'est  ainsi  qu'on  peut  s'expli- 
quer pourquoi  sur  un  terrain  nu,  sujet  au  soulèvement,  une 
simple  pierre  un  peu  forte  empêche  cet  effet  désastreux  de  se 
produire  dans  ses  environs  immédiats. 

Le  défoncement  d'un  sol  ainsi  exposé,  en  lui  procurant  un 
ameublissement  et  une  porosité  plus  développés,  conditions 
très  favorables  pour  combattre  la  sécheresse,  pourrait  sembler 
apporter  avec  lui,  au  point  de  vue  du  soulèvement,  une  somme 
de  dangers  qui  détruiraient  les  avantages  qu'on  en  attend. 
Mais  les  observations  que  nous  venons  de  présenter  indiquent 
elles-mêmes  les  moyens  de  parer  à  ces  dangers,  soit  en  provo- 
quant aux  environs  immédiats  des  jeunes  plants  une  végéta- 
tion herbacée  ou  arbustante ,  soit  en  les  entourant  de  pierres 
assez  fortes  et  présentant  une  certaine  surface.  Nous  revien- 
drons sur  ce  sujet  en  traitant  des  semis  et  plantations. 

Le  défoncement  du  sol  étant  admis  en  principe  comme  émi- 
nemment avantageux  au  développement  de  la  végétation,  il 
reste  à  examiner  dans  quelles  hmites  on  doit  l'appliquer  et 
quels  sont  les  modes  à  préférer. 

La  création  d'un  bois  devant  être  aussi  économique  que 


184  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

possible,  il  est  évident  que  la  préparation  du  sol,  qui  généra- 
lement est  un  des  facteurs  les  plus  forts  do  la  dépense,  devra 
èlre  restreinte  à  ses  plus  rigoureuses  limites,  et  môme  que, 
dans  certaines  conditions  avantageuses  données,  elle  pourra 
se  réduire  à  zéro. 

Par  p)'cpa7'ation  du  sol,  nous  entendons  exclusivement  la 
culture  à  lui  donner  au  moyen  d'un  défoncement  préalable 
quelconque;  cette  détinition  est  nécessaire,  car  il  est  un  mode 
spécial  de  plantation  dit  en  butte,  très  employé  en  Allemagne, 
et  d'après  lequel  la  préparation  du  sol  s'opère  d'une  façon  tout 
autre  et  sans  aucune  culture  de  la  superlicie,  analogue  à  celle 
dont  nous  parlons  ici  K 

La  préparation  du  sol,  ayant  pour  double  but  de  lui  donner 
l'ameublissement  et  surtout  la  fraicbeur  qui  lui  font  défaut, 
établit  bien  nettement  les  zones  dans  lesquelles  ce  travail 
préalable  devra  être  opéré.  Comprenant  exclusivement  les 
terrains  dénudés  et  secs,  ces  zones  posséderont  naturellement 
leur  maximum  d'étendue  dans  la  région  méditerranéenne, 
diminueront  d'importance  dans  la  région  moyenne,  et  devien- 
dn^iil  une  1res  rare  exception  dans  la  région  alpestre,  au  point 
do  devenir  nulles  dans  la  région  alpine.  Leu?-  impm'tance  ira 
donc  en  diminuant  en  raison  de  l'a/lilude plus  (jrande  du  lieu. 

La  végétation  borbacée  que  peuvent  renfermer  les  di(fér(Mits 
sols  à  reboiser  fournit  de  son  côté  un  excellent  guide  pour 
apprécier  la  nécessité  d'un  défoncement  préalable. 

Partout,  en  effet,  où  les  berbes  spontanées  sècbent  sur  pied 
dès  le  mois  de  juillet,  on  peut  être  assiiré  que  la  préparation 
des  sols  nus  est  indispensable,  liiiulis  (|ii"clle  (bnicnt  superflue 
dans  tous  les  lorrains  où  les  plantes  licrbacéi's  se  mainlien- 
nent  en  végétation  juscpi'cn  août  ou  septembre,  observation 

1.  —  Mantkvffel,  L'Art  de  l'Inntcr.  Tr.nihiit  fii  français  par  Slumper  ; 
deuxième  édition,  revue  |)ar  M.  Goiet,  Inspecteur  des  Forêts. —  (I.  Roth- 
schild, éditeur,  à  Paris.  Prix  2  fr.  .'jO.) 

Celte  méthode,  qui  a  pour  hase  indispensable  l'cmijlui  du  gazon,  ne  peut 
recevoir  aucune  application  danslfs  montagnes  à  relioiser  dans  les  climats 
secs  où  la  plupart  du  temi)s  le  gazon  fait  al)sulunicnt  défaut. 


MESURES  ET  TRAVAUX  PREPARATOIRES.    18:; 

du  reste  très  concordante  avec  l'augmentation  des  altitudes 
où  règne  constamment  une  plus  grande  fraîcheur. 

Au  moment  d'examiner  les  dillerents  modes  de  culture  du 
sol,  il  importe  de  bien  préciser  que  :  partout  ou  la  préjmration 
préalable  du  sol  est  nécessaire,  elle  doit  être  identiquement  la  même 
pour  les  semis  et  les  plantations.  Ce  principe  ressort  du  but  même 
de  cette  culture  préalable. 

On  peut  cultiver  le  sol  soit  en  plein,  soit  en  partie,  à  la 
charrue  ou  à  bras  d'homme. 

La  culture  en  plein  ne  peut  être  entreprise  évidemment  ([u'k 
la  charrue,  sous  peine  d'entraîner  des  frais  trop  considérables  ; 
elle  est  avantageuse  dans  les  sols  assez  profonds,  peu  ravinés 
et  surtout  à  pentes  douces;  elle  fait  contribuer  la  surface  en- 
tière aux  bénéfices  de  l'ameublissement ,  et  présente  généra- 
lement une  grande  économie  dans  le  prix  de  revient.  Malheu- 
reusement elle  n'est  que  d'une  application  des  plus  restreintes 
dans  les  reboisements  en  montagne. 

Toutes  circonstances  égales  d'ailleurs  quant  à  la  qualité  du 
sol,  si  les  pentes  sont  assez  raides  pour  présenter  un  danger 
de  ravinement  superficiel  dans  le  cas  du  labour  en  plein,  on 
peut  labourer  par  bandes  alternes  et  horizontales;  dans  ce  cas, 
la  largeur  des  bandes  cultivées  ne  devra  jamais  être  infé- 
rieure à  1  mètre,  et  l'espace  inculte  pourra  varier  de  1  à 
3  mètres  au  plus,  suivant  les  essences  qu'on  emploiera;  par  ce 
moyen,  toute  chance  de  ravinement  est  écartée. 

Ce  mode  de  labour,  par  bandes  alternes,  est  avantageux  en 
ce  qu'il  permet  de  maintenir  dans  les  intervalles  incultes  la 
végétation  naturelle  qui  peut  y  exister  et  dont  l'abri  peut  être 
d'un  grand  secours  dans  certains  cas  contre  les  vents  et  contre 
l'effet  des  eaux  pluviales. 

La  dépense  par  hectare  qu'entraînent  ces  divers  labours  dé- 
pend des  charrues  dont  on  dispose,  de  la  nature  du  sol  et  de  la 
profondeur  qu'on  veut  donner.  Mais,  dans  tous  les  cas,  à  sur- 
faces cultivées  égales  par  hectare,  le  labour  sera  toujours  plus 
économique  que  le  travail  à  la  main,  en  admettant  la  mémo 


186 


REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 


profondeur,  qui  dépondra  évidemment  du  climat  local  et  de  la 
nature  du  sol  sur  lequel  on  opère. 

Dans  la  plupart  des  cas  le  labeur  à  la  charrue  ne  peut  être 
employé,  car  généralement  les  sols  qu'on  destine  au  reboise- 
ment sont  rocailleux,  à  pentes  plus  ou  moins  fortes,  et  souvent 
peu  profonds.  On  est  donc  oblige  alors  de  préparer  le  sol  à 
bras  d'homme. 

Les  outils  qu'on  emploie  généralement  pour  travailler  la 
terre  sont  différents  d'une  contrée  à 
l'autre  :  ce  sont  tantôt  des  houes  pleines, 
des  houes  à  deux  dents,  tantôt  des  bê- 
ches plates,  des  bêches  fourchues,  des 
sapes  triangulaires,  rectangulaires,  lar- 
ges ou  étroites,  enfin  des  pics  ou  des 
pioches. 

Ces  outils,  adoptés  dans  les  campa- 
gnes, appropriés  aux  besoins  de  la  cul- 
ture des  champs,  sont  essentiellement 
agricoles;  employés  dans  les  pentes  à 
reboiser,  il  arrive  le  plus  souvent  qu'ils 
ne  sont  plus  en  rapport  avec  les  néces- 
sités du  lieu  el  ((ue  dès  lors  le  travail  utile 
est  considérablement  diminué;  après 
bien  des  expériences,  nous  sommes  arrivé  à  ne  plus  admettre 
dans  nos  chantiers  qu'un  seul  et  unique  outil  pour  la  prépara- 
lion  du  sol;  c'est  la  pioche  à  pic,  à  douille  ovale,  présentant 
d'un  côté  un  taillant  large  de  7  centimètres,  allant  en  se  rétré- 
cissant vers  la  douille,  mais  fortement  renforcé,  et  de  l'autre 
côté  un  fort  pic;  chaque  extrémité  de  la  pioche  est  bien  acié- 
rée;  les  deux  branches,  sensiblement  t'gales,  forment  im  arc 
de  cercle  dont  la  cordi^  a  55  centimètres  de  longueur  et  la 
flèche  8  cenliniètres  (lig.  otij. 

Cet  outil  emmanché  pèse  i  kilogrammes. 
Armé  de  cette  pioche,  un  bon  terrassier  peut  suflire  à  toutes 
les  nécessités  de  la  préparaliun  (hi  sol.  voire  mènit^  df  la  plan- 


Fig.  56.  —  Pioche  k  pic. 


MESURES   ET  TRAA^AUX  PREPARATOIRES.        187 

lation,  (H  produit  à  la  lin  do  sa  journéo  la  plus  grande  somme 
do  travail  utile;  le  poids  de  cet  outil  aido  singulièrement,  car 
il  supprime  les  contre-coups  qu'un  outil  plus  léger  ne  manijue 
pas  ûc  produire  dans  les  bras  de  l'ouvrier,  dont  la  plus  grande 
peine  se  réduit  à  élever  et  diriger  sa  pioche,  qui,  en  retom- 
bant, opère,  par  reffet  de  son  propre  poids,  un  travail  consi- 
dérable sans  grands  efforts  de  la  part  de  celui  qui  la  manie. 

Nous  avons  proscrit  l'emploi  de  la  pelle,  qui,  dans  la  prépa- 
ration des  trous  ou  des  bandes,  double  la  dépense  sans  aucune 
utilité  réelle,  car  elle  peut  être  suppléée  par  la  pioche  pour 
tous  les  creusements  nécessaires,  ainsi  que  nous  l'exposerons 
plus  loin. 

L'outil  étant  donc  choisi,  passons  à  son  emploi. 

La  dépense  entraînée  par  la  culture  à  bras  d'homme  étant 
élevée,  il  convient  de  diminuer  autant  que  possible  la  surface 
cultivée  par  hectare  et  dès  lors  de  ne  plus  préparer  que  des 
bandes  ou  des  trous  plus  ou  moins  espacés,  suivant  les  cas. 

Les  bandes  alternes  et  horizontales  semblent,  au  premier 
abord,  plus  séduisantes  par  suite  de  leur  régularité  apparente 
et  de  la  certitude  qu'elles  donnent  que  toutes  les  eaux  pluvia- 
les seront  recueillies  au  bénéfice  dos  jeunes  sujets  qu'on  y 
aura  introduits.  Mais  elles  offrent  par  cela  même  un  inconvé- 
nient, car  il  est  impossible  de  les  obtenir  parfaitement  horizon- 
tales à  moins  de  frais  supplémentaires  et  très  superflus,  et 
alors,  vu  leur  continuité,  il  peut  arriver  que  par  un  orage  vio- 
lent les  eaux  s'amassent  dans  certaines  bandes  sur  des  points 
donnés  et  provoquent  leur  ouverture  en  môme  temps  ((u'uii 
commencement  de  ravinement. 

Aussi  à  ces  bandes  préférons-nous  des  bandes  que  nous  ap- 
pelons brisées,  de  5  à  6  mètres  de  longueur  cultivée,  séparées 
entre  elles,  dans  le  sens  de  leur  longueur  suivant  l'horizon- 
tale, de  l^jSO  à  2  mètres  et  même  3  mètres,  et  disposées  de 
telle  façon  que  le  milieu  de  la  bande  cultivée  dans  la  ligne  su- 
périeure coïncide  avec  le  milieu  de  l'espace  laissé  vide  dans  la 
ligne  inférieure. 


188  REBOISEMENT  ET   OAZONNEMENT. 

(Juant  à  lécartcmcnt  des  bandes  entre  elles  normalement  à 
leur  longueur,  il  ne  doit  pas  dépasser  3  mètres  en  projection 
et  non  suivant  la  pente,  mais  on  peut  admettre  comme  bonne 
distance  une  moyenne  de  2  mètres. 

La  largeur  de  la  bande  cultivée  dépend  de  la  déclivité  du 
sol  et  doit  diniinuor  à  mesure  que  la  pente  augmente;  dans 
les  pentes  ordinaires,  on  peut  lui  donner  de  (30  à  50  centi- 
mètres; dans  les  pentes  plus  fortes,  elle  se  réduit  à  iO  centi- 
mètres et  même  à  30  centimètres. 

Si  nous  adoptons,  par  exemple,  ce  qui  est  le  cas  le  plus 
ordinaire,  2  mètres  d'écartement  moyen  entre  les  bandes, 
une  largeur  de  50  centimètres,  une  longueur  de  5  mètres  et 
un  espace  libre  de  2  mètres  entre  chaque  bande  dans  le  sens 
de  la  longueur,  le  terrain  préparé  sera  ainsi  représenté  : 


;-,m 

;     2™ 

•;in 

= 

S'" 

f  2'n  = 
5  m 

=  2™  = 
z=  2'ii  - 

501 

B 
—  2m  = 
,";m    CM 

:  2'"  = 

5m 

S 

CM 

=  2'"  = 
5111 

I  2'»  = 
-  Oin  - 

5m 
-  211 

.-im 

= 

E 

-M 

:i°' 

o'" 

-  Om 

5 

Cl 

Cette  disposition  offre  sur  le  système  des  bandes  continues 
et  horizontales  les  avantages  suivants  : 

1°  Une  diniiiiulion  imi)ortante  dans  le  prix  du  défoncement 
par  hectare; 

2°  Une  n'gularili'  absolun  dans  l'écartemiMil  et  l'espacement 
des  bandes  et,  par  suite,  dans  la  répartition  des  plants  desti- 
nés à  former  le  massif,  jointe  au  maintien  de  l'horizontalité 
dans  chaciue  partie  discontinue.  On  conçoit,  en  effet,  que  dans 
un  terrain  dont  les  pentes  varient  sur  un  espace  donné,  les 
bandes  continues  korizontales  ne  peuvent  conserver  entre  elles 
le  même  écartement,  et  présentent  dans  leur  tracé,  suivant 
It's  (liangemctits  de  pente,  des  écarts  ou  des  rapprocheuifiits 
comme  les  cKiirhi's  m  iis;i,l;i'  iImus  la  lijpographic;  tandis  ([ue 
les  bandes  brisijes,  toiil   cm  drinciiranl  lntrizonlalcs  sur  leur 


MESURES  ET  TRAVAUX  PREPARATOIRES.        189 

petite  longueur,  restent  constamment  à  la  même  distance  en- 
tre elles,  car  elles  ne  suivent  plus  une  ligne  générale  tracée 
horizontalement  à  la  surface  du  sol  ;  elles  s'élèvent  ou  s'abais- 
sent par  rapport  à  cette  horizontale  suivant  que  la  pente 
augmente  ou  diminue,  et,  en  projection  sur  le  plan  horizontal, 
elles  donneront  toujours  une  figure  régulière  comme  celle 
tracée  ci-dessus;  car,  à  la  surface  du  sol,  les  bandes  brisées 
peuvent  être  considérées  comme  l'intersection  d'une  série  de 
plans  verticaux  passant  par  les  projections  régulières  de  ces 
bandes  et  venant  couper  les  diverses  pentes  que  présente  la 
superficie  d'un  versant  donné  ; 

3°  Leur  tracé  sur  le  terrain  est  beaucoup  plus  facile  et  se 
réduit  à  un  simple  jalonnage  que  le  premier  ouvrier  intelli- 
gent venu  peut  exécuter  rapidement.  De  plus,  le  terrassier  qui 
défonce  peut  toujours  tenir  sa  bande  de  5  mètres  bien  horizon- 
tale sans  besoin  d'autre  indication  que  son  coup  d'œil  ; 

4°  Par  leur  enchevêtrement,  le  cours  des  eaux  pluviales, 
constamment  brisé,  ne  peut  produire  ni  agglomération  ni 
ravinement,  et  l'absorption  par  le  sol  est  d'autant  plus  fa- 
vorisée ; 

5°  Bien  que  la  surface  cultivée  par  hectare  soit  faible  relati- 
vement à  l'espace  laissé  inculte,  elle  suffit  amplement  pour 
obtenir  en  peu  de  temps  le  résultat  désiré.  Car,  dès  les  pre- 
mières années,  les  semis  ou  les  plantations  qu'on  a  exécutés 
dans  ces  bandes  forment  dans  chacune  d'elles  un  petit  massif 
où  les  sujets  se  poussent  et  se  soutiennent,  en  attendant  que, 
par  suite  de  leur  développement,  le  massif  général  soit  défini- 
tivement formé  par  l'extension  des  rameaux. 

Les  bandes  alternes  continues,  les  bandes  brisées  même, 
malgré  les  avantages  qu'elles  présentent  sur  les  premières, 
ne  doivent  être  employées  que  dans  des  cas  tout  à  fait  excep- 
tionnels où  la  préparation  du  sol  est  appelée  à  produire  par 
elle-même  un  effet  mécanique  immédiat  au  point  de  vue  du 
ralentissement  des  eaux  à  la  surface  du  sol,  en  attendant  les 
résultats  demandés  à  la  végétation  forestière. 


190  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 

En  général  donc,  il  est  bien  préférable,  à  tous  égards,  de 
se  contenter  de  préparer  le  sol  par  trous  régulièrement  espa- 
cés, ayant  leur  plus  grande  longueur  horizontalement  placée 
et  présentant  les  dimensions  les  plus  faibles  qu'il  soit  possible 
de  leur  donner,  tout  on  satisfaisant  au  but  qu'on  s'est  pro- 
posé- Le  minimum  de  ces  dimensions  dépend  évidemment  de 
la  profondeur  donnée  au  dcfoncement,  car  il  faut  avant  tout 
que  l'ouvrier  l'obtienne  facilement.  L'expérience  a  démontré 
que  la  longueur  minima  des  trous  ne  peut  descendre  au-des- 
sous de  1  mètre  ;  quant  à  leur  largeur,  elle  peut  varier,  comme 
celle  des  bandes,  de  50  à  30  centimètres,  selon  la  raideur  de 
la  pente. 

La  profondeur  du  défoncement  ne  doit  généralement  pas 
dépasser  50  centimètres.  Le  plus  souvent  même,  il  suffit  de 
creuser  à  40  centimètres,  tant  pour  les  bandes  que  pour  les 
trous.  Avec  une  pareille  profondeur  on  peut  parer  à  toutes 
les  éventualités  et  remplir  suffisamment  le  but  de  la  prépara- 
tion préalable  du  sol,  de  sorte  qu'un  défoncement  plus  pro- 
noncé, tout  en  étant  plus  favorable  à  la  végétation,  ferait  sor- 
tir les  travaux  des  conditions  d'écononiio  ([ui  doivent  dominer 
avant  tout. 

La  profondeur  devant  être  la  même  dans  un  terrain  donné, 
({uel  que  soit  le  système  adopté,  bandes  continues,  bandes 
brisées  ou  trous,  il  en  résulte  que  la  comparaison  onire  ces 
trois  modes  de  préparation  se  bornera  à  l'examen  de  la  sur- 
face cultivée  par  hectare  dans  chacun  d'eux. 

Le  tableau  ci-après  renferme  : 

\°  La  nomenclature  des  différentes  surfaces  qu'on  est  obligé 
de  cultiver  par  hectare  de  terrain  à  reboiser,  dans  chacun  des 
trois  modes  de  préparation  dont  il  s'agit  ; 

2"  Le  nombre  maximum  de  plants  que  comporto,  par 
hectare,  chacun  de  ces  modes,  en  admotlant  pour  distance 
minima  un  mètre  entre  chaque  plant. 

L'examen  de  ce  tableau  conduit  à  une  série  de  remarques 
intéressantes  : 


MESURES  ET  TRAVAUX  PREPARATOIRES. 


191 


ESPACEMENT 

DES    BANDES 

OU  des  trous 
dans  le  sens 

de 
leur  longueur. 

h 


ECARTEMENT 

DES  DANDES 

OU  des  trous 

suivant  la  pente 

du  terrain. 

c 


SURFACE  CULTIVEE 
PAR  HECTARE 

avec  une  largeur  de 


0"i,.jO 


0'n,40 


0™,30 

f 


NOMBRE 

lit:    UANDES 

brisées 

ou  de  trous 

par 

hectare. 

y 


NO.MHRK 

.le 
PLANTS    PLACÉ: 

à  1  mètre 

de   distanoe 

dans  les  bande: 

et 
dans  les  trous. 


1°    BANDES    CONTINUES,    HORIZONTALES  {de   Goi/ffier,   PI.  33). 
lm,00 

1  50 

2  00 

2  uO 

3  00 

2»   BANDES    BRISÉES   DE    5    MÈTRES    DE    LONGUEUR. 


5,000 

4,000 

3,000 

3,333 

2,666 

1,999 

2,500 

2,000 

1,500 

2,000 

1,600 

1,208 

1,667 

1,333 

999 

6 

im 

,00 

7 

1 

50 

8 

2 

00 

9 

0 

50 

10 

3 

00 
30 

11 

im 

,00 

12 

1 

00 

13 

1 

00 

14 

1 

00 

15 

i 

00 

16 

1 

50 

17 

1 

50 

18 

1 

50 

19 

1 

50 

20 

2 

00 

21 

2 

00 

22 

2 

00 

23 

2 

50 

2i 

2 

50 

25 

3 

00 

1^,00 

1  50 

2  00 

2  50 

3  00 


4,165 

3,332 

2,499 

2,566 

2,053 

1,.540 

1,775 

1,420 

1,065 

1,332 

1,006 

800 

1,040 

832 

624 

1,660 

1,026 

710 

533 

416 


30  TROUS    DE    1    MÈTRE   DE   LONGUEUR   [de   GayffiC)',    PI.    36). 


lin,00 

1  50 

2  60 

2  50 

3  00 


1  50 

2  00 

2  50 

3  00 
2  00 

2  50 

3  00 

2  50 

3  00 
3  00 


2,500 

1,666 

1,2:)0 

1,000 

833 

1,332 

1,000 

800 

666 

833 

666 

555 

570 

475 

416 


2,000 

1,333 

1,000 

800 

666 

1,085 

800 

640 

533 

666 

533 

444 

456 

380 

333 


1,500 
989 
750 
600 
499 
799 
600 
480 
399 
499 
399 
333 
342 
285 
249 


5.000 
3, 333 
2.500 
2,000 
1,666 
2,664 
2,000 
1,600 
1,333 
1,666 
1,333 
1,110 
1,140 
950 
833 


10,000 
6,666 
5,000 
4,000 
3,333 

9,996 
6,159 
5,260 
3,198 
2,496 

10,000 
6,666 
5,000 
4.000 
3,333 
5,228 
4,000 
3,200 
2,666 
3,333 
2,666 
2,220 
2,280 
1,900 
1,666 


Ift2  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

1°  Les  nombres  correspondant  dans  la  colonne  h  aux  nu- 
méros d'ordre  1,  6  et  H  sont  presque  identiques,  car  une  dif- 
férence de  4  unités  sur  10,000  est  insignifiante.  Ces  nombres 
indiquent  la  quantité  de  plants  que  renfermera  lo  terrain  en 
les  plaçant  à  1  mètre  de  distance  entre  eux  dans  les  bandes 
ou  les  trous,  dont  la  faible  largeur  ne  permet  évidemment 
{{u'une  seule  ligne  de  plants.  On  aura  donc  6  plants  dans  cha- 
cune des  bandes  brisées  de  5  mètres  (en  plaçant  le  premier 
au  commencement  de  la  bande)  et  2  plants  dans  les  trous  de 
1  mètre. 

Cola  posé,  pour  une  quantité  de  10,000  plants  par  hectare, 
distribués  de  la  même  façon,  c'est-à-dire  également  espacés 
dans  tous  les  sens,  on  aura  : 

Dans  le  cas  des  bandes  continues,  5,000  mètres  carrés  à 
cultiver,  soit  50  pour  100  de  la  surface  totale; 

Dans  le  cas  des  bandes  brisées  de  5  mètres,  4,165  mètres 
carrés,  soit  41,65  pour  100  et  une  économie  de  8,35  pour  100. 

Dans  le  cas  des  trous  de  1  mètre,  2,500  mètres  carrés,  soit 
25  pour  100  et  une  économie  de  25  pour  100. 

Dans  les  deux  derniers  modes,  les  économies  de  la  dépense 
ne  seront  pas  tout  à  fait  identiques  à  celles  des  surfaces  culti- 
vées, car,  à  chaque  bande  brisée  ou  à  chaque  trou,  il  y  a  une 
mise  en  train  qui  fait  perdre  un  peu  de  temps  à  l'ouvrier; 
mais  en  tous  cas  la  diminution  sera  très  minime  et  l'on  peut 
admettre,  au  point  de  vue  de  la  dépense,  que  les  bandes  bri- 
sées réalisent  sur  les  bandes  continues  une  économie  de 
8  pour  100  et  les  trous  une  économie  de  24  pour  100. 

2°  Dans  l'article  des  trous,  les  numéros  d'ordre  de  11  à  25 
donnent  toutes  les  combinaisons  diverses  auxquelles  on  peut 
ôtre  amené  dans  leur  emploi,  selon  les  conditions  des  pentes, 
de  la  dureté  du  sol,  dos  essences  choisies,  du  mode  préféré 
pour  leur  introduction  et  enlin  des  crédits  dont  on  peut 
disposer. 

Au  point  de  vue  de  la  plantation,  le  principal  avantage  de 
la  préparation  du  terrain  par  trous  sur  celle  par  bandes  con- 


MESURES  ET  TRAVAUX    PREPARATOIRES.         193 

tinues  ou  brisées  consiste  dans  l'économie  réalisée  dans  le 
travail  manuel.  Mais  dans  le  cas  où  le  terrain  préparé  doit  être 
semé,  les  trous  présentent  en  outre  des  avantages  culturaux 
d'une  sérieuse  importance  : 

D'une  part,  pour  arriver  plus  tard  à  produire  le  môme  mas- 
sif, ils  exigent  deux  fois  moins  de  graines;  à  largeur  égale,  le 
sol  ameubli  présentant  une  petite  longueur  est  moins  sujet  au 
soulèvement  ;  enfin  la  régularité  des  bandes  oblige  souvent  à 
sacrifier  en  pure  perte  des  vestiges  de  végétation  qui  auraient 
pu  fournir  un  utile  abri,  tandis  que  les  trous,  par  leurs  petites 
dimensions,  s'intercalent  très  facilement  entre  les  traces  de 
végétation  existante. 

D'autre  part,  les  semis  réussis  sur  les  bandes  ne  tardent 
pas  à  être  beaucoup  trop  serrés,  les  plants  s'étouffent  et  leur 
répartition  est  beaucoup  moins  naturelle  que  celle  opérée  par 
les  trous.  11  y  a  trop  de  plants  dans  un  sens  et  pas  assez  dans 
l'autre,  désavantage  qui  se  manifeste  beaucoup  moins  dans 
ces  derniers. 

En  exécution  le  surveillant  jalonne  les  lignes  et  trace  sur 
le  sol  les  emplacements  dos  bandes  ou  des  trous,  en  mainte- 
nant toujours  leur  longueur  dans  le  sens  horizontal.  Les  ou- 
vriers sont  échelonnés  de  manière  à  occuper  chacun  une  de 
ces  lignes  horizontales,  mais  sans  être  placés  tous  sur  la 
môme  ligne  de  plus  grande  pente ,  à  cause  du  danger  que 
peut  présenter  la  chute  des  pierres  enlevées  ou  remuées  par 
le  défoncement.  On  établit  dans  ce  but  les  ouvriers  en  virée 
très  oblique  à  la  ligne  de  plus  grande  pente,  et  l'on  commence 
toujours  par  le  haut  du  versant. 

L'ouvrier,  muni  de  sa  pioche  à  pic,  ouvre  la  bande,  rejette 
derrière  lui  avec  le  taillant  toute  la  terre  et  enlève  les  pierres 
qu'il  pose  sur  le  bord  inférieur  de  la  bande.  Dans  le  cas  où 
les  déblais  fournissent  une  grande  abondance  de  pierres,  il 
convient  de  les  poser  en  talus  naturel  toujours  solide,  et  non 
en  forme  de  petite  muraille,  qui  n'offre  aucune  garantie  de 
durée,  peut  être  affouilléc  et  occasionner  par  sa  chute  des  dé- 

13 


19i  REBOISEMENT   ET   GAZONNEMENT. 

gâts  parfois  importants.  En  tous  cas,  les  pierres  ne  devront 
jamais  être  tUsséminées  ni  jetées  çà  et  là;  elles  seront  au  con- 
traire toujours  posées  à  la  main  et  bien  calées. 

Si  la  bande  doit  avoir  50  centimètres  au  plafond,  il  suffira 
de  la  creuser  à  pic  sur  une  largeur  de  iO  centimètres,  après 
quoi  on  talutera  le  bord  supérieur  sur  une  largeur  de  10  cen- 
timètres, pour  obtenir  la  largeur  voulue.  En  creusant  ainsi 
avec  une  largeur  diminuée  de  10  centimètres  au  moins,  on 
réalise,  outre  une  économie  de  travail,  le  double  avantage  de 
ménager  autant  que  possible  la  stabilité  du  sol  dans  certains 
cas  donnés,  et  de  placer  au-dessus  de  la  bande  une  coucbe  de 
terre  végétale  relativement  meilleure  et  plus  favorable  aux 
semis  ou  aux  jeunes  plants. 

A  mesure  que  le  défoncement  et  le  talutage  sont  opérés, 
l'ouvrier  nivelle  avec  soin  la  surface  de  la  bande  de  manière  à 
la  rendre  bien  unie  et  à  lui  donner  une  inclinaison  contraire 
à  la  pente  du  terrain. 

Les  trous  sont  creusés  d'après  les  mêmes  indications;  mais, 
à  cause  de  leur  faible  longueur,  il  importe  que ,  pour  finir  le 
défoncement  d'un  trou ,  l'ouvrier  se  transporte  à  l'extrémité 
opposée  à  celle  par  latiuelle  il  a  commencé,  et  se  place  d'une 
fa(,'on  entièrement  inverse  à  sa  position  première;  une  fois  là, 
il  applique  quelques  grands  coups  de  pioche  pour  donner  au 
fond  du  trou  une  longueur  égale  à  celle  du  dessus.  Sans  cette 
précaution  on  risquerait  d'avoir  un  trou  beaucoup  plus  étroit 
en  bas  qu'en  haut,  et  le  défoncement  ne  remplirait  pas  son  but. 

Dans  ce  genre  de  travail,  le  survcillanl  doit  empêcher  au- 
tant que  possible  ses  ouvriers  de  donner  une  série  de  petits 
coups  de  i)io<:he  répété's.  C'est  en  (|uel(|iu:'s  grands  et  solides 
coups  ([lie  11'  Iniii  (juii  être  fait,  si  I'du  veut  opérer  économi- 
quement, et  tout  ouvrier  qui  n'est  pas  capable  de  travailler 
ainsi  doit  ôtre  ou  renvoyé  du  chantier  ou  employé  à  d'autres 
travaux. 

Si  le  terrain  où  l'on  opère  est  raviné,  on  aura  soin  de  ne  pas 
prolonger  les  bandes  ou  creuser  des  trous  jusqu'au  bord  même 


MESURES   ET   TRAVAUX   PREPARATOIRES.         195 

du  ravin ,  et  on  arrêtera  le  défoncement  à  1  mètre  au  moins 
de  ce  bord,  afin  de  laisser  un  intervalle  de  terrain  stable. 

On  talute  le  bord  supérieur  des  trous  comme  celui  des 
bandes,  ce  qui  permet  de  gagner  au  moins  10  centimètres 
pour  la  largeur  à  la  surface,  de  diminuer  d'autant  l'épaisseur 
du  défoncement ,  de  relever  légèrement  le  plafond  au-dessus 
du  sol  naturel  en  vue  de  parer  au  tassement  ultérieur  ({ui  se 
produira  par  suite  du  foisonnement,  et  de  supprimer  la  fente 
dangereuse  qui  se  manifeste  très  souvent ,  après  le  tassement, 
entre  le  terrain  naturel  et  la  terre  cultivée.  Enfin  on  aura  soin 
de  donner  au  plafond  un  léger  devers  opposé  à  la  pente  du 
versant;  cette  précaution  est  des  plus  utiles  pour  empôcber 
l'écoulement  des  eaux  pluviales  et  l'entraînement  des  terres. 

Dans  les  climats  très  secs,  il  est  même  souvent  avantageux 
de  sillonner  le  sol  par  une  série  de  petites  rigoles,  légèrement 
tracées  en  forme  de  chevrons  aboutissant  chacun  à  une  couple 
de  trous  et  dirigeant  sur  eux  les  eaux  qui  tombent  dans  leurs 
intervalles. 

On  rencontre  souvent ,  sur  les  versants ,  des  plis  de  terrain 
qui  ne  sont  pas  des  ravins,  mais  dans  lesquels  des  trous  ou  des 
bandes  ordinaires  risqueraient  d'être  détériorés  par  les  eaux. 

Dans  ces  cas  exceptionnels,  si  l'on  a  des  pierres  sur  place, 
on  construit,  dans  le  prolongement  de  chacune  des  lignes  de 
bandes  ou  de  trous  et  en  travers  du  pli  de  terrain,  un  petit 
mur  en  pierres  sèches,  à  fruit  très  prononcé  au  parement  d'a- 
val; on  lui  donne  une  hauteur  de  50  centimètres  environ,  et  à 
son  amont  on  le  nivelle  avec  la  terre  voisine  ;  on  a  ainsi  une 
série  de  bandes  à  talus  solides  qui  peuvent  empêcher  toute 
érosion  de  la  part  des  eaux;  à  défaut  de  pierres,  on  rempla- 
cera le  mur  par  une  fascine  de  saule. 

Dans  les  casses  ou  clappes,  où  la  terre  est  recouverte  d'une 
couche  plus  ou  moins  épaisse  de  pierres  de  toutes  dimensions, 
on  prépare  des  bandes  ou  des  trous  après  avoir  disposé  à  leur 
aval,  en  talus  à  large  base,  toutes  les  pierres  qu'on  a  dû  enle- 
ver pour  découvrir  le  sol. 


19G  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Quel  que  soit  le  mode  qu'on  ait  adopté ,  il  importe  d'opérer 
la  préparation  du  sol  quelques  mois  au  moins  avant  l'exécu- 
tion des  semis  ou  des  plantations.  Si  la  mise  en  terre  des 
graines  ou  des  plants  doit  avoir  lieu  à  l'automne ,  on  donnera 
la  culture  préalable  jugée  nécessaire  au  terrain  dans  le  cou- 
rant de  l'été  au  i)lus  tard,  afin  de  laisser  aux  influences  atmo- 
sphériques le  temps  d'agir  efficacement. 

Dans  le  cas  où  la  mise  en  terre  est  réservée  au  printemps, 
il  y  a  plus  grand  intérêt  encore  à  ce  que  le  sol  soit  préparé  dès 
l'automne,  afin  de  lui  permettre  de  se  saturer  pendant  l'hiver 
de  toute  l'humidité  possible  et  d'éviter  le  dessèchement  qui 
serait  infailliblemennt  la  conséquence  d'une  préparation  tar- 
dive au  printemps. 

On  rencontre  bien  souvent,  dans  les  montagnes  des  Alpes, 
certains  terrains  dont  la  nature  et  la  nudité  exigent  une  pré- 
paration préalable  pour  y  introduire  une  végétation  quelcon- 
que même  herbacée,  et  qui  sont  formés  par  des  marnes  du 
lias  appartenant  à  des  étages  différents.  Ces  marnes  présentent 
entre  elles  des  conditions  bien  diverses  au  point  de  vue  de  la 
structure,  de  la  consistance  et  de  la  stabilité,  mais  elles  pos- 
sèdent deux  caractères  communs  :  Le  premier,  d'être  le  plus 
souvent  entièrement  dénudées  et  de  déterminer  des  pentes 
qui  vont  jusqu'à  120  pour  KM)  ci  leur  font  produire  absolument 
l'effet  de  vastes  toits  d'ardoises;  le  second,  de  se  déliter  à  la 
surface  sous  les  influences  atmosphériques. 

C'est  par  ce  second  caractère,  joint  à  Iimhs  différences  de 
structure  ou  de  consistance,  qu'elles  se  distinguent  surtout. 

Les  unes,  le  plus  souvent  très  schisteuses,  se  délitent  très 
rapidement,  ne  sont  pas  très  dures  et  se  laissent  pénétrer  par 
la  pioche  à  une  certaiin'  pnifondnur. 

Les  autres,  au  contraire,  à  strates  moins  minces  et  parfois 
épaisses,  se  délitent  moins  profoiKh-mcnt,  cl  ne  se  laissent  pé- 
nétrer par  la  pioclir  qua  S  ou  10  (■ciiliiiirtrcs  au  i)lus. 

Dans  les  unes  connue  dans  1rs  autres,  les  produits  du  di'li- 


MESURES   ET   TRAVAUX   PREPARATOIRES.         197 

tement  ne  subsistent  à  la  suifaro  quo  pondant  les  intervalles 
des  grandes  pluies  qui,  sur  ces  pentes  excessives,  balayent 
périodicpiement  les  parcelles  émiettées  et  sans  cobésion;  de 
là,  double  difliculté,  car  il  faut,  d'une  part,  former  à  vrai  dire, 
avec  la  roche  môme,  un  sol  assez  profond  pour  que  la  végéta- 
tion puisse  s'y  établir,  et,  d'autre  part,  maintenir  ce  sol  contre 
les  dangers  de  l'entraînement. 

On  comprend  facilement  que  dans  les  marnes  très  scbis- 
teuses  et  inconsistantes,  il  est  impossible  de  songer  à  une  i)ré- 
paration  préalnblc  du  sol,  et  que  cette  préparation,  si  elle  a 
raison  d'être ,  doit  être  opérée  au  moment  même  de  l'intro- 
duction de  la  végétation  ;  aussi  nous  réservons  ce  cas  parti- 
culier pour  le  moment  oîi  nous  traiterons  des  plantations. 

Mais,  dans  les  marnes  dures,  il  faut,  au  contraire,  une  pré- 
paration commencée  bien  longtemps  à  l'avance  et  répétée  à 
plusieurs  reprises.  On  conçoit  en  effet  que,  si  du  premier  coup 
l'on  voulait  creuser  des  trous  ou  des  bandes  ayant  la  profon- 
deur voulue,  les  frais  dépasseraient  toute  proportion  compa- 
tible avec  le  but  à  atteindre,  car  la  pioche  et  le  pic  ne  suffi- 
raient pas,  et  il  faudrait  la  mine,  qui,  dans  ces  sortes  de 
roches,  ne  produit  qu'un  maigre  effet.  De  plus,  dans  ces  ter- 
rains, où  la  terre  végétale  est  totalement  absente,  on  ne  trou- 
verait quand  môme  pas  assez  de  produits  du  délitement  de  la 
roche  pour  remplir  immédiatement  les  trous  ou  les  bandes. 
Il  est  donc  préférable  de  bénéficier  de  la  propriété  qu'ont  ces 
rochers  de  se  déliter;  à  cet  effet,  on  se  contentera  d'ouvrir 
d'abord  les  trous  ou  les  bandes  sur  la  profondeur  à  laquelle  la 
pioche  ou  le  pic  pourra  pénétrer;  la  meilleure  saison  pour 
cela  est  la  fin  de  l'hiver  ;  quand  la  roche  est  bien  saturée  d'eau, 
elle  est  plus  tendre  et  l'outil  pénètre  plus  facilement  dans  les 
fentes  de  retrait  qui  divisent  les  strates.  On  posera  avec  soin 
tous  les  débris  en  talus  bien  assujettis  sur  le  bord  inférieur 
des  trous  qui  seront  abandonnés  pendant  un  an  aux  influen- 
ces météorologiques,  et  l'on  recommencera  un  nouveau 
creusement  à  la  fin  de  l'hiver  suivant;  généralement  deux 


198  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

saisons  suffisent  pour   obtenir  une  profondeur  convenable. 

Il  restera  alors  à  combler  les  trous.  Pour  cela  on  raclera 
avec  soin  tous  les  produits  du  délitement  de  la  rocbe  dans  les 
intervalles  des  trous,  avant  les  pluies  du  printemps;  c'est  le 
moment  le  plus  favorable,  car  le  délitement  le  plus  énergique 
se  manifeste  par  les  gelées  de  la  fin  de  l'biver.  Ces  éléments 
terreux,  combinés  avec  ceux  fournis  par  la  surface  des  talus 
de  déblai,  serviront  à  remplir  les  trous;  s'ils  sont  insuffisants, 
on  répétera  ult(''rieuremcnt  le  même  balayage. 

Il  est  important  de  laisser  au  talus  de  déblai  une  forte  con- 
sistance, afin  de  lui  permettre  de  soutenir  les  terres  pendant 
les  premières  années  de  la  végétation.  Les  débris  de  roche 
dont  il  se  compose  se  délitent  bien  à  la  surface,  mais  à  l'inté- 
rieur ils  se  maintiennent  solides  ;  leurs  interstices  se  colmatent 
pour  ainsi  dire,  et,  au  bout  de  deux  ou  trois  ans,  la  végétation 
berbac(''e  peut  s'en  emparer  et  aider  à  soutenir  le  talus.  Nous 
verrons  du  reste  à  l'article  Plantations  les  moyens  à  prendre 
dans  ce  but. 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     199 


CHAPITRE  X 


EXÉCUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT 


Du  SEMIS  ET  DE  LA  PLANTATION  EN  GÉNÉRAL.  —  Mode  tl'emploi  cles  diffé- 
rentes essences,  suivant  les  régions.  —  Région  méditerranéenne  :  Es- 
sences à  employer  exclusivement  par  semis.  —  Essences  à  employer  par 
les  deux  modes  suivant  les  cas.  —  Région  tempérée  :  Essences  de  semis. 

—  Essences  de  plantation.  —  Régions  alpestre  et  alpine.  —  Conclusion. 

—  Des  gr.unes.  —  Lieux  d'origine.  —  Essences  feuillues  ou  non  résineu- 
ses. —  Récolte.  —  Préparation.  —  Conservation  des  graines.  —  Graines 
de  basse  végétation  forestière.  —  Concasseur.  —  Graines  d'essences  ré- 
sineuses. —  Récolte.  —  Conservation.  —  Essai  des  graines.  —  Exécu- 
tion DES  SEMIS  A  DEMEURE.  —  Esseiices  7ion  résincuses  :  Divers  modes  de 
semis.  —  Devis  de  la  dépense.  —  Graines  de  résineux . •'Divers  modes  de  se- 
mis. —  Organisation  du  chantier.—  Quantité  de  graines  à  l'hectare.—  Saison 
préférable  pour  le  semis  de  résineux.  —  Quantité  de  graines  à  employer. 

—  Enherbement.  —  Enherbement  dans  les  terrains  à  surface  stable.  — 
Semis  par  potets.  —  Semis  à  la  volée.  —  Enherbement  dans  les  terrains 
à  surface  instable.  —  Semis  par  sillons  horizontaux.  —  Époque  des 
semis.  —  Des  pépinières.  —  Généralités.  —  Pépi7iières  permanentes  ou 
centrales  :  Choix  de  l'emplacement.  —  Division  du  terrain.  —  Prépara- 
tion du  sol.  —  Nivellement  du  terrain.  —  Premier  défoncement  du  sol 
des  carrés.  —  Fosses  à  terreau  et  à  fumier.  —    Confection  du  terreau. 

—  Semis  en  pépinière.  —Résineux.  —  Essences  feuillues.  —  Repiquages 
ou  rigolages.  —  Exécution  du  repiquage.  —  Bouturage  en  pépinière.  — 
Calcul  du  prix  de   revient  du  mille  de  plants  des  différentes  essences. 

—  Expédition  des  plants.  —  Pépinières  volailles  ou  locales  :  Préparation 
du  sol.  —  Exécution  de  la  plantation.  —  Résineux  :  Age  des  plants. 

—  Mode  d'exécution  dans  les  terrains  préparés  et  non  préparés.  —  Or- 
ganisation du  chantier.  —  Époque  préférable  pour  la  plantation.  —  Plan- 


200  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 

tation  dans  les  terrains  à  surface  instable.  —  Plantation  dans  les  clappes 
ou  casses.  —  Plantation  des  feuillus  :  Création  de  massifs.  —  Rece- 
page.  —  Création  de  haies.  —  Banquettes  avec  défoncement.  —  Plan- 
tation dans  les  fonds  des  ravins  et  sur  les  atterrissemeuts. 

Du  Semis  et  de  la  Plantation  en  général.  —  Lo  somis  ot  la 
plantation  roprésontcnt  los  deux  seuls  modes  qu'on  puisse  em- 
ployer pour  obtenir  le  reboisement  définitif  d'un  terrain  dé- 
nudé en  montagne. 

Dans  le  cours  do  cultwe  des  bois  de  Lorentz  et  Parade,  il  est 
ajouté  à  ces  deux  modes  de  repeuplement  le  bouturage  et  le 
marcottage;  nous  ne  pouvons,  dans  le  cas  tout  spécial  (jui 
nous  occupe,  considérer  ces  deux  modes  que  comme  de  sim- 
ples auxiliaires,  dont  l'un,  le  bouturage,  n'est  à  vrai  dire 
qu'une  façon  particulière  de  planter  et  dont  l'autre  ne  peut 
ôtre  employé  que  comme  corollaire  de  certaines  plantations 
dans  des  cas  exceptionnels  bien  déterminés. 

On  a  beaucoup  écrit  et  discuté  sur  la  préférence  à  donner 
soit  au  semis,  soit  à  la  plantation.  Le  plus  souvent  chacun  s'est 
trouvé  avoir  raison,  dans  les  cas  spéciaux  où  il  se  plaçait,  et 
la  discussion  venant  à  continuer  dans  ces  termes  ris({uerait 
fort  de  ne  jamais  aboutir  à  une  solulion  définitive. 

On  conçoit  aisément,  en  effet,  que  dans  une  question  oii  les 
éléments  principaux  dépendent  de  conditions  aussi  variables 
que  le  climat  local  d'un  lieu,  la  nature  minéralogique  du  sol 
à  reboiser,  l'état  de  la  superficie ,  la  déclivité  des  pentes,  et 
enfin  le  tempérament  et  les  exigences  des  essences  adoptées, 
il  peu!  se  présenter  un  nombre  très  considérable  de  solutions 
qui  tantôt  seront  à  l'avantage  du  semis  sur  la  idantation , 
tantôt  seront  diamélraliMuent  opposées,  tautûl  enfin  s(M'ont 
sensiblement  identicpies. 

Ce  n'est  pas  à  dire  cependaul  <[u'il  ne  soit  pas  possible  diu- 
diquer  à  grands  traits  les  divers  cas  où  l'on  peut  se  trouver  et 
la  solution  qu'il  est  préférable  de  donner  dans  chacun  d'eux. 
Nous  estimons  au  contraire  que  l'analyse  des  diverses  con- 
ditions (pii  peuvent  se  présenter  en  général  est  seule  h  môme 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     201 


de  fournir  les  moyens  de  faire,  entre  ces  deux  modes  de  re- 
boisenKMit,  le  clioix  le  plus  convenable  à  tous  égards. 

Mais,  avant  d'entrer  dans  cet  examen  détaillé,  nous  croyons 
devoir  faire  tout  d'abord,  entre  les  diverses  essences  suscep- 
tibles d'emploi,  une  distinction  des  plus  importantes,  à  sa- 
voir :  que,  dans  les  reboisements  en  montagne,  le  semis  des 
essences  feuillues  en  général  ne  donne  aucun  avantage,  à 
l'exception  du  chêne  rouvre  et  du  châtaignier,  ainsi  que  de 
certaines  essences  non  résineuses  à  feuilles  persistantes.  La 
question  se  resserre  donc  et  se  résume  à  l'examen  de  l'emploi 
de  ces  dernières  essences  et  des  essences  résineuses. 

Gela  posé,  nous  allons  passer  en  revue  les  divers  cas  qui 
peuvent  se  présenter  dans  les  différentes  régions  climatéri- 
ques  et  nous  indiquerons,  au  fur  et  à  mesure,  le  mode  à  pré- 
férer dans  l'emploi  de  chacune  des  essences  qu'on  aura 
choisies. 

Dans  la  i'égion  médileri'anéenne  on  ne  peut  à  vrai  dire  comp- 
ter, pour  le  reboisement  des  terrains  nus,  que  sur  trois  es- 
sences principales  :  le  pin  d'Alep,  le  pin  maritime  et  le  chêne 
vert,  sauf  à  employer  dans  certains  cas  tout  spéciaux  le  chêne 
liège,  le  caroubier  et  le  pin  pinier. 

Au  point  de  vue  du  mode  de  l'emploi,  nous  classerons  ces 
essences  de  la  manière  suivante  : 

(  Lo  pin  maritime. 

1  ■  •  1  X  -1  .      ]  Le  chèae  vert. 

1°  A  employer  specmlement  par  voie  de  semis,  i 

'  '  1  Le  cliene  liege. 

'  Le  caroubier. 

2"  A  employer  par  semis  ou  par  plantation,  sui-  l  Le  pin  d'Alep. 

vant  le  cas )  Le  piu  pinier. 

Les  quatre  premières  essences,  toutes  à  feuilles  persistantes, 
ne  présentent  aucune  chance  de  succès  en  plantation,  à  cause 
de  la  longueur  de  leur  pivot  et  de  son  manque  presque  con- 
stant de  chevelu,  deux  conditions  des  plus  défavorables. 

Le  pin  pinier,  dont  l'aire  d'habitation  est  très  restreinte, 
donne  des  résultats  également  satisfaisants,  qu'il  soit  employé 


202  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 

par  semis  ou  par  plantation.  Le  semis  peut  être  préféré  dans 
les  terrains  dégarnis  d'herbes,  faciles  à  biner  et  présentant 
des  conditions  de  fraîcheur  relative,  mais  il  doit  céder  le  pas 
à  la  plantation  dans  toutes  les  autres  circonstances. 

Il  en  est  à  peu  près  de  même  en  ce  qui  concerne  le  pin 
d'Alep,  qui  ne  nous  paraît  susceptible  d'être  avantaj^eusement 
employé  par  voie  de  semis  que  dans  les  sols  rocailleux,  dé- 
pourvus d'herbes  sec/m/?^  sur  pied,  et  présentant  ainsi  certaines 
conditions  de  fraîcheur. 

Il  est  d'observation  constante  en  effet  que  les  semis  mani- 
festent la  plus  grande  vigueur  de  végétation  dans  les  terrains 
à  surface  couverte  de  débris  de  pierres ,  qui ,  au  premier  as- 
pect ,  semblent  les  plus  infertiles.  Le  motif  en  réside  exclusi- 
vement dans  l'abri  fourni  par  les  pierres  au  sol  contre  le  tas- 
sement, ce  qui  lui  conserve  son  ameublissement  et  partant 
une  fraîcheur  au  moins  relative.  C'est  assez  dire  que  la  plan- 
tation l'emportera  toujours  sur  le  semis,  car  les  terrains  de 
cette  sorte  sont  généralement  rares. 

Pendant  les  nombreuses  années  que  nous  avons  dirigé  des 
travaux  de  reboisement  dans  le  climat  chaud,  soit  en  Algérie, 
soit  dans  les  Alpes-Maritimes,  nous  avons  essayé  tous  les 
modes  de  semis  connus,  dans  des  sols  de  toute  qualité  et 
ayant  reçu  respectivement  les  préparations  les  plus  en  rapport 
avec  leur  nature  et  le  climat  du  lieu. 

Toutes  ces  tentatives  ont  été  généralement  infruclueuses; 
les  semis  qui  ont  pu  être  sauvés  ont  coùti''  par  hectiu*'  i»lusdu 
triple  de  la  planlalion. 

En  observant  l<\s  diverses  phases  de  la  végétation  de  ces  se- 
mis, voici  ce  que  nous  avons  toujours  constaté  : 

Les  semis  opérés  du  mois  de  janvier  au  mois  de  mars  sont 
généralement  bien  levés  pour  le  mois  d'avril;  cependant  ils 
sont  sujets  à  de  graves  dangers  dès  le  début.  La  graine  du  pin, 
demandant  à  être  peu  recouverte,  est  facilement  déterrée  soit 
par  les  bandes  d'étourneaux,  soit  par  les  alouettes  et  autres 
granivores,  qui  pullulent  dans  la  contrée.  A|)rès  la  germina- 


EXECUTION  DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      203 


lion,  nouveaux  dangers  de  la  part  des  animaux;  les  feuilles 
séminales  du  pin  sortant  de  terre  renfermées  à  leur  extrémité 
par  l'enveloppe  de  la  graine,  les  oiseaux,  trompés  par  l'appa- 
rence, détruisent  une  énorme  quantité  de  jeunes  semis,  en 
s'emparant  do  cette  enveloppe  vide. 

Enfin  souvent  il  arrive  une  période  de  sécheresse  alisolue  à 
l'époque  où  lèvent  les  semis;  les  jeunes  sujets,  privés  dliumi- 
dité,  ne  tardent  pas  à  dépérir  et  ont  disparu  dès  le  i)rintemps. 

Ceux  qui  ont  échappé  à  ces  premiers  risques  sont  loin  d'être 
à  l'abri  pour  l'avenir.  Malgré  la  bonne  préparation  du  terrain, 
le  plus  souvent  même  par  suite  de  cette  préparation ,  l'herbe 
pousse  très  abondante.  On  l'arrache  une  première  fois,  et 
pour  cela  il  faut  toujours  opérer  cette  extraction  à  la  main  ; 
elle  repousse  aussi  vivace;  tant  qu'elle  reste  verte,  les  semis 
végètent  l)ien,  mais  en  fin  juin,  dans  l'intervalle  de  deux  ou 
trois  jours,  cette  herbe  sèche  presque  subitement  et  fait  tout 
périr  autour  d'elle.  Nous  ne  parlons  pas  ici  de  l'influence  de 
l'herbe  qui  couvrirait  les  jeunes  plants,  mais  bien  de  l'herbe 
avoisinante  portant  à  peine  ombrage.  Si,  par  exemple,  les  se- 
ntis sont  faits  par  bandes  alternes,  le  peu  d'herbe  qui  sèche 
sur  pied,  à  30  ou  40  centimètres  de  distance,  entraîne  leur 
perte,  tandis  que,  toutes  circonstances  égales  d'ailleurs,  tous 
les  semis  aux  environs  desquels  on  a  enlevé  par  binage  toute 
plante  susceptible  de  se  dessécher  subsistent  parfaitement.  Si, 
au  lieu  d'herbe,  on  a  par  hasard  des  broussailles,  vivaces  en 
plein  été,  elles  exercent,  par  leur  voisinage ,  une  heureuse  in- 
fluence ;  mais  ce  cas ,  fort  rare  naturellement ,  est  difficile  et 
coûteux  à  créer  artificiellement. 

Pour  sauver  un  premier  semis  de  pin,  il  faut  donc  opérer  à 
la  main  au  moins  deux  extractions  d'herbes  dans  le  printemps, 
puis  deux  binages  ultérieurs,  opérations  très  coûteuses,  mais 
indispensables,  surtout  dans  les  sols  un  peu  forts;  et  encore  on 
courtla  chance  que, pendant  la  sécheresse  d'un  été  toujours  très 
chaud,les  racines  des  jeunes  plants  n'ayant  pas  eu  le  temps  d'at- 
teindre un  sous-sol  relativement  frais,  ceux-ci  viennent  à  périr. 


20i  REBOISEMENT   ET   GAZONNEMENT. 

On  \)o\\[  ajoutor  oncorc  à  ces  chances  de  destruction  les 
sauterelles  qui  s'attaquent  aux  pousses  herbacées. 

En  résumé,  la  préparation  du  sol  pour  les  semis  coûte  aussi 
cher  que  pour  la  plantation  ;  les  chances  de  non-réussite  sont 
bien  plus  nombreuses  pour  le  i)reniior  modo  que  pour  le  se- 
cond ;  les  soins  et  façons  à  donner  au  terrain  sont  plus  répétés 
et  plus  coûteux,  de  sorte  que  si,  i)ar  hasard,  on  parvient  à  sau- 
ver un  semis,  l'hectare  ainsi  reboisé  coûte  au  moins  trois  fois 
plus  cher  que  s'il  l'avait  été  par  la  i)lantation. 

Nous  avons  cherché  à  nous  expliquer  cette  influence  perni- 
cieuse de  la  dessiccation  des  herbes  voisines  des  semis,  ne  les 
couvrant  pas,  puisque  souvent  elles  en  sont  éloignées  de  plus 
de  50  centimètres,  sans  ôtre  bien  élevées.  Nous  n'avons  pu 
l'attribuer  ({u'à  la  sécheresse  absolue  qu'elles  donnent  au  sol 
avoisinant,  en  interceptant  pendant  la  nuit  le  rayonnement 
nocturne  et  l'action  de  la  rosée  si  importante  dans  les  pays 
chauds,  et  en  empêchant  dès  lors  la  chaleur  accumulée  dans 
la  journée  de  s'échapper  pendant  la  nuit. 

Ces  dangers  ne  sont  pas  les  seuls.  Les  jeunes  semis  peuvent 
encore  être  compromis  par  les  effets  des  orages,  si  violents 
dans  les  climats  chauds,  car  ils  courent  le  risque,  soit  d'être 
entraînés  par  les  eaux,  soit  d'être  enfouis  par  les  terres  qu'elles 
font  ébouler  dos  parties  supérieures  des  trous  ou  des  bandes. 

Dans  les  jdantations  de  pin  d'Alep  ou  pinier,  au  contraire, 
on  peut,  dès  la  première  quinzaine  qui  suit  la  mise  en  ferre, 
reconnaître  les  sujets  dont  la  reprise  est  certaine  et  renqdacer 
les  autres.  Ce  regarnissage  immédiat  n'entraîne  que  des  frais 
insignifiants;  il  peut  être  renouvelé  plusieurs  fois  en  temps 
opportun  dans  la  môme  campagne,  ce  qui  assure  ainsi,  dès  la 
pi^emih'e  année,  le  reboisement  intégral  du  terrain,  tandis  que 
dans  le  semis,  l'opération  une  fi)is  faite,  on  se  trouve  impuis- 
sant vis-à-vis  de  la  plupart  dfs  dangers  ((ni  menacent  sa 
réussite  et  l'on  perd  ainsi  un  temps  précieux. 

D'autre  part,  il  arrive  le  plus  souvent  ([ue,  dans  les  places 
où  un  semis  vient  à  réussir  et  à  surmonter  tous  les  périls  du 


EXECUTION  DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      205 

premier  âge,  il  est  beaucoup  trop  dru,  ce  (jui  détruit  l'équili- 
bre nécessaire  dans  les  dimensions  des  sujets  et  peut  compro- 
mettre en  peu  de  temps  leur  existence  môme.  On  ne  rencon- 
tre que  très  rarement  dans  le  semis  la  régularité  et  l'homogé- 
néité de  peuplement  que  procure  la  plantation. 

Ici  donc,  et  sauf  quelques  cas  très  rares,  la  plantation  l'em- 
porte de  beaucoup  sur  le  semis ,  aux  divers  points  de  vue  de 
la  certitude,  de  la  réussite  immédiate,  de  la  conservation  et  de 
l'économie  dans  les  travaux. 

Dans  la  région  moyenne  ou  tempérée,  nous  comptons  cinq 
essences  principales  propres  au  reboisement  et  deux  autres 
essences,  également  de  premier  ordre ,  mais  incapables  d'être 
employées  d'emblée. 

Nous  les  classons  ainsi  qu'il  suit  : 

iChêae  rouvre. 
Châtaignier. 
,  Pin  laricio. 


2°  Essences  à  introduire  de  préférence  par  plantation. 


Pin  sylvestre. 
Pin  noir. 
Hêtre. 
Sapin. 


Le  jeune  plant  de  chêne  cultivé  en  pépinière  projette  dès  la 
première  année  un  très  fort  pivot,  peu  garni  de  chevelu  et 
hors  de  proportion  avec  sa  tige  ;  de  là  des  difficultés  pour  la 
reprise  des  plants,  en  même  temps  que  des  frais  relativement 
considérables  pour  la  préparation  du  sol.  Il  est  vrai  qu'on  peut 
obvier  à  cet  inconvénient  par  certaines  opérations  pratiquées 
dans  les  pépinières  et  que  nous  décrirons  ultérieurement. 
Néanmoins  c'est  à  la  condition  d'augmenter  le  prix  de  revient 
des  plants  et  par  suite  celui  de  la  plantation  ;  tandis  que  le 
semis  s'opère  généralement  dans  des  conditions  d'économie 
très  remarquables,  qui  font  préférer  ce  mode  d'emploi  à  la 
plantation,  quels  que  soient  l'état  et  la  nature  du  sol  pour 
lequel  le  chêne  a  été  adopté. 

Les  semis  de  chêne  rouvre  restent  stationnaires  dans  les 


206  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 


premièro?  années;  mais  si  l'on  observe  attentivement  leur 
mode  (le  vé;;'(''tation,  on  remarque  que  pendant  ces  premières 
années,  tandis  (jne  la  tigelle  demeure  presque  invariable,  le 
pivot  oprre  un  travail  considérable ,  va  se  développant  et  se 
Ibrtiliant  de  plus  en  plus  et  détermine  dès  la  cinquième  ou 
sixième  année  une  pousse  vigoureuse  à  partir  de  laquelle  le 
jeune  arbre  commence  à  prendre  ses  développements  succes- 
sifs. 

Il  en  est  do  même  en  ce  qui  concerne  le  cbâtaignier,  dont 
l'aire  d'babitation  est  d'ailleurs  très  restreinte  par  suite  du 
tempérament  de  cette  essence  calcifuge. 

En  général  donc,  sans  proscrire  la  plantation  pour  le  chêne 
et  le  châtaignier,  nous  préférons  de  beaucoup  le  semis. 

Dans  les  régions  méridionales,  le  semis  du  chêne  a  été  par- 
fois abandonné,  voire  même  condamné,  par  suite  de  résultats 
négatifs.  Il  arrivait  en  effet  que  des  semis,  superbes  au  bout 
d'un  an,  allaient  en  s'étiolant  d'année  en  année  et  finissaient 
par  disparaître.  Mais  on  n'a  pas  tardé  à  reconnaître  que  cet 
insuccès  était  dû  presque  toujours  à  l'absence  d'abris  sur  un 
sol  par  trop  dénudé  et  très  sec;  on  employa  dès  lors  le  chêne 
en  mélange  avec  les  i)ins,  qui,  grûce  à  leur  croissance  plus 
rapide,  ne  tardèrent  pas  à  faire  de  bons  abris  et  le  résultat  fut 
des  plus  concluants.  Ce  n'est  pas  à  dire  (pie  partout  il  soit 
nécessaire  de  mélanger  ainsi  ces  essences,  mais  on  peut  aflir- 
mer  que  cette  mesure  est  indispensable  dans  les  terrains  très 
secs,  entièrement  dénudés  et  situés  aux  expositions  chaudes. 

Le  pin  laricio  (de  Corse),  qui  ne  peut  être  employé  que  très 
exceptionnellement,  est  introduit  plus  avantageusement  parle 
semis  fpie  par  la''f)lantation,  à  cause,  d'un(>  part,  de  la  nature 
du  sol  toujours  très  meuble  (lu'il  préfère  et,  d'autre  part,  du 
peu  de  chevelu  (pie  présente  son  i)ivof ,  généralement  très 
développé. 

Il  n'en  est  pas  de  même  en  ce  (pii  concerne  les  pins  sylvestre 
et  noir  d'Autriche,  qui  sont,  la  plupart  du  temps,  employés  dans 
les  plus  mauvaises  conditions  de  sols  et  d'expositions  etconsti- 


EXECUTION   DES  TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.      207 

tuentpourlereboisementdes  essences  éminemmentprécieuses. 

Bien  que  le  tempéraiiioiit  des  jeunes  plants  soit  robuste, 
nous  ne  pensons  pas  (pie  dans  la  plupart  des  cas  il  y  ait  avan- 
tage à  les  employer  en  semis.  Non  seulement,  en  effet,  les 
jeunes  semis  se  trouvent  en  hutte  à  tous  les  périls  que  nous 
avons  indiqués  pour  les  pins  d'Alep,  mais  ils  rencontrent  dans 
leur  région  un  nouveau  danger,  encore  plus  redoutable  que 
la  sécheresse,  les  gelées  printanières,  à  la  suite  desquelles  ils 
sont  le  plus  souvent  déchaussés. 

Aussi  sommes-nous  d'avis  que  partout  oh  le  cUmat  est  sec 
{cas  le  plus  général  des  montagnes  à  reboiser),  ou  le  sol  est  sans 
abris  et  ne  ptrésente  que  des  conditions  médioc7'es  en  matière  de 
fertilité,  oh  enfin  les  expositions  sont  peu  favorables,  il  convient 
de  donner  la  préfé^'ence  à  la  plantation  sur  le  semis,  qui  ne  de- 
vient dès  lors  quune  rare  exception,  vu  les  conditions  générale- 
ment t7'ès  mauvaises  oh  ces  deux  essences  sont  employées  de  préfé- 
rence. 

Quant  au  hôtre  et  au  sapin,  leur  tempérament  est  telle- 
mont  délicat,  dans  les  premières  années,  qu'on  ne  peut  les 
introduire  que  sous  un  abri  assez  complet;  par  ce  motif  il  y  a 
donc  tout  avantage  à  employer  la  plantation,  car  les  plants 
élevés  en  pépinière  présenteront  toujours  des  conditions  de 
résistance  bien  plus  sérieuses  que  les  jeunes  semis. 

Outre  le  hêtre  et  le  sapin  qu'on  y  rencontre  encore,  nous 
trouvons  dans  les  deux  régions  supérieures  le  pin  à  crochets, 
l'épicéa,  le  mélèze  et  le  pin  cembro. 

De  ces  quatre  essences  une  seule  doit  être  exclusivement 
réservée  à  la  plantation,  c'est  le  pin  à  crochets.  D'une  part,  en 
effet,  sa  graine  est  assez  rare,  il  convient  donc  de  la  ménager, 
le  plus  possible  ;  d'autre  part,  cette  essence,  des  plus  précieuses 
est  appelée  à  jouer  dans  la  région  froide  le  rôle  des  pins  sylves- 
tre et  noir  dans  la  tempérée  et  du  pin  d'Alep  dans  la  chaude, 
c'est-à-dire  à  fournir  le  massif  forestier,  aux  expositions  rela- 
tivement chaudes,  dans  les  sols  les  plus  secs  et  les  plus  ingrats. 


208  REBOISEjVIENT  ET   GAZONNEMENT. 

Cola  suffit  ainplonionl  pour  justifier  la  préférence  donm'-o  à 
la  plantation.  Il  est  évident  d'ailleurs  que  partout  où  ces  tristes 
conditions  ne  se  présenteront  pas  dans  leur  ensemble,  on  aura 
tout  intérêt  à  substituer  au  pin  à  crochets  une  essence  plus 
importante. 

Quant  à  l'épicéa,  au  mélèze  et  au  pin  conibro,  ces  trois  es- 
sences précieuses  peuvent  être  employées  soit  par  voie  de 
semis,  soit  par  voie  de  jjlantation. 

Dans  les  hautes  altitudes  de  leur  station  où  la  neige  joue  un 
grand  rôle,  où  les  montagnes  ne  sont  abordables  que  pendant 
une  partie  de  l'année,  où  enfin  la  végétation  ne  dure  que 
quelques  mois,  il  convient  d'user  des  deux  modes,  partout  où 
cela  devient  possible.  Aussi  bien,  la  part  à  faire  à  chacun 
d'eux  peut  facilement  se  définir;  ici,  en  effet,  la  sécheresse 
n'est  plus  un  ennemi  bien  redoutable,  car  à  ces  altitudes  il 
pleut  plus  souvent,  les  nuits  sont  plus  fraîches,  généralement 
le  sol  est  plus  meuble,  on  y  trouve  le  gazon  en  plus  grande 
abondance  et  parfois  en  pelouses  plus  ou  moins  ruinées.  On 
n'a  ilonc  surtout  à  redouter  que  le  déchaussem(>nt,  bien  ({ue 
les  mulots,  les  campagnols  et  les  oiseaux  soient  encore  de 
rudes  ennemis  pour  les  graines  confiées  à  la  terre.  Mais  ici 
l'on  ne  peut  hésiter;  il  faut,  pendant  le  petit  nombre  de  jours 
favorables  à  chaque  saison ,  semer  et  planter.  On  sèmera  donc 
exclusivement  sur  tous  les  ixiinls  où  l'on  trouvera  du  gazon 
ou  un  abri  sérieux  ronire  les  fortes  alternatives  de  gel  et  de 
dégel;  le  reste  du  terrain,  c  est-à-dire  les  parties  nues,  seront 
seules  livrées  à  l;i  |il;iiilation.  Telle  est  la  règle  à  suivre  dans 
ces  hautes  régions. 

Des  considérations  ((ui  précèdent  il  résulte  évidemment 
qu'on  ne  peut  formuler  aucune  règle  absolue  concernant  la 
préférence  à  accorder  soit  au  semis,  soit  à  la  plantation,  et 
(jue  le  choix  de  l'un  de  ces  modes  varie  avec  la  nature  di^s 
essences  employées  et  les  diverses  conditions  que  peuvent 
présenter  le  sol  rt  le  cliiniil  du  Iriiiiin  à  reboiser.  Ni  annmins, 
de  l'examen  qm-  nous  venons  de  faire  des  circonstances  les 


EXECUTION  DES  TRAVAILX   DE  REBOISEMENT.      209 

plus  fréquentes,  nous  pouvons  conclure  que  la  plantation  est 
suscepfible  d'une  application  beaucoup  plus  fré([uento  et  plus 
générale  que  le  semis,  qui  n'arrive  à  être  employé  qu'à  titn» 
exceptionnel  et  dans  des  cas  spéciaux  bien  déterminés. 

Les  semis  de  graines  forestières  peuvent  être  exécutés  sui- 
vant deux  ordres  d'idées  différents,  ayant  pour  but,  l'un  d'ob- 
tenir directement  le  reboisement  d'un  terrain  donné,  l'autre  de 
produire  de  jeunes  sujets  destinés  à  être  livrés  à  la  plantation. 

Nous  appellerons  les  premiers  semis  à  demeure,  et  les  se- 
conds semis  en  pépinière. 

Quant  aux  plantations,  nous  les  diviserons  de  même  en 
plantations  à  demeure  et  en  repiquages,  qui  sont  des  plantations 
faites  en  pépinières  dans  le  but  d'élever  des  plants  présentant 
de  meilleures  conditions. 

Des  Graines. —  Toutes  les  graines  d'arbres,  d'arbrisseaux  et 
d'arbustes  susceptibles  d'emploi  dans  les  reboisements  en  mon- 
tagne peuvent  se  récolter  en  France,  à  l'exception  du  pin  noir 
d'Autriche,  qui  est  fourni  principalement  par  les  forêts  des 
Alpes  styriennes,  du  cèdre,  qui  vient  d'Algérie,  et  du  caroubier, 
produit  par  l'Algérie,  l'Italie  ou  l'Espagne. 

Les  graines  d'essences  feuillues  se  récoltent  pour  la  plupart 
en  automne  ;  il  en  est  cependant  un  petit  nombre  qui  sont 
mûres,  soit  dès  le  printemps,  soit  au  milieu  de  l'été. 

Presque  toutes  ces  graines  doivent  être  cueillies  sur  les  ar- 
bres, à  l'exception  des  glands,  dos  châtaignes  et  des  faînes, 
que  l'on  ramasse  sur  le  sol,  en  ayant  bien  soin  de  négliger 
celles  qui,  tombées  les  premières,  ne  présentent  pas  des  con- 
ditions de  maturité  et  de  qualités  germinatives  suffisantes. 

La  plupart  des  graines  d'essences  feuillues  peuvent  être 
semées  sans  avoir  subi  d'autres  préparations  préalables  qu'un 
simple  nettoyage;  cependant  il  en  est  certaines  qu'il  faut  sortir 
de  leur  enveloppe  avant  de  les  employer  :  ce  sont  celles  de 
caroubier,  de  robinier,  d'aune  et  de  cytise. 

14 


210  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

La  graine  de  caroubier  est  enfermée  clans  des  gousses  char- 
nues composées  de  matières  sucrées  et  visqueuses  qui  rendent 
très  difficiles  leur  ouverture  et  par  suite  l'extraction  des  graines. 

Il  est  heureusement  un  moyen  très  économique  de  se  pro- 
curer cette  graine,  en  faisant  ramasser,  dans  les  mangeoires 
des  chevaux  nourris  avec  des  caroubes,  toutes  les  graines 
qu'ils  y  laissent  tomber.  Nous  avons  pu  faire  récolter  de  cette 
manière  à  Nice  plusieurs  milliers  de  kilogrammes  de  graines 
nettes  en  une  seule  année,  à  des  conditions  de  prix  très  avan- 
tageuses variant  de  i  fr.  50  à  2  francs  le  kilogramme. 

Pour  obtenir  les  graines  de  robinier  et  de  cytise,  il  suffît  de 
tremper  leurs  gousses  pendant  une  heure  ou  deux  heures  au 
plus,  do  les  étendre  ensuite  au  soleil  pour  les  faire  ouvrir  et 
<le  les  vanner  ensuite. 

Les  cônes  des  aunes  doivent  être  cueillis  un  peu  avant  leur 
entière  maturité.  On  les  ouvre  au  soleil  ou  à  une  chaleur  mo- 
dérée, et  l'on  obtient  la  graine  en  les  secouant  dans  un  sac. 

Certaines  graines  peuvent  se  conserver  pendant  un  temps 
assez  long  au  moyen  de  quelques  soins  très  simples;  d'autres 
réclament  au  contraire  de  grandes  précautions  pour  être  main- 
tenues en  bon  état  ;  d'autres  enfin  sont  tellement  difficiles  à 
conserver  qu'il  est  préférable  de  les  employer  immédiatement. 

Parmi  les  essences  feuillues,  les  graines  de  caroubier,  do 
robinier  et  de  cytise  sont  les  seules  que  l'on  puisse  sans  dan- 
ger conserver  pendant  plus  d'une  année;  (|uant  aux  autres,  on 
ne  peut  songer  à  prolonger  leur  conservation  que  de  l'automne 
au  printemps  suivant,  tout  au  plus;  mais  il  n'y  a  que  les 
glands  des  chênes,  vert,  liège  et  rouvre,  qu'on  puisse  avoir 
sérieusement  intérêt  à  conserver  aussi  longtemps,  et  cela  seu- 
lement dans  certains  cas  tout  spéciaux,  tels  que  l'impossibilité 
d'employer  avant  les  neiges  tout  l'approvisionnement  en  ma- 
gasin, ou  la  trop  grande  abondance  d'animaux  nuisibles  aux 
semis  (mulots,  corbeaux,  etc.). 

Pour  que  les  graines  puissent  continuer  à  posséder  leurs 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      2H 


bonnos  ((iialilrs,  il  t'anl  (uTillrs  soiciil  j)la((''(^s  dans  dos  cou 
ditions  l(>ll»'s  (juc,  d'une  part,  aucun  coniuicuccnioni  de  gor- 
minatiou  \u^  puisse  s'opérer,  ol  (pu*,  d'autre  pari,  aucune  cause 
do  détérioration  no  puisse  lt>s  atteindre. 

D'où  résulte  la  nécessité  de  les  placer  à  l'abri  non  seulement 
des  insectes  et  des  animaux,  mais  encore  de  tout  excès  de 
clialeur  ou  d'humidité,  ainsi  que  des  gelées. 

Dans  les  climats  secs,  les  moyens  les  plus  commodes  con- 
sistent à  placer  les  graines  sur  des  planchers  étages,  construits 
dans  de  grands  greniers  bien  aérés.  On  les  étend  en  couches 
assez  minces,  de  10  centimètres  environ  d'épaisseur,  et  on  les 
remue  avec  une  pelle  en  bois,  assez  souvent  pour  les  aérer  et 
empêcher  leiu^  fermentation  ou  leur  échaufTement. 

Un  conçoit  que  ce  mode  de  conservation  ne  peut  s'appliquer 
à  de  très  grandes  quantités  de  graines  qui ,  étant  pour  la  plu- 
part assez  volumineuses,  entraîneraient,  par  suite,  l'obligation 
d'avoir  de  nombreux  et  vastes  magasins  dont  la  dépense  ne 
laisserait  pas  de  devenir  très  forte. 

Aussi,  nous  estimons  qu'en  général  il  vaut  beaucoup  mieux 
les  semer  aussitôt  qu'elles  ont  pu  être  récoltées.  Dès  lors,  en 
admettant  même  qu'en  vue  de  grands  travaux  on  ait  à  rece- 
voir des  quantités  considérables  de  graines ,  il  suffira  d'orga- 
niser le  travail  de  telle  façon  que  le  stock  de  l'approvisionne- 
ment ne  dépasse  pas  l'importance  des  magasins  et,  pour  cela, 
on  n'aura  qu'à  emploj^er  immédiatement  les  premiers  arri- 
vages pour  faire  place  aux  suivants,  et  ainsi  de  suite. 

Outre  ces  graines  d'essences  forestières  importantes,  il  en 
est  d'autres  dont  on  peut  avoir  besoin  dans  certains  cas  pour 
créer  des  abris  composés  d'une  basse  végétation  forestière. 
Ces  dernières  graines  sont  exclusivement  fournies  par  les  ar- 
brisseaux et  arbustes  appartenant  à  la  région  où  elles  doivent 
être  employées  ;  leur  récolte  doit  donc  être  opérée  directement 
par  les  soins  dos  agents  forestiers. 

Le  but  de  l'emploi  de  cette  basse  végétation  consistant  sur- 


212 


REBOISEMENT  ET  GAZONNEMEX  T. 


tout  dans  la  fixation  du  sol  ol  l'abri  dos  jeunes  plants  fores- 
tiors,  il  importo  do  n'oniploycr  que  dos  essoncos  pou  difficiles 
au  point  de  vue  de  la  ferlilifc  du  sol  et  à  croissance  rapide. 
Il  est  évident,  à  priori,  que  les  foraines  qui  ne  sont  pas  sus- 
ceptibles do  germer  et  de  lever  très  promptement  ne  peuvent 
être  employées  dans  des  semis  à  demeure,  et  doivent  au  con- 
traire être  mises  en  pépinière  pour  fournir  des  sujets  à  la  plan- 
tation, bien  préférable  alors.  C'est  le  cas  de  la  plupart  des 

essences  de  second 
ordre  dont  il  s'agit; 
car,  parmi  celles  en 
usage  dans  les  Al- 
pes, on  ne  peut  em- 
ployer avantageu- 
sement en  semis  à 
demeure  que  les 
graines  de  bugrane, 
de  lavande  et  d'é- 
glantier. 

Les  graines  d'é- 
glantier (rosier  des 
chiens)  ,  entourées 
d'une  pulpe  très 
consistante,  sont, 
dans  cet  état,  assez 
difficiles  à  employer  et  à  recouvrir  convenablement  ;  en  les  dé- 
barrassant do  ccllr  pulpe,  ou  obtient  les  graines  dans  un  état 
de  netteté  qui  procure  une  grande  facilité  pour  leur  emploi  on 
mélange  avec  d'autres  graines  arbustantes  ou  fourragères. 
i*our  enlever  celte  pulpe,  on  fait  passer  les  fruits  bruts  dans 
un  concasscur  peu  serré  qui  écrase  les  parties  charnues  [fig.  57, 
58  et  59)  ;  il  ne  reste  plus  qu'à  laver  à  grande  eau  dans  un  ba- 
quet au  fond  duquel  tombent  les  graines  qu'on  fait  ressuyer 
sur  des  toiles  et  qu'on  peut  conserver  jusqu'au  printemps 
suivant  et  mêmi'  une  année  eulièrt". 


Fig'.  57.  —  Coucasseur  vu  de  face. 


EXÉCUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      213 


Le  labloau  ci-après 
renforme  la  nomoncla- 
ture  dos  arbre  snon  ré- 
sineux, d'arbrisseaux  et 
d'arbustes  les  plus  en 
usage  dans  le  reboise- 
ment des  montagnes  , 
l'époque  de  la  maturité 
de  leurs  graines  dans  le  "'""-  ■ 

sud-est  de  la  France,  la 
valeur  du  quintal  métri- 
que, la  quantité  de  grai- 
nes nettes  obtenue  après 
la  préparation  qu'elles 
ont  dû  subir  avant  l'em- 
ploi, le  coût  de  cette  pré- 
paration et  enfin  le  prix  ^ig.  58. 
de  revient  définitif  de  l'unité  : 


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Coûcasscur. 


Coupe  suivant  A  B. 


Fiff.  59.  —  Concasseur  vu  de  côté. 


214 


REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 


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EXÉCUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT. 


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216  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Les  graines  d'essences  résineuses  sont,  pour  la  plupart, 
fournies  à  l'Administration,  au  moyen  d'adjudications  publi- 
ques, par  des  maisons  de  commerce  appartenant  en  majeure 
partie  à  l'Allemagne  ou  à  l'Autriche,  pays  oîi  l'industrie  de  la 
récolte  de  ces  graines  a  pris  un  grand  développement  et  pos- 
sède de  nombreuses  sécheries. 

Les  cônes  sont  soumis,  dans  ces  établissements,  à  une  cha- 
leur artificielle  suffisante  pour  faire  ouvrir  leurs  strobiles  et 
permettre  d'obtenir  les  graines  qu'ils  renferment.  Nous  ne 
pouvons  entrer  dans  la  description  des  procédés  et  des  mani- 
pulations en  usage  dans  ces  usines  sans  risquer  de  sortir  du 
cadre  que  nous  nous  sommes  tracé. 

Nous  nous  contenterons  d'indiquer  comment  on  peut  obte- 
nir certaines  graines  sans  le  secours  de  sécheries  spéciales, 
en  n'employant  que  des  moyens  à  la  disposition  de  tout  agent 
forestier. 

Il  est  certaines  graines  en  effet  qu'on  peut  avoir  intérêt  à 
récolter  directement,  soit  qu'on  veuille  essayer  des  graines 
produites,  sur  les  lieux  mômes,  dans  des  conditions  de  climat 
entièrement  analogues  à  celles  des  terrains  (jui  les  recevront 
ou  en  obtenir  une  certaine  quantité  à  meilliMir  prix,  soit  qu'on 
ne  puisse  se  les  procurer  autrement. 

Nous  rangeons  dans  la  prciniére  catégorie  :  les  pins  d'Alep, 
pinier,  sylvestre,  à  crochets,  le  mélèze;  el.  dans  la  seconde  : 
le  cèdre,  le  sapin  et  le  pin  cembro. 

Quant  au  pin  maritime,  son  bon  marché  et  son  abondance 
dans  le  commerce  le  placent  hors  de  cause.  Le  pin  noir  n'existe 
pas  encore  en  assez  grands  massifs  ûgés  en  France  pour  pren- 
dre place  ici,  et  le  laricio  ne  se  trouve  qu'en  Corse;  au  surplus, 
ce  (jue  nous  dirons  des  autres  pins  pont  s'appliquer  entière- 
ment à  ces  trois  derniers.  Enfin,  l'abondance  et  le  très  bas  prix 
de  la  graine  d'épicéa  enlèvent  tout  intérêt  à  sa  récolte  directe. 

Les  cônes  des  pins  d'Alep,  pinier,  sylvestre  et  à  crochets 
s'ouvrent  de  la  môme  manière,  facile  et  économique;  il  suffit 
de  les  soumettre  à  la  chaleur  solaire  pendant  l'été,  en  des 


EXECUTION   DES   TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.      217 


endroits    exposés  au  midi  ot  bien  aljrités  contre  les  vents. 

On  dispose  les  cônes  sur  des  toiles  mobiles,  ('tendues  sur  le 
sol  ;  on  les  répand  bien  régulièrement  avec  un  râteau ,  à  rai- 
son de  "lo  litres  environ  par  mètre  carré  de  surface  ;  à  cha- 
que demi-heure  ou  au  moins  toutes  les  heures ,  on  les  remue 
afin  que  tous  reçoivent  bien  également  la  chaleur  du  soleil. 
Le  soir,  on  les  passe  tous  à  la  claie  pour  en  extraire  la  graine  ; 
ensuite  on  les  met  à  l'abri  de  la  fraîcheur  de  la  nuit,  dans  un 
hangar  voisin. 

Le  deuxième  jour,  on  remet  les  mêmes  cônes  sur  les  toiles  et 
Ton  recommence  les  mêmes  opérations  dans  la  journée;  avant 
de  les  rentrer,  on  enlève  avec  le  râteau  les  cônes  qui  sont  en- 
tièrement ouverts  ;  cette  opération  est  très  facile  à  faire,  attendu 
que  les  cônes  qui  se  sont  dépouillés  de  leurs  graines  se  trou- 
vent toujours,  après  les  divers  remuages,  au-dessus  des  autres 
à  cause  de  leur  légèreté  ;  on  a  le  soin  toutefois  de  les  passer 
encore  une  fois  à  la  claie  pour  en  séparer  entièrement  toutes 
les  graines.  Cette  opération  linie,  on  met  les  cônes  vides  de 
côté  et  l'on  passe  à  la  claie  les  cônes  restants,  avant  de  les  re- 
mettre à  l'abri  de  l'humidité  de  la  nuit. 

Le  troisième  jour,  on  replace  sur  les  toiles  tous  les  cônes 
({ui  ne  se  sont  pas  encore  entièrement  dépouillés  de  leurs 
graines,  l'on  on  ajoute  de  nouveaux  et  l'on  continue  ainsi  jus- 
(juà  entier  épuisement  du  stock  des  cônes  approvisionnés. 

Il  faut  environ  une  exposition  de  quatre  jours  consécutifs 
pour  les  mêmes  cônes,  et  tous  ceux  qui,  au  bout  de  ce  temps, 
viendraient  à  demeurer  fermés  pourront  être  rejetés,  car  le 
plus  souvent  leur  graine  est  de  mauvaise  qualité. 

On  conçoit  que  cette  durée  de  quatre  jours  peut  varier 
d'un  lieu  à  un  autre.  Cette  donnée  résulte  d'expériences  faites 
dans  le  climat  tempéré  et  représente  à  vrai  dire  une  moyenne. 

D'autre  part,  certains  cônes  s'ouvrent  mieux  que  d'autres; 
ainsi  les  cônes  de  pin  d'Alep  sont  beaucoup  plus  faciles  que 
ceux  du  pin  sylvestre. 

Le  degré  de  chaleur  nécessaire  est  à  peu  près  identique  pour 


218  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

tous  los  cûnos  do  pin  ;  mais  si  l'on  veut  se  rendre  compte  de  la 
temp»iraluro  la  plus  favorable,  il  faut  faire  deux  observations  : 
lune  sur  la  température  de  l'air  ambiant  à  une  distance  de  20 
à  30  centimètres  du  sol,  l'autre  sur  celle  du  sol  lui-môme  sur 
lequel  reposent  les  cônes. 

Dans  de  nombreuses  expériences,  suivies  avec  soin,  nous 
avons  trouvé  qu'au  moment  où  les  cônes  s'ouvraient  avec  le 
plus  de  facilité,  la  température  de  l'air  ambiant  variait  de  44° 
à  48°  centigrades,  tandis  qu'à  la  surface  du  sol  on  passait  aux 
mêmes  moments  de  50°  à  57°;  aussi  nous  sommes-nous  expli- 
qué facilement  pour  quel  motif  les  cônes  paraissaient  s'ouvrir 
plus  rapidement  à  l'air  libre  que  dans  les  étuves  cbauffées  à 
niK^  ten)i)érature  égale  à  celle  trouvée  ci-dessus  pour  Tair 
ambiant. 

Il  résulte  do  cette  observation  que  l'enqjloi  de  claies  placées 
au-dessus  du  sol,  pour  l'exposition  des  cônes  au  soleil,  doit 
ôtre  entièrement  rejeté  et  que  c'est  sur  la  surface  môme  du 
sol  qu'on  doit  étendre  les  cônes  en  couches  très  minces. 

L'ouverture  des  cônes  au  soleil  est  des  plus  économiques, 
car  la  manipulation  nécessaire  à  la  récolte  des  graines  ailées 
n'exige,  en  général,  qu'une  dépense  de  23  centimes  par  hec- 
tolitre de  cônes  ou  par  kilogramme  de  graines,  car  tel  est  le 
n'iidcinciit  iiioyi'n  (|u'on  obtient  en  général. 

Si  les  graini's  doivent  ôtre  conservées  un  certain  temps,  il 
est  préférable  de  leur  laisser  les  ailes  dont  elles  sont  munies; 
mais,  avant  l'emploi,  il  convient  de  les  désailer  dans  l'intérôt 
de  la  régularité  du  semis  et  à  cause  de  certaines  préparations 
qu'il  est  souvent  avantageux  de  faire  subir  atix  graines.  Le 
moyen  le  |)lus  commode  d'obtenir  ce  dé'sailemcnt  consiste  à 
Iniiiii'ctt'r  li'gèrement  les  graines  ailées,  à  <mi  r('m|)lir,  au  (piarl 
environ,  un  sac  et  à  le  faire  secouer  par  deux  (ju\ lieis  tenant 
chacun  deux  de  ses  quatre  coins;  les  ailes  se  st'-parenl  en  peu 
diiistniits,  et  il  ne  reste  plus  (pi'à  l'aire  ressuyer  les  graines 
pour  leur  enlever  leur  buuiiditt',  avant  de  les  mettre  en  déi)ôt. 

Les  graines  de  pin,  en  gi-m'-ral.  pi'uvent  se  conserv(M'  peu- 


EXECUTION   DES  TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.      210 

dant  trois  ou  quatre  ans  (sauf  celles  des  pins  pinier  ou  cembro), 
si  elles  ont  éUi  mises  à  l'abri  de  l'échauirenient  et  de  l'humi- 
dité. 11  faut  donc  les  aérer  souvent,  les  tenir  dans  des  lieux 
secs  et  les  abriter  contre  les  rongeurs. 


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Caisse  de  Graiaes  ii  Vannes. 
Vue  de  devant. 


Fig.  61.  —  Vue  de  côté 
(intérieur). 


Nous  faisons  usage  à  cet  effet  de  grandes  caisses,  assez 
volumineuses,  partagées  en  deux  ou  plusieurs  cases  verti- 
cales; à  l'extrémité  inférieure  de  chacune  de  ces  cases  se 
trouve  ménagée,  sur  la  paroi  verticale, 
une  ouverture  circulaire,  de  10  centimè- 
tres de  diamètre  environ,  ([ui  est  bouchée 
intérieurement  par  une  vanne  mobile  en 
fer,  armée  d'une  tringle,  dont  la  poignée 
arase  le  haut  de  la  case,  quand  la  vanne 
est  fermée.  Pour  plus  de  sûreté,  l'ouver- 
ture extérieure  est  bouchée  par  une  petite 
porte  en  tùle  mince.  Dans  l'intérieur  de 
chaque  case  on  peut  placer  une  échelle 
limnimétrique  indiquant  le  jaugeage  en 
litres  ou  en  kilogrammes  des  graines 
renfermées.  La  grande  caisse  est  recouverte  sur  son  fond  et 
sur  ses  parois  verticales,  à  30  centimètres  de  hauteur,  par 
une  feuille  de  zinc  qui  interdit  tout  accès  aux  rongeurs.  Elle 
est  en  outre  maintenue  à  iO  centimètres  environ  au-dessus 


Fig.  62.  —  Vue  de  côté 
(extérieur). 


220  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


du  sol  par  doux  travorscs  on  bois  ou  on  maçonnorie  (fig.  GO, 
61  et  02). 

Ainsi  l'cnrorniéos,  les  jj;rainos  sont  à  ral)ii  do  riinniidité  ot 
dos  animaux,  ot  l'on  sait  toujours  facileniont,  au  nioyon  dos 
écholles,  les  quantités  qui  rostont  on  magasin.  Enlin,  leur 
aération  est  des  plus  faciles,  car  il  suffit  d'ouvrir  les  vannes 
ot  do  placer,  sous  les  ouvertures,  des  récipients  tels  que  des 
doubles  décalitres,  qui,  une  fois  remplis,  sont  immédiatement 
vidés  dans  la  caisse;  on  obtient  ainsi  une  aération  très  facile 
et  grandomont  suffisante  pour  ompôcbor  tout  écbauffement. 

La  graine  do  pin  pinior  so  rancit  facilement,  aussi  ne  pout-on 
la  conserver  que  pondant  trois  à  quatre  mois  tout  au  plus. 

Autant  ({uo  possible,  il  convient  de  no  pas  laisser  vi(Mllir  les 
graines,  car  leur  germination  devient  souvent  très  lento  au 
point  qu'elles  ne  lèvent  qu'un  an  après  les  graines  fraîches, 
ce  qui  peut  compromettre  gravement  un  semis,  vu  les  dangers 
de  toutes  sortes  que  courent  ces  graines  enterrées  pendant  un 
si  grand  laps  de  temps. 

Pour  obtenir  les  graines  du  sapin,  il  suflit  d'opérer,  avec  les 
doux  mains,  une  simple  torsion  des  cônes;  l(>s  sirobiles  se 
désagrègent  et  laissent  à  nu  l'axe  du  cône;  il  ne  reste  plus 
(|u"à  séparer,  au  moyen  d'un  vannage ,  les  graines  des  débris 
auxcpiels  elles  sont  mélangées. 

La  graine  du  cèdre  se  recueille  de  la  même  façon  ;  seule- 
ment il  faut  auparavant  tremper  les  cônes  pendant  plusieurs 
jours  dans  l'eau,  après  quoi  ils  se  désagrègent  très  facilement. 

Ces  doux  sortes  de  graines,  assez  analogues  quant  à  leur 
constitution,  sont  beaucoup  moins  faciles  à  conserver  ([ue 
celles  dos  pins  :  c'est  à  peine  si  on  peut  les  garder  pendant 
(piebpies  mois. 

La  graine  de  i)in  cembro  s'obtieni  parla  d»''sarticulalion  dos 
cônes,  qui  s'exécule  très  lacilemenl  quand  ils  son!  bien  mûrs, 
en  les  soumettant  par  tas  de  1  à  -2  boctolitres  à  un  battage 
sommaire,  et  en  opt-ranl  ensuite  le  triage  des  graines  au 
moyen  d'ini  lavage  après  le(piel  on  les  fait  sécber  au  soleil 


EXECUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOI  SExMEXT.      221 

pour  leur  enlever  l'humidité  qui  pourrait  compromettre  leur 
conservation; les  graines  de  pin  cembro  ne  sont  jamais  ailées, 
même  dans  les  cônes. 

La  graine  de  mélèze  peut  se  récolter  parfois  dans  des  con- 
ditions de  bon  marché  et  de  bonne  qualité  très  remarquables. 
Dans  certains  années,  la  dissémination  se  produit  de  très 
bonne  heure  sous  l'influence  du  fœhn  (vent  chaud  du  sud)  et 
de  l'humidité,  et  les  graines  tombent  tout  ailées  sur  la  neige  ; 
si,  de  suite  après,  le  vent  venant  à  tourner,  les  froids  revien- 
nent sans  chute  de  neige,  on  peut,  au  moyen  d'un  simple  ba- 
layage sur  la  neige  durcie,  faire  une  ample  récolte  de  graines 
présentant  les  meilleures  qualités  qu'on  puisse  désirer. 

Une  fois  les  graines  de  résineux  récoltées  ou  achetées  au 
commerce,  il  importe  au  plus  haut  degré  de  se  rendre  préala- 
blement compte  de  leur  qualité  germinative,  afm  de  pouvoir 
doser  d'une  façon  convenable  les  quantités  à  employer.  A  cet 
effet,  l'Administration  des  forêts  a  centralisé  tous  les  essais 
au  domaine  des  Ba7'res.  Nous  devons  à  l'obligeance  de  M.  l'ins- 
pecteur des  forêts  douët,  son  directeur,  les  renseignements 
ci-après  concernant  ces  essais,  qui  sont  des  plus  intéressants 
dans  la  question  qui  nous  occupe  : 

A  l'arrivée  aux  Barres,  les  graines  livrées  pour  les  fournis- 
seurs sont  l'objet  d'un  premier  pesage  destiné  à  contrôler  la 
livraison.  Elles  sont  ensuite  passées  au  tarare;  le  déchet  ne 
doit  pas  dépasser  trois  kilogrammes  (3  kil.)  par  mille  kilo- 
grammes (1,000  kil.),  excepté  pour  le  mélèze  pour  lequel  le 
déchet  toléré  est  de  trois  kilogrammes  (3  kil.)  par  cent  kilo- 
grammes (100  kil.). 

Le  nettoyage  terminé,  l'on  prend  de  petites  quantités  de 
graines  dans  le  tas,  sur  tous  les  points,  à  toutes  les  profon- 
deurs. On  les  recueille,  on  les  mélange,  puis  on  prélève  les 
prises  définitives  qui  doivent  servir  aux  épreuves  de  germi- 
nation. 

Les  graines  sont  placées  entre  deux  flanelles,  une  dessus, 


222  REBOISEMENT  ET  CtAZONNEMENT. 

une  dessous,  ou  bien  une  flanelle  pliée  on  deux.  Ces  flanelles 
ont  environ  25  centimètres  de  longueur  et  moitié  de  largeur, 
ou  25  centimètres  au  carré,  si  la  môme  flanelle  est  reployée; 
chaque  flanelle  porte  une  étiquette  en  zinc  et  un  numéro 
d'ordre. 

L'on  place  600  graines  fines  (pin  sylvestre,  épicéa,  mé- 
lèze, etc.)  sur  chaque  flanelle,  iOO  praines  moyennes  (pin  noir, 
pin  laricio,  etc.)  et  300  grosses  (pin  maritime,  pin  cembro,  etc.). 
Les  flanelles  ainsi  garnies  sont  étendues  sur  des  claies  cannées 
dont  le  châssis  est  en  fer.  L'on  renferme  ces  claies  dans  une 
cage  en  toile  métallique  pour  empêcher  l'introduction  des 
souris. 

Le  tout  est  placé  dans  une  serre  chaude  dont  on  main- 
tient la  température  à  20°  ou  25°  centigrades  aussi  constante 
que  possible,  nuit  et  jour. 

Trois  fois  par  jour  on  humecte  ces  graines  très  légèrement. 
Ce  détail  est  le  plus  important  d'un  essai  bien  fait;  si  on 
mouille  trop,  les  graines  pourrissent;  si  on  ne  mouille  pas 
assez,  les  graines  germent  mal.  Il  est  facile  de  voir  si  une 
flanelle  est  trop  mouillée  :  il  suffit  pour  cela  de  la  soulever 
par  un  de  ses  angles;  quand  l'eau  coule  en  filets  par  l'angle 
opposé,  l'humidité  est  trop  grande  ;  si  elle  coule  goutte  à  goutte, 
c'est  bien;  si  elle  ne  coule  pas  du  tout, ce  n'est  pas  assez.  Afin 
d'obtenir  ce  point  bien  précis,  M.  Gouët  a  imaginé  de  rHini)la- 
cer  l'arrosoir  par  un  pulvérisateur  à  boule  de  caoulihtjuc, ; 
l'eau  tombe  sur  les  graines  en  pluie  imperceptible  et  on  ne 
leur  en  donne  que  ce  que  l'on  veut. 

Tous  les  trois  jours  on  fait  un  pointage,  on  enlève  les  graines 
germées;  au  bout  de  vingt  et  un  jours  l'épreuve  est  terminée; 
on  additionne  les  pointages  j)arli('ls  et  l'on  calcule  le  tant 
pour  100. 

Le  résultat  de  toutes  les  éi)reuv('s  est  rajjporté  sur  un  regis- 
tre, qui  sera  de  plus  en  i)lns  intéressant  à  mesure  ((ue  le  nom- 
bre des  essais  ira  s'augmentant. 

Pour  le  mélèze,  le  pin  maritime  et  le  pin  cembro,  l'épreuve 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.   22:i 

doit  durer  au  moins  un  mois.  Pour  les  autres  graines,  au  con- 
traire, on  est  presque  toujours  lixé  sur  la  qualité  des  semences 
dès  le  dixième  jour. 

Telle  est  la  marche  suivie  d'ordinaire  pour  les  essais  des 
graines  résineuses;  on  emploie  cependant  des  procédés  plus 
précis  encore  en  se  servant  d'une  étuve,  à  température  con- 
stante, marchant  au  gaz,  mais  la  construction  on  est  délicate 
et  sa  description  nous  entraînerait  trop  loin.  On  ne  s'en  sert 
du  reste  que  dans  les  cas  de  doute,  pour  les  expériences  con- 
tradictoires, afin  de  se  mettre  à  l'abri  de  toute  cause  d'erreur. 

Nous  résumons  dans  le  tableau  suivant  toutes  les  indica- 
tions utiles  au  sujet  des  graines  des  résineux  qui  nous  occu- 
pent : 

1°  Les  époques  de  la  floraison,  de  la  fructification  et  de  la 
dissémination,  qu'il  est  intéressant  d'avoir  parfois  sous  les 
yeux; 

2°  Le  prix  des  différentes  graines  (maximum,  minimum  et 
moyen)  ;  certaines  graines  présentent  des  écarts  très  considé- 
rables, notamment  le  pin  noir  d'Autriche  ; 

3°  Le  taux  pour  100  de  la  valeur  germinative  résultant  des 
expériences  opérées  au  domaine  des  Barres,  sauf  en  ce  qui 
concerne  le  pin  pinier,  le  cèdre  et  le  sapin,  dont  les  chiffres 
proviennent  de  nos  observations  personnelles  ; 

■4°  Le  poids  d'un  litre  de  graine  désailée,  de  bonne  qualité 
moyenne.  Cette  donnée  formait  jadis,  avant  les  essais  des  Bar- 
res, une  des  bases  principales  de  l'appréciation  de  la  qualité 
des  graines;  mais  l'expérience  a  démontré  qu'on  ne  pouvait  en 
tenir  un  compte  bien  rigoureux  et  que,  contrairement  à  une 
opinion  généralement  accréditée,  la  graine  la  plus  lourde 
n'est  pas  toujours  forcément  la  meilleure  ;  qu'une  graine  peut 
être  lourde  et  n'être  pas  bonne,  tandis  qu'elle  peut  être  légère 
et  être  bonne.  On  a  trouvé  en  effet  des  graines  de  pin  sylvestre 
pesant  515  grammes  au  litre  et  ne  donnant  que  o;2  pour  tOO 
de  germination,  alors  que  d'autres  graines  ne  pesant  que 
503  grammes  ont  donné  82  pour  100. 


24  REBOISEMENT  ET  GAZON  NEMENT. 

Des  observations  analogues  faites  sur  le  pin  noir  ont  donné 
le  résultat  suivant  : 

Dos  graines  pesant  540  gram.  au  lilro  ont  donné  69  pour  100 
de  germination. 

Des  graines  pesant  534  gram.  au  litre  onl  donné  88  i)our  100 
de  germination. 

Toutes  ces  graines  avaient  subi  également  les  épreuves  de 
propreté  ; 

5°  Le  poids  des  graines  désailées  fournies  par  un  kilogramme 
de  graines  ailées;  cette  donnée  est  souvent  utile  dans  la  pra- 
tique; 

6°  et  7°  Le  poids  dun  bectolitre  de  cônes  et  le  rendement , 
en  graines  désailées,  fourni  par  cent  kilogrammes  (100  kil.) 
de  cônes; 

8°  Le  nombre  de  graines  au  kilogramme. 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      225 


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226  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Exécution  des  Semis  à  demeure.  —  La  mise  en  terre  ou  le 
semis  des  graines  forestières  peut  s'opérer  en  employant 
divers  moyens  qui  varient  d'après  la  nature  des  graines,  l'état 
superficiel  du  sol  et  les  conditions  du  climat  local. 

A  ne  considérer  que  les  moyens  simples,  qui  seuls  sont  sus- 
ceptibles d'emploi  dans  les  grands  travaux,  et  laissant  de  côté 
les  instruments  plus  ou  moins  perfectionnés,  dont  le  mérite, 
incontestable  dans  certains  repeuplements  en  forêt,  perd 
son  importance  dans  les  reboisements  en  montagne,  on  peut 
distinguer  les  modes  suivants  : 

4°  Pour  les  graines  de  feuillus  ou  non  résineux  : 

Semis  à  l'araire,  à  la  binette  et  à  la  pioche; 

2°  Pour  les  graines  de  résineux  : 

Semis  à  la  volée,  à  la  pioche,  à  la  hache-prés,  au  râteau  et 
à  la  binette. 

Essences  non  résineuses.  — Les  glands  de  chêne  rouvre,  de 
chêne  liège  et  de  chêne  vert  peuvent  être  semés  :  à  Yamire, 
dans  les  terrains  préparés  ou  non  ;  à  la  binette,  dans  les  terrains 
préparés  par  bandes  ou  par  trous,  et  cnfln  à  \a  pioche,  dans  les 
terrains  non  préparés. 

Dans  les  terrains  labourés  à  l'avance,  le  semis  de  glands 
s'opère  ainsi  :  on  trace,  dans  une  direction  aussi  horizontale 
que  possible,  un  premier  sillon  au  moyen  de  l'araire  derrière 
lequel  marche  un  semeur  qui  place  les  glands  au  fond  du 
sillon,  de  manière  qu'ils  se  touchent  presque  (iO  à  50  par 
mètre  courant).  A  une  distance  pouvant  varier,  mais  qu'il  est 
préférable  de  maintenir  de  75  centimètres  à  1  mètre,  on  trace 
un  nouveau  sillon  et  ainsi  de  suite.  Les  glands  demandant  à 
n'êtn'  recouverts  que  de  2  à  3  centimètres,  on  fait  passer  sur 
les  sillons  une  herse  légère,  dont  on  diminue,  on  tant  quo  be- 
soin, la  puissance,  en  entrelaçant  dos  branchos  tloxiblos  ontre 
ses  dents,  de  manière  que  celles-ci  ne  puissont  trop  s'enfoncer 
en  terre  et  amener  une  trop  grande  couverture  sur  les  graines. 

Ce  mode  de  semis  exige  d'ordinaire,  par  hectare,  de  20  à 
25  hectolitres  de  glands. 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      227 


Dans  les  terres  non  préparées  à  l'avance,  on  peut  employer 
l'araire  pour  semer  les  glands  par  bandes  alternes.  On  jalonne 
une  première  ligne  aussi  horizontale  que  possible,  puis  au 
moyen  de  l'araire  on  creuse  un  sillon  de  20  centimètres  envi- 
ron do  largeur.  On  ouvre,  tout  contre,  un  second  sillon  dont 
le  déblai  vient  combler  le  premier.  Un  ouvrier,  muni  d'un  râ- 
teau de  fer,  marche  derrière  l'araire  et  fait  tomber  avec  son 
outil  dans  le  second  sillon ,  pour  le  remplir  à  moitié ,  la  terre 
meuble  qui  demeure  en  forme  de  crête  sur  le  premier;  puis 
marche  le  semeur,  qui  pose  ses  glands  en  ligne  de  manière 
qu'ils  se  touchent  presque  (40  environ  au  mètre  courant). 
Une  fois  ce  deuxième  sillon  ainsi  semé,  on  en  ouvre  un  troi- 
sième destiné  à  fournir,  par  une  partie  de  son  déblai,  la  cou- 
verture de  terre  nécessaire  aux  glands,  qui  se  trouveront  ainsi 
semés  en  ligne  au  milieu  d'une  bande  cultivée  de  60  centi- 
mètres de  largeur.  Gela  fait,  on  passe  le  râteau  sur  cette  bande 
pour  égaliser  le  sol  et  enlever  les  pierres  trop  fortes,  qui  pour- 
raient empêcher  les  jeunes  semis  de  bien  lever. 

On  établit  ensuite,  dans  les  mômes  conditions,  une  nouvelle 
bande  séparée  de  la  première  par  un  écar- 
tement  susceptible  de  varier  de  l",oO  à 
3  mètres  d'axe  en  axe.  La  quantité  de 
glands  nécessaires  à  l'hectare  varie  alors 
de  16  à  8  hectolitres.  C'est  de  cette  façon 
qu'on  a  exécuté  dans  Vaucluse  une  bonne 
partie  des  reboisements  en  chêne  sur  les 
versants  du  mont  Ventoux  (Vaucluse). 

Dans  les  terrains  préparéspar  bandes  ou 
par  trous,  le  semis  des  glands  s'opère  au 
moyen  d'un  instrumentnomméè/ne^/e, qui 
est  une  sorte  de  réduction  de  la  pioche  à 
pic  et  n'en  diffère  que  par  ses  dimensions, 
sa  lésèreté  et  la  forme  de  sa  pointe,  qui  est 

Fig.  63.  —  Binette. 

triangulaire  au  lieu  d  être  aussi  effilée  que 

dans  la  pioche.  Cet  outil  permet  d'ouvrir  régulièrement  et  rapl- 


228  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

dément,  dans  les  sols  cultivés  à  l'avance,  des  lignes  de  dimen- 
sions diverses,  soit  en  profondeur,  soit  en  largeur,  et  peut  dès 
lors  être  employé  pour  toutes  sortes  de  graines,  quelle  que 
soit  l'épaisseur  de  la  couverture  de  terre   qu'elles    exigent 

{fig-  63). 

Les  petits  sillons,  ainsi  tracés,  sont  semés  à  raison  de  40  à 
50  glands  par  mètre  courant;  la  quantité  de  glands  néces- 
saires à  l'hectare,  qui  dépend  de  l'écartement  des  bandes  ou 
des  trous,  en  outre  de  l'espacement  de  ces  derniers,  peut 
varier  le  plus  généralement  de  12  à  6  hectolitres,  en  admet- 
tant un  écart  maximum  de  2  mètres  entre  les  bandes  ou  les 
trous. 

