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TRAITÉ PRATIQUE
DU
REBOISEMENT
ET DU GAZOiNNEMENT
DES MONTAGNES
OUVRAGE PUBLIE SOUS LES AUSPICES
DES MINISTÈRES DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE ET DES TRAVAUX PUBLICS
DEUXIÈME ÉDITION, REVUE ET AUGMENTÉE
Ornée de 105 Gravures
PARIS
J. ROTHSCHILD, ÉDITEUR
13, RLE DES SAINTS-PÈRES, 13
1<S82
3-7J
TRAITÉ PRATIQUE
DU
REBOISEMENT
ET DU GAZONNEMENT
DES MONTAGNES
PARIS
TYPOGRAPHIE GEORGES CHAMEROT
19, RUE DES SAINTS-PÈRES, 19
PRATIQUE
GISEMENT
ET DU GAZOiNNEMENT
DES MONTAGNES
P A R
P. DEMONTZEY
Conservateur des Forêts
PUBLIE SOUS LES AUSPICES DES MINISTERES DE L'AGRICULTURE ET DU COMMERCE
ET DES TRAVAUX PUBLICS
DEUXIEME EDITION, BEVUE ET AUGMENTEE
Ornée de 105 Gravures
Il n'est pas dans la nature de petits moyens,
ou plutôt l'action de la nature ne rt^sulte que
de l'accuniulation de petits moyens. L'homme
peut donc aijir à son tour, puisque ces petits
moyens sont à sa portée et que son intelligence
lui permet d'en apprécier les effets.
(ViQLLET-LE-Duc, le Massif du Mont-Blanc.)
PARIS
J. ROTHSCHILD, ÉDITEUR
13, RUE DES SAINTS-PÈRES, 13
1882
Droits réservés
... • ^
J. ^
AVERTISSEMENT
DE LA DEUXIÈME ÉDITION
L'Etude sur les travaux de Reboisement et de
Gazonnement des Montagnes a été publiée en 1878
sous le haut palronag^e de M. Tirard, Ministre de
l'Ag-riculture et du Commerce, suivant le désir
de l'Administration des Forêts, représentée par
M. Cyprien Girerd, Sous-Secrétaire d'État, Président
de son Conseil.
Dès la première année de sa publication, faite par
l'Imprimerie nationale, et, par suite, réservée à un
public restreint et spécial, de nombreuses invita-
tions à produire une édition populaire me furent
adressées, et plusieurs Conseils g-énéraux formulè-
rent auprès de l'Administration des forêts une de-
mande analog'ue.
Quelque peu ébranlé par d'aussi flatteuses sollici-
AVERTISSEMENT
talions, je me décidai à entreprendre cette seconde
édition destinée au public lorsqu'il me fut donné de
prendre connaissance du compte rendu présenté à
M. le Ministre de l'Ag-riculture et du Commerce par
M. Cyprien Girerd, Sous-Secrétaire d'Etat, concer-
nant les travaux exécutés en 1876, 1877 et 1878 par
l'Administration des Forêts pour le reboisement et le
g-azonnement des montag'nes.
Je ne peux mieux justifier mon entreprise qu'en
plaçant en tête de cette nouvelle édition le dernier
chapitre de cet important rapport que M. le Sous-
Secrélaire d'Etat, dans sa haute et constante bienveil-
lance pour les travaux de reboisement, a bien voulu
m 'autoriser à extraire et à reproduire in extenso :
CHAPITRE VII
« Jo no toniiiiu'iai pns ct^ rapport. Monsieur le Minisfro,
sansrappolcr li's deux lails piincipaiix (pii, dans la péiindf d(>
1876 à 1.S78, ont pins parlknlièicmcnt attiré l'attention jiéné-
ralosnrlVrnvre do restanraticnuonticean service des forêts; je
veux palier de la publication de \' Etude sur le reboisement des
moutofjui's, \)î\v M. Demontzey, Conservateur des Forêts à Aix.
et do l'Exposition nnivcrsolle de 1878, on la démonstration des
méthodes employées et des résultats obtenus a été faite de la
façon la plus saisissanli' dans l'exposilinii spéciale de l'admi-
nistration des forêts.
« L'a|)plication des lois du 'JS juillet iSiiO et du 8 juin 18(ii
posait, en France, un problème nouveau, très complexe et
DE LA DEUXIEME EDITION.
sans précédoiit connu. Pour le résoudre, le service des forêls
a dû tout créer, et ce n'est qu'après une longue série d'efforts,
d'études et de recherches que les méthodes ont pu s'établir
avec certitude.
(( Désireuse de consacrer et de fixer les résultais de l'ex-
périence ainsi acquise, l'Adminislralion des f(jrèls mit au
concours en 1875, entre ses agents, la préparation d'un
Ti-aité pratique de l'eboisement et de f/azotmeineiil des mon-
tagnes. C'est dans ce concours que l'étude de M. Demontzey
fut classée en première ligne par la commission chargée,
en 1877, de juger les mémoires adressés à l'Administra-
tion.
« Cet ouvrage, remarquable à tous égards, fui publié eu 1878,
aux frais de l'Administration, par l'Imprimerie nationale, et
distribué aux bibliothèques du Sénat et de la Chambre des
députés, du Conseil d'Etat, des différents Ministères, des con-
seils généraux et des principales villes des régions monta-
gneuses; aux bibliothèques pubhques, aux gouvernements
étrangers, etc., etc. Les autres exemplaires ont été envoyés
aux agents forestiers pour être déposés dans leurs ar-
chives,
« La vulgarisation des méthodes et des travaux décrits par
M. Demontzey avec la compétence la plus complète a déjà
produit des résultats appréciables dans les propositions de
travaux soumises, en 1879, à l'Administration; il n'est point
douteux qu'elle n'amène, à bref délai, dans cette branche
importante du service, toute l'uniformité et l'unité dési-
rables.
« Les nombreuses et pressantes demandes d'exemplaires
diQ V Étude sur le rebuàcnient des montagnes qui ont été adres-
sées à l'Administration par les ingénieurs et les forestiers
étrangers les plus distingués, et la traduction en langue alle-
mande qui vient d'être publiée à Vienne par le savant profes-
seur Baron de Seckendorfî, directeur de la station des essais
forestiers au Ministère de l'Agriculture d'Autriche, témoignent
AVERTISSEMENT
(lu haut infcrôt que présente l'ouvrage de M. Demontzey et de
la faveur méritée dont il est l'objet (1).
« L'exposition interilationale de 1878 offrait une occasion
particulièrement favorable de mettre en lumière les grands
travaux d'intérêt public confiés au service des forêts par la loi
sur le reboisement des montagnes et de faire connaître les
résultats obtenus depuis l'application de la loi de 1860.
« Entre autres documents de nature à permettre de bien
saisir l'objet de cette vaste entreprise, d'en suivre la marche
et les progrès, l'Administration fit prendre, en 1877, pour les
(1) On lit dans le WieJiev allgemeinen Zeilung du 29 avril 1880 :
■i Les vastes territoires qui s'allongent au sud des possessions de l'Empire,
ces contrées désolées, devenues improductives et changées en déserts grâce
à l'impéritie des habitants, à la pnssiou de destruction innée chez l'homme
et aussi par suite de la violence des éléments, sont l'enfant de la doideur
de notre économie forestière [dus Schmerzenkind imserer Forstwh'thschaft).
« A la tin de l'année 1877, les surfaces susceptibles d'être boisées en
Autriche comprenaient 430,127 hectares. Ces incultes s'étendent de jour
eu jour; des efforts ont été tentés tardivement poin- combattre le fléau,
mais les moyens employés sont peu intelligents et n'arrêteront pas le dom-
mage qui s'accroît constamment. Aussi, notre Ministère de l'Agriculture a
fait œuvre méritoire en engageant leD' von Seckeudorffà traduire en langue
allemande l'ouvrage si apprécié du conservateur P. Demontzey qui a ob-
tenu le premier prix dans le concours ouvert par l'ancien Directeur général
des Forêts, M. Faré, de Paris, pour la rédaction d'un tr;iité pratique sur
l'extinction des torrents et le reboisement des montagnes. Cette traduction
aidant, les expériences faites jusqu'à présent deviendront plus profitables
pour le département qu'elles intéressent; il y a là un grand service rendu,
parce qu'au moment où nous apprenions, par l'examen des budgets de la
France, que cet Etat cherchait, dans un but d'utilité publique, à combattre
avec la plus grande énergie \\\\ fléau ancien qui apparaît aussi chez nous,
il nous était donné de connaître dune manière saisissante les mesures
mises en vigueur.
« En supposant que certains procédés suivis par les Français ne puis-
sent pas toujours recevoir leur application dans les conditions où nous nous
trouvons, l'exemple donné par la France n'en sera pas moins utile à nos
Inrestiers; ils pourront puiser dans cette riche raine des méthodes d'in-
struction pour arrêter la destruction des forêts par la mise en culture et
le reboisement de tous les terrains susceptibles de production »
{Note (le l'Editrur.)
DE LA DEUXIEME EDITION
placer dans son exposition du chalet forestier, une série de
quatro-ving(s vues photographiques de grandes dimensions,
représentant les spécimens les plus remarquables des diffé-
rents types de travaux exécutés dans les périmètres des Alpes,
des Gévennes et des Pyrénées.
« Cet important travail fut exécuté avec un succès complet
par M. de Gayffier, chef du service du reboisement à l'Adminis-
tration centrale, que sa connaissance approfondie des travaux
et son expérience spéciale des opérations photographiques
avaient plus particulièrement désigné au choix du Ministre.
« Un exemplaire de la collection des vues et du texte des
monographies et descriptions qui l'accompagnaient, a été
adressé par mes soins à la bibliothèque du Sénat et à celle
de la Chambre des députés. Une édition de plus petit format
a été tirée en 1879 et distribuée aux commissions du service
spécial du reboisement, qui y trouvent d'utiles enseignements.
« Ces vues photographiques donnent une idée complète de
l'aspect des régions où s'exécutent les travaux de reboisement;
les vues d'ensemble font ressortir d'une manière saisissante le
relief du terrain, la dénudation et le ravinement progressif
des versants, la formation des torrents, les dangers dont ils
menacent les cultures, les routes et les centres d'habitation.
Les vues de détail font connaître les travaux de défense, do
consolidation et de fixation exécutés sur les versants ou dans
le lit des ravins. Elles font comprendre, mieux que toute des-
cription peut-être, le but de chaque ouvrage, le mode d'exé-
cution des travaux, les résultats obtenus.
« Il m'a semblé, ilonsieur le Ministre, que je ne pouvais
nie dispenser de mentionner dans le compte rendu des travaux
de reboisement exécutés dans la période triennale de lS7(i à
1878 deux publications qui ont contribue de la façon la plus
heureuse à la vulgarisation des procédés employés par l'Ad-
ministration des forêts pour accomplir l'œuvre d'intérêt na-
tional qui lui est confiée et dont elle poursuit l'achèvement
avec le plus entier dévouement .
AVERTISSEMENT
« Grâce aux nouvelles allocations budgétaires dont les
Chambres ont bien voulu doter le fonds spécial du reboise-
ment, une nouvelle et ('uergique impulsion a pu cire donnée,
dès 1880, aux travaux sur tous les i)oints où ils sont nécessaires;
j'ai la confiance que les féconds résultats (pi'on est en droit
d'en attendre ne tarderont pas à se produire.
« Agréez, Monsieur le Ministre, l'assurance de mon respec-
tueux dévouement.
0 Le Sous-Secrétaire d'Etat
« Président du Conseil d'Aduiinistration des Forêts.
■;< 5i"^«(e .• CyPRIEN GlRERD. »
Outre le haut patronag-e dont avait bien voulu
ainsi m'honorer M. le Sous-Secrétaire d'Etat, je me
trouvais encourag'é dans mon projet par des sym-
pathies bien précieuses que m'avaient manifestées
bon nombre de personnes, soit amies, soit jusqu'alors
inconnues de moi, et auxquelles j'adresse ici la nou-
velle expression de ma vive g'ratitude.
Ne pouvant les citer toutes, qu'il me soit permis,
du moins, de placer sous les yeux du lecteur les en-
courag-ements de certaines d'entre elles.
M. Hervé-Mangon, Membre de l'Institut, Direc-
teur du Conservatoire des Arts et Métiers, voulut
bien présenter à l'Académie des Sciences l'iiV//^/*? *Mr
les travaux de reboisement, et prononcer en séance les
paroles suivantes :
DE LA DEUXIEME EDITION.
ACADEMIE DES SCIENCES
Séance du 12 Mai 1879.
M. Hervé-Mangon. « Messieurs, j"ai rhoniieur de présenter
à TAcadéniie un ouvrage de M. Deniontzey, conservateur des
forets, intitulé Étude sur /es travaux de reboisement et de gazon-
nement des montagnes. L'autour s'occupe, depuis 1853, do tra-
vaux de reboisement : son ouvrage est le fruit de sa longue
expérience, c'est dire qu'il est excellent et appelé à rendre de
grands services.
« Depuis vingt années, l'Administration des Forets poursuit
sans bruit, avec une admirable persévérance, l'œuvre immense
de la consolidation de nos montagnes dénudées et de la sup-
pression des torrents les plus dangereux. — On ne saurait se
faire une idée de cette magnifique entreprise sans avoir par-
couru à pied les hautes montagnes des Alpes, et sans avoir
observé quelques-uns des territoires reconstitués.
« Je n'essayerai donc pas de décrire ces travaux; qu'il me
suffise de dire qu'avec les ressources les plus modestes,
1,500,000 francs en moyenne par année, l'Administration fo-
restière a déjà obtenu les plus beaux succès sur une étendue
de près de 100,000 hectares. — On reste, en effet, confondu de
la grandeur des résultats obtenus comparés à la simplicité et
à l'économie des moyens employés. — Le succès dos ingénieurs
forestiers s'explique d'ailleurs facilement par la justesse de la
théorie qui les guide. Appelés à lutter contre la puissance
destructive des torrents et des intempéries, ils n'ont point
cherché à la vaincre par de dispendieux travaux de maçonne-
rie cyclopéenne. — Gomme Brémontier l'avait fait pour la
fixation des dunes, ils ont demandé à la force de la végétation
de leur fournir les matériaux vivants de la consolidation des
terrains, et déjà l'expérience apprend f[uo la forôl parvient .
on i)ou de temps, à (''touffor les plus rcdoulahlcs torrents.
AVERTISSEMENT
« Le temps des essais et des incertitudes est passé, et dé-
sormais le gouvernement de la République consacrera certai-
nement à ces utiles opérations de reboisement des montagnes
toutes les ressources nécessaires. »
Le 27 février 1879, le classique auteur de V Etude
sur ks torrents des Alpes, l'éminent ing"énieur Surell,
à qui j'avais fait hommag-e d'un exemplaire de la
première édition avec celte suscription : An savant
et patriote initiateur, à l'ardent et inflexible défenseur du
reboisement des mo7ita(jnes , au Maître, hommage res-
pectueux d'un humble disciple Alpin, m'adressait la
lettre suivante, qui est tout un prog-ramme :
« Versailles, 27 février 1879.
« -Monsieur,
'( Vous avez eu la bonté de m'adrcsser votre importante
Étude sur le reboisement des montagnes. Je l'ai lue avec le plus
grand intérôt, et je vous remercie à la fois du grand service
(pie vous rendez à cette grosse question par une publication
si utile et si opportune, en môme temps que de l'aimable at-
tention (pii vous a fait penser à moi.
K Votre (''pigraphc est beaucoup trop tlaltfMise; je n'ai eu
que le mérilo de pousser le cri d'alarme un peu plus fort que
les autres, il y a une trenliiiue d'années. C'est votre Adminis-
tration ({ui a fait le reste, infiniment plus difUcile, et votre
ouvrage, si complet, si bien nourri de faits, va lui faciliter sa
tâche, et doit devenir le vade-mecum de tous les reboiseurs.
« J'ai eu l'occasion, il y a quelques semaines, de plaider
encore cette grande cause devant la commission su[)(h'ieure
DE LA DEUXIÈME EDITION.
de rainénaf;oinent dos eaux, et j'ai réitéré mes instances au
Ministre des Travaux publics, fort préoccupé en ce monienl
des inondations. 11 vous doit tout son concours, dans l'intérêt
des rivières qu'il a charge d'endiguer, d'approfondir et de
régulariser. Les deux Administrations vont vers le môme but,
et si elles doivent rester distinctes quant à l'exécution, elles
doivent s'unir dans un commun effort pour obtenir les larges
crédits, les développements administratifs et la reconnaissance
pleine et entière de l'utilité publique, toutes choses indispen-
sables pour élever le service forestier au niveau de sa nouvelle
mission, qui n'est plus seulement de conso-ver, mais de 7'égc-
né?'e7\
« Veuillez agréer, etc.
« Signé / Surell. »
Dans ma long-ue carrière de reboiseur, j'ai été
frappé maintes fois de l'effet que produit sur les
différents visiteurs la vue des réglions dévastées des
Alpes françaises (i).
La première impression que l'on éprouve en effet
en parcourant une contrée ravag'ée par les torrents,
est une sorte de stupeur ou du moins de découra -
g'ement qui vous pousse à mettre en doute la puis-
sance de l'homme en face de pareils désastres!
Mais si l'on y reg'arde de plus près; si l'on ana-
lyse avec soin les diverses conditions où l'on se
trouve; si l'on compare avec attention le terrain
dont il s'agnt avec d'autres moins ruinés ou encore
(1) Voir la note G.
AVERTISSEMENT
boisés, toutes circonstances égales d'ailleurs; si,
enfin et surtout, Ton se reporte à des précédents
qui pourraient exister, même sur une échelle réduite,
la confiance ne tarde pas à renaître et l'on reconnaît
une fois déplus la puissance de la science qui, aidée
de l'observation, fournit les moyens de rég-énérer,
sans bien g-rand appareil, des montag-nes que
l'homme seul, par son imprévoyance ou son
ég-oïsme, avait amenées à pareil état de ruine.
C'est à ce sentiment que répond l'épigraphe que
j'ai empruntée au beau livre de M. VioUet-le-Duc
sur le Massif du Mont Blanc.
Ce g-rand architecte, cet illustre savant, qui ai-
mait la forêt par ce motif même qu'il avait appris à
connaître la montag-ne, m'écrivait, le 28 février 1879,
en m'annonçant son intention de visiter les travaux
des Basses-Alpes, quelques mois avant sa mort sou-
daine, la lettre suivante :
« Paris, 8 Février 1879.
'( Monsieur,
« J'ai rorii voIrc lollri^ avant-hior, ot volro bol ouvrage ce
soir. J<' no lais, hion onicndn, (iiio lo parcourir, mais vous pou-
vez êtro assuré quo jo lo lirai avec l'attention (juo ni'-rilo un
pareil sujet et jo coiupto bien, la chose faite, en dire (piobpie
(;liosc dans lo XIX" Sikle; on ne saurait trop attirer lallontion
duput)licsurcesujet si mal connu, môme, — hélas, — de ceux
(pii, par la nature do leurs études, devraient s'en pénétrer. On
nie Irnifp volonficrs do rabAcbour fpinnd je giMiiis sur l'aban-
DE LA DEUXIEME EDITION.
don OÙ on laisse nos montagnes, el quand j'essaye d'iMnouvoir
les intéressés sur cette question. Aussi suis-je heureux ([\\r
vous soyez venu à la rescousse. J'avais déjà vu à l'Exposition
des modèles très intéressants concernant le reboisement des
pentes et la correction des torrents, et votre travail vient me
fournir les documents pratiques.
« Recevez donc mes sincères compliments et remercîments.
C'est une campagne à entamer avec beaucoup d'autres; mais
pour celle-là, il faut espérer que tout le monde prendra aux
bonnes raisons que nous chercherons à répandre.
« Ce n'était pas sans motifs que les premières civilisations
considéraient les bois comme sac7'és. Par intuition, nos ancê-
tres comprenaient qu'il y avait là un foyer de conset-vation qu'il
fallait respecter.
« La science et l'observation nous conduisent au même ré-
sultat.
« Vous pouvez être assuré qu'à la première occasion je me
ferai un vrai plaisir de visiter vos travaux si utiles.
« Agréez, Monsieur, etc.
« Signé : \iOLLv:r-LE-T)\-c. »
Le 2 avril suivant, il publiait dans le XIX" Siècle
l'article ci-après, que, malg-ré son étendue, je crois
devoir reproduire in extenso à titre d'hommag'e de
profonde reconnaissance envers la mémoire de ce
g-rand patriote qui, au milieu de ses travaux de
toutes sortes, n'a cessé de défendre la cause du
reboisement de ces montag-nes qu'il aimait passion-
nément pour les avoir bien connues et long'uement
pratiquées.
AVERTISSEMENT
LE REBOISEMENT DES MONTAGNES
« S'il est bon de signaler les abus à supprimer, les réformes
à effectuer, les maux dont souffre notre société française par
suite de préjugés longuement enracinés et savamment exploi-
tés, il est équitable de tenir compte des améliorations qui, sur
quelques points, sont obtenues par des hommes dévoués, mo-
destes, patients, et dont le public ignore à peu près l'existence.
« J'ai, à plusieurs reprises déjà, soulevé ici même une
question qui louche à notre prospérité nationale et qui est
faite pour fixer l'attention de tous les Français, quelle que
soit la classe à laquelle ils appartiennent. Je veux parler du
reboisement des montagnes.
« Après les inondations qui viennent encore de désoler cer-
tains territoires, ce sujet est de saison, car ces désastres sont
en grande partie la conséquence de l'état dans lequel une
longue incurie a mis les rampes de nos grands soulèvements
montagneux, et je profite d'une Étude que M. Demontzey,
conservateur des forêts, vient de publier sur ce sujet, sous le
patronage du Ministre de l'agriculture, pour reprendre la
question.
« Ce travail a obtenu ]o i)remier prix
« Voilà un de ces livres que nous voudrions voir introduire
dans tous nos grands établissements d'enseignement et qui
remplacerait avantageusement bon nombre d'ouvrages, au
moins iniililcs, répandus à profusion par le monde clérical
dans ces mêmes établissements.
« 11 n'y a pas grand mal à promener la châsse d'un saint
ou d'une sainte fiuelconque pour obtenir du ciel le retrait
des eaux torrentielles qui, périodiquement, ravagent nos
plaines les plus fertiles, mais c'est le cas de répéter l'adage :
« Aide-toi, le ciel t'aidera. »
DE LA DEUXIEME EDITION.
« L'homme peut-il quelque chose pour détourner ces désas-
tres périodicjuf^s?
« Depuis qu'il m'a été donné d'étudier les pays montagneux,
j'ai toujours pensé que ce travail n'était pas au-dessus des
moyens humains, et je suis heureux de constater qu'un spé-
cialiste, ayant passé sa vie à réunir des études relativement à
l'influence de la végétation sur les cours d'eau, soit entière-
ment d'accord avec moi. Tout sentiment de vanité à part, il
est intéressant que, sur un point aussi grave, l'opinion d'une
personne dont la compétence et l'expérience ne sauraient être
récusées, vienne compléter les dires d'un simple observa-
teur.
« Mais c'est qu'en ceci, comme en bien d'autres choses,
l'observation conduit à des conclusions que viennent appuyer
la théorie et la synthèse. Or il s'agit, dans le livre de M. De-
montzey, non seulement d'analyses résultant d'une longue
observation, mais aussi de la synthèse, c'est-à-dire de l'appli-
cation pratique des observations à la reconstitution des sols
montagneux ravagés par les eaux ; et l'expérience faite déjà
sur d'assez vastes territoires est concluante.
« M. Demontzey a bien voulu prendre, pour épigraphe
de son bel ouvrage, ce passage, que j'ai imprimé quelque
part : « // nest pas dans la nature de petits moyens, ou plutôt
l'action de la nature ne résulte que de l'accumulation de petits
moyens . L'iiomnie peut donc agir à son tour, puisque ces petits
moyens sont à sa portée et que son intelligence lui permet d'en
apprécier les effets. » Et l'ensemble des travaux mis en lumière
par l'auteur de V Étude sur les travaux de reboisement montre,
en effet, que c'est par l'accumulation de petits moyens à la
portée de l'homme que le torrent peut être éteint, comme on
dit, et changer son rôle dévastateur en une fonction bienfai-
sante.
« Prévenir plutôt que réprimer. » Tout l'aménagement des
cours d'eau est renfermé dans ces quatre mots. Et voyez
comme tout se tient en ce monde et comme le bon sens s'ap-
AVERTISSEMENT
pliqup à toute chose I Si, dans un État ordonné, il est sage de
connaître la cause première des maux qui alfectentune partie
du corps social pour la saisir et la supprimer avant que ces
maux n'aient atteint une telle intensité qu'il ne soit plus pos-
sible d'y porter remède, de même est-il prudent d'aller pren-
dre le torrent à son origine, de ralentir son cours et même de
](' su|)prinier à l'aide de moyens très simples, avant qu'il n'ait
acquis une force irrésistible et que, réuni à d'autres, il ne
submerge tout à cou}) des vallées entières.
« Supposons toutes les ramjjes montagneuses garnies de
forêts et gazonnées, il n'y aurait plus, à proprement parler,
de torrents ; car ces vastes espaces composeraient comme une
immense éponge retenant les eaux pluviales ou les neiges et
distillant goutte à goutte le liquide absorbé. Les glaciers seuls
et les névés constitueraient les cours d'eaux normaux, mais
les glaciers comme b^s névés jaugent l'écoulement de la fonte
avec une grande régularité.
(( Si ces cours d'eau normaux ne rencontraient sur leur
parcours jusqu'à la plaine que le résultat de cette distillation
lente des terrains couverts de végétation, et non les émissions
brusques et terribles des torrents grossis par les pluies, ils
jj;onfleraient paisiblement et jamais au point d'envahir en un
jour d'énormes espaces pour laisser, bientôt après, la séche-
resse s'étendre sur ces mômes surfaces.
« Dans un Atlas très bien dressé, M. De.monlzey montre
comment l'homme, j)ar son travail, est parvtMiu à vaincre ce
vinlt'iil lori'i'iil du Hourget (Basses-Alpes) cl pliisicius aiilic^s,
au m()y(m de barrages d'uni' faibli' inqxu'tance relative. Ces
barrag{;s retiennent cailloux et sable; alors il s'agit d'ense-
mencer ces atterrissements, et le torreni, au lieu de suivre
une pente rapide et uniforme, trouve des paliers où il calme
et épure son cours, où il imbibe cette végétation qui retient
partie du liquide, des cascades cpii, à leur base, constituent
des affouillements naturels et des bassins par conséquent;
non seulement alors ce torrent met douze iieures à descendre
DE LA DEUXIEME EDITION.
du soniiiieL (le l;i inoiilagno à la base du cùuo de dcjccdon, an
lieu do trente minutes, mais il laisse une parti(^ de son eau
dans CCS terrains aplanis et spongieux.
« Cependant, pour que ces atterrissements produits par les
barrages, qui constituent cbacun un cône d(^ déjection, ne
viennent pas à augmenter sans cesse par l'apport do cailloux
et sables et qu'ils ne soient point rendus infertiles, il faul ([ue
les pentes latérales elles-mêmes se garnissent de végétation,
afin de retenir ces sables et cailloux et de ne laisser corder
que de l'eau pure.
« C'est alors qu'intervient le reboiseur, et c'est par des
tranchées, par des drains, par des piquets et des clayonnages
que les terrains sont maintenus pour permettre aux graines
de lever. Une fois que la végétation a pris pied et qu'elle
s'élève d'un mètre, elle se défend d'elle-même, consolide les
rochers qu'elle entoure de ses racines, retient les menus cail-
loux et les sables sous les mousses, et la nature a repris son
empire ; car, ne l'oublions pas, tout ce qu'il nous faut refaire
aujourd'hui, nous l'avons défait pendant des siècles.
« Ces pentes dénudées, ravinées, qui s'écroulent à chaque
heure, étaient toutes, ou peu s'en faut, garnies de forets.
L'homme est venu qui a jeté bas les arbres. Ces grands végé-
taux abattus, les eaux qu'ils ne retenaient plus ont balayé les
gazons, et la montagne, d'épongé que la nature l'avait faite,
est devenue une ruine de pierre et de sable, sur laquelle les
eaux s'écoulent par le plus court chemin, précipitant leur
cours à mesure qu'elles descendent, entraînant tout, couvrant
de poussière et de cailloux échoués d'énormes cônes de dé-
jections, pour venir se jeter, furieuses, dans le canal troncal
qu'elles barrent, jusqu'à ce que cette masse de liquide accu-
mulée se précipite comme une trombe dans la plaine. Alors
chacun de se lamenter. On souscrit pour secourir les malheu-
reux inondés. L'Etat s'impose des sacrifices passagers
« Qu'il serait plus sage et plus prudent de donner aux
ingénieurs forestiers qui se dévouent à cette tache ingrate
AVERTISSEMENT
du reboisemont des montagnes, les moyens d'obtenir des ré-
sultats vraiment sérieux !
« Le jour où, sortant des demi-mesures de la loi de 1860,
on entrera largement dans la voie des grands travaux, sait-on
ce qu'il en coûtera? Cent soixante millions à dépenser en
trente ou quarante ans! Soit quatre millions y compris l'ac-
quisition des terrains par l'État pour tout le massif alpestre de
la rive droite du Rhône, de la Savoie aux Alpes-Maritimes!
« Quand on pense au bien-être que ces travaux et acquisi-
tions apporteraient dans des vallées déshéritées, aux produits
(|ue ces forêts bien aménagées donneraient, aux désastres
<[u'on préviendrait, en vérité, cette somme de 160 millions est
peu de chose.
« Et comme nous la trouverions facilement en réformant
bon nombre d'abus!
« Mais rendons justice du moins aux travaux sérieux de
nos forestiers dans les hautes vallées alpestres. Ils ont prouvé
que le bien est possible et qu'il ne s'agirait que de vouloir
l'étendre sur une large échelle, aussi bien dans les Alpes que
dans les Pyrénées, pour nous éviter des désastres qui, en
quarante ans, dépassent de beaucoup deux cents millions.
« Signé : E. Viollet-le-Duc.
La première édition, par son orig*ine même, était
plus spécialement destinée aux Ag-ents de l'adminis-
tration des forêts, aussi renferme-t-elle de nom-
breux développements, dont le caractère technique
et administratif impliquait, soit la modification
DE LA DEUXIEME EDITION.
pour les uns, soit la suppression pour les autres,
dans cette nouvelle édition.
Le chapitre spécial aux travaux à entreprendre
par les particuliers se trouvait, pour le même motif,
un peu trop laconique; il a été développé de façon à
satisfaire pleinement les lecteurs appartenant à cette
catég'orie. D'autre part, les fîg^ures, au lieu d'être
réunies en un atlas séparé, ont été, pour plus de fa-
cilité, introduites dans le texte, en même temps que
certaines d'entre elles ont été ajoutées. Enfin de
nouvelles notes, ne laissant pas de présenter un
certain intérêt, ont été annexées à la fin du volume.
Ainsi qu'on a pu le lire dans l'extrait du rapport
de M. Cyprien Girerd en tête de cet avertissement,
M. de Gayffîer, Conservateur des Forêts, chef du
service du reboisement à l'Administration centrale,
avait exécuté pour l'Exposition universelle de 1878
une collection de vues photog'raphiques de g-randes
dimensions relatives aux travaux de reboisement.
Sollicité de tous côtés à livrer à la publicité cet
important recueil, mon collèg*ue et ami s'est dé-
cidé à en faire une publication spéciale qui aura
pour titre : Iconographie du Reboisement des Montagnes .
Ce mag-nifique ouvragée, combiné avec la nou-
velle édition de \ Étude sur les travaux de reboise-
ment^ fournira aux lecteurs, au moyen de vues pho-
totypog'raphiques inaltérables et d'une remarquable
beauté, l'aspect saisissant du champ d'action dans
XXII AVERTISSEMENT DE LA DEUXIEME EDITION
lequel on est appelé à opérer, et des travaux que
l'on exécute.
Afin de bien montrer la relation qui existe entre
ces planches et le texte de mon livre j'ai inséré à
chaque passag-e opportun, un renvoi indiquant le
numéro de la planche à consulter et ainsi libellé : (de
Gayffier, Pl...); à la fin du volume, la note L donne
la nomenclature de toutes ces vues ainsi que leurs
lég'endes descriptives.
De son côté, \ Iconographie du Reboisement de
M. E. de Gayffier renfermera, en reg'ard de chaque
planche, une description complète renvoyant, pour
ce qui concerne les travaux ou les torrents, aux
pag-es respectives du présent volume.
Ainsi combinées, ces deux publications, tout en
pouvant demeurer indépendantes, formeront par
leur réunion un ensemble des plus complets pour
les lecteurs désireux d'étudier les diverses questions
qu'implique l'œuvre nationale du reboisement des
montag-nes.
P.^DEMOiNTZKY.
Aix, le l") Juin 1881.
AVERTISSEMENT
DE LA PREMIÈRE EDITION
La loi du 28 Juillet 1860 a inauguré dans F Adminis-
tration des Forêts l'ère des grands travaux d'utilité pu-
blique, qui, restreints avec raison au début, réclament lé-
gitimement aujourd'hui une large extension, basée à la
fois sur les résultats sérieux obtenus pendant la période
d'essai, et sur l'étendue des ravages restant à supprimer
pour le présent et à empêcher pour taveiiir.
Par arrêté en date du 20 aoùtV^lh, 31. Faré, Di-
recteur général des Forêts^ a mis au concours entre les
agents de V Administration la rédaction d'un traité jrrati-
que de reboisement et de gazonnement des montagnes, el
constitué un Jury chargé d'en apprécier le résultat.
Le travail quon va lire a obtenu le premier prix dé-
cerné le 10 Janvier 1878 et M. le Ministre de l'Agricul-
ture et du Commerce a bien voulu décider quil aurait
les homwurs de l'impression.
En rédigeant cette étude, fai eu pour but de résumer
les observations quil ma été donné de faire pendant le
cours presque entier de ma carrière forestière. Dès 1853,
en effet, je me trouvais chargé d' importants travaux de
XXIV AVERTISSEMENT DE LA PREMIERE EDITION
reboisement dans le climat chaud et presque torride d' Or-
léansville^ dans l'Algérie qui avait devancé de dix ans
la métropole dans des essais de ce genre.
Rentré en France en 1862, je fus appelé depuis cette
époque à diriger successivement les travaux de reboise-
ment entrepris dans les départements des Alpes-Maritimes
et des Basses-Alpes.
Vaillamment secondé par une série de précieux colla-
borateurs, parmi lesquels je compte autant d'amis, guidé
et soutenu par la constante solitude de mlices chefs, à tous
les degrés de la hiérarchie, dans un service spécial où
des difficultés de tout ordre se présentaient aussi nom-
breuses quêtaient rares les encouragements du dehors, je
me suis trouvé, par suite des circonstances, avoir pu réa-
liser, dans tous les climats de t échelle de la végétation^
une série d'observations prises sur les faits.
Je viens donc les exposer sincèrement, sans autre pré-
tention que celle de les présenter aussi complètes que pos-
sible, en praticien obligé d entrer dans les mille détails
des opérations si complexes et si attrayantes que comporte
le reboisement des montagnes.
Je leur ai annexé, sous forme de notes, une série de do-
cuments dont certains pourront être parfois utilisés avan-
tageusement.
P. DEMONTZEY.
Aix. \o i:; Ftivi-ier 1878.
TABLE DES MATIÈRES
CHAPITRE PREMIER
DESCRIPTION ET FORMATION DES TORRENTS
Pages.
GÉNÉRAUTÉs. — Classification des cours d'eau de montagne. — Divi-
sion du cours des torrents en trois régions. — Bassin de réception.
— Canal d'écoulement. — Lit de déjection. — Gorge. — Classifi-
cation DES TORRENTS. — ToiTents simplcs. — Torrents composés.
— Combe. — Action des torrents dans l'étendue de leur cours.
— Triage des matériaux. — Transport en masse. — Pente limite ou
profil de compensation. — Protil d'équilibre. — Profils en travers.
— Cône de déjection. — Torrents à affouillements. — Torrents à
casses et torrents glaciaires 11
CHAPITRE II
TRAVAIL DES TORRENTS DANS LE SEIN DE LA MONTAGNE
Effets produits par les eaux. — Description du torrent pi'is pour
exemple. — Effets d'un orage dans le bassin de réception. — For-
mation des laves. — Eboulements. — Glissements. — Fonte des
neiges. — Puissance de l'affouillement. — Effets de la végétation
sur le sol 34
CHAPITRE III
CONSTITUTION DES PÉRIMÈTRES
Tracé de la zon^e de défense. — Nécessité d'une zone continue. —
Propriétés appartenant aux particuliers. — Acquisitions. — Acqui-
sitions amiables. — Expropriations 41
CHAPITRE IV
CORRECTION DES TORRENTS A AFFOUILLEMENTS
But DES TRAVAUX. — Double affouillement. — Affouillement longitu-
dinal. — Affouillement latéral. — Murs de chute ou barrages. —
TABLE DES MATIERES.
Pages.
Disposition des barrages. — Correction des ravins. — Barrages
vivants. — Barrages vivants de premier et de deuxième ordre. —
Clayonuages ou fascinages superposés. — Marnes du lias à strates
dures 47
CHAPITRE V
EXÉCUTION DES TRAVAUX
Etude des projets de barrages. — Etudes préalables. — Débouché
sur le couronnement. — Nombre et hauteur des barrages. — Des-
cription DES BARRAGES EN MAÇONNERIE. — Barrages en voûte. —
Barrages rectilignes. — Maçonnerie en pierre sèche. — Maçonnerie
avec mortier de chaux hydraulique. — Maçonnerie mixte. — Aque-
duc ou pertuis. — Effet du mode de construction sur la nature de
l'atterrissement. — Avantages de la maçonnerie mixte. — Cas où la
maçonnerie avec mortier doit être préférée. — Choix de la maçon-
nerie. — Discussion du choix des types de barrages. — Barrages
curvilignes en maçonnerie de pierre sèche, en maçonnerie mixte et
en maçonnerie entièrement en mortier de chaux. — Barrages rec-
tilignes. — Barrages rustiques. — Ouvrages divers en maçonnerie.
— Radiers. — Contre-barrages. — Barrages à couronnement irré-
gulier. — Perrés. — Barrages en bois et barrages vivants. —
Barrages en bois. — Clayonnages de ])remier ordre : Clayonnages
moisés à l'amont. — Clayonnages à longriue encastrée. — Clayon-
nages de deuxième ordre. — Clayonnages de premier ordre à dou-
ble parement. — Fascinages de premier ordre. — Fascinages de
deuxième ordre. — Fascinages dans les petits ravins. — Clayon-
nages longitudinaux et transversaux sur les atterrissenients des
barrages. — Travaux complémentaires. — Talutage des berges.
— Curage du lit. — Drainages dans les terrains eu mouvement. . 64
CHAPITRE VI
torrents a clai'pes et torrents glaciaires
But des travaux. — Barrages de retenue. — Emplacement des bar-
rages de retenue. — Exhaussement des barrages. — Murs en tra-
vers contre les avalanches et les coulées de pierres. — Places de
dépôts. — Exécution des travaux. — Barrages exhaussés. — Bar-
rages en gradins. — Emplacement des nouveaux gradins. — Hau-
teur des gradins. — Profil des barrages de retenue avec cuvette et
contre-mur. — Murs en travers contre les avalanches et les chutes
des pierres. — Places de déi)6ts 113
CHAPITRE VII
DU REBOISEMENT EN GÉNÉRAL 127
TABLE DES MATIERES.
CHAPITRE VIII
or CHOIX DES ESSENCES
Pages.
Du CLIMAT. — Climat général. — Écliello de la végétation forestière.
— Climat local. — Situation. — Exjjosition. — Vents dominants.
, — Montagnes environnantes. — Humidité de l'atmosphère. — Répar-
tition des pluies. — Intensité de la lumière. — Du sol. — Nature
minéralogique. — Etat physique. — Etat de la superficie. — Répar-
tition DES ESSENCES FORESTIÈRES DANS LES DIFFÉRENTES RÉGIONS
CLiMATÉRiQUES. — Généralités. — Essences dominantes dans les
massifs forestiers de chaque région. — Essences secondaires. —
Peuplements mélangés. — Description des essences forestières
PROPRES AU reboisement. — Climat chaud : Arbres de massif. —
Essences secondaires. — Essences exotiques. — Région moyenne
ou tempérée : Essences de massif. — Région froide ou alpestre :
Essences de massif. — Essences secondaires. — Région alpine ou
très froide 130
GHAPITRK IX
MESURES ET TRAVAUX PRÉPARATOIRES
Mise en défends. — Son effet dans les différentes régions. — Dans
les terrains instables. — Préparation du sol. — But de la prépa-
ration du sol. — Sécheresse du sol. Moyen de la combattre. — Du
gel et du dégel. — Causes du soulèvement. — Modes de culture du
sol. — Labour en plein, — Labour par bandes alternes. — Culture
à bras d'homme. — Outil préférable. — Bandes alternes. — Bandes
brisées. — Epoques à préférer pour la préparation du sol. — Marnes
liasiques 171
CHAPITRE X
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT
Du SEMIS ET DE LA PLANTATION EN GÉNÉRAL. — Mode d'eiTiploi dcS
différentes essences, suivant les régions. — Région méditerranée7ïne :
Essences à employer exclusivement par semis. — Essences à em-
ployer par les deux modes suivant les cas. — Régioii tempérée :
Essences de semis. — Essences de plantation. — Régions alpestre
et alpine. — Conclusion. — Des graines. — Lieux d'origine. —
Essences feuillues ou non résineuses. — Récolte. — Préparation. —
Conservation des graines. — Graines de basse végétation forestière.
— Concasseur. — Graines d'essences résineuses. — Récolte. —
Conservation. — Essai des graines. — Exécution des semis a de-
meure. — Essences non résineuses : Divers modes de semis. — Devis
TABLE DES MATIERES.
Pages.
de la dépense. — Graines de résineux : Divers modes de semis. —
Organisation du chantier. — Quantité de graines à l'hectare. — Saison
préférable pour le semis de résineux. — Quantité de graines à em-
ployer. — Enherbement. — Enherbement dans les terrains à sur-
face stable. — Semis par potets. — Semis à la volée. — Enherbe-
ment dans les terrains à surface instable. — Semis par sillons
horizontaux. — Époque des semis. — Des pépinières. — Généralités.
— Pépinières permanentes ou cetiirales : Choix de remj)lacement.
— Division du terrain. — Préparation du sol. — Nivellement du
terrain. — Premier défoncement du sol des carrés. — Fosses à ter-
reau et à fumier. — Confection du terreau. — Semis en pépinière.
Résineux. — Essences feuillues. — Repiquages ou rigolages. —
Exécution du repiquage. — Bouturage en pépinière. — Calcul du
prix de revient du mille de plants des différentes essences. — Ex-
pédition des plants. — Pépinières volantes ou locales : Préparation
du sol. — Éxecution de la plantation. — Résineux : Age des
plants. — Mode d'exécution dans les terrains préparés et non pré-
parés. — Organisation du chantier. — Époque préférable pour la
plantation. — Plantation dans les terrains à surface instable. —
Plantation dans les clappes ou casses. — Plantation des feuillus :
Création de massifs. — Recepage. — Création de haies. — Ban-
quettes avec défoncement. — Plantation dans les fonds des ravins
et sur les atterrissements 199
CHAPITRE XI
TRAVAUX DE GAZONNEMENT
Des PATURAGES DE MONTAGNES ; LEUR COMPOSITION DANS LES AlPES
Françaises. — Prairies fauchables. — Pâturages. — Pâturages du
printemps et d'automne. — Pâturages d'été. — Montagnes pasto-
rales. — RÉGÉNÉRATION ET AMÉLIORATION DES PATURAGES PAR LE
GAZONNEMENT 300
CHAPITRl-: XII
OPÉRATIONS TOPOGRAPIIIQ L'ES 323
CHAPITRE XIII
TRAVAUX DE VOIRIE
Chemins, sentiers. — Application du dendromètre Bouvart 325
CHAPITRE XIV
HYDROGRAPHIE
But des oiiservations. — P^tablissement du plan, du profil en long
TABLE DES MATIERES. xxix
Pages.
et des profils en travers. — Description du torrent. — Chronique
et statistique des crues successives 333
CHAPITRE XV
ENTRETIE.X DES TR.WAUX I) E CORRECTION
Barr.\.ges ex pierre. — Barragres rustiques. — Grands barrages. —
Entretien des chemins et des b.4.rrières 3i7
CHAPITRE XVI
ENTRETIEN DES TRAVAUX DE REBOISEMENT
Soins a donner aux semis a demeure. — Régions alpesti-e et alpine.
— Régions tempérée et chaude. — Soins a donner aux pépinières.
— Pépinières volantes. — Pépinières centrales. — Soins a donner
AUX PLANT.\TiONS. — Résineux. — Feuillus. — Bombyx procession-
naire. — Pyrale. — Fidonie du pin 354
CHAPITRE XVII
ORDRE CHRONOLOGIQUE DES TRAVAUX A PARTIR
DU DÉCRET d'utilité PUBLIQUE 36G
CHAPITRE XVIII
TRAVAUX DE REBOISEMENT ET DE GAZONNEMENT
FACULTATIFS
Terrains appartenant à des particuliers. — Terrains appartenant
aux communes et aux établissements publics 377
CHAPITRE XIX
Subventions et primes pour l'amélioration des pâturages. — Tra-
vaux facultatifs 390
CONCLUSION
Conséquences de l'extinction des torrents par les travaux obligatoires.
— Travaux facultatifs 393
NOTE A
(Citée à la page 36.)
Note de M. Schlumberger, garde général des forets, sur la lave des-
cendue le 13 août 1876 dans le torrent de Faucon, près Barcelou-
nette (Basses- Alpes). — Description des lieux. — Indices de l'orage.
TABLE DES iMATIERES.
Pages.
— Effet de la pluie et de la gréle. — Marche et vitesse de la lave dans
le canal d'écoulement. — Son effet sur le cône de déjection. —
Évaluatiou de son volume. — Comparaison avec celui de l'eau tom-
bée pendant la durée de l'orage 402
NOTE B
(Citée aux pages 75 et 112.)
Grands éboulements de laves survenues en 1873 et 1876 dans le tor-
rent de Riou-Chanal, près Barcelonnette (Basses-Alpes). — Obser-
vations faites par M. Sardi, garde général adjoint des forêts sur
la marche des laves et leur passage sur le grand barrage construit
à l'aval des éboulements. — Différents aspects de ces laves. —
Effets produits sur le barrage. — Solidité de la maçonnerie mixte. 415
NOTE C
(Citée aux pages 76 et 82.)
Observations faites pendant l'orage du 8 août 187G dans le torrent des
Sanières près Barcelonnette (Basses-Alpes). — Description du tor-
rent. — Début de la lave, ses effets sur les travaux anciens et sur
ceux en construction. — Procès-verbal de l'enquête opérée. —
Déclaration des déposants 421
NOTE D
(Citée à la page 235.)
Tableau des valeurs des journées calculées par dixième, à l'usage des
surveillants de chantiers chargés de la tenue des feuilles d'attache-
ments journaliers 435
NOTE E
(Citée à la page 316.)
Nomenclature des plantes principales qui composent les prairies et
les pâturages de montagne dans les Alpes françaises, par M. Goret,
80U8-inspecteur des Forêts, et qu'on rencontre dans les bois et les
haies, dans les prairies naturelles fauchables, dans les pâturages,
dans les terrains vagues et arides, dans les pierrailles, dans les
marnes ou terres noires dénudées et enfin dans les intervalles des
rochers 436
NOTE F
(Citée à la page 86.)
Note sur un nouveau système de radiers et de contre-barrages, adopté
en 1880 pour certains grands ouvrages construits dans les torrents
TABLE DES MATIERES.
Pages.
de Riou-Bourdoux et de Faucon près Barcelonnette (Basses-Alpes.)
— Détails de la construction des ouvrages. — Indication de leur
but. — Exposition des avantages qu'ils procurent 467
NOTE G
(Citée à la page xiu de l'avertissement.)
Considérations statistiques et économiques sur les départements des
Basses et des Hautes-Alpes. — Description de la région monta-
gneuse. — Extraits du rapport d'Adolphe Blanqui à l'Académie des
sciences morales et politiques et de l'enquête agricole de 1866. —
Marche de la dépopulation dans ces deux départements, — Compa-
raison entre ces divers arrondissements. — Etat superficiel du sol
au point de vue de la production comparé à celui de la France en
général 474
NOTE H
(Citée à la page 373.)
Monographie du périmètre de Faucon, près Barcelonnette (Basses-
Alpes). — Statistique du périmètre. — Motifs de son établissement,
— Historique des travaux de correction et de reboisement. — Dé-
penses effectuées. — Résultats obtenus 484
NOTE K
Prix de revient des différentes espèces de maçonnerie dans les tra-
vaux de barrage construits dans la vallée de l'Ubaye (Basses-
Alpes.) .j04
NOTE L
Nomenclature et description sommaire des différentes planches con-
tenues dans Y Iconographie du reboisement des montagnes, publiée
par E. de Gayffier, conservateur des Forêts. , 506
Table des figures du Traité du Reboisement et des planches de Vlcono-
gi^aphie 510
Table alphabétique des matières et des planches 517
REBOISEMENT
ET
GAZONNEMENT DES MONTAGNES
INTRODUCTION
Los lois du 28 juillet 1860 sur le reboisement et du
8 juin 1864 sur le gcizonnement forment l'ensemble des
mesures législatives qui ont pour objet l'amélioration du
régime des cours d'eau par la régénération des monta-
gnes et l'extinction des torrents.
Les prescriptions communes à ces deux lois sont de
deux natures différentes : d'une part l'encouragement,
d'autre part la coercition.
Les moyens d'encouragement consistent en la faculté
donnée à l'Etat d'exciter l'intérêt des propriétaires en
les aidant, par l'allocation de subventions en nature et eu
argent, à mettre en valeur, par le reboisement ou le
gazonnemcnt, des terrains le plus souvent improductifs
ou des pâturages épuisés dont l'état actuel pourrait con-
tribuer soit à la formation de nouveaux torrents, soit à
1
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
rextension des torrenls existants. Cette mesure est sus-
ceptible d'être appliquée à rensemblc des régions mon-
tagneuses et présente un caractère essentiellement pré-
ventif, car elle a pour but final le maintien et la protection
<lu sol par une série de reboisements ou de gazonnements
(juc la loi a nommé facultatifs^ et qui sont ainsi utiles à
rintérèt général, tout en avantageant leurs propriétaires.
Les moyens de coercition attribués h TEtat lui donnent
le droit d'imposer, au nom de l'utilité publique, des reboi-
sements ou des gazonnements dits obligatoires sur tous
les points où leur exécution serait commandée par une
impérieuse nécessité, reconnue à la suite d'une enquête
préalable.
Ici, la coercition a pris la place de l'encouragement,
mais son but change de nature et son champ d'action
reçoit des limites bien arrêtées.
Il ne s'agit plus en effet de sauvegarder l'avenir par
une amélioration souvent fructueuse et parfois facile. On
n'a plus affaire à un ennemi encore éloigné ; les torrents
sont là, au contraire, menaçants, terribles ; ils ont envahi
certains territoires et s'y sont installés sur les points (|ii('
rincurie des habitants avait privés de leurs défenses natu-
relles, et, des hauteurs oîi ils se sont fortifiés, ils mettent
en péril l'existence de populations tout entières. Il faut les
combattre sans merci, les dompter, les mettre dans l'impos-
sibilité de nuire à jamais, les enserrer de toutes parts
dans mit- enceinte continue de végétation, et les étoiillcr
dans les mille bras de la forêt, le seul athlète assez puis-
•sant pour les anéantir.
Une pareille entreprise* ne i>eut être abandonnée à la
INTRODUCTION.
discrétion des propriétaires du sol et dépassera toujours
les forces dont ils disposent ; il ne s'agit plus ici, du reste,
d'une mise en valeur quelconque, mais bien d'une ([ues-
lion d'intérêt, voire même de salut public. De là ces reboi-
sements et ces gazonnements obligatoires prescrits par
les lois qui fournissent cà l'Etat, devant le refus, l'incurie
ou l'impuissance des propriétaires, la faculté de préparer
le terrain de la formidable lutte que, ])ien certainement,
il sera seul à soutenir et que, plus certainement encore,
il est seul capable tle terminer avec succès.
La pensée qui domine dans ces deux lois peut donc se
résumer ainsi :
D'une part, prévenir la formation des torrents par la
consolidation du sol sur toute l'étendue des régions mon-
tagneuses, résultat fourni par les reboisements ou les ga-
zonnements facultatifs et même parfois par des gazon-
nements obligatoires ;
D'autre part, supprimer les effets désastreux des tor-
rents actuels par leur complète extinction que produiront
les reboisements obligatoires, combinés dans certains
cas avec des gazonnements obligatoires ;
Enfin, obtenir et maintenir, par les résultats de ces
deux premiers effets, la régularisation du régime des
rivières torrentielles et la protection des vallées infé-
rieures.
Les dispositions de la loi de 1860, accueillies comme un
véritable bienfait par tous les esprits sérieux, compétents
et désintéressés, ne pouvaient, au moment de son appari-
tion, s'appuyer sur des précédents quelconques qui fai-
saient totalement défaut ; elles étaient uniquement basées
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
sur los observations ot les déductions d'une série d'admi-
nistrateurs, d'économistes, d'ingénieurs et d'agents fores-
tiers avant vécu dans ces régions montagneuses les plus
déshéritées. Connaissant Lien ces contrées, ils s'étaient
donné la noble mission de rechercher et tic publier les
causes de leur sihuilion désastreuse et les effets qui en
résultaient dans les riches vallées inférieures ; ils avaient
été unanimes pour reconnaître que les torrents qui déchi-
rent les montagnes et détruisent leurs vallées étaient l'un
des plus puissants auxiliaires des inondations de plus en
plus fréquentes dans les pbiines, et que la cause première
de la formation ainsi que de l'extension des torrents con-
sistait dans le déboisement. Cette thèse venait d'être net-
tement posée et victorieusement soutenue par M. l'ingé-
nieur Surell, dans son Etude sur les torrents des Alpes,
l'œuvre la plus complète, la plus saisissante et la plus
vraie qu'il fût ])Ossible de produire à ce sujet. Après avoir
soigneusement décrit ces torrents ainsi que les divers
phénomènes qu'ils présentent, après avoir profondé'ment
analysé les nombreuses conditions où ils fonctionnent,
ce savant observateur avait éloquemment démontré les
j)ro[)ositions ci-jiprès :
1° — Im ])résence d'une forêt sur u)i sol etnpt'che la for-
mation des torrents ;
2" — Le déboisement d'une forrt livre le sol en proie au.r
torrents ;
3° — Le développement des forets provoque f extinction
drs torre)its ;
4" — La chute des forêts redouble la violence des torrents,
pout uiènv les faire renaître.
INTRODUCTION.
On a admis, lors de la discussion de la loi de 1864, que,
dans (M'ilains cas spéciaux, la forêt pouvait être avanta-
geusement remplacée, en partie au moins, par la végéta-
tion serrée d'une pelouse gazonnée, et, sous cette réserve,
les dispositions de ces deux lois répondent aux proposi-
tions qui précèdent.
Les principes une fois nettement posés par les mesures
législatives, il restait à les faire passer du domaine de la
théorie dans celui de la pratique. Mais, dans une question
d'un ordre si nouveau, il était indispensable de débuter
prudemment et de tenter, tout d'abord, une série d'expé-
riences d'une durée et d'une ampleur suffisantes pour
permettre de proportionner plus tard l'importance des
remèdes à l'étendue bien constatée des maux à réparer.
Aussi ces deux lois, déclarées lois d'essai, ne donnèrent-
elles aux mains de l'Administration que des moyens finan-
ciers simplement suffisants pour une première expérience
appelée à décider de l'avenir.
Cette expérience toute nouvelle était k peine commen-
cée, que certains publiscites s'empressaient de la déclarer
impossible et n'hésitaient pas à soutenir que le reboise-
ment des montagnes, même aussi restreint que le faisait
la loi, était une entreprise absolument chimérique, irréa-
lisable et destinée à n'apporter que d'amères déceptions.
Plus de seize années se sont écoulées depuis que l'on a
mis la première main à l'œuM'e ; les études nombreuses
auxquelles on s'est li\Té, les précieuses observations que
l'on a recueillies, enfin les indéniables et vivants résultats
que l'on a obtenus, ont victorieusement répondu aux
objections de la première heure.
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
Les comptes rendus successifs publiés par TAdminis-
tratiou ont fait connaître le degré d'avancement des tra-
vaux, leur succès et leur dépense. Sur tous les points des
régions montagneuses de la France où des reboisements,
soit facultatifs, soit obligatoires, ont été entrepris, la jeune
forêt existant aujourd'bui présente et maintient la réfuta-
tion la plus catégorique des allégations des esprits cha-
grins qui lui avaient refusé la possibilité de naître, de
vivre et de se développer.
Dans les hautes régions des Alpes, cette terre classique
des torrents, on peut voir aujourd'hui de nombreux peu-
[dements d'essences résineuses , appropriées au climat
local, étaler leur vigoureuse végétation, non seulement
dans les bassins de réception des premiers torrents atta-
qués par les travaux, mais même sur leurs berges vives
fixées et protégées pour toujours, tandis que ces torrents
eux-mêmes, jadis si redoutés, sont devenus dos ruisseaux
non seulement inofîensifs, mais d'autant plus précieux
qu'ils procurent à ragricuiture des eaux d'irrigation meil-
leures et plus abondantes.
On jiout ajiprécier, par ces premiers résultats, ce que
l'on est en droit d'attendre de ravciiir, si l'on considère
qu'au lendemain des lois dont il s'agit, l'Administration
des forêts s'est trouvée en présence d'un problî-me sans
jtrécédents non seulement en France, mais même chez
aucune autre nation; qu'il a fallu former un ])ersonnel,
recherclicr Irs meilleures voies d'exécution el él.iblir les
liadilions (jni ni;iii(|Uiiieiil à ces lra\aiix ahsoliinienl nou-
veaux, toutes conditions qui ont nécessairement entraîné
une série d'exjK''rieii('es nombreuses dont l'intluence n'a
INTRODUCTION.
pas laissé Je peser sur l'intensité des résultats obtenus.
Aujourd'hui Ton est sorti de la période des essais : hi
voie est ouverte et le moment parait arrivé d'y marcher
avec la résolution et la célérité qu'imposent la grandeur
et la distance du but à attendre.
D'autre part, on peut admettre que dans l'exécution des
travaux entrepris jusqu'cà ce jour, on a passé par l'im-
mense majorité, pour ne pas dire la totalité, des condi-
tions de toute nature qui peuvent se présenter.
Il est donc devenu possible, et il ne sera pas sans quel-
que utilité de dégager de cette vaste expérience la série
des enseignements qui en découlent, et d'en extraire les
méthodes les plus pratiques, les plus économiques et les
plus sûres qu'elle peut avoir sanctionnées.
Tel est le but de l'étude qui va sui\Te. Nous ne nous
dissimulons pas les difficultés de la tâche que nous entre-
prenons, et nous n'avons nullement la prétention de
poser des règles générales et absolues. Notre horizon
n'embrasse qu'une partie des Alpes dans lesquelles il
nous a été donné de diriger et de suivre une série de
travaux dont l'importance n'a pas laissé de s'accentuer
d'année en année. C'est dans cette région alpestre que
nous puiserons nos observations.
Aussi bien elle présente tous les degrés des climats
successifs, depuis le littoral méditerranéen jusqu'aux der-
nières limites de la végétation forestière ; elle renferme
les natures de sol les plus variées et la collection com-
plète de tous les genres de torrents qn'on peut rencontrer
dans les Alpes, unie à la plus vaste étendue de mon-
tagnes ravagées qu'on puisse voir.
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
Au point lie vue de la multiplicité des faits à observer,
les différences qu'on peut trouver entre une région quel-
conque et celle qui nous occupe sont toutes à l'avantage
de cette dernière ; et il est permis, sans crainte d'être con-
tredit, d'affirmer qu'il serait difficile de trouver ailleurs
une réunion aussi complète des conditions les plus défa-
vorables de sols et de climats unies à une aussi grande
variété de torrents et de ruines '.
1. — Voir la note G à la tin de l'ouvrafre.
PREMIERE PARTIE
TRAVAUX D'UTILITE PUBLIQUE
DITS OBLIGATOIRES
LIVRE PREMIER
LES TORRENTS
CHAPITRE PREMIER
DESCRIPTION ET FORMATION DES TORRENTS
GÉNÉRALITÉS. — Classification des cours d'eau de montagne. — Division
du cours des orrents en trois régions. — Bassin de réception. — Canal
d'écoideuieuf. ■ Lit de déjection. — Gorge. — Classific.vtiox des
TORRENTS. — Torrents simples. — Torrents composés. — Combe. —
Action des torrents dans l'étendue de leur cours. — Triage des
matériaux. — Transport en masse. — Pente limite ou profil de compensa-
tion. ^ Profil d'équilibre. — Profils en travers. — Cône de déjection. —
Torrents à atfouillements. — Torrents à casses et torrents glaciaires.
Presque toujours, sauf quelques exceptions très rares, les
travaux obligatoires ont pour but l'extinction des torrents
par la création d'un massif forestier appelé à produire et à
perpétuer la fixation du sol sur le versant des montagnes.
Aussi, avant d'entrer dans tous les développements que
comporte l'exécution des travaux de cet ordre, parait-il in-
dispensable d'exposer certaines considérations sur les tor-
rents, sur les causes de leur formation et sur les effets de
leurs crues.
En abordant la question des torrents, nous n'avons nulle'
intention d'entrer dans des considérations théoriques qui
12 LES TORRENTS.
ponrraionl nous onIraîutM" bion loin ot no soraiont pas d'ail-
leurs ici àloiir vôiilablc place. Aussi bien on trouvera tous les
dévoloppemciils utiles, appuyés parles observations les plus
com{)lèf('s, dans les trailés, études ou rapports présentés par
de nombreux auteurs, notamment MM. Surell; Scipion Tiras,
ingénieur des mines; (^lulmann, inj.;énieur suisse; r]iilii)pe
Breton, ingénieur en chef des ponts et cbaussécs; Marchand,
sous-inspecleur des forêts; (^osta de Bastelica, conservateur
des forêts, et Viollet-le-Duc, architecte '.
Les origines de la formation des torrents, l(>s lois auxqucd-
Ics ils obéissent dans leurs diverses crues, les etfets qu'ils
produisent sur les différentes parties de leur parcours, les
causes qui peuvent augmenter l'intensité de ces effets ou la
diminu( r jus([u'à leur suppression même, tout cela a fait
l'objet des recherches de ces savants observateurs; sans y
insister donc, nous nous bornerons à certaines consMérations
indispensables sur les torrents.
Généralités. — Dans son Etude sur les torrents des Haules-
Alpes, M. Surell partage les cours d'eau des montagnes alpes-
tres en quatre classes : les r'wihes, les rivièi'es t07-rentielles,
les torrents et les ruisseaux, et (h'finit ainsi qu'il suit les carac-
tères de chacune de ces classes - :
« Les rivières couleul dans des vallées larges, ont un assez
fort Volume d'eau el {\r^ crues prolongées; leur piMit»^ cou-
1. — Surell, Elude sur les tovretits des Uautcs-Alpes. (Paris, iS'J.)
Scipiou Gras, Etude sur les torrents des IIuutes-Mpes. {Annotes des ponts
et cliaussées, i^'M.)
Culmann, Rapport au Cotiscil fédéral sto' les torrents des Alpes suisses.
(Lau.saune, ISlio.)
Pliili|)lie Breton, Mémoire sur les retenues îles f/rriviers dans les gorges
des torrents. (Paris, 1867.)
Marchand, Les Torrents fies Alpes et le piUurage. (Arhois, 1872.)
Costa de Hastelica, Les Torrents, leurs lois, leun causes, leurs effets. (Paris,
1874.)
Viollel-li'-Du.-, Le Massif du iinmt lilane. (Paris, 187C.)
2. — Pa-es 4-10. — Surell, .-(lition de 1872.
DESCRIPTION ET FORMATION. 13
stante sur de grandes longueurs n'excède pas 15 millimètres
par mètre; leur trait saillant est de divaguer sur un lit plat
très large et dont elles n'occupent jamais qu'une très petite
portion.
« Les rivières torrentielles forment les affluents principaux
des rivières; leurs vallées sont moins longues et plus resser-
rées; les variations de leur j)ente sont plus rapides; leur vo-
lume d'eau est moins considérable; elles divaguent peu ou
point, par suite de leur encaissement, et leur pente n'excède
pas 6 centimètres par mètre.
« Les torrents coulent dans des vallées très courtes, parfois
même dans de simples dépressions; leurs crues sont courtes
et presque toujours subites ; leur pente excède (i centimètres
par mètre sur la plus grande longueur de leur cours; elle
varie très vite et ne s'abaisse pas au-dessous de 2 centimètres
par mètre; ils ont une propriété tout à fait spécifique : ils
affouillent dans la montagne, ils dé})osent dans la vallée et
divaguent ensuite, par suite de ces dépôts; cette propriété,
formée par un triple fait, ne se retrouve dans aucune des
deux classes précédentes et fournit un caractère bien tranché.
« Les ruisseaux ont un petit volume d'eau, un parcours
peu prolongé, soit qu'ils coulent sur des pentes douces, soit
que leurs berges et leur lit soient solides; ils n'affouillent
pas, ne charrient pas de matériaux, et dès lors ne déposent
pas; ils fournissent la plupart des cascades. »
Cette classification n'a rien d'absolu : « L'on conçoit facile-
ment qu'il peut y avoir des cours d'eau qui n'appartiennent
rigoureusement à aucune de ces quatre classes et qui, dans
l'étendue de leur cours, ne manifestent que des caractères
mixtes, résultat de la fusion de deux classes voisines. »
Il y a plus, le mémo cours d'eau, observé en différents
points de sa longueur, ne présente pas partout les mêmes
caractères et peut passer d'une classe à l'autre selon les cas
et les parties de son cours que l'on considère.
A ces quatre classes nous ajouterons le ravin, qui n'est
14 LES TORRENTS.
qu'un diminutif du lorront et fonctionne d'une manière
identique; à l'état isolé, il représente le plus souvent le début
d'un torrent; à l'état d'affluent, le ravin devient l'auxiliaire
de l'agrandissement du torrent. Dans ce dernier cas, on dis-
tingue les ravins en principaux, secondaires, tertiaires, etc.,
suivant le rang qu'ils occupent dans la ramification des
affluents d'un torrent donné.
Gela posé, nous dirons d'un torrent (pi'il est en activité i?i\\i
qu'il fonctionnera conformément à la détinition qui précède,
c'est-à-dire tant (pi'il affouillera à son amont et déposera à
son aval, tant, en un mot, qu'il charriera des matériaux de
toutes sortes.
Nous appellerons éteint un torrent qui, après une période
d'activité plus ou moins longue, se trouve, par suite de cir-
constances spéciales, ne plus charrier de matériaux, avoir
des crues plus longues, moins subites, dès lors moins volu-
mineuses, et passer ainsi à l'étal de ruisseau après avoir
abandonné ses caractères torrentiels.
Enfin nous entendrons par correction d'un torrent ou d'un
ravin l'opération qui a pour but : 1° de donner par des tra-
vaux spéciaux au lit et aux berges une stabilité telle que l'un
soit mis à l'abri des afTouillements, et les autres en état de
recevoir et conserver la végétation forestière; 2" de diminuer
nu (riirrèt(M', suivant le cas, le charroi de matériaux i)rove-
nant de sources étrangères à raffouillemcut.
(( Il ressort de la définition même des torrents (|ue, si Ion
observe attentivement leur rouis, depuis leur source lu plus
élevée justprà leur débouché dans les grantles vallées, on y
doit distinguer trois régions (jui sont d'ailleurs nettement ca-
ractérisées par leur forme, j)ar leur j)osilion et par les effets
constants que les eaux exercent sur chacune d'elles :
« D'abord une région dans la((uolle les eaux s'amassent et
a/fouillent le terrain, i'^lli' forme un bassin caché dans la mon-
tagne à la naissance du torrent.
« Puis une autre région dans hupielje les eaux déposent les
DESCRIPTION ET FORMATION. lo
matières provenant de raffouillcment. Elle forme un lar;^e lit
situé dans les vallées.
« Enfin, entre ces deux régions, une troisième où se fait
le passage de raffouillement à rcxhaussement. On conçoit en
effet que, si le torrent passe d'une action à une action direc-
tement contraire, il doit exister une limite oîi finit la pre-
mière et où la seconde commence. Cette limite, qu'il est tou-
jours possible de déterminer, comprend une région plus ou
moins étendue, où les eaux coulent sans affouiller leur canal
et sans l'exhausser '. »
M. Surell caractérise de la manière suivante ces trois ré-
gions : {de Gayffie?', PI. ;2, 3, i, i-i, 45, -47.)
1* Le bassin de réception, « ayant généralement la forme
d'un vaste entonnoir diversement accidenté et aboutissant à
un goulot placé dans le fond. )>
2» Le canal d'écoulement, « région placée au-dessous du
bassin de réception et à la suite du goulot , dans laquelle il
n'y a plus d'affouillement et pas encore de dépôt. Cette ré-
gion est la moins bien caractérisée et presque toujours la
moins étendue. »
3° Le lu de déjection, « région où se déposent, d'après des
lois régulières, les matériaux, et qui présente la forme appa-
rente d'un monticule très aplati, placé à la sortie de la gorge
et accolé à la montagne comme un contrefort. »
Tout le monde est d'accord sur ce qu'on doit entendre par
lit de déjection, qu'on a généralement appelé cône, ainsi
qu'on le verra plus loin. Le canal d'écoulement se comprend
mieux qu'il ne se définit; dans certains torrents, il est parfai-
tement visible et reconnaissable, mais bien rarement il répond
à la stabilité qui fait la base de la définition de M. Surell; de
là cette réserve que c'est la région la moins bien caracté-
risée.
Nous préférons de beaucoup la désignation de gorge, adop-
1. — Surell, chap. m, p. 13. (2c édition.)
16 LES TORRENTS.
téo par M. Costa do Bastclica et dont M. Suroll se sort dans la
(léliiiilion du lit do dcjoction.
La (jorge existe dans tous les torrents : à l'état rudimcntairo
clioz les uns, elle prend de grands développements chez les
autres ; elle est facilement rcconnaissable et représente le canal
qui se trouve entre le goulot et le point où cessent les berges.
11 en résulte que les dépôts peuvent non seulement remon-
ter dans la gorge, mais même la recouvrir sur toute sa lon-
gueur, parfois de plusieurs kilomètres, jusqu'au goulot, au
])i('(l dos escarpements; dans ce cas très commun, ainsi que
dans bien d'autres, le canal d'écoulement de M. Surell n'existe
pas, et cependant la gorge se maintient, avec un profil en
long variablo, toujours contenue dans ses berges et parfaite-
ment distincte, au moins par la forme, du cône de déjection.
Classification des Torrents. — M. Suroll a proposé pour les
différents genres de torrents une classification basée sur la
position que leurs bassins de réception occupent dans les
montagnes, et les a répartis en trois genres :
Le premier comprend ceux qui partent d'un col et coulent
dans une véritable vallée; [de Gayffiei-, PL 4i.)
1^0 douxiômo, ceux (jui descendent d'un faîte on suivant la
ligno de plus grande pente ; [de Gayffier, PL i, 45, 46, 47.)
Le troisième enfin, ceux dont la source est au-dessous du
faîte et sur les flancs mêmes de la montagne, {da Gaijffier,
PL 3, 4, 8.)
Cette classification ne laisse pas de présenter dans l'appli-
cation de très nombrousos difficultés, et ne fixe pas suffisam-
ment sur le caractèio ou rimi)orlance du torrent.
M. Costa de Bastclica ', abandonnant cette classificaliuii,
partage les torronis on doux gonros :
1° Les torronis simples, coux qui no compn>nni'iil <|u"une
gorge à laquelle aboutissont dos ravins on pins ou moins
1. —Les Torrents, leurs lois, leurs eaux et leurs effets, p. 74. (1874.)
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IS LES TORRENTS.
^l'iind noiiil)r(^: i»rfs((uo tons los (onoiils du dfuxir'mo i^onre
do.M.SiiivUsoiil des I orronl s simples. (c/f 6V//////('r, IM. '■2,Vôà il.)
;2° Les torronls r<))ii/)osés, ceux (jui soid pourvus t\o doux ou
plusifMU's gorges dout l'une est la priuci[)iile; cliiupie gorge
secondaire pouvant être considérée comme un toiicul simple
distinct, le torrent composé est donc celui (jui est l'uruK' par
idusieurs torrents simides se réunissant dans une même gorge.
La plupart des torrents du premier genre de M. Surell sont
des torrents composés, {de Gai/f/ier, IM. ii.)
Tout en adoptant de préférence ces deux dénominations,
nous y ajouterons la cninbe, (jui se pr(''seute sous la forme d'une
large échancruro entamant la base ou le flanc d'un versant,
profondément rong(''e par une multitude de petits ravins qui
se réuniss-ent presque au même point, sont toujours ù sec et
ne reçoivent en temps de pluie que l'eau qui tombe sur leur
cbamp d'érosion ; dans la combe, la gorge n'existe qu'à l'état
rudimentaire. (^/'3 Gayffîer, PI. 3, o, 12 à li.)
Ces classitications, (pii ont pour but de fixer par une simple
désignation limportance d'un t(jrr(Mit donné, sont loin d'at-
teindre le résultat clierch('>. Tel torrent simple peut être bien
l)lus dangereux que tel autre torrent qui sera composé, et
d'autre part, il arrive souvent qu'une combe peut présenter
des dangers bien autrement sérieux qu'un torrent des deux
autres genres adoptés. D'où il suit que cette classification
peut ne procurer à l'esprit d'autre idée que celle de la forme
qu'alfecte tel torrent doimé.
La figure l donne la vue d'ensemble du torrent du Bourget
(Basses-Alpes'i, qui appartient au deuxième genre (Surell) et
forme un torrent composé (Costa) avec complication de citmbes.
Les figures 2 et lî représentent des exemi)les en plans des
trois genres de torrent : le torrent shniih', le torrent rompusé
et la combe.
Action des Torrents dans l'étendue de leur Cours. — Huel (pie
Soit le genre aufinrl ils appartiennent, les torrents fonrtii.>n-
DESCRIPTION ET FORMATION.
1^
nont tous (lo la mèiiie manièro, ainsi ([u'il résulte do leur dé-
finition mrnie.
Afin do passer complètement on revue la série des phéno-
Fig. 2. — Plan du périmètrk de Saint-Pons (Vallée de Barcelonnette).
(de Gayffier PI. 4 J.)
Equidistance des courbes : 40 mètres. — Les parties rayées indiquent le périmètre.
Torrents composés j [^ ^^ttï""'"".''.' s" ^ -'^ ' ^"'-"'
Torrents simples | v^.inf.'ij
Combes
la Bérardo.. .
ons. . .
Bouzoume ....
Saint-Bernard.
I .,.
mènes qui se produisent dans les diverses phases de l'activité
des torrents, considérons, pour bien fixer les idées, le torrent
le plus simple et observons les dilTércnts états sous lesquels
il se présente successivement. Cette analyse nous sera d'au-
20
LES TORRENTS.
tant plus facile que les exemples ne font pas défaut et four-
Fig. 3. — COMDR DE L'Il.LCnXBKN (VaLAIS).
Équidistance des courbes : 35 mètres.
nisscnt los diverses conditions des différents âges que nous
avons à considérer.
DESCRIPTION ET FORMATION. 21
Chaque année, soit au printemps, à la suite d'une fonte
subite de neige, soit on été, à la suite d'un violent orage, on
peut constater, sur certains versants rapides, la brusque ap-
parition d'un ravin que la topographie des lieux ne pouvait
faire présager. Ce ravin présente dans la partie inférieure
l'aspect d'un grand sillon qui aurait été ouvert bien droit sur
la ligne de plus grande pente par une charrue colossale à
double versoir.
A droite et à gauche du sillon on trouve en effet une sorte
de digue composée de matériaux de toutes sortes, le plus sou-
vent très régulière et surmontant de toute sa hauteur le terrain
naturel. A la base du sillon se trouve un amas de matériaux
provenant de l'amont et étalé en un lit de déjection présentant
une forme d'éventail symétrique par rapport à l'axe.
Soit donc {fig. 4) BG le profil en long du versant, RB celui de
la vallée et RR celui de la rivière ; si l'on relève le profd en
long de ce sillon et du lit de déjection, on obtient une courbe
concave vers le ciel ed représentant le profil de la partie affouil-
lée et une courbe convexe ea représentant le profil des dépôts.
Si, pendant un certain temps, aucune fonte extraordinaire
de neige ou aucun orage violent ne projette subitement une
grande masse d'eau dans la brèche ainsi formée sur le ver-
sant; si, dès lors, cette brèche n'a eu à subir que le simple ef-
fet des eaux ordinaires, les nouveaux profils en long que l'on
trouvera seront figurés par deux courbes telles que ED et AE,
toutes deux concaves vers le ciel et représentant, la première
le profil des dépôts, la seconde le profil des affouillements.
Qu'après une période de calme survienne un nouvel événe-
ment météorologique extraordinaire, il se produira à l'amont
du point D un nouvel afîouillement qui aura pour conséquence
un nouveau dépôt, et le profil en long du torrent se trouvera
représenté par la courbe convexe a'é et la courbe concave e'd\
après quoi, les conditions météorologiques redevenant nor-
males pendant plusieurs années, le profil se modifiera de nou-
veau suivant les deux courbes concaves A'E' et E'D'.
LKS TORRKNTS.
Si le sol compris entro les points B et G se trouve encore af-
fouillable, les mêmes alternatives survenant à nouveau, le tor-
rent présentera successivement \t' inolil a'e'd" , composé de
<i"e" , courbe convexe, e"d", courbe concave, bientôt suivi par
le profil A"E"D", composé de deux courbes concaves.
Ainsi donc, tandis que la courbe qui représente les aflbuil-
lements demeure constamment concave, la courbe des dépôts
passe alternativement de l'état convexe à l'état concave ; mais
elle n'est convexe qu'au lendemain de grands événements mé-
téorologiques tandis que dans les conditions de calme elle
passe et demeure à la forme concave.
Cette concavité, qui devient ainsi le signe d'une sorte de ré-
l^ularité dans le travail du torrent, résulte de ce qu'en hydrau-
lique on nomme le triage des malérlaux .
Dans le cas d'une crue ordinaire, les matériaux entraînés
marchent indépendants les uns des autres et s'arrêtent suc-
cessivement aussitôt que leur résistance devient supérieure à
la force d'entraînement; les plus gros blocs s'arrêtent les pre-
miers, puis les galets, les graviers, enfin les sables plus ou
moins terreux, ce qui détermine la concavité de la courbe'.
De ce qui précède il résulte évidemment que si un jour la
courbe du lit de déjection vient à se présenter sous la forme
convexe, on peut être certain que la loi du triage des maté-
1. — La vitesse d'une j)ieiTe sera d";uit;iiit plus ^'rande que la pierre est
plus petite. Toiites les pierres sont donc eutraiuées avec des vitesses iné-
gales. Le graiu de saliie fuira avec une grande vitesse, le gravier le suivra
<le près, mais plus lentement, le galet plus lentement encore, et ainsi de
suite jusqu'aux i)lus grosses pierres qui roideraieut i)éuililement.
Le résultat de cette action est une séparation des matériaux d'après leiu*
grosseur, (f'osta de Hastelica, Les Torrents et leurs lois, p. 25. (1874.)
Toutes les matières entraînées se classent d'après leur poids et leur vo-
lume. Toutes les jiierres d'une même résistance et ayant par conséquent
une même vitesse, limite d'entraînement, tendront donc à former uni' iiente
correspondante à cette vitesse limitée. Le dépôt de toutes les matières
tendra à son tour à former une série de pentes, celles-ci allant en croissant
vers l'amont.
Ces pentes iront en croissant de j)lus en plus vers l'amont, par la raison
<jue si les dimensions des pierres suivent un*' lui arithmétique, leur résistance
Figures 1 et U).
rrulil en long et l'iaii d'un Torrent iJé?
\A I \ f
r^i vu
^fiip^SP^i^
. ^*iffl:^p.\î*î?^'?^:^
rf A.
^^-fM
24 LES TORRENTS.
riaux a été suspendue. Si l'on examine alors attentivement le
lit de déjection, au lieu de renconiror les grosses pierres ex-
chisivcnKMit ù l'iimonl, et au sfinuiu'l du lil, ou en trouve au
contraire en grandes quantités à son extrémité aval, en mé-
lange avec des matériaux de tout(>s dimensions. Le dépôt pré-
sente alors une apparence de désordre cliaoti(|U(' (pii provient
de ce que rentraînoment des matériaux s'est opéré; j)ar trans-
port en masse donnant lieu à des laces. On appelle ainsi le cou-
rant qui se produit à la suite de certaines grandes crues, sous
forme de boues plus ou moins épaisses dans lesquelles la quan-
tité des matériaux entraînés dépasse de beaucoup le volume de
l'eau, d'où il résulte que tous les matériaux, se touchant pres-
([ue, perdent leur indépendance commune. Mais, au bout d'un
certain parcours, les plus grosses pierres, en vertu de la vitesse
acquise, tendent à dépasser les plus petites. Au moment où
le courant débouche dans la plaine, sur des pentes relative-
ment très douces, l'effet du ralentissement se produit de l'aval
vers l'amont, les grosses pierres qui sont alors en avant s'ar-
rêtent d'abord, puis à leur amont les galets, les graviers et
enfin les plus petits matériaux; la courbe du lit ainsi formée
devient dès lors convexe.
On conçoit aisément que la courbe convexe ao ne {)eut durer
longtemps; aussitôt en effet que cesse le transport en masse,
la loi du triage reprend le dessus et la courbe AE prend la place
de ae;\ii section /leV] se trouve remblayée, tandis qu'un allouil-
lement se produit de Avers A. Il est évident que les mêmes
effets se présenteront après chacune des grandes laves qui
pourront arriver ù la suite de nouveaux transports en masse.
Ce que nous venons d'indiquer pour la courbe af s'applique
donc égalcmi'iit à ne', a'e", etc.
suit une loi géométrique qui est celle du carré i\o la vitesse. Dès lors les
pentes croîtront de plus en plus rapidement.
Si l'on suppose que les matériaux passent d'une manière continue par
tous les degrés de grandeur, le profil en long du dépôt |)rendra une cour-
hure dont la concavité sera tournée vers le ciel en se relevant de plus ea
plus vers l'amont. (Même ouvrage, p. 40.)
DESCRIPTION ET FORMATION. 25
Cependant le lit de déjection ne peut s'exhausser indéfini-
ment, ot l'on doit admettre que son profil finira par prendre
une ponfo telle qu'en un point quelconciue il descende autant
de matériaux vers l'aval qu'il en arrive de l'amont : ce sera
le rolil qin .M. Breton a nommé profil de compensation, et
M. Surell la pente-limite. On conçoit facilement que ce profil
une fois atteint ne pourra se maintenir qu'autant que le tor-
rent ne cessera pas de charrier en un temps donné une quan-
tité égale de matériaux identiques. La stabilité de ce profil de
compensation est donc précaire et varie avec la quantité et
les dimensions des matériaux charriés. D'où il résulte que, si
par une cause quelconque le torrent venait à ne plus donner
que de l'eau claire, le lit de déjection subirait à son tour une
série d'affouillements analogues à ceux opérés dans la monta-
gne ; le profil en long du nouveau lit irait en s'abaissant de
plus en plus jusqu'à ce que la résistance des matériaux les
plus mobiles fît exactement équilibre à la puissance d'entraî-
nement, auquel cas l'eau n'entraînerait plus aucune pierre.
Ce dernier profil, M. Breton l'a nommé profl d'équilibre, et
nous conserverons précieusement cette dénomination.
Admettons, par hypothèse, qu'à partir de D" le terrain af-
fouillable fasse place à une roche très dure, dont la coupe
soit en D"K; supposons en outre que le profil A"E" soit le
profil de compensation. Dans ces conditions, la propagation
de l'affouillement vers l'amont va s'arrêter nécessairement;
le profil E"D" ira se redressant de plus en plus jusqu'à se con-
fondre avec la ligne rocheuse D"K, de sorte que le profil de
compensation deviendra A"E"'. Arrivé là, la quantité des ma-
tériaux charriés venant à diminuer, les eaux deviendront de
plus en plus atfouillantes, et le profil de compensation s'abais-
sera peu à peu en prenant successivement les positions A"N.M,
A"N'.M', A"N"M", jusqu'à ce qu'il atteigne A"N"'M"' représentant
par exemple le profil d'équilibre convenant à la nature des
matériaux du lit. Le profil définitif ainsi obtenu se composera
d'une courbe allant s'aplatissant de plus en plus vers l'aval et
26 LES TORRENTS.
se redrossant do jjIus on plus vors l'amont. ToUo est la coiirlx-
finalo de tout toirt'nl ([ui, livré à lui-même, viendrait à ne
plus donner que de l'eau claire.
Après avoir ainsi passé en revue les diverses modifications
que peut subir le profil on lono- d'un torrent, examinons ce
([ui se passe dans les protils en travers.
Aussitôt après le j)remier allduilienienl ed (ip<'r(''. le prolil
on travers dans la partie; supérieure de cette courbe donne
une section prcsijue lrianj;idaire ahc {fîg. 5). Mais, dans la
partie inférieure de la courbe, la section {fig. 6) présente sur
ses deux bords un dépôt cbaotique de matériaux de toutes
dimensions disposés sous forme de talus dd' parfois très réjiu-
liers. Enfin le protil on travers du lit do déjection i)ris suivant
les lignes XY {fi(j. 10) et ZZ' (////. i) donne pour le (l(''p(")t ac une
courbe présentant vors son sommet une convexité très pro-
noncée, et vers ses deux extrémités au contraire une certaine
concavité. Au sommet mémo on remarcjue une hiiiic di-pres-
sion indiquant le passage des eaux i)rincipalos, bordé do clia-
que côté, comme en amont du point e, par une sorte do digue
ayant l'aspect de fortes bavures {fiy. 11). Lorsque le courant
de matières a débouché en B sur la plaine, n'étant plus res-
serré entre les berges et trouvant un fort changement de ponte,
il s'est aplati et épanoui en un vaste éventail, le raient isso-
meiit se faisant de plus en plus sentir à mesure (jnc TiUoigne-
monl du point B devenait plus grand. .Mais en nuMiie temps,
en vertu de la vitesse ac((uise. il s'est maintenu, dans la direc-
tion générale du torrent, un courant piinciiial suivi de i)réfé-
rence parles plus grosses pierres. Toutes celles (pii venaient à
gêner le courant ont été rojetées par lui sur les Ixu'ds, en
mélange avec dos matériaux de toutes sortes: en nu lue temi)s
se produisaient à gauche et à droite des épanchenirnis dn conrs
princii)al ; mais dès ce moment rc^^ d(''rivalions ('taient sous-
tiaites aux effets du transport en masse. La loi du triage avait
(ion<: i-epris le dessus et classe- 1rs niati'riaux d'aprr^ Icni' vo-
lume res|)i'clil', ce (jiii a donne'' naissance à la de'pression cou-
DESCRIPTION ET FORMATION.
27
cave qui torminc la courbo convoxe du profil on travers.
Les profils en travers {fiy. 1, 8 et 9) indiquent les divers
états du torrent aux différentes époques que nous avons con-
sidérées dans l'examen du profil en long:. Après le premier
grand affouillement ed, le profil K est formé par les deux li-
gnes a'/»' et b'c'. Le chenal ainsi défini est vide alors, mais tend
à se remplir peu à peu, et (juand le profil en long, se creu-
sant de plus en i)lus vers l'amont, a att<'iiit l-VD', le \)\-oW\ en
r
Fig. 5 Fig. 6 Fig. 7 Fig. 8
Profils en travers successifs du Torrent.
Fig. 9
travers E se remblaye dans la section jusqu'en f(j et devient
hfgi par suite do l'exhaussement du dépôt, qui remonte ainsi
dans le lit du torrent. En même temps en E' {fig. 8) le profit
en travers devient a"b"c', formant un chenal vide. Le torrcnit
s'est donc fortement
creusé et a produit —''"-
ainsi des berges de
plus en plus hautes.
Ce nouveau chenal,
comme le premier,
tend à se remplir peu à peu, et quand le })rofll en long arrive
à E"D" ifig. -i), le profil en travers devient mkln (fig. 8); le dé-
l)ôt a remonté jusqu'à E" {fg. i),o\x le profil entravers indique
{fig. 9) un creusement du lit de plus en plus formidable ;
quant au profil hfgi [fig. 7), il disparaît enfoui sous les déjec-
tions et devient k'I' (fig. 7). Ces exhaussements se produisent
simultanément sur le lit de déjection, dont les profils en .xjj
deviennent successivement o;j(7/>o,r/y^ 'y 'y>'o', et <>"i>"f/'p"o"{fig.\ 1).
Fiï. 11.
Coupe en travers du Cône de déjections.
28 LES TORRENTS.
Kn niômo tomps quo les dépôts remontent dans le canal
d'écoulement, le sommet du cône s'élève graduellement et
I)asse successivement de F en F' et en F", de sorte que les ber-
ges situées de F en F' et de F' en F" finissent par disparaître
sous le développement du cône [rie Gayffin-, PL ii).
Généralement les choses ;sont loin de se passer aussi régu-
lièrement que nous venons de l'indiquer. Les eaux des diffé-
rentes crues divaguent sur le lit de déjection ; tantôt elles dé-
posent sur une partie seulement de la surface, et après l'avoir
exhaussée elles vont produire le même effet sur le reste ; mais,
dans tous leurs divers mouvements, elles ne cessent de fonc-
tionner comme nous l'avons exposé. Il est évident que la pente
'générale d'un lit de déjection varie avec la nature des matériaux
qui composent la masse de ces déjections; plus ces matériaux
seront volumineux, plus la pente du lit sera relevée.
On a donné, et l'usage l'a adopté, au grand éventail qui
forme ainsi le lit de déjection, le nom de cône, bien que, d'a-
près ce qui précède, ce dépôt ne présente pas en réalité une
surface conique. Mais si, négligeant pour un moment la cir-
constance de la courbure du profil en long, on admet qu'elle
se change en une ligne droite, le cône de déjection, au moins
dans la majeure i)artie de la durée de son accroissement, ne
pourra être considéré comme une partie d'un cône régulier
à base circulaire, présentant sur toute sa surface des arêtes
d'égale longueur et dès lors de même pente. D'après ce que
nous avons exposé des effets du transport en masse combinés
avec ceux du triage, le cône de déjection doit, au contraire,
dans les premières années de sa formation, donner en plan la
figure d'une i)arti(; d'ellipse dunt le cours générateur est le
grand axe ' (/le Gaijffier, IM. 2, i, ii à M.)
Il en résulte {fî(j. 10) que la ligne FP est plus courte que la
ligne FA et que la pente FP est plus raidc que la pente FA.
Dès lors, pour peu que dans son cours le torrent trouve en F
1- — Viollet-le-Duc, Le Massif du mont Blanc, p. 186.
DESCRIPTION ET FORxMATION. 29
le moindre obstacle, il tendra à quitter le lit FA pour couler
plus rapidement sur la pente FP, sur laquelle il opérera le
même travail que sur FA en prolongeant le cône, et par suite
en l'exhaussant dans cette partie ; comme il n'y a aucune rai-
son qui s'oppose à ce que le courant se transporte do la même
manière à toutes les positions ([ue peut i)rendro la lii^no FP
sur la surface primitivement ellipsoïdale, en lonrnaiit sur F
comme pivot, les différentes lignes FP tendront à prendre
toutes une même longueur, égale à AF; par suite, la base du
cône abandonnera peu à peu la forme elliptique pour devenir
circulaire. Si les circonstances s'y prêtent, le cône, en se pro-
longeant vers l'aval, refoulera la rivière en R'R' vers la rive
opposée, et changera même son cours tant que cette rive
pourra être affouillée, et que les matériaux du cône ne pour-
ront être entraînés par le courant [de Gayffîer, PL ii.)
Mais, si la rive opposée est inalTouillable, le cône ne pourra
se prolonger dans la direction perpendiculaire à la rivière,
tandis que rien ne l'empêchera de s'épanouir dans la plaine
suivant les autres directions; cette ligne perpendiculaire de-
viendra donc la direction de la plus grande pente et du plus
court charroi, et formera l'arête principale du cône.
Les crues moyennes l'affouilleront fortement en raison de
sa pente plus grande, le courant s'y encaissera de plus en
plus et, le profd de compensation venant h. s'y établir, le reste
du cône pourra être mis à l'abri de tout dépôt nouveau de
matériaux, à la condition toutefois que la rivière entraîne
tous les matériaux amenés dans son lit.
On rencontre dans les Alpes françaises un certain nombre
de torrents qui se sont ainsi encaissés d'eux-mêmes dans leurs
anciennes déjections; mais le plus bel exemple que nous puis-
sions citer nous est fourni par le grand torrent d'Illgraben
[fig. 3), canton du Valais , dont le cône de déjection dans la
vallée du Rhône est l'un des plus vastes parmi ceux apparte-
nant à des torrents actuellement en activité.
Nous avons dit que le dépôt que l'on est convenu d'appeler
30 LKS TORRENTS.
cône do déjocfion no pouvait être représenté par une portion
do la liguro géométrique de ce nom, La description le plus
heureusement trouvée nous paraît être celle que, dans son
Etude sur les toi'vents (p. 99), M. Costa de Hastelica donne dans
les termes suivants : « Si l'on veut se faire une idée géométri-
que exacte d'un cône de déjection, on n'a qu'i\ imaginer une
surface engeudri'O par un arc bandé glissant sur l'arête cen-
trale comme directrice et se débandant i)rogressivement. »
Il est évident (pu> la pente générale d'un cône varie avec la
nature des matériaux (pii composent la masse des déjections;
plus ces matériaux seront volumineux, plus le cône sera
relevé.
Les formes générales des cônes de déjection sont suscepti-
bles de certaines variations qui dépendont surtout dos travaux
que la main des hommes a pu y exécuter, })ondant et après
leur formation; c'est ainsi que dans It^s Alp(^s françaises, no-
tamment dans les vallées de la Durance et de ses ariluents, on
rencontre une myriade de petits cônes dont la forme est de-
venue pyramidale, ou même prismatique. Cet cflet est dû à
l'encaissement qu'on a imposé et maintenu au torrent sur
son cône au moyen de digues quelconques entretenues, ex-
haussées ou renouvelées d'année en année jusqu'au jour où
le profil en long de cet encaissement a pu arriver à la pente-
limilc.
Aussi dans ces vallées voit-on les moindres ravins donner
naissance à ces sortes de grandes levées, siu' l'arête des-
quelles coulent les eaux pluviales, à une hauteur souvent si
considérable au-dessus des cultures, que les routes ou les voies
ferrées sont obligées de les traverser au moyen de petits
tunnels.
Tels sont les différents phénomènes qui se produisent dans
le fonctionnement du torrent simple, pris pour exemple, pen-
dant les difléii'iitf's piiascs de son activité.
Si, au lien d'inlmi'ltn' qu'en D" st; trouvi; um; n^cln! dure et
indestructible, nous supposons ([u'en C se trouve la ligne de
PESCRIPTION ET FORMATION. 31
faîlo (|ui (l<tinino le vorsant H ([uo jns({no-là lo sol soit, affoiiil-
lable. nous aurons lo lorront du douxirnio i;o!iro do M. Siircll ;
si nous niaintonoMs qu"<'n D" so trouM' un banc do roche in-
destructiblo, mais supportant à son amont un sol afi'ouilla])h',
il se passera de D" en G ce que nous avons indique do 13 en D",
les mêmes lois présideront à l'affouillement, dont les produits
iront iirossir le côno situé dans la plaine et le [)i(»lil du torrent
dessinera une cascade.
Il en sera de même i)our un torrent compose; des phéno-
mènes idenli([ues se produiront dans chacune de ses Ijraiiches
pour aboutir à la constitution d'inicùne do déjection à la base
de la gorge principale.
L'affouillement dans le bassin de réception, tout en étant
la source de production la plus générale et la i)lus puissante
des matériaux, n'est pas la cause unique qui alimente indifie-
remment tous les torrents. Dans les hautes montagnes, les
glaciers sont continués à leur aval i)ar des torrents aux({uels
ils fournissent les matériaux de toutes sortes qu'ils ont arra-
chés aux versants ou recueillis de leur décomposition.
Mais en dehors encore de la région des glaciers, bon nom-
bre de torrents sont sujets à recevoir vers leur naissance une
quantité plus ou moins importante de matériaux dont la pro-
duction est étrangère à leurs affouillements ; cette circonstance
se manifeste dans tous les torrents dont les bassins de récep-
tion sont dominés ou surmontés par des assises plus ou moins
puissantes de rochers situés à des altitudes supérieures à
celle de la végétation, et sur lesquels dès lors les influences
atmosphériques opèrent avec une intensité que rien ne vient
contrarier. Au pied de ces rochers on rencontre souvent
d'énormes amas de pierres de toutes dimensions provenant
de la décomposition de la roche par les gelées et déposées
soit par suite d'éboulis directs, soit par les avalanches du
printemps.
Ces matériaux ainsi accumulés oflrent des aspects variés;
tantôt ils forment sur les versants de grandes nappes nivelant
32 LES TORRKNTS.
les petites dépressions du sol, tantôt ils recouvrent toutes les
parois d'un circjuc et pi-ésentcnt la l'orme d'un vaste entonnoir,
taiilùt onliu ils an'octont la l'orme ré^uliùro d'un cùne de dé-
jection, soit qu'ils proviennent d'éhoulis i)assant par un
couloir, soit qu'ils aient été entraînés i)ar les avalanches du
printemps. La disposition des matériaux dans toutes ces accu-
mulations est toujours inverse à la loi du triaj^e des matériaux
charriés par les eaux ; les plus gros sont à la base des cônes
ou des amas, tandis que les plus petits en occupent le sommet ;
ces immenses champs de pierres, connus dans les Alpes sous
le nom de Clappes ou de Casses, renferment souvent des ma-
tières terreuses enfouies dans les interstices de pierres ù des
profondeurs variables {de Gaijfficr, PI. 1, 9, 10, 11, 15, 35, 3ti).
On conçoit qu'il doit arriver un moment où les amas ne
peuvent plus s'exhausser et parviennent comme les cônes de
déjection des vallées à leur pente-limite, de sorte que la source
de production ne tarissant pas, les matériaux sont envoyés
dans les régions inférieures, où ils viennent apporter aux tor-
rents un surcroît de charroi parfois très important.
Trlles sont les considérations aux(iu('lles nous avons dû
borner les généralités sur les torrents et pour le développe-
ment desquelles nous renvoyons aux ouvrages précédemment
indiqués.
Il en résulte que les torrents peuvent se répartir en deux
classes d'après les conditions de l'origine des déjections qu'ils
charrient :
La première classe comprendra les torrents dont les déjec-
tions sont uniquement le produit de l'affouillcment des eaux
dans le versant des montagnes : nous les dénonmierons
torrents à a/fouillemenls.
La deuxièunj renferme :
1° Les torrents qui prennent dans raffouillement une par-
tie seulement des matériaux et reroivent le reste ijar le sim-
ple effet de la pesanteur qui précipite dans leur lit les débris
de la désagrégation des rochers supérieurs;
DESCIlirTION ET FORMATION. 33
"2° Les torrents qui sont alimentés par les glaciers.
Nous nommerons les premiers torrcnls à casses et les se-
conds torrents glaciaires.
Dans les parties moyennes ou inférieures de leur cours, ces
torrents se comportent évidemment comme ceux à afrouille-
ment et n'en difiëront que par leur régime dans la région
supérieure. On conçoit à priori ([ue si l'on peut se donner
pour but l'extinction complète des torrents à atrouillcments,
l'on se trouve dans l'obligation de se contenter de la simple
correction pour les torrents de la deuxième classe.
L'étude du travail qui s'opère dans le soin de la montagne
pendant la période d'activité de ces torrents aura ])our consé-
quence la discussion et le choix des moyens les plus ration-
nels en même temps que les plus efticaces à employer pour
arriver économiquement à la complète extinction des uns et
à la simple correction des autres.
Pour le moment, nous ne nous occuperons dans ce qui va
suivre que des torrents de la première classe , nous réservant
de signaler en temps opportun les diflerences que pourra
présenter le traitement des autres.
LES TORRENTS.
CHAPIÏRK 11
TRAVAIL DES TORRENTS DANS LE SEIN DE LA MONTAGNE
Effets produits par. les eaux. — Descriiitioa du torrent pris pour exem-
])le. — Effets d'uu ornge dans le bassin de réception. — Formation îles
laves. — p]boulements. — Glissements. — Foute des neiges. — Puissance
DE l'affouillement. — Effets de la végétation sur le sol.
Effets produits par les Eaux. — Afin do bien étudier le
travnil qu'oix'-n! dans le sein de la montagne un torrent en
aciivilé, i)renons pour exemple un des types qu'on rencontre
le plus souvent dans les Alpes et indi(iuons d'abord les di-
verses conditions où il se trouve :
Son bassin no renformo aucune végétation forestière, sur
birii (les [joints niùmc l'iicibo fait défaut et 1<> sol est absolu-
ment nu.
Les pentes, partout très fortes, deviennent à certains en-
droits excessives et atteignent jusqu'à 120 pour 100, notam-
ment dans les berges dmit la liantcur dépasse souvent
100 mètres.
Le proill en long du torrent présente une sorte de coin'be
très concave vers \r. ciel, relativement aplatie à son aval,
mais de plus en plus redressée vers l'amont, oITrant des
pentes passant successivement de 6 à 50 centimètres par
mètre.
Le terrain appartient aux étages secondaire et tertiaire; à
la ])ase et jusrpi'au milieu de la montagne s'étendent des
TRAVAIL DANS LA MONTAGNK.
marnes oxfordionncs qui supportont, soit le grès du flysli,
soit dos terrains nummulitiques. Tantôt le sol est formé des
débris des rochers supérieurs accumulés au pied des escarpe-
ments en grandes masses très épaisses, renfermant dans leur
sein des blocs de toutes dimensions en mélange avec les ma-
tières terreuses; tantôt la roche apparaît absolument nuo et
livrée à toutes les influences atmosphériques; tantôt enfin,
la roche supporte une couche plus ou moins épaisse de terre
végétale.
Les altitudes extrêmes sont par exemple à la base du cône
de déjection de 1,100 mètres et au sommet de la montagne,
à Torigine du torrent, de 3,000 mètres.
Le bassin de réception présente une superficie do 5 à 600 hec-
tares au plus, on forme do cirque, ou mieux, de vaste en-
tonnoir, sillonné par une multitude de ravins de tous ordres
aboutissant à la gorge principale à peu de distance les uns
des autres.
Ces conditions, qui sont celles de la plupart des torrents
alpestres , étant admises par hypothèse , examinons ce qui va
se passer au moment et à la suite immédiate d'un violent
orage, venant à éclater dans le bassin de réception :
La pluie commence à tomber avec une intensité telle que
souvent, en moins de vingt minutes, les pluviomètres indi-
quent une lame de 5 à 6 centimètres d'épaisseur. Los eaux,
que rien n'arrête sur ces vastes versants à pentes excessives,
se réunissent dans la moindre dépression et entraînent les
éléments terreux servant d'appui aux pierres petites ou
grosses qui, perdant leur assiette antérieure, descendent
vers le milieu de chaque petite dépression, (r/e Gayffîpj', PI. 5,
6 et 7.) Arrive la grêle, bien plus redoutable encore; car,
aux résultats de l'entraînement produit parles eaux, viennent
s'ajouter les effets mécaniques de la chute de la grêle elle-
même, effets qui, dans certains terrains, sont terribles; elle
opère un déchaussement soudain à l'entour des matériaux
rocheux, qui, perdant simultanément leur assiette, se précipi-
36 LES TORRENTS.
font presque inslanlanément dnnslo Ihahvogdo chafiuo ravin.
Cos oirpts de la grêle très caractérises sont les plus justement
redoutes par les riverains des torrents, admis de longue date
à observer leur puissance destructive.
Ces matériaux une fois en mouvement, poussés par les
eaux, se précipitent au fond des ravins où la masse li(juide
n'a i)as tardé à acquérir une puissance considérable, roulent
pêle-mêle avec elle, et bien souvent la i)récèdent en vertu de
leur vitesse acquise. Leur frottemoni, sur les berges d'abord,
dans le fond du lliahvog ensuite, facilite singulièrement l'en-
traînement des matériaux partout où le lit en est recouvert
d'une couche plus ou moins épaisse. Si au contraire le fond
du lit est composé de roches tendres telles que les marnes du
lias, il se creuse profondément sous l'influence du labour
énergique produit par l'entraînement des matériaux en mé-
lange avec l'eau. De sorte qu'en très peu d'instants fous les
ravins, fonctionnant de la même manière et au même moment,
précipitent brusquement dans la gorge une véritable avalan-
che liquide dont la puissance destructive est en fonction de
la largeur du lit, de la pente du profil en long et de la régula-
rité ainsi que de la solidité des berges. Le moindre obstacle
que rencontre la masse liquide la détourne de l'axe du thal-
weg et la précipite sur une berge dont le pied, rapidement
miné, ne farde pas à disparaître en provoquant réltonlcmrnt
des terrains supérieurs. Ces effets destructifs se répètent suc-
cessivement et provo(pient ainsi une série d'ébiuilemcnts
dont les masses, s'ajoutant aux niasses descendant di- raniont,
forment ces grandes débâcles si justement dénommées laves^
Ces éboulements partiels dans les berges ne sont pas les
seuls effets (pie produise l'allouillemenf dans le lit des tor-
rents. Il arrive souvent (pi'au-dessus des berges vives se ma-
nifestent des glissements de pans de montagne occuf)anf dos
surfaces parfois très vastes, tantôt sur une seule rive du tor-
l. — Voir la note A sur la marche des laves, page iOi.
TRAVAIL DANS LA MONTAGNE. 37
ronl, laiilùt sur s(>s deux rives, lanlùt mémo dans ioxû l'cii-
somblo (lu bassin do r6('oi)(ion sur los rivos do plusif^urs
grandos branches, si le torrent est composé.
Dune part, l'afTouillemcMil du lil , dans h^ sens du profil on
long, tend à augmenter la baulcur des berges précisément
dans les parties où le fond du lit est le plus susceptible d'être
creusé.
D'aulre part, l'afTouillement du pied des berges, dans le
sens du profil en travers, dû à l'irrégularité du cours et à la
violence des crues, préparant d'abord et provoquant ensuite
réboulement, à un moment donné, d'une portion des berges,
détermine un élargissement momentané du profil en travers.
Mais, dès ({ue cette portion do berge, cjui servait d'appui
à la tranche de terrain reposant sur le plan de glissement, a
été enlevée, les terrains perméables ne tardent pas à entrer
en mouvement sous l'influence des eaux surabondantes qui
s'écoulent souterrainement sur le plan de glissement formé
de roches ou de terrains imperméables. Le mouvement s'ar-
rête lorsque la tranche glissante est venue s'appuyer sur le
fond du lit, voire même contre la berge opposée; le profil
redevient alors resserré, il se maintient ainsi jusqu'à ce qu'une
nouvelle crue vienne le rélargir à nouveau et permettre le
retour du mouvement de glissement et ainsi de suite. De là
ces séries de gradins échelonnés qu'on rencontre toujours
dans ces sortes de terrains en suivant un })rùfil en travers
donné, [de Gayffiei^, PL 17.)
Ce rapide exposé des phénomènes qui se manifestent dans
le bassin do réception d'un torrent au moment d'un violent
orage s'applique également, et en tous points, aux ellofs pro-
duits par une fonte subite de neige sous l'influence d'un coup
de vent très chaud.
Puissance de rAffouillement. — L'observation et l'analyse de
ces i)hénoniènes amènent à cette conclusion que leur cause
unique se résume dans raffouillement, dont la puissance dé-
38 LES TORRENTS.
pend dos conditions que présente un lieu donné aux divers
points de vue de son climat spécial, de sa situation topogra-
phique, de la nature géologique du terrain ainsi que de l'état
de la superficie, et dont le résultat est une instabilité perma-
nente du sol, tantôt simplement à la surface, tantôt jusqu'à de
très grandes profondeurs.
Le problème de rexlinclion d'un torrent consiste donc a
supprimer l'affouilkment en combattant les éléments do puis-
sance qu'il reçoit des conditions spéciales du lieu et parmi
lesquelles un petit nombre seulement est susceptible de modi-
fications.
On ne peut songer, en effet, à apporter le moindre change-
ment aux conditions de la nature géologique du terrain. Il en
est de môme i)our le climat en général, et tout au jibis esl-il
possible d'espérer parfois (piolques modifications au climat
local. Restent donc les conditions que présentent la topogra-
phie et l'état de la superficie du sol.
C'est donc exclusivement dans ces deux conditions que l'on
doit chercher les éléments du combat et la certitude de la
victoire.
Pour cela il l'aul protéger le sol contre Vo[\o[ ni(''cani(iu('
des grosses pluies et des grêles, diviser à sa surface les eaux
l)luviales, en retenir une bonne partie, ralentir récoulement
du reste, retardiT leur agLiloniération dans les ravins i>l empê-
cher leur rassemblement simultané dans la gorge principale.
D'a]jrês ce (pie nous avons dit des causes de l'érosion su-
perficielle, il est évident (|ue 1 nnicpie moyen de la supprimer
consiste à recouvrir le sol d'niie cuirasse protectrice (pToii ne
peut trouver que dans la production d'une végétât i(»n, soit
herbacée, soit ligneuse, qui, par son couvert, i»rotégera le
sol contre l'effet inécaiii(|ue dr la plnii^ on de la grêle, par ses
feuilles, ses racines et son humus retiendra une partie des
eaux ou la fera i)én(''trer en terre, et qui enlin, par les innom-
I)rables obstacles l'uinnis |i;ir .^es tiges, divisera et lalentira
l'écoulement du reste des eaux et retardera leur concentration.
TRAVAIL DANS LA MONTAGNE. 39
D'où il résulto qwo plus afl'ouillablo sera lo terrain tant par
sa nature minéraloyiqne que jiar la raideur do sa pente, plus
il faudra chercher à procurer de puissance ù la couverture de
végétation.
Mais pour introduire et surtout maintenir la végétation,
soit herbacée, soit ligneuse, adoptée suivant les cas, il est in-
dispensable que le sol présente une stabilité suffisante, qu'on
ne trouvera dans le bassin de réception tout au plus que dans
les Intervalles que les ravins laissent entre eux sur les ver-
sants.
Presque toujours, dans le reste , on rencontrera une insta-
bilité telle, qu'avant de songer à y introduire d'emblée une
végétation qui ne saurait s'y maintenir, on sera obligé de
procurer la fixité nécessaire au sol, par une série de travaux
préparatoires ; d'autre part, dans bien des cas, pour combat-
tre efficacement l'affouillement dans le lit du torrent et de
ses affluents, il faudra chercher à diminuer les pentes sou-
vent excessives de leurs profils, et modifier ainsi les condi-
tions topographiques du lieu.
De là, déjà, deux grands ordres do travaux : d'une i)art,
ceux qui ont pour objectif immédiat la création de la végéta-
tion protectrice dans les parties relativement stables du bas-
sin de réception et, d'autre part, ceux qui ont pour but la
correction préalable du torrent et des ravins, entraînant la
fixation définitive du sol et par suite la possibilité d'y intro-
duire ultérieurement la végétation.
L'exécution des travaux correspondant à ces doux ordres
d'idées entraînera l'obligation d'établir, on outre, un certain
nombre d'ouvrages soit provisoires, soit permanents, tels que
chemins, baraquements, barrières de protection, etc., etc.
Mais avant d'entreprendre tous ces travaux, il faudra en
étudier le projet, qui comprendra l'établissement de la zone
de défense appelée à limiter le champ des opérations, la des-
cription des diverses natures de travaux et le devis des dépen-
ses; puis, cela fait, obtenir la déclaration d'utilité publique.
40 LES TORRENTS.
Opérations successives à exécuter en vue de l'Extinction d'un
Torrent. — Un peut donc rûsumer ainsi qn'ilsuil les dilîrronles
opérations ipi'il sera nécessaire d'exécuter pour arriver à
l'extinction d'un torrent dans le cas de travaux obligatoires :
1" Le tracé de la zone de défense que, par métonymie, on
est convenu de désigner sous le nom do périmètre, et l'étude
des projets ;
2° Les travaux de correction;
3° Les travaux de reboisement ou de gazonnement, suivant
le cas;
■i" Les travaux divers, préparatoires aux travaux qui pré-
cèdent.
Ces quatre genres de travaux demandant de grands dévelop-
pements, nous allons d'abord étudier chacun d'eux spéciale-
ment et, cela fait, nous pourrons plus clairement et plus faci-
lement discuter l'ordre clironologi(iue de leur exécution et
résunior la si-rio dos opérations et des mesures qu'elb; en-
traîne.
LIVRE DEUXIÈME
ETUDES ET OPERATIONS PREPARATOIRES
CHAPITRE III
CONSTITUTION DES PÉRIMÈTRES
Tracé de la zone de défense. — Nécessité d'iiue zone continue. — Pro-
priétés appartenant aux particuliers. — Acquisitions. — Acquisitions
amiaViles. - Expropriations.
Tracé de la Zone de Défense. — Il est impossible de mieux
définir le tracé du périmètre ({ue ne l'a fait M. Surell ' dans les
prescriptions qui suivent :
« On commencerait par tracer sur Tune et l'autre desdeu\
rives du torrent une ligne continue qui suivrait toutes les in
flexions de son cours, depuis son origine la plus élevée jus-
qu'à la sortie de sa gorge. La bande comprise entre chacune
de ces lignes et le sommet des berges formerait ce que j'ap-
pellerai une zone de défense. Les zones des deux rives se re-
joindraient dans le haut en suivant le contour du bassin et
borderaient ainsi le torrent Jans toute son étendue, de même
qu'une ceinture. Leur largeur, variable avec les i)entes et
avec la consistance du terrain, serait d'environ iO mètres
dans le bas, mais elle croîtrait rapidement à mesure que la
1. — Surell, Étude sw- les torrents des Hautes- Alpes, chap. xxxn, p. 202.
i2 ÉTUDES ET OPERATIONS PREP ARATO IRES.
zone s'élèverait dans la montagne et cllo finirait par embras-
ser des espaces de 400 à 500 mètres.
« Ce tracé s'appliquerait non seulement à la hranclio ))rin-
cipale du torrent, mais encore aux divers torrents secondaires
qui s'y déversent. Il s'applicpierait encore aux ravins que
reçoit chacun des torrents secondaires et, j)Oursuivant ainsi
une branche ai)rès l'autre, il ne s'arrêterait (|u'à la naissance
(lu dernier filet d'eau.
(( De cette manière, le torrent se trouvera ainsi enveloppé
jusque dans ses plus petites ramifications. Gomme les zones
de défense, en pénétrant dans le bassin de réception, s'élar-
gissent beaucoup; comme, d'un autre côté, les ramifications
sont dans cette i)artie plus multipliées et plus rapprochées,
il arrivera que les zones voisines se toucheront, se superpo-
seront même, et qu'elles se confondront dans une zone géné-
rale qui couvrira toute cette partie de la montagne, sans y
laisser de place vide. »
Il est évident qui; les chiffres indiqués pour les largeurs de
la zone sont susceptibles de très grandes variations suivant
les cas; il peut arriver que, dans la section inférieure du tor-
rent, certaines berges ou i>arties de berges soient en bon état,
voire môme boisées, ce qui tendrait à réduire à zéro la lar-
geur de la zone sur ces points; mais dans ce cas il est néces-
saire de la maintenir, sauf à lui donner des diuKMisions res-
treintes. Quel (pie soit en effet l'étal de la berge, il importe de
s'assurer la faculté de posséder le lit (pii, d'après la h'gisla-
tion française, ai)|>artient i)ar nmitii'' aux riverains, (h-, préci-
sément i)ar ce motif que les berges sont (>n bon elat. on
pourra se trouver dans l'obligation de les choisir pour y ap-
jiuyer les ouvrages nécessaires à la consolidation do^ ])erges
instables situées à l'amont ; d'autfe part, il sera Idiiiuins in-
dispensable de se procurer un accès facile et assun'" sur loute
la liuigneur des rives du torrent et d'établir dans ce but une
série de sentiers et parfois de chemins; ces diverses condi-
tions imposent donc l'obligation de maintenir à l'elat continu
CONSTITUTION DES PERIMETRES. 43
la ceinturo formée par la ligne périmétralo aiilour du torront
ot (le SCS ramifications, sauf à diminuer au besoin sa largeur
dans certains cas donnés. La ligure 2 donne l'exemple d'un
périmètre compliqué.
Les études entrei)rises ayant pour objet la création de pé-
rimètres destinés à corriger le régime des rivières torren-
tielles par l'extinction des torrents qui s'y déversent doivent
nécessairement être poursuivies au moins commune par com-
mune. Il importe on effet que la part à faire au reboisement
pour cause d'utilité publique soit immédiatement déterminée
de manière à })ermettre à la commune ou aux i)articuliers,
soit d'aménager les pâturages qui restent à leur disj)osition,
soit de prendre à l'égard de l'industrie pastorale locale telle
mesure qui serait jugée utile.
En procédant ainsi de proche en proche, il arrivera fréquem-
ment que les périmètres créés dans deux ou plusieurs com-
munes voisines se souderont entre eux par certains côtés '.
Il conviendra de rechercher ce résultat autant que possible
afin de permettre entre deux périmètres voisins une facile
communication qui peut exercer dans l'exécution des travaux
et dans leur avenir une salutaire influence au point de vue
de l'économie de la dépense, des travaux, de la garde et
même de l'exploitation dans l'avenir. Il arrive fréquemment
que le territoire d'une même commune renferme plusieurs
torrents voisins, mais indépendants les uns des autres; la plu-
part du temps les zones de défense de chacun d'eux se join-
dront vers le haut pour laisser entre elles les hameaux, les
cultures et les pâturages en bon état, qui formeront ainsi des
sortes de demi-enclaves.
Dans les pays de montagnes, les grandes agglomérations
sont presque toujours remplacées par une série de petits ha-
meaux entourés de cultures qui souvent se trouveront entiè-
1 . — La figure 2 donne l'exemple d'un périmètre renfermant plusieurs tor-
rents, étudié sur la surlace d'une commune entière et soudé par le haut
avec des périmètres établis dans des communes voisines.
4i ETUDES ET OPERATIONS PREPARATOIRES.
rement onclavéos dans le périmètre. Dans ce cas il convien-
dra de prévoir un nombre suffisant de passages libres pour la
circulation des troupeaux, afin de n'apporter que le moins de
gône possible aux habitants de ces hameaux.
Enfin il se rencontrera parfois rpielques petites propriétés
de particuliers en assez bon état pour ne pas paraître déprime
abord devoir être coUoquées dans les périmètres. Il sera bon
cependant do les y comprendre, soit pour faciliter l'établisse-
ment de la viabilité future dans le périmètre, soit pour per-
mettre à l'Etat de les acquérir et de procurer ainsi au pro-
priétaire la légitime indemnité à laquelle, en droit, il ne peut
prétendre, mais que justifie souvent la dépréciation parfois
considérable qu'amènera la soumission au régime forestier
des terrains eiilourani do foules paris ses propriétés.
Dans les pays de montagnes les i)ropriétés communales sont
généralement très étendues, aussi composent-elles le plus sou-
vi'nl la presque totalité des terrains compris dans les pi'rimè-
trcs; les propriétés appartenant aux i)articuliers n'y entrent
([ue pour une faible partie et on les rencontre surtout dans
les régions moyennes et inférieures, notamment le long des
gorges des torrents principaux et autour des combes, occu-
pant ainsi un assez long dévelop})ement mais une très mince
largeiH' et bordant généralement des champs, (h^s pn''s el des
pàlnrrs. Hjpu (pi'elles ne |)Ossèd('id par elle-mèmes ([u'une
valeur g('Mi(''raliMnent très minime, leurs propriétaires s'oppo-
sent g(''n(''ralr'nieiit à leur collocation dans les pi'-rimèlres,
parce (pTils reduiilenl le voisinage iuinKMJial du n'giiue fores-
tier i)Our les troupeaux ((uils mènent dans les cluunps.
Aussi convieiit-il, dans le cas où le périmètre borde des
cultures, de prévoir dans le projet rétablissement de bar-
rières, de haies vives, etc., destinées à garantir les berges de
l'incursion des animaux.
Étude du Projet. — Les diflércntcs questions que soulève la
rédaction des pièces formant l'ensemble du projet ont trail
CONSTITUTION DES PERIMETRES.
à la slatistiquo générale, à la dcscripUoii du périmètre pro-
posé et à l'exposé de la nature ainsi que de la dépense des
travaux à exécuter.
Il est souvent très difllcile d'obtenir des municipalités tous
les renseignements statistiques, mais on les trouve toujours,
soit dans les archives de la préfecture, soit dans les bureaux
de la direction des contributions directes.
(Juant à l'indication des différents travaux à exécuter ainsi
qu'à l'estimation de la dépense (ju'ils entraîneront, tous les
éléments utiles se trouveront dans ceux des chapitres sui-
vants qui renferment l'étude des travaux de toutes sortes
(pi'on peut être appelé à exécuter.
Déclaration d'"[Jtilité publique. — Le projet, une fois a\)-
prouvé par l'Administration, est soumis aux enc[nètos prévues
par la loi en vue de la déclaration d'utilité i)ublique. Los
agents forestiers n'ont à intervenir dans toute la série de ces
formalités que comme membres de la conmiission spéciale
appelée à donner son avis sur l'enquête ouverte dans les com-
munes intéressées.
Ils peuvent, en outre, être invités, soit par le conseil d'ar-
rondissement, soit par le conseil général, à fournir à ces as-
semblées les renseignements jugés nécessaires au moment où
elles examinent les pièces du projet sur l'utilité })ubli{iuc du-
quel elles sont appelées à donner leur avis.
L'enquête une fois terminée, le dossier est transmis au Con-
seil d'État, qui provoque le décret déclaratif d'utilité pu-
blique.
Acquisitions. — L'acquisition amiable présente de grands
avantages; elle permet à l'État d'entrer promptement en pos-
session du terrain que réclame l'utilité publique; elle dispense
l'Administration des longues et minutieuses formalités qu'im-
pose l'expropriation, n'excite dans les localités où elle s'opère
ni émotion ni regrets et maintient une juste pondération en-
Ki ÉTUDES ET OPERATIONS PREPARATOIRES.
tro les intérêts des propriétaires qui vendent et ceux de l'État
qui achète.
Dans le cas où le vendeur est une commune, les actes sont
généralement passés en la forme administrative par-devant le
préfet du déparlement ou son délégué et en présence du di-
recteur dos domaines et du conservateur des forêts ou de leurs
délég)u''s.
Le mémo mode })eut être employé également pour les ac-
quisitions de propriétés particulières, mais nous n'hésitons
pas à donner la préférence aux actes notariés, surtout dans le
cas où de nombreux propriétaires sont en présence et où les
questions d'établissement de la propriété demandent des re-
cherches parfois très minutieuses qui ressortent beaucoup
plus de la compétence dos notaires que de celle des agents
du domaine.
L'acquisition amia])le doit toujours être la règle et ce n'est
qu'ai)rès avoir éi)uisé tous les moyens de conciliation qu'il
convient de recourir à l'expropriation.
Toutes les formalités relatives à l'expropriation pour cause
d'utilité publique sont contenues dans la loi du 3 mai 1841,
dont l'application aux travaux de reboisement est autorisée
parla loi.
LIVRE TROISIÈME
TRAVAUX DE CORRECTION
CHAPITRE lY
CORRECTION DES TORRENTS A AFFOUILLEMEXTS
BfT BES TRAVAUX. — Double affouillement. — Affouilleraent longitudinal.
— Aflbuilleraent latéral. — Murs de chute ou barrages. — Disposition
des barrages. — Correction des ravins. — Barrages vivants. — Bar-
rages vivants de premier et de deuxième ordre. — Clayonnages ou iasci-
nages superposés. — Marnes du lias à strates dures.
But des Travaux. — Tout ce qui va suivre concerne les tor-
rents de la première classe à affomllements; nous exposerons
ensuite les travaux que peuvent réclamer en outre ceux de
l'autre classe.
Des considérations générales que nous avons présentées sur
les torrents il résulte qu'on peut distinguer deux sortes d'af-
fouillcments : l'affouillement que nous appellerons longitudi-
nal, qui se manifeste dans le sens du profil en long, et
l'affouillement laté^'al, qui se produit dans le sens du profil
en travers.
La puissance de l'affouillement longitudinal est en fonction
de la pente et de la solidité du lit en même temps que de
la masse d'eau qui s'y précipite à un moment donné. Pour la
48 TRAVAUX DE CORRECTION.
conihatlro, il l'aul donc diininucr la ponlo, consolider lo nou-
veau lit ainsi i'ornié, oX réduire considérablement la masse
des eaux.
Ce dernier résultat étant surtout l'un des buts atteints par
le reboisement, les deux autres restant à obtenir incombent
aux travaux de correction.
L'affouillemcnt latéral, étant produit par les divagations de
la crue ({ui va miner le pied des berges, ne peut être arrêté
que par la diminution do la crue combinée avec un (''largisse-
ment et un encaissement du lit qui permettent de mrlti-o les
berges à l'abri de toute attaque.
Il en résulte que les travaux de correction doivent avoir le
triple but de diminuer la pente du prolil en long, de consoli-
der le nouveau lit, et d'élargir sa section dans toutes les par-
ties du torrent susceptibles d'être affouillées.
Dans la jjlnijart des cas, en effet, lo cours tout entier du
torrent no se présente pas dans dos conditions identiques au
point de vue de railVjuillemont. Sur certaines jjarties de ce
cours, le torrent peut couler sur un tond de roche très dure
et avoir lo pied de ses berges formé de la même roche dure
jusqu'au-dessus du niveau de ses plus hautes crues. Dans ces
sections, ils est é'vidonl (pio tout travail de correction devient
superflu ; d'une part, en effet, l'affouillement longitudinal ne
peut s'y produire et d'autre part les berges, n'ayant rien à
redouler de ralfouillement latéral, no sont jjIus exposées ({u'à
la simple ('rosion de la suit'ace par les eaux dorage ou la
fonlo dos neiges, érosion que lo reboisement intégral do la
surface suffit à combattre efficacement.
Ce n'est donc (juc dans les sections où un torrent présenle
soit un lit susceptible de creusement rapide, soit des berges
affûuillables et partant instables, soit les deux cas ensemble,
que s'impose la nécessité de travaux de correction.
Considérons, dans un torrent donné, une section répondant
à ces conditions redoutables, et admettons même qu'au-
dessus des berges se produisent des glissements de pans de
TORRENTS A AFFOU ILLKMENTS. 49
montajïnc, le tout avec les pentes excessives que présentent
généralement les profils en long dans de semblables cir-
constances.
Nous aurons là évidemment le type le plus complet des
parties de torrent qu'on puisse avoir à traiter.
Si maintenant nous supposons qu'un colossal et solide
pavage en grosses pierres résistantes puisse économiquement
recouvrir le fond du lit ainsi que le pied des berges, à une
hauteur supérieure à celle des })lus hautes crues, nous retom-
bons immédiatement dans le cas de la première hypothèse du
torrent roulant sur un fond et entre des berges en rocher
dur, et, à la condition que ce pavage demeure inébranlable^
nous pourrons admettre que la stabilité des berges est assurée
et que les glissements cesseront de se produire.
Si donc cet immense pavage était possible et surtout éco-
nomiquement praticable, tout danger d'affouillement serait
conjuré. Mais on ne peut songer à la réalisation d'un pareil
travail, qui entraînerait des dépenses hors de proportion avec
le but à atteindre et ne pourrait même, dans bien des cas,
être exécuté faute de matériaux.
Murs de Chute ou Barrages. — La construction des murs de
chute ou barrages combinés avec une série d'autres travaux
complémentaires permet heureusement do surmonter cette
difficulté et d'arriver au même résultat par dos moyens plus
économiques, plus praticables et plus sûrs.
Supposons en effet que dans la section à traiter on ait dis-
posé un certain nombre de barrages successifs, tel qu'entre
deux quelconques d'entre eux, la ligne qui joint le pied du
supérieur au couronnement de l'inférieur détermine la pente
d'équilih?'e.
Il est évident que les matériaux charriés par le torrent vien-
dront s'arrêter à l'amont de ces barrages pour y former une
série d'atterrissements inafîouillables, puisque leur pente ne
dépassera pas la pente d'équilibre. Si en outre nous admet-
Sn TRAVAUX DE CORRECTION.
tons que la hauteur donnée à ces barrages soit suffisante
pour que les attcrrissements aient donné au lit une section
assez élargie pour permettre de forcer les eaux à suivre le
uiilitMi du thalweg et leur interdire toute attaque contre les
berges, le problème sera évidemment résolu, car la pente du
priilil en long aura été diminuée au degré voulu et le nouveau
lit sera iuadouillable, ainsi que le pied des berges.
.Mais avec un pareil système on arrive encore à des impo.s-
sibilités, résultant de la dépense excessive entraînée par le
nombre trop considérable d'ouvrages à construire.
