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Full text of "Trois sermons sur ces paroles de l'Epistre aux Hebreux chap. I. vers.3. : lequel Fils estant la resplendeur de la gloire ..."

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in  2010  witin  funding  from 

University  of  Ottawa 


littp://www.arcliive.org/details/troissermonssurcOOamyr 


TROIS 

SERMONS 

SVR    CES    PAROLES 

de  rEpiftre  aux  Hébreux, 
chap.  1.  verf.  3. 

Zequel  Fils  ejlant  la  reff>lendeur  de  la  gloire ,  ^^ 
la  marque  engrauée  de  la  perfonne  d'iceluy^ 
S' foufienant  toutes  chofes  far  fa  parole  fui f^ 
faute  y  ayant  fait  far  foy-  me  [me  lapurgation 
de  nos  pechez^^  sefl:  ajjîs  à  la  dextre  de  la 
Majefié  es  lieux  très- hauts. 

Prononcez  à  Charenton, 

P  A  R 

MOYSE  "-AMYRAVT. 


Se  vendent  à  Charenton^ 

Par  Anthotne  Cellier, demeurant 

à  Paris ,  rue  de  la  Harpe ,  aux  Gands 

Couronnez. 

M.   DC  LVIIL 


A  SON  ALTESSE 

MADEMOISELLE 

DE  BVILLON. 


ADEMOISEZZE, 


Si  le  troîipeau  deuant  qui  ces  trois  Predi^ 
cations  ont  eflè  faites  ^  riauoit  fonhaitè  de  les 
voir  fur  le  papier ,  je  naurois  pas  la  hardie ffe 
de  les  prcfenterà  V.  A.  parce  quil  ny  a  rien 
digne  d'elle  qui  nait  eu  premièrement  -vue  telle 
approbation.  Mais  (i  d'autre  cojrè  y  M  A- 
T)  E  MO  IS  EZ  L  E^  vous  n  auiexjèmoigné 
le  me  [me  defir  ^  jaurois  eu  peine  à  conde  [cendre 
k  celuy  de  ce  grand  peuple ,  parce  que  je  ne  con- 
nais rien  de  plus  épuré  que  vojîre  jugement ,  ny 
par  quoy  celuy  de  toute  vne  multitude  puïfje  ejîre 


mieux  contre^halancL  Fuis  que  ces  deux  chofa 
Je  font  ainfi rencontrées  y  f  accorde  volontiers  ces 
Jvieditations  au  l'ublic^four  luy  donner  quelque 
freuue  de  ma  gratitude  ^d^du  z^le  que  f  ay  four 
fon  édification.  Mais  je  les  donne  en  particu^ 
liera  V.  A.  M  AD  E  M  O IS  EZ  L  Ey 
afin  que  cefoitauxyeux  du  monde  vn  monument 
authentiqua  de  la  vénération  extraordinaire  que 
fay  pourvofire  excellente  fieté.  V^ous  les  rece-» 
lirez,  aufii ^  s  il  vous  plaifiy  MABEMOI-- 
Se  L  L  Ey  comme  vn  effeïldu  profond  reffenti" 
ment  que  fay  de  ce  qu  il  vous  plaifi  m' honorer  (i 
particulièrement  de  voftre  bonne  volonté ^  d^  com* 
mevngaje  de  la  refolution  inuiolable  que  fay 
faite  a  ejire  tout  le  re^e  de  ma  vie. 


MADEMOISELLE^ 


De  V.  A. 


Le  tresJjumble  é"  tres-obeïffant 
feruiteur^ 

AMYRAvr^ 


I 

PREMIER  SERMON 
Sur  ces  paroles  de  TEpidre  aux 
Hébreux,  chap.i.  verf.3^ 

Lequel  Fils  ejlant  la.  refplendeur  de  la  gloire^ 
^  lit  marque  enyauèe  de  la  perfonne  d'ice- 
luy  ,  &  foufienant  toutes  chofés  par  fa  pa^ 
rôle  puijjante  ^  ayant  fait  par  foy  me  fine  la 
purgation  de  nos  pechet^^  seji  aj/is  à  la  dex^ 
tre  de  la  Majefté  es  lieux  tres-hauts. 

RERE  S     BIEN-AIMEZ 

EN    NOSTP.E    SeiGNEVR: 

Apres  vne  fuitte  aflez  confî- 
derable  d'années ,  pendant  lefquellcs  il  eft 
arriué  des  moiuiemens  en  ce  Royaume, 
6c  particulièrement  en  ces  quartiers  ,  qui 
ont  menacé  ce  Temple  de  le  réduire  en 
cendre  ^  &:  ce  Troupeau  de  diiîîpation  j  ce 
m'eft  vericablement  vne  grande  confolation 
de  voir  l'vn  conferué  par  la  proteclion  de' 
Dieu ,  lans  qu'il  y  foit  arriué  aucun  accident^ 
&  l'autre  tranquille  &  floriffant^  ôc  com^ 
me  journellement  arrofé  de  la  benedidion^ 
de  Dieu  par  la  prédication  de  fonEuangili 

A 


2 

Ce  m'efl;  auffi  beaucoup  d'honneur  d'auGir 
efté  conuië  de  monter  en  cette  chaire  pour 
vous  exphquer  la  parole  de  noftre  commun 
Seigneur^  de  tenir  la  place  de  Tvn  de  ceux 
qui  ont  accoufturaé  de  vous  annoncer  la 
dodrine  du  falut  auec  vne  édification  fin^ 
guhere.  Mais  ce  m'eft  aulîî  vn  fujet  de  tri- 
ftefTe  &  vne  efpece  de  mortification ,  de  me 
voir  en  eftat  de  craindre,  outre  mes  autres 
manquemens ,  de  n'eftre  pas  bien  entendu 
par  vne  fi  grande  aflemblée^  Parce  qu'a iiec 
quelques  autres  infirmitez  ,  l'aage  qui  em- 
porte tout  5  a  auflî  emporté  vne  partie  de 
cette  voix  ,  par  laquelle  je  me  faifois  au- 
trefois ailez  commodément  ouïr  icy ,  quand 
la  Prouidence  de  Dieu  a  voulu  que  j*aye 

Î)arlé  en  voftre  prefence.  Et  cette  affliction 
à  croift  encore  par  cette  confideration^c'eft 
que  j'ay  pris  pour  thème  de  mon  propos  vne 
fentence,qui  comme  vous  le  pouuez  afi^ez 
juger,  m'obligera  neceffiirement  à  vous  dire 
àes  choies  qui  méritent  de  ne  tomber  pas  à 
terre,  &  de  n'eftre  pas  inutilement  empor- 
tées par  le  vent.  Ncantmoins  je  tafcheray 
de  faire  vn  effort,  &  comme  j'efperc  delà 
grâce  de  noftre  Seigneur ,  laquelle  j'implore 
de  tout  mon  cœur^  que  cette  heure  icy  ne 
fc  paftera  point  fans  que  vous  remportiés 


•     .  3  .      , 

quelque  fruiddema  méditation,  c\u/rim*at« 
tens-je  que  vous  me  prefterez  vne  extraor- 
dinaire attention  ^  6c  que  l'application  de 
vos  efprits  fupplëera  à  la  foiblelTe  de  mon 
organe.  lemepropofe donc, Dieu  aydant^ 
de  vous  expliquer  icy  trois  chofes.  La  pre- 
mier? ,  qui  eft  celuy  dont  il  eft  icy  parlé^ 
de  comment  TApoftre  le  conlîdere  :  Puis 
après  ,  comment  li  entend  que  celuy  dont 
il  parle  eft  la  refplendeur  de  la  gloire  de 
Dieu  5  Et  enfin,  comment  il  dit  qu*il  eft  la 
marque  engrauëe  de  fa  perfbnne .,  &c  ce  que 
lignifient  ces  termes.  Car  quant  aureftede 
la  fentence,  il  contient  trop  de  matière  pour 
pouuoir  eftre  expliqué  dans  vne adion. Pour 
donc  commencer  par  le  premier  de  ces 
Poincl:s  ,  celuy  dont  l'Apoftre  parle  ,  c'eft 
le  Fils  :  Car  il  eft  bien  vray  que  ce  mot  ne 
fetrouue  point  dans  l'original  en  cette  fen- 
tence :  Mais  il  le  faut  necclfairement  fup- 
pléer  &:le repeter  des  patoles précédentes 
dont  voicy  la  fuite.  Dieu  ayant  jadis  aplu^ 
fieurs  fois  ^  en  plufieurs  7nanieres  parlé  à  nos 
JPeres  par  les  Prophètes ,  a  parlé  a  nom  en  ces 
derniers  temps  par  fon  Fils ,  lequel  il  a  effahly 
héritier  de  toutes  chofes  ,  par  lequel  au  ffi  il  à 
fait  les  Siècles  :  Lequel  eftant  la  refplendeur 
de  la  (gloire ,  é*  l^  marque  engrauée  de  laper- 


4 
fonne  d'iceluy,  C'efl:  donc  le  Fils  dont  il  efi: 

icy  parlé,  &ce  FilsJà  c'eft  noftre  Seigneur 
lefus  Clirift,  qui  fait  feul  toute  la  matière  de 
cette  diuine  hpiftre.  Or  en  lefus  Chrift,  il 
fautconiîdererdiftinclement  laperfonne  ôc 
la  charge ,  &  voir  à  Tégard  de  laquelle  des 
deux  il  eil  appelle  de  ce  nom.  Et  porr  ce 
qui  eft  de  fa  charge  qui  confifteencequ'il 
cft  fouuerain  Prophète  de  fon  Eglife  ,  fou- 
iierain  Sacrificateur,  6c  Roy ,  il  n'y  a  perfon- 
ne  que  je  fâche  qui  luy  attribue  ce  tiltre  de 
pils  de  Dieu  à  Tégard  de  fa  Prophétie  3  Et 
de  faid,iln'yarien  en  l'Efcriture fàinte  qui 
ait  la  moindre  apparence  de  mener  là.  Pour 
ce  qui  efl  de  fà  Sacrificature  ,  quelques,  vns 
ennemis  de  fà  Diuinité  prétendent  qu'il 
peut  bien  eflre  appelle  Fils  de  Dieu  àToc- 
cafîon  de  fon  Sacerdoce  ,  &  fondent  cela 
fur  vn  paflage  qui  fe  trouue  au  chap.  5.  de 
cette  Epiftre  ,  où  ?Apofl:re  parle  en  cette 
forte  :  Chrifi  ne  s' efl  point  glorifié  foy^mefme 
four  eftre  fait  Souuerain  Sacrificateur  ,  Mais 
celuy  Va  glorifié  qui  luy  a  dit^  Tu  es  mon  F  ils  y 
je  t'ay  aujourd'huy  en^màré.  Comme  fil*A- 
poflre  auoit  eu  defTein  de  nous  enfeigner 
que  noflre  Seigneur  eft  Fils,  parce  qu'il  efl 
Souuerain  Sacrificateur  ,  oc  que  fa  généra- 
tion a  efté  fon  inflallation  en  fà  charge. 


Mais  outre  que  pour  eftre  Fils  de  Dieu  il 
faut  au  moins  auoir  quelque  relTemblance 
auec  luy  ^  ce  que  noftre  Seigneur,  entant 
queSouuerain  Sacrificateur,  n  a  point,  parce 
qu'en  Dieu  il  n'y  a  rien  qui  fe  rapporte  à 
cette  charge^  ce  n*eft  nullement  l'intention 
de  l'Apoftre  en  cet  endroict  là.  Noftre  Sei- 
gneur auoit  dit  qu'il  eftoit  le  Meflîe ,  8c  que 
Dieu  l'auoit  fandifié  6c  enuoyë  pour  cela: 
Ce  qui  enferme  neceflàirement  fon  Sou- 
uerain  Sacerdoce,  A  cette  occafion  il  auoic 
efté  accufé  ôc  condamné,  6c  misa  mort  par 
les  luifs  5  6c  Dieu  en  le  permettan^t  ainfî 
fembloit  auoir  confirmé  6c  ratifié  cette  fen- 
tence.  Quand  donc  il  vint  à  le  refliifciter 
des  morts  ^  èc  par  ce  moyen  à  cafler  TArreft 
qui  auoit  efté  donné  contre  luy  ,  il  mit  en 
euidence  la  vérité  de  ce  que  Chrift  auoic 
dit  de  foy  ,  6c  aduoùa  hautement  qu'il  luy 
auoit  donné  la  charge  de  Meiîîe  ,  6c  par 
confèquent  de  Souuerain  Sacrificateur  ,  6c 
que  c'eftoit  luy  qui  l'auoit  en  cela  glorifié^ 
éc  non  pas  Chrift  qui  s'eftoit  glorifié  foy, 
mefme.  C'eft  donc  a  cela  qu'il  faut  rappor- 
ter ces  paroles  employées  par  l'Apoftre ,  Tu 
es  mon  Fils  ,  je  t'ay  aujourd'huy  engendré  : 
Car  vous  fçauez  qu'elles  font  interprétées 
de  {a  refurredion  au  hure  des  Ades,  Enfin 

A     iij 


quelques- vns  rapportent  cela  à /a  Royauté, 
^  allèguent  pour  cet  cfFcd  deux  pailàges  de 
l'Efcritute.  L'vn  eft  au  Pieaume  82.  où  le 
Prophète  parlant  des  Souuerains  Magiftrats 
dit  :  fay  dit  vous  efies  Dieux ,  votts  eftes  tous 
enfansdîi  Souuerain  :  D'où  ilsraifonnent  que 
il  les  Potentats  de  la  terre  font  appeliez 
enfans  de  Dieu  ,  à  caufe  du  fbuuerain  com- 
mandement qu'ils  ont  entre  les  mains  ^ 
noftre  Seigneur  peut  bien  eftre  appelle 
Fils  de  Dieu  à  caufe  de  la  fouueraine  emi- 
nence  de  fà  dignité  Royale.  L'autre  eft  au 
dixième  de  S.  lean  ,  où  noftre  Seigneur 
ayant  efté  accusé  de  blaipheme ,  parce  qu'il 
s'eftoit  dit  Fils  de  Dieu,fe  défend  en  cette 
manière.  N'elî-tl  pas  tfcrit  en  voftre  Loy^ 
fay  dit  vous  efies  Dieux  /  Si  elle  a  appelle  ceux- 
/i  Dieux  au f quel  s  la  parole  de  Dieu  eft  ad- 
drefièe  ,  ^  V Efcriture  ne  peut  ejlre  enfrainte: 
Dites  vous  que  je  blafpheme  ^  moy  que  le  F  ère 
aJanUifié  ^  enuoyéau  monde  ^  pour  ce  que  fay 
dit,  je  fuis  le  Fils  de  Dieu  /  Mais  ny  Tvn  ny 
l'autre  de  ces  paflàgesne  prouuent  ce  qu'ils 
prétendent.  Gar  pour  ce  qui  eft  du  pre- 
mier ,  il  y  a  bien  de  la  diiFerence  entre  cette 
appellation  d'enfans  de  Dieu ,  quand  elle  eft 
ainii  donnée  en  commun  à  tous  les  Souue- 
rains Magiftrats  ,  &  ce  glorieux  tiltre  du 


7 
Fils  de  Dieu  ,  quand  il  eft  appliqué  à  vne 
perfonne  fingulierc.  Tous  les  Fidèles  font 
nommez  en  commun  enfans  de  Dieu,à  caufe 
de  fon  image  qu'ils  portent  en  la  reprefen- 
tation  de  la  fàindcté.    Mais  fi  quelquVn 
deux  fe  difoitle  Fils  de  Dieu  en  particulier, 
fa  confcience  propre  luy  reprocheroit  fon 
audace  &  fon  blafpheme.  De  mefmestous 
les  fouuerains  Magiflrats  font  en  commun 
nommés  de  ce  nom  d'enfans  de  Dieu,  par- 
ce qu'en  la  puiflànce  indépendante  qu'ils 
ont  fur  les  autres  humains ,  ils  ont  receu  la 
communication  de  quelque  rayon  de  fà  Ma- 
jefté ,  &  de  Tauthorité  infinie  qu'il afur  les 
Cieux  dctnr  la  Terre.  Mais  aucun  d'eux,  qui 
qu'il  foit ,  n'oferoit  prendre  ce  nom  de  Fi/y 
de  Dieu  en  particulier ,  s'il  ne  vouloir  pafTer 
pourvnblafphemateur  ôcpour  vnfacrilege. 
Et  la  raifon  de  cela  eft,  que  cette  denomi» 
nation  a  rrop  de  magnificence ,  &  met  dans 
l'efprit  vne  idée  trop  glorieufe  ,  ôc  qui  re« 
prefente  vne  trop  grande  dignité,  pour  pou^ 
noir  conuenir  à  vne  limple  créature.  Pour 
le  regard  du  fécond ,  on  y  peut  dire  diuer- 
fes  chofes.  Et  premièrement  cela  a  eftédit 
par  noftre  Seigneur  comme  par  forme  de 
conceffion  feulement ,  pour  montrer  com^ 
bien  les  luifs  eftoiét  iniques  Se  déraif  ônables, 

A     iiij 


8 

Vous  ne  trouuez  ,dic-il ,  point  maunais  que 
rEfcriture  appelle  les  fouuerains  Magiftrats 
Dieux,  de  Enfans  duSouuerain,  âcaufede 
Teminence  de  leur  charge.  Puis  donc  que 
Dieu  m'en  a  conféré  vne  quieft  infiniment 
plus  excellente  que  la  leur,  nedeuriez-vous 
pas  vfer  de  quelque  fupport  enuers  moy 
quand  ie  me  dis  eftre  Fils  de  Dieu, 8c  ne  faur^ 
il  pas  que  vous  foyez  bien  injuftes,  6c  bien 
paffionnez  contre  moy  _,  de  dire  que  je  blaC 
pheme  ?  De  plus  ,  il  eft  certain  que  la  char- 
ge de  Médiateur  eft  telle  qu'elle  ne  peut 
conuenir  à  vne  perfonne  qui  ne  foit  quVne 
iîmple  creatute  feulement.  Car  il  ne  pou- 
uoit eftre,  comme  ditnoftre  Apoftre,/>^ri- 
tier  de  toutes  chofes^  c'eftàdire.  Seigneur  des 
deux  &  de  la  terre ,  fans  vne  infinie  authori- 
té ,  &  il  ne  pouuoit  exercer  cette  domination 
fans  vne  vertu  &:  vne  puiflance  infinie.  Si 
donc  ces  paroles  prouuent,  comme  elles  font 
indubitablement,  qu'il  eft  Médiateur,  elles 
prouuent  également  qu'il  eft  Dieu  bénit 
éternellement ,  ce  qui  met  déformais  l'inter- 
prétation de  ce  paflàge  hors  de  controuerfe. 
Enfin  les  paroles  mefmes  efquelles  il  eft  con- 
ceuj  juftifient  cette  vérité  ,  &:  la  mettent 
dans  vne  claire  euidence.  Car  le  Seigneur 
lefusditque  le  Père  YafanHifiè^  àc  qu'il  1'^ 


9 

enuoyè  au  monde.  Or  ce  terme  de  fànclifîca- 
tion  fîgnifîe  là ,  non  la  régénération ,  comme 
quand  il  eft  queftion  àcs  Fidèles  ,  mais  la 
confecration  par  laquelle  il  a  efté  ordonné 
pour  les  fondions  de  fà  charge.  Son  enuoy 
eft  fà  venue  du  ciel  en  la  terre  &  fon  incarna- 
tion ,  qui ,  comme  vous  voyez ,  fuit  fa  fancti- 
fication,  en  l'ordre  auquel  noftre  Seigneur 
les  propofe.  Sa  confecration  donc  a  précé- 
dé fon  incarnation,  &s'eft  faite  dans  le  ciel 
auant  qu'il  euft  paru  en  la  terre.  Il  eftoit  donc 
auant  qu'il  fuft  incarné.  Et  qu  eft- ce  que  ce- 
la veut  dire  finon  qu'il  eft  Dieu  benit  éter- 
nellement? Car  quelle  exiftence  pouuoit-il 
auoir  auant  fon  incarnation,  finon  éternelle 
^  diuine?  Mais  ailleurs  TÉfcriturenenous 
laifle  nullement  douter  que  ce  ne  foit ,  non  à 
regard  de  (à  charge ,  mais  à  l'égard  de  fi  per- 
fonne ,  qu'il  eftappellé  le  Fils  de  Dieu.  Pour 
exemple,quand  Saind  Paul  au  chap.  premier 
de  l'EpiftreauxRomains  dit  que  lefns  Chrift 
a  efté  fait  de  la  femence  de  Dauid  félon  la 
chair:  mais  qu'il  a  efté  déclaré  Fils  de  Dieu 
en  puiflance  félon  l'efprit  de  fanctifi cation  ,  il 
faut  que  par  la  chair  il  entende  l'humanité^ 
&  par  l'efprit  de  fanctification  vne  nature  di- 
.uine&:  non  vne  charge.  Car  comment  s'ap. 
pelleroit  ià  charge  de  Médiateur  vn  efpnt  de 


fmdifîcacion  ?  Etquandaucliap.  premier  de 
TEiiangile  félon  faint  Luc  ,  PAnge  dit  à  la 
Vierge  bien-heiireufe  ,  L'Efpritdu  Seigneur 
furuiendra  en  toy  ^  ^  la  vertu  du  Tr&s-haut 
i  enojnbrcrd'.dont  auflî  ce  qui  naîtra  de  toy  Saint 
fera  appelle  le  Fils  de  Dieu^n^  t-il  pas  manife- 
ftemenc  égard  a  la  perionne  de  noftre  Sei- 
gneur,qiu  deuoic  eftre  conftituee  de  la  natu. 
re  diiùne  &  de  la  nature  humaine  par  la  vertu 
du  Saint  Efprit,  &:  non  à  fa  charge dontil 
n'efl  là  fait  mention  quelconque?  Ileft  donc 
horsdecôtreditque  lefus  Chrift  eft  appelle 
Fils  de  Dieu  eu  égard  à  fa  perfonne  :  mais  il 
y  a  outre  cela  quelque  chofe  à  examiner  icy. 
Car  dans  la  perfonne  de  Chriflon  peutcon^ 
fîderer  la  nature  humaine  à  part,êc  la  diuine  à 
part  encore,  ôc  enfin  la  perfonne  toute  entie- 
Tc^conftituée  comme  j*ay  dit,de  la  nature  hu- 
maine &:  de  la  nature  diuine  conjointement. 
Or  à  regarder  la  nature  humaine  precifemêt, 
elle  a  bien  cela  de  particulier  en  Chrifl  qu'el- 
le efl  fainte ,  innocente ,  ôc  exempte  de  toute 
forte  de  péché.  Mais  neantmoins ,  ce  qui  efl 
reprefènté  par  ces  termes.  La  refplendeur  de 
la  'gloire  de  Dieu ,  ^  ta  marque  engrauée  de  fa 
perfonne  ,  a ,  comme  nous  verrons  tantoft, 
quelque  chofe  de  fî  magnifique  êc  de  fi 
grand  ,  que  la  nature  humaine  toute  feule 


ir 
iVefl:  pas  capable  de  le  fouftenir.  C'efl:  pour* 
qiioy  noftre  Apoftre  appliquant  à  le/us 
Chriftôcaumyftere  defon  incarnation ,  ces 
paroles  de  Dauid  au  PC  8.  Quefi-ce  que  de 
l'hvmme  mortel  ^  que  tu  ayes  fouuenance  de  luy^ 
^  du  fils  de  l'homme  que  tu  levifttes^  s'exprime 
auec  interrogation  &  exclamation  comme 
vous  voyez ,  afin  de  nous  donner  à  entendre 
qu'il  y  a  dequoy  s'émerueiller  de  ce  que  la 
Diuinité  a  daigné  joindre  l'humanité  âfoy, 
à  caufe  de  leur  difproportion  infinie.  Quant 
à  la  nature  diuine  deChrift,  il  n'y  arien  de 
fi  glorieux  dans  les  paroles  de  noftre  texte 
qui  ne  luy  puifiTe  conuenir.    Car  de  quelle 
magnificence  &  de  quelle  fplendeur  eft-ce 
que  la  Diuinité  n'eft  point  capable  ?  Mais 
c<^s  termes ,  re fplendeur  de  la  gloire ,  marque 
engrauée  de  la  perfonne ,  ne  font  pas  icy  em- 
ployez feulement  pour  fignifier  la  reflem- 
blance  6c  le  rapport  qui  eft  entre  Dieu  &  no- 
ftre Seigneur,  &  pour  dire  que  le  Fils  eft 
femblable  au  Père ,  cela  eft  dit  principale- 
ment relatiuement  à  nous^  &;  pour  nous  don- 
ner à  entendre  que  Dieu  s'eft  tellement 
communiqué  à  la  perfonne  de  Chrift,  6c 
s'eft  fi  parfaitement  reprefentéen  elle,  que 
c*eft  là  où  il  faut  que  nous  le  regardions  6c 
que  nous  le  connoiflîons ,  parce  qu'il  el^' 


abfolument  incomprehenfible  en  luy-meC 
me.  Or  le  Fils,  fi  vous  le  confiderez  feule- 
ment en  fa  Diuinité,  eft  autant  incompre- 
henfible à  nos  entédemens  que  Dieu,  &  auffî 
capable  deblouïr  nos  yeux,  Se  d'engloutir 
nos  penfces.  De  là  il  s'enftiit  neceflàirement 
qu'il  faut  icy  confiderer  le  Fils  de  Dieu  en- 
tant qu'il  eft  Dieu  &:  homme  tout  enfemble^ 
&  que  c'eft  à  cela  qu'il  faut  rapporter  ce  que 
l' Apoftre  en  dit  icy.  En  efFed ,  ôc  les  paroles 
qui  précèdent,  &  celles  qui  fuiuent  immédia- 
tement, &  tout  lefujetde  cette  diuineEpi- 
ftrele  montrent.  Celles  qui  précèdent  pre- 
mièrement. Car  quand  l' Apoftre  dit  que 
Dieu  a  parlé  a  notes  en  ces  derniers  temps  far  fon 
JPils  ^  il  entend  fon  Fils  manifefté  en  chair: 
car  c*eft  en  cet  eftat-là  qu  il  a  parlé  aux  hom- 
mes. Celles  qui  fuiuent  auflî.  Car  quand  il 
adjoufte,  qu'ila  fait  par  foymefmela purga^ 
tion  de  nos  peche^^  ^  qu'ail  s'ejiajfzs  à  la  dextre 
de  la  ma]eftè  es  lieux  très-hauts ,  il  entend  par- 
ler de  lefus  Chrift  reueftu  de  l'humanité, 
auec  laquelle  il  a  fait  la  fondiondeSouue- 
rain  Sacrificateur,  6c  a  pris  pofleffion  de  fon 
royaume.  Le  fujetde  cette  Epiftre encore. 
Car!' Apoftre  ytraitteladodrinedel'Euan- 
gile,  qui  n'eft  rien  finon  l'explication  des 
choies  qui  concernent  la  perfonne  de  Chrift 


^3 
entant  qu'il  eft  Dieu  manifefté  en  chair ,  & 

la  charge  de  Médiateur  qui  luy  a  efté  confé- 
rée par  le  Père  celefte.  Et  véritablement  il 
n'y  a  rien  de  fi  clair,  qu'il  peut  eftre  appelle 
Fils  de  Dieu  en  cet  égard.  Car  pour  eftre 
fils  de  quelquVn  il  ne  faut  finon  auoirvne 
nature  entièrement  femblable  à  la  fienne, 
&  la  tenir  de  luy  par  génération.  Or  noftre 
Seigneur  lefus  Chrift  a  vne  nature  tout  à  fait 
égale  à  celle  de  Dieu ,  &  il  la  tient  de  luy  par 
vne  génération  incomprehenfible  &  éter- 
nelle. Et  derechef,  pour  eftre  fils  de  quel- 
quVn  il  faut  eftre  vne  perfonne  dont  les  cho- 
ks  qui  la  conftituent,  ayent  efté  vnies  en- 
femble  par  la  vertu  &  par  l'efficace  de  celuy 
de  qui  on  eft  dit  fils.  Or  noftre  Seigneur  eft 
vne  perfonne  dont  les  deux  natures  qui  la 
compofent,  ont  efté  vnies  enfemble  parla 
vertu  de  l'Efprit  de  Dieu,  fàn!>  qu'il  y  foit  riea 
interucnu  finon  cette  opération  celefte ,  ex- 
traordinaire de  miraculeufe.  Mais  il  eft  temps 
devoircequel'Apoftre  dit  de  cette  bénite 
&  glorieufe  perfonne.  Il  eft,  dit- il,  la  ref- 
f  tendeur  de  la  gloire  de  Dieu,  Ce  mot  de  gloi- 
re, Mes  Frères,  fignifieafiTez  fouuent  en 
l'Efcriture,  vne  grande  lumière  corporel- 
le &  qui  a  beaucoup  d* éclat.  Commequand 
TApoftre  au  chap.  i  j,  de  la  première  aux  Co- 


ï4 

tmthiensditqxx  autre  efi la  gloire  du  Soleil^  é^ 
autre  la  gloire  de  la  Lune  ^  ^  autre  la  gloire 
des  Ejiotles.  Car  on  dira  bien  d'vne  chandel- 
le allumée  qu'elle  a  de  la  lumière,  mais  deb 
gloire ,  nop.  Des  aflres ,  parce  qu'ils  font  ad- 
mirablement radieux  ,  on  peut  bien  dire 
qu'ils  ont,  non  de  la  lumière  feulement  ^  mais 
encore  de  la  gloire.  Mais  il  n'efl:  pas  que- 
stion de  cela  icy .  Car  Dieu  n'efl:  pas  vn  corps 
lumineux  d'où  il  fe  puifl[ê  écouler  vne  ref- 
plendeur  qui  fe  reçoiue  dans  vn  autre  corps. 
Et  bien  que  le  corps  denofl:re  Seigneur  (oit 
maintenant  fbuuerainement  rayonnant  là 
haut  dans  les  Cieux,  ce  n'efl:  pas  pourtant 
proprement  en  cela  qu'il  efl:  la  refplendeur 
de  la  gloire  de  Dieu  à  nofl:re  égard ,  &  que 
Dieu^  quiefliincomprehenfible  en  foy^  s'eft: 
donné  à  connoifi:re  à  nous  en  la  perfbnne  de 
fon  Vnique.  Gloire  aulîî  fignifie  quelque- 
fois vne  bonne  renommée  quand  elle  a  quel- 
que chofed'illufl:re,  d'extraordinaire  &  d'é- 
clatant, 6c  quelle  a  outre  cela  quelque  foH- 
dité  qui  la  rend  ferme  êcperfeuerante.  Car 
d'vn  homme  qui ,  pour  exemple ,  a  fait  quel- 
ques bonnes  adions  de  valeur ,  ôC  qui  ont 
efl:é  connues  ,  on  peut  dire  qu'il  a  ac- 
quis de  la  réputation.  Mais  pour  mériter 
ce  nom  de  gloire ,  il  faut  quelque  chof© 


