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Full text of "Œuvres de Monsieur de Montesquieu"

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ŒUVRES 

DE MONSIEUR 

DE MQNTESQUIEU. 

TOME SECOND, 

CONTENANT 

La fuite de lIEfprit des Lois , depuis le 
Livre XIII, juTques U compris le 
Livre XXI. 



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ŒUVRES 

DE MONSIEUR 

PE MONTESQUIEU. 

Nouvelle Édition, 

Revue, corrigée & confidirahkmeta 

augmentée. 

TOME SECOND. 

Prottm fini maire enatam. 

O V 1 D, 



A AMSTERDAM ET A LEIPZIG , 

Chez Arkstée et Merkus. 



M. Dec. LXXVII. 



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L' E S P R I T 

DES LOIS. 



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L' E S P R I T 

DES LOIS. 

"NOUVELLE ÉDITION, 

Hevue , corrigée y & conjuUrttliUment 
ttugmentie par rAuuur. 

TOME SECOND, 



A LONDRES. 
H. DC C. LXX y I I, 



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TABLE 



^ 



DES 



LIVRES ET CHAPITRES^ 

Contenus en ce fécond Volume» 

• , ■ ■,'■" ggSgSBgggg^ 

L I r R £ X I l u 

Des rapports que la levée des tributti 
& la grandeur des revenus publiai 
ont avec la liberté. 

Chapitre L TJes revenus 4$ ritdà. 

Page I 

Or. II. (^m c^efi mal taifonncrj <U 

dire que la grandeur des 
tributs Jbit bonne par etU^ 
menu. ) 

Ch# IIL Des tributs , dans les pays ; 

où une partie du peuplé 
ejl efclave de la ^lebe, 4 
a iij 



tî T A 6 L E 

» ■ . . . ■ « ■ 

Eh. t^* D^îmz république tn cas pitt^ 

mL ^ 

Cvi* V.. I^une^ m enarshie en cas^ 

pareil, ibid*^ 

Ch. VI. JD^u/î état d^ti^Uê en cas^ 

parcih 6- 

Ch# VII. Dts mbms , dans lis pays- 

eà l efdavagt de la gûèer 

* ' j^cfl: potr^t établi. 7^ 

Ch. VIIL Comment on conjèryt Cil^ 

• bt^n. "il 

Ch. IX.. D'aune mauvaife pru d'im* 

pot. IX 

jÇh. X*^ Qut ta grandeur dis tributs^ 

déptûd dt la nature dt$. 

goupfirrument. i^ 

<;h> Xl. Des pùnes fifialcs. 14. 
Ch. XII. Rafport\ de la grandeur 

des tributs avec la liberté, 

16 
Ch. XIÏÏ.; Dans quetr gouifernemens^ 

les tributs font Jûfctpti'* 

blés d^ augmentation. iS^ 
CJH* XrV. Que la ûature des tributs 

efi relative au gouverne^ 

mint. tibid^ 

Ch. XV. 'Abus de la liberté: ' lor' 
Ch* XVÎ. ^ l^s conquêtes des Maho- 

métans, tt 



> 



\ 



F 



15 ES CttAt^lTRËS. -trT, 

4^^ XVH.' Dl P augmentatkfn \ks 

tr&Ufts. 2i 

CHr XVIH^ Ih ta Hrhifi des tributs. 

^It. XIX« Qk*efi^a qui tjl plus cori'* 

ytnabU au prince & aU 
pêuple-j ^ la firme- oé 
dé la fégie des tributs ? 

U XX# Dits trmMÊis. 2^ 



L î y R É X I Fé 

Çfes lois , dans k rapport qu^elles ont 
arec ia nature d\r clim<^« 

Chapitré f . îMe giniraU. % t 

Ch* il Concert hs horrtmts Jbni 

diffinns dans les divers 
cOintati. ^ ibidi 

€h» IIl*^ Comradi^ion dans les ca-* 

ratières de certakts peu^ 
plesdu^rrUdi. * - ^^9 

Ch« IV« Caufi dé rimmutabillte dt 

l(t religion , des mœurs , 
des manières , des lois ^ 
dans les pays ^orient. 



Ch. 
Ch. 


VII. 
VIU. 


Ch. 


ÏX, 


Ch. 


X. 


Ch. 


XL 


Ck. 


xn. 


CK.XIU. 


Ch. 
Ch» 


XIV. 
XV. 



ibidw 



viî, T A ï L E 

ÇVL. V». Que les mauvais Ugîfù^ 

leurs font ceux qui ont 
favorifé les vices du cû^ 
mai j & les bon^ font 
4eux qui ^y ,Jbni oppo'^^ 
fis. 41 

Ch«. VI» Delacukuredesierresdaw^ 

les climats chauds. 
Du monachifme. 
, Bonne coutume de la Chiner 

Moyens (Teneourager tin^ 
du^rie* 4| 

Des lois qui ont rapport à la 
fohriitl des peuples. 46 

Des lois qui ont rapport 
aux maladies du cÛmat^ 

pes lois contre ceux qui fi 
tuent eux-mêmes» ^x 

Effets qui refiiltent du cli^ 
mat d^ Angleterre. 54 

Autres effets du climat. 5^ 

De la différente confiance 
que les lois ont dans t$ 
peuple filon Us climats. 