Les  deux  premiers  modes  de  semis  qui  précèdent  ne  s'ap- 
pliquent que  dans  les  conditions  spéciales  qui  ont  déterminé 
l'obhgation  de  préparer  le  sol  à  l'avance.  Mais,  dans  la  plupart 
des  cas,  notamment  pour  le  chône  rouvre,  qui  habite  un  cli- 
mat moins  chaud  et  moins  sec  que  les  deux  autres  chênes,  il 
y  a  tout  avantage  à  semer  les  glands  par  petits  potcts,  ouverts 
au  moment  même  du  semis.  C'est  dans  la  confection  de  ces 
potets  que  la  pioche  à  pic  (que  nous  avons  décrite  à  l'article 
Préparation  du  sot)  fournit  la  grande  somme  de  précieux 
avantage.  Il  ne  s'agit  pas  ici  de  cultiver  le  sol  sur  une  surface 
plus  ou  moins  étendue,  il  ne  faut  que  la  petite  place  nécessaire 
à  la  mise  en  terre  de  quelques  glands.  Mais,  en  même  temps, 
il  est  important  «pie  les  racines  des  jeunes  sujets,  dans  leur  dé- 
but, trouvent  un  sol  meuble  et  relativement  frais,  deux  con- 
ditions qui  exigent  t^ue  le  potet  possède  une  certaine  profon- 
deur que  la  pioche  dont  il  s'agit  peut  lui  donner,  rapide- 
ment et  économiquement,  en  un  ou  deux  bons  coups  bien 
assénés.  Gela  fait,  on  talute,  par  un  léger  coup  de  pioche,  la 
partie  supérieure  du  potet  pour  achever  d'en  remplir  le 
fond  avec  la  meilleure  terre,  et  l'on  y  place  de  10  ù  12  glands 
(ju'fjn  recouvre  de  2  ou  3  centimètres  au  moyen  d'un  léger 
coup  de  pioche  donné  à  l'aniDut  du  talus,  ce  (jui  i)rocure 
l'avantage  de  former  une  sorte  de  petite  rigole  <iui  amènera 


EXÉCUTION  DES   TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.      229 

dans  le  potet  les  moindres  eaux  pluviales  qui  viendraient  à 
tomber. 

Le  chône  n'étant  généralement  pas  semé  dans  des  terrains 
absolument  privés  de  toute  végétation,  la  confection  despotets 
les  moins  coûteux  et  les  plus  favorables  au  succès  des  semis 
se  trouve  singulièrement  aidée  par  les  restes  des  plantes 
diverses  qui  subsistent  encore.  Dans  les  terrains  en  pente, 
les  arbustes  rabougris  ou  abroutis,  ainsi  que  certaines  plantes 
herbacées  venant  en  touffes,  ont  pu  retenir  à  leur  amont  la 
terre  végétale  que,  dans  leurs  intervalles,  les  eaux  ne  cessent 
de  laver  et  d'entraîner.  Il  s'est  formé  là  une  sorte  de  bourre- 
let sur  lequel,  à  l'abri  de  l'arbuste  ou  de  la  grande  plante,  se 
maintiennent  quelques  graminées,  et  qui  présente  dès  lors 
les  emplacements  les  plus  favorables  pour  le  semis  des  glands, 
tant  au  point  de  vue  de  la  confection  des  potets,  qui  s'y 
trouve  facilitée,  qu'à  celui  des  conditions  do  végétation,  qui 
sont  les  meilleures  que  le  terrain  puisse  fournir. 

C'est  donc  toujours,  ou  du  moins  le  plus  possible,  à  l'a- 
mont des  plantes  subsistant  encore  sur  le  sol  à  reboiser  qu'il 
sera  préférable  de  semer  les  glands;  dans  les  versants  qui 
possèdent  encore  un  peu  de  terre  végétale,  c'est  à  l'amont  de 
ces  plantes  qu'on  en  trouvera  davantage,  et  dans  les  pentes 
décharnées  c'est  là  encore  qu'on  pourra  procurer  aux  jeunes 
semis  les  meilleures  conditions  de  végétation;  car  si  des 
herbes  s'y  maintiennent,  c'est  qu'elles  ont  rencontré  quel- 
ques fentes  de  rochers  qui  procurent  à  leurs  racines  un 
espace  et  une  fraîcheur  qu'on  ne  trouverait  pas  ailleurs. 
Dans  les  semis  donc,  comme  dans  toutes  les  opérations  cul- 
turales  que  nous  passerons  en  revue,  il  faut  avant  tout  profi- 
ter du  moindre  abri  et  du  moindre  indice  procurant  les  ga- 
ranties d'une  bonne  végétation. 

Les  sols  graveleux  et  pierreux  sont  des  plus  favorables  à  ce 
genre  de  semis  du  chêne,  et  il  n'est  pas  rare  d'y  rencontrer 
de  jeunes  sujets  beaucoup  plus  beaux  que  ceux  végétant  dans 
des  trous  préparés  à  grands  frais  à  côté  d'eux  et  placés  d'ail- 


230  REBOISEMENT  ET  OAZONNEMENT. 

leurs  dans  des  conditions  absolumont  identiques.  Cette  diffé- 
rence ne  peut  tenir  évidemment  qu'à  l'influence  de  l'abri 
fourni  au  sol,  par  les  pierres  qui  le  recouvrent,  contre  les 
effets  de  l'évaporation  et  de  la  gelée.  Aussi,  chaque  fois  qu'on 
pourra  le  faire  économiquement,  est-il  important  de  placer  à 
l'aval  des  potets  les  pierres  les  plus  grosses  qu'on  ait  sous  la 
main.  On  les  dispose  en  forme  de  croissant  ou  de  demi-cercle, 
qui  met  obstacle  à  tout  déchaussement  par  les  eaux,  et  main- 
tient une  assiette  solide  aux  jeunes  semis,  tout  en  leur  four- 
nissant contre  les  grands  vents  un  premier  abri  bien  précieux. 

Un  semis  par  potets  espacés  de  1  mètre  en  tous  sens  exige 
environ  de  7  à  8  hectolitres  à  l'hectare. 

Si  on  met  les  potets  à  une  distance  moyenne  de  1™,50,  la 
quantité  se  réduit  à  4  hectolitres  environ;  enfin,  à  2  mètres 
en  tous  sens,  il  ne  faut  plus  que  2  hectolitres. 

En  ce  qui  concerne  les  semis  exécutés  sur  des  terrains 
préalablement  préparés,  la  dépense  est  évidemment  des  plus 
variables,  car  elle  dépend,  dans  chacun  des  modes  de  prépa- 
ration, de  la  disposition  préférée,  de  la  valeur  de  la  main- 
d'œuvre,  de  la  nature  du  sol  et  du  prix  des  glands.  Aussi 
nous  ne  croyons  pas  nécessaire  de  donner  à  ce  sujet  un  devis 
qui  risquerait  de  n'être  d'aucune  utilité. 

Il  n'en  est  pas  de  môme  des  semis  par  potets,  dont  le  détail 
est  très  simple  et  sujet  à  des  variations  insignifiantes  dans  la 
question. 

Dans  un  terrain  moyen,  un  bon  terrassier  peut  préparer  et 
semer  avec  tous  les  soins  désirables  environ  500  potets  dans 
une  journée  de  dix  heures. 

En  admettant  le  semis  le  plus  complet,  c'est-à-dire  des 
potets  à  1  mètre  en  tous  sens,  le  prix  de  la  journée  de  terras- 
sier à  2  fr.  50,  la  valeur  de  l'hectolitre  de  glands  à  S  francs, 
on  aura  pour  un  hectare  : 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      231 


Confection  et  semis  de  10,000  potets  à  5  fr.  le  mille.  50  fr. 

Achat  (le  7  hectol.  5  de  glands  à  8  francs  l'un   ...  60  fr. 

Transport  des  glands  à  pied  d'œuvre  et  frais  divers.  5  fr. 

Total 113  fr. 


Tel  est  le  prix  le  plus  élevé  que  puisse  coûter  à  l'hectare 
un  semis  de  ce  genre. 

.  Il  y  a  le  plus  souvent  un  grand  intérêt  à  mélanger  les  pins 
avec  les  chênes,  afin  de  procurer  à  ces  derniers  les  abris  que 
les  jeunes  plants  réclament  pour  bien  végéter  pendant  les 
premières  années.  On  sème  alors  plus  clair  les  glands,  dont  la 
quantité  se  trouve  parfois  réduite  de  moitié.  Quant  aux  pins, 
on  les  introduit  par  voie  de  semis  ou  de  plantation,  suivant 
les  cas  et  les  différentes  espèces  appartenant  à  cette  sorte 
d'essences  résineuses. 

Tout  ce  qui  a  été  dit  sur  les  semis  du  chêne  s'applique  aux 
semis  du  châtaignier,  et  les  quantités  de  châtaignes  employées 
sont  généralement  identiques  à  celles  des  glands  dans  les 
différents  modes  d'exécution. 

Les  graines  du  caroubier  doivent  être  semées  de  préfé- 
rence dans  des  trous  profondément  défoncés,  vu  la  chaleur 
du  climat  et  la  nature  du  sol  (le  calcaire)  où  il  se  com- 
plaît. On  sème  les  graines  en  plein  dans  les  trous,  et  on 
les  enterre  à  une  profondeur  de  3  centimètres  environ,  en 
donnant  avec  la  binette  une  légère  façon  à  la  surface  du  sol. 

La  fin  de  février  et  le  courant  de  mars  sont  les  meilleurs 
moments  pour  exécuter  le  semis ,  car  les  graines  enterrées 
trop  tôt  avant  l'époque  de  la  germination  sont  très  sujettes  à 
la  pourriture. 

Essences  7'ésmeuses,  —  Dans  l'emploi  des  résineux,  le  semis 
à  la  volée  consiste  à  répandre  les  graines,  comme  on  fait  pour 
les  céréales,  sur  toute  l'étendue  à  ensemencer,  après  quoi, 
tantôt  on  les  recouvre  de  terre,  tantôt  on  les  abandonne  à 
elles-mêmes  sur  la  surface  du  sol. 

Dans  le  premier  cas,  le  semis  a  été  opéré  sur  un  terrain 


232  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

préparé  ou  défoncé  auparavant;  dans  le  second,  au  contraire, 
le  sol  est  demeuré  dans  son  état  naturel. 

Si  le  semis  à  la  volée  a  été  opéré  sur  un  terrain  labouré  en 
plein  et  hersé,  il  suffit,  pour  le  recouvrir,  de  donner  un  nou- 
veau hersage,  le  plus  léger  possible  ;  le  plus  souvent  môme  on 
peut  se  contenter  de  remplacer  la  herse  par  un  fort  fagot  d'é- 
pines, car  les  graines  résineuses  demandent  à  être  aussi  peu 
enterrées  que  possible. 

On  opère  de  la  même  façon,  si  le  terrain,  au  lieu  d'être 
labouré  en  plein,  a  été  préparé  par  bandes  alternes,  tracées  à 
Yaraii'e  comme  pour  les  semis  de  glands. 

Hàtons-nous  de  dire  que  ce  genre  de  semis  à  la  volée  ne 
peut  être  avantageusement  pratiqué  que  dans  des  conditions 
spéciales  de  sol  et  de  climat  qu'on  rencontre  très  rarement 
dans  les  terrains  à  reboiser  en  montagne.  Il  exige  l'emploi 
d'une  grande  quantité  de  graines  et  ne  donne  de  bons  résul- 
tats que  dans  les  terrains  légers  et  siliceux.  C'est  assez  dire 
que  le  pin  maritime  seul  présente  les  conditions  pouvant  faire 
adopter  un  semis  de  cette  sorte.  Sa  graine  est  en  effet  à  très 
bon  marché  ;  il  préfère  les  sols  siliceux  et  enfin  il  ne  sort  du 
climat  chaud  que  pour  demeurer  dans  les  régions  les  plus 
douces  du  climat  tempéré. 

Au  début  de  la  grande  entreprise  de  la  régénération  des 
montagnes,  inaugurée  par  la  loi  de  1860,  le  semis  à  la  volée  a 
occupa",  dans  les  travaux  de  reboisement,  une  j)art  dont  l'im- 
portance n'a  pas  tardé  à  décroître  dès  le  jour  où  l'expérience 
a  pu  devenir  concluante.  A  cette  époque,  le  semis  était  réputé 
non  seulement  comme  le  meilleur,  mais  môme  comme  le  seul 
mode  susceptible  d'ôtre  appliqué  au  reboisement  des  vastes 
étendues.  Aussi  bien,  la  dépense  qu'il  entraînait  était  si 
minime,  on  pouvait  parcourir  sans  délais,  en  une  saison  et 
sans  grand  travail,  une  si  vaste  surface,  qu'à  côté  de  ces  avan- 
tages précieux,  la  plantation,  avec  l'outillage  de  plants  à  créer 
et  la  main-d'œuvre  qu'elle  nécessitait,  ne  devait  être  considé- 
rée que  comme  bonne  tout  au  plus  à  combler  des  vides  ou  à 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      233 

être  employée  sur  de  petites  surfaces  où  les  semis  ne  pour- 
raient être  tentés. 

Dans  les  Alpes,  on  était  d'autant  plus  fondé  à  compter  sur 
e  semis  à  la  volée  (jue  l'on  avait  sous  les  yeux  les  résultats 
d'un  certain  nombre  d'essais  ordonnés  en  18i(i  par  l'Adminis- 
tration des  forêts  et  exécutés  par  les  agents  locaux,  soit  à  la 
volée,  soit  sur  le  sol  non  préparé,  soit  à  la  volée  sur  la  neige. 
Ces  semis  avaient  réussi  pour  la  plupart  avec  un  succès  qui 
était  d'un  heureux  augure  pour  ceux  qu'on  allait  entreprendre 
sur  une  plus  vaste  échelle. 

Le  résultat  fut  loin  de  répondre  à  l'attente  et  fournit  un 
utile  enseignement. 

Par  places,  en  effet,  on  rencontre  bien  des  peuplements  su- 
perbes, mais  c'est  toujours  exclusivement  dans  les  terrains 
qui  se  trouvaient  plus  ou  moins  gazonnés  au  moment  du 
semis  ;  dans  les  places  nues,  au  contraire,  toute  trace  de  semis 
a  disparu  dès  les  premières  années.  L'observation  attentive 
des  faits  démontre  surabondamment  que  la  cause  des  insuc- 
cès réside  uniquement  dans  l'absence  d'abris,  et  que  les  essais 
tentés  en  1846  n'ont  dû  leur  succès  qu'à  cette  condition  d'a- 
voir été  opérés  sur  des  terrains  gazonnés  ou  couverts  d'une 
végétation  quelconque  {de  Gayffier,  PI.  35). 

Au  demeurant,  malgré  les  résultats  obtenus  sur  les  places 
gazonnéos,  nous  estimons  que  le  semis  à  la  volée,  sur  la  neige 
ou  non,  ne  peut  être  considéré  comme  une  bonne  opération; 
car,  ne  pouvant  être  exécuté  raisonnablement  que  dans  les 
gazons  ou  les  terrains  couverts  de  basse  végétation,  il  a  pour 
conséquence  la  perte  d'une  quantité  considérable  de  graines 
qui,  tardant  à  se  trouver  dans  des  conditions  convenables  à  la 
germination,  deviennent  la  proie  des  animaux  ou  se  détério- 
rent sous  les  influences  atmosphériques  ;  on  arrive ,  dès  lors, 
à  n'obtenir  tardivement  que  des  résultats  très  incomplets,  et 
il  faut  revenir  sur  les  nombreux  vides  qui  se  manifestent. 

A  ce  mode  un  peu  primitif  nous  préférons  de  beaucoup 
celui  du  semis  à  \a.  pioche. 


234       REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT, 

11  consiste  à  ouvrir  d'abord,  avec  le  taillant  de  la  pioche,  un 
petit  potet  de  dimensions  aussi  restreintes  que  possible.  On 
recherche  exclusivement  l'aisselle  des  touffes  de  gazon  ou  des 
broussailles  de  toutes  sortes  qui  garnissent  le  sol,  et  un  seul 
coup  de  pioche  suffit  amplement  pour  ouvrir  le  potet,  à  la 
surface  duquel  on  étend  une  pincée  de  graines  qu'on  recou- 
vre légèrement  à  la  main,  de  façon  à  les  cacher  simplement 
à  la  vue.  Il  importe  de  ne  laisser  préparer  ni  semer  aucun 
potet  dans  les  intervalles  dénudés,  car  ce  serait  du  travail  et 
de  la  graine  employés  en  pure  perte. 

Ce  mode  de  semis  doit  évidemment  s'appliquer  surtout 
aux  essences  aimant  les  hautes  altitudes,  oîi  la  sécheresse 
n'est  pas  trop  à  redouter,  c'est-à-dire  à  l'épicéa,  au  mélèze  et 
au  pin  cembro.  On  pourrait  cependant  à  la  rigueur  semer 
ainsi  les  pins  sylvestre,  noir  et  laricio,  mais  à  la  condition 
que  le  sol  fût  assez  meuble  et  suffisamment  garni  de  basse 
végétation;  mais  la  plupart  du  temps  on  n'y  trouvera  d'avan- 
tages bien  sérieux  que  dans  les  terrains  formés  de  la  décom- 
position des  roches  plutoniques. 

Lorsqu'il  opère  dans  les  gazons  courts,  qu'on  rencontre 
disséminés  par  petites  plaques  dans  quelques  parcelles  de  ver- 
sants et  qui  ont  pu  échapper  à  la  ruine  générale,  l'ouvrier  se 
contente  d'ouvrir  le  gazon  avec  le  taillant  de  la  pioche  et  l'attire 
un  peu  à  lui  sans  l'arracher  toutefois  ;  il  sort  alors  sa  pioche  de 
la  fente  béante,  la  retourne  vivement  et  frappe  du  pic  deux 
ou  trois  fois  de  suite,  toujours  au  même  point,  jusqu'à  ce 
que  Kl  douille  arrive  à  toucher  le  sol;  le  trou  se  trouve  alors 
creusé  de  :20  centimètres  environ,  tout  en  conservant  sa  très 
petite  ouverture  à  la  surface.  Reprenant  avec  le  taiUant, 
il  comble  le  trou  en  émiettant  ses  parois  et  le  prépare  ainsi  à 
recevoir  le  semis;  il  prend  alors  une  pincée  de  graines,  les 
étale  sur  l'orifice  du  trou  et  les  recouvre  d'un  centimètre  en- 
viron de  terre  fine;  il  raffermit  enfin  le  gazon  par  un  coup  du 
plat  de  sa  pioche  et  passe  à  un  autre  trou. 

On  espace  autant  que  possible  les  trous  de  1  mètre  en  tous 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      235 

sens  ;  il  serait  imprudent  de  les  écarter  davantage  à  cause 
des  déchets  inévitables  auxquels  il  est  bon  de  parer  d'avance, 
car  il  est  toujours  difficile  de  revenir  sur  un  semis  incomplet. 
Afin  d'obtenir  plus  sûrement  le  résultat  désiré,  on  vient  en 
aide  à  l'insuffisance  du  gazon  par  des  semis  de  sainfoin  (plante 
robuste  qui  germe  et  se  développe  rapidement)  exécutés  en 
mélange  avec  les  graines  de  résineux,  de  façon  que  les  jeunes 
semis  forestiers  se  trouvent  dès  le  début  protégés  de  toutes 
parts  par  l'abri  artificiel  qui  leur  est  ainsi  fourni.  Cette  mé- 
thode nous  a  donné  généralement  d'excellents  résultats  dans 
les  sols  où  le  sainfoin  ne  joue  qu'un  rôle  de  regarnissage  ; 
mais  elle  serait  périlleuse  si  elle  était  appliquée  sur  des  ter- 
rains absolument  privés  de  toute  végétation,  car  les  potets, 
espacés  à  1  mètre,  laisseraient  entre  eux  des  vides  trop  grands 
sur  lesquels  les  influences  atmosphériques,  pouvant  agir  libre- 
ment, ne  tarderaient  pas  à  compromettre  l'existence  des  semis. 

L'organisation  d'un  chantier',  très  simple  d'ailleurs,  s'éta- 
blit ainsi  qu'il  suit  : 

Le  chantier  se  compose  de  !2:2  hommes,  dont  : 

1°  Un  chef  de  chantier  chargé  de  la  surveillance  des  ouvriers  ; 

p  Un  enfant  de  quinze  à  seize  ans  employé  à  assurer  l'ap- 
provisionnement des  graines  et  de  l'eau  à  boire,  afin  que  les 
ouvriers  n'aient  à  se  déranger  en  rien  de  leur  travail  pendant 
chaque  séance  ; 

3°  20  ouvriers  travaillant  à  l'exécution  des  semis. 

Chaque  ouvrier  est  muni  d'une  pioche  et  d'un  sac-tablier  à 
deux  poches,  l'une  pour  les  graines  résineuses,  l'autre  pour 
les  graines  de  sainfoin,  dans  le  cas  où  l'on  en  aurait  besoin. 
Ce  sac-tablier  est  fixé  à  la  ceinture  sur  le  devant  du  corps  de 
manière  à  être  facilement  à  portée  de  la  main  droite  sans 
gêner  le  travail  de  la  pioche. 

1.  —  Voir  à  la  fin  du  volume  le  tableau  des  valeurs  des  journées  d'ouvriers 
calculées  par  dixième  jusqu'au  nombre  de  six  que  comporte  ime  semaine 
de  travail.  Note  D.  p.  43o. 


23G  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 

11  ost  do  principe  que,  sur  un  vorsant  donné,  on  commonce 
toujours  par  le  haut  ot  qu'on  procède  par  virées  horizontales, 
dont  le  i)arcours  est  horné  par  les  limites  naturelles  que  i)ré- 
sentent  les  ravins,  les  harres  d(;  rochers,  les  chemins,  les 
croupes,  etc. 

Le  chef  de  chantier  place  en  conséquence  ses  hommes  sur 
la  ligne  de  plus  grande  pente,  à  1  mètre  les  uns  des  autres,  et 
choisit,  pour  occuper  chacune  des  extrémités  de  la  virée, 
deux  des  ouvriers  les  plus  intelligents. 

Gela  fait,  le  n"  1  placé  le  plus  haut,  commence  le  travail  en 
suivant  une  ligne  horizontale,  et  quand  il  a  terminé  les  deux 
premiers  trous  de  sa  ligne,  le  n°  2  commence  à  son  tour  en 
cherchant  autant  que  possible  à  placer  ses  trous  dans  l'inter- 
valle de  ceux  faits  par  le  n°  1,  tout  en  ayant  soin  de  n'opérer 
que  là  où  se  trouve  une  plaque  de  gazon. 

Les  numéros  suivants  entrent  successivement  en  ligne  de  la 
même  manière,  et  une  fois  le  travail  en  train,  le  chef  de  chan- 
tier se  place  à  peu  près  au  milieu  de  la  virée,  de  manière  à 
pouvoir  bien  surveiller  ses  hommes,  tant  pour  la  confection 
des  trous  que  pour  l'exécution  des  semis. 

Arrivé  au  bout  de  la  première  virée,  le  n°  1  continue  à  faire 
des  trous  espacés  de  1  mètre  environ  en  descendant  à  reculons, 
suivant  la  ligne  de  pente;  le  n°  2  opère  de  même,  en  se  tenant 
à  1  mètre  de  distance  du  n°  1,  et  ainsi  des  autres,  jusqu'à  ce 
que  tous  les  ouvriers  se  trouvent  sur  la  ligne  inférieure  de  la 
première  virée  appartenant  au  n°  20.  Cet  ouvrier  alors  fait 
(Iciiii-tonr,  se  place  à  i  mètre  en-dessous  de  sa  ligne  et  com- 
mence le  retour  de  la  virée  en  conservant  constamment  sa  dis- 
tance à  cette  ligne  qu'il  connaît  bien,  puisqu'il  l'a  faite  lui- 
môme.  Les  numéros  suivants  continuent  à  faire  des  trous  en 
descendant,  jusqu'à  ce  que  chacun  d'eux,  se  trouvant  à  la  dis- 
tance voulue  du  numéro  qui  se  trouve  au-dessus  de  lui,  puisse 
reprendre  la  nouvelle  ligne  horizontale  que  son  rang  lui  at- 
tribue; le  retour  de  virée  se  termine  comme  l'aller,  et  ainsi 
de  suite  JMstpi'au  bas  de  la  parcelle  à  semiM'. 


EXECUTION   DES  TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.      237 

Dans  des  conditions  ordinaires,  chaque  ouvrier  peut  confec- 
tionner et  semer  1 ,000  trous  par  jour,  ce  qui  donne  20,000  trous 
pour  le  chantier  et  2  hectares  de  semis,  si  les  trous  ont  été 
placés  à  1  mètre  en  moyenne  dans  les  deux  sens. 

En  admettant  que  le  chef  de  chantier  soit  payé  à  raison  de 
i  francs  par  jour  (prix  ordinaire  dans  la  haute  montagne),  que 
les  ouvriers  reçoivent  2  fr.  50  cent.,  l'enfant  1  fr.  50  cent.,  la 
journée  du  chantier  aura  coûté  56  francs  et,  par  suite,  l'exé- 
cution des  semis  s'élèvera  par  hectare  à  la  somme  de  28  francs 
à  laquelle  il  convient  d'ajouter  2  francs  pour  frais  de  trans- 
port des  graines  sur  la  montagne,  ce  qui  donne  une  première 
dépense  montant  à  30  francs. 

Pour  avoir  le  prix  de  revient  de  la  dépense  totale  du  semis 
à  l'hectare,  il  ne  restera  plus  qu'à  ajouter  à  cette  somme  les 
valeurs  des  graines  employées  et  le  coût  de  la  préparation 
qu'elles  auront  dû  subir  avant  le  semis. 

Les  quantités  de  graines  que  comporte  à  l'hectare  un  semis 
de  ce  genre,  à  1  mètre  en  tous  sens,  sont  : 

Pour  le  pin  cemhro,  de 30  à  40  kilog 

Pour  le  mélèze,  de 10  à  12  kilog. 

Pour  l'épicéa 5   kilog. 

Bien  que  la  graine  de  mélèze  soit  moins  lourde  que  celle  de 
l'épicéa  et  se  trouve  dès  lors  en  plus  grand  nombre  au  kilo- 
gramme, il  en  faut  plus  du  double  à  cause  de  la  faible  qualité 
germinative  qui  la  caractérise.  {Voii'  le  tableau  des  graines  }'ési- 
neuses.) 

On  peut  apprécier,  par  analogie  avec  l'épicéa,  la  quantité  de 
graines  de  pins  sylvestre,  noir  et  laricio  qu'il  faudrait  par  hec- 
tare dans  les  cas  où,  par  exception,  on  voudrait  leur  appliquer 
ce  mode  de  semis,  ce  que  nous  sommes  loin  de  conseiller. 

Quant  à  la  préparation  à  faire  subir  aux  graines  avant  les 
semis,  elle  consiste  simplement  dans  une  immersion  plus  ou 
moins  longue,  suivant  les  graines,  dans  l'eau  pure  ou  mélan- 
gée de  purin. 


238  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Getto  précaution  quo  nous  avons  inaugurée  et  contrôlée  par 
des  expériences  successives,  pendant  de  longues  années  dans 
les  Alpes,  a  constamment  produit  les  meilleurs  résultats.  Elle 
se  justifie  d'ailleurs  par  la  saison  où  s'exécutent  les  semis  et 
par  le  caractère  spécial  du  climat  alpestre. 

En  règle  générale,  les  semis  de  graines  résineuses  ne  peuvent 
et  ne  doivent  en  effet  s'exécuter  qu'au  printemps.  Les  raisons 
de  cette  préférence  sont  multiples  : 

La  nature  en  fournit  d'abord  une  qui  a  bien  son  impor- 
tance ;  la  plupart  des  graines  qui  nous  intéressent  ne  se  dissé- 
minent en  effet  qu'à  la  fin  de  l'hiver  ou  aux  premières  chaleurs 
du  printemps.  {Voir  le  tableau  des  graines  résineuses,  col.  n°  A.) 

D'autre  part,  il  est  d'expérience  que  les  semis  d'automne 
sont  très  sujets  à  la  pourriture,  et  que  ceux  qui  y  échappent 
demeurent  exposés  pendant  de  longs  mois  aux  ravages  des 
mulots,  des  corbeaux  et  autres  ennemis. 

Do  plus,  les  semis  d'automne  qui  échapperaient  à  tous  ces 
dangers  présentent  un  autre  inconvénient  qui,  dans  les  hautes 
montagnes,  est  majeur  et  suffit  à  lui  seul  à  les  faire  rejeter; 
ils  lèvent  le  plus  souvent  de  trop  bonne  heure  et  se  trouvent, 
à  l'âge  le  plus  critique,  en  butte  aux  gelées  printanières  sou- 
vent terribles  qui  se  font  sentir  parfois  jusqu'en  juin. 

Enfin,  dans  les  régions  méridionales,  le  printemps  et  l'au- 
tomne sont  loin  d'ôtre  caractérisés  comme  dans  les  autres  ré- 
gions de  la  France;  il  s'ensuit  qu'au  lendemain  des  grandes 
chaleurs  de  l'été,  on  passe  le  pins  souvent  au  frimas  de  l'hiver, 
et  cela  brusquement.  Dès  lors,  les  hauteurs  deviennent  ina- 
bordables, et  l'on  serait  bien  obligé  quand  môme  de  remettre  le 
plus  souvent  les  semis  au  printemps. 

Mais  si,  sur  les  montagnes,  on  passe  brusquement  de  l'été  à 
l'hiver,  on  n'a  pas  une  transition  plus  douce  pour  revenir  de 
l'hiver  à  l'été,  et  le  plus  souvent  les  printemps  sont  de  faible 
durée.  Il  faut  donc  que,  dans  le  court  inter\-alle  qui  sépare  la 
fonte  des  neiges  des  chaleurs  et  de  la  sécheresse  de  l'été,  les 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.      239 

jeunes  semis  soient  eflectués  et  levés  hâtivement,  et  pour  cela 
il  devient  indispensable  d'aider  le  travail  do  la  germination. 
De  là  riniportance  de  leur  immersion  dans  l'eau. 

Pour  les  graines  d'épicéa,  de  pins  à  crochets,  sylvestre,  noir 
et  laricio,  il  suffit  d'une  immersion  de  quarante-huit  heures, 
vu  le  peu  de  dureté  de  leur  enveloppe. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  môme  du  pin  cemhro  et  surtout  du 
mélèze,  qui  présentent  des  caractères  tout  opposés. 

Pour  le  pin  cembro,  il  faut  faire  durer  l'immersion  pendant 
quinze  bons  jours,  et,  pour  le  mélèze,  trois  semaines  sont 
préférables  encore  ;  on  peut  diminuer  un  peu  ce  délai  en  mé- 
langeant l'eau  avec  du  purin  dosé  au  cinquième  environ,  ou  en 
additionnant  à  l'eau  quelques  gouttes  d'acide  chlorhydrique. 

Il  convient  d'opérer,  autant  que  possible,  l'immersion  dans 
le  périmètre  même,  à  portée  des  terrains  à  semer.  On  dispose, 
à  cet  effet,  une  série  de  barriques  défoncées  d'un  côté  et  on 
répartit  les  graines  à  raison  de  50  kilogrammes  par  barrique 
qu'on  achève  de  remplir  d'eau.  On  remue  les  graines  fréquem- 
ment pour  forcer  celles  qui  surnagent  à  se  tremper  et  on  ne 
les  retire  qu'au  moment  où  elles  s'ouvrent  facilement  sous  la 
pression  de  l'ongle.  On  a  soin  d'échelonner  l'immersion  suivant 
les  quantités  qu'on  pourra  semer  journellement,  de  façon  à  ne 
pas  risquer  d'avoir  des  graines  trop  trempées  ou  d'avoir  à  les 
retirer  momentanément  de  l'eau,  ce  qui  serait  une  source  de 
graves  dangers,  car  il  importe  que  les  semis  soient  opérés  sans 
que  la  graine  ait  pu  perdre  le  degré  d'humidité  qui  la  saturait. 

Lorsque,  par  une  circonstance  favorable,  on  se  trouve  avoir 
quelques  parcelles  de  gazon,  non  plus  disséminées  ou  clairié- 
rées,  mais  au  contraire  formant  une  sorte  de  pelouse,  du 
moins  par  places  de  quelques  mètres  carrés  chacune,  il  im- 
porte de  ne  pas  déchirer  ces  gazons,  afin  de  laisser  aux  jeunes 
semis  tout  l'abri  tutélaire  qu'ils  peuvent  en  attendre  contre  le 
gel  et  le  dégel.  La  pioche  ne  trouve  plus  ici  son  emploi  et  doit 
être  remplacée  par  la  hache-prés  {fig.  64  et  65),  dont  on  se  sert 
dans  les  prairies  pour  découper  les  gazons  aux  emplacements 


240  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


des  rigoles  d'arrosage.  En  deux  coups  de  cette  hache  on  onlèvo 
un  morceau  de  gazon  en  forme  de  coin  très  aigu,  au  fond  de 

l'emplacement  duquel  on  sème 

"^     i      les  graines.  Les  jeunes  semis  se 
j  \  ;      trouvent  dès  lors  entourés  et  pro- 
|[°"_      V    tégés  par  le  gazon. 

:    l-^-t  Lgg    niodes    d'exécution   (lue 

■/ /  nous  venons  de  passer  on  revue 

f^&==— .                U  j^g  rencontrent  aucune  applica- 

//  tion  dans  les  terrains  préparés 

Fig.65.-coupe.        //s  par  baudcs  ou  par  trous  défon- 

11  ;  ces    préalablement  ;    lors    donc 

//  ;  qu'on  se   trouve  dans  ces  con- 

//    :  ditions  spéciales,  le  mieux   est 

JJ ^^^  ;  d'opérer  en  employant  le  râteau 

à  tète  en  bois  dur  et  à  grandes 

Fiir.  64.  —  Ilache-prés.  ,        ,  „  r  ,  , 

dents  en  ter  assez  écartées  entre 
elles,  (^etoutilainsiconstruitestsuffisaninient  lourd  etri'sistant 
pour  permettre  d'en  user  au  besoin  comme  d'une  pioche,  mais 
à  condition  de  ne  donner  que  de  très  petits  coups  répétés. 

Pour  opérer,  on  commence  par  ratisser  le  dessus  de  la  bande 
ou  du  trou  afin  de  bien  en  abattre  les  aspérités  et  en  remplir  les 
creux.  On  sème  en  plein  sur  toute  la  surface  à  la  quelle  on  donne 
une  légère  façon  en  la  piochant  légèrement  avec  le  râteau;  par 
ce  moyen,  on  recouvre  convenablement  les  graines  sans  trop 
les  enterrer.  11  est  inutile  d'enlever  les  pierrailles  (jui  peuvent 
demeurer  à  la  surface  du  sol;  elles  ne  seront  ([ne  d'un  incon- 
vénient bien  minime  pour  le  semis,  au  moment  où  il  lèvera, 
mais  elles  protégeront  efiicacement  le  sol  contre  le  tassement 
par  les  grosses  pluies  et  contre  le  dessèchement  pendant  les 
grandes  chaleurs. 

FiCs  semis  à  demeure  par  bandes  ou  par  trous  ne  s'emploient 
guère  ([ue  dans  les  régions climatéri(|ues  inférieures,  la  chaude 
et  la  moyenne;  si,  dans  la  première,  la  sécheresse  est  surtout 


EXECUTION   DES  TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.    241 

dangerouse  pour  les  semis,  les  gelées  printanières  deviennent 
déjà  redoutables  dans  la  seconde.  Le  mode  de  semis  en  plein 
est  le  plus  avantageux  contre  ces  deux  dangers  ;  les  jeunes  su- 
jets, en  effet,  également  distribués  sur  la  surface  du  trou,  l'om- 
bragent mieux  au  moment  des  chaleurs  et  produisent,  au 
point  do  vue  de  la  résistance  aux  gelées,  un  résultat  bien  plus 
certain  que  s'ils  étaient  placés  en  lignes,  comme  Taurait  fait 
un  semis  à  la  binette. 

Dans  le  cas  où  les  conditions  de  sol  et  d'exposition  sont  très 
défavorables  au  point  de  vue  de  la  gelée,  on  mélange  avec 
avantage  de  la  graine  de  sainfoin  aux  graines  résineuses,  et 
l'on  obtient  ainsi  plus  de  fraîcheur  pendant  l'été  et  un  abri 
très  sérieux  contre  l'effet  du  refroidissement. 

Les  quantités  de  graines  à  semer  par  hectare  de  terrain  dé- 
pendent évidemment  de  la  disposition  des  bandes  ou  des 
trous  ;  il  est  donc  préférable  d'indiquer  ci-après  la  quantité  de 
graines  à  semer  par  are  de  terrain  défoncé  préalablement ,  en 
faisant  abstraction  des  parties  laissées  incultes  : 

Pour  le  pin  d'Alep  il  faudra 0^,  900  à  l'are. 

Pour  le  pin  maritime.  | l'',  500      — 

Pour  le  pin  sylvestre O'',  400      — 

Poui-  le  pin  d'Autriche Oi^,  700      — 

Pour  le  pin  laricio 0^,  700      — 

Un  homme,  dans  sa  journée  de  dix  heures,  peut  exécuter  en 
moyenne  le  semis  de  3  ares  de  bandes  ou  de  trous,  ce  qui,  à 
2  fr.  50  par  jour,  fait  85  centimes  auxquels  il  convient  d'ajou- 
ter 15  centimes  pour  frais  de  transport  des  graines  sur  le  chan- 
tier et  frais  d'approvisionnement  et  de  surveillance,  ce  qui 
élève  à  1  franc  le  prix  de  l'are  semé  après  défoncement. 

Enherbement.  —  L'enherbement  et  le  gazonnement  sont  des 
opérations  qui  ont  toutes  deux  pour  base  l'exécution  des  se- 
mis de  graines  fourragères,  mais  qui  diffèrent  essentiellement 
dans  leur  but. 

Tandis,  en  effet,  que  dans  la  seconde,  le  gazonnement,  on  se 

16 


242  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

propose  la  création  d'une  végétation  herbacée  susceptible  de 
fournir  au  pâturaj^^e  des  ressources  périodiques  et  perpétuelles, 
on  ne  recherche,  au  contraire,  par  la  première,  l'enherbement, 
qu'à  produire  une  végétation  herbacée  appelée  à  un  rôle  de 
protection  transitoire,  sans  faire  entrer  en  ligne  de  compte  la 
production  fourragère.  Aussi,  pour  bien  fixer  par  un  seul  mot 
la  distinction  qui  sépare  cette  opération  de  celle  du  gazonne- 
ment,  l'on  a  eu  recours  à  un  véritable  néologisme  en  adop- 
tant le  mot  enherbement,  qui  s'applique  à  la  production  de  la 
végétation  herbacée  employée  comme  auxiliaire  du  reboise- 
ment. 

Le  rôle  de  protection  que  l'enherbement  est  appelé  à  jouer 
est  double  :  d'une  part,  dans  les  terrains  à  surface  stable,  on 
peut  lui  demander  de  fournir  à  certains  jeunes  plants  un  abri 
tutélaire  contre  les  influences  atmosphériques;  d'autre  part, 
dans  les  terrains  à  surface  instable,  il  sert  à  fixer  provisoire- 
ment la  surface  du  sol  qu'il  défend  contre  l'érosion  des  eaux, 
et  qu'il  maintient  ainsi  autour  des  jeunes  plants  forestiers,  in- 
capables, dans  bien  des  cas,  de  le  conserver  à  eux  seuls  pen- 
dant les  premières  années  de  leur  végétation. 

C'est  donc  à  ces  deux  points  de  vue  que  doit  être  étudié 
l'enherbement. 

Le  sainfoin  commun  (esparcette)  est  l'espèce  de  planle  qui 
répond  le  mieux  au  but  qu'on  se  propose  dans  les  lorrains 
stables;  sa  croissance  rapide  dès  le  début,  son  tempérament 
robuste,  son  aire  d'habitation  et  son  peu  d'exigence  en  matière 
de  sols  le  rendent  très  précieux  pour  l'abri  à  fournir  aux  se- 
mis à  demeure  et  aux  semis  des  pépinières  volantes,  sur  les 
versants  exposés  aux  gelées  printanières.  Le  sainfoin  ainsi 
mélangé  aux  graines  forestières  pousse  beaucoup  plus  vite 
qne  les  jeunes  plants  ligneux,  comble  les  vides  qu'ils  laissent 
entre  eux,  les  protège  contre  les  grosses  pluies  d'orage  et  la 
grêle,  conserve  ainsi  à  la  surface  le  bénéfice  de  l'ameublisse- 
ment,  maintient  après  la  moindre  pluie  la  fraîcheur  du  sol  en 
le  mettant  à  l'abri  des  rayons  solaires,  de  l'évaporation  et  des 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     243 

grands  vents,  et  Ini  fonrnit  vers  la  fin  de  l'hiver,  au  moment 
le  plus  critique  du  gel  et  du  dégel,  une  couverture  suffisante 
pour  en  prévenir  les  désastreux  efFets. 

Une  série  d'expériences,  datant  de  plus  de  huit  années  con- 
sécutives et  opérées  dans  les  Basses-Alpes,  n'a  cessé  de  con- 
firmer les  bons  résultats  de  cette  méthode,  qui,  somme  toute, 
ne  fait  que  reproduire  artificiellement  les  conditions  naturelles 
que  présentent  exclusivement  les  terrains  où  les  semis  peu- 
vent végéter  dans  leur  première  jeunesse. 

Lorsque  le  sol  a  subi  une  préparation  préalable,  on  sème  le 
sainfoin  soit  en  plein,  soit  par  lignes,  selon  le  mode  adopté 
pour  les  graines  forestières. 

Lorsqu'il  s'agit  de  graines  résineuses,  on  peut  avantageuse- 
ment y  mêler  les  graines  de  sainfoin,  qui  ne  demandant  pas 
à  être  plus  recouvertes. 

On  facilite  ainsi  la  régularité  des  semis,  pour  peu  qu'on  ait 
soin  de  souvent  remuer  le  mélange  contenu  dans  les  sacs  des 
semeurs,  et  l'on  économise  une  énorme  quantité  de  graines 
résineuses  ;  car  il  n'est  pas  une  personne  ayant  fait  du  reboi- 
sement qui  n'ait  constaté  dans  tous  les  semis  par  trous  ou 
bandes  cette  alternative  :  ou  des  semis  trop  serrés  ou  un  in- 
succès complet,  dans  les  terrains  soumis  aux  effets  des  gelées 
printanières  ;  d'oîi  résulte  toujours  une  tendance  à  semer  très 
dru,  que  combat  l'emploi  du  sainfoin. 

Si  le  semis  des  résineux  est  exécuté  en  lignes  à  la  binette, 
on  opère  de  la  même  façon  pour  celui  du  sainfoin,  qui  four- 
nit une  série  de  lignes  intercalées  avec  les  premières.  Pour 
certains  résineux  on  exécute  même  souvent  le  semis  des  lignes 
de  sainfoin  une  année  à  l'avance,  de  manière  que  les  jeunes 
plants  forestiers  trouvent  un  abri  immédiatement  et  suffisant 
au  moment  où  ils  lèvent. 

Dans  les  semis  exécutés  par  potets,  sans  préparation  préa- 
lable du  sol,  on  emploie  très  utilement  le  sainfoin  en  mélange 
avec  les  résineux,  sur  les  points  où  les  gazons  sont  trop  clai- 
rières,  notamment  pour  les  semis  de  pin  cembro.  Dans  des 


244  rp:boisement  et  gazonnement. 

semis  exécutés  à  la  pioche  par  potets  à  1  mètre  do  distance, 
on  emploie  environ  30  kilogrammes  de  graines  de  sainfoin  à 
l'hectare. 

II  se  rencontre  très  souvent  dans  les  périmètres  des  versants 
qui,  sur  tout  ou  partie  de  leur  étendue,  et  bien  que  leur  sur- 
face soit  stable,  se  trouvent  presque  entièrement  privés  de 
toute  végétation.  Il  y  a  tout  intérêt  alors  à  débuter  par  un 
enherbement  préalable,  qui  peut  s'opérer  par  potets,  ou  même 
à  la  volée,  suivant  la  nature  et  la  déclivité  du  sol. 

Mais,  dans  ce  cas,  il  est  avantageux  de  mélanger  au  sain- 
foin diverses  graines  fourragères,  telles  que  la  fenasse  et  la 
bauc/ie. 

On  désigne  sous  le  nom  générique  de  fenasse  un  mélange 
de  diverses  graines,  notamment  des  graminées,  où  se  rencon- 
trent surtout  le  brome  des  prés,  la  pùnprenelle,  la  houque  molle, 
et  dont  le  fromental  {avoine  élevée)  forme  la  base  principale. 

La  bttuche  est  le  calamagrostis  argenté,  très  répandu  dans  les 
Alpes. 

Ces  diverses  graminées  ont  un  tempérament  robuste  et  pré- 
sentent sur  le  sainfoin  l'avantage  d'être  très  vivaces.  Celui-ci, 
en  effet,  disparaît  au  bout  de  trois  ou  quatre  ans,  s'il  n'a  pu 
se  régénérer  par  semis  naturel  ;  mais  il  possède  la  précieuse 
propriété  de  pousser  rapidement  et  de  fournir,  dès  la  première 
année,  aux  jeunes  semis  forestiers  l'abri  sérieux  qu'on  lui  de- 
mande, pour  une  durée  de  deux  ou  trois  ans  au  plus,  alors 
que  les  graminées  ne  peuvent  le  donner  qu'à  la  seconde  ou  la 
troisième  année. 

Si  donc  il  y  a  tout  intérêt  à  employer  le  sainfoin  seul,  lors- 
que l'on  n'a  besoin  que  d'un  abri  de  courte  durée,  il  vaut 
mieux  employer  les  graminées  si  l'abri  doit  durer  longtemps, 
ce  qui  a  précisément  lieu  aux  grandes  altitudes  où  la  végéta- 
tion ligneuse  est  très  lente.  Mais  il  n'en  faudra  pas  moins  se 
servir  de  sainfoin  en  mélange  avec  ces  graminées,  qui  sont 
d'un  tempérament  moins  robuste  et  auxquelles  il  fournira  une 
protection  presque  indispensable  pendant  la  première  année 


EXECUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.   245 

de  leur  croissance;  dans  ce  cas,  le  mélange  varie  de  75  à 
80  kilogrammes  de  sainfoin  pour  25  à  20  kilogrammes  de 
graminées. 

Pour  exécuter,  soit  sur  des  berges,  soit  sur  des  versants  dé- 
nudés, un  semis  de  fourragères  par  potcts,  on  constitue  un 
chantier  composé  do  groupes  de  trois  ouvriers,  dont  deux 
hommes  et  un  enfant  de  quinze  à  seize  ans  ou  une  femme  ; 
supposons-le  donc  de  24  hommes  (8  groupes  de  3)  dirigés  par 
un  chef  de  chantier. 

Dans  chaque  groupe  de  3  ouvriers,  deux  d'entre  eux  sont 
munis  de  la  pioche  et  le  troisième  d'un  sac  contenant  les  grai- 
nes fourragères  mélangées  préalablement,  suivant  le  dosage 
adopté. 

Gomme  toujours,  on  commence  par  en  haut,  et  le  semis 
doit  être  fait  par  polets  à  50  centimètres  de  distance  moyenne 
dans  les  lignes  horizontales,  ces  lignes  étant  écartées  entre 
elles  de  1  mètre. 

Les  groupes  marchent  en  virées  horizontales;  le  premier 
groupe  débute  ainsi  :  l'ouvrier  n°  1  fait,  avec  un  coup  bien 
asséné  du  taillant  de  sa  pioche,  un  trou  de  10  à  15  centimètres 
de  côté,  et  en  ouvre  un  second  à  50  centimètres  de  distance 
sur  la  ligne  horizontale.  Alors  l'ouvrier  n°  2  commence  une 
seconde  ligne  de  trous  espacés  de  1  mètre  de  la  première,  et 
place  ses  trous  de  façon  qu'ils  se  croisent  avec  ceux  du  des- 
sus; puis  l'ouvrier  n°  3  sème  une  pincée  de  graines  dans  cha- 
cun des  trous,  en  ayant  soin  de  bien  les  mélanger  avec  la  terre 
du  dessus  pour  les  recouvrir  très  légèrement. 

Le  deuxième  groupe  entre  en  ligne  quelques  instants  après 
les  débuts  du  premier  et  ainsi  des  autres. 

Les  virées  s'opèrent  à  l'aller  et  au  retour,  comme  nous 
l'avons  indiqué  pour  les  semis  de  résineux. 

En  admettant  un  mélange  de  75  kilogrammes  de  graines 
de  sainfoin  avec  25  kilogrammes  de  graines  de  fenasse,  un 
chantier  ainsi  organisé  pourra  parcourir  par  jour  de  travail 
une  étendue  de  1*'60'',  et  semer  160  kilogrammes  de  graines. 


246  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


La  dépense  se  décomposerait  ainsi  : 

1  journée  de  chef  de 

chantier  ;i  .  .  .  .  4  fr.  »  =  4  ir. 

-,  .      ,,  1       16  iournées  d'ouvriers 

Main- d  œuvre./  ■' 

piocheursà.   .    .    .  2  fr.  50  =  40  fr.     >.  ;  56  fr. 

8  journées  d'ouvriers 

semeurs   à  .    .    .    .   1  fr.  50  :=  12  fr. 

-,  ,  j      (     120'' degrrainesde  sain- 

V  aleurs       desi  ^..  „^,„         .    ^  % 

foin  à Ofr.  40  =i  48  fr.     ..  ] 

grames    ren-i       ^^^  ^^  graines  de  fe-  80  fr. 

dues  sur  place  I  "^     , 

^        (  nasse  a 0  fr.  80  =  32  fr.     ..  ) 

Total 136  fr. 


Ce  qui  donne  par  hectare  une  dépense  de  85  francs,  dont  : 

Pour  la  main-d'œuvre 35  fr. 

et  pour  les  graines 50  fr. 

Le  semis  à  la  volée  ne  doit  être  opéré  que  sur  des  pentes  qui 
ne  présentent  pas  une  déclivité  trop  exagérée. 

Avant  d'exécuter  ce  genre  de  semis,  on  prépare  le  sol  de  la 
manière  suivante  :  10  ouvriers,  tous  munis  de  pioches,  mar- 
chent en  virée  horizontale  par  lignes  espacées  de  4  mètre,  et 
d'un  coup  de  pioche  ouvrent  le  sol ,  à  chaque  pas  de  50 
à  60  centimètres;  un  semeur  (généralement  le  chef  de  chan- 
tier), placé  à  l'amont,  répand  à  la  volée  les  graines,  de  haut  en 
bas,  de  sorte  qu'elles  pénètrent  facilement  dans  le  sol  ameu- 
bli des  potets. 

Ce  chantier  peut  semer  par  jour  une  étendue  moyenne  de 
2  hectares  et  200  kilogrammes  de  graines. 

La  dépense  se  traduit  ainsi  : 

I     1  chef  de  chantier  à  4  fr.    »  =■    4  fr.     »    j 
Main-d  œuvre.   5  ,„     •     i  o  <■     ««        ot-  .•  (     2!»  fr. 

(  10  piocheurs  a    .    .    .  2  Ir.  50  =  25  Ir.     )■    ) 

i  Sainfoin  150"  ù  .   .   .   0  fr.  40  =  GO  fr.     »    , 

Graines.    ...   !  t.                (-m,  •              ,\  i.    on        m  r           .100  Ir. 
I  Fanasse     50»  a  .   .    .0  Ir.  80  =  40  Ir.     »    \ 

Total 120  fr. 

Ce  qui  donne  à  l'hectare  une  dépense  de  (ii  fr.  oO  cent., 
dont  : 


EXECUTION   DES   TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.   247 

Pour  la  main-d'œuvre 14  fr.  50 

et  pour  la  jjraine 50  (r.     » 

Ce  modo  de  semis  à  la  volée  peut  être  employé  utilement 
et  de  préférence  dans  des  sols  peu  compacts  et  rocailleux. 

Dans  les  terrains  à  surface  instable,  dont  le  type  le  plus 
complet  est  fourni  par  les  marnes  noires  du  lias,  et  qu'on  ren- 
contre d'ailleurs  dans  bon  nombre  de  berges  de  torrents  et  de 
ravins,  l'enberbement  a  pour  but,  avons-nous  dit,  de  produire 
rapidement  une  végétation  qui  mette  obstacle  à  l'entraîne- 
ment par  les  eaux  pluviales  des  matières  terreuses  très  fines, 
très  divisées  et  très  mobiles,  dans  lesquelles  s'opère  ou  doit 
s'opérer  le  reboisement  en  essences  forestières. 

On  conçoit  facilement  que,  sans  cette  armature  végétale,  les 
jeunes  plants  mis  en  terre  sur  des  pentes  souvent  très  redres- 
sées risqueraient  d'avoir  en  peu  de  temps  leurs  racines  dégar- 
nies du  sol  qui  est  appelé  à  les  nourrir  et  qu'elles  sont  inca- 
pables au  début  de  maintenir  à  elles  seules,  à  cause  de 
l'écartement  qu'on  est  fatalement  obligé  de  donner  aux  futurs 
arbres. 

Il  est  donc  rationnel  d'introduire,  dans  les  intervalles  des 
plants  forestiers,  une  végétation  transitoire  qui  maintienne, 
pour  quelques  années  au  moins,  la  surface  du  sol,  en  atten- 
dant que  leurs  racines  et  leur  couvert  puissent  y  suffire. 

Le  mélange  de  sainfoin  (^)  et  de  fenasse  ou  de  bauclie  (ij 
fournit,  dans  ce  cas,  le  plus  beureux  effet.  On  peut  le  semer 
par  trous,  comme  d'babitude,  mais  à  la  condition  de  ne  pas 
rejeter  les  terres;  sur  les  pentes  les  plus  raides,  le  mieux  est 
de  produire  une  simple  ouverture  avec  le  taillant  de  la  pioche. 
Mais,  la  plupart  du  temps,  ce  mode  de  semis  doit  céder  le  pas 
à  celui  dit  par  sillons  horizontaux. 

Pour  opérer  ce  semis,  on  constitue  un  chantier  composé 
d'un  certain  nombre  de  groupes  de  3  ouvriers,  dont  deux  pio- 
cheurs  et  un  semeur  (un  enfant  ou  une  femme).  L'ouvrier 
n°  1  commence  par  creuser  un  sillon  horizontal  de  f  0  à  12  cen- 
timètres de  largeur  environ  et  de  10  centimètres  de  profon- 


218  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

deur  au  plus;  quand  il  en  a  fait  quelques  mètres,  le  n°  2  en 
commence  un  autre  à  1  mètre  environ  au-dessous;  enfin  le 
n"  3  suit  le  mouvement  et  marche  sur  le  deuxième  sillon  qu'il 
sème  ainsi  que  le  premier. 

Les  autres  groupes  entrent  successivement  en  ligne  et  le 
chantier  opère  comme  toujours  par  virées  conduites  et  surveil- 
lées par  le  chef  de  chantier  placé  au  centre. 

Chaque  groupe  do  3  ouvriers  peut  ouvrir  et  semer  en 
moyenne,  dans  une  journée  de  dix  heures  de  travail, 
1,500  mètres  courants  de  sillons  qui  consomment  -21  kilo- 
grammes de  graines,  ce  qui  donne  li  kilogrammes  au  kilo- 
mètre courant. 

Un  chantier  composé  de  30  ouvriers,  soit  de  10  groupes, 
plus  son  chef,  peut  donc  ouvrir  en  une  journée  15  kilomètres 
de  sillons  et  semer  :210  kilogrammes  de  graines,  pour  une  dé- 
pense en  main-d'œuvre  s'établissant  ainsi  qu'il  suit  : 

1  journée  de  chef  de  chantier 4  fr. 

20  journées  de  piocheurs  à  2  fr.  50 50  fr. 

10  journées  de  semeurs  à  1  fr.  50 15  fr. 

Total 09  fr. 

Il  résulte  de  ces  données  que  le  prix  de  revient  du  kilomètre 
courant  de  sillons  se  décompose  ainsi  : 

1°  Main-d'œuvre '. 4  fr.  GO 

2°  Valeur  des»  11'',  20  de  sainfoin  à.  0  fr.  40    =  4fr.  48  )        .       _^ 
graines.    (     2^,  80  de  fenasse  à.  0  fr.  80    =  2  fr.  2i  i       *"    '"  '" 

Total 1 1  fr.  :!2 


Doù  Ton  peut  déduire  les  prix  suivants  à  l'hectare,  d'après 
la  dislance  qui  sépare  les  bandes  entre  elles,  pour  : 

1".00  d'écart.  113  fr.  30  dont  46  fr.  00  de  main-d'œuvre  et  67  fr.  20  p.  140  k.OO  de  graines. 

1  r,0      —        75      3.5  30     65  —  44      80        93     30  — 

2  00       —         56      30  23     00  —  33      00        70     00  — 

Ces  trois  écartements  sont  ceux  adoptés  le  plus  générale- 
mont,  car  ils  répondent  à  ceux  qu'on  emploie  pour  les  lignes 
de  plantation,  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin. 


EXÉCUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.    249 


Dans  les  terrains  les  plus  en  pente,  un  écartenient  de 
1  mètre  en  projection  horizontale  entre  les  lignes  remplit 
complètement  le  but  qu'on  se  propose.  Chaque  hgnc  de  four- 
ragères ne  tarde  pas  à  former  une  sorte  de  petite  haie  herbacée 
qui  retient  à  son  amont  les  parties  les  plus  mobiles  du  sol.  La 
vitesse  d'écoulement  que  peuvent  prendre  les  eaux  tombant  à 
la  surface  se  trouve  annulée  par  chacune  de  ces  haies,  par 
suite  de  la  division  et  de  l'arrêt  que  chacune  d'elles  produit 
sur  l'écoulement  superficiel,  qui  perd  toute  force  d'entraîne- 
ment ;  «  chaque  bj'in  d'herbe  remplit  une  fonction  à  peine  ap- 
préciable, qui,  multipliée,  conduit  à  un  résultat  d'une  (jrande 
valeur^.  » 

Les  semis  d'enherbement  dans  les  terrains  à  surface  stable 
peuvent  être  faits,  soit  en  automne,  soit  au  printemps,  selon 
les  conditions  locales  spéciales  aux  terrains  qui  les  réclament. 

Les  semis  d'automne  doivent  être  opérés  de  très  bonne 
heure,  et,  sur  les  grandes  altitudes,  il  vaut  mieux  les  entre- 
prendre dès  le  45  août,  caries  neiges  arrivent  souvent  vers  la 
fin  de  septembre. 

Les  semis  de  printemps  doivent  être,  eux  aussi,  exécutés  au 
début  de  la  saison. 

Mais,  dans  les  terrains  à  surface  instable,  il  est  indispensa- 
ble de  réserver  exclusivement  tous  les  semis  pour  le  milieu  du 
printemps,  afin  de  laisser  les  graines  en  terre  le  moins  long- 
temps possible  avant  la  germination;  il  est,  en  outre,  essentiel 
de  n'opérer  qu'au  moment  oii  le  sol  encore  frais  et  même 
humide  permet  aux  ouvriers,  sur  les  pentes  abruptes,  une  cir- 
culation relativement  facile,  qui  deviendrait  impossible  par  la 
sécheresse.  Le  sol  d'ailleurs  se  travaille  mieux  et  présente  plus 
d'assiette  pour  les  graines. 

Des  Pépinières.  —  On  désigne  sous  le  nom  de  pépinières  des 
terrains  spécialement  choisis  et  préparés  pour  y  élever,  en 

1.  —  Viollet-le-Duc,  Le  Massif  du  Mont-Blanc,  p.  243.  (Baudry,  éditeur, 
1876.) 


250  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

sécurité  et  dans  les  conditions  les  plus  favorables  à  leur  re- 
prise, les  plants  d'essences  forestières  nécessaires  aux  travaux 
do  plantations. 

L'importance,  la  nature  et  la  durée  des  soins  à  donner  aux 
jeunes  plants  sont  susceptibles  de  variations,  car  elles  dépen- 
dent des  exigences  de  l'essence  et  du  mode  de  plantation  <iui 
sera  employé. 

Il  y  a  telles  essences  qui,  à  la  suite  d'un  simple  semis  et 
sans  aucuns  soins  culturaux  ultérieurs,  peuvent  fournir,  au 
bout  d'un  an  ou  deux,  des  sujets  présentant  les  conditions  les 
plus  favorables  au  succès  d'une  bonne  plantation.  Il  en  est 
d'autres,  au  contraire,  dont  les  semis  réclament  des  soins 
tout  spéciaux,  qui  entraînent  à  des  travaux  de  culture  parfois 
importants. 

D'autre  part,  une  pépinière  peut  être  destinée  à  fournir  les 
plants  nécessaires,  soit  à  un  seul  périmètre  ou  à  une  de  ses 
divisions,  soit  à  un  ensemble  de  périmètres  situés  dans  une 
région  donnée. 

Ces  conditions  multiples  ont  déterminé  deux  grandes  caté- 
gories dans  les  pépinières  : 

1°  Les  pépinières  volantes  ou  locales,  appelées,  le  plus  sou- 
vent, à  ne  produire  qu'en  une  ou  deux  fois  les  plants  néces- 
saires à  un  terrain  donné  et  n'exigeant  d'ailleurs  aucun  des 
soins  culturaux  obligés  dans  les  pépinières  centrales; 

2°  Les  \)(i\nmbic?' peiTnanentes  ou  centrales,  qui  ont  pour  but 
la  production  des  plants,  de  tout  âge  et  do  tous  genres,  né- 
cessaires aux  travaux  dans  une  région  déterminée,  et  destinés 
à  ôtre  expédiés  par  les  moyens  do  transport  on  usage  dans  la 
localité. 

Avant  d'entrer  dans  l'examen  détaillé  de  ces  deux  catégo- 
ries (le  pépinières,  il  est  indispensable  d'oxposer  quol([ues  con- 
sidérations préliminaires  sur  les  conditions  (|uo  doivent  |)ré- 
senter  les  sujets  demandés  aux  pépinières  j);ir  la  plantation. 

Certaines  essences  doivent  ètn-  l'objet  do  7-ejtiquaf/es  ou  rigo- 
lages.  On  désigne  ainsi  l'opération  qui  consiste  à  transplanter, 


EXECUTION   DES  TRAVAUX   DE   REBOISEMENT.  251 

en  lignes  bien  régulières  et  suivant  un  espacement  voulu,  les 
jeunes  sujets  fournis  i)rtr  les  semis,  et  qui  a  pour  but,  soit  de 
procurer  ainsi  à  leurs  racines  un  cbevelu  plus  abondant  et  dès 
lors  des  chances  de  reprise  plus  complètes,  soit  en  outre  d'ob- 
tenir, si  les  plants  doivent  être  âgés,  les  conditions  de  végéta- 
tion les  mieux  équilibrées. 

Les  essences  non  résineuses  et  à  feuilles  caduques  sont 
presque  toutes  repiquées  en  pépinière,  sauf  quelques  rares 
exceptions.  Les  essences  résineuses,  au  contraire,  peuvent 
être  employées  sans  cette  précaution  que  l'épicéa  seul  exige 
dans  certains  cas  spéciaux. 

De  cette  distinction  il  résulte  déjà  naturellement  que  les 
essences  feuillues  forment  le  but  principal  de  la  culture  dans 
les  pépinières  permanentes,  tandis  que  les  essences  rési- 
neuses sont  plus  particulièrement  confinées  dans  les  pépi- 
nières locales. 

L'emplacement  d'une  pépinière  pej^manente  doit  répondre 
aux  conditions  suivantes  : 

1°  Se  trouver  dans  une  position  aussi  centrale  que  possible 
par  rapport  aux  différents  périmètres  qu'elle  devra  approvi- 
sionner en  tout  ou  en  partie  ; 

2"  Présenter  un  accès  facile  aux  moyens  de  transport  des 
plants  ainsi  que  des  engrais  et  des  amendements  à  y  employer; 

3"  Être  à  portée  de  la  résidence  ordinaire  d'un  agent  fores- 
tier qui,  sans  perte  de  temps,  pourra  constamment  en  surveil- 
ler l'entretien  ; 

i°  Posséder  un  sol  d'une  fertilité  moyenne  ou  meilleure 
encore,  car  elle  doit  produire  des  plants  vigoureux  et  bien 
équilibrés,  très  aptes  à  une  reprise  certaine  et  prompte  ; 

5°  Ne  pas  occuper  des  fonds  bas  et  humides  où  les  gelées 
sont  le  plus  à  redouter,  mais  au  contraire  des  versants  à  pen- 
tes très  douces,  exposés  le  plus  possible  à  l'est  ou  au  nord-est, 
afin  d'éviter  une  trop  grande  précocité  dans  la  pousse  du  prin- 
temps et  un  trop  grand  prolongement  de  la  végétation  à 
l'automne  ; 


252  RE|BOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

G°  Être  susceptible  d'irrigation  à  l'eau  courante,  surtout 
dans  les  régions  à  climat  sec,  afin  qu'il  soit  possible  de  parer 
aux  dangers  que  produisent  souvent  les  sécheresses  précoces 
du  printemps  ou  continues  de  l'été; 

7°  Présenter  une  surface  aussi  homogène  et  un  périmètre 
aussi  régulier  que  possible,  permettant  une  bonne  division  et 
facilitant  la  clôture. 

L'ensemble  de  ces  conditions  ne  se  rencontrant  jamais  dans 
un  périmètre  de  reboisement,  on  est  toujours  obligé  de  le  re- 
chercher dans  des  propriétés  cultivées  qu'on  loue  ou  mieux 
que  l'on  achète  chaque  fois  que  c'est  possible. 

L'emplacement  une  fois  déterminé,  le  premier  travail  à  faire 
consiste  à  le  partager  en  un  certain  nombre  de  grandes  divi- 
sions au  moyen  de  chemins  de  2™, 50  à  3  mètres  de  largeur, 
permettant  aux  charrettes  de  circuler  en  tous  sens. 

Gela  fait,  on  partage  chacune  des  grandes  divisions  en  car- 
rés ou  en  rectangles  d'une  surface  de  10  à  15  ares,  séparés 
entre  eux  par  de  petits  chemins  ayant  1  mètre  de  largeur, 
pour  les  rendre  accessibles  à  la  circulation  des  brouettes. 

Les  carrés  une  fois  tracés,  on  procède  au  nivellement  des 
chemins  grands  et  petits  et  on  le  combine  de  façon  à  rendre, 
d'une  part,  inolfonsif  l'écoulement  des  grandes  eaux  pluviales 
et  à  permettre,  d'autre  part,  l'irrigation  facile  des  carrés  cir- 
conscrits par  ces  chemins. 

On  entreprend  alors  le  premier  défoncement  des  carrés  en 
se  guidant  sur  le  nivellement  opéré  sur  les  chemins,  et  on 
l'opère  à  la  bêche,  à  la  houe  ou  à  la  pioche,  selon  les  cas,  en 
lui  donnant  une  profondeur  maxima  de  40  centimètres,  après 
avoir  eu  soin  d'étendre  au  préalable  une  bonne  couche  de  fu- 
mier sur  la  surface  du  sol  à  défoncer.  L'époque  la  plus  favora- 
ble pour  ce  genre  de  travail,  si  les  conditions  climatériques  ne 
s'y  opposent  pas,  est  du  1"  novembre  au  15  mars.  Les  terrains 
préparés  pendant  cette  période  subissent  les  influences  du  gel 
et  du  dégel,  et  se  trouveront,  au  moment  où  Ion  voudra  exé- 
cuter les  travaux,  dans  les  meilleures  conditions  de  mise  en 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.  2ï:i 

culture.  Un  simple  labour  suivi  d'un  coup  de  râteau  suffira 
alors  pour  mettre  le  terrain  à  môme  d'être  livré  aux  semis  ou 
aux  repiquages. 

Le  prix  de  revient  de  ce  défoncement,  en  prenant  l'are  pour 
unité,  peut  être  indiqué  ainsi  pour  un  terrain  moyen  : 

3  journées  d'homme  à  2  fr.  50 7  fr.  50 

Fourniture  et  transport  de  O^^jSOO  de  fumier  à 

10  francs  le  mètre  cube 5  fr.    » 

— —  de  journée  d'homme  pour  le  répandre  à  la 

surface 0  fr.  50 

Total  par  are  pour  le  défoncement  ...     13  fr.    » 


Le  prix  de  revient  du  labour  destiné  à  mettre  le  sol  en  état 
sera  le  suivant  : 

1  journée  d'homme  à  2  fr.  50 2  fr.  50 

Ratissage  et  nivellement  définitif  avant  exécution, 

2 

-j-Q-  de  journée 0  fr.  50 

Prix  de  revient  pour  l'are     ....     3  fr.    » 


Le  prix  de  chacun  des  labours  ultérieurs  qu'on  aura  à  exé- 
cuter sera  nécessairement  augmenté  de  la  valeur  des  fumiers 
ou  des  amendements  qu'on  y  emploiera  et  qu'on  peut  estimer 
à  5  francs,  ce  qui  donnera  8  francs  à  l'are  pour  chaque  labour 
nouveau. 

On  construit,  dès  le  début,  plusieurs  fosses  à  parois  maçon- 
nées qu'on  destine  à  recevoir  le  fumier  et  le  terreau  nécessai- 
res aux  semis  et  plantations. 

Ces  fosses  sont  mises  à  l'abri  de  la  pluie  et  construites  de 
manière  que  les  eaux  extérieures  ne  puissent  s'y  infiltrer;  on 
est  toujours  certain  alors  de  trouver  le  terreau  prêt  à  être 
passé  à  la  claie  et  facile  à  diviser,  ce  qui  n'aurait  pas  lieu  s'il 
était  trop  humide.  Pour  accélérer  la  décomposition  du  fumier, 
on  l'arrose  au  besoin,  et  l'on  peut  ainsi  doser  la  quantité  d'eau 
qu'il  reçoit. 

Pour  confectionner  le  terreau,  on  alterne,  dans  les  fosses,  le 


254  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

fumier  avec  du  sablo,  par  couches  de  15  centimètres  d'épais- 
seur pour  le  fumier  et  de  5  centimètres  pour  le  sable.  Le  ter- 
reau ainsi  confectionné  est  bon  à  être  employé  au  bout  d'un 
an  de  stratification. 

En  admettant  que  le  fumier  et  le  sable  soient  à  une  distance 
moyenne  de  2  kilomètres  do  la  pépinière,  un  tombereau  à  un 
collier  pourra  transporter,  dans  une  journée,  3  mètres  cubes 
de  fumier  et  1  mètre  cube  de  sable  ;  le  prix  de  revient  des 
■4  mètres  cubes  de  terreau  confectionnés  s'établira  ainsi  qu'il 
suit  : 

Transport  de  3  mètres  cubes   de   fumier  et  de 

1  mètre  cube  de  sable  ;  1  toml)ereau  à  uu  collier.  6  fr.  >■ 

Valeur  du  fumier,  3  mètres  cubes  à  8  francs  l'un.  24  fr.  « 

Valeur  du  sable,  1  mètre  cube  à  1  franc    ....  1  fr.  » 

2 

Mise  en  fosse,  1  journée  -j-j- d'homme  à  2  fr.  50  . 
la  journée 3  fr.     •< 


DÉPENSE  pour  4  mètres  cultes  de  terreau.     34  fr. 


D'où  il  résulte  une  valeur  do  8  fr.  50  cent,  par  mètre  cube 
de  terreau  en  fosse. 

Si  l'on  y  ajoute  le  prix  de  la  main-d'œuvre  nécessaire  pour 
passer  à  la  claie  1  mètre  ciibe  de  terreau  au  moment  de  l'em- 
ploi, qui  est  de  -^  de  journée  d'homme,  soit  1  fr.  50. ,  on 
obtient  1 0  francs  pour  la  valeur  du  mèlre  cube  de  terreau  prêt  à 
être  utilisé. 

Pour  tous  les  semis,  quels  qu'ils  soient,  à  exécuter  dans  un 
carré  donné,  on  prépare  b^  sol  par  planches  parallèles  ayant 
une  largeur  maxima  de  l'°,'20  et  séparées  entre  elles  par  des 
petits  sentiers  de  largeur  variable,  destinés  à  permettre  aux 
ouvriers  d'opérer  tous  les  sarclages  utiles  dans  les  planches, 
sans  y  pénétrer  et  sans  dès  lors  risquer  d'abîmer  les  jeunes 
plants. 

Les  résineux  qu'on  peut  avoir  à  élever  dans  les  pépinières 
centrales  n'y  trouvent  pas  toujours  les  conditions  de  climat  de 
leur  aire  d'habitation,  et  les  différences  s'accentuent  d'autant 


EXECUTION   DES   TRAVAUX   DE    REBOISEMENT.   255 

plus  ([ue  les  essences  appartiennent  à  des  altitudes  plus  éle- 
vées. 

On  peut  cependant  être  amené  à  produire  des  jeunes  plants 
de  ces  différentes  essences  dans  les  pépinières  centrales,  et  il 
faut  alors  avoir  recours  à  certaines  précautions  qui,  pour  bon 
nombre  d'entre  elles,  facilitent  singulièrement  le  succès.  Lors 
donc  qu'on  aura  à  redouter  l'effet  des  vents  ou  du  soleil,  on 
opérera  comme  il  suit  : 

On  divisera  le  carré  par  des  lignes  espacées  entre  elles  de 
l^.SO.  Le  long  de  chacune  de  ces  lignes  et  à  une  distance  de  40 
â  50  centimètres  on  plantera,  soit  des  boutures  de  peupliers, 
soit  des  plants  de  feuillus  de  1  mètre  de  hauteur  environ,  de 
manière  à  former  une  série  de  rideaux  destinés  à  abriter  les 
semis  contre  les  dangers  que  l'on  redoute.  Ces  plants,  qui 
pourront  être  renouvelés  tous  les  trois  ans,  seront  employés 
ultérieurement  comme  hautes  tiges,  au  besoin,  dans  certains 
travaux. 

De  chaque  côté  des  lignes  d'abri  ainsi  formées,  on  réservera 
un  petit  sentier  de  30  centimètres  de  largeur,  de  sorte  que  la 
planche  à  semer  conservera  une  largeur  de  1™,20. 

Les  graines  seront  alors  semées  par  sillons,  espacés  entre 
eux  d'axe  en  axe  de  12  centimètres,  ce  qui  donnera  11  sillons 
pour  la  planche  entière. 

Les  lignes  de  feuillus  ou  de  boutures  destinés  à  servir  d'abri 
aux  jeunes  plants  devront  être  plantées  avant  le  commence- 
ment de  l'exécution  des  semis,  afin  que  ceux-ci  ne  puissent 
souffrir  aucun  dégât  résultant  de  l'opération. 

La  saison  la  plus  favorable  pour  l'exécution  de  ce  genre  de 
semis  varie  du  15  mars  à  fin  avril.  On  profitera,  dès  le  beau 
temps,  du  moment  où  la  terre  sera  assez  ressuyée  à  la  surface, 
tout  en  ayant  encore  une  fraîcheur  intérieure  suffisante  pour 
une  prompte  germination.  Les  graines  lèvent  au  bout  de  dix- 
huit  à  vingt-quatre  jours  si  la  fraîcheur  est  bonne  et  la  chaleur 
suffisante. 

Pour  exécuter  rapidement  un  semis  de  pin,  par  exemple, 


25()  REBOISEMENT  ET  OAZONNEMENT. 

une  fois  le  terrain  cultivé  et  les  planches  préparées,  la  meil- 
leure disposition  est  de  composer  le  chantier  par  groupes  de 
quatre  ouvriers.  Le  n"*  1 ,  muni  d'un  cordeau,  le  place  à  30  centi- 
mètres de  distance  de  la  ligne  de  feuillus  ou  de  boutures  plantés 
à  une  dos  extrémités  d'un  carré  ;  il  trace  ensuite  au  moyen 
d'une  binette  un  sillon  de  1  à  2  centimètres  au  plus  de  profon- 
deur, en  suivant  la  ligne  du  cordeau.  Dès  qu'il  a  terminé,  il  le 
place  à  12  centimètres  de  distance  de  la  ligne  tracée,  creuse  un 
deuxième  sillon  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  la  fin  de  l'opération. 
Pour  que  les  intervalles  des  lignes  soient  uniformes  aux  doux 
extrémités  et  afin  que  celles-ci  soient  toujours  à  angle  droit 
avec  le  carré,  le  préposé  chargé  des  travaux  remet  au  sillon- 
neur  deux  baguettes  droites  ayant  30  centimètres  de  longueur 
pour  servir  à  donner  la  largeur  des  sentiers,  et  deux  autres  de 
12  centimètres  pour  les  intervalles  des  lignes.  On  on  laisse  une 
à  chaque  extrémité  et  près  du  cordeau  ;  l'ouvrier  est  ainsi  dis- 
pensé de  les  transporter  à  chaque  changement.  Le  n°  2  (ordi- 
nairement une  femme)  suit  le  sillonneur,  et,  portant  la  graine 
dans  un  sac-tablier,  il  la  répand  aussi  uniformément  que  pos- 
sible sur  toute  la  longueur  du  sillon.  Le  n"  3  (aussi  une  femme), 
muni  d'un  léger  râteau,  rabat,  avec  le  dos  de  cet  instrument, 
les  ados  formés  par  le  creusement  du  sillon  et  couvre  très 
légèrement  les  graines.  Puis  il  étend  sur  la  planche  entière 
une  couche  de  terreau  qui  ne  doit  pas  excéder  1  centimètre. 
Le  quatrième  ouvrier  apporte  en  brouette  le  terreau  à  pied 
d'œuvre. 

L'opération  marche  rapidement,  car  chaque  ouvrier  n'a  à 
s'occuper  que  du  môme  travail,  sans  jamais  changer  d'instru- 
ment. 

Le  prix  de  revient  du  semis  de  résineux  s'établit  à  l'are, 
comme  il  suit  : 

Dans  la  journée,  un  homme  peut  sillonner  125  mètres  carrés 
de  terrain  préparé,  que  les  deux  femmes  sèment  et  ratissent  à 
la  suite. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX   DE   REBOISEMENT.     237 

D'où  il  résulte  que  pour  semer  1   are,  il   faut  : 

de  iournée  de  sillouneur  à  2  fr.  50.   .   .   .       2  fr.     » 

I  0        •' 

de  journée  de  léuime  iiour  réi):iudre  la  iri'ftiue, 

à  1  fr.  oO 1  fr.  20 

de  journée  de  femme  pour  couvrir  les  ligues 

au  râteau  et  au  terreau 1  fr.  20 

A  quoi  on  doit  ajouter—^  de  journée  d'homme 

pour  apporter  eu  brouette  le  terreau  à  pied  d'œuvre     1  fr.     » 

La  valeur  du  terreau  :— -mètre  cuVie  à  10  francs,     o  fr.     » 

Total 10  fr.  40 


Aussitôt  que  les  jeunes  semis  sont  entièrement  levés,  Ton 
ajoute  à  la  protection  qui  leur  est  fournie  par  les  lignes  de 
feuillus  existant  à  chaque  extrémité  de  la  planche,  un  nouvel 
abri  qui  consiste  à  garnir  les  intervalles  des  lignes  avec  de  la 
mousse  fraîche,  si  l'on  peut  s'en  procurer  à  proximité. 

Cette  opération  présente  l'avantage  :  1°  de  garantir  le  sol 
contre  le  croùtement,  et  par  suite  de  prévenir  les  fréquents 
binages  que  les  semis  nécessiteraient  pendant  l'été  ;  2"  d'em- 
pêcher, dans  une  large  mesure,  la  pousse  des  mauvaises  plan- 
tes et  d'économiser  ainsi  une  partie  des  sarclages  ;  3°  de  ga- 
rantir les  plants  contre  les  fortes  pluies  et  grêles  d'orage,  et 
surtout  contre  la  sécheresse,  en  conservant  au  terrain  une 
partie  de  sa  fraîcheur,  et  de  diminuer  ainsi  ou  même  suppri- 
mer parfois  les  arrosages. 

Le  prix  de  revient  à  l'are  est  le  suivant  : 

Achat  de  100  kilogrammes  de  mousse,  prixmoj'ea    2  fr.     » 
1  jouruee  _j:_  (ig  femme  pour  la  placer  dans  les  in- 
tervalles des  litrnes 1  fr.  80 


Total  pour  1  are 3  fr.  80 

Les  jeunes  semis,  une  fois  levés,  doivent  être  protégés  con- 
tre les  ravages  des  oiseaux,  qui  en  sont  très  friands.  Pour  les 
éloigner,  on  fait  circuler  tout  autour  du  carré  semé  un  jeune 

17 


2.-;8  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


ouvrior  muni  d'un  fouet  qu'il  fait  claquer  fréquemment,  ou 
(lun  pistolet  qu'il  tire  à  blanc  de  temps  à  autre.  Cette  pré- 
caution est  des  plus  utiles,  car  les  épouvantails  ne  produisent 
qu'un  effet  très  court  et  peu  efficace. 

Pendant  l'été  et  suivant  les  circonstances,  les  semis  devront 
être  sarclés  et  irrigues. 

L'opération  du  sarclage,  si  les  semis  ont  été  garnis  de  mousse, 
sera  facile  et  peu  dispendieuse.  Une  femme,  dans  une  journée 
payée  1  fr.  50  ,  peut  facilement  nettoyer  4  are  et  demi  de 
terrain  en  moyenne.  Ce  travail,  qui  n'aura  pas  besoin  d'être 
répété  plus  d'une  fois  dans  le  courant  de  la  saison,  reviendra 
donc  à  2  francs  par  are. 

L'irrigation  des  semis  exécutés  par  planches  est  peu  coû- 
teuse. Un  ouvrier  creuse  au  bord  et  de  chaque  côté  des  lignes 
de  semis  un  sillon  peu  profond  dans  lequel  il  dirige  une  petite 
quantité  d'eau  qu'il  y  laisse  assez  longtemps  pour  que  la  plan- 
che entière  soit  imbibée  d'eau  entre  deux  terres,  par  suite  de 
la  liltration,  sans  que  l'eau  puisse  couler  à  la  surface,  ce  qui 
serait  nuisible  et  parfois  dangereux.  Pendant  les  années  ordi- 
naires, deux  arrosages,  pratiqués  à  des  époques  bien  choisies, 
sont  suffisants  pour  entretenir  en  bon  état  de  fraîcheur  un 
carré  de  semis. 

Le  prix  de  revient  de  l'irrigation  n'excède  pas  1  franc  par 
are,  attendu  que  l'ouvrier  chargé  de  ce  travail  peut,  une  fois 
que  l'eau  est  dispersée  dans  i)lusiours  planches,  creuser  les 
sillons  suivants  au  fur  et  à  mesure,  et  se  livrer  même  au  sar- 
clage des  planches  ou  à  d'autres  travaux  de  cullure  ou  d'en- 
tretien à  proximité. 

Les  semis  résineux  peuvent  parfois  servir  aux  rcpiMijjlciucnls 
dés  leur  première  année.  Ils  ne  doivent  pas  en  général  rester 
plus  de  deux  ans  en  pépinière,  sans  (pioi  il  y  aurai!  riscpie  de 
déchels  nombreux. 

Les  jeunes  résineux  dnivenl  élre  plantés  au  printemps; 
c'est  donc  à  cette  saison  et  au  fur  et  à  mesure  des  besoins 
qu'a  lieu    l'arrachage,    qui    constitue    une    opération  assez 


EXECUTION   DES  TRAVAUX   DE   REBOISEMENT.     259 

délicate.  Pour  y  procéder,  un  ouvrier  muni  d'une  pioche  ou 
d'une  houe  entame  hi  planche  à  une  de  ses  extrémités;  la 
jauge  ouverte  doit  être  assez  profonde  pour  que  les  racines 
soient  arrachées  en  entier  sans  être  brisées  et  que  l'ouvrier 
puisse  détacher  facilement  les  plants  en  mottes  qu'il  sépare 
ensuite  avec  précaution.  Les  jeunes  plants  sont  places  au  fur 
et  à  mesure,  avec  le  plus  grand  soin,  dans  des  corbeilles  pour 
être  expédiés  au  lieu  de  transplantation.  Autant  que  possible 
ils  sont  disposés  par  paquets  ou  touffes,  et  dans  le  même  sens 
pour  que  la  terre  restée  adhérente  aux  racines  leur  conserve 
une  fraîcheur  suffisante  et  assure  leur  reprise  dans  une  cer- 
taine mesure.  On  doit  éviter,  le  plus  possible,  l'obligation  de 
mettre  en  jauge  les  jeunes  résineux  qu'il  importe  de  planter 
le  plus  tôt  possible  après  leur  arrachage. 

Le  prix  de  revient  de  l'arrachage  peut  être  évalué  approxi- 
mativement comme  ci-après,  à  l'are  : 

1  iournée— i-cl'ouvrier  payé  2  fr.  50 3  fr.  50 

1  journée  de  femme  pour  mise  en  corbeilles.   .    .       1  fr.  50 
Total 5  fr.     .. 


D'après  les  données  qui  précèdent,  la  dépense  totale  par 
are  de  résineux  élevés  en  pépinière  et  prêts  à  être  expédiés 
sera  la  suivante,  en  ne  tenant  pas  compte  des  frais  de  premier 
établissement  : 

Culture  préalal)le  du  sol,  1  are  avec  fumier.   .  .  8  fr.    » 

Exécution  du  semis 10  fr.  40 

Fourniture  et  pose  de  la  mousse 3  fr.  80 

2  sarclages  pendant  l'été  et  entretien  de  la  mousse.  2  fr.     » 

2  arrosages  en  moyenne 2  fr.     » 

Total 20  fr.  20 


Un  semis  de  résineux,  d'une  bonne  réussite  moyenne,  peut 
donner,  selon  les  essences,  de  200  à  500  plants  au  mètre 
carré,  soit  de  50,000  à  50,000  à  l'are,  d'oii  il  résulte  que  le 


2C0  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

mille  de  plants  varie  do  52  centimes  à  1  fr.  30  cent.,  non  com- 
pris la  valeur  de  la  graine  employée. 

Les  quantités  des  graines  désailécs  nécessaires  à  l'are  sont 
les  suivantes  pour  chacune  des  essences  ci-après  : 

Pin  d'Alep 5  kilog. 

Pin  noir 4  — 

Pin  sylvestre 3  — 

Pin  à  crochets .'}  — 

Epicéa 3  — 

Mélèze 8  — 

Pin  cembro 2o  — 

Cèdre; 8  — 

En  général,  les  semis  d'essences  feuillues  peuvent  se  passer 
de  l'abri  fourni  par  les  lignes  de  plants  recommandées  pour 
les  résineux.  Leur  végétation  est  en  effet  plus  rapide  et  leur 
tempérament  plus  robuste  ;  elles  sont  presque  toujours  placées 
dans  leur  milieu  ordinaire,  et,  si  elles  viennent  à  souffrir  de 
la  sécheresse,  une  simple  irrigation  les  remet  rapidement  en 
bon  état. 

Los  planches  de  semis,  tout  en  conservant  la  largeur  nor- 
male de  1°',20,  ne  sont  donc  séparées  que  par  la  distance  de 
30  centimètres  réservée  aux  petits  sentiers.  Elles  peuvent  sans 
inconvénient  être  plus  longues  que  celles  destinées  aux  rési- 
neux, qu'il  importe  de  tenir  courtes  à  cause  des  soins  que  ré- 
clament les  jeunes  semis;  on  leur  donne  dès  lors,  le  plus  sou- 
vent, la  longueur  du  carré  même  qu'elles  occupent,  tandis 
que  celles  dos  résineux  n'en  dépassent  guère  la  moitié. 

Les  planches,  n'étant  i)lns  indiquées  à  l'avance  par  des 
plantations  en  lignes,  sont  tracées  "en  inênic  toiii])s  (juc  les 
sillons. 

On  opère  économiquement  on  procédanl  coniinr  il  suit  : 

L'atelier  se  compose  de  quatre  ouvriers  :  doux  hommes 
pour  sillonner  et  deux  femmes  pour  semer.  On  remet  aux 
deux  hommes  un  cordeau,  une  binette  et  trois  mesures,  la 
première  pour  la  largeur  de  la  planche,  la  deuxième  pour  celle 
du  sentier  ot  la  troisième  pour  la  distance  dos  lignes  entre 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX   DE   REBOISEMENT.    261 

elles;  ccllo-ci  doit  ôtrc  contenue  danslalargonr  do  la  i)lanche 
autant  do  fois  qno  l'on  vont  y  faire  do  lignes.  Les  ouvriers  se 
placent  chacun  à  une  dos  extrémités  de  la  face  du  carré  à  en- 
tamer; ils  tendent  le  cordeau  au  point  de  départ  indiqué  en 
enfonçant  en  terre  le  piquet  qui  se  trouve  à  chacun  de  ses 
bouts  ;  ils  marquent  la  largeur  do  la  planche  en  étendant  la 
première  mesure  perpendiculairement  au  cordeau,  puis  sui- 
vant le  cordeau,  avec  leur  binette,  ils  ouvrent  le  sillon,  en  al- 
lant à  reculons  l'un  contre  l'autre  jusqu'à  ce  qu'ils  se  rencon- 
trent; s'ils  travaillent  tous  les  deux  de  la  môme  main,  l'un  des 
deux  commence  au  milieu  de  la  longueur  de  la  planche  et  mar- 
che alors  dans  la  même  direction  que  l'autre.  Au  fur  et  à  me- 
sure que  les  ouvriers  ouvrent  le  sillon,  les  femmes  y  sèment 
la  graine  bien  au  miheu.  Le  premier  sillon  semé,  les  ouvriers 
changent  le  cordeau  et  le  placent  à  la  distance  donnée  par  la 
troisième  mesure;  ensuite  ils  creusent  le  deuxième  sillon,  et 
les  femmes  le  sèment  de  la  même  manière  que  le  premier.  Les 
ouvriers  enterrent  les  graines  du  premier  sillon  en  même 
temps  qu'ils  creusent  le  deuxième;  pour  cela,  ils  n'ont  qu'à 
aplanir  adroitement,  avec  un  côté  de  leur  binette  tournée  de 
champ,  le  petit  talus  qui  sépare  les  deux  sillons,  et  ils  conti- 
nuent ainsi  jusqu'à  la  fin  du  semis  de  la  première  planche; 
celle-ci  terminée,  les  hommes,  avec  la  deuxième  mesure,  mar- 
quent les  30  centimètres  de  chemin  en  partant  du  point  indi- 
qué pour  la  largeur  de  la  première  planche,  et  entament  le 
travail  dans  la  deuxième  planche,  et  ainsi  de  suite. 

Les  sillons  doivent  être  creusés  plus  ou  moins  profonds, 
selon  le  semis  que  l'on  veut  faire  :  pour  les  graines  légères, 
telles  que  celles  d'orme,  de  bouleau,  il  suffit  de  1  centimètre; 
les  graines  assez  lourdes,  mais  petites,  telles  que  celles  de 
robinier  et  de  cytise,  demandent  de  2  à  2  centimètres  et  demi; 
les  graines  lourdes  et  charnues,  qui  se  sèment  en  automne, 
doivent  être  enterrées  à  3  ou  4  centimètres  de  profondeur. 

Les  sarclages  consistent  dans  l'enlèvement,  à  la  main  ou 
avec  un  petit  sarcloir,  des  mauvaises  herbes  qui  viennent  à 


262  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

pousser  au  milieu  du  semis  et  pourraient  en  compromettre  la 
bonne  végétation,  si  on  leur  laissait  prendre  un  libre  dévelop- 
pement. Ces  sarclages  doivent  s'opérer  avant  que  les  herbes 
aient  fructifié,  et  autant  que  possible  au  lendemain  d'une 
pluie,  pour  plus  de  facilité  et  do  sûreté  dans  l'exécution.  En 
effet,  si  le  terrain  est  sec,  on  perd  tout  le  bénéfice  de  l'arra- 
chage à  la  main;  l'herbe  se  casse  et  sa  racine  demeurée  en 
terre  ne  tarde  pas  à  donner  de  nouvelles  pousses. 

Ces  travaux  de  sarclages  sont  exécutés  par  des  femmes  et 
coûtent  en  moyenne  1  franc  par  are. 

Le  binage  est  une  légère  façon  donnée  à  la  surface  du  sol 
au  moyen  de  la  binette,  pour  lui  rendre  rameublissement 
quil  avait  perdu  par  le  tassement  ou  le  croûtement.  11  est 
exécuté  généralement  par  des  hommes,  à  la  suite  des  irriga- 
tions opérées  dans  les  carrés  ou  de  grandes  pluies  d'orage. 
Un  ouvrier  peut  biner  2  ares  par  jour,  ce  qui  donne  une  dé- 
pense de  1  fr.  25  à  l'are. 

Les  irrigations  s'exécutent  au  moyen  des  petits  sentiers  qui 
séparent  les  planches  entre  elles.  On  ouvre  sur  chacun  d'eux 
une  petite  rigole  aboutissant  à  une  rigole  principale  établie 
sur  le  chemin  qui  borde  le  carré;  l'on  fait  passer  et  l'on  main- 
tient dans  chaque  rigole  un  léger  filet  d'eau,  pendant  le 
nombre  d'heures  suffisant  pour  que  le  sous-sol  soit  largement 
imbibé  et  que  l'humidité  remonte  à  la  surface  sans  que  l'eau 
l'ait  parcourue.  En  arrosant  ainsi  entre  deux  terres,  la  surface 
du  sol  ne  se  serre  pas,  le  croûtement  est  moins  dangereux  et 
les  racines  sont  rafraîchies  au  point  essentiel.  L'emploi  de  ces 
irrigations  exerce  sur  les  jeunes  plants  une  salutaire  influence, 
en  ce  qu'il  prévient  la  formation  de  longs  pivots;  les  racines, 
en  effet,  trouvant  près  de  la  surface  du  sol  la  fraîcheur  suffi- 
sante, n'ont  aucun  besoin  de  s'allonger  démesuri-ment. 

Autant  les  irrigations  sont  avantageuses,  et  l'on  peut  dire 
même  indispensables,  dans  les  climats  secs  du  Midi,  autant 
les  simples  arrosages  sont  dangereux.  Ils  ne  procurent  pas 
une  fraîcheur  suffisante,  lassent  la  terre,   provoquent  son 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     263 

croùtemont  et  sont  on  outre  onéreux.  Aussi  ne  sont-ils  em- 
ployés que  dans  des  cas  tout  à  fait  spéciaux  et  exceptionnels. 

Cela  posé,  nous  allons  passer  en  revue  les  semis  des  diflé- 
rentes  essences  feuillues  qu'on  peut  avoir  à  élever  en  pépi- 
nière; nous  indiquerons  pour  chacune  d'elles  les  prix  de 
revient  du  mille  de  plants  en  powrette,  c'est-à-dire  de  plants 
d'un  an  bons  à  repiquer. 

Pour  opérer  un  semis  de  glands,  on  espace  les  sillons  de 
20  centimètres  entre  eux,  ce  qui  en  donne  sept  par  planche. 
On  les  creuse  à  i  centimètres  environ  de  profondeur,  et  l'on 
sème  les  glands  au  fond,  de  manière  qu'ils  se  touchent.  On 
arrive  de  cette  façon  à  employer  en  moyenne  1  hectolitre  et 
demi  de  glands  par  are. 

Le  devis  de  la  dépense  du  semis  et  de  son  entretien  pendant 
l'année  s'établit  ainsi,  à  l'are  : 

Labour  et  fumure  du  terraiu 8  fr.     » 

1  journée  de  sillouneur  à  2  fr.  50 2  fr.  .jO 

1  journée  de  semeur  à  1  fr.  îiO 1  fr.  50 

1  hectolitre  et  demi  de  glands  à  8  francs  l'un  .    .  12  fr.     » 

1  sarclage 1  fi'-     » 

2  binages  à  1  fr.  25  l'un 2  fr.  50 

Irrigation G  fr.  50 

ToT.vi 28  fr.     " 


Dans  un  semis  ainsi  opéré  et  convenablement  réussi,  on 
peut  compter  trouver  de  10,000  à  12,000  jeunes  plants  d'un 
an,  qui  réclameront  pour  leur  arrachage  2  journées  d'homme, 
soit  une  dépense  de  5  francs,  de  sorte  qu'en  définitive  les 
plants  de  chêne  d'un  an,  prêts  à  être  employés  en  repiquage, 
reviendraient  à  3  fr.  30  cent,  par  mille  au  maximum. 

Pour  éviter  les  frais  de  repiquage,  on  se  sert  d'un  outil,  dit 
bêche  coupe-pivot,  dont  le  fer,  assez  long  et  plat,  au  lieu  d'être 
carré  au  bout,  se  termine  en  un  biseau  bien  tranchant.  On 
enfonce  cette  bêche  obliquement  et  l'on  coui)e  en  terre  à 
15  centimètres  environ  de  la  surface  du  sol  le  pivot  des  jeunes 
chênes,  sans  les  ébranler  ni  les  déranger  du  milieu  dans  le- 


264  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

quel  ils  végôtcnt.  Los  racines  émoltont  alors  un  chevelu  abon- 
dant qui  procure  aux  plants  dos  conditions  de  reprise  facile, 
dès  la  seconde  annéo  (pii  suit  cette  opération. 

Pour  arriver  au  prix  de  revient  définitif  de  10,000  jeunes 
plants  de  chônc  de  trois  ans  bons  à  être  plantés,  il  faut  ajou- 
ter aux  28  francs  trouvés  ci-dessus  : 

Ci  . 28  fr.  00 

1"   Les    frais    d'emploi  de   la    bêche  coupe-pivot, 

. —   de  journée 2  fr.     » 

2»  Les  sarclages  et  les  binages  pendant  deux  an- 
nées nouvelles 5  fr.     ^< 

30  L'arrosage  ])en(laut  la  seconde  année 1  fr.     » 

Ce  qui  donne  une  dépense  totale  de  .    .    .   '56  fr.     » 


soit  un  prix  de  revient  de  3  fr.  HO  par  mille  de  plants  de  trois 
ans  prêts  à  être  arrachés. 

Les  saniares  de  l'orme,  mûres  en  mai,  doivent  être  semées 
aussitôt  qu'elles  sont  récoltées,  car  elles  sont  d'une  conserva- 
lion  des  plus  difficiles. 

Le  meilleur  mode  de  semis  consiste  à  les  répandre  sur  le 
sol  de  la  planche  de  façon  à  le  cacher  entièrement  aux  yeux. 
Cela  fait,  on  recouvre  les  firaines  avec  une  couche  do  1  à  2  cen- 
timètres de  terreau  bien  fin  et  passé  à  la  claio.  Afin  do  liAtor 
et  d'assurer  même  la  j,'ormination,  on  arrose  à  l'arrosoir  à 
pommo,  matin  ot  soir,  (iliaque  planche  semée;  dans  un  dé- 
lai de  douze  à  (piinze  jours,  le  semis  est  levé  totalement, 
après  quoi  il  faut  encore  l'arroser,  mais  plus  rarement,  jus- 
qu'à ce  que  la  taille  des  jeunes  plants  perniefle  rirrijra- 
tion. 

Les  graines,  au  moment  des  semis,  sont  encore  un  peu 
fraîches,  et  c'est  à  peine  si  leur  samare  est  desséclK'o.  Aussi 
doit-on  employer  pour  un  semis  de  ce  fronre  16  kilojïrammos 
de  graines  à  l'are,  qui  pnxluiroiit  uii  ininiinuin  de  20,000  jeu- 
nes plants  pour  une  dépense  cpù  se  chidVi'  ainsi  : 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.    263 


Culture  et  fumure  du  sol 8  fr.  00 

Exécution  du  semis,  2  journées  de  femme  à  1  fr.  50  .  3  fr.     » 
^■aleur  des  10  kilogrammes  de  graines  à  25  cen- 
times l'un i  fi'.     " 

Valeur  du   terreau  employé,  0'«'^,800  à  10  francs.  8  fr.     » 

Transport  de  terreau  à  la  hrotiette i  fr.     » 

Arrosage  à  l'arrosoir,  à  50  centimes  par  jour,  pen- 
dant vingt  jours 10  fr.     » 

1  sarclage  pendant  l'été 1  fr.     » 

2  binages 2  fr.  50 

Irrigation 1  fr.  50 


DÉPENSE   TOTALE 39   fr. 


Dûù  résulte  un  prix  de  revient  de  1  fr.  95  par  mille 
de  plants  en  poio-yette,  c'est-à-dire  d'un  an,  bons  à  être  repi- 
qués. 

Les  semis  des  autres  essences  feuillues  n'offrant  aucune 
particularité  remarquable  et  présentant  entre  eux  une  grande 
analogie  en  ce  qui  concerne  leur  exécution,  nous  réunissons 
dans  le  tableau  suivant  (page  266)  toutes  les  données  utiles  à 
leur  exécution  et  i\  l'estimation  du  prix  de  revient  du  mille 
de  plants  en  pow'7'ette,  prêts  à  être  repiqués  ou  plantés. 

Il  y  a  donc  lieu,  pour  obtenir  ces  prix,  d'ajouter  aux  frais 
de  l'exécution  et  de  l'entretien  des  semis  pendant  la  première 
année  la  dépense  occasionnée  par  l'arrachage,  le  comptage  et 
l'habillage  des  plants.  L'arrachage  s'opère  à  la  bêche,  à  la 
houe  ou  à  la  pioche;  l'ouvrier  entame  chaque  planche  de 
semis  en  ouvrant  une  jauge  de  30  à  40  centimètres  perpendi- 
culaire à  sa  longueur,  et  en  la  propageant  parallèlement  à 
elle-même  jusqu'à  son  autre  extrémité.  Au  fur  et  à  mesure 
que  les  mottes  de  plants  tombent  dans  la  jauge,  il  les  sépare, 
en  retire  tous  les  sujets,  en  ayant  soin  de  les  prendre  par  la 
tête,  et  il  les  pose  derrière  lui  sur  le  terrain  nouvellement 
remué.  Une  femme  les  recueille,  les  habille,  c'est-à-dire  pare 
leurs  racines,  en  coupant  les  pivots  à  une  égale  longueur  de 
15  à  20  centimètres  au  maximum  et  rafraîchissant,  par  une 
section  nette,  toutes  les  petites  racines  qui  auraient  pu  être 


266 


REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


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EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     267 

déchirées.  Elle  compte  en  môme  temps  les  plants  et  les  met 
en  jauge  provisoire,  si  besoin  est,  en  les  séparant  par  groupes 
de  centaines  ou  de  milliers. 

Ce  petit  chantier,  en  opérant  ainsi,  peut  arracher  et  prépa- 
rer en  une  journée  les  plants  contenus  dans  ^  d'are;  la  jour- 
née (lu  chantier  coûtant  4  francs,  il  en  résulte  pour  l'are  une 
dépense  de  5  francs,  qui  augmentera  le  prix  de  revient  des 
plants  en  proportion  de  leur  nombre  à  l'are. 

Ainsi  que  nous  en  développerons  les  motifs  à  l'article  Plan- 
tation, nous  ne  sommes  pas  d'avis  qu'il  y  ait  avantage,  en  gé- 
néral, à  employer  dans  le  reboisement  des  montagnes  des 
plants  résineux  ayant  subi  un  repiquage  préalable  en  pépi- 
nière. Il  n'y  a  guère  que  l'épicéa  qui  puisse,  dans  certains  cas 
spéciaux,  faire  exception  à  cotte  règle  générale,  dont  l'appli- 
cation, faite  dans  les  Alpes  sur  une  large  échelle  et  pendant 
une  période  suffisamment  longue,  a  produit  les  résultats  les 
plus  concluants  et  les  plus  économiques. 

En  ce  qui  concerne  les  feuillus,  les  conditions  ne  sont  plus 
les  mêmes  ;  la  destination  et  le  mode  de  plantation  réservés  à 
nombre  d'entre  eux  exigent  l'emploi  de  plants  d'une  certaine 
taille  et  d'une  reprise  rapide  facilitée  par  la  production  des 
racines  abondantes,  conditions  que  le  repiquage  leur  procure 
en  peu  de  temps. 

Les  plants  repiqués  peuvent  être  employés  après  une  ou 
plusieurs  années  de  transplantation,  selon  la  taille  des  plants 
qu'on  veut  obtenir  et  le  but  de  leur  emploi. 

Au  bout  d'un  an  de  repiquage,  on  a  généralement  des 
basses  tiges;  après  deux  ans,  on  obtient  des  tiges  moyennes, 
et  à  trois  ans  et  plus,  on  n'a  plus  que  des  grandes  tiges. 

Si  l'on  veut  s'en  tenir  aux  basses  tiges,  l'écartement  entre 
chaque  ligne  pourra  varier,  selon  les  essences,  de  25  à  30  cent., 
et  l'espacement  des  plants  dans  les  lignes,  de  10  à  20  cent. 

Pour  les  moyennes  tiges,  on  devra  augmenter  légèrement  ces 
dimensions  et  donner  30  à  40  cent,  à  l'écartement  des  lignes 
et  20  à  25  cent,  à  l'espacement  des  plants  dans  les  lignes. 


268  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Enfin,  pour  les  hantos  tigos,  il  conviendra  de  donner  aux 
lignes  au  moins  50  centimètres  d'écartement  et  aux  plants 
un  espacement  minimum  de  iO  centimètres. 

Une  fois  fixé  sur  l'espacement  et  l'écartement  qu'on  veut  don- 
ner aux  plants,  le  terrain  étant  bien  préparé  à  l'avance,  on  pro- 
cède (le  la  manière  suivante  pour  exécuter  les  repiquages  : 

Le  chantier  se  compose,  comme  pour  le  semis  des  feuillus, 
de  deux  hommes  pour  ouvrir  les  lignes,  mais  avec  une  houe 
très  étroite  au  lieu  d'une  binette,  et  de  deux  femmes  pour 
mettre  en  place  les  jeunes  plants. 

Les  deux  hommes  placent  leur  cordeau  sur  la  première 
ligne  et  entreprennent  l'ouverture  de  la  première  rigole  en 
étendant  le  déblai  en  dehors  du  carré;  ils  placent  ensuite  le 
cordeau  sur  la  deuxième  ligne  d'après  la  mesure  qui  leur  a 
été  donnée  pour  l'écartement.  Les  femmes  commencent  alors 
à  poser  les  plants  dans  la  })remière  rigole,  en  les  appuyant 
contre  la  paroi  opposée  et  les  espaçant  d'après  la  mesure  qui 
leur  a  été  donnée  et  qu'elles  portent  à  la  main.  Les  piochours 
entament  en  môme  temps  la_deuxième  rigole  et  en  versent  le 
déblai,  de  haut  en  bas,  dans  la  première  qui  se  trouve  dès 
lors  remplie  et  plantée  à  mesure  que  s'ouvre  la  deuxième  ; 
l'opération  se  continue  ainsi  sur  tout  le  carré.  Les  femmes, 
terminant  toujours  la  pose  des  plants  dans  chaque  rigole  avant 
que  les  hommes  aient  fini  de  la  remblayer,  emploient  les 
intervalles  de  temps  qui  leur  restent  ainsi  ;\  redresser  les 
plants  que  le  remplissage  de  la  rigole  aurait  pu  déranger  et  à 
les  receper  au  sécateur,  si  cela  est  jugé  opportun. 

Le  chantier  ainsi  composé  peut  préparer  et  repiquer 
1,000  mètres  de  rigoles  par  jour,  pour  une  dépense  de  8  francs. 

Cette  donnée  étant  acquise,  le  tableau  suivant  indique  : 
1°  le  nombre  des  plants  (jue  l'on  aura  par  are,  suivant  les  dif- 
férents écartements  des  lignes  entre  elles  et  l'espacement 
donné  aux  plants  dans  chacune  d'elles;  2"  la  dépense  du 
repiquage  au  mille  de  plants. 


EXÉCUTION   DES  TRAVAUX   DE   REBOISEMENT. 


269 


ECARTEMENT 
des 

LIGNKS. 

ESPACEMENT 
des 

NOMBRE 

DE     PLANTS 

k  l'are. 

LONGUEUR 

CUMULÉE 

des  rigoles 
à  l'are. 

PRIX 

DU   RIGOLAGK 

il  l'are, 

à  raison  de  8fr. 

le  kilomètre 

de  rigole. 

PRIX 

DK      RKVIKNT 

du  rigolage 
au 

mille  de  plants. 

Y. 

O 

< 

W 

M 
O 

mètres. 
0,lo 

mètres. 
0,05 
0,10 

13,320 
6.660 

mètres. 
666 
666 

fr.  c. 
5,23 
5,23 

fr.  C. 
0,39 
0,78 

Pour   un    niOme 
écartement    entre 
les  lignes,  le  prix 
de  revient  du  mille 

0,15 
0,05 

4,435 
10,000 

666 
300 

5,23 
4,00 

1,18 
0,40 

de     plants      aug- 
mente  nécessaire- 
ment    avec     leur 

0,20 

\     0,15 
1     0,20 

.3,000 
3,330 

300 
500 

4,00 
4,00 

0,80 
1,20 

espacement;  c'est 
ce  que  fait  ressor- 
tir le  tableau  pour 

,     0,25 
'    0,10 

2,500 
4,000 

500 
400 

4,00 
3,20 

1,60 
0,80 

chaque  (écarte- 
ment   possible. 

1     0,15 

2,640 

400 

3,20 

1  22 

0.2.^) 

j     0,20 

2,000 

400 

3,20 

1,60 

1     0,25 

1,600 

400 

3,20 

2,00 

/    0,15 

2,217 

333 

2,66 

1,20 

0,30 

0,20 

]     0,25 

1,665 
1,332 

333 
333 

2,66 
2,66 

1,60 
2,00 

(     0,30 

1,108 

333 

2,56 

2,39 

0,15 

1,865 

283 

2,28 

1,23 

\    0,20 

1,600 

285 

2,28 

1,42 

0,35 

,     0,25 

1,120 

285 

2,28 

2,03 

j     0,30 

932 

285 

2,28 

2,45 

f     0,35 

784 

285 

2,28 

2,92 

/    0,20 

1,230 

250 

2,00 

1,60 

i     0,25 

1,000 

250 

2,00 

2,00 

0,40 

/     0,30 

833 

250 

2,00 

2,  42 

/     0,35 

700 

230 

2,00 

2,85 

'     0,40 

625 

250 

2,00 

3,23 

(     0,23 

888 

222 

1,78 

2,02 

i     0,30 

739 

222 

1,78 

2,22 

0,45 

}     0,33 

622 

222 

1,78 

2,87 

i     0,40 

555 

222 

1,78 

2,23 

(     0,43 

493 

222 

1,78 

3,63 

f    0,30 

660 

200 

1,60 

2  42 

i     0,35 

360 

200 

1,60 

2,85 

0,50 

}     0,40 

500 

200 

1,60 

3,20 

i     0,45 

444 

200 

1,60 

3,63 

[     0,30 

400 

200 

1,60 

4,00 

1     0,40 

415 

166 

1,33 

3.24 

0,60 

]     0,30 
)     0,60 

1 

332 

166 

1,33 

4,03 

276 

166 

1,33 

4,92 

270 


REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


Les  saulos  et  les  peupliers  se  propagent  le  plus  ordinaire- 
ment par  boutures,  que  Ton  se  procure  généralement  sur 
place,  en  ce  qui  concerne  quelques  espèces  indigènes.  Mais 
on  peut  être  amené  à  employer  des  espèces  soit  indigènes 
étrangères  à  la  localité,  soit  des  espèces  exotiques,  telles  que 
les  peupliers  du  Canada,  de  la  Caroline,  de  Simon,  etc.,  qui 
donnent  des  sujets  remarquables  par  la  vigueur  de  leur  végé- 
tation et  la  bonté  de  leurs  produits.  Le  meilleur  moyen  de  les 
propager  consiste  à  élever  en  pépinière  un  nombre  convena- 
ble de  sujets,  qu'on  exploite  périodiquement,  et  qui,  à  la  con- 
dition d'être  bien  cultivés,  peuvent  durer  pendant  de  longues 
années. 