15 

qui  furpafle  de  beaucoup  cette  médiocrité 

la ,  de  auoir  donné  des  batailles  auec  fuccez^ 
pris  quantité  de  places  ,  de  s*eftre  demeflé 
de  plufieurs  grandes  actions  militaires  auec 
honneur,  de  à  la  veuëde  tout  vn  Royaume. 
Parce  donc  que  toutes  les  vertus  de  Dieu 
font  fouuerainement  eminentes  ,  de.  que  tou. 
tes  les  actions  qui  en  procèdent  éclattent 
admirablement,  de  que  cela  eft  confiant  dC 
perlèuerant  d'vne  manière  inuariable  ,  la 
louange  qu'il  mérite  par  là  ,  de  que  fes  créa- 
tures laintes  de  intelligentes  luy  en  donnent, 
mérite  ce  nom  de  gloire.  Auffi  voyons  nous 
queTEfcriture  employé  fouuent  cette  fiiçoii 
de  parler,/^  gloire  de  Dieu,  en  cette  figni- 
fication.  Comme  quand  l'Apoftre  veut  que 
nous  faffions  toutes  chofes  à  la  gloire  de  Dicn , 
C'efta  dire,  en  telle  façon  qu'il  luy  en  rc- 
uienne  beaucoup  de  louange,  de  que  nous 
ne  vifions  en  nos  actions  ^  fînpn  à  faire  éclat- 
ter  la  bcauré  de  fes  vertus.  Et  c'eft  au  ineime 
iens  qu'il  dit  que  nous  deuons  eftre  à  la 
louange  de  la  gloire  de  la  grâce  de  Dieu  ^  dC 
que  nous  mefmes  nous  fèruons  ordinaireméc 
de  ces  termes,  feruir  à  la  gloire  de  BieUy  aiian- 
cer la  gloire  de  Dieu  ^  de  femblables.  Mais  ce 
n'eft  pas  encore  ainfi  qu'il  faut  prendre  cette 
parole  en  ce  palliige.  Car  la  gloire  deDicu^ 


lé 

dncefeiis-là^eftvne  rerplendeiir de  fesvéf-^ 
tus ,  &c  quelque  chofe  qui  s'en  produit  &  qui 
en  refulte.  Or  Chrift  ne  Teroic  pas  k  refplen- 
deur  d  vne  aucre  refplendeur  des  vertus  de 
Dieu  :  de  vne  perfonne  telle  qu'eft  celle  de 
Chrift ,  ne  peut  pas  eftre  dite  vne  émanation 
d'vne  chofè  qui  n'eft  point  elle-mefmevne 
perfonne  ny  vne  fubfiftence  véritablement 
exiftenteenelle-merme.  Pour  donc  enten- 
dre cela  il  faut  confiderer  en  Dieu  principa- 
lement deux  chofo.  La  première  confifte 
en  fcs  emerueillables  vertus  de  (àgefle  ,  de 
bonté,  de  juftice,  de mifericorde ,  depuif- 
fànce  5  defaincleté,  de  puilïànce,  êcs'il  y  a 
encore  quelque  autre  propriété  de  cette  na- 
ture :  car  il  n*eft  pas  neceflaire  d'en  faire 
icy  le  dénombrement.  Or  chacune  de 
ces  vertus  peut  eftre  nommée  du  nom 
de  gloire ,  parce  qu'elles  font  toutes  mer- 
ueilleufement  rayonnantes  d'vne  lumière 
fpirituelle&  digne  de  l'excellence  de  laDi- 
uinité.  En  effed  SaindPaul  appelle  difer- 
tement  la  puifTance  Diuine  de  ce  nom ,  quad 
au  chap.  fixiéme  de  l'Epiftre  aux  Romains, 
il  dit,  que  noftre  Seigneur  eft  refllifcité/^^r 
la  gloire  du.  Père ,  c'eft  à  dire  par  vne  vertu 
fbuuerainemcnt  éclatante ,  &  capable  d'é- 
blouir les  yeux  de  rentendement,  Etquâd 

noftre 


17 
rîoftre  Seigneur  promettant  la  Refurreftion 

du  Lazare, dît  àîVnede  ies  fœurs,iV(?/^/y-. 
je  pas  dit  que  f  tu  croyais  tu  verrais  la  flaira 
de  Dieu^  il  entend  encore  la  mefme  puîfl 
ùiYiCQ.  Or  fi  chacune  des  vertus  de  Dieu 
peut  eftre  appellée  de  ce  nom  de  gloire , 
on  peut  fans  doute  en  beaucoup  plus  forts 
termes,le  donner  à  elles  toutes  enfemble,  en 
les  confiderant  comme  conjoindes  &  vnies^ 
S'il  fautainfî  dire ,  en  concert.  EnefFectmes 
frères ,  fi  nous  auions  les  yeux  aflîez  perçansr 
&  aflez  forts  pour  pénétrer  ipfques  dans: 
l'eflence  diuine  ,  &  pour  y  confiderer  la 
fplendeurde  fes  proprietez  &  defes  Vertus^ 
nous  verrions  que  c'eft  vn  eftre  admirable- 
ment rayonnant,  &:  qui  brille  de  toutes  parts 
6c  à  toute  éternité  dVne  lumière  inénarra- 
ble. L'autre  chofe  eft  ,  que  de  ces  vertus  de 
Dieu  refaite  necefliciirement  vne  Majefté, 
&:  vne  authorite  Souueraine  fur  toutes  les 
chofes  qui  font  en  TVniuers  ,  fbit  vifibles 
foit  inuifibles ,  &  de  quelque  nature  qu'elles 
foient.  Car  naturellement  c'eft  des  vertus 
extraordinairement  eminentes  que  fe  pro- 
duit la  puifl^nce  du  commandement  :  ce 
qui  a  fait  dire  à  quelquVn  autrefois  que  s*il 
fe  trouuoit  vn  homme  entre  les  autres  dont 
les  vertus  fuflent  telles  &  en  fi  o-randnom- 

B 


ï8 
bre  qu*ilpaflaften  cela  tout  le  reftédeshu 
mains ,  il  deuroit  eftre  le  Roy  des  autres ,  6c 
qu'il  auroit  droid  de  s'attribuer  Tauthorité 
de  les  gouuerner.  Or  toute  telle  puiflance 
eft  accompagnée  de  quelque  magnificence 
&  de  quelque  fplendeur,  &:  toute  telle  fplen- 
iieur  eft  qualifiée  du  nom  de  gloire.  Com- 
me quand  noftre  Seigneur  dit  que  la  beauté 
des  listfa  point  efté  égalée  par  la  gloire  de 
Salomon,  il  entend  indubitablement  l'éclat 
de  fâ  Majefté  ,  &:  la  magnificence  qui  ac- 
compagnoit  fà  puiflance  Royale.  Si  donc 
vous  joignez  en  Dieu  ces  deux  cliofes  en- 
iemble^fes  vertus  &  la  fplendeur  delapuif- 
iance  qui  s'en  produit  ^  vous  trouuerez  que 
«eft vn eftre fouuerainem ent  glorieux , C'eft 
pourquoy  dans  l'Efcriture  Sainte  il  eft  ap- 
pelle le  Dieu  ôc  le  Roy  de  gloire:  Comme 
quand  il  eft  ditauPfeaume ,  Portes  ^  efleuer^ 
ifos  linteaux  y  €jleue\l€S  vom  huis  eteryiels  ^  d^ 
le  Roy  de  gloire  entrera.  Et  c*eft  pour  cette 
raifon  qu'entre  les  noms  dont  les  Hébreux 
l'ont  autrefois  appelle^  ils  l'ont  nommé  du 
nom  de  Gloire ,  comme  s'il  n'eftoit  pas  feu- 
lement refplendiflànt  êc  glorieux  ,  mais  la 
gloire  mefme.  C'eft  donc  en  cet  égard  que 
Chrifteftlarefplédeurde  la  gloire  de  Dieu: 
jCar  ce  napt  de  reiplendeur  lignifie  propre- 


filent  vn  écoulement  de  lumière  qui  Cort 
dVn  corps  lumineux^  ôc  fe reçoit telJcmenc 
dans  vn  autre ,  que  dans  la  réflexion  qui  s'y 
en  fait,  il  iemble  que  l'on  voye  le  corps 
merme  dont  elle  a  tiré  fon  origine.  Comme 
ri  arriue  quelques  fois  qu'il  fe  rencontre  vne 
nuée  fi  commodément  fituée  à  l'oppofite 
du  Soleil,  quil  s'y  fait  vne  telle impreffioit 
de  fa  lumière  qu'elle  le  reprefente  exade- 
ment  y  de  forte  qu'on  les  prend  l'vn  pour 
l'autre ,  &  qu'on  s'imagine  qu'on  void  deux: 
Soleils,  tant  il  eft  mal  aifé  d'en  faire  le  dif- 
cernement.  Et  cefl  ce  que  l'Apoftre  veut 
dire  ,  que  le  Seigneur  lefus  reprelènte  tel» 
lement  la  gloire  de  la  Diuinité  en  foy  ,  de 
qu'il  en  a  receu  vne  telle  communication, 
qu'on  ne  le  fçauroit  prendre  pour  autre  cho- 
fc  que  pour  Dieu  bénit  éternellement,  tant 
les  vertus  6c  la  magnificence  de  la  majefté 
de  Dieu  font  admirablement  reprefentées 
cnia  perfonne.  Etc'eft  pourquoyl'Apoftre 
au  chapitré  premier  de  TEpirtre  aux  Co- 
loffiens  l'appelle  Nmaç^^e  de  Dieu  inuifible.  Ce- 
pendant mes  frères,  Chrift  doit  eftre  can- 
îîdefé  en:  deux  eftats  ,  afl!auoir  en  celir)'  de 
fon  abbaiffement  j  êc  en  celuy  de  fon  exal-» 
ration.  Et  en  ce  premier  eftat ,  il  a  bien  pu 
certes  eftre  la  refplêdeur  des  vertus  de  DieiTr 

B    ij 


lO 

Car  il  a  eu  la  mefine  juftice ,  la  mefme  bontés 
la  mefme  fàgefle ,  la  mefme  mifericorde  que 
Dieu.  Il  a  melmes  peu  eftre  en  cet  eftat 
là  la  refplendeur  de  fa  puillànce ,  parce  qu'il 
rafaitparoiftre  en  vne  infinité  d'adionsmi- 
raculeufes  qui  ont  rauy  en  admiration  ceux 
qui  les  voyoient.  A  cette  occafion ,  lors  que 
Philippe  luy  demanda  qu'il  luy  pleuft  de 
monftrer  lePere  à  luy  &  à  fes  compagnons, 
il  ne  fît  pas  difficulté  de  luy  rcfpondre, 
jPhilifpe  qui  rna  veu  il  a  veu  mon  fere  ^  par- 
ce qu  il  n*y  a  point  de  vertus  en  Dieu  que 
noftre  Seigneur  ne  fîft  voir  enfà  perfonne. 
Mais  quant  à  cette  magnificence  qui  accom- 
pagne vne  authorité  fouueraine,  ileftmal- 
aifé  de  conceuoir  qu'en  cet  eftat  là  noftre 
Seigneur  en  ait  efté  larefplendeur.  Au  con- 
traire rApoftre,quiditqu'auantfbn  Incar- 
nationil  cùioit  m  forme  de  D/^//3  c'eftàdire, 
qu'il  auoit  autour  de  foy  toutes  les  marques 
éc  toutes  les  enfeignes  les  plus  glorieufes 
de  la  Diuinité  ,  ajoufte  qu'il  n'en  a  pointt 
fait  de  parade  quand  il  s'efl  manifefté  en 
la  terre,  &  qu'il  a  pris  la  forme  de  feruiteury 
eftant  fait  àlareflemblancedesplus  mépri- 
fables  d'entre  les  hommes.  Il  eft  vray  que 
noftre  Seigneur  a  efté  transfiguré  fur  la  mon- 
tagne, &  quefà  transfiguration  efloitconi* 


il 
me  vue  image  de  la  plus  efclatante  gloire  de 
Dieu.  Mais  cela  aefté  paflager&:  naduré 
que  fort  peu  de  temps  :  tellement  qu'il  n'a 
point  changé  la  condition  de  fon  aneantifle- 
ment  en  la  terre.   Si  donc  l*Apoftre  faind 
lean  dit ,  Notis  auons  contemplé  fa  gloire^com^ 
me  de  IVnique  iffu  du  Père ,  ou  bien  il  entend 
la  gloire  qui  confîfte  en  la  reprefentation  des 
vertus  de  la  Diuinité  feulement,  &  non  en 
l'image  de  fà  magnificence  :  ou  bien  s'il  en- 
tend parler  de  l'image  delà  magnificence  de 
Dieu,  il  a  égard  à  la  transfiguration ,  de  la- 
quelle luy&  deux  de  ks  compagnons  feule- 
ment auoient  efté  témoins ,  &  que  l' Apoftre 
S.  Pierre  appelleauflî  en  quelque  lieu  de  ce 
nom  de  gloire.  Il  en  faut  donc  enfin  reuenir 
là,  que  pour  remplir  toute  l'eftenduë,  ôc 
égaler  toute  l'emphafe  de  ce  terme ,  Chrifl 
efila  refplendeurde  la  gloire  de  Dieu ,  il  le  faut 
confiderer  non  pas  feulement  en  l'eftat  de 
fonabbaiflement,oùila  reprefentéles  ver- 
tus de  la  Diuinité,  mais  auffî  en  celuy  de  fon 
exaltation ,  où  il  porte  l'image  de  la  magnifi- 
cence de  (à  puiflànce.  Et  de  faid  ces  mots 
ayant  fait  par  foy- me  [me  la  purgation  de  nos 
pcche%^^  le  nous  propofent  comme  refllifcité 
d'entre  les  morts-,  car  lapropitiationn'ena 
peu  eftre  acheuée  qu'après  que  noftreSei- 

B    lij 


il 
gvieur  a  efté  relTufcité.  Et  ccnx-cy ,  s'eftajfts 
àladextrede'lamajeflê^  le  propofent  encore 
plus  clairement  en  cet  eftat  glorieux ,  parce 
que  non  feulemcc  ils  Tuppoicc  fàrefurrection, 
mais  mefnies  Ton  afcenfion  au  ciel  &:  fon  in- 
trodudion  en  la  jouïflancede  fbn  royaume. 
Mais  voyons  ce  que  l'Apoftre  adjoufte  aux 
chofes  précédentes.  //  e/i^  dit^il ,  la  marque 
enz^rduè.^  de  fa  fer  faune.  Ce  mot  de  perfonne 
cft  11  commun  6c  fi  bien  entendu  de  tous, 
qu'il  eft ,  ce  femble ,  plus  clair  que  quoy  que 
je  puilTe  dire  pour  vous  en  donner  Pintelli. 
gence.  Nous  ivappellons  pas  vne  pierre  vne 
perfonne,  parce  que  c*efl  vn  eftre  qui  n'a  pas 
mefine  receula  participation  de  la  vie.  Nous 
ne  nommons  pas  ainfi  non  plus  vne  plante, 
parce  qu'encore  qu*on  puilTe  dire  qu'elle  eft 
viuante ,  elle  n'a  pourtant  aucune  connoif- 
fànce  de  fon  eftre,  6c  qu'elle  eft  priuée  de 
fentiment.  Nous  ne  qualifions  pas  mefine 
ainfi  vn  çheual  j  parce  qu*encore  qu'il  ait 
quelque  fentiment  de  foy-mefiiie,  il  eft 
néanmoins  deftitué  d'intelligence  &:  derai- 
fon.  Quant  à  la  nature  humaine ,  bien  qu'on 
ne  la  puiffeconcenoir  qu'on  n'enferme  dans 
^conception  la  penfée  de  la  raifon  ,  fi 
eft- ce  que  lors  qu'on  la  confidere  entant 
qu'elle  eft  commune  à  tous  les  hommes ,  6c 


^3 
que,  pour  ainfi  parler ,  elle  fe  répand  dan 

vne  infinité  de  fujets, on  neluy  donne  pas  Je 
titre  de  perfbnne  non  plus  ,  parce  que  ce 
mot  reprefente  vne  nature  intelligente  en- 
tant qu'elle  fubfîfte  envn  certain  fiajet  indi- 
uidu  ,qui  eft  feparé  de  tous  les  autres ,  &  qui 
eft  déterminé  en  foy  mefme  ,  foit  par  des 
circonftances  ,  ou  par  des  proprietez  ,  ou 
quoy  qu'il  en  foit  par  des  chofes  qui  leur  font 
incommunicables  &c  qui  ne  conuiennent  fi- 
non  à  luy.  Et  ce  mot  a  efté  employé  par  les 
anciens  Théologiens  ,  en  difputant  contre 
les  ennemis  de  la  dodrine  de  la  Trinité,  pour 
expliquer  &  pour  défendre  le  dogme  de  trois 
fubfiftances  dilHnctes  en  TelTence  diuine, 
dans  l'ordre  &:  dans  Toeconomie  en  [laquelle 
ce  myftere  nous  eft  enfeigné  par  la  Parole  de 
Dieu.  Carilsontconceuque  l'Eflèncedim- 
ne  eft  vne  nature  qui  eft  tellement  commi>ne 
à  trois,  allàuoir  le  Père,  leFils_,&;  le  Saint 
Efprit,  qu'encore  qu'il  n'y  aitquVn  fêul&: 
mefine  Dieu ,  il  y  a  pourtant  trois  fubfiften* 
ces  diftindes  en  fon  eftence.  Et  cela  ne  fc 
pouuoit  pas  mieux ..  Vray  eft  qu'il  y  a  de  no- 
tables différences  entre  ces  choies  ^  ëc  celle- 
cy  nommément.  C'eft  que  cette  nature  hu- 
maine que  j'ay  dit  eftre  commune  à  toutes 
les  perfonnes  du  monde  5  n'eft  point  effeâi- 

B  iiij 


î4 
ueinent  iînon  en  elles ,  6c  n'a  point  d'exiften* 
ce  aduelle  à  part.  Au  lieu  que  TefTence  diui- 
ne  exifte  véritablement,  à  la  confidereren 
elle-mefme  ^  bien  qu'entre  les  trois  fortes  de 
lubfiflence ,  qu'on  nomme  de  ce  nom  de 

Î)er{bnneSj  ilyaitvne  telle  diftindion,  quç 
e  Père  n'eft  pas  le  Fils,  ny  le  Fils n*eft pas 
Père ,  de  que  le  Saint  Efprit  ne  foit  ny  le  Père 
ny  le  Fils.  Maisil  eftoitimpoflîbledetrou. 
uer  dans  toute  Teftenduë  des  chôfes  créées 
aucun  autre  meilleur  exemple ,  ny  qui  repre- 
fènte  mieux  ce  myftere-la.  Et  je  ne  doute 
pas  que  ce  n'ait  efté  l'intention  de  nos  Inter- 
prètes, quand  ils  ont  traduit  le  mot  qui  eft 
dans  loriginal ,  par  celuy  de  perfonne^  de 
prendre  ce  terme  au  fens  auquel  il  a  efté  em- 
ployé par  les  anciens  Théologiens,  Neant- 
moins  il  y  a  plujfîeurs  chofes  qui  pourroienç 
faire  douter  s'ils  auroient  aflez  commodé- 
ment reprefentél*intentipn&remphafe  di| 
mot  de  PApoftre.  Car  pour  dire  cela  en  pre- 
mier lieu,  l'Apoftre  ne  s'exprime  pas  ainfi? 
Ze  Fils  e(i  la  marque  engrauée  ou  l'emprainte 
de  la  fubfilîence  duPere^mais  la  marque  en- 
grauée de  la^fuhfilience  de  Dieu  5  le  terme  de 
jP^r^  ne  fè  rencontrant  point  dans  les  paroles 
précédentes,  mais  celuy  de  Dieu  feulement. 
Or  eft-il  bien  certain  que  qui  dit  Fils ,  obli- 


ge  neceflTalrement  Pintelledà  faire  quelque 
reflexion  fur  la  relation  de  père.  Mais  pour- 
tant vous  m'aduoUerez  que  puis  qu'il  a 
mieux  aimé  s^exprimer  par  ce  terme  de  Dieu 
que  par  celuy  de  Père  ,  il  femble  qu*il  aie 
pluftoft  voulu  nous  mettre  dans  l'efprit  la 
pcnfée  delà  Diuinité,  entant  qu'elle  a  des 
vertus  émerueiUables ,  Se  vue  eflence  eter* 
nelle,  &vne  infinie  majefté,  que  celle  de  la 
relation  de  Père ,  par  laquelle  il  eft  diftingué 
du  Fils  ^  êcde  cette  incomprehenfible  fubfi- 
ftence  qui  le  fait  conceuoir  comme  Pere& 
non  proprement  comme  Dieu.  De  plus ,  ce 
que  j'ay  dit  du  mot  de  refplendeur ,  qu  il  a 
efté  employé  pour  nous  fignifier  que  Chrift 
eft  celuy  en  qui  Dieu,  qui  autrement  nous 
feroit  entièrement  inconnu ,  fe  donne  à  con^ 
noillre  à  nous,  fe  doit  dire  pareillement  de 
çeluy  de  marque  engrauée ,  de  caradere  ou 
d'emprainte.  Or  comprens-je  bien  certes 
quVn  fih  peut  eftre  appelle  Timage  de  fon 
père ,  parce  qu'il  le  reprefente  dans  les  quali- 
tez  de  fon  elprit ,  dans  la  ftrudure  de  foni 
corps,  &  dans  les  lineamens  de  fon  vifage; 
Mais  comment  il  peut  eftre  dit  fon  image ,  eu 
égard  à  cette  façon  de  fubfifter  qui  le  diftin- 
gué dauecluy,c'eft  ce  que  je  ne  comprend 
pas  :  &:  me  femble  que  cette  façon  de  fubfi* 


2(î 

fter  qui  le  fait  eftrç  Fils,  m'eftaufTiincom^ 
prehenfible  que  celle  qui  fait  l'autre  perfon- 
uc  Pere,&  que  je  ne  puis  pas  connoiftre 
iVn  par  l'autre,  comme  l'on  fait  vn  original 
parfon  portraicb.  Vous  pouuez  encore  ad- 
joufter  à  cela  que  fi  nous  fuiuons  icy  la  ver- 
iion  de  nos  Interprètes ,  ce  fera  icy  le  feul 
endroit  où  ce  terme  defubfiftence,  quieft 
dans  l'original  de  PApoftre  ,  fe  prenne  en 
FEfcriture  fàinéte  au  fens  auquel  ils  l'ont  pris . 
Car  il  n'y  a  aucun  autre  endroit  où  mefmes  il 
approche  tant  fbit  peu  de  cette  intelligence. 
Or  il  feroit  bien  eftrange  que  ce  pailàge  fuft 
vnique  où  ce  terme  euft  cette  interpretatiô. 
Encore  pourroit  on  bien  faire  ici  cette  obfer- 
iîation,qu  a  prendre  ce  mot  defubfiftence  en 
cette fignification  félon  laquelle  il  defigne  la 
manière  de  Pexiftence  dequelque  chofe ,  qui 
loy  eft  fi  particulière  qu'elle  eft  incomunica- . 
i>îe à  tout  autre  eftre  que  ce  foit ,  il  fautvn 
peufubtilifèr,&  auoir  despenfees  philofophi- 
ques  ôc  minces ,  aufquelles  les  Saints  Apo- 
lires  ne  s'amufent  pas  ordinairement.  Enfin^ 
ce  terme  de  fubfiftence  ,  au  ftile  de  noftre 
Apoftre,s'employepourdefigner  la  nature 
des  chofes  qui  ont  vn  eftre  ferme  &  perma- 
nent ,  &  qui  ne  varie  pas ,  de  ne  s'ëbranle  pa$ 
laifement.   Comme  quand  au  commence- 


^7 
ment  du  clicip.  II.  de  çQue  Epiftre  y  il  dit  que 

Zafoy  efl  vue  fuhfiftence  des  chofes  quon  efpere^ 
il  entend  vne  attente  ferme,  &  inuariable ,  6c 
qui  ne  fe  la;iTe  point  eitranler  par  la  fecouf- 
fe  des  tentations.  Or  à  fuiure  cela ,  l'on  peut 
icy  donner  à  cette  parole  vn  fens  qui  con- 
uiendra ,  comme  je  croy ,  parfaitement  bien 
à  l'intention  du  faint  Apoftre.  Car  premiè- 
rement Dieu  eft  vn  eftre  à  la  vérité  ,  qui 
femble  auoir  cela  de  commun  auectous  les 
autres  eftres ,  qu*ils  font  j  mais  qui  a  cela  de 
particulier  que  la  plus  part  des  autres  font 
ëuanouïllans  &:  paflagers,  au  lieu  que  Dieu 
eft  vn  eftre  permanent  ôcdVne  fubfiftence 
éternelle ,  &  qui  n*eft  fujette  à  aucun  ombra- 
ge de  changement.  Voila  pourquoy  quel- 
que Philofophe  a  dit  autrefois  qu'il  n'y  a  que 
Dieu  feul  qui  foit  véritablement,  ôc  que  tou- 
tes les  autres  chofès  ivont  rien  finon  l'om- 
bre de  Tertre.  Et  l'Efcrituie  dit  quelques- 
fois  des  chofes  qui  ont  de  Tair  de  cette 
conception.  Card'vn  cofté  Dieu  dit,  quV/ 
efi  celuy  qui  efi ,  6c  s'appelle  de  ce  nom  là, 
pour  fe  diftinguerd'auec  toutes  autres  cho- 
ies :  &:de  l'autre  il  eft  dit  que  les  hommes  fe 
pourmenent  parmy  ce  qui  n'a  que  l'appa- 
rence, comme  file  monde  eftoitvn  théâtre 
deftiné ,  non  à  contenir  àz^  chofes  reellesj 


28 

niais  à  fcruir  à  des  reprefentations  ^  &  que 
la  Scene,comme  on  parle,6c  les  décorations, 
en  changeaflent  de  moment  en  moment ,  6c 
pafliiflent  inceflamment  par  des  viciflîtudes' 
continuelles.  Outre  cela  ,  s'il  y  a  quelques 
eftres  qui  fubfîftent  conftamment ,  comme 
on  dit  que  les  Cieux  font  incorruptibles  ^  fi 
eft-ce  qu'il  aefté  vn  temps  qu'ils  n'eftoient 
point  5  éc  ils  pourroient  n'eftre  plus  fi  Dieu  le 
vouloit,  de  je  puis  conceuoir  des  Cieux  en 
mettant  à  part  leur  exiftence,  6c  me  figurer 
des  fpheres  celeftes  dans  les  efpaces  imagi- 
naires ,  encore  qu'efFecl;iuemçnt  il  n'y  en  ait 
point.  Tellement  que,  comme  on  parle,leur 
exiftence  eft  contingente.  M  ais  quant  àDieu 
il  a  efté  de  toute  éternité ,  il  fera  à  toute  éter- 
nité encore,  il  ne  peut  jamais  arriuer;  qu'il 
ne  fbit  point,  6c  je  ne  puis  conceuoir  la  na- 
ture de  laDiuinité,  fans  enfermer  dans  cet- 
te penfée  celle-cy  encore,  que  Dieu  exifte 
aduellement,  èc  d'vne  exiftence  abfolument 
neceflaire.  Vous  pouuez  joindre  à  ces  con- 
fiderations  que  Teftre  de  toutes  les  autres 
chofes  quelles  qu'elles  foient ,  a  eu  befoin  de 
quelque  chofè  extérieure  pour  exifter,  6c  a 
fans  cefiTe  befoin  de  quelque  caufe  qui  le 
maintienne  6c  qui  le  conferue  ,  autrement 
plies  fe  fondraient  £c  s  çcouleroientàneapt. 


^9 
Les  Cieux  mefmes ,  comme  ils  ont  efté 

créez  par  la  puij[Iànce  de  Dieu  ,  fe  confer- 
iienc  par  elle  mefme  ^  ôi  fans  elle  il  leur  ar- 
riueroit  incontinent  quelque  notable  dérè- 
glement. Mais  quant  à  laDiuinité,  elleeft 
de  par  elle  mefme ,  elle  fe  maintient  fans  VaC- 
fîflance  d'aucune  autre  chofe,  &  a  dans  fa 
propre  effence  les  fources  éternelles  de  fa 
vie  y  fans  qu*il  y  puiffè  jamais  arriucr  altéra- 
tion ny  changement.  Enfin  5  tout  ce  que  les 
autres  chofes  ont  d'eflre  ,  elles  le  contien- 
nent en  elles ,  ôc  n'ont  pas  la  vertu  de  le  com- 
muniquer. Ou  fiellesont  quelque  vertu  de 
fe  répandre  &  de  fè  tranfmettre  à  d'autres 
chofes  par  la  génération ,  elles  ont  receu  cela 
de  la  diuinité  ;,  &  ne  le  pofTedent  pas  d'elles 
mefmes.  Au  lieu  que  Dieu  eft  vne  fource 
d'où  coule  inccfïàmment  en  toutes  autres 
chofes  Teflre  &  la  félicité.  Tellement  qu'il 
n'efl  pas  feulement ,  il  n'eft  pas  feulement 
heureux  d'vn  bon-heur  éternel  &  inuaria- 
riable  en  fon  efTence^il  efl  le  fertile  &c  inépui- 
fable  principe  d'où  toutes  les  autres  chofes 
tirent  leur  eftre  6c  leur  beatitude,ôc:  elles  n'en 
peuuentauoir  la  moindre  veine  ny  la  moin- 
dre ombre  fans  fa  communication.  Noflrc 
Seigneur  lefus  Chrifl  donc  efl  la  marque  en- 
grauéedelafubf^ftancedeDieUj  en  ce  qu'il 


30 


èft  comme  luy ,  &  d'vne  exiftence  cterfielle,; 
neceflàire,  qui  a  fon  principe  en  foy  melme, 
qui  fe  communique  aux  autres  chofes,  &  qui 
leur  donne  tout  ce  qu  elles  ont  d*exiftcnce  &: 
de  bon-heur.  Selon  ce  qu'il  dit  kiy-mefme 
en  quelque  lieu,  que  comme /^  Père  a  perpe- 
iuellementla  main  à  U  hefongne  ,il  Va  y  a  aufii^ 
pour  la  production  &  pour  la  conferuation 
des  cliofès  de  I>Vniuer5]::6c  que  comme  le  Père 
à  vie  en  foy^mefme  ^  aufii  a-î  il  donne  au  lits 
dauoirvie  en  foy-  mefme^non  pour  la  polTeder 
quant  à  luy  feulement,  mais  pour  la  donner 
aux  hommes,  tant  par  la  naiflànce  que  par  la 
refurredion.Cependâtil  faut  icy  remarquer 
la  différence  qui  fe  trouue  entre  les  termes 
qui  font  employez  par  PÀpoftre.  Il  a  dit  que 
Chrift  eft  la  refplendeur  de  la  qloire  de  Dieuv 
cequiavne  merueilleufe  emphafe.  Neant-^ 
moins  vne  refplendeur  eft  vne  choie  qui 
peut  ne  durer  pas  long- temps,  &S'éuanouir 
incontinent.  Gom  meen  cette  impreffionde 
lalumiere  du  Soleil  dont  je  vous  parlois  tan- 
toft,  file  Soleil,  qui  eft  dans  vn  mouuemenc 
continuel ,  change  de  place ,  fi  la  nuée ,  qui 
flotte  dans  l'air  par  l'agitation  du  vent,  chan- 
ge de  fituation,  fi  de  quelque  façon  que  ce 
loit,  ces  chofes  n'ont  plus  mutuellement  ley 
afpeds  qu'elles  auoient  auparauant ,  cette 


31 

refplendeur  s'efFaceôc  cette  imprcffions'c- 

uanouic.  Afin  donc  que  l'on  ne  penfê  pas 
quenoftre  Seigneur  eft  vne  refplcîKleur  de 
cette  nature  ^  qui  puifTe  perdre  les  traits ,  les 
lineamens  &  Téclat  de  la  diuinitë,L' Apoftre 
ajoufte  qu'il  eft  vne  marque  engrauée  ou 
vne  emprainte  ineffaçable  de  fon  etemeîie 
fubfiftance ,  qui  eft  plus  ferme  de  plus  perma^ 
nentequefietleeftoitgrauëe  fur  le  marbn!'^ 
ou  fur  le  cuiure,  ou  fur  les  tables  perpétuelles 
d*vn  incorruptible  diamant  Car  c*eftJa  force 
que  l'Apoftre  veut  donner  à  ce  terme  de 
carafhre  ,  qu'il  a,  mis  dans  roriginal.  Or 
auons  nous,  chers  Frères,  à  tirer  diuers  beaux 
enfeignemens  des  chofes  que  vous  auez  en- 
têduës.  Etle  premier  eft  touchant  la  vérité  de- 
là dodrme  de  la  diuipiré  de  noftre  Sauueur^ 
dont  quelques  malheureux  hérétiques  luy 
veulent  rauir  la  gloire.  le  vous  prie  ^  peut-il 
fans  eftre  Dieu  bénit  éternellement,  repre- 
fenter  parfaitement  en  fà  perfonnc  toutes  les 
vertus  de  Dieu ,  rayonner  de  réclat  de  fa. 
JMajcfté  glorieufe,  auoir  receu  l*emprainte 
profonde  6c  ineffaçable  de  fon  éternelle  exi- 
ftence,  de  imiter  cette  fontaine  féconde  & 
inépuifable  de  vie  &  d'eftre,  que  Dieu  ré- 
pandu: communique  à  toutes  chofes  en  1' V- 
iiiuers  ?  Non  ,iji  efl  impofllble  que  des  cha* 