ï8 



DES CHAPITRES. i% 



LIVRE X F. 

Comment les lois de Tefclavage civil 
ont du rapport avec la nature du 
climat. ' 

Chapitre I. De PefclavagecivU. 6t 
Ch. II. Origine du droit de tefcla^ 

y âge chei les jurifconfuU 

tes Romains. 6% 

jiutre origine du droit dé 

Vefclavage. 66 

Autre origine du droit de 

Fefclavage. drf 

De Vefclavage des Negresi 

68 
Véritable origine du droit 

de Vefclavage. jo 

Autre origine du droit de 

Vefclavage. jt 

Inutilité de Vefclavage par^ 

mi nous, j% 

^ Des nations che^ lefquelles 

la liberté civile ej^ géné-^ 

rahmtnt établie^ y^ 
Diverfis efpcces d*ejclava* 



ch. m. 

Ch. IV. 
Ch. V. 
Ch. VI. 
Ch. vil 
Ch. VIII. 
Ch. IX. 

Ch. X. 



5t TABLE 

Ch, XI*. Ce que Us lois doivent faire^, 

par rapport à Cefilavagc^ 

77 
Ch. XIL Abus de Fefclavage. ibid» 

IEh. XIH* JiJanger du gfand nombre' 

d^efitaves. 79 

Ch. XIV» Des efdaves armés. 8t 

.Ch. XV. Continuation du manc Ju* 

jtt. . 8i 

Ch. XVL Fricautions^ à prendre dans^ 

tt gouvernement modère^ 

Ch^ XVIt^^ Rig^m^ns à faire entra 

U tnattre & les efdaves^ 

Ck. XVIII. ifesafranchijfemens. 89. 
jGjii XIX. D<is affranchis & des eumi^ 

ques. 93; 




/ 



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DES CHÀP-ITRËS. *i 

L î r R E X F L 

• * 

Comment les lois de refclavage do- 
. m^ftiqiie en>| dU K^portwec U 
nature' dtr climat. 

GhAiHTRS. ;L, Z7^ /â firvîeudà domefii*^ 

que. ^6 

Ch. IL (^ucdanss Us p^i du ftudi 

UyoidM/is les deux Jhsûs 
tmfi inigalité naturclU. 

!Ch. IIL Q«r là pluralité des fem^ 

mesi dépend baucoupi àe 
kur ea^tretien. çç^ 

Ch. IV. De la polygamie. Ses di^ 

verfis circonjiances» loo 

Ch. V. Raifons dune loi du Ma^ 

lak<ir. loi 

Ch. VI. JPc ta polygamie en elle^, 

mime* ^ lOj. 

Ch. vil Ih. Cégafiti du traitement 

dans le cas de la pluroi* 
lite des femmes. loç 

CHi VIII. De la féparation des /émî- 
mes d^avec Us hommes. 

9t Vj 



( 



iif TABLE 

Ch» IX. liaifon du gouvememcrU 

domcftiquc avec le poli^ 
tiqiu. xoy 

Ch. X, Principe de la morale de 

t Orienta loS 

Ch» XI» De la fervitude domejli^ 

que ^ indépendante de la 
polygamie. 1 1 x 

Ch. XIL De la pudeur naturelle» 

Ch. XIIL Dt lajahufie. 114 

Ch. XIV» Du gouvernement de là 

maijbn en Orient. 1 1 ç 
Ch. XV» Du divorce & de la ripu^ 

diation., né 

ÇS- XVI* De la répudiation & du 

divorce che^ les Romains m^^ 

119 



* ■ 



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DES CHAPITRES. xTt^ 



LIVRE XVII. 

Comment les lois de la fervitude polî^ 
tique ont du rapport avec la nature 
du climat. ' 

ChaAtre I. JDc la feryimdc politique^ 

114 
Ch. II. Diffircnçt des peuples^ par 

rapport au courage, ibidj 
Ch. m. Du climat de PAJie. 116 

Ch, IV. Conjîquenu de ceci* 131 

Ch. V* Que quand les peuples du 

nord de VAfie & ceux du 
nord de C Europe ont con* 
quis y les effets de la con^ 
quête rCitoient pas Us 
mimes • 13 X 

CVLé VI* Nouvelle caufe phyjique de 

la firvitudt de FAfie & 
de la liberté de tEurope. 

Ch. VIï. De V Afrique & de l'Ame*, 

riquc. 1^7 

Clf .. VIII. De la capitale dt P Empire^ 

îJbid^ 



%W TABLE 



L I F R E XVIII. 

Des lois dans le rapport qu'elles onf 
avec la nature du terrain. 

Chapitre I. Comment la namrt du ter^ 

rain influe Jur Us loiSw^ 

Continuation du même Jià^ 
M. 141 

Q^uels font les pays kspluf 
cuttivess .14X 

NouvMMX effets 4^ la fer" 
tiUd 6* de la fikUitir dm 
pays. 144 

Dts pétales des iles. ibid- 

JDts pays formés par fi/j" 

. dt^kie des hommes. 145; 

Des ouvrages des hommts^ 

Rapport général des lois^ 

14S 
Du terrain de F Amérique^ 

ibid; 

Du nombre des hommes 

dans le rapport avec l<$ 

manière dont ilsfeprocw» 

ftm la Jubjiflance^ 149^ 



Ch. 


ir. 