Le  terrain  ayant  subi  la  môme  culture 
préalable  que  celui  destiné  aux  semis  ou 
aux  repiquages,  on  arrête  l'écartement  à 
donner  aux  lignes  et  l'espacement  des  su- 
jets dans  chacune  d'elles;  le  meilleur,  à 
notre  avis, 'est  50  centimètres  dans  les  deux 
sens,  car  il  donne  aux  racines  et  aux  bran- 
ches une  place  suffisante  pour  bien  fonc- 
tionner. Après  quoi  l'on  procède  ;i  la  plan- 
tation de  la  manière  suivante  : 
Le  chantier  comprend  trois  ouvriers,  dont 
un  homme  et  deux  femmes.  L'homme  place  un  cordeau  sui- 
vant la  première  Hgne  à  bouturer.  Il  fait  avec  un  plantoir  en 
fer  {fig.  66),  en  suivant  la  ligne  du  cordeau  et  à  chaque  dis- 
tance de  50  centimètres,  des  trous  de  40  centimètres  de  pro- 
fondeur, destinés  i\  recevoir  les  boutures.  Pour  assurer  rotle 
condition,  le  plantoir  est  muni  d'un  anneau  en  fer  qui  marque 
exactement  la  longueur  de  40  centimètres,  de  sorte  que  l'ou- 
vrier est  prévenu  immédiatement  du  moment  où  son  trou 
atteint  la  profondeur  voulue  et  uniforme  de  40  centimètres. 

La  première  femme  coupe  les  boutures  à  une  longueur  de 
45  centimètres,  en  ayant  soin  que  la  section  soit  faite  en 
biseau   à  chaque   extrémité,  et  les   apporte  à  la  deuxième 


Fi 


66.  —    Plantoir 
en  fer. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.    271 

femme  qui  les  place  dans  les  trous  faits  au  plantoir  par  l'ou- 
vrier. Celui-ci,  dès  qu'une  ligne  est  terminée,  change  le  cor- 
deau ;\  oO  centimètres  de  distance,  recommence  la  même 
opération,  et  ainsi  de  suite  jusqu'à  la  fin  du  carre.  Pour  que 
le  bouturage  soit  fait  dans  do  bonnes  conditions,  il  est  indis- 
pensable que  la  femme  qui  enfonce  les  boutures  })resse  for- 
tement la  terre  près  d'elles  avec  un  piquet  en  bois.  Les 
boutures,  étant  coupées  à  la  longueur  de  45  centimètres, 
n'émergent  au-dessus  du  sol  que  de  5  centimètres,  longueur 
bien  suffisante. 

La  saison  la  plus  favorable  pour  le  bouturage  en  pépinière 
est  le  printemps,  bien  que  certaines  espèces  réussissent  très 
bien  à  l'automne. 

Les  sujets  ainsi  obtenus  donnent  environ  quatre  boutures 
par  pied  dès  la  première  année;  à  la  deuxième  année,  ils  en 
produisent  huit  en  moyenne;  à  la  troisième,  ils  sont  en  plein 
rapport  et  peuvent  en  fournir,  suivant  les  essences,  quinze  et 
lAême  vingt  par  pied,  ce  qui  fait  que  1  are  de  terrain  com- 
ptante en  boutures  espacées  à  50  centimètres  (soit  400  pieds) 
donnera.,  la  première  année,  en  admettant  que  la  réussite 
soit  complète,  1,600  boutures,  3,200  la  deuxième  année  et 
8,000  à  la  troisième. 

Les  boutures  qui  viendraient  à  manquer  seront  remplacées 
au  plus  tôt  jusqu'à  ce  que  le  garnissage  soit  complet. 

La  première  année  de  la  plantation,  et  pour  faciliter  la 
reprise,  les  carrés  de  boutures  devront  être  sarclés,  binés  et 
irrigués  toutes  les  fois  qu'il  sera  nécessaire.  Les  années  sui- 
vantes, on  se  contentera  d'un  fort  binage  en  mars,  avant  la 
pousse  avec  fumure  superficielle,  et  des  arrosages  en  été, 
quand  besoin  sera. 

La  taille  des  pieds  peut  avoir  lieu  à  l'automne  et  au  prin- 
temps, et  se  pratique  au  fur  et  à  mesure  des  besoins. 

Pour  les  boutures  minces,  l'ouvrier  se  sert  d'une  serpette 
bien  tranchante,  tient  son  pied  gauche  contre  le  pied  à  rece- 
per  et  coupe  les  branches  rez  tronc.  La  section  doit  être  aussi 


212  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

netto  que  possible,  et,  pour  y  parvenir  facilement,  l'ouvrier, 
en  la  taillant,  n'aura  qu'à  tenir  la  branche  avec  la  main  gau- 
che et  à  l'incliner  du  côté  opposé  à  la  section. 

Pour  les  pousses  trop  fortes,  qui  ne  peuvent  être  aisément 
coupées  avec  une  serpette,  on  se  sert  d'une  grande  serpe,  en 
procédant  comme  il  est  dit  ci-dessus. 

Quand  on  doit  expédier  des  boutures  à  repiquer,  on  coupe 
les  branches  sur  pied,  au  fur  et  à  mesure;  on  les  tron- 
çonne à  la  longueur  voulue,  et,  tout  en  les  comptant,  on  les 
met  en  corbeilles  pour  la  plus  grande  facilité  des  trans- 
ports. 

Les  divers  travaux  ci-dessus,  concernant  la  plantation, 
la  taille  et  le  tronçonnage  des  boutures,  donnent  lieu 
;\  autant  de  prix  de  revient  que  nous  établissons  ci  - 
après  : 

1°  Plantation  ou  repiquage,  en  boutures,  de  1  are  : 

—  journée  d'homme  pour  faire  les  trous 1  fr.  25 

-î- journée  de  femme  pour  recepage  et  préparation     0  fr.  15 

—  joui'uée  de  femme  pour  mettre  les  boutures  .    .     0  fr.  75 

Total  pour  1  are 2  fr.  75 

2°  Prix  de  revient  du  recepage  du  mille  de  boutures  à  expé- 
dier au  dehors  et  coupées  de  longueur  : 

— ^  de  journée  d'homme  pour  receper  sur  pied,  à 

2  fr.  50 0  fr.  50 

de  journée  de  femme   pour  les  tronçonner  et 

les  compter 0  fr.  00 

ToT.vL  pour  le  mille 1  IV.   10 

Maintenant  voyons  quel  sera  le  total  dos  dépenses  de  I  arc 
de  boutures,  pondant  les  truis  pi-omiôros  iinnéos  fjus(iii"(Mi 
plein  rapport)  : 


EXÉCUTION   DES   TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.    273 


1"  année  :  Culture  du  sol  et  fumure  pour  un  an.  8  fr.    » 

Plantation  de  400  boutures 2  fr.  75 

2  sarclages  :  1  journée  de  femme  à  1  fr.  50  .  .    .  1  fr.  50 

2  irrigations 1  fr.    » 

Coupe  et  préparation  de  1,600  boutures  ai  fr.  40. 

le  mille 2  fr.  25 


15  fr.  50 


Total  de  la  première  année  .   .   .  15  fr.  50 

2c  a>inée  :  Un   léger  labour  en  mars,  1  journée 

d'homme 2  fr.  50 

0">»,500  de  fumier  à  10  fr 5  fr.    » 

2  irrigations  pendant  l'été 1  fr.    » 

Recepage  de  3,200  boutures  à  1  fr.  40  le  mille  .  4  fr.  50 

Total  de  la  deuxième  année  .   .  13  fr.    » 


13  fr. 


3°  année  :  Labour  en  mars 2  fr.  50 

0""=,  500  de  fumier 5  fr.    » 

2  arrosages 1  fr.    » 

Recepage  de  8,000  boutures  à  1  fr.  40   le  mille.  11  fr.  20 

Total  de  la  troisième  année.   .   .  19  fr.  70 


19  fr.  70 


Total  des  dépenses  des  trois  années.   .   .         48  fr.  20 

Pendant   lesquelles  le  carré  aura  produit  1,600  +  3,200 

-1-  8,000  boutures  =  12,800.  Le  prix  du   mille  sera  donc 

48  fr  20 

^  ^^-       =  3  fr.  76. 
12,800 

A  partir  de  la  quatrième  année,  et  abstraction  faite  des 
deux  premières  années,  le  prix  de  revient  du  mille  de  bou- 
tures d'un  an  sera  constant  et  ne  dépassera  pas  un  maximu  m 

^    19fr.  70       ^„     ,. 
de 3 =  2  fr.  46. 

o 

Si  l'on  désire  avoir  des  boutures  de  deux  ans,  ou  même  des 
plançons  de  haute  tige,  on  n'aura  qu'à  suspendre  le  recepage 
pendant  deux  ou  plusieurs  années,  suivant  les  cas,  et  l'on 
obtiendra  des  pousses  qui  donneront  en  outre,  par  leurs 
branches  latérales,  un  certain  nombre  de  boutures  plus  jeunes. 

Au  moyen  des  données  contenues  dans  les  deux  tableaux 
qui  précèdent,  il  sera  facile  de  calculer,  pour  chaque  essence 

18 


Rp]BOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


différento,  le  prix  do  revient  du  mille  de  plants  à  deux,  trois 
ou  ([ualre  ans;  on  n'aura  qu'il  ajouter  aux  chiffres  ainsi  four- 
nis la  valeur  des  entretiens  annuels,  qui  consisteront  unique- 
ment en  irrigations  et  en  binages  dont  l'importance  est  sus- 
ceptible de  varier  avec  les  essences  et  les  espacements. 

L'expédition  des  plants  s'opère  avantageusement  pour  les 
résineux,  ainsi  que  pour  les  plants  en  pourrette  et  les  bou- 
tures, dans  des  corbeilles  de  50  centimètres  sur  80  centimè- 
tres de  fond  et  de  50  à  60  centimètres  de  hauteur;  elles  doi- 
vent être  faites  à  angles  bien  droits,  de  manière  à  pouvoir 
s'empiler  facilement  et  sans  vides  sur  les  charrettes,  et  être 
chargées,  au  nombre  de  trois,  à  dos  de  mulet  là  où  ne  peu- 
vent circuler  les  voitures. 

Les  racines  des  jeunes  plants  sont  placées,  autant  que  pos- 
sible, dans  la  partie  centrale  des  corbeilles;  on  n'a  pas  à  crain- 
dre leur  échauffement ,  vu  les  nombreux  vides  existant  dans 
le  tressage  des  osiers  qui  les  composent.  Les  corbeilles  ne  se 
laissent  pas  écraser,  surtout  si  leur  fond  est  muni  extérieure- 
ment de  deux  barres  en  bois  de  4  centimètres  de  côté;  enfin 
un  couvercle  est  inutile  et  on  le  remplace  par  une  couche  de 
paille  maintenue  par  quelques  harts  en  osier,  qu'on  a  toujours 
sous  la  main ,  dans  une  pépinière  bien  ordonnée,  en  prenant 
la  précaution  de  créer  ad  hoc  une  petite  oseraie  dans  un  coin 
convenablement  choisi. 

Ainsi  emballés,  les  plants  feuillus  peuvent  supporter  cinq  à 
six  jours  de  voyage  sans  le  moindre  danger.  Mais,  en  ce  qui 
concerne  les  résineux,  il  importe  de  leur  faire  diminuer,  au- 
tant (jue  possible,  le  temps  cjui  sépare  leur  plantation  de  leur 
arrachage,  car  leurs  racines  déhcales  sont  très  sensibles  aux 
influences  climatériques  et  perdent  facilement  les  chances 
d'une  reprise  assurée. 

Les  plants  de  moyenne  et  de  haute  tige  sont  emballes  par 
paquets  en  renfermant  un  nombre  régulier  et  ficelés  avec  des 
harts;  on  les  charge  avec  soin  sur  des  charrettes  munies,  de 
chaque  côté,  de  planches  relevées  pour  former  une  sorte  de 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     275 

caisse  ;  on  les  recouvre  avec  de  la  paille  ou  des  herbes  sèches, 
ol  par-dessus  on  étend  une  bâche,  de  manière  à  empocher  le 
hàle  de  les  atteindre.  C'est,  en  eflet,  le  plus  grand  danger  qu'on 
puisse  redouter  dans  les  transports  de  plants,  et  Ton  ne  peut 
prendre  trop  de  i)rccautions  jjour  le  conjurer. 

Quand  les  plants  qu'on  expédie  doivent  être  recepés  ulté- 
rieurement dans  les  périmètres,  on  se  contente  de  les  couper 
provisoirement  à  10  centimètres  au  moins  au-dessus  du  collet 
de  la  racine,  pour  diminuer  le  volume  et  le  poids  des  trans- 
ports, mais  ils  ne  doivent  pas  subir  le  recepage  définitif  en  pé- 
pinière; on  évite  ainsi  les  chances  de  dessiccation,  et  l'on  per- 
met aux  ouvriers  de  la  plantation  de  préparer  les  plants  selon 
le  mode  qui  leur  est  réservé  et  d'après  les  besoins  des  chantiers. 

Les  caractères  essentiels  qui  distinguent  les  pépinières  dites 
volantes  sont  les  suivants  : 

1°  Presque  toujours  elles  ne  doivent  servir  qu'une  seule 
fois.  La  plupart  des  périmètres  n'en  peuvent  admettre  d'au- 
tres, par  suite  de  leur  situation,  de  leur  altitude  et  de  leur 
orographie,  toutes  conditions  ne  permettant  pas  l'emploi  éco- 
nomique de  la  fumure  indispensable  aux  pépinières  perma- 
nentes ; 

2°  Elles  ne  réclament  aucun  des  entretiens  et  des  soins 
continus  qu'exigent  ces  dernières  ; 

3°  Elles  ne  s'appliquent  le  plus  souvent  qu'aux  résineux, 
bien  que  cependant  on  les  utilise  parfois  pour  le  robinier, 
l'aubépine  et  quelques  essences  auxiliaires. 

Les  pépinières  volantes  consistent  exclusivement  dans  cer- 
taines places,  plus  ou  moins  étendues,  choisies  dans  les  péri- 
mètres parmi  les  terrains  qui  peuvent  présenter  des  condi- 
tions favorables  ;  on  leur  fait  subir  un  défoncement  préalable 
analogue  à  celui  des  pépinières  permanentes,  on  y  exécute  les 
semis  de  résineux  en  mélange  avec  des  graines  fourragères 
dans  certains  cas,  et  au  bout  d'un,  deux,  trois  ou  quatre  ans, 
selon  les  essences  et  le  climat,  on  vient  en  extraire  les  plants 
pour  les  employer  dans  les  environs  immédiats. 


276  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Il  n'y  a  guère  que  les  soinis  aux  grandes  altiludos  qui  récla- 
ment quelques  modifications  à  ce  système,  ainsi  que  nous 
l'indiquerons  plus  loin. 

Pour  le  moment  donc,  nous  nous  en  tenons  à  la  généralité 
des  résineux. 

L'expérience  a  démontré  qu'en  ce  qui  concerne  l'étendue  de 
ces  sortes  de  pépinières,  il  fallait  en  moyenne,  comme  dans  les 
pépinières  permanentes,  un  are  de  semis  pour  fournir  un  hec- 
tare de  plantation.  Adoptant  cette  base  examinons  en  quoi 
consisteront  les  avantages  des  pépinières  volantes  ;  mais,  pour 
cela,  il  ne  suffit  pas  de  nous  en  tenir  aux  semis  de  la  première 
année,  il  convient,  au  contraire,  d'embrasser  en  môme  temps 
le  champ  des  opérations  ultérieures;  afin  de  bien  fixer  les 
idées,  prenons  un  exemple  : 

Admettons  qu'on  ait  100  hectares  à  reboiser  en  pin  noir,  et 
qu'on  se  fixe  un  délai  de  six  ans  pour  parachever  le  peuple- 
ment de  cette  surface. 

La  pj'emih'e  année,  on  ouvrira  des  bandes  ou  des  trous  larges 
et  profonds,  donnant  ensemble  une  surface  totale  de  1  hectare. 
On  les  disséminera,  autant  que  possible,  sur  toute  la  super- 
ficie, en  donnant  à  leur  défoncement  les  soins  culturaux  des- 
tinés à  procurer  au  sol  les  meilleures  qualités;  on  aura  donc 
cultivé  1  hectare  seulement  de  terrain  sur  100. 

La  seconde  année,  au  printemps,  en  avril  ou  en  mai,  on  exé- 
cutera le  semis  en  plein  sur  les  trous  préparés,  à  raison 
de  \  kilogrammes  par  are,  ce  qui  entraînera  l'emploi 
de  400  kilogrammes  de  graines  de  pin.  Les  graines  une  fois 
enterrées,  on  répandra  ;\  la  surface  de  chacpie  trou  un<^  faible 
(juantité  de  graines  df  sainfoin  destiné  à  fournir  l'abri. 

A  l'automne,  on  constatera  les  déchets  du  semis  et  on  ouvrira 
une  série  de  nouveaux  trous  dont  la  surface  dépasse  celle  du  dé- 
chet ainsi  constaté,  de  manière  à  constituer  une  petite  réserve. 

La  troisiè7ne  année,  on  resèmera  les  trous  qui  auraient  man- 
qué totalement,  ainsi  que  ceux  préparés  par  suite  du  déchet 
et  pour  la  réserve  dans  l'année  |)récédente. 


EXECUTION   DES    TRAVAUX  DE    REBOISEMENT.     277 

La  quatrième  année,  si  les  conditions  climatériques  le  per- 
mettent, les  plants  seront  assez  forts  pour  être  employés,  et 
l'on  ontroprondra  sur  toute  retendue  dos  100  hectares  la  plan- 
tation par  touffes  '  do  deux  ou  trois  plants;  on  exécutera  cette 
plantation  sans  préparation  préalable  du  sol,  on  faisant  ouvrir 
au  moment  mémo  les  trous,  qui  seront  profonds,  sans  présen- 
ter une  grande  ouverture. 

Pendant  les  cinquième  et  sixième  années,  on  remplira  les  vides 
constatés  dans  la  plantation  au  moyen  des  plants  fournis  par 
la  réserve  qu'on  s'est  constituée  parles  semis  supplémentaires 
de  la  troisième  année,  et  l'on  pourra  être  certain  que  l'opéra- 
tion est  terminée. 

Tel  est,  en  pou  de  mots,  le  système  qu'après  bien  des  essais 
et  une  expérience  du  reboisement  qui  compte  près  de  vingt- 
cinq  années ,  nous  n'hésitons  pas  à  déclarer  préférable  à  tous 
autres,  sauf  dans  les  versants  très  secs  et  très  chauds  qu'on 
peut  rencontrer  exceptionnellement  à  de  basses  altitudes,  et 
sur  lesquels  le  travail  s'augmente  de  la  nécessité  de  préparer 
plus  profondément  le  sol. 

Les  avantages  de  ce  système  sont  : 

1°  La  possibilité  d'élever,  pour  ainsi  dire,  sur  place  et  dans 
les  conditions  climatériques  où  ils  devront  végéter,  les  sujets 
destinés  à  être  plantés;  cette  considération  très  importante 
explique  à  elle  seule  pour  quel  motif  l'on  ne  sème  de  résineux 
que  dans  certaines  pépinières  centrales,  très  rares  et  tout  à 
fait  spéciales  ; 

2°  De  plus  grandes  présomptions  dans  le  succès  du  semis. 
On  subit  bien  des  échecs,  il  est  vrai,  mais  beaucoup  moins  que 
dans  les  pépinières  permanentes; 

3°  Une  certitude  presque  absolue  dans  la  reprise  dos  plants 
qui,  à  peine  arrachés,  sont  replantés,  sans  transports  lointains 
et  sans  danger  du  hâle  ou  de  la  détérioration  de  leurs  racines 
à  la  suite  d'emballages  et  de  déballages.  En  outre,  les  plants 

1.  —  Voir  ci-après,  l'exécution  de  la  plantation. 


278  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

ne  risquont  pas  d'être  en  végétation  avancée  au  moment  de 
leur  emploi,  danger  que  procurent  fatalement  les  pépinières 
centrales  dans  bien  des  cas; 

4°  La  possibilité  de  conserver  plus  longtemps  que  dans 
celles-là  des  plants  bons  à  planter;  le  sol  y  est  moins  fertile 
en  effet,  et  les  pousses  moins  rapides.  C'est  ainsi  que,  dans  les 
pépinières  permanentes,  on  ne  peut  garder  les  pins  et  les  mé- 
lèzes plus  de  deux  ans,  sans  risquer  d'avoir  des  plants  beau- 
coup trop  grands  ; 

5°  Une  économie  très  importante  dans  la  dépense. 

En  effet,  le  défoncement  du  sol  ne  s'opère,  au  grand  maxi- 
mum, que  sur  1  hectare  et  quelques  ares  pour  100  hectares,  en 
y  comprenant  la  réserve  destinée  à  combler  les  déchets. 

L'exécution  du  semis  faite  au  râteau  dans  les  bandes  n'en- 
traîne que  des  frais  minimes. 

Les  frais  de  transport  sont  presque  nuls,  et  l'on  ne  subit  au- 
cune perte  de  plants. 

La  certitude  de  la  réussite  de  la  plantation  étant  plus  assu- 
rée réalise  de  son  côté  une  économie  dans  les  regarnissages. 

Les  plants  ne  sont  mis  en  terre  que  dans  les  moments  les 
plus  opportuns,  car  au  moindre  grand  vent,  à  la  moindre 
pluie,  on  peut  arrêter  le  travail,  sans  compromettre  les  bonnes 
conditions  des  sujets  que  l'on  n'arracho  ffu'au  fur  ot  ;\  mesure 
de  leur  emjjloi  immédiat. 

On  peut  trouver  prescfuc  partout  des  emplacements  favora- 
bles pour  des  trous  ou  bandes  pépinières,  tandis  ([u'il  est  loin 
d'en  être  de  même  pour  les  pépinières  permanentes. 

La  dépense  principale  qu'entraîne  l'établissement  des  pépi- 
nières volantes  consiste  dans  la  préparation  du  sol. 

Il  faut,  en  effet,  non  seulement  le  défoncer  comme  dans  les 
pépinières  permanentes,  mais  en  outre  consolider  les  talus  de 
remblai  de  chaque  bande  pour  en  empêcher  l'érosion  par  les 
eaux,  car  presque  toujours  c(^s  bandes,  plus  ou  moins  dissémi- 
nées dans  le  périmètre,  sont  situées  au  flanc  d(^s  montagnes, 
sur  les  rares  pentes  relativement  douces  rpTon  dt''core  par  eu- 


EXÉCUTION    DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     279 

phémismc  du  nom  de  plateaux,  mais  qui  n'en  possèdent  que  le 
nom. 

Malgré  la  faible  largeur  qu'on  leur  donne  (1  mètre  il  l'",50 
au  plus) ,  leur  culture  en  plan  horizontal  amène  fatalement  à 
l'aval  un  talus  qu'il  faut  fixer,  soit  avec  des  gazons  que  l'on 
bat  à  sa  surface,  si  Ton  a  la  chance  d'en  rencontrer,  soit  h  dé- 
faut, avec  un  petit  mur  en  pierres  sèches  ou  un  petit  clayon- 
nage.  Aussi  doit-on  compter,  en  moyenne,  sur  une  dépense  de 
10  francs  de  main-d'œuvre  par  are,  pour  mettre  le  sol  prêt  à 
recevoir  et  à  conserver  le  semis. 

Gela  posé ,  le  devis  de  la  dépense  de  1  are  de  pépinière  vo- 
lante s'établit  ainsi  qu'il  suit  : 

Préparation  du  sol 10  l'r.     » 

Exécution  de  semis  de  graines  résineuses  en  nom- 
bre de  kilogrammes  variant  suivant  l'essence,  et 
de  1  kilogramme  de  graines  fourragères  :  1  jour- 
née et  demie  d'homme  à  2  fr.  30 3  IV.  75 

Transport  de  la  graine  à  pied  d'œuvre 0  fr.  2o 

Total 1 4  fr.    » 


Les  quantités  de  graines  semées  dans  ces  bandes  étant  iden- 
tiques à  celles  indiquées  pour  les  pépinières  permanentes,  oit 
l'are  de  semis  revient  à  28  francs,  il  en  résulte  que  le  mille  de 
plants  fournis ,  sur  place  et  dans  des  conditions  bien  préféra- 
bles d'ailleurs,  par  les  pépinières  volantes,  coûte  deux  fois 
moins  cher  que  celui  donné  parles  autres. 

Ce  mode  de  semis  ne  peut  être  employé  identiquement  dans 
toutes  les  régions  climatériques. 

Dans  la  région  méditerranéenne,  on  n'a  nul  besoin  de  l'abri 
de  fourragères,  et  les  semis  de  pins  d'Alep  et  pinier  se  font 
par  lignes  très  rapprochées  les  unes  des  autres. 

Dans  la  région  tempérée,  comme  dans  une  partie  de  l'al- 
pestre, on  applique  le  mode  indiqué  précédemment  aux  semis 
en  pépinière  volante  des  pins  sylvestre,  d'Autriche  et  à  cro- 
chets. 


280        .  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Mais  aux  altitudes  plus  élevées,  à  climat  plus  rigoureux,  on 
est  obligé  d'introduire  cerfainos  modifications  dans  l'installa- 
tion des  pépinières  volantes,  par  sTiite  de  la  nécessité  d'un  abri 
plus  complet  pour  les  jeunes  semis  contre  les  coups  de  soleil 
et  les  gelées  printanières,  bien  plus  redoutables  ici  que  dans 
les  autres  régions. 

On  conçoit,  en  effet,  que  le  sainfoin  semé  en  mélange,  en 
môme  temps  que  les  graines  résineuses,  ne  pousse  plus  assez 
rapidement  pour  fournir,  dès  le  début,  un  abri  suffisant  aux 
jeunes  résineux. 

Si  donc,  dans  un  périmètre  donné,  ou  dans  ses  environs 
immédiats,  il  n'existe  aucune  parcelle  de  terrain  recouverte 
d'une  végétation  ligneuse,  on  sème,  la  première  année,  les 
pépinières  volantes  en  sainfoin,  disposé  par  lignes  parallèles 
écartées  de  12  à  lîi  centimètres,  et  ce  n'est  qu'au  printemps  de 
l'année  suivante  qu'on  exécute,  entre  ces  lignes,  le  semis  des 
résineux,  qui,  dès  leur  sortie  de  terre,  se  trouvent  placés  sous 
un  berceau  de  verdure  qui  les  abrite  contre  le  soleil  ot  la 
grôle,  maintient  la  fraîcheur  et  l'ameublissement  du  sol,  et 
surtout  les  protège,  en  hiver  et  au  printemps,  contre  le  soulè- 
vement. 

C'est  ainsi  que  l'on  sème,  aux  grandes  altitudes,  les  graines 
de  pin  cembro,  d'épicéa  et  de  mélèze. 

Il  va  sans  dire  qu'ici,  comme  dans  les  autres  régions,  on  re- 
cherche, autant  que  possible,  pour  l'emplacement  des  bandes 
pépinières,  les  expositions  Nord  et  Est,  où  les  dangers  sont 
beaucoup  moindres. 

Si,  dans  l'intérieur  ou  aux  environs  immédiats  du  périmètre, 
on  a  la  chance  de  rencontrer  quelques  parrelles  boisées,  il  y 
a  tout  avantage  à  préparer,  sous  bois,  le  plus  grand  nombre 
de  bandes  pépinières  possible,  (jui ,  dans  ces  conditions  favo- 
rables, donnent  les  résultats  les  jjIus  remarquables.  Il  vaut 
bien  mieux  opérer  ainsi  que  de  recouvrir,  au  moyen  de  bran- 
ches fournies  par  les  bois  voisins,  des  bandes  (pion  aurait  ou- 
vertes en  terrain  im.  Car  la  faible  augmentation  ([uc  le  prc- 


EXECUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.    281 

mier  cas  apporte  aux  frais  do  transport  demeuro  bi(Mi 
au-dessous  des  dépenses  qu'occasionnerait  cette  couverture 
artificielle  en  branches,  qui  ne  laisse  pas  de  présenter  l'incon- 
vénient de  se  sécher  assez  rapidement,  et  de  n'ètro  ni  stable 
ni  durable,  ce  qui  entraîne  des  frais  de  renouv(?llement  et  d'en- 
tretien qu'il  convient  d'éviter. 

Les  quantités  de  graines  à  semer  par  are  de  bandes  sont 
identiques  à  celles  que  nous  avons  indiquées  pour  les  pépi- 
nières permanentes. 

Quant  à  l'époque  des  semis,  c'est  toujours  le  printemps  qui 
est  la  saison  préférable  pour  toutes  ces  graines  sans  exception. 

Exécution  de  la  Plantation.  — Dans  toute  plantation  de  rési- 
neux ayant  pour  objet  le  reboisement  en  montagnes,  on  doit 
prendre  joowr  principe  que,  pou?'  une  même  essence,  on  obtient  un 
succès  d'autant  plus  assuré  que  les  plants  employés  sont  plus  jeunes. 

Il  est  évident  que  la  jeunesse  de  ces  plants  doit  avoir  pour 
limite  une  conformation  de  leurs  organes  suffisante  pour  leur 
permettre  d'accomplir  le  travail  que  réclamera  leur  reprise 
dans  un  milieu  où  bien  des  dangers  peuvent  les  menacer. 

Nous  avons  donc  à  déterminer  tout  d'abord  l'âge  auquel  les 
jeunes  plants  de  chaque  essence  résineuse  doivent  être  de 
préférence  employés. 

Les  pins  d'Alep,  maritime  et  pinier  présentent,  dès  l'âge 
d'un  an,  toutes  les  conditions  de  force  et  de  conformation  dé- 
sirables pour  végéter  à  leur  place  définitive ,  et  cela  d'autant 
mieux  que,  vu  la  chaleur  et  la  sécheresse  de  leur  chmat,  ils 
sont  presque  toujours  plantés  dans  des  terrains  défoncés  préa- 
lablement. Les  plants  de  deux  ans  donnent  un  déchet  qui  va 
jusqu'à  -40  pour  100  au  moins,  alors  que  les  plants  d'un  an, 
toutes  circonstances  égales  d'ailleurs,  ne  doivent  donner  au 
maximum  que  o  pour  100. 

La  vigueur  de  leur  végétation  et  leur  croissance  rapide  in- 
terdisent, plus  que  pour  toutes  les  autres  essences,  la  moindre 
idée  de  repiquage  en  pépinière. 


282  REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT. 

Les  pins  sylvestre  et  d'Autriche  sont,  dès  l'âge  d'un  an,  sus- 
ceptibles d'emploi,  mais  seulement  dans  dos  conditions  tout  à 
fait  spéciales,  que  nous  indiquerons  plus  loin.  En  général,  ce 
n'est  qu'à  deux  ans  qu'ils  présentent  les  conditions  nécessaires 
à  leur  végétation  à  l'état  isolé;  on  peut  môme  attendre  jusqu'à 
l'âge  de  trois  ans  pour  les  plants  qui  auraient  été  élevés  dans 
des  pépinières  à  sol  médiocre,  situées  dans  les  zones  les  plus 
élevées  dans  l'aire  d'habitation  de  ces  pins. 

Quant  aux  pins  à  crochets,  vu  l'altitude  des  pépinières  vo- 
lantes qui  les  renferment,  on  ne  peut  songer  à  les  employer 
avant  l'âge  de  deux  ans,  mais  il  ne  faut  pas  attendre  plus  de 
trois  ans. 

Les  plants  d'épicéa  et  de  pin  cembro,  placés  à  une  altitude 
supérieure  et  croissant  lentement  au  début,  doivent  attendre 
au  moins  l'âge  de  trois  ans,  et  peuvent  sans  inconvénient  être 
employés  à  quatre  et  cinq  ans ,  à  cause  du  nombreux  chevelu 
de  leurs  racines. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  du  mélèze,  qui  est  bon  à  plan- 
ter dès  la  seconde  année,  et  ne  peut  attendre  sans  danger  au 
delà  de  la  troisième,  à  cause  de  la  rapidité  de  sa  croissance 
dans  les  premières  années. 

Dans  ces  conditions,  le  repiquage  des  résineux  ne  paraît 
avoir  aucune  raison  d'être  employé  pour  la  production  des 
plants  destinés  au  reboisement  des  montagnes  ;  on  doit  y  re- 
noncer pour  les  motifs  ci-après  : 

i"  L'expérience  a  démontré  que  les  plants  résineux  non 
repiqué's  j)ouvaient  produire  dos  peuplements  aussi  complots, 
aussi  jjion  vouants  que  s'ils  avaient  été  formés  à  l'aide  de 
plants  roj)i(|n('!s  ; 

2°  I.o  roi)i(iuage  entraîne  non  seulement  des  frais  relative- 
nionl  importants  et  l'emploi  d'un  plus  grand  nombre  de  bras, 
souvont  difficiles  à  trouver,  mais  encore  l'occupation  de  terrains 
cultivés,  dont  l'étendue  devient  introuvablo,  quand  il  s'agit  de 
la  production  annuelle  de  nombreux  millions  de  phmls  dans  une 
réginn  inunliigneiise,  roslroinlo  à  (luohpios  myriamètres carrés; 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.    283 

3°  En  supposant  niènic  (pi'on  no  soit  pas  arrêté  par  do  pa- 
reilles difficultés,  l'emploi  de  plants  repiqués  entraîne  avec 
lui  une  augmentation  de  doponsos  d'exécution,  provenant  du 
crousoment  plus  profond  à  donner  aux  trous ,  de  l'arrachage 
plus  difficile  et  enfin  des  frais  d'un  transport  beaucoup  plus 
long  et  plus  périlleux  pour  les  plants. 

En  renonçant  au  repiquage  des  résineux  pour  les  reboise- 
ments en  montagnes,  nous  n'avons  nulle  intention  de  le  pré- 
senter comme  superflu  en  général.  Nous  estimons,  au  contraire, 
qu'il  peut  être  très  utilement  employé,  soit  dans  les  repeuple- 
ments en  terrain  forestier,  oii  l'on  a  tout  intérêt  à  planter  des 
sujets  d'une  certaine  taille,  soit  môme  dans  certains  petits  re- 
boisements, en  terrain  facile ,  qui  n'ont  rien  de  commun  avec 
ceux  dont  il  s'agit  ici. 

D'où  il  résulte  que  pour  les  reboisements  à  exécuter  par 
plantation  de  résineux,  les  pépinières  volantes  doivent  fournir 
la  totalité  des  plants,  et  que  les  semis  de  résineux  faits  dans 
les  pépinières  centrales  ne  peuvent  être  considérés  que  comme 
des  réserves,  appelées  à  entrer  en  ligne,  dans  les  cas  où  les 
premières  auraient  subi  un  échec  partiel,  ou  seraient  insuffi- 
santes, ce  que  doit  prévoir  toujours  un  reboiseur  bien  avisé. 

Dans  les  conditions  d'âge,  de  taille  et  d'origine  que  nous 
venons  d'indiquer  pour  les  plants  résineux  à  employer,  il 
n'existe  qu'un  seul  modo  pour  l'exécution  de  la  plantation. 

Dans  les  terrains  non  préparés  à  l'avance,  un  ouvrier  muni 
de  la  pioche  à  pic  ouvre,  en  trois  ou  quatre  coups  bien  assénés, 
on  avant  et  en  arrière,  comme  nous  l'avons  décrit  pour  les 
semis,  un  trou  étroit  de  10  à  12  centimètres,  et  assez  long  (de 
25  à  30  centimètres)  pour  que  la  pioche  puisse  pénétrer  jusqu'à 
la  douille,  cette  longueur  étant  dirigée  dans  le  sens  horizontal. 

Cela  fait,  un  planteur  prend  de  2  à  4  plants,  suivant  les  cas, 
jMr  la  tète  mns  toucher  aux  racines,  et  les  réunit  en  une  touffe, 
de  façon  que  les  collets  des  racines  soient  tous  à  la  môme  hau- 
teur. Tenant  alors  cette  touffe  par  la  tète  et  de  la  main  gauche, 
il  l'applique  contre  la  paroi  inférieure  du  trou,  en  ayant  soin 


281  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

quo  lo  collol  des  racines  soit  au  niveau  du  sol,  et,  saisissant  de 
sa  main  droite  ou  avec  une  truelle  la  terre  meuble  sortie  du 
trou,  il  la  repousse,  de  haut  en  bas,  vers  les  racines  des  plants 
qui  se  trouvent  ainsi  placées  dans  leur  position  naturelle.  Il 
achève  de  remplir  le  trou,  en  réguculant  à  sa  partie  supé- 
rieure avec  sa  pioche,  et  serre  légèrement  la  terre  avec  le 
pied. 

Si  le  terrain  a  reçu  une  préparation  préalable  par  bandes 
ou  par  trous,  on  opère  identiquement  de  la  môme  façon,  avec 
cette  différence  qu'un  seul  coup  de  pioche  donné  dans  la  terre 
ameublie  suffit  pour  préparer  l'ouverture  nécessaire  à  la  mise 
enterre  des  plants. 

C'est  donc  par  touffes  que  s'exi'cute  le  jdus  souvent  la  plan- 
tation. (]e  in()(i(^  présente  le  double  avantage  d'être  le  plus 
économique  et  le  plus  sûr  de  tous  ceux  employés. 

D'une  part,  en  effet,  il  augmente  considérablement  les 
chances  de  succès  d'une  plantation  et  épargne  ainsi  de  nom- 
breux regarnissages,  non  seulement  coûteux  et  souvent  diffi- 
ciles, mais  encore  dangereux  jjour  les  plants  qui  ont  bien 
végété,  à  cause  du  })assage  des  ouvriers  sur  des  pentes  souvent 
très  fortes. 

D'autre  part,  il  ])ermet  d'espacer  davantage  les  plants  et  par 
suit(>  de  diu)inuer  la  dépense  à  l'hectare.  Caries  touffes  for- 
ment au  (l('l)iit  une  sorte  de  petit  massif  dans  lequel  les  plants 
se  soutiennent  mutuellement,  ce  qui  leur  permet  d'attendre 
plus  longtemps  et  sans  danger  le  moment  où  le  massif  général 
se  constituera  par  le  contact  de  leurs  branches  développées. 

On  a  fait  à  ce  mode  l'objection  que  si  les  plants  ainsi  réunis 
en  touffes  venaient  à  pousser  tous  également,  ils  ne  tarderaient 
pas  à  s'affamer  muluellcnipiit  cl  à  jjroduiie  des  arbres  grêles, 
incapables  d'une  lungiic  durée.  A  cette  objection  l'on  peut 
répondre  d'abord  que  la  tiu(f[c  n'inq)li(|ue  pas  nécessairoment 
un  grand  nombre  de  plants,  et  (jue  dans  les  limites  que  nous  . 
posons,  c'est-à-dire  de  "1  à  i  plants  par  touffe,  ce  danger  de- 
vient illusoire  [de  Gayfficr,  IM.  7.  2i,  33,  35  et  36). 


EXECUTION   DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     285 

Mais,  bien  plus,  une  longue  expérience  a  démontré  l'inanité 
de  ces  craintes,  dans  le  cas  où  le  nombre  de  plants  demeure 
ainsi  limité  dans  la  touffe.  Il  est  rare,  en  effet,  que  2,  3  ou  4 
plants  poussent,  dès  le  début,  avec  une  vigueur  identique;  le 
plus  souvent  l'un  d'eux  prend  le  dessus  et,  quand  le  massif 
général  se  produit,  il  demeure  seul.  D'autre  part,  bien  sou- 
vent, un  seul  plant,  deux  au  plus,  reprennent  avec  vigueur, 
les  autres  viennent  à  mourir  soit  immédiatement  après  la 
plantation,  soit  un  an  après,  de  sorte  qu'en  dernière  analyse, 
on  se  retrouve  dans  les  conditions  de  la  plantation  par  brins 
isolés,  mais  avec  des  chances  de  réussite  bien  plus  complètes. 
Enfin  il  serait  toujours  facile  d'obvier  à  peu  de  frais  à  l'incon- 
vénient d'une  égale  pousse,  s'il  venait  à  se  manifester. 

Les  plants  fournis  par  les  pépinières  volantes  sont  arrachés 
le  jour  même  et  au  fur  et  à  mesure  des  besoins  de  la  planta- 
tion. On  les  place  immédiatement  dans  des  paniers  qui  doi- 
vent servir  à  les  transporter,  et  que  l'on  recouvre  avec  de 
l'herbe,  de  la  mousse,  ou,  à  défaut,  avec  une  toile  pour  les 
abriter  contre  le  liàle.  Ces  paniers  sont  emportés  par  des  ou- 
vriers chargés  de  maintenir  constamment  l'approvisionnement 
du  chantier. 

Celui-ci  se  compose  de  : 

8  ouvriers  piocheurs  ; 

A  distributeurs  de  plants; 

16  planteurs. 

Les  8  piocheurs  se  placent  en  lignes  horizontales  et  mar- 
chent en  virées,  comme  pour  les  semis,  en  maintenant  entre 
eux  l'écartement  qu'on  a  choisi,  et  entre  les  trous  l'espace- 
ment préféré. 

Les  quatre  distributeurs  portent  les  paniers  de  plants.  Cha- 
cun de  ces  ouvriers  prend  2,  3  ou  4  plants  selon  les  ordres 
donnés,  les  assemble  en  touffes  en  régularisant  la  position  du 
collet  de  leurs  racines,  et  les  dispose  dans  le  trou,  en  ayant 
soin  de  les  placer  à  l'abri  du  hâle  ou  du  soleil  ;  chacun  de  ces 
ouvriers  peut  facilement  suivre  deux  piocheurs. 


286  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Les  16  planteurs,  munis  do  truelles  de  maçon,  outil  très 
avantageux  quand  la  terre  est  froide,  cas  le  plus  ordinaire  sur 
les  hautes  montagnes,  viennent  immédiatement  à  la  suite,  se 
placent  au  nombre  de  deux  sur  la  môme  ligne  de  trous  et  pro- 
cèdent à  la  plantation.  Aussitôt  qu'il  a  fini  un  trou,  chaque 
planteur  rassemble  les  pierres  (jui  peuvent  se  trouver  aux 
environs  immédiats,  place  les  plus  grosses  autour  du  plant,  en 
les  disposant  en  forme  de  croissant  dirigé  vers  l'amont,  et 
remplit  avec  les  plus  petites  toute  la  surface  du  trou,  de  façon 
que  la  touffe  émerge  au-dessus  d'un  lit  de  pierres. 

Cette  précaution,  toujours  utile,  devient  de  plus  en  plus 
indispensable  à  mesure  que  le  climat  devient  plus  rigoureux. 
Les  pierres  les  plus  épaisses  sont  les  meilleures;  si  l'on  n'en 
trouve  que  de  minces  et  plates ,  il  faut  les  étager  en  plusieurs 
lits. 

Mais  tous  les  terrains  ne  présentent  pas  ces  pierres  si  utiles 
à  la  protection  des  plants. 

Si  Ton  plante  dans  un  ancien  gazon  ruiné  où  l'on  ne  trouve 
pas  de  pierres,  on  cherche,  autant  que  possible,  à  placer  les 
plants  dans  les  mottes  do  gazon  qui  subsistent  encore,  et,  dans 
ce  cas,  on  restreint  le  plus  possible  la  dimension  des  trous,  au 
point  de  les  réduire  ;\  un  simple  entre-bâillement  du  gazon. 

Si  l'on  opère  dans  un  sol  parsemé  de  broussailles,  on  ne 
manque  pas  de  placer  une  ou  plusieurs  touffes  à  l'amont  de 
chacune  d'elles,  selon  les  dimensions  du  bourrelet  de  bonne 
terre  qu'elles  soutiennent. 

Enfin,  si  c'est  sur  un  terrain  absolument  nu  et  sans  pierres, 
mais  dans  lequel  l'enherbement  général  ne  soit  pas  indispen- 
sable, on  se  contente  de  semer  en  sainfoin,  à  10  centimètres 
à  l'aval  de  chafjuc  touffo,  une  rigole  horizontale  longue  de 
10  centimètres,  deslinéc  à  bien  fixer  le  sol  de  chaque  trou. 

En  une  journée  de  travail,  chaque  piocheur  peut  ouvrir, 
dans  un  terrain  ordinaire,  800  trous  (jui  sont  rcniijlis  et  parés 
dans  le  môme  temps  par  les  plantcmrs. 

Avec  le  chantier,  on  aura  donc,  à  la  fin  de  la  journée, 


EXECUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.     287 

6,400  trous  confectionnés  et  plantés  moyennant  une  dépense 
qui  s'établit  ainsi  : 

1  chef  de  chantier 4  fr. 

8  piocheurs  ;\  2  fr.  50 20  fr. 

4  distributeurs  à  1  fr.  50,  enfants  ou  femmes.    ...  6  fr. 

16  planteurs  à  2  francs,  jeunes  gens  ou  femmes.   ...  32  fr. 

Total 62  fr. 

D'où  il  résulte  que  l'exécution  de  la  plantation  du  mille  de 
toufl'es  revient  à  9  fr.  70. 

Dans  le  cas  le  plus  général,  où  les  plants  proviennent  des 
pépinières  volantes,  il  faut  ajouter  à  cette  dépense  5  francs 
pour  prix  de  la  journée  des  deux  ouvriers  qui  arrachent,  et 
3  francs  pour  la  journée  des  deux  enfants  qui  approvisionnent 
le  chantier;  on  arrive  alors,  pour  la  plantation  du  mille  de 
touffes  en  terrain  non  préparé  à  l'avance,  à  une  dépense  de 
10  fr.  93,  soit  un  nombre  rond  de  11  francs. 

Dans  les  terrains  préparés  à  l'avance  par  bandes  ou  par 
trous,  la  proportion  entre  le  nombre  des  planteurs  et  celui  des 
piocheurs  ne  reste  plus  la  même  ;  au  lieu  de  2  pour  1 ,  elle 
devient  3  pour  1 ,  parfois  même  4  pour  1  dans  les  sols  très 
faciles  ;  quelle  que  soit  la  proportion  qui  convienne  à  un  sol 
donné,  il  vaut  toujours  mieux  conserver  cette  division  du  tra- 
vail que  de  faire  exécuter  le  trou,  la  plantation  et  les  abris 
par  le  même  ouvrier. 

On  rencontre  parfois  des  berges  ou  des  versants  très  inclinés, 
à  surface  garnie  de  quelques  gazons,  néanmoins  peu  stables, 
qu'on  peut  avoir  intérêt  à  fixer  par  une  plantation  de  très 
petits  brins.  C'est  alors  qu'on  peut  employer  des  pins  sylves- 
tre ou  d'Autriche  à  l'âge  d'un  an.  Le  même  ouvrier  exécute 
ici  toute  l'opération,  qui  est  bien  simple  :  il  enfonce  le  taillant 
de  sa  pioche  dans  le  sol  qu'il  entr'ouvre  au  moyen  d'une 
pesée,  glisse  dans  l'ouverture  la  petite  touffe,  en  ayant  soin 
que  les  racines  tombent  bien  d'aplomb,  retire  sa  pioche  et 
d'un  coup  de  son  plat  repousse  et  affermit  le  sol. 


288  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

On  a  beaucoup  discuté  et  écrit  sur  le  choix  de  la  saison  à 
préférer  pour  les  plantations  de  résineux. 

Les  partisans  de  l'automne  ont  cité  des  résultats  indiscuta- 
bles, ceux  du  printemps  n'ont  pas  manqué  d'arguments  irré- 
futables, ce  qui  démontre  surabondamment  que  chacune  de 
ces  opinions  peut-être  admise  suivant  les  circonstances  locales 
qui  se  présentent  et  qui  dominent  toute  la  question. 

En  ce  qui  concerne  les  montagnes  de  la  région  méridionale, 
nous  n'hésitons  pas  à  nous  prononcer  pour  le  printemps  ex- 
clusivement, sauf  de  rares  exceptions  relatives  à  certaines 
essences  placées  dans  des  conditions  tout  à  fait  spéciales. 

Dans  les  montagnes  de  cette  région ,  en  effet',  l'automne  ne 
se  manifeste,  à  vrai  dire,  que  pendant  très  peu  de  jours,  et 
l'on  passe  presque  toujours  brusquement  des  chaleurs  esti- 
vales aux  grands  froids.  Tant  que  durent  les  chaleurs,  le  sol 
est  tellement  sec  qu'il  est  impossible  de  songer  à  planter,  et, 
dès  le  lendemain  dos  premières  pluies  d'automne,  surviennent 
des  froids  qui  suffisent  pour  déterminer  la  perte  des  planta- 
tions de  résineux  qu'on  viendrait  à  exécuter. 

Il  est  du  reste  un  fait  acquis  par  l'expérience  et  admis  par 
tous  les  planteurs,  qu'ils  soient  partisans  ou  non  de  la  planta- 
tion au  printemps  :  c'est  que  les  résineux,  et  nous  ajoutons 
même  tous  les  arbres  à  feuilles  persistantes,  reprennent  beau- 
coup plus  facilement  quand  ils  sont  en  végétation  que  lorsqu'ils 
sont  au  repos,  mais  à  la  condition  toutefois  de  trouver  dans  le 
nouveau  sol  où  ils  sont  placés  une  humidité  sufiisante. 

On  conçoit  dès  lors  que  les  partisans  do  la  plantation  d'au- 
tomne peuvent  avoir  raison  dans  les  contréos  où  le  climat 
généralement  humide  permet  au  sol  de  n'être  pas  sec  à  la  tin 
de  l'été  ou  au  début  de  l'automne,  ;\  une  époque  où  les  jeunes 
plants  se  trouvant  encore  en  végétation  peuvent  émettre  de 
nouvelles  racines  et  prendre,  pour  ainsi  dire,  possession  de 
leur  nouveau  terrain  avant  (pie  les  froids,  toujours  moins  pré- 
coces dans  ces  régions ,  soient  venus  surprendre  et  arrêter  le 
cours  de  leur  végétation. 


EXÉCUTION   DES   TRAVAUX   DE   REROISEMENT.    289 


Mais  dans  les  montagnes  du  Midi,  celles  précisément  où 
doivent  s'exécuter  les  grands  travaux  de  reboisement,  on  ne 
peut  trouver  une  certaine  analogie  avec  ces  conditions  des 
climats  humides  qu'aux  grandes  altitudes  de  la  région  alpine, 
dans  lesquelles  une  certaine  humidité  se  maintient  ou  se  ma- 
nifeste à  la  fin  de  l'été ,  et  permet  de  planter  dans  de  bonnes 
conditions,  mais  pendant  un  t)-ès  court  espace  de  temps,  les  pins 
cembro,  les  mélèzes  et  les  épicéas.  Cette  propriété  de  la  région 
alpine  est  d'autant  plus  avantageuse  pour  la  plantation  de  ces 
essences  qu'au  printemps  le  long  retard  que  les  neiges  met- 
tent à  fondre  ne  permet  également  la  plantation  que  pendant 
un  laps  de  temps  très  restreint. 

Pendant  les  vingt-quatre  ans  que  nous  avons  dirigé  des  tra- 
vaux de  reboisement  dans  les  climats  les  plus  divers,  depuis 
les  plus  chauds  de  l'Algérie  jusqu'aux  plus  froids  des  Alpes, 
nous  avons  pu  constater  maintes  fois,  par  des  expériences 
tentées  souvent  sur  une  très  grande  échelle,  le  bien  fondé  de 
cette  préférence  donnée  au  printemps  sur  l'automne  ;  il  ne 
nous  a  jamais  été  donné  d'obtenir  le  moindre  résultat  sérieux 
et  concluant  de  la  part  des  plantations  d'automne,  tandis  que 
c'est  par  bien  des  dizaines  de  millions  de  sujets  formant  au- 
jourd'hui de  grands  massifs  que  se  sont  manifestés  les  avan- 
tages de  la  plantation  de  printemps. 

On  peut  avoir  parfois  à  introduire,  par  voie  de  plantation, 
les  résineux  dans  des  terrains  à  surface  instable. 

Afin  de  protéger  les  jeunes  plants  à  l'amont  contre  l'éboule- 
ment  des  terres  et  à  l'aval  contre  leur  entraînement,  certains 
auteurs  recommandent  l'emploi  de  petits  clayonnages  peu 
élevés  qui  sont  susceptibles  de  recevoir  des  dispositions  va- 
riables, et  établis  tantôt  en  lignes  parallèles  et  sensiblement 
horizontales,  tantôt  en  losanges  ou  en  carrés,  tantôt  en  cor- 
beilles {de  Gai/ f fier,  PI.  28,  29.  37,  38  et  39). 

Ces  systèmes  fort  ingénieux,  adoptés  en  Suisse  et  en  Au- 
triche, ne  nous  paraissent  pas  d'une  application  bien  avanta- 
geuse dans  nos  montagnes.   L'on  n'y  trouve  pas   en  effet, 

19 


290  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

comme  dans  les  localités  do  ces  pays,  les  matériaux  en  abon- 
dance, pivs(iu(i  sur  place  et  à  l'aiblo  prix.  Le  climat  non  plus 
n'est  pas  le  mC'me,  et  le  sol  s'y  présente  dans  un  état  de  nu- 
dité qu'on  est  loin  do  pouvoir  môme  soupçonner  dans  ces  con- 
trées étrangères. 

Aussi  doit-on  avoir  recours  à  d'autres  modes  qui  consistent 
dans  la  création,  au  moyen  d'essences  feuillues,  de  haies  vi- 
vantes remplaçant  avantageusement  les  clayonnages,  ainsi  que 
nous  le  verrons  en  passant  en  revue  les  plantations  de  feuillus. 

Il  y  a  souvent  intérêt  à  reboiser  en  résineux  les  clappes  ou 
casses,  qui  occupent  parfois  d'assez  grands  espaces  dans  les 
périmètres,  et  paraissent,  au  premier  abord,  absolument  re- 
belles à  toute  végétation.  Cependant,  si  l'on  examine  de  bien 
près  la  formation  de  bon  nombre  d'entre  elles,  on  s'aperçoit 
qu'à  une  profondeur  variable,  on  trouve  assez  de  terre  pour 
permettre,  pendant  les  premières  années,  aux  jeunes  plants  de 
se  développer  et  d'atteindre  par  leurs  racines  le  sol  recouvert 
par  la  couche  de  pierres. 

On  ouvre  alors  des  trous  d'un  diamètre  assez  grand  à  la  sur- 
face pour  que  les  pierres  occupant  leur  talus  ne  roulent  pas  au 
fond.  Un  creuse  jusqu'à  la  rencontre  des  menus  débris  de  la 
roche  supérieure,  qui  ont  été  entraînés  par  les  eaux  et  les  neiges 
dans  les  couches  inférieures  de  la  clappe,  et  y  sont  en  mélangi^ 
de  la  terre. 

On  arrache,  soit  dans  les  pépinières  volantes,  soil  dans  des 
semis  anciens,  des  plants  de  3,  i  ou  o  ans,  en  ayant  soin  de 
conserver  leur  motte  qu'on  plact;  dans  le  Irou,  en  ICnlouraiil 
de  terre  apportée  ad  hoc  dans  des  corbeilles. 

Ces  plantations  sont  nécessairement  espacées;  mais  les 
toulles  forment  une;  séri<;  de  petits  massifs  dont  les  détritus  ne 
tardent  pas  à  recouvrir  les  parties  immédiatement  voisines;  la 
végétation  lierbacée  s'y  introduit,  et  peu  à  peu  la  nudité  de  la 
clappe  disparaît  et  se  trouve  remplacée  par  une  végétation  de 
ronces,  de  groseilliers,  etc.,  entremêlés  de  graminées  abritées 
par  les  plantes  forestières,  qui  trouveront  là   plus  tard   un 


EXECUTION  DES   TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.     291 

champ  tout  préparé  pour  les  semis  naturels  provenant  de  leurs 
graines. 

Les  plantations  de  feuillus  sont  employées,  soit  sur  certains 
versants  et  sur.  les  berges,  soit  dans  le  fond  des  ravins  et  des 
torrents,  sur  les  atterrissements  des  travaux  de  correction. 

Sur  les  versants  et  sur  les  berges,  les  feuillus  sont  le  plus 
souvent  appelés  à  ne  jouer  qu'un  rôle  de  protection  pour  les 
essences  résineuses  qui  doivent  occuper  définitivement  le  ter- 
rain. Des  dimensions  beaucoup  plus  fortes  au  même  âge  que 
celles  des  résineux,  une  rusticité  plus  grande,  une  croissance 
plus  rapide  et  la  faculté  de  végéter  pendant  un  certain 
nombre  d'années,  sinon  toujours,  à  l'état  serré,  telles  sont  les 
conditions  que  doivent  remplir  ces  utiles  auxiliaires. 

Le  but  de  leur  emploi  indique  à  lui  seul  que  les  plants  de- 
vront être  disposés  par  lignes  sensiblement  horizontales,  plus 
ou  moins  écartées  suivant  les  cas,  mais  ayant  pour  résultat, 
soit  la  formation  de  haies  qui  coupent,  sur  les  pentes,  la  vi- 
tesse des  eaux  pluviales  et  annulent  leur  force  d'entraînement, 
soit  la  création  d'un  massif  à  l'abri  duquel  on  pourra  intro- 
duire ultérieurement  des  essences  plus  précieuses  ou  plus 
longévives. 

S'il  s'agit  de  créer  un  massif,  on  emploiera  de  préférence 
des  plants  d'un  an  ou  deux  de  repiquage  qu'on  plantera  par 
trous,  comme  nous  l'avons  indiqué  pour  les  résineux. 

Si  la  surface  du  sol  est  trop  instable  pour  permettre  sans  in- 
convénient majeur  la  confection  des  trous  assez  gros  que  né- 
cessite l'emploi  des  plants  repiqués,  on  emploiera  des  plants 
en  pourrette,  dont  les  petites  racines  n'exigeront  pour  être 
mises  en  terre  qu'un  simple  entre-bâillement  du  sol  avec  la 
pioche. 

Quant  à  l'exécution,  on  opérera  identiquement  comme  nous 
l'avons  indiqué  pour  ce  qui  concerne  les  résineux. 

La  plupart  des  essences  feuillues  ainsi  employées  doivent 
être  recepées  au  moment  de  la  plantation.  On  obtient  de  cette 
façon,  dès  la  première  année,  une  petite  cépée  qui  fournit  au 


292  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

sol  un  abri  plus  efficace,  qu'on  complète  en  semant  des  four- 
ragères dans  les  intervalles  nus. 

Ce  recepagedoit  être  opéré  sur  les  lieux  mêmes,  par  des  ou- 
vriers spéciaux,  qui  préparent  les  plants  avant  de  les  livrer  aux 
planteurs.  On  ne  laisse  que  3  centimètres  au  plus  de  tige  au- 
dessus  du  collet  de  la  racine,  et  l'on  coup(>  le  pivot  à  15  centi- 
mètres de  longueur,  tout  en  rafraîchissant  le  chevelu  et  en 
enlevant  les  parties  des  racines  endommagées. 

Les  frais  de  cette  plantation  au  mille  de  plants  sont  à  peu 
près  les  mômes  que  ceux  des  résineux  ;  l'ateher  se  constitue 
de  la  môme  façon. 

La  nécessité  des  haies  de  feuillus  est  commandée  par  l'état 
d'instabilité  de  la  surface  du  sol  qu'elles  sont  appelées  à  com- 
battre. Dans  de  pareilles  conditions,  il  faut  que  les  plants  soient 
très  rapprochés  les  uns  des  autres,  afin  de  produire  immédia- 
tement sur  les  eaux,  dans  l'intérêt  môme  de  leur  propre  con- 
servation, l'effet  mécanique  qu'on  en  attend  pour  le  maintien 
du  sol. 

D'autre  part,  l'ulilitc)  de  ces  haies  se  fait  surtout  sentir  sur 
les  berges  de  torrents  ou  de  ravins  présentant  des  pentes  qui 
atteignent  jusqu'à  120  pour  100,  et  sur  lesquelles  la  circula- 
tion des  ouvriers  serait  impossible  sans  l'ouverture  de  places 
où  ils  puissent  poser  seulement  le  pied. 

En  pareille  occurrence,  il  faut  donc  ouvrir  une  sorte  de  pe- 
tit sentier  à  l'emplacement  môme  de  chacune  des  haies  hori- 
zontales futures,  afin  de  permettre  l'exécution  de  la  planta- 
tion {de  Gayffier,  PI.  31.) 

La  largeur  de  ces  banquettes  ainsi  ouvertes  varie  nécessai- 
rement avec  la  pente  de  la  berge;  elle  diminue  à  mesure  que 
la  pente  augmente;  quant  à  l'écartement  des  banquettes  entre 
elles,  il  dépend  avant  tout  de  la  nature  du  sol  et  se  trouve  li- 
mité par  sa  tendance  au  glissement  qu'il  importe  de  ne  jamais 
provoquer. 

La  Ijancjuetle  une  fois  ouverte,  il  reste  à  examiner  comment 
la  plantation  doit  être  opérée. 


EXECUTION   DES   TRAVAUX   DE   REBOISEMENT.    293 


Dans  les  cas  où  le  plafond  do  la  banquette  présente  un  sol 
dur  et  compact,  impénétrable  aux  racines,  on  se  trouve  obligé 
d'en  défoncer  une  partie  ;  l'on  ouvre  à  cet  effet  un  petit 
fossé,  séparé  do  la  surface  du  talus  par  une  tranche  non  cul- 
tivée, destinée  à  protéiîor  les  terres  ameublies  contre  l'ontrai- 
noment;  l'on  y  plante  les  jeunes  plants  très  serrés  dans  la 
ligne,  et  sur  la  surface  on  sème  des  graines  fourragères. 

La  coupe  d'une  pente  donnée  [fig.  67)  résume  ces  diverses 
opérations  :  xy  étant  le  profil  de  la  ponte,  ab  représente  le 
plafond  de  la  banquette  non  horizontal,  mais  en  devers,  in- 
cliné   contre    la    montagne  ; 
abc,  la  section  du  déblai  né- 
cessaire pour  l'ouverture  de 
la  banquette,   et  enfin  def(j, 
la  section  du  défoncoment. 

On  conçoit  facilement  qu'un 
pareil  travail  ne  doit  être  opéré 
que  dans  des  circonstances 
tout  à  fait  exceptionnelles,  et 
sur  une  échelle  très  réduite, 
à  cause  de  la  grande  dépense 
qu'il  nécessite,  et  qui  provient 
non  seulement  des  terrasse- 
ments à  exécuter,  mais  encore 
des  ouvrages  qu'on  est  obligé,  presque  toujours,  d'établir  pour 
le  maintien  des  terres  et  la  protection  des  plantations. 

Il  faut,  en  effet,  ouvrir  d'abord  à  la  pioche  la  banquette 
ainsi  que  le  fossé  destiné  aux  plantations  et  rejeter  à  la  pelle 
tous  les  déblais  dans  le  fond  des  ravins;  puis,  pour  remplir 
le  fossé  et  garnir  de  terre  les  jeunes  plants,  il  faut  taluter  en 
cbh  la  paroi  supérieure  de  la  banquette;  mais,  la  plantation 
une  fois  faite,  la  section  abh  demeure  ouverte  et  exposée  par 
suite  aux  influences  atmosphériques,  de  sorte  que  le  talus 
bh,  qui  est  forcément  à  pente  très  raide,  se  trouve  exposé  à 
l'érosion,  au  délitement  et  à  de  petits  éboulements  qu'on  ne 


Fig.  67. 
(de  Gayffier,  PI.  26,  32  et  3t). 


294 


REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 


peut  prt'vonir  ou  arrêter  qu'en  le  revêtant  d'un  clayonnage 
sans  lequel  les  jeunes  plants  risqueraient  d'être  recouverts  et 


Fin-.  68. 


î'toudes  par  les  terres  supérieures  provenant,  soit  du  talus  hh 
lui-même,  soit  de  son  amont. 

Enfin,  la  section  abli  demeurant  ouverte,  les  eaux  peuvent 
s'amasser  sur  la  banquette,  la  crever  à  certains  points,  ou 
déterminer  le  glissement  d'une  tranche  telle  que  x  a,  x'  e. 


EXÉCUTION  DES  TRAVAUX  DE  REBOISEMENT.  2!lo 


Il  convient  donc  d'apport  or  la  plus  grande  circonspection 
dans  l'emploi  de  ce  genre  de  banquettes,  surtout  dans  les 
marnes  noires  du  lias,  et  de  bien  examiner  si  les  conditions 
du  sol  que  l'on  veut  fixer  réclament  absolument  et  sans  con- 
teste les  sacrifices  qu'impose  ce  mode  de  préparation,  auquel, 
dans  la  plupart  des  cas,  nous  préférons  le  suivant,  qui  joint 
à  une  grande  économie  dans  l'exécution  l'avantage  d'être  très 
simple  et  de  n'exiger  aucun  ouvrage  de  protection  : 

Étant  donnée  une  berge  x  y  h  traiter  (fig.  68),  admettons 
qu'on  ait  reconnu  la  nécessité  d'y  créer  des  haies  étagées 
H,  H'  et  H";  on  commence  par  ouvrir  la  banquette  H  sui- 
vant le  profil  a  b  c,  où  la  ligne  a  6  se  trouve  bien  en  devers 
contre  la  pente  de  la  berge  (de  20  à  30  pour  100),  tandis  que 
le  talus  bc  est  vertical,  et  l'on  jette  dans  le  fond  du  ravin 
le  produit  du  déblai.  Un  planteur  vient  alors  coucher  ses 
plants  sur  le  plafond  de  la  banquette,  en  les  plaçant  bien 
perpendiculairement  à  sa  direction,  de  façon  que  le  collet 
(le  la  racine  de  chacun  d'eux  se  trouve  à  10  centimètres 
environ  en  dedans  de  a  vers  b.  Il  les  assujettit  provisoirement 
avec  un  peu  de  terre  qu'il  emprunte,  en  quelques  coups  de 
pioche,  au  talus  bc  qui  devient  db. 

Un  second  piocheur  placé  en  H'  ouvre  la  deuxième  ban- 
quette, de  manière  à  se  laisser  constamment  précéder  par  le 
planteur  qui  dispose  les  jeunes  plants  sur  la  banquette  H;  au 
lieu  de  jeter  ses  déblais,  il  les  pousse  en  a  et  les  laisse  couler 
sur  la  pente  ad,  qui  est  toujours  d'assez  courte  longueur. 

Il  en  résulte  que  les  terres,  ne  pouvant  prendre  une  bien 
grande  vitesse,  viennent  recouvrir  les  plants  disposés  sur  la 
banquette  inférieure  abd,  et  la  remblayer  entièrement. 

On  fait  de  même  pour  H",  H'",  etc.,  et,  l'opération  une  fois 
terminée,  les  haies  successives  se  trouvent  plantées  sans  que 
le  profil  du  versant  en  paraisse  modifié  autrement  qu'à  la  plus 
haute  haie  où  nécessairement  il  a  fallu  taluter  pour  recouvrir 
les  plants. 

L'économie  de  cette  méthode  est  évidente;  elle  porte,  en 


296 


R 10  B  0 1 S  I<]  M  E  N  T  E  T  Vr  A  Z  (  )  N  N  E  M  E  N  T . 


effet,  non  seiilemont  sur  la  quanlité  dos  l(>rrasscnionts,  mais 
surtout  sur  la  suppression  de  tout  clayonnage  en  vue  du  sou- 
tien des  talus  ;  les  plants  formant  les  haies  n'ont  rien  à  redou- 
ter do  rébouloment  des  terres  supérieures,  qui  ne  produisent 
sur  eux  d'autre  effet  que  de  les  rehausser  davantage,  sans 
pouvoir  compromettre  leur  existence.  Au  bout  de  deux  ou 

trois  ans  que  les  haies 
sont  plantées,  le  sol,  à 
leur  amont,  forme  une 
sorte  do  bourrelet  sur 
lequel  on   i)eut   effec- 
tuer des  plantations  de 
résineux  qui  se  trou- 
veront dans  de  bonnes 
conditions    de  végéta- 
tion, et  entre  lesquels 
on  peut  semer  des  fourragères  ([ui  achèvent  la  fixation  défi- 
nitive du  versant  (fg.  69,  70,71  et  7:2). 
Cette  méthdoe,  que  l'on  désigne  généralement  sous  le  nom 

de  plantation  en  co?-- 
dons  \  n'a  cessé  de 
donner  d'excellents 
résultats  ;  elle  trouve 
son  application  dans 
les  berges  de  torrent  s 
dont  l'état  suporfi— 
ciel  noponnet  aucun 
autre  genre  do  plan- 
tation, et  apporte  un 
précieux  secours  à  la  (ixiilinu  (l(>s  terres  à  la  naissance  de 
certains  ravins.  Il  arrive  suuvenl.  en  efl'rl.  (ju "à  leur  origine 


Fig.  69. 
A  la  V  Année. 


Fig.  70. 
Après  la  2«  Année. 


Fig.  71. 
Après  la  3'  Année. 


^!^^ 


Fig.  72. 
Après  la   1°  .Vnuée. 


1.  — Ce  mode  de  plantation  on  corduns  a  été  appliqué  pour  i;i  première 
fois  et  avec  un  succès  complet,  dans  les  sols  les  plus  injrrats,  par  son  inven- 
teur, M.  Couturier,  Inspecteur  clrs  fordls,  aujouririiui  chef  du  service  du 
reboisement  des  Basses-Alpes  [de  Gayfficv,  PI.  14). 


EXECUTION   DES   TRAVAUX  DE   REBOISEMENT.     207 

bien  (les  ravins  prcsontont  dos  profils  on  travers  très  aplatis, 
mais  développés  on  une  sorte  do  demi-entonnoirs,  dans  les- 
quels on  no  saurait  construire  utilement  (l(\s  clayonnages  ou 
des  fascinages,  soit  i\  caus(^  de  l'instabilité  et  de  la  p(Mito  du 
sol,  soit  ù.  cause  de  la  dépense  qu'entraîneraient  ces  travaux. 
On  trouve  là  encore  une  très  avantageuse  application  des  cor- 
dons entre  lesquels,  pour  plus  de  consolidation,  on  plante  une 
série  de  gros  plançons  de  saule  en  lignes  rapprochées,  appelés 
à  garnir  immédiatement  tous  les  vides  que  laissent  entre  eux 
les  cordons  sur  la  surface  à  consolider. 

Les  essences  les  plus  avantageuses  pour  les  plantations  en 
haies  sont  : 

Le  robinier  ; 

L'orme; 

L'érable  ; 

Le  coudrier; 

L'aubépine; 

Et  le  prunier  de  Briancon. 

On  les  emploie  en  plants  do  deux  ans,  le  plus  souvent  non 
repiqués. 

Le  saule  pourpre  et  le  saule  drapé,  qui  n'exigent  guère  plus 
de  fraîcheur  que  ces  essences,  présentent  une  très  précieuse 
ressource  pour  ces  cordons;  on  les  emploie  en  boutures  que 
l'on  se  procure  économiquement  et  facilement  dans  toutes  les 
localités  ;  on  coupe  les  boutures  à  une  longueur  dépassant  de 
10  centimètres  la  largeur  de  la  banquette  et  on  les  place  à 
2  ou  3  centimètres  au  plus  l'une  de  l'autre,  de  sorte  que,  dès 
la  première  année  de  végétation,  l'on  obtient  de  véritables 
cordons  de  verdure  en  travers  des  versants  les  plus  arides. 

La  dépense  en  main-d'œuvre  pour  l'exécution  de  ces  cor- 
dons s'établit  d'après  les  données  suivantes  : 

En  terrain  moyennement  difficile,  un  terrassier,  dans  sa 
journée,  prépare  40  mètres  de  banquette; 

Un  planteur,  en  une  journée,  pose  et  fixe  les  plants  sur 
100  mètres  de  banquette. 


298  •    REBOISEMENT  ET  GAZONNEMEN  T. 

La  dépense  en  niain-d'd'uvre  ;\  l'hectomètre  courant  devient 
donc  : 

Ouverture  des  Imndes G  (V.  2.j 

Pose  et  fixation  des  plauts 2  fr.  oO 

ToTAi 8  fV.  75 

Si  l'on  vent  obtenir  le  prix  de  revient  do  la  plantation  à 
riiectomètre  courant,  il  ne  reste  qu'à  ajouter  à  cette  somme 
la  valeur  des  plants  rendus  à  pied  d'dMivrc»  et  convenablement 
préparés. 

C'est  surtout  dans  les  fonds  des  ravins,  sur  les  atterrisse- 
mcnts  des  barrages  et  sur  le  pied  des  berges,  que  les  feuillus 
trouvent  leur  emploi  principal  et  prennent  le  pas  sur  les  rési- 
neux. Susceptibles,  en  oiM,  d'être  plantés  au  moment  ofi  ils 
ont  acquis  une  taille  qui  rendrait  impossible  l'emploi  de  ces 
derniers,  ils  peuvent,  dès  la  })remière  année  de  leur  intro- 
duction, jouer  un  rôle  sérieux  en  vue  de  la  retenue  des  terres. 
Occupant  les  terrains  les  i)lus  j)rofonds,  les  plus  frais,  les 
moins  élevés  et  les  plus  abrités  que  puisse  présenter  un  péri- 
mètre, ils  se  trouvent  dans  les  meilleures  conditions  de  végé- 
tation possible,  et  sont  appelés  ainsi  à  procurer  dans  l'avenir 
des  produits  importants.  On  a  donc  tout  intérêt  à  choisir  pour 
ces  plantations  les  essences  fournissant  des  bois  d'industrie, 
d'une  grande  valeur  sous  un  i)i'tit  vijlume,  telles  (pie  les  ormes, 
les  frênes  et  les  érables. 

On  emploie  ordinairement  à  cet  elfet  des  j)lants  repiqui's  de 
trois  à  ((uatre  ans,  de  préférence  aux  hautes  tiges,  (piOn  n'-- 
serve  pour  des  cas  rares  et  tout  spéciaux. 

La  i)lantation  se  fait  i)ar  trous  assez  granils  i)uur  (|ue  les 
racines  des  sujets  puissent  être  bien  étalées,  suivant  leur  posi- 
tion naturelle;  on  a  soin  de  placer  leur  colhM  au  niveau  du  sol 
extérieur,  afin  d'écarter  le  danger  de  trop  enterrer  les  plants. 

On  doit  éviter  avec  soin  de  former  des  massifs  composés 
exclusivement  d'une  seule  essence,  surtout  pour  le  Irène,  et 
planter  au  contraire  en  mélange. 


EXECUTION  DES  TRAVArX  DE  REBOISEMENT.  :i!t!) 

Mais  ces  essences  de  valeur  ne  sufliraient  i)as  ;\  elles  seules 
pour  remplir  le  but  des  plantations,  qui  est  de  fixer  les  terres 
et  d'aider  parfois  au  colmatage  dans  les  crues  extraordinaires. 
On  ne  peut  les  planter  assez  serrées  pour  cela,  et  le  pourrait- 
on  même,  (|u'il  faudrait  y  renoncer,  car  les  arbres  ne  sauraient 
végéter  longtemps  dans  de  pareilles  conditions  et  l'on  aurait 
fait  des  frais  de  plantations  inutiles. 

Aussi  doit-on  se  contenter  d'espacer  ces  plants  de  valeur 
à  l°',oO  au  moins,  sauf  à  remplir  les  intervalles  par  une  infi- 
nité de  boutures  de  peuplier  et  de  saule,  qui,  dès  la  première 
année,  maintiennent  le  terrain  et  peuvent  être  au  besoin  ex- 
ploitées périodiquement,  tous  les  deux  ou  trois  ans,  dans  le 
but  de  fournir  des  matériaux  aux  travaux  à  exécuter  ultérieu- 
rement dans  les  environs. 

Les  boutures  ordinaires  de  bois  de  deux  ans  se  plantent  au 
plantoir;  elles  sont  enfoncées  à  -40  centimètres  dans  le  sol, 
qu'elles  ne  dépassent  que  de  8  à  10  centimètres  au  maximum. 
Les  grosses  boutures,  que  l'on  nomine plmiçons,  sont  choisies 
dans  des  pousses  de  quatre  à  cinq  ans;  on  prépare  leurs  trous 
au  moyen  de  la  barre  à  mine,  qui  remplace  le  plantoir  en  fer, 
et  on  pousse  à  une  profondeur  de  oO  à  80  centimètres  pour 
obtenir  ainsi  une  sorte  de  pilotage  dont  les  pilotis  vivants  raf- 
fermissent et  maintiennent  le  sol. 


300  REBOISEMENT  ET  GAZONNE  iMENT. 


CHAPITRE    XI 


TRAVAUX    DE   GAZONNEMENT 


Des  r.vTuu.vr.ES  dk  montagnes;  leir  composition  dans  les  Alpes  F'ran- 
CAISES.  —  Prairies  fauchahles.  —  Pâturages.  —  Pâturages  du  printemps 
et  d'automne.  —  Pâturages  d'été.  —  Montagnes  pastorales.  —  Régéné- 
ration  ET  amélioration  DES    PATURAGES  PAR   LE  GAZONNEMENT. 


Considérations  générales.  —  Un  s'ost  généralemont  entendu 
sur  la  valeur  du  terme  rebuiscment,  qui  indique  une  opération 
nettement  précise  et  dont  le  but  est  la  création  d'un  massif 
forestier  sur  un  terrain  donu(''. 

Mais  il  n'en  est  i)as  ainsi  pour  le  {/nzoïinonoit. 

Toute  personne,  sans  parti  pris  d'avance,  qui,  après  s'être 
bien  péni'trée  de  tout  ce  qu'on  a  dit  ou  écrit  sur  le  gazonne- 
ment  (notamment  dans  la  discussion  de  la  loi  du  8  juin  18tii), 
ne  connaît  ou  n'a  pas  suffisamment  observé  les  montagnes, 
surtout  les  Alpes  françaises,  est  exposée  à  se  faire  du  gazon- 
nement  une  idée  qui  est  loin  d'ôtre  conforme  i\  la  réalité.  Elle 
se  représentera  fatalement  le  sol  d'une  montagne  recouvert, 
après  l'opération  du  gazonueiuenf,  d'une  vaste  pelouse  homo- 
gène, continue,  appelée,  fout  en  nourrissant  de  nombreux 
troupeaux,  à  retenir  les  eaux  pluviales  et  ;\  se  conserver  éter- 
nellement dans  CCS  conditions  salutaires  et  productives,  moyen- 
nant un  aménagement  convenable  du  pâturage. 

Il  n'en  est  malheureusement  pas  ainsi  dans  la   plupart  des 


TRAVAUX   DE  G  AZON  NExMEXT.  301 

montai:nes.  La  vraio  polouso,  tant  désiréo,  tant  invocfuéo  par 
certains  détracteurs,  plus  ou  moins  intéressés  ou  compétents, 
du  reboisement,  ne  se  rencontre  qu'aux  très  grandes  altitudes, 
presque  toujours  aux  limites  supérieures  de  la  végétation 
forestière  actuelle,  sur  les  pentes  douces  des  montagnes  dites 
pastorales,  nom  local  très  caractéristique  qui  ne  s'applique  pas 
indifféremment  à  toutes  celles  de  la  même  région  climatéri- 
que  qui  est  Valphie;  c'est  dans  cette  région  seule  que  l'on  peut 
songer  à  appliquer  ce  que  la  loi  de  1864  appelle  le  gazon- 
nement . 

Dans  les  régions  moins  hautes,  Valpestre  et  la  moyenne,  le 
reboisement  s'impose  davantage  à  mesure  qu'on  descend,  et 
se  mélange  de  plus  en  plus  intimement  avec  le  gazonnement, 
dont  le  caractère  se  modifie  graduellement  en  même  temps 
que  les  climats  des  différents  étages  de  ces  régions. 

La  pelouse  disparait  ;  les  plantes  herbacées  n'appartiennent 
plus  aux  mêmes  espèces,  elles  végètent  de  plus  en  plus  en 
touffes  isolées  et  se  mélangent  de  plantes  buissonnantes  de 
toutes  sortes;  mais  leur  ensemble  ne  forme  plus  un  massif 
serré,  protégeant  suffisamment  le  sol;  enfin,  par  suite  de  la 
sécheresse  du  climat,  les  herbes  se  trouvent  pour  la  plupart  à 
l'état  de  dessiccation  complète  à  la  fin  de  l'été,  à  l'époque  des 
orages  les  plus  redoutables,  au  moment  même  où  le  sol  aurait 
le  plus  besoin  de  leur  protection. 

De  ces  considérations  il  résulte  tout  d'abord  que  le  gazon- 
nement, compris  comme  création,  sur  un  terrain  nu,  d'un 
pâturage  susceptible  d'exploitation  régulière,  tout  en  procu- 
rant au  sol  un  abri  perpétuel,  ne  peut  être  tenté  que  dans  la 
région  très  restreinte  des  montagnes  pastorales. 

De  plus,  cette  opération  devra  être  confinée  exclusivement 
sur  les  terrains  ne  présentant  pas  des  pentes  trop  prononcées, 
car,  à  rencontre  encore  de  bien  des  idées  répandues  à  ce  su- 
jet, les  gazons  de  montagne,  étant  très  serrés,  forment  une 
sorte  de  feutre  que  les  eaux  des  orages  violents  pénètrent  peu, 
mais  sur  lequel  elles  glissent  au  contraire  et  s'agglomèrent  ra- 


302  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 


pidemont,  si  la  pente  est  forte  et  présente  quelques  plis  de 
terrain.  Le  gazon,  dans  ces  conditions,  n'offre  donc  aucune 
garantie  de  protection  ;  il  ne  retient  ni  ne  divise  suffisamment 
les  eaux,  et  pour  peu  que,  dans  les  plis  do  terrain  où  elles  se 
réunissent  rapidement,  il  soit  entamé  à  un  point  donné,  un  ra- 
vin ne  tarde  pas  à  se  former  pour  devenir  en  peu  d'années 
l'origine  d'un  torrent  avec  des  berges  vives  que  le  gazonne- 
ment  devient  impuissant  à  fixer. 

A  l'apparition  de  la  loi  du  8  juin  i86i,  de  très  vives  opposi- 
tions s'étaient  manifestées  dans  certaines  régions  montagneu- 
ses contre  l'application  de  la  loi  sur  le  reboisement  qu'on 
accusait  de  détruire  l'industrie  pastorale,  seule  ressource  des 
habitants;  dans  d'autres  régions  montagneuses,  la  foi  dans  le 
succès  du  reboisement  ne  laissait  pas  d'ôtre  quelque  peu 
ébranlée  à  la  suite  do  premières  tentatives  peu  favorables, 
opérées  dans  un  espace  de  temps  bien  court  cependant  et  dans 
les  conditions  les  moins  concluantes,  car  en  ce  moment,  où 
tout  était  nouveau,  l'on  ne  possédait  aucune  donnée  d'expé- 
riences probantes  et  l'on  n'avait  aucune  tradition  établie  sur 
laquelle  on  pût  s'appuyer  sûrement.  On  aurait  voulu  des  ré- 
sultats prompts  et  immédiats;  devant  les  exigences  du  tomps 
et  de  la  végétation,  exigences  dont  on  exagérait  l'amplitude, 
l'on  perdit  trop  tôt  patience  et  l'on  se  rejeta,  avec  trop  d'en- 
train peut-être,  dans  l'application  de  la  nouvelle  loi  qui  venait 
d'apparaître.  On  crut  avoir  en  main  des  moyens  de  régénéra- 
tion des  montagnes  suffisants  pour  l'extinction  des  torrents; 
on  leur  trouva  alors  des  avantages  de  toutes  sortes  sur  ceux 
fournis  par  la  loi  du  28  juillet  1860,  avantages  au  point  de  vue 
multiple  de  la  dépense,  de  la  certitude  et  de  la  célérité  des 
travaux,  avantages  pour  les  populations,  avantages  économi- 
ques, administratifs  ot  autres L'impulsion  donnée  par  l'ap- 
parition de  cette  loi  fut  telle  que  dans  l'enquôte  agricole 
de  1866,  comme  dans  les  délibérations  de  quelques  conseils 
généraux  de  cette  époque,  on  se  servit  du  gazonnement  comme 
d'une  arme  contre  lo  reboisement. 


TRAVAUX  dp:  GAZONNEMENT.  303 

En  exécution  do  cette  loi,  do  nombreux  périmètres  de  re- 
boisement décrétés  antérieurement  furent  révisés  et  en  partie 
affectés  au  gazonnement  ;  l'on  procéda  sans  retard  aux  tra- 
vaux et...  buit  ou  dix  ans  ans  après,  l'expérience  une  fois 
faite,  on  en  fut  réduit  ù  provoquer  de  nouveaux  décrets  pour 
revenir  au  reboisement  dans  bon  nombre  de  périmètres. 

L'illusion  n'a  donc  pas  eu  une  bien  longue  durée;  elle  a 
disparu  depuis  longtemps  devant  les  faits  ;  la  dégradation  pro- 
gressive des  montagnes  pastorales,  couvertes  cependant  d'un 
épais  gazon,  démontre  surabondamment  que,  même  dans  les 
hautes  montagnes,  le  gazonnement  pur  et  simple,  tel  que  le 
comprend  la  loi  de  186i,  ne  peut  produire  que  d'amères  dé- 
ceptions au  point  de  vue  de  l'extinction  des  torrents,  et  ne  doit 
être  employé,  dans  les  régions  oi^i  il  est  praticable,  qii  h  préve- 
nir leur  formation. 

La  loi  de  1864  se  trouve  du  reste  à  la  veille  d'être  aban- 
donnée pour  faire  place  à  la  loi  votée  par  la  Chambre  des 
Députés  en  février  1877,  et  dont  l'article  8  vise  les  tra- 
vaux de  reboisement  et  de  gazonnement  pour  cause  d'utilité 
publique. 

Il  ne  peut  s'agir  ici  du  gazonnement  tel  que  semblait  l'im- 
pliquer l'ancienne  loi,  car  l'article  11  interdit  à  l'Etat  tout  tra- 
vail d'utilité  publiciuo  sur  des  terrains  qui  ne  seraient  pas 
devenus  sa  propriété. 

Ce  n'est  donc  que  sur  des  terrains  appartenant  à  l'État  que 
pourront  être  à  l'avenir  exécutés  des  travaux  obligatoires  de 
gazonnement.  Mais  alors  ce  terme  implique-t-il  encore  l'idée 
de  la  création  d'un  pâturage  appelé  dans  l'avenir  à  être  livré  à 
l'élevage  de  troupeaux?  Evidemment  non,  et  sans  chercher 
d'autres  preuves,  qui  ne  feraient  pas  défaut,  il  nous  suffit  de 
nous  reporter  à  la  constitution  môme  des  périmètres  obliga- 
toires, basée  sur  le  mêane  article  8,  pour  reconnaître  que  les 
motifs  qui  peuvent  faire  décréter  d'utilité  publique  un  péri- 
mètre donné  ne  sauraient  comporter  la  création  d'un  pâturage 
destiné  à  être  exploité  par  les  troupeaux  dans  l'avenir,  résul- 


304  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

lat  qui  demeure  réservé  exclusiveinonl  aux  travaux  facultatifs 
prévus  par  les  articles  1  à  7  de  la  môme  loi. 

Le  gazonnomeut  prévu  par  l'article  8  devient  donc  un  terme 
générique,  signifiant  toute  opération  ayant  pour  but  do  pro- 
voquer sur  certains  sols  dénudés  une  végétation  quelconque 
autre  que  la  forêt  proprement  dite,  et  dans  laquelle  domine- 
ront toujours  les  plantes  herbacées  péi'ennes,  c'est-à-dire  du- 
rant un  certain  nombre  d'années. 

Cette  interprétation  du  terme  gazonnement,  en  matière  obli- 
gatoire, nous  paraît  entièrement  justifiée  par  l'extrait  de 
V Étude  sur  les  torrents  des  Hautes-Alpes  de  M.  Surell:  «  Cepcn- 
tlant  il  est  une  erreur  qui  pourrait  opposer  une  influence 
fâcheuse  à  l'exécution  de  nos  travaux,  et  qu'il  est  important 
de  détruire,  je  veux  parler  de  cette  opinion  dans  laquelle,  sans 
mettre  en  débat  les  heureux  résultats  du  reboisement,  on  s'at- 
tendrait toutefois  à  ne  les  voir  se  réaliser  qu'au  bout  d'une 
très  longue  série  d'années. 

<(  Je  dis  que  cette  opinion  serait  fâcheuse,  car  en  tout  ce 
que  nous  entreprenons,  nous  voulons  toucher  vite  au  but, 
nous  avons  soif  de  jouir,  et  les  travaux  séculaires  ne  sont  plus 
de  notre  goût.  Avec  une  si  âpre  impatience,  comment  ne  re- 
culerions-nous pas,  consternés  et  rebutés,  devant  une  entre- 
prise dont  nous  ne  verrions  jamais  nous-mêmes  le  terme,  dont 
les  fruits  ne  seraient  mûrs  que  pour  une  postérité  aux  desti- 
nées incertaines,  cpii  enfin  se  présenterait  à  nous  comme 
perdue  dans  les  vapeurs  d'un  avenir  lointain,  })0ur  lequel 
beaucoui»  de  nous  n'uni  malheureusement  ni  de  sympathie  ni 
de  foi? 

«  Mais  hâtons-nous  de  faire  voir  que  cette  opinion  n'est  pas 
fondée. 

«  En  effet,  de  quoi  s'agit-il  principalement  dans  tout  ce  que 
nous  proposons?  De  détruire  les  torrents.  Eh  bien!  pour  en 
arriver  là,  il  n'est  pas  indispensable  d'attendre  que  les  torrents 
soient  ensevelis  sous  une  couche  de  hautes  forêts;  il  suffit  que 
le  sol  soit  tapis.sé  de  gazon,  de  broussailles  ou  d'arbustes.  Les 


TRAVAUX  DE   GAZONNEMENT.  30:i 

arbustes  aussi  bien  que  les  arbres  consolident  la  surface  du 
sol,  divisent  les  courants  qui  tendent  à  le  raviner,  empochent 
la  concentration  subite  des  eaux,  et  en  absorbent  une  certaine 
portion  dans  l'humus  qu'elles  entretiennent  à  leur  pied. 
Tout  cela,  nous  le  savons  déjà  et  les  exemples  se  pressent  pour 
l'attester. 

«  Or,  à  une  pareille  végétation,  il  faut  très  peu  de  temps 
pour  se  rendre  définitivement  maîtresse  du  sol;  s'il  faut 
soixante  ans  '  pour  créer  une  véritable  foret,  s'il  faut  plusieurs 
siècles  pour  parvenir  à  boiser  certains  revers  déchirés,  où  les 
obstacles  redoublent  en  nombre  et  en  puissance,  il  suffira  de 
(piatre  ou  cinq  années  pour  couvrir  un  terraiu  de  broussailles. 
C'est  là  ce  que  prouve  l'expérience  de  beaucoup  de  quartiers 
mis  à  la  réserve  et  auxquels  il  n'a  pas  fallu  plus  de  temps  pour 
se  montrer  revêtus  de  cette  utile  armure  -. 

«  Est-ce  à  dire  pour  cela  qu'il  faille  se  contenter  de  pro- 
duire des  broussailles,  même  là  oîi  l'on  pourrait  immédiate- 
ment créer  une  forêt?  Non,  car  les  bois  donnent  de  la  valeur 
aux  terrains  qu'ils  recouvrent,  ils  empo7'tent  cVailleia's  avec  eux 
des  éléments  nouveaux  de  régénération  qui  ne  se  rencontrent  pas 
dans  les  broussailles.  Considé7'ons  seulement  cette  même  végétation 
comme  destinée  à  précéder  la  grande  végétation  des  foi^êts,  sur  les 
tei'rains  oii  celle-ci  auimt  trop  de  peine  à  s'installer  tout  d'abord. 

«  Ainsi,  il  faut  concevoir  le  résultat  de  l'entreprise  comme 
se  séparant  en  deux  effets  :  l'un,  qu'on  peut  considérer 
comme  immédiat,  produit  par  l'apparition  de  l'herbe  ou  des 
arbres  naissants,  et  qui  se  manifestera  de  suite  par  l'extinction 
ou  par  l'affaiblissement  des  torrents;  le  second,  plus  lointain, 
qui  n'arrivera  qu'à  la  suite  des  forêts,  et  dont  l'importance 
sera  développée  tout  à  l'heure.  Mais  en  ne  considérant  que  le 

1.  —  L'expérience  des  quinze  dernières  années  a  démontré  que  ce  terme 
peut  être  considérablement  réduit  et  que  dix  années  peuvent  suffire,  dans 
la  généralité  des  cas,  pour  couvrir  un  sol  stable  d'un  peuplement  forestier 
vigoureux. 

2.  —   Dans  les  climats  tempérés,  mais  non  aux  grandes  altitudes. 

20 


306  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

proinior  efft't,  qui  ost  précisément  le  but  dominant  do  nos  tra- 
vaux, celui  qui  doit  mettre  un  terme  aux  maux  présents,  et 
qu'il  est  le  plus  pressant  d'atteindre,  il  demeure  bien  établi 
que  cet  effet-là,  loin  d'être  séculaire,  sera  presque  instantané 
et  qu'il  se  fera  sentir  dès  les  premiers  essais.  » 

Des  observations  qui  précèdent  nous  tirons  les  conclusions 
suivantes  : 

1°  Dans  l'ordre  des  travaux  obliiïatoires,  le  gazonnement  ne 
peut  être  considéré  que  comme  un  terme  générique  indiquant 
toute  opération  ayant  pour  but  de  provoquer,  dans  les  péri- 
mètres déclarés  d'utilité  publique,  la  production  d'une  végé- 
tation herbacée,  arbustante,  broussailleuse,  etc.,  en  un  mot, 
d'une  végétation  quelconque  autre  que  celle  des  grandes  es- 
sences qui  seules  peuvent  constituer  la  vraie  forêt. 

2"  Ce  n'est  que  dans  l'ordre  des  travaux  facultatifs  que  l'on 
peut  avoir  pour  but,  soit  la  création,  soit  l'amélioration  d'un 
pâturage  destiné  à  une  exploitation  péiiodique  ultérieure.  Nous 
l'éludierons  néanmoins  dans  ce  chapitre,  afin  d'y  renfermer 
tout  ce  qui  concerne  le  gazonnement. 

Les  considérations  que  nous  venons  d'émettre  ont  pour  con- 
séquence qu'en  matière  obligatoire  le  gazonnement  se  réduit 
à  la  combinaison  de  ce  que  nous  avons  décrit  précédemment 
sous  le  nom  d'enher bernent  et  de  bi'oussaillement  avec  les  résul- 
tats de  la  mise  en  défends. 

Il  ne  nous  reste  donc  qu'à  examiner  la  question  de  la  créa- 
tion et  de  l'amélioration  des  pâturages.  Mais  auparavant  il  est 
indispensable  d'expo.ser  à  cet  égard  quelques  observations 
générales. 

Des  Pâturages  des  Montagnes;  leur  Composition  dans  les  Alpes 
françaises.  —  «  Les  montagnes  alpestres  peuvent  èlrc^  consi- 
(lén''('s  comme  divisées  en  trois  zones  :  au  sommet,  autour  des 
rochers  et  des  glaciers,  sont  les  pâturages;  plus  bas,  les  forêts; 
le  fond  des  vallées,  station  habituelle  des  villages,  est  cultivé  '.  » 

1.  —  Marchand,  Les  Torrents  des  Alpes  et  le  Pâturage,  p.  14. 


TRAVAUX  DE  QAZONNEMKNT.  307 

Cette  classification  sommaire  reproduit,  dans  ses  grandes 
lignes,  un  état  actuel  que  toute  personne  peut  vérifier  en  par- 
courant les  régions  montagneuses. 

.Mais,  laissant  de  côté  le  fond  des  vallées  et  les  terrains  pro- 
pres à  la  culture,  doit-on  admettre  comme  une  loi  de  la  nature 
la  division  des  versants  des  hautes  montagnes  en  deux  zones, 
l'une  supérieure,  oii  ne  saurait  prospérer  la  forêt  et  où  seules 
pourraient  végéter  des  plantes  herbacées  ayant  crû  spontané- 
ment et  de  toute  ancienneté  sur  ces  hauteurs,  sans  autre  abri 
(pie  celui  qu'elles  se  fournissent  mutuellement? 

Dans  le  cas  de  l'afiirmative,  où  commence  la  zone  des  prairies, 
ou  plutôt  à  quelles  limites  supérieures  se  termine  la  zone  des 
forets  et  quelles  sont  les  conditions  naturelles  qui  les  imposent? 

Telles  sont  les  questions  qui  se  présentent  à  l'esprit  de  tout 
observateur  qui,  ne  se  contentant  pas  du  simple  énoncé  d'une 
prétendue  loi  passée  à  l'état  d'aphorisme,  désire  aller  au  fond 
des  choses  et  rechercher  les  causes  de  la  répartition  actuelle 
de  la  végétation  sur  les  hautes  montagnes. 

Les  travaux  de  tous  les  savants  explorateurs  indiquent  tout 
d'abord  que,  soit  en  s'avançant  en  plaine  vers  le  pôle,  suit  en 
s'élevant  verticalement  vers  les  plus  hauts  sommets  dans  nos 
climats  tempérés,  l'on  constate  l'appauvrissement  progressif 
de  la  végétation,  qui,  à  la  dernière  limite,  ne  se  manifeste  plus 
que  par  des  lichens. 

Ils  ajoutent  en  même  temps  : 

Que,  dans  les  Alpes  de  la  Laponie,  le  pin  et  le  bouleau  sont 
les  seuls  arbres  qui  résistent  à  la  rigueur  des  hivers  et  à  l'in- 
suffisance des  étés  '  ; 

Oue  la  végétation  de  chaque  espèce  correspond  à  une  section 
déterminée  de  l'échelle  thermométrique  ; 
•  Qu'au-dessous  d'un  certain  degré  de  froid,  la  plante  périt 
et  qu'enfin  le  mélèze  supporte  des  froids  de  40  degrés  au- 
dessous  de  zéro  qui  congèlent  le  mercure  '. 

1.  —  Ch.  Manias,  Du  Spitzbery  aw  Sahara,  p.  4. 

2.  —  Idem,  Idem,  p.  21. 


308  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

Dans  ces  conditions,  pout-on  admettre  que  les  gazons  on 
pelouses  que  l'on  rencontre  aujourd'hui  au-dessus  des  limites 
supérieures  actuelles  des  forêts  n'aient  jamais  été  mélangés 
à  des  essences  forestières  telles  que  le  mélèze  et  le  pin  cem- 
bro,  et  puissent  déterminer  ainsi  une  zone  climatérique  dans 
laquelle  il  soit  ù.  jamais  interdit  de  songer  à  introduire  les 
forêts? 

Nous  n'hésitons  pas  à  répondre  négativement  et  nous  ap- 
puyons notre  opinion  sur  les  considérations  suivantes  : 

1»  Dans  les  Alpes  de  Provence,  situées  entre  le  •14''  ot  le 
45"  degré  de  latitudo  ot  où  la  limite  des  neiges  éternelles  dé- 
passe 3,300  mètres  d'altitude,  les  forêts  en  massif  n'arrivent 
guère  aujourd'hui  qu'à  2,200  mètres  et  sont  surmontées  par 
des  pelouses  de  gazons  qui,  dans  les  conditions  les  plus  favo- 
rables à  leur  bonne  végétation,  atteignent  une  altitude  de 
2,800  i\  3,000  mètres.  Au  premier  aspect,  ces  pelouses  sem- 
blent déterminer  une  zone  toute  spéciale  ;  mais  si  l'on  ob- 
serve de  près,  on  est  tout  étonné  de  rencontrer,  dans  bon 
nombre  d'entre  elles,  des  traces  évidentes  d'anciennes  forêts 
se  manifestant,  tantôt  par  quelques  pieds  isolés,  derniers 
témoins  de  l'antique  végétation,  tantôt  par  de  vieilles  sou- 
ches presque  entièrement  recouvertes  de  végétation  herbacée. 
De  plus,  en  consultant  la  tradition  du  pays,  on  ne  tarde  pas 
à  apprendre  que  les  végétaux  forestiers  ont  fait  place  h  ces 
pâturages,  qui  n'occupent  seuls  aujourd'hui  le  sol  que  par  k 
fait  (le  l'homme  ;\  l'exclusion  de  toute  autre  cause. 

En  remontant  vers  les  sommets,  on  no  tarde  pas  ;\  voir 
cesser  la  pelouse  do  gazons  bien  garnis  r<irmiinl  un  tapis  vert 
continu;  on  ne  trouve  plus(pio  dos  touifes  de  plantes  chétives 
poussant  à  l'abri  des  rochers  ou  dans  los  intervalles  de  leurs 
débris,  et  souvent  de  grands  espaces  do  terre  nue,  privés  de 
végétation  par  suite  du  séjour  des  neiges  qui  y  persistent  par- 
fois pondant  deux  ou  trois  ans  ot  interdisent  alors  tout  déve- 
loppement dos  plantes. 

Lorsque  l'on  considère  les  pelouses,  malheureusement  trop 


TRAVAUX   DE  GAZONNEMENT.  309 

rares,  on  se  prend  à  se  demander  comment  ce  beau  gazon , 
qui  forme  un  épais  feutre,  a  pu  s'établir  sur  des  terrains  si 
maigres  en  apparence,  et  immédiatement  les  rares  vestiges 
de  l'ancienne  végétation  forestière  se  présentent  à  l'esprit; 
on  reconstitue  par  la  pensée  les  forets  clairiérées  de  mélèzes 
et  de  j)ins  cembro  qui  devaient  jadis  occuper  ce  sol  dans  un 
climat  où  certainement  la  température  la  plus  basse  n'atteint 
pas  40  degrés  au-dessous  de  zéro,  et  l'on  comprend  facile- 
ment, dès  lors,  que  la  pelouse  ait  pu  se  former,  grâce  à  l'abri 
procuré  au  jeunes  plantes  lierbacées  par  les  essences  fores- 
tières et  au  fertilisant  engrais  fourni  par  leurs  aiguilles  à  un 
sol  assez  pauvre  d'ailleurs. 

L'observation  des  faits  contemporains  apporte  avec  elle  des 
conclusions  ajjsolument  concordantes  : 

Dans  les  mêmes  contrées,  en  effet,  toutes  circonstances 
égales  d'ailleurs,  on  a  exécuté  depuis  plus  de  trente  ans  des 
essais  de  reboisement,  combinés  avec  des  mises  en  défends, 
dont  les  résultats  fournissent  de  précieux  renseignements. 
Partout  où  le  sol  s'est  trouvé  simplement  abrité  par  un  jeune 
peuplement  de  mélèzes,  il  se  montre  recouvert  d'une  vérita- 
ble pelouse  de  gazon  que  l'on  n'y  a  pas  introduits,  mais  qui 
s'y  sont  développés  naturellement,  et  qui  présentent  le  môme 
aspect  et  la  même  composition  que  les  pelouses  situées  dans 
des  conditions  d'altitude  et  de  climat  analogues.  Partout  au 
contraire  où,  toutes  circonstances  é(j aies  d'ailleurs,  le  sol  a  été 
abandonné  à  lui-même  et  préservé  seulement  par  une  mise 
en  défends  tout  aussi  rigoureuse,  la  pelouse  ne  s'est  pas  formée, 
les  gazons  anciens  subsistent  seuls  et  leurs  intervalles  sont 
demeurés  nus  par  suite  de  l'absence  d'abris,  ainsi  que  nous 
l'avons  indiqué  et  expliqué  au  chapitre  IX,  dans  le  paragra- 
phe relatif  à  la  mise  en  défends. 

Qu'au  contraire,  par  suite  de  la  mise  en  défends,  il  se  soit 
manifesté  une  végétation  ligneuse  sur  le  sol,  ce  fait  a  eu  pour 
conséquence  immédiate  la  production  du  gazon.  M.  Mathieu, 
sous-directeur  ù  IKcole  forestière,  dans  son  rapport  sur  le 


310  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

reboisement  et.  lo  gazonnement  dos  Alpes,  avait  déjà  relevé 
en  1865  une  observation  de  ce  genre  que  nous  avons  pu  mul- 
tiplier par  centaines  depuis  celte  époque.  Nous  trouvons 
dans  son  rapport  le  passage»  suivant  (p.  42)  :  «  Aux  environs 
de  Barcelonnette,  une  partie  du  bassin  do  réception  du  tor- 
rent de  Gaudissart,  où  les  travaux  facultatifs  et  principale- 
ment des  barrages  sont  en  cours  d'exécution  depuis  une  ving- 
taine d'années  déjà,  la  mise  en  défends  a  permis  à  Vanne  blanc 
et  à  Vhippophaë  ymmuoide,  Vun  et  l'autre  véritable  providence  de 
ces  tetTains,  de  se  développer  assez  pour  constituer  des  four- 
rés dont  les  intervalles  sont  actuellement  dotés  de  beaux  pâtu- 
rages. » 

Cette  mise  en  défends  datait  de  t.Siti  et  avait  été  accompa- 
gnée sur  certains  points  de  semis  de  mélèze  qui,  depuis  le 
passage  de  M.  Matliieu,  ont  pris  un  dévelopi)ement  remarqua- 
ble entraînant  avec  lui  la  constitution  de  plus  en  plus  pronon- 
cée de  la  pelouse. 

2°  Dans  le  reste  des  Alpes,  en  Daupbiné,  en  Savoie  et  en 
Suisse,  tous  les  explorateurs  de  la  montagne  constatent,  en 
le  déplorant,  l'abaissement  graduel  et  constatent  de  la  limite 
supérieure  de  la  végétation  forestière,  attribue''  exclusivement 
an  fait  de  r/nnmne. 

«  Il  n'est  pas  possible  do  supposer,  en  l'alisence  de  toute 
preuve  à  cet  égard,  que  le  climat  soit  devenu  plus  mauvais 
par  des  causes  physiques  extérieures  indépendantes  de  Ibomme 
el  iiux({uelles  il  ne  pourrait  opposer  aucune  résistance.  T^a 
diminution  de  plusieurs  glaciers,  dont  l'augmentation  el  lu 
diminution  répondent  d'ailleurs  aux  années  froides  et  aux 
années  chaudes,  parlerait  plutôt  contre»  cette  hypothèse  qu'en 
sa  laveur.  I>a  fertilité  des  Alpages  a  diminué,  leur  limite 
supérieure  s'est  abaisse''».',  le's  fe)réts<)nt  elisparudes  régions  éle- 
vées, l'état  climatérique  est  devenu  moins  favorable  à  la  végé- 
tation ;  les  dévastations  causées  par  les  eaux,  par  les  avalan- 
ches et  par  les  chutes  de  pierres  sont  devenues  plus  fréquentes 
el  plus  considérables,  ainsi  ([ue  les  ébeudements  sur  les  pentes 


TRAVAUX   DE   GAZONNEMENT.  31t 

ot  les  amas  do  débris  dans  les  vallées.  Telle  est  la  longue  liste 
des  désastres  dus  à  l'égoïsme  de  l'homme,  qui  a  méconnu  les 
lois  de  la  nature  en  exploitant  les  forêts  d'une  manière  désor- 
donnée et  en  abusant  d'elles  avec  une  imprévoyance  coupa- 
ble. Aussi  le  châtiment  ne  s'est-il  pas  fait  attendre  et  se  fera-t-il 
sentir  encore  plus  fortement  dans  l'avenir  '.  » 

«  Non  seulement  les  hommes  ont  méconnu  ces  lois,  dont 
nous  ne  rappelons  ici  que  certains  points  saillants,  mais 
ils  ont  le  plus  souvent  été  à  leur  rencontre,  préparant  ainsi 
de  leurs  propres  mains  les  désastres  les  plus  redoutables. 

«  Remontant  les  vallées,  l'homme  a  voulu  faire  contribuer 
à  ses  besoins  les  grands  laboratoires  montagneux.  Pour  trou- 
ver des  prairies  sur  les  rampes,  il  a  détruit  de  vastes  forêts 

«  Bientôt  lui-même  cependant  a  été  la  première  victime  de 
son  imprudence  ou  de  son  ignorance. 

«  Les  forêts  détruites,  on  a  vu  les  avalanches  déneiges  cou- 
ler en  masses  énormes  le  long  des  rampes.  Ces  avalanches 
périodiques  ont  entraîné  avec  elles  l'humus,  produit  des 
grands  végétaux,  et,  à  la  place  des  prairies  que  le  montagnard 
croyait  ménager  pour  ses  troupeaux,  il  n'a  plus  trouvé  sou- 
vent que  le  roc  dénudé. 

«  Cette  destruction  des  forêts  semble  avoir  même  des  con- 
séquences autrement  désastreuses  qu'on  ne  paraît  le  suppo- 
ser. La  forêt  protège  la  forêt,  et,  i)lus  on  les  détruit,  plus  elles 
abandonnent  les  altitudes  où  jadis  elles  se  plaisaient.  Aujour- 
d'hui, autour  du  massif  du  mont  Blanc,  le  mélèze,  qui  vivait 
vigoureux  encore  à  une  altitude  de  1,800  mètres  et  marquait 
la  limite  de  la  grande  végétation,  quitte  ces  hauteurs  et  laisse 
isolés  des  témoins  séculaires  que  des  jeunes  sujets  ne  rem- 
placent pas 

«  Il  y  avait  autrefois  dans  la  vallée  d'Andermatt  des  forêts 
de  sapins  et  de  mélèzes  assez  étendues,  à  une  altitude  de 
1,500  à  1,800  mètres;  de  ces  forêts,  dévastées  i\  la  tin  du 

1.  —  Laudolt,  Rapport  au  Conseil  fédéral  sur  les  forêts  des  hautes  mon- 
tagnes de  la  Suisse. 


312  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

siècle  dernier,  il  ne  reste  plus  qu'un  petit  bois  au-dessus  du 
village  d'Andcrmatt  qui  le  garantit  contre  les  avalanches. 
Mais  ces  arbres  sont  vieux  et  les  jeunes  sujets  ne  paraissent 
pas.  Ainsi,  bien  que  les  glaciers  tendent  à  diminuer  depuis 
(juarante  ans  assez  rapidement,  ce  qui  semblerait  indiquer 
une  élévation  dans  la  température  moyenne,  les  forêts  quit- 
tent les  altitudes  où  elles  se  montraient  encore  pour  descen- 
dre plus  bas.  Y  a-t-il  connexité  entre  ces  deux  effets?  C'est  ce 
que  nous  ne  chercherons  pas  à  indiquer.  Ils  n'en  méritent 
pas  moins  de  fixer  l'attention  des  naturalistes. 

«  Nous  ne  voyons  pas  d'ailleurs  que  la  grande  végétation 
s'élève  plus  haut  dans  les  contrées  montagneuses  dépourvues 
de  glaciers  que  dans  celles  qui  en  sont  pourvues. 

«  Le  fait  contraire  semblerait  se  manifester.  Et  dans  les 
montagnes  du  Dauphiné,  qui  n'ont  que  peu  ou  pas  de  gla- 
ciers, les  forêts  ne  se  montrent  pas  au-dessus  de  1,500  mètres. 
L'aridité  des  rampes  de  ces  montagnes  descend  même  beau- 
coup plus  bas  en  bien  des  points... 

<(  11  semblerait  que  les  efforts  de  l'homme  devraient  tendre 
à  favoriser  la  croissance  des  grands  végétaux  et  non  à  les  dé- 
truire à  l'altitude  extrême  oîi  ils  peuvent  pousser.  Mais,  à  cet 
égard,  l'incurie  des  montagnards  est  complète  et,  pour  se 
chauffer  pendant  quelques  heures,  on  les  voit  brûler  le  pied 
d'arbres  centenaires  ou  bien  conduire  leurs  troupeaux  de 
chèvres  à  ces  altitudes  extrêmes  de  la  végétation  arborescente, 
où  ces  animaux  arrachent  les  jeunes  pieds,  quand  par  hasard 
ils  s'élèvent  entre  les  roches  dénudées.  La  nature  semble  se 
lasser  pendant  cette  lutte  journalière  et  elle  abandonne  à  la 
stérilité  des  espaces  Jadis  couvei-ls  de  forêts.  Les  mélèzes  dis- 
paraissent et  les  mousses  mômes  quittent  ces  déserts  de  pier- 
res. Que  l'on  parcoure  la  Savoie,  l'Uberland.  le  Valais,  partout 
l'on  constate  avec  tristesse  que  les  furets  tendent  à  descendre 
en  même  temps  que  les  glaciers  diminuent;  (pie  la  solitude 
morne  se  fait  au  delà  d'une  altitude  de  1,.SU0  mètres,  et  (}ue 
les  neiges  d'hiver,  en  fondant  aux  premières  chaleurs  du 


TRAVAUX  DE  GAZONNEMENT.  313 

printemps,  causent  des  ravages  de  plus  en  plus  sérieux  sur 
les  pentes,  faisant  succéder  brusquement  à  des  journées  tor- 
rentielles des  mois  de  sécheresse.  » 

Ces  pages  d'une  vérité  si  frappante  (et  nous  en  passons  dos 
meilleures)  sont  empruntées  à  l'étude  du  massif  du  mont 
Blanc  *,  publiée  par  un  savant  observateur  qui,  par  ses  tra- 
vaux et  sa  spécialité,  ne  peut  être  taxé  de  professer  })our  les 
forêts  une  prédilection  ({ui  risquerait  d'être  traitée  de  })artiale 
chez  un  forestier. 