La hauteur cumulée des barrages au-dessus de l'ancien lit
(non compris les fondations) arriverait en effet à être sensi-
blement égale à la différence de niveau qui existe entre les
deux i^oints extrêmes de la section à traiter, car la pente
d'équilibre, très faible par elle-même, multipliée par la
distance horizontale de ces deux points, ne donnerait (pi'unc
fjuantili'' bien minime à retrancher de leur différence de
niveau.
D'autre part, les peutes sont presque toujours très fortes,
de sorte (jue, la distance entre deux barrages consécutifs
construits dans ces conditions devenant forcément très faible,
ces ouvrages risqueraient d'être pour ainsi dire entassés les
uns sur les autres.
On est donc, obligé de renoncer à obtenir ainsi, directement
et d'embli'c, par l'emploi des barrages, une série d'attcrrisse-
nients doid les pentes ne dépassent pas la pente d'équilibre,
à cause de la faiblesse de son ordonnée.
Aussi bien, sur les attcrrissements ou dépôts produits par
un torrent livré à lui-même, le profd d'équilibre ne s'établit
pas immédiatemeiM. il est précédé par le prtijil de compensa-
tion qui fournit l'ordonnée constante la plus forte tant (pie le
torrent charrie des matériaux, car les prolils plus (■•l('\('s qui
peuvent se manifeslcr à nu moment donm- ne ])r(''sentent
aucune stabilité et no lardent |)as à redescendre au prolil de
compensation.
TORRENTS A AFFOU ILLEMENTS. 51
Gela posé, si l'on considère que dans un torrent quelcon-
que l'ordonnée du protil de compensation est toujours très
supérieure à celle du profil d'équilibre, on est amené à substi-
lucr le premier nu second dans le profil des alferrissements
demandés aux barrages.
L'écart entre ces deux ordonnées est évidemment variable,
puisque cliacune d'elles déi)end de la nature et de la dimen-
sion des matériaux charriés et déposés; mais il est toujours
très considérable, car le plus souvent l'ordonnée du profil de
compensation se trouve être au moins décuple de l'autre.
Dans ces conditions, l'on conçoit que si l'on dispose dans
la section donnée du torrent un certain nombre de barrages
tels que l'atterrissement provoqué par un barrage inférieur
présente la pente de comi)ensalion et atteigne à son amont le
pied du barrage supérieur, le nombre dos ouvrages, à hau-
teur égale poui; chacun d'eux, sera considérablement dimi-
nué.
Supposons, en effet, pour fixer les idées, que la section à
traiter ait iOO mètres de longueur horizontale et une pente
de 25 p. 0/0; admettons que les barrages auront tous -4 mètres
de hauteur au-dessus du lit; enfin, adoptons pour la pente
du profd d'équilibre 1 centimètre par mètre et pour celle du
profil de compensation 10 centimètres par mètre :
Dans le cas des atterrissements avec la pente d'équilibre
de 1 centimètre par mètre, la hauteur cumulée des barrages
sera égale à 100 mètres (différence de niveau des points ex-
trêmes de la section) moins 4 mètres (hauteur correspondante
à la pente de 1 centimètre sur iOO mètres de longueur), soit
à 96 mètres.
Dans le second cas, au contraire, la hauteur cumulée des
barrages sera égale à 100 mètres moins 40 mètres (hauteur
correspondante à la perte de 10 centimètres sur 400 mètres),
soit 60 mètres.
La différence de ces deux hauteurs sera donc de 36 mètres,
et au lieu de vingt-quatre barrages de 4 mètres (ju'il aurait
TRAVAUX DE CORRECTION.
fallu dans lo premier cas, il suffira d'en construire quinze,
soil une économie de neuf de ces ouvrages.
Mais cette économie n'est pas le seul avantage obtenu, car
à moins do pentes excessives il devient possible de donner,
entre les barrages, un espacement suffisant pour ne plus cou-
rir le risque de les entasser les uns sur les autres. Enfin, le
nombre des ouvrages étant considérablement diminué, on a
moins à redouter que les matériaux nécessaires à leur con-
struction viennent à faire défaut.
De ce qui précède il résulte évidemment que la hauteur
des barrages devra être combinée avec leur emplacement
d'après les conditions du profil en long et des profils en
travers.
Construits dans des dimensions convenables, ils devront
[)résenter chacun une masse isolée suffisante pour tenir tète à
la violence des premières crues dont ils auront à supporter
l'effet. Leur couronnement, construit en courbe concave vers
le ciel et muni de chaque côté d'ailes relevées, assurera leur
conservation en les empêchant d'être tournés par les eaux et
uflrira précisément la section conslant(> ({n'aurait eue lo grand
l)avage idéal auquel nous avons dû renoncer.
On obtiendra ainsi des atterrissements successifs formés
par les dépôts des crues et déteriniiianl une série de paliers à
large section et à pentes plus ou moins fortes, selon la nature
et les dimensions des matériaux déposés.
Atterrissements. — Selon la nature et la grosseur des ma-
tériaux déposés, les atterrissements prennent à l'amont des
barrages des jjentes variables atteignant jiiscpi'ù 15 et 20
pour 100 et même plus dans le cas de gros blocs.
Tl est constant aussi (pie ces atterrissements se j)roduisent
toujours sous la forme de cônes de dt'jections, c'est-à-dire avec
un i)rofil en travers présentant une courbe convexe vers le
ciel; {de Gayffier, PI. Si, 27 et 28.) de sorte (pie déjù, si l'on
n'y prenait garde et si on les abandonnait à eux-mêmes, les
TORRENTS A AFFOU ILLEMENTS. 53
altorrissouionts pourraicnl dovciiir un dan^or on pornioUanl
aux eaux de divaguer et d'aller se butler alternativement sur
les deux berges, dont la stabilité pourrait de nouveau être
compromise.
.Mais il y a i)lus, on ne peut admettre qu'au bout d'un temps
donné le torrent, dont la correction a été entreprise, conti-
nuera à apporter des dépôts sur les atterrissemcnts. On doit
au contraire com})t('r ({u'il arrivera, plus ou moins prompte-
ment, un moment oi^i les travaux de reboisement et autres
auront assez fixé le sol pour qu'il no vienne plus que de l'eau.
C'est alors que, si l'on n'y avait pas pris garde, on risquerait
de compromettre en majeure partie l'effet attendu des barra-
ges. Il arriverait infailliblement que les pentes de 10 pour 100,
15 pour 100, etc., obtenues suivant les cas dans les atterrisso-
ments, tendraient à disparaître, la loi d'écoulement dos eaux
reprendrait le dessus et il se manifesterait dans le profil on
long de chaque palier un redressement violent vers son amont
et un aplatissement vers l'aval, ayant pour résultat, au pied
du barrage supérieur, un creusement du lit à une profondeur
presque égale à la différence de niveau de ce pied avec le
couronnement du barrage inférieur; car les eaux tendraient à
prendre la pente d'équilibre analogue à celle des rivières, pré-
sentant à peine quelques millimètres par mètre.
Ce que nous avançons ici n'est nullement de la spéculation
théorique, nous avons pu l'observer surabondamment dans de
nombreux torrents traités récemment.
Or, ce creusement une fois fait, le lit ne demeurerait pas
fixe, et il se produirait infailliblement dans ses berges et dans
le sens du profd en travers une série d'affouillements succes-
sifs qui finiraient par opérer sur toute la surface de l'atterris-
sement une sorte de nivellement général qui le réduirait à la
presque horizontalité, auquel cas le système des barrages
construits deviendrait insuffisant et imposerait la nécessité de
nouveaux travaux.
Si donc on veut que le rôle des barrages primordiaux se
34 TRAVAUX DE CORRECTION.
porprlno, il faut maint fnir invarial)lo la pento générale ou
moyonnc du profil en long des altorrisscments qu'ils ont pro-
voqués et combattre la forme conique de ces dépôts en forçant
les eaux à suivre un cours régulier dans la direction qu'on
préfère donner au thalweg définitif.
Ce double résultat pourrait être intégralement obtenu en
établissant sur chaque palier un solide pavage suivant la pente
de l'atterrissement et ayant une section transversale sembla-
ble à celle du couronnement des barrages. Mais ce genre d'ou-
vrage, qui peut être utilement exécuté dans certaines condi-
tions exceptionnellement favorables, ne serait généralement
pas économique, car la plupart du temps on ne trouverait pas
sur place la masse des matériaux nécessaires. Il y a donc lieu
de recourir à des travaux d'un autre ordre.
Clayonnages longitudinaux et transversaux. — Suppos(jns
en effet : 1° qu'à gauche et à droite de l'atterrissement d'un
barrage donné, on construise symétriquement, par rapport au
milieu du couronnement et parallèlement à l'axe qu'on s'est
fixé pour le futur thalweg, un fort clayonnage longitudinal;
2* qu'en même temps on établisse en travers du nouveau lit,
ainsi tracé, une série de clayonnages également distants entre
eux, dont les arêtes, au milieu, passent i)ar la ligne de pente
de l'atterrissement et dont la hauteur soit pres({ue égale à
l'ordonnée de la pente corresjjondant à leur écartement mu-
fuel; admettons de plus que le couronnement de ces clayon-
nages transversaux représente une courbe semblable à celle
du couronnement du barrage, et que l'écartement constant
des doux clayonnages longitudinaux ait été combiné avec leur
hauteur de façon à donner au-dessus d'un clayonnage trans-
versal quelconque une section suffisante pour le débouché des
eaux, c'est-à-dire presqtie égale à celle offerte par le couron-
nement du barrage, et examinons ce qui va se passer.
Les eaux claires, c'est-à-dire débarrassées de matériaux,
ayant uno grande puissance d'affouillement, ne tarderont pas
TORRENTS A AFFOUILLEMENTS.
à dégarnir l'aval do chaque clayonnage transversal et à dis-
poser les matériaux suivant la pente d'équilibre dont nous
avons parlé, do sorte (jue le prolil en long du chenal déter-
miné par les deux clayonnages longitudinaux, au lieu de
donner comme auparavant une ligne régulière inclinée au
10 pour 100 par exemi)le, présentera une série de lignes of-
frant, dans leur ensemble, l'asjject dun escalier dont les
marches, légèrement inclinées vers l'aval, auraient une lar-
geur presque décuple de la hauteur de la contre-marche et
dont les arêtes détermineraient l'ancien profd à 10 pour 100.
On ne peut donner aux clayonnages transversaux, formant
ainsi les contre-marches de ces larges marches, une bien
grande hauteur, à peine d'en compromettre la solidité. Il im-
porte en effet do diminuer, autant (pie possible, les causes
d'affouillemcnt et partant la hauteur de la chute. Leur espa-
cement devra donc être calculé de façon qu'ils n'aient que
50 à 60 centimètres au plus.
Pour éviter tout affouillement à l'aval des clayonnages lon-
gitudinaux et transversaux, il suffira de garnir leur pied avec
les pierres qu'on trouvera presque toujours sur place, car il
en faudra une faible quantité.
Mais ce système de clayonnages ainsi établi ne restera pas
inerte; les nombreuses boutures qui les garnissent, bien en-
racinées, assureront leur solidité, et les arbres qu'elles pro-
duiront fourniront des myriades d'obstacles à la rapidité de
l'écoulement d'une crue exceptionnelle.
Dans les torrents, en effet, l'écoulement des eaux ordinaires
ne réclame qu'une petite section ; au milieu do chaque clayon-
nage transversal, ce sera la seule partie non garnie de végé-
tation; mais les deux côtés pourront la conserver pour peu
(|u'on l'entretienne après les premières fortes crues.
Si, pendant les premières années, on a soin de bien diriger
l'écoulement des eaux et do rejeter au pied des clayonnages
transversaux toutes les pierres mises à nu ou déplacées, on ne
tardera pas à donner une assiette définitive au lit d'écoulement .
56 TRAVAUX DE CORRECTION.
D'autre part, en arrièro de chaque clayonnage longitudinal,
on talulera les berges raides; les déblais viendront remplir
les vides qui se trouveraient derrière ces clayonnages; des
plantations serrées de gros plançons de saule et de peuplier
seront exécutées en lignes tracées à 45 degrés vers l'amont,
de façon qu'au cas d'une crue improbable qui viendrait à
dépasser ces clayonnages, les eaux soient rejetées vers le
thalweg; enfin, dans les intervalles de ces plançons seront
introduites des essences forestières à fort pivot, appelées à
l)rocurer la consolidation la plus complète de ces nouvelles
berges.
On peut remplacer les clayonnages que nous venons de dé-
crire par des seuils en pierre sèche établis dans des condi-
tions analogues.
La forme des ouvrages demeure la même et l'on n'intro-
duit qu'une substitution de matériaux.
Dans ce dernier cas môme on peut parfois supprimer la
petite digue qui remplacerait le clayonnage longitudinal : il
suffit de prolonger et d'accentuer les ailes de chacun des
seuils de façon à obliger le courant à se maintenir au milieu
du thalweg nouveau et à rcnipècher ainsi d'attaquer latérale-
ment le pied des berges.
L'emploi des clayonnages est avantageux et économique
lorsque l'on ne rencontre à pird d'dMivrc (pi'une très petite
quantité' do pierres susceptibles d (■nq)lt)i. (',e cas se pri-sente
géni'ralement dans tous les terrains marneux et surtout dans
les marnes (ixlordicnncs.
Mais il arrive paitois cpie la construction des barrages n'a
pu absoiber tous les blocs situés suit dans le lit même du
torrent, soit à proximité d*' li iir cuiplacemont, et (pi'on
trouve encore économi(juement disponible des pierres en
quantité suffisante, aiupicl cas les seuils pcuvmt être pré-
férés aux clayonnages.
On ccjnçoit du n'sic rpir ].• ciidix di-s matt'iinux d(''pend
absolument des «•ondilions du heu et peut varier dans un
TORRENTS A AFFOUILLEMENTS. 57
mémo torrent suivant la situation de chacune des parties à
traiter.
Résultat de l'Emploi des Barrages et Clayonnages. — En rc'-
sunié, parles moyens que nous venons d'indi([U('r on aura suc-
cessivement obtenu :
1° Par les barrages : de vastes atterrissemonts ayant [)r()-
duit Texhaussement du lit et l'élargissement de la section;
-2° Par les clayonnages' •: le maintien de cet exhaussement
et de cet élargissement, jusqu'à ce que la puissance de la vé-
gétation ait eu le temps de se manifester assoz vigoureuse-
ment pour assurer la durée des résultats obtenus;
3» Par les barrages : des chutes appelées à annihiler, au
pied de chaque barrage, la rapidité du cours d'eau;
i° Par les clayonnages : un frein à la vitesse que pourrait
reprendre l'écoulement sur la pente des atterrissemonts.
Par la combinaison des barrages avec les seuils (en clayon-
nages ou en pierre), on aura non seulement atteint mais dé-
passé môme le résultat qu'aurait fourni le grand pavage idéal
dont nous avons reconnu l'impraticabilité en général; car,
tout en substituant à l'ancien lit un lit non affouillable, on
aura singulièrement aidé au ralentissement du cours des
eaux par les chutes successives et par la végétation rendue
possible sur les bords mêmes du nouveau canal d'écoule-
ment.
D'autre part, la pente d'équilibre se rencontrant d'un bar-
rage à l'autre entre chacun des seuils, on aura obtenu exac-
tement le même résultat que si on l'avait recherchée directe-
ment et exclusivement avec les grands barrages; seulement
la hauteur cumulée qu'auraient fournie ces ouvrages se
retrouvera par la somme des hauteurs cumulées des barrages
à nombre réduit et des seuils. On aura ainsi réalisé une très
sérieuse économie, car d'une part on aura réduit au mini-
mum possible le nombre des grands barrages et d'autre part
la construction des seuils soit en pierre, soit en clayonnages,
58 TRAVAUX DE CORRECTION.
nr» coûtera jamais la dixième partie de la dépense des bar-
rages (lu'ils remi)lacent.
Celte base des travaux à exécuter dans les torrents à af-
l'ouillemenfs étant une fois admise, nous allons entrer dans
les développements nécessaires sur la forme et les dimen-
sions des ouvrages, ainsi que sur les diverses modifications
qu'ils peuvent subir suivant le cas. Nous indiquerons ensuite
le mode de construction qu'il y aura lieu de préférer dans les
(lillérentes circonstances qu'on poui'ra rencontrer.
Mais auparavant il nous reste à entrer dans quelques ra-
pides considérations sur la correction des ravins.
Correction des Ravins. — Ainsi ({u'il r(''sulte de leur défini-
tion môme, les ravins fonctionnent comme de petits torrents
dont ils ne sont, à vrai dire, qu'une réduction. Il n'y a dès lors
aucune raison pour ne pas les traiter comme la branche mère,
dans laquelle ils déversent leurs déjections, et les mêmes prin-
cipes doivent servir de guide au point de vue des nioditications
à apporter dans le fond de leur lit, dans son profil en long et
dans ses profils m travers.
Mais, par suite de leurs faibles dimensions relatives et de
leurs pentes presque toujours beaucoup plus relevées, il est
à présumer à priori que l'armature des grands barrages indis-
pensables à la branche mère ne sera guère ici susceptible
d'un emploi avantageux; la plupart du temps les matériaux
nécessaires à ces grands ouvrages ne s'y rencontreront pas
t'ii (pianliir's sullisanles, et, s'y trouvcraicnl-ils niènic. il y au-
rai! le i)lus souvent économie sérieuse à ne pas les utiliser
l)our des murs de chute, mais seulement jjour la consolida-
liun du iKHivcaii lit à nhlcuir par un système d'nuvrages
moins coûteux, plus faciles à établir et n'exigeant dans l'ave-
nir aucun des entreliens (pie rc'clamernnt prescpie toujours
les grands barrages construits dans le lit principal.
Ces ouvrages, que nous appellerons vivants par rapport aux
barrages on pien'e, sont exécutés avec des matt'riaux en bois
TORRENTS A AFFOUILLEMENTS.
donl \mo bonno paitio ost susceptible de végétation immé-
diate; do sorte (\nii mesure que l'ouvrage vieillit, plus il
prend de développement et plus dès lors son effet utile aug-
mente d'iuleusifé.
Ces barrages vivants sont de deux sortes : les elayonnages
et les fascinages ; en traitant plus loin de leur mode de con-
struction, nous indiquerons ce qui les difFérencie. Pour le mo-
ment, nous nous contentons de poser en principe que ces
ouvrages, à l'encontre des barrages, ne sont pas susceptibles
d'une grande bauteur et que l'expérience a démontré qu'elle
ne doit pas aller au delà de l'^joO au-dessus du lit.
Les barrages vivants se divisent en deux catégories : l'une
comprend les ba?')'oges vivants de premier oîrlre corresjjondant
aux grands barrages des torrents, l'autre les barj'ages vivants
de deuxième oindre appelés à un rôle identique à celui des
seuils.
Avant d'entreprendre la correction d'un ravin, on en lèvera,
comme dans les torrents, le plan et le profil en long, mais on
pourra se contenter d'un plus petit nombre de profils en tra-
vers par ces motifs : 1° que les ouvrages à exécuter sont très
peu coûteux et ne peuvent exiger })our cbacun d'eux un
projet spécial comme les grands barrages; 2° que les profils
en travers de ces ravins présentent généralement beaucoup
moins de différences brusques que le lit principal ; 3" qu'en-
fin il n'y a aucun intérêt à ne pas donner à tous les ouvrages
du môme ordre la même hauteur. Le profil en long est ici la
donnée la plus importante à posséder. Une fois qu'on l'aura
levé, on établira facilement l'emplacement de chacun des
barrages vivants de premier ordre de la manière suivante :
Admettons que l'on se donne pour les ouvrages de cette
sorte une hauteur constante h, au-dessus du lit.
Supposons un instant que la pente d-e la section d'un ravin
donné est uniforme et appelons-la P.
Soit p la pente du profil de compensation résultant des ob-
servations faites sur les dépôts dans le ravin dont il s'agit et
60
TRAVAUX DE CORRECTION.
admise comino ponto des atterrissements recherchés. Soit en-
fin / la distance horizontale qui devra séparer deux barrages
vivants consécutifs d'une hauteur h; pour que l'atterrissement
l)rt'nn(^ la i)('iil(^/v en recouvrant la pciilc P, nous aurons ihi-
ileuinient h = / \P — /j), d'où /= .
V—jj
En adniotlanl donc qu'un ravin AB ait une i)ente uniforme
P, on aurait innnédiatenient ainsi le nombre et l'emplacement
des barrages vivants de premier ordre, d'une hauteur con-
stante h, à y construire, en divisant la projection horizontale
AB'par/ifig. 12).
Fig. 12.
La hauteur h et la pente p étant des constantes, il en résulte
que /variera en raison inverse de P.
Mais généralement la pente d'un ravin n'est pas uniforme sur
tout son parcours; il y aura donc lieu de tenir compte des
changements indiqués par le protil en long. On obtiendra dès
lors pour / une série de dillV-rentes dimensions (ju'tui n'aura
plus (|n'à iiidiqiii'r au surveillant pour les déterminations des
emplacements des barrages vivants de premier ordre.
Ceux-ci une fois atterris, on construira à lavai de chacim
il'eux une st'iie de barrages vivants de deuxième ordre, aux-
(|uels on ne donnera guère plus de 50 centimètres de hauteur
et (pii joueront le rôle des seuils construits sur les atterrisse-
ments des grands barrages dans la branche principale du tor-
rent.
Telle est la base des travaux de correction de ravins au
moyen de clayonnages ou de fascinages de premier ordre
ayant une hauteur constante, au moins dans une section don-
née, {de Gayf/irr, PI. 1 1, tîl, 2i.)
TORRENTS A AKFOl ILLEMEX TS. Cl
Les ravins dans lesquels on viendrait à rencontrer do nom-
breuses et bonnes pierres, comme cela arrive parfois, surtout
vers les origines des torrents, seront traités de la môme ma-
nière, avec cette seule différence qu'on remplacera les clayon-
nages ou les fascinages par de petits barrages en pierre sèclie
ayant la môme hauteur au-dessus du lit et que l'on nomme
barrages rustiques.
En règle générale, comme les clayonnages ou les fascinages
exigent des matériaux qu'il faut faire monter parfois d'assez
loin, on utilisera une partie des pierres qu'on trouvera sur
place, pour en faire des barrages rustiques qui pourront se
trouver disséminés dans la série des barrages vivants; ce mé-
lange est, du reste, très avantageux à tous égards; mais on
aura toujours soin de conserver disponible une quantité de
pierres suffisante pour la confection de petits enrochements
et des pavages indispensables à l'aval des ouvrages dans les
terrains affouillables. (f/e Gayf/io-, Pi. -li et !2o.)
Les barrages vivants ou les barrages rustiques de premier
ordre une fois construits, on établira successivement sur leurs
atterrissements une série de clayonnages ou de fascinages de
deuxième ordre en forme de seuils peu élevés appelés chacun
à maintenir l'atterrissement primordial et à le relever sur
chaque palier. Si l'on veut qu'à la fin de leur construction les
parements aval des ouvrages de premier ordre se trouvent on
partie noyés dans ratterrissomontet ne présentent plus qu'une
chute d'eau égale à colles i)rovoquées par les ouvrages de
deuxième ordre, on disposera ces derniers de telle sorte que
leurs arêtes, au milieu du couronnement, atteignent toutes la
ligne droite qui joindrait le milieu du couronnement de l'ou-
vrage de premier ordre inférieur au milieu du couronnement
de l'ouvrage de premier ordre immédiatement supérieur.
Mais, en général, on peut laisser aux ouvrages toute leur
hauteur, qui, déjà faible, est encore diminuée par les enro-
chements.
Dans chaque palier, on marchera de l'aval vers l'amont en
62 TRAVAUX DE CORRECTION.
ayant soin do ne procéder à la construction de nouveaux seuils
qu'au fur et à mesure que ratterrissemcnt des précédents
sera formé et tassé ; le mieux sera de construire entre chaque
palier un seuil au printemps et un autre à l'automne, cl ainsi
de suite jusqu'à ce (|ue chacun de ces paliers soit complrte-
ment traité. (Nous décrirons jilus loin le détail de l'opéra-
tion.)
Dans des sections de ravins qui viendraient à présenter un
profd en travers très aigu, formé par des berges élevées et
très redressées, il pourra se faire que le nouveau lit obtenu
par ces ouvrages d'une aussi faible hauteur ne présente pas un
élargissement sufiisant pour permettre de mettre les berges à
l'abri de raffouillement et modifier suflisammcnl leur proiil
en travers.
Dans ces cas exceptionnels, on se trouvera dans la nc'ci^ssité
de relever de nouveau le lit, et pour cela on construira, sur le
premier système de clayonnages, une ou plusieurs séries de
mômes ouvrages, jusqu'à ce qu'on obtienne avec le nouveau
lit un profil en travers convenable, [de Gmjffiar, PI. ii, i20.)
Cette opération sera d'autant i)lus avantageuse ^\\\\'\\ môme
temps on modifiera le profil en long à l'amont de la section
dont il s'agit, à l'tMidroit môme où il s'est fortement redressé
à la suite du creusement profond ({u'il s'agit de combler.
Cette opération, dont les exenq)les sont nombreux et an-
ciens, notamment en Suisse, à Niederurnen, canton de (îlaris,
ne doit être exécutée qu'avec la certitude de pouvoir, une fois
les derniers clayonnages terminés, exécuter au milieu de l'àt-
terrisscment de chacun d'eux un petit pavage en forme de
rigole destinée à empêcher tout affouillement longitudinal.
On rencontre parfois des terrains, ai)parl(Miaiil à ci'rlaines
marnes du lias, dans lescpiels se sont fornit^'s des myriades de
petits ravins au fond desquels la roche nue apparaît comme
sur les berges mêmes. Cette roche, se délitant facilement sous
les influences atmospbériciues, ne i)eut conserver aucun de ses
détritus par suite du lavage continuel qu'opèrent les eaux plu-
TORRENTS A AFFoUI LLEMEXTS. (i:j
viales sur cos pentos qui représeutont assez bien dos toils
d'ardoises.
Dans de pareilles conditions, la correction des petits ravins
ne peut être entreprise avec la méthode que nous venons d'in-
diquer, car il faudrait beaucoup trop de temps pour obtenir
des atterrissements que fournirait exclusivement le simple
produit lin délitement de la surface. Dans ce cas, on opère de
la manière suivante :
On construit, à la partie inférieure du ravin ù traiter, un
solide clayonnage ou un barrage qui servira de base à tout le
système, puis on écrète toutes les saillies que peuvent présen-
ter les berges, de manière à fournir économiquement une
quantité de matériaux rocheux suffisants pour relever le fond
du lit de 1 à 2 mètres. Ces débris rocheux une fois dans le
thalweg, on en emploie une partie à construire des petits
seuils de 50 à 60 centimètres de hauteur, que l'on recouvre
comme leurs intervalles avec le reste des débris jusqu'à la
hauteur voulue, en ayant soin de donner au nouveau profil en
travers une légère concavité vers le ciel. Cela fait, on construit
à la surface du nouveau lit une série de seuils en fascinages
très bas appelés à le maintenir comme on ferait pour un atter-
rissement naturel; la surface, exposée seule aux influences
atmosphériques, se délite et fournit ainsi des éléments terreux
dont une partie s'insinue dans les vides des débris rocheux et
le reste demeure à la surface. Il devient dès lors possible d'y
planter des boutures et des plants feuillus ou résineux.
Les gros matériaux restant couverts, et mis ainsi à l'abri
des influences atmosphériques, demeurent à l'état rocheux,
se maintiennent en place soit par l'effet des petits seuils en-
terrés, soit par leur propre masse, et forment au fond de l'an-
cien ht une sorte de drainage qui favorise en même temps la
bonne venue des plants et le maintien du nouveau lit mis
ainsi à l'abri de tout affouillement de la part d'eaux trop vio-
lentes courant à la surface, [de Gayffier, PI. 31.)
64 TRAVAUX DE CORIIKCTION.
CHAPITRE V
EXECUTION DES TRAVAUX
Étude des projets de darrages. — Études préaLables. — Débouché sur
le couronnement. — Nombre et liauteur des barrages. — Description
des uarrac.es en maçonnerie. — Barrages en voûte. — Barrages rectili-
gnes. — Maçonnerie en pierre sèche. — Maçonnerie avec mortier de
chaux hydrauhque. — Maçonnerie mixte. — Aqueduc ou pertuis. —
Effet du mode de construction sur la nature de l'atterrissement. — Avan-
tages de la maçonnerie mixte. — Cas oii la maçonnerie avec mortier
doit être préférée. — Choix de la maçonnerie. — Discussion du choix
des types de barrages. — Barrages curvilignes en maçonnerie de pierre
sèche, eu maçonnerie mixte et en maçonnerie entièrement en mortier
(le chaux. — Barrages rectilignes. — Barrages rustiques. — Ouvrages
DIVERS en maçonnerie. — Radiei's. — Contre-barrages. — Barrages à
couronnement irrégulier. — Ferrés. — Barrages en bois et barrages
VIVANTS. — Barrages en bois — Clayonnages de premier ordre : Clayon-
nages moisés à Tamont. — Clayonnages à longrine encastrée. — Clayon-
nages de deuxième ordre. — Clayonnages de premier ordre à double
parement. •— Fascinages de premier ordre. — Fascinages de deuxième
ordre. — Fascinages dans les petits ravins. — Clayonnages longitudi-
naux et transversaux sur les atterrissements des barrages. — Travaux
complémentaires. — Talutage des berges. — Curage du lit. — Draina-
ges dans les terrains en mouvement.
Etude des Projets de Barrages. — La picniitTO opéralion
coiisi.strra dans le Icvô :
1" Du plan du lit et do ses berges immédiates dans les par-
lies (ju'une reconnaissance préalable aura indiquées comme
(levant être traitées ;
2° Du profil en long correspondant;
3" D'une série de profils en travers pris à cbaque cliange-
ment important dans les conditions des berges,
Ai)rès avoir lové la section du torrent à traiter, on rapporte
les ojiérations. On dessine le plan des alignements et la trace
É EXÉCUTÉS
^^li¥|*
î '/
y, h.
-;llu.j|^8n Rameau
.. y* •''^'âu Bourdet
/
^■« oonf de d.
■ \ ¥ f
u't-ltons f , I .
Fig. 13. — TORRENT DU BOURGET (Basses-Alpes)
PLAN iJ'IiXSEMBLlC DE LA SECTION DANS LAQUELLE DE GRANDS TRAVAUX ONT ÉTÉ EXÉCUTÉS
(Voir pages 60 et suivantes)
.^ ^jyK'llaimiu \ \
Clayonnages longitudii
Barrages rectilignes.
B ET MOYENNE DU TORRENT DU BOURGET
intes)
î que celle des Longueurs.)
Fig. M. - PROFIL EN LONG DES SECTIONS INFÉRIEURE ET MOYENNE DU TORRENT DU BOURGET
LV'chelle des Hauteurs est 3 fois plus grande r|iie celle des Longueu
EXECUTION DES TRAVAUX. 65
des profils en travers, sur liuiiiollo on indiiiiie le sommet des
berges et la largeur du lit, les numéros des profds et des som-
mets d'angle.
Ce plan fait, l'opérateur y trace ensuite les chemins, les
carrières, les différentes natures de sol, les emplacements
paraissant propices à la construction de barrages, enfin toutes
les données nécessaires pour obtenir la topographie du torrent
et guider l'agent chargé de la confection des projets.
Les figures 13 et 14 donnent l'exemple du plan et du profil
en long d'un torrent.
Ces dessins une fois terminés, on recherchera quelle est la
pente maxima qu'on doit attribuer aux atterrissements futurs.
On prendra pour base les pentes que présentent, sur le cône
du torrent dans la vallée, les déjections formées par des ma-
tériaux analogues à ceux qui sont encore charriés. On pourra
aussi lever les pentes des atterrissements qu'on rencontre
parfois dans certains paliers du lit. A défaut de ces bases, on
supputera la pente d'après la nature et la grosseur des maté-
riaux charriés.
Cette pente une fois admise pour une section donnée du
torrent, un calcul très simple déterminera la hauteur totale à
racheter au-dessus du lit par les hauteurs cumulées des barra-
ges à établir.
Supposons en effet, pour fixer les idées, que la section de
torrent à traiter AB ait 700 mètres de longueur et que la na-
ture de ses berges, comme celle de son lit, nécessite partout
la construction de barrages.
Admettons que le profil en long indique entre le point A et
le point B une différence de niveau de 115 mètres, et enfin
que les matériaux étant de môme nature sur toute la section
AB, on a fixé à 10 pour 100 la pente de chaque atterrissement.
Il en résultera que la différence de niveau gagnée par les
atterrissements cumulés sera de 700 mètres X 0,10 = 70 mè-
tres, hauteur qui, retranchée de la différence totale de niveau
convenue plus haut à 115 mètres, donnera 45 mètres pour
5
66 TRAVAUX DE CORRECTION.
la hauteur minima au-dossns du lil, à racheter par des bar-
rages.
Gela posé, il reste à rechercher quel s<>ra le nombre de ces
barrages, quelle hauteur il conviendra de donner à, chacun
d'eux et quelle sera la section de leur couronnement.
Les dimensions de la section à donner au couronnement
seraient faciles à déterminer si les torrents fonctionnaient
comme des rivières; elles ne dépendraient que de l'étendue
du bassin de réception, de son degré de perméabilité et de la
pente adoptée pour l'atterrissement; on les obtiendrait au
moyen des tables dressées par les ingénieurs pour les débou-
chés des ponts sur les rivières.
Mais, dans le cas i)résent, une section ainsi déterminée se-
rait beaucoup trop faible, et bonne tout au plus pour le
régime futur du torrent une fois éteint. Il conviendra donc de
l'agrandir considérablement, en vue surtout des laves qui
peuvent descendre pendant les premières années avant que
le système complet do barrages ait pu donner tout son eff(^t,
surtout dans h^s cas où l'urgence commande de cijuimencer
les travaux par en bas.
En l'absence de données précises, le mieux est alors de re-
chercher dans le lit môme du torrent certains points sur
lesquels des observations récentes, ou des traces d'anciennes
crues, ou enfin les renseignements fournis par les riverains,
])(Mivi'iil iiidiipier les hauteurs atteintes par des crues excep-
tionnelles. 11 ne reste plus cpi'à pnMidre le })ro[il en travers, à
en calcuhn- la surface et à le pr(»])orli(»nner à la pente admise
pour les alterrissements : on ohlicnt ainsi une valiMir suHi-
sante de la dimension (lu'on peut adopter pour la section du
débouché au couronnement des barrages.
(Juant à la hauteur à donner aux barrages, nous sommes
d'avis, avant tout, qu'il convient do partir d'un maximum au
delà duquel il pourrait y avoir do grands dangers d'affouille-
ment et que l'on ne dépasserait f|ue dans des cas tout à fait
spéciaux et exceptionnels. Ce maximum, nous le lixons à
EXECUTION DES TRAVAUX.
5 mètres au-dessus du lit : c'est la hauteur la plus grande
adoptée généralement.
Cette base une fois admise, on indiquera provisoirement
sur le plan, d'après les profils en travers et les données de la
reconnaissance générale, les emplacements (pii, au premier
abord, ont paru préférables. On rapportera ces points sur le
profil en long, et l'on tracera à partir de chacun d'eux des
pentes à 10 pour 100 jusqu'à la rencontre des ordonnées des
points inférieurs; si certaines de ces ordonnées dépassent
5 mètres, on procédera à d'autres recherches jusqu'à l'obten-
tion d'une solution satisfaisante.
On rapportera les différentes ordonnées, déterminées par le
profil en long de chaque atterrissement, sur les profils en tra-
vers correspondants. On y tracera la section qu'y formera
l'atterrissement et l'on examinera si elle correspond à celle
qu'on s'est donnée pour les barrages, ou bien si la nature de»
berges permettra d'élargir le profil par un talutage con-
venable.
Si ces conditions ne sont pas remplies, et si dès lors sur cer-
tains points il y a nécessité de relever l'atterrissement pour
élargir la section, on calculera sur ces profils la hauteur dont
il faudrait relever le barrage (c'est pour ce cas exceptionnel
que nous avons indiqué ci-dessus la hauteur de 45 mètres
comme un minimum).
Le profil en long du torrent étant nécessairement irrégulier,
on pourra donc avoir obtenu, après ces études, le choix de
l'emplacement de onze barrages, par exemple, dont quatre
auraient 0 mètres de hauteur, soit "20 mètres au total; quatre,
4 mètres de hauteur, soit 16 mètres; deux, 3 mètres de hau-
teur, soit 6 mètres; un, 4", 20 de hauteur, soit 4™, 20; soit un
total de 46", 20 au lieu de 45 trouvés ci-dessus, le tout en
adoptant l'hypothèse que le dernier a dû être exhaussé de
1™,20, afin d'obtenir un relèvement plus marqué du lit et une
section plus large à l'extrémité de son atterrissement.
Cet exemple suffit à démontrer l'utilité des levés préalables
68
TRAVAUX DE CORRECTION.
SOUS forme de plans et profils, (jui permettent ainsi, d'une
part, une économie très sérieuse dans les constructions pri-
mordiales dont le nombre et les dimensions peuvent ainsi être
déterminés à l'avance très exactement, et d'autre part, une
coordination absolue et complète dans l'ensemble des travaux
entrepris dans un torrent donné [de Gnyfficr, PLI 7, 20.)
Description des Barrages en Maçonnerie. — Les barrages en
mac^'onnerie peuvent se classer, (^uant à leur forme générale,
en deux grandes catégories : les barrages en voîde hoinzontale,
les barrages en murs reclillgnes.
Dans cbacune de ces deux catégories on peut construire un
Fiff. 13
1" type. — Modèle n'I.
(rfe Gayffier, PI. 17, 18.)
Fi-. 16.
Fif?. 17.
nombre de types se distinguant entre eux par des différences
introduites soit dans le plan, soit dans l'élévation, soit dans la
coupe.
Le prcinior type des grands barrages construits dans les
Alpes fran(;aises présente la forme suivante :
Le parement amont est rectiligne et perpendiculairo à l'axe
du torrent.
Le parrmenl aval e.sl en voûte liorizonlali^ à courbure peu
cintrée ; il est construit avec un fruit qui varie de 20 à 30 p. 100,
et présente une surface conique ayant pour directrice une
ligne inclinée suivant le fruit adoptent pour axe la verticale
passant par le centre de la courbo.
Le couronnement est formé par une courbe régulière ayant
EXECUTION DES TRAVAUX.
69
une llèche et une corde déterminées par la section à donner
au débouché.
Ce type, qui a été généralement adopté, surtout pour les
barrages en maçonnerie de pierre sèche (f/e Gayf'fier, PI. 26),
présente quelques variétés, tantôt par la forme du couronne-
ment et par des ailes qui sont ajoutr-es, tantôt par l'absence
du fruit extérieur du parement d'aval, fruit qui est reporté à
l'intérieur, c'est-à-dire au parement d'amont.
Les modifications apportées au couronnement consistent en
ce qu'au lieu d'une sec-
tion en forme de seg-
ment, on lui donne une
section polygonale en
l'aplatissant presque en-
tièrement et en le bor- ..j^ ^^ _ j^^^^.j^ ^„ ^
dant à chacune de ses (''<" Oatjffier, pi. 22.)
extrémités par des ailes en maçonnerie, destinées à forcer les
eaux à passer par la section ainsi déterminée.
Certains constructeurs, dans le but de détruire plus com-
plètement la vitesse de l'eau, d'éviter sur le parement d'aval
le frottement des matériaux entraînés et d'épargner à sa base
le choc des blocs
qui peuvent fran-
chir le barrage, re-
portent le fruit à
l'intérieur, c'est-à-
dire au parement
amont, et établis-
sent le parement
d'aval bien vertical.
Le deuxième type forme une
voûte horizontale à courbure plus prononcée ; son parement
d'amont présente une surface cylindrique verticale dont on
s'est donné le rayon. Le parement d'aval forme une- surface
conique ayant pour directrice une ligne inclinée suivant le
iSffl
■'l
Fi-. 19-
Modèle n" 3.
F\g. 20.
2" type. — Modèle n" 4.
(de Gaijffier, PI. 17.)
70
TRAVAUX DE CORRECTION.
f=
fruit extérieur adopté et pour axe la verticale passant par le
centre de la courbe du parement d'amont.
Ce type peut être modifié par le report du fruit du parement
d'aval au parement amont. (Modèle n° 5.)
Quant à la forme du couronnement, elle demeure sembla-
ble dans ces deux modèles et consiste en une courbe régulière
dont la corde est liorizontale.
On construit aussi des barrages présentant une voûte hori-
^^ !,^^S zontale cylindrique à l'amont et co-
nique à l'aval, qui, au lieu de se
I)rolonger jusque dans les berges et
d'avoir ainsi des longueurs irrégu-
lières, s'appuie sur des murs recti-
lignes construits suivant la tangente
à la courbe à chacune des extrémi-
tés d'un arc donné. Le couronne-
ment présente, de son côté, une ligure ayant la forme d'une
courbe i)rolongée de chaque côté i)ar des droites suivant la
tangente à chacune de ses extrémités.
l'arfois on supprime les courbes aux deux parements. Le
parement d'amont forme un plan vertical perpendiculaire à
l'axe du torrent.
Le parement d'aval est incliné suivant le fruit adopté.
Le couronnement présente
Fig-. 21.
.3' t\pe. — Jlodèle n» 6.
une courbe régulière à corde
horizontale.
CjO type peut se modifier par
le changement du IVnit ([u'on
attribuerait au pan-mcut d'a-
nionl pour faire vertical le pare-
, . '\":, , , meut d'aval. (Modèle n" 8.)
4* type. — Modèle n° 7. \ '
{de hayffier, l'i. .'o, 21.) l'armi CCS différents types il
y a un choix à faire, soit d'après les circonstances locales où
lon'fpf.nt se trouver, soit même d'après les avantages d'un
type sur un autre considéré intrinsèquement.
EXÉCUTION DES TRAVAUX. 71
Mais avant de poser les bases de la préférence à accorder, il
convient d'examiner les différents genres de maçonnerie qu'on
peut employer dans la construction des barrages.
La maçonnerie peut être faite de plusieurs façons : soit en
pierre sècbe, soit avec mortier de chaux hydraulique, soit en-
fin en associant judicieusement les doux modes.
.La maçonnerie en pierre sèche {de Gayffie}',V\.'2i, 26 et 32),
la plus usitée pour les travaux exécutés dans certaines con-
trées, se présente naturellement la première au choix du
constructeur dans les torrents dont le lit renferme une exubé-
rance de matériaux placés pour ainsi dire à pied d"œuvre. On
se trouve tenté par l'apparence du bon marché que présente
l'exécution de cotte maçonnerie; mais souvent dans la suite
on est exposé à perdre bien des illusions à cet égard, à cause
des dégâts que subissent les ouvrages et les façons qu'on se
voit obligé de donner aux joints dans les parements vus, d'où
résulte une augmentation de dépense très sérieuse.
Nous sommes d'avis que la maçonnerie à pierre sèche ne
doit être employée que dans les cas oîi, par raison d'écono-
mie bien établie, tout autre mode devient impraticable.
D'un autre côté, la maçonnerie exécutée entièrement avec
mortier, tout en offrant de grands avantages au point de vue
de la durée et de la puissance, entraîne généralement des dé-
penses très élevées, et ne nous parait utile que dans certains
cas spéciaux, {de Gayffi€r,'P\. 17.)
Aussi donnons-nous la préférence, partout où cela est
praticable, à un genre de maçonnerie qu'on peut qualifier de
mixte, que nous avons appliquée avec succès depuis nombre
d'années dans nos travaux et qui consiste dans les disposi-
tions ci-après : {de Gaijffier, PI. 15, 16, 22.)
Le corps du barrage est construit en pierre sèche, mais le
parement aval est en maçonnerie ordinaire de mortier sur
une épaisseur de 80 centimètres; le couronnement reçoit un
revêtement analogue, et, de plus, son arête vers l'aval est en
pierre de taille avec joints en mortier. Eiifin un aqueduc ou
72
TRAVAUX DE CORRECTION.
porluis, suffisant i)our les eaux ordinaires, traverse l'ouvrage
à sa ])arlie inférieure ; il est également bâti en maçonnerie sur
80 centimètres d'épaisseur tout autour (fig. 23, 24, 25 et 26).
Fiir. 23. — Barrage en Maçonnerie mixte. — Élévation dégagée des terres.
Coupe donnant l'épaisseur
du barrage sur chaque
redan du côté droit.
Coupe donnant l'épaisseur
du barrage sur chaque
redan du côté gauche.
Par ce moyen, toute la i)artie du barrage exposée aux dan-
gers (pie peut présenter l'écoulement des eaux et des laves
Kig. 24. — Plan dégagé des Terres.
Ibrme une seule masse bien homogène, parfaitement liée, et
présentant des garanties de stabilité et de durée bien plus
considérables qu'une maçonnerie en pierre sècbe, où le
EXECUTION DES TRAVAUX.
73
drpart (111110 seule pierre peut, à un monient donné, com-
promettre la solidité de l'ensemble. Cette maçonnerie de
mortier réalise même une économie dans la dépense, car
elle sui)prime l'obligation de parer sur quatre faces au moins
les pitn-ros du couronnement et du parement aval, obligation
indispensable si l'on veut obtenir des joints convenables dans
le cas de la pierre sècbe, mais certainement très coûteuse.
En effet, le prix du simple ébaucbage
des quatre faces, plus la tète de chacune
des pierres qui doivent former le parement
d'aval et le couronnement , est toujours
élevé, vu la grandeur de la surface de l'en-
semble de ces parements. Il est certaine-
ment toujours plus fort que le prix de la
maçonnerie dans le cas où les matériaux
sont des calcaires durs, et ne lui devient sensiblement infé-
rieur que dans le cas où l'on emploie des grès dont le clivage
facile économise considérablement le travail préparatoire des
joints.
Fig. 25. — Coupe
eu travers sur Taxe.
Fig. 26. — Plan des Longueurs développées.
Enfin la maçonnerie dispense des crampons en fer destinés
à relier les pierres du couronnement et auxquels on est sou-
vent obligé d'avoir recours avec la pierre sèche.
Mais l'avantage le plus marqué de ce mode de construction
réside dans la possibilité d'établir un aqueduc et de maintenir
son fonctionnement au besoin pendant plusieurs années,
avantage des plus précieux surtout dans les terres noires,
ainsi que nous allons le démontrer.
74 TRAVAUX DE CORRECTION.
Il est admis sans contosto que les attorrissements doivent,
aufant qno possible, ôlre faits en matériaux de toute sorte,
mais (ju'on doit en écarter les boties, (jui ne présontont au-
cune consistance et seraient un obstacle à la formation ulté-
rieure du vaste conglomérat que doit produire, avec le temps,
la masse des matériaux accunmlés et retenus.
Ola posé, comparons l'etrct produit par un barrage; en
pierre sècbe et par un barrage en maçonnerie mixte, et pre-
nons pour excmi)le le cas d'un torrent traversant des terres
noires et cbarriant ainsi des matériaux mêlés à des boues :
Le barrage en pierre sècbe n'ayant pas d'aqueduc, mais
présentaid, entre les joints des pierres, une série de vides,
laissera d'abord filtrer toutes les eaux arrêtées momentané-
ment à son amont. Il est très vrai (ju'il fonctionne au début
comme un vaste crible à mailles très serrées et ne laissant
passer avec l'eau que les petites molécules de terre; mais, s'il
survient une forte lave de boue, les joints seront colmatés ra-
pidement et il arrivera infailliblement (|ue, si après la crue
l'atlerrissement n'est pas complet, il se formera à l'amont un
petit lac dont les eaux ne trouveront plus d'écoulement que
par le couronnement, e( (pie les boues auront produit dès la
première crue, sur les joints des pierres sècbes, un effet ana-
logue à celui que donne le mortier. Force sera bien alors de
conserver les boues nouvelles qui pourront survenir à l'amont
jusqu'à ce que l'atterrissement, ens'exhaussant, permette aux
matériaux ultérieurs do passer sur le barrage.
Prenons, au contraire, le cas d'un ouvrage en maçonnerie
mixte avec un aeiuediic de bonnes diniensions; nous établis-
sons à l'entrée de Itupieduc, à l'amoiil du barrag<\ un grillage
vertical en forts pieux de niiMèze de 10 centimètres de diamè-
tre au moins, espacés d'aulant entre eux et s'appuyant sur le
mur mèrne. Ce grillage retiendra les gros matériaux, et lais-
sera liltrcr non seulement les eaux, mais toutes les boues pos-
sibles; et si, par liasard, les larges vides du grillage viennent à
être boiicbés jjar un cobnalage niomeidané, rien ne sera i)lus
EXECUTION DES TRAVAUX. 75
facile (iu<^ de les ouvrir, soit au moyen d'une barre à mine,
soit en soulevant un des pieux, et dès lors on ne redoutera
jamais, pour peu (pion preime de soin, le moindre amas de
boue, pas plus que le plus petit réservoir d'eau, à l'amont du
barrage, et l'on aura ainsi obtenu ce criblage des matériaux
dont l'utilité est incontestable.
On voit donc que, loin de nuire à la production d'un bon
atterrissement, les barrages en maçonnerie présentent à cet
égard les plus grands avantages. Aussi sommes-nous d'avis
qu'à ce seul point de vue déjà, il est préférable d'employer ce
mode de construction partout où il est possible, et qu'il con-
vient de confiner les barrages en pierre sèche dans les seuls
endroits où les transports de la chaux et du sable seraient par
trop onéreux.
Ce n'est pas là le seul avantage de la maçonnerie de mor-
tier. Son emploi permet en effet de diminuer sensiblement
l'épaisseur des ouvrages sans nuire à leur solidité, et partant
réalise une économie importante.
On admet généralement, en effet, que, pour les barrages
en pierre sèche, on doit donner au milieu du couronnement
une épaisseur égale à la moitié de la hauteur de l'ouvrage au-
dessus du lit et qu'il convient de donner au parement aval un
fruit de 25 p. 0/0, soit le quart.
Dans nos barrages mixtes, au contraire, nous donnons une
épaisseur moyenne égale à la moitié de la hauteur et un fruit
de 20 p. 0/0, soit un cinquième, ce qui diminue considérable-
ment le cube de la maçonnerie, ainsi que l'exemple suivant le
démontre :
Supposons, pour fixer les idées, une hauteur de 4 mètres
au-dessus du lit. Dans le cas de la pierre sèche, nous aurons
au milieu du couronnement une épaisseur de 2 mètres, qui,
avec le fruit de 25 p. 0/0, donnera une épaisseur de 3 mètres
à la base, de sorte que la coupe formera un trapèze ayant une
surface de 5 x 2 = 10 mètres carrés.
Dans le cas de la maçonnerie mixte, nous avons une épais-
76 TRAVAUX DE CORRECTION.
spur moyenne de 2 mètres, soit l^jôO au couronnement et
i>'",iO à la base. D'où la surface de la coupe sera de 4 X 2 =
8 mètres. Le cube, pour une longueur égale, sera donc dimi-
nué d'un cinquième.
Un second avantage, le plus sérieux, consiste en ce que si,
par une grande lave, le barrage vient à être attaqué, il ne dis-
paraîtra pas connno s'il était l'ail en pierre sèche et ne subira
qu'une brèche à son couronnement qu'on pourra réparer
rapidement et à peu de frais. Le couronnement est, en effet,
la partie la plus sensible des barrages; c'est par là qu'ils sont
surtout attaqués par les laves; aussi convient-il de le con-
struire aussi uni que possible, sans la moindre aspérité qui
puisse donner prise aux arêtes des blocs en mouvement '.
Un troisième avantage se manifeste pendant le cours de la
construction même; s'il arrive une crue, il n'y a guère que
la maçonnerie fraîche de un à deux jours qui est emportée,
le reste résiste , ce qui n'a pas lieu dans la maçonnerie en
pierre sèche, d'où résulte encore une économie importante ^
l"]nfin la maçonnerie mixte, nécessitant un cube de maté-
riaux inférieur à la maçonnerie en pierre sèche et permettant
l'emploi de plus petits matériaux, rend plus facile l'exécution
des barrages dans les torrents où la pierre de bonne qualité
ne se trouve pas en grande abondance.
Il peut se présenter certains cas spéciaux où la maçonnerie
mixte esl insuffisante et où il devient indispensable de con-
struire l'ouvrage tout entier en maçonnerie de mortier. Sup-
posons, en effet, une partie de torrent à lit affouillable dont
les berges instables manifestent des tendances au glissement
dans le sens du profd en travers; admettons, en outre, qu le
profil en long de cette partie du torrent ne permette pas de
donner à un barrage, établi ù l'aval sur des terrains solides,
une jiauteur assez grande pour produire l'atterrissement né-
cessaire à l'arrêt des glissements; nous aurons là un exemple
i. — Voir la note B, page 414.
2. — Voir la note C, page 421.
EXECUTION DES TRAVAUX. 77
des cas exceptionnels où l'on sera obligée de recourir ù la ma-
çonnerie exclusive de mortier. A cause de ces glissements, il
faut produire un élargissement do ."Section d'autant plus mar-
qué que, dans ces cas exceptionnels, le lit est généralement
très resserre ; force est donc d'établir un ouvrage qui puisse
présenter une solidité à toute épreuve, jusqu'à la production
de l'atterrissement qui mettra fin à tout danger de glissement ;
il faudra donc un massif compact, bien homogène et qui
résiste par sa masse soit aux crues dans le sens du profil en
long, soit aux poussées des berges dans le sens du profil en
travers, toutes conditions auxquelles peut seul satisfaire un
barrage rectiligne construit dans son entier en maçonnerie
de mortier hydraulique [de Gayffier, PL 17).
En résumé, dans les constructions de barrages en pierre
dans les torrents, nous conseillons :
1° De réserver la maçonnerie de pierre sèche aux seules par-
ties du torrent placées dans des altitudes telles que le transport
de la chaux et du sable devienne par trop onéreux et donne
au prix du mètre cube de maçonnerie un taux beaucoup
plus élevé que celui du mètre cube des gros moellons piqués ,
indispensables au parement d'aval et au couronnement;
2° D'employer partout ailleurs, dans les cas ordinaires, la
maçonnerie mixte ;
3° De ne construire entièrement en maçonnerie de mortier
que dans des cas très rares et tout à fait exceptionnels.
Maintenant que les genres de maçonnerie qu'on peut em-
ployer, selon les cas, sont connus, il reste à rechercher les
types qu'il conviendra d'adopter définitivement dans les divers
cas qui pourront se présenter.
Nous commencerons par éliminer de la série exposée ci-
dessus les trois modèles portant les n° 3, o et 8, dans lesquels
le parement d'aval est vertical. Dans les torrents à affouille-
ment qui nous occupent, on ne peut admettre, en effet, que
les barrages auront perpétuellement, ou même seulement
pendant un grand nombre d'années, à supporter le passage
78 TRAVAUX DE CORRECTION.
de jîros matériaux; l'on doit, au contraire, partir du principe
que, le plus souvent, les barrages n'auront à subir ces passa-
ges que très rarement et en petite quantité, si les circonstan-
ces locales ont permis d'entreprendre la correction par le
haut et, dans le cas contraire, qu'ils n'auront à redouter les
grandes laves que pendant un nombre d'années très restreint,
car la correction une fois commencée doit être continuée
sans interruption.
D'autre part, le parement d'aval vertical ne peut convenir
exclusivement qu'aux barrages en })ierre sèche ; cette disposi-
tion serait, dans le cas de la maçonnerie mixte ou pleine avec
mortier, des plus contraires à la stabilité de l'ouvrage dont
la construction doit s'opposer à un renversement de l'ensem-
ble et fournir la plus grande résistance à la poussée venant
de l'amont, tandis que dans la maçonnerie de pierre sèche,
ie danger est moins dans le renversement de la masse totale
que dans l'instabilité des matériaux presque indépendants les
uns des autres, qui, dans le cas du fruit à l'amont, se trou-
vent mieux assis et ne risquent aucun choc à l'aval.
Quant à la rupture totale de la vitesse de l'eau, les travaux
exécutés à l'aval des barrages eidèvent tout intérêt à cette con-
sidération, d'ailleurs peu importante, au cas actuel.
La forme en voûte doit toujours être préférée chaque fois
que les fondations creusées dans les berges mettent à décou-
vert une roche, ou même un terrain assez solide, pour que la
voûte puisse y trouver un point d'appui inébranlable.
Mais on conçoit que cette forme réclame des berges très
solides, sans lesquelles la voûte, privée d'appui, ne résisterait
plus (pie ])ar sa propre masse, auquel cas dès lors il est préf(';-
rable de lui substituer un mur rectiligne à l'amont et à l'aval,
tout en conservant d'ailleurs le même fruit et le même cou-
ronnement. Avec un cube égal de maçonnerie on pourra pro-
longer plus avant, dans les berges, les fondations de l'ou-
vrage, et leur donner ainsi un apjiui jilus efficace que dans le
cas de la forme en voûte.
EXECUTION DES TRAVAUX. 70
Pour los barrages en voûto, nous sommes d'avis d'adopter
exclusivement le deuxième type, modèle n" 4, à parement
d'amont cylindrique et parement d'aval conique, et de rejeter
les autres pour les motifs suivants :
Le type n° 1 ne permet pas de donner à la voûte ime cour-
bure suffisante pour qu'elle produise son véritable effet, sans
quoi la rectitude du parement d'amont entraînerait à un cube
de maçonnerie par trop considérable. Si, en effet, comme
cela doit être, les pierres sont posées en voussoirs, la maçon-
nerie forme un anneau aux deux aisselles duquel on place un
cube important de maçonnerie, dont l'expérience a démontré
qu'on pourrait parfaitement se passer. Le barrage portant le
n° 2 (à la figure 31) est construit dans ce genre. Appelé à
servir de base à un système de onze barrages successifs éta-
blis dans le but d'arrêter d'énormes glissements, il a été
bâti entièrement en maçonnerie de mortier hydraulique;
ce n'est qu'après l'achèvement de cet ouvrage, représen-
tant le premier grand barrage construit dans les Basses-
Alpes, que nous avons modifié la forme des ouvrages ulté-
rieurs.
Les ailos du modèle n° 2 (1" type) présentent le grave in-
convénient d'offrir aux grandes laves des saillies qui risquent
d'être enlevées, vu le peu de résistance qu'elles peuvent pos-
séder.
Dans le cas où le torrent n'est sujet qu'à des crues d'eau,
elles sont avantageusement remplacées par une courbe apla-
tie en son milieu et relevée à ses deux extrémités, qui empê-
che la concentration de la masse des eaux au milieu et dimi-
nue la puissance de l'affouillement.
Ces considérations nous amènent donc à ne conserver,
pour les barrages, que trois types généraux, savoir :
Le n° 4, pour les barrages en voûtes;
Le n" 6, pour les barrages en voûte sur une partie seulement ;
Et le n° 7, pour les barrages rectilignes.
Cela posé, nous allons examiner les cas où ces types devront
80 TRAVAUX DE CORRECTION.
être appliqués, la maçonnerie qu'il sera préférable d'euqjloyer
et les conditions générales de leur construction :
Les barrages du type n" i, que nous désignerons à l'avenir
sous le nom de barrages cio'viliynes, peuvent être employés
dans tous les cas où les berges dans lesquelles ils seront en-
castrés ne manifestent aucune tendance à se mettre en mou-
vement.
Pour leur construction on emploiera, soit la i>ierre sèche,
soit la maçonnerie mixte, à l'exclusion de la maçonerie de
mortier de chaux hydraulique en plein, qui n'a aucune raison
d'être ici.
Si les conditions locales ont fait décider (pn! l'on bâtirait
en pierre sèche, on donnera au parement aval un fruit de
25 p. 100; les pierres seront posées en voussoirs, de manière que
leur lit soit dans un plan vertical et leur queue dans le sens
du rayon de la courbe; on pourra, si l'on veut, incliner ces
queues de façon à les mettre normales au fruit, mais on devra
éviter que cette disposition se prolonge jusqu'au couronnement,
dont la coupe devra toujours être horizontale et non perpen-
diculaire au parement aval. Cette disposition est des plus im-
portantes pour le maintien des pierres de l'arête du couronne-
ment, qui, sans cela, risqueraient d'être arrachées par des
blocs exerçant une forte pesée sur le bord de cette arête.
L'épaisseur du barrage mesurée au milieu de son couronne-
ment sera égale à la moitié de sa hauteur au-dessus du lit,
hauteur prise sur le parement d'amont.
Le barrage sera solidement fondé dans le fond du lit comme
dans les deux berges. A cet effet on opérera comme nous le
décrirons ci-après pour les barrages en maçonnerie mixte.
La courbe du i)aremi'nt d'amunt sera détcrmint'e par un
arc de cercle ayant une llèche égale au dixième de la corib;.
Au parement d'aval la courbe du couronnement aura pour
projection sur le plan vertical, normal à Taxe du lonciit, un
arc de cercle tracé dans des conditions identi(|U('s. Au pare-
ment d'amont elle sera aussi un arc de cercle à flèche égale,
EXECUTION DES TRAVAUX. 8i
mais à oordo plus loniiiu» délonniiKM:" par la direction donnée
aux extrémités de la section du débouché que l'on trace dans
le sens du rayon de la courbe de la voûte. On obtient ainsi,
pour la section du débouché, une surface légèrement gau-
che qu'en construction il est très facile d'établir à cause de la
disposition des pierres en voussoirs.
A chacune des extrémités de l'arc du couronnement déter-
minant la section jugée suffisante pour le débouché, les ailes
seront prolongées vers les berges en lignes soit horizontales,
soit inclinées, suivant le cas.
Cette disposition des pierres en voûte, sur toute la section
du couronnement destinée au débouché, aide beaucoup au
maintien des pierres entre elles, mais ne suffit pas néanmoins ;
aussi est-il toujours prudent de réunir ces pierres par des
crampons en fer forgé (voir note F, page 167) bien scellés.
Si l'on a choisi la maçonnerie mixte pour le barrage, on
modifiera ainsi les dimensions précédentes :
L'épaisseur ne sera plus calculée au-dessus du couronne-
ment, mais bien au milieu de la hauteur du barrage au-dessus
du lit à l'amont; on aura ainsi l'épaisseur moyenne à laquelle
on donnera pour dimension la moitié de cette hauteur du
barrage.
La courbe du parement d'aval sera toujours déterminée
par un arc ayant sa corde décuple de la flèche. Les figures 23,
24 et 2o donnent le type d'un barrage de ce genre.
On pourra adopter, pour le couronnement, des courbes
régulières analogues à celles indiquées pour le barrage en
pierre sèche , mais sans y être autant obligé dans l'intérêt de
la solidité, car ici le couronnement est fait en maçonnerie de
mortier hydraulique où toutes les pierres, bien relié^s, de-
viennent solidaires.
On pourra donc, si l'on veut, se contenter d'une ligne
courbe, au plus bas du couronnement, et la prolonger, de
chaque côté, par deux lignes droites plus ou moins inclinées.
Le couronnement sera alors déterminé, à sa partie inférieure,
6
82 TRAVAUX DE CORRECTION.
par une surface à pou près cj'lindrique et, sur ses deux côtés,
par une surface plane, {de Gaijffic.r, PI. 22.)
Les fondations dans le fond du lit seront ouvertes à la pro-
fondeur indiquée par des sondages préalables, exécutés lors
des études, et seront poursuivies jusqu'à une profondeur suf-
fisante, au cas où ces sondages auraient donné des indications
erronées.
Si l'on trouve la roche, on y continuera les fondations jus-
qu'à une profondeur variant de 1 mètre à 2 mètres, suivant la
dureté de cette roche; ces fondations pourront être menées
plus profondes au parement aval et tracées par ressauts verti-
caux avec assises horizontales formant une série de redans.
Si la roche n'api)araît que sur certains points, laissant entre
eux des espaces terreux, on préparera les fouilles sur ces
points rocheux, pour permettre d'y fonder les culées de vous-
soirs posés achevai sur les espaces terreux, et l'on remplira
les vides de ces petites voûtes avec de la maçonnerie.
Si, enfin, on ne trouve pas de roche, on poussera jusqu'au
terrain dur que l'on pilotera au besoin, et sur lequel on éten-
dra une couche de béton avant de commencer la maçonnerie.
Le fruit du parement aval est poursuivi jusqu'au point le
plus bas dos fondations.
Dans les berges, les fondations seront creusées par redans
ayant leur hautotu" suivant la verticale, et leur longueur sui-
vant l'horizontale.
Si l'on trouve la roche dans les fouilles des berges, on éta-
blit des redans de petites dimensions, de 1 mètre par exemple.
Dans le cas contraire, où l'on rencontre de la terre, on donne
aux redans des dimensions plus fortes et l'on fait pénétrer plus
avant les fondations.
Les barrages curvilignes à maçonnerie mixte présentent
une force de résistance extraordinaire, que nous avons pu
constater pendant les violents orages de l'été de 1876 '.
1. — Voir la note C, iia;,'e 421.
EXECUTION DES TRAVAUX. 83
Dans certains cas, si l'on so trouve avoir à construire, à la
partie inférieure d'une section où le torrent est très redoutable,
un ouvrage» appelé à servir de base à tout un système, on peut
le bâtir tout entier en maçonnerie de mortier liydraulicpie; le
couronnement est fait en maçonnerie de pierre de taille, le
parement d'aval en moellons piqués et le corps du barrage en
maçonnerie ordinaire [de Gayffier, PL 17).
Le type n° 7, que nous appellerons désormais barrages recti-
Ikjnes, ne peut être utilement construit en pierre sècbe, à
cause du peu de liaison qu'auraient entre eux les matériaux,
(pii ne sauraient présenter une force suffisante de résistance
à l'entraînement.
Dans le cas où les mouvements du sol des berges ne sont
l)as très redoutables, on peut employer avantageusement la
maçonnerie mixte. Mais si les mouvements sont importants,
il convient de s'en tenir à la maçonnerie de mortier en plein
pour tout l'ouvrage. On dispose la construction comme pour
les barrages en courbe, sauf la différence que produit l'ab-
sence de courbure de l'ouvrage. (Les figures 35, 36 et 38 four-
nissent dans le barrage portant le n° 3 un modèle complet de
ce genre d'ouvrage) Uk Gayffit'r, 1*1. i?0, "11).
Le type n" 6 ne peut convenir à un grand ouvrage qui aurait
à supporter une puissante pression à son amont, car les points
d'appui de la voûte ne seraient pas suffisamment forts.
Mais il convient parfaitement aux nombreux ouvrages de
faibles dimensions qu'on peut avoir à construire vers les ori-
gines des ravins et des torrents, dans les sections où le profil
en long très relevé nécessite de nombreux ouvrages, où la
pierre abonde et où la maçonnerie de mortier devient trop
coûteuse pour être généralisée.
On doit donc s'en tenir ici à la construction en pierre sèche
exclusivement. Ces ouvrages, vu leurs faibles dimensions,
coûtent relativement peu et ne nécessitent pas un devis spécial
pour chacun d'eux : on les construit sur quelques types
donnés.
84
TRAVAUX DE CORRECTION
Ils jonent, aux grandes altitudes, dans les ravins très garnis
de pierres, le rôle des clayonnages et des fascinages dans les
Fig. 27. — Barrage rustique. — Élévation dégagée des Terres.
ravins inférieurs et dans les combes des terrains schisteux où
la pierre fait défaut. Pour bien les distinguer, nous leur avons
Fig. 28. — Plan dégagé des Terres.
donné le nom de barrar/es rustiques. (Les ligures 27, 28 et 29
donnent le modèle des ouvrages do ce genre.)
Il y a tout avantage
'.-yi
y.
à donner à l'entreprise
les travaux de maçon-
nerie.
D'une pari , en effet,
les agents forestiers ne
sauraient entrer dans
les iiiille (lélails commerciaux <pie réclame l'exécution de
pareils ouvrages sans risquer d'arriver à des dépenses bien
supérieures au prix fpie peuvent consentir des entrepreneurs
Fig. 29. — Coupe sur l'axe.
EXÉCUTION DES TRAVAUX. 85
habitués à ces travaux et bien outillés en ouvriers et eu matériel.
D'autre part, l'intérêt mémo do l'entrepreneur est adéquat
avec celui de l'État, car il a tout avantage à employer dans
la maçonnerie les plus gros matériaux possibles. Au sur-
plus, le devis doit prévoir toutes les conditions, et il ne reste
qu'à en assurer l'exécution par une surveillance constante et
attentive.
Ouvrages divers en Maçonnerie. — Les barrages ne sont pas
toujours fondés dans le roc, et dès lors leur base se trouve
exposée à tous les dangers de l'affouillement que provoque
inévitablement une cbute qui atteint parfois une bauteur de
5 mètres et acquiert une puissance très considérable lors des
crues extraordinaires. Dans le cas môme où ils seraient fon-
dés dans le roc, il peut arriver que ce roc se délite sous les
influences atmosphériques et se laisse creuser par la cbute de
l'eau et des matériaux qu'elle charrie.
Il importe donc de préserver leur pied contre un pareil
affouillement susceptible d'atteindre et de dépasser même la
base des fondations et de compromettre ainsi la stabilité de
l'ouvrage.
On a eu recours, dans ce but, à bien des systèmes dans les-
quels le bois joue un grand rôle, tels que : radiers formés de
grandes pièces de charpente entre-croisées et dans les vides
desquelles on dispose de gros blocs; radiers avec pièces de
bois posées sous les fondations du barrage et formant une
sorte de grillage placé sur un lit de fascines de plus d'un mètre
d'épaisseur; radiers en blocages avec une tète formée par une
ou plusieurs grandes pièces de bois maintenues par des pilots
fortement enfoncés dans le lit, etc.
Tous ces radiers ont le défaut capital, surtout dans le cli-
mat sec du Midi, d'avoir, pour base de leur solidité, le bois,
qui, exposé aux alternatives d'humidité et de sécheresse, de
chaleur et de froid , ne tarde pas à se décomposer et à com-
promettre ainsi la durée de l'ouvrage.
86 TRAVAUX DE CORRECTION.
Aussi loin- préférons-nous ce qu'on est convenu d'appeler
le contre-bnrrage , c'est-;\-(lire un mur en travers, courbe ou
rectiligne, suivant les cas, profondément fondé i\ l'aval du
barrage, à une distance toujours plus grande que la hauteur
de chute, et n'ayant dans le sens du profil on long qu'une
minime saillie au-dessus du lit, do manière à ne provoquer à
son aval aucun afTouillomont.
Si le sol sur lequel est construit le barrage est très affouil-
lablo, on réunira le contre-barrage avec le pied du barrage
par une maçonnerie suffisamment épaisse, faite avec mortier
hydraulique si possible, et à défaut en pierre sèche, mais
avec les plus gros matériaux qu'on pourra se procurer '.
On lui donnera , en coupe on travers , une forme analogue
à celle du couronnement du barrage, de façon à lui procurer
une section non égale mais supérieure ;\ celle du débouché,
à cause du remous des eaux qui s'y produira infailliblement,
par suite de la pente faible, ou mémo nulle, qu'<ui lui donnera
dans le prolil en long. Celte pente ne doit pas dépasser en
général 2 ou 3 centimètres par mètre; il est môme souvent
avantageux, dans certains cas, de la suppriiuor et de con-
struire le radier horizontal dans le sens du prolil en long.
On peut disposer le contre-barrage par rapport au radier
maçonné à son amont, soit en établissant son couronnement
dans le prolongement môme du radier, soit en le plaçant en
contre-haut; si la hauteur du barrage d'amont n'est pas très
forte, on pourra adopter la première disposition et opérer
ainsi (ju'il suit :
Ou constiuira sur los doux bergos un mur de revèloment
destiné à los préserver contre tout allouillcmont causé; par le
remous, et, pour proléger à son tour le contro-barrage contre
un afiouillemont quelconque, on exécutera à son aval, sur
une longueur à peu près égale à la sienne, un bon enroche-
ment maintenu par des jjilots et bordé de chaque côté par des
clayonnages longitudinaux.
1. — Voir la note F, page 4C7.
EXECUTION DES TRAVAUX. 87
Enfin, à la base de ces enrochements, on commencera la
série dos clayonnages transversaux reliés par des clayonnages
longitudinaux, tous deux appelés à empêcher tout affouille-
ment longitudinal ou latéral du lit, et ;\ uiainlcnir sa régida-
rité.
Les figures suivantes donnent le détail complot d'un pareil
système exécuté dans le torrent du Bourget (Bassos-Alpos) ,
sur une section dos plus dang(nouses par la nature aflbuilla-
ble du lit, bordé de chaque côté de berges en mouvement de
glissement (c/e Gayffier, PI. 18, 19).
La figure 30 donne le plan des lieux avant l'exécution des
travaux.
La figure 31 donne le plan du iovvQwiaprès l'exécution dos
barrages, la production des atterrissements, la construction
des fascinages, le talutage des berges et leur plantation.
La figure 32 indique le profil en long de la section avant et
après les travaux.
Les figures 33 et 34 donnent les détails de la constructi(jn
des clayonnages placés à l'aval du radier.
Les figures 35 , 36 , 37 et 38 fournissent tous les détails de
la construction du barrage, du contre-barrage, du radier et
du mur de revêtement.
Les murs de revêtement, qui, près du barrage, sont inclinés
à I et doivent se raccorder à leur extrémité avec les clayon-
nages longitudinaux établis verticalement, présentent néces-
sairement une surface gauche.
Les murs , le radier ainsi que le contre-barrage sont exé-
cutés en maçonnerie de mortier; le couronnement du contre-
barrage ne présente aucune saillie dépassant le niveau du
radier, et un fort enrochement est construit à son aval.
Si, au contraire, la hauteur de chute du barrage d'amont est
forte, il sera préférable de disposer le contre-barrage en saillie
au-dessus du radier et l'on procédera de la manière suivante :
On établira la partie supérieure du radier en contre-bas de
l'ancien lit au pied du barrage et on ne lui donnera aucune
o _
te ^
90
TRAVAUX DE CORRECTION.
penlo ; le couronnement du contre-barrage s'élèvera en saillie
à 50 fontiniùtres au-dessus de ce radier et sera muni à son
aval d'nn enrochement en pentes douces.
Au moyen de colle disposition, les eanx tomberont di^ la
EXECUTION DES TRAVAUX.
91
haut(Mir (lu harraj^o sur une ciJaissiMir liquide de 50 centimè-
tros a moins, Ibrniant uuo soi1o de matelas amortissant le
choc; elles y perdront, par suite du remous, toute la vitesse
Fig. 33. — Coupe suivant CD. — Détails de la construclion
d'un Clayonnage longitudinal.
Fig. 3t. — Coupe d'un clayonnage transversal.
Fig. 35. — Plan du barrage n° 3, du radier, des murs de revêtement à
surface gauche et d'une portion de renrochement.
acquise et ressortiront sans la moindre violence parle couron-
nement du contre-barrage , qui sera le point de départ d'une
nouvelle vitesse dans le parcours situé à son aval.
92
TRAVAUX DE CORRECTION.
Quand le fond du lit ne sera pas très a(rouillable,on pourra
se contenter de placer entre le contre-barrage et le pied du
barrage un simple enrocliement de gros blocs qui, maintenus
^USi.
Kig. 36. — Coupe du Radier et des murs en aile suivant le jjrotil
en travers n° 1.
Kig. 37. — Coupe sur la tête du radier et des murs suivant le proiil
en travers n° 2.
^ms^\W'
^'■"V^i ..xîi- ;
- i .* »^<!!
Kig. 38. — Coupe en long stiivaiit la ligne lîS du i)laii.
par la saillie du couronnoiiiful du ('oMlrf-banagc. ne pourronl
être entraînés et remplaceront éconoiiii*|U('iii('iit hi maçoime-
rie du radier.
EXECUTION DES TRAVAUX. 93
Enfin, dans bien des cas, on pourra même se dispenser du
contre-barrage et se contenter d'un enrochement soutenu par
des pieux fortement enfoncés et par le premier clayonnage
transversal de l'aval.
Il peut arriver, dans certaine section d'un torrent donné,
qu'une des berges soit en mouvement de glissement vers la
berge opposée, composée de roche très dure. Dans ce cas, le
profil en travers du torrent est toujours étroit et aigu. Afin
d'évitor tout affouillement au pied de la berge instable, on est
obligé de rélargir la section du lit au moyen de barrages;
mais, comme on a tout intérêt à diriger les eaux vers la berge
solide, on ne peut évidemment donner au couronnement une
section symétrique analogue à celle que nous avons indiquée
jusqu'ici; on la modifie alors de façon que la plus grande
masse des eaux soit portée vers la berge solide.
Il peut arriver parfois aussi, dans certaine section de torrent
située vers ses origines et présentant dès lors des pentes
énormes de 30 à -iO pour 100, qu'une rive (la droite par exem-
ple) soit formée de rochers très durs dont les couches plongent
sous la rive gauche, ne présentant que des berges qui, for-
mées de terre et do pierrailles, sans cesse rongées par le tor-
rent, contribuent pour une large part à la formation des laves;
il faut alors empêcher le torrent de creuser sur la rive gauche
et le forcer à couler vers sa rive droite formée de roches dures.
Pour atteindre ce but on construit, à distances égales et assez
rapprochées, 10 mètres par exemple, une série d'épis placés
perpendiculairement à l'axe du torrent et ayant la position de
barrages en murs inclinés.
Ces ouvrages, construits nécessairement en pierre sèche, vu
l'altitude du lieu, ont pour but de retenir un enrochement de
blocs qu'on établit entre eux et dont la surface est indiquée
par un plan passant par le couronnement de deux e/j^'s succes-
sifs. On arrive par ce moyen à encaisser les eaux, toujours
moins redoutables à ces grandes altitudes, entre la rive droite
solide et l'enrochement incliné sur la rive gauche qui se
94 TRAVAUX DE CORRECTION.
Irouvc dès lors jjarantio, car les épis sorvoiit de seuils et em-
pêchent fout afi'ouillement longitudinal, pendant f[ue l'endi-
truenient met obstacle à l'afTouilliMnent latéral. Ces travaux ne
peuvent s'exécuter dans les grands torrents qu'aux fortes al-
titudes, vers leur origine, et par suite sur des points où leur
puissance est beaucoup ninindr»^ (pie dans les régions infé'-
rieures.
Il peut se rencontrer aussi, dans ces mômes altitudes et
dans des conditions de profils en long et en travers analogues,
qu'une section de torrent présente les conditions suivantes :
Le torrent coule sur un lit terreux, encaissé dans des berges
également l'ormées do terre; il affouillo sans cesse et donne
naissance à do nombreux glissements sur ces deux berges. La
première idée qui vient à l'esprit pour corriger cette section
est d'y construire une série de barrages appelés à empocher
tout affouillement en relevant le lit du torrent. Mais la pente
excessive du profil en long va entraîner la construction d'un
nombre énorme de barrages, nécessitant de profondes fonda-
tions dans le lit commo dans les berges, et placés pour ainsi
dire les uns sur les autres; de là une dépense trop considéra-
ble qu'il est indisi)ensablo d'éviter.
Dans de pareilles conditions on est ramené à songer à la
construction d'un grand perré en pierre sèche, vu l'altitude,
occupant toute la longueur de cette partie du torrent et pré-
sentant une section que ne puissent jamais surmonter les plus
hautes eaux. Mais, avec une pente de 30 à iO pour 100, on ne
peut penser à construire un tel j)erré, en suivant le profil en
long, sans avoir à craindre l'enlèvement des |)ierres par la
force d'entraînement ou d'alfouillcment des (>aux se précipi-
tant sur des pentes excessives. Pour parer à pareille difficulté,
on établit une série de seuils en pierre sèche avec même sec-
tion ((ue le perré et ayant une hauteur de chute destinée à
modifier la pente générale. Quant au perré lui-môme, on l'é-
tablit avec ressauts de faible haut(Mir, de façon à diminuer en-
core la pente dans chacun des paliers, et on le fonde sur un
EXECUTION DES TRAVAUX. 93
enrochement établi préalablement d'après le profil nouvelle-
ment adopté. Pour augmenter le ralentissement du cours de
l'eau, on ménage au pied de chaque seuil un radier horizon-
tal. Enfin, à la base môme de tout le système, on construit un
petit barrage en maçonnerie de mortier, fondé solidement sur
la roche au point oii cesse le lit terreux, et destiné à mainte-
nir inébranlable le pied du perré ainsi construit.
Les perrés sont encore susceptibles d'un fructueux emjjloi
dans la région tout à fait inférieure du torrent, sur son côno
de déjection, quand il ne charrie plus de matériaux en grande
abondance et approche de son extinction ; la section du perré
n'a plus besoin d'être bien forte, et dès lors la dépense peut se
trouver en rapport avec le bénéfice qu'elle procure aux j)ro-
priétaires du cône, qui sont les premiers intéressés à le mettre
à l'abri des incursions ou de l'affouillement des eaux.
L'examen de ce genre de travail démontre qu'il ne peut ôlre
appliqué indifféremment dans toutes les parties d'un torrent
et qu'il faut, pour l'employer économiquement, que la section
nécessaire au débouché des eaux soit très réduite.
Barrages en Bois et Barrages vivants. — Il arrive souvent que
des sections de torrents et de ravins ne présentent ni dans le
fond de leur lit, ni dans leurs berges, des pierres soit d'assez
bonne qualité, soit en assez grande quantité, pour permettre
d'y construire économiquement des barrages en maçonnerie
de pierre sèche ou de mortier.
Dans les pays forestiers de la Suisse, l'on a recours au bois
avec lequel on construit des barrages ayant parfois de très
grandes dimensions. Ces ouvrages ont toujours le grave dé-
faut de ne pouvoir durer longtemps, d'obliger dès lors à des
reconstructions fréquentes, et de présenter en outre des dan-
gers de rupture au moment oii l'on aurait cru pouvoir comp-
ter encore sur leur sohdité.
Au point de vue donc de la construction de grands omTages
appelés à produire et à maintenir perpétuellement leur effet,
96
TRAVAUX DE CORR'.ECTION.
comme la plupart des grands barrages en maçonnerie, il faut
renoncer à utiliser le bois, soit seul, soit en mélange avec les
pierres.
Aussi bien les travaux de reboisement en France ne s'opè-
rent généralement pas dans des contrées bien forestières et le
bois ne s'y présente pas dès lors dans des conditions de bas
prix susceptibles de provoquer une grande tentation do l'em-
ployer pour do grands ouvrages appelés à se perpétuer.
Il faut donc s'en tenir à la construction d'une série de petits
ouvrages dont Tensemble puisse produire sur la correction de
Fig. 39. — Clayonnage de 1" ordre avec I.ongrines, Moises et Radier (1" type).
Élévation.
a section à traiter un effet analogue à celui d'un ou plusieurs
grands barrages, et alors abandonner toute idée de barrage e n
bois, pour s'arrêter exclusivement aux clayonnages et aux fas-
cinages. Ces genres d'ouvrages sont bien, il est vrai, con-
struits avec du bois, mais ils ont sur les premiers l'avantage
précieux de se perpétuer et de développer leur effet avec le
temps au lieu de disparaître; ils forment, en définitive, de vé-
ritables barrages vivants dans le fond du ravin.
Les clayonnages de premier ordre sont les plus importants
parmi les barrages vlvarits. Ils peuvent atteindre parfois une
assez grande longueur (do '20 à 30 mètres) ; mais leur bautour
ne dépasse jamais l"',-iO ou l'°,50 au-dessus du lit du torrent.
EXECUTION DES TRAVAUX.
97
Nous les rangeons on deux types principaux : le clayonnage
à nioises à l'amont et le clayonnage à longrinc encastrée, cha-
cun nayant qu'un seul parement tressé.
Les figures 39, iO et il représentent le premier (yp(^ en élé-
vation, plan et eoui)o {fk (jai/f'fio?;V\. 14).
Fis. 40. — Plan.
La hauteur au-dessus du lit est de l'",iO.
Le couronnement est horizontal sur une longueur de 3'^,o()
de chaque côté de l'axe et fortement relevé à ses deux extré-
mités il'°,oO de base pour i mètres de hauteur).
Fig. 11. — Coupe en long suivant A B du plan.
Le tressage est formé au moyen de branches de saule les
plus fortes qu'on puisse employer, placées alternativement
en avant et en arrière de piquets verticaux également espacés
et fixés solidement sur tout le développement de l'ouvrage.
Ces piquets sont de deux sortes : les uns sont en bois le plus
dur (|u'on ait à portée des travaux, les autres sont d(^s plan-
7
98 TRAVAUX DE CORRECTION.
(,'ons (If saulo appolés ;\ véiiétor. Los gros piqilols sont reliés
entre eux i)ar une longrine placée horizontalement un peu
au-dessous de la ligne du couronnement.
De chaque côté de cette longrine centrale, il s'en trouve
une antre reliant les piquets jjlacés sur les ailes.
A l^joO en amont du parement clayonné, sont solidement
plantés quatre piquets dépassant le sol de 80 ceiilimèlres au
plus et reliés avec la longrine horizontale par des nioises des-
tinées î\ augmenter la résistanc(^ du clayonnage ti la poussée
de rallerrissenient et à le maintenir ainsi rectiligne.
Au pied du clayonnage est établi un radier dont la tùte est
formée par un petit clayonnage de 50 centimètres de hauteur
ayant lui-même, à son pied, un petit enrochement.
A l'amont de l'ouvrage se trouve un remblai en terre et
I)ierraille, def (Jhj. il), ayant une plate-forme de 1™,50 de
largeur au sommet et talutée îi io degrés. Ce terrassement est
destint'' à pr()t(''ger le clayonnage coidre le i)renuer choc des
crues avant son alterrissement el à permctire aux boutures
d'entrer immédiatement en végétation. Ces boutures sont de
deux sortes : les unes, placées prescpie horizontalement dans
le sens de l'axe du ravin, passent leur tête ;\ travers le clayon;
les aulit's soiil enfoncées verticalement dans la plate-forme
du terrassenienl.
Ainsi citnsliiiil , le clayonnage pr(''S(>nte . (|uanl à sa forme
générale, l'analogie la i)lns complète avec les barrages rectili-
gnes en maçonnerie.
Dans l'exemple (l(inl il s'agit, les pi(Hiets sont en undèze
apoinlés au gros boni et leur |)lus petit diamètre varie
de \-l à IH ceidimèires; on les carbonise sur r",oO de lon-
gueur du côti'ï du gros bout, (pii doit ôlre mis en ferre.
Les pi(piets de saule sont jtris dans des branches cou-
])(''(^s depuis cinq jours au i)lus; ou a soin de ralVaicliir b-ur
bout par une section bien nette au moment de leur em-
ploi.
Les longrines, ainsi (\\w. les moises, sont également en mé-
EXECUTION DES TRAVAUX. 99
lèze, et (loivont avoir 20 centimètres de largeur sur 1 i centi-
mètres d'épaisseur.
Les branches de saule sont fournies par fascines de 3 mètres
de longueur sur 1 mètre de tour, préparées avec des rejets,
de deux h quatre ans, coupés depuis moins de cinq jours avant
remploi.
Pour exécuter l'ouvrage, on ouvre d'abord une fouille sur
toute sa longueur, de manière à atteindre le roc (dans les terres
noires du lias) ou le sol dur (dans d'autres terrains) ; notre
exemple étant choisi dans les marnes basiques, on rencon-
trera le roc à peu de profondeur.
La fouille une fois ouverte, on creuse à la barre à mine et
on drague les trous destinés à recevoir les piquets ; leur dia-
mètre est en moyenne de 15 centimètres, leur profondeur va-
rie de 80 centimètres dans le roc ;\ 1 mètre dans la terre dure.
Les piquets de mélèze sont placés à 1 mètre d'axe en axe
et ceux de saule à 33 centimètres, soit 'deux piquets de saule
dans l'intervalle de deux piquets de mélèze.
On place les piquets de mélèze dans leur trou par le gros
bout et on les consolide en chassant à coups de masse des
pierres dures faisant coin dans les trous.
Les branches destinées au tressage du clayon doivent avoir
au moins 2 mètres de longueur; elles sont entre-croisées de
manière à passer alternativement devant et derrière tous les
piquets ; le tressage doit être serré fortement ; aussitôt qu'il a
atteint 30 centimètres de hauteur, on établit à son amont un
remblai à la surface duquel on étend un lit de boutures,
de 80 centimètres de longueur, placées normalement au
clayonnage , espacées entre elles de 5 à 6 centimètres et dé-
passant de 3 ou 4 centimètres le tressage que l'on continue
sur une nouvelle hauteur de 30 centimètres; on le remblaye
à son tour et on y pose un nouveau lit de boutures, et ainsi
de suite.
Les longrines sont placées à 20 centimètres en dessous des
têtes des grands piquets préalablement arasés à la hauteur de
100
TRAVAUX DE CORRECTION.
I^,i0, et fixées à ces piquets par des crosses en fer forgé de
23 cenfimètres de longueur et de 1 centimètre de côté.
Les nioises sont entaillées au bout qui rencontre les lon-
grines, de manière à bien les prendre; elles sont de plus fixées
par une crosse en fer au piquet qui leur correspond, ainsi
qu'au piquet d'attache enfoncé à 2 mètres en amont.
Quant au petit clayonnage, tôte de radier, il est exécuté de
la même manière, mais sans longrine.
Les clayonnages du second type sont rcctilignes à un seul
pareuîent {de Gaijflh'r,V\. 21).
Les piquets de mélèze ont 2 mètres de longueur et sont en-
foncés de 80 centimètres dans le roc; leur diamètre, au petit
bout, est de 14 centimèlres. Une fois les trous bien préparés,
les piquets, apoin-
lés et carbonisés,
y sont assujettis
solidement. Gela
fait , on établit
une petite fouille
qui met partout
la roche à décou-
vert, afin de pou-
voir clayonner
jus(|u'à cette roche et éviter ainsi le passage de l'eau par des-
sous.
Après cela, on assujettit des i)i(piets de saule de l'",30 de
long et de 5 centimètres de diamètre au i)etit bout. Ces piquets
étant (iisliiiils de 33 centimètres, il y en a par suite deux
entre liuHjue couple de grands.
Ensuite on claymne avec de Irèsfitrtes branches de saule
de 2 nn''tres de long au ninins, on place un lit de biiulures tous
les 30 centimètres, et, au fur et à mesure, on élève un T-iiau-
Icment de terre par derrière.
On encastre le clayonnage de no centimètres dans la berge;
l'on pose, à la partie supérieme, une longrine horizontale fixée
?f>»^
Fig. 42. — Clayonnage de 1" ordre ii un seul
parement avec longrine (2« type). —Éléva-
tion dégagée des Terres.
EXECUTION DES TRAVAUX. 101
aux i)i(iut'(s (le uu'lr/.r par de Toiles crosses en fer. On achève
ensuite de clayonner les ailes, auxquelles on donne une pente
de 25 pour 100 de chaque côté de l'axe. La hauteur du clayon-
nage à l'axe est de 1™,20 au-dessus du lit.
L ouvrage terminé, on étahlit à son pied un fort enroche-
ment, long de I mètre et r(>tenu par des pi(iuets, afin d'(mipô-
cher l'affouillement.
On donne parfois aux clayonnages de premier ordri^ un fruit
de 0 à 10 pour 100, en les inclinant vers l'amont. Nous esti-
mons, vu le peu de hauteur des ouvrages, qu'il est préférable
de se rapprocher le plus possible de la verticale, afin de
P'ig. 13. — Plan d'une série de Clayonnages de 1" et S' ordra.
ménager davantage le tressage, qui, avec un fruit, subirait
le passage de toutes les eaux et des matériaux entraînés.
Construits au printemps, ces clayonnages sont amplement
atterris à l'automne suivant.
C'est alors qu'on commence la construction des clayonnages
de deuxième ordre, auxquels on donne généralement une hau-
teur de 50 à 60 centimètres.
Pour fixer leur emplacement on détermine, par un cordeau
bien tendu, la ligne allant du couronnement d'un des clayon-
nages de premier ordre au couronnement de celui du même
ordre placé immédiatement au-dessus, et l'endroit où le cor-
deau arrive à 50 centimètres de l'atterrissement du clayonnage
102
TRAVAUX DE CORRECTION.
inférieur est choisi pour emplacement du premier clayonnap:e
secondaire.
Les piquets de mélèze sont remplacés partout par des pi-
<piefs de saule placés à 33 centimètres l'un de l'auti-e.
Ces piquets sont enfoncés de 1 mètre de profoiid(Mir dans
des trous ouverts, à la pince, dans l'atterrissement.
Ceux plantés dans les berges sont fixés dans des trous laits
à la barre à mine.
Ces clayonnages sont tous, du reste, construits exactement
comme ceux de premier ordre, mais sans longrine.
Le i)remier clayonnage de deuxième ordre étant construit
en amont de chaque clayonnage de premier ordre, on pave
Kitr. 11. — l'i-olil en Imi';- outre duux Clavoniinires de 1" ordro.
grossièremi'iil sur nui' largeur variable, selon les r;ivins. tout
l'espace compris entre ces deux ouvrages, et l'on })lant<^ la
partie non pavée avec des boutures et des l)rins de leuillns,
tels (pie fiènes, ormes, érables, etc.
Cela t'iiil. on allend (pie laltorrissement se complète, ce
<pii arrive en ipiebpies mois.
Un construit alors un second pdii chiyonnage. dont rem-
placement est choisi comme pour le premier; l'on plante (>t
l'on pave, comme auparavant, l'espace entre les deux pelils.
vt ainsi de suite, jiisrprà ce (pie l'on soil arriv('' ;iu boni dn
palier.
(bi voit (pie. par i-e proce(l('', le lit du ra\in se trouve relevé
EXECUTION DES TRAVAUX. i03
d'iiiK' lacoii uiiironno et sur tout smi parcours. l']ii niùnio
temps, il se Irouve i)avé dans le milieu et planté sur les Ixtrds.
Il l'aul toujours laisser écouler un certain temps avant de
construire un clayonnage sur l'atterrissement du précédent,
atin (pie la terr(> de cet atterrissemenl ait eu le temjjs de se
bien tasseï'.
On construit parfois des clayonnai^cs d(^ j)rcmicr ordre à
double iiaremcnt. Dans ce cas, les deux j)arements dc'ternii-
nent une véritable forme de barrage, qu'on remplit do terre à
mesure que les lignes de boutures sont posées et que le tres-
sage avance {de Gayffer, PI. 14).
Ce genre de clayonnage, employé parfois, nous parait pou-
voir être avantageusement remi)lacé })ar le premier type de
clayonnage de i)remier ordre (jue nous avons décrit i)récé-
demment. Le second parement, en effet, n'avait été conçu que
pour augmenter la force de résistance de l'ouvrage contre le
premier cboc d'une crue. Des expériences récentes ont dé-
montré que les dispositions adoptées pour nos deux types leur
procurent toute la solidité désirable. Il n'y a donc pas d'inté-
rêt à construire ce second parement, qui coûte beaucoup plus
cber que les quelques moises en usage aujourd'bui.
Les fascinages de premier ordre sont construits d'une façon
analogue aux clayonnages, dont ils ne diffèrent ({ue par une
plus grande simplicité dans l'exécution [de (layf/ier, PI. 15).
A l'aval sont plantés des piquets de bois dur espacés de
1 mètre, d'axe en axe, et disposés dans les deux plans, l'hori-
zontal et le vertical, de manière à présenter une légère courbe
convexe vers l'amont ou vers le ciel; les piquets une fois
plantés, on nivelle le fond du ravin sur lequel on étend un
premier lit de boutures dans la direction de l'axe. Un pose
alors une première fascine de saule en travers du ravin sur
l'extrémité de ces boutures et à l'amont des piquets; cette
fascine doit être confectionnée de manière à présenter une
longueur égale au développement de l'ouvrage à la hauteur
où elle est placée, et une circonférence constante fixée gêné-
TRAVAUX DE CORRECTION.
raloinciil à I iiK'Iro; ollo os(. sr>rr(''o ot hion inaiiitoinio par des
liarts on saulo ot roliôo do iiiènio à (;ha([uo i)i(iiiot; onlin on
l'onraslro à chaquo cxtréniil/' dans les borgos do nianièro à
empOclior los oaux do tournor l'ouvrago.
On recouvre alors, à l'aniunt, los boutures par une couche
de terre jusqu'à la hauteur do la fascine et l'on pose un nou-
veau lit de boutures ot une seconde fascine qu'on remblaye de
niôuie et ainsi de suite.
Ciônéralement le nombre dos fascines est de trois, ce qui
donne au fascinage une hauteur de 1 mètre qui se réduit à
S() contimôlros par le tasseniont; mais on peut aller jus(ju'à
cinq, car à cause
du tassement on
ne dépasse pas
1"',50 do hau-
teur.
Ces fascinagos
sont moins com-
pli({ués que les
c 1 a y o n n a g e s ,
mais ils no peu-
vent è(ro employés (juo pour des profils en travers peu con-
sidérables, de 6 à 8 mètres au maximum; on les dispose du
reste comme des clayonnages de premier ordre quant au choix
de leur emplacement.
Les fascinages de deuxième ordre sont employés de la
même manière que les clayonnages d*^ mèiuo ordre. On les
conslruil à un ou doux rangs do j'asciuos au i)lus. Los pi(|uols
soni lonjoiu's on saulo ot enfoncés tantôt on avant, lanlùl au
miliou mèuu> des fascines.
(]es pi(juots sont aj)pol(''s à vég(''|or comme les boutures et
parfois quelques parties môme des fascines; mais ce dornior
cas est rare et il n'y faut pas trop compter.
Los fascinages de'deiixième ordre sont égalomonl encastrés
dans los berges; leurs intorvaljos soiil pianlt's au fur ot à nio-
Fig. 45.
Fascinage de l" oi-di'o,
défrayée des Terres.
Elévation
EXÉCUTION DES TRAVAL'X. 105
sure (lo lour ox(''(utioii ; giMirTalcinont on n'oxécuto pas do
pavé régulier, mais on rassemble à l'aval des fascinages toutes
les pierres (ju'on peut trouver à portée.
Les fascinages que nous venons d'énumérer sont di^stinés
aux ravins d'une certaine importance, dans lesquels la cor-
rection réclame i)lusieurs années consécutives pour èlre ter-
minée.
Mais on rencontre presque toujours d'autres ravins jdus pe-
tits et très nombreux dans chacun descpiels on peut opérer la
correction en deux saisons au plus.
A cet effet, au printemps par exemple, on établit les fasci-
nages do premier ordre en se servant de piquets de bois dur si
le fond du ravin présente la roche nue, ou de simples piquets
de saule s'il est garni de déjections; puis en automne on garnit
leurs intervalles avec des fascinages de deuxième ordre.
Les petits ravins, étant très nombreux en général, exigent
une quantité souvent très considérable de matériaux qu'on ne
trouve pas toujours à portée convenable du lieu d'emploi.
Afin de réaliser de ce chef une économie très sérieuse, on
peut remplacer avantageusement, dans le corps des fascines,
les branches de saule par d'autres branches provenant des
arbres et des broussailles que l'on rencontrerait h portée des
travaux. On forme ainsi des sortes de saucissons dont l'inté-
rieur est composé de ces branches de toutes sortes et dont la
cape extérieure est toujours formée de branches de saule,
essence d'une durée bien plus longue que celle de toute
autre.
Les profils de ces petits ravins étant très étroits, les fascines
n'ont que de petites dimensions et il n'y a dès lors aucun in-
convénient à ce qu'elles ne soient pas entièrement compos('es
de saule. Dans ces petits ravins, en effet, les atterrissements
des fascinages sont destinés à être entièrement garnis sur toute
leur surface par des plantations de boutures et de feuillus, et
l'on n'est pas obligé de conserver pour les eaux, comme dans
les ravins plus grands, un libre passage formant, d'un fasci-
106 TRAVAUX DE CORllbX'TIOX.
n;ii:(' à r;ui(n\ une sorte de canal (r(''conlemeiit, horih'- sur
cliaciue rive de i)lantali(»ns serr(''es ot parfois inêine de petits
clayonnages longitudinaux très bas; de sorte que. peu d'an-
nées après la confection des fascinages, les petits ravins sont
absolument et entièrement étouffés par la végétation, qui
s'empare plus rapidement du terrain, ce qui permet de ne pas
demander aux ouvrages une durée aussi longue (pi'à ceux
établis dans les grands ravins.
A cause môme des éléments (jui les composent, et dont une
partie est appelée à végéter, l'on ne doit entreprendre en géné-
ral tous les travaux de fascinages et de clayonnages qu'au
printemps et à l'automne. Cette dernière saison est bien pré-
férable à l'autre pour les grands travaux, à cause de la pré-
cocité de la végétation des saules au printemps.
La construction des clayonnages sur les atterrissements des
grands barrages réclame des soins spéciaux «ju'il convient d'in-
diquer :
l'our bien fixer les idées, nous donnons pour exo!iij)le la
section du Uourget, comprise entre les barrages n"* '2 et i.
Entre ces deux ouvrages, le plan (fig. 31) indique le barrage
n" 15 dnnl la construction a eu i)nnr ])u( de relever fortemenl
le lit ot de produire ainsi à son amont im élargissement de la
section, beaucoup trop étroite auparavant; le lit se trouvait en
effet très resserr»' entre des berges de terre en mouvement
susceptibles d'être affouillées {de Gayffîev, PI. 18).
La ligne AB indique l'axe clioisi i)()ur le tbahvog du futur
ruisseau sur la i)ente de l'atterrissemenf .
Sur les lignes (jFE1)(], (l'F'E'D'C, soni iii(li(|U(''s les clayon-
nages longitudinaux ('lablis sur les atterrissements [fuj. 31).
Les clayonnages transversaux sont placés à des distances
variant de 5 mètres à i mètres, suivant leur position; ils ont
tous 10 mètres de corde pour oU centimètres de llèclie; leur
bauteur varie de 50 centimètres à 70 centimètres, selon leur
place; la coupe en long (//f/. 3:2) indique les variations de bau-
teur ainsi (|ue la courliure doimt'e à l'arête des clayonnages
EXECUTION DES TRAVAUX. 107
longitudinaux connno au i)r()lil en long', suivant Taxe du lit;
l'olto courbure ost plus rolov(''ovprs l'amont <[U0 vers l'aval alin
do paror aux oirots do la vitesse acquise sur un parcours rela-
tivement assez grand. Dans les paliers moins importants,
comme celui ipii se trouve entre les barrages n°^ 3 et i, on se
contonto d'une ligne droite.
Les clayonnages longitudinaux sont construits à un seul
parement comme les transversaux; leur tôte se trouve placée
à 60 centimètres au-dessus de cliaque extrémité de ces der-
niers, de sorte que la section maxima du débouché sur un
clayonnage transversal est représentée par ahcd [fhj. 3i), pres-
que égale à celle du couronnement des barrages n°" "2 et 3.
On la laisse à dessein plus faible parce qu'aujoiu'd'hui Ton
n"a plus à redouter de grandes laves par suite des barrages
construits à l'amont, et qu'il ne viendra plus que de l'eau, oc-
cupant nécessairement un moindre volume. Cette eau cou-
lera donc nécessairement dans le grand chenal déterminé par
le système des clayonnages.
Afin d'éviter une masse tro[) compacte au moment de déver-
ser sur le couronnement, on a incliné à droite et à gauche les
clayonnages longitudinaux do H à C et de H' à (V, de telle
fagon que la tôte des piquets près du parement amont du bar-
rage vienne araser le couronnement [fig. 31) ; on obtient ainsi
un épanouissement de la lame d'eau et par suite son amincis-
sement; on opère de même à l'amont de chacun des barrages.
Derrière ces clayonnages longitudinaux, élevés ainsi à (50 cen-
timètres au-dessus de l'atterrissement, on a taluté les berges
vives du torrent; les terres s'appuient sur la face extérieure et
forment de la sorte, au nouveau lit du ruisseau, des berges
eu pente douce (pron a i)lantées on saules et en grand f(Miil-
lus.
Les lignes de saules et autres essences sont indiquées sur la
figure Si par des lignes pointillées et disposées à io degrés par
rapport à la direction de l'axe, de telle façon que si, par im-
possible, il survenait une crue dépassant la hauteur des dé-
108 TRAVAUX DE CORRECTION,
fensos do rives, les eaux soient constanmiont rejolées vers le
thalweg, ce qui sera d'autant plus facile que le profil en tra-
vers des nouvelles berges est en pente, douce d'abord, puis de
plus en plus jjrononcéo, jus({u'à altoiiKltc la pente naturelle
(les terres.
Les trails noirs ligures sur le couronnement du barrage
n° 2 {fig. 33) représentent les divisons de réchelle linminiélri-
(pie destinée à mesurer la hauteur des crues; la graduation
est faite de 20 en 20 centimètres ; les traits représentent l'in-
tersection de la courbe du couronnement par des plans
horizontaux passant par ces graduations; cette courbe, ayant
2 mètres de flèche, renferme donc dix intervalles.
De la guérite-observatoire construite au-dessus de l'aile
droite du barrngc n" 2, on peut dès lors observer et coter fa-
ciltunent tous les mouvements d'une grande crue sur le vaste
déversoir que présente le couronnement.
La figure 32 représente le profil m long, suivant l'axe du
plan de la section du torrent.
Les lignes KL et MN indiquent le proiil de l'ancien lit et le
reste du dessin présente la coupe des ouvrages transversaux,
ainsi que l'élévation des clayonnages longitudinaux.
La figure 30 donne le plan des lieux avant 1(> commence-
ment des travaux.
L;i lignri' ."il rournit \o plan des lieux aprôs l'exéculion des
travaux, y compris le talutagc des berges.
I^a ligure 33 donne la coupe en long des clayonnages longi-
tudinaux, le long desquels règne un enrochement continu ; la
ligure 38 les montre en élévation.
La ligure 3i indique l'i-Iévatiou, di'gagée des terres, d'un
clayonnage transversal el la coupe des clayonnages longitu-
dinaux. Le milieu de la coiiibe, sur une I(]|igiieur de i mèfiN^s,
est plus garni de pi(piels de im-lèze (jue les ailes, à cause de
la perpi-luiti' du courant des eaux ordinaires, tandis cpie sur
les côtés les iiiiinels de siiuie poiiridiil donner de lu végétation
appelée fi se m;iinteiiir, au cas plus (pu^ probable où la section
EXECUTION DES TRAVAUX. 10!)
adoptée pour le chenal viendrait à être trop grande, ce qui
se produira de plus en plus h mesure que l'extinction du tor-
rent sera plus complète et que la foret créée dans le bassin
de réception exercera de son côté une influence toujours
croissante.
Travaux complémentaires. — Ouln^ la consIrucliDu de tous
les ouvrages que nous avons passés en revue, il y a d'autres
travaux que l'on est souvent obligé d'exécuter dans les tor-
rents, soit en vue de mettre le sol en état de recevoir le reboi-
sement, soit en vue d'aider à la régularisation du cours des
eaux et à la fixation définitive des berges en mouvement.
On ne peut évidemment laisser les berges dans l'état abrupt
où elles présentent parfois des pentes ou des irrégularités
telles que l'on ne pourrait songer à y entreprendre d'emblée
des travaux de reboisement.
Pour modifier un pareil état, on est donc obligé delestalu-
ter sur les points dont il s'agit, afin de leur donner un profil
en travers convenable qui permette h la végétation de s'y
maintenir, et l'on fait, en conséquence, tomber dans le fond
du lit les principales saillies du sol, de manière à enlever de
sa surface tout ce qui pourrait risquer plus tard soit de
s'écrouler, soit d'être entraîné.
On applique les déblais ainsi obtenus à l'amélioration du lit;
les pierres sont employées pour les enrochements et le pavage
grossier du milieu du lit; les terres sont répandues en arrière
des clayonnages longitudinaux et le surplus est entraîné par
les eaux dans les atterrissements des barrages.
Ces opérations viennent naturellement à la suite immédiate
de la construction des divers ouvrages.
Dans les torrents comme dans les petits ravins, on doit évi-
ter avec le plus grand soin de laisser subsister au milieu du
lit les grosses pierres qui y font saillie et peuvent, à un mo-
ment donné, détourner le cours des eaux et les rejeter contre
les berges.
110
TRAVAUX DE CORRECTION.
On utiliso los pierres, d'abord pour les enrochements, puis
pour le pavage du nouveau lit sur les attcrrissenicnts; s'il en
reste en surj^lus, on les rejette de chaiiue cùlé du lit au pied
des bertres.
On rencontre i)arfois dans les berges, ou sur les versants
qui les dominent, des alTaisscments de terrains qu'on ne sau-
Kip. 4R. — Drainaf,'e des Sanièrcs. — Kiiuidistauce des Courbes : 5 mètres.
rait allribucr à rairouillenienl du sol par les torrents ou les
ravins, (.es untuvcuienls ne sont dus (ju'à l'cllet des eaux
l)rovenanl, soit i\i' la luiih' des neiges, soit de soui'ccs locales
<pii, h un nioineid diuini-, satiircnl des terrains perméables
rej)osant sur un i)lan lorun- pur des terrains ou des rochers
imperméables présentant unr inclinaison très prononcée. Le
sol, qui, sans cet excès d'eau, présentait toutes les apparen-
ces de la soliditi'. perd su])ilriiiciit sa cohésion; les parties les
EXECUTION DES TRAVAUX.
111
plus saturées s'écoulent coinnn^ forait du mortier sur un plan
incliné; la surface se J)oursoulle dans le sens du prolil en
long-, surloul vers le bas, et s'épanouit dans son prolil en tra-
vers ; le glissement commence et se répercute à son amont
où les masses terreuses, perdant leur i)oint d'appui, s'écartent
et s'alfaissent jusqu'à ce qu'elles aient rencontré une stabiliti'
relative.
I^e seul remède à une pareille situation consiste à donner
aux eaux un écoulement plus facile et plus régidier, au moyen
di^ grands drainages. A cet effet, on ouvr(^ une série de fossés
Fig. 47. — Coupe d'un Drain
(le 1" ordre.
Devis du mètre courant :
Déblais. . . . 1"'"120 à If'-QO — l''12
Pierrailles de
remplissage. l'^'-'OiO à 2f'50 — 2f'60
Pavage du fond 0 080 à 6 00 — 0 18
Fig. 48. — Coupe d'un Drain
de 2" ordre.
Devis du mètre courant :
Déblais .... 0'»«409 à l'^OO — 0''U)
Pierrailles de
remplissage. 0°":'^360 à 2''50 — 0''90
Pavage du fond 0 040 à 6 00 — 0 42
4 20
1 54
disposés en forme de drains, aboutissant par groupes à une
artère principale; ces fossés sont creusés aussi profonds qu'il
convient; on dame leur fond et on le revêt d'un pavage, aussi
régulier que possible, que l'on recouvre en remplissant le
fond avec de grosses pierres, en disposant ensuite, au-dessus
d'elles, des cailloux et enfin du gravier et de la terre ; l'artère
principale est préparée de la même façon, car il faut éviter,
avant tout, de provo({uer le moindre ravinement ou éboidc-
ment sur de pareils terrains.
Ces travaux exigent une étude très attentive du terrain et
se modifient suivant les circonstances locales.
La figure 40 donne un exemple d'un travail de ce genre
112 TllAVArX DE CORRECTION.
oxécntù avec plein succès dans une bcrgo on mouvomonl.
Les glissements de ce genre, qui sont de véritables etl'on-
drements, se manifestent surtout à la suite de la tonte subite
des neiges, dans les années où elles ont été abondantes; ils se
produisent parfois au milieu du terrain du plus bel aspect,
tels que des prairies de montagne non irriguées, et donnent
tout d'un coup naissance à de vérital)les coinhcs di's plus diffi-
ciles à corriger et ;\ éteindre '.
1. — Voir la note B, page Hl.
TORRENTS A CLAPPES ET GLACIAIRES. 113
CHAPITRE VI
TORRENTS A CLAPPES ET TORRENTS GLACIAIRES
But des travaux. — Barrages de retenue. — Emplacement des barrages
de retenue. — Exhaussement des barrages. — Murs en travers contre
les avalanches et les coulées de pierres. — Places de dépôts. — Exécu-
tion DES TRAVAUX. — Barrages exhaussés. — Barrages en gradins. —
Emplacement des nouveaux gradins. — Hauteur des gradins. — Profil
des barrages de retenue avec cuvette et contre-mur. — Murs en travers
contre les avalanches et les chutes des pierres. — Places de dépôts.
But des Travaux. — Nous avons défini les torrents glaciai-
res et ceux à clappes dans la fin du chapitre P'". La diffé-
rence caractéristique qui les sépare des torrents à affouil-
lements consiste en ce que dans ces derniers on peut arriver
à supprimer non seulement le transport des matériaux, mais
même leur production, tandis que dans les premiers, surtout
les glaciaires, on ne peut songer à tarir complètement la
source de production des matériaux, que l'on se trouve obligé
dès lors de retenir, soit dans le sein, soit dans le bas de la
montagne.
Il est évident que ces torrents peuvent présenter, dans les
parties inférieure et moyenne de leur cours, la plus complète
analogie avec ceux à afîouillement et nécessiter dès lors des
travaux identiques en vue de la régularisation du lit, de la
consolidation et de la fixation des berges. Tous ces travaux,
une fois terminés jusqu'au point le plus élevé possible, auront
bien substitué à l'ancien lit affouillable un nouveau lit, solide
114 TRAVAUX DE CORRECTION.
et ferme, mais non mis ;\ l'abri de tout charriage de maté-
riaux, car lo glacior ou 1(^ délitoment des roches supérieures
eontinucra à luuniir dos nialrriaux on dehors de l'action du
torronl.
Ici donc la consolidation et la réjïularisation du lit ne sont
})lus les soûls inoyons d'ohlonir la suppression du charriage
dos mali'riaux; il faut do plus arrêter ot retenir les matériaux
venant du plus haut point où les travaux des hommes seraient
d'un cfTot plus que douteux.
D"où il résulte que, tout en combattant l'affouillcment laté-
ral et longitudinal dans les sections qui viendraient à réclamer
ce genre de travail, il devient indispensable d'entreprendre la
conslruclion d'ouvrages destinés à retenir et à conserver au-
tant que possible dans lo sein de la montagne les matériaux
fournis au torrent en dehors de sa propre action.
Ces ouvrages consistent, dans le cours du torrent, en bar-
rages dits de retenue^ et dans la valléo sur son cône, on places
de dépôts {de Gayffier, PI. 27 à 29).
Il ne s'agit plus ici d'établir un système de barrages de hau-
teurs généralement faibles, appelés à poser par leur couron-
nement les jalons d'un canal régulier, à ressauts destinés à
briser la vitesse d'écouloment ot à pontes assez douces pour
empêcher l'érosion : il faut au contraire dos ouvrages dispo-
sés de telle façon qu'ils puiss<>nt rotonir, ;\ lour anutut ot par
rapport à la hauteur dont ils sont suscopliblos. la ]>lus grande
quantité possible de matériaux.
Les matériaux fournis par les glaciers sont do deux sortes :
d'» ne part, les boues glaciaires produites par les détritiis des
ruches, striées et broyées pendant le mouvement du glacier,
mélangées avec l'eau ((ui on découle; d'autre part, les débris
dos roches supérieures qui, par l'olTot dos iniluoucos atmo-
sjjhériques, se dt'lachont do la montagne, tomhoni sur le gla-
cier et Unissent par constituer sa moraine frontale et ses
moraines latérales.
(Jue le glacier, dans ses mouvements, vienne à reculer, son
TORRENTS A CLAPFES ET GLACIAIRES. llo
ancienne moraine frontale cl l'exlrémité inférieure de ses mo-
raines latérales se trouvent en butte à l'atrouillement des
eaux. Mais les matériaux, disposés en forme de digues trans-
versales et longitudinales, résistent longtemps à l'enlraîne-
ment et ne s'en vont que peu à peu.
En général, du reste, les glaciers sont moins à redouter au
point de vue des crues exce})tionnellos ({ue les neiges non
perpétuelles (pii fondent en été ' ; on peut môme dire qu'ils
régularisent en quelque sorte le débit des eaux.
Les neiges produisent au printemps de nombreuses avalan-
ches qui donnent naissance à des cônes de déjection composés
de matériaux meubles dont les plus légers demeurent au
sommet et les plus lourds occupent la base ; leurs pentes sont
fortes dans le sens du profil en long, mais souvent assez apla-
ties dans le profil en travers pour former d'immenses clappes
au-dessus desquelles émergent les rochers à pic.
Ces avalanches, qui prennent naissance dans des endroits
spéciaux, à pentes redressées violemment vers l'amont et for-
mant une sorte de bassin où les neiges ont pu s'agglomérer,
se précipitent périodiquement par les mêmes passages et ten-
dent ainsi à augmenter la masse des matériaux du cône
qu'elles laissent à découvert après leur fonte.
Dans les années ordinaires, la neige disparaît peu à peu et
n'occasionne aucun mouvement notable dans ces matériaux ;
1. — Lorsque la chaleur est grande ou que les pluies chaudes sout ahou-
dantes, on constate que les torrents axigmeutent de volume, mais cepen-
dant leur débit ne correspond pas à la fonte apparente ou au volume d'eau
tombée du ciel. La nuit, lorsque le temps est clair, au-dessus de 2,000 mè-
tres, toutes les eaux qui sillonnent la siu-face des glaciers, sous forme de
petits ruisseaux, se regèlent, et au murmure de ces rigoles succède le si-
lence le plus absolu ; les torrents qui sortent des glaciers ne continuent pas
moins à débiter une quantité d'eau à peu près équivalente à celle qu'ils
débitent le soir d'une belle journée de chaleur. Le glacier remplit donc
l'office d'une éponge qui, au besoin, retient l'excès d'eau jusqu'à ime cer-
taine limite, ou en fournit sur sa réserve ; l'hiver, les torrents cessent
presque complètemeut de couler ou diminuent sensiblement. (Viollet-le-
Duc, Le Mont Blanc, p. l'tO.)
116 TRAVAUX DE CORRECTION.
mais, aprps les hivers de grandes neiges qui donnent lieu à
des avalanches puissantes, la masse do neige, entassée à la
base des cùnes, devient très considérable, dure plus long-
temps et se maintient souvent jusqu'aux chaleurs estivales
qui, combinées avec une pluie d'orage, en opèrent rapide-
ment la brusque fusion à la suite de laquelle des matériaux
nombreux sont entraînés dans le lit du torrent.
Les points où doivent être élevés les barrages de retenue
ne sont plus indiqués par les mêmes considérations qui ont
servi de guide dans l'établissement des barrages de consolida-
tion que nous avons d(;crits dans les développements du cha-
pitre IV.
Un barrage de retenue doit, avant tout, provoquer à son
amont un bassin de la plus grande capacité possible. La di-
mension de ce bassin sera déterminée par la hauteur du bar-
rage, la largeur de la gorge au-dessus do l'ouvrage et enfin
par la pente-limite ou de compensation répondant à la nature
et aux dimensions des matériaux à retenir.
D'où il résulte tout d'abord que le barrage ne devra pas
être placr' à l'aval d'nno ponte trop forte, mais au contraire
sur une ponte aussi faible ({ue possible.
Ces cmplacomonts se rencontrent le plus souvent à l'amont
des cascades que présentent généralement les torrents, sur-
tout dans les régions élevées.
Ils sont des plus avantageux en outre pour les motifs ci-
après :
1° C'est là, plus (lue partout ailleurs, (ju'on a la ciiance de
rencontrer, soit au fond, soit sur les berges, un roc solide
qui pormottra do donner à l'ouvrage une assiette iiK-brardablo ;
2° C'est à l'amont de ces cascades rpio la gorge se rélargit
presque toujours;
3° Le prulil on travers à ronqjlacomcnt du barrage étant
étroit diminue la dépense et facilite l'exhaussement ultérieur
du barrage, considération des plus importantes, car l'effica-
cité d'un pareil ouvrage est en raison directe de sa hauteur.
TORRENTS A CLAPPES ET GLACIAIRES. 117
même abstraction faite de la largeur croissante de la gorge à
son amont.
Il est évident que si le torrent présente des sections sujettes
àraffouillement, ({u'il faut traiter par un système de barrages
de consolidation, ce n'est qu'à l'amont de la i)lus haute de ces
sections que devra commencer la série des barrages de rete-
nue, qui seront dès lors aussi rapprochés que possible de la
source de production des matériaux.
Dans cette hypothèse, le torrent se composera donc de deux
parties : l'une , l'inférieure , qui sera traitée par des barrages
de consolidation en vue de garantir son lit et ses berges contre
tout affûuillement ; l'autre , la supérieure , qui renfermera les
barrages de retenue appelés à empêcher les matériaux prove-
nant de causes étrangères au torrent lui-même de descendre
dans le nouveau canal d'écoulement et à les conserver dans le
sein même de la montagne.
Le rôle d'un barrage de retenue cesse évidemment du mo-
ment où son atterrissement a pris une pente égale à celle de
compensation , à partir de laquelle les matériaux venant d'en
haut passeront sur son couronnement. Force sera donc d'en
construire successivement d'autres en remontant vers l'amont,
ou d'exhausser le premier autant que possible, sauf à en con-
struire d'autres beaucoup plus tard sur des points dès lors
plus reculés vers l'amont.
Il n'y a pas d'inconvénients sérieux à donner à ces barrages
une hauteur plus grande que celle des barrages de consolida-
tion. Ici, en effet, on est certain d'établir l'ouvrage sur la
roche et presque toujours sur la roche très dure : les condi-
tions de stabilité sont donc beaucoup plus complètes; de plus,
la situation même des ouvrages, placés dans les régions supé-
rieures du torrent, fait que la masse des eaux est beaucoup
moindre que vers le bas; enfin ils n'ont à supporter leffoit
d'aucune véritable lave.
L'exhaussement d'un barrage de retenue peut s'opérer de
deux façons : soit par la superposition, sur le barrage lui-
118
TRAVAUX DE CORRECTION.
mémo, d'une nouvollo assise formant son prolongement; soit
par l'établissement d'une série de barrages disposés en gra-
dins (Tune largeur sensiblement égale à leur liauleur et con-
struis au fur et à mesure de la formation des atterrissemcints.
Il est évident qu'au point de vue de la quantité des maté-
riaux retenus au moyen d'une égale hauteur cumulée de murs,
il y a tout avantage à exhausser un barrage donné, plutôt
que d'établir à son amont une série de jjelils barrages égaux
en hauteur à chacun des exhaussements successifs. La dé-
pense en effet est sensiblement la même, mais le cube de la
retenue est bien supérieur dans le i)remii'r cas (pic dans le
Fig. 19. — Comparaison dos diirorents S3'stéines de Barrages.
second. Par les mômes motifs, l'exhaussemenl en gradins, s'il
n'offrait ])as d'ailleurs certains avantages, devrait toujours
laiic plaei' ;'i j'exlinnssemenl du barrage . suivant le prolon-
gement de son i)ar(>ment d'aval.
La figure i9 fait ressortir ces dillV'i'enees d'iine façon assez
claire pour dispenser d'entrer à ce sujet dans de jjjus grands
développements.
Ces barrages de retenue ne sont pas les seuls onvragi's (pie
l'on ait à établir dans ces hautes régions oii il faut chercher
soit à diminuer, soit mC'me à supprimer les avalanches.
A cet effet ', « à rextr(''mité du lit d'avalanches, au-dessus
de l'exutoire placé en amont du (une de dt'jeetion, on peut,
1. — ViulIut-le-Duc, Lr Mont Hhuir, p. :i.'.l.
TORRENTS A CLAPPES ET GLACIAIRES.
MO
Fig. 50.
Couloir d".\.valanche.
à l'aide des pierres abondantes sur ces lits, former une sério
de barrages perpendiculaires aux directions des pentes. Ces
bourrelets de roches et pierrailles {fi(j. 50, voir en A), n'ayant
qu'un assez faible relief, arrê-
tent les neiges, les empêchent
de glisser en nappes et les obli-
gent à fondre sur place ou à
se déverser pour couler. Ces
barrages bien connus et aux-
quels les montagnards de la
Savoie donnent le nom de tour-
nes ne sont établis par eux que
dans les vallées, au point de
chute extrême des avalanches,
pour protéger leurs habitations.
(Cependant c'est non à la limite
du parcours des avalanches qu'il
les faudrait élever, mais là oi^i les avalanches s'accumulent
pour descendre en masses formidables dans les couloirs.
Les neiges ne se précipitent dans
ces couloirs cjue parce qu'elles
trouvent au-dessus le lit mou-
tonné, poli, d'un ancien glacier, lit
dépourvu d'aspérités. Il suffit gé-
néralement de quelques obstacles
pour les arrêter dans leur course,
au moment où elles commencent à
se mettre en mouvement.
« Ces tournes [fig. 51), présentées
en projection horizontale A et en coupe suivant a b.
coupe B sur ah^ peuvent n'avoir dans la i)]ui)art des cas que
2 à 3 mètres de hauteur à l'éperon au-dessus du profil de la
pente, et l'on doit tenir leur surface supérieure plus ou moins,
déclive en raison de cette pente.
« Elles ne sauraient arrêter une avalanche au milieu de sa
Fio-. 51.
Plan il'iine tourne.
120 TRAVAUX DE CORRECTION.
course, mais elles résistent à son gjlissement initial bien mieux
encore qu'à l'ellort terminal à fin de course, lequel ne peut
jamais ôtre connu exactement.
« Toutefois, les points où elles doivent ôtre établies, dans les
larges entonnoirs qui surmontent les cônes de ^déjection, de-
mandent à être marqués par un bon observateur. Leur conser-
vation et leur effet préventif dépendent du choix de ces points.»
Dans les grandes clappes, en dehors même du parcours des
avalanches, on emploie avec avantage des murs en travers
construits avec un fruit extérieur très prononcé et retenant à
leur amont les débris des roches supérieures ; ces nmrs se con-
struisent par gradins en parlant de l'aval et en remontant suc-
cessivement vers l'amont {de Gayffier, PI. 39).
Malgré l'effet des barrages de retenue dans les régions supé-
rieures et des barrages de consolidation dans les parties plus
basses d'un torrent, il pourra parfois arriver que des maté-
riaux de petites dimensions et des boues descendent dans la
vallée jusque sur le cône de déjection. Si les circonstances
locales, telles que l'endiguement de la rivière, exigent que les
matériaux ne puissent pénétrer dans le lit de cette dernière,
on se trouvera dans la nécessité de les retenir dans la vallée
même, aux abords des cônes.
Pour atteindre ce résultat, on aura recours à la construc-
tion dune place de dépôt, système qui a produit d'excellents
effets dans le canton de Cdaris (Suisse), où il a été inanguré à
la suite de la correction de la Linfh.
Ces places de dépôts consistent m un cmphiccnicnt, choisi
dans des c^mdilions convenables et entouré de digues, dans
lequel le troi)-plein de matériaux vient se di'jjoser pour ne
laisser sortit, piir un rxiiloire grillagé, (|ue l'eau seule. Une
disposition spéciale peiiuet de combattre la tendance des dé-
jections à se former en cône et les répand en couches aplaties
sur la surface plane do dépôt, dont les digues sont exhaussées
en cas de besoin.
Une fois cette j)la(e remplie jus(iu'à la hauteur maxima
TORRENTS A CLAPPES ET GLACIAIRES.
121
qu'on pont donner à ces digues, on en établit une nouvelle et
on reboise l'ancienne dans le but de fixer définitivement le
sol, sauf à le rendre dans l'avenir à l'agriculture une fois que
ses conditions de stabilité auront été reconnues suffisantes.
Exécution des Travaux. — Les barrages de retenue, par suite
de leur situation, ne peuvent généralement être construits
qu'en pierre sèche.
Appelés à agir comme murs de soutènement contre la pous-
Fig. 52. — Coupe d'un Barrage exhaussé.
{de Gayffier, PI. 27 et 28.)
sée des matériaux amenés et accumulés à leur amont, ils doi-
vent présenter les conditions de solidité les plus complètes.
Aussi les construit-on sur le môme type que les barrages de
consolidation, en voûte horizontale. Comme généralement on
ne travaille pas avec des pierres de taille, mais avec des blocs
presque bruts, on donne à la courbe de voûte un rayon plus
court afin de i)rocurer au calage des pierres, par un arc plus
cintré, une plus grande résistance ; quant aux parements, on
élève celui d'amont verticalement; l'on donne ù celui d'aval
un fruit de 25 à 30 pour 100 et l'on bâtit par assises perpen-
diculaires à ce fruit. On n'a plus ici, en efiét, à redouter le
122 TRAVAUX I)K COURE(;TION.
passap:o dos laves comme dans les barraj?os de consolidation ;
l'eau, à peu près seule, franchira le couronnement, et enlin
rallerrisscnienl ne sera formé ((uc de nialériaux rurhcux el
(le i)ierrailles.
Jje barrage étant construit d'abord sur une haut(Mn' de i mè-
(res, par exemple, eu dessus du lit, il arrive un mouuMit oii
la nécessité de l'exhausser se fait sentir par la pente prise par
l'attcrrissement et qui devient telle que les matériaux no tar-
deront pas à ne plus pouvoir s'y arrêter. On procède alors à
roxhaussoment du barratie lel (|ue le représente en 00' la
lifïure ^"2.
Derrière la maçonnerie de blocs «, 0, c, d, de 2 mètres d'é-
paisseur, on a ou soin d'élever une maçonnerie c, r/, c, f\ aussi
épaisse en ce, mais à parement ef vertical et construite avec
des pierres sèches de dimensions ordinaires. Cette couche de
maçonnerie reçoit directement la pression dos matériaux
charriés et la transmet divisée à l'anneau maçonné on ji:ros
blocs, ce qui tend à lui enlever tout effet nuisible.
Elle sert en outre à procurer de bonnes fondations à l'ex-
haussement <^/>'.