Ch. 


m. 


< 

Ch. 

1 


IV. 


Ch. V. 
Çifc VL 


C». 


VIL 


Ch. 


VHL 


Ch. 


IX. 


Ch. 


X. 



DES 

Ch. XI. 

Ch. XII* . 



Çh. XIIL 
Ch. XIV. 
Ch. XV, 



Chv XVB. 



;. xvin. 

Ch. XIX. 
Ch, XXL 



CHAPITRES. T9 

Dis peupks fanvaircs &yit% 
pcupàs barbar€S, ' 15a 

Du^ dr&it des gens che^ hê 
fcufilcs qui ne cultivent 
point Us^ terres^ 1 5 1 

Des lois civiles che[ Us peu'^ 
pies <pù ne cutdvtne poini 
tes urres. 15»^ 

De Citai politique des peuf^ 
pUs qui ne culdvem point 
ks terres, 15 j 

Des pmpUs qui c&nmi^nïï 
rufàgedelamonnoie. 1^4 

Des lois ci^iles'clie:^^ les peu^ 
pies qui ne connoi^cnt 
point Cufoge, de ta mon-^ 
noie. 15^ 

Des lois politiques eke^ let 
peuples, qui n^ont point 
Cujage de la monnoicm 

156 

Force de ta fiiperfiition. 

M7 
De la ÏÏberti des Arabes ^ 

& de la firvitude des Tar* 

tares. 158 

Du droit des gens des Tar^ 

tares. 160 

Loi civile des Tartarest i^\ 



^ 



XV j TABLE 

Ch» XXII. D^une loi civiU des ptugtts 

G tr mains. lôi- 

Ch. XXIIL Dt la longue cher dure des 

Rois Francs. 175 

Ch. XXI V. Des mariages des Rois 

Francs. ïhldj 

Ch. XXV. Childeric. 174 

Ch. XXVI. De la majorité des Rois 

Francs. 17 f 

Ch. XXVIL Continuation da même Ji^ 

jet. 178 

Ch. XXVIII. De P adoption cke^ les Ger^ 

mains. 179 

Ch. XXIX. Efprit fanguinaire des Rois 

Francs. 181 

Ch. XXX. Des affemblies de la nation 

chei les Francs. i8l 
Ch. XXXI. De r autorité du Clergé dans 

la première race. 18} 






DES CHAPITRES, xvîf 



LIVRE XIX. 

Des lois , dans le rapport qu'elles o3t 
avec les principes qui forment l*efprit 
général ^ les mœurs & les manières 
d'une nation. 

Chapitre I. Ùufuju dt ce Lhre. i%% 

Ch« n. Combien ^ pour les meilleures 

lois ^ il efi nkejfaire que 
les efprits foient préparés. 

Ch. IIL l^e la tyrannie. .i 87 

Ch. IV. Ce que c^ejl qut tefprit gi" 

néralé iS^ 

Ch. V. Combien il faut être atun-* 

tif à ne point changer 

tefprit général d'une na^ 

tion. 19a 

Ch, VI. Qu^ii n^ faut pas tout cor^ 

tiger. 191 

Ch. VII. Des Athéniens & des La^ 

cédémoniens. içx 

Ch.. VIII. Effets de V humeur fociabU^ 

ibid. 
Ch. IX. De la vanité & de Corgueil 

des nouons. 193 



1 



Shrnj t A É tlK 

Ch* X, Du caraâcrc des ÈJpd'^ 

gnols ^ & de cclid deà 

Chmois. 19Ô 

Ch. 3tL Réflexions. ^97 

Ch. XH* Ek^ rfiameres & ito kiGHa^ 

dMns Chat icffonque:^ 

Ch. XIII, Des maniérés che^ les Chi'^ 

nois. 195* 

C», XI W Quels font tes moyens natu^ 

nis de changer les^ mosur^ 
& Us manières d*une rta* 
tion. lOOr 

Ck, XV. Influence du ecfwernemene^ 

domefiique Jur le poLiU"^ 
que. loi»' 

jCh, XVl, Commeni quelques Ugijla^ 

teuts ont confondu ksf 
principes qui gouvernent 
les hommes 4 loj 

ICh# XVIÏ. Propriété particulière. aU 

gouvernement de La Chi^ 
.ne. 10 Ç 

Ch. XVHI. Canfequenc4 du chapitre p^t* 

cédenté 207 

pH. XIX. Comment défi faite cme' 

union de la religion , des 
lois , des mâurs^ & dis 
manières che^^les Chinois, 

209 



DES CHAPITRES. jciÈ 

Çff • XX» ' ExpUtanôft iFun jmra»^ 

daxcfur les Chinois, zir 

Ch^t XXI. Comment les lois doivent 

être relatives aux moeurs 
& aux maniMs. 2 1 J 

Ch. XXIL Continuaûon du mente fiijet^ 

X14 

Oh. XXIIL Comment les lois fiiivent Ui 

mœurs. ibid» 

Ch. XXIV. Continuation du même fa* 

;ec, II Ç 

Ch. XXV. Continuation du mtme Jii* 

/et, xiy 

Ch. XXVI Continuation du mime fii-^ 

jet. 2 1 8 

IpH. XXVIl. Comment les lois peuvent 

contribuer à former les 
moeurs , les manières 6r 
le caraSete d^une nation:^ 

"91 



A 






XX TABLE 



■6i^ 



LIVRE XX. 

