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LÉON VAN DER ESSEN
UNE INSTITUTION
ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR
SOUS L'ANCIEN RÉGIME
L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN
(1425-1797)
VROMANT & C°, IMPRIMEURS-ÉDITEURS
3, RUE DE LA CHAPELLE
BRUXELLES
37, RUE DE LILLE (VI«)
PARIS
1921
THE LIBRARY
The Ontario Institute
for Studies in Education
Toronto, Canada
COLLECTION LOVANIUM
OUVRAGES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES
PUBLIÉS PAR DES PROFESSEURS
DE L'UNIVERSITE DE LOUVAIN
v
NOV 1 2 1969
THE OH ' ^TiïUTE
FOR STUDi|5 If
UNE INSTITUTION
D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
SOUS L'ANCIEN RÉGIME
par Léon VAN DER ESSEN
LIVRE PREMIER
HISTOIRE EXTERNE DE
L'UNIVERSITÉ
CHAPITRE PREMIER
Fondation de l'Université.
LA fondation d'une université à Louvain, en
1425, conjura la déchéance et la ruine de la
vieille cité brabançonne.
Durant tout le xive siècle, patriciens et métiers
louvanistes s'étaient combattus avec ardeur pour
obtenir le contrôle du gouvernement municipal.
C'est ce que rappelle la saisissante peinture murale
nous montrant, à l'hôtel de ville de Louvain, le
chef démocrate Pierre Coutereel, déchirant, sur
le perron du bâtiment, devant la foule accourue
en armes, les privilèges politiques de ses adver-
saires.
Toutefois, dans cette lutte on ne trouve pas, à
Louvain, la continuité et la férocité qui caracté-
risent les guerres démocratiques en Flandre, à la
même époque. Mais les conséquences des troubles
civils furent, de part et d'autre, les mêmes : la ruine
de la draperie, l'exode des ouvriers, la misère.
C'est ainsi que, après le massacre des patriciens
en 1378 et l'émigration de la plupart des ouvriers
drapiers en Angleterre, Louvain, résidence des
ducs de Brabant et longtemps ville prospère, était
6 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
condamnée à périr lentement. Son industrie ne se
relèverait plus jamais.
Comme ce fut souvent le cas en Italie, pays qui
connut à un égal degré la fureur des luttes démo-
cratiques, l'érection d'une université à Louvain
fut envisagée comme un expédient pour faire
revivre l'ancienne cité.
Comme on le sait, l'érection d'une université au
moyen âge était le monopole du Pape et de l'Empe-
reur, et souvent les deux pouvoirs collaboraient
pour la fondation de ce qu'on appelait alors un
Studium générale. Il fallait donc décider le duc de
Brabant, Jean IV, à prendre l'initiative d'une
démarche auprès du Saint-Siège. La première
idée de faire revivre l'ancienne gloire de Louvain
en dotant la ville d'une université paraît avoir
germé dans l'esprit des conseillers du duc et parti-
culièrement chez l'un d'eux, Englebert de Nassau,
un des ancêtres de la maison d'Orange-Nassau. Le
chroniqueur ou historiographe du duc, De Dynter,
semble aussi avoir joué un rôle important dans les
négociations préliminaires, rôle que le laconisme
de sa Cronica Ducum Brabantiae ne nous permet
pas d'apprécier comme il convient.
Jean IV, qui, de par ailleurs, s'était montré un
prince peu sympathique, racheta ses fautes et ses
méfaits en réalisant le désir de ses conseillers, qui
était aussi le désir de la population de Louvain.
Cette dernière tenait à héberger dans ses murs le
Studium projeté, d'autant plus que des membres
du conseil ducal avaient suggéré Bruxelles ou
Malines comme siège de la future université. Lou-
FONDATION DE L'UNIVERSITÉ 7
vain l'emporta, « propter miserationis aspectum »
dit Valerius Andréas ; une bonne occasion s'offrait
de restaurer la fortune de la ville presque ruinée.
L'année 1425, Jean IV, d'accord avec le magis-
trat et le chapitre de Saint-Pierre, envoya des
députés au pape Martin V, pour obtenir l'acquiesce-
ment du souverain pontife et la publication de la
bulle érigeant la nouvelle université. Dans le
mémoire transmis au pape, le duc de Brabant pro-
posait Louvain comme siège du Studium à cause
de l'abondance qui y règne, de la douceur du cli-
mat, du tempérament de la population, de la com-
modité de logement et de toute chose, de l'aspect
riant de la cité, avec ses vignes, ses jardins, ses
vergers et ses cours d'eau. La requête commen-
çait par exposer que, malgré l'existence de plu-
sieurs villes renommées dans le Brabant et dans
les autres États du duc, aucune ne possédait encore
d'université. Jean IV, d'accord avec le magistrat
de Louvain, offrait de pourvoir à l'installation
nécessaire des locaux et du matériel scolaire, au
paiement des maîtres et des docteurs enseignants.
Le recteur de l'université serait doté de la juri-
diction civile et criminelle sur les membres du
Studium et tant le chapitre de Saint-Pierre que le
magistrat lui céderaient leurs droits. Les maîtres
et élèves auraient la liberté d'aller et venir où bon
leur semblait et la libre disposition de leurs biens.
Tous les « suppôts » du Studium jouiraient des pri-
vilèges existant dans les autres universités.
Après avoir soumis ces propositions à un examen
détaillé, le pape Martin V donna son consentement.
8 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Peut-être la promptitude de sa décision en faveur
de Louvain s'explique-t-elle par le fait que, cinq
ans auparavant, les Louvanistes, mus par la pré-
dication du cardinal de Plaisance, avaient pris
part, avec des fantassins et des cavaliers, à la
croisade contre les Hussites. Par une bulle du
9 décembre 1425, le pape autorisa la fondation à
Louvain d'une université complète, comprenant
les facultés des arts, de droit et de médecine. Il ne
permit point l'établissement d'une faculté de
théologie ou, du moins, il en réserva la fondation.
L'on s'est évertué pendant longtemps à cher-
cher les causes de cette exclusion ou de cette
réserve. Elles sont bien simples. Martin V, en
n'autorisant pas la fondation d'une faculté de
théologie, a obéi uniquement à la tradition. Il est
aisé de voir, en parcourant l'ouvrage de H. Denifle,
Die Universitâten des Mittelalters, que près des
deux tiers des universités fondées avant 1400
n'eurent pas, dès leur origine, de faculté de théolo-
gie. Des dix-huit universités accordées par les papes
d'Avignon, neuf ont reçu le droit d'enseigner dans
toutes les sciences, excepté la théologie. Peu de
temps avant la fondation de l'université de Lou-
vain, la même attitude avait été adoptée, en 1419,
au sujet de l'université de Rostock. En faisant
cette réserve, les papes ont eu l'intention de favo-
riser par un monopole l'ancienne université de
Paris, appelée par eux le Romanae Sedis Studium.
La bulle de Martin IV promet à la nouvelle
université la jouissance des privilèges, libertés
et immunités dont étaient dotés les Studia de
FONDATION DE L'UNIVERSITÉ 9
Cologne, Vienne, Leipzig, Padoue et Mersebourg.
Le prévôt du chapitre de Saint-Pierre était nommé
chancelier de l'université. A lui incomberait de
conférer les grades aux étudiants que leurs pro-
fesseurs en trouveraient dignes et d'accorder la
licentia docendi aux maîtres et docteurs, permis-
sion qui équivalait pratiquement à la licentia
ubique docendi, la permission d'enseigner dans
toutes les écoles et universités autres que Louvain.
Cette permission de caractère si universel ne pou-
vait être octroyée que par une autorité univer-
selle, le Pape ou l'Empereur, qui déléguaient leur
pouvoir au chancelier des universités par eux
fondées.
La bulle de Martin V spécifiait en outre que le
recteur recevrait pleine et entière juridiction civile
et criminelle sur les étudiants, endéans l'année
qui suivrait la publication de ce document. Ces
conditions furent immédiatement réalisées.
Le 6 septembre 1426, le magistrat de Louvain
céda toute juridiction sur « les suppôts » de l'uni-
versité; puis ce fut le tour du chapitre de Saint-
Pierre pour se désister de ses droits. Le duc de
Brabant, Jean IV, dut aussi abdiquer ses pouvoirs,
mais il fut difficile de l'amener à ce dépouillement.
Pour le décider, l'autorité académique s'engagea
à rétrocéder au duc et à son représentant, le maïeur
de Louvain, la pleine connaissance, pour les mem-
bres laïques de l'université, des causes criminelles
les plus graves. Dans ces conditions Jean IV se
montra bon prince. Non seulement il remit aux
mains du recteur toute sa juridiction sur les
10 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
« suppôts » et membres du Studium, réserve faite
de l'accord précité, mais il octroya en outre aux
maîtres et aux étudiants deux faveurs importantes :
le libre accès et départ de la ville, c'est-à-dire
l'exemption et l'immunité des gabelles, péages,
droits d'entrée et de sortie, dont il percevait les
revenus comme seigneur de Louvain, — concession
de poids pour un prince féodal; — ensuite la
jouissance, dans ses États et aussi longtemps que
les maîtres et les élèves demeureraient à Louvain
pour cause d'études, de tous droits, privilèges,
franchises et libertés dont jouissaient les bourgeois
mêmes ou poorters de Louvain. L'octroi de ces
droits de bourgeoisie était, on le sait, très impor-
tant à l'époque des communes : il gardait l'habi-
tant contre l'arbitraire du seigneur et le rendait
membre d'un corps puissant et jaloux de ses droits,
qui protégeait ses affiliés contre toute attaque.
Il ne restait plus que l'évêque de Liège, dans le
diocèse duquel se trouvait Louvain, pour se dépouil-
ler de ses droits sur les membres de l'université
en faveur du recteur. Mais l'évêque se montra
moins empressé à accorder au Studium la jouis-
sance des privilèges pontificaux. Déjà, pendant la
première année académique (1426-1427), des diffi-
cultés surgirent à cet effet entre la nouvelle insti-
tution et l'évêque. Après des discussions assez
vives, au cours desquelles le magistrat s'unit à
l'Aima Mater pour protester vigoureusement, un
accord s'établit au sujet de la perception des revenus
des bénéfices ecclésiastiques, qui étaient en posses-
sion des «suppôts» de l'université dans le diocèse
FONDATION DE L'UNIVERSITÉ 11
de Liège. On suivrait les règles appliquées en cette
matière à Paris, à Cologne et à Heidelberg.
Cette imitation des pratiques appliquées en
matière bénéficiale dans les dites universités fait
surgir la question : sur quelle université déjà
existante l'organisation de Louvain est-elle copiée?
L'on est d'accord pour dire que l'organisation
interne de Louvain se fit sur le modèle de celles de
Paris, Vienne et Cologne. Rashdall * précise cette
constatation en disant que l'université braban-
çonne présente partiellement une copie directe de
Paris, et s'est partiellement inspirée des change-
ments apportés au type parisien par les anciennes
universités allemandes. Dans ces dernières l'on
trouve, comme à Louvain, le pouvoir académique
concentré entre les mains des maîtres aux dépens
des étudiants, la possibilité d'élire le recteur dans
n'importe quelle faculté, l'importance minime
accordée à la division des étudiants en nations,
la dotation de certains professeurs par l'érection
des collèges.
Toujours est-il que les anciens statuts de Lou-
vain ne sont souvent que la reproduction littérale
des statuts de ces universités. L'ouverture de
l'université de Louvain se fit l'année 1426. L'instal-
lation du premier recteur eut lieu le 6 septembre.
Guillaume Neefs avait été désigné par la bulle de
Martin V pour remplir les fonctions rectorales
pendant cinq ans. Il renonça spontanément au
bénéfice de cette mesure, à condition qu'à la pre-
1. Rashdall, The Universities of Europe in the Middle
âges, p. 259.
12 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
mière élection les suffrages se porteraient sur lui.
C'est ce qui arriva. Pendant son rectorat, qui dura
neuf mois, on élabora les premiers statuts de
l'université, en vertu desquels les fonctions recto-
rales seraient trimestrielles et électives dans les
diverses facultés. Parmi les premiers recteurs, nous
trouvons le nom d'un Anglais, John Lichton,
originaire du diocèse de St Andrews, en Irlande,
maître es arts et bachelier es droits. Il fut imma-
triculé en 1428 et nommé recteur le 31 mai 1432.
A l'ouverture de l'université, le corps académique
se composait de quatorze membres, parmi les-
quels deux bacheliers en droit canon, un docteur
en droit civil, un docteur en médecine, un licencié
en droit canon et sept maîtres es arts. Tous n'étaient
pas professeurs : le recteur Neefs et Gérard Bruyn,
doyen du chapitre de Saint-Pierre, n'ont jamais
enseigné.
CHAPITRE II
Les premières années d'organisation
et d'enseignement.
Dès les premières années de son existence, l'uni-
versité de Louvain avait été dotée d'impor-
tants privilèges, accordés par l'autorité pon-
tificale et par les ducs de Brabant. Nous les étudie-
rons en détail plus loin. Pour le moment, il suffit
d'appeler l'attention sur les faits suivants. -Dans un
temps où la centralisation administrative était en-
tièrement inconnue, on sentit le besoin de détacher
les universités des autorités locales et de les soumet-
tre à une juridiction particulière, afin de maintenir
PREMIÈRES ANNÉES D'ORGANISATION 13
l'unité dans les mouvements d'un grand corps en-
seignant. L'autorité des deux puissances y concourt
efficacement : le chef de l'État, en affranchissant
les universités de la juridiction temporelle, et le
chef de l'Église, en leur accordant des privilèges et
des exemptions canoniques en vertu desquelles ces
corporations n'étaient soumises qu'à l'autorité
suprême du Pape. Dans l'ordre civil, il y avait une
assimilation marquante entre la liberté de la
commune et celle du corps académique. Nous
dirions aujourd'hui : c'était un État dans l'État.
L'on conçoit dès lors que l'université était
extrêmement jalouse de ses privilèges et qu'elle
défendait ceux-ci avec la dernière énergie. Déjà
en 1432 surgirent à Louvain des difficultés avec
les autorités civiles. Les agents fiscaux de la ville
ne respectaient pas l'exemption des membres de
l'université de tous les impôts et notamment des
droits d'accise sur les bières. On vécut pendant des
semaines sous la menace d'une grève générale des
professeurs et des étudiants : le corps académique
alla même jusqu'à rédiger la formule par laquelle
on proclamerait le cess^ls. L'intervention du duc
de Brabant parvint cependant à apaiser le conflit.
Peu après, c'est avec le chancelier du duc que
l'université est en guerre. Le chancelier se plaint
des nombreux abus commis par les étudiants :
ceux-ci s'adonnent à la boisson et parcourent les
rues pendant la nuit, faisant du tapage et moles-
tant les habitants. L'Aima Mater lui répond caté-
goriquement qu'elle n'écoutera pas ces plaintes
aussi longtemps qu'elle ne sera pas en possession
14 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
des bulles et des lettres concernant l'érection de
la faculté de théologie. Nous avons dit, en effet, que
le pape Martin V, en fondant l'université, n'avait
pas permis l'érection de cette faculté. Le pape
Eugène IV ne maintint point cette réserve. Depuis
1426, tant le magistrat de la ville que le corps pro-
fessoral avaient travaillé sans relâche afin d'obtenir
du Saint-Siège l'adjonction de la théologie aux
autres facultés. Leurs efforts furent couronnés de
succès. Le 7 mars 1432, le pape Eugène IV leur
accorda la faveur si ardemment désirée 1.
La nouvelle faculté reçut bientôt un local digne
d'elle. Les guerres civiles dont nous avons parlé
plus haut, ayant ruiné la draperie de Louvain, la
majeure partie de la Halle des drapiers se trouva
abandonnée. Lors de la concession de la bulle
d'Eugène IV, le magistrat de Louvain fit appro-
prier quelques salles dans l'édifice pour servir
d'auditoire à la nouvelle faculté. On y transporta
bientôt les deux facultés de droit et de médecine.
Constatation curieuse : l'université n'occupait
que la moitié du bâtiment, située du côté de la rue
Kraekhoven; l'autre moitié resta garnie de bou-
tiques de marchands jusqu'à la fin du XVIIe siècle.
Les graves professeurs qui enseignaient au local
des Halles durent être plus d'une fois troublés dans
leurs doctes leçons par les cris des marchands et le
bruit de la foule qui se pressait tout près d'eux
les jours de marché. Ce n'est que le 16 juin 1679
que le conseil communal céda la propriété de la
1. La bulle est conservée en original à l'hôtel de ville de
Louvain,
PREMIÈRES ANNÉES D'ORGANISATION 15
Halle à l'université moyennant une somme de
23,000 florins. Devenue propriétaire de l'édifice,
Y Aima Mater résolut d'y ajouter un étage pour y
établir les auditoires des quatre facultés. C'est ce
beau et vénérable monument, datant de 1317, que
les soldats allemands ont systématiquement incen-
dié le 25 août 1914.
Il n'était pas facile de réunir un corps professoral
pour enseigner les sciences sacrées. Aussi l'univer-
sité dut être contente de pouvoir engager comme
professeurs Nicolas Midi, docteur de Paris et pro-
fesseur de théologie à cette université depuis 1425,
Pierre Fabri, bachelier de Paris, le dominicain
Jean de Winningen, doyen de la faculté de théo-
logie de Cologne, Antoine de Recanati, noble ita-
lien, docteur de Paris, procureur général des
ermites de Saint-Augustin au Concile de Bâle,
Aimeric de Campo, docteur de Cologne. Tout
comme Louvain s'était inspiré des statuts de
Paris et de Cologne pour rédiger les siens, de même
elle alla chercher dans ces Studia célèbres ses pre-
miers maîtres et professeurs. L'année 1458, le
développement de l'université fut momentané-
ment arrêté par la peste qui ravagea Louvain. La
population estudiantine de plusieurs pédagogies
ou collèges de la faculté des arts émigra : la péda-
gogie du « Lis » s'en alla cà Ter monde, celle du
« Château » à Lierre, celle du « Faucon » à Berthem.
Cependant, malgré tous ce^ contretemps, Lou-
vain prend largement part au mouvement des
idées de l'époque. On en trouve la preuve manifeste
dans la lutte ardente qui éclata, déjà vers 1446, à
16 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
propos de certains maîtres de la faculté des arts,
qui tombèrent dans les bizarreries du nominalisme.
Cette lutte se prolongea pendant une trentaine
d'années, pendant lesquelles la faculté de théologie,
le docteur Henri de Zomeren en tête, mena cam-
pagne « pour la cause de la vérité et du bon sens ».
La question de la réforme du calendrier occupa
aussi l'université : le professeur Rivo entra à ce
propos en lutte avec Paul de Middelbourg, ancien
étudiant de Louvain, nommé en 1479 professeur
d'astronomie à Padoue. Mais les événements les
plus importants qui comptèrent dans l'existence
de la jeune université furent le concile de Bâle et
les controverses doctrinales concernant les indul-
gences plénières.
A l'époque de l'organisation de la faculté de
théologie de Louvain, l'université de Paris défendit
avec acharnement la théorie de la supériorité du
Concile sur le Pape et prit la tête de ce mouvement
d'opposition au Saint-Siège, qui allait aboutir,
en 1438, à la « Pragmatique Sanction » de Bourges.
Le bruit de cette querelle parvint bientôt à Lou-
vain et dut y trouver de l'écho. L'assemblée du
concile de Bâle envoyait, en effet, continuellement
des délégués pour obtenir l'adhésion de la nouvelle
université au mouvement d'opposition qu'elle
avait organisé. De plus, Louvain comptait parmi
ses professeurs deux docteurs de Paris, Midi et
Recanati, qui devaient partager les idées gallicanes
et préconiser l'indépendance du pouvoir civil vis-
à-vis de Rome. L'influence de ces deux professeurs
ne fut cependant pas profonde. Ils furent obligés
PREMIÈRES ANNÉES D'ORGANISATION 17
de quitter Louvain, l'un pour cause de désobéis-
sance, l'autre à raison de ses intrigues contre YAhna
Mater au concile de Bâle. Louvain n'admit pas
la théorie conciliaire et resta fidèle à Eugène IV,
son bienfaiteur, et à ses successeurs.
L'université se montra aussi pleinement d'accord
avec l'envoyé du pape Nicolas V pour la manière
de comprendre les indulgences plénières. Elle
tenait pour la vraie doctrine, enseignant que
l'indulgence ne remet pas le péché, mais la peine
qu'on a encourue du fait d'avoir péché. D'un
autre côté, elle se montra réservée et excessive-
ment sévère pour recevoir des quêteurs d'indul-
gences ou pour imprimer sur des bulles d'indul-
gences, en guise de recommandation, le « grand
sceau du recteur ou de l'université ». Avant 1508
nous ne trouvons pas trace d'indulgences concédées
en faveur de l'Aima Mater. L'enseignement de
Louvain concernant cette matière, notamment
celui d'Adrien d'Utrecht, professeur de théologie
et futur pape, fut extrêmement modéré.
D'autre part, en raison de son organisation même
— comme nous le verrons plus loin — l'université
dut contribuer, il est vrai dans une faible mesure,
à entretenir un grave abus : des bénéfices ecclé-
siastiques, destinés à l'entretien des ministres du
culte, furent détournés de leur destination primi-
tive pour constituer le traitement de professeurs
ou la bourse d'étude d'élèves, pendant que des
remplaçants ou « vicaires », pauvres toujours,
ignorants le plus souvent, assumèrent le ministère
sacré.
18 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Dans le domaine de l'éducation et de la forma-
tion politique de la Belgique, l'université de Lou-
vain, déjà au premier demi-siècle de son existence,
eut une influence indéniable. « L'unité et les ten-
dances sociales de son enseignement comblaient
en quelque sorte l'infranchissable abîme de la
diversité et de l'incohérence de l'esprit provincial :
peu à peu, par un lien nouveau, le germe du senti-
ment de l'unité nationale se formait et se dévelop-
pait dans ]es intelligences 1. »
L'université servit aussi d'intermédiaire à la
Belgique pour ses rapports avec les pays étrangers,
et, en hébergeant chez elle les représentants les plus
cultivés de ces contrées, contribua grandement
à créer des liens de solidarité internationale. Ainsi
on trouve à Louvain des étudiants allemands,
français et italiens dès 1426, des Écossais dès 1427,
des Suédois dès 1429, des Portugais dès 1430, des
Suisses dès 1441, des Danois dès 1444, des Espa-
gnols dès 1445, des Livoniens dès 1447, des An-
glais dès 1449. Le nombre des « scholares anglici »
se décompose comme suit : sept du diocèse d'Aber-
deen, cinq du diocèse de Brechin, deux du diocèse
de Caitness, un des diocèses de Dumblane, Dunk-
feld, Edimbourg, cinq du diocèse de Glasgow, neuf
de celui de Moray, un de Norwich, quatre de Ross,
dix-huit de St Andrews, un d'York. Les Écossais
sont donc les plus nombreux.
1. Mgr de Ram, Considérations sur l'histoire de l' Université
de Louvain, p. 338.
L'HUMANISME A LOUVAIN 19
CHAPITRE III
L'Humanisme à Louvain.
Pour comprendre les débuts de l'Humanisme
à Louvain, nous devons insister sur l'exis-
tence fort ancienne d'une chaire spéciale de
rhétorique et d'éloquence, qui appartint en propre à
la faculté des arts. Cette chaire fut créée en 1443, en
même temps que la chaire de philosophie morale ou
d'éthique, avec l'autorisation du Pape Eugène IV.
On a conservé le nom de la plupart des titulaires
de cette chaire jusqu'à la fin du xve siècle et on
a des preuves de l'intérêt qui s'attachait à leur
enseignement au sein de l'université. On peut donc
croire à l'existence d'études littéraires qui complé-
taient les études de grammaire, accomplies par les
jeunes gens admis à suivre les cours de philoso-
phie à la faculté des arts.
Le professeur qui les dirigeait était appelé pro-
fesseur d'éloquence ou rhéteur : rhetor publions,
rhetor Lovaniensis, rhetor academicus. La faculté
des arts, dont on avait vu accroître le nombre des
collèges, devint de plus en plus le foyer des tra-
vaux préparatoires qui devaient conduire à la
connaissance mûrie de la langue latine et à la lecture
de nombreux auteurs. La pédagogie où l'on s'occu-
pait davantage de la langue et des lettres fut la
« pédagogie du Lis », le Lilium, datant de 1437.
Son fondateur, Carolus Virulus ou Manneken,
s'occupa lui-même des méthodes d'enseignement,
et se piqua de donner une nouvelle direction aux
20 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
études de grammaire. Le célèbre Vives a relevé
le mérite des efforts de Virulus, dans son traité
De tradendis disciplinis.
L'imprimerie, qui allait contribuer si puissam-
ment à répandre les études, vint bientôt apporter
son appui aux amis des lettres à Louvain. Une
première tentative des disciples de Gérard Groote,
des « Frères de la Vie commune », pour monter une
presse à Louvain, échoua devant les frais qu'occa-
sionna l'entreprise. Mais bientôt, en 1473, l'uni-
versité eut à son service Jean de Westphalie, un
imprimeur destiné à acquérir une grande renom-
mée. Des premiers livres qu'il édita, plusieurs ser-
virent à répandre des textes classiques : les Satires
de Juvénal et de Perse, des traités de Cicéron, les
Buccoliques et les Géorgiqucs de Virgile, VÉneïde, les
Facetiae de Poggio, etc. Dès 1488, Jean de West-
phalie imprime en caractères hébraïques les cita-
tions de l'Ancien Testament dans YEftistola apolo-
getica de Paul de Middelbourg. D'autres impri-
meurs s'établissent bientôt à Louvain : Jean
Veldeneer, Conrad Bracm, Conrad de Westphalie,
Rodolphe Loeffs de Driel, Gilles van der Heer-
straeten, Louis de Ravescot, Herman de Nassau.
Tous ces « typographes » profitent du premier
souffle de renouveau qui agite le monde des lettres
et lancent dans le public, à côté de livres destinés
à l'enseignement de la théologie ou du droit, des
textes classiques ou des productions des premiers
humanistes italiens. Au début du xvie siècle, le
célèbre Thierry Martens, d'Alost, allait supplanter
tous ses compétiteurs.
L'HUMANISME A LOUVAIN 21
En même temps que les « typographes », les
libraires se multiplient, à tel point que bientôt
l'université refuse d'en admettre de nouveaux. Dès
cette époque aussi nous voyons des maîtres es arts,
après avoir donné pendant quelque temps des
leçons à l'Aima Mater, ou après avoir été précep-
teurs de quelque jeune noble attiré dans la cité
brabançonne, s'établir successivement dans diffé-
rentes villes comme ludimagistri ; partout où ils
arrivent ils apportent l'amour des belles-lettres et,
pour que leur zèle ne s'éteigne pas, leurs anciens
maîtres, collègues ou amis, Barlandus, Dorpius ou
Érasme, ne cessent de leur envoyer des conseils, de
leur dédier des ouvrages, de leur donner des encou-
ragements.
Le cours d'éloquence était alors donné par Jean
Paludanus, qui, en novembre 1540, se vit aussi
nommer professeur de « poésie ». Il fut l'ami intime
d'Érasme qui, pendant plusieurs années, usa de
son hospitalité, et ne laissa passer aucune occasion
de lui décerner les éloges les plus flatteurs.
Je viens d'écrire un nom illustre entre tous, celui
d'Érasme de Rotterdam. C'est en lui qu'allaient
s'incarner les aspirations scientifiques de l'époque.
Formé par les « Frères de la Vie commune », il
avait étudié à Paris, il avait visité Orléans, Oxford
et Londres, il était en correspondance avec les
savants les plus illustres, il avait déjà publié
quelques ouvrages et par ses Adagia, imprimés
pour la première fois à Paris en 1500, il avait fait
connaître la sagesse antique. Érasme arriva à
Louvain en 1502, mais il ne comptait pas rester
22 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
dans le Brabant. La peste l'avait chassé de France.
Pendant plusieurs années encore il parcourra
l'Europe. Au mois de juillet 1517, il revient à Lou-
vain : il se fait immatriculer le 30 août. En ce
moment, les meilleures relations existent entre lui
et les théologiens. Il n'en sera plus de même
lorsque la révolte de Luther contre l'Église aura
semé la discorde dans l'Occident catholique.
Une œuvre à laquelle le nom d'Érasme est inti-
mement mêlé et dans laquelle se concrétise l'in-
fluence que l'Humanisme avait su acquérir à Lou-
vain, c'est le collège de Busleiden ou le Collège des
Trois Langues. Le 27 août 1517 mourut à Bordeaux
le grand mécène que fut Jérôme Busleiden. Vou-
lant après sa mort continuer ses largesses aux
hommes d'études, il avait légué une partie notable
de ses biens pour fonder à Louvain, soit au collège
d'Arras, soit au collège de Saint-Donat, un collegium
auquel il attribua treize bourses, destinées à entre-
tenir des élèves qui s'appliqueraient à la connais-
sance du latin, du grec et de l'hébreu, et à payer
des professeurs aptes à enseigner ces trois « langues
savantes ». Mais l'exécution de ce projet rencontra
de grandes difficultés. Comme les revenus sem-
blaient insuffisants, les deux collèges refusèrent
la donation. Grâce aux instances d'Érasme, on
résolut de construire un nouveau collège, le Colle-
gium Trilingue ou de Busleiden.