Lorsqu'a])rès un certain nombre d'années, celui-ci <'sl rem-
pli et que l'atterrissement va prendre la pente />', on procède
M un nouvel exhaussement vu h' h" el :iinsi de suite, juscju'à
ce qu'on ait atteint la hauteur maxima qu(^ l'on s'est inq)osée.
Nous avons vu dans le lUifliruns, comnmne de Mollis , can-
ton de (iliuis (Suisse), des barrages de ce genre (pii, à la
suite d'exhaussements successifs, avaient atteint une hauteur
de 70 i)ieds, soit de 21 mètres. Les blocs du parement d'aval
avaient tous des dimensions en longueur, largeur et hauteur,
dniil li's nmiiidrcs variiiieiil de 1 uièjre à r",,)().
(les barrages, construits depuis plus de trente ans. pn'-sen-
tenl l'aspect de la solidité la plus di'sirable.
Le système des barrages en gradins pidposi- par M. l'ing(''-
nieiir Hrctou ' trouve ici son apphi'atinn.
1. — Mémoire sitr lr<; liurrngcx de rrlenuc de graviers. (Paris, 1867.) Étude
TORRENTS A CLAPPKS ET (GLACIAIRES. 123
La figuro 53 fait voir immédiatoinont la disposition des bar-
rages échelonnés, dont nous empruntons la description à
y Étude sur le s>/s(ème général de défenses contre les ton-eiits, \)u-
bliée en 1875 par l'Imprimerie nationale :
« Dans le choix de l'emplacement du premier gradin, ou
du premier barrage, on a dû chercher à donner le plus grand
volume i)0ssil)le au magasin de gravier à retenir, atin d'allon-
ger autant que possible la durée de l'efficacité complète : le
même motif exige cpie le second gradin soit placé le plus près
possible en amont du premier. Entre ces deux gradins, il
convient do laisser un petit intervalle, où la nouvelle chule
3^ gradin'
Fig-. 53. — Profil d'une suite de Barrages en Gradins.
pourra creuser un affouillement assez profond pour que la
force vive de la chute s'y amortisse sur place dans les tour-
billons ; mais il est bon que cet intervalle ne dépasse pas en
longueur ce qu'exige le développement de ces tourbillons,
atin que la crête du premier barrage fonctionne comme le
bord d'une cuvette qui limite l'approfondissement.
« Après que le deuxième gradin aura achevé le service qu'il
peut rendre en retenant complètement les déjections, c'est-à-
dire quand les déjections qu'il retient affleureront sa crête,
on en (HaJjlira un troisième, et ainsi de suite à mesure des
besoins.
(( La hauteur de chacun des gradins doit être réglée de ma-
sur le sjjsfpine r/rnéral de défenses contre les torrents. (Imprimerie Na-
tionale, 187.J.)
124 TRAVAUX DE CORRECTION.
nièro que l'i'tan^^' formé on amonl du barrage aiLuiio longuoiir
suriisanlo pour qu'on soit sur quo le torrent no pourra jamais
pousser en une seule crue un l)anc. do gravier juscpi'à la crête
du barrage, do manière que les déjections la t'rancbissent tout
de suite, sans avoir rempli un grand réservoir de gravier sur
lequel on avait compté.
« Lorsque les circonstances locales motivent l'emploi de
la maçonnerie à cbaux bydraulique ou mortier \ on peut
adopter un profil analogue à ceux dos murs de soutènement,
avec un fort talus ou de larges retraites en aval et le parement
d'amont vertical. Il convient alors de recevoir la cbuto de
l'eau sur un radier épais, formant le fond d'une cuvette en
contre-bas du lit naturel du gravi(M"; l'autre bord de la cuvette
doit être fornn'^ d'un contre-mur élevé jusqu'à ileur du lit
naturel de gravier; et, en prévision de l'approfondissement du
lit, qui se produira dès que les graviers entraînés en aval ne
seront plus remplacés par les déjections retenues derrière le
barrage, il est indispensable de fonder le contre-mur le plus
bas (juo l'on peut. Autrement on serait trop tôt forcé d(^ repren-
dre à grands frais le contre-mur on sous-œuvre.
'< La largeur do la cuvette, depuis le pied (hi i)aremont d'aval
du barrage juscpTau contre-mur, doit être suffisante pour que
les liantes eaux, («iinhant on déversoir par-dessus le barrage,
atteignent le fond de la cuvette assez loin avant le contre-mur;
car il faut que cette grosse veine tluide ait l'espace suftisanl
pour se relever derrière le contre-mur, pour s'épanouir j)lus
liant en laissant sur elle un tourbillon cyliiidri(iue (jui lonr-
n(tie sur j)lace, et pour, de là, prendre son cours en aval ai)rès
avoir perdu le plus possible de son agilalion.
" (Juand le gravier retenu allleure le ])reinier gradin, il faut
creuser derrière son couronnement une cuvette aussi profonde
et aussi large que la jjremière, également revêtue d'un fort
1 . — Nous avons indiqué jilus haut que dans le ca.s spécial des barrages de
retenue le même profil peut être adoi)té pour la maçonnerie en pierre
sèche.
TORRENTS A CLAPPES ET GLACIAIRES. 125
radier et liée d'un bord au parement do derrière du premier
barrage et de l'autre au pied du mur de terrasse formant le
second gradin. Ainsi, pour ce second gradin, le haut du pre-
mier mur fait fonction do contre-mur. »
Le système des gradins coûte évidemment plus cher que
celui des barrages exhaussés, puisqu'on a on plus les fonda-
tions de chacun des gradins et les radiers, mais il présente
l'avantage précieux de rompre la vitesse des eaux, d'éviter une
hauteur de chute toujours très dangereuse et de faire courir
beaucoup moins de risques en cas de rupture ou de dégrada-
tion d'un des gradins.
Dans des cas exceptionnels où il faudrait absolument obte-
nir un relèvement énergique du lit, on pourrait môme l'em-
ployer pour les barrages de consolidation dans les régions
inférieures du torrent, mais à la condition que les atter-
rissements ne soient formés que de blocs et de pierrailles , à
l'exclusion des matières terreuses et des boues, ce qui est bien
plus rare à rencontrer qu'aux grandes altitudes où les débris
de la roche supérieure dominent presque exclusivement.
Les murs en travers sont construits en pierre sèche.
Dans les clappes, ces murs peuvent être construits sur des
longueurs plus grandes et occuper la place d'une courbe hori-
zontale.
Le couronnement de ces murs doit être bâti avec les plus
grosses pierres, bien assemblées entre elles, de manière à pré-
senter une grande résistance par leur masse.
Les figures 54 et 55 donnent le plan et la coupe d'une place
de dépôt, disposée sur un cône de déjection indiqué par des
lignes pointillées; en a se. trouve le dernier barrage de conso-
lidation, à l'aval duquel est construit un perré /destiné à diri-
ger les eaux vers la place D qui est entourée de digues d, for-
mées d'une levée en matériaux de terre et pierraille pris sur
le cône môme, avec revêtement intérieur en maçonnerie
de pierre sèche; en bc est construite une digue transver-
sale de môme hauteur ({ue les digues d, destinée à corn-
l;iG
T K A \' A U X D E COUR !■: C T I 0 X .
battro la tendance des dépôts, à former une surface conique
et à les répandre sur la surface de la place D ; en g se trouve
;ÎN
i;Jl
l'ig. 51.— riace de Déput.
lin triple grillage en forts pieux, chargé do retenir les maté-
riaux un pou gros; en h est un perluis, muni d'une vanne,
par lequel les eaux décantées s'é-
coulent et se dirigent vers la rivière
en suivant le canal K.
Les emplacements de la place
de dépôt. D peuvent occuper suc-
cessiveniciil la surface cnliér.' du cône de déjection et per-
mettre ainsi d'y conserver le trop-i)leiu des matériaux cpie
n'auraient pu arrêter les travaux exécutés à l'amont.
V\g. .").">. — Coupe suivant hi n
d'une Place de Dépùt.
LIVRE QUATRIÈME
TRAVAUX DE REBOISEMENT ET DE GAZONNEMEiNT
CHAPITRE VU
DU REBOISEMENT EN GÉNÉRAL
Avant d'entrer dans l'examen détaillé des diverses questions
que soulève l'exécution des travaux de reboisement sur des
montagnes dénudées, il est indispensable de bien préciser le
but qu'on se propose en entreprenant une semblable opéra-
tion.
Ce but est la création d'une végétation ligneuse qui réponde
aux conditions suivantes :
1° Posséder des racines assez puissantes pour enserrer le
sol dans leurs innombrables réseaux, le rendre au besoin plus
perméable et le protéger contre l'entraînement ;
2° Présenter un couvert assez complet pour abriter sa sur-
face contre les influences météorologiques ;
3° Fournir un bumus de plus en plus abondant, appelé
d'une part à fertiliser le sol et à augmenter ainsi la puissance
de la végétation, et d'autre part à favoriser le ralentissement
et la régularisation du débit des eaux pluviales ou des neiges
fondant à sa surface ;
4° Maintenir, sans interruptions momentanées et perpétuel-
128 REBOISEMENT ET G AZONNEMEN T.
loment, ces salutaires effets et les développer avec l'aide du
lomps.
La futaie seule est capable do satisfaire sans restrictions h
l'ensemble de ces conditions; c'est donc sa création et son dé-
veloppement qui doivent être le but final du reboisement.
Il est évident que, dans les conditions où se présentent le
plus souvent les terrains destinés au reboisement, on ne peut
songer à obtenir indifféremment partout et d'emblée «la créa-
tion d'un peuplement appelé à former la futaie désirée, et
que sur bien des points il faudra se contenter d'abord de pro-
duire une végétation quelconque et attendre de longues an-
nées pour que les conditions du sol se soient suffisamment
modifiées. Mais il demeure constant que partout où l'on pourra,
dès le début, préparer des massifs susceptibles d'être élevés
en futaies, on devra rejeter toute pensée de création do taillis,
auxquels certains auteurs ont donné sur la futaie une préfé-
rence que rien ne peut justifier sérieusement.
Le taillis, en effet, ne se régénérant que par souches, est
loin de présenter les garanties do perpétuité que possède la
futaie qui se régénère par semis.
Le taillis s'exploite par surfaces assez grandes qu'il laisse à
découvert en tout ou en partie, selon qu'il est simple ou com-
posé, tandis que la futaie, quand il s'agit de forêts de protec-
tion, ne s'exploite que par un furetage ou jardinage n'inter-
rompant jamais le massif d'une façon appréciable.
La futaie, surtout dans les pays de lumière comme les mon-
tagnes du Midi, comporte le plus souvent deux étages de vé-
gétation : le plus haut, composé de grands arbres formant le
massif, et le second, d'une basse végétation forestière qui
forme un complément précieux i\ la couverture du sol fournie
par les grands arbres.
Kniïn le taillis ne dépasse guère une allilude de t,!200;\
t,500 mètres au-dessus de laquelle on est bien ubligi'; d'avoir
recours à la futaie, i)nis(pieles résineux seuls peuvent y for-
mer des massifs.
DU REBOISEMENT EN GENERAL. 129
Le but des liavaux de reboisement étant bien précisé
coninie eonsistant à créer des futaies soit directenicnl. soit à
l'aide d'une végétation transitoire, nous allons examiner les
diverses (juestions que soulève sa poursuite et qui se ré'sument
en deux principales, savoir :
Dune part, le choix des essences que l'on doit adopter, se-
lon les cas, comme définitives et comme transitoires, si besoin
en est;
D'autre part, la nature des mesures préparatoires et des tra-
vaux que leur emploi nécessite et le mode d'exécution qui
parait préférable, selon les cas.
130 REBOISEMENT ET G AZO N N E .^rE^'T.
CHAPITRE YIII
DU CHOIX DES ESSENCES
Du CLIMAT. — Climat général. — Échelle de la végétation forestière. —
Climat local. — Situation. — Exposition. — Vents dominants. — Mon-
tagnes environnantes. — Humidité de l'atmosphère. — Répartition des
pluies. — Intensité de la lumière. — Du sol. — Nature minéralogique.
— État physique. — État de la superficie. — Répartition des essences
FORESTIÈRES DANS LES DIFFÉRENTES RÉGIONS CLIMATÉRIQUES. — Générali-
tés. — Essences dominantes dans les massifs forestiers de chaque région.
— Essences secondaires. — Peuplements mélangés. — Description des
ESSENCES forestières PROPRES -VU REBOISEMENT. — Climat chaucl : Ar-
bres de massif. — Essences secondaires. — Essences exotiques. — Ré-
gion moyenne ou tempérée : Essences de massif. — liéfjian froide on
alpestre : Essences de massif. — Essences secondaires. — liégion alpiw
ou trèx froide.
Le choix dos osscncos qu'on doit adojjlor dépend d'une série
d'observations multiples ayant pour résultat la dtHerniination
des conditions .de climat et de sol où se trouve le terrain à re-
boiser.
Cette (Hude préalable doit être considéri'C comme la base
essentielle de toute entreprise de reboisement et l'inobserva-
tion des enseignements qu'elle im])lique amènerait iatalejnent
d'amères déceptions.
Aussi croyons-nous devoir entrer à ce sujet dans certains
développements.
Du Climat. — L(3 climat peut être considéré sous les deux
points de vue : (jénéral et local.
DU CHOIX DES ESSENCES. 131
Lo climat f/éncral est détormiiié lo plus souvent par la lati-
tude, bien que dans de nombreux cas la longitude vienne ap-
l)ortcr (les modifications importantes suivant la plus ou moins
grande i)roximité de la mer et l'orientation des côtes.
On sait en effet que dans les continents les côtes occidenta-
les jouissent, i\ latitude égale, d'une température moyenne
plus élevée que les côtes orientales; de là, pour la France, un
climat général assez doux, dans une zone longeant les côtes de
l'Océan et subissant l'influence des courants chauds.
Abstraction faite de cette influence du voisinage de la mer,
il est constant que, d'une part, plus on s'éloigne de l'équateur
en remontant vers le nord, plus la température diminue, et
que, d'autre part, un abaissement graduel de la température
se manifeste à mesure qu'on s'élève verticalement au-dessus
(lu niveau de la mer.
En ce qui concerne la France, M. Gh. Martins, après avoir
calculé le nombre de myriamètres à parcourir en plaine du
sud au nord pour arriver à un abaissement de température
de 1° centigrade, et recherché la hauteur verticale où il fau-
drait s'élever pour arriver à la même baisse thermométrique,
a obtenu pour résultat qu'en partant d'un point donné, on
trouve un climat analogue soit en s'élevant de 180 mètres, soit
en s'avançant dans la plaine de '2-2 myriamètres vers le nord*.
De cette loi il découle donc que 81"", 81, soit 8:2 mètres en
nombre rond, d'ascension verticale correspondent à l'avance-
ment d'un degré vers le nord en plaine.
Le cMmat g énéj'al, déterminé surtout par la température des
différentes saisons, assigne aux i)lantes leur aire d'habitation,
d'où il résulte qu'on peut établir des régions climatériques
caractérisées par certaines plantes spéciales qu'on rencontrera
successivement en marchant en plaine du sud vers le nord.
Les plaines de France, se trouvant comprises entre le 42* et
le 51*^ degré de latitude, ne peuvent ofîrir du sud au nord, à
1. — Du Spitzbery au Sahara, p. 33.
132 REBOISEMENT ET G AZON NEMEN T.
altitude éiialc. (iiruuc (liHV'i'ciici' de i",0<S dans la t(Miip(''i'atiiro
moyenne, abstraction faite des intluonces locales dues à l'abri
fourni par des montagnes, à rhumidité do l'air et à la nature
du sol; tandis que, dans les limites des mêmes parallèles, les
montagnes, dont certaines supportent des neiges éternelles,
présentent successivement, suivant les altitudes, toutes les
écbelles de climat (ju'on rencontrerait en remontant du
42* degré de latitude jus([u"au delà du cercle polaire.
Il en résulte que, dans l'éclielle des altitudes, on peut éta-
blir diverses régions climatériques dont les iniV'rieures pour-
ront trouver en France leurs analogues dans l'ordre des lati-
tudes, mais dont les supérieures api)artiendront exclusivement
aux montagnes.
Au point de vue forestier, nous adopterons les quatre gran-
des zones climatériques indiquées par M. Mathieu, sous-direc-
teur à l'Ecole forestière, savoir * :
1° La région médilerj-anéenne ou chaude, du niveau de la mer
à 600 mètres ;
"1° La moyenne ou tempérée, de HOC à 1,000 mètres;
3° V alpestre ou fruide, de 1,000 à 1,800 mètres;
-i" Val/)ine ou t7'ès froide, de 1,800 à 3,000 mètres.
1° riiiiini iin'ililcrranéen. — Caractéris('' dans le bassin mé-
dilerraM('eii i»;ir l'olivier ([ui y atteint 600 mètres d'altilude (à
Digne, point culminant de cette culture), ce clinuit (l(''t(M-mine
l'habitation des pins d'Alep, pinier et maritime, des chênes
verts, yeuse, liège et kermès. On y rencontre exceptionnelle-
ment le caroubier,
i° Climat tempéré. — C'est le climat par excellence des chênes
rouvre et pé'ddnculé; on y rencontre encore le pin maritime,
mais nmi loin de la nier: \r pin d'Alep w disparu lotalenienl,
aitjsi ((ue les chênes à feuilles persistantes; \i\ chàtaigner, les
peupliers, le frêne, l'orme et l'érable plane y abondent; enfin,
1. — Mulliieu (Sous-direcleur ;i l'Ecole forestière). — Le Reboisement et le
Gazonncment des Alpes. (18C5.)
DU CHOIX DES ESSENCES. 133
dans los parties supérieures, apparaissent le pin sylvestre, le
hêtre et exeeptionnellenient le sapin.
3° CUmat froid ou alpestre. — ('.e climat se si,unale par la ra-
reté des massifs feuillus, dont l'essence princii)ale est 1(> hêtre
mélangé avec l'érable sycomore, le bouleau et le sorbier des
oiseleurs. Les massifs principaux sont essentiellement fournis
par des résineux : le pin à crochets, le sapin, l'épicéa et le mé-
lèze.
■i° Climat très froid ou alpin. — Caractérisé par l'absence
totale de massifs feuillus, ce climat ne présente plus que le
mélèze et le pin cembro comme essences forestières qu'on
trouve jusqu'à près de 3,000 mètres au-dessus du niveau de
la mer, dans les Alpes françaises, où cette altitude peut être
considérée comme la limite supérieure de la végétation fores-
tière.
Dans l'échelle des latitudes, on ne rencontre dans les ;j/a//?es
de France que les deux premières régions entières, la troi-
sième ne s'y trouve qu'en partie, et la quatrième fait totale-
ment défaut.
Cette classilication établit dans l'échelle des altitudes, pour
les essences forestières, un ordre de succession qui n'a rien
d'absolu et peut être modifié par une série de circonstances
locales indépendantes du climat général d'une région donnée.
C'est ainsi qu'en montagne, dans une même région clima-
térique, on rencontre, soit la même essence à des altitudes
qui présentent parfois des écarts de plusieurs centaines de
mètres, soit à altitude égale des essences appartenant à des
régions climatériques différentes, soit enfin telles essences
spéciales, à l'exclusion absolue de telles ou telles autres qu'on
retrouve à des altitudes semblables dans d'autres parties de
la même région.
Ces modifications dans l'ordre de succession ou dans l'ha-
bitation des essences forestières sont dues à deux causes dé-
terminantes : le climat local et les conditions du sol.
D'où il résulte que pour bien choisir les essences à préférer
i;i4 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
dans lo roboispinoiit d'un lorrain donné, il no suffit pas, mal-
gré l'imporlance de co proinior oxamon, do détorniinor à
quelle région climatérique il appartient, mais quil laut de
plus étudier les conditions du climat local et du sol ; le résul-
tat de cette étude indiquera seul avec certitude les essences
qui peuvent végéter convenablement dans les conditions du
lieu et il n(> restera plus (pi'à donner la préférence à celles qui
répondent le mioux au but du reboisement qu'on veut entre-
prendre et dont les elfets, comme les produits, paraîtront les
plus utiles.
Le climat lucnl d'un lorrain donné dépend de sa situation,
de son exposition, do la nature et do l'intensité des vents do-
minants, de l'abri formé par les montagnes envirunnantos, do
Ihumidité plus ou moins grande do l'atmosplière, de la ré-
partition des pluies dans les différentes saisons, de l'intensité
de la lumière, enfin des transitions plus ou moins brusques
ontro la clialour o( lo froid, soil dans les journées, soit dans
les saisons.
ha. situation est déterminée par l'altitude du lion ot par l'o-
rographie de ses environs; do là, dos situations en plaim-s et
en coteaux, en montagnes ot on vallées, on versants ot on pla-
teaux.
Tout versant de coteaux ou de montagnes présente une incli-
naison quelconque vers un point donné de l'horizon : c'est ce
(ju'on nomme son exposition; d'où résulte une série d'exposi-
tions répondant aux directions do la rose des vents et parmi
lesquelles les quatre priiicipalos sont : les expositions /<o?ï/, est,
si(d et ouest.
Examinées au point dr vue inlrinsé([uo, ces expositions
sont caractérisées ainsi (piil siiil : l'exposition /mrd. pies(|iie
entièrement soustraite à rinlliienee solain' directe, est plus
froide, partant la i)lus fraîciio; celle de Vcsl, no recevant lo so-
leil que le matin, est soumise à une chaleur tempérée, qui
modère l'cvaporation ; celle <hi sud, livrt'e aux ardeurs du so-
leil presque toute la jouiin'e, es! la pins sèche; enlin celle de
DU CHOIX DES ESSENCES. \:V.->
Voiiest est beaucoup plus chaude que celle de l'est, car elle est
frappée par le soleil au moment où la température de l'air est
la plus élevée.
La natm-e et l'intensité des vents dominants peuvent, dans
certaines contrées, modifier les influences de la situation et de
l'exposition. D'une part, les vents qui amènent les pluies
varient de l'ouest à l'est suivant les régions; c'est ainsi ({ue
dans la haute et basse Provence les vents d'est jouent le
rôle des vents d'ouest dans la majeure partie de la France
et réciproquement. D'autre part, dans certaines vallées, les
orages suivent une direction constante, parfois diamétrale-
ment opposée à celles suivies dans d'autres vallées. Enfin, sui-
vant l'orographie d'une contrée, les vents sont localement dé-
tournés de leur direction générale et peuvent modifier le ca-
ractère relatif des différentes expositions.
L'influence de l'exposition est une des questions les plus
importantes à examiner. Presque nulle près de l'équateur,
elle augmente en importance à mesure qu'on s'en éloigne,
atteint son maximum au 45° degré de latitude et va en dé-
croissant à mesure qu'on remonte vers le pôle.
En France, c'est donc dans les régions méridionales qu'elle
se manifeste avec le plus d'énergie '.
1. — Le sommet du Veutoux est ;i 44ol0' de latitude, c'est-à-dire nonloia
du 4oc, qui est ù distance égale du pôle et de Téquateur. Or, c'est sur le
cercle correspondant au 45<= degré que la différence entre l'exposition nord
est le plus marquée. Je vais essayer de le démontrer : on sait que plus ou
s'avance vers le pôle, plus le soleil en été se lève et se couche au nord de
l'observateur, et, par conséquent, plus les jours deviennent longs. A partir
du cercle polaire, le nombre des jours sans nuit augmente jusqu'au pôle,
c'est-à-dire que le nombre des jours où le soleil ue se couche pas s'accroit
• progressivement. Imaginez une nioutague dans ces contrées. Pendant l'été,
quand le soleil se couche, le versant nord est éclairé presque autant que le
versant sud, et quand il ne se couche pas, l'astre semble tourner autour de la
montagne, dont le côté sud est éclairé pendant douze heures et le côté nord
pendant le même espace de temps. Dans ces latitudes, la différence de
deux versants opposés est donc presque nulle sous le point de vue du ré-
chauffement et de l'illumination solaires. Il eu est de même quand on des-
136 R E B 0 1 S K M E N T I;T G A Z 0 N N E M E N T.
Dans l'échelle dos altitudes, rinflnence de l'exposition obéit
h une loi analogue et se nianifcslc (raulanf moins qu'on
s'élève davantage; mais, à notre point de vue spécial, ce n'esl
guère que dans la quatrième région qu'on peut se dispenser
d'en tenir un compte aussi sévère (pic dans les autres.
Les montagnes environnantes exercent parfois aussi une
grande influence sur le climat local d'un terrain donné ; l'abri
direct qu'elles peuvent fournir contre les vents froids ou
chauds, les neiges qu'elles conservent plus ou moins long-
temps sur leurs sommets, leur état de dénudation ou de boi-
sement, toutes ces conditions peuvent apporter des modifica-
tions au climat local '.
Le degré général dliumiditc de l'atmosphère est une
donnée précieuse, car il est loin d'être identique d'un lieu à
un autre et exerce sur la végétation une part d'influence
notable.
Il en est de môme de la répartition des pluies dans les dif-
férentes saisons. Dans telle contrée les pluies ne tombent
qu'au printemps et à l'autonme, les hivers et les étés sont
secs, comme dans \n midi de la France, tandis (pie dans tdlr
autre, bien que In (piiintilé (Teau tnnih('e annuellement soi!
cend du l'i*" degré de latitude vers l'équatenr. En eftet, i)lus on est |)rèt
de la ligue équinoxiale, plus le soleil s'élève au-dessus de Ihorizou et se
rapproche du zénilli ; or, on conipreud que dans cette dernière position, il
éclaire le versant nord et le versant sud d'une montagne, et plus il est voi-
sin de la verticale. ])lus le contraste envers les deux versants diminue.
C'est donc sous le 450 degré que ce contraste est aussi grand que possible,
et le Veutoux occupe, sous ce point de vxie, la position géographiqtie la
plus favoralile. (Ch. Marliiis, Du Spitzheiij au Sn/inra.)
i. — Quand une montagm- fait partie d'un massif ou d'une cliaine, certains
versants sont abrités par les contreforts voisins, d'autres ne le sont pas ;
elle est en outre souvent ilominée par les sommets qui la dépassent; de là
des influences très diverses. La montagne sera à l'abri de tel veut, exposée
à tel autre ; elle recevra la chaleiir répercutée vers l'un de ses flancs par
un escarpement voi.sin, tandis que l'autre rayonnera librement vers le ciel.
Les conditions de chaleur, d'humidité, d'aération, varieront suivant les
diff'érents azimuts; rien de pareil |)Our une montagne isolée. (Ch. Martins,
iJu i>i>itzherg au Sahara.)
nr CHOIX DES ESSENCES. l'H
sensibltMiiciil part-illc . h'-^ pluies, réparlios sur loulo l'an-
née, sont moins inlcnses mais plus IVtMiucntcs et dunnenl
ainsi au sol une fraîrlnMii" plus constante.
De plus, les météorologistes admettent ({ue la (juantité
annuelle d'eau tombée augmente à mesure qu'on s'élève sur
les montagnes. Nous avons pu, depuis quelques années, con-
trôler cette assertion par des observations directes sur les
pluies tombées pendant la belle saison, c'est-à-dire de mai à
décembre de chaque année. Les pluviomètres placés sur le
môme versant, dans le bassin d'un même torrent, nous ont
constamment démontré que la quantité d'eau tombée à
2,500 mètres était supérieure à celle constatée à 2,000 mètres,
qui, elle-même, dépassait considérablement celle trouvée à
1,500 mètres. Le plus souvent même les hauteurs d'eau à
2,000 mètres étaient une moyenne entre 2,500 mètres et
1,500 mètres, le maximum demeurant constamment acquis à
2,500 mètres. En comparant ces observations avec celles faites
dans le fond de la vallée à un point voisin (Barcelonnette)
situé à 1.130 mètres, on arrivait à cette conclusion que la
hauteur de l'eau tombée sur le sommet de la montagne est
supérieure au double de celle trouvée au fond de la vallée'.
L'intensité de la lumière est aussi à considérer; certaines
essences ne prospèrent bien que sous l'influence d'une vive
lumière qui, dans le cours des travaux de reboisement , peut
être avantageusement utilisée, ainsi que nous l'exposerons
plus tard, pour le succès des opérations.
1. — Ces observations pourraient, pensons-nous, expliquer l'anomalie con-
statée par M. Rauliu, professeur à la faculté de Bordeaux (Note A sur l--
régime pluvial des Alpes françaises. Cézanne. Suite de Sî<re//, t. IIj, et qui
consiste en ce que, taudis que dans les Pyrénées la quantité annuelle d'eau
atmosphérique va en augmentant avec l'altitude, c'est plutôt (à l'exception
du grand Saint-Bernard) l'inverse qui se produit dans les Alpes françaises,
d'ailleurs beaucoup moins pluvieuses.
Nous ferons i-emarquer que la plupart des stations pluviométriques si-
gnalées sont situées au fimd des vallées, où la sécheresse est proverbiale,
et qu'à part celui du Saint-Bernard aucun de ces pluviomèti-es n'est placé
sur des versants ou des sommets de montagnes.
138 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Enfin les transilions plus ou moins brusques ontro la cha-
leur et le froid iniluent considérablement sur le climat local.
Dans certaines contrées où le ciel est toujours serein, sauf
pendant les courtes périodes bisannuelles de pluie , les alter-
natives de chaleur et de froid sont plus fréquentes et plus dan-
iiereuses qu(^ dans (-(^les où le ciel est souvent couvert. Do là
des gels (M des dégels abondanis; de là aussi des |)r(''tVM'euces
de la i)art de Iclle <ui Icllc essence à rcxclusion des aulnes.
Du Sol. — Les conditions du climat local une fois détermi-
nées, il reste à examiner celles du sol, qui dépendent de sa
nature et de l'état de sa superficie.
Au point de vue minéralogique, les éléments dominanls
peuvent être soit l'argile, soit la silice, soit le calcaire, dont le
mélange, suivant diverses proportions, peut donner des sols
plus ou moins favorables à la vé'gétation. Certaines essences
forestières, assez rares d'ailleurs, sont franchement ennemies
des sols calcaires; d'autres s'y rencontrent de préférence, et
le reste accepte indifféremment les diverses natures minéra-
logiques.
Les éléments chiniicpies n'exeirent donc en général, au
point de vue cpii nous occupe, qu'une infiucnce restreinte,
facile à définir pour certaines essences spéciales; ils cèdent le
pas aux qualités physiipies du sol, c'est-à-dire à sa profondeur,-
sa compacité, son hygroscopicitc, son aptitud(> à léchaulfe-
ment, sa densité et sa dureté.
C'est donc ces qualités i)hysi(iui's (pril faudra suiluni s'iilla-
cher à déterminer, carde leur présence ou de leur absence dé-
pendront \non des modifications à introduire dans les travaux.
L'état de la superficie du sol peut avoir dans bien des cas
une influence importante, cur «m peut y trouver les eb-ments
d'im abri herbacé ou aridishml (pii décide souvenl de ICmploi
de telle ou telle r'ssence.
Répartition des Essences forestières dans les différentes Ré-
DU CHOIX DES ESSENCES. l.J'J
gions climatériques. — Los coii(lili(Mis du <liiiial local cl du
sol ayant été dctcrniinécs pour un terrain qu'on se propose
do reboiser, toutes les essences appartenant à sa région clinia-
térique ne seront pas également susceptibles d'emploi, et dans
le choix à faire on devra encore tenir un compte sérieux du
caractère spécial à chacune d'elles; pour cola il convient de
connaître le mode de végétation , les exigences , la sociabilité
de cluKiue essence, son effet sur le sol, la nature et rini})or-
tanco dos produits qu'on peut en espérer.
Dans quelque région climat(''rique qu'on so place, on i)eul
observer que les forêts se composent d'une ou plusieurs es-
sences dominantes au milieu desquelles d'autres se rencon-
trent à l'état de dissémination, mais sans fournir jamais de
massifs compacts. De là diMix catégories : d'une part, les
essences susceptibles de fournir un massif constituant une
foret et, d'autre part, les essences isolées, plus ou moins nom-
breuses suivant les cas, mais incapables de vivre et de se per-
pétuer à l'état de massif constant.
Ainsi, dans la région chaude, les essences (pii composent les
grands massifs sont le pin d'Alep , le pin maritime , le chêne
vert ou yeuse et le chêne liège.
Dans la région tempérée , on trouvera les chênes rouvre et
pédoncule, le châtaignier, le charme, les pins sylvestre et
laricio, le hêtre et le sapin; dans la région froide, le hêtre, le
pin à crochets, le sapin, l'f'picéa et le mélèze; enfin, dans la
région très froide, le mélèze et le pin cembro.
Toutes les autres essences forestières ne végètent, dans
leurs régions respectives, qu'à l'état d'essences secondaires
disséminées, suivant certaines circonstances locales, au milieu
des grands massifs, et ne présentant en nombre qu'une très
petite proportion relativement aux essences dominantes.
Néanmoins elles peuvent parfois être très utiles au reboise-
ment, à la condition d'être employées dans les conditions qui
leur sont propres, suivant les différents cas qui peuvent se
présenter.
1.(1 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
D'autre part, certainos essences de massif ne sont pas tou-
jours unicjues et vivent volontiers avec d'autres de la mùme
calt'gorie, ce qui constitue parfois des mélanges très avanta-
geux.
Enfin, toutes les essences ne peuvent être employées direc-
tement pour le reboisement d(^s terrains dénudés; il en est
dont les jeunes plauls (Iciiiandenl ix'iidanl |)lus ou moins
d'années un certain couvert qui les protège contre les ardi'urs
solaires et qui, pour ce motif, ne peuvent être introduites
dans un reboisement qu'après la création d'iui dagc fo-
liacé.
Dans la description qui va suivre, nous nous étendrons prin-
cipalement sur l(>s essences propres à être employées diri^dr-
nient dans 1(^ reljoisemcnl des Iciiiiins nus, et nous nous
contenterons d'indiquer cellrs (jui ré'clament un couvert pr(''-
existant à leur emploi.
Nous procéderons en passaid en r<nue, dans rlia((ue région
climatérique, les caractères spéciaux des essences qu'on peut
adopter suivant les eas et le mode d'introduction (pii peut pa-
raître préft'rable.
Description des Essences forestières propres au Reboisement. —
I" (TniKil cIkiikI. — Le |tiii d'Alrp est très n'i)aii<lu imi Algi'TJe,
où il compose des liitairs de nouil)reux miliici's d'Iiectares.
En France, il se rencontre» principalement en Trovence, oîi
il est connu sous le nom de p'm f/fanr, ot (jccupe surtout li^s'
versants calcaires, bien (pi'oii le trouve indifféremment sur les
sols de toute nature min(''ralogique. Sa statitui est limité'c du
bord de la mer à une altitude de 700 mètres aux expositions
cbaudes et de iOO mètres dans les autres. Il coliabite gém-ra-
lement avec l'olivier.
Dans rirdé-rii'ur des terres, il s'i'dève moins liant et c'est
ain>i (pi'au mont Venloux. sa limil(^ supérieure au versant sud
n'atti'jiil rpir {so mètres et (pi'on ne je retrouve jilus sur le
versant nord, dmit le pied r<\ h (00 mètres.
DU CHOIX DES ESSKN'CES. lU
Se coiileiilant dos plus iaau\ais tcriains, In-avaiil (1rs son
plus joiino âge les ardeurs du soleil, le pin d'Alep représente,
au point de vue du reboisement des terrains nus, l'essence la
plus précieuse pour la région chaude.
Dans les sols les plus pauvres et les plus secs, à base cal-
caire, rebelles à toute autre végétation forestière, on peut,
par l'emploi de cette essence, obtenir en peu de temps des
massifs complets, appelés à fournir, en nièmi» temjjs ([ue des
produits d'une certaine valeur, une rapidt» et salutaire amé-
lioration du sol.
Le pin d'Alep donne un couvert relativement assez épais,
grâce aux branches nombreuses qui garnissent son tronc et
le distinguent ainsi de la plupart des autres pins; ses aiguilles,
longues et fermes, fournissent au sol un abondant détritus
qui ne tarde pas à le couvrir. Sa croissance est rapide , dans
les vingt premières années surtout, mais sa longévité est rela-
tivement faible, car à quatre-vingts ans il a attinnt le terme de
son exi)loitabilité.
Son bois, à grain fin et serré, peut être employé en char-
pente, mais seulement pour des portées faibles, car il est plus
cassant que les autres résineux; il offre peu de ressources à la
menuiserie fine et convient plutôt à la confection des ouvrages
grossiers et des caisses d'emballage ; enfin, il est utilement
employé dès l'âge de vingt ans à la confection des rondins
pour les galeries de mines.
Il produit, en outre, une résine d'aussi bonne qualité que
celle des pins maritimes, et d'autant plus abondante qu'on se
trouve en pays plus chauds.
Il croit très bien en mélange avec d'autres essences, notam-
ment avec le chêne vert; mais si l'on n'y prend garde, dans ce
dernier cas , il ne tarde pas à envahir tout le sol et à réduire
le chône à l'état de sous-bois.
Dans les reboisements en terrain nu , on peut employer le
pin d'Alep, soit par semis, soit par plantation, suivant les diffé-
rents cas que présentent l'état superficiel du sol et l'exposition.
Ii2 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
ainsi qiio nous l'examinerons dans le chapitre de l'exécution
des travaux.
Le pin maritime est beaucoup plus répandu (|ue le pin d'Alep.
11 occupe de très vastes surfaces à l'état de futaies pleines dans
la Provence, dans le Languedoc, dans les Landes, et remonte
le long de l'Océan jusqu'en Bretagne, en pénétrant dans l'inté-
rieur des terres jusqu'au Mans.
Moins indifférent à la nature minéralogique du sol que le
pin d'Alep, il semble affectionner surtout les terrains siliceux
ou bien appartenant aux formations plutoniques. Cependant
on le rencontre dans les Alpes-Maritimes sur des terrains cal-
caires, et parfois en mélange avec le pin d'Alep, voire môme
avec une variété locale du pin sylvestre. D'autre part, il a
parfaitement réussi, dans des sols à base calcaire, par voie de
repeuplement artificiel, mais on ne peut en conclure qu'il
accepterait indifféremment toutes sortes de calcaire ; il est
constant au contraire qu'il tient surtout à l'état de désagréga-
tion et de légèreté du sol, conditions qui peuvent se rencon-
trer dans certains calcaires plus ou moins modifiés, mais non
dans tous les terrains de cette espèce.
Uiioi qu'il en soit, il conviendra toujours de donner la pré-
férence au pin maritime dans les sols siliceux ou ])lu Ioniques
et de réserver aux sols où le calcaire est dominant le pin
d'.Mep partout où le climat permettra son empjni. Il supporte
assez bien la sécheresse, mais ù un degré bien moindre ((ue le
pin d'Alep.
Le couvert du i)in maritime estléger; son port est ])lus droit
que celui du pin d'Alep, son enracinement plus profond et sa
i^roissance aussi rapide.
(iOnmie le premier, il fournit rapidement d'abondants dé-
tritus au sol et ne tarde pas à l'amt'liorer; enfin, l'ùge de son
exploitabilité est sensiblement le même.
Le pin maritime est généralement soumis au résinage qui
en représente le produit principal. Cependant, en Provence,
cette exploitation est peu généralisée et ne se rencontre en-
DU CHOIX DES ESSENCES. 143
core (lu'à l'état cxccptioniiol. Le résinago, loin do diniinuor
les qualités du bois, en augmente au contraire la durée et la
résistance, mais il a pour résultat d'altérer la croissance des
arbres et même de les déformer.
Le bois du pin maritime est employé aux mêmes usages
que celui du pin d'Alep, mais il présente généralement de
plus fortes dimensions en liauteur et en diamètre.
Cette essence supporte très bien le mélange avec le pin
d'Alep : quant aux cbênes, c'est plutôt avec le cbêne liège qu'on
le rencontre qu'avec le cbène vert, par suite de sa préférence
pour les sols plutoniques où le liège réside exclusivement.
En Provence, les massifs de pins maritimes, plus encore
que ceux de pins d'Alep , dominent un sous-bois qui , grâce à
l'intensité de la lumière, à la pureté de l'air et à la légèreté du
couvert, devient tellement fourré qu'il intercepte le passage,
mais présente un danger permanent par suite de l'aliment
qu'il fournit aux incendies sous ce climat sec et parfois brû-
lant.
En reboisement, le pin maritime est employé plus souvent
en semis qu'en plantation. Son pivot, plus développé et moins
cbevelu que celui du pin d'Alep, présente plus de risques
dans la jdantation. D'autre part, le prix de la graine et sur-
tout la nature du sol qu'il préfère doivent en faire écarter la
plantation et adopter le semis.
Le cbène vert ou yeuse ne forme généralement en France
que des taillis simples exploités à d'assez courtes révolutions;
la futaie de chênes verts ne s'y rencontre pas et le taillis com-
posé lui-môme est fort rare. On trouve cependant, à l'état isolé
ou par bouquets, des chênes verts d'assez belles dimensions.
Cette essence fournit une variété qui donne des glands
doux, comestibles et susceptibles de remplacer la châtaigne
dans l'alimentation de l'homme : c'est le chêne ballote, ainsi
nommé par les Arabes de l'Algérie, où cette variété est très
répandue et présente des sujets de très grandes dimensions,
soit à l'état isolé, soit en massifs complets susceptibles d'être
lit REBOISEMENT ET OAZONNEMENT.
oxploités en taillis composé ou môme en futaie. On roncontro
cette variété dans quelques départements du Midi, notanimonl
do la Provence, mais très rarement.
L'aire d'hajjilalion du eliùne vert est beaucoup plus vaste
<pie celle du pin d'Alep.
En latitude, elle est un peu inlérieure à eell(_' du pin mari-
lime, car il remonte le long- de l'Océan jusqu'à la Loire.
Aux environs de la mer, il dépasse en altitude le pin mari-
lime; c'est ainsi que dans les Alpes-Maritimes on trouve des
taillis de chênes verts à 1,200 mètres aux expositions chaudes,
mais dans l'inlérieur des terres il s'arrête à (ioO mètres au-
dessus du niveau de la mer.
Au point de vue du sol, le chêne vert manifeste une préfé-
rence pour le calcaire; aux basses altitudes et dans les terrains
siliceux ou plutoniques, il fait place au chêne liège, et sur les
points les plus élevés de son aire il laisse au chêne rouvre les
sols meubles ainsi que les expositions fraîches.
Le peu d'exigence du chêne vert en fait une essence pré-
cieuse pour le reboisement des calcaires ; son couvert épais
procure au sol une fraîclKun^ salutair(\ Mais sa croissance est
lente; aussi son bois est-il très diu'; on l'utilise, en Franc»; sur-
tout, comme bois d'industrie.
Les taillis de cette essenee fournissent un excellent buis de
chauffage, et surtuut une écorce tellement estinn-e (pie, tlans
beaucoup de contrées, l'écorcc des taillis de chênes ruuvres
est absolument négligée.
Le chêne vert végète parl'aitement en mélange avec le pin
d'Alep ; la différence d'enracinement et de couvert de ces deux
essences rend ce mélange 1res avantageux pour leur introduc-
tion en terrain nu, ainsi (pic nous le voirons ulti'iiourement.
En reboisement , la pliiiihilimi ne jient èlro emj)loyé(! pour
le chêne vert par suite de la longueur demiisuréo et de la nu-
dité de son pivot. 11 arrive, en elfet, que des semis d'un an,
qui sortent à peine de quehiues centimètres hors de terre,
présentent des pivots dont certains atteignent jusqu'à l^.iO
DU CHOIX DES ESSENCES. 145
de longueur, sans la moindre racino adventivo et sans le moin-
dre chevelu. On ne peut songer, dans ces conditions, î\ une
transplantation. Cet effet se manifeste du reste chez bon nom-
bre d'essences à feuilles persistantes, notamment le chêne
liège et le caroubier. On est donc obligé, pour ces essences,
de recourir exclusivement au semis. Cette propriété duchône
vert, de présenter un aussi long pivot, le rend très avanta-
geux pour fixer les terrains profonds en pente.
Le chêne liège, très répandu en Algérie et en Espagne , ap-
partient, comme l'olivier, à la flore méditerranéenne. Il ne
pénètre pas profondément dans l'intérieur des terres, se ren-
contre sur tout le littoral à une altitude qui ne dépasse pas
700 mètres aux expositions chaudes et 500 mètres aux autres.
Il y forme des massifs importants, mais exclusivement sur
les terrains généralement fertiles, produits par la désagréga-
tion des roches plutoniques ; on ne le trouve jamais en massifs
dans les terrains calcaires, bien que dans le voisinage des
terrains d'éruption on puisse en rencontrer sur des terrains
calcaires métamorphosés, mais ce n'est qu'une très petite ex-
ception.
Les conditions spéciales de sol que réclame cette essence
restreignent considérablement son emploi dans le reboise-
ment des terrains nus. Néanmoins les produits du chêne liège
sont si précieux qu'il peut être avantageux d'en créer des
bois, et, à ce titre, nous ne pouvons le négliger.
Sa croissance est très lente au début, mais vers la sixième
année elle commence à se développer, et, de vingt à vingt-
cinq ans, il atteint une circonférence de 25 à 30 centimètres,
suffisante pour permettre le premier démasclage.
Le chêne liège, pendant cette période, se trouve bien du
mélange du pin maritime, qui enrichit le sol et procure au
jeune peuplement un ombrage tutélaire.
Gomme pour le chêne vert, et pour les mêmes motifs, le
semis est bien préférable à la plantation.
10
146 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Le caroubier, très répandu on Algérie et dans toute la
région méditerranéenne, ne se rencontre en France à l'état
indigène que sur une partie du littoral des Alpes-Maritimes.
11 appartient surtout à la sous-région chaude, caractérisée
par la végétation do l'orangor on pleine terre. Cependant il
peut végéter encore au delà do Toulon, où l'on en trouve de
beaux spécimens.
Il ne se présente jamais en massif et, sans atteindre une
très grande hauteur, il acquiert de fortes dimensions.
Il végète généralement dans tous les sols, à l'exception des
terrains marécageux ou sablonneux. Le terrain rocailleux et
sec lui convient parfaitement.
Son couvert est épais; ses feuilles persistantes protègent
constamment le sol contre les ardeurs du soleil et maintien-
nent sa fraîcheur.
Son fruit sert de nourriture aux bestiaux, surtout aux
chevaux.
Son bois, très dur, très compact, est précieux pour l'indus-
trie et l'ébénisterie.
Sa croissance est très rapide dans les premières années; il
repousse parfaitement de souche et s'accommode très bien
du mélange avec le pin d'Alep.
Son introduction dans le reboisement dos terrains nus,
nié'O au dt'-but comme iinjualirable, est aujourd'hui pleine-
ment JMstilit'e par les résultats obtenus on Algérie et dans les
Alpcs-.Marilimes, où des sujets avaient atteint, après sept ans
de semis, une hauteur moyenne de 3 mètres.
Gomme les chênes à feuilles persistantes, il est rebelle à la
transplantation et ne peut èlr<' employé que par voii^ do semis.
Le i)in pinier est cssentiellenient méditerranéen. On le ren-
contre sur le littnral à Vrinl de l)i>u(|uels isolés présentant
de superbes échantillons tant en hauteur (|u'en diiu(Misions.
On le désigne en Provence sous le nom d<^ piijnoH, donné à sa
graine volumineuse et comestible.
DU CHOIX DES ESSENCES. 147
On \o rciuMintro smloiit dans los fonds do vallées près de la
mer; copendanl do nombreux essais tentés sur des coteatix
ou des flancs d(^ montagn(! ont démontré que cette essence
s'accommodait très ])ion dos sols secs et rocheux, tant calcaires
que siliceux.
Sa croissance est assez rapide, bien (prinférieure à celle
des pins d'Alep et maritime.
Gomme le pin d'Alop, il est très fourni on branches, mais
il n'alTectepas la forme pyramidale; dès los premières années,
on voit toutes ses branches se terminer pour ainsi dire à un
même plan horizontal, ce qui lui donne une forme demi-
ovoïde par suite du redressement de ses branches. Plus tard,
quand l'arbre devient âgé, que les branches inférieures ont
disparu et que les supérieures ont pris de l'accroissement en
diamètre, l'effet de la pesanteur, n'étant plus combattu par
l'influence solaire, prend le dessus et les branches s'étalent
de plus en plus jusqu'à laisser retomber légèrement leurs
extrémités et à accentuer cette forme si caractéristi(iu(> du
pin pinier, qui lui a fait donner le nom de \m\ parasol.
Ses fruits donnent un produit assez important tant par la
graine, qui est comestible et très recherchée, que par ses
gros cônes très charges de résine et employés pour l'allumage
des feux.
Cette essence, à couvert épais, est précieuse pour le reboi-
sement par le motif qu'elle empêche la végétation d'un sous-
bois envahissant et très dangereux à cause dos incendies, en
même temps qu'elle maintient la fraîcheur du sol.
Nous n'en connaissons pas de massifs à l'état do i)orchis
âgés, mais depuis un certain nombre d'années, on en a fait
un nombreux emploi dans les reboisements exécutés par
l'Etat ou les particuliers dans la Provence, et les résultats
obtenus concordent tous à faire proposer cette essence.
Le bois en est de bonne qualité tant au point de vue do la
charpente que de la menuiserie.
Son enracinement profond lui permet do parfaiUnncut
148 REBOISEMENT ET GAZoNNEMEXT.
résister à l'action des vents et en fait nne essence excellente
pour la fixation des sols instables.
En reboisement, le semis et la plantation lui conviennent
également ; cependant il y a lieu le plus souvent de préférer
la plantation, ainsi que nous le verrons plus loin.
Telles sont les essences susceptibles d'être utilisées pour
le reboisement des terrains nus dans la région chaude.
Quant aux nombreuses essences exoticiues qu'on a plus ou
moins réussi à introduire dans les différents climats de cette
région, elles ajjpaiiii'nnent pour la plupart plutôt à la caté-
gorie des plantes d'ornement qu'à celle des essences fores-
tières. Il en est cependant qu'on a tenté d'utiliser dans le
reboisement de certains versants, telles que V Eucalyptus g lo-
bulus, le Grevillea robusta, le Casuarina eqidsetifolia (Filao de
Madagascar). Mais ces essais, entrepris d'ailleurs sur une
petite échelle, ont suffi pour démontrer leur inanité. Ainsi
VEucalyptus globulus, ([ui gèle à Toulon et ne se soutient que
dans la sous-région très chaude de l'oranger, est confiné dans
les alluvions des vallées, dans les sols profonds et frais oii il
joue dans le climat chaud le rôle des peupliers dans les climats
tempérés, mais il est loin de bien végéter dans les terrains
secs et peu profonds des flancs do coteaux ou de montagnes ;
il lui faut en outre un abri sérieux contre les grands vents.
Cette essence ne trouve donc sa vraie place en France que
dans des parcs ou des conditions absolument en dehors des
terrains (jui nous occupent. Il en est de même des deux au-
tres dénommées ci-dessus, ainsi que de la myriade d'cxoli-
(pies cultivés par les i)épiniérisles.
De cette description il résulte donc que dans la région
chaude on ne peut compter pour le reboisement des terrains
nus que sur des essences à feuilles persistantes, au nombre
de six, dont trois seulement, le pin d'Alep, le chêne vert et
le pin maritime, sont appelées à un emploi bien plus général
que les autres.
Il est à remarfpif'r qui' dans la région chaude, comme nous
DU CHOIX DES ESSENCES. 119
le verrons plus lard pour la région alpine, il n'oxislc aucun
massif forestier composé d'essences à feuilles caduques; la
basse végétation forestière elle-même ne comprend guère
que des plantes à feuilles persistantes, depuis les cystes jus-
(|u'aux lontisiiucs, myrtes, arbousiers, etc.
"1° Région moyenne ou tempéi'ée. — La région tempérée se
divise en deux sous-régions correspondant : la première, à
un climat doux caractérisé par la vigne, les chênes rouvre
et pédoncule et par de nombreux feuillus; la seconde, à un
climat tempéré oii se trouvent encore les chênes, mais où d(j-
mine le pin sylvestre et où conmiencent à apparaître le hêtre
et le sapin.
Le pin maritime s'y rencontre encore sans rien perdre du
caractère indiqué pour cette essence dans le climat chaud;
nous ne nous y arrêterons pas dès lors davantage.
Les grands massifs forestiers sont représentés par les chênes
à feuilles caduques, dont les deux principales espèces sont
le rouvre et le i)édonculé. Ces deux essences sont les plus pré-
cieuses de toutes celles qui peuplent nos forêts. Les qualités
à tous les points de vue de leur bois sont tellement connues
de tous qu'il nous paraît superflu de les développer ici.
Le chêne pédoncule se plaît surtout dans les plaines à sol
profond, frais ou même humide; dans les coteaux, il se mêle
avec le chêne rouvre et disparaît totalement dans les mon-
tagnes.
Le chêne rouvre, au contraire, préfère les sols accidentés
et végète parfaitement dans les montagnes.
En latitude, le chêne pédoncule remonte beaucoup plus
vers le nord que le chêne rouvre, et ne se rencontre que
très rarement dans le sud-est de la France, tandis qu'en alti-
tude il s'arrête bien au-dessous du chêne rouvre, qui occupe,
seul de son espèce, cette région accidentée.
La préférence qu'affecte le chêne pcdonctdé pour les plai-
nes et les terrains très frais lui enlève tout intérêt au point
150 REBOISEMENT ET GAZONXEMENT.
(lo Yuo spécial qui nous occupo ot roporto sur lo chôno rou-
vre toute l'attention du reboiseur.
Le chêne rouvre, dans les régions montagneuses des Alpes,
fait immédiatement suite au chêne vorl : on commence à le
rencontrer, aux expositions fraîches, à iOO mètres au-dessus
de la mer, et il ne s'arrôte que vers t,000 mètres, pour faire
place au pin sylvestre.
En remontant en latitude, il se trouve dans le fond des
vallées et sur les coteaux où il est mêlé au chônc pédoncule;
il pénètre ensuite dans la région des pins sylvestres et va
même jusqu'à atteindre l'habitation des sapins, tandis qu'en
altitude il en est toujours séparé par la zone des pins syl-
vestres.
Plus on descend du nord vers le midi, ])lns la fiilaii» des
chênes rouvres devient rare, à tel point qu'en Prcncnce elle a
presque totalement disparu, pour faire place à des massifs
exploités le plus souvent en taillis simp](\
A cet état, les chênes occupent généralement des versants
abrupts de montagnes calcaires ou marneuses, à sol médio-
cre, peu profond et très rocheux; les expositions fraîches
présentent des massifs bien drus et d'une végétation vigou-
reuse; aux autres expositions, l'aspect est moins satisfaisant,
néanmoins le massif persiste.
D'où 1(111 piMil ((mcliirc que le chêne rouvre s'accomniodc
de toutes les (jualités de sol, tout en préférant les expositions
fraîches et les terrains d'une certaine profondeur.
En reboisement, le chêne rouvre est donc une essence pré-
cieuse, qu'on doit propager autant (pu* possible.
Le semis nous en a toujours paru préférable à la planlalion.
Le chêne rouvre a un couvert assez épais, aussi son jeune
plant est-il sensible aux inlliiences atmospln riques ; il con-
vient donc autant cpu' i)ossible de lui fournil" iin h'ger abri
<lans sa jeunesse; à (h'faut de végétation spontanée, on le
produit avanlageusenienl jiar rintrodiidion d'autres e.ssences
forestières d'une croissance plus rapide, destinées à disparaî-
DU CHOIX DES ESSENCES. loi
tre au moment opportun ot sorvaul ainsi d'ossencos transi-
toirP:>.
Lo chAtaignier se rencontre, en France, dans les régions
du climat chaud, comme dans la partie douce du climat tem-
péré. Son aire d'habitation est sensiblement celle de la vigne.
Disséminé sur quelques points favorables de la Provence ,
il est très répandu dans le centre et le sud-est de la France,
mais exclusivement à l'état de grands arbres isolés, ou en
bouquets, toujours cultivés en vue de la production des châ-
taignes, sans se présentera l'état de véritable massif forestier.
Cependant, dans certaines contrées situées plus au nord, on
a constitué des massifs exploités en taillis simple, notamment
en Alsace, sur les versants orientaux des Vosges, où il atteint
une altitude maxima de 600 mètres un peu supérieure à celle
de la vigne. Dans les montagnes du Sud-Est, il monte, à une
bonne exposition, jusqu'à une altitude maxima de 900 mètres.
Le châtaignier affectionne exclusivement les sols meubles
composés de la désagrégation des roches plutoniques ou sili-
ceuses.
On en rencontre bien quelques sujets sur des terrains cal-
caires (par exemple dans les Basses-Pyrénées), mais cette
exception très rare ne peut se justifier que par un état tout
spécial d'ameublissement du sol, et n'infirme en rien la règle
générale à adopter dans son emploi au point de vue de la
nature du terrain qu'il préfère.
Le châtaignier redoute beaucoup les gelées printanières,
ainsi que les grands vents, et habite surtout les vallées tempé-
rées, les versants peu rapides, peu rocailleux, à terre meuble
et profonde, sans rechercher cependant les terrains humides.
Son bois a beaucoup d'analogie avec celui du chêne, mais
ne possède pas toutes ses qualités, surtout à l'épreuve des
influences atmosphériques.
Sa croissance est très rapide dès les jeunes années ; bien ((ue
son couvert soit épais, les jeunes plants végètent bien sans abri.
152 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Au point de vue du reboisciuent, cette essence est loin de
présenter les avantages du chêne; mais, dans certains cas
spéciaux, elle peut être utilisée avec grand profit pour la
création de taillis simples exploités à de très courtes révolu-
tions en vue de la production de paisccaux pour la vigne, de
manches d'outils et surtout de cercles de tonneaux, dont il se
fait un grand commerce d'importation dans les ports du Midi.
Le mode du semis est de beaucoup préférable à celui do la
plantation.
Le pin sylvestre est très répandu dans les plaines du Nord
et de l'Est ainsi que sur les contreforts des montagnes où il
occupe une zone nettement marquée par la lin des chênes et
le commencement des sapins. Dans les montagnes des Alpes
de Provence, il commence à une altitude de 1,000 mètres et
atteint jusqu'à 1,800 mètres aux expositions chaudes.
Le pin sylvestre forme à lui seul de très vastes massifs,
mais supporte parfaitement le mélange d'autres essences.
Tout en préférant les sols sablonneux et profonds, il végète
sur les terrains les plus maigres et les plus exposés à l'ardeur
du soleil; mais il est rebelle aux terrains argileux et maré-
cageux.
Dans les sols profonds, où son i)ivot peut s(> développer à
Taise, il ne présente que peu de racines latérales, mais dans
les sols marneux, peu profonds, son pivot soblitèrc de bonne
heure et ses racines latérales se développent près de la sur-
face du sol et présentent parfois des dimensions énormes.
(Nous avons pu en mesurer de -18 mètres de longueur.)
Le couvert (hi pin sylvestre est léger; aussi son Jeune planl
est-il robuste et résiste bravcmcni à Irllct du snlcil.
Son bois est très bon poui' la cbarpcnlt', \v sciage et, géné-
ralement, tous les emplois des constructions. C'est du pin
sylvestre qu'on tire le goudron, en laisanl combustionner,
dans un four spécial, les souches et les ramilles.
La croissance du i)in sylvestre est assez rapide à partir de
DU CHOIX DES ESSENCES. 153
Tâge de trois ù quatre ans; dans ses jeunes années, il procure
au sol, sinon un eouvert complet, du moins un abri salutaire
et un détritus abondant.
Sa rusticité, sa facilité de vivre à des altitudes difîérentes et
dans des sols médiocres ou mauvais et son puissant enracine-
ment font de cette essence une des plus avantageuses qu'on
puisse utiliser dans les reboisements. Ces qualités, jointes à
la légèreté de son couvert et à la rapidité de sa croissance, la
font employer, ainsi que nous le verrons plus tard, comme
essence transitoire destinée à protéger, dans la première pé-
riode de croissance, les jeunes peuplements de chênes, de sa-
pins ou de hêtres, tout en augmentant la fertilité du sol.
Le pin sylvestre peut être employé avec un égal succès, soit
par semis, soit par plantation, selon les circonstances spé-
ciales où l'on peut se trouver; néanmoins nous penchons
beaucoup vers la plantation. Nous déduirons plus loin les mo-
tifs de notre préférence.
Le pin sylvestre est le seul pin indigène de France que l'on
trouve dans la région moyenne, mais il est une autre espèce
de pin qui peut fournir une ressource précieuse au reboise-
ment et qui, à ce titre, mérite d'être indiquée ici : nous vou-
lons parler du pin latncio. Parmi les variétés qu'on distingue
dans les pins laricio, deux seulement importent à notre but :
ce sont le pin laricio de Corse et celui d'Autriche, plus connu
sous le nom de pin noir.
Le pin laricio de Corse, spécial aux montagnes de celte île,
y remplace le pin sylvestre dans l'échelle de succession des
essences et atteint une altitude extrême de 1,700 mètres. Ses
dimensions dépassent quelque peu celles du pin sylvestre, mais
il ne possède pas la somme des qualités de cette dernière essence.
Au point de vue du reboisement, le laricio de Corse ne nous
paraît pas être appelé à rendre de grands services ; d'une part,
il préfère les sols plutoni(iues aux sols calcaires, ce qui res-
treint déjà singulièrement son aire d'emploi; d'autre part, il
134 REBOISEMENT ET GAZON NEMENT.
est trt's sonsible au froid, il rofuse de végéter dans les Alpes
de la Provence à une altitude de plus de 1,400 mètres; enfin,
son jeune plant possède un pivot plus développé que celui du
pin sylvestre ou du pin noir, ce qui en rend la transplanta-
tion très périlleuse.
Néanmoins, dans les conditions restreintes d'habitation
qu'elle réclame, il peut être avantageux d'employer cette es-
sence, à cause du détritus abondant qu'elle fournit au sol et
de la rectitude de son port.
La station principale du pin noir se trouve dans le Wiener-
Wald, un des conlreforts des Alpes styriennes, à une altitude
moyenne de 700 mètres, comprise entre les extrêmes 300 mè-
tres et 1,100 mètres. Cette contrée est située à la latitude de
Lyon, sur le versant septentrional des Alpes styriennes exposé
aux vents froids du nord et à l'abri des vents chauds du midi.
Le climat y est sec et parfois assez rigoureux; dans de pa-
reilles conditions, on peut l'admettre comme l'analogue du
climat qu'on supporte, de 1,200 à 1,600 mètres, dans les Alpes
francaisi^s à la lalitudo de 44°, c'est-à-dire du climat du pin
sylv(»stre indigène dans ces montagnes.
On ne trouve, en France, aucim vieux massif d(> i)ins noirs
(iWulriche. Les plus anciens essais d'introduction de cette es-
sence ne sont encore qu'à l'état de grands perchis, cependant
sa naturalisation est admise sans conteste par tous les fores-
tiers. Dans sa station naturelle, il croît indifféremment sur
des sols dt' natures bien diverses, mais ses plus brllcs dimen-
sions se manifestent sur les calcaires.
Son pivot disparait de très hoinie licurc et fait place à des
racines latérales puissantes (pii lui (Inimcnt une solide assiette;
aussi résiste-t-il aux orages les plus vinlcnls. Ses robustes
branches supportent mieux que le pin sylvestre reflet des
neiges abondantes; sa cime, moins sujette aux attaques des
pyrales, demeure bien droite, et ses feuilles, longues et abon-
dantes, [)roriM'ent an sol une nnir-liorafion rapide et salutaire.
DU CHOIX DES ESSENCES. 155
MaliiTc ([ue son couvert soit épais, ses jeunes plants sup-
portent i)arfaitement la lumière solaire et ne réclament au-
cun abri; les sujets élevés en pépinière ont des racines à che-
velu assez abondant et à pivot relativement court.
Son bois passe pour être préférablo à celui du pin sylvestre
pour les constructions, tant au point de vue de sa duré(i ([u'à
celui de sa densité; certains autours Icplacinil immédiatonieul
après le mélèze; il fournit un excellent chautfage cl une r(''-
sine tellement abondante qu'on le met au premier rau^- i)arnii
tous les résineux d'Europe.
Ces diverses qualités en font une essence de premier ordre
pour le reboisement des terrains nus, surtout des calcaires.
Employé depuis i)lus de quinze ans, concurremment avec li'
pin sylvestre, dans les grands travaux de l'Etat, il a donné
jusqu'à présent les résultats les plus remarquables, et tout
fait penser que, dans l'avenir, il ne démentira pas la confiance
qu'on a mise en lui, mais à la condition que son emploi l'ait
placé dans des conditions de climat analogues à celles de sa
station originaire. Bien que les semis de cette essence réus-
sissent généralement bien, la plantation nous paraît devoir
leur être préférée, ainsi que nous l'exposerons ultérieuremenl.
Dans l'ordre de succession des essences, en remontant l'é-
chelle des altitudes, le hêtre apparaît à peu près en môme
temps que le pin sylvestre. Ainsi, dans les Alpes de Provence,
on le rencontre aux expositions chaudes vers 1,200 mètres, et
il y atteint 1,700 mètres, tandis (ju'à l'exposition nord, il com-
mence à 900 mètres, pour finir entre 1.500 et 1,(Î00.
Le sapin, au contraire, ne se rencontre jamais aux exposi-
tions chaudes; il réside exclusivement à l'exposition nord ou
ses plus voisines, dans une zone qui commence entre 1,000
et 1,200 mètres, pour se terminer à 1,800 mètres.
Ces deux essences, précieuses au point de vue forestier, ne
peuvent malheureusement être employées i)Our le reboise-
ment des terrains nus; leurs jeunes plants sont excessivement
156 REBOISEMENT ET GAZONNEMEN T.
sensibles aux influences atmosphériques, et, pour végéter,
réclament pendant un grand nombre d'années un abri sérieux
produit par un couvert assez complet. On ne peut donc que
les introduire ultérieurement, comme substitution d'essences,
dans un ])ois préexistant, et, à ce titre, l'emploi de ces es-
sences n'est i)lns (euvre de reboiscmenl , niais seulement d'a-
mélioration de peuplement.
C'est dans cette région surtout que se rencontre la plus
grande quantité d'essences feuillues, incapables de former
comme les précédentes par elles-mêmes un massif complet,
mais végétant en mélange avec les premières , soit à l'état
isolé, soit par petits bouquets disséminés çà et là suivant leurs
préférences et les circonstances locales. Les unes, par la qua-
lité et la valeur de leurs bois, méritent d'être introduites, au-
tant que possible, dans le massif (pi'on veut produire; les au-
tres, par leur croissance rapide, leur rusticité et leur sobriété,
servent à créer un i)romier abri aux essences plus précieuses,
et sont destinées à disparaître une fois leurs fonctions rem-
pUes; d'autres, enfin, affectent une préférence marquée pour
certaines stations telles que le bord des cours d'eau et des ra-
vins où elles remplissent un rùie Important.
On distingue principalement deux espèces d'ormes : l'orme
champêtre et l'orme de montagne. Ce dernier ne possède au-
cune des (pialités qui donnent au i)remier une valeur impor-
tante, et lie iiH'iile en rien d'être iiiliddiiil (hiiis iiii massif de
nouvelle création. Aussi doit-on s'en tenir exclusivement à
l'emploi de l'orme clKimj)être, bien qu'on ne le rencontre
généralenn nt qu'à Iflal de rareté dans les forêts existantes.
Il dépasse en altitude la station du chêne, où cependant il
prend son plus beau développement. On peut l'employer jus-
qu'à 1 ,oOO mètres dans la région des Alpes aux bonnes exposi-
tions. Indifférent à la nature minéralogiqiie du sol, il préfère
les terrains meubles calcaires ou autres et un peu frais. Son
enracinement est surtout latéral et oblique, ce (pii lui donne
DU CHOIX DES ESSENCES. 137
uno solide assietto. Son convorl est épais, son feuillage abon-
dant fournit un excellent fourrai;('.
Enlin son bois, dur et résistant, est très précieux, surtout au
point de vue du cbarronnago , et à ce titre en fait une essence
de grande valeur. En reboisement , il ne peut être avantageu-
sement employé que par voie de plantation, comme, du reste,
la plupart des feuillus dont il s'agit ici.
Parmi les différentes espèces de frênes constatées par les
botanistes, nous n'acceptons ici que le frêne commun.
Répandu dans toute la région tempérée, il s'élève sur les
montagnes à une altitude plus grande que l'orme et se ren-
contre encore dans les Alpes, à 1,800 mètres, dans des condi-
tions climatériques plus froides que la station du hêtre.
Son couvert est léger et son feuillage fournit un excellent
fourrage ; aussi , dans de nombreuses localités , est-il traité ,
comme l'orme, en têtard.
Le frêne préfère les terrains frais et fertiles, quelle que soit
leur base minéralogique; il réussit néanmoins dans les ter-
rains secs, s'ils sont meubles et profonds, mais il est rebelle
aux sols marécageux ou compacts. On le rencontre souvent
le long des cours d'eau, dont il affermit les berges par ses
fortes racines et ses souches de grosses dimensions.
Tout le monde connaît les qualités remarquables de son bois
au point de vue du charronnage et des divers objets qui récla-
ment une grande élasticité jointe à une forte ténacité.
En reboisement, il ne peut être utilement employé que par
voie de plantation.
On distingue cinq espèces d'érables : l'érable sycomore^ l'é-
rable plane, l'érable champêti'e, l'érable à feuilles d'obier, et
enfin celui dit de Montpellier.
L'érable sycomore est le plus répandu, surtout dans les mon-
tagnes où il se rencontre jusque dans la région du mélèze,
souvent sous le nom d'érable blanc. C'est un des feuillus
qui atteignent les plus hautos altitudes, et à ce titre il ap-
158 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
parliont aussi bion au climat alpestre qu'au climat tempéré.
Arbre de première grandeur, de croissance rapide , il par-
vient à un âge très avancé.
Son bois, tenace et dur, est très recherché pour l'industrie,
surtout du charronnage et du tour; il atteint un prix élevé.
Son couvert est épais et son feuillage fournit un fourrage
abondant et une excellente litière.
L'érable plane, de moins grande taille (jue le sycomore, est
loin de monter aux mômes altitudes ; rare dans les montagnes,
il est plus abondant dans les coteaux, et affecte une prédilec-
tion marquée pour les terrains très frais, môme humides.
Son bois est inférieur en qualité à celui du sycomore, sauf
au point de vue du chauffage. Son feuillage est moins estimé
tant comme fourrage que comme litière. Somme toute, cette
espèce est beaucoup moins intéressante pour le reboisement
que la précédente.
L'érable champêtre est un arbre de petite taille, plus répandu
dans les taillis de coteaux que dans la montagne, où cepen-
dant on le rencontre surtout dans les haies et dans la région
du pin sylvestre.
Les feuilles sont polilcs, peu ahondantos; aussi son couvert
est-il léger.
Il n'est pas diflicile sur la nature du sol, mais sa croissance
est lente. Son bois est utilisé pour la sculpture, la menuiserie
et la lutherie. On en fait des manches de fouet tressés.
L'érablf! à ff'uilles {Yobier possède les mômes qualités (|ue
l'érable sycomore, mais est moins ri-pandu en l'"'ran(e oii il ne
se rencontre (pie dans les contrées du Sud et du Sud-Est, dans
les montagnes de I*rovence.
L'érable de Montpellier habite exclnsivemenl jr midi de la
France; ses dimensions sont faibles et sa croissance très lente;
son principal intérêt réside dans la dureté et la ténacité de
son bois, très recherché pour le tour et la menuiserie, et sur-
tout dans sa facilité à végéter dans les sols les plus secs et les
plus rocailleux.
DU CHOIX DES ESSENCES. 15!)
Tous ces érables doivent Hrc employés par voie de plantation.
Ils méritent d'être utilisés le plus possible à l'état isolé, dans
les massifs que l'on crée avec d'autres essences, suivant les
divers cas spéciaux à chacune des différentes espèces.
On distingue deux espèces de tilleuls : le tilleul à petites
feuilles, et celui à qrandes feuilles^ qui ofl'rent d'ailleurs entre
eux une grande analogie. L'enracinement en est pivotant et
traçant à la fois. Le bois est blanchâtre, léger et ductile; on
l'emploie en menuiserie , en ébénisterie , au tour et à la scul-
pture, mais il donne un très médiocre combustible. On utilise
la substance filamenteuse de son liber pour la confection de
gros tamis, de toiles d'emballage et do cordes. Son couvert est
épais, mais il se dégarnit de très bonne heure. Son feuillage
fournit un excellent fourrage pour le bétail. Sa fleur est très
utilisée comme boisson calmante.
Il recherche les terrains profonds et meubles , mais végète
même dans les sols secs, calcaires ou autres.
Bien que peu sensible au froid, il s'étend plus en latitude
qu'il ne s'élève en altitude, et, dans les montagnes des Alpes,
il ne dépasse guère 1,500 mètres au-dessus de la mer.
Deux espèces principales de sorbiers sont à signaler : le sor-
bier domestique et le sorbier des oiseleurs.
Le sorbier domestique est assez rare dans les forêts ; il est
répandu dans toute la France, mais dans la montagne il n'at-
teint pas des altitudes supérieures à celles du chêne, au-des-
sus desquelles il fait place au sorbier des oiseleurs. Il lui faut
donc un climat relativement doux; son bois, très dense et très
compact, est essentiellement un bois de travail; on le re-
cherche pour toutes les industries qui réclament remi)loi de
bois dur; aussi est-il généralement d'un prix élevé.
Son couvert est plutôt léger qu'épais et sa racine essentiel-
lement pivotante; il n'atteint que de faibles dimensions en
hauteur; il est plutôt un arbre de taillis que de futaie.
Le sorbier des oiseleurs préfère les climats froids; on le ren-
160 IIKP.OISHMKXT ET GAZoXNEMKNT.
contre encore dans la région du mélèze, où il est assez ré-
pandu. C'est môme un des feuillus qui atteignent dans les Alpes
les j>Ius hautes altitudes, car il dépasse de beaucnui) la limite
de l'érable sycomore; il apparliont donc à deux r('\aii)us clima-
tériques. Son bois, d'un moins haut prix que celui du sorbier
domestique, est cependant employé à presque tous les mêmes
usages.
Il est indifférent aux diverses natures de sol, préfère les ter-
rains frais et profonds , mais est rebelle aux terrains très hu-
mides.
Dans les montagnes on ne rencontre que l'alisier blanc, qui,
dans les plaines et les coteaux , fait place à l'alisier tnrminnl.
Aussi ne signalons-nous ici que le premier.
L'alisier blanc est un arbre de petite taille et à croissance
lente; ludifférent à tous les sols, il accepte très bien les cal-
caires les plus rocheux, et n'est rebelle qu'aux terrains argi-
leux et humides.
Bien (jue d'un feuillage léger, il supporte facilement le cou-
vert.
On le rencontre dans les montagnes à d'assez grandes alti-
tudes; il manifeste, quoique à un moindre degré, toutes les
préférences du sorbier des oiseleurs. Son bois est employé
aux mômes usages que celui de cette essence.
Le cerisier-merisier est un arbre de moyenne grandeur,
très répandu dans les forôts ; il préfère les contrées acciden-
tées et s'élève jusqu'à la limite supérieure du hôtre. Ses raci-
nes sont fortes et obliques, sa croissance est rapide jusque
vers quarante ans, et il végète indifféremment dans toutes les
natures de sol, notamment dans le calcaire; mais il redoute
l'humidité et réussit très bien dans un sol graveleux et sec,
sauf dans les terrains sablonneux. Son bois, excellent pour le
fhauffage, est recherché |ti>iii- l;i nirnuiserie, l'ébénisteric et la
lutlKTie. C'est avec le noyau df smi fruit qu'on obtient, |)ar
la distillation, le kirsch si renommé des Vosges.
DU CHOIX DES ESSENCES. ICI
Lo bouleau se partage en deux espèces principales : le bou-
leau blanc et le bouleau pubescent. L'aire d'Iiabitation du pre-
mier est moins développée que celle du second et se limite à
celle du pin sylvestre, tandis que le bouleau pubescent re-
monte dans le nord de l'Europe jusque vers les limites de la
végétation forestière et atteint d'assez grandes altitudes sur
les montagnes.
Les exigences et les qualités de ces deux espèces offrent une
grande analogie ; elles se distinguent donc surtout par la pn'"-
férence de leur station climatérique.
Le bouleau recberche les sols sablonneux et frais ; c'est
ainsi que dans les Alpes, où les terrains purement calcaires
sont dominants, cette essence est rare et ne se rencontre que
dans les versants à sol formé par les détritus des grès et le
long des ravins ou des cours d'eau.
Son bois fait un assez bon cliauffage et sert à la menuiserie,
au tour et au charronnage. On tire du bouleau de nombreux
produits accessoires, soit de son écorce, soit de sa sève, ou
même de ses brandies. Son feuillage est léger, bien qu'a-
bondant.
Les exigences de cette essence, au point de vue de la na-
ture du sol, restreignent considérablement son emploi, même
à titre d'essence isolée, dans les reboisements, et le subor-
donnent à certains cas tout spéciaux que nous examinerons.
Originaire de l'Américiuo du Nord, le robinier est aujour-
d'hui naturalisé en France; mais, à l'encontre des autres es-
sences, il est incapable de se reproduire par lui-même.
Il est indifférent à la nature du sol, tout en préférant les
terrains légèrement frais; son bois, nerveux et dense, suscep-
tible d'une longue durée, est excellent pour le charronnage
et tous les emplois tels que tuteurs et échalas. On l'utilise
pour la confection des chevilles de bordage dans les navires
en bois, mais après les avoir comprimées jusqu'à réduction
de moitié de leur diamètre. Dans ces conditions, ces che-
11
•162 REBOISEMENT ET GAZONNEMEXT.
villos sont susceptibles d'uno (lnr(''o et d'iino solidité à tonto
épreuve.
La croissance du robinier est très raijidc dans b's premières
années et peut être utibsée dans les reljoisenients, soit pour
en faire un premier abri aux essences du massif définitif, soit
pour lixer des terrains instables ou des talus dénudés. Son aire
d'habitation dépasse celle du cbône, et on peut l'employer
en montagne jusqu'à 1,500 mètres aux bonnes expositions.
Le seul aune intéressant de cette région climatérique est
l'aune blanc, très commun dans les forôts et sur le bijrd des
ruisseaux en montagne, où il s'élève à une très grande alti-
ude, pour pénétrer jusque dans la région alpestre au milieu
des mélèzes, mais à l'état d'arbrisseau.
Les qualités de son bois sont surtout d'èlre très apte aux
travaux hydrauliques; on l'emploie en charpente, mais à cou-
viirt, car, aux alternatives de sécheresse et d'humidité, il
pourrit rapidement ; il sert aussi à la menuiserie et à la bois-
sellerie.
Ses racines traçantes et très ramifiées drageonnent considé-
rablement et, par leur entrelacement, soutiennent et raffer-
missent les rives des cours d'eau que cette essence affectionne,
sans cependant s'y confiner; il végète parfaitement dans tous
les sols et dans tous les divers climats de la région moyenne,
voire même alpestre, mais il lui faut au moins un peu (b^ fraî-
cheur constante, et il est rebelle aux sols compacts, pierreux
ou rocheux.
Sa croissance rapiih' dans les premières années peut être
utilisé dans certains cas pour fournir un premier abri à des
essences plus préci-euses.
Les quatre espèces principales de peupliers qu'on trouve
en France sont : le peuplier blanc on yprcau, le i)eup]ier noir,
le peuplier d'Italie ri le Ircinhlc.
Les trois premiers aHectiunnenl plus spécialement le jjord
des cours d'eau et sont remar(pi:il»lês par leur a|)lilude à se
DU CHOIX DES ESSENCES. 16»
propager par boutures. Le tremble est au contraire rebelle à
ce mode de reproduction, mais beaucoup plus envahissant; il
est répandu dans les forets au point de devenir parfois grnant
pour les peuplements.
Le peuplier blanc est le seul qui donne un bon bois qu'on
recherche pour la layetterie et certaines parties de la menui-
serie; très répandu dans les plaines et les coteaux, il no dé-
passe pas dans les montagnes la station du chêne.
Le peuplier noir et le peuplier à' Italie supportent des cli-
mats plus rigoureux et peuvent végéter dans les Alpes jus-
qu'à 1,500 mètres d'altitude.
Enfin le tremble offre, dans son aire d'habitation, unn com-
plète analogie avec l'aune blanc et se rencontre par bouquets
dans la région du mélèze.
Ces peupliers n'offrent d'utilité dans le reboisement que sur
les bords des ruisseaux, dans les fonds de ravin et dans les
éboulements, partout enfin où règne une certaine humidité;
ils sont là les compagnons des aunes et des saules.
On peut les remplacer avantageusement, dans les reboise-
ments, par certains peupliers exotiques, tels que le peuplier
du Canada, de Virginie, de VOntario, de Lindley, qui mani-
festent généralement une végétation remarquable et fournis-
sent un bois apprécié en tant que bois blanc et léger.
On compte un grand nombre d'espèces de saules, de tailles
bien diverses. Au point de vue du reboisement, certains saules
offrent des ressources précieuses pour la fixation de la végéta-
tion dans le fond des ravins et le soutien de leurs berges. Leur
aptitude remarquable à pousser par boutures en rend renii)lni
facile et économique.
On peut les utiliser dans les reboisements, soit pour en
obtenir des arbres, soit pour en faire des fascinages ou des
clayonnages.
Pour les arbres, les meilleures espèces sont le saule blanc,
le saule marceau et le saule à grandes feuilles.
164 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Le saule blanc manifeste à peu près les mômes exigences et
les mêmes qualités que le peuplier blanc, et atteint la dimen-
sion d'un arbre de moyenne grandeur. Il fournit un bon bois
et des osiers de première qualité.
Le saule marceau est très répandu dans les forêts de la ré-
gion moyenne, mais très rare dans le sud-est de la France;
dans les Alpes, il est remplacé par le saule à larges feuilles,
qui pénètre même très avant dans la région alpestre du mé-
lèze, et atteint d'assez fortes dimensions.
Pour les fascinages et les clayonnages on emploie de préfé-
rence les petits saules, flexibles, à feuilles étroites et lan-
céolées, végétant à l'état d'arbustes ou d'arbrisseaux, tels que
le saule ^^owr/jre, le saule rf;'a/>(?' et le saule daphné, qui, du reste,
n'exigent pas une grande bumidité et végètent convenable-
ment dans des sols d'une fraîcbeur ordinaire.
Dans la nomenclature que nous venons de faire pour la ré-
gion moyenne, nous avons omis avec intention, parmi les
essences principales, le charme, qui forme souvent la majorité
du peuplement de bon nombre de forêts dans l'Est et le Xord.
Mais cette essence, si précieuse pour le cbaufTage, ne se ren-
contre ni dans l'Ouest ni dans le Midi et dans les contrées ofi
le reboisement est le plus nécessaire on ne la trouve nulle part,
même sur les montagnes dos Alpes, dans des conditions cli-
matériques analogues à sa station préférée. Il y a donc pré-
somption qu'elle serait difficile à introduire en dehors de ses
limites; de jjIus, son couvert est épais, son jeune plant est
très jnvotant et dès lors d'une reprise difiicile; le semis ré-
clame, comme le hêtre et le sapin, un abri préalable et de lon-
gue durée; tous ces motifs suffisent pour écarter le charme
des essences à adopter dans le reboisement des terrains nus.
Le cèdi'e est une essence qu'on rencontre par grands mas-
sifs, dans les montagnes de l'Algérie présentant des conditions
climatériques quelque peu analogues à celles des contreforts
des Alpes de Provence. Aussi, dans le début des travaux de
DU CHOIX DES ESSENCES. . 1G5
reboisement, l'attention a été attirée vers cette essence sur la-
quelle on avait fondé des espérances qui ont été loin de se
réaliser entièrement. Ce n'est pas à dire que l'emploi du cèdre
doive (Hro proscrit, nous pensons au contraire que, dans cer-
tains cas spéciaux, on peut utiliser l'un do ses principaux
avantages, qui réside dans l'épaisseur de son couvert.
Son aire d"hal)ilation est à peu près celle des pins sylvostre
et d'Autriche, avec lesquels il peut être avantageusement mé-
langé dans le but de fournir au sol une fraîcheur que ces deux
autres essences sont incapables de lui procurer. Le cèdre
présente donc un certain intérêt au reboiseur, mais, comme
le sapin et le hêtre, il est préférable de ne l'introduire que sous le
couvert ou au moins à l'abri d'une végétation préexistante.
Parmi les nombreux arbrisseaux et arbustes que renferme
cette région, certains fournissent un utile concours à l'œuvre
du reboisement, tant au point de vue de la fixation préalable
du sol qu'à celui d'un premier abri pour les jeunes plants des
grandes essences. Le but de leur emploi suffit à lui seul pour
indiquer que la plantation doit être préférée au semis, auquel
on peut d'autant plus renoncer que leurs graines demandent
pour la plupart dix-huit mois de mise en terre pour lever.
Nous nous bornons ici à donner leur nomenclature, sauf à
indiquer plus tard les différents modes de leur emploi :
Le coud7'ie7'-noisetie}', les cornouillers, Vnubépine, Vamélun-
chier, le cerisier mahaleb, le genévrier sabine, le cytise des Alpes,
V églantier, le buis, Vargousier [hippophaë), la bugrane arbrisseau
et les genêts forment les principales de ces essences si utiles.
On peut y ajouter Vérable negundo et Vailanfe glanduleux,
mais seulement dans les parties les moins froides de la région.
3° Région froide ou alpestre. — En parcourant de bas en
haut la région froide ou alpestre, on rencontre encore des
massifs de hêtres et de sapins, puis le pin à crochets, l'épicéa
et le mélèze, selon les cas.
166 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Le pin à crochets se trouve surtout dans les Alpes et dans
les Pyrénées, où il se présente en massifs parfois assez impor-
tants; son bois, d'excellente qualité, peut être employé pour
les constructions. Cette essence est des plus précieuses pour
le reboisement de certains hauts versants de la région froide
qui présenteraient des conditions de sol et d'exposition défa-
Torables à l'épicéa ou au mélèze. Les jeunes plants sont ro-
bustes et pourvus d'un chevelu qui facilite leur reprise.
Le pin â crochets est beaucoup moins en butte que le pin
sylvestre et d'Autriche aux dégâts occasionnés par les neiges
abondantes, par suite du port do ses ])ranches qui affectent la
forme de branches de candélabre que présente, à un plus haut
degré encore, le pin cembro.
Cette essence mérite d'être répandue dans les hautes mon-
tagnes où elle est appelée à rendre les plus grands services et
à remplacer môme, dans maint endroit élevé, les pins sylves-
tres rabougris qui s'y aventurent.
L'épicéa forme, avec le mélèze, la majeure partie des grands
massifs (pi'on rencontre dans cette région ; plus robuste que
le sapin contre les grands froids, il atteint des altitudes bien
plus élevées et s'accroche aux pentes les plus raides dans les
intervalles des rochers.
Les qualités de son bois sont assez connues pour qu'il soit
inutile d'y insister. Au point de vue du reboisement, l'épicéa
ne présente pas les ressources que son développement dans
les Alpes aurait pu faire espérer. Sans être aussi difficile à
réussir que le sapin sur les montagnes dénudées, il est cepen-
dant sensible dans les premières années aux inlluences atmo-
sphériques et réclame du sol une certaine fraîcheur que l'on
rencontre difficilement dans les versants privés d'abris végé-
taux. D'autre part, il affectionne plus particulièrement les
expositions nord, qui sont les moins fréquentes dans les ter-
rains à reboiser.
Ces diverses exigences en restreignent forcément l'emploi,
DU CHOIX DES ESSENCES. I(i7
qui ne pourra se faire utilement, sur une large échelle, (jne
sous le couvert d'une végétation préalable.
L'épicéa forme avec le mélèze un mélange très heureux la
plupart (lu temps, car, par son couvert épais, il fournit au sol
une fraîcheur ipK^ ce dernier est inc;ipa])le de lui i)rocurerseul.
Le mélèze, confiné tlans certaines régions montagneuses, ne
se trouve en France, par grands massifs, que dans les Alpes de
la Provence, du Dauphiné et de la Savoie. En Suisse, on ne le
rencontre que dans le haut Valais et dans les Grisons.
Cette essence, précieuse à tous titres, est la base du reboi-
sement aux grandes altitudes. Elle végète dans ses conditions
normales dès 1,000 à 1,-200 mètres d'altitude, accepte toutes
les natures de sol et monte jusqu'à !2,oOO mètres. Dès sa jeu-
nesse, le mélèze résiste admirablement aux influences atmo-
sphériques les plus rudes et ne réclame aucun abri. Yéritable
arbre de lumière, il demande à ne pas demeurer en massif
serré ; son couvert léger, dû à ses branches menues, courtes
et peu abondantes, suffit pour abriter la végétation herbacée
qui se développe autour de lui avec d'autant plus de vigueur
que la chute annuelle de toutes ses feuilles fournit au sol des
éléments précieux de fertilité. Le mélèze possède la faculté re-
marquable de produire facilement, sur une écorce déjà assez
vieille, des bourgeons adventifs qui forment de nouvelles
branches lorsque les premières ont été coupées; on dit com-
munément alors qu'il repique sur le vieux bois. Il n'est pas
rare de rencontrer des mélèzes déjà âgés, ayant de "lo à
30 mètres de hauteur et présentant la forme d'une grande
colonne de verdure surmontée d'un petit panache. Ce sont des
arbres qui ont été élagués presque jusqu'à la cime, et sur les-
quels de nouvelles branches se sont produites au même mo-
ment, ont la même longueur et forment ainsi une colonne
régulière de verdure. Cette faculté est très précieuse pour les
jeunes brins qui viendraient à être, sinon recepés, du moins
coupés assez près de terre; pourvu ([u'il reste quelques bran-
IGS REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
chos, ]o sujet, une fois mis à l'abri de nouveaux accidents, ne
tarde pas à se refaire une tète et à végi'ter vigoureusement.
11 est facile de constater fréffuemment ce fait. Dans les prai-
ries voisines de forêts de mélèzes, on rencontre en effet des
brins qui, pendant un nombre d'années considérable, ont été
fauchés avec les lierbes; qu'on les mette à l'abri de la faux
pendant deux années au plus, ils s'élancent rapidement cl dé-
passent de plus d'un mètre les herbes environnantes.
Pendant les trois premières années, les jeunes mélèzes de
semis s'élèvent peu ; leur végétation est très lente.
Cette lenteur est même })lus marcpiée encore chez les sujets
plantés, fpii, généralement, présentent un aspect peu encou-
rageant i)our <|iii n'y est pas habilué'; mais, dès la (pialrièmc
année, la végétation prend un essor rapide et il n'est ])as rare
de rencontrer des mélèzes de cinq à six ans qui, dans des con-
ditions de sol ordinaires, fournissent en une même année une
pousse de 1 mètre.
Cette rapidité dans la croissance pendant les jeunes années,
très caractéristicjue et qu'un constate dans tous les peuple-
ments où le mt'lèze se trouve mélangé avec d'autres résineux,
j(jinte à la propriét('' (pi'il jjossède de végéter de 1,000 à 2,500
mètres au moins d'altitude, en fait l'essence la plus pr(''(i(Mise
j)iiur le rcljoiscmcnt dans les hautes montagnes des AIp(^s,
d'autant plus <pie le semis et la plantation lui conviennent
également suivant les cas; on a donc tout intérêt à le propa-
ger le plus possible, car, outre ces propriétés si favorables, il
fournit un bois d'une qualité telle (pi'il porte à juste titre le
nom ûechènede lainnntof/ne. Mais les (pialités si remarquables
de son bois ne persistent ([ut^ dans son aire d'habitation; il lui
faut le climat sec, les forts et constants coups de soleil de l'été
sur les hautes montagnes, le froid sec de l'hiver; transplanté
dans la plaine ou dans les montagnes à climat humide et à
ciel souvent couvert, il perd la plupart de ses qualités remar-
quables ; sa végétation, toujours vigoureuse dans les preniièrcs
années, ne tarde pas à se ralentir; il languit rapidement et ne
DU CHOIX DES ESSENCES. lliO
peut arriver au g^rand âge que son vrai climat seul peut lui
permettre d'atteindre.
Certaines essences secondaires de la région moyenne peu-
vent supporter le climat de la région alpestre et sont suscep-
tibles d'y fournir un concours utile au rchoisement. Ce sont,
parmi les arbres : le f?'ène, le bouleau dans son terrain, le sor-
hier des oiseleurs, Ych'able syco7no)'e, les saules niarceau, pouriire et
drapé; et, parmi les arbrisseaux et arbustes : VauOépine, le n/-
tise et Vargousier.
Parmi les arbrisseaux et arbustes de la région alpestre, on
ne peut guère utiliser que deux essences : le prunier de Brian-
çon et Y épinc-vinetle .
Le prunier de Binançon est un arbrisseau qui ne dépasse pas
généralement 5 mètres de bautenr, qu'on rencontre dans les
hautes vallées des Alpes françaises; il végète indiflV'remment
dans tous les sols, même dans les marnes noires du lias, où il
est très abondant aux environs de Barcelonnette (Basses-Alpes).
L'epme-yme^fÉ", arbrisseau beaucoup plus petit (de 1 à 2 mètres),
présente la même faculté que le prunier de Briançon, de
croître sur les sols secs et escarpés. Aussi ces deux essences
sont-elles employées avec le plus grand succès pour la fixa-
tion des sols à surface instable et la création d'abris sur les
terrains trop arides pour recevoir d'emblée les essences fores-
tières qui doivent les recouvrir plus tard. Ces deux essences
ne sont employées que par voie de plantation.
4° Région alpine ou très froide. — Le pin cembro est le der-
nier représentant de la végétation forestière qu'on rencontre
en montant vers le sommet des hautes montagnes; comme
le nu'lèze, c'est un arbre essentiellement alpestre et n'habitant
exclusivement que les climats secs ; c'est ainsi qu'on ne le
rencontre guère en Suisse que dans la haute Engadine (Grisons)
et, en France, que dans les Alpes de la haute Provence et d'une
partie seulement du Dauphiné (le Briançonnais).
170 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Il r(^prôspnl(' dans la flore forostirro ouropéonne le seul pin
indigène à cinq ieuilles. Dou(3 du tempérament le plus robuste,
il supporte vaillamment les plus rudes climats de sa station
élevée, ([ui atteint jusqu'à 3,000 mètres dans les Alpes fran-
(,*aises. Ses branches, disposées en forme de candélabre, serrées
contre le tronc, ne donnent qu'une faible prise aux vents les
plus violents et bravent le poids de la neige et du givre. Aussi
le rencontre-t-on jusque sur des crêtes rocheuses exposées à
tous les vents les plus terribles, accroché pour ainsi dire aux
anfracluosités des rochers. Il vit généralement en compagnie
des rhododendrons, de l'aune vert et des derniers représen-
tants de la végétation ligneuse aux grandes altitudes. Dans de
pareilles conditions, sa croissance est très lente et il n'atteint
pas do bien grandes dimensions; son bois est surtout propre
au travail de la sculpture.
Cette essence ne tarderait certainement pas à disparaître si
ses précieuses qualités ne la faisaient rechercher pour le re-
boisement des grandes altitudes.
Le semis du pin cembro réussit très bien ([uand il est exé-
cuté dans des conditions convenables de premier abri contre
le déchaussement.
Il supporte également Ijjen la plantation et fournit, par ce
mode, des résultats très remarquables.
Pouvant descendre et végéter dans de bonnes conditions à
1,500 mètres d'altitude, on le mélange avantageusement au
mélèze, de 1,500 mètres à 2,500 mètres; mais, plus haut, il de-
vient liiiilipie ressource du reboiscur.
En deux campagnes, on en a employi'' près de 20,000 kilo-
grammes de graines dans les Basses-Alpes, avec un succès
qui s'accentue tous les ans et promet pour l'avenir un déve-
loppement considérabli- dans la propagation de telle essence.
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 171
CHAPITRE IX
xMESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES
Mise en défends. — Sou effet dans les différentes régions. — Dans les
terrains instables. — Préparation du sol. — But de la i)réparation du
sol. — Sécheresse du sol. Moyen de la combattre. — Du gel et du dégel.
— Causes du soulèvement. — Modes de culture du sol. — Labour en
plein. — Labour par bandes alternes. — Cultiu'e à bras dliomme. —
Outil préférable. — Bandes alternes. — Bandes brisées. — Époques à
préférer pour la préparation du sol. — Marnes liasiqiies.
Le choix des essences à préférer ayant été définitivement
arrêté, leur introduction sur les terrains à reboiser devra né-
cessairement s'opérer soit par la voie du semis, soit au moyen
de la plantation.
Mais avant de procéder à l'une quelconque de ces opéra-
tions, il faudra le plus souvent, pour ne pas dire toujours, faire
subir au sol une préparation plus ou moins complexe desti-
née à le mettre en état de recevoir et d'entretenir, dans les
meilleures conditions de végétation possibles, les jeunes sujets
appelés à le recouvrir plus tard.
De là une série de travaux préparatoires que nous allons
passer en revue avant d'aborder l'exécution des semis et des
plantations.
Mise en Défends. — La mise en défends d'un terrain à re-
boiser est une mesure indispensable qui est appelée à produire
deux effets également précieux et plus ou moins rapides sui-
vant les cas. Le premier consiste dans le rafl'ermissement de
172 REBOISEMENT ET GAZONNEMEXT.
la snp(M"li(io du sol précrdominonl déchirée et désaf^régéo par
le pii'liiKMni'nt, et le second, dans la recrudescence et l'exten-
sion d'iuK^ véjiétation herbacée ou autre, antérieurement li-
vrée à la dent des bestiaux.
Le raffermissement de la superficie du sol se produit rapi-
dement, à toutes les altitudes et dans tous les climats, sur les
versants, soit recouverts de terre végétale plus ou moins
épaisse ou môléc de pierres, soit môme à sous-sol mis à nu.
Les différences dans l'intensité de l'effet produit ne dépendent
dès lors que de la déclivité du sol.
Mais il n'en est pas de môme en ce qui concerne l'expan-
sion de la végétation spontanée.
Dans les climats chauds et lenip(''rés (ju'on rencontre dans
les régions montagneuses, mais toujours à leur base et par
conséquent à l'extrémité inférieure des vallées, les effets de la
mise en défends sont parfois très rapides et l'on constate sou-
vent qu'en deux ou trois années des terrains presque entière-
ment dénudés se sont recouverts d'une végétation herbacée
qui ne tarde pas à se mélanger d'arbustes de toutes sortes,
spéciaux aux climats ou aux différentes natures du sol. Les
reboisements opérés dans les Alpes-Maritimes ont fourni à ce
sujet des observations fort intéressantes et très concluantes.
Si l'on remonte davantage vers les hauteurs, mais sans dé-
passer une altitude de 1,000 à 1,200 mètres, c'est-à-dire le cli-
mat du chône dans les Alpes, on constate encore des effets
d'une impoiiance réelle, mais cependant moins prompts et
surtout moins complets que dans les régions inférieures, toutes
circonstances égales d'ailleurs (mi ce (}ui concerne la composi-
tion minéralogique et Tt-tal physique du sol.
Il est loin d'en ôtre ainsi aux grandes altitudes, sur les vastes
versants oii les torrents les plus violents ont pris naissance et
se développent dans leur activité la plus désastreuse. Dans ces
régions désolées, la ruine de la montagne est parfois tellement
avancée, la dénudation est si complète, le climat se montre si
rude, que les seuls efforts de la nature réclameraient des pc-
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 173
riodes de iniso on défonds d'une longuoiir excessivo, pour
aboutir, somnio louto, à dos résultats proscjuc insignifiants.
Nous avons pu faire et répéter maintes fois cette observa-
tion dans les hautes montagnes des Basses-Alpes, où les élé-
ments d'étude les plus favorables se trouvaient répartis sur de
nombreux points. En parcourant des versants d'une altitude
de 1,600 à 2,000 mètres, et dont certains, soumis au régime
forestier, étaient mis en défends depuis plus de trente ans,
nous avons constamment constaté ce qui suit, quelle ciuo soil
du reste la nature minéralogique du sol :
1" La surface du terrain, n'étant plus sujette au piétinement,
s'est raffermie ;
2° Avant la mise en défends, le sol était sillonné par un
inextricable réseau de petits sentiers dénudés et sensiblement
horizontaux, formés par le passage des troupeaux et décou-
pant les gazons dont les traces n'existaient plus qu'à l'état ru-
dimentaire. Aujourd'hui ces gazons ne présentent plus l'aspect
malingre d'autrefois; ils sont bien verts, végètent librement et
sont intrinsèquement aussi beaux qu'on pourrait le désirer,
mais ils se s'étendent pas, ils ne se propagent pas, et les traces
des petits sentiers continuent à présenter un sol absolument
privé de toute végétation. Quant à la végétation ligneuse, elle
est très rare et représentée seulement par quelques groseilliers,
cytises à feuilles sessiles, amélanchiers, etc., tous anciens su-
jets, jadis abroutis, et ayant auj(jurd'liui repris un certain dé-
veloppement.
Un pareil résultat, si contraire à l'opinion indistinctomonl
admise pour toutes les montagnes et à l'espoir tant do fois for-
mulé dans bien des documents relatifs à la régénération des
montagnes, s'explique facilement par les phénomènes météo-
rologiques qui se manifestent sur leshauts versants. Les neiges,
en effet, disparaissent bien plus rapidement sur les sols dé-
boisés que sur les sols couverts. C'est ce qui explique on par-
tie pourquoi l'on a défriché et détruit les forêts plutôt aux
expositions chaudes qu'à celles du nord, qui, seules, présen-
174 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
tent aujourd'hui un état à peu près boisé, mais n'offrent pas
en revanche des herbages aussi recherchés que ceux des autres
expositions ; on a toujours cherché à agrandir les pâturages
jugés l(^s meilleurs, et à en jouir chaque année, au plus tôt et
le plus longtemps possible, cnpormotLant à la neige de dispa-
raître plus rapidement et en diminuant ainsi la durée de la
slabulation des troupeaux. La fonte des neiges est donc accé-
lérée à la l'ois par l'état de déboisement du sol et l'exposition
des versants; aussi, dès les premiers jours du printemps, le
terrain commence-t-il à perdre son abri tutélaire. Alors, à ces
hauteurs et sous l'influence d'un ciel presque constamment
pur, survient la série, non interrompue souvent pendant deux
ou trois mois, des alternatives du gel et du dégel, qui sou-
lèvent le sol nu et détruisent ainsi la faible végétation spon-
tanée que commençaient à produire les graines fournies par
les plantes voisines des vides.
On peut donc conclure de ces observations que plus Valti-
lude d'un lieu à reboiser augmente, toutes autres circonstances
étant égales d'ailleurs, plus s'impose la nécessité de rintervention
de l'honime pour seconder, développer et hâter les efforts de In
nature.
Nous n'avons parlé jusqu'ici que des versants dont le sol est
relativement stable, mais en ce qui concerne les terrains crou-
lants, glissants, profondément ravinés, ou enfin ceux absolu-
ment privés d'une végétation quelconque, tels que les terres
noires du lias, la mise en défends devient une pure chimère et
il n'y a que le seul travail de l'homme qui puisse arriver à y
introduire et à y mainlenir la végétation appelée à les prolé-
ger et à les fixer.
Nous savons bien qno lOn rencontre d'anciens torrents com-
])lèlement inoffonsifs aujourd'hui, gn\ce à la forêt (pii em-
lirasse leurs bassins tout entiers et (jui n'existe que par les ef-
forts de la nature.
Mais sait-on ce qu'il a fallu de temps pour que ce résultai
fût atlfint? Possède-t-on la moindre base pour le calculer?
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 17:i
D'autre part, s'osl-on rendu compte des transformations
qu'a subies le torrent avant son extinction et des effets qu'il a
produits pendant toute cette période dans les vallées? L'obser-
vation d'un torrent quelconque, en activité aujourd'liui, peut
en donner la mesure et l'on peut constater, en l'étudiant de
très près, que tous les terrains affouillables existant dans son
bassin de réception seraient certainement entraînés dans les
vallées inférieures pendant l'espace énorme de temps qu'il
faudrait à la végétation naturelle pour s'y implanter; de sorte
(jue la forêt, ainsi produite, ne ferait plus que maintenir une
extinction qu'elle n'aurait pas provoquée, mais qui aurait été
due surtout à réi)uisement momentané des sources de maté-
riaux où s'approvisionnait le torrent. Gela posé, si l'on consi-
dère que dans les terrains jurassiques, où les torrents se déve-
loppent avec le plus d'intensité, on rencontre le plus souvent
des couches de marnes calloviennes qui atteignent des épais-
seurs de plusieurs centaines de mètres (il y en a de 1 ,200 mètres)
et représentent des terrains absolument affouillables, on peut
concevoir quelles seraient les transformations que subiraient
les torrents livrés aux seuls efforts de la nature et quels épou-
vantables bouleversements elles apporteraient dans les vallées
inférieures î
Recepages et Marcottages. — Dans bien des terrains appe-
lés à être reboisés se rencontrent des vestiges de végétaux
ligneux appartenant soit aux arbustes, soit aux arbrisseaux
réduits par les dents des bestiaux à l'état de buissons in-
formes.
Il est du plus haut intérêt d'opérer dès le début un recepage
complet de tous ces sujets, afin de leur procurer un dévelop-
pement qui ne tardera pas à singuhèrement aider l'introduc-
tion des grandes essences forestières.
Le mode le plus avantageux et en môme temps le plus
facile d'opérer les recepages consiste à couper entre deux
terres tous les brins de la souche au moyen d'une pioche à
17G REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
taillant bion affilé; on obtient ainsi nno production de rejets
plus abondants et plus vigoureux que si l'on s'était contenté
de couper, à la serpe ou à la hacbe, les brins au-dessus du
collet de la racine, et l'opération, beaucoup moins chère, est
bien plus rapidement exécutée.
Les nouvelles cépées ainsi (d)l(Miuos présentent le plus sou-
vent un très grand nombre de rejets élancés qui fournissent
un abri bien précieux au sol immédiatement environnant;
riierbe ne tarde pas à pousser vigoureusement et chaque
buisson, devenant une sorte de petite oasis de verdure au mi-
lieu du désert de la montagne, fournit aux grandes essences
un asile où elles peuvent se développer à l'aise, grâce à
l'humus retenu au pied de la cépée et à l'abri i)rucuré par les
rejets contre les influences atmosijlu'-ricpics.
Mais là ne s'arrête pas l'heureux eil'et de ces recepages, car
ils permettent encore d'augmenter considérablement, à peu
de frais et rapidement, la végétation arbustante spontanée.
Les rejets, en effet, dans chaque cépée, sont généralement
nombreux et longs, droits et flexibles. Hien de plus facile dès
lurs (pie dr" les coucher en rayons disposés tout autour d(> la
cépée et de couvrir ainsi une surface importante par une sorte
de marcottage qui n'exigera pas même ultérieurement i)Our
chaque marcotte son sevrage, c'est-à-dire sa séparation d'avec
la souche mère.
Certaines essences sont des plus précieuses à cet égard,
\' églantier, par exemple. Bien souvent les rejets d'un an arri-
vent à uMf hiiulriir variant de l'",oO à -1 mètres. En admettant
par exemple que hi cépéf mère occupait un cercle présentant
60 centimètres de diamètre, soit une surface de "H décimètres
carrés, on obtiendrait, ai)rès le marcottage de brins de
2 mètres, une surface circulaire ayant i"\»)0 de diamètre et
une contenance de IT^jliS, soit soixante-quatre fois plus
grande.
A cet avantage, déjà précieux, il convient d'ajouter ((ue le
succès de l'opération est toujours certain, rpie dès les prc-
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 177
mières années la végétation est des plus vigoureuses, et que
l'exécution est des plus faciles. Il suffit en effet d'ouvrir, pour
chaque brin, une rigole de 15 à 20 centimètres de profondeur,
de l'y coucher avec toutes ses branches, puis de les recouvrir
de terre sur laquelle on tasse avec le pied quelques mottes de
gazon si possible, et à défaut quelques pierres; l'extrémité
seule du rejet demeure à la lumière. Les parties ainsi enter-
rées ne tardent pas à projeter des racines qui enserrent le
sol dans un réseau inextricable et le consolident en peu de
temps.
Enherbement. — Dans bien des pentes plus ou moins rele-
vées, la superficie du sol n'est ni assez ferme ni assez stable
pour que les essences forestières qu'on y aurait introduites
puissent y demeurer sans dangers. Ces jeunes plants, en effet,
ne prennent pas un développement bien rapide dans les pre-
mières années, et ne peuvent par eux-mêmes fournir au sol
un abri suffisant contre l'entraînement par les eaux, d'autant
plus qu'ils sont forcément espacés entre eux. Dans ces condi-
tions, le sol friable qui les entoure venant à disparaître peu à
peu, ces jeunes plants ne tardent pas à être déchaussés au
point que leur existence en soit compromise. On ne peut pas
toujours parer à pareil inconvénient en disposant des pierres
bien calées en talus au pied de chacun des plants ou à l'extré-
mité inférieure des trous ou bandes, car le plus souvent, dans
ces sortes de terrains, la pierre fait absolument défaut. En pa-
reil cas, il faut donc chercher à maintenir la surface du sol,
pendant les premières années au moins, de manière à donner
aux essences forestières le temps de se développer et de four-
nir à leur tour un abri définitif et complet.
L'emploi de certaines graines fourragères, à tempérament
robuste, à végétation vigoureuse et rapide, atteint parfaite-
ment le but qu'on se propose, et constitue l'opération que l'on
est convenu d'appeler enherbement, pour le distinguer du rjazon-
nement, qui répond à un ordre d'idées tout différent.
12
178 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Afin d'éviter dos répétitions, nous nous réservons de dévelop-
per toutes les questions de détail qui se rattachent à Yenherbe-
ment quand nous traiterons spécialement du g azonnement. Pour
le moment, nous nous contenterons de bien préciser que Ven-
hei'bement n'a d'autre but que de fournir aux essences fores-
tières, pendant les premières années de leur introduction, des
abris multiples appelés à les protéger contre les phénomènes
météorologiques de toutes sortes qui peuvent compromettre
leur développement et môme leur existence.
De sorte qu'il peut, soit précéder les travaux de semis ou de
plantation d'essences forestières, soit coïncider avec eux.
En ce qui concerne le premier cas, nous verrons à l'article
du gazonnement en quoi consistera l'opération. Dans le second
cas, l'enherbement est si intimement lié avec les autres tra-
vaux, qu'il ne nous paraît possible d'en parler avec détails
<|u'au moment où nous passerons en revue ces travaux eux-
mêmes.
Préparation du Sol. — Certains sols destinés au reboisement
sont généralement durcis par les influences atmosphériques,
piétinement ou toute autre cause. Dans le cas donc où ils n'of-
frent pas aux jeunes plants qu'on veut y introduire un état
d'anuMiblissement sullisant pour permettre à leurs racines déli-
cates de fonctionner convenablement, il devient indispensable
de le i)rocurer arfifHiellt'ment par une culture appropriée,
dont l'importance dépend de plusieurs circonstanc<>s, telles
que les influences atmosphériques, la nature du sol, sa décli-
vité et l'état de sa superficie.
Les racines fonctionnent par l'absorption des sucs nutritifs
solubles produits par l'influence combinée de la chaleur, de
l'humidité et de l'air atmosphérique; chez les végétaux fores-
tiers elles se développent avec lenteur, et sont généralement
peu abondantes dans les premières années. Il iniporle donc
«lue, dès le début, les jeunes plants soient placés dans les con-
ditions du meilleur fonctionnement de leurs organes nutritifs;
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 179
la chaleur étant, en majeure partie du moins , indépendante
des soins de l'homme, il lui reste à assurer aux racines lliu-
midité et l'aération sufMsantes ; tel doit donc ôtre le but de la
préparation du sol.
On conçoit qu'ainsi posé, le problème soit susceptible de so-
lutions multiples suivant la nature des sols et des climats où
l'on opère. Mais, toutes circonstances égales d'ailleurs, avant
d'entrer dans l'examen des différents cas généraux qu'on peut
prévoir, il est essentiel d'établir, en ce qui concerne les cli-
mats, deux grandes catégories : d'une part, les climats où le
sol ne gèle pas pendant l'hiver, et d'autre part, ceux où le sol
gèle plus ou moins profondément.
Dans les climats de la première catégorie, le grand et le seul
ennemi à combattre est la sécheresse de la saison chaude,
tandis que dans ceux de la seconde, cet ennemi, parfois tout
aussi redoutable, est doublé, pendant la saison rigoureuse et
surtout pendant le printemps, par le gel et le dégel.
D'où il résulte déjà que par les seules influences atmosphé-
riques le reboisement, dans les climats froids ou demi-tempé-
rés, offre des difficultés plus grandes que dans les climats
chauds ou doux. Nous verrons ultérieurement ces diiticultés
s'accentuer, quand nous traiterons des semis et plantations.
L'intensité de la dessiccation du sol de même nature ne croît
pas en raison de la température du lieu, elle dépend surtout
de la répartition des pluies dans les différentes saisons. Un
climat peut être sec sans être pour cela chaud , tempéré ou
froid; c'est à ce titre qu'on peut dire que le climat de la Pro-
vence est sec, et cela dans les quatre régions climatériques,
tandis que celui du Dauphiné est plus humide, et celui des
Vosges encore davantage. De là, pour une même nature du
sol et à la même exposition, des écarts considérables dans la
dessiccation.
Le défoncement profond du sol est l'unique moyen de com-
battre efficacement la sécheresse. L'ameublissement qu'il dé-
termine, enlevant toute cohésion aux matières inorganiques
J80 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
ot autres qui forment la terre, permet à l'air de pénétrer et de
(lonieuror dans tous les intervalles où il joue le rôle d'un écran
protecteur contre l'air chaud du dehors, de la même façon
(jue les doubles fonôtres, adoptées dans les habitations du
Nord, garantissent contre le froid.
L'eau s'infiltre facilement dans un sol ainsi ameubli et ne
peut s'évaporer aussi rapidement que dans les sols tassés où
la liaison intime dos matières terreuses permet un appel con-
stant de l'humidité inférieure vers la surface desséchée. Il
arrive souvent que cette surface se durcit par l'influence du
soleil succédant à de fortes pluies, et forme une croûte qui
vient suspendre momentanément le bon effet du défoncement;
il devient alors indispensable de procéder à des binages desti-
nés à rendre à cette surface son état d'ameublissement désira-
ble, et à lui maintenir ainsi sa faculté d'absorber des rosées
d'autant plus abondantes que les journées sont plus chaudes
et le ciel plus pur, conditions ordinaires des climats secs.
Le défoncement profond du sol pour combattre la séche-
resse n'a pas toujours été admis en culture forestière, et bon
nombre de personnes, encore aujourd'hui, sont convaincues
(|uil produit justement l'elTet inverse, en permettant à l'air
chaud do circuler jusqu'au fond du sol ameubli et d'enlever
ainsi l'humidité qu'il peut contenir. 11 suffit cependant de cul-
buter en plein été, au milieu des plus fortes sécheresses, une
fourmilière ou une butte de terre meuble d'un certain volume
pour constater que son intérieur recèle encore une humidité
qu'on n'aurait pas soupçonnée.
Dans les reboisements que nous dirigions il y a plus de
vingt ans, en Algérie, à Orléansville, un des climats les plus
torrides de cette colonie, nous ne sommes arrivé, après de
nombreux essais infructueux do loiitos les méthodes connues,
à des résultats certains qu'en défonçant profondément un ter-
rain calcaire sec et rocailleux, soumis à des chaleurs qui attei-
gnaient jusqu'à près de 70 degrés au soleil et ^S degrés à
l'ombre, et à un climat où le plus souvent, du mois d'avril au
MESURES ET TRAVAUX PRÉPARATOIRES. 181
mois de décombro, les pluies, absolument absentes, étaient
remplacées par les bouffées brûlantes du siroco. Dans les
divers reboisements que nous avons fait exécuter depuis, dans
les climats chauds en France , le dcfoncement des plus mau-
vais sols a produit les mêmes bons résultats. C'est donc sur
une longue et constante expérience que nous pouvons nous
baser pour poser en principe que le défoncement préalable devra
être d'aillant plus la règle que le climat sera plus sec et le sol plus
sujet à la dessiccation par sa nature ou son exposition.
L'application do cette règle doit être généralisée dans les
climats chauds, surtout dans les calcaires, qui déjà, par leur
nature , retiennent bien moins l'humidité que les autres ter-
rains ; mais elle subira des restrictions d'autant plus pronon-
cées qu'on opérera dans des climats plus humides ou du moins,
sujets à des pi ies plus fréquentes. Néanmoins nous conseil-
lons encore le défoncement à cause de la facilité qu'il procure
aux plantes de développer rapidement un puissant enraci-
nement.
Dans les climats moins doux et surtout les climats froids de
montagne, les chances de dessiccation sont moins générales
et n'affectent guère que les expositions chaudes, mais juste-
ment celles qui sont le plus en butte aux dangereux effets des
alternatives de gel et de dégel. Aux expositions fraîches, les
neiges, plus persistantes et plus continues, ne sont pas encore
fondues que les autres expositions en sont déjà dégarnies. Le
sol, humide alors, passe par des alternatives dégel et de dégel
provoquées l'un par le rayonnement nocturne ou un coup de
vent du nord, l'autre par l'inlluence solaire du jour ou un coup
de vent du sud; et de ces alternatives il résulte qu'une fois les
froids terminés, le sol paraît avoir été émietté, présente des
surfaces bossuées, au-dessus desquelles les jeunes plants appa-
raissent presque entièrement déchaussés, ne tenant plus que
par l'extrémité de leurs racines, et ne tardent pas à dépérir si
l'on n'apporte à pareil dégât un remède qui presque toujours
arrive trop tard, les plants ainsi soulevés présentant en effet
182 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
leurs organes souterrains aux influences du vont et du soleil
qui en peu d'instants peuvent les dessécher. Il n'est pas rare
de voir des semis ou des plantations de un an et de deux ans
complètement soulevés ou perdus, si l'on n'a pas pris les pré-
cautions nécessaires pour les protéger. Il n'y a pas môme que
ces jeunes plants qui soient sujets an soulèvement, et nous
avons vu souvent des boutures de saules, assez fortes, de 5
à 6 centimètres de tour, enfoncées en terre à plus de 40 centi-
mètres, ayant poussé pendant un an ou deux, être non seule-
ment soulevées, mais complètement projetées hors du sol.
Si l'on observe attentivement un terrain quelconque où se
manifestent ces soulèvements, on ne tarde pas à constater
(ju'ils se produisent exclusivement dans les parties où la végé-
tation, herbacée ou autre, n'est pas très drue; que leur inten-
sité est proportionnelle à l'état de nudité du sol qui environne
ef soutient les jeunes plants, et qu'enfin les plants d'un certain
âge ne sont plus sujets à être soulevés.
On peut aisément se rendre compte des causes (pii produi-
sent ces effets. Au moment où le sol nu est soumis au froid
violent, l'eau qu'il renferme alors en abondance se change en
glace et, par la force de sa dilatation, soulève hors de leur
niveau ordinaire toutes les parties terreuses ainsi ([uo les
jeunes plants qu'elles entourent.
Si au froid succède une subite chaleur, la glace revient im-
médiatement à l'état d'eau qui retombe rapidement, (Mitraî-
nant avec elle les parties les plus lourdes des matières ter-
reuses, tandis que les plus légères, ne pouvant suivre le
mouvement, demeurent émiettécs à la surface au-dessus de
laquelle demeure seule la petite tigelle beaucoup plus légère
encore, et dont les racines, soulevées par la dilatation de la
glace, se trouvent subitement abandonnées par les matières
terreuses qui l'entouiainit jadis.
On conq)rend dès lors (pic ce phénomène soit surtout à re-
douter aux expositions ciiaudes, où la neige, fondant vite,
laisse le sol sans abri contre les gelées de la nuit. Dans ces
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 183
expositions, tous les sols sont sujets au soulèvement, mais à
un degré inégal, et les terrains légers doivent évidemment le
subir beaucoup plus (juc les terrains compacts et lourds;
enfin, parmi les sols légers, les calcaires sont plus maltraités
à cet égard que les siliceux, qui sont composés de gravier
d'une densité plus grande et retiennent moins d'eau dans leurs
parties supérieures.
Que si, au contraire, l'on considère aux mêmes expositions
un sol couvert de végétation arborescente ou même herbacée,
on n'y observe aucun soulèvement; la superficie du terrain
étant mise à l'abri du rayonnement nocturne gèle beaucoup
moins facilement, mais surtout dégèle avec moins de rapidité,
protégée qu'elle est aussi contre un échauffement trop brus-
que ; les alternatives sont donc réduites en intensité et présen-
tent des écarts très restreints. C'est ainsi qu'on peut s'expli-
quer pourquoi sur un terrain nu, sujet au soulèvement, une
simple pierre un peu forte empêche cet effet désastreux de se
produire dans ses environs immédiats.
Le défoncement d'un sol ainsi exposé, en lui procurant un
ameublissement et une porosité plus développés, conditions
très favorables pour combattre la sécheresse, pourrait sembler
apporter avec lui, au point de vue du soulèvement, une somme
de dangers qui détruiraient les avantages qu'on en attend.
Mais les observations que nous venons de présenter indiquent
elles-mêmes les moyens de parer à ces dangers, soit en provo-
quant aux environs immédiats des jeunes plants une végéta-
tion herbacée ou arbustante , soit en les entourant de pierres
assez fortes et présentant une certaine surface. Nous revien-
drons sur ce sujet en traitant des semis et plantations.
Le défoncement du sol étant admis en principe comme émi-
nemment avantageux au développement de la végétation, il
reste à examiner dans quelles hmites on doit l'appliquer et
quels sont les modes à préférer.
La création d'un bois devant être aussi économique que
184 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
possible, il est évident que la préparation du sol, qui généra-
lement est un des facteurs les plus forts do la dépense, devra
èlre restreinte à ses plus rigoureuses limites, et môme que,
dans certaines conditions avantageuses données, elle pourra
se réduire à zéro.
Par p)'cpa7'ation du sol, nous entendons exclusivement la
culture à lui donner au moyen d'un défoncement préalable
quelconque; cette détinition est nécessaire, car il est un mode
spécial de plantation dit en butte, très employé en Allemagne,
et d'après lequel la préparation du sol s'opère d'une façon tout
autre et sans aucune culture de la superlicie, analogue à celle
dont nous parlons ici K
La préparation du sol, ayant pour double but de lui donner
l'ameublissement et surtout la fraicbeur qui lui font défaut,
établit bien nettement les zones dans lesquelles ce travail
préalable devra être opéré. Comprenant exclusivement les
terrains dénudés et secs, ces zones posséderont naturellement
leur maximum d'étendue dans la région méditerranéenne,
diminueront d'importance dans la région moyenne, et devien-
dn^iil une 1res rare exception dans la région alpestre, au point
do devenir nulles dans la région alpine. Leu?- impm'tance ira
donc en diminuant en raison de l'a/lilude plus (jrande du lieu.
La végétation borbacée que peuvent renfermer les di(fér(Mits
sols à reboiser fournit de son côté un excellent guide pour
apprécier la nécessité d'un défoncement préalable.
Partout, en effet, où les berbes spontanées sècbent sur pied
dès le mois de juillet, on peut être assiiré que la préparation
des sols nus est indispensable, liiiulis (|ii"clle (bnicnt superflue
dans tous les lorrains où les plantes licrbacéi's se mainlien-
nent en végétation juscpi'cn août ou septembre, observation
1. — Mantkvffel, L'Art de l'Inntcr. Tr.nihiit fii français par Slumper ;
deuxième édition, revue |)ar M. Goiet, Inspecteur des Forêts. — (I. Roth-
schild, éditeur, à Paris. Prix 2 fr. .'jO.)
Celte méthode, qui a pour hase indispensable l'cmijlui du gazon, ne peut
recevoir aucune application danslfs montagnes à relioiser dans les climats
secs où la plupart du temi)s le gazon fait al)sulunicnt défaut.
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 18:;
du reste très concordante avec l'augmentation des altitudes
où règne constamment une plus grande fraîcheur.
Au moment d'examiner les dillerents modes de culture du
sol, il importe de bien préciser que : partout ou la préjmration
préalable du sol est nécessaire, elle doit être identiquement la même
pour les semis et les plantations. Ce principe ressort du but même
de cette culture préalable.
On peut cultiver le sol soit en plein, soit en partie, à la
charrue ou à bras d'homme.
La culture en plein ne peut être entreprise évidemment ([u'k
la charrue, sous peine d'entraîner des frais trop considérables ;
elle est avantageuse dans les sols assez profonds, peu ravinés
et surtout à pentes douces; elle fait contribuer la surface en-
tière aux bénéfices de l'ameublissement , et présente généra-
lement une grande économie dans le prix de revient. Malheu-
reusement elle n'est que d'une application des plus restreintes
dans les reboisements en montagne.
Toutes circonstances égales d'ailleurs quant à la qualité du
sol, si les pentes sont assez raides pour présenter un danger
de ravinement superficiel dans le cas du labour en plein, on
peut labourer par bandes alternes et horizontales; dans ce cas,
la largeur des bandes cultivées ne devra jamais être infé-
rieure à 1 mètre, et l'espace inculte pourra varier de 1 à
3 mètres au plus, suivant les essences qu'on emploiera; par ce
moyen, toute chance de ravinement est écartée.
Ce mode de labour, par bandes alternes, est avantageux en
ce qu'il permet de maintenir dans les intervalles incultes la
végétation naturelle qui peut y exister et dont l'abri peut être
d'un grand secours dans certains cas contre les vents et contre
l'effet des eaux pluviales.
La dépense par hectare qu'entraînent ces divers labours dé-
pend des charrues dont on dispose, de la nature du sol et de la
profondeur qu'on veut donner. Mais, dans tous les cas, à sur-
faces cultivées égales par hectare, le labour sera toujours plus
économique que le travail à la main, en admettant la mémo
186
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
profondeur, qui dépondra évidemment du climat local et de la
nature du sol sur lequel on opère.
Dans la plupart des cas le labeur à la charrue ne peut être
employé, car généralement les sols qu'on destine au reboise-
ment sont rocailleux, à pentes plus ou moins fortes, et souvent
peu profonds. On est donc oblige alors de préparer le sol à
bras d'homme.
Les outils qu'on emploie généralement pour travailler la
terre sont différents d'une contrée à
l'autre : ce sont tantôt des houes pleines,
des houes à deux dents, tantôt des bê-
ches plates, des bêches fourchues, des
sapes triangulaires, rectangulaires, lar-
ges ou étroites, enfin des pics ou des
pioches.
Ces outils, adoptés dans les campa-
gnes, appropriés aux besoins de la cul-
ture des champs, sont essentiellement
agricoles; employés dans les pentes à
reboiser, il arrive le plus souvent qu'ils
ne sont plus en rapport avec les néces-
sités du lieu el ((ue dès lors le travail utile
est considérablement diminué; après
bien des expériences, nous sommes arrivé à ne plus admettre
dans nos chantiers qu'un seul et unique outil pour la prépara-
lion du sol; c'est la pioche à pic, à douille ovale, présentant
d'un côté un taillant large de 7 centimètres, allant en se rétré-
cissant vers la douille, mais fortement renforcé, et de l'autre
côté un fort pic; chaque extrémité de la pioche est bien acié-
rée; les deux branches, sensiblement t'gales, forment im arc
de cercle dont la cordi^ a 55 centimètres de longueur et la
flèche 8 cenliniètres (lig. otij.
Cet outil emmanché pèse i kilogrammes.
Armé de cette pioche, un bon terrassier peut suflire à toutes
les nécessités de la préparaliun (hi sol. voire mènit^ df la plan-
Fig. 56. — Pioche k pic.
MESURES ET TRAA^AUX PREPARATOIRES. 187
lation, (H produit à la lin do sa journéo la plus grande somme
do travail utile; le poids de cet outil aido singulièrement, car
il supprime les contre-coups qu'un outil plus léger ne manijue
pas ûc produire dans les bras de l'ouvrier, dont la plus grande
peine se réduit à élever et diriger sa pioche, qui, en retom-
bant, opère, par reffet de son propre poids, un travail consi-
dérable sans grands efforts de la part de celui qui la manie.
Nous avons proscrit l'emploi de la pelle, qui, dans la prépa-
ration des trous ou des bandes, double la dépense sans aucune
utilité réelle, car elle peut être suppléée par la pioche pour
tous les creusements nécessaires, ainsi que nous l'exposerons
plus loin.
L'outil étant donc choisi, passons à son emploi.
La dépense entraînée par la culture à bras d'homme étant
élevée, il convient de diminuer autant que possible la surface
cultivée par hectare et dès lors de ne plus préparer que des
bandes ou des trous plus ou moins espacés, suivant les cas.
Les bandes alternes et horizontales semblent, au premier
abord, plus séduisantes par suite de leur régularité apparente
et de la certitude qu'elles donnent que toutes les eaux pluvia-
les seront recueillies au bénéfice dos jeunes sujets qu'on y
aura introduits. Mais elles offrent par cela même un inconvé-
nient, car il est impossible de les obtenir parfaitement horizon-
tales à moins de frais supplémentaires et très superflus, et
alors, vu leur continuité, il peut arriver que par un orage vio-
lent les eaux s'amassent dans certaines bandes sur des points
donnés et provoquent leur ouverture en môme temps ((u'uii
commencement de ravinement.