Il  suffit  de  modifier  les  chiffres  des  altitudes,  qui  s'augmen- 
tent nécessairement  dans  les  Alpes  de  Provence,  par  suite  de 
la  latitude  et  du  climat  général  de  cette  région,  pour  y  retrou- 
ver l'application  des  observations  qu'elles  renferment  sur 
l'abaissement  progressif  de  la  limite  supérieure  de  la  végé- 
tation forestière. 

De  l'ensemble  des  considérations  qui  précèdent  nous  tirons 
les  conclusions  suivantes  : 

Les  gazons  formant  aujourd'hui  des  pelouses  continues  au- 
dessus  des  forêts  actuelles  ne  sont  que  les  témoins  de  l'exis- 
tence des  forêts  supérieures  qui  ont  disparu  par  le  fait  de 
l'homme,  après  avoir  été  la  cause  dominante  de  la  production 
de  ces  gazons. 

Ces  pelouses,  qui  subsistent  encore,  sont  destinées,  si 
l'homme  n'y  prend  garde,  à  disparaître  à  leur  tour,  et  à  sui- 
vre la  loi  d'abaissement  que  son  imprévoyance  ou  son  égoïsme 
a  imposée  aux  forêts. 

La  création  de  nouvelles  pelouses  sur  des  terrains  supé- 
rieurs absolument  dénudés  ne  peut  être  assurée  que  par  l'in- 
tervention de  la  forêt,  agissant  comme  celle  qui  a  provoqué 
la  production  des  pelouses  qui  existent  encore  dans  la  même 
région. 

Les  plantes  herbacées  qui  végètent  encore  au-dessus  de  la 
limite  réelle  imposée  à  la  végétation  forestière,  non  par  l'homme, 

1.  —  VioUet-le-Duc,  le  Massif  du  Mont-Blanc,  p.  245  ù  2't8. 


314  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

mais  par  la  température  du  lieu,  ne  forment  pas  des  pelouses 
sérieusement  exploitables  pour  le  pâturage  et  susceptibles  de 
protéger  le  sol  contre  les  influences  météorologiques. 

Ces  conclusions  s'imposent  avec  plus  d'énergie  dans  les 
Alpes  de  l*rovenc<^  (jue  dans  toutes  les  autres ,  par  suite  du 
climat  très  sec  qui  caractérise  cette  région.  La  végétation 
berbacée  est  loin  d'y  rencontrer  en  efl'et  les  conditions  d'hu- 
midité si  générales  en  Suisse,  par  exemple,  que  les  forestiers 
(pie  nous  avons  eu  l'occasion  de  visiter  en  parcourant  ce 
pays  avaient  peine  à  concevoir  la  signification  du  terme 
(jaziinnonent,  tant  ils  étaient  peu  babitués  à  l'absenci^  d'une 
végétation  berbacée  quelconque  sur  des  versants  montagneux. 

L'on  rencontre  enfin  dans  ces  conclusions  la  justification 
de  l'extinction  des  torrents  par  le  reboisement;  car,  sans 
elles,  on  se  trouverait  pour  la  plupart  du  temps  réduit  à  ne 
reboiser  que  la  région  inférieure  du  bassin  de  réception  et  à 
abandonner  tout  le  reste  aux  vaines  tentatives  d'un  enherbe- 
ment  sans  produits  comme  sans  perpétuité  assurée.  Dans  le 
cas  donc  d'un  torrent  à  éteindre,  on  devra  ne  i)as  bésiter  un 
seul  instant  à  porter  le  reboisement  beaucoup  plus  haut  (jue 
peuvent  l'indiquer  les  forêts  actuelles  et  ne  s'arrêter  qu'aux 
terrains  oh  les  neiges  sont  susceptibles  de  demeurer  pendant 
plusieurs  années  de  suite.  Il  est  évident  que  les  conditions  de 
la  végétation  des  essences  forestières  présenteront  certaines 
difficultés,  surtout  dans  les  premières  années,  mais  l'art  fo- 
restier saura  bien  les  surmonter  et  rétablir,  h\  où  elle  fait  si 
rruelleiiicnl  di'faut,  la  V(''géfation  ligneuse  (lisj)aiMie  par  lefail 
de  Ihomnie  seul. 

C'est  là  surtout  le  noble  but  de  la  mission  confiée  i)ar  la  loi 
à  r.\(liiiiiiisli;iti(in  (\>'^  forèls. 

(Vest  là  aussi  la  justification  de  la  loi  nouvelle  contre  les  affir- 
mations de  certains  détracteurs  quand  même,  qui  ne  craignent 
pas  d'affirmer  que  son  application  entraînerait  une  perte 
pour  l'industrie  pastorale,  alors  que  précisément  les  pâturages 
sérieusement  susceptibles  de  régéiK'Tation  ou  d'amt'lioration, 


TRAVAUX   DK   GAZONNEMENT.  315 

demourant  on  dehors  des  périmètres  obligatoires,  sont  laissés 
à  leurs  j)ropriétaires,  appelés  ;\  bénéficier,  au  titre  facultatif, 
des  subv(Mifions  fpie  la  loi  autorise  l'Administration  à  leur 
accorder. 

L'altiludt^  de  la  limite  supérieure  imposée  par  la  nature  à 
la  cruissance  des  végétaux  forestiers  est  très  variable  dans 
une  même  région  donnée.  Elle  dépend  non  seulement  du 
climat  général  (qui,  de  la  Suisse  aux  Alpes  françaises,  fait 
varier  la  limite  des  neiges  éternelles  de  !2,700  à  3,300),  mais 
encore  du  climat  local;  d'où  il  résulte  que  l'on  ne  peut  établir 
à  l'avance  aucun  chiffre  absolu. 

Gela  posé,  revenons  aux  Alpes  françaises  et  examinons  les 
conditions  que  présentent  les  différentes  prairies  et  pâturages 
de  montagne. 

Laissant  de  côté  les  prairies  artificielles,  nous  ne  nous  oc- 
cuperons que  des  prairies  et  pâtures  naturelles,  c'est-à-dire 
de  celles  qui  se  reproduisent  indéfiniment  sans  que  l'homme 
les  réensemence  jamais. 

On  peut  les  diviser  en  prairies  fauchables  et  en  pâtures  non 
fauchables  où  l'herbe  est  mangée  sur  pied. 

Les  prairies  fauchables  peuvent  à  leur  tour  être  partagées 
en  trois  catégories  se  reliant  par  degrés  infinis,  mais  qui  se 
différencient  par  leur  altitude  et  le  degré  de  fertilité  de  leur 
sol. 

Les  prairies  fauchables  inférieures  remontent  jusqu'à 
1,500  mètres  d'altitude  environ;  elles  rappellent  les  prés 
d'Alsace  et  de  Lorraine.  On  les  fauche  habituellement  deux 
fois  par  an  (foin  et  regain).  Malheureusement  l'espace  qu'elles 
occupent  est  très  restreint.  Il  leur  faut  un  sol  très  irrigable 
et  de  bonne  qualité  ou  à  défaut  très  souvent  fumé. 

Cette  nature  de  prairie  est  caractérisée  par  quelques  végé- 
taux (jui  y  sont  très  abondants.  Ce  sont  les  graminées  qui 
dominent  de  beaucoup,  contrairement  à  ce  qu'on  rencontre 
dans  les  autres  sortes  de  prairies,  notamment  les  bromes,  les 
paturins,  les  grandes  fétuques,  les  dactyles,  etc.  Outre  cela. 


.ilG  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

on  voit  quelques  ombellifères  et  composées  qui  ne  conslituenl 
(jue  la  partie  secondaire. 

Le  foin  est  ordinairement  bon,  mais  recherché  plutôt  par  le 
i^ros  bétail  que  par  les  moulons. 

Viennent  ensuite  les  prairies  l'auchablcs  de  la  région 
moyenne,  qui  s'étendent  de  1,500  à  2,000  mètres  et  sont  bien 
plus  répandues  que  les  premières. 

On  n'y  coupe  le  foin  qu'une  fois  dans  l'année;  il  est  moins 
long  ordinairement  que  dans  les  prairies  de  l'espèce  précé- 
dente. Quelquefois  on  fume  ces  terrains,  mais  ordinairement 
on  se  contente  do  les  irriguer  et  d'y  faire  paître  ou  au  moins 
parquer  des  moutons  après  la  coupe  d'herbe,  qui  se  fait  en 
Sioûi  ou  septembre.  On  y  récolte  de  12  à  15  quintaux  métriques 
de  fourrages  à  l'hectare. 

Les  graminées  ne  sont  que  la  partie  secondaire  dans  ces 
prairies  ;  les  ombellifères,  géraniacées,  composées  et  colchica- 
cées  sont  très  abondantes,  ainsi  que  les  trèfles,  potentilles, 
anémones,  etc. 

On  peut  distinguer  encore  une  troisième  nature  de  prairies 
fauchables.  Ce  sont  celles  des  régions  supérieures,  qui  s'éten- 
dent de  1,800  mètres  jus(iu'à  2,500  mètres  d'altitude'. 

Elles  occupent  des  régions  oîi  la  neige  se  maintient  jusqu'au 
mois  de  juin.  On  les  rencontre  exclusivement  dans  les  parties 
les  plus  fertiles  et  les  moins  déclives,  ordinairement  peu  irri- 
guées, de  la  région  montagneuse.  On  ne  les  fume  jamais,  mais 
toujours  on  y  met  les  moutons  en  automne;  souvent  on  les  y 
parque  en  changeant  ce  parc  de  place,  ce  qui  équivaut  à  une 
fumure.  L'herbe  y  est  toujoin\s  courle,  n'atteint  guère  (|u'uii(' 
(piiiizaine  de  centimètres  et  fournit  le  foin  dit  de  nnnUayiir,  de 
bonne  qualib'',  mais  un  peu  grossier  et  échauUanl  jxmr  le 
bt'-lail;  le  produit  à  l'iicctare  est  généralement  de  7  à  8  (piiii- 
laux  métriques. 

On  peut  d'abord  (li>liiiguer  les  p;Um  âges  en  deux  catégories  : 
ceux  où   les  bestiaux  i)âturent  pendant  l'été  et  ceux  où  ils 

I.  —  Voir  la  note  E,  pafre  i3U. 


TRAVAUX   DE   OAZONNEMENT.  317 

ne  pâturent  qu'au  printemps  et  à  l'automne,  c'est-à-dire  à  l'é- 
poque où  les  premiers  sont  généralement  couverts  déneige. 

Les  pâturages  de  printemps  et  d'automne  occupent  les  ver- 
sants, le  plus  souvent  exposés  au  sud,  voisins  des  habitations 
plus  ou  moins  agglomérées  et  présentant  une  végétation  ché- 
tive  et  peu  abondante. 

Dès  que  le  temps  est  suffisamment  beau,  dès  que  la  neige 
y  est  fondue,  c'est-à-dire  du  mois  de  mars  jusqu'en  juin,  on 
y  fait  pacager  un  grand  nombre  de  moutons  qui  ont  hiverné 
dans  les  écuries  et  n'ont  plus  rien  à  attendre  d'ailleurs,  car 
les  granges  sont  à  peu  près  vides  de  foin. 

Ces  terrains,  très  peu  fertiles  par  eux-mêmes,  qui  vont  jus- 
qu'à 1,600  à  1,700  mètres  d'altitude,  sont  ainsi  parcourus  par 
un  nombre  considérable  de  moutons  qui  mangent  le  peu  qu'ils 
trouvent  et  apportent  partout  la  désolation.  Au  printemps, 
quand  le  sol  est  encore  détrempé  par  la  neige  qui  vient  de 
fondre,  ces  moutons  piétinent  le  terrain,  écrasent  les  jeunes 
plantes  qui  germent  et  arrachent  les  petites  plantes  plus  pré- 
coces, qui  ne  résistent  pas  sur  ce  sol  encore  humide. 

C'est  là  un  des  dangers  les  plus  grands  pour  la  montagne, 
qu'il  est  bien  difficile  de  supprimer  à  cause  du  manque  actuel 
de  fourrages  d'hiver,  mais  qui  disparaîtra  fatalement  par  l'ex- 
cès môme  de  la  jouissance. 

En  automne,  quand  la  neige  revient  occuper  la  région  haute, 
ces  terrains  sont  de  nouveau  livrés  aux  moutons  ;  mais  à  cette 
époque  le  mal  causé  est  beaucoup  moindre  ;  les  herbes  sont 
robustes  et  les  moutons  ne  font  qu'un  mal  insignifiant  relati- 
vement à  celui  qu'ils  occasionnent  au  printemps. 

Viennent  ensuite  les  pacages  plus  élevés  que  les  moutons 
parcourent  pendant  une  bonne  partie  de  l'année,  mais  qui  ne 
constituent  pas  encore  ce  que  l'on  appelle  les  montagnes  pas- 
torales. 

Ils  sont  formés  surtout  des  parcelles  que  le  cadastre  appelle 
vagues,  entremêlées  de  quelques  plaques  de  gazons  incomplets 
ou  de  broussailles  de  toutes  espèces. 


318  REBOISEMENT  ET   GAZONNEMENT. 

Ils  occupent  des  sols  très  variés  à  tous  égards;  à  la  diffé- 
rence des  précédents,  ils  ne  sont  point  toujours  en  très  mau- 
vais état,  et  pourraient  parfois  ôtre  régénérés  ou  améliorés 
sans  grande  difficulté.  Mais  ils  appartiennent  presque  tous  à 
des  communes  absolument  sans  ressources. 

Ils  tiennent  le  milieu  entre  les  pacages  de  printemps  et  les 
montagnes  pastorales,  et  sont  parcourus  par  les  moutons  indi- 
gènes exclusivement.  Les  plantes  (jui  les  composent  sont  très 
variables;  il  serait  difficile  d'en  donner  une  liste;  c'est  un  in- 
termédiaire, pour  la  flore  comme  pour  le  reste,  entre  celle  d(^ 
la  catégorie  précédente  et  celle  de  la  suivante. 

Nous  arrivons  enfin  aux  montagnes  jMstoraks,  composées  de 
pâturages  qu'on  ne  fauche  pas,  quelle  qu'en  soit  l'étendue, 
mais  qui  sont  encore  suffisamment  gazonnés  pour  qu'en  géné- 
ral les  plantes  forment  une  pelouse. 

Habituellement  elles  sont  louées  à  des  bergers  étrangers 
dits  iranshumants ,  mais  parfois  aussi  elles  sont  pâturées  jiar 
des  bûtes  du  pays.  Ces  montagnes  occupent  des  régions  situées 
entre  1,800  et  3,000  mètres  d'altitude.  L'herbe  y  est  généra- 
lement courte,  très  serrée,  formant  comme  un  feutre  par  ses 
racines,  mais  parfois  en  mottes  séparées  par  des  vides,  qui 
représentent  un  commencement  de  dégradation. 

Les  moutons  y  montent  habituellement  vers  le  milieu  (1(> 
juin  et  en  redescendent  aux  premières  neiges,  c'est-à-dire  en 
octobre. 

La  plupart  des  auteurs,  y  compris  M.  Snrejl,  se  smit  accor- 
dés pour  attribuer  aux  troupeaux  trniislinmants  la  i>lns  grande 
somme  des  dégâts  que  subissent  les  montagnes  et  pour  donner 
la  préférence  aux  troupeaux  indigènes.  11  est  parfaitement  dé- 
montré et  admis  incontestablement  aujourd'hui  que  celte  opi- 
nion doit  ôtre  abandonnée.  Le  transhumant ,  qui  n'arrive  sur 
la  montagne  qu'au  moment  où  la  végétation  est  en  pleine 
activité  et  où  le  sol  s'est  raffermi,  qui  ne  parcourt  (jue  les 
pelouses  sur  les  versants  les  moins  rapides,  et  qui  part  avant 
les  grandes  pluies  d'automne,  est  beaucoup  moins  destructeur 


TRAVAUX  DE  GAZONNEMENT. 


do  la  monta};no  quo  Yindigètie,  qui  ne  laisse  en  hiver  aucun 
répit  au  moindre  versant  dégarni  de  neige  et  parcourt  les 
différents  étages  de  la  montagne,  suivant  les  saisons,  dans  les 
conditions  les  plus  défavorables  pour  la  stabilité  du  sol  et  la 
conservation  de  la  végétation  herbacée. 

Tandis  que,  dans  les  pâtures  des  deux  catégories  précé- 
dentes, il  est  très  difficile  de  fixer  une  possibilité  en  moutons, 
on  admet  en  général  que  pour  maintenir  une  montagne  pas- 
torale en  bon  état,  il  ne  faut  pas  dépasser  le  chiffre  de  trois 
moutons  par  hectare.  Toutefois  ce  chiffre  normal  est  très  sou- 
vent inobservé,  au  grand  détriment  de  la  propriété. 

Les  vaches  ne  paissent  guère  sur  les  montagnes  pastorales 
dont  l'herbe  est  très  courte.  Leurs  pâtures  se  trouvent  plutôt 
sur  les  prairies  fauchables,  qui  ne  sont  quelquefois  pas  cou- 
pées pour  ce  motif  qui  présente  souvent,  dans  la  haute  Pro- 
vence surtout,  un  sérieux  obstacle  à  la  substitution ,  si  dési- 
rable cependant,  de  la  vache  au  mouton. 

Régénération  et  Amélioration  des  Pâturages  par  le  Gazonne- 
ment.  —  On  peut,  en  résumé,  distinguer  dans  les  montagnes, 
en  dehors  des  prairies  artificielles  : 

i  d'altitude  inférieure. 
Des  prairies  naturelles  fauchables  .   <  d'altitude  moyenne. 

(  d'altitude  supérieure. 

:  de  printemps  et  d'automne. 
Des  pâturages  non  fauchables  .    .    .   ^  d'été. 

(  de  montagnes  pastorales. 

Nous  ne  citons  les  prairies  fauchables  que  pour  indiquer  en 
passant  qu'il  y  a  tout  avantage,  au  point  de  vue  de  la  produc- 
tion nationale  comme  à  celui  de  Fintérêt  public,  à  exciter  et 
encourager  leur  développement  dans  les  plus  grandes  propor- 
tions possibles,  car  c'est  le  meilleur  moyen  d'arriver  à  la 
réduction  progressive  des  pâturages  de  printemps,  qui  aurait 
pour  conséquence,  en  supprimant  une  des  principales  causes 
de  la  ruine  des  montagnes,  de  rendre  à  la  forêt  des  terrains 


320  REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT. 

qu'en  bonne  économie  elle  devrait  occuper,  et  de  replacer 
ainsi  les  diverses  végétations  selon  les  lois  de  la  nature. 

La  régénéi'ation  des  pâturages  dont  nous  allons  nous  occu- 
per ne  pont  concerner  que  dos  terrains  dont  la  collocation 
dans  des  périmètres  obligatoires  n'a  pas  paru  nécessaire. 

Ces  terrains  ne  peuvent  donc  se  trouver  entièrement  privés 
de  toute  végétation  et  présentent  dès  lors  d'anciens  gazons 
disséminés  sur  la  surface  et  séparés  entre  eux  par  des  espaces 
nus  plus  ou  moins  grands. 

La  mise  en  défends  des  quartiers  à  régénérer  sera  d'abord 
la  première  mesure  à  prendre  ;  mais  seule  elle  serait  inefficace, 
comme  nous  l'avons  démontré.  Il  faudra  donc  avoir  recours  à 
des  semis  artificiels. 

Les  plantes  berbacées  qui  composent  les  pâturages  en  bon 
état  dans  les  montagnes  sont  en  nombre  très  considérable  et 
forment  des  mélanges  intimes  qu'il  serait  bien  difficile,  sinon 
impossible,  de  doser  pour  chaque  cas  particulier.  D'ailleurs 
la  récolte  de  leurs  graines  présente  une  difficulté  d'un  autre 
ordre  que  l'on  surmonterait  à  grand'peine,  et  qui,  dans  ce 
cas,  occasionnerait  une  dépense  tout  à  foit  hors  de  proportion 
avec  les  résultats  à  atteindre.  Elles  mûrissent  à  des  époques 
très  différentes,  de  sorte  que  si  l'on  coupe,  sur  une  étendue 
de  bons  pâturages  mis  spécialement  en  défends,  les  herbes 
ayant  crû  on  toulo  liberté,  on  ne  récolte  qu'une  minime  partie 
des  graines  utiles  dans  un  état  de  maturité  convonablo.  Tons 
les  essais  que  nous  avons  tentés  à  cet  égard  n'ont  donm''  que 
do  maigres  résultats  et  ont  entraîné  à  des  dépenses  qui  au- 
raient été  excessives  s'il  se  fût  agi  d'une  quantité  un  pou  forte 
de  graines. 

Le  mieux  est  donc  de  s'en  tenir  aux  graines  du  commerce, 
toiles  que  sainfoin,  fenasse,  etc.,  et  de  les  semer  dans  les  in- 
tervalles des  gazons  de  manière  que  le  sol  soit  couvert  dès  la 
deuxième  année.  Les  plantes  destinées  à  disparaître  plus  tard 
durent  cependant  assez  longtemps  pour  fournir  aux  graines 
produites  par  les  gazons  qui  les  entourent  un  abri  suffisant  con- 


TRAVAUX  DE   Ci AZONNEMENT.  321 

Ire  les  influences  atmosphériques,  et  pour  permettre  ainsi  aux 
jeunes  plantes  défmitives  de  se  développer  et  de  les  remplacer 
un  jour. 

On  conçoit  que  co  mode  de  régénération  ne  peut  être  appli- 
qué que  dans  le  cas  où  les  intervalles,  absolument  nus  entre 
les  gazons,  ne  présentent  pas  une  bien  grande  surface  intrin- 
sèque. Au  cas  où  la  nudité  occuperait  des  étendues  impor- 
tantes, les  plantes  de  sainfoin  et  de  fenasse,  livrées  à  elles- 
mêmes  et  manquant  du  contingent  fourni  par  les  anciens 
gazons,  risqueraient  fort  de  ne  pas  procurer  un  abri  et  un 
engrais  suffisants  au  sol  ;  auquel  cas  le  moyen  le  plus  écono- 
mique et  le  plus  sûr  serait  de  planter,  sur  les  surfaces  nues, 
des  bouquets  de  mélèze  ou  de  pin  cembro  qui,  convenable- 
ment disséminés,  fourniraient  l'abri  et  l'engrais  nécessaires, 
tout  en  préparant  pour  l'avenir  des  abris  aux  troupeaux  con- 
tre les  ardeurs  du  soleil  et  un  auxiliaire  précieux  pour  la  con- 
solidation du  sol. 

On  créerait  ainsi  des  sortes  de  prés-bois,  où  le  bois  n'occu- 
perait que  des  parties  restreintes,  telles  que  les  ressauts  en 
pente  raide,  les  fonds  de  petits  ravins  naissants  et  quelques 
places  sur  les  grands  vides. 

En  opérant  de  la  sorte,  l'on  ne  ferait,  somme  toute,  que 
rétablir  les  conditions  d'équilibre  les  plus  rationnelles  entre 
les  besoins  de  l'industrie  pastorale  et  la  nécessité  de  la  con- 
servation du  sol,  conditions  que  l'on  rencontre  dans  la  plu- 
part des  beaux  pâturages  de  montagne,  depuis  le  Jura  jusqu'au 
Alpes. 

V amélioration  des  pâturages  a  pour  but  l'augmentation  de 
la  production  intensive,  et  s'obtient  par  l'élimination  de  cer- 
taines plantes  parasites  ou  mauvaises  pour  les  animaux  appe- 
lés au  parcours,  par  l'épierrement,  par  la  fumure  et  par  l'irri- 
gation, toutes  opérations  en  faveur  desquelles  les  propriétaires 
sont  susceptibles  de  recevoir  des  subventions  de  la  part  de 
l'Etat.  Ces  améliorations  ont  pour  résultat  d'augmenter  les 
bénéfices  de  l'industrie  pastorale,  tout  en  assurant  pour  le 

21 


322  REBOISEMENT   ET  (J  AZo  N  N  E  ME  NT. 

présent  et  pour  l'avenir  la  conservation  des  versants  qui  ont 
échappé  à  la  dévastation  des  torrents.  Dans  certaines  contrées 
favorisées,  elles  amènent  à  la  création  d'associations  fourra- 
gères dites  fruitières,  qui  entraînent  la  substitution  de  la  vache 
au  mouton  dans  les  parcours,  substitution  qui  détermine  un 
accroissement  de  la  production  nationale  en  même  temps  que 
les  garanties  de  conservai  ion  des  pâturages  et  par  suite  des 
montagnes. 


LIVRE  CINQUIÈME 


OPERATIONS   DIVERSES 


CHAPITRE     XII 

OPÉRATIONS    TOPOGRAPHIQUES 


Délimitation  et  Bornage.  —  Dans  le  cas  où  l'on  n'aura  pas  à 
prévoir  de  diflicultés  avec  les  riverains  et  où  l'exécution  d'une 
délimitation  générale  entraînerait  une  perte  de  temps  consi- 
dérable sans  procurer  un  avantage  proportionné,  on  pourra 
procéder  à  une  série  de  délimitations  et  de  bornages  partiels, 
au  fur  et  à  mesure  de  l'avancement  des  travaux  dans  les  péri- 
mètres. 

Lorsqu'il  y  aura  lieu  à  expropriation,  surtout  pour  les  petites 
parcelles  ou  parties  de  parcelles  cadastrales  appartenant  à  des 
particuliers ,  il  conviendra  de  lever  exactement  et  de  dresser 
un  plan  régulier  de  chacune  des  portions  des  propriétés  à 
exproprier,  de  façon  à  éviter  toute  contestation  ultérieure 
après  le  décision  du  jury.  Au  moment  de  l'entrée  en  posses- 
sion, on  fera  placer  des  bornes  numérotées  d'après  les  plans, 
qui  seront  dressés  en  plusieurs  expéditions  en  vue  de  leur 
conservation. 

Il  y  a  tout  intérêt  à  opérer  de  même  en  ce  qui  concerne  les 


324  OPERATIONS   DIVERSES. 

carmrcs,  voies  laissées  libres  pour  le  passage  des  troupeaux 
à  travers  une  partie  d'un  périmètre  donné. 

En  exécutant  les  levés  relatifs  tant  aux  délimitations  qu'aux 
caraires,  il  est  avantageux  d'opérer  simultanément  le  nivelle- 
ment sur  tous  les  cheminements;  on  obtient  ainsi  des  moyens 
de  contrôle  et  en  même  temps  des  données  utiles  à  la  confec- 
tion ultérieure  du  plan  définitif  du  périmètre. 

Levés  successifs,  Plan  définitif.  —  Au  fur  et  à  mesure  qu'on 
établira  des  cht'mins  et  des  sentiers  dans  les  périmètres,  on 
opérera  le  levé  et  le  nivellement  de  leur  tracé  définitif  en 
ayant  soin  de  les  rattacher  à  un  point  trigonométrique  voisin, 
stable  et  facile  à  retrouver.  On  opérera  de  même  dans  le  levé 
des  torrents,  des  ravins  et  des  lignes  de  divisions,  de  sorte  que 
peu  à  peu  on  obtiendra  sans  frais  supplémentaires  un  plan 
complet  et  détaillé  du  périmètre  traité,  ainsi  que  son  orogra- 
phie; car,  pour  la  compléter,  il  suffira  de  quelques  nivelle- 
ments supplémentaires  entre  ceux  fournis  par  les  torrents  et 
les  chemins. 

On  relèvera  également  avec  soin  l'altitude  des  points  princi- 
paux où  sont  établis  les  baraquements,  les  pluviomètres,  les 
pépinières  volantes. 

Outre  le  plan  d'ensemble  d'un  périmètre  donné,  il  y  a  tout 
intérêt  à  conserver  les  plans  de  détails  levés  dans  les  torrents 
et  dans  les  ravins,  afin  d'avoir  plus  tard  un  terme  de  compa- 
raison avec  le  nouvel  état  dans  lequel  se  présentera  le  péri- 
mètre une  fois  les  travaux  terminés. 

A  cet  effet,  l'on  constitue,  pour  chaque  torrent  un  album 
spécial  renfermant  son  plan  général,  son  profil  en  long,  ses 
profils  en  travers  et  les  dessins  d'exécution  de  tous  les  ouvra- 
ges importants  destinés  à  être  l'objet  d'entretiens  ultérieurs. 
Ces  albums,  établis  en  plusieurs  expéditions,  en  vue  des  chan- 
ces de  destruction,  seront  dans  l'avenir  du  plus  haut  intérêt. 


TRAVAUX   DE   VOIRIE.  325 


CHAPITRE    XIII 


TRAVAUX  DE   VOIRIE 


Chemins,  sentiers.  —  Application  du  deudromèti-e  Bouvart. 

Chemins,  Sentiers.  —  Les  rares  chemins  ou  sentiers  qu'on 
peut  rencontrer  par  hasard  dans  les  périmètres  sont  loin  de  ré- 
pondre aux  exigences  de  l'exécution  des  travaux,  soit  au  point 
de  vue  de  leur  distribution,  soit  à  celui  de  leurs  pentes. 

Il  convient  donc  d'établir,  dans  chaque  périmètre,  un  réseau 
de  chemins  qui  procurent  la  plus  grande  somme  d'avantages 
aux  travaux  et  assurent,  pour  l'avenir,  une  circulation  facile 
et  économique  dans  la  forêt  nouvelle ,  soit  en  vue  de  sa  con- 
servation, soit  en  vue  de  son  exploitation. 

On  conçoit  facilement  l'importance  qui  s'attache ,  sinon  à 
construire,  du  moins  à  tracer,  dès  le  début,  le  réseau  des  che- 
mins, voire  même  des  routes,  qui  devront  desservir  la  future 
forêt.  Ces  voies,  ouvertes  d'abord  sur  une  petite  largeur,  réa- 
liseront dans  l'exécution  des  travaux  une  économie  impor- 
tante, en  diminuant  les  frais  de  transport  du  matériel,  des 
plants,  des  graines  et  de  tous  les  matériaux  nécessaires  aux 
travaux  {de  Gayffier,  PL  7,  35,  36,  44,  45,  47). 

A  ces  voies  artérielles  viennent  se  souder  de  nombreux  pe- 
tits sentiers  permettant  de  circuler  sur  des  pentes  souvent 
très  difficiles  et  parfois  même  inaccessibles  auparavant,  don- 
nant accès  aux  ouvriers  sur  toutes  les  parcelles  à  travailler  et 


326  OPKRATIONS   DIVKRSHS. 

assurant  l'onlrolion  et  la  consorvalion  do  la  jouno  forêt  par  la 
facilité  procurée  aux  préposés  de  la  parcourir  coniniodénient 
et  rapidement. 

Les  chemins  appelés  dans  l'avenir  à  servir  au  besoin  de 
routes  forestières  peuvent  ôtre  ouverts,  dès  le  début,  sur 
une  largeur  de  3  mètres,  qui  permet  l'introduction  des  char- 
rettes de  transport,  sans  nécessiter  de  grands  frais  d'entre- 
tien. 

On  leur  donne  au  maximum  12  pour  100  pour  les  pentes, 
6  pour  100  pour  les  rampes. 

Ces  chemins,  faits  la  plupart  du  temps  î\  mi-côte,  ne  néces- 
sitent aucun  transport  en  long  et  n'entraînent  en  général 
qu'une  faible  dépense.  Aussi  peut-on  se  contenter,  pour. leur 
exécution,  d'un  devis  basé  sur  le  j)rix  du  mètre  courant,  qui 
ne  peut  varier  que  d'après  la  nature  du  sol  et  du  profil  en 
travers,  la  largeur  demeurant  constante. 

Chaque  fois  qu'un  chemin  traversera  un  ravin .  petit  ou 
grand,  on  établira,  pour  la  traverse,  un  mur  de  soutènement 
formant  barrage,  muni  au  besoin  d'un  pertuis  pour  l'écoule- 
ment des  eaux  ordinaires. 

Le  couronnement  de  ces  barrages  devra  toujours  avoir  sa 
corde  placée  horizontalement  et  sa  flèche  aussi  réduite  que 
possible;  on  évitera  ainsi  le  danger  de  détourner  vers  le  che- 
min les  eaux  qui  passeraient  sur  le  barrage. 

.\près  ces  grandes  voies  viennent  des  chemins  muletiers, 
destinés  à  desservir  les  points  où  l'élablisst'mont  des  ibcmins 
carrossables  serait  onéreux.  On  leni-  donne  nnr  largeur  de 
l'°,oO  ;\  2  mètres,  et  leurs  pentes  et  rampes  peuvent  atteindre 
de  15  à  18  pour  100,  sans  cependant  aller  au  delà. 

Enfln  les  sentiers  n'ont  qu'une  largeur  variant  de  60  centi- 
mètres à  1™,20.  Quant  à  leurs  pentes  maxima,  elles  sont  les 
mêmes  que  pour  les  chemins  muletiers. 

On  peut  simplilit-r  considt'rablcmcnt  les  études  et  le  travail 
ijue  réclame  le  tracé  de  tous  les  chemins,  petits  ou  grands,  en 
se  servant,  au  lieu  d'éclimètres  ou  de  niveaux  à  pied,  du  den- 


TRAVAUX   DE  VOIRIE.  327 

dromètre  Bouva7't,  qui  est  d'une  application  générale  pour  tous 
les  travaux  de  ce  genre  dans  les  Basses-Alpes. 

Nous  transcrivons  ci-après,  au  sujet  de  cet  instrument,  une 
note  rédigée  par  M.  F.  Carrière,  sous-inspecteur  des  forets, 
qui,  le  premier,  en  a  introduit  l'usage  dans  ce  département  : 

«  La  construction  du  dendromètre  de  M.  l'inspecteur  Bou- 
vart  est  l'ondée  sur  les  propriétés  des  tangentes.  La  forme  de 
cet  instrument,  la  disposition  de  ses  parties  et  son  maniement 
sont  connus  de  tous  les  forestiers. 

«  Si  l'on  considère,  dans  le  plan  vertical  passant  par  l'œil  de 
l'opérateur  et  le  point  observé,  d'une  part  l'angle  formé  parla 
ligne  de  visée  et  l'horizontale  partant  de  l'œil,  d'autre  part 
l'angle  compris  entre  les  rayons  allant  de  l'axe  du  perpendi- 
cule,  l'un  au  zéro  du  limbe  et  l'autre  à  la  division  de  ce  limbe 
qui  coïncide  avec  l'index  fixe,  on  voit  que  ces  angles  sont 
égaux  comme  ayant  les  côtés  perpendiculaires  chacun  à  cha- 
cun. Le  limbe  n'est  point  gradué  en  parties  aliquotes  de  la  cir- 
conférence, les  arcs  compris  entre  le  zéro  et  chacune  des 
divisions  consécutives  correspondent  aux  angles  dont  les 
tangentes  trigonométrique  sont  1,  2,  3,  etc.,  centièmes  du 
rayon,  et  ce  sont  ces  nombres  qui  sont  inscrits  en  regard 
des  divisions.  Le  zéro  est  placé  de  manière  à  se  trouver  sur  la 
verticale  passant  par  l'axe  du  perpendicule  lorsque  la  ligne 
de  foi  est  horizontale;  l'index  fixe  est  disposé  de  façon  à  se 
trouver  en  coïncidence  avec  le  zéro  dans  ce  cas  de  visée  hori- 
zontale. 

«  Etant  donnée  une  ligne  allant  de  l'œil  à  un  point  quelcon- 
que, il  est  facile  de  se  représenter  la  verticale  passant  par  ce 
point  et  l'horizontale  allant  de  l'œil  jusqu'à  la  rencontre  de 
cette  verticale;  ces  trois  lignes  forment  un  triangle  rectangle. 
L'opérateur  observe  l'angle  compris  entre  la  ligne  de  visée  et 
l'horizontale;  le  dendromètre  lui  en  donne  la  tangente  trigo- 
nométrique ,  c'est-à-dire  le  rapport  (en  centièmes)  de  la  verti- 
cale à  l'horizontale,  en  d'autres  termes,  la  pente  de  l'hypoté- 
nuse ou  ligne  de  visée.  Donc,  d'une  manière  générale,  le 


328  OPÉRATKJNS   DIVERSES. 

(lendromr'tro  donne  en  centièmes  la  ponte  de  la  ligne  de  visée. 
(II  est  bon  de  se  rappeler  que  les  nombres  exprimant  ces 
pentes  ne  sont  gravés  sur  le  limbe  que  de  10  en  10  et  que  les 
zéros  (lui  devraient  terminer  les  nombres  ont  été  supprimés, 
pour  plus  de  simplicité  :  ainsi,  en  lisant  1,  2,  3,  etc.,  il  faut 
entendre  10,  20,  30,  etc. 

<(  L'aide  doit  être  muni  d'une  mire  dont  le  voyant  soit 
ajusté  de  telle  sorte  que  la  distance  de  son  centre  au  pied  de 
la  mire  soit  égale  ii  la  hauteur  de  l'œil  de  l'opérateur  au-des- 
sus du  sol.  Dans  ces  conditions,  la  ligne  de  visée  est  parallèle 
et,  par  conséquent,  équivalente  i\  la  ligne  droite  allant  sur  le 
sol  du  point  sur  lequel  s'appuient  les  pieds  de  l'opérateur  au 
point  où  est  posée  la  mire.  Dans  la  pratique,  on  se  sert,  en 
guise  de  mire,  d'un  jalon,  d'une  latte,  d'un  bâton  quelconque 
sur  lequel  on  fait  un  cran  à  la  hauteur  où  devrait  se  trouver 
le  centre  du  voyant. 

L'aide  tient  ce  bâton  à  pleine  main,  en  s'arrangeant  de  telle 
sorte  que  la  surface  formée  par  le  dessus  de  son  pouce  et  de 
son  index  se  trouve  au  niveau  du  cran;  l'opérateur  distingue 
très  bien,  aux  plus  longues  portées,  le  dessus  de  la  main  de 
l'aide  et  vise  facilenuait  cette  ligne. 

«  Le  dendromètre  Bouvart  est  d'un  emploi  extrêmement 
commode  pour  l'exécution  rapide  de  certaines  opérations  de 
nivellement  auxquelles  il  est  nécessaire  de  procéder  journel- 
lement dans  les  périmètres  de  reboisement ,  telles  que  tracés 
et  (Hudes. 

«  Premier  c.vs.  —  (/jK-ration  sur  un  chetn'ni  c.vhlnnt.  Los  sta- 
tions sont  marquées  par  des  piquets  ou  indi(piéos  par  des 
changements  de  pente.  L'opérateur  et  son  aide,  <jui  le  précède, 
marchent  et  s'arrêtent  de  manièri^  à  se  trouver  toujours  à 
deux  stations  consécutives.  Pour  plus  de  sûreté,  rojx'rateur, 
s'il  dispose  d'un  deuxième  aide,  le  fait  marcher  derrière  de  la 
mônui  manière  que  l'autre  devant;  il  y  a  alors  deux  observa- 
tions à  chaque  station,  et  le  coup  d'arrière  contrôle  le  coup 
d'avant  de  la  station  précédente.  Exemples  :  levé  du  profd  en 


TRAVAUX   DE   VOIRIE.  320 

long  (le  ravins  secondaires,  de  petits  torrents,  d'un  chemin  à 
rectilier,  etc. 

«  Deuxième  cas.  —  Tracé  d'une  ligne  à  pente,  donnée.  L'opéra- 
teur et  son  aide  marchent  comme  dans  le  premier  cas;  les 
stations  doivent  être  choisies  de  telle  sorte  que  la  ligne 
allant  de  l'une  à  l'autre  soit  en  coïncidence,  autant  que  possi- 
ble, avec  la  surface  du  terrain.  L'aide  se  place  d'abord  au  jugé, 
puis  monte  ou  descend  dans  le  sens  de  la  plus  grande  pente 
du  terrain,  d'après  les  indications  que  l'opérateur  lui  donne 
de  la  voix  ou  de  la  main.  Lorsqu'enlin  le  dendromètrc  marque 
la  pente  voulue,  l'aide  plante  un  piquet  ou  fait  un  tas  de 
pierres  à  l'endroit  où  reposait  le  pied  de  la  mire,  puis  il  se 
remet  en  marche.  Quand  l'aide  manque  d'expérience  ou  de 
coup  d'œil,  il  y  a  avantage  à  changer  l'ordre  de  marche;  l'aide 
se  tient  en  arrière  et  n'a  qu'à  stationner  au  point  qui  vient 
d'être  déterminé,  tandis  que  l'opérateur,  tournant  le  dos  à  la 
direction  suivie,  cherche  le  nouveau  point  en  se  déplaçant, 
comme  il  a  été  dit  précédemment  pour  l'aide,  jusqu'à  ce  que 
le  dendromètre  marque  la  pente  convenue.  De  cette  manière 
l'opérateur  est  certain  de  son  cheminement,  suit  bien  les  mou- 
vements du  terrain  ;  en  outre ,  il  choisit  chaque  station  de  fa- 
çon à  ménager  pour  la  portée  suivante  de  bonnes  conditions 
de  visée  et  de  distance.  Exemples  :  chemin  ou  sentier  destiné 
à  donner  accès  aussi  haut  ([ue  possible  dans  une  partie  d'un 
périmètre;  rigole  devant  servir  à  répandre  sur  un  versant  les 
eaux  d'un  ruisseau  ou  d'une  source;  en  outre,  tous  les  tracés 
horizontaux,  tels  que  chemins  de  ceinture,  sentiers  de  ronde, 
ligne  de  zone  ou  de  parcellaire,  bandes  pour  semis  ou  planta- 
tions, banquettes  pour  cordons  de  saules,  etc. 

«  Troisième  cas.  —  Tracé  dune  ligne  à  pente  constante  entre 
deux  points  donnés.  Partant  de  l'un  des  points  de  sujétion,  on 
se  dirige  aussi  exactement  que  possible  vers  l'autre,  dont  on 
connaît  toujours  plus  ou  moins  approximativement  la  situa- 
tion. On  opère  comme  dans  le  deuxième  cas,  et,  en  outre, 
on  chaîne  d'une  station  à  l'autre  en  avant  soin  de  noter  sur  un 


330  OPÉRATIONS  DIVERSES. 

carnot  la  lonjïuour  do  chaciuo  porléo  ot,  ;\  côlé  (rdlc,  la  ptMilc 
corrospondantp  :  on  va  ainsi  jus(iu"à  l'anlro  point  de  sujétion 
ou  plutôt  jusqu'à  la  rencontre  de  la  liiim;  de  jdus  i^raudc  pente 
passant  par  ce  point.  Pour  chaque  portée,  la  dinérenc*'  de  ni- 
veau de  ses  extrémités  est  C'^hIq  au  produit  de  la  lon^iuiMU" 
chaînée  i)ar  la  pente.  La  différence  de  niveau  entre  los  deux 
points  de  sujétion  est  donnée  par  la  somme  de  ces  produits 
(quelques-uns  d'entre  eux  pouvant,  bien  entendu,  avoir  une 
valeur  négative).  Si  le  cheminement  a  été  fait  avec  soin,  sa 
longueur  peut  être  considérée  comme  sensiblement  égale  au 
développement  (pTaura  la  ligne  à  tracer.  On  déterminera  donc 
approximativement  la  pente  de  cette  ligne  en  divisant  la  diffé- 
rence de,  niveau  entre  les  points  de  sujétion  par  la  longueur 
du  cheminement  d'essai.  On  rentre  alors  dans  le  deuxième 
cas;  partant  de  l'un  des  points  avec  une  pente  donnée,  on  doit 
arriver  à  l'autre  à  peu  de  chose  près.  S'il  y  avait  trop  d'écart, 
on  ferait,  à  l'aide  du  second  cheminement,  le  même  calcul 
(|u'avec  le  premier,  et  on  procéderait  ;i  une  troisième  opéra- 
ion  qui  serait  le  tracé  définitif;  mais  généralement  il  suffit  de 
retoucher  la  ligne  sur  une  certaine  longueur  pour  la  faire 
aboutir  exactement  au  deuxième  point.  Il  est  facile  de  com- 
prendre que  pour  le  cheminement  d'essai,  on  a  tout  intérêt  à 
marcher  aussi  longtemps  (jue  possible  avec  la  même  pente 
choisie,  de  façon  à  maintenir  ce  cheminement  dans  une  direc- 
tion convenable;  en  effet,  lorsqu'il  s'agit  de  faire  le  calcul,  on 
cumule  les  longueurs  des  portées  pour  lesquelles  la  pente  est 
la  même  et  on  r(}alise  ainsi  une  siniplifieatinn  souvent  consi- 
dérable. Exemples  :  chemin  ou  iiorfion  de  chemin  devant  pas- 
ser par  doux  pcjints  fixes,  canal  d'arrosage  (lestin(''  à  aboutira 
un  endroit  délermint',  tel  qu'une  pépinière. 

«  (Ji'ATiUKME  CAS.  —  /)c/('rmin(ilio)i  (le  l'iutersectuni  de  deux 
lignes  à  pentes  dijféi-entes.  Ce  problème  trouve  son  aj)plication 
lorsqu'il  s'agit  de  fixer  l'emplacement  de  barrages  de  faibles 
dimensions.  Étant  données  la  place  d'un  premier  barrage  et  la 
pente  sous  laquelle  on  admet  que  se  formeront  les  atterrisse- 


TRAVAUX  DE   VOIRIE.  331 

ments,  on  cherche  l'endroit  où  devra  être  construit  lo  barrage 
suivant  on  ajnont,  c'est-à-dire  le  point  où  une  ligne,  partant 
du  milieu  de  l'arùte  du  barrage  avec  la  pente  d'atterrissenient, 
rencontrera  la  ligne  du  thalweg  de  la  ravine.  Si  le  premier 
barrage  est  déjà  construit,  l'opérateur  s'installe  sur  son  cou- 
ronnement et,  en  employant  la  môme  mire  que  dans  les  trois 
cas  précédents,  la  fait  mouvoir  par  l'aide  le  long  de  la  ligne  du 
thalweg  jusqu'à  ce  que  le  dendromètre  marque  la  pente 
adoptée  pour  l'atterrissement.  S'il  n'existe  pas  de  barrage  au 
point  do  départ,  ce  qui  a  lieu  généralement,  on  emploie  une 
mire  à  règle  graduée.  La  position  normale  du  centre  du  voyant 
devait  être  à  une  distance  du  pied  de  la  règle  égale  à  la  hau- 
teur de  l'œil  de  l'opérateur  au-dessus  du  sol.  On  abaisse  alors 
le  centre  du  voyant,  au-dessus  de  sa  position  normale,  d'une 
quantité  égale  à  la  hauteur  que  devra  avoir  le  barrage  à  con- 
struire au  point  de  départ.  De  cette  manière ,  l'opérateur  fait 
perdre  la  hauteur  qu'il  perd  lui-même  en  se  plaçant  sur  le  sol 
du  fond  de  la  ravine  au  lieu  d'être  sur  le  barrage,  et  il  rétablit 
ainsi  le  parallélisme  voulu  entre  la  ligne  de  visée  et  la  ligne  de 
plus  grande  ponte  du  futur  atterrissement.  Cette  correction  de 
la  position  du  voyant  peut  se  faire  tant  qu'il  s'agit  de  barrages 
dont  la  hauteur  ne  dépasse  pas  1™,50,  ce  qui  est,  d'ailleurs,  le 
cas  le  plus  fréquent.  Si  les  barrages  doivent  avoir  une  hauteur 
supérieure  à  celle  de  l'œil  au-dessus  du  sol ,  il  faut  marcher 
dans  un  ordre  inverse;  l'aide  se  place  au  point  de  départ,  et 
c'est  l'opérateur  qui  circule  dans  le  fond  de  la  ravine  pour 
chercher  l'emplacement  du  barrage  d'amont.  La  distance  du 
centre  du  voyant  au  pied  de  la  règle  doit  alors  être  égale  à  la 
longueur  adoptée  pour  la  position  normale,  augmentée  de  la 
hauteur  qu'aura  le  barrage  à  construire  au  point  où  se  trouve 
la  mire;  l'aide  peut  aussi,  s'il  n'a  pas  de  mire  à  règle  graduée, 
planter  à  son  point  de  stationnement  un  jalon  de  môme  hau- 
teur que  le  futur  barrage,  et  placer  sur  la  tête  de  ce  jalon  le 
pied  de  la  mire  à  voyant  fixe  ou  du  bâton-mire  dont  le  cran, 
pour  être  rendu  apparent,  est  préalablement  souligné  par  une 


332  (H'ÉRATIONS  DIVERSES. 

bando  do  papier  blanc.  Exemples  :  établissement  do  fascinagos, 
de  clayonnages,  do  seuils  et  de  petits  barrages  en  pierre  sèche. 
«  Il  n'y  a  pas  lieu  de  donner  un  pied  au  dcndromètre,  qui 
n'est  point  un  instrument  do  précision,  mais  qui  aie  mérite 
d'être  très  portatif,  de  se  prêter  aux  opérations  expéditives  et 
de  pouvoir  être  employé  partout  oii  il  y  a  place  pour  le  pied 
d'un  montagnard.  M.  Nicot,  inspecteur  des  forêts  à  Gap,  a 
perfectionné  d'une  manière  très  ingénieuse  le  dendromètreen 
y  adaptant,  près  de  la  fenêtre  par  laquelle,  on  voit  le  limbe, 
un  petit  miroir  à  charnières  dans  lequel  l'observateur  peut 
suivre  les  mouvements  do  ce  limbe  et  en  lire  les  indications 
tout  en  maintenant  l'œil  près  do  l'oculaire  de  l'instrument. 
Cotte  précieuse  amélioration  devait  être  apportée  à  tous  les 
dendromètres  Bouvart.  » 

Barrières,  Caraires.  —  Il  arrive  souvent  que  dans  un  péri- 
mètre l'on  est  obligé  de  laisser  un  ou  plusieurs  passages  libres, 
tantôt  pour  permettre  aux  troupeaux  de  la  localité  de  traver- 
ser une  partio  du  périmètre  pour  se  rendre  dans  les  pâturages 
voisins,  tantôt  pour  leur  fournir  le  moyen  do  se  rendre  à  un 
abreuvoir  qu'on  ne  peut  trouver  que  dans  le  périmètre  lui 
même ,  tantôt  enfin  pour  leur  donner  un  accès  sur  dans  des 
propriétés  enclavées. 

Ces  passages,  que  dans  les  Alpes  on  désigne  sous  le  nom  do 
caraires  et  parfois  de  drayes,  présenteraient  un  danger  constant 
pour  le  périmètre  comme  pour  les  propriétaires  dos  troupeaux, 
si  l'on  se  contentait  de  les  délimitor  par  de  simples  bornes, 
auquel  cas,  de  plus,  on  serait  obligé'  do  leur  donner  une  lar- 
geur énorme 

Un  évite  tous  ces  inconvénients  on  les  bordant  de  chaque 
côti'  par  une  barrière  derrière  laquelle  on  peut  onsuiti?  planter, 
dans  les  endroits  favorables,  une  haie  vive  très  épaisse  desti- 
née à  la  remplacer  dans  l'avenir. 

Il  arrive  parfois  en  outre  qu'un  périmètre  est  traversé  ou 
bordé  par  des  voies  publiques,  toiles  que  routes  nationales  ou 


TRAVAUX  DE   VOIRIE. 


333 


départementales,  chemins  vicinaux,  etc.,  et  qu'il  y  a,  sur  cer- 
tains points  (lu  parcours,  nécessité  d'en  défendre  l'entrée.  On 
est  donc,  dans  ce  cas,  obligé  d'avoir  recours  à  une  clôture  du 
même  genre. 

Ces  barrières  peuvent  consister  exceptionnellement,  dans 
les  rares  cas  où  la  pierre  est  abondante  et  facile  à  travailler, 
en  un  mur  en  pierre  sèche  de  1™,  20  de  hauteur;  mais,  en  gé- 
néral, on  est  obligé  d'avoir  recours  à  d'autres  moyens. 

Si  les  troupeaux  consistent  en  bêtes  aumailles,  on  construit 
la  barrière  en  bois,  tandis  que  pour  les  bêtes  ovines  une  sim- 
ple barrière  en  fd  de  fer  galvanisé  devient  suffisante. 

Les  barrières  en  bois  doivent  être  assez  hautes  pour  ne  pas 
être  franchies  par  les  animaux,  assez  solides  pour  résister  à 


Fig.  73.  —  Barrière  en  Bois. — Élévation  dégagée  des  Terres.     Fig.  71. — Coupe. 

leur  pression ,  et  assez  grosses  pour  être  aperçues  facilement 
de  loin,  surtout  quand  elles  bordent  des  pâturages  où  l'on 
élève  déjeunes  poulains  ou  de  jeunes  mulets. 

Les  figures  73  et  74  donnent  l'élévation  et  la  coupe  de  ce 
genre  de  barrières,  qui  se  composent  de  deux  traverses  reliées 
par  des  piquets. 

Les  piquets,  espacés  entre  eux  de  2™, 50  d'axe  en  axe,  sont 
aplanis  sur  une  face  qui  doit  avoir  15  centimètres  de  largeur; 
leur  hauteur  au-dessus  du  sol  est  de  1°',20,  et  ils  sont  enfoncés 
en  terre  sur  une  longueur  de  80  centimètres. 

Contre  ces  piquets  sont  assujetties  avec  des  boulons  deux 
traverses  obtenues  par  le  dédoublement  d'une  perche  de 
10  à  12  centimètres  de  diamètre  et  placées  de  manière  que 


334 


0  P  E  R  A  T I O  N  S   D I  \'  I-;  Il  SES. 


l'axe  de  l'une  soit  i\  50  centimètres  du  sol  et  celui  de  l'autre  à 
1  mètre. 

Le  prix  du  mètre  courant  de  ce  genre  de  barrières  est  né- 
cessairement très  variable ,  car  il  dépend  du  lieu  où  elle  est 
placée,  des  difficultés  de  transport  des  matériaux,  des  fouilles 
pour  les  piquets  et  do  la  valoin-  dos  bois  employés. 

Los  barrières  en  fil  de  for  galvanisé  se  composent  do  trois 
fils  de  5  millimètres  de  diamètre ,  écartés  de  30  centimètres, 


pr:      ■■ ■  ■"■■■     ^ 

Fig.  75.  —  Barrière  en  Fil  de  Fer  galvanisé. 
Élévation  dégagée  des  Terres. 


Fig.  76. — Coupe. 


soutenus  par  des  piquets  espacés  de  5  mètres  qu'ils  traversent, 
et  fortement  tendus  au  moyen  des  instruments  dont  on  fait 
usage  dans  les  lignes  télégraphiques. 

Ce  genre  de  barrières,  (jui  est  très  économique,  présente 
l'avantage  de  pouvoir  être  facilement  transporté  d'un  endroit 
î\  un  autre  au  cas  échéant.  Il  est  d'un  entretien  facile  et  peu 
coûteux  et  suffit  amplement  au  but  qu'on  s'est  proposé.  Les 
figures  75  et  76  en  donnent  l'image. 


HYDROGRAPHIE.  33i 


CHAPITRE    XIV 


HYDROGRAPHIE 


But  des  observations.  —  Établissement  du  plan,  du  profil  ea.  long  et  des 
profils  en  travers.  —  Description  du  torrent.  —  Chronique  et  statistique 
des  crues  successives. 

But  des  Observations.  —  Lorsqu'un  périmètre  vient  d'ôtre 
étudié  en  vue  de  l'extinction  d'un  torrent  et  qu'après  les  di- 
verses enquêtes  prescrites  par  la  loi  il  fait  l'objet  d'un  décret 
d'utilité  publique,  on  ne  possède  la  plupart  du  temps  que  des 
données  très  vagues  sur  l'bistorique  du  torrent  auquel  on  va 
s'attaquer;  si  l'on  peut  se  donner  facilement  certains  ronsci- 
iïnements  topograpbiques,  tels  que  son  plan,  son  profil  en 
long  et  ses  profils  en  travers,  on  ne  les  obtient  qu'en  ce  qui 
concerne  le  moment  actuel,  et  ce  n'est  que  par  une  série  d'ob- 
servations attentives  qu'on  arrive  parfois  à  se  faire  une  idée  de 
ses  anciens  états  successifs. 

Mais  si  l'on  peut  connaître  certains  éléments  de  sa  puis- 
sance, tels  que  le  sol  où  il  fonctionne  et  les  pentes  actuelles 
qu'il  y  présente ,  on  se  trouve  absolument  privé  de  renseigne- 
ments relatifs  aux  autres  éléments  de  cette  puissance  qu'il 
s'agit  de  combattre.  Jusque-là,  en  effet,  personne  n'a  songé  à 
mesurer  la  quantité  d'eau  que  peut  jeter  dans  son  bassin  un 
orage  violent  pondant  un  temps  donné  ;  on  ignore  la  durée  de 
la  crue  correspondant  à  cet  orage,  la  quantité  d'eau  écoulée, 
le  volume  des  matériaux  arrachés,  charriés  et  déposés,  et,  par 


336  OPÉRATIONS   DIVERSES. 

suite,  les  offets  produits  par  l'orago  sur  les  profils  en  long  et  en 
travers  dans  le  haut,  et  sur  lo  cône  de  déjections  dans  le  bas. 

A  défaut  de  ces  données,  qui  seraient  du  i)lus  haut  intérêt 
pour  l'exécution  des  travaux,  on  peut  du  moins  entreprendre 
dès  lo  début  les  études  nécessaires  pour  se  les  procurer  suc- 
cessivement dans  l'avenir. 

Au  bout  d'un  certain  nombre  d'années,  au  fur  et  à  mesure 
que  les  travaux  de  reboisement  et  de  correction  se  développe- 
ront en  intensité,  on  aura  obtenu  par  les  observations  ainsi 
faites,  une  série  de  rapports  successifs  entre  la  masse  d'eau 
tombée  sur  le  bassin  de  réception  et  les  effets  produits  dans  le 
torrent  et  sur  le  cône,  rapports  ([ui  fourniront  d'abord  des 
données  précieuses  sur  les  degrés  successifs  de  l'efficacité  des 
travaux  en  cours  d'exécution  et  démontreront  ensuite,  par  des 
faits  d'expériences  sérieuses  et  coordonnées,  que  le  résultat 
flnal  des  travaux  concorde  entièrement  avec  les  projets  basés 
sur  des  déductions  rationnelles. 

Les  études  et  observations  hydrographiques  dont  il  s'agit 
doivent  dès  lors  avoir  pour  but  '  : 

1°  L'établissement  du  plan,  du  profil  en  long  et  des  profils 
en  travers  du  torrent  et  sa  description  détaillée; 

2°  La  chronique  et  la  statistique  des  crues  successives,  com- 
prenant la  durée  des  pluies  extraordinaires,  le  jaugeage  de 
l'eau  tombée,  l'estimation  du  volume  de  l'eau  écoulée,  des 
matériaux  entraînés,  et  cnlin  l'appréciation  des  dommages 
causés. 

Le  plan  du  torrent  doit  renfermer  son  lit  ainsi  que  ses  ber- 
ges tout  entières  jus(iu"à  l'arôte  vive  ((ui  les  sépare  des  ver- 
sants proi)rement  dits.  Il  n'est  pas  nécessaire  ([u'il  comprenne 
le  cours  nitifr  du  torrent  depuis  son  origine  la  plus  élevée; 
mais  il  convient  de  le  lever  en  partant  du  point  le  plus  haut 
de  la  partie  à  corriger,  jusqu'à,  et  y  compris  son  cône  de  déjec- 
tions. 

1.  —  Culmaan,  Rapport  au  Conseil  fédéral  sur  let  Torrents  (1rs  Alpes 
suisses,  j>.  211. 


IIYDIIOGIIAPIIIE.  337 


Si,  comme  cela  arrive  très  souvent,  le  torrent  présente  dans 
son  cours  un  certain  nombre  de  sections  réclamant  seules  des 
travaux  de  correction  ,  il  est  néanmoins  utile  que  le  plan  soit 
général  et  renferme  ainsi  la  situation  respective  de  chacune  de 
ces  sections. 

Le  profil  en  long  demande  des  détails  plus  complets  dans 
ces  sections  que  dans  leurs  intervalles  où  l'on  peut  se  conten- 
ter d'un  nivellement  à  grandes  portées,  car  il  n'a  plus  là  pour 
but  que  de  rattacher  une  section  à  l'autre  afin  de  déterminer 
la  courbe  générale  que  présente  le  torrent. 

Il  en  est  de  même  des  profils  en  travers,  qui  doivent  être 
d'autant  plus  détaillés  que  les  berges  présentent  plus  d'irré- 
gularités. 

Si,  sur  certains  points,  l'on  rencontre  des  glissements,  on 
lève  dans  chacun  d'eux  une  série  de  grands  profils  en  travers 
dont  les  deux  extrémités  se  prolongent  jusqu'à  des  terrains 
fixes  sur  lesquels  on  puisse  établir  des  bornes  qui  permettent 
de  repérer  d'année  en  année  ces  profils  pour  constater  soit 
l'intensité  des  glissements ,  soit  l'effet  produit  sur  eux  par  les 
travaux. 

En  opérant  le  levé  du  plan  et  des  profils,  on  doit  avoir  soin 
de  relever  bien  exactement  les  différentes  natures  de  sol  et  de 
roche  qu'on  peut  rencontrer,  les  carrières  et  les  gros  blocs 
susceptibles  d'exploitation  et  enfin  tous  les  détails  qui  peuvent 
être  utiles  aux  travaux.  Pour  plus  de  clarté,  on  donne  une 
teinte  spéciale  à  chacune  des  natures  de  sol  et  de  roche. 

L'échelle  à  employer  pour  le  plan  varie  du  ^^  au  -^;  elle 
doit  toujours  être  assez  grande  pour  permettre  d'y  placer  visi- 
blement l'axe,  les  numéros  des  angles  de  sommet  et  les  em- 
placements des  profils  en  travers  avec  leurs  directions. 

Pour  le  profil  en  long  général,  l'échelle  des  hauteurs  doit 
toujours  être  plus  grande  que  celle  des  longueurs,  ce  qui 
permet  de  bien  mieux  lire  les  différences  de  pentes;  l'on  peut 
avantageusement  prendre  pour  les  longueurs  l'échelle  du  plan 
et  pour  les  hauteurs  une  échelle  quintuple. 

22 


338  OPERATIONS   DIVERSES. 

Quant  aux  i)rofils  en  travors,  an  contraire,  le  mieux  est 
d'adopter  une  échelle  nnifornie  pour  les  hauteurs  et  les  lon- 
jiuenrs. 

En  joignant  aux  dessins  toutes  les  données  prises  sur  le 
terrain  même,  pendant  l'exécution  des  levés,  on  obtient  la 
représentation  complète  du  torrent  dans  l'état  où  il  se  trouvait 
au  moment  de  l'étude  des  travaux. 

Les  données  qui  ne  rentreraient  pas  dans  le  cadre  des  des- 
sins font  l'objet  d'une  notice  sjjéciale  indiquant  tous  les  ren- 
seignements qu'on  a  pu  se  procurer  sur  le  régime  ancien  et 
actuel  du  torrent,  et  sur  les  phénomènes  dont  les  riverains 
ont  pu  conserver  la  trace  et  le  souvenir. 

Dans  la  plupart  des  torrents,  les  crues  produites  par  les 
grands  orages  sont  bien  plus  dangereuses  que  celles  venant  à 
la  suite  de  la  fonte  des  neiges  ou  des  pluies  prolongées  de  l'au- 
tomne et  du  printemps;  c'est  donc  surtout  les  pluies  d'orage 
qu'on  doit  chercher  à  mesurer. 

Le  jaugeage  de  l'eau  tombé'e  à  chaque  orage  s'obtient  faci- 
lement au  moyen  de  pluviomètres  convenablement  disposés 
et  étages  à  différentes  altitudes  dans  le  bassin  de  réception. 

Mais  la  mesure  de  la  quantité  d'eau  écoulée  et  des  matériaux 
entraînés  est  beaucoup  i)lus  difficile;  on  peut  môme  affirmer 
qu'elle  est  impossible  en  employant  les  moyens  et  formules  or- 
dinaires, au  moins  tant  que  le  torrent  charrie  des  matériaux: 
l'on  est  donc  obligé,  dans  la  première  période  des  travaux,  de 
se  contenter  de  données  approximatives  :  ;\  cet  eff(»t,  au  mo- 
ment des  orages,  des  observateurs  ronvena])lement  disposés 
notent  la  durée  de  la  crue,  son  int(Mîsit(i,  sa  section  sur  le 
couronnement  des  barrages,  sa  nature  et  ses  effets  tant  sur  les 
berges  (pu'  sur  le  cône  de  déjections;  l'on  obtient  ainsi  une 
série  de  renseignements  que  l'on  reprend  d'une  façon  analo- 
gm-  h  chaque  orage.  Au  bout  d'un  certain  nombre  d'années, 
au  liir  et  à  mesure  (pie  les  travaux  de  reboisement  et  de 
correction  se  développent  en  étendue  et  en  intensité,  on  aura 
obtenu,  par  ces  observations,  une  série  de  rajtports  successifs 


HYDROGRAPHIE.  339 


pntro  la  masso  d'eau  tonibéo  sur  \o  bassin  de  réception  et  les 
effets  produits  par  son  écoulement,  et  l'on  pourra  suivre  ainsi 
pas  à  pas  les  résultats  proj^ressifs  des  travaux,  en  rapprochant 
les  effets  de  deux  ou  plusieurs  orages  qui,  survenus  à  de  longs 
intervalles,  viendraient  à  présenter  une  analogie  dans  la  quan- 
tité d'eau  tombée  pendant  un  temps  d'égale  durée. 

Installation  des  Pluviomètres.  —  Ainsi  que  nous  avons  déjà 
eu  l'occasion  de  le  rappeler,  les  pluies  sont  d'autant  plus  fré- 
quentes et  plus  abondantes  que  l'on  s'élève  davantage  au- 
dessus  du  niveau  de  la  mer,  toutes  circonstances  égales  d'ail- 
leurs. D'où  il  résulte  évidemment  que  pour  obtenir  avec  une 
approximation  suffisante  la  quantité  d'eau  tombée,  par  un 
orage  donné,  dans  le  bassin  de  réception  d'un  torrent,  un 
seul  pluviomètre  ne  suffirait  pas  généralement,  à  moins  (jue 
l'on  ait  affaire  à  une  petite  combe  ne  présentant  qu'une  mi- 
nime superficie  et  de  faibles  différences  entre  ses  altitudes 
extrêmes. 

Dans  la  plupart  des  cas,  il  est  donc  indispensable  d'installer 
plusieurs  instruments,  dont  chacun  sera  affecté  à  une  zone 
spéciale  nettement  déterminée  sur  le  plan  du  périmètre.  Le 
moyen  le  plus  commode  et  le  plus  sûr  consiste  à  couper  le 
bassin  de  réception  par  deux  plans  horizontaux  déterminant, 
entre  le  point  culminant  du  torrent  et  le  sommet  de  son  cône 
de  déjections,  trois  zones  d'égale  épaisseur  à  chacune  des- 
((uelles  on  affecte  un  pluviomètre.  On  trace  sur  le  plan  du 
bassin  de  réception  les  deux  courbes  horizontales  que  déter- 
mine l'intersection  de  ces  plans  avec  le  sol  des  versants,  l'on 
calcule  la  surface  de  chacune  des  trois  zones  formées  par  ces 
courbes  horizontales  et  les  limites  du  bassin  de  réception,  et 
l'on  possède  les  données  nécessaires  pour  obtenir  la  quantité 
d'eau  tombée  d'après  les  observations  faites  sur  les  pluvio- 
mètres. 

Il  faut,  en  général,  au  moins  trois  pluviomètres  pour  un 
torrent  qui  viendrait  à  présenter  entre  les  altitudes  extrêmes 


340  OPERATIONS  DIVERSES. 

de  son  bassin  do  réception  une  différence  de  niveau  qui  attein- 
drait un  minimum  de  500  mètres. 

Mais  si  le  bassin  est  très  vaste,  s'il  est  surtout  en  l'orme  de 
cirque  bien  accentué,  possédant  des  versants  placés  à  deux 
expositions  diamétralement  opposées  ,  le  nombre  des  pluvio- 
mètres doit  ôtre  augmenté  suivant  la  forme  de  la  courbe  dé- 
crite par  les  limites  du  bassin  de  réception. 

Pour  fixer  les  idées,  supposons  un  torrent  qui  présente 
entre  le  sommet  de  son  bassin  de  réception  et  celui  de  son 
cône  une  différence  de  niveau  de  1,500  mètres,  et  soit  bordé 
sur  ses  deux  rives  par  de  grands  contreforts  descendant  do 
la  crête  principale  presque  normalement  h  sa  direction. 

Si  l'on  n'emploie  que  trois  pluviomètres,  le  n"  1  sera  situé 
vers  le  sommet  du  cône,  le  n°  2  à  500  mètres  au-dessus,  le 
n"  3  à  1,000  mètres  du  n"  1.  Si  l'on  place  ces  instruments  près 
des  rives  du  torrent,  bien  au  fond  du  cirque,  on  risquera  de 
n'avoir  pas  une  approximation  suffisante  dans  la  mesure  de 
l'eau  tombée;  car,  les  orages  étant  le  plus  souvent  accompa- 
gnés de  vents  violents,  il  se  pourra  que  la  masse  des  eaux 
tombe  plus  dense  sur  le  versant  exposé  au  vent  que  sur  l'au- 
tre '. 

Le  mieux  est,  dans  ce  cas,  de  diviser  les  zones  moyenne  et 
supérieure  en  deux  parties  séparées  par  le  torrent  et  d'affec- 
ter à  chacune  de  ces  parties  un  pluviomètre  spécial.  Dans 
l'exemple  choisi,  l'on  aurait  donc  un  pluviomètre  au  sommet 
du  cône,  point  où  les  contreforts  tendent  à  former  le  cirque: 
deux  pluviomètres  à  500  mètres  au-dessus  du  n°  1,  l'un  sur 
le  versant  de  gauche  et  l'autre  sur  celui  de  droite,  et  lieux 
pluviomètres  ;\  1,000  mètres,  disposés  de  la  mémo  manière. 

Il  est  préférable  de  placer  les  pluviomètres  au  bas  de  la 
zone  qui  leur  est  affectée;  l'on  gagne  ainsi  plus  de  facilité  et 
de  rapidité  dans  les  observations. 

Les  instruments  les  plus  simples,  on  mémo  temps  que  les 

1. —  Surell,  Élude  sur  les  Torrents,  2*  volume  par  Cézanoe.p.  53  et  sui- 
vantes. 


HYDROGRAPHIE.  3il 


plus  économiques,  sont  l(>s  pluviomètres  de  l'Association 
scientifique  de  France,  (jui,  dans  une  instruction  dressée 
en  1875,  eu  donne  la  description  et  l'emploi  de  la  manière 
suivante  : 

<(  Le  pluviomètre  est  réduit  h  ses  deux  parties  essentielles  : 
entonnoir  pour  recevoir  la  pluie,  éprouvette  pour  eu  mesurer 
la  quantité. 

«  L'entonnoir,  de  forme  circulaire,  a  un  diamètre  de 
226  millimètres;  sa  surface  est  donc  de  i  décimètres  carrés. 
Les  parois  de  l'entonnoir,  très  inclinées  afin  d'éviter  les  re- 
jaillissements des  gouttelettes  de  pluie,  sont  en  zinc,  et  son 
orifice  est  limité  par  un  cercle  de  même  métal  tourné  sur  un 
mandrin  spécial.  On  est  ainsi  assuré  de  l'exactitude  du  dia- 
mètre et  par  suite  de  la  surface  de  cette  partie  de  l'appareil. 

«  La  masse  totale  de  l'entonnoir  repose  sur  un  vase  en  zinc 
légèrement  conique,  destiné  à  servir  de  récipient  à  la  pluie. 
Un  bord  adapté  à  l'entonnoir  empêche  la  pluie  qui  tombe  sur 
les  parois  extérieures  de  cet  appareil  de  pénétrer  dans  le  ré- 
cipient; ce  dernier  est  lui-même  muni  d'un  bec  afin  de  verser 
l'eau  dans  l'éprouvette.  Le  récipient  peut  contenir  environ 
6  litres  d'eau,  ce  qui  correspond  à  une  hauteur  de  150  milli- 
mètres de  pluie  recueillie  dans  l'entonnoir;  sa  capacité  est 
donc  telle  que  l'instrument  ne  débordera  pas ,  même  dans  les 
plus  grands  orages. 

«  La  réunion  de  l'entonnoir  et  du  récipient  forme  un  système 
qu'il  suffira  de  placer  sur  un  pilier  horizontal,  élevé  de  1  mètre 
ou  l™,oO  au-dessus  du  sol,  pour  installer  le  pluviomètre. 

«  L'éprouvette  est  en  verre;  son  volume  est  d'un  quart  de 
litre  et  la  graduation  en  parties  d'égal  volume  est  combinée 
de  manière  à  donner  immédiatement,  en  millimètres  et 
dixièmes  de  millimètre,  la  hauteur  de  la  couche  d'eau  tombée 
dans  l'entonnoir  et  réunie  dans  le  récipient. 

«  Pour  faire  une  observation,  il  suffira  donc  de  verser  dans 
l'éprouvette,  mise  sur  une  surface  horizontale,  l'eau  rassemblée 
dans  le  récipient  et  de  lire  la  hauteur  à  laquelle  elle  s'élève. 


342 


OPÉRATIONS   DIVERSES. 


«  Lo  pluviomètro  doit  èiro  visité  ot  vidô  cha(|UO  matin  à 
9  heures.  Le  résultat  de  l'observation  sera  inscrit  sur  un  car- 
net spécial  à  la  date  du  jour  où  elle  a  été  faite.  Si  le  pluvio- 
mètre a  reçu  de  la  neige  ou  si  l'eau  qu'il  renferme  est  gelée, 
on  fera  fondre  la  glace,  et  la  quantité  d'eau  sera  immédiate- 
ment mesurée. 

«  Le  pluviomètre  doit  èlic  placé  loin  (15  ou  20  mètres)  do 
toute  maison,  de  tout  bouquet  d'arbres  considérable  capable 
de  produire  dans  le  mouvement  de  l'air  des  remous  (fui,  sui- 
vant leurs  directions,  accumulent  ou  dispersent  la  pluie.  Les 
pluviomètres  ne  doivent  à  aucun  prix  être  placés  sur  des  toits. 
La  meilleure  position  est  le  centre  d'une  cour  ou  d'un  jardin, 


7.  —  riuvioniètre. 
Kntonnoir. 


Kig.  78.  —  Récipient. 


V\g.  79.  —  Plan  du 
Récipient. 


et  il  faut  avoir  soin  (pi'ils  ne  soient  dominés  par  aucun  arbre. 
A  la  campagne,  il  sera  toujours  aise  de  satisfaire  ;\  ces  diverses 
conditions.  » 

Dans  les  localités  où  la  neige  est  l'ré(|U('nte,  une  i)récaution 
indispensable  consiste  i\  [)lacer  le  pluviomètre  ;\  la  jiartie  su- 
périeure d'une  caisse  dans  bniMcllc,  au  moment  dû  il  neige,  on 
allume  une  faible  lampe  ou  une  veilleust\  On  j)roduit  ainsi  la 
fusion  immédiate  de  la  neige,  qui  ne  peut  alors  être  eujportée 
par  le  vent.  C'est  la  seule  méthode  exacte  pour  la  mesure  de 
la  quantité  d'eau  qui  répond  ;\  une  chute  de  neige. 

Les  pluies  lorrenlielli's,  comme  certaines  pluies  d'orage, 
doivent  être  mesurées  immédiatement.  Si  on  mémo  temps  on 
a  eu  la  précaulioii  de  imlri'  la  (jinr'e  de  l'averse,  on  obtiendra 
une  donnée  fort  curieuse  sur  la  (luautilt'  de  pluie  qui  pi'ul 


HYDROGRAPHIE. 


343 


tomber    en    quelques   heures    ou  uièuie    eu    quelques   mi- 
nutes. 

Les  figures  77,  78  et  79  représentent  le  pluviomètre  et  ses 
diverses  parties. 

Les  pluviomètres  destinés  à  la  mesure  des  pluies  d'orage 
aux  grandes  altitudes  ne  peuvent ôtre  employés  à.  la  mesure  de 
toutes  les  pluies  ordinaires  et  des  neiges,  au  point  de  vue  sim- 
plement météorologique,  car  à  ces  grandes  altitudes,  atteignant 
parfois  2,800  mètres  et  totalement  privées  d'habitations,  il  se- 
rait impossible  de  faire  des  observations  con- 
stantes pendant  l'hiver.  Mais  certains  instru- 
ments, placés  à  portée  du  domicile  des  i)répo- 
sés,  peuvent  au  contraire  être  avantageusement 
employés  à  la  mesure  de  toutes  les  pluies  an- 
nuelles, qui,  au  point  de  vue  du  reboisement, 
ne  laisse  pas  de  présenter  un  certain  intérêt, 
d'autant  plus  que  généralement  les  montagnes 
où  l'on  opère  sont  privées  de  toutes  observa- 
tions faites  d'ailleurs. 

L'installation  des  pluviomètres  de  la  pre- 
mière catégorie  {fig.  80)  est  des  plus  simples. 
Le  récipient  est  placé  dans  une  sorte  de  cage 
tronconique  faite  au  moyen  de  deux  cercles 
concentriques  en  fer  plat,  dont  l'écartement 
est  maintenu  par  trois  bandes  (jui  se  prolon- 
gent au-dessous  du  petit  cercle  sur  une  Ion-  Fig. 8o— Armature 
gueur  de  15  centimètres  environ.  Ces  trois  '^^  Pluviomètre. 
prolongements,  percés  de  trous  de  vis,  coiffent  un  poteau  de 
bois  dur  fiché  en  terre  et  auquel  ils  sont  vissés  de  manière  que 
le  récipient  soit  i\  1  mètre  du  sol.  Afin  d'empêcher  les  grands 
vents  de  décoiffer  le  pluviomètre,  on  attache  l'entonnoir  au 
piquet  avec  deux  petites  chaînettes  mobiles,  fermées  par  un 
cadenas. 

La   dépense  totale  d'un  pluviomètre  ainsi  installé  s'établit 
ainsi  : 


-  :«-:-■  •  ^'r.t-w 


34i 


OPERATIONS   DIVERSES. 


Achat  et  port  de  l'instrument 15  fr.     » 

Prix  de  la  cage  en  fer 3  fr.     « 

Fourniture,  peinture  et  pose  de  piquets 5  fr.  50 

Chaînettes  avec  cadenas 1  fr.  50 

ToTAi 2;1  fr.     .. 


Quant  aux  pluviomètres  destinés  à  des  observations  con- 
stantes pendant  toute  Tannée,  il  vaut  mieux  remplacer  la  cage 
de  Ter  par  une  boîte  en  bois  dont  le  fond  est  fermé  par  une 
jtlaque  en  tôle  près  de  laquelle  vient  affleurer  la  partie  infé- 
rieure du  récipient  ;  sous  cette  plaque  est  ménagé  un  tiroir 
dans  lequel  on  place  une  petite  lampe.  Au  moyen  de  cette  dis- 
position on  peut  mesurer  exactement  la  hauteur  d'eau  corres- 
pondant ;\la couche  déneige 
recueillie  par  l'entonnoir, 
car  la  chaleur  de  la  petite 
lampe  suftit  pour  faire  fon- 
dre cette  neige,  sans  cepen- 
dant être  assez  forte  pour 
déterminer  la  vaporisation 
d'une  partie  quelconque  de  l'eau  obtenue  {fuj.  81  et  82).  La" 
valeur  de  ces  boîtes  ne  dépasse  j)as  10  lianes. 


3r^ 


Fig.  81. 

Boîte  en  Bois. 

Coupe  suivant  CD. 


Phm. 


Historique  des  Crues.  —  (^ela  posé,  i)Our  réaliser  le  pro- 
gramme des  observations  hydrograpbiqueSj  on  établit  pour 
chacun  des  torrents  dont  l'extinction  va  ôtre  entreprise  un  re- 
gistre spécial  renfermant  :  1°  les  dessins  du  plan,  du  profil  en 
long  et  des  profils  en  travers;  2°  la  description  détaillée»  du 
torrent;  W"  une  sé-rie  de  pages  dont  reii-tète  est  disposé  d'après 
le  iiiùdèje  ci-jiprès  : 


HYDRdGRAPHIE. 


1 .1  ^    i 

c'         Il  •£  .5  1 

^   1   n  "î  i  f     2 

1  '  Uni 

^    i  1  f  ■  1 

rs 

ections. 

Nature 

des 
maté- 
riaux. 

12 

EFFE 

I>E    LA   C 

sur 
lo  cône  de  dé 

Volume 
approximatif 

des 
matériaux. 

11 

INTENSITÉ 
et 

NATUHK 

de  la  crue. 
10 

•i.siaKaiaoûa  T  aa 
aHH.KI 

UME 
e 

TOMHKK 

dans  le 
assiiil) 
total. 

8 

VOL 
d 

pur 
section. 

7 

ajiaïuoiAnid  anb^qo  t; 

aaxoaaav  aov.-iHns 

•saaiaiuoiAnid  sai  saadtî^p 

nva.T  aa  H.iaxnvH 

•saai3KoiA.na  saa        __ 
S0H3Kn.K 

aanaa             - 

[.Il  . 

=      h  1    - 

346  OPEllATloNS   DIVKRSKS. 

Ce  registre  est  tenu  par  l'agent  directeur  des  travaux,  qui, 
à  la  suite  do  chaque  orage,  reçoit  de  la  part  des  préposés  sous 
ses  ordres  des  bulletins  renfermant  les  observations  qu'ils  ont 
pu  l'aire  pendant  et  après  la  crue,  ainsi  que  les  résultats  four- 
nis parles  pluviomètres. 

L'agent  complète  ces  données  par  les  renseignements  (pi'il 
a  pu  recueillir  soit  personnellement,  soit  à  la  suite  d'une  en- 
quête qu'il  y  ajoute  dans  les  cas  les  plus  intéressants  '. 

1.  —  Voir  les  notes  A,  B  et  C. 


LIVRE  SIXIÈME 


ENTRETIEN 


CHAPITRE   XV 


ENTRETIEN  DES  TRAVAUX  DE  CORRECTION 


Barrages  ex  pierre.  —  Barrages  rustiques.  —  Grands  barrages.  —  En- 
tretien  DES    CHEMINS   ET   DES  BARRIÉR,ES. 


Barrages  en  Pierre.  —  Tous  les  barrages  en  maconnorio  ne 
sont  pas  indistinctement  appelés  à  subsister  indéfiniment,  et 
l'on  peut,  au  point  de  vue  de  la  durée  de  leur  fonction,  les 
classer  en  deux  catégories  distinctes  :  la  première  renferme 
tous  les  grands  barrages  de  consolidation  ou  de  retenue  des- 
tinés à  perpétuer  les  chutes  qu'a  provoquées  leur  construction; 
la  seconde  comprend  les  seuils  et  les  barrages  rustiques  qui 
l)ourront  sans  inconvénient  disparaître  dans  l'avenir,  quand 
la  foret  créée  dans  le  bassin  de  réception  et  dans  le  lit  même 
des  ravins  entrera  dans  la  plénitude  de  sa  puissance  protec- 
trice. 

On  conçoit  en  effet  qu'à  ce  moment-là  le  lit  des  ravins,  con- 
solidé par  les  inextricables  réseaux  formés  jiar  les  racines  des 
arbres,  par  les  pavages  grossiers  et  économiques  opérés  d'an- 
née en  année  dans  leur  thalweg,  et  enfin  par  les  gazons  qui, 
sous  l'abri  des  arbres,  s'empareront  du  sol,  pourra  présenter 


3.18  ENTRETIEN. 


une  sufrisanfp  résistanco  à  toute  tendance  à  la  corrosion;  la 
disparition  totale  des  chutes  des  petits  barrages  rustiques  aug- 
mentera bien,  il  est  vrai,  la  pente  générale  du  profil  en  long, 
mais  à  ce  moment-là  les  eaux  n'arriveront  plus  comme  au 
début  en  masses  menaçantes  et  instantanées,  elles  seront 
divisées,  ralenties  et  réduites,  et  perdront  ainsi  la  majeure 
partie  de  leur  puissance  destructive,  d'où  résulte  toute  ab- 
sence de  dangers  provenant  d'une  pente  devenue  un  peu  plus 
forte.  Mais  on  n'a  même  pas  à  redouter  une  semblable  dis- 
parition simultanée  de  tous  ces  petits  ouvrages  qui  ne  sont 
menacés  par  aucun  véritable  ennemi,  et  ne  courent  à  vrai 
dire  d'autres  risques  que  d'être  ensevelis  peu  à  peu  sous  les 
débris  de  la  forêt  qui  occupera  même  le  fond  des  ravins  et  pro- 
voquera, sur  un  humus  grandissant  constamment  en  épais- 
seur, la  naissance  des  couches  successives  de  végétation  her- 
bacée et  arbustante. 

Mais,  dans  la  première  période  de  la  croissance  de  la  forêt, 
surtout  dans  les  premières  années  (jui  suivent  la  construction 
des  barrages  rusti({ues,  il  importe  d'accomplir  certains  tra- 
vaux d'entretien  qui  consistent  dans  les  suivants  : 

1"  Réparer  la  maçonnerie  du  couronnement  ou  du  parement 
d'aval,  dans  le  cas  où  des  pierres  auraient  été  dérangées  ou 
brisées; 

2°  Recharger  au  besoin  les  petits  enrochements  placés  au 
pied  des  barrages  de  façon  à  éviter  tout  aflbuillemenl  dos  ton- 
dations  ; 

i}°  (loiiibattrc  la  convexité  (hi  i)rolil  eu  travers  des  attcrris- 
sements,  en  rejetant  de  chacpie  cùté,  au  pied  des  berges,  les 
plus  grosses  pierres  amenées,  et  en  constituant  ainsi  peu  à 
peu  une  sorte  de  petite  digue  au  pied  de  chaque  berge; 

1°  Éviter  tout  obstacle  qui  pourrait  détourner  les  eaux  de  la 
direction  qu'on  leur  assigne,  curer  le  nouveau  lit  sur  les  atter- 
risscinents,  et  le  proléger  contre  l'alfouillement  longitudinal 
en  plaçant  sur  son  fond  des  pierres  convenablement  calées, 
disposées  en  furniede  clienal. 


TRAVAUX   DE   CORRECTION.  349 

Ces  travaux  (rontretion  no  sont  généralonient  i)as  dispen- 
dieux, surtout  si,  comme  cela  est  élémentaire,  l'on  n'a  em- 
ployé dans  la  construction  des  barrages  que  des  pierres  dures 
qui  ne  se  délitent  pas  à  l'air. 

Ils  demandent  de  la  part  des  agents  et  des  préposés  des 
soins  assidus,  surtout  au  lendemain  des  orages;  mais  il  suffit 
d'un  petit  nombre  de  journées  d'ouvriers  intelligents  pour  les 
exécuter. 

Les  grands  barrages,  qui  provoquent  des  cbutes  importantes 
ayant  pour  effet  de  ralentir  le  cours  des  eaux,  représentent 
des  ouvrages  dont  la  perpétuité  doit  être  assurée  au  moyen  de 
travaux  d'entretien  successifs.  Il  est  constant  que  c'est  dans  les 
premières  années  de  leur  construction  que  ces  travaux  auront 
le  plus  d'importance,  car  le  torrent  n'étant  pas  encore  éteint, 
ils  se  seront  trouvés  exposés  aux  crues  extraordinaires,  mé- 
langées de  matériaux,  voire  même  à  des  laves. 

D'où  résultent  des  chances  de  détérioration  partielle,  dont  la 
reproduction  ira  diminuant  de  plus  en  plus  à  mesure  que  le 
torrent  s'éteindra  et  ne  charriera  })lus  que  de  l'eau,  en  masses 
moins  fortes  à  la  fois. 

Dans  tous  les  barrages,  quel  que  soit  le  genre  de  la  maçon- 
nerie, il  faudra  donc,  au  début,  bien  veiller  au  bon  état  du 
couronnement  et  du  parement  d'aval,  remplacer  sans  délai 
toute  pierre  qui  serait  déchaussée,  brisée  ou  déformée,  et  en- 
tretenir au  pied  de  la  chute  le  radier  ou  l'enrochement  qu'on 
y  aura  établi;  de  plus,  sur  les  atterrissements  où  l'on  n'aura 
pas  encore  construit  de  seuils,  on  combattra  la  forme  conique 
du  dépôt  en  rejetant  au  pied  des  berges  tous  les  plus  gros  ma- 
tériaux et  en  déterminant  ainsi,  pour  l'écoulement  des  eaux 
ordinaires  au  milieu  de  l'atterrissement,  un  lit  régulier  qu'il 
faudra  rétablir  après  chaque  grande  crue  extraordinaire. 

Une  fois  les  seuils  établis,  soit  en  pierre,  soit  en  clayonna- 
ges,  on  enlèvera  avec  soin  toutes  les  pierres  qui  feraient  sail- 
lie sur  la  section  qu'on  s'est  donnée  pour  le  nouveau  lit  et  on 
les  emploiera  à  augmenter  son  pavage  qui  peu  à  peu  ira  se 


350  p:ntretien. 


dévoloppant,  lo  lout  sans  gfrands  frais  ol  par  lo  soûl  fait  do 
l'onlrotion  du  lit. 

On  onlèvera  également  toute  pierre  qui  se  trouverait  dépo- 
sée sur  le  couronnement  des  ouvrages  et  pourrait  contrarier 
ou  dévier  le  cours  des  eaux. 

En  outre,  dans  les  barrages  on  maçonnerie  do  morlier 
hydraulique,  on  devra  veiller  à  ce  que  les  Joints  soiont  lou- 
jours  bien  garnis  de  mortier  et  l'on  opérera  on  temps  voulu 
les  rejointoiements  reconnus  nécessaires. 

Les  travaux  d'entretien  des  grands  barrages  seront  toujours 
très  minimes  en  ce  qui  concerno  lo  corps  do  l'ouvrage,  si  la 
maçonnerie  a  été  exécutée  avec  dos  pierres  pri'sentantlos  qua- 
lités voulues  au  point  de  vue  de  la  dureté  et  de  la  résistance 
aux  influences  atmosphériques. 

Ils  ne  prennent  parfois  une  réelle  importance  qu'en  ce  qui 
concerne  les  réparations  à  faire  aux  radiers  et  aux  enroche- 
ments. Mais  à  mesure  que  l'extinction  du  torrent  ira  s'accen- 
tuant,  les  chances  do  grandes  crues  diminueront,  pendant 
que,  par  suite  de  leur  entretien,  les  enrochements  se  seront 
fortifiés  et  auront  pris  une  épaisseur  do  plus  on  j)lus  grande  à 
la  suite  des  rechargements  successifs,  car  une  bonne  partie 
des  blocs  se  sera  onfoncéo  en  terre  à  la  suito  dos  afl'ouil- 
lements. 

Entretien  des  Fascinages  et  des  Clayonnages.  —  Les  barrages 
vivanis,  construits  on  dayonnagos  ou  on  fascinages,  sont  sou- 
mis, par  suite  de  leur  peu  do  hauteur,  aux  mômes  conditions 
que  les  barrages  rustiques  en  pierre;  ils  pourront  d'autant 
plus  disparaîln^  sans  inronv('<niont,  dans  l'avenir,  (pi'ils  seront 
rem])lacés  par  uno  armature  V(''g(''talo  (|ui  aura  pris  leur  plac(^ 
et  combinera  ses  effets  do  consolidation  avec  la  végétation 
implantée  dans  les  intervalles  (pii  les  si'paronl.  On  n'aura  donc 
à  les  entretenir  que  pondant  la  période  de  temps  iK'cessairo  à 
l'entier  développement  de  cette  végétation. 

Dans  les  clayonnages,  on  remplacera  facilement  les  bran- 


TRAVAUX   DE  CORRECTION.  3.H 

ches  du  tressage  qui  viendraient  à  se  briser  ou  à  pourrir;  une 
ou  plusieurs  fascines  seront  placées  sur  les  fascinages  qui  se 
seraient  affaissés  et  ne  présenteraient  plus  à  un  moment  donné 
une  hauteur  suffisante. 

Les  pousses  de  boutures  incorporées  dans  les  barrages  vi- 
vants seront  en  partie  marcottées,  surtout  aux  deux  ailes, 
pour  aller  sortir  leurs  têtes  à  2,  3  ou  4  mètres  plus  haut  dans 
les  berges,  de  façon  à  relier  intimement  le  pied  de  ces  berges 
avec  le  fond  du  lit  par  une  végétation  solidaire  dans  toutes  ses 
parties. 

On  observera  attentivement  les  affouillements  qui  vien- 
draient à  se  produire  à  l'aval  de  ces  petits  ouvrages,  on  les 
comblera  avec  les  pierres  qu'on  trouvera  à  portée  à  la  suite 
de  chaque  grande  crue,  et  l'on  arrivera  de  la  sorte  à  établir  et 
à  étendre  peu  à  peu  un  pavage  économique  et  suffisant  dans 
la  rigole  destinée  à  l'écoulement. 

Si,  dans  les  atterrissements,  on  aperçoit  quelques  tendances 
à  l'affouillement  sur  des  pentes  laissées  un  peu  trop  fortes,  on 
y  remédiera  par  la  pose  de  quelques  fascines  en  travers  for- 
mant de  petits  seuils  rustiques  et  composées  avec  les  maté- 
riaux qu'on  coupera  à  même  sur  les  boutures  plantées  au 
moment  de  l'exécution. 

Il  arrive  souvent  qu'on  a  eu  à  construire  dans  des  petits 
ravins,  toujours  secs  en  dehors  du  moment  des  pluies,  une 
série  de  fascinages  ou  de  clayonnages  dont  les  boutures  ris- 
queraient de  ne  pas  pousser  dans  le  cas  trop  fréquent  d'un 
printemps  très  sec  suivi  d'un  été  sans  pluie.  Dans  ces  condi- 
tions, l'on  emprunte  au  torrent  principal  une  partie  de  son 
eau,  détournée  au  moyen  de  petits  canaux  d'irrigation  que 
l'on  amène  au  sommet  des  ravins  et  qui  permettent  de  jeter 
en  quelques  heures,  dans  leur  thalweg,  une  quantité  d'eau 
suffisante  pour  procurer  aux  boutures  des  barrages  vivants 
l'humidité  nécessaire  à  leur  bonne  végétation.  On  peut  répéter 
plusieurs  fois,  dans  le  cas  de  saisons  très  sèches,  cette  irriga- 
tion peu  coûteuse  qui  assure  le  succès  définitif  des  travaux. 


3j2  entretien. 


Los  clayonnages  longitudinaux  sont  tout  aussi  facilemoni 
entretenus  que  ceux  faits  en  l'orme  de  barrage  ;  ils  sont  même 
beaucoup  moins  exposés  à  des  dégradations  que  ces  derniers, 
car  on  ne  les  construit  qu'au  moment  où  le  torrent  ne  doit  plus 
amener  beaucoup  de  matériaux. 

Tous  ces  entretiens  sont  éminemment  économiques  et  ré- 
clament surtout  une  grande  somme  de  vigilance  et  d'opportu- 
nité de  la  part  des  agents  et  des  préposés. 

Entretien  des  Chemins  et  des  Barrières.  —  Au  printemps, 
dès  la  fonte  des  neiges,  le  premier  travail,  dans  les  périmètres, 
consiste  dans  le  déblaiement  des  chemins  qu'on  débarrasse 
des  pierres  et  des  terres  qui  ont  pu  s'ébouler  pendant  la  sai- 
son rigoureuse.  On  place  avec  soin  ces  déblais  dans  certaines 
parties  de  talus  réservées  ad  hoc,  afin  d'éviter  toute  espèce 
d'entraînement  ultérieur.  Ce  travail  d'entretien  est  générale- 
ment très  économique  et  permet  de  diminuer  au  début  la  lar- 
geur des  chemins  (pii  s'augmente  ainsi  peu  à  pou,  par  suite 
des  petits  éboulements  du  talus,  jusqu'au  jour  où  la  végétation 
a  pu  les  fixer  définitivement. 

On  opère  de  même  après  les  grands  orages,  à  la  suite  des- 
quels des  dégradations  auraient  pu  survenir.  On  pourra,  du 
reste,  éviter  l'érosion  des  chemins,  dans  des  sols  meubles  et 
afTouillables,  en  semant,  au  début,  leur  plafond  et  leur  talus 
de  déblai  avec  des  graines  de  plantes  fourragères  qui  persiste- 
ront en  majeure  partie,  vu  que  la  circulation  n'est  pas  très 
active  sur  tous  ces  chemins  et  que  la  végétation  répare  bien 
vite  les  effets  dun  piétinement  passager. 

De  plus,  on  établira  soit  avec  une  traverse  en  bois,  soit  avec 
({uelques  pierres,  une  série  d'écharpes  destinées  à  diviser  les 
eaux  et  à  les  faire  écouler  sur  des  points  convenablement 
choisis  dans  les  talus  du  remblai. 

Dans  les  chemins  destinés  aux  charrettes,  on  comblera  pou 
à  peu  les  ornières  avec  les  pierres  prises  sur  place  et  l'on  éta- 
blira des  revers  d'eau  à  section  très  ouverte. 


TRAVAIX    I)K   CORRECTION.  333 

Si,  dans  certains  talus  de  déblai,  il  se  manifeste  quelques 
petits  glissements,  on  assurera  leur  pied  soit  au  moyen  d'un 
mur  de  soutènement,  au  cas  où  l'on  aurait  des  pierres  à 
portée,  soit  avec  un  clayonnage;  à  ramout  de  ces  défenses, 
on  talutera  en  gradins  pour  diminuer  la  charge,  et  on  plantera 
serré,  après  avoir  opéré,  s'il  le  faut,  un  petit  drainage  dans  le 
cas  d'un  suintement  des  eaux  provoquant  le  glissement. 

Les  talus  de  remblai,  fournissant  généralement  un  sol  pro- 
fond et  meuble,  seront  plantés  avec  soin  en  vue  de  leur  conso- 
lidation et  de  la  sécurité  de  la  circulation  sur  des  chemins 
placés  le  plus  souvent  sur  le  liane  de  versants  très  rapides  ou 
au  bord  de  précipices  dangereux. 

L'entretien  des  barrières  est  des  plus  faciles;  mais  aussitôt 
qu'elles  sont  construites,  il  importe  d'établir  ;\  leur  arrière 
une  haie  vive,  se  développant  sous  leur  protection  et  destinée 
à  les  remplacer  au  plus  tôt,  ce  qui  supprimera  toute  espèce 
d'entretien  et  établira  une  clôture  définitive  dans  les  parties  de 
la  ligne  périmétrale  qu'on  a  jugé  à  propos  de  défendre. 

Lorsque,  sur  certains  points,  les  barrières  en  lil  de  fer  sont 
exposées  au  voisinage  constant  des  moutons,  on  les  complète 
avantageusement  en  entre-croisant  entre  les  fils  des  branches 
sèches  d'épines  quelconques,  qui  les  rendent  plus  apparentes 
et  aident  la  surveillance  des  bergers. 


23 


35',  KNIKK  TIKN. 


CHAPITRE   XVI 


ENÏRETIKN   DES   TRAVAUX   DE   REBOISEMENT 


Soins  a  donner  avx  semis  a  demeure.  —  Régions  alpestre  et  alpiue.  — 
Régions  tempérée  et   chaude.  —   Soins    a   donner  aux  péimnières.  — 
Pépinières  volantes.  —  Pépinières  centrales.   —  Soins  a  donner    ajx 
plantations.  —  Résineux.  —  Feuillus.  —    Bouiliyx  processionnaire. 
Pyrale.  —  Fidonie  du  pin. 

Soins  à  donner  aux  Semis  à  demeure.  —  Livs  soinis  à  (leineurr 
exécutés  par  petits  potots,  dans  los  régions  alpestro  et  alpine, 
ne  réclament  que  bien  peu  de  travail  d'entretien  pendant  les 
deux  premières  années.  Ce  n"est  guère  qu'à  la  troisième  que 
l'on  jxMit  commencer  à  reconnaître  les  vides  qui  viendraient  à 
s'y  manit'cslcr.  ainsi  (pic  les  ])laccs  oi'i  les  semis  se  trouve- 
raient troj)  drus;  en  gt'iK'ral,  il  convient  d'attendre  au  moins 
quatre  ou  cinq  ans  avant  dy  rien  entrejirendre,  car  alors  le 
résultat  devient  facile  à  reconnaître  et  saute  aux  yeux. 

En  procédant  prématun-ment,  on  courrait  souvent  le  riscpie 
d'opérer  des  regarnissages  sur  des  points  où  l'on  croirait  que 
rien  n'existe  et  sur  lesquels,  deux  ou  trois  années  plus  tard, 
on  est  tout  ('•toinn''  de  rencontrer  des  résultats  (|u"on  ne  soiq)- 
çonnait  pas. 

D'une  part,  en  i-flel.  diuis  les  climats  rigour(Mix,  les  jeunes 
plants,  ne  poussant  <|ue  très  lentement,  peuvent  très  bien  pas- 
ser inaperçus  dans  les  premières  années,  surtout  au  milieu  de 
gazons  plus  ou  moins  serrés;  d'autre  part,  bien  des  graines  ne 


IRAN  Al  X  DK   UKBOlSKMKNl'.  ;t5ii 

iiiM'intMil  pas  (lès  raiinéc  mômo  du  semis,  cerlainos  ut»  lèvent 
nièuio  ({ue  (1(Mix  aus  apivs. 

Une  fois  le  résultat  des  semis  bien  constaté,  on  regarnit  les 
vides  au  moyen  de  la  plantation,  en  mottes,  des  sujets  voisins 
trop  serrés,  s'il  y  en  a,  ou  en  touffes,  de  jeunes  brins  tires  des 
pépinières  volantes. 

Il  arrive  parfois  que  des  semis  d'un  an,  sans  avoir  été  abso- 
lument soulevés  à  la  suite  des  gelées  printanières,  se  trouvent 
au  début  de  la  belle  saison  assez  déchaussés  pour  risquer  de 
ne  pouvoir  sui)porter  vaillamment  les  chaleurs  de  l'été.  Dans 
ce  cas,  on  les  rechausse  immédialenuMit  avec  un  peu  de  terre 
meuble  au  moyen  de  la  binette,  et  l'on  place  autour  des  potets 
les  pierres  que  l'on  peut  rencontrer,  en  les  comblant  en  outre 
de  pierrailles  autant  que  possible. 

Dans  les  climats  tempérés  et  surtout  dans  le  climat  chaud, 
où  les  semis  ont  été  exécutés  dans  des  trous  ou  bandes  défon- 
cés préalablement  et  où  l'on  n'a  rien  à  redouter  des  gelées,  la 
sécheresse  devient  l'ennemi  principal  qu'il  faut  combattre  par 
le  maintien  du  sol  dans  un  état  dameublissement  convenable  ; 
de  là  la  nécessité  de  binages  d'autant  plus  répétés  que  le  cli- 
mat est  plus  sec  et  que  le  sol  est  plus  compact. 

Il  faut  surtout  éviter  le  croûtement  de  la  superficie,  qui  est 
très  dangereux  surtout  pour  les  résineux. 

Les  binages  doivent  être  exécutés  autant  que  possible  de 
façon  à  butter  les  lignes  de  semis  en  relevant  le  sol  autour  de 
leurs  jeunes  tiges. 

Dans  ces  régions  plus  favorisées,  la  végétation  est  plus  ra- 
pide; aussi  peut-on,  dès  la  deuxième  année,  entreprendre  les 
regarnissages  dans  les  vides  et  les  opérer  soit  par  voie  de  nou- 
veaux semis,  soit  par  plantation,  selon  les  cas  et  les  essences. 

On  répare  en  môme  temps  les  avaries  qu'ont  pu  subir  les 
talus  des  trous  de  manière  à  les  consolider,  et  si,  à  la  suite  du 
foisonnement,  on  trouve  ({ue  le  sol  s'est  trop  affaissé  dans  les 
trous,  on  les  lecharge  en  empruntant  à  leurs  bords  supérieurs, 
quelques  mottes  de  terre  qu'on  a  soin  de  briser.  Ce  recharge- 


35G  ENTRETIEN. 


mont  général  est  uno  opération  d'autani  iiicillcnro  qu'on  op^TO 
dan?  un  climat  plus  chaud. 

Soins  à  donner  aux  Pépinières.  —  Los  pépinières  volantes 
composées  de  résineux  n'exigent  aucun  binage;  le  seul  travail 
utile  qui  leur  soit  indispensable  consiste  dans  l'arrachage  des 
trop  grosses  j)lantes  herbacées,  telles  (|ue  les  chardons,  dans 
le  rechaussemenl  des  jeunes  plants  avant  \e  premier  hiver  et 
à  la  lin  du  j)reiMier  printemps,  et  dans  l'entretien  des  talus. 

Il  arrivi^  parfois,  en  effet,  qu'après  les  orages  de  l'été,  le  sol 
s'est  fortement  tassé  et  les  jeunes  tigellcs  ne  se  trouvent  pas 
suffisamment  enterrées  pour  être  garanties  contre  les  pre- 
miers froids;  d'autre  part,  les  petits  brins  ont  pu,  malgré  les 
précautions  pris(>s,  être  légèrement  déchaussés  et  réclamer,  à 
la  surface  des  trous,  un  nouveau  supplément  de  terre. 

Mais,  les  semis  étant  opérés  le  plus  souvent  en  phun  et  d'ail- 
leurs les  jeunes  tigell(>s  étant  très  petites,  on  ne  peut  songer  à 
opérer  ces  rechaussements  à  la  pioche  ou  à  la  binette.  On  a 
recours  alors  à  un  crible  composé  d'une  petite  caisse  en  bois, 
à  bords  évasés  comme  les  auges  de  maçon,  mais  moins  élevés, 
foncée  par  une  toile  métallique.  On  y  verse  de  la  terre  em- 
pruntée aux  abords  du  trou,  on  la  fait  passer  i\  (ravers  les 
mailles  en  agitant  le  crible  et  on  procure  ainsi  aux  semis  un 
rechaussemenl  en  terre  fine  et  meuble  <|ui  ne  peut  en  louibanl 
abîmer  les  jeunes  tiges  et  (pii  anu-liore  les  cdMdilions  d*^  leur 
bonne  végétation. 

En  décrivant  les  pépinières  centrales,  nous  avons  passé  en 
revue  les  principaux  travaux  d'entretien  ({u'elles  réclament  ri 
qui  consistent  surtout  en  sarclages,  binages  et  irrigations. 

Les  pépinières  centrales  sont  parfois  sujettes  ;\  des  dégâts 
sérieux  provenaid  de  l'invasion  du  ver  hiaur,  des  courtilières 
et  de  la  f/ak'ri((/iœ  de  l'c^rme. 

Le  ver  blanc  ne  peut  être  détruit  en  plein  (pie  par  le  défon- 
cenieril  rapide  du  sol  en  plein  t'té,  (pi'du  expose  aux  rayons 
du  soleil  et  qu'on  remue  souvent  pour  mettre  au  jour  les  vers 


TRAVAUX   I)K   REBOISEMENT.  357 

blancs  (|ui  s"v  Irouvciit.  Les  pioclioius,  avec  un  peu  d'atten- 
tion, les  trouvful  loiis  et  peuvent  les  détruire  à  niesui-(>  (ju"ils 
les  découvrent.  Alin  de  n'avoir  pas  à  défoncer  trop  profondi'- 
ment,  on  a  le  soin  d'irriytier  fortement  le  sol  (piehpies  jours 
à  l'avance;  cette  larve,  (jui  recherche  la  fraîcheur,  ne  descend 
pas  trop  avant  et  se  maintient  alors  dans  les  environs  de  la 
surface  du  sol.  Dans  le  cas  où  les  dégrâts  se  manifestent  sur 
certains  points  seulement  des  carrés,  il  suffit  souvent,  après 
une  bonne  irrigation,  de  piocher  légèrement  le  sol  dans  les 
parties  attaquées  et  l'on  découvre  les  larves,  qui  sont  immé- 
diatement détruites. 

Le  moyen  le  plus  commode  de  combattre  les  courtilières 
consiste  à  arroser  le  matin  certaines  places  environnant  les 
points  oi^i  elles  se  sont  manifestées  et  à  y  placer  des  paillassons 
grossiers;  les  courtilières,  attirées  par  la  fraîcheur  qui  se 
maintient  sous  cet  abri,  ne  tardent  pas  à  se  glisser  sous  les 
paillassons  qu'il  suffit  de  retourner  de  temps  à  autre  pour 
détruire  cet  ennemi  parfois  redoutable. 

La  galéruque  attaque  les  jeunes  plants  d'orme  dans  leurs 
feuilles  dont  elles  dévorent  le  parenchyme.  Le  meilleur  moyen 
de  s'en  garantir  consiste  à  les  faire  ramasser  à  la  main  le 
matin  et  le  soir,  au  moment  où  elles  sont  engourdies,  et  à  les 
brûler. 

Soins  à  donner  aux  Plantations.  —  Les  jeunes  résineux  plan- 
tés par  potets,  dans  les  régions  où  les  gelées  conservent  leur 
importance,  ne  réclament  d'autres  soins  que  l'entretien  des 
pierres  placées  autour  d'eux.  Quant  aux  manquants,  ils  peu- 
vent être  remplacés  dès  l'année  suivante  par  un  regarnissage 
opéré  comme  la  plantation  elle-même. 

Les  résineux  plantés  dans  les  climats  plus  chauds,  en  ter- 
rain défoncé  préalablement,  ont  souvent  besoin,  surtout  dans 
la  premi'-re  année,  d'un  ou  plusieurs  binages  appelés  à  leur 
procurer  la  fraîcheur  nécessaire  pour  végéter,  alors  que  leurs 
racines  peu  développées  n'ont  pu  encore  atteindre  des  cou-. 


338  KN  TRIOTIKN. 


ches  pins  j)rofoii(l(^s  et  moins  srclios.  Los  l»iii;ii;ps  doivciil 
s'opérer  (1p  la  iiu'ino  i'a(;on  (juo  pour  1rs  semis  :  ils  préseulciil 
ici  cet  avantage  do  s'cx(k'iil('r  hcaucoiip  plus  tiHilt'ment  cl  do 
ponnettro  un  hutfajio  plus  ônorgiquo. 

Los  feuillus  planti's  on  haies,  destinés  à  servir  d'abris  pour 
les  essences  définilivos  o|  à  aider  à  la  consolidation  du  sol, 
sercml  avantagousomeiil  rocepés  si,  au  houl  do  doux  ou  trois 
ans  de  plantation,  ils  no  numifestent  pas  une  v(''g(''tation  sufli- 
saniment  active.  Ce  recepage  aura  pour  oft'ot  précieux,  en 
outro,  do  faire  tnllcr  les  racines,  d'aider  ainsi  à  la  ]»roduftioii 
de  nombreux  drageons  et  de  nouvelles  tiges  (pi'oii  [jourra  au 
besoin  nuircotter  dans  les  sols  trop  instables. 

