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Full text of "Une institution d'enseignement supérieur sous l'ancien régime : l'Université de Louvain, 1425-1797"

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LÉON  VAN  DER  ESSEN 


UNE  INSTITUTION 

ENSEIGNEMENT 
SUPÉRIEUR 

SOUS  L'ANCIEN  RÉGIME 


L'UNIVERSITÉ  DE  LOUVAIN 
(1425-1797) 


VROMANT  &  C°,  IMPRIMEURS-ÉDITEURS 


3,  RUE  DE  LA  CHAPELLE 
BRUXELLES 


37,  RUE  DE  LILLE  (VI«) 
PARIS 


1921 


THE  LIBRARY 


The  Ontario  Institute 


for  Studies  in  Education 


Toronto,  Canada 


COLLECTION   LOVANIUM 

OUVRAGES    SCIENTIFIQUES    ET   LITTÉRAIRES 
PUBLIÉS   PAR   DES    PROFESSEURS 

DE  L'UNIVERSITE  DE  LOUVAIN 


v 


NOV  1  2  1969 

THE  OH      '  ^TiïUTE 

FOR  STUDi|5  If 


UNE  INSTITUTION 

D'ENSEIGNEMENT  SUPÉRIEUR 

SOUS    L'ANCIEN    RÉGIME 

par  Léon  VAN  DER  ESSEN 


LIVRE  PREMIER 

HISTOIRE    EXTERNE    DE 
L'UNIVERSITÉ 


CHAPITRE  PREMIER 

Fondation    de    l'Université. 

LA  fondation  d'une  université  à  Louvain,  en 
1425,  conjura  la  déchéance  et  la  ruine  de  la 
vieille  cité  brabançonne. 
Durant  tout  le  xive  siècle,  patriciens  et  métiers 
louvanistes  s'étaient  combattus  avec  ardeur  pour 
obtenir  le  contrôle  du  gouvernement  municipal. 
C'est  ce  que  rappelle  la  saisissante  peinture  murale 
nous  montrant,  à  l'hôtel  de  ville  de  Louvain,  le 
chef  démocrate  Pierre  Coutereel,  déchirant,  sur 
le  perron  du  bâtiment,  devant  la  foule  accourue 
en  armes,  les  privilèges  politiques  de  ses  adver- 
saires. 

Toutefois,  dans  cette  lutte  on  ne  trouve  pas,  à 
Louvain,  la  continuité  et  la  férocité  qui  caracté- 
risent les  guerres  démocratiques  en  Flandre,  à  la 
même  époque.  Mais  les  conséquences  des  troubles 
civils  furent,  de  part  et  d'autre,  les  mêmes  :  la  ruine 
de  la  draperie,  l'exode  des  ouvriers,  la  misère. 
C'est  ainsi  que,  après  le  massacre  des  patriciens 
en  1378  et  l'émigration  de  la  plupart  des  ouvriers 
drapiers  en  Angleterre,  Louvain,  résidence  des 
ducs  de  Brabant  et  longtemps  ville  prospère,  était 


6  HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

condamnée  à  périr  lentement.  Son  industrie  ne  se 
relèverait  plus  jamais. 

Comme  ce  fut  souvent  le  cas  en  Italie,  pays  qui 
connut  à  un  égal  degré  la  fureur  des  luttes  démo- 
cratiques, l'érection  d'une  université  à  Louvain 
fut  envisagée  comme  un  expédient  pour  faire 
revivre  l'ancienne  cité. 

Comme  on  le  sait,  l'érection  d'une  université  au 
moyen  âge  était  le  monopole  du  Pape  et  de  l'Empe- 
reur, et  souvent  les  deux  pouvoirs  collaboraient 
pour  la  fondation  de  ce  qu'on  appelait  alors  un 
Studium  générale.  Il  fallait  donc  décider  le  duc  de 
Brabant,  Jean  IV,  à  prendre  l'initiative  d'une 
démarche  auprès  du  Saint-Siège.  La  première 
idée  de  faire  revivre  l'ancienne  gloire  de  Louvain 
en  dotant  la  ville  d'une  université  paraît  avoir 
germé  dans  l'esprit  des  conseillers  du  duc  et  parti- 
culièrement chez  l'un  d'eux,  Englebert  de  Nassau, 
un  des  ancêtres  de  la  maison  d'Orange-Nassau.  Le 
chroniqueur  ou  historiographe  du  duc,  De  Dynter, 
semble  aussi  avoir  joué  un  rôle  important  dans  les 
négociations  préliminaires,  rôle  que  le  laconisme 
de  sa  Cronica  Ducum  Brabantiae  ne  nous  permet 
pas  d'apprécier  comme  il  convient. 

Jean  IV,  qui,  de  par  ailleurs,  s'était  montré  un 
prince  peu  sympathique,  racheta  ses  fautes  et  ses 
méfaits  en  réalisant  le  désir  de  ses  conseillers,  qui 
était  aussi  le  désir  de  la  population  de  Louvain. 
Cette  dernière  tenait  à  héberger  dans  ses  murs  le 
Studium  projeté,  d'autant  plus  que  des  membres 
du  conseil  ducal  avaient  suggéré  Bruxelles  ou 
Malines  comme  siège  de  la  future  université.  Lou- 


FONDATION  DE  L'UNIVERSITÉ  7 

vain  l'emporta,  «  propter  miserationis  aspectum  » 
dit  Valerius  Andréas  ;  une  bonne  occasion  s'offrait 
de  restaurer  la  fortune  de  la  ville  presque  ruinée. 
L'année  1425,  Jean  IV,  d'accord  avec  le  magis- 
trat et  le  chapitre  de  Saint-Pierre,  envoya  des 
députés  au  pape  Martin  V,  pour  obtenir  l'acquiesce- 
ment du  souverain  pontife  et  la  publication  de  la 
bulle  érigeant  la  nouvelle  université.  Dans  le 
mémoire  transmis  au  pape,  le  duc  de  Brabant  pro- 
posait Louvain  comme  siège  du  Studium  à  cause 
de  l'abondance  qui  y  règne,  de  la  douceur  du  cli- 
mat, du  tempérament  de  la  population,  de  la  com- 
modité de  logement  et  de  toute  chose,  de  l'aspect 
riant  de  la  cité,  avec  ses  vignes,  ses  jardins,  ses 
vergers  et  ses  cours  d'eau.  La  requête  commen- 
çait par  exposer  que,  malgré  l'existence  de  plu- 
sieurs villes  renommées  dans  le  Brabant  et  dans 
les  autres  États  du  duc,  aucune  ne  possédait  encore 
d'université.  Jean  IV,  d'accord  avec  le  magistrat 
de  Louvain,  offrait  de  pourvoir  à  l'installation 
nécessaire  des  locaux  et  du  matériel  scolaire,  au 
paiement  des  maîtres  et  des  docteurs  enseignants. 
Le  recteur  de  l'université  serait  doté  de  la  juri- 
diction civile  et  criminelle  sur  les  membres  du 
Studium  et  tant  le  chapitre  de  Saint-Pierre  que  le 
magistrat  lui  céderaient  leurs  droits.  Les  maîtres 
et  élèves  auraient  la  liberté  d'aller  et  venir  où  bon 
leur  semblait  et  la  libre  disposition  de  leurs  biens. 
Tous  les  «  suppôts  »  du  Studium  jouiraient  des  pri- 
vilèges existant  dans  les  autres  universités. 

Après  avoir  soumis  ces  propositions  à  un  examen 
détaillé,  le  pape  Martin  V  donna  son  consentement. 


8  HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Peut-être  la  promptitude  de  sa  décision  en  faveur 
de  Louvain  s'explique-t-elle  par  le  fait  que,  cinq 
ans  auparavant,  les  Louvanistes,  mus  par  la  pré- 
dication du  cardinal  de  Plaisance,  avaient  pris 
part,  avec  des  fantassins  et  des  cavaliers,  à  la 
croisade   contre  les  Hussites.   Par  une  bulle  du 

9  décembre  1425,  le  pape  autorisa  la  fondation  à 
Louvain  d'une  université  complète,  comprenant 
les  facultés  des  arts,  de  droit  et  de  médecine.  Il  ne 
permit  point  l'établissement  d'une  faculté  de 
théologie  ou,  du  moins,  il  en  réserva  la  fondation. 

L'on  s'est  évertué  pendant  longtemps  à  cher- 
cher les  causes  de  cette  exclusion  ou  de  cette 
réserve.  Elles  sont  bien  simples.  Martin  V,  en 
n'autorisant  pas  la  fondation  d'une  faculté  de 
théologie,  a  obéi  uniquement  à  la  tradition.  Il  est 
aisé  de  voir,  en  parcourant  l'ouvrage  de  H.  Denifle, 
Die  Universitâten  des  Mittelalters,  que  près  des 
deux  tiers  des  universités  fondées  avant  1400 
n'eurent  pas,  dès  leur  origine,  de  faculté  de  théolo- 
gie. Des  dix-huit  universités  accordées  par  les  papes 
d'Avignon,  neuf  ont  reçu  le  droit  d'enseigner  dans 
toutes  les  sciences,  excepté  la  théologie.  Peu  de 
temps  avant  la  fondation  de  l'université  de  Lou- 
vain, la  même  attitude  avait  été  adoptée,  en  1419, 
au  sujet  de  l'université  de  Rostock.  En  faisant 
cette  réserve,  les  papes  ont  eu  l'intention  de  favo- 
riser par  un  monopole  l'ancienne  université  de 
Paris,  appelée  par  eux  le  Romanae  Sedis  Studium. 

La  bulle  de  Martin  IV  promet  à  la  nouvelle 
université  la  jouissance  des  privilèges,  libertés 
et  immunités   dont   étaient   dotés  les  Studia  de 


FONDATION  DE  L'UNIVERSITÉ  9 

Cologne,  Vienne,  Leipzig,  Padoue  et  Mersebourg. 
Le  prévôt  du  chapitre  de  Saint-Pierre  était  nommé 
chancelier  de  l'université.  A  lui  incomberait  de 
conférer  les  grades  aux  étudiants  que  leurs  pro- 
fesseurs en  trouveraient  dignes  et  d'accorder  la 
licentia  docendi  aux  maîtres  et  docteurs,  permis- 
sion qui  équivalait  pratiquement  à  la  licentia 
ubique  docendi,  la  permission  d'enseigner  dans 
toutes  les  écoles  et  universités  autres  que  Louvain. 
Cette  permission  de  caractère  si  universel  ne  pou- 
vait être  octroyée  que  par  une  autorité  univer- 
selle, le  Pape  ou  l'Empereur,  qui  déléguaient  leur 
pouvoir  au  chancelier  des  universités  par  eux 
fondées. 

La  bulle  de  Martin  V  spécifiait  en  outre  que  le 
recteur  recevrait  pleine  et  entière  juridiction  civile 
et  criminelle  sur  les  étudiants,  endéans  l'année 
qui  suivrait  la  publication  de  ce  document.  Ces 
conditions  furent  immédiatement  réalisées. 

Le  6  septembre  1426,  le  magistrat  de  Louvain 
céda  toute  juridiction  sur  «  les  suppôts  »  de  l'uni- 
versité; puis  ce  fut  le  tour  du  chapitre  de  Saint- 
Pierre  pour  se  désister  de  ses  droits.  Le  duc  de 
Brabant,  Jean  IV,  dut  aussi  abdiquer  ses  pouvoirs, 
mais  il  fut  difficile  de  l'amener  à  ce  dépouillement. 
Pour  le  décider,  l'autorité  académique  s'engagea 
à  rétrocéder  au  duc  et  à  son  représentant,  le  maïeur 
de  Louvain,  la  pleine  connaissance,  pour  les  mem- 
bres laïques  de  l'université,  des  causes  criminelles 
les  plus  graves.  Dans  ces  conditions  Jean  IV  se 
montra  bon  prince.  Non  seulement  il  remit  aux 
mains   du   recteur   toute   sa   juridiction   sur   les 


10         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

«  suppôts  »  et  membres  du  Studium,  réserve  faite 
de  l'accord  précité,  mais  il  octroya  en  outre  aux 
maîtres  et  aux  étudiants  deux  faveurs  importantes  : 
le  libre  accès  et  départ  de  la  ville,  c'est-à-dire 
l'exemption  et  l'immunité  des  gabelles,  péages, 
droits  d'entrée  et  de  sortie,  dont  il  percevait  les 
revenus  comme  seigneur  de  Louvain,  —  concession 
de  poids  pour  un  prince  féodal;  —  ensuite  la 
jouissance,  dans  ses  États  et  aussi  longtemps  que 
les  maîtres  et  les  élèves  demeureraient  à  Louvain 
pour  cause  d'études,  de  tous  droits,  privilèges, 
franchises  et  libertés  dont  jouissaient  les  bourgeois 
mêmes  ou  poorters  de  Louvain.  L'octroi  de  ces 
droits  de  bourgeoisie  était,  on  le  sait,  très  impor- 
tant à  l'époque  des  communes  :  il  gardait  l'habi- 
tant contre  l'arbitraire  du  seigneur  et  le  rendait 
membre  d'un  corps  puissant  et  jaloux  de  ses  droits, 
qui  protégeait  ses  affiliés  contre  toute  attaque. 

Il  ne  restait  plus  que  l'évêque  de  Liège,  dans  le 
diocèse  duquel  se  trouvait  Louvain,  pour  se  dépouil- 
ler de  ses  droits  sur  les  membres  de  l'université 
en  faveur  du  recteur.  Mais  l'évêque  se  montra 
moins  empressé  à  accorder  au  Studium  la  jouis- 
sance des  privilèges  pontificaux.  Déjà,  pendant  la 
première  année  académique  (1426-1427),  des  diffi- 
cultés surgirent  à  cet  effet  entre  la  nouvelle  insti- 
tution et  l'évêque.  Après  des  discussions  assez 
vives,  au  cours  desquelles  le  magistrat  s'unit  à 
l'Aima  Mater  pour  protester  vigoureusement,  un 
accord  s'établit  au  sujet  de  la  perception  des  revenus 
des  bénéfices  ecclésiastiques,  qui  étaient  en  posses- 
sion des  «suppôts»  de  l'université  dans  le  diocèse 


FONDATION  DE  L'UNIVERSITÉ  11 

de  Liège.  On  suivrait  les  règles  appliquées  en  cette 
matière  à  Paris,  à  Cologne  et  à  Heidelberg. 

Cette  imitation  des  pratiques  appliquées  en 
matière  bénéficiale  dans  les  dites  universités  fait 
surgir  la  question  :  sur  quelle  université  déjà 
existante  l'organisation  de  Louvain  est-elle  copiée? 

L'on  est  d'accord  pour  dire  que  l'organisation 
interne  de  Louvain  se  fit  sur  le  modèle  de  celles  de 
Paris,  Vienne  et  Cologne.  Rashdall  *  précise  cette 
constatation  en  disant  que  l'université  braban- 
çonne présente  partiellement  une  copie  directe  de 
Paris,  et  s'est  partiellement  inspirée  des  change- 
ments apportés  au  type  parisien  par  les  anciennes 
universités  allemandes.  Dans  ces  dernières  l'on 
trouve,  comme  à  Louvain,  le  pouvoir  académique 
concentré  entre  les  mains  des  maîtres  aux  dépens 
des  étudiants,  la  possibilité  d'élire  le  recteur  dans 
n'importe  quelle  faculté,  l'importance  minime 
accordée  à  la  division  des  étudiants  en  nations, 
la  dotation  de  certains  professeurs  par  l'érection 
des  collèges. 

Toujours  est-il  que  les  anciens  statuts  de  Lou- 
vain ne  sont  souvent  que  la  reproduction  littérale 
des  statuts  de  ces  universités.  L'ouverture  de 
l'université  de  Louvain  se  fit  l'année  1426.  L'instal- 
lation du  premier  recteur  eut  lieu  le  6  septembre. 
Guillaume  Neefs  avait  été  désigné  par  la  bulle  de 
Martin  V  pour  remplir  les  fonctions  rectorales 
pendant  cinq  ans.  Il  renonça  spontanément  au 
bénéfice  de  cette  mesure,  à  condition  qu'à  la  pre- 

1.  Rashdall,    The  Universities  of  Europe  in   the   Middle 
âges,  p.  259. 


12         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

mière  élection  les  suffrages  se  porteraient  sur  lui. 
C'est  ce  qui  arriva.  Pendant  son  rectorat,  qui  dura 
neuf  mois,  on  élabora  les  premiers  statuts  de 
l'université,  en  vertu  desquels  les  fonctions  recto- 
rales seraient  trimestrielles  et  électives  dans  les 
diverses  facultés.  Parmi  les  premiers  recteurs,  nous 
trouvons  le  nom  d'un  Anglais,  John  Lichton, 
originaire  du  diocèse  de  St  Andrews,  en  Irlande, 
maître  es  arts  et  bachelier  es  droits.  Il  fut  imma- 
triculé en  1428  et  nommé  recteur  le  31  mai  1432. 
A  l'ouverture  de  l'université,  le  corps  académique 
se  composait  de  quatorze  membres,  parmi  les- 
quels deux  bacheliers  en  droit  canon,  un  docteur 
en  droit  civil,  un  docteur  en  médecine,  un  licencié 
en  droit  canon  et  sept  maîtres  es  arts.  Tous  n'étaient 
pas  professeurs  :  le  recteur  Neefs  et  Gérard  Bruyn, 
doyen  du  chapitre  de  Saint-Pierre,  n'ont  jamais 
enseigné. 

CHAPITRE  II 

Les   premières   années   d'organisation 
et  d'enseignement. 

Dès  les  premières  années  de  son  existence,  l'uni- 
versité de  Louvain  avait  été  dotée  d'impor- 
tants privilèges,  accordés  par  l'autorité  pon- 
tificale et  par  les  ducs  de  Brabant.  Nous  les  étudie- 
rons en  détail  plus  loin.  Pour  le  moment,  il  suffit 
d'appeler  l'attention  sur  les  faits  suivants. -Dans  un 
temps  où  la  centralisation  administrative  était  en- 
tièrement inconnue,  on  sentit  le  besoin  de  détacher 
les  universités  des  autorités  locales  et  de  les  soumet- 
tre à  une  juridiction  particulière,  afin  de  maintenir 


PREMIÈRES  ANNÉES  D'ORGANISATION      13 

l'unité  dans  les  mouvements  d'un  grand  corps  en- 
seignant. L'autorité  des  deux  puissances  y  concourt 
efficacement  :  le  chef  de  l'État,  en  affranchissant 
les  universités  de  la  juridiction  temporelle,  et  le 
chef  de  l'Église,  en  leur  accordant  des  privilèges  et 
des  exemptions  canoniques  en  vertu  desquelles  ces 
corporations  n'étaient  soumises  qu'à  l'autorité 
suprême  du  Pape.  Dans  l'ordre  civil,  il  y  avait  une 
assimilation  marquante  entre  la  liberté  de  la 
commune  et  celle  du  corps  académique.  Nous 
dirions  aujourd'hui  :  c'était  un  État  dans  l'État. 

L'on  conçoit  dès  lors  que  l'université  était 
extrêmement  jalouse  de  ses  privilèges  et  qu'elle 
défendait  ceux-ci  avec  la  dernière  énergie.  Déjà 
en  1432  surgirent  à  Louvain  des  difficultés  avec 
les  autorités  civiles.  Les  agents  fiscaux  de  la  ville 
ne  respectaient  pas  l'exemption  des  membres  de 
l'université  de  tous  les  impôts  et  notamment  des 
droits  d'accise  sur  les  bières.  On  vécut  pendant  des 
semaines  sous  la  menace  d'une  grève  générale  des 
professeurs  et  des  étudiants  :  le  corps  académique 
alla  même  jusqu'à  rédiger  la  formule  par  laquelle 
on  proclamerait  le  cess^ls.  L'intervention  du  duc 
de  Brabant  parvint  cependant  à  apaiser  le  conflit. 

Peu  après,  c'est  avec  le  chancelier  du  duc  que 
l'université  est  en  guerre.  Le  chancelier  se  plaint 
des  nombreux  abus  commis  par  les  étudiants  : 
ceux-ci  s'adonnent  à  la  boisson  et  parcourent  les 
rues  pendant  la  nuit,  faisant  du  tapage  et  moles- 
tant les  habitants.  L'Aima  Mater  lui  répond  caté- 
goriquement qu'elle  n'écoutera  pas  ces  plaintes 
aussi  longtemps  qu'elle  ne  sera  pas  en  possession 


14         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

des  bulles  et  des  lettres  concernant  l'érection  de 
la  faculté  de  théologie.  Nous  avons  dit,  en  effet,  que 
le  pape  Martin  V,  en  fondant  l'université,  n'avait 
pas  permis  l'érection  de  cette  faculté.  Le  pape 
Eugène  IV  ne  maintint  point  cette  réserve.  Depuis 
1426,  tant  le  magistrat  de  la  ville  que  le  corps  pro- 
fessoral avaient  travaillé  sans  relâche  afin  d'obtenir 
du  Saint-Siège  l'adjonction  de  la  théologie  aux 
autres  facultés.  Leurs  efforts  furent  couronnés  de 
succès.  Le  7  mars  1432,  le  pape  Eugène  IV  leur 
accorda  la  faveur  si  ardemment  désirée  1. 

La  nouvelle  faculté  reçut  bientôt  un  local  digne 
d'elle.  Les  guerres  civiles  dont  nous  avons  parlé 
plus  haut,  ayant  ruiné  la  draperie  de  Louvain,  la 
majeure  partie  de  la  Halle  des  drapiers  se  trouva 
abandonnée.  Lors  de  la  concession  de  la  bulle 
d'Eugène  IV,  le  magistrat  de  Louvain  fit  appro- 
prier quelques  salles  dans  l'édifice  pour  servir 
d'auditoire  à  la  nouvelle  faculté.  On  y  transporta 
bientôt  les  deux  facultés  de  droit  et  de  médecine. 
Constatation  curieuse  :  l'université  n'occupait 
que  la  moitié  du  bâtiment,  située  du  côté  de  la  rue 
Kraekhoven;  l'autre  moitié  resta  garnie  de  bou- 
tiques de  marchands  jusqu'à  la  fin  du  XVIIe  siècle. 
Les  graves  professeurs  qui  enseignaient  au  local 
des  Halles  durent  être  plus  d'une  fois  troublés  dans 
leurs  doctes  leçons  par  les  cris  des  marchands  et  le 
bruit  de  la  foule  qui  se  pressait  tout  près  d'eux 
les  jours  de  marché.  Ce  n'est  que  le  16  juin  1679 
que  le  conseil    communal  céda  la  propriété  de  la 

1.   La  bulle  est  conservée  en  original  à  l'hôtel  de  ville  de 
Louvain, 


PREMIÈRES  ANNÉES  D'ORGANISATION       15 

Halle  à  l'université  moyennant  une  somme  de 
23,000  florins.  Devenue  propriétaire  de  l'édifice, 
Y  Aima  Mater  résolut  d'y  ajouter  un  étage  pour  y 
établir  les  auditoires  des  quatre  facultés.  C'est  ce 
beau  et  vénérable  monument,  datant  de  1317,  que 
les  soldats  allemands  ont  systématiquement  incen- 
dié le  25  août  1914. 

Il  n'était  pas  facile  de  réunir  un  corps  professoral 
pour  enseigner  les  sciences  sacrées.  Aussi  l'univer- 
sité dut  être  contente  de  pouvoir  engager  comme 
professeurs  Nicolas  Midi,  docteur  de  Paris  et  pro- 
fesseur de  théologie  à  cette  université  depuis  1425, 
Pierre  Fabri,  bachelier  de  Paris,  le  dominicain 
Jean  de  Winningen,  doyen  de  la  faculté  de  théo- 
logie de  Cologne,  Antoine  de  Recanati,  noble  ita- 
lien, docteur  de  Paris,  procureur  général  des 
ermites  de  Saint-Augustin  au  Concile  de  Bâle, 
Aimeric  de  Campo,  docteur  de  Cologne.  Tout 
comme  Louvain  s'était  inspiré  des  statuts  de 
Paris  et  de  Cologne  pour  rédiger  les  siens,  de  même 
elle  alla  chercher  dans  ces  Studia  célèbres  ses  pre- 
miers maîtres  et  professeurs.  L'année  1458,  le 
développement  de  l'université  fut  momentané- 
ment arrêté  par  la  peste  qui  ravagea  Louvain.  La 
population  estudiantine  de  plusieurs  pédagogies 
ou  collèges  de  la  faculté  des  arts  émigra  :  la  péda- 
gogie du  «  Lis  »  s'en  alla  cà  Ter  monde,  celle  du 
«  Château  »  à  Lierre,  celle  du  «  Faucon  »  à  Berthem. 

Cependant,  malgré  tous  ce^  contretemps,  Lou- 
vain prend  largement  part  au  mouvement  des 
idées  de  l'époque.  On  en  trouve  la  preuve  manifeste 
dans  la  lutte  ardente  qui  éclata,  déjà  vers  1446,  à 


16         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

propos  de  certains  maîtres  de  la  faculté  des  arts, 
qui  tombèrent  dans  les  bizarreries  du  nominalisme. 
Cette  lutte  se  prolongea  pendant  une  trentaine 
d'années,  pendant  lesquelles  la  faculté  de  théologie, 
le  docteur  Henri  de  Zomeren  en  tête,  mena  cam- 
pagne «  pour  la  cause  de  la  vérité  et  du  bon  sens  ». 

La  question  de  la  réforme  du  calendrier  occupa 
aussi  l'université  :  le  professeur  Rivo  entra  à  ce 
propos  en  lutte  avec  Paul  de  Middelbourg,  ancien 
étudiant  de  Louvain,  nommé  en  1479  professeur 
d'astronomie  à  Padoue.  Mais  les  événements  les 
plus  importants  qui  comptèrent  dans  l'existence 
de  la  jeune  université  furent  le  concile  de  Bâle  et 
les  controverses  doctrinales  concernant  les  indul- 
gences plénières. 

A  l'époque  de  l'organisation  de  la  faculté  de 
théologie  de  Louvain,  l'université  de  Paris  défendit 
avec  acharnement  la  théorie  de  la  supériorité  du 
Concile  sur  le  Pape  et  prit  la  tête  de  ce  mouvement 
d'opposition  au  Saint-Siège,  qui  allait  aboutir, 
en  1438,  à  la  «  Pragmatique  Sanction  »  de  Bourges. 
Le  bruit  de  cette  querelle  parvint  bientôt  à  Lou- 
vain et  dut  y  trouver  de  l'écho.  L'assemblée  du 
concile  de  Bâle  envoyait,  en  effet,  continuellement 
des  délégués  pour  obtenir  l'adhésion  de  la  nouvelle 
université  au  mouvement  d'opposition  qu'elle 
avait  organisé.  De  plus,  Louvain  comptait  parmi 
ses  professeurs  deux  docteurs  de  Paris,  Midi  et 
Recanati,  qui  devaient  partager  les  idées  gallicanes 
et  préconiser  l'indépendance  du  pouvoir  civil  vis- 
à-vis  de  Rome.  L'influence  de  ces  deux  professeurs 
ne  fut  cependant  pas  profonde.  Ils  furent  obligés 


PREMIÈRES  ANNÉES  D'ORGANISATION     17 

de  quitter  Louvain,  l'un  pour  cause  de  désobéis- 
sance, l'autre  à  raison  de  ses  intrigues  contre  YAhna 
Mater  au  concile  de  Bâle.  Louvain  n'admit  pas 
la  théorie  conciliaire  et  resta  fidèle  à  Eugène  IV, 
son  bienfaiteur,  et  à  ses  successeurs. 

L'université  se  montra  aussi  pleinement  d'accord 
avec  l'envoyé  du  pape  Nicolas  V  pour  la  manière 
de  comprendre  les  indulgences  plénières.  Elle 
tenait  pour  la  vraie  doctrine,  enseignant  que 
l'indulgence  ne  remet  pas  le  péché,  mais  la  peine 
qu'on  a  encourue  du  fait  d'avoir  péché.  D'un 
autre  côté,  elle  se  montra  réservée  et  excessive- 
ment sévère  pour  recevoir  des  quêteurs  d'indul- 
gences ou  pour  imprimer  sur  des  bulles  d'indul- 
gences, en  guise  de  recommandation,  le  «  grand 
sceau  du  recteur  ou  de  l'université  ».  Avant  1508 
nous  ne  trouvons  pas  trace  d'indulgences  concédées 
en  faveur  de  l'Aima  Mater.  L'enseignement  de 
Louvain  concernant  cette  matière,  notamment 
celui  d'Adrien  d'Utrecht,  professeur  de  théologie 
et  futur  pape,  fut  extrêmement  modéré. 

D'autre  part,  en  raison  de  son  organisation  même 
—  comme  nous  le  verrons  plus  loin  —  l'université 
dut  contribuer,  il  est  vrai  dans  une  faible  mesure, 
à  entretenir  un  grave  abus  :  des  bénéfices  ecclé- 
siastiques, destinés  à  l'entretien  des  ministres  du 
culte,  furent  détournés  de  leur  destination  primi- 
tive pour  constituer  le  traitement  de  professeurs 
ou  la  bourse  d'étude  d'élèves,  pendant  que  des 
remplaçants  ou  «  vicaires  »,  pauvres  toujours, 
ignorants  le  plus  souvent,  assumèrent  le  ministère 
sacré. 


18         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Dans  le  domaine  de  l'éducation  et  de  la  forma- 
tion politique  de  la  Belgique,  l'université  de  Lou- 
vain,  déjà  au  premier  demi-siècle  de  son  existence, 
eut  une  influence  indéniable.  «  L'unité  et  les  ten- 
dances sociales  de  son  enseignement  comblaient 
en  quelque  sorte  l'infranchissable  abîme  de  la 
diversité  et  de  l'incohérence  de  l'esprit  provincial  : 
peu  à  peu,  par  un  lien  nouveau,  le  germe  du  senti- 
ment de  l'unité  nationale  se  formait  et  se  dévelop- 
pait dans  ]es  intelligences  1.  » 

L'université  servit  aussi  d'intermédiaire  à  la 
Belgique  pour  ses  rapports  avec  les  pays  étrangers, 
et,  en  hébergeant  chez  elle  les  représentants  les  plus 
cultivés  de  ces  contrées,  contribua  grandement 
à  créer  des  liens  de  solidarité  internationale.  Ainsi 
on  trouve  à  Louvain  des  étudiants  allemands, 
français  et  italiens  dès  1426,  des  Écossais  dès  1427, 
des  Suédois  dès  1429,  des  Portugais  dès  1430,  des 
Suisses  dès  1441,  des  Danois  dès  1444,  des  Espa- 
gnols dès  1445,  des  Livoniens  dès  1447,  des  An- 
glais dès  1449.  Le  nombre  des  «  scholares  anglici  » 
se  décompose  comme  suit  :  sept  du  diocèse  d'Aber- 
deen,  cinq  du  diocèse  de  Brechin,  deux  du  diocèse 
de  Caitness,  un  des  diocèses  de  Dumblane,  Dunk- 
feld,  Edimbourg,  cinq  du  diocèse  de  Glasgow,  neuf 
de  celui  de  Moray,  un  de  Norwich,  quatre  de  Ross, 
dix-huit  de  St  Andrews,  un  d'York.  Les  Écossais 
sont  donc  les  plus  nombreux. 

1.   Mgr  de  Ram,    Considérations  sur  l'histoire  de  l' Université 
de  Louvain,  p.  338. 


L'HUMANISME  A  LOUVAIN  19 

CHAPITRE  III 
L'Humanisme  à  Louvain. 

Pour  comprendre  les  débuts  de  l'Humanisme 
à  Louvain,  nous  devons  insister  sur  l'exis- 
tence fort  ancienne  d'une  chaire  spéciale  de 
rhétorique  et  d'éloquence,  qui  appartint  en  propre  à 
la  faculté  des  arts.  Cette  chaire  fut  créée  en  1443,  en 
même  temps  que  la  chaire  de  philosophie  morale  ou 
d'éthique,  avec  l'autorisation  du  Pape  Eugène  IV. 
On  a  conservé  le  nom  de  la  plupart  des  titulaires 
de  cette  chaire  jusqu'à  la  fin  du  xve  siècle  et  on 
a  des  preuves  de  l'intérêt  qui  s'attachait  à  leur 
enseignement  au  sein  de  l'université.  On  peut  donc 
croire  à  l'existence  d'études  littéraires  qui  complé- 
taient les  études  de  grammaire,  accomplies  par  les 
jeunes  gens  admis  à  suivre  les  cours  de  philoso- 
phie à  la  faculté  des  arts. 

Le  professeur  qui  les  dirigeait  était  appelé  pro- 
fesseur d'éloquence  ou  rhéteur  :  rhetor  publions, 
rhetor  Lovaniensis,  rhetor  academicus.  La  faculté 
des  arts,  dont  on  avait  vu  accroître  le  nombre  des 
collèges,  devint  de  plus  en  plus  le  foyer  des  tra- 
vaux préparatoires  qui  devaient  conduire  à  la 
connaissance  mûrie  de  la  langue  latine  et  à  la  lecture 
de  nombreux  auteurs.  La  pédagogie  où  l'on  s'occu- 
pait davantage  de  la  langue  et  des  lettres  fut  la 
«  pédagogie  du  Lis  »,  le  Lilium,  datant  de  1437. 
Son  fondateur,  Carolus  Virulus  ou  Manneken, 
s'occupa  lui-même  des  méthodes  d'enseignement, 
et  se  piqua  de  donner  une  nouvelle  direction  aux 


20         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

études  de  grammaire.  Le  célèbre  Vives  a  relevé 
le  mérite  des  efforts  de  Virulus,  dans  son  traité 
De  tradendis  disciplinis. 

L'imprimerie,  qui  allait  contribuer  si  puissam- 
ment à  répandre  les  études,  vint  bientôt  apporter 
son  appui  aux  amis  des  lettres  à  Louvain.  Une 
première  tentative  des  disciples  de  Gérard  Groote, 
des  «  Frères  de  la  Vie  commune  »,  pour  monter  une 
presse  à  Louvain,  échoua  devant  les  frais  qu'occa- 
sionna l'entreprise.  Mais  bientôt,  en  1473,  l'uni- 
versité eut  à  son  service  Jean  de  Westphalie,  un 
imprimeur  destiné  à  acquérir  une  grande  renom- 
mée. Des  premiers  livres  qu'il  édita,  plusieurs  ser- 
virent à  répandre  des  textes  classiques  :  les  Satires 
de  Juvénal  et  de  Perse,  des  traités  de  Cicéron,  les 
Buccoliques  et  les  Géorgiqucs  de  Virgile,  VÉneïde,  les 
Facetiae  de  Poggio,  etc.  Dès  1488,  Jean  de  West- 
phalie imprime  en  caractères  hébraïques  les  cita- 
tions de  l'Ancien  Testament  dans  YEftistola  apolo- 
getica  de  Paul  de  Middelbourg.  D'autres  impri- 
meurs s'établissent  bientôt  à  Louvain  :  Jean 
Veldeneer,  Conrad  Bracm,  Conrad  de  Westphalie, 
Rodolphe  Loeffs  de  Driel,  Gilles  van  der  Heer- 
straeten,  Louis  de  Ravescot,  Herman  de  Nassau. 
Tous  ces  «  typographes  »  profitent  du  premier 
souffle  de  renouveau  qui  agite  le  monde  des  lettres 
et  lancent  dans  le  public,  à  côté  de  livres  destinés 
à  l'enseignement  de  la  théologie  ou  du  droit,  des 
textes  classiques  ou  des  productions  des  premiers 
humanistes  italiens.  Au  début  du  xvie  siècle,  le 
célèbre  Thierry  Martens,  d'Alost,  allait  supplanter 
tous  ses  compétiteurs. 


L'HUMANISME  A  LOUVAIN  21 

En  même  temps  que  les  «  typographes  »,  les 
libraires  se  multiplient,  à  tel  point  que  bientôt 
l'université  refuse  d'en  admettre  de  nouveaux.  Dès 
cette  époque  aussi  nous  voyons  des  maîtres  es  arts, 
après  avoir  donné  pendant  quelque  temps  des 
leçons  à  l'Aima  Mater,  ou  après  avoir  été  précep- 
teurs de  quelque  jeune  noble  attiré  dans  la  cité 
brabançonne,  s'établir  successivement  dans  diffé- 
rentes villes  comme  ludimagistri  ;  partout  où  ils 
arrivent  ils  apportent  l'amour  des  belles-lettres  et, 
pour  que  leur  zèle  ne  s'éteigne  pas,  leurs  anciens 
maîtres,  collègues  ou  amis,  Barlandus,  Dorpius  ou 
Érasme,  ne  cessent  de  leur  envoyer  des  conseils,  de 
leur  dédier  des  ouvrages,  de  leur  donner  des  encou- 
ragements. 

Le  cours  d'éloquence  était  alors  donné  par  Jean 
Paludanus,  qui,  en  novembre  1540,  se  vit  aussi 
nommer  professeur  de  «  poésie  ».  Il  fut  l'ami  intime 
d'Érasme  qui,  pendant  plusieurs  années,  usa  de 
son  hospitalité,  et  ne  laissa  passer  aucune  occasion 
de  lui  décerner  les  éloges  les  plus  flatteurs. 

Je  viens  d'écrire  un  nom  illustre  entre  tous,  celui 
d'Érasme  de  Rotterdam.  C'est  en  lui  qu'allaient 
s'incarner  les  aspirations  scientifiques  de  l'époque. 
Formé  par  les  «  Frères  de  la  Vie  commune  »,  il 
avait  étudié  à  Paris,  il  avait  visité  Orléans,  Oxford 
et  Londres,  il  était  en  correspondance  avec  les 
savants  les  plus  illustres,  il  avait  déjà  publié 
quelques  ouvrages  et  par  ses  Adagia,  imprimés 
pour  la  première  fois  à  Paris  en  1500,  il  avait  fait 
connaître  la  sagesse  antique.  Érasme  arriva  à 
Louvain  en  1502,  mais  il  ne  comptait  pas  rester 


22        HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

dans  le  Brabant.  La  peste  l'avait  chassé  de  France. 
Pendant  plusieurs  années  encore  il  parcourra 
l'Europe.  Au  mois  de  juillet  1517,  il  revient  à  Lou- 
vain  :  il  se  fait  immatriculer  le  30  août.  En  ce 
moment,  les  meilleures  relations  existent  entre  lui 
et  les  théologiens.  Il  n'en  sera  plus  de  même 
lorsque  la  révolte  de  Luther  contre  l'Église  aura 
semé  la  discorde  dans  l'Occident  catholique. 

Une  œuvre  à  laquelle  le  nom  d'Érasme  est  inti- 
mement mêlé  et  dans  laquelle  se  concrétise  l'in- 
fluence que  l'Humanisme  avait  su  acquérir  à  Lou- 
vain,  c'est  le  collège  de  Busleiden  ou  le  Collège  des 
Trois  Langues.  Le  27  août  1517  mourut  à  Bordeaux 
le  grand  mécène  que  fut  Jérôme  Busleiden.  Vou- 
lant après  sa  mort  continuer  ses  largesses  aux 
hommes  d'études,  il  avait  légué  une  partie  notable 
de  ses  biens  pour  fonder  à  Louvain,  soit  au  collège 
d'Arras,  soit  au  collège  de  Saint-Donat,  un  collegium 
auquel  il  attribua  treize  bourses,  destinées  à  entre- 
tenir des  élèves  qui  s'appliqueraient  à  la  connais- 
sance du  latin,  du  grec  et  de  l'hébreu,  et  à  payer 
des  professeurs  aptes  à  enseigner  ces  trois  «  langues 
savantes  ».  Mais  l'exécution  de  ce  projet  rencontra 
de  grandes  difficultés.  Comme  les  revenus  sem- 
blaient insuffisants,  les  deux  collèges  refusèrent 
la  donation.  Grâce  aux  instances  d'Érasme,  on 
résolut  de  construire  un  nouveau  collège,  le  Colle- 
gium Trilingue  ou  de  Busleiden. 