Il faut bien reconnaître que la nouvelle institu-
tion ne fut pas établie sans opposition et sans lutte
au sein de l'Aima Mater. Elle avait pour adver-
saires les partisans de la routine, les prôneurs
L'HUMANISME A LOUVAIN 23
ignorants du passé, toute une foule dominée par
les préjugés d'éducation et d'école. Une certaine
inquiétude, une certaine méfiance se montrait
aussi chez la plupart des membres de la faculté
de théologie, qu'en ce temps de réforme, de bruit
et d'exaltation, tout changement, toute nouveauté
trouvaient peu sympathiques. La plupart d'entre
eux gardaient un silence peu encourageant, tandis
que d'autres attaquaient, même violemment, la
nouvelle institution. Les démonstrations hostiles
ne manquèrent point. La jeunesse universitaire
s'amusait à crier en mauvais latin, faisant allusion
à l'emplacement du nouveau collège : « Non loqui-
mur latinum de Foro Piscium, sed loquimur latinum
matris nostrae facultatis x. » L'intervention d'Adrien
d'Utrecht, qui était déjà cardinal en ce moment,
mit provisoirement fin à cette cabale.
Malgré l'hostilité qu'il rencontra au début, le
collège des Trois Langues exerça l'influence la plus
salutaire sur le progrès des lettres en Belgique. Ce
collège, le premier établissement de ce genre et qui
servit de modèle à d'autres nations 2, était consacré
non seulement à l'enseignement des trois « langues
savantes », mais encore à la critique littéraire, qui
forme, avec la polémique, le caractère distinctif
des occupations intellectuelles du xvie siècle. L'his-
toire de la vie et des travaux des professeurs de
ce collège est, en quelque sorte, l'histoire d'Érasme
lui-même, comme aussi celle des humanistes les
i. « Nous ne parlons pas le latin du Marché aux Poissons,
mais bien celui de notre mère la Faculté (des Arts) . »
2. Il servit de modèle au Collège de France.
24 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
plus célèbres qui continuèrent son école. Les noms
des professeurs pour la langue latine Hadrianus
Barlandus, Conrad Goclenius, Petrus Nannius,
Juste Lipse, Erycius Putanus, Nicolas Vernulaeus ;
des professeurs pour la langue grecque Rutger
Rescius, Adrien Amerot, Thierry de Langhe,
Gérard de Coursèle, Henri Zoesius, Pierre Stock-
mans; des professeurs de langue hébraïque Mat-
thaeus Adrianus, l'Anglais Robert Wackefield,
l'Anglais Robert Shirwood, Joannes Campensis,
André Gennep, Valerius Andréas, sont cités avec
éloges par les historiens de la Renaissance et de la
critique littéraire.
L'historien de la Renaissance, Henri Hallam, dit
à ce propos : « Cet établissement produisit une
foule d'hommes distingués par leur érudition et
leurs talents ; Louvain, au moyen de son Collegium
Trilingue, s'élevant à un rang plus éminent encore
que celui qu'avait occupé De venter au xve siècle,
devint non seulement le foyer principal des con-
naissances littéraires en Belgique, mais aussi un
centre d'où elles se répandirent en différentes
parties de l'Allemagne. »
CHAPITRE IV
Grandeur et décadence ; le XVIe siècle.
Dans le premier quart du xvie siècle, l'univer-
sité de Louvain avait acquis une célébrité
mondiale. Nombreux sont les témoignages
d'admirateurs enthousiastes, et Valerius Andréas,
dans ses F asti Academici, en a relevé quelques-uns.
GRANDEUR ET DÉCADENCE 25
Qu'il s'agisse de Martin Dorpius, d'Adrianus Bar-
landus, de Zenocarus, bibliothécaire de Charles-
Quint, d'Érasme lui-même, tous sont d'accord pour
dire que Louvain ne le cède en rien à la célèbre
université de Paris: c'est à peine si Paris l'emporte
pour le nombre des étudiants. Écoutez ces passages
des lettres d'Érasme: «L'université de Louvain ne
le cède à aucune université pour le nombre des étu-
diants, excepté Paris. Les étudiants se chiffrent à
environ trois mille, et journellement il en afflue
de nouveaux » (1521). « Nulle part l'on n'étudie
d'une façon plus heureuse, ni avec plus de quié-
tude... Nulle part l'on ne trouve un plus grand
nombre de professeurs bien préparés à leur tâche »
(1521). En 1524 le grand humaniste écrit de Baie
à Giovanni Matteo Giberti, dataire de Clément VII :
« L'université de Louvain est un ornement unique
de cette partie de l'empire, florissant en tous genres
d'études, au point d'égaler Paris. Et il n'y en a pas
qui soit moins infectée de luthéranisme. »
Cette dernière phrase nous rappelle le rôle joué
par Y Aima Mater et particulièrement par la faculté
de théologie dans la lutte contre Luther. Nous
avons déjà dit que la critique et la controverse for-
ment le caractère distinctif de la vie scientifique
du xvie siècle. Nous avons vu comment Louvain
se distingua dans la critique par le collège des
Trois Langues ; il nous reste à indiquer en quelques
mots comment l'université brilla dans la contro-
verse à l'origine du protestantisme. Lorsque, en
15 19, les écrits de Luther arrivèrent à Louvain,
l'université prit immédiatement des mesures pour
26 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
qu'ils ne fussent point vendus dans la ville. Après
examen des livres dans les réunions de la faculté
de théologie, celle-ci estima qu'une condamnation
officielle s'imposait. Les Lovanienses croyaient
cependant utile de s'entendre avec leurs collègues
de Cologne pour entamer la lutte contre ces doc-
trines subversives. Ils envoyèrent un bachelier
en théologie remettre les Conclusiones nonaginta
de Luther à la faculté rhénane, avec prière de les
censurer. La réponse ne se fit pas attendre. Un
envoyé de la faculté de Cologne apporta à Louvain
la condamnation prononcée contre les écrits du
moine de Wittemberg par l'université allemande.
Le 7 novembre 15 19 marque une date mémo-
rable dans l'histoire de la faculté de théologie. Le
matin, entre neuf et dix heures, la faculté, réunie
dans la salle inférieure du chapitre à Saint-
Pierre, condamne plusieurs propositions extraites
du livre de Luther qu'on a entre les mains. Pas une
concession n'est faite au novateur; toutes ses idées
fondamentales — qui ne formaient pas encore un
système coordonné — sont rejetées; on s'en tient
à l'enseignement traditionnel de l'Église catho-
lique, sans réserve aucune. Au mois de février 1520,
Thierry Martens imprima les censures de Louvain
et de Cologne. C'était la première condamnation
de Luther portée par un corps constitué.
Bientôt, au milieu de l'été, le pape Léon X lance
la bulle Exsurge condamnant Luther; et Charles-
Quint, dans les derniers jours de septembre, fait
édicter pour les Pays-Bas un placard ordonnant,
conformément aux prescriptions papales, de con-
GRANDEUR ET DÉCADENCE 27
fisquer les livres de Luther et de les brûler. Le
nonce Aléandre vint apporter la bulle de Léon X à
l'université : le 7 octobre elle fut communiquée
au peuple de Louvain. Le 8 octobre, sur la grand'-
place de la ville, en présence des bourgmestres
et de beaucoup de membres de la suite de l'empe-
reur, le bourreau brûla plus de quatre-vingts livres
et plusieurs pamphlets de Luther.
Désormais, l'attitude prise par l'université de
Louvain vis-à-vis des doctrines nouvelles était
claire : par la parole et par la plume, elle attaquera,
partout et en toutes circonstances, les ennemis de
l'ancienne religion.
La lutte de l'université contre Luther avait
marché de pair avec la lutte de la faculté de théo-
logie contre Érasme. Celui-ci avait eu une très
fausse position pendant la lutte contre le novateur :
les humanistes favorables à Luther, Mélanchton
surtout, voyant l'appui que le grand savant pou-
vait apporter à la cause de leur maître, ne négligent
aucun moyen de rapprocher Érasme et Luther.
Devant le public, l'humaniste veut garder la neu-
tralité la plus stricte; cependant, fréquemment
des appréciations favorables et flatteuses pour le
révolté lui échappent. Mais bientôt l'obstination
et la violence de Luther d'une part, et les mesures
sévères édictées contre lui à Worms d'autre part,
firent crouler par la base le système de réconcilia-
tion imaginé par Érasme. Ce dernier ne peut se
résigner à abandonner cette chimère. Il ne suivra
pas Luther, mais il essayera de garder une neutra-
lité devenue impossible. Sollicité par les protes-
28 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
tants à prendre le parti de leur maître, pressé par
les théologiens pour qu'il écrive en faveur de
l'Église, il veut gagner du temps, contenter tout
le monde à la fois.
Dès lors les théologiens de Louvain l'attaquent
violemment : il leur répond par des sarcasmes et
des traits acérés de sa redoutable plume. C'est
dans ces conditions qu'il quitte Louvain pour
Bâle en 1521, emportant un souvenir très désa-
gréable de l'université et, en particulier, de la
faculté de théologie. L'on ajoutera d'autant plus de
poids au jugement qu'il a porté sur les membres
de cette faculté dans un moment où la passion ne
l' égarait pas : « Je trouve que les théologiens de
Louvain sont honnêtes et humains... Ils n'ont pas
moins d'érudition théologique que ceux de Paris,
mais ils sont moins sophistes que ceux de cette
dernière ville. »
En ce moment, le bon renom de l'université
de Louvain avait atteint son apogée. Les apprécia-
tions défavorables portées sur elle sont inspirées
par des considérations d'ordre philosophique ou
religieux qui n'ont rien à voir avec la sérénité
objective de la science. Pour l'enseignement des
lettres, Louvain rivalise au XVIe siècle avec les
académies les plus célèbres du monde et dépasse
de loin les écoles d'Outre-Rhin. Pour la théolo-
gie, cette époque ouvre une ère de splendeur
exceptionnelle. Ce siècle d'ardentes polémiques
religieuses vit briller en Belgique, dans tous les
domaines de la science sacrée, des savants de
premier ordre : apologétique, dogmatique, mo-
GRANDEUR ET DÉCADENCE 29
raie, exégèse, tout resplendit d'un éclat merveil-
leux.
Hélas ! les luttes fratricides qui allaient lancer
les uns contre les autres catholiques et réformés
des Pays-Bas et la révolution politico-religieuse
contre l'Espagne amenèrent peu à peu la déca-
dence de l'université. Avant d'esquisser les étapes
de cette décadence, il nous reste à signaler quel-
ques faits qui ne sont pas sans importance dans
l'histoire de la ville et de 1' « Académie » de Louvain.
Vers 1525, les habitants de la ville de Tournai
essayèrent de fonde'r une nouvelle université.
Louvain s'y opposa immédiatement, implorant le
secours du magistrat et de la gouvernante des
Pays-Bas, Marguerite d'Autriche. Lorsqu'on leur
demanda des explications, les Tournaisiens allé-
guèrent qu'il n'entrait pas dans leurs intentions
d'ériger une nouvelle université, mais bien quel-
ques cours pour ceux qui désireraient s'instruire
en français. Ils offraient d'ailleurs d'entrer en
relation avec les autorités académiques de Lou-
vain pour arriver à une entente. Mais les Louva-
nistes ne voulurent rien entendre et rirent inter-
venir le grand conseil de Malines. Celui-ci obligea en
1530 les Tournaisiens à abandonner leurs efforts.
Une tentative analogue fut faite par les habi-
tants de Douai en 1532. Eux aussi firent valoir
qu'il serait utile de fonder une université dans une
ville de langue française. De nouveau les Louva-
nistes protestèrent avec tant de véhémence que
Charles-Quint n'osa pas accéder au désir des Douai-
siens. Ne se donnant pas pour battus, les habitants
30 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
de Douai essayèrent d'obtenir gain de cause chez
son successeur, Philippe II. Celui-ci se laissa ga-
gner à leur idée, non pas pour des motifs d'ordre
linguistique, mais pour des raisons de prosély-
tisme catholique. Le roi d'Espagne, champion du
catholicisme en Europe, voulait porter un coup
mortel à une université de langue française qui
était en ce moment la citadelle du calvinisme :
Genève. En fondant Douai, il croyait tuer Genève
ou du moins empêcher ses sujets des Pays-Bas de
visiter cette dernière ville, au grand danger de leurs
convictions religieuses. Aussi, malgré les efforts
désespérés que fit Louvain pour empêcher la fon-
dation de sa concurrente, Philippe II tint bon :
Douai fut fondée en 1562.
En 1542, la ville et l'université de Louvain
échappèrent à un grand danger. Cette année, un
chef de mercenaires connu pour sa férocité, Martin
van Rossum, se présenta devant Louvain avec
une troupe de soldats gueldrois et français-1. Sur
le parcours de cette troupe, Anvers et Malines
avaient déjà été terriblement ravagées. Van Ros-
sum exigea la reddition de Louvain. Comme le
magistrat refusait de payer la contribution de
•guerre qu'on demandait, le chef des mercenaires
fit bombarder la ville. Le magistrat envoya alors
des parlementaires pour tâcher de sauver la situa-
tion. Pendant qu'on parlementait, un grand nom-
bre d'étudiants, surexcités, se précipitèrent à
l'improviste sur les assiégeants, et avec une telle
fougue, qu'ils mirent van Rossum en fuite. Admi-
1 . Charles-Quint était alors en guerre avec la Gueldre.
GRANDEUR ET DÉCADENCE 31
rant ce fait d'armes, la gouvernante Marie de Hon-
grie envoya le président du Conseil privé féliciter
et remercier les Louvanistes de leur conduite. Le
magistrat et l'université commémorèrent ce siège
par une procession solennelle et une messe d'actions
de grâces. Cette procession eut désormais lieu tous
les ans, jusqu'en 1635.
L'université prit aussi une part considérable au
célèbre concile de Trente, qui consacra les efforts
faits par les papes pour arrêter les progrès de
l'hérésie et pour promouvoir la contre-réforme
catholique. En 1551, les délégués de l'université
Ruald Tapper, doyen de Saint-Pierre, les profes-
seurs de théologie Jean van Hasselt et Josse Tile-
tanus, le professeur de droit Bernaerts, partirent
pour représenter Y Aima Mater au sein du concile
et prendre part à ses travaux. En 1562 Philippe II
envoya à Trente les professeurs Michel de Bay,
Jean Hessels et Corneille Jansenius.
La publication des décrets du concile à l'uni-
versité de Louvain se fit en grande pompe en 1565.
Après que le secrétaire eut donné lecture du décret
de publication, le recteur, tête découverte, devant
tous les professeurs, lut, en conformité des déci-
sions prises, la profession de foi exigée par Pie IV.
Chaque professeur en particulier, à l'appel de son
nom, dut venir prêter le serment de rejeter les
erreurs de Luther et du luthéranisme.
L'Aima Mater de Louvain continuait donc à se
montrer absolument dévouée au Saint-Siège. De
plus, comme il fallait s'y attendre, elle resta fidèle
au roi d'Espagne, Philippe II, son prince naturel, et
32 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
n'épousa point la cause de Guillaume d'Orange et
de la révolution. Mais ce loyalisme religieux et
politique ne lui enleva point son indépendance et
ne la poussa point à abdiquer sa dignité devant
le despotisme espagnol.
_ Ainsi, pour citer quelques exemples, un théolo-
gien de Louvain, le célèbre Sonnius, s'épuisa en
efforts pour adoucir la sévérité terrible des pla-
cards édictés contre les réformés. Pour mettre un
terme à de longues et sanglantes divisions, l'uni-
versité se prononça en faveur de la « Pacification
de Gand », qui consacrait la paix de religion.
Sous l'impitoyale duc d'Albe des membres de
l'université de Louvain osèrent prendre la défense
des victimes que réclamait le bourreau.
L'ancien président du collège des Trois Langues,
Nicolas a Castro, devenu évêque de Middelbourg,
s'opposa, dans l'intérêt de ses diocésains, à l'odieux
impôt du 10e denier. Lorsque le comte d'Egmont,
victime de sa naïveté, de sa franchise et de son
imprudence, fut condamné à être décapité, un
autre professeur de Louvain, Martin Rythove,
devenu peu après évêque d'Ypres, fit des efforts
énergiques pour fléchir l'Espagnol. L'université
tout entière bondit d'indignation lorsque, au mois
d'avril 1568, le duc d'Albe fit arrêter à Louvain et
conduire en Espagne Philippe- Guillaume de Nas-
sau, comte de Buren, fils du Taciturne, âgé de
12 ans, qui était étudiant à Louvain. L'Aima
Mater protesta hautement contre la violation
brutale de ses privilèges. Mais en l'absence du duc
d'Albe, un subordonné digne de son maître,
GRANDEUR ET DÉCADENCE 33
Vargas, se contenta de répondre dans un latin
dont la barbarie est passée en proverbe : Non
curamus ftrivilegios vestros. Réponse qui caractérise
admirablement l'arbitraire de la domination espa-
gnole en ce moment !
Si la Belgique fut enfin délivrée du terrible duc
d'Albe, c'est en grande partie à l'influence des
professeurs de théologie de Louvain qu'elle le dut.
La faculté réunie en assemblée générale et après
avoir promis de garder le secret, sous la foi du
serment, écrivit une lettre confidentielle au roi pour
lui exposer l'état malheureux du pays et pour solli-
citer le rappel du brutal gouverneur K
Le départ du duc d'Albe ne mit pas fin à la misère
de Louvain : les calamités allaient s'abattre sans
cesse sur la malheureuse ville. Sous l'influence de
l'université, la ville de Louvain, contrairement à
l'attitude adoptée par la plupart des autres villes
du Brabant, était demeurée fidèle à Philippe IL
Elle fut dès lors constamment exposée aux attaques
des « gueux » et des partisans du prince d'Orange.
Déjà en 1566, lors des excès des iconoclastes,
qui pénétraient partout dans les églises pour les
profaner et briser les images des saints, les étu-
diants et les bourgeois de Louvain furent obligés,
pendant plusieurs mois, de faire la garde sur les
remparts, nuit et jour, pour éviter un coup de main
de la part de ces bandes de pillards.
En 1572, le prince d'Orange en personne vint
mettre le siège devant la ville de Louvain.
En proie à la terreur, on promena par les rues
l. Cette lettre est conservée à Londres, au British Muséum.
34 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
.de la ville le « Saint-Sacrement de miracle » et une
foule de femmes suivirent pieds nus la procession
pour implorer le secours du Ciel. Le magistrat finit
par traiter avec le prince et échappa au pillage
en livrant passage aux troupes qui accompagnaient
le Taciturne. Le duc d'Albe, furieux d'apprendre
qu'on avait traité avec les rebelles, menaça la
ville de représailles terribles; les supplications des
Louvanistes émurent Philippe II, qui finit par leur
pardonner.
Toutes ces calamités conduisirent l'université à la
ruine. Les étudiants, craignant pour leur vie et pour
leurs biens, quittèrent en masse la ville. Plusieurs
professeurs suivirent cet exemple. Les auditoires
et les pédagogies se fermèrent les uns après les
autres. Cette émigration fut accélérée par le danger
croissant. En 1582, la ville eut à repousser une
attaque des Français, conduits par le duc d'Alen-
çon; l'année suivante c'est un lieutenant du prince
d'Orange, van den Tympel, qui essaie de se rendre
maître des portes. Entretemps une grave inonda-
tion et la peste (1572-1573) étaient venues s'ajou-
ter à tout ce cortège de malheurs. L'on aura une
idée de la situation misérable dans laquelle se
trouvait l'université, en constatant que, en 1574,
le professeur de théologie Nicolas Curtius fut
chargé par la ville, qui lui paya neuf livres à cet
effet, de composer un opuscule de propagande sur
Louvain. C'est une élégie exhaltant l'ancienne
splendeur de l'université, et destinée à rappeler les
étudiants « que la terreur et la fuite ont dispersés ».
Cet exode de Louvain n'avait pas été causé
GRANDEUR ET DÉCADENCE 35
seulement par les dangers fréquents et répétés
qui menaçaient la ville de l'extérieur, mais aussi
par des troubles intérieurs. Depuis 1578 une gar-
nison royale occupait la cité : elle était composée
de soldats wallons, allemands, italiens et bourgui-
gnons 1. Destinée à protéger Louvain contre les
attaques des « Orangistes », la garnison, comme
dans toutes les villes de la Belgique où se trouvaient
des soldats de Philippe II, ne fit que terroriser,
pressurer et piller les habitants. Dans une de ses
lettres, l'université dit qu'elle regarde les soldats
à loger comme des ennemis, qui sont à craindre
autant que les adversaires du dehors. Les soldats
allemands, surtout, se montraient d'une rapacité
et d'une brutalité révoltante. Sous prétexte que
leur solde ne leur était pas payée à temps, ils
soumettaient la ville et l'université à des contribu-
tions de guerre exagérées. Un soir ils allèrent même
jusqu'à assiéger la maison du recteur, menaçant
de le tuer et de piller ses biens. En rue, ils accos-
taient les bourgeois, leur enlevaient leur argent et
leurs habits, et molestaient les femmes. Plus
d'une fois ils sortirent de la ville pour aller ran-
çonner les paysans des environs : après avoir volé
leurs victimes, ils finissaient quelquefois par les
tuer, pour faire disparaître les témoins de leur
crime. Gagnés parleur exemple, les soldats italiens
1 . Les détails qui suivent sont empruntés à la correspondance
de l'Université, contenue dans le manuscrit n° 905 de la Biblio-
thèque de l'université de Louvain. Ce manuscrit, que j'avais
chez moi en consultation, échappa, grâce à cette circonstance, à
la destruction de la Bibliothèque. C'est un registre du xvie-
xvne siècle.
36 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
et wallons se mirent aussi en révolte ouverte.
Les excès de ces mercenaires à l'intérieur de la
ville contribuèrent peut-être plus que les attaques
de l'ennemi à terroriser les étudiants, à les faire
émigrer et à conduire l'université tout droit à la
ruine. En 1580, le pape Grégoire XIII, informé par
le jésuite Toledo — qui avait été envoyé à Lou-
vain pour l'affaire du Bayanisme — de la situation
lamentable où se trouvait l'institution, lui envova
une somme de 2,000 écus d'or. « Vous pourrez, dit
le pape dans le bref qui accompagne ce don, vous
partager entre vous 1,000 écus, et employer l'autre
moitié à éteindre les dettes de l'université. Si
1000 écus sont insuffisants pour vos besoins person-
• nels, partagez toute la somme entre les professeurs.»
Ce don pontifical était loin d'être suffisant pour
sauver Y Aima Mater. Aussi, celle-ci adressa-t-elle
des appels de secours répétés à Philippe II. Mais
le roi était trop absorbé en ce moment par les pré-
paratifs de son expédition contre" Elisabeth d'An-
gleterre, et son lieutenant Alexandre Farnèse,
gouverneur des Pays-Bas, ne put qu'envoyer de
belles promesses au magistrat et aux professeurs
de Louvain. Lui aussi avait à s'occuper d'entre-
prises plus importantes : il préparait en ce moment
le siège d'Anvers (1585).
Abandonnée à elle-même, l'université déclina
de plus en plus. Ses" dirigeants durent pousser
un soupir de soulagement lorsqu'ils virent partir,
en 1585, la garnison royale. Mais de nouveaux
ennuis, a.uxquehTYAImar Mater ne s'attendait pas
en ce moment, allaient surgir. Elle eut à défendre
GRANDEUR ET DÉCADENCE 37
un de ses principaux privilèges contre les Jésuites.
Déjà, en 1566, le provincial des Jésuites et le rec-
teur du collège que la compagnie possédait à Lou-
vain avaient montré à la faculté de théologie un
privilège apostolique, permettant aux Jésuites de
créer leurs étudiants bacheliers, licenciés et maî-
tres, au cas où les universités ne les accepteraient
pas gratis. La faculté répondit que les Jésuites
pouvaient en effet accorder librement des grades
à leurs élèves, mais que, s'ils voulaient suivre les
études et la durée de celles-ci à l'université, ils
étaient obligés de payer comme tout le monde.
La question en resta là pour le moment.
En 1583, les Jésuites recommencèrent leurs ten-
tatives et envoyèrent une pétition au conseil de
Brabant, demandant de pouvoir enseigner publi-
quement la philosophie et la théologie. Le conseil
de Brabant adressa la requête aux facultés des
arts et de théologie, avec prière de l'examiner et de
communiquer leurs observations. Pour ce qui con-
cerne la faculté de théologie, elle rejeta catégori-
quement la demande des Jésuites, comme contraire
aux privilèges de l'université : «Il ne faut pas, disait-
elle, qu'à Louvain on érige chaire contre chaire et
que dans l'enceinte d'une même ville il y ait deux
universités, l'une qui fut jusqu'ici célèbre dans
tout l'univers et qui obéit au recteur; l'autre, une
nouvelle, composée d'un seul collège et soustraite
à toute influence du recteur et des facultés. »
Pour ce qui concernait les prétentions des Jé-
suites à l'enseignement public de la philosophie, la
faculté des arts s'y opposa énergiquement. Elle
38 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
fit valoir « qu'il y avait déjà quatre pédagogies où
l'on enseignait la philosophie. Il était inutile d'en
créer une cinquième. Les étudiants de Louvain,
apprenant que les Jésuites enseignent gratis,
quitteront les pédagogies, qui ont déjà demandé
tant d'entretien. Si les Jésuites accordent à leur
tour des grades et les multiplient, ceux de la faculté
des arts n'auront plus de valeur». A cette protesta-
tion de l'université il n'y eut rien à répondre : les
Jésuites se tinrent tranquilles.
Mais en 1594, ils trouvèrent un allié dans le
nouvel évêque d'Anvers, Laevinus Torrentius,
qui s'était montré en toute occasion un protecteur
de la Compagnie. Se sentant assez forts en ce
moment, ils tentèrent une fois de plus d'obtenir
l'érection d'un collège de théologie et de philoso-
phie. Il y eut un échange de lettres peu aimables
entre Torrentius et l'université. Cette dernière
n'hésita pas à faire observer que « entre d'autres
privilèges, l'université possède celui de pouvoir
empêcher tout le monde d'enseigner publiquement
la philosophie, en dehors des pédagogies et des
écoles de la faculté; que ce privilège a été jusqu'ici
toujours conservé inviolablement et que ceux
qui ont essayé de s'y opposer ont toujours été
immédiatement mis à la raison; qu'on ne peut
permettre aux Jésuites d'ouvrir à tous sans dis-
tinction une école publique de philosophie et de
troubler la faculté des arts dans la possession de
son privilège ».
Cependant les Jésuites ne se tinrent pas pour
battus : ils s'adressèrent au Conseil privé, où l'uni-
GRANDEUR ET DÉCADENCE 39
versité comptait beaucoup d'ennemis et obtinrent
partiellement gain de cause. Alors, voyant que
l'affaire prenait une tournure défavorable, l'uni-
versité s'adressa directement au Saint-Siège. Le
pape Clément VIII le prit de très haut : le 22 sep-
tembre 1595, il envoya aux abbés de Sainte-Ger-
trude et de Parc, conservateurs des privilèges apos-
coliques de l'université, un bref leur ordonnant en
son nom de forcer les Jésuites de s'abstenir, immé-
diatement et sans délai, d'enseigner publiquement
la logique et la physique dans leurs écoles. Ils
devaient s'en abstenir jusqu'au moment où le
pape, à qui revenait l'examen de la question, aurait
pris une décision équitable. De plus, par un bref
du 16 mars 1596, le général des Jésuites, Claudio
Aquaviva, fut sommé par Clément VIII de forcer
les Pères de Louvain à la « sainte obéissance »,
sous peine de les excommunier. Il ne restait aux
Jésuites qu'à s'incliner : c'est ce qu'ils firent le
10 avril suivant.
Ils essayèrent, il est vrai, de recommencer à
Liège en 1613, et à Louvain même en 1624 et
en 1625, tendant toujours à pouvoir créer une
école publique de philosophie, avec l'autorisation
de conférer des grades, sans passer par l'université.
Toutefois, ils ne réussirent point dans leur tenta-
tive. L'université de Louvain l'emporta facilement
dans la lutte pour ses privilèges.
Cependant elle avait ressenti le contre-coup de
la longue agitation du xvie siècle. Il s'était glissé
dans l'institution des abus qu'il fallait redresser.
L'administration des dotations et des fondations
40 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
académiques avait été désorganisée; la position
des professeurs se trouvait amoindrie au point de
vue scientifique et pécuniaire et, surtout, il était
devenu nécessaire d'imprimer à l'enseignement des
sciences sacrées et profanes une direction plus
régulière et plus forte.
CHAPITRE V
La restauration; la visite de 1617.
L'Université au XVIIme siècle.
Cette nouvelle direction devait venir de deux
princes, dont la Belgique a conservé le sou-
venir reconnaissant, les archiducs Albert et
Isabelle. Ce furent eux qui s'attachèrent à relever
l'enseignement de Louvain. Ils furent pour l'uni-
versité toujours pleins de sollicitude, mais d'une
sollicitude plutôt rigoureuse. La sévérité de la
a visite » ou inspection de l'université en 1607-1617
éclate dans chaque point du règlement qui fut alors
élaboré, mais elle rendit à l'institution une régula-
rité de travail que les malheurs publics avaient
compromise.
Nous devons donc consacrer quelques mots à la
fameuse visite ou inspection officielle de 1617. Dans
l'histoire des universités d'origine médiévale, le
Pape et le souverain temporel, qui ont collaboré
pour la fondation de l'école, unissent toujours leurs
efforts lorsque les grands intérêts de l'institution
semblent exiger l'intervention de leur autorité.
Une visite ou inspection officielle de l'université
de Louvain avait déjà été tentée par le duc de
L'UNIVERSITÉ AU XVII* SIÈCLE 41
Bourgogne, Charles le Téméraire, en 1476. Elle
porte le cachet d'autocratie souveraine qui carac-
térise tous les actes de ce guerrier entêté. La mort
subite du prince, tué devant Nancy en 1477,
arrêta l'exécution des mesures prescrites. Cette
visite n'exerça donc aucune influence sur le déve-
loppement de l'institution.