Des lois , dans le rapport qu^elles ont: 
avec le commerce , confidéré dans 
fa nature & fes diftindions. 

Chapitre L Vu Commerce. 138 

Ch. il De Vefprit du Commerce^ 

De la pauvreté des peuples^ 

DuComrrurce daniles di^ 

vers Gouvernemens. 14Z 
Des peuples qui ont fait 

le commerce (Ticonomie^ 

245 
Quelques effets d^uru gran» 

de navigation. 146 
Efprit de l* Angleterre fur 

le commerce. X48 

Comment on a génl qiul* 

quefois le comnurce ^^- 

conorriie. ' 2491 

De Cexclufion en fait de 

commerce. 150 

Etabliffement propre an 

commerce JCeconormt. x^ 



Ch. 


ni. 


Ch. 


IV. 


Ch. 

f 


V. 


• 

Ch. 


VI. 


Ch. 


VII. 


Ch. 


VIII. 


Ch. 


IX, 


Ch. 


X. 



PES CHAPITRES, xxj 

Ch. XL Contini^tion du mime fur^ 

jet* 15 j 

Ch. XU, . De là liberté du commeru. 

ibid» 
Çh. XIII* Ce qui détruit cette libené^. 

Çh, XIV^ Jpes lois du commerce qui 

emportent la confijcatton 
des marçhandifis. 1^6 

Cm. XV* . De la contrainte par corps^ 

Ch. XVI. J^eiU ioi. 158 

Ch. XVIÏ. Loi de Rhodes. ^59 

Ch. XVIII, GesJugef pour le comment.. 

ibid/ 
Ch. XIX. Que le prince ne doit point 

faire le commerce • x(^i 
Ch. X]}Ç, Continuafion du même fit-* 

jet. 1.62 

Ch« XXI* J^u commerce de la no^ 

hkjje dans la monarchie. 

ibid. 
Ch. XXII. Réflexion partitulitre. lé 3 
Çh. XXIU. A quelles àations il efi ' àl-^ 

favantageux de faire U 
çQmrncrcÇp ?.6$ 



î : ; 



(Kxîj t A B 1 ^ 



ti y Si E XX U ^ 

iPeslois 9 dans le mppert qu'^elWs or^ 
' avec le commerce , çonfidçri. dan$. 
les i^évolùtions qu'il a eues dans 1« 
' jiàondei. . 

Chapitre L Quelques cenjîdiratîons gé-^ 

Ch. ;II11 Çf^r les tèfbins des peu^ 

. /uns adieux des peuples 

■ ' ^ :«^f^-.. .^. ^75; 
CkL. IV* PrinclpMe différence du 

.£i>mm^tc(^ des anciens -1 

a avec . teûa aaujour^ 

» d^hui, 274 

Cw/y., Jutres, différenoff.^ r %y^ 

Çh* vil JPi^ commerce des Grecs ^ 

187 

f3|i. VIIL D^Al^anire. Saconquête. 

X9X 



DES CHAPITRES, xxl^ 

Ch. IX. Du. commerce iks Rois 

Çncs aprls Alexandre^ 

298. 
Çfl. X. Du tour dfi tAfriquCf 

Ch. XI^ Carthag^ ^ MarfidU. 

Ch. XII, lu d^ Dilos. Hithrïdatc. 

3^J 
Ch. XUI, Du g^uU des Romains 

pour la marine. 32Ô 

Cç. XIV. Du génie des Romains 

pour le commerce, ^ij 

Ch. XV. Commerce des Romains 

avec Us Barbares^ 33O 

Ch, Xyi, ■ Dif. commerce des Ron 

mains avec l'Arabie & 
Us Indes. . 33 î 

Ch. XVII^ Du commerce aprh la def-> 

0fti3ion des Romains en 
Occidene. 338 

Ch» XVIII. RégUmekt particulier. 340 

Ck^ XIX. Du commerce , depuis l af* 

foibliffement des Romains 
en Orient. ibid» 

plî» ^X« Comment le commerce fi 

fit jour en Europe à tra^ 
yer^ fa hrb^rief ji||, 



4 



- « 



ixxlv T A B L E, &c. 

ÇUp XXI. Découverte de deux nou-* 

veaux mondes. Etat d» 
V Europe à cet égard. 3 46 

Çh. XXII. Des richefes que VE^pa-' 

gne tira de V Amérique. 

353 
Ch. XXIIL Problême. 361 



Fin de la Table du Tome fécond. 







DE L'ESPRIT 



1 De l'espriT/des Lois; 

Fétat , & aux néceflîtés des citoyens j 
11 ne faut point prendre au peuple i^x^ 
ies befoins réels , pour des befoins dé 
l'état imaginaires. ^ 

Les befoins imaginaires font ce que 
demandent les pàfnoris & les foibleffes 
dé ceux qui gbuvernent^le chafme d'Un 
projet extraordinaire , "Penvie malade 
c\me vaine gloire , & une certaine im- 
puiffance d'efprit conti^ les fairtaifies. 
Souvent ceux qui avec un efprit inquiet 
^toient fous le prince àlatêtedesaffai* 
res , ont penfé que^les befoins de l'état 
^toient les befoins de leurs petit.es âmes* 

Il n'y a rien que ia fagéffe & là pru* 
dence doivent plus régler , que cette 
portion qu'on ôte , & cette portion 
qu'on laiffe aux fujets. 