Il  faut  bien  reconnaître  que  la  nouvelle  institu- 
tion ne  fut  pas  établie  sans  opposition  et  sans  lutte 
au  sein  de  l'Aima  Mater.  Elle  avait  pour  adver- 
saires les  partisans  de  la  routine,   les  prôneurs 


L'HUMANISME  A  LOUVAIN  23 

ignorants  du  passé,  toute  une  foule  dominée  par 
les  préjugés  d'éducation  et  d'école.  Une  certaine 
inquiétude,  une  certaine  méfiance  se  montrait 
aussi  chez  la  plupart  des  membres  de  la  faculté 
de  théologie,  qu'en  ce  temps  de  réforme,  de  bruit 
et  d'exaltation,  tout  changement,  toute  nouveauté 
trouvaient  peu  sympathiques.  La  plupart  d'entre 
eux  gardaient  un  silence  peu  encourageant,  tandis 
que  d'autres  attaquaient,  même  violemment,  la 
nouvelle  institution.  Les  démonstrations  hostiles 
ne  manquèrent  point.  La  jeunesse  universitaire 
s'amusait  à  crier  en  mauvais  latin,  faisant  allusion 
à  l'emplacement  du  nouveau  collège  :  «  Non  loqui- 
mur  latinum  de  Foro  Piscium,  sed  loquimur  latinum 
matris  nostrae  facultatis  x.  »  L'intervention  d'Adrien 
d'Utrecht,  qui  était  déjà  cardinal  en  ce  moment, 
mit  provisoirement  fin  à  cette  cabale. 

Malgré  l'hostilité  qu'il  rencontra  au  début,  le 
collège  des  Trois  Langues  exerça  l'influence  la  plus 
salutaire  sur  le  progrès  des  lettres  en  Belgique.  Ce 
collège,  le  premier  établissement  de  ce  genre  et  qui 
servit  de  modèle  à  d'autres  nations  2,  était  consacré 
non  seulement  à  l'enseignement  des  trois  «  langues 
savantes  »,  mais  encore  à  la  critique  littéraire,  qui 
forme,  avec  la  polémique,  le  caractère  distinctif 
des  occupations  intellectuelles  du  xvie  siècle.  L'his- 
toire de  la  vie  et  des  travaux  des  professeurs  de 
ce  collège  est,  en  quelque  sorte,  l'histoire  d'Érasme 
lui-même,  comme  aussi  celle  des  humanistes  les 

i.  «  Nous  ne  parlons  pas  le  latin  du  Marché  aux  Poissons, 
mais  bien  celui  de  notre  mère  la  Faculté  (des  Arts) .  » 
2.  Il  servit  de  modèle  au  Collège  de  France. 


24         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

plus  célèbres  qui  continuèrent  son  école.  Les  noms 
des  professeurs  pour  la  langue  latine  Hadrianus 
Barlandus,  Conrad  Goclenius,  Petrus  Nannius, 
Juste  Lipse,  Erycius  Putanus,  Nicolas  Vernulaeus  ; 
des  professeurs  pour  la  langue  grecque  Rutger 
Rescius,  Adrien  Amerot,  Thierry  de  Langhe, 
Gérard  de  Coursèle,  Henri  Zoesius,  Pierre  Stock- 
mans;  des  professeurs  de  langue  hébraïque  Mat- 
thaeus  Adrianus,  l'Anglais  Robert  Wackefield, 
l'Anglais  Robert  Shirwood,  Joannes  Campensis, 
André  Gennep,  Valerius  Andréas,  sont  cités  avec 
éloges  par  les  historiens  de  la  Renaissance  et  de  la 
critique  littéraire. 

L'historien  de  la  Renaissance,  Henri  Hallam,  dit 
à  ce  propos  :  «  Cet  établissement  produisit  une 
foule  d'hommes  distingués  par  leur  érudition  et 
leurs  talents  ;  Louvain,  au  moyen  de  son  Collegium 
Trilingue,  s'élevant  à  un  rang  plus  éminent  encore 
que  celui  qu'avait  occupé  De  venter  au  xve  siècle, 
devint  non  seulement  le  foyer  principal  des  con- 
naissances littéraires  en  Belgique,  mais  aussi  un 
centre  d'où  elles  se  répandirent  en  différentes 
parties  de  l'Allemagne.  » 

CHAPITRE  IV 
Grandeur  et   décadence  ;  le   XVIe   siècle. 

Dans  le  premier  quart  du  xvie  siècle,  l'univer- 
sité de  Louvain  avait  acquis  une  célébrité 
mondiale.  Nombreux  sont  les  témoignages 
d'admirateurs  enthousiastes,  et  Valerius  Andréas, 
dans  ses  F  asti  Academici,  en  a  relevé  quelques-uns. 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  25 

Qu'il  s'agisse  de  Martin  Dorpius,  d'Adrianus  Bar- 
landus,  de  Zenocarus,  bibliothécaire  de  Charles- 
Quint,  d'Érasme  lui-même,  tous  sont  d'accord  pour 
dire  que  Louvain  ne  le  cède  en  rien  à  la  célèbre 
université  de  Paris:  c'est  à  peine  si  Paris  l'emporte 
pour  le  nombre  des  étudiants.  Écoutez  ces  passages 
des  lettres  d'Érasme:  «L'université  de  Louvain  ne 
le  cède  à  aucune  université  pour  le  nombre  des  étu- 
diants, excepté  Paris.  Les  étudiants  se  chiffrent  à 
environ  trois  mille,  et  journellement  il  en  afflue 
de  nouveaux  »  (1521).  «  Nulle  part  l'on  n'étudie 
d'une  façon  plus  heureuse,  ni  avec  plus  de  quié- 
tude... Nulle  part  l'on  ne  trouve  un  plus  grand 
nombre  de  professeurs  bien  préparés  à  leur  tâche  » 
(1521).  En  1524  le  grand  humaniste  écrit  de  Baie 
à  Giovanni  Matteo  Giberti,  dataire  de  Clément  VII  : 
«  L'université  de  Louvain  est  un  ornement  unique 
de  cette  partie  de  l'empire,  florissant  en  tous  genres 
d'études,  au  point  d'égaler  Paris.  Et  il  n'y  en  a  pas 
qui  soit  moins  infectée  de  luthéranisme.  » 

Cette  dernière  phrase  nous  rappelle  le  rôle  joué 
par  Y  Aima  Mater  et  particulièrement  par  la  faculté 
de  théologie  dans  la  lutte  contre  Luther.  Nous 
avons  déjà  dit  que  la  critique  et  la  controverse  for- 
ment le  caractère  distinctif  de  la  vie  scientifique 
du  xvie  siècle.  Nous  avons  vu  comment  Louvain 
se  distingua  dans  la  critique  par  le  collège  des 
Trois  Langues  ;  il  nous  reste  à  indiquer  en  quelques 
mots  comment  l'université  brilla  dans  la  contro- 
verse à  l'origine  du  protestantisme.  Lorsque,  en 
15 19,  les  écrits  de  Luther  arrivèrent  à  Louvain, 
l'université  prit  immédiatement  des  mesures  pour 


26         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

qu'ils  ne  fussent  point  vendus  dans  la  ville.  Après 
examen  des  livres  dans  les  réunions  de  la  faculté 
de  théologie,  celle-ci  estima  qu'une  condamnation 
officielle  s'imposait.  Les  Lovanienses  croyaient 
cependant  utile  de  s'entendre  avec  leurs  collègues 
de  Cologne  pour  entamer  la  lutte  contre  ces  doc- 
trines subversives.  Ils  envoyèrent  un  bachelier 
en  théologie  remettre  les  Conclusiones  nonaginta 
de  Luther  à  la  faculté  rhénane,  avec  prière  de  les 
censurer.  La  réponse  ne  se  fit  pas  attendre.  Un 
envoyé  de  la  faculté  de  Cologne  apporta  à  Louvain 
la  condamnation  prononcée  contre  les  écrits  du 
moine  de  Wittemberg  par  l'université  allemande. 

Le  7  novembre  15 19  marque  une  date  mémo- 
rable dans  l'histoire  de  la  faculté  de  théologie.  Le 
matin,  entre  neuf  et  dix  heures,  la  faculté,  réunie 
dans  la  salle  inférieure  du  chapitre  à  Saint- 
Pierre,  condamne  plusieurs  propositions  extraites 
du  livre  de  Luther  qu'on  a  entre  les  mains.  Pas  une 
concession  n'est  faite  au  novateur;  toutes  ses  idées 
fondamentales  —  qui  ne  formaient  pas  encore  un 
système  coordonné  —  sont  rejetées;  on  s'en  tient 
à  l'enseignement  traditionnel  de  l'Église  catho- 
lique, sans  réserve  aucune.  Au  mois  de  février  1520, 
Thierry  Martens  imprima  les  censures  de  Louvain 
et  de  Cologne.  C'était  la  première  condamnation 
de  Luther  portée  par  un  corps  constitué. 

Bientôt,  au  milieu  de  l'été,  le  pape  Léon  X  lance 
la  bulle  Exsurge  condamnant  Luther;  et  Charles- 
Quint,  dans  les  derniers  jours  de  septembre,  fait 
édicter  pour  les  Pays-Bas  un  placard  ordonnant, 
conformément  aux  prescriptions  papales,  de  con- 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  27 

fisquer  les  livres  de  Luther  et  de  les  brûler.  Le 
nonce  Aléandre  vint  apporter  la  bulle  de  Léon  X  à 
l'université  :  le  7  octobre  elle  fut  communiquée 
au  peuple  de  Louvain.  Le  8  octobre,  sur  la  grand'- 
place  de  la  ville,  en  présence  des  bourgmestres 
et  de  beaucoup  de  membres  de  la  suite  de  l'empe- 
reur, le  bourreau  brûla  plus  de  quatre-vingts  livres 
et  plusieurs  pamphlets  de  Luther. 

Désormais,  l'attitude  prise  par  l'université  de 
Louvain  vis-à-vis  des  doctrines  nouvelles  était 
claire  :  par  la  parole  et  par  la  plume,  elle  attaquera, 
partout  et  en  toutes  circonstances,  les  ennemis  de 
l'ancienne  religion. 

La  lutte  de  l'université  contre  Luther  avait 
marché  de  pair  avec  la  lutte  de  la  faculté  de  théo- 
logie contre  Érasme.  Celui-ci  avait  eu  une  très 
fausse  position  pendant  la  lutte  contre  le  novateur  : 
les  humanistes  favorables  à  Luther,  Mélanchton 
surtout,  voyant  l'appui  que  le  grand  savant  pou- 
vait apporter  à  la  cause  de  leur  maître,  ne  négligent 
aucun  moyen  de  rapprocher  Érasme  et  Luther. 
Devant  le  public,  l'humaniste  veut  garder  la  neu- 
tralité la  plus  stricte;  cependant,  fréquemment 
des  appréciations  favorables  et  flatteuses  pour  le 
révolté  lui  échappent.  Mais  bientôt  l'obstination 
et  la  violence  de  Luther  d'une  part,  et  les  mesures 
sévères  édictées  contre  lui  à  Worms  d'autre  part, 
firent  crouler  par  la  base  le  système  de  réconcilia- 
tion imaginé  par  Érasme.  Ce  dernier  ne  peut  se 
résigner  à  abandonner  cette  chimère.  Il  ne  suivra 
pas  Luther,  mais  il  essayera  de  garder  une  neutra- 
lité devenue  impossible.  Sollicité  par  les  protes- 


28         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

tants  à  prendre  le  parti  de  leur  maître,  pressé  par 
les  théologiens  pour  qu'il  écrive  en  faveur  de 
l'Église,  il  veut  gagner  du  temps,  contenter  tout 
le  monde  à  la  fois. 

Dès  lors  les  théologiens  de  Louvain  l'attaquent 
violemment  :  il  leur  répond  par  des  sarcasmes  et 
des  traits  acérés  de  sa  redoutable  plume.  C'est 
dans  ces  conditions  qu'il  quitte  Louvain  pour 
Bâle  en  1521,  emportant  un  souvenir  très  désa- 
gréable de  l'université  et,  en  particulier,  de  la 
faculté  de  théologie.  L'on  ajoutera  d'autant  plus  de 
poids  au  jugement  qu'il  a  porté  sur  les  membres 
de  cette  faculté  dans  un  moment  où  la  passion  ne 
l' égarait  pas  :  «  Je  trouve  que  les  théologiens  de 
Louvain  sont  honnêtes  et  humains...  Ils  n'ont  pas 
moins  d'érudition  théologique  que  ceux  de  Paris, 
mais  ils  sont  moins  sophistes  que  ceux  de  cette 
dernière  ville.  » 

En  ce  moment,  le  bon  renom  de  l'université 
de  Louvain  avait  atteint  son  apogée.  Les  apprécia- 
tions défavorables  portées  sur  elle  sont  inspirées 
par  des  considérations  d'ordre  philosophique  ou 
religieux  qui  n'ont  rien  à  voir  avec  la  sérénité 
objective  de  la  science.  Pour  l'enseignement  des 
lettres,  Louvain  rivalise  au  XVIe  siècle  avec  les 
académies  les  plus  célèbres  du  monde  et  dépasse 
de  loin  les  écoles  d'Outre-Rhin.  Pour  la  théolo- 
gie, cette  époque  ouvre  une  ère  de  splendeur 
exceptionnelle.  Ce  siècle  d'ardentes  polémiques 
religieuses  vit  briller  en  Belgique,  dans  tous  les 
domaines  de  la  science  sacrée,  des  savants  de 
premier   ordre    :    apologétique,  dogmatique,   mo- 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  29 

raie,  exégèse,  tout  resplendit  d'un  éclat  merveil- 
leux. 

Hélas  !  les  luttes  fratricides  qui  allaient  lancer 
les  uns  contre  les  autres  catholiques  et  réformés 
des  Pays-Bas  et  la  révolution  politico-religieuse 
contre  l'Espagne  amenèrent  peu  à  peu  la  déca- 
dence de  l'université.  Avant  d'esquisser  les  étapes 
de  cette  décadence,  il  nous  reste  à  signaler  quel- 
ques faits  qui  ne  sont  pas  sans  importance  dans 
l'histoire  de  la  ville  et  de  1'  «  Académie  »  de  Louvain. 

Vers  1525,  les  habitants  de  la  ville  de  Tournai 
essayèrent  de  fonde'r  une  nouvelle  université. 
Louvain  s'y  opposa  immédiatement,  implorant  le 
secours  du  magistrat  et  de  la  gouvernante  des 
Pays-Bas,  Marguerite  d'Autriche.  Lorsqu'on  leur 
demanda  des  explications,  les  Tournaisiens  allé- 
guèrent qu'il  n'entrait  pas  dans  leurs  intentions 
d'ériger  une  nouvelle  université,  mais  bien  quel- 
ques cours  pour  ceux  qui  désireraient  s'instruire 
en  français.  Ils  offraient  d'ailleurs  d'entrer  en 
relation  avec  les  autorités  académiques  de  Lou- 
vain pour  arriver  à  une  entente.  Mais  les  Louva- 
nistes  ne  voulurent  rien  entendre  et  rirent  inter- 
venir le  grand  conseil  de  Malines.  Celui-ci  obligea  en 
1530  les  Tournaisiens  à  abandonner  leurs  efforts. 

Une  tentative  analogue  fut  faite  par  les  habi- 
tants de  Douai  en  1532.  Eux  aussi  firent  valoir 
qu'il  serait  utile  de  fonder  une  université  dans  une 
ville  de  langue  française.  De  nouveau  les  Louva- 
nistes  protestèrent  avec  tant  de  véhémence  que 
Charles-Quint  n'osa  pas  accéder  au  désir  des  Douai- 
siens.  Ne  se  donnant  pas  pour  battus,  les  habitants 


30         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

de  Douai  essayèrent  d'obtenir  gain  de  cause  chez 
son  successeur,  Philippe  II.  Celui-ci  se  laissa  ga- 
gner à  leur  idée,  non  pas  pour  des  motifs  d'ordre 
linguistique,  mais  pour  des  raisons  de  prosély- 
tisme catholique.  Le  roi  d'Espagne,  champion  du 
catholicisme  en  Europe,  voulait  porter  un  coup 
mortel  à  une  université  de  langue  française  qui 
était  en  ce  moment  la  citadelle  du  calvinisme  : 
Genève.  En  fondant  Douai,  il  croyait  tuer  Genève 
ou  du  moins  empêcher  ses  sujets  des  Pays-Bas  de 
visiter  cette  dernière  ville,  au  grand  danger  de  leurs 
convictions  religieuses.  Aussi,  malgré  les  efforts 
désespérés  que  fit  Louvain  pour  empêcher  la  fon- 
dation de  sa  concurrente,  Philippe  II  tint  bon  : 
Douai  fut  fondée  en  1562. 

En  1542,  la  ville  et  l'université  de  Louvain 
échappèrent  à  un  grand  danger.  Cette  année,  un 
chef  de  mercenaires  connu  pour  sa  férocité,  Martin 
van  Rossum,  se  présenta  devant  Louvain  avec 
une  troupe  de  soldats  gueldrois  et  français-1.  Sur 
le  parcours  de  cette  troupe,  Anvers  et  Malines 
avaient  déjà  été  terriblement  ravagées.  Van  Ros- 
sum exigea  la  reddition  de  Louvain.  Comme  le 
magistrat  refusait  de  payer  la  contribution  de 
•guerre  qu'on  demandait,  le  chef  des  mercenaires 
fit  bombarder  la  ville.  Le  magistrat  envoya  alors 
des  parlementaires  pour  tâcher  de  sauver  la  situa- 
tion. Pendant  qu'on  parlementait,  un  grand  nom- 
bre d'étudiants,  surexcités,  se  précipitèrent  à 
l'improviste  sur  les  assiégeants,  et  avec  une  telle 
fougue,  qu'ils  mirent  van  Rossum  en  fuite.  Admi- 

1 .  Charles-Quint  était  alors  en  guerre  avec  la  Gueldre. 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  31 

rant  ce  fait  d'armes,  la  gouvernante  Marie  de  Hon- 
grie envoya  le  président  du  Conseil  privé  féliciter 
et  remercier  les  Louvanistes  de  leur  conduite.  Le 
magistrat  et  l'université  commémorèrent  ce  siège 
par  une  procession  solennelle  et  une  messe  d'actions 
de  grâces.  Cette  procession  eut  désormais  lieu  tous 
les  ans,  jusqu'en  1635. 

L'université  prit  aussi  une  part  considérable  au 
célèbre  concile  de  Trente,  qui  consacra  les  efforts 
faits  par  les  papes  pour  arrêter  les  progrès  de 
l'hérésie  et  pour  promouvoir  la  contre-réforme 
catholique.  En  1551,  les  délégués  de  l'université 
Ruald  Tapper,  doyen  de  Saint-Pierre,  les  profes- 
seurs de  théologie  Jean  van  Hasselt  et  Josse  Tile- 
tanus,  le  professeur  de  droit  Bernaerts,  partirent 
pour  représenter  Y  Aima  Mater  au  sein  du  concile 
et  prendre  part  à  ses  travaux.  En  1562  Philippe  II 
envoya  à  Trente  les  professeurs  Michel  de  Bay, 
Jean  Hessels  et  Corneille  Jansenius. 

La  publication  des  décrets  du  concile  à  l'uni- 
versité de  Louvain  se  fit  en  grande  pompe  en  1565. 
Après  que  le  secrétaire  eut  donné  lecture  du  décret 
de  publication,  le  recteur,  tête  découverte,  devant 
tous  les  professeurs,  lut,  en  conformité  des  déci- 
sions prises,  la  profession  de  foi  exigée  par  Pie  IV. 
Chaque  professeur  en  particulier,  à  l'appel  de  son 
nom,  dut  venir  prêter  le  serment  de  rejeter  les 
erreurs  de  Luther  et  du  luthéranisme. 

L'Aima  Mater  de  Louvain  continuait  donc  à  se 
montrer  absolument  dévouée  au  Saint-Siège.  De 
plus,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  elle  resta  fidèle 
au  roi  d'Espagne,  Philippe  II,  son  prince  naturel,  et 


32         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

n'épousa  point  la  cause  de  Guillaume  d'Orange  et 
de  la  révolution.  Mais  ce  loyalisme  religieux  et 
politique  ne  lui  enleva  point  son  indépendance  et 
ne  la  poussa  point  à  abdiquer  sa  dignité  devant 
le  despotisme  espagnol. 

_  Ainsi,  pour  citer  quelques  exemples,  un  théolo- 
gien de  Louvain,  le  célèbre  Sonnius,  s'épuisa  en 
efforts  pour  adoucir  la  sévérité  terrible  des  pla- 
cards édictés  contre  les  réformés.  Pour  mettre  un 
terme  à  de  longues  et  sanglantes  divisions,  l'uni- 
versité se  prononça  en  faveur  de  la  «  Pacification 
de  Gand  »,  qui  consacrait  la  paix  de  religion. 
Sous  l'impitoyale  duc  d'Albe  des  membres  de 
l'université  de  Louvain  osèrent  prendre  la  défense 
des  victimes  que  réclamait  le  bourreau. 

L'ancien  président  du  collège  des  Trois  Langues, 
Nicolas  a  Castro,  devenu  évêque  de  Middelbourg, 
s'opposa,  dans  l'intérêt  de  ses  diocésains,  à  l'odieux 
impôt  du  10e  denier.  Lorsque  le  comte  d'Egmont, 
victime  de  sa  naïveté,  de  sa  franchise  et  de  son 
imprudence,   fut  condamné  à  être  décapité,  un 
autre   professeur   de   Louvain,   Martin   Rythove, 
devenu  peu  après  évêque  d'Ypres,  fit  des  efforts 
énergiques   pour   fléchir  l'Espagnol.  L'université 
tout  entière  bondit  d'indignation  lorsque,  au  mois 
d'avril  1568,  le  duc  d'Albe  fit  arrêter  à  Louvain  et 
conduire  en  Espagne  Philippe- Guillaume  de  Nas- 
sau, comte  de  Buren,  fils  du  Taciturne,  âgé  de 
12  ans,   qui  était  étudiant    à  Louvain.   L'Aima 
Mater   protesta    hautement    contre    la    violation 
brutale  de  ses  privilèges.  Mais  en  l'absence  du  duc 
d'Albe,    un    subordonné    digne    de    son    maître, 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  33 

Vargas,  se  contenta  de  répondre  dans  un  latin 
dont  la  barbarie  est  passée  en  proverbe  :  Non 
curamus  ftrivilegios  vestros.  Réponse  qui  caractérise 
admirablement  l'arbitraire  de  la  domination  espa- 
gnole en  ce  moment  ! 

Si  la  Belgique  fut  enfin  délivrée  du  terrible  duc 
d'Albe,  c'est  en  grande  partie  à  l'influence  des 
professeurs  de  théologie  de  Louvain  qu'elle  le  dut. 
La  faculté  réunie  en  assemblée  générale  et  après 
avoir  promis  de  garder  le  secret,  sous  la  foi  du 
serment,  écrivit  une  lettre  confidentielle  au  roi  pour 
lui  exposer  l'état  malheureux  du  pays  et  pour  solli- 
citer le  rappel  du  brutal  gouverneur  K 

Le  départ  du  duc  d'Albe  ne  mit  pas  fin  à  la  misère 
de  Louvain  :  les  calamités  allaient  s'abattre  sans 
cesse  sur  la  malheureuse  ville.  Sous  l'influence  de 
l'université,  la  ville  de  Louvain,  contrairement  à 
l'attitude  adoptée  par  la  plupart  des  autres  villes 
du  Brabant,  était  demeurée  fidèle  à  Philippe  IL 
Elle  fut  dès  lors  constamment  exposée  aux  attaques 
des  «  gueux  »  et  des  partisans  du  prince  d'Orange. 

Déjà  en  1566,  lors  des  excès  des  iconoclastes, 
qui  pénétraient  partout  dans  les  églises  pour  les 
profaner  et  briser  les  images  des  saints,  les  étu- 
diants et  les  bourgeois  de  Louvain  furent  obligés, 
pendant  plusieurs  mois,  de  faire  la  garde  sur  les 
remparts,  nuit  et  jour,  pour  éviter  un  coup  de  main 
de  la  part  de  ces  bandes  de  pillards. 

En  1572,  le  prince  d'Orange  en  personne  vint 
mettre  le  siège  devant  la  ville  de  Louvain. 

En  proie  à  la  terreur,  on  promena  par  les  rues 

l.  Cette  lettre  est  conservée  à  Londres,  au  British  Muséum. 


34  HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

.de  la  ville  le  «  Saint-Sacrement  de  miracle  »  et  une 
foule  de  femmes  suivirent  pieds  nus  la  procession 
pour  implorer  le  secours  du  Ciel.  Le  magistrat  finit 
par  traiter  avec  le  prince  et  échappa  au  pillage 
en  livrant  passage  aux  troupes  qui  accompagnaient 
le  Taciturne.  Le  duc  d'Albe,  furieux  d'apprendre 
qu'on  avait  traité  avec  les  rebelles,  menaça  la 
ville  de  représailles  terribles;  les  supplications  des 
Louvanistes  émurent  Philippe  II,  qui  finit  par  leur 
pardonner. 

Toutes  ces  calamités  conduisirent  l'université  à  la 
ruine.  Les  étudiants,  craignant  pour  leur  vie  et  pour 
leurs  biens,  quittèrent  en  masse  la  ville.  Plusieurs 
professeurs  suivirent  cet  exemple.  Les  auditoires 
et  les  pédagogies  se  fermèrent  les  uns  après  les 
autres.  Cette  émigration  fut  accélérée  par  le  danger 
croissant.  En  1582,  la  ville  eut  à  repousser  une 
attaque  des  Français,  conduits  par  le  duc  d'Alen- 
çon;  l'année  suivante  c'est  un  lieutenant  du  prince 
d'Orange,  van  den  Tympel,  qui  essaie  de  se  rendre 
maître  des  portes.  Entretemps  une  grave  inonda- 
tion et  la  peste  (1572-1573)  étaient  venues  s'ajou- 
ter à  tout  ce  cortège  de  malheurs.  L'on  aura  une 
idée  de  la  situation  misérable  dans  laquelle  se 
trouvait  l'université,  en  constatant  que,  en  1574, 
le  professeur  de  théologie  Nicolas  Curtius  fut 
chargé  par  la  ville,  qui  lui  paya  neuf  livres  à  cet 
effet,  de  composer  un  opuscule  de  propagande  sur 
Louvain.  C'est  une  élégie  exhaltant  l'ancienne 
splendeur  de  l'université,  et  destinée  à  rappeler  les 
étudiants  «  que  la  terreur  et  la  fuite  ont  dispersés  ». 

Cet  exode  de  Louvain  n'avait  pas  été  causé 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  35 

seulement  par  les  dangers  fréquents  et  répétés 
qui  menaçaient  la  ville  de  l'extérieur,  mais  aussi 
par  des  troubles  intérieurs.  Depuis  1578  une  gar- 
nison royale  occupait  la  cité  :  elle  était  composée 
de  soldats  wallons,  allemands,  italiens  et  bourgui- 
gnons 1.  Destinée  à  protéger  Louvain  contre  les 
attaques  des  «  Orangistes  »,  la  garnison,  comme 
dans  toutes  les  villes  de  la  Belgique  où  se  trouvaient 
des  soldats  de  Philippe  II,  ne  fit  que  terroriser, 
pressurer  et  piller  les  habitants.  Dans  une  de  ses 
lettres,  l'université  dit  qu'elle  regarde  les  soldats 
à  loger  comme  des  ennemis,  qui  sont  à  craindre 
autant  que  les  adversaires  du  dehors.  Les  soldats 
allemands,  surtout,  se  montraient  d'une  rapacité 
et  d'une  brutalité  révoltante.  Sous  prétexte  que 
leur  solde  ne  leur  était  pas  payée  à  temps,  ils 
soumettaient  la  ville  et  l'université  à  des  contribu- 
tions de  guerre  exagérées.  Un  soir  ils  allèrent  même 
jusqu'à  assiéger  la  maison  du  recteur,  menaçant 
de  le  tuer  et  de  piller  ses  biens.  En  rue,  ils  accos- 
taient les  bourgeois,  leur  enlevaient  leur  argent  et 
leurs  habits,  et  molestaient  les  femmes.  Plus 
d'une  fois  ils  sortirent  de  la  ville  pour  aller  ran- 
çonner les  paysans  des  environs  :  après  avoir  volé 
leurs  victimes,  ils  finissaient  quelquefois  par  les 
tuer,  pour  faire  disparaître  les  témoins  de  leur 
crime.  Gagnés  parleur  exemple,  les  soldats  italiens 

1 .  Les  détails  qui  suivent  sont  empruntés  à  la  correspondance 
de  l'Université,  contenue  dans  le  manuscrit  n°  905  de  la  Biblio- 
thèque de  l'université  de  Louvain.  Ce  manuscrit,  que  j'avais 
chez  moi  en  consultation,  échappa,  grâce  à  cette  circonstance,  à 
la  destruction  de  la  Bibliothèque.  C'est  un  registre  du  xvie- 
xvne  siècle. 


36     HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

et   wallons  se  mirent  aussi  en  révolte   ouverte. 

Les  excès  de  ces  mercenaires  à  l'intérieur  de  la 
ville  contribuèrent  peut-être  plus  que  les  attaques 
de  l'ennemi  à  terroriser  les  étudiants,  à  les  faire 
émigrer  et  à  conduire  l'université  tout  droit  à  la 
ruine.  En  1580,  le  pape  Grégoire  XIII,  informé  par 
le  jésuite  Toledo  —  qui  avait  été  envoyé  à  Lou- 
vain  pour  l'affaire  du  Bayanisme  —  de  la  situation 
lamentable  où  se  trouvait  l'institution,  lui  envova 
une  somme  de  2,000  écus  d'or.  «  Vous  pourrez,  dit 
le  pape  dans  le  bref  qui  accompagne  ce  don,  vous 
partager  entre  vous  1,000  écus,  et  employer  l'autre 
moitié  à  éteindre  les  dettes  de  l'université.  Si 
1000  écus  sont  insuffisants  pour  vos  besoins  person- 
•  nels,  partagez  toute  la  somme  entre  les  professeurs.» 

Ce  don  pontifical  était  loin  d'être  suffisant  pour 
sauver  Y  Aima  Mater.  Aussi,  celle-ci  adressa-t-elle 
des  appels  de  secours  répétés  à  Philippe  II.  Mais 
le  roi  était  trop  absorbé  en  ce  moment  par  les  pré- 
paratifs de  son  expédition  contre"  Elisabeth  d'An- 
gleterre, et  son  lieutenant  Alexandre  Farnèse, 
gouverneur  des  Pays-Bas,  ne  put  qu'envoyer  de 
belles  promesses  au  magistrat  et  aux  professeurs 
de  Louvain.  Lui  aussi  avait  à  s'occuper  d'entre- 
prises plus  importantes  :  il  préparait  en  ce  moment 
le  siège  d'Anvers  (1585). 

Abandonnée  à  elle-même,  l'université  déclina 
de  plus  en  plus.  Ses"  dirigeants  durent  pousser 
un  soupir  de  soulagement  lorsqu'ils  virent  partir, 
en  1585,  la  garnison  royale.  Mais  de  nouveaux 
ennuis,  a.uxquehTYAImar Mater  ne  s'attendait  pas 
en  ce  moment,  allaient  surgir.  Elle  eut  à  défendre 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  37 

un  de  ses  principaux  privilèges  contre  les  Jésuites. 
Déjà,  en  1566,  le  provincial  des  Jésuites  et  le  rec- 
teur du  collège  que  la  compagnie  possédait  à  Lou- 
vain  avaient  montré  à  la  faculté  de  théologie  un 
privilège  apostolique,  permettant  aux  Jésuites  de 
créer  leurs  étudiants  bacheliers,  licenciés  et  maî- 
tres, au  cas  où  les  universités  ne  les  accepteraient 
pas  gratis.  La  faculté  répondit  que  les  Jésuites 
pouvaient  en  effet  accorder  librement  des  grades 
à  leurs  élèves,  mais  que,  s'ils  voulaient  suivre  les 
études  et  la  durée  de  celles-ci  à  l'université,  ils 
étaient  obligés  de  payer  comme  tout  le  monde. 
La  question  en  resta  là  pour  le  moment. 

En  1583,  les  Jésuites  recommencèrent  leurs  ten- 
tatives et  envoyèrent  une  pétition  au  conseil  de 
Brabant,  demandant  de  pouvoir  enseigner  publi- 
quement la  philosophie  et  la  théologie.  Le  conseil 
de  Brabant  adressa  la  requête  aux  facultés  des 
arts  et  de  théologie,  avec  prière  de  l'examiner  et  de 
communiquer  leurs  observations.  Pour  ce  qui  con- 
cerne la  faculté  de  théologie,  elle  rejeta  catégori- 
quement la  demande  des  Jésuites,  comme  contraire 
aux  privilèges  de  l'université  :  «Il  ne  faut  pas,  disait- 
elle,  qu'à  Louvain  on  érige  chaire  contre  chaire  et 
que  dans  l'enceinte  d'une  même  ville  il  y  ait  deux 
universités,  l'une  qui  fut  jusqu'ici  célèbre  dans 
tout  l'univers  et  qui  obéit  au  recteur;  l'autre,  une 
nouvelle,  composée  d'un  seul  collège  et  soustraite 
à  toute  influence  du  recteur  et  des  facultés.  » 

Pour  ce  qui  concernait  les  prétentions  des  Jé- 
suites à  l'enseignement  public  de  la  philosophie,  la 
faculté  des  arts  s'y  opposa  énergiquement.  Elle 


38         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

fit  valoir  «  qu'il  y  avait  déjà  quatre  pédagogies  où 
l'on  enseignait  la  philosophie.  Il  était  inutile  d'en 
créer  une  cinquième.  Les  étudiants  de  Louvain, 
apprenant  que  les  Jésuites  enseignent  gratis, 
quitteront  les  pédagogies,  qui  ont  déjà  demandé 
tant  d'entretien.  Si  les  Jésuites  accordent  à  leur 
tour  des  grades  et  les  multiplient,  ceux  de  la  faculté 
des  arts  n'auront  plus  de  valeur».  A  cette  protesta- 
tion de  l'université  il  n'y  eut  rien  à  répondre  :  les 
Jésuites  se  tinrent  tranquilles. 

Mais  en  1594,  ils  trouvèrent  un  allié  dans  le 
nouvel  évêque  d'Anvers,  Laevinus  Torrentius, 
qui  s'était  montré  en  toute  occasion  un  protecteur 
de  la  Compagnie.  Se  sentant  assez  forts  en  ce 
moment,  ils  tentèrent  une  fois  de  plus  d'obtenir 
l'érection  d'un  collège  de  théologie  et  de  philoso- 
phie. Il  y  eut  un  échange  de  lettres  peu  aimables 
entre  Torrentius  et  l'université.  Cette  dernière 
n'hésita  pas  à  faire  observer  que  «  entre  d'autres 
privilèges,  l'université  possède  celui  de  pouvoir 
empêcher  tout  le  monde  d'enseigner  publiquement 
la  philosophie,  en  dehors  des  pédagogies  et  des 
écoles  de  la  faculté;  que  ce  privilège  a  été  jusqu'ici 
toujours  conservé  inviolablement  et  que  ceux 
qui  ont  essayé  de  s'y  opposer  ont  toujours  été 
immédiatement  mis  à  la  raison;  qu'on  ne  peut 
permettre  aux  Jésuites  d'ouvrir  à  tous  sans  dis- 
tinction une  école  publique  de  philosophie  et  de 
troubler  la  faculté  des  arts  dans  la  possession  de 
son  privilège  ». 

Cependant  les  Jésuites  ne  se  tinrent  pas  pour 
battus  :  ils  s'adressèrent  au  Conseil  privé,  où  l'uni- 


GRANDEUR  ET  DÉCADENCE  39 

versité  comptait  beaucoup  d'ennemis  et  obtinrent 
partiellement  gain  de  cause.  Alors,  voyant  que 
l'affaire  prenait  une  tournure  défavorable,  l'uni- 
versité s'adressa  directement  au  Saint-Siège.  Le 
pape  Clément  VIII  le  prit  de  très  haut  :  le  22  sep- 
tembre 1595,  il  envoya  aux  abbés  de  Sainte-Ger- 
trude  et  de  Parc,  conservateurs  des  privilèges  apos- 
coliques  de  l'université,  un  bref  leur  ordonnant  en 
son  nom  de  forcer  les  Jésuites  de  s'abstenir,  immé- 
diatement et  sans  délai,  d'enseigner  publiquement 
la  logique  et  la  physique  dans  leurs  écoles.  Ils 
devaient  s'en  abstenir  jusqu'au  moment  où  le 
pape,  à  qui  revenait  l'examen  de  la  question,  aurait 
pris  une  décision  équitable.  De  plus,  par  un  bref 
du  16  mars  1596,  le  général  des  Jésuites,  Claudio 
Aquaviva,  fut  sommé  par  Clément  VIII  de  forcer 
les  Pères  de  Louvain  à  la  «  sainte  obéissance  », 
sous  peine  de  les  excommunier.  Il  ne  restait  aux 
Jésuites  qu'à  s'incliner  :  c'est  ce  qu'ils  firent  le 
10  avril  suivant. 

Ils  essayèrent,  il  est  vrai,  de  recommencer  à 
Liège  en  1613,  et  à  Louvain  même  en  1624  et 
en  1625,  tendant  toujours  à  pouvoir  créer  une 
école  publique  de  philosophie,  avec  l'autorisation 
de  conférer  des  grades,  sans  passer  par  l'université. 
Toutefois,  ils  ne  réussirent  point  dans  leur  tenta- 
tive. L'université  de  Louvain  l'emporta  facilement 
dans  la  lutte  pour  ses  privilèges. 

Cependant  elle  avait  ressenti  le  contre-coup  de 
la  longue  agitation  du  xvie  siècle.  Il  s'était  glissé 
dans  l'institution  des  abus  qu'il  fallait  redresser. 
L'administration  des  dotations  et  des  fondations 


40        HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

académiques  avait  été  désorganisée;  la  position 
des  professeurs  se  trouvait  amoindrie  au  point  de 
vue  scientifique  et  pécuniaire  et,  surtout,  il  était 
devenu  nécessaire  d'imprimer  à  l'enseignement  des 
sciences  sacrées  et  profanes  une  direction  plus 
régulière  et  plus  forte. 

CHAPITRE  V 

La  restauration;  la  visite  de  1617. 
L'Université  au  XVIIme  siècle. 

Cette  nouvelle  direction  devait  venir  de  deux 
princes,  dont  la  Belgique  a  conservé  le  sou- 
venir reconnaissant,  les  archiducs  Albert  et 
Isabelle.  Ce  furent  eux  qui  s'attachèrent  à  relever 
l'enseignement  de  Louvain.  Ils  furent  pour  l'uni- 
versité toujours  pleins  de  sollicitude,  mais  d'une 
sollicitude  plutôt  rigoureuse.  La  sévérité  de  la 
a  visite  »  ou  inspection  de  l'université  en  1607-1617 
éclate  dans  chaque  point  du  règlement  qui  fut  alors 
élaboré,  mais  elle  rendit  à  l'institution  une  régula- 
rité de  travail  que  les  malheurs  publics  avaient 
compromise. 

Nous  devons  donc  consacrer  quelques  mots  à  la 
fameuse  visite  ou  inspection  officielle  de  1617.  Dans 
l'histoire  des  universités  d'origine  médiévale,  le 
Pape  et  le  souverain  temporel,  qui  ont  collaboré 
pour  la  fondation  de  l'école,  unissent  toujours  leurs 
efforts  lorsque  les  grands  intérêts  de  l'institution 
semblent  exiger  l'intervention  de  leur  autorité. 
Une  visite  ou  inspection  officielle  de  l'université 
de  Louvain  avait  déjà  été  tentée  par  le  duc  de 


L'UNIVERSITÉ  AU  XVII*  SIÈCLE  41 

Bourgogne,  Charles  le  Téméraire,  en  1476.  Elle 
porte  le  cachet  d'autocratie  souveraine  qui  carac- 
térise tous  les  actes  de  ce  guerrier  entêté.  La  mort 
subite  du  prince,  tué  devant  Nancy  en  1477, 
arrêta  l'exécution  des  mesures  prescrites.  Cette 
visite  n'exerça  donc  aucune  influence  sur  le  déve- 
loppement de  l'institution. 

Il  n'en  est  pas  de  même  de  la  visite  de  1607- 
1617.  En  1607,  des  commissaires  furent  nommés 
pour  «  visiter  »  ou  inspecter  l'université.  Les  archi- 
ducs députèrent  Jean  Drusius,  abbé  de  Parc,  et 
Etienne  van  Craesbeke,  conseiller  de  Brabant;  le 
pape  nomma  comme  son  représentant  le  nonce 
Decio  Caraffa.  L'autorité  religieuse  aussi  bien  que 
l'autorité  civile  collaborèrent  pour  investir  les 
commissaires  des  pouvoirs  qui  leur  étaient  néces- 
saires. C'est  donc  à  tort  que  l'on  a  voulu  quelquefois 
représenter  la  «  visite  »  comme  un  acte  dû  unique- 
ment à  l'autorité  civile  et  comme  une  mainmise 
de  l'État  sur  l'université  de  Louvain.  La  déléga- 
tion canonique  du  nonce  date  du  7  juin  1607,  la 
délégation  civile  des  commissaires  des  archiducs 
du  27  juillet  de  la  même  année.  La  visite  affectait 
l'université  dans  son  ensemble  et  dans  chacun  de  ses 
membres  (tam  in  cafiite  quam  in  singulis  membris) . 