Il n'en est pas de même de la visite de 1607-
1617. En 1607, des commissaires furent nommés
pour « visiter » ou inspecter l'université. Les archi-
ducs députèrent Jean Drusius, abbé de Parc, et
Etienne van Craesbeke, conseiller de Brabant; le
pape nomma comme son représentant le nonce
Decio Caraffa. L'autorité religieuse aussi bien que
l'autorité civile collaborèrent pour investir les
commissaires des pouvoirs qui leur étaient néces-
saires. C'est donc à tort que l'on a voulu quelquefois
représenter la « visite » comme un acte dû unique-
ment à l'autorité civile et comme une mainmise
de l'État sur l'université de Louvain. La déléga-
tion canonique du nonce date du 7 juin 1607, la
délégation civile des commissaires des archiducs
du 27 juillet de la même année. La visite affectait
l'université dans son ensemble et dans chacun de ses
membres (tam in cafiite quam in singulis membris) .
L'inspection détaillée de l'université fut com-
mencée en 1607. Entravée par la guerre avec les
Provinces-Unies, elle fut reprise en 1609. L'acte
de visite fut promulgué, le 5 septembre 1617, dans
une réunion solennelle de tous les membres de
l'Aima Mater.
Nous aurons à expliquer en détail des divers
42 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
points de cette visite, en parlant plus loin de l'orga-
nisation de l'institution. Bornons-nous à dire pour
le moment que l'ordonnance d'Albert et d'Isa-
belle devint la grande charte académique, en vertu
de laquelle se régla désormais tout ce qui regardait
la juridiction des autorités universitaires, les pri-
vilèges du corps académique, les intérêts de l'en-
seignement et ceux des collèges, les droits et les
devoirs des professeurs de toutes les facultés, la
collation des grades, la discipline et la conduite des
étudiants et des fonctionnaires. On peut dire que
ce fut « la première loi organique sur l'enseigne-
ment supérieur en Belgique ». La visite de 1617
consolida l'autorité de Louvain en lui donnant le
cachet légal.
Les conséquences de cette réforme des archi-
ducs se firent sentir immédiatement. Pendant la
période qui va s'ouvrir, l'université suivit avec
une ardeur nouvelle la marche progressive des
sciences et des lettres. La renommée de ses pro-
fesseurs, les ouvrages qu'ils ont produits et le
nombre prodigieux d'élèves accourant de toutes
les parties de l'Europe pour entendre leurs leçons
sont là pour le prouver. Juste-Lipse, une des célé-
brités de cette époque, nous affirme que le nombre
des étudiants montait à sept ou huit mille et que
parmi eux l'on rencontrait des Hollandais, des
Frisons, des Flamands, des Allemands, des Fran-
çais, des Espagnols et des Italiens.
Si, dans la première moitié du xvie siècle, c'est
la faculté de théologie qui brille d'un éclat inaccou-
tumé, en ce moment c'est avant tout la faculté de
L'UNIVERSITÉ AU XVII» SIÈCLE 43
droit qui tient la tête. Étant donné les tendances
du gouvernement d'Albert et d'Isabelle, ce fait
s'explique aisément. En effet, ce qui est spécial,
ce qui marque dans l'histoire législative de ces
princes, c'est l'œuvre juridique. Cette œuvre
n'était pas improvisée; la science et la jurispru-
dence dont elle s'inspirait l'avaient préparée.
Lorsque toutes les écoles se traînaient encore
laborieusement dans les sentiers de la routine,
Louvain put s'enorgueillir de la part que ses pro-
fesseurs prirent à la révolution qui fit changer la
science du droit, en substituant l'enseignement
théorique à la méthode obscure des glossateurs.
Lorsque le gouvernement espagnol avait interdit
la fréquentation des universités étrangères, l'en-
seignement du droit romain était déjà formé.
Là, au pied des chaires de Louvain, se préparent
les avocats, les jurisconsultes et les magistrats, ces
membres du Grand Conseil de Malines et des con-
seils de provinces qui ont élaboré l'œuvre juridique
des archiducs. Louvain fut, ici comme à d'autres
points de vue, un instrument énergique d'unité;
ses maîtres agissaient par l'enseignement, par les
publications, par leur influence scientifique, par
les consultations qu'ils rédigeaient, par leur entrée
dans les conseils judiciaires eux-mêmes.
A la suite de la visite de 1617, les diplômes de la
faculté de droit sont officiellement requis pour
l'admission aux offices de la magistrature et au
barreau.
L'influence de la faculté de droit de Louvain
prenait le caractère d'un monopole de plus en plus
44 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
impératif. Des professeurs comme Peckius aîné,
Coursèle, Tulden, Perez, Gudelin, sont des « oracles
du droit ».
Pour être moins brillant, le rôle de la faculté de
médecine n'en est pas moins digne d'attention.
Cette faculté examinait avec la plus scrupuleuse
circonspection toutes les nouvelles doctrines qui se
produisaient, les modifiait, avant de les enseigner,
en ce qu'elles pouvaient avoir de défectueux ou les
réfutait avec énergie si elles n'étaient pas basées
sur la vérité et le bon sens. C'est aux professeurs
de cette école que l'on doit la circonspection des
médecins dans le cas où il s'agissait d'établir une
théorie nouvelle. Les découvertes utiles des méde-
cins étrangers étaient d'abord soumises au creuset
de l'expérience et on les adoptait, en les modifiant
d'après la nature du climat et la position topo-
graphique du pays.
C'est à cette époque aussi que virent le jour les
deux livres qui essayèrent, pour la première fois,
de donner une histoire suivie de l'université. C'est
à l'occasion du second jubilé de Y Aima Mater, fêté
sous le rectorat de Jean de Myrica, que Nicolas
Vernulaeus composa son Academiae Lovaniensis
libri III (Louvain, 1627). C'est un tableau assez
exact et assez complet de l'organisation de Lou-
vain. Ce n'est qu'en 1635 qu'apparut une œuvre
strictement historique, les Fasti academici de
Valerius Andréas, professeur au collège des Trois
Langues et premier bibliothécaire de l'université.
L'auteur songea à donner une édition expurgée de
cet ouvrage, car la seconde édition, parue en 1650,
L'ÈRE DES PERSÉCUTIONS 45
fut mise à l'index « jusque correction ». Cette cen-
sure fut motivée par certains passages où Andréas
se montrait favorable à Bayus et à Jansenius.
L'emorescence des études à Louvain, pendant
le XVIIe siècle, fut troublée à deux reprises par
des événements guerriers, la première fois lors
du siège de la ville par les Franco-Hollandais
en 1635, la seconde fois par l'invasion des armées de
Louis XIV. En 1667, au cours de la « guerre de
dévolution », le roi de France se rendit maître de la
Flandre. Craignant de devoir soutenir un siège, la
ville de Louvain poussa activement ses travaux
de défense. On s'attendait tellement à une surprise
de la part de l'ennemi que l'université suspendit
ses cours, pour permettre aux étudiants de travail-
ler au renforcement des fortifications.
CHAPITRE VI
L'ère des persécutions ; l'Université sous
le régime autrichien.
LA première moitié du xvine siècle remplit de
tristes pages dans l'histoire de Belgique.
Néanmoins, l'université continua à remplir
honorablement sa mission pendant cette période.
Le professeur Verheyen créait alors par ses travaux
la connaissance de l'anatomie médico-chirurgi-
cale ; l'illustre Réga présidait à l'établissement d'un
jardin botanique et d'un des plus beaux amphi-
théâtres d'anatomie de l'époque; les salles de la
Faculté des arts destinées aux expériences phy-
siques et aux discussions en philosophie recevaient
46 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
des agrandissements. C'est alors que furent com-
mencées les majestueuses constructions de la
Bibliothèque et des auditoires; c'est alors aussi
que fut fondée une imprimerie académique.
Ce sont là des signes de vitalité scientifique qu'il
serait malaisé de méconnaître, mais d'autre part
on ne peut nier qu'un certain relâchement s'in-
troduit de nouveau dans le régime des études, à
partir du milieu du xvme siècle. Depuis 1750,
nous rencontrons une série de règlements, de
réformes, de prescriptions, de la part du gouver-
nement autrichien, qui semblent être un prolon-
gement continu des décrets gouvernementaux de
la visite de 1617. Lorsque, par exemple, nous
voyons en 1753 le prince Charles de Lorraine, gou-
verneur général des Pays-Bas, publier une ordon-
nance pour faire cesser le relâchement qui s'était
introduit dans les études à l'université, il est impos-
sible de ne pas se rendre à l'évidence. UAlma
Mater, malgré la résistance d'un corps jaloux
de ses privilèges, accueille d'ailleurs avec recon-
naissance les différents édits de l'impératrice
Marie-Thérèse, portés soit pour réprimer les abus
invétérés par l'âge ou produits par le malheur des
temps, soit pour établir dans l'enseignement des
améliorations réclamées par l'époque.
Il y avait donc certainement des abus à redres-
ser. Mais que dire de la lettre outrageante du comte
de Cobenzl, ministre plénipotentiaire autrichien,
qui écrit en 1765, en parlant de Louvain, qu'il n'y
voit que « des gens peu faits pour maintenir le bon
goût et entièrement livrés à la barbarie pour
L'ÈRE DES PERSÉCUTIONS 47
les sciences et à la rusticité pour les mœurs »?
Pour comprendre cette appréciation peu flat-
teuse, nous devons nous rappeler que le gouver-
nement autrichien introduisit dans les Pays-Bas
la tendance dominatrice et centralisatrice qui, non
seulement au point de vue philosophique et reli-
gieux, mais aussi au point de vue politique, abou-
tira plus tard au fébronianisme et au joséphisme.
L'omnipotence de l'État dans tous les domaines est
proclamée en principe et on essaye de l'introduire
en fait. L'enseignement supérieur n'échappe pas
à cette mainmise du pouvoir central et de plus en
plus se fait jour la tentative de convertir l'univer-
sité libre de Louvain en une université d'État ou
du moins de la soumettre à un contrôle rigoureux.
Sans s'en douter, les archiducs Albert et Isabelle,
par leur « visite » ou inspection de 1617, avaient
ouvert la voie à cette intervention de l'État. Sans
doute, la « visite » s'était faite de commun accord
par les deux pouvoirs civil et religieux. Mais les
fonctionnaires autrichiens n'admettront plus l'in-
tervention religieuse et regarderont la visite de
1617 comme un acte essentiellement civil. Ils s'en
prévaudront pour bannir toute collaboration de
l'Église dans la réforme de l'enseignement supé-
rieur.
Il leur fallait cependant des prétextes pour inter-
venir directement dans l'administration de l'uni-
versité de Louvain. Lorsqu'on veut se débarrasser
d'un chien, on le déclare enragé. C'est ce que fit
le comte de Cobenzl; pour lui, rien n'était bon à
Louvain. Avec la phraséologie creuse qui caracté-
48 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
rise tous les pontifes de V Aufklàrung, il parlera de
l'« obscurantisme », de l'« ultramontanisme gros-
sier » qui règne à Louvain et qu'il faut abattre. La
voie est toute trouvée pour livrer passage à l'admi-
nistration tracassière et ennemie des privilèges,
qui caractérise le gouvernement autrichien.
Cobenzl s'empressa de faire nommer un commis-
saire royal permanent chargé « de veiller exacte-
ment à tout ce qui pouvait intéresser la direction,
la discipline, la police et les études de l'université, à
l'effet de quoi le recteur, les doyens des facultés,
ainsi que tous les autres membres et suppôts sont
tenus de donner l'information qu'il demandera ».
Par cet édit, porté le 18 juillet 1754, le comte
Patrice de Nenny, un Irlandais, président du Con-
seil privé des Pays-Bas autrichiens, fut investi
des fonctions de commissaire royal.
C'était le premier pas en faveur des réformes que
le gouvernement méditait d'opérer en Belgique.
Nenny s'acquitta cependant de ses fonctions avec
tact et modération; on lui doit plusieurs bonnes
mesures pour la régularité et le progrès des études.
Sous le gouvernement de Joseph II, Louvain,
attaché à des principes opposés aux réformes que
l'empereur rêvait d'introduire dans ses États,
devint nécessairement l'objet des rigueurs du
gouvernement. La faiblesse de l'enseignement
académique fut le prétexte mis en avant pour
démolir peu à peu la résistance. L'on vit alors des
attaques contre l'université, comme celles de
l'auteur anonyme de la brochure, publiée à Lille
en 1783, sous le titre Recueil de quelques pièces
L'ÈRE DES PERSÉCUTIONS 49
pour servir à la continuation des Fastes académiques
de V Université de Louvain. C'est une sortie violente
contre l'« ultramontanisme le plus grossier » qui,
au dire de l'auteur, règne à la faculté de théologie,
et une défense enthousiaste des idées fébroniennes
et joséphistes.
En 1786, par un édit publié le 16 octobre,
Joseph II veut introduire des réformes plus radi-
cales dans les écoles de Louvain. Il décrète l'éta-
blissement, près de l'université, d'un séminaire
général pour les études théologiques, dont le pro-
gramme était rigoureusement tracé par le gou-
vernement.
Cette mesure provoqua une opposition énergique
du corps professoral et du clergé. Une émeute
éclata dans les rues de la ville. Rempli de colère,
l'empereur ordonna, le 17 juillet 1788, de trans-
férer à Bruxelles, « sous l'œil vigilant du gouver-
nement », les facultés de droit, de médecine et de
philosophie, et de laisser à Louvain la seule faculté
de théologie avec le séminaire général.
Cette mesure ne put porter ses fruits. Les Belges,
excédés par les tracasseries du gouvernement au-
trichien et la violation brutale de leurs privilèges,
venaient de se lever en masse. On sait le succès
de ce mouvement connu dans l'histoire sous le
nom de « Révolution brabançonne » : les Autri-
chiens furent chassés et l'on proclama l'indépen-
dance des États belgiques unis.
Le successeur de Joseph II, François II, parvint
à surmonter la crise à force de diplomatie et de
souplesse. Par un acte de 1793, il confirma à l'uni-
=50 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
versité restaurée son ancien état constitutionnel :
« L'université, établie à perpétuité dans la ville
de Louvain, est et demeurera un corps brabançon;
en conséquence, elle doit et devra être traitée en
toute chose conformément à la Joyeuse Entrée ».
CHAPITRE VII
Le régime français et la suppression de l'ancienne
Université.
EN 1794, les armées de la République fran-
çaise envahirent la Belgique et l'annexion
du territoire fut proclamée. L'université
eut beaucoup à souffrir du nouveau régime. Elle
s'opposa énergiquement à toutes les prescriptions
antireligieuses de la République. Lorsque la mu-
nicipalité de Louvain l'invita, par lettre du 16 jan-
vier 1795, à assister en corps à l'ouverture du
Temple de la Raison, elle refusa avec indignation.
D'où colère du gouvernement républicain. Le mi-
nistre de l'intérieur, Benezech, se rendit à Louvain,
le 31 janvier 1797, et fit une descente de lieu à
Y Aima Mater. Il fut reçu aux Halles universitaires
en compagnie du général Beurnonville, par le
professeur Van Gobbelschroy. Comme ce dernier
lui montrait d'abord l'auditoire de droit en disant :
« Voici l'école de droit canon », le ministre, se tour-
nant vers le général, lui dit : « C'est donc votre
école ! » « Citoyen ministre, répliqua Van Gobbel-
schroy, les canons que l'on enseigne ici sont plus
anciens que ceux du citoyen général. »
Cette visite fut l'annonce de la suppression pro-
LE RÉGIME FRANÇAIS 51
chaine de l'université. Les autorités académiques
ne s'y trompèrent point. Dans une réunion de
professeurs, Jean-François Van de Velde, un
homme d'un caractère et d'un courage magnifiques,
qui s'était déjà distingué dans la lutte contre le
gouvernement autrichien, prononça ces remar-
quables paroles, qui environnent comme d'une
auréole de gloire l'université à la veille de sa mort :
« Puisqu'il faut périr, mourons debout pour la
défense de notre sainte Foi, pour nos vieilles
mœurs, pour nos coutumes pieuses et chrétiennes !
La tombe de notre université sera du moins ornée
de cette gloire posthume qu'elle n'est pas tombée
par sa propre lâcheté, mais qu'elle a été brisée par
les coups de ses ennemis, qui sont aussi ceux de
la Foi ! »
Peu de temps après, un arrêté de l'administra-
tion centrale du département de la Dyle, daté du
4 Brumaire an iv de la République française
(25 octobre 1797), supprima purement et simple-
ment l'université de Louvain. Un autre arrêté,
du 8 novembre suivant, compléta la mesure par
la suppression de tous les collèges annexés à
l'Aima Mater.
C'était une grande et belle institution qui dispa-
raissait. Louvain avait été, en quelque sorte, le
centre et le pivot d'une communauté d'idées
nationales et patriotiques qui se forma entre les
hommes les plus influents des différentes pro-
vinces, séparées alors les unes des autres par des
institutions politiques et administratives les plus
divergentes. L'homogénéité de l'enseignement aca-
52 HISTOIRE EXTERNE DE L'UNIVERSITÉ
demi que établit un lien moral et intellectuel entre
des éléments divers, auxquels elle donna une force
de cohésion remarquable. C'est par cette action
lente , mais continue , de près de quatre siècles que
s'était formé en Belgique un esprit public et que
s'étaient conservées l'unité et la force du sentiment
national, qu'aucune domination étrangère n'est
parvenue à étouffer.
LIVRE SECOND
L'ORGANISATION INTERNE
DE L'UNIVERSITÉ
CHAPITRE PREMIER
La situation juridique de l'Université.
LA situation juridique de l'université de Lou-
vain se trouve bien définie dans un acte
publié, comme nous l'avons déjà vu, par
l'empereur François II après la Révolution bra-
bançonne. Cet acte, daté de 1793, dit : « L'uni-
versité, établie à perpétuité dans la ville de
Louvain, est et demeurera un corps brabançon;
en conséquence, elle doit être traitée en toutes
choses conformément à la Joyeuse Entrée (de
Brabant). »
L'université constituait donc ce que nous appel-
lerons une personne morale brabançonne; elle
avait le caractère d'un corps ecclésiastique et
jouissait de tous les droits constitutionnels que
possédaient les corporations du duché de Brabant.
Nous verrons bientôt de quels privilèges extraor-
dinaires elle était dotée.
La population universitaire était absolument
distincte de la bourgeoisie de Louvain. Son gou-
vernement avait avec celui de la commune des
rapports de puissance à puissance. Entre la ville
et l'université s'échangeaient des services pécu-
niaires, politiques, au besoin même militaires. S'il
54 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
s'élevait entre elles des conflits périodiques, jamais
on ne poussait les choses à l'extrême. On se sen-
tait nécessaire l'un à l'autre; toujours on s'em-
pressait de chercher un terrain de conciliation.
Il arrivait cependant que la ville ou l'autorité
princière violaient délibérément les privilèges
dont l'université se montrait si jalouse. Dans ces
moments, Y Aima Mater avait une arme toute
prête, le fameux « cessus publicus », dont elle se
servit surtout pour combattre l'intervention tra-
cassière du gouvernement autrichien.
Par « cessus publicus » il faut entendre la grève
générale des étudiants et des professeurs, la sus-
pension des cours, la fermeture des collèges et des
auditoires et l'émigration en masse de Louvain. Ce
« cessus » avait été érigé en une véritable institu-
tion, puisqu'il existe une formule officielle pour
notifier aux adversaires de l'université cette déci-
sion extrêmement grave. Voici le texte de cette
formule :
« Nous, recteur et université du Studium de
Louvain, nous notifions à tous ceux qui ces pré-
sentes lettres verront que, à cause de certains
règlements faits par et la publication
de certaines ordonnances qui s'en sont suivies, la
dite université a été gravement lésée en elle-même
et dans la personne de ses suppôts, pour ce qui
concerne les privilèges, libertés et honneur des
dits suppôts. Nous ne pouvons, sans nous exposer
au plus grand opprobre et préjudice, cacher ces
griefs ou doléances. C'est pourquoi nous ordonnons
à tous les docteurs, licenciés, bacheliers, etc., de
LA SITUATION JURIDIQUE 55
s'abstenir de tout acte d'étude ou scholastique,
soit public soit privé »
L'on aura remarqué l'expression par laquelle
débute la formule du « cessus publiais » : « Recteur
et université du Studium de Louvain. » Cette
expression nous révèle la signification primitive
des mots Universitas et Studium. Aujourd'hui, le
mot université désigne généralement une institu-
tion d'enseignement supérieur comme telle et si
l'on entend par là la collectivité des professeurs et
des étudiants, l'on y comprend aussi les bâtiments
où l'enseignement se donne. Tel n'est pas le sens
primitif du mot Universitas. Ce mot nous vient du
moyen âge et désigne avant tout l'ensemble, la
corporation des professeurs et des étudiants, à
l'exclusion des bâtiments et de l'institution d'ensei-
gnement comme tels. La formule complète est :
« Universitas magistrorum et scholarium » ou
« L'université, l'assemblée des maîtres et des étu-
diants. » Ce que nous entendons aujourd'hui par
université, l'institution d'enseignement en elle-
même, était alors désigné par le mot Studium,
Studium générale. « Université de Paris » se traduit
au moyen âge par « Studium Parisiense ». L'on
comprend donc comment il était possible d'em-
ployer l'expression « Universitas studii Lovanien-
sis », l'assemblée des maîtres et des étudiants de
l'école ou université de Louvain. En Espagne, nous
rencontrons la même formule : « Universidad del
Estudio de Salamanca ».
Si l'on veut comprendre le sens tout à fait pri-
mitif du mot « Université », l'on doit remonter aux
58 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
origines de l'université de Bologne, qui doit son
existence à de véritables corporations d'étudiants.
Tout comme il existait des corporations d'ouvriers,
il existait des groupements d'étudiants, classés
selon leur pays d'origine et qui suivaient des cours
aux écoles de Bologne. Ces corporations ou grou-
pements constituent les premières universitates ou
universités dans le sens médiéval du mot.
CHAPITRE II
Les privilèges de l'Université.
Parmi les principaux privilèges dont se trouvait
dotée l'université de Louvain, nous devons
mentionner en tout premier lieu celui qui met
entre les mains du recteur la juridiction criminelle
et civile sur tous les «suppôts » de l'institution. Nous
y reviendrons en parlant du recteur. Nous ne
nous arrêterons pas non plus au privilège, accordé
par le duc Jean IV aux professeurs et aux étu-
diants, du droit de libre « accès et recès », à Lou-
vain et de l'exemption de tous les impôts, gabelles,
péages, etc., que le duc exigeait d'ordinaire des
bourgeois de Louvain. Nous avons fait ressortir
toute l'importance de ce privilège en parlant de
la fondation de l'université. Un des privilèges les
plus féconds en conséquences fut accordé par le
fondateur du Studium de Louvain, Martin V, par
une bulle de 1426. Ce document pontifical prescrit
qu'aucun docteur, maître ou étudiant de Louvain
ne pourra être cité en justice en dehors des murs
de la ville. Tous doivent être cités devant le tri-
LES PRIVILÈGES 57
bunal du recteur, qu'il s'agisse d'affaire civiles ou
criminelles ou même mixtes, les causes profanes
non exceptées. Ce privilège offre de grandes res-
semblances avec la fameuse « Bulle d'or braban-
tine » qui défendait à tous officiers de justice de
citer les habitants du Brabant en dehors des fron-
tières du duché.
Le privilège accordé par Martin V et que l'on
nomme le privilegium tractus, fut confirmé par le
pape Pau] II (1469), à la demande de Charles le
Téméraire, et étendu comme suit : « Non seulement
les suppôts du Studium de Louvain ne peuvent être
cités en justice en dehors de Louvain, mais encore
peuvent-ils citer, rencontrer, appeler au tribunal,
en première instance, tous leurs adversaires, et cela
devant le conservateur des privilèges de l'univer-
sité. » Nous aurons bientôt l'occasion de faire con-
naissance avec le tribunal de ce dernier. Les papes
Adrien VI et Clément VII (1523) étendirent ce
privilège aux procès pour possession de bénéfices
ecclésiastiques et Grégoire XIII condamna les
contrevenants à une peine de 1,000 ducats d'or.
Quoique l'autorité civile vît son autorité diminuée
par la concession de cette grâce, Charles-Quint
confirma indirectement le privilegium tractus dans
toutes ses ordonnances.
Parmi les privilèges accordés par le duc de
Bourgogne, Charles le Téméraire, en 1471, il s'en
trouve un qui présente un intérêt particulier pour
le développement des institutions universitaires. Si
quelque étranger ou quelque bâtard acquiert une
maison, des vergers ou des jardins situés dans
58 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
l'enceinte de la ville ou bien en dehors de l'enceinte,
dans les limites de la « banmile » ou échevinage, et
qu'il y achète ces propriétés soit pour sa récréation
soit pour y échapper, lui, sa famille et ses domes-
tiques, au danger de contagion en temps de peste,
il pourra en disposer par testament ou par toute
autre voie légale, pourvu que ce soit en faveur de
collèges universitaires, déjà établis ou encore à
établir, ou en faveur des églises de Louvain. Cette
disposition permit la dotation de nombreux col-
lèges et la fondation de nombreuses bourses d'études
et contribua beaucoup à consolider les revenus
financiers de l'université.
Celle-ci se distinguait aussi par les privilèges
extraordinaires accordés à une classe spéciale de ses
maîtres et de ses étudiants : les ecclésiastiques.
Les clercs étaient, on le sait, majorité dans les uni-
versités médiévales et l'on comprend que les papes
aient cru devoir prendre à leur sujet des mesures
dérogeant aux règles ordinaires du droit canon,
pour favoriser le régime des études. Une des règles
les plus sévères du droit canon prescrivait à ceux
qui étaient en possession d'un bénéfice ecclésiasti-
que de résider sur place et de ne pas se faire rem-
placer par d'autres dans la possession ou l'admi-
nistration du bénéfice, surtout si celui-ci compor-
tait charge d'âmes. Une bulle de Martin V (1425)
excepta les membres de l'université, possesseurs
d'un bénéfice ecclésiastique, de l'obligation si
sévère de résidence et leur permit de jouir des
fruits de tous les bénéfices pendant le temps de
leurs études à Louvain.
LES PRIVILÈGES 59
Martin V accorda aussi des dérogations pour ce
qui concerne la promotion aux ordres des maîtres
et des étudiants qui possédaient un bénéfice.
Ainsi, ceux qui obtiennent la nomination à un
bénéfice pour lequel le grade de diacre ou de prêtre
est requis sont exemptés de la promotion à ces
grades ecclésiastiques pendant une durée de sept
ans, pourvu qu'ils deviennent sous-diacre l'année
même où ils prennent possession de leur bénéfice.
Une autre dérogation aux règles du droit canon fut
celle qui permit aux maîtres et aux élèves ecclé-
siastiques, possesseurs d'un bénéfice, d'enseigner ou
d'apprendre la science de médecine et de droit civil.
Les étudiants pouvaient jouir de cette permission
jusque sept ans après leur admission à l'université.
Importants aussi sont les privilèges de nomi-
nation aux bénéfices ecclésiastiques, accordés par
les papes à l'université de Louvain. Cette matière
étant fort abstraite, je préfère ne pas m'y arrêter.
Je me bornerai à dire que, grâce aux privilèges
accordés par le pape Sixte IV (1483) à l'université
en général, par le pape Léon X à la faculté des
arts en particulier (1513) et par le pape Paul V à
la faculté des arts pour ce qui concerne le pays et
le diocèse de Liège, l'université disposait d'un
nombre important de bénéfices auxquels elle pou-
vait nommer ses docteurs et maîtres. L'avantage
financier qui en résultait pour les bénéficiaires per-
mettait à Y Aima Mater de se montrer plus parci-
monieuse dans le paiement de ses professeurs et
allégeait considérablement les lourdes charges
qui pesaient sur elle.
60 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITE
On comprend que, en possession d'un tel trésor
de faveurs, l'université se résignait difficilement à
la perte de l'une d'entre elles. Les luttes qu'elle a
soutenues contre le pouvoir civil, contre les évêques
de Liège, contre la curie romaine même et la
menace fréquente du « cessus publicus » sont là
pour prouver que, jalouse de ses prérogatives,
Y Aima Mater savait se défendre contre quiconque
tentait de les violer. La lutte de la faculté des arts
contre les Jésuites à la fin du xvie et au commen-
cement du xvne siècle et dont nous avons déjà
parlé, en est un exemple frappant.
CHAPITRE III
L'organisation centrale de l'Université.
A la tête des universités du moyen âge se trou-
ve le conseil, « concilium » de l'université,
composé des doyens et des professeurs des
différentes facultés, des présidents des collèges, des
régents des pédagogies et des autres membres nota-
bles de l'institution. Il élisait, à des époques déter-
minées, le recteur, chef effectif, qui administrait
souverainement au nom du conseil. Le savant Pa-
quot, bibliothécaire de l'université au XVIIIe siècle,
qui nous a laissé une histoire manuscrite de l'ins-
titution, restée jusqu'ici inédite, décrit comme suit
l'organisation de Louvain : « La forme du régime
universitaire est monarchique, mais tempérée par
une aristocratie; car si le recteur gouverne, c'est
de concert avec le sénat académique; c'est ce der-
nier qui modère et tempère tout et le recteur lui-
L'ORGANISATION CENTRALE 61
même dépend de lui. Le sénat académique, et
par conséquent l'université, est constitué par les
cinq facultés, dont la première est celle de théolo-
gie, la seconde celle de droit canon, la troisième
celle de droit civil, la quatrième celle de médecine,
la cinquième celle des arts. Les doyens de cette
dernière faculté, et les directeurs des quatre péda-
gogies, que l'on nomme régents, et les professeurs
publics, et les modérateurs de quelques collèges
font partie du sénat académique; les maîtres es
arts en sont exclus, à moins qu'ils n'aient été pro-
mus depuis trois ans ou qu'ils aient enseigné pen-
dant deux ans dans la faculté des arts ou dans
quelque pédagogie ou dans le « vicus » ou école
publique de la faculté des arts l ».