Aussi à ces bandes préférons-nous des bandes que nous ap-
pelons brisées, de 5 à 6 mètres de longueur cultivée, séparées
entre elles, dans le sens de leur longueur suivant l'horizon-
tale, de l^jSO à 2 mètres et même 3 mètres, et disposées de
telle façon que le milieu de la bande cultivée dans la ligne su-
périeure coïncide avec le milieu de l'espace laissé vide dans la
ligne inférieure.
188 REBOISEMENT ET OAZONNEMENT.
(Juant à lécartcmcnt des bandes entre elles normalement à
leur longueur, il ne doit pas dépasser 3 mètres en projection
et non suivant la pente, mais on peut admettre comme bonne
distance une moyenne de 2 mètres.
La largeur de la bande cultivée dépend de la déclivité du
sol et doit diniinuor à mesure que la pente augmente; dans
les pentes ordinaires, on peut lui donner de (30 à 50 centi-
mètres; dans les pentes plus fortes, elle se réduit à iO centi-
mètres et même à 30 centimètres.
Si nous adoptons, par exemple, ce qui est le cas le plus
ordinaire, 2 mètres d'écartement moyen entre les bandes,
une largeur de 50 centimètres, une longueur de 5 mètres et
un espace libre de 2 mètres entre chaque bande dans le sens
de la longueur, le terrain préparé sera ainsi représenté :
;-,m
; 2™
•;in
=
S'"
f 2'n =
5 m
= 2™ =
z= 2'ii -
501
B
— 2m =
,";m CM
: 2'" =
5m
S
CM
= 2'" =
5111
I 2'» =
- Oin -
5m
- 211
.-im
=
E
-M
:i°'
o'"
- Om
5
Cl
Cette disposition offre sur le système des bandes continues
et horizontales les avantages suivants :
1° Une diniiiiulion imi)ortante dans le prix du défoncement
par hectare;
2° Une n'gularili' absolun dans l'écartemiMil et l'espacement
des bandes et, par suite, dans la répartition des plants desti-
nés à former le massif, jointe au maintien de l'horizontalité
dans chaciue partie discontinue. On conçoit, en effet, que dans
un terrain dont les pentes varient sur un espace donné, les
bandes continues korizontales ne peuvent conserver entre elles
le même écartement, et présentent dans leur tracé, suivant
It's (liangemctits de pente, des écarts ou des rapprocheuifiits
comme les cKiirhi's m iis;i,l;i' iImus la lijpographic; tandis ([ue
les bandes brisijes, toiil cm drinciiranl lntrizonlalcs sur leur
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 189
petite longueur, restent constamment à la même distance en-
tre elles, car elles ne suivent plus une ligne générale tracée
horizontalement à la surface du sol ; elles s'élèvent ou s'abais-
sent par rapport à cette horizontale suivant que la pente
augmente ou diminue, et, en projection sur le plan horizontal,
elles donneront toujours une figure régulière comme celle
tracée ci-dessus; car, à la surface du sol, les bandes brisées
peuvent être considérées comme l'intersection d'une série de
plans verticaux passant par les projections régulières de ces
bandes et venant couper les diverses pentes que présente la
superficie d'un versant donné ;
3° Leur tracé sur le terrain est beaucoup plus facile et se
réduit à un simple jalonnage que le premier ouvrier intelli-
gent venu peut exécuter rapidement. De plus, le terrassier qui
défonce peut toujours tenir sa bande de 5 mètres bien horizon-
tale sans besoin d'autre indication que son coup d'œil ;
4° Par leur enchevêtrement, le cours des eaux pluviales,
constamment brisé, ne peut produire ni agglomération ni
ravinement, et l'absorption par le sol est d'autant plus fa-
vorisée ;
5° Bien que la surface cultivée par hectare soit faible relati-
vement à l'espace laissé inculte, elle suffit amplement pour
obtenir en peu de temps le résultat désiré. Car, dès les pre-
mières années, les semis ou les plantations qu'on a exécutés
dans ces bandes forment dans chacune d'elles un petit massif
où les sujets se poussent et se soutiennent, en attendant que,
par suite de leur développement, le massif général soit défini-
tivement formé par l'extension des rameaux.
Les bandes alternes continues, les bandes brisées même,
malgré les avantages qu'elles présentent sur les premières,
ne doivent être employées que dans des cas tout à fait excep-
tionnels où la préparation du sol est appelée à produire par
elle-même un effet mécanique immédiat au point de vue du
ralentissement des eaux à la surface du sol, en attendant les
résultats demandés à la végétation forestière.
190 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
En général donc, il est bien préférable, à tous égards, de
se contenter de préparer le sol par trous régulièrement espa-
cés, ayant leur plus grande longueur horizontalement placée
et présentant les dimensions les plus faibles qu'il soit possible
de leur donner, tout on satisfaisant au but qu'on s'est pro-
posé- Le minimum de ces dimensions dépend évidemment de
la profondeur donnée au dcfoncement, car il faut avant tout
que l'ouvrier l'obtienne facilement. L'expérience a démontré
que la longueur minima des trous ne peut descendre au-des-
sous de 1 mètre ; quant à leur largeur, elle peut varier, comme
celle des bandes, de 50 à 30 centimètres, selon la raideur de
la pente.
La profondeur du défoncement ne doit généralement pas
dépasser 50 centimètres. Le plus souvent même, il suffit de
creuser à 40 centimètres, tant pour les bandes que pour les
trous. Avec une pareille profondeur on peut parer à toutes
les éventualités et remplir suffisamment le but de la prépara-
tion préalable du sol, de sorte qu'un défoncement plus pro-
noncé, tout en étant plus favorable à la végétation, ferait sor-
tir les travaux des conditions d'écononiio ([ui doivent dominer
avant tout.
La profondeur devant être la même dans un terrain donné,
({uel que soit le système adopté, bandes continues, bandes
brisées ou trous, il en résulte que la comparaison onire ces
trois modes de préparation se bornera à l'examen de la sur-
face cultivée par hectare dans chacun d'eux.
Le tableau ci-après renferme :
\° La nomenclature des différentes surfaces qu'on est obligé
de cultiver par hectare de terrain à reboiser, dans chacun des
trois modes de préparation dont il s'agit ;
2" Le nombre maximum de plants que comporto, par
hectare, chacun de ces modes, en admotlant pour distance
minima un mètre entre chaque plant.
L'examen de ce tableau conduit à une série de remarques
intéressantes :
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES.
191
ESPACEMENT
DES BANDES
OU des trous
dans le sens
de
leur longueur.
h
ECARTEMENT
DES DANDES
OU des trous
suivant la pente
du terrain.
c
SURFACE CULTIVEE
PAR HECTARE
avec une largeur de
0"i,.jO
0'n,40
0™,30
f
NOMBRE
lit: UANDES
brisées
ou de trous
par
hectare.
y
NO.MHRK
.le
PLANTS PLACÉ:
à 1 mètre
de distanoe
dans les bande:
et
dans les trous.
1° BANDES CONTINUES, HORIZONTALES {de Goi/ffier, PI. 33).
lm,00
1 50
2 00
2 uO
3 00
2» BANDES BRISÉES DE 5 MÈTRES DE LONGUEUR.
5,000
4,000
3,000
3,333
2,666
1,999
2,500
2,000
1,500
2,000
1,600
1,208
1,667
1,333
999
6
im
,00
7
1
50
8
2
00
9
0
50
10
3
00
30
11
im
,00
12
1
00
13
1
00
14
1
00
15
i
00
16
1
50
17
1
50
18
1
50
19
1
50
20
2
00
21
2
00
22
2
00
23
2
50
2i
2
50
25
3
00
1^,00
1 50
2 00
2 50
3 00
4,165
3,332
2,499
2,566
2,053
1,.540
1,775
1,420
1,065
1,332
1,006
800
1,040
832
624
1,660
1,026
710
533
416
30 TROUS DE 1 MÈTRE DE LONGUEUR [de GayffiC)', PI. 36).
lin,00
1 50
2 60
2 50
3 00
1 50
2 00
2 50
3 00
2 00
2 50
3 00
2 50
3 00
3 00
2,500
1,666
1,2:)0
1,000
833
1,332
1,000
800
666
833
666
555
570
475
416
2,000
1,333
1,000
800
666
1,085
800
640
533
666
533
444
456
380
333
1,500
989
750
600
499
799
600
480
399
499
399
333
342
285
249
5.000
3, 333
2.500
2,000
1,666
2,664
2,000
1,600
1,333
1,666
1,333
1,110
1,140
950
833
10,000
6,666
5,000
4,000
3,333
9,996
6,159
5,260
3,198
2,496
10,000
6,666
5,000
4.000
3,333
5,228
4,000
3,200
2,666
3,333
2,666
2,220
2,280
1,900
1,666
Ift2 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
1° Les nombres correspondant dans la colonne h aux nu-
méros d'ordre 1, 6 et H sont presque identiques, car une dif-
férence de 4 unités sur 10,000 est insignifiante. Ces nombres
indiquent la quantité de plants que renfermera lo terrain en
les plaçant à 1 mètre de distance entre eux dans les bandes
ou les trous, dont la faible largeur ne permet évidemment
{{u'une seule ligne de plants. On aura donc 6 plants dans cha-
cune des bandes brisées de 5 mètres (en plaçant le premier
au commencement de la bande) et 2 plants dans les trous de
1 mètre.
Cola posé, pour une quantité de 10,000 plants par hectare,
distribués de la même façon, c'est-à-dire également espacés
dans tous les sens, on aura :
Dans le cas des bandes continues, 5,000 mètres carrés à
cultiver, soit 50 pour 100 de la surface totale;
Dans le cas des bandes brisées de 5 mètres, 4,165 mètres
carrés, soit 41,65 pour 100 et une économie de 8,35 pour 100.
Dans le cas des trous de 1 mètre, 2,500 mètres carrés, soit
25 pour 100 et une économie de 25 pour 100.
Dans les deux derniers modes, les économies de la dépense
ne seront pas tout à fait identiques à celles des surfaces culti-
vées, car, à chaque bande brisée ou à chaque trou, il y a une
mise en train qui fait perdre un peu de temps à l'ouvrier;
mais en tous cas la diminution sera très minime et l'on peut
admettre, au point de vue de la dépense, que les bandes bri-
sées réalisent sur les bandes continues une économie de
8 pour 100 et les trous une économie de 24 pour 100.
2° Dans l'article des trous, les numéros d'ordre de 11 à 25
donnent toutes les combinaisons diverses auxquelles on peut
ôtre amené dans leur emploi, selon les conditions des pentes,
de la dureté du sol, dos essences choisies, du mode préféré
pour leur introduction et enlin des crédits dont on peut
disposer.
Au point de vue de la plantation, le principal avantage de
la préparation du terrain par trous sur celle par bandes con-
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 193
tinues ou brisées consiste dans l'économie réalisée dans le
travail manuel. Mais dans le cas où le terrain préparé doit être
semé, les trous présentent en outre des avantages culturaux
d'une sérieuse importance :
D'une part, pour arriver plus tard à produire le môme mas-
sif, ils exigent deux fois moins de graines; à largeur égale, le
sol ameubli présentant une petite longueur est moins sujet au
soulèvement ; enfin la régularité des bandes oblige souvent à
sacrifier en pure perte des vestiges de végétation qui auraient
pu fournir un utile abri, tandis que les trous, par leurs petites
dimensions, s'intercalent très facilement entre les traces de
végétation existante.
D'autre part, les semis réussis sur les bandes ne tardent
pas à être beaucoup trop serrés, les plants s'étouffent et leur
répartition est beaucoup moins naturelle que celle opérée par
les trous. 11 y a trop de plants dans un sens et pas assez dans
l'autre, désavantage qui se manifeste beaucoup moins dans
ces derniers.
En exécution le surveillant jalonne les lignes et trace sur
le sol les emplacements dos bandes ou des trous, en mainte-
nant toujours leur longueur dans le sens horizontal. Les ou-
vriers sont échelonnés de manière à occuper chacun une de
ces lignes horizontales, mais sans être placés tous sur la
môme ligne de plus grande pente , à cause du danger que
peut présenter la chute des pierres enlevées ou remuées par
le défoncement. On établit dans ce but les ouvriers en virée
très oblique à la ligne de plus grande pente, et l'on commence
toujours par le haut du versant.
L'ouvrier, muni de sa pioche à pic, ouvre la bande, rejette
derrière lui avec le taillant toute la terre et enlève les pierres
qu'il pose sur le bord inférieur de la bande. Dans le cas où
les déblais fournissent une grande abondance de pierres, il
convient de les poser en talus naturel toujours solide, et non
en forme de petite muraille, qui n'offre aucune garantie de
durée, peut être affouilléc et occasionner par sa chute des dé-
13
19i REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
gâts parfois importants. En tous cas, les pierres ne devront
jamais être tUsséminées ni jetées çà et là; elles seront au con-
traire toujours posées à la main et bien calées.
Si la bande doit avoir 50 centimètres au plafond, il suffira
de la creuser à pic sur une largeur de iO centimètres, après
quoi on talutera le bord supérieur sur une largeur de 10 cen-
timètres, pour obtenir la largeur voulue. En creusant ainsi
avec une largeur diminuée de 10 centimètres au moins, on
réalise, outre une économie de travail, le double avantage de
ménager autant que possible la stabilité du sol dans certains
cas donnés, et de placer au-dessus de la bande une coucbe de
terre végétale relativement meilleure et plus favorable aux
semis ou aux jeunes plants.
A mesure que le défoncement et le talutage sont opérés,
l'ouvrier nivelle avec soin la surface de la bande de manière à
la rendre bien unie et à lui donner une inclinaison contraire
à la pente du terrain.
Les trous sont creusés d'après les mêmes indications; mais,
à cause de leur faible longueur, il importe que , pour finir le
défoncement d'un trou , l'ouvrier se transporte à l'extrémité
opposée à celle par latiuelle il a commencé, et se place d'une
fa(,'on entièrement inverse à sa position première; une fois là,
il applique quelques grands coups de pioche pour donner au
fond du trou une longueur égale à celle du dessus. Sans cette
précaution on risquerait d'avoir un trou beaucoup plus étroit
en bas qu'en haut, et le défoncement ne remplirait pas son but.
Dans ce genre de travail, le survcillanl doit empêcher au-
tant que possible ses ouvriers de donner une série de petits
coups de i)io<:he répété's. C'est en (|uel(|iu:'s grands et solides
coups ([lie 11' Iniii (juii être fait, si I'du veut opérer économi-
quement, et tout ouvrier qui n'est pas capable de travailler
ainsi doit ôtre ou renvoyé du chantier ou employé à d'autres
travaux.
Si le terrain où l'on opère est raviné, on aura soin de ne pas
prolonger les bandes ou creuser des trous jusqu'au bord même
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 195
du ravin , et on arrêtera le défoncement à 1 mètre au moins
de ce bord, afin de laisser un intervalle de terrain stable.
On talute le bord supérieur des trous comme celui des
bandes, ce qui permet de gagner au moins 10 centimètres
pour la largeur à la surface, de diminuer d'autant l'épaisseur
du défoncement , de relever légèrement le plafond au-dessus
du sol naturel en vue de parer au tassement ultérieur ({ui se
produira par suite du foisonnement, et de supprimer la fente
dangereuse qui se manifeste très souvent , après le tassement,
entre le terrain naturel et la terre cultivée. Enfin on aura soin
de donner au plafond un léger devers opposé à la pente du
versant; cette précaution est des plus utiles pour empôcber
l'écoulement des eaux pluviales et l'entraînement des terres.
Dans les climats très secs, il est même souvent avantageux
de sillonner le sol par une série de petites rigoles, légèrement
tracées en forme de chevrons aboutissant chacun à une couple
de trous et dirigeant sur eux les eaux qui tombent dans leurs
intervalles.
On rencontre souvent , sur les versants , des plis de terrain
qui ne sont pas des ravins, mais dans lesquels des trous ou des
bandes ordinaires risqueraient d'être détériorés par les eaux.
Dans ces cas exceptionnels, si l'on a des pierres sur place,
on construit, dans le prolongement de chacune des lignes de
bandes ou de trous et en travers du pli de terrain, un petit
mur en pierres sèches, à fruit très prononcé au parement d'a-
val; on lui donne une hauteur de 50 centimètres environ, et à
son amont on le nivelle avec la terre voisine ; on a ainsi une
série de bandes à talus solides qui peuvent empêcher toute
érosion de la part des eaux; à défaut de pierres, on rempla-
cera le mur par une fascine de saule.
Dans les casses ou clappes, où la terre est recouverte d'une
couche plus ou moins épaisse de pierres de toutes dimensions,
on prépare des bandes ou des trous après avoir disposé à leur
aval, en talus à large base, toutes les pierres qu'on a dû enle-
ver pour découvrir le sol.
19G REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Quel que soit le mode qu'on ait adopté , il importe d'opérer
la préparation du sol quelques mois au moins avant l'exécu-
tion des semis ou des plantations. Si la mise en terre des
graines ou des plants doit avoir lieu à l'automne , on donnera
la culture préalable jugée nécessaire au terrain dans le cou-
rant de l'été au i)lus tard, afin de laisser aux influences atmo-
sphériques le temps d'agir efficacement.
Dans le cas où la mise en terre est réservée au printemps,
il y a plus grand intérêt encore à ce que le sol soit préparé dès
l'automne, afin de lui permettre de se saturer pendant l'hiver
de toute l'humidité possible et d'éviter le dessèchement qui
serait infailliblemennt la conséquence d'une préparation tar-
dive au printemps.
On rencontre bien souvent, dans les montagnes des Alpes,
certains terrains dont la nature et la nudité exigent une pré-
paration préalable pour y introduire une végétation quelcon-
que même herbacée, et qui sont formés par des marnes du
lias appartenant à des étages différents. Ces marnes présentent
entre elles des conditions bien diverses au point de vue de la
structure, de la consistance et de la stabilité, mais elles pos-
sèdent deux caractères communs : Le premier, d'être le plus
souvent entièrement dénudées et de déterminer des pentes
qui vont jusqu'à 120 pour KM) ci leur font produire absolument
l'effet de vastes toits d'ardoises; le second, de se déliter à la
surface sous les influences atmosphériques.
C'est par ce second caractère, joint à Iimhs différences de
structure ou de consistance, qu'elles se distinguent surtout.
Les unes, le plus souvent très schisteuses, se délitent très
rapidement, ne sont pas très dures et se laissent pénétrer par
la pioche à une certaiin' pnifondnur.
Les autres, au contraire, à strates moins minces et parfois
épaisses, se délitent moins profoiKh-mcnt, cl ne se laissent pé-
nétrer par la pioclir qua S ou 10 (■ciiliiiirtrcs au i)lus.
Dans les unes connue dans 1rs autres, les produits du di'li-
MESURES ET TRAVAUX PREPARATOIRES. 197
tement ne subsistent à la suifaro quo pondant les intervalles
des grandes pluies qui, sur ces pentes excessives, balayent
périodicpiement les parcelles émiettées et sans cobésion; de
là, double difliculté, car il faut, d'une part, former à vrai dire,
avec la roche môme, un sol assez profond pour que la végéta-
tion puisse s'y établir, et, d'autre part, maintenir ce sol contre
les dangers de l'entraînement.
On comprend facilement que dans les marnes très scbis-
teuses et inconsistantes, il est impossible de songer à une i)ré-
paration préalnblc du sol, et que cette préparation, si elle a
raison d'être , doit être opérée au moment même de l'intro-
duction de la végétation ; aussi nous réservons ce cas parti-
culier pour le moment oîi nous traiterons des plantations.
Mais, dans les marnes dures, il faut, au contraire, une pré-
paration commencée bien longtemps à l'avance et répétée à
plusieurs reprises. On conçoit en effet que, si du premier coup
l'on voulait creuser des trous ou des bandes ayant la profon-
deur voulue, les frais dépasseraient toute proportion compa-
tible avec le but à atteindre, car la pioche et le pic ne suffi-
raient pas, et il faudrait la mine, qui, dans ces sortes de
roches, ne produit qu'un maigre effet. De plus, dans ces ter-
rains, où la terre végétale est totalement absente, on ne trou-
verait quand môme pas assez de produits du délitement de la
roche pour remplir immédiatement les trous ou les bandes.
Il est donc préférable de bénéficier de la propriété qu'ont ces
rochers de se déliter; à cet effet, on se contentera d'ouvrir
d'abord les trous ou les bandes sur la profondeur à laquelle la
pioche ou le pic pourra pénétrer; la meilleure saison pour
cela est la fin de l'hiver ; quand la roche est bien saturée d'eau,
elle est plus tendre et l'outil pénètre plus facilement dans les
fentes de retrait qui divisent les strates. On posera avec soin
tous les débris en talus bien assujettis sur le bord inférieur
des trous qui seront abandonnés pendant un an aux influen-
ces météorologiques, et l'on recommencera un nouveau
creusement à la fin de l'hiver suivant; généralement deux
198 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
saisons suffisent pour obtenir une profondeur convenable.
Il restera alors à combler les trous. Pour cela on raclera
avec soin tous les produits du délitement de la rocbe dans les
intervalles des trous, avant les pluies du printemps; c'est le
moment le plus favorable, car le délitement le plus énergique
se manifeste par les gelées de la fin de l'biver. Ces éléments
terreux, combinés avec ceux fournis par la surface des talus
de déblai, serviront à remplir les trous; s'ils sont insuffisants,
on répétera ult(''rieuremcnt le même balayage.
Il est important de laisser au talus de déblai une forte con-
sistance, afin de lui permettre de soutenir les terres pendant
les premières années de la végétation. Les débris de roche
dont il se compose se délitent bien à la surface, mais à l'inté-
rieur ils se maintiennent solides ; leurs interstices se colmatent
pour ainsi dire, et, au bout de deux ou trois ans, la végétation
berbac(''e peut s'en emparer et aider à soutenir le talus. Nous
verrons du reste à l'article Plantations les moyens à prendre
dans ce but.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 199
CHAPITRE X
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT
Du SEMIS ET DE LA PLANTATION EN GÉNÉRAL. — Mode tl'emploi cles diffé-
rentes essences, suivant les régions. — Région méditerranéenne : Es-
sences à employer exclusivement par semis. — Essences à employer par
les deux modes suivant les cas. — Région tempérée : Essences de semis.
— Essences de plantation. — Régions alpestre et alpine. — Conclusion.
— Des gr.unes. — Lieux d'origine. — Essences feuillues ou non résineu-
ses. — Récolte. — Préparation. — Conservation des graines. — Graines
de basse végétation forestière. — Concasseur. — Graines d'essences ré-
sineuses. — Récolte. — Conservation. — Essai des graines. — Exécu-
tion DES SEMIS A DEMEURE. — Esseiices 7ion résincuses : Divers modes de
semis. — Devis de la dépense. — Graines de résineux . •'Divers modes de se-
mis. — Organisation du chantier.— Quantité de graines à l'hectare.— Saison
préférable pour le semis de résineux. — Quantité de graines à employer.
— Enherbement. — Enherbement dans les terrains à surface stable. —
Semis par potets. — Semis à la volée. — Enherbement dans les terrains
à surface instable. — Semis par sillons horizontaux. — Époque des
semis. — Des pépinières. — Généralités. — Pépi7iières permanentes ou
centrales : Choix de l'emplacement. — Division du terrain. — Prépara-
tion du sol. — Nivellement du terrain. — Premier défoncement du sol
des carrés. — Fosses à terreau et à fumier. — Confection du terreau.
— Semis en pépinière. —Résineux. — Essences feuillues. — Repiquages
ou rigolages. — Exécution du repiquage. — Bouturage en pépinière. —
Calcul du prix de revient du mille de plants des différentes essences.
— Expédition des plants. — Pépinières volailles ou locales : Préparation
du sol. — Exécution de la plantation. — Résineux : Age des plants.
— Mode d'exécution dans les terrains préparés et non préparés. — Or-
ganisation du chantier. — Époque préférable pour la plantation. — Plan-
200 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
tation dans les terrains à surface instable. — Plantation dans les clappes
ou casses. — Plantation des feuillus : Création de massifs. — Rece-
page. — Création de haies. — Banquettes avec défoncement. — Plan-
tation dans les fonds des ravins et sur les atterrissemeuts.
Du Semis et de la Plantation en général. — Lo somis ot la
plantation roprésontcnt los deux seuls modes qu'on puisse em-
ployer pour obtenir le reboisement définitif d'un terrain dé-
nudé en montagne.
Dans le cours do cultwe des bois de Lorentz et Parade, il est
ajouté à ces deux modes de repeuplement le bouturage et le
marcottage; nous ne pouvons, dans le cas tout spécial (jui
nous occupe, considérer ces deux modes que comme de sim-
ples auxiliaires, dont l'un, le bouturage, n'est à vrai dire
qu'une façon particulière de planter et dont l'autre ne peut
ôtre employé que comme corollaire de certaines plantations
dans des cas exceptionnels bien déterminés.
On a beaucoup écrit et discuté sur la préférence à donner
soit au semis, soit à la plantation. Le plus souvent chacun s'est
trouvé avoir raison, dans les cas spéciaux où il se plaçait, et
la discussion venant à continuer dans ces termes ris({uerait
fort de ne jamais aboutir à une solulion définitive.
On conçoit aisément, en effet, que dans une question oii les
éléments principaux dépendent de conditions aussi variables
que le climat local d'un lieu, la nature minéralogique du sol
à reboiser, l'état de la superficie , la déclivité des pentes, et
enfin le tempérament et les exigences des essences adoptées,
il peu! se présenter un nombre très considérable de solutions
qui tantôt seront à l'avantage du semis sur la idantation ,
tantôt seront diamélraliMuent opposées, tautûl enfin s(M'ont
sensiblement identicpies.
Ce n'est pas à dire cependaul <[u'il ne soit pas possible diu-
diquer à grands traits les divers cas où l'on peut se trouver et
la solution qu'il est préférable de donner dans chacun d'eux.
Nous estimons au contraire que l'analyse des diverses con-
ditions (pii peuvent se présenter en général est seule h môme
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 201
de fournir les moyens de faire, entre ces deux modes de re-
boisenKMit, le clioix le plus convenable à tous égards.
Mais, avant d'entrer dans cet examen détaillé, nous croyons
devoir faire tout d'abord, entre les diverses essences suscep-
tibles d'emploi, une distinction des plus importantes, à sa-
voir : que, dans les reboisements en montagne, le semis des
essences feuillues en général ne donne aucun avantage, à
l'exception du chêne rouvre et du châtaignier, ainsi que de
certaines essences non résineuses à feuilles persistantes. La
question se resserre donc et se résume à l'examen de l'emploi
de ces dernières essences et des essences résineuses.
Gela posé, nous allons passer en revue les divers cas qui
peuvent se présenter dans les différentes régions climatéri-
ques et nous indiquerons, au fur et à mesure, le mode à pré-
férer dans l'emploi de chacune des essences qu'on aura
choisies.
Dans la i'égion médileri'anéenne on ne peut à vrai dire comp-
ter, pour le reboisement des terrains nus, que sur trois es-
sences principales : le pin d'Alep, le pin maritime et le chêne
vert, sauf à employer dans certains cas tout spéciaux le chêne
liège, le caroubier et le pin pinier.
Au point de vue du mode de l'emploi, nous classerons ces
essences de la manière suivante :
( Lo pin maritime.
1 ■ • 1 X -1 . ] Le chèae vert.
1° A employer specmlement par voie de semis, i
' ' 1 Le cliene liege.
' Le caroubier.
2" A employer par semis ou par plantation, sui- l Le pin d'Alep.
vant le cas ) Le piu pinier.
Les quatre premières essences, toutes à feuilles persistantes,
ne présentent aucune chance de succès en plantation, à cause
de la longueur de leur pivot et de son manque presque con-
stant de chevelu, deux conditions des plus défavorables.
Le pin pinier, dont l'aire d'habitation est très restreinte,
donne des résultats également satisfaisants, qu'il soit employé
202 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
par semis ou par plantation. Le semis peut être préféré dans
les terrains dégarnis d'herbes, faciles à biner et présentant
des conditions de fraîcheur relative, mais il doit céder le pas
à la plantation dans toutes les autres circonstances.
Il en est à peu près de même en ce qui concerne le pin
d'Alep, qui ne nous paraît susceptible d'être avantaj^eusement
employé par voie de semis que dans les sols rocailleux, dé-
pourvus d'herbes sec/m/?^ sur pied, et présentant ainsi certaines
conditions de fraîcheur.
Il est d'observation constante en effet que les semis mani-
festent la plus grande vigueur de végétation dans les terrains
à surface couverte de débris de pierres , qui , au premier as-
pect , semblent les plus infertiles. Le motif en réside exclusi-
vement dans l'abri fourni par les pierres au sol contre le tas-
sement, ce qui lui conserve son ameublissement et partant
une fraîcheur au moins relative. C'est assez dire que la plan-
tation l'emportera toujours sur le semis, car les terrains de
cette sorte sont généralement rares.
Pendant les nombreuses années que nous avons dirigé des
travaux de reboisement dans le climat chaud, soit en Algérie,
soit dans les Alpes-Maritimes, nous avons essayé tous les
modes de semis connus, dans des sols de toute qualité et
ayant reçu respectivement les préparations les plus en rapport
avec leur nature et le climat du lieu.
Toutes ces tentatives ont été généralement infruclueuses;
les semis qui ont pu être sauvés ont coùti'' par hectiu*' i»lusdu
triple de la planlalion.
En observant l<\s diverses phases de la végétation de ces se-
mis, voici ce que nous avons toujours constaté :
Les semis opérés du mois de janvier au mois de mars sont
généralement bien levés pour le mois d'avril; cependant ils
sont sujets à de graves dangers dès le début. La graine du pin,
demandant à être peu recouverte, est facilement déterrée soit
par les bandes d'étourneaux, soit par les alouettes et autres
granivores, qui pullulent dans la contrée. A|)rès la germina-
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 203
lion, nouveaux dangers de la part des animaux; les feuilles
séminales du pin sortant de terre renfermées à leur extrémité
par l'enveloppe de la graine, les oiseaux, trompés par l'appa-
rence, détruisent une énorme quantité de jeunes semis, en
s'emparant do cette enveloppe vide.
Enfin souvent il arrive une période de sécheresse alisolue à
l'époque où lèvent les semis; les jeunes sujets, privés dliumi-
dité, ne tardent pas à dépérir et ont disparu dès le i)rintemps.
Ceux qui ont échappé à ces premiers risques sont loin d'être
à l'abri pour l'avenir. Malgré la bonne préparation du terrain,
le plus souvent même par suite de cette préparation , l'herbe
pousse très abondante. On l'arrache une première fois, et
pour cela il faut toujours opérer cette extraction à la main ;
elle repousse aussi vivace; tant qu'elle reste verte, les semis
végètent l)ien, mais en fin juin, dans l'intervalle de deux ou
trois jours, cette herbe sèche presque subitement et fait tout
périr autour d'elle. Nous ne parlons pas ici de l'influence de
l'herbe qui couvrirait les jeunes plants, mais bien de l'herbe
avoisinante portant à peine ombrage. Si, par exemple, les se-
ntis sont faits par bandes alternes, le peu d'herbe qui sèche
sur pied, à 30 ou 40 centimètres de distance, entraîne leur
perte, tandis que, toutes circonstances égales d'ailleurs, tous
les semis aux environs desquels on a enlevé par binage toute
plante susceptible de se dessécher subsistent parfaitement. Si,
au lieu d'herbe, on a par hasard des broussailles, vivaces en
plein été, elles exercent, par leur voisinage , une heureuse in-
fluence ; mais ce cas , fort rare naturellement , est difficile et
coûteux à créer artificiellement.
Pour sauver un premier semis de pin, il faut donc opérer à
la main au moins deux extractions d'herbes dans le printemps,
puis deux binages ultérieurs, opérations très coûteuses, mais
indispensables, surtout dans les sols un peu forts; et encore on
courtla chance que, pendant la sécheresse d'un été toujours très
chaud,les racines des jeunes plants n'ayant pas eu le temps d'at-
teindre un sous-sol relativement frais, ceux-ci viennent à périr.
20i REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
On \)o\\[ ajoutor oncorc à ces chances de destruction les
sauterelles qui s'attaquent aux pousses herbacées.
En résumé, la préparation du sol pour les semis coûte aussi
cher que pour la plantation ; les chances de non-réussite sont
bien plus nombreuses pour le i)reniior modo que pour le se-
cond ; les soins et façons à donner au terrain sont plus répétés
et plus coûteux, de sorte que si, i)ar hasard, on parvient à sau-
ver un semis, l'hectare ainsi reboisé coûte au moins trois fois
plus cher que s'il l'avait été par la i)lantation.
Nous avons cherché à nous expliquer cette influence perni-
cieuse de la dessiccation des herbes voisines des semis, ne les
couvrant pas, puisque souvent elles en sont éloignées de plus
de 50 centimètres, sans ôtre bien élevées. Nous n'avons pu
l'attribuer ({u'à la sécheresse absolue qu'elles donnent au sol
avoisinant, en interceptant pendant la nuit le rayonnement
nocturne et l'action de la rosée si importante dans les pays
chauds, et en empêchant dès lors la chaleur accumulée dans
la journée de s'échapper pendant la nuit.
Ces dangers ne sont pas les seuls. Les jeunes semis peuvent
encore être compromis par les effets des orages, si violents
dans les climats chauds, car ils courent le risque, soit d'être
entraînés par les eaux, soit d'être enfouis par les terres qu'elles
font ébouler dos parties supérieures des trous ou des bandes.
Dans les jdantations de pin d'Alep ou pinier, au contraire,
on peut, dès la première quinzaine qui suit la mise en ferre,
reconnaître les sujets dont la reprise est certaine et renqdacer
les autres. Ce regarnissage immédiat n'entraîne que des frais
insignifiants; il peut être renouvelé plusieurs fois en temps
opportun dans la môme campagne, ce qui assure ainsi, dès la
pi^emih'e année, le reboisement intégral du terrain, tandis que
dans le semis, l'opération une fi)is faite, on se trouve impuis-
sant vis-à-vis de la plupart dfs dangers ((ni menacent sa
réussite et l'on perd ainsi un temps précieux.
D'autre part, il arrive le plus souvent ([ue, dans les places
où un semis vient à réussir et à surmonter tous les périls du
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 205
premier âge, il est beaucoup trop dru, ce (jui détruit l'équili-
bre nécessaire dans les dimensions des sujets et peut compro-
mettre en peu de temps leur existence môme. On ne rencon-
tre que très rarement dans le semis la régularité et l'homogé-
néité de peuplement que procure la plantation.
Ici donc, et sauf quelques cas très rares, la plantation l'em-
porte de beaucoup sur le semis , aux divers points de vue de
la certitude, de la réussite immédiate, de la conservation et de
l'économie dans les travaux.
Dans la région moyenne ou tempérée, nous comptons cinq
essences principales propres au reboisement et deux autres
essences, également de premier ordre , mais incapables d'être
employées d'emblée.
Nous les classons ainsi qu'il suit :
iChêae rouvre.
Châtaignier.
, Pin laricio.
2° Essences à introduire de préférence par plantation.
Pin sylvestre.
Pin noir.
Hêtre.
Sapin.
Le jeune plant de chêne cultivé en pépinière projette dès la
première année un très fort pivot, peu garni de chevelu et
hors de proportion avec sa tige ; de là des difficultés pour la
reprise des plants, en même temps que des frais relativement
considérables pour la préparation du sol. Il est vrai qu'on peut
obvier à cet inconvénient par certaines opérations pratiquées
dans les pépinières et que nous décrirons ultérieurement.
Néanmoins c'est à la condition d'augmenter le prix de revient
des plants et par suite celui de la plantation ; tandis que le
semis s'opère généralement dans des conditions d'économie
très remarquables, qui font préférer ce mode d'emploi à la
plantation, quels que soient l'état et la nature du sol pour
lequel le chêne a été adopté.
Les semis de chêne rouvre restent stationnaires dans les
206 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
premièro? années; mais si l'on observe attentivement leur
mode (le vé;;'(''tation, on remarque que pendant ces premières
années, tandis (jne la tigelle demeure presque invariable, le
pivot oprre un travail considérable , va se développant et se
Ibrtiliant de plus en plus et détermine dès la cinquième ou
sixième année une pousse vigoureuse à partir de laquelle le
jeune arbre commence à prendre ses développements succes-
sifs.
Il en est do même en ce qui concerne le cbâtaignier, dont
l'aire d'babitation est d'ailleurs très restreinte par suite du
tempérament de cette essence calcifuge.
En général donc, sans proscrire la plantation pour le chêne
et le châtaignier, nous préférons de beaucoup le semis.
Dans les régions méridionales, le semis du chêne a été par-
fois abandonné, voire même condamné, par suite de résultats
négatifs. Il arrivait en effet que des semis, superbes au bout
d'un an, allaient en s'étiolant d'année en année et finissaient
par disparaître. Mais on n'a pas tardé à reconnaître que cet
insuccès était dû presque toujours à l'absence d'abris sur un
sol par trop dénudé et très sec; on employa dès lors le chêne
en mélange avec les i)ins, qui, grûce à leur croissance plus
rapide, ne tardèrent pas à faire de bons abris et le résultat fut
des plus concluants. Ce n'est pas à dire (pie partout il soit
nécessaire de mélanger ainsi ces essences, mais on peut aflir-
mer que cette mesure est indispensable dans les terrains très
secs, entièrement dénudés et situés aux expositions chaudes.
Le pin laricio (de Corse), qui ne peut être employé que très
exceptionnellement, est introduit plus avantageusement parle
semis fpie par la''f)lantation, à cause, d'un(> part, de la nature
du sol toujours très meuble (lu'il préfère et, d'autre part, du
peu de chevelu (pie présente son i)ivof , généralement très
développé.
Il n'en est pas de même en ce (pii concerne les pins sylvestre
et noir d'Autriche, qui sont, la plupart du temps, employés dans
les plus mauvaises conditions de sols et d'expositions etconsti-
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 207
tuentpourlereboisementdes essences éminemmentprécieuses.
Bien que le tempéraiiioiit des jeunes plants soit robuste,
nous ne pensons pas (pie dans la plupart des cas il y ait avan-
tage à les employer en semis. Non seulement, en effet, les
jeunes semis se trouvent en hutte à tous les périls que nous
avons indiqués pour les pins d'Alep, mais ils rencontrent dans
leur région un nouveau danger, encore plus redoutable que
la sécheresse, les gelées printanières, à la suite desquelles ils
sont le plus souvent déchaussés.
Aussi sommes-nous d'avis que partout oh le cUmat est sec
{cas le plus général des montagnes à reboiser), ou le sol est sans
abris et ne ptrésente que des conditions médioc7'es en matière de
fertilité, oh enfin les expositions sont peu favorables, il convient
de donner la préfé^'ence à la plantation sur le semis, qui ne de-
vient dès lors quune rare exception, vu les conditions générale-
ment t7'ès mauvaises oh ces deux essences sont employées de préfé-
rence.
Quant au hôtre et au sapin, leur tempérament est telle-
mont délicat, dans les premières années, qu'on ne peut les
introduire que sous un abri assez complet; par ce motif il y a
donc tout avantage à employer la plantation, car les plants
élevés en pépinière présenteront toujours des conditions de
résistance bien plus sérieuses que les jeunes semis.
Outre le hêtre et le sapin qu'on y rencontre encore, nous
trouvons dans les deux régions supérieures le pin à crochets,
l'épicéa, le mélèze et le pin cembro.
De ces quatre essences une seule doit être exclusivement
réservée à la plantation, c'est le pin à crochets. D'une part, en
effet, sa graine est assez rare, il convient donc de la ménager,
le plus possible ; d'autre part, cette essence, des plus précieuses
est appelée à jouer dans la région froide le rôle des pins sylves-
tre et noir dans la tempérée et du pin d'Alep dans la chaude,
c'est-à-dire à fournir le massif forestier, aux expositions rela-
tivement chaudes, dans les sols les plus secs et les plus ingrats.
208 REBOISEjVIENT ET GAZONNEMENT.
Cola suffit ainplonionl pour justifier la préférence donm'-o à
la plantation. Il est évident d'ailleurs que partout où ces tristes
conditions ne se présenteront pas dans leur ensemble, on aura
tout intérêt à substituer au pin à crochets une essence plus
importante.
Quant à l'épicéa, au mélèze et au pin conibro, ces trois es-
sences précieuses peuvent être employées soit par voie de
semis, soit par voie de jjlantation.
Dans les hautes altitudes de leur station où la neige joue un
grand rôle, où les montagnes ne sont abordables que pendant
une partie de l'année, où enfin la végétation ne dure que
quelques mois, il convient d'user des deux modes, partout où
cela devient possible. Aussi bien, la part à faire à chacun
d'eux peut facilement se définir; ici, en effet, la sécheresse
n'est plus un ennemi bien redoutable, car à ces altitudes il
pleut plus souvent, les nuits sont plus fraîches, généralement
le sol est plus meuble, on y trouve le gazon en plus grande
abondance et parfois en pelouses plus ou moins ruinées. On
n'a ilonc surtout à redouter que le déchaussem(>nt, bien ({ue
les mulots, les campagnols et les oiseaux soient encore de
rudes ennemis pour les graines confiées à la terre. Mais ici
l'on ne peut hésiter; il faut, pendant le petit nombre de jours
favorables à chaque saison , semer et planter. On sèmera donc
exclusivement sur tous les ixiinls où l'on trouvera du gazon
ou un abri sérieux ronire les fortes alternatives de gel et de
dégel; le reste du terrain, c est-à-dire les parties nues, seront
seules livrées à l;i |il;iiilation. Telle est la règle à suivre dans
ces hautes régions.
Des considérations ((ui précèdent il résulte évidemment
qu'on ne peut formuler aucune règle absolue concernant la
préférence à accorder soit au semis, soit à la plantation, et
(jue le choix de l'un de ces modes varie avec la nature di^s
essences employées et les diverses conditions que peuvent
présenter le sol rt le cliiniil du Iriiiiin à reboiser. Ni annmins,
de l'examen qm- nous venons de faire des circonstances les
EXECUTION DES TRAVAILX DE REBOISEMENT. 209
plus fréquentes, nous pouvons conclure que la plantation est
suscepfible d'une application beaucoup plus fré([uento et plus
générale que le semis, qui n'arrive à être employé qu'à titn»
exceptionnel et dans des cas spéciaux bien déterminés.
Les semis de graines forestières peuvent être exécutés sui-
vant deux ordres d'idées différents, ayant pour but, l'un d'ob-
tenir directement le reboisement d'un terrain donné, l'autre de
produire de jeunes sujets destinés à être livrés à la plantation.
Nous appellerons les premiers semis à demeure, et les se-
conds semis en pépinière.
Quant aux plantations, nous les diviserons de même en
plantations à demeure et en repiquages, qui sont des plantations
faites en pépinières dans le but d'élever des plants présentant
de meilleures conditions.
Des Graines. — Toutes les graines d'arbres, d'arbrisseaux et
d'arbustes susceptibles d'emploi dans les reboisements en mon-
tagne peuvent se récolter en France, à l'exception du pin noir
d'Autriche, qui est fourni principalement par les forêts des
Alpes styriennes, du cèdre, qui vient d'Algérie, et du caroubier,
produit par l'Algérie, l'Italie ou l'Espagne.
Les graines d'essences feuillues se récoltent pour la plupart
en automne ; il en est cependant un petit nombre qui sont
mûres, soit dès le printemps, soit au milieu de l'été.
Presque toutes ces graines doivent être cueillies sur les ar-
bres, à l'exception des glands, dos châtaignes et des faînes,
que l'on ramasse sur le sol, en ayant bien soin de négliger
celles qui, tombées les premières, ne présentent pas des con-
ditions de maturité et de qualités germinatives suffisantes.
La plupart des graines d'essences feuillues peuvent être
semées sans avoir subi d'autres préparations préalables qu'un
simple nettoyage; cependant il en est certaines qu'il faut sortir
de leur enveloppe avant de les employer : ce sont celles de
caroubier, de robinier, d'aune et de cytise.
14
210 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
La graine de caroubier est enfermée clans des gousses char-
nues composées de matières sucrées et visqueuses qui rendent
très difficiles leur ouverture et par suite l'extraction des graines.
Il est heureusement un moyen très économique de se pro-
curer cette graine, en faisant ramasser, dans les mangeoires
des chevaux nourris avec des caroubes, toutes les graines
qu'ils y laissent tomber. Nous avons pu faire récolter de cette
manière à Nice plusieurs milliers de kilogrammes de graines
nettes en une seule année, à des conditions de prix très avan-
tageuses variant de i fr. 50 à 2 francs le kilogramme.
Pour obtenir les graines de robinier et de cytise, il suffît de
tremper leurs gousses pendant une heure ou deux heures au
plus, do les étendre ensuite au soleil pour les faire ouvrir et
<le les vanner ensuite.
Les cônes des aunes doivent être cueillis un peu avant leur
entière maturité. On les ouvre au soleil ou à une chaleur mo-
dérée, et l'on obtient la graine en les secouant dans un sac.
Certaines graines peuvent se conserver pendant un temps
assez long au moyen de quelques soins très simples; d'autres
réclament au contraire de grandes précautions pour être main-
tenues en bon état ; d'autres enfin sont tellement difficiles à
conserver qu'il est préférable de les employer immédiatement.
Parmi les essences feuillues, les graines de caroubier, do
robinier et de cytise sont les seules que l'on puisse sans dan-
ger conserver pendant plus d'une année; (|uant aux autres, on
ne peut songer à prolonger leur conservation que de l'automne
au printemps suivant, tout au plus; mais il n'y a que les
glands des chênes, vert, liège et rouvre, qu'on puisse avoir
sérieusement intérêt à conserver aussi longtemps, et cela seu-
lement dans certains cas tout spéciaux, tels que l'impossibilité
d'employer avant les neiges tout l'approvisionnement en ma-
gasin, ou la trop grande abondance d'animaux nuisibles aux
semis (mulots, corbeaux, etc.).
Pour que les graines puissent continuer à posséder leurs
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 2H
bonnos ((iialilrs, il t'anl (uTillrs soiciil j)la((''(^s dans dos cou
ditions l(>ll»'s (juc, d'une part, aucun coniuicuccnioni de gor-
minatiou \u^ puisse s'opérer, ol (pu*, d'autre pari, aucune cause
do détérioration no puisse lt>s atteindre.
D'où résulte la nécessité de les placer à l'abri non seulement
des insectes et des animaux, mais encore de tout excès de
clialeur ou d'humidité, ainsi que des gelées.
Dans les climats secs, les moyens les plus commodes con-
sistent à placer les graines sur des planchers étages, construits
dans de grands greniers bien aérés. On les étend en couches
assez minces, de 10 centimètres environ d'épaisseur, et on les
remue avec une pelle en bois, assez souvent pour les aérer et
empêcher leiu^ fermentation ou leur échaufTement.
Un conçoit que ce mode de conservation ne peut s'appliquer
à de très grandes quantités de graines qui , étant pour la plu-
part assez volumineuses, entraîneraient, par suite, l'obligation
d'avoir de nombreux et vastes magasins dont la dépense ne
laisserait pas de devenir très forte.
Aussi, nous estimons qu'en général il vaut beaucoup mieux
les semer aussitôt qu'elles ont pu être récoltées. Dès lors, en
admettant même qu'en vue de grands travaux on ait à rece-
voir des quantités considérables de graines , il suffira d'orga-
niser le travail de telle façon que le stock de l'approvisionne-
ment ne dépasse pas l'importance des magasins et, pour cela,
on n'aura qu'à emploj^er immédiatement les premiers arri-
vages pour faire place aux suivants, et ainsi de suite.
Outre ces graines d'essences forestières importantes, il en
est d'autres dont on peut avoir besoin dans certains cas pour
créer des abris composés d'une basse végétation forestière.
Ces dernières graines sont exclusivement fournies par les ar-
brisseaux et arbustes appartenant à la région où elles doivent
être employées ; leur récolte doit donc être opérée directement
par les soins dos agents forestiers.
Le but de l'emploi de cette basse végétation consistant sur-
212
REBOISEMENT ET GAZONNEMEX T.
tout dans la fixation du sol ol l'abri dos jeunes plants fores-
tiors, il importo do n'oniploycr que dos essoncos pou difficiles
au point de vue de la ferlilifc du sol et à croissance rapide.
Il est évident, à priori, que les foraines qui ne sont pas sus-
ceptibles do germer et de lever très promptement ne peuvent
être employées dans des semis à demeure, et doivent au con-
traire être mises en pépinière pour fournir des sujets à la plan-
tation, bien préférable alors. C'est le cas de la plupart des
essences de second
ordre dont il s'agit;
car, parmi celles en
usage dans les Al-
pes, on ne peut em-
ployer avantageu-
sement en semis à
demeure que les
graines de bugrane,
de lavande et d'é-
glantier.
Les graines d'é-
glantier (rosier des
chiens) , entourées
d'une pulpe très
consistante, sont,
dans cet état, assez
difficiles à employer et à recouvrir convenablement ; en les dé-
barrassant do ccllr pulpe, ou obtient les graines dans un état
de netteté qui procure une grande facilité pour leur emploi on
mélange avec d'autres graines arbustantes ou fourragères.
i*our enlever celte pulpe, on fait passer les fruits bruts dans
un concasscur peu serré qui écrase les parties charnues [fig. 57,
58 et 59) ; il ne reste plus qu'à laver à grande eau dans un ba-
quet au fond duquel tombent les graines qu'on fait ressuyer
sur des toiles et qu'on peut conserver jusqu'au printemps
suivant et mêmi' une année eulièrt".
Fig'. 57. — Coucasseur vu de face.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 213
Le labloau ci-après
renforme la nomoncla-
ture dos arbre snon ré-
sineux, d'arbrisseaux et
d'arbustes les plus en
usage dans le reboise-
ment des montagnes ,
l'époque de la maturité
de leurs graines dans le "'""- ■
sud-est de la France, la
valeur du quintal métri-
que, la quantité de grai-
nes nettes obtenue après
la préparation qu'elles
ont dû subir avant l'em-
ploi, le coût de cette pré-
paration et enfin le prix ^ig. 58.
de revient définitif de l'unité :
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Coûcasscur.
Coupe suivant A B.
Fiff. 59. — Concasseur vu de côté.
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REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
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216 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Les graines d'essences résineuses sont, pour la plupart,
fournies à l'Administration, au moyen d'adjudications publi-
ques, par des maisons de commerce appartenant en majeure
partie à l'Allemagne ou à l'Autriche, pays oîi l'industrie de la
récolte de ces graines a pris un grand développement et pos-
sède de nombreuses sécheries.
Les cônes sont soumis, dans ces établissements, à une cha-
leur artificielle suffisante pour faire ouvrir leurs strobiles et
permettre d'obtenir les graines qu'ils renferment. Nous ne
pouvons entrer dans la description des procédés et des mani-
pulations en usage dans ces usines sans risquer de sortir du
cadre que nous nous sommes tracé.
Nous nous contenterons d'indiquer comment on peut obte-
nir certaines graines sans le secours de sécheries spéciales,
en n'employant que des moyens à la disposition de tout agent
forestier.
Il est certaines graines en effet qu'on peut avoir intérêt à
récolter directement, soit qu'on veuille essayer des graines
produites, sur les lieux mômes, dans des conditions de climat
entièrement analogues à celles des terrains (jui les recevront
ou en obtenir une certaine quantité à meilliMir prix, soit qu'on
ne puisse se les procurer autrement.
Nous rangeons dans la prciniére catégorie : les pins d'Alep,
pinier, sylvestre, à crochets, le mélèze; el. dans la seconde :
le cèdre, le sapin et le pin cembro.
Quant au pin maritime, son bon marché et son abondance
dans le commerce le placent hors de cause. Le pin noir n'existe
pas encore en assez grands massifs ûgés en France pour pren-
dre place ici, et le laricio ne se trouve qu'en Corse; au surplus,
ce (jue nous dirons des autres pins pont s'appliquer entière-
ment à ces trois derniers. Enfin, l'abondance et le très bas prix
de la graine d'épicéa enlèvent tout intérêt à sa récolte directe.
Les cônes des pins d'Alep, pinier, sylvestre et à crochets
s'ouvrent de la môme manière, facile et économique; il suffit
de les soumettre à la chaleur solaire pendant l'été, en des
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 217
endroits exposés au midi ot bien aljrités contre les vents.
On dispose les cônes sur des toiles mobiles, ('tendues sur le
sol ; on les répand bien régulièrement avec un râteau , à rai-
son de "lo litres environ par mètre carré de surface ; à cha-
que demi-heure ou au moins toutes les heures , on les remue
afin que tous reçoivent bien également la chaleur du soleil.
Le soir, on les passe tous à la claie pour en extraire la graine ;
ensuite on les met à l'abri de la fraîcheur de la nuit, dans un
hangar voisin.
Le deuxième jour, on remet les mêmes cônes sur les toiles et
Ton recommence les mêmes opérations dans la journée; avant
de les rentrer, on enlève avec le râteau les cônes qui sont en-
tièrement ouverts ; cette opération est très facile à faire, attendu
que les cônes qui se sont dépouillés de leurs graines se trou-
vent toujours, après les divers remuages, au-dessus des autres
à cause de leur légèreté ; on a le soin toutefois de les passer
encore une fois à la claie pour en séparer entièrement toutes
les graines. Cette opération linie, on met les cônes vides de
côté et l'on passe à la claie les cônes restants, avant de les re-
mettre à l'abri de l'humidité de la nuit.
Le troisième jour, on replace sur les toiles tous les cônes
({ui ne se sont pas encore entièrement dépouillés de leurs
graines, l'on on ajoute de nouveaux et l'on continue ainsi jus-
(juà entier épuisement du stock des cônes approvisionnés.
Il faut environ une exposition de quatre jours consécutifs
pour les mêmes cônes, et tous ceux qui, au bout de ce temps,
viendraient à demeurer fermés pourront être rejetés, car le
plus souvent leur graine est de mauvaise qualité.
On conçoit que cette durée de quatre jours peut varier
d'un lieu à un autre. Cette donnée résulte d'expériences faites
dans le climat tempéré et représente à vrai dire une moyenne.
D'autre part, certains cônes s'ouvrent mieux que d'autres;
ainsi les cônes de pin d'Alep sont beaucoup plus faciles que
ceux du pin sylvestre.
Le degré de chaleur nécessaire est à peu près identique pour
218 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
tous los cûnos do pin ; mais si l'on veut se rendre compte de la
temp»iraluro la plus favorable, il faut faire deux observations :
lune sur la température de l'air ambiant à une distance de 20
à 30 centimètres du sol, l'autre sur celle du sol lui-môme sur
lequel reposent les cônes.
Dans de nombreuses expériences, suivies avec soin, nous
avons trouvé qu'au moment où les cônes s'ouvraient avec le
plus de facilité, la température de l'air ambiant variait de 44°
à 48° centigrades, tandis qu'à la surface du sol on passait aux
mêmes moments de 50° à 57°; aussi nous sommes-nous expli-
qué facilement pour quel motif les cônes paraissaient s'ouvrir
plus rapidement à l'air libre que dans les étuves cbauffées à
niK^ ten)i)érature égale à celle trouvée ci-dessus pour Tair
ambiant.
Il résulte do cette observation que l'enqjloi de claies placées
au-dessus du sol, pour l'exposition des cônes au soleil, doit
ôtre entièrement rejeté et que c'est sur la surface môme du
sol qu'on doit étendre les cônes en couches très minces.
L'ouverture des cônes au soleil est des plus économiques,
car la manipulation nécessaire à la récolte des graines ailées
n'exige, en général, qu'une dépense de 23 centimes par hec-
tolitre de cônes ou par kilogramme de graines, car tel est le
n'iidcinciit iiioyi'n (|u'on obtient en général.
Si les graini's doivent ôtre conservées un certain temps, il
est préférable de leur laisser les ailes dont elles sont munies;
mais, avant l'emploi, il convient de les désailer dans l'intérôt
de la régularité du semis et à cause de certaines préparations
qu'il est souvent avantageux de faire subir atix graines. Le
moyen le |)lus commode d'obtenir ce dé'sailemcnt consiste à
Iniiiii'ctt'r li'gèrement les graines ailées, à <mi r('m|)lir, au (piarl
environ, un sac et à le faire secouer par deux (ju\ lieis tenant
chacun deux de ses quatre coins; les ailes se st'-parenl en peu
diiistniits, et il ne reste plus (pi'à l'aire ressuyer les graines
pour leur enlever leur buuiiditt', avant de les mettre en déi)ôt.
Les graines de pin, en gi-m'-ral. pi'uvent se conserv(M' peu-
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 210
dant trois ou quatre ans (sauf celles des pins pinier ou cembro),
si elles ont éUi mises à l'abri de l'échauirenient et de l'humi-
dité. 11 faut donc les aérer souvent, les tenir dans des lieux
secs et les abriter contre les rongeurs.
T
in
I — "'
Fiff. 60.
Caisse de Graiaes ii Vannes.
Vue de devant.
Fig. 61. — Vue de côté
(intérieur).
Nous faisons usage à cet effet de grandes caisses, assez
volumineuses, partagées en deux ou plusieurs cases verti-
cales; à l'extrémité inférieure de chacune de ces cases se
trouve ménagée, sur la paroi verticale,
une ouverture circulaire, de 10 centimè-
tres de diamètre environ, ([ui est bouchée
intérieurement par une vanne mobile en
fer, armée d'une tringle, dont la poignée
arase le haut de la case, quand la vanne
est fermée. Pour plus de sûreté, l'ouver-
ture extérieure est bouchée par une petite
porte en tùle mince. Dans l'intérieur de
chaque case on peut placer une échelle
limnimétrique indiquant le jaugeage en
litres ou en kilogrammes des graines
renfermées. La grande caisse est recouverte sur son fond et
sur ses parois verticales, à 30 centimètres de hauteur, par
une feuille de zinc qui interdit tout accès aux rongeurs. Elle
est en outre maintenue à iO centimètres environ au-dessus
Fig. 62. — Vue de côté
(extérieur).
220 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
du sol par doux travorscs on bois ou on maçonnorie (fig. GO,
61 et 02).
Ainsi l'cnrorniéos, les jj;rainos sont à ral)ii do riinniidité ot
dos animaux, ot l'on sait toujours facileniont, au nioyon dos
écholles, les quantités qui rostont on magasin. Enlin, leur
aération est des plus faciles, car il suffit d'ouvrir les vannes
ot do placer, sous les ouvertures, des récipients tels que des
doubles décalitres, qui, une fois remplis, sont immédiatement
vidés dans la caisse; on obtient ainsi une aération très facile
et grandomont suffisante pour ompôcbor tout écbauffement.
La graine do pin pinior so rancit facilement, aussi ne pout-on
la conserver que pondant trois à quatre mois tout au plus.
Autant ({uo possible, il convient de no pas laisser vi(Mllir les
graines, car leur germination devient souvent très lento au
point qu'elles ne lèvent qu'un an après les graines fraîches,
ce qui peut compromettre gravement un semis, vu les dangers
de toutes sortes que courent ces graines enterrées pendant un
si grand laps de temps.
Pour obtenir les graines du sapin, il suflit d'opérer, avec les
doux mains, une simple torsion des cônes; l(>s sirobiles se
désagrègent et laissent à nu l'axe du cône; il ne reste plus
(|u"à séparer, au moyen d'un vannage , les graines des débris
auxcpiels elles sont mélangées.
La graine du cèdre se recueille de la même façon ; seule-
ment il faut auparavant tremper les cônes pendant plusieurs
jours dans l'eau, après quoi ils se désagrègent très facilement.
Ces doux sortes de graines, assez analogues quant à leur
constitution, sont beaucoup moins faciles à conserver ([ue
celles dos pins : c'est à peine si on peut les garder pendant
(piebpies mois.
La graine de i)in cembro s'obtieni parla d»''sarticulalion dos
cônes, qui s'exécule très lacilemenl quand ils son! bien mûrs,
en les soumettant par tas de 1 à -2 boctolitres à un battage
sommaire, et en opt-ranl ensuite le triage des graines au
moyen d'ini lavage après le(piel on les fait sécber au soleil
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOI SExMEXT. 221
pour leur enlever l'humidité qui pourrait compromettre leur
conservation; les graines de pin cembro ne sont jamais ailées,
même dans les cônes.
La graine de mélèze peut se récolter parfois dans des con-
ditions de bon marché et de bonne qualité très remarquables.
Dans certains années, la dissémination se produit de très
bonne heure sous l'influence du fœhn (vent chaud du sud) et
de l'humidité, et les graines tombent tout ailées sur la neige ;
si, de suite après, le vent venant à tourner, les froids revien-
nent sans chute de neige, on peut, au moyen d'un simple ba-
layage sur la neige durcie, faire une ample récolte de graines
présentant les meilleures qualités qu'on puisse désirer.
Une fois les graines de résineux récoltées ou achetées au
commerce, il importe au plus haut degré de se rendre préala-
blement compte de leur qualité germinative, afm de pouvoir
doser d'une façon convenable les quantités à employer. A cet
effet, l'Administration des forêts a centralisé tous les essais
au domaine des Ba7'res. Nous devons à l'obligeance de M. l'ins-
pecteur des forêts douët, son directeur, les renseignements
ci-après concernant ces essais, qui sont des plus intéressants
dans la question qui nous occupe :
A l'arrivée aux Barres, les graines livrées pour les fournis-
seurs sont l'objet d'un premier pesage destiné à contrôler la
livraison. Elles sont ensuite passées au tarare; le déchet ne
doit pas dépasser trois kilogrammes (3 kil.) par mille kilo-
grammes (1,000 kil.), excepté pour le mélèze pour lequel le
déchet toléré est de trois kilogrammes (3 kil.) par cent kilo-
grammes (100 kil.).
Le nettoyage terminé, l'on prend de petites quantités de
graines dans le tas, sur tous les points, à toutes les profon-
deurs. On les recueille, on les mélange, puis on prélève les
prises définitives qui doivent servir aux épreuves de germi-
nation.
Les graines sont placées entre deux flanelles, une dessus,
222 REBOISEMENT ET CtAZONNEMENT.
une dessous, ou bien une flanelle pliée on deux. Ces flanelles
ont environ 25 centimètres de longueur et moitié de largeur,
ou 25 centimètres au carré, si la môme flanelle est reployée;
chaque flanelle porte une étiquette en zinc et un numéro
d'ordre.
L'on place 600 graines fines (pin sylvestre, épicéa, mé-
lèze, etc.) sur chaque flanelle, iOO praines moyennes (pin noir,
pin laricio, etc.) et 300 grosses (pin maritime, pin cembro, etc.).
Les flanelles ainsi garnies sont étendues sur des claies cannées
dont le châssis est en fer. L'on renferme ces claies dans une
cage en toile métallique pour empêcher l'introduction des
souris.
Le tout est placé dans une serre chaude dont on main-
tient la température à 20° ou 25° centigrades aussi constante
que possible, nuit et jour.
Trois fois par jour on humecte ces graines très légèrement.
Ce détail est le plus important d'un essai bien fait; si on
mouille trop, les graines pourrissent; si on ne mouille pas
assez, les graines germent mal. Il est facile de voir si une
flanelle est trop mouillée : il suffit pour cela de la soulever
par un de ses angles; quand l'eau coule en filets par l'angle
opposé, l'humidité est trop grande ; si elle coule goutte à goutte,
c'est bien; si elle ne coule pas du tout, ce n'est pas assez. Afin
d'obtenir ce point bien précis, M. Gouët a imaginé de rHini)la-
cer l'arrosoir par un pulvérisateur à boule de caoulihtjuc, ;
l'eau tombe sur les graines en pluie imperceptible et on ne
leur en donne que ce que l'on veut.
Tous les trois jours on fait un pointage, on enlève les graines
germées; au bout de vingt et un jours l'épreuve est terminée;
on additionne les pointages j)arli('ls et l'on calcule le tant
pour 100.
Le résultat de toutes les éi)reuv('s est rajjporté sur un regis-
tre, qui sera de plus en i)lns intéressant à mesure ((ue le nom-
bre des essais ira s'augmentant.
Pour le mélèze, le pin maritime et le pin cembro, l'épreuve
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 22:i
doit durer au moins un mois. Pour les autres graines, au con-
traire, on est presque toujours lixé sur la qualité des semences
dès le dixième jour.
Telle est la marche suivie d'ordinaire pour les essais des
graines résineuses; on emploie cependant des procédés plus
précis encore en se servant d'une étuve, à température con-
stante, marchant au gaz, mais la construction on est délicate
et sa description nous entraînerait trop loin. On ne s'en sert
du reste que dans les cas de doute, pour les expériences con-
tradictoires, afin de se mettre à l'abri de toute cause d'erreur.
Nous résumons dans le tableau suivant toutes les indica-
tions utiles au sujet des graines des résineux qui nous occu-
pent :
1° Les époques de la floraison, de la fructification et de la
dissémination, qu'il est intéressant d'avoir parfois sous les
yeux;
2° Le prix des différentes graines (maximum, minimum et
moyen) ; certaines graines présentent des écarts très considé-
rables, notamment le pin noir d'Autriche ;
3° Le taux pour 100 de la valeur germinative résultant des
expériences opérées au domaine des Barres, sauf en ce qui
concerne le pin pinier, le cèdre et le sapin, dont les chiffres
proviennent de nos observations personnelles ;
■4° Le poids d'un litre de graine désailée, de bonne qualité
moyenne. Cette donnée formait jadis, avant les essais des Bar-
res, une des bases principales de l'appréciation de la qualité
des graines; mais l'expérience a démontré qu'on ne pouvait en
tenir un compte bien rigoureux et que, contrairement à une
opinion généralement accréditée, la graine la plus lourde
n'est pas toujours forcément la meilleure ; qu'une graine peut
être lourde et n'être pas bonne, tandis qu'elle peut être légère
et être bonne. On a trouvé en effet des graines de pin sylvestre
pesant 515 grammes au litre et ne donnant que o;2 pour tOO
de germination, alors que d'autres graines ne pesant que
503 grammes ont donné 82 pour 100.
24 REBOISEMENT ET GAZON NEMENT.
Des observations analogues faites sur le pin noir ont donné
le résultat suivant :
Dos graines pesant 540 gram. au lilro ont donné 69 pour 100
de germination.
Des graines pesant 534 gram. au litre onl donné 88 i)our 100
de germination.
Toutes ces graines avaient subi également les épreuves de
propreté ;
5° Le poids des graines désailées fournies par un kilogramme
de graines ailées; cette donnée est souvent utile dans la pra-
tique;
6° et 7° Le poids dun bectolitre de cônes et le rendement ,
en graines désailées, fourni par cent kilogrammes (100 kil.)
de cônes;
8° Le nombre de graines au kilogramme.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 225
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226 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Exécution des Semis à demeure. — La mise en terre ou le
semis des graines forestières peut s'opérer en employant
divers moyens qui varient d'après la nature des graines, l'état
superficiel du sol et les conditions du climat local.
A ne considérer que les moyens simples, qui seuls sont sus-
ceptibles d'emploi dans les grands travaux, et laissant de côté
les instruments plus ou moins perfectionnés, dont le mérite,
incontestable dans certains repeuplements en forêt, perd
son importance dans les reboisements en montagne, on peut
distinguer les modes suivants :
4° Pour les graines de feuillus ou non résineux :
Semis à l'araire, à la binette et à la pioche;
2° Pour les graines de résineux :
Semis à la volée, à la pioche, à la hache-prés, au râteau et
à la binette.
Essences non résineuses. — Les glands de chêne rouvre, de
chêne liège et de chêne vert peuvent être semés : à Yamire,
dans les terrains préparés ou non ; à la binette, dans les terrains
préparés par bandes ou par trous, et cnfln à \a pioche, dans les
terrains non préparés.
Dans les terrains labourés à l'avance, le semis de glands
s'opère ainsi : on trace, dans une direction aussi horizontale
que possible, un premier sillon au moyen de l'araire derrière
lequel marche un semeur qui place les glands au fond du
sillon, de manière qu'ils se touchent presque (iO à 50 par
mètre courant). A une distance pouvant varier, mais qu'il est
préférable de maintenir de 75 centimètres à 1 mètre, on trace
un nouveau sillon et ainsi de suite. Les glands demandant à
n'êtn' recouverts que de 2 à 3 centimètres, on fait passer sur
les sillons une herse légère, dont on diminue, on tant quo be-
soin, la puissance, en entrelaçant dos branchos tloxiblos ontre
ses dents, de manière que celles-ci ne puissont trop s'enfoncer
en terre et amener une trop grande couverture sur les graines.
Ce mode de semis exige d'ordinaire, par hectare, de 20 à
25 hectolitres de glands.
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 227
Dans les terres non préparées à l'avance, on peut employer
l'araire pour semer les glands par bandes alternes. On jalonne
une première ligne aussi horizontale que possible, puis au
moyen de l'araire on creuse un sillon de 20 centimètres envi-
ron do largeur. On ouvre, tout contre, un second sillon dont
le déblai vient combler le premier. Un ouvrier, muni d'un râ-
teau de fer, marche derrière l'araire et fait tomber avec son
outil dans le second sillon , pour le remplir à moitié , la terre
meuble qui demeure en forme de crête sur le premier; puis
marche le semeur, qui pose ses glands en ligne de manière
qu'ils se touchent presque (40 environ au mètre courant).
Une fois ce deuxième sillon ainsi semé, on en ouvre un troi-
sième destiné à fournir, par une partie de son déblai, la cou-
verture de terre nécessaire aux glands, qui se trouveront ainsi
semés en ligne au milieu d'une bande cultivée de 60 centi-
mètres de largeur. Gela fait, on passe le râteau sur cette bande
pour égaliser le sol et enlever les pierres trop fortes, qui pour-
raient empêcher les jeunes semis de bien lever.
On établit ensuite, dans les mômes conditions, une nouvelle
bande séparée de la première par un écar-
tement susceptible de varier de l",oO à
3 mètres d'axe en axe. La quantité de
glands nécessaires à l'hectare varie alors
de 16 à 8 hectolitres. C'est de cette façon
qu'on a exécuté dans Vaucluse une bonne
partie des reboisements en chêne sur les
versants du mont Ventoux (Vaucluse).
Dans les terrains préparéspar bandes ou
par trous, le semis des glands s'opère au
moyen d'un instrumentnomméè/ne^/e, qui
est une sorte de réduction de la pioche à
pic et n'en diffère que par ses dimensions,
sa lésèreté et la forme de sa pointe, qui est
Fig. 63. — Binette.
triangulaire au lieu d être aussi effilée que
dans la pioche. Cet outil permet d'ouvrir régulièrement et rapl-
228 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
dément, dans les sols cultivés à l'avance, des lignes de dimen-
sions diverses, soit en profondeur, soit en largeur, et peut dès
lors être employé pour toutes sortes de graines, quelle que
soit l'épaisseur de la couverture de terre qu'elles exigent
{fig- 63).
Les petits sillons, ainsi tracés, sont semés à raison de 40 à
50 glands par mètre courant; la quantité de glands néces-
saires à l'hectare, qui dépend de l'écartement des bandes ou
des trous, en outre de l'espacement de ces derniers, peut
varier le plus généralement de 12 à 6 hectolitres, en admet-
tant un écart maximum de 2 mètres entre les bandes ou les
trous.
Les deux premiers modes de semis qui précèdent ne s'ap-
pliquent que dans les conditions spéciales qui ont déterminé
l'obhgation de préparer le sol à l'avance. Mais, dans la plupart
des cas, notamment pour le chône rouvre, qui habite un cli-
mat moins chaud et moins sec que les deux autres chênes, il
y a tout avantage à semer les glands par petits potcts, ouverts
au moment même du semis. C'est dans la confection de ces
potets que la pioche à pic (que nous avons décrite à l'article
Préparation du sot) fournit la grande somme de précieux
avantage. Il ne s'agit pas ici de cultiver le sol sur une surface
plus ou moins étendue, il ne faut que la petite place nécessaire
à la mise en terre de quelques glands. Mais, en même temps,
il est important «pie les racines des jeunes sujets, dans leur dé-
but, trouvent un sol meuble et relativement frais, deux con-
ditions qui exigent t^ue le potet possède une certaine profon-
deur que la pioche dont il s'agit peut lui donner, rapide-
ment et économiquement, en un ou deux bons coups bien
assénés. Gela fait, on talute, par un léger coup de pioche, la
partie supérieure du potet pour achever d'en remplir le
fond avec la meilleure terre, et l'on y place de 10 ù 12 glands
(ju'fjn recouvre de 2 ou 3 centimètres au moyen d'un léger
coup de pioche donné à l'aniDut du talus, ce (jui i)rocure
l'avantage de former une sorte de petite rigole <iui amènera
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 229
dans le potet les moindres eaux pluviales qui viendraient à
tomber.
Le chône n'étant généralement pas semé dans des terrains
absolument privés de toute végétation, la confection despotets
les moins coûteux et les plus favorables au succès des semis
se trouve singulièrement aidée par les restes des plantes
diverses qui subsistent encore. Dans les terrains en pente,
les arbustes rabougris ou abroutis, ainsi que certaines plantes
herbacées venant en touffes, ont pu retenir à leur amont la
terre végétale que, dans leurs intervalles, les eaux ne cessent
de laver et d'entraîner. Il s'est formé là une sorte de bourre-
let sur lequel, à l'abri de l'arbuste ou de la grande plante, se
maintiennent quelques graminées, et qui présente dès lors
les emplacements les plus favorables pour le semis des glands,
tant au point de vue de la confection des potets, qui s'y
trouve facilitée, qu'à celui des conditions do végétation, qui
sont les meilleures que le terrain puisse fournir.
C'est donc toujours, ou du moins le plus possible, à l'a-
mont des plantes subsistant encore sur le sol à reboiser qu'il
sera préférable de semer les glands; dans les versants qui
possèdent encore un peu de terre végétale, c'est à l'amont de
ces plantes qu'on en trouvera davantage, et dans les pentes
décharnées c'est là encore qu'on pourra procurer aux jeunes
semis les meilleures conditions de végétation; car si des
herbes s'y maintiennent, c'est qu'elles ont rencontré quel-
ques fentes de rochers qui procurent à leurs racines un
espace et une fraîcheur qu'on ne trouverait pas ailleurs.
Dans les semis donc, comme dans toutes les opérations cul-
turales que nous passerons en revue, il faut avant tout profi-
ter du moindre abri et du moindre indice procurant les ga-
ranties d'une bonne végétation.
Les sols graveleux et pierreux sont des plus favorables à ce
genre de semis du chêne, et il n'est pas rare d'y rencontrer
de jeunes sujets beaucoup plus beaux que ceux végétant dans
des trous préparés à grands frais à côté d'eux et placés d'ail-
230 REBOISEMENT ET OAZONNEMENT.
leurs dans des conditions absolumont identiques. Cette diffé-
rence ne peut tenir évidemment qu'à l'influence de l'abri
fourni au sol, par les pierres qui le recouvrent, contre les
effets de l'évaporation et de la gelée. Aussi, chaque fois qu'on
pourra le faire économiquement, est-il important de placer à
l'aval des potets les pierres les plus grosses qu'on ait sous la
main. On les dispose en forme de croissant ou de demi-cercle,
qui met obstacle à tout déchaussement par les eaux, et main-
tient une assiette solide aux jeunes semis, tout en leur four-
nissant contre les grands vents un premier abri bien précieux.
Un semis par potets espacés de 1 mètre en tous sens exige
environ de 7 à 8 hectolitres à l'hectare.
Si on met les potets à une distance moyenne de 1™,50, la
quantité se réduit à 4 hectolitres environ; enfin, à 2 mètres
en tous sens, il ne faut plus que 2 hectolitres.
En ce qui concerne les semis exécutés sur des terrains
préalablement préparés, la dépense est évidemment des plus
variables, car elle dépend, dans chacun des modes de prépa-
ration, de la disposition préférée, de la valeur de la main-
d'œuvre, de la nature du sol et du prix des glands. Aussi
nous ne croyons pas nécessaire de donner à ce sujet un devis
qui risquerait de n'être d'aucune utilité.
Il n'en est pas de môme des semis par potets, dont le détail
est très simple et sujet à des variations insignifiantes dans la
question.
Dans un terrain moyen, un bon terrassier peut préparer et
semer avec tous les soins désirables environ 500 potets dans
une journée de dix heures.
En admettant le semis le plus complet, c'est-à-dire des
potets à 1 mètre en tous sens, le prix de la journée de terras-
sier à 2 fr. 50, la valeur de l'hectolitre de glands à S francs,
on aura pour un hectare :
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 231
Confection et semis de 10,000 potets à 5 fr. le mille. 50 fr.
Achat (le 7 hectol. 5 de glands à 8 francs l'un ... 60 fr.
Transport des glands à pied d'œuvre et frais divers. 5 fr.
Total 113 fr.
Tel est le prix le plus élevé que puisse coûter à l'hectare
un semis de ce genre.
. Il y a le plus souvent un grand intérêt à mélanger les pins
avec les chênes, afin de procurer à ces derniers les abris que
les jeunes plants réclament pour bien végéter pendant les
premières années. On sème alors plus clair les glands, dont la
quantité se trouve parfois réduite de moitié. Quant aux pins,
on les introduit par voie de semis ou de plantation, suivant
les cas et les différentes espèces appartenant à cette sorte
d'essences résineuses.
Tout ce qui a été dit sur les semis du chêne s'applique aux
semis du châtaignier, et les quantités de châtaignes employées
sont généralement identiques à celles des glands dans les
différents modes d'exécution.
Les graines du caroubier doivent être semées de préfé-
rence dans des trous profondément défoncés, vu la chaleur
du climat et la nature du sol (le calcaire) où il se com-
plaît. On sème les graines en plein dans les trous, et on
les enterre à une profondeur de 3 centimètres environ, en
donnant avec la binette une légère façon à la surface du sol.
La fin de février et le courant de mars sont les meilleurs
moments pour exécuter le semis , car les graines enterrées
trop tôt avant l'époque de la germination sont très sujettes à
la pourriture.
Essences 7'ésmeuses, — Dans l'emploi des résineux, le semis
à la volée consiste à répandre les graines, comme on fait pour
les céréales, sur toute l'étendue à ensemencer, après quoi,
tantôt on les recouvre de terre, tantôt on les abandonne à
elles-mêmes sur la surface du sol.
Dans le premier cas, le semis a été opéré sur un terrain
232 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
préparé ou défoncé auparavant; dans le second, au contraire,
le sol est demeuré dans son état naturel.
Si le semis à la volée a été opéré sur un terrain labouré en
plein et hersé, il suffit, pour le recouvrir, de donner un nou-
veau hersage, le plus léger possible ; le plus souvent môme on
peut se contenter de remplacer la herse par un fort fagot d'é-
pines, car les graines résineuses demandent à être aussi peu
enterrées que possible.
On opère de la même façon, si le terrain, au lieu d'être
labouré en plein, a été préparé par bandes alternes, tracées à
Yaraii'e comme pour les semis de glands.
Hàtons-nous de dire que ce genre de semis à la volée ne
peut être avantageusement pratiqué que dans des conditions
spéciales de sol et de climat qu'on rencontre très rarement
dans les terrains à reboiser en montagne. Il exige l'emploi
d'une grande quantité de graines et ne donne de bons résul-
tats que dans les terrains légers et siliceux. C'est assez dire
que le pin maritime seul présente les conditions pouvant faire
adopter un semis de cette sorte. Sa graine est en effet à très
bon marché ; il préfère les sols siliceux et enfin il ne sort du
climat chaud que pour demeurer dans les régions les plus
douces du climat tempéré.
Au début de la grande entreprise de la régénération des
montagnes, inaugurée par la loi de 1860, le semis à la volée a
occupa", dans les travaux de reboisement, une j)art dont l'im-
portance n'a pas tardé à décroître dès le jour où l'expérience
a pu devenir concluante. A cette époque, le semis était réputé
non seulement comme le meilleur, mais môme comme le seul
mode susceptible d'ôtre appliqué au reboisement des vastes
étendues. Aussi bien, la dépense qu'il entraînait était si
minime, on pouvait parcourir sans délais, en une saison et
sans grand travail, une si vaste surface, qu'à côté de ces avan-
tages précieux, la plantation, avec l'outillage de plants à créer
et la main-d'œuvre qu'elle nécessitait, ne devait être considé-
rée que comme bonne tout au plus à combler des vides ou à
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 233
être employée sur de petites surfaces où les semis ne pour-
raient être tentés.
Dans les Alpes, on était d'autant plus fondé à compter sur
e semis à la volée (jue l'on avait sous les yeux les résultats
d'un certain nombre d'essais ordonnés en 18i(i par l'Adminis-
tration des forêts et exécutés par les agents locaux, soit à la
volée, soit sur le sol non préparé, soit à la volée sur la neige.
Ces semis avaient réussi pour la plupart avec un succès qui
était d'un heureux augure pour ceux qu'on allait entreprendre
sur une plus vaste échelle.
Le résultat fut loin de répondre à l'attente et fournit un
utile enseignement.
Par places, en effet, on rencontre bien des peuplements su-
perbes, mais c'est toujours exclusivement dans les terrains
qui se trouvaient plus ou moins gazonnés au moment du
semis ; dans les places nues, au contraire, toute trace de semis
a disparu dès les premières années. L'observation attentive
des faits démontre surabondamment que la cause des insuc-
cès réside uniquement dans l'absence d'abris, et que les essais
tentés en 1846 n'ont dû leur succès qu'à cette condition d'a-
voir été opérés sur des terrains gazonnés ou couverts d'une
végétation quelconque {de Gayffier, PI. 35).
Au demeurant, malgré les résultats obtenus sur les places
gazonnéos, nous estimons que le semis à la volée, sur la neige
ou non, ne peut être considéré comme une bonne opération;
car, ne pouvant être exécuté raisonnablement que dans les
gazons ou les terrains couverts de basse végétation, il a pour
conséquence la perte d'une quantité considérable de graines
qui, tardant à se trouver dans des conditions convenables à la
germination, deviennent la proie des animaux ou se détério-
rent sous les influences atmosphériques ; on arrive , dès lors,
à n'obtenir tardivement que des résultats très incomplets, et
il faut revenir sur les nombreux vides qui se manifestent.
A ce mode un peu primitif nous préférons de beaucoup
celui du semis à \a. pioche.
234 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT,
11 consiste à ouvrir d'abord, avec le taillant de la pioche, un
petit potet de dimensions aussi restreintes que possible. On
recherche exclusivement l'aisselle des touffes de gazon ou des
broussailles de toutes sortes qui garnissent le sol, et un seul
coup de pioche suffit amplement pour ouvrir le potet, à la
surface duquel on étend une pincée de graines qu'on recou-
vre légèrement à la main, de façon à les cacher simplement
à la vue. Il importe de ne laisser préparer ni semer aucun
potet dans les intervalles dénudés, car ce serait du travail et
de la graine employés en pure perte.
Ce mode de semis doit évidemment s'appliquer surtout
aux essences aimant les hautes altitudes, oîi la sécheresse
n'est pas trop à redouter, c'est-à-dire à l'épicéa, au mélèze et
au pin cembro. On pourrait cependant à la rigueur semer
ainsi les pins sylvestre, noir et laricio, mais à la condition
que le sol fût assez meuble et suffisamment garni de basse
végétation; mais la plupart du temps on n'y trouvera d'avan-
tages bien sérieux que dans les terrains formés de la décom-
position des roches plutoniques.
Lorsqu'il opère dans les gazons courts, qu'on rencontre
disséminés par petites plaques dans quelques parcelles de ver-
sants et qui ont pu échapper à la ruine générale, l'ouvrier se
contente d'ouvrir le gazon avec le taillant de la pioche et l'attire
un peu à lui sans l'arracher toutefois ; il sort alors sa pioche de
la fente béante, la retourne vivement et frappe du pic deux
ou trois fois de suite, toujours au même point, jusqu'à ce
que Kl douille arrive à toucher le sol; le trou se trouve alors
creusé de :20 centimètres environ, tout en conservant sa très
petite ouverture à la surface. Reprenant avec le taiUant,
il comble le trou en émiettant ses parois et le prépare ainsi à
recevoir le semis; il prend alors une pincée de graines, les
étale sur l'orifice du trou et les recouvre d'un centimètre en-
viron de terre fine; il raffermit enfin le gazon par un coup du
plat de sa pioche et passe à un autre trou.
On espace autant que possible les trous de 1 mètre en tous
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 235
sens ; il serait imprudent de les écarter davantage à cause
des déchets inévitables auxquels il est bon de parer d'avance,
car il est toujours difficile de revenir sur un semis incomplet.
Afin d'obtenir plus sûrement le résultat désiré, on vient en
aide à l'insuffisance du gazon par des semis de sainfoin (plante
robuste qui germe et se développe rapidement) exécutés en
mélange avec les graines de résineux, de façon que les jeunes
semis forestiers se trouvent dès le début protégés de toutes
parts par l'abri artificiel qui leur est ainsi fourni. Cette mé-
thode nous a donné généralement d'excellents résultats dans
les sols où le sainfoin ne joue qu'un rôle de regarnissage ;
mais elle serait périlleuse si elle était appliquée sur des ter-
rains absolument privés de toute végétation, car les potets,
espacés à 1 mètre, laisseraient entre eux des vides trop grands
sur lesquels les influences atmosphériques, pouvant agir libre-
ment, ne tarderaient pas à compromettre l'existence des semis.
L'organisation d'un chantier', très simple d'ailleurs, s'éta-
blit ainsi qu'il suit :
Le chantier se compose de !2:2 hommes, dont :
1° Un chef de chantier chargé de la surveillance des ouvriers ;
p Un enfant de quinze à seize ans employé à assurer l'ap-
provisionnement des graines et de l'eau à boire, afin que les
ouvriers n'aient à se déranger en rien de leur travail pendant
chaque séance ;
3° 20 ouvriers travaillant à l'exécution des semis.
Chaque ouvrier est muni d'une pioche et d'un sac-tablier à
deux poches, l'une pour les graines résineuses, l'autre pour
les graines de sainfoin, dans le cas où l'on en aurait besoin.
Ce sac-tablier est fixé à la ceinture sur le devant du corps de
manière à être facilement à portée de la main droite sans
gêner le travail de la pioche.
1. — Voir à la fin du volume le tableau des valeurs des journées d'ouvriers
calculées par dixième jusqu'au nombre de six que comporte ime semaine
de travail. Note D. p. 43o.
23G REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
11 ost do principe que, sur un vorsant donné, on commonce
toujours par le haut ot qu'on procède par virées horizontales,
dont le i)arcours est horné par les limites naturelles que i)ré-
sentent les ravins, les harres d(; rochers, les chemins, les
croupes, etc.
Le chef de chantier place en conséquence ses hommes sur
la ligne de plus grande pente, à 1 mètre les uns des autres, et
choisit, pour occuper chacune des extrémités de la virée,
deux des ouvriers les plus intelligents.
Gela fait, le n" 1 placé le plus haut, commence le travail en
suivant une ligne horizontale, et quand il a terminé les deux
premiers trous de sa ligne, le n° 2 commence à son tour en
cherchant autant que possible à placer ses trous dans l'inter-
valle de ceux faits par le n° 1, tout en ayant soin de n'opérer
que là où se trouve une plaque de gazon.
Les numéros suivants entrent successivement en ligne de la
même manière, et une fois le travail en train, le chef de chan-
tier se place à peu près au milieu de la virée, de manière à
pouvoir bien surveiller ses hommes, tant pour la confection
des trous que pour l'exécution des semis.
Arrivé au bout de la première virée, le n° 1 continue à faire
des trous espacés de 1 mètre environ en descendant à reculons,
suivant la ligne de pente; le n° 2 opère de même, en se tenant
à 1 mètre de distance du n° 1, et ainsi des autres, jusqu'à ce
que tous les ouvriers se trouvent sur la ligne inférieure de la
première virée appartenant au n° 20. Cet ouvrier alors fait
(Iciiii-tonr, se place à i mètre en-dessous de sa ligne et com-
mence le retour de la virée en conservant constamment sa dis-
tance à cette ligne qu'il connaît bien, puisqu'il l'a faite lui-
môme. Les numéros suivants continuent à faire des trous en
descendant, jusqu'à ce que chacun d'eux, se trouvant à la dis-
tance voulue du numéro qui se trouve au-dessus de lui, puisse
reprendre la nouvelle ligne horizontale que son rang lui at-
tribue; le retour de virée se termine comme l'aller, et ainsi
de suite JMstpi'au bas de la parcelle à semiM'.
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 237
Dans des conditions ordinaires, chaque ouvrier peut confec-
tionner et semer 1 ,000 trous par jour, ce qui donne 20,000 trous
pour le chantier et 2 hectares de semis, si les trous ont été
placés à 1 mètre en moyenne dans les deux sens.
En admettant que le chef de chantier soit payé à raison de
i francs par jour (prix ordinaire dans la haute montagne), que
les ouvriers reçoivent 2 fr. 50 cent., l'enfant 1 fr. 50 cent., la
journée du chantier aura coûté 56 francs et, par suite, l'exé-
cution des semis s'élèvera par hectare à la somme de 28 francs
à laquelle il convient d'ajouter 2 francs pour frais de trans-
port des graines sur la montagne, ce qui donne une première
dépense montant à 30 francs.
Pour avoir le prix de revient de la dépense totale du semis
à l'hectare, il ne restera plus qu'à ajouter à cette somme les
valeurs des graines employées et le coût de la préparation
qu'elles auront dû subir avant le semis.
Les quantités de graines que comporte à l'hectare un semis
de ce genre, à 1 mètre en tous sens, sont :
Pour le pin cemhro, de 30 à 40 kilog
Pour le mélèze, de 10 à 12 kilog.
Pour l'épicéa 5 kilog.
Bien que la graine de mélèze soit moins lourde que celle de
l'épicéa et se trouve dès lors en plus grand nombre au kilo-
gramme, il en faut plus du double à cause de la faible qualité
germinative qui la caractérise. {Voii' le tableau des graines }'ési-
neuses.)
On peut apprécier, par analogie avec l'épicéa, la quantité de
graines de pins sylvestre, noir et laricio qu'il faudrait par hec-
tare dans les cas où, par exception, on voudrait leur appliquer
ce mode de semis, ce que nous sommes loin de conseiller.
Quant à la préparation à faire subir aux graines avant les
semis, elle consiste simplement dans une immersion plus ou
moins longue, suivant les graines, dans l'eau pure ou mélan-
gée de purin.
238 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Getto précaution quo nous avons inaugurée et contrôlée par
des expériences successives, pendant de longues années dans
les Alpes, a constamment produit les meilleurs résultats. Elle
se justifie d'ailleurs par la saison où s'exécutent les semis et
par le caractère spécial du climat alpestre.
En règle générale, les semis de graines résineuses ne peuvent
et ne doivent en effet s'exécuter qu'au printemps. Les raisons
de cette préférence sont multiples :
La nature en fournit d'abord une qui a bien son impor-
tance ; la plupart des graines qui nous intéressent ne se dissé-
minent en effet qu'à la fin de l'hiver ou aux premières chaleurs
du printemps. {Voir le tableau des graines résineuses, col. n° A.)
D'autre part, il est d'expérience que les semis d'automne
sont très sujets à la pourriture, et que ceux qui y échappent
demeurent exposés pendant de longs mois aux ravages des
mulots, des corbeaux et autres ennemis.
Do plus, les semis d'automne qui échapperaient à tous ces
dangers présentent un autre inconvénient qui, dans les hautes
montagnes, est majeur et suffit à lui seul à les faire rejeter;
ils lèvent le plus souvent de trop bonne heure et se trouvent,
à l'âge le plus critique, en butte aux gelées printanières sou-
vent terribles qui se font sentir parfois jusqu'en juin.
Enfin, dans les régions méridionales, le printemps et l'au-
tomne sont loin d'ôtre caractérisés comme dans les autres ré-
gions de la France; il s'ensuit qu'au lendemain des grandes
chaleurs de l'été, on passe le pins souvent au frimas de l'hiver,
et cela brusquement. Dès lors, les hauteurs deviennent ina-
bordables, et l'on serait bien obligé quand môme de remettre le
plus souvent les semis au printemps.
Mais si, sur les montagnes, on passe brusquement de l'été à
l'hiver, on n'a pas une transition plus douce pour revenir de
l'hiver à l'été, et le plus souvent les printemps sont de faible
durée. Il faut donc que, dans le court inter\-alle qui sépare la
fonte des neiges des chaleurs et de la sécheresse de l'été, les
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 239
jeunes semis soient eflectués et levés hâtivement, et pour cela
il devient indispensable d'aider le travail do la germination.
De là riniportance de leur immersion dans l'eau.
Pour les graines d'épicéa, de pins à crochets, sylvestre, noir
et laricio, il suffit d'une immersion de quarante-huit heures,
vu le peu de dureté de leur enveloppe.
Mais il n'en est pas de môme du pin cemhro et surtout du
mélèze, qui présentent des caractères tout opposés.
Pour le pin cembro, il faut faire durer l'immersion pendant
quinze bons jours, et, pour le mélèze, trois semaines sont
préférables encore ; on peut diminuer un peu ce délai en mé-
langeant l'eau avec du purin dosé au cinquième environ, ou en
additionnant à l'eau quelques gouttes d'acide chlorhydrique.
Il convient d'opérer, autant que possible, l'immersion dans
le périmètre même, à portée des terrains à semer. On dispose,
à cet effet, une série de barriques défoncées d'un côté et on
répartit les graines à raison de 50 kilogrammes par barrique
qu'on achève de remplir d'eau. On remue les graines fréquem-
ment pour forcer celles qui surnagent à se tremper et on ne
les retire qu'au moment où elles s'ouvrent facilement sous la
pression de l'ongle. On a soin d'échelonner l'immersion suivant
les quantités qu'on pourra semer journellement, de façon à ne
pas risquer d'avoir des graines trop trempées ou d'avoir à les
retirer momentanément de l'eau, ce qui serait une source de
graves dangers, car il importe que les semis soient opérés sans
que la graine ait pu perdre le degré d'humidité qui la saturait.
Lorsque, par une circonstance favorable, on se trouve avoir
quelques parcelles de gazon, non plus disséminées ou clairié-
rées, mais au contraire formant une sorte de pelouse, du
moins par places de quelques mètres carrés chacune, il im-
porte de ne pas déchirer ces gazons, afin de laisser aux jeunes
semis tout l'abri tutélaire qu'ils peuvent en attendre contre le
gel et le dégel. La pioche ne trouve plus ici son emploi et doit
être remplacée par la hache-prés {fig. 64 et 65), dont on se sert
dans les prairies pour découper les gazons aux emplacements
240 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
des rigoles d'arrosage. En deux coups de cette hache on onlèvo
un morceau de gazon en forme de coin très aigu, au fond de
l'emplacement duquel on sème
"^ i les graines. Les jeunes semis se
j \ ; trouvent dès lors entourés et pro-
|[°"_ V tégés par le gazon.
: l-^-t Lgg niodes d'exécution (lue
■/ / nous venons de passer on revue
f^&==— . U j^g rencontrent aucune applica-
// tion dans les terrains préparés
Fig.65.-coupe. //s par baudcs ou par trous défon-
11 ; ces préalablement ; lors donc
// ; qu'on se trouve dans ces con-
// : ditions spéciales, le mieux est
JJ ^^^ ; d'opérer en employant le râteau
à tète en bois dur et à grandes
Fiir. 64. — Ilache-prés. , , „ r , ,
dents en ter assez écartées entre
elles, (^etoutilainsiconstruitestsuffisaninient lourd etri'sistant
pour permettre d'en user au besoin comme d'une pioche, mais
à condition de ne donner que de très petits coups répétés.
Pour opérer, on commence par ratisser le dessus de la bande
ou du trou afin de bien en abattre les aspérités et en remplir les
creux. On sème en plein sur toute la surface à la quelle on donne
une légère façon en la piochant légèrement avec le râteau; par
ce moyen, on recouvre convenablement les graines sans trop
les enterrer. 11 est inutile d'enlever les pierrailles (jui peuvent
demeurer à la surface du sol; elles ne seront ([ne d'un incon-
vénient bien minime pour le semis, au moment où il lèvera,
mais elles protégeront efiicacement le sol contre le tassement
par les grosses pluies et contre le dessèchement pendant les
grandes chaleurs.
FiCs semis à demeure par bandes ou par trous ne s'emploient
guère ([ue dans les régions climatéri(|ues inférieures, la chaude
et la moyenne; si, dans la première, la sécheresse est surtout
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 241
dangerouse pour les semis, les gelées printanières deviennent
déjà redoutables dans la seconde. Le mode de semis en plein
est le plus avantageux contre ces deux dangers ; les jeunes su-
jets, en effet, également distribués sur la surface du trou, l'om-
bragent mieux au moment des chaleurs et produisent, au
point do vue de la résistance aux gelées, un résultat bien plus
certain que s'ils étaient placés en lignes, comme Taurait fait
un semis à la binette.
Dans le cas où les conditions de sol et d'exposition sont très
défavorables au point de vue de la gelée, on mélange avec
avantage de la graine de sainfoin aux graines résineuses, et
l'on obtient ainsi plus de fraîcheur pendant l'été et un abri
très sérieux contre l'effet du refroidissement.
Les quantités de graines à semer par hectare de terrain dé-
pendent évidemment de la disposition des bandes ou des
trous ; il est donc préférable d'indiquer ci-après la quantité de
graines à semer par are de terrain défoncé préalablement , en
faisant abstraction des parties laissées incultes :
Pour le pin d'Alep il faudra 0^, 900 à l'are.
Pour le pin maritime. | l'', 500 —
Pour le pin sylvestre O'', 400 —
Poui- le pin d'Autriche Oi^, 700 —
Pour le pin laricio 0^, 700 —
Un homme, dans sa journée de dix heures, peut exécuter en
moyenne le semis de 3 ares de bandes ou de trous, ce qui, à
2 fr. 50 par jour, fait 85 centimes auxquels il convient d'ajou-
ter 15 centimes pour frais de transport des graines sur le chan-
tier et frais d'approvisionnement et de surveillance, ce qui
élève à 1 franc le prix de l'are semé après défoncement.
Enherbement. — L'enherbement et le gazonnement sont des
opérations qui ont toutes deux pour base l'exécution des se-
mis de graines fourragères, mais qui diffèrent essentiellement
dans leur but.
Tandis, en effet, que dans la seconde, le gazonnement, on se
16
242 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
propose la création d'une végétation herbacée susceptible de
fournir au pâturaj^^e des ressources périodiques et perpétuelles,
on ne recherche, au contraire, par la première, l'enherbement,
qu'à produire une végétation herbacée appelée à un rôle de
protection transitoire, sans faire entrer en ligne de compte la
production fourragère. Aussi, pour bien fixer par un seul mot
la distinction qui sépare cette opération de celle du gazonne-
ment, l'on a eu recours à un véritable néologisme en adop-
tant le mot enherbement, qui s'applique à la production de la
végétation herbacée employée comme auxiliaire du reboise-
ment.
Le rôle de protection que l'enherbement est appelé à jouer
est double : d'une part, dans les terrains à surface stable, on
peut lui demander de fournir à certains jeunes plants un abri
tutélaire contre les influences atmosphériques; d'autre part,
dans les terrains à surface instable, il sert à fixer provisoire-
ment la surface du sol qu'il défend contre l'érosion des eaux,
et qu'il maintient ainsi autour des jeunes plants forestiers, in-
capables, dans bien des cas, de le conserver à eux seuls pen-
dant les premières années de leur végétation.
C'est donc à ces deux points de vue que doit être étudié
l'enherbement.
Le sainfoin commun (esparcette) est l'espèce de planle qui
répond le mieux au but qu'on se propose dans les lorrains
stables; sa croissance rapide dès le début, son tempérament
robuste, son aire d'habitation et son peu d'exigence en matière
de sols le rendent très précieux pour l'abri à fournir aux se-
mis à demeure et aux semis des pépinières volantes, sur les
versants exposés aux gelées printanières. Le sainfoin ainsi
mélangé aux graines forestières pousse beaucoup plus vite
qne les jeunes plants ligneux, comble les vides qu'ils laissent
entre eux, les protège contre les grosses pluies d'orage et la
grêle, conserve ainsi à la surface le bénéfice de l'ameublisse-
ment, maintient après la moindre pluie la fraîcheur du sol en
le mettant à l'abri des rayons solaires, de l'évaporation et des
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 243
grands vents, et Ini fonrnit vers la fin de l'hiver, au moment
le plus critique du gel et du dégel, une couverture suffisante
pour en prévenir les désastreux efFets.
Une série d'expériences, datant de plus de huit années con-
sécutives et opérées dans les Basses-Alpes, n'a cessé de con-
firmer les bons résultats de cette méthode, qui, somme toute,
ne fait que reproduire artificiellement les conditions naturelles
que présentent exclusivement les terrains où les semis peu-
vent végéter dans leur première jeunesse.
Lorsque le sol a subi une préparation préalable, on sème le
sainfoin soit en plein, soit par lignes, selon le mode adopté
pour les graines forestières.
Lorsqu'il s'agit de graines résineuses, on peut avantageuse-
ment y mêler les graines de sainfoin, qui ne demandant pas
à être plus recouvertes.
On facilite ainsi la régularité des semis, pour peu qu'on ait
soin de souvent remuer le mélange contenu dans les sacs des
semeurs, et l'on économise une énorme quantité de graines
résineuses ; car il n'est pas une personne ayant fait du reboi-
sement qui n'ait constaté dans tous les semis par trous ou
bandes cette alternative : ou des semis trop serrés ou un in-
succès complet, dans les terrains soumis aux effets des gelées
printanières ; d'oîi résulte toujours une tendance à semer très
dru, que combat l'emploi du sainfoin.
Si le semis des résineux est exécuté en lignes à la binette,
on opère de la même façon pour celui du sainfoin, qui four-
nit une série de lignes intercalées avec les premières. Pour
certains résineux on exécute même souvent le semis des lignes
de sainfoin une année à l'avance, de manière que les jeunes
plants forestiers trouvent un abri immédiatement et suffisant
au moment où ils lèvent.
Dans les semis exécutés par potets, sans préparation préa-
lable du sol, on emploie très utilement le sainfoin en mélange
avec les résineux, sur les points où les gazons sont trop clai-
rières, notamment pour les semis de pin cembro. Dans des
244 rp:boisement et gazonnement.
semis exécutés à la pioche par potets à 1 mètre do distance,
on emploie environ 30 kilogrammes de graines de sainfoin à
l'hectare.
II se rencontre très souvent dans les périmètres des versants
qui, sur tout ou partie de leur étendue, et bien que leur sur-
face soit stable, se trouvent presque entièrement privés de
toute végétation. Il y a tout intérêt alors à débuter par un
enherbement préalable, qui peut s'opérer par potets, ou même
à la volée, suivant la nature et la déclivité du sol.
Mais, dans ce cas, il est avantageux de mélanger au sain-
foin diverses graines fourragères, telles que la fenasse et la
bauc/ie.
On désigne sous le nom générique de fenasse un mélange
de diverses graines, notamment des graminées, où se rencon-
trent surtout le brome des prés, la pùnprenelle, la houque molle,
et dont le fromental {avoine élevée) forme la base principale.
La bttuche est le calamagrostis argenté, très répandu dans les
Alpes.
Ces diverses graminées ont un tempérament robuste et pré-
sentent sur le sainfoin l'avantage d'être très vivaces. Celui-ci,
en effet, disparaît au bout de trois ou quatre ans, s'il n'a pu
se régénérer par semis naturel ; mais il possède la précieuse
propriété de pousser rapidement et de fournir, dès la première
année, aux jeunes semis forestiers l'abri sérieux qu'on lui de-
mande, pour une durée de deux ou trois ans au plus, alors
que les graminées ne peuvent le donner qu'à la seconde ou la
troisième année.
Si donc il y a tout intérêt à employer le sainfoin seul, lors-
que l'on n'a besoin que d'un abri de courte durée, il vaut
mieux employer les graminées si l'abri doit durer longtemps,
ce qui a précisément lieu aux grandes altitudes où la végéta-
tion ligneuse est très lente. Mais il n'en faudra pas moins se
servir de sainfoin en mélange avec ces graminées, qui sont
d'un tempérament moins robuste et auxquelles il fournira une
protection presque indispensable pendant la première année
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 245
de leur croissance; dans ce cas, le mélange varie de 75 à
80 kilogrammes de sainfoin pour 25 à 20 kilogrammes de
graminées.
Pour exécuter, soit sur des berges, soit sur des versants dé-
nudés, un semis de fourragères par potcts, on constitue un
chantier composé do groupes de trois ouvriers, dont deux
hommes et un enfant de quinze à seize ans ou une femme ;
supposons-le donc de 24 hommes (8 groupes de 3) dirigés par
un chef de chantier.
Dans chaque groupe de 3 ouvriers, deux d'entre eux sont
munis de la pioche et le troisième d'un sac contenant les grai-
nes fourragères mélangées préalablement, suivant le dosage
adopté.
Gomme toujours, on commence par en haut, et le semis
doit être fait par polets à 50 centimètres de distance moyenne
dans les lignes horizontales, ces lignes étant écartées entre
elles de 1 mètre.
Les groupes marchent en virées horizontales; le premier
groupe débute ainsi : l'ouvrier n° 1 fait, avec un coup bien
asséné du taillant de sa pioche, un trou de 10 à 15 centimètres
de côté, et en ouvre un second à 50 centimètres de distance
sur la ligne horizontale. Alors l'ouvrier n° 2 commence une
seconde ligne de trous espacés de 1 mètre de la première, et
place ses trous de façon qu'ils se croisent avec ceux du des-
sus; puis l'ouvrier n° 3 sème une pincée de graines dans cha-
cun des trous, en ayant soin de bien les mélanger avec la terre
du dessus pour les recouvrir très légèrement.
Le deuxième groupe entre en ligne quelques instants après
les débuts du premier et ainsi des autres.
Les virées s'opèrent à l'aller et au retour, comme nous
l'avons indiqué pour les semis de résineux.
En admettant un mélange de 75 kilogrammes de graines
de sainfoin avec 25 kilogrammes de graines de fenasse, un
chantier ainsi organisé pourra parcourir par jour de travail
une étendue de 1*'60'', et semer 160 kilogrammes de graines.
246 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
La dépense se décomposerait ainsi :
1 journée de chef de
chantier ;i . . . . 4 fr. » = 4 ir.
-, . ,, 1 16 iournées d'ouvriers
Main- d œuvre./ ■'
piocheursà. . . . 2 fr. 50 = 40 fr. >. ; 56 fr.
8 journées d'ouvriers
semeurs à . . . . 1 fr. 50 := 12 fr.
-, , j ( 120'' degrrainesde sain-
V aleurs desi ^.. „^,„ . ^ %
foin à Ofr. 40 =i 48 fr. .. ]
grames ren-i ^^^ ^^ graines de fe- 80 fr.
dues sur place I "^ ,
^ ( nasse a 0 fr. 80 = 32 fr. .. )
Total 136 fr.
Ce qui donne par hectare une dépense de 85 francs, dont :
Pour la main-d'œuvre 35 fr.
et pour les graines 50 fr.
Le semis à la volée ne doit être opéré que sur des pentes qui
ne présentent pas une déclivité trop exagérée.
Avant d'exécuter ce genre de semis, on prépare le sol de la
manière suivante : 10 ouvriers, tous munis de pioches, mar-
chent en virée horizontale par lignes espacées de 4 mètre, et
d'un coup de pioche ouvrent le sol , à chaque pas de 50
à 60 centimètres; un semeur (généralement le chef de chan-
tier), placé à l'amont, répand à la volée les graines, de haut en
bas, de sorte qu'elles pénètrent facilement dans le sol ameu-
bli des potets.
Ce chantier peut semer par jour une étendue moyenne de
2 hectares et 200 kilogrammes de graines.
La dépense se traduit ainsi :
I 1 chef de chantier à 4 fr. » =■ 4 fr. » j
Main-d œuvre. 5 ,„ • i o <■ «« ot- .• ( 2!» fr.
( 10 piocheurs a . . . 2 Ir. 50 = 25 Ir. )■ )
i Sainfoin 150" ù . . . 0 fr. 40 = GO fr. » ,
Graines. ... ! t. (-m, • ,\ i. on m r .100 Ir.
I Fanasse 50» a . . .0 Ir. 80 = 40 Ir. » \
Total 120 fr.
Ce qui donne à l'hectare une dépense de (ii fr. oO cent.,
dont :
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 247
Pour la main-d'œuvre 14 fr. 50
et pour la jjraine 50 (r. »
Ce modo de semis à la volée peut être employé utilement
et de préférence dans des sols peu compacts et rocailleux.
Dans les terrains à surface instable, dont le type le plus
complet est fourni par les marnes noires du lias, et qu'on ren-
contre d'ailleurs dans bon nombre de berges de torrents et de
ravins, l'enberbement a pour but, avons-nous dit, de produire
rapidement une végétation qui mette obstacle à l'entraîne-
ment par les eaux pluviales des matières terreuses très fines,
très divisées et très mobiles, dans lesquelles s'opère ou doit
s'opérer le reboisement en essences forestières.
On conçoit facilement que, sans cette armature végétale, les
jeunes plants mis en terre sur des pentes souvent très redres-
sées risqueraient d'avoir en peu de temps leurs racines dégar-
nies du sol qui est appelé à les nourrir et qu'elles sont inca-
pables au début de maintenir à elles seules, à cause de
l'écartement qu'on est fatalement obligé de donner aux futurs
arbres.
Il est donc rationnel d'introduire, dans les intervalles des
plants forestiers, une végétation transitoire qui maintienne,
pour quelques années au moins, la surface du sol, en atten-
dant que leurs racines et leur couvert puissent y suffire.
Le mélange de sainfoin (^) et de fenasse ou de bauclie (ij
fournit, dans ce cas, le plus beureux effet. On peut le semer
par trous, comme d'babitude, mais à la condition de ne pas
rejeter les terres; sur les pentes les plus raides, le mieux est
de produire une simple ouverture avec le taillant de la pioche.
Mais, la plupart du temps, ce mode de semis doit céder le pas
à celui dit par sillons horizontaux.
Pour opérer ce semis, on constitue un chantier composé
d'un certain nombre de groupes de 3 ouvriers, dont deux pio-
cheurs et un semeur (un enfant ou une femme). L'ouvrier
n° 1 commence par creuser un sillon horizontal de f 0 à 12 cen-
timètres de largeur environ et de 10 centimètres de profon-
218 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
deur au plus; quand il en a fait quelques mètres, le n° 2 en
commence un autre à 1 mètre environ au-dessous; enfin le
n" 3 suit le mouvement et marche sur le deuxième sillon qu'il
sème ainsi que le premier.
Les autres groupes entrent successivement en ligne et le
chantier opère comme toujours par virées conduites et surveil-
lées par le chef de chantier placé au centre.
Chaque groupe do 3 ouvriers peut ouvrir et semer en
moyenne, dans une journée de dix heures de travail,
1,500 mètres courants de sillons qui consomment -21 kilo-
grammes de graines, ce qui donne li kilogrammes au kilo-
mètre courant.
Un chantier composé de 30 ouvriers, soit de 10 groupes,
plus son chef, peut donc ouvrir en une journée 15 kilomètres
de sillons et semer :210 kilogrammes de graines, pour une dé-
pense en main-d'œuvre s'établissant ainsi qu'il suit :
1 journée de chef de chantier 4 fr.
20 journées de piocheurs à 2 fr. 50 50 fr.
10 journées de semeurs à 1 fr. 50 15 fr.
Total 09 fr.
Il résulte de ces données que le prix de revient du kilomètre
courant de sillons se décompose ainsi :
1° Main-d'œuvre '. 4 fr. GO
2° Valeur des» 11'', 20 de sainfoin à. 0 fr. 40 = 4fr. 48 ) . _^
graines. ( 2^, 80 de fenasse à. 0 fr. 80 = 2 fr. 2i i *" '" '"
Total 1 1 fr. :!2
Doù Ton peut déduire les prix suivants à l'hectare, d'après
la dislance qui sépare les bandes entre elles, pour :
1".00 d'écart. 113 fr. 30 dont 46 fr. 00 de main-d'œuvre et 67 fr. 20 p. 140 k.OO de graines.
1 r,0 — 75 3.5 30 65 — 44 80 93 30 —
2 00 — 56 30 23 00 — 33 00 70 00 —
Ces trois écartements sont ceux adoptés le plus générale-
mont, car ils répondent à ceux qu'on emploie pour les lignes
de plantation, ainsi qu'on le verra plus loin.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 249
Dans les terrains les plus en pente, un écartenient de
1 mètre en projection horizontale entre les lignes remplit
complètement le but qu'on se propose. Chaque hgnc de four-
ragères ne tarde pas à former une sorte de petite haie herbacée
qui retient à son amont les parties les plus mobiles du sol. La
vitesse d'écoulement que peuvent prendre les eaux tombant à
la surface se trouve annulée par chacune de ces haies, par
suite de la division et de l'arrêt que chacune d'elles produit
sur l'écoulement superficiel, qui perd toute force d'entraîne-
ment ; « chaque bj'in d'herbe remplit une fonction à peine ap-
préciable, qui, multipliée, conduit à un résultat d'une (jrande
valeur^. »
Les semis d'enherbement dans les terrains à surface stable
peuvent être faits, soit en automne, soit au printemps, selon
les conditions locales spéciales aux terrains qui les réclament.
Les semis d'automne doivent être opérés de très bonne
heure, et, sur les grandes altitudes, il vaut mieux les entre-
prendre dès le 45 août, caries neiges arrivent souvent vers la
fin de septembre.
Les semis de printemps doivent être, eux aussi, exécutés au
début de la saison.
Mais, dans les terrains à surface instable, il est indispensa-
ble de réserver exclusivement tous les semis pour le milieu du
printemps, afin de laisser les graines en terre le moins long-
temps possible avant la germination; il est, en outre, essentiel
de n'opérer qu'au moment oii le sol encore frais et même
humide permet aux ouvriers, sur les pentes abruptes, une cir-
culation relativement facile, qui deviendrait impossible par la
sécheresse. Le sol d'ailleurs se travaille mieux et présente plus
d'assiette pour les graines.
Des Pépinières. — On désigne sous le nom de pépinières des
terrains spécialement choisis et préparés pour y élever, en
1. — Viollet-le-Duc, Le Massif du Mont-Blanc, p. 243. (Baudry, éditeur,
1876.)
250 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
sécurité et dans les conditions les plus favorables à leur re-
prise, les plants d'essences forestières nécessaires aux travaux
do plantations.
L'importance, la nature et la durée des soins à donner aux
jeunes plants sont susceptibles de variations, car elles dépen-
dent des exigences de l'essence et du mode de plantation <iui
sera employé.
Il y a telles essences qui, à la suite d'un simple semis et
sans aucuns soins culturaux ultérieurs, peuvent fournir, au
bout d'un an ou deux, des sujets présentant les conditions les
plus favorables au succès d'une bonne plantation. Il en est
d'autres, au contraire, dont les semis réclament des soins
tout spéciaux, qui entraînent à des travaux de culture parfois
importants.
D'autre part, une pépinière peut être destinée à fournir les
plants nécessaires, soit à un seul périmètre ou à une de ses
divisions, soit à un ensemble de périmètres situés dans une
région donnée.
Ces conditions multiples ont déterminé deux grandes caté-
gories dans les pépinières :
1° Les pépinières volantes ou locales, appelées, le plus sou-
vent, à ne produire qu'en une ou deux fois les plants néces-
saires à un terrain donné et n'exigeant d'ailleurs aucun des
soins culturaux obligés dans les pépinières centrales;
2° Les \)(i\nmbic?' peiTnanentes ou centrales, qui ont pour but
la production des plants, de tout âge et do tous genres, né-
cessaires aux travaux dans une région déterminée, et destinés
à ôtre expédiés par les moyens do transport on usage dans la
localité.
Avant d'entrer dans l'examen détaillé de ces deux catégo-
ries (le pépinières, il est indispensable d'oxposer quol([ues con-
sidérations préliminaires sur les conditions (|uo doivent |)ré-
senter les sujets demandés aux pépinières j);ir la plantation.
Certaines essences doivent ètn- l'objet do 7-ejtiquaf/es ou rigo-
lages. On désigne ainsi l'opération qui consiste à transplanter,
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 251
en lignes bien régulières et suivant un espacement voulu, les
jeunes sujets fournis i)rtr les semis, et qui a pour but, soit de
procurer ainsi à leurs racines un cbevelu plus abondant et dès
lors des chances de reprise plus complètes, soit en outre d'ob-
tenir, si les plants doivent être âgés, les conditions de végéta-
tion les mieux équilibrées.
Les essences non résineuses et à feuilles caduques sont
presque toutes repiquées en pépinière, sauf quelques rares
exceptions. Les essences résineuses, au contraire, peuvent
être employées sans cette précaution que l'épicéa seul exige
dans certains cas spéciaux.
De cette distinction il résulte déjà naturellement que les
essences feuillues forment le but principal de la culture dans
les pépinières permanentes, tandis que les essences rési-
neuses sont plus particulièrement confinées dans les pépi-
nières locales.
L'emplacement d'une pépinière pej^manente doit répondre
aux conditions suivantes :
1° Se trouver dans une position aussi centrale que possible
par rapport aux différents périmètres qu'elle devra approvi-
sionner en tout ou en partie ;
2" Présenter un accès facile aux moyens de transport des
plants ainsi que des engrais et des amendements à y employer;
3" Être à portée de la résidence ordinaire d'un agent fores-
tier qui, sans perte de temps, pourra constamment en surveil-
ler l'entretien ;
i° Posséder un sol d'une fertilité moyenne ou meilleure
encore, car elle doit produire des plants vigoureux et bien
équilibrés, très aptes à une reprise certaine et prompte ;
5° Ne pas occuper des fonds bas et humides où les gelées
sont le plus à redouter, mais au contraire des versants à pen-
tes très douces, exposés le plus possible à l'est ou au nord-est,
afin d'éviter une trop grande précocité dans la pousse du prin-
temps et un trop grand prolongement de la végétation à
l'automne ;
252 RE|BOISEMENT ET GAZONNEMENT.
G° Être susceptible d'irrigation à l'eau courante, surtout
dans les régions à climat sec, afin qu'il soit possible de parer
aux dangers que produisent souvent les sécheresses précoces
du printemps ou continues de l'été;
7° Présenter une surface aussi homogène et un périmètre
aussi régulier que possible, permettant une bonne division et
facilitant la clôture.
L'ensemble de ces conditions ne se rencontrant jamais dans
un périmètre de reboisement, on est toujours obligé de le re-
chercher dans des propriétés cultivées qu'on loue ou mieux
que l'on achète chaque fois que c'est possible.
L'emplacement une fois déterminé, le premier travail à faire
consiste à le partager en un certain nombre de grandes divi-
sions au moyen de chemins de 2™, 50 à 3 mètres de largeur,
permettant aux charrettes de circuler en tous sens.
Gela fait, on partage chacune des grandes divisions en car-
rés ou en rectangles d'une surface de 10 à 15 ares, séparés
entre eux par de petits chemins ayant 1 mètre de largeur,
pour les rendre accessibles à la circulation des brouettes.
Les carrés une fois tracés, on procède au nivellement des
chemins grands et petits et on le combine de façon à rendre,
d'une part, inolfonsif l'écoulement des grandes eaux pluviales
et à permettre, d'autre part, l'irrigation facile des carrés cir-
conscrits par ces chemins.
On entreprend alors le premier défoncement des carrés en
se guidant sur le nivellement opéré sur les chemins, et on
l'opère à la bêche, à la houe ou à la pioche, selon les cas, en
lui donnant une profondeur maxima de 40 centimètres, après
avoir eu soin d'étendre au préalable une bonne couche de fu-
mier sur la surface du sol à défoncer. L'époque la plus favora-
ble pour ce genre de travail, si les conditions climatériques ne
s'y opposent pas, est du 1" novembre au 15 mars. Les terrains
préparés pendant cette période subissent les influences du gel
et du dégel, et se trouveront, au moment où Ion voudra exé-
cuter les travaux, dans les meilleures conditions de mise en
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 2ï:i
culture. Un simple labour suivi d'un coup de râteau suffira
alors pour mettre le terrain à môme d'être livré aux semis ou
aux repiquages.
Le prix de revient de ce défoncement, en prenant l'are pour
unité, peut être indiqué ainsi pour un terrain moyen :
3 journées d'homme à 2 fr. 50 7 fr. 50
Fourniture et transport de O^^jSOO de fumier à
10 francs le mètre cube 5 fr. »
— — de journée d'homme pour le répandre à la
surface 0 fr. 50
Total par are pour le défoncement ... 13 fr. »
Le prix de revient du labour destiné à mettre le sol en état
sera le suivant :
1 journée d'homme à 2 fr. 50 2 fr. 50
Ratissage et nivellement définitif avant exécution,
2
-j-Q- de journée 0 fr. 50
Prix de revient pour l'are .... 3 fr. »
Le prix de chacun des labours ultérieurs qu'on aura à exé-
cuter sera nécessairement augmenté de la valeur des fumiers
ou des amendements qu'on y emploiera et qu'on peut estimer
à 5 francs, ce qui donnera 8 francs à l'are pour chaque labour
nouveau.
On construit, dès le début, plusieurs fosses à parois maçon-
nées qu'on destine à recevoir le fumier et le terreau nécessai-
res aux semis et plantations.
Ces fosses sont mises à l'abri de la pluie et construites de
manière que les eaux extérieures ne puissent s'y infiltrer; on
est toujours certain alors de trouver le terreau prêt à être
passé à la claie et facile à diviser, ce qui n'aurait pas lieu s'il
était trop humide. Pour accélérer la décomposition du fumier,
on l'arrose au besoin, et l'on peut ainsi doser la quantité d'eau
qu'il reçoit.
Pour confectionner le terreau, on alterne, dans les fosses, le
254 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
fumier avec du sablo, par couches de 15 centimètres d'épais-
seur pour le fumier et de 5 centimètres pour le sable. Le ter-
reau ainsi confectionné est bon à être employé au bout d'un
an de stratification.
En admettant que le fumier et le sable soient à une distance
moyenne de 2 kilomètres do la pépinière, un tombereau à un
collier pourra transporter, dans une journée, 3 mètres cubes
de fumier et 1 mètre cube de sable ; le prix de revient des
■4 mètres cubes de terreau confectionnés s'établira ainsi qu'il
suit :
Transport de 3 mètres cubes de fumier et de
1 mètre cube de sable ; 1 toml)ereau à uu collier. 6 fr. >■
Valeur du fumier, 3 mètres cubes à 8 francs l'un. 24 fr. «
Valeur du sable, 1 mètre cube à 1 franc .... 1 fr. »
2
Mise en fosse, 1 journée -j-j- d'homme à 2 fr. 50 .
la journée 3 fr. •<
DÉPENSE pour 4 mètres cultes de terreau. 34 fr.
D'où il résulte une valeur do 8 fr. 50 cent, par mètre cube
de terreau en fosse.
Si l'on y ajoute le prix de la main-d'œuvre nécessaire pour
passer à la claie 1 mètre ciibe de terreau au moment de l'em-
ploi, qui est de -^ de journée d'homme, soit 1 fr. 50. , on
obtient 1 0 francs pour la valeur du mèlre cube de terreau prêt à
être utilisé.
Pour tous les semis, quels qu'ils soient, à exécuter dans un
carré donné, on prépare b^ sol par planches parallèles ayant
une largeur maxima de l'°,'20 et séparées entre elles par des
petits sentiers de largeur variable, destinés à permettre aux
ouvriers d'opérer tous les sarclages utiles dans les planches,
sans y pénétrer et sans dès lors risquer d'abîmer les jeunes
plants.
Les résineux qu'on peut avoir à élever dans les pépinières
centrales n'y trouvent pas toujours les conditions de climat de
leur aire d'habitation, et les différences s'accentuent d'autant
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 255
plus ([ue les essences appartiennent à des altitudes plus éle-
vées.
On peut cependant être amené à produire des jeunes plants
de ces différentes essences dans les pépinières centrales, et il
faut alors avoir recours à certaines précautions qui, pour bon
nombre d'entre elles, facilitent singulièrement le succès. Lors
donc qu'on aura à redouter l'effet des vents ou du soleil, on
opérera comme il suit :
On divisera le carré par des lignes espacées entre elles de
l^.SO. Le long de chacune de ces lignes et à une distance de 40
â 50 centimètres on plantera, soit des boutures de peupliers,
soit des plants de feuillus de 1 mètre de hauteur environ, de
manière à former une série de rideaux destinés à abriter les
semis contre les dangers que l'on redoute. Ces plants, qui
pourront être renouvelés tous les trois ans, seront employés
ultérieurement comme hautes tiges, au besoin, dans certains
travaux.
De chaque côté des lignes d'abri ainsi formées, on réservera
un petit sentier de 30 centimètres de largeur, de sorte que la
planche à semer conservera une largeur de 1™,20.
Les graines seront alors semées par sillons, espacés entre
eux d'axe en axe de 12 centimètres, ce qui donnera 11 sillons
pour la planche entière.
Les lignes de feuillus ou de boutures destinés à servir d'abri
aux jeunes plants devront être plantées avant le commence-
ment de l'exécution des semis, afin que ceux-ci ne puissent
souffrir aucun dégât résultant de l'opération.
La saison la plus favorable pour l'exécution de ce genre de
semis varie du 15 mars à fin avril. On profitera, dès le beau
temps, du moment où la terre sera assez ressuyée à la surface,
tout en ayant encore une fraîcheur intérieure suffisante pour
une prompte germination. Les graines lèvent au bout de dix-
huit à vingt-quatre jours si la fraîcheur est bonne et la chaleur
suffisante.
Pour exécuter rapidement un semis de pin, par exemple,
25() REBOISEMENT ET OAZONNEMENT.
une fois le terrain cultivé et les planches préparées, la meil-
leure disposition est de composer le chantier par groupes de
quatre ouvriers. Le n"* 1 , muni d'un cordeau, le place à 30 centi-
mètres de distance de la ligne de feuillus ou de boutures plantés
à une dos extrémités d'un carré ; il trace ensuite au moyen
d'une binette un sillon de 1 à 2 centimètres au plus de profon-
deur, en suivant la ligne du cordeau. Dès qu'il a terminé, il le
place à 12 centimètres de distance de la ligne tracée, creuse un
deuxième sillon et ainsi de suite jusqu'à la fin de l'opération.
Pour que les intervalles des lignes soient uniformes aux doux
extrémités et afin que celles-ci soient toujours à angle droit
avec le carré, le préposé chargé des travaux remet au sillon-
neur deux baguettes droites ayant 30 centimètres de longueur
pour servir à donner la largeur des sentiers, et deux autres de
12 centimètres pour les intervalles des lignes. On on laisse une
à chaque extrémité et près du cordeau ; l'ouvrier est ainsi dis-
pensé de les transporter à chaque changement. Le n° 2 (ordi-
nairement une femme) suit le sillonneur, et, portant la graine
dans un sac-tablier, il la répand aussi uniformément que pos-
sible sur toute la longueur du sillon. Le n" 3 (aussi une femme),
muni d'un léger râteau, rabat, avec le dos de cet instrument,
les ados formés par le creusement du sillon et couvre très
légèrement les graines. Puis il étend sur la planche entière
une couche de terreau qui ne doit pas excéder 1 centimètre.
Le quatrième ouvrier apporte en brouette le terreau à pied
d'œuvre.
L'opération marche rapidement, car chaque ouvrier n'a à
s'occuper que du môme travail, sans jamais changer d'instru-
ment.
Le prix de revient du semis de résineux s'établit à l'are,
comme il suit :
Dans la journée, un homme peut sillonner 125 mètres carrés
de terrain préparé, que les deux femmes sèment et ratissent à
la suite.
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 237
D'où il résulte que pour semer 1 are, il faut :
de iournée de sillouneur à 2 fr. 50. . . . 2 fr. »
I 0 •'
de journée de léuime iiour réi):iudre la iri'ftiue,
à 1 fr. oO 1 fr. 20
de journée de femme pour couvrir les ligues
au râteau et au terreau 1 fr. 20
A quoi on doit ajouter—^ de journée d'homme
pour apporter eu brouette le terreau à pied d'œuvre 1 fr. »
La valeur du terreau :— -mètre cuVie à 10 francs, o fr. »
Total 10 fr. 40
Aussitôt que les jeunes semis sont entièrement levés, Ton
ajoute à la protection qui leur est fournie par les lignes de
feuillus existant à chaque extrémité de la planche, un nouvel
abri qui consiste à garnir les intervalles des lignes avec de la
mousse fraîche, si l'on peut s'en procurer à proximité.
Cette opération présente l'avantage : 1° de garantir le sol
contre le croùtement, et par suite de prévenir les fréquents
binages que les semis nécessiteraient pendant l'été ; 2" d'em-
pêcher, dans une large mesure, la pousse des mauvaises plan-
tes et d'économiser ainsi une partie des sarclages ; 3° de ga-
rantir les plants contre les fortes pluies et grêles d'orage, et
surtout contre la sécheresse, en conservant au terrain une
partie de sa fraîcheur, et de diminuer ainsi ou même suppri-
mer parfois les arrosages.
Le prix de revient à l'are est le suivant :
Achat de 100 kilogrammes de mousse, prixmoj'ea 2 fr. »
1 jouruee _j:_ (ig femme pour la placer dans les in-
tervalles des litrnes 1 fr. 80
Total pour 1 are 3 fr. 80
Les jeunes semis, une fois levés, doivent être protégés con-
tre les ravages des oiseaux, qui en sont très friands. Pour les
éloigner, on fait circuler tout autour du carré semé un jeune
17
2.-;8 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
ouvrior muni d'un fouet qu'il fait claquer fréquemment, ou
(lun pistolet qu'il tire à blanc de temps à autre. Cette pré-
caution est des plus utiles, car les épouvantails ne produisent
qu'un effet très court et peu efficace.