L'inspection  détaillée  de  l'université  fut  com- 
mencée en  1607.  Entravée  par  la  guerre  avec  les 
Provinces-Unies,  elle  fut  reprise  en  1609.  L'acte 
de  visite  fut  promulgué,  le  5  septembre  1617,  dans 
une  réunion  solennelle  de  tous  les  membres  de 
l'Aima  Mater. 

Nous  aurons  à  expliquer  en  détail  des  divers 


42        HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

points  de  cette  visite,  en  parlant  plus  loin  de  l'orga- 
nisation de  l'institution.  Bornons-nous  à  dire  pour 
le  moment  que  l'ordonnance  d'Albert  et  d'Isa- 
belle devint  la  grande  charte  académique,  en  vertu 
de  laquelle  se  régla  désormais  tout  ce  qui  regardait 
la  juridiction  des  autorités  universitaires,  les  pri- 
vilèges du  corps  académique,  les  intérêts  de  l'en- 
seignement et  ceux  des  collèges,  les  droits  et  les 
devoirs  des  professeurs  de  toutes  les  facultés,  la 
collation  des  grades,  la  discipline  et  la  conduite  des 
étudiants  et  des  fonctionnaires.  On  peut  dire  que 
ce  fut  «  la  première  loi  organique  sur  l'enseigne- 
ment supérieur  en  Belgique  ».  La  visite  de  1617 
consolida  l'autorité  de  Louvain  en  lui  donnant  le 
cachet  légal. 

Les  conséquences  de  cette  réforme  des  archi- 
ducs se  firent  sentir  immédiatement.  Pendant  la 
période  qui  va  s'ouvrir,  l'université  suivit  avec 
une  ardeur  nouvelle  la  marche  progressive  des 
sciences  et  des  lettres.  La  renommée  de  ses  pro- 
fesseurs, les  ouvrages  qu'ils  ont  produits  et  le 
nombre  prodigieux  d'élèves  accourant  de  toutes 
les  parties  de  l'Europe  pour  entendre  leurs  leçons 
sont  là  pour  le  prouver.  Juste-Lipse,  une  des  célé- 
brités de  cette  époque,  nous  affirme  que  le  nombre 
des  étudiants  montait  à  sept  ou  huit  mille  et  que 
parmi  eux  l'on  rencontrait  des  Hollandais,  des 
Frisons,  des  Flamands,  des  Allemands,  des  Fran- 
çais, des  Espagnols  et  des  Italiens. 

Si,  dans  la  première  moitié  du  xvie  siècle,  c'est 
la  faculté  de  théologie  qui  brille  d'un  éclat  inaccou- 
tumé, en  ce  moment  c'est  avant  tout  la  faculté  de 


L'UNIVERSITÉ  AU  XVII»  SIÈCLE  43 

droit  qui  tient  la  tête.  Étant  donné  les  tendances 
du  gouvernement  d'Albert  et  d'Isabelle,  ce  fait 
s'explique  aisément.  En  effet,  ce  qui  est  spécial, 
ce  qui  marque  dans  l'histoire  législative  de  ces 
princes,  c'est  l'œuvre  juridique.  Cette  œuvre 
n'était  pas  improvisée;  la  science  et  la  jurispru- 
dence dont  elle  s'inspirait  l'avaient  préparée. 

Lorsque  toutes  les  écoles  se  traînaient  encore 
laborieusement  dans  les  sentiers  de  la  routine, 
Louvain  put  s'enorgueillir  de  la  part  que  ses  pro- 
fesseurs prirent  à  la  révolution  qui  fit  changer  la 
science  du  droit,  en  substituant  l'enseignement 
théorique  à  la  méthode  obscure  des  glossateurs. 
Lorsque  le  gouvernement  espagnol  avait  interdit 
la  fréquentation  des  universités  étrangères,  l'en- 
seignement du  droit  romain  était  déjà  formé. 
Là,  au  pied  des  chaires  de  Louvain,  se  préparent 
les  avocats,  les  jurisconsultes  et  les  magistrats,  ces 
membres  du  Grand  Conseil  de  Malines  et  des  con- 
seils de  provinces  qui  ont  élaboré  l'œuvre  juridique 
des  archiducs.  Louvain  fut,  ici  comme  à  d'autres 
points  de  vue,  un  instrument  énergique  d'unité; 
ses  maîtres  agissaient  par  l'enseignement,  par  les 
publications,  par  leur  influence  scientifique,  par 
les  consultations  qu'ils  rédigeaient,  par  leur  entrée 
dans  les  conseils  judiciaires  eux-mêmes. 

A  la  suite  de  la  visite  de  1617,  les  diplômes  de  la 
faculté  de  droit  sont  officiellement  requis  pour 
l'admission  aux  offices  de  la  magistrature  et  au 
barreau. 

L'influence  de  la  faculté  de  droit  de  Louvain 
prenait  le  caractère  d'un  monopole  de  plus  en  plus 


44         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

impératif.  Des  professeurs  comme  Peckius  aîné, 
Coursèle,  Tulden,  Perez,  Gudelin,  sont  des  «  oracles 
du  droit  ». 

Pour  être  moins  brillant,  le  rôle  de  la  faculté  de 
médecine  n'en  est  pas  moins  digne  d'attention. 
Cette  faculté  examinait  avec  la  plus  scrupuleuse 
circonspection  toutes  les  nouvelles  doctrines  qui  se 
produisaient,  les  modifiait,  avant  de  les  enseigner, 
en  ce  qu'elles  pouvaient  avoir  de  défectueux  ou  les 
réfutait  avec  énergie  si  elles  n'étaient  pas  basées 
sur  la  vérité  et  le  bon  sens.  C'est  aux  professeurs 
de  cette  école  que  l'on  doit  la  circonspection  des 
médecins  dans  le  cas  où  il  s'agissait  d'établir  une 
théorie  nouvelle.  Les  découvertes  utiles  des  méde- 
cins étrangers  étaient  d'abord  soumises  au  creuset 
de  l'expérience  et  on  les  adoptait,  en  les  modifiant 
d'après  la  nature  du  climat  et  la  position  topo- 
graphique  du  pays. 

C'est  à  cette  époque  aussi  que  virent  le  jour  les 
deux  livres  qui  essayèrent,  pour  la  première  fois, 
de  donner  une  histoire  suivie  de  l'université.  C'est 
à  l'occasion  du  second  jubilé  de  Y  Aima  Mater,  fêté 
sous  le  rectorat  de  Jean  de  Myrica,  que  Nicolas 
Vernulaeus  composa  son  Academiae  Lovaniensis 
libri  III  (Louvain,  1627).  C'est  un  tableau  assez 
exact  et  assez  complet  de  l'organisation  de  Lou- 
vain. Ce  n'est  qu'en  1635  qu'apparut  une  œuvre 
strictement  historique,  les  Fasti  academici  de 
Valerius  Andréas,  professeur  au  collège  des  Trois 
Langues  et  premier  bibliothécaire  de  l'université. 
L'auteur  songea  à  donner  une  édition  expurgée  de 
cet  ouvrage,  car  la  seconde  édition,  parue  en  1650, 


L'ÈRE  DES  PERSÉCUTIONS  45 

fut  mise  à  l'index  «  jusque  correction  ».  Cette  cen- 
sure fut  motivée  par  certains  passages  où  Andréas 
se  montrait  favorable  à  Bayus  et  à  Jansenius. 

L'emorescence  des  études  à  Louvain,  pendant 
le  XVIIe  siècle,  fut  troublée  à  deux  reprises  par 
des  événements  guerriers,  la  première  fois  lors 
du  siège  de  la  ville  par  les  Franco-Hollandais 
en  1635,  la  seconde  fois  par  l'invasion  des  armées  de 
Louis  XIV.  En  1667,  au  cours  de  la  «  guerre  de 
dévolution  »,  le  roi  de  France  se  rendit  maître  de  la 
Flandre.  Craignant  de  devoir  soutenir  un  siège,  la 
ville  de  Louvain  poussa  activement  ses  travaux 
de  défense.  On  s'attendait  tellement  à  une  surprise 
de  la  part  de  l'ennemi  que  l'université  suspendit 
ses  cours,  pour  permettre  aux  étudiants  de  travail- 
ler au  renforcement  des  fortifications. 

CHAPITRE  VI 

L'ère  des  persécutions  ;  l'Université  sous 
le  régime  autrichien. 

LA  première  moitié  du  xvine  siècle  remplit  de 
tristes  pages  dans  l'histoire  de  Belgique. 
Néanmoins,  l'université  continua  à  remplir 
honorablement  sa  mission  pendant  cette  période. 
Le  professeur  Verheyen  créait  alors  par  ses  travaux 
la  connaissance  de  l'anatomie  médico-chirurgi- 
cale ;  l'illustre  Réga  présidait  à  l'établissement  d'un 
jardin  botanique  et  d'un  des  plus  beaux  amphi- 
théâtres d'anatomie  de  l'époque;  les  salles  de  la 
Faculté  des  arts  destinées  aux  expériences  phy- 
siques et  aux  discussions  en  philosophie  recevaient 


46     HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

des  agrandissements.  C'est  alors  que  furent  com- 
mencées les  majestueuses  constructions  de  la 
Bibliothèque  et  des  auditoires;  c'est  alors  aussi 
que  fut  fondée  une  imprimerie  académique. 

Ce  sont  là  des  signes  de  vitalité  scientifique  qu'il 
serait  malaisé  de  méconnaître,  mais  d'autre  part 
on  ne  peut  nier  qu'un  certain  relâchement  s'in- 
troduit de  nouveau  dans  le  régime  des  études,  à 
partir  du  milieu  du  xvme  siècle.  Depuis  1750, 
nous  rencontrons  une  série  de  règlements,  de 
réformes,  de  prescriptions,  de  la  part  du  gouver- 
nement autrichien,  qui  semblent  être  un  prolon- 
gement continu  des  décrets  gouvernementaux  de 
la  visite  de  1617.  Lorsque,  par  exemple,  nous 
voyons  en  1753  le  prince  Charles  de  Lorraine,  gou- 
verneur général  des  Pays-Bas,  publier  une  ordon- 
nance pour  faire  cesser  le  relâchement  qui  s'était 
introduit  dans  les  études  à  l'université,  il  est  impos- 
sible de  ne  pas  se  rendre  à  l'évidence.  UAlma 
Mater,  malgré  la  résistance  d'un  corps  jaloux 
de  ses  privilèges,  accueille  d'ailleurs  avec  recon- 
naissance les  différents  édits  de  l'impératrice 
Marie-Thérèse,  portés  soit  pour  réprimer  les  abus 
invétérés  par  l'âge  ou  produits  par  le  malheur  des 
temps,  soit  pour  établir  dans  l'enseignement  des 
améliorations  réclamées  par  l'époque. 

Il  y  avait  donc  certainement  des  abus  à  redres- 
ser. Mais  que  dire  de  la  lettre  outrageante  du  comte 
de  Cobenzl,  ministre  plénipotentiaire  autrichien, 
qui  écrit  en  1765,  en  parlant  de  Louvain,  qu'il  n'y 
voit  que  «  des  gens  peu  faits  pour  maintenir  le  bon 
goût    et   entièrement  livrés  à  la  barbarie   pour 


L'ÈRE  DES  PERSÉCUTIONS  47 

les  sciences  et  à  la  rusticité  pour  les  mœurs  »? 

Pour  comprendre  cette  appréciation  peu  flat- 
teuse, nous  devons  nous  rappeler  que  le  gouver- 
nement autrichien  introduisit  dans  les  Pays-Bas 
la  tendance  dominatrice  et  centralisatrice  qui,  non 
seulement  au  point  de  vue  philosophique  et  reli- 
gieux, mais  aussi  au  point  de  vue  politique,  abou- 
tira plus  tard  au  fébronianisme  et  au  joséphisme. 
L'omnipotence  de  l'État  dans  tous  les  domaines  est 
proclamée  en  principe  et  on  essaye  de  l'introduire 
en  fait.  L'enseignement  supérieur  n'échappe  pas 
à  cette  mainmise  du  pouvoir  central  et  de  plus  en 
plus  se  fait  jour  la  tentative  de  convertir  l'univer- 
sité libre  de  Louvain  en  une  université  d'État  ou 
du  moins  de  la  soumettre  à  un  contrôle  rigoureux. 
Sans  s'en  douter,  les  archiducs  Albert  et  Isabelle, 
par  leur  «  visite  »  ou  inspection  de  1617,  avaient 
ouvert  la  voie  à  cette  intervention  de  l'État.  Sans 
doute,  la  «  visite  »  s'était  faite  de  commun  accord 
par  les  deux  pouvoirs  civil  et  religieux.  Mais  les 
fonctionnaires  autrichiens  n'admettront  plus  l'in- 
tervention religieuse  et  regarderont  la  visite  de 
1617  comme  un  acte  essentiellement  civil.  Ils  s'en 
prévaudront  pour  bannir  toute  collaboration  de 
l'Église  dans  la  réforme  de  l'enseignement  supé- 
rieur. 

Il  leur  fallait  cependant  des  prétextes  pour  inter- 
venir directement  dans  l'administration  de  l'uni- 
versité de  Louvain.  Lorsqu'on  veut  se  débarrasser 
d'un  chien,  on  le  déclare  enragé.  C'est  ce  que  fit 
le  comte  de  Cobenzl;  pour  lui,  rien  n'était  bon  à 
Louvain.  Avec  la  phraséologie  creuse  qui  caracté- 


48         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

rise  tous  les  pontifes  de  V Aufklàrung,  il  parlera  de 
l'«  obscurantisme  »,  de  l'«  ultramontanisme  gros- 
sier »  qui  règne  à  Louvain  et  qu'il  faut  abattre.  La 
voie  est  toute  trouvée  pour  livrer  passage  à  l'admi- 
nistration tracassière  et  ennemie  des  privilèges, 
qui  caractérise  le  gouvernement  autrichien. 

Cobenzl  s'empressa  de  faire  nommer  un  commis- 
saire royal  permanent  chargé  «  de  veiller  exacte- 
ment à  tout  ce  qui  pouvait  intéresser  la  direction, 
la  discipline,  la  police  et  les  études  de  l'université,  à 
l'effet  de  quoi  le  recteur,  les  doyens  des  facultés, 
ainsi  que  tous  les  autres  membres  et  suppôts  sont 
tenus  de  donner  l'information  qu'il  demandera  ». 
Par  cet  édit,  porté  le  18  juillet  1754,  le  comte 
Patrice  de  Nenny,  un  Irlandais,  président  du  Con- 
seil privé  des  Pays-Bas  autrichiens,  fut  investi 
des  fonctions  de  commissaire  royal. 

C'était  le  premier  pas  en  faveur  des  réformes  que 
le  gouvernement  méditait  d'opérer  en  Belgique. 
Nenny  s'acquitta  cependant  de  ses  fonctions  avec 
tact  et  modération;  on  lui  doit  plusieurs  bonnes 
mesures  pour  la  régularité  et  le  progrès  des  études. 

Sous  le  gouvernement  de  Joseph  II,  Louvain, 
attaché  à  des  principes  opposés  aux  réformes  que 
l'empereur  rêvait  d'introduire  dans  ses  États, 
devint  nécessairement  l'objet  des  rigueurs  du 
gouvernement.  La  faiblesse  de  l'enseignement 
académique  fut  le  prétexte  mis  en  avant  pour 
démolir  peu  à  peu  la  résistance.  L'on  vit  alors  des 
attaques  contre  l'université,  comme  celles  de 
l'auteur  anonyme  de  la  brochure,  publiée  à  Lille 
en  1783,  sous  le  titre  Recueil  de  quelques  pièces 


L'ÈRE  DES  PERSÉCUTIONS  49 

pour  servir  à  la  continuation  des  Fastes  académiques 
de  V  Université  de  Louvain.  C'est  une  sortie  violente 
contre  l'«  ultramontanisme  le  plus  grossier  »  qui, 
au  dire  de  l'auteur,  règne  à  la  faculté  de  théologie, 
et  une  défense  enthousiaste  des  idées  fébroniennes 
et  joséphistes. 

En  1786,  par  un  édit  publié  le  16  octobre, 
Joseph  II  veut  introduire  des  réformes  plus  radi- 
cales dans  les  écoles  de  Louvain.  Il  décrète  l'éta- 
blissement, près  de  l'université,  d'un  séminaire 
général  pour  les  études  théologiques,  dont  le  pro- 
gramme était  rigoureusement  tracé  par  le  gou- 
vernement. 

Cette  mesure  provoqua  une  opposition  énergique 
du  corps  professoral  et  du  clergé.  Une  émeute 
éclata  dans  les  rues  de  la  ville.  Rempli  de  colère, 
l'empereur  ordonna,  le  17  juillet  1788,  de  trans- 
férer à  Bruxelles,  «  sous  l'œil  vigilant  du  gouver- 
nement »,  les  facultés  de  droit,  de  médecine  et  de 
philosophie,  et  de  laisser  à  Louvain  la  seule  faculté 
de  théologie  avec  le  séminaire  général. 

Cette  mesure  ne  put  porter  ses  fruits.  Les  Belges, 
excédés  par  les  tracasseries  du  gouvernement  au- 
trichien et  la  violation  brutale  de  leurs  privilèges, 
venaient  de  se  lever  en  masse.  On  sait  le  succès 
de  ce  mouvement  connu  dans  l'histoire  sous  le 
nom  de  «  Révolution  brabançonne  »  :  les  Autri- 
chiens furent  chassés  et  l'on  proclama  l'indépen- 
dance des  États  belgiques  unis. 

Le  successeur  de  Joseph  II,  François  II,  parvint 
à  surmonter  la  crise  à  force  de  diplomatie  et  de 
souplesse.  Par  un  acte  de  1793,  il  confirma  à  l'uni- 


=50     HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

versité  restaurée  son  ancien  état  constitutionnel  : 
«  L'université,  établie  à  perpétuité  dans  la  ville 
de  Louvain,  est  et  demeurera  un  corps  brabançon; 
en  conséquence,  elle  doit  et  devra  être  traitée  en 
toute  chose  conformément  à  la  Joyeuse  Entrée  ». 

CHAPITRE  VII 

Le  régime  français  et  la  suppression  de  l'ancienne 

Université. 

EN  1794,  les  armées  de  la  République  fran- 
çaise envahirent  la  Belgique  et  l'annexion 
du  territoire  fut  proclamée.  L'université 
eut  beaucoup  à  souffrir  du  nouveau  régime.  Elle 
s'opposa  énergiquement  à  toutes  les  prescriptions 
antireligieuses  de  la  République.  Lorsque  la  mu- 
nicipalité de  Louvain  l'invita,  par  lettre  du  16  jan- 
vier 1795,  à  assister  en  corps  à  l'ouverture  du 
Temple  de  la  Raison,  elle  refusa  avec  indignation. 
D'où  colère  du  gouvernement  républicain.  Le  mi- 
nistre de  l'intérieur,  Benezech,  se  rendit  à  Louvain, 
le  31  janvier  1797,  et  fit  une  descente  de  lieu  à 
Y  Aima  Mater.  Il  fut  reçu  aux  Halles  universitaires 
en  compagnie  du  général  Beurnonville,  par  le 
professeur  Van  Gobbelschroy.  Comme  ce  dernier 
lui  montrait  d'abord  l'auditoire  de  droit  en  disant  : 
«  Voici  l'école  de  droit  canon  »,  le  ministre,  se  tour- 
nant vers  le  général,  lui  dit  :  «  C'est  donc  votre 
école  !  »  «  Citoyen  ministre,  répliqua  Van  Gobbel- 
schroy, les  canons  que  l'on  enseigne  ici  sont  plus 
anciens  que  ceux  du  citoyen  général.  » 

Cette  visite  fut  l'annonce  de  la  suppression  pro- 


LE  RÉGIME  FRANÇAIS  51 

chaine  de  l'université.  Les  autorités  académiques 
ne  s'y  trompèrent  point.  Dans  une  réunion  de 
professeurs,  Jean-François  Van  de  Velde,  un 
homme  d'un  caractère  et  d'un  courage  magnifiques, 
qui  s'était  déjà  distingué  dans  la  lutte  contre  le 
gouvernement  autrichien,  prononça  ces  remar- 
quables paroles,  qui  environnent  comme  d'une 
auréole  de  gloire  l'université  à  la  veille  de  sa  mort  : 
«  Puisqu'il  faut  périr,  mourons  debout  pour  la 
défense  de  notre  sainte  Foi,  pour  nos  vieilles 
mœurs,  pour  nos  coutumes  pieuses  et  chrétiennes  ! 
La  tombe  de  notre  université  sera  du  moins  ornée 
de  cette  gloire  posthume  qu'elle  n'est  pas  tombée 
par  sa  propre  lâcheté,  mais  qu'elle  a  été  brisée  par 
les  coups  de  ses  ennemis,  qui  sont  aussi  ceux  de 
la  Foi  !  » 

Peu  de  temps  après,  un  arrêté  de  l'administra- 
tion centrale  du  département  de  la  Dyle,  daté  du 
4  Brumaire  an  iv  de  la  République  française 
(25  octobre  1797),  supprima  purement  et  simple- 
ment l'université  de  Louvain.  Un  autre  arrêté, 
du  8  novembre  suivant,  compléta  la  mesure  par 
la  suppression  de  tous  les  collèges  annexés  à 
l'Aima  Mater. 

C'était  une  grande  et  belle  institution  qui  dispa- 
raissait. Louvain  avait  été,  en  quelque  sorte,  le 
centre  et  le  pivot  d'une  communauté  d'idées 
nationales  et  patriotiques  qui  se  forma  entre  les 
hommes  les  plus  influents  des  différentes  pro- 
vinces, séparées  alors  les  unes  des  autres  par  des 
institutions  politiques  et  administratives  les  plus 
divergentes.  L'homogénéité  de  l'enseignement  aca- 


52         HISTOIRE  EXTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

demi  que  établit  un  lien  moral  et  intellectuel  entre 
des  éléments  divers,  auxquels  elle  donna  une  force 
de  cohésion  remarquable.  C'est  par  cette  action 
lente ,  mais  continue ,  de  près  de  quatre  siècles  que 
s'était  formé  en  Belgique  un  esprit  public  et  que 
s'étaient  conservées  l'unité  et  la  force  du  sentiment 
national,  qu'aucune  domination  étrangère  n'est 
parvenue  à  étouffer. 


LIVRE  SECOND 

L'ORGANISATION   INTERNE 
DE  L'UNIVERSITÉ 


CHAPITRE  PREMIER 

La  situation  juridique  de  l'Université. 

LA  situation  juridique  de  l'université  de  Lou- 
vain  se  trouve  bien  définie  dans  un  acte 
publié,  comme  nous  l'avons  déjà  vu,  par 
l'empereur  François  II  après  la  Révolution  bra- 
bançonne. Cet  acte,  daté  de  1793,  dit  :  «  L'uni- 
versité, établie  à  perpétuité  dans  la  ville  de 
Louvain,  est  et  demeurera  un  corps  brabançon; 
en  conséquence,  elle  doit  être  traitée  en  toutes 
choses  conformément  à  la  Joyeuse  Entrée  (de 
Brabant).  » 

L'université  constituait  donc  ce  que  nous  appel- 
lerons une  personne  morale  brabançonne;  elle 
avait  le  caractère  d'un  corps  ecclésiastique  et 
jouissait  de  tous  les  droits  constitutionnels  que 
possédaient  les  corporations  du  duché  de  Brabant. 
Nous  verrons  bientôt  de  quels  privilèges  extraor- 
dinaires elle  était  dotée. 

La  population  universitaire  était  absolument 
distincte  de  la  bourgeoisie  de  Louvain.  Son  gou- 
vernement avait  avec  celui  de  la  commune  des 
rapports  de  puissance  à  puissance.  Entre  la  ville 
et  l'université  s'échangeaient  des  services  pécu- 
niaires, politiques,  au  besoin  même  militaires.  S'il 


54  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

s'élevait  entre  elles  des  conflits  périodiques,  jamais 
on  ne  poussait  les  choses  à  l'extrême.  On  se  sen- 
tait nécessaire  l'un  à  l'autre;  toujours  on  s'em- 
pressait de  chercher  un  terrain   de  conciliation. 

Il  arrivait  cependant  que  la  ville  ou  l'autorité 
princière  violaient  délibérément  les  privilèges 
dont  l'université  se  montrait  si  jalouse.  Dans  ces 
moments,  Y  Aima  Mater  avait  une  arme  toute 
prête,  le  fameux  «  cessus  publicus  »,  dont  elle  se 
servit  surtout  pour  combattre  l'intervention  tra- 
cassière  du  gouvernement  autrichien. 

Par  «  cessus  publicus  »  il  faut  entendre  la  grève 
générale  des  étudiants  et  des  professeurs,  la  sus- 
pension des  cours,  la  fermeture  des  collèges  et  des 
auditoires  et  l'émigration  en  masse  de  Louvain.  Ce 
«  cessus  »  avait  été  érigé  en  une  véritable  institu- 
tion, puisqu'il  existe  une  formule  officielle  pour 
notifier  aux  adversaires  de  l'université  cette  déci- 
sion extrêmement  grave.  Voici  le  texte  de  cette 
formule  : 

«  Nous,  recteur  et  université  du  Studium  de 
Louvain,  nous  notifions  à  tous  ceux  qui  ces  pré- 
sentes lettres  verront   que,   à  cause  de  certains 

règlements  faits  par et  la  publication 

de  certaines  ordonnances  qui  s'en  sont  suivies,  la 
dite  université  a  été  gravement  lésée  en  elle-même 
et  dans  la  personne  de  ses  suppôts,  pour  ce  qui 
concerne  les  privilèges,  libertés  et  honneur  des 
dits  suppôts.  Nous  ne  pouvons,  sans  nous  exposer 
au  plus  grand  opprobre  et  préjudice,  cacher  ces 
griefs  ou  doléances.  C'est  pourquoi  nous  ordonnons 
à  tous  les  docteurs,  licenciés,  bacheliers,  etc.,  de 


LA  SITUATION  JURIDIQUE  55 

s'abstenir  de  tout  acte  d'étude  ou  scholastique, 
soit  public  soit  privé » 

L'on  aura  remarqué  l'expression  par  laquelle 
débute  la  formule  du  «  cessus  publiais  »  :  «  Recteur 
et  université  du  Studium  de  Louvain.  »  Cette 
expression  nous  révèle  la  signification  primitive 
des  mots  Universitas  et  Studium.  Aujourd'hui,  le 
mot  université  désigne  généralement  une  institu- 
tion d'enseignement  supérieur  comme  telle  et  si 
l'on  entend  par  là  la  collectivité  des  professeurs  et 
des  étudiants,  l'on  y  comprend  aussi  les  bâtiments 
où  l'enseignement  se  donne.  Tel  n'est  pas  le  sens 
primitif  du  mot  Universitas.  Ce  mot  nous  vient  du 
moyen  âge  et  désigne  avant  tout  l'ensemble,  la 
corporation  des  professeurs  et  des  étudiants,  à 
l'exclusion  des  bâtiments  et  de  l'institution  d'ensei- 
gnement comme  tels.  La  formule  complète  est  : 
«  Universitas  magistrorum  et  scholarium  »  ou 
«  L'université,  l'assemblée  des  maîtres  et  des  étu- 
diants. »  Ce  que  nous  entendons  aujourd'hui  par 
université,  l'institution  d'enseignement  en  elle- 
même,  était  alors  désigné  par  le  mot  Studium, 
Studium  générale.  «  Université  de  Paris  »  se  traduit 
au  moyen  âge  par  «  Studium  Parisiense  ».  L'on 
comprend  donc  comment  il  était  possible  d'em- 
ployer l'expression  «  Universitas  studii  Lovanien- 
sis  »,  l'assemblée  des  maîtres  et  des  étudiants  de 
l'école  ou  université  de  Louvain.  En  Espagne,  nous 
rencontrons  la  même  formule  :  «  Universidad  del 
Estudio  de  Salamanca  ». 

Si  l'on  veut  comprendre  le  sens  tout  à  fait  pri- 
mitif du  mot  «  Université  »,  l'on  doit  remonter  aux 


58  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

origines  de  l'université  de  Bologne,  qui  doit  son 
existence  à  de  véritables  corporations  d'étudiants. 
Tout  comme  il  existait  des  corporations  d'ouvriers, 
il  existait  des  groupements  d'étudiants,  classés 
selon  leur  pays  d'origine  et  qui  suivaient  des  cours 
aux  écoles  de  Bologne.  Ces  corporations  ou  grou- 
pements constituent  les  premières  universitates  ou 
universités  dans  le  sens  médiéval  du  mot. 

CHAPITRE  II 
Les  privilèges  de  l'Université. 

Parmi  les  principaux  privilèges  dont  se  trouvait 
dotée  l'université  de  Louvain,  nous  devons 
mentionner  en  tout  premier  lieu  celui  qui  met 
entre  les  mains  du  recteur  la  juridiction  criminelle 
et  civile  sur  tous  les  «suppôts  »  de  l'institution.  Nous 
y  reviendrons  en  parlant  du  recteur.  Nous  ne 
nous  arrêterons  pas  non  plus  au  privilège,  accordé 
par  le  duc  Jean  IV  aux  professeurs  et  aux  étu- 
diants, du  droit  de  libre  «  accès  et  recès  »,  à  Lou- 
vain et  de  l'exemption  de  tous  les  impôts,  gabelles, 
péages,  etc.,  que  le  duc  exigeait  d'ordinaire  des 
bourgeois  de  Louvain.  Nous  avons  fait  ressortir 
toute  l'importance  de  ce  privilège  en  parlant  de 
la  fondation  de  l'université.  Un  des  privilèges  les 
plus  féconds  en  conséquences  fut  accordé  par  le 
fondateur  du  Studium  de  Louvain,  Martin  V,  par 
une  bulle  de  1426.  Ce  document  pontifical  prescrit 
qu'aucun  docteur,  maître  ou  étudiant  de  Louvain 
ne  pourra  être  cité  en  justice  en  dehors  des  murs 
de  la  ville.  Tous   doivent  être  cités  devant  le  tri- 


LES  PRIVILÈGES  57 

bunal  du  recteur,  qu'il  s'agisse  d'affaire  civiles  ou 
criminelles  ou  même  mixtes,  les  causes  profanes 
non  exceptées.  Ce  privilège  offre  de  grandes  res- 
semblances avec  la  fameuse  «  Bulle  d'or  braban- 
tine  »  qui  défendait  à  tous  officiers  de  justice  de 
citer  les  habitants  du  Brabant  en  dehors  des  fron- 
tières du  duché. 

Le  privilège  accordé  par  Martin  V  et  que  l'on 
nomme  le  privilegium  tractus,  fut  confirmé  par  le 
pape  Pau]  II  (1469),  à  la  demande  de  Charles  le 
Téméraire,  et  étendu  comme  suit  :  «  Non  seulement 
les  suppôts  du  Studium  de  Louvain  ne  peuvent  être 
cités  en  justice  en  dehors  de  Louvain,  mais  encore 
peuvent-ils  citer,  rencontrer,  appeler  au  tribunal, 
en  première  instance,  tous  leurs  adversaires,  et  cela 
devant  le  conservateur  des  privilèges  de  l'univer- 
sité. »  Nous  aurons  bientôt  l'occasion  de  faire  con- 
naissance avec  le  tribunal  de  ce  dernier.  Les  papes 
Adrien  VI  et  Clément  VII  (1523)  étendirent  ce 
privilège  aux  procès  pour  possession  de  bénéfices 
ecclésiastiques  et  Grégoire  XIII  condamna  les 
contrevenants  à  une  peine  de  1,000  ducats  d'or. 
Quoique  l'autorité  civile  vît  son  autorité  diminuée 
par  la  concession  de  cette  grâce,  Charles-Quint 
confirma  indirectement  le  privilegium  tractus  dans 
toutes  ses  ordonnances. 

Parmi  les  privilèges  accordés  par  le  duc  de 
Bourgogne,  Charles  le  Téméraire,  en  1471,  il  s'en 
trouve  un  qui  présente  un  intérêt  particulier  pour 
le  développement  des  institutions  universitaires.  Si 
quelque  étranger  ou  quelque  bâtard  acquiert  une 
maison,  des  vergers  ou  des  jardins  situés  dans 


58  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

l'enceinte  de  la  ville  ou  bien  en  dehors  de  l'enceinte, 
dans  les  limites  de  la  «  banmile  »  ou  échevinage,  et 
qu'il  y  achète  ces  propriétés  soit  pour  sa  récréation 
soit  pour  y  échapper,  lui,  sa  famille  et  ses  domes- 
tiques, au  danger  de  contagion  en  temps  de  peste, 
il  pourra  en  disposer  par  testament  ou  par  toute 
autre  voie  légale,  pourvu  que  ce  soit  en  faveur  de 
collèges  universitaires,  déjà  établis  ou  encore  à 
établir,  ou  en  faveur  des  églises  de  Louvain.  Cette 
disposition  permit  la  dotation  de  nombreux  col- 
lèges et  la  fondation  de  nombreuses  bourses  d'études 
et  contribua  beaucoup  à  consolider  les  revenus 
financiers  de  l'université. 

Celle-ci  se  distinguait  aussi  par  les  privilèges 
extraordinaires  accordés  à  une  classe  spéciale  de  ses 
maîtres  et  de  ses  étudiants  :  les  ecclésiastiques. 
Les  clercs  étaient,  on  le  sait,  majorité  dans  les  uni- 
versités médiévales  et  l'on  comprend  que  les  papes 
aient  cru  devoir  prendre  à  leur  sujet  des  mesures 
dérogeant  aux  règles  ordinaires  du  droit  canon, 
pour  favoriser  le  régime  des  études.  Une  des  règles 
les  plus  sévères  du  droit  canon  prescrivait  à  ceux 
qui  étaient  en  possession  d'un  bénéfice  ecclésiasti- 
que de  résider  sur  place  et  de  ne  pas  se  faire  rem- 
placer par  d'autres  dans  la  possession  ou  l'admi- 
nistration du  bénéfice,  surtout  si  celui-ci  compor- 
tait charge  d'âmes.  Une  bulle  de  Martin  V  (1425) 
excepta  les  membres  de  l'université,  possesseurs 
d'un  bénéfice  ecclésiastique,  de  l'obligation  si 
sévère  de  résidence  et  leur  permit  de  jouir  des 
fruits  de  tous  les  bénéfices  pendant  le  temps  de 
leurs  études  à  Louvain. 


LES  PRIVILÈGES  59 

Martin  V  accorda  aussi  des  dérogations  pour  ce 
qui  concerne  la  promotion  aux  ordres  des  maîtres 
et  des  étudiants  qui  possédaient  un  bénéfice. 
Ainsi,  ceux  qui  obtiennent  la  nomination  à  un 
bénéfice  pour  lequel  le  grade  de  diacre  ou  de  prêtre 
est  requis  sont  exemptés  de  la  promotion  à  ces 
grades  ecclésiastiques  pendant  une  durée  de  sept 
ans,  pourvu  qu'ils  deviennent  sous-diacre  l'année 
même  où  ils  prennent  possession  de  leur  bénéfice. 
Une  autre  dérogation  aux  règles  du  droit  canon  fut 
celle  qui  permit  aux  maîtres  et  aux  élèves  ecclé- 
siastiques, possesseurs  d'un  bénéfice,  d'enseigner  ou 
d'apprendre  la  science  de  médecine  et  de  droit  civil. 
Les  étudiants  pouvaient  jouir  de  cette  permission 
jusque  sept  ans  après  leur  admission  à  l'université. 

Importants  aussi  sont  les  privilèges  de  nomi- 
nation aux  bénéfices  ecclésiastiques,  accordés  par 
les  papes  à  l'université  de  Louvain.  Cette  matière 
étant  fort  abstraite,  je  préfère  ne  pas  m'y  arrêter. 
Je  me  bornerai  à  dire  que,  grâce  aux  privilèges 
accordés  par  le  pape  Sixte  IV  (1483)  à  l'université 
en  général,  par  le  pape  Léon  X  à  la  faculté  des 
arts  en  particulier  (1513)  et  par  le  pape  Paul  V  à 
la  faculté  des  arts  pour  ce  qui  concerne  le  pays  et 
le  diocèse  de  Liège,  l'université  disposait  d'un 
nombre  important  de  bénéfices  auxquels  elle  pou- 
vait nommer  ses  docteurs  et  maîtres.  L'avantage 
financier  qui  en  résultait  pour  les  bénéficiaires  per- 
mettait à  Y  Aima  Mater  de  se  montrer  plus  parci- 
monieuse dans  le  paiement  de  ses  professeurs  et 
allégeait  considérablement  les  lourdes  charges 
qui  pesaient  sur  elle. 


60  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITE 

On  comprend  que,  en  possession  d'un  tel  trésor 
de  faveurs,  l'université  se  résignait  difficilement  à 
la  perte  de  l'une  d'entre  elles.  Les  luttes  qu'elle  a 
soutenues  contre  le  pouvoir  civil,  contre  les  évêques 
de  Liège,  contre  la  curie  romaine  même  et  la 
menace  fréquente  du  «  cessus  publicus  »  sont  là 
pour  prouver  que,  jalouse  de  ses  prérogatives, 
Y  Aima  Mater  savait  se  défendre  contre  quiconque 
tentait  de  les  violer.  La  lutte  de  la  faculté  des  arts 
contre  les  Jésuites  à  la  fin  du  xvie  et  au  commen- 
cement du  xvne  siècle  et  dont  nous  avons  déjà 
parlé,    en   est    un    exemple   frappant. 

CHAPITRE  III 
L'organisation  centrale  de  l'Université. 

A  la  tête  des  universités  du  moyen  âge  se  trou- 
ve le  conseil,  «  concilium  »  de  l'université, 
composé  des  doyens  et  des  professeurs  des 
différentes  facultés,  des  présidents  des  collèges,  des 
régents  des  pédagogies  et  des  autres  membres  nota- 
bles de  l'institution.  Il  élisait,  à  des  époques  déter- 
minées, le  recteur,  chef  effectif,  qui  administrait 
souverainement  au  nom  du  conseil.  Le  savant  Pa- 
quot,  bibliothécaire  de  l'université  au  XVIIIe  siècle, 
qui  nous  a  laissé  une  histoire  manuscrite  de  l'ins- 
titution, restée  jusqu'ici  inédite,  décrit  comme  suit 
l'organisation  de  Louvain  :  «  La  forme  du  régime 
universitaire  est  monarchique,  mais  tempérée  par 
une  aristocratie;  car  si  le  recteur  gouverne,  c'est 
de  concert  avec  le  sénat  académique;  c'est  ce  der- 
nier qui  modère  et  tempère  tout  et  le  recteur  lui- 


L'ORGANISATION  CENTRALE  61 

même  dépend  de  lui.  Le  sénat  académique,  et 
par  conséquent  l'université,  est  constitué  par  les 
cinq  facultés,  dont  la  première  est  celle  de  théolo- 
gie, la  seconde  celle  de  droit  canon,  la  troisième 
celle  de  droit  civil,  la  quatrième  celle  de  médecine, 
la  cinquième  celle  des  arts.  Les  doyens  de  cette 
dernière  faculté,  et  les  directeurs  des  quatre  péda- 
gogies, que  l'on  nomme  régents,  et  les  professeurs 
publics,  et  les  modérateurs  de  quelques  collèges 
font  partie  du  sénat  académique;  les  maîtres  es 
arts  en  sont  exclus,  à  moins  qu'ils  n'aient  été  pro- 
mus depuis  trois  ans  ou  qu'ils  aient  enseigné  pen- 
dant deux  ans  dans  la  faculté  des  arts  ou  dans 
quelque  pédagogie  ou  dans  le  «  vicus  »  ou  école 
publique  de  la  faculté  des  arts  l  ». 

Voilà  la  composition  du  sénat  ou  conseil  acadé- 
mique. Ce  conseil  universitaire  arrêtait  librement 
les  statuts  et  les  règlements  nécessaires  pour  la 
bonne  administration  de  l'institution  et  en  confiait 
l'exécution  au  recteur,  dont  les  pouvoirs  étaient 
souverains. 