Voilà la composition du sénat ou conseil acadé-
mique. Ce conseil universitaire arrêtait librement
les statuts et les règlements nécessaires pour la
bonne administration de l'institution et en confiait
l'exécution au recteur, dont les pouvoirs étaient
souverains.
« De ce sénat académique, dit encore Paquot,
émanent les lois qui régissent l'université, et les
édits qui sont promulgués selon la nécessité des
temps. Les controverses judiciaires, soit au civil,
soit au criminel, sont tranchées par la sentence
du recteur. Les affaires courantes de moindre
importance sont renvoyées à l'examen du recteur
et des délégués ordinaires de l'université, compre-
nant les doyens des cinq facultés, auxquels
s'ajoutent plus tard le dictator et l'avocat fiscal, et
i. Paquot, Fastt academici, II, f° 94 v°.
62 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
sont solutionnées par eux. Les affaires importantes
sont réservées à l'examen du sénat académique... »
Le conseil de l'université ou sénat académique
tient chaque année sept séances statutaires : quatre
de ces séances sont réservées à l'élection du rec-
teur, des assesseurs et des juges d'appel : elles
avaient lieu à la fin de février, mai, août et novem-
bre. Les trois autres séances se tenaient respecti-
vement au Ier octobre, pour l'ouverture des cours
et la lecture des statuts universitaires; au 2 no-
vembre, pour assister à la messe dite à l'intention
des bienfaiteurs de l'université; au 22 décembre,
jour consacré à confirmer dans leurs fonctions
les employés sulbaternes. Le conseil est appelé en
séance extraordinaire chaque fois que le recteur
le juge opportun et qu'il en est lui-même requis
par un des membres du conseil, pour examiner des
affaires d'intérêt général.
Parlons maintenant du recteur, rector magni-
fions studii generali Lovaniensis. Le recteur est le
chef de l'université : son principal office est de
rendre la justice et de punir les étudiants coupables.
Comme nous l'avons déjà dit en passant, il a la
pleine juridiction sur les membres et « suppôts »
de l'université. Nous verrons plus loin ce qu'il
faut entendre par « suppôts ». Toutes les causes
civiles et criminelles, personnelles et réelles,
doivent être jugées par son tribunal. La police lui
appartient et il est aidé par un ou plusieurs pro-
moteurs. En théorie, les punitions dont il dispose
ne sont pas seulement les censures ecclésiastiques,
mais aussi des peines corporelles et temporelles, y
L'ORGANISATION CENTRALE 63
compris la prison et la mort. En réalité le code
pénal de l'université était moins dur et plus ration-
nel que le code pénal de l'époque. On y rencontrait
bien la fustigation, doctement administrée en pré-
sence des camarades et des professeurs du cou-
pable, mais une des peines les plus redoutées et
les plus usitées était le déclassement dans la liste
des promotions, c'est-à-dire le rejet d'un étudiant,
quels que fussent les talents dont il avait fait
preuve, à la queue des élèves promus solennelle-
ment à un grade académique. Le recteur appli-
quait souvent aussi l'amende pécuniaire ou la peine
du pèlerinage expiatoire l à accomplir dans un
certain délai.
Les sentences rectorales, au civil et au criminel,
étaient passibles d'appel. Il existait une cour de
revision et d'appel, composée de cinq membres,
un par faculté, qui portaient le nom de Quinque
judices appellationum, les cinq juges d'appel.
L'étudiant accusé ne pouvait s'adresser à cette
cour d'appel que lorsque sa protestation était
fondée. Des peines sévères étaient appliquées à
ceux qui allaient en appel sans motif sérieux, les
maie, temere seu frivole appellantes.
Pour les affaires d'administration de l'univer-
sité, lé recteur consulte des assesseurs, c'est-à-dire
un collège de cinq conseillers, un par faculté, qui
étaient nommés par le conseil de l'université le
jour de l'élection du recteur.
i. Sur la peine du pèlerinage expiatoire dans l'ancien droit
pénal belge, voir notre étude De straf - en rechterlijke verzoe-
ningsbedevaarten in de middeneeuwen. Anvers, 191 1.
64 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Le recteur était, en effet, élu par le conseil ou
sénat académique.
Jusqu'en 1446, les fonctions rectorales étaient
trimestrielles; depuis cette date, le recteur était
élu tous les six mois. Il pouvait être élu dans toutes
les facultés sans distinction. Cette élection se fai-
sait par compromis entre les cinq délégués des
facultés, appelés intrantes. Dès que ces intrantes
sont entrés dans le local de la réunion, on allume
un cierge en cire, qui peut brûler une heure. Les
délégués sont obligés d'élire le recteur avant que ce
cierge ne soit entièrement consumé , sinon tout leur
pouvoir cesse et, pendant un an, ils sont décla-
rés incapables d'exercer quelque charge et de re-
cevoir quelque honneur académique. Cette mesure
sévère tendait évidemment à obvier aux longues
discussions et aux intrigues qui pouvaient faire
prolonger outre mesure l'élection du chef de l'uni-
versité.
La personne élue comme recteur doit être
biretatus ou docteur; il doit être clerc, pour que,
au besoin, il ait le pouvoir, en vertu de la permission
accordée par Alexandre VI en 1501, d'excommu-
nier les récalcitrants et d'exercer sa juridiction
sur les étudiants ecclésiastiques. Le recteur ne
peut pas être marié, encore moins être bigame, et
ne peut appartenir à aucun ordre religieux. Si
le recteur se marie pendant qu'il occupe le siège
rectoral, on ne le prive pas immédiatement de sa
dignité. Ce fut le cas de Pierre l'Apostole, docteur
in uiroque, qui se maria avant la fin de son recto-
rat. On ne le déposa point, mais le vice-recteur le
L'ORGANISATION CENTRALE 65
remplaça dans ses fonctions jusqu'à la nomination
d'un nouveau recteur.
Le recteur doit être assez riche pour pouvoir
entretenir deux domestiques. C'est qu'il occupe
une place prépondérante à Louvain. Lorsqu'il
sort de chez lui, un bedeau le précède partout où il
va, portant un sceptre en argent, et des domes-
tiques le suivent. Tout le monde se découvre à son
passage dans les rues et même les bourgmestres
et magistrats s'effacent pour le laisser passer.
Juste Lipse et Vernulaeus nous rapportent comme
un fait authentique que lorsque le grand empereur
Charles-Quint visita Louvain, il donna tout le
temps la droite au recteur. Ce dernier a même le
pas sur l'évêque du diocèse dans les cérémonies
universitaires. Ceux qui avaient la prétention de
ne point se conformer à ce cérémonial d'usage
étaient vite rappelés à l'ordre. Ainsi, deux fois,
en 1571 et en 1578, les nobles qui gouvernaient la
ville au nom de l'Espagne essayèrent de précéder
le recteur dans une procession publique, comme
s'ils voulaient exprimer ainsi qu'ils gouvernaient
la ville et l'université tout à la fois. On leur fit de
sévères remontrances et ils ne recommencèrent plus.
Dans les cérémonies publiques, le recteur est
précédé de huit bedeaux portant un sceptre doré.
Lui-même est vêtu de pourpre, et porte la capuce,
c'est-à-dire un manteau court garni de fourrures
au bord, qui lui couvre les épaules.
Le recteur est élu par ordre des facultés, à moins
que la faculté à qui revient l'honneur n'ait pas
désigné de candidat. L'ancien recteur sortant de
66 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
charge investit le nouvel élu par le sceau rectoral
et par les autres attributs de son rang et lui met la
capuce sur les épaules. Le nouveau recteur désigne
ensuite son remplaçant éventuel ou vice-recteur,
dans la faculté à laquelle il appartient lui-même.
Comme l'expédition régulière des affaires cou-
rantes pourrait être désorganisée par le change-
ment d'abord trimestriel, puis semestriel, de rec-
teur, elle se fait par un bureau ou personnel per-
manent, dont les membres sont élus chaque année
à des époques déterminées par les statuts. Avant
de parler de ces fonctionnaires, nous devons encore
dire quelques mots des séances du conseil univer-
sitaire, que le recteur préside.
Dans ces séances, le recteur communique au
conseil les objets à discuter qui figurent à l'ordre
du jour. On expédie immédiatement les affaires
secondaires, de même que les suppliques, plaintes
et motions. L'examen des affaires importantes était
renvoyé à une commission composée d'un, quel-
quefois de deux ou de trois membres de chacune
des cinq facultés. Cette commission se réunissait
après la séance, examinait l'affaire et faisait rap-
port à la séance générale suivante. Il arrivait aussi
qu'après la mise en discussion d'un objet, on sus-
pendît momentanément la séance afin de per-
mettre à chacune des facultés de se réunir en
groupe séparé pour l'examen de l'affaire. A la
reprise de la séance, communication de l'avis de
chaque faculté était faite et la décision finale prise.
La matière des discussions au conseil acadé-
mique était la discipline universitaire et la défense
L'ORGANISATION CENTRALE 67
des privilèges de l'université. Contre le magistrat
urbain on avait à défendre la franchise d'impôt
sur la bière ; contre le clergé diocésain et principa-
lement contre le clergé liégeois on avait à reven-
diquer le privilège de percevoir, pendant le temps
des études, les revenus des bénéfices, sans être
astreint à la résidence, plus tard aussi celui de
nomination à certains bénéfices.
Les locaux de réunion pour le conseil acadé-
mique n'étaient pas fixes. Jusque vers le milieu du
xvne siècle, l'élection du recteur se fait au cou-
vent des Dominicains. C'est là aussi que se célèbre
la messe pour les bienfaiteurs de l'université et
qu'a lieu la résignation annuelle des employés
subalternes. Le couvent des Augustins servait
pour la réunion annuelle du Ier octobre, lors de
l'ouverture des cours. On y entendait un discours
« de laudibus scientiarum », la publication des
statuts et du programme des cours. Après, le corps
académique tout entier assistait à la messe solen-
nelle du Saint-Esprit, célébrée à Saint-Pierre. En
1635, l'université acquit un local, appelé curie ou
audience académique. C'est désormais là que se
tinrent toutes les réunions du conseil. Cette curie
abrite le tribunal du recteur ou de son délégué
et l'on y juge deux fois par semaine, le mardi et le
vendredi. Nous avons déjà dit qu'on pouvait appe-
ler de ce tribunal à celui des cinq juges d'appel : il
restait en fin de compte l'appel au Pape lui-même.
Nous avons déjà mentionné souvent les facultés.
Celles-ci ont chacune une certaine juridiction pour
le régime des écoles qu'elles possèdent et dirigent.
68 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Ceux qui constituent ce qu'on appelle le collège ordi-
naire d'une faculté et qui dirigent les études de leurs
«scholares» portent le nom de lecteurs (legentes)
et de régents, et ils ont le droit d'édicter des statuts
pour la faculté. En dehors du régime de la faculté,
tout le monde est soumis au recteur, que les étu-
diants reconnaissent comme leur juge unique.
A côté du conseil académique et du recteur, nous
rencontrons un vice-recteur. Cette charge n'est
pas très importante. Lorsque le recteur s'absentait
de la ville, il désignait, avec le consentement exprès
ou tacite de l'université, un membre de sa faculté
pour le remplacer. Les pouvoirs de ce remplaçant
expiraient au retour du recteur.
Nous avons parlé plus haut d'une espèce de
bureau permanent qui expédie les affaires cou-
rantes et qui assiste le recteur dans l'exercice de
ses fonctions. Ce bureau compte tout d'abord deux
membres qui assistent toujours, avec les doyens
des facultés, aux réunions ordinaires et extraordi-
naires du sénat académique. Ces deux membres
sont le dictator et l'avocat fiscal. Le dictator ou
secrétaire écrit toutes les lettres qui sont envoyées
au nom de l'université. Cet office était annuel et ici
aussi l'on avait introduit l'élection par ordre des
facultés. Ce dictator était d'ordinaire un homme
savant et compétent en droit. A l'époque de Valère
André, soit dans la première moitié du xvne siècle,
on nommait le dictator dans la faculté de droit,
soit pour plusieurs années, soit à vie. AuMébut de
l'université, il y avait un Anglais comme dictator:
Jacobus de Scotia (1447).
L'ORGANISATION CENTRALE 69
Quant à l'avocat fiscal, son office consiste à
conserver les privilèges, les exemptions, les liber-
tés, les concordats et les pactes en possession de ou
passés par l'université, L'on ne doit pas le con-
fondre avec les conservateurs des privilèges apos-
toliques, dont nous parlerons plus loin. L'avocat
fiscal intente les procès contre les personnes qui
ont attaqué ou violé les privilèges académiques,
tant en dehors des murs de Louvain qu'à l'inté-
rieur de la ville. Il est invité à toutes les cérémonies
officielles où paraissent les docteurs et les licenciés.
Le premier avocat fiscal se rencontre en 1439, il
s'appelle Arnould de Reysenaelde et est docteur
en décrétales.
Nous rencontrons ensuite le syndic. Alors que
l'avocat fiscal doit intenter les procès pour la vio-
lation des privilèges, le syndic poursuit tous les
procès de n'importe quelle sorte où l'université
est impliquée, qu'elle soit plaignante ou défende-
resse, et prie le recteur d'exécuter les conclusions
du procès. Depuis 1535, cet office fut uni à celui
de promoteur, dont nous parlerons à l'instant.
Vient ensuite le secrétaire ou actuarius de
l'université. Il ne faut point le confondre avec
le dictator. U actuarius est homme de loi, et il a
le titre de notaire public, créé par l'autorité
pontificale et princière, ou par l'une des deux.
Il assiste à toutes les ordonnances, aux décrets
et sentences rendues par l'université et aussi
à toutes les réunions académiques. C'est lui
qui note dans un registre spécial les conclu-
sions auxquelles on s'est arrêté et qui rappelle
70 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
au recteur quelles sont les décisions à exécuter.
Nous avons à parler maintenant d'un office
sulbalterne important, celui de promoteur. C'est
le commissaire de police de l'université. Comme le
recteur possède son tribunal spécial, auquel sont
soumis tous les suppôts de l'Aima Mater, il est
assisté par un officier judiciaire qui porte le titre
de promotor. Celui-ci dénonce au chef de l'uni-
versité tous abus, excès, transgressions et délits,
commis par des membres de l'institution, et les
dénonce sans exception de personne ou dissimula-
tion quelconque. Sans l'ordre du recteur, il ne peut
cependant ouvrir une information judiciaire pré-
paratoire, procéder en justice ou abandonner un
procès commencé. Il est obligé, lorsque cela paraît
utile, de parcourir pendant la nuit les rues et les
places publiques de Louvain, soit de sa propre
initiative, soit par ordre du recteur, pour arrêter
et conduire à la prison de l'université les étu-
diants coupables de transgression des statuts ou
de méfaits nocturnes. Dans cette besogne, il peut
se faire aider par le chef de la police municipale,
mais, comme la ville n'a aucune juridiction sur les
membres de Studium, c'est au promoteur qu'in-
combe l'arrestation et l'emprisonnement des étu-
diants.
Le promoteur avait une tâche difficile et ardue :
les étudiants des universités médiévales ne le
cédaient point en turbulence à ceux d'aujourd'hui.
L'on aura une idée des délits que le promoteur
était exposé à rencontrer dans ses promenades
nocturnes par les places et les rues mal éclairées
L'ORGANISATION CENTRALE 71
de la ville en notant, dans les statuts de l'institu-
tion, ceux qui concernent les mœurs et les habi-
tudes des étudiants. Nous en reparlerons au cha-
pitre où nous traitons de la vie des étudiants à
Louvain. Le promoteur était obligé de suivre
le recteur dans les processions publiques et dans
toutes les cérémonies officielles où les docteurs
et les licenciés sont invités et il était astreint à
rendre à ceux-ci les honneurs dus à leur titre. Il
avait sous ses ordres un certain nombre de subal-
ternes, qui l'aidaient à arrêter et à emprisonner les
étudiants coupables. L'université possédait une
prison dans la rue de Malines; c'était là qu'on
enfermait les scholares trop turbulents ou cou-
pables d'avoir transgressé les statuts. On y atten-
dait mélancoliquement d'être cité devant le tri-
bunal du recteur et l'on y purgeait sa peine au pain
et à l'eau, in pane doloris et aquae tristitiae, comme
le disent les statuts.
Quand nous aurons signalé encore les receveurs
de l'université, chargés de la réception et de l'admi-
nistration des divers revenus financiers, nous
aurons passé en revue tous les fonctionnaires qui
assistent le recteur dans l'exercice de ses fonctions.
La dignité rectorale est la plus haute dignité
universitaire. Immédiatement après le recteur
vient ]e chancelier. « C'est la seconde dignité aca-
démique, dit Valerius Andréas, le chancelier
obtient la place tout près du recteur dans les réu-
nions et les séances publiques et privées. » Même
il arrive qu'il prend le pas sur le recteur et qu'il lui
est supérieur en dignité. C'est lorsque, dans le
72 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
chœur de l'église Saint -Pierre ou dans les écoles
publiques de l'université, il donne sa bénédiction
aux « gradués », qui lui sont présentés après leur
examen par les maîtres ou les docteurs d'une faculté
à l'effet d'obtenir la concession officielle de leur
grade.
La dignité de chancelier de l'université a été
concédée à perpétuité au prévôt de l'église collé-
giale de Saint-Pierre, qui était par tradition un
membre des plus nobles familles brabançonnes.
Le chancelier n'exerce pas, comme le recteur, une
juridiction quelconque, mais, de par délégation
du Saint-Siège, c'est lui qui confère les grades de
licencié, maître ou docteur dans toutes les facultés.
Cette collation des grades appartient au chancelier
depuis la fondation même de Y Aima Mater. Dès les
premiers temps, par suite de l'absence presque
continuelle des prévôts de Saint-Pierre, c'est le
doyen de cette église qui, de fait, a usurpé non seu-
lement la fonction et le pouvoir de chancelier,
mais encore le titre. Les prévôts protestèrent natu-
rellement contre cette situation.
Pour ce motif, lors de la « visite » de 1617, les
archiducs Albert et Isabelle décrètent que le pré-
vôt seul a la dignité et le titre de chancelier et
peut seul conférer les grades. Toutefois, en son
absence, le doyen reçoit le pouvoir, non le titre
ni la dignité de chancelier; pour ce motif, l'on
emploie la formule suivante lors de la collation
des grades : « Nous, doyen de l'église collégiale de
Saint-Pierre, en vertu du pouvoir de conférer les
grades en cette université... » et non : « Nous, doyen
L'ORGANISATION CENTRALE 73
de Saint-Pierre, chancelier de cette université... »
Ceci nous amène à donner quelques détails sur
la collation des grades à l'ancien Studium, parti-
culièrement aux arts. C'est de 147 1, d'après les
uns, de 1441, d'après les autres, que date le sys-
tème de classement aux examens, qui ressemble
à celui des anciennes universités anglaises.
Les candidats à la maîtrise es arts sont, après
l'examen, rangés en trois séries et, dans chaque
série, classés par ordre de mérite. La première
classe comprend les rigorosi, ceux qui ont entière-
ment satisfait; la seconde, les transibiles, ceux qui
peuvent à la rigueur être admis; la troisième, les
gratiosi, ceux dont le sort dépend de la bienveil-
lance des examinateurs. Il existait encore une
quatrième classe, celle des non-capables, dont les
noms n'étaient pas publiés. Plus tard, la division
en classes fut faite par les professeurs avant l'exa-
men, et la compétition, ou le concours, se limitait à
la question de savoir qui serait premier dans sa
classe. Le premier des rigorosi devenait le fameux
Primus de Louvain, honneur pour l'obtention
duquel il y avait de fréquentes rivalités entre les
collèges de la faculté des arts. Rien de plus mo-
deste, au début, que la cérémonie de la proclama-
tion du Primus. Les étudiants en philosophie se
réunissaient dans la salle des arts pour entendre
proclamer les noms de ceux qui avaient subi avec
succès l'épreuve de l'examen. Ils s'habillaient de
blanc et se paraient de rubans rouges ; ils ornaient
leur chapeau de quelques plumes pour donner à
la réunion un air de fête. Le Primus était le héros
74 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
de la journée; on le félicitait publiquement et ses
camarades le reconduisaient avec pompe. Un
morceau de musique, composé pour la circons-
tance et chanté en chœur, célébrait son triomphe
et des banquets terminaient la cérémonie. On y
montrait une gaîté sagement tempérée par la
présence de quelques professeurs. Le collège auquel
appartenait le Primus le fêtait pendant trois jours,
pendant lesquels on sonnait la cloche jour et nuit.
Plus tard naît la coutume de faire au vainqueur
une réception triomphale dans la ville qu'il habite.
Alors les cavalcades, les arcs de triomphe, les illu-
minations, quelquefois même les médailles commé-
moratives venaient attester la part que ses com-
patriotes prenaient à sa victoire. Le retour du
Primus devenait une marche triomphale qui,
commencée à Louvain, ne s'arrêtait qu'à la porte
de la maison paternelle.
Ceux qui étaient regardés comme inidonei,
incapables, n'étaient pas admis aux grades. S'il
y avait égalité de voix pour et contre l'admission
du candidat, le chancelier autorisait ce dernier à
se présenter. Les idonei, ceux qui sont admis aux
• grades par leurs maîtres, sont présentés, au nom
de la faculté, par un docteur au chancelier. Le
chancelier leur fait d'abord un petit discours sur
la dignité de l'étude à laquelle ils se livrent, puis
les nomme licenciés ou docteurs, priant le profes-
seur qui présente le candidat de leur donner les
insignes de leur grade. Toutefois, dans la plupart
des cas, c'est le chancelier lui-même qui remet ces
insignes.
L'ORGANISATION CENTRALE 75
Les actes de la faculté de théologie nous ap-
prennent que, en 1559, les maîtres de cette faculté
prétendirent qu'un usage ancien leur réservait à
eux-mêmes la création des docteurs en théologie :
ils obtinrent raison et le chancelier dut céder ici
une partie de ses droits. De même, les actes de la
faculté des arts nous indiquent que les futurs
maîtres es arts reçoivent le bonnet et le titre des
mains du président d'examens, sans intervention
du chancelier, par suite d'une concession faite
par le prévôt de Saint-Pierre en 1436. On constate
donc ici une lutte contre les privilèges du chance-
lier, analogue à celle qui se manifesta à l'université
de Paris.
La collation des grades était accompagnée, sur-
tout pour la licence et le doctorat, de réjouissances
coûteuses, comme banquets, bals, buvettes, etc.,
que l'on nommait « conséquences ». L'impératrice
Marie-Thérèse trouvait que « ces dépenses exces-
sives n'avaient rien de commun ni avec les études,
ni avec l'avantage de l'université », et qu'elles
« dérangeaient non seulement les études, mais
aussi la fortune de plusieurs écoliers ». Conformé-
ment à la tendance du gouvernement, qui inter-
venait à tout moment, nous l'avons dit, dans
l'organisation de l'institution, l'impératrice défen-
dit la célébration de ces fêtes, excepté pour le
doctorat, sous peine d'une amende de 300 florins
pour l'organisateur de la réunion et de 50 florins
pour les assistants. Par le même règlement, en
date du 13 février 1755, elle défendit aussi sous
des peines sévères de distribuer ou de faire distri-
76 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
buer des gants, à l'occasion de la licence ou d'au-
tres actes académiques qui la précèdent, l'usage
d'employer un enfant à porter un bouquet ou un
laurier devant le nouveau licencié, elle supprima
le traditionnel plat de sucades au festin doctoral, et
elle régla minutieusement la pompe des doctorats :
pas plus de quatre-vingts personnes ne pouvaient
être invitées au banquet.
Après le recteur et le chancelier vient le conser-
vateur des privilèges apostoliques : c'est la troi-
sième dignité académique. Son rôle consiste à
défendre et à conserver en toute occasion les pri-
vilèges de l'Aima Mater. Cette charge fut créée
par le pape Martin V en 1426. Les causes dont le
conservateur des privilèges pouvait connaître
furent indiquées par les concordats de Philippe le
Beau (1495) et de l'empereur Maximilien (même
année). Philippe le Beau, après avoir suspendu
toutes les cours de conservateurs de privilèges,
permit à l'université de garder la sienne, moyen-
nant la réforme de quelques abus patents. Charles-
Quint confirma ce privilège en 1518.
Le conservateur des privilèges a un tribunal
distinct du tribunal rectoral. S'agit-il du procès
d'un bourgeois ou d'un étudiant contre un étu-
diant, l'on cite devant le tribunal du recteur;
s'agit-il d'un procès intenté par un étudiant contre
un bourgeois ou un étranger, c'est devant le tri-
bunal du conservateur qu'on se rend. Ce tribunal
siégeait deux jours par semaine, le mercredi et le
samedi.
On peut citer devant ce tribunal les habitants
L'ORGANISATION CENTRALE 77
du Brabant et des autres provinces des Pays-Bas,
et même ceux qui habitent la principauté de Liège.
Au xvne siècle Juste-Lipse se plaint de ce que
l'existence de ce tribunal soit si violemment atta-
quée par les villes de Flandre et que l'université
se montre si faible à défendre l'institution. Le con-
servateur des privilèges était d'ordinaire choisi
parmi un certain nombre de dignitaires, désignés
à cet effet par des bulles pontificales : tantôt c'est
l'abbé de Tongerloo, tantôt le doyen de Saint-
Pierre, tantôt le prévôt de Sainte-Gertrude, etc.
Ce dignitaire avait sous ses ordres un certain
nombre de fonctionnaires subalternes, comme le
signator primarum litterarum, qui juge de la rece-
vabilité des lettres de poursuite envoyées par le
conservateur, des assesseurs et des notaires du
tribunal.
Pour compléter le tableau des institutions cen-
trales de l'université, il nous reste à parler des
bedeaux et des libraires.
Les bedeaux, bedelli, sont au service du recteur
et du sénat académique. Porteurs des insignes de la
dignité rectorale ou des masses en argent de l'uni-
versité, ils rehaussent par leur présence les céré-
monies officielles. Le premier bedeau fut nommé
par le magistrat communal de Louvain en 1426 et
resta aux gages de la ville au moins jusque 1428.
Il s'appelait Simon d'Oudorp et venait de Cologne.
Même pour les dignitaires subalternes, on fit donc
au début appel à l'université rhénane.
Quant aux libr aires, nous avons déjà signalé
leur existence à Louvain au début de l'Humanisme.
78 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
L'office de libraire était très important dans les
universités médiévales. On exigeait d'eux une
grande loyauté en même temps qu'une délicatesse
scrupuleuse. On leur défendait sévèrement de
vendre des livres entachés d'hérésie ou d'acheter,
sans l'autorisation préalable de l'autorité acadé-
mique, des livres aux étudiants. Ceux-ci vendaient
souvent leurs livres pour se procurer de cette
manière de l'argent pour leurs fêtes ou leurs plai-
sirs, quelquefois pour leurs débauches.
Pour finir, disons quelques mots des suppôts*bu
membres de l'université, et de l'immatriculation ou
inscription obligatoire des maîtres et des étudiants.
Les professeurs et les étudiants devaient se
faire inscrire, intitulari, pendant la première quin-
zaine de leur séjour à Louvain. On peut s'en rap-
porter ici aux prescriptions des statuts de Cologne,
qui servirent de prototype à ceux de Louvain. Ils
disent au sujet de l'immatriculation : « Nous sta-
tuons et nous ordonnons que tout maître, docteur,
bachelier, et étudiant... se présente endéans la
première quinzaine devant le recteur de l'univer-
sité et prête le serment d'usage et se fasse inscrire
sur le registre de l'institution; que personne, avant
d'avoir accompli ces formalités, ne soit réputé
membre de l'université et ne jouisse des privilèges,
libertés et faveurs de cette institution, et ne suive
les cours de quelque faculté. Que personne ne
donne l'hospitalité pour plus de quinze jours à
quelqu'un qu'il sait être venu à l'université pour
cause d'étude et qui ne s'est pas fait inscrire. Le
professeur, qui a été averti par le bedeau de la
L'ORGANISATION CENTRALE 79
présence d'un étudiant non immatriculé, doit
cesser son cours jusqu'à l'expulsion de cet étu-
diant. »
Les listes d'étudiants, Matricula ou Liber inti-
tulatorum, étaient écrites tout entières de la
main du recteur, auquel l'étudiant offrait, à cette
occasion, une légère gratification, à moins qu'il
ne fût pauvre ou dispensé pour des motifs sérieux.
A l'origine, l'étudiant payait au recteur lui-même :
dès 1441, il versait la somme entre les mains du
receveur de l'université. Avant d'être inscrit,
l'étudiant devait prêter le serment d'observer les
droits, privilèges, libertés et statuts universitaires,
de ne pas troubler la paix et la tranquillité de
l'institution, de garder obéissance au recteur et à
l'université. Du moment qu'un étudiant n'était
pas immatriculé, il ne pouvait citer quelqu'un
devant le tribunal du recteur ou du conservateur
des privilèges.
Oui était réputé étudiant, scholaris ? Les statuts
primitifs regardent comme étudiants ceux qui,
pendant la majeure partie de l'année scolaire, ont
fréquenté les leçons de la faculté pour laquelle ils
se sont fait inscrire, à moins qu'ils n'aient changé
par après de faculté (copie de 1465).
Nous avons parlé du serment que les étudiants
devaient prêter lors de leur inscription. Dès 1545,
un nouveau serment fut imposé, conçu en ces
termes : « Je jure que je déteste de toute mon âme
tous les dogmes de Martin Luther et de tous les
autres hérétiques qui contredisent la doctrine de
la vieille Église catholique romaine et je jure aussi
SO ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
de vouloir accepter et confesser l'ancienne foi de
cette Église sous l'obéissance d'un seul pasteur, le
Souverain Pontife ».
Une nouvelle profession de foi fut prescrite par
un bref de Pie IV du 5 février 1561. En 1579, l'uni-
versité exige cette profession de foi non seulement
de tous les professeurs et des futurs docteurs,
mais aussi de tous ceux qui sont inscrits à la matri-
cule, sous peine de ne plus jouir des privilèges
universitaires.