Les  feuillus  précieux  plantés  dans  les  bons  fonds,  au  i)iod 
des  berges  et  sur  les  atterrissements,  devront  être  au  début 
l'objet  de  soins  attentifs  ayant  pour  but  de  leur  donner  le 
port  pyramidal.  A  cet  elfet,  on  coupe  toute  branche  terminale 
menaçant  de  déterminer  une  fourcbo  et  l'on  onlôve  à  la  main, 
au  printemps,  toutes  les  pousses  advontives  encore  herbacé'os 
<iui  se  manifestent  à  l'aisselle  des  branches  onlov(''os  lors  do 
la  plantation  en  vue  du  bon  parement  dos  plants. 

Les  boutures  des  peupliers  appelés  à  donner  de  vrais  arbres 
pourront  être  élaguées  prudemment  en  leur  enlevant  chaque 
année,  sur  une  faible  hauteur  et  en  proportion  de  la  croissance 
i\r  leur  cimoau,  les  branches  inférieures  qu'on  emploiera  à  la 
pnipagalidii  do  nouvelles  boutures  dans  le  jx'rimètro. 

Los  saules,  pour  la  plupart,  pouri'oiit  être  ex])loit(''s  à  des 
révolutions  de  (rois  à  cinq  ans,  jxmr  l'onniir  une  bonne  |»ait 
des  matériaux  iK'cessaires  soit  à  la  reparatinn  ou  a  reidrolion 
des  barrages  vivants,  soil  à  la  |)lanlali(>n  de  nouvelles  boutu- 
res dans  les  ravins.  l)i'  soile  (pi'au  bout  de  (pichpies  années 
un  périmètre  jxnirra  se  fournir  à  lui-uu'^mo  une  bonne  partie 
<les  matériaux  nécessaires  à  rachèvement  dos  travaux  et  choi- 
sis dans  les  dimensions  les  plus  convenables. 

Chaque  fois  (pi'à  l'aniont  dos  beiges  planlé'os  ou  feuillus 
l'on  pont  disposer  dune  certaine  quaiilile  d'eau  jiriso  dans  le 


TK.W'AIX   I)K    UlOHOlSKiMKNl'.  359 


torronl.  il  osl  avniilai^ciix  <\o  l'iililiscr  ])niir  liiiiiialioii  des 
plantations  et  d(>s  S(Mnis  de  l'nuiia^rn's;  mais  il  tant  éviter 
toute  saturation  du  sol  ou  toute  (Tosion  cl  pour  cola  ne  faire 
usag(^  que  <le  rigolt^s  à  sections  et  à  pentes  1res  faibles,  dans 
lesquelles  on  ne  laisse  couler  ((u'une  niininie  (pnintité  d'eau  à 
la  fois. 

Les  jeunes  peui)leni(>nls  de  résineux  sont  parfois  envahis 
par  des  insectes  qui,  si  Ion  n'y  prenait  garde,  pourraient 
compromettre  soit  leur  valeur  dans  l'avenir,  soit  môme  leur 
existence. 

Dans  les  reboisements  opérés  dans  les  Alpes-Maritimes  et 
dans  les  Basses-Alpes,  nous  avons  eu  li(Mi  de  constater  les 
dégâts  commis  par  trois  espèces  qui  sont  le  Bombyx  proces- 
sionnaire, la  Pp'ale  des  pousses  et  des  bourgeons,  et  la  Fidonie 
du  pin. 

Nous  donnons  à  ce  sujet  les  développements  suivants,  ({ue 
nous  emi)runtons  à  une  note  de  M.  (.outurier,  Inspecteur 
des  forêts,  chef  du  rebois(>ment  dans  les  Basses-Alpes  : 

«  Les  nids  de  bombyx  apparaissent  en  automne,  de  septem- 
bre à  novembre  suivant  les  climats;  toujours  terminés  au  mo- 
ment des  fortes  gelées,  ils  sont  construits  en  forme  de  bourses 
vers  l'extrémité  des  branches.  On  les  trouve  sur  les  pins  dès 
l'âge  de  sept  à  huit  ans  ;  les  invasions  sont  plus  ou  moins  in- 
tenses, mais  on  les  constate  presque  chaque  année  depuis  le 
littoral  jusque  dans  les  montagnes  des  Alpes. 

«  Les  chenilles  éclosent  au  premier  printemps;  d'abord 
très  petites  et  ténues  comme  des  pointes  d'aiguilles,  elles  ont, 
au  bout  d'un  mois,  environ  3  centimètres  de  long  sur  i  milli- 
mètres d'épaisseur;  en  avril,  elles  atteignent  leur  maximum 
de  développement,  soit  le  double  i\  peu  près  des  dimensions 
précédentes,  sont  velues,  roussâtres  sur  fond  noir  et  ont  seize 
pattes.  Vers  mai,  elles  quittent  les  nids  après  avoir  dévoré  les 
aiguilles  et  l'écorce  des  rameaux  auxquels  ces  nids  sont  fixés, 
et  elles  se  rendent  processionnellement  d'un  pin  à  l'autre 
pour  coiilimier  leurs  dégâts,   .\vant   l'abandon  détinitif  des 


3G0  i:ntkki  IlOX. 

nids,  ellos  foni  (It'jà  des  incursions  ])nrli('ll('s  au  dehors. 

«  A  la  lin  dr  juin,  la  dcriMrM'c  (raiisforniatiou  est  opéréo  : 
ou  ne  trouve  plus  ni  clienilies  ni  larves;  les  bourses  sont 
pleines  des  débris  <le  renvelopi)e  iuiuiédiateuient  précédente, 

((  On  détruit  l'acibMuent  cette  chenille  dans  les  bourses 
qu'on  entr'ouvre  et  dans  lesquelles  on  verse  de  l'huile.  La 
valeur  d'un  dt'  à  coudri»  de  ce  li(|uide  sut'lit  pour  tuer  tous 
les  habitants  d'une  bourse  de  -irosseur  moyenne  et  cela  en 
quelques  minutes,  à  la  condition  de  remuer  l'amas  des  che- 
nilles renfermées  dans  le  nid.  f^elles-ci  meurent  i)ar  asjjhyxie, 
riiuile  obstruant  leurs  trachées. 

«  Si  l'invasion  est  considérable,  c'est-à-dire  si  elle  atteint 
beaucoup  de  pins  rapprochés  les  uns  des  autres,  il  y  a  en 
moyenne  une  ou  deux  bourses  sur  chacun.  Dans  ce  cas,  un 
ouvrier  peut  détruire  par  jour  (iOO  nids  sur  des  pins  de  1  à 
2  mètres  de  haut,  200  seulement  si  les  arbres  sont  plus  élevés. 
Dans  le  premi<'r  cas,  la  dépense  est  de  i  francs,  savoir  : 

Main-d'œuvre 2  ft.  50     \ 

Un  litre  d'huile 1        ")0     (  ,.„„  , 

>  000  l)ourses. 

ToTAi 4  IV.  00     \ 

Dans  le  dcu.xième  cas,  elle  devient  : 

Main-d'œuvre -  tV.  "«O     \ 

Huile 0       i:;     1 

>  200  liLHirse.s. 

'l'oTAi :i  t'r.  25     1 


<(  11  arrive  souvcni  fpic,  pnr  suite  dT'ilusions  |ilus  tai"di\es, 
des  bourses  se  forment  encore  au  printenqis;  dans  ce  cas, 
elles  sont  plus  petites,  moins  épaisses  et  contiennent  des  che- 
nilles moins  développées  que  les  autres. 

«  Il  faut  éviter  de  toucher  les  chenilles,  de  môme  que  les 
bourses;  les  poils  «pii  se  détachent  (\\\  corps  de  l'insecte  cau- 
sent des  intlammations  à  la  peau  qui  se  produisent  môme  en 
dehors  de  tnuli'  manipulatinn  directe,  car  les  poils  voltijrent 
en  l'air. 


TUA  VAUX  DK   REBOISEMENT.  301 

«  l.a  j)yr;il('  des  l)ourgPons  apparaît  au  i»iiiil('iiij)s,  à  dos 
époques  variabli^s,  suivant  los  lieux. 

«  1/invasion,  une  fois  connnencée,  niarclie  rapidement; 
(pialr(>  ou  cinq  jours  après  l'apparition  de  la  pyrale,  on  a  pu 
recueillir,  sur  un  même  pin,  une  chenille  et  une  chrysalide; 
la  i)remière  avait  ;\  peine  attaqué  la  base  d'un  bourgeon  laté- 
ral, l'autre  était  déjà  parvenue  au  centre  de  la  pousse  ter- 
minale. 

«  La  pyrale  des  pousses  apparaît  plus  tard,  en  juin,  quand 
la  sève  est  depuis  quehpie  temps  en  activité;  les  bourgeons 
attaqués  se  recourbent  alors  d'une  façon  caractéristique. 

«  Les  pousses  creusées  par  la  pyrale  se  dessèchent  et  meu- 
rent, l'arbre  est  déformé,  d'autant  plus  que  l'insecte  attaque 
fréquemment  la  tète.  Il  n'est  pas  rare  d'en  trouver  de  dix  ti 
vingt  sur  un  arbre  de  moyenne  grosseur  et  les  peuplements 
sont  envahis  dès  l'âge  de  six  à  sept  ans. 

«  La  chenille  est  de  couleur  olivâtre,  longue  de  1  à  !2  centi- 
mètres, sur  :2  à  3  millimètres  d'épaisseur;  la  chrysalide  est 
marron. 

»  L'insecte,  en  s'introduisant  par  la  base  des  bourgeons, 
détermine  un  écoulement  de  résine  qui  signale  sa  présence. 
Pour  le  détruire,  on  enlève  avec  précaution  la  couche  de 
résine,  et  par  le  trou  creusé  par  l'insecte  on  enfonce  une 
pointe  fme  afin  de  tuer  ce  dernier.  Un  ouvrier  peut  en  tuer 
jusqu'à  5,000  par  jour;  mais  souvent  il  est  tout  aussi  avan- 
tageux et  plus  expéditif  de  couper  simplement  le  bourgeon 
attaqué  et  de  le  brûler,  mais  à  la  condition  qu'il  ne  soit  pas 
terminal. 

«  Contrairement  à  une  opinion  répandue  jadis,  la  pyrale 
attaque  aussi  bien  le  pin  noir  que  le  pin  sylvestre;  il  faut 
donc  renoncer  à  l'immunité  attribuée  à  tort  à  la  vigueur  de 
végétation  de  cette  première  essence,  qui  possède  d'ailleurs 
assez  d'autres  mérites  pour  être  adoptée  par  les  reboiseurs. 

«  La  chenille  de  la  lidonie  du  pin,  longue  de  3  centimètres, 
épaisse  de  4  centimètres,  est  verte  avec  deux  raies  longitudi- 


362  KXTUKTIKN. 

nains  (ruii  hlanc  salo  ot  la  tcMo  (rmi  noir  brillant.  Elle  attaque 
les  pins  sylvestre,  noir  et  laricio  de  huit  à  quinze  ans  et  dé- 
vore toutes  les  aiguilles.  On  ne  l'a  subie  encore  (ju*^  dans  un 
seul  périmètre  :  apparue  brusquement,  elle  s'était  immédia- 
tement répandue  en  abondance;  un  ])in  attaqué  était  dépouillé 
absolument  de  ses  aiguilles  dans  l'espace  d'une  demi-journée, 
et  l'on  a  recueilli  sur  un  seul  sujet  une  ((uantité  de  ces  che- 
nilles représentant  un  i)oids  de  1  kilogr.  700  gr.  Ouand  on 
a|)proche  d'un  arbre  sur  lecpiel  il  s'(M1  trouve,  elles  se  niassent 
ra})idemeut  de  l'a(;on  à  former  une  sorte  de  pelote  où  elles 
s'agitent  et  se  tordent  en  tous  sens;  quand  on  s'éloigne,  elles 
se  répandent  de  nouveau  sur  les  branches. 

«  Cette  chenille  avait  débuté  par  une  apparition  dans  un 
périmètre  où  douze  pins  seulement  avaient  été  attaqués  et 
furent  rongés  de  la  base  à  la  cime  ;  cette  invasion  très  res- 
treinte se  renouvela  l'année  suivante  en  prenant  un  dévelop- 
pement assez  considérable. 

"  Pour  parer  à  ce  danger,  on  procéda  sans  délai  à  la  récolte 
de  toutes  les  chenilles;  en  secouant  légèrement  les  plants,  on 
faisait  tomber  les  chenilles,  soit  directement  dans  des  réci- 
pients remplis  d'eau  acidulée,  soit  d'abord  sur  des  toiles  où 
on  les  recueillait  pour  les  noyer  ou  les  brûler  :  on  a  pu  ainsi 
les  détruire  à  un  tel  point  (jue  l'année  suivante  on  n'a  j>lus  eu 
aucun  dégât  à  constater.  » 

La  protection  des  rej)euplem(Mils  contre  les  insectes  ren- 
contre ])artout  de  st'-rieux  obstacles.  .>bdbeureusement  les  fu- 
taies résineuses  (pii  les  environnent  ne  l'on!  l'objet  d  aucuns 
travaux  d'écbenillage,  et  les  invasions  (|ui  s'y  ]»rodni- 
sent  s'étendent  aux  pé'rinn''tres;  les  conditions  très  souvent 
défavorables  d(^  sol,  d'exposition,  (jue  présentent  aussi  bien 
les  pineraies  existantes  que  les  repeui»lements  de  l'espèce, 
sont  certainement  une  cause  (pii  contribue  à  développer  ces 
invasions;  en  outre,  il  est  facile  de  cunslatei-  (|u'un  arbre 
;itt;i(pu''  une  |(reniièi-c  fois  \'i-^\.  \>.\v  la  <nile.  pre^cpic  iiidi'lini- 
nu'Ut. 


IRA  VAUX   DE   IIKB  OISE  MENT.  363 


D'un  iiiilic  cc)l('\  remploi  du  pin  dans  les  ix'iinirlri's  dnil 
C'iro  i'(»gar(lé,  dans  beaucoup  de  cas,  connue  une  mesure 
transitoire,  destiiu'e  ;\  reconstituer  le  sol  et  à  le  préparer  au 
reboisement  définitif  (chônes,  hôtres,  épicéas,  etc.). 

Pour  c(^  motif  et  en  raison  des  difficultés,  des  frais  consi- 
dérables qu'entraînent  les  travaux  d'ccbenillage  et  a  titres 
palliatifs  trop  souvent  impuissants,  il  ne  i)araît  pas  ulile  de 
se  préoccuper  outr(>  mesure  de  la  destruction  drs  ins(Mles, 
toutes  les  fois  qu'on  ne  se  propose  pas  pour  but  linal  la  con- 
stitution d'une  pineraie,  surtout  si  l'on  doit  s'étendre  sur  de 
très  vastes  surfaces;  n(''anmoins  il  est  bon  d'avoir  l'attention 
portée  sur  cette  question,  de  façon  à  pouvoir  attaquer  et 
réduire  toute  invasion  qui  débuterait  sur  une  petite  écbelle 
et  rendrait  possible  l'emploi  des  moyens  indiqués  pour  la 
combattre. 


LIVRE   SEPTIÈME 


RECAPITULATION 


CHAPITRE   XVIÏ 

ORDRE   CIÎROXOLOCtIQUE   DES   TRAVAUX   A  PARTIR 
DU  DÉCRET  D'T'TILITÉ   PUBLIQUE 

Discussion  de  l'Ordre  des  Travaux.  —  Dans  son  Etude  sur  les 
torrents  des  JJ  au  tes- Alpes,  M.  Surell  '  établit  ainsi  qu'il  suit  les 
diverses  phases  de  l'opération  : 

«  Il  reste  à  parler  de  l'ordre  dans  lequel  il  conviendra  de 
pousser  les  travaux.  Cet  ordre,  loin  d'être  arbitraire,  est  une 
des  conditions  principales  du  succès. 

«  J'ai  déjà  si  souvent  fait  ressortir,  dans  le  cours  de  ce 
travail,  la  nécessite  d'attaquer  les  torrents  dans  leurs  sour- 
ces mêmes,  qu'il  est  inutile  d'y  revenir.  Ainsi  c'est  dans 
les  parties  les  plus  élevées  que  les  travaux  seraient  d'a- 
bord entrepris  ;  ils  avanceraient  de  là  vers  les  parties  basses. 
Non  seulement  on  commencerait  par  planter  le  bassin  de 
réception  avant  de  s'occuper  des  zones  inférieures,  mais,  dans 
ce  bassin  même,  on  remonterait  d'abord  aux  plus  hautes  ra- 
mifications, on  s'élèverait  au  delà  des  dernières  traces  du 

î.  —  SuRRELL,  Études;  IVc  partie,  chap.  sxxii,  p.  206  et  207  (2':  édition). 


•,m  RKCAriTULATloX. 


lit,  et  jusqu'à  ces  pentes  sillonnées  par  des  ravins  que  les 
eaux  forment  et  déforment  à  chaque  orage. 

«  C'est  là  qu'on  assoirait  d'abord  la  végétation,  ([ui  serait 
conduite  ensuite  vers  le  bas,  mais  m  s'assurant  ((ue  les  i)ar- 
ties  laissées  en  arriére  sont  bien  consolidées. 

«L'effet  des  travaux  entrepris  d'abord  dans  los  régions  su- 
périeures sera  d'amortir  la  violence  du  torrent  à  l'aval  de  ces 
parties. 

«  Les  berges  des  régions  inférieures  seront  donc  moins  me- 
nacées et  la  construction  des  barrages  y  sera  plus  facile.  Il  est 
visible  d'ailleurs  qu'en  arrivant  à  ces  gorges,  la  consolidation 
des  zones  de  défense  qui  les  dominent  ne  sera  assurée  que 
par  celle  des  berges  mêmes,  et  celle-ci  ne  le  sera  que  par  la 
défense  de  leur  pied. 

«  C'est  donc  par  les  barrages  d'abord,  \nih  i)ar  la  planta- 
tion des  talus  des  berges,  qu'il  faudra  commencer  dans  ces 
parties. 

«  Telle  serait  en  général  la  méthode  à  suivre  pour  éteindre 
un  torrent.  C'est  à  l'expérience  à  montrer  quelles  modifica- 
tions pourraient  y  être  introduites.  » 

L'expérience  à  laquelle  il  était  ainsi  fait  appel  a  démontré 
(pi 'en  effet,  tout  en  cherchant  à  ap])li(|u<'r  autant  que  jjossible 
cette  méthode  rationnelle,  il  y  avait  la  i)lu|)art  du  lenq)s  lien 
d'y  apporfei-  de  nombreuses  et  parfois  importantes  modilica- 
tions 

Dans  un  petit  tonent  dont  le  bassin  de  n'ception  ne  ren- 
ferme pas  de  climats  différents,  dont  les  berges,  bien  «piins- 
tables,  ne  sont  pas  dominées  par  de  grands  glissements,  enfin 
dans  le  voisinage  du((uel  on  i)eut  rencontrer  à  un  moment 
donné  toute  la  main-d'o-uvre  nécessaire,  nous  ne  voyons  au- 
cune raison  pour  ne  pas  appliquer  iutégralenn'ut  celte  mév 
fhode,  qui  est  certainement  la  plus  sûre  et  surtout  la  i)lus  éco- 
nomique, avantage  très  inq^ntaiil. 

.Mais,  si  seulement  une  de  ces  conditions  vient  à  ne  passe 
rencontrer,  la  méthode  subit  forcément  des  modifications  que 


OUDUI';   DKS   THAVArX.  3tJl 


nous  allons  cxaniinor  succossivomont.  en  passant  par  los  (lif- 
férentes  hypothèses  que  l'on  peut  admeltre  : 

1°  Si  le  bassin  de  réception  présente  des  dilï'érenres  extrê- 
mes de  niveau  lellrs  (pic  l'on  y  rencmiln'  t\t'^  variétés  de  cli- 
mat très  accentut'es,  l'on  ne  pourra  évidiMunient  persister  à 
ne  commencer  li^s  travaux  que  par  les  i)arties  les  plus  élevées 
et  à  ne  les  entreprendre,  dans  la  région  moyenne  ou  inférieure, 
qu'après  avoir  t(Mminé  la  supérieure.  On  risquerait  en  effet 
de  manijucr  le  but  en  allongeant  d'une  façon  démesurée  le  dé- 
lai relativement  court  ([ue  l'on  doit  se  fixer  pour  obtenir  l'ex- 
tinction du  torrent.  Aux  grandes  altitudes,  on  ne  peut  travail- 
ler au  reboisement  que  pendant  quelques  jours,  à  la  fin  du 
printemps  et  au  commencement  de  l'automne,  en  dehors  des- 
quels on  se  trouverait  ne  rien  faire  dans  le  i)érinièlre,  et  lais- 
ser ainsi  s'écouler,  en  i)ure  perte,  un  nombre  assez  important 
d'années  pendant  lesquelles  le  reboisement  des  régions  infé- 
rieures aurait  pu  être  avantageusement  terminé,  du  moins 
dans  les  parties  stables. 

"2°  Les  torrents  présentent  le  plus  souvent  un  caractère  spé- 
cial à  chacun  d'eux,  surtout  en  ce  qui  concerne  les  sources 
principales  de  déjections,  dont  la  suppression  doit  être  l'objet 
de  l'attaque  la  plus  énergique  de  la  part  des  travaux. 

()n  sera  donc  ol)ligé  souvent,  dès  le  début  et  tout  en  procé- 
dant à  l'exécution  du  reboisement,  d'entreprendre  la  correc- 
tion de  certaines  sections  inférieures,  dans  le  but  de  suppri- 
mer au  plus  tôt  des  glissements  imminents  qui  pourraient, 
si  l'on  n'y  prenait  garde,  se  répercuter  au  loin,  compromettre 
même  les  travaux  de  reboisement  exécutés  sur  des  terrains 
stables  en  apparence  et  donner  naissance  à  des  laves  mettant 
en  perd  l'existence  de  cultures,  de  routes,  d'habitations,  de 
villages  ou  de  villes  occupant  la  vallée. 

3°  nénéralement  on  ne  trouve  dans  les  pays  de  montagnes 
qu'mi  nombre  de  bras  très  restreint,  par  suite  de  la  dépopu- 
lation croissante  occasionnée  par  les  ravages  des  torrents, 
ainsi  ([ue  ne  le  démontre  que  tro})  vivement  la  comparaison 


:JC8  KI<:(  AriTl.'LATloN. 


des  roi'onsomonts  quinquonnaux.  L'omploi  do  la  main-d'œu- 
vre étrangère  au  pays,  surtout  dans  los  travaux  culturaux  de 
reboisement,  est  une  mesuro  ([uo  l'on  doit  éviter  le  jjIus  pos- 
sible, dans  l'intérêt  des  travaux  eux-mêmes  comme  dans  celui 
du  pays.  Ainsi  (ju'en  efl'et,  dans  les  j)aj;es  élocpientes  (jui  ter- 
minent son  étude,  M.  Surell  le  démontre  avec  un  sincère  pa- 
triotisme, le  but  final  de  la  grande  (euvre  de  la  régénération 
des  montagnes  doit  consister  à  empôcber  bon  nombre  de  dé- 
parlements de  passer  en  tout  ou  en  partie  à  l'état  de  déserts 
inbabités,  en  rendant  î\  l'agriculture  la  sécurité  ainsi  que  les 
facultés  d'amélioration  et  d'extension  (pii  lui  sont  interdites 
aujourd'bui,  toutes  clioses  qui  ont  pour  consécpience  la  tixa- 
li(ui  d'abord  el  raugnientation  ensuite  d'une  population  do 
nioidagnards  ("uergiques  vivant  à  l'aise  dans  ces  régions  (pii 
i'ornient  une  i)artie  dos  défenses  naturelles  de  la  France. 

11  y  a  donc,  au  plus  baut  degré,  intérêt  majeur  à  retenir, 
dès  le  début  des  travaux,  le  plus  d'babitants  possible  dans  les 
montagnes  et  ;\  combattre  leur  émigration.  A  cet  effet,  il  faut 
anii-nagor  les  travaux  de  manière  à  pouvoir  occuper  tous  les 
ouvi'iers  indigènes  disixjniblos,  sans  les  enlever  ])0ur  cela  aux 
travaux  agricoles  de  la  contrée.  Si  donc  on  se  contentait  dans 
les  liantes  moidagnos,  patrie  d'élection  des  grands  torreids  los 
plus  redoutables,  d'exécuter  les  travaux  en  coniniencant  i»ar 
les  parties  sujx'Tieures  et  en  marcbant  à  tir  et  aire  vers  les  ré- 
gions inférieures,  on  se  trouverait,  pendant  les  premières  an- 
nées, dans  l'impossibilité  d'employer  sur  les  bauteurs  tous  les 
bras  disponibles;  l'époque  où  l'on  peut  y  travailler  co'ïncide 
en  effet  avec  les  travaux  agricoles  les  jjIus  urgents,  tels  que  la 
fenaison,  los  moissons  et  les  seniaillos,  alors  (pu%  dans  los  ré- 
gions inférieures,  on  i)eut  procéder  aux  travaux  de  reboise- 
ment beaucoup  jibis  tôt  au  pririlenqis  et  beaucoup  plus  lard  à 
l'autonme,  juste  à  des  épocpies  de  cbùmage  pour  les  travail- 
leurs agricoles. 

Il  y  a  donc  lieu  do  peser  avec  soin  ces  conditions  ('-conomi- 
(|ucs  et  de  coordonner  avec  elles  raménagement  des  travaux, 


OIIDIIK   DKS  TRAVAUX.  369 

afin  do  roparlir  ])ar  oxomple  en  un  plus  {;ran(l  nombre 
d'années  \o  travail  d'en  haut,  sauf  à  trouver  une  compensa- 
tion dans  raccroissement  de  célérité  donné  au  travail  d'en 
bas;  on  obtient  ainsi,  on  un  môme  nombre  d'années,  le  maxi- 
mum du  travail  utile  que  peuvent  fournir  les  ouvriers  indigè- 
nes, qui,  sûrs  de  trouver  dans  les  travaux  de  reboisement  un 
appoint  sérieux  aux  ressources  insuffisantes  que  leur  offre  l'a- 
griculture locale,  renoncent  à  l'émigration  et  demeurent  dans 
leurs  montagnes  qu'ils  auraient  quittées  malgré  l'attachement 
si  connu  que  les  montagnards  professent  pour  leur  pays. 

Il  est  d'autant  plus  important  d'opérer  ainsi  que,  dans  une 
vallée  donnée,  on  ne  peut  entreprendre  à  la  fois  tous  les  pé- 
rimètres indispensables,  et  que  dès  lors  les  travaux  y  seront 
échelonnés  pendant  un  grand  nombre  d'années;  de  sorte  qu'à 
l'époque  de  leur  achèvement  définitif,  les  habitants  trouve- 
ront dans  le  développement  qu'aura  pris  peu  à  peu  l'agricul- 
ture locale  un  ample  dédommagement  à  la  suppression  des 
travaux  arrivés  à  leur  dernière  limite. 

En  opérant  ainsi,  on  rattache  donc  au  sol  tous  les  ouvriers 
agricoles  prêts  à  l'abandonner  et,  tout  en  améliorant  leur  sort, 
on  conserve  aux  propriétaires  les  bras  qui  sans  cela  finiraient 
par  leur  faire  défaut  aux  époques  critiques  des  récoltes  ou 
des  semailles. 

Mais,  parallèlement,  l'intérêt  môme  des  travaux  se  trouve 
considérablement  avantagé,  car  une  tradition  ne  tarde  pas  à 
se  former  parmi  ces  ouvriers  dont  beaucoup  reviennent  cha- 
que année  sur  les  chantiers  et  acquièrent  ainsi  une  habileté  de 
main  et  une  sûreté  de  coup  d'oeil  précieuses  pour  la  bonne  exé- 
cution, la  réussite  et  l'économie  des  travaux.  Ces  ouvriers  finis- 
sent par  s'attacher  à  ce  qu'ils  font,  ils  y  travaillent  en  famille, 
ils  en  causent;  ils  visitent  plus  tard  leurs  travaux,  curieux  et 
souvent  fiers  des  résultats  obtenus,  et  peu  à  peu  l'opinion  pu- 
blique, sinon  hostile  du  moins  toujours  sceptique  au  début, 
silencieuse  mais  attentive  dans  la  suite,  finit  par  sortir  de  sa 
réserve  et  t'ait  taire  les  quelques  égo'istes  dont  les  clameurs 

24 


370  UIOCAlMTl'LAl'lON. 


inlérosséos  l'avaiont  Iromjx'o  an  (lt''bu(.  Car  Icllo  ost,  on  pou 
(le  mois,  riiisloiro  (lo  loutcs  les  Icnlalivcs  do  roboisonionl  que 
IK^rsoiuiolloinonl  ik^us  avons  pu  not(>r,  dans  dos  conditions 
l'opondant  l)ion  divorsos,  du  fond  do  rAl^(''rie  aux  Basses- 
Alpos,  en  passant  par  los  Alpes-Maritimos. 

En  ce  qui  concorno  los  travaux  de  maçonnerie  et  cpielquos 
travaux  divers  qui  peuvent  être  livrés  à  l'entreprise,  les  condi- 
tions ne  sont  plus  los  mômes;  ils  réclament  le  plus  souvent 
dos  ouvriers  spéciaux  quo  la  contrée  ne  saurait  toujours  four- 
nir ol  (pii  n'oni  du  rosl(^  aucun  rapport  avec  l'agriculture. 
iNi-annioins  ces  travaux  api)ortonl  avec  eux  leur  contingent 
daméliorations  dans  l'aisance  générale,  caria  majeure  partie 
de  leurs  dépenses  est  consommée  sur  place  au  bénéfice  des 
producteurs  ot  des  conmiorcanls  locaux. 

Aménagement  des  Travaux  dans  un  Périmètre  donné  '. —  Gela 
posé,  nous  allons  passer  en  r(^vu(^  et  placer  dans  leur  ordre 
normal  les  différents  travaux  ;\  exécuter  dans  un  périmètre 
donné  en  vue  de  l'extinction  d'un  torrent,  toutes  les  formalités 
relatives  à  la  déclaration  pubIi(iuo  et  i\  l'acquisition  par  l'Ktat 
étant  terniin(''es. 

La  première  anné(^  : 

On  entreprendra  la  dcliiiiilalion  cl  li'  bornage. 

(îri  pn'piircra  aux  dillV'rcnls  ('lagos  climatt'riques  los  péjti- 
niéros  volantes  nécessaires  à  la  production  des  résineux  à  em- 
ployer dans  les  plantations;  l'importance  do,  ces  pé})inièros 
sera  calculée  d'après  les  surfaces  que  l'on  aura  à  reboiser  par 
plantation  dans  cbacune  des  divisions  pendant  la  troisième  ou 
la  (piatrième  année,  suivant  los  ossoticos  ou  los  conditions  de 
ciiac  une  d'ojlos. 

(  lu  cxfM-uIrra  les  cnlirrhi'nii'iils  reconnus  nécessaires  en  vuo 
d(;  ces  plantations,  ainsi  (pio  les  pr(''paralions  de  sol  relatives 
aux  soniis  à  ox(''cut(»r  dès  la  douxièmo  année. 

1.   —  Voir  la  Xute  U. 


ORDRE   DES   TRAVAUX.  371 

Un  jndccdci-ii  an  rcccpaiio  de  tons  les  aibnslcs  ou  arbiis- 
seanx  existants,  ahroutis  ou  mal  venants. 

Ou  étudiera  le  tracé  des  clieniius  principaux,  en  ayant  soin 
de  les  raccorder  avec  un  ou  plusieurs  débouchés  sur  les  rou- 
tes existantes,  et  Ton  ouvrira  au  besoin  une  série  de  sentiers 
déterminant  leur  axe  futur. 

On  procédera  en  même  temjjs  à  l'élude  définitive  du  torrent 
on  vue  de  la  i)réparation  des  projets  relatifs  aux  travaux  de 
correction,  et  l'on  déterminera,  suivant  les  conditions  bjcales. 
Tordre  chronologique  dos  ouvrages  à  exécuter,  en  s'elforcant 
autant  que  possible  de  commencer  par  le  haut,  à  moins  de 
raison  majeure  imposant  la  correction  préalable  de  telle  ou 
telle  section  inférieure. 

S'il  y  a  lieu,  on  dressera  en  même  temps  \o  projet  d'un  ou  plu- 
sieurs barrages  de  retenue  dans  la  partie  supérieure  du  torrent. 

On  opérera  de  la  même  manière  en  ce  qui  concerne  les  ra- 
vins en  répartissant  leur  correction  sur  un  nombre  d'années  en 
rapj)ort  avec  leur  importance  et  les  ressources  locales  en  ma- 
tériaux, oi  en  les  combinant  avec  la  correction  du  torrent 
principal. 

On  établira  les  projets  de  baracpiement  reconnus  indispen- 
sables et  l'on  organisera  le  mat(hiel  d'outils  et  d'instruments 
nécessaires. 

La  seconde  année  : 

On  procédera  au  semis  des  i)éi)inières  volantes,  cultivées 
pendant  l'année  précédente,  et  à  la  préparation  d'autres  pépi- 
nières en  vue  des  plantations  à  exécuter  pendant  la  qua- 
trième ou  la  cinquième  année. 

On  commencera  les  semis  à  demeure  dans  les  terrains  dé- 
foncés ainsi  que  dans  les  trous  ou  bandes  préparés. 

On  continuera  la  préparation  du  sol,  les  enhcrbemenls  et 
les  recepages,  s'il  y  a  lieu. 

On  commencera  l'exécution  des  chemins  dans  les  sections 
nécessaires  aux  travaux  les  plus  prochains. 

On  entreprendra  les  prcmieis  bai'rages  en  maçonnerie,  les 


372  RECAPITULATION. 


barrages  rustiques,  les  barraj^os  vivants  do  prcinior  ordre  et 
los  canaux  d'irrigation,  s'il  y  a  lieu. 

On  construira  les  baraques  en  maçonnerie  et  l'on  placera 
les  baraques  en  bois. 

La  troisième  année  : 

On  contiiuiera  les  semis  des  prpinirres  volantes  et  la  pré- 
paration de  nouvelles  places,  s'il  y  a  lieu,  ainsi  que  les  semis 
à  demeure. 

On  commencera  les  premières  plantations  de  résineux 
fournis  par  les  pépinières  volantes  et  celles  de  feuillus  dans 
les  berges,  partout  où  les  travaux  de  correction  seront  assez 
avancés  dans  les  ravins. 

On  entreprendra  les  premiers  marcottages  et  l'on  conti- 
nuera les  préparations  de  sol  et  les  enherbements,  ainsi  ([ue 
les  cbemins. 

On  procédera  à  la  construction  de  nouveaux  barrages  en 
maçonnerie,  de  barrages  rustiques  et  de  barrages  vivants  de 
premier  ordre;  l'on  commencera  la  série  des  barrages  vivants 
de  second  ordre  et  la  construction  des  seuils  et  des  clayonna- 
ges  longitudinaux  et  transversaux  sur  les  atterrissements  qui 
se  seraient  foriués  à  l'amont  des  ouvrages  construits  un  an 
aujjaravant  et  se  trouveraient  dans  les  conditions  voulues. 

.\  partir  de  la  quatrième  année,  tous  les  travaux  seront  en 
train  et  s'augmenteront  des  regarnissages  et  des  entretiens 
qui  pourraient  devenir  nécessaires. 

On  continuera  ainsi  juscpi'à  l'entier  aciièvement  de  cba(iue 
nature  de  travaux,  en  liniitant  leui-  importance  annuelle 
d'après  les  crédits  disponibles  et  le  plus  ou  moins  d'urgence 
de  chacun  d'eux. 

On  arrivera  le  plus  souvnil  à  tiTiiiiiicr  les  travaux  (1(^  reboi- 
sement dans  les  terrains  stables  avant  la  correction  des  tor- 
rents et  des  ravins,  ce  (|ui  permettra  de  n'-aliser  les  meilleures 
conditions  désirables  et  de  trouvcM-  parfois  dans  les  jeunes 
forôts  des  matériaux  utiles  poui*  rarlièvenient  d(>s  travaux  de 
correction  dans  les  ravins. 


ORDRE   DKS   TRAVAUX.  L73 

(Jiiaiil  ù  la  (lur('<'  lotalc  des  Iravaux.  il  rs(  ('vidciil  (jirdlft 
(Irjx'nd  boaucoup  des  crédits  dispctiiiblos,  mais  cllo  non  dé- 
pend pas  uni(juoniont  ;  car  il  faut  compter  ici  non  souloment 
avec  un  maximum  d'ouvriers  susceptihlos  d'emploi  opportun, 
mais  surtout  avec  la  nature  et  son  auxiliaire  iii(lisi)ensable, 
le  temps. 

Le  savant  voyageur  anglais  Artbur  Young,  en  visitant  au 
siècb^  derni<u'  la  Cran  d'Arles  et  les  travaux  d'auK'lioration 
qu'on  y  entreprenait  déjà  à  cette  époque,  disait  :  «  Dans  de 
pareils  essais,  ceux  qui  les  entreprennent  veulent  toujours 
aller  trop  vite  au  dernier  degré  de  perfection  et  rendre  tout  à 
coup  ces  déserts  semblables  ù  des  cliamps  depuis  longtemps 
cultivés.  Pour  que  de  semblables  travaux  soient  au  contraire 
avantageux,  il  faut  éviter  les -grandes  dépenses  et  laisser  quel- 
que chose  à  faire  au  temps,  (pii  travaille  en  silence  avec 
efficacité.  » 

Cette  sage  réflexion  peut  s'appliquer  plus  justement  encore 
aux  travaux  de  reboisement  et  servir  à  éviter  dans  leur  exécu- 
tion une  marcbe  trop  accélérée  (|ui  risquerait  d'occasionner 
un  surcroit  de  dépenses  qui  ne  serait  pas  en  rapport  avec 
les  quelques  années  d'avance  qu'on  aurait  pu  gagner.  — 
{Voir  à  la  note  H ,  la  MoniKjraph'ic  des  Travaux  du  périmètre 
de  Faucon.) 


DEUXIÈME  l'ARTlE 


TRAVAUX   FACULTATIFS 


CHAPITRE  XVIII 


TRAVAUX    DE    REBOISEMENT  ET  DE  GAZOXNEMENT 


Terrains   appartenant  à  des  particuliers.  —  Terrains  appartenant   aux 
communes  et  aux  établissements  publics. 

Les  travaux  facultatifs  de  reboisement  et  de  gazonnement 
prévus  par  les  lois  de  1860  et  de  1864.  se  distinguent  des  tra- 
vaux obligatoires  en  ce  qu'ils  sont  entrepris  sur  l'initiative 
des  propriétaires  des  terrains,  communes,  établissements 
publics  ou  particuliers,  et  reçoivent  de  la  part  de  l'Etat  une 
subvention  en  nature  ou  en  argent,  graduée  d'après  l'impor- 
tance qu'ils  présentent  au  point  de  vue  de  l'intérêt  public. 

Lorsqu'un  particulier  se  décide  à  entreprendre  le  reboise- 
ment ou  le  gazonnement  des  terrains  qu'il  possède  en  mon- 
tagne et  désire  participer  aux  subventions  de  l'Etat,  il  établit 
une  demande  indiquant  la  situation  et  la  contenance  du  ter- 
rain, le  devis  des  travaux  qu'il  veut  y  opérer,  les  subventions 
soit  en  nature,  soit  en  argent,  qu'il  sollicite.  Les  agents  fores- 
tiers, après  visite  des  lieux,  dressent  un  rapport  circonstancii'; 
à  la  suite  duquel  l'Administration  lixe  la  subvention  qu'elle 
accorde  à  l'œuvre  entreprise.  Ces  subventions  sont,  en  général, 
allouées  pour  une  seule  année  et  doivent  faire  l'objet  de  nou- 
velles demandes  pour  chacune  des  années  ultérieures  de  la 
durée  des  travaux  qui  sont  exécutés  par  les  propriétaires, 
conformément  à  l'engagement  souscrit  par  eux  d'employer 


378  TRAVAIX    FACILTATIFS. 

exclusivomont  les  subsides  do  l'Htat  à  rainélioralion  projctt'c 
et  do  voilh^r  à  la  conservation  des  travaux  jusqu'à  leur  défen- 
sabilité,  le  tout  sous  la  surveillance  des  agents  forestiers,  tou- 
jours prêts  à  aider  de  leurs  avis  les  propriétaires  (|ui  en  ma- 
nifesteraient le  désir. 

Los  subventions  en  nature  consislcnl  en  la  délivrance  gra- 
tuite de  graines  ou  de  i)lants,  suivant  les  cas.  Les  subventions 
en  argent  se  dédivrent  sous  forme  de  prime,  après  que  l'exécu- 
tion des  travaux  et  des  engagements  pris  i)ar  le  propriétaire 
a  été  constatée  par  procès-verbaux  réguliers  des  agents  fores- 
tiers. 

Les  travaux  que  peuvent  avoir  à  opérer  des  particuliers  ne 
présentent  pas  les  conditions  défavorables  qu'on  rencontre 
dans  les  travaux  obligatoires,  surtout  en  ce  qui  concerne  les 
travaux  de  correction  dos  torrents.  Le  plus  souvent  ils  no 
consistent  qu'en  un  reboisement  ayant  pour  but  la  mise  en 
valeur  de  terrains  improductifs,  accompagné  parfois  do  con- 
struction de  barrages  rustiques  ou  de  barrages  vivants,  ou 
en  un  gazonnement  appelé  à  remettre  en  état  un  pàt-urage 
dégradé. 

Ces  travaux,  bien  (juc  n'affectant  pas  intrinsèquement  une 
grande  superficie,  })résentont  une  sérieuse  importance  au 
point  de  vue  de  la  régénération  des  montagnes  et  méritent,  de 
la  part  de  l'Administration,  la  plus  grande  sollicitude  et  les 
l)his  nombreux  encouragomenls,  car  le  (b'-vcloppemeul  de 
l'initiative  individuelle  est  un  di's  jjIus  grands  auxiliaires  des 
efforts  de  rKlal. 

Les  considérations  et  les  règles  applicables  aux  travaux 
que  peut  réclamer  le  reboisement  d'un  terrain  quelconque 
ai)partonant  à  un  particulier,  se  trouvent  énumérées  et  déve- 
loppées dans  les  cbapitres  VII  à  XL  Néanmoins,  il  ne  sera 
pas  sans  intérêt  d'en  extraire  et  de  présenter  sommairement 
les  conseils  les  plus  avantageux  cpii  en  découlenl  nalurel- 
lemt'iil. 


REBOISEMENT   ET  O  AZoN  N  EMEN  T.  379 

(Jiiand  un  particulier  so  dccido  à  onlrt'jjicndro  un  roboiso- 
ment,  il  a  surtout  pour  but  la  mise  on  valour  d'un  lorrain 
génôralcnient  impropre  à  (outo  autre  culture  que  celle  du 
bois.  La  création  d'un  niassit'  t'orostier  dans  ces  conditions 
pont,  en  outre,  être  appelée  parfois  à  procurer  aux  cultures 
inférieures  un  al)ri  tutélaire  contre  le  ravinement  ou  contre 
l'invasion  de  matériaux  provenant  des  terrains  supérieurs,  et 
affecter  ainsi  l'intérêt  irénéral  dans  une  contrée  donnée.  Mais, 
sauf  des  cas  tout  à  t'ait  exce])tionnels,  on  doit  admettre  que  le 
reboisement  de  terrains  dénudés  constitue  surtout  de  la  part 
de  leur  propriétaire  une  opération  culturale  et  économique, 
appelée  à  former  dans  l'avenir  un  capital  susceptible  de  reve- 
nus réguliers. 

Il  ne  s'agit  donc  plus  ici  de  ces  grands  travaux  dans  les- 
quels l'utilité  publique  domine  de  toute  sa  hauteur  la  ques- 
tion de  dépense  annuelle  et  de  capital  engagé;  le  but  est  plus 
modeste,  le  champ  d'action  plus  étroit  et  les  moyens  beau- 
coup plus  restreints.  Il  est  rare,  en  effet,  que  la  propriété 
d'un  particulier  embrasse  le  bassin  tout  entier  d'un  grand 
torrent.  On  n'y  pourra  rencontrer  tout  au  plus  que  de  petits 
torrents  et  le  plus  souvent  de  simples  ravins  déchirant  les 
flancs  des  versants  à  reboiser,  D'oiî  résulte  tout  d'abord  l'ab- 
sence presque  totale  de  grands  travaux  d'art  en  maçonnerie, 
ouvrages  coûteux,  qui  ne  peuvent  être  entrepris  qu'excep- 
tionnellement dans  des  cas  tout  spéciaux. 

D'autre  i)art,  il  est  d'observation  constante  en  montagni\ 
que  les  terrains  appartenant  aux  particuliers  se  trouvent 
dans  un  état  relativement  meilleur  que  les  terrains  commu- 
naux, à  tel  point  que,  dès  le  premier  abord,  on  reconnaît 
presque  toujours  infailliblement  ces  derniers,  à  leur  aspect 
de  dénudation  et  de  ruine,  avant  tout  examen  d'un  plan  ca- 
dastral. Cette  situation,  moins  mauvaise  des  terrains  particu- 
liers, ne  laisse  pas  de  son  côté  de  présenter  des  avantages 
sérieux,  au  point  de  vue  de  l'économie  des  travaux. 

Entin  un  propriétaire,  qui  entreprend  un  reboisement,  a 


380  TUA  VAUX    FACUL  T  ATI  KS. 

toujours  inlcriH  à  ne  pas  précipiter  son  exécution,  l'état  de 
ses  terrains  et  le  but  qu'il  se  propose  ne  l'obligeant  pas  à 
hâter  des  travaux  pour  lesquels  il  n'y  a  pas  péj'il  en  la  de- 
meure. 

Cola  posé,  nous  allons  passor  en  revue  les  diverses  opéra- 
lions  cl  inosun^s  ((u'culmincra pour  un  parliculiiu'  roxécution 
d'un  reboiscuKnit  par  lui  décidé  : 

Le  lerrain  à  ce  destiné  étant  bien  délorniiné  et  sa  conte- 
nance calculée,  la  première  mesure  à  prendre  consiste  dans 
la  suppression  immédiate  du  parcours  des  troupeaux.  On  ne 
peut  songer,  en  effet,  à  opérer  un  reboisement  d'une  certaine 
importance  sans  avoir  pris  préalablement  et  sans  compter 
uiaiiilonir,  au  moins  jusqu'à  la  défensabilité  des  jeunes  peu- 
plements, cette  mesure  de  i)réservation  sans  laquelle  on  ne 
pourrait  tout  au  plus  exécuter  que  des  plantations  de  haute 
tige  dont  l'excès  de  dépense  serait  loin  d'être  compensé  par 
le  produit  du  pâturage.  L'on  pourra,  la  plupart  du  temps 
d'ailleurs,  compenser  les  étendues  enlevées  au  ]jarcours  en 
augmentant  la  production  fourragère  artificielle,  ce  qui  per- 
mettra de  prolonger  la  stabulation  et  de  conserver  presque 
au  complet  les  troupeaux  habituels. 

La  mise  eu  (jéreiids  une  fois  établie  sur  le  lerrain  à  reboi- 
ser, on  (examinera  les  ravins  (pii  jieuvent  s'y  rencontrer,  et 
l'on  entreprendra  leur  correction  d'après  les  donné(^s  du  cha- 
pitres V,  sauf  à  remplacer  les  clayonnages  i)ar  des  barrages 
rusti(pjes,  au  cas  où  l'on  aurait  des  pierres  en  qnanlilé  sulii- 
sanle  sur  place. 

Kn  même  tenq)S  et  en  deiiors  du  lit  des  ravins,  on  procé- 
dera au  recepag(Mle  la  basse  végétation  ligneuse  à  feuilh  s 
caducpies  «pii  peut  se  rencontrer  sur  le  sol  à  reboiser;  cette 
opération  doit  être  menée,  rapidement  et  autant  (pie  possible, 
sur  loule  la  surface  des  terrains  dès  la  première  antu'c.  alin 
de  l'ouiiiir au  plus  li'il,  à  la  place  de  planls  ial(ou;:iis,  une  série 


RKliOlSKMKNT   KT  (1  AZoXNE  MKN'T.  381 

de  rojots  vigoureux  et  élancés,  susceptibles  au  besoin  d'èln» 
marcottés  comme  il  est  dit  au  chapilre  1\,  page  170. 

Les  développements  du  chapitre  VIII  renferment  toutes  les 
données  utiles  sur  le  choix  des  essences  à  adopter  dans  les  dif- 
férents cas  de  sol  et  de  climat,  qui  peuvent  se  présenter;  dans 
le  cas  où  plusieurs  essences  seraient  également  susceptibles 
de  prospérer  sur  un  terrain  donné,  on  donnera  la  préférence 
h  celles  qui  sont  de  nature  à  fournir,  plus  tard,  les  produits 
en  argent  les  plus  élevés  tout  en  assurant  la  perpétuité  du 
bois  nouvellement  créé. 

On  a  souvent  intérêt  à  opérer,  dans  certains  reboisements, 
tin  mélange  de  deux  essences  ;  quelques  développements  à  ce 
sujet  ne  seront  pas  inutiles. 

Dans  la  région  chaude,  par  exemple,  et  dans  les  terrains 
calcaires,  le  pin  d'Alep  est  certainement  l'essence  la  plus 
précieuse  qu'on  puisse  employer  pour  le  reboisement.  Mais, 
avec  les  risques  perpétuels  d'incendie  auxquels  on  est  exposé 
dans  un  pareil  climat,  il  importe  de  ne  pas  employer  le  pin 
d'Alep  seul  et  de  lui  adjoindre  son  associé  naturel,  le  chêne 
vert.  On  obtient  alors  un  peuplement  mélangé  dans  lequel  le, 
))in  d'Alep,  d'une  croissance  plus  rapide,  abrite  le  chêne  vert 
dans  sa  jeunesse,  couvre  rapidement  le  sol  en  lui  fournissant 
d'abondants  engrais  et  vient  jouer  avantageusement  le  rôle 
d'essence  transitoire;  dès  l'âge  de  vingt-cinq  à  trente  ans,  il 
peut  être  exploité  utilement,  en  vue  de  la  production  des 
étais  de  mine  de  plus  en  plus  recherchés,  et  son  rôle  peut  au 
besoin  être  considéré  comme  terminé. 

Que  si,  comme  le  cas  s'en  présente  parfois,  le  chêne  vert  ne 
peut  prospérer  indifféremment  sur  toute  la  surface  du  sol, 
on  peut  abandonner  les  plus  mauvaises  parties  au  pin  et  con- 
stituer ainsi  un  massif  où  le  mélange  des  essences  se  partage 
en  bouquets  distincts,  circonstance  qui  ne  s'oppose  en  rien 
à  l'exploitation  régulière  de  la  forêt. 

Il  y  atout  avantage  néanmoins  pour  le  propriétaire  à  res- 


382  TKAVAl  X    FACULTATIFS. 

treindro  le  pin  dans  ses  plus  striolos  limites  et  à  donner  au 
(■h('^nc  vert  le  plus  ijrand  développement  dont  il  soit  suscep- 
lil)lr. 

Uune  part,  en  effet,  ses  produits,  notamment  l'écorce,  re- 
présentent une  valeur  bien  plus  élevée  que  celle  des  produits 
du  pin,  et  d'autre  part,  un  peuplement  de  chênes  verts  offre 
au  pâturage,  par  les  herbes  abondantes  qui  croissent  à  son 
abri,  un  appoint  ({ue  lui  refuse  presque  absolument  le  cou- 
vert des  pins.  Cette  considération  ne  laisse  pas,  au  cas  parti- 
culier, de  présenter  une  sérieuse  importance. 

Un  dernier  et  très  précieux  avantaj;e  du  mélange  de  ces 
deux  essences  consiste  dans  la  sécurité  relative  qu'il  donne 
au  n^boisement  opéré  :  que  survienne  en  effet,  au  milieu 
d'un  jeune  peuplement,  lui  de  ces  incendies  si  fréquents 
dans  le  Midi,  l'état  de  boisement  ne  sera  pas  absolument 
conqtromis,  comme  dans  le  cas  où  le  pin  aurait  constitué 
riiiii(iue  essence.  11  restera  les  chênes  (jui.  après  un  simple 
recei>age,  fournironi  les  élémenls  diiii  Ixiisement  sutlisaut, 
si  le  mélange  a  été  convenablement  fait. 

Les  considérations  (pie  nous  achoiis  d'expuser  en  faveur 
du  mélange  du  pin  d'Alep  avec  le  chêne  vert,  s'appliqui^it 
également  dans  la  même  région  au  mélange  du  pin  maritime 
avec  le  chêne-liège.  Les  vastes  et  fréquents  incendies,  qui  ont 
jadis  désolé  les  Maures  et  ÏEstéi'cl  dans  le  Var,  ont  toujours 
jiistifié  l'avantage  de  ce  niédange  jirécieux,  et  démontré 
l'étonnante  faculté  que  possèdent  les  chênes  à  supporter,  sans 
périr,  le  couvert  dun  massif  de  pins,  peudanl  des  périodc^s 
de  temps  souvent  très  i)rolongt''es.  (Vest  ainsi  (pie  des  pr«t- 
|»rit''(aires  de  forêts,  où  le  pin  maritime  paraissait  seul  maître 
du  terrain,  s'(''laiit  tout  d'abord  cru  niiiit''s  à  la  suite  de  ter- 
ribles incendies,  n'ont  i)as  lard*';  à  voir  le  sol  se  recouvrir 
d'un  superbe  i)euplement  de  cliêne.s-lièges  <pii  fait  aujour- 
(1  Imi  l'élément  le  plus  inq)orlant  de  leur  grande  fortune. 

Dans  la  région  niovenne,  des  mélant^cs  anahjLîues  doi\eiil 


KKH0  18KMKNT    KT  (1  A/oN  N  E  M  KXT.  :}83 

également  être  adoptés  dans  bien  des  cas;  c'est  ainsi  qu'il  est 
très  avantageux  pour  obtenir  dans  l'avenir  un  peuplement 
en  cli(''ne  rouvre,  de  commencer  par  un  mélange  de  cette 
essence  avec  le  pin  noir  ou  le  pin  sylvestre,  dans  le  but  de 
fournir  au  jeune  cbène  un  premier  abri  indisi)ensablc  dans 
les  terrains  nus  et  au  sol  un  engrais  abondant. 

Dans  les  altitudes  plus  élevées,  dans  les  climats  plus  rudes, 
le  mélange  d'essences  feuillues  et  résineuses  devient  impossi- 
ble. Il  n'y  a  guère  que  le  sapin  et  le  bêtre  qui  puissent  s'y 
rencontrer  et  ces  deux  essences  sont  précisément  les  moins 
utilisables  pour  le  reboisement  des  terrains  nus;  mais  on 
emploie  souvent  avec  avantage  le  mélange  de  deux  résineux, 
dont  Tun  sert  de  premier  abri  à  l'autre  et  disparaît  dans  les 
premières  éclaircies.  C'est  ainsi  que  l'introduction  du  sapin 
ou  de  l'épicéa  peut  être  assurée,  sous  la  protection  du  pin 
sylvestre. 

Les  essences  principales  une  fois  choisies,  il  convient  de 
rechercher  quel  sera  le  mode  d'emploi  le  plus  économique, 
en  même  temps  que  le  plus  certain.  Cette  question  complexe 
mérite  d'être  examinée  de  très  près,  car  elle  concerne  d'a- 
bord la  préparation  à  donner  au  sol,  puis  le  choix  entre  le 
semis  ou  la  plantation. 

En  nous  reportant  aux  considérations  développées  dans  le 
chapitre  IX,  nous  n'hésitons  pas  à  conseiller  de  restreindre, 
autant  que  possible,  la  préparation  préalable  du  sol  qui, 
dans  tout  reboisement,  représente  la  plus  grosse  partie  de  la 
dépense  à  l'hectare.  Ce  n'est  que  dans  les  sols  secs,  durs, 
compacts  et  privés  de  toute  végétation  vivace  pendant  l'été 
([u'on  doit,  sans  balancer,  recourir  à  une  i)réparation  préa- 
lable du  terrain  consistant  dans  le  défoncement  profond  des 
places  appelées  à  recevoir  les  semis  ou  les  plantations.  Mais, 
dans  toutes  les  parties  d'un  pareil  sol,  où  viendraient  à  se 
rencontrer  des  arbustes  vivaces,  tels  que  des  chênes-kermès, 
des   buis,  des  genêts,  etc.,  on   doit  supprimer  tout  travail 


384  TRAVAUX  ^FACULTATIFS. 

préparatoire  ot  ne  le  réserver  qu'aux  seuls  intervalles  dénu- 
dés et  plus  ou  moins  spacieux,  qui  séparent  les  parties  en 
végétation. 

Dans  de  pareils  sols,  le  mode  de  préparation  des  trous  est 
identique,  qu'on  se  propose  de  planter  ou  de  semer.  Le  plus 
avantageux,  à  notre  avis,  consiste  dans  le  défoncement  de 
trous  ayant  de  0",20  à  0",25  de  largeur,  O'^jlO  de  profondeur 
et  1  mètre  de  longueur,  ouverts  par  lignes  espacées  de  lj",o0 
à  2  mètres,  et  distants  entre  eux  également  de  l^jSO  à  2  mètres, 
ce  qui  donnerait  à  l'hectare  2,664  trous  au  maximum  et 
t,666  au  minimum,  en  admettant  qu'il  n'existe  aucune  plante 
vivace  utilisable  sur  le  sol;  mais  il  n'en  est  pas  toujours  ainsi. 

Dans  les  calcaires  secs,  qui  forment  les  plus  mauvais  ter- 
rains à  reboiser  et  que  nous  prenons  ici  pour  exemple,  on  ren- 
contre parfois  des  éléments  de  succès  et  d'économie  très 
importants,  dont  trop  souvent  on  ne  sait  pas  profiter  et  qui 
sont  fournis  par  les  arbustes  vivaces  occupant ,  dans  bien  des 
cas,  une  bonne  jjartic  do  la  superficie.  Au  lieu  donc  de  les 
arracher,  en  partie  du  moins,  en  confectionnant  à  grands  frais 
des  trous  comme  dans  les  parties  dénudées,  il  suffit  dereceper 
dans  la  touffe  une  surface,  égale  à  celle  d'un  trou ,  au  milieu 
de  laquelle  on  introduira  les  plants  ou  les  graines,  en  procé- 
dant simplement  à  la  pioche.  On  y  trouve,  en  effet,  un 
sol  plus  fertile,  plus  meuble  et  plus  abondant  qu'ailleurs, 
à  tel  point  que  souvent  ces  touffes  seules  ont  conservé  la 
terre  végétale,  qui,  en  dehors  d'elles,  a  disparu  pour  laisser 
le  sous-sol  à  nu.  Mais,  outre  cet  avantage  déjà  très  important, 
la  touffe  assure  aux  jeunes  sujets  plantés  ou  semés  une  pro- 
tection des  plus  salutaires;  dans  la  partie  recepée,  en  eff(H,  les 
rejets  leur  fourniront,  dès  le  premier  été,  un  abri  contre  le 
vent,  contre  le  soleil  cl.  i)lus  tard,  los  protégeront  contre  la 
gelée.  Le  reste  de  la  toulfe,  recouvrant  h^  sol,  le  garantit  de 
l'évaporation,  maintient  sa  fraîcheur  et  lui  entretient  un  hu- 
mus dont  la  fertilité  aide  singulièrcmt'iit  la  honntî  venue  des 
jf'uncs  plants  forestiers. 


REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT.  385 


Ces  indications,  sinaturollos  cependant,  ne  sont  i)as  toujours 
appliquées  et  bien  souvent  nous  avons  i)u  voir  inipiloyable- 
nient  arracher  ces  précieuses  plantes  jiour  leur  substituer  do 
vastes  potets,  défoncés  à  grands  Irais,  qu'on  destinait  à  recinoir 
des  semis  de  pind'Alep.On  se  privait  ainsi  bénévolement  dune 
économie  sérieuse  dans  la  main-d'œuvre  et  do  tous  les  avan- 
tages que  procurait  la  touffe  inconsidérément  arrachée.  Pour 
les  jeunes  semis,  en  effet,  plus  dabris  contre  les  animaux, 
contre  le  vent,  le  soleil,  la  grêle  et  la  gelée;  pour  le  sol,  sup- 
pression des  conditions  favorables  au  maintien  de  sa  fraîcheur, 
de  son  ameublissement  et  de  sa  fertilité.  Aussi  croyons-nous 
devoir  insister  sur  les  avantages  précieux  à  tous  égards  que 
procurent  le  maintien  et  le  judicieux  enq)loi  de  la  basse  végé- 
tation existante  sur  un  sol  donné. 

Ces  conditions  relativement  favorables  se  rencontrent  beau- 
coup plus  souvent  dans  les  terrains  appartenant  aux  particu- 
liers que  dans  les  terrains  communaux.  L'on  peut  en  conclure 
qu'en  général,  chez  les  particuliers,  on  ne  devra  recourir  à  la 
préparation  préalable  du  sol  qu'à  titre  tout  à  fait  exception- 
nel, et  employer,  autant  que  possible,  le  semis  ou  la  plantation 
«  la  pioche. 

Dans  le  chapitre  X,  nous  avons  émis  sur  le  semis  et  la 
I)lantation  une  série  de  considérations  générales  qui  ne  lais- 
sent pas  de  donner,  en  ce  qui  concerne  l'emploi  des  rési- 
neux, une  grande  prépondérance  à  la  plantation  sur  le  semis, 
notamment  dans  les  terrains  calcaires  dénudés. 

Nous  ne  saurions  trop  engager  le  propriétaire  particulier  à 
examiner  bien  attentivement  les  conditions  où  se  trouve  son 
terrain  et  à  ne  pas  hésiter,  au  cas  échéant,  à  rompre  avec  le 
préjugé,  trop  généralement  répandu ,  que  les  plantations  sont 
moins  avantageuses  et  plus  difficiles  que  les  semis.  Rien  n'est 
plus  contraire  à  la  vérité,  à  la  condition  que  le  propriétaire  se 
constitue  à  lui-même  et  sur  son  propre  terrain  l'approvision- 
nement des  plants  nécessaires,  et  rien  n'est  plus  simple  que  la 


386  TRAVAUX  FACULTATIFS. 

réalisation  do  colli»  s;igv  inosurc.  Il  suffit  (l'étal)lir  dans  un  coin 
do  bonno  torro  une  pépinière  préparée  et  seméo, comme  nous 
l'avons  indiqué  à  l'artich^  des  péj)inières  volantes^  qui  suffira 
grandement  aux  besoins  d'une  étendue  relativement  peu 
considérable.  Nous  ne  saurions  donc  trop  engager  les  particu- 
liers à  préparer  ainsi  eux-mêmes  leurs  plants.  En  ce  faisant, 
un  propriétaire  bien  avisé  se  procure  : 

1"  Une  première  économie  sur  la  valeur  des  plants  eux- 
mômes  ; 

2°  La  faculté  de  pouvoir  opérer  ses  plantations  opportuné- 
ment, de  pouvoir  les  suspendre  provisoirement,  et  par  suite  de 
les  faire  dans  les  conditions  de  temps  les  plus  favorables; 

3°  La  certitude  que  ses  plants  sont  de  bonne  qualité,  qu'ils 
n'auront  soulTert  en  rien  de  l'arrachage  et  d\i  transport  et 
qu'ils  se  trouvent  dès  lors  dans  les  meilleures  conditions  de 
reprise  ; 

i"  La  faculté  de  pouvoir,  dans  bien  des  cas,  remplacer  au 
bout  de  peu  de  jours  les  sujets  qui  viendraient  à  ne  pas  don- 
ner signe  de  reprise  certaine  et  de  compléter  ainsi ,  dès  le  dé- 
but, le  travail  entrepris; 

5"  La  possibilité  de  soigner  au  besoin,  par  des  binages,  les 
jeunes  plants  pendant  les  chaleurs  de  l'été,  et  en  tous  cas,  les 
moyens  de  les  garantir  contre  les  effets  du  gel  et  du  dégel  ; 

6°  Une  croissance  plus  rapide,  surtout  s'il  procède  par  touffes 
déjeunes  plants,  et  dès  lors  une  mist^^n  déftMids  moins  longue. 

Pour  les  tmaiiis  siliii's  en  montagne,  les  graines  sont  géné- 
ralement fournies  j)ar  i'Klal  aux  particuliers,  sur  leur  demande. 
C'est  pour  eux  une  bien  prt'cieuse  garantie,  surtout  en  ce  qui 
concerne  les  graines  di»  certains  résineux  dont  la  qualité  ne 
répond  pas  toujours  au  prix  élevé  (pi'elles  ont  dans  le  com- 
merce. 

En  dehors  des  essences  principales  qu'un  particulier  a  cru 
devoir  choisir  ])Our  former  la  base  de  son  reboisement,  il  en 


REBOISEMENT   ET  GAZONNEMENT.  387 

est  d'autres,  dont  l'introduction  à  l'état  isolé  ou  par  petites 
quantités  peut  ôtre  des  plus  intéressantes. 

Chaque  fois  donc  qu'on  rencontre  des  endroits  frais,  où  le 
sol  est  généralement  plus  profond,  comme  dans  certains  fonds 
de  ravins,  on  ne  devra  pas  manquer  d'employer,  selon  les  cas, 
les  essences  susceptibles  de  fournir  dans  la  localité  les  pro- 
duits eu  argent  les  plus  élevés,  tolli^s  (pio  le  frêne,  l'orme,  l'é- 
rable, etc.  ou  môme  certains  peupliers.  Rien  déplus  facile  que 
d'élever  soi-même  les  plants  qui  seront  nécessaires;  on  sème, 
dans  une  ou  deux  planches  de  jardin,  leurs  graines  qu'on  se 
procure  partout  sans  difficultés;  quand  les  jeunes  plants  ont 
atteint  deux  ans,  on  peut  les  employer  immédiatement  comme 
basses  tiges;  si  on  préfère  ne  les  introduire  qu'à  l'état  de 
moyennes  tiges,  on  les  repique  en  pépinière  après  la  deuxième 
année  et  on  les  laisse  végéter  pendant  deux  ou  trois  ans  au 
bout  desquels  on  possède  les  plants  les  plus  convenables  et 
l)resquo  sans  frais. 

S'il  s'agit  de  saules  ou  de  peupliers,  on  se  contente  de  les 
introduire  par  boutures  et  si  on  veut  les  vulgariser  prompte- 
ment,  on  en  fait  une  petite  pépinière  dans  un  coin  de  jardin. 
Dès  la  deuxième  année,  on  peut  en  extraire  des  quantités  de 
très  belles  boutures. 

Le  jeune  bois  ainsi  constitué,  soit  par  voie  de  semis,  soit  par 
voie  de  plantations,  il  reste  à  lui  donner,  dans  les  premières 
années,  certains  soins  indispensables  au  rapide  développe- 
ment de  la  nouvelle  végétation  forestière  introduite  sur  le  sol. 
Cet  entretien  sera  d'autant  plus  facile  qu'on  opère  générale- 
ment sur  de  petites  surfaces  à  la  fois. 

Les  plantations  recevront,  dès  les  premiers  jours  de  l'été, 
soit  un  binage,  soit  même  encore  un  buttage  destiné  à  com- 
battre l'influence  de  la  sécheresse.  Dans  les  semis  de  résineux, 
on  exécutera  des  sarclages  appelés  à  les  débarrasser  des  herbes 
susceptibles  de  sécher  sur  pied  et  d'entraîner  la  mort  des 
jeunes  sujets  qu'on  veut  conserver. 


388  TRAVAUX   FACULTATIFS. 

On  répétera  ces  travaux  pondant  la  deuxième  année  partout 
où  ils  paraîtront  nécessaires,  et, dès  la  troisième  année,  on 
pourra  généralement  les  supprimer  sans  inconvénients. 

Les  résineux  ne  réclameront  plus  dès  lors  d'autres  soins  (jue 
des  nettoiements  dans  le  cas  où,  venus  par  semis,  les  jeunes 
brins  seraient  trop  nombreux  et  menaceraient  de  s'aflamer 
mutuellement. 

Quant  aux  chênes,  dès  la  (|uatrième  ou  cinquième  année, 
un  recepage  deviendra  nécessaire,  pour  leur  permettre  de 
provoquer  dans  leur  végétation  aérienne  un  développement 
plus  marqué.  Ce  recepage  devra  être  opéré  rez-terre,  surtout 
pour  le  chêne  vert. 

Si  le  peuplement  est  composé  d'un  mélange  de  chênes  et  de 
pins,  on  surveillera  attentivement  la  croissance  de  ces  der- 
niers, afin  d'empêcher,  au  moment  opportuni,  les  chênes 
d'être  compromis  par  un  couvert,  qu'on  pourra  rendre  facile- 
ment plus  léger  au  moyen  d'élagages  ou  même  de  nettoiements 
bien  compris. 

Ces  diverses  opérations  d'entretien  pourront,  la  plupart  du 
temps,  être  exécutées  sans  frais,  pour  le  prix  du  bois  qu'on  en 
retirera. 

Nous  croyons  cnlin  devoir  rappeler  qu'aux  termes  do  l'ar- 
ticle 226  du  Code  forestier,  les  semis  et  plantations  do  bois  sur 
le  sommet  et  le  penchant  des  montagnes,  sont  exempts  de 
tout  impôt  pendant  trente  ans.  Aussitôt  donc  ((uo  le  reboise- 
ment aura  été  opéré,  le  propriétaire  devra  l'airo  toutes  dili- 
gences auprès  de  l'administration  des  contributions  directes 
pour  se  faire  appliquer  le  bénéfice  de  l'article  dont  il  s'agit. 

Les  communes  et  parfois  les  établissements  i)ublics  possè- 
dent généralement,  dans  les  montagnes,  des  superficies  beau- 
coup plus  consi<lerai)les  (jue  les  particuliers  et  dans  loscpiellos 
des  travaux  do  roboisomont  ou  do  ga/onnouient  peuvent  être 
nécessaires  tant  au  point  de  vue  de  l'utilité  publique  qu'à 
celui  de  l'intérêt  local. 


REBOISEMENT  ET  GAZONNEMENT.  389 

Les  mômes  formalités  existant  pour  les  établissements  pu- 
blics comme  pour  les  communes  soumises  également  à  la 
tutelle  de  l'Ktat,  nous  ne  considérerons  que  ces  dernières  dans 
ce  qui  va  suivre. 

Lorsqu'une  commune  est  dans  l'intention  de  faire  exécuter 
des  travaux  de  reboisement  ou  de  gazonnement  sur  des  ter- 
rains qu'elle  possède  en  montagne,  le  conseil  municipal  prend 
une  première  délibération  indiquant  le  but  et  la  nature  des 
travaux,  ainsi  que  les  parcelles  cadastrales  sur  lesquelles  ils 
doivent  être  exécutés;  le  périmètre  facultatif  se  trouve  ainsi 
constitué  et  demeure ,  à  partir  du  jour  de  la  délibération , 
soumis  au  régime  forestier. 

Gbaque  année,  le  conseil  municipal  établit  une  demande 
tendant  à  obtenir  de  l'Etat  une  subvention  en  nature  et  en 
argent  qui  fait  l'objet  d'une  instruction  administrative  à  la 
suite  do  laquelle  l'Administration  des  forêts  fixe  l'importance 
des  subsides  accordés,  d'après  les  sommes  votées  par  la  com- 
mune, les  subventions  i\  elle  allouées  par  le  département  et 
la  situation  spéciale  de  la  commune  et  des  terrams  compris 
dans  son  périmètre  facultatif. 

Les  travaux  exécutés  sous  la  direction  des  agents  forestiers 
et  la  surveillance  de  préposés  spéciaux  qui  peuvent  être  four- 
nis par  l'État  sont  toujours  moins  considérables  que  ceux  des 
périmètres  obligatoires,  mais  plus  développés  que  ceux  des 
particuliers,  et  l'on  peut  dire  qu'ils  tiennent  le  milieu  entre 
ces  deux  catégories  au  point  de  vue  de  leur  importance. 

L'initiative  de  ces  travaux  venant  des  conseils  municipaux, 
les  agents  forestiers  doivent  s'efforcer  d'éclairer  les  munici- 
palités sur  les  avantages  que  les  communes  peuvent  y  trouver, 
et  ne  ménager  aucun  effort  pour  arriver  à  cet  heureux  et  pro- 
ductif résultat. 


300  TRAVAl'X   FACULTATIFS. 


CHAPITRE  XIX 


SUBVENTIONS   ET  PRIMES   POUR  L'AMELIORATION 
DES  PATURAGES 


Travaux  liicultatifs. 

L'article  12  de  la  nouvelle  loi  soumise  en  1877  au  Sé- 
nat autorise  l'Etat  à  distribuer  «  des  subventions  et  primes 
en  argent  à  toute  entreprise  particulière,  communale  ou  col- 
lective, telles  (pi'associations  pastorales,  fruitières,  etc.,  qui 
présente,  i)0ur  la  consolidation  des  terrains  en  montagne  et 
la  régénération  des  pâturages,  des  avantages  reconnus  au 
point  de  vut'  (le  linh-rèt  public  ». 

Cette  utile  et  opportune  mesure  se  trouve  expliquée  ainsi 
qu'il  suit  dans  le  rapport  (jue  M.  le  député  Alicot  a  déposé  à 
la  Cbambre,  le  22  décembre  iS7()  : 

«  Sous  l'empire  des  lois  du  28  juillet  ISiU)  et  du  8  juin  18Hi, 
l'Etat  pouvait  subventionner  les  communes,  les  établissements 
publics  et  les  particuliers  au  moyen  de  j)rimes  en  argent  et 
de  dr-livrance  de  graines  et  j)lanls,  mais  ces  snbveiilious  ne 
s"a)»pli(iuaient  (pi'aux  travaux  de  reboisement  ou  de  ga/jtnne- 
iiient  entrepris  en  vue  de  la  restauration  des  montagnes.  Le 
projet  de  loi  i)résenlt''  à  la  (lliainbre  mainlienl  ces  disposi- 
tions, qui  ont  produit  d'iieureux  résultats;  il  va  plus  loin  et 
fait  un  pas  de  plus  dans  une  voie  où  la  commission  cbargée 
d'examiner  la  loi  de  1860  avait  engagé  le  Gouvernement  à 
entrer.  Désormais  les  encouragements  de  l'Administration 
cesseront  d'être  limités  aux  travaux  de  restauralion  sapj)li- 


SUBVENTIONS   ET   PRIMES.  391 

(juant  aux  monla^in's  déjà  atteintes  par  le  llraii  du  raviiuMiiont 
et  (lo  l'éboulonuMit,  r()ns('M|uon('o  do  la  dostniction  do  la  végé- 
tation. La  sollicitude  de  l'Etat  s'étendra  sur  los  parties  do  la 
montagne  encore  intactes,  mais  qui  appellent  des  travaux  pré- 
ventifs; son  concours  sera  assuré  aux  communes,  aux  établis- 
sements publics,  aux  particuliers,  aux  associations  pastorales, 
(pii,  animés  d'un  esprit  de  prévoyance,  voudront  entreprendre 
des  travaux  de  conservation  et  de  mise  en  valeur  du  sol.  Il 
encouraii'ora  par  voie  de  subventions  les  ellorts  tentés  en  vm; 
d'améliorer  et  do  rendre  plus  résistante  l'armure  végétale  (jui, 
on  dehors  dos  forêts,  protège  la  montagne  contre  los  causes 
de  détérioration  auxquelles  elle  est  constamment  soumise.  Il 
favorisera  ainsi  los  popidations,  qui  ouvriront  les  yeux  aux 
avantages  do  la  réglementation  dos  pâturages,  de  la  transfor- 
mation rationnelle  dos  méthodes  d'élevage  et  d'exploitation 
pastorale,  on  suivant  les  exemples  qui  sont  fournis  depuis  lo 
commencement  du  siècle  par  les  habitants  de  la  Suisse,  du 
Jura  français  et  do  la  Savoie. 

«  Les  bons  résultats  de  cette  innovation  législative  peuvent 
être  déjà  pressentis  grâce  aux  expériences  faites  depuis  quel- 
ques années  par  notre  administration  forestière.  En  1874  et 
1875,  l'Assemblée  nationale,  sur  la  proposition  de  notre  émi- 
nent  et  regretté  collègue  M.  Cézanne ,  avait  inscrit  au  budget 
une  somme  do  20,000  francs,  destinée  à  encourager  la  forma- 
tion des  associations  pastorales  et  la  création  des  fruitières 
dans  les  Alpes  et  dans  les  Pyrénées.  Ces  crédits  restreints,  il 
est  vrai,  mais  habilement  employés,  ont  permis  do  donner 
dans  plusi<>urs  communes  une  heureuse  impulsion  aux  tra- 
vaux d'entretien  et  d'amélioration  sur  les  pâturages  en  mon- 
tagne ,  et  do  fournir  aux  populations  pastorales  des  Alpes  et 
des  Pyrénées  quelques  exemples  décisifs  des  sainc.'s  méthodes 
culturales.  » 


CONCLUSION 


CoQséquences  de  l'extiaction  des  Torrents  par  les  Travaux  obligatoires. 
Travaux  facultatifs. 


L'extinction  dos  torrents,  obtonne  à  la  suite  des  travaux  de 
tous  genres  qui  ont  eu  pour  but  final  la  création  de  la  forêt 
dans  leur  bassin  de  réception,  aura  pour  résultat  d'arrêter  pour 
l'avenir  tout  entraînement  de  matériaux  des  hauteurs  dans  les 
vallées.  Non  seulement  il  ne  descendra  plus  que  de  l'eau,  mais 
la  durée  de  son  écoulement  dans  chaque  torrent  sera  consi- 
dérablement ralentie. 

Les  effets  multiples  qui  seront  la  conséquence  de  l'obten- 
tion, aujourd'hui  certaine,  de  ce  résultat,  but  suprême  des 
travaux,  jjeuvent  être  énumérés  ainsi  qu'il  suit  : 

1°  —  La  fixation  du  sol  dans  les  montagnes,  entraînant  la  con- 
servation de  toutes  les  cultures  et  la  sécurité  des  nom])reux 
hameaux  qui  se  trouvent  disséminés  dans  le  bassin  de  récep- 
tion de  chaque  grand  torrent. 

2°  —  La  conversion  des  torrents  en  imisseaux,  à  lits  creusés 
dans  les  cônes  de  déjections,  ce  qui  procure  la  faculté  de  les 
encaisser  et  de  fixer  leur  lit  définitivement;  d'où  résulte  la  dis- 
l)arition  do  tous  dangers  pour  lesviliages  placés  sur  ces  cônes 
otla  possibilité  de  rendre  à  l'agriculture  des  surfaces  relative- 
ment énormes,  renfermant  les  terrains  les  plus  précieux  et  les 
mieux  exposés. 

3°  —  L'augmentation  considérable  du  débit  des  sources  et  des 


394  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 

ritisseaux  remplaçant  les  Un-rents,  d'où  résultent  les  hicniails 
d'une  irrigalion  opérée  avec  dos  eaux  claires  substituées  aux 
eauxljoueuses,  suscejjtible  d'une  plus  jurande  extensicui  ctper- 
motlant  dés  lors  le  développement  des  prairies,  principale 
richesse  des  pays  de  montagnes. 

Cette  augmentation  du  débit  des  sources  par  le  reboisement 
a  été  contestée  par  quelques  ingénieurs  qui  se  sont  basés  sur 
des  expériences  faites  dans  le  bassin  de  rivières  ou  de  llcuvcs 
n'appartenant  ni  A  la  région  ni  au  climat  des  hautes  moidagncs, 
et  sur  des  terrains  couverts  d'arbres  l'cuillus  et  situés  à  une  alti- 
tude (|ui  ne  paraît  pas  dépasser  600  métrés  au-dessus  de  la  mer. 

Dans  les  hautes  montagnes,  au  contraire,  l'altitude  des  ter- 
rains à  reboiser  varie  de  1,000  à  5,(S()0  mètres  et  les  essences 
employées  sont  pres([ue  exclusivemeiil  r(''sin(Mises.  Si  l'iin 
rapproche  ce  (pie  nous  avons  exposé  sur  l'augmentation  de  la 
quantité  des  eaux  i)luviales  à  mesure  qu'on  s'élève,  avec  la 
condition  de  perméabilité  de  plus  en  plus  grande  que  présen- 
tera le  sol  reboisé,  on  peut  concevoir  facilement  ({uelle  in- 
fluence possédera  un  massif  forestier  d'essences  r(''sineuses 
contre  révai>oration,  aujourd'hui  si  rai)ide,  sur  les  sols  dt-cou- 
verts,  dans  le  clinial  la  phiparl  (hi  leiups  très  sec  des  UKHila- 
gnes  ù,  reboiser. 

■4°  —  La  7X'tjularlsalk))i  du  j'éfjitnc  des  iùcicres  dans  les  vallées  de 
montagnes  et  des  cours  d'eau  Inféi'ieurs,  entraînant,  d'une  part  : 
l'augmentation  du  débit  des  eaux  utiles  aux  irrigations  dans 
les  vallées  inh'riein-es  i»endantles  sécheresses  de  l'été,  et  d'au- 
tre part  :  la  j)ossil)inie  d'un  système  complet  d'endiguement 
et  la  ciiiKinrli'  (rimiiiciiscs  (''Iciidui'S  de  |crraiii<  1rs  plii>  iililrs 
à  l'agricidlure,  deux  i»pératii»ns  absdliinieiit  impralicaliles  au- 
jourdlmi,  tant  <|ue  les  rivières  ((iiilinueronl  à  charrier  de 
grands  volumes  de  mati'riaiix  dunl  le  dcpùt  tend  à  exhausser 
le  fond  de  leur  lit. 

Kn  ce  qui  concerne  la  Dmance.  Il-  rai)p(jrteur  di'  riii(|uète 
agricole  de  i86ti  estime  (|ue,  dans  le  seul  déparleincnl  des 
Basses-Alpes,  il    y  aurait  à  reprendre  dans  son  lil,  pniir  los 


CONCLUSION.  395 


livi'or  à  ragriculturo,  plus  de  t),OUU  hcctan's  do  jiraviors  au- 
jourd'hui sans  valeur,  (pii,  avec  un  bon  système  d'endigue- 
ment  et  de  colmatage,  deviendraient  en  cinq  ou  six  ans  des 
terres  de  première  (pialilé  valant  au  moins  5,000  à  6,000  francs 
riieotare,  ce  (pii  représente  un  capital  de  30  i\  36  millions. 
Cette  surface  occuix'  i  pour  100  de  l'étendue  totale  des  ter- 
rains cultivables  dans  ce  département,  qui,  sur  un(>  étendue 
territoriale  de  695,000  hectares,  possède  seulement  150,000  hec- 
tares de  cultures,  soit  22  pour  100  de  sa  superficie,  alors  que 
les  lits  de  torrents  ou  de  rivières  occupent  i)lus  de  29,000  hec- 
tares. 

5°  — Ln  proli'ctiim  et  le  snluf  d'ioi  (jrand  nombre  de  villes  et  de 
villages  situés  au  bord  des  rivières  de  montagne  et  dont  l'exis- 
tence est  absolument  menacée  jnir  l'exhaussement  continu  et 
les  divagations  perpétuelles  du  lit. 

6°  —  La  conservation  d'une  population  laborieuse,  rude  à  la 
fatigue  et  précieuse  pour  la  défense  du  territoire  dans  les 
frontières  montagneuses  de  la  France. 

7"  — La  sécurité  rendue  à  la  circulation  sur  un  immense  parcours 
de  routes  nationales,  départe^jienfales  et  autres.  La  possibilité 
d'établir  un  vrai  et  stable  réseau  de  chemins  vicinaux,  au  lieu 
des  sentiers  impraticables  décorés  du  nom  trompeur  de  che- 
mins de  grande  communication. 

8° —  Enfin,  les  éléments  les  plus  importants  delà  transformation 
que  réconomie  agricole  est  appjelée  à  subir  da7is  les  pays  de  monta- 
gnes pour  s'élever  à  la  hauteur  des  conditions  de  la  production 
moderne  basée  sur  le  travail  et  non  sur  l'existence  contemplative 
des  pasteurs.  Au  lieu  d'un  pâturage  ruineux  qui  s'exerce  sur 
des  surfaces  abandonnées  sans  réserve  à  toutes  les  causes  de 
destruction,  l'agriculture  obtiendra,  sur  des  surfaces  moins 
vastes,  un  jjroduit  intensif,  supérieur  à  celui  d'aujourd'hui, 
mais  à  la  condition  d'apporter  à  ces  pâturages  les  améliora- 
tions indisj)ensables  et  de  leur  appliijuer  les  règles  d'une  saine, 
intelligente  et  laborieuse  exploitation.  Ces  desiderata  pourront 
être  réalisés  en  moins  de  temps  qu'on  ne  le  suppose  générale- 


396  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 

nient  ;  mais  pour  ((uo  les  coniuuuK^s  cl  les  iiarticuliors  puis- 
sent se  mettre  à  l'iiMiYre,  il  leur  faut  la  séci()-ilé([no  l'extinction 
des  torrents  peut  seule  procurer  et  \ei>  p)'emie7-s  moyens  de  h-a- 
va'd  que  les  acquisitions  de  TÉtat  augmenteront  efficacement. 

Tel  est  l'ensemble  des  principaux  résultats  qu'entraînera 
l'extinction  des  torrents  obtenue  par  des  travaux  d'utilité  pu- 
blique qui  forment  la  tâche  lourde  et  urgente  que  l'État  seul 
peut  entreprendre  et  mener  à  bonne  fin. 

Mais  la  conservation  des  montagnes  ne  dépend  pas  unique- 
ment de  ce  premier  résultat,  il  faut  encore,  pour  l'assurer  dé- 
finitivement, prévenir  la  formation  de  torrents  nouveaux. 
Tout  le  monde  est  d'accord  à  ce  sujet,  et  il  est  admis  que  le 
gazonnement  uni  au  reboisement  permet  d'obtenir  ce  second 
terme  de  la  régénération  des  montagnes. 

L'État  cependant  ne  peut  substituer  partout  et  quand  môme 
son  action  à  celle  des  communes  et  des  particuliers,  et  c'est  à 
ces  deux  catégories  de  propriétaires  que  doit  incomber  cette 
partie  de  la  besogne  au  moyen  des  travaux  facultatifs. 

On  ne  peut  se  dissimuler,  dès  lors,  que  la  création  de  grands 
massifs  forestiers  ne  résultera  pas  rapidement,  surfout  au 
début,  (le  l'inilialive  de  ces  deux  délenteurs  du  sol,  dont  la  pré- 
occupation au  sujet  des  améliorations  à  tenter  consistera  prin- 
cipalement dans  les  produits  du  pâturage.  Les  travaux  entre- 
pris seront  donc  surtout  des  gazonnements  avec  un  mélange 
plus  ou  moins  intime  du  reboisement,  qui  ne  s'appliquera 
qu'aux  uniques  jiarcelles  impropres  à  la  production  du  gazon 
sans  l'abri  du  bois  ou  placées  dans  des  déclivités  telles  que  le 
maiiilicn  du  sol  nécessite  l'intervention  des  arbres.  Ces  condi- 
tions, qui  se  retrouvent  sur  Ions  les  versants,  même  sur  les 
montagnes  pastorales,  implifpient  un  genre  de  travail  qui 
aura  pour  résultat  la  formation  de  sortes  de /^re's-éo/s. 

D'autre  part,  plus  les  progrès  de  la  civilisation  moderne  pé- 
nétreront dans  les  montagnes,  surtout  sous  la  forme  de  bonnes 
voies  de  communication,  plus  la  forôt,  s'imposant  comme  une 
avantageuse  mise  en  valeur  du  sol,  replacera  le  pâturage  dans 


CONCLUSION.  397 


ses  vraies  limites  naturelles  ol  dans  ses  conditions  normales. 

On  peut  donc  espérer  que,  dans  un  avenir  peu  éloigné,  com- 
munes et  particuliers,  entraînés  peu  à  peu  par  rexemi)le  du 
succès  obtenu  par  l'État,  se  décideront  à  développer  les  tra- 
vaux facultatifs  qui  forment  leur  complément  nécessaire. 
Cette  vaste  amélioration  demandera  évidemment  du  temps 
et  ne  s'opérera  que  successivement;  mais  heureusement, 
elle  est  moins  urgente;  elle  sera  peu  coûteuse  et  les  résultats 
obtenus  par  les  premiers  pionniers  do  cette  voie  nouvelle  ne 
tarderont  pas  à  secouer  l'inertie  de  ceux  qui  seront  restés  en 
arrière. 

A  l'État  donc,  la  charge  des  grands  travaux  d'utilité  publi- 
que de  premier  ordre,  consistant  dans  l'extinction  des  tor- 
rents en  activité  {dangers  imminents)  et  impliquant  dès  lors 
pour  lui  la  propriété  inaliénajjlo  du  sol  afin  d'assurer  la  per- 
pétuité des  résultats. 

A  lui  seul,  dés  lors,  les  travaux  obligaloires. 

Aux  départ(Mnt'nts,  aux  communes,  aux  établissements  j)u- 
blics  et  aux  i)arliculiers,  le  soin  de  régénérer  peu  ;\  peu  leurs 
montagnes  dénudées,  afin  de  conserver  leurs  pâturages  et  de 
les  améliorer  avec  des  subventions  de  l'État. 

De  là,  les  travaux  facultatifs. 

Les  périmètres  obligatoires  formeront  donc  dans  les  mon- 
tagnes une  sorte  de  système  de  défenses  de  premier  ordre  pla- 
cées aux  points  les  plus  dangereux. 

Dans  leurs  intervalles,  les  forêts  actuelles  et  celles  que  ne 
manquera  pas  do  créer  l'entrainemcnt  de  l'exemple  et  de  l'in- 
térêt privé  bien  entendu,  composeront  une  seconde  ligne  de 
défenses  à  l'abri  desquelles  la  régénération  des  montagnes  et 
l'amélioration  des  pâturages  s'accompliront  paisiblement  et 
efficacement  pour  le  salut  des  vallées  et  le  plus  grand  bénéfice 
du  pays. 


NOTES 


NOTE    A 

(Citée   à  la  page   36.) 


Note  de  M.  Schliimberger,  Garde  général  des  Forêts,  sur  la  Lave  des- 
cendue, le  13  Août  1876,  dans  le  Torrent  de  Faucon,  près  Barcelon- 
nette  (Basses-Âlpes). 


I 


11  se  passe  souvent  plusieurs  années  sans  qu'il  éclate  un  fort  orage 
dans  la  vallée  de  Barcelonnelte,  cette  terre  classique  des  torrents, 
et  si  les  dégâts  causés  sont  considérables,  ils  ne  se  reproduisent 
heureusement  qu'à  des  intervalles  assez  éloignés.  Mais  il  est  des 
années  qui  semblent  prédestinées  pour  cela,  et,  pendant  plusieurs 
semaines,  des  orages  d'une  extrême  violence  s'y  succèdent  alors 
presque  journellement,  éclatant  tantôt  d'un  côté,  tantôt  d'un  autre. 

Depuis  le  trop  célèbre  été  de  1868,  tous  les  redoutables  torrents 
qui  entourent  Barcelonnette  semblaient  presque  inoffensifs,  et  il  a 
fallu  les  pluies  de  1876  pour  les  faire  sortir  de  leur  sommeil  de  huit 
années.  Presque  tous  les  jours,  depuis  le  8  jusqu'au  20  août,  le  ciel, 
serein  pendant  la  matinée,  se  chargeait  brusquement  de  nuages 
après  midi,  et  Toi'age  éclatait  avec  une  incroyable  violence,  se  dé- 
chaînant sur  un  point  quelconque  de  la  vallée,  sans  que  le  plus  sou- 
vent il  tombât  une  goutte  d'eau  sur  d'autres  points  assez  rapprochés. 
Ces  orages  suivaient  toujours  les  lignes  de  crêtes,  étaient  accompa- 
gnés de  grêle  dans  les  régions  supérieures,  et  c'est  sur  les  parties  les 
plus  élevées  qu'il  tombait  le  plus  d'eau,  comme  l'ont  démontré  les 
nombreuses  expériences  faites  dans  les  bassins  de  réception  des  dif- 
férents torrents. 

26 


■U)2  UKBOISEMENT   DES    MONTAGNES. 


Celle  grande  quantité  de  pluie  tombant  en  un  temps  tri^s  court, 
sur  ces  versants  dénudés  et  escarpés,  s'écoule  en  jurande  masse  par 
le  torrent  ordinaiicnient  pres(pie  à  sec,  entraine  tous  les  matériaux 
tjui  s'y  ti'Ouv<'nl  accumulés,  ail'ouille  li'  lit,  rong'e  les  berges,  provo- 
que d'immenses  glissements  de  Icii'ains  cl  amène  toutes  ces  déjec- 
tions dans  la  vallée,  donnant  ainsi  naissance  à  ce  (|ue,  dans  le  pays, 
on  appelle  du  nom  pittoresque  de  iavc. 

Ce  pliénoméiu'  s'est  produit  en  1870  dans  la  itlupart  de  nos  grands 
torrents.  Sans  parler  des  orages  moins  violents  du  jnois  de  juillet, 
on  a  pu  voir  de  très  fortes  laves  : 

Le  8  août,  aux  Sanières; 

Le  10  août,  à  la  Grande-Combe  ; 

Le  t3  août,  aux  Sanières,  à  Faucon,  à  la  |{èrarde,aux  Tlmiles,  etc. 

Témoin  de  celle  descendue  le  dimancbe  13  août,  dans  le  torrent 
de  Faucon,  je  vais  clierclier  à  décrire  le  ])liénomène,  tel  (pie  j'ai  pu 
ro})server. 

Mais,  avant  cela,  il  ctuivienl  de  doiuu'r  un  eourt  aperçu  de  ce 
qu'est  le   tori'eiit  de  Fauron. 


II 


Le  torrent  de  Faucon,  ariluent  de  dioite  de  riJbaye,  est  situé  tout 
entier  sur  le  territoire  de  la  ((miiiiuiie  de  F'aucon,  canton  et  arron- 
dissement de  Hai'celoMiielte. 

Le  bassin  de  réception  de  ce  tori'ent  est  l'orme  de  terrains  possé- 
dés presque  tous  par  la  comniime  de  Faucon.  Ils  sont  compris  dans 
le  périmètre  de  reboisement  obligatoire  de  Faucon,  décrété  d'utilité 
publique  en  t8(>3,  et  occupent  une  surface  de  300  hectares  environ, 
non  compris  160  hectares  de  terrains  particuliers,  champs  et  pAlures, 
qui  ne  sont  point  dans  le  périmètre.  Tout  ce  versant  est  exposé  en 
plein  sud. 

Les  terrains  supérieurs,  entre  3,000  et  1,700  mètres  d'altitude,  sont 
formés  d'un  sous-sol  de  schistes  ardoisiers  assez  durs,  d'origine  ter- 
tiaire, et  connus  des  géologues  sous  le  nom  de  lly.sh.  Ces  versants 
sont  presque  entièrement  dépourvus  de  végétation  dans  les  parties 
les  plus  élevées,  où  la  roche  est  souvent  ci  nu  et  la  pente  toujours 
très  raide  (de  oO  à  120  pom-  100). 

A  partir  de  2,i-00  mètres  d'altitude,  la  peiile  diminue  et  la  roche 
est  couverte  par  les  débris  des  rochers  descendus  d'en  haut,  qui, 
par  leur  désagrégation,  ont  formé  de  la  terre  végétale.  Les  gazons 


NOTE  SUR  LE  TORRENT  DE  FAUCON.      403 


iiaturols  el  arliliciels  s"y  dévoloppt'iit  iicii  à  |mmi  |i;ii'  siiilc  de  la  nù>r 
en  tltHVnds  et  des  semis  de  fouriMpèies  (jii'itn  y  a  lails  (lc|iiiis  la 
t'i'éatiim  du  [)éiiinèlre. 

Dans  le  canal  défoulement,  qui  va  de  1,700  à  1,300  Jiiètres  d'alti- 
tude environ,  le  torrent  passe  au  milieu  de  terrains  noirs  schisteux 
d'origine  jurassique,  et  de  matériaux  d'éhoulements  sans  consistance, 
formés  de  terre  et  de  pierres  de  toutes  grosseurs  ;  les  berges,  qui 
sur  certains  points  atteignent  une  hauteur  de  80  et  même  de  100  mè- 
tres, sont  le  plus  souvent  complètement  dénudées  et  entaillées  de 
nombreux  ravins  secondaires.  Dans  ces  parties,  où  sa  pente  varie 
de  20  à  36  pour  100,  le  torrent  all'ouille  son  thalweg  à  chaque  crue 
et  détermine  alors  d'immenses  glissements  de  terrains  qui  s'étendent 
des  deux  côtés  du  ravin,  sur  une  longueur  de  près  de  2  kilomètres. 

Ensuite  le  torrent,  qui  jusque-là  descendait  presque  directement 
du  nord  au  sud  en  suivant  la  ligne  de  plus  grande  pente  de  la  mon- 
tagne, tourne  brusquement  vers  l'est,  encaissé  dans  un  lit  profond 
de  8  mètres  environ,  creusé  dans  des  dépôts  anciens.  Que  le  canal, 
large  de  25  mètres,  vienne  à  se  boucher  par  suite  de  l'arrêt  dun  gros 
bloc,  et  le  torrent  se  dirigera  en  ligne  droite  sur  les  cultures  et  le 
village  de  Faucon,  qui,  protégés  seulement  par  une  faible  digue,  se 
Irouvent  ainsi  toujours  menacés. 

Enlin  le  torrent  vient  s'étendre  sur  son  cône  de  déjections  pour 
tomber  ensuite  dans  l'I'liaye,  à  4  kilomètres  en  amont  de  Barcelon- 
nette. 

Ce  cône  de  déjections  forme  un  immense  triangle  de  1,800  mè- 
tres de  base  et  de  1,400  mètres  de  hauteur,  soit  dune  surface  de 
130  hectares  environ,  sur  laquelle  sont  bâtis  le  village  de  Faucon  et 
le  hameau  du  Chastelaret:  fiO  hectares  environ  sont  à  l'état  de  gra- 
viers incultes;  le  reste  consiste  en  champs,  en  px'és,  en  oseraies  qui 
forment  la  plus  grande  partie  du  territoire  cultivable  de  la  com- 
mune. 

La  route  nationale  n°  100  traverse  ce  cône  sur  une  longueur  de 
plus  d'un  kilomètre  et  se  trouve  recouvei'te  de  déjections  à  chaque 
orage,  ce  qui  rend  la  circulation  très  difficile  et  les  réparations  très 
coûteuses. 


m 


La  grandeur  de  ce  cône  de  déjections  montre  combien  le  torrent 
a  dû  être  terrible  jadis;  mais  il  faut  sans  doute  remonter  bien  loin 


401  RKBOKSKMKXT   DHS    MONTAGNES. 

pour  se  rcportor  à  l'ôpoquo  où  ces  Ijivps  fnnuidahlos  sont  descen- 
dues, et  c'est  probablement  pendant  les  temps  anlé-bistoriques  que 
se  sont  formées  ces  vastes  déjections,  sur  lesquelles  est  bâti  le  village 
de  Faucon,  alors  que  la  période  placiaire  finissant,  la  nature  n'avait 
pas  encore  i>u  boiser  les  vastes  terrains  oîi  le  torrent  prend  nais- 
sance. 

Mais  si  Ton  revient  à  des  temps  plus  récents,  tout  parait  démon- 
trer que  le  toiTent  a  traversé  une  longue  période  de  calme  et  n'est 
rentré  dans  sa  pliasc  de  grande  activité  que  depuis  peu  d'années. 
Ce  n'est  pas,  en  etFet,  un  endi'oK  aussi  dangereux  qu'on  eût  choisi 
pour  construire  les  maisons  de  Faucon  et  du  Chastelaret,  (pii  sont 
aujourd'hui  directement  menacées  par  le  torrent  et  peuvent  d'un  jour 
à  l'autre  être  englouties  sous  la  lave. 

Du  reste,  les  habitants  gardent  encore  le  souvenir  de  ce  qui  se 
passait  il  y  a  peu  de  temps  dans  la  commune.  Il  y  a  cinquante  années 
H  peine,  disent-ils,  ce  torrent,  maintenant  si  redoutable,  était  pres- 
que inoll'ensif.  Jamais  lave  ne  descendait  de  la  montagne.  Le  torrent 
débitait  des  eaux  claires  dans  un  lit  étroit,  situé  à  gauche  de  celui 
qu'il  suit  maintenant.  Jamais  il  ne  divaguait,  et,  pour  garantir  les 
cliaiiiiis  ([iii  s'étendaient  sur  ses  rives,  les  digues  étaient  inutiles:  on 
se  contentait  d(>  rejeter  les  gros  matériaux  sur  les  bords  du  cours 
d'eau  pour  garantir  les  propriétés  A'oisines. 

Depuis,  les  crues  sont  devenues  de  plus  en  plus  l'réquentes,  les  cul- 
tures riveraines  ont  été  ensevelies  sous  les  déjections,  et  ce  qui  jadis 
était  riche  et  fertile  n'est  plus  que  graviers  stériles.  De  hautes  digues 
situt  à  peine  suffisantes  pour  garantir  les  quelques  champs  qui  jus- 
qu'ici ont  échappé  au  désastre  cl  se  trouvLMil  de  plus  en  plus  me- 
nacés. 

Comment  expliquer  cette  i'epi'is(>  dans  l'activité  d'un  ton'ent  jadis 
terrible,  mais  éteint  ile|iiiis  de  lont^s  siècles,  sinon  par  la  disparition 
toujours  croissante  de  la  végétation  forestière  d'abord,  herbacée 
ensuite,  dans  son  bassin  de  réception?  Les  habitants  ne  se  sont  pas 
contentés  en  elfel  de  détruire  les  anti({ues  forêts  qui  jadis  s'étendaient 
sur  toute  la  nH)ntagne.  Ils  ont  luiné  les  pâturages  qui  leur  avaient 
survécu,  qui  pouvaient  eiicine  suffire  pour  empêcher  le  mal,  mais 
(jui  .seraient  absolument  insuffisants  à  l'arrêter  aujourd'hui.  La  dent 
et  le  pied  des  moutons  conduits  en  nondue  énorme  ont  fait  tout 
disparaître  et  l'on  ne  retrouve  plus  maintenant  que  pierres  et  terres 
dénudées,  là  où  jadis  se  trouvaient  de  beaux  i)àturages. 


NOTE  SUR  LE  TORRENT  DE  FAUCON.      405 


IV 


(lY'Iaii  un  (liiiiiiiiclic,  le  II!  jinùl  iSTli;  l,i  iiiatiuiM'  avait  rlr  supprlic 
cl  le  ciel  d'uiu^  {JUivLé  r('iiiar([iial)lo,  mali^ré  los  oragos  des  jours  pré- 
d'clonls.  Mais,  th"'s  midi,  les  iiuaijes  coiiinionccnt  à  so  inonlror  à 
l'hoi'izun  ;  ils  s'anioiu'L'Ilonl  rapidrincnt  dans  la  i)ai'tio  liante  de  la 
vallée  ciilro  .laiisicrs  et  la  (^ondamiiic.  CcpoiidanL  la  chaleur  fsl  acca- 
blante et  pas  un  snuftle  de  vent  n'a.iiite  l'air.  Vers  2  heures,  les 
nuages  deviennent  plus  épais  et  preanenL  une  teinte  d'un  uuir  jau- 
nâtre caractéristique:  ils  cachent  les  montagnes  de  Jausiers,  et  leur 
masse  sondire  s'avance  rapidement,  en  suivant  la  crête  des  Sanières. 
Aussitôt  l'orage  éclate  avec  furie;  les  éclairs  sillonnent  le  ciel,  le  ton- 
nerre gronde  et  le  vent  s'élève,  entraînant  avec  lui  l'orage  qui  vient 
s'abattre  au-dessus  de  Faucon.  On  ne  voit  plus  la  montagne  de  ce 
côté.  Il  est  3  heures,  et,  tandis  (pi'il  ne  tombe  que  quelques  gouttes 
d'eau  dans  la  vallée,  tandis  que  le  ciel  reste  sei'ein  vers  le  sud,  du 
côté  d'Euchastrayes,  tout  semble  indiquer  que  la  pluie  tombe  avec 
une  extrême  violence  dans  la  montagne. 

A3  heures  et  demie,  toutestfmi  de  ce  côté:  l'orage  a  suivi,  comme 
d'ordinaire,  la  ligne  de  faîte  nord  de  la  vallée,  et,  descendant  tou- 
jours, il  ton^be  avec  furie  à  la  Bérarde,aux  Thuiles,  et  ne  se  termine 
qu'en  aval  d'Ubaye,  en  arrivant  sur  la  Durance. 


J'avais  quitté  Barcclonnelte  à  2  heures  et  demie,  au  moment  où 
rt)rage  arrivait  sur  le  bassin  de  réception  du  torrent  de  Faucon.  11 
tombait  quelques  gouttes  d'eau  seulement  dans  la  vallée;  mais  tout 
faisait  présumer  que  la  pluie  était  d'une  violence  extrême  dans  la 
montagne.  Arrivé  à  Faucon,  je  monte  sur  le  cône  de  déjection. 
L'orage  avait  cessé  dans  le  bassin  de  réception  et  déjà  l'on  aperce- 
vait la  cime  des  hiontagnes  légèrementblanchie  par  la  grêle.  (^c|ien- 
danl  j'avance  toujours  et,  arrivé  au  sommet  du  cône,  au  goulot  du 
torrent,  j'aperçois  une  lave  formidable  qui  descend  majestueusement 
la  montagne. 

A  mes  pieds,  le  lit  du  torrent,  profond  de  8  mètres  environ  et 
large  de  2.')  mètres,  est  presque  à  sec,  malgré  l'orage.  Mais  regar- 
dant en  amont,  dans  la  direction  des  chutes  qui  se  trouvent  en  cet 
endroit,  je  vois  une  immense  masse  noire  qui  s'avance  comme  un 


40U 


Il !•: H ()  1 8 !•: M !•: x t  i ) !•: s  .m o n t a ( v n e s. 


mur  pI  presque  sans  l)ruit,  dosroudant  le  lit  du  toiTenl.  Celait  la 
lave  qui  venait  de  la  montacne  ,  l't  (|ii"il  m'élait  donné  d'ohserver 
dans  toute  son  inlensilé. 

Cette  lave,  qui  coulait  rapidonicnl  quand  la  |MMile  du  torrent  était 
forte,  arrive  bientôt  à  mes  pieds,  descendant  sur  une  pente  de  12 
fiour  100  tout  au  plus.  Sa  vitesse  est  aussitôl  ralentie,  et  hienlôt  elle 
n'est  plus  (jue  de  1™,."J0  par  seconde. 

(l'est  un  amalgame  de  terre  et  de  lilors  de  toutes  grosseurs,  ayant 
à  peine  la  lluidilé  du  béton.  En  avant,  à  nujitié  prise  dans  cette  boue 
très  épaisse,  une  avant-g'arde  de  gros  blocs  cubant  parfois  jusqu'à 
5  et  fi  métrés  semble  poussée  par  la  lave.  Ces  rocbers,  qui  sont 
entraînés  pendant  quelques  minutes,  sont  engloutis  dans  le  chaos  qui 
les  suit  dès  qu'ils  trouvent  un  obstacle  qui  les  arrête.  Us  sont  alors 
remplacés  par  d'autres  qui  sont  poussés  et  bientôt  engloutis  à  leur 
t(uir. 


Fis.  83. 


l'rotil  en  lonir  «le  la   Lave  avec  blocs  eu  avant. 


a.  h.  l'rofil  du  torrent. 
r.  '/.  l'rofil  de  la  lave. 


p.  Blocs  en  avant. 

/".  Hlocs  plonges  dans  la  lave. 


Toute  cette  masse  n'est  point  animée  d'une  vitesse  uniforme. 
Tantôt  le  mouvement  est  assez  i-apide,  tantôt  il  est  au  contraire 
extrénit'nn'nl  lent,  et  à  certains  moments  même  tout  semble  immo- 
bile. .\u  moindre  obstacle,  les  blocs  qui  sont  en  avant,  trouvant  une 
résistance  à  vaincre,  par  suite  «b;  linéiralilé  du  lit  ou  d'une  diminu- 
tion de  la  pente,  s'arrêtent  brusquement.  S'ils  forment  une  masse 
suflisante,  tous  les  matériaux  qui  suivent  immédialemeni  sont  arrêtés 
|iar  ces  barrages  momentanés.  Cependant  le  courant  pousse  toujours 
et  le  niveau  de  la  lave  peut  alors  s'élevi-r  à  une  grande  hauteur 
'juscpi'à  7  mètres  au-dessus  du  l'oml  du  lit).  .Mais  bientôt  les  maté- 
riaux franchissent  l'obstacle  qui  les  arrêtait,  soit  cju  ils  aient  (tassé 
par-dessus,  soit  qu'ils  l'aient  fait  céder  à  la  pression  formidable  qu'il 
su|iporlail.  .\lors  la  vitesse  s'accélère  de  nouveau  et  toute  la  masse 
se  ri'tnel  l'u  mouvement  [loiu'  s'airêler  encore. 


NOTE  SUR  LE  TORRENT  DE  FAUCON. 


407 


Une  l'ois  r;iv;iiil-,y;ii'ilo  do  i^vos  lilocs  piissrc,  l;i  hivc  (Icscciid  hî 
Ccinal  avec  une  vitesse  assez  i'éfj;iilièi'e.  C-'esl  une  masse  de  couleuf 
noire,  à  peine  lluide  ;  sa  surface  semble  uniquement  formée  de  terre 
mélangée  d'eau  et  présente  très  peu  do  saillies  extérieures,  malfrré 
les  matériaux  énormes  qu'elle  renferme  ;  on  dirait  un  lleuve  de  houe, 
(le  n'est  (pie  p;ir  nu)ments  que  les  gros  l)locs  signalent  leur  présence 
au  milieu  île  celte  lave  et  se  dressent  un   instant  rnnnne  des  tours 


Fifr.  81.  —  Profil  en  Ions  d"  1<1  Lave  avec  Barrai^e  momentané. 


a,  b.  Profil  du  lit  du  torrent, 
c,  (I.  Profil  de  la  lave. 


e.  Blocs  en  avant  formant  barrage. 

f.  Blocs  plongés  dans  la  lave. 


au-dessus  du  flux  boueux  pour  s'y  engloutir  bientôt  après,  alors 
qu'ils  ont  franchi  l'obstacle  qui  les  forçait  de  s'élever  ainsi  par-dessus 
la  lave. 

Cette  lave  descendait  ainsi  avec  une  liaiilcur  movenne  de  imi'tres; 


l'^iir.  Hri.  —  Blocs  .s'élevant  an-(less\is  de  la  I,avp. 

sou  prolil  en  long  était  en  général  jiaralléle  au  lit  du  lurrent:  elle 
s'élevait  seulement  quand  elle  rencontrait  un  obstacle  momentané. 
Le  pi'ofil  en  travers  était  toujours  très  convexe  voj-s  le  ciel,  quand  la 
lave  montait,  et  légèrement  concave,  (piand  elle  diminuait.  Cette 
forme  s'exjilique  facilement  par  le  frottement  ou  l'adhérenoe  qu'é- 
prouve la  lave  au  contact  des  berges  du  torrent  quand  son  niveau 
monte  ou  descend. 


4U8 


REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


C'est  ainsi  que  lu  lave  ('-paisse  dcscenrlit  pendant  vingt  minutes 
environ.  On  n'entendait  presque  aucun  ])ruit,  seuleincnl,  do  temps 


Fig.  86.  —  rrcilil  en  travers. 
Lave  montante. 


