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TROIS
SERMONS
SVR CES PAROLES
de rEpiftre aux Hébreux,
chap. 1. verf. 3.
Zequel Fils ejlant la reff>lendeur de la gloire , ^^
la marque engrauée de la perfonne d'iceluy^
S' foufienant toutes chofes far fa parole fui f^
faute y ayant fait far foy- me [me lapurgation
de nos pechez^^ sefl: ajjîs à la dextre de la
Majefié es lieux très- hauts.
Prononcez à Charenton,
P A R
MOYSE "-AMYRAVT.
Se vendent à Charenton^
Par Anthotne Cellier, demeurant
à Paris , rue de la Harpe , aux Gands
Couronnez.
M. DC LVIIL
A SON ALTESSE
MADEMOISELLE
DE BVILLON.
ADEMOISEZZE,
Si le troîipeau deuant qui ces trois Predi^
cations ont eflè faites ^ riauoit fonhaitè de les
voir fur le papier , je naurois pas la hardie ffe
de les prcfenterà V. A. parce quil ny a rien
digne d'elle qui nait eu premièrement -vue telle
approbation. Mais (i d'autre cojrè y M A-
T) E MO IS EZ L E^ vous n auiexjèmoigné
le me [me defir ^ jaurois eu peine à conde [cendre
k celuy de ce grand peuple , parce que je ne con-
nais rien de plus épuré que vojîre jugement , ny
par quoy celuy de toute vne multitude puïfje ejîre
mieux contre^halancL Fuis que ces deux chofa
Je font ainfi rencontrées y f accorde volontiers ces
Jvieditations au l'ublic^four luy donner quelque
freuue de ma gratitude ^d^du z^le que f ay four
fon édification. Mais je les donne en particu^
liera V. A. M AD E M O IS EZ L Ey
afin que cefoitauxyeux du monde vn monument
authentiqua de la vénération extraordinaire que
fay pourvofire excellente fieté. V^ous les rece-»
lirez, aufii ^ s il vous plaifiy MABEMOI--
Se L L Ey comme vn effeïldu profond reffenti"
ment que fay de ce qu il vous plaifi m' honorer (i
particulièrement de voftre bonne volonté ^ d^ com*
mevngaje de la refolution inuiolable que fay
faite a ejire tout le re^e de ma vie.
MADEMOISELLE^
De V. A.
Le tresJjumble é" tres-obeïffant
feruiteur^
AMYRAvr^
I
PREMIER SERMON
Sur ces paroles de TEpidre aux
Hébreux, chap.i. verf.3^
Lequel Fils ejlant la. refplendeur de la gloire^
^ lit marque enyauèe de la perfonne d'ice-
luy , & foufienant toutes chofés par fa pa^
rôle puijjante ^ ayant fait par foy me fine la
purgation de nos pechet^^ seji aj/is à la dex^
tre de la Majefté es lieux tres-hauts.
RERE S BIEN-AIMEZ
EN NOSTP.E SeiGNEVR:
Apres vne fuitte aflez confî-
derable d'années , pendant lefquellcs il eft
arriué des moiuiemens en ce Royaume,
6c particulièrement en ces quartiers , qui
ont menacé ce Temple de le réduire en
cendre ^ &: ce Troupeau de diiîîpation j ce
m'eft vericablement vne grande confolation
de voir l'vn conferué par la proteclion de'
Dieu , lans qu'il y foit arriué aucun accident^
& l'autre tranquille & floriffant^ ôc com^
me journellement arrofé de la benedidion^
de Dieu par la prédication de fonEuangili
A
2
Ce m'efl; auffi beaucoup d'honneur d'auGir
efté conuië de monter en cette chaire pour
vous exphquer la parole de noftre commun
Seigneur^ de tenir la place de Tvn de ceux
qui ont accoufturaé de vous annoncer la
dodrine du falut auec vne édification fin^
guhere. Mais ce m'eft aulîî vn fujet de tri-
ftefTe & vne efpece de mortification , de me
voir en eftat de craindre, outre mes autres
manquemens , de n'eftre pas bien entendu
par vne fi grande aflemblée^ Parce qu'a iiec
quelques autres infirmitez , l'aage qui em-
porte tout 5 a auflî emporté vne partie de
cette voix , par laquelle je me faifois au-
trefois ailez commodément ouïr icy , quand
la Prouidence de Dieu a voulu que j*aye
Î)arlé en voftre prefence. Et cette affliction
à croift encore par cette confideration^c'eft
que j'ay pris pour thème de mon propos vne
fentence,qui comme vous le pouuez afi^ez
juger, m'obligera neceffiirement à vous dire
àes choies qui méritent de ne tomber pas à
terre, & de n'eftre pas inutilement empor-
tées par le vent. Ncantmoins je tafcheray
de faire vn effort, & comme j'efperc delà
grâce de noftre Seigneur , laquelle j'implore
de tout mon cœur^ que cette heure icy ne
fc paftera point fans que vous remportiés
• . 3 . ,
quelque fruiddema méditation, c\u/rim*at«
tens-je que vous me prefterez vne extraor-
dinaire attention ^ 6c que l'application de
vos efprits fupplëera à la foiblelTe de mon
organe. lemepropofe donc, Dieu aydant^
de vous expliquer icy trois chofes. La pre-
mier? , qui eft celuy dont il eft icy parlé^
de comment TApoftre le conlîdere : Puis
après , comment li entend que celuy dont
il parle eft la refplendeur de la gloire de
Dieu 5 Et enfin, comment il dit qu*il eft la
marque engrauëe de fa perfbnne ., &c ce que
lignifient ces termes. Car quant aureftede
la fentence, il contient trop de matière pour
pouuoir eftre expliqué dans vne adion. Pour
donc commencer par le premier de ces
Poincl:s , celuy dont l'Apoftre parle , c'eft
le Fils : Car il eft bien vray que ce mot ne
fetrouue point dans l'original en cette fen-
tence : Mais il le faut necclfairement fup-
pléer &:le repeter des patoles précédentes
dont voicy la fuite. Dieu ayant jadis aplu^
fieurs fois ^ en plufieurs 7nanieres parlé à nos
JPeres par les Prophètes , a parlé a nom en ces
derniers temps par fon Fils , lequel il a effahly
héritier de toutes chofes , par lequel au ffi il à
fait les Siècles : Lequel eftant la refplendeur
de la (gloire , é* l^ marque engrauée de laper-
4
fonne d'iceluy, C'efl: donc le Fils dont il efi:
icy parlé, &ce FilsJà c'eft noftre Seigneur
lefus Clirift, qui fait feul toute la matière de
cette diuine hpiftre. Or en lefus Chrift, il
fautconiîdererdiftinclement laperfonne ôc
la charge , & voir à Tégard de laquelle des
deux il eil appelle de ce nom. Et porr ce
qui eft de fa charge qui confifteencequ'il
cft fouuerain Prophète de fon Eglife , fou-
iierain Sacrificateur, 6c Roy , il n'y a perfon-
ne que je fâche qui luy attribue ce tiltre de
pils de Dieu à Tégard de fa Prophétie 3 Et
de faid,iln'yarien en l'Efcriture fàinte qui
ait la moindre apparence de mener là. Pour
ce qui efl de fà Sacrificature , quelques, vns
ennemis de fà Diuinité prétendent qu'il
peut bien eflre appelle Fils de Dieu àToc-
cafîon de fon Sacerdoce , & fondent cela
fur vn paflage qui fe trouue au chap. 5. de
cette Epiftre , où ?Apofl:re parle en cette
forte : Chrifi ne s' efl point glorifié foy^mefme
four eftre fait Souuerain Sacrificateur , Mais
celuy Va glorifié qui luy a dit^ Tu es mon F ils y
je t'ay aujourd'huy en^màré. Comme fil*A-
poflre auoit eu defTein de nous enfeigner
que noflre Seigneur eft Fils, parce qu'il efl
Souuerain Sacrificateur , oc que fa généra-
tion a efté fon inflallation en fà charge.
Mais outre que pour eftre Fils de Dieu il
faut au moins auoir quelque relTemblance
auec luy ^ ce que noftre Seigneur, entant
queSouuerain Sacrificateur, n a point, parce
qu'en Dieu il n'y a rien qui fe rapporte à
cette charge^ ce n*eft nullement l'intention
de l'Apoftre en cet endroict là. Noftre Sei-
gneur auoit dit qu'il eftoit le Meflîe , 8c que
Dieu l'auoit fandifié 6c enuoyë pour cela:
Ce qui enferme neceflàirement fon Sou-
uerain Sacerdoce, A cette occafion il auoic
efté accufé ôc condamné, 6c misa mort par
les luifs 5 6c Dieu en le permettan^t ainfî
fembloit auoir confirmé 6c ratifié cette fen-
tence. Quand donc il vint à le refliifciter
des morts ^ èc par ce moyen à cafler TArreft
qui auoit efté donné contre luy , il mit en
euidence la vérité de ce que Chrift auoic
dit de foy , 6c aduoùa hautement qu'il luy
auoit donné la charge de Meiîîe , 6c par
confèquent de Souuerain Sacrificateur , 6c
que c'eftoit luy qui l'auoit en cela glorifié^
éc non pas Chrift qui s'eftoit glorifié foy,
mefme. C'eft donc a cela qu'il faut rappor-
ter ces paroles employées par l'Apoftre , Tu
es mon Fils , je t'ay aujourd'huy engendré :
Car vous fçauez qu'elles font interprétées
de {a refurredion au hure des Ades, Enfin
A iij
quelques- vns rapportent cela à /a Royauté,
^ allèguent pour cet cfFcd deux pailàges de
l'Efcritute. L'vn eft au Pieaume 82. où le
Prophète parlant des Souuerains Magiftrats
dit : fay dit vous efies Dieux , votts eftes tous
enfansdîi Souuerain : D'où ilsraifonnent que
il les Potentats de la terre font appeliez
enfans de Dieu , à caufe du fbuuerain com-
mandement qu'ils ont entre les mains ^
noftre Seigneur peut bien eftre appelle
Fils de Dieu à caufe de la fouueraine emi-
nence de fà dignité Royale. L'autre eft au
dixième de S. lean , où noftre Seigneur
ayant efté accusé de blaipheme , parce qu'il
s'eftoit dit Fils de Dieu,fe défend en cette
manière. N'elî-tl pas tfcrit en voftre Loy^
fay dit vous efies Dieux / Si elle a appelle ceux-
/i Dieux au f quel s la parole de Dieu eft ad-
drefièe , ^ V Efcriture ne peut ejlre enfrainte:
Dites vous que je blafpheme ^ moy que le F ère
aJanUifié ^ enuoyéau monde ^ pour ce que fay
dit, je fuis le Fils de Dieu / Mais ny Tvn ny
l'autre de ces paflàgesne prouuent ce qu'ils
prétendent. Gar pour ce qui eft du pre-
mier , il y a bien de la diiFerence entre cette
appellation d'enfans de Dieu , quand elle eft
ainii donnée en commun à tous les Souue-
rains Magiftrats , & ce glorieux tiltre du
7
Fils de Dieu , quand il eft appliqué à vne
perfonne fingulierc. Tous les Fidèles font
nommez en commun enfans de Dieu,à caufe
de fon image qu'ils portent en la reprefen-
tation de la fàindcté. Mais fi quelquVn
deux fe difoitle Fils de Dieu en particulier,
fa confcience propre luy reprocheroit fon
audace & fon blafpheme. De mefmestous
les fouuerains Magiflrats font en commun
nommés de ce nom d'enfans de Dieu, par-
ce qu'en la puiflànce indépendante qu'ils
ont fur les autres humains , ils ont receu la
communication de quelque rayon de fà Ma-
jefté , & de Tauthorité infinie qu'il afur les
Cieux dctnr la Terre. Mais aucun d'eux, qui
qu'il foit , n'oferoit prendre ce nom de Fi/y
de Dieu en particulier , s'il ne vouloir pafTer
pourvnblafphemateur ôcpour vnfacrilege.
Et la raifon de cela eft, que cette denomi»
nation a rrop de magnificence , & met dans
l'efprit vne idée trop glorieufe , ôc qui re«
prefente vne trop grande dignité, pour pou^
noir conuenir à vne limple créature. Pour
le regard du fécond , on y peut dire diuer-
fes chofes. Et premièrement cela a eftédit
par noftre Seigneur comme par forme de
conceffion feulement , pour montrer com^
bien les luifs eftoiét iniques Se déraif ônables,
A iiij
8
Vous ne trouuez ,dic-il , point maunais que
rEfcriture appelle les fouuerains Magiftrats
Dieux, de Enfans duSouuerain, âcaufede
Teminence de leur charge. Puis donc que
Dieu m'en a conféré vne quieft infiniment
plus excellente que la leur, nedeuriez-vous
pas vfer de quelque fupport enuers moy
quand ie me dis eftre Fils de Dieu, 8c ne faur^
il pas que vous foyez bien injuftes, 6c bien
paffionnez contre moy _, de dire que je blaC
pheme ? De plus , il eft certain que la char-
ge de Médiateur eft telle qu'elle ne peut
conuenir à vne perfonne qui ne foit quVne
iîmple creatute feulement. Car il ne pou-
uoit eftre, comme ditnoftre Apoftre,/>^ri-
tier de toutes chofes^ c'eftàdire. Seigneur des
deux & de la terre , fans vne infinie authori-
té , & il ne pouuoit exercer cette domination
fans vne vertu &: vne puiflance infinie. Si
donc ces paroles prouuent, comme elles font
indubitablement, qu'il eft Médiateur, elles
prouuent également qu'il eft Dieu bénit
éternellement , ce qui met déformais l'inter-
prétation de ce paflàge hors de controuerfe.
Enfin les paroles mefmes efquelles il eft con-
ceuj juftifient cette vérité , &: la mettent
dans vne claire euidence. Car le Seigneur
lefusditque le Père YafanHifiè^ àc qu'il 1'^
9
enuoyè au monde. Or ce terme de fànclifîca-
tion fîgnifîe là , non la régénération , comme
quand il eft queftion àcs Fidèles , mais la
confecration par laquelle il a efté ordonné
pour les fondions de fà charge. Son enuoy
eft fà venue du ciel en la terre & fon incarna-
tion , qui , comme vous voyez , fuit fa fancti-
fication, en l'ordre auquel noftre Seigneur
les propofe. Sa confecration donc a précé-
dé fon incarnation, &s'eft faite dans le ciel
auant qu'il euft paru en la terre. Il eftoit donc
auant qu'il fuft incarné. Et qu eft- ce que ce-
la veut dire finon qu'il eft Dieu benit éter-
nellement? Car quelle exiftence pouuoit-il
auoir auant fon incarnation, finon éternelle
^ diuine? Mais ailleurs TÉfcriturenenous
laifle nullement douter que ce ne foit , non à
regard de (à charge , mais à l'égard de fi per-
fonne , qu'il eftappellé le Fils de Dieu. Pour
exemple,quand Saind Paul au chap. premier
de l'EpiftreauxRomains dit que lefns Chrift
a efté fait de la femence de Dauid félon la
chair: mais qu'il a efté déclaré Fils de Dieu
en puiflance félon l'efprit de fanctifi cation , il
faut que par la chair il entende l'humanité^
& par l'efprit de fanctification vne nature di-
.uine&: non vne charge. Car comment s'ap.
pelleroit ià charge de Médiateur vn efpnt de
fmdifîcacion ? Etquandaucliap. premier de
TEiiangile félon faint Luc , PAnge dit à la
Vierge bien-heiireufe , L'Efpritdu Seigneur
furuiendra en toy ^ ^ la vertu du Tr&s-haut
i enojnbrcrd'.dont auflî ce qui naîtra de toy Saint
fera appelle le Fils de Dieu^n^ t-il pas manife-
ftemenc égard a la perionne de noftre Sei-
gneur,qiu deuoic eftre conftituee de la natu.
re diiùne & de la nature humaine par la vertu
du Saint Efprit, &: non à fa charge dontil
n'efl là fait mention quelconque? Ileft donc
horsdecôtreditque lefus Chrift eft appelle
Fils de Dieu eu égard à fa perfonne : mais il
y a outre cela quelque chofe à examiner icy.
Car dans la perfonne de Chriflon peutcon^
fîderer la nature humaine à part,êc la diuine à
part encore, ôc enfin la perfonne toute entie-
Tc^conftituée comme j*ay dit,de la nature hu-
maine &: de la nature diuine conjointement.
Or à regarder la nature humaine precifemêt,
elle a bien cela de particulier en Chrifl qu'el-
le efl fainte , innocente , ôc exempte de toute
forte de péché. Mais neantmoins , ce qui efl
reprefènté par ces termes. La refplendeur de
la 'gloire de Dieu , ^ ta marque engrauée de fa
perfonne , a , comme nous verrons tantoft,
quelque chofe de fî magnifique êc de fi
grand , que la nature humaine toute feule
ir
iVefl: pas capable de le fouftenir. C'efl: pour*
qiioy noftre Apoftre appliquant à le/us
Chriftôcaumyftere defon incarnation , ces
paroles de Dauid au PC 8. Quefi-ce que de
l'hvmme mortel ^ que tu ayes fouuenance de luy^
^ du fils de l'homme que tu levifttes^ s'exprime
auec interrogation & exclamation comme
vous voyez , afin de nous donner à entendre
qu'il y a dequoy s'émerueiller de ce que la
Diuinité a daigné joindre l'humanité âfoy,
à caufe de leur difproportion infinie. Quant
à la nature diuine deChrift, il n'y arien de
fi glorieux dans les paroles de noftre texte
qui ne luy puifiTe conuenir. Car de quelle
magnificence & de quelle fplendeur eft-ce
que la Diuinité n'eft point capable ? Mais
c<^s termes , re fplendeur de la gloire , marque
engrauée de la perfonne , ne font pas icy em-
ployez feulement pour fignifier la reflem-
blance 6c le rapport qui eft entre Dieu & no-
ftre Seigneur, & pour dire que le Fils eft
femblable au Père , cela eft dit principale-
ment relatiuement à nous^ &; pour nous don-
ner à entendre que Dieu s'eft tellement
communiqué à la perfonne de Chrift, 6c
s'eft fi parfaitement reprefentéen elle, que
c*eft là où il faut que nous le regardions 6c
que nous le connoiflîons , parce qu'il el^'
abfolument incomprehenfible en luy-meC
me. Or le Fils, fi vous le confiderez feule-
ment en fa Diuinité, eft autant incompre-
henfible à nos entédemens que Dieu, & auffî
capable deblouïr nos yeux, Se d'engloutir
nos penfces. De là il s'enftiit neceflàirement
qu'il faut icy confiderer le Fils de Dieu en-
tant qu'il eft Dieu &: homme tout enfemble^
& que c'eft à cela qu'il faut rapporter ce que
l' Apoftre en dit icy. En efFed , ôc les paroles
qui précèdent, & celles qui fuiuent immédia-
tement, & tout lefujetde cette diuineEpi-
ftrele montrent. Celles qui précèdent pre-
mièrement. Car quand l' Apoftre dit que
Dieu a parlé a notes en ces derniers temps far fon
JPils ^ il entend fon Fils manifefté en chair:
car c*eft en cet eftat-là qu il a parlé aux hom-
mes. Celles qui fuiuent auflî. Car quand il
adjoufte, qu'ila fait par foymefmela purga^
tion de nos peche^^ ^ qu'ail s'ejiajfzs à la dextre
de la ma]eftè es lieux très-hauts , il entend par-
ler de lefus Chrift reueftu de l'humanité,
auec laquelle il a fait la fondiondeSouue-
rain Sacrificateur, 6c a pris pofleffion de fon
royaume. Le fujetde cette Epiftre encore.
Car!' Apoftre ytraitteladodrinedel'Euan-
gile, qui n'eft rien finon l'explication des
choies qui concernent la perfonne de Chrift
^3
entant qu'il eft Dieu manifefté en chair , &
la charge de Médiateur qui luy a efté confé-
rée par le Père celefte. Et véritablement il
n'y a rien de fi clair, qu'il peut eftre appelle
Fils de Dieu en cet égard. Car pour eftre
fils de quelquVn il ne faut finon auoirvne
nature entièrement femblable à la fienne,
& la tenir de luy par génération. Or noftre
Seigneur lefus Chrift a vne nature tout à fait
égale à celle de Dieu , & il la tient de luy par
vne génération incomprehenfible & éter-
nelle. Et derechef, pour eftre fils de quel-
quVn il faut eftre vne perfonne dont les cho-
ks qui la conftituent, ayent efté vnies en-
femble par la vertu & par l'efficace de celuy
de qui on eft dit fils. Or noftre Seigneur eft
vne perfonne dont les deux natures qui la
compofent, ont efté vnies enfemble parla
vertu de l'Efprit de Dieu, fàn!> qu'il y foit riea
interucnu finon cette opération celefte , ex-
traordinaire de miraculeufe. Mais il eft temps
devoircequel'Apoftre dit de cette bénite
& glorieufe perfonne. Il eft, dit- il, la ref-
f tendeur de la gloire de Dieu, Ce mot de gloi-
re, Mes Frères, fignifieafiTez fouuent en
l'Efcriture, vne grande lumière corporel-
le & qui a beaucoup d* éclat. Commequand
TApoftre au chap. i j, de la première aux Co-
ï4
tmthiensditqxx autre efi la gloire du Soleil^ é^
autre la gloire de la Lune ^ ^ autre la gloire
des Ejiotles. Car on dira bien d'vne chandel-
le allumée qu'elle a de la lumière, mais deb
gloire , nop. Des aflres , parce qu'ils font ad-
mirablement radieux , on peut bien dire
qu'ils ont, non de la lumière feulement ^ mais
encore de la gloire. Mais il n'efl: pas que-
stion de cela icy . Car Dieu n'efl: pas vn corps
lumineux d'où il fe puifl[ê écouler vne ref-
plendeur qui fe reçoiue dans vn autre corps.
Et bien que le corps denofl:re Seigneur (oit
maintenant fbuuerainement rayonnant là
haut dans les Cieux, ce n'efl: pas pourtant
proprement en cela qu'il efl: la refplendeur
de la gloire de Dieu à nofl:re égard , & que
Dieu^ quiefliincomprehenfible en foy^ s'eft:
donné à connoifi:re à nous en la perfbnne de
fon Vnique. Gloire aulîî fignifie quelque-
fois vne bonne renommée quand elle a quel-
que chofed'illufl:re, d'extraordinaire & d'é-
clatant, 6c quelle a outre cela quelque foH-
dité qui la rend ferme êcperfeuerante. Car
d'vn homme qui , pour exemple , a fait quel-
ques bonnes adions de valeur , ôC qui ont
efl:é connues , on peut dire qu'il a ac-
quis de la réputation. Mais pour mériter
ce nom de gloire , il faut quelque chof©
15
qui furpafle de beaucoup cette médiocrité
la , de auoir donné des batailles auec fuccez^
pris quantité de places , de s*eftre demeflé
de plufieurs grandes actions militaires auec
honneur, de à la veuëde tout vn Royaume.