Qu'entend-on maintenant par membres ou
« suppôts » de l'université? C'est le texte de la
« visite » de 1617 qui va nous l'apprendre. D'après
ce texte, sont considérés comme « suppôts » de
l'université et jouissant de tous les privilèges de
l'institution : i° Tous les docteurs et les licenciés
des facultés supérieures, c'est-à-dire des facultés
de théologie, de droit et de médecine ; 2° Les bache-
liers des facultés supérieures et les docteurs es
arts (biretati) qui continuent leurs études. Si
ces derniers ne continuent pas leurs études et
s'adonnent à des professions contraires à toute
occupation libérale, soit qu'ils se fassent mar-
chands ou tenanciers de tavernes, « versant sans
distinction la bière aux suppôts de l'université
et aux bourgeois de la ville », soit qu'ils deviennent
employés de l'administration laïque, receveur des
contributions, bailli, drossard ou officier de jus-
tice, on ne les comptera plus parmi les suppôts
de l'université; 30 Si les bacheliers des facultés
supérieures et les docteurs es arts ne continuent
pas leurs études, ils seront regardés comme sup-
L'ORGANISATION CENTRALE 81
pots de l'université, du moment qu'ils n'exercent
aucun commerce, même s'ils prennent chez eux
des étudiants à loger; 4° Tout comme ceux qui
sont au service de l'université, même s'ils n'ont
pas fait d'études ou conquis un grade, sont censés
faire partie de cette institution; ceux qui sont au
service de la ville de Louvain seront considérés
comme faisant partie de la cité et tombant sous
la juridiction séculière, même s'ils ont conquis
des grades à l'université; 50 Sont encore considérés
comme suppôts les licenciés des facultés supé-
rieures qui ont un office stable de la ville ; ceux-ci
garderont toute leur vie la faculté d'user des pri-
vilèges universitaires; 6° Tous les étudiants imma-
triculés et qui fréquentent actuellement les cours ;
70 Tous les monastères incorporés à l'université
et où l'on donne des cours et où l'on se livre à
l'étude; 8° Toutes les veuves des docteurs et des
licenciés des facultés supérieures, qui ne se rema-
rient point, qui ne changent ni de condition ni de
qualité et qui ne se livrent pas au commerce ; 90 Les
imprimeurs jurés, les vendeurs de livres ou libraires
admis et approuvés par l'université, qui n'exercent
aucun métier « profane »; io° Les bedeaux des
cinq facultés ; ii° Les notaires, procureurs et
exécuteurs du tribunal du recteur et de celui du
conservateur des privilèges, dûment admis, pourvu
qu'ils n'exercent aucun commerce; 120 Le messa-
ger de chaque administration universitaire ; 130 Un
receveur par collège, exerçant lui-même sa fonction
et n'ayant pas de gagne-pain principal ailleurs;
140 Les domestiques et les servantes qui logent
82 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
sous le toit des suppôts et qui n'exercent aucun
commerce.
Cette énumération aura eu l'avantage d'avoir
mis en lumière la composition détaillée du grand
corps universitaire, la réelle puissance que pos-
sède l'université comme telle et que nous avons
essayé de déterminer en disant qu'elle constituait
un État dans l'État, la haute idée qu'elle se faisait
de sa dignité et de celle de ses membres. L'on aura
mieux compris aussi combien fréquents devaient
être les conflits à propos des privilèges, puisqu'un
si grand nombre de personnes, y compris les domes-
tiques et les servantes des professeurs, étaient cen-
sées faire partie de l'institution et se trouvaient
sous son puissant patronage.
CHAPITRE IV
La vie des étudiants à Louvain.
Nous possédons assez bien de renseignements
sur la vie des étudiants dans les universités
médiévales prises en général, mais lorsqu'il
s'agit de déterminer d'une façon précise comment
les étudiants se conduisaient dans telle université
' en particulier, la tâche devient plus difficile. Pour
Louvain, c'est à grand'peine que nous pouvons
glaner quelques renseignements dans les délibéra-
tions du sénat ou conseil académique et dans les
statuts et règlements officiels publiés soit par
l'autorité académique elle-même, soit par le gou-
vernement autrichien. Tels qu'ils sont là et malgré
leur peu de cohérence, ces détails ont leur valeur.
LA VIE DES ÉTUDIANTS 83
J'ai essayé d'en tirer le plus de parti possible pour
donner une idée approximative de la vie des étu-
diants à l'Aima Mater brabançonne.
Dès que l'étudiant de Louvain avait pris son
inscription endéans les quinze jours de son arrivée
à l'université, il se cherchait un logement. S'il
était pauvre et sans ressources, il pouvait toujours,
à certaines conditions, se faire héberger dans les
innombrables collèges, dont la ville était remplie
et qui avaient été fondés dans le but d'hospita-
liser des étudiants dépourvus de moyens. Les étu-
diants de Louvain, exception faite pour certaines
catégories de la faculté des arts, n'étaient pas
obligés de vivre dans les collèges. Ils pouvaient se
choisir un logement en ville, chez les bourgeois, et
un grand nombre profitaient de cette permission.
Ils étaient tenus de suivre certaines prescriptions
concernant le costume à porter en ville et au cours.
Tout comme les docteurs et les maîtres, les étu-
diants sont obligés de porter la toge : ils ne peuvent
assister aux réunions, messes solennelles, proces-
sions ou autres actes publics universitaires si ce
n'est en habit décent et long, leur venant jusqu'aux
talons. Pour assister au cours, leur vêtement supé-
rieur doit atteindre près du talon d'au moins une
paume de main. Si, par hasard, quelqu'un arrive
au cours vêtu d'une façon indécente ou excen-
s
trique — ce que l'on appelait alors barbarizare —
il était cependant défendu à ses camarades de
l'accueillir par des cris, comme cela se pratiquait
à l'université de Paris, et de l'appeler : «Barbare !
barbare ! » On exhorte les gradués à apparaître en
34 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
toutes circonstantes en habits longs et décents et à
enlever leur manteau uniquement dans les actes
solennels, les réunions, les messes et les processions.
On les prie de ne pas porter des capuces à rouleaux,
des souliers à pointe, des tuniques avec manches
ailées et larges; ce sont là des nouveautés qu'il
faut laisser aux « dandies » de l'époque et qui ne
conviennent point au caractère sérieux des gens
d'étude. Le port des armes était sévèrement
défendu. L'on peut croire qu'un certain nombre
d'étudiants ne se souciaient pas beaucoup de ces
prescriptions, car le fait de les voir si fréquem-
ment rappelées dénote assez qu'on ne les observait
pas toujours ou qu'on feignait d'ignorer leur exis-
tence.
Les étudiants couraient par les rues la tête coiffée
d'une toque ou d'un bonnet, garni quelquefois
d'une plume, un petit mantelet à capuchon sur les
épaules, la tunique fermée par des lacets sur la
poitrine et des chausses de couleur sombre moulant
Les jambes. Ils portaient mie ceinture à laquelle
pendait une lanterne pour s'éclairer le soir dans
les rues obscures, et souvent ils étaient armés d'une
rapière, quelquefois d'un poignard, en dépit des
défenses académiques.
Les étudiants de la faculté des arts semblent
avoir été les plus turbulents. « L'étudiant es arts,
dit le chancelier Prévostin parlant de l'université
de Paris, court la nuit tout armé par les rues, brise
les portes des maisons et remplit les tribunaux
du bruit de ses esclandres. » A Louvain aussi les
« artistes » sont les moins disciplinés : continuelle-
LA VIE DES ÉTUDIANTS 85
ment l'on rencontre des Ordinationes venerandae
Facultatis Artium circa quosdam excessus suorum
studiosorum.
Si l'on doit regarder tous les délits fréquem-
ment défendus par les statuts comme existant en
réalité, — et la fréquence des avis semble permettre
cette supposition, — -les étudiants promenaient par
les rues de la ville des filles publiques, en compagnie
de bourgeois; d'autres n'hésitaient pas à héberger
chez eux ou dans les environs de leur quartier des
femmes adultères ou des concubines, crime que
l'autorité punissait de la suspension ou de la perte
des privilèges universitaires. Mais ce n'étaient
probablement là que des cas exceptionnels.
Les actes de l'université et les comptes rendus
des séances du conseil académique sont remplis
de plaintes à propos des noctivagi ou coureurs de
nuit. Il était défendu aux étudiants, déjà dès 1476,
de parcourir les rues de la ville après que la cloche
de Saint-Michel eût sonné le soir, en hiver à
9 heures, en été à 10 heures. Exception était faite
pour ceux qui se montraient en rue en compagnie
d'un docteur ou d'une personne sérieuse, portant
une lanterne allumée. Après le dernier coup de
cloche, le promoteur et ses acolytes pouvaient arrê-
ter tous les étudiants qu'ils trouvaient encore
attablés dans les tavernes, les maisons publiques,
les endroits de prostitution, ou ils s'attardaient
pour leur simple amusement ou pour y passer
la nuit.
Les étudiants de Louvain buvaient ferme. Plus
d'une fois, le soir, par les rues tortueuses et faible-
83 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
ment éclairées de la vieille cité brabançonne, le
promoteur et ses agents, embusqués derrière un
coin de maison ou dans l'encoignure d'une porte,
pouvait les voir arriver en file, zigzaguant, dan-
sant, disparaissant subitement par la porte basse
d'une petite taverne, d'où lui arrivait bientôt
l'écho de leur chanson favorite :
Mini est propositum in taberna mori,
Vinum sit appositum morientis ori.
Ut, cumque dum venerint angelorum chori,
Deus sit propitius huic potatori 1.
Le fait que les étudiants brabançons se rafraî-
chissaient libéralement le gosier nous est attesté
par plus d'un étranger visitant Louvain au cours
du xvie siècle. « A Louvain, écrit l'un d'eux, les
étudiants vous considèrent comme ami lorsque
vous êtes aussi fort qu'eux à vider un verre et l'on
vous tient pour ennemi si vous ne savez pas boire
jusqu'à ce que successivement les yeux, la bouche,
les bras et les jambes refusent tout service. » Le
cardinal Bellarmin lui-même, qui fut envoyé
pendant quelques années à Louvain pour y restau-
rer sa santé chancelante sous ce climat exception-
nellement bienfaisant, et qui prêchait périodique-
ment pour les étudiants dans l'église Saint-Michel,
n'hésita pas, un soir qu'il avait fait un beau ser-
mon sur la mort, à l'occasion du 2 novembre, à
t. f'ai l'intention bien droite de mourir dans une taverne,
De mourir en portant le verre de vin à la bouche.
Lorsque le chœur des anges viendra me chercher,
Que Dieu me soit alors propice, à moi, malheureux buveur 1
LA. VIE DES ÉTUDIANTS 87
tonner vigoureusement contre ce vice des étu-
diants : « Louvain ! Brabant ! Belgique ! s'écria-t-il,
prenez garde que l'ébriété, qui est un de vos vices
coutumiers, ne vous fasse oublier la mort et le
jugement dernier l ! »
Les étudiants présents à ce sermon ne s'offus-
quèrent point de cette cinglante apostrophe : ils
voulurent montrer leur bon cœur en demandant
au prédicateur de faire imprimer son sermon.
Après avoir gaudriole dans les tavernes, les noc-
tivagi sentaient germer dans leur cerveau embué
les projets les plus drôles, les plus extraordinaires.
Quel plaisir pour eux de se cacher dans un coin
obscur et d'y attendre le passage d'un brave bour-
geois de Louvain rentrant tranquillement pour
dormir ! Tomber sur lui à l'improviste, le rosser,
le malmener était vite fait, puis la bande se dis-
persait, pour ne pas tomber entre les mains du
promoteur. Quelquefois, à bout d'invention, on
allait faire une promenade sur les remparts, on s'y
emparait de quelque vieille bombarde, canon res-
pectable qui semblait prêt à repousser une nou-
velle attaque de Martin Van Rossum ou du duc
d'Alençon, on s'y attelait et on traînait cette arme
de guerre à travers les rues mal pavées, faisant
sursauter dans leur lit les paisibles bourgeois. Puis,
las de ce jeu, et très embarrassé par ce lourd engin,
on finissait par précipiter la pauvre bombarde
dans les eaux noires de la Dyle, qui passait en cla-
potant sous les vieux ponts. Souvent, ces cou-
i. Édition (du sermon) datée de Cologne, 1626. Voir le
passage cité, à la p. 444 de cette édition.
88 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
reurs nocturnes traînaient derrière eux tout un
arsenal : les statuts de l'université nous parlent
de longues épées, de hallebardes, de lances, de
marteaux, de boules de fer. Toute cette ferraille
ne servait probablement qu'à faire du bruit et à
effrayer dans son sommeil le « philistin » louvaniste,
l'ennemi héréditaire, qui s'offusquait des privi-
lèges des étudiants, qui haïssait leur arrogance et
leur dévergondage, et qui prenait sa revanche en
les exploitant consciencieusement.
Quelquefois ces armes servaient à des rixes qui
s'élevaient entre étudiants après une partie de jeu:
les tavernes voyaient souvent les scholares jouer
aux dés ou à d'autres jeux de hasard, à l'insu du
promoteur et des autorités académiques. Celles-ci
se montraient très sévères pour les joueurs et punis-
sait leur délit d'une amende de trois florins du Rhin.
On ne respectait pas toujours non plus la pro-
priété privée et plus d'une fois les jardins, les ver-
gers et les vignes des suppôts de Y Aima Mater
recevaient la visite des braillards nocturnes. De
même l'on cassait à coups de pierres les fenêtres
des maisons du magistrat, des bourgeois, des profes-
seurs. Malheur à ceux qui tombaient alors entre les
mains du promoteur ! Immédiatement ils allaient
réfléchir dans la prison de la rue de Malines à ce
qu'il en coûte de ne pas rentrer à dix heures du soir
en discutant gravement avec quelque personne
sérieuse des problèmes de philosophie.
Étant donné la fréquence de ces désordres noc-
turnes, les logeurs étaient tenus d'ouvrir leur mai-
son et de laisser visiter les chambres des étudiants,
LA VIE DES ÉTUDIANTS 89
à toute heure du jour et de la nuit, pour que le pro-
moteur pût se rendre compte qu'on n'y cachait
pas des armes ou qu'on n'y tenait pas des réunions
prohibées. Pour violer le domicile privé, le pro-
moteur devait cependant montrer une permission
régulière et expresse du recteur.
Que l'on ne s'imagine pas maintenant que le
portrait que je viens de tracer est celui de tous les
étudiants de l'ancienne université de Louvain.
L'on a dit : « Les peuples heureux n'ont pas d'his-
toire. » De même les étudiants modèles n'ont pas
d'histoire l. Dans les documents qui nous restent
de l'ancien Studiam de Louvain, il n'est question
que de cette catégorie très spéciale de scholares
qui eurent toujours maille à partir avec l'autorité.
C'est pour eux que sont rédigés toutes ces prescrip-
tions, tous ces règlements sévères, et ce serait
certainement se méprendre sur les conditions de
vie et de moralité d'un pays que de les étudier uni-
quement dans son code pénal.
Les étudiants des collèges et des pédagogies
étaient moins bohèmes, moins turbulents que ceux
qui logeaient en quartier, d'abord à cause des
règlements assez sévères régissant ces collèges,
ensuite parce que toute velléité d'inconduite
pouvait leur faire perdre la bourse grâce à laquelle
ils étudiaient, ou les faire expulser du collège où
ils étaient gratuitement logés et nourris. Les
i. On aura une idée précise de ce qu'était l'existence d'un
étudiant « sans histoire », en lisant l'intéressant article de
M. J. VVils, Les dépenses d'un étudiant à l'université de Louvain
(1448-1453), dans les Analectes pour servir à l'histoire ecclé-
siastique de la Belgique, 3e sér., t. II, pp. 488 et suiv.
90 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
désordres et les conspirations contre l'autorité
dans ces collèges étaient sévèrement punis; ceux
qui visitaient les tavernes étaient fortement répri-
mandés. Pour leur éviter de céder aux tentations,
les présidents des collèges ne laissaient pas sortir
leurs étudiants le soir des jours de vacances ou de
suspension des cours et des peines variées punis-
saient ceux qui se présentaient au collège après
la fermeture des portes. Celles-ci, aux termes de la
« visite » de 1617, devaient se fermer dans les col-
lèges des juristes et des théologiens dès l'heure
du souper et après le repas du soir plus personne
ne pouvait sortir sans une permission spéciale du
président ou des régents. Les statuts élaborés en
1785 pour le collège de la Sainte-Trinité, qui appar-
tenait à la faculté des arts, sont particulièrement
instructifs pour comprendre le régime des collèges.
Il arrivait souvent que, lorsque les étudiants
étaient à court d'argent, ils n'hésitaient pas à
vendre leurs livres chez les libraires ou à les donner
en gage aux prêteurs lombards. Les statuts de
l'université s'élèvent hautement contre cet abus :
ils déclarent gravement que, « tout comme le sol-
. dat a besoin de ses armes, les étudiants ont besoin
de leurs livres ». Aussi tous les libraires admis et
reconnus par l'Aima Mater étaient obligés d'affi-
cher bien en évidence aux fenêtres de leur bou-
tique un extrait du chapitre IV des statuts uni-
versitaires, qui leur défendait sévèrement d'ache-
ter des livres à des étudiants âgés de moins de
25 ans, sans la permission spéciale du recteur ou des
autorités académiques.
LA VIE DES ÉTUDIANTS 91
Les statuts de la faculté des arts de 1639 défen-
dent aussi de nager dans les rivières et de patiner
sur la glace en hiver. L'on peut douter que ces
prescriptions aient toujours été observées.
Il était d'usage dans la plupart des universités
médiévales de soumettre les étudiants de première
année, les « bleus » (les be jauni disait-on alors), à
toutes sortes d'exercices et d'épreuves, qui consti-
tuaient souvent pour ces malheureux un véritable
martyre. Ce n'est qu'après avoir traversé ces épreu-
ves qu'on les jugeait dignes de faire partie du
corps des étudiants.
Ainsi, à l'université de Paris, on coiffait les bleus
de casques en papier munis de longues oreilles,
on leur enduisait le visage de savon, on les affu-
blait de toutes sortes de vieilles hardes. Puis on
leur faisait la chasse, leur rasant la figure avec des
couteaux en bois, leur arrachant leurs oreilles de
papier avec des pinces de même matière, les mal-
menant le plus possible. Cette chasse à l'homme
leur apprenait, disait-on, « à rentrer les cornes de
l'orgueil, à ouvrir l'esprit, à comprendre la signi-
fication de la vie ». Après avoir subi ces tortures
les be jauni étaient obligés de payer toutes sortes
de taxes à leurs aînés, qui avaient, ils le disaient
eux-mêmes, « ventres vuydes et appétit strident ».
A l'université de Cologne, les « bleus » étaient
d'abord soumis à un interrogatoire où on leur
posait toutes sortes de questions captieuses. Puis
au milieu de clameurs étourdissantes et de danses
folles, on les traînait par les rues jusqu'à une place
publique, où on leur administrait un bain vigou-
92 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
reux. Après cette douche, ils étaient reçus comme
étudiants.
L'université de Louvain, qui s'est inspirée dans
ses statuts des universités de Paris et de Cologne et
qui a fait venir de ces deux Studia célèbres ses pre-
miers professeurs, ne peut s'enorgueillir d'avoir
vu ses étudiants emprunter aux étudiants fran-
çais ou teutons les cérémonies comiques qui fai-
saient la terreur des élèves de première année.
u Je n'ai pas rencontré dans mes recherches,
dit l'historien de l'université, Valère André,
d'indice de l'existence d'épreuves de ce genre 1. »
Les statuts de la faculté des arts, datant de 1433,
défendent expressément de molester ou d'exploiter
les jeunes gens qui, après avoir quitté les petites
écoles, venaient suivre les cours à la faculté des
arts. Tout ce qu'on demandait d'eux, c'était de
verser, à la fin de leur première année d'études,
comme taille pour la déposition de leur Bejanium
ou la cessation de leur condition de « bleu », un
demi grifon à la pédagogie où ils avaient été logés
et où ils avaient suivi les cours.
Pour le reste, la faculté mettait tout en œuvre
pour que les nouveaux « philosophes » ne fussent
molestés, tentés, éprouvés, exploités d'aucune
manière.
Au xvme siècle, nous constatons cependant
l'existence d'une sorte d'épreuve pour les jeunes
étudiants, connue sous le nom de physicatio. Elle
semble avoir consisté en une rossade vigoureuse,
à laquelle les « physiciens » de la faculté des arts
1. Fasti academici, p. 241.
LES FACULTÉS 93
soumettaient les jeunes « humanistes » du collège
de la Sainte-Trinité. Cette physicatio devait être
accompagnée de scènes violentes, car Marie-Thé-
rèse finit par l'interdire sous les peines les plus
graves, comme contraire au bon ordre et à la
dignité qui devait régner à l'université.
Les étudiants de Louvain se montrèrent en toute
occasion de bons patriotes et des gens sans peur et
sans reproche. Lors du siège de la ville par Martin
van Rossum, ce furent eux qui chargèrent et
mirent en fuite les bandes de mercenaires; lors
de l'attaque de Louvain par le duc d'Alençon, ils
aidèrent vigoureusement la garnison à repousser
les Français; plus tard encore, lors de l'invasion de
Louis XIV, ils creusèrent des retranchements et
travaillèrent à mettre les remparts en état de
défense.
CHAPITRE V
Les Facultés,
leur organisation et leur enseignement.
i. FACULTÉ DES ARTS.
LA faculté des arts était destinée à l'étude de la
philosophie, des lettres, des sciences naturelles
et physiques telles qu'elles s'enseignaient
alors. «Entre les facultés de l'université de Louvain,
écrit Valère André, et qui constituent l'université
elle-même, la faculté des arts est le fondement et
la base des autres facultés. » En effet, pour pou-
voir se faire inscrire aux facultés de théologie, de
médecine et de droit, on devait d'abord avoir suivi
6
94 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
les cours de la faculté des arts et avoir conquis
le titre de magister artium. Une particularité de
la faculté des arts dans presque toutes les univer-
sités médiévales, c'est que ses étudiants sont divi-
sés en nations. On constate le fait aussi bien dans
les anciennes universités françaises que dans les
universités italiennes et allemandes. A Paris sur-
tout, la division en nations était importante : elle
était cependant artificielle, en ce sens que toutes
les nations n'étaient pas représentées séparément;
elle devait son origine au désir de faciliter l'admi-
nistration. Chaque nation avait, en effet, à sa tête
un procureur, qui représentait ses « nationaux » et
qui traitait en leur nom avec les autorités acadé-
miques.
La faculté des arts de Louvain groupait ses
maîtres et ses étudiants en quatre nations, érigées
par sentence arbitrale en 1435 : Brabantia, Gallia,
Flandria, Hollandia 1. La nation Gallia comprenait
les étudiants du royaume de France et de ses
domaines soumis, avec le territoire de Cambrai;
la Flandria groupait les étudiants du comté de
Flandre, des comtés de Hainaut et de Namur et
ceux de la ville de Malines; la Hollandia, ceux de
Hollande, de Zélande, de Frise, du territoire
d'Utrecht et de tous les pays maritimes du nord
(Anglais, Suédois, etc.). La nation Brabantia
comptait les étudiants du duché de Brabant et de
1. Il ne faut pas confondre les nations de la faculté des arts
avec les groupements nationaux d'étudiants, sorte de clubs,
dont M. J . Wils a étudié un exemple dans sa publication Les
étudiants des régions comprises dans la Nation germanique à
l'Université de Louvain, 2 vol. Louvain, 1909-1910.
LES FACULTÉS 95
tous les territoires non compris dans les autres
catégories. En 1448, les étudiants du pays de Liège
et du comté de Looz furent annexés à la Gallia.
On voit donc que cette division, tout comme à
Paris, était artificielle et moins logique que la
division de l'ancienne université de Bologne, où
l'on distinguait les Cismontani et les Ultramontani,
les étudiants d'Italie et ceux d'au delà des Alpes.
Les dignités dans la faculté sont décernées gra-
duellement dans l'ordre des nations (Brabantia,
Gallia, etc.). Comme à Paris, chaque nation a son
procureur, qui doit convoquer les membres de
la nation. Dans les délibérations universitaires,
toutes les nations délibèrent cependant ensemble,
sous la présidence d'un doyen unique.
Le caractère artificiel et tout administratif des
nations, en dehors de toute idée de groupement
géographique, nous est clairement démontré par
une ordonnance de la faculté des arts, datant de
1615. D'après cette ordonnance, feront désormais
partie de la natio Brabantiae : le régent du collège
du Lis, le sous-régent du collège du Château, le
professeur primaire du collège du Lis, etc. Or, il
n'est pas du tout certain que ces personnages
étaient toujours des Brabançons, et non des Fla-
mands ou des Liégeois. En 1615 certainement, la
division en nations n'était plus que purement
administrative, et ne donnait aucune indication
sur la nationalité de ceux qui étaient classés dans
telle ou telle nation.
L'organisation de la faculté des arts est très
intéressante à étudier. Elle comprend, comme
96 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
administration centrale, deux conseils : le minus
et le mains consilium. Le minus consilium com-
prend le doyen, le receveur, les doyens des quatre
nations et les régents des quatre pédagogies. C'est
ce conseil qui possède le droit de nommer les
maîtres es arts aux bénéfices ecclésiastiques. Le
majus consilium, c'est la réunion des membres les
plus savants (lectissimi), dont plusieurs sont déjà
licenciés en théologie ou en droit, docteur es arts
ou en philosophie. La faculté possédait pour ses
réunions un local en propre depuis 1444. Le doyen
de la faculté des arts est élu tous les quatre mois,
chaque fois dans une nation différente ; au xvne siè-
cle, la dignité était trimestrielle. Il vient immédia-
tement après les docteurs des facultés supérieures :
aux cérémonies officielles de l'université et de la
faculté, il est toujours précédé d'un bedeau por-
tant le sceptre.
L'enseignement de la philosophie était, au début
de l'université, entièrement entre les mains des
régents, qui peuvent enseigner dans les endroits
ou aux heures qu'ils préfèrent. Les cours publics
se donnaient dans l'école des arts ou vicus, mais
en outre, chaque maître de la faculté, qui désirait
le faire, organisait dans sa maison même une
espèce de pédagogie, où il donnait des leçons pri-
vées aux élèves qui se présentaient. En 1433, il y
avait ainsi sept de ces pédagogies privées. En 1446,
la faculté des arts réserva quatre collèges ou péda-
gogies aux leçons publiques. Ces quatre pédagogies
n'étaient qu'une transformation de maisons privées
en bâtiments officiels d'enseignement, et elles
LES FACULTÉS 97
gardèrent dès lors le nom des enseignes que ces
maisons portaient primitivement. Il y avait la
pédagogie du Lis, celle du Château, celle du Fau-
con et celle du Porc. A la différence des collèges
fondés un peu plus tard par de généreux bienfai-
teurs et qui dépendaient uniquement du président
désigné par le fondateur, les quatre pédagogies de
la faculté des arts étaient sous l'administration
directe de cette faculté.
L'enseignement de la faculté des arts comprend
avant tout la dialectique et la physique. Ces
sciences sont enseignées dans les quatre pédago-
gies par ce qu'on appelle les régentes et les legentes.
Les régents dirigent la pédagogie et les études des
élèves qui y suivent les cours : ils sont au nombre
de quatre, un par pédagogie. De plus, chaque péda-
gogie compte des « précepteurs » pour les classes
inférieures, et deux professeurs principaux et deux
professeurs secondaires pour l'enseignement de la
logique et de la physique.
L'enseignement des arts comprend ensuite la
philosophie morale et la rhétorique : ces d<
sciences sont enseignées non dans les pédagogies,
mais dans l'école publique de la faculté, bâtiment
spécial qu'on appelle le viens l. Ce sont non les pro-
fesseurs des pédagogies qui l'enseignent, mais des
professeurs de l'université. Dans ce même local
public se font les discussions solennelles de thèses
et les promotions de la faculté.
Nous savons déjà de par ailleurs que les cour?
grec, de latin et d'hébreu se donnaient dans un
i . Le tribunal de Louvain, incendié en 1914 par les Allemands.
98 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
troisième local, le Colle gium Trilingue ou de
Busleiden .
La faculté des arts possède donc deux sortes de
professeurs : i° les professeurs des pédagogies,
attachés à cette institution; 20 les professeurs
publics, attachés à l'université ou à la faculté
comme telle. Les professeurs de chaque pédagogie
sont des professeurs ordinaires, au nombre de
quatre. Deux s'appellent ftrimarii et enseignent
le matin, deux s'appellent secundarii et enseignent
l'après-midi. Ils se répartissent la tâche de l'ensei-
gnement de la physique et de la logique. Les cours
se donnent dans les pédagogies, le matin de 6 à 7,
et de 10 à 10 14 heures ; l'après-midi de 1 y2 à 2 y2,
de 4 à 5 1 . heures. Les répétitions ont lieu de 2 à 3
et de 4 y2 à 6 heures. En outre, les étudiants
des pédagogies ont à subir des exercices et des
discussions philosophiques, qui se donnent en
partie dans la pédagogie même, en partie dans le
viens ou local public de la faculté.
Les professeurs publics enseignent la philosophie
morale et la rhétorique au viens, le mardi et le jeudi
à 10 heures, de même que les dimanches et les jours
de fête.
Comme nous l'avons déjà dit en parlant de l'Hu-
manisme, la rhétorique était hautement appréciée
à Louvain. En 1433, la faculté des arts pria les
autres facultés de coopérer à la création de cette
chaire, « qui n'intéresse pas seulement la faculté
des arts, mais toute l'université ».