5^        , 
îcs  fi  irianifiques  &  exprimées  en  termes  fl 

iplendides&fipuiffans,  conuiennent  à  vne 
créature  qui  n*eft  finon  créature  feulemenr,> 
à  quelque  haut  point  d>eleuation  &  de  gran- 
deur qu  elle  ait  peu  eftre  portée  par  la  volon- 
té diuine.  Auflî  TApoUre  S.Patit  dit-il  de 
Clirift ,  qu'il  eft  Bieu  manifefiè  en  chair  5  &  il 
rappelle  nofire  grand  Bieu  ^  ôc  il  le  confidere 
par  tout  comme  eftant  égal  à  Dieu  en  vertus 
&  enMajefté^ainfiqu'ileftvn  auec  luy  eil 
nature  bL  en  elPence.  Etcediuiri  auteur  de 
l'Epiftre  aux  Hebrieux  5  appliquant  en  ce 
meime  chapitre  icy  à  noftre  Seigneur  lefus 
ChriftcepaflàgeduPfeaume  102.  Seigneurtu 
a^  fonde  la  terre  ^  ^  les  deux  font  l'ouurage  de 
tes  mains  :  ils  périront^  mais  tu  es  permanent ,  ils 
vieilliront  ^mais  quant  à,  toy  tes  ans  ne  finiront 
jfointy  confond  en  cela  hautement  l'audace 
des  hérétiques,  Afres  cela ,  Pemphafê  de  ces 
mots ,  refplendeur  de  la  gloire  de  Bieu^  marque 
engrauée  de  fa  fuhfilîence  ^  comme  j  e  le  vous  ay 
déjaditvalàdiredement,  de  nous  prefenter 
la  diuinité  à  connoiftre  en  la  perfonne  de 
noftre  Redempter.  Et  défait ,  ceft  la  volon- 
.  té  de  Dieu  qu'à  toutes  les  fois  que  nous  pen- 
fons  à  luy ,  &  que  nous  voulons  former  quel- 
que idée  de  fon  éternelle  diuinité  en  nos 
âmes,  nous  nous  tournions  fur  noftre  Sei- 
gneur 


i3 

gne^vwlefus, comme lur  celuy  dans  lequel 
li  s'eft  rendu  reconnoiffàble,  &  en  quelque 
iortecomprehenfible.   Car  de  nous  arre- 
fter  à  contempler  l'eflTence  de  Dieu  3  ou  de 
tâcher  à  comprendre  rimmenficé  de  fes 
vertus  ,  ou  de  fouftenir  de  nos  yeujî  les 
rayons  de  fa  Majefté^s^ils  ne  font  en  quel- 
que forte  adoucis  dans  la  perfonne  du  Ré- 
dempteur ^c'eftchofe  dont  nous  ne  pour»- 
rions  remporter  que  de  l'éblouifTement,  Sc 
de  la  confufion ,  6c  mefmes  de  la  frayeur  & 
de  la  côfternation  pour  nos  confciences.Si 
la  créature  innocente  auoit  de  la  peine  à 
fupporter  le  brillant  éclat  de  faMajefté.,  fi 
les  Anges  mefmes  couurent  leurs  yeux.lors 
qu'il  reuele  fur  eux  la  clarté  de  fon  vifage, 
quedoitceeftre  autre  chofe  finon  efton- 
nement  &c  frayeur,  à  l'heure  qu'il  fe  fait 
voir  &  fentir  à  la  créature  qui  a  péché, 
&  qu'il  remplit  fa  confcience  du  fentiment 
de  fa  terrible  colère?  Maisceluy  qui  eft  în- 
pifible  en  foy,  s*eft  rendu  vifible  en  fon 
image:  Celuy  qui  paffe  la  comprehenfiori 
des  Anges  mefmes ,  s'eft  en  la  perfonne  de 
Chrift  rendu  en  quelque  forte  conceuablc 
aux  hommes  mortels  :  celuy  qui  de  foy  eft 
capable  de  remplir  les  efprits  des  hommes 
de'  troubte  Se  d'épouuantement ,  leur  pre* 

C 


34 
fente  en  noftre  Seigneur  la  confolatiô'n  & 

]ajoye.  De  forte  que  c'eft  à  luy  qu*il  faut 
que  nous  nous  adreffions  pour  fçauoir  ce 
que  c*eft  que  Dieu  ^  c'eft  de  là  qu'il  faut 
que  nous  tirions  toutes  les  inftructions  & 
toutes  les  connoiffances  que  nous  pouuons 
auoirde  fa  diuinité  :  c*eft  de  cette  fource 
qu*il  faut  que  nous  puifions  èc  l'entretene- 
ment  de  noftre  eftre  naturel ,  &  particulie- 
rementnoftre  vie  fpirituelle  &  immorteK 
le.  De  plus^nous  fommes  enfeigncz  par  là  à 
ne  faire  entrer  dans  la  participation  de  cet^ 
te  gloire  auec  noftre  Seigneur  lefus  Chrift, 
aucune  créature  que  cefoit  ou  des  Cieux 
ou  de  la  tej're.  Car  de  quelle  créature  a- t-il 
efté  dit,qu'clle  eft  la  refplendeur  de  la  gloi- 
re de  DieUjS^  Temprainte  de  fâ  fubfiftence? 
Ceux  de  la  Communion  de  Rome  ont  ac* 
couftumé  de  le  joindre  auec  la  Sainde 
Vierge  fa  mere^en  telle  forte  que  dans  leurs 
prières  &  dans  leurs  exclamations  ,  dans 
leurs  exhortations  dedans  les  aâies  de  leur 
deuotion  la  plus  ardente,  on  n'oit  point  re- 
donner le  nom  de  lefuS  en  leur  bouche,que 
celuy  de  Marie  ne  vienne  incon tin crapres. 
Certes,  mes  Frères,  la  Vierge  eft  vnetres'i 
excellente  créature  ,  mais  qui  n*eft  que 
créature  pourtant.  Eilcn'eft  donfc  point  la 


3J 

i^erplendeuf  delciDiuinitéj  au  fcns  auqitet 

TAportre  prend  ce  mot  en  cec  endroit,  &. 
elle  n*eft  pas   capable  de  receuoir  Tem^ 
prainte  ny  de  fa  gloire  ny  de  les  vertus ,  ny 
de  fon  éternelle  àc  inuariable  exiftence. 
Elle  n'elt  pas  non  plus  la  refplendeur  de 
lefus  Chriftj&nenousa  pas  efté  donnée 
afin  que  dans  la  mère  nous  connoiffbns  le 
Fils,  comme  dans,  le  Fils  nous  connoiflîons 
le  Père.  Etneantmoins  comtiie  nous  met- 
tons noftre  Seigneur  leRis  Chrift  entre 
Dieu  &  nous ,  afin  d'auoir  par  luy  accez  au 
Père  celefte ,  ils  mettent  la  Vierge  entr'eux 
&  noftre  Seigneur  lefus  Clirift^  afin  qu'elle 
leur  donne  l'entrée  ôc  Taccez  à  ce  diuin 
Rédempteur.  Pournous,  nous  nefaifons 
rien  en  cela  qui  ne  /oit  conforme  à  Vinftitu- 
tion  de  Dieu^  qui  nous  a  doniic  fon  Fil* 
pour  Médiateur  enuers  luy  5  6c  tant  s*ert 
faut  que  cela  empefche  noftre  comrnu- 
nion  auec  Dieu,  que  c'eft  parlefeul  Fils 
que  nous  pouuons  eftre  vnis  au  Père,  Mais 
quant  â  eux,  la  Vierge  n'apointeftëefta- 
blie  leur  Médiatrice  enuers  fon  Fils^  êc  au 
refte  voulez  vous  que  je  vous  reprefente 
par  vne  comparaifoiî  quel  effet  cela  peuc 
faire?Figurez  vous  que  vous  voyez  laLune^ 
C'eft"  en  quelque  forte  vne  refplendeur  dii 

Cij 


3^ 
Soleil,  qui  à  la  regarder  en  foy  eft  extrême, 

ment  radieufe.    Neantmoins  ,  parce  que 
tout  ce  qu'elle  a  de  lumière  elle  le  tient  du 
Soleil,  &  que  d'elle  mefme  c'eft  vn  corps 
opaque  &  ténébreux,  quand  elle  fe  ren^ 
contre  entre  le  Soleil  6c  nous_, il  ne  manque 
pas  d'en  arriuer  vne  eclipfe.    Non  qu'en 
luy  mefme  le  Soleil  fouffre  aucune  diminu- 
tion de  fa  clarté.  11  eft  toujours  également 
brillant  &râyonnant,  6c  il  ne  iuy  peut  fur- 
uenir  aucun  obfcurciflement  par  Toppofi- 
tion  ou  par  l'interpoiîtion  des  chofes  infe- 
rieures.  Mais^lleempefcbequefa  lumière 
nevienneà  nous,&  arrefte  fà  chaleur ^  ^ 
metobftacleàfes  influences  viuifiâtes.  De 
mefmes,quand  la  Saindc  Vierge  feroit  en^ 
cote  beaucoup  pl^  lumineufe  qu'elle  n'eft, 
il  eft- ce  que  parce  que  tout  ce'qu'elle  a  de 
fplendeùr  elle  le  tire  de  Chrift  ,  &  que 
quant  à  elle  c'eft  vne  fimple  créature,  na- 
turellement deftituée  de  toute  vertu  6c  de 
tout  ëclat,quand  on  la  met  ainfi  entre  lefus 
Chrift  6c  nous.come  ces  gens  font  ordinal - 
rement,  elle  ne  luy  ofte  pas  la  gloire  de  fon 
éternelle  diuinité ,  mais  elle  empefche  que 
nousneleconnoîffîons  comme  il  faut,  6c 
intercepte  la  communication  de  fon  Ef- 
prit  d'illumination  ^  de  confolation  ^  de 


37 
fancîlificâtîon  &  cl*efperance.  De  là  enco- 

res,  mes  Frères,  pouuons  nous  apprendre 
qu'elle  eft  la  condition  à  laquelle  nous  fom- 
mesappellezen  la  Cômunion  de  ce  grand 
Sauueur.  C'eftde  l'éternelle  &incompre- 
lienfîble  communion  qu*il  aauec  fon  Père, 
que  s'eft  écoulée  en  luy  cette  gloire ,  cette 
majefté,  cette  communication  deTeterni- 
te  inuariable  de  fa  fubfîftence.  Par  la  com- 
munion que  nous  auons  auec  luy  nous 
entrons  en  celle  du  Perc ,  de  forte  qu'il  ne 
fait  pas  luy-mefme  difficulté  de  dire  que 
comme  il  eftvnauec  lePere,nous  fommes 
vn  auec  luy ,  &  mefmes  que  telle  eft  la  ver- 
tu de  cette  vnion,  que  çommeils  font  va 
cntr*eux,  nous  fommes  vn  auec  eux  ,  ce 
qui  nous  doitrauir  en  vne  admiration  ex- 
trême.  Que  deuons^nous  donc  tirer  de 
cette  communion-là  ?  Sera-ce  la  partici- 
pation de  la  Diuinité,  ou  que  nous  puif- 
iîons  eftre  dits  la  refplendeur  de  fa  gloire^ 
&  Temprainte  de  fa  fubfîftence  ?  Nulle- 
ment. Nous  ne  fommes  pas  desfujèts  ca- 
pables de  fi  glorieufes  dénominations,  & 
beaucoup  moins  fufceptibles  ôqs  chofes 
quelles  fio-nifient.    Mais  bien  certes  de- 
uons-nous  ,  puis  que  nous  auons  vne  h 
eftroite  &  fi  indiflbluble  liaifon  auec  luy, 

C  iij 


58 
qu^ileftnoftrechefjôcquenousfommesfes 
niembres^que  nousfomines,dis-je,cIiair  de 
fa  chair,êc  os  de  Ces  os,en  tirer  la  communi- 
cation de  ces  admirables  vertus  dont  il 
nous  a  donné  l^exemple.  C'eft  en  cela  qu*il 
faut  que  nous  portions  Timage  &  de  Chrift 
de  de  Dieu ,  &  fi  nous  le  faifons ,  Saint  Pier- 
re ofe  bien  dire  que  nous  ferons  ainCi  faits 
farticipans  de  la  nature  diuine.  l'adjoufteray 
encoreicy  cette  confideration.  Bien  que 
le  Père  vueille  que  nous  regardions 
fon  Fils  pour  fçauoir  ce  que  c*ell  que  fa 
Diuinité,  le  Fils  neantmoinsdefon  cofté 
ne  fe  prefente  à  nous  tel  qu'il  nous  efticy 
defcri  t,finon  pour  nous  conduire  à  fbn  Pe- 
xe.  Il  fait  donc  voir  en  luy  les  vertus  du 
Père  celefte ,  fa  bonté ,  fa  juftice ,  fa  mife- 
ricorde,  fa  puiflance^  il  reprefente  en  (à 
perfonne  l'éclat  de  fa  majeftë,  6c  rayonne 
toutàrentourdelafplendeurSc  de  la  ma- 
gnificence qui  l'accompagne,  Il  fait  voir 
en  foy  les  traits  profondement  &  éternelle- 
ment engrauez  de  la  fermeté  immuable  de 
fon  eftre ,  6c  les  fources  abondantes  ôc  per- 
pétuelles d'où  coulent  en  toutes  autres 
chofes  rexifl:ence  bc  la  félicité:  maisc'-eft 
afin  que  ceux  qui  Tembrafient  par  vne 
vraye  &  viuefoy  entrent  par  cemoyen  en 


39 

la  communion  du  Père  celefte.  Et  tel  doit 

eftre  l*effecl  de  celle  que  nousauons  auec 
Icfus  Chrift.  Il  faut  qu'on  le  voye  tout  en^ 
tierennous:  fa  pureté,  fa  juftice,  fa  chari- 
té, fon  zèle  à  la  gloire  de  Dieu  ,  &  ces 
incomprehenfibles  compaflîoDS  qu'il  nous 
a  témoignées,  jufques  à  vouloir  mourir 
pour  nous ,  Se  que  par  ce  moyen  nous  atti- 
rions les  hommes  â  la  participation  de  fon 
falut  en  les  amenant  à  fa  connoiflance.Tel- 
lement  que  commp  quand  nous  regardons 
Chrift  auec  toutes  cqs  glorieufes  enfeignes 
de  la  prefence  de  la  Diuinité ,  nous  difons, 
pour  certain  Dieu  eft  là  :  quand  on  verra  la 
lumière  de  nos  bonnes  œuures  &  de  noftre 
faincbe  conuerfation ,  Ton  puiffe  dire  que 
certainement  Chrift  eft  au  milieu  de  nous, 
&C  qu'il  eft  en  Jious ,  puis  qu'il  y  vit ,  &nous 
en  luy,  &  que  nous  ne  viuons  plus  à  nous- 
mefmes.  Enfin ,  Mes  Frères ,  cecy  mefme 
nous  fournit  vne  merueilieufe  matière  de 
confolation  ôc  d'efpei'ance.  C'eft  de  la  par- 
ticipation des  vertus  de  Dieu,  comme  je 
vous  aytantoftdit^^que  refulce  en  noftre 
Seigneur  lefus  Chrift  la  communication 
de  là  gloire,  &  de  la  magnifique  fplendeur 
jqui  enuironne  fa  majefte  fouueraine.  Et  de 
JTiefme  c'eft  delà  participation  des  vertus 

C  iiij 


40 
de  noftre  Seigneur  que  doit  refulcer  celle 
de  fon  immortalité  ôc de  fa  félicité  glorieu- 
fe.  Car  il  a  efté  fi  bon  qu'il  a  voulu  que 
comme  noftre  fandification  eft  vne  ref- 
plcndeur  de  fa  faincteté,  noftre  éternelle 
félicité  foit  jencore  comme  vne  fuitte  de 
cette  régénération  par  laquelle  nous  repre- 
fentons  fon  image,  yous  nefies  point  en  U 
chair i  dit  TApoftre^  mais  en  l'Efprit y  voira 
filEfprit  de  Dieu  habite  en  vous.  Et  (î  Chriji 
efi  en  vous ,  le  corps  efl  bien  mort  à  caufe  du  pe^ 
ché  5  mats  l'efprit  efl  vie  à  caufe  de  la  juftice.  Et 
comment  cela?  C'eiïqMQfl'Efpritdeceluy 
qui  a  rejjufcité  le  fus  ChriJi  du  morts  eft  en  vous^ 
celuy  qui  a  rejfufciti  Chrift  des  morts  viui{iera 
aufii  vos  corps  mortels  à  caufe  de  fon  Efprit  ha^ 
bitant  en  vous.  EnefFed^  par  la  vertu  de  la 
communion  que  nous  auons  auec  Chrift 
nos  corps  font  les  temples  où  il  habite  par 
fon  Efprit.  Or  Dieu  a  bien  permis  certes 
que  le  temple  oii  il  habitoit  autrefois  ait 
efté  ruïné  fans  reffburce,  &fàns  efperance 
de  reftabliffement ,  parce  qu'il  n*eftoit 
compofé  que  de  pierres  mortes,  &  qui  ne 
reccuoient  finon  fuperficiellement  vn  air 
extérieur  de  fàinteté  parla  prefence  de  l'E- 
ternel. Mais  quant  à  nos  corps,  qui  font  des 
temples  viuans,  où  fonhabitation  impri- 


*4î 
me  vne  vraye  fanclification ,  qui  les  pêne* 
tre  y  de  qui  les  repurge ,  6c  qui  les  irradie  Se 
les  reforme  jufques  au  fond,  ilnefouffrira 
jamais  qu^ils  demeurenc  éternellement  gi- 
fans  dans  le  tombeau  ,  êc  quand  le  temps 
en  fera  venu  il  ne  manquera  pas  de  les  rele- 
uer  de  leurs  ruines.  Or  à  Dieu  qui  nous  eft 
autheur  de  fi  grandes  5c  figlorieufesefpe- 
rances,  au  Seigneur  lefus  en  qui  les  pro* 
méfies  qui  nous  en  ont  efté  données  font 
ouï  &c  amen ,  5c  au  Saint  Efprit  qui  nous  en 
fournit  les  arrhes  &  nous  en  donneles  pref- 
(entimensennoscœurSjfoic,  comme  à  va 
feulvray  Dieu  éternel,  gloire,  force,  em- 
pire, &L  magnificence  aux  fiecles  des  fie-r 
clés.  Amen. 


SECOND    SERMON, 
fur  ces  paroles , 

JE/-  fouftenant  toutes  chofes  par  fa  parole  puïf 
fante. 

RERES     BIEN-AIMEZ 

EN    NOSTRE  SeigNEVR  : 

Lors  qu'on  m'a  fait  Thonneur  de 
me  prier  de  monter  aujourd'huy  en  cette 
chaire ,  je  n'^y  pas  eftimé  qu'il  me  faluft  dé- 
libérer long-temps  touchant  la  refolution 
que  j*auois  à  prendre  fur  cette  propofition. 
]l*indifpofîtion  de  celuy  de  vos  Pafteurs 
qui  la  deuoit  occuper  j  Pabfence  d' vn  autre, 
&  les  trauaux  dont  ceux  qui  fonticypre- 
fens  font  extraôrdinairement  furchargez, 
n*ont  peu  fouffrireuégardàla  fainte  ami- 
tié qui  efl:  entre  nous ,  que  je  leur  refufaffe 
ce  foulagement,  non  plus  que  le  zèle  que 
nous  deuons  tous  auoir  à  voftre  édification 
n'a  peu  permettre  que  cette  heure  icy  de- 
nieurafl:  abfolument  vacante.  le  n'aynon 
plus  hefité  fur  le  texte  que  j'auois  à  pren- 
dre pour  y  attacher  ma  méditation:  parce 
que  la  fuitte  des  paroles  que  je  vous  expo- 


45 
fay  Dimanche  dernier ,  contenant  vne  ma- 
tière fore  excellente,  &  qui  eft  capable  de 
vous  donner  beaucoup  d'inftrudion  ,  il 
n'eftoit  pas  necelTaire  que  j'allafTe  cher- 
cher ailleurs  le  thème  de  cette  adion. 
Mais  parce  que  ces  paroles  font  ainfi  con- 
ceucs  3  ^  fouftenant  toutes  chofespar  fa  parole 
fuijlante  ^  ayant  fait  par  foy  Tïiefyne  lapurgation 
de nospechez^^  ilsefafiis  à  la  dextre  de  la  Ma^ 
jefié  es  lieux  très- haut -^  je  me  fuis  tFOUué  en 
doutefijemecontenterois  des  premières, 
où  il  eft  dit  que  Chrift  fouftient  toutes  chofei 
far  fa  parole  puifjante ,  où  fi  je  prendrois  en- 
core les  autres  qui  fuiuent.  Car  je  craignois 
dVn  cofté  que  fi  je  m*arreftois  feulement  à 
la  confideration  de  ce  que  TApoftre  die 
queChrift.par  fa  parole/ouftientTvniuers, 
je  n'euffe  pasafiTez  dcquoy  remplir  cette 
action  ,  Ç\  je  ne  courois  ailleurs  chercher 
quelque  matière  efloignée  de  mon  texte. 
Or  ç*a  touficurs  eftc  mo  opinion,qu*vnMi- 
niftre  de  l'Euâgile  fe  doit  tenir  ioin  t  &  ferré 
à  fon  fujet,^  ne  fe  donner  pas  carrière  hors 
de  fes  limites.  Et  d'autre  cofté  je  preuoyois 
qu'il  feroit  impofiîble  de  dire  en  vne  heure 
tout  ce  qui  eft  necefi&ire  pour  l'explication 
dece  texte,  fi  je  le  prenois  tout  entier  :  hc 
cependantil  ne  faut  pas,  s'il  eft  polllble, 


44 
Jaifler  en  arrière  aucune   des  cliofcs  qui 

peuuenc  feruirà  rintelligencede  ce  paffa- 
ge ,  &  à  voftre  confolation.  le  me  fuis  donc 
en  fin  refolu  à  faire  pluftoft  cette  adion  icy 
plus  courte  ,  que  de  tâcher  d'embrafler 
dansTeftcduë  d'vne  prédication  ce  qu'elle 
ne  peut  pas  contenir.  Et  quand  je  la  ferois 
auffi longue  que  de  couftume  j'efpererois 
pourtant  que  Dieu  me  feroit  la  grâce  de  la 
difpenfer  de  telle  forte. que  jene  dirois  rien 
liors  de  propos ,  &  qui  fuft  éloigné  du  thè- 
me que  je  me  fuis  propofc.  Le  but  gênerai 
de  TApoftre  en  cette  diuine  Epiftre  eft 
d  exhorter  les  fidèles  à  la  perfeuerance 
en  laFoy  de  l'Euangile,  nonobilant  les  per- 
fecucions  aufquelles ils  font  expofez.     Ec 
pourlefaireefficacement,  il  leurrendl'E- 
uangilelcplus  recommandable  qu'il  peut 
par  la  confîderation  de  la  dignité  inénarra- 
ble  de  la  perfonne  de  fon  autheur,&par 
l'excellence  incomparable  de  fa  charge. 
Et  pour  ce  qui  eft  de  fa  charge,  il  a  par- 
lé de  fa  Prophétie  dans  les  paroles  pré- 
cédentes, où  il  a  oppofé  la  feule  prédica- 
tion de  Chrifta  toutes  les  reuelationsdes 
Prophètes  qui  ont  paru  en  tous  les  fiecles, 
quand  il  a  dit,  Dieu  ayant  jadis  àplufieurs 
fok  ^  en  fduficurs  manières  parlé  à  nos  pères 


far  les  Prophètes ,  a  parlé  à  nom  en  ces  dernieri 
temps  par  fan  Fils.  Il  parle  de  fa  Sacrificacu- 
re  en  ces  mots-,  ayant  fait  par  foy-me fine  Lt 
furzatïon  de  v.os  pèche':,  -,  où  il  oppofe  encore., 
le  (acrifice  de  Chrift  &  fon  Sacerdoce  à 
ceux  de  l'ancienne  Alliance  ,oii  les  Sacri- 
ficateurs ne  pouuans  faire  l'expiation  des 
péchez  par  eux.  mefmes  ,  eftoienc  con- 
contraincsde  mettre  des  viclimes  en  leur 
place,  &de  faireJapropitiationparrefFu. 
fiondeleur  fang.  Enfin  il  parle  de  la  Roy- 
auté de  nofire  Seigneur,  tant  dans  lepaf- 
fage  precedent,oîi  il  dit  que  Dieu  l'a  eftably 
héritier,  c^eft.à  dire, Seigneur  6c  domina- 
teur^^  tontes  chofes  ,  que  dans  les  parole^ 
fuiuantes,  ïlseft  a  fis  a  la  âextre  de  la  Majefiè 
es  lieux  très-hauts ,  où  il  Oppofe  encore  l'En% 
pire  quil  a  dans  le  Ciel,  àceuxquepoffe- 
dent  icy  bas  les  Monarques  de  la  terre. 
Quant  à  laperfonne  de  Chrift,rApoftre 
l'a  defcrite  en  ces  mots  :  La  refplendeur  de 
la  gloire  de  Dieu ,  &  la  vuirque  enqrauèe  de  fa^ 
fubfijience  •,  Et  ces  termes  fôt^ce  femble^aflez 
magnifiques  pour  mettre  dans  l'efprit  des 
hommes  vne  idée  vioe  &  profonde  de  fâ 
Diuinité.    Neanrmoins  il  a  creu  que  pour 
la  rendre  plus  accomplie,  6c  pour  donner 
vne  perfuafion  plus  entière  que  Chnfteft 


4.0 
Dieu  bcnÎE  éternellement  ^  il  eftoit  he- 
ceflaire  qu'il  y  adioutaft  quelque  chofe 
de  plus  particulier  touchant  Tinfinité  de 
fa  puiffance.  En  efFed  il  n*y  a  gueres 
de  preuues  plus  certaines  6c  plus  éui. 
dentés  par  où  Dieu  monftre  fa  Diuinité,- 
C'efl:  pourquoy  S.  Paul  voulant  au  chap. 
premier  de  TEpiftre  aux  Romains,  enfei- 
gner  que  Dieu  s*efl:  tellement  reuelé  aux 
hommes  dans  les  œuures  de  la  Nature, 
qu*ils  ne  peuuent  pretendre*aucune  excufe 
s'ils  ne  le  connoilTent  pas,  ditentr'autres 
chofes  qu'il  leur  a  xQuclé  fa purjlace  éternelle^ 
comme  vn  caradere  indubitable  de  l'im- 
menfité  de  foneftre^  qu'ils  ontdeu  glori- 
fier. Quand  Dieu  mefme  veut  donner  à 
lob  du  rerped^  de  la  vénération  pour  fa 
Diuinité ,  il  luy  parle  entr'autres  chofes  de 
la  grandeur  de  fa  puiflancequifedefploye 
tous  les  iours  dans  les  Gieux  6c  dans  la 
Terre  ,  &  dans  la  production  des  grands 
animaux  terreftres  êc  des  monftres  de  la 
mer.  Enfin ,  lors  que  Dieu  fe  veut ,  s'il  faut 
ainfi  dire  ,demef[erdelaeonfufiondetant 
de  faux  Dieux  quieftoient  adorez  par  les 
Nations  circonuoifines  de  11  ludée  ,  &fe 
diftinguer  de  telle  forte  qu'il  ne  puiffe  eftre 
méconnu  ,  il  produit  pour  témoins  de  fa 


47 
véritable  Diuinité  les  œuures  de  fa  puu- 

lance ,  telles  que  font  la  création  du  mon- 
de, &  les  miracles  faits  en  Egypte,  auee 
ceux  qu'il  fit  encore  depuis  pour  faire 
paiTerfo  peupleautrauersdela  mer  rouge, 
ôc  l'introduire  en  Canaan.  Mais  outre  qu-e 
cette  puifTance  dont  l'Apoftre  parle,  eâ: 
vnepreuue  de  la  Diuinité  de  Chrift  •  ceft 
aufli  vne  des  chofes  qui  conftituent  l'objeâ: 
denoftrefoy  ^  De  forte  qu'il  eftoit  comme 
neceffaire  qu'il  en  fift  vne  particulière 
mention,  puis. qu'il  auoit  deflèindc  con- 
firmer les  Hebrieux  en  la  créance  par  la- 
quelle ils  l'auoientembrafré  pour  leur  Ré- 
dempteur 3  ôc  de  la  rendre  pcrfeuerante. 
Car  vous  Içauez  que  quand  l'Apoftre  veut 
recommander  la  foy  d' A  braham ,  il  la  loiic 
principalement  par  là  ,  qu'il  a  creu  que 
Dieu  eftoit  puillant  d'exécuter  les  pro- 
me  (Tes  qu'il  luy  auoit  données,  quoyque 
les  apparences  des  chofes  ne  luy  eh  pro- 
miflentpasvn  tel  ëuenemenc.  Luy-mëmc 
parlant  de  fa  foy  dit,  quilf^aii  a  qui  il aXT<rn- 
creu ,  C^  quil  e/i  puijjant  de  garder  fort  dep^fl  **  '^ 
iufques  à  la  journée  du  Seigneur  lepcs.  Et 
Dauid  parmy  tant  de  perfecutions  qu'il  a 
foufFerteSj  &  tant  de  périls  aufquels  il  a  efté 
expofé,  témoigne  bien  à  la  vérité  qu'il  mei: 


48  ^ 
fa  confiance  en  la  bonté  del'EterneljMais 
c*eft  en  telle  façon  qu'il  y  mefle  toufiours 
vnetres-claire&  trcs-exprefle  mention  de 
fa  puifTance.  Car  il  la  confîdere  comme  cel* 
le  qui  le  peut  tirer  de  la  main  de  fes  enne- 
mis, parce  qu'elle  a  vniuerfellement  toutes 
choies  en  fa  fienne.  Icy  donc  TAportrene 
pouuoit  ny  mettre  en  auant  vne  preuue 
plus  authentique  de  la  puifTance  infinie  de 
Chrift,  ny  en  mettre  dans  l'entendement 
des  hommes  vne  plus  belle  image  que  celle, 
là ^c'efl: premièrement  qu'il  portele  mon- 
de vniucrfel,  &:  puis  après  qu'il  lefaitpar 
la  feule  vertu  de  fa  parole.  Car  le  motque 
nous  traduifonsy^^/^»/>  ,  fignifie  propre- 
vc\étportcr:&c  quanta  ctluy  de  toutes  chofes^  il 
paroift:  par  diuers  autres  endroits,  qu'il  fi- 
gnifie tout  le  môdejainfi  que  nous  le  voyôs 
compofé  des  deux  &  de  la  terre ,  auec  tout 
ce  qui  y  eft  contenu.  Pour  exemple,  lors 
que  noftre  Apoftreditau  verfet  immédia- 
tement précèdent,  queChriftaeftéefta* 
•  '^  tT-:  bli  héritier  de  toutes  chofes-  y  il  en  tend  le  mon- 
de vniuerfèl  ,  comme  il  l'interprète  luy- 
rnefme  dans  les  paroles  fuiuantes^j&^r/^^W 
auffi il  a  fait  les  fiecles  :  ce  terme  de  fiecles 
au  ftile  des  Hebrieux  ,  fignifiarit  tout  ce 
qui  eft  enclos  dans  les  cieux,&  les  fpheres 

celeftes 


,  49 

eeleftcs  mcfmes.  Ainfi  au  chapitre  premier 
de  l*Euangile  félon  S*  lean  il  eft  dit  que  par 
la  Parole  toutes  chofes  ont  efte  faites ,  c'eft  à 
dire ,  tout  le  monde  ,  comme  il  paroift  oar 
riiiftoire  de  la  création ,  où  ^  comme  nous 
verrons  tantoft,  la  production  de  toutes 
chofes  jfanf  en  excepter  aucune,  eft  attri- 
buée à  la  Parole  de  Dieu.  Et  quand  il  eft 
di.tautroifiemechap.de  cette  Epi  ftre  que 
celuy  qui  a  bafty  toutes  chofes  ^  ce[i  Dieu  ^  ces 
paroles  defignent  pareillement  tout  l'vni- 
uers.  Enfin  ,  lors  que  faijit  Paul , au  chap. 
5.  de  la  féconde  aux  Corinthiens ,  nous  en- 
feigne  que  toutes  chofes  font  faites  nounelles^ 
bien  qu'il  femble  que  ce  terme  ait  là  vne 
fignification  plus  reftrainte,  il  veut  pour- 
tant donner  à  entendre  le  monde  vniuerfel, 
que  la  prédication  de  l'Euangile  a  telle- 
ment changé,  &  que  la  vertu  de  nofire 
Seigneur  changera  encore  de  telle  façon, 
qu'il  fembleraqu*il  en  ait  fait  vne  création 
toute nouuelle.  Cela,  Mes  Frères,  pour- 
roit  d'abord  paroiftrefuffifantpour  dôner 
TinteUigence  des  paroles  de  TApoftre. 
Maisneantmoinsje  croy  qu'il  eft  neceffai- 
re  dv  les  examiner  vn  peu  plusparticuhe- 
rement.  Cetvniuers  donqiies,'dont  il  eft 
icy  parlé,  peut  eftre  coufideré  ,  ou  bien 