Parce donc que toutes les vertus de Dieu
font fouuerainement eminentes , de. que tou.
tes les actions qui en procèdent éclattent
admirablement, de que cela eft confiant dC
perlèuerant d'vne manière inuariable , la
louange qu'il mérite par là , de que fes créa-
tures laintes de intelligentes luy en donnent,
mérite ce nom de gloire. Auffi voyons nous
queTEfcriture employé fouuent cette fiiçoii
de parler,/^ gloire de Dieu, en cette figni-
fication. Comme quand l'Apoftre veut que
nous faffions toutes chofes à la gloire de Dicn ,
C'efta dire, en telle façon qu'il luy en rc-
uienne beaucoup de louange, de que nous
ne vifions en nos actions ^ fînpn à faire éclat-
ter la bcauré de fes vertus. Et c'eft au ineime
iens qu'il dit que nous deuons eftre à la
louange de la gloire de la grâce de Dieu ^ dC
que nous mefmes nous fèruons ordinaireméc
de ces termes, feruir à la gloire de BieUy aiian-
cer la gloire de Dieu ^ de femblables. Mais ce
n'eft pas encore ainfi qu'il faut prendre cette
parole en ce palliige. Car la gloire deDicu^
lé
dncefeiis-là^eftvne rerplendeiir de fesvéf-^
tus , &c quelque chofe qui s'en produit & qui
en refulte. Or Chrift ne Teroic pas k refplen-
deur d vne aucre refplendeur des vertus de
Dieu : de vne perfonne telle qu'eft celle de
Chrift , ne peut pas eftre dite vne émanation
d'vne chofè qui n'eft point elle-mefmevne
perfonne ny vne fubfiftence véritablement
exiftenteenelle-merme. Pour donc enten-
dre cela il faut confiderer en Dieu principa-
lement deux chofo. La première confifte
en fcs emerueillables vertus de (àgefle , de
bonté, de juftice, de mifericorde , depuif-
fànce 5 defaincleté, de puilïànce, êcs'il y a
encore quelque autre propriété de cette na-
ture : car il n*eft pas neceflaire d'en faire
icy le dénombrement. Or chacune de
ces vertus peut eftre nommée du nom
de gloire , parce qu'elles font toutes mer-
ueilleufement rayonnantes d'vne lumière
fpirituelle& digne de l'excellence de laDi-
uinité. En effed SaindPaul appelle difer-
tement la puifTance Diuine de ce nom , quad
au chap. fixiéme de l'Epiftre aux Romains,
il dit, que noftre Seigneur eft refllifcité/^^r
la gloire du. Père , c'eft à dire par vne vertu
fbuuerainemcnt éclatante , & capable d'é-
blouir les yeux de rentendement, Etquâd
noftre
17
rîoftre Seigneur promettant la Refurreftion
du Lazare, dît àîVnede ies fœurs,iV(?/^/y-.
je pas dit que f tu croyais tu verrais la flaira
de Dieu^ il entend encore la mefme puîfl
ùiYiCQ. Or fi chacune des vertus de Dieu
peut eftre appellée de ce nom de gloire ,
on peut fans doute en beaucoup plus forts
termes,le donner à elles toutes enfemble, en
les confiderant comme conjoindes & vnies^
S'il fautainfî dire , en concert. EnefFectmes
frères , fi nous auions les yeux aflîez perçansr
& aflez forts pour pénétrer ipfques dans:
l'eflence diuine , & pour y confiderer la
fplendeurde fes proprietez & defes Vertus^
nous verrions que c'eft vn eftre admirable-
ment rayonnant, &: qui brille de toutes parts
6c à toute éternité dVne lumière inénarra-
ble. L'autre chofe eft , que de ces vertus de
Dieu refaite necefliciirement vne Majefté,
&: vne authorite Souueraine fur toutes les
chofes qui font en TVniuers , fbit vifibles
foit inuifibles , & de quelque nature qu'elles
foient. Car naturellement c'eft des vertus
extraordinairement eminentes que fe pro-
duit la puifl^nce du commandement : ce
qui a fait dire à quelquVn autrefois que s*il
fe trouuoit vn homme entre les autres dont
les vertus fuflent telles & en fi o-randnom-
B
ï8
bre qu*ilpaflaften cela tout le reftédeshu
mains , il deuroit eftre le Roy des autres , 6c
qu'il auroit droid de s'attribuer Tauthorité
de les gouuerner. Or toute telle puiflance
eft accompagnée de quelque magnificence
& de quelque fplendeur, &: toute telle fplen-
iieur eft qualifiée du nom de gloire. Com-
me quand noftre Seigneur dit que la beauté
des listfa point efté égalée par la gloire de
Salomon, il entend indubitablement l'éclat
de fâ Majefté , &: la magnificence qui ac-
compagnoit fà puiflance Royale. Si donc
vous joignez en Dieu ces deux cliofes en-
iemble^fes vertus & la fplendeur delapuif-
iance qui s'en produit ^ vous trouuerez que
«eft vn eftre fouuerainem ent glorieux , C'eft
pourquoy dans l'Efcriture Sainte il eft ap-
pelle le Dieu ôc le Roy de gloire: Comme
quand il eft ditauPfeaume , Portes ^ efleuer^
ifos linteaux y €jleue\l€S vom huis eteryiels ^ d^
le Roy de gloire entrera. Et c*eft pour cette
raifon qu'entre les noms dont les Hébreux
l'ont autrefois appelle^ ils l'ont nommé du
nom de Gloire , comme s'il n'eftoit pas feu-
lement refplendiflànt êc glorieux , mais la
gloire mefme. C'eft donc en cet égard que
Chrifteftlarefplédeurde la gloire de Dieu:
jCar ce napt de reiplendeur lignifie propre-
filent vn écoulement de lumière qui Cort
dVn corps lumineux^ ôc fe reçoit telJcmenc
dans vn autre , que dans la réflexion qui s'y
en fait, il iemble que l'on voye le corps
merme dont elle a tiré fon origine. Comme
ri arriue quelques fois qu'il fe rencontre vne
nuée fi commodément fituée à l'oppofite
du Soleil, quil s'y fait vne telle impreffioit
de fa lumière qu'elle le reprefente exade-
ment y de forte qu'on les prend l'vn pour
l'autre , & qu'on s'imagine qu'on void deux:
Soleils, tant il eft mal aifé d'en faire le dif-
cernement. Et cefl ce que l'Apoftre veut
dire , que le Seigneur lefus reprelènte tel»
lement la gloire de la Diuinité en foy , de
qu'il en a receu vne telle communication,
qu'on ne le fçauroit prendre pour autre cho-
fc que pour Dieu bénit éternellement, tant
les vertus 6c la magnificence de la majefté
de Dieu font admirablement reprefentées
cnia perfonne. Etc'eft pourquoyl'Apoftre
au chapitré premier de TEpirtre aux Co-
loffiens l'appelle Nmaç^^e de Dieu inuifible. Ce-
pendant mes frères, Chrift doit eftre can-
îîdefé en: deux eftats , afl!auoir en celir)' de
fon abbaiffement j êc en celuy de fon exal-»
ration. Et en ce premier eftat , il a bien pu
certes eftre la refplêdeur des vertus de DieiTr
B ij
lO
Car il a eu la mefine juftice , la mefme bontés
la mefme fàgefle , la mefme mifericorde que
Dieu. Il a melmes peu eftre en cet eftat
là la refplendeur de fa puillànce , parce qu'il
rafaitparoiftre en vne infinité d'adionsmi-
raculeufes qui ont rauy en admiration ceux
qui les voyoient. A cette occafion , lors que
Philippe luy demanda qu'il luy pleuft de
monftrer lePere à luy & à fes compagnons,
il ne fît pas difficulté de luy rcfpondre,
jPhilifpe qui rna veu il a veu mon fere ^ par-
ce qu il n*y a point de vertus en Dieu que
noftre Seigneur ne fîft voir enfà perfonne.
Mais quant à cette magnificence qui accom-
pagne vne authorité fouueraine, ileftmal-
aifé de conceuoir qu'en cet eftat là noftre
Seigneur en ait efté larefplendeur. Au con-
traire rApoftre,quiditqu'auantfbn Incar-
nationil cùioit m forme de D/^//3 c'eftàdire,
qu'il auoit autour de foy toutes les marques
éc toutes les enfeignes les plus glorieufes
de la Diuinité , ajoufte qu'il n'en a pointt
fait de parade quand il s'efl manifefté en
la terre, & qu'il a pris la forme de feruiteury
eftant fait àlareflemblancedesplus mépri-
fables d'entre les hommes. Il eft vray que
noftre Seigneur a efté transfiguré fur la mon-
tagne, & quefà transfiguration efloitconi*
il
me vue image de la plus efclatante gloire de
Dieu. Mais cela aefté paflager&: naduré
que fort peu de temps : tellement qu'il n'a
point changé la condition de fon aneantifle-
ment en la terre. Si donc l*Apoftre faind
lean dit , Notis auons contemplé fa gloire^com^
me de IVnique iffu du Père , ou bien il entend
la gloire qui confîfte en la reprefentation des
vertus de la Diuinité feulement, & non en
l'image de fà magnificence : ou bien s'il en-
tend parler de l'image delà magnificence de
Dieu, il a égard à la transfiguration , de la-
quelle luy& deux de ks compagnons feule-
ment auoient efté témoins , & que l' Apoftre
S. Pierre appelleauflî en quelque lieu de ce
nom de gloire. Il en faut donc enfin reuenir
là, que pour remplir toute l'eftenduë, ôc
égaler toute l'emphafe de ce terme , Chrifl
efila refplendeurde la gloire de Dieu , il le faut
confiderer non pas feulement en l'eftat de
fonabbaiflement,oùila reprefentéles ver-
tus de la Diuinité, mais auffî en celuy de fon
exaltation , où il porte l'image de la magnifi-
cence de (à puiflànce. Et de faid ces mots
ayant fait par foy- me [me la purgation de nos
pcche%^^ le nous propofent comme refllifcité
d'entre les morts-, car lapropitiationn'ena
peu eftre acheuée qu'après que noftreSei-
B lij
il
gvieur a efté relTufcité. Et ccnx-cy , s'eftajfts
àladextrede'lamajeflê^ le propofent encore
plus clairement en cet eftat glorieux , parce
que non feulemcc ils Tuppoicc fàrefurrection,
mais mefnies Ton afcenfion au ciel &: fon in-
trodudion en la jouïflancede fbn royaume.
Mais voyons ce que l'Apoftre adjoufte aux
chofes précédentes. // e/i^ dit^il , la marque
enz^rduè.^ de fa fer faune. Ce mot de perfonne
cft 11 commun 6c fi bien entendu de tous,
qu'il eft , ce femble , plus clair que quoy que
je puilTe dire pour vous en donner Pintelli.
gence. Nous ivappellons pas vne pierre vne
perfonne, parce que c*efl vn eftre qui n'a pas
mefine receula participation de la vie. Nous
ne nommons pas ainfi non plus vne plante,
parce qu'encore qu*on puilTe dire qu'elle eft
viuante , elle n'a pourtant aucune connoif-
fànce de fon eftre, 6c qu'elle eft priuée de
fentiment. Nous ne qualifions pas mefine
ainfi vn çheual j parce qu*encore qu'il ait
quelque fentiment de foy-mefiiie, il eft
néanmoins deftitué d'intelligence &: derai-
fon. Quant à la nature humaine , bien qu'on
ne la puiffeconcenoir qu'on n'enferme dans
^conception la penfée de la raifon , fi
eft- ce que lors qu'on la confidere entant
qu'elle eft commune à tous les hommes , 6c
^3
que, pour ainfi parler , elle fe répand dan
vne infinité de fujets, on neluy donne pas Je
titre de perfbnne non plus , parce que ce
mot reprefente vne nature intelligente en-
tant qu'elle fubfîfte envn certain fiajet indi-
uidu ,qui eft feparé de tous les autres , & qui
eft déterminé en foy mefme , foit par des
circonftances , ou par des proprietez , ou
quoy qu'il en foit par des chofes qui leur font
incommunicables &c qui ne conuiennent fi-
non à luy. Et ce mot a efté employé par les
anciens Théologiens , en difputant contre
les ennemis de la dodrine de la Trinité, pour
expliquer & pour défendre le dogme de trois
fubfiftances dilHnctes en TelTence diuine,
dans l'ordre &: dans Toeconomie en [laquelle
ce myftere nous eft enfeigné par la Parole de
Dieu. Carilsontconceuque l'Eflèncedim-
ne eft vne nature qui eft tellement commi>ne
à trois, allàuoir le Père, leFils_,&; le Saint
Efprit, qu'encore qu'il n'y aitquVn fêul&:
mefine Dieu , il y a pourtant trois fubfiften*
ces diftindes en fon eftence. Et cela ne fc
pouuoit pas mieux .. Vray eft qu'il y a de no-
tables différences entre ces choies ^ ëc celle-
cy nommément. C'eft que cette nature hu-
maine que j'ay dit eftre commune à toutes
les perfonnes du monde 5 n'eft point effeâi-
B iiij
î4
ueinent iînon en elles , 6c n'a point d'exiften*
ce aduelle à part. Au lieu que TefTence diui-
ne exifte véritablement, à la confidereren
elle-mefme ^ bien qu'entre les trois fortes de
lubfiflence , qu'on nomme de ce nom de
Î)er{bnneSj ilyaitvne telle diftindion, quç
e Père n'eft pas le Fils, ny le Fils n*eft pas
Père , de que le Saint Efprit ne foit ny le Père
ny le Fils. Maisil eftoitimpoflîbledetrou.
uer dans toute Teftenduë des chôfes créées
aucun autre meilleur exemple , ny qui repre-
fènte mieux ce myftere-la. Et je ne doute
pas que ce n'ait efté l'intention de nos Inter-
prètes, quand ils ont traduit le mot qui eft
dans loriginal , par celuy de perfonne^ de
prendre ce terme au fens auquel il a efté em-
ployé par les anciens Théologiens, Neant-
moins il y a plujfîeurs chofes qui pourroienç
faire douter s'ils auroient aflez commodé-
ment reprefentél*intentipn&remphafe di|
mot de PApoftre. Car pour dire cela en pre-
mier lieu, l'Apoftre ne s'exprime pas ainfi?
Ze Fils e(i la marque engrauée ou l'emprainte
de la fubfilîence duPere^mais la marque en-
grauée de la^fuhfilience de Dieu 5 le terme de
jP^r^ ne fè rencontrant point dans les paroles
précédentes, mais celuy de Dieu feulement.
Or eft-il bien certain que qui dit Fils , obli-
ge neceflTalrement Pintelledà faire quelque
reflexion fur la relation de père. Mais pour-
tant vous m'aduoUerez que puis qu'il a
mieux aimé s^exprimer par ce terme de Dieu
que par celuy de Père , il femble qu*il aie
pluftoft voulu nous mettre dans l'efprit la
pcnfée delà Diuinité, entant qu'elle a des
vertus émerueiUables , Se vue eflence eter*
nelle, &vne infinie majefté, que celle de la
relation de Père , par laquelle il eft diftingué
du Fils ^ êcde cette incomprehenfible fubfi-
ftence qui le fait conceuoir comme Pere&
non proprement comme Dieu. De plus , ce
que j'ay dit du mot de refplendeur , qu il a
efté employé pour nous fignifier que Chrift
eft celuy en qui Dieu, qui autrement nous
feroit entièrement inconnu , fe donne à con^
noillre à nous, fe doit dire pareillement de
çeluy de marque engrauée , de caradere ou
d'emprainte. Or comprens-je bien certes
quVn fih peut eftre appelle Timage de fon
père , parce qu'il le reprefente dans les quali-
tez de fon elprit , dans la ftrudure de foni
corps, & dans les lineamens de fon vifage;
Mais comment il peut eftre dit fon image , eu
égard à cette façon de fubfifter qui le diftin-
gué dauecluy,c'eft ce que je ne comprend
pas : &: me femble que cette façon de fubfi*
2(î
fter qui le fait eftrç Fils, m'eftaufTiincom^
prehenfible que celle qui fait l'autre perfon-
uc Pere,& que je ne puis pas connoiftre
iVn par l'autre, comme l'on fait vn original
parfon portraicb. Vous pouuez encore ad-
joufter à cela que fi nous fuiuons icy la ver-
iion de nos Interprètes , ce fera icy le feul
endroit où ce terme defubfiftence, quieft
dans l'original de PApoftre , fe prenne en
FEfcriture fàinéte au fens auquel ils l'ont pris .
Car il n'y a aucun autre endroit où mefmes il
approche tant fbit peu de cette intelligence.
Or il feroit bien eftrange que ce pailàge fuft
vnique où ce terme euft cette interpretatiô.
Encore pourroit on bien faire ici cette obfer-
iîation,qu a prendre ce mot defubfiftence en
cette fignification félon laquelle il defigne la
manière de Pexiftence dequelque chofe , qui
loy eft fi particulière qu'elle eft incomunica- .
i>îe à tout autre eftre que ce foit , il fautvn
peufubtilifèr,& auoir despenfees philofophi-
ques ôc minces , aufquelles les Saints Apo-
lires ne s'amufent pas ordinairement. Enfin^
ce terme de fubfiftence , au ftile de noftre
Apoftre,s'employepourdefigner la nature
des chofes qui ont vn eftre ferme & perma-
nent , & qui ne varie pas , de ne s'ëbranle pa$
laifement. Comme quand au commence-
^7
ment du clicip. II. de çQue Epiftre y il dit que
Zafoy efl vue fuhfiftence des chofes quon efpere^
il entend vne attente ferme, & inuariable , 6c
qui ne fe la;iTe point eitranler par la fecouf-
fe des tentations. Or à fuiure cela , l'on peut
icy donner à cette parole vn fens qui con-
uiendra , comme je croy , parfaitement bien
à l'intention du faint Apoftre. Car premiè-
rement Dieu eft vn eftre à la vérité , qui
femble auoir cela de commun auectous les
autres eftres , qu*ils font j mais qui a cela de
particulier que la plus part des autres font
ëuanouïllans &: paflagers, au lieu que Dieu
eft vn eftre permanent ôcdVne fubfiftence
éternelle , & qui n*eft fujette à aucun ombra-
ge de changement. Voila pourquoy quel-
que Philofophe a dit autrefois qu'il n'y a que
Dieu feul qui foit véritablement, ôc que tou-
tes les autres chofès ivont rien finon l'om-
bre de Tertre. Et l'Efcrituie dit quelques-
fois des chofes qui ont de Tair de cette
conception. Card'vn cofté Dieu dit, quV/
efi celuy qui efi , 6c s'appelle de ce nom là,
pour fe diftinguerd'auec toutes autres cho-
ies : &:de l'autre il eft dit que les hommes fe
pourmenent parmy ce qui n'a que l'appa-
rence, comme file monde eftoitvn théâtre
deftiné , non à contenir àz^ chofes reellesj
28
niais à fcruir à des reprefentations ^ & que
la Scene,comme on parle,6c les décorations,
en changeaflent de moment en moment , 6c
pafliiflent inceflamment par des viciflîtudes'
continuelles. Outre cela , s'il y a quelques
eftres qui fubfîftent conftamment , comme
on dit que les Cieux font incorruptibles ^ fi
eft-ce qu'il aefté vn temps qu'ils n'eftoient
point 5 éc ils pourroient n'eftre plus fi Dieu le
vouloit, de je puis conceuoir des Cieux en
mettant à part leur exiftence, 6c me figurer
des fpheres celeftes dans les efpaces imagi-
naires , encore qu'efFecl;iuemçnt il n'y en ait
point. Tellement que, comme on parle,leur
exiftence eft contingente. M ais quant àDieu
il a efté de toute éternité , il fera à toute éter-
nité encore, il ne peut jamais arriuer; qu'il
ne fbit point, 6c je ne puis conceuoir la na-
ture de laDiuinité, fans enfermer dans cet-
te penfée celle-cy encore, que Dieu exifte
aduellement, èc d'vne exiftence abfolument
neceflaire. Vous pouuez joindre à ces con-
fiderations que Teftre de toutes les autres
chofes quelles qu'elles foient , a eu befoin de
quelque chofè extérieure pour exifter, 6c a
fans cefiTe befoin de quelque caufe qui le
maintienne 6c qui le conferue , autrement
plies fe fondraient £c s çcouleroientàneapt.
^9
Les Cieux mefmes , comme ils ont efté
créez par la puij[Iànce de Dieu , fe confer-
iienc par elle mefme ^ ôi fans elle il leur ar-
riueroit incontinent quelque notable dérè-
glement. Mais quant à laDiuinité, elleeft
de par elle mefme , elle fe maintient fans VaC-
fîflance d'aucune autre chofe, & a dans fa
propre effence les fources éternelles de fa
vie y fans qu*il y puiffè jamais arriucr altéra-
tion ny changement. Enfin 5 tout ce que les
autres chofes ont d'eflre , elles le contien-
nent en elles , ôc n'ont pas la vertu de le com-
muniquer. Ou fiellesont quelque vertu de
fe répandre & de fè tranfmettre à d'autres
chofes par la génération , elles ont receu cela
de la diuinité ;, & ne le pofTedent pas d'elles
mefmes. Au lieu que Dieu eft vne fource
d'où coule inccfïàmment en toutes autres
chofes Teflre & la félicité. Tellement qu'il
n'efl pas feulement , il n'eft pas feulement
heureux d'vn bon-heur éternel & inuaria-
riable en fon efTence^il efl le fertile &c inépui-
fable principe d'où toutes les autres chofes
tirent leur eftre 6c leur beatitude,ôc: elles n'en
peuuentauoir la moindre veine ny la moin-
dre ombre fans fa communication. Noflrc
Seigneur lefus Chrifl donc efl la marque en-
grauéedelafubf^ftancedeDieUj en ce qu'il
30
èft comme luy , & d'vne exiftence cterfielle,;
neceflàire, qui a fon principe en foy melme,
qui fe communique aux autres chofes, & qui
leur donne tout ce qu elles ont d*exiftcnce &:
de bon-heur. Selon ce qu'il dit kiy-mefme
en quelque lieu, que comme /^ Père a perpe-
iuellementla main à U hefongne ,il Va y a aufii^
pour la production & pour la conferuation
des cliofès de I>Vniuer5]::6c que comme le Père
à vie en foy^mefme ^ aufii a-î il donne au lits
dauoirvie en foy- mefme^non pour la polTeder
quant à luy feulement, mais pour la donner
aux hommes, tant par la naiflànce que par la
refurredion.Cependâtil faut icy remarquer
la différence qui fe trouue entre les termes
qui font employez par PÀpoftre. Il a dit que
Chrift eft la refplendeur de la qloire de Dieuv
cequiavne merueilleufe emphafe. Neant-^
moins vne refplendeur eft vne choie qui
peut ne durer pas long- temps, &S'éuanouir
incontinent. Gom meen cette impreffionde
lalumiere du Soleil dont je vous parlois tan-
toft, file Soleil, qui eft dans vn mouuemenc
continuel , change de place , fi la nuée , qui
flotte dans l'air par l'agitation du vent, chan-
ge de fituation, fi de quelque façon que ce
loit, ces chofes n'ont plus mutuellement ley
afpeds qu'elles auoient auparauant , cette
31
refplendeur s'efFaceôc cette imprcffions'c-
uanouic. Afin donc que l'on ne penfê pas
quenoftre Seigneur eft vne refplcîKleur de
cette nature ^ qui puifTe perdre les traits , les
lineamens & Téclat de la diuinitë,L' Apoftre
ajoufte qu'il eft vne marque engrauée ou
vne emprainte ineffaçable de fon etemeîie
fubfiftance , qui eft plus ferme de plus perma^
nentequefietleeftoitgrauëe fur le marbn!'^
ou fur le cuiure, ou fur les tables perpétuelles
d*vn incorruptible diamant Car c*eftJa force
que l'Apoftre veut donner à ce terme de
carafhre , qu'il a, mis dans roriginal. Or
auons nous, chers Frères, à tirer diuers beaux
enfeignemens des chofes que vous auez en-
têduës. Etle premier eft touchant la vérité de-
là dodrme de la diuipiré de noftre Sauueur^
dont quelques malheureux hérétiques luy
veulent rauir la gloire. le vous prie ^ peut-il
fans eftre Dieu bénit éternellement, repre-
fenter parfaitement en fà perfonnc toutes les
vertus de Dieu , rayonner de réclat de fa.