Pendant l'été et suivant les circonstances, les semis devront
être sarclés et irrigues.
L'opération du sarclage, si les semis ont été garnis de mousse,
sera facile et peu dispendieuse. Une femme, dans une journée
payée 1 fr. 50 , peut facilement nettoyer 4 are et demi de
terrain en moyenne. Ce travail, qui n'aura pas besoin d'être
répété plus d'une fois dans le courant de la saison, reviendra
donc à 2 francs par are.
L'irrigation des semis exécutés par planches est peu coû-
teuse. Un ouvrier creuse au bord et de chaque côté des lignes
de semis un sillon peu profond dans lequel il dirige une petite
quantité d'eau qu'il y laisse assez longtemps pour que la plan-
che entière soit imbibée d'eau entre deux terres, par suite de
la liltration, sans que l'eau puisse couler à la surface, ce qui
serait nuisible et parfois dangereux. Pendant les années ordi-
naires, deux arrosages, pratiqués à des époques bien choisies,
sont suffisants pour entretenir en bon état de fraîcheur un
carré de semis.
Le prix de revient de l'irrigation n'excède pas 1 franc par
are, attendu que l'ouvrier chargé de ce travail peut, une fois
que l'eau est dispersée dans i)lusiours planches, creuser les
sillons suivants au fur et à mesure, et se livrer même au sar-
clage des planches ou à d'autres travaux de cullure ou d'en-
tretien à proximité.
Les semis résineux peuvent parfois servir aux rcpiMijjlciucnls
dés leur première année. Ils ne doivent pas en général rester
plus de deux ans en pépinière, sans (pioi il y aurai! riscpie de
déchels nombreux.
Les jeunes résineux dnivenl élre plantés au printemps;
c'est donc à cette saison et au fur et à mesure des besoins
qu'a lieu l'arrachage, qui constitue une opération assez
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 259
délicate. Pour y procéder, un ouvrier muni d'une pioche ou
d'une houe entame hi planche à une de ses extrémités; la
jauge ouverte doit être assez profonde pour que les racines
soient arrachées en entier sans être brisées et que l'ouvrier
puisse détacher facilement les plants en mottes qu'il sépare
ensuite avec précaution. Les jeunes plants sont places au fur
et à mesure, avec le plus grand soin, dans des corbeilles pour
être expédiés au lieu de transplantation. Autant que possible
ils sont disposés par paquets ou touffes, et dans le même sens
pour que la terre restée adhérente aux racines leur conserve
une fraîcheur suffisante et assure leur reprise dans une cer-
taine mesure. On doit éviter, le plus possible, l'obligation de
mettre en jauge les jeunes résineux qu'il importe de planter
le plus tôt possible après leur arrachage.
Le prix de revient de l'arrachage peut être évalué approxi-
mativement comme ci-après, à l'are :
1 iournée— i-cl'ouvrier payé 2 fr. 50 3 fr. 50
1 journée de femme pour mise en corbeilles. . . 1 fr. 50
Total 5 fr. ..
D'après les données qui précèdent, la dépense totale par
are de résineux élevés en pépinière et prêts à être expédiés
sera la suivante, en ne tenant pas compte des frais de premier
établissement :
Culture préalal)le du sol, 1 are avec fumier. . . 8 fr. »
Exécution du semis 10 fr. 40
Fourniture et pose de la mousse 3 fr. 80
2 sarclages pendant l'été et entretien de la mousse. 2 fr. »
2 arrosages en moyenne 2 fr. »
Total 20 fr. 20
Un semis de résineux, d'une bonne réussite moyenne, peut
donner, selon les essences, de 200 à 500 plants au mètre
carré, soit de 50,000 à 50,000 à l'are, d'oii il résulte que le
2C0 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
mille de plants varie do 52 centimes à 1 fr. 30 cent., non com-
pris la valeur de la graine employée.
Les quantités des graines désailécs nécessaires à l'are sont
les suivantes pour chacune des essences ci-après :
Pin d'Alep 5 kilog.
Pin noir 4 —
Pin sylvestre 3 —
Pin à crochets .'} —
Epicéa 3 —
Mélèze 8 —
Pin cembro 2o —
Cèdre; 8 —
En général, les semis d'essences feuillues peuvent se passer
de l'abri fourni par les lignes de plants recommandées pour
les résineux. Leur végétation est en effet plus rapide et leur
tempérament plus robuste ; elles sont presque toujours placées
dans leur milieu ordinaire, et, si elles viennent à souffrir de
la sécheresse, une simple irrigation les remet rapidement en
bon état.
Los planches de semis, tout en conservant la largeur nor-
male de 1°',20, ne sont donc séparées que par la distance de
30 centimètres réservée aux petits sentiers. Elles peuvent sans
inconvénient être plus longues que celles destinées aux rési-
neux, qu'il importe de tenir courtes à cause des soins que ré-
clament les jeunes semis; on leur donne dès lors, le plus sou-
vent, la longueur du carré même qu'elles occupent, tandis
que celles dos résineux n'en dépassent guère la moitié.
Les planches, n'étant i)lns indiquées à l'avance par des
plantations en lignes, sont tracées "en inênic toiii])s (juc les
sillons.
On opère économiquement on procédanl coniinr il suit :
L'atelier se compose de quatre ouvriers : doux hommes
pour sillonner et deux femmes pour semer. On remet aux
deux hommes un cordeau, une binette et trois mesures, la
première pour la largeur de la planche, la deuxième pour celle
du sentier ot la troisième pour la distance dos lignes entre
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 261
elles; ccllo-ci doit ôtrc contenue danslalargonr do la i)lanche
autant do fois qno l'on vont y faire do lignes. Les ouvriers se
placent chacun à une dos extrémités de la face du carré à en-
tamer; ils tendent le cordeau au point de départ indiqué en
enfonçant en terre le piquet qui se trouve à chacun de ses
bouts ; ils marquent la largeur do la planche en étendant la
première mesure perpendiculairement au cordeau, puis sui-
vant le cordeau, avec leur binette, ils ouvrent le sillon, en al-
lant à reculons l'un contre l'autre jusqu'à ce qu'ils se rencon-
trent; s'ils travaillent tous les deux de la môme main, l'un des
deux commence au milieu de la longueur de la planche et mar-
che alors dans la même direction que l'autre. Au fur et à me-
sure que les ouvriers ouvrent le sillon, les femmes y sèment
la graine bien au miheu. Le premier sillon semé, les ouvriers
changent le cordeau et le placent à la distance donnée par la
troisième mesure; ensuite ils creusent le deuxième sillon, et
les femmes le sèment de la même manière que le premier. Les
ouvriers enterrent les graines du premier sillon en même
temps qu'ils creusent le deuxième; pour cela, ils n'ont qu'à
aplanir adroitement, avec un côté de leur binette tournée de
champ, le petit talus qui sépare les deux sillons, et ils conti-
nuent ainsi jusqu'à la fin du semis de la première planche;
celle-ci terminée, les hommes, avec la deuxième mesure, mar-
quent les 30 centimètres de chemin en partant du point indi-
qué pour la largeur de la première planche, et entament le
travail dans la deuxième planche, et ainsi de suite.
Les sillons doivent être creusés plus ou moins profonds,
selon le semis que l'on veut faire : pour les graines légères,
telles que celles d'orme, de bouleau, il suffit de 1 centimètre;
les graines assez lourdes, mais petites, telles que celles de
robinier et de cytise, demandent de 2 à 2 centimètres et demi;
les graines lourdes et charnues, qui se sèment en automne,
doivent être enterrées à 3 ou 4 centimètres de profondeur.
Les sarclages consistent dans l'enlèvement, à la main ou
avec un petit sarcloir, des mauvaises herbes qui viennent à
262 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
pousser au milieu du semis et pourraient en compromettre la
bonne végétation, si on leur laissait prendre un libre dévelop-
pement. Ces sarclages doivent s'opérer avant que les herbes
aient fructifié, et autant que possible au lendemain d'une
pluie, pour plus de facilité et do sûreté dans l'exécution. En
effet, si le terrain est sec, on perd tout le bénéfice de l'arra-
chage à la main; l'herbe se casse et sa racine demeurée en
terre ne tarde pas à donner de nouvelles pousses.
Ces travaux de sarclages sont exécutés par des femmes et
coûtent en moyenne 1 franc par are.
Le binage est une légère façon donnée à la surface du sol
au moyen de la binette, pour lui rendre rameublissement
quil avait perdu par le tassement ou le croûtement. 11 est
exécuté généralement par des hommes, à la suite des irriga-
tions opérées dans les carrés ou de grandes pluies d'orage.
Un ouvrier peut biner 2 ares par jour, ce qui donne une dé-
pense de 1 fr. 25 à l'are.
Les irrigations s'exécutent au moyen des petits sentiers qui
séparent les planches entre elles. On ouvre sur chacun d'eux
une petite rigole aboutissant à une rigole principale établie
sur le chemin qui borde le carré; l'on fait passer et l'on main-
tient dans chaque rigole un léger filet d'eau, pendant le
nombre d'heures suffisant pour que le sous-sol soit largement
imbibé et que l'humidité remonte à la surface sans que l'eau
l'ait parcourue. En arrosant ainsi entre deux terres, la surface
du sol ne se serre pas, le croûtement est moins dangereux et
les racines sont rafraîchies au point essentiel. L'emploi de ces
irrigations exerce sur les jeunes plants une salutaire influence,
en ce qu'il prévient la formation de longs pivots; les racines,
en effet, trouvant près de la surface du sol la fraîcheur suffi-
sante, n'ont aucun besoin de s'allonger démesuri-ment.
Autant les irrigations sont avantageuses, et l'on peut dire
même indispensables, dans les climats secs du Midi, autant
les simples arrosages sont dangereux. Ils ne procurent pas
une fraîcheur suffisante, lassent la terre, provoquent son
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 263
croùtemont et sont on outre onéreux. Aussi ne sont-ils em-
ployés que dans des cas tout à fait spéciaux et exceptionnels.
Cela posé, nous allons passer en revue les semis des diflé-
rentes essences feuillues qu'on peut avoir à élever en pépi-
nière; nous indiquerons pour chacune d'elles les prix de
revient du mille de plants en powrette, c'est-à-dire de plants
d'un an bons à repiquer.
Pour opérer un semis de glands, on espace les sillons de
20 centimètres entre eux, ce qui en donne sept par planche.
On les creuse à i centimètres environ de profondeur, et l'on
sème les glands au fond, de manière qu'ils se touchent. On
arrive de cette façon à employer en moyenne 1 hectolitre et
demi de glands par are.
Le devis de la dépense du semis et de son entretien pendant
l'année s'établit ainsi, à l'are :
Labour et fumure du terraiu 8 fr. »
1 journée de sillouneur à 2 fr. 50 2 fr. .jO
1 journée de semeur à 1 fr. îiO 1 fr. 50
1 hectolitre et demi de glands à 8 francs l'un . . 12 fr. »
1 sarclage 1 fi'- »
2 binages à 1 fr. 25 l'un 2 fr. 50
Irrigation G fr. 50
ToT.vi 28 fr. "
Dans un semis ainsi opéré et convenablement réussi, on
peut compter trouver de 10,000 à 12,000 jeunes plants d'un
an, qui réclameront pour leur arrachage 2 journées d'homme,
soit une dépense de 5 francs, de sorte qu'en définitive les
plants de chêne d'un an, prêts à être employés en repiquage,
reviendraient à 3 fr. 30 cent, par mille au maximum.
Pour éviter les frais de repiquage, on se sert d'un outil, dit
bêche coupe-pivot, dont le fer, assez long et plat, au lieu d'être
carré au bout, se termine en un biseau bien tranchant. On
enfonce cette bêche obliquement et l'on coui)e en terre à
15 centimètres environ de la surface du sol le pivot des jeunes
chênes, sans les ébranler ni les déranger du milieu dans le-
264 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
quel ils végôtcnt. Los racines émoltont alors un chevelu abon-
dant qui procure aux plants dos conditions de reprise facile,
dès la seconde annéo (pii suit cette opération.
Pour arriver au prix de revient définitif de 10,000 jeunes
plants de chônc de trois ans bons à être plantés, il faut ajou-
ter aux 28 francs trouvés ci-dessus :
Ci . 28 fr. 00
1" Les frais d'emploi de la bêche coupe-pivot,
. — de journée 2 fr. »
2» Les sarclages et les binages pendant deux an-
nées nouvelles 5 fr. ^<
30 L'arrosage ])en(laut la seconde année 1 fr. »
Ce qui donne une dépense totale de . . . '56 fr. »
soit un prix de revient de 3 fr. HO par mille de plants de trois
ans prêts à être arrachés.
Les saniares de l'orme, mûres en mai, doivent être semées
aussitôt qu'elles sont récoltées, car elles sont d'une conserva-
lion des plus difficiles.
Le meilleur mode de semis consiste à les répandre sur le
sol de la planche de façon à le cacher entièrement aux yeux.
Cela fait, on recouvre les firaines avec une couche do 1 à 2 cen-
timètres de terreau bien fin et passé à la claio. Afin do liAtor
et d'assurer même la j,'ormination, on arrose à l'arrosoir à
pommo, matin ot soir, (iliaque planche semée; dans un dé-
lai de douze à (piinze jours, le semis est levé totalement,
après quoi il faut encore l'arroser, mais plus rarement, jus-
qu'à ce que la taille des jeunes plants perniefle rirrijra-
tion.
Les graines, au moment des semis, sont encore un peu
fraîches, et c'est à peine si leur samare est desséclK'o. Aussi
doit-on employer pour un semis de ce fronre 16 kilojïrammos
de graines à l'are, qui pnxluiroiit uii ininiinuin de 20,000 jeu-
nes plants pour une dépense cpù se chidVi' ainsi :
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 263
Culture et fumure du sol 8 fr. 00
Exécution du semis, 2 journées de femme à 1 fr. 50 . 3 fr. »
^■aleur des 10 kilogrammes de graines à 25 cen-
times l'un i fi'. "
Valeur du terreau employé, 0'«'^,800 à 10 francs. 8 fr. »
Transport de terreau à la hrotiette i fr. »
Arrosage à l'arrosoir, à 50 centimes par jour, pen-
dant vingt jours 10 fr. »
1 sarclage pendant l'été 1 fr. »
2 binages 2 fr. 50
Irrigation 1 fr. 50
DÉPENSE TOTALE 39 fr.
Dûù résulte un prix de revient de 1 fr. 95 par mille
de plants en poio-yette, c'est-à-dire d'un an, bons à être repi-
qués.
Les semis des autres essences feuillues n'offrant aucune
particularité remarquable et présentant entre eux une grande
analogie en ce qui concerne leur exécution, nous réunissons
dans le tableau suivant (page 266) toutes les données utiles à
leur exécution et i\ l'estimation du prix de revient du mille
de plants en pow'7'ette, prêts à être repiqués ou plantés.
Il y a donc lieu, pour obtenir ces prix, d'ajouter aux frais
de l'exécution et de l'entretien des semis pendant la première
année la dépense occasionnée par l'arrachage, le comptage et
l'habillage des plants. L'arrachage s'opère à la bêche, à la
houe ou à la pioche; l'ouvrier entame chaque planche de
semis en ouvrant une jauge de 30 à 40 centimètres perpendi-
culaire à sa longueur, et en la propageant parallèlement à
elle-même jusqu'à son autre extrémité. Au fur et à mesure
que les mottes de plants tombent dans la jauge, il les sépare,
en retire tous les sujets, en ayant soin de les prendre par la
tête, et il les pose derrière lui sur le terrain nouvellement
remué. Une femme les recueille, les habille, c'est-à-dire pare
leurs racines, en coupant les pivots à une égale longueur de
15 à 20 centimètres au maximum et rafraîchissant, par une
section nette, toutes les petites racines qui auraient pu être
266
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
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EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 267
déchirées. Elle compte en môme temps les plants et les met
en jauge provisoire, si besoin est, en les séparant par groupes
de centaines ou de milliers.
Ce petit chantier, en opérant ainsi, peut arracher et prépa-
rer en une journée les plants contenus dans ^ d'are; la jour-
née (lu chantier coûtant 4 francs, il en résulte pour l'are une
dépense de 5 francs, qui augmentera le prix de revient des
plants en proportion de leur nombre à l'are.
Ainsi que nous en développerons les motifs à l'article Plan-
tation, nous ne sommes pas d'avis qu'il y ait avantage, en gé-
néral, à employer dans le reboisement des montagnes des
plants résineux ayant subi un repiquage préalable en pépi-
nière. Il n'y a guère que l'épicéa qui puisse, dans certains cas
spéciaux, faire exception à cotte règle générale, dont l'appli-
cation, faite dans les Alpes sur une large échelle et pendant
une période suffisamment longue, a produit les résultats les
plus concluants et les plus économiques.
En ce qui concerne les feuillus, les conditions ne sont plus
les mêmes ; la destination et le mode de plantation réservés à
nombre d'entre eux exigent l'emploi de plants d'une certaine
taille et d'une reprise rapide facilitée par la production des
racines abondantes, conditions que le repiquage leur procure
en peu de temps.
Les plants repiqués peuvent être employés après une ou
plusieurs années de transplantation, selon la taille des plants
qu'on veut obtenir et le but de leur emploi.
Au bout d'un an de repiquage, on a généralement des
basses tiges; après deux ans, on obtient des tiges moyennes,
et à trois ans et plus, on n'a plus que des grandes tiges.
Si l'on veut s'en tenir aux basses tiges, l'écartement entre
chaque ligne pourra varier, selon les essences, de 25 à 30 cent.,
et l'espacement des plants dans les lignes, de 10 à 20 cent.
Pour les moyennes tiges, on devra augmenter légèrement ces
dimensions et donner 30 à 40 cent, à l'écartement des lignes
et 20 à 25 cent, à l'espacement des plants dans les lignes.
268 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Enfin, pour les hantos tigos, il conviendra de donner aux
lignes au moins 50 centimètres d'écartement et aux plants
un espacement minimum de iO centimètres.
Une fois fixé sur l'espacement et l'écartement qu'on veut don-
ner aux plants, le terrain étant bien préparé à l'avance, on pro-
cède (le la manière suivante pour exécuter les repiquages :
Le chantier se compose, comme pour le semis des feuillus,
de deux hommes pour ouvrir les lignes, mais avec une houe
très étroite au lieu d'une binette, et de deux femmes pour
mettre en place les jeunes plants.
Les deux hommes placent leur cordeau sur la première
ligne et entreprennent l'ouverture de la première rigole en
étendant le déblai en dehors du carré; ils placent ensuite le
cordeau sur la deuxième ligne d'après la mesure qui leur a
été donnée pour l'écartement. Les femmes commencent alors
à poser les plants dans la })remière rigole, en les appuyant
contre la paroi opposée et les espaçant d'après la mesure qui
leur a été donnée et qu'elles portent à la main. Les piochours
entament en môme temps la_deuxième rigole et en versent le
déblai, de haut en bas, dans la première qui se trouve dès
lors remplie et plantée à mesure que s'ouvre la deuxième ;
l'opération se continue ainsi sur tout le carré. Les femmes,
terminant toujours la pose des plants dans chaque rigole avant
que les hommes aient fini de la remblayer, emploient les
intervalles de temps qui leur restent ainsi ;\ redresser les
plants que le remplissage de la rigole aurait pu déranger et à
les receper au sécateur, si cela est jugé opportun.
Le chantier ainsi composé peut préparer et repiquer
1,000 mètres de rigoles par jour, pour une dépense de 8 francs.
Cette donnée étant acquise, le tableau suivant indique :
1° le nombre des plants (jue l'on aura par are, suivant les dif-
férents écartements des lignes entre elles et l'espacement
donné aux plants dans chacune d'elles; 2" la dépense du
repiquage au mille de plants.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT.
269
ECARTEMENT
des
LIGNKS.
ESPACEMENT
des
NOMBRE
DE PLANTS
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LONGUEUR
CUMULÉE
des rigoles
à l'are.
PRIX
DU RIGOLAGK
il l'are,
à raison de 8fr.
le kilomètre
de rigole.
PRIX
DK RKVIKNT
du rigolage
au
mille de plants.
Y.
O
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W
M
O
mètres.
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mètres.
0,05
0,10
13,320
6.660
mètres.
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666
fr. c.
5,23
5,23
fr. C.
0,39
0,78
Pour un niOme
écartement entre
les lignes, le prix
de revient du mille
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0,05
4,435
10,000
666
300
5,23
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1,18
0,40
de plants aug-
mente nécessaire-
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1 0,20
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3,330
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500
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4,00
0,80
1,20
espacement; c'est
ce que fait ressor-
tir le tableau pour
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2,500
4,000
500
400
4,00
3,20
1,60
0,80
chaque (écarte-
ment possible.
1 0,15
2,640
400
3,20
1 22
0.2.^)
j 0,20
2,000
400
3,20
1,60
1 0,25
1,600
400
3,20
2,00
/ 0,15
2,217
333
2,66
1,20
0,30
0,20
] 0,25
1,665
1,332
333
333
2,66
2,66
1,60
2,00
( 0,30
1,108
333
2,56
2,39
0,15
1,865
283
2,28
1,23
\ 0,20
1,600
285
2,28
1,42
0,35
, 0,25
1,120
285
2,28
2,03
j 0,30
932
285
2,28
2,45
f 0,35
784
285
2,28
2,92
/ 0,20
1,230
250
2,00
1,60
i 0,25
1,000
250
2,00
2,00
0,40
/ 0,30
833
250
2,00
2, 42
/ 0,35
700
230
2,00
2,85
' 0,40
625
250
2,00
3,23
( 0,23
888
222
1,78
2,02
i 0,30
739
222
1,78
2,22
0,45
} 0,33
622
222
1,78
2,87
i 0,40
555
222
1,78
2,23
( 0,43
493
222
1,78
3,63
f 0,30
660
200
1,60
2 42
i 0,35
360
200
1,60
2,85
0,50
} 0,40
500
200
1,60
3,20
i 0,45
444
200
1,60
3,63
[ 0,30
400
200
1,60
4,00
1 0,40
415
166
1,33
3.24
0,60
] 0,30
) 0,60
1
332
166
1,33
4,03
276
166
1,33
4,92
270
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Les saulos et les peupliers se propagent le plus ordinaire-
ment par boutures, que Ton se procure généralement sur
place, en ce qui concerne quelques espèces indigènes. Mais
on peut être amené à employer des espèces soit indigènes
étrangères à la localité, soit des espèces exotiques, telles que
les peupliers du Canada, de la Caroline, de Simon, etc., qui
donnent des sujets remarquables par la vigueur de leur végé-
tation et la bonté de leurs produits. Le meilleur moyen de les
propager consiste à élever en pépinière un nombre convena-
ble de sujets, qu'on exploite périodiquement, et qui, à la con-
dition d'être bien cultivés, peuvent durer pendant de longues
années.
Le terrain ayant subi la môme culture
préalable que celui destiné aux semis ou
aux repiquages, on arrête l'écartement à
donner aux lignes et l'espacement des su-
jets dans chacune d'elles; le meilleur, à
notre avis, 'est 50 centimètres dans les deux
sens, car il donne aux racines et aux bran-
ches une place suffisante pour bien fonc-
tionner. Après quoi l'on procède ;i la plan-
tation de la manière suivante :
Le chantier comprend trois ouvriers, dont
un homme et deux femmes. L'homme place un cordeau sui-
vant la première Hgne à bouturer. Il fait avec un plantoir en
fer {fig. 66), en suivant la ligne du cordeau et à chaque dis-
tance de 50 centimètres, des trous de 40 centimètres de pro-
fondeur, destinés i\ recevoir les boutures. Pour assurer rotle
condition, le plantoir est muni d'un anneau en fer qui marque
exactement la longueur de 40 centimètres, de sorte que l'ou-
vrier est prévenu immédiatement du moment où son trou
atteint la profondeur voulue et uniforme de 40 centimètres.
La première femme coupe les boutures à une longueur de
45 centimètres, en ayant soin que la section soit faite en
biseau à chaque extrémité, et les apporte à la deuxième
Fi
66. — Plantoir
en fer.
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 271
femme qui les place dans les trous faits au plantoir par l'ou-
vrier. Celui-ci, dès qu'une ligne est terminée, change le cor-
deau ;\ oO centimètres de distance, recommence la même
opération, et ainsi de suite jusqu'à la fin du carre. Pour que
le bouturage soit fait dans do bonnes conditions, il est indis-
pensable que la femme qui enfonce les boutures })resse for-
tement la terre près d'elles avec un piquet en bois. Les
boutures, étant coupées à la longueur de 45 centimètres,
n'émergent au-dessus du sol que de 5 centimètres, longueur
bien suffisante.
La saison la plus favorable pour le bouturage en pépinière
est le printemps, bien que certaines espèces réussissent très
bien à l'automne.
Les sujets ainsi obtenus donnent environ quatre boutures
par pied dès la première année; à la deuxième année, ils en
produisent huit en moyenne; à la troisième, ils sont en plein
rapport et peuvent en fournir, suivant les essences, quinze et
lAême vingt par pied, ce qui fait que 1 are de terrain com-
ptante en boutures espacées à 50 centimètres (soit 400 pieds)
donnera., la première année, en admettant que la réussite
soit complète, 1,600 boutures, 3,200 la deuxième année et
8,000 à la troisième.
Les boutures qui viendraient à manquer seront remplacées
au plus tôt jusqu'à ce que le garnissage soit complet.
La première année de la plantation, et pour faciliter la
reprise, les carrés de boutures devront être sarclés, binés et
irrigués toutes les fois qu'il sera nécessaire. Les années sui-
vantes, on se contentera d'un fort binage en mars, avant la
pousse avec fumure superficielle, et des arrosages en été,
quand besoin sera.
La taille des pieds peut avoir lieu à l'automne et au prin-
temps, et se pratique au fur et à mesure des besoins.
Pour les boutures minces, l'ouvrier se sert d'une serpette
bien tranchante, tient son pied gauche contre le pied à rece-
per et coupe les branches rez tronc. La section doit être aussi
212 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
netto que possible, et, pour y parvenir facilement, l'ouvrier,
en la taillant, n'aura qu'à tenir la branche avec la main gau-
che et à l'incliner du côté opposé à la section.
Pour les pousses trop fortes, qui ne peuvent être aisément
coupées avec une serpette, on se sert d'une grande serpe, en
procédant comme il est dit ci-dessus.
Quand on doit expédier des boutures à repiquer, on coupe
les branches sur pied, au fur et à mesure; on les tron-
çonne à la longueur voulue, et, tout en les comptant, on les
met en corbeilles pour la plus grande facilité des trans-
ports.
Les divers travaux ci-dessus, concernant la plantation,
la taille et le tronçonnage des boutures, donnent lieu
;\ autant de prix de revient que nous établissons ci -
après :
1° Plantation ou repiquage, en boutures, de 1 are :
— journée d'homme pour faire les trous 1 fr. 25
-î- journée de femme pour recepage et préparation 0 fr. 15
— joui'uée de femme pour mettre les boutures . . 0 fr. 75
Total pour 1 are 2 fr. 75
2° Prix de revient du recepage du mille de boutures à expé-
dier au dehors et coupées de longueur :
— ^ de journée d'homme pour receper sur pied, à
2 fr. 50 0 fr. 50
de journée de femme pour les tronçonner et
les compter 0 fr. 00
ToT.vL pour le mille 1 IV. 10
Maintenant voyons quel sera le total dos dépenses de I arc
de boutures, pondant les truis pi-omiôros iinnéos fjus(iii"(Mi
plein rapport) :
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 273
1" année : Culture du sol et fumure pour un an. 8 fr. »
Plantation de 400 boutures 2 fr. 75
2 sarclages : 1 journée de femme à 1 fr. 50 . . . 1 fr. 50
2 irrigations 1 fr. »
Coupe et préparation de 1,600 boutures ai fr. 40.
le mille 2 fr. 25
15 fr. 50
Total de la première année . . . 15 fr. 50
2c a>inée : Un léger labour en mars, 1 journée
d'homme 2 fr. 50
0">»,500 de fumier à 10 fr 5 fr. »
2 irrigations pendant l'été 1 fr. »
Recepage de 3,200 boutures à 1 fr. 40 le mille . 4 fr. 50
Total de la deuxième année . . 13 fr. »
13 fr.
3° année : Labour en mars 2 fr. 50
0""=, 500 de fumier 5 fr. »
2 arrosages 1 fr. »
Recepage de 8,000 boutures à 1 fr. 40 le mille. 11 fr. 20
Total de la troisième année. . . 19 fr. 70
19 fr. 70
Total des dépenses des trois années. . . 48 fr. 20
Pendant lesquelles le carré aura produit 1,600 + 3,200
-1- 8,000 boutures = 12,800. Le prix du mille sera donc
48 fr 20
^ ^^- = 3 fr. 76.
12,800
A partir de la quatrième année, et abstraction faite des
deux premières années, le prix de revient du mille de bou-
tures d'un an sera constant et ne dépassera pas un maximu m
^ 19fr. 70 ^„ ,.
de 3 = 2 fr. 46.
o
Si l'on désire avoir des boutures de deux ans, ou même des
plançons de haute tige, on n'aura qu'à suspendre le recepage
pendant deux ou plusieurs années, suivant les cas, et l'on
obtiendra des pousses qui donneront en outre, par leurs
branches latérales, un certain nombre de boutures plus jeunes.
Au moyen des données contenues dans les deux tableaux
qui précèdent, il sera facile de calculer, pour chaque essence
18
Rp]BOISEMENT ET GAZONNEMENT.
différento, le prix do revient du mille de plants à deux, trois
ou ([ualre ans; on n'aura qu'il ajouter aux chiffres ainsi four-
nis la valeur des entretiens annuels, qui consisteront unique-
ment en irrigations et en binages dont l'importance est sus-
ceptible de varier avec les essences et les espacements.
L'expédition des plants s'opère avantageusement pour les
résineux, ainsi que pour les plants en pourrette et les bou-
tures, dans des corbeilles de 50 centimètres sur 80 centimè-
tres de fond et de 50 à 60 centimètres de hauteur; elles doi-
vent être faites à angles bien droits, de manière à pouvoir
s'empiler facilement et sans vides sur les charrettes, et être
chargées, au nombre de trois, à dos de mulet là où ne peu-
vent circuler les voitures.
Les racines des jeunes plants sont placées, autant que pos-
sible, dans la partie centrale des corbeilles; on n'a pas à crain-
dre leur échauffement , vu les nombreux vides existant dans
le tressage des osiers qui les composent. Les corbeilles ne se
laissent pas écraser, surtout si leur fond est muni extérieure-
ment de deux barres en bois de 4 centimètres de côté; enfin
un couvercle est inutile et on le remplace par une couche de
paille maintenue par quelques harts en osier, qu'on a toujours
sous la main , dans une pépinière bien ordonnée, en prenant
la précaution de créer ad hoc une petite oseraie dans un coin
convenablement choisi.
Ainsi emballés, les plants feuillus peuvent supporter cinq à
six jours de voyage sans le moindre danger. Mais, en ce qui
concerne les résineux, il importe de leur faire diminuer, au-
tant (jue possible, le temps cjui sépare leur plantation de leur
arrachage, car leurs racines déhcales sont très sensibles aux
influences climatériques et perdent facilement les chances
d'une reprise assurée.
Les plants de moyenne et de haute tige sont emballes par
paquets en renfermant un nombre régulier et ficelés avec des
harts; on les charge avec soin sur des charrettes munies, de
chaque côté, de planches relevées pour former une sorte de
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 275
caisse ; on les recouvre avec de la paille ou des herbes sèches,
ol par-dessus on étend une bâche, de manière à empocher le
hàle de les atteindre. C'est, en eflet, le plus grand danger qu'on
puisse redouter dans les transports de plants, et Ton ne peut
prendre trop de i)rccautions jjour le conjurer.
Quand les plants qu'on expédie doivent être recepés ulté-
rieurement dans les périmètres, on se contente de les couper
provisoirement à 10 centimètres au moins au-dessus du collet
de la racine, pour diminuer le volume et le poids des trans-
ports, mais ils ne doivent pas subir le recepage définitif en pé-
pinière; on évite ainsi les chances de dessiccation, et l'on per-
met aux ouvriers de la plantation de préparer les plants selon
le mode qui leur est réservé et d'après les besoins des chantiers.
Les caractères essentiels qui distinguent les pépinières dites
volantes sont les suivants :
1° Presque toujours elles ne doivent servir qu'une seule
fois. La plupart des périmètres n'en peuvent admettre d'au-
tres, par suite de leur situation, de leur altitude et de leur
orographie, toutes conditions ne permettant pas l'emploi éco-
nomique de la fumure indispensable aux pépinières perma-
nentes ;
2° Elles ne réclament aucun des entretiens et des soins
continus qu'exigent ces dernières ;
3° Elles ne s'appliquent le plus souvent qu'aux résineux,
bien que cependant on les utilise parfois pour le robinier,
l'aubépine et quelques essences auxiliaires.
Les pépinières volantes consistent exclusivement dans cer-
taines places, plus ou moins étendues, choisies dans les péri-
mètres parmi les terrains qui peuvent présenter des condi-
tions favorables ; on leur fait subir un défoncement préalable
analogue à celui des pépinières permanentes, on y exécute les
semis de résineux en mélange avec des graines fourragères
dans certains cas, et au bout d'un, deux, trois ou quatre ans,
selon les essences et le climat, on vient en extraire les plants
pour les employer dans les environs immédiats.
276 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Il n'y a guère que les soinis aux grandes altiludos qui récla-
ment quelques modifications à ce système, ainsi que nous
l'indiquerons plus loin.
Pour le moment donc, nous nous en tenons à la généralité
des résineux.
L'expérience a démontré qu'en ce qui concerne l'étendue de
ces sortes de pépinières, il fallait en moyenne, comme dans les
pépinières permanentes, un are de semis pour fournir un hec-
tare de plantation. Adoptant cette base examinons en quoi
consisteront les avantages des pépinières volantes ; mais, pour
cela, il ne suffit pas de nous en tenir aux semis de la première
année, il convient, au contraire, d'embrasser en môme temps
le champ des opérations ultérieures; afin de bien fixer les
idées, prenons un exemple :
Admettons qu'on ait 100 hectares à reboiser en pin noir, et
qu'on se fixe un délai de six ans pour parachever le peuple-
ment de cette surface.
La pj'emih'e année, on ouvrira des bandes ou des trous larges
et profonds, donnant ensemble une surface totale de 1 hectare.
On les disséminera, autant que possible, sur toute la super-
ficie, en donnant à leur défoncement les soins culturaux des-
tinés à procurer au sol les meilleures qualités; on aura donc
cultivé 1 hectare seulement de terrain sur 100.
La seconde année, au printemps, en avril ou en mai, on exé-
cutera le semis en plein sur les trous préparés, à raison
de \ kilogrammes par are, ce qui entraînera l'emploi
de 400 kilogrammes de graines de pin. Les graines une fois
enterrées, on répandra ;\ la surface de chacpie trou un<^ faible
(juantité de graines df sainfoin destiné à fournir l'abri.
A l'automne, on constatera les déchets du semis et on ouvrira
une série de nouveaux trous dont la surface dépasse celle du dé-
chet ainsi constaté, de manière à constituer une petite réserve.
La troisiè7ne année, on resèmera les trous qui auraient man-
qué totalement, ainsi que ceux préparés par suite du déchet
et pour la réserve dans l'année |)récédente.
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 277
La quatrième année, si les conditions climatériques le per-
mettent, les plants seront assez forts pour être employés, et
l'on ontroprondra sur toute retendue dos 100 hectares la plan-
tation par touffes ' do deux ou trois plants; on exécutera cette
plantation sans préparation préalable du sol, on faisant ouvrir
au moment mémo les trous, qui seront profonds, sans présen-
ter une grande ouverture.
Pendant les cinquième et sixième années, on remplira les vides
constatés dans la plantation au moyen des plants fournis par
la réserve qu'on s'est constituée parles semis supplémentaires
de la troisième année, et l'on pourra être certain que l'opéra-
tion est terminée.
Tel est, en pou de mots, le système qu'après bien des essais
et une expérience du reboisement qui compte près de vingt-
cinq années , nous n'hésitons pas à déclarer préférable à tous
autres, sauf dans les versants très secs et très chauds qu'on
peut rencontrer exceptionnellement à de basses altitudes, et
sur lesquels le travail s'augmente de la nécessité de préparer
plus profondément le sol.
Les avantages de ce système sont :
1° La possibilité d'élever, pour ainsi dire, sur place et dans
les conditions climatériques où ils devront végéter, les sujets
destinés à être plantés; cette considération très importante
explique à elle seule pour quel motif l'on ne sème de résineux
que dans certaines pépinières centrales, très rares et tout à
fait spéciales ;
2° De plus grandes présomptions dans le succès du semis.
On subit bien des échecs, il est vrai, mais beaucoup moins que
dans les pépinières permanentes;
3° Une certitude presque absolue dans la reprise dos plants
qui, à peine arrachés, sont replantés, sans transports lointains
et sans danger du hâle ou de la détérioration de leurs racines
à la suite d'emballages et de déballages. En outre, les plants
1. — Voir ci-après, l'exécution de la plantation.
278 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
ne risquont pas d'être en végétation avancée au moment de
leur emploi, danger que procurent fatalement les pépinières
centrales dans bien des cas;
4° La possibilité de conserver plus longtemps que dans
celles-là des plants bons à planter; le sol y est moins fertile
en effet, et les pousses moins rapides. C'est ainsi que, dans les
pépinières permanentes, on ne peut garder les pins et les mé-
lèzes plus de deux ans, sans risquer d'avoir des plants beau-
coup trop grands ;
5° Une économie très importante dans la dépense.
En effet, le défoncement du sol ne s'opère, au grand maxi-
mum, que sur 1 hectare et quelques ares pour 100 hectares, en
y comprenant la réserve destinée à combler les déchets.
L'exécution du semis faite au râteau dans les bandes n'en-
traîne que des frais minimes.
Les frais de transport sont presque nuls, et l'on ne subit au-
cune perte de plants.
La certitude de la réussite de la plantation étant plus assu-
rée réalise de son côté une économie dans les regarnissages.
Les plants ne sont mis en terre que dans les moments les
plus opportuns, car au moindre grand vent, à la moindre
pluie, on peut arrêter le travail, sans compromettre les bonnes
conditions des sujets que l'on n'arracho ffu'au fur ot ;\ mesure
de leur emjjloi immédiat.
On peut trouver prescfuc partout des emplacements favora-
bles pour des trous ou bandes pépinières, tandis ([u'il est loin
d'en être de même pour les pépinières permanentes.
La dépense principale qu'entraîne l'établissement des pépi-
nières volantes consiste dans la préparation du sol.
Il faut, en effet, non seulement le défoncer comme dans les
pépinières permanentes, mais en outre consolider les talus de
remblai de chaque bande pour en empêcher l'érosion par les
eaux, car presque toujours c(^s bandes, plus ou moins dissémi-
nées dans le périmètre, sont situées au flanc d(^s montagnes,
sur les rares pentes relativement douces rpTon dt''core par eu-
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 279
phémismc du nom de plateaux, mais qui n'en possèdent que le
nom.
Malgré la faible largeur qu'on leur donne (1 mètre il l'",50
au plus) , leur culture en plan horizontal amène fatalement à
l'aval un talus qu'il faut fixer, soit avec des gazons que l'on
bat à sa surface, si Ton a la chance d'en rencontrer, soit h dé-
faut, avec un petit mur en pierres sèches ou un petit clayon-
nage. Aussi doit-on compter, en moyenne, sur une dépense de
10 francs de main-d'œuvre par are, pour mettre le sol prêt à
recevoir et à conserver le semis.
Gela posé , le devis de la dépense de 1 are de pépinière vo-
lante s'établit ainsi qu'il suit :
Préparation du sol 10 l'r. »
Exécution de semis de graines résineuses en nom-
bre de kilogrammes variant suivant l'essence, et
de 1 kilogramme de graines fourragères : 1 jour-
née et demie d'homme à 2 fr. 30 3 IV. 75
Transport de la graine à pied d'œuvre 0 fr. 2o
Total 1 4 fr. »
Les quantités de graines semées dans ces bandes étant iden-
tiques à celles indiquées pour les pépinières permanentes, oit
l'are de semis revient à 28 francs, il en résulte que le mille de
plants fournis , sur place et dans des conditions bien préféra-
bles d'ailleurs, par les pépinières volantes, coûte deux fois
moins cher que celui donné parles autres.
Ce mode de semis ne peut être employé identiquement dans
toutes les régions climatériques.
Dans la région méditerranéenne, on n'a nul besoin de l'abri
de fourragères, et les semis de pins d'Alep et pinier se font
par lignes très rapprochées les unes des autres.
Dans la région tempérée, comme dans une partie de l'al-
pestre, on applique le mode indiqué précédemment aux semis
en pépinière volante des pins sylvestre, d'Autriche et à cro-
chets.
280 . REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Mais aux altitudes plus élevées, à climat plus rigoureux, on
est obligé d'introduire cerfainos modifications dans l'installa-
tion des pépinières volantes, par sTiite de la nécessité d'un abri
plus complet pour les jeunes semis contre les coups de soleil
et les gelées printanières, bien plus redoutables ici que dans
les autres régions.
On conçoit, en effet, que le sainfoin semé en mélange, en
môme temps que les graines résineuses, ne pousse plus assez
rapidement pour fournir, dès le début, un abri suffisant aux
jeunes résineux.
Si donc, dans un périmètre donné, ou dans ses environs
immédiats, il n'existe aucune parcelle de terrain recouverte
d'une végétation ligneuse, on sème, la première année, les
pépinières volantes en sainfoin, disposé par lignes parallèles
écartées de 12 à lîi centimètres, et ce n'est qu'au printemps de
l'année suivante qu'on exécute, entre ces lignes, le semis des
résineux, qui, dès leur sortie de terre, se trouvent placés sous
un berceau de verdure qui les abrite contre le soleil ot la
grôle, maintient la fraîcheur et l'ameublissement du sol, et
surtout les protège, en hiver et au printemps, contre le soulè-
vement.
C'est ainsi que l'on sème, aux grandes altitudes, les graines
de pin cembro, d'épicéa et de mélèze.
Il va sans dire qu'ici, comme dans les autres régions, on re-
cherche, autant que possible, pour l'emplacement des bandes
pépinières, les expositions Nord et Est, où les dangers sont
beaucoup moindres.
Si, dans l'intérieur ou aux environs immédiats du périmètre,
on a la chance de rencontrer quelques parrelles boisées, il y
a tout avantage à préparer, sous bois, le plus grand nombre
de bandes pépinières possible, (jui , dans ces conditions favo-
rables, donnent les résultats les jjIus remarquables. Il vaut
bien mieux opérer ainsi que de recouvrir, au moyen de bran-
ches fournies par les bois voisins, des bandes (pion aurait ou-
vertes en terrain im. Car la faible augmentation ([uc le prc-
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 281
mier cas apporte aux frais do transport demeuro bi(Mi
au-dessous des dépenses qu'occasionnerait cette couverture
artificielle en branches, qui ne laisse pas de présenter l'incon-
vénient de se sécher assez rapidement, et de n'ètro ni stable
ni durable, ce qui entraîne des frais de renouv(?llement et d'en-
tretien qu'il convient d'éviter.
Les quantités de graines à semer par are de bandes sont
identiques à celles que nous avons indiquées pour les pépi-
nières permanentes.
Quant à l'époque des semis, c'est toujours le printemps qui
est la saison préférable pour toutes ces graines sans exception.
Exécution de la Plantation. — Dans toute plantation de rési-
neux ayant pour objet le reboisement en montagnes, on doit
prendre joowr principe que, pou?' une même essence, on obtient un
succès d'autant plus assuré que les plants employés sont plus jeunes.
Il est évident que la jeunesse de ces plants doit avoir pour
limite une conformation de leurs organes suffisante pour leur
permettre d'accomplir le travail que réclamera leur reprise
dans un milieu où bien des dangers peuvent les menacer.
Nous avons donc à déterminer tout d'abord l'âge auquel les
jeunes plants de chaque essence résineuse doivent être de
préférence employés.
Les pins d'Alep, maritime et pinier présentent, dès l'âge
d'un an, toutes les conditions de force et de conformation dé-
sirables pour végéter à leur place définitive , et cela d'autant
mieux que, vu la chaleur et la sécheresse de leur chmat, ils
sont presque toujours plantés dans des terrains défoncés préa-
lablement. Les plants de deux ans donnent un déchet qui va
jusqu'à -40 pour 100 au moins, alors que les plants d'un an,
toutes circonstances égales d'ailleurs, ne doivent donner au
maximum que o pour 100.
La vigueur de leur végétation et leur croissance rapide in-
terdisent, plus que pour toutes les autres essences, la moindre
idée de repiquage en pépinière.
282 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Les pins sylvestre et d'Autriche sont, dès l'âge d'un an, sus-
ceptibles d'emploi, mais seulement dans dos conditions tout à
fait spéciales, que nous indiquerons plus loin. En général, ce
n'est qu'à deux ans qu'ils présentent les conditions nécessaires
à leur végétation à l'état isolé; on peut môme attendre jusqu'à
l'âge de trois ans pour les plants qui auraient été élevés dans
des pépinières à sol médiocre, situées dans les zones les plus
élevées dans l'aire d'habitation de ces pins.
Quant aux pins à crochets, vu l'altitude des pépinières vo-
lantes qui les renferment, on ne peut songer à les employer
avant l'âge de deux ans, mais il ne faut pas attendre plus de
trois ans.
Les plants d'épicéa et de pin cembro, placés à une altitude
supérieure et croissant lentement au début, doivent attendre
au moins l'âge de trois ans, et peuvent sans inconvénient être
employés à quatre et cinq ans , à cause du nombreux chevelu
de leurs racines.
Mais il n'en est pas de même du mélèze, qui est bon à plan-
ter dès la seconde année, et ne peut attendre sans danger au
delà de la troisième, à cause de la rapidité de sa croissance
dans les premières années.
Dans ces conditions, le repiquage des résineux ne paraît
avoir aucune raison d'être employé pour la production des
plants destinés au reboisement des montagnes ; on doit y re-
noncer pour les motifs ci-après :
i" L'expérience a démontré que les plants résineux non
repiqué's j)ouvaient produire dos peuplements aussi complots,
aussi jjion vouants que s'ils avaient été formés à l'aide de
plants roj)i(|n('!s ;
2° I.o roi)i(iuage entraîne non seulement des frais relative-
nionl importants et l'emploi d'un plus grand nombre de bras,
souvont difficiles à trouver, mais encore l'occupation de terrains
cultivés, dont l'étendue devient introuvablo, quand il s'agit de
la production annuelle de nombreux millions de phmls dans une
réginn inunliigneiise, roslroinlo à (luohpios myriamètres carrés;
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 283
3° En supposant niènic (pi'on no soit pas arrêté par do pa-
reilles difficultés, l'emploi de plants repiqués entraîne avec
lui une augmentation de doponsos d'exécution, provenant du
crousoment plus profond à donner aux trous , de l'arrachage
plus difficile et enfin des frais d'un transport beaucoup plus
long et plus périlleux pour les plants.
En renonçant au repiquage des résineux pour les reboise-
ments en montagnes, nous n'avons nulle intention de le pré-
senter comme superflu en général. Nous estimons, au contraire,
qu'il peut être très utilement employé, soit dans les repeuple-
ments en terrain forestier, oii l'on a tout intérêt à planter des
sujets d'une certaine taille, soit môme dans certains petits re-
boisements, en terrain facile , qui n'ont rien de commun avec
ceux dont il s'agit ici.
D'où il résulte que pour les reboisements à exécuter par
plantation de résineux, les pépinières volantes doivent fournir
la totalité des plants, et que les semis de résineux faits dans
les pépinières centrales ne peuvent être considérés que comme
des réserves, appelées à entrer en ligne, dans les cas où les
premières auraient subi un échec partiel, ou seraient insuffi-
santes, ce que doit prévoir toujours un reboiseur bien avisé.
Dans les conditions d'âge, de taille et d'origine que nous
venons d'indiquer pour les plants résineux à employer, il
n'existe qu'un seul modo pour l'exécution de la plantation.
Dans les terrains non préparés à l'avance, un ouvrier muni
de la pioche à pic ouvre, en trois ou quatre coups bien assénés,
on avant et en arrière, comme nous l'avons décrit pour les
semis, un trou étroit de 10 à 12 centimètres, et assez long (de
25 à 30 centimètres) pour que la pioche puisse pénétrer jusqu'à
la douille, cette longueur étant dirigée dans le sens horizontal.
Cela fait, un planteur prend de 2 à 4 plants, suivant les cas,
jMr la tète mns toucher aux racines, et les réunit en une touffe,
de façon que les collets des racines soient tous à la môme hau-
teur. Tenant alors cette touffe par la tète et de la main gauche,
il l'applique contre la paroi inférieure du trou, en ayant soin
281 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
quo lo collol des racines soit au niveau du sol, et, saisissant de
sa main droite ou avec une truelle la terre meuble sortie du
trou, il la repousse, de haut en bas, vers les racines des plants
qui se trouvent ainsi placées dans leur position naturelle. Il
achève de remplir le trou, en réguculant à sa partie supé-
rieure avec sa pioche, et serre légèrement la terre avec le
pied.
Si le terrain a reçu une préparation préalable par bandes
ou par trous, on opère identiquement de la môme façon, avec
cette différence qu'un seul coup de pioche donné dans la terre
ameublie suffit pour préparer l'ouverture nécessaire à la mise
enterre des plants.
C'est donc par touffes que s'exi'cute le jdus souvent la plan-
tation. (]e in()(i(^ présente le double avantage d'être le plus
économique et le plus sûr de tous ceux employés.
D'une part, en effet, il augmente considérablement les
chances de succès d'une plantation et épargne ainsi de nom-
breux regarnissages, non seulement coûteux et souvent diffi-
ciles, mais encore dangereux jjour les plants qui ont bien
végété, à cause du })assage des ouvriers sur des pentes souvent
très fortes.
D'autre part, il ])ermet d'espacer davantage les plants et par
suit(> de diu)inuer la dépense à l'hectare. Caries touffes for-
ment au (l('l)iit une sorte de petit massif dans lequel les plants
se soutiennent mutuellement, ce qui leur permet d'attendre
plus longtemps et sans danger le moment où le massif général
se constituera par le contact de leurs branches développées.
On a fait à ce mode l'objection que si les plants ainsi réunis
en touffes venaient à pousser tous également, ils ne tarderaient
pas à s'affamer muluellcnipiit cl à jjroduiie des arbres grêles,
incapables d'une lungiic durée. A cette objection l'on peut
répondre d'abord que la tiu(f[c n'inq)li(|ue pas nécessairoment
un grand nombre de plants, et (jue dans les limites que nous .
posons, c'est-à-dire de "1 à i plants par touffe, ce danger de-
vient illusoire [de Gayfficr, IM. 7. 2i, 33, 35 et 36).
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 285
Mais, bien plus, une longue expérience a démontré l'inanité
de ces craintes, dans le cas où le nombre de plants demeure
ainsi limité dans la touffe. Il est rare, en effet, que 2, 3 ou 4
plants poussent, dès le début, avec une vigueur identique; le
plus souvent l'un d'eux prend le dessus et, quand le massif
général se produit, il demeure seul. D'autre part, bien sou-
vent, un seul plant, deux au plus, reprennent avec vigueur,
les autres viennent à mourir soit immédiatement après la
plantation, soit un an après, de sorte qu'en dernière analyse,
on se retrouve dans les conditions de la plantation par brins
isolés, mais avec des chances de réussite bien plus complètes.
Enfin il serait toujours facile d'obvier à peu de frais à l'incon-
vénient d'une égale pousse, s'il venait à se manifester.
Les plants fournis par les pépinières volantes sont arrachés
le jour même et au fur et à mesure des besoins de la planta-
tion. On les place immédiatement dans des paniers qui doi-
vent servir à les transporter, et que l'on recouvre avec de
l'herbe, de la mousse, ou, à défaut, avec une toile pour les
abriter contre le liàle. Ces paniers sont emportés par des ou-
vriers chargés de maintenir constamment l'approvisionnement
du chantier.
Celui-ci se compose de :
8 ouvriers piocheurs ;
A distributeurs de plants;
16 planteurs.
Les 8 piocheurs se placent en lignes horizontales et mar-
chent en virées, comme pour les semis, en maintenant entre
eux l'écartement qu'on a choisi, et entre les trous l'espace-
ment préféré.
Les quatre distributeurs portent les paniers de plants. Cha-
cun de ces ouvriers prend 2, 3 ou 4 plants selon les ordres
donnés, les assemble en touffes en régularisant la position du
collet de leurs racines, et les dispose dans le trou, en ayant
soin de les placer à l'abri du hâle ou du soleil ; chacun de ces
ouvriers peut facilement suivre deux piocheurs.
286 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Les 16 planteurs, munis do truelles de maçon, outil très
avantageux quand la terre est froide, cas le plus ordinaire sur
les hautes montagnes, viennent immédiatement à la suite, se
placent au nombre de deux sur la môme ligne de trous et pro-
cèdent à la plantation. Aussitôt qu'il a fini un trou, chaque
planteur rassemble les pierres (jui peuvent se trouver aux
environs immédiats, place les plus grosses autour du plant, en
les disposant en forme de croissant dirigé vers l'amont, et
remplit avec les plus petites toute la surface du trou, de façon
que la touffe émerge au-dessus d'un lit de pierres.
Cette précaution, toujours utile, devient de plus en plus
indispensable à mesure que le climat devient plus rigoureux.
Les pierres les plus épaisses sont les meilleures; si l'on n'en
trouve que de minces et plates , il faut les étager en plusieurs
lits.
Mais tous les terrains ne présentent pas ces pierres si utiles
à la protection des plants.
Si Ton plante dans un ancien gazon ruiné où l'on ne trouve
pas de pierres, on cherche, autant que possible, à placer les
plants dans les mottes do gazon qui subsistent encore, et, dans
ce cas, on restreint le plus possible la dimension des trous, au
point de les réduire ;\ un simple entre-bâillement du gazon.
Si l'on opère dans un sol parsemé de broussailles, on ne
manque pas de placer une ou plusieurs touffes à l'amont de
chacune d'elles, selon les dimensions du bourrelet de bonne
terre qu'elles soutiennent.
Enfin, si c'est sur un terrain absolument nu et sans pierres,
mais dans lequel l'enherbement général ne soit pas indispen-
sable, on se contente de semer en sainfoin, à 10 centimètres
à l'aval de chafjuc touffo, une rigole horizontale longue de
10 centimètres, deslinéc à bien fixer le sol de chaque trou.
En une journée de travail, chaque piocheur peut ouvrir,
dans un terrain ordinaire, 800 trous (jui sont rcniijlis et parés
dans le môme temps par les plantcmrs.
Avec le chantier, on aura donc, à la fin de la journée,
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 287
6,400 trous confectionnés et plantés moyennant une dépense
qui s'établit ainsi :
1 chef de chantier 4 fr.
8 piocheurs ;\ 2 fr. 50 20 fr.
4 distributeurs à 1 fr. 50, enfants ou femmes. ... 6 fr.
16 planteurs à 2 francs, jeunes gens ou femmes. ... 32 fr.
Total 62 fr.
D'où il résulte que l'exécution de la plantation du mille de
toufl'es revient à 9 fr. 70.
Dans le cas le plus général, où les plants proviennent des
pépinières volantes, il faut ajouter à cette dépense 5 francs
pour prix de la journée des deux ouvriers qui arrachent, et
3 francs pour la journée des deux enfants qui approvisionnent
le chantier; on arrive alors, pour la plantation du mille de
touffes en terrain non préparé à l'avance, à une dépense de
10 fr. 93, soit un nombre rond de 11 francs.
Dans les terrains préparés à l'avance par bandes ou par
trous, la proportion entre le nombre des planteurs et celui des
piocheurs ne reste plus la même ; au lieu de 2 pour 1 , elle
devient 3 pour 1 , parfois même 4 pour 1 dans les sols très
faciles ; quelle que soit la proportion qui convienne à un sol
donné, il vaut toujours mieux conserver cette division du tra-
vail que de faire exécuter le trou, la plantation et les abris
par le même ouvrier.
On rencontre parfois des berges ou des versants très inclinés,
à surface garnie de quelques gazons, néanmoins peu stables,
qu'on peut avoir intérêt à fixer par une plantation de très
petits brins. C'est alors qu'on peut employer des pins sylves-
tre ou d'Autriche à l'âge d'un an. Le même ouvrier exécute
ici toute l'opération, qui est bien simple : il enfonce le taillant
de sa pioche dans le sol qu'il entr'ouvre au moyen d'une
pesée, glisse dans l'ouverture la petite touffe, en ayant soin
que les racines tombent bien d'aplomb, retire sa pioche et
d'un coup de son plat repousse et affermit le sol.
288 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
On a beaucoup discuté et écrit sur le choix de la saison à
préférer pour les plantations de résineux.
Les partisans de l'automne ont cité des résultats indiscuta-
bles, ceux du printemps n'ont pas manqué d'arguments irré-
futables, ce qui démontre surabondamment que chacune de
ces opinions peut-être admise suivant les circonstances locales
qui se présentent et qui dominent toute la question.
En ce qui concerne les montagnes de la région méridionale,
nous n'hésitons pas à nous prononcer pour le printemps ex-
clusivement, sauf de rares exceptions relatives à certaines
essences placées dans des conditions tout à fait spéciales.
Dans les montagnes de cette région , en effet', l'automne ne
se manifeste, à vrai dire, que pendant très peu de jours, et
l'on passe presque toujours brusquement des chaleurs esti-
vales aux grands froids. Tant que durent les chaleurs, le sol
est tellement sec qu'il est impossible de songer à planter, et,
dès le lendemain dos premières pluies d'automne, surviennent
des froids qui suffisent pour déterminer la perte des planta-
tions de résineux qu'on viendrait à exécuter.
Il est du reste un fait acquis par l'expérience et admis par
tous les planteurs, qu'ils soient partisans ou non de la planta-
tion au printemps : c'est que les résineux, et nous ajoutons
même tous les arbres à feuilles persistantes, reprennent beau-
coup plus facilement quand ils sont en végétation que lorsqu'ils
sont au repos, mais à la condition toutefois de trouver dans le
nouveau sol où ils sont placés une humidité sufiisante.
On conçoit dès lors que les partisans do la plantation d'au-
tomne peuvent avoir raison dans les contréos où le climat
généralement humide permet au sol de n'être pas sec à la tin
de l'été ou au début de l'automne, ;\ une époque où les jeunes
plants se trouvant encore en végétation peuvent émettre de
nouvelles racines et prendre, pour ainsi dire, possession de
leur nouveau terrain avant (pie les froids, toujours moins pré-
coces dans ces régions , soient venus surprendre et arrêter le
cours de leur végétation.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REROISEMENT. 289
Mais dans les montagnes du Midi, celles précisément où
doivent s'exécuter les grands travaux de reboisement, on ne
peut trouver une certaine analogie avec ces conditions des
climats humides qu'aux grandes altitudes de la région alpine,
dans lesquelles une certaine humidité se maintient ou se ma-
nifeste à la fin de l'été , et permet de planter dans de bonnes
conditions, mais pendant un t)-ès court espace de temps, les pins
cembro, les mélèzes et les épicéas. Cette propriété de la région
alpine est d'autant plus avantageuse pour la plantation de ces
essences qu'au printemps le long retard que les neiges met-
tent à fondre ne permet également la plantation que pendant
un laps de temps très restreint.
Pendant les vingt-quatre ans que nous avons dirigé des tra-
vaux de reboisement dans les climats les plus divers, depuis
les plus chauds de l'Algérie jusqu'aux plus froids des Alpes,
nous avons pu constater maintes fois, par des expériences
tentées souvent sur une très grande échelle, le bien fondé de
cette préférence donnée au printemps sur l'automne ; il ne
nous a jamais été donné d'obtenir le moindre résultat sérieux
et concluant de la part des plantations d'automne, tandis que
c'est par bien des dizaines de millions de sujets formant au-
jourd'hui de grands massifs que se sont manifestés les avan-
tages de la plantation de printemps.
On peut avoir parfois à introduire, par voie de plantation,
les résineux dans des terrains à surface instable.
Afin de protéger les jeunes plants à l'amont contre l'éboule-
ment des terres et à l'aval contre leur entraînement, certains
auteurs recommandent l'emploi de petits clayonnages peu
élevés qui sont susceptibles de recevoir des dispositions va-
riables, et établis tantôt en lignes parallèles et sensiblement
horizontales, tantôt en losanges ou en carrés, tantôt en cor-
beilles {de Gai/ f fier, PI. 28, 29. 37, 38 et 39).
Ces systèmes fort ingénieux, adoptés en Suisse et en Au-
triche, ne nous paraissent pas d'une application bien avanta-
geuse dans nos montagnes. L'on n'y trouve pas en effet,
19
290 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
comme dans les localités do ces pays, les matériaux en abon-
dance, pivs(iu(i sur place et à l'aiblo prix. Le climat non plus
n'est pas le mC'me, et le sol s'y présente dans un état de nu-
dité qu'on est loin do pouvoir môme soupçonner dans ces con-
trées étrangères.
Aussi doit-on avoir recours à d'autres modes qui consistent
dans la création, au moyen d'essences feuillues, de haies vi-
vantes remplaçant avantageusement les clayonnages, ainsi que
nous le verrons en passant en revue les plantations de feuillus.
Il y a souvent intérêt à reboiser en résineux les clappes ou
casses, qui occupent parfois d'assez grands espaces dans les
périmètres, et paraissent, au premier abord, absolument re-
belles à toute végétation. Cependant, si l'on examine de bien
près la formation de bon nombre d'entre elles, on s'aperçoit
qu'à une profondeur variable, on trouve assez de terre pour
permettre, pendant les premières années, aux jeunes plants de
se développer et d'atteindre par leurs racines le sol recouvert
par la couche de pierres.
On ouvre alors des trous d'un diamètre assez grand à la sur-
face pour que les pierres occupant leur talus ne roulent pas au
fond. Un creuse jusqu'à la rencontre des menus débris de la
roche supérieure, qui ont été entraînés par les eaux et les neiges
dans les couches inférieures de la clappe, et y sont en mélangi^
de la terre.
On arrache, soit dans les pépinières volantes, soil dans des
semis anciens, des plants de 3, i ou o ans, en ayant soin de
conserver leur motte qu'on plact; dans le Irou, en ICnlouraiil
de terre apportée ad hoc dans des corbeilles.
Ces plantations sont nécessairement espacées; mais les
toulles forment une; séri<; de petits massifs dont les détritus ne
tardent pas à recouvrir les parties immédiatement voisines; la
végétation lierbacée s'y introduit, et peu à peu la nudité de la
clappe disparaît et se trouve remplacée par une végétation de
ronces, de groseilliers, etc., entremêlés de graminées abritées
par les plantes forestières, qui trouveront là plus tard un
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 291
champ tout préparé pour les semis naturels provenant de leurs
graines.
Les plantations de feuillus sont employées, soit sur certains
versants et sur. les berges, soit dans le fond des ravins et des
torrents, sur les atterrissements des travaux de correction.
Sur les versants et sur les berges, les feuillus sont le plus
souvent appelés à ne jouer qu'un rôle de protection pour les
essences résineuses qui doivent occuper définitivement le ter-
rain. Des dimensions beaucoup plus fortes au même âge que
celles des résineux, une rusticité plus grande, une croissance
plus rapide et la faculté de végéter pendant un certain
nombre d'années, sinon toujours, à l'état serré, telles sont les
conditions que doivent remplir ces utiles auxiliaires.
Le but de leur emploi indique à lui seul que les plants de-
vront être disposés par lignes sensiblement horizontales, plus
ou moins écartées suivant les cas, mais ayant pour résultat,
soit la formation de haies qui coupent, sur les pentes, la vi-
tesse des eaux pluviales et annulent leur force d'entraînement,
soit la création d'un massif à l'abri duquel on pourra intro-
duire ultérieurement des essences plus précieuses ou plus
longévives.
S'il s'agit de créer un massif, on emploiera de préférence
des plants d'un an ou deux de repiquage qu'on plantera par
trous, comme nous l'avons indiqué pour les résineux.
Si la surface du sol est trop instable pour permettre sans in-
convénient majeur la confection des trous assez gros que né-
cessite l'emploi des plants repiqués, on emploiera des plants
en pourrette, dont les petites racines n'exigeront pour être
mises en terre qu'un simple entre-bâillement du sol avec la
pioche.
Quant à l'exécution, on opérera identiquement comme nous
l'avons indiqué pour ce qui concerne les résineux.
La plupart des essences feuillues ainsi employées doivent
être recepées au moment de la plantation. On obtient de cette
façon, dès la première année, une petite cépée qui fournit au
292 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
sol un abri plus efficace, qu'on complète en semant des four-
ragères dans les intervalles nus.
Ce recepagedoit être opéré sur les lieux mêmes, par des ou-
vriers spéciaux, qui préparent les plants avant de les livrer aux
planteurs. On ne laisse que 3 centimètres au plus de tige au-
dessus du collet de la racine, et l'on coup(> le pivot à 15 centi-
mètres de longueur, tout en rafraîchissant le chevelu et en
enlevant les parties des racines endommagées.
Les frais de cette plantation au mille de plants sont à peu
près les mômes que ceux des résineux ; l'ateher se constitue
de la môme façon.
La nécessité des haies de feuillus est commandée par l'état
d'instabilité de la surface du sol qu'elles sont appelées à com-
battre. Dans de pareilles conditions, il faut que les plants soient
très rapprochés les uns des autres, afin de produire immédia-
tement sur les eaux, dans l'intérêt môme de leur propre con-
servation, l'effet mécanique qu'on en attend pour le maintien
du sol.
D'autre part, l'ulilitc) de ces haies se fait surtout sentir sur
les berges de torrents ou de ravins présentant des pentes qui
atteignent jusqu'à 120 pour 100, et sur lesquelles la circula-
tion des ouvriers serait impossible sans l'ouverture de places
où ils puissent poser seulement le pied.
En pareille occurrence, il faut donc ouvrir une sorte de pe-
tit sentier à l'emplacement môme de chacune des haies hori-
zontales futures, afin de permettre l'exécution de la planta-
tion {de Gayffier, PI. 31.)
La largeur de ces banquettes ainsi ouvertes varie nécessai-
rement avec la pente de la berge; elle diminue à mesure que
la pente augmente; quant à l'écartement des banquettes entre
elles, il dépend avant tout de la nature du sol et se trouve li-
mité par sa tendance au glissement qu'il importe de ne jamais
provoquer.
La Ijancjuetle une fois ouverte, il reste à examiner comment
la plantation doit être opérée.
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 293
Dans les cas où le plafond do la banquette présente un sol
dur et compact, impénétrable aux racines, on se trouve obligé
d'en défoncer une partie ; l'on ouvre à cet effet un petit
fossé, séparé do la surface du talus par une tranche non cul-
tivée, destinée à protéiîor les terres ameublies contre l'ontrai-
noment; l'on y plante les jeunes plants très serrés dans la
ligne, et sur la surface on sème des graines fourragères.
La coupe d'une pente donnée [fig. 67) résume ces diverses
opérations : xy étant le profil de la ponte, ab représente le
plafond de la banquette non horizontal, mais en devers, in-
cliné contre la montagne ;
abc, la section du déblai né-
cessaire pour l'ouverture de
la banquette, et enfin def(j,
la section du défoncoment.
On conçoit facilement qu'un
pareil travail ne doit être opéré
que dans des circonstances
tout à fait exceptionnelles, et
sur une échelle très réduite,
à cause de la grande dépense
qu'il nécessite, et qui provient
non seulement des terrasse-
ments à exécuter, mais encore
des ouvrages qu'on est obligé, presque toujours, d'établir pour
le maintien des terres et la protection des plantations.
Il faut, en effet, ouvrir d'abord à la pioche la banquette
ainsi que le fossé destiné aux plantations et rejeter à la pelle
tous les déblais dans le fond des ravins; puis, pour remplir
le fossé et garnir de terre les jeunes plants, il faut taluter en
cbh la paroi supérieure de la banquette; mais, la plantation
une fois faite, la section abh demeure ouverte et exposée par
suite aux influences atmosphériques, de sorte que le talus
bh, qui est forcément à pente très raide, se trouve exposé à
l'érosion, au délitement et à de petits éboulements qu'on ne
Fig. 67.
(de Gayffier, PI. 26, 32 et 3t).
294
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
peut prt'vonir ou arrêter qu'en le revêtant d'un clayonnage
sans lequel les jeunes plants risqueraient d'être recouverts et
Fin-. 68.
î'toudes par les terres supérieures provenant, soit du talus hh
lui-même, soit de son amont.
Enfin, la section abli demeurant ouverte, les eaux peuvent
s'amasser sur la banquette, la crever à certains points, ou
déterminer le glissement d'une tranche telle que x a, x' e.
EXÉCUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 2!lo
Il convient donc d'apport or la plus grande circonspection
dans l'emploi de ce genre de banquettes, surtout dans les
marnes noires du lias, et de bien examiner si les conditions
du sol que l'on veut fixer réclament absolument et sans con-
teste les sacrifices qu'impose ce mode de préparation, auquel,
dans la plupart des cas, nous préférons le suivant, qui joint
à une grande économie dans l'exécution l'avantage d'être très
simple et de n'exiger aucun ouvrage de protection :
Étant donnée une berge x y h traiter (fig. 68), admettons
qu'on ait reconnu la nécessité d'y créer des haies étagées
H, H' et H"; on commence par ouvrir la banquette H sui-
vant le profil a b c, où la ligne a 6 se trouve bien en devers
contre la pente de la berge (de 20 à 30 pour 100), tandis que
le talus bc est vertical, et l'on jette dans le fond du ravin
le produit du déblai. Un planteur vient alors coucher ses
plants sur le plafond de la banquette, en les plaçant bien
perpendiculairement à sa direction, de façon que le collet
(le la racine de chacun d'eux se trouve à 10 centimètres
environ en dedans de a vers b. Il les assujettit provisoirement
avec un peu de terre qu'il emprunte, en quelques coups de
pioche, au talus bc qui devient db.
Un second piocheur placé en H' ouvre la deuxième ban-
quette, de manière à se laisser constamment précéder par le
planteur qui dispose les jeunes plants sur la banquette H; au
lieu de jeter ses déblais, il les pousse en a et les laisse couler
sur la pente ad, qui est toujours d'assez courte longueur.
Il en résulte que les terres, ne pouvant prendre une bien
grande vitesse, viennent recouvrir les plants disposés sur la
banquette inférieure abd, et la remblayer entièrement.
On fait de même pour H", H'", etc., et, l'opération une fois
terminée, les haies successives se trouvent plantées sans que
le profil du versant en paraisse modifié autrement qu'à la plus
haute haie où nécessairement il a fallu taluter pour recouvrir
les plants.
L'économie de cette méthode est évidente; elle porte, en
296
R 10 B 0 1 S I<] M E N T E T Vr A Z ( ) N N E M E N T .
effet, non seiilemont sur la quanlité dos l(>rrasscnionts, mais
surtout sur la suppression de tout clayonnage en vue du sou-
tien des talus ; les plants formant les haies n'ont rien à redou-
ter do rébouloment des terres supérieures, qui ne produisent
sur eux d'autre effet que de les rehausser davantage, sans
pouvoir compromettre leur existence. Au bout de deux ou
trois ans que les haies
sont plantées, le sol, à
leur amont, forme une
sorte do bourrelet sur
lequel on i)eut effec-
tuer des plantations de
résineux qui se trou-
veront dans de bonnes
conditions de végéta-
tion, et entre lesquels
on peut semer des fourragères ([ui achèvent la fixation défi-
nitive du versant (fg. 69, 70,71 et 7:2).
Cette méthdoe, que l'on désigne généralement sous le nom
de plantation en co?--
dons \ n'a cessé de
donner d'excellents
résultats ; elle trouve
son application dans
les berges de torrent s
dont l'état suporfi—
ciel noponnet aucun
autre genre do plan-
tation, et apporte un
précieux secours à la (ixiilinu (l(>s terres à la naissance de
certains ravins. Il arrive suuvenl. en efl'rl. (ju "à leur origine
Fig. 69.
A la V Année.
Fig. 70.
Après la 2« Année.
Fig. 71.
Après la 3' Année.
^!^^
Fig. 72.
Après la 1° .Vnuée.
1. — Ce mode de plantation on corduns a été appliqué pour i;i première
fois et avec un succès complet, dans les sols les plus injrrats, par son inven-
teur, M. Couturier, Inspecteur clrs fordls, aujouririiui chef du service du
reboisement des Basses-Alpes [de Gayfficv, PI. 14).
EXECUTION DES TRAVAUX DE REBOISEMENT. 207
bien (les ravins prcsontont dos profils on travers très aplatis,
mais développés on une sorte do demi-entonnoirs, dans les-
quels on no saurait construire utilement (l(\s clayonnages ou
des fascinages, soit i\ caus(^ de l'instabilité et de la p(Mito du
sol, soit ù. cause de la dépense qu'entraîneraient ces travaux.
On trouve là encore une très avantageuse application des cor-
dons entre lesquels, pour plus de consolidation, on plante une
série de gros plançons de saule en lignes rapprochées, appelés
à garnir immédiatement tous les vides que laissent entre eux
les cordons sur la surface à consolider.
Les essences les plus avantageuses pour les plantations en
haies sont :
Le robinier ;
L'orme;
L'érable ;
Le coudrier;
L'aubépine;
Et le prunier de Briancon.
On les emploie en plants do deux ans, le plus souvent non
repiqués.
Le saule pourpre et le saule drapé, qui n'exigent guère plus
de fraîcheur que ces essences, présentent une très précieuse
ressource pour ces cordons; on les emploie en boutures que
l'on se procure économiquement et facilement dans toutes les
localités ; on coupe les boutures à une longueur dépassant de
10 centimètres la largeur de la banquette et on les place à
2 ou 3 centimètres au plus l'une de l'autre, de sorte que, dès
la première année de végétation, l'on obtient de véritables
cordons de verdure en travers des versants les plus arides.
La dépense en main-d'œuvre pour l'exécution de ces cor-
dons s'établit d'après les données suivantes :
En terrain moyennement difficile, un terrassier, dans sa
journée, prépare 40 mètres de banquette;
Un planteur, en une journée, pose et fixe les plants sur
100 mètres de banquette.
298 • REBOISEMENT ET GAZONNEMEN T.
La dépense en niain-d'd'uvre ;\ l'hectomètre courant devient
donc :
Ouverture des Imndes G (V. 2.j
Pose et fixation des plauts 2 fr. oO
ToTAi 8 fV. 75
Si l'on vent obtenir le prix de revient do la plantation à
riiectomètre courant, il ne reste qu'à ajouter à cette somme
la valeur des plants rendus à pied d'dMivrc» et convenablement
préparés.
C'est surtout dans les fonds des ravins, sur les atterrisse-
mcnts des barrages et sur le pied des berges, que les feuillus
trouvent leur emploi principal et prennent le pas sur les rési-
neux. Susceptibles, en oiM, d'être plantés au moment ofi ils
ont acquis une taille qui rendrait impossible l'emploi de ces
derniers, ils peuvent, dès la })remière année de leur intro-
duction, jouer un rôle sérieux en vue de la retenue des terres.
Occupant les terrains les i)lus j)rofonds, les plus frais, les
moins élevés et les plus abrités que puisse présenter un péri-
mètre, ils se trouvent dans les meilleures conditions de végé-
tation possible, et sont appelés ainsi à procurer dans l'avenir
des produits importants. On a donc tout intérêt à choisir pour
ces plantations les essences fournissant des bois d'industrie,
d'une grande valeur sous un i)i'tit vijlume, telles (pie les ormes,
les frênes et les érables.
On emploie ordinairement à cet elfet des j)lants repiqui's de
trois à ((uatre ans, de préférence aux hautes tiges, (piOn n'--
serve pour des cas rares et tout spéciaux.
La i)lantation se fait i)ar trous assez granils i)uur (|ue les
racines des sujets puissent être bien étalées, suivant leur posi-
tion naturelle; on a soin de placer leur colhM au niveau du sol
extérieur, afin d'écarter le danger de trop enterrer les plants.
On doit éviter avec soin de former des massifs composés
exclusivement d'une seule essence, surtout pour le Irène, et
planter au contraire en mélange.
EXECUTION DES TRAVArX DE REBOISEMENT. :i!t!)
Mais ces essences de valeur ne sufliraient i)as ;\ elles seules
pour remplir le but des plantations, qui est de fixer les terres
et d'aider parfois au colmatage dans les crues extraordinaires.
On ne peut les planter assez serrées pour cela, et le pourrait-
on même, (|u'il faudrait y renoncer, car les arbres ne sauraient
végéter longtemps dans de pareilles conditions et l'on aurait
fait des frais de plantations inutiles.
Aussi doit-on se contenter d'espacer ces plants de valeur
à l°',oO au moins, sauf à remplir les intervalles par une infi-
nité de boutures de peuplier et de saule, qui, dès la première
année, maintiennent le terrain et peuvent être au besoin ex-
ploitées périodiquement, tous les deux ou trois ans, dans le
but de fournir des matériaux aux travaux à exécuter ultérieu-
rement dans les environs.
Les boutures ordinaires de bois de deux ans se plantent au
plantoir; elles sont enfoncées à -40 centimètres dans le sol,
qu'elles ne dépassent que de 8 à 10 centimètres au maximum.
Les grosses boutures, que l'on nomine plmiçons, sont choisies
dans des pousses de quatre à cinq ans; on prépare leurs trous
au moyen de la barre à mine, qui remplace le plantoir en fer,
et on pousse à une profondeur de oO à 80 centimètres pour
obtenir ainsi une sorte de pilotage dont les pilotis vivants raf-
fermissent et maintiennent le sol.
300 REBOISEMENT ET GAZONNE iMENT.
CHAPITRE XI
TRAVAUX DE GAZONNEMENT
Des r.vTuu.vr.ES dk montagnes; leir composition dans les Alpes F'ran-
CAISES. — Prairies fauchahles. — Pâturages. — Pâturages du printemps
et d'automne. — Pâturages d'été. — Montagnes pastorales. — Régéné-
ration ET amélioration DES PATURAGES PAR LE GAZONNEMENT.
Considérations générales. — Un s'ost généralemont entendu
sur la valeur du terme rebuiscment, qui indique une opération
nettement précise et dont le but est la création d'un massif
forestier sur un terrain donu(''.
Mais il n'en est i)as ainsi pour le {/nzoïinonoit.
Toute personne, sans parti pris d'avance, qui, après s'être
bien péni'trée de tout ce qu'on a dit ou écrit sur le gazonne-
ment (notamment dans la discussion de la loi du 8 juin 18tii),
ne connaît ou n'a pas suffisamment observé les montagnes,
surtout les Alpes françaises, est exposée à se faire du gazon-
nement une idée qui est loin d'ôtre conforme i\ la réalité. Elle
se représentera fatalement le sol d'une montagne recouvert,
après l'opération du gazonueiuenf, d'une vaste pelouse homo-
gène, continue, appelée, fout en nourrissant de nombreux
troupeaux, à retenir les eaux pluviales et ;\ se conserver éter-
nellement dans CCS conditions salutaires et productives, moyen-
nant un aménagement convenable du pâturage.
Il n'en est malheureusement pas ainsi dans la plupart des
TRAVAUX DE G AZON NExMEXT. 301
montai:nes. La vraio polouso, tant désiréo, tant invocfuéo par
certains détracteurs, plus ou moins intéressés ou compétents,
du reboisement, ne se rencontre qu'aux très grandes altitudes,
presque toujours aux limites supérieures de la végétation
forestière actuelle, sur les pentes douces des montagnes dites
pastorales, nom local très caractéristique qui ne s'applique pas
indifféremment à toutes celles de la même région climatéri-
que qui est Valphie; c'est dans cette région seule que l'on peut
songer à appliquer ce que la loi de 1864 appelle le gazon-
nement .
Dans les régions moins hautes, Valpestre et la moyenne, le
reboisement s'impose davantage à mesure qu'on descend, et
se mélange de plus en plus intimement avec le gazonnement,
dont le caractère se modifie graduellement en même temps
que les climats des différents étages de ces régions.
La pelouse disparait ; les plantes herbacées n'appartiennent
plus aux mêmes espèces, elles végètent de plus en plus en
touffes isolées et se mélangent de plantes buissonnantes de
toutes sortes; mais leur ensemble ne forme plus un massif
serré, protégeant suffisamment le sol; enfin, par suite de la
sécheresse du climat, les herbes se trouvent pour la plupart à
l'état de dessiccation complète à la fin de l'été, à l'époque des
orages les plus redoutables, au moment même où le sol aurait
le plus besoin de leur protection.
De ces considérations il résulte tout d'abord que le gazon-
nement, compris comme création, sur un terrain nu, d'un
pâturage susceptible d'exploitation régulière, tout en procu-
rant au sol un abri perpétuel, ne peut être tenté que dans la
région très restreinte des montagnes pastorales.
De plus, cette opération devra être confinée exclusivement
sur les terrains ne présentant pas des pentes trop prononcées,
car, à rencontre encore de bien des idées répandues à ce su-
jet, les gazons de montagne, étant très serrés, forment une
sorte de feutre que les eaux des orages violents pénètrent peu,
mais sur lequel elles glissent au contraire et s'agglomèrent ra-
302 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
pidemont, si la pente est forte et présente quelques plis de
terrain. Le gazon, dans ces conditions, n'offre donc aucune
garantie de protection ; il ne retient ni ne divise suffisamment
les eaux, et pour peu que, dans les plis do terrain où elles se
réunissent rapidement, il soit entamé à un point donné, un ra-
vin ne tarde pas à se former pour devenir en peu d'années
l'origine d'un torrent avec des berges vives que le gazonne-
ment devient impuissant à fixer.
A l'apparition de la loi du 8 juin i86i, de très vives opposi-
tions s'étaient manifestées dans certaines régions montagneu-
ses contre l'application de la loi sur le reboisement qu'on
accusait de détruire l'industrie pastorale, seule ressource des
habitants; dans d'autres régions montagneuses, la foi dans le
succès du reboisement ne laissait pas d'ôtre quelque peu
ébranlée à la suite do premières tentatives peu favorables,
opérées dans un espace de temps bien court cependant et dans
les conditions les moins concluantes, car en ce moment, où
tout était nouveau, l'on ne possédait aucune donnée d'expé-
riences probantes et l'on n'avait aucune tradition établie sur
laquelle on pût s'appuyer sûrement. On aurait voulu des ré-
sultats prompts et immédiats; devant les exigences du tomps
et de la végétation, exigences dont on exagérait l'amplitude,
l'on perdit trop tôt patience et l'on se rejeta, avec trop d'en-
train peut-être, dans l'application de la nouvelle loi qui venait
d'apparaître. On crut avoir en main des moyens de régénéra-
tion des montagnes suffisants pour l'extinction des torrents;
on leur trouva alors des avantages de toutes sortes sur ceux
fournis par la loi du 28 juillet 1860, avantages au point de vue
multiple de la dépense, de la certitude et de la célérité des
travaux, avantages pour les populations, avantages économi-
ques, administratifs ot autres L'impulsion donnée par l'ap-
parition de cette loi fut telle que dans l'enquôte agricole
de 1866, comme dans les délibérations de quelques conseils
généraux de cette époque, on se servit du gazonnement comme
d'une arme contre lo reboisement.
TRAVAUX dp: GAZONNEMENT. 303
En exécution do cette loi, do nombreux périmètres de re-
boisement décrétés antérieurement furent révisés et en partie
affectés au gazonnement ; l'on procéda sans retard aux tra-
vaux et... buit ou dix ans ans après, l'expérience une fois
faite, on en fut réduit ù provoquer de nouveaux décrets pour
revenir au reboisement dans bon nombre de périmètres.
L'illusion n'a donc pas eu une bien longue durée; elle a
disparu depuis longtemps devant les faits ; la dégradation pro-
gressive des montagnes pastorales, couvertes cependant d'un
épais gazon, démontre surabondamment que, même dans les
hautes montagnes, le gazonnement pur et simple, tel que le
comprend la loi de 186i, ne peut produire que d'amères dé-
ceptions au point de vue de l'extinction des torrents, et ne doit
être employé, dans les régions oi^i il est praticable, qii h préve-
nir leur formation.
La loi de 1864 se trouve du reste à la veille d'être aban-
donnée pour faire place à la loi votée par la Chambre des
Députés en février 1877, et dont l'article 8 vise les tra-
vaux de reboisement et de gazonnement pour cause d'utilité
publique.
Il ne peut s'agir ici du gazonnement tel que semblait l'im-
pliquer l'ancienne loi, car l'article 11 interdit à l'Etat tout tra-
vail d'utilité publiciuo sur des terrains qui ne seraient pas
devenus sa propriété.
Ce n'est donc que sur des terrains appartenant à l'État que
pourront être à l'avenir exécutés des travaux obligatoires de
gazonnement. Mais alors ce terme implique-t-il encore l'idée
de la création d'un pâturage appelé dans l'avenir à être livré à
l'élevage de troupeaux? Evidemment non, et sans chercher
d'autres preuves, qui ne feraient pas défaut, il nous suffit de
nous reporter à la constitution môme des périmètres obliga-
toires, basée sur le mêane article 8, pour reconnaître que les
motifs qui peuvent faire décréter d'utilité publique un péri-
mètre donné ne sauraient comporter la création d'un pâturage
destiné à être exploité par les troupeaux dans l'avenir, résul-
304 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
lat qui demeure réservé exclusiveinonl aux travaux facultatifs
prévus par les articles 1 à 7 de la môme loi.
Le gazonnomeut prévu par l'article 8 devient donc un terme
générique, signifiant toute opération ayant pour but do pro-
voquer sur certains sols dénudés une végétation quelconque
autre que la forêt proprement dite, et dans laquelle domine-
ront toujours les plantes herbacées péi'ennes, c'est-à-dire du-
rant un certain nombre d'années.
Cette interprétation du terme gazonnement, en matière obli-
gatoire, nous paraît entièrement justifiée par l'extrait de
V Étude sur les torrents des Hautes-Alpes de M. Surell: « Cepcn-
tlant il est une erreur qui pourrait opposer une influence
fâcheuse à l'exécution de nos travaux, et qu'il est important
de détruire, je veux parler de cette opinion dans laquelle, sans
mettre en débat les heureux résultats du reboisement, on s'at-
tendrait toutefois à ne les voir se réaliser qu'au bout d'une
très longue série d'années.
<( Je dis que cette opinion serait fâcheuse, car en tout ce
que nous entreprenons, nous voulons toucher vite au but,
nous avons soif de jouir, et les travaux séculaires ne sont plus
de notre goût. Avec une si âpre impatience, comment ne re-
culerions-nous pas, consternés et rebutés, devant une entre-
prise dont nous ne verrions jamais nous-mêmes le terme, dont
les fruits ne seraient mûrs que pour une postérité aux desti-
nées incertaines, cpii enfin se présenterait à nous comme
perdue dans les vapeurs d'un avenir lointain, })0ur lequel
beaucoui» de nous n'uni malheureusement ni de sympathie ni
de foi?
« Mais hâtons-nous de faire voir que cette opinion n'est pas
fondée.
« En effet, de quoi s'agit-il principalement dans tout ce que
nous proposons? De détruire les torrents. Eh bien! pour en
arriver là, il n'est pas indispensable d'attendre que les torrents
soient ensevelis sous une couche de hautes forêts; il suffit que
le sol soit tapis.sé de gazon, de broussailles ou d'arbustes. Les
TRAVAUX DE GAZONNEMENT. 30:i
arbustes aussi bien que les arbres consolident la surface du
sol, divisent les courants qui tendent à le raviner, empochent
la concentration subite des eaux, et en absorbent une certaine
portion dans l'humus qu'elles entretiennent à leur pied.
Tout cela, nous le savons déjà et les exemples se pressent pour
l'attester.
« Or, à une pareille végétation, il faut très peu de temps
pour se rendre définitivement maîtresse du sol; s'il faut
soixante ans ' pour créer une véritable foret, s'il faut plusieurs
siècles pour parvenir à boiser certains revers déchirés, où les
obstacles redoublent en nombre et en puissance, il suffira de
(piatre ou cinq années pour couvrir un terraiu de broussailles.
C'est là ce que prouve l'expérience de beaucoup de quartiers
mis à la réserve et auxquels il n'a pas fallu plus de temps pour
se montrer revêtus de cette utile armure -.
« Est-ce à dire pour cela qu'il faille se contenter de pro-
duire des broussailles, même là oîi l'on pourrait immédiate-
ment créer une forêt? Non, car les bois donnent de la valeur
aux terrains qu'ils recouvrent, ils empo7'tent cVailleia's avec eux
des éléments nouveaux de régénération qui ne se rencontrent pas
dans les broussailles. Considé7'ons seulement cette même végétation
comme destinée à précéder la grande végétation des foi^êts, sur les
tei'rains oii celle-ci auimt trop de peine à s'installer tout d'abord.
« Ainsi, il faut concevoir le résultat de l'entreprise comme
se séparant en deux effets : l'un, qu'on peut considérer
comme immédiat, produit par l'apparition de l'herbe ou des
arbres naissants, et qui se manifestera de suite par l'extinction
ou par l'affaiblissement des torrents; le second, plus lointain,
qui n'arrivera qu'à la suite des forêts, et dont l'importance
sera développée tout à l'heure. Mais en ne considérant que le
1. — L'expérience des quinze dernières années a démontré que ce terme
peut être considérablement réduit et que dix années peuvent suffire, dans
la généralité des cas, pour couvrir un sol stable d'un peuplement forestier
vigoureux.
2. — Dans les climats tempérés, mais non aux grandes altitudes.
20
306 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
proinior efft't, qui ost précisément le but dominant do nos tra-
vaux, celui qui doit mettre un terme aux maux présents, et
qu'il est le plus pressant d'atteindre, il demeure bien établi
que cet effet-là, loin d'être séculaire, sera presque instantané
et qu'il se fera sentir dès les premiers essais. »
Des observations qui précèdent nous tirons les conclusions
suivantes :
1° Dans l'ordre des travaux obliiïatoires, le gazonnement ne
peut être considéré que comme un terme générique indiquant
toute opération ayant pour but de provoquer, dans les péri-
mètres déclarés d'utilité publique, la production d'une végé-
tation herbacée, arbustante, broussailleuse, etc., en un mot,
d'une végétation quelconque autre que celle des grandes es-
sences qui seules peuvent constituer la vraie forêt.
2" Ce n'est que dans l'ordre des travaux facultatifs que l'on
peut avoir pour but, soit la création, soit l'amélioration d'un
pâturage destiné à une exploitation péiiodique ultérieure. Nous
l'éludierons néanmoins dans ce chapitre, afin d'y renfermer
tout ce qui concerne le gazonnement.
Les considérations que nous venons d'émettre ont pour con-
séquence qu'en matière obligatoire le gazonnement se réduit
à la combinaison de ce que nous avons décrit précédemment
sous le nom d'enher bernent et de bi'oussaillement avec les résul-
tats de la mise en défends.
Il ne nous reste donc qu'à examiner la question de la créa-
tion et de l'amélioration des pâturages. Mais auparavant il est
indispensable d'expo.ser à cet égard quelques observations
générales.
Des Pâturages des Montagnes; leur Composition dans les Alpes
françaises. — « Les montagnes alpestres peuvent èlrc^ consi-
(lén''('s comme divisées en trois zones : au sommet, autour des
rochers et des glaciers, sont les pâturages; plus bas, les forêts;
le fond des vallées, station habituelle des villages, est cultivé '. »
1. — Marchand, Les Torrents des Alpes et le Pâturage, p. 14.
TRAVAUX DE QAZONNEMKNT. 307
Cette classification sommaire reproduit, dans ses grandes
lignes, un état actuel que toute personne peut vérifier en par-
courant les régions montagneuses.
.Mais, laissant de côté le fond des vallées et les terrains pro-
pres à la culture, doit-on admettre comme une loi de la nature
la division des versants des hautes montagnes en deux zones,
l'une supérieure, oii ne saurait prospérer la forêt et où seules
pourraient végéter des plantes herbacées ayant crû spontané-
ment et de toute ancienneté sur ces hauteurs, sans autre abri
(pie celui qu'elles se fournissent mutuellement?
Dans le cas de l'afiirmative, où commence la zone des prairies,
ou plutôt à quelles limites supérieures se termine la zone des
forets et quelles sont les conditions naturelles qui les imposent?
Telles sont les questions qui se présentent à l'esprit de tout
observateur qui, ne se contentant pas du simple énoncé d'une
prétendue loi passée à l'état d'aphorisme, désire aller au fond
des choses et rechercher les causes de la répartition actuelle
de la végétation sur les hautes montagnes.
Les travaux de tous les savants explorateurs indiquent tout
d'abord que, soit en s'avançant en plaine vers le pôle, suit en
s'élevant verticalement vers les plus hauts sommets dans nos
climats tempérés, l'on constate l'appauvrissement progressif
de la végétation, qui, à la dernière limite, ne se manifeste plus
que par des lichens.
Ils ajoutent en même temps :
Que, dans les Alpes de la Laponie, le pin et le bouleau sont
les seuls arbres qui résistent à la rigueur des hivers et à l'in-
suffisance des étés ' ;
Oue la végétation de chaque espèce correspond à une section
déterminée de l'échelle thermométrique ;
• Qu'au-dessous d'un certain degré de froid, la plante périt
et qu'enfin le mélèze supporte des froids de 40 degrés au-
dessous de zéro qui congèlent le mercure '.
1. — Ch. Manias, Du Spitzbery aw Sahara, p. 4.
2. — Idem, Idem, p. 21.
308 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Dans ces conditions, pout-on admettre que les gazons on
pelouses que l'on rencontre aujourd'hui au-dessus des limites
supérieures actuelles des forêts n'aient jamais été mélangés
à des essences forestières telles que le mélèze et le pin cem-
bro, et puissent déterminer ainsi une zone climatérique dans
laquelle il soit ù. jamais interdit de songer à introduire les
forêts?
Nous n'hésitons pas à répondre négativement et nous ap-
puyons notre opinion sur les considérations suivantes :
1» Dans les Alpes de Provence, situées entre le •14'' ot le
45" degré de latitudo ot où la limite des neiges éternelles dé-
passe 3,300 mètres d'altitude, les forêts en massif n'arrivent
guère aujourd'hui qu'à 2,200 mètres et sont surmontées par
des pelouses de gazons qui, dans les conditions les plus favo-
rables à leur bonne végétation, atteignent une altitude de
2,800 i\ 3,000 mètres. Au premier aspect, ces pelouses sem-
blent déterminer une zone toute spéciale ; mais si l'on ob-
serve de près, on est tout étonné de rencontrer, dans bon
nombre d'entre elles, des traces évidentes d'anciennes forêts
se manifestant, tantôt par quelques pieds isolés, derniers
témoins de l'antique végétation, tantôt par de vieilles sou-
ches presque entièrement recouvertes de végétation herbacée.
De plus, en consultant la tradition du pays, on ne tarde pas
à apprendre que les végétaux forestiers ont fait place h ces
pâturages, qui n'occupent seuls aujourd'hui le sol que par k
fait (le l'homme ;\ l'exclusion de toute autre cause.
En remontant vers les sommets, on no tarde pas ;\ voir
cesser la pelouse do gazons bien garnis r<irmiinl un tapis vert
continu; on ne trouve plus(pio dos touifes de plantes chétives
poussant à l'abri des rochers ou dans los intervalles de leurs
débris, et souvent de grands espaces do terre nue, privés de
végétation par suite du séjour des neiges qui y persistent par-
fois pondant deux ou trois ans ot interdisent alors tout déve-
loppement dos plantes.
Lorsque l'on considère les pelouses, malheureusement trop
TRAVAUX DE GAZONNEMENT. 309
rares, on se prend à se demander comment ce beau gazon ,
qui forme un épais feutre, a pu s'établir sur des terrains si
maigres en apparence, et immédiatement les rares vestiges
de l'ancienne végétation forestière se présentent à l'esprit;
on reconstitue par la pensée les forets clairiérées de mélèzes
et de j)ins cembro qui devaient jadis occuper ce sol dans un
climat où certainement la température la plus basse n'atteint
pas 40 degrés au-dessous de zéro, et l'on comprend facile-
ment, dès lors, que la pelouse ait pu se former, grâce à l'abri
procuré au jeunes plantes lierbacées par les essences fores-
tières et au fertilisant engrais fourni par leurs aiguilles à un
sol assez pauvre d'ailleurs.
L'observation des faits contemporains apporte avec elle des
conclusions ajjsolument concordantes :
Dans les mêmes contrées, en effet, toutes circonstances
égales d'ailleurs, on a exécuté depuis plus de trente ans des
essais de reboisement, combinés avec des mises en défends,
dont les résultats fournissent de précieux renseignements.
Partout où le sol s'est trouvé simplement abrité par un jeune
peuplement de mélèzes, il se montre recouvert d'une vérita-
ble pelouse de gazon que l'on n'y a pas introduits, mais qui
s'y sont développés naturellement, et qui présentent le môme
aspect et la même composition que les pelouses situées dans
des conditions d'altitude et de climat analogues. Partout au
contraire où, toutes circonstances é(j aies d'ailleurs, le sol a été
abandonné à lui-même et préservé seulement par une mise
en défends tout aussi rigoureuse, la pelouse ne s'est pas formée,
les gazons anciens subsistent seuls et leurs intervalles sont
demeurés nus par suite de l'absence d'abris, ainsi que nous
l'avons indiqué et expliqué au chapitre IX, dans le paragra-
phe relatif à la mise en défends.
Qu'au contraire, par suite de la mise en défends, il se soit
manifesté une végétation ligneuse sur le sol, ce fait a eu pour
conséquence immédiate la production du gazon. M. Mathieu,
sous-directeur ù IKcole forestière, dans son rapport sur le
310 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
reboisement et. lo gazonnement dos Alpes, avait déjà relevé
en 1865 une observation de ce genre que nous avons pu mul-
tiplier par centaines depuis celte époque. Nous trouvons
dans son rapport le passage» suivant (p. 42) : « Aux environs
de Barcelonnette, une partie du bassin do réception du tor-
rent de Gaudissart, où les travaux facultatifs et principale-
ment des barrages sont en cours d'exécution depuis une ving-
taine d'années déjà, la mise en défends a permis à Vanne blanc
et à Vhippophaë ymmuoide, Vun et l'autre véritable providence de
ces tetTains, de se développer assez pour constituer des four-
rés dont les intervalles sont actuellement dotés de beaux pâtu-
rages. »
Cette mise en défends datait de t.Siti et avait été accompa-
gnée sur certains points de semis de mélèze qui, depuis le
passage de M. Matliieu, ont pris un dévelopi)ement remarqua-
ble entraînant avec lui la constitution de plus en plus pronon-
cée de la pelouse.
2° Dans le reste des Alpes, en Daupbiné, en Savoie et en
Suisse, tous les explorateurs de la montagne constatent, en
le déplorant, l'abaissement graduel et constatent de la limite
supérieure de la végétation forestière, attribue'' exclusivement
an fait de r/nnmne.
« Il n'est pas possible do supposer, en l'alisence de toute
preuve à cet égard, que le climat soit devenu plus mauvais
par des causes physiques extérieures indépendantes de Ibomme
el iiux({uelles il ne pourrait opposer aucune résistance. T^a
diminution de plusieurs glaciers, dont l'augmentation el lu
diminution répondent d'ailleurs aux années froides et aux
années chaudes, parlerait plutôt contre» cette hypothèse qu'en
sa laveur. I>a fertilité des Alpages a diminué, leur limite
supérieure s'est abaisse''».', le's fe)réts<)nt elisparudes régions éle-
vées, l'état climatérique est devenu moins favorable à la végé-
tation ; les dévastations causées par les eaux, par les avalan-
ches et par les chutes de pierres sont devenues plus fréquentes
el plus considérables, ainsi ([ue les ébeudements sur les pentes
TRAVAUX DE GAZONNEMENT. 31t
ot les amas do débris dans les vallées. Telle est la longue liste
des désastres dus à l'égoïsme de l'homme, qui a méconnu les
lois de la nature en exploitant les forêts d'une manière désor-
donnée et en abusant d'elles avec une imprévoyance coupa-
ble. Aussi le châtiment ne s'est-il pas fait attendre et se fera-t-il
sentir encore plus fortement dans l'avenir '. »
« Non seulement les hommes ont méconnu ces lois, dont
nous ne rappelons ici que certains points saillants, mais
ils ont le plus souvent été à leur rencontre, préparant ainsi
de leurs propres mains les désastres les plus redoutables.
« Remontant les vallées, l'homme a voulu faire contribuer
à ses besoins les grands laboratoires montagneux. Pour trou-
ver des prairies sur les rampes, il a détruit de vastes forêts
« Bientôt lui-même cependant a été la première victime de
son imprudence ou de son ignorance.
« Les forêts détruites, on a vu les avalanches déneiges cou-
ler en masses énormes le long des rampes. Ces avalanches
périodiques ont entraîné avec elles l'humus, produit des
grands végétaux, et, à la place des prairies que le montagnard
croyait ménager pour ses troupeaux, il n'a plus trouvé sou-
vent que le roc dénudé.
« Cette destruction des forêts semble avoir même des con-
séquences autrement désastreuses qu'on ne paraît le suppo-
ser. La forêt protège la forêt, et, i)lus on les détruit, plus elles
abandonnent les altitudes où jadis elles se plaisaient. Aujour-
d'hui, autour du massif du mont Blanc, le mélèze, qui vivait
vigoureux encore à une altitude de 1,800 mètres et marquait
la limite de la grande végétation, quitte ces hauteurs et laisse
isolés des témoins séculaires que des jeunes sujets ne rem-
placent pas
« Il y avait autrefois dans la vallée d'Andermatt des forêts
de sapins et de mélèzes assez étendues, à une altitude de
1,500 à 1,800 mètres; de ces forêts, dévastées i\ la tin du
1. — Laudolt, Rapport au Conseil fédéral sur les forêts des hautes mon-
tagnes de la Suisse.
312 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
siècle dernier, il ne reste plus qu'un petit bois au-dessus du
village d'Andcrmatt qui le garantit contre les avalanches.
Mais ces arbres sont vieux et les jeunes sujets ne paraissent
pas. Ainsi, bien que les glaciers tendent à diminuer depuis
(juarante ans assez rapidement, ce qui semblerait indiquer
une élévation dans la température moyenne, les forêts quit-
tent les altitudes où elles se montraient encore pour descen-
dre plus bas. Y a-t-il connexité entre ces deux effets? C'est ce
que nous ne chercherons pas à indiquer. Ils n'en méritent
pas moins de fixer l'attention des naturalistes.
« Nous ne voyons pas d'ailleurs que la grande végétation
s'élève plus haut dans les contrées montagneuses dépourvues
de glaciers que dans celles qui en sont pourvues.
« Le fait contraire semblerait se manifester. Et dans les
montagnes du Dauphiné, qui n'ont que peu ou pas de gla-
ciers, les forêts ne se montrent pas au-dessus de 1,500 mètres.
L'aridité des rampes de ces montagnes descend même beau-
coup plus bas en bien des points...
<( 11 semblerait que les efforts de l'homme devraient tendre
à favoriser la croissance des grands végétaux et non à les dé-
truire à l'altitude extrême oîi ils peuvent pousser. Mais, à cet
égard, l'incurie des montagnards est complète et, pour se
chauffer pendant quelques heures, on les voit brûler le pied
d'arbres centenaires ou bien conduire leurs troupeaux de
chèvres à ces altitudes extrêmes de la végétation arborescente,
où ces animaux arrachent les jeunes pieds, quand par hasard
ils s'élèvent entre les roches dénudées. La nature semble se
lasser pendant cette lutte journalière et elle abandonne à la
stérilité des espaces Jadis couvei-ls de forêts. Les mélèzes dis-
paraissent et les mousses mômes quittent ces déserts de pier-
res. Que l'on parcoure la Savoie, l'Uberland. le Valais, partout
l'on constate avec tristesse que les furets tendent à descendre
en même temps que les glaciers diminuent; (pie la solitude
morne se fait au delà d'une altitude de 1,.SU0 mètres, et (}ue
les neiges d'hiver, en fondant aux premières chaleurs du
TRAVAUX DE GAZONNEMENT. 313
printemps, causent des ravages de plus en plus sérieux sur
les pentes, faisant succéder brusquement à des journées tor-
rentielles des mois de sécheresse. »
Ces pages d'une vérité si frappante (et nous en passons dos
meilleures) sont empruntées à l'étude du massif du mont
Blanc *, publiée par un savant observateur qui, par ses tra-
vaux et sa spécialité, ne peut être taxé de professer })our les
forêts une prédilection ({ui risquerait d'être traitée de })artiale
chez un forestier.
Il suffit de modifier les chiffres des altitudes, qui s'augmen-
tent nécessairement dans les Alpes de Provence, par suite de
la latitude et du climat général de cette région, pour y retrou-
ver l'application des observations qu'elles renferment sur
l'abaissement progressif de la limite supérieure de la végé-
tation forestière.
De l'ensemble des considérations qui précèdent nous tirons
les conclusions suivantes :
Les gazons formant aujourd'hui des pelouses continues au-
dessus des forêts actuelles ne sont que les témoins de l'exis-
tence des forêts supérieures qui ont disparu par le fait de
l'homme, après avoir été la cause dominante de la production
de ces gazons.
Ces pelouses, qui subsistent encore, sont destinées, si
l'homme n'y prend garde, à disparaître à leur tour, et à sui-
vre la loi d'abaissement que son imprévoyance ou son égoïsme
a imposée aux forêts.
La création de nouvelles pelouses sur des terrains supé-
rieurs absolument dénudés ne peut être assurée que par l'in-
tervention de la forêt, agissant comme celle qui a provoqué
la production des pelouses qui existent encore dans la même
région.
Les plantes herbacées qui végètent encore au-dessus de la
limite réelle imposée à la végétation forestière, non par l'homme,
1. — VioUet-le-Duc, le Massif du Mont-Blanc, p. 245 ù 2't8.
314 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
mais par la température du lieu, ne forment pas des pelouses
sérieusement exploitables pour le pâturage et susceptibles de
protéger le sol contre les influences météorologiques.
Ces conclusions s'imposent avec plus d'énergie dans les
Alpes de l*rovenc<^ (jue dans toutes les autres , par suite du
climat très sec qui caractérise cette région. La végétation
berbacée est loin d'y rencontrer en efl'et les conditions d'hu-
midité si générales en Suisse, par exemple, que les forestiers
(pie nous avons eu l'occasion de visiter en parcourant ce
pays avaient peine à concevoir la signification du terme
(jaziinnonent, tant ils étaient peu babitués à l'absenci^ d'une
végétation berbacée quelconque sur des versants montagneux.
L'on rencontre enfin dans ces conclusions la justification
de l'extinction des torrents par le reboisement; car, sans
elles, on se trouverait pour la plupart du temps réduit à ne
reboiser que la région inférieure du bassin de réception et à
abandonner tout le reste aux vaines tentatives d'un enherbe-
ment sans produits comme sans perpétuité assurée. Dans le
cas donc d'un torrent à éteindre, on devra ne i)as bésiter un
seul instant à porter le reboisement beaucoup plus haut (jue
peuvent l'indiquer les forêts actuelles et ne s'arrêter qu'aux
terrains oh les neiges sont susceptibles de demeurer pendant
plusieurs années de suite. Il est évident que les conditions de
la végétation des essences forestières présenteront certaines
difficultés, surtout dans les premières années, mais l'art fo-
restier saura bien les surmonter et rétablir, h\ où elle fait si
rruelleiiicnl di'faut, la V(''géfation ligneuse (lisj)aiMie par lefail
de Ihomnie seul.
C'est là surtout le noble but de la mission confiée i)ar la loi
à r.\(liiiiiiisli;iti(in (\>'^ forèls.
(Vest là aussi la justification de la loi nouvelle contre les affir-
mations de certains détracteurs quand même, qui ne craignent
pas d'affirmer que son application entraînerait une perte
pour l'industrie pastorale, alors que précisément les pâturages
sérieusement susceptibles de régéiK'Tation ou d'amt'lioration,
TRAVAUX DK GAZONNEMENT. 315
demourant on dehors des périmètres obligatoires, sont laissés
à leurs j)ropriétaires, appelés ;\ bénéficier, au titre facultatif,
des subv(Mifions fpie la loi autorise l'Administration à leur
accorder.
L'altiludt^ de la limite supérieure imposée par la nature à
la cruissance des végétaux forestiers est très variable dans
une même région donnée. Elle dépend non seulement du
climat général (qui, de la Suisse aux Alpes françaises, fait
varier la limite des neiges éternelles de !2,700 à 3,300), mais
encore du climat local; d'où il résulte que l'on ne peut établir
à l'avance aucun chiffre absolu.
Gela posé, revenons aux Alpes françaises et examinons les
conditions que présentent les différentes prairies et pâturages
de montagne.
Laissant de côté les prairies artificielles, nous ne nous oc-
cuperons que des prairies et pâtures naturelles, c'est-à-dire
de celles qui se reproduisent indéfiniment sans que l'homme
les réensemence jamais.
On peut les diviser en prairies fauchables et en pâtures non
fauchables où l'herbe est mangée sur pied.
Les prairies fauchables peuvent à leur tour être partagées
en trois catégories se reliant par degrés infinis, mais qui se
différencient par leur altitude et le degré de fertilité de leur
sol.
Les prairies fauchables inférieures remontent jusqu'à
1,500 mètres d'altitude environ; elles rappellent les prés
d'Alsace et de Lorraine. On les fauche habituellement deux
fois par an (foin et regain). Malheureusement l'espace qu'elles
occupent est très restreint. Il leur faut un sol très irrigable
et de bonne qualité ou à défaut très souvent fumé.
Cette nature de prairie est caractérisée par quelques végé-
taux (jui y sont très abondants. Ce sont les graminées qui
dominent de beaucoup, contrairement à ce qu'on rencontre
dans les autres sortes de prairies, notamment les bromes, les
paturins, les grandes fétuques, les dactyles, etc. Outre cela.
.ilG REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
on voit quelques ombellifères et composées qui ne conslituenl
(jue la partie secondaire.
Le foin est ordinairement bon, mais recherché plutôt par le
i^ros bétail que par les moulons.
Viennent ensuite les prairies l'auchablcs de la région
moyenne, qui s'étendent de 1,500 à 2,000 mètres et sont bien
plus répandues que les premières.
On n'y coupe le foin qu'une fois dans l'année; il est moins
long ordinairement que dans les prairies de l'espèce précé-
dente. Quelquefois on fume ces terrains, mais ordinairement
on se contente do les irriguer et d'y faire paître ou au moins
parquer des moutons après la coupe d'herbe, qui se fait en
Sioûi ou septembre. On y récolte de 12 à 15 quintaux métriques
de fourrages à l'hectare.
Les graminées ne sont que la partie secondaire dans ces
prairies ; les ombellifères, géraniacées, composées et colchica-
cées sont très abondantes, ainsi que les trèfles, potentilles,
anémones, etc.
On peut distinguer encore une troisième nature de prairies
fauchables. Ce sont celles des régions supérieures, qui s'éten-
dent de 1,800 mètres jus(iu'à 2,500 mètres d'altitude'.
Elles occupent des régions oîi la neige se maintient jusqu'au
mois de juin. On les rencontre exclusivement dans les parties
les plus fertiles et les moins déclives, ordinairement peu irri-
guées, de la région montagneuse. On ne les fume jamais, mais
toujours on y met les moutons en automne; souvent on les y
parque en changeant ce parc de place, ce qui équivaut à une
fumure. L'herbe y est toujoin\s courle, n'atteint guère (|u'uii('
(piiiizaine de centimètres et fournit le foin dit de nnnUayiir, de
bonne qualib'', mais un peu grossier et échauUanl jxmr le
bt'-lail; le produit à l'iicctare est généralement de 7 à 8 (piiii-
laux métriques.
On peut d'abord (li>liiiguer les p;Um âges en deux catégories :
ceux où les bestiaux i)âturent pendant l'été et ceux où ils
I. — Voir la note E, pafre i3U.
TRAVAUX DE OAZONNEMENT. 317
ne pâturent qu'au printemps et à l'automne, c'est-à-dire à l'é-
poque où les premiers sont généralement couverts déneige.
Les pâturages de printemps et d'automne occupent les ver-
sants, le plus souvent exposés au sud, voisins des habitations
plus ou moins agglomérées et présentant une végétation ché-
tive et peu abondante.
Dès que le temps est suffisamment beau, dès que la neige
y est fondue, c'est-à-dire du mois de mars jusqu'en juin, on
y fait pacager un grand nombre de moutons qui ont hiverné
dans les écuries et n'ont plus rien à attendre d'ailleurs, car
les granges sont à peu près vides de foin.
Ces terrains, très peu fertiles par eux-mêmes, qui vont jus-
qu'à 1,600 à 1,700 mètres d'altitude, sont ainsi parcourus par
un nombre considérable de moutons qui mangent le peu qu'ils
trouvent et apportent partout la désolation. Au printemps,
quand le sol est encore détrempé par la neige qui vient de
fondre, ces moutons piétinent le terrain, écrasent les jeunes
plantes qui germent et arrachent les petites plantes plus pré-
coces, qui ne résistent pas sur ce sol encore humide.
C'est là un des dangers les plus grands pour la montagne,
qu'il est bien difficile de supprimer à cause du manque actuel
de fourrages d'hiver, mais qui disparaîtra fatalement par l'ex-
cès môme de la jouissance.
En automne, quand la neige revient occuper la région haute,
ces terrains sont de nouveau livrés aux moutons ; mais à cette
époque le mal causé est beaucoup moindre ; les herbes sont
robustes et les moutons ne font qu'un mal insignifiant relati-
vement à celui qu'ils occasionnent au printemps.
Viennent ensuite les pacages plus élevés que les moutons
parcourent pendant une bonne partie de l'année, mais qui ne
constituent pas encore ce que l'on appelle les montagnes pas-
torales.
Ils sont formés surtout des parcelles que le cadastre appelle
vagues, entremêlées de quelques plaques de gazons incomplets
ou de broussailles de toutes espèces.
318 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
Ils occupent des sols très variés à tous égards; à la diffé-
rence des précédents, ils ne sont point toujours en très mau-
vais état, et pourraient parfois ôtre régénérés ou améliorés
sans grande difficulté. Mais ils appartiennent presque tous à
des communes absolument sans ressources.
Ils tiennent le milieu entre les pacages de printemps et les
montagnes pastorales, et sont parcourus par les moutons indi-
gènes exclusivement. Les plantes (jui les composent sont très
variables; il serait difficile d'en donner une liste; c'est un in-
termédiaire, pour la flore comme pour le reste, entre celle d(^
la catégorie précédente et celle de la suivante.
Nous arrivons enfin aux montagnes jMstoraks, composées de
pâturages qu'on ne fauche pas, quelle qu'en soit l'étendue,
mais qui sont encore suffisamment gazonnés pour qu'en géné-
ral les plantes forment une pelouse.
Habituellement elles sont louées à des bergers étrangers
dits iranshumants , mais parfois aussi elles sont pâturées jiar
des bûtes du pays. Ces montagnes occupent des régions situées
entre 1,800 et 3,000 mètres d'altitude. L'herbe y est généra-
lement courte, très serrée, formant comme un feutre par ses
racines, mais parfois en mottes séparées par des vides, qui
représentent un commencement de dégradation.
Les moutons y montent habituellement vers le milieu (1(>
juin et en redescendent aux premières neiges, c'est-à-dire en
octobre.
La plupart des auteurs, y compris M. Snrejl, se smit accor-
dés pour attribuer aux troupeaux trniislinmants la i>lns grande
somme des dégâts que subissent les montagnes et pour donner
la préférence aux troupeaux indigènes. 11 est parfaitement dé-
montré et admis incontestablement aujourd'hui que celte opi-
nion doit ôtre abandonnée. Le transhumant , qui n'arrive sur
la montagne qu'au moment où la végétation est en pleine
activité et où le sol s'est raffermi, qui ne parcourt (jue les
pelouses sur les versants les moins rapides, et qui part avant
les grandes pluies d'automne, est beaucoup moins destructeur
TRAVAUX DE GAZONNEMENT.
do la monta};no quo Yindigètie, qui ne laisse en hiver aucun
répit au moindre versant dégarni de neige et parcourt les
différents étages de la montagne, suivant les saisons, dans les
conditions les plus défavorables pour la stabilité du sol et la
conservation de la végétation herbacée.
Tandis que, dans les pâtures des deux catégories précé-
dentes, il est très difficile de fixer une possibilité en moutons,
on admet en général que pour maintenir une montagne pas-
torale en bon état, il ne faut pas dépasser le chiffre de trois
moutons par hectare. Toutefois ce chiffre normal est très sou-
vent inobservé, au grand détriment de la propriété.
Les vaches ne paissent guère sur les montagnes pastorales
dont l'herbe est très courte. Leurs pâtures se trouvent plutôt
sur les prairies fauchables, qui ne sont quelquefois pas cou-
pées pour ce motif qui présente souvent, dans la haute Pro-
vence surtout, un sérieux obstacle à la substitution , si dési-
rable cependant, de la vache au mouton.
Régénération et Amélioration des Pâturages par le Gazonne-
ment. — On peut, en résumé, distinguer dans les montagnes,
en dehors des prairies artificielles :
i d'altitude inférieure.
Des prairies naturelles fauchables . < d'altitude moyenne.
( d'altitude supérieure.
: de printemps et d'automne.
Des pâturages non fauchables . . . ^ d'été.
( de montagnes pastorales.
Nous ne citons les prairies fauchables que pour indiquer en
passant qu'il y a tout avantage, au point de vue de la produc-
tion nationale comme à celui de Fintérêt public, à exciter et
encourager leur développement dans les plus grandes propor-
tions possibles, car c'est le meilleur moyen d'arriver à la
réduction progressive des pâturages de printemps, qui aurait
pour conséquence, en supprimant une des principales causes
de la ruine des montagnes, de rendre à la forêt des terrains
320 REBOISEMENT ET GAZONNEMENT.
qu'en bonne économie elle devrait occuper, et de replacer
ainsi les diverses végétations selon les lois de la nature.
La régénéi'ation des pâturages dont nous allons nous occu-
per ne pont concerner que dos terrains dont la collocation
dans des périmètres obligatoires n'a pas paru nécessaire.
Ces terrains ne peuvent donc se trouver entièrement privés
de toute végétation et présentent dès lors d'anciens gazons
disséminés sur la surface et séparés entre eux par des espaces
nus plus ou moins grands.
La mise en défends des quartiers à régénérer sera d'abord
la première mesure à prendre ; mais seule elle serait inefficace,
comme nous l'avons démontré. Il faudra donc avoir recours à
des semis artificiels.
Les plantes berbacées qui composent les pâturages en bon
état dans les montagnes sont en nombre très considérable et
forment des mélanges intimes qu'il serait bien difficile, sinon
impossible, de doser pour chaque cas particulier. D'ailleurs
la récolte de leurs graines présente une difficulté d'un autre
ordre que l'on surmonterait à grand'peine, et qui, dans ce
cas, occasionnerait une dépense tout à foit hors de proportion
avec les résultats à atteindre. Elles mûrissent à des époques
très différentes, de sorte que si l'on coupe, sur une étendue
de bons pâturages mis spécialement en défends, les herbes
ayant crû on toulo liberté, on ne récolte qu'une minime partie
des graines utiles dans un état de maturité convonablo. Tons
les essais que nous avons tentés à cet égard n'ont donm'' que
do maigres résultats et ont entraîné à des dépenses qui au-
raient été excessives s'il se fût agi d'une quantité un pou forte
de graines.
Le mieux est donc de s'en tenir aux graines du commerce,
toiles que sainfoin, fenasse, etc., et de les semer dans les in-
tervalles des gazons de manière que le sol soit couvert dès la
deuxième année. Les plantes destinées à disparaître plus tard
durent cependant assez longtemps pour fournir aux graines
produites par les gazons qui les entourent un abri suffisant con-
TRAVAUX DE Ci AZONNEMENT. 321
Ire les influences atmosphériques, et pour permettre ainsi aux
jeunes plantes défmitives de se développer et de les remplacer
un jour.
On conçoit que co mode de régénération ne peut être appli-
qué que dans le cas où les intervalles, absolument nus entre
les gazons, ne présentent pas une bien grande surface intrin-
sèque. Au cas où la nudité occuperait des étendues impor-
tantes, les plantes de sainfoin et de fenasse, livrées à elles-
mêmes et manquant du contingent fourni par les anciens
gazons, risqueraient fort de ne pas procurer un abri et un
engrais suffisants au sol ; auquel cas le moyen le plus écono-
mique et le plus sûr serait de planter, sur les surfaces nues,
des bouquets de mélèze ou de pin cembro qui, convenable-
ment disséminés, fourniraient l'abri et l'engrais nécessaires,
tout en préparant pour l'avenir des abris aux troupeaux con-
tre les ardeurs du soleil et un auxiliaire précieux pour la con-
solidation du sol.
On créerait ainsi des sortes de prés-bois, où le bois n'occu-
perait que des parties restreintes, telles que les ressauts en
pente raide, les fonds de petits ravins naissants et quelques
places sur les grands vides.
En opérant de la sorte, l'on ne ferait, somme toute, que
rétablir les conditions d'équilibre les plus rationnelles entre
les besoins de l'industrie pastorale et la nécessité de la con-
servation du sol, conditions que l'on rencontre dans la plu-
part des beaux pâturages de montagne, depuis le Jura jusqu'au
Alpes.
V amélioration des pâturages a pour but l'augmentation de
la production intensive, et s'obtient par l'élimination de cer-
taines plantes parasites ou mauvaises pour les animaux appe-
lés au parcours, par l'épierrement, par la fumure et par l'irri-
gation, toutes opérations en faveur desquelles les propriétaires
sont susceptibles de recevoir des subventions de la part de
l'Etat. Ces améliorations ont pour résultat d'augmenter les
bénéfices de l'industrie pastorale, tout en assurant pour le
21
322 REBOISEMENT ET (J AZo N N E ME NT.
présent et pour l'avenir la conservation des versants qui ont
échappé à la dévastation des torrents. Dans certaines contrées
favorisées, elles amènent à la création d'associations fourra-
gères dites fruitières, qui entraînent la substitution de la vache
au mouton dans les parcours, substitution qui détermine un
accroissement de la production nationale en même temps que
les garanties de conservai ion des pâturages et par suite des
montagnes.
LIVRE CINQUIÈME
OPERATIONS DIVERSES
CHAPITRE XII
OPÉRATIONS TOPOGRAPHIQUES
Délimitation et Bornage. — Dans le cas où l'on n'aura pas à
prévoir de diflicultés avec les riverains et où l'exécution d'une
délimitation générale entraînerait une perte de temps consi-
dérable sans procurer un avantage proportionné, on pourra
procéder à une série de délimitations et de bornages partiels,
au fur et à mesure de l'avancement des travaux dans les péri-
mètres.
Lorsqu'il y aura lieu à expropriation, surtout pour les petites
parcelles ou parties de parcelles cadastrales appartenant à des
particuliers , il conviendra de lever exactement et de dresser
un plan régulier de chacune des portions des propriétés à
exproprier, de façon à éviter toute contestation ultérieure
après le décision du jury. Au moment de l'entrée en posses-
sion, on fera placer des bornes numérotées d'après les plans,
qui seront dressés en plusieurs expéditions en vue de leur
conservation.
Il y a tout intérêt à opérer de même en ce qui concerne les
324 OPERATIONS DIVERSES.
carmrcs, voies laissées libres pour le passage des troupeaux
à travers une partie d'un périmètre donné.
En exécutant les levés relatifs tant aux délimitations qu'aux
caraires, il est avantageux d'opérer simultanément le nivelle-
ment sur tous les cheminements; on obtient ainsi des moyens
de contrôle et en même temps des données utiles à la confec-
tion ultérieure du plan définitif du périmètre.
Levés successifs, Plan définitif. — Au fur et à mesure qu'on
établira des cht'mins et des sentiers dans les périmètres, on
opérera le levé et le nivellement de leur tracé définitif en
ayant soin de les rattacher à un point trigonométrique voisin,
stable et facile à retrouver. On opérera de même dans le levé
des torrents, des ravins et des lignes de divisions, de sorte que
peu à peu on obtiendra sans frais supplémentaires un plan
complet et détaillé du périmètre traité, ainsi que son orogra-
phie; car, pour la compléter, il suffira de quelques nivelle-
ments supplémentaires entre ceux fournis par les torrents et
les chemins.
On relèvera également avec soin l'altitude des points princi-
paux où sont établis les baraquements, les pluviomètres, les
pépinières volantes.
Outre le plan d'ensemble d'un périmètre donné, il y a tout
intérêt à conserver les plans de détails levés dans les torrents
et dans les ravins, afin d'avoir plus tard un terme de compa-
raison avec le nouvel état dans lequel se présentera le péri-
mètre une fois les travaux terminés.
A cet effet, l'on constitue, pour chaque torrent un album
spécial renfermant son plan général, son profil en long, ses
profils en travers et les dessins d'exécution de tous les ouvra-
ges importants destinés à être l'objet d'entretiens ultérieurs.
Ces albums, établis en plusieurs expéditions, en vue des chan-
ces de destruction, seront dans l'avenir du plus haut intérêt.
TRAVAUX DE VOIRIE. 325
CHAPITRE XIII
TRAVAUX DE VOIRIE
Chemins, sentiers. — Application du deudromèti-e Bouvart.
Chemins, Sentiers. — Les rares chemins ou sentiers qu'on
peut rencontrer par hasard dans les périmètres sont loin de ré-
pondre aux exigences de l'exécution des travaux, soit au point
de vue de leur distribution, soit à celui de leurs pentes.
Il convient donc d'établir, dans chaque périmètre, un réseau
de chemins qui procurent la plus grande somme d'avantages
aux travaux et assurent, pour l'avenir, une circulation facile
et économique dans la forêt nouvelle , soit en vue de sa con-
servation, soit en vue de son exploitation.
On conçoit facilement l'importance qui s'attache , sinon à
construire, du moins à tracer, dès le début, le réseau des che-
mins, voire même des routes, qui devront desservir la future
forêt. Ces voies, ouvertes d'abord sur une petite largeur, réa-
liseront dans l'exécution des travaux une économie impor-
tante, en diminuant les frais de transport du matériel, des
plants, des graines et de tous les matériaux nécessaires aux
travaux {de Gayffier, PL 7, 35, 36, 44, 45, 47).
A ces voies artérielles viennent se souder de nombreux pe-
tits sentiers permettant de circuler sur des pentes souvent
très difficiles et parfois même inaccessibles auparavant, don-
nant accès aux ouvriers sur toutes les parcelles à travailler et
326 OPKRATIONS DIVKRSHS.
assurant l'onlrolion et la consorvalion do la jouno forêt par la
facilité procurée aux préposés de la parcourir coniniodénient
et rapidement.
Les chemins appelés dans l'avenir à servir au besoin de
routes forestières peuvent ôtre ouverts, dès le début, sur
une largeur de 3 mètres, qui permet l'introduction des char-
rettes de transport, sans nécessiter de grands frais d'entre-
tien.
On leur donne au maximum 12 pour 100 pour les pentes,
6 pour 100 pour les rampes.
Ces chemins, faits la plupart du temps î\ mi-côte, ne néces-
sitent aucun transport en long et n'entraînent en général
qu'une faible dépense. Aussi peut-on se contenter, pour. leur
exécution, d'un devis basé sur le j)rix du mètre courant, qui
ne peut varier que d'après la nature du sol et du profil en
travers, la largeur demeurant constante.
Chaque fois qu'un chemin traversera un ravin . petit ou
grand, on établira, pour la traverse, un mur de soutènement
formant barrage, muni au besoin d'un pertuis pour l'écoule-
ment des eaux ordinaires.
Le couronnement de ces barrages devra toujours avoir sa
corde placée horizontalement et sa flèche aussi réduite que
possible; on évitera ainsi le danger de détourner vers le che-
min les eaux qui passeraient sur le barrage.
.\près ces grandes voies viennent des chemins muletiers,
destinés à desservir les points où l'élablisst'mont des ibcmins
carrossables serait onéreux. On leni- donne nnr largeur de
l'°,oO ;\ 2 mètres, et leurs pentes et rampes peuvent atteindre
de 15 à 18 pour 100, sans cependant aller au delà.
Enfln les sentiers n'ont qu'une largeur variant de 60 centi-
mètres à 1™,20. Quant à leurs pentes maxima, elles sont les
mêmes que pour les chemins muletiers.
On peut simplilit-r considt'rablcmcnt les études et le travail
ijue réclame le tracé de tous les chemins, petits ou grands, en
se servant, au lieu d'éclimètres ou de niveaux à pied, du den-
TRAVAUX DE VOIRIE. 327
dromètre Bouva7't, qui est d'une application générale pour tous
les travaux de ce genre dans les Basses-Alpes.
Nous transcrivons ci-après, au sujet de cet instrument, une
note rédigée par M. F. Carrière, sous-inspecteur des forets,
qui, le premier, en a introduit l'usage dans ce département :
« La construction du dendromètre de M. l'inspecteur Bou-
vart est l'ondée sur les propriétés des tangentes. La forme de
cet instrument, la disposition de ses parties et son maniement
sont connus de tous les forestiers.