D 


5^ 
en  fa  matière  j  qui  eft  commune  à  toutes 

chofes,  parce  qu'elles  en  font  toutelcom- 
pofées  ,  &  qu*il  n'en  a  efté  créé  qu'vne 
pour  fournir  à  la  compofitionde  toutes  les 
œuures  d'icy  bas.  Ou  bien  en  fes  formes, 
qui  font  merueilleufement  diuerfes  :  car 
autre  eft  la  forme  des  métaux  ,  &  autre 
celle  des  plantes  ,  &  autre  celle  des  ani- 
maux: de  généralement  toutes  lesefpeces 
des  chofes  qui  font  cgmpofées  des  ele- 
mens ,  font  différentes  en  leurs  formes ,  ÔC 
chacun  des  clemens  mefmes  en  a  vne  à 
part.  Quant  aux  cieux,  la  leur  eft  infini- 
ment différente  de  celles  des  elemens,  & 
de  toutes  les  chofes  élémentaires.  Ou  bien 
il  peut  eftre  coniideré  en  Taffemblagede 
fes  parties,  &  en  Tordre  auquel  elles  ont 
efté  difpofées  &c  liées  les  vnes  aux  autres, 
&  C'eft  ce  qui  luy  donne  proprement  le 
3>om  de  monde,  &  quiconftituë  foneftre, 
&  qui  luy  donne  fon  orjaement.  Ou  enfin 
jl  peut  eftreconfideré  dans  les  opérations 
&  dans  lesmouuemens  de  fes  parties,  qui 
rauiffent  ceux  qui  les  regardent  en  vne  fin- 
guliere  admiration .  Or  quant  à  fa  matière, 
c'eft  vne  chofe  vniuerfellement  receuë 
dans  les  Efcolesdela  Philofophie  &  delà 
Théologie  Chreftienne  ,  que  comme  ^*a 


5^ 
feftélatoute-puilTancedeDieu  qni  Papre^ 

iTiieremenc  créée  &  tirée  duneanc,  auflîle 
concours  de  cette  mefme  puiffance  eft  per- 
pétuellement necelTairepourla  maintenir 
en  (on  eft re ,  autrement  elle  s'ecouleroît  6c 
s'enretourneroità  i#ant.  Tellement  que 
l'onconfiiierelaconferuation  de  la  matiè- 
re des  chofes  comme  vn  flux  &  vne  contu 
nuation  de  u  première  création  jfansquoy 
il  ieroic  abfolument  impofïîble  qu'elle  fe 
fouftint  elle  mefme.  Mais  pour  eftablif 
cette  doctrine  il  faudroit  entrer  en  des  rai- 
fônemensphiioiophiqueSjquine  iôcpasde 
cette  chaire  ny  de  la  capacité  de  plufieurs^ 
Pour  ce  qui  eft  des  formes  dont  cette  ma- 
tière eft  diuerfement  reueftuë ,  Texperien- 
ce  montre  incelFamment  dans  les  chofes 
fublunaires  ,  qu'elles  en  font  feparables,- 
toutes  les  chofes  qui  font  compofces  des» 
elemens,  &:  les  elemens  mefmes,  paffans 
par  de  continuels  changemens.  Et  non 
feulement  elles  enpeuuent  cftrefepaiées^ 
mais  il  paroift  manifeftement  qu'elles  onc 
vne  inclination  naturel.e  à  s'en  feparer. 
Car  dans  la  plufp.art  des  œuures  de  la  natu- 
re, lesdifpoficions&  les  liens  qui  tiennenc 
la  forme  attachée  à  la  matière^  font  expo^ 
fez  à  des  caufes  externes  qui  font  capable.^ 


5i 
de  les  diflbudre,  &auconfli(9:de  diuerfes 

qualicez  internes  qui  fe  combattent  les 
vnes  les  autres ,  &  qui  en  fe  deftruifant  mu- 
tuellement ruinentauflî  le  fujet  dans  lequel 
elles  S'entrechoquent.  De  forte  que  Taflê- 
blage  des  parties  eiTétitielles  qui  compo- 
fent  chaque  chofe.ne  fe  pourroit  pas  main- 
tenir ^  fi  quelque  vertu  fecrette  de  la  diuine 
prouidence  ne  les  garantifloit  des  accident 
du  dehors  5  de  de  ce  qui  leur  peut  eftre  nui- 
sible au  dedans ,  &  fi  elle  n^entretenoit  &: 
ne  conferuoit  ainfi  leur  alliance,  Qiiantà 
Tordre  par  lequel  toutes  les  parties  de  IV- 
niuers ont  efté colloquées  chacune  dans  k 
place  où  nous  la  voy  6s,&  vnies  les  vnes  aux 
autres  pourcompofer  ce  grand  Tout>plu- 
lîeurs  en  attribuent  la  côferuation  à  la  Na- 
ture. Mais  fi  par  cette  Nature  ils  entendent 
vnecaufe  intelligente  ,  qui  fe  mefle  dans 
toutes  les  parties  du  mode  ,  &  quiconferue 
elle  mefrae  les  membres  deTVniuers  dans 
Tarrangement  auquel  elle  lésa  première- 
iTiént  mifes  3  cette  nature  n*eft  rien  autre 
chofe  que  la  Diuinité,  qu'on  déguife  fous 
vn  autre  nom,  afin  de  luy  ofter  fa  gloire.Ec 
Il  par  ce  mot  ils  entendent  Tordre  mefme 
qui  eft  dans  les  chofes,  comme  de  fait  la  na- 
ture n'eft  rien  finon  cette  admirable  difpo- 


55 
fition  queDieu  a  mife  en  toutes  fcs  œuures, 

en  les  liant  les  vnes  aux  autres ,  6:  en  inspi- 
rant à  chacune  les  vertus  &  les  facultcz  qui 
font  neceflaires  pour  leurs  operatios,  corne 
cet  ordre  n'a  peu  fe  produire  de  luy  mefme, 
il  ne  fe  peut  non  pl^  de  lui  mefme  côferuer. 
Car  tout  ordre  eft  vne  produdion  de  quel- 
que caufe  intelligête;mais  il  n'a  point  d'en- 
tendement quant  à  luy.  Et  comme  ilaeftc 
neceflaire  que  quelque  caufe  douée  d'in- 
telligence le  produififb,auffi faut-il  que  ce 
foit  vn  entendement  qui  le  conferue,autrc- 
mentil  yarriueroitincontinêtdu  dérègle- 
ment. Etcelafepeut  voir  à  Tœil  dans  les 
machines  que  les  hommes  conftruifent  de 
diuerfes  pièces  par  leur  induftrie.Car  com- 
me vne  mpntre  par  exemple^ne  s'eft  pas 
faite  elle  mefme,  ôc  n'a  peu  fans  la  condui- 
te d'vn  ouurier  intelligent  & induftrieux  fe 
conftruire  de  tant  de  roues  &  de  tant  de 
refforts  attachez  les  vns  aux  autres,  dans 
vne  fi  belle  dépendance,  &  d'vn  fi  parfait 
adjuflement,  aufli  fçauez  vous  qu'elle  ne  fe 
maintiendroit  pas  long  temps  en  cet  eftac 
là ,  fi  le  mefme  artifan  qui  Ta  faite,  ou  quel- 
qu'autre  ouurier  femblable  ,  n'y  portoic 
fouuent  l'oeil  6c  la  main.  Cette  machine 
du  monde  donc,  qui  eft  compofëe  de  plus 

D  iij 


Î4 
fie  pièces  &  plus  difficiles  àgounerner,  ne 

fe  fcroit  pas  entretenue  fi  long^remps  en 
cet  ordre  où  nous  la  voyons,  fi  Dieu  n'a- 
uoit  continuellement  veillé  fiir  elle  par  fa 
prouidcnce^ôc  s'il  nq^la  fouftenoit  par  la 
puifiance  de  la  main.  Enfin,  pour  ce  qui  eft 
des  mouuemens  &  des  opérations  des  par- 
ties dç  ce  monde,  ce  fonc  chofes  qui  ont 
perpétuellement  befoin  de  la  mefine  effi- 
cace de  la  Prouidence  diuine  pour  fe  main- 
tenir 6c  le  déployer.  le  vous  prie,  mes  Frè- 
res, qu'eft  ce  qui  peut auoir  fait  que  depuis 
le   commencement  du    monde   jufqu'à 
maintenant  le  flux  &;  le  reflux  de  la  mer 
fbitallëfiregulierement^qu'elle  n'a  jamais 
manqué  de  fe  retirer  &  de  reuenir  à  certai- 
nes heures  ifes  riuages,  veu  que  la  mer 
d*ellemefmeeft  vne  nature  brute  à  mer- 
ueilles ^  &  quVne  chofe  fi  réglée  ne  fe  peut 
ainfi  conduire  fans  Tefficace  dVne  caufe 
qui  ait  de  Pentendemêt?  Quant  aux  cieux, 
leurs  courfes  font  encore  beaucoup  plus 
diuerfesôi  plusintriquées,  6c  neantmoins 
plus  confiantes ,  plus  vniformes  &  plus  rei- 
glées  que  n'efl  le  flux  &  le  reflux  de  la  mer. 
Celaafaitdireà  Ariflote,  le  grand  inter- 
prète des  myfleres  de  la  nature,  qu'il  faut 
neceflairementqu'ily  ait  des  intelligences 


attachées  aux  fpheres  celeftes^quî  en  gou- 
uernent  les  mouuemens.  Encore  faut-il 
qu'il  y  enaitvnefupreme,  quiprefide  fur 
celles  là,  autrement  il  feroit  à  Ion  aduis  im- 
poflîble  que  ces  globes  de  là  haut ,  qui  font 
enfermez  les  vus  dans  les  autres, &  qui  fem- 
blent  fe  trauerfer  en  leurs  mouuemens ,  les 
entretinflécauec  tant  de  règle  &  de  cô  (lan- 
ce, &  (ans  tôber  incôtinent  dansvne  pitoya- 
ble confufion.Pour  le  reftCjny  les  plates  ne 
produifent  point  leurs  graines ,  ny  les  poiC 
fons&  iesoifeaux  leurs  œufs,  ny  les  autres 
animaux  leurs  petits  par  la  génération, 
ny  les  hommes  mefmes  leurs  penfées,  leurs 
defleinsÊ:  leurs adions,  fansl'affiftance  ëC 
la  vertu  de  la  diuine  Prouidence.  L*Apo- 
ftre  le  nous  enfeigne  au  chap.  17.  du  liure 
des  Ades,  quand  il  dit  que  c*efilny  qui  donne 
à  tous  vie  é*  refpiration^  êc  que  ceftpar  luy  que 
nous  auons  vie  dr  mouuement  ^  eftre.  Ce  que 
le  meilleur  &  le  plus  ancien  desPoëtes  pro- 
fanes a  reconnu^quand  il  a  affirnîé  que  c*eft 
la  Diuinité  qui  de  jour  à  Jour  donne  aux 
hommes  la  difpofition  d*e(prit  en  laquelle 
ils  fe  rencontrent.  Ce  donc  que  je  viens  de 
dire  en  gençral  de  la  Diuinité,  &  de  la  fa-r 
gefle&  vertu  de  fa  Prouidence,  l'Apoftrç 
le  dit  icy  en  particulier   de   noftre  Sei^ 

D  iiij 


5^ 
gneur  lefus  Chrift.    En  efFe(3:,  l'Ecrita* 

re  pous  enfeigne  que  toutes  chofcs  onc 
eftë  premièrement  créées  par  luy.    C'efl: 
ce  que  die l'Apoftre  Saint  lean  aupaflage 
que  je  vous  ay  défia  allégué  vne  autre 
fois  5    que  toutes  chofes  ont  efti  faites  far 
la  parole  :  Et  l'Apoftre  S.  Paul  au  premier 
chapitre  de  TEpiflre  aux  Coloffiens,  Chrifi, 
dit- il',  efi  l'image  de  Dieu  inuifihle  y  le  premier 
ne  de  toute  créature:  Car  par  luy  ont  efié  créées 
toutes  chofes  qui  font  aux  deux  ^  ^  qui  font 
en  la  terre ,  vifïhles  é*  inuifibles ,  foit  les  trônes ^ 
ou  les  dominations\  ou  les  principautei:^^  ou  les 
fuiffances  :  toutes  chofes  onteftè  créées p^r  luy  & 
four  luy.  Puis  donc  qu'il  eftle  Créateur  de 
toutes  chofes  ,  il  en  eft  auffi  le  conferua- 
teur  :  puis  que  c'eft  luy  qui  leur  adonné 
leur  eftre,c'eftàluyàles  y  maintenir: car 
il  n'y  a  rien  de  iî  naturel  quVne  chofe  tire 
fà  conferuation  de  la  caufe  qui  luy  a  pre- 
mièrement donné  Peftre.  Et  c*eft  ce  qui 
fait  dire  icyà  cediuinautheur  que  Chrift 
fouftient  toutes  chofes.   Mais  ce  qu*ilad^ 
joufte,que  c'eft  par  fà  parole  puiflànte,  mé- 
rite d*eftre  confiderc.   Il  y  a  dans  l'original 
far  la  parole  de  fa  puijjance:  Mais  nos  inter-^ 
prêtes  lont  fort  bien  tourné.    C'eft  vne 
façon  de  parler  vfitée  entre  les  Hébreux, 


57 
qui  ayans  peu  d'vfage  de  ces  noms  que 

les  Grammairiens  appellent  adjedifs,  en 
employent  qui  font  ,  s'il  faut  ainfi  dire, 
d'vne  autre  forme,  &  les  joignent  lesvns 
aux  autres  pourfairele  mefme  efFeâ:  que 
les  adjecbifs  feroienr.  C'eft  ainfi  que  faint 
Paul  dit  que  Chrift  a  efté  déclaré  fils  de 
Dieu  £n  puiS3.ncQ  félon  l'e/pril:  de  faintetèy 
ou  de  fanchfication ,  pour  dire  vn  efprit  fain  c 
&  augufte,  &  pour  lequel  on  doit  auoir  vne 
fouueraine  vénération.  Et  cette  phrafeen 
la  iâgue  hébraïque  a  beaucoup  d'emphafe. 
Mais  la  façon  de  parler  eft  de  peu  d'impor- 
tance au  prix  de  la  chofe  mefme.  Ûhi- 
ftoire  de  la  création  nous  apprend  que 
toutes  chofes  ont  efté  faites  par  Tentre- 
mife  de  la  parole  de  Dieu,  Lors  qu'il  vou- 
lut  créer  la  \w\x\\tx  ^'Xàxx.y  que  la  lumière  foit y 
&  elle  fut.  Lors  qu'il  voulut  faire  l'eftenduë 
qui  fepare  les  eaux  d'embas  d*auec  celles 
d  cnliaut ,  il  en  fit  pareillement  le  com* 
mandement  en  parlant,  &  cela  s'exécuta. 
Puis  Dieu  die ,  Qtie  la  terre  pouffe  [on  jeci^  6C 
à  cette  parole  la  terre  produifit  toutes  ef-» 
peces  de  plantes.  Au  quatrième  iour  il  créa 
les  deux  grands  luminaires  en  difant ,  qu'il 
y  ait  des  luminaires  en  l*eftéduë  des  Cieux. 
l-e  iour  d'après  il  parla  ainfi.  Que  les  ^^^ 


î8 

froduifent  en  toute  abondance  reptiles  ayam 
'vie  \  ^  que  les  oy  féaux  volent  fur  la  terre  vers 
teftendue  des  deux  ^  6c  la  parole  n*euc  pas 
efté  plutoft  prononcée  que  TefFed  s'en 
enfuiuic.  Enfin  il  commanda  de  mefmeau 
lîxiéme  iour  que  la  terre  produifitfes  ani- 
maux, Scelle  luy  rendit  obeïffancc. Orla 
cliofe  n'a  poinn  efté  ainfi  difpenfée  par  la 
volonté  de  Dieu  ,  ny  elle  n'a  point  efté 
ainfi  exadement  rapportée  par  le  S.  Hifto- 
rien  ,  fans  quelque  prudent  confeil  de  la 
fagefle  Diurne.  Car  Dieu  pouuoit  créer 
toutes  chofes  en  vn  moment  &  du  feul 
mouuementde  fa  volonté,  fans  en  diuifer 
la  création  en  tant  de  jours,  &  (ans  y  em- 
ployer Tencremife  de  fon  commandement 
&  de  fa  parole.  Et  qui  examinera  la  chofe 
vn  peu  particulièrement  ,  trouuera  fans 
doute  que  cette  narration  a  trois  diuers 
égards  fort  confiderables.  Car  première- 
ment, il  n'y  a  point  de  doute  qu'il  n'y  aie 
icy  vnfensfortabftrus  &  fort  myfterieux, 
êcquife  rapporte  à  Chrift  entant  qu'il  eft 
la  fageffe  &  la  parole  du  Père.  S.  leanle 
noqsenfeigoe  ainfi  au  chapitre  premier  de 
fon  Euangile,  quand  endettant  vn  traick 
d'oeil  fur  le  commencement  du  liuredela 
^énefejii  dit,  Au  comencementefioit  la  parole^ 


^  ^  59 

£^  la  Parole  e/loîtauec  Dieu  ^  ^  cette  Parole 

efioit  Dieu  ;  Par  elle  toutes  chofes  onte/iéfaiteSy 
^  fans  elle ,  rien  de  ce  qui  a  eftèfait  neuft  e(ls 
fait.  Car  qu'il  foie  là  queftion  de  la  per- 
fonnede  lefusChrift  ,  c'eft  vnedKife  ab- 
folumenc  indubitable  ,  &  c'cft  pourquoy 
le  mefme  A poftre  au  chapitre  i.  de  la  pre- 
mière Epiftre  Catholique^commence  ainfi 
fon  propus  \  Ce  qui  eftoit  des  le  commence- 
ment ,  ce  que  nous  auons  auï ,  ce  que  nous  auons 
veu  de  nos  fropresyeux ,  ce  que  nofis  auons  con- 
templé ,  ^  que  nos  propres  mains  ont  touche^ 
de  la  Parole  de  vie.  Et  au  \g.  chapitre  de 
l'Apocalypre,  il  dit  que  le  nom  de  lefus 
Chrift,  qui  luy  apparoift  là  en  vifion,  eft  la 
Parole  de  Dieu.  Et  fi  vous  voulez  ,  mes 
Frères ,  que  je  vous  explique  en  paflant  la 
raifon  de  cette  appellation  ,  je  le  feray  en 
peu  de  mots,  le  ne  diray  pas  que  la  parole 
eftvnevoiXjC'eftàdire  vnfouffle^vn  ef- 
prit  3  comme  on  employé  allez  fouuent  ce 
mot  pour  fignifier  l'air  &  le  vent:  &  que 
la  Parole  du  Pcre  eft  vnc  nature  fpirituelle. 
le  ne  diray  pas  non  plus  que  la  Parole  eft 
vne  voix  qui  fe  diftingue  de  toutes  autres 
fortes  de  voix  par  fon  articulation  :  comme 
cette  nature  fpirituelle  de  Chrift  fe  diftin- 
gue par  fa  fubfiftence  particulière  d'aucc 


6o 
toutes  les  autres  chofes  feparées  de  la  ma- 
riere,5c  mefmes  d'auec  le  Père  6c  d'auec  le 
S.Efpric.Peuieftrequeces  chofes  làparoi- 
ftroient  vn  peu  recherchées.  le  diray  feu- 
lement que  la  parole  eft  vne  production 
dVne  nature  intelligente,  n'y  ayant  pro- 
prement que  les  chofes  raifonnables  dont 
on  puifle  dire  qu'elles  parlêt.Or  noftre  Sei- 
gneur eft  vne  refplédeur  &  vne  émanation 
de  l'entendement  diuin.  La  parole  n*eft  pas 
feulemët  vne  produdion  d'vne  caufe  intel- 
ligente,  elle  en  eft  encore  vne  image  &  vne 
reprefêtatiô  .  Car  c'eft  parla  que  l'intelledk 
des  natures  raifonnables  fe  fait  connoiftre, 
&  qu'eftant  inuifible  en  luy  mefme,  ilfe 
rendfinon  vifible,  au  moins  certes  perce- 
ptible aux  fens  du  corps.  Or  noftre  Sei* 
gneur  lefus,  la  Parole  éternelle  du  Père  ce- 
lefte,  eft  l'image  de  ce  grand  Dieu  ,  qui 
cftant  de  foy  mefme  inuifible  à  nos  yeux,  & 
incomprehenfible  à  nos  entendemens,s'eft 
rendu  vifible  en  la  perfonne  de  fon  Fils,  de- 
forte  que  nous  Typouuons  apperceuoirôc 
Je  reconnoiftre  en  cette  marque  engrauée 
defoneftre.  En  fin,  qui  pourroit  donner  à 
la  Parole  vneftre  permanent  &  qui  fubfi- 
ftaft  fermement ,  &  outre  cela  l'animer ,  6c 
ia  rendre  actiue  6c  viuante,  ce  feroit  vne 


il 

raifon  qniferoit  deuenuë  fenfible,  Sc  qui 
fe  Jaifleroit  coucher,&  manier^ôc  perceuoir 
aux fentimês  corporels, au  lieu  que  Tcncen- 
dément  d  où  elle  parc  eft  de  fa  nature  im- 
matériel, &:  difficile  àconceuoir,  mefmes 
aux  puiiTances  de  l'ame.  Or  Chrift  eft  telle- 
ment vn  Dieu  inuifible  &  immatériel ,  que 
neantmoinsils'eft  mis  en  teleftatpar  (ou 
incarnation,  quel' Apoftre  S  lean  en  a  peu 
dire  ce  que  je  viens  de  vous  reciter.  C'eft 
que'fes  Difciples  ont  ouï ,  'ai  qu'ils  ont  vea 
de  leurs  propres  yeux ,  &  que  leurs  propres 
mains  ont  touché  cette  parole  de  vie,- 
Mais  cela  eft  hors  de  noftre  texte.  Car  on 
ne  peut  pas  dire  queChrift  fooftient  toutes 
chofes  par  fa  parole  puiiTante  en  cet  égard 
là,  puis  qu'il  eft  luy  mefme  la  Parole.  Et  fi 
l'Apoftre  auoit  voulu  dire  cela,  ilnefefe- 
roit  pas  ainfi  exprimé,  é^fonfien^t  toutes  cho- 
fes par  fa  parole  puiJIate^m^Às  i\  auroit  dit  fim- 
plement  qu'ilfouftient  toutes  chofes ,  ou 
qu'il  les  fouftiët  par  foy  mefme.  Retournôs 
donc  à  noftre  propos.La  (ecôde  chofe  à  la- 
quelle  le  S.  Efprit  a  regardé  en  cette  narra- 
tion, eft  qu'il  nous  a  voulu  obliger  à  faire 
vneattentiue reflexion  fur  la  facilité  mer- 
ueilleufe  auec  laquelle  Dieu  a  créé  6c  com. 
pofé  cet  Yniucrs.    Vous  voyez  d  quoy  les 


Cl 
hommes    font    necefTâirement    obligez 
quandils cncrcprenent  de  conftruir^  quel- 
que grand  &  magnifique  Palais.  Il  faut  al- 
ler chercher  le  marbre  en  vn   endroit, 
ëc  le  jafpe  &  le  porphyre  en  vn  autre. 
Ils  tirent  les  pierres  communes  ^  ordinai- 
res d'auxres  carrières ,  6c  enuoyent  couper 
les  cèdres  fur  le  Liban, &  les  chefnes  fur 
d'autres  montagnes.  Ils  fouïffent  dans  les 
entraillc'^dela  terre  pour  en  tirer  les  mé- 
taux èc  les  minéraux  dont  ils  fe  veulent  fer- 
uir  pour  leurs  peintures  &  pour  leurs  autres 
embelliflemenSj  &  ramaflTent  de  toutes 
parts  toutes  fortes  de  matériaux  neceffai- 
res  pour  leur  édifice.  Outre  cela,  pour  les 
compoferenfemble,  il  faut  des  grues ^  de 
des  engins,6c  des  machines  à  leuer  de  grads 
fardeaux,  6c  des  hommes  pour  les  manier, 
qui  y  trauaillent  en  grand  nombre.De  forte 
que  quand  la  curiofité  nous  porte  à  aller 
vifiter  ces  baftimens  ,  il  nousfemble,à 
voir  la  quantité  d'ouuriers  qui  y  trauail- 
lent des  pieds  6c  des  mains,  ôc  qui  fe  re- 
muent en  tous  fens,  que  c'eft  vne multi- 
tude innombrable  de  fourmis ,  qui  vont  les 
vns  deçà  6c  les  autres  delà ,  trainant  chacun 
fon  fardeau,  6c  tracafTant  fans  repos  au- 
tour de  leur  fourmilliere.   Mais  Dieu  n'k 


^5 
point  eu  befoin  de  tout  cela  pour  la  crea^ 
tion  du  monde.  Sa  feule  parole,  &  la  feule 
authoriré  de  Ton  commandement  a  fuffi 
pour  tirer  toutes  choicsdu néant, 6c pour 
les  former  6c  les  arranger  en  cet  ordre  au- 
quel elles  nous  paroiilenc  fi  admiirables. 
C'eft  pourquoy  le  Prophète,  au  Pkaumc 
3j.  pour  montrer  combien  émerueillable 
ell  la  puiflance  de  Dieu,  dit  quil  a  parler  ^ 
que  les  chofes  ontefé  faites  :  qu'il  a  commande ^ 
^  que  ce  quil  a  dit  a  eu  [on  el^re.  Or  cette  pa* 
rôle  prononcée  au  commencement,  mes 
Frères  ,  a  vne  eiScace  perpétuelle.  Car 
quand  Dieu  a  dit ,  Qjue  la  lumière  foit ,  il  n'a 
pas  entendu  qu'elle  ait  exiflé  feulement  à 
ce  moment  là,  ou  qu'elle  ait  duré  pour  va 
peu  de  temps ,  ôc  que  puis  après  elle  fe  foie 
efteinte.  Il  a  voulu  qu'elle  ait  toujours 
fubfillé  pour  éclairer rVniuers,  Et  quand 
par  fa  mefme  parole  il  a  formé  toutes  les 
autres  chofes ,  c'a  efté  à  intention  ou  qu'el- 
les fe  maintinflent  en  leur  propre  eftre  juC- 
quesàlaconfommationdes  fiecles,  com- 
me les  cieux,&  les  deux  grands  luminai- 
res, &  les  elemens  :  ou  qu'au  moins  elles 
fe  prouignaJÛTent  par  la  génération  ,  8c 
qu'ainfi,  à  mefure  que  les  indiiiidus  vont 
periiTanc  ,  leurs  efpeces  fe  conferuent^ 


64. 
ce  qui  fe  Voit  en  toutes  les  chofes  qui 
font  compofées  de  la  matière  élémentai- 
re. Il  y  a  donc  vne  certaine  vertu,  qui^ 
S'il  faut  ainfi  dire  5  émane  inceflammentôc 
parvn  flux  continuel,  de  cette  parole  que 
Dieu  a  proférée  au  commencement ,  la- 
quelle conferue  de  entretient  toutes  les 
parties  de  Tvniuers,  à  qui  elle  a  première- 
ment donné  leftre.  Et  c'eft  à  cela  que  T  A- 
poftre  faitallufionicy.  Car  comme  il  a  die 
au  verfee  immédiatement  précèdent  que 
c'eft  noftre  Seigneur  lefus  Chrift  qui  a  fait 
les  fiecles,  en  ces  paroles  il  nous  enfeigne 
que  c'eft  luy  qui  les  maintient.  Et  comme 
cette  parole  quia  efté  prononcée  au  com- 
mencement n*eft  pas  feulemêt  la  parole  du 
Père, mais  auffi  celle  du  Fils,  parce  que  co- 
rne on  a  accouftumé  de  dire  dâs  lesEfcoles^ 
toutes  les  œuures  de  la  Diuinité  qui  fefonc 
au  dehors  de  foneflence,  font  communes 
au  Père  6c  au  Fils  ,1a  vertu  par  laquelle  elle 
a  produit  rVniuers,  ÔC  par  laquelle  elle  le 
maintient,  doit  eftre  attribuée  au  Fils  com* 
meauPere^  ce  que  TApoftre  dit  expref- 
fement  pour  montrer  que  comme  ils  ont 
vne  mefme  puiflance  infinie,  ils  ont  auflî 
vne  mefme  Diuinité.  Le  troifiéme  égard 
auquel  il  faut  confiderer  cette  narration, 

c'eft 


c^eft  qu'elle  a  vne  fignifîcation  typique.  Ca^ 
la  première  création  a  eftë  vne  figure  de  la 
féconde  :  ce  que  TEfcnture  nous  enfeigne 
en  diuers  endroits.    Quand  fàint  Paul ,  au 
chap.  4 .  de  la  féconde  aux  Corinthiens  par-    ^ 
leainfi:  Celuy  qui  a  dit  que  la  lumière  refplen- 
diji  des  ténèbres ,  a  reluy  en  nos  cœurs ,  four  nom 
àonner  illumination  de  la  connoiffance  4^  la 
gloire  de  Dieu  en  la  face  de  Chrijl  j  il  a  vbulu 
que  nous  remarquaflîons  le  rapport  qui  eft 
entre  la  première  &  la  féconde  création, 
eç  ce  que  Tvne  6c  l'autre  a  commencé  par 
la  formation  de  la  lumière.   M  ais  celle-  là  efk 
corporelle ,  &  celle- cy  Ipirituelle ,  6c  eft  de - 
ftinée  à  donner  la  connoiilànce  des  vertus 
ëmerueillables  de  Dieu,  qui ,  comme  je  vous 
difois  Dimanche  dernier,  font  appellëes  de 
ce  nom  de  gloire.   Ailleurs  les  Prophètes 
nous  promettent  nouueaux  cieux  6c  nouuel. 
le  terre  en  la  manifeftation  du  Mefîîe  :  6c  les 
Apoftres  rapportent  cela  à  lareuelation6c  à 
laduenementdelefus  Chrift.  Chrift appel- 
le en  quelque  heu  le  changement  que  la  pré- 
dication de  fonEuangile  deuoit  apporterai! 
monde ,  vne  nouuelle  génération  ,  parce  que 
toutes  chofes  y  deuoient  eftre  créées  encore 
vne  fois.  Saint  Paul  interprète  cela  en  ces 
paroles  du  chap,  j.  de  la  féconde  aux  Corin- 