JMajcfté glorieufe, auoir receu l*emprainte
profonde 6c ineffaçable de fon éternelle exi-
ftence, de imiter cette fontaine féconde &
inépuifable de vie & d'eftre, que Dieu ré-
pandu: communique à toutes chofes en 1' V-
iiiuers ? Non ,iji efl impofllble que des cha*
5^ ,
îcs fi irianifiques & exprimées en termes fl
iplendides&fipuiffans, conuiennent à vne
créature qui n*eft finon créature feulemenr,>
à quelque haut point d>eleuation & de gran-
deur qu elle ait peu eftre portée par la volon-
té diuine. Auflî TApoUre S.Patit dit-il de
Clirift , qu'il eft Bieu manifefiè en chair 5 & il
rappelle nofire grand Bieu ^ ôc il le confidere
par tout comme eftant égal à Dieu en vertus
& enMajefté^ainfiqu'ileftvn auec luy eil
nature bL en elPence. Etcediuiri auteur de
l'Epiftre aux Hebrieux 5 appliquant en ce
meime chapitre icy à noftre Seigneur lefus
ChriftcepaflàgeduPfeaume 102. Seigneurtu
a^ fonde la terre ^ ^ les deux font l'ouurage de
tes mains : ils périront^ mais tu es permanent , ils
vieilliront ^mais quant à, toy tes ans ne finiront
jfointy confond en cela hautement l'audace
des hérétiques, Afres cela , Pemphafê de ces
mots , refplendeur de la gloire de Bieu^ marque
engrauée de fa fuhfilîence ^ comme j e le vous ay
déjaditvalàdiredement, de nous prefenter
la diuinité à connoiftre en la perfonne de
noftre Redempter. Et défait , ceft la volon-
. té de Dieu qu'à toutes les fois que nous pen-
fons à luy , & que nous voulons former quel-
que idée de fon éternelle diuinité en nos
âmes, nous nous tournions fur noftre Sei-
gneur
i3
gne^vwlefus, comme lur celuy dans lequel
li s'eft rendu reconnoiffàble, & en quelque
iortecomprehenfible. Car de nous arre-
fter à contempler l'eflTence de Dieu 3 ou de
tâcher à comprendre rimmenficé de fes
vertus , ou de fouftenir de nos yeujî les
rayons de fa Majefté^s^ils ne font en quel-
que forte adoucis dans la perfonne du Ré-
dempteur ^c'eftchofe dont nous ne pour»-
rions remporter que de l'éblouifTement, Sc
de la confufion , 6c mefmes de la frayeur &
de la côfternation pour nos confciences.Si
la créature innocente auoit de la peine à
fupporter le brillant éclat de faMajefté., fi
les Anges mefmes couurent leurs yeux.lors
qu'il reuele fur eux la clarté de fon vifage,
quedoitceeftre autre chofe finon efton-
nement &c frayeur, à l'heure qu'il fe fait
voir & fentir à la créature qui a péché,
& qu'il remplit fa confcience du fentiment
de fa terrible colère? Maisceluy qui eft în-
pifible en foy, s*eft rendu vifible en fon
image: Celuy qui paffe la comprehenfiori
des Anges mefmes , s'eft en la perfonne de
Chrift rendu en quelque forte conceuablc
aux hommes mortels : celuy qui de foy eft
capable de remplir les efprits des hommes
de' troubte Se d'épouuantement , leur pre*
C
34
fente en noftre Seigneur la confolatiô'n &
]ajoye. De forte que c'eft à luy qu*il faut
que nous nous adreffions pour fçauoir ce
que c*eft que Dieu ^ c'eft de là qu'il faut
que nous tirions toutes les inftructions &
toutes les connoiffances que nous pouuons
auoirde fa diuinité : c*eft de cette fource
qu*il faut que nous puifions èc l'entretene-
ment de noftre eftre naturel , & particulie-
rementnoftre vie fpirituelle & immorteK
le. De plus^nous fommes enfeigncz par là à
ne faire entrer dans la participation de cet^
te gloire auec noftre Seigneur lefus Chrift,
aucune créature que cefoit ou des Cieux
ou de la tej're. Car de quelle créature a- t-il
efté dit,qu'clle eft la refplendeur de la gloi-
re de DieUjS^ Temprainte de fâ fubfiftence?
Ceux de la Communion de Rome ont ac*
couftumé de le joindre auec la Sainde
Vierge fa mere^en telle forte que dans leurs
prières & dans leurs exclamations , dans
leurs exhortations dedans les aâies de leur
deuotion la plus ardente, on n'oit point re-
donner le nom de lefuS en leur bouche,que
celuy de Marie ne vienne incon tin crapres.
Certes, mes Frères, la Vierge eft vnetres'i
excellente créature , mais qui n*eft que
créature pourtant. Eilcn'eft donfc point la
3J
i^erplendeuf delciDiuinitéj au fcns auqitet
TAportre prend ce mot en cec endroit, &.
elle n*eft pas capable de receuoir Tem^
prainte ny de fa gloire ny de les vertus , ny
de fon éternelle àc inuariable exiftence.
Elle n'elt pas non plus la refplendeur de
lefus Chriftj&nenousa pas efté donnée
afin que dans la mère nous connoiffbns le
Fils, comme dans, le Fils nous connoiflîons
le Père. Etneantmoins comtiie nous met-
tons noftre Seigneur leRis Chrift entre
Dieu & nous , afin d'auoir par luy accez au
Père celefte , ils mettent la Vierge entr'eux
& noftre Seigneur lefus Clirift^ afin qu'elle
leur donne l'entrée ôc Taccez à ce diuin
Rédempteur. Pournous, nous nefaifons
rien en cela qui ne /oit conforme à Vinftitu-
tion de Dieu^ qui nous a doniic fon Fil*
pour Médiateur enuers luy 5 6c tant s*ert
faut que cela empefche noftre comrnu-
nion auec Dieu, que c'eft parlefeul Fils
que nous pouuons eftre vnis au Père, Mais
quant â eux, la Vierge n'apointeftëefta-
blie leur Médiatrice enuers fon Fils^ êc au
refte voulez vous que je vous reprefente
par vne comparaifoiî quel effet cela peuc
faire?Figurez vous que vous voyez laLune^
C'eft" en quelque forte vne refplendeur dii
Cij
3^
Soleil, qui à la regarder en foy eft extrême,
ment radieufe. Neantmoins , parce que
tout ce qu'elle a de lumière elle le tient du
Soleil, & que d'elle mefme c'eft vn corps
opaque & ténébreux, quand elle fe ren^
contre entre le Soleil 6c nous_, il ne manque
pas d'en arriuer vne eclipfe. Non qu'en
luy mefme le Soleil fouffre aucune diminu-
tion de fa clarté. 11 eft toujours également
brillant &râyonnant, 6c il ne iuy peut fur-
uenir aucun obfcurciflement par Toppofi-
tion ou par l'interpoiîtion des chofes infe-
rieures. Mais^lleempefcbequefa lumière
nevienneà nous,& arrefte fà chaleur ^ ^
metobftacleàfes influences viuifiâtes. De
mefmes,quand la Saindc Vierge feroit en^
cote beaucoup pl^ lumineufe qu'elle n'eft,
il eft- ce que parce que tout ce'qu'elle a de
fplendeùr elle le tire de Chrift , & que
quant à elle c'eft vne fimple créature, na-
turellement deftituée de toute vertu 6c de
tout ëclat,quand on la met ainfi entre lefus
Chrift 6c nous.come ces gens font ordinal -
rement, elle ne luy ofte pas la gloire de fon
éternelle diuinité , mais elle empefche que
nousneleconnoîffîons comme il faut, 6c
intercepte la communication de fon Ef-
prit d'illumination ^ de confolation ^ de
37
fancîlificâtîon & cl*efperance. De là enco-
res, mes Frères, pouuons nous apprendre
qu'elle eft la condition à laquelle nous fom-
mesappellezen la Cômunion de ce grand
Sauueur. C'eftde l'éternelle &incompre-
lienfîble communion qu*il aauec fon Père,
que s'eft écoulée en luy cette gloire , cette
majefté, cette communication deTeterni-
te inuariable de fa fubfîftence. Par la com-
munion que nous auons auec luy nous
entrons en celle du Perc , de forte qu'il ne
fait pas luy-mefme difficulté de dire que
comme il eftvnauec lePere,nous fommes
vn auec luy , & mefmes que telle eft la ver-
tu de cette vnion, que çommeils font va
cntr*eux, nous fommes vn auec eux , ce
qui nous doitrauir en vne admiration ex-
trême. Que deuons^nous donc tirer de
cette communion-là ? Sera-ce la partici-
pation de la Diuinité, ou que nous puif-
iîons eftre dits la refplendeur de fa gloire^
& Temprainte de fa fubfîftence ? Nulle-
ment. Nous ne fommes pas desfujèts ca-
pables de fi glorieufes dénominations, &
beaucoup moins fufceptibles ôqs chofes
quelles fio-nifient. Mais bien certes de-
uons-nous , puis que nous auons vne h
eftroite & fi indiflbluble liaifon auec luy,
C iij
58
qu^ileftnoftrechefjôcquenousfommesfes
niembres^que nousfomines,dis-je,cIiair de
fa chair,êc os de Ces os,en tirer la communi-
cation de ces admirables vertus dont il
nous a donné l^exemple. C'eft en cela qu*il
faut que nous portions Timage & de Chrift
de de Dieu , & fi nous le faifons , Saint Pier-
re ofe bien dire que nous ferons ainCi faits
farticipans de la nature diuine. l'adjoufteray
encoreicy cette confideration. Bien que
le Père vueille que nous regardions
fon Fils pour fçauoir ce que c*ell que fa
Diuinité, le Fils neantmoinsdefon cofté
ne fe prefente à nous tel qu'il nous efticy
defcri t,finon pour nous conduire à fbn Pe-
xe. Il fait donc voir en luy les vertus du
Père celefte , fa bonté , fa juftice , fa mife-
ricorde, fa puiflance^ il reprefente en (à
perfonne l'éclat de fa majeftë, 6c rayonne
toutàrentourdelafplendeurSc de la ma-
gnificence qui l'accompagne, Il fait voir
en foy les traits profondement & éternelle-
ment engrauez de la fermeté immuable de
fon eftre , 6c les fources abondantes ôc per-
pétuelles d'où coulent en toutes autres
chofes rexifl:ence bc la félicité: maisc'-eft
afin que ceux qui Tembrafient par vne
vraye & viuefoy entrent par cemoyen en
39
la communion du Père celefte. Et tel doit
eftre l*effecl de celle que nousauons auec
Icfus Chrift. Il faut qu'on le voye tout en^
tierennous: fa pureté, fa juftice, fa chari-
té, fon zèle à la gloire de Dieu , & ces
incomprehenfibles compaflîoDS qu'il nous
a témoignées, jufques à vouloir mourir
pour nous , Se que par ce moyen nous atti-
rions les hommes â la participation de fon
falut en les amenant à fa connoiflance.Tel-
lement que commp quand nous regardons
Chrift auec toutes cqs glorieufes enfeignes
de la prefence de la Diuinité , nous difons,
pour certain Dieu eft là : quand on verra la
lumière de nos bonnes œuures & de noftre
faincbe conuerfation , Ton puiffe dire que
certainement Chrift eft au milieu de nous,
&C qu'il eft en Jious , puis qu'il y vit , &nous
en luy, & que nous ne viuons plus à nous-
mefmes. Enfin , Mes Frères , cecy mefme
nous fournit vne merueilieufe matière de
confolation ôc d'efpei'ance. C'eft de la par-
ticipation des vertus de Dieu, comme je
vous aytantoftdit^^que refulce en noftre
Seigneur lefus Chrift la communication
de là gloire, & de la magnifique fplendeur
jqui enuironne fa majefte fouueraine. Et de
JTiefme c'eft delà participation des vertus
C iiij
40
de noftre Seigneur que doit refulcer celle
de fon immortalité ôc de fa félicité glorieu-
fe. Car il a efté fi bon qu'il a voulu que
comme noftre fandification eft vne ref-
plcndeur de fa faincteté, noftre éternelle
félicité foit jencore comme vne fuitte de
cette régénération par laquelle nous repre-
fentons fon image, yous nefies point en U
chair i dit TApoftre^ mais en l'Efprit y voira
filEfprit de Dieu habite en vous. Et (î Chriji
efi en vous , le corps efl bien mort à caufe du pe^
ché 5 mats l'efprit efl vie à caufe de la juftice. Et
comment cela? C'eiïqMQfl'Efpritdeceluy
qui a rejjufcité le fus ChriJi du morts eft en vous^
celuy qui a rejfufciti Chrift des morts viui{iera
aufii vos corps mortels à caufe de fon Efprit ha^
bitant en vous. EnefFed^ par la vertu de la
communion que nous auons auec Chrift
nos corps font les temples où il habite par
fon Efprit. Or Dieu a bien permis certes
que le temple oii il habitoit autrefois ait
efté ruïné fans reffburce, &fàns efperance
de reftabliffement , parce qu'il n*eftoit
compofé que de pierres mortes, & qui ne
reccuoient finon fuperficiellement vn air
extérieur de fàinteté parla prefence de l'E-
ternel. Mais quant à nos corps, qui font des
temples viuans, où fonhabitation impri-
*4î
me vne vraye fanclification , qui les pêne*
tre y de qui les repurge , 6c qui les irradie Se
les reforme jufques au fond, ilnefouffrira
jamais qu^ils demeurenc éternellement gi-
fans dans le tombeau , êc quand le temps
en fera venu il ne manquera pas de les rele-
uer de leurs ruines. Or à Dieu qui nous eft
autheur de fi grandes 5c figlorieufesefpe-
rances, au Seigneur lefus en qui les pro*
méfies qui nous en ont efté données font
ouï &c amen , 5c au Saint Efprit qui nous en
fournit les arrhes & nous en donneles pref-
(entimensennoscœurSjfoic, comme à va
feulvray Dieu éternel, gloire, force, em-
pire, &L magnificence aux fiecles des fie-r
clés. Amen.
SECOND SERMON,
fur ces paroles ,
JE/- fouftenant toutes chofes par fa parole puïf
fante.
RERES BIEN-AIMEZ
EN NOSTRE SeigNEVR :
Lors qu'on m'a fait Thonneur de
me prier de monter aujourd'huy en cette
chaire , je n'^y pas eftimé qu'il me faluft dé-
libérer long-temps touchant la refolution
que j*auois à prendre fur cette propofition.
]l*indifpofîtion de celuy de vos Pafteurs
qui la deuoit occuper j Pabfence d' vn autre,
& les trauaux dont ceux qui fonticypre-
fens font extraôrdinairement furchargez,
n*ont peu fouffrireuégardàla fainte ami-
tié qui efl: entre nous , que je leur refufaffe
ce foulagement, non plus que le zèle que
nous deuons tous auoir à voftre édification
n'a peu permettre que cette heure icy de-
nieurafl: abfolument vacante. le n'aynon
plus hefité fur le texte que j'auois à pren-
dre pour y attacher ma méditation: parce
que la fuitte des paroles que je vous expo-
45
fay Dimanche dernier , contenant vne ma-
tière fore excellente, & qui eft capable de
vous donner beaucoup d'inftrudion , il
n'eftoit pas necelTaire que j'allafTe cher-
cher ailleurs le thème de cette adion.
Mais parce que ces paroles font ainfi con-
ceucs 3 ^ fouftenant toutes chofespar fa parole
fuijlante ^ ayant fait par foy Tïiefyne lapurgation
de nospechez^^ ilsefafiis à la dextre de la Ma^
jefié es lieux très- haut -^ je me fuis tFOUué en
doutefijemecontenterois des premières,
où il eft dit que Chrift fouftient toutes chofei
far fa parole puifjante , où fi je prendrois en-
core les autres qui fuiuent. Car je craignois
dVn cofté que fi je m*arreftois feulement à
la confideration de ce que TApoftre die
queChrift.par fa parole/ouftientTvniuers,
je n'euffe pasafiTez dcquoy remplir cette
action , Ç\ je ne courois ailleurs chercher
quelque matière efloignée de mon texte.
Or ç*a touficurs eftc mo opinion,qu*vnMi-
niftre de l'Euâgile fe doit tenir ioin t & ferré
à fon fujet,^ ne fe donner pas carrière hors
de fes limites. Et d'autre cofté je preuoyois
qu'il feroit impofiîble de dire en vne heure
tout ce qui eft necefi&ire pour l'explication
dece texte, fi je le prenois tout entier : hc
cependantil ne faut pas, s'il eft polllble,
44
Jaifler en arrière aucune des cliofcs qui
peuuenc feruirà rintelligencede ce paffa-
ge , & à voftre confolation. le me fuis donc
en fin refolu à faire pluftoft cette adion icy
plus courte , que de tâcher d'embrafler
dansTeftcduë d'vne prédication ce qu'elle
ne peut pas contenir. Et quand je la ferois
auffi longue que de couftume j'efpererois
pourtant que Dieu me feroit la grâce de la
difpenfer de telle forte. que jene dirois rien
liors de propos , & qui fuft éloigné du thè-
me que je me fuis propofc. Le but gênerai
de TApoftre en cette diuine Epiftre eft
d exhorter les fidèles à la perfeuerance
en laFoy de l'Euangile, nonobilant les per-
fecucions aufquelles ils font expofez. Ec
pourlefaireefficacement, il leurrendl'E-
uangilelcplus recommandable qu'il peut
par la confîderation de la dignité inénarra-
ble de la perfonne de fon autheur,&par
l'excellence incomparable de fa charge.
Et pour ce qui eft de fa charge, il a par-
lé de fa Prophétie dans les paroles pré-
cédentes, où il a oppofé la feule prédica-
tion de Chrifta toutes les reuelationsdes
Prophètes qui ont paru en tous les fiecles,
quand il a dit, Dieu ayant jadis àplufieurs
fok ^ en fduficurs manières parlé à nos pères
far les Prophètes , a parlé à nom en ces dernieri
temps par fan Fils. Il parle de fa Sacrificacu-
re en ces mots-, ayant fait par foy-me fine Lt
furzatïon de v.os pèche':, -, où il oppofe encore.,
le (acrifice de Chrift & fon Sacerdoce à
ceux de l'ancienne Alliance ,oii les Sacri-
ficateurs ne pouuans faire l'expiation des
péchez par eux. mefmes , eftoienc con-
contraincsde mettre des viclimes en leur
place, &de faireJapropitiationparrefFu.
fiondeleur fang. Enfin il parle de la Roy-
auté de nofire Seigneur, tant dans lepaf-
fage precedent,oîi il dit que Dieu l'a eftably
héritier, c^eft.à dire, Seigneur 6c domina-
teur^^ tontes chofes , que dans les parole^
fuiuantes, ïlseft a fis a la âextre de la Majefiè
es lieux très-hauts , où il Oppofe encore l'En%
pire quil a dans le Ciel, àceuxquepoffe-
dent icy bas les Monarques de la terre.
Quant à laperfonne de Chrift,rApoftre
l'a defcrite en ces mots : La refplendeur de
la gloire de Dieu , & la vuirque enqrauèe de fa^
fubfijience •, Et ces termes fôt^ce femble^aflez
magnifiques pour mettre dans l'efprit des
hommes vne idée vioe & profonde de fâ
Diuinité. Neanrmoins il a creu que pour
la rendre plus accomplie, 6c pour donner
vne perfuafion plus entière que Chnfteft
4.0
Dieu bcnÎE éternellement ^ il eftoit he-
ceflaire qu'il y adioutaft quelque chofe
de plus particulier touchant Tinfinité de
fa puiffance. En efFed il n*y a gueres
de preuues plus certaines 6c plus éui.
dentés par où Dieu monftre fa Diuinité,-
C'efl: pourquoy S. Paul voulant au chap.
premier de TEpiftre aux Romains, enfei-
gner que Dieu s*efl: tellement reuelé aux
hommes dans les œuures de la Nature,
qu*ils ne peuuent pretendre*aucune excufe
s'ils ne le connoilTent pas, ditentr'autres
chofes qu'il leur a xQuclé fa purjlace éternelle^
comme vn caradere indubitable de l'im-
menfité de foneftre^ qu'ils ontdeu glori-
fier. Quand Dieu mefme veut donner à
lob du rerped^ de la vénération pour fa
Diuinité , il luy parle entr'autres chofes de
la grandeur de fa puiflancequifedefploye
tous les iours dans les Gieux 6c dans la
Terre , & dans la production des grands
animaux terreftres êc des monftres de la
mer. Enfin , lors que Dieu fe veut , s'il faut
ainfi dire ,demef[erdelaeonfufiondetant
de faux Dieux quieftoient adorez par les
Nations circonuoifines de 11 ludée , &fe
diftinguer de telle forte qu'il ne puiffe eftre
méconnu , il produit pour témoins de fa
47
véritable Diuinité les œuures de fa puu-
lance , telles que font la création du mon-
de, & les miracles faits en Egypte, auee
ceux qu'il fit encore depuis pour faire
paiTerfo peupleautrauersdela mer rouge,
ôc l'introduire en Canaan. Mais outre qu-e
cette puifTance dont l'Apoftre parle, eâ:
vnepreuue de la Diuinité de Chrift • ceft
aufli vne des chofes qui conftituent l'objeâ:
denoftrefoy ^ De forte qu'il eftoit comme
neceffaire qu'il en fift vne particulière
mention, puis. qu'il auoit deflèindc con-
firmer les Hebrieux en la créance par la-
quelle ils l'auoientembrafré pour leur Ré-
dempteur 3 ôc de la rendre pcrfeuerante.
Car vous Içauez que quand l'Apoftre veut
recommander la foy d' A braham , il la loiic
principalement par là , qu'il a creu que
Dieu eftoit puillant d'exécuter les pro-
me (Tes qu'il luy auoit données, quoyque
les apparences des chofes ne luy eh pro-
miflentpasvn tel ëuenemenc. Luy-mëmc
parlant de fa foy dit, quilf^aii a qui il aXT<rn-
creu , C^ quil e/i puijjant de garder fort dep^fl ** '^
iufques à la journée du Seigneur lepcs. Et
Dauid parmy tant de perfecutions qu'il a
foufFerteSj & tant de périls aufquels il a efté
expofé, témoigne bien à la vérité qu'il mei:
48 ^
fa confiance en la bonté del'EterneljMais
c*eft en telle façon qu'il y mefle toufiours
vnetres-claire& trcs-exprefle mention de
fa puifTance. Car il la confîdere comme cel*
le qui le peut tirer de la main de fes enne-
mis, parce qu'elle a vniuerfellement toutes
choies en fa fienne. Icy donc TAportrene
pouuoit ny mettre en auant vne preuue
plus authentique de la puifTance infinie de
Chrift, ny en mettre dans l'entendement
des hommes vne plus belle image que celle,
là ^c'efl: premièrement qu'il portele mon-
de vniucrfel, &: puis après qu'il lefaitpar
la feule vertu de fa parole. Car le motque
nous traduifonsy^^/^»/> , fignifie propre-
vc\étportcr:&c quanta ctluy de toutes chofes^ il
paroift: par diuers autres endroits, qu'il fi-
gnifie tout le môdejainfi que nous le voyôs
compofé des deux & de la terre , auec tout
ce qui y eft contenu. Pour exemple, lors
que noftre Apoftreditau verfet immédia-
tement précèdent, queChriftaeftéefta*
• '^ tT-: bli héritier de toutes chofes- y il en tend le mon-
de vniuerfèl , comme il l'interprète luy-
rnefme dans les paroles fuiuantes^j&^r/^^W
auffi il a fait les fiecles : ce terme de fiecles
au ftile des Hebrieux , fignifiarit tout ce
qui eft enclos dans les cieux,& les fpheres
celeftes
, 49
eeleftcs mcfmes. Ainfi au chapitre premier
de l*Euangile félon S* lean il eft dit que par
la Parole toutes chofes ont efte faites , c'eft à
dire , tout le monde , comme il paroift oar
riiiftoire de la création , où ^ comme nous
verrons tantoft, la production de toutes
chofes jfanf en excepter aucune, eft attri-
buée à la Parole de Dieu. Et quand il eft
di.tautroifiemechap.de cette Epi ftre que
celuy qui a bafty toutes chofes ^ ce[i Dieu ^ ces
paroles defignent pareillement tout l'vni-
uers. Enfin , lors que faijit Paul , au chap.