A côté des deux chaires publiques d'éthique et
de rhétorique, le magistrat de Louvain institua en
LES FACULTÉS 99
1563 deux chaires publiques de dialectique et de
mathématiques. L'université et la faculté des arts
répugnèrent à accepter cette fondation, mais
elles finirent par s'exécuter, à la suite de la munifi-
cence des États de Brabant, qui dotèrent généreu-
sement ces deux chaires. Enfin la grammatica ou
l'étude des lettres fut enseignée au début dans
toutes les pédagogies. Au XVIIe siècle cet enseigne-
ment ne se donnait plus qu'à la pédagogie du Porc,
étant donné qu'il figurait au programme des col-
lèges fondés par les Jésuites et les Augustins dans
presque toutes les villes des Pays-Bas.
L'ensemble du Studium Philosophicum ou étude
es arts durait d'ordinaire deux ans. Les neuf pre-
miers mois étaient consacrés à l'explication de
toute la logique d'Aristote et des préceptes de la
dialectique ; suivent huit mois pour étudier la pliilo-
sophie naturelle et les livres d'Aristote qui en par-
lent. Quatre autres mois suffisent pour la métaphy-
sique. Trois mois, enfin, étaient consacrés à la
répétition des cours.
Les livres ou traités en usage étaient les sui-
vants : les Traités de logique et de physique d'Aris-
tote, Y Introdudio Porphyriana, le Traité de Sphera
de Jean de Sacrobosco, la Summula de Petrus
Hispanus, la Grammatica d'Alexandus, le Grae-
cismus, le premier livre d'Euclide, et la Musica de
Joannes Mûris.
Aristote était l'autorité par excellence. Mais on
mettait des restrictions à l'étude de sa doctrine.
Voici, pour caractériser l'esprit de l'enseignement
de l'ancienne faculté des arts — esprit qu'il faut
100 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
placer dans le cadre de l'époque — des prescrip-
tions importantes : « Suivez en tout la doctrine
d' Aristote, excepté dans les cas où elle est contraire
à la foi. » — « S'il vous arrive de toucher à une
question qui concerne a la fois la philosophie et la
foi, résolvez-la dans le sens de la foi et dissolvez
les arguments ou les raisons contraires à la foi. »
— « Personne ne peut rejeter comme hérétique une
sentence d'Aristote, si elle a été défendue par des
catholiques, à moins que la Faculté de théologie
n'en ait au préalable démontré le caractère héré-
tique» (Acta, 1470J . Le 2 juin 1427, la faculté décida
qu'aucun maître ne pourrait être admis à la régen-
ce s'il ne jurait de ne jamais enseigner la doctrine
de Buridan, de Marsile de Padoue, d'Ockham et
de leurs disciples.
La faculté des arts garda longtemps l'ancienne
façon de parler et de prononcer le latin. Lorsque la
fondation du collège des Trois Langues vint intro-
duire ce qu'on appelait le sermo purus, une cabale
poussa les étudiants, nous l'avons déjà dit, à qua-
lifier ce latin de « latin du Marché aux Poissons »,
par opposition au latin médiéval de la « vénérable
faculté des arts ». L'on peut se rendre compte de
l'indigence de ce dernier en consultant les « For-
mules épistolaires » que Carolus Virulus, premier
régent de la pédagogie du Lis, fit imprimer à
Louvain, Cologne, Deventer et Reutlingen à la fin
du xve siècle.
A la faculté des arts existent aussi ce que l'on
appelle les disputationes quodlibeticae ou « discus-
sions à volonté ». Elles furent instituées en 1426
LES FACULTÉS 101
et eurent lieu chaque année, vers la fête de Sainte-
Lucie, au local public de la faculté. Un maître es
arts propose aux autres magistri, qui désirent
prendre part au débat, une question avec deux
arguments et deux « quod libeta » ; celui qui répond
doit le faire dans une forme voulue et prescrite.
Pour attirer le public, on permettait de poser des
questions amusantes, mais toutes choses malhon-
nêtes ou injurieuses étaient bannies du débat.
Les tentamina ou examens de la faculté des arts
pouvaient conduire à trois grades : le baccalauréat,
la licence et la maîtrise. Une épreuve précède ces
trois examens. On l'appelle la « déterminance ».
Les étudiants en logique, avec la permission solen-
nelle de l'université, traitent une question d'éthique
que le président de la « déterminance » propose.
Pour la licence es arts, il fallait avoir atteint l'âge
de 18 ans; pour la maîtrise 20 ans révolus sont
de rigueur. A l'époque de Valère André, c'est
cependant la connaissance qui décide de l'admis-
sion à ces examens. Pour la licence, les bacheliers
de tous les collèges concouraient ensemble et
c'était un grand honneur que celui de sortir pre-
mier, second et troisième de la promotion. Nous
avons parlé plus haut des honneurs qu'on accordait
au Primas.
La faculté des arts possédait une bibliothèque en
propre; déjà en 1466 l'on trouve des prescriptions
à ce sujet. Il était défendu d'y entrer avec de la
lumière et de prêter des livres au dehors. On peut
croire que, pendant les premiers siècles de son
existence, la faculté ne se souciait pas trop de l'hy-
102 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
giène scolaire. Les étudiants de l'université de Paris
ne s'asseyaient-ils pas par terre, sur les dalles en
été, sur de la paille en hiver, un pupitre portatif
sur les genoux? L'intervention gouvernementale
du xvme siècle appela l'attention sur l'hygiène.
L'article XIII de la Directio j>ro facultate philoso-
phica, publiée en 1788, prescrit l'usage de bancs
construits de telle manière que les étudiants ne
soient pas forcés de prendre des notes sur les genoux,
la tête toujours inclinée, le dos courbé et les intes-
tins écrasés par cette position peu confortable.
Pendant le cours de son histoire, la faculté des
arts fut illustrée par des savants de premier ordre.
On nous permettra de rappeler ici brièvement
quelques noms. Parmi les rhéteurs se distinguèrent
Johannes de Palude, ami de Thomas Morus,
d'Erasme et de Barlandus, l'historiographe
Jean -Baptiste Grammaye, et Nicolas Vernulaeus.
Plus connus encore sont Nicolas Clénard, professeur
d'hébreu et de grec (1542), J.-L. Vives, professeur
de lettres latines, Rescius, professeur de grec,
Conrad Goclenius, professeur de latin (1539),
Andréas Masius, professeur de syriaque (1573), Guy
Morillon, professeur de grec. La section scientifique
de la faculté des arts compte des noms aussi célè-
bres que la section littéraire : citons Paul de
Middelbourg, évêque de Foro Sempronio, mathé-
maticien et chronologiste distingué (1484), Albert
Pighius, qui adressa à Léon X des écrits sur la cor-
rection du calendrier (1520), Gemma Frisius, l'au-
teur d'une mappemonde et d'un ouvrage de mé-
thode d'arithmétique pratique, Gérard Mercator,
LES FACULTÉS 103
le fameux géographe de Rupelmonde. Plus tard,
au cours du xvne et du xvnie siècle, lorsque les
sciences positives firent des progrès géants par
nombre de découvertes sensationnelles, Louvain ne
resta point étrangère à ce mouvement. Ainsi, lorsque
le système de l'abbé Nollet, pour l'explication des
phénomènes électriques, fut renversé par la doc-
trine de Franklin, l'université fut une des pre-
mières à enseigner la nouvelle théorie, malgré la
répugnance qu'elle éprouvait pour les idées philo-
sophiques et politiques de l'auteur. Lorsque la
chimie était encore dans l'enfance, le professeur
Van Bouchaute l'enseignait déjà avec une certaine
supériorité , car il fut un des premiers à se familiariser
avec la nouvuelle théorie qui a immortalisé le nom
de Lavoisier. Ce fut le professeur de Louvain
Minckelers qui, le premier, fit la découverte du gaz
de houille : c'était un habile physicien, un chimiste
distingué, un connaisseur en paléontologie et en
minéralogie.
Tel est le bilan de ce qu'offre l'histoire de la
« vénérable faculté des arts, mère et commence-
ment de toutes les autres ».
Son histoire ne serait pas complète si nous ne di-
sionsici quelques mots d'une institution qui, pour ne
pas être attachée spécialement à la faculté des arts,
fut la plupart du temps dirigée par des professeurs
pris dans ses rangs : nous voulons parler de la
Bibliothèque universitaire. Pendant plus de deux
siècles, l'université de Louvain fut privée de biblio-
thèque publique. Durant une période aussi longue,
le corps professoral et les étudiants furent astreints
104 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
à recourir aux « librairies » affectées aux nombreux
collèges et établissements religieux.
L'université dut la fondation de son dépôt litté-
raire à l'affection d'un de ses anciens élèves, Laurent
Beyerlinck. En 1627, celui-ci légua à l'Aima Mater
sa bibliothèque riche en livres d'histoire et de théo-
logie. Ce legs constitua le premier fonds. Il fut suivi
par un second, fait par le professeur de médecine
Jacques Romanus, en 1635. Celui-ci, fils du célèbre
mathématicien Romanus, laissa à l'université la
bibliothèque de son père, fort bien fournie de
livres se rapportant aux mathématiques, et y
ajouta ses propres livres de médecine. En ce mo-
ment était recteur le célèbre Corneille Jansenius :
ce fut lui qui organisa la bibliothèque. Le dépôt de
livres fut établi aux Halles dans l'auditoire de la
fatuité de médecine. Jacques Boonen, archevêque
de Malines, assigna une somme annuelle pour
l'entretien et l'augmentation de la bibliothèque.
La garde des livres fut confiée au professeur Valère
André, bibliographe très averti. Ce dernier présida
à l'ouverture publique du dépôt, le 22 août 1636,
et la même année il publia un catalogue des 1,762
livres qu'il contenait l.
A la mort de Valère André, la bibliothèque fut
malheureusement laissée à l'abandon, de 1635 à
1719. En cette dernière année, l'attention fut de
nouveau appelée sur elle par un don de Dominique
1 . Bibliothecae publicae Lovaniensis primordia et librorum
catalogus, a curatoribus ejusdem editus. Cum oratione auspi-
cali Lovanii Kal. Octobris an. 1636 habita a Valerio Andréa.
Louvain, 163G.
LES FACULTÉS 105
Snellaerts, chanoine d'Anvers (fi.720), qui lui
donna les 3,500 volumes qu'il possédait.
Ce geste généreux nécessita la construction d'un
nouveau local. Ce fut le recteur Réga, homme de
grande initiative, fondateur du musée d'anatomie,
qui s'occupa de la nouvelle installation : il lui
procura aussi des revenus fixes. Le nouveau bâti-
ment, donnant sur le Vieux-Marché, fut achevé
en 1730.
En 1752, C. F. de Nelis devint bibliothécaire. Le
premier acte de son administration fut d'inviter le
gouvernement à imposer aux imprimeurs belges
l'obligation d'envoyer au moins un exemplaire de
leurs publications à la bibliothèque. Inutile de dire
combien cette mesure augmenta les trésors déjà
accumulés.
Sous l'administration de Jean-François Van de
Velde (1771-1797), la bibliothèque acquit 1200 vo-
lumes, achetés aux ventes des bibliothèques des
Jésuites, après la suppression de la Compagnie, et
le bibliothécaire fit entrer, en outre, 4,573 livres
nouveaux.
En 1795, sous le régime français, les commissaires
de la République enlevèrent environ 5 000 volumes,
dont des manuscrits rares et précieux l. En 1797,
de la Serna Santander obtint l'autorisation de
faire un choix de tous les ouvrages qu'il jugerait
pouvoir convenir au dépôt de l'école centrale de
1. Par décret impérial de Napoléon, en date du 12 décem-
bre 1805, la bibliothèque devint la propriété de la ville. Lors
de la restauration de l'Université, en 1835, l'administration
communale remit le précieux dépôt à la disposition de YAhaa
Mater.
106 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Bruxelles. Après un triage qui dura dix jours, le
commissaire emporta 718 volumes. Ils ne furent
jamais restitués.
2. FACULTÉ DE THÉOLOGIE.
Avant l'époque de Charles-Quint, la faculté de
théologie ne comptait que cinq professeurs ordi-
naires, qui enseignaient chacun à leur tour un jour
différent de la semaine. Ce système fut changé en
1545 et l'on obligea alors chacun de ces professeurs
à donner ses leçons sans interruption pendant six
semaines, de telle sorte qu'ils épuisaient consécu-
tivement la matière du cours qui leur était confié.
L'année suivante, en 1546, l'empereur Charles-
Quint créa deux chaires nouvelles, une d'Écriture
Sainte et une de théologie scholastique, cette der-
nière consacrée à l'explication du « Maître des Sen-
tences » (Pierre Lombard). Ces leçons étaient
quotidiennes et les professeurs étaient payés à
200 florins par an.
Philippe II, qui se considérait, on le sait, comme
le défenseur patenté de la foi dans ses domaines,
institua en 1567 une chaire de catéchèse. Cet en-
seignement devait se donner les dimanches et jours
de fête. Plus tard, à la fin de sa vie, en 1596, le
même roi fonda encore une autre chaire, consacrée
à l'enseignement de la théologie scholastique, avec
saint Thomas comme auteur à expliquer. C'est
Malderus qui donna cet enseignement.
L'enseignement de la théologie comportait aussi,
à côté des leçons ordinaires et quotidiennes, des
« disputationes » ou exercices de discussion jour-
LES FACULTÉS 107
ruliers et les fameuses « Sabattines ». Les exercices
du samedi avaient lieu au Collège théologique ou
du Saint-Esprit, par décision de la faculté datant
de 1570.
L'organisation interne de la faculté comprenait
le « collège strict » ou ordinaire, formé par huit
docteurs appelés legentes et régentes. Ceux-ci
avaient seuls la direction des cours et de l'enseigne-
ment, possédaient seuls le droit d'examiner les
étudiants et touchaient seuls les émoluments de
l'école.
Les autres maîtres étaient admis au « collège »,
mais ils ne touchaient rien. Ils devaient attendre,
pour être payés, la mort d'un des régents, dont
ils prenaient alors la place.
Les études de théologie conduisaient aux grades
de bachelier, de licencié et de maître.
Il y avait trois sortes de bacheliers : les bacca-
laurei cursores, les baccalaurei sententiarii et les
baccalaurei formait.
Les premiers, les cursores, devaient avoir suivi
pendant trois ans les cours ordinaires et les exer-
cices de discussion publique, et donner des preuves
qu'ils avaient lu attentivement la Bible et la Somme
de Saint Thomas d'Aquin. Pour procéder à Yachts
ou examen suivant, le baccalaureus cursor doit
présenter au doyen et au « collège » de la faculté
un travail manuscrit, commentant un livre du
Nouveau on de l'Ancien Testament, d'après les
auteurs admis, et suivre en outre les leçons et les
exercices ordinaires. Ces deux épreuves conduisent
alors le candidat à l'obtention du titre de bacca-
108 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
laureus sententiarius, honneur qui lui vaut l'admis-
sion à la lecture des « Sentences » scholastiques
Enfin, pour obtenir le grade supérieur, celui de
baccalaureus formatas, le candidat devait < pio-
cher », — pour employer un terme estudiantin —
par lui-même les deux premiers livres des « Sen-
cences », obtenir ensuite la tonsure cléricale. Dès
lors il était « formatus » et pouvait commencer
l'étude du troisième livre du même recueil.
Quant à l'acte de licence en théologie, il supposait
des épreuves, des solennités et aussi des frais mul-
tiples. L'examen de licence coûtait la somme im-
portante de 156 florins 16 sous. C'est qu'il fallait
payer les droits d'examens des huit docteurs
régents, tant pour l'examen lui-même que pour
conduire en grande pompe le licencié à sa demeure,
les salaires du bedeau de la faculté, des valets des
régents, les droits du président d'examen, du chan-
celier de l'université, du doyen de la faculté,
l'« épargne » de l'université et de la faculté de théo-
logie, le salaire du bedeau de la faculté des arts, du
trésorier de l'église Saint-Pierre. Il fallait ne pas
oublier les musiciens qui avaient joué le motet de
circonstance, le tapisssier qui avait orné les locaux
de la faculté, les gratifications que la tradition
accordait au recteur, au chancelier, au conservateur
des privilèges, à tous les docteurs de l'université,
au maïeur, aux deux bourgmestres et aux deux
pensionnaires de la ville, au receveur des domaines
du roi et à celui des États de Brabant, à l'avocat
fiscal, au syndic, au secrétaire et au promoteur de
Y Aima Mater.
LES FACULTÉS *109
U y avait aussi les valets de tous les docteurs
de Vuniversité, ceux du maïeur et des fonction-
naires municipaux, ceux du receveur royal et du
receveur des États de Brabant. Il fallait aussi
songer aux portiers des docteurs en théologie, aux
bacheliers, aux cinq bedeaux et au concierge des
Halles, à l'organiste, au basson et au carillonneur,
qui avaient mis leur art à la disposition du nouveau
licencié.
Pouvait-on oublier, après tout cela, les braves
gens qui avaient érigé un arc de triomphe devant
la demeure du « promo vendus »? Devait-on ne pas
donner une obole pour l'entretien et la réparation
des locaux de l'école de théologie, pour l'ornemen-
tation de ce même bâtiment, pour l'autel de
Saint-Augustin ? Et puis, à la fin des fins, après avoir
distribué quelque gratification à tout le monde,
comment ne pas réjouir le « promoteur » de l'église
Saint-Pierre et le valet du doyen de la faculté?
Bref, ce jour-là, chacun présentait sa note et
le nouveau licencié, s'il sortait avec les honneurs
de la journée, en sortait aussi passablement « dé-
plumé ».
Mais qu'était-ce que la solennité de la licence en
comparaison des fêtes du « magisterium in sacra
theologica »? Des instructions approuvées par la
faculté en 1713 décrivent minutieusement la céré-
monie du « magistère ».
Le dimanche qui précède les « vespéries » — jours
de défense des thèses — le bedeau de la faculté
affiche aux valves de l'église Saint-Pierre et des
Halls universitaires l'annonce de la défense des
1 10 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
thèses. Le cinquième jour avant les « vespérics »,
le futur docteur va lui-même faire ses invitations :
il se rend chez ses invités, précédé des bedeaux de
la faculté portant la masse universitaire ec revê-
tus de la toge, lui-même habillé d'une toge à larges
manches et portant les insignes des arts sur
l'épaule gauche. Huit amis ou « comités irvitantes »
l'accompagnent. Les invités sont tenu? de verser
du vin au futur docteur et à ses compagnons.
Au banquet qui a lieu lors du « magistère », doivent
être invités le recteur et le chancelier del'université,
le conservateur des privilèges, l'abbé du monastère
de Saint-Pierre à Gand — un des bienfaiteurs de
Y Aima Mater — et tous les « prélats », le prévôt
de police de la ville, tous les docteurs des facul-
tés supérieures, le doyen de la faculté des arts,
les deux bourgmestres et les deux pensionnaires
de Louvain, le receveur du duc de Brabant, celui
des États de Brabant, tous les licenciés en théo-
logie résidant à Louvain, les régents des quatre
pédagogies, le plus ancien licencié en droit canon,
les plus anciens licenciés en droit civil, en médecine
et es arts. Le président d'examen peut aussi inviter
quelques-uns de ses amis.
Lorsque le jour de la défense des thèses est ar-
rivé, à trois heures de l'après-midi, les bedeaux de la
faculté, la masse de cérémonie sur l'épaule, se ren-
dent à la maison du futur docteur. Suivi de huit
amis, ce dernier, revêtu d'un toge de théologie,
s'achemine vers la maison du président d'examen.
Celui-ci, en grand apparat, conduit à son tour le
récipiendaire, toujours précédé des bedeaux, au
LES FACULTÉS I J '
local de la faculté. Là se trouvent déjà les douze
bacheliers objectants, revêtus de la toge. Le pré-
sident monte en chaire et la défense commence.
Lorsque ces joutes académiques ont pris fin, et
que le récipiendaire a été jugé digne du titre de
«magister», un cortège s'organise; l'on se rend
processionneUement à l'église Saint-Pierre. En tête
marchent des musiciens, suivis des bedeaux de la
faculté. Puis viennent, dans l'ordre traditionnel,
le recteur, le chancelier, le conservateur des privi-
lèges de l'université, les «prélats» et les bourg-
mestres de la ville. Un jeune garçon et une fillette
s'avancent ensuite, portant un rameau d'honneur.
Ils précèdent immédiatement le docteur.
Le cortège se termine par le président d'examen,
les docteurs des facultés «supérieures . le doyen
de la faculté des arts, les licenciés et les invité
Arrivé à l'église collégiale, le cortège se disloque
et les participants se rangent autour de l'autel de
Marie, « Siège de la sagesse ». Le nouveau docteur
dépose, comme offrande, sur l'autel, un denier
d'or et un denier d'argent. Il enlève ensuite sa
toge, le président d'examen l'imite et tous deux
endossent un capuce violet. De l'autel de la Vierge,
le cortège, qui s'est reformé, gagne ceux de saint
Ivon et de saint Charles Borromée, pour y dire une
prière. On quitte ensuite l'église par la porte prin-
cipale et on se rend en cortège à l'endroit où aura
heu le banquet traditionnel. Cette fois, le garçon et
la fillette portant le rameau d'honneur, et le nou-
veau docteur, précèdent le président d'examen et
le recteur.
! 12 ORGANISATION' INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Le lendemain de la cérémonie, le nouveau docteur
donne, à 8 heures, sa première leçon.
Cette cérémonie se déroulait encore, avec peu de
changements dans les détails, à l'université actuelle
de Louvain jusqu'en 1914. La fureur incendiaire
des troupes allemandes ayant détruit plusieurs
souvenirs et ornements de jadis qui servaient à
cette occasion, il est à craindre que l'on ne verra
plus une reconstitution presque exacte de cette
Ile solennité, dont je viens de décrire les parties
principales.
3. FACULTÉ DE DROIT.
La faculté de droit de l'ancienne université de
Louvain était double : relie de droit civil ou des
lois, - t celle de droil canonique ou des décrets.
Le recrutement du pi el tut. au début, fort
modeste : ons'ad lux universil :angères,
et notamn* . our obtenir des docteurs
pour la nouvelle faculté 0 fit aussi appel à des
tnmités juridiques d'Italie, comme ce fameux
J Mayno, qui répondit à l'offre, qui lui fut
faite officieusement, d'enseigner à Louvain, que
-1 l'on pouvait lui garantir mille . ,1 viendrait,
puisque, à l'universit» d< Pavie, il gagnait 500 du-
cats d'or (1484).
début il n'y eut que deux professeurs, un
maître en droit canon et un maître en droit civil.
I e prunier, ancien maître des universités d'Erfurt
et 'pelait Nicolas de Priim, le second
appartenait à une famille liégeoise connue et s'ap-
pelait Jean de Groesbcek. Ces deux professeurs
LES FACULTÉS 113
devaient, nous dit Valère André, « aux premières
heures du matin monter en chaire et de là, pendant
deux heures sans interruption, chaque jour, tantôt
dicter, tantôt discuter les questions de droit .
Bientôt d'autres professeurs s'ajoutèrent et,
ensemble avec Nicolas de Prùm et Jean de Groes-
beek, prirent le titre de régentes et legentes : Henri
de Piro (ou Van den Peerenboom), Daniel de
Blockhem. Henri de Mera et Arnould de R
naelde.
Ces professeurs constituèrent le
docteurs et professeurs de droit in utroque » et
furent dénommés doctores coUegiati, plus tard doc-
tores ordinarii.
Déjà en 1430, les statuts du collèg< des docteurs
en droit furent établis. Ce collège-là était ce que
l'on appelait Le Collège strict», par opp<-i"
du » Large collège », qui comprenait tous ceux qui
possédaient la licentia docendi, la permission d
seigner, qui étaient admis à assister aux dise
publiques et autre- fonctions académiques, mais
qui ne donnaient pas de cours et ne touchaient
aucun émolument.
A l'époque de Valère André (xviie si le col-
lège strict comptait six professeurs ordinaires, trois
professeurs royaux ( prof essores regiij et ordinai
et un représentant des docteurs du Large collège,
choisi par cooptation.
A côté du collège strict des professeurs titulaires,
nous trouvons une institution dont le rôle fut ex-
trêmement utile : le collège des Bachelk
Ce groupement dut son origine à Henri de
114 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Ballieul, officiai de l'évêque de Tournai à Bruges :
une réorganisation en eut lieu en 1503.
Pour exciter l'émulation entre ceux qui avaient
déjà conquis le grade de bachelier in utroque, on
avait fondé cette association, à la tête de laquelle se
trouvait un doyen, nommé pour la durét d'un se-
mestre. Ce doyen présidait à une série de thèses
qui se soutenaient avant la licence, sur les matières
controversées choisies; il avait aussi le privilège
d'argumenter aux « disputationes » de baccalauréat
et de licence. Le but du collège était de développer
la préparation scientifique des jeunes légistes.
Vernuleus, en 1627, appelle cette institution la
Palestra juris, où l'on trouve la fleur de la jeunesse
universitaire et, employant un mot que les univer-
sités modernes utilisent pour désigner les cours
pratiques, il compare le collège à « un séminaire
de l'État».
La base de l'enseignement du droit était, comme
partout ailleurs, le droit romain. Il faudra attendre
jusqu'au XVIIe siècle pour voir le droit national ou
local attirer quelque peu l'attention des juristes.
Ledit des archiducs Albert et Isabelle et la codifi-
cation des coutumes (1611) seront le point de
départ d'études et de commentaires nouveaux dont
la Notifia juris belgici de Zypaeus sera la première
manifestation.
Voici le programme des cours au xvie siècle, tel
qu'il fut fourni par un rapport adressé par l'univer-
sité au duc d'Albe en 1568 :
Pour la section des Décrets ou du droit cano-
nique, nous trouvons d'abord les cours des trois
LES FACULTÉS 115
professeurs ordinaires (ordinarie régentes ac le gén-
ies) :
i. Les Décr étales de Grégoire IX, par le profes-
seur ordinaire et primaire, de 7 à 9 heures du matin.
2. Les Décrétâtes de Boniface VIII, les Clémen-
tines et les Extravagantes, à 2 heures de l'après-
midi.
3. Le Décret utn Gr ai ici ni, les dimanches et jours
de fêtes, à 8 heures du matin.
Il y a ensuite le cours donné par le pro-
fesseur royal (chaire fondée par Philippe II en
1557). Celui-ci donne le décret de Gratien tous les
jours à 10 heures.
Il y a enfin les cours donnés pendant les
vacances (fcriarum tempore) par les deux profes-
seurs extraordinaires, qui tous deux interprètent
un titre des Décrétales.
Quant à la section des lois ou de droit civil, voici
son programme :
Cours des professeurs ordinaires :
1. Le Digestum vêtus, avec le Code, tous les
jours de 7 à 9 heures du matin.
2. Le Digeste (infortiatum et novum), tous les
jours à 2 heures de l'après-midi.
3. Les Éléments ou Institutes du Droit, tous
les jours à 10 heures du matin.
Il y avait ensuite un cours général de Pandectes,
fondé par les États de Brabant, qui se donnait
tous les matins à q heures.
Deux professeurs royaux et ordinaires, nomn
par Philippe II en 1557. donnaient :
1. Exposé sommaire des titres (Paratitla) du
1 16 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Digeste ou du Code, en hiver à i heure, en été
à 4 heures de l'après-midi.
2. Interprétation sommaire des Institutes, tous
les jours, à 3 heures de l'après-midi.
Pendant les vacances deux professeurs extraor-
dinaires expliquaient sommairement les Institutes
et quelque titre du Code.
Il y avait, en outre, des exercices de discussion,
le samedi, que l'on appelait les « Sabattines ».
Lors de la visite de l'université, au xvne siècle,
ce programme fut quelque peu modifié. Jusque-là la
matière des études de droit avait formé un cycle
de cinq années. La « Visite » de 1617 réduit la durée
à quatre ans pour le matières civiles et canoniques
réunies. Pour le grade de licence en droit canon ou
en droit civil, on exige une étude de trois ans;
la moitié de ce temps suffit pour le baccalauréat.
Pour ce qui concerne la forme de l'enseignement,
Louvain suivit au début la tradition, c'est-à-dire
on se borna au commentaire pur et simple du
texte et de la glose. Au xvie siècle, une innovation
fut introduite par le professeur Gabriel Mudeus,
né à Brecht, province d'Anvers, en 1500. La
nouvelle méthode introduite par Mudeus s'écarte
à la fois de la stricte interprétation et des com-
mentaires trop libres. Le professeur s'attachera
désormais à expliquer la loi romaine par sa propre
histoire et ses institutions. C'est l'alliance de l'exé-
gèse et de l'interprétation historique, c'est l'in-
fluence de l'Humanisme sur la méthode juridique.
C'est le système qu'Alciat et Cujas représenteront
en France avec le plus d'éclat. Les disciples de
LES FACULTÉS 117
Mudée l'introduisirent à la jeune université de
Douai.
C'est ici l'endroit propice pour faire connaître
brièvement comment les professeurs donnaient
leur cours. La base de l'enseignement, c'est le
texte juridique romain : on en complète le sens
soit par l'exégèse, soit par commentaire synthé-
tique, comme philosophe, ou comme historien,
selon l'école dont on suivait la méthode. Les
leçons se donnaient en parlant ou en dictant. Les
étudiants prenaient des notes ou inscrivaient la
dictée dans un cahier. La Bibliothèque royale* de
Bruxelles possède un certain nombre de ces cahiers
de cours, avec l'indication de l'année, même du
mois et des jours où l'étudiant a rédigé ses notes.
Ces cahiers étaient souvent publiés soit du vi-
vant du professeur, soit après sa mort, par ses
héritiers ou ses élèves. Quelques professeurs rédi-
geaient un manuel, qui pouvait servir de guide aux
étudiants, mais ce n'est qu'exceptionnel. Le traité
De methodo docendi discendique commodissima du
professeur Diodore Tulden (xvne siècle) nous
donne une idée de la façon dont l'un des maîtres
les plus éminents de la faculté de droit compre-
nait l'enseignement.