Ce n'eft point à ce que le peuple 
peut donhei- , qu'il faut meftirer les re- 
venus publics ^ lùais à ce qu'il>doit don- 
ner : Et fi on les mefure à ce qu'il peut 
donner , il faut qiie ce foît du moins ^ 
ce qu'il peut toujours donner. 



.i 







tîv. XIII. Chap. II. % 
CHAPITRE IL 

Q^uc c'efi mai raifonmr y dt dire que ta 
grandeur des tributs Jbit bonne par ellâ* 
même» -* 

ON a vu dans certaines monarcliies . 
que de petits pays , exempts dé 
tributs, étoientauffi miférables que les 
lieux qui tout autour en étoient acca-* 
blés. La prii^cipale raifbn eft , que le 
petit état entouré ne peut avoir d'indut 
Crie , d'arts , ni de manufaâures , parce 
qu'à cet égard il eft.gêné de mille ma«- 
nieres parle grand état dans lequel il eft 
enclavé. Le grand état qui l'entoure, a 
l'induftrie, lesmanufaftures j&cle^artSï; 
& il fait des réglemens qui lui en pro- 
curent tous les avantages; Le petit état 
devient donc néceffaitetnènt pauvre , 
quelque peu d'impôts qu'on y levé.. 

On a4)ourtant conclu de là pauvreté 
de ces petits pays, que, pour que le 
peuple fut induftrieux , il falloft des 
charges pefantes. On auroit mieux fait 
d'en conclure qu'il n'en faut pas. Ce font 
, tous les miférables des environs qui fe 
retirent dans ces lieux-là ».pouj:pe>pw 

A i\ 



,-V 



% De l*esprit des Lois, 

ïaire : déjà découragés par raccahflement 
du travail , ils font confifter toute leur 
félicité dans leur pareffe. 

L'effet des riçheffes d'im pays , c'eft 
de mettre de l'ambition dans tous les 
cœurs. L'effet de la pauvreté , e£t d*y 
faire naître le défefpoir. La première 
s'irrite par le travail , l'autre fe confole 
par la pareffe. 

La nature eft jufte envers les hom- 
tnes , elle les récompenfe de leurs pei- 
nes ; elle les rend laborieux , parce qu'à 
dé plus grands travaux elle attache de 
plus grandes récompenfes. Mais fi un 
pouvoir arbitraire ôte les récompenfes 
«le la nature , on reprend le dégoût pour 
le travail , &c l'iaaâion paroit $trç le 
feul bien^ 

CHAPITRE IIL 

^J}çs tributs y dans Us pays oU une partiç du 
peuple eft efçlave d^ la ^teûf 

L'esclavage de la glèbe s'établit 
quelquefois après une conquête. 
Pans ce cas , l'efclave qui cultive doit 
être le colon-partiaire du maître. Il n'y 
# i^u'une focieté de perte â( de gain qui 



Liv. XIII. CiïÀF. ÏV. i 

pitîffe réconcilier ceux qui font defti-; 
nés à travailler, avec ceux qui fon|, 
deftinés à )ouir« 

CHAPITRE IV- 

lyune république en cas pareiL 
ORSQU*URE république aréduit une 



L 



nation à cultiver les terres pouf 
elle , on n V doit point fouffrir que le ci< 
toyen puiffe augmenter le tribut de Tefr 
clave. On ne le permettoit point à La- 
cédénu>ne : on penfoit que les Elotes 
(4) cultiveroient mieux les terres, 
lonqu'ils fauroient que leur fervitude 
n*augmenteroit pas ; on croyoit que les 
maîtres feroîent meilleurs citoyens^ 
lorfqu'ils ne défireroient que ce qu'ils^ 
avoient coutume d'avoir. 



rtml 



CHAPITRE V. 
D'aune monarchie en cas pareil. 

LORSQVE , dans* une monarchie , 1* 
nobleiffe fait cultiver les terres à 
fon profit par le peuple conquis , il faut 

ta) Fkiar^uc. , 

A uj, 



^ PJL l^ESPRIT DÈS I-OI^^ 

encore que la redevance ne puifïe atig^ 
inenter {a). Déplus, Il eftbonque 
le prince fe contente de (on domaine 
& du fervice militaire. Mais s'il veut 
lever les tributs en argent fur les efcla^ 
ves de la hobleffe , il faut que le fei- 
gneur foit garant (b) du tribut , qu'il le 
paye pour les efclaves & le reprenne 
fur eux : Et fi Ton ne fuit pas cette rè- 
gle , le feigneur & ceux qui lèvent les 
revenus du prince, vexeront Tefclave 
tour à tour, & le reprendront l'un 
après l'autre , jufqu'à ce qu'il périffe 
de mifere „ ou âiie dans les bois. 



C H A P I T R E VL 

* 2Tun état Jejpùtiquc en cas pareil. 