5. de la féconde aux Corinthiens , nous en-
feigne que toutes chofes font faites nounelles^
bien qu'il femble que ce terme ait là vne
fignification plus reftrainte, il veut pour-
tant donner à entendre le monde vniuerfel,
que la prédication de l'Euangile a telle-
ment changé, & que la vertu de nofire
Seigneur changera encore de telle façon,
qu'il fembleraqu*il en ait fait vne création
toute nouuelle. Cela, Mes Frères, pour-
roit d'abord paroiftrefuffifantpour dôner
TinteUigence des paroles de TApoftre.
Maisneantmoinsje croy qu'il eft neceffai-
re dv les examiner vn peu plusparticuhe-
rement. Cetvniuers donqiies,'dont il eft
icy parlé, peut eftre coufideré , ou bien
D
5^
en fa matière j qui eft commune à toutes
chofes, parce qu'elles en font toutelcom-
pofées , & qu*il n'en a efté créé qu'vne
pour fournir à la compofitionde toutes les
œuures d'icy bas. Ou bien en fes formes,
qui font merueilleufement diuerfes : car
autre eft la forme des métaux , & autre
celle des plantes , & autre celle des ani-
maux: de généralement toutes lesefpeces
des chofes qui font cgmpofées des ele-
mens , font différentes en leurs formes , ÔC
chacun des clemens mefmes en a vne à
part. Quant aux cieux, la leur eft infini-
ment différente de celles des elemens, &
de toutes les chofes élémentaires. Ou bien
il peut eftre coniideré en Taffemblagede
fes parties, & en Tordre auquel elles ont
efté difpofées &c liées les vnes aux autres,
& C'eft ce qui luy donne proprement le
3>om de monde, & quiconftituë foneftre,
& qui luy donne fon orjaement. Ou enfin
jl peut eftreconfideré dans les opérations
& dans lesmouuemens de fes parties, qui
rauiffent ceux qui les regardent en vne fin-
guliere admiration . Or quant à fa matière,
c'eft vne chofe vniuerfellement receuë
dans les Efcolesdela Philofophie & delà
Théologie Chreftienne , que comme ^*a
5^
feftélatoute-puilTancedeDieu qni Papre^
iTiieremenc créée & tirée duneanc, auflîle
concours de cette mefme puiffance eft per-
pétuellement necelTairepourla maintenir
en (on eft re , autrement elle s'ecouleroît 6c
s'enretourneroità i#ant. Tellement que
l'onconfiiierelaconferuation de la matiè-
re des chofes comme vn flux & vne contu
nuation de u première création jfansquoy
il ieroic abfolument impofïîble qu'elle fe
fouftint elle mefme. Mais pour eftablif
cette doctrine il faudroit entrer en des rai-
fônemensphiioiophiqueSjquine iôcpasde
cette chaire ny de la capacité de plufieurs^
Pour ce qui eft des formes dont cette ma-
tière eft diuerfement reueftuë , Texperien-
ce montre incelFamment dans les chofes
fublunaires , qu'elles en font feparables,-
toutes les chofes qui font compofces des»
elemens, &: les elemens mefmes, paffans
par de continuels changemens. Et non
feulement elles enpeuuent cftrefepaiées^
mais il paroift manifeftement qu'elles onc
vne inclination naturel.e à s'en feparer.
Car dans la plufp.art des œuures de la natu-
re, lesdifpoficions& les liens qui tiennenc
la forme attachée à la matière^ font expo^
fez à des caufes externes qui font capable.^
5i
de les diflbudre, &auconfli(9:de diuerfes
qualicez internes qui fe combattent les
vnes les autres , & qui en fe deftruifant mu-
tuellement ruinentauflî le fujet dans lequel
elles S'entrechoquent. De forte que Taflê-
blage des parties eiTétitielles qui compo-
fent chaque chofe.ne fe pourroit pas main-
tenir ^ fi quelque vertu fecrette de la diuine
prouidence ne les garantifloit des accident
du dehors 5 de de ce qui leur peut eftre nui-
sible au dedans , & fi elle n^entretenoit &:
ne conferuoit ainfi leur alliance, Qiiantà
Tordre par lequel toutes les parties de IV-
niuers ont efté colloquées chacune dans k
place où nous la voy 6s,& vnies les vnes aux
autres pourcompofer ce grand Tout>plu-
lîeurs en attribuent la côferuation à la Na-
ture. Mais fi par cette Nature ils entendent
vnecaufe intelligente , qui fe mefle dans
toutes les parties du mode , & quiconferue
elle mefrae les membres deTVniuers dans
Tarrangement auquel elle lésa première-
iTiént mifes 3 cette nature n*eft rien autre
chofe que la Diuinité, qu'on déguife fous
vn autre nom, afin de luy ofter fa gloire.Ec
Il par ce mot ils entendent Tordre mefme
qui eft dans les chofes, comme de fait la na-
ture n'eft rien finon cette admirable difpo-
55
fition queDieu a mife en toutes fcs œuures,
en les liant les vnes aux autres , 6: en inspi-
rant à chacune les vertus & les facultcz qui
font neceflaires pour leurs operatios, corne
cet ordre n'a peu fe produire de luy mefme,
il ne fe peut non pl^ de lui mefme côferuer.
Car tout ordre eft vne produdion de quel-
que caufe intelligête;mais il n'a point d'en-
tendement quant à luy. Et comme ilaeftc
neceflaire que quelque caufe douée d'in-
telligence le produififb,auffi faut-il que ce
foit vn entendement qui le conferue,autrc-
mentil yarriueroitincontinêtdu dérègle-
ment. Etcelafepeut voir à Tœil dans les
machines que les hommes conftruifent de
diuerfes pièces par leur induftrie.Car com-
me vne mpntre par exemple^ne s'eft pas
faite elle mefme, ôc n'a peu fans la condui-
te d'vn ouurier intelligent & induftrieux fe
conftruire de tant de roues & de tant de
refforts attachez les vns aux autres, dans
vne fi belle dépendance, & d'vn fi parfait
adjuflement, aufli fçauez vous qu'elle ne fe
maintiendroit pas long temps en cet eftac
là , fi le mefme artifan qui Ta faite, ou quel-
qu'autre ouurier femblable , n'y portoic
fouuent l'oeil 6c la main. Cette machine
du monde donc, qui eft compofëe de plus
D iij
Î4
fie pièces & plus difficiles àgounerner, ne
fe fcroit pas entretenue fi long^remps en
cet ordre où nous la voyons, fi Dieu n'a-
uoit continuellement veillé fiir elle par fa
prouidcnce^ôc s'il nq^la fouftenoit par la
puifiance de la main. Enfin, pour ce qui eft
des mouuemens & des opérations des par-
ties dç ce monde, ce fonc chofes qui ont
perpétuellement befoin de la mefine effi-
cace de la Prouidence diuine pour fe main-
tenir 6c le déployer. le vous prie, mes Frè-
res, qu'eft ce qui peut auoir fait que depuis
le commencement du monde jufqu'à
maintenant le flux &; le reflux de la mer
fbitallëfiregulierement^qu'elle n'a jamais
manqué de fe retirer & de reuenir à certai-
nes heures ifes riuages, veu que la mer
d*ellemefmeeft vne nature brute à mer-
ueilles ^ & quVne chofe fi réglée ne fe peut
ainfi conduire fans Tefficace dVne caufe
qui ait de Pentendemêt? Quant aux cieux,
leurs courfes font encore beaucoup plus
diuerfesôi plusintriquées, 6c neantmoins
plus confiantes , plus vniformes & plus rei-
glées que n'efl le flux & le reflux de la mer.
Celaafaitdireà Ariflote, le grand inter-
prète des myfleres de la nature, qu'il faut
neceflairementqu'ily ait des intelligences
attachées aux fpheres celeftes^quî en gou-
uernent les mouuemens. Encore faut-il
qu'il y enaitvnefupreme, quiprefide fur
celles là, autrement il feroit à Ion aduis im-
poflîble que ces globes de là haut , qui font
enfermez les vus dans les autres, & qui fem-
blent fe trauerfer en leurs mouuemens , les
entretinflécauec tant de règle & de cô (lan-
ce, & (ans tôber incôtinent dansvne pitoya-
ble confufion.Pour le reftCjny les plates ne
produifent point leurs graines , ny les poiC
fons& iesoifeaux leurs œufs, ny les autres
animaux leurs petits par la génération,
ny les hommes mefmes leurs penfées, leurs
defleinsÊ: leurs adions, fansl'affiftance ëC
la vertu de la diuine Prouidence. L*Apo-
ftre le nous enfeigne au chap. 17. du liure
des Ades, quand il dit que c*efilny qui donne
à tous vie é* refpiration^ êc que ceftpar luy que
nous auons vie dr mouuement ^ eftre. Ce que
le meilleur & le plus ancien desPoëtes pro-
fanes a reconnu^quand il a affirnîé que c*eft
la Diuinité qui de jour à Jour donne aux
hommes la difpofition d*e(prit en laquelle
ils fe rencontrent. Ce donc que je viens de
dire en gençral de la Diuinité, & de la fa-r
gefle& vertu de fa Prouidence, l'Apoftrç
le dit icy en particulier de noftre Sei^
D iiij
5^
gneur lefus Chrift. En efFe(3:, l'Ecrita*
re pous enfeigne que toutes chofcs onc
eftë premièrement créées par luy. C'efl:
ce que die l'Apoftre Saint lean aupaflage
que je vous ay défia allégué vne autre
fois 5 que toutes chofes ont efti faites far
la parole : Et l'Apoftre S. Paul au premier
chapitre de TEpiflre aux Coloffiens, Chrifi,
dit- il', efi l'image de Dieu inuifihle y le premier
ne de toute créature: Car par luy ont efié créées
toutes chofes qui font aux deux ^ ^ qui font
en la terre , vifïhles é* inuifibles , foit les trônes ^
ou les dominations\ ou les principautei:^^ ou les
fuiffances : toutes chofes onteftè créées p^r luy &
four luy. Puis donc qu'il eftle Créateur de
toutes chofes , il en eft auffi le conferua-
teur : puis que c'eft luy qui leur adonné
leur eftre,c'eftàluyàles y maintenir: car
il n'y a rien de iî naturel quVne chofe tire
fà conferuation de la caufe qui luy a pre-
mièrement donné Peftre. Et c*eft ce qui
fait dire icyà cediuinautheur que Chrift
fouftient toutes chofes. Mais ce qu*ilad^
joufte,que c'eft par fà parole puiflànte, mé-
rite d*eftre confiderc. Il y a dans l'original
far la parole de fa puijjance: Mais nos inter-^
prêtes lont fort bien tourné. C'eft vne
façon de parler vfitée entre les Hébreux,
57
qui ayans peu d'vfage de ces noms que
les Grammairiens appellent adjedifs, en
employent qui font , s'il faut ainfi dire,
d'vne autre forme, & les joignent lesvns
aux autres pourfairele mefme efFeâ: que
les adjecbifs feroienr. C'eft ainfi que faint
Paul dit que Chrift a efté déclaré fils de
Dieu £n puiS3.ncQ félon l'e/pril: de faintetèy
ou de fanchfication , pour dire vn efprit fain c
& augufte, & pour lequel on doit auoir vne
fouueraine vénération. Et cette phrafeen
la iâgue hébraïque a beaucoup d'emphafe.
Mais la façon de parler eft de peu d'impor-
tance au prix de la chofe mefme. Ûhi-
ftoire de la création nous apprend que
toutes chofes ont efté faites par Tentre-
mife de la parole de Dieu, Lors qu'il vou-
lut créer la \w\x\\tx ^'Xàxx.y que la lumière foit y
& elle fut. Lors qu'il voulut faire l'eftenduë
qui fepare les eaux d'embas d*auec celles
d cnliaut , il en fit pareillement le com*
mandement en parlant, & cela s'exécuta.
Puis Dieu die , Qtie la terre pouffe [on jeci^ 6C
à cette parole la terre produifit toutes ef-»
peces de plantes. Au quatrième iour il créa
les deux grands luminaires en difant , qu'il
y ait des luminaires en l*eftéduë des Cieux.
l-e iour d'après il parla ainfi. Que les ^^^
î8
froduifent en toute abondance reptiles ayam
'vie \ ^ que les oy féaux volent fur la terre vers
teftendue des deux ^ 6c la parole n*euc pas
efté plutoft prononcée que TefFed s'en
enfuiuic. Enfin il commanda de mefmeau
lîxiéme iour que la terre produifitfes ani-
maux, Scelle luy rendit obeïffancc. Orla
cliofe n'a poinn efté ainfi difpenfée par la
volonté de Dieu , ny elle n'a point efté
ainfi exadement rapportée par le S. Hifto-
rien , fans quelque prudent confeil de la
fagefle Diurne. Car Dieu pouuoit créer
toutes chofes en vn moment & du feul
mouuementde fa volonté, fans en diuifer
la création en tant de jours, & (ans y em-
ployer Tencremife de fon commandement
& de fa parole. Et qui examinera la chofe
vn peu particulièrement , trouuera fans
doute que cette narration a trois diuers
égards fort confiderables. Car première-
ment, il n'y a point de doute qu'il n'y aie
icy vnfensfortabftrus & fort myfterieux,
êcquife rapporte à Chrift entant qu'il eft
la fageffe & la parole du Père. S. leanle
noqsenfeigoe ainfi au chapitre premier de
fon Euangile, quand endettant vn traick
d'oeil fur le commencement du liuredela
^énefejii dit, Au comencementefioit la parole^
^ ^ 59
£^ la Parole e/loîtauec Dieu ^ ^ cette Parole
efioit Dieu ; Par elle toutes chofes onte/iéfaiteSy
^ fans elle , rien de ce qui a eftèfait neuft e(ls
fait. Car qu'il foie là queftion de la per-
fonnede lefusChrift , c'eft vnedKife ab-
folumenc indubitable , & c'cft pourquoy
le mefme A poftre au chapitre i. de la pre-
mière Epiftre Catholique^commence ainfi
fon propus \ Ce qui eftoit des le commence-
ment , ce que nous auons auï , ce que nous auons
veu de nos fropresyeux , ce que nofis auons con-
templé , ^ que nos propres mains ont touche^
de la Parole de vie. Et au \g. chapitre de
l'Apocalypre, il dit que le nom de lefus
Chrift, qui luy apparoift là en vifion, eft la
Parole de Dieu. Et fi vous voulez , mes
Frères , que je vous explique en paflant la
raifon de cette appellation , je le feray en
peu de mots, le ne diray pas que la parole
eftvnevoiXjC'eftàdire vnfouffle^vn ef-
prit 3 comme on employé allez fouuent ce
mot pour fignifier l'air & le vent: & que
la Parole du Pcre eft vnc nature fpirituelle.
le ne diray pas non plus que la Parole eft
vne voix qui fe diftingue de toutes autres
fortes de voix par fon articulation : comme
cette nature fpirituelle de Chrift fe diftin-
gue par fa fubfiftence particulière d'aucc
6o
toutes les autres chofes feparées de la ma-
riere,5c mefmes d'auec le Père 6c d'auec le
S.Efpric.Peuieftrequeces chofes làparoi-
ftroient vn peu recherchées. le diray feu-
lement que la parole eft vne production
dVne nature intelligente, n'y ayant pro-
prement que les chofes raifonnables dont
on puifle dire qu'elles parlêt.Or noftre Sei-
gneur eft vne refplédeur & vne émanation
de l'entendement diuin. La parole n*eft pas
feulemët vne produdion d'vne caufe intel-
ligente, elle en eft encore vne image & vne
reprefêtatiô . Car c'eft parla que l'intelledk
des natures raifonnables fe fait connoiftre,
& qu'eftant inuifible en luy mefme, ilfe
rendfinon vifible, au moins certes perce-
ptible aux fens du corps. Or noftre Sei*
gneur lefus, la Parole éternelle du Père ce-
lefte, eft l'image de ce grand Dieu , qui
cftant de foy mefme inuifible à nos yeux, &
incomprehenfible à nos entendemens,s'eft
rendu vifible en la perfonne de fon Fils, de-
forte que nous Typouuons apperceuoirôc
Je reconnoiftre en cette marque engrauée
defoneftre. En fin, qui pourroit donner à
la Parole vneftre permanent & qui fubfi-
ftaft fermement , & outre cela l'animer , 6c
ia rendre actiue 6c viuante, ce feroit vne
il
raifon qniferoit deuenuë fenfible, Sc qui
fe Jaifleroit coucher,& manier^ôc perceuoir
aux fentimês corporels, au lieu que Tcncen-
dément d où elle parc eft de fa nature im-
matériel, &: difficile àconceuoir, mefmes
aux puiiTances de l'ame. Or Chrift eft telle-
ment vn Dieu inuifible & immatériel , que
neantmoinsils'eft mis en teleftatpar (ou
incarnation, quel' Apoftre S lean en a peu
dire ce que je viens de vous reciter. C'eft
que'fes Difciples ont ouï , 'ai qu'ils ont vea
de leurs propres yeux , & que leurs propres
mains ont touché cette parole de vie,-
Mais cela eft hors de noftre texte. Car on
ne peut pas dire queChrift fooftient toutes
chofes par fa parole puiiTante en cet égard
là, puis qu'il eft luy mefme la Parole. Et fi
l'Apoftre auoit voulu dire cela, ilnefefe-
roit pas ainfi exprimé, é^fonfien^t toutes cho-
fes par fa parole puiJIate^m^Às i\ auroit dit fim-
plement qu'ilfouftient toutes chofes , ou
qu'il les fouftiët par foy mefme. Retournôs
donc à noftre propos.La (ecôde chofe à la-
quelle le S. Efprit a regardé en cette narra-
tion, eft qu'il nous a voulu obliger à faire
vneattentiue reflexion fur la facilité mer-
ueilleufe auec laquelle Dieu a créé 6c com.
pofé cet Yniucrs. Vous voyez d quoy les
Cl
hommes font necefTâirement obligez
quandils cncrcprenent de conftruir^ quel-
que grand & magnifique Palais. Il faut al-
ler chercher le marbre en vn endroit,
ëc le jafpe & le porphyre en vn autre.
Ils tirent les pierres communes ^ ordinai-
res d'auxres carrières , 6c enuoyent couper
les cèdres fur le Liban, & les chefnes fur
d'autres montagnes. Ils fouïffent dans les
entraillc'^dela terre pour en tirer les mé-
taux èc les minéraux dont ils fe veulent fer-
uir pour leurs peintures & pour leurs autres
embelliflemenSj & ramaflTent de toutes
parts toutes fortes de matériaux neceffai-
res pour leur édifice. Outre cela, pour les
compoferenfemble, il faut des grues ^ de
des engins,6c des machines à leuer de grads
fardeaux, 6c des hommes pour les manier,
qui y trauaillent en grand nombre.De forte
que quand la curiofité nous porte à aller
vifiter ces baftimens , il nousfemble,à
voir la quantité d'ouuriers qui y trauail-
lent des pieds 6c des mains, ôc qui fe re-
muent en tous fens, que c'eft vne multi-
tude innombrable de fourmis , qui vont les
vns deçà 6c les autres delà , trainant chacun
fon fardeau, 6c tracafTant fans repos au-
tour de leur fourmilliere. Mais Dieu n'k
^5
point eu befoin de tout cela pour la crea^
tion du monde. Sa feule parole, & la feule
authoriré de Ton commandement a fuffi
pour tirer toutes choicsdu néant, 6c pour
les former 6c les arranger en cet ordre au-
quel elles nous paroiilenc fi admiirables.
C'eft pourquoy le Prophète, au Pkaumc
3j. pour montrer combien émerueillable
ell la puiflance de Dieu, dit quil a parler ^
que les chofes ontefé faites : qu'il a commande ^
^ que ce quil a dit a eu [on el^re. Or cette pa*
rôle prononcée au commencement, mes
Frères , a vne eiScace perpétuelle. Car
quand Dieu a dit , Qjue la lumière foit , il n'a
pas entendu qu'elle ait exiflé feulement à
ce moment là, ou qu'elle ait duré pour va
peu de temps , ôc que puis après elle fe foie
efteinte. Il a voulu qu'elle ait toujours
fubfillé pour éclairer rVniuers, Et quand
par fa mefme parole il a formé toutes les
autres chofes , c'a efté à intention ou qu'el-
les fe maintinflent en leur propre eftre juC-
quesàlaconfommationdes fiecles, com-
me les cieux,& les deux grands luminai-
res, & les elemens : ou qu'au moins elles
fe prouignaJÛTent par la génération , 8c
qu'ainfi, à mefure que les indiiiidus vont
periiTanc , leurs efpeces fe conferuent^
64.
ce qui fe Voit en toutes les chofes qui
font compofées de la matière élémentai-
re. Il y a donc vne certaine vertu, qui^
S'il faut ainfi dire 5 émane inceflammentôc
parvn flux continuel, de cette parole que
Dieu a proférée au commencement , la-
quelle conferue de entretient toutes les
parties de Tvniuers, à qui elle a première-
ment donné leftre. Et c'eft à cela que T A-
poftre faitallufionicy. Car comme il a die
au verfee immédiatement précèdent que
c'eft noftre Seigneur lefus Chrift qui a fait
les fiecles, en ces paroles il nous enfeigne
que c'eft luy qui les maintient. Et comme
cette parole quia efté prononcée au com-
mencement n*eft pas feulemêt la parole du
Père, mais auffi celle du Fils, parce que co-
rne on a accouftumé de dire dâs lesEfcoles^
toutes les œuures de la Diuinité qui fefonc
au dehors de foneflence, font communes
au Père 6c au Fils ,1a vertu par laquelle elle
a produit rVniuers, ÔC par laquelle elle le
maintient, doit eftre attribuée au Fils com*
meauPere^ ce que TApoftre dit expref-
fement pour montrer que comme ils ont
vne mefme puiflance infinie, ils ont auflî
vne mefme Diuinité. Le troifiéme égard
auquel il faut confiderer cette narration,
c'eft
c^eft qu'elle a vne fignifîcation typique. Ca^
la première création a eftë vne figure de la
féconde : ce que TEfcnture nous enfeigne
en diuers endroits. Quand fàint Paul , au
chap. 4 . de la féconde aux Corinthiens par- ^
leainfi: Celuy qui a dit que la lumière refplen-
diji des ténèbres , a reluy en nos cœurs , four nom
àonner illumination de la connoiffance 4^ la
gloire de Dieu en la face de Chrijl j il a vbulu
que nous remarquaflîons le rapport qui eft
entre la première & la féconde création,
eç ce que Tvne 6c l'autre a commencé par
la formation de la lumière. M ais celle- là efk
corporelle , & celle- cy Ipirituelle , 6c eft de -
ftinée à donner la connoiilànce des vertus
ëmerueillables de Dieu, qui , comme je vous
difois Dimanche dernier, font appellëes de
ce nom de gloire. Ailleurs les Prophètes
nous promettent nouueaux cieux 6c nouuel.
le terre en la manifeftation du Mefîîe : 6c les
Apoftres rapportent cela à lareuelation6c à
laduenementdelefus Chrift. Chrift appel-
le en quelque heu le changement que la pré-
dication de fonEuangile deuoit apporterai!