«  De  ce  sénat  académique,  dit  encore  Paquot, 
émanent  les  lois  qui  régissent  l'université,  et  les 
édits  qui  sont  promulgués  selon  la  nécessité  des 
temps.  Les  controverses  judiciaires,  soit  au  civil, 
soit  au  criminel,  sont  tranchées  par  la  sentence 
du  recteur.  Les  affaires  courantes  de  moindre 
importance  sont  renvoyées  à  l'examen  du  recteur 
et  des  délégués  ordinaires  de  l'université,  compre- 
nant les  doyens  des  cinq  facultés,  auxquels 
s'ajoutent  plus  tard  le  dictator  et  l'avocat  fiscal,  et 

i.  Paquot,  Fastt  academici,  II,  f°  94  v°. 


62  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

sont  solutionnées  par  eux.  Les  affaires  importantes 
sont  réservées  à  l'examen  du  sénat  académique...  » 

Le  conseil  de  l'université  ou  sénat  académique 
tient  chaque  année  sept  séances  statutaires  :  quatre 
de  ces  séances  sont  réservées  à  l'élection  du  rec- 
teur, des  assesseurs  et  des  juges  d'appel  :  elles 
avaient  lieu  à  la  fin  de  février,  mai,  août  et  novem- 
bre. Les  trois  autres  séances  se  tenaient  respecti- 
vement au  Ier  octobre,  pour  l'ouverture  des  cours 
et  la  lecture  des  statuts  universitaires;  au  2  no- 
vembre, pour  assister  à  la  messe  dite  à  l'intention 
des  bienfaiteurs  de  l'université;  au  22  décembre, 
jour  consacré  à  confirmer  dans  leurs  fonctions 
les  employés  sulbaternes.  Le  conseil  est  appelé  en 
séance  extraordinaire  chaque  fois  que  le  recteur 
le  juge  opportun  et  qu'il  en  est  lui-même  requis 
par  un  des  membres  du  conseil,  pour  examiner  des 
affaires  d'intérêt  général. 

Parlons  maintenant  du  recteur,  rector  magni- 
fions studii  generali  Lovaniensis.  Le  recteur  est  le 
chef  de  l'université  :  son  principal  office  est  de 
rendre  la  justice  et  de  punir  les  étudiants  coupables. 
Comme  nous  l'avons  déjà  dit  en  passant,  il  a  la 
pleine  juridiction  sur  les  membres  et  «  suppôts  » 
de  l'université.  Nous  verrons  plus  loin  ce  qu'il 
faut  entendre  par  «  suppôts  ».  Toutes  les  causes 
civiles  et  criminelles,  personnelles  et  réelles, 
doivent  être  jugées  par  son  tribunal.  La  police  lui 
appartient  et  il  est  aidé  par  un  ou  plusieurs  pro- 
moteurs. En  théorie,  les  punitions  dont  il  dispose 
ne  sont  pas  seulement  les  censures  ecclésiastiques, 
mais  aussi  des  peines  corporelles  et  temporelles,  y 


L'ORGANISATION  CENTRALE  63 

compris  la  prison  et  la  mort.  En  réalité  le  code 
pénal  de  l'université  était  moins  dur  et  plus  ration- 
nel que  le  code  pénal  de  l'époque.  On  y  rencontrait 
bien  la  fustigation,  doctement  administrée  en  pré- 
sence des  camarades  et  des  professeurs  du  cou- 
pable, mais  une  des  peines  les  plus  redoutées  et 
les  plus  usitées  était  le  déclassement  dans  la  liste 
des  promotions,  c'est-à-dire  le  rejet  d'un  étudiant, 
quels  que  fussent  les  talents  dont  il  avait  fait 
preuve,  à  la  queue  des  élèves  promus  solennelle- 
ment à  un  grade  académique.  Le  recteur  appli- 
quait souvent  aussi  l'amende  pécuniaire  ou  la  peine 
du  pèlerinage  expiatoire  l  à  accomplir  dans  un 
certain  délai. 

Les  sentences  rectorales,  au  civil  et  au  criminel, 
étaient  passibles  d'appel.  Il  existait  une  cour  de 
revision  et  d'appel,  composée  de  cinq  membres, 
un  par  faculté,  qui  portaient  le  nom  de  Quinque 
judices  appellationum,  les  cinq  juges  d'appel. 
L'étudiant  accusé  ne  pouvait  s'adresser  à  cette 
cour  d'appel  que  lorsque  sa  protestation  était 
fondée.  Des  peines  sévères  étaient  appliquées  à 
ceux  qui  allaient  en  appel  sans  motif  sérieux,  les 
maie,  temere  seu  frivole  appellantes. 

Pour  les  affaires  d'administration  de  l'univer- 
sité, lé  recteur  consulte  des  assesseurs,  c'est-à-dire 
un  collège  de  cinq  conseillers,  un  par  faculté,  qui 
étaient  nommés  par  le  conseil  de  l'université  le 
jour  de  l'élection  du  recteur. 

i.  Sur  la  peine  du  pèlerinage  expiatoire  dans  l'ancien  droit 
pénal  belge,  voir  notre  étude  De  straf  -  en  rechterlijke  verzoe- 
ningsbedevaarten  in  de  middeneeuwen.  Anvers,  191 1. 


64  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Le  recteur  était,  en  effet,  élu  par  le  conseil  ou 
sénat    académique. 

Jusqu'en  1446,  les  fonctions  rectorales  étaient 
trimestrielles;  depuis  cette  date,  le  recteur  était 
élu  tous  les  six  mois.  Il  pouvait  être  élu  dans  toutes 
les  facultés  sans  distinction.  Cette  élection  se  fai- 
sait par  compromis  entre  les  cinq  délégués  des 
facultés,  appelés  intrantes.  Dès  que  ces  intrantes 
sont  entrés  dans  le  local  de  la  réunion,  on  allume 
un  cierge  en  cire,  qui  peut  brûler  une  heure.  Les 
délégués  sont  obligés  d'élire  le  recteur  avant  que  ce 
cierge  ne  soit  entièrement  consumé ,  sinon  tout  leur 
pouvoir  cesse  et,  pendant  un  an,  ils  sont  décla- 
rés incapables  d'exercer  quelque  charge  et  de  re- 
cevoir quelque  honneur  académique.  Cette  mesure 
sévère  tendait  évidemment  à  obvier  aux  longues 
discussions  et  aux  intrigues  qui  pouvaient  faire 
prolonger  outre  mesure  l'élection  du  chef  de  l'uni- 
versité. 

La  personne  élue  comme  recteur  doit  être 
biretatus  ou  docteur;  il  doit  être  clerc,  pour  que, 
au  besoin,  il  ait  le  pouvoir,  en  vertu  de  la  permission 
accordée  par  Alexandre  VI  en  1501,  d'excommu- 
nier les  récalcitrants  et  d'exercer  sa  juridiction 
sur  les  étudiants  ecclésiastiques.  Le  recteur  ne 
peut  pas  être  marié,  encore  moins  être  bigame,  et 
ne  peut  appartenir  à  aucun  ordre  religieux.  Si 
le  recteur  se  marie  pendant  qu'il  occupe  le  siège 
rectoral,  on  ne  le  prive  pas  immédiatement  de  sa 
dignité.  Ce  fut  le  cas  de  Pierre  l'Apostole,  docteur 
in  uiroque,  qui  se  maria  avant  la  fin  de  son  recto- 
rat. On  ne  le  déposa  point,  mais  le  vice-recteur  le 


L'ORGANISATION  CENTRALE  65 

remplaça  dans  ses  fonctions  jusqu'à  la  nomination 
d'un  nouveau  recteur. 

Le  recteur  doit  être  assez  riche  pour  pouvoir 
entretenir  deux  domestiques.  C'est  qu'il  occupe 
une  place  prépondérante  à  Louvain.  Lorsqu'il 
sort  de  chez  lui,  un  bedeau  le  précède  partout  où  il 
va,  portant  un  sceptre  en  argent,  et  des  domes- 
tiques le  suivent.  Tout  le  monde  se  découvre  à  son 
passage  dans  les  rues  et  même  les  bourgmestres 
et  magistrats  s'effacent  pour  le  laisser  passer. 
Juste  Lipse  et  Vernulaeus  nous  rapportent  comme 
un  fait  authentique  que  lorsque  le  grand  empereur 
Charles-Quint  visita  Louvain,  il  donna  tout  le 
temps  la  droite  au  recteur.  Ce  dernier  a  même  le 
pas  sur  l'évêque  du  diocèse  dans  les  cérémonies 
universitaires.  Ceux  qui  avaient  la  prétention  de 
ne  point  se  conformer  à  ce  cérémonial  d'usage 
étaient  vite  rappelés  à  l'ordre.  Ainsi,  deux  fois, 
en  1571  et  en  1578,  les  nobles  qui  gouvernaient  la 
ville  au  nom  de  l'Espagne  essayèrent  de  précéder 
le  recteur  dans  une  procession  publique,  comme 
s'ils  voulaient  exprimer  ainsi  qu'ils  gouvernaient 
la  ville  et  l'université  tout  à  la  fois.  On  leur  fit  de 
sévères  remontrances  et  ils  ne  recommencèrent  plus. 

Dans  les  cérémonies  publiques,  le  recteur  est 
précédé  de  huit  bedeaux  portant  un  sceptre  doré. 
Lui-même  est  vêtu  de  pourpre,  et  porte  la  capuce, 
c'est-à-dire  un  manteau  court  garni  de  fourrures 
au  bord,  qui  lui  couvre  les  épaules. 

Le  recteur  est  élu  par  ordre  des  facultés,  à  moins 
que  la  faculté  à  qui  revient  l'honneur  n'ait  pas 
désigné  de  candidat.  L'ancien  recteur  sortant  de 


66  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

charge  investit  le  nouvel  élu  par  le  sceau  rectoral 
et  par  les  autres  attributs  de  son  rang  et  lui  met  la 
capuce  sur  les  épaules.  Le  nouveau  recteur  désigne 
ensuite  son  remplaçant  éventuel  ou  vice-recteur, 
dans  la  faculté  à  laquelle  il  appartient  lui-même. 

Comme  l'expédition  régulière  des  affaires  cou- 
rantes pourrait  être  désorganisée  par  le  change- 
ment d'abord  trimestriel,  puis  semestriel,  de  rec- 
teur, elle  se  fait  par  un  bureau  ou  personnel  per- 
manent, dont  les  membres  sont  élus  chaque  année 
à  des  époques  déterminées  par  les  statuts.  Avant 
de  parler  de  ces  fonctionnaires,  nous  devons  encore 
dire  quelques  mots  des  séances  du  conseil  univer- 
sitaire, que  le  recteur  préside. 

Dans  ces  séances,  le  recteur  communique  au 
conseil  les  objets  à  discuter  qui  figurent  à  l'ordre 
du  jour.  On  expédie  immédiatement  les  affaires 
secondaires,  de  même  que  les  suppliques,  plaintes 
et  motions.  L'examen  des  affaires  importantes  était 
renvoyé  à  une  commission  composée  d'un,  quel- 
quefois de  deux  ou  de  trois  membres  de  chacune 
des  cinq  facultés.  Cette  commission  se  réunissait 
après  la  séance,  examinait  l'affaire  et  faisait  rap- 
port à  la  séance  générale  suivante.  Il  arrivait  aussi 
qu'après  la  mise  en  discussion  d'un  objet,  on  sus- 
pendît momentanément  la  séance  afin  de  per- 
mettre à  chacune  des  facultés  de  se  réunir  en 
groupe  séparé  pour  l'examen  de  l'affaire.  A  la 
reprise  de  la  séance,  communication  de  l'avis  de 
chaque  faculté  était  faite  et  la  décision  finale  prise. 

La  matière  des  discussions  au  conseil  acadé- 
mique était  la  discipline  universitaire  et  la  défense 


L'ORGANISATION  CENTRALE  67 

des  privilèges  de  l'université.  Contre  le  magistrat 
urbain  on  avait  à  défendre  la  franchise  d'impôt 
sur  la  bière  ;  contre  le  clergé  diocésain  et  principa- 
lement contre  le  clergé  liégeois  on  avait  à  reven- 
diquer le  privilège  de  percevoir,  pendant  le  temps 
des  études,  les  revenus  des  bénéfices,  sans  être 
astreint  à  la  résidence,  plus  tard  aussi  celui  de 
nomination    à    certains    bénéfices. 

Les  locaux  de  réunion  pour  le  conseil  acadé- 
mique n'étaient  pas  fixes.  Jusque  vers  le  milieu  du 
xvne  siècle,  l'élection  du  recteur  se  fait  au  cou- 
vent des  Dominicains.  C'est  là  aussi  que  se  célèbre 
la  messe  pour  les  bienfaiteurs  de  l'université  et 
qu'a  lieu  la  résignation  annuelle  des  employés 
subalternes.  Le  couvent  des  Augustins  servait 
pour  la  réunion  annuelle  du  Ier  octobre,  lors  de 
l'ouverture  des  cours.  On  y  entendait  un  discours 
«  de  laudibus  scientiarum  »,  la  publication  des 
statuts  et  du  programme  des  cours.  Après,  le  corps 
académique  tout  entier  assistait  à  la  messe  solen- 
nelle du  Saint-Esprit,  célébrée  à  Saint-Pierre.  En 
1635,  l'université  acquit  un  local,  appelé  curie  ou 
audience  académique.  C'est  désormais  là  que  se 
tinrent  toutes  les  réunions  du  conseil.  Cette  curie 
abrite  le  tribunal  du  recteur  ou  de  son  délégué 
et  l'on  y  juge  deux  fois  par  semaine,  le  mardi  et  le 
vendredi.  Nous  avons  déjà  dit  qu'on  pouvait  appe- 
ler de  ce  tribunal  à  celui  des  cinq  juges  d'appel  :  il 
restait  en  fin  de  compte  l'appel  au  Pape  lui-même. 

Nous  avons  déjà  mentionné  souvent  les  facultés. 
Celles-ci  ont  chacune  une  certaine  juridiction  pour 
le  régime  des  écoles  qu'elles  possèdent  et  dirigent. 


68  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Ceux  qui  constituent  ce  qu'on  appelle  le  collège  ordi- 
naire d'une  faculté  et  qui  dirigent  les  études  de  leurs 
«scholares»  portent  le  nom  de  lecteurs  (legentes) 
et  de  régents,  et  ils  ont  le  droit  d'édicter  des  statuts 
pour  la  faculté.  En  dehors  du  régime  de  la  faculté, 
tout  le  monde  est  soumis  au  recteur,  que  les  étu- 
diants reconnaissent  comme  leur  juge  unique. 

A  côté  du  conseil  académique  et  du  recteur,  nous 
rencontrons  un  vice-recteur.  Cette  charge  n'est 
pas  très  importante.  Lorsque  le  recteur  s'absentait 
de  la  ville,  il  désignait,  avec  le  consentement  exprès 
ou  tacite  de  l'université,  un  membre  de  sa  faculté 
pour  le  remplacer.  Les  pouvoirs  de  ce  remplaçant 
expiraient  au  retour  du  recteur. 

Nous  avons  parlé  plus  haut  d'une  espèce  de 
bureau  permanent  qui  expédie  les  affaires  cou- 
rantes et  qui  assiste  le  recteur  dans  l'exercice  de 
ses  fonctions.  Ce  bureau  compte  tout  d'abord  deux 
membres  qui  assistent  toujours,  avec  les  doyens 
des  facultés,  aux  réunions  ordinaires  et  extraordi- 
naires du  sénat  académique.  Ces  deux  membres 
sont  le  dictator  et  l'avocat  fiscal.  Le  dictator  ou 
secrétaire  écrit  toutes  les  lettres  qui  sont  envoyées 
au  nom  de  l'université.  Cet  office  était  annuel  et  ici 
aussi  l'on  avait  introduit  l'élection  par  ordre  des 
facultés.  Ce  dictator  était  d'ordinaire  un  homme 
savant  et  compétent  en  droit.  A  l'époque  de  Valère 
André,  soit  dans  la  première  moitié  du  xvne  siècle, 
on  nommait  le  dictator  dans  la  faculté  de  droit, 
soit  pour  plusieurs  années,  soit  à  vie.  AuMébut  de 
l'université,  il  y  avait  un  Anglais  comme  dictator: 
Jacobus  de  Scotia  (1447). 


L'ORGANISATION  CENTRALE  69 

Quant  à  l'avocat  fiscal,  son  office  consiste  à 
conserver  les  privilèges,  les  exemptions,  les  liber- 
tés, les  concordats  et  les  pactes  en  possession  de  ou 
passés  par  l'université,  L'on  ne  doit  pas  le  con- 
fondre avec  les  conservateurs  des  privilèges  apos- 
toliques, dont  nous  parlerons  plus  loin.  L'avocat 
fiscal  intente  les  procès  contre  les  personnes  qui 
ont  attaqué  ou  violé  les  privilèges  académiques, 
tant  en  dehors  des  murs  de  Louvain  qu'à  l'inté- 
rieur de  la  ville.  Il  est  invité  à  toutes  les  cérémonies 
officielles  où  paraissent  les  docteurs  et  les  licenciés. 
Le  premier  avocat  fiscal  se  rencontre  en  1439,  il 
s'appelle  Arnould  de  Reysenaelde  et  est  docteur 
en  décrétales. 

Nous  rencontrons  ensuite  le  syndic.  Alors  que 
l'avocat  fiscal  doit  intenter  les  procès  pour  la  vio- 
lation des  privilèges,  le  syndic  poursuit  tous  les 
procès  de  n'importe  quelle  sorte  où  l'université 
est  impliquée,  qu'elle  soit  plaignante  ou  défende- 
resse, et  prie  le  recteur  d'exécuter  les  conclusions 
du  procès.  Depuis  1535,  cet  office  fut  uni  à  celui 
de  promoteur,  dont  nous  parlerons  à  l'instant. 

Vient  ensuite  le  secrétaire  ou  actuarius  de 
l'université.  Il  ne  faut  point  le  confondre  avec 
le  dictator.  U actuarius  est  homme  de  loi,  et  il  a 
le  titre  de  notaire  public,  créé  par  l'autorité 
pontificale  et  princière,  ou  par  l'une  des  deux. 
Il  assiste  à  toutes  les  ordonnances,  aux  décrets 
et  sentences  rendues  par  l'université  et  aussi 
à  toutes  les  réunions  académiques.  C'est  lui 
qui  note  dans  un  registre  spécial  les  conclu- 
sions auxquelles  on   s'est  arrêté  et  qui   rappelle 


70  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

au  recteur  quelles  sont  les  décisions  à  exécuter. 

Nous  avons  à  parler  maintenant  d'un  office 
sulbalterne  important,  celui  de  promoteur.  C'est 
le  commissaire  de  police  de  l'université.  Comme  le 
recteur  possède  son  tribunal  spécial,  auquel  sont 
soumis  tous  les  suppôts  de  l'Aima  Mater,  il  est 
assisté  par  un  officier  judiciaire  qui  porte  le  titre 
de  promotor.  Celui-ci  dénonce  au  chef  de  l'uni- 
versité tous  abus,  excès,  transgressions  et  délits, 
commis  par  des  membres  de  l'institution,  et  les 
dénonce  sans  exception  de  personne  ou  dissimula- 
tion quelconque.  Sans  l'ordre  du  recteur,  il  ne  peut 
cependant  ouvrir  une  information  judiciaire  pré- 
paratoire, procéder  en  justice  ou  abandonner  un 
procès  commencé.  Il  est  obligé,  lorsque  cela  paraît 
utile,  de  parcourir  pendant  la  nuit  les  rues  et  les 
places  publiques  de  Louvain,  soit  de  sa  propre 
initiative,  soit  par  ordre  du  recteur,  pour  arrêter 
et  conduire  à  la  prison  de  l'université  les  étu- 
diants coupables  de  transgression  des  statuts  ou 
de  méfaits  nocturnes.  Dans  cette  besogne,  il  peut 
se  faire  aider  par  le  chef  de  la  police  municipale, 
mais,  comme  la  ville  n'a  aucune  juridiction  sur  les 
membres  de  Studium,  c'est  au  promoteur  qu'in- 
combe l'arrestation  et  l'emprisonnement  des  étu- 
diants. 

Le  promoteur  avait  une  tâche  difficile  et  ardue  : 
les  étudiants  des  universités  médiévales  ne  le 
cédaient  point  en  turbulence  à  ceux  d'aujourd'hui. 
L'on  aura  une  idée  des  délits  que  le  promoteur 
était  exposé  à  rencontrer  dans  ses  promenades 
nocturnes  par  les  places  et  les  rues  mal  éclairées 


L'ORGANISATION  CENTRALE  71 

de  la  ville  en  notant,  dans  les  statuts  de  l'institu- 
tion, ceux  qui  concernent  les  mœurs  et  les  habi- 
tudes des  étudiants.  Nous  en  reparlerons  au  cha- 
pitre où  nous  traitons  de  la  vie  des  étudiants  à 
Louvain.  Le  promoteur  était  obligé  de  suivre 
le  recteur  dans  les  processions  publiques  et  dans 
toutes  les  cérémonies  officielles  où  les  docteurs 
et  les  licenciés  sont  invités  et  il  était  astreint  à 
rendre  à  ceux-ci  les  honneurs  dus  à  leur  titre.  Il 
avait  sous  ses  ordres  un  certain  nombre  de  subal- 
ternes, qui  l'aidaient  à  arrêter  et  à  emprisonner  les 
étudiants  coupables.  L'université  possédait  une 
prison  dans  la  rue  de  Malines;  c'était  là  qu'on 
enfermait  les  scholares  trop  turbulents  ou  cou- 
pables d'avoir  transgressé  les  statuts.  On  y  atten- 
dait mélancoliquement  d'être  cité  devant  le  tri- 
bunal du  recteur  et  l'on  y  purgeait  sa  peine  au  pain 
et  à  l'eau,  in  pane  doloris  et  aquae  tristitiae,  comme 
le  disent  les  statuts. 

Quand  nous  aurons  signalé  encore  les  receveurs 
de  l'université,  chargés  de  la  réception  et  de  l'admi- 
nistration des  divers  revenus  financiers,  nous 
aurons  passé  en  revue  tous  les  fonctionnaires  qui 
assistent  le  recteur  dans  l'exercice  de  ses  fonctions. 

La  dignité  rectorale  est  la  plus  haute  dignité 
universitaire.  Immédiatement  après  le  recteur 
vient  ]e  chancelier.  «  C'est  la  seconde  dignité  aca- 
démique, dit  Valerius  Andréas,  le  chancelier 
obtient  la  place  tout  près  du  recteur  dans  les  réu- 
nions et  les  séances  publiques  et  privées.  »  Même 
il  arrive  qu'il  prend  le  pas  sur  le  recteur  et  qu'il  lui 
est  supérieur  en  dignité.   C'est  lorsque,  dans  le 


72  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

chœur  de  l'église  Saint -Pierre  ou  dans  les  écoles 
publiques  de  l'université,  il  donne  sa  bénédiction 
aux  «  gradués  »,  qui  lui  sont  présentés  après  leur 
examen  par  les  maîtres  ou  les  docteurs  d'une  faculté 
à  l'effet  d'obtenir  la  concession  officielle  de  leur 
grade. 

La  dignité  de  chancelier  de  l'université  a  été 
concédée  à  perpétuité  au  prévôt  de  l'église  collé- 
giale de  Saint-Pierre,  qui  était  par  tradition  un 
membre  des  plus  nobles  familles  brabançonnes. 
Le  chancelier  n'exerce  pas,  comme  le  recteur,  une 
juridiction  quelconque,  mais,  de  par  délégation 
du  Saint-Siège,  c'est  lui  qui  confère  les  grades  de 
licencié,  maître  ou  docteur  dans  toutes  les  facultés. 
Cette  collation  des  grades  appartient  au  chancelier 
depuis  la  fondation  même  de  Y  Aima  Mater.  Dès  les 
premiers  temps,  par  suite  de  l'absence  presque 
continuelle  des  prévôts  de  Saint-Pierre,  c'est  le 
doyen  de  cette  église  qui,  de  fait,  a  usurpé  non  seu- 
lement la  fonction  et  le  pouvoir  de  chancelier, 
mais  encore  le  titre.  Les  prévôts  protestèrent  natu- 
rellement contre  cette  situation. 

Pour  ce  motif,  lors  de  la  «  visite  »  de  1617,  les 
archiducs  Albert  et  Isabelle  décrètent  que  le  pré- 
vôt seul  a  la  dignité  et  le  titre  de  chancelier  et 
peut  seul  conférer  les  grades.  Toutefois,  en  son 
absence,  le  doyen  reçoit  le  pouvoir,  non  le  titre 
ni  la  dignité  de  chancelier;  pour  ce  motif,  l'on 
emploie  la  formule  suivante  lors  de  la  collation 
des  grades  :  «  Nous,  doyen  de  l'église  collégiale  de 
Saint-Pierre,  en  vertu  du  pouvoir  de  conférer  les 
grades  en  cette  université...  »  et  non  :  «  Nous,  doyen 


L'ORGANISATION  CENTRALE  73 

de  Saint-Pierre,  chancelier  de  cette  université...  » 
Ceci  nous  amène  à  donner  quelques  détails  sur 
la  collation  des  grades  à  l'ancien  Studium,  parti- 
culièrement aux  arts.  C'est  de  147 1,  d'après  les 
uns,  de  1441,  d'après  les  autres,  que  date  le  sys- 
tème de  classement  aux  examens,  qui  ressemble 
à  celui  des  anciennes  universités  anglaises. 

Les  candidats  à  la  maîtrise  es  arts  sont,  après 
l'examen,  rangés  en  trois  séries  et,  dans  chaque 
série,  classés  par  ordre  de  mérite.  La  première 
classe  comprend  les  rigorosi,  ceux  qui  ont  entière- 
ment satisfait;  la  seconde,  les  transibiles,  ceux  qui 
peuvent  à  la  rigueur  être  admis;  la  troisième, les 
gratiosi,  ceux  dont  le  sort  dépend  de  la  bienveil- 
lance des  examinateurs.  Il  existait  encore  une 
quatrième  classe,  celle  des  non-capables,  dont  les 
noms  n'étaient  pas  publiés.  Plus  tard,  la  division 
en  classes  fut  faite  par  les  professeurs  avant  l'exa- 
men, et  la  compétition,  ou  le  concours,  se  limitait  à 
la  question  de  savoir  qui  serait  premier  dans  sa 
classe.  Le  premier  des  rigorosi  devenait  le  fameux 
Primus  de  Louvain,  honneur  pour  l'obtention 
duquel  il  y  avait  de  fréquentes  rivalités  entre  les 
collèges  de  la  faculté  des  arts.  Rien  de  plus  mo- 
deste, au  début,  que  la  cérémonie  de  la  proclama- 
tion du  Primus.  Les  étudiants  en  philosophie  se 
réunissaient  dans  la  salle  des  arts  pour  entendre 
proclamer  les  noms  de  ceux  qui  avaient  subi  avec 
succès  l'épreuve  de  l'examen.  Ils  s'habillaient  de 
blanc  et  se  paraient  de  rubans  rouges  ;  ils  ornaient 
leur  chapeau  de  quelques  plumes  pour  donner  à 
la  réunion  un  air  de  fête.  Le  Primus  était  le  héros 


74  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

de  la  journée;  on  le  félicitait  publiquement  et  ses 
camarades  le  reconduisaient  avec  pompe.  Un 
morceau  de  musique,  composé  pour  la  circons- 
tance et  chanté  en  chœur,  célébrait  son  triomphe 
et  des  banquets  terminaient  la  cérémonie.  On  y 
montrait  une  gaîté  sagement  tempérée  par  la 
présence  de  quelques  professeurs.  Le  collège  auquel 
appartenait  le  Primus  le  fêtait  pendant  trois  jours, 
pendant  lesquels  on  sonnait  la  cloche  jour  et  nuit. 

Plus  tard  naît  la  coutume  de  faire  au  vainqueur 
une  réception  triomphale  dans  la  ville  qu'il  habite. 
Alors  les  cavalcades,  les  arcs  de  triomphe,  les  illu- 
minations, quelquefois  même  les  médailles  commé- 
moratives  venaient  attester  la  part  que  ses  com- 
patriotes prenaient  à  sa  victoire.  Le  retour  du 
Primus  devenait  une  marche  triomphale  qui, 
commencée  à  Louvain,  ne  s'arrêtait  qu'à  la  porte 
de  la  maison  paternelle. 

Ceux  qui  étaient  regardés  comme  inidonei, 
incapables,  n'étaient  pas  admis  aux  grades.  S'il 
y  avait  égalité  de  voix  pour  et  contre  l'admission 
du  candidat,  le  chancelier  autorisait  ce  dernier  à 
se  présenter.  Les  idonei,  ceux  qui  sont  admis  aux 
•  grades  par  leurs  maîtres,  sont  présentés,  au  nom 
de  la  faculté,  par  un  docteur  au  chancelier.  Le 
chancelier  leur  fait  d'abord  un  petit  discours  sur 
la  dignité  de  l'étude  à  laquelle  ils  se  livrent,  puis 
les  nomme  licenciés  ou  docteurs,  priant  le  profes- 
seur qui  présente  le  candidat  de  leur  donner  les 
insignes  de  leur  grade.  Toutefois,  dans  la  plupart 
des  cas,  c'est  le  chancelier  lui-même  qui  remet  ces 
insignes. 


L'ORGANISATION  CENTRALE  75 

Les  actes  de  la  faculté  de  théologie  nous  ap- 
prennent que,  en  1559,  les  maîtres  de  cette  faculté 
prétendirent  qu'un  usage  ancien  leur  réservait  à 
eux-mêmes  la  création  des  docteurs  en  théologie  : 
ils  obtinrent  raison  et  le  chancelier  dut  céder  ici 
une  partie  de  ses  droits.  De  même,  les  actes  de  la 
faculté  des  arts  nous  indiquent  que  les  futurs 
maîtres  es  arts  reçoivent  le  bonnet  et  le  titre  des 
mains  du  président  d'examens,  sans  intervention 
du  chancelier,  par  suite  d'une  concession  faite 
par  le  prévôt  de  Saint-Pierre  en  1436.  On  constate 
donc  ici  une  lutte  contre  les  privilèges  du  chance- 
lier, analogue  à  celle  qui  se  manifesta  à  l'université 
de  Paris. 

La  collation  des  grades  était  accompagnée,  sur- 
tout pour  la  licence  et  le  doctorat,  de  réjouissances 
coûteuses,  comme  banquets,  bals,  buvettes,  etc., 
que  l'on  nommait  «  conséquences  ».  L'impératrice 
Marie-Thérèse  trouvait  que  «  ces  dépenses  exces- 
sives n'avaient  rien  de  commun  ni  avec  les  études, 
ni  avec  l'avantage  de  l'université  »,  et  qu'elles 
«  dérangeaient  non  seulement  les  études,  mais 
aussi  la  fortune  de  plusieurs  écoliers  ».  Conformé- 
ment à  la  tendance  du  gouvernement,  qui  inter- 
venait à  tout  moment,  nous  l'avons  dit,  dans 
l'organisation  de  l'institution,  l'impératrice  défen- 
dit la  célébration  de  ces  fêtes,  excepté  pour  le 
doctorat,  sous  peine  d'une  amende  de  300  florins 
pour  l'organisateur  de  la  réunion  et  de  50  florins 
pour  les  assistants.  Par  le  même  règlement,  en 
date  du  13  février  1755,  elle  défendit  aussi  sous 
des  peines  sévères  de  distribuer  ou  de  faire  distri- 


76  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

buer  des  gants,  à  l'occasion  de  la  licence  ou  d'au- 
tres actes  académiques  qui  la  précèdent,  l'usage 
d'employer  un  enfant  à  porter  un  bouquet  ou  un 
laurier  devant  le  nouveau  licencié,  elle  supprima 
le  traditionnel  plat  de  sucades  au  festin  doctoral,  et 
elle  régla  minutieusement  la  pompe  des  doctorats  : 
pas  plus  de  quatre-vingts  personnes  ne  pouvaient 
être  invitées  au  banquet. 

Après  le  recteur  et  le  chancelier  vient  le  conser- 
vateur des  privilèges  apostoliques  :  c'est  la  troi- 
sième dignité  académique.  Son  rôle  consiste  à 
défendre  et  à  conserver  en  toute  occasion  les  pri- 
vilèges de  l'Aima  Mater.  Cette  charge  fut  créée 
par  le  pape  Martin  V  en  1426.  Les  causes  dont  le 
conservateur  des  privilèges  pouvait  connaître 
furent  indiquées  par  les  concordats  de  Philippe  le 
Beau  (1495)  et  de  l'empereur  Maximilien  (même 
année).  Philippe  le  Beau,  après  avoir  suspendu 
toutes  les  cours  de  conservateurs  de  privilèges, 
permit  à  l'université  de  garder  la  sienne,  moyen- 
nant la  réforme  de  quelques  abus  patents.  Charles- 
Quint  confirma  ce  privilège  en  1518. 

Le  conservateur  des  privilèges  a  un  tribunal 
distinct  du  tribunal  rectoral.  S'agit-il  du  procès 
d'un  bourgeois  ou  d'un  étudiant  contre  un  étu- 
diant, l'on  cite  devant  le  tribunal  du  recteur; 
s'agit-il  d'un  procès  intenté  par  un  étudiant  contre 
un  bourgeois  ou  un  étranger,  c'est  devant  le  tri- 
bunal du  conservateur  qu'on  se  rend.  Ce  tribunal 
siégeait  deux  jours  par  semaine,  le  mercredi  et  le 
samedi. 

On  peut  citer  devant  ce  tribunal  les  habitants 


L'ORGANISATION  CENTRALE  77 

du  Brabant  et  des  autres  provinces  des  Pays-Bas, 
et  même  ceux  qui  habitent  la  principauté  de  Liège. 
Au  xvne  siècle  Juste-Lipse  se  plaint  de  ce  que 
l'existence  de  ce  tribunal  soit  si  violemment  atta- 
quée par  les  villes  de  Flandre  et  que  l'université 
se  montre  si  faible  à  défendre  l'institution.  Le  con- 
servateur des  privilèges  était  d'ordinaire  choisi 
parmi  un  certain  nombre  de  dignitaires,  désignés 
à  cet  effet  par  des  bulles  pontificales  :  tantôt  c'est 
l'abbé  de  Tongerloo,  tantôt  le  doyen  de  Saint- 
Pierre,  tantôt  le  prévôt  de  Sainte-Gertrude,  etc. 

Ce  dignitaire  avait  sous  ses  ordres  un  certain 
nombre  de  fonctionnaires  subalternes,  comme  le 
signator  primarum  litterarum,  qui  juge  de  la  rece- 
vabilité des  lettres  de  poursuite  envoyées  par  le 
conservateur,  des  assesseurs  et  des  notaires  du 
tribunal. 

Pour  compléter  le  tableau  des  institutions  cen- 
trales de  l'université,  il  nous  reste  à  parler  des 
bedeaux  et  des  libraires. 

Les  bedeaux,  bedelli,  sont  au  service  du  recteur 
et  du  sénat  académique.  Porteurs  des  insignes  de  la 
dignité  rectorale  ou  des  masses  en  argent  de  l'uni- 
versité, ils  rehaussent  par  leur  présence  les  céré- 
monies officielles.  Le  premier  bedeau  fut  nommé 
par  le  magistrat  communal  de  Louvain  en  1426  et 
resta  aux  gages  de  la  ville  au  moins  jusque  1428. 
Il  s'appelait  Simon  d'Oudorp  et  venait  de  Cologne. 
Même  pour  les  dignitaires  subalternes,  on  fit  donc 
au  début  appel  à  l'université  rhénane. 

Quant  aux  libr aires,  nous  avons  déjà  signalé 
leur  existence  à  Louvain  au  début  de  l'Humanisme. 


78  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

L'office  de  libraire  était  très  important  dans  les 
universités  médiévales.  On  exigeait  d'eux  une 
grande  loyauté  en  même  temps  qu'une  délicatesse 
scrupuleuse.  On  leur  défendait  sévèrement  de 
vendre  des  livres  entachés  d'hérésie  ou  d'acheter, 
sans  l'autorisation  préalable  de  l'autorité  acadé- 
mique, des  livres  aux  étudiants.  Ceux-ci  vendaient 
souvent  leurs  livres  pour  se  procurer  de  cette 
manière  de  l'argent  pour  leurs  fêtes  ou  leurs  plai- 
sirs, quelquefois  pour  leurs  débauches. 

Pour  finir,  disons  quelques  mots  des  suppôts*bu 
membres  de  l'université,  et  de  l'immatriculation  ou 
inscription  obligatoire  des  maîtres  et  des  étudiants. 

Les  professeurs  et  les  étudiants  devaient  se 
faire  inscrire,  intitulari,  pendant  la  première  quin- 
zaine de  leur  séjour  à  Louvain.  On  peut  s'en  rap- 
porter ici  aux  prescriptions  des  statuts  de  Cologne, 
qui  servirent  de  prototype  à  ceux  de  Louvain.  Ils 
disent  au  sujet  de  l'immatriculation  :  «  Nous  sta- 
tuons et  nous  ordonnons  que  tout  maître,  docteur, 
bachelier,  et  étudiant...  se  présente  endéans  la 
première  quinzaine  devant  le  recteur  de  l'univer- 
sité et  prête  le  serment  d'usage  et  se  fasse  inscrire 
sur  le  registre  de  l'institution;  que  personne,  avant 
d'avoir  accompli  ces  formalités,  ne  soit  réputé 
membre  de  l'université  et  ne  jouisse  des  privilèges, 
libertés  et  faveurs  de  cette  institution,  et  ne  suive 
les  cours  de  quelque  faculté.  Que  personne  ne 
donne  l'hospitalité  pour  plus  de  quinze  jours  à 
quelqu'un  qu'il  sait  être  venu  à  l'université  pour 
cause  d'étude  et  qui  ne  s'est  pas  fait  inscrire.  Le 
professeur,  qui  a  été  averti  par  le  bedeau  de  la 


L'ORGANISATION  CENTRALE  79 

présence  d'un  étudiant  non  immatriculé,  doit 
cesser  son  cours  jusqu'à  l'expulsion  de  cet  étu- 
diant. » 

Les  listes  d'étudiants,  Matricula  ou  Liber  inti- 
tulatorum,  étaient  écrites  tout  entières  de  la 
main  du  recteur,  auquel  l'étudiant  offrait,  à  cette 
occasion,  une  légère  gratification,  à  moins  qu'il 
ne  fût  pauvre  ou  dispensé  pour  des  motifs  sérieux. 
A  l'origine,  l'étudiant  payait  au  recteur  lui-même  : 
dès  1441,  il  versait  la  somme  entre  les  mains  du 
receveur  de  l'université.  Avant  d'être  inscrit, 
l'étudiant  devait  prêter  le  serment  d'observer  les 
droits,  privilèges,  libertés  et  statuts  universitaires, 
de  ne  pas  troubler  la  paix  et  la  tranquillité  de 
l'institution,  de  garder  obéissance  au  recteur  et  à 
l'université.  Du  moment  qu'un  étudiant  n'était 
pas  immatriculé,  il  ne  pouvait  citer  quelqu'un 
devant  le  tribunal  du  recteur  ou  du  conservateur 
des  privilèges. 

Oui  était  réputé  étudiant,  scholaris  ?  Les  statuts 
primitifs  regardent  comme  étudiants  ceux  qui, 
pendant  la  majeure  partie  de  l'année  scolaire,  ont 
fréquenté  les  leçons  de  la  faculté  pour  laquelle  ils 
se  sont  fait  inscrire,  à  moins  qu'ils  n'aient  changé 
par  après  de  faculté  (copie  de  1465). 

Nous  avons  parlé  du  serment  que  les  étudiants 
devaient  prêter  lors  de  leur  inscription.  Dès  1545, 
un  nouveau  serment  fut  imposé,  conçu  en  ces 
termes  :  «  Je  jure  que  je  déteste  de  toute  mon  âme 
tous  les  dogmes  de  Martin  Luther  et  de  tous  les 
autres  hérétiques  qui  contredisent  la  doctrine  de 
la  vieille  Église  catholique  romaine  et  je  jure  aussi 


SO  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

de  vouloir  accepter  et  confesser  l'ancienne  foi  de 
cette  Église  sous  l'obéissance  d'un  seul  pasteur,  le 
Souverain  Pontife  ». 