« Si l'on considère, dans le plan vertical passant par l'œil de
l'opérateur et le point observé, d'une part l'angle formé parla
ligne de visée et l'horizontale partant de l'œil, d'autre part
l'angle compris entre les rayons allant de l'axe du perpendi-
cule, l'un au zéro du limbe et l'autre à la division de ce limbe
qui coïncide avec l'index fixe, on voit que ces angles sont
égaux comme ayant les côtés perpendiculaires chacun à cha-
cun. Le limbe n'est point gradué en parties aliquotes de la cir-
conférence, les arcs compris entre le zéro et chacune des
divisions consécutives correspondent aux angles dont les
tangentes trigonométrique sont 1, 2, 3, etc., centièmes du
rayon, et ce sont ces nombres qui sont inscrits en regard
des divisions. Le zéro est placé de manière à se trouver sur la
verticale passant par l'axe du perpendicule lorsque la ligne
de foi est horizontale; l'index fixe est disposé de façon à se
trouver en coïncidence avec le zéro dans ce cas de visée hori-
zontale.
« Etant donnée une ligne allant de l'œil à un point quelcon-
que, il est facile de se représenter la verticale passant par ce
point et l'horizontale allant de l'œil jusqu'à la rencontre de
cette verticale; ces trois lignes forment un triangle rectangle.
L'opérateur observe l'angle compris entre la ligne de visée et
l'horizontale; le dendromètre lui en donne la tangente trigo-
nométrique , c'est-à-dire le rapport (en centièmes) de la verti-
cale à l'horizontale, en d'autres termes, la pente de l'hypoté-
nuse ou ligne de visée. Donc, d'une manière générale, le
328 OPÉRATKJNS DIVERSES.
(lendromr'tro donne en centièmes la ponte de la ligne de visée.
(II est bon de se rappeler que les nombres exprimant ces
pentes ne sont gravés sur le limbe que de 10 en 10 et que les
zéros (lui devraient terminer les nombres ont été supprimés,
pour plus de simplicité : ainsi, en lisant 1, 2, 3, etc., il faut
entendre 10, 20, 30, etc.
<( L'aide doit être muni d'une mire dont le voyant soit
ajusté de telle sorte que la distance de son centre au pied de
la mire soit égale ii la hauteur de l'œil de l'opérateur au-des-
sus du sol. Dans ces conditions, la ligne de visée est parallèle
et, par conséquent, équivalente i\ la ligne droite allant sur le
sol du point sur lequel s'appuient les pieds de l'opérateur au
point où est posée la mire. Dans la pratique, on se sert, en
guise de mire, d'un jalon, d'une latte, d'un bâton quelconque
sur lequel on fait un cran à la hauteur où devrait se trouver
le centre du voyant.
L'aide tient ce bâton à pleine main, en s'arrangeant de telle
sorte que la surface formée par le dessus de son pouce et de
son index se trouve au niveau du cran; l'opérateur distingue
très bien, aux plus longues portées, le dessus de la main de
l'aide et vise facilenuait cette ligne.
« Le dendromètre Bouvart est d'un emploi extrêmement
commode pour l'exécution rapide de certaines opérations de
nivellement auxquelles il est nécessaire de procéder journel-
lement dans les périmètres de reboisement , telles que tracés
et (Hudes.
« Premier c.vs. — (/jK-ration sur un chetn'ni c.vhlnnt. Los sta-
tions sont marquées par des piquets ou indi(piéos par des
changements de pente. L'opérateur et son aide, <jui le précède,
marchent et s'arrêtent de manièri^ à se trouver toujours à
deux stations consécutives. Pour plus de sûreté, rojx'rateur,
s'il dispose d'un deuxième aide, le fait marcher derrière de la
mônui manière que l'autre devant; il y a alors deux observa-
tions à chaque station, et le coup d'arrière contrôle le coup
d'avant de la station précédente. Exemples : levé du profd en
TRAVAUX DE VOIRIE. 320
long (le ravins secondaires, de petits torrents, d'un chemin à
rectilier, etc.
« Deuxième cas. — Tracé d'une ligne à pente, donnée. L'opéra-
teur et son aide marchent comme dans le premier cas; les
stations doivent être choisies de telle sorte que la ligne
allant de l'une à l'autre soit en coïncidence, autant que possi-
ble, avec la surface du terrain. L'aide se place d'abord au jugé,
puis monte ou descend dans le sens de la plus grande pente
du terrain, d'après les indications que l'opérateur lui donne
de la voix ou de la main. Lorsqu'enlin le dendromètrc marque
la pente voulue, l'aide plante un piquet ou fait un tas de
pierres à l'endroit où reposait le pied de la mire, puis il se
remet en marche. Quand l'aide manque d'expérience ou de
coup d'œil, il y a avantage à changer l'ordre de marche; l'aide
se tient en arrière et n'a qu'à stationner au point qui vient
d'être déterminé, tandis que l'opérateur, tournant le dos à la
direction suivie, cherche le nouveau point en se déplaçant,
comme il a été dit précédemment pour l'aide, jusqu'à ce que
le dendromètre marque la pente convenue. De cette manière
l'opérateur est certain de son cheminement, suit bien les mou-
vements du terrain ; en outre , il choisit chaque station de fa-
çon à ménager pour la portée suivante de bonnes conditions
de visée et de distance. Exemples : chemin ou sentier destiné
à donner accès aussi haut ([ue possible dans une partie d'un
périmètre; rigole devant servir à répandre sur un versant les
eaux d'un ruisseau ou d'une source; en outre, tous les tracés
horizontaux, tels que chemins de ceinture, sentiers de ronde,
ligne de zone ou de parcellaire, bandes pour semis ou planta-
tions, banquettes pour cordons de saules, etc.
« Troisième cas. — Tracé dune ligne à pente constante entre
deux points donnés. Partant de l'un des points de sujétion, on
se dirige aussi exactement que possible vers l'autre, dont on
connaît toujours plus ou moins approximativement la situa-
tion. On opère comme dans le deuxième cas, et, en outre,
on chaîne d'une station à l'autre en avant soin de noter sur un
330 OPÉRATIONS DIVERSES.
carnot la lonjïuour do chaciuo porléo ot, ;\ côlé (rdlc, la ptMilc
corrospondantp : on va ainsi jus(iu"à l'anlro point de sujétion
ou plutôt jusqu'à la rencontre de la liiim; de jdus i^raudc pente
passant par ce point. Pour chaque portée, la dinérenc*' de ni-
veau de ses extrémités est C'^hIq au produit de la lon^iuiMU"
chaînée i)ar la pente. La différence de niveau entre los deux
points de sujétion est donnée par la somme de ces produits
(quelques-uns d'entre eux pouvant, bien entendu, avoir une
valeur négative). Si le cheminement a été fait avec soin, sa
longueur peut être considérée comme sensiblement égale au
développement (pTaura la ligne à tracer. On déterminera donc
approximativement la pente de cette ligne en divisant la diffé-
rence de, niveau entre les points de sujétion par la longueur
du cheminement d'essai. On rentre alors dans le deuxième
cas; partant de l'un des points avec une pente donnée, on doit
arriver à l'autre à peu de chose près. S'il y avait trop d'écart,
on ferait, à l'aide du second cheminement, le même calcul
(|u'avec le premier, et on procéderait ;i une troisième opéra-
ion qui serait le tracé définitif; mais généralement il suffit de
retoucher la ligne sur une certaine longueur pour la faire
aboutir exactement au deuxième point. Il est facile de com-
prendre que pour le cheminement d'essai, on a tout intérêt à
marcher aussi longtemps (jue possible avec la même pente
choisie, de façon à maintenir ce cheminement dans une direc-
tion convenable; en effet, lorsqu'il s'agit de faire le calcul, on
cumule les longueurs des portées pour lesquelles la pente est
la même et on r(}alise ainsi une siniplifieatinn souvent consi-
dérable. Exemples : chemin ou iiorfion de chemin devant pas-
ser par doux pcjints fixes, canal d'arrosage (lestin('' à aboutira
un endroit délermint', tel qu'une pépinière.
« (Ji'ATiUKME CAS. — /)c/('rmin(ilio)i (le l'iutersectuni de deux
lignes à pentes dijféi-entes. Ce problème trouve son aj)plication
lorsqu'il s'agit de fixer l'emplacement de barrages de faibles
dimensions. Étant données la place d'un premier barrage et la
pente sous laquelle on admet que se formeront les atterrisse-
TRAVAUX DE VOIRIE. 331
ments, on cherche l'endroit où devra être construit lo barrage
suivant on ajnont, c'est-à-dire le point où une ligne, partant
du milieu de l'arùte du barrage avec la pente d'atterrissenient,
rencontrera la ligne du thalweg de la ravine. Si le premier
barrage est déjà construit, l'opérateur s'installe sur son cou-
ronnement et, en employant la môme mire que dans les trois
cas précédents, la fait mouvoir par l'aide le long de la ligne du
thalweg jusqu'à ce que le dendromètre marque la pente
adoptée pour l'atterrissement. S'il n'existe pas de barrage au
point do départ, ce qui a lieu généralement, on emploie une
mire à règle graduée. La position normale du centre du voyant
devait être à une distance du pied de la règle égale à la hau-
teur de l'œil de l'opérateur au-dessus du sol. On abaisse alors
le centre du voyant, au-dessus de sa position normale, d'une
quantité égale à la hauteur que devra avoir le barrage à con-
struire au point de départ. De cette manière , l'opérateur fait
perdre la hauteur qu'il perd lui-même en se plaçant sur le sol
du fond de la ravine au lieu d'être sur le barrage, et il rétablit
ainsi le parallélisme voulu entre la ligne de visée et la ligne de
plus grande ponte du futur atterrissement. Cette correction de
la position du voyant peut se faire tant qu'il s'agit de barrages
dont la hauteur ne dépasse pas 1™,50, ce qui est, d'ailleurs, le
cas le plus fréquent. Si les barrages doivent avoir une hauteur
supérieure à celle de l'œil au-dessus du sol , il faut marcher
dans un ordre inverse; l'aide se place au point de départ, et
c'est l'opérateur qui circule dans le fond de la ravine pour
chercher l'emplacement du barrage d'amont. La distance du
centre du voyant au pied de la règle doit alors être égale à la
longueur adoptée pour la position normale, augmentée de la
hauteur qu'aura le barrage à construire au point où se trouve
la mire; l'aide peut aussi, s'il n'a pas de mire à règle graduée,
planter à son point de stationnement un jalon de môme hau-
teur que le futur barrage, et placer sur la tête de ce jalon le
pied de la mire à voyant fixe ou du bâton-mire dont le cran,
pour être rendu apparent, est préalablement souligné par une
332 (H'ÉRATIONS DIVERSES.
bando do papier blanc. Exemples : établissement do fascinagos,
de clayonnages, do seuils et de petits barrages en pierre sèche.
« Il n'y a pas lieu de donner un pied au dcndromètre, qui
n'est point un instrument do précision, mais qui aie mérite
d'être très portatif, de se prêter aux opérations expéditives et
de pouvoir être employé partout oii il y a place pour le pied
d'un montagnard. M. Nicot, inspecteur des forêts à Gap, a
perfectionné d'une manière très ingénieuse le dendromètreen
y adaptant, près de la fenêtre par laquelle, on voit le limbe,
un petit miroir à charnières dans lequel l'observateur peut
suivre les mouvements do ce limbe et en lire les indications
tout en maintenant l'œil près do l'oculaire de l'instrument.
Cotte précieuse amélioration devait être apportée à tous les
dendromètres Bouvart. »
Barrières, Caraires. — Il arrive souvent que dans un péri-
mètre l'on est obligé de laisser un ou plusieurs passages libres,
tantôt pour permettre aux troupeaux de la localité de traver-
ser une partio du périmètre pour se rendre dans les pâturages
voisins, tantôt pour leur fournir le moyen do se rendre à un
abreuvoir qu'on ne peut trouver que dans le périmètre lui
même , tantôt enfin pour leur donner un accès sur dans des
propriétés enclavées.
Ces passages, que dans les Alpes on désigne sous le nom do
caraires et parfois de drayes, présenteraient un danger constant
pour le périmètre comme pour les propriétaires dos troupeaux,
si l'on se contentait de les délimitor par de simples bornes,
auquel cas, de plus, on serait obligé' do leur donner une lar-
geur énorme
Un évite tous ces inconvénients on les bordant de chaque
côti' par une barrière derrière laquelle on peut onsuiti? planter,
dans les endroits favorables, une haie vive très épaisse desti-
née à la remplacer dans l'avenir.
Il arrive parfois en outre qu'un périmètre est traversé ou
bordé par des voies publiques, toiles que routes nationales ou
TRAVAUX DE VOIRIE.
333
départementales, chemins vicinaux, etc., et qu'il y a, sur cer-
tains points (lu parcours, nécessité d'en défendre l'entrée. On
est donc, dans ce cas, obligé d'avoir recours à une clôture du
même genre.
Ces barrières peuvent consister exceptionnellement, dans
les rares cas où la pierre est abondante et facile à travailler,
en un mur en pierre sèche de 1™, 20 de hauteur; mais, en gé-
néral, on est obligé d'avoir recours à d'autres moyens.
Si les troupeaux consistent en bêtes aumailles, on construit
la barrière en bois, tandis que pour les bêtes ovines une sim-
ple barrière en fd de fer galvanisé devient suffisante.
Les barrières en bois doivent être assez hautes pour ne pas
être franchies par les animaux, assez solides pour résister à
Fig. 73. — Barrière en Bois. — Élévation dégagée des Terres. Fig. 71. — Coupe.
leur pression , et assez grosses pour être aperçues facilement
de loin, surtout quand elles bordent des pâturages où l'on
élève déjeunes poulains ou de jeunes mulets.
Les figures 73 et 74 donnent l'élévation et la coupe de ce
genre de barrières, qui se composent de deux traverses reliées
par des piquets.
Les piquets, espacés entre eux de 2™, 50 d'axe en axe, sont
aplanis sur une face qui doit avoir 15 centimètres de largeur;
leur hauteur au-dessus du sol est de 1°',20, et ils sont enfoncés
en terre sur une longueur de 80 centimètres.
Contre ces piquets sont assujetties avec des boulons deux
traverses obtenues par le dédoublement d'une perche de
10 à 12 centimètres de diamètre et placées de manière que
334
0 P E R A T I O N S D I \' I-; Il SES.
l'axe de l'une soit i\ 50 centimètres du sol et celui de l'autre à
1 mètre.
Le prix du mètre courant de ce genre de barrières est né-
cessairement très variable , car il dépend du lieu où elle est
placée, des difficultés de transport des matériaux, des fouilles
pour les piquets et do la valoin- dos bois employés.
Los barrières en fil de for galvanisé se composent do trois
fils de 5 millimètres de diamètre , écartés de 30 centimètres,
pr: ■■ ■ ■"■■■ ^
Fig. 75. — Barrière en Fil de Fer galvanisé.
Élévation dégagée des Terres.
Fig. 76. — Coupe.
soutenus par des piquets espacés de 5 mètres qu'ils traversent,
et fortement tendus au moyen des instruments dont on fait
usage dans les lignes télégraphiques.
Ce genre de barrières, (jui est très économique, présente
l'avantage de pouvoir être facilement transporté d'un endroit
î\ un autre au cas échéant. Il est d'un entretien facile et peu
coûteux et suffit amplement au but qu'on s'est proposé. Les
figures 75 et 76 en donnent l'image.
HYDROGRAPHIE. 33i
CHAPITRE XIV
HYDROGRAPHIE
But des observations. — Établissement du plan, du profil ea. long et des
profils en travers. — Description du torrent. — Chronique et statistique
des crues successives.
But des Observations. — Lorsqu'un périmètre vient d'ôtre
étudié en vue de l'extinction d'un torrent et qu'après les di-
verses enquêtes prescrites par la loi il fait l'objet d'un décret
d'utilité publique, on ne possède la plupart du temps que des
données très vagues sur l'bistorique du torrent auquel on va
s'attaquer; si l'on peut se donner facilement certains ronsci-
iïnements topograpbiques, tels que son plan, son profil en
long et ses profils en travers, on ne les obtient qu'en ce qui
concerne le moment actuel, et ce n'est que par une série d'ob-
servations attentives qu'on arrive parfois à se faire une idée de
ses anciens états successifs.
Mais si l'on peut connaître certains éléments de sa puis-
sance, tels que le sol où il fonctionne et les pentes actuelles
qu'il y présente , on se trouve absolument privé de renseigne-
ments relatifs aux autres éléments de cette puissance qu'il
s'agit de combattre. Jusque-là, en effet, personne n'a songé à
mesurer la quantité d'eau que peut jeter dans son bassin un
orage violent pondant un temps donné ; on ignore la durée de
la crue correspondant à cet orage, la quantité d'eau écoulée,
le volume des matériaux arrachés, charriés et déposés, et, par
336 OPÉRATIONS DIVERSES.
suite, les offets produits par l'orago sur les profils en long et en
travers dans le haut, et sur lo cône de déjections dans le bas.
A défaut de ces données, qui seraient du i)lus haut intérêt
pour l'exécution des travaux, on peut du moins entreprendre
dès lo début les études nécessaires pour se les procurer suc-
cessivement dans l'avenir.
Au bout d'un certain nombre d'années, au fur et à mesure
que les travaux de reboisement et de correction se développe-
ront en intensité, on aura obtenu par les observations ainsi
faites, une série de rapports successifs entre la masse d'eau
tombée sur le bassin de réception et les effets produits dans le
torrent et sur le cône, rapports ([ui fourniront d'abord des
données précieuses sur les degrés successifs de l'efficacité des
travaux en cours d'exécution et démontreront ensuite, par des
faits d'expériences sérieuses et coordonnées, que le résultat
flnal des travaux concorde entièrement avec les projets basés
sur des déductions rationnelles.
Les études et observations hydrographiques dont il s'agit
doivent dès lors avoir pour but ' :
1° L'établissement du plan, du profil en long et des profils
en travers du torrent et sa description détaillée;
2° La chronique et la statistique des crues successives, com-
prenant la durée des pluies extraordinaires, le jaugeage de
l'eau tombée, l'estimation du volume de l'eau écoulée, des
matériaux entraînés, et cnlin l'appréciation des dommages
causés.
Le plan du torrent doit renfermer son lit ainsi que ses ber-
ges tout entières jus(iu"à l'arôte vive ((ui les sépare des ver-
sants proi)rement dits. Il n'est pas nécessaire ([u'il comprenne
le cours nitifr du torrent depuis son origine la plus élevée;
mais il convient de le lever en partant du point le plus haut
de la partie à corriger, jusqu'à, et y compris son cône de déjec-
tions.
1. — Culmaan, Rapport au Conseil fédéral sur let Torrents (1rs Alpes
suisses, j>. 211.
IIYDIIOGIIAPIIIE. 337
Si, comme cela arrive très souvent, le torrent présente dans
son cours un certain nombre de sections réclamant seules des
travaux de correction , il est néanmoins utile que le plan soit
général et renferme ainsi la situation respective de chacune de
ces sections.
Le profil en long demande des détails plus complets dans
ces sections que dans leurs intervalles où l'on peut se conten-
ter d'un nivellement à grandes portées, car il n'a plus là pour
but que de rattacher une section à l'autre afin de déterminer
la courbe générale que présente le torrent.
Il en est de même des profils en travers, qui doivent être
d'autant plus détaillés que les berges présentent plus d'irré-
gularités.
Si, sur certains points, l'on rencontre des glissements, on
lève dans chacun d'eux une série de grands profils en travers
dont les deux extrémités se prolongent jusqu'à des terrains
fixes sur lesquels on puisse établir des bornes qui permettent
de repérer d'année en année ces profils pour constater soit
l'intensité des glissements , soit l'effet produit sur eux par les
travaux.
En opérant le levé du plan et des profils, on doit avoir soin
de relever bien exactement les différentes natures de sol et de
roche qu'on peut rencontrer, les carrières et les gros blocs
susceptibles d'exploitation et enfin tous les détails qui peuvent
être utiles aux travaux. Pour plus de clarté, on donne une
teinte spéciale à chacune des natures de sol et de roche.
L'échelle à employer pour le plan varie du ^^ au -^; elle
doit toujours être assez grande pour permettre d'y placer visi-
blement l'axe, les numéros des angles de sommet et les em-
placements des profils en travers avec leurs directions.
Pour le profil en long général, l'échelle des hauteurs doit
toujours être plus grande que celle des longueurs, ce qui
permet de bien mieux lire les différences de pentes; l'on peut
avantageusement prendre pour les longueurs l'échelle du plan
et pour les hauteurs une échelle quintuple.
22
338 OPERATIONS DIVERSES.
Quant aux i)rofils en travors, an contraire, le mieux est
d'adopter une échelle nnifornie pour les hauteurs et les lon-
jiuenrs.
En joignant aux dessins toutes les données prises sur le
terrain même, pendant l'exécution des levés, on obtient la
représentation complète du torrent dans l'état où il se trouvait
au moment de l'étude des travaux.
Les données qui ne rentreraient pas dans le cadre des des-
sins font l'objet d'une notice sjjéciale indiquant tous les ren-
seignements qu'on a pu se procurer sur le régime ancien et
actuel du torrent, et sur les phénomènes dont les riverains
ont pu conserver la trace et le souvenir.
Dans la plupart des torrents, les crues produites par les
grands orages sont bien plus dangereuses que celles venant à
la suite de la fonte des neiges ou des pluies prolongées de l'au-
tomne et du printemps; c'est donc surtout les pluies d'orage
qu'on doit chercher à mesurer.
Le jaugeage de l'eau tombé'e à chaque orage s'obtient faci-
lement au moyen de pluviomètres convenablement disposés
et étages à différentes altitudes dans le bassin de réception.
Mais la mesure de la quantité d'eau écoulée et des matériaux
entraînés est beaucoup i)lus difficile; on peut môme affirmer
qu'elle est impossible en employant les moyens et formules or-
dinaires, au moins tant que le torrent charrie des matériaux:
l'on est donc obligé, dans la première période des travaux, de
se contenter de données approximatives : ;\ cet eff(»t, au mo-
ment des orages, des observateurs ronvena])lement disposés
notent la durée de la crue, son int(Mîsit(i, sa section sur le
couronnement des barrages, sa nature et ses effets tant sur les
berges (pu' sur le cône de déjections; l'on obtient ainsi une
série de renseignements que l'on reprend d'une façon analo-
gm- h chaque orage. Au bout d'un certain nombre d'années,
au liir et à mesure (pie les travaux de reboisement et de
correction se développent en étendue et en intensité, on aura
obtenu, par ces observations, une série de rajtports successifs
HYDROGRAPHIE. 339
pntro la masso d'eau tonibéo sur \o bassin de réception et les
effets produits par son écoulement, et l'on pourra suivre ainsi
pas à pas les résultats proj^ressifs des travaux, en rapprochant
les effets de deux ou plusieurs orages qui, survenus à de longs
intervalles, viendraient à présenter une analogie dans la quan-
tité d'eau tombée pendant un temps d'égale durée.
Installation des Pluviomètres. — Ainsi que nous avons déjà
eu l'occasion de le rappeler, les pluies sont d'autant plus fré-
quentes et plus abondantes que l'on s'élève davantage au-
dessus du niveau de la mer, toutes circonstances égales d'ail-
leurs. D'où il résulte évidemment que pour obtenir avec une
approximation suffisante la quantité d'eau tombée, par un
orage donné, dans le bassin de réception d'un torrent, un
seul pluviomètre ne suffirait pas généralement, à moins (jue
l'on ait affaire à une petite combe ne présentant qu'une mi-
nime superficie et de faibles différences entre ses altitudes
extrêmes.
Dans la plupart des cas, il est donc indispensable d'installer
plusieurs instruments, dont chacun sera affecté à une zone
spéciale nettement déterminée sur le plan du périmètre. Le
moyen le plus commode et le plus sûr consiste à couper le
bassin de réception par deux plans horizontaux déterminant,
entre le point culminant du torrent et le sommet de son cône
de déjections, trois zones d'égale épaisseur à chacune des-
((uelles on affecte un pluviomètre. On trace sur le plan du
bassin de réception les deux courbes horizontales que déter-
mine l'intersection de ces plans avec le sol des versants, l'on
calcule la surface de chacune des trois zones formées par ces
courbes horizontales et les limites du bassin de réception, et
l'on possède les données nécessaires pour obtenir la quantité
d'eau tombée d'après les observations faites sur les pluvio-
mètres.
Il faut, en général, au moins trois pluviomètres pour un
torrent qui viendrait à présenter entre les altitudes extrêmes
340 OPERATIONS DIVERSES.
de son bassin do réception une différence de niveau qui attein-
drait un minimum de 500 mètres.
Mais si le bassin est très vaste, s'il est surtout en l'orme de
cirque bien accentué, possédant des versants placés à deux
expositions diamétralement opposées , le nombre des pluvio-
mètres doit ôtre augmenté suivant la forme de la courbe dé-
crite par les limites du bassin de réception.
Pour fixer les idées, supposons un torrent qui présente
entre le sommet de son bassin de réception et celui de son
cône une différence de niveau de 1,500 mètres, et soit bordé
sur ses deux rives par de grands contreforts descendant do
la crête principale presque normalement h sa direction.
Si l'on n'emploie que trois pluviomètres, le n" 1 sera situé
vers le sommet du cône, le n° 2 à 500 mètres au-dessus, le
n" 3 à 1,000 mètres du n" 1. Si l'on place ces instruments près
des rives du torrent, bien au fond du cirque, on risquera de
n'avoir pas une approximation suffisante dans la mesure de
l'eau tombée; car, les orages étant le plus souvent accompa-
gnés de vents violents, il se pourra que la masse des eaux
tombe plus dense sur le versant exposé au vent que sur l'au-
tre '.
Le mieux est, dans ce cas, de diviser les zones moyenne et
supérieure en deux parties séparées par le torrent et d'affec-
ter à chacune de ces parties un pluviomètre spécial. Dans
l'exemple choisi, l'on aurait donc un pluviomètre au sommet
du cône, point où les contreforts tendent à former le cirque:
deux pluviomètres à 500 mètres au-dessus du n° 1, l'un sur
le versant de gauche et l'autre sur celui de droite, et lieux
pluviomètres ;\ 1,000 mètres, disposés de la mémo manière.
Il est préférable de placer les pluviomètres au bas de la
zone qui leur est affectée; l'on gagne ainsi plus de facilité et
de rapidité dans les observations.
Les instruments les plus simples, on mémo temps que les
1. — Surell, Élude sur les Torrents, 2* volume par Cézanoe.p. 53 et sui-
vantes.
HYDROGRAPHIE. 3il
plus économiques, sont l(>s pluviomètres de l'Association
scientifique de France, (jui, dans une instruction dressée
en 1875, eu donne la description et l'emploi de la manière
suivante :
<( Le pluviomètre est réduit h ses deux parties essentielles :
entonnoir pour recevoir la pluie, éprouvette pour eu mesurer
la quantité.
« L'entonnoir, de forme circulaire, a un diamètre de
226 millimètres; sa surface est donc de i décimètres carrés.
Les parois de l'entonnoir, très inclinées afin d'éviter les re-
jaillissements des gouttelettes de pluie, sont en zinc, et son
orifice est limité par un cercle de même métal tourné sur un
mandrin spécial. On est ainsi assuré de l'exactitude du dia-
mètre et par suite de la surface de cette partie de l'appareil.
« La masse totale de l'entonnoir repose sur un vase en zinc
légèrement conique, destiné à servir de récipient à la pluie.
Un bord adapté à l'entonnoir empêche la pluie qui tombe sur
les parois extérieures de cet appareil de pénétrer dans le ré-
cipient; ce dernier est lui-même muni d'un bec afin de verser
l'eau dans l'éprouvette. Le récipient peut contenir environ
6 litres d'eau, ce qui correspond à une hauteur de 150 milli-
mètres de pluie recueillie dans l'entonnoir; sa capacité est
donc telle que l'instrument ne débordera pas , même dans les
plus grands orages.
« La réunion de l'entonnoir et du récipient forme un système
qu'il suffira de placer sur un pilier horizontal, élevé de 1 mètre
ou l™,oO au-dessus du sol, pour installer le pluviomètre.
« L'éprouvette est en verre; son volume est d'un quart de
litre et la graduation en parties d'égal volume est combinée
de manière à donner immédiatement, en millimètres et
dixièmes de millimètre, la hauteur de la couche d'eau tombée
dans l'entonnoir et réunie dans le récipient.
« Pour faire une observation, il suffira donc de verser dans
l'éprouvette, mise sur une surface horizontale, l'eau rassemblée
dans le récipient et de lire la hauteur à laquelle elle s'élève.
342
OPÉRATIONS DIVERSES.
« Lo pluviomètro doit èiro visité ot vidô cha(|UO matin à
9 heures. Le résultat de l'observation sera inscrit sur un car-
net spécial à la date du jour où elle a été faite. Si le pluvio-
mètre a reçu de la neige ou si l'eau qu'il renferme est gelée,
on fera fondre la glace, et la quantité d'eau sera immédiate-
ment mesurée.
« Le pluviomètre doit èlic placé loin (15 ou 20 mètres) do
toute maison, de tout bouquet d'arbres considérable capable
de produire dans le mouvement de l'air des remous (fui, sui-
vant leurs directions, accumulent ou dispersent la pluie. Les
pluviomètres ne doivent à aucun prix être placés sur des toits.
La meilleure position est le centre d'une cour ou d'un jardin,
7. — riuvioniètre.
Kntonnoir.
Kig. 78. — Récipient.
V\g. 79. — Plan du
Récipient.
et il faut avoir soin (pi'ils ne soient dominés par aucun arbre.
A la campagne, il sera toujours aise de satisfaire ;\ ces diverses
conditions. »
Dans les localités où la neige est l'ré(|U('nte, une i)récaution
indispensable consiste i\ [)lacer le pluviomètre ;\ la jiartie su-
périeure d'une caisse dans bniMcllc, au moment dû il neige, on
allume une faible lampe ou une veilleust\ On j)roduit ainsi la
fusion immédiate de la neige, qui ne peut alors être eujportée
par le vent. C'est la seule méthode exacte pour la mesure de
la quantité d'eau qui répond ;\ une chute de neige.
Les pluies lorrenlielli's, comme certaines pluies d'orage,
doivent être mesurées immédiatement. Si on mémo temps on
a eu la précaulioii de imlri' la (jinr'e de l'averse, on obtiendra
une donnée fort curieuse sur la (luautilt' de pluie qui pi'ul
HYDROGRAPHIE.
343
tomber en quelques heures ou uièuie eu quelques mi-
nutes.
Les figures 77, 78 et 79 représentent le pluviomètre et ses
diverses parties.
Les pluviomètres destinés à la mesure des pluies d'orage
aux grandes altitudes ne peuvent ôtre employés à. la mesure de
toutes les pluies ordinaires et des neiges, au point de vue sim-
plement météorologique, car à ces grandes altitudes, atteignant
parfois 2,800 mètres et totalement privées d'habitations, il se-
rait impossible de faire des observations con-
stantes pendant l'hiver. Mais certains instru-
ments, placés à portée du domicile des i)répo-
sés, peuvent au contraire être avantageusement
employés à la mesure de toutes les pluies an-
nuelles, qui, au point de vue du reboisement,
ne laisse pas de présenter un certain intérêt,
d'autant plus que généralement les montagnes
où l'on opère sont privées de toutes observa-
tions faites d'ailleurs.
L'installation des pluviomètres de la pre-
mière catégorie {fig. 80) est des plus simples.
Le récipient est placé dans une sorte de cage
tronconique faite au moyen de deux cercles
concentriques en fer plat, dont l'écartement
est maintenu par trois bandes (jui se prolon-
gent au-dessous du petit cercle sur une Ion- Fig. 8o— Armature
gueur de 15 centimètres environ. Ces trois '^^ Pluviomètre.
prolongements, percés de trous de vis, coiffent un poteau de
bois dur fiché en terre et auquel ils sont vissés de manière que
le récipient soit i\ 1 mètre du sol. Afin d'empêcher les grands
vents de décoiffer le pluviomètre, on attache l'entonnoir au
piquet avec deux petites chaînettes mobiles, fermées par un
cadenas.
La dépense totale d'un pluviomètre ainsi installé s'établit
ainsi :
- :«-:-■ • ^'r.t-w
34i
OPERATIONS DIVERSES.
Achat et port de l'instrument 15 fr. »
Prix de la cage en fer 3 fr. «
Fourniture, peinture et pose de piquets 5 fr. 50
Chaînettes avec cadenas 1 fr. 50
ToTAi 2;1 fr. ..
Quant aux pluviomètres destinés à des observations con-
stantes pendant toute Tannée, il vaut mieux remplacer la cage
de Ter par une boîte en bois dont le fond est fermé par une
jtlaque en tôle près de laquelle vient affleurer la partie infé-
rieure du récipient ; sous cette plaque est ménagé un tiroir
dans lequel on place une petite lampe. Au moyen de cette dis-
position on peut mesurer exactement la hauteur d'eau corres-
pondant ;\la couche déneige
recueillie par l'entonnoir,
car la chaleur de la petite
lampe suftit pour faire fon-
dre cette neige, sans cepen-
dant être assez forte pour
déterminer la vaporisation
d'une partie quelconque de l'eau obtenue {fuj. 81 et 82). La"
valeur de ces boîtes ne dépasse j)as 10 lianes.
3r^
Fig. 81.
Boîte en Bois.
Coupe suivant CD.
Phm.
Historique des Crues. — (^ela posé, i)Our réaliser le pro-
gramme des observations hydrograpbiqueSj on établit pour
chacun des torrents dont l'extinction va ôtre entreprise un re-
gistre spécial renfermant : 1° les dessins du plan, du profil en
long et des profils en travers; 2° la description détaillée» du
torrent; W" une sé-rie de pages dont reii-tète est disposé d'après
le iiiùdèje ci-jiprès :
HYDRdGRAPHIE.
1 .1 ^ i
c' Il •£ .5 1
^ 1 n "î i f 2
1 ' Uni
^ i 1 f ■ 1
rs
ections.
Nature
des
maté-
riaux.
12
EFFE
I>E LA C
sur
lo cône de dé
Volume
approximatif
des
matériaux.
11
INTENSITÉ
et
NATUHK
de la crue.
10
•i.siaKaiaoûa T aa
aHH.KI
UME
e
TOMHKK
dans le
assiiil)
total.
8
VOL
d
pur
section.
7
ajiaïuoiAnid anb^qo t;
aaxoaaav aov.-iHns
•saaiaiuoiAnid sai saadtî^p
nva.T aa H.iaxnvH
•saai3KoiA.na saa __
S0H3Kn.K
aanaa -
[.Il .
= h 1 -
346 OPEllATloNS DIVKRSKS.
Ce registre est tenu par l'agent directeur des travaux, qui,
à la suite do chaque orage, reçoit de la part des préposés sous
ses ordres des bulletins renfermant les observations qu'ils ont
pu l'aire pendant et après la crue, ainsi que les résultats four-
nis parles pluviomètres.
L'agent complète ces données par les renseignements (pi'il
a pu recueillir soit personnellement, soit à la suite d'une en-
quête qu'il y ajoute dans les cas les plus intéressants '.
1. — Voir les notes A, B et C.
LIVRE SIXIÈME
ENTRETIEN
CHAPITRE XV
ENTRETIEN DES TRAVAUX DE CORRECTION
Barrages ex pierre. — Barrages rustiques. — Grands barrages. — En-
tretien DES CHEMINS ET DES BARRIÉR,ES.
Barrages en Pierre. — Tous les barrages en maconnorio ne
sont pas indistinctement appelés à subsister indéfiniment, et
l'on peut, au point de vue de la durée de leur fonction, les
classer en deux catégories distinctes : la première renferme
tous les grands barrages de consolidation ou de retenue des-
tinés à perpétuer les chutes qu'a provoquées leur construction;
la seconde comprend les seuils et les barrages rustiques qui
l)ourront sans inconvénient disparaître dans l'avenir, quand
la foret créée dans le bassin de réception et dans le lit même
des ravins entrera dans la plénitude de sa puissance protec-
trice.
On conçoit en effet qu'à ce moment-là le lit des ravins, con-
solidé par les inextricables réseaux formés jiar les racines des
arbres, par les pavages grossiers et économiques opérés d'an-
née en année dans leur thalweg, et enfin par les gazons qui,
sous l'abri des arbres, s'empareront du sol, pourra présenter
3.18 ENTRETIEN.
une sufrisanfp résistanco à toute tendance à la corrosion; la
disparition totale des chutes des petits barrages rustiques aug-
mentera bien, il est vrai, la pente générale du profil en long,
mais à ce moment-là les eaux n'arriveront plus comme au
début en masses menaçantes et instantanées, elles seront
divisées, ralenties et réduites, et perdront ainsi la majeure
partie de leur puissance destructive, d'où résulte toute ab-
sence de dangers provenant d'une pente devenue un peu plus
forte. Mais on n'a même pas à redouter une semblable dis-
parition simultanée de tous ces petits ouvrages qui ne sont
menacés par aucun véritable ennemi, et ne courent à vrai
dire d'autres risques que d'être ensevelis peu à peu sous les
débris de la forêt qui occupera même le fond des ravins et pro-
voquera, sur un humus grandissant constamment en épais-
seur, la naissance des couches successives de végétation her-
bacée et arbustante.
Mais, dans la première période de la croissance de la forêt,
surtout dans les premières années (jui suivent la construction
des barrages rusti({ues, il importe d'accomplir certains tra-
vaux d'entretien qui consistent dans les suivants :
1" Réparer la maçonnerie du couronnement ou du parement
d'aval, dans le cas où des pierres auraient été dérangées ou
brisées;
2° Recharger au besoin les petits enrochements placés au
pied des barrages de façon à éviter tout aflbuillemenl dos ton-
dations ;
i}° (loiiibattrc la convexité (hi i)rolil eu travers des attcrris-
sements, en rejetant de chacpie cùté, au pied des berges, les
plus grosses pierres amenées, et en constituant ainsi peu à
peu une sorte de petite digue au pied de chaque berge;
1° Éviter tout obstacle qui pourrait détourner les eaux de la
direction qu'on leur assigne, curer le nouveau lit sur les atter-
risscinents, et le proléger contre l'alfouillement longitudinal
en plaçant sur son fond des pierres convenablement calées,
disposées en furniede clienal.
TRAVAUX DE CORRECTION. 349
Ces travaux (rontretion no sont généralonient i)as dispen-
dieux, surtout si, comme cela est élémentaire, l'on n'a em-
ployé dans la construction des barrages que des pierres dures
qui ne se délitent pas à l'air.
Ils demandent de la part des agents et des préposés des
soins assidus, surtout au lendemain des orages; mais il suffit
d'un petit nombre de journées d'ouvriers intelligents pour les
exécuter.
Les grands barrages, qui provoquent des cbutes importantes
ayant pour effet de ralentir le cours des eaux, représentent
des ouvrages dont la perpétuité doit être assurée au moyen de
travaux d'entretien successifs. Il est constant que c'est dans les
premières années de leur construction que ces travaux auront
le plus d'importance, car le torrent n'étant pas encore éteint,
ils se seront trouvés exposés aux crues extraordinaires, mé-
langées de matériaux, voire même à des laves.
D'où résultent des chances de détérioration partielle, dont la
reproduction ira diminuant de plus en plus à mesure que le
torrent s'éteindra et ne charriera })lus que de l'eau, en masses
moins fortes à la fois.
Dans tous les barrages, quel que soit le genre de la maçon-
nerie, il faudra donc, au début, bien veiller au bon état du
couronnement et du parement d'aval, remplacer sans délai
toute pierre qui serait déchaussée, brisée ou déformée, et en-
tretenir au pied de la chute le radier ou l'enrochement qu'on
y aura établi; de plus, sur les atterrissements où l'on n'aura
pas encore construit de seuils, on combattra la forme conique
du dépôt en rejetant au pied des berges tous les plus gros ma-
tériaux et en déterminant ainsi, pour l'écoulement des eaux
ordinaires au milieu de l'atterrissement, un lit régulier qu'il
faudra rétablir après chaque grande crue extraordinaire.
Une fois les seuils établis, soit en pierre, soit en clayonna-
ges, on enlèvera avec soin toutes les pierres qui feraient sail-
lie sur la section qu'on s'est donnée pour le nouveau lit et on
les emploiera à augmenter son pavage qui peu à peu ira se
350 p:ntretien.
dévoloppant, lo lout sans gfrands frais ol par lo soûl fait do
l'onlrotion du lit.
On onlèvera également toute pierre qui se trouverait dépo-
sée sur le couronnement des ouvrages et pourrait contrarier
ou dévier le cours des eaux.
En outre, dans les barrages on maçonnerie do morlier
hydraulique, on devra veiller à ce que les Joints soiont lou-
jours bien garnis de mortier et l'on opérera on temps voulu
les rejointoiements reconnus nécessaires.
Les travaux d'entretien des grands barrages seront toujours
très minimes en ce qui concerno lo corps do l'ouvrage, si la
maçonnerie a été exécutée avec dos pierres pri'sentantlos qua-
lités voulues au point de vue de la dureté et de la résistance
aux influences atmosphériques.
Ils ne prennent parfois une réelle importance qu'en ce qui
concerne les réparations à faire aux radiers et aux enroche-
ments. Mais à mesure que l'extinction du torrent ira s'accen-
tuant, les chances do grandes crues diminueront, pendant
que, par suite de leur entretien, les enrochements se seront
fortifiés et auront pris une épaisseur do plus on j)lus grande à
la suite des rechargements successifs, car une bonne partie
des blocs se sera onfoncéo en terre à la suito dos afl'ouil-
lements.
Entretien des Fascinages et des Clayonnages. — Les barrages
vivanis, construits on dayonnagos ou on fascinages, sont sou-
mis, par suite de leur peu do hauteur, aux mômes conditions
que les barrages rustiques en pierre; ils pourront d'autant
plus disparaîln^ sans inronv('<niont, dans l'avenir, (pi'ils seront
rem])lacés par uno armature V(''g(''talo (|ui aura pris leur plac(^
et combinera ses effets do consolidation avec la végétation
implantée dans les intervalles (pii les si'paronl. On n'aura donc
à les entretenir que pondant la période de temps iK'cessairo à
l'entier développement de cette végétation.
Dans les clayonnages, on remplacera facilement les bran-
TRAVAUX DE CORRECTION. 3.H
ches du tressage qui viendraient à se briser ou à pourrir; une
ou plusieurs fascines seront placées sur les fascinages qui se
seraient affaissés et ne présenteraient plus à un moment donné
une hauteur suffisante.
Les pousses de boutures incorporées dans les barrages vi-
vants seront en partie marcottées, surtout aux deux ailes,
pour aller sortir leurs têtes à 2, 3 ou 4 mètres plus haut dans
les berges, de façon à relier intimement le pied de ces berges
avec le fond du lit par une végétation solidaire dans toutes ses
parties.
On observera attentivement les affouillements qui vien-
draient à se produire à l'aval de ces petits ouvrages, on les
comblera avec les pierres qu'on trouvera à portée à la suite
de chaque grande crue, et l'on arrivera de la sorte à établir et
à étendre peu à peu un pavage économique et suffisant dans
la rigole destinée à l'écoulement.
Si, dans les atterrissements, on aperçoit quelques tendances
à l'affouillement sur des pentes laissées un peu trop fortes, on
y remédiera par la pose de quelques fascines en travers for-
mant de petits seuils rustiques et composées avec les maté-
riaux qu'on coupera à même sur les boutures plantées au
moment de l'exécution.
Il arrive souvent qu'on a eu à construire dans des petits
ravins, toujours secs en dehors du moment des pluies, une
série de fascinages ou de clayonnages dont les boutures ris-
queraient de ne pas pousser dans le cas trop fréquent d'un
printemps très sec suivi d'un été sans pluie. Dans ces condi-
tions, l'on emprunte au torrent principal une partie de son
eau, détournée au moyen de petits canaux d'irrigation que
l'on amène au sommet des ravins et qui permettent de jeter
en quelques heures, dans leur thalweg, une quantité d'eau
suffisante pour procurer aux boutures des barrages vivants
l'humidité nécessaire à leur bonne végétation. On peut répéter
plusieurs fois, dans le cas de saisons très sèches, cette irriga-
tion peu coûteuse qui assure le succès définitif des travaux.
3j2 entretien.
Los clayonnages longitudinaux sont tout aussi facilemoni
entretenus que ceux faits en l'orme de barrage ; ils sont même
beaucoup moins exposés à des dégradations que ces derniers,
car on ne les construit qu'au moment où le torrent ne doit plus
amener beaucoup de matériaux.
Tous ces entretiens sont éminemment économiques et ré-
clament surtout une grande somme de vigilance et d'opportu-
nité de la part des agents et des préposés.
Entretien des Chemins et des Barrières. — Au printemps,
dès la fonte des neiges, le premier travail, dans les périmètres,
consiste dans le déblaiement des chemins qu'on débarrasse
des pierres et des terres qui ont pu s'ébouler pendant la sai-
son rigoureuse. On place avec soin ces déblais dans certaines
parties de talus réservées ad hoc, afin d'éviter toute espèce
d'entraînement ultérieur. Ce travail d'entretien est générale-
ment très économique et permet de diminuer au début la lar-
geur des chemins (pii s'augmente ainsi peu à pou, par suite
des petits éboulements du talus, jusqu'au jour où la végétation
a pu les fixer définitivement.
On opère de même après les grands orages, à la suite des-
quels des dégradations auraient pu survenir. On pourra, du
reste, éviter l'érosion des chemins, dans des sols meubles et
afTouillables, en semant, au début, leur plafond et leur talus
de déblai avec des graines de plantes fourragères qui persiste-
ront en majeure partie, vu que la circulation n'est pas très
active sur tous ces chemins et que la végétation répare bien
vite les effets dun piétinement passager.
De plus, on établira soit avec une traverse en bois, soit avec
({uelques pierres, une série d'écharpes destinées à diviser les
eaux et à les faire écouler sur des points convenablement
choisis dans les talus du remblai.
Dans les chemins destinés aux charrettes, on comblera pou
à peu les ornières avec les pierres prises sur place et l'on éta-
blira des revers d'eau à section très ouverte.
TRAVAIX I)K CORRECTION. 333
Si, dans certains talus de déblai, il se manifeste quelques
petits glissements, on assurera leur pied soit au moyen d'un
mur de soutènement, au cas où l'on aurait des pierres à
portée, soit avec un clayonnage; à ramout de ces défenses,
on talutera en gradins pour diminuer la charge, et on plantera
serré, après avoir opéré, s'il le faut, un petit drainage dans le
cas d'un suintement des eaux provoquant le glissement.
Les talus de remblai, fournissant généralement un sol pro-
fond et meuble, seront plantés avec soin en vue de leur conso-
lidation et de la sécurité de la circulation sur des chemins
placés le plus souvent sur le liane de versants très rapides ou
au bord de précipices dangereux.
L'entretien des barrières est des plus faciles; mais aussitôt
qu'elles sont construites, il importe d'établir ;\ leur arrière
une haie vive, se développant sous leur protection et destinée
à les remplacer au plus tôt, ce qui supprimera toute espèce
d'entretien et établira une clôture définitive dans les parties de
la ligne périmétrale qu'on a jugé à propos de défendre.
Lorsque, sur certains points, les barrières en lil de fer sont
exposées au voisinage constant des moutons, on les complète
avantageusement en entre-croisant entre les fils des branches
sèches d'épines quelconques, qui les rendent plus apparentes
et aident la surveillance des bergers.
23
35', KNIKK TIKN.
CHAPITRE XVI
ENÏRETIKN DES TRAVAUX DE REBOISEMENT
Soins a donner avx semis a demeure. — Régions alpestre et alpiue. —
Régions tempérée et chaude. — Soins a donner aux péimnières. —
Pépinières volantes. — Pépinières centrales. — Soins a donner ajx
plantations. — Résineux. — Feuillus. — Bouiliyx processionnaire.
Pyrale. — Fidonie du pin.
Soins à donner aux Semis à demeure. — Livs soinis à (leineurr
exécutés par petits potots, dans los régions alpestro et alpine,
ne réclament que bien peu de travail d'entretien pendant les
deux premières années. Ce n"est guère qu'à la troisième que
l'on jxMit commencer à reconnaître les vides qui viendraient à
s'y manit'cslcr. ainsi (pic les ])laccs oi'i les semis se trouve-
raient troj) drus; en gt'iK'ral, il convient d'attendre au moins
quatre ou cinq ans avant dy rien entrejirendre, car alors le
résultat devient facile à reconnaître et saute aux yeux.
En procédant prématun-ment, on courrait souvent le riscpie
d'opérer des regarnissages sur des points où l'on croirait que
rien n'existe et sur lesquels, deux ou trois années plus tard,
on est tout ('•toinn'' de rencontrer des résultats (|u"on ne soiq)-
çonnait pas.
D'une part, en i-flel. diuis les climats rigour(Mix, les jeunes
plants, ne poussant <|ue très lentement, peuvent très bien pas-
ser inaperçus dans les premières années, surtout au milieu de
gazons plus ou moins serrés; d'autre part, bien des graines ne
IRAN Al X DK UKBOlSKMKNl'. ;t5ii
iiiM'intMil pas (lès raiinéc mômo du semis, cerlainos ut» lèvent
nièuio ({ue (1(Mix aus apivs.
Une fois le résultat des semis bien constaté, on regarnit les
vides au moyen de la plantation, en mottes, des sujets voisins
trop serrés, s'il y en a, ou en touffes, de jeunes brins tires des
pépinières volantes.
Il arrive parfois que des semis d'un an, sans avoir été abso-
lument soulevés à la suite des gelées printanières, se trouvent
au début de la belle saison assez déchaussés pour risquer de
ne pouvoir sui)porter vaillamment les chaleurs de l'été. Dans
ce cas, on les rechausse immédialenuMit avec un peu de terre
meuble au moyen de la binette, et l'on place autour des potets
les pierres que l'on peut rencontrer, en les comblant en outre
de pierrailles autant que possible.
Dans les climats tempérés et surtout dans le climat chaud,
où les semis ont été exécutés dans des trous ou bandes défon-
cés préalablement et où l'on n'a rien à redouter des gelées, la
sécheresse devient l'ennemi principal qu'il faut combattre par
le maintien du sol dans un état dameublissement convenable ;
de là la nécessité de binages d'autant plus répétés que le cli-
mat est plus sec et que le sol est plus compact.
Il faut surtout éviter le croûtement de la superficie, qui est
très dangereux surtout pour les résineux.
Les binages doivent être exécutés autant que possible de
façon à butter les lignes de semis en relevant le sol autour de
leurs jeunes tiges.
Dans ces régions plus favorisées, la végétation est plus ra-
pide; aussi peut-on, dès la deuxième année, entreprendre les
regarnissages dans les vides et les opérer soit par voie de nou-
veaux semis, soit par plantation, selon les cas et les essences.
On répare en môme temps les avaries qu'ont pu subir les
talus des trous de manière à les consolider, et si, à la suite du
foisonnement, on trouve ({ue le sol s'est trop affaissé dans les
trous, on les lecharge en empruntant à leurs bords supérieurs,
quelques mottes de terre qu'on a soin de briser. Ce recharge-
35G ENTRETIEN.
mont général est uno opération d'autani iiicillcnro qu'on op^TO
dan? un climat plus chaud.
Soins à donner aux Pépinières. — Los pépinières volantes
composées de résineux n'exigent aucun binage; le seul travail
utile qui leur soit indispensable consiste dans l'arrachage des
trop grosses j)lantes herbacées, telles (|ue les chardons, dans
le rechaussemenl des jeunes plants avant \e premier hiver et
à la lin du j)reiMier printemps, et dans l'entretien des talus.
Il arrivi^ parfois, en effet, qu'après les orages de l'été, le sol
s'est fortement tassé et les jeunes tigellcs ne se trouvent pas
suffisamment enterrées pour être garanties contre les pre-
miers froids; d'autre part, les petits brins ont pu, malgré les
précautions pris(>s, être légèrement déchaussés et réclamer, à
la surface des trous, un nouveau supplément de terre.
Mais, les semis étant opérés le plus souvent en phun et d'ail-
leurs les jeunes tigell(>s étant très petites, on ne peut songer à
opérer ces rechaussements à la pioche ou à la binette. On a
recours alors à un crible composé d'une petite caisse en bois,
à bords évasés comme les auges de maçon, mais moins élevés,
foncée par une toile métallique. On y verse de la terre em-
pruntée aux abords du trou, on la fait passer i\ (ravers les
mailles en agitant le crible et on procure ainsi aux semis un
rechaussemenl en terre fine et meuble <|ui ne peut en louibanl
abîmer les jeunes tiges et (pii anu-liore les cdMdilions d*^ leur
bonne végétation.
En décrivant les pépinières centrales, nous avons passé en
revue les principaux travaux d'entretien ({u'elles réclament ri
qui consistent surtout en sarclages, binages et irrigations.
Les pépinières centrales sont parfois sujettes ;\ des dégâts
sérieux provenaid de l'invasion du ver hiaur, des courtilières
et de la f/ak'ri((/iœ de l'c^rme.
Le ver blanc ne peut être détruit en plein (pie par le défon-
cenieril rapide du sol en plein t'té, (pi'du expose aux rayons
du soleil et qu'on remue souvent pour mettre au jour les vers
TRAVAUX I)K REBOISEMENT. 357
blancs (|ui s"v Irouvciit. Les pioclioius, avec un peu d'atten-
tion, les trouvful loiis et peuvent les détruire à niesui-(> (ju"ils
les découvrent. Alin de n'avoir pas à défoncer trop profondi'-
ment, on a le soin d'irriytier fortement le sol (piehpies jours
à l'avance; cette larve, (jui recherche la fraîcheur, ne descend
pas trop avant et se maintient alors dans les environs de la
surface du sol. Dans le cas où les dégrâts se manifestent sur
certains points seulement des carrés, il suffit souvent, après
une bonne irrigation, de piocher légèrement le sol dans les
parties attaquées et l'on découvre les larves, qui sont immé-
diatement détruites.
Le moyen le plus commode de combattre les courtilières
consiste à arroser le matin certaines places environnant les
points oi^i elles se sont manifestées et à y placer des paillassons
grossiers; les courtilières, attirées par la fraîcheur qui se
maintient sous cet abri, ne tardent pas à se glisser sous les
paillassons qu'il suffit de retourner de temps à autre pour
détruire cet ennemi parfois redoutable.
La galéruque attaque les jeunes plants d'orme dans leurs
feuilles dont elles dévorent le parenchyme. Le meilleur moyen
de s'en garantir consiste à les faire ramasser à la main le
matin et le soir, au moment où elles sont engourdies, et à les
brûler.
Soins à donner aux Plantations. — Les jeunes résineux plan-
tés par potets, dans les régions où les gelées conservent leur
importance, ne réclament d'autres soins que l'entretien des
pierres placées autour d'eux. Quant aux manquants, ils peu-
vent être remplacés dès l'année suivante par un regarnissage
opéré comme la plantation elle-même.
Les résineux plantés dans les climats plus chauds, en ter-
rain défoncé préalablement, ont souvent besoin, surtout dans
la premi'-re année, d'un ou plusieurs binages appelés à leur
procurer la fraîcheur nécessaire pour végéter, alors que leurs
racines peu développées n'ont pu encore atteindre des cou-.
338 KN TRIOTIKN.
ches pins j)rofoii(l(^s et moins srclios. Los l»iii;ii;ps doivciil
s'opérer (1p la iiu'ino i'a(;on (juo pour 1rs semis : ils préseulciil
ici cet avantage do s'cx(k'iil('r hcaucoiip plus tiHilt'ment cl do
ponnettro un hutfajio plus ônorgiquo.
Los feuillus planti's on haies, destinés à servir d'abris pour
les essences définilivos o| à aider à la consolidation du sol,
sercml avantagousomeiil rocepés si, au houl do doux ou trois
ans de plantation, ils no numifestent pas une v(''g(''tation sufli-
saniment active. Ce recepage aura pour oft'ot précieux, en
outro, do faire tnllcr les racines, d'aider ainsi à la ]»roduftioii
de nombreux drageons et de nouvelles tiges (pi'oii [jourra au
besoin nuircotter dans les sols trop instables.
Les feuillus précieux plantés dans les bons fonds, au i)iod
des berges et sur les atterrissements, devront être au début
l'objet de soins attentifs ayant pour but de leur donner le
port pyramidal. A cet elfet, on coupe toute branche terminale
menaçant de déterminer une fourcbo et l'on onlôve à la main,
au printemps, toutes les pousses advontives encore herbacé'os
<iui se manifestent à l'aisselle des branches onlov(''os lors do
la plantation en vue du bon parement dos plants.
Les boutures des peupliers appelés à donner de vrais arbres
pourront être élaguées prudemment en leur enlevant chaque
année, sur une faible hauteur et en proportion de la croissance
i\r leur cimoau, les branches inférieures qu'on emploiera à la
pnipagalidii do nouvelles boutures dans le jx'rimètro.
Los saules, pour la plupart, pouri'oiit être ex])loit(''s à des
révolutions de (rois à cinq ans, jxmr l'onniir une bonne |»ait
des matériaux iK'cessaires soit à la reparatinn ou a reidrolion
des barrages vivants, soil à la |)lanlali(>n de nouvelles boutu-
res dans les ravins. l)i' soile (pi'au bout de (pichpies années
un périmètre jxnirra se fournir à lui-uu'^mo une bonne partie
<les matériaux nécessaires à rachèvement dos travaux et choi-
sis dans les dimensions les plus convenables.
Chaque fois (pi'à l'aniont dos beiges planlé'os ou feuillus
l'on pont disposer dune certaine quaiilile d'eau jiriso dans le
TK.W'AIX I)K UlOHOlSKiMKNl'. 359
torronl. il osl avniilai^ciix <\o l'iililiscr ])niir liiiiiialioii des
plantations et d(>s S(Mnis de l'nuiia^rn's; mais il tant éviter
toute saturation du sol ou toute (Tosion cl pour cola ne faire
usag(^ que <le rigolt^s à sections et à pentes 1res faibles, dans
lesquelles on ne laisse couler ((u'une niininie (pnintité d'eau à
la fois.
Les jeunes peui)leni(>nls de résineux sont parfois envahis
par des insectes qui, si Ion n'y prenait garde, pourraient
compromettre soit leur valeur dans l'avenir, soit môme leur
existence.
Dans les reboisements opérés dans les Alpes-Maritimes et
dans les Basses-Alpes, nous avons eu li(Mi de constater les
dégâts commis par trois espèces qui sont le Bombyx proces-
sionnaire, la Pp'ale des pousses et des bourgeons, et la Fidonie
du pin.
Nous donnons à ce sujet les développements suivants, ({ue
nous emi)runtons à une note de M. (.outurier, Inspecteur
des forêts, chef du rebois(>ment dans les Basses-Alpes :
« Les nids de bombyx apparaissent en automne, de septem-
bre à novembre suivant les climats; toujours terminés au mo-
ment des fortes gelées, ils sont construits en forme de bourses
vers l'extrémité des branches. On les trouve sur les pins dès
l'âge de sept à huit ans ; les invasions sont plus ou moins in-
tenses, mais on les constate presque chaque année depuis le
littoral jusque dans les montagnes des Alpes.
« Les chenilles éclosent au premier printemps; d'abord
très petites et ténues comme des pointes d'aiguilles, elles ont,
au bout d'un mois, environ 3 centimètres de long sur i milli-
mètres d'épaisseur; en avril, elles atteignent leur maximum
de développement, soit le double i\ peu près des dimensions
précédentes, sont velues, roussâtres sur fond noir et ont seize
pattes. Vers mai, elles quittent les nids après avoir dévoré les
aiguilles et l'écorce des rameaux auxquels ces nids sont fixés,
et elles se rendent processionnellement d'un pin à l'autre
pour coiilimier leurs dégâts, .\vant l'abandon détinitif des
3G0 i:ntkki IlOX.
nids, ellos foni (It'jà des incursions ])nrli('ll('s au dehors.
« A la lin dr juin, la dcriMrM'c (raiisforniatiou est opéréo :
ou ne trouve plus ni clienilies ni larves; les bourses sont
pleines des débris <le renvelopi)e iuiuiédiateuient précédente,
(( On détruit l'acibMuent cette chenille dans les bourses
qu'on entr'ouvre et dans lesquelles on verse de l'huile. La
valeur d'un dt' à coudri» de ce li(|uide sut'lit pour tuer tous
les habitants d'une bourse de -irosseur moyenne et cela en
quelques minutes, à la condition de remuer l'amas des che-
nilles renfermées dans le nid. f^elles-ci meurent i)ar asjjhyxie,
riiuile obstruant leurs trachées.
« Si l'invasion est considérable, c'est-à-dire si elle atteint
beaucoup de pins rapprochés les uns des autres, il y a en
moyenne une ou deux bourses sur chacun. Dans ce cas, un
ouvrier peut détruire par jour (iOO nids sur des pins de 1 à
2 mètres de haut, 200 seulement si les arbres sont plus élevés.
Dans le premi<'r cas, la dépense est de i francs, savoir :
Main-d'œuvre 2 ft. 50 \
Un litre d'huile 1 ")0 ( ,.„„ ,
> 000 l)ourses.
ToTAi 4 IV. 00 \
Dans le dcu.xième cas, elle devient :
Main-d'œuvre - tV. "«O \
Huile 0 i:; 1
> 200 liLHirse.s.
'l'oTAi :i t'r. 25 1
<( 11 arrive souvcni fpic, pnr suite dT'ilusions |ilus tai"di\es,
des bourses se forment encore au printenqis; dans ce cas,
elles sont plus petites, moins épaisses et contiennent des che-
nilles moins développées que les autres.
« Il faut éviter de toucher les chenilles, de môme que les
bourses; les poils «pii se détachent (\\\ corps de l'insecte cau-
sent des intlammations à la peau qui se produisent môme en
dehors de tnuli' manipulatinn directe, car les poils voltijrent
en l'air.
TUA VAUX DK REBOISEMENT. 301
« l.a j)yr;il(' des l)ourgPons apparaît au i»iiiil('iiij)s, à dos
époques variabli^s, suivant los lieux.
« 1/invasion, une fois connnencée, niarclie rapidement;
(pialr(> ou cinq jours après l'apparition de la pyrale, on a pu
recueillir, sur un même pin, une chenille et une chrysalide;
la i)remière avait ;\ peine attaqué la base d'un bourgeon laté-
ral, l'autre était déjà parvenue au centre de la pousse ter-
minale.
« La pyrale des pousses apparaît plus tard, en juin, quand
la sève est depuis quehpie temps en activité; les bourgeons
attaqués se recourbent alors d'une façon caractéristique.
« Les pousses creusées par la pyrale se dessèchent et meu-
rent, l'arbre est déformé, d'autant plus que l'insecte attaque
fréquemment la tète. Il n'est pas rare d'en trouver de dix ti
vingt sur un arbre de moyenne grosseur et les peuplements
sont envahis dès l'âge de six à sept ans.
« La chenille est de couleur olivâtre, longue de 1 à !2 centi-
mètres, sur :2 à 3 millimètres d'épaisseur; la chrysalide est
marron.
» L'insecte, en s'introduisant par la base des bourgeons,
détermine un écoulement de résine qui signale sa présence.
Pour le détruire, on enlève avec précaution la couche de
résine, et par le trou creusé par l'insecte on enfonce une
pointe fme afin de tuer ce dernier. Un ouvrier peut en tuer
jusqu'à 5,000 par jour; mais souvent il est tout aussi avan-
tageux et plus expéditif de couper simplement le bourgeon
attaqué et de le brûler, mais à la condition qu'il ne soit pas
terminal.
« Contrairement à une opinion répandue jadis, la pyrale
attaque aussi bien le pin noir que le pin sylvestre; il faut
donc renoncer à l'immunité attribuée à tort à la vigueur de
végétation de cette première essence, qui possède d'ailleurs
assez d'autres mérites pour être adoptée par les reboiseurs.
« La chenille de la lidonie du pin, longue de 3 centimètres,
épaisse de 4 centimètres, est verte avec deux raies longitudi-
362 KXTUKTIKN.
nains (ruii hlanc salo ot la tcMo (rmi noir brillant. Elle attaque
les pins sylvestre, noir et laricio de huit à quinze ans et dé-
vore toutes les aiguilles. On ne l'a subie encore (ju*^ dans un
seul périmètre : apparue brusquement, elle s'était immédia-
tement répandue en abondance; un ])in attaqué était dépouillé
absolument de ses aiguilles dans l'espace d'une demi-journée,
et l'on a recueilli sur un seul sujet une ((uantité de ces che-
nilles représentant un i)oids de 1 kilogr. 700 gr. Ouand on
a|)proche d'un arbre sur lecpiel il s'(M1 trouve, elles se niassent
ra})idemeut de l'a(;on à former une sorte de pelote où elles
s'agitent et se tordent en tous sens; quand on s'éloigne, elles
se répandent de nouveau sur les branches.
« Cette chenille avait débuté par une apparition dans un
périmètre où douze pins seulement avaient été attaqués et
furent rongés de la base à la cime ; cette invasion très res-
treinte se renouvela l'année suivante en prenant un dévelop-
pement assez considérable.
" Pour parer à ce danger, on procéda sans délai à la récolte
de toutes les chenilles; en secouant légèrement les plants, on
faisait tomber les chenilles, soit directement dans des réci-
pients remplis d'eau acidulée, soit d'abord sur des toiles où
on les recueillait pour les noyer ou les brûler : on a pu ainsi
les détruire à un tel point (jue l'année suivante on n'a j>lus eu
aucun dégât à constater. »
La protection des rej)euplem(Mils contre les insectes ren-
contre ])artout de st'-rieux obstacles. .>bdbeureusement les fu-
taies résineuses (pii les environnent ne l'on! l'objet d aucuns
travaux d'écbenillage, et les invasions (|ui s'y ]»rodni-
sent s'étendent aux pé'rinn''tres; les conditions très souvent
défavorables d(^ sol, d'exposition, (jue présentent aussi bien
les pineraies existantes que les repeui»lements de l'espèce,
sont certainement une cause (pii contribue à développer ces
invasions; en outre, il est facile de cunslatei- (|u'un arbre
;itt;i(pu'' une |(reniièi-c fois \'i-^\. \>.\v la <nile. pre^cpic iiidi'lini-
nu'Ut.
IRA VAUX DE IIKB OISE MENT. 363
D'un iiiilic cc)l('\ remploi du pin dans les ix'iinirlri's dnil
C'iro i'(»gar(lé, dans beaucoup de cas, connue une mesure
transitoire, destiiu'e ;\ reconstituer le sol et à le préparer au
reboisement définitif (chônes, hôtres, épicéas, etc.).
Pour c(^ motif et en raison des difficultés, des frais consi-
dérables qu'entraînent les travaux d'ccbenillage et a titres
palliatifs trop souvent impuissants, il ne i)araît pas ulile de
se préoccuper outr(> mesure de la destruction drs ins(Mles,
toutes les fois qu'on ne se propose pas pour but linal la con-
stitution d'une pineraie, surtout si l'on doit s'étendre sur de
très vastes surfaces; n(''anmoins il est bon d'avoir l'attention
portée sur cette question, de façon à pouvoir attaquer et
réduire toute invasion qui débuterait sur une petite écbelle
et rendrait possible l'emploi des moyens indiqués pour la
combattre.
LIVRE SEPTIÈME
RECAPITULATION
CHAPITRE XVIÏ
ORDRE CIÎROXOLOCtIQUE DES TRAVAUX A PARTIR
DU DÉCRET D'T'TILITÉ PUBLIQUE
Discussion de l'Ordre des Travaux. — Dans son Etude sur les
torrents des JJ au tes- Alpes, M. Surell ' établit ainsi qu'il suit les
diverses phases de l'opération :
« Il reste à parler de l'ordre dans lequel il conviendra de
pousser les travaux. Cet ordre, loin d'être arbitraire, est une
des conditions principales du succès.
« J'ai déjà si souvent fait ressortir, dans le cours de ce
travail, la nécessite d'attaquer les torrents dans leurs sour-
ces mêmes, qu'il est inutile d'y revenir. Ainsi c'est dans
les parties les plus élevées que les travaux seraient d'a-
bord entrepris ; ils avanceraient de là vers les parties basses.
Non seulement on commencerait par planter le bassin de
réception avant de s'occuper des zones inférieures, mais, dans
ce bassin même, on remonterait d'abord aux plus hautes ra-
mifications, on s'élèverait au delà des dernières traces du
î. — SuRRELL, Études; IVc partie, chap. sxxii, p. 206 et 207 (2': édition).
•,m RKCAriTULATloX.
lit, et jusqu'à ces pentes sillonnées par des ravins que les
eaux forment et déforment à chaque orage.
« C'est là qu'on assoirait d'abord la végétation, ([ui serait
conduite ensuite vers le bas, mais m s'assurant ((ue les i)ar-
ties laissées en arriére sont bien consolidées.
«L'effet des travaux entrepris d'abord dans los régions su-
périeures sera d'amortir la violence du torrent à l'aval de ces
parties.
« Les berges des régions inférieures seront donc moins me-
nacées et la construction des barrages y sera plus facile. Il est
visible d'ailleurs qu'en arrivant à ces gorges, la consolidation
des zones de défense qui les dominent ne sera assurée que
par celle des berges mêmes, et celle-ci ne le sera que par la
défense de leur pied.
« C'est donc par les barrages d'abord, \nih i)ar la planta-
tion des talus des berges, qu'il faudra commencer dans ces
parties.
« Telle serait en général la méthode à suivre pour éteindre
un torrent. C'est à l'expérience à montrer quelles modifica-
tions pourraient y être introduites. »
L'expérience à laquelle il était ainsi fait appel a démontré
(pi 'en effet, tout en cherchant à ap])li(|u<'r autant que jjossible
cette méthode rationnelle, il y avait la i)lu|)art du lenq)s lien
d'y apporfei- de nombreuses et parfois importantes modilica-
tions
Dans un petit tonent dont le bassin de n'ception ne ren-
ferme pas de climats différents, dont les berges, bien «piins-
tables, ne sont pas dominées par de grands glissements, enfin
dans le voisinage du((uel on i)eut rencontrer à un moment
donné toute la main-d'o-uvre nécessaire, nous ne voyons au-
cune raison pour ne pas appliquer iutégralenn'ut celte mév
fhode, qui est certainement la plus sûre et surtout la i)lus éco-
nomique, avantage très inq^ntaiil.
.Mais, si seulement une de ces conditions vient à ne passe
rencontrer, la méthode subit forcément des modifications que
OUDUI'; DKS THAVArX. 3tJl
nous allons cxaniinor succossivomont. en passant par los (lif-
férentes hypothèses que l'on peut admeltre :
1° Si le bassin de réception présente des dilï'érenres extrê-
mes de niveau lellrs (pic l'on y rencmiln' t\t'^ variétés de cli-
mat très accentut'es, l'on ne pourra évidiMunient persister à
ne commencer li^s travaux que par les i)arties les plus élevées
et à ne les entreprendre, dans la région moyenne ou inférieure,
qu'après avoir t(Mminé la supérieure. On risquerait en effet
de manijucr le but en allongeant d'une façon démesurée le dé-
lai relativement court ([ue l'on doit se fixer pour obtenir l'ex-
tinction du torrent. Aux grandes altitudes, on ne peut travail-
ler au reboisement que pendant quelques jours, à la fin du
printemps et au commencement de l'automne, en dehors des-
quels on se trouverait ne rien faire dans le i)érinièlre, et lais-
ser ainsi s'écouler, en i)ure perte, un nombre assez important
d'années pendant lesquelles le reboisement des régions infé-
rieures aurait pu être avantageusement terminé, du moins
dans les parties stables.
"2° Les torrents présentent le plus souvent un caractère spé-
cial à chacun d'eux, surtout en ce qui concerne les sources
principales de déjections, dont la suppression doit être l'objet
de l'attaque la plus énergique de la part des travaux.
()n sera donc ol)ligé souvent, dès le début et tout en procé-
dant à l'exécution du reboisement, d'entreprendre la correc-
tion de certaines sections inférieures, dans le but de suppri-
mer au plus tôt des glissements imminents qui pourraient,
si l'on n'y prenait garde, se répercuter au loin, compromettre
même les travaux de reboisement exécutés sur des terrains
stables en apparence et donner naissance à des laves mettant
en perd l'existence de cultures, de routes, d'habitations, de
villages ou de villes occupant la vallée.
3° nénéralement on ne trouve dans les pays de montagnes
qu'mi nombre de bras très restreint, par suite de la dépopu-
lation croissante occasionnée par les ravages des torrents,
ainsi ([ue ne le démontre que tro}) vivement la comparaison
:JC8 KI<:( AriTl.'LATloN.
des roi'onsomonts quinquonnaux. L'omploi do la main-d'œu-
vre étrangère au pays, surtout dans los travaux culturaux de
reboisement, est une mesuro ([uo l'on doit éviter le jjIus pos-
sible, dans l'intérêt des travaux eux-mêmes comme dans celui
du pays. Ainsi (ju'en efl'et, dans les j)aj;es élocpientes (jui ter-
minent son étude, M. Surell le démontre avec un sincère pa-
triotisme, le but final de la grande (euvre de la régénération
des montagnes doit consister à empôcber bon nombre de dé-
parlements de passer en tout ou en partie à l'état de déserts
inbabités, en rendant î\ l'agriculture la sécurité ainsi que les
facultés d'amélioration et d'extension (pii lui sont interdites
aujourd'bui, toutes clioses qui ont pour consécpience la tixa-
li(ui d'abord el raugnientation ensuite d'une population do
nioidagnards ("uergiques vivant à l'aise dans ces régions (pii
i'ornient une i)artie dos défenses naturelles de la France.
11 y a donc, au plus baut degré, intérêt majeur à retenir,
dès le début des travaux, le plus d'babitants possible dans les
montagnes et ;\ combattre leur émigration. A cet effet, il faut
anii-nagor les travaux de manière à pouvoir occuper tous les
ouvi'iers indigènes disixjniblos, sans les enlever ])0ur cela aux
travaux agricoles de la contrée. Si donc on se contentait dans
les liantes moidagnos, patrie d'élection des grands torreids los
plus redoutables, d'exécuter les travaux en coniniencant i»ar
les parties sujx'Tieures et en marcbant à tir et aire vers les ré-
gions inférieures, on se trouverait, pendant les premières an-
nées, dans l'impossibilité d'employer sur les bauteurs tous les
bras disponibles; l'époque où l'on peut y travailler co'ïncide
en effet avec les travaux agricoles les jjIus urgents, tels que la
fenaison, los moissons et les seniaillos, alors (pu% dans los ré-
gions inférieures, on i)eut procéder aux travaux de reboise-
ment beaucoup jibis tôt au pririlenqis et beaucoup plus lard à
l'autonme, juste à des épocpies de cbùmage pour les travail-
leurs agricoles.
Il y a donc lieu do peser avec soin ces conditions ('-conomi-
(|ucs et de coordonner avec elles raménagement des travaux,
OIIDIIK DKS TRAVAUX. 369
afin do roparlir ])ar oxomple en un plus {;ran(l nombre
d'années \o travail d'en haut, sauf à trouver une compensa-
tion dans raccroissement de célérité donné au travail d'en
bas; on obtient ainsi, on un môme nombre d'années, le maxi-
mum du travail utile que peuvent fournir les ouvriers indigè-
nes, qui, sûrs de trouver dans les travaux de reboisement un
appoint sérieux aux ressources insuffisantes que leur offre l'a-
griculture locale, renoncent à l'émigration et demeurent dans
leurs montagnes qu'ils auraient quittées malgré l'attachement
si connu que les montagnards professent pour leur pays.
Il est d'autant plus important d'opérer ainsi que, dans une
vallée donnée, on ne peut entreprendre à la fois tous les pé-
rimètres indispensables, et que dès lors les travaux y seront
échelonnés pendant un grand nombre d'années; de sorte qu'à
l'époque de leur achèvement définitif, les habitants trouve-
ront dans le développement qu'aura pris peu à peu l'agricul-
ture locale un ample dédommagement à la suppression des
travaux arrivés à leur dernière limite.
En opérant ainsi, on rattache donc au sol tous les ouvriers
agricoles prêts à l'abandonner et, tout en améliorant leur sort,
on conserve aux propriétaires les bras qui sans cela finiraient
par leur faire défaut aux époques critiques des récoltes ou
des semailles.
Mais, parallèlement, l'intérêt môme des travaux se trouve
considérablement avantagé, car une tradition ne tarde pas à
se former parmi ces ouvriers dont beaucoup reviennent cha-
que année sur les chantiers et acquièrent ainsi une habileté de
main et une sûreté de coup d'oeil précieuses pour la bonne exé-
cution, la réussite et l'économie des travaux. Ces ouvriers finis-
sent par s'attacher à ce qu'ils font, ils y travaillent en famille,
ils en causent; ils visitent plus tard leurs travaux, curieux et
souvent fiers des résultats obtenus, et peu à peu l'opinion pu-
blique, sinon hostile du moins toujours sceptique au début,
silencieuse mais attentive dans la suite, finit par sortir de sa
réserve et t'ait taire les quelques égo'istes dont les clameurs
24
370 UIOCAlMTl'LAl'lON.
inlérosséos l'avaiont Iromjx'o an (lt''bu(. Car Icllo ost, on pou
(le mois, riiisloiro (lo loutcs les Icnlalivcs do roboisonionl que
IK^rsoiuiolloinonl ik^us avons pu not(>r, dans dos conditions
l'opondant l)ion divorsos, du fond do rAl^(''rie aux Basses-
Alpos, en passant par los Alpes-Maritimos.
En ce qui concorno los travaux de maçonnerie et cpielquos
travaux divers qui peuvent être livrés à l'entreprise, les condi-
tions ne sont plus los mômes; ils réclament le plus souvent
dos ouvriers spéciaux quo la contrée ne saurait toujours four-
nir ol (pii n'oni du rosl(^ aucun rapport avec l'agriculture.
iNi-annioins ces travaux api)ortonl avec eux leur contingent
daméliorations dans l'aisance générale, caria majeure partie
de leurs dépenses est consommée sur place au bénéfice des
producteurs ot des conmiorcanls locaux.
Aménagement des Travaux dans un Périmètre donné '. — Gela
posé, nous allons passer en r(^vu(^ et placer dans leur ordre
normal les différents travaux ;\ exécuter dans un périmètre
donné en vue de l'extinction d'un torrent, toutes les formalités
relatives à la déclaration pubIi(iuo et i\ l'acquisition par l'Ktat
étant terniin(''es.
La première anné(^ :
On entreprendra la dcliiiiilalion cl li' bornage.
(îri pn'piircra aux dillV'rcnls ('lagos climatt'riques los péjti-
niéros volantes nécessaires à la production des résineux à em-
ployer dans les plantations; l'importance do, ces pé})inièros
sera calculée d'après les surfaces que l'on aura à reboiser par
plantation dans cbacune des divisions pendant la troisième ou
la (piatrième année, suivant los ossoticos ou los conditions de
ciiac une d'ojlos.
( lu cxfM-uIrra les cnlirrhi'nii'iils reconnus nécessaires en vuo
d(; ces plantations, ainsi (pio les pr(''paralions de sol relatives
aux soniis à ox(''cut(»r dès la douxièmo année.
1. — Voir la Xute U.
ORDRE DES TRAVAUX. 371
Un jndccdci-ii an rcccpaiio de tons les aibnslcs ou arbiis-
seanx existants, ahroutis ou mal venants.
Ou étudiera le tracé des clieniius principaux, en ayant soin
de les raccorder avec un ou plusieurs débouchés sur les rou-
tes existantes, et Ton ouvrira au besoin une série de sentiers
déterminant leur axe futur.
On procédera en même temjjs à l'élude définitive du torrent
on vue de la i)réparation des projets relatifs aux travaux de
correction, et l'on déterminera, suivant les conditions bjcales.
Tordre chronologique dos ouvrages à exécuter, en s'elforcant
autant que possible de commencer par le haut, à moins de
raison majeure imposant la correction préalable de telle ou
telle section inférieure.
S'il y a lieu, on dressera en même temps \o projet d'un ou plu-
sieurs barrages de retenue dans la partie supérieure du torrent.
On opérera de la même manière en ce qui concerne les ra-
vins en répartissant leur correction sur un nombre d'années en
rapj)ort avec leur importance et les ressources locales en ma-
tériaux, oi en les combinant avec la correction du torrent
principal.
On établira les projets de baracpiement reconnus indispen-
sables et l'on organisera le mat(hiel d'outils et d'instruments
nécessaires.
La seconde année :
On procédera au semis des i)éi)inières volantes, cultivées
pendant l'année précédente, et à la préparation d'autres pépi-
nières en vue des plantations à exécuter pendant la qua-
trième ou la cinquième année.
On commencera les semis à demeure dans les terrains dé-
foncés ainsi que dans les trous ou bandes préparés.
On continuera la préparation du sol, les enhcrbemenls et
les recepages, s'il y a lieu.
On commencera l'exécution des chemins dans les sections
nécessaires aux travaux les plus prochains.
On entreprendra les prcmieis bai'rages en maçonnerie, les
372 RECAPITULATION.
barrages rustiques, les barraj^os vivants do prcinior ordre et
los canaux d'irrigation, s'il y a lieu.
On construira les baraques en maçonnerie et l'on placera
les baraques en bois.
La troisième année :
On contiiuiera les semis des prpinirres volantes et la pré-
paration de nouvelles places, s'il y a lieu, ainsi que les semis
à demeure.
On commencera les premières plantations de résineux
fournis par les pépinières volantes et celles de feuillus dans
les berges, partout où les travaux de correction seront assez
avancés dans les ravins.
On entreprendra les premiers marcottages et l'on conti-
nuera les préparations de sol et les enherbements, ainsi ([ue
les cbemins.
On procédera à la construction de nouveaux barrages en
maçonnerie, de barrages rustiques et de barrages vivants de
premier ordre; l'on commencera la série des barrages vivants
de second ordre et la construction des seuils et des clayonna-
ges longitudinaux et transversaux sur les atterrissements qui
se seraient foriués à l'amont des ouvrages construits un an
aujjaravant et se trouveraient dans les conditions voulues.
.\ partir de la quatrième année, tous les travaux seront en
train et s'augmenteront des regarnissages et des entretiens
qui pourraient devenir nécessaires.
On continuera ainsi juscpi'à l'entier aciièvement de cba(iue
nature de travaux, en liniitant leui- importance annuelle
d'après les crédits disponibles et le plus ou moins d'urgence
de chacun d'eux.
On arrivera le plus souvnil à tiTiiiiiicr les travaux (1(^ reboi-
sement dans les terrains stables avant la correction des tor-
rents et des ravins, ce (|ui permettra de n'-aliser les meilleures
conditions désirables et de trouvcM- parfois dans les jeunes
forôts des matériaux utiles poui* rarlièvenient d(>s travaux de
correction dans les ravins.
ORDRE DKS TRAVAUX. L73
(Jiiaiil ù la (lur('<' lotalc des Iravaux. il rs( ('vidciil (jirdlft
(Irjx'nd boaucoup des crédits dispctiiiblos, mais cllo non dé-
pend pas uni(juoniont ; car il faut compter ici non souloment
avec un maximum d'ouvriers susceptihlos d'emploi opportun,
mais surtout avec la nature et son auxiliaire iii(lisi)ensable,
le temps.
Le savant voyageur anglais Artbur Young, en visitant au
siècb^ derni<u' la Cran d'Arles et les travaux d'auK'lioration
qu'on y entreprenait déjà à cette époque, disait : « Dans de
pareils essais, ceux qui les entreprennent veulent toujours
aller trop vite au dernier degré de perfection et rendre tout à
coup ces déserts semblables ù des cliamps depuis longtemps
cultivés. Pour que de semblables travaux soient au contraire
avantageux, il faut éviter les -grandes dépenses et laisser quel-
que chose à faire au temps, (pii travaille en silence avec
efficacité. »
Cette sage réflexion peut s'appliquer plus justement encore
aux travaux de reboisement et servir à éviter dans leur exécu-
tion une marcbe trop accélérée (|ui risquerait d'occasionner
un surcroit de dépenses qui ne serait pas en rapport avec
les quelques années d'avance qu'on aurait pu gagner. —
{Voir à la note H , la MoniKjraph'ic des Travaux du périmètre
de Faucon.)
DEUXIÈME l'ARTlE
TRAVAUX FACULTATIFS
CHAPITRE XVIII
TRAVAUX DE REBOISEMENT ET DE GAZOXNEMENT
Terrains appartenant à des particuliers. — Terrains appartenant aux
communes et aux établissements publics.
Les travaux facultatifs de reboisement et de gazonnement
prévus par les lois de 1860 et de 1864. se distinguent des tra-
vaux obligatoires en ce qu'ils sont entrepris sur l'initiative
des propriétaires des terrains, communes, établissements
publics ou particuliers, et reçoivent de la part de l'Etat une
subvention en nature ou en argent, graduée d'après l'impor-
tance qu'ils présentent au point de vue de l'intérêt public.
Lorsqu'un particulier se décide à entreprendre le reboise-
ment ou le gazonnement des terrains qu'il possède en mon-
tagne et désire participer aux subventions de l'Etat, il établit
une demande indiquant la situation et la contenance du ter-
rain, le devis des travaux qu'il veut y opérer, les subventions
soit en nature, soit en argent, qu'il sollicite. Les agents fores-
tiers, après visite des lieux, dressent un rapport circonstancii';
à la suite duquel l'Administration lixe la subvention qu'elle
accorde à l'œuvre entreprise. Ces subventions sont, en général,
allouées pour une seule année et doivent faire l'objet de nou-
velles demandes pour chacune des années ultérieures de la
durée des travaux qui sont exécutés par les propriétaires,
conformément à l'engagement souscrit par eux d'employer
378 TRAVAIX FACILTATIFS.
exclusivomont les subsides do l'Htat à rainélioralion projctt'c
et do voilh^r à la conservation des travaux jusqu'à leur défen-
sabilité, le tout sous la surveillance des agents forestiers, tou-
jours prêts à aider de leurs avis les propriétaires (|ui en ma-
nifesteraient le désir.
Los subventions en nature consislcnl en la délivrance gra-
tuite de graines ou de i)lants, suivant les cas. Les subventions
en argent se dédivrent sous forme de prime, après que l'exécu-
tion des travaux et des engagements pris i)ar le propriétaire
a été constatée par procès-verbaux réguliers des agents fores-
tiers.
Les travaux que peuvent avoir à opérer des particuliers ne
présentent pas les conditions défavorables qu'on rencontre
dans les travaux obligatoires, surtout en ce qui concerne les
travaux de correction dos torrents. Le plus souvent ils no
consistent qu'en un reboisement ayant pour but la mise en
valeur de terrains improductifs, accompagné parfois do con-
struction de barrages rustiques ou de barrages vivants, ou
en un gazonnement appelé à remettre en état un pàt-urage
dégradé.
Ces travaux, bien (juc n'affectant pas intrinsèquement une
grande superficie, })résentont une sérieuse importance au
point de vue de la régénération des montagnes et méritent, de
la part de l'Administration, la plus grande sollicitude et les
l)his nombreux encouragomenls, car le (b'-vcloppemeul de
l'initiative individuelle est un di's jjIus grands auxiliaires des
efforts de rKlal.
Les considérations et les règles applicables aux travaux
que peut réclamer le reboisement d'un terrain quelconque
ai)partonant à un particulier, se trouvent énumérées et déve-
loppées dans les cbapitres VII à XL Néanmoins, il ne sera
pas sans intérêt d'en extraire et de présenter sommairement
les conseils les plus avantageux cpii en découlenl nalurel-
lemt'iil.
REBOISEMENT ET O AZoN N EMEN T. 379
(Jiiand un particulier so dccido à onlrt'jjicndro un roboiso-
ment, il a surtout pour but la mise on valour d'un lorrain
génôralcnient impropre à (outo autre culture que celle du
bois. La création d'un niassit' t'orostier dans ces conditions
pont, en outre, être appelée parfois à procurer aux cultures
inférieures un al)ri tutélaire contre le ravinement ou contre
l'invasion de matériaux provenant des terrains supérieurs, et
affecter ainsi l'intérêt irénéral dans une contrée donnée. Mais,
sauf des cas tout à t'ait exce])tionnels, on doit admettre que le
reboisement de terrains dénudés constitue surtout de la part
de leur propriétaire une opération culturale et économique,
appelée à former dans l'avenir un capital susceptible de reve-
nus réguliers.
Il ne s'agit donc plus ici de ces grands travaux dans les-
quels l'utilité publique domine de toute sa hauteur la ques-
tion de dépense annuelle et de capital engagé; le but est plus
modeste, le champ d'action plus étroit et les moyens beau-
coup plus restreints. Il est rare, en effet, que la propriété
d'un particulier embrasse le bassin tout entier d'un grand
torrent. On n'y pourra rencontrer tout au plus que de petits
torrents et le plus souvent de simples ravins déchirant les
flancs des versants à reboiser, D'oiî résulte tout d'abord l'ab-
sence presque totale de grands travaux d'art en maçonnerie,
ouvrages coûteux, qui ne peuvent être entrepris qu'excep-
tionnellement dans des cas tout spéciaux.
D'autre i)art, il est d'observation constante en montagni\
que les terrains appartenant aux particuliers se trouvent
dans un état relativement meilleur que les terrains commu-
naux, à tel point que, dès le premier abord, on reconnaît
presque toujours infailliblement ces derniers, à leur aspect
de dénudation et de ruine, avant tout examen d'un plan ca-
dastral. Cette situation, moins mauvaise des terrains particu-
liers, ne laisse pas de son côté de présenter des avantages
sérieux, au point de vue de l'économie des travaux.
Entin un propriétaire, qui entreprend un reboisement, a
380 TUA VAUX FACUL T ATI KS.
toujours inlcriH à ne pas précipiter son exécution, l'état de
ses terrains et le but qu'il se propose ne l'obligeant pas à
hâter des travaux pour lesquels il n'y a pas péj'il en la de-
meure.
Cola posé, nous allons passor en revue les diverses opéra-
lions cl inosun^s ((u'culmincra pour un parliculiiu' roxécution
d'un reboiscuKnit par lui décidé :
Le lerrain à ce destiné étant bien délorniiné et sa conte-
nance calculée, la première mesure à prendre consiste dans
la suppression immédiate du parcours des troupeaux. On ne
peut songer, en effet, à opérer un reboisement d'une certaine
importance sans avoir pris préalablement et sans compter
uiaiiilonir, au moins jusqu'à la défensabilité des jeunes peu-
plements, cette mesure de i)réservation sans laquelle on ne
pourrait tout au plus exécuter que des plantations de haute
tige dont l'excès de dépense serait loin d'être compensé par
le produit du pâturage. L'on pourra, la plupart du temps
d'ailleurs, compenser les étendues enlevées au ]jarcours en
augmentant la production fourragère artificielle, ce qui per-
mettra de prolonger la stabulation et de conserver presque
au complet les troupeaux habituels.
La mise eu (jéreiids une fois établie sur le lerrain à reboi-
ser, on (examinera les ravins (pii jieuvent s'y rencontrer, et
l'on entreprendra leur correction d'après les donné(^s du cha-
pitres V, sauf à remplacer les clayonnages i)ar des barrages
rusti(pjes, au cas où l'on aurait des pierres en qnanlilé sulii-
sanle sur place.
Kn même tenq)S et en deiiors du lit des ravins, on procé-
dera au recepag(Mle la basse végétation ligneuse à feuilh s
caducpies «pii peut se rencontrer sur le sol à reboiser; cette
opération doit être menée, rapidement et autant (pie possible,
sur loule la surface des terrains dès la première antu'c. alin
de l'ouiiiir au plus li'il, à la place de planls ial(ou;:iis, une série
RKliOlSKMKNT KT (1 AZoXNE MKN'T. 381
de rojots vigoureux et élancés, susceptibles au besoin d'èln»
marcottés comme il est dit au chapilre 1\, page 170.
Les développements du chapitre VIII renferment toutes les
données utiles sur le choix des essences à adopter dans les dif-
férents cas de sol et de climat, qui peuvent se présenter; dans
le cas où plusieurs essences seraient également susceptibles
de prospérer sur un terrain donné, on donnera la préférence
h celles qui sont de nature à fournir, plus tard, les produits
en argent les plus élevés tout en assurant la perpétuité du
bois nouvellement créé.
On a souvent intérêt à opérer, dans certains reboisements,
tin mélange de deux essences ; quelques développements à ce
sujet ne seront pas inutiles.
Dans la région chaude, par exemple, et dans les terrains
calcaires, le pin d'Alep est certainement l'essence la plus
précieuse qu'on puisse employer pour le reboisement. Mais,
avec les risques perpétuels d'incendie auxquels on est exposé
dans un pareil climat, il importe de ne pas employer le pin
d'Alep seul et de lui adjoindre son associé naturel, le chêne
vert. On obtient alors un peuplement mélangé dans lequel le,
))in d'Alep, d'une croissance plus rapide, abrite le chêne vert
dans sa jeunesse, couvre rapidement le sol en lui fournissant
d'abondants engrais et vient jouer avantageusement le rôle
d'essence transitoire; dès l'âge de vingt-cinq à trente ans, il
peut être exploité utilement, en vue de la production des
étais de mine de plus en plus recherchés, et son rôle peut au
besoin être considéré comme terminé.
Que si, comme le cas s'en présente parfois, le chêne vert ne
peut prospérer indifféremment sur toute la surface du sol,
on peut abandonner les plus mauvaises parties au pin et con-
stituer ainsi un massif où le mélange des essences se partage
en bouquets distincts, circonstance qui ne s'oppose en rien
à l'exploitation régulière de la forêt.
Il y atout avantage néanmoins pour le propriétaire à res-
382 TKAVAl X FACULTATIFS.
treindro le pin dans ses plus striolos limites et à donner au
(■h('^nc vert le plus ijrand développement dont il soit suscep-
lil)lr.
Uune part, en effet, ses produits, notamment l'écorce, re-
présentent une valeur bien plus élevée que celle des produits
du pin, et d'autre part, un peuplement de chênes verts offre
au pâturage, par les herbes abondantes qui croissent à son
abri, un appoint ({ue lui refuse presque absolument le cou-
vert des pins. Cette considération ne laisse pas, au cas parti-
culier, de présenter une sérieuse importance.
Un dernier et très précieux avantaj;e du mélange de ces
deux essences consiste dans la sécurité relative qu'il donne
au n^boisement opéré : que survienne en effet, au milieu
d'un jeune peuplement, lui de ces incendies si fréquents
dans le Midi, l'état de boisement ne sera pas absolument
conqtromis, comme dans le cas où le pin aurait constitué
riiiii(iue essence. 11 restera les chênes (jui. après un simple
recei>age, fournironi les élémenls diiii Ixiisement sutlisaut,
si le mélange a été convenablement fait.
Les considérations (pie nous achoiis d'expuser en faveur
du mélange du pin d'Alep avec le chêne vert, s'appliqui^it
également dans la même région au mélange du pin maritime
avec le chêne-liège. Les vastes et fréquents incendies, qui ont
jadis désolé les Maures et ÏEstéi'cl dans le Var, ont toujours
jiistifié l'avantage de ce niédange jirécieux, et démontré
l'étonnante faculté que possèdent les chênes à supporter, sans
périr, le couvert dun massif de pins, peudanl des périodc^s
de temps souvent très i)rolongt''es. (Vest ainsi (pie des pr«t-
|»rit''(aires de forêts, où le pin maritime paraissait seul maître
du terrain, s'(''laiit tout d'abord cru niiiit''s à la suite de ter-
ribles incendies, n'ont i)as lard*'; à voir le sol se recouvrir
d'un superbe i)euplement de cliêne.s-lièges <pii fait aujour-
(1 Imi l'élément le plus inq)orlant de leur grande fortune.
Dans la région niovenne, des mélant^cs anahjLîues doi\eiil
KKH0 18KMKNT KT (1 A/oN N E M KXT. :}83
également être adoptés dans bien des cas; c'est ainsi qu'il est
très avantageux pour obtenir dans l'avenir un peuplement
en cli(''ne rouvre, de commencer par un mélange de cette
essence avec le pin noir ou le pin sylvestre, dans le but de
fournir au jeune cbène un premier abri indisi)ensablc dans
les terrains nus et au sol un engrais abondant.
Dans les altitudes plus élevées, dans les climats plus rudes,
le mélange d'essences feuillues et résineuses devient impossi-
ble. Il n'y a guère que le sapin et le bêtre qui puissent s'y
rencontrer et ces deux essences sont précisément les moins
utilisables pour le reboisement des terrains nus; mais on
emploie souvent avec avantage le mélange de deux résineux,
dont Tun sert de premier abri à l'autre et disparaît dans les
premières éclaircies. C'est ainsi que l'introduction du sapin
ou de l'épicéa peut être assurée, sous la protection du pin
sylvestre.
Les essences principales une fois choisies, il convient de
rechercher quel sera le mode d'emploi le plus économique,
en même temps que le plus certain. Cette question complexe
mérite d'être examinée de très près, car elle concerne d'a-
bord la préparation à donner au sol, puis le choix entre le
semis ou la plantation.
En nous reportant aux considérations développées dans le
chapitre IX, nous n'hésitons pas à conseiller de restreindre,
autant que possible, la préparation préalable du sol qui,
dans tout reboisement, représente la plus grosse partie de la
dépense à l'hectare. Ce n'est que dans les sols secs, durs,
compacts et privés de toute végétation vivace pendant l'été
([u'on doit, sans balancer, recourir à une i)réparation préa-
lable du terrain consistant dans le défoncement profond des
places appelées à recevoir les semis ou les plantations. Mais,
dans toutes les parties d'un pareil sol, où viendraient à se
rencontrer des arbustes vivaces, tels que des chênes-kermès,
des buis, des genêts, etc., on doit supprimer tout travail
384 TRAVAUX ^FACULTATIFS.
préparatoire ot ne le réserver qu'aux seuls intervalles dénu-
dés et plus ou moins spacieux, qui séparent les parties en
végétation.
Dans de pareils sols, le mode de préparation des trous est
identique, qu'on se propose de planter ou de semer. Le plus
avantageux, à notre avis, consiste dans le défoncement de
trous ayant de 0",20 à 0",25 de largeur, O'^jlO de profondeur
et 1 mètre de longueur, ouverts par lignes espacées de lj",o0
à 2 mètres, et distants entre eux également de l^jSO à 2 mètres,
ce qui donnerait à l'hectare 2,664 trous au maximum et
t,666 au minimum, en admettant qu'il n'existe aucune plante
vivace utilisable sur le sol; mais il n'en est pas toujours ainsi.
Dans les calcaires secs, qui forment les plus mauvais ter-
rains à reboiser et que nous prenons ici pour exemple, on ren-
contre parfois des éléments de succès et d'économie très
importants, dont trop souvent on ne sait pas profiter et qui
sont fournis par les arbustes vivaces occupant , dans bien des
cas, une bonne jjartic do la superficie. Au lieu donc de les
arracher, en partie du moins, en confectionnant à grands frais
des trous comme dans les parties dénudées, il suffit dereceper
dans la touffe une surface, égale à celle d'un trou , au milieu
de laquelle on introduira les plants ou les graines, en procé-
dant simplement à la pioche. On y trouve, en effet, un
sol plus fertile, plus meuble et plus abondant qu'ailleurs,
à tel point que souvent ces touffes seules ont conservé la
terre végétale, qui, en dehors d'elles, a disparu pour laisser
le sous-sol à nu. Mais, outre cet avantage déjà très important,
la touffe assure aux jeunes sujets plantés ou semés une pro-
tection des plus salutaires; dans la partie recepée, en eff(H, les
rejets leur fourniront, dès le premier été, un abri contre le
vent, contre le soleil cl. i)lus tard, los protégeront contre la
gelée. Le reste de la toulfe, recouvrant h^ sol, le garantit de
l'évaporation, maintient sa fraîcheur et lui entretient un hu-
mus dont la fertilité aide singulièrcmt'iit la honntî venue des
jf'uncs plants forestiers.
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT. 385
Ces indications, sinaturollos cependant, ne sont i)as toujours
appliquées et bien souvent nous avons i)u voir inipiloyable-
nient arracher ces précieuses plantes jiour leur substituer do
vastes potets, défoncés à grands Irais, qu'on destinait à recinoir
des semis de pind'Alep.On se privait ainsi bénévolement dune
économie sérieuse dans la main-d'œuvre et do tous les avan-
tages que procurait la touffe inconsidérément arrachée. Pour
les jeunes semis, en effet, plus dabris contre les animaux,
contre le vent, le soleil, la grêle et la gelée; pour le sol, sup-
pression des conditions favorables au maintien de sa fraîcheur,
de son ameublissement et de sa fertilité. Aussi croyons-nous
devoir insister sur les avantages précieux à tous égards que
procurent le maintien et le judicieux enq)loi de la basse végé-
tation existante sur un sol donné.
Ces conditions relativement favorables se rencontrent beau-
coup plus souvent dans les terrains appartenant aux particu-
liers que dans les terrains communaux. L'on peut en conclure
qu'en général, chez les particuliers, on ne devra recourir à la
préparation préalable du sol qu'à titre tout à fait exception-
nel, et employer, autant que possible, le semis ou la plantation
« la pioche.
Dans le chapitre X, nous avons émis sur le semis et la
I)lantation une série de considérations générales qui ne lais-
sent pas de donner, en ce qui concerne l'emploi des rési-
neux, une grande prépondérance à la plantation sur le semis,
notamment dans les terrains calcaires dénudés.
Nous ne saurions trop engager le propriétaire particulier à
examiner bien attentivement les conditions où se trouve son
terrain et à ne pas hésiter, au cas échéant, à rompre avec le
préjugé, trop généralement répandu , que les plantations sont
moins avantageuses et plus difficiles que les semis. Rien n'est
plus contraire à la vérité, à la condition que le propriétaire se
constitue à lui-même et sur son propre terrain l'approvision-
nement des plants nécessaires, et rien n'est plus simple que la
386 TRAVAUX FACULTATIFS.
réalisation do colli» s;igv inosurc. Il suffit (l'étal)lir dans un coin
do bonno torro une pépinière préparée et seméo, comme nous
l'avons indiqué à l'artich^ des péj)inières volantes^ qui suffira
grandement aux besoins d'une étendue relativement peu
considérable. Nous ne saurions donc trop engager les particu-
liers à préparer ainsi eux-mêmes leurs plants. En ce faisant,
un propriétaire bien avisé se procure :
1" Une première économie sur la valeur des plants eux-
mômes ;
2° La faculté de pouvoir opérer ses plantations opportuné-
ment, de pouvoir les suspendre provisoirement, et par suite de
les faire dans les conditions de temps les plus favorables;
3° La certitude que ses plants sont de bonne qualité, qu'ils
n'auront soulTert en rien de l'arrachage et d\i transport et
qu'ils se trouvent dès lors dans les meilleures conditions de
reprise ;
i" La faculté de pouvoir, dans bien des cas, remplacer au
bout de peu de jours les sujets qui viendraient à ne pas don-
ner signe de reprise certaine et de compléter ainsi , dès le dé-
but, le travail entrepris;
5" La possibilité de soigner au besoin, par des binages, les
jeunes plants pendant les chaleurs de l'été, et en tous cas, les
moyens de les garantir contre les effets du gel et du dégel ;
6° Une croissance plus rapide, surtout s'il procède par touffes
déjeunes plants, et dès lors une mist^^n déftMids moins longue.
Pour les tmaiiis siliii's en montagne, les graines sont géné-
ralement fournies j)ar i'Klal aux particuliers, sur leur demande.
C'est pour eux une bien prt'cieuse garantie, surtout en ce qui
concerne les graines di» certains résineux dont la qualité ne
répond pas toujours au prix élevé (pi'elles ont dans le com-
merce.
En dehors des essences principales qu'un particulier a cru
devoir choisir ])Our former la base de son reboisement, il en
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT. 387
est d'autres, dont l'introduction à l'état isolé ou par petites
quantités peut ôtre des plus intéressantes.
Chaque fois donc qu'on rencontre des endroits frais, où le
sol est généralement plus profond, comme dans certains fonds
de ravins, on ne devra pas manquer d'employer, selon les cas,
les essences susceptibles de fournir dans la localité les pro-
duits eu argent les plus élevés, tolli^s (pio le frêne, l'orme, l'é-
rable, etc. ou môme certains peupliers. Rien déplus facile que
d'élever soi-même les plants qui seront nécessaires; on sème,
dans une ou deux planches de jardin, leurs graines qu'on se
procure partout sans difficultés; quand les jeunes plants ont
atteint deux ans, on peut les employer immédiatement comme
basses tiges; si on préfère ne les introduire qu'à l'état de
moyennes tiges, on les repique en pépinière après la deuxième
année et on les laisse végéter pendant deux ou trois ans au
bout desquels on possède les plants les plus convenables et
l)resquo sans frais.
S'il s'agit de saules ou de peupliers, on se contente de les
introduire par boutures et si on veut les vulgariser prompte-
ment, on en fait une petite pépinière dans un coin de jardin.
Dès la deuxième année, on peut en extraire des quantités de
très belles boutures.
Le jeune bois ainsi constitué, soit par voie de semis, soit par
voie de plantations, il reste à lui donner, dans les premières
années, certains soins indispensables au rapide développe-
ment de la nouvelle végétation forestière introduite sur le sol.
Cet entretien sera d'autant plus facile qu'on opère générale-
ment sur de petites surfaces à la fois.
Les plantations recevront, dès les premiers jours de l'été,
soit un binage, soit même encore un buttage destiné à com-
battre l'influence de la sécheresse. Dans les semis de résineux,
on exécutera des sarclages appelés à les débarrasser des herbes
susceptibles de sécher sur pied et d'entraîner la mort des
jeunes sujets qu'on veut conserver.
388 TRAVAUX FACULTATIFS.
On répétera ces travaux pondant la deuxième année partout
où ils paraîtront nécessaires, et, dès la troisième année, on
pourra généralement les supprimer sans inconvénients.
Les résineux ne réclameront plus dès lors d'autres soins (jue
des nettoiements dans le cas où, venus par semis, les jeunes
brins seraient trop nombreux et menaceraient de s'aflamer
mutuellement.
Quant aux chênes, dès la (|uatrième ou cinquième année,
un recepage deviendra nécessaire, pour leur permettre de
provoquer dans leur végétation aérienne un développement
plus marqué. Ce recepage devra être opéré rez-terre, surtout
pour le chêne vert.
Si le peuplement est composé d'un mélange de chênes et de
pins, on surveillera attentivement la croissance de ces der-
niers, afin d'empêcher, au moment opportuni, les chênes
d'être compromis par un couvert, qu'on pourra rendre facile-
ment plus léger au moyen d'élagages ou même de nettoiements
bien compris.
Ces diverses opérations d'entretien pourront, la plupart du
temps, être exécutées sans frais, pour le prix du bois qu'on en
retirera.
Nous croyons cnlin devoir rappeler qu'aux termes do l'ar-
ticle 226 du Code forestier, les semis et plantations do bois sur
le sommet et le penchant des montagnes, sont exempts de
tout impôt pendant trente ans. Aussitôt donc ((uo le reboise-
ment aura été opéré, le propriétaire devra l'airo toutes dili-
gences auprès de l'administration des contributions directes
pour se faire appliquer le bénéfice de l'article dont il s'agit.
Les communes et parfois les établissements i)ublics possè-
dent généralement, dans les montagnes, des superficies beau-
coup plus consi<lerai)les (jue les particuliers et dans loscpiellos
des travaux do roboisomont ou do ga/onnouient peuvent être
nécessaires tant au point de vue de l'utilité publique qu'à
celui de l'intérêt local.
REBOISEMENT ET GAZONNEMENT. 389
Les mômes formalités existant pour les établissements pu-
blics comme pour les communes soumises également à la
tutelle de l'Ktat, nous ne considérerons que ces dernières dans
ce qui va suivre.
Lorsqu'une commune est dans l'intention de faire exécuter
des travaux de reboisement ou de gazonnement sur des ter-
rains qu'elle possède en montagne, le conseil municipal prend
une première délibération indiquant le but et la nature des
travaux, ainsi que les parcelles cadastrales sur lesquelles ils
doivent être exécutés; le périmètre facultatif se trouve ainsi
constitué et demeure , à partir du jour de la délibération ,
soumis au régime forestier.
Gbaque année, le conseil municipal établit une demande
tendant à obtenir de l'Etat une subvention en nature et en
argent qui fait l'objet d'une instruction administrative à la
suite do laquelle l'Administration des forêts fixe l'importance
des subsides accordés, d'après les sommes votées par la com-
mune, les subventions i\ elle allouées par le département et
la situation spéciale de la commune et des terrams compris
dans son périmètre facultatif.
Les travaux exécutés sous la direction des agents forestiers
et la surveillance de préposés spéciaux qui peuvent être four-
nis par l'État sont toujours moins considérables que ceux des
périmètres obligatoires, mais plus développés que ceux des
particuliers, et l'on peut dire qu'ils tiennent le milieu entre
ces deux catégories au point de vue de leur importance.
L'initiative de ces travaux venant des conseils municipaux,
les agents forestiers doivent s'efforcer d'éclairer les munici-
palités sur les avantages que les communes peuvent y trouver,
et ne ménager aucun effort pour arriver à cet heureux et pro-
ductif résultat.
300 TRAVAl'X FACULTATIFS.
CHAPITRE XIX
SUBVENTIONS ET PRIMES POUR L'AMELIORATION
DES PATURAGES
Travaux liicultatifs.
L'article 12 de la nouvelle loi soumise en 1877 au Sé-
nat autorise l'Etat à distribuer « des subventions et primes
en argent à toute entreprise particulière, communale ou col-
lective, telles (pi'associations pastorales, fruitières, etc., qui
présente, i)0ur la consolidation des terrains en montagne et
la régénération des pâturages, des avantages reconnus au
point de vut' (le linh-rèt public ».
Cette utile et opportune mesure se trouve expliquée ainsi
qu'il suit dans le rapport (jue M. le député Alicot a déposé à
la Cbambre, le 22 décembre iS7() :
« Sous l'empire des lois du 28 juillet ISiU) et du 8 juin 18Hi,
l'Etat pouvait subventionner les communes, les établissements
publics et les particuliers au moyen de j)rimes en argent et
de dr-livrance de graines et j)lanls, mais ces snbveiilious ne
s"a)»pli(iuaient (pi'aux travaux de reboisement ou de ga/jtnne-
iiient entrepris en vue de la restauration des montagnes. Le
projet de loi i)résenlt'' à la (lliainbre mainlienl ces disposi-
tions, qui ont produit d'iieureux résultats; il va plus loin et
fait un pas de plus dans une voie où la commission cbargée
d'examiner la loi de 1860 avait engagé le Gouvernement à
entrer. Désormais les encouragements de l'Administration
cesseront d'être limités aux travaux de restauralion sapj)li-
SUBVENTIONS ET PRIMES. 391
(juant aux monla^in's déjà atteintes par le llraii du raviiuMiiont
et (lo l'éboulonuMit, r()ns('M|uon('o do la dostniction do la végé-
tation. La sollicitude de l'Etat s'étendra sur los parties do la
montagne encore intactes, mais qui appellent des travaux pré-
ventifs; son concours sera assuré aux communes, aux établis-
sements publics, aux particuliers, aux associations pastorales,
(pii, animés d'un esprit de prévoyance, voudront entreprendre
des travaux de conservation et de mise en valeur du sol. Il
encouraii'ora par voie de subventions les ellorts tentés en vm;
d'améliorer et do rendre plus résistante l'armure végétale (jui,
on dehors dos forêts, protège la montagne contre los causes
de détérioration auxquelles elle est constamment soumise. Il
favorisera ainsi los popidations, qui ouvriront les yeux aux
avantages do la réglementation dos pâturages, de la transfor-
mation rationnelle dos méthodes d'élevage et d'exploitation
pastorale, on suivant les exemples qui sont fournis depuis lo
commencement du siècle par les habitants de la Suisse, du
Jura français et do la Savoie.
« Les bons résultats de cette innovation législative peuvent
être déjà pressentis grâce aux expériences faites depuis quel-
ques années par notre administration forestière. En 1874 et
1875, l'Assemblée nationale, sur la proposition de notre émi-
nent et regretté collègue M. Cézanne , avait inscrit au budget
une somme do 20,000 francs, destinée à encourager la forma-
tion des associations pastorales et la création des fruitières
dans les Alpes et dans les Pyrénées. Ces crédits restreints, il
est vrai, mais habilement employés, ont permis do donner
dans plusi<>urs communes une heureuse impulsion aux tra-
vaux d'entretien et d'amélioration sur les pâturages en mon-
tagne , et do fournir aux populations pastorales des Alpes et
des Pyrénées quelques exemples décisifs des sainc.'s méthodes
culturales. »
CONCLUSION
CoQséquences de l'extiaction des Torrents par les Travaux obligatoires.
Travaux facultatifs.
L'extinction dos torrents, obtonne à la suite des travaux de
tous genres qui ont eu pour but final la création de la forêt
dans leur bassin de réception, aura pour résultat d'arrêter pour
l'avenir tout entraînement de matériaux des hauteurs dans les
vallées. Non seulement il ne descendra plus que de l'eau, mais
la durée de son écoulement dans chaque torrent sera consi-
dérablement ralentie.
Les effets multiples qui seront la conséquence de l'obten-
tion, aujourd'hui certaine, de ce résultat, but suprême des
travaux, jjeuvent être énumérés ainsi qu'il suit :
1° — La fixation du sol dans les montagnes, entraînant la con-
servation de toutes les cultures et la sécurité des nom])reux
hameaux qui se trouvent disséminés dans le bassin de récep-
tion de chaque grand torrent.
2° — La conversion des torrents en imisseaux, à lits creusés
dans les cônes de déjections, ce qui procure la faculté de les
encaisser et de fixer leur lit définitivement; d'où résulte la dis-
l)arition do tous dangers pour lesviliages placés sur ces cônes
otla possibilité de rendre à l'agriculture des surfaces relative-
ment énormes, renfermant les terrains les plus précieux et les
mieux exposés.
3° — L'augmentation considérable du débit des sources et des
394 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
ritisseaux remplaçant les Un-rents, d'où résultent les hicniails
d'une irrigalion opérée avec dos eaux claires substituées aux
eauxljoueuses, suscejjtible d'une plus jurande extensicui ctper-
motlant dés lors le développement des prairies, principale
richesse des pays de montagnes.
Cette augmentation du débit des sources par le reboisement
a été contestée par quelques ingénieurs qui se sont basés sur
des expériences faites dans le bassin de rivières ou de llcuvcs
n'appartenant ni A la région ni au climat des hautes moidagncs,
et sur des terrains couverts d'arbres l'cuillus et situés à une alti-
tude (|ui ne paraît pas dépasser 600 métrés au-dessus de la mer.
Dans les hautes montagnes, au contraire, l'altitude des ter-
rains à reboiser varie de 1,000 à 5,(S()0 mètres et les essences
employées sont pres([ue exclusivemeiil r(''sin(Mises. Si l'iin
rapproche ce (pie nous avons exposé sur l'augmentation de la
quantité des eaux i)luviales à mesure qu'on s'élève, avec la
condition de perméabilité de plus en plus grande que présen-
tera le sol reboisé, on peut concevoir facilement ({uelle in-
fluence possédera un massif forestier d'essences r(''sineuses
contre révai>oration, aujourd'hui si rai)ide, sur les sols dt-cou-
verts, dans le clinial la phiparl (hi leiups très sec des UKHila-
gnes ù, reboiser.
■4° — La 7X'tjularlsalk))i du j'éfjitnc des iùcicres dans les vallées de
montagnes et des cours d'eau Inféi'ieurs, entraînant, d'une part :
l'augmentation du débit des eaux utiles aux irrigations dans
les vallées inh'riein-es i»endantles sécheresses de l'été, et d'au-
tre part : la j)ossil)inie d'un système complet d'endiguement
et la ciiiKinrli' (rimiiiciiscs (''Iciidui'S de |crraiii< 1rs plii> iililrs
à l'agricidlure, deux i»pératii»ns absdliinieiit impralicaliles au-
jourdlmi, tant <|ue les rivières ((iiilinueronl à charrier de
grands volumes de mati'riaiix dunl le dcpùt tend à exhausser
le fond de leur lit.
Kn ce qui concerne la Dmance. Il- rai)p(jrteur di' riii(|uète
agricole de i86ti estime (|ue, dans le seul déparleincnl des
Basses-Alpes, il y aurait à reprendre dans son lil, pniir los
CONCLUSION. 395
livi'or à ragriculturo, plus de t),OUU hcctan's do jiraviors au-
jourd'hui sans valeur, (pii, avec un bon système d'endigue-
ment et de colmatage, deviendraient en cinq ou six ans des
terres de première (pialilé valant au moins 5,000 à 6,000 francs
riieotare, ce (pii représente un capital de 30 i\ 36 millions.
Cette surface occuix' i pour 100 de l'étendue totale des ter-
rains cultivables dans ce département, qui, sur un(> étendue
territoriale de 695,000 hectares, possède seulement 150,000 hec-
tares de cultures, soit 22 pour 100 de sa superficie, alors que
les lits de torrents ou de rivières occupent i)lus de 29,000 hec-
tares.
5° — Ln proli'ctiim et le snluf d'ioi (jrand nombre de villes et de
villages situés au bord des rivières de montagne et dont l'exis-
tence est absolument menacée jnir l'exhaussement continu et
les divagations perpétuelles du lit.
6° — La conservation d'une population laborieuse, rude à la
fatigue et précieuse pour la défense du territoire dans les
frontières montagneuses de la France.
7" — La sécurité rendue à la circulation sur un immense parcours
de routes nationales, départe^jienfales et autres. La possibilité
d'établir un vrai et stable réseau de chemins vicinaux, au lieu
des sentiers impraticables décorés du nom trompeur de che-
mins de grande communication.
8° — Enfin, les éléments les plus importants delà transformation
que réconomie agricole est appjelée à subir da7is les pays de monta-
gnes pour s'élever à la hauteur des conditions de la production
moderne basée sur le travail et non sur l'existence contemplative
des pasteurs. Au lieu d'un pâturage ruineux qui s'exerce sur
des surfaces abandonnées sans réserve à toutes les causes de
destruction, l'agriculture obtiendra, sur des surfaces moins
vastes, un jjroduit intensif, supérieur à celui d'aujourd'hui,
mais à la condition d'apporter à ces pâturages les améliora-
tions indisj)ensables et de leur appliijuer les règles d'une saine,
intelligente et laborieuse exploitation. Ces desiderata pourront
être réalisés en moins de temps qu'on ne le suppose générale-
396 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
nient ; mais pour ((uo les coniuuuK^s cl les iiarticuliors puis-
sent se mettre à l'iiMiYre, il leur faut la séci()-ilé([no l'extinction
des torrents peut seule procurer et \ei> p)'emie7-s moyens de h-a-
va'd que les acquisitions de TÉtat augmenteront efficacement.
Tel est l'ensemble des principaux résultats qu'entraînera
l'extinction des torrents obtenue par des travaux d'utilité pu-
blique qui forment la tâche lourde et urgente que l'État seul
peut entreprendre et mener à bonne fin.
Mais la conservation des montagnes ne dépend pas unique-
ment de ce premier résultat, il faut encore, pour l'assurer dé-
finitivement, prévenir la formation de torrents nouveaux.
Tout le monde est d'accord à ce sujet, et il est admis que le
gazonnement uni au reboisement permet d'obtenir ce second
terme de la régénération des montagnes.
L'État cependant ne peut substituer partout et quand môme
son action à celle des communes et des particuliers, et c'est à
ces deux catégories de propriétaires que doit incomber cette
partie de la besogne au moyen des travaux facultatifs.
On ne peut se dissimuler, dès lors, que la création de grands
massifs forestiers ne résultera pas rapidement, surfout au
début, (le l'inilialive de ces deux délenteurs du sol, dont la pré-
occupation au sujet des améliorations à tenter consistera prin-
cipalement dans les produits du pâturage. Les travaux entre-
pris seront donc surtout des gazonnements avec un mélange
plus ou moins intime du reboisement, qui ne s'appliquera
qu'aux uniques jiarcelles impropres à la production du gazon
sans l'abri du bois ou placées dans des déclivités telles que le
maiiilicn du sol nécessite l'intervention des arbres. Ces condi-
tions, qui se retrouvent sur Ions les versants, même sur les
montagnes pastorales, implifpient un genre de travail qui
aura pour résultat la formation de sortes de /^re's-éo/s.
D'autre part, plus les progrès de la civilisation moderne pé-
nétreront dans les montagnes, surtout sous la forme de bonnes
voies de communication, plus la forôt, s'imposant comme une
avantageuse mise en valeur du sol, replacera le pâturage dans
CONCLUSION. 397
ses vraies limites naturelles ol dans ses conditions normales.
On peut donc espérer que, dans un avenir peu éloigné, com-
munes et particuliers, entraînés peu à peu par rexemi)le du
succès obtenu par l'État, se décideront à développer les tra-
vaux facultatifs qui forment leur complément nécessaire.
Cette vaste amélioration demandera évidemment du temps
et ne s'opérera que successivement; mais heureusement,
elle est moins urgente; elle sera peu coûteuse et les résultats
obtenus par les premiers pionniers do cette voie nouvelle ne
tarderont pas à secouer l'inertie de ceux qui seront restés en
arrière.
A l'État donc, la charge des grands travaux d'utilité publi-
que de premier ordre, consistant dans l'extinction des tor-
rents en activité {dangers imminents) et impliquant dès lors
pour lui la propriété inaliénajjlo du sol afin d'assurer la per-
pétuité des résultats.
A lui seul, dés lors, les travaux obligaloires.
Aux départ(Mnt'nts, aux communes, aux établissements j)u-
blics et aux i)arliculiers, le soin de régénérer peu ;\ peu leurs
montagnes dénudées, afin de conserver leurs pâturages et de
les améliorer avec des subventions de l'État.
De là, les travaux facultatifs.
Les périmètres obligatoires formeront donc dans les mon-
tagnes une sorte de système de défenses de premier ordre pla-
cées aux points les plus dangereux.
Dans leurs intervalles, les forêts actuelles et celles que ne
manquera pas do créer l'entrainemcnt de l'exemple et de l'in-
térêt privé bien entendu, composeront une seconde ligne de
défenses à l'abri desquelles la régénération des montagnes et
l'amélioration des pâturages s'accompliront paisiblement et
efficacement pour le salut des vallées et le plus grand bénéfice
du pays.
NOTES
NOTE A
(Citée à la page 36.)
Note de M. Schliimberger, Garde général des Forêts, sur la Lave des-
cendue, le 13 Août 1876, dans le Torrent de Faucon, près Barcelon-
nette (Basses-Âlpes).
I
11 se passe souvent plusieurs années sans qu'il éclate un fort orage
dans la vallée de Barcelonnelte, cette terre classique des torrents,
et si les dégâts causés sont considérables, ils ne se reproduisent
heureusement qu'à des intervalles assez éloignés. Mais il est des
années qui semblent prédestinées pour cela, et, pendant plusieurs
semaines, des orages d'une extrême violence s'y succèdent alors
presque journellement, éclatant tantôt d'un côté, tantôt d'un autre.
Depuis le trop célèbre été de 1868, tous les redoutables torrents
qui entourent Barcelonnette semblaient presque inoffensifs, et il a
fallu les pluies de 1876 pour les faire sortir de leur sommeil de huit
années. Presque tous les jours, depuis le 8 jusqu'au 20 août, le ciel,
serein pendant la matinée, se chargeait brusquement de nuages
après midi, et Toi'age éclatait avec une incroyable violence, se dé-
chaînant sur un point quelconque de la vallée, sans que le plus sou-
vent il tombât une goutte d'eau sur d'autres points assez rapprochés.
Ces orages suivaient toujours les lignes de crêtes, étaient accompa-
gnés de grêle dans les régions supérieures, et c'est sur les parties les
plus élevées qu'il tombait le plus d'eau, comme l'ont démontré les
nombreuses expériences faites dans les bassins de réception des dif-
férents torrents.
26
■U)2 UKBOISEMENT DES MONTAGNES.
Celle grande quantité de pluie tombant en un temps tri^s court,
sur ces versants dénudés et escarpés, s'écoule en jurande masse par
le torrent ordinaiicnient pres(pie à sec, entraine tous les matériaux
tjui s'y ti'Ouv<'nl accumulés, ail'ouille li' lit, rong'e les berges, provo-
que d'immenses glissements de Icii'ains cl amène toutes ces déjec-
tions dans la vallée, donnant ainsi naissance à ce (|ue, dans le pays,
on appelle du nom pittoresque de iavc.
Ce pliénoméiu' s'est produit en 1870 dans la itlupart de nos grands
torrents. Sans parler des orages moins violents du jnois de juillet,
on a pu voir de très fortes laves :
Le 8 août, aux Sanières;
Le 10 août, à la Grande-Combe ;
Le t3 août, aux Sanières, à Faucon, à la |{èrarde,aux Tlmiles, etc.
Témoin de celle descendue le dimancbe 13 août, dans le torrent
de Faucon, je vais clierclier à décrire le ])liénomène, tel (pie j'ai pu
ro})server.
Mais, avant cela, il ctuivienl de doiuu'r un eourt aperçu de ce
qu'est le tori'eiit de Fauron.
II
Le torrent de Faucon, ariluent de dioite de riJbaye, est situé tout
entier sur le territoire de la ((miiiiuiie de F'aucon, canton et arron-
dissement de Hai'celoMiielte.
Le bassin de réception de ce tori'ent est l'orme de terrains possé-
dés presque tous par la comniime de Faucon. Ils sont compris dans
le périmètre de reboisement obligatoire de Faucon, décrété d'utilité
publique en t8(>3, et occupent une surface de 300 hectares environ,
non compris 160 hectares de terrains particuliers, champs et pAlures,
qui ne sont point dans le périmètre. Tout ce versant est exposé en
plein sud.
Les terrains supérieurs, entre 3,000 et 1,700 mètres d'altitude, sont
formés d'un sous-sol de schistes ardoisiers assez durs, d'origine ter-
tiaire, et connus des géologues sous le nom de lly.sh. Ces versants
sont presque entièrement dépourvus de végétation dans les parties
les plus élevées, où la roche est souvent ci nu et la pente toujours
très raide (de oO à 120 pom- 100).
A partir de 2,i-00 mètres d'altitude, la peiile diminue et la roche
est couverte par les débris des rochers descendus d'en haut, qui,
par leur désagrégation, ont formé de la terre végétale. Les gazons
NOTE SUR LE TORRENT DE FAUCON. 403
iiaturols el arliliciels s"y dévoloppt'iit iicii à |mmi |i;ii' siiilc de la nù>r
en tltHVnds et des semis de fouriMpèies (jii'itn y a lails (lc|iiiis la
t'i'éatiim du [)éiiinèlre.
Dans le canal défoulement, qui va de 1,700 à 1,300 Jiiètres d'alti-
tude environ, le torrent passe au milieu de terrains noirs schisteux
d'origine jurassique, et de matériaux d'éhoulements sans consistance,
formés de terre et de pierres de toutes grosseurs ; les berges, qui
sur certains points atteignent une hauteur de 80 et même de 100 mè-
tres, sont le plus souvent complètement dénudées et entaillées de
nombreux ravins secondaires. Dans ces parties, où sa pente varie
de 20 à 36 pour 100, le torrent all'ouille son thalweg à chaque crue
et détermine alors d'immenses glissements de terrains qui s'étendent
des deux côtés du ravin, sur une longueur de près de 2 kilomètres.
Ensuite le torrent, qui jusque-là descendait presque directement
du nord au sud en suivant la ligne de plus grande pente de la mon-
tagne, tourne brusquement vers l'est, encaissé dans un lit profond
de 8 mètres environ, creusé dans des dépôts anciens. Que le canal,
large de 25 mètres, vienne à se boucher par suite de l'arrêt dun gros
bloc, et le torrent se dirigera en ligne droite sur les cultures et le
village de Faucon, qui, protégés seulement par une faible digue, se
Irouvent ainsi toujours menacés.
Enlin le torrent vient s'étendre sur son cône de déjections pour
tomber ensuite dans l'I'liaye, à 4 kilomètres en amont de Barcelon-
nette.
Ce cône de déjections forme un immense triangle de 1,800 mè-
tres de base et de 1,400 mètres de hauteur, soit dune surface de
130 hectares environ, sur laquelle sont bâtis le village de Faucon et
le hameau du Chastelaret: fiO hectares environ sont à l'état de gra-
viers incultes; le reste consiste en champs, en px'és, en oseraies qui
forment la plus grande partie du territoire cultivable de la com-
mune.
La route nationale n° 100 traverse ce cône sur une longueur de
plus d'un kilomètre et se trouve recouvei'te de déjections à chaque
orage, ce qui rend la circulation très difficile et les réparations très
coûteuses.
m
La grandeur de ce cône de déjections montre combien le torrent
a dû être terrible jadis; mais il faut sans doute remonter bien loin
401 RKBOKSKMKXT DHS MONTAGNES.
pour se rcportor à l'ôpoquo où ces Ijivps fnnuidahlos sont descen-
dues, et c'est probablement pendant les temps anlé-bistoriques que
se sont formées ces vastes déjections, sur lesquelles est bâti le village
de Faucon, alors que la période placiaire finissant, la nature n'avait
pas encore i>u boiser les vastes terrains oîi le torrent prend nais-
sance.
Mais si Ton revient à des temps plus récents, tout parait démon-
trer que le toiTent a traversé une longue période de calme et n'est
rentré dans sa pliasc de grande activité que depuis peu d'années.
Ce n'est pas, en etFet, un endi'oK aussi dangereux qu'on eût choisi
pour construire les maisons de Faucon et du Chastelaret, (pii sont
aujourd'hui directement menacées par le torrent et peuvent d'un jour
à l'autre être englouties sous la lave.