monde , vne nouuelle génération , parce que
toutes chofes y deuoient eftre créées encore
vne fois. Saint Paul interprète cela en ces
paroles du chap, j. de la féconde aux Corin-
E
\f.\j. tliielis: Leî chofes vieilles font fafsèes ^ voicy
toutes chofes font faites nouuellee : & y a en ^\^
uers lieux d*autres paflàges femblables.Ainfi
la raifon veut que nous croyions que cette
* parole que Dieu a employée au commence-
ment pour la formation de PVniuers, ait re-
prefenté quelque cliofe à peu prés de mefme
nature, qui s'eft faite en la création de ce
nouueau monde dont noftre Seigneur efl:
autheur. Et la chofè parle d'elle, mefme. Car
c*eftparla parole de l'Euangile que s'eft Éli-
te & que fe continue cette nouuelle généra-
tion de l'Vniuers. C'eft elle qui produit la
foy en nous , & la confolation , & la fandifi-
cation, &l'e(perance^ & la patience, & en
vn mot, toutes les vertus Chreftiennes par
lefquelles nous fbmmes faits nouuelles creatU"
res , comme l'Apoftre fàint Paul parle au
mefme endroit que je viens d alléguer. C*efl:
par ce moyen-là que s'efl formée l'Eglife , &
c]ue les efleus de Dieu , qui font difperfez en
toute la terre, fe recueillent 6c feramaiîent
enfemblepour compofer vimouueau mon-
de où habite la jufticeôc la faindeté . C'eft
par ce moyen- là encore que cette mefme
Eglife fera conferuée & fubfifterajufques à
la confommation des fîecles , & qu'elle fera
enfin amenée à la jouiiTance de la bien-heu-
reufe 6c glorieufe immortalité. Et il y àicy
à confiderer , mes Frères , que ce monde
vniuerfel n*eft conferuë finon à canfe de TE-
glife. Car (ans que Dieu a des Elleus en tou-
tes les parties du monde, & de la vocation
defquels il a tellement difpoië qu'il ne les
appelle à foy finon de temps en temps , èc de
fiecle en fiecle, jufques a leur accomplifFe-
ment , il ya déjà long-temps que Dieu auroic
amené le dernier jugement, & qu'il auroic
mis toute l'apparence extérieure de cet vni*
uers en cendre. Le monde donc eftantcon-^
ferué feulement à caufé de l'Eglife , & l'Egîi-
fe n'eftant maintenue que par la parole de
Chrift , encore en cet égatd il eft vray de di^
re que noftre Seigneur lefus fouftient toutes
chofes par fa Parole puifTante, ôcquec'eft
elle qui les fait toutes fubfifter. Mais \i[ y a
encoreicy quelques obferuationsaiTezcon-
fiderables à faire. Cette Parole que Dieu a
autrefois employée pour la production des
chofes , à proprement parler , ne les a pa$
faites finon en ce qu'elle a contenu le com^
mandement qu'elles fe fifiTent. Car ce n'e-
ftoit autre chofe quVne voix , qui bien qu'el-
le euft efté formée immédiatement de Dieu^
n'eftoit pourtant rien finon vn fon articulé^
qui declaroit quelle eltoic la volonté de Dieu
Eij
68
en cette occurence. Pour donc contribuer
quelque chofe à fon exécution , il falloit
qu'elle rencontraft des objets qui euflent les
facultez propres ôc difpofëes à receuoir le
commandement qu'elle portoit. Or ny la
lumière^ ny les autres chofes qui n'eftoient
point 5 n*auoient point de telles facultez en
elles- mefines, puis qu'elles n'eftoient point
encore: caries facultez ne peuuent fubfifter
iînon en vn certain Tu jet qui exifte vérita-
blement. Et il en eft ainfî de la Parole de
l'Euangile en la création de ce nouueaa
inonde duquel je vous ay parlé. Elle con-
tient bien en elle mefme & le commande-
ment & les motifs qui doiuent porter les
hommes à la foy 6c à la faintetë : mais neant-
moins toute feule elle ne les peut produire
en eux , parce que naturellement ils ne font
pas difpofez à cela ^ Se que s'ils y ont quel-
ques facultez ^ comme eft lentendementSc
la volonté , elles font tellement embaraflees
delà corruption du péché , qu'il eft abfolu-
ment impoffible que d'elles mefmes elles fè
déployentà luy rendre obeïflance. Encore
y a t-il cela dans les hommes de plus contrai-
re à leur vocation afalut.qu'iln'ya dans les
ehofès qui n'eftoient point de contrariété à
leur propre création, que celles- cy ne relx«
<Ï9
ftoient point à k vertu par laquelle elles ont
efté produites en eftre, au lieu que ceux là
ont de nature vne auerfion extrême à la foy,
& vne forte inimitié contre Dieu. Comme
donc en la création des chofes il a fallu que
la Parole ait efté accompagnée dVne vertu,
cachée à la vérité , & qui n'a paru que par fes
efFeds , mais grande &l efficace à merueilles,
ôc abfolument infinie , parce qu'il en faut
vne telle pour créer les chofes de rien ^ ainft
en cette reeeneration du monde il a fallu
que la Parole de l'Euangile ait efté accom-
pagnée d'vne puiflànce infinie de l'Efprit
de Dieu , qui eft occulte à la vérité , èc
qui ne fe connoift que par les efFects qui
s'en produifent, mais qui eft grande à mer-
ueilles, comme TApoftre l*enfeigne,quand il
dit que c*eft félon l excellente grandeur de la
-puiffance de la force de Dteu que nous croyons.
Et comme cette mefine vertu de Dieu qui
s'eft autrefois déployée en la création des
chofes, eft celle qui les fouftient encore en
leur eftre,6cqui empefche qu'elles ne retour-
nent à néant, donnant,comme je vous ay dit,
vne vigueur perpétuelle à cette parole que
Dieu a proférée en les créant, cette mefine
puiflànce de Dieu qui par la vocation des
cleus a formé TEglife au commencement^
E iij
70
cfl: celle qui la conferue , & qui la conferuera
jufques à la fin du monde, accompagnant
perpccuellement cette parole de l'Euangile,
pour la rendre jufques à la confommation
desfiecles la puijfance de Dieu en fhlut a tous
çroya^is. Cependant c'eft Chrift qui diftribiië
cet efprit de fagefle 6c de reuelation, de con^
foktion ôc de landification qui conferue la
la foy dans l'Eglife& dans fes fidèles, &: qui
larendperfeuerantejufquesàla fin. Et par-
tant c'eft Chrift qui fouftient toutes cliofes
en cet égard, &: qui empefclie qu'elles ne
retournent au non eftre fpirituel, d'où elles
ont efté tirées par la vocation celefte. Or
auons nous, mes Frères, diuers très-beaux
enfeignemens à tirer de l'explication de ces
chofes. Et premièrement, rApoftre a ajouflé
cecy aux paroles précédentes, expreffément
afin de confirmer la preuue qu>on en peut ti-
rer pour la diuinité de Chrift. Car il eft bien
vray que ces mots : la refplmdeur de la gloire ^
^ la marqua eny^auèe de la fubfifience de Dieu^
contiennent vne chofe fi magnifique & fi
glorieufe, qu'il faut necefi[airement que ce-
luyà qui elle eft attribuée foit Dieu bénit
éternellement. E t neantmoins il fe pourroit
faire que quelquVn non aflez intelligent, ou
ennemy de la vérité , fbupconnerqit que puij
7^ .
qivil y a quelque diftinclion entre h refplen-
deur,ôcce donc elle eft écoulée, entre la
marque engrauëe & ce qu'elle reprelente.
Dieu 6c le Fils ne feroient pas vne feule de
mefme diuinité. Afin donc de leuer ce fcnu
pulelà 5 de d'ofter des efprits des hommes
tous les foupçons qu'ils pourroient auoir
contre cette diuine vérité, l'A poftre dit que
Dieu & le Fils n'ont qu'vne feule Se meime
puiflànce, qui fouftient toutes chofès en leur
eftre. Or s'ils n'ont quVne mefme puiflance,
ils n'ont qu*vne mefine eflence auflî , eftanc
impoffible qu'vne feule 6c mefme vertu , de
nommément vne vertu infinie comme celle-
cy,foit en deux efTences différentes. En effet
TEfcriture fainte le nous enfeigne de la forte,
en leur attribuant , comme elle fait, mefiTies
chofes &mefmes opérations. Si elle die de
l'Eternel qu'il a créé les cieux de la terre,
comme l'hiftoire de la Genefe le raconte , de
comme tous les autres Hures du VieuxTefla-
mêt en font femez,elle dit la mefmç chofe de
lefus Chrift, comme j'ay déjà remarqué que
noftre Apoflre le fait en ce chapitre icy , de
S. lean au commencement de fon Euangile,
de S. Paul au premier chapitre de TEpiftre
qu'il écritàl'EglifedeColofTes. Si elle rap-
porte à l'Eternel la deliurance du peuple
E iiij
7^
d'lfi*aëIhorsclel*Egyp:e^ & la façon de la-
quelle ce peuple s*eft gouuerné enuers luy
dans le defert 5 elle mefme le rapporte auffià
noftre Seigneur lefus Chrift, comme quand
S. Paul au lo. chapitre delà première Epiftre
aux Corinthiens, dit que c'eft luy qui aefté
tenté au defert par les Iftaëlites. En vn mot
TEfcriture leur Fait toutes chofes communes,
en vertus & en exploits , bien qu'elle les
diftingue manifeftement en leur manière de
jfubfifter dans vne feule & mefme ellence
dVne éternelle diuinité. Et cela nous ap-
prend auffi à redarguer la témérité & Pauda.
ce des hommes mortels. Parce que les Em-
pereurs dominoyent autrefois fur vne partie
du monde, &c que cette partie du monde
leurfembloitfî confiderable qu'ils l'ofoient
bienappeller de ce nom de l'Vniuers & de
la terre habitable , ils s'en difoient les fei-
gneurs , & quelques- vns, pour reprefènter
cela, les ont portraits tenans vne boule en la
main, comme s'ils y euffent porté tout le
globe de la terre. Miferables hommes,â quoy
fe porte voftre vanitéîEn coparaifon du Ciel
toute la terre n'eft quVn poind ; 6c en com-
paraifon de la terre, Peftenduë de tout TEm-
pire Romain n*eft, comme quelques vns des
Romains mefmes Tont remarqué ^ qu'ainfi
75
qu vue petite tache das vne mappe^monde.
PourdoncgouLiernerfipeude pays, ont-ils
deu s'enorgueillir de telle façon qu'ils s'efti-
maflent fouftenir toute la terre ? Tant s'en
faut qu'ils en ayent efté le fouftien , que plu-
sieurs d'entr'eux luy ont efté à charge par
leurs crimes &: par leurs tyrannies infuppor-
tables, où qu'ils ont efté à fon égard comme
des torrens impétueux qui l'ont rauagée, &:
comme des torches ardentes qui y ont caufé
d'épouuantables embrafemens. Celuy qui
s'eft emparé de leur puiffance , de qui a efta-
bly Ton trône dans la ville où eftoit le leur, fe
vante ou d'auoir le mefiTic pouuoir, ou de
beaucoup plus encore. Car outre quùl s'i-
magine auoir l'autorité de difpofer des Roy-
aumes de la terre à (à volonté, de d'aucir vne
feigneurie qui s'eftend depuis vn des bouts
du monde jufques à l'autre , il ordonne
encore par Tes Indulgences des chofès qui fe
doiuent faire dans la terre , 6c dit qu'il vfe
comme il luyplaift du miniftere des Anges
des Cieux. A dire le vray pourtant, ia puif-
fance eft incomparablement moindre que
n'eftoit celle des Empereurs autrefois. Il
n'ofèroit auoir choqué l'autorité des Poten-
tats de l'Europe , Çcnefçauroit auoir arrcftc
les inondations du Tybre, quand il menace
74
h ville de Rome , & qu'il paATe par defliis fcs
bords. Voulez vous donc que je vous die
quelle eft a peu près l'imagination qu*il a de
h grandeur de fa puiflance ? Elle eft fembla-
ble à celle de ces pauures vifionnaires qui
fontrenfermez dans le voifinage de Paris. Ils
fecroyentauffilesfeigneursde tout le mon-
de , ils fe figurent que ce que le Soleil tourne
c'cft par leur commandement : ôc s'ils
voyoient vne riuiere fort enflée , ou les
grands flots de la mer, ils diroient que c*efl:
leur volonté qui les éleue ou qui les appaife,
& qu'ils roulent quand il leur plaift là defliis
ainfî que dans vn carrofl^e , comme faifoit
Neptune autrefois. La différence qu'il y a
c*eft que la folie des vns vient de quelque
maladie du cerueau , au lieu que Timagina-
tion de l'autre procède des vices de la con-
fcience. Des vns la fantaifie eft pitoyable , 6c
de l'autre l'ambition eft odieufe &: digne de
chaftiment. La manie des vns eft reftrainte à
leurs perfonnes de ne fe communique pas: au
lieu que l'opinion que l'autre à de fon pou-
uoirinfiny, infatué ôc enforcele diuerfes na-
rions de la terre. Au refte, comme noftre
Seigneur fouftient le monde par la puiflânce
de fsi Parole,celuy là qui fè dit eftre fon Lieu-
tenant 5 entreprend auffi de gouuerner toute
75
rEglifepar k puiflànce de la fienne. C'efl
pour cela qu il fe ferc de fes Bulles, & de (es
Brefs , &: des Canons de Tes Conciles , & de
fes propres Conftitucions 6c de celles de fes
deuanciers. Maisenfupprimantla Parole de
Chrifl: , & en oftant autant qu'il peut la con-
noilîance aux Chreftiens , entant qu'en luy
eftilfouftraitaumondelereul appuy qui le
fouftient, & en fubftituant fa parole en la
place de celle de Chrift, il renuerfe TEglife
de Dieu 6c la Religion Chreftienne de fond
en comble. Mais pour laifler rEuefque de
Rome à part, ces paroles de noftre Apoftre
nous fourniflent vne merueilleufe matière
de confolation 6c d'afTeurance. Car puis que
nousauons vn Rédempteur fi puiflânt , 'qu'y
peut-il auoir que nous craignions ou au Ciel
ou en la terre? Craindrons nous les tremble-
mens de la terre ou les inondations des eaux?
C'eft luy qui a adîs la terre fur ks fondemês,
qui commande aux mouuemens de l'Océan,
6c qui luy adit,icys'arreftera Téleuation de
tes vagues. Aurons nous peur des déborde-
mens 6c des fouleuemens des peuples ? C'efl:
luyquiprefidefjrles émotions des nations,
comme il a fait fur les eaux du Déluge autre-
fois , les incitant ^ les arreftant comme il
luy plnift parfà Prouidence. Aurons- nous
.76
quelque dpprchenfion de la puiflànce des
Grands & des Potentats ? C*eft luy qui tient
les cœurs des Rois en fâ main , comme le de-
cours des eaux , ôc qui les incline où bon luy
femble. Soupçonnerons-nous nojftre propre
corruption, éc l*inftabilitédenos volontez?
C*efi:Iuy qui par la puiflànce de fon Efprit
cclaire nos entendemens, & qui reforme nos
afFeâ:iôs,& qui les détermine, 6c qui les fixe
à conferuer auec noftre Seigneurlefiis Chrift
vne communion infeparable. Redouterons-
nous la violence du monde , ou bien fes aile-
chemens ? Noftre Seigneur lefus eft celuy
qui Ta vaincu , & qui en le vainquant a
rendu vains tous ks efforts contre nous,
& qui a ofté l'efficace à (es appafts , 6c la
pointe à fès amorces. Enfin le Malin parfes
embufches, 6c par fes tentations, 6c parla
violence de fes attentats , nous caufera-t il
quelque frayeur .^ Frères bien-aimezen no-
ftre Seigneur , c'eft véritablement vn enne-
my fort à craindre. Il rode continuellement
à î'entour de nous pour trouuer quelqu'vn à
deuorer, 6c fi noftre Seigneur ne Parreftoit
parla vertu de cette main inuifible qu'il op-
pofe à toutes fes machinations , nous n'éui-
tenons jamais de fuccomber àfes aflautsou
d'eftre enueloppez dans Çqs embufçhes. Mais
77
ce grand Rédempteur , dont nous célébrons
icylapuijGTance, rade(àrmé,& s'il fe remue
encore, s*ii tracafle, s'il entreprend contre
l'Eglife de Dieu &c contre nous , voulez-
vous que je vous dife à quoy celaeftfembla-
ble ? C'eft comme quand vne baleine a re-
ceu le harpon dans le corps, Ellemugle hor-
riblement, elles*agiteauec vnemerueilleufè
violence : elle émeut de grandes vagues en
fe remuant , elle choque les vailTeaux qui fè
trouuent à fà rencontre. Mais à mefiire qu'el-
le fe tourmente elle va perdant fon fàngj
& fà vigueur s'écoulant, & fes forces fe di-
minuant peu à peu , enfin on la voit échouer
miferablement au riuage. De mefme ce
grand ennemy de noftre (àlut, après auoir
receu de la main de noftre Sauueur ce grand
coup dont il a efté bleffé , fait en ces derniers
temps de fon règne des efforts extraordinai-
res par le fentiment de fa douleur , de par
l'irritation que luy donne la ruine de fa domi-
nation 3 mais il ne fait pourtant déformais
rien autre chofe que languir , jufques à ce
qu*au dernier jour il foit précipité dans Ta-
byfme. Déplus, mes Frères, puis que cefl
par 1 efficace de cette diuine Parole de TE-
uangile que noftre Seigneur fouftient toutes
choies en leur cftre 5 6c principalement qui!
• ,3 1
con férue en nous la foy , qu'il y auance h
fànclifîcation , qu'il y enracine l'efperance,
fouuenons-nous tousjours de Tauciren fin-
guîiere recommandation. Vray eft que com-
me je le vous ay die, cette parole ne produi.
roit point ces grands efFeds, fi elle n'eftoit
accompagnée de l'Efprit de lefus Chrift,qui
îuy donne entrée ôc efficace en nos âmes.
Mais auliî cet Efprit ne fe donne ordinaire-
ment que par le miniftere &c auec la prédica-
tion de la Parole , & il n'eft ordonné que
pour rendre nos entendemens capables de
lareceuoir. Tellement que fi nous voulons
en eftre participans il faut eftre attentifs à
cette prédication , vacquer auec aflîduité à
la ledure des hures diuins , méditer bien foi-
gneufement les dodrines qui y font conte-
nues , & auoir continuellement cet objet
dcuant les yeux de l'entendement. Car c^efl:
le moyen duquel Dieu fe fert pour fouftenir
la foy en nous 5 & pour y conferuer l'eftre Sc
la vigueur à cette nouuelle créature qu'il y a
formée. Vouspouuez encore adjoufter cet-
te confideration aux autres. C'elt que la
parole de laquelle Moyfe dit que Dieu s'eft
îeruy pour la première production des cho-
fês par la creation,a eu pour but de leur com^
muniquer vn eftre naturel àlavçrité ,mai3
n
non endormy pourtant oc reflerré en foy-
inefiTie , fans le defployer en aâiions. Par cet-
te diuine parole toutes chofes ont receu cer-
taines facultez qui fe defploycnt en desope^
rations qui leur font conuenables. Car les
yeux ont efté donnez pour voir , ^ les oreil-
lespourouïr, ôc les autres organes desfens
pour exercer leurs fondions , & générale-
ment toutes les efpeces des chofes ont efté
douées de leurs puiiflances, pour produire
diuers ades , chacune félon la nature de Te-^
ftre qu'elle a receu. Cette autre parole donc,
quej-aydiuerfesfoisapellëe, de PEuangile,
ayant efté deftinée à produire en nous vu
eftre fpirituel & furnaturel par vne nouuelle
création , & nous donnant aufli certaines
facultez capables défaire des adions de re-
pentanceàde faindeté, nous deuons ainfi
faire noftre conte , que toute noftrc vie doit
eftre employée à agir félon ce principe-la.
Il faut donc eftre pieux enuersDieu, chari-
tables enuers nos prochains , fobres &; at-
trempez en nous- mefmes , zélateurs de tou^
tes les chofes bonnes , &: faire en toutes oc-
currences paroiftre cqs inchnations en noftre
conuerfation. Car comme s*il y auoit en la
Nature des chofes quelque créature qui n'y
fîftrien, onreftimeroitabfolument indigne
8o
de fon eflre , &: à peine croiroic on qu'elle
en euft receii aucun de la main de Dieu^ainfî
, quand dans ce nouueau monde qu'on nom,
me TEglife il fe rencontre quelqu'vn qui ne
vit pas dVne fai^on conucnable à cette nou-
uelle création , il vaudroit autant qu*il fuft
hors de l'enceinte de ce nouuel Vniuers,
parce qu'il n'apasl'eftre ny les qualitez di-
gnes de cette féconde naiflànce. Enfin,
mes Frères, cet eftre naturel que la premie-
ie création a donné , doit paflèr. Tous les
ans la terre change d'apparence, &c toutes
hs chofes compofées des elemens efprou-
uent mille variations. Les grands empires fe
diflîpent^ & à peine refte-t-il dansThiftoire
quelque trace de ceux qui ont efté aux fie^
clés paflcz. Les cieux mefimes qui paroiiïent
il fermes & fi conftans, fouffrirontà la fin
de fi notables mutations, que TEfcriture
fainte ne fait pas difficulté de dire à cette
occafion qu'ils périront , parce que leur
ancienne conftitution n'y fera plus recon-
noiflfable. Tellement que bien que cette
parole prononcée au commencement , ait
encore maintenant de la vigueur pour fou-
ftenir cet vniuers , cette vigueur ceffera
pourtant au fécond aduenement de noftre
Seigneur , quand toutes chofes perdront
leuf
8i
leur eftre corruptible & naturel^ pourpaf-
1er dans vne condition différente. Mais
quant à cette nature fpirituelle &c celefte
qui nous eft communiquée par la Parole de
l'Euangilede lefus Chriftjelleeftabfolumêc
imperillable. Car dés maintenant cette di-
uineparoleaccompagnée de l'Efprit^afait
en nous , fi nous (ommes véritablement
Chreftiens , vne impreflion de Foy , de
confolation , de fàinteté , qui ne fe peut
jamais effacer. Et quant à ce que nous ea
attendons en l*apparition de noftre Sauueur^
outre les lumières admirables de toutes for-
tes de connoiflànces qui rempliront nos
âmes éternellement, nos corps feront reue-
ftus d*incorruption &: de vie immortelle &:
glorieufe. Le Seigneur lefus qui nous en a
donné Tefpcrance , &: qui nous en fournit
le modelle en la perfonne là haut , vueille
par fi puilTance infinie accomplir Tœuure
du fàlut en nous , & à luy comme au Père
& au Saint Efprit, vn feul Dieu bénit éter-
nellement , foit gloire , force & empire aux
fiecles desfiecles , Amen.
TROISIESME SERMON,
fur ces paroles,
JÎyant fait far foy me [me la purgation de
nospechez^i ilseftajjîs a la dextre de la Majefie
es lieux tr es-hauts.