CE que j-e viens de dire eft encore 
plus indifpenfable dans l'état def- 
Î gotique. Le feigneur qui peut à tous 
es inftans être dépouillé de fes terres 
& de fçs efclaves , n'eft pas fi porté à 
les conferver. 
, 'Pierre premier, voulant prendre la 

• 

(a) C*eû te qui fit faire à Charlemagne Ces belle& 
inftitution$ là-deflus. Voyet le lirre V des Capitulai* 
us , art. yov 

( ^ ) Cela fe pratique ainfi ext AUemagoe, 



t>ratiqued' Allemagne & lever fes tributs 
en argent, fit un. règlement très-fage 
que Ponfuit encore en Ruflîe. Le gen-* 
tilhomme levé la taxe fur lés payians ^ 
& la paye au czar. Si le nombre des 
payfans diminue , il paye tout de mê- 
me ; ii le nombre aùemente , il ne paye 
pas davantage : iLeu donc intérefTé à 
ne point vexer fes payjfans. 

L ^ I ' I I g 

[ C HÂ P if E Ê VIL 

Des tributs , dans Us pays où ttjclavage 
de la glèbe n^ejl point établi. 

^ ORSQUS ^znsyyn état tous les parti-» 
X^ culiers fbnî;citoyens , que chacun y*^ 
poflede p^r fbn dooiaine ce que le prince 
y poffede p^r /on .empire , on peut met- 
tre des injpgts fur les perfonnes, fur les 
terres, ou îlir les marchandifes ; fur deuif 
ce ces chofes , o\\î\\x\^s trois enfemble* 
.. Dans Timpotdé; la pçrfonne , la pro- 
portion jnjnlte feroit celle qui fuivroit 
f xademènt k prqpoTtijon des biens. Oa 
avoit divifé à Athènes (a) les citoyens 
en quatre clafles. Ceux qui retiroient de 
Jeurs biens cinq cents mefures de fruits 

.(#} FçUfi». livvVai.^l^ptX.att4X30«, 

A iy 



liquides OU fecs^ payoient au public uri( 
talent ; ceux qui en retiroienttrois cents, 
mefures , dévoient un demi-talent ; ceux 
qui avoient deux censme^res^payôîent 
dix mines , on la fixieme partie d Un ta* 
îent ; ceux de la quatrième clafle ne doiir 
noient rien. La taxe étoit jufte, quoi* 

Su'elle ne fût point proportionnelle ; 
elle ne. fuivoit pi^. la proportion des 
l^iens , die fuivoit la> proportion dês 
befoins. On jugea ^e cnacun avoit un 
nécejfkirc f^hyjiqtu ép\ , que Ce hécéfTaire* 
phy fique ne devoit pointêtre taxé ; que 
l^itile.venoit enfuite,. & qu'il.devoit: 
être taxé , mais moins q\ie le fuperflui 

Sue la grandeur de la taxeiiu'.le fuperr 
u çmpêchoit le fuperflU. 
Dans la taxe fur ks terres , on fait des 
tôles oïl Ton met les diverfes claffes des. 
fonds. Mais il eft très-difficile de con- 
noître ces^ différences , & encore plus 
de trouver des gens qui ne ibient point 
intéreffés aies méconnoître; Il y a donc 
là.deux fortes dUnjuftices; rinjuflicedé 
l'homme, &rinjufl:icedelachofe; Mais 
a en général là taxe n*eft point excelE- 
ve , fi on laiffe au peuple im néceffaire 
abondant ^ ces injùflicés particulières 
a^ feront rien.jQ\iefi:au contraire on pa 



»- 1. 



Lii;'. xiiL Chap. Vil § 

isLiffe au peuple que ce qu*il lui fatit à It 
rigueiu" pour vivre , la moindre difpre* 
portion fera de la plus grande confér 
quence. 

Que quelques citoyens ne payent pas 
aflez , le mal n*eft pas grand ; leur aifance 
revient toujours au public; que quelques 
particuliers payent trop , leur tuine fe 
tourne contre le public; Si l*état propor-r 
donne fa fortune à celle des particuliers, 
Paifance des particuliers fera bientôt 
monter fa fortune. Tout dépend du mo-^ 
jnent : L'état commencera-t-il par appau* 
vrirles fujets pour s'enrichir? ou atten-* 
dra-t-il que dés fujets à leuraife l'enri-*' 
chiffent ?• Aura-t-il le premier avantage î 
ou le fécond ? Commencera-t-il pat; 
âtre riche?- ou finira-t-il par l'être ? * 

Les droits fur les marchandifes font- 
ceux que les peuples fentent le moins ^ 
parcecu'on ne leur fait pas une demanda- ' 
fermelie. Us peuvent être fi fagement 
ménagés,que le peuple ignoireraprefque 
qu'il les paye. Pour cela, il eft d'une 
grande confequence que ce foit celui qui. 
vend la marchandife , qui paye le droit;. 
H fait bien qu'il ne paye p^ pour lui ; &: 
l'acheteur , qui dans le fond paye , le 
Soiifond^Y€cle prix. Quelques auteur^ 

A Y' 



fo E>E l:^espRïT DES Lor5> 

^nt dit que Néron avoit ôté le droit di« 
vingt-cinquième des efclaves qui fe- 
vendoient (tf) ; il n*avoit pourtant fait 
qu'ordonner que ce feroit le vendeur 
qui le payeroit, au lieu de l'acheteur r. 
ce règlement qui laiffoit tout l'impôt ^ 
parut l'ôter. 