Fig.  87.    —  l'rolil  en  travers. 
Lave  descendante. 


en  temps,  le  son  strident  d'un  rocber  frottant  coiitic  la  lieriro   ou 
contre  un  autre  rocher. 


Fig.  88.  —  Flux  d'eau  [iassaiil  sur  la  I.ave. 


a,  h.  Lave. 
c,  d.  Kau. 


p.  niocs  entraînés  par  l'eau. 
f.  Blocs  entraînés  par  la  lave. 


Cependant  celte  lave  devient  de  plus  en  plus  li(piiil('  et  dès  lors 
animée  d'une  vitesse  toujours  croissante,    lîieulùl  Iciiu   arrive  en 

^^li!i.^^'^^^J^^i,l^■j^j^j^.J'l^^^_ll_^j^^lj,. 


Fig.  89.  —  Flux  d'eau  avec  Idocs  passant  sur  la  Lave. 

iL'rande  aliondancc;  clic  roule  comme  mi  ruisseau  l'uiieiiN  sur  la  lave 
qui  elle-même  marciie  encore  lentement.  Alors  le  Itruit  commence; 
l'eau,  arrivant  avec  une  jurande  force,  forme  des   lames  (pii   allei- 


NOTIO   sru   LK   ToIlKHNT   ])K   FAUC()N. 


iO!) 


gnenl  jusqu'à  2  iiirtros  de  liauleur  cl  avancent  avec  le  courant 
qu'elles  suivent.  Klles  entraînent  ainsi  des  blues  assez  gros  qui  sou- 
vent paraissent  à  la  surface,  s'entre-clioqucnt  sans  cesse  et  font  un 
épouvantable  fraciis.  Mais  l'eau  rejoint  bientôt  la  lave  éj»aisse  qui 
est  en  avant  el  lui  donne  une  nouvelle  poussée. 

Enfin,  quand  tout  est  btilayé  par  devant,  l'eau  devient  [iresque 
claire.  Elle  coule  alors  par-dessus  la  lave  qui  restait  au  fond  du  lit, 
et,  devenue  atlouilhuite,  se  creuse  un  passage  au  milieu  des  débris. 

On  ne  voit  plus  alors  (pic  quelques  traces  des  matériaux  entraînés 
(pii  sont  restées  adliérentes  à  la  berge  et  témoignent  seules  de  la 
liauteur  à  laquelle  la  lave  est  nu)ntée.  l/eau  a  nriloyé  le  lil  du  tor- 
rent et  les  matériaux  ont  été  enti'alnés  plus  loin. 

Tel  est  le  phénomène  que  j'ai  observé  dans  le  canal  d'écoulement 
du  torrent.  Voyons  maintenant  ce  qui  s'est  produit  sur  le  cône  de 
déjections  proprcnicnt  dit,  où  j'ai  suivi  pas  à  pas  la  marche  de  la  lave. 

La  lave,  qui  se  trouvait  resserrée  dans  un  canal  pi'ofond,  trouve 
tout  à  coup  de  l'espace  pour 
s'étendre  sur  ce  grand  cône  de 
déjections.  Elle  s'épanouit  sur 
une  grande  largeur  avec  inie 
épaisseur  bien  moindre  et  di- 
minue par  conséquent  beaucoup 
de  vitesse.  Les  plus  gros  blocs, 
qui  se  trouvaient  cachés  dans 
la  lave,  touchent  maintenant  le 
fond  du  gravier  et  sont  peu  à 
peu  arrêtés,  tandis  que  quelques-uns,  plus  petits,  continuoiil  Icui' 
marche  en  loin'uant  et  se  montrent  de  temps  en  temps  au-dessus  de 
la  boue.  QueUjuefois  des  blocs  d'assez  grandes  dimensions  sont  sou- 
levés, au-dessus  de  la  lave;  souvent  on  les  voit  tlotter  quelque  temps 
sur  elle,  nageant  comme  des  morceaux  de  bois. 

Sur  certains  points,  au  monu^mt  de  la  plus  grande  hauteur  de  la 
lave,  une  digue  située  sur  la  rive  droite  est  franchie  par  une  boue 
heureusement  très  épaisse  et  à  peine  fluide;  sur  d'autres  points, 
la  digue  suffit  à  les  arrêter  et  l'épaisseur  de  la  boue  est  telle  qu'elle 
forme  un  bourrelet  de  tO  et  '20  centimètres  au-dessus  du  couron- 
nement de  celte  digue.  Pourtant  les  cultures  sont  très  menacées  par 
derrière.  Encore  quelques  instants  comme  cela,  et  le  torrent  va  en- 
vahir les  champs.  Heureusement  l'eau  arrive  à  temps  et,  se  creusant 
un  passage  au  milieu  de  la  lave,  elle  coule  en  ligne  droite  et  fait 
baisser  le  niveau  de  cette  boue.  Les  champs  sont  sauvés. 

Poussée  par  derrière,  la  lave  continue  de  marcher  tantôt  en  ligne 


Fig-.  90.  —  Profil  en  travers  de  TEau 
passant  sur  la  Lave. 


410  RKHOISHMENT   I)  K  S   MONTAGXKS. 


droite,  tantôt  par  côté,  sur  la  pente  du  cône.  Elle  forme  des  bour- 
souflures, s'arrête  sur  certains  points  pour  divaguer  ailleurs.  Puis 
elle  arrive  dans  une  oseraio  naturelle  ;  lîi,  elle  marche  sur  une  hau- 
teur de  2  mt'tres  et  une  larf>-eur  de  40  mitres  environ,  mais  avec 
imr  vitesse  très  faible  (30  centimètres  par  seconde).  Les  arbres  les 
[ilus  faibles  sont  renversés  par  terre  dès  qu'ils  sont  atteints  par  cette 
masse  noire  :  ils  disparaissent  engloutis  dans  la  boue;  les  plus  forts 
résistent  et  sont  seulement  ébranlés  par  le  choc  des  blocs  qui  vien- 
nent se  heurter  contre  leur  pied. 

La  vitesse  de  la  boue  devient  de  plus  en  plus  faible  et  elle  n'aurait 
point  tardé  à  s'arrêter  complètement,  quand  l'eau  arrive  avec  un 
bruit  éfiouvantable  et  une  vitesse  de  3  à  4  mètres  par  seconde.  Elle 
domine  la  lave  étendue  en  grande  nappe  sur  le  cône,  forme  des  va- 
gues de  1  mètre  de  hauteur  au  moins  et  entraine  souvent  des  blocs 
d'assez  grandes  dimensions,  coulant  prcs(jue  toujours  en  ligne  droite 
et  se  creusant  bientôt  un  canal  dans  la  boue  qu'elle  affouille. 

Elle  arrive  bicnLôl  à  la  passerelle  de  la  l'oute  nationale,  qui  n'a 
({u'im  faible  débouché. Pendant  un  instant,  toute  l'eau  passe  dessous; 
mais  bientôt  cette  eau  s'épaissit  de  nouveau,  entraîne  de  gros  blocs 
qui  sont  arrêtés  sous  le  pont,  sans  qu'on  les  ait  vus  arriver.  Le  ni- 
veau augmcnle  immédiatement  el,  en  un  instant,  toute  l'eau,  rede- 
venue lave,  passe  sur  la  route,  enlève  la  main  courante  de  la  passe- 
relle et  continue  son  chemin  jusqu'il  l'Ubaye.  Enfin,  elle  redevient 
de  plus  en  plus  claire,  se  creuse  un  nouveau  lit  dans  la  lave  et  tout 
reprend  son  cours  habituel. 

Telle  est  la  descri(»tion  de  ce  que  j'ai  observé  dans  le  canal  et  sur 
le  cône  de  déjections  du  torrent.  Voyons  maintenant  ce  qui  se  pas- 
sait pendant  ce  temps  dans  le  bassin  de  réception  : 

Il  résulte  d'observations  faites  avec  des  pluviomètres  situés  à  di- 
verses altitudes  dans  le  bassin  de  réception  du  torrent  de  Faucon 
qu'il  est  tontbé  beaucoup  plus  d'eau  dans  la  région  supérieure  que 
dans  la  partie  inférieure. 

L'eau  tombant  sur  la  partie  une  du  Itassiii  de  réception  a  dû  s'é- 
couler presque  toute  et  une  très  faible  partie  seulement  être  absorbée 
parle  sol.  Elle  a  entraîné  toutes  les  pierres  qui  se  trouvaient  dans 
toute  la  région  sujtérieure,  il  n'a  coulé  que  de  l'eau  avec  un  certain 
nombre  de  pierrailles  et  une  grande  quantité  de  sable,  comme  l'ont 
démontré  les  amas  de  gravier  qu'on  y  lencontre.  La  lave  n'était  pas 
encore  formée,  et  c'est  plus  bas  seulement,  dans  les  terres  noires, 
qu'elle  s'est  constituée.  L'eau,  descendant  avec  une  extrême  rapidité 
dans  ces  terrains  sans  consistance,  entraînait  tout  ce  qu'elle  trouvait 
sm-  son  passage,  Inre  et  blocs.  De  nomlireiix  glissements  se   sont 


NOTE  SLR  LE  TORREXT  DE  FAUCON.      411 


produits,  donnant  an  torront  dos  milliers  de  mètres  cubes  de  terre 
sèche  qui,  mélangés  avec  un  peu  d'eau  et  poussés  par  la  pression 
de  derrière,  se  sont  mis  alors  en  mouvement  et,  une  fois  arrivés  en 
bas,  ont  donné  naissance  au  phénomène  que  nous  avons  décrit. 

Ce  qui  prouve  que  hi  lave  provenait  en  majeui-e  partie  île  in.ilé- 
riaux  pris  dans  la  réirion  inierieure,  c'est  qu'elle  était  complètenient 
noire  et  qu'on  n'y  rencontrait  point  de  terre  jaunâtre. 

Ce  qui  prouve  qu'elle  a  eu  pour  cause  la  grande  quantité  d'eau 
tombée  dans  la  région  supérieure,  c'est  qu'un  des  affluents  du  tor- 
rent de  Faucon,  le  ravin  de  Bouzoulières,  qui  prend  sa  source  à. 
1,700  mètres  d'altitude  seulement,  n'a  donné  que  des  eaux  claires, 
malgré  l'état  assez  ruiné  de  ses  berges  et  de  son  bassin  de  réception. 

Il  est  un  fait  facile  à  constater,  c'est  que,  plus  il  y  a  longtemps 
qu'un  torrent  n'a  pas  donné  de  lave,  plus  terrible  il  sera  au  jour 
d'orage.  On  peut  expliquer  cela,  en  songeant  que  tous  les  matériaux 
descendus  des  berges  ou  entraînés  d'en  haut  par  les  petites  crues  se 
trouvent  accumulés  pendant  plusieurs  années  dans  le  lit  du  torrent, 
qui  se  trouve  alors  rempli  de  blocs  et  de  pierrailles  qui  sont  entraînés 
en  masse  au  premier  grand  orage. 

C'est  précisément  le  cas  dans  le  torrent  qui  nous  occupe.  Depuis 
1868,  aucune  grande  lave  n'était  descendue  de  ce  torrent.  Son  lit  et 
.ses  berges  se  trouvaient  garnis  de  matériaux  instables  qui  n'avaient 
point  encore  pu  être  fixés  par  la  végétation  à  laquelle  il  faut  néces- 
sairement un  temps  de  calme  beaucoup  plus  long  pour  s'installer, 
surtout  dans  un  climat  aussi  froid  et  aussi  sec  que  celui  des  Basses- 
.\lpes. 

Après  l'orage,  au  contraire,  le  lit  du  torrent  a  été  complètement 
nettoyé.  Tous  les  matériaux  qui,  avant  la  crue,  encombraient  le 
thalweg  ont  disparu  et  sont  allés  sur  le  cône  de  déjections.  Et  l'on 
peut  affirmer  que  si  un  second  orage  était  venu  après  celui  du 
13  août,  quelle  qu'eût  été  la  force  de  la  pluie,  les  matériaux  seraient 
descendus  en  beaucoup  moindre  quantité. 

La  lave  épanouie  sur  le  cône  était  molle  au  début,  et  l'on  ne  pou- 
vait s'y  promener  sans  enfoncer.  Mais  après  quelques  jours  elle  s'est 
durcie  et  est  devenue  comme  un  bon  mortier  qui  aurait  fait  pi'ise. 

Elle  s'est  alors  abaissée  de  j  environ  de  sa  hauteur,  et  les  gros 
matériaux  qu'on  n'y  voyait  point  au  début  sortent  maintenant  sur 
beaucoup  de  points,  ce  qui  nous  a  permis  de  nous  rendre  compte  de 
leurs  dimensions  souvent  formidables. 

En  amont  de  la  route  nationale,  au  milieu  de  la  lave  épaisse  qui 
commençait  à  s'épanouir  sur  le  cône,  se  sont  arrêtés  les  premiers 
gros  blocs.  On  en  rencontre  qui  cubent  jusqu'à  15  mètres  ;  la  moyenne 


412  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 

varie  de  1  à  4  métros  cultes  environ  et  l'on  ne  trouve  en  cet 
endroit  aucun  triage  de  matériaux.  C'est  le  transport  cliaoliciue  vé- 
rilalile. 

I^lus  lias,  l'eau  a  dépassé  la  lave  épaisse,  qui  en  est  devenue  beau- 
coup plus  iluide.  On  commence  alors  à  trouver  un  certain  triage 
dans  les  matéiiaux.  Deux  ou  trois  gros  blocs  de  4  et  o  mètres  cubes 
se  sont  arrêtés  sous  la  passerelle  de  la  route  ;  les  autres  matériaux, 
qui  étaient  plus  petits,  sont  entraînés  plus  bas.  Ce  sont  au  maximum 
des  blocs  (le  I  métré  cube.  Plus  bas  encore,  on  ne  rencontre  plus  (jue 
des  pierres  de  o  décimètres  cubes,  et  enfin  il  n'y  a  plus  que  des  ma- 
tériaux de  3  et  îi  décimètres  qui  ont  pu  être  cntrainés  jusque  dans 
l'Ubaye.  C'est  qu'en  cet  endroit  la  lave  était  très  liquide,  et  les  ma- 
tériaux déposés  suivaient  alors  la  plupart  des  lois  qu'on  observe  dans 
le  triage  fait  par  les  rivières;  le  transport  chaotique  ne  jouait  plus 
({u'irn  l'Ole  secondaire. 


VI 


Un  fait  très  curieux  pendant  l'orage  du  13  août,  c'est  que,  tandis 
qu'il  avait  éclaté  avec  presque  autant  de  force  au  Bourget  et  aux 
Sanières  qu'à  Faucon,  il  est  descendu  une  petite  lave  aux  Sanièrcs 
et  aucune  au  Bourget,  où  l'eau  est  demeurée  claire  ;  le  torrent  n'a 
même  point  atterri  les  grands  barrages  de  1875. 

Kt  cependant  les  bassins  de  réception  des  deux  torrents  étaient 
conligus;  autrefois,  quand  un  de  ces  torrents  donnait  naissance  à  mu- 
lave,  il  en  était  toujours  de  même  dans  les  deux  autres  (témoin  1808). 

Ce  n'est  donc  qu'aux  travaux  faits  dans  les  torrents  du  Bourget  et 
des  Sanières  qu'il  faut  attribuer  ce  résultat.  C'est  qu'en  ellet  ces 
torrents  sont  presque  complètenn-nt  traités.  Tous  les  irrands  bar- 
rages y  sont  terminés;  le  bassin  de  réception  est  entièrement  [liante, 
et  la  pluitart  des  ravins  secondaires  sont  également  barrés.  Il  n'y 
a  plus  dès  lors  de  lave  possible  et  l'on  peut  afiirmer  (pie,  cpudle  que 
soit  la  violence  d'un  orage,  il  ne  pourra  plus  donnri'  naissance  i'i  des 
pliénomèues  torrentiels  comiiih'  ei'iix  de  !,S(i8. 


Vil 


Les  quantités  d'eau  tombée  dans  le  torrent  de  Faucon,  ainsi  qu'il 
résulte  des  pluviomètres  qu'on  y  avait  établis,  ont  été  les  suivantes  : 


NOTE  SUR  LE  TORRENT  DE  FAUCON. 


413 


N'o  1.  A  1.200  mètres  d'altitude 13"".6 

N»  2.  A  1,800  —  15    ,4 

N°  3.  A  2.300  —  12     ,2 

Coeflicient 
Eau  toinbi?e.  dVcoulement  >. 

9 
N"  1.  42.200  mètres  cubes,  — pp 

N»  2.  21.610  —  — ii- 

10 

N»  3.  25.200  —  — i_ 

10 

92.010   mètres  cubes. 


Surface  200  hectares. 

—  160        — 

—  100        — 


Eau  écoultfe. 
37,980  mètres  cubes, 
12.320  — 

15,040  — 


65,310  mètres  cubes. 


11  est  donc  descendu  environ  65,000  mètres  cubes  d'eau. 
Or  il  résulte  d'un  calcul   approximatif  ^  qu'il  est  descendu  une 
lave  d'environ  234,000  mètres  cubes,  soit  : 

169,000  mètres  cubes  de  matériaux  solides, 
65,000  mètres  cubes  d'eau  pure, 

soit  }  d'eau  et  4  d'-"  matériaux. 

Or  il  est  resté  sur  le  cùne  de  déjections  environ  110,000  mètres 
cubes  de  matériaux  ^  ;  il  on  est  donc  descendu  dans  ITltaye  60,000 
environ. 

Si  l'on  songe  que  le  bassin  de  réception  du  torrent  est  de  460  hec- 
tares environ,  il  en  résulte  que  les  169,001)  mètres  cubes  de  matière 
solide  descendus  représentent  une  couche  uniforme  de  ;<T  millimètres 
environ. 

On  peut  en  conclure  combien  peu  de  temps  il  faudrait  maintenant 
pour  que  toute  la  montagne  fût  emportée,  et  combien  grands  pour 
les  régions  basses  seraient  les  désastres,  si  l'on  n'y  portait  bientôt 
remède. 


1,  —  C'est-à-dire  rapport  de  l'eau  tombée  a  l'eau  qui  n'a  pas  été  absorbée  par  le 
sol,  qui  a  par  conséquent  coulé  par  le  torrent. 

2,  —  Le  calcul  a  été  fait  comme  il  suit  :  surface  du  goulot  du  torrent  :  130  mètres 
carrés.  —  Vitesse  de  la  lave  :  i™,5.  —  Temps  de  l'écoulement  :  20  minutes.  —  Vo- 
lume de  la  lave  :  130  X  15  x  20  x  60  =  234,000  mètres  cubes. 

3,  —  Résultat  du  cubage  direct  par  les  prodls  en  travers. 


411  REBOISEMENT  DES  iMONTAGNES. 


NOTE    B 

(Citée  aux  paj^es  75  et  112.) 


Observations  sur  le  grand  Éboiilement  et    les  Laves  qui  ont  eu  lieu 
dans  le  Torrent  de  Riou-Chanal  i Basses-Alpes  ,  en  1873  et  1876. 

[de  (Uuiffiev,  PI.  .3.) 

Le  lorrenl  de  Riou-Chunal,  silin'  sur  li;  territoire  de  la  euinimiiie 
d'Uvernet,  arrondissement  de  Harcelonnette,  est  un  torrent  composé 
<{ui  se  jette  dans  le  grand  torrent  du  Bachelard,à  2  kilomètres  en  amont 
de  son  confluent  avec  l'Ulfaye,  aftlnent  de  la  Diirance.  Son  origine 
est  située  à  2,682  mètres  d'altitude  et  son  ecjnlluent  dans  le  Hariie- 
iard  à  1,180  mètres,  soit  une  dill'éience  de  niveau  de  1,.J02  mètres, 
[tour  un  parcours  de  4  kilomètres  en  projection  horizontale,  ce  qui 
détermine  une  pente  moyenne  de  37  centimètres  par  mètre. 

Le  périmètre  de  reboisement,  déclaré  en  1803  d'utilité  puliliciiic 
en  vue  de  l'exlim^tion  de  ce  redoutable  torrent,  comprend  d'anciennes 
propriétés  particulières  qui,  expro|iriées  en  18(i(),  renfermair'nt  des 
parcelles  occupées  par  une  belle  |irairic  fauchable  entourée  de  tous 
côtés  par  des  terres  noires  à  pentes  exce.ssives  et  fortement  ravinées. 

Le  sol  de  ces  prairies  est  formé  par  un  immense  amas  de  débris 
des  roches  su|>érienres  (le  llysh^  mêlés  à  des  déiritus  de  terres  noires 
et  à  d'anciennes  Ixmes  glaciaires. 

Pendant  la  période  de  18<)7  à  1872,  tous  les  ravins  environnants 
avaient  fait  l'objet  de  travaux  de  correction:  leurs  ])ergcs  avaient 
été  recouvertes  de  végétation,  la  prairie  elle-nn'-me  avait  été  plantée 
de  mélèzes  convenablement  espacés,  et  l'on  pouvait  espérer  (pi'au 
bout  de  peu  d'années  l'une  des  prinriitales  sources  de  déjections  du 
torrent  serait  supprimée. 

Mais,  dans  l'hiver  de  1872  à  1873,  cette  partie  du  périnn-tre,  en 
forme  de  cirque  ou  de  grande  combe,  se  trouva,  ;i  la  suite  de  neiges 
tout  à  fait  extraordinaires,  totalement  remplie,  à  tel  point  que,  mal- 


ÉBOULKMHNTS   DU    TC)RR1:;NT   JjK    RIO  L" -CH  AN  AL.    Ho 


gré  sa  profondeur,  l.i  coiiibo  ne  pivsonlait  plus  aucune  dénivollatiun 
et  ollVail  l'aspect  d'un  plan  incliné  unilornie. 

Dans  les  premiers  jours  de  juin  1873,  les  venls  chauds  commen- 
cèrent la  fonte  de  cet  immense  amas  de  neige,  qui  eut  pour  résultat 
de  saturer  le  sous-sol  non  stratilié  et  de  le  réduire  à  l'état  de  boue. 
A  la  suite  de  ce  ramollissement,  il  se  produisit  un  immense  effon- 
drement, du  au  glissement  des  houes  sur  le  plan  très  incliné  que 
détermine  la  roche  imperméable  composée  de  marnes  noires  du 
lias,  et  représenté  par  la  figure  01. 

Aussitôt  qu'il  fut  possible  d"y  pénéti'er  sans  danger,  on  commença 
par  assécher  les  boues  demeurées  à  l'aval  de  la  condie  en  ouvrant 
une  série  de  boyaux  d'écoulement  pour  les  eaux,  et  à  l'automne  on 
planta  leur  surface  avec  des  myriades  de  fortes  boutures  de  saule; 
en  1874,  au  retour  de  la  belle  saison,  on  construisit  à  l'aval  de  la 
combe,  à  son  goulot,  un  fort  barrage  en  maçonnerie  mixte  avec 
contre-barrage  i^marqués  sur  la  même  figure),  dans  le  but  d'empê- 
cher tout  creusement  du  lit  à  ce  goulot,  de  conserver  ainsi  dans  le 
sein  de  la  montagne  les  immenses  débris  situés  à  son  amont  et 
d'empêcher  une  débâcle  qui  aurait  pu  compromettre  l'existence 
même  du  village  d'Uvernet,  situé  au  débouché  du  torrent,  sur  son 
cône  de  déjections. 

L'emplacement  de  ce  barrage  était  très  favorable,  car  il  s'appuyait 
de  tous  côtés  sur  la  roche  solide. 

Aucun  accident  ne  se  manifesta  pendant  les  années  1874  et  187o  ; 
mais,  en  1876,  à  la  suite  de  neiges  très  abondantes,  une  seconde 
débâcle  se  produisit,  sans  renouveler  cependant,  pour  le  village  et  les 
régions  inférieures,  les  dangers  qu'avait  provoqués  celle  de  1873. 

On  peut,  à  juste  raison,  attribuer  à  la  construction  du  barrage 
cet  heureux  résultat,  pour  l'appréciation  duquel  nous  donnons  ci- 
après  une  note  dressée  par  M.  Sardi,  garde  général  adjoint,  qui  a 
été  témoin  de  la  débâcle  et  en  a  noté  avec  un  soin  scrupuleux  toutes 
les  péripéties.  Cette  note  intéressante  fera  ressortir  le  rôle  des  bar- 
rages, l'importance  de  leur  construction  en  mortier  hydrauli(^ue,  au 
moins  sur  le  parement  d'aval,  et  la  force  de  résistance  qu'on  peut 
espérer  de  pareils  ouvrages. 


Observations  faites  le  12  Mai  1876.  sur  l'Éboulement  de  Riùu-Chanal, 
par  M.  Sardi,  Garde  général  adjoint  des  Forêts,  à  Barcelonnette. 

Le  vendredi  12  mai  1876,  l'éboulement  (jui  s'était  manifesté  en  1873, 
et  qui  paraissait  être  assis  définitivement,  a  repris  son  mouvement. 


416  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


Les  jours  précédents,  un  tassement  s'était  opéré  par  suite  de  la 
fonte  des  neiges,  mais  on  n'avait  constaté  aucun  symptôme  de  glisse- 
ment, qui  n'a  évidemment  commencé  que  lorsque  les  eaux,  après 
avoir  détrempé  et  saturé  les  terres,  sont  parvenues  à  la  roche  schis- 
teuse ardoisée,  dont  la  surface  plane  et  lisse  est  inclinée  à  plus  do 
1)0  degrés,  ainsi  ([u'on  le  voit  au  sommet  do  l'éboulcment  où  elle  se 
trouve  i\  lui. 

Parti  à  1  heure  de  Barc(;Ionnette,  je  n'arrive  que  vers  4  heures 
soulomenl  au  barrage,  à  cause  de  la  neige  qui  atteint  parfois  t™,20 
sur  tout  le  versant  (jui  entoure  l'écoulement.  Je  ne  songeais  point 
à  un  glissement,  je  voulais  seulement  observer  l'affaissement  signalé 
la  veille  par  le  brigadier  Allard,  et  m'assurer  du  ])on  état  du  bar- 
rage. Je  constate  immédiatement  :  que  les  terres  descendues  s'accu- 
nmlenl  en  face  d'un  plateau  gazonné,  qui  peut  être  envahi  si  les 
eaux  ne  parviennent  pas  à  déboucher  le  goulot  (|ui  se  trouve  obstrué  ; 
que  les  matériaux  en  mouvement  forment  une  masse  qui  surplombe 
le  barrage  sur  une  hauteur  de  (i  métrés;  que  le  profil  en  travers 
atteint  le  niveau  des  beiges,  et  que  le  haii'iige  présente  l'aspect  de 
la  figure  02. 

(4  heures.)  Les  pierres  de  taille  du  couronnement,  du  côté  de  la 
berge  droite,  s'ébranlent  surune  longueur  de  iJ  mètres  environ  ;  {-t^  ,"i") 
elles  font  une  saillie  do  10  centimètres  sur  la  maçomuMic  du  barrage, 
on  les  voit  se  relover  et  s'ouvrir;  (4''  tO"")  elles  tombent,  ainsi  qu'une 
partie  de  la  maçonnerie  qui  les  supporte,  laissant  à  découvert  un  bloc 
de  calcaire  dur,  cubant  au  moins  tO  mètres,  (jui  glisse  instantané- 
ment à  travers  la  brèche.  Ce  bloc,  accroché  par  une  de  ses  aspérités 
à  la  maçonnerie  du  couronnement,  avait  soulevé,  écarté  et  jeté  ces 
pierres  de  taille;  on  aval  du  barrage.  C'est  ainsi  que  s'est  produit 
leur  mouvement  et  qu'elles  ont  été  pour  ainsi  dire  arrachées  de  bas 
eu  haut  sans  que  la  voûte  ait  cédé  à  la  pression.  La  brèche,  peu 
haute,  prend  la  forme  iiuliquée  par  la  ligure  93. 

L'aile  gauche  résiste  bien;  la  masse  de  l'éboulcment  continue  à 
franchir  le  barrage  par  tranches  de  80  à  100  mètres  cubes  qui  se 
détachent  et,  tournant  autour  de  l'arête  du  couronnement  comme 
cliarnière,  tombent  en  entier  à  l'aval  du  barraire  ipii  disparait  com- 
plètemcMit  sous  leur  masse. 

La  ligure  '.)'t  indique  de  (luolbî  m  luière  s'opèrent  (;es  sortes  d'ar- 
rachements successifs. 

Les  terres  sont  d'abord  inclinées  à  150  pour  100  suivant  la  ligne  AB, 
[luis  [irennent  la  position  CI),  enlin  la  position  KF  au  moment  de  la 
iiiplure;  toute  la  masse  AI?KK  tombe  en  bloc,  suivant  la  forme  GH, 
dépasse  en  partie  le  contre-barrage  et  forme  le  nouveau   [)r()lil  en 


27 


418 


R  !•:  B  (  )  I S  E  iM  !•:  X  T   I)  E  S   M  0  N  T  A  G  N  E  S . 


lonp:  IK,  qui,  pondant  que  la  ligne  AB  roprcnd  la  position  EF,  sVcouh? 
lentomont.  IJo  i''  lii™  à  4^  35'",  ce  inoiivoniont  s'est  produit  doux  fois 
{lui'  intervalles  éfraux;  à  cette  heure,  je  suis  obiii:!'  d'allor  m'ahriter 


Fig.  92.   —  Aspect  de  la  Liive  sur  le  Barrage. 


Brnft 


Fitr.  93.  —  Hièche  ouverte  dans  le  Barrasre. 


Fig.  91.  —  Marche  de  la  Lave. 


à  la  baraque;  un  orage  éclate,  la  prêle  loniltc  en  abondance,  je 
crains  d'être  cerné,  A  îi  heures  et  demie,  je  retourne  au  barrage, 
dont  le  couronnement  s'aperçoit;  la  bruche  est  la  même,  le  barrage 


EBOULEMENTS  DU   TORRENT   DE   RIOU-CHANAL.     419 


résiste  adiniralilciiieiil  iiiHlgri'  lu  cliult'  de  lilocs  ciihunt  .■m  iiidiiis 
30  mètres,  dont  l'un  a  cassé  une  picrnule  taille  va\  deux  sans  élu'anler 
la  partie  restante.  A  0  heures  et  demie,  le  glissement  suit  toujours 
la  même  loi,  le  eontre-ljai-rage  est  intact.  Je  rentre  à  Barcelonnette. 
Samedi  13  mai,  7  heures  et  demie  du  matin  :  Le  profil  en  lonp'  s'est 
modifié  suivant  la  ligne  inn  de  la  ligure  O.'i.  Jusqu'à  midi  le  glisse- 
ment s'opère  tiès  rapidement;  le  prolil  à  cette  heure  est  à  peu  prés 
celui  de  la  ligne  op  (fig.  do).  Dans  cet  écoulement,  nous  avons  vu 
passer  successivement  sur  le  barrage,  qui  résiste  connue  la  veille, 
des  blocs  de  pierre  de  10,  20  et  30  mètres  cubes,  en   assez  grande 


-  r^^-^o^ 


Fi;?.  95.  —  Prolils  en  lonj;-  successifs. 


quantité,  et  un  bloc  de  glace  cubant  100  mètres  au  moins.  Tous 
ces  blocs  étaient  emportés  comme  des  plumes  par  les  laves  succes- 
sives qui  se  produisaient  au  fur  et  à  mesure  que  l'eau  détrempait 
les  terres.  Néanmoins  ils  se  sont  arrêtés  presque  tous  à  200  ou 
300  mètres  à  l'aval  du  barrage. 

A  o  heures  du  soir,  le  glissement  s'est  définitivement  arrêté. 

Pendant  quinze  joui's  environ,  il  a  été  impossible  de  pénétrer 
dans  rél)0ulement,  à  cause  des  boues  épaisses  mêlées  à  de  nombreux 
blocs  de  glace  qui  l'occupaient  sur  toute  son  étendue. 

Le  27  mai,  on  a  pu  commencer  les  premiers  travaux  de  saignée, 
en  vue  de  régulariser  l'écoulement  des  eaux;  le  profil  en  long  de 
l'éboulement  s'était  considérablement  modifié  et  présentait  l'aspect 
indiqué  par  la  ligne  s,  q,  p,  r  (fig.  9oj. 

Quant  au  barrage,  il  n'avait  subi  aucune  autre  avarie  que  celle 
constatée  le   12,  et  provenant   de  l'arrachement  causé  par  l'arête 


420  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


saillante  d'iiii  gros  bloc  qui  s'élail  accroclu'-  à  une  des  pierres  du 
couronnement  et  l'avait  soulevée. 

Le  oonlrc-l)arrage,  une  fois  débarrassé  des  déjections,  a  reparu 
absolument  intact- 

Nota.  —  On  a  réparé  en  1875  (août)  la  brèche  dont  il  s'agit,  moyennant  une  dé- 
pense de  890  francs,  qui  démontre  son  peu  d'iniportaucc. 


LK   TOllRKNT  DES   SANIKRKS.  421 


NOTE    C 

(Citée  aux  Pages  76  et  82.) 


Observations  faites  dans  le  Torrent  des  Sanières  (Basses- Alpes), 
pendant  l'Orage  du  8  août  1876. 

(Voir  la  Figure  96.) 
[De  Gayffier,  PI.  42.) 


Le  torrent  des  Sani(>res  est  un  des  plus  redoutables  qu'on  puisse 
rencontrer  dans  la  vallée  de  l'Ubaye,  arrondissement  de  Barcelon- 
nette,  car  il  menace  l'existence  des  deux  villages  de  Sanières  et  de 
Jausiers,  ainsi  que  des  riches  cultures  et  habitations  disséminées 
dans  la  vallée  et  sur  une  partie  de  son  cône. 

11  est  divisé  naturellement  en  trois  sections  séparées  les  unes  des 
autres  par  de  grandes  cascades  occupant  des  assises  de  roclies  très 
dures. 

Chacune  de  ces  sections  présente  un  caractère  spécial  d'a|)rès  lequel 
se  détermine  le  traitement  à  lui  faire  subir  en  vue  de  sa  correction. 

Dans  la  première  section  (l'inférieure),  les  grands  travaux  terminés 
dès  1875,  ont  consisté  en  la  construction  de  quatre  grands  barrages, 
dont  un  avec  contre-barrages;  les  ouvrages  portant  les  n^^  1  et  2  ont 
été  exécutés  en  1873  à  l'aval  des  barrages  n°s  3  et  4,  construits 
en  1874. 

La  deuxième  section  présente,  sur  toute  la  rive  gauche  et  le  fond 
du  thalweg,  la  roche  stratifiée,  qui  n'émerge  sur  la  rive  droite  qu'à 
certains  endroits  seulement,  tout  le  reste  de  cette  rive  étant  occupé 
par  des  terrains  en  mouvement. 

La  roche,  qui  appartient  k  l'étage  du  flysh,  se  compose  d'assises 
assez  régulières  plongeant  vers  le  nord-est,  tandis  que  le  torrent  suit 
une  direction  générale  du  nord-nord-ouest  au  sud-sud-est.  D'oîi  il 


422  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


résulta  ({110  Ips  eaux  ont  formé  un  lit  dont  la  luM-ye  gauclif  ost  tailléo 
pr('s(jiir  à  pic  dans  les  assises  rocliouscs,  tandis  (pic  la  ])('rg(;  droite 
pivsente  un  ])rolil  (^'vas('',  les  couelies  ayani  i^Hissé  les  unes  sui'  les 
autres  ;i  mesure  que  le  creusement  du  lil,  dans  le  sens  du  prolil  en 
long-,  leur  enlevait  tout  point  d'appui. 

Aussi,  c'est  sur  cette  rive  droite  que  sont  ma.ssd-s  des  (''lioiiliMucnts 
parfois  gifrantesques,  renfermant  des  matiJriaux  de  toutes  sortes; 
au-dessus  d'eux,  le  versant  qui  les  domine  d'une  hauteur  de  plu- 
sieurs centaines  de  mètres,  présenti;  une  s('rie  de  ressauts  produits 
par  les  affaissements  successifs  du  sous-sol  ;  la  surface  de  ce  versant 
est  bien  f,''azomu'e,  mais  elle  est  sillonn(!'e  par  d(^  n()nd)r(uises  cre- 
vasses indiquant  rinstabilit('^  du  sol. 

Dans  de  semblables  conditions,  à  chaque  violent  orage  inoduisant 
une  crue  extraordinaire,  les  eaux  dijpassent  le  lit  qu'elles  se  sont 
creusé!  contre  la  rive  gauche  vers  laquelle  l'inclinaison  d(;s  couches 
les  a  constamment  rcj(^t('(es;  elles  atla(pient  le  pied  des  (!'l)oulis  de  la 
rive  (li'oite,  provoquent  ainsi  le  glissement  de  lniilc  la  niass(;  supi!'- 
rieure  sur  les  assises  inclinées  qui  les  supportent  et  donnent  naissance 
à  ces  laves  désastreuses  qui  sont  la  terreur  du  hameau  de  Saniè^es. 

Depuis  trois  ans  (avant  1870)  que  les  études  étaient  entreprises 
dans  le  torrent,  nous  n'avions  pas  constaté  d'orages  bien  violents; 
cependant  nous  avions  pu  faire  mesurer  le  volume  d'une  lave,  des- 
cendue en  1874  et  atteignant  30,000  mètres  cubes  de  matériaux, 
produite  à  la  suite  de  pluie  d'orage  tombée  pend;int  une  heure 
trente  minutes  et  dont  l'écoulement  dans  le  canal  n'a  duré  qu'une 
demi-heure;  la  hauteur  de  l'eau  dapi'ès  les  pluvionu'-tres  s'élevait 
i\  20'"™, 4,  ce  qui  représente,  pour  les  i-80  hectares  du  bassin  de  récep- 
tion du  torrent,  un  volume  de  !)7,!)20  mètres  cubes  d'eau,  soit  .'ii-  met. 
cubes  ;i  la  seconde,  si  l'on  admet  que  toute  l'eau  toiubée  dans  le  bassin 
s'est  écoulée  entièrement,  (^et  orage,  comme  on  le  voit  par  la  hau- 
teur donnée  par  les  pluviomètres,  était  peu  violent  et  cependant  il  a 
sufli  pour  déterminer  une  lave  de  30,000  mètrescubes;  on  peut  sup- 
poser, dès  lors,  ce  que  peuvent  amener  des  orages  extraordinaires 
donnant  aux  pluviomètres  une  hauteur  beaucoup  [ilus  élevée,  dans 
le  même  espace  de  temps. 

On  dislingue  sur  le  versant  de  la  rive  droite,  dans  la  deuxiénKî 
section  qui  nous  occupe,  six  grands  glissements  absolument  indé- 
pendants les  ims  des  autres  et  séjtarés  entre  eux  par  des  bancs  d(! 
rochers  très  durs  qui  ont  résisté  à  l'action  des  eaux. 

(^cs  bancs  présentent  les  seuls  points  sur  les(|uels  ou  pouvait  son- 
ger à  élal)]ir  les  barrages  appelés  k  supprimer  les  glissements,  en 
procurant  à  la  section  du  lit  rélargiss(!menl  nécessaire  pour  inler- 


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Fig.  96.  —  PLAN  DU  TORRENT  DES  SAMERES  (Basses-i 


LE    TORUKNT   DES   SAXIERES.  42:5 


dire  an  courant,  par  dos  travaux  subséquents,  toute  action  sur  l.e 
pied  des  lierges  et  assurer  pour  Favenir  la  suppression  de  farauds 
glissements  tels  que  celui  «[ui  s'est  inanifcslé  en  IS(j7  dans  des  con- 
ditions qu'il  importe  de  relater  : 

Les  pluies  du  printemps  avaient  cessé  depuis  plusieui's  jours,  le 
ciel  était  redevenu  absolument  pur,  rien  ne  pouvait  l'aire  pressentir 
le  moindre  événement  dans  le  torrent,  lorsqu'un  lieau  jour,  à  leur 
plus  grand  ébaliissement,  les  babitanls  du  hameau  de  Sanières  enten- 
dirent un  bruit  épouvantable,  bientôt  suivi  de  l'écoulement  de  plu- 
sieurs laves  allant  s'épanouir  sur  le  cône  de  déjections  et  intercepter 
la  circulation  de  la  route  n°  100,  qui  le  traverse  sur  une  longueur  de 
plus  de  2  kilomètres,  (."-et  écoulement  extraordinaire  s'est  manifesté 
;\  différentes  reprises  pendant  trois  jours  consécutifs  et  sous  un  ciel 
constamment  pur  dans  toute  la  région. 

Ce  phénomène,  qui  a  laissé  au  torrent  des  Sanières  un  renom 
redouté,  s'explique  facilement  par  la  description  que  nous  avons  faite 
de  la  deuxième  section.  C'est  de  sa  partie  supérieure  que  sont  des- 
cendues cfes  laves  inattendues;  les  terrains  imperméables  avaient 
été  sursaturés  d'eau  provenant  de  la  fonte  des  neiges  provoquée 
par  les  pluies  du  printemps,  le  pied  des  berges  vives  avait  été  miné 
par  une  série  de  petites  crues  affouillantes,  de  sorte  qu'à  un  mo- 
ment donné,  l'elfet  de  la  pesanteur  a  pris  le  dessus,  et  les  terrains 
perméables,  passés  à  l'état  de  boues,  ont  commencé  leur  mouve- 
ment, qui  a  produit  la  série  des  laves  successives  et  donné  lieu  au 
grand  éboulement  dont  il  s'agit. 

Depuis  cette  époque,  le  torrent  a  changé  de  place,  s'est  jeté  sur 
la  gauche,  s'est  creusé  un  lit  profond  au  pied  de  cet  éboulement  et 
a  mis  à  découvert  la  roche  en  préparant  ainsi  un  nouveau  glissement. 
11  était  donc  de  la  plus  haute  importance  de  supprimer  au  plus  tôt 
ces  conditions  désastreuses,  et  à  cet  elfeton  décida  l'exécution  en  1876 
de  six  barrages  portant  les  n°^  ."!,  6,  7,  8,  9  et  10,  qui  furent  adjugés 
en  avril  et  entrepris  dès  le  mois  de  juin  suivant. 

La  troisième  section  diffère  entièrement  des  deux  autres. 
Dans  la  partie  supérieure  la  roche  occupe  le  fond  du  lit  et  le  pied 
de  la  rive  droite  ;  la  lierge  gauche  est  constituée  par  des  terrains  de 
transport  assez  fortement  tassés. 

Le  8  août  1876,  dans  l'après-midi,  un  orage  mêlé  de  pluie  et  de 
grêle  a  éclaté  dans  la  partie  haute  du  bassin  de  réception  du  torrent 
des  Sanières  et  a  produit  une  lave.  Cette  lave  a  endommagé,  dans 
une  assez  grande  proportion,  les  travaux  de  l'entreprise,  et  a  com- 
plètement atterri  les  barrages  n°^  1,  2,  3  et  4,  construits  en  1874  et 
l87o. 


h2i  in;H(iISKMK\T   DKS   MONTAGNES. 

•  Les  eaux,  tombées  surtout  dans  la  partie  supérieure  ofi  les  tra- 
vaux sont  en  cours  d'exécution  aujourd'hui,  se  sont  agglomérées 
rapidement,  mais  ne  sont  cependant  pas  arrivées,  avec  beaucoup  de 
matériaux,  à  l'aval  de  la  troisième  section. 

Ce  n'est  qu'à  partir  de  l'amont  de  la  deuxième  section,  à  une  cen- 
taine de  mètres  en  amont  du  barrage  n"  10,  que  l'éboulenjcnt  delà 
berge  gaucho,  atfouillée  considéral)le)nent,  a  augmenté  la  densité 
et  le  volume  des  eaux,  qui,  après  s'être  chargées  des  dé])lais  prove- 
nant des  fouilles  dans  la  berge  gauche  dubai'rage  n°  10  (voir  ligure  96), 
se  sont  transformées  en  boue  ou  lave  proprement  dite,  assez  liquide 
pour  affouiller  encore  la  berge  droite,  entre  le  barrage  n°  10  et  le 
barrage  n°  9.  Parvenue  au  barrage  n°  9,  dont  les  maçonneries  étaient 
à  hauteur  du  seuil  de  l'aqueduc,  la  lave,  après  avoir  franchi  ces  ma- 
çonneries, sans  leur  faire  beaucoup  de  mai,  a  emporté  800  mètres  cu- 
bes de  déblais  provenant  des  fouilles,  et  2.")0  mètres  cubos  de  moellons 
approvisionnés  par  l'entrepreneur  devant  l'ouvrage  même.  Accrue  de 
ces  matériaux,  la  lave  ronge  encore  dans  les  berges  de  la  rive  droite 
jusqu'au  barrage  n°8,  dont  les  fouilles,  déjà  avancées,  sont' comblées; 
puis,  de  ce  barrage  au  barrage  n°  7,  elle  entame  fortement  le  pied 
d'un  mamelon  recouvert  d'une  grande  quantité  de  blocs,  se  charge 
dans  ce  parcours  d'une  masse  d'énormes  matériaux  qu'elle  pousse 
à  son  aval,  et  présente  alors  la  forme  d'un  grand  baiTage  en  pierre 
sèche  de  o  à  6  mètres  d'épaisseur,  se  précipitant  avec  son  atterrisse- 
ment  boueux,  selon  une  vitesse  de  2  mètres  par  seconde  (vitesse 
observée  par  le  surveillant  Roi  i. 

Le  barrage  n"  6,  auquel  il  m.^  man(pi;iit  (jue  la  [lierre  do  taille 
pour  être  terminé,  et  qui  avait  à  son  amont  \\n  attciiissemenl 
artiliciel,  est  complètement  recouvert  par  la  lave,  dont  l'énorme 
parement  passe  par-dessus  sans  l'endommager  d'abord  ;  mais  peu 
après,  la  lave,  devenue  plus  liquide,  bat  en  brèche  la  maçonnerie 
fraîche  et  se  fraye  un  passage  jusqu'au  niveau  du  seuil  de  l'aque- 
duc, sans  [)ouvoir  ccpiMidanl  cnipoilcr  les  deux  aili's  de  l'ou- 
vrage. 

En  aval  de  la  lave,  il  n'y  avait  pas  une  goutte  d'fau  dans  le  tor- 
rent; l'eau  se  trouvait  en  amont  des  blocs  et  de  la  bouc  épaisse  de 
la  lave,  ce  qui  cxplicfuc  clairement  de  quelle  manière  les  maçiujnc- 
ries  ont  été  emportées;  il  n'y  a  pas  eu  de  poussée,  caria  portion 
de  voûte  restant  n'a  pas  une  seule  lé/arde;  c'était  comme  un  grêle 
de  gros  moellons  qui  s'abattaient  sur  le  barrage  et  détachaient 
pierre  par  pierre;  il  est  même  resté  quatre  voussoirs  de  la  voûte  de 
l'aqueduc  qui  ont  supporté  le  choc  de  gros  matériaux. 

La  lave  atlcint  enhn   le  barrage  n°  o,  dont  la   niaçonni'i  ie  était  à 


LE   TORRENT  DES   SAXIERES.  425 


hauteur  des  pieds-droits  de  l'aqueduc  et  rase  ces  maçonneries  jus- 
qu'au seuil  de  cet  aqueduc. 

De  ce  barrage,  la  lave  franchit  la  siTie  des  grandes  cascades  qui 
séparent  la  deuxième  section  de  la  |ireniière,  et  parvient,  dans  toute 
sa  force  el  son  plus  grand  volume,  au  barrage  n°  \,  qui  n'avait 
aucun  atterrissement,  sou  parement  amont  étant  complètement  à 
nu  à  partir  du  seuil  de  l'aqueduc. 

Un  chef  de  chantier,  nommé  Audilfred,  se  trouvait  ;'i  quelques  pas 
du  barrage;  voyant  venir  l'énorme  lave,  il  croit  l'ouvrage  perdu 
sous  les  matériaux  qui  le  recouvrent;  à  l'instant  de  forts  moellons 
sont  projetés  à  de  grandes  hauteurs  et  retombent  à  l'aval  du  bar- 
rage, qui  cependant  résiste  admirablement 

Le  barrage  n"  3  était  le  seul  qui  fût  atterri;  la  lave  dépose,  à  dniite 
et  à  gauche,  de  gros  matériaux  après  avoir  rempli  toute  la  section 
du  débouché,  et  atteint  le  sommet  des  ailes. 

Les  barrages  n°*  1  et  2  se  trouvaient  dans  les  mêmes  conditions 
que  le  n°  4;  le  choc  est  puissant,  les  mêmes  etfets  se  produisent,  la 
section  du  débouché  suffit  et  la  lave  parvient  à  30  centimètres  en 
contre-bas  du  niveau  supérieur  des  ailes.  Enfin  la  lave  atteint  le  cône  ; 
elle  dépose,  à  droite  et  à  gauche  de  son  courant,  d'énormes  maté- 
riaux, barre  la  route  nationale  n°  100,  et  le  reste  s'écoule  enfin  dans 
là  rivière  d'Ubayo. 

Tels  ont  été  les  elfets  produits  par  cette  lave,  qui  n'a  occasionné 
de  dommages  que  dans  la  deuxième  section,  qu'on  était  en  train  de 
corriger. 

Dans  la  première  section,  l'expérience  a  été  concluante  en  faveur 
des  barrages  en  maçonnerie  miœte,  qui  ont  montré  une  solidité  à 
toute  épreuve. 

L'inspection  opérée,  dès  le  lendemain  de  cette  crue  extraordinane, 
sur  les  atterrissemenls  des  barrages  n''^  1,  2,  3  et  i,  fournit  une 
preuve  matérielle  et  précieuse  de  la  loi  du  transport  en  masse  et  de 
la  formation  de  leurs  dépôts. 

Les  profils  en  long  des  atterrissemenls  donnaient  à  peine  une  pente 
de  1  1/2  à  2  p.  100,  et  cependant  on  y  constatait  d'énormes  maté- 
riaux, mais  toujours  rangés  contx'airement  à  la  loi  du  triage,  car  les 
plus  gros  se  trouvaient  juste  contre  le  parement  amont  des  barra- 
ges, et,  en  remontant  sur  les  atterrissements,  on  constatait  le  dé- 
croissement  constant  de  leurs  dimensions.  Si  l'on  considère  que  cette 
inspection  n'a  pu  avoir  lieu  que  le  lendemain  de  l'événement,  c'est- 
à-dire  après  que  l'eau  ordinaire  du  torrent  a  pu  avoir  le  temps 
d'apporter,  par  la  loi  du  triage,  une  certaine  modification  au  profil 
en  long,  on  est  ameué  à  penser  que  ces  pentes  de   1 , j  ou  2  p.  1 00 


1:20  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


ne  devaient  pas  même  exister  aussitôt  après  le  passage  des  laves. 
Ce  qui  confimio  ces  précieuses  observations,  qui  sortent  du  domaine 
de  la  théorie,  c'est  que  moins  d'un  )nois  api'és,  les  atterrissements 
avaient  quitté  leurs  pentes  de  2  pour  100,  pour  atteindre  10  et  12 
p.  100  à  la  suite  de  petits  orages  sans  laves,  c'est-à-dire  sans  li'ans- 
port  en  masse. 

D'autri"  part,  la  chute  de  pluie,  qui  a  duré  une  heure  environ,  a 
donné  : 

Au  pluviomètre  inférieur,  situé  à  1,629  mètres  d'altitu'le  .  600". 2 
Au  pluviomètre  moyen,  situé  ii  1,9:9  mètres  d'altitude  .  .31  ,3 
Au  pluviomètre  supérieur,  situé  il  2,2.30  mètres  d'altitude  .       36   ,1 

Ces  hauteurs  d'eau,  multipliées  ])ar  la  surface  des  zones  all'ectées 
à  chacun  des  pluviomètres,  donnent  87,080  mètres  cubes  d'eau  dans 
un  bassin  de  480  hectares  pour  une  chute  d'une  heure. 

Le  bassin  du  torrent  du  Bourget,  immédiatement  voisin,  a  reçu  par 
le  même  orage,  et  dans  le  môme  temps,  80, 630  mètres  cubes  d'eau 
sur  un  bassin  de  270  hectares  seulement,  et  l'on  n'y  a  constaté  aucune 
lave,  mais  simplement  une  crue  d'eau  qui  a  duré  cin<{  fois  plus  de 
temps  que  la  crue  du  torrent  des  Sanières. 

Ce  précieux  résultat  provient  de  ce  que  les  travaux  de  correction 
sont  terminés  dans  le  torrent  du  Bourget,  et  que  les  travaux  de  re- 
l)oisement,  achevés  depuis  li-ois  ans,  coniiurnccnl  à  y  manifester 
Icui'  puissante  intluence. 

C/élait  la  première  fois  (jn'il  nous  était  donné  de  ti'ouvci-  des 
témoins  oculaires  d'une  pai'cillc  crue,  aussi  nous  sommes-nous  em- 
pressé de  faire  faire  une  emjurte  dont  luius  donnons  ci-après  le 
résultat. 

ENQUÊTE 

Déclaration  du  sieur  Dol  Zéphirin),  garde  forestier,  surveillant  la 
Construction  des  Barrages  n"^  5  à  10  dans  le  Torrent  des  Sanières. 
sur  la  Lave  du  8  Août  1876. 

J'étais  comme  à  l'ordinaire  descendu  .ijiièsdéjeuner  pour  surveiller 
la  construction  des  harr.iges,  lorsijue  peu  de  temps  après  il  eoni- 
niença  à  londter  quelques  Unes  gouttes  il'e.ni. 

Le  ciel  était  à  peine  couvert  au-dessus  du  rluintier,  mais  quelques 
nuages  orageux  se  montraient  sur  le  haut  de  la  montagne  sans  avoir 
rien  de  bien  menaçant.  H  était  alors  3  heures  un  ([u.ii  t  du  soir,  les. 


LE   TORRENT   DES   SANIERES.  427 


ouvriors  ronlinujiicMit  loiirs  travaux  ;  (juelqnos  iiiinulos  après,  deux 
un  trois  coups  de  toniiorrc  so  firent  onlcndrc  et  lu  pluie  fine  et  iiisi- 
jruiliaiitc  qu'il  avait  l'ait  jusque-là  dégénéra  en  grosses  gouttes.  ;\Ial- 
gi'é  /[ue  la  journée  ne  fût  pas  encore  avancée,  je  m'étais,  vu  l'état 
du  tenqis.  occupé  à  prendi'e  les  attachements  journulieis.  J'en  étais 
arrivé  au  Itarrage  n°  8  où.  les  fouilles  étaient  à  peu  prés  terminées 
sur  toute  la  largeur  du  lit  du  torrent  et  sur  la  rive  droite,  quand  une 
pluie  assez  bien  nourrie  s'abattit  sur  les  chantiers  ;  je  descendis  près 
du  barrage  n°  7  pour  m'abriter  sous  quelques  planches  dressées  en 
forme  de  toit  au-dessus  d'une  forge  de  campagne.  J'y  arrivais  au 
moment  où  les  ouvriers  prenaient  leur  veste  et  se  disposaient  à  venir 
comme  moi  se  x'éfugier  sous  ce  modeste  et  unique  abri.  Tous  n'a- 
vaient pas  quitté  le  lit  du  toi'rent  qu'un  bruit  sourd  et  comparable 
à  celui  d'une  colonne  d'artillerie  passant  au  trot  sur  le  pavé  d'une 
route  voûtée  se  fit  entendre.  Co  bruit  augmentait  à  mesure  qu'il 
approchait  de  nous,  et  l'on  distinguait,  en  dehors  du  roulement,  des 
détonations  produites  par  le  choc  des  blocs  se  heurtant  les  uns  con- 
tre les  autres. 

Quelques  secondes  après,  je  vis  une  lave  à  l'aspect  effrayant  dé- 
boucher à  ")0  mètres  en  amont  du  barrage  n"  7. 

La  tête  de  la  colonne  présentait  en  cet  endroit  un  parement  de  7  à 
8  mètres  de  hauteur;  elle  était  composée  de  blocs  de  toutes  dimen- 
sions roulant  les  uns  sur  les  autres. 

On  remarquait  flottant  sur  ces  blocs  les  gargouilles  employées  à  la' 
dérivation  des  eaux  aux  fouilles  des  barrages  n°^  8,  0  et  10,  ainsi  que 
des  outils  et  notamment  les  ])rouettes  employées  à  ces  divers  ateliers. 

La  plupart  des  gros  matériaux  étaient  en  tête  et  sur  une  quin- 
zaine de  mètres  de  longueur  on  ne  voyait  que  des  blocs  mouvants 
noyés  dans  de  la  lave  épaisse.  Parmi  les  matériaux  qui  venaient 
ensuite,  on  en  remarquait  encore  qui  avaient  de  fort  respectables 
dimensions,  mais  ils  devenaient  de  plus  en  plus  rares. 

Il  pleuvait  à  verse,  mais  personne  ne  se  fit  pi'ier  pour  quitter  l'abri 
que  lui  avait  offert  la  forge  située  à  6  ou  7  mètres  au-dessus  du  lit 
du  torrent. 

Dans  sa  précipitation  à  chercher  un  refuge  contre  la  pluie  et 
voyant  la  forge  remplie  de  monde,  un  ouvrier  avait  choisi  à  quelques 
mètres  en  dessous,  dans  le  torrent  même,  un  rocher  qui  surplombe 
im  peu  le  lit.  Sa  position  était  des  plus  dangei'euses  ;  ne  pouvant 
monter  dans  la  berge  gauche  qui  l'abritait  ni  descendre  le  torrent, 
se  trouvant  sur  le  bord  d'une  cascade  de  8  à  10  mètres,  il  était  o])ligé 
pour  se  sauver  de  remonter  le  lit  de  2o  h  30  mètres  et  gagner  la  rive 
droite.  Ce  qui  augmentait  le  danger  qu'il  courait,  c'est  qu'il  ne  pou- 


428  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


vait  voir  la  lavo  arriver  i  plus  de  50  ou  60  mètres.  Je  l'appelais  de 
loulcs  mes  forces  et  lui  faisais  signe  de  venir  vers  moi,  mais 
il  conservait  une  immobilité  alarmante;  ses  camarades  l'apitelaienl 
aussi  en  leur  patois  (c'était  un  Piémonlais),  mais  il  n'en  restait  pas 
moins  à  son  abri.  La  lave  arrivait  et  dépassait  le  bariage  n"  7,  cha- 
cun croyait  ce  malbeureux  irrévocablement  perdu,  quand  enfin  se 
retournant  en  amont  il  aperçoit  le  danger  qui  le  menaçait,  franchit 
en  quelques  bonds  le  lit  du  torrent,  remonte  à  toute  vitesse  le  long 
de  la  berge  droite  et  arrive  au  premier  endroit  accessiltle,  au  juste 
moment  où  la  lavi;  allail  lui  en  barrer  le  chemin. 

Le  forgeron,  qui  n'avait  pas  (piitté  la  forge  assez  vite,  y  l'ut  empri- 
sonné et  fut  assez  heureux  de  pouvoir  grimper  sur  le  toit,  car  la  lave 
prit  immédialenient  possession  du  teirain  qu'il  venait  d'abandonner. 
Je  m'avançai  en  toute  bâte  en  vue  du  barrage  n°  (i  qui  était  depuis 
midi  prêt  à  recevoir  le  couronnement,  pour  voir  l'elfet  que  la  lave 
produirait  sur  lui. 

Une  petite  baraque  formant  abii  au  dépôt  de  la  chaux  destinée  à 
ce  même  ouvrage,  construite  sur  la  berge  droite  à  tiO  métrés  en 
amont  du  barrage,  me  fournit  le  moyen  de  constater  facilement,  au 
moyen  de  repères  et  de  ma  montre,  que  la  vitesse  de  la  lave  était 
de  2  mètres  par  seconde. 

Je  remarquai  en  outre,  ainsi  que  tous  les  ouvriers,  que  la  baraque 
venait  de  partir  avant  l'arrivée  de  la  lave;  il  pouvait  y  avoir  encore 
:}  ou  4  métrés,  autant  ([ue  la  distance  me  permit  de  l'apprécier.  La 
même  remarque  fut  faite  par  les  ouvriers  au  barrage  n°  7,  où  les 
gargouilles  partau.'nt  également  avant  que  la  lave  ne  fût  arrivée  ."i 
elles. 

Le  barrage  n"  (i  oH'rit  une  résistance  qui  lit  relluer  la  masse  mou- 
vante; on  aperçut  un  mouvement  de  recul  très  sensible,  mais  la 
maçonnei'ie  disparut  instantanément  devant  une  colonne  de  lave 
projetée  à  une  certaine  hauteur  par  l'obstacle  (ju'elle  rencontrait  et 
la  pression  cpi'elle  recevait  des  jiuisses  qui  venaient  immédiatement 
après.  Je  m'avançai  au  pas  de  course  vers  cet  ouvrage  et  y  ariivai 
assez  à  temps  pour  conslati'r  de  prés  qu'il  avait  parfaitement  résisté 
au  premier  choc,  mais  que  vu  l'état  de  fiaiclieur  tb-  la  maçonnerie, 
il  était  démoli  [jrogressivement  parles  matériaux  qui  se  heurtaient 
contre  lui. 

La  pluit!  continuait  à  tomber  à  veist;  ;  je  descendis  au  barrage 
n°  5,  où  deux  ouvriers  mineurs,  occufiés  à  piéparer  dans  le  roc  à  jùc 
de  la  rive  gauche  l'encastrement  du  bariagc,  n'eurent  pas  le  temps 
de  quitter  leur  chantier  et  furent  parsuile  très  exposés  à  être  enlevés 
par  la   lave.   Ils  avairnt  él.dili  b-ur  cbiniiii'r  à  10  ou  M  métrés  au- 


LE  TORRKXT  DES   SAN  1ERE  S.  429 


dessus  (lu  lit  ol  avaient  déjà  piMliqué  une  eoiiaine  (uivorliire  où  ils 
coinnieiK^aioiil  à  travailler  ooininodémciit  debout. 

C'était  une  sorte  de  oorniclie  dont  le  bas  était  à  environ  8  ou 
!)  métrés  au-dessus  du  lit  du  torrent.  Une  échelle  fixée  par  le  haut  y 
donnait  accès.  Ces  deux  ouvriers  durent  passer  dans  cet  étroit  et 
dangereux  réduit  (ont  le  temps  de  Fécoulenient  de  la  lave,  (jni  arri- 
vait non  loin  de  leurs  pieds;  ils  auraient  été  noyés  dans  les  écla- 
boussures  sans  un  léger  coude  que  fait  le  roc  à  quelques  métrés 
au-dessus. 

Mieux  placés,  au  point  de  vue  de  l'observatiou  qu"à  celui  de  la  sû- 
reté, ces  ouvriers  me  déclarèrent  entre  autres  choses,  et  sans  que 
je  leur  fisse  la  moindre  question,  qu'ils  avaient  vu  un  traîneau  assez 
lourd,  servant  au  transport  des  pierres  pour  la  construction  du  bar- 
rage 11°  ;>  et  lourdement  chargé  d'une  grosse  pierre,  être  renversé 
alors  que  la  tète  de  la  colonne  en  était  encore  éloignée  de  plusieurs 
mètres.  L'écoulement  de  la  lave  avait  duré  vingt  ou  vingt-cinq  mi- 
nutes; une  forte  colonne  d'eau  lui  fit  suite  pendant  une  demi-heure 
ou  ti'ois  quarts  d'heure,  agrandissant  considérablement  la  brèche  du 
barrage  n°  G. 

Barceloûuette,  le  18  Septembre  187G. 

Signé  :  DoL, 
Garde  forestier. 


Dépositions  des  Témoins. 

.  1°  M.  Bégu  (.Jean),  4 j  ans,  originaire  des  Landes,  contre-maitrc  de 
M.  Bérato,  entrepreneur  de  travaux  publics. 

D.  —  Oii  vous  Irouviez-vous  le  8  août  dernier? 

R.  —  J'ai  passé  cette  journée  dans  le  torrent  des  Sanières  paur  y 
surveiller  les  travaux  de  M.  Bérato.  On  avait  alors  terminé  les  fouil- 
les du  barrage  n°  7  et  on  y  faisait  la  maçonnerie  des  ft)ndations. 

D.  —  Quand  et  comment  l'orage  a-t-il  commencé  ? 

R.  —  Vers  3  heures  du  soir  une  petite  pluie  a  commencé  à  tom- 
ber. De  gros  nuages  étaient  amoncelés  vers  les  crêtes  du  bassin  de 
réception  du  torrent;  bientôt  quelques  coups  de  tonnerre  se  sont  fait 
entendre  dans  cette  direction.  La  pluie  a  continué,  mais  elle  était 
assez  légère  pour  ne  pas  obliger  les  ouvriers  à  suspendre  leur 
travail. 

D.  —  Que  s'est-il  passé  ensuite"? 

R.  —  Environ  vingt  minutes  après  le  premier  coup  de  tonnerre. 


430  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


j'ai  i'iiIi'ikIii  dans  le  liaiil  du  lon'ciil  un  hiiiil  ('.(Umiiic  un  roulement 
inéifidifr;  j "ai  rf^^uidé  dans  celle  diiecLion  cL  pi'csquo  aiissilôt  j'ai 
aperçu  au  prochain  détour  du  lorieul,  qui  est  très  encaissé  à  cet  en- 
droit, une  énorme  lave  qui  descendait. 

D.  —  Qu'avez-vous  fait? 

R.  —  Il  y  a  eu  bien  entendu  un  sauve-qui-peut  frénéral  vers  la 
berge  de  rive  droite,  la  seule  accessible,  comme  vous  le  savez,  celle 
de  rive  gauche  étant  formée  de  rochers  à  pic.  En  fuyant  nous  pous- 
sions tous  de  grands  cris  pour  avertir  un  ouvrier  qui  se  trouvait  à 
l'aval  d'un  rocher  en  surplond),  situé  dans  le  lit  même  du  torrent, 
et  qui,  n'ayant  rien  vu,  ne  se  doutait  nullement  du  dangci".  11  nous  a 
entendus  fort  heureusement  et  s'est  bâté  de  remonter  dans  le  fond 
du  torrent  pour  atteindre  le  pdint  de  la  beri^c  oi'i  nous  avions  grimpé 
nous-mêmes.  11  était  tem])s  qu'il  y  arrivât.  11  nous  a  semblé  à  tous 
que  la  lave  lui  eftleurait  les  pieds  au  moment  où  il  s'élançait  sur  la 
berge. 

D.  —  Avez-voiis  pu  apprécier  la  vitesse  de  cette  lave? 

H.  -  C'était  diflicile  à  évaluer  :  je  peux  seulement  la  comparer 
à  la  vitesse  d'un  bon  cheval  courant  au  grand  trot  sur  une  route 
plane. 

D.  —  Avez-vous  constaté  <pie  la  lave  fût  iirécédéc  ou  acconqiagnée 
d'un  courant  d'air? 

R.  —  Je  n'ai  pas  senti  de  souflle  à  l'endroit  assez  éloigné  où  je  me 
trouvais,  mais  j'ai  vu  un  fait  qui  m'a  frappé.  Vous  savez  que,  pour 
abriter  notre  approvisionnement  de  chaux,  nous  avions  construit, 
h  50  mètres  en  amont  du  barrage  n°  6,  dans  la  berge  droite  et  en 
contre-haut  de  3  juètres  du  lit  du  torrent,  une  hutte  qui  se  compo- 
sait d'une  toiture  en  planches  à  un  seul  pan  appuyé  au  sol  vers  l'aval 
et  suppoité  du  cAté  de  l'amont  par  quatre  poteaux.  Il  résultait  de 
cette  disposition  que  l'espace  vide  compris  sous  cet  abri  s'ouvrait 
contre  la  direction  que  suivait  la  lave.  J'ai  parfaitement  vu  que  cette 
butte  a  été  enlevée  au  moment  où  la  lèle  de  la  colonne  de  lave  en 
était  encore  éloi;rnée  de  quehpu's  nu'-tres.  Ce  que  je  n'ai  pu  m'expli- 
quer  qu'en  pensant  (jiie  la  lave  refoulait  devant  elle  une  liiasse  d'air 
qui  se  sera  engoullVée  sous  la  toiture  et  aura  ainsi  renversé  la  hutte. 

D.  —  D'autres  faits  analogues  se  sont-ils  produits  à  votre  connais- 
sance? 

R.  — J'en  sais  encore  un  (juc  voici:  On  ouvrait  les  fouilles  du 
barrage  n°  »,  et  j'avais  chargé  deux  de  mes  mineurs,  Italiens  d'ori- 
gine, de  pré[>arer  l'encastrement  de  cet  ouvrage  dans  la  bi.'igc  i-o- 
cheuse  et  verticale  de  la  rive  gauche. 

Naturellement  ils  commençaient  jiar  le  haut  la  large  eidaille  (piils 


LE   TORRENT  DES    SAXIERES.  43i 


avaient  ;ï  creuser,  cL  avaiciil  tléjà  prali([iié  dans  le  roc,  à  une  liaii- 
leur  de  10  mètres  au-dessus  du  lit  du  lurreiil,  un  vide  dans  lequel 
ils  se  tenaient  pour  Tagrandir  en  attaciuantla  pierre  sous  leurs  pieds. 

Us  se  trouvaient  perchés  lù-haut,  enfermés  comme  dans  une  sorte 
de  niclie,  lorsque  la  lave  est  arrivée. 

Ils  y  sont  restés,  n'ayant  ni  le  temps  ni  les  moyens  de  fuir,  et  se 
.sont  trouvés  admirablement  j)lacés  pour  voir  ce  qui  se  passait.  H  y 
avait  au-dessous  d'eux,  dans  le  fond  du  torrent,  un  fort  traîneau  en 
bois  chargé  d'une  grosse  pierre.  Les  deux  mineurs  ont  vu  distincte- 
ment que  le  traîneau  et  la  pierre  ont  été  renversés  alors  que  la  lave 
en  était  encore  distante  de  3  mètres  environ.  J'aurais  voulu  que  vous 
pussiez  entendre  ce  récit  de  la  bouche  même  de  ces  hommes,  mais 
ils  ont  quitté  mon  chantier  quelques  jours  après  l'orage  et  sont  re- 
tournés dans  leur  pays. 

D.  —  Avez-vous  vu  passer  la  lave  sur  quelque  barrage  ? 

R.  —  Sur  aucun  des  anciens,  mais  seulement  sur  le  barrage  n°  0; 
nous  venions  d'en  achever  la  maçonnerie  ordinaire  le  matin  même, 
et  nous  nous  disposions  à  en  placer  le  couronnement  en  pierre  de 
taille.  Me  trouvant  à  une  distance  d'au  moins  100  mètres,  je  n'ai  pu 
distinguer  d"une  manière  pi'écise  ce  qui  se  passait  au  moment  de 
l'arrivée  de  la  lave  sur  le  barrage,  mais  j'ai  parfaitement  constaté 
qu'elle  était  soulevée  à  cet  endroit  pour  retomber  aussitôt  après,  ce 
qui  indiquait  que  le  barrage  avait  d'abord  résisté.  M'étant  transporté 
sur  ce  point,  j'ai  reconnu,  au  moment  où  le  débit  de  la  lave  dimi- 
nuait d'intensité,  qu'une  brèche  s'était  produite  dans  le  milieu  du 
barrage.  M'étant  éloigné  aussitôt  et  étant  revenu  plus  tard,  j'ai  vu 
que  la  brèche  était  devenue  plus  lai'ge;  par  conséquent,  le  barrage 
n'a  pas  été  enlevé  d'une  seule  pièce,  ni  détruit  en  un  instant,  mais  il 
a  été  démoli  pierre  par  pieri-e  et  peu  à  peu. 

D.  —  Quel  aspect  présentait  d'abord  la  masse  mouvante? 

R.  —  J'ai  vu  arriver  de  gros  blocs  de  pierre  formant  un  amas  à 
paroi  presque  verticale,  ayant  une  hauteur  de  ii  mètres  environ. 

D.  —  La  masse  que  vous  avez  vue  passer  présentait-elle  la  même 
composition  dans  toutes  ses  parties? 

R.  —  Nullement,  la  partie  antérieure  était  formée  de  gros  blocs, 
comme  je  viens  de  le  dire.  Us  descendaient  en  roulant  les  uns  sur 
les  autres  ;  leur  ensemble  pouvait  avoir  une  longueur  d'une  ving- 
taine de  mètres  dans  le  sens  du  mouvement.  Les  matériaux  qui  ve- 
naient ensuite  étaient  de  dimensions  diverses  et  se  trouvaient  déjà 
en  suspension  dans  une  boue  épaisse  qui,  plus  loin,  ne  charriait 
plus  que  de  petits  fragments  de  pierres  ;  enfin  à  cette  énorme  déjec- 
tion faisait  suite  un  fort  courant  d'eau. 


i32  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 

D.  —  Quelles  ont  été  les  diverses  phases  de  récoulemoiit? 
R.  —  Il  inc  parait  avoir  duré  quinzo  minutes  pour  la  lave  pro- 
prement (lil(>  el  trente  pour  l'eau  qui  venait  ensuite. 

Barceloauetto,  le  o  septembre  1876. 

Signé  :  P.  Carrière,  Signé  :  Bkou, 

Sons-impecteur  des  Forets.  Contve-maitre  de  l Entrepreneur. 

2°  M.  Audiiïred  (Firnùn),  de  Jausiers,  28  ans,  surveillant  des  tra- 
vaux de  reboisement  dans  le  périmtHrc  des  Sanières. 

D.  —  Où  vous  trouviez-vous  le  8  août  dernier? 

R.  —  Je  travaillais  alors  au  compte  de  M.  Bérato,  entrepreneur  de 
la  construction  des  barrap-es  dans  le  torrent  des  Sanif-res,  et  je  me 
trouvais  au  chantier  du  barrage  n"  6.  La  pluie  a  commencé  à  tomber 
entre  2  et  3  heures;  elle  était  d'abord  lég-ôre.  Plus  tard  j'ai  remarqué 
qu'elle  devenait  plus  forte  et  en  voyant  de  gros  nuages  sur  le  som- 
met de  la  montagne,  j'ai  pensé  qu'un  violent  orage  allait  arriver  sur 
moi;  alors  je  me  suis  décidé  à  me  diriger  vers  mon  domicile,  et 
pour  cela  je  me  suis  mis  à  descendre  en  suivant  la  rive  droite  du  tor- 
rent des  Sanières.  Comme  j'arrivais  à  hauteur  du  barrage  n°  4  con- 
struit en  187-i,  j'ai  entendu  derrière  moi  un  grand  bruit  et  je  me 
suis  retourné  vivement. 

D.  —  De  quelle  nature  était  ce  bruit  et  quelle  en  était  la  cause? 

R.  —  C'était  un  roulement  comme  celui  de  blocs  qui  descendent 
en  s'entre-choquant  les  uns  les  autres.  .le  me  suis  arrêté  en  regar- 
dant attentivement  dans  la  direction  du  bruit  et  au  bout  de  einii  mi- 
nutes j'ai  vu  arriver  une  grande  lave  qui  apparaissait  à  un  détour 
du  torrent,  à  300  mètres  environ  en  amont  de  l'endroit  où  je  me 
trouvais.  Je  me  suis  promptemcnt  porté  en  arrière,  de  façon  h  m'é- 
lever  sur  la  berge  jusqu'à  une  hauteur  d'au  moins  20  mètres  au- 
dessus  du  lit  du  torrent. 

D,  —  Avez-vous  apprécié  la  vitesse  de  la  lave? 

R,  —  Il  m'a  semblé  que  j'aurais  pu  descendre  avec  uru>  égale  ra- 
pidité en  courant  à  toutes  jambes. 

D.  —  Avez-vous  constaté  que  la  lave  fût  précédée  ou  accompa- 
gnée d'un  courant  d'air? 

R.  —  Au  moment  où  la  tète  de  la  lave  allait  airiver  en  face  de 
moi,  j'ai  senti  un  courant  d'air,  pas  très  fort,  eonqtarable  au  souffle 
qui  se  produit  lorqu'on  ouvre  rajjidement  nue  ixute.  Celte  sensation 
a  duré  jusqu'au  moment  où  la  tête  de  la  lave  m'avait  dépassé  d'en- 
viron  VO  mètres. 

I).  —  Avez-vous  remarqué  cpio  ce  viuit  fil  voltiger  des  feuilles  d'ar- 


LE  TORRENT  DES   SANIERES.  433 

bres,  des  fragments  de  bois,  dos  petits  cailloux,  du  sable  ou  auti'es 
menus  objets  qui  peuvent  se  trouver  dans  le  lit  du  torrent? 

R.  —  Je  n'ai  rien  constaté  de  semblable. 

D.  —  Que  s"cst-il  passé  cfuand  la  lave  a  atteint  le  banale  qui  se 
trouvait  devant  vous? 

R.  —  Je  regardais  attentivement  le  bariage  qui  alors  n'était  nulle- 
ment atterri  et  présentait  par  consé([uent  eu  travers  du  torrent  son 
parement  amont  comme  un  mur  vertical  de  ii  mètres  de  bauteur. 
Ma  pensée  était  qu'il  ne  pouvait  résister  au  cboc  qu'il  allait  subir  et 
qu'il  allait  être  emporté  sous  mes  A^eux.  Au  moment  où  le  barrage 
a  été  beurté  par  la  lave,  je  n'ai  pas  entendu  d'autre  bruit  que  celui 
produit  par  la  lave  elle-même  dans  toute  sa  course.  J'ai  vu  le  barrage 
disparaître  complètement;  la  lave  a  sauté  par-dessus,  en  masse,  pour 
ainsi  dire  sans  toucber  le  couronnement,  et  a  rebondi  à  3  mètres  en- 
viron à  l'aval  du  pied  du  barrage.  La  plus  grande  partie  de  la  tête 
de  la  lave  s'est  arrêtée  derrièi'c  le  Itarrage  et  l'a  atterri  instantané- 
ment, de  sorte  que  la  première  lave  qui  a  francbi  l'ouvrage  avait  une 
épaisseur  relativement  faible  que  j'estime  à  1  mètre  seulement. 

D.  —  La  masse  qui  passait  ainsi  au-dessus  du  barrage  n'a-t-elle 
pas  augmenté  de  volume  ? 

R.  —  Après  la  première  lave  dont  je  viens  de  parler,  est  arrivée 
tout  aussitôt  une  masse  qui  l'a  recouverte  :  on  aurait  dit  une  forte 
vague  qui  passe  par-dessus  une  autre.  A  partir  de  ce  moment,  le 
courant  de  lave  a  franchi  le  barrage  avec  tout  le  volume  qu'elle  avait 
plus  haut,  mais  avec  une  épaisseur  moindre,  parce  que  la  section 
du  torrent  est  bien  plus  ouverte  à  l'endroit  où  se  trouve  le  barrage, 

D.  —  Au  moment  du  cboc  de  la  lave  contre  le  barrage,  y  a-t-il  eu 
des  matériaux  qui  aient  été  détachés  de  la  masse  et  projetés  en  l'air? 

R.  —  J'ai  vu  une  assez  grande  quantité  de  pierres  un  peu  moins 
grosses  que  le  poing  qui  ont  été  lancées  en  l'air  jusqu'à  une  hau- 
teur d'une  quinzaine  de  mètres,  non  pas  en  s'élevant  verticalement, 
mais  en  décrivant  une  coui'be  pour  aller  retomber  à  une  vingtaine 
de  mètres  en  aval  du  barrage. 

D.  —  En  quel  état  se  trouvait  le  barrage  lorsque  vous  l'avez  revu? 

R.  —  Je  ne  l'ai  pas  vu  reparaître  parce  qu'il  était  toujom-s  recou- 
vert par  la  lave  qui  continuait  à  passer  et  que,  vu  l'abondance  de  la 
pluie,  je  me  suis  décidé  à  rentrer  chez  juoi  sans  attendre  la  fin  de 
l'écoulement.  Le  lendemain,  en  retoiu-nant  au  travail,  j'ai  eu  occa- 
sion de  passer  près  du  barrage  et  j'ai  constaté  qu'il  était  complète- 
ment atterri.  Son  couronnement  et  son  parement  aval  étaient  enduits 
d'une  couche  de  boue,  sauf  la  portion  du  milieu,  qui  avait  été  lavée 
par  le  passage  du  cours  d'eau  redevenu  clair.  Pas  une  pierre  du  bar- 

28 


vu  RKHOISEMEXT   DES   MONTAGNES. 


rae-c  n'avait  clé  déranîréc,  l'onvras-o  élail  toi  (m'au  lendemain  de  sa 
coiisli'iiclion. 

D.  —  Avez-vous  vu  le  passage  do  la  lavo  sur  les  trois  aiiti-os  liar- 
ragos  situés  on  aval  du  n°  4? 

H.  —  Je  ne  pouvais  rien  voir  de  l'ondroil  où  je  me  trouvais,  mais, 
(!n  descendant,  j'ai  examiné  succcssivcnient  ces  trois  barrages  et  j'ai 
constaté  que  la  lave  y  passait  sans  leur  causer  aucune  avarie  et  sans 
Miodilier  nullement  sa  marche. 

1).  —  Quel  aspect  présentait  la  masse  mouvante? 

R.  —  En  avant,  c'était  un  amas  de  gros  blocs  qui  descendaient  en 
roulant  les  uns  sur  les  autres.  Ce  mouvement  produisait  un  roule- 
ment formidable  mêlé  par  intermittence  de  craquements  pareils  au 
bruit  que  fait  dans  sa  cbutc  un  arbre  déraciné  par  le  vent.  Cet  amas 
de  blocs,  dont  les  intervalles  étaient  i-omplis  do  boue,  avait  une  lon- 
gueur do  3  à  4  métros  dans  le  sens  du  mouvement.  La  tête  do  la  lave 
formait  une  paroi  oblique  dont  j'évalue  la  bautour  à  2  mètres  ou 
2"',;j0.  En  arrière  des  blocs  venait  une  coloime  de  boue  liquide  dans 
laquelle  je  ne  distinguais  pas  de  matériaux  en  suspension.  Elle  pro- 
gressait par  couches  successives  qui  se  recouvraient,  chacune  glissant 
sur  la  précédente,  comme  une  série  de  vagues. 

D.  —  Quelles  constatations  avez-vous  faites  sur  la  durée  (l<'  l'écou- 
lement? 

H.  —  Je  n'ai  pas  attendu  la  fin  de  cet  écoulement,  j'ai  perdu  de  vue 
le  torrent  environ  une  demi-heure  après  le  moment  de  l'arrivée  de 
la  lave  sur  le  barrage  ;  le  débit  avait  alors  beaucoup  diminué  et  n'était 
}>lus  guère  qu'un  tiers  de  ce  (|uo  je  l'avais  vu  d'abord.  Ce  qui  passait 
n'était  plus  guère  que  de  la  boue  qui  descendait  non  jtas  en  un  cou- 
rant uniforme,  mais  par  jets  se  succédant  à  des  intervalles  assez  ré- 
guliers. 

Barcolonnette,  le  8  septembre  1876. 

Signé  :  1*.  CAnRii:ru;,  Signé  :  Alujfi-rkd. 

Sous-bispcctcur  des  Forêts, 


NOTE    D 

(Citée  à  la  Page  235.) 
TAIilJ:\U    mes   VALEURS    DE   JOURNÉKS    CALr.ULHES    l'Ail    DIXIÈME 


NOMBRE 

à  1  IV.  50 

il   2  11-. 

à  2  IV.  50 

à  3  IV. 

à  3  IV.  50 

à  1  IV. 

DK  JoVlvNIlKS. 

(1.1 

0.15 

0.20 

0,25 

0,30 

0,35 

0,40 

l>,2 

0,30 

0.40 

0,50 

0,60 

0,7u 

0,80 

o:.' 

0.45 

0,60 

0,75 

0,90 

1,05 

1,20 

1).  i 

0,60 

0,80 

1.00 

1,20 

1.40 

1,60 

o,r> 

0,75 

1,00 

1,25 

1,50 

1,75 

2,00 

o.c. 

0.90 

1.20 

1,50 

1,80 

2,10 

2,40 

(I.T 

1.05 

1.40 

1,75 

2,10 

2,45 

2,80 

(I.S 

1,20 

1.60 

2,00 

2.40 

2,80 

3,20 

O.v» 

1  ..35 

1.80 

2,25 

2,70 

3,15 

3,60 

1.11 

1.50 

2.00 

2.50 

3.00 

3,50 

4,00 

1.1 

1.65 

2.20 

2,75 

3,30 

3,85 

4.40 

1.-' 

1,80 

2.40 

3,00 

3,60 

4,20 

4.80 

i.:i 

1,95 

2,60 

3,25 

3,90 

4,55 

.5,20 

1.1 

2,10 

2.80 

3,50 

4.20 

4,90 

5,60 

i,"> 

2,25 

3,00 

3,75 

4,50 

5,25 

6.00 

l.(i 

2.40 

3,20 

4,00 

4,80 

5,60 

6,40 

1.7 

2..55 

3.40 

4,25 

5,10 

5,95 

6,80 

1.8 

2.70 

3,60 

4,50 

5,40 

6,30 

7,20 

1.9 

2,85 

3,80 

4,75 

5,70 

6,65 

7,60 

■-'.0 

3,00 

4,00 

5,00 

6,00 

7,00 

8,00 

■-',1 

3,15 

4,20 

5,25 

6,30 

7,35 

8,40 

2,2 

3.30 

4,40 

5,50 

6,60 

7,70 

8,80 

2.. 3 

3.45 

4,60 

5,75 

6,90 

8,05 

9,20 

2.1 

3,60 

4,80 

6.00 

7,20 

8.40 

9,60 

2,.") 

3.75 

5,00 

6,25 

7.50 

8,75 

10.00 

2.6 

3.90 

5,20 

6,50 

7,80 

9.10 

10,40 

2.7 

4,05 

5,40 

6,75 

8,10 

9.15 

10.80 

2.8 

4,20 

5.60 

7,00 

8,40 

9.80 

11.20 

2.;i 

4,35 

5,80 

7.25 

8,70 

10.15 

11,60 

S.l) 

4,50 

6,00 

7,50 

9,00 

10.. 50 

12,00 

3.1 

4,65 

6,20 

7,75 

9.. 30 

10.85 

12,10 

3.2 

4.80 

6-10 

8.0C 

9,60 

11,20 

12,80 

3.3 

4,95 

6.60 

8.25 

9,90 

11„55 

13.20 

3,1 

5,10 

6.80 

8,50 

10,20 

11,90 

13.60 

3..T 

5,25 

7.00 

8.75 

10,50 

12.25 

14.00 

3.0 

5,40 

7,20 

9.00 

10,80 

12,60 

1  1,  10 

3.7 

5,55 

7.10 

9.25 

11,10 

12.95 

14.80 

3.8 

5,70 

7.60 

9.50 

11,10 

13,30 

15.20 

3,9 

5,85 

7,80 

9,75 

11,70 

13,65 

15.60 

1,0 

6,00 

8.00 

10,00 

12,00 

14,00 

16.00 

4.1 

6,15 

8.20 

10,25 

12,30 

14,35 

16,40 

1.2 

6,30 

8.10 

10,50 

12,60 

14,70 

16,80 

1,3 

6,45 

8.60 

10.75 

12,90 

15,05 

17,20 

1.1 

6.60 

8.80 

11.00 

13,20 

15,40 

17.60 

i.r> 

6.75 

9.00 

11.25 

13,50 

15,75 

18.00 

1.6 

6,90 

9.20 

11,50 

13.80 

16,10 

18.10 

■1.7 

7,05 

9.10 

11.75 

14,10 

16.15 

18,81) 

1.8 

7,20 

9,60 

12.00 

11,40 

16.80 

19,20 

1.9 

7.35 

9,80 

12.25 

14,70 

17.15 

19.60 

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7. .50 

10,00 

12.50 

15,00 

17.50 

20,00 

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7,65 

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12.75 

15,30 

17,85 

20.10 

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7,80 

10,40 

13,00 

15,60 

18.20 

20,80 

5,3 

7,95 

10,60 

13,25 

1.5,90 

18,55 

21,20 

•'),1 

8,10 

10,80 

13,. 50 

16,20 

18,90 

21.60 

5.5 

8,25 

11,00 

13.75 

16.50 

19,25 

22,00 

5.G 

8.40 

11,20 

1  1,00 

16.80 

19.60 

22,40 

5.7 

8,55 

11,10 

14,25 

17,10 

19,95 

22.80 

5.8 

8,70 

11,60 

1  1.50 

17.40 

20,30 

23.20 

5.9 

8.85 

11.80 

14.75 

17.70 

20,65 

23.60 

(i.O 

9.00 

12.00 

15.00 

18.00 

21,00 

21,00 

430  RKBOISEi\IE^■T  DE. S   MONTAGNES. 


NOTE    E 

(Citée  à  kl  pajiu  .'JIG.) 


Nomenclature  des  Végétaux  herbacés  et  Ligneux  spontanés  et  le  plus 
abondamment  répandus  dans  la  Vallée  de  Barcelonnette  Basses- 
Alpes  ,  dressée  par  M.  Eugène  Goret,  sous-inspecteur  des  forêts, 
attaché  au  service  du  Reboisement  des  Basses-Alpes. 


Le  massif  montagneux  qui  consLituc  rnisenihle  de  la  vallée  de 
rUbayc  (Barcelonnette)  est  compris  entre  700  et  3,400  mètres  d'alti- 
tude, du  conlluent  de  TUbayc  avec  la  Uuraiice  au  sommet  du  Cham- 
heyron.  Si  l'on  remonte  cette  vallée  à  partir  de  la  Durancc,  on  ren- 
contre d'abord  la  végétation  caractéristique  de  la  partie  supérieure 
de  la  région  moyenne.  A  mesure  (pie  l'altitude  augmente,  le  tapis 
végétal  se  modilie,  les  plantes  caractéristiiiues  des  régions  alpestre 
et  alpine  couronnent  les  bauteurs  et  bientôt  s'emparent,  en  partie 
d'abord  et  ensuite  complètement,  du  tond  même  de  la  vallée. 

On  peut,  d'une  façon  générale,  diviser  ce  massif  montagneux,  au 
point  de  vue  des  plantes  que  l'on  y  rencontre  le  plus  communément, 
en  quatre  groupes  principaux  : 
I.  Bois  kt  forêts;  haiks. 

II.  Prairies  naturelles  iauchables. 

m.  Pâturages. 

IV.  Terrains  vagues  et  aiui)i;s;  piEunAiLLEs;  terres  nouies  dénu- 
dées; ROCUERS. 

Nous  donnons,  pour  chacuii  de  ces  groupes,  la  liste  des  plantes 
spontanées  dominantes,  en  suivant  l'ordre  naturel  de?  familles  et 
des  genres,  et  en  mettant  en  regard  do  chaque  plante  les  retiseigne- 
ments(juinous  paraissent  présenter  quebjue  intérêt.  Nous  indicjuons 
notamment  les  esj)èces  employées  dans  les  travaux  et  celles  qui. 
non  encore  utilisées  jusqu'à  présent,  sembleraient  cependant  sus- 
ce|tlibles  de  pouvoir  l'être  dans  l'avenir. 

.Nous  ajoutons  que,  par  suite  de  la  variété  et  descpialités  éminenles 


FLORE  DE  LA  VALLEE  DE  B ARCELOXN ETTE 


437 


des  plantos  qiu;  l'on  reiicoiilro  naturellement  dans  la  région  dont  il 
s'agit,  on  n'oni|)loie  que  deux  essences  qui  n'}-  existent  pas  à  l'état 
spontané  :  le  pin  noir  et  le  robinier  faux  acacia. 

Dans  la  nomenclature  ci-après,  les  abréviations  correspondent  aux 
noms  des  auteurs  qui  ont  classé  les  plantes,  savoir  ; 


Ail.   . 

Allioni. 

Jq    .    .    . 

Jaci|uin. 

Mill  . 

.     Miller. 

Bell    . 

Bellardi. 

K    .    .    . 

Kocli. 

l'ers  . 

.     l'ersoon. 

Cass  . 

Cassini. 

Latii  .    . 

Lamarclc. 

Ram  . 

.     Ramond. 

Ch  .   . 

Chaix. 

Lap    .    . 

Lapeyrouse. 

Schr  . 

Schrader. 

D.  C  . 

De  Caudolle. 

Lhér  .    . 

Lhéritier. 

Scop  . 

.     Scopoli. 

Desv  . 

Desvaux. 

Lindl  .   . 

Lindley. 

Sni.   . 

Smith. 

Ehrh  . 

Ehrhard. 

Liulv  .   . 

Link.  " 

ViL    . 

Villars. 

Gartn. 

Gartner. 

L.   .    .    . 

Linné. 

^Veig■. 

Weifjel. 

Gaïul  . 

Gaudin. 

Lois.  .    . 

Loiseleur. 

Wild  . 

Wildenon 

G.  G  . 

Grenier   et  Godron. 

Mér    .    . 

Mérat. 

With. 

^Vithe^ing 

Huds. 

Hudson. 

M.  et  K. 

Mertens  et  Kock. 

Wulf. 

Wulfin. 

I.  —  BOIS  ET  FORETS;  HAIES 

HENONCULACÉES. 

Atragene  Alpina  (L.).  Atragène  des  Alpes. 

Clematis  vitalba  (L.).  Clématite  des  haies. 

Thalictrum  aquilegifolium  (L.).  Pigamonù  feuilles  d'ancolie.  —  Ravins 

boisés.  • 

Hepatica  triloba  (Gli.).  Hépatique  à  trois  lobes.  —  Taillis  et  prés-bois. 
Aconitum  lycotonum  (L.).  Aconit  tue-loup.  —  Bois  et  prés-bois;  lieux 

pierreux. 
Aquilegiavulgaris  (L.).  Ancolie  C077vnunc.  —  Prés-bois,  buissons,  baies. 

VIOLACÉES. 

Viola  odorata  (L.).  Violette  odorante.     -  Haies. 


TILIACEES. 

Tilia  platyphylla  (Scop.).  Tilleul  à  grandes  feuilles.  —  Taillis  aux  ex- 
positions fralcbes.  —  Rare;  employé  sur  les  atterrissements  dans 
les  ravins  frais,  mais  toujours  par  plants  disséminés  au  milieu  des 
essences  qui  constituent  le  reboisement. 


438  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 

HYPÉRICÉES. 

Hypericum  perforatum  (L.)   MUk-pcrtuis  'perforé. 

ACÉRINÉES. 

Ager  pseudoplatanus  (I..).  Érable  sycomore.  —  Employé  sur  les  alter- 
l'issciiionts  di's  harraircs. 

Acer  opulifolium  (Vill.).  Érable  à  feuilles  d'obier.  —  Taillis  et  bois  de 
pins  des  (H)teaiix  secs.  —  Assez  répandu.  —  Celle  essence  est  sus- 
ceptible d'être  utilement  employée  dans  les  terrains  secs  infé- 
rieurs et  moyens,  notamment  les  terres  noires. 

Acer  campestre  (L.).  Érable  champêtre.  —  Taillis  à  toutes  les  exposi- 
tions et  baies. —  Très  utile  pour  le  reboisement  des  terres  noires. 

CÉLASTRINÉES. 

Evonymus  Europaeus  (L.).  Fusain  d'Europe.  —  Taillis  et  baies  des  basses 
montagnes. 

RHAMNÉES. 

Rhammis  cathartica  (L.).  Nerprun  purgatif.  —  buissons  et  baies. 

Rharanus  Alpina  (L.).  Nerprun  des  Alpes.  —  Bois  des  moyennes  et 
liantes  moiilai^'-nes. 

Rhamnus  frangula  (L.).  Nerprun  bourdaine.  —  Bois  bumides  infé- 
rieurs et  baies. 

PAIMLIONACÉES. 

Cytisus  Alpinus  (Mill.).  Cytise  des  Alpes.  —  Forêts  des  liantes  mon- 
tagnes. —  Employé  avantageusement  dans  les  teri'es  noires  des 
expositions  froides  et  des  grandes  altitudes. 

Cytisus  sessilifolius  (L.).  Cytise  à  feuilles  sessiles.  —  Taillis  et  bois 
de  pins  des  basses  montagnes.  —  On  le  rencontre  aussi  assez  com- 
munément sur  les  terrains  vagues  et  dans  les  terres  noires,  dans 
lcs([ii(îlli's  il  est  ein[»loyé  avec  avantage. 

Ononis  rotundifolia  (L.).  liuyranc  à  feuilles  rondes.  —  Taillis  et  bois 
de  pins  inférieurs. 

Colutea  arborescens  (L.).  Dufjucnaudicr  commun. 


FLORE   DE   LA   VALLEE   DE   B ARCELONXETTE.     I3i( 


AMYGDALEES. 

Prunus  Brigantiaca  (Vill.).  Prunier  de  Briançon.  —  Cet  arliusle,  que 
l'on  roncontro  hahiluelloinent  dans  les  haies  disséminées  au  mi- 
lieu dos  prairies  des  liautos  vallées,  est  employé  pour  le  rolioise- 
menl  des  coteaux  arides,  notamment  dans  les  terres  noires  où  on 
le  plante  par  lignes  horizontales,  aux  expositions  l'raîches  sur  les 
versants  inféi'ieurs,  à  toutes  les  expositions  aux  grandes  altitudes. 

Prunus  spinosa  (L.).  Prunier  épineux.  Épine  noire.  —  Commun  dans 
les  haies.  —  On  le  plante  quelquefois  par  lignes  horizontales,  en 
mélange  avec  d'antres  essences,  dans  les  leiTes  noires  aux  expo- 
sitions chaudes. 

Cerasus  avium  (D.  C).  Cerisier-merisier.  —  Bois  et  prés-hois  infé- 
rieurs et  moyens.  —  On  le  plante,  par  pieds  disséminés,  sur  les 
atterrissements  des  harrages. 

Cerasus  padus  (D.  C).  Cerisier  à  grappes.  —  Assez  commun  dans  les 
haies  et  dans  les  vallons  hoisés  au  milieu  des  prairies.  —  Peu  em- 
ployé. 

Cerasus  mahaleb  iD.  C).  Cerisier  mdhaleb.  —  Bois  de  Sainte-Lucie. 
—  Coteaux  pierreux  boisés  aux  expositions  chaudes  et  haies.  — 
Employé  sur  les  versants  arides  inférieurs  et  moyens. 

ROSACÉES. 

Spirsea  filipendula  (L.j.  Spiree  filipendule.  —  Bois  frais  et  prés-bois. 

Fragaria  vesca  ^L.).  Fraisier  commun.  —  Bois,  buissons  et  haies. 

Rubus  idaeus  (L.j.  Frainboisier,  —  Bois  montueux. 

Rubus  fruticosus  (L.).  Ronce  arbrisseau.  Mûrier  des  haies.  —  Bois  et 
l'uréts;  haies,  terrains  vagues,  terres  noires.  —  Plante  commune 
partout. 

Rosa  canina  (L.).  Églantier  sauvage.  —  Bois,  buissons,  haies,  ter- 
rains vagues  et  terres  noires.  —  Celte  plante,  précieuse  par  sa 
remarquable  aptitude  à  drageonner  et  par  son  extrême  rusticité, 
est  très  employée  dans  les  terrains  arides,  notamment  dans  les 
terres  noires  où  on  la  plante  en  mélange  avec  d'autres  essences. 

POMACÉES. 

Crataegus  oxyacantha  (L.).  Aubépine  épineuse. 
Cratsegus  monogyna  (Jcj.).  Aubépine  à  une  graine. 


i'.0  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 

Ces  deux  espèces  végètent  ensemble  dans  les  bois  inférieurs  el 
moyens,  dans  les  terrains  vagues  et  dans  les  terres  noires.  On  les  eni- 
ploio  indifférenimont  l'une  ou  l'aulrt'  de  la  iiiêiiir'  façon  que  l'églaii- 
lior. 

Sorbus  torminalis  (Cranlz.).  Alisier  totminal.  Alisier  des  lois. —  Bois 
au  pi(^(l  (Ips  montagnes.  —  Très  rare.  P.is  employé. 

Sorbus  aria  (Crantz.).  Alisier  hlanc.  —  Bois  monluoux  ot  prés-bois 
jus(ju',iux  grandes  altitudes.  —  Peu  employé. 

Sorbus  aucuparia  (L.).  Sorbier  des  oiseleurs.  —  Bois  montagneux, 
prés-bois  ot  crevasses  des  rocbers  jusqu'aux  grandes  alliludes.  — 
On  le  |)lantp,  à  l'étal  disséminé,  sur  les  allerrissemcnls,  dans  les 
ravins  humides  ou  profondément  encaissés. 

Malus  acerba  (Mér.).  l'ommier  sauvage.  —  Rare. 

CUCURBITACÉES. 
Bryonia  Dioïca  (L.).  Bryonc  dioîquc.  —  Buissons,  haies. 

ONAGRARIÉES. 
Epilobium  spicatum  (Lani.).  Épilobeàépis.  —  Bois  monlueux  et  haies. 

riROSSULARIÉES. 

Ribes  uva-crispa  (L.).  Groseiller  épineux.  Groseiller  à  maquereau.  — 
Bois  inférieurs  et  haies.  Lieux  incultes  et  pierreux. 

CORNÉES. 

Cornus  sanguinea  (L.).  Cornouiller  sangtiin.  —  Bois  inférieurs,  clai- 
rières, buissons  et  haies.  —  Peu  employé, 

I.OBANTIIACÉES. 

Viscum  album  ;L.j,  Gui  bhou-,  —  On  le  rencontre  très  fréquemment 
sur  les  pins  sylvestres. 

CAl'UlEOMACÉES. 

Lonicera  nigra  (L.).  Chèvrefeuille  à  fruits  noirs.  —  Bois  monlueux. 
Lonicera  xylosteum  (L.).  Chèvrefeuille  à  balais.  —  Commun  dans  les 
haies  cl  dans  les  bois  inférieurs. 


FLORE  dp:  la  VALLKE  de  BARCELOXNETTE.  4il 


Lonicera  Alpigena  (L.).  Chèvrefeuille  des  Alpes.  —  Bois  monluoiix  ol 
prés-bois. 

Lonicera  caerulea  (L.).  Chèvrefeuille  à  fruits  bleus.  —  Bois  el  prés- 
bois  jiiovt'iis  et  supérieurs. 

Viburnum  opulus  (L.).  Viorne  obier.  —  Bois  frais. 

Viburnum  lantana  (L.).  Viorne  flexible.  —  Bois,  buissons,  haies.  On 
la  rencontre  communément  aussi  dans  les  terrains  vaerues  et  dans 
les  terres  noires,  où  elle  paraît  susceptible  d'être  employée  avaii- 
taseusement. 

Sambucus  racemosa  (L.\  Sureau  à  grapjjes.  —  Forêts  de  résineux  de 
la  zone  moyenne,  sur  les  terrains  pierreux. 

COMPOSÉES. 

Solidago  virga  aurea    L.).  Verge  d'or.  —  Coteaux  lioisés,  buissons  el 

haies. 
Cacalia  Alpina  (Jq.i.  Cacalie  des  Alpes.  —  Versants  humides  et  om- 

braîrés  des  hautes  montas:nes. 


VACCLNIEES. 

Vaccinium  myrtillus  (L.).  Airelle  myrtille.  —  Forêts  des  versants  sili- 
ceux formés  par  les  g-rès  nummuliticpies  ou  du  llysh. 
Vaccinium  vitis  idœa  (L.).  Airelle  canche.  —  Bois,  clairières. 

ÉRICINÉES. 

Arbutus  uva-ursi  (L.).  Busserole  officinale.  Arbousier  traînant.  Hai- 
sin  d'ours.  —  Bois  moyens  et  supérieurs,  terrains  vagues  des  hautes 
montagnes. 

OLÉACÉES. 

Fraxinus  excelsior  (L.).  Frêne  commun.  —  Bois  et  prés-l)ois;  bords 
des  eaux,  ravins.  Cette  essence,  non  moins  pi'écieuse  par  le  four- 
rage que  fournissent  ses  feuilles  que  par  la  qualité  de  son  bois, 
est  employée,  à  l'état  disséminé,  sur  les  atterrissements  dans  les 
ravins  humides  ou  au  moins  frais. 

Ligustrum  vulgare  (L.).  Troène  commun.  —  Bois  inférieurs  et  haies. 


4-42  11  K  BOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


LABIEES. 

Salvia  glutinosa  (L.).  Sauge  (ihitincusc.  —  Bois   monlucux  inférieurs 

et  luoytMis. 
Stachys  Alpina  (L.).  Épiaire  des  Alpes.  —  Bois  liumidos. 

THYMÉLÉES. 

Daphne  mezereum  (L.).  Daphnr.  bois-gentil. 

ULMACÉES. 

Ulmus  campestris  (Sni.).  Onne  champêtre. 
Ulmus  suberosa  (Ehrli.),  Orme  subi''i'eiix. 

Ces  deux  essences  sont  disséminées  dans  les  bois  des  versaids  in- 
férieurs et  moyens  et  dans  les  haies.  On  les  emploie  notainiiieiil  dans 
les  I erres  noires  en  mélange  avec  d'autres  essences. 
Ulmus  montana  (Sm.).  Onne  de  montagne.  Orme  ù  grandes  feuilles. 

—  Bois  iMoiiLueux  frais.  —  Bare.  Peu  em|)ioyé. 

CUPULIFÈBES. 

Quercus  sessiliflora  (Sju.].  Chêne  rouvre.  Chêne  blane  (Midi;.  —  11 
l'orme,  en  mélange  avec  d'autres  essences,  des  taillis  générale- 
ment chétifs  sur  les  versants  inféiieurs  des  montagnes  on  aval  du 
Lauzet  et  reparait  exceptionnellement  au  pied  du  fort  deTournoux, 
en  plein  n)assif  alpestre.  11  est  toujours  plus  ou  moins  iiulicscent. 
Pas  em[tloyé,  vu  la  rigueur  du  climat. 

Fagus  sylvatica  (L.).  llétre  commun.  Fait.  Faijard.  —  On  nncontii' 
cette  essence  seulement  en  aval  de  BaiTelonnelte,  dans  les  taillis 
cl  forêts  de  résineux  aux  expositions  rraiciii>,  cl  disséminée  au 
milieu  des  i-ocliiTs.  On  m-  rciM[)liiie  [las  dans  les  travaux. 

COBV  LACÉES. 

Corylus  avellana  (L.).  Coudrier  noisetier.  —  Bois  des  versants  infé- 
rieurs. —  Employé  quelquefois  et  planté  alors  par  bouquets,  sur- 
tout dans  les  berges  des  torrents. 


FLORE   DE   LA   VALLÉE   DE  B  ARCELoN  N  ETTE.     443 


SALICINEES, 


Salix  alba  (L.1.  Saule  bhmc. 

Salix  vitellina  (L.).  Oi^icr  jaune  (variété  du  précédcnl). 

Aboudammeiit  répandues  dans  les  isclcset  le  long  des  eaux,  ces 
deux  essences  sont  très  employées  eu  boutures  sur  les  altorrisse- 
nients  et  dans  les  fascinages  et  les  clayonnages. 

Salix  fragilis    l..).  Saule  fragile.  —  Bord  des  eaux.  —  Peu  employé. 

Salix  pentandra  fL.).  Saule  à  cinq  étamincs.  —  Lieux  humides,  maré- 
cageux et  tourbeux  des  hautes  vallées.  —  Pas  employé. 

Salix  amygdalina  (L.).  Saule  amandier.  Saule  à  trois  étamines.  — 
Assez  répandu  dans  les  iscles.  On  l'emploie  sur  les  atterrissements. 

Salix  incana  iSchr.j.  Saule  drapé. 

Salix  purpurea  (L.).  Saule  pourpré.  Osier  rouge. 

Ces  deux  saules,  que  Ton  rencontre  habituellement  ensemble,  sont 

très  communs  dans  les  iscles,  dans  les  haies  et  le  long  des  torrents 

et  ravins  jusqu'aux  grandes  altitudes.   On  les  trouve  même  sur  les 

terrains  vagues  et  dans  les  terres  noires  au  fond  des  petits  ravins. 

Ils  sont  constamment  employés  en  boutures  dans  les  fascinages  et 

clayonnages  et  sur  les  atterrissements,  même  sur  les  plus  petits  et 

les  plus  secs. 

Salix  Caprsea  (L.).  Saule  marceau  —  Bois  et  forêts  aux  expositions 
fraîches.  —  Peu  répandu.  Employé  sur  les  atterrissements  des  bar- 
rages et  dans  les  terres  vagues  un  peu  humides  des  versants  infé- 
rieurs et  moyens. 

Salix  daphnoïdes  Viil.).  Saule  daplnié.  Saule  noir.  —  Iscles  et  bords 
des  eaux  jusque  dans  les  hautes  vallées.  On  l'emploie  sur  les  atter- 
rissements et  surtout  pour  les  clayonnages. 

Populus  alba  (L.).  Peuplier  blanc.  —  Iscles  et  bords  des  eaux  dans 
les  grandes  vallées.  Rare.  Peu  employé. 

Populus  tremula  (L.).  Peuplier  tremble.  —  Il  forme  quelquefois  de 
petits  bois  à  lui  seul.  On  le  rencontre  généralement,  en  i)Uis  ou 
moins  grande  abondance,  dans  les  iscles,  dans  les  bois  inférieurs 
et  moyens  et  dans  les  bouquets  d'arbres  épars  au  milieu  des  prai- 
ries. On  le  plante  par  drageons,  au  pied  des  berges  des  ton'ents 
et  sur  les  atterrissements. 

Populus  nigra  (L.).  Peuplier  noir.  Peuplier  franc.  —  Commun  dans 
les  iscles  et  le  long  des  torrents  jusque  dans  la  zone  moyenne.  On 
le  propage  par  boutures  sur  les  berges  des  torrents  et  sur  les  atter- 
rissements. 


REBOISEMKN'T  DES   MONTAGNES. 


BETULACÉES. 

Betiila  alba  (L.).  Bouleau  hlunr.  Bouleau  commun.  —  Isclos;  ])ois  liii- 
iiiidcs;  bords  de  rUhayo.  —  On  ne  le  rencontre  guèi'e  que  dissé- 
iniiie  çi\  el  là.  On  l'a  planté  quelquefois,  mais  on  très  petite  quan- 
tité, sur  des  attcrrissements  sablonneux  à  base  de  silice. 

Alnus  incana(D.  C).  Aime  blanc.  —  C'est,  par  excellence,  l'arbre  des 
torrents  qu'il  suit  jusque  dans  leurs  dernières  ramifications,  remon- 
tant ainsi  depuis  les  ravins  des  terres  noires  qui  occupent  les  ver- 
sants inférieurs  des  vallées  jusqu'au  milieu  des  prairies  et  des 
pâturages  des  hautes  montagnes.  Il  est  également  très  répandu 
dans  les  iscles  dont  il  constitue  parfois  à  lui  seul  la  majeure  partie. 
Sa  grande  propension  à  drageonnor  le  rend  éminemment  utile 
pour  il'  rchoisenicnt  des  ravins. 

ABIÉTINÉES. 

Pinus  cembra  (L.).  Fin  cemhro.  —  On  le  rencontre  à  l'état  de  dissé- 
mination dans  les  forêts  de  mélèzes  et  de  pins  à  crochets  oîi  il  est 
quelquefois  associé  aussi  au  sapin  et  à  l'épicéa.  Il  forme,  dans  la 
vallée  de  TLibaye,  un  seul  massif  pur,  au  sommet  de  la  forêt  com- 
munale du  Lauzet.  Arbre  des  grandes  altitudes,  il  est  appelé  à 
rendre  des  services  éminents  pour  le  reboisement  des  hauts  ver- 
sants dénudés.  On  l'emploie  beaucoup,  tantôt  par  voie  de  semis 
dans  les  gazons,  tantôt  par  voie  de  plantation.  Mélangé,  d'abord 
en  assez  faible  [)roporti()ii,  à  l'épicéa,  au  pin  à  crochets  et  au  mé- 
lèze, il  forme  bientôt  une  partie  importante  du  repeuplement 
dans  la  région  supérieure  du  mélèze  et  devient  enfin  la  seule 
essence  encore  employée  au  delà  de  :2,iOO  à  2,500  mètres  d'alti- 
tude. 