RERES BIEN-AIMEZ
EN NOSTRE SeiGNEVR:
C*efl: vne chofe qui a eftë reuelée
dés le commencement, & dont la reuelation
a efté reprefentée en diuers types,comme eni
à^^ tableaux, 8c renouuellée de temps en
temps par les paroles des Prophètes , que
comme le Rédempteur du monde auoit
beaucoup à foufFrir quand il feroit manife-
ilé^auflî fes foufFrances deuoient elles eftre
fuiuies de grandes gloires. Si dans cet oracle
que Dieu prononce pour releuer les efperan-
ces de la race humaine , qui eftoient tombées
à terre par le péché , il dit que le ferpent bri-
ieroitletalonàlafemence delà femme, ce
qui a efté exécuté en la Paffion de C hrift ,. il
ditauffique la femence de la femme écra-
fèroit la tefte du ferpent, ce qui contient
vne prédiction de la victoire du Meffie. Si la
8^
hiort d' Abel, tué par fon frère , a reprefènté
côme vne image de ce que les luifs, les frères
de noftre Seigneur félon la chair, machine-
roient quelque jour ôc executeroienc contré
luy, le tranfport d'Henoc la haut au ciel lans
voir la mort, aefté vn bel emblème de TA-
fcenfion de noftre Seigneur lefusChrift dans
les lieux celeftes. Si dans le facrifice qu'A-
braham auoit refolu défaire de fbn fils lùac^
par où il fut amené jufques aux portes de la
mort , il y a eu quelque ombre de Toblation
qui deuoit eftre faite de la perfonne du Sau-
ueur en la plénitude des temps : dans (à deli-
urance, qui côme dit TApoftre en quelque
lieu , reflembloit à vne refurredion , il y a eu
vne reprefentation de celle par laquelle
noftre Seigneur eft forty glorieufèment du
fepulchre. Il en eft de mefmes de tous les
endroits où ce diuin myftere nous eft pré-
dit ôc préfiguré, lofeph eft réduit à vne mi-
fereejitremedans les fofles & dans les pri^
fons , ce qui a reprefènté la defcente de no-
ftre Seigneur dans le tombeau : mais il a efté
deliurédeU, 6c éleuéà vne puillànce fem-
blable à celle de Pharao , enquoy nous
voyons vn crayon de la refurredion de
Chrift & de fon exaltation ^ pour s'afTeoir à
la dextre de fon Père. Dauid eft- exposé è
H
dîners combats, mais il en demeure victo-
rieux ,& comme fo perfecutions Tont fou-
uenc réduit à vn eftat fort calamiteux , ôc
dans lequel on voit vne image des foufFran-
ces du Fils de Dieu, il y a dans la fplendeur
du règne de Salomon vn portrait de la gloire
quenoftrelefuspoiïede maintenant dans le
fanduaire de fon Pere.Efaye au 53.de {qs Re-
uelations prédit bien certainement qu'il
deuoit eftre mené à la tuerie comme vn
Agneau: mais il ajoufte incontinent qu'il a
efté enleué de la force de l'angoiffe & de la
condamnation , & qu au refte là durée après
cek, deuoit eftre perpétuelle. En fin, com-
me lonas a efté englouty dans le ventre du
poiflbn, ôc a paffe dans cet abyfme trois
jours Se trois nuits , il a efté reuomy fur le ri -
uagepar le commandement de Dieu, ce qui
a bien iàns doute fignifié que le Seigneur
lefus deuoit eftre englouty dans le tombeau,
mais que la mort le deuoit rendre par la puiC-
lance de Dieu, & le remettre en la jouillance
de la lumière de la vie. Mais bien que cela
aireftéainfi predii;, & comme portrait dé-
liant les yeux du peuple d'Ifraël, Ci eft- ce que
dVn cofté ces prediâions ont efté lî impar-
faites , &. ces types fi enigmatiques , à caule
de la condition des temps ; Se que de Tautre
les entendemens des hommes eftoient fi peu
éclairez de la grâce de rEfpric , parce qu'a-
lors TEglife eftoit encore en fon enfance,que
^'a efté vn (ècret qui n'a jamais efté entendu
jufques à l'accomplilTement des temps par
Peuenement des chofes mefmes. Mais en la
manifeftationdu Rédempteur , parles cho-
fes qui luy font arriuëes en l'oeconomie de
fa chair , èc par celles qui ont fuiuy Ces fouf-
frances , nous auons clairement appris que
lefus Chrift a efté Huré pour nos ofFenfes,
qu'il eft reffufcité pour noftre juftification,
êc qu*il eft monté là haut au Ciel pour y
prendre pofTeflîon de fon royaume à la main
droite de fon Père. C'eft ce que je me pro-
pofedevous expliquer aujourd'huy briéue-
moyennant la grâce deDien, en traittant la
fin du paflàge que je viens de lire deuanc
vous, où il eft dit que Chrift ayant fait par
foy mefme lapurgation de nospeche^^ s'efiajjîs k
lit dextre de la Majefié es lieux très- hauts . Car
comme vous voyez, ces paroles contiennent
manifeftement ce grand 6c glorieux myfte-
re. Preftez moy donc encore cette fois vo-
ftre attention en la dedudion que j*ay à vous
faire de quatre chpfçs en cet ordre. C'éft
que noi^ verrons premièrement ce que fi-
gnifient ces termes, lapurgation de nos péchez^
V iij
u
Puis après, comment noftre Seigneur l'a
faite parfoy me [me. En troifiéme lieu^ ce que
veulent dire ces paroles , qu*i/ s'eft ajjîs à
I4 âextre de Dieu. Et en fin, pourquoy il
exprime le nom de Dieu par celuy de Maje-
fié y & pourquoy il a adjoufté, es lieux très-
hauts. Or quant à la première Se ces chofes,
cette parole , fechi , fignifie généralement
tout ce qui eft contraire à la pieté que nous
deuonsàDieu, à la charité dont nous fem-
mes obligez enuers nos prochains , & à la
tempérance & honneftetë qui conuient à
jl'excelkiice de noftre nature. Et cela fe doit:
entendre tant àts chofes qui confiftent en
aâionsjquife produifent au dehors, ou qui
font des opérations de nos facultez, que de
celles qui confiftent en habitudes qui ont
leur fiege& leur refidence dans les facultez
mefiîies de nos âmes. Et quand je dis les
habitudes , j*entends , non pas feulement
celles que nous pouuons auoir acquifes par
la couftume de faire de mauuaifes adionsj
comme il n*y a perfonne qiû reuoque en
doute que cela ne fe puifle nommer du nom
dépêché^ mais encore cette forte &inuin-
cible inclination que nous auons naturelle»-
ment au mal , & que nous appellonÉy^rdinai-
rçrnent du nom de feché originel 5 parce
^7.
i qu*encore que nous le tirions de Torigîne de
laquelle nous fommes iiTus , il ne laifle pas
d'eftre péché pourtant , ôc l' Apoftre le qua-
lifie ainfi au chap .7.de TEpiftre auxRomains.
Et çle faid, c'eft vne conftitution vicieufe
en elle-mefme , & qui nous pouiGTe naturel-
lement à toute forte de mal. Or en quelque
égard que Ton confidere le péché, foiten
habitudes ou en adions ^ l'Efcriture fainte a
accouftumé de lereprefenter fous l'idée dV-
ne /biiillure , d* vne impureté , d' vne immon-
dicité ôc dVne tache /qui corrompt &qui
défigure les chofes aufquelles elle efl: atta-
chée, & qui ofFenfe les yeux quand on les
jette deflus. En efFed , le péché qui confifte
en adions ^ gafte la conuerfation extérieure,
& la rend odieufe &: choquante aux yeux
des hommes. Et celuy qui confifte en habi-
tudes, fouille Tinterieur de Thomme de le
rend,haïfi[àble aux yeux de Dieu. Et fi nous
auions les yeux affezperçans pour pénétrer
jufques dans Tame d'vn méchant homme,
nous y verrions par tout des chofes qui nous
feroient de l'horreur. Car dans cette partie
fuperieure qu'on appelle l'intelligente & la
raifonnable, nous apperceurions les erreurs
les herefies , les idolâtries & les fuperftition s '
& ces autres peftes femblables qui mfeden
F iiij
83
ccqu*ilyad[eplns fpirituel en luy. Dans k
partie inférieure qu'on appelle dans les Efco-
îes du nom d'appétit fenfuel , nous verrions
au lieu où loge la conuoitife , Tyurognerie,
la gounnandile , la paillardife , la diflblutipn.
Oc les vices de cette nature , qui font comme
des belles fales , gifàntes en de l'ordure , §c
vilaines à regarder. Et dans l'appartement
de la colère , nous verrions le defir de la
vengeance, les meurtres , les enuies , les con-
tentions , ôc les autres vices femblables,
comme dans vne cauerne profonde , des
lions 5 *& des ours , & des panthères y èc tou-
tes telles autres fortes de beftes fàuuages qui
manifeftent leur férocité par de fiers 6c
horribles liurlemens. Cette fouillure du pé-
ché donc, peut eflre confiderée en deux
difFerens égards : c'efi: aflàuoir entant que
comme je viens de dire cela corrompt
nos facultez , & gafte leurs opérations , ôc
entant que cela caufè de lirritation à la jufti-
ce de Dieu , ôc nous oblige à la foufFrance de
fa vengeance. Et ces deux égards du péché
font abfolument infèparables , tant par la
nature de la chofe , que par celle de Dieu
meftne, 6c de ce que nous appelions ordi-
nairement jullice en luy. Car aucun n'a
jamais efté corrompu de péché en foyanef.
8P
me ^ qui n'aît mérité la punition , & qui n'ait
eftë criminel en la pr;erencede Dieu : 6c au
contraire Jamais au€un n'a efté criminel dc-
uant Dieu ny jugé digne de punition par luy,
qui n'ait premièrement efté contaminé de
cette tache. Mais bien qu'ils foient abfolu-
iTient infeparables , ils font neantmoins^com-
me vous voyez, fortdiftincls, & félon leur
diftindion, ils le nettoyent par de différen-
tes fortes de lauemens, & fe gueriflent par
diuers remèdes , & qui font dVne efficace
fort diflemblable. Car en ce premier égard
la purgation du péché fe fait par ce que TEf-
çriture appelle la régénération & la fandifi-
cation , laquelle eft vn effed de la communi-
cation du Saint Efprit, qui illumine les en-
tendemens de la connoiflance de la vérité,
qui repurge les afFedions de la Conuoitife,
enymettant?impreflîonde fà faindeté, &:
qui enfin donne a cette partie qu*on appelle
la|Dolereourirafcible, vne profonde tein-
ture de la charité & de la modération Chre-
ftienne. Et cela s'appelle de ce nom de pur -
gation àc de nettoyement. Comme quand
les Prophètes difènt, lauer^votis ^ nettoyé^"
vo7is\ ils entendent le lauement qui fe fait par
la repentance. Et quand les mefmes Pro^
phetes promettent des eau^ nettes , ils cnten.
90
dent la grâce de régénération , que TE/prit
de Dieu deuoic communiquer à TEglife,
Les lauemens qui fe pratiquoient fous l'an-
cienne Alliance prefiguroient la fandifîca-
tion qui fe fait par la vertu de lEfprit de
Dieu : de le Baptefme , fous le Nouueau Te-
ftament ,eft appelle le lauement de regene-
ration^ parce qu'outre la remiuîon des pé-
chez il reprefente encore la fandification , &;
en fèelle les promefles. Au fécond égard il
en va bien autrement. Vous fçauez que nos
péchez, entant que ce font des crimes qui
nous obligent à la foufFrance de la punition,
font en TEfcriture accomparez à des debtes.
Le pécheur donc eft comme le débiteur.
Dieu comme le créancier, & la foufFrance
de la peine eft comme le payement de la
debte. Comme donc quand on a affaire à
vn créancier rigoureux , & qui ne relafche
rien de fon droiét ^ la debte ne s'acquitte
point & ne s'anéantit pojnt autrement gue
par le payement, en cette affaire que le pé-
cheur a à demefler auecDieu, l'obligation
à la punition ne s'ofte & ne s'abolit point au-
trement que par la foufFrance, Car Dieu
eft tre-feuere & très, inflexible en cela>
& il y a cette différence entre vn créan-
cier & luy , qu'il eft en la liberté d'vn
91
créancier de relâcher de fbn droit fi
bon luy femble , fans que pour cela il ea
puifle eftre blafmë.i Souuent mefme il fe
prefente des occafîom où il fautneceflaire-
ment en relâcher quelque chofe, fi l'on ne
veut eftre eftimë trop dur & trop rigoureux,
& en encourir du blâme. Mais quant à Dieu
il n'eft feuere en cela finon parce qu'il eft
jufte^ &Iajuftice eftenluy vne de ces ver^
tus qui font tellement déterminées par les
quaUtez Se par les conditions qui font er%
leurs objets^ qu'il eft impoflîble qu'elles s'ex-
ercent enuers ceux où cesconditiôs ne fe ren-
contrent pas^ Et de mefmes impoflîble qu'et
les ne s'exercent pas enuers ceux en qui elles
fe rencontrent. Pour exemple, ce que nous
appelions fimplement Bonté en Dieu , a vne
relation fi inuiolable àl'innocence &: à la fain-
teté de la créature , qu'il eft impoflîble qu'il
n'aime pas la créature en qui il void reluis
re l'image de fa parfaite faindeté: mais quant
à ay mer la créature pecherefl[e , & à luy faire
fentir leseiFeds de cette Bonté là, c'eft ce
que fa nature ne peut permettre. De mef.
me , fa mifericorde de laquelle dépend lâ
remiflîon des péchez, a vne relation fi preci*
feàla créature pecherefl^e, mais qui fe re-
pent de fon péché ^ qu'il ne fe peut faire ny
92
qiui pardonne a celles qui ne fe repentent ^1
pas , ny qu'il ne pardonne pas à celles qui fe
repentent. La luflice donc ayant pour ob-
jet la créature entant qu'elle eft infedèe de
péché ,& eftant déterminée par là non moins
neceflàirement que ces autres vertus dont je
viens de parler le font par les qualitez qu'el-
les regardent,!* excellence infinie de la nature
de Dieu ne permet pas , ny qu'il puniffe ceux
qui ne font pas pecneurs, ny qu*il ne punifle
pas ceux qui font coupables. Ainfi la purga-
tion du péché en cet égard fe fait par la pu-
nition,ôc ne peut confifter en autre chofe. E t
cela s'appelle auflî de ce nom de nettoyemêt
&: de purgation , & de purification , ôc d'au-
tres façons de parler femblables. Comme
quand noftre Apoftre au chap. 9. de cette
Epiftre dit, que le fang de Chri^ purife nos
confciences des œuures 7nortes^ il entend la puri-
fication qui confifte en Texpiation du crime.
Et comme leBaptefme reprefente la fandifi-
cation, il reprefente pareillement la remifl
fion de nos péchez & leur abolition entant
qu'ils nous expofent à la foufïrance de la
vengeance. Il eft donc queftion de fçauoir à
laquelle de ces deux fortes de purgation no-
ftre Apoftre à icy égard quand il employé
ce terme. Et certes je ne fais aucune difficuL
té que ce ne foit à la dernière. Car nou5
vousauons déjà remarqué dans la prédica-
tion de Vendredy dernier, que l'Apoftre a
icy intention de parler de la fàcrificature de
Chrift, de de recommander l'Euangilepar
Texcellence de fon Sacerdoce, qu'il oppofe
dés le commencement de cette Epiftre, 6c
qu*il préfère en ce peu de paroles, au Sacer-
doce des Sacrificateurs du VieuxTeftament.
Or le propre ôcle premier efFet duSacerdo-
de & du Sacrifice , eftoit de faire la purgation
des crimes , &: d'éfFacer les péchez entant
qu*ilsaflujettiflbient à la maledidion. Car
c eft pour cela que les Sacrificateurs pre-
noient vne vidime , &; qu'ils la mettoient en
la place du pécheur , pour foufFrir l'effufioa
defon lâng âcla mort que le pécheur auoit
méritée. ?ms3.pTes ^ ce terme ^ayantfat^ le
monftre manifeftement. Car il en parle
comme dVne chofe exécutée. Or la (ànclifi-
cation eft vne chofe qui fe fait tous les jours
à la vérité , par la communication que noftrc
Seigneur nous donne de fon Efprit: mais elle
n*eft point encore faite pourtant, &: elle ne le
fera point finonquâd elle aura acquis faper-
Fedion par l'apparition du Sauueur du mode.
Mais<j«at à la propitiation de nos crimes,c eft
vne chofe faite par la mort de Chrift^autanc
94
qu*elle le peut eftre par la fbufïrance de ce
que nous auons mérité \ autrement , (î elle ne
1 eftoit pas , elle ne le feroit jamais , parce
quileftimpoflîbleque noftre Seigneur foit
déformais expofé à de nouuelles foufFrances.
Et fi les hommes ne font pas effecliuemenc
participans du fruid de cette propitiation
par laremiflion de leurs péchez, c'eft qu'ils
necroyent pas, &c qu'ils rejettent la grâce
fàlutaire de Dieu qui leur eft fi clairement
apparue. Durefte,elle eft faite quant à ce
qui eft de noftre Seigneur. Car que pourroit-
on defirer dauantage finon qu^il foit mort
pour nos péchez, ôc qu'il (bit refl^ufcité pour
noftre juftification? Et c'eft ce que 1* Apoftre
enfeigne au chap. 5, de la 2. Epiftre qu'il écrit
aux Corinthiens. Dieu^dit-il^efioiten Chri/}^
te conciliant le monde à foy^ en ne leur imputant
foint leurs forfaits, C'eft à direque Dieu a efté
fi mifericordieux qu'il eft defcêdu du Ciel en
la terre pour fe reconcilier auec les hommes;,
de forte qu'il ne tiendra déformais qu'à eux^
qu'ils ne reçdiuent les fruids de cette récon-
ciliation. Et parce que leurs forfaits mettent
de coftéôc d'autre obftacle à cette reiinion^
la juftice de Dieu cmpefchant qu'il ne fe
fcconcilieauecla créature criminelle, & la
confcience de la créature criminelle ne fe
95
pouuantlaifler induire à croire que Dieu fe
reconcilieà elle tandis qu'elle fe voit coupa-
ble de fàmaledidion, Dieu en donnant fon °
Filsamisleschofes en tel eftat à Tégard du
monde & deshommes_, qu'il ne leur impute
point leurs péchez , & qu'ils s'en peuuent al\
îèurer,pourueu qu'ils reconnoiilent ce Fils
qui ena faitlapurgation, & qui l'a exécu-
tée par luy m efme. Etc'eftcequ'il faut que
nous voyions maintenant. Vous fçauez, mes
Freres,que fous l'alliance de la Loy, il y auoit
certaines chofes , qu on appelloit des foûillu-
res 6c des immondicitez , contre lefquelles
Dieu témoignoit qu'il auoit de l'auerfion- co-
me l'attouchement dVn corps mort,les mar-
ques extérieures de quelques fortes de mala-
die en la peau,la fbiiillure de quelque humeur
coulante naturellement du corps , &: chofes
séblables. Et ces impuretez-là,à]es confider
en elles-mefines ,n'eftoient nullement crimi^
nelles , & ne meritoient aucune punition de-
uant Dieu. Car les infirmitez naturelles,
& qui ne procèdent point de la volonté, de
les chofes extérieures & corporelles qui
n'infedent point l'homme intérieur , font
bien des fuittes & des marques de la condi-
tion foible & abjede de noftreeftre, mais
ce ne font pas des péchez pour lefquels nous
9^
méritions d'eftre punis. Neantmoins parmy
le peuple d'Ifraël elles efloient réputées vi«
cieufes félon Tinftitution de Dieu^excluoienc
les hommes de la participation du Taberna-
cle & de la focieté de la Nation , expofoient
à la maledidion qui repofoit hors du camp
de ce peuple-là , ôc à la mort temporelle
mefiiie. Or cela pourroit fembler bien eftran-
ge 3c bien rigoureux, que pour de telles infir-
mitez , qui ne peuuent eftre contées entre
les choies morales , & qui d*elles.mefmes
ne méritent point de blafiTie , beaucoup
moins de punition. Dieu euft fait vne ordon-
nance fi terrible , 6c qu'il les euft rendues cri-
minelles par fa feule volonté. Mais (a bonté
auoit pourueu à cela parTinftitutiondes fa-
crifices. Car pourueu que ceux qui eftoient
fouillez de cette forte d'impuretez , miflenc
vne vidime en leur place , ou fiffent les
oblations qui auoient efté ordonnées pour
cet efFed , ils eftoient deliurez de cette forte
de crime, ô«:reftablisdans le droicl de com-
muniquer au Tabernacle 3c aux chofes qui
s*y faifoient. Ce donc que Dieu en auoit
ainfi ordonné c*eftoit feulement afin que ces
immondicitez légales feruiffent de reprefen-
tation aux fouillures réelles ôc véritables du
péché j Se que ces fàcrilices & ces oblations
qui
0 . ^ \ 97
qui en faifoient rexpiarion , figiiraflcnt cette
grande 6c admirable ablation qui deuoic
quelque jour fairela purgation de tous nos
crimes.. Mais il y a icy vne grande difFerence
entre la figure & la vérité i c*eft que les
Sacrificateurs d'autrefois employoient de?
victimes pour faire l'expiation de ces im*
mondicttez- là , au lieu que noftre Seigneur a
fait la propitiation de nos ofFeijfes parfoy^
niefine. Et véritablement il eftoit impolG-
ble qa'iLfift cette propitiation autrement*
Car quant au iàng des beftcs ^ ,& à la cendre
de la genice , dont on faifoit afperfion, elle
poauoit bien , comme l^Apoftre renfeigne,
iandifier les fouillez quanta la chair, parce
que le crime de cette forte de foiiillure ne
dépendant que de la pure volonté de Dieu,
cette mefme volonté de Dieu pouuoit bien
donner au fang des boucs ôc des taureaux h
vertu d'en déliurer les Ifraëlites. Cela eft de
la nature des chofès , . que les obligations fe
diiroluent par le mefme moyen par lequel
elles fe contradenc, 6c que quand k faute
n eft faute que par l'ordonnance duLegifl.a^
teur , la mefme ordonnance du Legiflaceur y
puiiTe apporter le remède. Mais quant à ce*
péchez véritables & réels que Dieu a dcfen*
dus par Tes dix comniand^mens de la Lov,
98
parce qu'ils font péchez en eux-mefmes , le
crime qui en refulte fe produit de la nature
mefme des cliofès, &c ne peut eftre efFacé
de cette façon là. Car quelle proportion y
a-t-il entre la mort d^vnebefte, bc le péché
dVn homme , qui doit eftre réputé grand
6c atroce, non pas feulement à proportion
de Texcellence de la nature de l'homme qui
le commet , qui furpajflè infiniment la condi-
tion àes belles , mais encore à proportion de
1 eminence delà Majefté de celuy contre qui
il eft comis , qui furpafTe infiniment la condi-
tion des hommes mefmes. Pour ce qui eft:
du fmg des hommes il n*y pouuoit pas eftre
employé non plus. Car ils font tous pécheurs
^ coupables deuant Dieu,& par confequent
leur fang eft impur & corrompu^ 6c plus ca-
pable de fouiller par fon efFufion 6c parfon
attouchement , que de nettoyer les impure,
tez & de faire la purgation des ofFenfes.C'eft
donc certes vne grande erreur que celle de
ces gens qui penfent fitisfaire pour leurs pe^
chezàlaluftice de Dieu, 6c qui s'impofenc
pour cela des macérations d>c des pénitences.
Et ceux qui fe fouettent eux mefmes pour
offrir leur fmg à Dieu, ont peut-eftrç bien
mérité ce chaftimêt : mais quanta contenter
lajufticede Dieu par ce moyen là, c*eft fo-r
Icment^c inutilement qu'ils fe l'imaginent.
5^
Quand'ils fe feroient efcorchez , & que dii
déchirement de leurs efpaulesilfèroitnévne '
riuiere toute entiere^commeles Poètes le du
fent de M arfy as^ils ne fçauroiét auoir noyé ny
nettoyé là dedâs la moifidre de leurs ofFenfes.
Et quant il fetrouueroit vn homme abfolu-
ment innocent ^ fa mort pourtant, s'il n*eftoic
qu'homme feulement, ne pourroit fàtisfaire à
la juftice de Dieu pour les crimes des autres
hommes. Car il faut qu'entre la foufFrance ôc
l'atrocité du crime il y ait de la proportion.