E 


\f.\j.  tliielis:  Leî  chofes  vieilles  font  fafsèes  ^  voicy 
toutes  chofes  font  faites  nouuellee  :  &  y  a  en  ^\^ 
uers  lieux  d*autres  paflàges  femblables.Ainfi 
la  raifon  veut  que  nous  croyions  que  cette 
*  parole  que  Dieu  a  employée  au  commence- 
ment pour  la  formation  de  PVniuers,  ait  re- 
prefenté  quelque  cliofe  à  peu  prés  de  mefme 
nature,  qui  s'eft  faite  en  la  création  de  ce 
nouueau  monde  dont  noftre  Seigneur  efl: 
autheur.  Et  la  chofè  parle  d'elle,  mefme.  Car 
c*eftparla  parole  de  l'Euangile  que  s'eft  Éli- 
te &  que  fe  continue  cette  nouuelle  généra- 
tion de  l'Vniuers.  C'eft  elle  qui  produit  la 
foy  en  nous ,  &  la  confolation ,  &  la  fandifi- 
cation,  &l'e(perance^  &  la  patience,  &  en 
vn  mot,  toutes  les  vertus  Chreftiennes  par 
lefquelles  nous  fbmmes  faits  nouuelles  creatU" 
res  ,  comme  l'Apoftre  fàint  Paul  parle  au 
mefme  endroit  que  je  viens  d  alléguer.  C*efl: 
par  ce  moyen-là  que  s'efl  formée  l'Eglife ,  & 
c]ue  les  efleus  de  Dieu ,  qui  font  difperfez  en 
toute  la  terre,  fe  recueillent  6c feramaiîent 
enfemblepour  compofer  vimouueau  mon- 
de où  habite  la  jufticeôc  la  faindeté .  C'eft 
par  ce  moyen- là  encore  que  cette  mefme 
Eglife  fera  conferuée  &  fubfifterajufques  à 
la  confommation  des  fîecles ,  &  qu'elle  fera 
enfin  amenée  à  la  jouiiTance  de  la  bien-heu- 


reufe  6c  glorieufe  immortalité.  Et  il  y  àicy 
à  confiderer  ,  mes  Frères  ,  que  ce  monde 
vniuerfel  n*eft  conferuë  finon  à  canfe  de  TE- 
glife.  Car  (ans  que  Dieu  a  des  Elleus  en  tou- 
tes les  parties  du  monde,  &  de  la  vocation 
defquels  il  a  tellement  difpoië  qu'il  ne  les 
appelle  à  foy  finon  de  temps  en  temps ,  èc  de 
fiecle  en  fiecle,  jufques  a  leur  accomplifFe- 
ment ,  il  ya  déjà  long-temps  que  Dieu  auroic 
amené  le  dernier  jugement,  &  qu'il  auroic 
mis  toute  l'apparence  extérieure  de  cet  vni* 
uers  en  cendre.  Le  monde  donc  eftantcon-^ 
ferué  feulement  à  caufé  de  l'Eglife ,  &  l'Egîi- 
fe  n'eftant  maintenue  que  par  la  parole  de 
Chrift ,  encore  en  cet  égatd  il  eft  vray  de  di^ 
re  que  noftre  Seigneur  lefus  fouftient  toutes 
chofes  par  fa  Parole  puifTante,  ôcquec'eft 
elle  qui  les  fait  toutes  fubfifter.  Mais  \i[  y  a 
encoreicy  quelques  obferuationsaiTezcon- 
fiderables  à  faire.  Cette  Parole  que  Dieu  a 
autrefois  employée  pour  la  production  des 
chofes ,  à  proprement  parler  ,  ne  les  a  pa$ 
faites  finon  en  ce  qu'elle  a  contenu  le  com^ 
mandement  qu'elles  fe  fifiTent.  Car  ce  n'e- 
ftoit  autre  chofe  quVne  voix ,  qui  bien  qu'el- 
le euft  efté  formée  immédiatement  de  Dieu^ 
n'eftoit  pourtant  rien  finon  vn  fon  articulé^ 
qui  declaroit  quelle  eltoic  la  volonté  de  Dieu 

Eij 


68 
en  cette  occurence.  Pour  donc  contribuer 
quelque  chofe  à  fon  exécution  ,  il  falloit 
qu'elle  rencontraft  des  objets  qui  euflent  les 
facultez  propres  ôc  difpofëes  à  receuoir  le 
commandement  qu'elle  portoit.    Or  ny  la 
lumière^  ny  les  autres chofes  qui  n'eftoient 
point  5  n*auoient  point  de  telles  facultez  en 
elles- mefines,  puis  qu'elles  n'eftoient  point 
encore:  caries  facultez  ne  peuuent  fubfifter 
iînon  en  vn  certain  Tu  jet  qui  exifte  vérita- 
blement.   Et  il  en  eft  ainfî  de  la  Parole  de 
l'Euangile  en  la  création  de  ce  nouueaa 
inonde  duquel  je  vous  ay  parlé.  Elle  con- 
tient bien  en  elle  mefme  &  le  commande- 
ment &  les  motifs  qui  doiuent  porter  les 
hommes  à  la  foy  6c  à  la  faintetë  :  mais  neant- 
moins  toute  feule  elle  ne  les  peut  produire 
en  eux ,  parce  que  naturellement  ils  ne  font 
pas  difpofez  à  cela  ^  Se  que  s'ils  y  ont  quel- 
ques facultez  ^  comme  eft  lentendementSc 
la  volonté ,  elles  font  tellement  embaraflees 
delà  corruption  du  péché ,  qu'il  eft  abfolu- 
ment  impoffible  que  d'elles  mefmes  elles  fè 
déployentà  luy  rendre  obeïflance.  Encore 
y  a  t-il  cela  dans  les  hommes  de  plus  contrai- 
re à  leur  vocation  afalut.qu'iln'ya  dans  les 
ehofès  qui  n'eftoient  point  de  contrariété  à 
leur  propre  création,  que  celles- cy  ne  relx« 


<Ï9 

ftoient  point  à  k  vertu  par  laquelle  elles  ont 
efté  produites  en  eftre,  au  lieu  que  ceux  là 
ont  de  nature  vne  auerfion  extrême  à  la  foy, 
&  vne  forte  inimitié  contre  Dieu.  Comme 
donc  en  la  création  des  chofes  il  a  fallu  que 
la  Parole  ait  efté  accompagnée  dVne  vertu, 
cachée  à  la  vérité ,  &  qui  n'a  paru  que  par  fes 
efFeds ,  mais  grande  &l  efficace  à  merueilles, 
ôc  abfolument  infinie  ,  parce  qu'il  en  faut 
vne  telle  pour  créer  les  chofes  de  rien  ^  ainft 
en  cette  reeeneration  du  monde  il  a  fallu 
que  la  Parole  de  l'Euangile  ait  efté  accom- 
pagnée d'vne  puiflànce  infinie  de  l'Efprit 
de  Dieu ,  qui  eft  occulte  à  la  vérité  ,  èc 
qui  ne  fe  connoift  que  par  les  efFects  qui 
s'en  produifent,  mais  qui  eft  grande  à  mer- 
ueilles,  comme  TApoftre  l*enfeigne,quand  il 
dit  que  c*eft  félon  l excellente  grandeur  de  la 
-puiffance  de  la  force  de  Dteu  que  nous  croyons. 
Et  comme  cette  mefine  vertu  de  Dieu  qui 
s'eft  autrefois  déployée  en  la  création  des 
chofes,  eft  celle  qui  les  fouftient  encore  en 
leur  eftre,6cqui  empefche  qu'elles  ne  retour- 
nent à  néant,  donnant,comme  je  vous  ay  dit, 
vne  vigueur  perpétuelle  à  cette  parole  que 
Dieu  a  proférée  en  les  créant,  cette  mefine 
puiflànce  de  Dieu  qui  par  la  vocation  des 
cleus  a  formé  TEglife  au  commencement^ 

E  iij 


70 
cfl:  celle  qui  la  conferue ,  &  qui  la  conferuera 
jufques  à  la  fin  du  monde,  accompagnant 
perpccuellement  cette  parole  de  l'Euangile, 
pour  la  rendre  jufques  à  la  confommation 
desfiecles  la  puijfance  de  Dieu  en  fhlut  a  tous 
çroya^is.  Cependant  c'eft  Chrift  qui  diftribiië 
cet  efprit  de  fagefle  6c  de  reuelation,  de  con^ 
foktion  ôc  de  landification  qui  conferue  la 
la foy dans l'Eglife& dans fes  fidèles,  &:  qui 
larendperfeuerantejufquesàla  fin.  Et  par- 
tant c'eft  Chrift  qui  fouftient  toutes  cliofes 
en  cet  égard,  &:  qui  empefclie  qu'elles  ne 
retournent  au  non  eftre  fpirituel,  d'où  elles 
ont  efté  tirées  par  la  vocation  celefte.  Or 
auons  nous,  mes  Frères,  diuers  très-beaux 
enfeignemens  à  tirer  de  l'explication  de  ces 
chofes.  Et  premièrement, rApoftre  a  ajouflé 
cecy  aux  paroles  précédentes,  expreffément 
afin  de  confirmer  la  preuue  qu>on  en  peut  ti- 
rer pour  la  diuinité  de  Chrift.  Car  il  eft  bien 
vray  que  ces  mots  :  la  refplmdeur  de  la  gloire ^ 
^  la  marqua  eny^auèe  de  la  fubfifience  de  Dieu^ 
contiennent  vne  chofe  fi  magnifique  &  fi 
glorieufe,  qu'il  faut  necefi[airement  que  ce- 
luyà  qui  elle  eft  attribuée  foit  Dieu  bénit 
éternellement.  E t  neantmoins  il  fe  pourroit 
faire  que  quelquVn  non  aflez  intelligent,  ou 
ennemy  de  la  vérité ,  fbupconnerqit  que  puij 


7^ . 

qivil  y  a  quelque  diftinclion  entre  h  refplen- 
deur,ôcce  donc  elle  eft  écoulée,  entre  la 
marque  engrauëe  &  ce  qu'elle  reprelente. 
Dieu  6c  le  Fils  ne  feroient  pas  vne  feule  de 
mefme  diuinité.  Afin  donc  de  leuer  ce  fcnu 
pulelà  5  de  d'ofter  des  efprits  des  hommes 
tous  les  foupçons  qu'ils  pourroient  auoir 
contre  cette  diuine  vérité,  l'A poftre  dit  que 
Dieu  &  le  Fils  n'ont  qu'vne  feule  Se  meime 
puiflànce,  qui  fouftient  toutes  chofès  en  leur 
eftre.  Or  s'ils  n'ont  quVne  mefme  puiflance, 
ils  n'ont  qu*vne  mefine  eflence  auflî ,  eftanc 
impoffible  qu'vne  feule  6c  mefme  vertu ,  de 
nommément  vne  vertu  infinie  comme  celle- 
cy,foit  en  deux  efTences  différentes.  En  effet 
TEfcriture  fainte  le  nous  enfeigne  de  la  forte, 
en  leur  attribuant ,  comme  elle  fait,  mefiTies 
chofes  &mefmes  opérations.  Si  elle  die  de 
l'Eternel  qu'il  a  créé  les  cieux  de  la  terre, 
comme  l'hiftoire  de  la  Genefe  le  raconte ,  de 
comme  tous  les  autres  Hures  du  VieuxTefla- 
mêt  en  font  femez,elle  dit  la  mefmç  chofe  de 
lefus  Chrift,  comme  j'ay  déjà  remarqué  que 
noftre  Apoflre  le  fait  en  ce  chapitre  icy ,  de 
S.  lean  au  commencement  de  fon  Euangile, 
de  S.  Paul  au  premier  chapitre  de  TEpiftre 
qu'il  écritàl'EglifedeColofTes.  Si  elle  rap- 
porte à  l'Eternel  la  deliurance  du  peuple 

E  iiij 


7^ 
d'lfi*aëIhorsclel*Egyp:e^  &  la  façon  de  la- 
quelle ce  peuple  s*eft  gouuerné  enuers  luy 
dans  le  defert  5  elle  mefme  le  rapporte  auffià 
noftre  Seigneur  lefus  Chrift,  comme  quand 
S.  Paul  au  lo.  chapitre  delà  première  Epiftre 
aux  Corinthiens,  dit  que  c'eft  luy  qui  aefté 
tenté  au  defert  par  les  Iftaëlites.  En  vn  mot 
TEfcriture  leur  Fait  toutes  chofes  communes, 
en  vertus  &  en  exploits ,  bien  qu'elle  les 
diftingue  manifeftement  en  leur  manière  de 
jfubfifter  dans  vne  feule  &  mefme  ellence 
dVne  éternelle  diuinité.  Et  cela  nous  ap- 
prend auffi  à  redarguer  la  témérité  &  Pauda. 
ce  des  hommes  mortels.  Parce  que  les  Em- 
pereurs dominoyent  autrefois  fur  vne  partie 
du  monde,  &c  que  cette  partie  du  monde 
leurfembloitfî  confiderable  qu'ils  l'ofoient 
bienappeller  de  ce  nom  de  l'Vniuers  &  de 
la  terre  habitable ,  ils  s'en  difoient  les  fei- 
gneurs ,  &  quelques- vns,  pour  reprefènter 
cela,  les  ont  portraits  tenans  vne  boule  en  la 
main,  comme  s'ils  y  euffent  porté  tout  le 
globe  de  la  terre.  Miferables  hommes,â  quoy 
fe porte  voftre  vanitéîEn  coparaifon  du  Ciel 
toute  la  terre  n'eft  quVn  poind  ;  6c  en  com- 
paraifon  de  la  terre,  Peftenduë  de  tout  TEm- 
pire  Romain  n*eft,  comme  quelques  vns  des 
Romains  mefmes  Tont  remarqué  ^  qu'ainfi 


75 
qu  vue  petite  tache  das  vne  mappe^monde. 
PourdoncgouLiernerfipeude  pays,  ont-ils 
deu  s'enorgueillir  de  telle  façon  qu'ils  s'efti- 
maflent  fouftenir  toute  la  terre  ?  Tant  s'en 
faut  qu'ils  en  ayent  efté  le  fouftien ,  que  plu- 
sieurs d'entr'eux  luy  ont  efté  à  charge  par 
leurs  crimes  &:  par  leurs  tyrannies  infuppor- 
tables,  où  qu'ils  ont  efté  à  fon  égard  comme 
des  torrens  impétueux  qui  l'ont  rauagée,  &: 
comme  des  torches  ardentes  qui  y  ont  caufé 
d'épouuantables  embrafemens.  Celuy  qui 
s'eft  emparé  de  leur  puiffance ,  de  qui  a  efta- 
bly  Ton  trône  dans  la  ville  où  eftoit  le  leur,  fe 
vante  ou  d'auoir  le  mefiTic  pouuoir,  ou  de 
beaucoup  plus  encore.  Car  outre  quùl  s'i- 
magine  auoir  l'autorité  de  difpofer  des  Roy- 
aumes de  la  terre  à  (à  volonté,  de  d'aucir  vne 
feigneurie  qui  s'eftend  depuis  vn  des  bouts 
du  monde  jufques  à  l'autre  ,  il  ordonne 
encore  par  Tes  Indulgences  des  chofès  qui  fe 
doiuent  faire  dans  la  terre ,  6c  dit  qu'il  vfe 
comme  il  luyplaift  du  miniftere  des  Anges 
des  Cieux.  A  dire  le  vray  pourtant,  ia  puif- 
fance eft  incomparablement  moindre  que 
n'eftoit  celle  des  Empereurs  autrefois.  Il 
n'ofèroit  auoir  choqué  l'autorité  des  Poten- 
tats de  l'Europe ,  Çcnefçauroit  auoir  arrcftc 
les  inondations  du  Tybre,  quand  il  menace 


74 
h  ville  de  Rome ,  &  qu'il  paATe  par  defliis  fcs 

bords.  Voulez  vous  donc  que  je  vous  die 
quelle  eft  a  peu  près  l'imagination  qu*il  a  de 
h  grandeur  de  fa  puiflance  ?  Elle  eft  fembla- 
ble  à  celle  de  ces  pauures  vifionnaires  qui 
fontrenfermez  dans  le  voifinage  de  Paris.  Ils 
fecroyentauffilesfeigneursde  tout  le  mon- 
de ,  ils  fe  figurent  que  ce  que  le  Soleil  tourne 
c'cft  par  leur  commandement  :  ôc  s'ils 
voyoient  vne  riuiere  fort  enflée  ,  ou  les 
grands  flots  de  la  mer,  ils  diroient  que  c*efl: 
leur  volonté  qui  les  éleue  ou  qui  les  appaife, 
&  qu'ils  roulent  quand  il  leur  plaift  là  defliis 
ainfî  que  dans  vn  carrofl^e ,  comme  faifoit 
Neptune  autrefois.  La  différence  qu'il  y  a 
c*eft  que  la  folie  des  vns  vient  de  quelque 
maladie  du  cerueau ,  au  lieu  que  Timagina- 
tion  de  l'autre  procède  des  vices  de  la  con- 
fcience.  Des  vns  la  fantaifie  eft  pitoyable ,  6c 
de  l'autre  l'ambition  eft  odieufe  &:  digne  de 
chaftiment.  La  manie  des  vns  eft  reftrainte  à 
leurs  perfonnes  de  ne  fe  communique  pas:  au 
lieu  que  l'opinion  que  l'autre  à  de  fon  pou- 
uoirinfiny, infatué  ôc  enforcele  diuerfes  na- 
rions  de  la  terre.  Au  refte,  comme  noftre 
Seigneur  fouftient  le  monde  par  la  puiflânce 
de  fsi  Parole,celuy  là  qui  fè  dit  eftre  fon  Lieu- 
tenant 5  entreprend  auffi  de  gouuerner  toute 


75 
rEglifepar  k  puiflànce  de  la  fienne.  C'efl 

pour  cela  qu  il  fe  ferc  de  fes  Bulles,  &  de  (es 
Brefs ,  &:  des  Canons  de  Tes  Conciles ,  &  de 
fes  propres  Conftitucions  6c  de  celles  de  fes 
deuanciers.  Maisenfupprimantla  Parole  de 
Chrifl: ,  &  en  oftant  autant  qu'il  peut  la  con- 
noilîance  aux  Chreftiens ,  entant  qu'en  luy 
eftilfouftraitaumondelereul  appuy  qui  le 
fouftient,  &  en  fubftituant  fa  parole  en  la 
place  de  celle  de  Chrift,  il  renuerfe  TEglife 
de  Dieu  6c  la  Religion  Chreftienne  de  fond 
en  comble.  Mais  pour  laifler  rEuefque  de 
Rome  à  part,  ces  paroles  de  noftre  Apoftre 
nous  fourniflent  vne  merueilleufe  matière 
de  confolation  6c  d'afTeurance.  Car  puis  que 
nousauons  vn  Rédempteur  fi  puiflânt ,  'qu'y 
peut-il  auoir  que  nous  craignions  ou  au  Ciel 
ou  en  la  terre?  Craindrons  nous  les  tremble- 
mens  de  la  terre  ou  les  inondations  des  eaux? 
C'eft  luy  qui  a  adîs  la  terre  fur  ks  fondemês, 
qui  commande  aux  mouuemens  de  l'Océan, 
6c  qui  luy  adit,icys'arreftera  Téleuation  de 
tes  vagues.  Aurons  nous  peur  des  déborde- 
mens  6c  des  fouleuemens  des  peuples  ?  C'efl: 
luyquiprefidefjrles  émotions  des  nations, 
comme  il  a  fait  fur  les  eaux  du  Déluge  autre- 
fois ,  les  incitant  ^  les  arreftant  comme  il 
luy  plnift  parfà  Prouidence.    Aurons- nous 


.76 
quelque  dpprchenfion  de  la  puiflànce  des 
Grands  &  des  Potentats  ?  C*eft  luy  qui  tient 
les  cœurs  des  Rois  en  fâ  main ,  comme  le  de- 
cours  des  eaux ,  ôc  qui  les  incline  où  bon  luy 
femble.  Soupçonnerons-nous  nojftre  propre 
corruption,  éc  l*inftabilitédenos  volontez? 
C*efi:Iuy  qui  par  la  puiflànce  de  fon  Efprit 
cclaire  nos  entendemens,  &  qui  reforme  nos 
afFeâ:iôs,&  qui  les  détermine,  6c  qui  les  fixe 
à  conferuer  auec  noftre  Seigneurlefiis  Chrift 
vne  communion  infeparable.  Redouterons- 
nous  la  violence  du  monde ,  ou  bien  fes  aile- 
chemens  ?  Noftre  Seigneur  lefus  eft  celuy 
qui  Ta  vaincu ,  &  qui  en  le  vainquant  a 
rendu  vains  tous  ks  efforts  contre  nous, 
&  qui  a  ofté  l'efficace  à  (es  appafts  ,  6c  la 
pointe  à  fès  amorces.  Enfin  le  Malin  parfes 
embufches,  6c  par  fes  tentations,  6c  parla 
violence  de  fes  attentats ,  nous  caufera-t  il 
quelque  frayeur  .^  Frères  bien-aimezen  no- 
ftre Seigneur ,  c'eft  véritablement  vn  enne- 
my  fort  à  craindre.  Il  rode  continuellement 
à  î'entour  de  nous  pour  trouuer  quelqu'vn  à 
deuorer,  6c  fi  noftre  Seigneur  ne  Parreftoit 
parla  vertu  de  cette  main  inuifible  qu'il  op- 
pofe  à  toutes  fes  machinations ,  nous  n'éui- 
tenons  jamais  de  fuccomber  àfes  aflautsou 
d'eftre  enueloppez  dans  Çqs  embufçhes.  Mais 


77 
ce  grand  Rédempteur ,  dont  nous  célébrons 

icylapuijGTance,  rade(àrmé,&  s'il fe remue 
encore,  s*ii  tracafle,  s'il  entreprend  contre 
l'Eglife  de  Dieu  &c  contre  nous ,  voulez- 
vous  que  je  vous  dife  à  quoy  celaeftfembla- 
ble  ?  C'eft  comme  quand  vne  baleine  a  re- 
ceu  le  harpon  dans  le  corps,  Ellemugle  hor- 
riblement, elles*agiteauec  vnemerueilleufè 
violence  :  elle  émeut  de  grandes  vagues  en 
fe  remuant ,  elle  choque  les  vailTeaux  qui  fè 
trouuent  à  fà  rencontre.  Mais  à  mefiire  qu'el- 
le fe  tourmente  elle  va  perdant  fon  fàngj 
&  fà  vigueur  s'écoulant,  &  fes  forces  fe  di- 
minuant peu  à  peu ,  enfin  on  la  voit  échouer 
miferablement  au  riuage.  De  mefme  ce 
grand  ennemy  de  noftre  (àlut,  après  auoir 
receu  de  la  main  de  noftre  Sauueur  ce  grand 
coup  dont  il  a  efté  bleffé ,  fait  en  ces  derniers 
temps  de  fon  règne  des  efforts  extraordinai- 
res par  le  fentiment  de  fa  douleur  ,  de  par 
l'irritation  que  luy  donne  la  ruine  de  fa  domi- 
nation 3  mais  il  ne  fait  pourtant  déformais 
rien  autre  chofe  que  languir  ,  jufques  à  ce 
qu*au dernier  jour  il  foit  précipité  dans  Ta- 
byfme.  Déplus,  mes  Frères,  puis  que cefl 
par  1  efficace  de  cette  diuine  Parole  de  TE- 
uangile  que  noftre  Seigneur  fouftient  toutes 
choies  en  leur  cftre  5  6c  principalement  qui! 


•  ,3  1 

con férue  en  nous  la  foy  ,  qu'il  y  auance  h 
fànclifîcation  ,  qu'il  y  enracine  l'efperance, 
fouuenons-nous  tousjours  de  Tauciren  fin- 
guîiere  recommandation.  Vray  eft  que  com- 
me je  le  vous  ay  die,  cette  parole  ne produi. 
roit  point  ces  grands  efFeds,  fi  elle  n'eftoit 
accompagnée  de  l'Efprit  de  lefus  Chrift,qui 
îuy  donne  entrée  ôc  efficace  en  nos  âmes. 
Mais  auliî  cet  Efprit  ne  fe  donne  ordinaire- 
ment que  par  le  miniftere  &c  auec  la  prédica- 
tion de  la  Parole  ,  &  il  n'eft  ordonné  que 
pour  rendre  nos  entendemens  capables  de 
lareceuoir.  Tellement  que  fi  nous  voulons 
en  eftre  participans  il  faut  eftre  attentifs  à 
cette  prédication ,  vacquer  auec  aflîduité  à 
la  ledure  des  hures  diuins ,  méditer  bien  foi- 
gneufement  les  dodrines  qui  y  font  conte- 
nues ,  &  auoir  continuellement  cet  objet 
dcuant  les  yeux  de  l'entendement.  Car  c^efl: 
le  moyen  duquel  Dieu  fe  fert  pour  fouftenir 
la  foy  en  nous  5  &  pour  y  conferuer  l'eftre  Sc 
la  vigueur  à  cette  nouuelle  créature  qu'il  y  a 
formée.  Vouspouuez  encore  adjoufter  cet- 
te confideration  aux  autres.  C'elt  que  la 
parole  de  laquelle  Moyfe  dit  que  Dieu  s'eft 
îeruy  pour  la  première  production  des  cho- 
fês  par  la  creation,a  eu  pour  but  de  leur  com^ 
muniquer  vn  eftre  naturel  àlavçrité  ,mai3 


n 

non  endormy  pourtant  oc  reflerré  en  foy- 
inefiTie ,  fans  le  defployer  en  aâiions.  Par  cet- 
te diuine  parole  toutes  chofes  ont  receu  cer- 
taines facultez  qui  fe  defploycnt  en  desope^ 
rations  qui  leur  font  conuenables.  Car  les 
yeux  ont  efté  donnez  pour  voir ,  ^  les  oreil- 
lespourouïr,  ôc  les  autres  organes  desfens 
pour  exercer  leurs  fondions  ,  &  générale- 
ment toutes  les  efpeces  des  chofes  ont  efté 
douées  de  leurs  puiiflances,  pour  produire 
diuers  ades ,  chacune  félon  la  nature  de  Te-^ 
ftre  qu'elle  a  receu.  Cette  autre  parole  donc, 
quej-aydiuerfesfoisapellëe,  de  PEuangile, 
ayant  efté  deftinée  à  produire  en  nous  vu 
eftre  fpirituel  &  furnaturel  par  vne  nouuelle 
création  ,  &  nous  donnant  aufli  certaines 
facultez capables  défaire  des  adions  de  re- 
pentanceàde  faindeté,  nous  deuons  ainfi 
faire  noftre  conte ,  que  toute  noftrc  vie  doit 
eftre  employée  à  agir  félon  ce  principe-la. 
Il  faut  donc  eftre  pieux  enuersDieu,  chari- 
tables enuers  nos  prochains  ,  fobres  &;  at- 
trempez  en  nous-  mefmes ,  zélateurs  de  tou^ 
tes  les  chofes  bonnes ,  &:  faire  en  toutes  oc- 
currences paroiftre  cqs  inchnations  en  noftre 
conuerfation.  Car  comme  s*il  y  auoit  en  la 
Nature  des  chofes  quelque  créature  qui  n'y 
fîftrien,  onreftimeroitabfolument  indigne 


8o 
de  fon  eflre ,  &:  à  peine  croiroic  on  qu'elle 
en  euft  receii  aucun  de  la  main  de  Dieu^ainfî 
,  quand  dans  ce  nouueau  monde  qu'on  nom, 
me  TEglife  il  fe  rencontre  quelqu'vn  qui  ne 
vit  pas  dVne  fai^on  conucnable  à  cette  nou- 
uelle  création ,  il  vaudroit  autant  qu*il  fuft 
hors  de  l'enceinte  de  ce  nouuel  Vniuers, 
parce  qu'il  n'apasl'eftre  ny  les  qualitez  di- 
gnes de  cette  féconde  naiflànce.  Enfin, 
mes  Frères,  cet  eftre  naturel  que  la  premie- 
ie  création  a  donné ,  doit  paflèr.  Tous  les 
ans  la  terre  change  d'apparence,  &c  toutes 
hs  chofes  compofées  des  elemens  efprou- 
uent  mille  variations.  Les  grands  empires  fe 
diflîpent^  &  à  peine  refte-t-il  dansThiftoire 
quelque  trace  de  ceux  qui  ont  efté  aux  fie^ 
clés  paflcz.  Les  cieux  mefimes  qui  paroiiïent 
il  fermes  &  fi  conftans,  fouffrirontà  la  fin 
de  fi  notables  mutations,  que  TEfcriture 
fainte  ne  fait  pas  difficulté  de  dire  à  cette 
occafion  qu'ils  périront ,  parce  que  leur 
ancienne  conftitution  n'y  fera  plus  recon- 
noiflfable.  Tellement  que  bien  que  cette 
parole  prononcée  au  commencement ,  ait 
encore  maintenant  de  la  vigueur  pour  fou- 
ftenir  cet  vniuers ,  cette  vigueur  ceffera 
pourtant  au  fécond  aduenement  de  noftre 
Seigneur  ,  quand  toutes  chofes  perdront 

leuf 


8i 
leur  eftre  corruptible  &  naturel^  pourpaf- 
1er  dans  vne  condition  différente.     Mais 
quant  à  cette  nature  fpirituelle  &c  celefte 
qui  nous  eft  communiquée  par  la  Parole  de 
l'Euangilede  lefus  Chriftjelleeftabfolumêc 
imperillable.  Car  dés  maintenant  cette  di- 
uineparoleaccompagnée  de  l'Efprit^afait 
en  nous ,  fi  nous  (ommes  véritablement 
Chreftiens  ,  vne  impreflion  de  Foy  ,  de 
confolation  ,  de  fàinteté  ,  qui  ne  fe  peut 
jamais  effacer.  Et  quant  à  ce  que  nous  ea 
attendons  en  l*apparition  de  noftre  Sauueur^ 
outre  les  lumières  admirables  de  toutes  for- 
tes de  connoiflànces  qui  rempliront  nos 
âmes  éternellement,  nos  corps  feront  reue- 
ftus  d*incorruption  &:  de  vie  immortelle  &: 
glorieufe.   Le  Seigneur  lefus  qui  nous  en  a 
donné  Tefpcrance  ,  &:  qui  nous  en  fournit 
le  modelle  en  la  perfonne  là  haut  ,  vueille 
par  fi  puilTance  infinie  accomplir  Tœuure 
du  fàlut  en  nous ,  &  à  luy  comme  au  Père 
&  au  Saint  Efprit,  vn  feul  Dieu  bénit  éter- 
nellement ,  foit  gloire  ,  force  &  empire  aux 
fiecles  desfiecles ,  Amen. 


TROISIESME    SERMON, 
fur  ces  paroles, 

JÎyant  fait  far  foy  me  [me  la  purgation  de 
nospechez^i  ilseftajjîs  a  la  dextre  de  la  Majefie 
es  lieux  tr es-hauts. 