Une  nouvelle  profession  de  foi  fut  prescrite  par 
un  bref  de  Pie  IV  du  5  février  1561.  En  1579,  l'uni- 
versité exige  cette  profession  de  foi  non  seulement 
de  tous  les  professeurs  et  des  futurs  docteurs, 
mais  aussi  de  tous  ceux  qui  sont  inscrits  à  la  matri- 
cule, sous  peine  de  ne  plus  jouir  des  privilèges 
universitaires. 

Qu'entend-on  maintenant  par  membres  ou 
«  suppôts  »  de  l'université?  C'est  le  texte  de  la 
«  visite  »  de  1617  qui  va  nous  l'apprendre.  D'après 
ce  texte,  sont  considérés  comme  «  suppôts  »  de 
l'université  et  jouissant  de  tous  les  privilèges  de 
l'institution  :  i°  Tous  les  docteurs  et  les  licenciés 
des  facultés  supérieures,  c'est-à-dire  des  facultés 
de  théologie,  de  droit  et  de  médecine  ;  2°  Les  bache- 
liers des  facultés  supérieures  et  les  docteurs  es 
arts  (biretati)  qui  continuent  leurs  études.  Si 
ces  derniers  ne  continuent  pas  leurs  études  et 
s'adonnent  à  des  professions  contraires  à  toute 
occupation  libérale,  soit  qu'ils  se  fassent  mar- 
chands ou  tenanciers  de  tavernes,  «  versant  sans 
distinction  la  bière  aux  suppôts  de  l'université 
et  aux  bourgeois  de  la  ville  »,  soit  qu'ils  deviennent 
employés  de  l'administration  laïque,  receveur  des 
contributions,  bailli,  drossard  ou  officier  de  jus- 
tice, on  ne  les  comptera  plus  parmi  les  suppôts 
de  l'université;  30  Si  les  bacheliers  des  facultés 
supérieures  et  les  docteurs  es  arts  ne  continuent 
pas  leurs  études,  ils  seront  regardés  comme  sup- 


L'ORGANISATION  CENTRALE  81 

pots  de  l'université,  du  moment  qu'ils  n'exercent 
aucun  commerce,  même  s'ils  prennent  chez  eux 
des  étudiants  à  loger;  4°  Tout  comme  ceux  qui 
sont  au  service  de  l'université,  même  s'ils  n'ont 
pas  fait  d'études  ou  conquis  un  grade,  sont  censés 
faire  partie  de  cette  institution;  ceux  qui  sont  au 
service  de  la  ville  de  Louvain  seront  considérés 
comme  faisant  partie  de  la  cité  et  tombant  sous 
la  juridiction  séculière,  même  s'ils  ont  conquis 
des  grades  à  l'université;  50  Sont  encore  considérés 
comme  suppôts  les  licenciés  des  facultés  supé- 
rieures qui  ont  un  office  stable  de  la  ville  ;  ceux-ci 
garderont  toute  leur  vie  la  faculté  d'user  des  pri- 
vilèges universitaires;  6°  Tous  les  étudiants  imma- 
triculés et  qui  fréquentent  actuellement  les  cours  ; 
70  Tous  les  monastères  incorporés  à  l'université 
et  où  l'on  donne  des  cours  et  où  l'on  se  livre  à 
l'étude;  8°  Toutes  les  veuves  des  docteurs  et  des 
licenciés  des  facultés  supérieures,  qui  ne  se  rema- 
rient point,  qui  ne  changent  ni  de  condition  ni  de 
qualité  et  qui  ne  se  livrent  pas  au  commerce  ;  90  Les 
imprimeurs  jurés,  les  vendeurs  de  livres  ou  libraires 
admis  et  approuvés  par  l'université,  qui  n'exercent 
aucun  métier  «  profane  »;  io°  Les  bedeaux  des 
cinq  facultés  ;  ii°  Les  notaires,  procureurs  et 
exécuteurs  du  tribunal  du  recteur  et  de  celui  du 
conservateur  des  privilèges,  dûment  admis,  pourvu 
qu'ils  n'exercent  aucun  commerce;  120  Le  messa- 
ger de  chaque  administration  universitaire  ;  130  Un 
receveur  par  collège,  exerçant  lui-même  sa  fonction 
et  n'ayant  pas  de  gagne-pain  principal  ailleurs; 
140  Les  domestiques  et  les  servantes  qui  logent 


82  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

sous  le  toit  des  suppôts  et  qui  n'exercent  aucun 
commerce. 

Cette  énumération  aura  eu  l'avantage  d'avoir 
mis  en  lumière  la  composition  détaillée  du  grand 
corps  universitaire,  la  réelle  puissance  que  pos- 
sède l'université  comme  telle  et  que  nous  avons 
essayé  de  déterminer  en  disant  qu'elle  constituait 
un  État  dans  l'État,  la  haute  idée  qu'elle  se  faisait 
de  sa  dignité  et  de  celle  de  ses  membres.  L'on  aura 
mieux  compris  aussi  combien  fréquents  devaient 
être  les  conflits  à  propos  des  privilèges,  puisqu'un 
si  grand  nombre  de  personnes,  y  compris  les  domes- 
tiques et  les  servantes  des  professeurs,  étaient  cen- 
sées faire  partie  de  l'institution  et  se  trouvaient 
sous  son  puissant  patronage. 

CHAPITRE  IV 
La  vie  des  étudiants  à  Louvain. 

Nous  possédons  assez  bien  de  renseignements 
sur  la  vie  des  étudiants  dans  les  universités 
médiévales  prises  en  général,  mais  lorsqu'il 
s'agit  de  déterminer  d'une  façon  précise  comment 
les  étudiants  se  conduisaient  dans  telle  université 
'  en  particulier,  la  tâche  devient  plus  difficile.  Pour 
Louvain,  c'est  à  grand'peine  que  nous  pouvons 
glaner  quelques  renseignements  dans  les  délibéra- 
tions du  sénat  ou  conseil  académique  et  dans  les 
statuts  et  règlements  officiels  publiés  soit  par 
l'autorité  académique  elle-même,  soit  par  le  gou- 
vernement autrichien.  Tels  qu'ils  sont  là  et  malgré 
leur  peu  de  cohérence,  ces  détails  ont  leur  valeur. 


LA  VIE  DES  ÉTUDIANTS  83 

J'ai  essayé  d'en  tirer  le  plus  de  parti  possible  pour 
donner  une  idée  approximative  de  la  vie  des  étu- 
diants à  l'Aima  Mater  brabançonne. 

Dès  que  l'étudiant  de  Louvain  avait  pris  son 
inscription  endéans  les  quinze  jours  de  son  arrivée 
à  l'université,  il  se  cherchait  un  logement.  S'il 
était  pauvre  et  sans  ressources,  il  pouvait  toujours, 
à  certaines  conditions,  se  faire  héberger  dans  les 
innombrables  collèges,  dont  la  ville  était  remplie 
et  qui  avaient  été  fondés  dans  le  but  d'hospita- 
liser des  étudiants  dépourvus  de  moyens.  Les  étu- 
diants de  Louvain,  exception  faite  pour  certaines 
catégories  de  la  faculté  des  arts,  n'étaient  pas 
obligés  de  vivre  dans  les  collèges.  Ils  pouvaient  se 
choisir  un  logement  en  ville,  chez  les  bourgeois,  et 
un  grand  nombre  profitaient  de  cette  permission. 

Ils  étaient  tenus  de  suivre  certaines  prescriptions 
concernant  le  costume  à  porter  en  ville  et  au  cours. 
Tout  comme  les  docteurs  et  les  maîtres,  les  étu- 
diants sont  obligés  de  porter  la  toge  :  ils  ne  peuvent 
assister  aux  réunions,  messes  solennelles,  proces- 
sions ou  autres  actes  publics  universitaires  si  ce 
n'est  en  habit  décent  et  long,  leur  venant  jusqu'aux 
talons.  Pour  assister  au  cours,  leur  vêtement  supé- 
rieur doit  atteindre  près  du  talon  d'au  moins  une 
paume  de  main.  Si,  par  hasard,  quelqu'un  arrive 
au  cours  vêtu  d'une  façon  indécente  ou  excen- 

s 

trique  —  ce  que  l'on  appelait  alors  barbarizare  — 
il  était  cependant  défendu  à  ses  camarades  de 
l'accueillir  par  des  cris,  comme  cela  se  pratiquait 
à  l'université  de  Paris,  et  de  l'appeler  :  «Barbare  ! 
barbare  !  »  On  exhorte  les  gradués  à  apparaître  en 


34  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

toutes  circonstantes  en  habits  longs  et  décents  et  à 
enlever  leur  manteau  uniquement  dans  les  actes 
solennels,  les  réunions,  les  messes  et  les  processions. 
On  les  prie  de  ne  pas  porter  des  capuces  à  rouleaux, 
des  souliers  à  pointe,  des  tuniques  avec  manches 
ailées  et  larges;  ce  sont  là  des  nouveautés  qu'il 
faut  laisser  aux  «  dandies  »  de  l'époque  et  qui  ne 
conviennent  point  au  caractère  sérieux  des  gens 
d'étude.  Le  port  des  armes  était  sévèrement 
défendu.  L'on  peut  croire  qu'un  certain  nombre 
d'étudiants  ne  se  souciaient  pas  beaucoup  de  ces 
prescriptions,  car  le  fait  de  les  voir  si  fréquem- 
ment rappelées  dénote  assez  qu'on  ne  les  observait 
pas  toujours  ou  qu'on  feignait  d'ignorer  leur  exis- 
tence. 

Les  étudiants  couraient  par  les  rues  la  tête  coiffée 
d'une  toque  ou  d'un  bonnet,  garni  quelquefois 
d'une  plume,  un  petit  mantelet  à  capuchon  sur  les 
épaules,  la  tunique  fermée  par  des  lacets  sur  la 
poitrine  et  des  chausses  de  couleur  sombre  moulant 
Les  jambes.  Ils  portaient  mie  ceinture  à  laquelle 
pendait  une  lanterne  pour  s'éclairer  le  soir  dans 
les  rues  obscures,  et  souvent  ils  étaient  armés  d'une 
rapière,  quelquefois  d'un  poignard,  en  dépit  des 
défenses  académiques. 

Les  étudiants  de  la  faculté  des  arts  semblent 
avoir  été  les  plus  turbulents.  «  L'étudiant  es  arts, 
dit  le  chancelier  Prévostin  parlant  de  l'université 
de  Paris,  court  la  nuit  tout  armé  par  les  rues,  brise 
les  portes  des  maisons  et  remplit  les  tribunaux 
du  bruit  de  ses  esclandres.  »  A  Louvain  aussi  les 
«  artistes  »  sont  les  moins  disciplinés  :  continuelle- 


LA  VIE  DES  ÉTUDIANTS  85 

ment  l'on  rencontre  des  Ordinationes  venerandae 
Facultatis  Artium  circa  quosdam  excessus  suorum 
studiosorum. 

Si  l'on  doit  regarder  tous  les  délits  fréquem- 
ment défendus  par  les  statuts  comme  existant  en 
réalité,  —  et  la  fréquence  des  avis  semble  permettre 
cette  supposition,  — -les  étudiants  promenaient  par 
les  rues  de  la  ville  des  filles  publiques,  en  compagnie 
de  bourgeois;  d'autres  n'hésitaient  pas  à  héberger 
chez  eux  ou  dans  les  environs  de  leur  quartier  des 
femmes  adultères  ou  des  concubines,  crime  que 
l'autorité  punissait  de  la  suspension  ou  de  la  perte 
des  privilèges  universitaires.  Mais  ce  n'étaient 
probablement  là  que  des  cas  exceptionnels. 

Les  actes  de  l'université  et  les  comptes  rendus 
des  séances  du  conseil  académique  sont  remplis 
de  plaintes  à  propos  des  noctivagi  ou  coureurs  de 
nuit.  Il  était  défendu  aux  étudiants,  déjà  dès  1476, 
de  parcourir  les  rues  de  la  ville  après  que  la  cloche 
de  Saint-Michel  eût  sonné  le  soir,  en  hiver  à 
9  heures,  en  été  à  10  heures.  Exception  était  faite 
pour  ceux  qui  se  montraient  en  rue  en  compagnie 
d'un  docteur  ou  d'une  personne  sérieuse,  portant 
une  lanterne  allumée.  Après  le  dernier  coup  de 
cloche,  le  promoteur  et  ses  acolytes  pouvaient  arrê- 
ter tous  les  étudiants  qu'ils  trouvaient  encore 
attablés  dans  les  tavernes,  les  maisons  publiques, 
les  endroits  de  prostitution,  ou  ils  s'attardaient 
pour  leur  simple  amusement  ou  pour  y  passer 
la  nuit. 

Les  étudiants  de  Louvain  buvaient  ferme.  Plus 
d'une  fois,  le  soir,  par  les  rues  tortueuses  et  faible- 


83  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

ment  éclairées  de  la  vieille  cité  brabançonne,  le 
promoteur  et  ses  agents,  embusqués  derrière  un 
coin  de  maison  ou  dans  l'encoignure  d'une  porte, 
pouvait  les  voir  arriver  en  file,  zigzaguant,  dan- 
sant, disparaissant  subitement  par  la  porte  basse 
d'une  petite  taverne,  d'où  lui  arrivait  bientôt 
l'écho  de  leur  chanson  favorite  : 

Mini  est  propositum  in  taberna  mori, 
Vinum  sit  appositum  morientis  ori. 
Ut,  cumque  dum  venerint  angelorum  chori, 
Deus  sit  propitius  huic  potatori  1. 

Le  fait  que  les  étudiants  brabançons  se  rafraî- 
chissaient libéralement  le  gosier  nous  est  attesté 
par  plus  d'un  étranger  visitant  Louvain  au  cours 
du  xvie  siècle.  «  A  Louvain,  écrit  l'un  d'eux,  les 
étudiants  vous  considèrent  comme  ami  lorsque 
vous  êtes  aussi  fort  qu'eux  à  vider  un  verre  et  l'on 
vous  tient  pour  ennemi  si  vous  ne  savez  pas  boire 
jusqu'à  ce  que  successivement  les  yeux,  la  bouche, 
les  bras  et  les  jambes  refusent  tout  service.  »  Le 
cardinal  Bellarmin  lui-même,  qui  fut  envoyé 
pendant  quelques  années  à  Louvain  pour  y  restau- 
rer sa  santé  chancelante  sous  ce  climat  exception- 
nellement bienfaisant,  et  qui  prêchait  périodique- 
ment pour  les  étudiants  dans  l'église  Saint-Michel, 
n'hésita  pas,  un  soir  qu'il  avait  fait  un  beau  ser- 
mon sur  la  mort,  à  l'occasion  du  2  novembre,  à 

t.  f'ai  l'intention  bien  droite  de  mourir  dans  une  taverne, 
De  mourir  en  portant  le  verre  de  vin  à  la  bouche. 
Lorsque  le  chœur  des  anges  viendra  me  chercher, 
Que  Dieu  me  soit  alors  propice,  à  moi,  malheureux  buveur  1 


LA.  VIE  DES  ÉTUDIANTS  87 

tonner  vigoureusement  contre  ce  vice  des  étu- 
diants :  «  Louvain  !  Brabant  !  Belgique  !  s'écria-t-il, 
prenez  garde  que  l'ébriété,  qui  est  un  de  vos  vices 
coutumiers,  ne  vous  fasse  oublier  la  mort  et  le 
jugement  dernier  l  !  » 

Les  étudiants  présents  à  ce  sermon  ne  s'offus- 
quèrent point  de  cette  cinglante  apostrophe  :  ils 
voulurent  montrer  leur  bon  cœur  en  demandant 
au  prédicateur  de  faire  imprimer  son  sermon. 

Après  avoir  gaudriole  dans  les  tavernes,  les  noc- 
tivagi  sentaient  germer  dans  leur  cerveau  embué 
les  projets  les  plus  drôles,  les  plus  extraordinaires. 
Quel  plaisir  pour  eux  de  se  cacher  dans  un  coin 
obscur  et  d'y  attendre  le  passage  d'un  brave  bour- 
geois de  Louvain  rentrant  tranquillement  pour 
dormir  !  Tomber  sur  lui  à  l'improviste,  le  rosser, 
le  malmener  était  vite  fait,  puis  la  bande  se  dis- 
persait, pour  ne  pas  tomber  entre  les  mains  du 
promoteur.  Quelquefois,  à  bout  d'invention,  on 
allait  faire  une  promenade  sur  les  remparts,  on  s'y 
emparait  de  quelque  vieille  bombarde,  canon  res- 
pectable qui  semblait  prêt  à  repousser  une  nou- 
velle attaque  de  Martin  Van  Rossum  ou  du  duc 
d'Alençon,  on  s'y  attelait  et  on  traînait  cette  arme 
de  guerre  à  travers  les  rues  mal  pavées,  faisant 
sursauter  dans  leur  lit  les  paisibles  bourgeois.  Puis, 
las  de  ce  jeu,  et  très  embarrassé  par  ce  lourd  engin, 
on  finissait  par  précipiter  la  pauvre  bombarde 
dans  les  eaux  noires  de  la  Dyle,  qui  passait  en  cla- 
potant sous  les  vieux  ponts.    Souvent,   ces  cou- 

i.  Édition   (du  sermon)   datée    de  Cologne,    1626.   Voir  le 
passage  cité,  à  la  p.  444  de  cette  édition. 


88  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

reurs  nocturnes  traînaient  derrière  eux  tout  un 
arsenal  :  les  statuts  de  l'université  nous  parlent 
de  longues  épées,  de  hallebardes,  de  lances,  de 
marteaux,  de  boules  de  fer.  Toute  cette  ferraille 
ne  servait  probablement  qu'à  faire  du  bruit  et  à 
effrayer  dans  son  sommeil  le  «  philistin  »  louvaniste, 
l'ennemi  héréditaire,  qui  s'offusquait  des  privi- 
lèges des  étudiants,  qui  haïssait  leur  arrogance  et 
leur  dévergondage,  et  qui  prenait  sa  revanche  en 
les  exploitant  consciencieusement. 

Quelquefois  ces  armes  servaient  à  des  rixes  qui 
s'élevaient  entre  étudiants  après  une  partie  de  jeu: 
les  tavernes  voyaient  souvent  les  scholares  jouer 
aux  dés  ou  à  d'autres  jeux  de  hasard,  à  l'insu  du 
promoteur  et  des  autorités  académiques.  Celles-ci 
se  montraient  très  sévères  pour  les  joueurs  et  punis- 
sait leur  délit  d'une  amende  de  trois  florins  du  Rhin. 

On  ne  respectait  pas  toujours  non  plus  la  pro- 
priété privée  et  plus  d'une  fois  les  jardins,  les  ver- 
gers et  les  vignes  des  suppôts  de  Y  Aima  Mater 
recevaient  la  visite  des  braillards  nocturnes.  De 
même  l'on  cassait  à  coups  de  pierres  les  fenêtres 
des  maisons  du  magistrat,  des  bourgeois,  des  profes- 
seurs. Malheur  à  ceux  qui  tombaient  alors  entre  les 
mains  du  promoteur  !  Immédiatement  ils  allaient 
réfléchir  dans  la  prison  de  la  rue  de  Malines  à  ce 
qu'il  en  coûte  de  ne  pas  rentrer  à  dix  heures  du  soir 
en  discutant  gravement  avec  quelque  personne 
sérieuse  des  problèmes  de  philosophie. 

Étant  donné  la  fréquence  de  ces  désordres  noc- 
turnes, les  logeurs  étaient  tenus  d'ouvrir  leur  mai- 
son et  de  laisser  visiter  les  chambres  des  étudiants, 


LA  VIE  DES  ÉTUDIANTS  89 

à  toute  heure  du  jour  et  de  la  nuit,  pour  que  le  pro- 
moteur pût  se  rendre  compte  qu'on  n'y  cachait 
pas  des  armes  ou  qu'on  n'y  tenait  pas  des  réunions 
prohibées.  Pour  violer  le  domicile  privé,  le  pro- 
moteur devait  cependant  montrer  une  permission 
régulière  et  expresse  du  recteur. 

Que  l'on  ne  s'imagine  pas  maintenant  que  le 
portrait  que  je  viens  de  tracer  est  celui  de  tous  les 
étudiants  de  l'ancienne  université  de  Louvain. 
L'on  a  dit  :  «  Les  peuples  heureux  n'ont  pas  d'his- 
toire. »  De  même  les  étudiants  modèles  n'ont  pas 
d'histoire  l.  Dans  les  documents  qui  nous  restent 
de  l'ancien  Studiam  de  Louvain,  il  n'est  question 
que  de  cette  catégorie  très  spéciale  de  scholares 
qui  eurent  toujours  maille  à  partir  avec  l'autorité. 
C'est  pour  eux  que  sont  rédigés  toutes  ces  prescrip- 
tions, tous  ces  règlements  sévères,  et  ce  serait 
certainement  se  méprendre  sur  les  conditions  de 
vie  et  de  moralité  d'un  pays  que  de  les  étudier  uni- 
quement dans  son  code  pénal. 

Les  étudiants  des  collèges  et  des  pédagogies 
étaient  moins  bohèmes,  moins  turbulents  que  ceux 
qui  logeaient  en  quartier,  d'abord  à  cause  des 
règlements  assez  sévères  régissant  ces  collèges, 
ensuite  parce  que  toute  velléité  d'inconduite 
pouvait  leur  faire  perdre  la  bourse  grâce  à  laquelle 
ils  étudiaient,  ou  les  faire  expulser  du  collège  où 
ils    étaient    gratuitement    logés    et    nourris.    Les 

i.  On  aura  une  idée  précise  de  ce  qu'était  l'existence  d'un 
étudiant  «  sans  histoire  »,  en  lisant  l'intéressant  article  de 
M.  J.  VVils,  Les  dépenses  d'un  étudiant  à  l'université  de  Louvain 
(1448-1453),  dans  les  Analectes  pour  servir  à  l'histoire  ecclé- 
siastique de  la  Belgique,  3e  sér.,  t.  II,  pp.  488  et  suiv. 


90  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

désordres  et  les  conspirations  contre  l'autorité 
dans  ces  collèges  étaient  sévèrement  punis;  ceux 
qui  visitaient  les  tavernes  étaient  fortement  répri- 
mandés. Pour  leur  éviter  de  céder  aux  tentations, 
les  présidents  des  collèges  ne  laissaient  pas  sortir 
leurs  étudiants  le  soir  des  jours  de  vacances  ou  de 
suspension  des  cours  et  des  peines  variées  punis- 
saient ceux  qui  se  présentaient  au  collège  après 
la  fermeture  des  portes.  Celles-ci,  aux  termes  de  la 
«  visite  »  de  1617,  devaient  se  fermer  dans  les  col- 
lèges des  juristes  et  des  théologiens  dès  l'heure 
du  souper  et  après  le  repas  du  soir  plus  personne 
ne  pouvait  sortir  sans  une  permission  spéciale  du 
président  ou  des  régents.  Les  statuts  élaborés  en 
1785  pour  le  collège  de  la  Sainte-Trinité,  qui  appar- 
tenait à  la  faculté  des  arts,  sont  particulièrement 
instructifs  pour  comprendre  le  régime  des  collèges. 
Il  arrivait  souvent  que,  lorsque  les  étudiants 
étaient  à  court  d'argent,  ils  n'hésitaient  pas  à 
vendre  leurs  livres  chez  les  libraires  ou  à  les  donner 
en  gage  aux  prêteurs  lombards.  Les  statuts  de 
l'université  s'élèvent  hautement  contre  cet  abus  : 
ils  déclarent  gravement  que,  «  tout  comme  le  sol- 
.  dat  a  besoin  de  ses  armes,  les  étudiants  ont  besoin 
de  leurs  livres  ».  Aussi  tous  les  libraires  admis  et 
reconnus  par  l'Aima  Mater  étaient  obligés  d'affi- 
cher bien  en  évidence  aux  fenêtres  de  leur  bou- 
tique un  extrait  du  chapitre  IV  des  statuts  uni- 
versitaires, qui  leur  défendait  sévèrement  d'ache- 
ter des  livres  à  des  étudiants  âgés  de  moins  de 
25  ans,  sans  la  permission  spéciale  du  recteur  ou  des 
autorités  académiques. 


LA  VIE  DES  ÉTUDIANTS  91 

Les  statuts  de  la  faculté  des  arts  de  1639  défen- 
dent aussi  de  nager  dans  les  rivières  et  de  patiner 
sur  la  glace  en  hiver.  L'on  peut  douter  que  ces 
prescriptions  aient  toujours  été  observées. 

Il  était  d'usage  dans  la  plupart  des  universités 
médiévales  de  soumettre  les  étudiants  de  première 
année,  les  «  bleus  »  (les  be  jauni  disait-on  alors),  à 
toutes  sortes  d'exercices  et  d'épreuves,  qui  consti- 
tuaient souvent  pour  ces  malheureux  un  véritable 
martyre.  Ce  n'est  qu'après  avoir  traversé  ces  épreu- 
ves qu'on  les  jugeait  dignes  de  faire  partie  du 
corps  des  étudiants. 

Ainsi,  à  l'université  de  Paris,  on  coiffait  les  bleus 
de  casques  en  papier  munis  de  longues  oreilles, 
on  leur  enduisait  le  visage  de  savon,  on  les  affu- 
blait de  toutes  sortes  de  vieilles  hardes.  Puis  on 
leur  faisait  la  chasse,  leur  rasant  la  figure  avec  des 
couteaux  en  bois,  leur  arrachant  leurs  oreilles  de 
papier  avec  des  pinces  de  même  matière,  les  mal- 
menant le  plus  possible.  Cette  chasse  à  l'homme 
leur  apprenait,  disait-on,  «  à  rentrer  les  cornes  de 
l'orgueil,  à  ouvrir  l'esprit,  à  comprendre  la  signi- 
fication de  la  vie  ».  Après  avoir  subi  ces  tortures 
les  be  jauni  étaient  obligés  de  payer  toutes  sortes 
de  taxes  à  leurs  aînés,  qui  avaient,  ils  le  disaient 
eux-mêmes,  «  ventres  vuydes  et  appétit  strident  ». 

A  l'université  de  Cologne,  les  «  bleus  »  étaient 
d'abord  soumis  à  un  interrogatoire  où  on  leur 
posait  toutes  sortes  de  questions  captieuses.  Puis 
au  milieu  de  clameurs  étourdissantes  et  de  danses 
folles,  on  les  traînait  par  les  rues  jusqu'à  une  place 
publique,  où  on  leur  administrait  un  bain  vigou- 


92  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

reux.  Après  cette  douche,  ils  étaient  reçus  comme 
étudiants. 

L'université  de  Louvain,  qui  s'est  inspirée  dans 
ses  statuts  des  universités  de  Paris  et  de  Cologne  et 
qui  a  fait  venir  de  ces  deux  Studia  célèbres  ses  pre- 
miers professeurs,  ne  peut  s'enorgueillir  d'avoir 
vu  ses  étudiants  emprunter  aux  étudiants  fran- 
çais ou  teutons  les  cérémonies  comiques  qui  fai- 
saient la  terreur  des  élèves  de  première  année. 

u  Je  n'ai  pas  rencontré  dans  mes  recherches, 
dit  l'historien  de  l'université,  Valère  André, 
d'indice  de  l'existence  d'épreuves  de  ce  genre  1.  » 

Les  statuts  de  la  faculté  des  arts,  datant  de  1433, 
défendent  expressément  de  molester  ou  d'exploiter 
les  jeunes  gens  qui,  après  avoir  quitté  les  petites 
écoles,  venaient  suivre  les  cours  à  la  faculté  des 
arts.  Tout  ce  qu'on  demandait  d'eux,  c'était  de 
verser,  à  la  fin  de  leur  première  année  d'études, 
comme  taille  pour  la  déposition  de  leur  Bejanium 
ou  la  cessation  de  leur  condition  de  «  bleu  »,  un 
demi  grifon  à  la  pédagogie  où  ils  avaient  été  logés 
et  où  ils  avaient  suivi  les  cours. 

Pour  le  reste,  la  faculté  mettait  tout  en  œuvre 
pour  que  les  nouveaux  «  philosophes  »  ne  fussent 
molestés,  tentés,  éprouvés,  exploités  d'aucune 
manière. 

Au  xvme  siècle,  nous  constatons  cependant 
l'existence  d'une  sorte  d'épreuve  pour  les  jeunes 
étudiants,  connue  sous  le  nom  de  physicatio.  Elle 
semble  avoir  consisté  en  une  rossade  vigoureuse, 
à  laquelle  les  «  physiciens  »  de  la  faculté  des  arts 

1.  Fasti  academici,  p.  241. 


LES  FACULTÉS  93 

soumettaient  les  jeunes  «  humanistes  »  du  collège 
de  la  Sainte-Trinité.  Cette  physicatio  devait  être 
accompagnée  de  scènes  violentes,  car  Marie-Thé- 
rèse finit  par  l'interdire  sous  les  peines  les  plus 
graves,  comme  contraire  au  bon  ordre  et  à  la 
dignité  qui  devait  régner  à  l'université. 

Les  étudiants  de  Louvain  se  montrèrent  en  toute 
occasion  de  bons  patriotes  et  des  gens  sans  peur  et 
sans  reproche.  Lors  du  siège  de  la  ville  par  Martin 
van  Rossum,  ce  furent  eux  qui  chargèrent  et 
mirent  en  fuite  les  bandes  de  mercenaires;  lors 
de  l'attaque  de  Louvain  par  le  duc  d'Alençon,  ils 
aidèrent  vigoureusement  la  garnison  à  repousser 
les  Français;  plus  tard  encore,  lors  de  l'invasion  de 
Louis  XIV,  ils  creusèrent  des  retranchements  et 
travaillèrent  à  mettre  les  remparts  en  état  de 
défense. 

CHAPITRE  V 

Les  Facultés, 
leur  organisation  et  leur  enseignement. 

i.  FACULTÉ  DES  ARTS. 

LA  faculté  des  arts  était  destinée  à  l'étude  de  la 
philosophie,  des  lettres,  des  sciences  naturelles 
et  physiques  telles  qu'elles  s'enseignaient 
alors.  «Entre  les  facultés  de  l'université  de  Louvain, 
écrit  Valère  André,  et  qui  constituent  l'université 
elle-même,  la  faculté  des  arts  est  le  fondement  et 
la  base  des  autres  facultés.  »  En  effet,  pour  pou- 
voir se  faire  inscrire  aux  facultés  de  théologie,  de 
médecine  et  de  droit,  on  devait  d'abord  avoir  suivi 

6 


94  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

les  cours  de  la  faculté  des  arts  et  avoir  conquis 
le  titre  de  magister  artium.  Une  particularité  de 
la  faculté  des  arts  dans  presque  toutes  les  univer- 
sités médiévales,  c'est  que  ses  étudiants  sont  divi- 
sés en  nations.  On  constate  le  fait  aussi  bien  dans 
les  anciennes  universités  françaises  que  dans  les 
universités  italiennes  et  allemandes.  A  Paris  sur- 
tout, la  division  en  nations  était  importante  :  elle 
était  cependant  artificielle,  en  ce  sens  que  toutes 
les  nations  n'étaient  pas  représentées  séparément; 
elle  devait  son  origine  au  désir  de  faciliter  l'admi- 
nistration. Chaque  nation  avait,  en  effet,  à  sa  tête 
un  procureur,  qui  représentait  ses  «  nationaux  »  et 
qui  traitait  en  leur  nom  avec  les  autorités  acadé- 
miques. 

La  faculté  des  arts  de  Louvain  groupait  ses 
maîtres  et  ses  étudiants  en  quatre  nations,  érigées 
par  sentence  arbitrale  en  1435  :  Brabantia,  Gallia, 
Flandria,  Hollandia  1.  La  nation  Gallia  comprenait 
les  étudiants  du  royaume  de  France  et  de  ses 
domaines  soumis,  avec  le  territoire  de  Cambrai; 
la  Flandria  groupait  les  étudiants  du  comté  de 
Flandre,  des  comtés  de  Hainaut  et  de  Namur  et 
ceux  de  la  ville  de  Malines;  la  Hollandia,  ceux  de 
Hollande,  de  Zélande,  de  Frise,  du  territoire 
d'Utrecht  et  de  tous  les  pays  maritimes  du  nord 
(Anglais,  Suédois,  etc.).  La  nation  Brabantia 
comptait  les  étudiants  du  duché  de  Brabant  et  de 

1.  Il  ne  faut  pas  confondre  les  nations  de  la  faculté  des  arts 
avec  les  groupements  nationaux  d'étudiants,  sorte  de  clubs, 
dont  M.  J .  Wils  a  étudié  un  exemple  dans  sa  publication  Les 
étudiants  des  régions  comprises  dans  la  Nation  germanique  à 
l'Université  de  Louvain,  2  vol.  Louvain,  1909-1910. 


LES  FACULTÉS  95 

tous  les  territoires  non  compris  dans  les  autres 
catégories.  En  1448,  les  étudiants  du  pays  de  Liège 
et  du  comté  de  Looz  furent  annexés  à  la  Gallia. 
On  voit  donc  que  cette  division,  tout  comme  à 
Paris,  était  artificielle  et  moins  logique  que  la 
division  de  l'ancienne  université  de  Bologne,  où 
l'on  distinguait  les  Cismontani  et  les  Ultramontani, 
les  étudiants  d'Italie  et  ceux  d'au  delà  des  Alpes. 
Les  dignités  dans  la  faculté  sont  décernées  gra- 
duellement dans  l'ordre  des  nations  (Brabantia, 
Gallia,  etc.).  Comme  à  Paris,  chaque  nation  a  son 
procureur,  qui  doit  convoquer  les  membres  de 
la  nation.  Dans  les  délibérations  universitaires, 
toutes  les  nations  délibèrent  cependant  ensemble, 
sous  la  présidence  d'un  doyen  unique. 

Le  caractère  artificiel  et  tout  administratif  des 
nations,  en  dehors  de  toute  idée  de  groupement 
géographique,  nous  est  clairement  démontré  par 
une  ordonnance  de  la  faculté  des  arts,  datant  de 
1615.  D'après  cette  ordonnance,  feront  désormais 
partie  de  la  natio  Brabantiae  :  le  régent  du  collège 
du  Lis,  le  sous-régent  du  collège  du  Château,  le 
professeur  primaire  du  collège  du  Lis,  etc.  Or,  il 
n'est  pas  du  tout  certain  que  ces  personnages 
étaient  toujours  des  Brabançons,  et  non  des  Fla- 
mands ou  des  Liégeois.  En  1615  certainement,  la 
division  en  nations  n'était  plus  que  purement 
administrative,  et  ne  donnait  aucune  indication 
sur  la  nationalité  de  ceux  qui  étaient  classés  dans 
telle  ou  telle  nation. 

L'organisation  de  la  faculté  des  arts  est  très 
intéressante   à   étudier.    Elle   comprend,   comme 


96  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

administration  centrale,  deux  conseils  :  le  minus 
et  le  mains  consilium.  Le  minus  consilium  com- 
prend le  doyen,  le  receveur,  les  doyens  des  quatre 
nations  et  les  régents  des  quatre  pédagogies.  C'est 
ce  conseil  qui  possède  le  droit  de  nommer  les 
maîtres  es  arts  aux  bénéfices  ecclésiastiques.  Le 
majus  consilium,  c'est  la  réunion  des  membres  les 
plus  savants  (lectissimi),  dont  plusieurs  sont  déjà 
licenciés  en  théologie  ou  en  droit,  docteur  es  arts 
ou  en  philosophie.  La  faculté  possédait  pour  ses 
réunions  un  local  en  propre  depuis  1444.  Le  doyen 
de  la  faculté  des  arts  est  élu  tous  les  quatre  mois, 
chaque  fois  dans  une  nation  différente  ;  au  xvne  siè- 
cle, la  dignité  était  trimestrielle.  Il  vient  immédia- 
tement après  les  docteurs  des  facultés  supérieures  : 
aux  cérémonies  officielles  de  l'université  et  de  la 
faculté,  il  est  toujours  précédé  d'un  bedeau  por- 
tant le  sceptre. 

L'enseignement  de  la  philosophie  était,  au  début 
de  l'université,  entièrement  entre  les  mains  des 
régents,  qui  peuvent  enseigner  dans  les  endroits 
ou  aux  heures  qu'ils  préfèrent.  Les  cours  publics 
se  donnaient  dans  l'école  des  arts  ou  vicus,  mais 
en  outre,  chaque  maître  de  la  faculté,  qui  désirait 
le  faire,  organisait  dans  sa  maison  même  une 
espèce  de  pédagogie,  où  il  donnait  des  leçons  pri- 
vées aux  élèves  qui  se  présentaient.  En  1433,  il  y 
avait  ainsi  sept  de  ces  pédagogies  privées.  En  1446, 
la  faculté  des  arts  réserva  quatre  collèges  ou  péda- 
gogies aux  leçons  publiques.  Ces  quatre  pédagogies 
n'étaient  qu'une  transformation  de  maisons  privées 
en    bâtiments    officiels    d'enseignement,    et    elles 


LES  FACULTÉS  97 

gardèrent  dès  lors  le  nom  des  enseignes  que  ces 
maisons  portaient  primitivement.  Il  y  avait  la 
pédagogie  du  Lis,  celle  du  Château,  celle  du  Fau- 
con et  celle  du  Porc.  A  la  différence  des  collèges 
fondés  un  peu  plus  tard  par  de  généreux  bienfai- 
teurs et  qui  dépendaient  uniquement  du  président 
désigné  par  le  fondateur,  les  quatre  pédagogies  de 
la  faculté  des  arts  étaient  sous  l'administration 
directe  de  cette  faculté. 

L'enseignement  de  la  faculté  des  arts  comprend 
avant  tout  la  dialectique  et  la  physique.  Ces 
sciences  sont  enseignées  dans  les  quatre  pédago- 
gies par  ce  qu'on  appelle  les  régentes  et  les  legentes. 
Les  régents  dirigent  la  pédagogie  et  les  études  des 
élèves  qui  y  suivent  les  cours  :  ils  sont  au  nombre 
de  quatre,  un  par  pédagogie.  De  plus,  chaque  péda- 
gogie compte  des  «  précepteurs  »  pour  les  classes 
inférieures,  et  deux  professeurs  principaux  et  deux 
professeurs  secondaires  pour  l'enseignement  de  la 
logique  et  de  la  physique. 

L'enseignement  des  arts  comprend  ensuite  la 
philosophie  morale  et  la  rhétorique  :  ces  d< 
sciences  sont  enseignées  non  dans  les  pédagogies, 
mais  dans  l'école  publique  de  la  faculté,  bâtiment 
spécial  qu'on  appelle  le  viens  l.  Ce  sont  non  les  pro- 
fesseurs des  pédagogies  qui  l'enseignent,  mais  des 
professeurs  de  l'université.  Dans  ce  même  local 
public  se  font  les  discussions  solennelles  de  thèses 
et  les  promotions  de  la  faculté. 

Nous  savons  déjà  de  par  ailleurs  que  les  cour? 
grec,  de  latin  et  d'hébreu  se  donnaient  dans  un 

i .  Le  tribunal  de  Louvain,  incendié  en  1914  par  les  Allemands. 


98  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

troisième  local,  le  Colle gium  Trilingue  ou  de 
Busleiden . 

La  faculté  des  arts  possède  donc  deux  sortes  de 
professeurs  :  i°  les  professeurs  des  pédagogies, 
attachés  à  cette  institution;  20  les  professeurs 
publics,  attachés  à  l'université  ou  à  la  faculté 
comme  telle.  Les  professeurs  de  chaque  pédagogie 
sont  des  professeurs  ordinaires,  au  nombre  de 
quatre.  Deux  s'appellent  ftrimarii  et  enseignent 
le  matin,  deux  s'appellent  secundarii  et  enseignent 
l'après-midi.  Ils  se  répartissent  la  tâche  de  l'ensei- 
gnement de  la  physique  et  de  la  logique.  Les  cours 
se  donnent  dans  les  pédagogies,  le  matin  de  6  à  7, 
et  de  10  à  10  14  heures  ;  l'après-midi  de  1  y2  à  2  y2, 
de  4  à  5  1  .  heures.  Les  répétitions  ont  lieu  de  2  à  3 
et  de  4  y2  à  6  heures.  En  outre,  les  étudiants 
des  pédagogies  ont  à  subir  des  exercices  et  des 
discussions  philosophiques,  qui  se  donnent  en 
partie  dans  la  pédagogie  même,  en  partie  dans  le 
viens  ou  local  public  de  la  faculté. 