Or il n'y en a du tout point entre le mal que
fouflxe vne créature, l'eftre de laquelle eft
borné , 6c l'ofFenfe commife contre Dieu^
qui eft réputée infinie. Il n'y pouuoit pas
employer des Anges non plus. Car premiè-
rement, pour eftre mis en la place d'vn au-
tre, afin de faire fàtisfaclion pour luy, il faut
qu'il y ait vne communion beaucoup plus
eftroite que celle que les hommes 6c les An*
gesontenfemble. Ce font des natures très-
différentes l' vne de l'autre, & par confe-
qucnt mal propres à faire vne telle fubftitu-
tion. De plus, les Anges font des natures iniL
matérielles 6c exemptes de la fujetion à la
mort. Et bien qu'ils puijGTent eftre anéantis
par la puiffànce de Dieu , fi eft ce que cet
aneantiifement ne feroit pas proprement la
mort qui a efté dénoncée pour la punition du
• 100
péché de rhDmme,& à laquelle il aefté né-
ceflàire que noftre pleigefuft alîiijetty. En-
fin, quand la fouffrance des Anges, quelle
qu'elle fuft, pourroitequipoller à la morr,
toujours les Anges f8t-ils des créatures finies,
donc la dignité n*a pas afTezd'eftenduë pour
égaler la majefté infinie de celuy contre qui
le péché des hommes a efté commis, il a
donc neceflàircment fallu que le Seigneur
lefiisfiftlapurgation de nos péchez par foy
mefme ^pim qu'il n'y pouuoit employer aii.
cune aun-e chofe que luy , & qu'il foufFrift en
{a perfonne, puis que la ToufFrance eftoic
neceïlaire pour faire tette propitiation. Et
icy il faut confiderer premièrement quelle
eft en cette perfbnne la nature qui a fouffert.
Et chacun fçait que c*eft la nature humaine,
félon laquelle il avne eftroite de inuiolable
communion auecnousî ce qui le rend propre
pour eftre noftre pleige , & pour eftre fubfti-
tué en noftre lieu. Comme auffi eft- ce vne
chofe euidemmentatteftée par la Parole de
Dieu, que cette nature en Chrift eftoit ab-
fokiment innocente , Se qu'ainfi elle nauoit
point de qualité qui fuft côtraire àla propitia-
tion^comme nous auons remarqué cy-deffus,
que le péché des autres homes les rend inca-
pables de faire fatisfaclion & pour autruy &c
pour eux melîiies. Puis après il faut auoit
lOî
égard à la nature qui donne le prix à la fouf-
france, & c'eft la nature diuuie qui eftant
dVnc dignité infinie , donne auflî à la paflîon
de Chrift vne infinie valeur. Gar encore qu'il
iVy ait que la nature humaine qui art foufterc
enluy, fieft-cèquefàpaffioneft coniklerée
comme de la perfbnne toute entière, & par-
tant il faut que le prix en foit eftimé par là. Ce
qui comme vous voyez ^ rend la fouflTrance
propordonnéeà la nature du crime ôi à ion
atrocité. Etc eft ce qui a fait dire à noftre ^i
Apoftre 5 au chapitre neufiéme de cette Epi-
ilre, que Chnft5*eft offert à Dieu par /'£/5>n>
éternel. Car cela ne fignifie pas comme quel-
ques-vas le. prétendent 5 que lar nature hu-
maine aitefté la victime en C hnfl: &: la natu-
re diuine le Sacrificateur. Il eftoit Sacrifica-
teur entant que Dieu &: homme tout enfem-
ble , & c'a encore efté (a perfonne toutç en-
tière qui a tenu lieu cîe victime en cette obta-
• tion. C'eft pourquoy il eft dit qu'il s'efi offert
foy- mefme. Car cts mots , // sejî offert^ defi-
gnent fon action^Or les actions ibnç réputées
eftre des perfonnes toutes entières, &; non de
Tvne des natures qui les compofent feule-
ment : ôcceluy cy/hy-me/rne^ dénote la per-
lonne toute entière pareillement. Geky
donc par l'Efprit éternel y fignifie que la per*
G iij
roi
fônne de Chrift , eflant telle & en tel eflat
qu*ilyauoitenluy vnefprit éternel & diuin,
il s'eft offert en cet eftat là ^ ce qui donne à la
foufFrancevne valeur incomprehenfible. En-
fin, on peut encore corifiderer en ce myftere,
tant la perfonne de Chrift, entant qu'elle
eftoit çonftituée des deux natures , que la
charge par Tautorité de laquelle il a fait fon
oblation. Car quant à la perfonne,elle eft en
elle inefiiie dVne dignité qui pafle non feu-
lement la mefure de la dignité de toutes les
créatures, mais celle de leur intelligence 6c de
leurcomprehenfîon. Et pour ce qui eft delà
charge , elle a non feulement efté incompa-
rablement plus excellente que celle des Sa-
crificateurs precedens , mais proportionnée à
la dignité inénarrable de la perfonne mefme:
cequireleue infiniment l'excellence de fon
adion. Si donc vous confiderez Toblation de
Chrift entant qu'il y a foujEFert comme vne
vidimedeftinée à l'expiation de nos péchez
par fa mort, nyles hommes, ny les Anges
ne fçauroient déterminer jufques où va le
prix de (à Paflîon : parce que cette vidirrie
eftoit d' vne dignité inéftimable. Et fi vous h
confiderez entant que Chrift y a fait vne
adion en s'offrantluy mefme à Dieu 3 cette
adion ne fe peut prifer non plus , puis qu'elle
eft procedée dVne perfonne qui eft Dieu
I05
bénit éternellement, & qui outre cela efloit
reueftuë d'vne charge infiniment eminente.
Que fi enfin vous venez à jetter les yeux fur
l'effet que le concours de toutes ces chofes à
produit, c*eft que la tache de nos péchez,
quelque horrible àc efpouuantable qu'elle;
fuft , en a efté abfolument effacée. O
charité incomprehenfible de Dieu i O
merueille de la diledion du Fils enuers
nous! que le Père le nous ait donné, que
le Fils fe foit abandonné luy-mefine à la
fbuffrance de la mort , pour nous déliurer de
lamaledidiondeDieu, &: pour nous refta-
blir en fa {àinte communion , non pour auoir
la liberté d'approcher du Tabernacle d'au-
trefois , mais pour eftre déformais fondez en
droid d'afpirer à la demeure de fon faint
Temple de là haut, êc de le contempler éter-
nellement dans fon (anduaire celefte .» Mais
il eft temps de voir comment le Fils s'eft afiîs
à la dextre de Dieu ^ car nous verrons^ntoft
que ce nom de Majefté & èeluy deDieu,paf'.
fent pour vne mefme chofe. Vous voyez,
mes Frères , comment la nature nous a corn.,
pofez. Elle nous a donné deux mains pour
fournir à toutes nos adiôs, & elles y concou-
rent de telle façon qu'elles y vont en mefmc
rang, Se non par fubordination , comme fi
Giiij
104
IVneeftoirfeulemécririftrument de l'ciutfe.
Neantmoins il eft certain que félon linftiru-
tion de cette mefme nature , la droite doit
eftre plus forte & plus habile que Tautre."
C'eft pourquoy la nourriaîre &:'la, chaleur
naturelle, à: les efprits qui font deftincz à
produire le mouuenient , cbufent plus abon-
damment de ce cofte lii' de les vàifleauxy
font naturellement pins grands, afînd*eftre
plus- capables de contenir- l'abondance des
efprits qui s'y rerpandcnt. Er c eft ce quia
faitdircàHippocrate qu'il arriùe rarement
que les femmes foient ambidextres/ Parce
que fi le tempérament de leur fexe foufFre:
bien qu'elles ayentujffez de cette clialeur &
de ces efprits qui 1er lient au mouuement^
jour rendre en elles îa, main droite pliis.ro.- -
bufre 6c plus agiîe en fts operarions , il ne
foufFre pas qu'il y en ait allez pour remplir
tellement toutes les deux mains , que la gau-
che ait autant de vigueur ôc d'habilité que.
l'autre; Mais quant aux hommes, il arriue
alTjz fouuent qu'ils fe feruent également
bien des deux mains , parce qu'ils font natu-
rellement d'vne conftiturion plus fpiritueu-
fè. Il n'eft pas bien neceffaire de fçauoii:
pourquoy la Nature en a ainfi diilpolë , &
quand il feroit plus vrile a rechercher,il ne (e-
roit peut efbre pas fort aifé d'entrouuer U
caufe. Que fi vous aiiez agréable que je vous
en dife mon fentiment en paflànc , je le feray
en peu de paroles. Vous içauez ce qu'on a ac-
couftumé de dire du cœur , c'efb qu il eft
îe principe de la vie, 6c le ficge des afif^-
dions , éc l'expérience confirme ce qu mi a
accouûume d'en dire. D'ailleurs, les deux
plus belles & plus nobles adions aufquelles
les hommes foienc appeliez fondes militai-
res, où il s*agic de défendre leur vie contre
les ennemis, de de les attaquer filaneceflicé
le requiert ainfi : 6c celles de l'éloquence, où
il eft queftion de régner dans les entendç-
mensdics hommes par la force de la perfua^
iîon , de de porter leurs afFcdions aux chofes
belles 6^ homièftes. Or pour ce qui eft des
adions militaires , en rendant la main droite
plus forte & plus propre aux adioais , la Na-
ture la en quelque façon armée pourferuir
ànoftredefenfe. Le cœur donc eftant telle-
ment attaché au milieu de la poidrine , qu'il
décline vers le cofté gauche , où Ton fent fon
mouuement de fà palpitation , la droite en
s*auançant vers Tennemy eiloigne le cœur
du péril, au lieu que la gauche l'en approche-
roit fi c'çftoit à elleà joindre de prés l ênemy,
foitpour attaquer foit pour defendre.D 'ail-
leurs, aucun n'ignore ce que peut le gefte
io6 1
dans les adions oratoires, èc combien parti- |
cLilieremenc eft pathétique 6c touchant ce-
luy que Ion fait quand on porte la main fur
le cœur. Or on yporteaifement la droite à
caufe de fa fituation, aulieuquelemouue-
ment de la gauche fe^oit en cet égard in-
commode. Comment qail en foit décela,
car il faut que je retourne à mon fujet , il eft
certain que nous eftimons beaucoup plus
noftre main droite que l'autre. Car c'eft vne
chofe naturelle d'aimer de d'eftimerle plus
ceux de nos membres dont nous tirons le
pJusdeferuice&dVtilité. Et les petits en*
fans 5 fi vous les enconfultez, vous en ren-
dront tefmoi2;nao;e. Car fi vous leur deman-
dez laquelle de leurs deux mains ils aiment le
mieux , ils ne manqueront pas de vous dire
que c*eft la droite : éc fi vous leur en deman-
dez la raifon, ils vous refpondront que c'eft
parce qu'ils en jouent mieux, 6c qu'ils en ef-
criuent mieux , ôc qu'ils s'en défendent
Miicux contre ceux qui les attaquent. Delà
eft venu que le lieu de la main droite a eftc
eftimé le plus honorable , &: que principale-
jnent entre les Orientaux, les Princes ont
fait affeoir à leur dextre ceux qu'ils ont vou-
lu extraordinairement honorer, 6c leur don- ,
ner la communication de leur dignité fouue-
raine. Vous en auez vn exemple en Thiftoi-
re de Salomon dont ileft ditquilfîtafleoir
Berfabée fa mère à la droite de fon trône,
en la prcfence du peuple , pour faire voir
qu*illa tenoiten vnrang égalaufien. Et Né-
ron mefmes, ce monftiecompofé de toutes
fortes d'horreurs , fit affeoir à fa droite vn
Prince de r Orient, qui Teftoitvenuvifiter,
pour faire voir en luy au peuple Romain le
cas qu'il faifoit de la dignité royale De cela
donc il eft procédé deux chofes. La premiè-
re, que quand en rEfcritureileft parlé fim-
plement de la dextre de Dieu , ce terme y efl;
employé pour fignifier fa force & fa vertu.
Car Dieu qui efïvneflrefpirituel&: infiny,
n*a point de membres comme nous. Mais
quelquesfois ks vertus font defignées par
les noms des parties de nos corps, dont l'vfa-
ge a quelque rapport auec l'exercice des ver-
tus diuines. Parce donc que nous nousfcruôs
de la main droite en nos actions , de que c'eft
le fiege de noftre force , la vertu par laquelle
Dieu agit s'appelle en l'Efcriture de ce nom.
Comme quand Dauid au Pfeaume i8. die
que la dextre de /* tternel l'a foufienu , & ail-
leurs , que la dextre dé l^ Eternel a faitvertn^
& ainfi en diuers autres lieux femblables.
L'autre chofe eft que quand ce terme eft
ip8^
employé conjointement aiiec celuy des'af-
feoir,il fignifie^non pas la puiflàncede Dieu,
par laquelle ilexecute fès volontez , mais la
participation de fa dignité, & le rang d égali-
té que noftre Seigneur prend, en la gloire.
De forte que ceux-là fe trompent merueil-
Jeufement qui penfent pouuoir tirer de cqs
façons de parler vn argument pourprouuer
que le corps de noftre Seigneur a par fa glori-
fication acquis cette diuine propriété . de
pouuoir eftre par tout comme Teirence de
Dieu mefme. Quelque glorifié quefoit le
corps de noftre Seigneur , c*eft. vn corps
pourtant , & encore vn corps humain , & par
cpn{èquentdefiny& contenu entre des bor-*
nés bien eftroites. Quand donc nous ne
içaurions pas bien nettement ce que lignifie,
cftre affis à la dextre de Dieu, nous ne de^ '
urions pas auoir de la nature ôcdc làcondi*
tion dVn corps des penfées fi peu raifbnna-
bles. Mai5 certes la preuue qu'on, tire pour
cela de ce paiuge & des femblables qui fe
rencontrent ailleurs, eft extrêmement friuo-
le. On dit que Clirift eftaiGs à la dextre de
Dieu auflî bien quant a fà nature humaine
que quant à fa nature diuine. Cela eft vray,
ôcperfonnenelecontefte. On adjoufteque
la dextre de Dieu eft par tout: Et donc que.
ID9
-la nature-humaine de Chrifl: efl: par toùt,auffi
bien que la diuine. Cela ne s'enfuit pas. Car
quand on dit que ladexcrede Dieu eft par
tout, on entend la puiflanceôc la vertu par
laquelleil met à exécution fes delïèins. Mais
lors que l*Efcriture enfeigne que Chrift, auffi
bien entant qu'il eft homme qu^entant qu'il
eft Dieu beiiit éternellement , c'eft à dire, eu
égard à fa perlonne toute entière, s*eftalîîs
à la dextre deDieu,onn'entendpas parler
de cette vertu- là , on veut feulement dire
que fa perfonne toute entière a receu la com-
munication de la dignité de Dieu , comme
faifoient ceux qui s'aiTeioient autrefois à
la main droite des grands Princes. Cequife
peut fort bien faire, Se qui s'eft fait efFediue-
ment, fans que la nature humaine cle Chrift
ait acquis les proprietez de Teflence deDieu,
qui font abfolument icommunicables. Cette
façon de parler ne fignifie pasmefines lapo-
fture ny l^tuation du corps de Chrift, 6c en
quelque fituation qu'il foit il eft toujours
affis à la dextre de Dieu , parce qu'il y poûe-
de vne dicrnité é^ale à celle de Dieu mefme .
Cependant , mes Frères , cette communica-
tion de dignicc qui eft defignée par cette fa-
çon de parler , s*aJfeoir à la dextre de queL
quvn , peut eftre confiderée en deux manie*
tio ' .
tes. Car ou bien c'eft fimplement vn hon-^
neiir que Ton reçoit^ fans que cela foit ac-
compagné d'aucune charge qui tire après
iby des fondions 6c des actions : comme
quand Salomon fit affeoir fa mère à fa droi.
te 5 ce qu'il nefaifoit finon pour témoigner
a quel point il l'honoroir, fans luy commet-
tre pourtant l'adminiftration de fon Eftat.
Ou bien auec la participation de l'honneur
on reçoit encore quelque charge dans le
gouuernement, 6c quelque notable autori-
té dans Tadminirtration des affaires : comme
quand Pharao joignit a l'honneur qu'il fit i,
lofeph de le faire monter fur le chariot qui
eftoit le fécond après le fien , vn commande-
ment abfolu fur toute Teftenduë de fort
royaume. Or fe pourroit- il bien rencontrer
quelque paflage du NouueauTcftament où
cette façon de parler employée à l'occafion
de lefus Chrift , fignifieroit feulement k
communication d'vnefouueraineclignité , de
pareille à celle de Dieu/ans néanmoins auoir
vn particulier égard à la charge que ion Père
luy a donnée. Comme pour exemple quand
faint Eftienne , dans cet admirable rauiiTe-
ment qui luy arriua dans la fouffrance de fort
martyre , s'efcria , F'oicy je voy les deux ou*
nerîs ^ d^ le Fils de l'homme efiam à la dextre ds
iir
Dieu , il femble qu'il ne vueille rien dire ait-
cre chofe lînon qu'il void le Seigneur lefus
en vn eftre fouuerainemenc glorieux, &aa
lieu de l'aneannirement auquel \qs luifspre^
tendoient l'auoir réduit Jouir d'vne dignité
& d'vne gloire inénarrable. Mais au Pfeau-
me uo. d*où cette façon déparier eft venue
dans le Nouueau Teftament, cette fentence,
Sieds toy a ma dextre ^ jufque ÀUint que fayé
mis tes ennemis four le marchepied de tes pieds -^
defigne rinftalîation de nollre Seigneur, non
feulement en vne fouueraine dignité, mais
encore en vn fouuerain pouuoir. Car c'eft
par là qu'il eft eftably Monarque de tout Tv-
niuers, ôc le Lieutenant de fon Père en l'ad-
miniftration de l'empire qu'il a furlescieux
&; fur la terre. Et c'eft ainfî que PApoftre
l'interprète affez clairement au chapitre 15.
de la première aux Corinthiens , quand re-
gardant fins doute à cepaflàge duPfeaume,
il dit que la fin de toute l'œconomie des eau.
{^^ de noftre falut fe verra , quand Chrift au^
ra remis leRoyaume àDieu le Pere,ôc quand
il aura aboly tout empire & toute puilîance
&: force. Car ^ dit il, il faut qu'il règne juf
ques a ce quil ait mis totcs fes ennemis fous
[es pieds. Et icy l'Apoftre regarde à la
mefme chofe , 6c veut comme je l'ay re-
/ ■
M 2
îDârquë , après auoir parlé de la fâcrilîc?-
tare de Chrift , defigner icy fa royauté,
dont il auoit déjà commencé de parler au
veriet précèdent quand il auoit dit que le F ils
aeflè ejiably héritier de toutes chofei. Cepen-
dant on peut icy rémarquer la liaifon qui eft
entre ces deux parties de noflre texte , ayant
fait parfoy mefme lafurgatwn de nos.pecheT^^
&, s' e/l a.ffis }. la dextre de Dieu. Carlnnten-
t;ion de.i'Apoftre n'eft pas de dire que c*eft
entant que Chrift eft Sacrificateur^quil s'eft
affis à la dextre de Dieu. Nous venons de
remarquer que cela s'entend de fà royauté.
Mais bien certes vcut-il donner à entendre
que pour pàruenir à cette fouueraine puif^
fànce à laquelle fon Père l'a cfleuc, il falloir
qu'il fîll: premièrement la purgation de nos
péchez: car c'eft par l'ignominie de fa PaC
fion qu'il deuoit entrer enià gloire. Et c'eft
ce que S. Paul nous enfeigne au deuxième
chapitrede l'Epiftreaux Phiiippiens, quand
il parle de Texaltarion de Chrift comme dV-
lie recoitipenfe de fes loufFranees. lla^ dit-il,
efîé obeiffantjufques à la mort^ voire la mort dç
la Croix. Pour laquelle caufe aujji T)ieu la fou^,
uerainement èleuè ^^luy a donné vn nom qui e^
fur tout nom i /]fin quau nom de le fus tout ge-^
noiiilfe ployé , de ceux qui font es cieuK ^ ^ en la,
4erïe^
; in
terre^é" de fous la terre: & q^e toute langue con^
fejje que le fus Chrifte/î le Seigneur , à la gloire
de Dieu le Père. Refte maintenant que nous
voyions ce que fait ala gloirçlde. noftreSe^
gneur&. aubut de noftre Apoftre ^ ce qu'il
di f^ à la dextr£. de la Majefiè es lieux très hauts.
Fay déjà dit que s'affeoir à la dextre de là Ma^
jefté fignifie s'aiTeoici la dextre de Dieu, ôc
ceftïiinfî que le S. Efprit a accouftumé de
parler en cette mataere,ôccela s^entend allez
de foy mefme. . Mais comme j'ay dit ^ que
Dieu s'appelle du nom de Gloire qm égard à
ks vertus, il faut quejedifeicy qu'il s'appela
leauiEde cq nom de Majefié eu. égard à la
fouuerairie &: abroliuTient indépendante au-
torité qui naturellement en refulte. Car
comme les vertus de D.ieu^ parce qu'elles
font admirablement. ray^Dnnantes, luy don*
fient vne dénomination qui reprefèiite vne
lumière extraordinaire & qui a beaucoup
d'éclat , cet empire qu'il a fur les cieux & fur
la terre & fur toutes les chofes qui y fonr,luy
f n dpnne âuffi vne, autre qui exprime auec
emphafe le fouueraui commandement. Eç
de fait nous nous feruôs ordinairement de ce
fnot pour reprçfenter Tautorité de qps Prin-
ces fouuerains,6c croyons que de les pronon,
çer ainfi par forme d'abftradipnjSc Êife y en^
H
114
welopper le fujet dâs lequel cette fouueraîné
puiflance refide , c*eft vne façon de parler
qui a vne force particulière. Or cela fait i n-
iîniment au^deflein de noftre Apoftre. Car il
eft queftion icy dùUuftrer la gloire de noftré
Sauueur. Comme donc il a efté remarqué
que s'alTeoir à la dextre de Dieu , c*eft entrer
en focieté de la dignité de ladiuinité, êcpar
confequent eftreDieuis afleoir à la dextre de
la Majeftë,c'eft entrer dans la participation
de la fouueraine puiflance qui commande à
tout rVniuers ^ & par confequent eftre la
Majeftémefme. Quanta ces mots de lieux
très-hauts , ils fignment le troifiéme ciel , le
ParadiSj le Sanduaire de l'Eternel, le lieu où
il habite en gloire. Car les fpheres celeftes
font les lieux hauts en comparaifon des efpa-
ces fublunaires. Mais les lieux très- hauts foni
au deflus des fpheres celeftes mefmes. Et
comme je vous ay dit que noftre Apoftre a
voulu exalter la Prophétie de noftre Sei-
Seigneur par deflus celle de tous les autres
Prophètes, quand il a dit que Dieu ayan£
jadis parlé âplufieursfois &en plufieurs ma»
nieres par eux , a parlé à nous en ces derniers
temps par fon Fils ^ de qu'il a voulu éleuer le
Sacerdoce de noftre Seigneur par deflus ce-
luy des Sacrificateurs anciens, quand il a dit
qivilafiik far fey-mefme la purgation de no^
fechez^^ je ne doute pas qu il ne vueille enco-
re icy furhauffer la royauté de noftre Sei-
gneur par defTus celle de tous les Monarques
de la terre. Vous voyez comment ils font ële-
uez au defTus des autres humains , &: com-
ment ils veulent faire paroiftre leur exalta^
tion par celle de leurs trônes & par la hauteur
& la magnificence de leurs Palais : &: cela
véritablement conuient bien à leur Majefté
Royale: mais quand ils auroient aflîs leurs
trônes fur la cime des montagnes, non feu-
lement ils feroient toujours au defTous des
cieux ^ mais mefmes ils feroient encore fous la
jurifdidion des foudres ôc des tempeftes. Au
lieu que noflrcSeignr lefus eft éleuc audefTus
de toutes les régions de Tair , &: des globes de
là haut,ce qui montre l'eleuation infinie de fà
dignité par deffus les Potentats de toute la
terre habitable. Mais quand ce ne feroitpas
l'intention de TApoflre de faire cette oppo-
iîtion là, fi efl ce que la.chofe dont il parle icy
requeroit qu'il y fit quelque mention du lieii
où noftre Seigneur eft maintenant en la gloi-
re de fon Père. Car premièrement fi vous
auez égard à la dignité inénarrable de fa per-
fonne^ la demeure de la terre n'eft pas vn fë-
jourproprepourluy.Uafâlluqu'ily ait efté
H ij
^tîdquè tem|)s |)endant rœcohomie âetà
chair , parce qu'il y deuoit foufFrir la mort
pour k'-prôpitiatibn de nos ofFenfès. Mais
quand vne fois il a eu exécuté ce que foû
Père luy auoit commis en xët égard, 6c
qu^eftant refllifdté dès morts il a fait voir
que iâ fatisfadiôn eftèit accomplie , il à
fallu qu il foit retourné au Heu d^dù il eftoit
defcendù, & qu'il y foit allé reprendre les
ènfeignes de fa diuinité qu*il y auoit laif-
iéQS pour venir monde. Car Dieu s'eft
teferué le ciel pour fon habitation, 6c a don-
iié la terre pouï demeure aux enfaris des
hommes. Puis après, quand vous ne régar-
deriez (înon à l'éftat auquel fon humanité a
'eftémifeparûrefurredion^illuy falioit vil
autre fejour que ces lieux bas ôc terreftres.