Du reste, les habitants gardent encore le souvenir de ce qui se
passait il y a peu de temps dans la commune. Il y a cinquante années
H peine, disent-ils, ce torrent, maintenant si redoutable, était pres-
que inoll'ensif. Jamais lave ne descendait de la montagne. Le torrent
débitait des eaux claires dans un lit étroit, situé à gauche de celui
qu'il suit maintenant. Jamais il ne divaguait, et, pour garantir les
cliaiiiiis ([iii s'étendaient sur ses rives, les digues étaient inutiles: on
se contentait d(> rejeter les gros matériaux sur les bords du cours
d'eau pour garantir les propriétés A'oisines.
Depuis, les crues sont devenues de plus en plus l'réquentes, les cul-
tures riveraines ont été ensevelies sous les déjections, et ce qui jadis
était riche et fertile n'est plus que graviers stériles. De hautes digues
situt à peine suffisantes pour garantir les quelques champs qui jus-
qu'ici ont échappé au désastre cl se trouvLMil de plus en plus me-
nacés.
Comment expliquer cette i'epi'is(> dans l'activité d'un ton'ent jadis
terrible, mais éteint ile|iiiis de lont^s siècles, sinon par la disparition
toujours croissante de la végétation forestière d'abord, herbacée
ensuite, dans son bassin de réception? Les habitants ne se sont pas
contentés en elfel de détruire les anti({ues forêts qui jadis s'étendaient
sur toute la nH)ntagne. Ils ont luiné les pâturages qui leur avaient
survécu, qui pouvaient eiicine suffire pour empêcher le mal, mais
(jui .seraient absolument insuffisants à l'arrêter aujourd'hui. La dent
et le pied des moutons conduits en nondue énorme ont fait tout
disparaître et l'on ne retrouve plus maintenant que pierres et terres
dénudées, là où jadis se trouvaient de beaux i)àturages.
NOTE SUR LE TORRENT DE FAUCON. 405
IV
(lY'Iaii un (liiiiiiiiclic, le II! jinùl iSTli; l,i iiiatiuiM' avait rlr supprlic
cl le ciel d'uiu^ {JUivLé r('iiiar([iial)lo, mali^ré los oragos des jours pré-
d'clonls. Mais, th"'s midi, les iiuaijes coiiinionccnt à so inonlror à
l'hoi'izun ; ils s'anioiu'L'Ilonl rapidrincnt dans la i)ai'tio liante de la
vallée ciilro .laiisicrs et la (^ondamiiic. CcpoiidanL la chaleur fsl acca-
blante et pas un snuftle de vent n'a.iiite l'air. Vers 2 heures, les
nuages deviennent plus épais et preanenL une teinte d'un uuir jau-
nâtre caractéristique: ils cachent les montagnes de Jausiers, et leur
masse sondire s'avance rapidement, en suivant la crête des Sanières.
Aussitôt l'orage éclate avec furie; les éclairs sillonnent le ciel, le ton-
nerre gronde et le vent s'élève, entraînant avec lui l'orage qui vient
s'abattre au-dessus de Faucon. On ne voit plus la montagne de ce
côté. Il est 3 heures, et, tandis (pi'il ne tombe que quelques gouttes
d'eau dans la vallée, tandis que le ciel reste sei'ein vers le sud, du
côté d'Euchastrayes, tout semble indiquer que la pluie tombe avec
une extrême violence dans la montagne.
A3 heures et demie, toutestfmi de ce côté: l'orage a suivi, comme
d'ordinaire, la ligne de faîte nord de la vallée, et, descendant tou-
jours, il ton^be avec furie à la Bérarde,aux Thuiles, et ne se termine
qu'en aval d'Ubaye, en arrivant sur la Durance.
J'avais quitté Barcclonnelte à 2 heures et demie, au moment où
rt)rage arrivait sur le bassin de réception du torrent de Faucon. 11
tombait quelques gouttes d'eau seulement dans la vallée; mais tout
faisait présumer que la pluie était d'une violence extrême dans la
montagne. Arrivé à Faucon, je monte sur le cône de déjection.
L'orage avait cessé dans le bassin de réception et déjà l'on aperce-
vait la cime des hiontagnes légèrementblanchie par la grêle. (^c|ien-
danl j'avance toujours et, arrivé au sommet du cône, au goulot du
torrent, j'aperçois une lave formidable qui descend majestueusement
la montagne.
A mes pieds, le lit du torrent, profond de 8 mètres environ et
large de 2.') mètres, est presque à sec, malgré l'orage. Mais regar-
dant en amont, dans la direction des chutes qui se trouvent en cet
endroit, je vois une immense masse noire qui s'avance comme un
40U
Il !•: H () 1 8 !•: M !•: x t i ) !•: s .m o n t a ( v n e s.
mur pI presque sans l)ruit, dosroudant le lit du toiTenl. Celait la
lave qui venait de la montacne , l't (|ii"il m'élait donné d'ohserver
dans toute son inlensilé.
Cette lave, qui coulait rapidonicnl quand la |MMile du torrent était
forte, arrive bientôt à mes pieds, descendant sur une pente de 12
fiour 100 tout au plus. Sa vitesse est aussitôl ralentie, et hienlôt elle
n'est plus (jue de 1™,."J0 par seconde.
(l'est un amalgame de terre et de lilors de toutes grosseurs, ayant
à peine la lluidilé du béton. En avant, à nujitié prise dans cette boue
très épaisse, une avant-g'arde de gros blocs cubant parfois jusqu'à
5 et fi métrés semble poussée par la lave. Ces rocbers, qui sont
entraînés pendant quelques minutes, sont engloutis dans le chaos qui
les suit dès qu'ils trouvent un obstacle qui les arrête. Us sont alors
remplacés par d'autres qui sont poussés et bientôt engloutis à leur
t(uir.
Fis. 83.
l'rotil en lonir «le la Lave avec blocs eu avant.
a. h. l'rofil du torrent.
r. '/. l'rofil de la lave.
p. Blocs en avant.
/". Hlocs plonges dans la lave.
Toute cette masse n'est point animée d'une vitesse uniforme.
Tantôt le mouvement est assez i-apide, tantôt il est au contraire
extrénit'nn'nl lent, et à certains moments même tout semble immo-
bile. .\u moindre obstacle, les blocs qui sont en avant, trouvant une
résistance à vaincre, par suite «b; linéiralilé du lit ou d'une diminu-
tion de la pente, s'arrêtent brusquement. S'ils forment une masse
suflisante, tous les matériaux qui suivent immédialemeni sont arrêtés
|iar ces barrages momentanés. Cependant le courant pousse toujours
et le niveau de la lave peut alors s'élevi-r à une grande hauteur
'juscpi'à 7 mètres au-dessus du l'oml du lit). .Mais bientôt les maté-
riaux franchissent l'obstacle qui les arrêtait, soit cju ils aient (tassé
par-dessus, soit qu'ils l'aient fait céder à la pression formidable qu'il
su|iporlail. .\lors la vitesse s'accélère de nouveau et toute la masse
se ri'tnel l'u mouvement [loiu' s'airêler encore.
NOTE SUR LE TORRENT DE FAUCON.
407
Une l'ois r;iv;iiil-,y;ii'ilo do i^vos lilocs piissrc, l;i hivc (Icscciid hî
Ccinal avec une vitesse assez i'éfj;iilièi'e. C-'esl une masse de couleuf
noire, à peine lluide ; sa surface semble uniquement formée de terre
mélangée d'eau et présente très peu do saillies extérieures, malfrré
les matériaux énormes qu'elle renferme ; on dirait un lleuve de houe,
(le n'est (pie p;ir nu)ments que les gros l)locs signalent leur présence
au milieu île celte lave et se dressent un instant rnnnne des tours
Fifr. 81. — Profil en Ions d" 1<1 Lave avec Barrai^e momentané.
a, b. Profil du lit du torrent,
c, (I. Profil de la lave.
e. Blocs en avant formant barrage.
f. Blocs plongés dans la lave.
au-dessus du flux boueux pour s'y engloutir bientôt après, alors
qu'ils ont franchi l'obstacle qui les forçait de s'élever ainsi par-dessus
la lave.
Cette lave descendait ainsi avec une liaiilcur movenne de imi'tres;
l'^iir. Hri. — Blocs .s'élevant an-(less\is de la I,avp.
sou prolil en long était en général jiaralléle au lit du lurrent: elle
s'élevait seulement quand elle rencontrait un obstacle momentané.
Le pi'ofil en travers était toujours très convexe voj-s le ciel, quand la
lave montait, et légèrement concave, (piand elle diminuait. Cette
forme s'exjilique facilement par le frottement ou l'adhérenoe qu'é-
prouve la lave au contact des berges du torrent quand son niveau
monte ou descend.
4U8
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
C'est ainsi que lu lave ('-paisse dcscenrlit pendant vingt minutes
environ. On n'entendait presque aucun ])ruit, seuleincnl, do temps
Fig. 86. — rrcilil en travers.
Lave montante.
Fig. 87. — l'rolil en travers.
Lave descendante.
en temps, le son strident d'un rocber frottant coiitic la lieriro ou
contre un autre rocher.
Fig. 88. — Flux d'eau [iassaiil sur la I.ave.
a, h. Lave.
c, d. Kau.
p. niocs entraînés par l'eau.
f. Blocs entraînés par la lave.
Cependant celte lave devient de plus en plus li(piiil(' et dès lors
animée d'une vitesse toujours croissante, lîieulùl Iciiu arrive en
^^li!i.^^'^^^J^^i,l^■j^j^j^.J'l^^^_ll_^j^^lj,.
Fig. 89. — Flux d'eau avec Idocs passant sur la Lave.
iL'rande aliondancc; clic roule comme mi ruisseau l'uiieiiN sur la lave
qui elle-même marciie encore lentement. Alors le Itruit commence;
l'eau, arrivant avec une jurande force, forme des lames (pii allei-
NOTIO sru LK ToIlKHNT ])K FAUC()N.
iO!)
gnenl jusqu'à 2 iiirtros de liauleur cl avancent avec le courant
qu'elles suivent. Klles entraînent ainsi des blues assez gros qui sou-
vent paraissent à la surface, s'entre-clioqucnt sans cesse et font un
épouvantable fraciis. Mais l'eau rejoint bientôt la lave éj»aisse qui
est en avant el lui donne une nouvelle poussée.
Enfin, quand tout est btilayé par devant, l'eau devient [iresque
claire. Elle coule alors par-dessus la lave qui restait au fond du lit,
et, devenue atlouilhuite, se creuse un passage au milieu des débris.
On ne voit plus alors (pic quelques traces des matériaux entraînés
(pii sont restées adliérentes à la berge et témoignent seules de la
liauteur à laquelle la lave est nu)ntée. l/eau a nriloyé le lil du tor-
rent et les matériaux ont été enti'alnés plus loin.
Tel est le phénomène que j'ai observé dans le canal d'écoulement
du torrent. Voyons maintenant ce qui s'est produit sur le cône de
déjections proprcnicnt dit, où j'ai suivi pas à pas la marche de la lave.
La lave, qui se trouvait resserrée dans un canal pi'ofond, trouve
tout à coup de l'espace pour
s'étendre sur ce grand cône de
déjections. Elle s'épanouit sur
une grande largeur avec inie
épaisseur bien moindre et di-
minue par conséquent beaucoup
de vitesse. Les plus gros blocs,
qui se trouvaient cachés dans
la lave, touchent maintenant le
fond du gravier et sont peu à
peu arrêtés, tandis que quelques-uns, plus petits, continuoiil Icui'
marche en loin'uant et se montrent de temps en temps au-dessus de
la boue. QueUjuefois des blocs d'assez grandes dimensions sont sou-
levés, au-dessus de la lave; souvent on les voit tlotter quelque temps
sur elle, nageant comme des morceaux de bois.
Sur certains points, au monu^mt de la plus grande hauteur de la
lave, une digue située sur la rive droite est franchie par une boue
heureusement très épaisse et à peine fluide; sur d'autres points,
la digue suffit à les arrêter et l'épaisseur de la boue est telle qu'elle
forme un bourrelet de tO et '20 centimètres au-dessus du couron-
nement de celte digue. Pourtant les cultures sont très menacées par
derrière. Encore quelques instants comme cela, et le torrent va en-
vahir les champs. Heureusement l'eau arrive à temps et, se creusant
un passage au milieu de la lave, elle coule en ligne droite et fait
baisser le niveau de cette boue. Les champs sont sauvés.
Poussée par derrière, la lave continue de marcher tantôt en ligne
Fig-. 90. — Profil en travers de TEau
passant sur la Lave.
410 RKHOISHMENT I) K S MONTAGXKS.
droite, tantôt par côté, sur la pente du cône. Elle forme des bour-
souflures, s'arrête sur certains points pour divaguer ailleurs. Puis
elle arrive dans une oseraio naturelle ; lîi, elle marche sur une hau-
teur de 2 mt'tres et une larf>-eur de 40 mitres environ, mais avec
imr vitesse très faible (30 centimètres par seconde). Les arbres les
[ilus faibles sont renversés par terre dès qu'ils sont atteints par cette
masse noire : ils disparaissent engloutis dans la boue; les plus forts
résistent et sont seulement ébranlés par le choc des blocs qui vien-
nent se heurter contre leur pied.
La vitesse de la boue devient de plus en plus faible et elle n'aurait
point tardé à s'arrêter complètement, quand l'eau arrive avec un
bruit éfiouvantable et une vitesse de 3 à 4 mètres par seconde. Elle
domine la lave étendue en grande nappe sur le cône, forme des va-
gues de 1 mètre de hauteur au moins et entraine souvent des blocs
d'assez grandes dimensions, coulant prcs(jue toujours en ligne droite
et se creusant bientôt un canal dans la boue qu'elle affouille.
Elle arrive bicnLôl à la passerelle de la l'oute nationale, qui n'a
({u'im faible débouché. Pendant un instant, toute l'eau passe dessous;
mais bientôt cette eau s'épaissit de nouveau, entraîne de gros blocs
qui sont arrêtés sous le pont, sans qu'on les ait vus arriver. Le ni-
veau augmcnle immédiatement el, en un instant, toute l'eau, rede-
venue lave, passe sur la route, enlève la main courante de la passe-
relle et continue son chemin jusqu'il l'Ubaye. Enfin, elle redevient
de plus en plus claire, se creuse un nouveau lit dans la lave et tout
reprend son cours habituel.
Telle est la descri(»tion de ce que j'ai observé dans le canal et sur
le cône de déjections du torrent. Voyons maintenant ce qui se pas-
sait pendant ce temps dans le bassin de réception :
Il résulte d'observations faites avec des pluviomètres situés à di-
verses altitudes dans le bassin de réception du torrent de Faucon
qu'il est tontbé beaucoup plus d'eau dans la région supérieure que
dans la partie inférieure.
L'eau tombant sur la partie une du Itassiii de réception a dû s'é-
couler presque toute et une très faible partie seulement être absorbée
parle sol. Elle a entraîné toutes les pierres qui se trouvaient dans
toute la région sujtérieure, il n'a coulé que de l'eau avec un certain
nombre de pierrailles et une grande quantité de sable, comme l'ont
démontré les amas de gravier qu'on y lencontre. La lave n'était pas
encore formée, et c'est plus bas seulement, dans les terres noires,
qu'elle s'est constituée. L'eau, descendant avec une extrême rapidité
dans ces terrains sans consistance, entraînait tout ce qu'elle trouvait
sm- son passage, Inre et blocs. De nomlireiix glissements se sont
NOTE SLR LE TORREXT DE FAUCON. 411
produits, donnant an torront dos milliers de mètres cubes de terre
sèche qui, mélangés avec un peu d'eau et poussés par la pression
de derrière, se sont mis alors en mouvement et, une fois arrivés en
bas, ont donné naissance au phénomène que nous avons décrit.
Ce qui prouve que hi lave provenait en majeui-e partie île in.ilé-
riaux pris dans la réirion inierieure, c'est qu'elle était complètenient
noire et qu'on n'y rencontrait point de terre jaunâtre.
Ce qui prouve qu'elle a eu pour cause la grande quantité d'eau
tombée dans la région supérieure, c'est qu'un des affluents du tor-
rent de Faucon, le ravin de Bouzoulières, qui prend sa source à.
1,700 mètres d'altitude seulement, n'a donné que des eaux claires,
malgré l'état assez ruiné de ses berges et de son bassin de réception.
Il est un fait facile à constater, c'est que, plus il y a longtemps
qu'un torrent n'a pas donné de lave, plus terrible il sera au jour
d'orage. On peut expliquer cela, en songeant que tous les matériaux
descendus des berges ou entraînés d'en haut par les petites crues se
trouvent accumulés pendant plusieurs années dans le lit du torrent,
qui se trouve alors rempli de blocs et de pierrailles qui sont entraînés
en masse au premier grand orage.
C'est précisément le cas dans le torrent qui nous occupe. Depuis
1868, aucune grande lave n'était descendue de ce torrent. Son lit et
.ses berges se trouvaient garnis de matériaux instables qui n'avaient
point encore pu être fixés par la végétation à laquelle il faut néces-
sairement un temps de calme beaucoup plus long pour s'installer,
surtout dans un climat aussi froid et aussi sec que celui des Basses-
.\lpes.
Après l'orage, au contraire, le lit du torrent a été complètement
nettoyé. Tous les matériaux qui, avant la crue, encombraient le
thalweg ont disparu et sont allés sur le cône de déjections. Et l'on
peut affirmer que si un second orage était venu après celui du
13 août, quelle qu'eût été la force de la pluie, les matériaux seraient
descendus en beaucoup moindre quantité.
La lave épanouie sur le cône était molle au début, et l'on ne pou-
vait s'y promener sans enfoncer. Mais après quelques jours elle s'est
durcie et est devenue comme un bon mortier qui aurait fait pi'ise.
Elle s'est alors abaissée de j environ de sa hauteur, et les gros
matériaux qu'on n'y voyait point au début sortent maintenant sur
beaucoup de points, ce qui nous a permis de nous rendre compte de
leurs dimensions souvent formidables.
En amont de la route nationale, au milieu de la lave épaisse qui
commençait à s'épanouir sur le cône, se sont arrêtés les premiers
gros blocs. On en rencontre qui cubent jusqu'à 15 mètres ; la moyenne
412 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
varie de 1 à 4 métros cultes environ et l'on ne trouve en cet
endroit aucun triage de matériaux. C'est le transport cliaoliciue vé-
rilalile.
I^lus lias, l'eau a dépassé la lave épaisse, qui en est devenue beau-
coup plus iluide. On commence alors à trouver un certain triage
dans les matéiiaux. Deux ou trois gros blocs de 4 et o mètres cubes
se sont arrêtés sous la passerelle de la route ; les autres matériaux,
qui étaient plus petits, sont entraînés plus bas. Ce sont au maximum
des blocs (le I métré cube. Plus bas encore, on ne rencontre plus (jue
des pierres de o décimètres cubes, et enfin il n'y a plus que des ma-
tériaux de 3 et îi décimètres qui ont pu être cntrainés jusque dans
l'Ubaye. C'est qu'en cet endroit la lave était très liquide, et les ma-
tériaux déposés suivaient alors la plupart des lois qu'on observe dans
le triage fait par les rivières; le transport chaotique ne jouait plus
({u'irn l'Ole secondaire.
VI
Un fait très curieux pendant l'orage du 13 août, c'est que, tandis
qu'il avait éclaté avec presque autant de force au Bourget et aux
Sanières qu'à Faucon, il est descendu une petite lave aux Sanièrcs
et aucune au Bourget, où l'eau est demeurée claire ; le torrent n'a
même point atterri les grands barrages de 1875.
Kt cependant les bassins de réception des deux torrents étaient
conligus; autrefois, quand un de ces torrents donnait naissance à mu-
lave, il en était toujours de même dans les deux autres (témoin 1808).
Ce n'est donc qu'aux travaux faits dans les torrents du Bourget et
des Sanières qu'il faut attribuer ce résultat. C'est qu'en ellet ces
torrents sont presque complètenn-nt traités. Tous les irrands bar-
rages y sont terminés; le bassin de réception est entièrement [liante,
et la pluitart des ravins secondaires sont également barrés. Il n'y
a plus dès lors de lave possible et l'on peut afiirmer (pie, cpudle que
soit la violence d'un orage, il ne pourra plus donnri' naissance i'i des
pliénomèues torrentiels comiiih' ei'iix de !,S(i8.
Vil
Les quantités d'eau tombée dans le torrent de Faucon, ainsi qu'il
résulte des pluviomètres qu'on y avait établis, ont été les suivantes :
NOTE SUR LE TORRENT DE FAUCON.
413
N'o 1. A 1.200 mètres d'altitude 13"".6
N» 2. A 1,800 — 15 ,4
N° 3. A 2.300 — 12 ,2
Coeflicient
Eau toinbi?e. dVcoulement >.
9
N" 1. 42.200 mètres cubes, — pp
N» 2. 21.610 — — ii-
10
N» 3. 25.200 — — i_
10
92.010 mètres cubes.
Surface 200 hectares.
— 160 —
— 100 —
Eau écoultfe.
37,980 mètres cubes,
12.320 —
15,040 —
65,310 mètres cubes.
11 est donc descendu environ 65,000 mètres cubes d'eau.
Or il résulte d'un calcul approximatif ^ qu'il est descendu une
lave d'environ 234,000 mètres cubes, soit :
169,000 mètres cubes de matériaux solides,
65,000 mètres cubes d'eau pure,
soit } d'eau et 4 d'-" matériaux.
Or il est resté sur le cùne de déjections environ 110,000 mètres
cubes de matériaux ^ ; il on est donc descendu dans ITltaye 60,000
environ.
Si l'on songe que le bassin de réception du torrent est de 460 hec-
tares environ, il en résulte que les 169,001) mètres cubes de matière
solide descendus représentent une couche uniforme de ;<T millimètres
environ.
On peut en conclure combien peu de temps il faudrait maintenant
pour que toute la montagne fût emportée, et combien grands pour
les régions basses seraient les désastres, si l'on n'y portait bientôt
remède.
1, — C'est-à-dire rapport de l'eau tombée a l'eau qui n'a pas été absorbée par le
sol, qui a par conséquent coulé par le torrent.
2, — Le calcul a été fait comme il suit : surface du goulot du torrent : 130 mètres
carrés. — Vitesse de la lave : i™,5. — Temps de l'écoulement : 20 minutes. — Vo-
lume de la lave : 130 X 15 x 20 x 60 = 234,000 mètres cubes.
3, — Résultat du cubage direct par les prodls en travers.
411 REBOISEMENT DES iMONTAGNES.
NOTE B
(Citée aux paj^es 75 et 112.)
Observations sur le grand Éboiilement et les Laves qui ont eu lieu
dans le Torrent de Riou-Chanal i Basses-Alpes , en 1873 et 1876.
[de (Uuiffiev, PI. .3.)
Le lorrenl de Riou-Chunal, silin' sur li; territoire de la euinimiiie
d'Uvernet, arrondissement de Harcelonnette, est un torrent composé
<{ui se jette dans le grand torrent du Bachelard,à 2 kilomètres en amont
de son confluent avec l'Ulfaye, aftlnent de la Diirance. Son origine
est située à 2,682 mètres d'altitude et son ecjnlluent dans le Hariie-
iard à 1,180 mètres, soit une dill'éience de niveau de 1,.J02 mètres,
[tour un parcours de 4 kilomètres en projection horizontale, ce qui
détermine une pente moyenne de 37 centimètres par mètre.
Le périmètre de reboisement, déclaré en 1803 d'utilité puliliciiic
en vue de l'exlim^tion de ce redoutable torrent, comprend d'anciennes
propriétés particulières qui, expro|iriées en 18(i(), renfermair'nt des
parcelles occupées par une belle |irairic fauchable entourée de tous
côtés par des terres noires à pentes exce.ssives et fortement ravinées.
Le sol de ces prairies est formé par un immense amas de débris
des roches su|>érienres (le llysh^ mêlés à des déiritus de terres noires
et à d'anciennes Ixmes glaciaires.
Pendant la période de 18<)7 à 1872, tous les ravins environnants
avaient fait l'objet de travaux de correction: leurs ])ergcs avaient
été recouvertes de végétation, la prairie elle-nn'-me avait été plantée
de mélèzes convenablement espacés, et l'on pouvait espérer (pi'au
bout de peu d'années l'une des prinriitales sources de déjections du
torrent serait supprimée.
Mais, dans l'hiver de 1872 à 1873, cette partie du périnn-tre, en
forme de cirque ou de grande combe, se trouva, ;i la suite de neiges
tout à fait extraordinaires, totalement remplie, à tel point que, mal-
ÉBOULKMHNTS DU TC)RR1:;NT JjK RIO L" -CH AN AL. Ho
gré sa profondeur, l.i coiiibo ne pivsonlait plus aucune dénivollatiun
et ollVail l'aspect d'un plan incliné unilornie.
Dans les premiers jours de juin 1873, les venls chauds commen-
cèrent la fonte de cet immense amas de neige, qui eut pour résultat
de saturer le sous-sol non stratilié et de le réduire à l'état de boue.
A la suite de ce ramollissement, il se produisit un immense effon-
drement, du au glissement des houes sur le plan très incliné que
détermine la roche imperméable composée de marnes noires du
lias, et représenté par la figure 01.
Aussitôt qu'il fut possible d"y pénéti'er sans danger, on commença
par assécher les boues demeurées à l'aval de la condie en ouvrant
une série de boyaux d'écoulement pour les eaux, et à l'automne on
planta leur surface avec des myriades de fortes boutures de saule;
en 1874, au retour de la belle saison, on construisit à l'aval de la
combe, à son goulot, un fort barrage en maçonnerie mixte avec
contre-barrage i^marqués sur la même figure), dans le but d'empê-
cher tout creusement du lit à ce goulot, de conserver ainsi dans le
sein de la montagne les immenses débris situés à son amont et
d'empêcher une débâcle qui aurait pu compromettre l'existence
même du village d'Uvernet, situé au débouché du torrent, sur son
cône de déjections.
L'emplacement de ce barrage était très favorable, car il s'appuyait
de tous côtés sur la roche solide.
Aucun accident ne se manifesta pendant les années 1874 et 187o ;
mais, en 1876, à la suite de neiges très abondantes, une seconde
débâcle se produisit, sans renouveler cependant, pour le village et les
régions inférieures, les dangers qu'avait provoqués celle de 1873.
On peut, à juste raison, attribuer à la construction du barrage
cet heureux résultat, pour l'appréciation duquel nous donnons ci-
après une note dressée par M. Sardi, garde général adjoint, qui a
été témoin de la débâcle et en a noté avec un soin scrupuleux toutes
les péripéties. Cette note intéressante fera ressortir le rôle des bar-
rages, l'importance de leur construction en mortier hydrauli(^ue, au
moins sur le parement d'aval, et la force de résistance qu'on peut
espérer de pareils ouvrages.
Observations faites le 12 Mai 1876. sur l'Éboulement de Riùu-Chanal,
par M. Sardi, Garde général adjoint des Forêts, à Barcelonnette.
Le vendredi 12 mai 1876, l'éboulement (jui s'était manifesté en 1873,
et qui paraissait être assis définitivement, a repris son mouvement.
416 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
Les jours précédents, un tassement s'était opéré par suite de la
fonte des neiges, mais on n'avait constaté aucun symptôme de glisse-
ment, qui n'a évidemment commencé que lorsque les eaux, après
avoir détrempé et saturé les terres, sont parvenues à la roche schis-
teuse ardoisée, dont la surface plane et lisse est inclinée à plus do
1)0 degrés, ainsi ([u'on le voit au sommet do l'éboulcment où elle se
trouve i\ lui.
Parti à 1 heure de Barc(;Ionnette, je n'arrive que vers 4 heures
soulomenl au barrage, à cause de la neige qui atteint parfois t™,20
sur tout le versant (jui entoure l'écoulement. Je ne songeais point
à un glissement, je voulais seulement observer l'affaissement signalé
la veille par le brigadier Allard, et m'assurer du ])on état du bar-
rage. Je constate immédiatement : que les terres descendues s'accu-
nmlenl en face d'un plateau gazonné, qui peut être envahi si les
eaux ne parviennent pas à déboucher le goulot (|ui se trouve obstrué ;
que les matériaux en mouvement forment une masse qui surplombe
le barrage sur une hauteur de (i métrés; que le profil en travers
atteint le niveau des beiges, et que le haii'iige présente l'aspect de
la figure 02.
(4 heures.) Les pierres de taille du couronnement, du côté de la
berge droite, s'ébranlent surune longueur de iJ mètres environ ; {-t^ ,"i")
elles font une saillie do 10 centimètres sur la maçomuMic du barrage,
on les voit se relover et s'ouvrir; (4'' tO"") elles tombent, ainsi qu'une
partie de la maçonnerie qui les supporte, laissant à découvert un bloc
de calcaire dur, cubant au moins tO mètres, (jui glisse instantané-
ment à travers la brèche. Ce bloc, accroché par une de ses aspérités
à la maçonnerie du couronnement, avait soulevé, écarté et jeté ces
pierres de taille; on aval du barrage. C'est ainsi que s'est produit
leur mouvement et qu'elles ont été pour ainsi dire arrachées de bas
eu haut sans que la voûte ait cédé à la pression. La brèche, peu
haute, prend la forme iiuliquée par la ligure 93.
L'aile gauche résiste bien; la masse de l'éboulcment continue à
franchir le barrage par tranches de 80 à 100 mètres cubes qui se
détachent et, tournant autour de l'arête du couronnement comme
cliarnière, tombent en entier à l'aval du barraire ipii disparait com-
plètemcMit sous leur masse.
La ligure '.)'t indique de (luolbî m luière s'opèrent (;es sortes d'ar-
rachements successifs.
Les terres sont d'abord inclinées à 150 pour 100 suivant la ligne AB,
[luis [irennent la position CI), enlin la position KF au moment de la
iiiplure; toute la masse AI?KK tombe en bloc, suivant la forme GH,
dépasse en partie le contre-barrage et forme le nouveau [)r()lil en
27
418
R !•: B ( ) I S E iM !•: X T I) E S M 0 N T A G N E S .
lonp: IK, qui, pondant que la ligne AB roprcnd la position EF, sVcouh?
lentomont. IJo i'' lii™ à 4^ 35'", ce inoiivoniont s'est produit doux fois
{lui' intervalles éfraux; à cette heure, je suis obiii:!' d'allor m'ahriter
Fig. 92. — Aspect de la Liive sur le Barrage.
Brnft
Fitr. 93. — Hièche ouverte dans le Barrasre.
Fig. 91. — Marche de la Lave.
à la baraque; un orage éclate, la prêle loniltc en abondance, je
crains d'être cerné, A îi heures et demie, je retourne au barrage,
dont le couronnement s'aperçoit; la bruche est la même, le barrage
EBOULEMENTS DU TORRENT DE RIOU-CHANAL. 419
résiste adiniralilciiieiil iiiHlgri' lu cliult' de lilocs ciihunt .■m iiidiiis
30 mètres, dont l'un a cassé une picrnule taille va\ deux sans élu'anler
la partie restante. A 0 heures et demie, le glissement suit toujours
la même loi, le eontre-ljai-rage est intact. Je rentre à Barcelonnette.
Samedi 13 mai, 7 heures et demie du matin : Le profil en lonp' s'est
modifié suivant la ligne inn de la ligure O.'i. Jusqu'à midi le glisse-
ment s'opère tiès rapidement; le prolil à cette heure est à peu prés
celui de la ligne op (fig. do). Dans cet écoulement, nous avons vu
passer successivement sur le barrage, qui résiste connue la veille,
des blocs de pierre de 10, 20 et 30 mètres cubes, en assez grande
- r^^-^o^
Fi;?. 95. — Prolils en lonj;- successifs.
quantité, et un bloc de glace cubant 100 mètres au moins. Tous
ces blocs étaient emportés comme des plumes par les laves succes-
sives qui se produisaient au fur et à mesure que l'eau détrempait
les terres. Néanmoins ils se sont arrêtés presque tous à 200 ou
300 mètres à l'aval du barrage.
A o heures du soir, le glissement s'est définitivement arrêté.
Pendant quinze joui's environ, il a été impossible de pénétrer
dans rél)0ulement, à cause des boues épaisses mêlées à de nombreux
blocs de glace qui l'occupaient sur toute son étendue.
Le 27 mai, on a pu commencer les premiers travaux de saignée,
en vue de régulariser l'écoulement des eaux; le profil en long de
l'éboulement s'était considérablement modifié et présentait l'aspect
indiqué par la ligne s, q, p, r (fig. 9oj.
Quant au barrage, il n'avait subi aucune autre avarie que celle
constatée le 12, et provenant de l'arrachement causé par l'arête
420 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
saillante d'iiii gros bloc qui s'élail accroclu'- à une des pierres du
couronnement et l'avait soulevée.
Le oonlrc-l)arrage, une fois débarrassé des déjections, a reparu
absolument intact-
Nota. — On a réparé en 1875 (août) la brèche dont il s'agit, moyennant une dé-
pense de 890 francs, qui démontre son peu d'iniportaucc.
LK TOllRKNT DES SANIKRKS. 421
NOTE C
(Citée aux Pages 76 et 82.)
Observations faites dans le Torrent des Sanières (Basses- Alpes),
pendant l'Orage du 8 août 1876.
(Voir la Figure 96.)
[De Gayffier, PI. 42.)
Le torrent des Sani(>res est un des plus redoutables qu'on puisse
rencontrer dans la vallée de l'Ubaye, arrondissement de Barcelon-
nette, car il menace l'existence des deux villages de Sanières et de
Jausiers, ainsi que des riches cultures et habitations disséminées
dans la vallée et sur une partie de son cône.
11 est divisé naturellement en trois sections séparées les unes des
autres par de grandes cascades occupant des assises de roclies très
dures.
Chacune de ces sections présente un caractère spécial d'a|)rès lequel
se détermine le traitement à lui faire subir en vue de sa correction.
Dans la première section (l'inférieure), les grands travaux terminés
dès 1875, ont consisté en la construction de quatre grands barrages,
dont un avec contre-barrages; les ouvrages portant les n^^ 1 et 2 ont
été exécutés en 1873 à l'aval des barrages n°s 3 et 4, construits
en 1874.
La deuxième section présente, sur toute la rive gauche et le fond
du thalweg, la roche stratifiée, qui n'émerge sur la rive droite qu'à
certains endroits seulement, tout le reste de cette rive étant occupé
par des terrains en mouvement.
La roche, qui appartient k l'étage du flysh, se compose d'assises
assez régulières plongeant vers le nord-est, tandis que le torrent suit
une direction générale du nord-nord-ouest au sud-sud-est. D'oîi il
422 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
résulta ({110 Ips eaux ont formé un lit dont la luM-ye gauclif ost tailléo
pr('s(jiir à pic dans les assises rocliouscs, tandis (pic la ])('rg(; droite
pivsente un ])rolil (^'vas('', les couelies ayani i^Hissé les unes sui' les
autres ;i mesure que le creusement du lil, dans le sens du prolil en
long-, leur enlevait tout point d'appui.
Aussi, c'est sur cette rive droite que sont ma.ssd-s des (''lioiiliMucnts
parfois gifrantesques, renfermant des matiJriaux de toutes sortes;
au-dessus d'eux, le versant qui les domine d'une hauteur de plu-
sieurs centaines de mètres, présenti; une s('rie de ressauts produits
par les affaissements successifs du sous-sol ; la surface de ce versant
est bien f,''azomu'e, mais elle est sillonn(!'e par d(^ n()nd)r(uises cre-
vasses indiquant rinstabilit('^ du sol.
Dans de semblables conditions, à chaque violent orage inoduisant
une crue extraordinaire, les eaux dijpassent le lit qu'elles se sont
creusé! contre la rive gauche vers laquelle l'inclinaison d(;s couches
les a constamment rcj(^t('(es; elles atla(pient le pied des (!'l)oulis de la
rive (li'oite, provoquent ainsi le glissement de lniilc la niass(; supi!'-
rieure sur les assises inclinées qui les supportent et donnent naissance
à ces laves désastreuses qui sont la terreur du hameau de Saniè^es.
Depuis trois ans (avant 1870) que les études étaient entreprises
dans le torrent, nous n'avions pas constaté d'orages bien violents;
cependant nous avions pu faire mesurer le volume d'une lave, des-
cendue en 1874 et atteignant 30,000 mètres cubes de matériaux,
produite à la suite de pluie d'orage tombée pend;int une heure
trente minutes et dont l'écoulement dans le canal n'a duré qu'une
demi-heure; la hauteur de l'eau dapi'ès les pluvionu'-tres s'élevait
i\ 20'"™, 4, ce qui représente, pour les i-80 hectares du bassin de récep-
tion du torrent, un volume de !)7,!)20 mètres cubes d'eau, soit .'ii- met.
cubes ;i la seconde, si l'on admet que toute l'eau toiubée dans le bassin
s'est écoulée entièrement, (^et orage, comme on le voit par la hau-
teur donnée par les pluviomètres, était peu violent et cependant il a
sufli pour déterminer une lave de 30,000 mètrescubes; on peut sup-
poser, dès lors, ce que peuvent amener des orages extraordinaires
donnant aux pluviomètres une hauteur beaucoup [ilus élevée, dans
le même espace de temps.
On dislingue sur le versant de la rive droite, dans la deuxiénKî
section qui nous occupe, six grands glissements absolument indé-
pendants les ims des autres et séjtarés entre eux par des bancs d(!
rochers très durs qui ont résisté à l'action des eaux.
(^cs bancs présentent les seuls points sur les(|uels ou pouvait son-
ger à élal)]ir les barrages appelés k supprimer les glissements, en
procurant à la section du lit rélargiss(!menl nécessaire pour inler-
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Fig. 96. — PLAN DU TORRENT DES SAMERES (Basses-i
LE TORUKNT DES SAXIERES. 42:5
dire an courant, par dos travaux subséquents, toute action sur l.e
pied des lierges et assurer pour Favenir la suppression de farauds
glissements tels que celui «[ui s'est inanifcslé en IS(j7 dans des con-
ditions qu'il importe de relater :
Les pluies du printemps avaient cessé depuis plusieui's jours, le
ciel était redevenu absolument pur, rien ne pouvait l'aire pressentir
le moindre événement dans le torrent, lorsqu'un lieau jour, à leur
plus grand ébaliissement, les babitanls du hameau de Sanières enten-
dirent un bruit épouvantable, bientôt suivi de l'écoulement de plu-
sieurs laves allant s'épanouir sur le cône de déjections et intercepter
la circulation de la route n° 100, qui le traverse sur une longueur de
plus de 2 kilomètres, (."-et écoulement extraordinaire s'est manifesté
;\ différentes reprises pendant trois jours consécutifs et sous un ciel
constamment pur dans toute la région.
Ce phénomène, qui a laissé au torrent des Sanières un renom
redouté, s'explique facilement par la description que nous avons faite
de la deuxième section. C'est de sa partie supérieure que sont des-
cendues cfes laves inattendues; les terrains imperméables avaient
été sursaturés d'eau provenant de la fonte des neiges provoquée
par les pluies du printemps, le pied des berges vives avait été miné
par une série de petites crues affouillantes, de sorte qu'à un mo-
ment donné, l'elfet de la pesanteur a pris le dessus, et les terrains
perméables, passés à l'état de boues, ont commencé leur mouve-
ment, qui a produit la série des laves successives et donné lieu au
grand éboulement dont il s'agit.
Depuis cette époque, le torrent a changé de place, s'est jeté sur
la gauche, s'est creusé un lit profond au pied de cet éboulement et
a mis à découvert la roche en préparant ainsi un nouveau glissement.
11 était donc de la plus haute importance de supprimer au plus tôt
ces conditions désastreuses, et à cet elfeton décida l'exécution en 1876
de six barrages portant les n°^ ."!, 6, 7, 8, 9 et 10, qui furent adjugés
en avril et entrepris dès le mois de juin suivant.
La troisième section diffère entièrement des deux autres.
Dans la partie supérieure la roche occupe le fond du lit et le pied
de la rive droite ; la lierge gauche est constituée par des terrains de
transport assez fortement tassés.
Le 8 août 1876, dans l'après-midi, un orage mêlé de pluie et de
grêle a éclaté dans la partie haute du bassin de réception du torrent
des Sanières et a produit une lave. Cette lave a endommagé, dans
une assez grande proportion, les travaux de l'entreprise, et a com-
plètement atterri les barrages n°^ 1, 2, 3 et 4, construits en 1874 et
l87o.
h2i in;H(iISKMK\T DKS MONTAGNES.
• Les eaux, tombées surtout dans la partie supérieure ofi les tra-
vaux sont en cours d'exécution aujourd'hui, se sont agglomérées
rapidement, mais ne sont cependant pas arrivées, avec beaucoup de
matériaux, à l'aval de la troisième section.
Ce n'est qu'à partir de l'amont de la deuxième section, à une cen-
taine de mètres en amont du barrage n" 10, que l'éboulenjcnt delà
berge gaucho, atfouillée considéral)le)nent, a augmenté la densité
et le volume des eaux, qui, après s'être chargées des dé])lais prove-
nant des fouilles dans la berge gauche dubai'rage n° 10 (voir ligure 96),
se sont transformées en boue ou lave proprement dite, assez liquide
pour affouiller encore la berge droite, entre le barrage n° 10 et le
barrage n° 9. Parvenue au barrage n° 9, dont les maçonneries étaient
à hauteur du seuil de l'aqueduc, la lave, après avoir franchi ces ma-
çonneries, sans leur faire beaucoup de mai, a emporté 800 mètres cu-
bes de déblais provenant des fouilles, et 2.")0 mètres cubos de moellons
approvisionnés par l'entrepreneur devant l'ouvrage même. Accrue de
ces matériaux, la lave ronge encore dans les berges de la rive droite
jusqu'au barrage n°8, dont les fouilles, déjà avancées, sont' comblées;
puis, de ce barrage au barrage n° 7, elle entame fortement le pied
d'un mamelon recouvert d'une grande quantité de blocs, se charge
dans ce parcours d'une masse d'énormes matériaux qu'elle pousse
à son aval, et présente alors la forme d'un grand baiTage en pierre
sèche de o à 6 mètres d'épaisseur, se précipitant avec son atterrisse-
ment boueux, selon une vitesse de 2 mètres par seconde (vitesse
observée par le surveillant Roi i.
Le barrage n" 6, auquel il m.^ man(pi;iit (jue la [lierre do taille
pour être terminé, et qui avait à son amont \\n attciiissemenl
artiliciel, est complètement recouvert par la lave, dont l'énorme
parement passe par-dessus sans l'endommager d'abord ; mais peu
après, la lave, devenue plus liquide, bat en brèche la maçonnerie
fraîche et se fraye un passage jusqu'au niveau du seuil de l'aque-
duc, sans [)ouvoir ccpiMidanl cnipoilcr les deux aili's de l'ou-
vrage.
En aval de la lave, il n'y avait pas une goutte d'fau dans le tor-
rent; l'eau se trouvait en amont des blocs et de la bouc épaisse de
la lave, ce qui cxplicfuc clairement de quelle manière les maçiujnc-
ries ont été emportées; il n'y a pas eu de poussée, caria portion
de voûte restant n'a pas une seule lé/arde; c'était comme un grêle
de gros moellons qui s'abattaient sur le barrage et détachaient
pierre par pierre; il est même resté quatre voussoirs de la voûte de
l'aqueduc qui ont supporté le choc de gros matériaux.
La lave atlcint enhn le barrage n° o, dont la niaçonni'i ie était à
LE TORRENT DES SAXIERES. 425
hauteur des pieds-droits de l'aqueduc et rase ces maçonneries jus-
qu'au seuil de cet aqueduc.
De ce barrage, la lave franchit la siTie des grandes cascades qui
séparent la deuxième section de la |ireniière, et parvient, dans toute
sa force el son plus grand volume, au barrage n° \, qui n'avait
aucun atterrissement, sou parement amont étant complètement à
nu à partir du seuil de l'aqueduc.
Un chef de chantier, nommé Audilfred, se trouvait ;'i quelques pas
du barrage; voyant venir l'énorme lave, il croit l'ouvrage perdu
sous les matériaux qui le recouvrent; à l'instant de forts moellons
sont projetés à de grandes hauteurs et retombent à l'aval du bar-
rage, qui cependant résiste admirablement
Le barrage n" 3 était le seul qui fût atterri; la lave dépose, à dniite
et à gauche, de gros matériaux après avoir rempli toute la section
du débouché, et atteint le sommet des ailes.
Les barrages n°* 1 et 2 se trouvaient dans les mêmes conditions
que le n° 4; le choc est puissant, les mêmes etfets se produisent, la
section du débouché suffit et la lave parvient à 30 centimètres en
contre-bas du niveau supérieur des ailes. Enfin la lave atteint le cône ;
elle dépose, à droite et à gauche de son courant, d'énormes maté-
riaux, barre la route nationale n° 100, et le reste s'écoule enfin dans
là rivière d'Ubayo.
Tels ont été les elfets produits par cette lave, qui n'a occasionné
de dommages que dans la deuxième section, qu'on était en train de
corriger.
Dans la première section, l'expérience a été concluante en faveur
des barrages en maçonnerie miœte, qui ont montré une solidité à
toute épreuve.
L'inspection opérée, dès le lendemain de cette crue extraordinane,
sur les atterrissemenls des barrages n''^ 1, 2, 3 et i, fournit une
preuve matérielle et précieuse de la loi du transport en masse et de
la formation de leurs dépôts.
Les profils en long des atterrissemenls donnaient à peine une pente
de 1 1/2 à 2 p. 100, et cependant on y constatait d'énormes maté-
riaux, mais toujours rangés contx'airement à la loi du triage, car les
plus gros se trouvaient juste contre le parement amont des barra-
ges, et, en remontant sur les atterrissements, on constatait le dé-
croissement constant de leurs dimensions. Si l'on considère que cette
inspection n'a pu avoir lieu que le lendemain de l'événement, c'est-
à-dire après que l'eau ordinaire du torrent a pu avoir le temps
d'apporter, par la loi du triage, une certaine modification au profil
en long, on est ameué à penser que ces pentes de 1 , j ou 2 p. 1 00
1:20 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
ne devaient pas même exister aussitôt après le passage des laves.
Ce qui confimio ces précieuses observations, qui sortent du domaine
de la théorie, c'est que moins d'un )nois api'és, les atterrissements
avaient quitté leurs pentes de 2 pour 100, pour atteindre 10 et 12
p. 100 à la suite de petits orages sans laves, c'est-à-dire sans li'ans-
port en masse.
D'autri" part, la chute de pluie, qui a duré une heure environ, a
donné :
Au pluviomètre inférieur, situé à 1,629 mètres d'altitu'le . 600". 2
Au pluviomètre moyen, situé ii 1,9:9 mètres d'altitude . .31 ,3
Au pluviomètre supérieur, situé il 2,2.30 mètres d'altitude . 36 ,1
Ces hauteurs d'eau, multipliées ])ar la surface des zones all'ectées
à chacun des pluviomètres, donnent 87,080 mètres cubes d'eau dans
un bassin de 480 hectares pour une chute d'une heure.
Le bassin du torrent du Bourget, immédiatement voisin, a reçu par
le même orage, et dans le môme temps, 80, 630 mètres cubes d'eau
sur un bassin de 270 hectares seulement, et l'on n'y a constaté aucune
lave, mais simplement une crue d'eau qui a duré cin<{ fois plus de
temps que la crue du torrent des Sanières.
Ce précieux résultat provient de ce que les travaux de correction
sont terminés dans le torrent du Bourget, et que les travaux de re-
l)oisement, achevés depuis li-ois ans, coniiurnccnl à y manifester
Icui' puissante intluence.
C/élait la première fois (jn'il nous était donné de ti'ouvci- des
témoins oculaires d'une pai'cillc crue, aussi nous sommes-nous em-
pressé de faire faire une emjurte dont luius donnons ci-après le
résultat.
ENQUÊTE
Déclaration du sieur Dol Zéphirin), garde forestier, surveillant la
Construction des Barrages n"^ 5 à 10 dans le Torrent des Sanières.
sur la Lave du 8 Août 1876.
J'étais comme à l'ordinaire descendu .ijiièsdéjeuner pour surveiller
la construction des harr.iges, lorsijue peu de temps après il eoni-
niença à londter quelques Unes gouttes il'e.ni.
Le ciel était à peine couvert au-dessus du rluintier, mais quelques
nuages orageux se montraient sur le haut de la montagne sans avoir
rien de bien menaçant. H était alors 3 heures un ([u.ii t du soir, les.
LE TORRENT DES SANIERES. 427
ouvriors ronlinujiicMit loiirs travaux ; (juelqnos iiiinulos après, deux
un trois coups de toniiorrc so firent onlcndrc et lu pluie fine et iiisi-
jruiliaiitc qu'il avait l'ait jusque-là dégénéra en grosses gouttes. ;\Ial-
gi'é /[ue la journée ne fût pas encore avancée, je m'étais, vu l'état
du tenqis. occupé à prendi'e les attachements journulieis. J'en étais
arrivé au Itarrage n° 8 où. les fouilles étaient à peu prés terminées
sur toute la largeur du lit du torrent et sur la rive droite, quand une
pluie assez bien nourrie s'abattit sur les chantiers ; je descendis près
du barrage n° 7 pour m'abriter sous quelques planches dressées en
forme de toit au-dessus d'une forge de campagne. J'y arrivais au
moment où les ouvriers prenaient leur veste et se disposaient à venir
comme moi se x'éfugier sous ce modeste et unique abri. Tous n'a-
vaient pas quitté le lit du toi'rent qu'un bruit sourd et comparable
à celui d'une colonne d'artillerie passant au trot sur le pavé d'une
route voûtée se fit entendre. Co bruit augmentait à mesure qu'il
approchait de nous, et l'on distinguait, en dehors du roulement, des
détonations produites par le choc des blocs se heurtant les uns con-
tre les autres.
Quelques secondes après, je vis une lave à l'aspect effrayant dé-
boucher à ")0 mètres en amont du barrage n" 7.
La tête de la colonne présentait en cet endroit un parement de 7 à
8 mètres de hauteur; elle était composée de blocs de toutes dimen-
sions roulant les uns sur les autres.
On remarquait flottant sur ces blocs les gargouilles employées à la'
dérivation des eaux aux fouilles des barrages n°^ 8, 0 et 10, ainsi que
des outils et notamment les ])rouettes employées à ces divers ateliers.
La plupart des gros matériaux étaient en tête et sur une quin-
zaine de mètres de longueur on ne voyait que des blocs mouvants
noyés dans de la lave épaisse. Parmi les matériaux qui venaient
ensuite, on en remarquait encore qui avaient de fort respectables
dimensions, mais ils devenaient de plus en plus rares.
Il pleuvait à verse, mais personne ne se fit pi'ier pour quitter l'abri
que lui avait offert la forge située à 6 ou 7 mètres au-dessus du lit
du torrent.
Dans sa précipitation à chercher un refuge contre la pluie et
voyant la forge remplie de monde, un ouvrier avait choisi à quelques
mètres en dessous, dans le torrent même, un rocher qui surplombe
im peu le lit. Sa position était des plus dangei'euses ; ne pouvant
monter dans la berge gauche qui l'abritait ni descendre le torrent,
se trouvant sur le bord d'une cascade de 8 à 10 mètres, il était o])ligé
pour se sauver de remonter le lit de 2o h 30 mètres et gagner la rive
droite. Ce qui augmentait le danger qu'il courait, c'est qu'il ne pou-
428 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
vait voir la lavo arriver i plus de 50 ou 60 mètres. Je l'appelais de
loulcs mes forces et lui faisais signe de venir vers moi, mais
il conservait une immobilité alarmante; ses camarades l'apitelaienl
aussi en leur patois (c'était un Piémonlais), mais il n'en restait pas
moins à son abri. La lave arrivait et dépassait le bariage n" 7, cha-
cun croyait ce malbeureux irrévocablement perdu, quand enfin se
retournant en amont il aperçoit le danger qui le menaçait, franchit
en quelques bonds le lit du torrent, remonte à toute vitesse le long
de la berge droite et arrive au premier endroit accessiltle, au juste
moment où la lavi; allail lui en barrer le chemin.
Le forgeron, qui n'avait pas (piitté la forge assez vite, y l'ut empri-
sonné et fut assez heureux de pouvoir grimper sur le toit, car la lave
prit immédialenient possession du teirain qu'il venait d'abandonner.
Je m'avançai en toute bâte en vue du barrage n° (i qui était depuis
midi prêt à recevoir le couronnement, pour voir l'elfet que la lave
produirait sur lui.
Une petite baraque formant abii au dépôt de la chaux destinée à
ce même ouvrage, construite sur la berge droite à tiO métrés en
amont du barrage, me fournit le moyen de constater facilement, au
moyen de repères et de ma montre, que la vitesse de la lave était
de 2 mètres par seconde.
Je remarquai en outre, ainsi que tous les ouvriers, que la baraque
venait de partir avant l'arrivée de la lave; il pouvait y avoir encore
:} ou 4 métrés, autant ([ue la distance me permit de l'apprécier. La
même remarque fut faite par les ouvriers au barrage n° 7, où les
gargouilles partau.'nt également avant que la lave ne fût arrivée ."i
elles.
Le barrage n" (i oH'rit une résistance qui lit relluer la masse mou-
vante; on aperçut un mouvement de recul très sensible, mais la
maçonnei'ie disparut instantanément devant une colonne de lave
projetée à une certaine hauteur par l'obstacle (ju'elle rencontrait et
la pression cpi'elle recevait des jiuisses qui venaient immédiatement
après. Je m'avançai au pas de course vers cet ouvrage et y ariivai
assez à temps pour conslati'r de prés qu'il avait parfaitement résisté
au premier choc, mais que vu l'état de fiaiclieur tb- la maçonnerie,
il était démoli [jrogressivement parles matériaux qui se heurtaient
contre lui.
La pluit! continuait à tomber à veist; ; je descendis au barrage
n° 5, où deux ouvriers mineurs, occufiés à piéparer dans le roc à jùc
de la rive gauche l'encastrement du bariagc, n'eurent pas le temps
de quitter leur chantier et furent parsuile très exposés à être enlevés
par la lave. Ils avairnt él.dili b-ur cbiniiii'r à 10 ou M métrés au-
LE TORRKXT DES SAN 1ERE S. 429
dessus (lu lit ol avaient déjà piMliqué une eoiiaine (uivorliire où ils
coinnieiK^aioiil à travailler ooininodémciit debout.
C'était une sorte de oorniclie dont le bas était à environ 8 ou
!) métrés au-dessus du lit du torrent. Une échelle fixée par le haut y
donnait accès. Ces deux ouvriers durent passer dans cet étroit et
dangereux réduit (ont le temps de Fécoulenient de la lave, (jni arri-
vait non loin de leurs pieds; ils auraient été noyés dans les écla-
boussures sans un léger coude que fait le roc à quelques métrés
au-dessus.
Mieux placés, au point de vue de l'observatiou qu"à celui de la sû-
reté, ces ouvriers me déclarèrent entre autres choses, et sans que
je leur fisse la moindre question, qu'ils avaient vu un traîneau assez
lourd, servant au transport des pierres pour la construction du bar-
rage 11° ;> et lourdement chargé d'une grosse pierre, être renversé
alors que la tète de la colonne en était encore éloignée de plusieurs
mètres. L'écoulement de la lave avait duré vingt ou vingt-cinq mi-
nutes; une forte colonne d'eau lui fit suite pendant une demi-heure
ou ti'ois quarts d'heure, agrandissant considérablement la brèche du
barrage n° G.
Barceloûuette, le 18 Septembre 187G.
Signé : DoL,
Garde forestier.
Dépositions des Témoins.
. 1° M. Bégu (.Jean), 4 j ans, originaire des Landes, contre-maitrc de
M. Bérato, entrepreneur de travaux publics.
D. — Oii vous Irouviez-vous le 8 août dernier?
R. — J'ai passé cette journée dans le torrent des Sanières paur y
surveiller les travaux de M. Bérato. On avait alors terminé les fouil-
les du barrage n° 7 et on y faisait la maçonnerie des ft)ndations.
D. — Quand et comment l'orage a-t-il commencé ?
R. — Vers 3 heures du soir une petite pluie a commencé à tom-
ber. De gros nuages étaient amoncelés vers les crêtes du bassin de
réception du torrent; bientôt quelques coups de tonnerre se sont fait
entendre dans cette direction. La pluie a continué, mais elle était
assez légère pour ne pas obliger les ouvriers à suspendre leur
travail.
D. — Que s'est-il passé ensuite"?
R. — Environ vingt minutes après le premier coup de tonnerre.
430 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
j'ai i'iiIi'ikIii dans le liaiil du lon'ciil un hiiiil ('.(Umiiic un roulement
inéifidifr; j "ai rf^^uidé dans celle diiecLion cL pi'csquo aiissilôt j'ai
aperçu au prochain détour du lorieul, qui est très encaissé à cet en-
droit, une énorme lave qui descendait.
D. — Qu'avez-vous fait?
R. — Il y a eu bien entendu un sauve-qui-peut frénéral vers la
berge de rive droite, la seule accessible, comme vous le savez, celle
de rive gauche étant formée de rochers à pic. En fuyant nous pous-
sions tous de grands cris pour avertir un ouvrier qui se trouvait à
l'aval d'un rocher en surplond), situé dans le lit même du torrent,
et qui, n'ayant rien vu, ne se doutait nullement du dangci". 11 nous a
entendus fort heureusement et s'est bâté de remonter dans le fond
du torrent pour atteindre le pdint de la beri^c oi'i nous avions grimpé
nous-mêmes. 11 était tem])s qu'il y arrivât. 11 nous a semblé à tous
que la lave lui eftleurait les pieds au moment où il s'élançait sur la
berge.
D. — Avez-voiis pu apprécier la vitesse de cette lave?
H. - C'était diflicile à évaluer : je peux seulement la comparer
à la vitesse d'un bon cheval courant au grand trot sur une route
plane.
D. — Avez-vous constaté <pie la lave fût iirécédéc ou acconqiagnée
d'un courant d'air?
R. — Je n'ai pas senti de souflle à l'endroit assez éloigné où je me
trouvais, mais j'ai vu un fait qui m'a frappé. Vous savez que, pour
abriter notre approvisionnement de chaux, nous avions construit,
h 50 mètres en amont du barrage n° 6, dans la berge droite et en
contre-haut de 3 juètres du lit du torrent, une hutte qui se compo-
sait d'une toiture en planches à un seul pan appuyé au sol vers l'aval
et suppoité du cAté de l'amont par quatre poteaux. Il résultait de
cette disposition que l'espace vide compris sous cet abri s'ouvrait
contre la direction que suivait la lave. J'ai parfaitement vu que cette
butte a été enlevée au moment où la lèle de la colonne de lave en
était encore éloi;rnée de quehpu's nu'-tres. Ce que je n'ai pu m'expli-
quer qu'en pensant (jiie la lave refoulait devant elle une liiasse d'air
qui se sera engoullVée sous la toiture et aura ainsi renversé la hutte.
D. — D'autres faits analogues se sont-ils produits à votre connais-
sance?
R. — J'en sais encore un (juc voici: On ouvrait les fouilles du
barrage n° », et j'avais chargé deux de mes mineurs, Italiens d'ori-
gine, de pré[>arer l'encastrement de cet ouvrage dans la bi.'igc i-o-
cheuse et verticale de la rive gauche.
Naturellement ils commençaient jiar le haut la large eidaille (piils
LE TORRENT DES SAXIERES. 43i
avaient ;ï creuser, cL avaiciil tléjà prali([iié dans le roc, à une liaii-
leur de 10 mètres au-dessus du lit du lurreiil, un vide dans lequel
ils se tenaient pour Tagrandir en attaciuantla pierre sous leurs pieds.
Us se trouvaient perchés lù-haut, enfermés comme dans une sorte
de niclie, lorsque la lave est arrivée.
Ils y sont restés, n'ayant ni le temps ni les moyens de fuir, et se
.sont trouvés admirablement j)lacés pour voir ce qui se passait. H y
avait au-dessous d'eux, dans le fond du torrent, un fort traîneau en
bois chargé d'une grosse pierre. Les deux mineurs ont vu distincte-
ment que le traîneau et la pierre ont été renversés alors que la lave
en était encore distante de 3 mètres environ. J'aurais voulu que vous
pussiez entendre ce récit de la bouche même de ces hommes, mais
ils ont quitté mon chantier quelques jours après l'orage et sont re-
tournés dans leur pays.
D. — Avez-vous vu passer la lave sur quelque barrage ?
R. — Sur aucun des anciens, mais seulement sur le barrage n° 0;
nous venions d'en achever la maçonnerie ordinaire le matin même,
et nous nous disposions à en placer le couronnement en pierre de
taille. Me trouvant à une distance d'au moins 100 mètres, je n'ai pu
distinguer d"une manière pi'écise ce qui se passait au moment de
l'arrivée de la lave sur le barrage, mais j'ai parfaitement constaté
qu'elle était soulevée à cet endroit pour retomber aussitôt après, ce
qui indiquait que le barrage avait d'abord résisté. M'étant transporté
sur ce point, j'ai reconnu, au moment où le débit de la lave dimi-
nuait d'intensité, qu'une brèche s'était produite dans le milieu du
barrage. M'étant éloigné aussitôt et étant revenu plus tard, j'ai vu
que la brèche était devenue plus lai'ge; par conséquent, le barrage
n'a pas été enlevé d'une seule pièce, ni détruit en un instant, mais il
a été démoli pierre par pieri-e et peu à peu.
D. — Quel aspect présentait d'abord la masse mouvante?
R. — J'ai vu arriver de gros blocs de pierre formant un amas à
paroi presque verticale, ayant une hauteur de ii mètres environ.
D. — La masse que vous avez vue passer présentait-elle la même
composition dans toutes ses parties?
R. — Nullement, la partie antérieure était formée de gros blocs,
comme je viens de le dire. Us descendaient en roulant les uns sur
les autres ; leur ensemble pouvait avoir une longueur d'une ving-
taine de mètres dans le sens du mouvement. Les matériaux qui ve-
naient ensuite étaient de dimensions diverses et se trouvaient déjà
en suspension dans une boue épaisse qui, plus loin, ne charriait
plus que de petits fragments de pierres ; enfin à cette énorme déjec-
tion faisait suite un fort courant d'eau.
i32 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
D. — Quelles ont été les diverses phases de récoulemoiit?
R. — Il inc parait avoir duré quinzo minutes pour la lave pro-
prement (lil(> el trente pour l'eau qui venait ensuite.
Barceloauetto, le o septembre 1876.
Signé : P. Carrière, Signé : Bkou,
Sons-impecteur des Forets. Contve-maitre de l Entrepreneur.
2° M. Audiiïred (Firnùn), de Jausiers, 28 ans, surveillant des tra-
vaux de reboisement dans le périmtHrc des Sanières.
D. — Où vous trouviez-vous le 8 août dernier?
R. — Je travaillais alors au compte de M. Bérato, entrepreneur de
la construction des barrap-es dans le torrent des Sanif-res, et je me
trouvais au chantier du barrage n" 6. La pluie a commencé à tomber
entre 2 et 3 heures; elle était d'abord lég-ôre. Plus tard j'ai remarqué
qu'elle devenait plus forte et en voyant de gros nuages sur le som-
met de la montagne, j'ai pensé qu'un violent orage allait arriver sur
moi; alors je me suis décidé à me diriger vers mon domicile, et
pour cela je me suis mis à descendre en suivant la rive droite du tor-
rent des Sanières. Comme j'arrivais à hauteur du barrage n° 4 con-
struit en 187-i, j'ai entendu derrière moi un grand bruit et je me
suis retourné vivement.
D. — De quelle nature était ce bruit et quelle en était la cause?
R. — C'était un roulement comme celui de blocs qui descendent
en s'entre-choquant les uns les autres. .le me suis arrêté en regar-
dant attentivement dans la direction du bruit et au bout de einii mi-
nutes j'ai vu arriver une grande lave qui apparaissait à un détour
du torrent, à 300 mètres environ en amont de l'endroit où je me
trouvais. Je me suis promptemcnt porté en arrière, de façon h m'é-
lever sur la berge jusqu'à une hauteur d'au moins 20 mètres au-
dessus du lit du torrent.
D, — Avez-vous apprécié la vitesse de la lave?
R, — Il m'a semblé que j'aurais pu descendre avec uru> égale ra-
pidité en courant à toutes jambes.
D. — Avez-vous constaté que la lave fût précédée ou accompa-
gnée d'un courant d'air?
R. — Au moment où la tète de la lave allait airiver en face de
moi, j'ai senti un courant d'air, pas très fort, eonqtarable au souffle
qui se produit lorqu'on ouvre rajjidement nue ixute. Celte sensation
a duré jusqu'au moment où la tête de la lave m'avait dépassé d'en-
viron VO mètres.
I). — Avez-vous remarqué cpio ce viuit fil voltiger des feuilles d'ar-
LE TORRENT DES SANIERES. 433
bres, des fragments de bois, dos petits cailloux, du sable ou auti'es
menus objets qui peuvent se trouver dans le lit du torrent?
R. — Je n'ai rien constaté de semblable.
D. — Que s"cst-il passé cfuand la lave a atteint le banale qui se
trouvait devant vous?
R. — Je regardais attentivement le bariage qui alors n'était nulle-
ment atterri et présentait par consé([uent eu travers du torrent son
parement amont comme un mur vertical de ii mètres de bauteur.
Ma pensée était qu'il ne pouvait résister au cboc qu'il allait subir et
qu'il allait être emporté sous mes A^eux. Au moment où le barrage
a été beurté par la lave, je n'ai pas entendu d'autre bruit que celui
produit par la lave elle-même dans toute sa course. J'ai vu le barrage
disparaître complètement; la lave a sauté par-dessus, en masse, pour
ainsi dire sans toucber le couronnement, et a rebondi à 3 mètres en-
viron à l'aval du pied du barrage. La plus grande partie de la tête
de la lave s'est arrêtée derrièi'c le Itarrage et l'a atterri instantané-
ment, de sorte que la première lave qui a francbi l'ouvrage avait une
épaisseur relativement faible que j'estime à 1 mètre seulement.
D. — La masse qui passait ainsi au-dessus du barrage n'a-t-elle
pas augmenté de volume ?
R. — Après la première lave dont je viens de parler, est arrivée
tout aussitôt une masse qui l'a recouverte : on aurait dit une forte
vague qui passe par-dessus une autre. A partir de ce moment, le
courant de lave a franchi le barrage avec tout le volume qu'elle avait
plus haut, mais avec une épaisseur moindre, parce que la section
du torrent est bien plus ouverte à l'endroit où se trouve le barrage,
D. — Au moment du cboc de la lave contre le barrage, y a-t-il eu
des matériaux qui aient été détachés de la masse et projetés en l'air?
R. — J'ai vu une assez grande quantité de pierres un peu moins
grosses que le poing qui ont été lancées en l'air jusqu'à une hau-
teur d'une quinzaine de mètres, non pas en s'élevant verticalement,
mais en décrivant une coui'be pour aller retomber à une vingtaine
de mètres en aval du barrage.
D. — En quel état se trouvait le barrage lorsque vous l'avez revu?
R. — Je ne l'ai pas vu reparaître parce qu'il était toujom-s recou-
vert par la lave qui continuait à passer et que, vu l'abondance de la
pluie, je me suis décidé à rentrer chez juoi sans attendre la fin de
l'écoulement. Le lendemain, en retoiu-nant au travail, j'ai eu occa-
sion de passer près du barrage et j'ai constaté qu'il était complète-
ment atterri. Son couronnement et son parement aval étaient enduits
d'une couche de boue, sauf la portion du milieu, qui avait été lavée
par le passage du cours d'eau redevenu clair. Pas une pierre du bar-
28
vu RKHOISEMEXT DES MONTAGNES.
rae-c n'avait clé déranîréc, l'onvras-o élail toi (m'au lendemain de sa
coiisli'iiclion.
D. — Avez-vous vu le passage do la lavo sur les trois aiiti-os liar-
ragos situés on aval du n° 4?
H. — Je ne pouvais rien voir de l'ondroil où je me trouvais, mais,
(!n descendant, j'ai examiné succcssivcnient ces trois barrages et j'ai
constaté que la lave y passait sans leur causer aucune avarie et sans
Miodilier nullement sa marche.
1). — Quel aspect présentait la masse mouvante?
R. — En avant, c'était un amas de gros blocs qui descendaient en
roulant les uns sur les autres. Ce mouvement produisait un roule-
ment formidable mêlé par intermittence de craquements pareils au
bruit que fait dans sa cbutc un arbre déraciné par le vent. Cet amas
de blocs, dont les intervalles étaient i-omplis do boue, avait une lon-
gueur do 3 à 4 métros dans le sens du mouvement. La tête do la lave
formait une paroi oblique dont j'évalue la bautour à 2 mètres ou
2"',;j0. En arrière des blocs venait une coloime de boue liquide dans
laquelle je ne distinguais pas de matériaux en suspension. Elle pro-
gressait par couches successives qui se recouvraient, chacune glissant
sur la précédente, comme une série de vagues.
D. — Quelles constatations avez-vous faites sur la durée (l<' l'écou-
lement?
H. — Je n'ai pas attendu la fin de cet écoulement, j'ai perdu de vue
le torrent environ une demi-heure après le moment de l'arrivée de
la lave sur le barrage ; le débit avait alors beaucoup diminué et n'était
}>lus guère qu'un tiers de ce (|uo je l'avais vu d'abord. Ce qui passait
n'était plus guère que de la boue qui descendait non jtas en un cou-
rant uniforme, mais par jets se succédant à des intervalles assez ré-
guliers.
Barcolonnette, le 8 septembre 1876.
Signé : 1*. CAnRii:ru;, Signé : Alujfi-rkd.
Sous-bispcctcur des Forêts,
NOTE D
(Citée à la Page 235.)
TAIilJ:\U mes VALEURS DE JOURNÉKS CALr.ULHES l'Ail DIXIÈME
NOMBRE
à 1 IV. 50
il 2 11-.
à 2 IV. 50
à 3 IV.
à 3 IV. 50
à 1 IV.
DK JoVlvNIlKS.
(1.1
0.15
0.20
0,25
0,30
0,35
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0.40
0,50
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5,00
6,00
7,00
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6.00
7,20
8.40
9,60
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5.60
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11,60
S.l)
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9,00
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12,00
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8,50
10,20
11,90
13.60
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7.00
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14.00
3.0
5,40
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9.00
10,80
12,60
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3.7
5,55
7.10
9.25
11,10
12.95
14.80
3.8
5,70
7.60
9.50
11,10
13,30
15.20
3,9
5,85
7,80
9,75
11,70
13,65
15.60
1,0
6,00
8.00
10,00
12,00
14,00
16.00
4.1
6,15
8.20
10,25
12,30
14,35
16,40
1.2
6,30
8.10
10,50
12,60
14,70
16,80
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10.75
12,90
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17,20
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6.60
8.80
11.00
13,20
15,40
17.60
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18.00
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11,50
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17.40
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5.9
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11.80
14.75
17.70
20,65
23.60
(i.O
9.00
12.00
15.00
18.00
21,00
21,00
430 RKBOISEi\IE^■T DE. S MONTAGNES.
NOTE E
(Citée à kl pajiu .'JIG.)
Nomenclature des Végétaux herbacés et Ligneux spontanés et le plus
abondamment répandus dans la Vallée de Barcelonnette Basses-
Alpes , dressée par M. Eugène Goret, sous-inspecteur des forêts,
attaché au service du Reboisement des Basses-Alpes.
Le massif montagneux qui consLituc rnisenihle de la vallée de
rUbayc (Barcelonnette) est compris entre 700 et 3,400 mètres d'alti-
tude, du conlluent de TUbayc avec la Uuraiice au sommet du Cham-
heyron. Si l'on remonte cette vallée à partir de la Durancc, on ren-
contre d'abord la végétation caractéristique de la partie supérieure
de la région moyenne. A mesure (pie l'altitude augmente, le tapis
végétal se modilie, les plantes caractéristiiiues des régions alpestre
et alpine couronnent les bauteurs et bientôt s'emparent, en partie
d'abord et ensuite complètement, du tond même de la vallée.
On peut, d'une façon générale, diviser ce massif montagneux, au
point de vue des plantes que l'on y rencontre le plus communément,
en quatre groupes principaux :
I. Bois kt forêts; haiks.
II. Prairies naturelles iauchables.
m. Pâturages.
IV. Terrains vagues et aiui)i;s; piEunAiLLEs; terres nouies dénu-
dées; ROCUERS.
Nous donnons, pour chacuii de ces groupes, la liste des plantes
spontanées dominantes, en suivant l'ordre naturel de? familles et
des genres, et en mettant en regard do chaque plante les retiseigne-
ments(juinous paraissent présenter quebjue intérêt. Nous indicjuons
notamment les esj)èces employées dans les travaux et celles qui.
non encore utilisées jusqu'à présent, sembleraient cependant sus-
ce|tlibles de pouvoir l'être dans l'avenir.
.Nous ajoutons que, par suite de la variété et descpialités éminenles
FLORE DE LA VALLEE DE B ARCELOXN ETTE
437
des plantos qiu; l'on reiicoiilro naturellement dans la région dont il
s'agit, on n'oni|)loie que deux essences qui n'}- existent pas à l'état
spontané : le pin noir et le robinier faux acacia.
Dans la nomenclature ci-après, les abréviations correspondent aux
noms des auteurs qui ont classé les plantes, savoir ;
Ail. .
Allioni.
Jq . . .
Jaci|uin.
Mill .
. Miller.
Bell .
Bellardi.
K . . .
Kocli.
l'ers .
. l'ersoon.
Cass .
Cassini.
Latii . .
Lamarclc.
Ram .
. Ramond.
Ch . .
Chaix.
Lap . .
Lapeyrouse.
Schr .
Schrader.
D. C .
De Caudolle.
Lhér . .
Lhéritier.
Scop .
. Scopoli.
Desv .
Desvaux.
Lindl . .
Lindley.
Sni. .
Smith.
Ehrh .
Ehrhard.
Liulv . .
Link. "
ViL .
Villars.
Gartn.
Gartner.
L. . . .
Linné.
^Veig■.
Weifjel.
Gaïul .
Gaudin.
Lois. . .
Loiseleur.
Wild .
Wildenon
G. G .
Grenier et Godron.
Mér . .
Mérat.
With.
^Vithe^ing
Huds.
Hudson.
M. et K.
Mertens et Kock.
Wulf.
Wulfin.
I. — BOIS ET FORETS; HAIES
HENONCULACÉES.
Atragene Alpina (L.). Atragène des Alpes.
Clematis vitalba (L.). Clématite des haies.
Thalictrum aquilegifolium (L.). Pigamonù feuilles d'ancolie. — Ravins
boisés. •
Hepatica triloba (Gli.). Hépatique à trois lobes. — Taillis et prés-bois.
Aconitum lycotonum (L.). Aconit tue-loup. — Bois et prés-bois; lieux
pierreux.
Aquilegiavulgaris (L.). Ancolie C077vnunc. — Prés-bois, buissons, baies.
VIOLACÉES.
Viola odorata (L.). Violette odorante. - Haies.
TILIACEES.
Tilia platyphylla (Scop.). Tilleul à grandes feuilles. — Taillis aux ex-
positions fralcbes. — Rare; employé sur les atterrissements dans
les ravins frais, mais toujours par plants disséminés au milieu des
essences qui constituent le reboisement.
438 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
HYPÉRICÉES.
Hypericum perforatum (L.) MUk-pcrtuis 'perforé.
ACÉRINÉES.
Ager pseudoplatanus (I..). Érable sycomore. — Employé sur les alter-
l'issciiionts di's harraircs.
Acer opulifolium (Vill.). Érable à feuilles d'obier. — Taillis et bois de
pins des (H)teaiix secs. — Assez répandu. — Celle essence est sus-
ceptible d'être utilement employée dans les terrains secs infé-
rieurs et moyens, notamment les terres noires.
Acer campestre (L.). Érable champêtre. — Taillis à toutes les exposi-
tions et baies. — Très utile pour le reboisement des terres noires.
CÉLASTRINÉES.
Evonymus Europaeus (L.). Fusain d'Europe. — Taillis et baies des basses
montagnes.
RHAMNÉES.
Rhammis cathartica (L.). Nerprun purgatif. — buissons et baies.
Rharanus Alpina (L.). Nerprun des Alpes. — Bois des moyennes et
liantes moiilai^'-nes.
Rhamnus frangula (L.). Nerprun bourdaine. — Bois bumides infé-
rieurs et baies.
PAIMLIONACÉES.
Cytisus Alpinus (Mill.). Cytise des Alpes. — Forêts des liantes mon-
tagnes. — Employé avantageusement dans les teri'es noires des
expositions froides et des grandes altitudes.
Cytisus sessilifolius (L.). Cytise à feuilles sessiles. — Taillis et bois
de pins des basses montagnes. — On le rencontre aussi assez com-
munément sur les terrains vagues et dans les terres noires, dans
lcs([ii(îlli's il est ein[»loyé avec avantage.
Ononis rotundifolia (L.). liuyranc à feuilles rondes. — Taillis et bois
de pins inférieurs.
Colutea arborescens (L.). Dufjucnaudicr commun.
FLORE DE LA VALLEE DE B ARCELONXETTE. I3i(
AMYGDALEES.
Prunus Brigantiaca (Vill.). Prunier de Briançon. — Cet arliusle, que
l'on roncontro hahiluelloinent dans les haies disséminées au mi-
lieu dos prairies des liautos vallées, est employé pour le rolioise-
menl des coteaux arides, notamment dans les terres noires où on
le plante par lignes horizontales, aux expositions l'raîches sur les
versants inféi'ieurs, à toutes les expositions aux grandes altitudes.
Prunus spinosa (L.). Prunier épineux. Épine noire. — Commun dans
les haies. — On le plante quelquefois par lignes horizontales, en
mélange avec d'antres essences, dans les leiTes noires aux expo-
sitions chaudes.
Cerasus avium (D. C). Cerisier-merisier. — Bois et prés-hois infé-
rieurs et moyens. — On le plante, par pieds disséminés, sur les
atterrissements des harrages.
Cerasus padus (D. C). Cerisier à grappes. — Assez commun dans les
haies et dans les vallons hoisés au milieu des prairies. — Peu em-
ployé.
Cerasus mahaleb iD. C). Cerisier mdhaleb. — Bois de Sainte-Lucie.
— Coteaux pierreux boisés aux expositions chaudes et haies. —
Employé sur les versants arides inférieurs et moyens.
ROSACÉES.
Spirsea filipendula (L.j. Spiree filipendule. — Bois frais et prés-bois.
Fragaria vesca ^L.). Fraisier commun. — Bois, buissons et haies.
Rubus idaeus (L.j. Frainboisier, — Bois montueux.
Rubus fruticosus (L.). Ronce arbrisseau. Mûrier des haies. — Bois et
l'uréts; haies, terrains vagues, terres noires. — Plante commune
partout.
Rosa canina (L.). Églantier sauvage. — Bois, buissons, haies, ter-
rains vagues et terres noires. — Celte plante, précieuse par sa
remarquable aptitude à drageonner et par son extrême rusticité,
est très employée dans les terrains arides, notamment dans les
terres noires où on la plante en mélange avec d'autres essences.
POMACÉES.
Crataegus oxyacantha (L.). Aubépine épineuse.
Cratsegus monogyna (Jcj.). Aubépine à une graine.
i'.0 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
Ces deux espèces végètent ensemble dans les bois inférieurs el
moyens, dans les terrains vagues et dans les terres noires. On les eni-
ploio indifférenimont l'une ou l'aulrt' de la iiiêiiir' façon que l'églaii-
lior.
Sorbus torminalis (Cranlz.). Alisier totminal. Alisier des lois. — Bois
au pi(^(l (Ips montagnes. — Très rare. P.is employé.
Sorbus aria (Crantz.). Alisier hlanc. — Bois monluoux ot prés-bois
jus(ju',iux grandes altitudes. — Peu employé.
Sorbus aucuparia (L.). Sorbier des oiseleurs. — Bois montagneux,
prés-bois ot crevasses des rocbers jusqu'aux grandes alliludes. —
On le |)lantp, à l'étal disséminé, sur les allerrissemcnls, dans les
ravins humides ou profondément encaissés.
Malus acerba (Mér.). l'ommier sauvage. — Rare.
CUCURBITACÉES.
Bryonia Dioïca (L.). Bryonc dioîquc. — Buissons, haies.
ONAGRARIÉES.
Epilobium spicatum (Lani.). Épilobeàépis. — Bois monlueux et haies.
riROSSULARIÉES.
Ribes uva-crispa (L.). Groseiller épineux. Groseiller à maquereau. —
Bois inférieurs et haies. Lieux incultes et pierreux.
CORNÉES.
Cornus sanguinea (L.). Cornouiller sangtiin. — Bois inférieurs, clai-
rières, buissons et haies. — Peu employé,
I.OBANTIIACÉES.
Viscum album ;L.j, Gui bhou-, — On le rencontre très fréquemment
sur les pins sylvestres.
CAl'UlEOMACÉES.
Lonicera nigra (L.). Chèvrefeuille à fruits noirs. — Bois monlueux.
Lonicera xylosteum (L.). Chèvrefeuille à balais. — Commun dans les
haies cl dans les bois inférieurs.
FLORE dp: la VALLKE de BARCELOXNETTE. 4il
Lonicera Alpigena (L.). Chèvrefeuille des Alpes. — Bois monluoiix ol
prés-bois.
Lonicera caerulea (L.). Chèvrefeuille à fruits bleus. — Bois el prés-
bois jiiovt'iis et supérieurs.
Viburnum opulus (L.). Viorne obier. — Bois frais.
Viburnum lantana (L.). Viorne flexible. — Bois, buissons, haies. On
la rencontre communément aussi dans les terrains vaerues et dans
les terres noires, où elle paraît susceptible d'être employée avaii-
taseusement.
Sambucus racemosa (L.\ Sureau à grapjjes. — Forêts de résineux de
la zone moyenne, sur les terrains pierreux.
COMPOSÉES.
Solidago virga aurea L.). Verge d'or. — Coteaux lioisés, buissons el
haies.
Cacalia Alpina (Jq.i. Cacalie des Alpes. — Versants humides et om-
braîrés des hautes montas:nes.
VACCLNIEES.
Vaccinium myrtillus (L.). Airelle myrtille. — Forêts des versants sili-
ceux formés par les g-rès nummuliticpies ou du llysh.
Vaccinium vitis idœa (L.). Airelle canche. — Bois, clairières.
ÉRICINÉES.
Arbutus uva-ursi (L.). Busserole officinale. Arbousier traînant. Hai-
sin d'ours. — Bois moyens et supérieurs, terrains vagues des hautes
montagnes.
OLÉACÉES.
Fraxinus excelsior (L.). Frêne commun. — Bois et prés-l)ois; bords
des eaux, ravins. Cette essence, non moins pi'écieuse par le four-
rage que fournissent ses feuilles que par la qualité de son bois,
est employée, à l'état disséminé, sur les atterrissements dans les
ravins humides ou au moins frais.
Ligustrum vulgare (L.). Troène commun. — Bois inférieurs et haies.
4-42 11 K BOISEMENT DES MONTAGNES.
LABIEES.
Salvia glutinosa (L.). Sauge (ihitincusc. — Bois monlucux inférieurs
et luoytMis.
Stachys Alpina (L.). Épiaire des Alpes. — Bois liumidos.
THYMÉLÉES.
Daphne mezereum (L.). Daphnr. bois-gentil.
ULMACÉES.
Ulmus campestris (Sni.). Onne champêtre.
Ulmus suberosa (Ehrli.), Orme subi''i'eiix.
Ces deux essences sont disséminées dans les bois des versaids in-
férieurs et moyens et dans les haies. On les emploie notainiiieiil dans
les I erres noires en mélange avec d'autres essences.
Ulmus montana (Sm.). Onne de montagne. Orme ù grandes feuilles.
— Bois iMoiiLueux frais. — Bare. Peu em|)ioyé.
CUPULIFÈBES.
Quercus sessiliflora (Sju.]. Chêne rouvre. Chêne blane (Midi;. — 11
l'orme, en mélange avec d'autres essences, des taillis générale-
ment chétifs sur les versants inféiieurs des montagnes on aval du
Lauzet et reparait exceptionnellement au pied du fort deTournoux,
en plein n)assif alpestre. 11 est toujours plus ou moins iiulicscent.
Pas em[tloyé, vu la rigueur du climat.
Fagus sylvatica (L.). llétre commun. Fait. Faijard. — On nncontii'
cette essence seulement en aval de BaiTelonnelte, dans les taillis
cl forêts de résineux aux expositions rraiciii>, cl disséminée au
milieu des i-ocliiTs. On m- rciM[)liiie [las dans les travaux.
COBV LACÉES.
Corylus avellana (L.). Coudrier noisetier. — Bois des versants infé-
rieurs. — Employé quelquefois et planté alors par bouquets, sur-
tout dans les berges des torrents.
FLORE DE LA VALLÉE DE B ARCELoN N ETTE. 443
SALICINEES,
Salix alba (L.1. Saule bhmc.
Salix vitellina (L.). Oi^icr jaune (variété du précédcnl).
Aboudammeiit répandues dans les isclcset le long des eaux, ces
deux essences sont très employées eu boutures sur les altorrisse-
nients et dans les fascinages et les clayonnages.
Salix fragilis l..). Saule fragile. — Bord des eaux. — Peu employé.
Salix pentandra fL.). Saule à cinq étamincs. — Lieux humides, maré-
cageux et tourbeux des hautes vallées. — Pas employé.
Salix amygdalina (L.). Saule amandier. Saule à trois étamines. —
Assez répandu dans les iscles. On l'emploie sur les atterrissements.
Salix incana iSchr.j. Saule drapé.
Salix purpurea (L.). Saule pourpré. Osier rouge.
Ces deux saules, que Ton rencontre habituellement ensemble, sont
très communs dans les iscles, dans les haies et le long des torrents
et ravins jusqu'aux grandes altitudes. On les trouve même sur les
terrains vagues et dans les terres noires au fond des petits ravins.
Ils sont constamment employés en boutures dans les fascinages et
clayonnages et sur les atterrissements, même sur les plus petits et
les plus secs.
Salix Caprsea (L.). Saule marceau — Bois et forêts aux expositions
fraîches. — Peu répandu. Employé sur les atterrissements des bar-
rages et dans les terres vagues un peu humides des versants infé-
rieurs et moyens.
Salix daphnoïdes Viil.). Saule daplnié. Saule noir. — Iscles et bords
des eaux jusque dans les hautes vallées. On l'emploie sur les atter-
rissements et surtout pour les clayonnages.
Populus alba (L.). Peuplier blanc. — Iscles et bords des eaux dans
les grandes vallées. Rare. Peu employé.
Populus tremula (L.). Peuplier tremble. — Il forme quelquefois de
petits bois à lui seul. On le rencontre généralement, en i)Uis ou
moins grande abondance, dans les iscles, dans les bois inférieurs
et moyens et dans les bouquets d'arbres épars au milieu des prai-
ries. On le plante par drageons, au pied des berges des ton'ents
et sur les atterrissements.
Populus nigra (L.). Peuplier noir. Peuplier franc. — Commun dans
les iscles et le long des torrents jusque dans la zone moyenne. On
le propage par boutures sur les berges des torrents et sur les atter-
rissements.
REBOISEMKN'T DES MONTAGNES.
BETULACÉES.
Betiila alba (L.). Bouleau hlunr. Bouleau commun. — Isclos; ])ois liii-
iiiidcs; bords de rUhayo. — On ne le rencontre guèi'e que dissé-
iniiie çi\ el là. On l'a planté quelquefois, mais on très petite quan-
tité, sur des attcrrissements sablonneux à base de silice.
Alnus incana(D. C). Aime blanc. — C'est, par excellence, l'arbre des
torrents qu'il suit jusque dans leurs dernières ramifications, remon-
tant ainsi depuis les ravins des terres noires qui occupent les ver-
sants inférieurs des vallées jusqu'au milieu des prairies et des
pâturages des hautes montagnes. Il est également très répandu
dans les iscles dont il constitue parfois à lui seul la majeure partie.
Sa grande propension à drageonnor le rend éminemment utile
pour il' rchoisenicnt des ravins.
ABIÉTINÉES.
Pinus cembra (L.). Fin cemhro. — On le rencontre à l'état de dissé-
mination dans les forêts de mélèzes et de pins à crochets oîi il est
quelquefois associé aussi au sapin et à l'épicéa. Il forme, dans la
vallée de TLibaye, un seul massif pur, au sommet de la forêt com-
munale du Lauzet. Arbre des grandes altitudes, il est appelé à
rendre des services éminents pour le reboisement des hauts ver-
sants dénudés. On l'emploie beaucoup, tantôt par voie de semis
dans les gazons, tantôt par voie de plantation. Mélangé, d'abord
en assez faible [)roporti()ii, à l'épicéa, au pin à crochets et au mé-
lèze, il forme bientôt une partie importante du repeuplement
dans la région supérieure du mélèze et devient enfin la seule
essence encore employée au delà de :2,iOO à 2,500 mètres d'alti-
tude.
Pinus sylveslris L.). Pin sylvestre. — Il ne forme de massifs purs
aux <'.\[i().sjlions froides que sur hjs versants inférieurs, notanmienl
sur ceux qui appartiennent à l'étage oxfordien (terres noires). Il
appartient à la variété à branches étalées. On l'emploie presque
toujouis par voie de plantation.
Pinus uncinata fltam.). Pin à crochets. — On le rencontre le plus
liaiiiluellcrnent au milieu des derniers pins sylvestres et dans les
zones inférieure et moyenne du mélèze, soit par pieds disséminés,
soit par bouquets plus ou moins étendus. 11 constitue cependant à
lui seul un massif d'une certaine importance au-dessus de Jausiers.
On l'i-niploii' tantôt par voie de semis, lorsfjue le terrain offre en-
FLORE DE LA VALLEE DE B ARC ELOX NETTE. li;i
core quelques débris des cincions p-azons, tantôt par voie do plun-
lation, dans la zone ininiédiatenicnt supérieure à celle du pin syl-
vestre.
Lariz Europaea (D, C). MC'lèze. — Il constitue de vastes forêts depuis
le fond tics hautes vallées, où il est alors niélanfjé au pin sylvestre,
Jusqu'aux grandes altitudes, où il n'est plus dépassé que par le
pin cenibro. Dans la zone intermédiaire, il couvre de grandes
étendues, tantôt et très souvent, à lui seul, d'autres fois en mé-
lange avec le sapin, l'épicéa et le pin à crochets. Il végète à toutes
les expositions et dans tous les terrains, même au milieu des
rochers les plus arides en apparence, dans les fentes et les crevasses
desquels ses fortes racines, obliquement et profondément pivo-
tantes, trouvent la fraîcheur et la nourriture nécessaires. Très em-
ployé dans les travaux de reboisement, tantôt par semis direct au
milieu des gazons, tantôt par voie de plantation, il constituera
plus tard, seul ou mélangé aux essences qui raccompagnent nalu-
rellemenl, l'immense majorité des repeuplements artificiels dans
la vallée de l'Ubaye.
Abies ezcelsa (D. C). Épicéa comrmtn. — On le rencontre mélangé au
pin sylvestre et surtout au mélèze, tantôt par pieds isolés, tantôt
par bouquets plus ou inoins étendus. Il constitue presque à lui
seul des massifs assez importants. Abondamment répandu sur les
versants moyens, il devient très rare dans les versants supérieurs.
On trouve assez fréquemment une variété à branches pendantes
{V. pendilla), d'un aspect très gracieux. Il ne peut être qu'excep-
tionnellement employé dans de bonnes conditions dans les péri-
mètres. Aussi son usage est-il i-estreint.
Abies pectinata (D. C). Saiiin pectine. — On le rencontre dans la
plupart des forêts, au-dessus de la zone du pin sylvestre, mais le
plus ordinairemenl à l'état de dissémination. Il constitue cepen-
dant quelquefois, au milieu des forêts de mélèzes, des massifs purs
assez étendus. — Pas employé.
TAXINÉES.
Taxus baccata (L.). If commun. — Rare.
iiU REBOISEMENT DES MONTAGNES.
11. — PRAIRIES NATURl^LLES FAUCIIABLES
RÉNONCULACÉES.
Ranunculus acris (Vj.). Benoncuïe acre. — Mauvaise plante, aboudani-
iiirnl i'r[iaiiilii('.
Anémone Alpina d..). Anémone des Alpes. — Coiiiiiuuie depuis les
prairies inoyi'iines jusqu'aux pâturages élevés.
Anémone narcissiflora (L.). Anémone à fleurs de narcisse.
Anémone baldensis (L.). A7îcmone fraise. — Ces deux espaces dans
les prairies ('■levées.
Trollius Europaeus (1..). Trolle d'Europe. — Boule d'or. — Piaule Acre
(■[ vénéneuse, al)ondante dans les prés niontueux.
CRUCIFÈRES.
Arabis hirsula K.). Arabetic velue. — Hautes nu)nta.i,'-nes.
Cardamine Alpina (D. C). Cardai/iijie des Alpes. — Hautes nionta-
LMies.
Biscutella laevigata (I..). Lunetiére lisse. — On la rencontre aussi dans
les prairies élevées, dans les pâturages et au milieu des rochers
des montagnes élevées.
VIOl.ACÉES.
Viola pinnata L.). Violette découpée. — Hautes montagnes.
Viola tricolor iL,). Violette tricolore. Pensée. — Ou la rencontre dans
les prairies élevées et dans les pâturages.
CAllVOPlIVIJJiES.
Silène inflata (D. C. ). Silèm; a enliie enflé. — Dejtuis le l'oiid des
vallées jiis(pi'aux grandes altitudes.
Dianthus carthusianorum (I..). (Millet des Chartreux. — On le trouve
aussi dans les lieux stériles.
FLORE DE LA VALLEE DE B ARC E LO N N E TTE. 417
GÉRANIÉES.
Géranium sylvaticum (L.). Gcninium des bois.
Géranium aconitifolium (Lhér. ). Géranium à feuilles d'aconit.
PAPILIONACÉES.
Tetragonolobus siliquosus (Hoth.). Tétragonolobe siliqucux. — Prairies
humides; bords des eaux.
Medicago falcata (L.). Luzerne en faucille. Luzerne sauvaye. — Prés
secs et terrains vagues. Bonne plante fourragère.
Trifoliiim badium iSclireb."'. Trèfle brunissant. — Prairies des hautes
nuintagnes.
Trifolium repens (L.). Trèfle rampant. — Très répandu jusqu'au
milieu des pâturages. Cette excellente plante, que l'on trouve aussi
dans les terrains vagues, paraît susceptible d'être employée avec
avantage dans les travaux d'enherbement.
Trifolium pratense (L.). Trèfle des p/'és. — Très comnmn dans les
bonnes prairies. Hure dans les pâturages.
Trifolium montanum (L.). Trè/le des inontagnes.
Meliotus alba (Lam.). Métilot blanc.
Meliotus officinalis (Lam.). Mélilot officinal. — Basses montagnes,
graviers, bords des torrents. On pourrait peut-être semer avanta-
geusement ces deux espèces sur les atterrissements, dans les ravi-
nes les plus sèches.
Hedisarum obscurum (L.). Sainfoin des Alpes. — Hautes montagnes.
— On rencontre aussi cette excellente plante dans les terrains va-
gues et dans les terres noires, aux expositions froides et aux gran-
dies altitudes, oii on la jiropage artificiellement par voie de semis.
Onobrychis sativa (Lam.). Sainfoin commun. — • xU)ondamment ré-
pandue dans les prairies inférieures et moyennes, cette plante,
précieuse à cause de sa rusticité et de son puissant enracinement,
est très employée dans les travaux d'enherbement; elle fixe rapi-
di'meat le sol et fournit aux jeunes plants un premier abri.
Lathyrus pratensis ^L.}. Gesse des lyrcs. — Rare.
ROSACÉES.
Spirsea ulmaria (L.). Reine des prés.
Geum rivale L.). Benoîte des ruisseaux.
Potentilla aurea (L.'. Potentille dorée. — Prairies élevées.
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
OMBELLIFÈRES.
Dancus carota iL.). Carotte commune. — Vallées et coteaux.
Meum athamanticum (Jq.). Fenouil des Alpes. Méum utliumante. —
Prairies moyennes et supérieures ; pâturages. — Excellente plante
([n'il sm-ait ulile do propager, mais qui exige de bons terrains.
Buplevrum ranunciiloides (L.). Buplèvre renoncule. — Prairies élevées
et rochers.
Pimpinella magna (L.). Boucage à grandes feuilles. — Prairies infé-
rieures et moyennes un , peu fraîches.
Astrantia major. Astrance à larges feuilles. — Prés et jirés-bois
inontuoux.
Astrantia minor. Astrance à petites feuilles. — Prés, prés-bois, pâtu-
rages.
Eryngium Alpinum (L.). Vanicant des Alpes. Heine des Alpes. — Prai-
j'ics élevées et pâturages.
RIJHIACÉES.
Galium verum (L.). Gaillet jaune. Caille-lait jaune. — Prés et lisièn^s
dos l)ois.
Galium moUugo (L.). Gaillet blanc. Caille-lait blanc. — Prés et bois
liiimidi's.
COMPOSÉES.
Cirsium spinosissimum (Scop.). Cirse très épineux. — Prairies et pà-
liir.igcs (les liaiiios montagnes.
Centaurea montana (L.). Centaurée de montagne. Grand bleuet. —
Prés et [>rès-bois.
Achillea millefolium (L.). A chillée mille feuille. — Tiés abomlantc jus-
(jue dans les pâturages. On la trouve aussi dans les terrains vagues
et elle sendilorail [)ouvoiry Cire assez souvent propagée avec avan-
tage, par voie de sojnis, jusqu'aux graiulos allitiidos.
Leucanthemum vulgare (Lani.). Grande marguerite.
Aronicum scorpioides (D. C). Aronic scorpion. — Prairies élevés; pâ-
I in;ii:cs ; |pit'rrailles.
Tragopogon pratensis CL.). S(dsifis des prés. Barbe-de-bouc. — Prairies
ilrpiii> If tond des vallées juscpi'anx graiidos altitudes.
Hieracium I L.L Épervière. — Plusieurs osporcs assez abondamiiH'Mt
ré|ianducs, nolanimenl les Il.pilosella ot //. aurantiucum.
FLURE DE LA VALLEE DE B ARCELOXXETTE. il9
CAMPANL'LACÉES.
Campanula barbata '\..\ Campanule barbue. — Prairies élevées.
Campanula glomerata (l..;. Vampaxule aijijlomcrée. — Pi'airies et prés-
Lois.
VACCINIÉES.
Vaccinium uliginosum iL.). Airelle uliijineuse. — Le long des eaux, au
milieu des prairies élevées.
(;entl\nées.
Gentiana lutea iL.). Grande Gentiane. — On lu rencontre d('[iuis le
fond des vallées jusqu'aux grandes altitudes, dans les prairies et
prés-hois, et même sur les terrains vairues et pierreux.
Gentiana Biirseri (Lap.). Gentiane de Bnrser. — • Hautes montagnes.
Gentiana punctata (L.). Gentiane ponctuée. — Hautes montagnes.
Gentiana asclepiadea (L.). Gentiane asclépiade. — Hautes montagnes.
Swertia perennis (L.). Su-ertie vivace. — Lieux humides des hautes
montagnes.
CUSCUTACÉES.
Cuscuta minor (D. C). Cuscute à petites fleurs. — ;Plante parasite
ti'ès uuisihle.
BORRAGINÉES.
Cerinthe minor (L.). Mélimt à fleurs tachées.
Myosotis Alpestris (Schm.j. Myosotis des Alpes. — Très abondant
dans toutes les prairies, dans les jirés-bois et dans les pâturages.
PERSONÉES.
Rhinanthus crista galli (L.). Rhinanthe à ijrandes fleurs. Crëte-de
coq. — Cette plante abonde dans les prairies épuisées et s'étend
jusque dans les pâturages.
Bartsia Alpina (L.). Bartsie des Alpes. — Lieux humides des hautes
prairies.
Euphrasia Alpiaa 'D. C). Euphraise des Alpes. — Très commune
t>9
450 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
dans les prôs-hois, dans loulos les |ii'aii'ics nionlagnousos et jiis-
tin'au milieu des pAturaiSîes.
Pinguicula vulgaris (I.,.). Gmssette commune. — Lieux marécageux ou
lourlieux.
LABIÉES.
Salvia pratensis (L.). Sauge des prés. — Toutes les prairies. On la
lencDutrc aussi sur les terrains vagues et dans les pierrailles. On
poui-rait peut-être la propager avantageusement sur les sols dé-
nudés.
Brunella Grandiflora (Mujucli). Brunclle n grandes fleurs.
PRIMULACËES.
Primula officinalis (Jq.). Primevère officinale. Coucou.
PLANTA(;iNÉES.
Plantago média iL.). l'hintain rnoijvn.
Plantage lanceolata (L.U Flantain lancéolé. Herbe éi cinq côtes. — Prés
secs, (ifs deux plantins végètent aussi sur les teri'ains vagues, et il
serait avantageux de les propager ailiiicii'llcnK.'nt.
POLVCONÉES.
Rumex acetosa L.'>. Oseille sauvage.
Poligonum bistorta (L.). lienouée bistorte. Serjwntérc.
Polygonum viviparum (L.). Renouée vivipare. — Cette plante, très
(•(imnunie dans les prairies élevées, se rencontre aussi dans les
pâturages et sur les terrains vagues, oii elle sei-ait peut-être d'un
f-mploi avantageux aux grandes altitudes.
ErPlIOmJIACÉES.
Euphorbia dulcis (L.'i. Eaphorbc jxjurpré. — .Mauvaise [)lanto.
ALCIIKMILLACKKS.
Alchemilla vulgaris (L. . Ahlinnillr nimiiiunc. — Depuis le fond des
vallées juMpiaux pâluraLTs él<'V(''S.
FLORE DE LA VALLEE DE B ARCELONNETTE. 451
SAIJCINÉES.
Salix nigricans (Sm.). Saule lutlrcissant.
Salix cinerea (L.). Saule cendre.
Salix caesia (I..). Saule bleuâtre.
Salix Laponum (L.). Saule des Lapons.
Salix myrsinites (L.). Saule myrte.
Salix arbuscula. Saule arbuste.
Vallons cL ])or(Is des ruis-
seaux au milieu des prai-
ries. Prés-])ois.
Le long des eaux, dans les
prairies élevées. — On les
emploie avec avantage
dans les terrains humides
et autour des sources,
aux grandes altitudes.
COLCHICACEES.
Golchicum autumnale (L.). Colchique d'automne.
LILIACÉES.
Tulipa sylvestris (L.). Tulipe sauvage. — Prés élevés.
Lilium martago (L.). Lis martagon.
Galantus nivalis (L.). Verce-neige. — Prés et prés-bois.
ORCHIDÉES.
Prés et bois.
Epipactis palustris (Cli.). Épiaire des marais.
Orchis globosa (L.). Orchis globuleux
Orchis conopsea (L.). Orchis à long éperon.
Orchis latifolia(L.). Orchis à larges feuilles.
Orchis maculata [L.).Orchis à feuilles tachées.
Eriophorum Alpinum (Gaud.). Linaigrette des Alpes. — Prairies maré-
cageuses et tourbeuses des hautes monlac:nes.
CVPEUAGEES.
Eriophorum capitatum (Host.). Linaigrette en tète. — Lieux humides
des prés et des bois clairières.
Carex (L.). — Nombreuses espèces dans les prairies, dans les prés-
bois humides et dans les lieux marécageux et tourbeux, depuis le
fond des vallées jusqu'aux plus grandes altitudes.
REBOISEMENT DES MONTAGNES,
GRAMINEES.
Anthoxantiim odoratum (L.). Floiive odorante. — Bonne plante four-
ra,t!'èi'e des prairies inféi'ieures et moyennes et des prés-bois infé-
rieurs.
Phleum pratense (I..). Flcolc des prés.
Alopecurus pratensis (L.). Vulpin des 2'>^'<^s.
Agrostis vulgaris (Witli.). Agrostide commune.
Avena flavescens (L.). Avoine jaunâtre.
Avena pubescens (L.). Avoine pubesccnte.
Avena pratensis (L.). Avoine des prés.
Avena elatior (L.). Avoine rlevée. Fromehtal. Fcnasse. — (^ette espèce
fournit spécialement la graine connue sous le nom de frnassc. La
fénasse contient en réalité des graines de toutes les graminées qui
accompagnent ordinairement le fromcntal dans les prairies. Ainsi
les graminées qui précédent et celles que nous allons encore énu-
mérer figurent, mais en proportion ti'és varia])le, dans la fénasse
du ct)minerce que l'on enqdt)ie beaucoup dans les travaux d'eulier-
bement.
Holcus lanatus (L.). Honqiie laineuse. — Peu répandue.
Holcus mollis (L.). IkaK/ue molle.
Poa pratensis (I..). Pafnrin des prés.
Dactylis Glomerata (L.). Dactyle pelotonné. — On la rencontre fré-
«[uemnient dans les terrains vagues.
Festuca pratensis (Huds.). Fétuque des prés.
Bromus erectus il-.). Brome des prés.
Lolium perenne (I..). Ivraie vivace. — Prairies fraiclies.
Remarque. I-es graminées qui forment la base des ju'airies infé-
rieures perdent de leur importance à mesure ([ue l'a II itude augmente
et ne se rencontrent iihe- qu'en l'aihle proportion dans les prairies
élevées. Elles subsistent cejiendant jusque dans les pàtui'agcs su-
périeurs, où elles sont même parfois très abondan(<'s; mais ce sont
alors des espèces alpines spéciales à ces hautes régions.
nr. — PATURAGES
RENONCIJLACÉES.
Ranunculus Pyrenaeus ' L.;. Iknoncute des Pyrénées.
Ranunculus montanus (D. C). Renoncule des montagnes.
FLORE DK LA VAI-LKK DE B ARCELOXNETTE. i-S'-i
Thalictnim Alpinum (L.). Pignmon des Alpes. — Pierrailles.
Anémone vernalis [L.]. Anémone pvintimiére.
VIOLACÉES.
Viola biflora (L.). Violette à deux fleurs. — Lieux liuinides.
Viola Cenisia (L.). Violette du mont Cenis.
Viola hitea (L.). Violette jaune. — Très commune.
Viola calcarata. Violette à long éperon. — Très commune.
CARYOPHYLLÉES.
Silène acaulis (L.). Silène à courtes tiges. — Gazons courts, très serrés.
Dianthus Seguieri (Ch.). Œillet de Séguier. — Lieux pierreux.
Dianthus neglectus (Lois.). (Millet néglige. — Hautes montagnes.
PAPILIONACÉES.
Ononis Cenisia (L.). Biigrane du mont Cenis. — Elle est aussi très
répandue dans les terrains vagues où elle serait peut-être suscep-
tible d'être utilement propagée artiliciellemeut.
Anthyllis vulneraria (L.). Anthyllide vulnéraire. — Très commune
partout, même dans les terrains vagues. Cette plante semble avan-
tageuse pour les enherbements.
Medicago lupulina iL.). Luzerne lupuline. Minette dorée. — Très
répandue partout, même dans les terrains vagues. On trouve en
elle un sérieux auxiliaire pour les enherbements.
Trifolium Alpinum (L.). Trèfle des Alpes. — Hautes montagnes.
Astragulus Monspessulanus (L.). Astragale de Montpellier. — Pâtu-
rages secs et pi(M-reux des basses montagnes.
Astragalus onobrychis (L.l. Asti'agale esparcette. — Pâturages infé-
rieurs et moyens; terrains vagues et terres noires. On peut em-
ployer utilement cette espèce, ainsi que la précédente, sur les
versants inférieurs vagues et arides.
Oxytropis montana (D. C). Oxytrope des montagnes.
Onobrychis supina iD. C). Sainfoin couché. — Pelouses sèches.
Coronilla vaginalis (Lam.). Coronille engainée. — Lieux pierreux.
Coronilla minima (L.). Coronille couronnée. — Coteaux secs.
ROSACÉES.
Dryas octopetala (L.). Dryade ii huit pétales. — Hautes montagnes.
454 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
Geum montanum (I..). Benoîte des montannes.
Potentilla grandiflora (L.). Potentillc à yrande fleur.
CRASSULACÉES.
Sempervivum tectorum (L.). Joubarbe des toits.
OMBELLTFÈRES.
Buplevrum gramineum (Vill.). Buplévre à feuilles de fjraminée . — Pâ-
tuntgos élcvi's et rochers.
RUBIACÉES.
Galium Helveticum (Weig.). Gaillet de Suisse. — Lieux pierreux des
pâturages élevés.
DIPSACÉES.
Scabiosa Graminifolia (L.). Scabieuse à feuilles de graminée. — Pûtu-
raircs éli'vés, déliris de rochers.
Scabiosa lucida (Will.). Scabieuse luisaiite. — Pâturages, prés et
prés-liois iiiontueux.
COMPOSÉES.
Centaurea uniflora (L.). Centaurée uniflorc.
Antennaria dioïca ((iartn.). Antcmiaire 1
diniuUl'. 'il 1 ,
' . „ , > Hautes iiionlagncs.
Antennaria Carpathica (1). C). Anten- i
nnirr îles rnipfitltrs. ]
Achillea nana (L.). Achillic iiaine. — Hautes nionlagnes.
Leucanthemum coronopifoHum ((J. {].). Leximnihème corne-dc-ccrf. —
Lieux pierreux, iciclieis des hautes nionlagnes.
Leucanthemum Alpinum (Lani.). Leucunthéme des Alpes.
Aster Alpinus !.. . Aster di s Alpes.
Bellidiastrum Michellii (Cass.). Marguerite de Michclli.
COMI'AM LACÉES.
Phyteuma pauciflorum (L.). liniponce à petite tête.
FLORE DE LA VALLEE DE B ARCELOXN ETTE. io".
AZALEACEES.
Rhododendrumferrugineum (L.). Rhododendron fernigineuj;. — Hautes
iiioulapnos.
GENTIANÉES.
Gentiana acaulis i L.). Gentiane à courte tige. — Très coiiiiuunc à pur-
tir (les prairies éicvéos.
Gentiana verna i^L. ;. Gentiane pvintaniére. — Hautes montagnes.
POLYGALÉES.
Polygala vulgaris (L.^. Polygahi commun. — Partout.
Polygala chamsebuxus (L.}. Polygala faux buis. — Rare.
BORRACTNÉES.
Myosotis nana (Vill.). Mijosotis nain. — Hautes montagnes.
PERSONÉES.
Veronica Allionii i VilLj. Véronir/ue d'Allioni. Thé des Alpes. — Très
abondante sur les hautes montagnes.
Pedicularis fasciculata (BelL). Pédiculaire fasciculée.
Euphrasia minima ^D. C). Euphraise naine.
PRIMULACÉES.
Primula farinosa (L.). Primevère farineuse. — Lieux humides.
Primula crenata (Lam.). Primevère û rebords farineux. — Rochers
des hautes montagnes.
Aretia vitaliana (Wild.). Arétie de Vitalien.
Androsace villosa (L.). Androsace velue.
Soldanella Alpina (L.). Soldanclle des Alpes. — Hautes montagnes.
GLOBULARIÉES.
Globularia cordifolia (L.). Globulaire à feuilles en cœur. — Pâturages
et rochers.
4o6 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
PLANTAGINÉES.
Plantago Alpina (L.). Vlantin dca Alpes.
ALCHEMILLACÉES.
Alchemilla Alpina (L.). Alchcinille des Alpes. — Hautes montagnes.
Excellente plante, très commune dans les pâturages et même au
milieu (les rochers.
SALLCINÉES.
Salix reticulata ([-.). Saule réticule.
Salix herbacea iF..). Snule herbacé.
Salix retusa \L.). Saule cmoussc.
(les très i)ctits arbrisseaux consliluent (juelquefois, presque à
eux seuls, les gazons des liantes montagnes. On peut les employer
avec avantage pour l'enherbenient, au point de vue de la fixation
lin siil (les lerrains vagues aux grandes allitudcs.
COLCHICACÉES.
Colchicum Alpinum (I). C). Colchique des Alpes.
Veratrum album (L. . Varuive blanc. — Mauvaise plante.
LILTACÉES.
Anthericum calyculatum ^^.). Anthéric à collerette. — Lieux un peu
liiiiniili'>.
Anthericum liliago i L.). Aiithnie à llcur de lis.
Crocus vernus iAII.1. Safran de printemps.
() lu: Il IDÉE S.
Orchis nigra (D. E.). Orchis noir. Manette.
fiUAMlNKES.
Phleum Alpinnra (L.). FIrole îles Alpes. — Hautes montagnes.
Alopecurus Gerardi (Vill.). Vulpin de Gérard. — Hautes montagnes.
FLORE DE LA VALLÉE DE B ARCELOXN ETTE. VM
Agrostis Alpina (Scop.)- Agrostidc des Alpes. — Hautes montagnos.
Agrostis canina il..). Agroatide hi'-térophijUe. — Hautes inonlairnes.
Sesleria caerulea (L.). Seslcric bleuâtre. — On la rcnconli-o dans les
prairii's et aussi dans les bois clairières.
Poa Alpina (L.). Patio'in des Alpes. — Hautes montagnes.
Briza média (L.). Brize moyenne. — P;iturag-os inférieurs et moyens.
FestucaHalleriiAll.'i.r't'^(/'/»ede//«//t'>-.
Festuca duriuscula \..].Fr(uquednrette. \
Festuca glauca i^Sohr. . Fétuqiie glaii- |
<jm\ f
Festuca ovina iL.). FéUigue ovine. , Pâturages élevés et terrains
Festuca pumila (Cli.). Féiuque naine; 1 secs et pierreux.
dégante. \
Festuca rubra iL.l. Fétuque rouge. |
Nardus stricta (L.).Nard raide. — Hare. i
IV. — TERRAINS VAGUES ET ARIDES;
PIERRAILLES; TERRES NOIRES DÉNUDÉES;
ROCHERS
RENONCULACÉES.
Ceratocephalus falcatus (Pors.). Ccratocéphale en faucille. — MoviMines
montagnes, aux expositions chaudes.
Helleborus fetidus iL.). Hellébore fétide. — Coteaux secs et arides.
Delphinium elatum (L.j. Dauphinelle élevée. — Rochers des hautes
iHiintagnes.
RERBÉRIDÉES.
Berberis vulgaris (L.). Épine-vinette. — Plante très répandue partout,
même dans les terres noires, depuis le fond des vallées jusqu'aux
grandes altitudes. On la plante par lignes horizontales dans les
terrains arides, notamment dans los terres noires.
CRUCIFÈRES.
Brassicaria repanda D. C). Brassicairc sinuéc. — Terrains les plus
arides.
«8 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
Erysimum ochroleneum (D. C). Vclarjmtndtre. — Lieux pierreux des
liantes iii(inla,i,''ii('s.
Alyssum montanum (I..), Ahjsson des montagnes. — Versants secs et
arides.
Draba aizoïdes (I,.). Brave faux aizoon. — Lieux pierreux élevés.
Thlaspi Alpestre (L.). Tabouret alpestre. — Hautes moulagnes, débris
de rochers.
Thlaspi montanum (L.). Tabouret des montaejnes. — Lieux jtierreux
et secs.
CISTIXÉKS.
Helianthemum vulgare (Gartn.). lléUanthème commun. — Très répandu
])artout, iiièiue dans les terres noires.
RÉSÉDACÉKS.
Reseda luteola (L.). Réséda gaude. — Partout, notaninient dans les
terres noires les plus arides.
CARYOPHYLLÉES.
Silène saxifraga (L.). Silène saxifrage. — Hocliers.
Gypsophila repens (Fi.). Gypsophile rampant. — Graviers des torrents,
cônes de déjections, élioulis, terrains vag^ues, terres noires,
Saponaria ocymoides (L.). Saponaire basilic. — Terrains vagues [liei-
reux.
Alsine lanceolata (M. et K.). Alsine lancéolée. — Hocliers des hautes
montagnes.
Stellaria média (Vill.). Stellaire morgelinc. Mouron des oiseaux. —
Partout, dans les basses inonlagiK.-s.
Cerastium latifolium (L.). Ccraiste à larges feuilles. — Débris de ro-
clieis aux i.'-iaiidcs altitudes.
Cerastium Alpinum (L.). Ccraiste des Alpes. — Lieux liuniides élevés.
LLNliLS.
Linum tenuifolium F,.). Lin à feuilles menues. — Terrains vagues,
jiierreux des liasses montagnes.
FLORE DE LA VALLÉE DE B AIICELONNETT E. 459
GÉRANIKES.
Géranium Lucidum (L.). CH'ranium luisant. — Lieux pioneiix incultes.
■RHAMNÉES.
Rhamnus pumila (I-.). Ntrpnin nain. — Fentes des pierres et des ro-
cliers calcaires aux expositions chaudes,
TÉRÉRINTHACÉES.
Rhus cotinus (L.). Sumac fiistet. — Terres vagues pieri'euses ou ro-
cheuses des hasses montagnes aux expositions chaudes, seulement
en aval de Barcelonnette.
PAPILIONACÉES.
Genista pilosa (L.). Genêt velu.
Genista cinerea (D. C). Genêt cendré. — Versants calcaires pierreux
et secs, en aval de Barcelonnette.
Ononis natrix (L.). Bugrane gluante.
Ononis fruticosa (L.). Bugrane arbrisseau.
Graviers des vallées. Coteaux secs et arides, ravins, terres
noires. Excellente plante, par suite de sa rusticité et de son enra-
cinement traçant, éminemment apte à fixer les terres instables.
Emplo3-ée par semis.
Ononis s'ph\osa{\j.). Bugrane épineuse. — Coteaux pierreux des basses
montagnes.
Lotus corniculatus (L.). Lotier corniculê. — Coteaux plus ou moins
dénudés, prés, buissons, aux altitudes inférieures et moyennes. On
pourrait peut-être utiliser cette plante dans les enherbements.
Astragalus aristatus (Lhér.). Astragale aristée. — Coteaux secs et
pierreux, terres noires. On la rencontre aussi dans les pâturages
où elle doit être considérée comme une plante nuisible.
Oxytropis campestris (D. C). Oxytrope des Alpes.
Onobrychis saxatilis (AU.). Sainfoin des rochers. — Coteaux pierreux,
secs, et terres noires, aux expositions chaudes. On pourrait peut-
être employer avantageusement cette plante dans les terres vagues
et arides inférieures, notamment dans les terres noires, avec l'as-
tragale aristée, le lotier corniculê et ranthyllide vulnéraire.
4G0 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
ROSACÉKS.
Geum reptans L.). Benoîte traçitnte. — Débris dos rochers des liautes
moiihiyni's schisteuses.
Geum montanum (L.). Benoîte des montar/nes. — Débris des rochers et
liàluia,i;<'s supérieurs.
Potentilla verna (L.). PotentiUe iwintaniére. — Partout dans les zones
iurrrii-iircs et moyennes.
Rubus caesius (!..}. honce bleuâtre. — Terrains vagues et arides infé-
rieurs, liuissons, haies.
Rosa pimpinellifolia (L.). Rosier à feuilles de pimiirencUe. — Coteaux
secs et arides des basses et moyennes montagnes, haies.
Rosa Alpina (L.). Rosier des Alpes. — Terrains vagues et bois, rlai-
riérc- inférieures et moyennes.
Rosa glandulosa (BeU.). Rosier ylamluleux. — Terrains vagues des
liaules montagnes.
POMACÉES.
Cotoneaster vulgaris (Lindi.). Cotonnier commun. — Pierrailles et
rociicrs.
Amelanchier vulgaris (Mœnch.). Amélunchier commun. — Versants
inférieurs et moyens, plus ou moins rocheux, aux expositions
chaudes. Plante très répandue, avantageusement employée dans
les terrains secs et arides, inférieurs et moyens, notamment dans
les terres noires.
ONAGRAHIÉES.
Epilobium dodonoei (Vill.i. Vitriété de Vépilohe à feuilles de romarin.
— Bonis (les torrents.
TAMAHISCINKES.
Myricaria Germanica (Desv.). Mijrirniie il'Allemofjne. — Graviers aux
bord> de:^ r.iux.
l'AHONVi.lilKKS.
Paronychia capitata l.am. . l'nroni'/ue en tête. — (loteaux vagues et
aride-,; cônes tlf iléjcctions, terres noires.
FLORE DE LA. VALLEE DE BARCELONXETTE. 4G1
CRASSULACEES.
Sediim acre iL.1. Orpln àcrr. — Lioux secs el piorreiix.
Sempervivum arachnoïdeum (L.). Joubarbe à toile d'araiynéc. — Ho-
cbers des hautes monlagncs.
SAXIFRAGÉES.
Saxifraga oppositifolia (L.). Saxifrage à feuilles opposévx. — Ruchois
des hautes montagnes.
Saxifraga aizoïdes (L.). Saxifrage faux a izoon. — Lieux iiuniides.
Saxifraga aizoon (]([.). Saxifraye aizoon. — Coteaux secs, rochers,
terres noires.
Saxifraga muscoïdes (Wutl.). Saxifrage inousse. — RocIkts des hautes
montagnes.
OMBELLIFÈRES.
Laserpitum Gallicum (L.). Laser de France. — Coteaux vagues et arides
et terres noires, depuis le fond des vallées jusqu'aux .i,''rand<'s alti-
tudes. Employé dans les enherhements.
Buplevrura falcatum (L.). Buplcvre des haies.
Eryngium campestre (L.). Panicant des champs. — Lieux arides infé-
rieurs et moyens.
VALÉRL^NÉES.
Centranthus angustifolius (D. C). Centranthe à feuilles étroites. —
Plante abondamment répandue, par toulfes isolées, dans les ter-
rains vagues plus ou moins pierreux, aux expositions chaudes et
jusqu'aux grandes altitudes.
Valeriana montana (L.). Valériane de montagne. — Lieux pierreux,
au moins frais.
DIPSACÉES.
Scabiosa columbaria (L.). Scabieuse colombaire. — Terrains vagues
et prés secs.
4G2 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
COMPOSEES.
Echinops ritro fl..). Échinopc ritro. — Terrains arides inférieurs.
Rhaponticum scariosum (Lam.). Rhapontique scarieux. — Dé])ris des
loolii'i's eL ravins aux expositions cliaiides; moyennes et hautes
montagnes.
Centaurea scabiosa (L.). Centaurée scahicuse. — Coteaux vag-nes et
arides.
Leontopodium Alpinum (Cass.). Picd-dc-Uon. — Rocliers des hautes
inonliii^nes.
Achillea nobilis (L.). Achillcc noble. — Versants secs et cliauds.
Artemisia mutellina (Vill.). (irnrpi des Alpes. — Rochers des hautes
monlai^nies.
Artemisia absinthium (L.). Absinthe commune. — Coteaux incultes et
]>ieiieux t\c la zone moyenne.
Tussilage farfara ([>.). Tussilarje pas-d'àne. — Commun parhMil, même
dans les terres noires les plus ahruptes, p(uirvu (ju'elles présentent
quehjues traces d'humidité.
Cacalia leucophylla (Wild.). CacAdie à feuilles bhmches. - Déhris des
rochers, hautes montagnes.
Catananche caerulea (L.). Cupidone bleue. -Lieux stériles inférieurs,
aux expositions chaudes.
Cichorium intybus (I..). Chicorée sauvage. — Partout.
Taraxacum officinale (Vill.). risscnlit. — Partout.
CAMPANULACÉES.
Campanula AUionii (Vill.). Campanule d'Allioni. — Déhris des rochers
élevés.
Campanula Linifolia (Lam.). Campa7iule à feuilles de lin. — Hautes
inniil.iL'ties.
Campanula rotundifolia (L.). Campanule à feuilles mondes. — Lieux
incultes, jilus ou moins rociicux.
.\iM)(,\ m:i:s.
Asclepias vincetoxicum (L.). Asclépiade dompte-venin. — Plante très
ahondante sur les versants calcaires, pierreux, inférieurs et moyens,
qu'elle est très apte à lixer par son enracinement traçant et dra-
geonnant.
FLORE DE LA VALLEE DE B ARCELONN ETTE. 463
GENTIANÉES.
Gentiana cruciata (f..). Gentiane croisette, — Torrains vagues et pâtu-
rag-es iiiforii'urs.
Gentiana ciliata (L.). Gentiane ciliée. — Lieux frais des basses niou-
tagues.
BORRAGINÉES.
Lithospermum officinale (L.). Gremil officinal. — Versants pierreux
moyens, aux exiutsitions fraîches.
Echium vulgare (L.). Vipérine commune.
Cynoglossum montanum (L.). Cynoglosse de montagne. — Versants
secs et arides, moyens et même supériem-s.
SOLAXÉES.
Solanum dulcamara (L.). Marelle douce-amére. — Pierrailles et haies.
Verbascum thapsus (L.). Bouillon blanc. — Zone inférieure.
Verbascum nigrum (L.). Moléne noire. — Rùgiou inférieure.
PERSONÉES.
Linaria Alpina (D. G.'. Linaire des Alpes. — Débris des rocliers aux
grandes altitudes.
Scrophularia canina (L.). Scrophulaire pourpre noir. — Graviers et
])()rds des ton-ents dans les zones inférieures et moyennes.
Digitalis lutea (L.). Digitale ù petites fleurs. — Terrains vagues et
bois clairières des basses montagnes.
I-ABIÉES.
Lavandula spica (L.). Lavande commune. — Elle couvre parfois presque
à elle seule des versants assez étendus au pied des montagnes, aux
expositions chaudes. Utilement employée dans son aire d'habita-
tion.
Thymus Serpyllum (L.^. Thum serpolet. — Versants vagues et arides
et pelouses sèches.
Hyssopus officinalis {L.). Hysope officinal. — Coteaux secs et pierreux,
terres noires.
Satureia montana (L.). Sarriette des montagnes. — Débris des rochers
tli+ REBOISEMENT DES MONTAGNES.
l'I terrains vagues, aux expositions chaudes. On pourrait peut-être
l'employer avantageusement dans les terres noires avec la précé-
dente.
Nepeta cataria {}..). Ncpéta ckdtdirc.
Galeopsis ladanum (I-.). Galcopv des champs. — Ti'ès comminie dans
les lieux incultes inférieurs et moyens.
Scutellaria Alpina (I..). Toqwi des Alpes. — Terrains vagues, rocail-
leux; bords des torrents; graviers.
Teucrium chamaedrys (L.). Germandrcc petit chêne. — Très comniune
sur les versants secs et arides. On pourrait peut-être l'employer
avantageiisenu'ut.
PRIMULACÉES.
Anagallis arvensis (L.). Mouron des champs.
r.LOBULAHIÉES.
Globularia vulgaris E. f. Glohulutrc cummune. — Lieux secs inférieurs
il moyens.
PLANTAGINÉES.
Plantage Graminea (D. C). Plantain à feuilles de (jramince. — Très
ré[iaii(la le long îles torrents, sur les graviers. On le rencontre
aussi dans les terrains vagues et inrme au milieu des terres noires.
POEVr.ONÉES.
Rumex scutatus (i..j. Rumex û crnssoji. Oseille ronde. — Coteaux secs
fl pierri'ux, terres noires,
TllYMÉLÉES.
Daphne Alpina (h.). Jjnphnè des Alpes. — Débris de rochers.
F^LÉAr.NÉES.
Hippohaë rhamnoïdes i L.}. Anjousier faux nerprun. — Bords des eaux,
eùnes de déjeelions, graviers, terres noires, ravins. Cette plante
est éminemment drageonnanle et très apte, par conséquent, à lixer
FLORE DE LA VALLÉE DE B ARCELONNETTE. iG5
les terres instables. On l'emploie cependant très peu. soit à cause
de la lenteur de sa vécrétation, soit parce que l'on ne peut ensuite
en tirer aucun parti.
BLXACÉES.
Buxus sempervirens (L. . Buis commun. Versants calcaires, vagues et
arides inlcrieurs, en aval de Barcelonnelte. Peu employé.
CUPRESSINÉES.
Juniperus sabina (L.). Genévrier Sabine. — Versants vagues et arides
jusqu'aux grandes altitudes, aux expositions cbaudes surtout.
Plante excellente pour la fixation des terres, mais ne paraissant
pas susceptible d'être employée avantageusement à cause de l'ex-
trême lenteur avec laquelle elle végète et de sa difficulté à re-
prendre quand on la transplante. On l'a cependant quelquefois
élevée en pépinière. Elle se présente presque toujours à l'état buis-
sonnant, dans la vallée de l'Ubaye, et couvre complètement le sol
de ses rameaux longuement étalés.
Juniperus communis (L.). Genévrier commun. — Coteaux et versants
drauilés, bois. Pas employé.
Juniperus oxycedrus (L.). Genévrier oxycèdrc. — Versants pierreux et
bois inférieurs aux expositions cbaudes. Rare.
LILIACÉES.
Ornithogallum umbellatum (L.). Ornithogale en ombelles. — Lieux
pierreux, prés secs.
Gagea arvensis Scbr.). Gagée des champs. — Lieux incultes.
Muscari comosum (Mill.). Muscari à toupet. — Lieux incultes.
Muscari racemosum (Mill.) Muscari à grappe. — Lieux incultes.
GRAMINÉES.
Cynodon dactylon Pers. i. Chiendent. Tied-de-poide.