Les  professeurs  publics  enseignent  la  philosophie 
morale  et  la  rhétorique  au  viens,  le  mardi  et  le  jeudi 
à  10  heures,  de  même  que  les  dimanches  et  les  jours 
de  fête. 

Comme  nous  l'avons  déjà  dit  en  parlant  de  l'Hu- 
manisme, la  rhétorique  était  hautement  appréciée 
à  Louvain.  En  1433,  la  faculté  des  arts  pria  les 
autres  facultés  de  coopérer  à  la  création  de  cette 
chaire,  «  qui  n'intéresse  pas  seulement  la  faculté 
des  arts,  mais  toute  l'université  ». 

A  côté  des  deux  chaires  publiques  d'éthique  et 
de  rhétorique,  le  magistrat  de  Louvain  institua  en 


LES  FACULTÉS  99 

1563  deux  chaires  publiques  de  dialectique  et  de 
mathématiques.  L'université  et  la  faculté  des  arts 
répugnèrent  à  accepter  cette  fondation,  mais 
elles  finirent  par  s'exécuter,  à  la  suite  de  la  munifi- 
cence des  États  de  Brabant,  qui  dotèrent  généreu- 
sement ces  deux  chaires.  Enfin  la  grammatica  ou 
l'étude  des  lettres  fut  enseignée  au  début  dans 
toutes  les  pédagogies.  Au  XVIIe  siècle  cet  enseigne- 
ment ne  se  donnait  plus  qu'à  la  pédagogie  du  Porc, 
étant  donné  qu'il  figurait  au  programme  des  col- 
lèges fondés  par  les  Jésuites  et  les  Augustins  dans 
presque  toutes  les  villes  des  Pays-Bas. 

L'ensemble  du  Studium  Philosophicum  ou  étude 
es  arts  durait  d'ordinaire  deux  ans.  Les  neuf  pre- 
miers mois  étaient  consacrés  à  l'explication  de 
toute  la  logique  d'Aristote  et  des  préceptes  de  la 
dialectique  ;  suivent  huit  mois  pour  étudier  la  pliilo- 
sophie  naturelle  et  les  livres  d'Aristote  qui  en  par- 
lent. Quatre  autres  mois  suffisent  pour  la  métaphy- 
sique. Trois  mois,  enfin,  étaient  consacrés  à  la 
répétition  des  cours. 

Les  livres  ou  traités  en  usage  étaient  les  sui- 
vants :  les  Traités  de  logique  et  de  physique  d'Aris- 
tote, Y  Introdudio  Porphyriana,  le  Traité  de  Sphera 
de  Jean  de  Sacrobosco,  la  Summula  de  Petrus 
Hispanus,  la  Grammatica  d'Alexandus,  le  Grae- 
cismus,  le  premier  livre  d'Euclide,  et  la  Musica  de 
Joannes  Mûris. 

Aristote  était  l'autorité  par  excellence.  Mais  on 
mettait  des  restrictions  à  l'étude  de  sa  doctrine. 
Voici,  pour  caractériser  l'esprit  de  l'enseignement 
de  l'ancienne  faculté  des  arts  —  esprit  qu'il  faut 


100  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

placer  dans  le  cadre  de  l'époque  —  des  prescrip- 
tions importantes  :  «  Suivez  en  tout  la  doctrine 
d' Aristote,  excepté  dans  les  cas  où  elle  est  contraire 
à  la  foi.  »  —  «  S'il  vous  arrive  de  toucher  à  une 
question  qui  concerne  a  la  fois  la  philosophie  et  la 
foi,  résolvez-la  dans  le  sens  de  la  foi  et  dissolvez 
les  arguments  ou  les  raisons  contraires  à  la  foi.  » 
—  «  Personne  ne  peut  rejeter  comme  hérétique  une 
sentence  d'Aristote,  si  elle  a  été  défendue  par  des 
catholiques,  à  moins  que  la  Faculté  de  théologie 
n'en  ait  au  préalable  démontré  le  caractère  héré- 
tique» (Acta,  1470J .  Le  2  juin  1427,  la  faculté  décida 
qu'aucun  maître  ne  pourrait  être  admis  à  la  régen- 
ce s'il  ne  jurait  de  ne  jamais  enseigner  la  doctrine 
de  Buridan,  de  Marsile  de  Padoue,  d'Ockham  et 
de  leurs  disciples. 

La  faculté  des  arts  garda  longtemps  l'ancienne 
façon  de  parler  et  de  prononcer  le  latin.  Lorsque  la 
fondation  du  collège  des  Trois  Langues  vint  intro- 
duire ce  qu'on  appelait  le  sermo  purus,  une  cabale 
poussa  les  étudiants,  nous  l'avons  déjà  dit,  à  qua- 
lifier ce  latin  de  «  latin  du  Marché  aux  Poissons  », 
par  opposition  au  latin  médiéval  de  la  «  vénérable 
faculté  des  arts  ».  L'on  peut  se  rendre  compte  de 
l'indigence  de  ce  dernier  en  consultant  les  «  For- 
mules épistolaires  »  que  Carolus  Virulus,  premier 
régent  de  la  pédagogie  du  Lis,  fit  imprimer  à 
Louvain,  Cologne,  Deventer  et  Reutlingen  à  la  fin 
du  xve  siècle. 

A  la  faculté  des  arts  existent  aussi  ce  que  l'on 
appelle  les  disputationes  quodlibeticae  ou  «  discus- 
sions à  volonté  ».  Elles  furent  instituées  en  1426 


LES  FACULTÉS  101 

et  eurent  lieu  chaque  année,  vers  la  fête  de  Sainte- 
Lucie,  au  local  public  de  la  faculté.  Un  maître  es 
arts  propose  aux  autres  magistri,  qui  désirent 
prendre  part  au  débat,  une  question  avec  deux 
arguments  et  deux  «  quod  libeta  »  ;  celui  qui  répond 
doit  le  faire  dans  une  forme  voulue  et  prescrite. 
Pour  attirer  le  public,  on  permettait  de  poser  des 
questions  amusantes,  mais  toutes  choses  malhon- 
nêtes ou  injurieuses  étaient  bannies  du  débat. 

Les  tentamina  ou  examens  de  la  faculté  des  arts 
pouvaient  conduire  à  trois  grades  :  le  baccalauréat, 
la  licence  et  la  maîtrise.  Une  épreuve  précède  ces 
trois  examens.  On  l'appelle  la  «  déterminance  ». 
Les  étudiants  en  logique,  avec  la  permission  solen- 
nelle de  l'université,  traitent  une  question  d'éthique 
que  le  président  de  la  «  déterminance  »  propose. 

Pour  la  licence  es  arts,  il  fallait  avoir  atteint  l'âge 
de  18  ans;  pour  la  maîtrise  20  ans  révolus  sont 
de  rigueur.  A  l'époque  de  Valère  André,  c'est 
cependant  la  connaissance  qui  décide  de  l'admis- 
sion à  ces  examens.  Pour  la  licence,  les  bacheliers 
de  tous  les  collèges  concouraient  ensemble  et 
c'était  un  grand  honneur  que  celui  de  sortir  pre- 
mier, second  et  troisième  de  la  promotion.  Nous 
avons  parlé  plus  haut  des  honneurs  qu'on  accordait 
au  Primas. 

La  faculté  des  arts  possédait  une  bibliothèque  en 
propre;  déjà  en  1466  l'on  trouve  des  prescriptions 
à  ce  sujet.  Il  était  défendu  d'y  entrer  avec  de  la 
lumière  et  de  prêter  des  livres  au  dehors.  On  peut 
croire  que,  pendant  les  premiers  siècles  de  son 
existence,  la  faculté  ne  se  souciait  pas  trop  de  l'hy- 


102  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

giène  scolaire.  Les  étudiants  de  l'université  de  Paris 
ne  s'asseyaient-ils  pas  par  terre,  sur  les  dalles  en 
été,  sur  de  la  paille  en  hiver,  un  pupitre  portatif 
sur  les  genoux?  L'intervention  gouvernementale 
du  xvme  siècle  appela  l'attention  sur  l'hygiène. 
L'article  XIII  de  la  Directio  j>ro  facultate  philoso- 
phica,  publiée  en  1788,  prescrit  l'usage  de  bancs 
construits  de  telle  manière  que  les  étudiants  ne 
soient  pas  forcés  de  prendre  des  notes  sur  les  genoux, 
la  tête  toujours  inclinée,  le  dos  courbé  et  les  intes- 
tins écrasés  par  cette  position  peu  confortable. 

Pendant  le  cours  de  son  histoire,  la  faculté  des 
arts  fut  illustrée  par  des  savants  de  premier  ordre. 
On  nous  permettra  de  rappeler  ici  brièvement 
quelques  noms.  Parmi  les  rhéteurs  se  distinguèrent 
Johannes  de  Palude,  ami  de  Thomas  Morus, 
d'Erasme  et  de  Barlandus,  l'historiographe 
Jean -Baptiste  Grammaye,  et  Nicolas  Vernulaeus. 
Plus  connus  encore  sont  Nicolas  Clénard,  professeur 
d'hébreu  et  de  grec  (1542),  J.-L.  Vives,  professeur 
de  lettres  latines,  Rescius,  professeur  de  grec, 
Conrad  Goclenius,  professeur  de  latin  (1539), 
Andréas  Masius,  professeur  de  syriaque  (1573),  Guy 
Morillon,  professeur  de  grec.  La  section  scientifique 
de  la  faculté  des  arts  compte  des  noms  aussi  célè- 
bres que  la  section  littéraire  :  citons  Paul  de 
Middelbourg,  évêque  de  Foro  Sempronio,  mathé- 
maticien et  chronologiste  distingué  (1484),  Albert 
Pighius,  qui  adressa  à  Léon  X  des  écrits  sur  la  cor- 
rection du  calendrier  (1520),  Gemma  Frisius,  l'au- 
teur d'une  mappemonde  et  d'un  ouvrage  de  mé- 
thode d'arithmétique  pratique,  Gérard  Mercator, 


LES  FACULTÉS  103 

le  fameux  géographe  de  Rupelmonde.  Plus  tard, 
au  cours  du  xvne  et  du  xvnie  siècle,  lorsque  les 
sciences  positives  firent  des  progrès  géants  par 
nombre  de  découvertes  sensationnelles,  Louvain  ne 
resta  point  étrangère  à  ce  mouvement.  Ainsi,  lorsque 
le  système  de  l'abbé  Nollet,  pour  l'explication  des 
phénomènes  électriques,  fut  renversé  par  la  doc- 
trine de  Franklin,  l'université  fut  une  des  pre- 
mières à  enseigner  la  nouvelle  théorie,  malgré  la 
répugnance  qu'elle  éprouvait  pour  les  idées  philo- 
sophiques et  politiques  de  l'auteur.  Lorsque  la 
chimie  était  encore  dans  l'enfance,  le  professeur 
Van  Bouchaute  l'enseignait  déjà  avec  une  certaine 
supériorité ,  car  il  fut  un  des  premiers  à  se  familiariser 
avec  la  nouvuelle  théorie  qui  a  immortalisé  le  nom 
de  Lavoisier.  Ce  fut  le  professeur  de  Louvain 
Minckelers  qui,  le  premier,  fit  la  découverte  du  gaz 
de  houille  :  c'était  un  habile  physicien,  un  chimiste 
distingué,  un  connaisseur  en  paléontologie  et  en 
minéralogie. 

Tel  est  le  bilan  de  ce  qu'offre  l'histoire  de  la 
«  vénérable  faculté  des  arts,  mère  et  commence- 
ment de  toutes  les  autres  ». 

Son  histoire  ne  serait  pas  complète  si  nous  ne  di- 
sionsici  quelques  mots  d'une  institution  qui,  pour  ne 
pas  être  attachée  spécialement  à  la  faculté  des  arts, 
fut  la  plupart  du  temps  dirigée  par  des  professeurs 
pris  dans  ses  rangs  :  nous  voulons  parler  de  la 
Bibliothèque  universitaire.  Pendant  plus  de  deux 
siècles,  l'université  de  Louvain  fut  privée  de  biblio- 
thèque publique.  Durant  une  période  aussi  longue, 
le  corps  professoral  et  les  étudiants  furent  astreints 


104  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

à  recourir  aux  «  librairies  »  affectées  aux  nombreux 
collèges  et  établissements  religieux. 

L'université  dut  la  fondation  de  son  dépôt  litté- 
raire à  l'affection  d'un  de  ses  anciens  élèves,  Laurent 
Beyerlinck.  En  1627,  celui-ci  légua  à  l'Aima  Mater 
sa  bibliothèque  riche  en  livres  d'histoire  et  de  théo- 
logie. Ce  legs  constitua  le  premier  fonds.  Il  fut  suivi 
par  un  second,  fait  par  le  professeur  de  médecine 
Jacques  Romanus,  en  1635.  Celui-ci,  fils  du  célèbre 
mathématicien  Romanus,  laissa  à  l'université  la 
bibliothèque  de  son  père,  fort  bien  fournie  de 
livres  se  rapportant  aux  mathématiques,  et  y 
ajouta  ses  propres  livres  de  médecine.  En  ce  mo- 
ment était  recteur  le  célèbre  Corneille  Jansenius  : 
ce  fut  lui  qui  organisa  la  bibliothèque.  Le  dépôt  de 
livres  fut  établi  aux  Halles  dans  l'auditoire  de  la 
fatuité  de  médecine.  Jacques  Boonen,  archevêque 
de  Malines,  assigna  une  somme  annuelle  pour 
l'entretien  et  l'augmentation  de  la  bibliothèque. 
La  garde  des  livres  fut  confiée  au  professeur  Valère 
André,  bibliographe  très  averti.  Ce  dernier  présida 
à  l'ouverture  publique  du  dépôt,  le  22  août  1636, 
et  la  même  année  il  publia  un  catalogue  des  1,762 
livres  qu'il  contenait l. 

A  la  mort  de  Valère  André,  la  bibliothèque  fut 
malheureusement  laissée  à  l'abandon,  de  1635  à 
1719.  En  cette  dernière  année,  l'attention  fut  de 
nouveau  appelée  sur  elle  par  un  don  de  Dominique 

1 .  Bibliothecae  publicae  Lovaniensis  primordia  et  librorum 
catalogus,  a  curatoribus  ejusdem  editus.  Cum  oratione  auspi- 
cali  Lovanii  Kal.  Octobris  an.  1636  habita  a  Valerio  Andréa. 
Louvain,  163G. 


LES  FACULTÉS  105 

Snellaerts,  chanoine  d'Anvers  (fi.720),  qui  lui 
donna  les  3,500  volumes  qu'il  possédait. 

Ce  geste  généreux  nécessita  la  construction  d'un 
nouveau  local.  Ce  fut  le  recteur  Réga,  homme  de 
grande  initiative,  fondateur  du  musée  d'anatomie, 
qui  s'occupa  de  la  nouvelle  installation  :  il  lui 
procura  aussi  des  revenus  fixes.  Le  nouveau  bâti- 
ment, donnant  sur  le  Vieux-Marché,  fut  achevé 
en  1730. 

En  1752,  C.  F.  de  Nelis  devint  bibliothécaire.  Le 
premier  acte  de  son  administration  fut  d'inviter  le 
gouvernement  à  imposer  aux  imprimeurs  belges 
l'obligation  d'envoyer  au  moins  un  exemplaire  de 
leurs  publications  à  la  bibliothèque.  Inutile  de  dire 
combien  cette  mesure  augmenta  les  trésors  déjà 
accumulés. 

Sous  l'administration  de  Jean-François  Van  de 
Velde  (1771-1797),  la  bibliothèque  acquit  1200  vo- 
lumes, achetés  aux  ventes  des  bibliothèques  des 
Jésuites,  après  la  suppression  de  la  Compagnie,  et 
le  bibliothécaire  fit  entrer,  en  outre,  4,573  livres 
nouveaux. 

En  1795,  sous  le  régime  français,  les  commissaires 
de  la  République  enlevèrent  environ  5  000  volumes, 
dont  des  manuscrits  rares  et  précieux  l.  En  1797, 
de  la  Serna  Santander  obtint  l'autorisation  de 
faire  un  choix  de  tous  les  ouvrages  qu'il  jugerait 
pouvoir  convenir  au  dépôt  de  l'école  centrale  de 

1.  Par  décret  impérial  de  Napoléon,  en  date  du  12  décem- 
bre 1805,  la  bibliothèque  devint  la  propriété  de  la  ville.  Lors 
de  la  restauration  de  l'Université,  en  1835,  l'administration 
communale  remit  le  précieux  dépôt  à  la  disposition  de  YAhaa 
Mater. 


106  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Bruxelles.  Après  un  triage  qui  dura  dix  jours,  le 
commissaire  emporta  718  volumes.  Ils  ne  furent 
jamais  restitués. 

2.  FACULTÉ  DE  THÉOLOGIE. 

Avant  l'époque  de  Charles-Quint,  la  faculté  de 
théologie  ne  comptait  que  cinq  professeurs  ordi- 
naires, qui  enseignaient  chacun  à  leur  tour  un  jour 
différent  de  la  semaine.  Ce  système  fut  changé  en 
1545  et  l'on  obligea  alors  chacun  de  ces  professeurs 
à  donner  ses  leçons  sans  interruption  pendant  six 
semaines,  de  telle  sorte  qu'ils  épuisaient  consécu- 
tivement la  matière  du  cours  qui  leur  était  confié. 
L'année  suivante,  en  1546,  l'empereur  Charles- 
Quint  créa  deux  chaires  nouvelles,  une  d'Écriture 
Sainte  et  une  de  théologie  scholastique,  cette  der- 
nière consacrée  à  l'explication  du  «  Maître  des  Sen- 
tences »  (Pierre  Lombard).  Ces  leçons  étaient 
quotidiennes  et  les  professeurs  étaient  payés  à 
200  florins  par  an. 

Philippe  II,  qui  se  considérait,  on  le  sait,  comme 
le  défenseur  patenté  de  la  foi  dans  ses  domaines, 
institua  en  1567  une  chaire  de  catéchèse.  Cet  en- 
seignement devait  se  donner  les  dimanches  et  jours 
de  fête.  Plus  tard,  à  la  fin  de  sa  vie,  en  1596,  le 
même  roi  fonda  encore  une  autre  chaire,  consacrée 
à  l'enseignement  de  la  théologie  scholastique,  avec 
saint  Thomas  comme  auteur  à  expliquer.  C'est 
Malderus  qui  donna  cet  enseignement. 

L'enseignement  de  la  théologie  comportait  aussi, 
à  côté  des  leçons  ordinaires  et  quotidiennes,  des 
«  disputationes  »  ou  exercices  de  discussion  jour- 


LES  FACULTÉS  107 

ruliers  et  les  fameuses  «  Sabattines  ».  Les  exercices 
du  samedi  avaient  lieu  au  Collège  théologique  ou 
du  Saint-Esprit,  par  décision  de  la  faculté  datant 
de  1570. 

L'organisation  interne  de  la  faculté  comprenait 
le  «  collège  strict  »  ou  ordinaire,  formé  par  huit 
docteurs  appelés  legentes  et  régentes.  Ceux-ci 
avaient  seuls  la  direction  des  cours  et  de  l'enseigne- 
ment, possédaient  seuls  le  droit  d'examiner  les 
étudiants  et  touchaient  seuls  les  émoluments  de 
l'école. 

Les  autres  maîtres  étaient  admis  au  «  collège  », 
mais  ils  ne  touchaient  rien.  Ils  devaient  attendre, 
pour  être  payés,  la  mort  d'un  des  régents,  dont 
ils  prenaient  alors  la  place. 

Les  études  de  théologie  conduisaient  aux  grades 
de  bachelier,  de  licencié  et  de  maître. 

Il  y  avait  trois  sortes  de  bacheliers  :  les  bacca- 
laurei  cursores,  les  baccalaurei  sententiarii  et  les 
baccalaurei  formait. 

Les  premiers,  les  cursores,  devaient  avoir  suivi 
pendant  trois  ans  les  cours  ordinaires  et  les  exer- 
cices de  discussion  publique,  et  donner  des  preuves 
qu'ils  avaient  lu  attentivement  la  Bible  et  la  Somme 
de  Saint  Thomas  d'Aquin.  Pour  procéder  à  Yachts 
ou  examen  suivant,  le  baccalaureus  cursor  doit 
présenter  au  doyen  et  au  «  collège  »  de  la  faculté 
un  travail  manuscrit,  commentant  un  livre  du 
Nouveau  on  de  l'Ancien  Testament,  d'après  les 
auteurs  admis,  et  suivre  en  outre  les  leçons  et  les 
exercices  ordinaires.  Ces  deux  épreuves  conduisent 
alors  le  candidat  à  l'obtention  du  titre  de  bacca- 


108  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

laureus  sententiarius,  honneur  qui  lui  vaut  l'admis- 
sion à  la  lecture  des  «  Sentences  »  scholastiques 

Enfin,  pour  obtenir  le  grade  supérieur,  celui  de 
baccalaureus  formatas,  le  candidat  devait  <  pio- 
cher »,  —  pour  employer  un  terme  estudiantin  — 
par  lui-même  les  deux  premiers  livres  des  «  Sen- 
cences  »,  obtenir  ensuite  la  tonsure  cléricale.  Dès 
lors  il  était  «  formatus  »  et  pouvait  commencer 
l'étude  du  troisième  livre  du  même  recueil. 

Quant  à  l'acte  de  licence  en  théologie,  il  supposait 
des  épreuves,  des  solennités  et  aussi  des  frais  mul- 
tiples. L'examen  de  licence  coûtait  la  somme  im- 
portante de  156  florins  16  sous.  C'est  qu'il  fallait 
payer  les  droits  d'examens  des  huit  docteurs 
régents,  tant  pour  l'examen  lui-même  que  pour 
conduire  en  grande  pompe  le  licencié  à  sa  demeure, 
les  salaires  du  bedeau  de  la  faculté,  des  valets  des 
régents,  les  droits  du  président  d'examen,  du  chan- 
celier de  l'université,  du  doyen  de  la  faculté, 
l'«  épargne  »  de  l'université  et  de  la  faculté  de  théo- 
logie, le  salaire  du  bedeau  de  la  faculté  des  arts,  du 
trésorier  de  l'église  Saint-Pierre.  Il  fallait  ne  pas 
oublier  les  musiciens  qui  avaient  joué  le  motet  de 
circonstance,  le  tapisssier  qui  avait  orné  les  locaux 
de  la  faculté,  les  gratifications  que  la  tradition 
accordait  au  recteur,  au  chancelier,  au  conservateur 
des  privilèges,  à  tous  les  docteurs  de  l'université, 
au  maïeur,  aux  deux  bourgmestres  et  aux  deux 
pensionnaires  de  la  ville,  au  receveur  des  domaines 
du  roi  et  à  celui  des  États  de  Brabant,  à  l'avocat 
fiscal,  au  syndic,  au  secrétaire  et  au  promoteur  de 
Y  Aima  Mater. 


LES  FACULTÉS  *109 

U  y  avait  aussi  les  valets  de  tous  les  docteurs 
de  Vuniversité,  ceux  du  maïeur  et  des  fonction- 
naires municipaux,  ceux  du  receveur  royal  et  du 
receveur  des  États  de  Brabant.  Il  fallait  aussi 
songer  aux  portiers  des  docteurs  en  théologie,  aux 
bacheliers,  aux  cinq  bedeaux  et  au  concierge  des 
Halles,  à  l'organiste,  au  basson  et  au  carillonneur, 
qui  avaient  mis  leur  art  à  la  disposition  du  nouveau 
licencié. 

Pouvait-on  oublier,  après  tout  cela,  les  braves 
gens  qui  avaient  érigé  un  arc  de  triomphe  devant 
la  demeure  du  «  promo vendus  »?  Devait-on  ne  pas 
donner  une  obole  pour  l'entretien  et  la  réparation 
des  locaux  de  l'école  de  théologie,  pour  l'ornemen- 
tation de  ce  même  bâtiment,  pour  l'autel  de 
Saint-Augustin  ?  Et  puis,  à  la  fin  des  fins,  après  avoir 
distribué  quelque  gratification  à  tout  le  monde, 
comment  ne  pas  réjouir  le  «  promoteur  »  de  l'église 
Saint-Pierre  et  le  valet  du  doyen  de  la  faculté? 

Bref,  ce  jour-là,  chacun  présentait  sa  note  et 
le  nouveau  licencié,  s'il  sortait  avec  les  honneurs 
de  la  journée,  en  sortait  aussi  passablement  «  dé- 
plumé ». 

Mais  qu'était-ce  que  la  solennité  de  la  licence  en 
comparaison  des  fêtes  du  «  magisterium  in  sacra 
theologica  »?  Des  instructions  approuvées  par  la 
faculté  en  1713  décrivent  minutieusement  la  céré- 
monie du  «  magistère  ». 

Le  dimanche  qui  précède  les  «  vespéries  »  —  jours 
de  défense  des  thèses  —  le  bedeau  de  la  faculté 
affiche  aux  valves  de  l'église  Saint-Pierre  et  des 
Halls  universitaires  l'annonce  de  la  défense  des 


1 10  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

thèses.  Le  cinquième  jour  avant  les  «  vespérics  », 
le  futur  docteur  va  lui-même  faire  ses  invitations  : 
il  se  rend  chez  ses  invités,  précédé  des  bedeaux  de 
la  faculté  portant  la  masse  universitaire  ec  revê- 
tus de  la  toge,  lui-même  habillé  d'une  toge  à  larges 
manches  et  portant  les  insignes  des  arts  sur 
l'épaule  gauche.  Huit  amis  ou  «  comités  irvitantes  » 
l'accompagnent.  Les  invités  sont  tenu?  de  verser 
du  vin  au  futur  docteur  et  à  ses  compagnons. 
Au  banquet  qui  a  lieu  lors  du  «  magistère  »,  doivent 
être  invités  le  recteur  et  le  chancelier  del'université, 
le  conservateur  des  privilèges,  l'abbé  du  monastère 
de  Saint-Pierre  à  Gand  —  un  des  bienfaiteurs  de 
Y  Aima  Mater  —  et  tous  les  «  prélats  »,  le  prévôt 
de  police  de  la  ville,  tous  les  docteurs  des  facul- 
tés supérieures,  le  doyen  de  la  faculté  des  arts, 
les  deux  bourgmestres  et  les  deux  pensionnaires 
de  Louvain,  le  receveur  du  duc  de  Brabant,  celui 
des  États  de  Brabant,  tous  les  licenciés  en  théo- 
logie résidant  à  Louvain,  les  régents  des  quatre 
pédagogies,  le  plus  ancien  licencié  en  droit  canon, 
les  plus  anciens  licenciés  en  droit  civil,  en  médecine 
et  es  arts.  Le  président  d'examen  peut  aussi  inviter 
quelques-uns  de  ses  amis. 

Lorsque  le  jour  de  la  défense  des  thèses  est  ar- 
rivé, à  trois  heures  de  l'après-midi,  les  bedeaux  de  la 
faculté,  la  masse  de  cérémonie  sur  l'épaule,  se  ren- 
dent à  la  maison  du  futur  docteur.  Suivi  de  huit 
amis,  ce  dernier,  revêtu  d'un  toge  de  théologie, 
s'achemine  vers  la  maison  du  président  d'examen. 
Celui-ci,  en  grand  apparat,  conduit  à  son  tour  le 
récipiendaire,  toujours  précédé  des  bedeaux,  au 


LES  FACULTÉS  I J  ' 

local  de  la  faculté.  Là  se  trouvent  déjà  les  douze 
bacheliers  objectants,  revêtus  de  la  toge.  Le  pré- 
sident monte  en  chaire  et  la  défense  commence. 

Lorsque  ces  joutes  académiques  ont  pris  fin,  et 
que  le  récipiendaire  a  été  jugé  digne  du  titre  de 
«magister»,  un  cortège  s'organise;  l'on  se  rend 
processionneUement  à  l'église  Saint-Pierre.  En  tête 
marchent  des  musiciens,  suivis  des  bedeaux  de  la 
faculté.  Puis  viennent,  dans  l'ordre  traditionnel, 
le  recteur,  le  chancelier,  le  conservateur  des  privi- 
lèges de  l'université,  les  «prélats»  et  les  bourg- 
mestres de  la  ville.  Un  jeune  garçon  et  une  fillette 
s'avancent  ensuite,  portant  un  rameau  d'honneur. 
Ils  précèdent  immédiatement  le  docteur. 

Le  cortège  se  termine  par  le  président  d'examen, 
les  docteurs  des  facultés  «supérieures  .  le  doyen 
de  la  faculté  des  arts,  les  licenciés  et  les  invité 

Arrivé  à  l'église  collégiale,  le  cortège  se  disloque 
et  les  participants  se  rangent  autour  de  l'autel  de 
Marie,  «  Siège  de  la  sagesse  ».  Le  nouveau  docteur 
dépose,  comme    offrande,  sur    l'autel,  un  denier 
d'or  et  un    denier  d'argent.  Il  enlève  ensuite  sa 
toge,  le  président  d'examen  l'imite  et  tous  deux 
endossent  un  capuce  violet.  De  l'autel  de  la  Vierge, 
le  cortège,  qui  s'est  reformé,  gagne  ceux  de  saint 
Ivon  et  de  saint  Charles  Borromée,  pour  y  dire  une 
prière.  On  quitte  ensuite  l'église  par  la  porte  prin- 
cipale et  on  se  rend  en  cortège  à  l'endroit  où  aura 
heu  le  banquet  traditionnel.  Cette  fois,  le  garçon  et 
la  fillette  portant  le  rameau  d'honneur,  et  le  nou- 
veau docteur,  précèdent  le  président  d'examen  et 
le  recteur. 


!  12  ORGANISATION'  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Le  lendemain  de  la  cérémonie,  le  nouveau  docteur 
donne,  à  8  heures,  sa  première  leçon. 

Cette  cérémonie  se  déroulait  encore,  avec  peu  de 
changements  dans  les  détails,  à  l'université  actuelle 
de  Louvain  jusqu'en  1914.  La  fureur  incendiaire 
des  troupes  allemandes  ayant  détruit  plusieurs 
souvenirs  et  ornements  de  jadis  qui  servaient  à 
cette  occasion,  il  est  à  craindre  que  l'on  ne  verra 
plus   une  reconstitution  presque  exacte  de  cette 

Ile  solennité,  dont  je  viens  de  décrire  les  parties 
principales. 

3.  FACULTÉ  DE  DROIT. 

La  faculté  de  droit  de  l'ancienne  université  de 
Louvain  était  double  :  relie  de  droit  civil  ou  des 
lois,  -  t  celle  de  droil  canonique  ou  des  décrets. 

Le  recrutement  du  pi  el  tut.  au  début,  fort 

modeste  :  ons'ad  lux  universil  :angères, 

et  notamn*  . our  obtenir  des  docteurs 

pour  la  nouvelle  faculté    0    fit  aussi  appel  à  des 
tnmités  juridiques  d'Italie,  comme  ce  fameux 
J  Mayno,  qui  répondit  à  l'offre,  qui  lui  fut 

faite  officieusement,  d'enseigner  à  Louvain,  que 
-1  l'on  pouvait  lui  garantir  mille  .  ,1  viendrait, 
puisque,  à  l'universit»  d<  Pavie,  il  gagnait  500  du- 
cats d'or  (1484). 

début  il  n'y  eut  que  deux  professeurs,  un 
maître  en  droit  canon  et  un  maître  en  droit  civil. 
I  e  prunier,  ancien  maître  des  universités  d'Erfurt 
et  'pelait  Nicolas  de  Priim,  le  second 

appartenait  à  une  famille  liégeoise  connue  et  s'ap- 
pelait Jean  de   Groesbcek.   Ces  deux  professeurs 


LES  FACULTÉS  113 

devaient,  nous  dit  Valère  André,  «  aux  premières 
heures  du  matin  monter  en  chaire  et  de  là,  pendant 
deux  heures  sans  interruption,  chaque  jour,  tantôt 
dicter,  tantôt  discuter  les  questions  de  droit    . 

Bientôt  d'autres  professeurs  s'ajoutèrent  et, 
ensemble  avec  Nicolas  de  Prùm  et  Jean  de  Groes- 
beek,  prirent  le  titre  de  régentes  et  legentes  :  Henri 
de  Piro  (ou  Van  den  Peerenboom),  Daniel  de 
Blockhem.  Henri  de  Mera  et  Arnould  de  R 
naelde. 

Ces   professeurs   constituèrent    le 
docteurs   et  professeurs   de  droit  in  utroque  »  et 
furent  dénommés  doctores  coUegiati,  plus  tard  doc- 
tores  ordinarii. 

Déjà  en  1430,  les  statuts  du    collèg<  des  docteurs 
en  droit     furent  établis.  Ce  collège-là  était  ce  que 
l'on  appelait  Le     Collège  strict»,  par  opp<-i" 
du  »  Large  collège  »,  qui  comprenait  tous  ceux  qui 
possédaient  la  licentia  docendi,  la  permission  d 
seigner,  qui  étaient  admis  à  assister  aux  dise 
publiques  et  autre-  fonctions  académiques,  mais 
qui  ne  donnaient  pas  de  cours  et  ne  touchaient 
aucun  émolument. 

A  l'époque  de  Valère  André  (xviie  si  le  col- 

lège strict  comptait  six  professeurs  ordinaires,  trois 
professeurs  royaux  ( prof  essores  regiij  et  ordinai 
et  un  représentant  des  docteurs  du  Large  collège, 
choisi  par  cooptation. 

A  côté  du  collège  strict  des  professeurs  titulaires, 
nous  trouvons  une  institution  dont  le  rôle  fut  ex- 
trêmement utile  :  le  collège  des  Bachelk 

Ce  groupement    dut    son    origine    à  Henri    de 


114  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Ballieul,  officiai  de  l'évêque  de  Tournai  à  Bruges  : 
une  réorganisation  en  eut  lieu  en  1503. 

Pour  exciter  l'émulation  entre  ceux  qui  avaient 
déjà  conquis  le  grade  de  bachelier  in  utroque,  on 
avait  fondé  cette  association,  à  la  tête  de  laquelle  se 
trouvait  un  doyen,  nommé  pour  la  durét  d'un  se- 
mestre. Ce  doyen  présidait  à  une  série  de  thèses 
qui  se  soutenaient  avant  la  licence,  sur  les  matières 
controversées  choisies;  il  avait  aussi  le  privilège 
d'argumenter  aux  «  disputationes  »  de  baccalauréat 
et  de  licence.  Le  but  du  collège  était  de  développer 
la  préparation  scientifique  des  jeunes  légistes. 
Vernuleus,  en  1627,  appelle  cette  institution  la 
Palestra  juris,  où  l'on  trouve  la  fleur  de  la  jeunesse 
universitaire  et,  employant  un  mot  que  les  univer- 
sités modernes  utilisent  pour  désigner  les  cours 
pratiques,  il  compare  le  collège  à  «  un  séminaire 
de  l'État». 

La  base  de  l'enseignement  du  droit  était,  comme 
partout  ailleurs,  le  droit  romain.  Il  faudra  attendre 
jusqu'au  XVIIe  siècle  pour  voir  le  droit  national  ou 
local  attirer  quelque  peu  l'attention  des  juristes. 
Ledit  des  archiducs  Albert  et  Isabelle  et  la  codifi- 
cation des  coutumes  (1611)  seront  le  point  de 
départ  d'études  et  de  commentaires  nouveaux  dont 
la  Notifia  juris  belgici  de  Zypaeus  sera  la  première 
manifestation. 

Voici  le  programme  des  cours  au  xvie  siècle,  tel 
qu'il  fut  fourni  par  un  rapport  adressé  par  l'univer- 
sité au  duc  d'Albe  en  1568  : 

Pour  la  section  des  Décrets  ou  du  droit  cano- 
nique, nous  trouvons  d'abord  les  cours  des  trois 


LES  FACULTÉS  115 

professeurs  ordinaires  (ordinarie  régentes  ac  le  gén- 
ies) : 

i.  Les  Décr étales  de  Grégoire  IX,  par  le  profes- 
seur ordinaire  et  primaire,  de  7  à  9  heures  du  matin. 

2.  Les  Décrétâtes  de  Boniface  VIII,  les  Clémen- 
tines et  les  Extravagantes,  à  2  heures  de  l'après- 
midi. 

3.  Le  Décret  utn  Gr  ai  ici  ni,  les  dimanches  et  jours 
de  fêtes,  à  8  heures  du  matin. 

Il  y  a  ensuite  le  cours  donné  par  le  pro- 
fesseur royal  (chaire  fondée  par  Philippe  II  en 
1557).  Celui-ci  donne  le  décret  de  Gratien  tous  les 
jours  à  10  heures. 

Il  y  a  enfin  les  cours  donnés  pendant  les 
vacances  (fcriarum  tempore)  par  les  deux  profes- 
seurs extraordinaires,  qui  tous  deux  interprètent 
un  titre  des  Décrétales. 

Quant  à  la  section  des  lois  ou  de  droit  civil,  voici 
son  programme  : 

Cours  des  professeurs  ordinaires  : 

1.  Le  Digestum  vêtus,  avec  le  Code,  tous  les 
jours  de  7  à  9  heures  du  matin. 

2.  Le  Digeste  (infortiatum  et  novum),  tous  les 
jours  à  2  heures  de  l'après-midi. 

3.  Les  Éléments  ou  Institutes  du  Droit,  tous 
les  jours  à  10  heures  du  matin. 

Il  y  avait  ensuite  un  cours  général  de  Pandectes, 
fondé  par  les  États  de  Brabant,  qui  se  donnait 
tous  les  matins  à  q  heures. 

Deux  professeurs  royaux  et  ordinaires,  nomn 
par  Philippe  II  en   1557.  donnaient   : 

1.   Exposé  sommaire  des  titres  (Paratitla)  du 


1 16  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Digeste   ou  du  Code,  en  hiver  à  i  heure,  en  été 
à  4  heures  de  l'après-midi. 

2.  Interprétation  sommaire  des  Institutes,  tous 
les  jours,  à  3  heures  de  l'après-midi. 

Pendant  les  vacances  deux  professeurs  extraor- 
dinaires expliquaient  sommairement  les  Institutes 
et  quelque  titre  du  Code. 

Il  y  avait,  en  outre,  des  exercices  de  discussion, 
le  samedi,  que  l'on  appelait  les  «  Sabattines  ». 

Lors  de  la  visite  de  l'université,  au  xvne  siècle, 
ce  programme  fut  quelque  peu  modifié.  Jusque-là  la 
matière  des  études  de  droit  avait  formé  un  cycle 
de  cinq  années.  La  «  Visite  »  de  1617  réduit  la  durée 
à  quatre  ans  pour  le  matières  civiles  et  canoniques 
réunies.  Pour  le  grade  de  licence  en  droit  canon  ou 
en  droit  civil,  on  exige  une  étude  de  trois  ans; 
la  moitié  de  ce  temps  suffit  pour  le  baccalauréat. 
Pour  ce  qui  concerne  la  forme  de  l'enseignement, 
Louvain  suivit  au  début  la  tradition,  c'est-à-dire 
on  se  borna  au  commentaire  pur  et  simple  du 
texte  et  de  la  glose.  Au  xvie  siècle,  une  innovation 
fut  introduite  par  le  professeur  Gabriel  Mudeus, 
né   à  Brecht,   province   d'Anvers,    en    1500.    La 
nouvelle  méthode  introduite  par  Mudeus  s'écarte 
à  la  fois  de  la  stricte  interprétation  et  des  com- 
mentaires trop  libres.   Le  professeur  s'attachera 
désormais  à  expliquer  la  loi  romaine  par  sa  propre 
histoire  et  ses  institutions.  C'est  l'alliance  de  l'exé- 
gèse et  de  l'interprétation  historique,  c'est  l'in- 
fluence de  l'Humanisme  sur  la  méthode  juridique. 
C'est  le  système  qu'Alciat  et  Cujas  représenteront 
en  France  avec  le  plus  d'éclat.  Les  disciples  de 


LES  FACULTÉS  117 

Mudée  l'introduisirent  à  la  jeune  université  de 
Douai. 

C'est  ici  l'endroit  propice  pour  faire  connaître 
brièvement  comment  les  professeurs  donnaient 
leur  cours.  La  base  de  l'enseignement,  c'est  le 
texte  juridique  romain  :  on  en  complète  le  sens 
soit  par  l'exégèse,  soit  par  commentaire  synthé- 
tique, comme  philosophe,  ou  comme  historien, 
selon  l'école  dont  on  suivait  la  méthode.  Les 
leçons  se  donnaient  en  parlant  ou  en  dictant.  Les 
étudiants  prenaient  des  notes  ou  inscrivaient  la 
dictée  dans  un  cahier.  La  Bibliothèque  royale*  de 
Bruxelles  possède  un  certain  nombre  de  ces  cahiers 
de  cours,  avec  l'indication  de  l'année,  même  du 
mois  et  des  jours  où  l'étudiant  a  rédigé  ses  notes. 