Il y a deux royaumes en Eiu-ope oui 
l'on a mis des impôts très-forts fur lesi 
boiiTons r dans l'un le braffeur feul paye? 
le droit ; dans l'autre , il eft levé indif- 
féremment fur tous les fujets qui con-^ 
fomment. Dans le premier ^ perfonne 
ne fent la rigueur de l'impôt ; dans le 
jfecond , il eu regardé comme onéreux r 
dans celui-là , le citoyen ne fent que lat 
Éberté qu'il y a de ne pas payer; dans», 
celui-ci , il ne feiit que la néceffité quL 
yy oblige.- 

D'ailleurs , pour que le citoyen paye^ 
il faut des recherches perpétuelles dan& 
fa maîfon. Rien n'eft plus contraire à lai 
èberté : & ceux qui établifïent ces for^ 
tes d'impôts , n'ont pas le bonheur d'an 
yoir à cet égard rencontré la meilleure 
forte d'admmiftration.. 

' (ay VèHigal quintét & lùcefimo: vtnaliummancipît^ 
ffftn remiffum fpuit mag's quant vi ; quîa cùm venditof- 
mndtre jubtntur in parêcm prctii , cmptoribus ûUTt^Ur 






iij II m ij iiiianii iii I ii^^^— ^ 

■ C H A P IT RE' VIII. ' 

CiorMtunt on confcrvt fiUuJîon. 

-TJotî» que le prix de Jachofe & le 
-JL \ droit ^ puîâe fe confomlré dans la 
îtêjbeîde eolui qid.paye , il 6kut qu'il y 
*àit^uel<jiie Jûpport entre là rnarcha»- 
,dife & Timpôt y & que , fur une denriiï 
.de peu 4^ valeur , an ne mette pas un 
droit ex,rH&f> U y a des p3yâx>ii le droit 
*exced£ ^: dû^iâptfQis-tai vj^eur.de ia 
^marchanctife; Pxmr lors ^ :1e pincé qàç^ 
i'iUufionr à £e& Ai)etsr : . ils voient qu'ils 
font. GOttduiîts d'une manicfre qui n'ieâ: 
|)as ir^onnable ; ce qui leur fait fentir 
leur fervitude au dernier point» 

D'^illburi?, pburquele ppince puifle 
levçr.un droit fi dilpropprtipnne à la 
valeui" de la chofe , il faut qu'il vende 
.Juî^n^êmé: : la m^rch^ndife, t8c qtiele 
peuple ne puifle l'aller acheter ailleurs j 
ç% qui eft uijet à mille inconvéniens. 

La ft-audç étant dans ce cas très-Ju-^ 
:crative , la p^ine naturelle , celle que la 
raifon demande , qui eft la confifcatioi* 
;de lan^rchandife , devient incapable de 
'4'«f êter y 4'aujant plus gue cette ma-: 

A vi 



^ t)E Vt^îLlT DES toiif 

cbandife eft'poitr Tordinaire: d'un prn^^ 
très-vil. Il faut donc , aroir recours ai 
des peines extravagantes, & pareilles à; 
celle? que. Ton infligjB pour les pius» 
grands crimes. Toute.la proportion des 
peines eft ôtée^ Dès gens qu'on'né/faii- 
roit regarder comme des nommes nié?» 
chans^iontpunisconune desfcélérats; ce 
qui eft lachofe du mondela plus comfâi» 
Te à refprit du. gouvernement modéré.. 
J'ajoute>queplus on met le peuple en . 
occaéon dè^ frauder le traitant , plus oa 
. enrichit celui-ci y & on appauvrit celui- 
' li, Poiu- vtëUT là fraudé , il faut donner ^ 
aux traitant dés moyens de^ vexations 
extraordinaires , & tout eft ç^erdu. 

tp, , i ' ' ' " a- 

C; H A P I XR E IX-.: 

IXjmt: mauvaijc' fom d!împot* 

T^n^oùs parlerons- tn paflïuît , d^lnî 
i^- impôt établi dans quelques états , 
fur les diverfes dâufes des contrats ci- - 
•A^ils. Il faut pour fe tiéfendredii traitant, . 
de grande, connoifiance^ , ces chofes. 
étant fujettes à des difcuffions fubtiles. . 
Rour lôrs , le traitant , interprète des: 

jr!^]^emen$ du princf | exerceun pouy^ii;/ 



f 



trv. XIIK CwAr. ST. i% 

lauiitraire fiur les fortunes. . L'expërieiv 
ce a feitvoirtfu'un impôt fur le papier 
fiir lequel le contrat doit s*écnre ^ 
vaudroit beaucoup mieux». 



C H A P I T R E 

Que la ffranJUut dis^ mbuts> dépend de la^ 
nature du gouvernements 

LES tributs doivent être très-légers- 
dans le gouvernement dêfpotique. 
•Sans cela, quieft-<e.quivoudroit pren- 
dre la peine d^y cultiver les tores ? & 
de:p1us 9 comment pa^^er de gros tributs^ 
dans un 'gouvernement qui ne fupplée 
par rien à ^e que le fujet a donné? 