Pinus  sylveslris  L.).  Pin  sylvestre.  —  Il  ne  forme  de  massifs  purs 
aux  <'.\[i().sjlions  froides  que  sur  hjs  versants  inférieurs,  notanmienl 
sur  ceux  qui  appartiennent  à  l'étage  oxfordien  (terres  noires).  Il 
appartient  à  la  variété  à  branches  étalées.  On  l'emploie  presque 
toujouis  par  voie  de  plantation. 

Pinus  uncinata  fltam.).  Pin  à  crochets.  —  On  le  rencontre  le  plus 
liaiiiluellcrnent  au  milieu  des  derniers  pins  sylvestres  et  dans  les 
zones  inférieure  et  moyenne  du  mélèze,  soit  par  pieds  disséminés, 
soit  par  bouquets  plus  ou  moins  étendus.  11  constitue  cependant  à 
lui  seul  un  massif  d'une  certaine  importance  au-dessus  de  Jausiers. 
On  l'i-niploii'  tantôt  par  voie  de  semis,  lorsfjue  le  terrain  offre  en- 


FLORE  DE  LA  VALLEE  DE  B  ARC  ELOX  NETTE.  li;i 

core  quelques  débris  des  cincions  p-azons,  tantôt  par  voie  do  plun- 
lation,  dans  la  zone  ininiédiatenicnt  supérieure  à  celle  du  pin  syl- 
vestre. 

Lariz  Europaea  (D,  C).  MC'lèze.  —  Il  constitue  de  vastes  forêts  depuis 
le  fond  tics  hautes  vallées,  où  il  est  alors  niélanfjé  au  pin  sylvestre, 
Jusqu'aux  grandes  altitudes,  où  il  n'est  plus  dépassé  que  par  le 
pin  cenibro.  Dans  la  zone  intermédiaire,  il  couvre  de  grandes 
étendues,  tantôt  et  très  souvent,  à  lui  seul,  d'autres  fois  en  mé- 
lange avec  le  sapin,  l'épicéa  et  le  pin  à  crochets.  Il  végète  à  toutes 
les  expositions  et  dans  tous  les  terrains,  même  au  milieu  des 
rochers  les  plus  arides  en  apparence,  dans  les  fentes  et  les  crevasses 
desquels  ses  fortes  racines,  obliquement  et  profondément  pivo- 
tantes, trouvent  la  fraîcheur  et  la  nourriture  nécessaires.  Très  em- 
ployé dans  les  travaux  de  reboisement,  tantôt  par  semis  direct  au 
milieu  des  gazons,  tantôt  par  voie  de  plantation,  il  constituera 
plus  tard,  seul  ou  mélangé  aux  essences  qui  raccompagnent  nalu- 
rellemenl,  l'immense  majorité  des  repeuplements  artificiels  dans 
la  vallée  de  l'Ubaye. 

Abies  ezcelsa  (D.  C).  Épicéa comrmtn. —  On  le  rencontre  mélangé  au 
pin  sylvestre  et  surtout  au  mélèze,  tantôt  par  pieds  isolés,  tantôt 
par  bouquets  plus  ou  inoins  étendus.  Il  constitue  presque  à  lui 
seul  des  massifs  assez  importants.  Abondamment  répandu  sur  les 
versants  moyens,  il  devient  très  rare  dans  les  versants  supérieurs. 
On  trouve  assez  fréquemment  une  variété  à  branches  pendantes 
{V.  pendilla),  d'un  aspect  très  gracieux.  Il  ne  peut  être  qu'excep- 
tionnellement employé  dans  de  bonnes  conditions  dans  les  péri- 
mètres. Aussi  son  usage  est-il  i-estreint. 

Abies  pectinata  (D.  C).  Saiiin  pectine.  —  On  le  rencontre  dans  la 
plupart  des  forêts,  au-dessus  de  la  zone  du  pin  sylvestre,  mais  le 
plus  ordinairemenl  à  l'état  de  dissémination.  Il  constitue  cepen- 
dant quelquefois,  au  milieu  des  forêts  de  mélèzes,  des  massifs  purs 
assez  étendus.  —  Pas  employé. 

TAXINÉES. 

Taxus  baccata  (L.).  If  commun.  —  Rare. 


iiU  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


11.  —  PRAIRIES  NATURl^LLES  FAUCIIABLES 


RÉNONCULACÉES. 

Ranunculus  acris  (Vj.).  Benoncuïe  acre.  —  Mauvaise  plante,  aboudani- 

iiirnl  i'r[iaiiilii('. 
Anémone   Alpina  d..).  Anémone  des  Alpes.  —  Coiiiiiuuie  depuis  les 

prairies  inoyi'iines  jusqu'aux  pâturages  élevés. 
Anémone  narcissiflora  (L.).  Anémone  à  fleurs  de  narcisse. 
Anémone  baldensis  (L.).   A7îcmone  fraise.  —  Ces  deux  espaces  dans 

les  prairies  ('■levées. 
Trollius  Europaeus  (1..).  Trolle  d'Europe.  —  Boule  d'or.  —  Piaule  Acre 

(■[  vénéneuse,  al)ondante  dans  les  prés  niontueux. 

CRUCIFÈRES. 

Arabis  hirsula    K.).  Arabetic  velue.  —  Hautes  nu)nta.i,'-nes. 
Cardamine  Alpina  (D.  C).  Cardai/iijie  des   Alpes.  —  Hautes  nionta- 

LMies. 
Biscutella  laevigata  (I..).  Lunetiére  lisse.  —  On  la  rencontre  aussi  dans 

les  prairies  élevées,  dans  les  pâturages  et  au  milieu  des  rochers 

des  montagnes  élevées. 

VIOl.ACÉES. 

Viola  pinnata   L.).  Violette  découpée.  —  Hautes  montagnes. 
Viola  tricolor  iL,).  Violette  tricolore.  Pensée.  —  Ou  la  rencontre  dans 
les  prairies  élevées  et  dans  les  pâturages. 

CAllVOPlIVIJJiES. 

Silène  inflata  (D.  C.  ).  Silèm;  a   enliie   enflé.  —  Dejtuis  le   l'oiid  des 

vallées  jiis(pi'aux  grandes  altitudes. 
Dianthus  carthusianorum  (I..).  (Millet  des  Chartreux.  —  On  le  trouve 

aussi  dans  les  lieux  stériles. 


FLORE   DE   LA  VALLEE   DE   B  ARC  E  LO  N  N  E  TTE.     417 


GÉRANIÉES. 

Géranium  sylvaticum  (L.).  Gcninium  des  bois. 

Géranium  aconitifolium  (Lhér.  ).  Géranium  à  feuilles  d'aconit. 

PAPILIONACÉES. 

Tetragonolobus  siliquosus  (Hoth.).  Tétragonolobe  siliqucux.  —  Prairies 
humides;  bords  des  eaux. 

Medicago  falcata  (L.).  Luzerne  en  faucille.  Luzerne  sauvaye.  —  Prés 
secs  et  terrains  vagues.  Bonne  plante  fourragère. 

Trifoliiim  badium  iSclireb."'.  Trèfle  brunissant.  —  Prairies  des  hautes 
nuintagnes. 

Trifolium  repens  (L.).  Trèfle  rampant.  —  Très  répandu  jusqu'au 
milieu  des  pâturages.  Cette  excellente  plante,  que  l'on  trouve  aussi 
dans  les  terrains  vagues,  paraît  susceptible  d'être  employée  avec 
avantage  dans  les  travaux  d'enherbement. 

Trifolium  pratense  (L.).  Trèfle  des  p/'és.  —  Très  comnmn  dans  les 
bonnes  prairies.  Hure  dans  les  pâturages. 

Trifolium  montanum  (L.).  Trè/le  des  inontagnes. 

Meliotus  alba  (Lam.).  Métilot  blanc. 

Meliotus  officinalis  (Lam.).  Mélilot  officinal.  —  Basses  montagnes, 
graviers,  bords  des  torrents.  On  pourrait  peut-être  semer  avanta- 
geusement ces  deux  espèces  sur  les  atterrissements,  dans  les  ravi- 
nes les  plus  sèches. 

Hedisarum  obscurum  (L.).  Sainfoin  des  Alpes.  —  Hautes  montagnes. 
—  On  rencontre  aussi  cette  excellente  plante  dans  les  terrains  va- 
gues et  dans  les  terres  noires,  aux  expositions  froides  et  aux  gran- 
dies altitudes,  oii  on  la  jiropage  artificiellement  par  voie  de  semis. 

Onobrychis  sativa  (Lam.).  Sainfoin  commun.  — •  xU)ondamment  ré- 
pandue dans  les  prairies  inférieures  et  moyennes,  cette  plante, 
précieuse  à  cause  de  sa  rusticité  et  de  son  puissant  enracinement, 
est  très  employée  dans  les  travaux  d'enherbement;  elle  fixe  rapi- 
di'meat  le  sol  et  fournit  aux  jeunes  plants  un  premier  abri. 

Lathyrus  pratensis  ^L.}.  Gesse  des  lyrcs.  —  Rare. 

ROSACÉES. 

Spirsea  ulmaria  (L.).  Reine  des  prés. 

Geum  rivale    L.).  Benoîte  des  ruisseaux. 

Potentilla  aurea  (L.'.  Potentille  dorée.  —  Prairies  élevées. 


REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 


OMBELLIFÈRES. 

Dancus  carota  iL.).  Carotte  commune.  —  Vallées  et  coteaux. 

Meum  athamanticum  (Jq.).  Fenouil  des  Alpes.  Méum  utliumante.  — 
Prairies  moyennes  et  supérieures  ;  pâturages.  —  Excellente  plante 
([n'il  sm-ait  ulile  do  propager,  mais  qui  exige  de  bons  terrains. 

Buplevrum  ranunciiloides  (L.).  Buplèvre  renoncule. —  Prairies  élevées 
et  rochers. 

Pimpinella  magna  (L.).  Boucage  à  grandes  feuilles.  —  Prairies  infé- 
rieures et  moyennes  un , peu  fraîches. 

Astrantia  major.  Astrance  à  larges  feuilles.  —  Prés  et  jirés-bois 
inontuoux. 

Astrantia  minor.  Astrance  à  petites  feuilles.  —  Prés,  prés-bois,  pâtu- 
rages. 

Eryngium  Alpinum  (L.).  Vanicant  des  Alpes.  Heine  des  Alpes.  —  Prai- 
j'ics  élevées  et  pâturages. 

RIJHIACÉES. 

Galium  verum  (L.).  Gaillet  jaune.  Caille-lait  jaune.  —  Prés  et  lisièn^s 

dos  l)ois. 
Galium  moUugo  (L.).   Gaillet  blanc.  Caille-lait  blanc.  —  Prés  et  bois 

liiimidi's. 

COMPOSÉES. 

Cirsium  spinosissimum  (Scop.).  Cirse  très  épineux.  —  Prairies  et  pà- 
liir.igcs  (les  liaiiios  montagnes. 

Centaurea  montana  (L.).  Centaurée  de  montagne.  Grand  bleuet.  — 
Prés  et  [>rès-bois. 

Achillea  millefolium  (L.).  A  chillée  mille  feuille.  —  Tiés  abomlantc  jus- 
(jue  dans  les  pâturages.  On  la  trouve  aussi  dans  les  terrains  vagues 
et  elle  sendilorail  [)ouvoiry  Cire  assez  souvent  propagée  avec  avan- 
tage, par  voie  de  sojnis,  jusqu'aux  graiulos  allitiidos. 

Leucanthemum  vulgare  (Lani.).  Grande  marguerite. 

Aronicum  scorpioides  (D.  C).  Aronic  scorpion.  —  Prairies  élevés;  pâ- 
I  in;ii:cs  ;  |pit'rrailles. 

Tragopogon  pratensis  CL.).  S(dsifis  des  prés.  Barbe-de-bouc. —  Prairies 
ilrpiii>  If  tond  des  vallées  juscpi'anx  graiidos  altitudes. 

Hieracium  I  L.L  Épervière.  —  Plusieurs  osporcs  assez  abondamiiH'Mt 
ré|ianducs,  nolanimenl  les  Il.pilosella  ot  //.  aurantiucum. 


FLURE   DE  LA  VALLEE   DE   B ARCELOXXETTE.     il9 


CAMPANL'LACÉES. 

Campanula  barbata  '\..\  Campanule  barbue.  —  Prairies  élevées. 
Campanula  glomerata  (l..;.  Vampaxule  aijijlomcrée.  —  Pi'airies  et  prés- 
Lois. 

VACCINIÉES. 

Vaccinium  uliginosum  iL.).  Airelle  uliijineuse.  — Le  long  des  eaux,  au 
milieu  des  prairies  élevées. 

(;entl\nées. 

Gentiana  lutea  iL.).  Grande  Gentiane.  —  On  lu  rencontre  d('[iuis  le 
fond  des  vallées  jusqu'aux  grandes  altitudes,  dans  les  prairies  et 
prés-hois,  et  même  sur  les  terrains  vairues  et  pierreux. 

Gentiana  Biirseri  (Lap.).  Gentiane  de  Bnrser.  — •  Hautes  montagnes. 

Gentiana  punctata  (L.).  Gentiane  ponctuée.  —  Hautes  montagnes. 

Gentiana  asclepiadea  (L.).  Gentiane  asclépiade.  —  Hautes  montagnes. 

Swertia  perennis  (L.).  Su-ertie  vivace.  —  Lieux  humides  des  hautes 
montagnes. 

CUSCUTACÉES. 

Cuscuta  minor  (D.  C).  Cuscute  à  petites  fleurs.  —  ;Plante  parasite 
ti'ès  uuisihle. 

BORRAGINÉES. 

Cerinthe  minor  (L.).  Mélimt  à  fleurs  tachées. 

Myosotis  Alpestris  (Schm.j.  Myosotis  des  Alpes.  —  Très  abondant 
dans  toutes  les  prairies,  dans  les  jirés-bois  et  dans  les  pâturages. 

PERSONÉES. 

Rhinanthus  crista  galli  (L.).  Rhinanthe  à  ijrandes  fleurs.  Crëte-de 
coq.  —  Cette  plante  abonde  dans  les  prairies  épuisées  et  s'étend 
jusque  dans  les  pâturages. 

Bartsia  Alpina  (L.).  Bartsie  des  Alpes.  —  Lieux  humides  des  hautes 
prairies. 

Euphrasia  Alpiaa   'D.   C).  Euphraise  des  Alpes.  —  Très  commune 

t>9 


450  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 

dans  les  prôs-hois,  dans  loulos   les  |ii'aii'ics  nionlagnousos  et  jiis- 
tin'au  milieu  des  pAturaiSîes. 
Pinguicula  vulgaris  (I.,.).  Gmssette  commune.  —  Lieux  marécageux  ou 
lourlieux. 

LABIÉES. 

Salvia  pratensis  (L.).  Sauge  des  prés.  —  Toutes  les  prairies.  On  la 
lencDutrc  aussi  sur  les  terrains  vagues  et  dans  les  pierrailles.  On 
poui-rait  peut-être  la  propager  avantageusement  sur  les  sols  dé- 
nudés. 

Brunella  Grandiflora  (Mujucli).  Brunclle  n  grandes  fleurs. 

PRIMULACËES. 

Primula  officinalis  (Jq.).  Primevère  officinale.  Coucou. 

PLANTA(;iNÉES. 

Plantago  média  iL.).  l'hintain  rnoijvn. 

Plantage  lanceolata  (L.U  Flantain  lancéolé.  Herbe  éi  cinq  côtes.  —  Prés 
secs,  (ifs  deux  plantins  végètent  aussi  sur  les  teri'ains  vagues,  et  il 
serait  avantageux  de  les  propager  ailiiicii'llcnK.'nt. 

POLVCONÉES. 

Rumex  acetosa    L.'>.  Oseille  sauvage. 

Poligonum  bistorta  (L.).  lienouée  bistorte.  Serjwntérc. 

Polygonum  viviparum  (L.).  Renouée  vivipare.  —  Cette  plante,  très 
(•(imnunie  dans  les  prairies  élevées,  se  rencontre  aussi  dans  les 
pâturages  et  sur  les  terrains  vagues,  oii  elle  sei-ait  peut-être  d'un 
f-mploi  avantageux  aux  grandes  altitudes. 

ErPlIOmJIACÉES. 
Euphorbia  dulcis  (L.'i.  Eaphorbc  jxjurpré.  —  .Mauvaise  [)lanto. 

ALCIIKMILLACKKS. 

Alchemilla  vulgaris  (L.  .  Ahlinnillr  nimiiiunc.  —  Depuis  le  fond  des 
vallées  juMpiaux  pâluraLTs  él<'V(''S. 


FLORE   DE  LA   VALLEE  DE   B ARCELONNETTE.      451 


SAIJCINÉES. 


Salix  nigricans  (Sm.).  Saule  lutlrcissant. 
Salix  cinerea  (L.).  Saule  cendre. 


Salix  caesia  (I..).  Saule  bleuâtre. 
Salix  Laponum  (L.).  Saule  des  Lapons. 
Salix  myrsinites  (L.).  Saule  myrte. 
Salix  arbuscula.  Saule  arbuste. 


Vallons  cL  ])or(Is  des  ruis- 
seaux au  milieu  des  prai- 
ries. Prés-])ois. 
Le  long  des  eaux,  dans  les 
prairies  élevées.  —  On  les 
emploie   avec   avantage 
dans  les  terrains  humides 
et    autour    des  sources, 
aux  grandes  altitudes. 


COLCHICACEES. 

Golchicum  autumnale  (L.).  Colchique  d'automne. 

LILIACÉES. 

Tulipa  sylvestris  (L.).  Tulipe  sauvage.  —  Prés  élevés. 

Lilium martago  (L.).  Lis  martagon. 

Galantus  nivalis  (L.).  Verce-neige.  —  Prés  et  prés-bois. 

ORCHIDÉES. 


Prés  et  bois. 


Epipactis  palustris  (Cli.).  Épiaire  des  marais. 
Orchis  globosa  (L.).  Orchis  globuleux 
Orchis  conopsea  (L.).  Orchis  à  long  éperon. 
Orchis  latifolia(L.).  Orchis  à  larges  feuilles. 
Orchis  maculata  [L.).Orchis  à  feuilles  tachées. 
Eriophorum  Alpinum  (Gaud.).  Linaigrette  des  Alpes.  —  Prairies  maré- 
cageuses et  tourbeuses  des  hautes  monlac:nes. 


CVPEUAGEES. 


Eriophorum  capitatum  (Host.).  Linaigrette  en  tète.  —  Lieux  humides 
des  prés  et  des  bois  clairières. 

Carex  (L.).  —  Nombreuses  espèces  dans  les  prairies,  dans  les  prés- 
bois  humides  et  dans  les  lieux  marécageux  et  tourbeux,  depuis  le 
fond  des  vallées  jusqu'aux  plus  grandes  altitudes. 


REBOISEMENT  DES  MONTAGNES, 


GRAMINEES. 

Anthoxantiim  odoratum  (L.).  Floiive  odorante.  —  Bonne  plante  four- 
ra,t!'èi'e  des  prairies  inféi'ieures  et  moyennes  et  des  prés-bois  infé- 
rieurs. 

Phleum  pratense  (I..).  Flcolc  des  prés. 

Alopecurus  pratensis  (L.).  Vulpin  des  2'>^'<^s. 

Agrostis  vulgaris  (Witli.).  Agrostide  commune. 

Avena  flavescens  (L.).  Avoine  jaunâtre. 

Avena  pubescens  (L.).  Avoine  pubesccnte. 

Avena  pratensis  (L.).  Avoine  des  prés. 

Avena  elatior  (L.).  Avoine  rlevée.  Fromehtal.  Fcnasse.  —  (^ette  espèce 
fournit  spécialement  la  graine  connue  sous  le  nom  de  frnassc.  La 
fénasse  contient  en  réalité  des  graines  de  toutes  les  graminées  qui 
accompagnent  ordinairement  le  fromcntal  dans  les  prairies.  Ainsi 
les  graminées  qui  précédent  et  celles  que  nous  allons  encore  énu- 
mérer  figurent,  mais  en  proportion  ti'és  varia])le,  dans  la  fénasse 
du  ct)minerce  que  l'on  enqdt)ie  beaucoup  dans  les  travaux  d'eulier- 
bement. 

Holcus  lanatus  (L.).  Honqiie  laineuse.  —  Peu  répandue. 

Holcus  mollis  (L.).  IkaK/ue  molle. 

Poa  pratensis  (I..).  Pafnrin  des  prés. 

Dactylis  Glomerata  (L.).  Dactyle  pelotonné.  —  On  la  rencontre  fré- 
«[uemnient  dans  les  terrains  vagues. 

Festuca  pratensis  (Huds.).  Fétuque  des  prés. 

Bromus  erectus  il-.).  Brome  des  prés. 

Lolium  perenne  (I..).  Ivraie  vivace.  —  Prairies  fraiclies. 

Remarque.  I-es  graminées  qui  forment  la  base  des  ju'airies  infé- 
rieures perdent  de  leur  importance  à  mesure  ([ue  l'a  II  itude  augmente 
et  ne  se  rencontrent  iihe- qu'en  l'aihle  proportion  dans  les  prairies 
élevées.  Elles  subsistent  cejiendant  jusque  dans  les  pàtui'agcs  su- 
périeurs, où  elles  sont  même  parfois  très  abondan(<'s;  mais  ce  sont 
alors  des  espèces  alpines  spéciales  à  ces  hautes  régions. 


nr.  —  PATURAGES 

RENONCIJLACÉES. 

Ranunculus  Pyrenaeus  '  L.;.  Iknoncute  des  Pyrénées. 
Ranunculus  montanus  (D.  C).  Renoncule  des  montagnes. 


FLORE   DK   LA   VAI-LKK   DE   B ARCELOXNETTE.      i-S'-i 

Thalictnim  Alpinum  (L.).  Pignmon  des  Alpes.  —  Pierrailles. 
Anémone  vernalis  [L.].  Anémone  pvintimiére. 

VIOLACÉES. 

Viola  biflora  (L.).  Violette  à  deux  fleurs.  —  Lieux  liuinides. 

Viola  Cenisia  (L.).  Violette  du  mont  Cenis. 

Viola  hitea  (L.).  Violette  jaune.  —  Très  commune. 

Viola  calcarata.  Violette  à  long  éperon.  —  Très  commune. 

CARYOPHYLLÉES. 

Silène  acaulis  (L.).  Silène  à  courtes  tiges. —  Gazons  courts, très  serrés. 
Dianthus  Seguieri  (Ch.).  Œillet  de  Séguier.  —  Lieux  pierreux. 
Dianthus  neglectus  (Lois.).  (Millet  néglige.  —  Hautes  montagnes. 

PAPILIONACÉES. 

Ononis  Cenisia  (L.).  Biigrane  du  mont  Cenis.  —  Elle  est  aussi  très 
répandue  dans  les  terrains  vagues  où  elle  serait  peut-être  suscep- 
tible d'être  utilement  propagée  artiliciellemeut. 

Anthyllis  vulneraria  (L.).  Anthyllide  vulnéraire.  —  Très  commune 
partout,  même  dans  les  terrains  vagues.  Cette  plante  semble  avan- 
tageuse pour  les  enherbements. 

Medicago  lupulina  iL.).  Luzerne  lupuline.  Minette  dorée.  —  Très 
répandue  partout,  même  dans  les  terrains  vagues.  On  trouve  en 
elle  un  sérieux  auxiliaire  pour  les  enherbements. 

Trifolium  Alpinum  (L.).  Trèfle  des  Alpes.  —  Hautes  montagnes. 

Astragulus  Monspessulanus  (L.).  Astragale  de  Montpellier.  —  Pâtu- 
rages secs  et  pi(M-reux  des  basses  montagnes. 

Astragalus  onobrychis  (L.l.  Asti'agale  esparcette.  —  Pâturages  infé- 
rieurs et  moyens;  terrains  vagues  et  terres  noires.  On  peut  em- 
ployer utilement  cette  espèce,  ainsi  que  la  précédente,  sur  les 
versants  inférieurs  vagues  et  arides. 

Oxytropis  montana  (D.  C).  Oxytrope  des  montagnes. 

Onobrychis  supina  iD.  C).  Sainfoin  couché.  —  Pelouses  sèches. 

Coronilla  vaginalis  (Lam.).  Coronille  engainée.  —  Lieux  pierreux. 

Coronilla  minima  (L.).  Coronille  couronnée.  —  Coteaux  secs. 

ROSACÉES. 
Dryas  octopetala  (L.).  Dryade  ii  huit  pétales.  —  Hautes  montagnes. 


454  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


Geum  montanum  (I..).  Benoîte  des  montannes. 
Potentilla  grandiflora  (L.).  Potentillc  à  yrande  fleur. 

CRASSULACÉES. 
Sempervivum  tectorum  (L.).  Joubarbe  des  toits. 

OMBELLTFÈRES. 

Buplevrum  gramineum  (Vill.).  Buplévre  à  feuilles  de  fjraminée .  —  Pâ- 
tuntgos  élcvi's  et  rochers. 

RUBIACÉES. 

Galium  Helveticum  (Weig.).  Gaillet  de  Suisse.  —  Lieux  pierreux  des 
pâturages  élevés. 

DIPSACÉES. 

Scabiosa  Graminifolia  (L.).  Scabieuse  à  feuilles  de  graminée.  —  Pûtu- 

raircs  éli'vés,  déliris  de  rochers. 
Scabiosa   lucida   (Will.).  Scabieuse  luisaiite.   —  Pâturages,   prés  et 

prés-liois  iiiontueux. 

COMPOSÉES. 

Centaurea  uniflora  (L.).  Centaurée  uniflorc. 
Antennaria  dioïca  ((iartn.).  Antcmiaire  1 

diniuUl'.  'il        1  , 

'     .     „  ,  >  Hautes  iiionlagncs. 

Antennaria  Carpathica  (1).  C).  Anten-  i 

nnirr  îles  rnipfitltrs.  ] 

Achillea  nana  (L.).  Achillic  iiaine.  —  Hautes  nionlagnes. 
Leucanthemum  coronopifoHum  ((J.  {].).  Leximnihème  corne-dc-ccrf.  — 

Lieux  pierreux,  iciclieis  des  hautes  nionlagnes. 
Leucanthemum  Alpinum  (Lani.).  Leucunthéme  des  Alpes. 
Aster  Alpinus    !..  .  Aster  di s  Alpes. 
Bellidiastrum  Michellii  (Cass.).  Marguerite  de  Michclli. 

COMI'AM  LACÉES. 
Phyteuma  pauciflorum  (L.).  liniponce  à  petite  tête. 


FLORE  DE  LA  VALLEE  DE  B  ARCELOXN  ETTE.  io". 


AZALEACEES. 

Rhododendrumferrugineum  (L.).  Rhododendron  fernigineuj;. —  Hautes 
iiioulapnos. 

GENTIANÉES. 

Gentiana  acaulis  i  L.).  Gentiane  à  courte  tige.  —  Très  coiiiiuunc  à  pur- 
tir  (les  prairies  éicvéos. 
Gentiana  verna  i^L. ;.  Gentiane  pvintaniére.  —  Hautes  montagnes. 

POLYGALÉES. 

Polygala  vulgaris  (L.^.  Polygahi  commun.  —  Partout. 
Polygala  chamsebuxus  (L.}.  Polygala  faux  buis.  —  Rare. 

BORRACTNÉES. 
Myosotis  nana  (Vill.).  Mijosotis  nain.  —  Hautes  montagnes. 

PERSONÉES. 

Veronica  Allionii  i  VilLj.  Véronir/ue  d'Allioni.  Thé  des  Alpes.  —  Très 

abondante  sur  les  hautes  montagnes. 
Pedicularis  fasciculata  (BelL).  Pédiculaire  fasciculée. 
Euphrasia  minima  ^D.  C).  Euphraise  naine. 

PRIMULACÉES. 

Primula  farinosa  (L.).  Primevère  farineuse.  —  Lieux  humides. 
Primula  crenata  (Lam.).  Primevère  û  rebords  farineux.  —  Rochers 

des  hautes  montagnes. 
Aretia  vitaliana  (Wild.).  Arétie  de  Vitalien. 
Androsace  villosa  (L.).  Androsace  velue. 
Soldanella  Alpina  (L.).  Soldanclle  des  Alpes.  —  Hautes  montagnes. 

GLOBULARIÉES. 

Globularia  cordifolia  (L.).  Globulaire  à  feuilles  en  cœur.  —  Pâturages 
et  rochers. 


4o6  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 

PLANTAGINÉES. 
Plantago  Alpina  (L.).  Vlantin  dca  Alpes. 

ALCHEMILLACÉES. 

Alchemilla  Alpina  (L.).  Alchcinille  des  Alpes.  —  Hautes  montagnes. 
Excellente  plante,  très  commune  dans  les  pâturages  et  même  au 
milieu  (les  rochers. 

SALLCINÉES. 

Salix  reticulata  ([-.).  Saule  réticule. 

Salix  herbacea  iF..).  Snule  herbacé. 

Salix  retusa  \L.).  Saule  cmoussc. 

(les  très  i)ctits  arbrisseaux  consliluent  (juelquefois,  presque  à 
eux  seuls,  les  gazons  des  liantes  montagnes.  On  peut  les  employer 
avec  avantage  pour  l'enherbenient,  au  point  de  vue  de  la  fixation 
lin  siil  (les  lerrains  vagues  aux  grandes  allitudcs. 

COLCHICACÉES. 

Colchicum  Alpinum  (I).  C).  Colchique  des  Alpes. 
Veratrum  album  (L.  .  Varuive  blanc.  —  Mauvaise  plante. 

LILTACÉES. 

Anthericum  calyculatum  ^^.).  Anthéric  à  collerette.  —  Lieux  un  peu 

liiiiniili'>. 
Anthericum  liliago  i  L.).  Aiithnie  à  llcur  de  lis. 
Crocus  vernus  iAII.1.  Safran  de  printemps. 

()  lu:  Il  IDÉE  S. 
Orchis  nigra  (D.  E.).  Orchis  noir.  Manette. 

fiUAMlNKES. 

Phleum  Alpinnra  (L.).  FIrole  îles  Alpes.  —  Hautes  montagnes. 
Alopecurus  Gerardi  (Vill.).  Vulpin  de  Gérard.  —  Hautes  montagnes. 


FLORE  DE  LA  VALLÉE  DE  B  ARCELOXN  ETTE.  VM 


Agrostis  Alpina  (Scop.)-  Agrostidc  des  Alpes.  —  Hautes  montagnos. 
Agrostis  canina  il..).  Agroatide  hi'-térophijUe.  —  Hautes  inonlairnes. 
Sesleria  caerulea  (L.).  Seslcric  bleuâtre.  —  On  la  rcnconli-o  dans   les 

prairii's  et  aussi  dans  les  bois  clairières. 
Poa  Alpina  (L.).  Patio'in  des  Alpes.  —  Hautes  montagnes. 
Briza  média  (L.).  Brize  moyenne.  —  P;iturag-os  inférieurs  et  moyens. 
FestucaHalleriiAll.'i.r't'^(/'/»ede//«//t'>-. 
Festuca  duriuscula  \..].Fr(uquednrette.   \ 
Festuca  glauca  i^Sohr.  .  Fétuqiie  glaii-  | 

<jm\  f 

Festuca  ovina  iL.).  FéUigue  ovine.  ,  Pâturages  élevés  et  terrains 

Festuca  pumila  (Cli.).  Féiuque  naine;  1       secs  et  pierreux. 

dégante.  \ 

Festuca  rubra  iL.l.  Fétuque  rouge.         | 
Nardus  stricta (L.).Nard  raide.  —  Hare.  i 


IV.  —  TERRAINS  VAGUES  ET  ARIDES; 

PIERRAILLES;  TERRES  NOIRES  DÉNUDÉES; 

ROCHERS 

RENONCULACÉES. 

Ceratocephalus  falcatus  (Pors.).  Ccratocéphale  en  faucille.  —  MoviMines 

montagnes,  aux  expositions  chaudes. 
Helleborus  fetidus  iL.).  Hellébore  fétide.  —  Coteaux  secs  et  arides. 
Delphinium  elatum  (L.j.  Dauphinelle  élevée.  —  Rochers  des  hautes 

iHiintagnes. 

RERBÉRIDÉES. 

Berberis  vulgaris  (L.).  Épine-vinette.  —  Plante  très  répandue  partout, 
même  dans  les  terres  noires,  depuis  le  fond  des  vallées  jusqu'aux 
grandes  altitudes.  On  la  plante  par  lignes  horizontales  dans  les 
terrains  arides,  notamment  dans  los  terres  noires. 

CRUCIFÈRES. 

Brassicaria  repanda  D.  C).  Brassicairc  sinuéc.  —  Terrains  les  plus 
arides. 


«8  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


Erysimum  ochroleneum  (D.  C).  Vclarjmtndtre.  —  Lieux  pierreux  des 

liantes  iii(inla,i,''ii('s. 
Alyssum  montanum  (I..),  Ahjsson  des  montagnes.  —  Versants  secs  et 

arides. 
Draba  aizoïdes  (I,.).  Brave  faux  aizoon.  —  Lieux  pierreux  élevés. 
Thlaspi  Alpestre  (L.).  Tabouret  alpestre.  —  Hautes  moulagnes,  débris 

de  rochers. 
Thlaspi  montanum  (L.).  Tabouret  des  montaejnes.  —  Lieux  jtierreux 

et  secs. 

CISTIXÉKS. 

Helianthemum  vulgare  (Gartn.).  lléUanthème  commun.  —  Très  répandu 
])artout,  iiièiue  dans  les  terres  noires. 


RÉSÉDACÉKS. 

Reseda  luteola  (L.).  Réséda  gaude.  —  Partout,  notaninient  dans  les 
terres  noires  les  plus  arides. 

CARYOPHYLLÉES. 

Silène  saxifraga  (L.).  Silène  saxifrage.  —  Hocliers. 

Gypsophila  repens  (Fi.).  Gypsophile  rampant.  —  Graviers  des  torrents, 

cônes  de  déjections,  élioulis,  terrains  vag^ues,  terres  noires, 
Saponaria  ocymoides  (L.).  Saponaire  basilic.  — Terrains  vagues  [liei- 

reux. 
Alsine  lanceolata  (M.  et  K.).  Alsine  lancéolée.  —  Hocliers  des  hautes 

montagnes. 
Stellaria  média  (Vill.).  Stellaire  morgelinc.  Mouron  des  oiseaux.  — 

Partout,  dans  les  basses  inonlagiK.-s. 
Cerastium  latifolium  (L.).  Ccraiste  à  larges  feuilles.  —  Débris  de  ro- 

clieis  aux  i.'-iaiidcs  altitudes. 
Cerastium  Alpinum  (L.).  Ccraiste  des  Alpes.  —  Lieux  liuniides  élevés. 

LLNliLS. 

Linum  tenuifolium   F,.).  Lin  à  feuilles  menues.  —  Terrains  vagues, 
jiierreux  des  liasses  montagnes. 


FLORE   DE   LA   VALLÉE  DE  B  AIICELONNETT  E.     459 

GÉRANIKES. 
Géranium  Lucidum  (L.).  CH'ranium  luisant.  —  Lieux  pioneiix  incultes. 

■RHAMNÉES. 

Rhamnus  pumila  (I-.).  Ntrpnin  nain.  —  Fentes  des  pierres  et  des  ro- 
cliers  calcaires  aux  expositions  chaudes, 

TÉRÉRINTHACÉES. 

Rhus  cotinus  (L.).  Sumac  fiistet.  —  Terres  vagues  pieri'euses  ou  ro- 
cheuses des  hasses  montagnes  aux  expositions  chaudes,  seulement 
en  aval  de  Barcelonnette. 

PAPILIONACÉES. 

Genista  pilosa  (L.).  Genêt  velu. 

Genista  cinerea  (D.  C).  Genêt  cendré.  —  Versants  calcaires  pierreux 
et  secs,  en  aval  de  Barcelonnette. 

Ononis  natrix  (L.).  Bugrane  gluante. 

Ononis  fruticosa  (L.).  Bugrane  arbrisseau. 

Graviers  des  vallées.  Coteaux  secs  et  arides,  ravins,  terres 
noires.  Excellente  plante,  par  suite  de  sa  rusticité  et  de  son  enra- 
cinement traçant,  éminemment  apte  à  fixer  les  terres  instables. 
Emplo3-ée  par  semis. 

Ononis  s'ph\osa{\j.).  Bugrane  épineuse.  —  Coteaux  pierreux  des  basses 
montagnes. 

Lotus  corniculatus  (L.).  Lotier  corniculê.  —  Coteaux  plus  ou  moins 
dénudés,  prés,  buissons,  aux  altitudes  inférieures  et  moyennes.  On 
pourrait  peut-être  utiliser  cette  plante  dans  les  enherbements. 

Astragalus  aristatus  (Lhér.).  Astragale  aristée.  —  Coteaux  secs  et 
pierreux,  terres  noires.  On  la  rencontre  aussi  dans  les  pâturages 
où  elle  doit  être  considérée  comme  une  plante  nuisible. 

Oxytropis  campestris  (D.  C).  Oxytrope  des  Alpes. 

Onobrychis  saxatilis  (AU.).  Sainfoin  des  rochers.  —  Coteaux  pierreux, 
secs,  et  terres  noires,  aux  expositions  chaudes.  On  pourrait  peut- 
être  employer  avantageusement  cette  plante  dans  les  terres  vagues 
et  arides  inférieures,  notamment  dans  les  terres  noires,  avec  l'as- 
tragale aristée,  le  lotier  corniculê  et  ranthyllide  vulnéraire. 


4G0  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


ROSACÉKS. 

Geum  reptans   L.).  Benoîte  traçitnte.  —  Débris  dos  rochers  des  liautes 

moiihiyni's  schisteuses. 
Geum  montanum  (L.).  Benoîte  des  montar/nes.  —  Débris  des  rochers  et 

liàluia,i;<'s  supérieurs. 
Potentilla  verna  (L.).  PotentiUe  iwintaniére.  —  Partout  dans  les  zones 

iurrrii-iircs  et  moyennes. 
Rubus  caesius  (!..}.  honce  bleuâtre.  —  Terrains  vagues  et  arides  infé- 
rieurs, liuissons,  haies. 
Rosa  pimpinellifolia  (L.).  Rosier  à  feuilles  de  pimiirencUe.  —  Coteaux 

secs  et  arides  des  basses  et  moyennes  montagnes,  haies. 
Rosa  Alpina  (L.).  Rosier  des  Alpes.  —  Terrains  vagues  et  bois,  rlai- 

riérc-  inférieures  et  moyennes. 
Rosa  glandulosa  (BeU.).  Rosier  ylamluleux.  —  Terrains  vagues  des 

liaules  montagnes. 

POMACÉES. 

Cotoneaster  vulgaris  (Lindi.).  Cotonnier  commun.  —  Pierrailles  et 
rociicrs. 

Amelanchier  vulgaris  (Mœnch.).  Amélunchier  commun.  —  Versants 
inférieurs  et  moyens,  plus  ou  moins  rocheux,  aux  expositions 
chaudes.  Plante  très  répandue,  avantageusement  employée  dans 
les  terrains  secs  et  arides,  inférieurs  et  moyens,  notamment  dans 
les  terres  noires. 

ONAGRAHIÉES. 

Epilobium  dodonoei  (Vill.i.  Vitriété  de  Vépilohe  à  feuilles  de  romarin. 
—  Bonis  (les  torrents. 

TAMAHISCINKES. 

Myricaria  Germanica  (Desv.).  Mijrirniie  il'Allemofjne.  —  Graviers  aux 
bord>  de:^  r.iux. 

l'AHONVi.lilKKS. 

Paronychia  capitata  l.am.  .  l'nroni'/ue  en  tête.  —  (loteaux  vagues  et 
aride-,;  cônes  tlf  iléjcctions,  terres  noires. 


FLORE  DE  LA.  VALLEE  DE   BARCELONXETTE.     4G1 


CRASSULACEES. 

Sediim  acre  iL.1.  Orpln  àcrr.  —  Lioux  secs  el  piorreiix. 
Sempervivum  arachnoïdeum  (L.).  Joubarbe  à  toile  d'araiynéc.  —  Ho- 
cbers  des  hautes  monlagncs. 

SAXIFRAGÉES. 

Saxifraga  oppositifolia  (L.).  Saxifrage  à  feuilles  opposévx.  —  Ruchois 

des  hautes  montagnes. 
Saxifraga  aizoïdes  (L.).  Saxifrage  faux  a izoon.  —  Lieux  iiuniides. 
Saxifraga  aizoon  (]([.).  Saxifraye  aizoon.  —  Coteaux  secs,  rochers, 

terres  noires. 
Saxifraga  muscoïdes  (Wutl.).  Saxifrage  inousse.  —  RocIkts  des  hautes 

montagnes. 

OMBELLIFÈRES. 

Laserpitum  Gallicum  (L.).  Laser  de  France.  —  Coteaux  vagues  et  arides 
et  terres  noires,  depuis  le  fond  des  vallées  jusqu'aux  .i,''rand<'s  alti- 
tudes. Employé  dans  les  enherhements. 

Buplevrura  falcatum  (L.).  Buplcvre  des  haies. 

Eryngium  campestre  (L.).  Panicant  des  champs.  —  Lieux  arides  infé- 
rieurs et  moyens. 

VALÉRL^NÉES. 

Centranthus  angustifolius  (D.  C).  Centranthe  à  feuilles  étroites.  — 
Plante  abondamment  répandue,  par  toulfes  isolées,  dans  les  ter- 
rains vagues  plus  ou  moins  pierreux,  aux  expositions  chaudes  et 
jusqu'aux  grandes  altitudes. 

Valeriana  montana  (L.).  Valériane  de  montagne.  —  Lieux  pierreux, 
au  moins  frais. 

DIPSACÉES. 

Scabiosa  columbaria  (L.).  Scabieuse  colombaire.  —  Terrains  vagues 
et  prés  secs. 


4G2  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 


COMPOSEES. 

Echinops  ritro  fl..).  Échinopc  ritro.  —  Terrains  arides  inférieurs. 
Rhaponticum  scariosum  (Lam.).  Rhapontique  scarieux.  —  Dé])ris  des 

loolii'i's  eL  ravins  aux  expositions  cliaiides;  moyennes  et  hautes 

montagnes. 
Centaurea  scabiosa  (L.).   Centaurée  scahicuse.  —  Coteaux  vag-nes  et 

arides. 
Leontopodium  Alpinum  (Cass.).  Picd-dc-Uon.  —  Rocliers  des  hautes 

inonliii^nes. 
Achillea  nobilis  (L.).  Achillcc  noble.  —  Versants  secs  et  cliauds. 
Artemisia  mutellina  (Vill.).  (irnrpi  des  Alpes.  —  Rochers  des  hautes 

monlai^nies. 
Artemisia  absinthium  (L.).  Absinthe  commune.  —  Coteaux  incultes  et 

]>ieiieux  t\c  la  zone  moyenne. 
Tussilage  farfara  ([>.).  Tussilarje  pas-d'àne.  —  Commun  parhMil,  même 

dans  les  terres  noires  les  plus  ahruptes,  p(uirvu  (ju'elles  présentent 

quehjues  traces  d'humidité. 
Cacalia  leucophylla  (Wild.).  CacAdie  à  feuilles  bhmches.   -  Déhris  des 

rochers,  hautes  montagnes. 
Catananche  caerulea  (L.).  Cupidone  bleue.    -Lieux  stériles  inférieurs, 

aux  expositions  chaudes. 
Cichorium  intybus  (I..).  Chicorée  sauvage.  —  Partout. 
Taraxacum  officinale  (Vill.).  risscnlit.  —  Partout. 

CAMPANULACÉES. 

Campanula  AUionii  (Vill.).  Campanule  d'Allioni.  —  Déhris  des  rochers 

élevés. 
Campanula  Linifolia  (Lam.).  Campa7iule  à  feuilles  de  lin.  —  Hautes 

inniil.iL'ties. 
Campanula  rotundifolia  (L.).  Campanule  à  feuilles  mondes.  —  Lieux 

incultes,  jilus  ou  moins  rociicux. 

.\iM)(,\  m:i:s. 

Asclepias  vincetoxicum  (L.).  Asclépiade  dompte-venin.  —  Plante  très 
ahondante  sur  les  versants  calcaires,  pierreux,  inférieurs  et  moyens, 
qu'elle  est  très  apte  à  lixer  par  son  enracinement  traçant  et  dra- 
geonnant. 


FLORE  DE  LA  VALLEE  DE  B ARCELONN  ETTE.  463 


GENTIANÉES. 

Gentiana  cruciata  (f..).  Gentiane  croisette,  —  Torrains  vagues  et  pâtu- 

rag-es  iiiforii'urs. 
Gentiana  ciliata  (L.).  Gentiane  ciliée.  —  Lieux  frais  des  basses  niou- 

tagues. 

BORRAGINÉES. 

Lithospermum  officinale  (L.).  Gremil  officinal.  —  Versants  pierreux 

moyens,  aux  exiutsitions  fraîches. 
Echium  vulgare  (L.).  Vipérine  commune. 
Cynoglossum  montanum  (L.).   Cynoglosse  de  montagne.  —  Versants 

secs  et  arides,  moyens  et  même  supériem-s. 

SOLAXÉES. 

Solanum  dulcamara  (L.).  Marelle  douce-amére.  —  Pierrailles  et  haies. 
Verbascum  thapsus  (L.).  Bouillon  blanc.  —  Zone  inférieure. 
Verbascum  nigrum  (L.).  Moléne  noire.  —  Rùgiou  inférieure. 

PERSONÉES. 

Linaria  Alpina  (D.  G.'.  Linaire  des  Alpes.  —  Débris  des  rocliers  aux 

grandes  altitudes. 
Scrophularia  canina  (L.).  Scrophulaire  pourpre  noir.  —  Graviers  et 

])()rds  des  ton-ents  dans  les  zones  inférieures  et  moyennes. 
Digitalis  lutea  (L.).  Digitale  ù  petites  fleurs.  —  Terrains  vagues  et 

bois  clairières  des  basses  montagnes. 

I-ABIÉES. 

Lavandula  spica  (L.).  Lavande  commune.  —  Elle  couvre  parfois  presque 
à  elle  seule  des  versants  assez  étendus  au  pied  des  montagnes,  aux 
expositions  chaudes.  Utilement  employée  dans  son  aire  d'habita- 
tion. 

Thymus  Serpyllum  (L.^.  Thum  serpolet.  —  Versants  vagues  et  arides 
et  pelouses  sèches. 

Hyssopus  officinalis  {L.).  Hysope  officinal.  —  Coteaux  secs  et  pierreux, 
terres  noires. 

Satureia  montana  (L.).  Sarriette  des  montagnes.  —  Débris  des  rochers 


tli+  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 

l'I  terrains  vagues,  aux  expositions  chaudes.  On  pourrait  peut-être 
l'employer  avantageusement  dans  les  terres  noires  avec  la  précé- 
dente. 

Nepeta  cataria  {}..).  Ncpéta  ckdtdirc. 

Galeopsis  ladanum  (I-.).  Galcopv  des  champs.  —  Ti'ès  comminie  dans 
les  lieux  incultes  inférieurs  et  moyens. 

Scutellaria  Alpina  (I..).  Toqwi  des  Alpes.  —  Terrains  vagues,  rocail- 
leux; bords  des  torrents;  graviers. 

Teucrium  chamaedrys  (L.).  Germandrcc  petit  chêne.  —  Très  comniune 
sur  les  versants  secs  et  arides.  On  pourrait  peut-être  l'employer 
avantageiisenu'ut. 

PRIMULACÉES. 
Anagallis  arvensis  (L.).  Mouron  des  champs. 

r.LOBULAHIÉES. 

Globularia  vulgaris  E.  f.  Glohulutrc  cummune.  —  Lieux  secs  inférieurs 
il  moyens. 

PLANTAGINÉES. 

Plantage  Graminea  (D.  C).  Plantain  à  feuilles  de  (jramince.  —  Très 
ré[iaii(la  le  long  îles  torrents,  sur  les  graviers.  On  le  rencontre 
aussi  dans  les  terrains  vagues  et  inrme  au  milieu  des  terres  noires. 

POEVr.ONÉES. 

Rumex  scutatus  (i..j.  Rumex  û  crnssoji.  Oseille  ronde.  —  Coteaux  secs 
fl  pierri'ux,  terres  noires, 

TllYMÉLÉES. 
Daphne  Alpina  (h.).  Jjnphnè  des  Alpes.  —  Débris  de  rochers. 

F^LÉAr.NÉES. 

Hippohaë  rhamnoïdes  i  L.}.  Anjousier  faux  nerprun.  —  Bords  des  eaux, 
eùnes  de  déjeelions,  graviers,  terres  noires,  ravins.  Cette  plante 
est  éminemment  drageonnanle  et  très  apte,  par  conséquent,  à  lixer 


FLORE  DE  LA  VALLÉE  DE  B ARCELONNETTE.  iG5 

les  terres  instables.  On  l'emploie  cependant  très  peu.  soit  à  cause 
de  la  lenteur  de  sa  vécrétation,  soit  parce  que  l'on  ne  peut  ensuite 
en  tirer  aucun  parti. 

BLXACÉES. 

Buxus  sempervirens  (L.  .  Buis  commun.  Versants  calcaires,  vagues  et 
arides  inlcrieurs,  en  aval  de  Barcelonnelte.  Peu  employé. 

CUPRESSINÉES. 

Juniperus  sabina  (L.).  Genévrier  Sabine.  —  Versants  vagues  et  arides 
jusqu'aux  grandes  altitudes,  aux  expositions  cbaudes  surtout. 
Plante  excellente  pour  la  fixation  des  terres,  mais  ne  paraissant 
pas  susceptible  d'être  employée  avantageusement  à  cause  de  l'ex- 
trême lenteur  avec  laquelle  elle  végète  et  de  sa  difficulté  à  re- 
prendre quand  on  la  transplante.  On  l'a  cependant  quelquefois 
élevée  en  pépinière.  Elle  se  présente  presque  toujours  à  l'état  buis- 
sonnant,  dans  la  vallée  de  l'Ubaye,  et  couvre  complètement  le  sol 
de  ses  rameaux  longuement  étalés. 

Juniperus  communis  (L.).  Genévrier  commun.  —  Coteaux  et  versants 
drauilés,  bois.  Pas  employé. 

Juniperus  oxycedrus  (L.).  Genévrier  oxycèdrc.  —  Versants  pierreux  et 
bois  inférieurs  aux  expositions  cbaudes.  Rare. 

LILIACÉES. 

Ornithogallum   umbellatum  (L.).   Ornithogale  en  ombelles.  —  Lieux 

pierreux,  prés  secs. 
Gagea  arvensis   Scbr.).  Gagée  des  champs.  —  Lieux  incultes. 
Muscari  comosum  (Mill.).  Muscari  à  toupet.  —  Lieux  incultes. 
Muscari  racemosum  (Mill.)  Muscari  à  grappe.  —  Lieux  incultes. 

GRAMINÉES. 

Cynodon  dactylon    Pers.  i.  Chiendent.  Tied-de-poide. 

Lasiagrostis  calamagrostis  (Link.).  Calamagrostis  argenté.  Bauche.  — 
Terrains  vagues  et  arides  inférieurs  et  moyens,  terres  noires.  Cette 
excellente  plante  forme  d'épaisses  toull'es  qui  fixent  très  bien  le 
sol;  elle  ne  constitue  jamais  de  tapis  continu.  On  l'emploie  le  plus 

30 


466  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 


souvent  par  semis.  On  en  a  quelquefois  planlé  des  éclals  de  touffes 
par  liij^nes  horizontales. 

Melica  ciliata  (L.).  Mélique  ciliée.  —  Lieux  pierreux  inférieurs. 

Triticum  repens  (L.).  Froment  chiendent.  —  Terrains  secs,  incultes; 
haies.  Les  animaux  trouvent  dans  cette  plante  une  excellente  ounr- 
riture.  Ce  chiendent  est  employé  avec  avantage,  par  suite  de  sa  re- 
marquahlc  aptitude  au  drageonnement,  |)()ur  la  lixation  des  ter- 
rains arides  et  notamment  des  terres  noires. 


RADIERS   ET   CONTRE-BARRAGES.  467 


NOTE    F 

(Citée  à  la  Page  86.) 


A  l'appui  des  considérations  émises  sur  la  nécessité  des  radiers 
construits  à  l'aval  des  grands  barrages  et  l'importance  qui  s'attache 
à  leur  résistance,  nous  croyons  qu'il  y  aura  quelque  utilité  à  présen- 
ter ici  le  détail  d'ouvrages  que  nous  avons  projetés  tout  récemment, 
et  qui  sont  actuellement  en  cours  d'exécution  dans  deux  torrents 
redoutables  de  la  vallée  de  Barcelonnette,  le  torrent  de  Riou-Bour- 
doux  et  le  torrent  de  Faucon. 

1.  On  termine  en  ce  moment  dans  le  torrent  de  Riou-Bourdoux 
la  construction  d'un  grand  barrage  portant  le  n"  1 ,  et  dont  les  figures 
97-98-99  et  100  représentent  tous  les  détails. 

Ce  grand  barrage  est  destiné  à  servir  de  base  à  tout  le  système 
de  correction  à  appliquer  à  ce  torrent,  le  plus  redoutable  de  tous  ceux 
de  la  région.  11  est  projeté  vers  le  milieu  de  la  goi'ge  du  torrent,  et 
a  pour  but  de  produire ,  à  son  amont  et  sur  une  longueur  de 
1200  mèti'es  environ,  un  puissant  atterrissement  susceptible  d'être 
rehaussé  par  des  ouvrages  secondaires  ultérieurs  et  appelé,  tout  en 
élai'gissant  la  section  du  lit,  à  consolider  d'immenses  berges  de  terres 
noires  en  état  de  glissements  aujourd'hui  sur  les  deux  rives.  Tous 
les  ravins  des  bassins  supéiùeurs  du  torrent  ont  été  l'objet  de  travaux 
antérieurs  de  correction,  et  il  ne  reste  plus  à  traiter  que  la  branche 
principale  dans  sa  section  moyenne,  par  un  système  dont  ce  grand 
barrage  est  la  base  indispensable. 

Aussi,  vu  les  condilions  toutà  fait  exceptionnelles  où  l'on  se  trouve, 
a-t-on  été  obligé  de  donner  à  cet  ouvrage  des  dimensions  supéi-ieures 
à  celles  habituellement  en  usage. 

Construit  entièrement  en  maçonnerie  avec  mortier  hydraulique,  le 
barrage  a  8  mètres  de  hauteur  au-dessus  du  lit;  sa  longueur  déve- 


468  REBOISEMENT   DES   MONTAGNES. 

loppée  est  de  83", 50,  son  épaisseur  au  couronnement  de  3"20  avec 
un  fruit  du  cinquième  au  parement  aval;  les  fondations  ont  i^oO 
de  profondeur. 

Kii  raison  de  son  large  développement  et  du  volume  parfois  con- 
sidérable des  eaux,  il  est  traversé  par  5  grands  pertuis  ou  aqueducs 
à,  l'étage  inféi'ieur,  et  6  autres  placés  à  l'étage  supérieur.  Les  ouver- 
tures de  ces  pertuis,  destinés  à  ne  laisser  passer  que  les  eaux  et  les 
boues  liquides,  sont  garnies  au  parement  amont  par  de  fortes  barres 
de  fer  entre-croisées  et  formant  une  sorte  de  grillage  ayant  pour  but 
d'arrêter  tous  les  blocs  et  moellons  et  de  les  maintenir  à  l'amont  pour 
former  un  attcrrissenient  dos  plus  solides  et  des  plus  résistants. 

Le  sol,  ferme  et  incompressible,  étant  formé  jusqu'à  une  grande 
profondeur  par  les  déjections  du  torrent,  est  susceptible  d'affouille- 
ment.  Aussi,  en  présence  d'une  chute  qui  atteindra  8  mètres  de  hau- 
teur aussitôt  que  l'atterrisscment  sera  formé,  s'est-on  grandement 
préoccupé  de  la  question  du  radier  qui  doit  ré[)ondre  ici,  au  [lUis  haut 
degré,  aux  conditions  de  solidité  et  de  per[)étuité  indispensables  à 
ce  genre  d'ouvrages. 

Le  contre-barrage  C,  destiné  à  servir  de  tête  de  radier  (fig.  07-90 
et  100)  est  construit  dans  l'axe,  à  17  mètres  en  aval  du  parement 
amont  du  barrage  i;  le  milieu  de  son  couronnement,  placé  au  niveau 
du  lit,  se  trouve  à  1  mètre  en  contre-bas  du  seuil  de  l'aqueduc  cen- 
tral. 

Entre  le  barrage  et  le  contre-barrage,  à  gauche  et  à  droite,  sont 
construits  deux  murs  verticaux  d  [fig.  08  et  09)  de  l™,bO  d'épaisseur, 
distants  chacun  de  lii  mètres  de  l'axe  auquel  ils  sont  parallèles,  et 
déterminant  ainsi  la  forme  annulaire  du  radier  qui  est  absolument 
plat. 

A.  1)  mètres  en  amont  du  contre-barrage,  ce  radier  est  traversé, 
dans  le  sens  normal  à  l'axe,  par  un  mur  a  (fig.  99),  parallèle  au  bar- 
rage et  au  contre-barrage,  et  dont  le  couronnement  en  pierres  de 
taille  se  trouve  à  0",  iO  en  contre-bas  du  seuil  de  l'aqueduc  central. 

Ce  mur  '(,  en  forme  d'anneau,  divise  le  radier  en  deux  sections,  et 
se  trouve  bâti  à  l'extrémité  dun  massif  de  maçonnerie /"(^j/.  07  et  08), 
de  1",  oO  d'épaisseur,  qui  prolonge  en  aval  les  fondations  du  barrage 
dans  toute  la  première  section  du  radier  comprise  entre  l'anneau  a 
et  le  barrage  b. 

Cette  section  est  divisée  en  cinq  comparlimcnts  m  égaux,  corres- 
pondant aux  ij  grands  aqueducs,  et  déterminés  par  des  murs  verti- 
caux c  de  1  mètre  d'épaisseur,  parallèles  à  l'axe  (fig.  98  et  99). 

La  seconde  section  annulaire  du  radier  est  divisée  en  trois  com- 
partiments n  par  deux  murs  e  également  parallèles  à  l'axe  (fig.  99). 


BARRAGE  ^  l. 


BARRAGE  N"  1.  —  Construit  dans  le  Torrent  de  Riou-Bourdoux  (Basses-Alpes) 


(Vwir  pour  la  description,  pages 


7   il     -A^     ,-* 
lilévation  dÉgagée  des  Ter 


XgfrftTTTnriJJ  I  '  u-w4-l4ti-K-H4rl'riniIlII 


's«.î3*».y''T*i.''' 


m 


RADIERS   ET  CONTRE-BARRAGES.  4G9 

Tous  ces  inui's  rectilignes  c  sont  arasés  au  niveau  du  débouché 
horizontal  du  contro-barrape,  de  sorte  que  l'anneau  a  seul  se  trouve 
en  saillie  de  0"',C0  au-dessus  de  leur  niveau. 

Les  huit  conipartiinenls  qui  divisent  ainsi  le  radier  sont  garnis 
de  gros  blocs  posés  debout  et  iorniant  enrochement. 

Dans  les  compartiments  m,  dont  le  fond  est  formé  par  le  massif 
de  maçonnerie  f,  les  blocs  sont  placés  de  façon  que  leurs  sommets 
viennent  au  moins  à  la  hauteur  de  l'anneau  a,  et  retiennent  entre 
eux  des  blocs  mis  en  travers  sur  les  murs  e,  dans  le  but  de  protéger 
leur  maçonnerie  contre  les  effets  de  la  chute  des  eaux.  Ces  blocs 
d'abri  se  trouvent  pour  ainsi  dire  moisés  entre  les  blocs  des  com- 
partiments :  ils  présentent  donc  toute  garantie  de  stabilité. 

Dans  les  compartiments  n,  les  blocs  sont  placés  de  façon  que  leurs 
sommets  dépassent  un  peu  le  couronnement  du  contre-barrage  c, 
tout  en  demeurant  en  contre-bas  du  couronnement  de  l'anneau  a. 

A  l'aval,  au  pied  du  contre-barrage,  la  fondation  est  prolongée 
sur  un  massif  de  maçonnerie  de  1  mètre  d'épaisseur  et  de  2  mètres 
de  largeur.  Ce  massif  de  maçonnerie  supporte  un  fort  enrochement /i 
placé  dans  une  fouille  ouverte  à  4o". 

Enfin,  à  droite  et  à  gauche  du  radier,  sont  construits  des  murs  de 
revêtement  r  inclinés  à  90  0/0  {fig.  97-98  et  99). 

Telle  est  la  disposition  de  cet  important  radier,  qui  présente  toutes 
les  conditions  les  plus  désirables  de  solidité  et  de  facile  entretien, 
ainsi  que  nous  allons  le  démontrer  : 

La  figure  98  indique  que  le  couronnement  du  grand  barrage  est 
absolument  plat  en  son  milieu  sur  une  longueur  de  20  mètres,  et  se 
termine  vers  les  ailes  par  deux  arcs  de  cercle  symétriques,  et  tan- 
gents à  la  partie  horizontale.  Cette  forme  spéciale  a  été  adoptée  dans 
le  but  d'épanouir  les  eaux  des  crues  en  une  lame  aussi  mince  que 
possible,  et  dès  lors,  d'autant  moins  puissante,  au  point  de  vue  de 
l'afi'ouillenient,  après  une  chute  de  8  mètres  de  hauteur. 

D'autre  part,  comme  l'indiquent  les  ligures  97  et  99,  le  radier  est 
formé  de  deux  gradins  absolument  plats,  ayant  une  largeur  de 
33  mètres  jusqu'aux  murs  de  revêtement,  de  sorte  que  les  eaux,  en 
tombant  de  la  hauteur  du  barrage,  trouvent  un  espace  bien  plus 
large  que  le  débouché  du  couronnement,  et  une  sorte  de  palier  hé- 
rissé, dans  toute  sa  surface,  par  les  pointes  des  grands  blocs  placés 
debout  dans  les  compartiments. 

De  là,  grandes  facilités  pour  l'épanouissement  immédiat  de  ces 
eaux,  et  l'annulation  presque  complète  de  leur  vitesse. 

Obligées,  par  le  couronnement  de  l'anneau  a  du  radier,  de  se  ré- 
pandre de  nouveau  en  une  lame  régulière,  ces  eaux  subissent  là  une 


470  REBOISEMENT    DES   MONTAGNES. 

nouvcllo  rliute,  très  f^iible,  de  0™,()0  au  maximum  ;  elles  tombent 
ensuite  sur  un  second  palier,  également  hérissé  par  les  pointes  d'un 
puissant  enrochement,  placé  debout. 

Par  ces  deux  paliers  ainsi  disposés,  on  supprime  tout  danger  de 
remous  de  la  part  des  eaux  sur  toute  la  surface  du  radier. 

Enlln,  a[)rés  avoir  traversé  le  couronnement  du  contre-barrage, 
elles  premient,  sans  chute  sensible  et  avec  une  vitesse  initiale  presque 
nulle,  la  pente  actuelle  du  lit  en  traversant  l'enrochement  h  placé  à 
l'aval  du  contre-barrage. 

En  brisant  donc  autant  que  possible  la  violence  des  eaux  et  l'elfet 
de  la  chute  sur  leur  vitesse,  on  a  réalisé  ainsi  l'une  des  conditions 
les  plus  importantes  de  la  stabilité  et  du  maintien  de  l'ouvrage  par 
la  grande  réduction  de  la  puissance  d'ailbuillement. 

D'autre  part,  les  conditions  de  sécurité  et  d'entretien  facile,  c'est- 
à-dire  de  perpétuité,  sont  assurées  par  la  disposition  des  ouvrages. 
La  figure  97  le  démontre  entièrement;  admettons  en  effet  qu'un 
phénomène  météorologique  des  plus  extraordinaires  se  passant  dans 
le  bassin  de  réception  détermine  une  crue  insolite,  d'une  violence 
plus  grande  encore  que  celles  qui  ont  été  constatées  jusqu'ici  et  qui 
ont  servi  à  déterminer  la  section  du  débouché;  si  cette  crue  provo- 
que des  affouillements,  leur  premier  effet  sera  de  déjilacer  les  blocs 
qui  forment  renroehcment  /(,  mais  il  n'est  pas  à  présumer  que  ces 
blocs,  placés  sur  une  épaisseur  de  i)'",oO,  viennent  tous  à  être  en- 
traînés à  la, suite  de  l'alfouillement  pratiqué  à  leur  aval  dans  le  lit 
du  ton-ent,  par  leur  résistance  à  la  force  des  eaux,  car,  précisément, 
ces  eaux  arrivent  sur  l'enrochement  avec  une  vitesse  presque  nulle 
qui  ne  peut  [(rendre  de  dévi'loppeinent  que  plus  loin,  sur  la  pente 
du  lit. 

Supposons  même  que  tous  ces  blocs  soient  entraînés  pendant  la 
crue  ;  la  fondation  du  contre-barrage,  qui  se  prolonge  de  2  mè- 
tres sous  cet  enrochement,  présentera  bien  des  garanties  contre 
l'affouillement  du  pied  de  cet  ouvrage,  qui  se  trouvera,  dès  lors, 
maintenu,  et  l'on  n'aura  plus,  une  fois  la  crue  passée,  cpi'à  rechar- 
ger et  refaire  au  besoin  l'enrochement  h,  opération  d'autant  plus 
facile  et  plus  prompte  ipie,  sur  les  deux  rives,  on  aura  constamment 
entretenu  un  ap[)iovisionnement  de  blocs  suffisant,  jtrécaution  élé- 
mentaire. 

11  est  évident  ([uo,  tant  que  le  contre-bairage  c  dtnneurera  intact, 
les  enrochements  »/i  et  n  ne  sauraient  êlie  compromis;  formés  en 
elfel  de  blocs  énormes,  enchevêtrés  avec  art  les  uns  dans  les  autres 
et  placés  debout  sur  une  forte  épaisseur,  ils  ne  sauraient  être  soulevés 
par  les  eaux  et  entraînés  au-dessus  de  l'anneau  a  ou  du  contre-bar- 


RADIERS   ET  CONTRE-BARRAGES.  471 


rage  c;  ils  sont  condamnés  ù  domeurer  sur  place,  d'autant  plus 
qu'ils  sont  encastrûs  dans  des  compartiments  à  parois  fixes. 

Mais,  si,  malgré  les  prévisions  contraires,  le  contre-barrage  lui 
même  était  enlevé,  il  est  clair  que  les  enrochements  n  seraient  en- 
traînés, et  l'anneau  a  jouerait  alors  le  riMc  du  contre-barrage  disparu  ; 
viendrait-il  à  dispiirailre  lui-même,  avec  les  enrochements»?,  que  la 
solidité  du  grand  barrage  no  serait  pas  encore  compromise,  car  il 
resterait,  pour  protéger  son  pied  contre  les  ail'ouillements,  le  grand 
massif  en  maçonnerie  /"sur  lequel  reposait  l'enrochement  m  et  à  son 
extrémité  l'anneau  ((.  La  crue  une  fois  passée,  il  serait  toujours  pos- 
sible de  réparer  les  avaries,  et  l'on  n'aurait  subi,  en  fait  de  pertes, 
que  la  valeur  même  de  ces  avaries,  le  reste  n'ayant  pas  bougé. 

On  voit  donc,  parce  rapide  examen,  quels  sont  les  avantages  d'un 
pareil  système  de  radier.  Hâtons-nous  de  dire  que  notre  conviction 
est  que  les  seules  avaries  à  prévoir  consisteront  dans  le  déplacement 
des  blocs  supérieurs  de  renrochemeut/i,  qui,  n'étant  retenu  que  par 
les  matériaux  du  lit,  pourront  être  entraînés  par  suite  de  l'alfouille- 
ment  qui  se  produira  à  leur  aval  :  mais  ils  ne  seront  jamais  en- 
traînés bien  loin,  et  ils  tendront  peu  à  peu  à  s'enfoncer  dans  le  lit 
par  suite  des  affouillements  successifs  opérés  autour  d'eux  ;  de  sorte 
qu'après  plusieurs  rechargements  successifs,  le  lit  se  trouvera,  à 
l'aval  du  contre-barrage,  plus  consolidé  que  jamais  par  une  sorte  de 
pavage  en  gros  blocs,  ayant  une  largeur  tout  simplement  plus  grande 
que  celle  qu'on  lui  avait  attribuée  au  début. 

II.  —  La  figure  101  donne  le  détail  de  la  construction  d'un  radier  en 
cours  d'exécution  dans  le  torrent  de  Faucon,  au  pied  de  barrages 
en  gradins  qui  ne  laissent  pas  de  présenter  un  certain  intérêt,  et  qui, 
pour  la  première  fois,  sont  appliqués  dans  les  barrages  de  correction. 

Cette  disposition  a  été  imposée  par  la  rareté  des  gros  matériaux 
dans  la  section  en  cours  de  traitement.  Il  a  fallu  les  résener  pour  les 
couronnements  et  les  enrochements  et  bâtir  le  reste  avec  des  ma- 
tériaux relativement  petits;  dès  lors  s'imposait  la  nécessité  de  ne  pas 
faire  des  ouvrages  trop  hauts  qui  auraient  entraîné  â  des  épaisseurs 
beaucoup  plus  fortes  et  exigé,  à  un  moment  donné,  une  trop  grande 
quantité  de  matériaux. 

On  s'est  donc  contenté,  pour  débuter,  de  construire  le  barrage  n°  1 
avec  son  radier  et  contre-barrage  ou  tête  de  radier.  Quand  le  bar- 
rage i\°  1  aura  été  atterri,  on  trouvera  facilement  une  quantité 
suffisante  de  matériaux  amenés  par  le  torrent  lui-même  sur  l'alter- 
rissement,  matériaux  qui  permettront  la  construction  économique 
du  barrage  n"  2. 

Les  fig.  iOI,   102,    103  et  lOi  donnent  tous   les   détails  de  celte 


472 


REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


conslruction  intéressante,  notamment  en  ce  qui  concerne  le  radiei" 
et  le  contre-barrai^c  qui,  par  suite  du  peu  de  hauteur  du  ])arragc, 
se  trouvent  avoir  des  dimensions  trt'-s  réduites,  qui  procurent  ainsi 
dans  tout  le  système  une  économie  très  importante. 


p      >_. 


oSo 


Tète  de  radier 


RADIERS  ET  CONTRE-BARRAGES. 


473 


Fig.  102.  —  Plan  des  Ouvrages. 


Fig.  103.  —  Élévation  du  Barrage  dégagé  des  Terres. 


Fig.  104.  —  Élévation  de  la  tète  du  Radier  dégagée  des  Terres. 


474  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


NOTE   G 

itée  à  la  Page  xiii  de  l'Avertissement.) 


Les  Départements  des  Basses  et  Hautes-Alpes. 


En  1840,  l'illustre  économiste  Blanqui,  membre  de  l'Institut,  dans 
un  rapport  adressé  à  l'Académie  des  sciences,  qui  l'avait  chargé  tout 
spécialement  d'étudier  la  situation  des  Alpes  françaises,  faisait  de 
la  région  qui  compose  le  bassin  de  la  Durance  le  navrant  et  saisis- 
sant talileau  qui  suit  : 

«  L'observateur  qui  descend  du  Daupliiné  vers  la  Provence,  le  long 
de  la  cime  dos  Alpes,  est  arrêté  à  chaque  pas  par  les  anfiactuosités 
bizarres  et  multifdiées  que  présentent  les  montagnes.  On  n'y  trouve 
pas,  sur  une  étendue  de  près  de  cent  lieues,  un  seul  cours  d'eau 
navigable,  un  seul  de  ces  grands  bassins  tels  que  ceux  de  la  Marne, 
de  la  Saône,  de  l'Yonne,  qui  vivilient  des  provinces  entières.  Les 
rivières  des  Al[>es  j)articipent  du  caractère  des  torrents  par  leur  pente 
rapide  et  par  leur  marcIie  ca[)ricieuse  sur  un  lit  encombré  de  cail- 
loux roulés.  Tels  sont  le  Drac,  la  Romanche  et  la  Durance,  qui 
offrent  les  types  divers  de  ces  cours  d'eau  inconstants  et  perfides  où 
viennent  se  déverser,  par  d'innombrables  affluents,  les  sources  per- 
pétuelles des  glaciers,  les  fontes  des  neiges  et  les  [tluies  d'oi-age  de 
toutes  les  régions  supérieures.  Le  Hhùne  reçoit,  dans  la  partie  basse 
de  son  cours,  le  produit  vraiment  extraordinaire  de  ces  crues  formi- 
dables qui  ont  acquis  dans  ces  deinières  années  des  proportions  inac- 
coutumées et  inquiétantes.  Les  torrents  apportent  ainsi  leur  con- 
tingent de  dévastation  aux  plaines  de  Vaucluse,  du  Gard  et  des 
Hourhesdu-Hhone,  après  avoir  ravagé  les  montagnes,  selon  certai- 
nes lois  fie  desti  iiclion  (pie  la  science  des  ingénieurs  a  essayé  de  for- 


LES   BASSES   ET   II AUTE  S-ALPES.  Ho 


mulcr,  tant  leur  niardie  est  devenue  constante  et  infatigable!     .     . 

<i  Le  ciel  éclatant  et  liin|iii]o  des  Alpes  d"Knihiuii,  de  liarcelon- 
netle  et  de  Diune  se  maintient,  durant  des  mois  entiers,  [)ur  du 
moindre  nuaire  et  engendre  des  sécheresses  dont  la  lonjrue  durée 
n'est  interrompue  que  par  des  orag-es  pareils  à  ceux  des  tropiiiucs. 
Le  sol,  dépouillé  d'herbes  et  d'arbres  par  l'abus  du  pacage  et  par  le 
déboisement,  porphyrisé  par  un  soleil  brûlant,  sans  cohésion,  sans 
point  d'appui,  se  précipite  alors  dans  le  fond  des  vallées,  tantôt  sous 
forme  de  lave  noire,  jaune  ou  rougcâtre,  puis  par  courants  de  galets 
et  même  de  blocs  énormes,  qui  Itondissent  avec  un  horrible  fracas 
et  produisent  dans  leur  course  impétueuse  les  plus  étranges  boule- 
versements. 

«  Lorsqu'on  examine  d'un  lieu  élevé  l'aspect  d'une  contrée  ainsi 
ravinée,  elle  présente  l'image  de  la  désolation  et  de  la  mort.  D'im- 
menses lits  de  cailloux  roulés,  de  plusieurs  mètres  d'épaisseur,  cou- 
vrent au  loin  l'espace,  débordent  sur  les  plus  grands  arbres,  les 
cernent,  les  couvrent  jusqu'au  sommet,  et  ne  laissent  pas  même  au 
laboureur  une  ombre  d'espérance. 

«  Il  n'y  a  rien  de  plus  triste  à  voir  que  ces  échancrures  profondes 
des  lianes  de  la  montagne,  qui  semble  avoir  fait  irruption  sur  la 
plaine  pour  l'inonder  de  débris.  A  mesure  que  ces  tlancs  se  creusent 
sous  l'action  du  soleil  qui  réduit  le  roc  en  atomes  et  de  la  pluie  qui 
les  charrie,  le  lit  du  torrent  s'exhausse,  quelquefois  de  plusieurs 
mètres  par  année,  jusqu'au  point  d'atteindre  le  tablier  des  ponts  et 
de  les  emporter.  On  distingue  à  de  grandes  distances,  au  sortir  de 
lem's  gorges  profondes,  ces  torrents  étalés  en  éventails  de  3,000 
mètres  d'envergure,  bombés  vers  leur  centre,  inclinés  sur  leurs 
bords  et  s'étendant  comme  un  manteau  de  pierre  sur  toute  la  cam- 
pagne. 

«  Telle  est  leur  jibysionomie  quand  ils  sont  à  sec,  mais  la  parole 
humaine  ne  saurait  décrire  leurs  ravages  en  termes  capables  de  les 
faire  comprendre,  au  moment  de  ces  crues  subites  qui  ne  ressem- 
blent à  aucun  des  accidents  ordinaires  du  régime  des  eaux  tluviales. 

«  Ces  crues  désastreuses  produisent  les  elfets  les  plus  singuliers; 
parfois  le  torr^it  déchaîné  est  tombé  à  angle  droit  sur  une  rivière, 
et  l'a  forcée  par  le  choc  de  remonter  vers  sa  source;  ailleurs,  deux 
torrents,  descendant  l'un  vers  l'autre  de  deux  pentes  opposées,  se 
livrent,  dans  le  lit  même  de  la  rivière  qui  les  sépare,  un  combat 
gigantesque,  et  se  mitraillent  de  leur  lave  de  cailloux.  Ils  aifouillent 
profondément  les  terres  sur  leur  passage,  les  charrient  au  loin  pour 


47G  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 


atterrir  plus  loin  encore,  et  transpliintor  les  héritages  broyés  et  dis- 
persés dans  la  rampatrnp 

«  I.a  contrée  est  un  piiys  de  julturai^rcs  dans  les  régions  supé- 
rieures, et  de  petite  culture  dans  les  vallées;  les  forêts  y  sont  fort 
rares,  et  appartiennent,  ^loî"'  leur  malheur,  aux  communes...  Leur 
produit  est  presque  nul,  les  frais  de  garde  sont  au-dessus  des  res- 
sources des  localités,  et  les  habitants  sont  les  plus  ardents  à  détruire 
ce  qu'ils  considèrent  comme  leur  propriété  collective 

On  se  ferait  une  idée  très  incomplète  de  la  viabilité  dans  les  Alpes, 
si  l'on  supposait  que  le  régime  des  routes  n'y  est  exposé  qu'aux  élé- 
ments de  dégradations  cominuues  aux  autres  parties  du  territoire. 
Les  ingénieurs  des  Alpes  sont  toujours  sur  le  pied  de  guerre  :  l'hiver 
pour  déblayer  la  voie,  au  printemps  pour  la  rétablir,  en  été  pour  la 
défendre  des  torrents.  Un  vent  chaud  qui  fait  brusquement  fondre 
les  neiges,  un  orage  suivi  de  pluies  diluviennes,  un  troupeau  de 
chèvres  ou  de  moutons  qui  fait  rouler  une  grûle  de  pierres,  une 
avalanche  qui  tombe  au  milieu  du  chemin,  suffisent  pour  inter- 
cepter le  passage.  La  nature  abrupte  et  souvent  effrayante  du  ter- 
rain ne  permet  pas  d'éviter  les  pentes  dangereuses ,  et  force  les 
ingénieurs  à  suspendre  les  routes  sur  des  précipices  dont  la  vue 
seule  occasionne  le  vertige.  Les  ouvrages  d'art  se  multiplient  à 
chaque  pas  sous  forme  de  ponts,  de  digues,  de  chaussées,  de  tunnels. 
Malgré  ces  efforts  continuels,  la  circulation  est  très  souvent  inter- 
rompue; et  il  se  passe  peu  de  mois  sans  que  des  aventures  tra- 
giques viennent  jeter  l'inquiétude  et  la  terreur  au  sein  des  po[)ula- 
tions.  » 

A  la  suite  de  l'encpiète  agricole  de  tSOli,  M.  le  Conseiller  d'Ltat 
Cliassaigne-(ioyon,  chargé  de  l'étude  de  la  région  du  sud-est  de  la 
France,  décrit  ainsi  qu'il  suit  le  département  des  Basses-Alpes  dans 
son  rapport  dressé  en  1808  : 

«  Ce  qui  frappe  tout  d'abord,  quand  on  parcourt  les  parties  mon- 
tagneuses du  département  des  Hasses-Alpes,  c'est  l'aspect  imposant, 
mais  triste  et  désolé,  qu'elles  présentent.  A  la  place  des  grandes 
forêls  ou  des  riches  [jâturages  qui,  suivant  la  liadilion  locale,  les 
couvraient  autrefois,  elles  ne  montrent  plus  que  des  cimes  déiuidées, 
des  pentes  arides  où  quelques  broussailles  retiennent  encore  le  peu 
de  terre  végétale  que  les  eaux  n'ont  pas  entraînée,  et  dos  ravins 
profonds  où  les  torrents  ont  roulé  d'énormes  avalanches  de  roches 
et  de  graviers.  Çà  et  là,  et  comme  perdues  au  milieu  de  ces  dévas- 
tations, on  a[terçoil,  à  des  hauteuis  ou  sur  des  pentes  qui  souvent 
paraissent  inaccessibles,  de  pauvres  habitations,  les  unes  abandon- 
nées, les  autres,  restes  misérajjjcs  de  quelque  exploitation  plus  im- 


LES  BASSES  ET   HAUTES-ALPES.  477 


povlaiilo  (jiio  (les  (lùiViolionients  iiiintclli.^pnts  ont  voulu  accroitrc,  et 
dont  los  ébouloiiuMils  ont  succossivoment  empoilL!  des  hnnhoiiux.  De 
loin  en  loin  on  rencontre  (jnelques  villages  entourés  de  petits  héri- 
tages morcelés  qu'une  population  rude  au  travail  et  à  la  fatigue  a 
péniblement  créés,  et  qu'elle  défend  plus  péniblement  encore  contre 
les  orages,  les  inondations  et  les  autres  causes  de  destruction  qui 
menacent  nos  Alpes  françaises.  Puis,  à  de  longs  intervalles,  a{)pa- 
raissent  quelques  rares  prairies,  quelques  versants  boisés,  quelques 
plateaux  où  croissent  de  bonnes  pâtures,  et  que  leur  moindre  décli- 
vité a  sauvés  de  la  ruine  commune  :  ce  sont  les  oasis  de  ces  immenses 
steppes.  Autour  d'elles  se  continue,  lente  mais  incessante,  l'œuvre 
d'appauvrissement  commencée  depuis  plus  d'un  siècle,  c'est-à-dire 
depuis  le  moment  où  une  législation  respectueuse,  trop  respectueuse 
peut-être  du  droit  de  propriété,,  a  permis  de  morceler  et  de  défri- 
cher les  bois,  les  pâturages,  qui  étaient  autrefois  la  l'ichesse  et  la 
sauvegarde  de  ces  contrées.  Chaque  année,  la  couche  de  terre  végé- 
tale qui  recouvre  les  hauteurs  se  déchire  et  s'amoindrit  de  plus  en 
plus;  chaque  année,  le  lit  de  gravier  du  torrent  s'élargit  et  s'élève 
peu  à  peu  en  empiétant  sur  les  terrains  fertiles  des  vallées  riveraines: 
chaque  année,  quelque  pauvre  famille  voit  se  restreindre  son  modeste 
patrimoine,  et  l'on  ne  doit  pas  s'étonner  que,  sans  cesse  menacée 
dans  ses  moyens  d'existence,  la  population  se  décourage  et  qu'elle 
émigré  pour  aller  chercher  ailleurs  un  bien-être  plus  facile  et  un 
travail  plus  rémunérateur. 

«  Ce  n'est  pas.  Monsieur  le  Ministre,  un  tableau  de  fantaisie  que  je 
trace  et  que  j'assombris  à  plaisir;  je  dis  ce  que  j'ai  vu.  Nous  avons 
voulu  visiter  avec  la  commission  départementale  ces  pauvres  réijions 
déshéritées,  où  tant  de  besoins  nous  étaient  signalés  comme  appe- 
lant les  investigations  de  l'enquête.  Nous  avons  parcouru  par  des 
chemins  impossibles,  dont  je  parlerai  dans  un  instant,  toute  la  ré- 
gion montagneuse  comprise  entre  la  frontière  italienne,  Barcelon- 
nette.  Digne  et  Castellanne.  Nous  avons  entendu  de  nombreux  dé- 
posants nous  exposer  loyalement  leurs  peines,  leurs  travaux,  leurs 
luttes  contre  le  découragement,  et  en  vous  racontant  les  ijnpressions 
qui  me  sont  restées  de  ces  longues  excursions  dans  les  Basses-Alpes, 
je  crois  n'être  que  l'interprète  exact  et  fidèle  de  la  pensée  de  tous 
nos  collègues. 

«  Ce  n'est  pas  d'ailleurs  la  première  fois  que  celte  situation  est  si- 
gnalée à  l'attention  de  l'administration.  Elle  l'a  été  en  termes  bien 
plus  saisissants  à  diverses  époques,  et,  pour  que  Votre  Excellence 
comprenne  jnieux  combien  il  importe  que  la  haute  sollicitude  du 
gouvernement  s'en  préoccupe,  je  crois  devoir  appeler  à  mon  aide 


478  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


l'opiiiicHi  il(>  (iiiolques-uns  dos  lioniinos  (|ui  oiiL  eu,  coniiiin  moi,  nùs- 
sion  d(>  irludier. 

«  En  1770,  un  membre  dos  Ktuts  do  l'iovciico,  envoyé  dans  les 
Basses-Alpes  |h)ui'  apprécier  le  mal  causé  |)ar  de  l'éceiiles  iiiomla- 
lioiis,  s'exprimait  ainsi  : 

«  Le  seul  (ispi'ct  de  ces  contrri's  est  fait  pour  rffnojv.r  tout  administrateur 
palriotiqne  ;  on  n'ij  voit  que  des  montagnes  cdupcrs  à  pic,  des  rivières 
dont  le  lit  est  extrêmement  large  avec  fort  peu  d'eau,  des  torrents  im- 
prtuciix  gui  roulent  dans  les  inondations  des  rochers  d'une  grosseur 
énorme,  après  avoir  dévasté  les  terrains  cultivables,  des  coteaux  arides, 
suites  fâcheuses  des  défrichements  que  Von  a  fait  sans  précaution,  des 
villages  dont  les  habitants  déguerpissent  chaque  jour,  n'y  trouvant  plus 
le  moyen  d'y  subsister,  des  habitations  qui  ne  sont  que  chaumières  et 
des  habitants  malheureux. 

u  En  4780,  M.  Portails,  assesseur  d'Aix  cl  procureur  du  pays, 
disait  dans  l'Assemblée  des  Communautés  de  Provence  : 

«  L'étid  de  la  Provence  n'est  pas  assez  connu;  dans  les  temps  les 
plus  calmes,  notre  existence  n'est  que  précaire.  Dans  la  moitié  de  la 
Provence,  les  campagnes  sont  sans  cesse  menacées  par  les  torrents  et  les 
riviéi-es.  Il  faut  se  défendre  par  des  digues  contre  les  débordements,  et 
retenir  par  artifice  un  sol  penchant  toujours  prêt  éi  échapper.  Telle  est 
la  position  de  la  Provence,  que  les  biens  y  sont  périssables,  l'entretien 
onéreux,  les  récoltes  incertaines,  les  accidents  fréquents  et  périodiques, 
et  par  interv<(lle  la  dévastation  est  entière  et  désolante. 

«  Je  dois  faire  remarquer  qu'à  l'époque  où  ces  o]»scrvations  étaient 
adressées  aux  États  de  Provence,  le  mal  était  loin  d'avoir  fait  les 
mêmes  progrès  qu'aujourd'hui.  Une  législation  rigoureuse  défen- 
dait alors,  sous  les  peines  les  plus  sévères,  de  détruire  les  bois  et  jus- 
qu'aux simples  lironssailles  qui  croissaient  sur  le  penchant  des 
montagnes.  Les  <léfricboments  dos  terrains  en  pente  étaient  aussi 
sévèrement  prohibés  par  les  arrêtés  de  règlement  du  parlement  de 
la  Provence;  les  pâturages  même  étaient  réglementés,  et  ces  pres- 
criptions généralement  observées  faisaient  disparaître  en  grande 
partie  les  causes  des  ravages  dont  on  se  plaint  actuellement.  C'est 
surtout  de  1789  ou  plutôt  de  1792,  c'est-à-dire  du  moment  où  l'As- 
semblée législative  eut  proclamé  [lour  tout  propriétaire  le  droit 
d'administrer  ses  bois  et  d'en  disposer  comme  bon  lui  semblerait, 
que  date  la  progression  rapide  de  ces  mêmes  dévastations.  Les  dé- 
fi icliemcnts  considérables  suivirent  presque  immédiatement  cette 
décision,  libérale  peut-être,  mais  évidemment  contraire  à  l'intérêt 
l)ien  entendu  des  régions  montagneuses,  et  quelques  années  ne 
s'étaient  pas  écoulées  que  des  correspondances  oilicielles  écrivaient: 


LES  BASSES  ET   HAUTES-ALPES.  479 

«  Nos  montagnes  n'offrent  plus  qu'un  tuf  pierreux.  Les  défriche- 
ments se  multiplient.  Plusieurs  communes  viciDwnt  de  perdre  leurs  ré- 
coltes, leurs  troupeaux  et  leurs  maisons  2)ar  des  débordements.  Deimis 
Digne  jusqu'à  Entrevaux,  le  penchant  des  plus  belles  collines  est  mis 
à  nu. 

«  Suivait  la  demande  de  prohiber  le  délViclioment  des  inonta/rnes 
ayant  plus  de  35°  de  pente. 

«  On  retrouve  les  mêmes  observations,  soit  dans  les  brochures 
assez  nombreuses  qui  ont  éti'-  publiées  sur  la  Provence,  soit  dans  les 
rapports  des  Inspecteurs  des  Forêts,  des  Ingénieurs,  des  Préfets,  et 
voici  quelques  passages  d'un  rapport  que  l'un  de  ces  derniers  adres- 
sait au  Gouvernement  en  t8o3  : 

«  Il  est  certain  que  le  sol  productif  des  Alpes  diminue  chaque  jour 
avec  une  effraijante  rapidité,  emporté  qu'il  est  par  le  fléau  sans  cesse 
croissant  des  torrents.  Toutes  les  montagnes  des  Alpes  sont  aujourd'hui 
dénudées  en  totalité  ou  en  grande  partie.  Leur  sol  brûlé  par  le  soleil, 
piétiné  par  le  mouton  qui,  ne  trouvant  lilus  ù  sa  surface  l'herbe  néces- 
saire à  sa  subsistance,  gratte  la  terre  pour  y  rechercher  une  racine  qui 
le  nourrisse,  ce  sol  est  périodiquement  lavé,  entraîné  par  la  fonte  des 
neiges  et  par  les  orages  de  l'été,  il  roule  avec  les  cailloux  qui  formaient 

S071  sous-sol,  et  même  avec  des  quartiers  de  roche 

La  dévastation  s'accroit  tous  les  jours Là  où  il  y  a 

dix  ans  on  voyait  encore  quelques  bois,  quelques  champs  en  culture, 
il  n'y  a  plus  maintenant  qu'un  vaste  torrent,  il  n'est  de  montagne  qui 
n'en  possède  au  moins  un,  et  chaque  jour  il  s'en  forme  de  nouveaux. 

«  Il  est  bien  évident  que,  dans  ces  conditions,  la  quantité  de  sol  ara- 
ble diminue  tous  les  Jours.  J'en  trouve  encore  la  preuve  dans  la  dépo- 
pulation du  pays.  En  1852,  j'ai  dû  signaler  au  Conseil  Général  que, 
d'après  le  dénombrement  fait  en  i8'6i,  la  population  des  Basses-Alpes 
avait  diminué  de  5,000  habitants,  et  les  Maires  auxquels  j'ai  demandé 
la  cause  de  cette  diminution  ont  été  unanimes  pour  reconnaître  qu'elle 
provenait  de  l'émigration  des  familles  de  cultivateurs  qui  ne  trouvent 
plus  aujourd'hui  des  moyens  d'existence,  là  où  leurs  pères  avaient  autre- 
fois l'aisance. 

«  Si  des  mesures  promptes,  énergiques,  ne  sont  jms  prises,  il  est 
permis  de  préciser  le  moment  où  les  Alpes  Fraw-aiscs  ne  seront  plus 
qu'un  désert....  Chaque  année  aggravera  le  mal,  et  dans  un  demi-siècle 
la  France  comptera  des  ruines  de  plus  et  un  département  de  moins. 

«  L'état  de  délabrement  et  de  ruine  de  notre  frontière  Alpienne 
produit  donc  la  même  impression  pénible  à  tous  ceux  qui  la  voient. 
Tous  signalent  la  nécessité  de  lutter  avec  énergie  contre  les  causes 
qui  l'appauvrissent  et  la  dépeuplent,  et  l'Administration  supérieure, 


180  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


je  m'empresse  de  le  constater,  n'est  pas  resiée  indifférente  à  ses 
souffrances,  qui,  depuis  un  demi-siècle,  appellent  de  tous  côtés  son 
active  sollicitude...  De  toutes  les  mesures  qui  peuvent  être  prises 
pour  arrôler  les  dévastations  que  j'ai  signalées  au  commencement 
de  ce  ra[)j)orl,  les  plus  urgentes  sont  cellos  qui  auraient  pour  objet 
de  lixer  le  sol  des  pentes  les  plus  menacées  par  les  torrents  et  les 
orages.  Elles  n'intéressent  pas  seulement  les  montagnes  et  les  val- 
lées, elles  intéressent  aussi  la  conservation  des  routes  et  celle  des 
cntrepi'ises  d'endiguement  et  d'irrigation.  Leur  mise  à  exécution  de- 
vrait donc  cire  le  point  de  départ  des  nombreux  travaux  que  sollicitent 
les  intérêts  et  les  besoins  du  département  des  Basses-Alpes.  » 

Ces  navrantes  descriptions  des  montagnes  des  Basses  et  des  Hautes- 
Alpes  ne  sont  que  trop  justiliées  par  les  enseignements  que  fournit 
la  statistique,  tant  au  point  de  vue  du  mouvement  de  la  population 
qu'à  celui  de  larépartition  des  cultures  sur  la  superficie  du  sol.  Nous 
les  résumons  dans  les  deux  tableaux  suivants  : 


LES  BASSES   ET  II AUTES-ALPES. 


481 


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482  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 

De  l'examen  de  ce  tableau  il  résulte  : 

1»  Qu'il  se  trouve  un  arrondissement,  celui  de  Barcelonnette,  où 
la  densité  moyenne  de  la  population  (nombi-e  d'habitants  par  kilo- 
mètre carré)  descend  au  clullVo  de  13,  23;  et  un  département  (celui 
des  Rasses-AIpes)  où  elle  n'atteint  que  t9,  1)6,  alors  que  celle  de  la 
France  entière  est  de  71  ! 

2°  Que  la  dépopulation  se  manifeste  dans  ces  deux  départements 
alpestres  avec  d'autant  plus  d'énergie  que  la  région  est  plus  monta- 
gneuse et  plus  ravagée  par  les  torrents  :  c'est  ainsi  que,  dans  les 
Basses-Alpes,  la  dépopulation  atteint  le  taux  de  19, ii  p.  0/0  et  de 
18,8  p.  0/0  dans  les  arrondissements  de  Barcelonnette  et  de  Castel- 
lanne,  tandis  qu'elle  se  réduit  à  7  p.  0/0  dans  celui  de  Forcalquier, 
beaucoup  moins  montagneux. 

11  en  est  de  môme  dans  les  Hautes-Alpes,  où  l'arrondissement 
d'Embrun  présente  le  taux  le  plus  élevé. 

3°  Que  depuis  1861,  année  où  l'on  a  commencé  les  grands  tra- 
vaux de  reboisement,  l'intensité  de  la  dépopulation  a  considérable- 
ment diminué  d'importance.  On  constate  en  etïet  que  de  1846  à  1861, 
la  dépopulation  dans  l'ensemble  des  deux  départements  se  chiffre 
par  une  perte  de  19,791  habitants  en  lo  ans,  tandis  que  de  1861  à 
1876,  période  de  durée  égale,  pendant  laquelle  les  travaux  de  reboi- 
sement se  sont  largement  développés,  elle  se  réduit  à  une  perte 
de  14,190  habitants,  soit  une  différence  en  moins  de  5,601  en  faveur 
de  cette  dernière  période.  Ce  fait  dément  victorieusement  les  allé- 
gations de  certains  détracteurs  du  reboisement  et  démontre  que 
l'on  peut  cri-cj'  des  forêts  dans  ces  régions  sans  y  créer  en  même  tem\is 
la  solitude. 


LES   BASSES  ET   II AUTES- ALPES. 


183 


État  superficiel  du  sol  nu  point  de  vue  de  la  production. 

La  superficie  des  deux  départements  se   décompose  ainsi  qu'il 
suit  : 


Arides  .... 

BASSKS 

ALPKS. 

UAUÏES-ALrKS. 

KNSEMBLE. 

108,366» 

15.0  0/0) 

51..19(<''   (9.2  0/Oj 

159,564'' (12.6  0/0) 

Contenances 

Rivières,  tor- 

non 

rents,  lacs. 

imposables. 

routes, che- 

^      mins,  etc. . 

•29.261 

(4.2  0/0) 

18,718     (3.4  0/0) 

47.979     (3.8  0/0) 

Cultures    di- 

verses 

(champs, 

près, vignes 

etc.),    pro- 

Contenances 

priétés,  bâ- 

imposables. 

ties,  etc  .  . 

1.57,513 

(22.9  0/0) 

125,007  (22.6  0/0) 

282,520  (22.8  0/0) 

Bois 

123,108 

(17.7  0/0) 

94,041  (17.0  0/0) 

217.149  (17.4  0/0) 

Vagues  et  pà- 

236  793 

(34.0  0/0) 

234,461  (42.3  0/0) 

471,254  (37.7  0/0) 

M  0  n  t  a  g  n  es 

pastorales. 

40,016 

(5.7  0/0) 

30,000     (5.5  0/0) 

70,016     (5.7  0/0) 

695,057 

553.425 

1,248,182 

Aux  données  contenues  dans  ces  deux  tableaux,  il  convient  d'ajou- 
ter que  les  altitudes  extrêmes  varient  de  2o0  mètres  à  4,. 300  mètres. 

D'après  la  stati?li({ue  agricole  de  1878,  les  terres  cultivables  en 
France,  comprenant  les  labours,  les  vignes,  les  prairies  naturelles  et 
les  vergers,  occupent  62p.  0/0  de  la  superficie  totale  du  territoire; 
ici  ces  mêmes  cultures  se  réduisent  à  22,8  p.  0/0. 

Les  terrains  non  imposables  ne  dépassent  pas  en  France  7  p.  0/0 
du  territoire,  et  dans  les  deux  départements  dont  il  s'agit,  ils  s'élèvent 
à  16,40  p.  00. 

On  comprend  dès  lors  le  triste  portrait  de  cette  malheureuse  ré- 
gion tracé  plus  haut. 


484  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 


NOTE  H 

(Citée  à  la  Page  373.) 


Monographie  du  Périmètre  de  Faucon,  Vallée  de  Barcelonnette 

(Basses- Alpes). 


La  plus  grande  partie  du  périmètre  de  Faucon  est  située  sur  le 
territoire  de  la  commune  de  ce  nom  (Voir  le  plan,  fig.  lOo). 

Il  comprend  les  bassins  de  réception  des  deux  grands  torrents  de 
Faucon  et  du  Bourg-et,  et  de  deux  ravins,  Buriune  et  la  Marquise. 
Tous  ces  cours  d'eau  sont  tributaires  de  ri'baye. 

La  montagne  dans  le  liane  de  laquelle  sont  creusés  ces  torrents 
appartient  à  la  grande  cbaîne  de  faîte  qui  sépare  les  deux  vallées  de 
rUbaye  et  de  la  Durance.  Les  crêtes  rocheuses  qui  en  forment  le 
sommet  ont  une  altitude  moyenne  de  2,800  mètres,  et  certains 
points  culminants  s'élèvent  jusqu'à  3,000  mètres,  tandis  que  le  pied 
de  la  montagne  s'abaisse  dans  la  vallée  à  1,200  mètres  environ. 

Les  torrents  de  Faucon  et  du  Bourget  sont  séparés  par  une 
croupe  dont  la  direction  générale,  parallèle  au  lit  des  deux  tor- 
rents, est  sensUilement  normale  à  la  ligne  de  faite  et  au  cours  de 
l'Ubaye.  Les  pentes  sont  très  rapides,  surtout  dans  les  parties  supé- 
rieures. 

Les  sommets  de  la  montagne  sont  partout  occupés  par  des  schistes 
tertiaires  appartenant  à  l'étage  éocène  et  connus  des  géologues  sous 
le  nom  de  /?ys/t.  Au-dessous  de  l'altitude  de  1,*J00  mètres,  limite  in- 
férieure du  tlysh,  se  rencontre  une  ligne  non  interrompue  de  cal- 
caires durs  et  compacts,  dont  la  place  géologique  est  encore 
inoonnue,  et  qui  sépare  ici  les  terrains  tertiaires  des  marnes  noires 
secondaires  {marnes  calloviennes).  Ces  marnes  descendent  jusqu'à  la 


Fii»'.  105.  —  PÉRIMÈTRE  de  FAUCON  près  Barcelonneite  (Basses-Alpes) 


(Voir  pages  48i  et  suivantes) 


Couteiuuice  :  872",  ^O",  23«. 


Equidistance  dos  courbes  :  21)"'. 


MONOGRAPHIE   DU   PERIMETRE  DE  FAUCON.       585 

vallée  et  sont  recouvertes,  sur  certains  points,  par  un  diluviuin,  tan- 
dis qu'ailleurs  elles  sont  coniplrtcment  mises  à  nu.  L'exposition 
générale  de  ces  terrains  est  le  sud. 

Le  torrent  du  Bourget  est  un  torrent  du  2'=  genre  (Suroll)  bien 
caractérisé;  il  part  d'un  faîte  situé  à  une  altitude  de  2,937  mètres, 
pour  tomber  dans  l'Ubayc  à  une  altitude  de  1,174  mètres,  ce  qui 
implique  entre  ces  deux  points  extrêmes  une  différence  de  niveau 
de  1,763  mètres;  la  longueur  totale  de  son  cours  étant  de  o, 134  mètres, 
la  pente  uniforme  idéale  qui  partirait  de  son  origine  pour  aboutir  à 
rUbaye  serait  donc  de  34  p.  0/0  {de  Gayffier,  pi.  44). 

Mais  il  est  loin  d'en  être  ainsi  ;  on  peut  distinguer  trois  sections 
bien  tranchées  dans  le  profil  en  long.  La  courbe  qu'il  détermine,  en 
remontant  de  l'aval  vers  l'amont,  est  d'abord  aplatie,  légèrement 
concave  vers  le  ciel  et  présente  des  pentes  variant  de  0",07  à 
0^,\[  par  mètre,  le  tout  sur  une  longueur  totale  de  1,220'", 80.  Cette 
première  section  représente  le  profil  du  cône  de  déjections  dont  le 
sommet  se  trouve  à  une  altitude  de  1,282"°, 73,  soit  à  llo'",20  au- 
dessus  du  fond  de  la  vallée,  et  dont  la  pente  moyenne  est  de  0™,09 
environ  par  mètre. 

Puis  commence  le  canal  d'écoulement  se  développant  sur  une 
longueur  de  1,764  mètres  et  présentant  des  pentes  plus  relevées, 
entremêlées  de  cascades.  La  différence  de  niveau  d'une  extrémité  à 
l'autre  dans  cette  section  est  de  475",  14,  ce  qui  donne  une  pente 
moyenne  de  26  p.  0/0  environ.  C'est  de  là  que  provenaient  ces  laves 
souvent  formidables,  dues  aux  éboulements  des  berges  et  aux  glis- 
sements que  leur  départ  occasionnait  sur  les  versants  immédiats 
composés  exclusivement  de  marnes  calloviennes  à  couches  fortement 
redressées. 

La  troisième  section  enfin  comprend  la  partie  qui  forme  le  thal- 
weg du  bassin  de  réception  dont  la  surface  totale  ne  dépasse  pas 
300  hectares.  La  longueur  de  cette  section  est  de  2,1  oO  mètres  pour 
une  différence  de  niveau  de  1,I72'",11,  qui  détermine  une  pente 
moyenne  de  0",o4  par  mètre.  Le  fond  du  lit  ainsi  que  les  berges 
sont  en  roche  dure  appartenant  à  l'étage  du  flysh  et  formant  une 
série  de  cascades  successives.  Le  torrent  y  est  presque  partout  inof- 
fensif au  point  de  vue  des  laves,  et  n'entraîne  que  les  débris  des 
roches  supérieures,  qui  se  délitent  sous  l'action  des  agents  atmo- 
sphéri({ucs. 

Les  deux  principaux  affluents  du  torrent  du  Bourget  sont  les  ra- 
vins de  Rata  et  de  Chasse-Lièvre,  qui  tombent  tous  les  deux  sur  la 
rive  droite.  Profondément  entaillés  dans  les  terres  noires  et  les  ter- 
rains de  diluvium,  ils  sont  souvent  dangereux  et  peuvent  être  consi- 


48G  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


dérés  comme  de  véritables  torrents,  l/un  d'eux,  le  Rula,  fournit  un 
exemple  frappant  de  l'extrême  rapidité  avec  laquelle  se  forment  ces 
ravins.  J)cs  vieillards  se  rappellent  l'avoir  sauté  à  pieds  joints,  en 
des  points  où  ses  berges  mesurent  aujourd'hui  au  moins  30  mètres 
de  hauteur  et  80  mètres  d'ouverture  [de  Gayffier,  pi.  21). 

Le  torrent  du  Bourget  reçoit  en  outre  dans  la  région  supérieure 
un  grand  nombre  de  ravins  de  moindre  importance.  Quelques-uns 
traversent  les  marnes  noires,  mais  le  plus  grand  nombre  coulent  dans 
le  tlysh,  et  sont  par  suite  assez  peu  dangereux. 

Le  deuxième  grand  torrent  (|uc  l'on  rencontre  dans  le  périmètre 
est  celui  de  Faucon. 

Les  terrains  supérieurs,  situés  entre  2,984  et  1,900  mètres  d'alti- 
tude, sont  formés  de  schistes  tantôt  dénudés,  tantôt  recouverts  d'une 
mince  couche  de  terre  presque  entièrement  dépourvue  de  végétation 
ligneuse  et  même  herbacée. 

Dans  toute  cette  partie  du  torrent,  les  ravins  sont  peu  profonds  et 
les  glissements  fort  rares.  Le  seul  obstacle  que  rencontre  la  végéta- 
tion ligneuse  consiste  dans  les  avalanches  de  neige  qui  s'y  produisent 
régulièrement  chaque  année. 

Plus  bas,  le  torrent  devient  beaucoup  plus  redoutable.  Il  passe  au 
milieu  de  terres  marneuses  noires  et  de  terrains  de  transports  sans 
consistance,  formés  de  matériaux  de  toutes  grosseurs.  Les  berges 
vives,  qui,  sur  certains  points,  atteignent  une  hauteur  de  plus  de 
80  mètres,  sont  complètement  dénudées  et  déchirées  par  de  nom- 
breux ravins  secondaires.  Dans  toutes  ces  parties,  oîi  la  pente  varie 
de  20  à  40  p.  0/0,  le  torrent  ailbuille  son  lit  à  chaque  orage  et  dé- 
termine alors  d'immenses  glissements  qui  se  répercutent  à  droite 
et  à  gauche  sur  une  longueur  de  plus  d'un  kilomètre.  C'est  cette 
partie  du  torrent  qui  fournit  les  principaux  ni;ilri'iaux  des  grandes 
laves. 

Le  cône  de  déjections  vient  ensuite.  (Test  un  vaste  triangle  de 
i80  hectares  environ  de  superficie  sur  lequel  sont  bâtis  le,  village  de 
Faucon  et  le  hameau  du  Chastelarel.  60  hectares  se  trouvent  à  l'état 
de  graviers  incultes  ;  le  reste  forme  la  meilleure  partie  du  territoire 
cultivable  de  la  commune,  mais  tend  sans  cesse  à  diminuer,  car 
cha(juo  orage  en  détruit  quelque  parcelle. 

Le  torrent  de  Faucon  reroit  [ilusieurs  aflluents  et  entie  autres  le 
ravin  de  Champerousse,  qui  ('(uitribuc  pom-  une  large  parla  l'apport 
des  matériaux  dans  la  vallée;  les  ravins  de  la  Marquise  et  de 
Buriane,  représentant  de  grandes  déchirures  dans  des  terres  noires 
comj)lètemenl  dénudées  et  à  pentes  très  raidcs,  et  enfin  ceux  de 
Ville-Vieille  et  de  Pis.se-Vin. 


MONOGRAPHIE  DU   PERIMETRE  DE  FAUCON.      487 


Le  torrent  de  Faucon  est  une  menace  permanente  pour  le  village 
de  ce  nom,  qui,  ])ilU  sur  le  vorsanl  ouest  du  cône  primitif,  n'est  dé- 
fendu que  par  une  digue  complrlcmcnt  insuflisante.  Celui  du  Bour- 
get  n'était  pas  moins  redoutable  pour  le  hameau  du  même  nom. 

Les  terres  cultivées  qui  couvrent  le  fond  de  la  vallée  représentent 
une  valeur  de  [dus  d'un  million  de  francs.  Elles  se  trouvaient  com- 
promises par  les  progrès  du  tléau,  qui  s'aggravaient  tous  les  jours. 
A  chaque  orage,  des  parcelles  de  ces  riches  terrains  étaient  ou 
entraînées  ou  englouties  sous  les  déjections. 

Dans  la  région  moyenne  de  la  montagne,  les  hameaux  de  Saint- 
Flavy,  de  Bouzoulières,  des  Granges  et  des  Maisonnettes  étaient  de 
plus  en  plus  menacés,  et  les  cultures  qui  les  entourent,  entraînées 
par  les  éboulements,  diminuaient  à  chaque  orage. 

La  route  nationale  n°  tOO,  de  Montpellier  à  Coni,  qui,  sur  un  par- 
cours de  3  kilomètres  environ,  traverse  les  cônes  de  déjections  de 
ces  torrents  et  de  ces  ravins,  était  fréquemment  coupée  ou  enseve- 
lie sous  les  décombres;  la  circulation  y  devenait  ou  impossible  ou 
fort  périlleuse  {de  Guy f fier,  pi,  4o). 

Enfin  les  apports  que  ces  torrents  entraînaient  vei's  l'Ubaye  ten- 
daient de  plus  en  plus  à  exhausser  le  lit  de  cette  rivière  et  à  com- 
promettre ainsi  l'existence  même  de  la  ville  de  Barcelonnette,  qui 
est  située  de  beaucoup  en  contre-bas  des  digues  destinées  à  la 
protéger. 

La  création  d'un  périmètre  d'utilité  publique  s'imposait  donc  ici 
comme  une  nécessité  urgente,  car  à  un  état  de  dégradation  toujours 
croissant  des  bassins  de  réception,  se  réunissaient  les  conditions  de 
sol,  de  climat,  de  pente  et  d'exposition  les  plus  défavorables  et  pré- 
sentant les  dangers  les  plus  imminents. 

Étudié  en  1861,  dès  le  début  de  l'exécution  de  la  loi  du  28  juillet 
1860,  ce  périmètre  fut  décrété  le  2o  mars  1863,  sur  une  contenance 
de  706  hectares,  en  vue  du  reboisement  intégral  sur  toutes  ses  par- 
ties où  la  végétation  forestière  pourrait  être  introduite.  Le  projet  de 
périmètre  ne  rencontra  pas  une  opposition  bien  vive  lorsqu'il  subit 
les  premières  phases  de  l'instruction;  le  conseil  municipal  ne  l'efusa 
pas  son  adhésion,  mais  se  contenta  d'émettre  des  doutes  sur  le  suc- 
cès de  l'entreprise. 

Les  deux  premières  années  furent  employées  au  bornage,  à  des 
semis  de  fourragères,  à  la  construction  de  petits  barrages  en  pierre 
sèche  et  au  reboisement  de  7  hectares  dans  la  partie  basse. 