Nous avons vu, en parlant de l'histoire de
l'université, l'importance du rôle que joua la
faculté de droit à l'époque des archiducs Albert
et Isabelle, et nous avons cité quelques-uns de ses
maîtres les plus célèbres. On nous permettra, en
terminant ce chapitre, de donner encore les noms
de quelques hommes qui ont illustré la faculté :
118 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
François Craenevelt (1510); Joachim Hoppérus,
maître des suppliques à Madrid (1553); Jean
Vendeville, évêque de Tournai, et Pierre Peckius,
membre du Grand Conseil de Malines.
4. FACULTÉ DE MÉDECINE.
Les débuts de la faculté de médecine furent aussi
très modestes. Lors de la création de l'université,
il n'y avait qu'un seul docteur en médecine, un
prêtre, Jean de Neele, qui avait aussi le grade de
maître es arts. A la fin du xve siècle, nous rencon-
trons le nom de Jean Spierinck (f 1499), chanoine
de Saint-Pierre, qui fonda la bibliothèque de la
faculté de médecine, et qui se fit une renommée
par ses guérisons obtenues grâce à des moyens
simples et naturels, en employant surtout les
herbes indigènes.
Dès les premiers temps, il existait deux chaires
ordinaires de médecine, qui étaient occupées, en
1543, par Arnold Noot et Léonard Willemaers. Ces
chaires étaient à la collation de la ville de Louvain.
Cette année 1543, les deux professeurs durent rési-
gner leurs fonctions : on reprochait à l'un « d'être
d'un autre âge » et de ne pas posséder la méthode
moderne; à l'autre ses fréquentes absences. Le
magistrat fondit les deux chaires en une seule,
que l'on offrit à Jérémie Triverius, qui passait
pour très capable.
En 1557, les collateurs divisèrent de nouveau
la chaire unique en deux et posèrent aux candidats
certaines conditions, dont voici les principales : Les
LES FACULTÉS 119
professeurs apprendraient aux élèves à connaître la
nature, la valeur et les effets curatifs des plantes
et des herbes, surtout de celles du pays. Pour les
candidats à la licence, ils enseigneraient le dia-
gnostic des maladies et les remèdes à appliquer
ou la thérapeutique. Enfin, condition importante,
chaque année les professeurs étaient obligés de
présider, jusque quatre fois si possible, des exer-
cices de dissection anatomique sur les cadavres et
d'ajouter « les explications nécessaires ».
Il était fort difficile de se procurer des cadavres.
Vésale, le grand anatomiste (1540), nous raconte
qu'il parvenait à résoudre la difficulté en cultivant
l'amitié du « pretor » ou chef de la justice de la
ville. Celui-ci lui procurait de temps en temps
quelque dépouille de malfaiteur mis à mort pour
ses crimes. Peu à peu, les autorités comprirent
l'importance de la dissection anatomique, et l'on
abandonna à la faculté de médecine les cadavres
des criminels exécutés par la corde. Il faut croire
que les médecins y mettaient quelquefois trop de
zèle, car nous possédons un édit du prince Charles
de Lorraine, du 27 janvier 1752, défendant à la
faculté de médecine de Louvain d'enlever les
cadavres si ce n'est au moins deux heures après
la mort. Un peu plus tard, en février 1756,
Marie-Thérèse facilita le macabre approvisionne-
ment en autorisant le professeur d'anatomie et de
chirurgie à disposer des corps des militaires exé-
cutés par la corde ou par le glaive.
En 1558, Philippe II ajouta une nouvelle chaire,
dont le titulaire devait enseigner ÏArs farva
120 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Galeni. Une troisième chaire fut fondée par les
États de Brabant. Outre ces trois chaires, il y eut
deux chaires ordinaires, appelées « prébendées »
parce que leur titulaire était pourvu d'une pré-
bende canonicale à Saint-Pierre (canonicat de la
seconde fondation). Les titulaires de ces deux
chaires devaient enseigner alternativement Hippo-
crate et Galenus.
Vint alors la « visite » de 1617. Les commissaires
furent d'avis que la faculté comptait trop peu de
cours. Aussi, les archiducs Albert et Isabelle insti-
tuèrent deux nouvelles chaires, à leçons quoti-
diennes, dont les titulaires enseigneraient l'un les
« Institutions de médecine », l'autre l'anatomie.
Les maîtres de ces deux chaires et les titulaires
des deux chaires ordinaires formaient le « Strict
Collège » de la faculté. Ils devaient présider à
l'admission et aux examens des promovendi et
eux seuls touchaient des émoluments.
Voici quel était le programme des cours de la
faculté au xvne siècle :
1. Institutions de médecine (iuxta seriem doctri-
narum Avicennae) , tous les jours de 3 à 4 heures
en hiver, de 4 à 5 heures en été.
2. Anatomie, en hiver de 2 à 3 heures. En été
ce cours était remplacé par un compendium de
chirurgie et des leçons sur les Simplicia usualia
(recettes).
3. Deux cours donnés par les professeurs ordi-
naires et principaux :
A. Theoretica, médecine théorique : Ars parva
Galeni, YAphorismos d'Hippocrate, et méthode
LES FACULTÉS 121
générale pour la pratique, la purgatio, la saignée,
la connaissance du pouls et des urines. Tous les
jours, de 10 à n heures;
B. Pradica. On y explique les maladies du
corps humain, « des pieds à la tête », d'après l'ordre
suivi par le médecin arabe Rhasès dans son IXe Li-
vre à Almanzor. On s'y occupe aussi des fièvres
et des maladies contagieuses. Tous les jours, de
8 à 9 heures.
Les études de médecine duraient trois ans. A la
suite des réformes de l'époque autrichienne, cette
durée fut portée à quatre ans et le nombre
des matières enseignées augmenté considérable-
ment. C'est ainsi que le programme de 1788 com-
prend l'histoire naturelle spéciale, la botanique, la
chimie, la chirurgie théorique et pratique, l'obsté-
trique, l'anatomie sur cadavres, la physiologie,
avec dissection, la pathologie, la clinique médicale,
la materia medica, avec recettes. La spécialisation
avait été introduite en 1573, lorsque Mathias
Nervatius, de Saragosse, fut créé licencié en chi-
rurgie.
Le doctorat en médecine comportait de grandes
solennités, analogues à celles des doctorats en
théologie et en droit. On les supprima en 1587,
à l'époque où Louvain se débattait dans la misère,
mais elles furent rétablies en 1603 et prescrites
sous peine d'amende de 300 florins carolus et de
nullité de grade.
Le décret de la « visite » de 1617 nous fait con-
naître les conditions de l'exercice légal de la méde-
cine dans le pays. Personne ne pouvait s'y livrer
122 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
s'il n'avait conquis son grade en Belgique et n'avait
été examiné et déclaré apte par les docteurs en
médecine des universités de Louvain ou de Douai,
ou par les médecins attachés à la personne des
archiducs Albert et Isabelle. Des dispenses étaient
prévues, mais on les accordait très rarement.
Citons, pour finir, les noms de quelques illustra-
tions de la faculté :
Jean Heetvelt, Louvaniste (f 1539), qui, le pre-
mier, eut recours au diagnostic; Pierre Bruegel,
natif de Bois-le-Duc, docteur de l'université de
Padoue, professeur célèbre, toujours en consulta-
tion chez les princes et, de ce fait, souvent absent
de sa chaire; Rambcrt Dodoens, Malinois, médecin
de Charles-Quint et célèbre botaniste; André
Vésale, Bruxellois, médecin de Charles-Quint et de
Philippe II, le créateur de la science anatomique,
qui périt misérablement en 1564 dans un naufrage
près de l'île de Zante; Jason a Pratis (van der
Weyden), de Zierikzee, qui s'occupa surtout de
gynécologie et d'hygiène infantile.
Une mention particulière doit être donnée à
Réga, professeur de médecine et recteur au
xvine siècle, qui acheta une maison pour la trans-
former en local d'enseignement pour la botanique ;
il organisa aussi un jardin botanique qui précéda
le jardin actuel datant de 1817. Il fonda aussi un
musée d'anatomie, un des plus beaux de l'époque.
CHAIRES PROFESSORALES ET RESSOURCES 123
CHAPITRE VI
La Collation des chaires professorales et les
ressources de l'Université.
Par qui étaient nommés les professeurs de
l'université de Louvain? Qui avait la col-
lation des chaires?
Tout d'abord, certaines de ces chaires étaient à
la collation de la ville ou commune de Louvain. Et
il ne faut pas s'en étonner. C'est elle qui, au début,
comme principale intéressée, avait dépensé tous
ses efforts pour attirer au Studium, dont elle allait
bénéficier, un certain nombre de maîtres étrangers ;
c'est elle qui les avait payés. Elle pouvait donc
nommer aux chaires qu'elle avait pourvues de
titulaires, mais elle devait le faire d'accord avec
les facultés universitaires. Si des canonicats sont
attachés aux chaires, elle a le droit de présenter
ses candidats, de concert avec les autorités aca-
démiques. C'est ainsi que le magistrat de Louvain
avait la collation de certaines chaires de droit,
de théologie et de médecine. Nous en avons déjà
signalé des exemples, en retraçant brièvement
l'histoire des facultés.
Lors de la « visite » de 1617, il fut ordonné par
les archiducs Albert et Isabelle que la ville serait
obligée de demander, au sujet des candidats
qu'elle présente, l'avis des facultés que la chose
concerne.
Il y eut souvent des différends entre la ville et
l'université, parce que la première désirait nommer
124 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
des titulaires dont les facultés ne voulaient point.
Il y eut, notamment en 1480, une discussion assez
vive, parce que le magistrat s'obstinait à vouloir
désigner un certain Simon de la Valle pour donner
la leçon « principale et matinale » de droit canon.
Comme conséquence de son droit de nomination,
la ville prétend aussi avoir celui de renvoi et de
destitution. Nous avons déjà signalé comment,
en 1543, elle força les professeurs de médecine
Noot et Willemaers à présenter leur démission.
Elle tenta aussi de provoquer le départ du docteur
en droit Jean de Gronsselt, qui enseignait déjà
depuis trente ans, mais le professeur en question
fut soutenu assez énergiquement par l'université
et sortit victorieux de la lutte (1473)-
C'est par là que l'université de Louvain présente,
à un certain point de vue, le même caractère
« municipal » que les universités italiennes, dont
les professeurs étaient largement rétribués par la
ville et, de ce fait, soumis au contrôle constant de
celle-ci. L'intervention de la ville se constate aussi
dès le début à l'université de Cologne, où les chaires
de droit et de médecine étaient à la collation du
magistrat.
Une autre catégorie de chaires étaient à la col-
lation du prince, du souverain. Ces chaires-là
portent le nom de « royales » et les titulaires
s'appellent professores regii 1.
1. L'on sait que ce système existe encore dans les universités
actuelles d'Oxford et de Cambridge, où l'on trouve pour plu-
sieurs matières un « regius professor ». C'est ainsi que l'histo-
rien bien connu Firth, d'Oxford, est « regius professor of
History ».
CHAIRES PROFESSORALES ET RESSOURCES 125
Voici, par ordre de faculté, quelles sont les
chaires fondées par le prince et dont il se réserve
de nommer le titulaire :
La faculté de théologie en possédait quatre,
dont deux fondées par Charles-Quint, en 1546 :
celle d'Écriture sainte et celle de théologie scolas-
tique (magister sententiarum) . Les deux autres
furent créées par Philippe II, celle de catéchèse
en 1567 et celle de théologie scholastique (Saint
Thomas d'Aquin), en 1596.
Le fils de Charles-Quint établit aussi trois chaires
dans la faculté de droit (1557) : celle du Decretum
Gratiani, celle des Titres du Code ou Digeste, celle
des Institutes de droit civil. A la faculté de méde-
cine, Philippe II fonda en 1558 la chaire « In artem
parvam Galleni ». En 1599, le magistrat de Lou-
vain fut autorisé à présenter son candidat pour
cette chaire, mais c'est le roi qui nommait. Aussi
la formule de nomination porte-t-elle : N . . .
nominatus. . . approbatus. Enfin, en 1617, les
archiducs, nous l'avons dit, créent les deux chaires
d'anatomie et d'Institutions de médecine.
Par l'existence de ses chaires royales, l'univer-
sité de Louvain présentait quelque analogie aussi
avec les universités espagnoles, qui se distinguaient
par leur connexion étroite avec la Couronne.
En troisième lieu, certaines chaires sont à la dis-
position des facultés. Nous avons signalé plus haut
que, en 1453, la faculté des arts demanda la coopé-
ration des autres facultés pour le choix du titu-
laire de la chaire de rhétorique.
Enfin, d'autres chaires ont été instituées par
les États de Brabant, notamment à la faculté
126 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
de médecine et à celle de droit. Quelquefois, les
États intervinrent pour la dotation d'une chaire,
concurremment avec le prince: en 1558, ils votèrent
un subside de 200 florins pour la chaire In Artem
parvam Galleni, fondée par Philippe II.
A la fin de l'Ancien régime, l'université comp-
tait 58 professeurs : 8 pour la théologie, 6 pour le
droit canon, 7 pour le droit civil, 1 pour le droit
public, 8 pour la médecine, 16 pour la philosophie,
1 pour les mathématiques, 1 pour la philosophie
morale, 1 pour l'éloquence chrétienne, 1 pour l'his-
toire latine, 1 pour la langue hébraïque, 1 pour la
langue grecque, 1 pour la langue française et 5 pour
les humanités.
Ouatorze de ces chaires étaient alors à la collation
du Gouvernement : 4 en théologie, 1 en droit canon,
2 en droit civil, la leçon de droit public, 4 en méde-
cine, la leçon de mathématiques, celle de langue
française. Cette dernière, décrétée par le conseil
communal de Louvain, avait son titulaire payé
par la ville. Les autres chaires étaient à la dispo-
sition de divers collateurs; la ville disposait, tou-
tefois, des principales. On constate ainsi la main-
mise progressive du pouvoir civil sur la vie univer-
sitaire à la fin du régime autrichien.
Une question connexe à celle de la collection des
chaires, c'est celle du paiement des titulaires. Par
qui et comment les professeurs étaient-ils rétri-
bués?
La bulle de fondation de Martin V donnait à ce
sujet des indications précises. Le duc de Brabant
et la ville de Louvain devaient « pourvoir annuelle-
CHAIRES PROFESSORALES ET RESSOURCES 127
ment les maîtres et docteurs d'un salaire conve-
nable, ou bien leur assigner les revenus de bénéfices
ecclésiastiques ». Le duc Jean IV s'acquitta de ce
devoir en accordant des exemptions de droits, de
gabelle, de péages, etc., et en attribuant des pré-
bendes ecclésiastiques à certains professeurs. Tou-
tefois, la plus grande partie des traitements était
pavée par la caisse communale. La ville déboursa
des sommes considérables.
Au sujet du payement des traitements par la
caisse communale, il importe de remarquer, comme
nous le savons d'ailleurs par des incidents relatés
plus haut, que les professeurs des facultés supé-
rieures (théologie, droit, médecine) n'étaient pas
nommés à vie. Lorsqu'un professeur acceptait les
propositions du magistrat pour donner un cours,
un contrat en due forme se passait entre les deux
parties. Le professeur s'engageait à enseigner pen-
dant un certain nombre d'années. A l'expiration
de ce terme, il était libre de se retirer, à condition
de prévenir le magistrat six mois d'avance. Si la
ville n'était pas satisfaite des services rendus, elle
pouvait rompre le contrat, moyennant préavis de
six mois.
Le contrat stipule le cours à donner, fixe les jours
et les heures et indique parfois la matière à ensei-
gner. Le professeur ne peut quitter la ville ; il doit
se tenir à la disposition du magistrat et notam-
ment des professeurs de la faculté de droit sont
tenus de donner conseil « en toutes matières et
causes ». Une clause spéciale concernait le traite-
ment. Si le nouveau titulaire venait de l'étranger, la
128 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
ville prenait à sa charge les frais du transport des
livres, réglait les dépenses à faire pour son installa-
tion au chapitre de Saint-Pierre, mais, s'il renon-
çait à son cours à l'expiration du contrat, le profes-
seur était obligé de rembourser à la ville les sommes
payées.
Bientôt, on se mit à la recherche de revenus
stable-. In i -tait déjà, dans d'autres uni-
de paver 1( s professeurs au moyen des
e bénéfices ecclésiastiques. Aussi, en 1428,
Philippe de Saint-Pol, frèn 1 seur du duc
n IV, réserva douze prébendes canonicales
1 collation, pour en doter certains cours. Il ne
s'agissait toi pas ici d'un véritable traite-
ment, mais d'une gratification.
Un pas dé< isif fut fait 1< la mission de Pe-
trus de M Rome. Le 23 mai 1443, une bulle
d'E IV incorpora au chapitre de Saint-
: vain n< uf églises paroissiales, pour la
ition de nouvelles prébendes canonicales, qui
tient attribué* 1 xclusivement à des profes-
seurs. Ainsi furenl fondés dix bénéfices appelés
de la « deuxième ou de la a nouvelle fondation ».
' pape stipula en même temps que la plébanie
et trois des dix-huit canonicats de la première fon-
dation seraient aussi réservés à des professeurs.
1 irsque les professeurs chanoines de la dernière
fondation commencèrent à toucher leurs hono-
raires, la ville paya des pensions viagères aux b<
ficiaires dép - et. sur les revenus de chaque
église incorporée, on préleva des sommes pour
payer les « vicaires perpétuels », appelés à exercer
CHAIRES PROFESSORALES ET RESSOURCES 129
le ministère dans les différentes paroisses. 1
canonicats de la première fondation furent attri-
bués à des professeurs au fur et à mesure que la
mort emportait les titulaires en possession. L -
chanoines de la seconde fondation ne devaient
pas être prêtres, n'étaient astreints à aucun -
vice de chœur, et ne devaient pas lire le bréviaire.
Mais ils devaient être tonsurés et, s'ils se mariaient,
ils perdaient leur prébende. Ces canonicats étas
donc réservés aux pp qui étaient cii
célibataires. La ville dut se dre à continuer
à payer les autres prof , surtout dan-
facultés de médecine et de droit.
Ces mesures ont assuré le traitement de la plu-
part des membres du corps enseignant jusqu'à la
Révolution française.
>
Par la création et la rétribution des chaires
royales, Charles-Quint et Philippe II mirent, cl
la suite, des revenus importants à la disposition
de l'université. L'intervention des États de Bra-
bant pour la dotation de certaines autres chaires
allégea aussi le fardeau de Y Aima Mater et de
la ville.
Avant l'érection des chaires royales (1546), cer-
taines ressources furent créées par mesure extraor-
dinaire du prince. Comme la plupart des profes-
seurs se plaignaient de la modicité de leurs re-
venus, le duc Philippe le Beau décida, par un
acte du 22 décembre 1499, que désormais le traite-
ment des professeurs serait augmenté par la cession
d'une partie des accises de la Halle aux viandes.
Jusqu'à la Révolution française, une partie de ces
130 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
mêmes droits d'accises servit de supplément
aux honoraires des différent? professeurs royaux.
Il y avait, enfin, certaines fondations particulières.
C'est ainsi que, en 1443, Raes de Gavere, seigneur
d'Héverlé, près Louvain, céda le droit de patro-
nage de la chapelle de la Sainte-Trinité et le patro-
nat de deux autels à Over-Loo (sous Corbeek-over-
Loo), pour en servir les revenus à un professeur.
Plus tard, en 1557. François d'Helfaut, abbé
de Saint-Pierre au Mont-Blandin de Gand, éta-
blit une fondation en faveur des professeui
cialemi ux de la faculté de droit. Chai
Quint avait emprunté une somme importante
au prédécesseur de l'abbé, contre hypothèque
placée sur les domaines d en Brabant.
t sur le produit de cette hypothèque que
d'Helfaut préleva un revenu annuel de 1 000 florins
pour sa dotation universitaire. UAhna Mater se
montra nt< en inscrivant d'office les
abbés du Mont-Blandin parmi les invités ordi-
naires du doctorat en théologie, comme nous
l'avons constaté plus haut.
CHAPITRE VII
Les collèges universitaires.
Ce qui frappe de suite l'étranger qui visite
Louvain, c'est le grand nombre de bâti-
ments majestueux, aux lignes imposant!-,
dont la porte entrouverte laisse deviner de larges
cours, quelquefois plantées d'arbres ou garnies de
fleurs, et qui présentent, dans leur ensemble, un
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 131
air de famille surprenant. Ce sont là les anciens
collèges universitaires de Louvain, qui hospitali-
saient pour la plupart les étudiants boursiers ou
pauvres, et qui ont joué dans l'histoire de Y Aima
Mater un rule non dépourvu de gloire. A la fin
de l'Ancien régime, l'université ne comptait pas
moins de quarante deux de ces collèges, « collegia o
ou « domus », la plupart richement doi
C'est ici l'endroit de dire quelques mots de ces
collèges, pour les classifier, en indiquer la desti-
nation et en retracer brièvement L'origine.
Nous devons disting
ceux où la jeunesse universitaire reçoit l'< ne-
ment et où elle s'exerce sous la direction de
maîtres et de répétiteurs, où quelquefois aussi elle
reçoit la nourriture, et ceux où aucun en
ment ne se donne et où les élèves sont simplement
hospitalisés et nourris.
A la première catégorie appartiennent les
« Pédagogies » de la faculté des aits, dont nous
avons parlé plus haut à propos de l'organisation de
cette faculté, et qui étaient soumises au doyen et
à la faculté proprement dite. Dans la même c
gorie doit se ranger aussi le Collège de Standonck
(Domus Sta)hio)iica) ,iondé en 1490. ](.iiYiSta.ndorick,
originaire de Malines, recteur du gymnase ou de
l'école de Montaigu l, et professeur de théologie
à Paris, prit l'initiative d'établir des maisons pour
héberger des étudiants pauvres, à Paris, à Louvain,
à Marines et à Yalenciennes. Standonck avait
fondé la première de ces maisons à Paris, en 1491 ;
1. A Paris.
132 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
les étudiants qu'il y hébergeait devaient se pré-
senter chaque jour à il heures à la Chartreuse pour
y recevoir, comme les mendiants, leur nourriture
quotidienne. Les étudiants logés dans ces maisons
étaient tenus d'observer les bonnes mœurs; ils
devaient faire vœu d'obéissance et de chasteté,
assister à quelq :aonies religieuses et ne se
nourrir que de poisson. Ils recevaient l'enseigne-
ment dans la maison même. Ils étaient toutefois
libres de quitter le collège, sans engagement pour
: . Les habitants de la <c Domus Standonica »
étaient \< nus de porter l'habit de Saint-François
de Paule, pour lequel le fondateur avait une
grande vniération i.
Signalon- . nsuite, toujours dans la première
catégorie, ; vsleiden ou des Trots Langues
(1517) dont nous avons parlé plus en détail dans le
premier livr< tte étude. Le fondateur y insti-
tua d< - Li publiques d'hébreu, de grec et de
Latin, et fonda cinq bourses pour étudiants. En
nant, il laissa à l'institution plusieurs milliers
de dur. il
Un autre collège rattaché à la faculté des arts,
t le collège de Gand (Cottegium Gandense),
qu'on appela.i1 uni et schola », et où
se donnaient des cours préparatoires au « stu-
dium philosophicum . Il fut fondé par François
Nieulandt, écolâtre de Saint-Pierre de Gand
(t 1574).
Un c< dlège important Le Collège de la Sainte-
1. Do là leur surnom de Kappekcns, Capuchons. Le souvenir
de ce collège est conservé par le nom de la rue Standonck.
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 133
Trinité l. A l'origine de ce collège, l'enseignement
des « humanités » était réparti entre les quatre
pédagogies de la faculté des arts. Ce fut François
Van Nieulandt, dont nous venons de parler, qui
songea le premier à établir une maison pour y
concentrer 1' (.il- dignement des humanités. Il essaya
d'obtenir, en 1559, l'autorisation de la faculté des
arts pour la création d'une telle institution. Débouté
par la faculté, Van XiYulandt ne se découragea
point; il finit par ouvrir un cours d'humanité;
sa demeure, devenue ainsi le Collège cl
( Colle gi uni Vaulxianum). 1 venus de c<
fondation servirent plus tard à la fondation du
Collège des Humanités, dit «Nouveau Collèg
ou Collège de la Sainte-Trinité, qui fut bâti en 1657.
Nous passons maintenant aux collègi i-cond
genre ou de la seconde catégorie, ceux où, en 1
générale, ne se donnent pas de cours et qui ne
servent qu'à héberger des étudiants. Ils sont
d'ordinaire destinés aux étudiants d'une faculté
déterminée ou de diverses facultés, et constituent
le séjour des «boursiers», bursarii ou bursales. On
distingue, dans cette catégorie, les collèges où les
étudiants di 't d'un subside annuel. Si la
somme n'est pas suffisante pour leur permettre de
s'alimenter, les boursiers sont tenus de payer eux-
mêmes le -upplément nécessaire. Il y a ensuite
les collèges où la dépense pour la nourriture
entièrement défrayée (alimenta intégra). Il y a
enfin les collèges dans lesquels, outre la nourriture,
les étudiants reçoivent gratuitement le feu. la
1. Actuellement le collège des RR. PP. Joséphites.
134 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
lumière et tout ce dont ils ont besoin pour leur
séjour.
Chaque collège possède son président, qui a la
direction des études et qui veille aux bonnes
mœurs, et ses proviseurs, d'ordinaire désignés par
le fondateur ou délégués par l'université el Les
facultés. Ces proviseurs se prononcent sur l'attri-
bution des bourses, l'admission des ((boursiers»
et visitent annuellement l'institution.
Les bourses ou dotations universitaires étaient
d'ordinaire attachées à l'un ou l'autre collège, mais
il en existe aussi qui restent entre les mains du fon-
dateur, qui en dispose à volonté. On les appelle
des bourses volantes. L'on pouvait changer de col-
lège, pour obtenir m rémunératrii
Les étudiants qui j< ursdoivent
s'obliger par serment à payer eux-mêmes une
partie ou la totalité des frais de séjour, dès que
leur étal irtune s'améliore. Voici maintenant
une rapide revm de ces collèges, grou] la
faculté à laquelle il- se rattachent :
A l.i facull attache le Collège
Matines gium Mechlini Le fondateur
fui Arnold Trot, Malin» leau de la faculté
de tb 1500). Ce fonctionnaire subalterne
de Y Aima Mater, qui semble être fortuné, créa sept
bourses pour sept étudiants pauvres de la faculté
des arts, qui devaient appartenir, pour jouir de
:te faveur, à la famille du donateur. Faute de
membres de la famille Trot, on désignerait des étu-
diants de la ville de Malines ou du village de
Muvsen,
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 135
C'est incontestablement la faculté de théologie
qui est la plus riche en collèges, ou, pour le dire plus
exactement, le plus grand nombre de collèges se
rattachent, par leur destination, à cette facuh
Le Collège des théologiens ou du Saint-Esprit,
appelé aussi le « Grand Collège ». était le plus im-
portant et le plus riche. C'est en 1442 que le che-
valier louvaniste Louis de Rijcke transforma sa
maison, avec toutes ses dépendances, en un collège
pour théologiens, qu'il fonda en l'honneur du
Saint-Esprit. Il y attacha une rente héréditaire de
80 florins, destinée à entretenir sept étudiants
pauvres. Les parts furent i ar aprè-, de
façon à ne plus former que ti « lis L< 1
Le « Second » ou « Petit 1
fut établi sur le désir de la faculté, qui estimait
que le développement du Grand Collé. mettait
une division. On établit le petit ou nouveau 1
dans la maison Muldert, en 1561, et dès le début
de généreux donateurs versèrent des sommes im-
portantes (650 florins).
Un autre collège, se rattachant à la même faculté,
c'est le collège du Pape Adrien VI, plus connu sous
le nom de Collège du Pape l, fondé par le célèbre
Adrien Florisz, d'Utrecht, lorsqu'il était encore
doyen de Saint-Pierre à Louvain. Le collège fut
ouvert en 1524; Charles-Quint y logea peu ap.
comme il résulte des comptes de la ville.
En 1511. l'écolâtre de Saint-Pierre, Henri
natif d'Hoogstraten, trai mai-
1. Il existe encore, place de l'Université, et sert de péda-
gogie estudiantine.
NISATION INTTER\TE DE L'UNIVERSITÉ
son en collège, en l'honneur du nom de Jésus, et y
attacha quatre bourses pour des étudiants pauvres
de la faculté de théologie. C'est là l'origine du
Colle gin m Houterlé l.
Le Collège de Divaeus doit son existence à George
Divaeus, ou van Dieve, jeune homme louvaniste
qui, revenant d'un voyage à Rome, mourut à
Xiiiiiur en 1576, de la variole. Divaeus légua sa
maison à l'université, pour la convertir en collège,
à dédier à Saint Georg> y attacha une dotation
pour douze étudiant en théologie.
Un collège qui pouvait s'enorgueillir d'avoir
fondé par Philippe II. c'est le Collegium ou Semi-
narium Regium
C'était en réalité une espèce de séminaire, qui fut
érigé par le roi d'Espagne par procuration de Jean
deville, membre du conseil nii\ ]', v^-Bas,
devenuparaj l< d« ! irnai. Fondé en 1579,
le Collegium Regium devait hospitaliser des étu-
diants qui se destinaient au ministère pastoral. On
y organisai des discussions, on y tenait des sermons
hebdomadaires < t on y donnait F< ition quo-
tidienne de l'Ecriture 5 dvie de répétitions.
Le présidi rit dir< ctement nommé par le con-
seil royal.
Une institution à peu | nalogue, ce fut le
Collegium ou Seminarium Leodiense 3. Il fut fondé
en 1605 par 1 de Cologne, prince-évêque de
1. Maison du doyen <le Saint-Pierre, brûlée en 1914 par les
Allemands (rue du Canal).
j. Actuellement l'institut de Zoo unur.