RERES     BIEN-AIMEZ 

EN    NOSTRE  SeiGNEVR: 

C*efl:  vne  chofe  qui  a  eftë  reuelée 
dés  le  commencement,  &  dont  la  reuelation 
a  efté  reprefentée  en  diuers  types,comme  eni 
à^^  tableaux,  8c  renouuellée  de  temps  en 
temps  par  les  paroles  des  Prophètes  ,  que 
comme  le  Rédempteur  du  monde  auoit 
beaucoup  à  foufFrir  quand  il  feroit  manife- 
ilé^auflî  fes foufFrances  deuoient  elles  eftre 
fuiuies  de  grandes  gloires.  Si  dans  cet  oracle 
que  Dieu  prononce  pour  releuer  les  efperan- 
ces  de  la  race  humaine ,  qui  eftoient  tombées 
à  terre  par  le  péché ,  il  dit  que  le  ferpent  bri- 
ieroitletalonàlafemence  delà  femme,  ce 
qui  a  efté  exécuté  en  la  Paffion  de  C  hrift ,.  il 
ditauffique  la  femence  de  la  femme  écra- 
fèroit  la  tefte  du  ferpent,  ce  qui  contient 
vne  prédiction  de  la  victoire  du  Meffie.  Si  la 


8^ 
hiort  d' Abel,  tué  par  fon  frère ,  a  reprefènté 
côme  vne  image  de  ce  que  les  luifs,  les  frères 
de  noftre  Seigneur  félon  la  chair,  machine- 
roient  quelque  jour  ôc  executeroienc  contré 
luy,  le  tranfport  d'Henoc  la  haut  au  ciel  lans 
voir  la  mort,  aefté  vn  bel  emblème  de  TA- 
fcenfion  de  noftre  Seigneur  lefusChrift  dans 
les  lieux  celeftes.  Si  dans  le  facrifice  qu'A- 
braham auoit  refolu  défaire  de  fbn  fils  lùac^ 
par  où  il  fut  amené  jufques  aux  portes  de  la 
mort ,  il  y  a  eu  quelque  ombre  de  Toblation 
qui  deuoit  eftre  faite  de  la  perfonne  du  Sau- 
ueur  en  la  plénitude  des  temps  :  dans  (à  deli- 
urance,  qui  côme  dit  TApoftre  en  quelque 
lieu ,  reflembloit  à  vne  refurredion ,  il  y  a  eu 
vne  reprefentation  de  celle  par  laquelle 
noftre  Seigneur  eft  forty  glorieufèment  du 
fepulchre.  Il  en  eft  de  mefmes  de  tous  les 
endroits  où  ce  diuin  myftere  nous  eft  pré- 
dit ôc  préfiguré,  lofeph  eft  réduit  à  vne  mi- 
fereejitremedans  les  fofles  &  dans  les  pri^ 
fons ,  ce  qui  a  reprefènté  la  defcente  de  no- 
ftre Seigneur  dans  le  tombeau  :  mais  il  a  efté 
deliurédeU,  6c  éleuéà  vne  puillànce  fem- 
blable  à  celle  de  Pharao  ,  enquoy  nous 
voyons  vn  crayon  de  la  refurredion  de 
Chrift  &  de  fon  exaltation  ^  pour  s'afTeoir  à 
la  dextre  de  fon  Père.  Dauid  eft-  exposé  è 


H 

dîners  combats,  mais  il  en  demeure  victo- 
rieux ,&  comme  fo  perfecutions  Tont  fou- 
uenc  réduit  à  vn  eftat  fort  calamiteux ,  ôc 
dans  lequel  on  voit  vne  image  des  foufFran- 
ces  du  Fils  de  Dieu,  il  y  a  dans  la  fplendeur 
du  règne  de  Salomon  vn  portrait  de  la  gloire 
quenoftrelefuspoiïede  maintenant  dans  le 
fanduaire  de  fon  Pere.Efaye  au  53.de  {qs  Re- 
uelations  prédit  bien  certainement  qu'il 
deuoit  eftre  mené  à  la  tuerie  comme  vn 
Agneau: mais  il  ajoufte  incontinent  qu'il  a 
efté  enleué  de  la  force  de  l'angoiffe  &  de  la 
condamnation ,  &  qu  au  refte  là  durée  après 
cek,  deuoit  eftre  perpétuelle.  En  fin,  com- 
me lonas  a  efté  englouty  dans  le  ventre  du 
poiflbn,  ôc  a  paffe  dans  cet  abyfme  trois 
jours  Se  trois  nuits ,  il  a  efté  reuomy  fur  le  ri  - 
uagepar  le  commandement  de  Dieu,  ce  qui 
a  bien  iàns  doute  fignifié  que  le  Seigneur 
lefus  deuoit  eftre  englouty  dans  le  tombeau, 
mais  que  la  mort  le  deuoit  rendre  par  la  puiC- 
lance  de  Dieu,  &  le  remettre  en  la  jouillance 
de  la  lumière  de  la  vie.  Mais  bien  que  cela 
aireftéainfi  predii;,  &  comme  portrait  dé- 
liant les  yeux  du  peuple  d'Ifraël,  Ci  eft-  ce  que 
dVn  cofté  ces  prediâions  ont  efté  lî  impar- 
faites ,  &.  ces  types  fi  enigmatiques ,  à  caule 
de  la  condition  des  temps  ;  Se  que  de  Tautre 


les  entendemens  des  hommes  eftoient  fi  peu 
éclairez  de  la  grâce  de  rEfpric ,  parce  qu'a- 
lors TEglife  eftoit  encore  en  fon  enfance,que 
^'a  efté  vn  (ècret  qui  n'a  jamais  efté  entendu 
jufques  à  l'accomplilTement  des  temps  par 
Peuenement  des  chofes  mefmes.  Mais  en  la 
manifeftationdu  Rédempteur  ,  parles  cho- 
fes qui  luy  font  arriuëes  en  l'oeconomie  de 
fa  chair ,  èc  par  celles  qui  ont  fuiuy  Ces  fouf- 
frances ,  nous  auons  clairement  appris  que 
lefus  Chrift  a  efté  Huré  pour  nos  ofFenfes, 
qu'il  eft  reffufcité  pour  noftre  juftification, 
êc  qu*il  eft  monté  là  haut  au  Ciel  pour  y 
prendre  pofTeflîon  de  fon  royaume  à  la  main 
droite  de  fon  Père.  C'eft  ce  que  je  me  pro- 
pofedevous  expliquer  aujourd'huy  briéue- 
moyennant  la  grâce  deDien,  en  traittant  la 
fin  du  paflàge  que  je  viens  de  lire  deuanc 
vous,  où  il  eft  dit  que  Chrift  ayant  fait  par 
foy  mefme  lapurgation  de  nospeche^^  s'efiajjîs  k 
lit  dextre  de  la  Majefié  es  lieux  très-  hauts .  Car 
comme  vous  voyez,  ces  paroles  contiennent 
manifeftement  ce  grand  6c  glorieux  myfte- 
re.  Preftez  moy  donc  encore  cette  fois  vo- 
ftre  attention  en  la  dedudion  que  j*ay  à  vous 
faire  de  quatre  chpfçs  en  cet  ordre.  C'éft 
que  noi^  verrons  premièrement  ce  que  fi- 
gnifient  ces  termes,  lapurgation  de  nos  péchez^ 

V  iij 


u 

Puis  après,  comment  noftre  Seigneur  l'a 
faite  parfoy  me  [me.  En  troifiéme  lieu^  ce  que 
veulent  dire  ces  paroles ,  qu*i/  s'eft  ajjîs  à 
I4  âextre  de  Dieu.  Et  en  fin,  pourquoy  il 
exprime  le  nom  de  Dieu  par  celuy  de  Maje- 
fié  y  &  pourquoy  il  a  adjoufté,  es  lieux  très- 
hauts.  Or  quant  à  la  première  Se  ces  chofes, 
cette  parole  ,  fechi  ,  fignifie  généralement 
tout  ce  qui  eft  contraire  à  la  pieté  que  nous 
deuonsàDieu,  à  la  charité  dont  nous  fem- 
mes obligez  enuers  nos  prochains ,  &  à  la 
tempérance  &  honneftetë  qui  conuient  à 
jl'excelkiice  de  noftre  nature.  Et  cela  fe  doit: 
entendre  tant  àts  chofes  qui  confiftent  en 
aâionsjquife  produifent  au  dehors,  ou  qui 
font  des  opérations  de  nos  facultez,  que  de 
celles  qui  confiftent  en  habitudes  qui  ont 
leur  fiege&  leur refidence  dans  les  facultez 
mefiîies  de  nos  âmes.  Et  quand  je  dis  les 
habitudes ,  j*entends  ,  non  pas  feulement 
celles  que  nous  pouuons  auoir  acquifes  par 
la  couftume  de  faire  de  mauuaifes  adionsj 
comme  il  n*y  a  perfonne  qiû  reuoque  en 
doute  que  cela  ne  fe  puifle  nommer  du  nom 
dépêché^  mais  encore  cette  forte &inuin- 
cible  inclination  que  nous  auons  naturelle»- 
ment  au  mal ,  &  que  nous  appellonÉy^rdinai- 
rçrnent  du  nom  de  feché  originel  5  parce 


^7. 
i   qu*encore  que  nous  le  tirions  de  Torigîne  de 

laquelle  nous  fommes  iiTus  ,  il  ne  laifle  pas 
d'eftre  péché  pourtant ,  ôc  l' Apoftre  le  qua- 
lifie ainfi  au  chap  .7.de  TEpiftre  auxRomains. 
Et  çle  faid,  c'eft  vne  conftitution  vicieufe 
en  elle-mefme ,  &  qui  nous  pouiGTe  naturel- 
lement à  toute  forte  de  mal.  Or  en  quelque 
égard  que  Ton  confidere  le  péché,  foiten 
habitudes  ou  en  adions  ^  l'Efcriture  fainte  a 
accouftumé  de  lereprefenter  fous  l'idée  dV- 
ne  /biiillure ,  d* vne  impureté ,  d' vne  immon- 
dicité  ôc  dVne  tache  /qui  corrompt  &qui 
défigure  les  chofes  aufquelles  elle  efl:  atta- 
chée, &  qui  ofFenfe  les  yeux  quand  on  les 
jette  deflus.  En  efFed ,  le  péché  qui  confifte 
en  adions  ^  gafte  la  conuerfation  extérieure, 
&  la  rend  odieufe  &:  choquante  aux  yeux 
des  hommes.  Et  celuy  qui  confifte  en  habi- 
tudes, fouille  Tinterieur  de  Thomme  de  le 
rend,haïfi[àble  aux  yeux  de  Dieu.  Et  fi  nous 
auions  les  yeux  affezperçans  pour  pénétrer 
jufques  dans  Tame  d'vn  méchant  homme, 
nous  y  verrions  par  tout  des  chofes  qui  nous 
feroient  de  l'horreur.  Car  dans  cette  partie 
fuperieure  qu'on  appelle  l'intelligente  &  la 
raifonnable,  nous  apperceurions  les  erreurs 
les  herefies ,  les  idolâtries  &  les  fuperftition  s  ' 
&  ces  autres  peftes  femblables  qui  mfeden 

F  iiij 


83 
ccqu*ilyad[eplns  fpirituel  en  luy.  Dans  k 
partie  inférieure  qu'on  appelle  dans  les  Efco- 
îes  du  nom  d'appétit  fenfuel ,  nous  verrions 
au  lieu  où  loge  la  conuoitife ,  Tyurognerie, 
la  gounnandile ,  la  paillardife ,  la  diflblutipn. 
Oc  les  vices  de  cette  nature ,  qui  font  comme 
des  belles  fales ,  gifàntes  en  de  l'ordure ,  §c 
vilaines  à  regarder.  Et  dans  l'appartement 
de  la  colère  ,  nous  verrions  le  defir  de  la 
vengeance,  les  meurtres ,  les  enuies ,  les  con- 
tentions ,  ôc  les  autres  vices  femblables, 
comme  dans  vne  cauerne  profonde  ,  des 
lions  5  *&  des  ours ,  &  des  panthères  y  èc  tou- 
tes telles  autres  fortes  de  beftes  fàuuages  qui 
manifeftent  leur  férocité  par  de  fiers  6c 
horribles  liurlemens.   Cette  fouillure  du  pé- 
ché donc,  peut  eflre  confiderée  en  deux 
difFerens  égards  :  c'efi:  aflàuoir  entant  que 
comme  je    viens  de   dire  cela  corrompt 
nos  facultez ,  &  gafte  leurs  opérations  ,  ôc 
entant  que  cela  caufè  de  lirritation  à  la  jufti- 
ce  de  Dieu ,  ôc  nous  oblige  à  la  foufFrance  de 
fa  vengeance.  Et  ces  deux  égards  du  péché 
font  abfolument  infèparables  ,  tant  par  la 
nature  de  la  chofe  ,  que  par  celle  de  Dieu 
meftne,  6c  de  ce  que  nous  appelions  ordi- 
nairement jullice  en  luy.    Car  aucun  n'a 
jamais  efté  corrompu  de  péché  en  foyanef. 


8P 

me  ^  qui  n'aît  mérité  la  punition ,  &  qui  n'ait 
eftë  criminel  en  la  pr;erencede  Dieu  :  6c  au 
contraire  Jamais  au€un  n'a  efté  criminel  dc- 
uant  Dieu  ny  jugé  digne  de  punition  par  luy, 
qui  n'ait  premièrement  efté  contaminé  de 
cette  tache.  Mais  bien  qu'ils  foient  abfolu- 
iTient  infeparables ,  ils  font  neantmoins^com- 
me  vous  voyez,  fortdiftincls,  &  félon  leur 
diftindion,  ils  le  nettoyent  par  de  différen- 
tes fortes  de  lauemens,  &  fe  gueriflent  par 
diuers  remèdes  ,  &  qui  font  dVne  efficace 
fort  diflemblable.  Car  en  ce  premier  égard 
la  purgation  du  péché  fe  fait  par  ce  que  TEf- 
çriture  appelle  la  régénération  &  la  fandifi- 
cation ,  laquelle  eft  vn  effed  de  la  communi- 
cation du  Saint  Efprit,  qui  illumine  les  en- 
tendemens  de  la  connoiflance  de  la  vérité, 
qui  repurge  les  afFedions  de  la  Conuoitife, 
enymettant?impreflîonde  fà  faindeté,  &: 
qui  enfin  donne  a  cette  partie  qu*on  appelle 
la|Dolereourirafcible,  vne  profonde  tein- 
ture de  la  charité  &  de  la  modération  Chre- 
ftienne.  Et  cela  s'appelle  de  ce  nom  de  pur  - 
gation  àc  de  nettoyement.  Comme  quand 
les  Prophètes  difènt,  lauer^votis  ^  nettoyé^" 
vo7is\  ils  entendent  le  lauement  qui  fe  fait  par 
la  repentance.  Et  quand  les  mefmes  Pro^ 
phetes  promettent  des  eau^  nettes ,  ils  cnten. 


90 

dent  la  grâce  de  régénération ,  que  TE/prit 
de  Dieu  deuoic   communiquer  à  TEglife, 
Les  lauemens  qui  fe  pratiquoient  fous  l'an- 
cienne  Alliance  prefiguroient  la  fandifîca- 
tion  qui  fe  fait  par  la  vertu  de  lEfprit  de 
Dieu  :  de  le  Baptefme ,  fous  le  Nouueau  Te- 
ftament  ,eft  appelle  le  lauement  de  regene- 
ration^  parce  qu'outre  la  remiuîon  des  pé- 
chez il  reprefente  encore  la  fandification ,  &; 
en  fèelle  les  promefles.   Au  fécond  égard  il 
en  va  bien  autrement.  Vous  fçauez  que  nos 
péchez,  entant  que  ce  font  des  crimes  qui 
nous  obligent  à  la  foufFrance  de  la  punition, 
font  en  TEfcriture  accomparez  à  des  debtes. 
Le  pécheur  donc  eft  comme  le  débiteur. 
Dieu  comme  le  créancier,  &  la  foufFrance 
de  la  peine  eft  comme  le  payement  de  la 
debte.  Comme  donc  quand  on  a  affaire  à 
vn  créancier  rigoureux ,  &  qui  ne  relafche 
rien  de  fon  droiét  ^  la  debte  ne  s'acquitte 
point  &  ne  s'anéantit  pojnt  autrement  gue 
par  le  payement,  en  cette  affaire  que  le  pé- 
cheur a  à  demefler  auecDieu,  l'obligation 
à  la  punition  ne  s'ofte  &  ne  s'abolit  point  au- 
trement que  par  la  foufFrance,    Car  Dieu 
eft  tre-feuere   &  très,  inflexible  en  cela> 
&  il  y  a  cette  différence  entre  vn  créan- 
cier &  luy  ,  qu'il  eft  en  la  liberté  d'vn 


91 

créancier  de  relâcher  de  fbn  droit  fi 
bon  luy  femble  ,  fans  que  pour  cela  il  ea 
puifle  eftre  blafmë.i  Souuent  mefme  il  fe 
prefente  des  occafîom  où  il  fautneceflaire- 
ment  en  relâcher  quelque  chofe,  fi  l'on  ne 
veut  eftre  eftimë  trop  dur  &  trop  rigoureux, 
&  en  encourir  du  blâme.  Mais  quant  à  Dieu 
il  n'eft  feuere  en  cela  finon  parce  qu'il  eft 
jufte^  &Iajuftice  eftenluy  vne  de  ces  ver^ 
tus  qui  font  tellement  déterminées  par  les 
quaUtez  Se  par  les  conditions  qui  font  er% 
leurs  objets^ qu'il  eft  impoflîble  qu'elles  s'ex- 
ercent enuers  ceux  où  cesconditiôs  ne  fe  ren- 
contrent pas^  Et  de  mefmes impoflîble  qu'et 
les  ne  s'exercent  pas  enuers  ceux  en  qui  elles 
fe  rencontrent.  Pour  exemple,  ce  que  nous 
appelions  fimplement  Bonté  en  Dieu ,  a  vne 
relation  fi  inuiolable  àl'innocence  &:  à  la  fain- 
teté  de  la  créature ,  qu'il  eft  impoflîble  qu'il 
n'aime  pas  la  créature  en  qui  il  void  reluis 
re  l'image  de  fa  parfaite  faindeté:  mais  quant 
à  ay mer  la  créature  pecherefl[e ,  &  à  luy  faire 
fentir  leseiFeds  de  cette  Bonté  là,  c'eft  ce 
que  fa  nature  ne  peut  permettre.  De  mef. 
me ,  fa  mifericorde  de  laquelle  dépend  lâ 
remiflîon  des  péchez,  a  vne  relation  fi  preci* 
feàla  créature  pecherefl^e,  mais  qui  fe  re- 
pent  de fon  péché  ^  qu'il  ne  fe  peut  faire  ny 


92 
qiui  pardonne  a  celles  qui  ne  fe  repentent  ^1 

pas ,  ny  qu'il  ne  pardonne  pas  à  celles  qui  fe 
repentent.  La  luflice  donc  ayant  pour  ob- 
jet la  créature  entant  qu'elle  eft  infedèe  de 
péché  ,&  eftant  déterminée  par  là  non  moins 
neceflàirement  que  ces  autres  vertus  dont  je 
viens  de  parler  le  font  par  les  qualitez  qu'el- 
les regardent,!* excellence  infinie  de  la  nature 
de  Dieu  ne  permet  pas ,  ny  qu'il  puniffe  ceux 
qui  ne  font  pas  pecneurs,  ny  qu*il  ne  punifle 
pas  ceux  qui  font  coupables.  Ainfi  la  purga- 
tion  du  péché  en  cet  égard  fe  fait  par  la  pu- 
nition,ôc  ne  peut  confifter  en  autre  chofe.  E  t 
cela  s'appelle  auflî  de  ce  nom  de  nettoyemêt 
&:  de  purgation ,  &  de  purification ,  ôc  d'au- 
tres façons  de  parler  femblables.  Comme 
quand  noftre  Apoftre  au  chap.  9.  de  cette 
Epiftre  dit,  que  le  fang  de  Chri^ purife  nos 
confciences  des  œuures  7nortes^  il  entend  la  puri- 
fication qui  confifte  en  Texpiation  du  crime. 
Et  comme  leBaptefme  reprefente  la  fandifi- 
cation,  il  reprefente  pareillement  la  remifl 
fion  de  nos  péchez  &  leur  abolition  entant 
qu'ils  nous  expofent  à  la  foufïrance  de  la 
vengeance.  Il  eft  donc  queftion  de  fçauoir  à 
laquelle  de  ces  deux  fortes  de  purgation  no- 
ftre Apoftre  à  icy  égard  quand  il  employé 
ce  terme.  Et  certes  je  ne  fais  aucune  difficuL 


té  que  ce  ne  foit  à  la  dernière.  Car  nou5 
vousauons  déjà  remarqué  dans  la  prédica- 
tion de  Vendredy  dernier,  que  l'Apoftre  a 
icy  intention  de  parler  de  la  fàcrificature  de 
Chrift,  de  de  recommander  l'Euangilepar 
Texcellence  de fon  Sacerdoce,  qu'il  oppofe 
dés  le  commencement  de  cette  Epiftre,  6c 
qu*il  préfère  en  ce  peu  de  paroles,  au  Sacer- 
doce des  Sacrificateurs  du  VieuxTeftament. 
Or  le  propre  ôcle premier  efFet  duSacerdo- 
de  &  du  Sacrifice ,  eftoit  de  faire  la  purgation 
des  crimes ,  &:  d'éfFacer  les  péchez  entant 
qu*ilsaflujettiflbient  à  la  maledidion.  Car 
c  eft  pour  cela  que  les  Sacrificateurs  pre- 
noient  vne  vidime ,  &;  qu'ils  la  mettoient  en 
la  place  du  pécheur ,  pour  foufFrir  l'effufioa 
defon  lâng  âcla  mort  que  le  pécheur  auoit 
méritée.  ?ms3.pTes  ^  ce  terme  ^ayantfat^  le 
monftre  manifeftement.  Car  il  en  parle 
comme  dVne  chofe  exécutée.  Or  la  (ànclifi- 
cation  eft  vne  chofe  qui  fe  fait  tous  les  jours 
à  la  vérité ,  par  la  communication  que  noftrc 
Seigneur  nous  donne  de  fon  Efprit:  mais  elle 
n*eft  point  encore  faite  pourtant,  &:  elle  ne  le 
fera  point  finonquâd  elle  aura  acquis  faper- 
Fedion  par  l'apparition  du  Sauueur  du  mode. 
Mais<j«at  à  la  propitiation  de  nos  crimes,c  eft 
vne  chofe  faite  par  la  mort  de  Chrift^autanc 


94 
qu*elle  le  peut  eftre  par  la  fbufïrance  de  ce 

que  nous  auons  mérité  \  autrement ,  (î  elle  ne 
1  eftoit  pas ,  elle  ne  le  feroit  jamais  ,  parce 
quileftimpoflîbleque  noftre  Seigneur  foit 
déformais  expofé  à  de  nouuelles  foufFrances. 
Et  fi  les  hommes  ne  font  pas  effecliuemenc 
participans  du  fruid  de  cette  propitiation 
par  laremiflion  de  leurs  péchez,  c'eft  qu'ils 
necroyent  pas,  &c  qu'ils  rejettent  la  grâce 
fàlutaire  de  Dieu  qui  leur  eft  fi  clairement 
apparue.  Durefte,elle  eft  faite  quant  à  ce 
qui  eft  de  noftre  Seigneur.  Car  que  pourroit- 
on  defirer  dauantage  finon  qu^il  foit  mort 
pour  nos  péchez,  ôc  qu'il  (bit  refl^ufcité  pour 
noftre  juftification?  Et  c'eft  ce  que  1*  Apoftre 
enfeigne  au  chap.  5,  de  la  2.  Epiftre  qu'il  écrit 
aux  Corinthiens.  Dieu^dit-il^efioiten  Chri/}^ 
te  conciliant  le  monde  à  foy^  en  ne  leur  imputant 
foint  leurs  forfaits,  C'eft  à  direque  Dieu  a  efté 
fi  mifericordieux  qu'il  eft  defcêdu  du  Ciel  en 
la  terre  pour  fe reconcilier  auec  les  hommes;, 
de  forte  qu'il  ne  tiendra  déformais  qu'à  eux^ 
qu'ils  ne  reçdiuent  les  fruids  de  cette  récon- 
ciliation. Et  parce  que  leurs  forfaits  mettent 
de  coftéôc  d'autre  obftacle  à  cette  reiinion^ 
la  juftice  de  Dieu  cmpefchant  qu'il  ne  fe 
fcconcilieauecla  créature  criminelle,  &  la 
confcience  de  la  créature  criminelle  ne  fe 


95 
pouuantlaifler  induire  à  croire  que  Dieu  fe 

reconcilieà  elle  tandis  qu'elle  fe  voit  coupa- 
ble de  fàmaledidion,  Dieu  en  donnant  fon  ° 
Filsamisleschofes  en  tel  eftat  à  Tégard  du 
monde  &  deshommes_,  qu'il  ne  leur  impute 
point  leurs  péchez ,  &  qu'ils  s'en  peuuent  al\ 
îèurer,pourueu qu'ils  reconnoiilent  ce  Fils 
qui  ena  faitlapurgation,  &  qui  l'a  exécu- 
tée par  luy  m  efme.  Etc'eftcequ'il  faut  que 
nous  voyions  maintenant.  Vous  fçauez,  mes 
Freres,que  fous  l'alliance  de  la  Loy,  il  y  auoit 
certaines  chofes ,  qu  on  appelloit  des  foûillu- 
res  6c  des  immondicitez  ,  contre  lefquelles 
Dieu  témoignoit  qu'il  auoit  de  l'auerfion- co- 
me  l'attouchement  dVn  corps  mort,les  mar- 
ques extérieures  de  quelques  fortes  de  mala- 
die en  la  peau,la  fbiiillure  de  quelque  humeur 
coulante  naturellement  du  corps ,  &:  chofes 
séblables.  Et  ces  impuretez-là,à]es  confider 
en  elles-mefines  ,n'eftoient  nullement  crimi^ 
nelles ,  &  ne  meritoient  aucune  punition  de- 
uant  Dieu.  Car  les  infirmitez  naturelles, 
&  qui  ne  procèdent  point  de  la  volonté,  de 
les  chofes  extérieures  &  corporelles  qui 
n'infedent  point  l'homme  intérieur  ,  font 
bien  des  fuittes  &  des  marques  de  la  condi- 
tion foible  &  abjede  de  noftreeftre,  mais 
ce  ne  font  pas  des  péchez  pour  lefquels  nous 


9^ 

méritions  d'eftre  punis.  Neantmoins  parmy 
le  peuple  d'Ifraël  elles  efloient  réputées  vi« 
cieufes  félon  Tinftitution  de  Dieu^excluoienc 
les  hommes  de  la  participation  du  Taberna- 
cle &  de  la  focieté  de  la  Nation ,  expofoient 
à  la  maledidion  qui  repofoit  hors  du  camp 
de  ce  peuple-là  ,  ôc  à  la  mort  temporelle 
mefiiie.  Or  cela  pourroit  fembler  bien  eftran- 
ge  3c  bien  rigoureux,  que  pour  de  telles  infir- 
mitez ,  qui  ne  peuuent  eftre  contées  entre 
les  choies  morales ,  &  qui  d*elles.mefmes 
ne  méritent  point  de  blafiTie  ,  beaucoup 
moins  de  punition.  Dieu  euft  fait  vne  ordon- 
nance fi  terrible ,  6c  qu'il  les  euft  rendues  cri- 
minelles par  fa  feule  volonté.  Mais  (a  bonté 
auoit  pourueu  à  cela  parTinftitutiondes  fa- 
crifices.  Car  pourueu  que  ceux  qui  eftoient 
fouillez  de  cette  forte  d'impuretez ,  miflenc 
vne  vidime  en  leur  place  ,  ou  fiffent  les 
oblations  qui  auoient  efté  ordonnées  pour 
cet  efFed ,  ils  eftoient  deliurez  de  cette  forte 
de  crime,  ô«:reftablisdans  le  droicl  de  com- 
muniquer au  Tabernacle  3c  aux  chofes  qui 
s*y  faifoient.  Ce  donc  que  Dieu  en  auoit 
ainfi  ordonné  c*eftoit  feulement  afin  que  ces 
immondicitez  légales  feruiffent  de  reprefen- 
tation  aux  fouillures  réelles  ôc  véritables  du 
péché  j  Se  que  ces  fàcrilices  &  ces  oblations 

qui 


0  .        ^        \         97 

qui  en  faifoient  rexpiarion ,  figiiraflcnt  cette 

grande  6c  admirable  ablation  qui  deuoic 

quelque  jour  fairela  purgation  de  tous  nos 

crimes..  Mais  il  y  a  icy  vne  grande  difFerence 

entre  la  figure  &  la  vérité  i  c*eft  que  les 

Sacrificateurs  d'autrefois  employoient  de? 

victimes  pour  faire  l'expiation  de  ces  im* 

mondicttez-  là ,  au  lieu  que  noftre  Seigneur  a 

fait  la  propitiation  de  nos  ofFeijfes  parfoy^ 

niefine.  Et  véritablement  il  eftoit  impolG- 

ble  qa'iLfift  cette  propitiation  autrement* 

Car  quant  au  iàng  des  beftcs  ^  ,&  à  la  cendre 

de  la  genice ,  dont  on  faifoit  afperfion,  elle 

poauoit  bien ,  comme  l^Apoftre  renfeigne, 

iandifier  les  fouillez  quanta  la  chair,  parce 

que  le  crime  de  cette  forte  de  foiiillure  ne 

dépendant  que  de  la  pure  volonté  de  Dieu, 

cette  mefme  volonté  de  Dieu  pouuoit  bien 

donner  au  fang  des  boucs  ôc  des  taureaux  h 

vertu  d'en  déliurer  les  Ifraëlites.  Cela  eft  de 

la  nature  des  chofès , .  que  les  obligations  fe 

diiroluent  par  le  mefme  moyen  par  lequel 

elles  fe  contradenc,  6c  que  quand  k  faute 

n  eft  faute  que  par  l'ordonnance  duLegifl.a^ 

teur ,  la  mefme  ordonnance  du  Legiflaceur  y 

puiiTe  apporter  le  remède.   Mais  quant  à  ce* 

péchez  véritables  &  réels  que  Dieu  a  dcfen* 

dus  par  Tes  dix  comniand^mens  de  la  Lov, 


98 
parce  qu'ils  font  péchez  en  eux-mefmes ,  le 
crime  qui  en  refulte  fe  produit  de  la  nature 
mefme  des  cliofès,  &c  ne  peut  eftre  efFacé 
de  cette  façon  là.    Car  quelle  proportion  y 
a-t-il  entre  la  mort  d^vnebefte,  bc  le  péché 
dVn  homme ,  qui  doit  eftre  réputé  grand 
6c atroce,  non  pas  feulement  à  proportion 
de  Texcellence  de  la  nature  de  l'homme  qui 
le  commet ,  qui  furpajflè  infiniment  la  condi- 
tion àes  belles ,  mais  encore  à  proportion  de 
1  eminence  delà  Majefté  de  celuy  contre  qui 
il  eft  comis ,  qui  furpafTe  infiniment  la  condi- 
tion des  hommes  mefmes.  Pour  ce  qui  eft: 
du  fmg  des  hommes  il  n*y  pouuoit  pas  eftre 
employé  non  plus.  Car  ils  font  tous  pécheurs 
^  coupables  deuant  Dieu,&  par  confequent 
leur  fang  eft  impur  &  corrompu^  6c  plus  ca- 
pable de  fouiller  par  fon  efFufion  6c  parfon 
attouchement ,  que  de  nettoyer  les  impure, 
tez  &  de  faire  la  purgation  des  ofFenfes.C'eft 
donc  certes  vne  grande  erreur  que  celle  de 
ces  gens  qui  penfent  fitisfaire  pour  leurs  pe^ 
chezàlaluftice  de  Dieu,  6c  qui  s'impofenc 
pour  cela  des  macérations  d>c  des  pénitences. 
Et  ceux  qui  fe  fouettent  eux  mefmes  pour 
offrir  leur  fmg  à  Dieu,  ont  peut-eftrç  bien 
mérité  ce  chaftimêt  :  mais  quanta  contenter 
lajufticede  Dieu  par  ce  moyen  là,  c*eft  fo-r 
Icment^c  inutilement  qu'ils  fe  l'imaginent. 