Comme l'Apoftrè nous enfeigi^e que la
chair ^ le fan^ji^ ne feuuent hériter le Rvyànmi
^^Z)/>»,c'eftàdire, que cette nature reue-
'ftuë 6c enuironnée des infirmiteT, qui l'ac-
compagnent, n'eft pas dans vne conditioii
propre pour demeurer là haut dans le ciel, où
'cesinfirmitez ne peuuent trouuer de placet
quand cette mefme nature à efté reueftuc
de l'incorrùption & de l'immortalité, àinfî
qu*elleaefté en la perfonne de noftre Sei-
gneur par fà refurredion, il faut quelle aillé
Ii7
loger dan§ le ciel, ôcces lieux tçrreft^'cs icy
ne luy peuuent plus eftre vn. domicile conue-
nable. Et fa, charge ^ de quelque façoqi
qu onla confldere ^ ne requeroit pas moins
cela que faperfonnç , ny que IcPi^t glorieux
auqueLfcn corps a elle mis en reflufcitant;,
Carquaiuà ce qmeftdefa Prophétie, il Ta
bien exercée en perfonnç entre lesluifs en la
terre tandis qu'il y a elté^parcq, qu'il eftoit Iç
Miniftre de la Circoncifion , &: que cette na^
tion là auoit reçeu cette promeflè des Pro-
phètes. Mais ilfalloitauirrappeller.lesGen-.
tils a fa cpiinoifTance ,.par l'entremife des
gens qivil deuoit eauoyer pour cet eflfed. Oi:
en les enuoyât il les falloit auffî munir de tou-
tes les grâces àc de tous les talens neceifaires
pour vne fi noble commiiTion, ôc pour les en
munir, le S- Efpiit deuoit eftre enuoyé dti
Ciel félon les anciens Oracles. Chriftdonc
nepouuantenupyerle S, Efpriçdu Ciel s\l
n'y eftoitluymeliiie,&i*enuoyduS. Efpric
eftant'vne fuitte & vn eifed defaglprifica-
tipn, félon ce que IvEfcriture dit, Ze S. Efpm
nefîoit point encore donné parce que le fus Chrijl
nefloit point encore qiorifiè,, il eftoii; abfolument
necelTaire qu'il fuft receu- là ,haut dans les.
cieux, pour pouruoir à la vocation des na-.
tïons de, la terre. Et c eft à cela que l'Apodro:
H^iij,
rapporte les paroles du Pfalmiftc au Pfèaume
^8. fiant monté en haut il a mené captiue gran--
de multitude de captifs ^ ^ a donné dons aux,
hommes. Luymefmçdonc a donne les vns pour
tflre Apo/hes ^ ^ les autres pour efire Prophètes^
^ les autres pour eflre Euangeliftes^ & les autres
four efire Pafieurs S^ Dofleuys : Pour tajfem^
ilage d^s Saintts^par l'œuure du minïjiere.^ pour
V édification du corps de Chrift : lufqua ce que
TtoTis n nis rencontrions tous en l'vnité de la Foy^
^ de la connotjfance du Fils de Dieu , en homme
parfait , a la mefure de la -parfaite fiature de
Chrifi. Pour ce qui regarde fà Sacrificature,
c'a bien eftë en la terre qu'il a deu offrir fon
corps en facrifice en la Croix. Mais après;
cela, les types de l'Ancien Teftament, ôc
l'interprétation que noftre Apoftre nous en
donne, nous apprennent que comme le Sou-
uerain Sacrificateur , après auoir égorgé la
vidime dans le lieu (àint au jour des propitia-
tions folemnelles & anniuerfaires , paflbit au
trauers du voile 6c entroit dans le lieu tres-
fàint 5 noftre Seigneur, après loblation de fà.
perfonne &:la fouffrancesdelamort , a deu
palier au trauers du voile des cieux , Se entrer
ainfi dans le vray Sancbuaire de Dieu ^ parmy
les acclamations & les applaudiflemens des
Anges. De fait , c'eft là qu'il fe deuoit acquit
119
ter de l'autre fondion de fbn Sacerdoce , quî
confifte en rincerceflîon q u'il fait pour nous.
Car cette interceflîon fe fait par la commé-
moration de fon Sacrifice , & de la plénitude
de la fàtisfadion qu'il a rendue à la juftice de
Dieu. Or cette commémoration requiert la
prefence de la perfonne de Chrift deuant les
yeux de Dieu fon Père en fon Sanduaire. En-
fin fa royauté le requeroit pour le moins auflî
euidemment qu'aucune autre chofe. Le Ciel
deuoiteflre fon trône, & la terre le marche-
pied de fcs pieds^ puis'j qu'il prenoit en main
l'adminiflration de l'empire que fon Père a
fur toutes chofes : car c'efl ainfi que Dieu
mefiiie fe décrit dans les Prophètes comme
Roydel'Vniuers. Il deuoit auoir toutes les
créatures fublunaires ^ & les fpheres mefmes
des Cieux au defTom de foy, puis qu'il de-
uenoit le gouuerneur abfolu de toutes les
oeuures de la nature. C'efloit de là qu'il fal^
loit qu'il enuoyalt fon Efpric pour demeurer
en fon Eglife,& pour régner dans les coeurs
de fes fidèles, &: pour les fléchir puifîamment
& doucement à robeïflance de (qs Loix.
C'efloit de là qu'il falloit quelquefois qu'il
fiftfentir aux nations de la terre cette cpou-
uantable verge de fer que fon Père luy a mife
en la main ^ pour les mettre en pièces comme
H liij
12 O
Iesvai{Ieàuxd^ynPotier,qLiand elles s'oppOri
fent trop obftinëment à l'aiiancement de ioii;^
règne. Voila, mes Frères, la: deferiptioiî'
que l'Apoftre nous fait de Chnft ^ Voila l'i*
dée qu'ilnous en donne. Wt^mci vous donc,
je vous Tupplie^ aueç moy,qu*vn prédicateur
de la Gonimunion de Rome à monté dans
cette chaire pour parler à vous , 6c qu*il a.p-ris
pour thème de fon propos la fentence de
f Apoftre que je vous ay expofée. S'il eftoit ;
en cet eftat il jfoudroit qu ij vou's difl a peu:
prés les chofes que je vous ay reprefentées.
Sur ces mots que CAr//^/^/^ refplendeur de la
gloire de Biéu ^iXyo\\$ Àiïoii que la perfônne
du Rédempteur eft vrie image glôrteuii des
vertus ëmerueillables de laDiuinité,&: qu'ors
les peut voir rayonner en luy, comme elles,
rayonnent éternellement en fon Père. Tel-
lement que fa Bonté, fa luftiçe, fàJVfiféri-
cotde, fa Sagefle inénarrable & fon infinie
Vertu 5 qui font inuifîbles & incomprehenr'
iîbles en elles mefmes, fe peuuent en' quel-
que façon voir a I*œil 6^ toucbier à là main
d^s <:e grand & diuiti Sauueur. Sur ceux- cy
G^u'iiefi la marque engrauée de la fubfiflence de
la Dminitê , il faudroit qu'il déployafl fon;
éloquence à vous expliquer comment le Sei-
gneur lefus a dans foymefîpe Ie$ traits eter^
nels &: incfFaçables de cette admirable exi^
^nce 5 par laquelle Dieu non feulement vie
éternellement en luy-mefme , & jouît ea
{on eflence d!vné immortelle félicité , mais
parlaquelk il fournit encore Peftre à toutes
choies , & les remplit chacune félon leur na-
ture decoiuentementôi de bon-heur. Sur
ceux-cy. , qu il foufîient toutes chofes par fa,
farole puiffante ^ ce. prédicateur fans doute
ne manqueroit pas de vous dire que c'elt
vne magnifique defcription de cette infinie
vertu , par laquelle le Seigneur ïefus confer-
Vie en leur eftre les cieux & la terre , &: toutes
les chofes qui y font contenues, & par la-
quelle encore il entretient fooEglife, l'illu-
minant &: la fàndifiant par fà parole, & la
protégeant contre fes ennemis , jufques à ce;
qu'enfin il l*amene à la jouïflcince de fon
iàlut.. Surcequel'Apoflre dit^ que le Sei-
gneur lefu^ a fait par foy-mefme la purq^ation
de nos péchez^ y Umagnifieroit l'excellence de
fon Sacerdoce , & la dignité de fà per&nne,
qui eftant infinie en elle-mefme, a donne à
fon facrifice vn poids & vn prix infiny. Enfin,
fur ce que l'Aportreadjoufte que Chrifb s*e^
affîs a. la dextre de la Majeflé es lieux très-
hauts y ce prédicateur le vous reprefenteroit
tout refplendiflant d'vne lumkre éclatante
tu
comme celle du Soleil, & a/Iîs là haut dans
les cieux fur vn trône tout radieux de magni.
iîcence , enuironné des légions des faints
Anges, & gouuernant delà les cieux & la
terre à (a volonté. Reprefentez- vous après
cela que ce mefme homme vient à tirer fubi-
tement de deffous fà robe vn ciboire , 8c
qu en vous montrant là dedans vne hoftie
confàcrée ^ il vous crie , Le voilà^ Chreftiens^
ce grand Dieu & ce grand Sauueur,contem-
plez-le de vos yeux , 8c luy rendez vos ado-
rations 8c vos hommages 3 quelle confufion
je vous prie , mettroit-il dans vos efprits^
quel fremiflement , & à peu que je ne die
quelle horreur , de voir tout d'vn coup vne fi
magnifique idée , vne reprefentation fi glo-
xieufe de la perfonne de noftre Seigneur , qui
vient de remplir vos efprits dVne vénération
6cd*vne admiration extrême , conuertie en
vnechofe fi petite 8c fi obfcure, & qui dans
toutes fes apparences extérieures paroift de fî
peu de prix ? Grand Dieu immortel , à quoy
en eft venue la ReligionChreftiene^ 8c com-
ment a. t-elle tant dégénéré delà fplendeur
en laquelle elle auoit autrefois eftémife par
les Apoftres de lefiis Chrift ? Et qu*on n'ap-
porte point icy ces diftindions d'exiftence
réelle ôc d'e^iftçnce facr^mentelle, d'cxi-
ftence vifible, & de celle qui ne l'efl: pas*
Toutes ces petites fubtilîtezlà n'empefche-
ront jamais que ceux à qui Dieu a donné les
yeux de leur entendement illuminez, nere-
connoiflent bien la différence infinie qu'il
y a entre la Majefté de la perfonne de ce
grand Dieu , & vne cliofe qui n'a pas mefme
la reflemblance d vn homme. Non , non,
mes Frères , ce n'eft pas icy bas en la terre
qu'il faut chercher noftre Seigneur lefus
Chrift , c*efl: la haut au ciel. Ce n eft pas en-
tre les mains des hommes contemptiblesôc
mortels , c'eft à la dextre de Dieu qu'il eft.
Ce n'eftpas fous vne apparence fi méprifà-
ble qu'il feprefente aux yeux de nosenten-
demens , c'eft tout rayonnant de majefté,
&: tout enuironné de gloire. Il n'eft point
enueloppé fous les efpeces du pain &c du vin.
S*il y eftoit, elles font trop foibles & trop
minces pour empefcher fà gloire de s*y faire
voir: elle ëclateroit au trauers, ou les diflî-
peroit 6c les feroit ëuanouïr^ pour refplendir
aux yeux des hommes. Enfin , mes Frères,
il n'eft plus déformais expofé ny aux outra-
ges des hommes , ny aux autres accidens &
odieux de funeftes, contre lefquels TEglife
Romaine cherche tant de précautions : il eft
dans les <:icui: des deux au deftusjde toutes
U4
atteintes. C*€ft la où il faut que nous fe^
cherchions des mouuémens de nos amesi
ceftdelà qu'il faut que nous attendions les
fruiébs de fà croix &: de (à refurreâion , & les
fauorables efFeds dé fon afcenlîoaôc de foa
introdudion dans le lieu tres-faint oùh^bice
leP^recel-efte. En effet, mes Frères', c*eft
du ciel que doit couler en nos confciences le
fenriment de noftre ,paix & de noftre reconp
ciliation auec Dieu, &: le gouft du fruid de
la fâdsfadion qu'il a rendue à la juftice de
Pieu par foniâcrifice. Car TEfprit confolaw
teur vient délai, &: ç'eft.de la.ptefcnce de
TEternel, où font tes fépcefprits de Dieu,
que le Seigneur lefus l'enuoye. C'eft de là
mefme qu'il faut attendre TefFet de fon interr
ceffion en la perlèuerance de laquelle nous
auonsbefbin, pour nous rendre çonfkans ei^i ,
toutes fortes de combats, & pour.nçus ei^
faire remporter yne vidoire glorieufe.. Car
ce ne peut eftre ailleurs quil exerce cette
fonction d'Intq*ce{Ieur pour nous enuers
Dieu, puis que fon intercelCon confifte priiv
cipalementenfon affiftance deuant Dieu, &ç
en fà glorieufe prefence. Ceft de là encore,
& non d'ailleurs, que nous recelions Tçfprit
de fàndifîcatioii , qui nous reforme dt nous
régénère à fon image. Car noftre fàndifiç^-
rîonéft vn efféd de fa Royauté*, qui fe deC
ployé en nos confciencesparlaprefencede
îon Efpric , & qui nous rend dociles &: obeïf-
iàns au fceptre de la Parole. Or il ne règne
que du ciel en bas, 6c s'il a lesrefnes de rvni-
«ers 6c principalement de nos cœurs en la
main , c'eft de deflus fon trône celefte 6c non
d'ailleurs qu'il les gouuerne. Enfin c'eft de là
que nous deUonsefpererlà protedioncon-
tre les ennemis de noftre fàlut, de quelque
nature qu'ils puifTent çftre. Si le monde
nous veut amorcerpar les appas de fes-volu-
|>tez , il nous fait par fon bon Eiprit fàuou-
rer de tout autres biens , dont le gouft eft fi
merueilleux , que celuy de ceux d'icy bas en
comparaifon eft fade. Si le Malirt nous veut
furprendre par fes embufches , ou aflàillirà
force ouuenc en excitant des perfecutions
contre nous , Chrift nous prémunit de fon
Efprit de fagefle 6c de prudence contre les
ruies de cet ennemy , 6c notfs arme de ccluy
de force contre la violence de fès aflauts -, 6c
c'eft du ciel que nous receuons ce fecours,
qui ne nous peut venir de chofe aucune qui
foit en la terre. Enfin, fi la mort mefme nous
furmonte , comme il eft abfolument indubi-
table que nousy iiiccomberons y c'eft enco-
re du ciel que npftre Seigneur defcendra.
iiS
pour nous faire triompher du fepulcre & de
toute iâ puiflance. Au refte , chers Frères ^ il
ne nous faut pas contenter de chercher no-
ftre Seigneur lefus là haut , il yfautaufliaf-
pirer , ielon les belles efperances que luy-
mefme nous a données. Car il y a^bien cer-
tes quantité de raiibns tirées de la confidera-
tiondefàperfonne^ & de celle de facharge^,
& des neceffitez de (es Fidèles qui font en la
terre , pour lelquelles il a deu monter au ciel.
Mais il y en a encore vne autre que je n'ay
point touchée , &c qui nous concerne très-
particulièrement : c'eft qu'il a fallu qu'il y
fbit monté pour y eftre noftre auanteoureut
& y préparer noftre place, ^ofire cœurne [oit
foint troublé ^ difoit- il autrefois à ^q^ difciples^
&enleurperfonneànous tous: von^ croye^
en Dieu y croyez^ auUî en moy. Il y a flujîeurs
demeurances en la maifon de mon Père \ s il e(loit
autrement ]ele vous eufie dit : je va y pour voui
y préparer lieu. Et quand ]e m'en feray allé , é^
vousauray préparé le lieu Je retourner ay dere-^
chef^ dr- votisreceuraya moy ^ afin que là où je
fuis .vous foyez^aujli. Et TApoftre au chap.
6. de t'Epiftre aux Hebrieux. Nous auons,
dit-il , noftre refuge à obtenir le (gérance qui notis
€$ propofée 5 laquelle nous tenons comme vne
Hnçre feure drferms de l^ame ^ é* penetrmn
Î17
j^fqudu dedans du voile : où le fus efl entré conU
me auantcoureur pournous. Et il eft, en mon-
tant au ciel 5 non feulement l'auantcoureur^
maislemodelledenoftre gloire. Car com-
me nous auons porté l'image du premier
homme , nous deuons porter celle du fe^
cônd : comme la communion que nous
auons auec le premier Adam , nous rend ter-
reftres comme luy , & habitans de la terre,
celle que nous auons auec le fécond nous
rend celeftes comme luy , & nous donne àé%
maintenât la qualité de bourgeois des cieux^
tant l'efperance que nous auons d*y parue-
uenir eft indubitable. EnefFect, comme de
la refurredion de Clirift , l'Apoftre argu-
mente à la noftre, en vertu delà commu-
uion que nous auons auec luy , de forte qu'il
ofe bien prononcer que fi nous ne reflufci-
tons point , Chrift n'eft point refllifcité ^ àc
l'exaltation de Chrift là haut nous pouuons
tirer cette confèquence auec vne entière
certitude en vertu de la mefme communion,
que fi nous n'y fommes pas receus, Chrift
auflî n*y eft point monté , & qu'il ne s'eft
point aflîs à la dextre de fon Père. Or main-
tenant, dit l'Apoftre, Chrift eft reflufcité-,
maintenant , pouuons . nous, dire , Chrift â
€ftcefleu€enbaut:fèsdifeiples l'ont veude
leurs ycuj:, ^ l'ont atteftéàtout rvniuèr^j,
&nousauonsfentyrefFet de cette glorieufe
Afcenfion : & partant, ne doutons^pas que
nous n'y voyions fa gloire. Et c'eft ce qui
fait que rApoftre , au chap. 2, de l*Epiftre
aux bpliefiens jConfidere la refiirredion de
Chrift, &:fon Afcenfion au Ciel, 6c fon aC
fiette à la dextre defon Père, comme nous
appartenant, & cbmme fînoûs çftions déjà
glorifiez en (à perfonne.. Z)« temps mefmes,
dit- il, que nous efiions morti en nos fautes j Dieu
noîis a. viuifiç\ enfemhle auec Çhriji ^ par la
^race duquel vous eftes fauue^.Et nom a rejjufch
tez^ enfemhle j^ ^ noîi^ a fait feoir enfemhle es
lieux celefies en Jejus Chrifi. Mais ifî nous y
afpirons, mes Frères , il faut que .ce foit
par les voyes que luy mefme nous a trar
cëes, & perfeuerer conftamment en cette
courfe qu'il nous a donne, de commenr
cer, jufqu'à ce que nous fbyons paruenus
au bout de la carrière. Carc*eft,non à la foy
feulement , mais à la perfeuerance en la
foy^que le fàlut eft promis. Çeluy qui vaincra^
ditle Seigneur, &: qui eft celuy qui vainc fir
non celuy qui perleuere jufques à la rnort?
le leferay âfieoir auec moy fur mon trbne, Pouj:
cela il faut imitçr la fainteté de fa vie.car c'eft
dans vnç bonne confcience que fe cônfcrue
le
le précieux depoft de la Foy. Pour cela il faut
renoncer aux corruptions du monde, car il
n'a eu aucun commerce auec elles, &c il s'en
eft toujours tenu infiniment éloigné. Auffi
eft-il certain j Frères bien-aimez, qu'entre
les corruptions du fiecle, & la gloire de là
haut , il y a vne répugnance & vne contra-
riété tout à fait irréconciliable. Pour cela il (e
faut mefmes en quelque forte deftacher des
contentemens qui nous font permis. Non
pournous en priuer entièrement : car ils ont '
efté créez afin que nous en vfionsj mais pour
ne nous y abandonner pas , de pour en recon-
noiftre la vanité , & pour mefmes ne les gou-
fterfinon autant que nous y gouftons quand
& quand la bonté de noftre Seigneur qui
nous les fournit libéralement, êc qu'ils fer-
uent à nous éleuer vers l'efperance des biens
éternels & imperiflables. Pour cela enfin il le
faut refoudre à fubir volontairement , 6c
gayement toutes les incommoditez,ôc à fouf-
frir toutes les perfecutions aufquelles la pro-
feflîon du faint Euangile eft expofée. Car le
Seigneur lefus nous en a montré l'exemple,
quand ilnes'eftpoint rebuté des diftîcultez
qu'il a rencontrées en fà courfe : quand il ne
s'eft point côtrifté de la contradidion des pé-
cheurs^ & quand iJ s'eft refolu à la mort pour
I
le fàlut du genre humain &c pour la confirmai
tion de la vérité celefte. N'aimons donc pas
trop cette vie corporelle , ôc ne craignons
pas la mort. Car il faut defpouller ce corps
mortel icy pour eftre reueftu de l'immorta-
lité , Se depofer dans la poudre de la terre ces
qualitez corruptibles & naturelles que nous
auons maintenant , pour pouuoir eftre parti-
cipant de l'incorruption, .comme le faine
-Apoftrelenousenfeigne. De forte qu'il ne
nous eft pas feulement ineuitable , mais il
nous eft expédient de mourir , afin que ce
mortel icyfoitenglouty par la vie. Sur tour,
mes Frères , ayons perpétuellement en PeC-
prit Indée de la gloire de noftre Sauueur. Car
il fera impoflîble qu'en la contemplant at-
tentiuement des yeux de l'entendemet, nous
n'en -(entions dés maintenant vne irradia-
tion fenfible, qui vinifiera en nous Tefperan-
ce , Se qui nous portera à la faindeté, jufques
à ce que nous foyons transformez là haut au
Ciel en l'image de fa gloire. A luy qui nous en
a donné l'efperance , comme au Père & au S.
Efprit^ vn feul Dieu beniteternellement/oit
gloire, force & empire aux fiecles des fîecles:
Amen.
¥