Mais,  dès  1864,  l'œuvre  se  trouva  entravée  et  presque  compro- 
mise. A  cette  époque,  la  foi  dans  le  succès  du  reboisement  ne  laissait 
pas  d'être  quelque  peu  ébranlée,  à  la  suite  de  tentatives  peu  favora- 


REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


blés  opérées  dans  un  espace  de  temps  bien  court  cependant  et  dans 
les  conditions  les  moins  concluantes,  puisque,  à  ce  moment  où  tout 
était  nouveau,  on  ne  possédait  aucune  donnée  d'expériences,  et  on 
n'avait  aucune  tradition  établie  sur  laquelle  on  pût  s'appuyer  sTire- 
ment.  On  aurait  voulu  des  résultats  prompts,  immédiats.  Devant  les 
exigences  du  temps  et  de  la  végétation  on  perdit  trop  tôt  paLienre, 
et  on  se  rejeta  avec  trop  d'entrain  dans  l'application  de  la  nouvelle 
loi  qui  venait  de  paraître,  la  loi  du  8  juin  ISOi-,  sur  le  gazonnement 
des  montagnes. 

Dans  de  semblables  conditions,  le  périmètre  de  Faucon  ne  pou- 
vait écbapper  à  une  révision.  Un  arrêté  du  li)  octobre  1804  prescri- 
vit la  substitution  du  gazonnement  au  reboisement  sur  G8  bectares 
pris  sur  les  706  que  contenait  le  périmètre  d'après  le  décret  décla- 
ratif d'utilité  publique.  Mais  on  ne  s'arrêta  pas  là  :  en  décembre 
180(1,  de  nouvelles  propositions  furent  faites  en  vue  d'augmenter  de 
o8i  bcclares  la  zone  à  gazonncr,  ce  (]ui  aurait  réduit  à  o4  hecUires 
la  surface  à  reboiser. 

Ces  proi)ositions,  présentées  au  conseil  municipal  de  Faucon  en 
1867  et  1868,  ne  furent  pas  acceptées,  non  que  cette  assemblée  vou- 
lût, en  s'y  opposant,  manifester  la  moindre  sympathie  pour  le 
reboisement  antérieurement  décrété,  mais  l)ien  parce  qu'elle  parta-  ■ 
geait  l'espoir,  nourri  par  quelques  meneurs  d'alors,  (qu'elle  obtien- 
drait la  distraction  de  ces  terrains  du  régime  forestier  et  l'annulation 
du  décret  d'utilité  publique. 

On  peut  se  féliciter  aujourd'hui,  à  fous  égards,  que  l'erreur  dans 
laquelle  a  persisté  ainsi  le  conseil  municipal  de  Faucon  ait  sauve- 
gardé ces  a84  hectares  de  l'application  do  la  loi  sur  le  gazonnement, 
et  les  ait  ainsi  conservés  au  reboisement. 

Ce  premier  périmètre  renfermait  la  majeure  partie  des  bassins  de 
réception  des  torrents  de  Faucon,  du  lîourget,  de  Buriane  et  de  la 
.Marquise,  et  ne  comprenait  que  des  terrains  exclusivement  com- 
munaux. 

Quelques  années  après,  en  1800,  on  put  se  convaincie  que  la 
source  principale  des  déjections  du  torrent  du  Bourgct  n'était  pas 
comprise  dans  le  périmètre,  et  on  étudia  un  projet  annexe  qui  fut 
décrété  le  10  août  1808,  sous  le  nom  de  périmètre  du  Bourgel,  et 
renfermait  28  hectares  26  ares  30  centiares,  tous  communaux 
encore. 

A  ces  différentes  époques,  on  était  encoi'c  au  début  de  travaux 
entièrement  nouveaux  pour  tous;  on  tenait  à  ne  donnei'  aucun  pré- 
texte de  mécontentement  à  l'opinion  publique  locale  :  on  s'abstint 
donc,  de  parti  pris,  d'appliquer  la   loi   aux    jiropriétés  particulières 


MONOGRAPHIE   DU   PERIMETRE  DE   FAUCON.       489 


riveraines  des  torrents,  et  l'on  crut  également  devoir  laisser  en 
dehors  du  périniMre  certaines  parcelles  communales  occupant  des 
berges  cependant  Ir^s  dangereuses. 

En  1872,  les  conditions  étaient  tout  autres;  rexpérience  de  dix  ans 
de  travaux,  jointe  à  l'étude  approfondie  des  torrents  et  des  moyens 
de  les  éteindre,  indiquait  sutïlsamment  ce  qu'il  restait  à  faire  pour 
arriver  au  but  qu'on  se  proposait,  et  on  était  fixé  sur  l'efficacité 
des  méthodes  à  employer.  On  présenta  dès  lors  un  projet  définitif 
qui  comprenait  toutes  les  parcelles  omises  antérieurement,  fut  l'objet 
d'un  décret  déclaratif  d'utilité  publique  rendu  le  28  juin  1874,  et 
renferma  une  étendue  totale  de  872  hectares,  dont  780  appartenant 
aux  communes  de  Faucon  et  de  Barcelonnette,  et  86  à  divers  par- 
ticuliers. 

Les  six  premières  années  qui  suivirent  le  premier  décret  (de  1863 
à  1808)  ne  furent  donc  employées  surtout  qu'à  des  travaux  de 
gazonuement  et  de  petits  barrages,  et  le  reboisement  ne  porta  que 
sur  une  ndnime  surface  de  10  hectares,  car  on  espérait  toujours 
l'acquiescement  du  conseil  municipal,  et  le  reboisement  restait  en 
suspens. 

Les  résultats  de  ces  premiers  travaux  consistèrent  dans  la  création 
d'une  végétation  herbacée,  sur  une  surface  de  4o0  hectares  environ, 
et  le  reboisement  de  10  hectares  en  pins  noir  et  sylvestre. 

En  1868,  cette  végétation  herbacée  était  aussi  complète  qu'on 
pouvait  le  désirer.  Le  17  juillet,  un  violent  orage  éclate  sur  ce  péri- 
mètre et  les  petits  barrages  en  pierre  sèche,  comme  ceux  en  char- 
pente, disparaissent,  emportés  par  des  laves,  avec  une  rapidité  que 
le  gazonuement  créé  sur  les  versants  et  une  mise  en  défends  de  près 
de  sept  années  étaient  loin  de  laisser  pressentir  à  ceux  qui  avaient 
désespéré  du  reboisement. 

Ce  désastre,  commun  à  tous  les  périmètres  de  la  même  région 
dans  lesquels  on  avait  abandonné  le  reboisement  dès  la  loi  du 
8  juin  1864  pour  lui  substituer  le  gazonuement,  démontra  surabon- 
damment l'insuffisance  de  ce  mode  de  régénération  des  montagnes 
alpestres  ;  et,  par  la  force  des  choses,  on  revint  aux  travaux  dont 
l'ensemble  exécuté  avec  méthode  peut  seul  assurer  l'extinction  des 
torrents,  tant  par  la  fixation  du  sol  que  par  la  retenue,  le  ralentis- 
sement et  la  division  des  eaux  provenant  soit  des  grands  orages  du 
climat  sec,  soit  de  la  fonte  subite  des  neiges. 

Par  suite  du  retard  apporté  à  l'exécution  du  reboisement,  il  était 
indispensable  de  hâter  les  nouveaux  travaux  et  de  ne  pas  les  dissé- 
miner sur  toute  la  surface  du  périmètre;  on  choisit  donc,  dès  1869, 
pour  objectif  le   torrent  du  Bourget,  avec  l'intention  bien  arrêtée 


i90  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


d'y  terminer  tons   les   travaux  avant  do   pjisser  au  torrent  voisin. 

F^c  bassin  de  réceptwn  du  torrent  du  Bourget  présente  une  super- 
ficie de  3C0  hectares  environ  ;  dans  la  partie  supérieure,  d'une  con- 
tenance approximative  de  80  liectares,  formée  par  une  bande  de 
rochers  dont  la  ])ase  se  trouve  h  une  altitude  de  2,500  mcHres,  on  a 
semé  du  pin  cemliro  pai-lout  où  les  intervalles  des  roches  ont  per- 
mis d'ouvrir  do  petits  trous  entre  lesquels  des  semis  très  drus  de 
graines  fourragères  ont  été  exécutés.  Cette  altitude  convient  très 
bien  à  ce  précieux  résineux,  (ju'il  im])orte  au  plus  haut  degré  de 
conserver  et  do  propager. 

A  partir  de  la  base  des  rochers,  on  a  tracé,  sur  toute  l'étendue  de 
l'immense  entonnoir  formé  par  le  bassin  de  réception,  des  lignes 
parallèles  en  travers  de  la  pente,  et  espacées  de  2  mètres  environ. 
Sur  les  directions  de  ces  lignes  on  a  cultivé  des  bandes  dites  brisées 
d'une  longueur  de  6  mètres,  bien  horizontales  sur  cette  faible  lon- 
gueur, et  espacées  entre  elles  do  .3  mètres,  mais  alternant  d'une 
ligne  à  l'autre,  de  manière  que  l'inférieure  fermât  bien  le  vide  laissé 
par  deux  bandes  supéi'ieures. 

La  déclivité  des  versants  étant  partout  excessive,  les  bandes  n'ont 
reçu  qu'une  largeur  de  0™,50  au  maximum;  on  les  a  défoncées 
à  0™,40  de  profondeur,  et  leur  partie  inférieure  a  été  relevée  par 
un  talus,  soit  en  pierres,  soit  en  gazon,  de  façon  à  donner  ;\  la  sur- 
face cultivée  une  pente  inverse  à  celle  du  versant.  Partout  où  les 
lignes  rencontraient  des  ravines  ou  la  moindre  rigole  d'écoulement 
des  eaux,  on  a  construit  une  série  de  barrages  rustiques,  destinés  à 
retenir  tous  les  matériaux  amenés  dans  les  différents  thalwegs  ainsi 
qu'à  ralentir  le  cours  des  eaux. 

De  sorte  que,  dès  1870,  une  bonne  partie  de  la  région  supérieure 
du  bassin  de  réception  s'est  trouvée  recouverte  d'ime  vaste  arma- 
turc  appelée  à  produire,  dès  le  début,  une  partie  de  l'elfet  méca- 
nique attendu  de  la  végétation  ultérieure,  en  divisant  et  en  ralen- 
tissant l'écoulement  des  eaux  pluviales. 

En  même  temps  on  commençait  les  travaux  à  la  région  inférieure, 
composée  entièrement  de  marnes  noires.  Ces  travaux  consistaient 
en  fascinages  solides  et  nombreux  dans  les  ravines  et  en  plan- 
tations de  feuillus  et  de  pins,  ainsi  qu'en  semis  de  graines  four- 
ragères. 

Au  printemps  de  1870,  on  exécuta  le  semis  de  toutes  les  bandes 
ainsi  préparées  :  dans  les  parties  inférieures  situées  à  1,600  mètres 
environ,  on  employa  le  pin  noir  pur;  ;"i  1,800  mètres,  le  [)in  noir 
mélangé  au  pin  ci  crochets  dans  les  expositions  sud  et  ouest,  et  le 
|iin   noir   nirlé   à  l'épicéa  et   au   mélèze  dans  les  expositions   est; 


MONOGRAPHIE   DU  PERIMETRE   DE   FAUCON.      491 

enfin,  de  2,000  mètres  à  la  hase  des  rochers  supérieurs,  on  ne  sema 
que  du  méh'ze  jtur. 

En  même  temps  on  eut  soin  de  répandre  sur  les  l)and(!s  des  grai- 
nes fourragères  destinées  à  fournir  une  végétation  herhaeée  qui 
protégerait  les  jeunes  semis  contre  le  soulèvement,  très  dangereux 
dans  ces  calcaires  à  semhlahle  exposition ,  aussi  hien  que  contre  la 
persistance  et  l'excès  de  la  sécheresse  dans  la  saison  chaude. 

Concurremment  avec  ce  travail,  les  parties  nues  des  herges  des 
ravins  supérieurs  furent  plantées  en  feuillus  tels  que  cytises  des 
Alpes,  pruniers  de  Rriançon,  sorhiers  des  oiseleurs,  etc. 

Ces  travaux  ont  donné  de  très  hons  résultats.  Les  plants  se  sont 
bien  développés  sur  les  bandes  et,  comme  sur  beaucoup  de  points 
ils  étaient  surabondants,  on  en  a  employé  une  partie  à  garnir  les 
vides  concurremment  avec  les  jeunes  plants  fournis  par  des  pépi- 
nières volantes. 

Dans  les  années  suivantes,  on  a  fait  des  semis  à  demeure  de  mé- 
lèze et  d'épicéa  dans  les  parties  les  mieux  gazonnées,  au  moyen  de 
petits  trous  faits  à  la  pioche  au  milieu  des  gazons  situés  en  dehors 
de  la  région  des  bandes.  On  a  regarni  les  anciens  semis  de  pin 
cembro  avec  des  plantations  de  cette  essence;  et  l'on  a  achevé  le 
traitement  des  ravins  à  l'aide  de  barrages  rustiques. 

C'est  ainsi  qu'aujourd'hui  tous  les  travaux  sont  terminés  dans  le 
bassin  de  réception  du  Bourget.  Les  terrains  sont  tous  fixés  et,  sauf 
quelques  regarnissages  que  l'on  ne  peut  pas  éviter  quand  on  fait 
des  reboisements  à  pareilles  altitudes  et  sur  des  sols  de  cette  qua- 
lité, il  ne  reste  plus  maintenant  qu'à  attendre  que  la  forêt  se  déve- 
loppant produise  son  plein  effet  sur  le  régime  du  torrent. 

En  1870,  dès  le  début  des  travaux  on  avait  eu  soin  d'établir  des 
pépinières  volantes  de  résineux  sur  les  points  avantageux  des  bas- 
sins de  réception,  on  avait  ouvert  des  chemins  muletiers  pour  rendre 
facile  l'accès  de  toutes  les  parties  du  périmètre  et  l'on  avait  établi 
à  2,300  mètres  d'altitude  un  vaste  baraquement  destiné  à  loger  les 
ouvriers. 

Tandis  que  dans  le  haut  on  travaillait  à  créer  la  forêt  on  se  pré- 
parait à  entreprendre  les  travaux  de  correction  dans  les  régions 
inférieures  où  ils  étaient  exclusivement  nécessaires. 

En  1870,  on  commença  par  la  construction  d'un  grand  barrage 
en  maçonnerie  de  pierre  sèche  au  point  culminant  de  la  section  à 
corriger.  Ce  barrage  fut  destiné  à,  retenir  sur  son  vaste  atterrisse- 
ment  les  gros  blocs  qui,  sans  son  intervention,  n'auraient  pas  man- 
qué de  descendre  ot  de  compromettre  la  sécurité  des  ouvrages  à 
établir  ultérieurement  dans  la  région  inférieure. 


492  REBOISEMENT   DES  MONTAGNES. 


On  entreprit  en  même  temps  l'élude  du  syst(^mc  de  correction  à 
adopter.  A  cet  cllet  on  procéda  aux  levés  du  plan,  du  profil  en  long 
et  des  profils  en  travers  de  la  section,  et  la  représentation  graphi- 
que qu'on  en  obtint  permit  de  combiner  le  nombre,  les  dimensions 
et  les  emplacements  des  dili'érents  ouvrages  à  construire.  On  put 
dès  lors  établir  un  système  raisonné,  coordonné  et  surtout  écono- 
mique, car  rien  ne  fut  livré  au  hasard  ou  à  la  simple  appréciation. 

Ces  études,  qui  durèrent  plus  de  deux  ans,  fournirent  en  outre 
l'avantage  précieux  de  pouvoir  donner  la  construction  de  tous  les  ou- 
vrages à  l'entreprise  par  adjudications  publiques,  mode  d'exécution  qui 
aida  singulièriMUont  àla  célérité  et  à  la  bonne  confection  des  travaux. 

En  1872  on  débuta  par  la  construction  d'un  premier  barrage  en 
maçonnerie  de  mortier  hydraulique,  qui  fut  entrepris  dans  les  meil- 
leures conditions  d'emplacement  et  de  bonne  exécution. 

Ce  barrage,  appelé  à  servir  de  base  au  système  qu'imposait  l'ex- 
tinction du  torrent  du  Bourget,  est  l'ouvrage  le  plus  important 
qu'on  ait  fait  encore  dans  les  Basses-Alpes. 

Ses  dimensions  sont  les  suivantes  : 

Longueur  au  couronnement,  30  mètres: 

Épaisseur  au  couronnement,  2™,80; 

Hauteur  au-dessus  du  lit  actuel,  7  mètres; 

Hauteur,  y  compris  les  fondations,  H™,3o. 

Le  parement  d'amont  est  rectiligne  et  vertical; 

Celui  d'aval  est  ciiculaire,  avec  un  fruit  de  20  p.  0/0. 

La  llèche  du  couronnement  est  de  2  mètres  pour  une  corde  de 
20  mètres,  soit  de  1/1 0«; 

Celle  de  la  courbure  du  parement  d'aval,  0°',97. 

Un  aqueduc  de  1  mètre  de  largeur  sur  l"',i)0  de  hauteur  a  été 
ménagé  au  niveau  du  lit. 

Le  parement  d'aval  est  tout  entier  en  gros  moellons  piqués,  le 
couronnement  en  pierre  de  taille,  et  toute  la  maçonnerie  est  faite 
avec  du  mortier  hydraulique. 

Le  cube  de  la  maçonnerie  se  compose  de  : 

Maçonnerie  ordinaire 548  m. c.  710 

—  de  moellons  piqiK's lî)!    —    740 

—  de  pierre  de  taille 43    —   860 

Cube  total 781  m. c.  280 

L'ouvrage  a  coûté  l."?,G07  fr.28  pour  le  prix  de  l'entreprise  ; 
1 ,703  fr.  27  de  travaux  en  régie. 

Soit  en  tout  .    .     I."),i90  fr.  ."jj 


MONOGRAPHIE   DU   PERIMETRE  DE  FAUCON.      403 


Les  observations  et  les  études  nouvelles  opén'-es  pendant  la  con- 
struction de  cet  ouvrage  entrainùrent  certaines  modifications,  soit 
dans  la  forme,  soit  dans  la  maçonnerie,  appelées  à  fournir  une 
importante  économie  dans  les  travaux  ultérieurs.  C'est  ainsi  que, 
d'une  part,  on  passa  du  parement  amont  rectiligne  à  un  parement 
amont  circulaire  déterminant  une  forme  annulaire  à  toute  section 
horizontale  et  économisant  une  maçonnerie  parfois  inutile  dans  les 
ailes;  et  que,  d'autre  part,  on  substitua  à  la  maçonnerie  de  mortier 
hydraulique  pour  tout  l'ouvrage,  la  maçonnerie  que  l'on  a  désignée 
sous  le  nom  de  mixte,  qui  apporta  dans  les  constructions  une  éco- 
nomie des  plus  importantes. 

Pendant  les  années  suivantes  on  continua,  sans  désemparer,  l'exé- 
cution du  système  adopté,  qui  fut  entièrement  terminé  en  1875. 

L'ensemble  des  travaux  compi'end  : 

20  barrages  dans  le  torrent  de  Bourget  proprement  dit  ; 
3        —       dans  le  ravin  de  Rata  affluent  de  ce  torrent. 

Ces  différents  ouvrages  sont  destinés  à  l'elever,  élargir  et  fixer  le 
lit  du  torrent,  à  modifier  ses  pentes  et  à  consolider  les  berges  en 
les  soustrayant  aux  érosions. 
Le  type  adopté  pour  chacun  d'eux  a  varié  suivant  les  circonstances. 

Dans  les  emplacements  où  les  berges  pouvaient  subir  des  mouve- 
ments ou  des  dislocations,  on  a  substitué  aux  parements  circulaires 
des  parements  de  forme  rectiligne;  ailleurs,  pour  un  barrage  établi 
dans  des  terres  de  médiocre  résistance,  on  a  construit  un  radier 
maçonné,  relevé  sur  les  côtés  par  deux  murs  en  aile  destinés  à  pro- 
téger les  berges;  le  plus  souvent  on  a  donné  la  préférence  à  la  ma- 
çonnerie mixte. 

Le  tableau  ci-après  donne  la  nomenclature  des  vingt-trois  grands 
barrages  que  la  correction  du  torrent  du  Bourget  a  réclamés  : 


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REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


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MONOGRAPHIE   DU   PERIMETRE   DE   FAUCON.      495 

De  ce  tableau  il  résulte  donc  que  les  vinfrt-trois  ouvrages  se  dé- 
composent ainsi  quant  au  genre  de  maçonnorie  adopté  : 

Cube  ensemble.         ,,  ^."^  4«  ^  ^'"'^  '""yen 

1  entreprise,  du  mètre  cube. 

(Maçonnerie  de  mor-  '\ 
lier  avec  parement  f 
'^  \        ,  ,,  ■    >     i,lGOmèt.  c.  24,508  fr.  21  fr  12 

"  aval  en  moellons  pi-  |       '  )     «     •  -i  u.i- 


ques.  ' 

ITout    l'ouvrage     en  ) 

maçonnerie  de  mor-  ■        899      —  18,267  fr.  20  fr.  33 

tier.  ) 
15    En  maçonnerie  mixte.      ;!,027      —  45,885  fr.  i5fr.  16 

(  Maçonnerie  de  pier-  ) 

I  îre'sèche.  j     JO^    -  ^,000  fr.  11  fr.» 

Totaux  égaux  :     5,386  mèt.c.  01.6GU  fr. 

Ces  prix  du  mètre  cube  moyen  (1)  démontrent  tout  l'avantage  de 
la  maçonnerie  mixte,  qui  joint  à  l'économie  de  la  maçonnerie  en 
pierre  sécbe,  la  solidité  et  les  conditions  de  dufée  de  la  maçon- 
nerie de  mortier,  ainsi  que  l'expérience  l'a  surabondamment  dé- 
montré. 

Les  prix  portés  aux  bordereaux  des  entrepreneui's  ont  été  les 
suivants  : 

Prix  m o J'en. 
Le  mètre  cube  de  maçonnerie  de  pierre  de  taille.    .    .    .       49  fr.  00 

—  —  de  moellons  piqués  .    .    .       35       00 

—  —  ordinaire 16       00 

—  —  pierre  sèche 6      50 

—  —  de  déblais  de  ferre  et  pier- 

raille           0      50 

—  —  de  déblai  de  roc  à  la  mine.         2       50 

—  —  de  transport  à  25  mètres 

en  brouette 0      50 

Le  mètre  carré  de  taille  pour  le  parement  et  le  couron- 
nement du  barrage  n"  20 4      00 

Tous  ces  ouvrages  se  sont  successivement  atterris,  les  premiers 
très  rapidement,  les  derniers  bien  plus  lentement,  par  suite  des  tra- 
vaux opérés  dans  la  région  supérieure,  qui  faisaient  déjà  sentir  leur 
bon  effet. 

II  restait  à  conserver  aux  atterrissements  ainsi  obtenus  tout  l'effet 
de  leur  puissante  épaisseur  et  de  leur  fortes  pentes,  et  pour  cela 
prévenir  les  affouillements  longitudinaux  et  latéraux,  ralentir  la 

(1)  Voir  la  note  K,  page  504. 


406  l'.KHOISEMKNT   DKS   MONTAGNES. 


vitesse  du  courant,  et  le  maintenir  dans  le  nouveau  lit  qu'on  voulait 
lui  assigner. 

Dans  ce  but,  on  construisit  sur  chaque  atterrissement  deux  clayon- 
nages  longitudinaux  parallr-les,  destinés  à  encaisser  le  lit  définitif 
du  torrent,  puis  on  établit  une  série  do  clayonnages  transversaux, 
présentant  un  couronnement  concave  vers  le  ciel ,  d'une  hauteur 
variant  de  35  à  oO  centimètres,  et  échelonnés  de  manière  que  leurs 
arêtes  médianes  vinssent  toutes  affleurer  la  ligne  de  pente  régu- 
lière de  l'atterrissement.  On  créa  ainsi  une  série  de  paliers  encais- 
sés et  stables,  qui  satisfont  aux  conditions  assignées  plus  haut. 

La  distance  entre  les  clayonnages  longitudinaux  varie  de  9  à 
10  mètres;  celle  des  clayonnages  transversaux  est  uniformément 
de  3  mètres. 

On  procéda  ensuite  au  talutage  des  berges  et  à  leur  plantation 
immédiate  en  essences  résineuses  ou  feuillues,  suivant  les  cas. 

En  même  temps  qu'on  exécutait  ces  grands  travaux  dans  le  fond 
du  torrent,  on  activait  la  correction  des  ravins  dans  les  terres  noires 
au  moyen  de  fascinages  et  de  clayonnages  de  l"""  et  de  2"  ordre. 
C'est  dans  ces  travaux  qu'on  employa  pour  la  première  fois  les 
clayonnages  de  l'oi'dro  à  longrine  encastrée.  Les  atterrissements  de 
ces  ouvrages  aussitôt  formés  étaient  plantés  sur  leurs  bords  au  pied 
des  berges,  et  pavés  en  leur  milieu  pour  rendre  le  nouveau  lit  inaf- 
fouillable. 

Dans  les  torrents  de  terres  noires  on  exécuta  do  nombreux  cor- 
dons de  l)0uture  de  saules  et  de  feuillus  divers.  Disposés  en  lignes 
horizontales,  espacés  verticalement  de  2  à  3  mètres  suivant  les  cas,  ces 
cordons  ne  tardèrent  pas  à  constituer  une  série  de  haies  à  l'abri 
desquelles  il  devint  possible  d'introduire  les  essences  résineuses  à 
titre  définitif. 

Enfin,  dans  le  but  de  supprimer  une  série  de  glissements  qui 
s'étaient  manifestés  sur  les  deux  berges  du  torrent,  à  la  suite  des 
neiges  abondantes  de  l'année  1877,  on  a  eu  recours  à  des  drai- 
nages, peu  profonds  mais  très  ramifiés,  qui,  dès  la  première  année, 
ont  capté  toutes  les  eaux  d'infiltration  et  les  ont  amenées  dans 
les  collecteurs  pavés  à  ciel  ouvert,  où  elles  continuent  à  descendre, 
après  chaque  hiver,  de  la  façon  la  plus  inoll'ensive,  tout  mouve- 
ment du  sol  ayant  été  arrêté  net  dès  le  fonctionnement  des  drains. 

Afin  de  bien  constater  l'elfet  des  travaux  de  correction  de  tous 
genres  sur  la  stabilité  des  versants  du  Im  ivnl  du  Hourgct,  on  avait 
eu  soin,  dès  1872,  de  lever  avec  le  plus  grand  soin  une  série  de 
grands  profils  en  travers  coupant  tous  les  terrains  en  mouvement 
et  aboutissant,  vers  chacune  de  leurs  extrémités,  à  des  couches  ro- 


MONOGRAPHIE   DU   PERIMETRE   DE   FAUCdX.       4!t7 

cheuses  stables  sur  lesquelles  on  a  placé  des  bornes  numérotée? 
fournissant  ainsi  des  repères  fixes.  Chaque  année  on  a  relevé  les 
profils  en  travers  passant  par  ces  différents  points,  ainsi  déterminés 
d'une  façon  certaine,  et  l'on  a  constaté  que  les  mouvements  du  sol 
devenus  d'abord  de  plus  en  plus  rares  et  moins  importants  d'année 
en  année,  ont  fini  par  cesser  totalement  et  que  partout  la  stabilité 
la  plus  complète  est  désormais  assurée. 

Tels  sont  les  différents  travaux  exécutés  dans  le  bassin  du  torrent 
du  Boui'get. 

Dans  le  torrent  de  Faucon  ce  n'est  qu'en  1875  qu'on  a  commencé  , 
les  travaux.  On  a  débuté  par  l'exécution  du  reboisement  intégral 
du  bassin  de  réception  partout  où  le  terrain  s'est  trouvé  stable  et 
l'on  n'a  réservé,  pour  être  repeuplées  ultérieurement,  que  les  berges 
vives  du  torrent  où  des  travaux  de  correction  devaient  préalable- 
ment apporter  au  sol  une  stabilité  qui  lui  faisait  totalement 
défaut. 

Au  lieu  de  procéder,  comme  dans  le  bassin  du  Bourget,  par 
une  série  de  bandes  brisées,  on  a  eu  recours  à  des  semis  et  à 
des  plantations  à  la  pioche,  sans  aucune  préparation  préalable  du 
sol.  Les  semis  ont  été  confinés  exclusivement  dans  les  rares  en- 
droits encore  gazonnés,  ainsi  que  dans  les  interstices  des  rochers 
de  la  région  supérieure,  on  n'y  a  employé  que  le  pin  cembro 
et  le  mélèze.  Dans  tout  le  reste  du  bassin  on  a  procédé  par  plan- 
tations de  pin  cembro,  de  mélèzes,  d'épicéa,  de  pins  à  crochets 
et  de  pin  noir,  toutes  essences  que  les  pépinières  volantes  établies 
antérieurement  ont  fournies  à  mesure  des  besoins.  Aussi  l'opération 
a-t-elle  été  menée  très  rapidement  et  surtout  fort  économiquement. 
Les  résultats  ont  dépassé  les  espérances  et  l'on  n'a  pas  tardé  h 
devenir  maître  de  la  majeure  partie  du  grand  bassin  de  réception, 
d'autant  plus  qu'en  même  temps  on  procédait  à  la  correction  des 
ravins  par  la  construction  d'un  système  complet  de  barrages  rus- 
tiques en  pierre  sèche. 

Aussitôt  ces  divers  travaux  terminés  on  a  entamé  les  travaux  dans 
le  lit  du  torrent,  en  procédant  de  l'amont  vers  l'aval. 

On  a  débuté  par  la  construction,  à  des  altitudes  variant  de  2,300 
à  2,o00  mètres,  de  trois  grands  barrages  de  7'etenue,cn  pierre  sèche, 
susceptibles  d'être  exhaussés  dans  l'avenir  et  appelés  à  conserver  à 
leur  amont  tous  les  débris  provenant  du  délitement  des  roches  qui 
occupent  la  partie  supérieure  du  vaste  entonnoir  formant  le  bassin 
de  réception. 

On  a  procédé  ensuite  à  l'exécution  successive  des  barrages  de 
correction. 

32 


498 


RKIiOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


Les  premiers,  situés  aux  plus  gi'andes  altitudes,  ont  été  con- 
struits, au  nombre  de  six,  en  pierre  sùche  à  cause  de  la  difficulté 
d'amener  la  chaux  à  pied  d'œuvre.  Cinq  autres  barrages,  échelonnés 
à  l'aval  des  premiers,  ont  clé  construits  en  maçonnerie  mixte,  et  il 
reste  encore,  pour  terminer  les  travaux  de  correction,  <i  exécuter  six 
autres  ouvrages  analogues,  puis  à  traiter  ensuite  les  berges  et  les 
atterrissements. 

Enfin,  la  correction  des  combes  de  la  Marquise  etBuriane,  creusées 
dans  les  marnes  noires,  et  sillonnées  par  d'innombrables  ravins,  a 
été  entreprise  depuis  quelques  années  et  se  trouve  à  moitié  ter- 
minée. 

L'ensemble  des  travaux  exécutés  jusqu'au  1"  janvier  1881  dans 
le  périmètre  de  Faucon  a  entraîné  une  dépense  totale  de  oi8,4l7  fr. 
qui  se  répartit  ainsi  qu'il  suit  : 

Quantit('s.       Dispenses.         Prix  de  revient  moyen. 
1"   TrWAUX    du    REIiOlSEMENT 100,368  fV. 

Semis,  iilantations,  en- 
lierbeiiicnt,  pépiniè- 
res et  Itiiissonueiuent         T.'ilhect.     1G0,3G8  fr.       212  tV.  par  hectare. 

2°  Travaux   dk   corkecïihn 315,1.")6 

Grands  barrages  en 
maçonnerie 37  hect.     181,937  i'r.    4.998  IV.  par  barrage. 

Entretien  de  ces  bar- 
rages   »  2,507  >• 

Clayonnages  longitu- 
dinaux et  transver- 
saux (enrochements 
et  pavage  du  lit  com- 
pris)        2.011  met.      1.'>.3I2  7  fr. GO  le  m.  courant. 

Talutage  des  berges,  >■  0,161  » 

Drainages 2,521  5,163  2fr.05  — 

Barrages  rustiques  eu 

pierre    sèche.    .    .    .  579  33,787  58      40  l'un. 

Fascinages   do   1»'  et 

de  2«  ordre 2,107  33,109  13       7.">  l'un. 

Clayonnages  de  lor  et 

de  20  ordre 1.211  32,147  25      80  lun. 

3'  Travaux    divkrs 72,593 

Chemins    et    sentiers 

(entretien  compris).     42.028  met.       25,286  0  fr. GO  le  métro. 

Barrièros 2,950  2.0,S2  0      70  le  niotre. 

BarîifpK's 0  5,100  900  fr.  l'une. 

Frais  divers  (campe- 
ment, études,  trans- 
ports, matériel,  etc.).  •■  .39,825  >• 

548,417  fr.  548,417  fr. 

(le  tableau  foiunit  de  très  utiles  renseignements. 


MONOGRAPHIE   DU   PERIMETRE   DE  FAUCON.       490 


Tandis,  en  elFet,  que  les  travaux  de  reboisement  proprement  dits 

ne  figurent  dans  la  dépense  totale  qu'au  taux  de 29  p.  100 

les  travaux  de  correction  atteignent .iT  p.   100 

et  les  travaux  divers li  p.   100 

Mais  cette  proportion  se  trouvera  niodiliée  par  les  travaux  res- 
tant à  exéculer.  On  estime  la  dépense  l'estant  à  faire,  aux  sommes 
ci-après  :  20,000  fr.  pour  les  travaux  de  reboisement,  12,000  fr. 
pour  les  travaux  divers  et  90,000  francs  pour  les  travaux  de  cor- 
rection; d'où  la  dépense  totale  du  périmètre  une  fois  terminé  s'élè- 
verait en  nombres  ronds  à  660,000  francs  se  décomposant  ainsi  : 

Travaux  de  reboisement    180,000  fr.  soit  27  p.  100  de  la  dépense  totale. 

—  de  correction  .    395.000         —     60  p.  100  — 

—  divers 85,000         —    13  p.  100  — 

660,000  fr. 

En  tenant  compte  de  la  part  des  dépenses  diverses  qu'ont  néces- 
sitées exclusivement  les  travaux  de  correction  et  en  attribuant 
même  la  plus  grande  partie  de  ces  dépenses  diverses  aux  travaux 
de  reboisement,  on  peut  porter,  au  plus  bas  taux,  à  66  p.  100  de 
la  dépense  totale  la  part  des  travaux  de  correction.  Les  conditions 
se  trouvant  dans  ce  périmètre  entièrement  analogues  à  celles  de  tous 
ceux  à  grands  torrents,  on  peut  en  inférer  que,  dans  les  reboise- 
ments de  terrains  nus  en  montagne,  le  fait  du  torrent  entraîne  à 
une  dépense  triple  et  qu'il  en  coûte  ainsi  trois  ^fois  plus  cher  de  ré- 
primer que  de  prévenir. 

Les  quantités  de  graines  et  de  plants  employés  dans  les  travaux 
de  reboisement  se  décomposent  ainsi  : 

Pin  cembro  ....  4,400 

Mélèze 4,557 

Graines     I  Épicéa 720  .        i2,478  kil. 

résineuses,   j  Pia  à  crochets.    .    .  563 

Pin  sylvestre.  .    .    .  307 

Pin  noir  d'Autriche  1,931 

Graines  fourragères  :  Sainfoin,  fenasse,  etc.  42,614 

[  Pin  cembro  ....  133,000   1 

Plants     de  \  Mélèze 681,000  '  ^n-,  „„„ 

résineux.    \  Epicéa 106,000  ' 


Pins  noirs 2,034,000 

Plants  feuillus  et  boutures 2,267,000    — 

Les  graines  portées  à  ce  tableau  concernent  les  semis  à  demeure 
comme  ceux  en  pépinières.  Les  quantités  de  graines  de  Pin  Cembro 


500  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


et  de  Mt''lî'ze  dc-passont  sensiblcniont  le  cliillVo  normal  qui  aurait  dû 
suffire.  Celte  forte  aiignientatioii  est  due  ù,  des  phénomènes  météo- 
rologiques qui  se  sont  produits,  en  1870,  sous  forme  de  gelées  prin- 
taniéres  très  tardives  (le  10  juin)  et  ont  fait  périr  la  plupart  des 
jeunes  semis  à  peine  levés,  et  en  1871  sous  forme  de  grêles  qui,  vers 
les  sommets,  ont  détruit  tous  les  semis  insuffisamment  abrités.  Il  a 
donc  fallu,  dans  ces  liautes  régions  (de  2,300  mètres  à  près  de 
3,000  mètres  d'altitude)  revenir  deux  fois  sur  les  semis  déjà  exé- 
cutés. 

Les  plants  résineux  ont  été  employés,  dans  les  terrains  stables,  à 
raison  de  cinq  à  six  mille  touffes  par  hectare  suivant  les  essences, 
mais  dans  les  pentes  roides  comme  dans  les  berges  nn  les  a  resserrées 
considérablement,  au  point  d'atteindre  en  certains  [joints  1 5,000 
plants  à  l'hectare. 

Enfin,  dans  le  nombre  des  plants  feuillus,  les  boutures  entrent 
pour  les  trois  quarts  au  moins,  de  la  quantité  employée.  Placées 
dans  les  fonds  de  ravins,  sur  les  atterrissements,  au  pied  des  berges, 
ces  essences  feuillues  ont  été  plantées  très  serrées  afin  de  leur  per- 
mettre au  plus  tôt  d'étoiiff'cr  les  ravins  dans  leurs  épais  massifs. 

Les  premiers  résultats  ont  amplement  dépassé  les  espérances  et 
démontré  dès  à  présent  l'heureux  effet  des  travaux  entrepris. 

Le  champ  d'observations  était  ici  exceptionnellement  avantageux. 
On  connaisssait  la  marche  des  deux  torrents  de  Faucon  et  du 
Bourget;  on  les  avait  vus  à  l'œuvre  pendant  les  six  années  con- 
sacrées au  gazonnement;  la  comparaison  de  leur  fonetionnement 
pendant  les  orages  do  1869  à  1877  devait  fournir  des  données  cer- 
taines sur  l'effet  des  travaux  exécutés  pendant  les  huit  dernières 
années. 

Afin  d'obtenir  des  documents  précis  au  moyen  desquels  il  de- 
viendra possible,  dans  l'avenir,  de  constater  les  effets  successifs 
produits  par  les  travaux  de  reboisement  sur  le  régime  de  ces  deux 
torrents,  on  a  ouvert,  à  partir  de  1873,  un  legistrc  renfermant  la 
chronique  et  la  statistique  des  crues  successives. 

Trois  pluviomètres  de  l'Association  scientifique  de  F'rance  ont  été 
étages  i'i  différentes  hauteurs  dans  le  bassin  de  réception  de  chacun 
des  torrents  du  Hompet  et  de  l'aucun,  qui  se  trouve  partagé  en  trois 
zones  su[)erposées,  dont  lu  surface  a  été  exactement  calculée,  et  à 
chacune  desquelles  correspond  un  pluviomètre. 

La  zone  inférieure  comprend  les  altitudes  de  1,300  à  1 ,700  mètres; 
la  zone  intermédiaire  a  pour  altitudes  extrêmes  1,700  et  2,300 
mètres;  la  zone  supérieure,  [larlant  de  2,300  mètres  atteint  les 
crêtes,  dont  la  plus  haute  altitude  est  de  3,000. 


MONOTtRAPHIE  du   PERIMETRE   DE   FAUCON.       501 


La  n(V.essitô  de  ces  trois  zones  a  été  démontrée  par  l'expérience  : 
on  a  pu  constater,  en  eli'et,  que  l'intensité  des  pluies  était,  en  raison 
directe  de  l'altitude  du  lieu,  dans  ces  deux  bassins,  à  un  degré 
tel,  que  le  pluviomètre  de  la  zone  supéi-ieure  a  constamment  donné 
des  hauteurs  d'eau  presque  doubles  de  celles  fournies  par  le  pluvio- 
mètre inférieur. 

A  chaque  orage  on  relève  avec  soin  la  hauteur  de  l'eau  tombée 
et  la  durée  de  la  pluie;  en  appliquant  à  ces  hauteurs  d'eau  la  sur- 
face respective  affectée  aux  pluviomètres,  on  obtient  le  volume  de 
l'eau  tombée  dans  le  temps  indiqué  par  la  durée  de  l'orage  sur  le 
bassin  de  réception  de  chaque  torrent. 

Ces  premières  observations  ne  présentent  pas  de  difficultés;  mais 
la  mesure  de  la  quantité  d'eau  écoulée  dans  le  torrent  et  des  maté- 
riaux entraînés  ne  peut  s'obtenir  avec  une  pareille  approximation. 
L'emploi  des  formules  ordinaires  est  ici  absolument  impraticable  : 
aussi  s'est-on  contenté  pour  le  moment  de  recueillir  une  certaine 
quantité  d'observations  permettant  l'évaluation  approximative  de 
cette  mesure.  A  cet  effet ,  on  a  tracé  sur  le  couronnement  du  plus 
grand  barrage  du  Bourget  (le  n°  2)  une  échelle  limnimétrique  indi- 
quant, sur  la  courbe  du  couronnement,  les  intersections  d'une  série 
de  plans  horizontaux  espacés  en  hauteur  de  10  centimètres.  On  a 
construit  sur  une  des  berges  une  guérite  observatoire  d'oîi  l'on  peut 
coter  la  durée  des  crues  et  leur  hauteur  sur  une  section  parfaite- 
ment connue  ;  on  ne  commencera  à  mesurer  la  vitesse  de  l'écoule- 
ment qu'au  jour  très  prochain  où  le  torrent  ne  charriera  plus  de 
matériaux,  et  alors  seulement  on  obtiendra  le  débit  de  chaque  crue 
en  un  temps  donné. 

En  attendant,  on  relève  certaines  observations  importantes,  faciles 
à  noter  pour  chaque  torrent;  au  moment  de  chaque  orage,  on 
observe  la  durée  de  la  crue ,  son  intensité ,  sa  nature ,  ses  effets  sur 
le  canal  d'écoulement  et  sur  le  cône  de  déjection,  et  le  volume  ap- 
proximatif de  la  masse  des  matériaux. 

Tous  ces  documents  sont  consignés  sur  le  registre  ouvert  pour 
chacun  des  torrents.  On  comprend  qu'au  bout  d'un  certain  nombre 
d'années,  au  fur  et  à  mesure  que  les  travaux  de  reboisement  se 
développeront  en  étendue,  en  intensité  et  en  efficacité,  on  obtiendra 
ainsi  une  série  de  rapports  successifs  entre  la  masse  d'eau  tombée 
dans  un  temps  donné  sur  le  bassin  de  réception  et  les  effets  produits 
sur  la  durée,  la  nature  et  l'intensité  de  l'écoulement.  On  arriva  donc, 
d'année  en  année,  à  démontrer,  par  ces  observations  successives, 
les  effets  du  reboisement,  et  à  élucider  la  question  si  controversée 
aujourd'hui  encore  de  l'utilité  de  la  création  de  massifs  forestiers 


o02  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 

sur  les  grands  vorsants  des  hautes  montagnes  présentant,  la  plupart 
du  temps,  des  terrains  imperméables. 

Le  d3  août  1876,  un  orage  terrible  donna  lieu  à  d'intéressantes 
observations  qu'il  importe  de  relater.  (Voir  la  noie  A,  page  40'2.) 

11  éclata  à  la  fois  sur  les  deux  bassins  de  Faucon  et  du  Bourget; 
dans  l'un  et  l'autre,  la  pluie  dura  vingt-cinq  minutes.  Dans  la  région 
supérieure  il  tomba  42  milliinùtrcs  d'eau,  dans  la  région  inférieure 
12  millimètres. 

Le  torrent  de  Faucon  fui  aussitôt  rempli  d'un  amas  considérable 
de  laves  dont  on  a  évalué  le  volume  à,  234,000  mètres  cubes,  dont 
169,000  de  matériaux  et  03,000  d'eau,  cl  qui  mit  une  heure  à  s'é- 
couler. 

Dans  le  torrent  du  Bourget,  qui  seul  avait  été  jusquf-là  l'objet 
des  travaux  de  correction ,  on  constata  une  simple  crue  d'eau  légè- 
rement trouble,  qui  atteignit  sur  l'échelle  limnimétrique  du  bar- 
rage-repère une  hauteur  de  45  centimètres,  et  dura  environ  quatre 
heures. 

Ces  faits  peuvent  se  passer  de  commentaires  et  montrent  l'impor- 
tance des  résultats  que  l'on  doit  attendre  des  reboisements  en  cours 
d'exécution.  Grâce  aux  massifs  forestiers  que  l'on  crée,  les  eaux 
d'orage,  divisées  à  l'infini,  ralenties  sans  cesse  dans  leur  mouve- 
ment sur  les  fortes  pentes  du  bassin  supérieur,  n'arriveront  que  peu 
à  peu  et  successivement  dans  le  thahveg  principal;  au  lieu  de  ces 
niasses  formidables  d'eau  et  de  boue  qui,  l'apidcment  agglomérées, 
se  précipitaient  dans  le  canal  d'écoulement,  les  ruisseaux,  appelés 
à  remplacer  les  torrents,  ne  recevront  plus  que  des  apports  d'eau 
pure;  ils  ne  subiront  plus  que  des  crues  longues  à  s'écouler  et  ren- 
dues inoffensivos  par  l'armature  du  lit  du  torrent  et  de  ses  berges. 

La  végétation  forestière,  en  prenant  possession  définitive  du  sol, 
préviendra  le  moindre  ravinement,  fixera  les  matéi-iaux  instables  et 
retiendra  une  partie  des  eaux  pluviales  qui  pourront  pénétrer  dans 
le  sol  et  augmenter  le  jaugeage  des  sources. 

Sur  le  cône  de  déjections  on  obtiendra  le  résultat  inverse  :  à  tra- 
vers les  matéiiaux  qu'il  a  lui-même  déposés  autrefois,  le  ruisseau 
se  creusera  un  lit  définitif,  stable;  les  riches  terrains  occupés  au- 
jourd'hui par  les  déjections  du  torrent  seront  rendus  à  l'agricul- 
ture ,  et  les  terres  avoisinantes  seront  désormais  protégées  contre 
toute  invasion  nouvelle.  Le  hameau  du  Bourget,  le  village  de  Fau- 
con, les  hameaux  de  la  région  montagneuse,  seront  à  l'abri  du 
péril  où  les  i)laçait  lour  situation  de  plus  en  plus  critique;  enfin  la 
circulation  sur  la  route  nationali'  n"  100  sci'a  assurée  d'une  manière 
permanente,  et  le  service  des  Ponts  et  Chaussées  pourra  jeter  sur 


MONOGRAPHIE  DU   PERIMETRE  DE   FAUCON.      503 


les  ruisseaux  les  ponts  dont  le  régime  des  torrents  a  jusqu'ici  rendu 
l'établissement  impossible  ou  du  moins  fort  dangereux. 

Au  point  de  \uo,  local  seul,  les  avantages  qui  seront  ainsi  réalisés 
peuvent  se  cliitlVor  ainsi  qu'il  suit  : 

1"  Mise  en  culture  siu"  le  cône  de  déjections  du 

Bourget,  23  hectares  environ  évalués  à..    .  -iOjOOO  fr. 

2°  Protection  des  parties  du  cône  livrées  à  la 

culture,  35  hectares lOo.OOO  — 

3"  Mise    en    culture  du  cône  de  déjections  du 

torrent  de  Faucon,  60  hectares 120,000  — 

4"  Protection  des   parties  du  cône  livrées  à  la 

culture 360,000  — 

5°  Protection    des    villages   de    Faucon  et   du 

Bourget 350,000  — 

6"  Protection  des  cultures  et  des  six  hameaux 

de  la  montagne 220,000  — 

Total 1,205,000  l'r. 

Ainsi,  sans  compter  les  revenus  que  l'on  aura  créés,  ni  l'impor- 
tante amélioration  apportée  au  régime  de  l'Ubaye ,  ni  les  gages  de 
sécurité  acquis  au  profit  de  la  ville  de  Barcelonnette  et  de  la  route 
nationale,  le  reboisement  du  périmètre  de  Faucon  restituei'a  à  l'a- 
griculture et  protégera  des  terrains  dont  la  valeur  dépasse  le  chiflre 
de  un  million  deux  cent  mille  francs. 

Pour  assurer  ces  résultats,  il  reste,  dans  le  bassin  du  Bourget,  à 
compléter  quelques  travaux  de  défense  secondaires ,  à  regarnir  les 
plantations  sur  un  petit  nombre  de  points  ;  dans  le  bassin  de  Fau- 
con, à  continuer  les  travaux  de  consolidation  des  berges  et  du  ter- 
rain :  barrages,  clayonnages,  fascinages;  à  terminer  la  correction 
des  ravins  inférieurs  et  k  parachever  les  travaux  de  peuplement. 

L'ensemble  de  ces  travaux  réclame  encore  une  dépense  totale 
évaluée  à  122,000  francs. 


504  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


NOTE  K 


Différents  Prix  de  revient  de  la  Maçonnerie  dans  les  travaux  de 
Barrages  construits  dans  la  Vallée  de  l'Ubaye  (Basses-Alpes). 


Les  grands  barrages  construits  jusqu'en  ^878  dans  les  périmMres 
encours  d'exécution  dans  la  vallée  de  l'Ubaye  (Barcelonnette,  Basses- 
Alpes)  sont  au  nombre  de  45. 

Le  cube  total  de  leur  maçonnerie  s'élève  à  t4,.3o4"',372,  d'où 
résulte  un  cube  moyen  de  318  mètres  cubes  en  nombre  rond  par 
barrage. 

La  dépense  totale  s'est  élevée  à  la  somme  de  250,434  fr.  53  cent., 
se  décomposant  ainsi  : 

Dépenses  des  entreprises 210.(ii.i  fr.39 

Dépenses  de  la  régie  (somme  à  valoir;  .   .   .       39,789      14 

Total  égal ■2:]Q,y.iUi:j:i 

D'où  il  résulte  ijuc  le  prix  total  d'un  barrage  est  de  5,5G5  francs, 
dont  : 

Pour  l'entreprise 4,681  fr. 

Pour  la  régie  (somme  a  valoir 884  — 

Total 5,;iG.-5  IV. 

Le  cube  moyen  par  barrage  étant  de  318  métrés  cubes,  on  obtient 
pour  le  prix  moyen  du  mètre  cube  17  fr.  50  cent.,  dont  : 

Pour  l'entreprise 14rr.70 

Pour  la  ré-ie 2      80 


PRIX   DE  REVIENT  DE  LA  MAÇONNERIE. 


}0") 


Le  tableau  ci-aprt>s  donne  la  répartition  de  ces  45  barrages  d'après 
les  natures  de  maçonnerie  adoptées,  le  cube  de  cbacune  d'elles  et 
les  dépenses  correspondantes  : 


NOMBRE 

DES    HAKRAGKS 

CUBE 

DES  MAÇONNERIES 

r>I<"PT?MS!T!" 

en 

AVKC     MORTIER 

CUBE 

^v_— — . 

DK 

S 

(le 

TOTAL 

de 
l'entre- 
prise. 

o 

6 

c 

.2  -C 

""■o 
-3 

l'IERRE 

sèche. 

ordi- 
naire. 

"03  "2 

o       tr, 
~      'S. 

a) 

pierre 
de 

taille. 

par 
genre. 

de  la 

régie. 

TOTALE. 

lU  .c. 

m.  c. 

m.  c. 

m.  c. 

m.  c. 

IV. 

fr. 

fr. 

9 

.' 

» 

1,763 

289 

107 

2,159 

44,766 

4,769 

49,535 

.. 

35 

" 

6,G03 

4,916 

» 

316 

11,894 

162,878 

34,719 

197,597 

•■ 

" 

1 

300 

' 

" 

300 

3.000 

298 

3,298 

ToTAtJX.       . 

6,903 

6,709 

289 

453 

14,353 

210.644 

39,786 

250,430 

De  l'e.xamen  de  ce  tableau  on  peut  déduire  les  observations  ci- 
après  : 

En  laissant  de  côté  les  dépenses  de  la  régie  qui  sont  aléatoires 
et  ne  tenant  compte  que  de  la  dépense  des  entreprises,  on  obtient  : 

Pour  prix  moyen  du  mètre  cube  dans  les  barrages 

en  maçonnerie  de  mortier 20fr.70 

Pour  prix  moyen  du  mètre  cube  dans  les  barrages 

en  maçonnerie  mixte l'5      70 

Pour  prix  moyen  du  mètre  cube  dans  les  barrages 
en  maçonnerie  de  pierre  sèche 11       00 

Ces  prix  sont  analogues  à  ceux  qu'ont  fournis  les  travaux  du  tor- 
rent du  Bourget  (note  H,  page  494)  sauf  le  prix  du  mètre  cube  de 
la  maçonnerie  mixte  qui  lui  est  ici  inférieur  de  1  fr.  4(3.  Cette  dimi- 
nution provient  des  plus  grandes  dimensions  données  aux  bari-ages 
dans  d'autres  torrents.  On  conçoit  en  ellet  que  plus  un  barrage 
mixte  est  grand,  plus  la  proportion  de  la  pierre  sèche  à  la  maçon- 
nerie de  mortier  augmente  de  son  côté,  ce  qui  tend  ainsi  à  dimi- 
nuer le  prix  moyen  du  mètre  cube. 

Dans  ces  prix  sont  comprises  toutes  les  dépenses  de  fouilles  pour 
fondations  et  de  transport  des  déblais  à  2o  mètres  de  distance. 


506  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES. 


NOTE   L 


LÉGENDES  DES  PLANCHES  DE  L'ICONOGRAPHIE 
DV  REBOISEMENT  BES  MONTAGNES 

Par  E,   DE  GAYFFiEn,   Conservateur  des  Forêts. 

(Voir  ravertissement  de  la  2'=  édition,  page  x^^II) 


PI.  L  —  Sources  du  Torrent  du  Buech,  territoire  de  Lus-la-Croix-Haute 
(Drùme).  —  Grand  paysage  alpestre.  —  Correction  d'un  ravin  par  des 
branchages  clayonnés.  —  Ckippes  ou  casses.  —  Page  32. 

PI.  IL  —  Torrent  de  Mallefosse,  près  de  /?;vV7nfo«  (Hautes-Alpes).  —  Vue 
panoramique  de  la  haute  vallée  de  la  Durance.  —  Torrent  simple  du 
2e  genre.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal  d'écoulement.  —  Cône  de 
déjection.  —  Pages  15,  16,  18,  28. 

PI.  III.  —Bassin  àe\'\Jbaiye,vrdlrede Barcelonnetle  {Ba.6ses-A\pes).  —  Vue 
d'ensenilile  du  bassin  de  réception  du  torrent  de  Gaudissart,  et  des 
grandes  combes  de  Riouchanal.  —  Torrents  simples  du  Z*^  genre.  — 
Pages  15,  16,  28,  414. 

PL  IV.  —  Torrent  de  Laou  d'Esbas,  vallée  delà  Pique,  près  Bagnères  de 
Luchon  (Haute-Garonne).  —  Torrent  simple  ilu  3«  genre  de  formation 
récente.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal  d'écoulement.  —  Cône  de 
déjection.  —  Pages  15,  16,  28. 

PL  V  et  VI.  —  Torrents  de  l'Ubac  et  de  Valauria,  territoire  de  T/téiis 
(Hautes-Alpes).  —  Couihes  dans  les  dépots  glaciaires.  —  Demoiselles. 
—  Plantations  par  bandes  clayonnées.  —  Pages  18,  35,  284. 

PI.  y\\.  —  Territoire  du  Curusquet  (Basses-Alpes).  — Effets  de  l'affouil- 
lement  dans  les  marnes  du  lias  dites  terres  noires.  —  Formation  des 
comhes.  —  Plantations  par  touffes.  —  Chemins  et  sentiers.  —  Pages  35, 
284,  325. 

PI.  VIII.  —  Torrent  de  "PonWs,  près  de  Barèyes  (Hautes-Pyrénées).  —  Ori- 
gine d'un  torrent  du  'i"  genre  composé.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal 
d'écoulement.  —  Cône  de  déjection.  —  Pages  15,  16,  28. 


LEGENDES  DES  PLANCHES.  507 


PI.  IX,  X,  XL  —  Torrent  du  Gô,  vallée  d'Astau  (Haute-Garonae).  —  Ra- 
vins de  Bâtais  et  de  Badech.  —  Formation  des  torrents.  —  Cônes 
d'éboulis.  —  Pages  \2  à  33. 

PL  XIL  —  Torrent  du  Rif-fol,  vallée  du  Drac  (Isère).  —  Torrent  dn 
2<=  frenre  composé.  —  Barrages  en  pierre  sèche.  —  Digues.  —  Planta- 
tions par  bandes  alternes  clayonnées.  — Chemins  et  sentiers.  — Pages  18, 
Gl,  8L  289,  325. 

PI.  XIII.  —  Torrent  de  Saint-Antoine,  vallée  de  Ln  Romanche,  près  du 
Boui-fj  d'Oisatis  Isère  .  —  Torrent  simple  du  2"  genre.  —  Comhe  dans 
les  marnes  liasiques.  —  Barrages  en  pierre  sèche.  —  Plantations  par 
potéts  dans  les  berges.  —  Pages  18,  Gl,  Si,  289. 

PL  XIV.  —  Combe  Saint-Bernard,  vallée  de  l'I'haije,  territoire  de  Saint- 
Pons  (Basses-AlpesV  —  Correction  de  ravins.  —  Grands  clayonnages  à 
longrines  moisées  et  à  double  parement.  —  Fascinages  de  1er  et  de 
2'=  ordre.  —  Plantations  en  cordons.  —  Pages  18,  60,  G2,  97,  103,  29G. 

PL  XV  et  XVI.  —  Torrent  des  Sanières,  vallée  del'Ubnye,  près  de  Bar- 
celonnette  (Basses-Alpes).  —  Turreut  du  20  genre.  —  Chantiers  de  con- 
struction d'un  contre-barrage  en  maçonnerie  mixte.  —  Clappes.  — 
Pages  16,  32,  71. 

PL  XVII,  XVIII,  XIX,  XX.  —  Torrent  du  Bourget,  callép  de  rUbfnje,près 
de  Bareelonnette  (Basses-Alpes).  —  Berges  en  éboulement.  —  Grands 
travaux  de  consolidation  et  de  correction.  — Barrages  en  voûte,  en  ma- 
çonnerie de  mortier.  —  Clayonnages  longitudinaux  et  transversaux. 
—  Fascinages  vivants.  —  Atterrissements  plantés.  —  Berges  reboi- 
sées. —  Pages  37,  68,  69,  71,  77,  83,  87,  104,  106,  183. 

PL  XXL  —Ravin  de  Rata,  torrent  du  Bourget  (Basses-Alpes).  —  Consoli- 
dation de  berges  en  éboulement  dans  des  terrains  de  transport.  —  Cor- 
rection d'un  ravin.  —  Barrages  rustiques  en  pierre  sèche.  —  Barrage 
rectiligne  en  maçonnerie.  —  Clayonnages  de  1<='  ordre  à  longrines  en- 
castrées. —  Pages  37,  60,  61,  70,  83,  84,  100. 

PL  XXII  et  XXIII.  —  Torrent  de  La  Valette,  vallée  de  VUba'je,  près  de 
Burcelonnette  ^Basses-Alpesi.  —  Torrent  du  S"  genre.  —  Berges  de 
marnes  noires  en  éboulement.  —  Atterrissement.  —  Grand  barrage 
de  retenue  en  maçonnerie  mixte  et  à  couronnement  polygonal.  —  Fan- 
ges 37,  52,  69,  71,^82. 

PL  XXIV.  —  Torrent  du  Labouret,  bassin  de  la  Bléone  (Bas.ses-Alpes).— 
Système  complet  de  travaux  de  correction,  de  consolidation  et  de  reboi- 
sement aujourd'hui  terminés.  —  Barrages  en  pierre  sèche.  — Grands 
clayonnages  et  fascinages  vivants.  — Atterrissements  plantés  en  hautes 
tiges.  —  Plantations  par  toufles.  —  Chemins  et  sentiers.  —  Pages  60. 
61,  71,  284,  298. 

PI.   XXV.  —  Torrent  de  Vachères,  mllée  de  la  Dnrancc,  près  d'Embrun 


508  REBOISEMENT  DES   MONTAGNES. 


(Hautes- Alpes).  —  Grands  barrages  rectilignes  en  maçonnerie  de  mor- 
tier hydraulique,  -r-  Cuvette  à  fond  plat  ébrasée  vers  l'amont.  —  Ar- 
mature en  fer  du  couronnement.  —  Pages  69,  83. 

FI.  XXVI.  —  Torrent  de  Sainte-Marthe,  vallée  de  la  Dumncc,  près  d'Em- 
brun (Hautes-Alpes).  —  Grand  barrage  en  pierre  sèche  à  parement  rec- 
tiligne  à  l'amont.  —  Plantations  de  hautes  tiges  sur  banquettes  horizon- 
tales, après  écrétement  des  berges.  —  Pages  60,  71,  293. 

PI.  XXVII,  XXVIII,  XXIX.  —  Torrent  du  Rieulet,  val  de  Bastaji  prés  de 
Barrijcs  (Hautes-Pyrénées).  —  Atterrissements  en  cône  de  déjections. 
Série  de  barrages  de  retenue.  —  Grand  barrage  exhaussé.  —  Planta- 
tions avec  clayons  dans  les  berges.  —  Pages  52,  114,  121,  289. 

PI.  XXX.—  Torrent  de  Saint-Pancrace,  rnllre  de  la  Durance  (Hautes- 
Alpes).  —  Epi.  —  Digue  longitudinale.  —  Plantation  par  banquettes 
horizontales  après  écrétement  des  berges.  —  Pages  93,  293. 

PI.  XXXI.  —Territoire  duCurusquet  (Basses-Alpes).  — Comblement  arti- 
ficiel des  petits  ravins  dans  les  marnes  de  lias.  —  Fascinages  vivants  à 
une  fascine.  —  Seuils.  —  Page  63. 

PI.  XXXII.  —  Torrent  de  l'Hermitane,  vallée  de  la  Durance,  près  de  Reinol- 
lon  (Hautes-Alpes).  —  Barrage  en  pierre  sèche.  —  Atterrissement  planté 
en  hautes  tiges.  —  Berges  écrètées  et  reboisées  par  banquettes  hori- 
zontales. —  Pages  71,  293,  298. 

PL  XXXIII.  —  Bassin  du  torrent  duBuech,  versant  de  Fontbelle,  près  de 
Lus- la-Croix-Haute  (Drûmej.  —  Barrages  rustiques  eu  pierre  sèche 
dans  les  ravins.  —  Plantation  par  touffes  sur  bandes  horizontales  pré- 
parées. —  Pages  71,  191,  284. 

PI.  XXXIV.  —  Torrent  de  Villard,  territoire  d'Entraigues  (Isère).  —  Sol 
préparé  par  banijuotte.s  horizontales.  —  Barrages  rustiques.  —  Demoi- 
selles. —  Pages  35,  71,  293. 

PI.  XXXV,  XXXVI.  —  Territoire  de  Seyne,  montagne  du  Travers  de  la 
Colle  (Basses-Alpes).  —  Clappes  plantées.  —  Semis  et  plantations  d'es- 
sences diverses  par  touffes,  à  la  pioclie.  —  Chemins  et  sentiers.  — 
Pages  32,  233,  284,  325. 

PI.  XXXVII,  XXXVIII,  XXXIX,  XL.  _  Val  du  Bastan,  près  de  Barèges 
(Hautes-Pyrenées).  —  Vue  panoramique  de  la  montagm'  de  Lac-Grand. 
—  Murs  de  soutènements  horizontaux  en  gradins.  —  Banquettes  hori- 
zontales clayonnées  et  plantées.  —  Banquettes,  Rigoles.  — Pages  120, 
289. 

PI.  XLl,  XLII.  —  Hôtellerie  de  Venasque,  près  de  Bag?ières-de-Lurlion 
(Haute-Gaioano,.  —  Fruitières.  —  (îazonnements.  —  Page  322. 

PL  XLIII.  —  Fruitière  de  Calmill,  vallée  de  la  Barguillière,  près  de  Foix 
(Ariège).  —  Pâturages  améliores.  —  Page  322. 


LEGENDES  DES  PLANCHES.  509 


PI.  XLH'.  —  Torrent  de  Riou-Bourdoux,  territoire  de  Saint-Po)if,  vallée 
de  liarrclonnette  (Basses-Alpes). —  Vue  tëléicouographique.  —  Torrent 
composé  du  l"'''  genre.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal  d'écoulement. 
—  Cône  de  déjections.  —  Chemins  d'accès.  —  Pages  l'J,  16,  18,  10, 
28,  29,  32o. 

PI.  XLV.  —  Torrent  du  Bourget,  vallée  de  ri'liaijc,  près  liarcelojinette 
(Basses-Alpes).  —  Vue  téléiconograpliique.  —  Torrent  du  2c  genre 
composé.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal  d'écoulement.  —  Cône  de 
déjections.  —  Chemins  et  sentiers.  —  Pages  15,  16,  17,  18,  28,  325. 

PI.  XLVI.  —  Torrent  de  Faucon,  vallée  de  l'Ubaye,  près  Darcelonnette 

(Basses-Alpes).  —  Vue  téléiconographique.  —  Torrent  composé  du 
2=  genre.  —  Bassin  de  réception.  —  Canal  d'écoulement.  —  Cône  de 
déjection.  —  Réseau  de  chemins  d'accès.  —  Pages  15,  16,  17,  28,  325. 

PI.  XLVn.  —  Torrent  des  Sanières,  vallée  de  l'Uùaye,  près  Barceloniiette 
(Basses-Alpes).  —  Vue  téléiconographique.  —  Torrent  composé  du 
2c  genre.  —  Bassin  de  réception.  —  Grange.  —  Cône  de  déjections.  — 
Chemins  et  sentiers.  —  Pages  15,  16,  18,  42,  325. 


TABLE  DES  FIGURES 

DU  TRAITÉ  DU  REBOISEMENT  DES  MONTAGNES 
ET  DES  PLANCHES  DE  L'ICONOGRAPHIE  DU  REBOISEMENT 


Les  lignes  composées  en  caractère  orilinaire,  imlicinent  les  figures  du  Traite  du 
Reboisement  ;  les  légendes  eu  italique  sont  celles  des  planches  de  Vlcunographie, 
par  M.  de  Gayfi-'ier. 

Figures.  Pages. 

Affomlleinont.  -  PI.  V,  YI,  VII,  XVII. 

80  Armature  d'un  pluviomètre 343 

92,  94         Asj)ect  de  la  lave  sur  le  barrage  de  Riouchanal 418 

Axtau  (vallée  d').  —  PI.  IX. 

Atterris^emenls.   —PI.    XVIII,    XXII,    XXIV,    XXVII, 
XXVIII,  XXXII. 

50  Avalanches  (couloir  d'i 119 

51  Avalanches  (tournes  contre  les) 119 

Badedi  (ravin  de).  —  PI.  XI. 

Bagnères-de-Luchon.  —  PI.  IV. 

Banrlef'  alterner.  —  PI.  XII. 

Bandes  horizoyilales.  —  PI.  XXXIII,  XXXIV. 

67  Banquette  horizontale  (coupe  d'une) 293 

Bniif/uc/tr  (plantation  par).  —  PI.  XXVI,  XXX,  XXXII, 

XXXIV. 
Bnrrclonni-tti'  (vallée  de).    —  PI.   III,    XIV,    XV,    XVI, 

XVII,  XVIII,  XIX,  XX,  XXI,  XXII,  XXIII,  XLIV.XLV, 
Bc/yry/?.s'  environs  dp )  (Hautes-Pyrénet-s).  — PI.  XXXVII, 

XXXVIII,  XXXIX,  XL. 
linrruf/rseniiii'rre  scrhr.  —  PI.  XIII.  XIV,  XXII,  XXII, 

Xxiv,  XXVI,  XXVII,  XXVIII.  XXIX,  XXXII,  XXXIII, 

XXXIV. 

18  Barrage  avec  cotironnement  à  section  polygonale..    .    .       69 

jno'  ini'  .'     Barrage  en  gradins  dans  le  torrent  de  Faucon.     472  et    473 
lOo,   10»    ) 

25  Barrage  en  maçonnerie  mixte  (coupe  d'un) 73 

23  Barrage  en  maçonnerie  mixte  (élévation  d'un) 72 

26  Barrage  en  maçonnerie  mixte  (plan  des  longueurs  déve- 

l()]>pees 73 

24  Barrage  en  maçonnerie  mixte  (|)lan  d'un) 72 

19  Barrage  à  parement  aval  vertical  (coupe  d'un) 09 

Barraiji;  en  maçonnerie  mixte.  —  PI.  X\',  XVI,  XXII. 


TABLE  DES  FIGURES. 


Figures.  Pages. 

22  Barrage  rectiligrue 70 

49  Barrage  de  retenue  (coiui)araisoii  de  diflerents  systèmes 

de) 118 

Barrarjc  en  mnromierie  de  mortier.  —  PI.  XVII,  XVIII, 

XX,  XXI,  XXII.  XXV. 

52  Barrage  de  retenue  exhaussé 121 

53  Barrage  de  retenue  en  gradins 123 

27,  28,  29    Barrage  rustique,  élévation,  plan  et  coupe 84 

21  Barrage  en  voûte  à  ailes  rectiligues 70 

20  Barrage  en  voûte  à  parement  amont  cylindrique  (plan 

d'un) 69 

17  Barrage  en  voûte  à  parement  amont  rectiligne  (coupe 

d'un) 68 

16  Barrage  en  voûte  à  parement  amont  rectiligne  (élévation 

d'un) 68 

13  Barrage   en  voûte  à  parement  amont  rectiligne  (plan 

d'un) 68 

73,  74      Barrière  en  bois 333 

73,   76      Barrière  en  fil  de  fer  galvanisé 334 

Dastan  (val  du).  —  PI.  XXVII,  XXVIII,  XXIX,  XXXVII, 

XXXVIII,  XXXIX,  XL. 
Ba.mn  de  réception.  —  PI.  II,  III,  IV,  VIII,  XLIV.  XLV, 

XLVII. 
Bâtais  (ravin  de).  —  PI.  X. 

63  Binette 227 

Bléone  (vallée  de  la).  —  PI.  XXII. 

83  Blocs  s'élevant  au-dessus  de  la  lave 407 

81,   82      Boîte  du  pluviomètre  pour  la  neige 3i4 

Bourg  d'Oisa?îs  (Isère).  —  PI.  XIII. 

Bourrjet  (torrent dui.  —  PI.  XVII,  XVIII,  XIX,  XX,  XXI, 
XLV. 
13            Bourget  (plan  de  la  section  inférieure  du  torrent  du^.    .       63 
15            Bourget  (protil  en  long  de  la  section  inférieure  du  tor- 
rent du) 63 

1  Bourget  (vue  du  torrent  dut 17 

Brianron  (environs  de).  —  PI.  II. 

93  Brèche  ouverte  dans  le  barrage  de  Riouchanal 418 

Bucdi  (torrent  du).  —  PI.  I,  XXXIII. 

Canal  if écoulement.  —  PI.  II,  III,  IV.  VIII,  XLIV,  XLV, 
XLVII. 

60,  61,  62     Caisse  pour  la  conservation  des  graines 2i0 

Casses.  —  PI.  I,  IX,  X,  XI,  XV.'^XXXV,  XXXVI. 

Cftnnioussière  (ravin  de).  —  PI.  V. 

C/ienmis.  —  PI.  VII,  XII. 

C/appes.  —  PI.  I,  IX,  X,  XI,  XV,  XXXV,  XXXVI. 


512  TABLE  DES  FIGURES. 

Figures.  Pages. 

Claaunniiijes.    —    PI.   XIV,    XVIII,    XX,  XXI,    XXIV, 

XXVIli,  XXIV,  XXXVII,  XXXVIII,  XXXIX. 
Clayons  (Ijandes  clayonnées,'.  —  PI.  V,  XII. 

33  Clayonnage  longitudinal  (détail  de  la  construction  d'un)      91 

42  Clayonnaiie  de  !<''"  ordre  à  longrines  encastrées.    ...     100 
40,  41         Clayonnage  de  i"  ordre  à  longrines  nioisées,  élévation 

et  coupe  en  long 97 

39  Clayonnage  de  1'=^  ordre  à  longrines  moisées,  plan.    .    .       96 

43  Clayonnages  de  le'  et  de  2<=  ordre  (plan  d'une  série  de].     101 

44  Clayonnages  de  1er  ordre  (profil  en  long  entre  deux).   .     102 
12            Clayonnages  sur  une  pente  donnée  (emplacement  des).       60 

34  Clayonnage   transversal    dans   le    torrent   du   Bourget, 

(coupe  d'un) 91 

Combe.  —  PI.  III,  V,  VII,  XII,  XIII,  XIV. 

3  Combe  de  l'Illgraben  (plan  de  la) 20 

49            Comparaison  de  différents  systèmes  de  barrages  de  re- 
tenue  118 

.')7,   58,   o9    Concasseur 212    213 

Cône  de  déjection.  —  PI.  II,  IV,  VllI,  XLIV  à  XLVII. 
11  Cône  de  déjection  d'un  torrent  idéal  (coupe  en  travers  du)       27 

Consolidation  (travaux  de).  —  PI.  I,  XIV,  XXI,  XXIV. 
Cordons  (plantation  eu).  —  PI.  XIV. 
09,  70,  )     Cordons  (plantation  en),   après  la  Ir^,  la  2'^,  la  3"  et  la 

71,  72    S         4e  année 296 

08  Cordons  (plantation  en/ 294 

Correction  (travaux  de).  —  PI.  I.  XIV,  XXI,  XXIV. 
oO  Couloir  d'avalanches  avec  tournes 110 

67  Coupe  d'une  banciuette  liorizontale 293 

19  Coupe  d'un  barrage  a  parement  aval  vertical 09 

17  Coupe  d'un  barrage  en  voûte  à  parement  amont  recti- 

ligne 68 

38            Coupe  en  long  du  barrage  n»  3  du  torrent  du  Bourget.  92 
11             Coujje   en   travers  du    cône   de   déjection    d'un    torrent 

idéal 27 

47,   48          Coupe  de  drains  de  1er  et  de  2e  ordre 111 

97,  98,   /     Coupe,  élévation  et  plan  du  grand  barrage  n"  1  du  tor- 

99,  100  j         rent  de  Rioubourdoux  (Basses-Alpes) 467 

18  Couronnement  à  section  polygonale  d'un  barrage.   ...  69 
Curusquet  (territoire  du).  —  l'I.  \11. 

Demoiselles.  —  PI.  V,  VI,  XXXIV. 
33  Détail  de  la  construction  d'un  clayonnage  longitudinal.       01 

54,   5j         Dépots  (place  dei 120 

Dépôts  ylnriaires.  —  PI.  ^',  VI. 
Difjue.  —  PI.  XXX. 

68  Disposition  des  plantations  en  cordons 294 


TABLE  DES  FIGURES.  S13 


Figures. 


Drac  (vallée  du).  -  PI.  XII.  ^''^"* 

46  Drainages  (plan  de) UO 

47,   48        Drains  de  1"  et  de  2°  ordre  (coupe  de) m 

Dtim?ice  (vallée  de  la).  —  PI.  II,    XXV,   XXVI    XXX 
XXXII. 

Èboulements.  —  PI.  V,  VI,  VII,  XVII,  XXI,  XXII,  XXIII. 

Eboulement  du  Riouchanal  (plan  de  1') 417 

Éboulis  (cônes  d').  —  PI.  IX,  X,  XI. 

Ècrètements.  —  PI.  XXVI,  XXX,  XXXII. 

23  Elévation  d'un  barrage  en  maçonnerie  mixte 72 

16  Elévation  d'un  barrage  en  voûte  à  parement  amont  rec- 

t'iigie gg 

Embrun  (environ  d').  —  PI.  XXV,  XXVI. 
12  Emplacement  des  clayonnages  sur  une  pente  donnée.  .       60 

Entraigues  (périmètre  d').  —  PI.  XXXIV. 

Épi.  —  PI.  XXX. 

Exhaussement  d'un  barrage  de  retenue 121 


52 


Fascinages.  —  PI.  XIV,  XXXI. 

45  Fascinages  de  l^r  ordre 104 

88,   89,   90     Flux  d'eau  passant  sur  la  lave 408      409 

Fontbelle  (versant  de).  —  PI.  XXXIII. 
Fruilières.  —  PI.  XLI,  XLII,  XLIII. 

Gaiidissart  (torrent  de).  —  PI.  III. 
Gazonncmetit.  —  PI.  XLI,  XLII,  LXIII. 
Glissements.  —  PI.  V,  VI,  VII,  XVII,  XVIII,  XIX. 
Gô  (torrent  du).  —  PI.  IX,  X,  XI. 
Gradin  (mur  en).  —  PI.  XXXIX. 

Gradins  (barrages  de  retenue  en) 123 

60,  61,   62    Graines  (caisse  à) 219 


53 


64,   63        Hache-prés 240 

Hermitane  (torrent  de  1').  —  PI.  XXXII. 

3  lUgraben  (plan  de  la  combe  de) 20 

Labouret  (plan  du  Périmètre  du).  _  Planche  en  couleur. 
Labouret  (torrent  du).  —  PI.  XXIV. 
Lac-Grand  (montagne  du).  —  PI.  XXXVII. 
Laoïi  d'Esbas  (torrent  de).  —  PI.  IV. 

83  Lave  avec  blocs  en  avant  (profil  en  long  d'une) 406 

84  Lave  avec  barrage  momentané 407 

92,   94        Lave  sur  le  barrage  de  Riouchanal  (aspect  de  la)..    .    .     418 

85  Lave  (blocs  s'élevant  au-dessus  de  la) 407 

87  Lave  descendante  (profil  en  travers  d'une) 408 

33 


514  TABLE  DES  FIGURES. 

Figures.  Pages. 

88,   89,   90    Lave  (flux  d'eau  passant  sur  la) 408,    409 

86  Lave  montante  (profil  en  travers  d'une) 408 

95  Lave  du  Riouclianal,  profils  en  lonir  successifs 409 

Ut  de  déjection.  —PL  II,  III,  IV,  XLIV,  XLV,  XLVII. 

Lits-la-Croi.r-IIaulr  (territoire  dei.  —  Pi.  I,  XXXIII. 

M'diefosse  (torrent  de).  —  Pi.  II. 
94  Marche  de  la  lave  sur  le  Ijarrage  do  Riouclianal.    .    .    .     418 

Manies  c(itlovipn}ien  (terres  noires).  —  PI.  XXII^  XXIII. 
Marnes  liasiques.  —  PI.  VI,  XXXI. 
Murs  en  gradins.  —  PI.  XXXIX. 
36  et  37        Murs  en  ailes  et  radiers  du  ljarra},'e  n"  3  du  torrent  du 

Bourget  (coupe  des) 92 

Pesson  (montafrne  du).  —  PI.  XLII. 
Pàturnrjes.  —  PI.  XLl,  XLII,  XLIII. 

105  Périmètre  de  Faucon  (plan  du) 484 

2  Périmètre  de  Saint-Pons  (plan  dui 19 

56  Pic  (pioche  à) 186 

56  Pioche  à  pic 186 

Pique  [vallée  de  la).  —  PI.  IV. 

54  et  55        Place  de  dépots 126 

35  Plan  du  barrage  n"  3,  et  des  ouvrages  accessoires,  dans 

le  torrent  du  Bourget 91 

20            Plan  d'un  l)arrage  en  voûte  à  ])arement  amont  cylindri- 
que        69 

15  Plan  d'un  barrage  en  voûte  à  parement  en  amont  rec- 

tiligne 68 

3  Plan  de  la  combe  de  rillgralien  (Valais) 20 

46  Plan  de  drainages 110 

'91  Plan  de  l'éboulement  du  lliouchannl 417 

105  Plan  du  périmètre  de  Faucon 484 

2  Plan  du  périmètre  de  Saint-Pons 19 

30  Plan  d'une  section  du  torrent  du  Bourget  nrant  les  tra- 

vaux   88 

31  Plan  de  la  même  section  «yyrp.";  les  travaux 89 

13            Plan  de  la  section  inférieure  du  torrent  du  Bourget.  .    .  .56 

43            Plan  d'une  série  de  clayonnagi-  de  i<"^  et  de  2"  ordre.    .  101 

10            Plan  dun  torrent  idéal 23 

06            Plan  du  torrent  des  Sanières 421 

69,   70  j     Plantation  en  cordons  après  la  T",  la  2",  la  3"'  et  la  40 

71,   72  \         année 296 

08  Plantations  encordons  (disposition  des) 294 

Plantations.  —  PI.  V,  VU,  XII,  XIII,  XIV,  .WllI,  XIX, 
XXIV,  XXVI,  XXVIII,  XXIX,  XXXI,  XXXII,  XXXIII, 
XXXX,  XXXVI. 


TABLE  DES  FIGURES.  olS 

Figures.  Pages. 

CG            Plantoii-  eu  fer 270 

80            Pluviomètre  (armature  d'un) 343 

77,   78,   79    Pluviomètre  de  l'Association  scientifique  de  France  .    .  342 

81,   82        Pluviomètre,  boîte  pour  la  neige 344 

Poutis  (torrent  de).  —  PI.  VIII. 

83            Profil  en  long  d'une  lave  avec  blocs  en  avant 406 

44            Profil  en  long  entre  deux  clayonnages  de  l^  ordre.   .   .  102 

87            Profil  eu  travers  d'une  lave  descendante 408 

86            Profil  en  travers  d'une  lave  montante 408 

Oo            Profils  en  long  successifs  de  la  lave  de  Riouchanal .  .    .  419 
14            Profil   en  long  de  la  section  inférieure   du   torrent  du 

Bourget 65 

32  Profil  en  long  d'une  section  du  torrent  du  Bourget  avec 

la  coupe  des  ouvrages 90 

4            Profil  en  Ion"-  d'un  torrent  idéal 23 


5,  G,  7, 


Profils  en  travers  successifs  d'un  torrent  idéal 27 


8,  9       \ 
36,   37        Radiers  et  murs  en  ailes  du  barrage  n°  3  du  torrent  du 

Bourget  (coupe  des) 92 

Rata  (ravin  de).  —  PI.  XXI. 

Réniollon  (périmètre  de).  —  PI.  XXXII. 

Rieulet  (torrent  de).  —  PI.  XXVII,  XXVIIl,  XXIX, 

Rif-fol  (torrent  de).  —  PI.  XII. 

Rigoles  (banquettes-rigoles).  —  PI.  XL. 

Riou  Bourdouj-  (périmètre  de).  —  PI.  XLIV. 

Riou-Chanal  (combes  de).  —  PI.  III. 

Romanche  (vallée  de  la)  —  PI.  XIII. 

2  Saint-Pons  (plan  du  périmètre  de) 19 

Haint- Antoine  (torrent  de).  —  PI.  XIII. 
Saint-Bernard  (combe).  —  PI.  XIV. 
Sainte-Marthe  (torrent  de).  —  PI.  XXIV. 
Saint-Po7is  rtorrent  de).  —  PI.  XIV,  XLIV. 
Sanières  (torrent  des),  —  PI.  XV,  XVI,  XLVII. 

13  Section  inférieure  du  torrent  du  Bourget  (plan  de  la) .   .       65 

14  Section  inférieure  du  torrent  du  Bourget  (profil  en  long 

de  la) G.ï 

43  Série  de  clayonnages  de  1^""  et  de  2<=  ordre  (plan  d'une:.      lUl 

Seuils.  —  PI.  XXXI. 
Seyjie  (périmètre  de).  —  PI.  XXXV,  XXXVI. 

Tetres  noires  (marnes  calloviennes).  —  PI.  VII,   XX II. 

XXIII. 
Thét's  (territoire  de).  —  PI.  ^'. 
Torrents  simples.  —  PI.  II.  XII.  XLV,  XLV.  XLVII. 


51G  TABLE   DES   FIGURES, 

Fisures.  Pages, 

Torrents  compoi^éf.  —  PI.  XLIV. 
38  Torrent  ilu  Bourget,  coupe  en  long  du  barrage  n»  .'{  avec 

ouvrages  accessoires 92 

34  Torrent  du  Bourget,  coupe  d'un  dayonnage  transversal.      91 

30  et  :J7      Torrent  du  Bourget  (coui)es  du  radier  et  des  murs  en 

aile  du  barrage  n»  3  dans  le) 92 

33           Torrent  du  Bourget  (plan  du  barrage  n"  3  avec  ses  ou- 
vrages accessoires  dans  le) 91 

14  Torrent  du   Bourget  (plan  de  la  section  inférieure  du) .       65 

30  Torrent  du  Bourget  avant  les  travaux  (plan  d'une  sec- 

tion du) 88 

31  Torrent  du  Bourget  après  les  travaux   (plan  d'une  sec- 

tion du) 89 

32  Torrent  du  Bourget,  profil  en  long  d'une  section  corri- 

gée, et  coupe  des  ouvrages 90 

14            Torrent  du  Bourget  (prolil  en  long  de  la  section  infé- 
rieure du) 6a 

1  Torrent  du  Bourget  (vue  du) 17 

101,  102, 
103,  104 

11  Torrent  idéal   (coupe  en  travers  du  cône  de  déjections 

d'un) 27 

10  Torrent  idéal  (plan  d'unj 23 

3  Torrent  idéal  (])rofil  en  long  d'uni 23 

5,  6,  7,   , 

„    „  Torrent  idéal  (profils  en  travers  successifs  d'un).   ...       27 

97,  98,    /     Torrent  du  Rioubourdoux  (Basses-Alpes)  coupe,  éléva- 

99,  100  ^        tion  et  plan  du  grand  barrage  n"! 467 

96  Torrent  des  Sanières  (plan  du) 421 

Touffes  (plantation  par).  —  PI.  VII. 

51  Tournes  contre  les  avalanches 119 

1  Vue  du  torrent  du  Bourget 17 

Venasrjtie  (hôtellerie  de).  —  Pi.  XLIi 
Vachères  (torrent  de).  —  PI.  XXV. 
Valai/ria  (torrent  de).  —  PI.  V. 
Valette  (torrent  de  la).  —  PI.  XXII,  XXIII. 
Viliard  (torrent  de).  —  PI.  XXXIV. 
Ubac  (torrent  de  1').  —  PI.  V  et  VI. 
U/>aye  (vallée  de  1').   —  PI.  III,  XIV,  XV,   XVI,  XVII, 
XVIII,  XIX,  XX,    XXI,  XXII,  XXIII,   XLV,   XLVI, 
XLVII. 


Torrent  de  Faucon,  barrages  en  gradins 472  et    473 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  MATILRES 

AVKC  INDICATION   DES   FIGURES 


Figures.  Pages. 

Acquisitions 45 

Action  des  torrents  dans  l'étendue  de  leur  cours.    ...  18 

Atïbuillement 35 

Affouillement  longitudinal  et  latéral. 47 

Ailanthe  glanduleux 165 

Alisiers 160 

Amëlauchier 165 

Amélioration  des  pâturages 321,  390 

Aménagement  des  travaux 370 

Applications  du  dendromètre  Bouvart 327 

Aqueduc  ou  pertuis 73 

Arrachage  des  plants  en  pépinière 259 

Argousier 165 

Atteri'issements 52 

Atterrissements  (traitement  des) 54 

Atterrissements  (plantation  des) 298 

Aubépine 165 

Aune 162 

Avalanches 115 

Avantages  de  la  maçonnerie  mixte  dans  les  barrages,    .  75 

Bandes  alternes  horizontales 187 

Bandes  brisées 187 

67            Banquettes  horizontales 293 

Bai'rages  et  clayonnages  (résultat  de  leur  emploi).  ...  57 

15,   16,  17     Barrages  en  voûte,  à  parement  amont  rectiligne,  type  1 .  68 

18  Barrage  modèle  n»  2  (couronnement  d'un) 69 

19  Barrage  à  parement  aval  vertical  (coupe  d'un  - 69 

20  Barrage  en  voûte,  modèle  n»  4,  type  2 69 

21  Barrage  en  voûte,  modèle  n"  6,  type  3 70 

22  Barrage  rustique,  modèle  n"  7,  type  4 70 

Barrages  (choix  des  types  à  préférer  dans  les) 78 

27,  28,  29     Barrages  rustiques 61,  84 

Barrages  en  bois 95 


ois  TABLE   ALPHABÉTIQUE 

Figures.  Tagus. 

Barrages  vivants 59 

23    24     1 

'      '    !     Barrages  en  maçonnerie  mixte 72  73 

25,  26    *  "  -  •    •         -- 

Barrajies  (épaisseur  à  donner  aux) 80 

Barrages  (fondations  des) 82 

49            Barrages  de  retenue 113,  H8 

52  Barrage  de  retenue  exhaussé 121 

53  Barrage  de  retenue  en  gradins 123 

73,  74       Barrières  en  bois 333 

75,  76       Barrières  en  fil  de  fer  galvanisé 334 

Bassin  de  réception  d'un  torrent 15 

Bauche 244 

Bêche  coui)e-pivot 263 

Binages 262 

63            Binette 227 

Bornage  et  délimitation 323 

Bouleaux ICI 

Bouturage  en  pépinière.    ■ 270 

Boutures  (plantation  de) 299 

Bugrane 165 

Buis 165 

60,   61.  62     Caisse  à  graines  de  résineux 219 

Canal  d'écoulement 15 

Caroubier 146,  201 

Casuarina  equisetifolia 148 

Casses  ou  Clappes 32 

Causes  du  soulèvement  du  sol 189 

Cèdre 164 

Cerisier  mahaleb Kij 

Cerisier  merisier IGO 

Charme 164 

Châtaignier lai,  206 

Chemins 325 

Chéne-liège 145,  201 

Chêne  pédoncule 149 

Chêne  rouvre 149,  2i  5 

Chêne  vert  ou  yeuse 143,  201 

Choix  des  types  à  préférer  dans  les  barrages 78 

Choix  de  la  maçonnerie  dans  les  barrages 77 

Chronique  des  crues  successives 336 

Clappes  (voir  Casses) ,'{2 

Clappes  (plantation  dans  les) 290 

Classification  des  torrents IG 

Clayonnages  enfouis 62 

.30,  40,  41      Clayonnages  à  longrines  moisées 96 


DES  MATIERES.  519 


Figures.  Pages. 

42,  43,  44      Clayonnages  ù  loagriaes  encastrées 101 

33,  34      Clayonnages  longitudinaux  et  transversaux  sur  les  atter- 

rissements * 91,  106 

Climats  (division  des) 132 

Climat  général 131 

Climat  local 134 

Climat  froid  ou  alpestre 133 

Climat  méditerranéen 132 

Climat  tempéré 132 

Climat  très  froid  ou  alpiu 133 

3          Combe 20 

57,   58,  59     Concasseur  pour  graines 212 

Conclusion 394 

11             Cône  de  déjection  (coupe  en  travers i 27 

Confection  des  trous 194 

Conseils  aux  particuliers  qui  entreprennent  des  reboise- 
ments   381 

Conséquences  de  l'extinction  des  torren's  par  les  travaux 

obligatoires 393 

Conservation  des  graines  de  feuillus 211 

Conservation  des  graines,  de  résineux 218 

Considérations  sur  les  Hautes  et  les  Basses-Alpes  (note  G).  474 

Constitution  des  périmètres 41 

97,  98,    j 

'         ■   •     Contre-barrages  et  radiers 91,  467 

101,  102,  l  ° 

103  et  104) 

Cornouillers 165 

68,  69,     j 

70.  71,     ;     Cordons  de  feuillus  (plantations  en) 295 

72     ; 

Correction  des  petits  ravins  dans  les  marnes  liasiques.  63 

Correction  des  torrents  (de  la) 14 

Correction  des  torrents  à  aifouillements 47 

Correction  des  torrents  glaciaires  et  à  casses 113 

Correction  des  ravins 57 

Coudrier  noisetier ■    .    .  165 

50            Couloir  d'avalanches  avec  tournes 119 

Couronnement  des  barrages 80 

Crues  (chronique  des) 336 

Culture  du  sol  (modes  dej 185 

06            Culture  à  bras  d'homme  (outil  préférable  pour  la).  ...  186 

Curage  du  lit  des  torrents  et  des  ravins 109 

•  Cytise  des  Alpes 165 

Débouchés  sur  le  couronnement  de  barrages 66 

Déclaration  d'utilité  publique 45 


520  TABLE   ALPHABETIQUE 

Figures.  Pages. 

Défends  (mise  en) 171 

Défoncement  du  sol 181 

Délimitation  et  Ijornage 323 

Dendromètre  Boiivart  (application  du) 327 

54,  55      Dépôt  (place  de) 126 

Disparition  des  forêts  par  le  fait  de  l'homme 311 

Division  des  climats 132 

Division  du  cours  des  torrents  eu  trois  régions 15 

46,  47,  48     Drainages 110 


Éboulements 36 

91            pihoulements  dans  le  Riou-Chanal  (plan  des) 417 

Échelle  des  climats 132 

Effets  de  la  mise  en  défends  suivant  les  régions  clima- 

tériques 174 

Effets  du  mode  de  construction  des  liarrages  sur  leur  at- 

terrissement 74 

Effets  d'un  orage  dans  le  bassin  de  réception  d'un  tor- 
rent   33 

Effets  produits  par  les  eaux 34 

Effets  de  la  végétation  sur  le  sol 38 

Églantier 165 

12            Emplacement  des  barrages  de  retenue 116 

12  Emplacement  des  bari-ages  vivants  sur  une  pente  donnée 

^formule) 60 

Enherbcment 177,   241,  246 

96            Enquête  sur  la  lave  des  Sanières 426 

Entretien  des  barrages  en  pierre 347 

Entretien  des  fascinages  et  des  clayonnages 350 

Entretien  des  chemins  et  des  barrières 352 

Entretien  des  semis  à  demeure 354 

Entretien  des  pépinières 358 

Entretien  des  plantations 357 

Epaisseur  à  donner  aux  barrages 80 

Épicéa 166,  208 

Épine-vinette 169 

Érables 157 

Esparcette  (voir  Sainfoin  commun) 242 

Espèces  de  maçonnerie 71 

Essai  des  graines  de  résineux 221 

Essences  forestières  (répartition  des) 139 

Essences  forestières  propres  au  reboisement  dans  le  cli- 
mat chaud 140  à  149 

Essences  forestières  propres  au  reboisement  dans  le  cli- 
mat tempéré '  •  .♦ l'»9  à  165 


DES  MATIERES.  521 


PapeS' 

Essences  forestières  propres  au  reboisement  dans  le  cli- 
mat froid 165  à  169 

Essences  forestières  propres  an  reboisement  dans  le  cli- 
mat très  froid 1G9  à  170 

Étude  d'un  projet  de  périmètre 't't 

Étude  des  projets  de  barrages 64 

Eucalyptus  globulus l'^S 

Exhaussement  des  barrages  de  retenue H7 

Expédition  des  plants  des  pépinières 274 

Exposition  (de  1') 134 

Expropriations 46 

Extinction  d'un  torrent 14,  38 


45          Fascinages 104 

105          Faucon  (monographie  du  périmètre  de) 484 

Fenasse 244 

Fondations  des  barrages 82 

Fonte  des  neiges 37 

Forêts  (disparition  des  forêts  par  le  fuit  de  l'iiomme).   .  311 

Formation  des  laves 37 

Fosses  à  terreau 253 

Frêne  commun l')7 


Gazonnement  en  général  (du") 300 

Gel  et  dégel 182 

Généralités  sur  les  torrents 12 

Genêts 165 

Genévrier  sabine 165 

Glaciers 114 

Glands  (semis  de) 227 

Glissements 37,  112 

Gorge  d'un  torrent 15 

Gradins  (barrages  en) 123 

Graines  d'essences  feuillues 209 

Graines  d'essences  feuillues  (conservation  des) 211 

Graines  d'essences  feuillues  (tableau  synoptique  des).   .  215 

Graines  fourragères  (semis  de) 243 

Graines  de  résineux  (récolte  des) 216 

60,  61,  62      Graines  de  résineux  (conservation  des) 218 

Graines  de  résineux  (essai  des) 221 

Graines  de  résineux  (tableau  synoptique  des) 225 

Graines  de  résineux  (quantité  à  semer  à  l'hectare) .     237,  241 

Graines  de  résineux  (quantité  à  semer  à  l'are  en  pépi- 

••     \  2G0 

niere) -"" 

Grevillea  robusta ^*° 


Lave  de  187G  dans  le  torrent  de  Faucon 402 


522  TABLE  ALPHABÉTIQUE 

Figures.  Pages. 

64,  65      Hache-prés 240 

Hauteur  des  barrages 66 

Hêtre 153,  207 

Hydrographie 335 

Hydrographie  (registre  d'observations  d') 345 

Iconographie  (hi  reboisement  (note  L) 507 

Immersion  des  graines  de  résinent 230 

Inlluence  du  gel  et  du  dégel 182 

Influence  de  l'exposition 133 

Influence  des  vents  dominants 135 

Insectes  nuisibles 359 

Installation  des  pluviomètres 339 

Intensité  de  la  lumière  (effets  det ....  137 

Irrigation  des  semis  en  pépinières 262 

Labour  eu  plein 183 

Labour  par  bandes  alternes 185 

83,  84,    ■ 

85,  86, 

87,  88, 

89,  90 

91    9' 

93,  94,    (     Lave  de  1876  dans  le  torrent  de  Rioii-f'hanal 414 

96      ) 

93            Lave  de  1876  dans  le  torrent  des  Sanières 421 

Limites  supérieures  de  la  végétation  forestière 308 

Lit  de  déjection 15 

Lumière  (effets  de  l'intensité  de  la) 135 

Maçonnerie  (espèces  de) 71 

Maçonnerie  mixte  (avantages  de  la) "'* 

Marcottages 17(! 

Marnes  du   lias  à  strates  dures    (correction  des  ravins 

dans  les^ 63 

Mélèze 167,  208 

Merisier 160 

Mise  en  défends 171 

Modes  (le  culture  du  sol 183 

Modes  d'eni|)l()i  des  différentes  essences  dans  la  région 

méditerranéenne 201  à  205 

Modes  d'emploi  îles  différentes  essences  dans  la  région 

moyenne 205  à  207 

Modes  d'emploi  des  différentes  essences  dans  les  régions 

alpestre  et  alpine 207  à  209 

Monographie  du  périmètre  de  Faucon  (note  IL)  ....  484 


DES   MATIERES.  523 


Figures.  Paprcs. 

Montagnes  pastorales 318 

Mousse  (emploi  de  la) 257 

Moyens  de  combattre  la  sécheresse  du  sol 179 

Murs  de  chute  ou  barrages 49 

Nécessité  d'une  zone  de  défense  continue 42 

Neige  (semis  sur  la) 233 

Nombre  de  barrages  nécessaires  dans  un  torrent  donné.  (iO 

Nombre  de  plants  à  l'are  dans  les  repiquages 2G0 

Note  A.  Lave  du  torrent  de  Faucon 402 

Note  B.  Éboulements  dans  le  Riou-Chanal 415 

Note  C.  Torrent  des  Sanières,  orage  en  1876 421 

Note  D.  Tableau  des  journées  calculées  par  dixième.    .  435 
Note  E.  Nomenclature   des    végétaux  spontanés   de  la 

vallée  de  Barcelonnette 430 

Note  F.  Barrages,  contre-barrages  et  radiers  dans  le 
torrent  de  Riou-Bourdoux  et  de  Faucon  (Bas- 
ses-Alpes)   467 

Note  G.  Considérations  sur  les  Hautes  et  les  Basses- 
Alpes 474 

Note  H.  Monographie  du  périmètre  de  Faucon,   vallée 

de  rUbaye  (Basses-Alpes) 484 

Note  K.  Pris  de  revient  du  mètre  cube  de  maçonnerie. .  504 
Note  L.  Sommaire  des    planches   de  l'Iconographie  du 
reboisement,  par  E.   de  Gayffier,  conserva- 
teur des  forêts 507 

Observations  hydrographiques 345 

Ordre  chronologique  des  travaux 365 

Ormes 156 

56          Outil  préférable  pour  la  culture  à  bras  d'homme.   .    .    .  186 

Ouvrages  divers  en  maçonnerie 85 

Particuliers  (reboisement  chez  les) 378 

Pâturages  de  montagne 306 

Pâturages  de  printemps  et  d'automne 317 

Pâturages  (amélioration  des) 321 

Pâturages  (régénération  des) 320 

Pente  limite 25 

Pépinières  en  général 249 

Pépinières  permanentes 250 

Pépinières  (préparation  du  sol  dans  les) 253 

Pépinières  (quantité  de  graines  de  résineux  à  semer  à 

l'are  dans  les) 260 

Pépinières  (semis  de  feuillus  en) 263 

Pépinières  (repiquages  en) 267 


524  TABLE   ALPHABÉTIQUE 

Figures.  Pagps. 

Pépinières  (bouturages  en) 270 

Pépinières  (expédition  des  plants  des) 274 

Pépinières  volantes 275 

Périmètres  (constitution  des) 41 

lO.j  Périmètre  de  F^aucon  (Basses- Alpes)   (monographie  du). 

Perrés 94 

Pertuis  ou  aqueducs  dans  les  barrages 73 

Peupliers 162 

Pin  d'Alep 140,  202 

Pin  Cembro 169,  208 

Pin  à  crochets 166,  207 

Pin  Laricio  d'Autriche  ou  pin  noir 154,  206 

Pin  Laricio  de  Corse 153,  206 

Pin  Maritime 142,  201 

Pin  Pinier  ou  pignon 146,  201 

Pin  Sylvestre 152,  206 

.56           Pioche  à  pic 186 

Pioche  (semis  de  résineux  à  la) 234 

54,   55      Place  de  dépôts 126 

13          Plan  d'un  torrent 65 

Plançons 299 

Plantations  en  buttes 184 

Plantations  et  semis 200 

Plantations  à  demeure " 200 

Plantation  en  général  (de  la) 281 

Plantation  de  résineux  par  touffes ,  284 

Plantations  (saisons  préférables  pour  les) 288 

Plantation  des  terrains  instables 289 

Plantations  dans  les  clappes 290 

67          Plantations  par  banquettes  horizontales 293 

08,  69,   ) 

70,  71,    (    Plantations  en  cordons  horizontaux.    .    .   ,       295 

72       ) 

Plantations  dans  les  fonds  des  ravins 298 

Plantation  de  feuillus 291 

Plantation  des  boutures 299 

66             Plantoir  en  fer 270 

Plants  en  pourrette 265 

Plnies  (répartition  des) 136 

77,   78,  79     Pluviomètres 3*2 

80            Pluviomètres  (armature  des) 343 

81,   82         Pluviomètres  (boite  des) 344 

Pluviomètres  (installation  des) 339 

Pourrette  (plants  en) 265 

Prairies  fauchables 315 

Préparation  du  sol  (but  de  la) l'ÏS 


DES   MATIERES.  525 


igures.  Pages. 

Préparation  du  sol  par  lij^nes  de  bandes  on  de  trous.   .  193 

Préparation  du  sol  pour  i)épinière 253 

Prix  de  revient  tles  graines  de  l'euillus 21  i,  215 

Prix  de  revient  des  graines  de  résineux 225 

Prix  de  revient  de  l'hectare  du  semis  de  résineux  à  la 

pioche 237 

Prix   de  revient  de  l'hectare  du   semis   de   glands   par 

potets 231 

Prix  de  revient  de  l'hectare  de  semis  de  fourragère  par 

potets 246 

Prix  de  revient  de  l'hectare  de  semis  de  fourragère  à  la 

volée 247 

Prix  de  revient  de  l'hectare  de  semis  de  fourragère  par 

sillons  horizontaux 218 

Prix  de  revient  du  défoncement  du  sol  à  l'are  dans  la 

pépinière 253 

Prix  de  revient  de  l'are  de  labour  après  défoncement .    .  253 
Prix  de  revient  du  mètre  cube  de  terreau  en  fosse..    .    .  254 
Prix  de  revient  de  l'are  de  semis  de  résineux  en  pépi- 
nière   257 

Prix  de  revient  de  l'emploi  de  la  mousse  en  pépinière  à 

l'are 257 

Prix  de  revient  des  sarclages  en  pépinière  à  l'are.    .    .  258 

Prix  de  revient  de  l'irrigation  en  pépinière  à  l'are.   .   .  258 
Prix  de  revient  du  mille  de  jeunes  plants  résineux  en  pé- 

l)inière 259 

Prix  de  revient  de  l'are  de  semis  de  glands  en  pépinière.  263 
Prix  de  revient  du  mille  de  plants  de  chênes  de  3  ans.  264 
Prix  de  revient  du  mille  de  plants  feuillus  en  pourrette.  266 
Prix  de  revient  du  rigolage  à  l'are  et  au  mille  de  plants.  269 
Prix  de  revient  de  la  plantation  de  l'are  en  boutures.  .  272 
Prix  de  revient  du  recépage  de  mille  boutures  à  expé- 
dier   272 

Prix  de  revient  de  mille  boutures 273 

Prix  de  revient  d'un  are  de  pépinière  volante 279 

Pi'ix  de  revient  de  la  plantation  de  mille  touffes  de  rési- 
neux   287 

Prix  de  revient  de  l'hectomètre  courant  d'un  drain  de 

l<=r  et  de  2e  ordre - 111 

Prix  moyen  du  mètre  cube  de  maçonnerie  de  mortier 

(note  K) 505 

Prix  moyen  du  mètre  cube  de  maçonnerie  mixte  .    .   .  505 

Prix  moyen  du  mètre  cube  de  maçonnerie  de  pierre  sèche.  oOo 

Protil  de  compensation 25 

Profil  d'équilibre 25 

14          Profil  en  long  d'un  torrent 65 


526  TABLE  ALPHABETIQUE 

Figures.  Pages. 

Projet  (le  périmètre  (étude  d'un) 44 

Prunier  de  Briancon 1G9 

Puissance  de  l'affouillement 37 

Qualités  pfermiuatives  des  graines  de  résineux 221 

Quantité  de  graines  de  résineux  à  semer  à  l'are  en  pé- 
pinière   260 

Quantité  de  graines  de  résineux  à  semer  à  l'hectare.     237,  241 

Radiers 81} 

Radiers   de  barrages    dans  les  torrents  de  Riou-Bour- 

doux  et  de  Faucon 467 

Ravins  (correction  des) 58 

Ravins   (définition  des) 14 

Reboisement  en  général  (du) 127 

Reboisement  chez  les  particuliers  (du) 378 

»  Recépages 175 

57,   58,   59    Récolte  des  graines  de  feuillus 209 

Récolte  des  graines  de  résineux 216 

Régénération  des  pâturages 320 

Répartition  des  essences  forestières  .suivant  les  climats.  139 

Répartition  des  pluies 136 

Repiquages 209 

Reiiiquages  en  pépinière  (rigolages) 267 

Rejjiquages  (nombre  de  plants  à  l'are).   . 269 

Retenue  (barrages  de) 113,  118 

Rigolages  (voir  Repiquages) 209 

91             Riou-Chanal  (éboulements  dans  le  torrent  de)     ....  417 

Rivières 12 

Rivières  torrentielles 13 

Robinier 161 

Ruisseaux 13 

Sainfoin  commun  (esparcette) 242 

Saison  préférable  pour  les  semis  de  résineux 231 

Sai.son  préférable  pour  les  plantations 288 

96            Sanières  (enquête  sur  la  lave  des'i 426 

Sapin 155,  207 

Sarclages 262 

Saules. 163 

Sécheresse  du  sol  (moyen  de  la  combattre) 179 

Section  du  débouché  d'un  barrage 66 

Semis  et  plantation  en  général 200 

Semis  à  l'araire 226 

63            Semis  à  la  binette 227 

Semis  du  chêne 227 


DES  MATIERES.  527 


Figures.  Pages. 

Semis  à  la  pioche 228,  23o 

Semis  ù  la  volée 231 

Semis  par  potets 231 

Semis  sur  la  neige 233 

Semis  de  résineux  (saison  à  préférer  pour  les) 238 

Semis  de  résineux  à  la  hache-prés 240 

Semis  de  résineux  (immersion  des  graines) 239 

Semis  de  graines  fourragères  pour  enherbement.    .    .    .  246 

Semis  de  graines  de  feuillus  (tableau  i^ynopfique  des).   .  266 

Semis  en  pépinière 257 

Sentiers 325 

Situation   d'im  lieu 134 

Sol  (préparation  du) 178 

Sols  (des) 138 

Sorbiers • .  139 

Soxilèvement  (causes  du) 182 

Subvention  pour  l'amélioration  des  pâturages 390 

Surfaces  cultivées  par  hectares  suivant  les   modes   de 

préparation  du  sol 191 

Tableau  des  surfaces  cultivées  par  hectare  selon  les  mo- 
des de  préparation  du  sol 191 

Tableau  des  graines  de  feuillus 215 

Tableau  des  graines  de  résineux 223 

Tableau  des  semis  de  feuillus  en  pépinière 266 

Tableau  du  nomlu'e  de  plants  à  Tare  de  repiquage.    .    .  269 

Tableau  des  valeurs  des  journées  calculées  par  dixième.  433 

Talutage  des  berges 109 

Terreau 253 

Tilleuls 159 

Topographie 324 

Torrents  (les) 13 

Torrents  éteints 14 

Torrents  en  activité 14 

Torrents  (leur  classification'! 16 

1  Torrent  composé 17 

2  Torrents  simples  et  torrents  coin])osés 19 

4,    10            Torrent  idéal,  profil  en  long  et  plan 22 

'     '     '    I     Torrent  idéal,  profils  eu  travers  successifs 27 

Torrents  à  affouillements 32 

Torrents  à  casses 33 

Torrents  glaciaires 33 

Torrents  (leur  travail  dans  le  sein  de  la  montagne)    .    .  34 

30  Torrent  (section  d'un)  avant  les  travaux 88 

31  Torrent  (section  d'un)  après  les  travaux 89 


528  TABLE  ALPHABETIQUE    DES  MATIERES. 

Figures.  Pages. 

32            Torrent  (section  d'un),  profil  en  long 90 

33,   34        Torrent  (section  d'un),    détail    de    la  construction   des 

clayonnages 91 

35,    36,  J     Torrent  (section  d'un),  détail  de  la  construction  d'un  bar- 

37,    58)         rage,  avec  radier,  contre-barrage  et  mur  de  revêtement.  92 

Touffes  (plantation  par) 284 

51            Tournes  contre  les  avalanches 119 

Tracé  de  la  zone  de  défense 41 

Transhumants  (troupeaux) 318 

Transport  en  niasse 23 

Travail  du  torrent  dans  le  sein  de  la  montagne 34 

Travaux  de  correction,  leur  but 48 

Travaux  complémentaires 109 

Travaux  (aménagement  des) 370 

Travaux  facultatifs  chez  les  particuliers 377 

Travaux  facultatifs  dans  les  communes 388 

Travaux  (ordre  chronologique  des) 365 

Triage  des  matériaux  (loi  du) 22 

Troupeaux  transhumants  et  indigènes 318 

Trous  (préparation  du  sol  par) 189 

15  à  22      Types  divers  des  barrages CS,  70 

Végétation  forestière  (limites  de  la) 308 

Vents  dominants  (influence  des) 135 

Volée  (semis  à  la) 231 

Zone  de  défense 41 

Zones  climatériques 132 


FIN    DE    L   OUVRAGE. 


Taris.  —  Typ.  G.  Chaincrot,  19,  rue  des  Saints-Pères.  —  9902 


18410 

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