5^ 

Quand'ils  fe  feroient  efcorchez ,  &  que  dii 
déchirement  de  leurs  efpaulesilfèroitnévne  ' 
riuiere  toute  entiere^commeles  Poètes  le  du 
fent  de  M  arfy  as^ils  ne  fçauroiét  auoir  noyé  ny 
nettoyé  là  dedâs  la  moifidre  de  leurs  ofFenfes. 
Et  quant  il  fetrouueroit  vn  homme  abfolu- 
ment  innocent  ^  fa  mort  pourtant,  s'il  n*eftoic 
qu'homme  feulement,  ne  pourroit  fàtisfaire  à 
la  juftice  de  Dieu  pour  les  crimes  des  autres 
hommes.  Car  il  faut  qu'entre  la  foufFrance  ôc 
l'atrocité  du  crime  il  y  ait  de  la  proportion. 
Or  il  n'y  en  a  du  tout  point  entre  le  mal  que 
fouflxe  vne  créature,  l'eftre  de  laquelle  eft 
borné  ,  6c  l'ofFenfe  commife  contre  Dieu^ 
qui  eft  réputée  infinie.  Il  n'y  pouuoit  pas 
employer  des  Anges  non  plus.  Car  premiè- 
rement, pour  eftre  mis  en  la  place  d'vn  au- 
tre, afin  de  faire  fàtisfaclion  pour  luy,  il  faut 
qu'il  y  ait  vne  communion  beaucoup  plus 
eftroite  que  celle  que  les  hommes  6c  les  An* 
gesontenfemble.  Ce  font  des  natures  très- 
différentes  l' vne  de  l'autre,  &  par  confe- 
qucnt  mal  propres  à  faire  vne  telle  fubftitu- 
tion.  De  plus,  les  Anges  font  des  natures  iniL 
matérielles  6c  exemptes  de  la  fujetion  à  la 
mort.  Et  bien  qu'ils  puijGTent  eftre  anéantis 
par  la  puiffànce  de  Dieu ,  fi  eft  ce  que  cet 
aneantiifement  ne  feroit  pas  proprement  la 
mort  qui  a  efté  dénoncée  pour  la  punition  du 


•  100 

péché  de  rhDmme,&  à  laquelle  il  aefté  né- 
ceflàire  que  noftre  pleigefuft  alîiijetty.  En- 
fin, quand  la  fouffrance  des  Anges,  quelle 
qu'elle  fuft,  pourroitequipoller  à  la  morr, 
toujours  les  Anges  f8t-ils  des  créatures  finies, 
donc  la  dignité  n*a  pas  afTezd'eftenduë  pour 
égaler  la  majefté  infinie  de  celuy  contre  qui 
le  péché  des  hommes  a  efté  commis,    il  a 
donc  neceflàircment  fallu  que  le  Seigneur 
lefiisfiftlapurgation  de  nos  péchez  par  foy 
mefme ^pim  qu'il  n'y  pouuoit  employer  aii. 
cune  aun-e  chofe  que  luy ,  &  qu'il  foufFrift  en 
{a  perfonne,  puis  que  la  ToufFrance  eftoic 
neceïlaire  pour  faire  tette  propitiation.   Et 
icy  il  faut  confiderer  premièrement  quelle 
eft  en  cette  perfbnne  la  nature  qui  a  fouffert. 
Et  chacun  fçait  que  c*eft  la  nature  humaine, 
félon  laquelle  il  avne  eftroite  de  inuiolable 
communion  auecnousî  ce  qui  le  rend  propre 
pour  eftre  noftre  pleige ,  &  pour  eftre  fubfti- 
tué  en  noftre  lieu.  Comme  auffi  eft- ce  vne 
chofe  euidemmentatteftée  par  la  Parole  de 
Dieu,  que  cette  nature  en  Chrift  eftoit  ab- 
fokiment  innocente ,  Se  qu'ainfi  elle  nauoit 
point  de  qualité  qui  fuft  côtraire  àla  propitia- 
tion^comme  nous  auons  remarqué  cy-deffus, 
que  le  péché  des  autres  homes  les  rend  inca- 
pables de  faire  fatisfaclion  &  pour  autruy  &c 
pour  eux  melîiies.    Puis  après  il  faut  auoit 


lOî 

égard  à  la  nature  qui  donne  le  prix  à  la  fouf- 
france,  &  c'eft  la  nature  diuuie  qui  eftant 
dVnc  dignité  infinie ,  donne  auflî  à  la  paflîon 
de  Chrift  vne  infinie  valeur.  Gar  encore  qu'il 
iVy  ait  que  la  nature  humaine  qui  art  foufterc 
enluy,  fieft-cèquefàpaffioneft  coniklerée 
comme  de  la  perfbnne  toute  entière,  &  par- 
tant il  faut  que  le  prix  en  foit  eftimé  par  là.  Ce 
qui  comme  vous  voyez  ^  rend  la  fouflTrance 
propordonnéeà  la  nature  du  crime  ôi  à  ion 
atrocité.  Etc  eft  ce  qui  a  fait  dire  à  noftre  ^i 
Apoftre  5  au  chapitre  neufiéme  de  cette  Epi- 
ilre,  que  Chnft5*eft  offert  à  Dieu  par /'£/5>n> 
éternel.  Car  cela  ne  fignifie  pas  comme  quel- 
ques-vas  le.  prétendent  5  que  lar  nature  hu- 
maine aitefté  la  victime  en  C  hnfl:  &:  la  natu- 
re diuine  le  Sacrificateur.  Il  eftoit  Sacrifica- 
teur entant  que  Dieu  &:  homme  tout  enfem- 
ble ,  &  c'a  encore  efté  (a  perfonne  toutç  en- 
tière qui  a  tenu  lieu  cîe  victime  en  cette  obta- 
•  tion.  C'eft  pourquoy  il  eft  dit  qu'il  s'efi  offert 
foy- mefme.    Car  cts  mots ,  //  sejî  offert^  defi- 
gnent  fon  action^Or  les  actions  ibnç  réputées 
eftre  des  perfonnes  toutes  entières,  &;  non  de 
Tvne  des  natures  qui  les  compofent  feule- 
ment :  ôcceluy  cy/hy-me/rne^  dénote  la  per- 
lonne  toute    entière  pareillement.     Geky 
donc  par  l'Efprit  éternel  y  fignifie  que  la  per* 

G  iij 


roi 
fônne  de  Chrift ,  eflant  telle  &  en  tel  eflat 
qu*ilyauoitenluy  vnefprit  éternel  &  diuin, 
il  s'eft  offert  en  cet  eftat  là  ^  ce  qui  donne  à  la 
foufFrancevne  valeur  incomprehenfible.  En- 
fin, on  peut  encore  corifiderer  en  ce  myftere, 
tant  la  perfonne  de  Chrift,  entant  qu'elle 
eftoit  çonftituée  des  deux  natures ,  que  la 
charge  par  Tautorité  de  laquelle  il  a  fait  fon 
oblation.  Car  quant  à  la  perfonne,elle  eft  en 
elle  inefiiie  dVne  dignité  qui  pafle  non  feu- 
lement la  mefure  de  la  dignité  de  toutes  les 
créatures,  mais  celle  de  leur  intelligence  6c  de 
leurcomprehenfîon.  Et  pour  ce  qui  eft  delà 
charge ,  elle  a  non  feulement  efté  incompa- 
rablement plus  excellente  que  celle  des  Sa- 
crificateurs precedens ,  mais  proportionnée  à 
la  dignité  inénarrable  de  la  perfonne  mefme: 
cequireleue  infiniment  l'excellence  de  fon 
adion.  Si  donc  vous  confiderez  Toblation  de 
Chrift  entant  qu'il  y  a  foujEFert  comme  vne 
vidimedeftinée  à  l'expiation  de  nos  péchez 
par  fa  mort,  nyles  hommes, ny  les  Anges 
ne  fçauroient  déterminer  jufques  où  va  le 
prix  de  (à  Paflîon  :  parce  que  cette  vidirrie 
eftoit  d' vne  dignité  inéftimable.  Et  fi  vous  h 
confiderez  entant  que  Chrift  y  a  fait  vne 
adion  en  s'offrantluy  mefme  à  Dieu  3  cette 
adion  ne  fe  peut  prifer  non  plus ,  puis  qu'elle 
eft  procedée  dVne  perfonne  qui  eft  Dieu 


I05 

bénit  éternellement,  &  qui  outre  cela  efloit 
reueftuë  d'vne  charge  infiniment  eminente. 
Que  fi  enfin  vous  venez  à  jetter  les  yeux  fur 
l'effet  que  le  concours  de  toutes  ces  chofes  à 
produit,  c*eft  que  la  tache  de  nos  péchez, 
quelque  horrible  àc  efpouuantable  qu'elle; 
fuft  ,  en  a  efté  abfolument  effacée.    O 
charité  incomprehenfible    de    Dieu   i    O 
merueille   de  la  diledion  du    Fils  enuers 
nous!  que  le  Père  le  nous  ait  donné,  que 
le  Fils  fe  foit  abandonné  luy-mefine  à  la 
fbuffrance  de  la  mort ,  pour  nous  déliurer  de 
lamaledidiondeDieu,  &:  pour  nous  refta- 
blir  en  fa  {àinte  communion ,  non  pour  auoir 
la  liberté  d'approcher  du  Tabernacle  d'au- 
trefois ,  mais  pour  eftre  déformais  fondez  en 
droid  d'afpirer  à  la  demeure  de  fon  faint 
Temple  de  là  haut,  êc  de  le  contempler  éter- 
nellement dans  fon  (anduaire  celefte  .»  Mais 
il  eft  temps  de  voir  comment  le  Fils  s'eft  afiîs 
à  la  dextre  de  Dieu  ^  car  nous  verrons^ntoft 
que  ce  nom  de  Majefté  &  èeluy  deDieu,paf'. 
fent  pour  vne  mefme  chofe.  Vous  voyez, 
mes  Frères ,  comment  la  nature  nous  a  corn., 
pofez.  Elle  nous  a  donné  deux  mains  pour 
fournir  à  toutes  nos  adiôs,  &  elles  y  concou- 
rent de  telle  façon  qu'elles  y  vont  en  mefmc 
rang,  Se  non  par  fubordination ,  comme  fi 

Giiij 


104 

IVneeftoirfeulemécririftrument  de  l'ciutfe. 
Neantmoins  il  eft  certain  que  félon  linftiru- 
tion  de  cette  mefme  nature ,  la  droite  doit 
eftre  plus  forte  &  plus  habile  que  Tautre." 
C'eft  pourquoy  la  nourriaîre  &:'la,  chaleur 
naturelle,  à:  les  efprits  qui  font  deftincz  à 
produire  le  mouuenient ,  cbufent  plus  abon- 
damment de  ce  cofte  lii'  de  les  vàifleauxy 
font  naturellement  pins  grands,  afînd*eftre 
plus- capables  de  contenir-  l'abondance  des 
efprits  qui  s'y  rerpandcnt.  Er  c  eft  ce  quia 
faitdircàHippocrate  qu'il  arriùe  rarement 
que  les  femmes  foient  ambidextres/  Parce 
que  fi  le  tempérament  de  leur  fexe  foufFre: 
bien  qu'elles  ayentujffez  de  cette  clialeur  & 
de  ces  efprits  qui  1er  lient  au  mouuement^ 
jour  rendre  en  elles  îa,  main  droite  pliis.ro.-  - 
bufre  6c  plus  agiîe  en  fts  operarions  ,  il  ne 
foufFre  pas  qu'il  y  en  ait  allez  pour  remplir 
tellement  toutes  les  deux  mains ,  que  la  gau- 
che ait  autant  de  vigueur  ôc  d'habilité  que. 
l'autre;  Mais  quant  aux  hommes,  il  arriue 
alTjz  fouuent  qu'ils  fe  feruent  également 
bien  des  deux  mains ,  parce  qu'ils  font  natu- 
rellement d'vne  conftiturion  plus  fpiritueu- 
fè.  Il  n'eft  pas  bien  neceffaire  de  fçauoii: 
pourquoy  la  Nature  en  a  ainfi  diilpolë  ,  & 
quand  il  feroit  plus  vrile  a  rechercher,il  ne  (e- 
roit  peut  efbre  pas  fort  aifé  d'entrouuer  U 


caufe.  Que  fi  vous  aiiez  agréable  que  je  vous 
en  dife mon  fentiment en  paflànc , je  le feray 
en  peu  de  paroles.  Vous  içauez  ce  qu'on  a  ac- 
couftumé  de  dire  du  cœur  ,  c'efb  qu  il  eft 
îe  principe  de  la  vie,  6c  le  ficge  des  afif^- 
dions ,  éc  l'expérience  confirme  ce  qu  mi  a 
accouûume  d'en  dire.  D'ailleurs,  les  deux 
plus  belles  &  plus  nobles  adions  aufquelles 
les  hommes  foienc  appeliez  fondes  militai- 
res, où  il  s*agic  de  défendre  leur  vie  contre 
les  ennemis,  de  de  les  attaquer  filaneceflicé 
le  requiert ainfi  :  6c  celles  de  l'éloquence,  où 
il  eft  queftion  de  régner  dans  les  entendç- 
mensdics  hommes  par  la  force  de  la  perfua^ 
iîon  ,  de  de  porter  leurs  afFcdions  aux  chofes 
belles  6^  homièftes.  Or  pour  ce  qui  eft  des 
adions  militaires ,  en  rendant  la  main  droite 
plus  forte  &  plus  propre  aux  adioais ,  la  Na- 
ture la  en  quelque  façon  armée  pourferuir 
ànoftredefenfe.  Le  cœur  donc  eftant  telle- 
ment attaché  au  milieu  de  la  poidrine ,  qu'il 
décline  vers  le  cofté  gauche ,  où  Ton  fent  fon 
mouuement  de  fà  palpitation  ,  la  droite  en 
s*auançant  vers  Tennemy  eiloigne  le  cœur 
du  péril,  au  lieu  que  la  gauche  l'en  approche- 
roit  fi  c'çftoit  à  elleà  joindre  de  prés  l  ênemy, 
foitpour  attaquer  foit  pour  defendre.D 'ail- 
leurs, aucun  n'ignore  ce  que  peut  le  gefte 


io6  1 

dans  les  adions  oratoires,  èc  combien  parti-  | 
cLilieremenc  eft  pathétique  6c  touchant  ce- 
luy  que  Ion  fait  quand  on  porte  la  main  fur 
le  cœur.  Or  on  yporteaifement  la  droite  à 
caufe  de  fa  fituation,  aulieuquelemouue- 
ment  de  la  gauche  fe^oit  en  cet  égard  in- 
commode. Comment  qail  en  foit  décela, 
car  il  faut  que  je  retourne  à  mon  fujet ,  il  eft 
certain  que  nous  eftimons  beaucoup  plus 
noftre  main  droite  que  l'autre.  Car  c'eft  vne 
chofe  naturelle  d'aimer  de  d'eftimerle  plus 
ceux  de  nos  membres  dont  nous  tirons  le 
pJusdeferuice&dVtilité.  Et  les  petits  en* 
fans  5  fi  vous  les  enconfultez,  vous  en  ren- 
dront tefmoi2;nao;e.  Car  fi  vous  leur  deman- 
dez  laquelle  de  leurs  deux  mains  ils  aiment  le 
mieux ,  ils  ne  manqueront  pas  de  vous  dire 
que  c*eft  la  droite  :  éc  fi  vous  leur  en  deman- 
dez la  raifon,  ils  vous  refpondront  que  c'eft 
parce  qu'ils  en  jouent  mieux,  6c  qu'ils  en  ef- 
criuent  mieux  ,  ôc  qu'ils  s'en  défendent 
Miicux  contre  ceux  qui  les  attaquent.  Delà 
eft  venu  que  le  lieu  de  la  main  droite  a  eftc 
eftimé  le  plus  honorable ,  &:  que  principale- 
jnent  entre  les  Orientaux,  les  Princes  ont 
fait  affeoir  à  leur  dextre  ceux  qu'ils  ont  vou- 
lu extraordinairement  honorer,  6c  leur  don-  , 
ner  la  communication  de  leur  dignité  fouue- 


raine.  Vous  en  auez  vn  exemple  en  Thiftoi- 
re  de  Salomon  dont  ileft  ditquilfîtafleoir 
Berfabée  fa  mère  à  la  droite  de  fon  trône, 
en  la  prcfence  du  peuple ,  pour  faire  voir 
qu*illa  tenoiten  vnrang  égalaufien.  Et  Né- 
ron mefmes,  ce  monftiecompofé  de  toutes 
fortes  d'horreurs ,  fit  affeoir  à  fa  droite  vn 
Prince  de  r  Orient,  qui  Teftoitvenuvifiter, 
pour  faire  voir  en  luy  au  peuple  Romain  le 
cas  qu'il  faifoit  de  la  dignité  royale  De  cela 
donc  il  eft  procédé  deux  chofes.  La  premiè- 
re, que  quand  en  rEfcritureileft  parlé  fim- 
plement  de  la  dextre  de  Dieu ,  ce  terme  y  efl; 
employé  pour  fignifier  fa  force  &  fa  vertu. 
Car  Dieu  qui  efïvneflrefpirituel&:  infiny, 
n*a  point  de  membres  comme  nous.  Mais 
quelquesfois  ks  vertus  font  defignées  par 
les  noms  des  parties  de  nos  corps,  dont  l'vfa- 
ge  a  quelque  rapport  auec  l'exercice  des  ver- 
tus diuines.  Parce  donc  que  nous  nousfcruôs 
de  la  main  droite  en  nos  actions ,  de  que  c'eft 
le  fiege  de  noftre  force ,  la  vertu  par  laquelle 
Dieu  agit  s'appelle  en  l'Efcriture  de  ce  nom. 
Comme  quand  Dauid  au  Pfeaume  i8.  die 
que  la  dextre  de  /*  tternel  l'a  foufienu ,  &  ail- 
leurs ,  que  la  dextre  dé  l^ Eternel  a  faitvertn^ 
&  ainfi  en  diuers  autres  lieux  femblables. 
L'autre  chofe  eft  que  quand  ce  terme  eft 


ip8^ 
employé  conjointement  aiiec  celuy  des'af- 
feoir,il  fignifie^non  pas  la  puiflàncede  Dieu, 
par  laquelle  ilexecute  fès  volontez ,  mais  la 
participation  de  fa  dignité,  &  le  rang  d  égali- 
té que  noftre  Seigneur  prend,  en  la  gloire. 
De  forte  que  ceux-là  fe  trompent merueil- 
Jeufement  qui  penfent  pouuoir  tirer  de  cqs 
façons  de  parler  vn  argument  pourprouuer 
que  le  corps  de  noftre  Seigneur  a  par  fa  glori- 
fication acquis  cette  diuine   propriété .  de 
pouuoir  eftre  par  tout  comme  Teirence  de 
Dieu  mefme.    Quelque  glorifié  quefoit  le 
corps  de  noftre  Seigneur  ,  c*eft.  vn  corps 
pourtant ,  &  encore  vn  corps  humain ,  &  par 
cpn{èquentdefiny&  contenu  entre  des  bor-* 
nés  bien  eftroites.     Quand  donc  nous  ne 
içaurions  pas  bien  nettement  ce  que  lignifie, 
cftre  affis  à  la  dextre  de  Dieu,  nous  ne  de^  ' 
urions  pas  auoir  de  la  nature  ôcdc  làcondi* 
tion  dVn  corps  des  penfées  fi  peu  raifbnna- 
bles.    Mai5  certes  la  preuue  qu'on,  tire  pour 
cela  de  ce  paiuge  &  des  femblables  qui  fe 
rencontrent  ailleurs,  eft  extrêmement  friuo- 
le.  On  dit  que  Clirift  eftaiGs  à  la  dextre  de 
Dieu  auflî  bien  quant  a  fà  nature  humaine 
que  quant  à  fa  nature  diuine.    Cela  eft  vray, 
ôcperfonnenelecontefte.  On  adjoufteque 
la  dextre  de  Dieu  eft  par  tout:  Et  donc  que. 


ID9 

-la  nature-humaine  de  Chrifl:  efl:  par  toùt,auffi 
bien  que  la  diuine.   Cela  ne  s'enfuit  pas.  Car 
quand  on  dit  que  ladexcrede  Dieu  eft  par 
tout,  on  entend  la  puiflanceôc  la  vertu  par 
laquelleil  met  à  exécution  fes  delïèins.  Mais 
lors  que  l*Efcriture  enfeigne  que  Chrift, auffi 
bien  entant  qu'il  eft  homme  qu^entant  qu'il 
eft  Dieu  beiiit  éternellement ,  c'eft  à  dire,  eu 
égard  à  fa  perlonne  toute  entière,  s*eftalîîs 
à  la  dextre  deDieu,onn'entendpas  parler 
de  cette  vertu- là  ,  on  veut  feulement  dire 
que  fa  perfonne  toute  entière  a  receu  la  com- 
munication de  la  dignité  de  Dieu ,  comme 
faifoient  ceux  qui  s'aiTeioient  autrefois  à 
la  main  droite  des  grands  Princes.  Cequife 
peut  fort  bien  faire,  Se  qui  s'eft  fait  efFediue- 
ment,  fans  que  la  nature  humaine  cle  Chrift 
ait  acquis  les  proprietez  de  Teflence  deDieu, 
qui  font  abfolument  icommunicables.  Cette 
façon  de  parler  ne  fignifie  pasmefines  lapo- 
fture  ny  l^tuation  du  corps  de  Chrift,  6c  en 
quelque  fituation  qu'il  foit  il  eft  toujours 
affis  à  la  dextre  de  Dieu ,  parce  qu'il  y  poûe- 
de  vne  dicrnité  é^ale  à  celle  de  Dieu  mefme . 
Cependant ,  mes  Frères ,  cette  communica- 
tion de  dignicc  qui  eft  defignée  par  cette  fa- 
çon de  parler  ,  s*aJfeoir  à  la  dextre  de  queL 
quvn ,  peut  eftre  confiderée  en  deux  manie* 


tio  '      . 

tes.  Car  ou  bien  c'eft  fimplement  vn  hon-^ 
neiir  que  Ton  reçoit^  fans  que  cela  foit  ac- 
compagné d'aucune  charge  qui  tire  après 
iby  des  fondions  6c  des  actions  :  comme 
quand  Salomon  fit  affeoir  fa  mère  à  fa  droi. 
te  5  ce  qu'il  nefaifoit  finon  pour  témoigner 
a  quel  point  il  l'honoroir,  fans  luy  commet- 
tre pourtant  l'adminiftration  de  fon  Eftat. 
Ou  bien  auec  la  participation  de  l'honneur 
on  reçoit  encore  quelque  charge  dans  le 
gouuernement,  6c  quelque  notable  autori- 
té dans  Tadminirtration  des  affaires  :  comme 
quand  Pharao  joignit  a  l'honneur  qu'il  fit  i, 
lofeph  de  le  faire  monter  fur  le  chariot  qui 
eftoit  le  fécond  après  le  fien ,  vn  commande- 
ment abfolu  fur  toute  Teftenduë  de  fort 
royaume.  Or  fe  pourroit-  il  bien  rencontrer 
quelque  paflage  du  NouueauTcftament  où 
cette  façon  de  parler  employée  à  l'occafion 
de  lefus  Chrift  ,  fignifieroit  feulement  k 
communication  d'vnefouueraineclignité ,  de 
pareille  à  celle  de  Dieu/ans  néanmoins  auoir 
vn  particulier  égard  à  la  charge  que  ion  Père 
luy  a  donnée.  Comme  pour  exemple  quand 
faint  Eftienne ,  dans  cet  admirable  rauiiTe- 
ment  qui  luy  arriua  dans  la  fouffrance  de  fort 
martyre ,  s'efcria ,  F'oicy  je  voy  les  deux  ou* 
nerîs  ^  d^  le  Fils  de  l'homme  efiam  à  la  dextre  ds 


iir 
Dieu ,  il  femble  qu'il  ne  vueille  rien  dire  ait- 
cre  chofe  lînon  qu'il  void  le  Seigneur  lefus 
en  vn  eftre  fouuerainemenc  glorieux,  &aa 
lieu  de  l'aneannirement  auquel  \qs  luifspre^ 
tendoient  l'auoir  réduit  Jouir  d'vne  dignité 
&  d'vne  gloire  inénarrable.  Mais  au  Pfeau- 
me  uo.  d*où  cette  façon  déparier  eft  venue 
dans  le  Nouueau  Teftament,  cette  fentence, 
Sieds  toy  a  ma  dextre  ^  jufque  ÀUint  que  fayé 
mis  tes  ennemis  four  le  marchepied  de  tes  pieds -^ 
defigne  rinftalîation  de  nollre  Seigneur,  non 
feulement  en  vne  fouueraine  dignité,  mais 
encore  en  vn  fouuerain  pouuoir.    Car  c'eft 
par  là  qu'il  eft  eftably  Monarque  de  tout  Tv- 
niuers,  ôc  le  Lieutenant  de  fon  Père  en  l'ad- 
miniftration  de  l'empire  qu'il  a  furlescieux 
&;  fur  la  terre.   Et  c'eft  ainfî  que  PApoftre 
l'interprète  affez  clairement  au  chapitre  15. 
de  la  première  aux  Corinthiens ,  quand  re- 
gardant fins  doute  à  cepaflàge  duPfeaume, 
il  dit  que  la  fin  de  toute  l'œconomie  des  eau. 
{^^  de  noftre  falut  fe  verra ,  quand  Chrift  au^ 
ra  remis  leRoyaume  àDieu  le  Pere,ôc  quand 
il  aura  aboly  tout  empire  &  toute  puilîance 
&:  force.  Car  ^  dit  il,  il  faut  qu'il  règne  juf 
ques  a  ce  quil  ait  mis  totcs   fes  ennemis  fous 
[es  pieds.     Et  icy  l'Apoftre  regarde  à  la 
mefme  chofe  ,  6c  veut  comme  je  l'ay  re- 


/  ■ 

M  2 


îDârquë  ,  après  auoir  parlé  de  la  fâcrilîc?- 
tare  de  Chrift ,  defigner  icy  fa  royauté, 
dont  il  auoit  déjà  commencé  de  parler  au 
veriet  précèdent  quand  il  auoit  dit  que  le  F  ils 
aeflè  ejiably  héritier  de  toutes  chofei.  Cepen- 
dant on  peut  icy  rémarquer  la  liaifon  qui  eft 
entre  ces  deux  parties  de  noflre  texte ,  ayant 
fait  parfoy  mefme  lafurgatwn  de  nos.pecheT^^ 
&,  s' e/l  a.ffis }.  la  dextre  de  Dieu.  Carlnnten- 
t;ion  de.i'Apoftre  n'eft  pas  de  dire  que  c*eft 
entant  que  Chrift  eft  Sacrificateur^quil  s'eft 
affis  à  la  dextre  de  Dieu.  Nous  venons  de 
remarquer  que  cela  s'entend  de  fà  royauté. 
Mais  bien  certes  vcut-il  donner  à  entendre 
que  pour  pàruenir  à  cette  fouueraine  puif^ 
fànce  à  laquelle  fon  Père  l'a  cfleuc,  il  falloir 
qu'il  fîll:  premièrement  la  purgation  de  nos 
péchez: car  c'eft  par  l'ignominie  de  fa  PaC 
fion  qu'il  deuoit  entrer  enià  gloire.  Et  c'eft 
ce  que  S.  Paul  nous  enfeigne  au  deuxième 
chapitrede  l'Epiftreaux  Phiiippiens,  quand 
il  parle  de  Texaltarion  de  Chrift  comme  dV- 
lie  recoitipenfe  de  fes  loufFranees.  lla^  dit-il, 
efîé  obeiffantjufques  à  la  mort^  voire  la  mort  dç 
la  Croix.  Pour  laquelle  caufe  aujji  T)ieu  la  fou^, 
uerainement  èleuè  ^^luy  a  donné  vn  nom  qui  e^ 
fur  tout  nom  i  /]fin  quau  nom  de  le  fus  tout  ge-^ 
noiiilfe  ployé ,  de  ceux  qui  font  es  cieuK  ^  ^  en  la, 

4erïe^ 


;  in 

terre^é"  de  fous  la  terre:  &  q^e  toute  langue  con^ 
fejje  que  le  fus  Chrifte/î  le  Seigneur ,  à  la  gloire 
de  Dieu  le  Père.  Refte  maintenant  que  nous 
voyions  ce  que  fait  ala  gloirçlde.  noftreSe^ 
gneur&.  aubut  de  noftre  Apoftre  ^  ce  qu'il 
di  f^  à  la  dextr£.  de  la  Majefiè  es  lieux  très  hauts. 
Fay  déjà  dit  que  s'affeoir  à  la  dextre  de  là  Ma^ 
jefté  fignifie  s'aiTeoici  la  dextre  de  Dieu,  ôc 
ceftïiinfî  que  le  S.  Efprit  a  accouftumé  de 
parler  en  cette  mataere,ôccela  s^entend  allez 
de  foy  mefme. .  Mais  comme  j'ay  dit  ^  que 
Dieu  s'appelle  du  nom  de  Gloire  qm  égard  à 
ks  vertus,  il  faut  quejedifeicy  qu'il  s'appela 
leauiEde  cq  nom  de  Majefié  eu. égard  à  la 
fouuerairie  &:  abroliuTient  indépendante  au- 
torité qui  naturellement  en  refulte.  Car 
comme  les  vertus  de  D.ieu^  parce  qu'elles 
font  admirablement. ray^Dnnantes,  luy  don* 
fient  vne  dénomination  qui  reprefèiite  vne 
lumière  extraordinaire  &  qui  a  beaucoup 
d'éclat ,  cet  empire  qu'il  a  fur  les  cieux  &  fur 
la  terre  &  fur  toutes  les  chofes  qui  y  fonr,luy 
f  n  dpnne  âuffi  vne, autre  qui  exprime  auec 
emphafe  le  fouueraui  commandement.  Eç 
de  fait  nous  nous  feruôs  ordinairement  de  ce 
fnot  pour  reprçfenter  Tautorité  de  qps  Prin- 
ces fouuerains,6c  croyons  que  de  les  pronon, 
çer  ainfi  par  forme  d'abftradipnjSc  Êife  y  en^ 

H 


114 
welopper  le  fujet  dâs  lequel  cette  fouueraîné 
puiflance  refide ,  c*eft  vne  façon  de  parler 
qui  a  vne  force  particulière.  Or  cela  fait  i  n- 
iîniment  au^deflein  de  noftre  Apoftre.  Car  il 
eft  queftion  icy  dùUuftrer  la  gloire  de  noftré 
Sauueur.  Comme  donc  il  a  efté  remarqué 
que  s'alTeoir  à  la  dextre  de  Dieu ,  c*eft  entrer 
en  focieté  de  la  dignité  de  ladiuinité,  êcpar 
confequent  eftreDieuis  afleoir  à  la  dextre  de 
la  Majeftë,c'eft  entrer  dans  la  participation 
de  la  fouueraine  puiflance  qui  commande  à 
tout  rVniuers  ^  &  par  confequent  eftre  la 
Majeftémefme.  Quanta  ces  mots  de  lieux 
très-hauts  ,  ils  fignment  le  troifiéme  ciel ,  le 
ParadiSj  le  Sanduaire  de  l'Eternel,  le  lieu  où 
il  habite  en  gloire.  Car  les  fpheres  celeftes 
font  les  lieux  hauts  en  comparaifon  des  efpa- 
ces  fublunaires.  Mais  les  lieux  très-  hauts  foni 
au  deflus  des  fpheres  celeftes  mefmes.  Et 
comme  je  vous  ay  dit  que  noftre  Apoftre  a 
voulu  exalter  la  Prophétie  de  noftre  Sei- 
Seigneur  par  deflus  celle  de  tous  les  autres 
Prophètes,  quand  il  a  dit  que  Dieu  ayan£ 
jadis  parlé  âplufieursfois  &en  plufieurs  ma» 
nieres  par  eux ,  a  parlé  à  nous  en  ces  derniers 
temps  par  fon  Fils  ^  de  qu'il  a  voulu  éleuer  le 
Sacerdoce  de  noftre  Seigneur  par  deflus  ce- 
luy  des  Sacrificateurs  anciens,  quand  il  a  dit 


qivilafiik  far  fey-mefme  la  purgation  de  no^ 
fechez^^  je  ne  doute  pas  qu  il  ne  vueille  enco- 
re icy  furhauffer  la  royauté  de  noftre  Sei- 
gneur par  defTus  celle  de  tous  les  Monarques 
de  la  terre.  Vous  voyez  comment  ils  font  ële- 
uez  au  defTus  des  autres  humains ,  &:  com- 
ment ils  veulent  faire  paroiftre  leur  exalta^ 
tion  par  celle  de  leurs  trônes  &  par  la  hauteur 
&  la  magnificence  de  leurs  Palais  :  &:  cela 
véritablement  conuient  bien  à  leur  Majefté 
Royale:  mais  quand  ils  auroient  aflîs  leurs 
trônes  fur  la  cime  des  montagnes,  non  feu- 
lement ils  feroient  toujours  au  defTous  des 
cieux  ^  mais  mefmes  ils  feroient  encore  fous  la 
jurifdidion  des  foudres  ôc  des  tempeftes.  Au 
lieu  que  noflrcSeignr  lefus  eft  éleuc audefTus 
de  toutes  les  régions  de  Tair ,  &:  des  globes  de 
là  haut,ce  qui  montre  l'eleuation  infinie  de  fà 
dignité  par  deffus  les  Potentats  de  toute  la 
terre  habitable.  Mais  quand  ce  ne  feroitpas 
l'intention  de  TApoflre  de  faire  cette  oppo- 
iîtion  là, fi  efl  ce  que  la.chofe  dont  il  parle  icy 
requeroit  qu'il  y  fit  quelque  mention  du  lieii 
où  noftre  Seigneur  eft  maintenant  en  la  gloi- 
re de  fon  Père.  Car  premièrement  fi  vous 
auez  égard  à  la  dignité  inénarrable  de  fa  per- 
fonne^  la  demeure  de  la  terre  n'eft  pas  vn  fë- 
jourproprepourluy.Uafâlluqu'ily  ait  efté 