Ces  cahiers  étaient  souvent  publiés  soit  du  vi- 
vant du  professeur,  soit  après  sa  mort,  par  ses 
héritiers  ou  ses  élèves.  Quelques  professeurs  rédi- 
geaient un  manuel,  qui  pouvait  servir  de  guide  aux 
étudiants,  mais  ce  n'est  qu'exceptionnel.  Le  traité 
De  methodo  docendi  discendique  commodissima  du 
professeur  Diodore  Tulden  (xvne  siècle)  nous 
donne  une  idée  de  la  façon  dont  l'un  des  maîtres 
les  plus  éminents  de  la  faculté  de  droit  compre- 
nait l'enseignement. 

Nous  avons  vu,  en  parlant  de  l'histoire  de 
l'université,  l'importance  du  rôle  que  joua  la 
faculté  de  droit  à  l'époque  des  archiducs  Albert 
et  Isabelle,  et  nous  avons  cité  quelques-uns  de  ses 
maîtres  les  plus  célèbres.  On  nous  permettra,  en 
terminant  ce  chapitre,  de  donner  encore  les  noms 
de  quelques  hommes  qui  ont  illustré  la  faculté  : 


118  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

François  Craenevelt  (1510);  Joachim  Hoppérus, 
maître  des  suppliques  à  Madrid  (1553);  Jean 
Vendeville,  évêque  de  Tournai,  et  Pierre  Peckius, 
membre  du  Grand  Conseil  de  Malines. 


4.  FACULTÉ  DE  MÉDECINE. 

Les  débuts  de  la  faculté  de  médecine  furent  aussi 
très  modestes.  Lors  de  la  création  de  l'université, 
il  n'y  avait  qu'un  seul  docteur  en  médecine,  un 
prêtre,  Jean  de  Neele,  qui  avait  aussi  le  grade  de 
maître  es  arts.  A  la  fin  du  xve  siècle,  nous  rencon- 
trons le  nom  de  Jean  Spierinck  (f  1499),  chanoine 
de  Saint-Pierre,  qui  fonda  la  bibliothèque  de  la 
faculté  de  médecine,  et  qui  se  fit  une  renommée 
par  ses  guérisons  obtenues  grâce  à  des  moyens 
simples  et  naturels,  en  employant  surtout  les 
herbes  indigènes. 

Dès  les  premiers  temps,  il  existait  deux  chaires 
ordinaires  de  médecine,  qui  étaient  occupées,  en 
1543,  par  Arnold  Noot  et  Léonard  Willemaers.  Ces 
chaires  étaient  à  la  collation  de  la  ville  de  Louvain. 
Cette  année  1543,  les  deux  professeurs  durent  rési- 
gner leurs  fonctions  :  on  reprochait  à  l'un  «  d'être 
d'un  autre  âge  »  et  de  ne  pas  posséder  la  méthode 
moderne;  à  l'autre  ses  fréquentes  absences.  Le 
magistrat  fondit  les  deux  chaires  en  une  seule, 
que  l'on  offrit  à  Jérémie  Triverius,  qui  passait 
pour  très  capable. 

En  1557,  les  collateurs  divisèrent  de  nouveau 
la  chaire  unique  en  deux  et  posèrent  aux  candidats 
certaines  conditions,  dont  voici  les  principales  :  Les 


LES  FACULTÉS  119 

professeurs  apprendraient  aux  élèves  à  connaître  la 
nature,  la  valeur  et  les  effets  curatifs  des  plantes 
et  des  herbes,  surtout  de  celles  du  pays.  Pour  les 
candidats  à  la  licence,  ils  enseigneraient  le  dia- 
gnostic des  maladies  et  les  remèdes  à  appliquer 
ou  la  thérapeutique.  Enfin,  condition  importante, 
chaque  année  les  professeurs  étaient  obligés  de 
présider,  jusque  quatre  fois  si  possible,  des  exer- 
cices de  dissection  anatomique  sur  les  cadavres  et 
d'ajouter  «  les  explications   nécessaires  ». 

Il  était  fort  difficile  de  se  procurer  des  cadavres. 
Vésale,  le  grand  anatomiste  (1540),  nous  raconte 
qu'il  parvenait  à  résoudre  la  difficulté  en  cultivant 
l'amitié  du  «  pretor  »  ou  chef  de  la  justice  de  la 
ville.  Celui-ci  lui  procurait  de  temps  en  temps 
quelque  dépouille  de  malfaiteur  mis  à  mort  pour 
ses  crimes.  Peu  à  peu,  les  autorités  comprirent 
l'importance  de  la  dissection  anatomique,  et  l'on 
abandonna  à  la  faculté  de  médecine  les  cadavres 
des  criminels  exécutés  par  la  corde.  Il  faut  croire 
que  les  médecins  y  mettaient  quelquefois  trop  de 
zèle,  car  nous  possédons  un  édit  du  prince  Charles 
de  Lorraine,  du  27  janvier  1752,  défendant  à  la 
faculté  de  médecine  de  Louvain  d'enlever  les 
cadavres  si  ce  n'est  au  moins  deux  heures  après 
la  mort.  Un  peu  plus  tard,  en  février  1756, 
Marie-Thérèse  facilita  le  macabre  approvisionne- 
ment en  autorisant  le  professeur  d'anatomie  et  de 
chirurgie  à  disposer  des  corps  des  militaires  exé- 
cutés par  la  corde  ou  par  le  glaive. 

En  1558,  Philippe  II  ajouta  une  nouvelle  chaire, 
dont    le    titulaire    devait    enseigner   ÏArs   farva 


120  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Galeni.  Une  troisième  chaire  fut  fondée  par  les 
États  de  Brabant.  Outre  ces  trois  chaires,  il  y  eut 
deux  chaires  ordinaires,  appelées  «  prébendées  » 
parce  que  leur  titulaire  était  pourvu  d'une  pré- 
bende canonicale  à  Saint-Pierre  (canonicat  de  la 
seconde  fondation).  Les  titulaires  de  ces  deux 
chaires  devaient  enseigner  alternativement  Hippo- 
crate  et  Galenus. 

Vint  alors  la  «  visite  »  de  1617.  Les  commissaires 
furent  d'avis  que  la  faculté  comptait  trop  peu  de 
cours.  Aussi,  les  archiducs  Albert  et  Isabelle  insti- 
tuèrent deux  nouvelles  chaires,  à  leçons  quoti- 
diennes, dont  les  titulaires  enseigneraient  l'un  les 
«  Institutions  de  médecine  »,  l'autre  l'anatomie. 

Les  maîtres  de  ces  deux  chaires  et  les  titulaires 
des  deux  chaires  ordinaires  formaient  le  «  Strict 
Collège  »  de  la  faculté.  Ils  devaient  présider  à 
l'admission  et  aux  examens  des  promovendi  et 
eux  seuls  touchaient  des  émoluments. 

Voici  quel  était  le  programme  des  cours  de  la 
faculté  au  xvne  siècle  : 

1.  Institutions  de  médecine  (iuxta  seriem  doctri- 
narum  Avicennae) ,  tous  les  jours  de  3  à  4  heures 
en  hiver,  de  4  à  5  heures  en  été. 

2.  Anatomie,  en  hiver  de  2  à  3  heures.  En  été 
ce  cours  était  remplacé  par  un  compendium  de 
chirurgie  et  des  leçons  sur  les  Simplicia  usualia 
(recettes). 

3.  Deux  cours  donnés  par  les  professeurs  ordi- 
naires et  principaux  : 

A.  Theoretica,  médecine  théorique  :  Ars  parva 
Galeni,    YAphorismos  d'Hippocrate,   et   méthode 


LES  FACULTÉS  121 

générale  pour  la  pratique,  la  purgatio,  la  saignée, 
la  connaissance  du  pouls  et  des  urines.  Tous  les 
jours,  de  10  à  n  heures; 

B.  Pradica.  On  y  explique  les  maladies  du 
corps  humain,  «  des  pieds  à  la  tête  »,  d'après  l'ordre 
suivi  par  le  médecin  arabe  Rhasès  dans  son  IXe  Li- 
vre à  Almanzor.  On  s'y  occupe  aussi  des  fièvres 
et  des  maladies  contagieuses.  Tous  les  jours,  de 
8  à  9  heures. 

Les  études  de  médecine  duraient  trois  ans.  A  la 
suite  des  réformes  de  l'époque  autrichienne,  cette 
durée  fut  portée  à  quatre  ans  et  le  nombre 
des  matières  enseignées  augmenté  considérable- 
ment. C'est  ainsi  que  le  programme  de  1788  com- 
prend l'histoire  naturelle  spéciale,  la  botanique,  la 
chimie,  la  chirurgie  théorique  et  pratique,  l'obsté- 
trique, l'anatomie  sur  cadavres,  la  physiologie, 
avec  dissection,  la  pathologie,  la  clinique  médicale, 
la  materia  medica,  avec  recettes.  La  spécialisation 
avait  été  introduite  en  1573,  lorsque  Mathias 
Nervatius,  de  Saragosse,  fut  créé  licencié  en  chi- 
rurgie. 

Le  doctorat  en  médecine  comportait  de  grandes 
solennités,  analogues  à  celles  des  doctorats  en 
théologie  et  en  droit.  On  les  supprima  en  1587, 
à  l'époque  où  Louvain  se  débattait  dans  la  misère, 
mais  elles  furent  rétablies  en  1603  et  prescrites 
sous  peine  d'amende  de  300  florins  carolus  et  de 
nullité  de  grade. 

Le  décret  de  la  «  visite  »  de  1617  nous  fait  con- 
naître les  conditions  de  l'exercice  légal  de  la  méde- 
cine dans  le  pays.  Personne  ne  pouvait  s'y  livrer 


122  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

s'il  n'avait  conquis  son  grade  en  Belgique  et  n'avait 
été  examiné  et  déclaré  apte  par  les  docteurs  en 
médecine  des  universités  de  Louvain  ou  de  Douai, 
ou  par  les  médecins  attachés  à  la  personne  des 
archiducs  Albert  et  Isabelle.  Des  dispenses  étaient 
prévues,  mais  on  les  accordait  très  rarement. 

Citons,  pour  finir,  les  noms  de  quelques  illustra- 
tions de  la  faculté  : 

Jean  Heetvelt,  Louvaniste  (f  1539),  qui,  le  pre- 
mier, eut  recours  au  diagnostic;  Pierre  Bruegel, 
natif  de  Bois-le-Duc,  docteur  de  l'université  de 
Padoue,  professeur  célèbre,  toujours  en  consulta- 
tion chez  les  princes  et,  de  ce  fait,  souvent  absent 
de  sa  chaire;  Rambcrt  Dodoens,  Malinois,  médecin 
de  Charles-Quint  et  célèbre  botaniste;  André 
Vésale,  Bruxellois,  médecin  de  Charles-Quint  et  de 
Philippe  II,  le  créateur  de  la  science  anatomique, 
qui  périt  misérablement  en  1564  dans  un  naufrage 
près  de  l'île  de  Zante;  Jason  a  Pratis  (van  der 
Weyden),  de  Zierikzee,  qui  s'occupa  surtout  de 
gynécologie  et  d'hygiène  infantile. 

Une  mention  particulière  doit  être  donnée  à 
Réga,  professeur  de  médecine  et  recteur  au 
xvine  siècle,  qui  acheta  une  maison  pour  la  trans- 
former en  local  d'enseignement  pour  la  botanique  ; 
il  organisa  aussi  un  jardin  botanique  qui  précéda 
le  jardin  actuel  datant  de  1817.  Il  fonda  aussi  un 
musée  d'anatomie,  un  des  plus  beaux  de  l'époque. 


CHAIRES  PROFESSORALES  ET  RESSOURCES  123 

CHAPITRE  VI 

La    Collation   des   chaires   professorales  et   les 
ressources  de  l'Université. 

Par  qui  étaient  nommés  les  professeurs  de 
l'université  de  Louvain?  Qui  avait  la  col- 
lation des  chaires? 

Tout  d'abord,  certaines  de  ces  chaires  étaient  à 
la  collation  de  la  ville  ou  commune  de  Louvain.  Et 
il  ne  faut  pas  s'en  étonner.  C'est  elle  qui,  au  début, 
comme  principale  intéressée,  avait  dépensé  tous 
ses  efforts  pour  attirer  au  Studium,  dont  elle  allait 
bénéficier,  un  certain  nombre  de  maîtres  étrangers  ; 
c'est  elle  qui  les  avait  payés.  Elle  pouvait  donc 
nommer  aux  chaires  qu'elle  avait  pourvues  de 
titulaires,  mais  elle  devait  le  faire  d'accord  avec 
les  facultés  universitaires.  Si  des  canonicats  sont 
attachés  aux  chaires,  elle  a  le  droit  de  présenter 
ses  candidats,  de  concert  avec  les  autorités  aca- 
démiques. C'est  ainsi  que  le  magistrat  de  Louvain 
avait  la  collation  de  certaines  chaires  de  droit, 
de  théologie  et  de  médecine.  Nous  en  avons  déjà 
signalé  des  exemples,  en  retraçant  brièvement 
l'histoire  des  facultés. 

Lors  de  la  «  visite  »  de  1617,  il  fut  ordonné  par 
les  archiducs  Albert  et  Isabelle  que  la  ville  serait 
obligée  de  demander,  au  sujet  des  candidats 
qu'elle  présente,  l'avis  des  facultés  que  la  chose 
concerne. 

Il  y  eut  souvent  des  différends  entre  la  ville  et 
l'université,  parce  que  la  première  désirait  nommer 


124  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

des  titulaires  dont  les  facultés  ne  voulaient  point. 
Il  y  eut,  notamment  en  1480,  une  discussion  assez 
vive,  parce  que  le  magistrat  s'obstinait  à  vouloir 
désigner  un  certain  Simon  de  la  Valle  pour  donner 
la  leçon  «  principale  et  matinale  »  de  droit  canon. 
Comme  conséquence  de  son  droit  de  nomination, 
la  ville  prétend  aussi  avoir  celui  de  renvoi  et  de 
destitution.  Nous  avons  déjà  signalé  comment, 
en  1543,  elle  força  les  professeurs  de  médecine 
Noot  et  Willemaers  à  présenter  leur  démission. 
Elle  tenta  aussi  de  provoquer  le  départ  du  docteur 
en  droit  Jean  de  Gronsselt,  qui  enseignait  déjà 
depuis  trente  ans,  mais  le  professeur  en  question 
fut  soutenu  assez  énergiquement  par  l'université 
et  sortit  victorieux  de  la  lutte  (1473)- 

C'est  par  là  que  l'université  de  Louvain  présente, 
à  un  certain  point  de  vue,  le  même  caractère 
«  municipal  »  que  les  universités  italiennes,  dont 
les  professeurs  étaient  largement  rétribués  par  la 
ville  et,  de  ce  fait,  soumis  au  contrôle  constant  de 
celle-ci.  L'intervention  de  la  ville  se  constate  aussi 
dès  le  début  à  l'université  de  Cologne,  où  les  chaires 
de  droit  et  de  médecine  étaient  à  la  collation  du 
magistrat. 

Une  autre  catégorie  de  chaires  étaient  à  la  col- 
lation du  prince,  du  souverain.  Ces  chaires-là 
portent  le  nom  de  «  royales  »  et  les  titulaires 
s'appellent  professores  regii 1. 

1.  L'on  sait  que  ce  système  existe  encore  dans  les  universités 
actuelles  d'Oxford  et  de  Cambridge,  où  l'on  trouve  pour  plu- 
sieurs matières  un  «  regius  professor  ».  C'est  ainsi  que  l'histo- 
rien bien  connu  Firth,  d'Oxford,  est  «  regius  professor  of 
History  ». 


CHAIRES  PROFESSORALES  ET  RESSOURCES  125 

Voici,  par  ordre  de  faculté,  quelles  sont  les 
chaires  fondées  par  le  prince  et  dont  il  se  réserve 
de  nommer  le  titulaire  : 

La  faculté  de  théologie  en  possédait  quatre, 
dont  deux  fondées  par  Charles-Quint,  en  1546  : 
celle  d'Écriture  sainte  et  celle  de  théologie  scolas- 
tique  (magister  sententiarum) .  Les  deux  autres 
furent  créées  par  Philippe  II,  celle  de  catéchèse 
en  1567  et  celle  de  théologie  scholastique  (Saint 
Thomas  d'Aquin),  en  1596. 

Le  fils  de  Charles-Quint  établit  aussi  trois  chaires 
dans  la  faculté  de  droit  (1557)  :  celle  du  Decretum 
Gratiani,  celle  des  Titres  du  Code  ou  Digeste,  celle 
des  Institutes  de  droit  civil.  A  la  faculté  de  méde- 
cine, Philippe  II  fonda  en  1558  la  chaire  «  In  artem 
parvam  Galleni  ».  En  1599,  le  magistrat  de  Lou- 
vain  fut  autorisé  à  présenter  son  candidat  pour 
cette  chaire,  mais  c'est  le  roi  qui  nommait.  Aussi 
la  formule  de  nomination  porte-t-elle  :  N . . . 
nominatus. . .  approbatus.  Enfin,  en  1617,  les 
archiducs,  nous  l'avons  dit,  créent  les  deux  chaires 
d'anatomie  et  d'Institutions  de  médecine. 

Par  l'existence  de  ses  chaires  royales,  l'univer- 
sité de  Louvain  présentait  quelque  analogie  aussi 
avec  les  universités  espagnoles,  qui  se  distinguaient 
par  leur  connexion  étroite  avec  la  Couronne. 

En  troisième  lieu,  certaines  chaires  sont  à  la  dis- 
position des  facultés.  Nous  avons  signalé  plus  haut 
que,  en  1453,  la  faculté  des  arts  demanda  la  coopé- 
ration des  autres  facultés  pour  le  choix  du  titu- 
laire de  la  chaire  de  rhétorique. 

Enfin,  d'autres  chaires  ont  été  instituées  par 
les  États  de  Brabant,  notamment  à  la  faculté 


126  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

de  médecine  et  à  celle  de  droit.  Quelquefois,  les 
États  intervinrent  pour  la  dotation  d'une  chaire, 
concurremment  avec  le  prince: en  1558, ils  votèrent 
un  subside  de  200  florins  pour  la  chaire  In  Artem 
parvam  Galleni,  fondée  par  Philippe  II. 

A  la  fin  de  l'Ancien  régime,  l'université  comp- 
tait 58  professeurs  :  8  pour  la  théologie,  6  pour  le 
droit  canon,  7  pour  le  droit  civil,  1  pour  le  droit 
public,  8  pour  la  médecine,  16  pour  la  philosophie, 

1  pour  les  mathématiques,  1  pour  la  philosophie 
morale,  1  pour  l'éloquence  chrétienne,  1  pour  l'his- 
toire latine,  1  pour  la  langue  hébraïque,  1  pour  la 
langue  grecque,  1  pour  la  langue  française  et  5  pour 
les  humanités. 

Ouatorze  de  ces  chaires  étaient  alors  à  la  collation 
du  Gouvernement  :  4  en  théologie,  1  en  droit  canon, 

2  en  droit  civil,  la  leçon  de  droit  public,  4  en  méde- 
cine, la  leçon  de  mathématiques,  celle  de  langue 
française.  Cette  dernière,  décrétée  par  le  conseil 
communal  de  Louvain,  avait  son  titulaire  payé 
par  la  ville.  Les  autres  chaires  étaient  à  la  dispo- 
sition de  divers  collateurs;  la  ville  disposait,  tou- 
tefois, des  principales.  On  constate  ainsi  la  main- 
mise progressive  du  pouvoir  civil  sur  la  vie  univer- 
sitaire à  la  fin  du  régime  autrichien. 

Une  question  connexe  à  celle  de  la  collection  des 
chaires,  c'est  celle  du  paiement  des  titulaires.  Par 
qui  et  comment  les  professeurs  étaient-ils  rétri- 
bués? 

La  bulle  de  fondation  de  Martin  V  donnait  à  ce 
sujet  des  indications  précises.  Le  duc  de  Brabant 
et  la  ville  de  Louvain  devaient  «  pourvoir  annuelle- 


CHAIRES  PROFESSORALES  ET  RESSOURCES  127 

ment  les  maîtres  et  docteurs  d'un  salaire  conve- 
nable, ou  bien  leur  assigner  les  revenus  de  bénéfices 
ecclésiastiques  ».  Le  duc  Jean  IV  s'acquitta  de  ce 
devoir  en  accordant  des  exemptions  de  droits,  de 
gabelle,  de  péages,  etc.,  et  en  attribuant  des  pré- 
bendes ecclésiastiques  à  certains  professeurs.  Tou- 
tefois, la  plus  grande  partie  des  traitements  était 
pavée  par  la  caisse  communale.  La  ville  déboursa 
des  sommes  considérables. 

Au  sujet  du  payement  des  traitements  par  la 
caisse  communale,  il  importe  de  remarquer,  comme 
nous  le  savons  d'ailleurs  par  des  incidents  relatés 
plus  haut,  que  les  professeurs  des  facultés  supé- 
rieures (théologie,  droit,  médecine)  n'étaient  pas 
nommés  à  vie.  Lorsqu'un  professeur  acceptait  les 
propositions  du  magistrat  pour  donner  un  cours, 
un  contrat  en  due  forme  se  passait  entre  les  deux 
parties.  Le  professeur  s'engageait  à  enseigner  pen- 
dant un  certain  nombre  d'années.  A  l'expiration 
de  ce  terme,  il  était  libre  de  se  retirer,  à  condition 
de  prévenir  le  magistrat  six  mois  d'avance.  Si  la 
ville  n'était  pas  satisfaite  des  services  rendus,  elle 
pouvait  rompre  le  contrat,  moyennant  préavis  de 
six  mois. 

Le  contrat  stipule  le  cours  à  donner,  fixe  les  jours 
et  les  heures  et  indique  parfois  la  matière  à  ensei- 
gner. Le  professeur  ne  peut  quitter  la  ville  ;  il  doit 
se  tenir  à  la  disposition  du  magistrat  et  notam- 
ment des  professeurs  de  la  faculté  de  droit  sont 
tenus  de  donner  conseil  «  en  toutes  matières  et 
causes  ».  Une  clause  spéciale  concernait  le  traite- 
ment. Si  le  nouveau  titulaire  venait  de  l'étranger,  la 


128  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

ville  prenait  à  sa  charge  les  frais  du  transport  des 
livres,  réglait  les  dépenses  à  faire  pour  son  installa- 
tion au  chapitre  de  Saint-Pierre,  mais,  s'il  renon- 
çait à  son  cours  à  l'expiration  du  contrat,  le  profes- 
seur était  obligé  de  rembourser  à  la  ville  les  sommes 
payées. 

Bientôt,  on  se  mit  à  la   recherche  de  revenus 
stable-.   In  i  -tait  déjà,  dans  d'autres  uni- 

de  paver  1(  s  professeurs  au  moyen  des 
e  bénéfices  ecclésiastiques.  Aussi,  en  1428, 
Philippe  de  Saint-Pol,  frèn  1  seur  du  duc 

n    IV,   réserva   douze    prébendes  canonicales 
1  collation,  pour  en  doter  certains  cours.  Il  ne 
s'agissait  toi  pas  ici  d'un  véritable  traite- 

ment, mais  d'une  gratification. 

Un  pas  dé<  isif  fut  fait  1<  la  mission  de  Pe- 

trus  de  M  Rome.  Le  23  mai  1443,  une  bulle 

d'E  IV   incorpora   au   chapitre   de   Saint- 

:      vain  n<  uf  églises  paroissiales,  pour  la 
ition  de  nouvelles  prébendes  canonicales,  qui 
tient   attribué*      1  xclusivement  à  des  profes- 
seurs.  Ainsi  furenl    fondés  dix  bénéfices  appelés 
de  la  «  deuxième     ou  de  la  a  nouvelle  fondation  ». 
'     pape  stipula  en  même  temps  que  la  plébanie 
et  trois  des  dix-huit  canonicats  de  la  première  fon- 
dation seraient  aussi  réservés   à  des  professeurs. 
1    irsque  les  professeurs  chanoines  de  la  dernière 
fondation   commencèrent   à   toucher  leurs   hono- 
raires, la  ville  paya  des  pensions  viagères  aux  b< 
ficiaires  dép  -  et.  sur  les  revenus  de  chaque 

église  incorporée,  on  préleva  des  sommes  pour 
payer  les  «  vicaires  perpétuels  »,  appelés  à  exercer 


CHAIRES  PROFESSORALES  ET  RESSOURCES   129 

le   ministère   dans  les   différentes   paroisses.    1 
canonicats  de  la  première  fondation  furent  attri- 
bués à  des  professeurs  au  fur  et  à  mesure  que  la 
mort  emportait  les  titulaires  en  possession.   L  - 
chanoines  de  la  seconde   fondation  ne  devaient 
pas  être  prêtres,  n'étaient  astreints  à  aucun  - 
vice  de  chœur,  et  ne  devaient  pas  lire  le  bréviaire. 
Mais  ils  devaient  être  tonsurés  et,  s'ils  se  mariaient, 
ils  perdaient  leur  prébende.  Ces  canonicats  étas 
donc  réservés  aux  pp  qui  étaient  cii 

célibataires.  La  ville  dut  se  dre  à  continuer 

à  payer  les  autres  prof  ,  surtout  dan- 

facultés  de  médecine  et  de  droit. 

Ces  mesures  ont  assuré  le  traitement  de  la  plu- 
part des  membres  du  corps  enseignant  jusqu'à  la 
Révolution  française. 

> 

Par  la  création  et  la  rétribution  des  chaires 
royales,  Charles-Quint  et  Philippe  II  mirent,  cl 
la  suite,  des  revenus  importants  à  la  disposition 
de  l'université.  L'intervention  des  États  de  Bra- 
bant  pour  la  dotation  de  certaines  autres  chaires 
allégea  aussi  le  fardeau  de  Y  Aima  Mater  et  de 
la  ville. 

Avant  l'érection  des  chaires  royales  (1546),  cer- 
taines ressources  furent  créées  par  mesure  extraor- 
dinaire du  prince.  Comme  la  plupart  des  profes- 
seurs se  plaignaient  de  la  modicité  de  leurs  re- 
venus, le  duc  Philippe  le  Beau  décida,  par  un 
acte  du  22  décembre  1499,  que  désormais  le  traite- 
ment des  professeurs  serait  augmenté  par  la  cession 
d'une  partie  des  accises  de  la  Halle  aux  viandes. 
Jusqu'à  la  Révolution  française,  une  partie  de  ces 


130  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

mêmes  droits  d'accises  servit  de  supplément 
aux  honoraires  des  différent?  professeurs  royaux. 
Il  y  avait,  enfin,  certaines  fondations  particulières. 
C'est  ainsi  que,  en  1443,  Raes  de  Gavere,  seigneur 
d'Héverlé,  près  Louvain,  céda  le  droit  de  patro- 
nage de  la  chapelle  de  la  Sainte-Trinité  et  le  patro- 
nat de  deux  autels  à  Over-Loo  (sous  Corbeek-over- 
Loo),  pour  en  servir  les  revenus  à  un  professeur. 
Plus  tard,  en  1557.  François  d'Helfaut,  abbé 
de  Saint-Pierre  au  Mont-Blandin  de  Gand,  éta- 
blit une  fondation  en  faveur  des  professeui 
cialemi  ux  de  la   faculté  de  droit.  Chai 

Quint  avait  emprunté  une  somme  importante 
au  prédécesseur  de  l'abbé,  contre  hypothèque 
placée  sur  les  domaines  d  en  Brabant. 

t  sur  le  produit  de  cette  hypothèque  que 
d'Helfaut  préleva  un  revenu  annuel  de  1  000  florins 
pour  sa  dotation  universitaire.  UAhna  Mater  se 
montra  nt<    en  inscrivant  d'office   les 

abbés  du  Mont-Blandin  parmi  les  invités  ordi- 
naires du  doctorat  en  théologie,  comme  nous 
l'avons  constaté  plus  haut. 

CHAPITRE  VII 
Les  collèges  universitaires. 

Ce  qui  frappe  de  suite  l'étranger  qui  visite 
Louvain,  c'est  le  grand  nombre  de  bâti- 
ments majestueux,  aux  lignes  imposant!-, 
dont  la  porte  entrouverte  laisse  deviner  de  larges 
cours,  quelquefois  plantées  d'arbres  ou  garnies  de 
fleurs,  et  qui  présentent,  dans  leur  ensemble,  un 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  131 

air  de  famille  surprenant.  Ce  sont  là  les  anciens 
collèges  universitaires  de  Louvain,  qui  hospitali- 
saient pour  la  plupart  les  étudiants  boursiers  ou 
pauvres,  et  qui  ont  joué  dans  l'histoire  de  Y  Aima 
Mater  un  rule  non  dépourvu  de  gloire.  A  la  fin 
de  l'Ancien  régime,  l'université  ne  comptait  pas 
moins  de  quarante  deux  de  ces  collèges,  «  collegia  o 
ou  «  domus  »,   la  plupart  richement  doi 

C'est  ici  l'endroit  de  dire  quelques  mots  de  ces 
collèges,  pour  les  classifier,  en  indiquer  la  desti- 
nation et  en  retracer  brièvement  L'origine. 

Nous  devons  disting 
ceux  où  la  jeunesse  universitaire  reçoit  l'<  ne- 

ment   et    où   elle    s'exerce   sous   la    direction    de 
maîtres  et  de  répétiteurs,  où  quelquefois  aussi  elle 
reçoit  la  nourriture,  et  ceux  où  aucun  en 
ment  ne  se  donne  et  où  les  élèves  sont  simplement 
hospitalisés  et  nourris. 

A  la  première  catégorie  appartiennent  les 
«  Pédagogies  »  de  la  faculté  des  aits,  dont  nous 
avons  parlé  plus  haut  à  propos  de  l'organisation  de 
cette  faculté,  et  qui  étaient  soumises  au  doyen  et 
à  la  faculté  proprement  dite.  Dans  la  même  c 
gorie  doit  se  ranger  aussi  le  Collège  de  Standonck 
(Domus  Sta)hio)iica)  ,iondé  en  1490. ](.iiYiSta.ndorick, 
originaire  de  Malines,  recteur  du  gymnase  ou  de 
l'école  de  Montaigu  l,  et  professeur  de  théologie 
à  Paris,  prit  l'initiative  d'établir  des  maisons  pour 
héberger  des  étudiants  pauvres,  à  Paris,  à  Louvain, 
à  Marines  et  à  Yalenciennes.  Standonck  avait 
fondé  la  première  de  ces  maisons  à  Paris,  en  1491  ; 

1.  A  Paris. 


132  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

les  étudiants  qu'il  y  hébergeait  devaient  se  pré- 
senter chaque  jour  à  il  heures  à  la  Chartreuse  pour 
y  recevoir,  comme  les  mendiants,  leur  nourriture 
quotidienne.  Les  étudiants  logés  dans  ces  maisons 
étaient  tenus  d'observer  les  bonnes  mœurs;  ils 
devaient  faire  vœu  d'obéissance  et  de  chasteté, 
assister  à  quelq  :aonies  religieuses  et  ne  se 

nourrir  que  de  poisson.  Ils  recevaient  l'enseigne- 
ment dans  la  maison  même.  Ils  étaient  toutefois 
libres  de  quitter  le  collège,  sans  engagement  pour 
: .  Les  habitants  de  la  <c  Domus  Standonica  » 
étaient  \<  nus  de  porter  l'habit  de  Saint-François 
de  Paule,  pour  lequel  le  fondateur  avait  une 
grande  vniération  i. 

Signalon-   .  nsuite,   toujours  dans  la  première 
catégorie,  ;  vsleiden  ou  des  Trots  Langues 

(1517)  dont  nous  avons  parlé  plus  en  détail  dans  le 
premier  livr<  tte  étude.  Le  fondateur  y  insti- 

tua d<  -  Li  publiques  d'hébreu,  de  grec  et  de 

Latin,  et  fonda  cinq  bourses  pour  étudiants.  En 
nant,  il  laissa  à  l'institution  plusieurs  milliers 

de   dur. il 

Un  autre  collège  rattaché  à  la  faculté  des  arts, 

t  le  collège  de    Gand  (Cottegium  Gandense), 

qu'on    appela.i1  uni    et    schola  »,   et   où 

se    donnaient    des    cours    préparatoires  au  «  stu- 

dium  philosophicum   .  Il  fut  fondé  par  François 

Nieulandt,  écolâtre  de  Saint-Pierre  de  Gand 

(t  1574). 

Un  c<  dlège  important  Le  Collège  de  la  Sainte- 

1.  Do  là  leur  surnom  de  Kappekcns,  Capuchons.  Le  souvenir 
de  ce  collège  est  conservé  par  le  nom  de  la  rue  Standonck. 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  133 

Trinité  l.  A  l'origine  de  ce  collège,  l'enseignement 
des  «  humanités  »  était  réparti  entre  les  quatre 
pédagogies  de  la  faculté  des  arts.  Ce  fut  François 
Van  Nieulandt,  dont  nous  venons  de  parler,  qui 
songea  le  premier  à  établir  une  maison  pour  y 
concentrer  1' (.il- dignement  des  humanités.  Il  essaya 
d'obtenir,  en  1559,  l'autorisation  de  la  faculté  des 
arts  pour  la  création  d'une  telle  institution.  Débouté 
par  la  faculté,  Van  XiYulandt  ne  se  découragea 
point;  il  finit  par  ouvrir  un  cours  d'humanité; 
sa  demeure,  devenue  ainsi  le  Collège  cl 
( Colle gi uni   Vaulxianum).   1  venus  de  c< 

fondation  servirent  plus  tard  à  la  fondation  du 
Collège  des  Humanités,  dit   «Nouveau   Collèg 
ou  Collège  de  la  Sainte-Trinité,  qui  fut  bâti  en  1657. 
Nous  passons  maintenant  aux  collègi  i-cond 

genre  ou  de  la  seconde  catégorie,  ceux  où,  en  1 
générale,  ne  se  donnent  pas  de  cours  et  qui  ne 
servent  qu'à  héberger  des  étudiants.  Ils  sont 
d'ordinaire  destinés  aux  étudiants  d'une  faculté 
déterminée  ou  de  diverses  facultés,  et  constituent 
le  séjour  des  «boursiers»,  bursarii  ou  bursales.  On 
distingue,  dans  cette  catégorie,  les  collèges  où  les 
étudiants    di  't    d'un   subside  annuel.   Si  la 

somme  n'est  pas  suffisante  pour  leur  permettre  de 
s'alimenter,  les  boursiers  sont  tenus  de  payer  eux- 
mêmes  le  -upplément  nécessaire.  Il  y  a  ensuite 
les  collèges  où  la  dépense  pour  la  nourriture 
entièrement  défrayée  (alimenta  intégra).  Il  y  a 
enfin  les  collèges  dans  lesquels,  outre  la  nourriture, 
les  étudiants    reçoivent    gratuitement  le  feu.  la 

1.  Actuellement  le  collège  des  RR.  PP.  Joséphites. 


134  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

lumière  et  tout  ce  dont  ils  ont  besoin  pour  leur 
séjour. 

Chaque  collège  possède  son  président,  qui  a  la 
direction  des  études  et  qui  veille  aux  bonnes 
mœurs,  et  ses  proviseurs,  d'ordinaire  désignés  par 
le  fondateur  ou  délégués  par  l'université  el  Les 
facultés.  Ces  proviseurs  se  prononcent  sur  l'attri- 
bution des  bourses,  l'admission  des  ((boursiers» 
et  visitent  annuellement  l'institution. 

Les  bourses  ou  dotations  universitaires  étaient 
d'ordinaire  attachées  à  l'un  ou  l'autre  collège,  mais 
il  en  existe  aussi  qui  restent  entre  les  mains  du  fon- 
dateur, qui  en  dispose  à  volonté.  On  les  appelle 
des  bourses  volantes.  L'on  pouvait  changer  de  col- 
lège, pour  obtenir  m  rémunératrii 
Les  étudiants  qui  j<  ursdoivent 
s'obliger  par  serment  à  payer  eux-mêmes  une 
partie  ou  la  totalité  des  frais  de  séjour,  dès  que 
leur  étal  irtune  s'améliore.  Voici  maintenant 
une  rapide  revm  de  ces  collèges,  grou]  la 
faculté  à  laquelle  il-  se  rattachent  : 

A  l.i  facull  attache  le  Collège 

Matines  gium  Mechlini  Le  fondateur 

fui  Arnold  Trot,  Malin»  leau  de  la  faculté 

de  tb  1500).  Ce  fonctionnaire  subalterne 

de  Y  Aima  Mater,  qui  semble  être  fortuné,  créa  sept 
bourses  pour  sept  étudiants  pauvres  de  la  faculté 
des  arts,  qui  devaient  appartenir,  pour  jouir  de 

:te  faveur,  à  la  famille  du  donateur.  Faute  de 
membres  de  la  famille  Trot,  on  désignerait  des  étu- 
diants de  la  ville  de  Malines  ou  du  village  de 
Muvsen, 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  135 

C'est  incontestablement  la  faculté  de  théologie 
qui  est  la  plus  riche  en  collèges,  ou,  pour  le  dire  plus 
exactement,  le  plus  grand  nombre  de  collèges  se 
rattachent,  par  leur  destination,  à  cette  facuh 

Le  Collège  des  théologiens  ou  du  Saint-Esprit, 
appelé  aussi  le  «  Grand  Collège  ».  était  le  plus  im- 
portant et  le  plus  riche.  C'est  en  1442  que  le  che- 
valier louvaniste  Louis  de  Rijcke  transforma  sa 
maison,  avec  toutes  ses  dépendances,  en  un  collège 
pour  théologiens,  qu'il  fonda  en  l'honneur  du 
Saint-Esprit.  Il  y  attacha  une  rente  héréditaire  de 
80  florins,  destinée  à  entretenir  sept  étudiants 
pauvres.  Les  parts  furent  i  ar  aprè-,  de 

façon  à  ne  plus  former  que  ti  «  lis  L<  1 

Le  «  Second  »  ou  «  Petit  1 
fut  établi  sur  le  désir  de  la  faculté,  qui  estimait 
que  le  développement  du  Grand  Collé.  mettait 

une  division.  On  établit  le  petit  ou  nouveau  1 
dans  la  maison  Muldert,  en  1561,  et  dès  le  début 
de  généreux  donateurs  versèrent  des  sommes  im- 
portantes (650  florins). 

Un  autre  collège,  se  rattachant  à  la  même  faculté, 
c'est  le  collège  du  Pape  Adrien  VI,  plus  connu  sous 
le  nom  de  Collège  du  Pape  l,  fondé  par  le  célèbre 
Adrien  Florisz,  d'Utrecht,  lorsqu'il  était  encore 
doyen  de  Saint-Pierre  à  Louvain.  Le  collège  fut 
ouvert  en  1524;  Charles-Quint  y  logea  peu  ap. 
comme  il  résulte  des  comptes  de  la  ville. 

En   1511.  l'écolâtre  de  Saint-Pierre,   Henri 

natif  d'Hoogstraten,  trai  mai- 

1.  Il  existe  encore,  place  de  l'Université,  et  sert  de  péda- 
gogie estudiantine. 


NISATION  INTTER\TE  DE  L'UNIVERSITÉ 

son  en  collège,  en  l'honneur  du  nom  de  Jésus,  et  y 
attacha  quatre  bourses  pour  des  étudiants  pauvres 
de  la  faculté  de  théologie.  C'est  là  l'origine  du 
Colle  gin  m  Houterlé  l. 

Le  Collège  de  Divaeus  doit  son  existence  à  George 
Divaeus,  ou  van  Dieve,  jeune  homme  louvaniste 
qui,  revenant  d'un  voyage  à  Rome,  mourut  à 
Xiiiiiur  en  1576,  de  la  variole.  Divaeus  légua  sa 
maison  à  l'université,  pour  la  convertir  en  collège, 
à  dédier  à  Saint  Georg>  y  attacha  une  dotation 

pour  douze  étudiant  en  théologie. 