3. Actuellement la laiterie de la rue- de la Monnaie.
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 137
Liège, dans le but de créer une pépinière de pré!
destinés à avoir charges d'âmes et à combattre le
protestantisme. Le collège fut soutenu par di
du prince-évêque et du clergé diocésain de Liège.
Il n'accueillait évidemment que Les étudiants en
théologie.
Différent des deux précédents est le Collège du
Bay (Colle gin m Bayanum) l. Il d
et ses -tatuts à Jacques du Bay, natif d'Ath, p
fesseur royal de théologie et doyen de Saint-Pi»
de Louvain (t 1614). 1. lateur destina son
lège à des parents légitim» die
la logique ou d'être Primus* dan-
arts. On y admit au
paient une bonne place dans leur pron et qui
exprimaient le désir de se fa; de s'a
per du ministère paroissial. Les a bon
collège étaient 1 par le présidenl :
devait donner la préiY
dans la châtellenie d'Ath et, à leur défaut, à
élèves natifs soit du Hainaut, soit de Lille, de D«
et de Cambrai.
Une fondation qui avait aussi pour but de cr<
des propagandistes de la foi, c'est le Colle gium
D. Pulcheriae (1616), ainsi nommé d'après une belle
statue de la Vierge qui ornait la porte d'entré<
que L'on appelait Maria Pulchra ». Ce collège dut
son origine à la division d'une fondation pit
établie par L'université de Cologne pour la propa-
gande en faveur de la foi. Aussi les « théolpgû
qui y étaient admi- devaient-ils se préparer à la
1 . Actuellement la caserne de la rue de Tirlemoni.
[38 OR rA.NISA.TION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
prédication, mais on y admettait aussi des étudiants
en philosoplùe comme « débutants ».
i He autre pépinière de missionnaires, c'est le
Collège pastoral irlandais (Collegium pastorale Hi-
orum), fondé en 1623 par Eugène Matthews,
archevêque de Dublin, membre de la Congrégation
de la Propagande. Celui-ci acheta une maison à
Louvain, et obtint d< - subsides de la Congrégation
• )n y admettait des étudiants en théologie
qui se destinaient aux missions et au ministère
pastoral en Irland
].<• Collège de Saint-WUlibrord fut établi par
Nicola / ou de Zoes, d'Am< rsfoort, membre du
Grand 1 .1 de Malines, qui devint dan^ la >uite
[ue d< Bois-le-Duc (f 1625). Zoes érigi
collège en l'honneur de saint Willibrord et de ses
et de saint Charles Borromée. La
dition 11 L'accepl ation des étudiants,
c'était le le de maît de plus, les bour-
siers d it s'occu] théologie. Dès qu'ils
avaient conquis le grade de bachelier, on les nom-
mait eu l.v 1 ption 1 st faite pour les étudiants
natifs d'.V >ort : ceux-ci sont admis lorsqu'ils
en sont encore à l'étude es arts et en philosophie.
Il y a, enfin, le Collège de Malderus et celui de
Hovius. Le Collegium Malderi fut fondé par Tar-
ie d'Anvers Jean Malderus (f 1633). Le
Collegium D. Franc. Il st l'œuvre de François
nus ou van Hove, de Londerze< 1. qui fut pro-
eur à l'abbaye de Sainte-Gertrude à Louvain et
d< \ int curé de Sainte- Walburge à Anvers (+ 1633).
Hovius destinait les bourses de son collège à des
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 139
étudiants anversois, appartenant à la paroisse de
Sainte-Walburge, mais, à leur défaut, le présid
du collège pouvait admettre ceux qui lui parais-
saient dignes de cette faveur. Les « boursiers » de-
vaient être maîtres es arts et s'occuper de théologie.
Toutefois les parents du fondateur, inscrits à l'uni-
versité, pouvaient choisir librement la matière de
leurs études, sans forfaire aux conditions d'ad-
mission.
Les collèges de la faculté do droit ne sont p
aussi nombreux que ceux de la faculté de I
On peut en relever trois : le collège de Saint- Yvon,
le collège de Saint-Donatien et 1- de
Winckele.
Le collège de Saint-Yvon ou des jui était
directement administré et entret< nu par la faculté
elle-même. Le premit r fondateur en fut Robert de
Lacu, docteur in utroque iure, qui légua, en 1483,
sa maison pour la transformer en collège de.-ti;
des étudiants pauvres de la faculté et y attacha
deux bourses.
Le CoUegium S. Donaiiani doit son origini
Antoine Hanneron. Celui-ci érigea ce collège pro
bursariis et c :>:;s in iure canonico si bus
(1488). Avec l'agrément et sous la protection de la
faculté des arts, le fondateur créa une prébende
sacerdotale, une autre pour le maître du collèg
cinq pour les étudiants qui y -traient logé
Quant au CoUegium Winckdanium -, c'était une
1. Le tribunal y était installé en 1914, lorsque les Allemands
l'incendièrent. Les murs extérieurs ont été consen
2. Actuellement l'école communale de la rue do Tirlemont,
à côté de la casorno d'infanterie.
140 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
maison pour étudiants in idroque iure pauvres.
Ce furent Jean de Winckele, scribe et notaire du
conservateur des privilège- de l'université (t 1505),
et son fils, un médecin, qui ajoutèrent ce collège
aux deux autres que possédait déjà la faculté de
droit.
La faculté de médecine n'eut qu'un seul coll.'
(Collegium medicorwm). Il fut érigé par le profes-
seur royal de m rre Brueghel (f 1577),
qui y attacha six bourses pour étudiants peu for-
tuit
rit, enfin, une il >e de collèges, où l'on
ptait des étudiants de div< I -, et où
le choix du pri I donc moins limité.
C'est d'abord le Col l'An « '. Il fut fondé
le I.m v las Ruiter ou Reuter,
morl .1 Louvain en : tait un magnifique
coll aé à 1 lir troî niants
de chœu] 1 ;. autant d'Arrasg trois
paroisse et cité de Harlem, deux
de Louvain, quatre de Luxemb in de Brecht.
dent •' udiani
le s it leurs efforts, le collège con-
tinuail à tretenir pendant leurs études de
théologie ou de droit canon.
C'est un Savoyard, Eustache Chapuis, docteur en
droit civil et en droit canon et maître des sup-
pliques de Charles-Quint, qui édifia, en 1548, le
Collège de Savoie, pour étudiants pauvres de son
1 ace devait être donnée aux «éco-
1. ment la maison o ru< de Namur, par lo
baron Descamps.
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 141
liers » originaires d'Annecy, la ville natale de Cha-
puis.
Le Collège Sainte- Anne ou de Natnur doit son
origine à Nicolas Goblet, de Bouvignes, licencié
en droit canon, prévôt de Dinant, mort à Louvain
en 1553. Il fut enseveli au couvent des Frères
Mineurs, devant l'autel de Sainte Anne. Goblet, qui
avait toujours rendu un culte spécial à cette sainte,
lui dédia le collège qu'il fonda pour y recueillir un
étudiant. Le bénéficiaire de la bourse devait suivre
les cours de logique, ou de théologie, ou de droit.
Le Collège de Drieux est une fondation de Michel
Drieux, docteur en droit canon. pr< ordi-
naire de Décrets (t C559). Drieux transforma sa
maison ei t stipula par testament qu'on y
admettrait autant d'étudiai 'gie ou
arts que les revenus de ses bien- Le • ttraient l.
Le Collège VanDaele -dut sa dénomination à un
chanoine anven locteur in utroque iure, qui
le construisit en 1560 dota pour y recueillir
des étudiant- es arl théologie ou en droit,
boursiers devaient appartenir à la famille du fon-
dateur, ou du moins être originaires de la ville
d'Anv
Un collège célèbre, c'est celui que fonda le Frison
Viglius, dont on connaît le rôle comme juria
suite et comrm ident du Conseil privé. En
1569, le Collège Viglius fut érigé, pour des étudiants
frisons et gantois. Une grande partie de ce magni-
1, Ce oolli cal à l'Académie des Beaux-Arts
de Louvain. Il fut incendie en 1914 par les Allemands.
2. Actuellement l'hospice des vieillards, rue de Xamur.
142 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
fique bâtiment, ainsi que la bibliothèque de théo-
logie qui y était ai devint la proie des
flammes, peu de temps après la mort du fonda-
teur (1577), à la suite des incendies allumés par
les soldats mutinés de la garnison de Louvain l.
Le Collège de Craendonck était destiné à quatre
boursiers, étudiants es arts. Si les bénéficiaires
minaient leurs étude- d'une façon honorable,
ils pouvaient continuer à résider au collège pour
s'adonner à la théologî lu droit canon. Le fon-
dateur de ce «' fut Marcel de Craen-
donck, natif de Tongerloo, bachelier en théologie.
Il l'< en 1574 en l'honneur de- ("inq Plaie- de
Notre-S ur.
Important aussi fut le Collège Pris ou de
Westphalie. 11 doit -ou nom à J< an Pels, Westpha-
lien d'orig bail ré1 aire de runiversité
:'. Pels transforma -on habitation
pour étudiant- pauvr< 1 '.: bénéficiaient en pre-
r lieu les membres de -a famille, puis les étu-
diants origina Rechlinghausen ou de- envi-
rons, enfin le- étudiants louvanisfr Parmi ces
dernier- on devait choisir de préfèrent de- parents
de la femme d> Pels, qui était orient le Lou-
vain. Les boursi( rs <1< vaient être de naissance 1<
tinie et ne pouvaient posséder un revenu supérieur
à 60 florins communs.
Api.'- avoir terminé la licence es art-. 1« - habi-
tante de ce collège peuvent continuer lcurr- études
soit en théolo :t en droit. Toutefois le nombre
1. Il s'agit ici dos soldats que Don Juan envoya à Louvain
après la victoire remportée sur les États à Gembloux (1578).
LES COLLÈGES UNIVERSITAIRES 143
de ceux qui étudiaient l'une et l'autre de ces
branches doit être égal. La durée de la bourse est de
cinq ans.
Le Collège Mylius ' ou Luxembourgeois fut l'œu-
vre de Jean Mylius, Luxembourgeois, docteur
tu i.lr que utre, qui vécut à Madrid et y mourut en
1596. Par b nt, il a une partie de ses
1 >i. îr fonder un collège, soit à Luxembourg,
:t a '1 1 >ii à L uvain, selon le ch< »ix auquel
• -tara. ; lui
1610, ceux-ci, les barons d Kirchberg, cl nt
Louvain. 11 était vé aux Etal ix
du Luxembourg de d r un t.
Parmi ceux-là il doit y avoir toujours un L<m\
niste. Parmi 1 ix autres tiers, doivent
ti'jui. 1 d< ux Louvanist*
Le pi sident du Mylius en
1615, fut Nicolas Vernulaus, dont n< men-
tionné plus haut Le travail à l'histoire de
l'université. Les condition.- relativ
des bou] sont les n que pour le Collège
Pels. On devait donn< r La ; ix étudiants
de la ]>ro\ Lnce de Luxembourg.
Le Collège de M tait une fondation de Jean
de Biév< ne, Montois, docteur in utroque iure, pro-
fesseur ordinaire de « Décrets et chanoine de
dnt-Pierre à Louvain (t 1596). Ce collège resta
toute! ns dotation jusqu'en 1635.
Lorsque nous aurons cit< ium adLeydam,
fondé par Michel Baîus, doyen et chancelier
Louvain, et le Colley de l'Ordre Teutonique, érigé
1. Actuellement l'école moyenne de la rue du Canal.
144 ORGANISATION [NTERNE DE L'UNIVERSITÉ
en 1621 pour douze étudiants pauvres qui, une fois
donnés prêtres, retournent dan> leur Ordre, nous
aui la liste des principaux collèges de
l'ancienne Aima Mater louvaj I collèges de
Aulne, de l'abbaye de Villers, le Collège de
la Haute Colline '. li des Vétérai jou-
u courant du xviie el du xviii6 siècle.
Chacun de 1 itre 1» s rev< -
nu fondations, ceux de pj ticulièi
qu'il ;i à l'entretien du pei
• . I » un rapport [ail en 1786 par
le LUer De Clerck, il y avait alors un revenu
annuel de 159,412 florins 1. , en
bouTï dififén ni - < -Il 1 |uant
aux bourses volantes, leur u montait à
51 44g ll"i ii : u 7 d-iiii
N 1 pas une preuve admirable de L'intérêt
que porl l< - hommes de ce temps au les
supérieui pourrait-on trouver ailleurs plus
lie floraison d'instituts destinés à fav<
déshérités de l.i fortune et à leur p« rmettre d'aller
s'abreuv* r aux -< iui
I> grande dh natioi alité
nui li urs et i
universitaires u<>u> montre L'étendue du 1
ment tifique de VAlma Mater: h- t'ait que l
boursiers appartiennent aux pro\ ii
prouve combien est exacte
la remarque de Mu I >-■ Ram, d'après lequell'uni-
rsité de Louvain fut le centr< formé peu
à peu Le lien national et l'esprit public des
1. Actuellement l'Athi yal, rue de Namur.
L'IMPRIMERIE UNIVERSITAIRE 145
CHAPITRE VIII
L'imprimerie universitaire et les archives.
Pour compléter le tableau de l'organisation
interne de l'univi il non- : dire
quelqui smi ts te l'imprimerie* Lrchiv<
• imme nous av< tis déjà < a L'
dan- la première parti» l'art de
L'imprimerie fut pratiqu ■ 'l-
vain. L'école de Louvain l'utile mt
celle d'< i 1474. .1 itphali*
l'introducteur de l'art t Lphiqu
fut admis en qualité di institution.
Il mourut vers 1496, api
it vingt ouvrag»
1 )',:■:•:■
son œuvre : Conrad Braem, de 1 ■ man
de Nassau, Louis d I ivain,
Thierry Ma >t.
Tout( • utrichi.ii
que l'univi 1 tablit une imprimerie académiqii
C'< r les instances de l'abbé de Nélis, biblî
thécaire, que L'impératri e Marie-Tl da,
le 19 juin 1760, l'octroi pour l'érection d'une ty-
pographie privilégiée . Ainsi qu'il ressort d'ui
lettre d or, datée du 24 août de 1
cette création fut l'œuvre commune de Y Ain
Matât 't ta gouvernement. Cette imprimerie fut
établie dans une dépendance du théâtre anato-
mique et v demeura jusqu'à la suppression de
l'université. Elle fut très productive pendant
146 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
années 1762 à 1789. En 1768, l'abbé de Nélis avait
établi aux Halles universitaires un dépôt ou une
librairie pour la vente des livres publiés.
Quant aux archives, l'université, dès l'origine,
prit un soin jaloux des diplômes de fondation, des
privilèges, des lettres importantes qui étaient en
sa possession. Elle les fit déposer dans une armoire
placée dans la salle du chapitre de l'église Saint-
Pierre à Louvain. Pour pouvoir consulter ces docu-
ments, il fallait une permission explicite de l'au-
torité académique et la présence de témoins délé-
gués par elle (1446). Le 29 août 1446 parut un
décret punissant d'amende ceux qui détiendraient
chez eux des lettres adressées au Siadium de
Louvain.
Pour faciliter la consultation des pièces les plus
importantes, le conseil académique décida, en
séance du Ier octobre 1530, de transcrire tous les
privilèges et induites dans un registre en parche-
min, que le recteur pouvait montrer aux intéressés.
Pendant les troubles du xvie siècle, au moins une
partie des archives, celles de la faculté de théologie,
furent envoyées à Namur. Depuis lors le désordre
régna dans ces documents ; peut-être une partie se
perdit-elle, car au cours du xvie et du XVIIe siè-
cle, nous constatons que, dans des contestations
ou des affaires graves, l'on en est réduit à renvoyer
à des archives étrangères, comme celles de Rome,
ou à invoquer uniquement la tradition orale.
Souvent les recherches pour découvrir un docu-
ment sont longues, et l'on n'aboutit pas toujours
; trouver trace de la pièce désirée.
L'IMPRIMERIE UNIVERSITAIRE 147
A l'époque de Molanus (fin du xvie siècle),
du moins en ce qui concerne la faculté de théo-
logie, les actes antérieurs à 1515 semblent avoir
disparu.
Par contre, nous constatons que, dans la seconde
moitié du XVIIIe siècle, les archives sont conservées
avec soin aux Halles universitaires. Un règlement
relatif à leur organisation fut établi par le conseil
académique en 1761 ; il prévoyait des mesures
minutieuses pour empêcher la perte des docu-
ments. Des catalogues furent alors dressés : le texte
nous en a été conservé.
Qu'advint-il de ces trésors lors de l'invasion des
armées de la République française, en 1794?
L'université, craignant de perdre ses archives,
les expédia, en juin 1794, par voie d'eau à Rotter-
dam : elles étaient enfermées dans quinze caisses,
et le contenu passa comme marchandises. Huit
caisses contenaient les documents de l'université
comme telle, deux les archives de la faculté de
théologie, une ceux de la faculté de droit, quatre
ceux de la faculté des arts. Devant la rapide avance
des troupes républicaines, on se décida à expédier
plus loin les précieux papiers. Après avoir passé
par Groningue, Brème et Hambourg, ils finirent,
en avril 1795, par échouer à Altona. Les archives
du collège du Saint-Esprit vinrent les y rejoindre.
Ce périlleux voyage avait été fait en vain. Les
Français réclamèrent la livraison de tous ces docu-
ments : il fallut s'exécuter. Les caisses revinrent,
mais on réussit à en soustraire quelques-unes en
route. On ne remit que ce qu'on ne pouvait décem-
148 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
ment refuser, c'est-à-dire les pièces dont l'ennemi
avait découvert l'inventaire.
Ce sont les papiers remis aux Français, ainsi que
les nombreux documents enlevés dans les différents
collèges : actes de fondations boursières, pièces de
comptabilité, etc., qui, après avoir été en posses-
sion de l'administration du Département de la T)y\e,
formèrent par après le « Fonds de l'université de
Louvain » aux Archives générales du royaume, à
Bruxelles.
Quant aux caisses d'archives qu'on avait pu
cacher lors du voyage de retour, elles restèrent en
partie en Hollande; d'autres arrivèrent à Anvers,
et de là à Beveren-Waes, le village natal de
J.-F. Van de Velde, dernier président du Collège
du Saint-Esprit, qui en avait sauvé une partie.
Les archives restées en Hollande demeurèrent,
à la suite de diverses circonstances, au séminaire
de Haaren (lez Bois-le-Duc) l.
Quant à la partie des documents sauvés par
Van de Velde et qu'il conservait chez lui à Beveren-
Waes, ils échappèrent à la vente aux enchères qui
dispersa si lamentablement l'immense collection
de livres que possédait le défunt. Ils furent déposés
à l'évêché de Gand et passèrent ensuite au Grand
Séminaire de cette même ville. Ils y sont encore
aujourd'hui.
Enfin, d'autres documents furent égarés ou
r. Lors du soixante-quinzième anniversaire de la restaura-
tion de l'université, révoque de Bois-le-Duc restitua la charte
de fondation de Martin V. Malheureusement ce précieux docu-
ment périt dans l'incendie de la bibliothèque universitaire,
allumé par les Allemands.
L'IMPRIMERIE UNIVERSITAIRE 149
cachés à Louvain même, lors de l'arrivée des
Français. Quelques-uns furent restitués et périrent,
hélas ! dans le sac de Louvain en 1914. D'autres
sont encore jalousement gardés par les familles
descendant d'anciens professeurs, et qui semblent
oublier que le devoir le plus élémentaire comman-
derait de les restituer à l'Aima Mater, dont ils
contiennent un fragment d'histoire.
ÉPILOGUE
L'université de Louvain resta fermée pendant
le règne de Napoléon. Lors de l'instauration
du régime hollandais, le roi Guillaume Ier de
Hollande publia, en 1816, un règlement nouveau
pour la réorganisation de l'enseignement en Bel-
gique. Trois universités d'État furent créées
respectivement à Liège, à Gand et à Louvain.
La nouvelle université de Louvain fut installée,
en grande pompe, le 6 octobre 1817. Elle comptait
quatre facultés : philosophie et lettres, sciences,
droit et médecine. Guillaume Ier, reprenant l'idée
du Séminaire général de Joseph II, annexa à l'uni-
versité un collège d'études pour les jeunes gens se
destinant à l'état ecclésiastique, le « Collège phi-
losophique ».
Cet établissement organisé par l'État n'eut pas
plus de succès que le Séminaire général de Joseph IL
Le clergé s'opposa énergiquement à l'enseignement
qu'on y donnait, et qui, sous l'inspiration d'un
État protestant, ne sauvegardait pas suffisamment
les droits et les opinions des catholiques. Le collège
fut supprimé en 1829.
Vint la révolution belge de 1830, qui chassa les
Hollandais et conduisit à la constitution de la
Belgique indépendante. La loi sur l'enseignement
supérieur du 27 septembre 1835 ne maintint que
deux universités d'État, celles de Gand et de Liège.
ÉPILOGUE 151
L'autorité communale de Louvain demanda et
obtint que la ville fût rétablie dans la jouissance
de tous les bâtiments et collections ayant servi à
l'enseignement.
Mais entretemps, le 4 novembre 1834, ^es évêques
de Belgique réunis à Malines avaient fondé en
cette ville une université libre qu'ils appelèrent
« université catholique ». L'année suivante, en
1835, ils transférèrent cette institution à Louvain.
Ainsi se renoua la tradition momentanément inter-
rompue. L'université catholique de Louvain est
l'héritière directe de la vieille université fondée par
Martin IV en 1425. L'installation de la nouvelle
université eut lieu à Louvain le Ier décembre 1835,
au milieu de réjouissances publiques. Le premier
recteur fut Mgr de Ram, homme d'un rare mérite,
qui se distingua surtout par ses multiples publica-
tions concernant l'histoire de l'ancienne Aima
Mater.
Au mois de mai 1909, l'université catholique
fêta le soixante-quinzième anniversaire de sa réou-
verture. A cette occasion, de toutes les contrées
de l'Europe lui vinrent des témoignages précieux
d'estime et d'admiration pour son œuvre scien-
tifique. Elle vit arriver des délégations de plusieurs
universités du continent et des Iles Britanniques,
apportant des adresses de félicitations à l'institu-
tion jubilaire. Ces félicitations ne furent pas les
moins cordiales de la part des universités alle-
mandes 1.
1. Voir le Liber memorialis des fêtes jubilaires de l'université
catholique de Louvain (1834- 1909). Louvain, 1910.
152 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Cinq ans après, le 25 août 1914, commença la
destruction systématique de la vieille cité braban-
çonne par les soldats allemands... Incapables de
comprendre la leçon qui se dégageait de l'inscrip-
tion placée au-dessus de la porte d'entrée des
Halles universitaires \ ils jetèrent leurs pastilles
incendiaires dans le vénérable monument. Le
26 août au matin, il ne restait plus rien de la su-
perbe Bibliothèque et les Halles glorieuses ne for-
maient plus que des débris fumants !
Ce crime « commis contre l'esprit » — d'après
la parole vengeresse du regretté Etienne Lamy —
fut depuis lors « effacé » par la sympathie univer-
s< lie dont le monde des sciences et des lettres en-
toura l'université qui en fut la victime.
Mais l'empreinte en stigmatisera éternellement
le front de la nation qui s'en rendit coupable et qui
ne sut point trouver Les paroles nécessaires pour
provoquer le pardon, à défaut de l'oubli.
1. Sapientia aedificavit sibi domum.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE
Notre intention n'est pas de donner ici la biblio-
graphie complète de l'histoire de l'Université
Louvain. Xous ne citon- que les ouvrages
importants, dont la lecture mettra ceux qui désirent
approfondir le sujet sur la v souro :b>li-
cations complémentaires.
Mi^r NamÊCHE, Jean IV et la fondation de l'Uni
site de Louvain, Louvain, 1891.
R. P. de Robian'o, De iure Ecclesiae in universii
studiorum. Louvain, 1864.
Baron de Reiffenberg, Mémoire sur les deux pre-
miers siècles de l'Université de Louvain. (Nouveaux
Mémoires de l'Académie royale de Belgique, in-40).
Bruxelles. 1829-1832.
Nicolas Vernulaeus, Academiae Lovaniensis li-
bri III. Louvain, 1627.
Yalère Axdré, F asti Academici studii gcncrali
Lovaniensis. Louvain, éd. 1650.
J.-F. Van de Velde, Recherches historiques sur
l'érection, la constitution, etc., de l'Université de Louvain.
6 brochures, 1788.
154 ORGANISATION INTERNE DE L'UNIVERSITÉ
Privilégia Academiae Lovaniensis. Louvain, 1752.
Codex veterum stabutorum Academiae Lovaniensis,
éd. P.-F.-X. de Ram. Bruxelles, 1861.
A. Van Hove, Statuts de l'Université de Louvain
antérieurs à l'année 1459, dans les Bulletins de la Com-
mission royale d'histoire, t. LXXVI.
REUSENS, Statuts primitifs de la Faculté des Arts de
Louvain, ibidem, 3e série, t. IX.
DE Ram, Anciens Statuts de la l'acuité de médecine,
ibidem, 3e série, t. V
Reusens, Statuts primitifs de la Faculté de théologie,
dans Y Annuaire de l'Université de Louvain, 1882.
REUSENS, Matricule de l'Université de Louvain, t. I.
(Commissi 1 de d'histoire, in-40.)
I tes de l'Université de Louvain, t. I.,éd Ri
t II. éd A Van Hove. (Commission royale d'histoire,
in-40.)
de Ram, Considérations sur l'histoire de l'Univet
de Louvain, dans les Bulletins de l'Académie royale de
Belgique, classe des Lettres, t. XXI.
V Braxts, Albert et Isabelle. Louvain, 191a
A. VERHAEGEN, Les cinquante dernières années del 'an-
cienne Université de Louvain (1740-1797). Liège, 1884.
V. Brants, La Faculté de droit de l'Université de
Louvain à travers cinq siècles (1626-1906). Louvain,
1906.
NOTE BIBLIOGRAPHIQUE 155
Broeckx, Prodrome de l'histoire de la Faculté de mé-
decine de V ancienne Université de Louvain. Anvers, 1865.
H. de Jongh, L'ancienne Faculté de théologie de Lou-
vain au premier siècle de son existence (1432-1540). Lou-
vain, 1911.
Nève, Mémoire historique et littéraire sur le Collège
des Trois Langues à l'Université de Louvain. (Mémoires
couronnés de V Académie royale de Belgique, in-40, t.
XXVIII.)
A. Roersch, L'Humanisme belge à l'époque de la
Renaissance, Bruxelles, 19]
E. Van Even, Louvain dans le passé et dans le
présent, Louvain, 1895.
Il faut consulter aussi les Annuaires de l'Université
de Louvain où M^rDE Ram, le chanoine Reusens, etc.,
ont publié une foule de documents sur l'ancienne uni-
versité, sous le titre général d' Analectes. De même, on
trouvera une abondante moisson de documents dans
les Analectes pour servir à l'histoire ecclésiastique de la
Belgique, où le chanoine Reusens et, après lui, M. Jos.
Wils ont publié des pièces et des articles très impor-
tants. Signalons enfin que la Biographie Nationale,
publiée sous les auspices de l'Académie royale de
Belgique, contient plusieurs notices importantes sur
d'anciens professeurs de l'université.
Pour la Bibliothèque, il faut lire E. de More au,
S. J. La Bibliothèque de Louvain, 1636-1914. Louvain,
1918. On y verra quels trésors ont été détruits en 1914
par les soldats du général von Boehn.
156 ORGANISATION INTERNE DE L'UNI VERSITÉ
Enfin, à titre de comparaison, on peut lire : H. De-
nifle, Die Universitàten des Mittelalters bis 1400, t. I,
Berlin, 1885.
Hastings Rashdall. The Univcrsilies of Europe in
the Middle Ages. Oxford, 1895.
V Luchaire. L'Université de Paris sous Philippe-
Auguste. Pari-, 1899.
G. Cardon. La fondation de !' Université de Douai.
Paris, i8<_.
378.4933 U-L894 E78i c.1
Essen # Une institution
d enseignement supérieur
m
x
O
I 1 1 1 II 1 1
3 0005 02004647 3
Des presses de Vromant & C°
3, rue delà Chapelle, Bruxelles. — 1.21.7618.
/
37Ô.4933
U-L894
. E78i
Essen
Une institution
d 'ensei,
^nement
supérieur sous
L 'ancien
régime :
1 'Université de
f 1 /. O C 1 "7 rv i \
Louvain
378.4933
U-L89^;
E78i
ESUne institution d'enseignement
supérieur sous l'ancien «gi»*:
l'Université de Louvain (1425-179/J
COLLECTION LOVANIUM
OUVRAGES SCIENTIFIQUES ET LITTÉRAIRES
PUBLIÉS PAR UN GROUPE DE PROFESSEURS
DE L'UNIVERSITÉ DE LOUVAIN
OUVRAGES PARUS :
Léon Van der Essen, Une Institution d'ensei-
gnement supérieur sous l'ancien régime.
(L'Université de Louvain, 1425-1797.) fr. 5. —
Henry de Dorlodot, Le Darwinisme au point
de vue de l'orthodoxie catholique. Premier vo-
lume : L'Origine des Espèces. . . . net fr. 6. —
POUR PARAITRE INCESSAMMENT :
Ai Bi ri Carnoy, Les Indo-Européens.
A Vu ri M>i il, Esquisse de l'Histoire de la
Technique.
s PRÉPARATION :
Ch. Lecoutere, Les caractères nationaux de
la littérature flamande.
L. Noël Le mouvement néo-thomiste de
Louvain.
M. De Wulf, Le retour vers la Philosophie du
Moyen Age.
J. Denys, La tuberculose au point de vue
social.
L. Van der Essen, La diplomatie à l'époque
moderne.
Comité de Direction :
26. rue des Joyeuses-Entrées, LOUVAIN