H  ij 


^tîdquè  tem|)s  |)endant  rœcohomie  âetà 
chair ,  parce  qu'il  y  deuoit  foufFrir  la  mort 
pour  k'-prôpitiatibn  de  nos  ofFenfès.  Mais 
quand  vne  fois  il  a  eu  exécuté  ce  que  foû 
Père  luy  auoit  commis  en xët  égard,  6c 
qu^eftant  refllifdté  dès  morts  il  a  fait  voir 
que  iâ  fatisfadiôn  eftèit  accomplie  ,  il  à 
fallu  qu  il  foit  retourné  au  Heu  d^dù  il  eftoit 
defcendù,  &  qu'il  y  foit  allé  reprendre  les 
ènfeignes  de  fa  diuinité  qu*il  y  auoit  laif- 
iéQS  pour  venir  monde.  Car  Dieu  s'eft 
teferué  le  ciel  pour  fon  habitation,  6c  a  don- 
iié  la  terre  pouï  demeure  aux  enfaris  des 
hommes.  Puis  après,  quand  vous  ne  régar- 
deriez (înon  à  l'éftat  auquel  fon  humanité  a 
'eftémifeparûrefurredion^illuy  falioit  vil 
autre  fejour  que  ces  lieux  bas  ôc  terreftres. 
Comme  l'Apoftrè  nous  enfeigi^e  que  la 
chair  ^  le  fan^ji^  ne  feuuent  hériter  le  Rvyànmi 
^^Z)/>»,c'eftàdire,  que  cette  nature  reue- 
'ftuë  6c  enuironnée  des  infirmiteT,  qui  l'ac- 
compagnent, n'eft  pas  dans  vne  conditioii 
propre  pour  demeurer  là  haut  dans  le  ciel, où 
'cesinfirmitez  ne  peuuent  trouuer  de  placet 
quand  cette  mefme  nature  à  efté  reueftuc 
de  l'incorrùption  &  de  l'immortalité,  àinfî 
qu*elleaefté  en  la  perfonne  de  noftre  Sei- 
gneur par  fà  refurredion,  il  faut  quelle  aillé 


Ii7 
loger  dan§  le  ciel,  ôcces  lieux  tçrreft^'cs  icy 
ne luy  peuuent  plus eftre  vn. domicile  conue- 
nable.     Et  fa,  charge  ^   de  quelque  façoqi 
qu  onla  confldere  ^  ne  requeroit  pas  moins 
cela  que  faperfonnç ,  ny  que  IcPi^t  glorieux 
auqueLfcn  corps  a  elle  mis  en  reflufcitant;, 
Carquaiuà  ce  qmeftdefa  Prophétie,  il  Ta 
bien  exercée  en perfonnç entre lesluifs en  la 
terre  tandis  qu'il  y  a  elté^parcq, qu'il  eftoit  Iç 
Miniftre  de  la  Circoncifion  ,  &:  que  cette  na^ 
tion  là  auoit  reçeu  cette  promeflè  des  Pro- 
phètes. Mais  ilfalloitauirrappeller.lesGen-. 
tils  a  fa  cpiinoifTance  ,.par  l'entremife  des 
gens  qivil  deuoit  eauoyer  pour  cet  eflfed.  Oi: 
en  les  enuoyât  il  les  falloit  auffî  munir  de  tou- 
tes les  grâces  àc  de  tous  les  talens  neceifaires 
pour  vne  fi  noble  commiiTion,  ôc pour  les  en 
munir,  le  S-  Efpiit  deuoit  eftre  enuoyé  dti 
Ciel  félon  les  anciens  Oracles.     Chriftdonc 
nepouuantenupyerle  S,  Efpriçdu  Ciel  s\l 
n'y  eftoitluymeliiie,&i*enuoyduS.  Efpric 
eftant'vne  fuitte  &  vn  eifed  defaglprifica- 
tipn,  félon  ce  que  IvEfcriture  dit,  Ze  S.  Efpm 
nefîoit  point  encore  donné  parce  que  le  fus  Chrijl 
nefloit  point  encore  qiorifiè,,  il  eftoii;  abfolument 
necelTaire  qu'il  fuft  receu-  là  ,haut  dans  les. 
cieux,  pour  pouruoir  à  la  vocation  des  na-. 
tïons  de, la  terre.  Et  c  eft  à  cela  que  l'Apodro: 

H^iij, 


rapporte  les  paroles  du  Pfalmiftc  au  Pfèaume 
^8.    fiant  monté  en  haut  il  a  mené  captiue  gran-- 
de  multitude  de  captifs  ^  ^  a  donné  dons  aux, 
hommes.  Luymefmçdonc  a  donne  les  vns  pour 
tflre  Apo/hes  ^  ^  les  autres  pour  efire  Prophètes^ 
^  les  autres  pour  eflre  Euangeliftes^  &  les  autres 
four  efire  Pafieurs  S^  Dofleuys  :  Pour  tajfem^ 
ilage  d^s  Saintts^par  l'œuure  du  minïjiere.^  pour 
V édification  du  corps  de  Chrift  :  lufqua  ce  que 
TtoTis  n  nis  rencontrions  tous  en  l'vnité  de  la  Foy^ 
^  de  la  connotjfance  du  Fils  de  Dieu  ,  en  homme 
parfait ,  a  la  mefure  de  la  -parfaite  fiature  de 
Chrifi.  Pour  ce  qui  regarde  fà  Sacrificature, 
c'a  bien  eftë  en  la  terre  qu'il  a  deu  offrir  fon 
corps  en  facrifice  en  la  Croix.  Mais  après; 
cela,  les  types  de  l'Ancien  Teftament,  ôc 
l'interprétation  que  noftre  Apoftre  nous  en 
donne,  nous  apprennent  que  comme  le  Sou- 
uerain  Sacrificateur ,  après  auoir  égorgé  la 
vidime  dans  le  lieu  (àint  au  jour  des  propitia- 
tions  folemnelles  &  anniuerfaires ,  paflbit au 
trauers  du  voile  6c  entroit  dans  le  lieu  tres- 
fàint  5  noftre  Seigneur,  après  loblation  de  fà. 
perfonne  &:la  fouffrancesdelamort ,  a  deu 
palier  au  trauers  du  voile  des  cieux ,  Se  entrer 
ainfi  dans  le  vray  Sancbuaire  de  Dieu  ^  parmy 
les  acclamations  &  les  applaudiflemens  des 
Anges.  De  fait ,  c'eft  là  qu'il  fe  deuoit  acquit 


119 

ter  de  l'autre  fondion  de  fbn  Sacerdoce ,  quî 
confifte  en  rincerceflîon  q  u'il  fait  pour  nous. 
Car  cette  interceflîon  fe  fait  par  la  commé- 
moration de  fon  Sacrifice ,  &  de  la  plénitude 
de  la  fàtisfadion  qu'il  a  rendue  à  la  juftice  de 
Dieu.  Or  cette  commémoration  requiert  la 
prefence  de  la  perfonne  de  Chrift  deuant  les 
yeux  de  Dieu  fon  Père  en  fon  Sanduaire.  En- 
fin fa  royauté  le  requeroit  pour  le  moins  auflî 
euidemment  qu'aucune  autre  chofe.  Le  Ciel 
deuoiteflre  fon  trône,  &  la  terre  le  marche- 
pied de  fcs  pieds^  puis'j  qu'il  prenoit  en  main 
l'adminiflration  de  l'empire  que  fon  Père  a 
fur  toutes  chofes  :  car  c'efl  ainfi  que  Dieu 
mefiiie  fe  décrit  dans  les  Prophètes  comme 
Roydel'Vniuers.  Il  deuoit  auoir  toutes  les 
créatures  fublunaires  ^  &  les  fpheres  mefmes 
des  Cieux  au  defTom  de  foy,  puis  qu'il  de- 
uenoit  le  gouuerneur  abfolu  de  toutes  les 
oeuures  de  la  nature.  C'efloit  de  là  qu'il  fal^ 
loit  qu'il  enuoyalt  fon  Efpric  pour  demeurer 
en  fon  Eglife,&  pour  régner  dans  les  coeurs 
de  fes  fidèles,  &:  pour  les  fléchir  puifîamment 
&  doucement  à  robeïflance  de  (qs  Loix. 
C'efloit  de  là  qu'il  falloit  quelquefois  qu'il 
fiftfentir  aux  nations  de  la  terre  cette  cpou- 
uantable  verge  de  fer  que  fon  Père  luy  a  mife 
en  la  main  ^  pour  les  mettre  en  pièces  comme 

H   liij 


12  O 

Iesvai{Ieàuxd^ynPotier,qLiand  elles  s'oppOri 
fent  trop  obftinëment  à  l'aiiancement de  ioii;^ 
règne.    Voila,  mes   Frères,  la: deferiptioiî' 
que  l'Apoftre  nous  fait  de  Chnft  ^  Voila  l'i* 
dée  qu'ilnous  en  donne.  Wt^mci  vous  donc, 
je  vous  Tupplie^  aueç  moy,qu*vn  prédicateur 
de  la  Gonimunion  de  Rome  à  monté  dans 
cette  chaire  pour  parler  à  vous ,  6c  qu*il  a.p-ris 
pour  thème  de  fon  propos  la  fentence  de 
f  Apoftre  que  je  vous  ay  expofée.  S'il  eftoit  ; 
en  cet  eftat  il  jfoudroit  qu  ij  vou's  difl  a  peu: 
prés  les  chofes  que  je  vous  ay  reprefentées. 
Sur  ces  mots  que  CAr//^/^/^  refplendeur  de  la 
gloire  de  Biéu  ^iXyo\\$  Àiïoii  que  la  perfônne 
du  Rédempteur  eft  vrie  image  glôrteuii  des 
vertus  ëmerueillables  de  laDiuinité,&:  qu'ors 
les  peut  voir  rayonner  en  luy,  comme  elles, 
rayonnent  éternellement  en  fon  Père.  Tel- 
lement que  fa  Bonté,  fa  luftiçe,  fàJVfiféri- 
cotde,  fa  Sagefle  inénarrable  &  fon  infinie 
Vertu  5  qui  font  inuifîbles  &  incomprehenr' 
iîbles  en  elles  mefmes,  fe  peuuent  en'  quel- 
que façon  voir  a  I*œil  6^  toucbier  à  là  main 
d^s  <:e  grand  &  diuiti  Sauueur.  Sur  ceux- cy 
G^u'iiefi  la  marque  engrauée  de  la  fubfiflence  de 
la  Dminitê  ,  il  faudroit  qu'il  déployafl  fon; 
éloquence  à  vous  expliquer  comment  le  Sei- 
gneur lefus  a  dans  foymefîpe  Ie$  traits  eter^ 


nels  &:  incfFaçables  de  cette  admirable  exi^ 
^nce  5  par  laquelle  Dieu  non  feulement  vie 
éternellement  en  luy-mefme  ,  &  jouît  ea 
{on  eflence  d!vné  immortelle  félicité ,  mais 
parlaquelk  il  fournit  encore  Peftre  à  toutes 
choies ,  &  les  remplit  chacune  félon  leur  na- 
ture decoiuentementôi  de  bon-heur.  Sur 
ceux-cy. ,  qu  il  foufîient  toutes  chofes  par  fa, 
farole  puiffante  ^  ce.  prédicateur  fans  doute 
ne  manqueroit  pas  de  vous  dire  que  c'elt 
vne  magnifique  defcription  de  cette  infinie 
vertu ,  par  laquelle  le  Seigneur  ïefus  confer- 
Vie  en  leur  eftre  les  cieux  &  la  terre ,  &:  toutes 
les  chofes  qui  y  font  contenues,  &  par  la- 
quelle encore  il  entretient  fooEglife,  l'illu- 
minant &:  la  fàndifiant  par  fà  parole,  &  la 
protégeant  contre  fes  ennemis ,  jufques  à  ce; 
qu'enfin  il  l*amene  à  la  jouïflcince  de  fon 
iàlut..  Surcequel'Apoflre  dit^  que  le  Sei- 
gneur lefu^  a  fait  par  foy-mefme  la  purq^ation 
de  nos  péchez^  y  Umagnifieroit  l'excellence  de 
fon  Sacerdoce ,  &  la  dignité  de  fà  per&nne, 
qui  eftant  infinie  en  elle-mefme,  a  donne  à 
fon  facrifice  vn  poids  &  vn  prix  infiny.  Enfin, 
fur  ce  que  l'Aportreadjoufte  que  Chrifb  s*e^ 
affîs  a.  la  dextre  de  la  Majeflé  es  lieux  très- 
hauts  y  ce  prédicateur  le  vous  reprefenteroit 
tout  refplendiflant  d'vne  lumkre  éclatante 


tu 
comme  celle  du  Soleil,  &  a/Iîs  là  haut  dans 
les  cieux  fur  vn  trône  tout  radieux  de  magni. 
iîcence ,  enuironné  des  légions  des  faints 
Anges,  &  gouuernant  delà  les  cieux  &  la 
terre  à  (a  volonté.  Reprefentez- vous  après 
cela  que  ce  mefme  homme  vient  à  tirer  fubi- 
tement  de  deffous  fà  robe  vn  ciboire  ,  8c 
qu  en  vous  montrant  là  dedans  vne  hoftie 
confàcrée  ^  il  vous  crie ,  Le  voilà^  Chreftiens^ 
ce  grand  Dieu  &  ce  grand  Sauueur,contem- 
plez-le  de  vos  yeux  ,  8c  luy  rendez  vos  ado- 
rations 8c  vos  hommages  3  quelle  confufion 
je  vous  prie  ,  mettroit-il  dans  vos  efprits^ 
quel  fremiflement ,  &  à  peu  que  je  ne  die 
quelle  horreur ,  de  voir  tout  d'vn  coup  vne  fi 
magnifique  idée ,  vne  reprefentation  fi  glo- 
xieufe  de  la  perfonne  de  noftre  Seigneur ,  qui 
vient  de  remplir  vos  efprits  dVne  vénération 
6cd*vne  admiration  extrême ,  conuertie  en 
vnechofe  fi  petite  8c  fi  obfcure,  &  qui  dans 
toutes  fes  apparences  extérieures  paroift  de  fî 
peu  de  prix  ?  Grand  Dieu  immortel ,  à  quoy 
en  eft  venue  la  ReligionChreftiene^  8c  com- 
ment a.  t-elle  tant  dégénéré  delà  fplendeur 
en  laquelle  elle  auoit  autrefois  eftémife  par 
les  Apoftres  de  lefiis  Chrift  ?  Et  qu*on  n'ap- 
porte point  icy  ces  diftindions  d'exiftence 
réelle  ôc  d'e^iftçnce  facr^mentelle,  d'cxi- 


ftence  vifible,  &  de  celle  qui  ne  l'efl:  pas* 
Toutes  ces  petites  fubtilîtezlà  n'empefche- 
ront  jamais  que  ceux  à  qui  Dieu  a  donné  les 
yeux  de  leur  entendement  illuminez,  nere- 
connoiflent  bien  la  différence  infinie  qu'il 
y  a  entre  la  Majefté  de  la  perfonne  de  ce 
grand  Dieu ,  &  vne  cliofe  qui  n'a  pas  mefme 
la  reflemblance  d  vn  homme.    Non ,  non, 
mes  Frères ,  ce  n'eft  pas  icy  bas  en  la  terre 
qu'il  faut  chercher  noftre  Seigneur  lefus 
Chrift ,  c*efl:  la  haut  au  ciel.  Ce  n  eft  pas  en- 
tre les  mains  des  hommes  contemptiblesôc 
mortels ,  c'eft  à  la  dextre  de  Dieu  qu'il  eft. 
Ce  n'eftpas  fous  vne  apparence  fi  méprifà- 
ble  qu'il  feprefente  aux  yeux  de  nosenten- 
demens  ,  c'eft  tout  rayonnant  de  majefté, 
&:  tout  enuironné  de  gloire.   Il  n'eft  point 
enueloppé  fous  les  efpeces  du  pain  &c  du  vin. 
S*il  y  eftoit,  elles  font  trop  foibles  &  trop 
minces  pour  empefcher  fà  gloire  de  s*y  faire 
voir:  elle ëclateroit  au  trauers,  ou  les  diflî- 
peroit  6c  les  feroit  ëuanouïr^  pour  refplendir 
aux  yeux  des  hommes.    Enfin ,  mes  Frères, 
il  n'eft  plus  déformais  expofé  ny  aux  outra- 
ges des  hommes  ,  ny  aux  autres  accidens  & 
odieux  de  funeftes,  contre  lefquels  TEglife 
Romaine  cherche  tant  de  précautions  :  il  eft 
dans  les  <:icui:  des  deux  au  deftusjde  toutes 


U4 
atteintes.    C*€ft  la  où  il  faut  que  nous  fe^ 

cherchions  des  mouuémens  de  nos  amesi 
ceftdelà  qu'il  faut  que  nous  attendions  les 
fruiébs  de  fà  croix  &:  de  (à  refurreâion ,  &  les 
fauorables  efFeds  dé  fon  afcenlîoaôc  de  foa 
introdudion  dans  le  lieu  tres-faint  oùh^bice 
leP^recel-efte.  En  effet,  mes  Frères', c*eft 
du  ciel  que  doit  couler  en  nos  confciences  le 
fenriment  de  noftre  ,paix  &  de  noftre  reconp 
ciliation  auec  Dieu,  &:  le  gouft du fruid de 
la  fâdsfadion  qu'il  a  rendue  à  la  juftice  de 
Pieu  par  foniâcrifice.  Car  TEfprit  confolaw 
teur vient  délai,  &:  ç'eft.de  la.ptefcnce  de 
TEternel,  où  font  tes  fépcefprits  de  Dieu, 
que  le  Seigneur  lefus  l'enuoye.  C'eft  de  là 
mefme  qu'il  faut  attendre  TefFet  de  fon  interr 
ceffion  en  la  perlèuerance  de  laquelle  nous 
auonsbefbin,  pour  nous  rendre  çonfkans  ei^i , 
toutes  fortes  de  combats,  &  pour.nçus  ei^ 
faire  remporter  yne  vidoire  glorieufe..  Car 
ce  ne  peut  eftre  ailleurs  quil  exerce  cette 
fonction  d'Intq*ce{Ieur  pour  nous  enuers 
Dieu,  puis  que  fon  intercelCon  confifte  priiv 
cipalementenfon  affiftance  deuant  Dieu,  &ç 
en  fà  glorieufe  prefence.  Ceft  de  là  encore, 
&  non  d'ailleurs,  que  nous  recelions  Tçfprit 
de  fàndifîcatioii ,  qui  nous  reforme  dt  nous 
régénère  à  fon  image.  Car  noftre  fàndifiç^- 


rîonéft  vn  efféd  de  fa  Royauté*,  qui  fe  deC 
ployé  en  nos  confciencesparlaprefencede 
îon  Efpric ,  &  qui  nous  rend  dociles  &:  obeïf- 
iàns  au  fceptre  de  la  Parole.  Or  il  ne  règne 
que  du  ciel  en  bas,  6c  s'il  a  lesrefnes  de  rvni- 
«ers  6c  principalement  de  nos  cœurs  en  la 
main ,  c'eft  de  deflus  fon  trône  celefte  6c  non 
d'ailleurs  qu'il  les  gouuerne.  Enfin  c'eft  de  là 
que  nous  deUonsefpererlà  protedioncon- 
tre  les  ennemis  de  noftre  fàlut,  de  quelque 
nature  qu'ils  puifTent  çftre.  Si  le  monde 
nous  veut  amorcerpar  les  appas  de  fes-volu- 
|>tez ,  il  nous  fait  par  fon  bon  Eiprit  fàuou- 
rer  de  tout  autres  biens ,  dont  le  gouft  eft  fi 
merueilleux ,  que  celuy  de  ceux  d'icy  bas  en 
comparaifon  eft  fade.  Si  le  Malirt  nous  veut 
furprendre  par  fes  embufches ,  ou  aflàillirà 
force  ouuenc  en  excitant  des  perfecutions 
contre  nous ,  Chrift  nous  prémunit  de  fon 
Efprit  de  fagefle  6c  de  prudence  contre  les 
ruies  de  cet  ennemy ,  6c  notfs  arme  de  ccluy 
de  force  contre  la  violence  de  fès  aflauts  -,  6c 
c'eft  du  ciel  que  nous  receuons  ce  fecours, 
qui  ne  nous  peut  venir  de  chofe  aucune  qui 
foit  en  la  terre.  Enfin,  fi  la  mort  mefme  nous 
furmonte ,  comme  il  eft  abfolument  indubi- 
table que  nousy  iiiccomberons  y  c'eft  enco- 
re du  ciel  que  npftre  Seigneur  defcendra. 


iiS 

pour  nous  faire  triompher  du  fepulcre  &  de 
toute  iâ  puiflance.  Au  refte ,  chers  Frères  ^  il 
ne  nous  faut  pas  contenter  de  chercher  no- 
ftre  Seigneur  lefus  là  haut ,  il  yfautaufliaf- 
pirer  ,  ielon  les  belles  efperances  que  luy- 
mefme  nous  a  données.  Car  il  y  a^bien  cer- 
tes quantité  de  raiibns  tirées  de  la  confidera- 
tiondefàperfonne^  &  de  celle  de  facharge^, 
&  des  neceffitez  de  (es  Fidèles  qui  font  en  la 
terre ,  pour  lelquelles  il  a  deu  monter  au  ciel. 
Mais  il  y  en  a  encore  vne  autre  que  je  n'ay 
point  touchée ,  &c  qui  nous  concerne  très- 
particulièrement  :  c'eft  qu'il  a  fallu  qu'il  y 
fbit  monté  pour  y  eftre  noftre  auanteoureut 
&  y  préparer  noftre  place,  ^ofire  cœurne  [oit 
foint  troublé  ^  difoit-  il  autrefois  à  ^q^  difciples^ 
&enleurperfonneànous  tous:  von^  croye^ 
en  Dieu  y  croyez^  auUî  en  moy.  Il  y  a  flujîeurs 
demeurances  en  la  maifon  de  mon  Père  \  s  il  e(loit 
autrement  ]ele  vous  eufie  dit  :  je  va  y  pour  voui 
y  préparer  lieu.  Et  quand ]e  m'en  feray  allé ,  é^ 
vousauray  préparé  le  lieu  Je  retourner ay  dere-^ 
chef^  dr-  votisreceuraya  moy  ^  afin  que  là  où  je 
fuis  .vous  foyez^aujli.  Et  TApoftre  au  chap. 
6.  de  t'Epiftre  aux  Hebrieux.  Nous  auons, 
dit-il ,  noftre  refuge  à  obtenir  le  (gérance  qui  notis 
€$  propofée  5  laquelle  nous  tenons  comme  vne 
Hnçre  feure  drferms  de  l^ame  ^  é*  penetrmn 


Î17 

j^fqudu  dedans  du  voile  :  où  le  fus  efl  entré  conU 
me  auantcoureur  pournous.  Et  il  eft,  en  mon- 
tant au  ciel  5  non  feulement  l'auantcoureur^ 
maislemodelledenoftre  gloire.  Car  com- 
me nous  auons  porté  l'image  du  premier 
homme  ,  nous  deuons  porter  celle  du  fe^ 
cônd  :  comme  la  communion  que  nous 
auons  auec  le  premier  Adam ,  nous  rend  ter- 
reftres  comme  luy ,  &  habitans  de  la  terre, 
celle  que  nous  auons  auec  le  fécond  nous 
rend  celeftes  comme  luy ,  &  nous  donne  àé% 
maintenât  la  qualité  de  bourgeois  des  cieux^ 
tant  l'efperance  que  nous  auons  d*y  parue- 
uenir  eft  indubitable.  EnefFect,  comme  de 
la  refurredion  de  Clirift  ,  l'Apoftre  argu- 
mente  à  la  noftre,  en  vertu  delà  commu- 
uion  que  nous  auons  auec  luy ,  de  forte  qu'il 
ofe  bien  prononcer  que  fi  nous  ne  reflufci- 
tons  point ,  Chrift  n'eft  point  refllifcité  ^  àc 
l'exaltation  de  Chrift  là  haut  nous  pouuons 
tirer  cette  confèquence  auec  vne  entière 
certitude  en  vertu  de  la  mefme  communion, 
que  fi  nous  n'y  fommes  pas  receus,  Chrift 
auflî  n*y  eft  point  monté ,  &  qu'il  ne  s'eft 
point  aflîs  à  la  dextre  de  fon  Père.  Or  main- 
tenant, dit  l'Apoftre,  Chrift  eft  reflufcité-, 
maintenant ,  pouuons .  nous,  dire ,  Chrift  â 
€ftcefleu€enbaut:fèsdifeiples  l'ont  veude 


leurs  ycuj:,  ^  l'ont  atteftéàtout  rvniuèr^j, 
&nousauonsfentyrefFet  de  cette  glorieufe 
Afcenfion  :  &  partant,  ne  doutons^pas  que 
nous  n'y  voyions  fa  gloire.  Et  c'eft  ce  qui 
fait  que  rApoftre ,  au  chap.  2,  de  l*Epiftre 
aux  bpliefiens  jConfidere  la  refiirredion  de 
Chrift,  &:fon  Afcenfion  au  Ciel,  6c  fon  aC 
fiette  à  la  dextre  defon  Père,  comme  nous 
appartenant,  &  cbmme  fînoûs  çftions  déjà 
glorifiez  en  (à  perfonne..  Z)«  temps  mefmes, 
dit-  il,  que  nous  efiions  morti  en  nos  fautes  j  Dieu 
noîis  a.  viuifiç\  enfemhle  auec  Çhriji  ^  par  la 
^race  duquel  vous  eftes  fauue^.Et  nom  a  rejjufch 
tez^  enfemhle  j^  ^  noîi^  a  fait  feoir  enfemhle  es 
lieux  celefies  en  Jejus  Chrifi.  Mais  ifî  nous  y 
afpirons,  mes  Frères  ,  il  faut  que  .ce  foit 
par  les  voyes  que  luy  mefme  nous  a  trar 
cëes,  &  perfeuerer  conftamment  en  cette 
courfe  qu'il  nous  a  donne,  de  commenr 
cer,  jufqu'à  ce  que  nous  fbyons  paruenus 
au  bout  de  la  carrière.  Carc*eft,non  à  la  foy 
feulement ,  mais  à  la  perfeuerance  en  la 
foy^que  le  fàlut  eft  promis.  Çeluy  qui  vaincra^ 
ditle  Seigneur,  &:  qui  eft  celuy  qui  vainc  fir 
non  celuy  qui  perleuere  jufques  à  la  rnort? 
le  leferay  âfieoir  auec  moy  fur  mon  trbne,  Pouj: 
cela  il  faut  imitçr  la  fainteté  de  fa  vie.car  c'eft 
dans  vnç  bonne  confcience  que  fe  cônfcrue 

le 


le  précieux  depoft  de  la  Foy.  Pour  cela  il  faut 
renoncer  aux  corruptions  du  monde,  car  il 
n'a  eu  aucun  commerce  auec  elles,  &c  il  s'en 
eft  toujours  tenu  infiniment  éloigné.  Auffi 
eft-il  certain  j  Frères  bien-aimez,  qu'entre 
les  corruptions  du  fiecle,  &  la  gloire  de  là 
haut ,  il  y  a  vne  répugnance  &  vne  contra- 
riété tout  à  fait  irréconciliable.  Pour  cela  il  (e 
faut  mefmes  en  quelque  forte  deftacher  des 
contentemens  qui  nous  font  permis.   Non 
pournous  en  priuer  entièrement  :  car  ils  ont  ' 
efté  créez  afin  que  nous  en  vfionsj  mais  pour 
ne  nous  y  abandonner  pas ,  de  pour  en  recon- 
noiftre  la  vanité ,  &  pour  mefmes  ne  les  gou- 
fterfinon  autant  que  nous  y  gouftons  quand 
&  quand  la  bonté  de  noftre  Seigneur  qui 
nous  les  fournit  libéralement, êc  qu'ils  fer- 
uent  à  nous  éleuer  vers  l'efperance  des  biens 
éternels  &  imperiflables.  Pour  cela  enfin  il  le 
faut  refoudre  à  fubir  volontairement ,  6c 
gayement  toutes  les  incommoditez,ôc  à  fouf- 
frir  toutes  les  perfecutions  aufquelles  la  pro- 
feflîon  du  faint  Euangile  eft  expofée.   Car  le 
Seigneur  lefus  nous  en  a  montré  l'exemple, 
quand  ilnes'eftpoint  rebuté  des  diftîcultez 
qu'il  a  rencontrées  en  fà  courfe  :  quand  il  ne 
s'eft  point  côtrifté  de  la  contradidion  des  pé- 
cheurs^ &  quand  iJ  s'eft  refolu  à  la  mort  pour 

I 


le  fàlut  du  genre  humain  &c  pour  la  confirmai 
tion  de  la  vérité  celefte.  N'aimons  donc  pas 
trop  cette  vie  corporelle ,  ôc  ne  craignons 
pas  la  mort.  Car  il  faut  defpouller  ce  corps 
mortel  icy  pour  eftre  reueftu  de  l'immorta- 
lité ,  Se  depofer  dans  la  poudre  de  la  terre  ces 
qualitez  corruptibles  &  naturelles  que  nous 
auons  maintenant ,  pour  pouuoir  eftre  parti- 
cipant de  l'incorruption,  .comme  le  faine 
-Apoftrelenousenfeigne.  De  forte  qu'il  ne 
nous  eft  pas  feulement  ineuitable  ,  mais  il 
nous  eft  expédient  de  mourir  ,  afin  que  ce 
mortel  icyfoitenglouty  par  la  vie.  Sur  tour, 
mes  Frères ,  ayons  perpétuellement  en  PeC- 
prit  Indée  de  la  gloire  de  noftre  Sauueur.  Car 
il  fera  impoflîble  qu'en  la  contemplant  at- 
tentiuement  des  yeux  de  l'entendemet,  nous 
n'en  -(entions  dés  maintenant  vne  irradia- 
tion fenfible,  qui  vinifiera  en  nous  Tefperan- 
ce ,  Se  qui  nous  portera  à  la  faindeté,  jufques 
à  ce  que  nous  foyons  transformez  là  haut  au 
Ciel  en  l'image  de  fa  gloire.  A  luy  qui  nous  en 
a  donné  l'efperance ,  comme  au  Père  &  au  S. 
Efprit^  vn  feul  Dieu  beniteternellement/oit 
gloire,  force  &  empire  aux  fiecles  des  fîecles: 
Amen. 


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