Un  collège  qui  pouvait  s'enorgueillir  d'avoir 
fondé  par  Philippe  II.  c'est  le  Collegium  ou  Semi- 
narium  Regium 

C'était  en  réalité  une  espèce  de  séminaire,  qui  fut 
érigé  par  le  roi  d'Espagne  par  procuration  de  Jean 
deville,  membre  du  conseil  nii\  ]',  v^-Bas, 

devenuparaj  l<  d«    !     irnai.  Fondé  en  1579, 

le  Collegium  Regium  devait  hospitaliser  des  étu- 
diants qui  se  destinaient  au  ministère  pastoral.  On 
y  organisai  des  discussions,  on  y  tenait  des  sermons 
hebdomadaires  <  t  on  y  donnait  F<  ition  quo- 

tidienne de  l'Ecriture  5  dvie  de  répétitions. 

Le  présidi  rit  dir<  ctement  nommé  par  le  con- 

seil  royal. 

Une  institution  à  peu  |  nalogue,  ce  fut  le 

Collegium  ou  Seminarium  Leodiense  3.  Il  fut  fondé 
en  1605  par  1  de  Cologne,  prince-évêque  de 

1.  Maison  du  doyen  <le  Saint-Pierre,  brûlée  en  1914  par  les 
Allemands  (rue  du  Canal). 

j.  Actuellement  l'institut  de  Zoo  unur. 

3.  Actuellement  la  laiterie  de  la  rue-  de  la  Monnaie. 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  137 

Liège,  dans  le  but  de  créer  une  pépinière  de  pré! 
destinés  à  avoir  charges  d'âmes  et  à  combattre  le 
protestantisme.  Le  collège  fut  soutenu  par  di 
du  prince-évêque  et  du  clergé  diocésain  de  Liège. 
Il  n'accueillait  évidemment  que  Les  étudiants  en 
théologie. 

Différent  des  deux  précédents  est  le  Collège  du 
Bay  (Colle gin  m  Bayanum)  l.  Il  d 
et  ses  -tatuts  à  Jacques  du  Bay,  natif  d'Ath,  p 
fesseur  royal  de  théologie  et  doyen  de  Saint-Pi» 
de  Louvain  (t  1614).  1.  lateur  destina  son 

lège  à  des  parents  légitim»  die 

la  logique  ou  d'être  Primus*  dan- 
arts.  On  y  admit  au 

paient  une  bonne  place  dans  leur  pron  et  qui 

exprimaient  le  désir  de  se  fa;  de  s'a 

per  du  ministère  paroissial.  Les  a  bon 
collège  étaient  1  par  le  présidenl    : 

devait  donner  la  préiY 

dans  la  châtellenie  d'Ath  et,  à  leur  défaut,  à 
élèves  natifs  soit  du  Hainaut,  soit  de  Lille,  de  D« 
et  de  Cambrai. 

Une  fondation  qui  avait  aussi  pour  but  de  cr< 
des  propagandistes  de  la  foi,  c'est  le   Colle  gium 
D.  Pulcheriae  (1616),  ainsi  nommé  d'après  une  belle 
statue  de  la  Vierge  qui  ornait  la  porte  d'entré< 
que  L'on  appelait     Maria  Pulchra  ».  Ce  collège  dut 
son  origine  à  la  division  d'une   fondation  pit 
établie  par  L'université  de  Cologne  pour  la  propa- 
gande en  faveur  de  la  foi.  Aussi  les  «  théolpgû 
qui  y  étaient  admi-  devaient-ils  se  préparer  à  la 

1 .  Actuellement  la  caserne  de  la  rue  de  Tirlemoni. 


[38  OR  rA.NISA.TION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

prédication,  mais  on  y  admettait  aussi  des  étudiants 
en  philosoplùe  comme  «  débutants  ». 

i  He  autre  pépinière  de  missionnaires,  c'est  le 
Collège  pastoral  irlandais  (Collegium  pastorale  Hi- 
orum),  fondé  en  1623  par  Eugène  Matthews, 
archevêque  de  Dublin,  membre  de  la  Congrégation 
de  la  Propagande.  Celui-ci  acheta  une  maison  à 
Louvain,  et  obtint  d<  -  subsides  de  la  Congrégation 
•  )n  y  admettait  des  étudiants  en  théologie 
qui  se  destinaient  aux  missions  et  au  ministère 
pastoral  en  Irland 

].<•  Collège  de  Saint-WUlibrord  fut  établi  par 
Nicola  /  ou  de  Zoes,  d'Am<  rsfoort,  membre  du 
Grand  1  .1  de  Malines,  qui  devint  dan^  la  >uite 

[ue  d<    Bois-le-Duc  (f  1625).  Zoes  érigi 
collège  en  l'honneur  de  saint  Willibrord  et  de  ses 
et    de    saint  Charles  Borromée.  La 
dition    11  L'accepl  ation    des   étudiants, 

c'était  le        le  de  maît  de  plus,  les  bour- 

siers d  it  s'occu]  théologie.  Dès  qu'ils 

avaient  conquis  le  grade  de  bachelier,  on  les  nom- 
mait eu  l.v  1  ption  1  st  faite  pour  les  étudiants 
natifs  d'.V  >ort  :  ceux-ci  sont  admis  lorsqu'ils 

en  sont  encore  à  l'étude  es  arts  et  en  philosophie. 
Il  y  a,  enfin,  le  Collège  de  Malderus  et  celui  de 
Hovius.  Le  Collegium  Malderi  fut  fondé  par  Tar- 
ie d'Anvers  Jean   Malderus  (f  1633).   Le 
Collegium  D.  Franc.  Il  st  l'œuvre  de  François 

nus  ou  van  Hove,  de  Londerze<  1.  qui  fut  pro- 
eur  à  l'abbaye  de  Sainte-Gertrude  à  Louvain  et 
d<  \  int  curé  de  Sainte- Walburge  à  Anvers  (+  1633). 
Hovius  destinait  les  bourses  de  son  collège  à  des 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  139 

étudiants  anversois,  appartenant  à  la  paroisse  de 
Sainte-Walburge,  mais,  à  leur  défaut,  le  présid 
du  collège  pouvait  admettre  ceux  qui  lui  parais- 
saient dignes  de  cette  faveur.  Les  «  boursiers  »  de- 
vaient être  maîtres  es  arts  et  s'occuper  de  théologie. 
Toutefois  les  parents  du  fondateur,  inscrits  à  l'uni- 
versité, pouvaient  choisir  librement  la  matière  de 
leurs  études,  sans  forfaire  aux  conditions  d'ad- 
mission. 

Les  collèges  de  la  faculté  do  droit  ne  sont  p 
aussi  nombreux  que  ceux  de  la  faculté  de  I 
On  peut  en  relever  trois  :  le  collège  de  Saint- Yvon, 
le   collège   de    Saint-Donatien   et    1-  de 

Winckele. 

Le  collège  de  Saint-Yvon  ou  des  jui  était 

directement  administré  et  entret<  nu  par  la  faculté 
elle-même.  Le  premit  r  fondateur  en  fut  Robert  de 
Lacu,  docteur  in  utroque  iure,  qui  légua,  en  1483, 
sa  maison  pour  la  transformer  en  collège  de.-ti; 
des  étudiants  pauvres  de  la  faculté  et  y  attacha 
deux  bourses. 

Le  CoUegium  S.  Donaiiani  doit  son  origini 
Antoine  Hanneron.  Celui-ci  érigea  ce  collège  pro 
bursariis  et  c  :>:;s  in  iure  canonico  si  bus 

(1488).  Avec  l'agrément  et  sous  la  protection  de  la 
faculté  des  arts,  le  fondateur  créa  une  prébende 
sacerdotale,  une  autre  pour  le  maître  du  collèg 
cinq  pour  les  étudiants  qui  y  -traient  logé 

Quant  au  CoUegium  Winckdanium  -,  c'était  une 

1.  Le  tribunal  y  était  installé  en  1914,  lorsque  les  Allemands 
l'incendièrent.  Les  murs  extérieurs  ont  été  consen 

2.  Actuellement  l'école  communale  de  la  rue  do  Tirlemont, 
à  côté  de  la  casorno  d'infanterie. 


140  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

maison  pour  étudiants  in  idroque  iure  pauvres. 
Ce  furent  Jean  de  Winckele,  scribe  et  notaire  du 
conservateur  des  privilège-  de  l'université  (t  1505), 
et  son  fils,  un  médecin,  qui  ajoutèrent  ce  collège 
aux  deux  autres  que  possédait  déjà  la  faculté  de 
droit. 

La  faculté  de  médecine  n'eut  qu'un  seul  coll.' 
(Collegium  medicorwm).  Il  fut  érigé  par  le  profes- 
seur royal  de  m  rre  Brueghel  (f  1577), 
qui  y  attacha  six  bourses  pour  étudiants  peu  for- 
tuit 

rit,  enfin,  une  il  >e  de  collèges,  où  l'on 

ptait  des  étudiants  de  div<  I    -,  et  où 

le  choix  du  pri  I  donc  moins  limité. 

C'est  d'abord  le  Col         l'An  «  '.  Il  fut  fondé 
le  I.m  v       las  Ruiter  ou  Reuter, 

morl   .1   Louvain  en   :  tait  un  magnifique 

coll  aé  à  1  lir  troî  niants 

de   chœu]  1  ;.    autant   d'Arrasg    trois 

paroisse  et  cité  de  Harlem,  deux 
de  Louvain,  quatre  de  Luxemb  in  de  Brecht. 

dent  •'  udiani 

le  s  it  leurs  efforts,  le  collège  con- 

tinuail   à  tretenir  pendant  leurs  études  de 

théologie  ou  de  droit  canon. 

C'est  un  Savoyard,  Eustache  Chapuis,  docteur  en 
droit  civil  et    en  droit  canon  et  maître  des  sup- 
pliques de  Charles-Quint,  qui  édifia,  en  1548,  le 
Collège  de  Savoie,  pour  étudiants  pauvres  de  son 
1  ace  devait  être  donnée  aux  «éco- 

1.  ment  la  maison  o  ru<    de  Namur,  par  lo 

baron  Descamps. 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  141 

liers  »  originaires  d'Annecy,  la  ville  natale  de  Cha- 
puis. 

Le  Collège  Sainte- Anne  ou  de  Natnur  doit  son 
origine  à  Nicolas  Goblet,  de  Bouvignes,  licencié 
en  droit  canon,  prévôt  de  Dinant,  mort  à  Louvain 
en  1553.  Il  fut  enseveli  au  couvent  des  Frères 
Mineurs,  devant  l'autel  de  Sainte  Anne.  Goblet,  qui 
avait  toujours  rendu  un  culte  spécial  à  cette  sainte, 
lui  dédia  le  collège  qu'il  fonda  pour  y  recueillir  un 
étudiant.  Le  bénéficiaire  de  la  bourse  devait  suivre 
les  cours  de  logique,  ou  de  théologie,  ou  de  droit. 

Le  Collège  de  Drieux  est  une  fondation  de  Michel 
Drieux,  docteur  en  droit  canon.  pr<  ordi- 

naire de  Décrets  (t  C559).  Drieux  transforma  sa 
maison  ei  t  stipula  par  testament  qu'on  y 

admettrait  autant  d'étudiai  'gie  ou 

arts  que  les  revenus  de  ses  bien-  Le  •  ttraient l. 

Le  Collège  VanDaele  -dut  sa  dénomination  à  un 
chanoine  anven  locteur   in   utroque  iure,  qui 

le  construisit  en  1560  dota  pour  y  recueillir 

des  étudiant-  es  arl  théologie  ou  en  droit, 

boursiers  devaient  appartenir  à  la  famille  du  fon- 
dateur, ou  du  moins  être  originaires  de  la  ville 
d'Anv 

Un  collège  célèbre,  c'est  celui  que  fonda  le  Frison 
Viglius,  dont  on  connaît  le  rôle  comme  juria 
suite  et  comrm  ident  du  Conseil  privé.   En 

1569,  le  Collège  Viglius  fut  érigé,  pour  des  étudiants 
frisons  et  gantois.  Une  grande  partie  de  ce  magni- 

1,  Ce  oolli  cal  à  l'Académie  des  Beaux-Arts 

de  Louvain.  Il  fut  incendie  en  1914  par  les  Allemands. 

2.  Actuellement  l'hospice  des  vieillards,  rue  de  Xamur. 


142  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

fique  bâtiment,  ainsi  que  la  bibliothèque  de  théo- 
logie qui  y  était  ai  devint  la  proie  des 
flammes,  peu  de  temps  après  la  mort  du  fonda- 
teur (1577),  à  la  suite  des  incendies  allumés  par 
les  soldats  mutinés  de  la  garnison  de  Louvain  l. 

Le  Collège  de  Craendonck  était  destiné  à  quatre 
boursiers,  étudiants  es  arts.  Si  les  bénéficiaires 
minaient  leurs  étude-  d'une  façon  honorable, 
ils  pouvaient  continuer  à  résider  au  collège  pour 
s'adonner  à  la  théologî  lu  droit  canon.  Le  fon- 
dateur de  ce  «'  fut  Marcel  de  Craen- 
donck, natif  de  Tongerloo,  bachelier  en  théologie. 
Il  l'<  en  1574  en  l'honneur  de-  ("inq  Plaie-  de 
Notre-S         ur. 

Important  aussi  fut  le  Collège  Pris  ou  de 
Westphalie.  11  doit  -ou  nom  à  J<  an  Pels,  Westpha- 
lien  d'orig  bail        ré1  aire  de  runiversité 

:'.  Pels  transforma  -on  habitation 
pour  étudiant-  pauvr<  1  '.:  bénéficiaient  en  pre- 
r  lieu  les  membres  de  -a  famille,  puis  les  étu- 
diants origina  Rechlinghausen  ou  de-  envi- 
rons, enfin  le-  étudiants  louvanisfr  Parmi  ces 
dernier-  on  devait  choisir  de  préfèrent  de-  parents 
de  la  femme  d>  Pels,  qui  était  orient  le  Lou- 
vain. Les  boursi(  rs  <1<  vaient  être  de  naissance  1< 
tinie  et  ne  pouvaient  posséder  un  revenu  supérieur 
à  60  florins  communs. 

Api.'-  avoir  terminé  la  licence  es  art-.  1«  -  habi- 
tante de  ce  collège  peuvent  continuer  lcurr-  études 
soit  en  théolo  :t  en  droit.  Toutefois  le  nombre 

1.  Il  s'agit  ici  dos  soldats  que  Don  Juan  envoya  à  Louvain 
après  la  victoire  remportée  sur  les  États  à  Gembloux  (1578). 


LES  COLLÈGES  UNIVERSITAIRES  143 

de  ceux  qui  étudiaient  l'une  et  l'autre  de  ces 
branches  doit  être  égal.  La  durée  de  la  bourse  est  de 
cinq  ans. 

Le  Collège Mylius  '  ou  Luxembourgeois  fut  l'œu- 
vre de  Jean  Mylius,  Luxembourgeois,  docteur 
tu  i.lr  que  utre,  qui  vécut  à  Madrid  et  y  mourut  en 
1596.  Par  b  nt,  il  a  une  partie  de  ses 

1  >i.  îr  fonder  un  collège,  soit  à  Luxembourg, 

:t  a  '1 1  >ii  à  L  uvain,  selon  le  ch<  »ix  auquel 

•    -tara.  ;  lui 

1610,  ceux-ci,  les  barons  d    Kirchberg,  cl  nt 

Louvain.  11  était  vé  aux  Etal  ix 

du  Luxembourg  de  d  r  un  t. 

Parmi  ceux-là  il  doit  y  avoir  toujours  un  L<m\ 
niste.  Parmi  1  ix  autres  tiers,  doivent 

ti'jui.  1  d<  ux  Louvanist* 

Le  pi  sident  du  Mylius  en 

1615,  fut  Nicolas  Vernulaus,  dont  n<  men- 

tionné plus  haut  Le  travail  à  l'histoire  de 

l'université.  Les  condition.-  relativ 
des  bou]  sont  les  n  que  pour  le  Collège 

Pels.  On  devait  donn<  r  La  ;  ix  étudiants 

de  la  ]>ro\  Lnce  de  Luxembourg. 

Le  Collège  de  M  tait  une  fondation  de  Jean 

de  Biév<  ne,  Montois,  docteur  in  utroque  iure,  pro- 
fesseur ordinaire  de   «  Décrets      et   chanoine  de 

dnt-Pierre  à  Louvain  (t  1596).  Ce  collège  resta 
toute!  ns  dotation  jusqu'en  1635. 

Lorsque  nous  aurons  cit<  ium  adLeydam, 

fondé  par  Michel  Baîus,  doyen  et  chancelier 
Louvain,  et  le  Colley  de  l'Ordre  Teutonique,  érigé 

1.  Actuellement  l'école  moyenne  de  la  rue  du  Canal. 


144  ORGANISATION  [NTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

en  1621  pour  douze  étudiants  pauvres  qui,  une  fois 

donnés  prêtres,  retournent  dan>  leur  Ordre,  nous 

aui  la  liste  des  principaux  collèges  de 

l'ancienne  Aima  Mater  louvaj  I      collèges  de 

Aulne,  de  l'abbaye  de  Villers,  le  Collège  de 

la  Haute  Colline  '.  li  des  Vétérai         jou- 

u  courant  du  xviie  el  du  xviii6  siècle. 

Chacun  de  1  itre  1»  s  rev<  - 

nu         fondations,  ceux  de  pj  ticulièi 

qu'il  ;i   à  l'entretien  du  pei 

•  .   I  »  un  rapport   [ail  en  1786  par 

le  LUer  De  Clerck,  il  y  avait  alors  un  revenu 

annuel   de    159,412  florins    1.  ,  en 

bouTï  dififén  ni  -  <  -Il  1  |uant 

aux    bourses    volantes,    leur  u    montait    à 

51  44g  ll"i  ii      :       u  7  d-iiii 

N  1  pas  une  preuve  admirable  de  L'intérêt 

que  porl  l<  -  hommes  de  ce  temps  au  les 

supérieui  pourrait-on   trouver  ailleurs  plus 

lie  floraison  d'instituts  destinés  à  fav< 
déshérités  de  l.i  fortune  et  à  leur  p«  rmettre  d'aller 
s'abreuv*  r  aux  -<  iui 

I>  grande  dh  natioi  alité 

nui  li  urs  et  i 

universitaires  u<>u>  montre  L'étendue  du  1 
ment  tifique  de  VAlma  Mater:  h-  t'ait  que  l 

boursiers  appartiennent  aux  pro\  ii 

prouve  combien  est  exacte 
la  remarque  de  Mu  I  >-■  Ram,  d'après  lequell'uni- 

rsité  de  Louvain  fut  le  centr<  formé  peu 

à  peu  Le  lien  national  et  l'esprit  public  des 

1.  Actuellement  l'Athi  yal,  rue  de  Namur. 


L'IMPRIMERIE  UNIVERSITAIRE  145 

CHAPITRE  VIII 

L'imprimerie  universitaire  et  les  archives. 

Pour  compléter  le  tableau  de  l'organisation 
interne  de  l'univi  il  non-  :  dire 

quelqui  smi  ts  te  l'imprimerie*  Lrchiv< 

•    imme  nous  av<  tis  déjà  <  a  L' 
dan-  la  première  parti»  l'art  de 

L'imprimerie  fut  pratiqu  ■    'l- 

vain.  L'école  de  Louvain  l'utile  mt 

celle  d'<  i  1474.   .1  itphali* 

l'introducteur  de  l'art  t  Lphiqu 

fut  admis  en  qualité  di  institution. 

Il  mourut   vers    1496,   api 
it  vingt  ouvrag» 

1  )',:■:•:■ 

son  œuvre  :  Conrad  Braem,  de  1  ■  man 

de   Nassau,   Louis  d  I     ivain, 

Thierry  Ma  >t. 

Tout(  •  utrichi.ii 

que  l'univi  1  tablit  une  imprimerie  académiqii 

C'<  r  les  instances  de  l'abbé  de  Nélis,  biblî 

thécaire,  que  L'impératri  e  Marie-Tl  da, 

le  19  juin  1760,  l'octroi  pour  l'érection  d'une    ty- 
pographie privilégiée   .   Ainsi  qu'il  ressort  d'ui 
lettre  d  or,  datée  du  24  août  de  1 

cette  création   fut   l'œuvre  commune  de  Y  Ain 
Matât  't    ta  gouvernement.  Cette  imprimerie  fut 
établie  dans  une  dépendance  du  théâtre  anato- 
mique  et   v  demeura  jusqu'à  la  suppression  de 
l'université.  Elle  fut  très  productive  pendant 


146  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

années  1762  à  1789.  En  1768,  l'abbé  de  Nélis  avait 
établi  aux  Halles  universitaires  un  dépôt  ou  une 
librairie  pour  la  vente  des  livres  publiés. 

Quant  aux  archives,  l'université,  dès  l'origine, 
prit  un  soin  jaloux  des  diplômes  de  fondation,  des 
privilèges,  des  lettres  importantes  qui  étaient  en 
sa  possession.  Elle  les  fit  déposer  dans  une  armoire 
placée  dans  la  salle  du  chapitre  de  l'église  Saint- 
Pierre  à  Louvain.  Pour  pouvoir  consulter  ces  docu- 
ments, il  fallait  une  permission  explicite  de  l'au- 
torité académique  et  la  présence  de  témoins  délé- 
gués par  elle  (1446).  Le  29  août  1446  parut  un 
décret  punissant  d'amende  ceux  qui  détiendraient 
chez  eux  des  lettres  adressées  au  Siadium  de 
Louvain. 

Pour  faciliter  la  consultation  des  pièces  les  plus 
importantes,  le  conseil  académique  décida,  en 
séance  du  Ier  octobre  1530,  de  transcrire  tous  les 
privilèges  et  induites  dans  un  registre  en  parche- 
min, que  le  recteur  pouvait  montrer  aux  intéressés. 

Pendant  les  troubles  du  xvie  siècle,  au  moins  une 
partie  des  archives,  celles  de  la  faculté  de  théologie, 
furent  envoyées  à  Namur.  Depuis  lors  le  désordre 
régna  dans  ces  documents  ;  peut-être  une  partie  se 
perdit-elle,  car  au  cours  du  xvie  et  du  XVIIe  siè- 
cle, nous  constatons  que,  dans  des  contestations 
ou  des  affaires  graves,  l'on  en  est  réduit  à  renvoyer 
à  des  archives  étrangères,  comme  celles  de  Rome, 
ou  à  invoquer  uniquement  la  tradition  orale. 
Souvent  les  recherches  pour  découvrir  un  docu- 
ment sont  longues,  et  l'on  n'aboutit  pas  toujours 
;  trouver  trace  de  la  pièce  désirée. 


L'IMPRIMERIE  UNIVERSITAIRE  147 

A  l'époque  de  Molanus  (fin  du  xvie  siècle), 
du  moins  en  ce  qui  concerne  la  faculté  de  théo- 
logie, les  actes  antérieurs  à  1515  semblent  avoir 
disparu. 

Par  contre,  nous  constatons  que,  dans  la  seconde 
moitié  du  XVIIIe  siècle,  les  archives  sont  conservées 
avec  soin  aux  Halles  universitaires.  Un  règlement 
relatif  à  leur  organisation  fut  établi  par  le  conseil 
académique  en  1761  ;  il  prévoyait  des  mesures 
minutieuses  pour  empêcher  la  perte  des  docu- 
ments. Des  catalogues  furent  alors  dressés  :  le  texte 
nous  en  a  été  conservé. 

Qu'advint-il  de  ces  trésors  lors  de  l'invasion  des 
armées  de  la  République  française,  en  1794? 

L'université,  craignant  de  perdre  ses  archives, 
les  expédia,  en  juin  1794,  par  voie  d'eau  à  Rotter- 
dam :  elles  étaient  enfermées  dans  quinze  caisses, 
et  le  contenu  passa  comme  marchandises.  Huit 
caisses  contenaient  les  documents  de  l'université 
comme  telle,  deux  les  archives  de  la  faculté  de 
théologie,  une  ceux  de  la  faculté  de  droit,  quatre 
ceux  de  la  faculté  des  arts.  Devant  la  rapide  avance 
des  troupes  républicaines,  on  se  décida  à  expédier 
plus  loin  les  précieux  papiers.  Après  avoir  passé 
par  Groningue,  Brème  et  Hambourg,  ils  finirent, 
en  avril  1795,  par  échouer  à  Altona.  Les  archives 
du  collège  du  Saint-Esprit  vinrent  les  y  rejoindre. 

Ce  périlleux  voyage  avait  été  fait  en  vain.  Les 
Français  réclamèrent  la  livraison  de  tous  ces  docu- 
ments  :  il  fallut  s'exécuter.  Les  caisses  revinrent, 
mais  on  réussit  à  en  soustraire  quelques-unes  en 
route.  On  ne  remit  que  ce  qu'on  ne  pouvait  décem- 


148  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

ment  refuser,  c'est-à-dire  les  pièces  dont  l'ennemi 
avait  découvert  l'inventaire. 

Ce  sont  les  papiers  remis  aux  Français,  ainsi  que 
les  nombreux  documents  enlevés  dans  les  différents 
collèges  :  actes  de  fondations  boursières,  pièces  de 
comptabilité,  etc.,  qui,  après  avoir  été  en  posses- 
sion de  l'administration  du  Département  de  la  T)y\e, 
formèrent  par  après  le  «  Fonds  de  l'université  de 
Louvain  »  aux  Archives  générales  du  royaume,  à 
Bruxelles. 

Quant  aux  caisses  d'archives  qu'on  avait  pu 
cacher  lors  du  voyage  de  retour,  elles  restèrent  en 
partie  en  Hollande;  d'autres  arrivèrent  à  Anvers, 
et  de  là  à  Beveren-Waes,  le  village  natal  de 
J.-F.  Van  de  Velde,  dernier  président  du  Collège 
du  Saint-Esprit,  qui  en  avait  sauvé  une  partie. 
Les  archives  restées  en  Hollande  demeurèrent, 
à  la  suite  de  diverses  circonstances,  au  séminaire 
de  Haaren  (lez  Bois-le-Duc)  l. 

Quant  à  la  partie  des  documents  sauvés  par 
Van  de  Velde  et  qu'il  conservait  chez  lui  à  Beveren- 
Waes,  ils  échappèrent  à  la  vente  aux  enchères  qui 
dispersa  si  lamentablement  l'immense  collection 
de  livres  que  possédait  le  défunt.  Ils  furent  déposés 
à  l'évêché  de  Gand  et  passèrent  ensuite  au  Grand 
Séminaire  de  cette  même  ville.  Ils  y  sont  encore 
aujourd'hui. 

Enfin,    d'autres   documents   furent   égarés     ou 

r.  Lors  du  soixante-quinzième  anniversaire  de  la  restaura- 
tion de  l'université,  révoque  de  Bois-le-Duc  restitua  la  charte 
de  fondation  de  Martin  V.  Malheureusement  ce  précieux  docu- 
ment périt  dans  l'incendie  de  la  bibliothèque  universitaire, 
allumé  par  les  Allemands. 


L'IMPRIMERIE  UNIVERSITAIRE  149 

cachés  à  Louvain  même,  lors  de  l'arrivée  des 
Français.  Quelques-uns  furent  restitués  et  périrent, 
hélas  !  dans  le  sac  de  Louvain  en  1914.  D'autres 
sont  encore  jalousement  gardés  par  les  familles 
descendant  d'anciens  professeurs,  et  qui  semblent 
oublier  que  le  devoir  le  plus  élémentaire  comman- 
derait de  les  restituer  à  l'Aima  Mater,  dont  ils 
contiennent  un  fragment  d'histoire. 


ÉPILOGUE 

L'université  de  Louvain  resta  fermée  pendant 
le  règne  de  Napoléon.  Lors  de  l'instauration 
du  régime  hollandais,  le  roi  Guillaume  Ier  de 
Hollande  publia,  en  1816,  un  règlement  nouveau 
pour  la  réorganisation  de  l'enseignement  en  Bel- 
gique. Trois  universités  d'État  furent  créées 
respectivement  à  Liège,  à  Gand  et  à  Louvain. 
La  nouvelle  université  de  Louvain  fut  installée, 
en  grande  pompe,  le  6  octobre  1817.  Elle  comptait 
quatre  facultés  :  philosophie  et  lettres,  sciences, 
droit  et  médecine.  Guillaume  Ier,  reprenant  l'idée 
du  Séminaire  général  de  Joseph  II,  annexa  à  l'uni- 
versité un  collège  d'études  pour  les  jeunes  gens  se 
destinant  à  l'état  ecclésiastique,  le  «  Collège  phi- 
losophique ». 

Cet  établissement  organisé  par  l'État  n'eut  pas 
plus  de  succès  que  le  Séminaire  général  de  Joseph  IL 
Le  clergé  s'opposa  énergiquement  à  l'enseignement 
qu'on  y  donnait,  et  qui,  sous  l'inspiration  d'un 
État  protestant,  ne  sauvegardait  pas  suffisamment 
les  droits  et  les  opinions  des  catholiques.  Le  collège 
fut  supprimé  en  1829. 

Vint  la  révolution  belge  de  1830,  qui  chassa  les 
Hollandais  et  conduisit  à  la  constitution  de  la 
Belgique  indépendante.  La  loi  sur  l'enseignement 
supérieur  du  27  septembre  1835  ne  maintint  que 
deux  universités  d'État,  celles  de  Gand  et  de  Liège. 


ÉPILOGUE  151 

L'autorité  communale  de  Louvain  demanda  et 
obtint  que  la  ville  fût  rétablie  dans  la  jouissance 
de  tous  les  bâtiments  et  collections  ayant  servi  à 
l'enseignement. 

Mais  entretemps,  le  4  novembre  1834,  ^es  évêques 
de  Belgique  réunis  à  Malines  avaient  fondé  en 
cette  ville  une  université  libre  qu'ils  appelèrent 
«  université  catholique  ».  L'année  suivante,  en 
1835,  ils  transférèrent  cette  institution  à  Louvain. 
Ainsi  se  renoua  la  tradition  momentanément  inter- 
rompue. L'université  catholique  de  Louvain  est 
l'héritière  directe  de  la  vieille  université  fondée  par 
Martin  IV  en  1425.  L'installation  de  la  nouvelle 
université  eut  lieu  à  Louvain  le  Ier  décembre  1835, 
au  milieu  de  réjouissances  publiques.  Le  premier 
recteur  fut  Mgr  de  Ram,  homme  d'un  rare  mérite, 
qui  se  distingua  surtout  par  ses  multiples  publica- 
tions concernant  l'histoire  de  l'ancienne  Aima 
Mater. 

Au  mois  de  mai  1909,  l'université  catholique 
fêta  le  soixante-quinzième  anniversaire  de  sa  réou- 
verture. A  cette  occasion,  de  toutes  les  contrées 
de  l'Europe  lui  vinrent  des  témoignages  précieux 
d'estime  et  d'admiration  pour  son  œuvre  scien- 
tifique. Elle  vit  arriver  des  délégations  de  plusieurs 
universités  du  continent  et  des  Iles  Britanniques, 
apportant  des  adresses  de  félicitations  à  l'institu- 
tion jubilaire.  Ces  félicitations  ne  furent  pas  les 
moins  cordiales  de  la  part  des  universités  alle- 
mandes 1. 

1.  Voir  le  Liber  memorialis  des  fêtes  jubilaires  de  l'université 
catholique  de  Louvain  (1834- 1909).  Louvain,  1910. 


152  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Cinq  ans  après,  le  25  août  1914,  commença  la 
destruction  systématique  de  la  vieille  cité  braban- 
çonne par  les  soldats  allemands...  Incapables  de 
comprendre  la  leçon  qui  se  dégageait  de  l'inscrip- 
tion placée  au-dessus  de  la  porte  d'entrée  des 
Halles  universitaires  \  ils  jetèrent  leurs  pastilles 
incendiaires  dans  le  vénérable  monument.  Le 
26  août  au  matin,  il  ne  restait  plus  rien  de  la  su- 
perbe Bibliothèque  et  les  Halles  glorieuses  ne  for- 
maient plus  que  des  débris  fumants  ! 

Ce  crime  «  commis  contre  l'esprit  »  —  d'après 
la  parole  vengeresse  du  regretté  Etienne  Lamy  — 
fut  depuis  lors  «  effacé  »  par  la  sympathie  univer- 
s<  lie  dont  le  monde  des  sciences  et  des  lettres  en- 
toura l'université  qui  en  fut  la  victime. 

Mais  l'empreinte  en  stigmatisera  éternellement 
le  front  de  la  nation  qui  s'en  rendit  coupable  et  qui 
ne  sut  point  trouver  Les  paroles  nécessaires  pour 
provoquer  le  pardon,  à  défaut  de  l'oubli. 

1.  Sapientia  aedificavit  sibi  domum. 


NOTE  BIBLIOGRAPHIQUE 

Notre  intention  n'est  pas  de  donner  ici  la  biblio- 
graphie complète  de  l'histoire  de  l'Université 
Louvain.  Xous  ne   citon-   que    les  ouvrages 

importants,  dont  la  lecture  mettra  ceux  qui  désirent 
approfondir  le  sujet  sur  la  v  souro  :b>li- 

cations  complémentaires. 

Mi^r  NamÊCHE,  Jean  IV  et  la  fondation  de  l'Uni 
site  de  Louvain,  Louvain,  1891. 

R.  P.  de  Robian'o,  De  iure  Ecclesiae  in  universii 
studiorum.  Louvain,  1864. 

Baron  de  Reiffenberg,  Mémoire  sur  les  deux  pre- 
miers siècles  de  l'Université  de  Louvain.  (Nouveaux 
Mémoires  de  l'Académie  royale  de  Belgique,  in-40). 
Bruxelles.    1829-1832. 

Nicolas  Vernulaeus,  Academiae  Lovaniensis  li- 
bri  III.  Louvain,  1627. 

Yalère  Axdré,  F  asti  Academici  studii  gcncrali 
Lovaniensis.  Louvain,  éd.  1650. 

J.-F.  Van  de  Velde,  Recherches  historiques  sur 
l'érection,  la  constitution,  etc.,  de  l'Université  de  Louvain. 
6  brochures,  1788. 


154    ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNIVERSITÉ 

Privilégia  Academiae  Lovaniensis.  Louvain,  1752. 

Codex  veterum  stabutorum  Academiae  Lovaniensis, 
éd.  P.-F.-X.  de  Ram.  Bruxelles,  1861. 

A.  Van  Hove,  Statuts  de  l'Université  de  Louvain 
antérieurs  à  l'année  1459,  dans  les  Bulletins  de  la  Com- 
mission royale  d'histoire,  t.  LXXVI. 

REUSENS,  Statuts  primitifs  de  la  Faculté  des  Arts  de 
Louvain,  ibidem,  3e  série,  t.  IX. 

DE  Ram,  Anciens  Statuts  de  la  l'acuité  de  médecine, 
ibidem,  3e  série,  t.  V 

Reusens,  Statuts  primitifs  de  la  Faculté  de  théologie, 
dans  Y  Annuaire  de  l'Université  de  Louvain,  1882. 

REUSENS,  Matricule  de  l'Université  de  Louvain,  t.  I. 
(Commissi   1        de  d'histoire,  in-40.) 

I  tes  de  l'Université  de  Louvain,  t.  I.,éd  Ri 
t    II.  éd   A   Van  Hove.  (Commission  royale  d'histoire, 
in-40.) 

de  Ram,  Considérations  sur  l'histoire  de  l'Univet 
de  Louvain,  dans  les  Bulletins  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  classe  des  Lettres,  t.  XXI. 

V  Braxts,  Albert  et  Isabelle.  Louvain,  191a 

A.  VERHAEGEN,  Les  cinquante  dernières  années del 'an- 
cienne Université  de  Louvain  (1740-1797).  Liège,  1884. 

V.  Brants,  La  Faculté  de  droit  de  l'Université  de 
Louvain  à  travers  cinq  siècles  (1626-1906).  Louvain, 
1906. 


NOTE  BIBLIOGRAPHIQUE  155 

Broeckx,  Prodrome  de  l'histoire  de  la  Faculté  de  mé- 
decine de  V ancienne  Université  de  Louvain.  Anvers,  1865. 

H.  de  Jongh,  L'ancienne  Faculté  de  théologie  de  Lou- 
vain au  premier  siècle  de  son  existence  (1432-1540).  Lou- 
vain, 1911. 

Nève,  Mémoire  historique  et  littéraire  sur  le  Collège 
des  Trois  Langues  à  l'Université  de  Louvain.  (Mémoires 
couronnés  de  V Académie  royale  de  Belgique,  in-40,  t. 
XXVIII.) 

A.  Roersch,  L'Humanisme  belge  à  l'époque  de  la 
Renaissance,  Bruxelles,  19] 

E.  Van  Even,  Louvain  dans  le  passé  et  dans  le 
présent,  Louvain,  1895. 

Il  faut  consulter  aussi  les  Annuaires  de  l'Université 
de  Louvain  où  M^rDE  Ram,  le  chanoine  Reusens,  etc., 
ont  publié  une  foule  de  documents  sur  l'ancienne  uni- 
versité, sous  le  titre  général  d' Analectes.  De  même,  on 
trouvera  une  abondante  moisson  de  documents  dans 
les  Analectes  pour  servir  à  l'histoire  ecclésiastique  de  la 
Belgique,  où  le  chanoine  Reusens  et,  après  lui,  M.  Jos. 
Wils  ont  publié  des  pièces  et  des  articles  très  impor- 
tants. Signalons  enfin  que  la  Biographie  Nationale, 
publiée  sous  les  auspices  de  l'Académie  royale  de 
Belgique,  contient  plusieurs  notices  importantes  sur 
d'anciens  professeurs  de  l'université. 

Pour  la  Bibliothèque,  il  faut  lire  E.  de  More  au, 
S.  J.  La  Bibliothèque  de  Louvain,  1636-1914.  Louvain, 
1918.  On  y  verra  quels  trésors  ont  été  détruits  en  1914 
par  les  soldats  du  général  von  Boehn. 


156  ORGANISATION  INTERNE  DE  L'UNI VERSITÉ 

Enfin,  à  titre  de  comparaison,  on  peut  lire  :  H.  De- 
nifle,  Die  Universitàten  des  Mittelalters  bis  1400,  t.  I, 
Berlin,  1885. 

Hastings  Rashdall.  The  Univcrsilies  of  Europe  in 
the  Middle  Ages.  Oxford,  1895. 

V  Luchaire.  L'Université  de  Paris  sous  Philippe- 
Auguste.  Pari-,  1899. 

G.  Cardon.  La  fondation  de  !'  Université  de  Douai. 
Paris,  i8<_. 


378.4933  U-L894  E78i  c.1 

Essen  #  Une  institution 
d  enseignement  supérieur 

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37Ô.4933 

U-L894 

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Essen 

Une  institution 

d  'ensei, 

^nement 

supérieur  sous 

L 'ancien 

régime  : 

1 'Université  de 

f  1  /.  O  C   1  "7  rv  i  \ 

Louvain 

378.4933 

U-L89^; 

E78i 

ESUne  institution  d'enseignement 
supérieur  sous  l'ancien  «gi»*: 
l'Université  de  Louvain  (1425-179/J 


COLLECTION   LOVANIUM 

OUVRAGES  SCIENTIFIQUES  ET  LITTÉRAIRES 

PUBLIÉS  PAR  UN  GROUPE  DE  PROFESSEURS 

DE   L'UNIVERSITÉ  DE    LOUVAIN 

OUVRAGES  PARUS  : 

Léon  Van  der  Essen,  Une  Institution  d'ensei- 
gnement supérieur  sous  l'ancien  régime. 
(L'Université  de  Louvain,  1425-1797.)  fr.  5. — 

Henry  de  Dorlodot,  Le  Darwinisme  au  point 
de  vue  de  l'orthodoxie  catholique.  Premier  vo- 
lume :  L'Origine  des  Espèces.  .    .    .  net  fr.  6. — 

POUR  PARAITRE  INCESSAMMENT  : 

Ai  Bi  ri  Carnoy,  Les  Indo-Européens. 

A  Vu  ri  M>i  il,  Esquisse  de  l'Histoire  de  la 
Technique. 

s  PRÉPARATION  : 

Ch.  Lecoutere,  Les  caractères  nationaux  de 

la  littérature  flamande. 

L.   Noël     Le    mouvement    néo-thomiste    de 

Louvain. 

M.  De  Wulf,  Le  retour  vers  la  Philosophie  du 

Moyen  Age. 

J.   Denys,   La  tuberculose   au   point  de  vue 

social. 

L.  Van  der  Essen,  La  diplomatie  à  l'époque 

moderne. 

Comité  de  Direction  : 
26.  rue  des  Joyeuses-Entrées,  LOUVAIN