Lasiagrostis calamagrostis (Link.). Calamagrostis argenté. Bauche. —
Terrains vagues et arides inférieurs et moyens, terres noires. Cette
excellente plante forme d'épaisses toull'es qui fixent très bien le
sol; elle ne constitue jamais de tapis continu. On l'emploie le plus
30
466 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
souvent par semis. On en a quelquefois planlé des éclals de touffes
par liij^nes horizontales.
Melica ciliata (L.). Mélique ciliée. — Lieux pierreux inférieurs.
Triticum repens (L.). Froment chiendent. — Terrains secs, incultes;
haies. Les animaux trouvent dans cette plante une excellente ounr-
riture. Ce chiendent est employé avec avantage, par suite de sa re-
marquahlc aptitude au drageonnement, |)()ur la lixation des ter-
rains arides et notamment des terres noires.
RADIERS ET CONTRE-BARRAGES. 467
NOTE F
(Citée à la Page 86.)
A l'appui des considérations émises sur la nécessité des radiers
construits à l'aval des grands barrages et l'importance qui s'attache
à leur résistance, nous croyons qu'il y aura quelque utilité à présen-
ter ici le détail d'ouvrages que nous avons projetés tout récemment,
et qui sont actuellement en cours d'exécution dans deux torrents
redoutables de la vallée de Barcelonnette, le torrent de Riou-Bour-
doux et le torrent de Faucon.
1. On termine en ce moment dans le torrent de Riou-Bourdoux
la construction d'un grand barrage portant le n" 1 , et dont les figures
97-98-99 et 100 représentent tous les détails.
Ce grand barrage est destiné à servir de base à tout le système
de correction à appliquer à ce torrent, le plus redoutable de tous ceux
de la région. 11 est projeté vers le milieu de la goi'ge du torrent, et
a pour but de produire , à son amont et sur une longueur de
1200 mèti'es environ, un puissant atterrissement susceptible d'être
rehaussé par des ouvrages secondaires ultérieurs et appelé, tout en
élai'gissant la section du lit, à consolider d'immenses berges de terres
noires en état de glissements aujourd'hui sur les deux rives. Tous
les ravins des bassins supéiùeurs du torrent ont été l'objet de travaux
antérieurs de correction, et il ne reste plus à traiter que la branche
principale dans sa section moyenne, par un système dont ce grand
barrage est la base indispensable.
Aussi, vu les condilions toutà fait exceptionnelles où l'on se trouve,
a-t-on été obligé de donner à cet ouvrage des dimensions supéi-ieures
à celles habituellement en usage.
Construit entièrement en maçonnerie avec mortier hydraulique, le
barrage a 8 mètres de hauteur au-dessus du lit; sa longueur déve-
468 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
loppée est de 83", 50, son épaisseur au couronnement de 3"20 avec
un fruit du cinquième au parement aval; les fondations ont i^oO
de profondeur.
Kii raison de son large développement et du volume parfois con-
sidérable des eaux, il est traversé par 5 grands pertuis ou aqueducs
à, l'étage inféi'ieur, et 6 autres placés à l'étage supérieur. Les ouver-
tures de ces pertuis, destinés à ne laisser passer que les eaux et les
boues liquides, sont garnies au parement amont par de fortes barres
de fer entre-croisées et formant une sorte de grillage ayant pour but
d'arrêter tous les blocs et moellons et de les maintenir à l'amont pour
former un attcrrissenient dos plus solides et des plus résistants.
Le sol, ferme et incompressible, étant formé jusqu'à une grande
profondeur par les déjections du torrent, est susceptible d'affouille-
ment. Aussi, en présence d'une chute qui atteindra 8 mètres de hau-
teur aussitôt que l'atterrisscment sera formé, s'est-on grandement
préoccupé de la question du radier qui doit ré[)ondre ici, au [lUis haut
degré, aux conditions de solidité et de per[)étuité indispensables à
ce genre d'ouvrages.
Le contre-barrage C, destiné à servir de tête de radier (fig. 07-90
et 100) est construit dans l'axe, à 17 mètres en aval du parement
amont du barrage i; le milieu de son couronnement, placé au niveau
du lit, se trouve à 1 mètre en contre-bas du seuil de l'aqueduc cen-
tral.
Entre le barrage et le contre-barrage, à gauche et à droite, sont
construits deux murs verticaux d [fig. 08 et 09) de l™,bO d'épaisseur,
distants chacun de lii mètres de l'axe auquel ils sont parallèles, et
déterminant ainsi la forme annulaire du radier qui est absolument
plat.
A. 1) mètres en amont du contre-barrage, ce radier est traversé,
dans le sens normal à l'axe, par un mur a (fig. 99), parallèle au bar-
rage et au contre-barrage, et dont le couronnement en pierres de
taille se trouve à 0", iO en contre-bas du seuil de l'aqueduc central.
Ce mur '(, en forme d'anneau, divise le radier en deux sections, et
se trouve bâti à l'extrémité dun massif de maçonnerie /"(^j/. 07 et 08),
de 1", oO d'épaisseur, qui prolonge en aval les fondations du barrage
dans toute la première section du radier comprise entre l'anneau a
et le barrage b.
Cette section est divisée en cinq comparlimcnts m égaux, corres-
pondant aux ij grands aqueducs, et déterminés par des murs verti-
caux c de 1 mètre d'épaisseur, parallèles à l'axe (fig. 98 et 99).
La seconde section annulaire du radier est divisée en trois com-
partiments n par deux murs e également parallèles à l'axe (fig. 99).
BARRAGE ^ l.
BARRAGE N" 1. — Construit dans le Torrent de Riou-Bourdoux (Basses-Alpes)
(Vwir pour la description, pages
7 il -A^ ,-*
lilévation dÉgagée des Ter
XgfrftTTTnriJJ I ' u-w4-l4ti-K-H4rl'riniIlII
's«.î3*».y''T*i.'''
m
RADIERS ET CONTRE-BARRAGES. 4G9
Tous ces inui's rectilignes c sont arasés au niveau du débouché
horizontal du contro-barrape, de sorte que l'anneau a seul se trouve
en saillie de 0"',C0 au-dessus de leur niveau.
Les huit conipartiinenls qui divisent ainsi le radier sont garnis
de gros blocs posés debout et iorniant enrochement.
Dans les compartiments m, dont le fond est formé par le massif
de maçonnerie f, les blocs sont placés de façon que leurs sommets
viennent au moins à la hauteur de l'anneau a, et retiennent entre
eux des blocs mis en travers sur les murs e, dans le but de protéger
leur maçonnerie contre les effets de la chute des eaux. Ces blocs
d'abri se trouvent pour ainsi dire moisés entre les blocs des com-
partiments : ils présentent donc toute garantie de stabilité.
Dans les compartiments n, les blocs sont placés de façon que leurs
sommets dépassent un peu le couronnement du contre-barrage c,
tout en demeurant en contre-bas du couronnement de l'anneau a.
A l'aval, au pied du contre-barrage, la fondation est prolongée
sur un massif de maçonnerie de 1 mètre d'épaisseur et de 2 mètres
de largeur. Ce massif de maçonnerie supporte un fort enrochement /i
placé dans une fouille ouverte à 4o".
Enfin, à droite et à gauche du radier, sont construits des murs de
revêtement r inclinés à 90 0/0 {fig. 97-98 et 99).
Telle est la disposition de cet important radier, qui présente toutes
les conditions les plus désirables de solidité et de facile entretien,
ainsi que nous allons le démontrer :
La figure 98 indique que le couronnement du grand barrage est
absolument plat en son milieu sur une longueur de 20 mètres, et se
termine vers les ailes par deux arcs de cercle symétriques, et tan-
gents à la partie horizontale. Cette forme spéciale a été adoptée dans
le but d'épanouir les eaux des crues en une lame aussi mince que
possible, et dès lors, d'autant moins puissante, au point de vue de
l'afi'ouillenient, après une chute de 8 mètres de hauteur.
D'autre part, comme l'indiquent les ligures 97 et 99, le radier est
formé de deux gradins absolument plats, ayant une largeur de
33 mètres jusqu'aux murs de revêtement, de sorte que les eaux, en
tombant de la hauteur du barrage, trouvent un espace bien plus
large que le débouché du couronnement, et une sorte de palier hé-
rissé, dans toute sa surface, par les pointes des grands blocs placés
debout dans les compartiments.
De là, grandes facilités pour l'épanouissement immédiat de ces
eaux, et l'annulation presque complète de leur vitesse.
Obligées, par le couronnement de l'anneau a du radier, de se ré-
pandre de nouveau en une lame régulière, ces eaux subissent là une
470 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
nouvcllo rliute, très f^iible, de 0™,()0 au maximum ; elles tombent
ensuite sur un second palier, également hérissé par les pointes d'un
puissant enrochement, placé debout.
Par ces deux paliers ainsi disposés, on supprime tout danger de
remous de la part des eaux sur toute la surface du radier.
Enlln, a[)rés avoir traversé le couronnement du contre-barrage,
elles premient, sans chute sensible et avec une vitesse initiale presque
nulle, la pente actuelle du lit en traversant l'enrochement h placé à
l'aval du contre-barrage.
En brisant donc autant que possible la violence des eaux et l'elfet
de la chute sur leur vitesse, on a réalisé ainsi l'une des conditions
les plus importantes de la stabilité et du maintien de l'ouvrage par
la grande réduction de la puissance d'ailbuillement.
D'autre part, les conditions de sécurité et d'entretien facile, c'est-
à-dire de perpétuité, sont assurées par la disposition des ouvrages.
La figure 97 le démontre entièrement; admettons en effet qu'un
phénomène météorologique des plus extraordinaires se passant dans
le bassin de réception détermine une crue insolite, d'une violence
plus grande encore que celles qui ont été constatées jusqu'ici et qui
ont servi à déterminer la section du débouché; si cette crue provo-
que des affouillements, leur premier effet sera de déjilacer les blocs
qui forment renroehcment /(, mais il n'est pas à présumer que ces
blocs, placés sur une épaisseur de i)'",oO, viennent tous à être en-
traînés à la, suite de l'alfouillement pratiqué à leur aval dans le lit
du ton-ent, par leur résistance à la force des eaux, car, précisément,
ces eaux arrivent sur l'enrochement avec une vitesse presque nulle
qui ne peut [(rendre de dévi'loppeinent que plus loin, sur la pente
du lit.
Supposons même que tous ces blocs soient entraînés pendant la
crue ; la fondation du contre-barrage, qui se prolonge de 2 mè-
tres sous cet enrochement, présentera bien des garanties contre
l'affouillement du pied de cet ouvrage, qui se trouvera, dès lors,
maintenu, et l'on n'aura plus, une fois la crue passée, cpi'à rechar-
ger et refaire au besoin l'enrochement h, opération d'autant plus
facile et plus prompte ipie, sur les deux rives, on aura constamment
entretenu un ap[)iovisionnement de blocs suffisant, jtrécaution élé-
mentaire.
11 est évident ([uo, tant que le contre-bairage c dtnneurera intact,
les enrochements »/i et n ne sauraient êlie compromis; formés en
elfel de blocs énormes, enchevêtrés avec art les uns dans les autres
et placés debout sur une forte épaisseur, ils ne sauraient être soulevés
par les eaux et entraînés au-dessus de l'anneau a ou du contre-bar-
RADIERS ET CONTRE-BARRAGES. 471
rage c; ils sont condamnés ù domeurer sur place, d'autant plus
qu'ils sont encastrûs dans des compartiments à parois fixes.
Mais, si, malgré les prévisions contraires, le contre-barrage lui
même était enlevé, il est clair que les enrochements n seraient en-
traînés, et l'anneau a jouerait alors le riMc du contre-barrage disparu ;
viendrait-il à dispiirailre lui-même, avec les enrochements»?, que la
solidité du grand barrage no serait pas encore compromise, car il
resterait, pour protéger son pied contre les ail'ouillements, le grand
massif en maçonnerie /"sur lequel reposait l'enrochement m et à son
extrémité l'anneau ((. La crue une fois passée, il serait toujours pos-
sible de réparer les avaries, et l'on n'aurait subi, en fait de pertes,
que la valeur même de ces avaries, le reste n'ayant pas bougé.
On voit donc, parce rapide examen, quels sont les avantages d'un
pareil système de radier. Hâtons-nous de dire que notre conviction
est que les seules avaries à prévoir consisteront dans le déplacement
des blocs supérieurs de renrochemeut/i, qui, n'étant retenu que par
les matériaux du lit, pourront être entraînés par suite de l'alfouille-
ment qui se produira à leur aval : mais ils ne seront jamais en-
traînés bien loin, et ils tendront peu à peu à s'enfoncer dans le lit
par suite des affouillements successifs opérés autour d'eux ; de sorte
qu'après plusieurs rechargements successifs, le lit se trouvera, à
l'aval du contre-barrage, plus consolidé que jamais par une sorte de
pavage en gros blocs, ayant une largeur tout simplement plus grande
que celle qu'on lui avait attribuée au début.
II. — La figure 101 donne le détail de la construction d'un radier en
cours d'exécution dans le torrent de Faucon, au pied de barrages
en gradins qui ne laissent pas de présenter un certain intérêt, et qui,
pour la première fois, sont appliqués dans les barrages de correction.
Cette disposition a été imposée par la rareté des gros matériaux
dans la section en cours de traitement. Il a fallu les résener pour les
couronnements et les enrochements et bâtir le reste avec des ma-
tériaux relativement petits; dès lors s'imposait la nécessité de ne pas
faire des ouvrages trop hauts qui auraient entraîné â des épaisseurs
beaucoup plus fortes et exigé, à un moment donné, une trop grande
quantité de matériaux.
On s'est donc contenté, pour débuter, de construire le barrage n° 1
avec son radier et contre-barrage ou tête de radier. Quand le bar-
rage i\° 1 aura été atterri, on trouvera facilement une quantité
suffisante de matériaux amenés par le torrent lui-même sur l'alter-
rissement, matériaux qui permettront la construction économique
du barrage n" 2.
Les fig. iOI, 102, 103 et lOi donnent tous les détails de celte
472
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
conslruction intéressante, notamment en ce qui concerne le radiei"
et le contre-barrai^c qui, par suite du peu de hauteur du ])arragc,
se trouvent avoir des dimensions trt'-s réduites, qui procurent ainsi
dans tout le système une économie très importante.
p >_.
oSo
Tète de radier
RADIERS ET CONTRE-BARRAGES.
473
Fig. 102. — Plan des Ouvrages.
Fig. 103. — Élévation du Barrage dégagé des Terres.
Fig. 104. — Élévation de la tète du Radier dégagée des Terres.
474 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
NOTE G
itée à la Page xiii de l'Avertissement.)
Les Départements des Basses et Hautes-Alpes.
En 1840, l'illustre économiste Blanqui, membre de l'Institut, dans
un rapport adressé à l'Académie des sciences, qui l'avait chargé tout
spécialement d'étudier la situation des Alpes françaises, faisait de
la région qui compose le bassin de la Durance le navrant et saisis-
sant talileau qui suit :
« L'observateur qui descend du Daupliiné vers la Provence, le long
de la cime dos Alpes, est arrêté à chaque pas par les anfiactuosités
bizarres et multifdiées que présentent les montagnes. On n'y trouve
pas, sur une étendue de près de cent lieues, un seul cours d'eau
navigable, un seul de ces grands bassins tels que ceux de la Marne,
de la Saône, de l'Yonne, qui vivilient des provinces entières. Les
rivières des Al[>es j)articipent du caractère des torrents par leur pente
rapide et par leur marcIie ca[)ricieuse sur un lit encombré de cail-
loux roulés. Tels sont le Drac, la Romanche et la Durance, qui
offrent les types divers de ces cours d'eau inconstants et perfides où
viennent se déverser, par d'innombrables affluents, les sources per-
pétuelles des glaciers, les fontes des neiges et les [tluies d'oi-age de
toutes les régions supérieures. Le Hhùne reçoit, dans la partie basse
de son cours, le produit vraiment extraordinaire de ces crues formi-
dables qui ont acquis dans ces deinières années des proportions inac-
coutumées et inquiétantes. Les torrents apportent ainsi leur con-
tingent de dévastation aux plaines de Vaucluse, du Gard et des
Hourhesdu-Hhone, après avoir ravagé les montagnes, selon certai-
nes lois fie desti iiclion (pie la science des ingénieurs a essayé de for-
LES BASSES ET II AUTE S-ALPES. Ho
mulcr, tant leur niardie est devenue constante et infatigable! . .
<i Le ciel éclatant et liin|iii]o des Alpes d"Knihiuii, de liarcelon-
netle et de Diune se maintient, durant des mois entiers, [)ur du
moindre nuaire et engendre des sécheresses dont la lonjrue durée
n'est interrompue que par des orag-es pareils à ceux des tropiiiucs.
Le sol, dépouillé d'herbes et d'arbres par l'abus du pacage et par le
déboisement, porphyrisé par un soleil brûlant, sans cohésion, sans
point d'appui, se précipite alors dans le fond des vallées, tantôt sous
forme de lave noire, jaune ou rougcâtre, puis par courants de galets
et même de blocs énormes, qui Itondissent avec un horrible fracas
et produisent dans leur course impétueuse les plus étranges boule-
versements.
« Lorsqu'on examine d'un lieu élevé l'aspect d'une contrée ainsi
ravinée, elle présente l'image de la désolation et de la mort. D'im-
menses lits de cailloux roulés, de plusieurs mètres d'épaisseur, cou-
vrent au loin l'espace, débordent sur les plus grands arbres, les
cernent, les couvrent jusqu'au sommet, et ne laissent pas même au
laboureur une ombre d'espérance.
« Il n'y a rien de plus triste à voir que ces échancrures profondes
des lianes de la montagne, qui semble avoir fait irruption sur la
plaine pour l'inonder de débris. A mesure que ces tlancs se creusent
sous l'action du soleil qui réduit le roc en atomes et de la pluie qui
les charrie, le lit du torrent s'exhausse, quelquefois de plusieurs
mètres par année, jusqu'au point d'atteindre le tablier des ponts et
de les emporter. On distingue à de grandes distances, au sortir de
lem's gorges profondes, ces torrents étalés en éventails de 3,000
mètres d'envergure, bombés vers leur centre, inclinés sur leurs
bords et s'étendant comme un manteau de pierre sur toute la cam-
pagne.
« Telle est leur jibysionomie quand ils sont à sec, mais la parole
humaine ne saurait décrire leurs ravages en termes capables de les
faire comprendre, au moment de ces crues subites qui ne ressem-
blent à aucun des accidents ordinaires du régime des eaux tluviales.
« Ces crues désastreuses produisent les elfets les plus singuliers;
parfois le torr^it déchaîné est tombé à angle droit sur une rivière,
et l'a forcée par le choc de remonter vers sa source; ailleurs, deux
torrents, descendant l'un vers l'autre de deux pentes opposées, se
livrent, dans le lit même de la rivière qui les sépare, un combat
gigantesque, et se mitraillent de leur lave de cailloux. Ils aifouillent
profondément les terres sur leur passage, les charrient au loin pour
47G REBOISEMENT DES MONTAGNES.
atterrir plus loin encore, et transpliintor les héritages broyés et dis-
persés dans la rampatrnp
« I.a contrée est un piiys de julturai^rcs dans les régions supé-
rieures, et de petite culture dans les vallées; les forêts y sont fort
rares, et appartiennent, ^loî"' leur malheur, aux communes... Leur
produit est presque nul, les frais de garde sont au-dessus des res-
sources des localités, et les habitants sont les plus ardents à détruire
ce qu'ils considèrent comme leur propriété collective
On se ferait une idée très incomplète de la viabilité dans les Alpes,
si l'on supposait que le régime des routes n'y est exposé qu'aux élé-
ments de dégradations cominuues aux autres parties du territoire.
Les ingénieurs des Alpes sont toujours sur le pied de guerre : l'hiver
pour déblayer la voie, au printemps pour la rétablir, en été pour la
défendre des torrents. Un vent chaud qui fait brusquement fondre
les neiges, un orage suivi de pluies diluviennes, un troupeau de
chèvres ou de moutons qui fait rouler une grûle de pierres, une
avalanche qui tombe au milieu du chemin, suffisent pour inter-
cepter le passage. La nature abrupte et souvent effrayante du ter-
rain ne permet pas d'éviter les pentes dangereuses , et force les
ingénieurs à suspendre les routes sur des précipices dont la vue
seule occasionne le vertige. Les ouvrages d'art se multiplient à
chaque pas sous forme de ponts, de digues, de chaussées, de tunnels.
Malgré ces efforts continuels, la circulation est très souvent inter-
rompue; et il se passe peu de mois sans que des aventures tra-
giques viennent jeter l'inquiétude et la terreur au sein des po[)ula-
tions. »
A la suite de l'encpiète agricole de tSOli, M. le Conseiller d'Ltat
Cliassaigne-(ioyon, chargé de l'étude de la région du sud-est de la
France, décrit ainsi qu'il suit le département des Basses-Alpes dans
son rapport dressé en 1808 :
« Ce qui frappe tout d'abord, quand on parcourt les parties mon-
tagneuses du département des Hasses-Alpes, c'est l'aspect imposant,
mais triste et désolé, qu'elles présentent. A la place des grandes
forêls ou des riches [jâturages qui, suivant la liadilion locale, les
couvraient autrefois, elles ne montrent plus que des cimes déiuidées,
des pentes arides où quelques broussailles retiennent encore le peu
de terre végétale que les eaux n'ont pas entraînée, et dos ravins
profonds où les torrents ont roulé d'énormes avalanches de roches
et de graviers. Çà et là, et comme perdues au milieu de ces dévas-
tations, on a[terçoil, à des hauteuis ou sur des pentes qui souvent
paraissent inaccessibles, de pauvres habitations, les unes abandon-
nées, les autres, restes misérajjjcs de quelque exploitation plus im-
LES BASSES ET HAUTES-ALPES. 477
povlaiilo (jiio (les (lùiViolionients iiiintclli.^pnts ont voulu accroitrc, et
dont los ébouloiiuMils ont succossivoment empoilL! des hnnhoiiux. De
loin en loin on rencontre (jnelques villages entourés de petits héri-
tages morcelés qu'une population rude au travail et à la fatigue a
péniblement créés, et qu'elle défend plus péniblement encore contre
les orages, les inondations et les autres causes de destruction qui
menacent nos Alpes françaises. Puis, à de longs intervalles, a{)pa-
raissent quelques rares prairies, quelques versants boisés, quelques
plateaux où croissent de bonnes pâtures, et que leur moindre décli-
vité a sauvés de la ruine commune : ce sont les oasis de ces immenses
steppes. Autour d'elles se continue, lente mais incessante, l'œuvre
d'appauvrissement commencée depuis plus d'un siècle, c'est-à-dire
depuis le moment où une législation respectueuse, trop respectueuse
peut-être du droit de propriété,, a permis de morceler et de défri-
cher les bois, les pâturages, qui étaient autrefois la l'ichesse et la
sauvegarde de ces contrées. Chaque année, la couche de terre végé-
tale qui recouvre les hauteurs se déchire et s'amoindrit de plus en
plus; chaque année, le lit de gravier du torrent s'élargit et s'élève
peu à peu en empiétant sur les terrains fertiles des vallées riveraines:
chaque année, quelque pauvre famille voit se restreindre son modeste
patrimoine, et l'on ne doit pas s'étonner que, sans cesse menacée
dans ses moyens d'existence, la population se décourage et qu'elle
émigré pour aller chercher ailleurs un bien-être plus facile et un
travail plus rémunérateur.
« Ce n'est pas. Monsieur le Ministre, un tableau de fantaisie que je
trace et que j'assombris à plaisir; je dis ce que j'ai vu. Nous avons
voulu visiter avec la commission départementale ces pauvres réijions
déshéritées, où tant de besoins nous étaient signalés comme appe-
lant les investigations de l'enquête. Nous avons parcouru par des
chemins impossibles, dont je parlerai dans un instant, toute la ré-
gion montagneuse comprise entre la frontière italienne, Barcelon-
nette. Digne et Castellanne. Nous avons entendu de nombreux dé-
posants nous exposer loyalement leurs peines, leurs travaux, leurs
luttes contre le découragement, et en vous racontant les ijnpressions
qui me sont restées de ces longues excursions dans les Basses-Alpes,
je crois n'être que l'interprète exact et fidèle de la pensée de tous
nos collègues.
« Ce n'est pas d'ailleurs la première fois que celte situation est si-
gnalée à l'attention de l'administration. Elle l'a été en termes bien
plus saisissants à diverses époques, et, pour que Votre Excellence
comprenne jnieux combien il importe que la haute sollicitude du
gouvernement s'en préoccupe, je crois devoir appeler à mon aide
478 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
l'opiiiicHi il(> (iiiolques-uns dos lioniinos (|ui oiiL eu, coniiiin moi, nùs-
sion d(> irludier.
« En 1770, un membre dos Ktuts do l'iovciico, envoyé dans les
Basses-Alpes |h)ui' apprécier le mal causé |)ar de l'éceiiles iiiomla-
lioiis, s'exprimait ainsi :
« Le seul (ispi'ct de ces contrri's est fait pour rffnojv.r tout administrateur
palriotiqne ; on n'ij voit que des montagnes cdupcrs à pic, des rivières
dont le lit est extrêmement large avec fort peu d'eau, des torrents im-
prtuciix gui roulent dans les inondations des rochers d'une grosseur
énorme, après avoir dévasté les terrains cultivables, des coteaux arides,
suites fâcheuses des défrichements que Von a fait sans précaution, des
villages dont les habitants déguerpissent chaque jour, n'y trouvant plus
le moyen d'y subsister, des habitations qui ne sont que chaumières et
des habitants malheureux.
u En 4780, M. Portails, assesseur d'Aix cl procureur du pays,
disait dans l'Assemblée des Communautés de Provence :
« L'étid de la Provence n'est pas assez connu; dans les temps les
plus calmes, notre existence n'est que précaire. Dans la moitié de la
Provence, les campagnes sont sans cesse menacées par les torrents et les
riviéi-es. Il faut se défendre par des digues contre les débordements, et
retenir par artifice un sol penchant toujours prêt éi échapper. Telle est
la position de la Provence, que les biens y sont périssables, l'entretien
onéreux, les récoltes incertaines, les accidents fréquents et périodiques,
et par interv<(lle la dévastation est entière et désolante.
« Je dois faire remarquer qu'à l'époque où ces o]»scrvations étaient
adressées aux États de Provence, le mal était loin d'avoir fait les
mêmes progrès qu'aujourd'hui. Une législation rigoureuse défen-
dait alors, sous les peines les plus sévères, de détruire les bois et jus-
qu'aux simples lironssailles qui croissaient sur le penchant des
montagnes. Les <léfricboments dos terrains en pente étaient aussi
sévèrement prohibés par les arrêtés de règlement du parlement de
la Provence; les pâturages même étaient réglementés, et ces pres-
criptions généralement observées faisaient disparaître en grande
partie les causes des ravages dont on se plaint actuellement. C'est
surtout de 1789 ou plutôt de 1792, c'est-à-dire du moment où l'As-
semblée législative eut proclamé [lour tout propriétaire le droit
d'administrer ses bois et d'en disposer comme bon lui semblerait,
que date la progression rapide de ces mêmes dévastations. Les dé-
fi icliemcnts considérables suivirent presque immédiatement cette
décision, libérale peut-être, mais évidemment contraire à l'intérêt
l)ien entendu des régions montagneuses, et quelques années ne
s'étaient pas écoulées que des correspondances oilicielles écrivaient:
LES BASSES ET HAUTES-ALPES. 479
« Nos montagnes n'offrent plus qu'un tuf pierreux. Les défriche-
ments se multiplient. Plusieurs communes viciDwnt de perdre leurs ré-
coltes, leurs troupeaux et leurs maisons 2)ar des débordements. Deimis
Digne jusqu'à Entrevaux, le penchant des plus belles collines est mis
à nu.
« Suivait la demande de prohiber le délViclioment des inonta/rnes
ayant plus de 35° de pente.
« On retrouve les mêmes observations, soit dans les brochures
assez nombreuses qui ont éti'- publiées sur la Provence, soit dans les
rapports des Inspecteurs des Forêts, des Ingénieurs, des Préfets, et
voici quelques passages d'un rapport que l'un de ces derniers adres-
sait au Gouvernement en t8o3 :
« Il est certain que le sol productif des Alpes diminue chaque jour
avec une effraijante rapidité, emporté qu'il est par le fléau sans cesse
croissant des torrents. Toutes les montagnes des Alpes sont aujourd'hui
dénudées en totalité ou en grande partie. Leur sol brûlé par le soleil,
piétiné par le mouton qui, ne trouvant lilus ù sa surface l'herbe néces-
saire à sa subsistance, gratte la terre pour y rechercher une racine qui
le nourrisse, ce sol est périodiquement lavé, entraîné par la fonte des
neiges et par les orages de l'été, il roule avec les cailloux qui formaient
S071 sous-sol, et même avec des quartiers de roche
La dévastation s'accroit tous les jours Là où il y a
dix ans on voyait encore quelques bois, quelques champs en culture,
il n'y a plus maintenant qu'un vaste torrent, il n'est de montagne qui
n'en possède au moins un, et chaque jour il s'en forme de nouveaux.
« Il est bien évident que, dans ces conditions, la quantité de sol ara-
ble diminue tous les Jours. J'en trouve encore la preuve dans la dépo-
pulation du pays. En 1852, j'ai dû signaler au Conseil Général que,
d'après le dénombrement fait en i8'6i, la population des Basses-Alpes
avait diminué de 5,000 habitants, et les Maires auxquels j'ai demandé
la cause de cette diminution ont été unanimes pour reconnaître qu'elle
provenait de l'émigration des familles de cultivateurs qui ne trouvent
plus aujourd'hui des moyens d'existence, là où leurs pères avaient autre-
fois l'aisance.
« Si des mesures promptes, énergiques, ne sont jms prises, il est
permis de préciser le moment où les Alpes Fraw-aiscs ne seront plus
qu'un désert.... Chaque année aggravera le mal, et dans un demi-siècle
la France comptera des ruines de plus et un département de moins.
« L'état de délabrement et de ruine de notre frontière Alpienne
produit donc la même impression pénible à tous ceux qui la voient.
Tous signalent la nécessité de lutter avec énergie contre les causes
qui l'appauvrissent et la dépeuplent, et l'Administration supérieure,
180 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
je m'empresse de le constater, n'est pas resiée indifférente à ses
souffrances, qui, depuis un demi-siècle, appellent de tous côtés son
active sollicitude... De toutes les mesures qui peuvent être prises
pour arrôler les dévastations que j'ai signalées au commencement
de ce ra[)j)orl, les plus urgentes sont cellos qui auraient pour objet
de lixer le sol des pentes les plus menacées par les torrents et les
orages. Elles n'intéressent pas seulement les montagnes et les val-
lées, elles intéressent aussi la conservation des routes et celle des
cntrepi'ises d'endiguement et d'irrigation. Leur mise à exécution de-
vrait donc cire le point de départ des nombreux travaux que sollicitent
les intérêts et les besoins du département des Basses-Alpes. »
Ces navrantes descriptions des montagnes des Basses et des Hautes-
Alpes ne sont que trop justiliées par les enseignements que fournit
la statistique, tant au point de vue du mouvement de la population
qu'à celui de larépartition des cultures sur la superficie du sol. Nous
les résumons dans les deux tableaux suivants :
LES BASSES ET II AUTES-ALPES.
481
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482 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
De l'examen de ce tableau il résulte :
1» Qu'il se trouve un arrondissement, celui de Barcelonnette, où
la densité moyenne de la population (nombi-e d'habitants par kilo-
mètre carré) descend au clullVo de 13, 23; et un département (celui
des Rasses-AIpes) où elle n'atteint que t9, 1)6, alors que celle de la
France entière est de 71 !
2° Que la dépopulation se manifeste dans ces deux départements
alpestres avec d'autant plus d'énergie que la région est plus monta-
gneuse et plus ravagée par les torrents : c'est ainsi que, dans les
Basses-Alpes, la dépopulation atteint le taux de 19, ii p. 0/0 et de
18,8 p. 0/0 dans les arrondissements de Barcelonnette et de Castel-
lanne, tandis qu'elle se réduit à 7 p. 0/0 dans celui de Forcalquier,
beaucoup moins montagneux.
11 en est de môme dans les Hautes-Alpes, où l'arrondissement
d'Embrun présente le taux le plus élevé.
3° Que depuis 1861, année où l'on a commencé les grands tra-
vaux de reboisement, l'intensité de la dépopulation a considérable-
ment diminué d'importance. On constate en etïet que de 1846 à 1861,
la dépopulation dans l'ensemble des deux départements se chiffre
par une perte de 19,791 habitants en lo ans, tandis que de 1861 à
1876, période de durée égale, pendant laquelle les travaux de reboi-
sement se sont largement développés, elle se réduit à une perte
de 14,190 habitants, soit une différence en moins de 5,601 en faveur
de cette dernière période. Ce fait dément victorieusement les allé-
gations de certains détracteurs du reboisement et démontre que
l'on peut cri-cj' des forêts dans ces régions sans y créer en même tem\is
la solitude.
LES BASSES ET II AUTES- ALPES.
183
État superficiel du sol nu point de vue de la production.
La superficie des deux départements se décompose ainsi qu'il
suit :
Arides ....
BASSKS
ALPKS.
UAUÏES-ALrKS.
KNSEMBLE.
108,366»
15.0 0/0)
51..19(<'' (9.2 0/Oj
159,564'' (12.6 0/0)
Contenances
Rivières, tor-
non
rents, lacs.
imposables.
routes, che-
^ mins, etc. .
•29.261
(4.2 0/0)
18,718 (3.4 0/0)
47.979 (3.8 0/0)
Cultures di-
verses
(champs,
près, vignes
etc.), pro-
Contenances
priétés, bâ-
imposables.
ties, etc . .
1.57,513
(22.9 0/0)
125,007 (22.6 0/0)
282,520 (22.8 0/0)
Bois
123,108
(17.7 0/0)
94,041 (17.0 0/0)
217.149 (17.4 0/0)
Vagues et pà-
236 793
(34.0 0/0)
234,461 (42.3 0/0)
471,254 (37.7 0/0)
M 0 n t a g n es
pastorales.
40,016
(5.7 0/0)
30,000 (5.5 0/0)
70,016 (5.7 0/0)
695,057
553.425
1,248,182
Aux données contenues dans ces deux tableaux, il convient d'ajou-
ter que les altitudes extrêmes varient de 2o0 mètres à 4,. 300 mètres.
D'après la stati?li({ue agricole de 1878, les terres cultivables en
France, comprenant les labours, les vignes, les prairies naturelles et
les vergers, occupent 62p. 0/0 de la superficie totale du territoire;
ici ces mêmes cultures se réduisent à 22,8 p. 0/0.
Les terrains non imposables ne dépassent pas en France 7 p. 0/0
du territoire, et dans les deux départements dont il s'agit, ils s'élèvent
à 16,40 p. 00.
On comprend dès lors le triste portrait de cette malheureuse ré-
gion tracé plus haut.
484 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
NOTE H
(Citée à la Page 373.)
Monographie du Périmètre de Faucon, Vallée de Barcelonnette
(Basses- Alpes).
La plus grande partie du périmètre de Faucon est située sur le
territoire de la commune de ce nom (Voir le plan, fig. lOo).
Il comprend les bassins de réception des deux grands torrents de
Faucon et du Bourg-et, et de deux ravins, Buriune et la Marquise.
Tous ces cours d'eau sont tributaires de ri'baye.
La montagne dans le liane de laquelle sont creusés ces torrents
appartient à la grande cbaîne de faîte qui sépare les deux vallées de
rUbaye et de la Durance. Les crêtes rocheuses qui en forment le
sommet ont une altitude moyenne de 2,800 mètres, et certains
points culminants s'élèvent jusqu'à 3,000 mètres, tandis que le pied
de la montagne s'abaisse dans la vallée à 1,200 mètres environ.
Les torrents de Faucon et du Bourget sont séparés par une
croupe dont la direction générale, parallèle au lit des deux tor-
rents, est sensUilement normale à la ligne de faite et au cours de
l'Ubaye. Les pentes sont très rapides, surtout dans les parties supé-
rieures.
Les sommets de la montagne sont partout occupés par des schistes
tertiaires appartenant à l'étage éocène et connus des géologues sous
le nom de /?ys/t. Au-dessous de l'altitude de 1,*J00 mètres, limite in-
férieure du tlysh, se rencontre une ligne non interrompue de cal-
caires durs et compacts, dont la place géologique est encore
inoonnue, et qui sépare ici les terrains tertiaires des marnes noires
secondaires {marnes calloviennes). Ces marnes descendent jusqu'à la
Fii»'. 105. — PÉRIMÈTRE de FAUCON près Barcelonneite (Basses-Alpes)
(Voir pages 48i et suivantes)
Couteiuuice : 872", ^O", 23«.
Equidistance dos courbes : 21)"'.
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 585
vallée et sont recouvertes, sur certains points, par un diluviuin, tan-
dis qu'ailleurs elles sont coniplrtcment mises à nu. L'exposition
générale de ces terrains est le sud.
Le torrent du Bourget est un torrent du 2'= genre (Suroll) bien
caractérisé; il part d'un faîte situé à une altitude de 2,937 mètres,
pour tomber dans l'Ubayc à une altitude de 1,174 mètres, ce qui
implique entre ces deux points extrêmes une différence de niveau
de 1,763 mètres; la longueur totale de son cours étant de o, 134 mètres,
la pente uniforme idéale qui partirait de son origine pour aboutir à
rUbaye serait donc de 34 p. 0/0 {de Gayffier, pi. 44).
Mais il est loin d'en être ainsi ; on peut distinguer trois sections
bien tranchées dans le profil en long. La courbe qu'il détermine, en
remontant de l'aval vers l'amont, est d'abord aplatie, légèrement
concave vers le ciel et présente des pentes variant de 0",07 à
0^,\[ par mètre, le tout sur une longueur totale de 1,220'", 80. Cette
première section représente le profil du cône de déjections dont le
sommet se trouve à une altitude de 1,282"°, 73, soit à llo'",20 au-
dessus du fond de la vallée, et dont la pente moyenne est de 0™,09
environ par mètre.
Puis commence le canal d'écoulement se développant sur une
longueur de 1,764 mètres et présentant des pentes plus relevées,
entremêlées de cascades. La différence de niveau d'une extrémité à
l'autre dans cette section est de 475", 14, ce qui donne une pente
moyenne de 26 p. 0/0 environ. C'est de là que provenaient ces laves
souvent formidables, dues aux éboulements des berges et aux glis-
sements que leur départ occasionnait sur les versants immédiats
composés exclusivement de marnes calloviennes à couches fortement
redressées.
La troisième section enfin comprend la partie qui forme le thal-
weg du bassin de réception dont la surface totale ne dépasse pas
300 hectares. La longueur de cette section est de 2,1 oO mètres pour
une différence de niveau de 1,I72'",11, qui détermine une pente
moyenne de 0",o4 par mètre. Le fond du lit ainsi que les berges
sont en roche dure appartenant à l'étage du flysh et formant une
série de cascades successives. Le torrent y est presque partout inof-
fensif au point de vue des laves, et n'entraîne que les débris des
roches supérieures, qui se délitent sous l'action des agents atmo-
sphéri({ucs.
Les deux principaux affluents du torrent du Bourget sont les ra-
vins de Rata et de Chasse-Lièvre, qui tombent tous les deux sur la
rive droite. Profondément entaillés dans les terres noires et les ter-
rains de diluvium, ils sont souvent dangereux et peuvent être consi-
48G REBOISEMENT DES MONTAGNES.
dérés comme de véritables torrents, l/un d'eux, le Rula, fournit un
exemple frappant de l'extrême rapidité avec laquelle se forment ces
ravins. J)cs vieillards se rappellent l'avoir sauté à pieds joints, en
des points où ses berges mesurent aujourd'hui au moins 30 mètres
de hauteur et 80 mètres d'ouverture [de Gayffier, pi. 21).
Le torrent du Bourget reçoit en outre dans la région supérieure
un grand nombre de ravins de moindre importance. Quelques-uns
traversent les marnes noires, mais le plus grand nombre coulent dans
le tlysh, et sont par suite assez peu dangereux.
Le deuxième grand torrent (|uc l'on rencontre dans le périmètre
est celui de Faucon.
Les terrains supérieurs, situés entre 2,984 et 1,900 mètres d'alti-
tude, sont formés de schistes tantôt dénudés, tantôt recouverts d'une
mince couche de terre presque entièrement dépourvue de végétation
ligneuse et même herbacée.
Dans toute cette partie du torrent, les ravins sont peu profonds et
les glissements fort rares. Le seul obstacle que rencontre la végéta-
tion ligneuse consiste dans les avalanches de neige qui s'y produisent
régulièrement chaque année.
Plus bas, le torrent devient beaucoup plus redoutable. Il passe au
milieu de terres marneuses noires et de terrains de transports sans
consistance, formés de matériaux de toutes grosseurs. Les berges
vives, qui, sur certains points, atteignent une hauteur de plus de
80 mètres, sont complètement dénudées et déchirées par de nom-
breux ravins secondaires. Dans toutes ces parties, oîi la pente varie
de 20 à 40 p. 0/0, le torrent ailbuille son lit à chaque orage et dé-
termine alors d'immenses glissements qui se répercutent à droite
et à gauche sur une longueur de plus d'un kilomètre. C'est cette
partie du torrent qui fournit les principaux ni;ilri'iaux des grandes
laves.
Le cône de déjections vient ensuite. (Test un vaste triangle de
i80 hectares environ de superficie sur lequel sont bâtis le, village de
Faucon et le hameau du Chastelarel. 60 hectares se trouvent à l'état
de graviers incultes ; le reste forme la meilleure partie du territoire
cultivable de la commune, mais tend sans cesse à diminuer, car
cha(juo orage en détruit quelque parcelle.
Le torrent de Faucon reroit [ilusieurs aflluents et entie autres le
ravin de Champerousse, qui ('(uitribuc pom- une large parla l'apport
des matériaux dans la vallée; les ravins de la Marquise et de
Buriane, représentant de grandes déchirures dans des terres noires
comj)lètemenl dénudées et à pentes très raidcs, et enfin ceux de
Ville-Vieille et de Pis.se-Vin.
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 487
Le torrent de Faucon est une menace permanente pour le village
de ce nom, qui, ])ilU sur le vorsanl ouest du cône primitif, n'est dé-
fendu que par une digue complrlcmcnt insuflisante. Celui du Bour-
get n'était pas moins redoutable pour le hameau du même nom.
Les terres cultivées qui couvrent le fond de la vallée représentent
une valeur de [dus d'un million de francs. Elles se trouvaient com-
promises par les progrès du tléau, qui s'aggravaient tous les jours.
A chaque orage, des parcelles de ces riches terrains étaient ou
entraînées ou englouties sous les déjections.
Dans la région moyenne de la montagne, les hameaux de Saint-
Flavy, de Bouzoulières, des Granges et des Maisonnettes étaient de
plus en plus menacés, et les cultures qui les entourent, entraînées
par les éboulements, diminuaient à chaque orage.
La route nationale n° tOO, de Montpellier à Coni, qui, sur un par-
cours de 3 kilomètres environ, traverse les cônes de déjections de
ces torrents et de ces ravins, était fréquemment coupée ou enseve-
lie sous les décombres; la circulation y devenait ou impossible ou
fort périlleuse {de Guy f fier, pi, 4o).
Enfin les apports que ces torrents entraînaient vei's l'Ubaye ten-
daient de plus en plus à exhausser le lit de cette rivière et à com-
promettre ainsi l'existence même de la ville de Barcelonnette, qui
est située de beaucoup en contre-bas des digues destinées à la
protéger.
La création d'un périmètre d'utilité publique s'imposait donc ici
comme une nécessité urgente, car à un état de dégradation toujours
croissant des bassins de réception, se réunissaient les conditions de
sol, de climat, de pente et d'exposition les plus défavorables et pré-
sentant les dangers les plus imminents.
Étudié en 1861, dès le début de l'exécution de la loi du 28 juillet
1860, ce périmètre fut décrété le 2o mars 1863, sur une contenance
de 706 hectares, en vue du reboisement intégral sur toutes ses par-
ties où la végétation forestière pourrait être introduite. Le projet de
périmètre ne rencontra pas une opposition bien vive lorsqu'il subit
les premières phases de l'instruction; le conseil municipal ne l'efusa
pas son adhésion, mais se contenta d'émettre des doutes sur le suc-
cès de l'entreprise.
Les deux premières années furent employées au bornage, à des
semis de fourragères, à la construction de petits barrages en pierre
sèche et au reboisement de 7 hectares dans la partie basse.
Mais, dès 1864, l'œuvre se trouva entravée et presque compro-
mise. A cette époque, la foi dans le succès du reboisement ne laissait
pas d'être quelque peu ébranlée, à la suite de tentatives peu favora-
REBOISEMENT DES MONTAGNES.
blés opérées dans un espace de temps bien court cependant et dans
les conditions les moins concluantes, puisque, à ce moment où tout
était nouveau, on ne possédait aucune donnée d'expériences, et on
n'avait aucune tradition établie sur laquelle on pût s'appuyer sTire-
ment. On aurait voulu des résultats prompts, immédiats. Devant les
exigences du temps et de la végétation on perdit trop tôt paLienre,
et on se rejeta avec trop d'entrain dans l'application de la nouvelle
loi qui venait de paraître, la loi du 8 juin ISOi-, sur le gazonnement
des montagnes.
Dans de semblables conditions, le périmètre de Faucon ne pou-
vait écbapper à une révision. Un arrêté du li) octobre 1804 prescri-
vit la substitution du gazonnement au reboisement sur G8 bectares
pris sur les 706 que contenait le périmètre d'après le décret décla-
ratif d'utilité publique. Mais on ne s'arrêta pas là : en décembre
180(1, de nouvelles propositions furent faites en vue d'augmenter de
o8i bcclares la zone à gazonncr, ce (]ui aurait réduit à o4 hecUires
la surface à reboiser.
Ces proi)ositions, présentées au conseil municipal de Faucon en
1867 et 1868, ne furent pas acceptées, non que cette assemblée vou-
lût, en s'y opposant, manifester la moindre sympathie pour le
reboisement antérieurement décrété, mais l)ien parce qu'elle parta- ■
geait l'espoir, nourri par quelques meneurs d'alors, (qu'elle obtien-
drait la distraction de ces terrains du régime forestier et l'annulation
du décret d'utilité publique.
On peut se féliciter aujourd'hui, à fous égards, que l'erreur dans
laquelle a persisté ainsi le conseil municipal de Faucon ait sauve-
gardé ces a84 hectares de l'application do la loi sur le gazonnement,
et les ait ainsi conservés au reboisement.
Ce premier périmètre renfermait la majeure partie des bassins de
réception des torrents de Faucon, du lîourget, de Buriane et de la
.Marquise, et ne comprenait que des terrains exclusivement com-
munaux.
Quelques années après, en 1800, on put se convaincie que la
source principale des déjections du torrent du Bourgct n'était pas
comprise dans le périmètre, et on étudia un projet annexe qui fut
décrété le 10 août 1808, sous le nom de périmètre du Bourgel, et
renfermait 28 hectares 26 ares 30 centiares, tous communaux
encore.
A ces différentes époques, on était encoi'c au début de travaux
entièrement nouveaux pour tous; on tenait à ne donnei' aucun pré-
texte de mécontentement à l'opinion publique locale : on s'abstint
donc, de parti pris, d'appliquer la loi aux jiropriétés particulières
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 489
riveraines des torrents, et l'on crut également devoir laisser en
dehors du périniMre certaines parcelles communales occupant des
berges cependant Ir^s dangereuses.
En 1872, les conditions étaient tout autres; rexpérience de dix ans
de travaux, jointe à l'étude approfondie des torrents et des moyens
de les éteindre, indiquait sutïlsamment ce qu'il restait à faire pour
arriver au but qu'on se proposait, et on était fixé sur l'efficacité
des méthodes à employer. On présenta dès lors un projet définitif
qui comprenait toutes les parcelles omises antérieurement, fut l'objet
d'un décret déclaratif d'utilité publique rendu le 28 juin 1874, et
renferma une étendue totale de 872 hectares, dont 780 appartenant
aux communes de Faucon et de Barcelonnette, et 86 à divers par-
ticuliers.
Les six premières années qui suivirent le premier décret (de 1863
à 1808) ne furent donc employées surtout qu'à des travaux de
gazonuement et de petits barrages, et le reboisement ne porta que
sur une ndnime surface de 10 hectares, car on espérait toujours
l'acquiescement du conseil municipal, et le reboisement restait en
suspens.
Les résultats de ces premiers travaux consistèrent dans la création
d'une végétation herbacée, sur une surface de 4o0 hectares environ,
et le reboisement de 10 hectares en pins noir et sylvestre.
En 1868, cette végétation herbacée était aussi complète qu'on
pouvait le désirer. Le 17 juillet, un violent orage éclate sur ce péri-
mètre et les petits barrages en pierre sèche, comme ceux en char-
pente, disparaissent, emportés par des laves, avec une rapidité que
le gazonuement créé sur les versants et une mise en défends de près
de sept années étaient loin de laisser pressentir à ceux qui avaient
désespéré du reboisement.
Ce désastre, commun à tous les périmètres de la même région
dans lesquels on avait abandonné le reboisement dès la loi du
8 juin 1864 pour lui substituer le gazonuement, démontra surabon-
damment l'insuffisance de ce mode de régénération des montagnes
alpestres ; et, par la force des choses, on revint aux travaux dont
l'ensemble exécuté avec méthode peut seul assurer l'extinction des
torrents, tant par la fixation du sol que par la retenue, le ralentis-
sement et la division des eaux provenant soit des grands orages du
climat sec, soit de la fonte subite des neiges.
Par suite du retard apporté à l'exécution du reboisement, il était
indispensable de hâter les nouveaux travaux et de ne pas les dissé-
miner sur toute la surface du périmètre; on choisit donc, dès 1869,
pour objectif le torrent du Bourget, avec l'intention bien arrêtée
i90 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
d'y terminer tons les travaux avant do pjisser au torrent voisin.
F^c bassin de réceptwn du torrent du Bourget présente une super-
ficie de 3C0 hectares environ ; dans la partie supérieure, d'une con-
tenance approximative de 80 liectares, formée par une bande de
rochers dont la ])ase se trouve h une altitude de 2,500 mcHres, on a
semé du pin cemliro pai-lout où les intervalles des roches ont per-
mis d'ouvrir do petits trous entre lesquels des semis très drus de
graines fourragères ont été exécutés. Cette altitude convient très
bien à ce précieux résineux, (ju'il im])orte au plus haut degré de
conserver et do propager.
A partir de la base des rochers, on a tracé, sur toute l'étendue de
l'immense entonnoir formé par le bassin de réception, des lignes
parallèles en travers de la pente, et espacées de 2 mètres environ.
Sur les directions de ces lignes on a cultivé des bandes dites brisées
d'une longueur de 6 mètres, bien horizontales sur cette faible lon-
gueur, et espacées entre elles do .3 mètres, mais alternant d'une
ligne à l'autre, de manière que l'inférieure fermât bien le vide laissé
par deux bandes supéi'ieures.
La déclivité des versants étant partout excessive, les bandes n'ont
reçu qu'une largeur de 0™,50 au maximum; on les a défoncées
à 0™,40 de profondeur, et leur partie inférieure a été relevée par
un talus, soit en pierres, soit en gazon, de façon à donner ;\ la sur-
face cultivée une pente inverse à celle du versant. Partout où les
lignes rencontraient des ravines ou la moindre rigole d'écoulement
des eaux, on a construit une série de barrages rustiques, destinés à
retenir tous les matériaux amenés dans les différents thalwegs ainsi
qu'à ralentir le cours des eaux.
De sorte que, dès 1870, une bonne partie de la région supérieure
du bassin de réception s'est trouvée recouverte d'ime vaste arma-
turc appelée à produire, dès le début, une partie de l'elfet méca-
nique attendu de la végétation ultérieure, en divisant et en ralen-
tissant l'écoulement des eaux pluviales.
En même temps on commençait les travaux à la région inférieure,
composée entièrement de marnes noires. Ces travaux consistaient
en fascinages solides et nombreux dans les ravines et en plan-
tations de feuillus et de pins, ainsi qu'en semis de graines four-
ragères.
Au printemps de 1870, on exécuta le semis de toutes les bandes
ainsi préparées : dans les parties inférieures situées à 1,600 mètres
environ, on employa le pin noir pur; ;"i 1,800 mètres, le [)in noir
mélangé au pin ci crochets dans les expositions sud et ouest, et le
|iin noir nirlé à l'épicéa et au mélèze dans les expositions est;
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 491
enfin, de 2,000 mètres à la hase des rochers supérieurs, on ne sema
que du méh'ze jtur.
En même temps on eut soin de répandre sur les l)and(!s des grai-
nes fourragères destinées à fournir une végétation herhaeée qui
protégerait les jeunes semis contre le soulèvement, très dangereux
dans ces calcaires à semhlahle exposition , aussi hien que contre la
persistance et l'excès de la sécheresse dans la saison chaude.
Concurremment avec ce travail, les parties nues des herges des
ravins supérieurs furent plantées en feuillus tels que cytises des
Alpes, pruniers de Rriançon, sorhiers des oiseleurs, etc.
Ces travaux ont donné de très hons résultats. Les plants se sont
bien développés sur les bandes et, comme sur beaucoup de points
ils étaient surabondants, on en a employé une partie à garnir les
vides concurremment avec les jeunes plants fournis par des pépi-
nières volantes.
Dans les années suivantes, on a fait des semis à demeure de mé-
lèze et d'épicéa dans les parties les mieux gazonnées, au moyen de
petits trous faits à la pioche au milieu des gazons situés en dehors
de la région des bandes. On a regarni les anciens semis de pin
cembro avec des plantations de cette essence; et l'on a achevé le
traitement des ravins à l'aide de barrages rustiques.
C'est ainsi qu'aujourd'hui tous les travaux sont terminés dans le
bassin de réception du Bourget. Les terrains sont tous fixés et, sauf
quelques regarnissages que l'on ne peut pas éviter quand on fait
des reboisements à pareilles altitudes et sur des sols de cette qua-
lité, il ne reste plus maintenant qu'à attendre que la forêt se déve-
loppant produise son plein effet sur le régime du torrent.
En 1870, dès le début des travaux on avait eu soin d'établir des
pépinières volantes de résineux sur les points avantageux des bas-
sins de réception, on avait ouvert des chemins muletiers pour rendre
facile l'accès de toutes les parties du périmètre et l'on avait établi
à 2,300 mètres d'altitude un vaste baraquement destiné à loger les
ouvriers.
Tandis que dans le haut on travaillait à créer la forêt on se pré-
parait à entreprendre les travaux de correction dans les régions
inférieures où ils étaient exclusivement nécessaires.
En 1870, on commença par la construction d'un grand barrage
en maçonnerie de pierre sèche au point culminant de la section à
corriger. Ce barrage fut destiné à, retenir sur son vaste atterrisse-
ment les gros blocs qui, sans son intervention, n'auraient pas man-
qué de descendre ot de compromettre la sécurité des ouvrages à
établir ultérieurement dans la région inférieure.
492 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
On entreprit en même temps l'élude du syst(^mc de correction à
adopter. A cet cllet on procéda aux levés du plan, du profil en long
et des profils en travers de la section, et la représentation graphi-
que qu'on en obtint permit de combiner le nombre, les dimensions
et les emplacements des dili'érents ouvrages à construire. On put
dès lors établir un système raisonné, coordonné et surtout écono-
mique, car rien ne fut livré au hasard ou à la simple appréciation.
Ces études, qui durèrent plus de deux ans, fournirent en outre
l'avantage précieux de pouvoir donner la construction de tous les ou-
vrages à l'entreprise par adjudications publiques, mode d'exécution qui
aida singulièriMUont àla célérité et à la bonne confection des travaux.
En 1872 on débuta par la construction d'un premier barrage en
maçonnerie de mortier hydraulique, qui fut entrepris dans les meil-
leures conditions d'emplacement et de bonne exécution.
Ce barrage, appelé à servir de base au système qu'imposait l'ex-
tinction du torrent du Bourget, est l'ouvrage le plus important
qu'on ait fait encore dans les Basses-Alpes.
Ses dimensions sont les suivantes :
Longueur au couronnement, 30 mètres:
Épaisseur au couronnement, 2™,80;
Hauteur au-dessus du lit actuel, 7 mètres;
Hauteur, y compris les fondations, H™,3o.
Le parement d'amont est rectiligne et vertical;
Celui d'aval est ciiculaire, avec un fruit de 20 p. 0/0.
La llèche du couronnement est de 2 mètres pour une corde de
20 mètres, soit de 1/1 0«;
Celle de la courbure du parement d'aval, 0°',97.
Un aqueduc de 1 mètre de largeur sur l"',i)0 de hauteur a été
ménagé au niveau du lit.
Le parement d'aval est tout entier en gros moellons piqués, le
couronnement en pierre de taille, et toute la maçonnerie est faite
avec du mortier hydraulique.
Le cube de la maçonnerie se compose de :
Maçonnerie ordinaire 548 m. c. 710
— de moellons piqiK's lî)! — 740
— de pierre de taille 43 — 860
Cube total 781 m. c. 280
L'ouvrage a coûté l."?,G07 fr.28 pour le prix de l'entreprise ;
1 ,703 fr. 27 de travaux en régie.
Soit en tout . . I."),i90 fr. ."jj
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 403
Les observations et les études nouvelles opén'-es pendant la con-
struction de cet ouvrage entrainùrent certaines modifications, soit
dans la forme, soit dans la maçonnerie, appelées à fournir une
importante économie dans les travaux ultérieurs. C'est ainsi que,
d'une part, on passa du parement amont rectiligne à un parement
amont circulaire déterminant une forme annulaire à toute section
horizontale et économisant une maçonnerie parfois inutile dans les
ailes; et que, d'autre part, on substitua à la maçonnerie de mortier
hydraulique pour tout l'ouvrage, la maçonnerie que l'on a désignée
sous le nom de mixte, qui apporta dans les constructions une éco-
nomie des plus importantes.
Pendant les années suivantes on continua, sans désemparer, l'exé-
cution du système adopté, qui fut entièrement terminé en 1875.
L'ensemble des travaux compi'end :
20 barrages dans le torrent de Bourget proprement dit ;
3 — dans le ravin de Rata affluent de ce torrent.
Ces différents ouvrages sont destinés à l'elever, élargir et fixer le
lit du torrent, à modifier ses pentes et à consolider les berges en
les soustrayant aux érosions.
Le type adopté pour chacun d'eux a varié suivant les circonstances.
Dans les emplacements où les berges pouvaient subir des mouve-
ments ou des dislocations, on a substitué aux parements circulaires
des parements de forme rectiligne; ailleurs, pour un barrage établi
dans des terres de médiocre résistance, on a construit un radier
maçonné, relevé sur les côtés par deux murs en aile destinés à pro-
téger les berges; le plus souvent on a donné la préférence à la ma-
çonnerie mixte.
Le tableau ci-après donne la nomenclature des vingt-trois grands
barrages que la correction du torrent du Bourget a réclamés :
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REBOISEMENT DES MONTAGNES.
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MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 495
De ce tableau il résulte donc que les vinfrt-trois ouvrages se dé-
composent ainsi quant au genre de maçonnorie adopté :
Cube ensemble. ,, ^."^ 4« ^ ^'"'^ '""yen
1 entreprise, du mètre cube.
(Maçonnerie de mor- '\
lier avec parement f
'^ \ , ,, ■ > i,lGOmèt. c. 24,508 fr. 21 fr 12
" aval en moellons pi- | ' ) « • -i u.i-
ques. '
ITout l'ouvrage en )
maçonnerie de mor- ■ 899 — 18,267 fr. 20 fr. 33
tier. )
15 En maçonnerie mixte. ;!,027 — 45,885 fr. i5fr. 16
( Maçonnerie de pier- )
I îre'sèche. j JO^ - ^,000 fr. 11 fr.»
Totaux égaux : 5,386 mèt.c. 01.6GU fr.
Ces prix du mètre cube moyen (1) démontrent tout l'avantage de
la maçonnerie mixte, qui joint à l'économie de la maçonnerie en
pierre sécbe, la solidité et les conditions de dufée de la maçon-
nerie de mortier, ainsi que l'expérience l'a surabondamment dé-
montré.
Les prix portés aux bordereaux des entrepreneui's ont été les
suivants :
Prix m o J'en.
Le mètre cube de maçonnerie de pierre de taille. . . . 49 fr. 00
— — de moellons piqués . . . 35 00
— — ordinaire 16 00
— — pierre sèche 6 50
— — de déblais de ferre et pier-
raille 0 50
— — de déblai de roc à la mine. 2 50
— — de transport à 25 mètres
en brouette 0 50
Le mètre carré de taille pour le parement et le couron-
nement du barrage n" 20 4 00
Tous ces ouvrages se sont successivement atterris, les premiers
très rapidement, les derniers bien plus lentement, par suite des tra-
vaux opérés dans la région supérieure, qui faisaient déjà sentir leur
bon effet.
II restait à conserver aux atterrissements ainsi obtenus tout l'effet
de leur puissante épaisseur et de leur fortes pentes, et pour cela
prévenir les affouillements longitudinaux et latéraux, ralentir la
(1) Voir la note K, page 504.
406 l'.KHOISEMKNT DKS MONTAGNES.
vitesse du courant, et le maintenir dans le nouveau lit qu'on voulait
lui assigner.
Dans ce but, on construisit sur chaque atterrissement deux clayon-
nages longitudinaux parallr-les, destinés à encaisser le lit définitif
du torrent, puis on établit une série do clayonnages transversaux,
présentant un couronnement concave vers le ciel , d'une hauteur
variant de 35 à oO centimètres, et échelonnés de manière que leurs
arêtes médianes vinssent toutes affleurer la ligne de pente régu-
lière de l'atterrissement. On créa ainsi une série de paliers encais-
sés et stables, qui satisfont aux conditions assignées plus haut.
La distance entre les clayonnages longitudinaux varie de 9 à
10 mètres; celle des clayonnages transversaux est uniformément
de 3 mètres.
On procéda ensuite au talutage des berges et à leur plantation
immédiate en essences résineuses ou feuillues, suivant les cas.
En même temps qu'on exécutait ces grands travaux dans le fond
du torrent, on activait la correction des ravins dans les terres noires
au moyen de fascinages et de clayonnages de l""" et de 2" ordre.
C'est dans ces travaux qu'on employa pour la première fois les
clayonnages de l'oi'dro à longrine encastrée. Les atterrissements de
ces ouvrages aussitôt formés étaient plantés sur leurs bords au pied
des berges, et pavés en leur milieu pour rendre le nouveau lit inaf-
fouillable.
Dans les torrents de terres noires on exécuta do nombreux cor-
dons de l)0uture de saules et de feuillus divers. Disposés en lignes
horizontales, espacés verticalement de 2 à 3 mètres suivant les cas, ces
cordons ne tardèrent pas à constituer une série de haies à l'abri
desquelles il devint possible d'introduire les essences résineuses à
titre définitif.
Enfin, dans le but de supprimer une série de glissements qui
s'étaient manifestés sur les deux berges du torrent, à la suite des
neiges abondantes de l'année 1877, on a eu recours à des drai-
nages, peu profonds mais très ramifiés, qui, dès la première année,
ont capté toutes les eaux d'infiltration et les ont amenées dans
les collecteurs pavés à ciel ouvert, où elles continuent à descendre,
après chaque hiver, de la façon la plus inoll'ensive, tout mouve-
ment du sol ayant été arrêté net dès le fonctionnement des drains.
Afin de bien constater l'elfet des travaux de correction de tous
genres sur la stabilité des versants du Im ivnl du Hourgct, on avait
eu soin, dès 1872, de lever avec le plus grand soin une série de
grands profils en travers coupant tous les terrains en mouvement
et aboutissant, vers chacune de leurs extrémités, à des couches ro-
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCdX. 4!t7
cheuses stables sur lesquelles on a placé des bornes numérotée?
fournissant ainsi des repères fixes. Chaque année on a relevé les
profils en travers passant par ces différents points, ainsi déterminés
d'une façon certaine, et l'on a constaté que les mouvements du sol
devenus d'abord de plus en plus rares et moins importants d'année
en année, ont fini par cesser totalement et que partout la stabilité
la plus complète est désormais assurée.
Tels sont les différents travaux exécutés dans le bassin du torrent
du Boui'get.
Dans le torrent de Faucon ce n'est qu'en 1875 qu'on a commencé ,
les travaux. On a débuté par l'exécution du reboisement intégral
du bassin de réception partout où le terrain s'est trouvé stable et
l'on n'a réservé, pour être repeuplées ultérieurement, que les berges
vives du torrent où des travaux de correction devaient préalable-
ment apporter au sol une stabilité qui lui faisait totalement
défaut.
Au lieu de procéder, comme dans le bassin du Bourget, par
une série de bandes brisées, on a eu recours à des semis et à
des plantations à la pioche, sans aucune préparation préalable du
sol. Les semis ont été confinés exclusivement dans les rares en-
droits encore gazonnés, ainsi que dans les interstices des rochers
de la région supérieure, on n'y a employé que le pin cembro
et le mélèze. Dans tout le reste du bassin on a procédé par plan-
tations de pin cembro, de mélèzes, d'épicéa, de pins à crochets
et de pin noir, toutes essences que les pépinières volantes établies
antérieurement ont fournies à mesure des besoins. Aussi l'opération
a-t-elle été menée très rapidement et surtout fort économiquement.
Les résultats ont dépassé les espérances et l'on n'a pas tardé h
devenir maître de la majeure partie du grand bassin de réception,
d'autant plus qu'en même temps on procédait à la correction des
ravins par la construction d'un système complet de barrages rus-
tiques en pierre sèche.
Aussitôt ces divers travaux terminés on a entamé les travaux dans
le lit du torrent, en procédant de l'amont vers l'aval.
On a débuté par la construction, à des altitudes variant de 2,300
à 2,o00 mètres, de trois grands barrages de 7'etenue,cn pierre sèche,
susceptibles d'être exhaussés dans l'avenir et appelés à conserver à
leur amont tous les débris provenant du délitement des roches qui
occupent la partie supérieure du vaste entonnoir formant le bassin
de réception.
On a procédé ensuite à l'exécution successive des barrages de
correction.
32
498
RKIiOISEMENT DES MONTAGNES.
Les premiers, situés aux plus gi'andes altitudes, ont été con-
struits, au nombre de six, en pierre sùche à cause de la difficulté
d'amener la chaux à pied d'œuvre. Cinq autres barrages, échelonnés
à l'aval des premiers, ont clé construits en maçonnerie mixte, et il
reste encore, pour terminer les travaux de correction, <i exécuter six
autres ouvrages analogues, puis à traiter ensuite les berges et les
atterrissements.
Enfin, la correction des combes de la Marquise etBuriane, creusées
dans les marnes noires, et sillonnées par d'innombrables ravins, a
été entreprise depuis quelques années et se trouve à moitié ter-
minée.
L'ensemble des travaux exécutés jusqu'au 1" janvier 1881 dans
le périmètre de Faucon a entraîné une dépense totale de oi8,4l7 fr.
qui se répartit ainsi qu'il suit :
Quantit('s. Dispenses. Prix de revient moyen.
1" TrWAUX du REIiOlSEMENT 100,368 fV.
Semis, iilantations, en-
lierbeiiicnt, pépiniè-
res et Itiiissonueiuent T.'ilhect. 1G0,3G8 fr. 212 tV. par hectare.
2° Travaux dk corkecïihn 315,1.")6
Grands barrages en
maçonnerie 37 hect. 181,937 i'r. 4.998 IV. par barrage.
Entretien de ces bar-
rages » 2,507 >•
Clayonnages longitu-
dinaux et transver-
saux (enrochements
et pavage du lit com-
pris) 2.011 met. 1.'>.3I2 7 fr. GO le m. courant.
Talutage des berges, >■ 0,161 »
Drainages 2,521 5,163 2fr.05 —
Barrages rustiques eu
pierre sèche. . . . 579 33,787 58 40 l'un.
Fascinages do 1»' et
de 2« ordre 2,107 33,109 13 7."> l'un.
Clayonnages de lor et
de 20 ordre 1.211 32,147 25 80 lun.
3' Travaux divkrs 72,593
Chemins et sentiers
(entretien compris). 42.028 met. 25,286 0 fr. GO le métro.
Barrièros 2,950 2.0,S2 0 70 le niotre.
BarîifpK's 0 5,100 900 fr. l'une.
Frais divers (campe-
ment, études, trans-
ports, matériel, etc.). •■ .39,825 >•
548,417 fr. 548,417 fr.
(le tableau foiunit de très utiles renseignements.
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 490
Tandis, en elFet, que les travaux de reboisement proprement dits
ne figurent dans la dépense totale qu'au taux de 29 p. 100
les travaux de correction atteignent .iT p. 100
et les travaux divers li p. 100
Mais cette proportion se trouvera niodiliée par les travaux res-
tant à exéculer. On estime la dépense l'estant à faire, aux sommes
ci-après : 20,000 fr. pour les travaux de reboisement, 12,000 fr.
pour les travaux divers et 90,000 francs pour les travaux de cor-
rection; d'où la dépense totale du périmètre une fois terminé s'élè-
verait en nombres ronds à 660,000 francs se décomposant ainsi :
Travaux de reboisement 180,000 fr. soit 27 p. 100 de la dépense totale.
— de correction . 395.000 — 60 p. 100 —
— divers 85,000 — 13 p. 100 —
660,000 fr.
En tenant compte de la part des dépenses diverses qu'ont néces-
sitées exclusivement les travaux de correction et en attribuant
même la plus grande partie de ces dépenses diverses aux travaux
de reboisement, on peut porter, au plus bas taux, à 66 p. 100 de
la dépense totale la part des travaux de correction. Les conditions
se trouvant dans ce périmètre entièrement analogues à celles de tous
ceux à grands torrents, on peut en inférer que, dans les reboise-
ments de terrains nus en montagne, le fait du torrent entraîne à
une dépense triple et qu'il en coûte ainsi trois ^fois plus cher de ré-
primer que de prévenir.
Les quantités de graines et de plants employés dans les travaux
de reboisement se décomposent ainsi :
Pin cembro .... 4,400
Mélèze 4,557
Graines I Épicéa 720 . i2,478 kil.
résineuses, j Pia à crochets. . . 563
Pin sylvestre. . . . 307
Pin noir d'Autriche 1,931
Graines fourragères : Sainfoin, fenasse, etc. 42,614
[ Pin cembro .... 133,000 1
Plants de \ Mélèze 681,000 ' ^n-, „„„
résineux. \ Epicéa 106,000 '
Pins noirs 2,034,000
Plants feuillus et boutures 2,267,000 —
Les graines portées à ce tableau concernent les semis à demeure
comme ceux en pépinières. Les quantités de graines de Pin Cembro
500 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
et de Mt''lî'ze dc-passont sensiblcniont le cliillVo normal qui aurait dû
suffire. Celte forte aiignientatioii est due ù, des phénomènes météo-
rologiques qui se sont produits, en 1870, sous forme de gelées prin-
taniéres très tardives (le 10 juin) et ont fait périr la plupart des
jeunes semis à peine levés, et en 1871 sous forme de grêles qui, vers
les sommets, ont détruit tous les semis insuffisamment abrités. Il a
donc fallu, dans ces liautes régions (de 2,300 mètres à près de
3,000 mètres d'altitude) revenir deux fois sur les semis déjà exé-
cutés.
Les plants résineux ont été employés, dans les terrains stables, à
raison de cinq à six mille touffes par hectare suivant les essences,
mais dans les pentes roides comme dans les berges nn les a resserrées
considérablement, au point d'atteindre en certains [joints 1 5,000
plants à l'hectare.
Enfin, dans le nombre des plants feuillus, les boutures entrent
pour les trois quarts au moins, de la quantité employée. Placées
dans les fonds de ravins, sur les atterrissements, au pied des berges,
ces essences feuillues ont été plantées très serrées afin de leur per-
mettre au plus tôt d'étoiiff'cr les ravins dans leurs épais massifs.
Les premiers résultats ont amplement dépassé les espérances et
démontré dès à présent l'heureux effet des travaux entrepris.
Le champ d'observations était ici exceptionnellement avantageux.
On connaisssait la marche des deux torrents de Faucon et du
Bourget; on les avait vus à l'œuvre pendant les six années con-
sacrées au gazonnement; la comparaison de leur fonetionnement
pendant les orages do 1869 à 1877 devait fournir des données cer-
taines sur l'effet des travaux exécutés pendant les huit dernières
années.
Afin d'obtenir des documents précis au moyen desquels il de-
viendra possible, dans l'avenir, de constater les effets successifs
produits par les travaux de reboisement sur le régime de ces deux
torrents, on a ouvert, à partir de 1873, un legistrc renfermant la
chronique et la statistique des crues successives.
Trois pluviomètres de l'Association scientifique de F'rance ont été
étages i'i différentes hauteurs dans le bassin de réception de chacun
des torrents du Hompet et de l'aucun, qui se trouve partagé en trois
zones su[)erposées, dont lu surface a été exactement calculée, et à
chacune desquelles correspond un pluviomètre.
La zone inférieure comprend les altitudes de 1,300 à 1 ,700 mètres;
la zone intermédiaire a pour altitudes extrêmes 1,700 et 2,300
mètres; la zone supérieure, [larlant de 2,300 mètres atteint les
crêtes, dont la plus haute altitude est de 3,000.
MONOTtRAPHIE du PERIMETRE DE FAUCON. 501
La n(V.essitô de ces trois zones a été démontrée par l'expérience :
on a pu constater, en eli'et, que l'intensité des pluies était, en raison
directe de l'altitude du lieu, dans ces deux bassins, à un degré
tel, que le pluviomètre de la zone supéi-ieure a constamment donné
des hauteurs d'eau presque doubles de celles fournies par le pluvio-
mètre inférieur.
A chaque orage on relève avec soin la hauteur de l'eau tombée
et la durée de la pluie; en appliquant à ces hauteurs d'eau la sur-
face respective affectée aux pluviomètres, on obtient le volume de
l'eau tombée dans le temps indiqué par la durée de l'orage sur le
bassin de réception de chaque torrent.
Ces premières observations ne présentent pas de difficultés; mais
la mesure de la quantité d'eau écoulée dans le torrent et des maté-
riaux entraînés ne peut s'obtenir avec une pareille approximation.
L'emploi des formules ordinaires est ici absolument impraticable :
aussi s'est-on contenté pour le moment de recueillir une certaine
quantité d'observations permettant l'évaluation approximative de
cette mesure. A cet effet , on a tracé sur le couronnement du plus
grand barrage du Bourget (le n° 2) une échelle limnimétrique indi-
quant, sur la courbe du couronnement, les intersections d'une série
de plans horizontaux espacés en hauteur de 10 centimètres. On a
construit sur une des berges une guérite observatoire d'oîi l'on peut
coter la durée des crues et leur hauteur sur une section parfaite-
ment connue ; on ne commencera à mesurer la vitesse de l'écoule-
ment qu'au jour très prochain où le torrent ne charriera plus de
matériaux, et alors seulement on obtiendra le débit de chaque crue
en un temps donné.
En attendant, on relève certaines observations importantes, faciles
à noter pour chaque torrent; au moment de chaque orage, on
observe la durée de la crue , son intensité , sa nature , ses effets sur
le canal d'écoulement et sur le cône de déjection, et le volume ap-
proximatif de la masse des matériaux.
Tous ces documents sont consignés sur le registre ouvert pour
chacun des torrents. On comprend qu'au bout d'un certain nombre
d'années, au fur et à mesure que les travaux de reboisement se
développeront en étendue, en intensité et en efficacité, on obtiendra
ainsi une série de rapports successifs entre la masse d'eau tombée
dans un temps donné sur le bassin de réception et les effets produits
sur la durée, la nature et l'intensité de l'écoulement. On arriva donc,
d'année en année, à démontrer, par ces observations successives,
les effets du reboisement, et à élucider la question si controversée
aujourd'hui encore de l'utilité de la création de massifs forestiers
o02 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
sur les grands vorsants des hautes montagnes présentant, la plupart
du temps, des terrains imperméables.
Le d3 août 1876, un orage terrible donna lieu à d'intéressantes
observations qu'il importe de relater. (Voir la noie A, page 40'2.)
11 éclata à la fois sur les deux bassins de Faucon et du Bourget;
dans l'un et l'autre, la pluie dura vingt-cinq minutes. Dans la région
supérieure il tomba 42 milliinùtrcs d'eau, dans la région inférieure
12 millimètres.
Le torrent de Faucon fui aussitôt rempli d'un amas considérable
de laves dont on a évalué le volume à, 234,000 mètres cubes, dont
169,000 de matériaux et 03,000 d'eau, cl qui mit une heure à s'é-
couler.
Dans le torrent du Bourget, qui seul avait été jusquf-là l'objet
des travaux de correction , on constata une simple crue d'eau légè-
rement trouble, qui atteignit sur l'échelle limnimétrique du bar-
rage-repère une hauteur de 45 centimètres, et dura environ quatre
heures.
Ces faits peuvent se passer de commentaires et montrent l'impor-
tance des résultats que l'on doit attendre des reboisements en cours
d'exécution. Grâce aux massifs forestiers que l'on crée, les eaux
d'orage, divisées à l'infini, ralenties sans cesse dans leur mouve-
ment sur les fortes pentes du bassin supérieur, n'arriveront que peu
à peu et successivement dans le thahveg principal; au lieu de ces
niasses formidables d'eau et de boue qui, l'apidcment agglomérées,
se précipitaient dans le canal d'écoulement, les ruisseaux, appelés
à remplacer les torrents, ne recevront plus que des apports d'eau
pure; ils ne subiront plus que des crues longues à s'écouler et ren-
dues inoffensivos par l'armature du lit du torrent et de ses berges.
La végétation forestière, en prenant possession définitive du sol,
préviendra le moindre ravinement, fixera les matéi-iaux instables et
retiendra une partie des eaux pluviales qui pourront pénétrer dans
le sol et augmenter le jaugeage des sources.
Sur le cône de déjections on obtiendra le résultat inverse : à tra-
vers les matéiiaux qu'il a lui-même déposés autrefois, le ruisseau
se creusera un lit définitif, stable; les riches terrains occupés au-
jourd'hui par les déjections du torrent seront rendus à l'agricul-
ture , et les terres avoisinantes seront désormais protégées contre
toute invasion nouvelle. Le hameau du Bourget, le village de Fau-
con, les hameaux de la région montagneuse, seront à l'abri du
péril où les i)laçait lour situation de plus en plus critique; enfin la
circulation sur la route nationali' n" 100 sci'a assurée d'une manière
permanente, et le service des Ponts et Chaussées pourra jeter sur
MONOGRAPHIE DU PERIMETRE DE FAUCON. 503
les ruisseaux les ponts dont le régime des torrents a jusqu'ici rendu
l'établissement impossible ou du moins fort dangereux.
Au point de \uo, local seul, les avantages qui seront ainsi réalisés
peuvent se cliitlVor ainsi qu'il suit :
1" Mise en culture siu" le cône de déjections du
Bourget, 23 hectares environ évalués à.. . -iOjOOO fr.
2° Protection des parties du cône livrées à la
culture, 35 hectares lOo.OOO —
3" Mise en culture du cône de déjections du
torrent de Faucon, 60 hectares 120,000 —
4" Protection des parties du cône livrées à la
culture 360,000 —
5° Protection des villages de Faucon et du
Bourget 350,000 —
6" Protection des cultures et des six hameaux
de la montagne 220,000 —
Total 1,205,000 l'r.
Ainsi, sans compter les revenus que l'on aura créés, ni l'impor-
tante amélioration apportée au régime de l'Ubaye , ni les gages de
sécurité acquis au profit de la ville de Barcelonnette et de la route
nationale, le reboisement du périmètre de Faucon restituei'a à l'a-
griculture et protégera des terrains dont la valeur dépasse le chiflre
de un million deux cent mille francs.
Pour assurer ces résultats, il reste, dans le bassin du Bourget, à
compléter quelques travaux de défense secondaires , à regarnir les
plantations sur un petit nombre de points ; dans le bassin de Fau-
con, à continuer les travaux de consolidation des berges et du ter-
rain : barrages, clayonnages, fascinages; à terminer la correction
des ravins inférieurs et k parachever les travaux de peuplement.
L'ensemble de ces travaux réclame encore une dépense totale
évaluée à 122,000 francs.
504 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
NOTE K
Différents Prix de revient de la Maçonnerie dans les travaux de
Barrages construits dans la Vallée de l'Ubaye (Basses-Alpes).
Les grands barrages construits jusqu'en ^878 dans les périmMres
encours d'exécution dans la vallée de l'Ubaye (Barcelonnette, Basses-
Alpes) sont au nombre de 45.
Le cube total de leur maçonnerie s'élève à t4,.3o4"',372, d'où
résulte un cube moyen de 318 mètres cubes en nombre rond par
barrage.
La dépense totale s'est élevée à la somme de 250,434 fr. 53 cent.,
se décomposant ainsi :
Dépenses des entreprises 210.(ii.i fr.39
Dépenses de la régie (somme à valoir; . . . 39,789 14
Total égal ■2:]Q,y.iUi:j:i
D'où il résulte ijuc le prix total d'un barrage est de 5,5G5 francs,
dont :
Pour l'entreprise 4,681 fr.
Pour la régie (somme a valoir 884 —
Total 5,;iG.-5 IV.
Le cube moyen par barrage étant de 318 métrés cubes, on obtient
pour le prix moyen du mètre cube 17 fr. 50 cent., dont :
Pour l'entreprise 14rr.70
Pour la ré-ie 2 80
PRIX DE REVIENT DE LA MAÇONNERIE.
}0")
Le tableau ci-aprt>s donne la répartition de ces 45 barrages d'après
les natures de maçonnerie adoptées, le cube de cbacune d'elles et
les dépenses correspondantes :
NOMBRE
DES HAKRAGKS
CUBE
DES MAÇONNERIES
r>I<"PT?MS!T!"
en
AVKC MORTIER
CUBE
^v_— — .
DK
S
(le
TOTAL
de
l'entre-
prise.
o
6
c
.2 -C
""■o
-3
l'IERRE
sèche.
ordi-
naire.
"03 "2
o tr,
~ 'S.
a)
pierre
de
taille.
par
genre.
de la
régie.
TOTALE.
lU .c.
m. c.
m. c.
m. c.
m. c.
IV.
fr.
fr.
9
.'
»
1,763
289
107
2,159
44,766
4,769
49,535
..
35
"
6,G03
4,916
»
316
11,894
162,878
34,719
197,597
•■
"
1
300
'
"
300
3.000
298
3,298
ToTAtJX. .
6,903
6,709
289
453
14,353
210.644
39,786
250,430
De l'e.xamen de ce tableau on peut déduire les observations ci-
après :
En laissant de côté les dépenses de la régie qui sont aléatoires
et ne tenant compte que de la dépense des entreprises, on obtient :
Pour prix moyen du mètre cube dans les barrages
en maçonnerie de mortier 20fr.70
Pour prix moyen du mètre cube dans les barrages
en maçonnerie mixte l'5 70
Pour prix moyen du mètre cube dans les barrages
en maçonnerie de pierre sèche 11 00
Ces prix sont analogues à ceux qu'ont fournis les travaux du tor-
rent du Bourget (note H, page 494) sauf le prix du mètre cube de
la maçonnerie mixte qui lui est ici inférieur de 1 fr. 4(3. Cette dimi-
nution provient des plus grandes dimensions données aux bari-ages
dans d'autres torrents. On conçoit en ellet que plus un barrage
mixte est grand, plus la proportion de la pierre sèche à la maçon-
nerie de mortier augmente de son côté, ce qui tend ainsi à dimi-
nuer le prix moyen du mètre cube.
Dans ces prix sont comprises toutes les dépenses de fouilles pour
fondations et de transport des déblais à 2o mètres de distance.
506 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
NOTE L
LÉGENDES DES PLANCHES DE L'ICONOGRAPHIE
DV REBOISEMENT BES MONTAGNES
Par E, DE GAYFFiEn, Conservateur des Forêts.
(Voir ravertissement de la 2'= édition, page x^^II)
PI. L — Sources du Torrent du Buech, territoire de Lus-la-Croix-Haute
(Drùme). — Grand paysage alpestre. — Correction d'un ravin par des
branchages clayonnés. — Ckippes ou casses. — Page 32.
PI. IL — Torrent de Mallefosse, près de /?;vV7nfo« (Hautes-Alpes). — Vue
panoramique de la haute vallée de la Durance. — Torrent simple du
2e genre. — Bassin de réception. — Canal d'écoulement. — Cône de
déjection. — Pages 15, 16, 18, 28.
PI. III. —Bassin àe\'\Jbaiye,vrdlrede Barcelonnetle {Ba.6ses-A\pes). — Vue
d'ensenilile du bassin de réception du torrent de Gaudissart, et des
grandes combes de Riouchanal. — Torrents simples du Z*^ genre. —
Pages 15, 16, 28, 414.
PL IV. — Torrent de Laou d'Esbas, vallée delà Pique, près Bagnères de
Luchon (Haute-Garonne). — Torrent simple ilu 3« genre de formation
récente. — Bassin de réception. — Canal d'écoulement. — Cône de
déjection. — Pages 15, 16, 28.
PL V et VI. — Torrents de l'Ubac et de Valauria, territoire de T/téiis
(Hautes-Alpes). — Couihes dans les dépots glaciaires. — Demoiselles.
— Plantations par bandes clayonnées. — Pages 18, 35, 284.
PI. y\\. — Territoire du Curusquet (Basses-Alpes). — Effets de l'affouil-
lement dans les marnes du lias dites terres noires. — Formation des
comhes. — Plantations par touffes. — Chemins et sentiers. — Pages 35,
284, 325.
PI. VIII. — Torrent de "PonWs, près de Barèyes (Hautes-Pyrénées). — Ori-
gine d'un torrent du 'i" genre composé. — Bassin de réception. — Canal
d'écoulement. — Cône de déjection. — Pages 15, 16, 28.
LEGENDES DES PLANCHES. 507
PI. IX, X, XL — Torrent du Gô, vallée d'Astau (Haute-Garonae). — Ra-
vins de Bâtais et de Badech. — Formation des torrents. — Cônes
d'éboulis. — Pages \2 à 33.
PL XIL — Torrent du Rif-fol, vallée du Drac (Isère). — Torrent dn
2<= frenre composé. — Barrages en pierre sèche. — Digues. — Planta-
tions par bandes alternes clayonnées. — Chemins et sentiers. — Pages 18,
Gl, 8L 289, 325.
PI. XIII. — Torrent de Saint-Antoine, vallée de Ln Romanche, près du
Boui-fj d'Oisatis Isère . — Torrent simple du 2" genre. — Comhe dans
les marnes liasiques. — Barrages en pierre sèche. — Plantations par
potéts dans les berges. — Pages 18, Gl, Si, 289.
PL XIV. — Combe Saint-Bernard, vallée de l'I'haije, territoire de Saint-
Pons (Basses-AlpesV — Correction de ravins. — Grands clayonnages à
longrines moisées et à double parement. — Fascinages de 1er et de
2'= ordre. — Plantations en cordons. — Pages 18, 60, G2, 97, 103, 29G.
PL XV et XVI. — Torrent des Sanières, vallée del'Ubnye, près de Bar-
celonnette (Basses-Alpes). — Turreut du 20 genre. — Chantiers de con-
struction d'un contre-barrage en maçonnerie mixte. — Clappes. —
Pages 16, 32, 71.
PL XVII, XVIII, XIX, XX. — Torrent du Bourget, callép de rUbfnje,près
de Bareelonnette (Basses-Alpes). — Berges en éboulement. — Grands
travaux de consolidation et de correction. — Barrages en voûte, en ma-
çonnerie de mortier. — Clayonnages longitudinaux et transversaux.
— Fascinages vivants. — Atterrissements plantés. — Berges reboi-
sées. — Pages 37, 68, 69, 71, 77, 83, 87, 104, 106, 183.
PL XXL —Ravin de Rata, torrent du Bourget (Basses-Alpes). — Consoli-
dation de berges en éboulement dans des terrains de transport. — Cor-
rection d'un ravin. — Barrages rustiques en pierre sèche. — Barrage
rectiligne en maçonnerie. — Clayonnages de 1<=' ordre à longrines en-
castrées. — Pages 37, 60, 61, 70, 83, 84, 100.
PL XXII et XXIII. — Torrent de La Valette, vallée de VUba'je, près de
Burcelonnette ^Basses-Alpesi. — Torrent du S" genre. — Berges de
marnes noires en éboulement. — Atterrissement. — Grand barrage
de retenue en maçonnerie mixte et à couronnement polygonal. — Fan-
ges 37, 52, 69, 71,^82.
PL XXIV. — Torrent du Labouret, bassin de la Bléone (Bas.ses-Alpes).—
Système complet de travaux de correction, de consolidation et de reboi-
sement aujourd'hui terminés. — Barrages en pierre sèche. — Grands
clayonnages et fascinages vivants. — Atterrissements plantés en hautes
tiges. — Plantations par toufles. — Chemins et sentiers. — Pages 60.
61, 71, 284, 298.
PI. XXV. — Torrent de Vachères, mllée de la Dnrancc, près d'Embrun
508 REBOISEMENT DES MONTAGNES.
(Hautes- Alpes). — Grands barrages rectilignes en maçonnerie de mor-
tier hydraulique, -r- Cuvette à fond plat ébrasée vers l'amont. — Ar-
mature en fer du couronnement. — Pages 69, 83.
FI. XXVI. — Torrent de Sainte-Marthe, vallée de la Dumncc, près d'Em-
brun (Hautes-Alpes). — Grand barrage en pierre sèche à parement rec-
tiligne à l'amont. — Plantations de hautes tiges sur banquettes horizon-
tales, après écrétement des berges. — Pages 60, 71, 293.
PI. XXVII, XXVIII, XXIX. — Torrent du Rieulet, val de Bastaji prés de
Barrijcs (Hautes-Pyrénées). — Atterrissements en cône de déjections.
Série de barrages de retenue. — Grand barrage exhaussé. — Planta-
tions avec clayons dans les berges. — Pages 52, 114, 121, 289.
PI. XXX.— Torrent de Saint-Pancrace, rnllre de la Durance (Hautes-
Alpes). — Epi. — Digue longitudinale. — Plantation par banquettes
horizontales après écrétement des berges. — Pages 93, 293.
PI. XXXI. —Territoire duCurusquet (Basses-Alpes). — Comblement arti-
ficiel des petits ravins dans les marnes de lias. — Fascinages vivants à
une fascine. — Seuils. — Page 63.
PI. XXXII. — Torrent de l'Hermitane, vallée de la Durance, près de Reinol-
lon (Hautes-Alpes). — Barrage en pierre sèche. — Atterrissement planté
en hautes tiges. — Berges écrètées et reboisées par banquettes hori-
zontales. — Pages 71, 293, 298.
PL XXXIII. — Bassin du torrent duBuech, versant de Fontbelle, près de
Lus- la-Croix-Haute (Drûmej. — Barrages rustiques eu pierre sèche
dans les ravins. — Plantation par touffes sur bandes horizontales pré-
parées. — Pages 71, 191, 284.
PI. XXXIV. — Torrent de Villard, territoire d'Entraigues (Isère). — Sol
préparé par banijuotte.s horizontales. — Barrages rustiques. — Demoi-
selles. — Pages 35, 71, 293.
PI. XXXV, XXXVI. — Territoire de Seyne, montagne du Travers de la
Colle (Basses-Alpes). — Clappes plantées. — Semis et plantations d'es-
sences diverses par touffes, à la pioclie. — Chemins et sentiers. —
Pages 32, 233, 284, 325.
PI. XXXVII, XXXVIII, XXXIX, XL. _ Val du Bastan, près de Barèges
(Hautes-Pyrenées). — Vue panoramique de la montagm' de Lac-Grand.
— Murs de soutènements horizontaux en gradins. — Banquettes hori-
zontales clayonnées et plantées. — Banquettes, Rigoles. — Pages 120,
289.
PI. XLl, XLII. — Hôtellerie de Venasque, près de Bag?ières-de-Lurlion
(Haute-Gaioano,. — Fruitières. — (îazonnements. — Page 322.
PL XLIII. — Fruitière de Calmill, vallée de la Barguillière, près de Foix
(Ariège). — Pâturages améliores. — Page 322.
LEGENDES DES PLANCHES. 509
PI. XLH'. — Torrent de Riou-Bourdoux, territoire de Saint-Po)if, vallée
de liarrclonnette (Basses-Alpes). — Vue tëléicouographique. — Torrent
composé du l"''' genre. — Bassin de réception. — Canal d'écoulement.
— Cône de déjections. — Chemins d'accès. — Pages l'J, 16, 18, 10,
28, 29, 32o.
PI. XLV. — Torrent du Bourget, vallée de ri'liaijc, près liarcelojinette
(Basses-Alpes). — Vue téléiconograpliique. — Torrent du 2c genre
composé. — Bassin de réception. — Canal d'écoulement. — Cône de
déjections. — Chemins et sentiers. — Pages 15, 16, 17, 18, 28, 325.
PI. XLVI. — Torrent de Faucon, vallée de l'Ubaye, près Darcelonnette
(Basses-Alpes). — Vue téléiconographique. — Torrent composé du
2= genre. — Bassin de réception. — Canal d'écoulement. — Cône de
déjection. — Réseau de chemins d'accès. — Pages 15, 16, 17, 28, 325.
PI. XLVn. — Torrent des Sanières, vallée de l'Uùaye, près Barceloniiette
(Basses-Alpes). — Vue téléiconographique. — Torrent composé du
2c genre. — Bassin de réception. — Grange. — Cône de déjections. —
Chemins et sentiers. — Pages 15, 16, 18, 42, 325.
TABLE DES FIGURES
DU TRAITÉ DU REBOISEMENT DES MONTAGNES
ET DES PLANCHES DE L'ICONOGRAPHIE DU REBOISEMENT
Les lignes composées en caractère orilinaire, imlicinent les figures du Traite du
Reboisement ; les légendes eu italique sont celles des planches de Vlcunographie,
par M. de Gayfi-'ier.
Figures. Pages.
Affomlleinont. - PI. V, YI, VII, XVII.
80 Armature d'un pluviomètre 343
92, 94 Asj)ect de la lave sur le barrage de Riouchanal 418
Axtau (vallée d'). — PI. IX.
Atterris^emenls. —PI. XVIII, XXII, XXIV, XXVII,
XXVIII, XXXII.
50 Avalanches (couloir d'i 119
51 Avalanches (tournes contre les) 119
Badedi (ravin de). — PI. XI.
Bagnères-de-Luchon. — PI. IV.
Banrlef' alterner. — PI. XII.
Bandes horizoyilales. — PI. XXXIII, XXXIV.
67 Banquette horizontale (coupe d'une) 293
Bniif/uc/tr (plantation par). — PI. XXVI, XXX, XXXII,
XXXIV.
Bnrrclonni-tti' (vallée de). — PI. III, XIV, XV, XVI,
XVII, XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII, XLIV.XLV,
Bc/yry/?.s' environs dp ) (Hautes-Pyrénet-s). — PI. XXXVII,
XXXVIII, XXXIX, XL.
linrruf/rseniiii'rre scrhr. — PI. XIII. XIV, XXII, XXII,
Xxiv, XXVI, XXVII, XXVIII. XXIX, XXXII, XXXIII,
XXXIV.
18 Barrage avec cotironnement à section polygonale.. . . 69
jno' ini' .' Barrage en gradins dans le torrent de Faucon. 472 et 473
lOo, 10» )
25 Barrage en maçonnerie mixte (coupe d'un) 73
23 Barrage en maçonnerie mixte (élévation d'un) 72
26 Barrage en maçonnerie mixte (plan des longueurs déve-
l()]>pees 73
24 Barrage en maçonnerie mixte (|)lan d'un) 72
19 Barrage à parement aval vertical (coupe d'un) 09
Barraiji; en maçonnerie mixte. — PI. X\', XVI, XXII.
TABLE DES FIGURES.
Figures. Pages.
22 Barrage rectiligrue 70
49 Barrage de retenue (coiui)araisoii de diflerents systèmes
de) 118
Barrarjc en mnromierie de mortier. — PI. XVII, XVIII,
XX, XXI, XXII. XXV.
52 Barrage de retenue exhaussé 121
53 Barrage de retenue en gradins 123
27, 28, 29 Barrage rustique, élévation, plan et coupe 84
21 Barrage en voûte à ailes rectiligues 70
20 Barrage en voûte à parement amont cylindrique (plan
d'un) 69
17 Barrage en voûte à parement amont rectiligne (coupe
d'un) 68
16 Barrage en voûte à parement amont rectiligne (élévation
d'un) 68
13 Barrage en voûte à parement amont rectiligne (plan
d'un) 68
73, 74 Barrière en bois 333
73, 76 Barrière en fil de fer galvanisé 334
Dastan (val du). — PI. XXVII, XXVIII, XXIX, XXXVII,
XXXVIII, XXXIX, XL.
Ba.mn de réception. — PI. II, III, IV, VIII, XLIV. XLV,
XLVII.
Bâtais (ravin de). — PI. X.
63 Binette 227
Bléone (vallée de la). — PI. XXII.
83 Blocs s'élevant au-dessus de la lave 407
81, 82 Boîte du pluviomètre pour la neige 3i4
Bourg d'Oisa?îs (Isère). — PI. XIII.
Bourrjet (torrent dui. — PI. XVII, XVIII, XIX, XX, XXI,
XLV.
13 Bourget (plan de la section inférieure du torrent du^. . 63
15 Bourget (protil en long de la section inférieure du tor-
rent du) 63
1 Bourget (vue du torrent dut 17
Brianron (environs de). — PI. II.
93 Brèche ouverte dans le barrage de Riouchanal 418
Bucdi (torrent du). — PI. I, XXXIII.
Canal if écoulement. — PI. II, III, IV. VIII, XLIV, XLV,
XLVII.
60, 61, 62 Caisse pour la conservation des graines 2i0
Casses. — PI. I, IX, X, XI, XV.'^XXXV, XXXVI.
Cftnnioussière (ravin de). — PI. V.
C/ienmis. — PI. VII, XII.
C/appes. — PI. I, IX, X, XI, XV, XXXV, XXXVI.
512 TABLE DES FIGURES.
Figures. Pages.
Claaunniiijes. — PI. XIV, XVIII, XX, XXI, XXIV,
XXVIli, XXIV, XXXVII, XXXVIII, XXXIX.
Clayons (Ijandes clayonnées,'. — PI. V, XII.
33 Clayonnage longitudinal (détail de la construction d'un) 91
42 Clayonnaiie de !<''" ordre à longrines encastrées. ... 100
40, 41 Clayonnage de i" ordre à longrines nioisées, élévation
et coupe en long 97
39 Clayonnage de 1'=^ ordre à longrines moisées, plan. . . 96
43 Clayonnages de le' et de 2<= ordre (plan d'une série de]. 101
44 Clayonnages de 1er ordre (profil en long entre deux). . 102
12 Clayonnages sur une pente donnée (emplacement des). 60
34 Clayonnage transversal dans le torrent du Bourget,
(coupe d'un) 91
Combe. — PI. III, V, VII, XII, XIII, XIV.
3 Combe de l'Illgraben (plan de la) 20
49 Comparaison de différents systèmes de barrages de re-
tenue 118
.')7, 58, o9 Concasseur 212 213
Cône de déjection. — PI. II, IV, VllI, XLIV à XLVII.
11 Cône de déjection d'un torrent idéal (coupe en travers du) 27
Consolidation (travaux de). — PI. I, XIV, XXI, XXIV.
Cordons (plantation eu). — PI. XIV.
09, 70, ) Cordons (plantation en), après la Ir^, la 2'^, la 3" et la
71, 72 S 4e année 296
08 Cordons (plantation en/ 294
Correction (travaux de). — PI. I. XIV, XXI, XXIV.
oO Couloir d'avalanches avec tournes 110
67 Coupe d'une banciuette liorizontale 293
19 Coupe d'un barrage a parement aval vertical 09
17 Coupe d'un barrage en voûte à parement amont recti-
ligne 68
38 Coupe en long du barrage n» 3 du torrent du Bourget. 92
11 Coujje en travers du cône de déjection d'un torrent
idéal 27
47, 48 Coupe de drains de 1er et de 2e ordre 111
97, 98, / Coupe, élévation et plan du grand barrage n" 1 du tor-
99, 100 j rent de Rioubourdoux (Basses-Alpes) 467
18 Couronnement à section polygonale d'un barrage. ... 69
Curusquet (territoire du). — l'I. \11.
Demoiselles. — PI. V, VI, XXXIV.
33 Détail de la construction d'un clayonnage longitudinal. 01
54, 5j Dépots (place dei 120
Dépôts ylnriaires. — PI. ^', VI.
Difjue. — PI. XXX.
68 Disposition des plantations en cordons 294
TABLE DES FIGURES. S13
Figures.
Drac (vallée du). - PI. XII. ^''^"*
46 Drainages (plan de) UO
47, 48 Drains de 1" et de 2° ordre (coupe de) m
Dtim?ice (vallée de la). — PI. II, XXV, XXVI XXX
XXXII.
Èboulements. — PI. V, VI, VII, XVII, XXI, XXII, XXIII.
Eboulement du Riouchanal (plan de 1') 417
Éboulis (cônes d'). — PI. IX, X, XI.
Ècrètements. — PI. XXVI, XXX, XXXII.
23 Elévation d'un barrage en maçonnerie mixte 72
16 Elévation d'un barrage en voûte à parement amont rec-
t'iigie gg
Embrun (environ d'). — PI. XXV, XXVI.
12 Emplacement des clayonnages sur une pente donnée. . 60
Entraigues (périmètre d'). — PI. XXXIV.
Épi. — PI. XXX.
Exhaussement d'un barrage de retenue 121
52
Fascinages. — PI. XIV, XXXI.
45 Fascinages de l^r ordre 104
88, 89, 90 Flux d'eau passant sur la lave 408 409
Fontbelle (versant de). — PI. XXXIII.
Fruilières. — PI. XLI, XLII, XLIII.
Gaiidissart (torrent de). — PI. III.
Gazonncmetit. — PI. XLI, XLII, LXIII.
Glissements. — PI. V, VI, VII, XVII, XVIII, XIX.
Gô (torrent du). — PI. IX, X, XI.
Gradin (mur en). — PI. XXXIX.
Gradins (barrages de retenue en) 123
60, 61, 62 Graines (caisse à) 219
53
64, 63 Hache-prés 240
Hermitane (torrent de 1'). — PI. XXXII.
3 lUgraben (plan de la combe de) 20
Labouret (plan du Périmètre du). _ Planche en couleur.
Labouret (torrent du). — PI. XXIV.
Lac-Grand (montagne du). — PI. XXXVII.
Laoïi d'Esbas (torrent de). — PI. IV.
83 Lave avec blocs en avant (profil en long d'une) 406
84 Lave avec barrage momentané 407
92, 94 Lave sur le barrage de Riouchanal (aspect de la).. . . 418
85 Lave (blocs s'élevant au-dessus de la) 407
87 Lave descendante (profil en travers d'une) 408
33
514 TABLE DES FIGURES.
Figures. Pages.
88, 89, 90 Lave (flux d'eau passant sur la) 408, 409
86 Lave montante (profil en travers d'une) 408
95 Lave du Riouclianal, profils en lonir successifs 409
Ut de déjection. —PL II, III, IV, XLIV, XLV, XLVII.
Lits-la-Croi.r-IIaulr (territoire dei. — Pi. I, XXXIII.
M'diefosse (torrent de). — Pi. II.
94 Marche de la lave sur le Ijarrage do Riouclianal. . . . 418
Manies c(itlovipn}ien (terres noires). — PI. XXII^ XXIII.
Marnes liasiques. — PI. VI, XXXI.
Murs en gradins. — PI. XXXIX.
36 et 37 Murs en ailes et radiers du ljarra},'e n" 3 du torrent du
Bourget (coupe des) 92
Pesson (montafrne du). — PI. XLII.
Pàturnrjes. — PI. XLl, XLII, XLIII.
105 Périmètre de Faucon (plan du) 484
2 Périmètre de Saint-Pons (plan dui 19
56 Pic (pioche à) 186
56 Pioche à pic 186
Pique [vallée de la). — PI. IV.
54 et 55 Place de dépots 126
35 Plan du barrage n" 3, et des ouvrages accessoires, dans
le torrent du Bourget 91
20 Plan d'un l)arrage en voûte à ])arement amont cylindri-
que 69
15 Plan d'un barrage en voûte à parement en amont rec-
tiligne 68
3 Plan de la combe de rillgralien (Valais) 20
46 Plan de drainages 110
'91 Plan de l'éboulement du lliouchannl 417
105 Plan du périmètre de Faucon 484
2 Plan du périmètre de Saint-Pons 19
30 Plan d'une section du torrent du Bourget nrant les tra-
vaux 88
31 Plan de la même section «yyrp."; les travaux 89
13 Plan de la section inférieure du torrent du Bourget. . . .56
43 Plan d'une série de clayonnagi- de i<"^ et de 2" ordre. . 101
10 Plan dun torrent idéal 23
06 Plan du torrent des Sanières 421
69, 70 j Plantation en cordons après la T", la 2", la 3"' et la 40
71, 72 \ année 296
08 Plantations encordons (disposition des) 294
Plantations. — PI. V, VU, XII, XIII, XIV, .WllI, XIX,
XXIV, XXVI, XXVIII, XXIX, XXXI, XXXII, XXXIII,
XXXX, XXXVI.
TABLE DES FIGURES. olS
Figures. Pages.
CG Plantoii- eu fer 270
80 Pluviomètre (armature d'un) 343
77, 78, 79 Pluviomètre de l'Association scientifique de France . . 342
81, 82 Pluviomètre, boîte pour la neige 344
Poutis (torrent de). — PI. VIII.
83 Profil en long d'une lave avec blocs en avant 406
44 Profil en long entre deux clayonnages de l^ ordre. . . 102
87 Profil eu travers d'une lave descendante 408
86 Profil en travers d'une lave montante 408
Oo Profils en long successifs de la lave de Riouchanal . . . 419
14 Profil en long de la section inférieure du torrent du
Bourget 65
32 Profil en long d'une section du torrent du Bourget avec
la coupe des ouvrages 90
4 Profil en Ion"- d'un torrent idéal 23
5, G, 7,
Profils en travers successifs d'un torrent idéal 27
8, 9 \
36, 37 Radiers et murs en ailes du barrage n° 3 du torrent du
Bourget (coupe des) 92
Rata (ravin de). — PI. XXI.
Réniollon (périmètre de). — PI. XXXII.
Rieulet (torrent de). — PI. XXVII, XXVIIl, XXIX,
Rif-fol (torrent de). — PI. XII.
Rigoles (banquettes-rigoles). — PI. XL.
Riou Bourdouj- (périmètre de). — PI. XLIV.
Riou-Chanal (combes de). — PI. III.
Romanche (vallée de la) — PI. XIII.
2 Saint-Pons (plan du périmètre de) 19
Haint- Antoine (torrent de). — PI. XIII.
Saint-Bernard (combe). — PI. XIV.
Sainte-Marthe (torrent de). — PI. XXIV.
Saint-Po7is rtorrent de). — PI. XIV, XLIV.
Sanières (torrent des), — PI. XV, XVI, XLVII.
13 Section inférieure du torrent du Bourget (plan de la) . . 65
14 Section inférieure du torrent du Bourget (profil en long
de la) G.ï
43 Série de clayonnages de 1^"" et de 2<= ordre (plan d'une:. lUl
Seuils. — PI. XXXI.
Seyjie (périmètre de). — PI. XXXV, XXXVI.
Tetres noires (marnes calloviennes). — PI. VII, XX II.
XXIII.
Thét's (territoire de). — PI. ^'.
Torrents simples. — PI. II. XII. XLV, XLV. XLVII.
51G TABLE DES FIGURES,
Fisures. Pages,
Torrents compoi^éf. — PI. XLIV.
38 Torrent ilu Bourget, coupe en long du barrage n» .'{ avec
ouvrages accessoires 92
34 Torrent du Bourget, coupe d'un dayonnage transversal. 91
30 et :J7 Torrent du Bourget (coui)es du radier et des murs en
aile du barrage n» 3 dans le) 92
33 Torrent du Bourget (plan du barrage n" 3 avec ses ou-
vrages accessoires dans le) 91
14 Torrent du Bourget (plan de la section inférieure du) . 65
30 Torrent du Bourget avant les travaux (plan d'une sec-
tion du) 88
31 Torrent du Bourget après les travaux (plan d'une sec-
tion du) 89
32 Torrent du Bourget, profil en long d'une section corri-
gée, et coupe des ouvrages 90
14 Torrent du Bourget (prolil en long de la section infé-
rieure du) 6a
1 Torrent du Bourget (vue du) 17
101, 102,
103, 104
11 Torrent idéal (coupe en travers du cône de déjections
d'un) 27
10 Torrent idéal (plan d'unj 23
3 Torrent idéal (])rofil en long d'uni 23
5, 6, 7, ,
„ „ Torrent idéal (profils en travers successifs d'un). ... 27
97, 98, / Torrent du Rioubourdoux (Basses-Alpes) coupe, éléva-
99, 100 ^ tion et plan du grand barrage n"! 467
96 Torrent des Sanières (plan du) 421
Touffes (plantation par). — PI. VII.
51 Tournes contre les avalanches 119
1 Vue du torrent du Bourget 17
Venasrjtie (hôtellerie de). — Pi. XLIi
Vachères (torrent de). — PI. XXV.
Valai/ria (torrent de). — PI. V.
Valette (torrent de la). — PI. XXII, XXIII.
Viliard (torrent de). — PI. XXXIV.
Ubac (torrent de 1'). — PI. V et VI.
U/>aye (vallée de 1'). — PI. III, XIV, XV, XVI, XVII,
XVIII, XIX, XX, XXI, XXII, XXIII, XLV, XLVI,
XLVII.
Torrent de Faucon, barrages en gradins 472 et 473
TABLE ALPHABETIQUE DES MATILRES
AVKC INDICATION DES FIGURES
Figures. Pages.
Acquisitions 45
Action des torrents dans l'étendue de leur cours. ... 18
Atïbuillement 35
Affouillement longitudinal et latéral. 47
Ailanthe glanduleux 165
Alisiers 160
Amëlauchier 165
Amélioration des pâturages 321, 390
Aménagement des travaux 370
Applications du dendromètre Bouvart 327
Aqueduc ou pertuis 73
Arrachage des plants en pépinière 259
Argousier 165
Atteri'issements 52
Atterrissements (traitement des) 54
Atterrissements (plantation des) 298
Aubépine 165
Aune 162
Avalanches 115
Avantages de la maçonnerie mixte dans les barrages, . 75
Bandes alternes horizontales 187
Bandes brisées 187
67 Banquettes horizontales 293
Bai'rages et clayonnages (résultat de leur emploi). ... 57
15, 16, 17 Barrages en voûte, à parement amont rectiligne, type 1 . 68
18 Barrage modèle n» 2 (couronnement d'un) 69
19 Barrage à parement aval vertical (coupe d'un - 69
20 Barrage en voûte, modèle n» 4, type 2 69
21 Barrage en voûte, modèle n" 6, type 3 70
22 Barrage rustique, modèle n" 7, type 4 70
Barrages (choix des types à préférer dans les) 78
27, 28, 29 Barrages rustiques 61, 84
Barrages en bois 95
ois TABLE ALPHABÉTIQUE
Figures. Tagus.
Barrages vivants 59
23 24 1
' ' ! Barrages en maçonnerie mixte 72 73
25, 26 * " - • • --
Barrajies (épaisseur à donner aux) 80
Barrages (fondations des) 82
49 Barrages de retenue 113, H8
52 Barrage de retenue exhaussé 121
53 Barrage de retenue en gradins 123
73, 74 Barrières en bois 333
75, 76 Barrières en fil de fer galvanisé 334
Bassin de réception d'un torrent 15
Bauche 244
Bêche coui)e-pivot 263
Binages 262
63 Binette 227
Bornage et délimitation 323
Bouleaux ICI
Bouturage en pépinière. ■ 270
Boutures (plantation de) 299
Bugrane 165
Buis 165
60, 61. 62 Caisse à graines de résineux 219
Canal d'écoulement 15
Caroubier 146, 201
Casuarina equisetifolia 148
Casses ou Clappes 32
Causes du soulèvement du sol 189
Cèdre 164
Cerisier mahaleb Kij
Cerisier merisier IGO
Charme 164
Châtaignier lai, 206
Chemins 325
Chéne-liège 145, 201
Chêne pédoncule 149
Chêne rouvre 149, 2i 5
Chêne vert ou yeuse 143, 201
Choix des types à préférer dans les barrages 78
Choix de la maçonnerie dans les barrages 77
Chronique des crues successives 336
Clappes (voir Casses) ,'{2
Clappes (plantation dans les) 290
Classification des torrents IG
Clayonnages enfouis 62
.30, 40, 41 Clayonnages à longrines moisées 96
DES MATIERES. 519
Figures. Pages.
42, 43, 44 Clayonnages ù loagriaes encastrées 101
33, 34 Clayonnages longitudinaux et transversaux sur les atter-
rissements * 91, 106
Climats (division des) 132
Climat général 131
Climat local 134
Climat froid ou alpestre 133
Climat méditerranéen 132
Climat tempéré 132
Climat très froid ou alpiu 133
3 Combe 20
57, 58, 59 Concasseur pour graines 212
Conclusion 394
11 Cône de déjection (coupe en travers i 27
Confection des trous 194
Conseils aux particuliers qui entreprennent des reboise-
ments 381
Conséquences de l'extinction des torren's par les travaux
obligatoires 393
Conservation des graines de feuillus 211
Conservation des graines, de résineux 218
Considérations sur les Hautes et les Basses-Alpes (note G). 474
Constitution des périmètres 41
97, 98, j
' ■ • Contre-barrages et radiers 91, 467
101, 102, l °
103 et 104)
Cornouillers 165
68, 69, j
70. 71, ; Cordons de feuillus (plantations en) 295
72 ;
Correction des petits ravins dans les marnes liasiques. 63
Correction des torrents (de la) 14
Correction des torrents à aifouillements 47
Correction des torrents glaciaires et à casses 113
Correction des ravins 57
Coudrier noisetier ■ . . 165
50 Couloir d'avalanches avec tournes 119
Couronnement des barrages 80
Crues (chronique des) 336
Culture du sol (modes dej 185
06 Culture à bras d'homme (outil préférable pour la). ... 186
Curage du lit des torrents et des ravins 109
• Cytise des Alpes 165
Débouchés sur le couronnement de barrages 66
Déclaration d'utilité publique 45
520 TABLE ALPHABETIQUE
Figures. Pages.
Défends (mise en) 171
Défoncement du sol 181
Délimitation et Ijornage 323
Dendromètre Boiivart (application du) 327
54, 55 Dépôt (place de) 126
Disparition des forêts par le fait de l'homme 311
Division des climats 132
Division du cours des torrents eu trois régions 15
46, 47, 48 Drainages 110
Éboulements 36
91 pihoulements dans le Riou-Chanal (plan des) 417
Échelle des climats 132
Effets de la mise en défends suivant les régions clima-
tériques 174
Effets du mode de construction des liarrages sur leur at-
terrissement 74
Effets d'un orage dans le bassin de réception d'un tor-
rent 33
Effets produits par les eaux 34
Effets de la végétation sur le sol 38
Églantier 165
12 Emplacement des barrages de retenue 116
12 Emplacement des bari-ages vivants sur une pente donnée
^formule) 60
Enherbcment 177, 241, 246
96 Enquête sur la lave des Sanières 426
Entretien des barrages en pierre 347
Entretien des fascinages et des clayonnages 350
Entretien des chemins et des barrières 352
Entretien des semis à demeure 354
Entretien des pépinières 358
Entretien des plantations 357
Epaisseur à donner aux barrages 80
Épicéa 166, 208
Épine-vinette 169
Érables 157
Esparcette (voir Sainfoin commun) 242
Espèces de maçonnerie 71
Essai des graines de résineux 221
Essences forestières (répartition des) 139
Essences forestières propres au reboisement dans le cli-
mat chaud 140 à 149
Essences forestières propres au reboisement dans le cli-
mat tempéré ' • .♦ l'»9 à 165
DES MATIERES. 521
PapeS'
Essences forestières propres au reboisement dans le cli-
mat froid 165 à 169
Essences forestières propres an reboisement dans le cli-
mat très froid 1G9 à 170
Étude d'un projet de périmètre 't't
Étude des projets de barrages 64
Eucalyptus globulus l'^S
Exhaussement des barrages de retenue H7
Expédition des plants des pépinières 274
Exposition (de 1') 134
Expropriations 46
Extinction d'un torrent 14, 38
45 Fascinages 104
105 Faucon (monographie du périmètre de) 484
Fenasse 244
Fondations des barrages 82
Fonte des neiges 37
Forêts (disparition des forêts par le fuit de l'iiomme). . 311
Formation des laves 37
Fosses à terreau 253
Frêne commun l')7
Gazonnement en général (du") 300
Gel et dégel 182
Généralités sur les torrents 12
Genêts 165
Genévrier sabine 165
Glaciers 114
Glands (semis de) 227
Glissements 37, 112
Gorge d'un torrent 15
Gradins (barrages en) 123
Graines d'essences feuillues 209
Graines d'essences feuillues (conservation des) 211
Graines d'essences feuillues (tableau synoptique des). . 215
Graines fourragères (semis de) 243
Graines de résineux (récolte des) 216
60, 61, 62 Graines de résineux (conservation des) 218
Graines de résineux (essai des) 221
Graines de résineux (tableau synoptique des) 225
Graines de résineux (quantité à semer à l'hectare) . 237, 241
Graines de résineux (quantité à semer à l'are en pépi-
•• \ 2G0
niere) -""
Grevillea robusta ^*°
Lave de 187G dans le torrent de Faucon 402
522 TABLE ALPHABÉTIQUE
Figures. Pages.
64, 65 Hache-prés 240
Hauteur des barrages 66
Hêtre 153, 207
Hydrographie 335
Hydrographie (registre d'observations d') 345
Iconographie (hi reboisement (note L) 507
Immersion des graines de résinent 230
Inlluence du gel et du dégel 182
Influence de l'exposition 133
Influence des vents dominants 135
Insectes nuisibles 359
Installation des pluviomètres 339
Intensité de la lumière (effets det .... 137
Irrigation des semis en pépinières 262
Labour eu plein 183
Labour par bandes alternes 185
83, 84, ■
85, 86,
87, 88,
89, 90
91 9'
93, 94, ( Lave de 1876 dans le torrent de Rioii-f'hanal 414
96 )
93 Lave de 1876 dans le torrent des Sanières 421
Limites supérieures de la végétation forestière 308
Lit de déjection 15
Lumière (effets de l'intensité de la) 135
Maçonnerie (espèces de) 71
Maçonnerie mixte (avantages de la) "'*
Marcottages 17(!
Marnes du lias à strates dures (correction des ravins
dans les^ 63
Mélèze 167, 208
Merisier 160
Mise en défends 171
Modes (le culture du sol 183
Modes d'eni|)l()i des différentes essences dans la région
méditerranéenne 201 à 205
Modes d'emploi îles différentes essences dans la région
moyenne 205 à 207
Modes d'emploi des différentes essences dans les régions
alpestre et alpine 207 à 209
Monographie du périmètre de Faucon (note IL) .... 484
DES MATIERES. 523
Figures. Paprcs.
Montagnes pastorales 318
Mousse (emploi de la) 257
Moyens de combattre la sécheresse du sol 179
Murs de chute ou barrages 49
Nécessité d'une zone de défense continue 42
Neige (semis sur la) 233
Nombre de barrages nécessaires dans un torrent donné. (iO
Nombre de plants à l'are dans les repiquages 2G0
Note A. Lave du torrent de Faucon 402
Note B. Éboulements dans le Riou-Chanal 415
Note C. Torrent des Sanières, orage en 1876 421
Note D. Tableau des journées calculées par dixième. . 435
Note E. Nomenclature des végétaux spontanés de la
vallée de Barcelonnette 430
Note F. Barrages, contre-barrages et radiers dans le
torrent de Riou-Bourdoux et de Faucon (Bas-
ses-Alpes) 467
Note G. Considérations sur les Hautes et les Basses-
Alpes 474
Note H. Monographie du périmètre de Faucon, vallée
de rUbaye (Basses-Alpes) 484
Note K. Pris de revient du mètre cube de maçonnerie. . 504
Note L. Sommaire des planches de l'Iconographie du
reboisement, par E. de Gayffier, conserva-
teur des forêts 507
Observations hydrographiques 345
Ordre chronologique des travaux 365
Ormes 156
56 Outil préférable pour la culture à bras d'homme. . . . 186
Ouvrages divers en maçonnerie 85
Particuliers (reboisement chez les) 378
Pâturages de montagne 306
Pâturages de printemps et d'automne 317
Pâturages (amélioration des) 321
Pâturages (régénération des) 320
Pente limite 25
Pépinières en général 249
Pépinières permanentes 250
Pépinières (préparation du sol dans les) 253
Pépinières (quantité de graines de résineux à semer à
l'are dans les) 260
Pépinières (semis de feuillus en) 263
Pépinières (repiquages en) 267
524 TABLE ALPHABÉTIQUE
Figures. Pagps.
Pépinières (bouturages en) 270
Pépinières (expédition des plants des) 274
Pépinières volantes 275
Périmètres (constitution des) 41
lO.j Périmètre de F^aucon (Basses- Alpes) (monographie du).
Perrés 94
Pertuis ou aqueducs dans les barrages 73
Peupliers 162
Pin d'Alep 140, 202
Pin Cembro 169, 208
Pin à crochets 166, 207
Pin Laricio d'Autriche ou pin noir 154, 206
Pin Laricio de Corse 153, 206
Pin Maritime 142, 201
Pin Pinier ou pignon 146, 201
Pin Sylvestre 152, 206
.56 Pioche à pic 186
Pioche (semis de résineux à la) 234
54, 55 Place de dépôts 126
13 Plan d'un torrent 65
Plançons 299
Plantations en buttes 184
Plantations et semis 200
Plantations à demeure " 200
Plantation en général (de la) 281
Plantation de résineux par touffes , 284
Plantations (saisons préférables pour les) 288
Plantation des terrains instables 289
Plantations dans les clappes 290
67 Plantations par banquettes horizontales 293
08, 69, )
70, 71, ( Plantations en cordons horizontaux. . . , 295
72 )
Plantations dans les fonds des ravins 298
Plantation de feuillus 291
Plantation des boutures 299
66 Plantoir en fer 270
Plants en pourrette 265
Plnies (répartition des) 136
77, 78, 79 Pluviomètres 3*2
80 Pluviomètres (armature des) 343
81, 82 Pluviomètres (boite des) 344
Pluviomètres (installation des) 339
Pourrette (plants en) 265
Prairies fauchables 315
Préparation du sol (but de la) l'ÏS
DES MATIERES. 525
igures. Pages.
Préparation du sol par lij^nes de bandes on de trous. . 193
Préparation du sol pour i)épinière 253
Prix de revient tles graines de l'euillus 21 i, 215
Prix de revient des graines de résineux 225
Prix de revient de l'hectare du semis de résineux à la
pioche 237
Prix de revient de l'hectare du semis de glands par
potets 231
Prix de revient de l'hectare de semis de fourragère par
potets 246
Prix de revient de l'hectare de semis de fourragère à la
volée 247
Prix de revient de l'hectare de semis de fourragère par
sillons horizontaux 218
Prix de revient du défoncement du sol à l'are dans la
pépinière 253
Prix de revient de l'are de labour après défoncement . . 253
Prix de revient du mètre cube de terreau en fosse.. . . 254
Prix de revient de l'are de semis de résineux en pépi-
nière 257
Prix de revient de l'emploi de la mousse en pépinière à
l'are 257
Prix de revient des sarclages en pépinière à l'are. . . 258
Prix de revient de l'irrigation en pépinière à l'are. . . 258
Prix de revient du mille de jeunes plants résineux en pé-
l)inière 259
Prix de revient de l'are de semis de glands en pépinière. 263
Prix de revient du mille de plants de chênes de 3 ans. 264
Prix de revient du mille de plants feuillus en pourrette. 266
Prix de revient du rigolage à l'are et au mille de plants. 269
Prix de revient de la plantation de l'are en boutures. . 272
Prix de revient du recépage de mille boutures à expé-
dier 272
Prix de revient de mille boutures 273
Prix de revient d'un are de pépinière volante 279
Pi'ix de revient de la plantation de mille touffes de rési-
neux 287
Prix de revient de l'hectomètre courant d'un drain de
l<=r et de 2e ordre - 111
Prix moyen du mètre cube de maçonnerie de mortier
(note K) 505
Prix moyen du mètre cube de maçonnerie mixte . . . 505
Prix moyen du mètre cube de maçonnerie de pierre sèche. oOo
Protil de compensation 25
Profil d'équilibre 25
14 Profil en long d'un torrent 65
526 TABLE ALPHABETIQUE
Figures. Pages.
Projet (le périmètre (étude d'un) 44
Prunier de Briancon 1G9
Puissance de l'affouillement 37
Qualités pfermiuatives des graines de résineux 221
Quantité de graines de résineux à semer à l'are en pé-
pinière 260
Quantité de graines de résineux à semer à l'hectare. 237, 241
Radiers 81}
Radiers de barrages dans les torrents de Riou-Bour-
doux et de Faucon 467
Ravins (correction des) 58
Ravins (définition des) 14
Reboisement en général (du) 127
Reboisement chez les particuliers (du) 378
» Recépages 175
57, 58, 59 Récolte des graines de feuillus 209
Récolte des graines de résineux 216
Régénération des pâturages 320
Répartition des essences forestières .suivant les climats. 139
Répartition des pluies 136
Repiquages 209
Reiiiquages en pépinière (rigolages) 267
Rejjiquages (nombre de plants à l'are). . 269
Retenue (barrages de) 113, 118
Rigolages (voir Repiquages) 209
91 Riou-Chanal (éboulements dans le torrent de) .... 417
Rivières 12
Rivières torrentielles 13
Robinier 161
Ruisseaux 13
Sainfoin commun (esparcette) 242
Saison préférable pour les semis de résineux 231
Sai.son préférable pour les plantations 288
96 Sanières (enquête sur la lave des'i 426
Sapin 155, 207
Sarclages 262
Saules. 163
Sécheresse du sol (moyen de la combattre) 179
Section du débouché d'un barrage 66
Semis et plantation en général 200
Semis à l'araire 226
63 Semis à la binette 227
Semis du chêne 227
DES MATIERES. 527
Figures. Pages.
Semis à la pioche 228, 23o
Semis ù la volée 231
Semis par potets 231
Semis sur la neige 233
Semis de résineux (saison à préférer pour les) 238
Semis de résineux à la hache-prés 240
Semis de résineux (immersion des graines) 239
Semis de graines fourragères pour enherbement. . . . 246
Semis de graines de feuillus (tableau i^ynopfique des). . 266
Semis en pépinière 257
Sentiers 325
Situation d'im lieu 134
Sol (préparation du) 178
Sols (des) 138
Sorbiers • . 139
Soxilèvement (causes du) 182
Subvention pour l'amélioration des pâturages 390
Surfaces cultivées par hectares suivant les modes de
préparation du sol 191
Tableau des surfaces cultivées par hectare selon les mo-
des de préparation du sol 191
Tableau des graines de feuillus 215
Tableau des graines de résineux 223
Tableau des semis de feuillus en pépinière 266
Tableau du nomlu'e de plants à Tare de repiquage. . . 269
Tableau des valeurs des journées calculées par dixième. 433
Talutage des berges 109
Terreau 253
Tilleuls 159
Topographie 324
Torrents (les) 13
Torrents éteints 14
Torrents en activité 14
Torrents (leur classification'! 16
1 Torrent composé 17
2 Torrents simples et torrents coin])osés 19
4, 10 Torrent idéal, profil en long et plan 22
' ' ' I Torrent idéal, profils eu travers successifs 27
Torrents à affouillements 32
Torrents à casses 33
Torrents glaciaires 33
Torrents (leur travail dans le sein de la montagne) . . 34
30 Torrent (section d'un) avant les travaux 88
31 Torrent (section d'un) après les travaux 89
528 TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES.
Figures. Pages.
32 Torrent (section d'un), profil en long 90
33, 34 Torrent (section d'un), détail de la construction des
clayonnages 91
35, 36, J Torrent (section d'un), détail de la construction d'un bar-
37, 58) rage, avec radier, contre-barrage et mur de revêtement. 92
Touffes (plantation par) 284
51 Tournes contre les avalanches 119
Tracé de la zone de défense 41
Transhumants (troupeaux) 318
Transport en niasse 23
Travail du torrent dans le sein de la montagne 34
Travaux de correction, leur but 48
Travaux complémentaires 109
Travaux (aménagement des) 370
Travaux facultatifs chez les particuliers 377
Travaux facultatifs dans les communes 388
Travaux (ordre chronologique des) 365
Triage des matériaux (loi du) 22
Troupeaux transhumants et indigènes 318
Trous (préparation du sol par) 189
15 à 22 Types divers des barrages CS, 70
Végétation forestière (limites de la) 308
Vents dominants (influence des) 135
Volée (semis à la) 231
Zone de défense 41
Zones climatériques 132
FIN DE L OUVRAGE.
Taris. — Typ. G. Chaincrot, 19, rue des Saints-Pères. — 9902
18410
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AGRICULTURE
, FORÉSTi^Y
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