Dans le pouvoir étonnant duprince>, 
& l'étrange foibleffe du peuple^ il faut 
<Ça*ilne puiffe y avoir d'équivoques fur 
nen. Les«tributs doivent être u faciles 
à percevoir , & fi clfdrement établis ^ 
qu'ils ne puiiTent être augmentés nâ 
diminués .psu* ceux qui les lèvent : un€ 
portion dans les fruits de la terre, une« 
taxe par tête, un tribut de tant pour 
iîent fur les marcbandifes , font les f euls 
convenables; 

JL eft- bon , dans U - gouv^rftçmw^i 



^4 'Oe l'Ecrit dçs tpîs, 

4efpotique , que les; marchands ayêftf: 
une fauve-garde- perfonnelle» ^ & • q«e 
^'uiage les faffe refpeâer S fitns cela ih^ 
ieroîent trop foibles dans les difciUïioas 
4}u'ils pourr.oieat ayoir,ayec les^p^^ 

ciers du prince. 

.[ .. I -, 



C H A P I T R E Xï. 



1 . 



.> 



\\ 



^ Des peines fiJcaUs. 

C'e s t . une chofe • particulière awç 
peines ^ç<kle^ , que contre la.prati* 
jque génjérale \ elles font plus féveres eu 
JEuropç qu'en Aiie. En Europe , on ocm^ 
^fque les marchàndifes 9 < quelquefois 
mêine les vaifleaux & les -voitures ; ea 
Afie , on ne fait ni Tun ni Tautre. C'clfe 
^u'en Europe , lé marchand a des juges 
^ui peuvent le garantir de l'oppreflion j 
^n Afie, les juges defpotiques feroient 
;eux-mêmes les ôppreneursw Que^feroît 
ie marchand contre un b^hn qui ^uroit 
féfolu de coniîfquer {^ nf^rchandifesè 
• C'eft lavexation qui fe furmonte elle- 
tnême , & fe voit contrainte à une cer- 
laîne douceur» En Turmiie^ on ne levé 
qu'un feul droit d'entrée ;. après quoî:> 
jKmt le pays:^flbYftrt a|i.x, marchands» 



,Liv. Xiri. Çhap. XL : l^ 

Les déclarations fauiTes n'emportent ni 
confifcation ni augmentation de droits,. 
On n'ouvre (a) peint à la Chine les 
ballots des cens qui ae font pas mar- 
chands. La fraude chez leMôgol , n'ell 
point punie par la confifcation , mais 
par le doublement du droit. Les prin- 
ces (Jf) Tartares ^ qui habitent des villes 
dans l'Afie , ne lèvent prefque rien fur 
les marchandifes qui paffent. Que fi ^ 
W Japon , le crime ae £raude dans le 
commerce eft un crime capital , c'eft^ 
qu'on a des raifons pour défendre toute 
con^munication avec les étrangers ; ôt 
que la fraude (c) y eft plutôx ime conr* 
travention aux lois faltespour la furetéi 
deTétat, qu'à des lois de commerce^ 

{a) JDu Haldé , tome II > p» 37. 

\b ) HiAeire des Tattars-, troi(îefT)e partie 1 p. ^^.. 
t \^\ Voulaf)t savoir no commerce avec lei étt^ng/t» 
^nsfe communiciaef avec eux, ils ont choifi deux na»> 
iions ; la Holtandoife > pour le commerce de l^Europe ;; 
<8t la Chinpife , pour celui de TAfie r ils tiennent da«^ 
une e^ece de prifon les faéleilrs & les matelo,ts « (l 
^ gênent j\ir4u*^^aire perdre patience ' 



^€ 






H De l'esprit des toi$;^ 

il ' '"V 

CHAPITRE XI I. 

Rapport dt la grandeur des tributs ave$ç 

la: liberté, 

REGLE générale : on peut lever des 
tributs plus forts , à proportion de 
la liberté desfujets; & Von eft forcé de 
les modérer, à mefure que la fervitude 
augmente* Cela a toujours été , & cela 
fera toujours. C'eft une règle tirée de la 
nature , qui ne varie point ;bn latrouve 

Êar tous les pays , en Angleterre, en 
[oUande , & dans tous les états où la 
liberté va fe dégradant jufqu'en Tur* 
quie.Xa Suifle femble y déroger , parce 
qu'on ne paye point de tributs ; mais- 
on en fait la raifon particulière, & mê- 
me elle confirme ce que je dis. Dans 
ces montagnes ftériles , les vivres font 
fi chers & le pays eftfi peuplé, qu'un 
Suiffé paye quatre fois plus a lanature^ 
qu'un Turc ne paye au Sultan. 
• Un peuple dominateur , tel qu'étoientt 
lés Athéniens & les Romains , peut s'af-- 
franchir de tout impôt,parce qu'il regne- 
fur des nation:, fujettes. Il ne paye pas» 
pour lors à proj^ortion de fa liberté ^^ 



Liv. xrir. chàp. xir. ij 

parce qu'à cet égard il n'eft pas un 
peuple , mais un monarque. 

Maïs la règle générale refte toujours^ 
H y a, dans les états modérés, un dédom»- 
magcment pour la pefanteur des tributs i 
c*eft la liberté. Uy a dansles états (tf) 
defpotiques , un équivalent pour la lir 
berté -y, c'eû la modicité des tributs. 
, Dans de certaines monarchies ert^ 
Europe , on^ voit des provinces (*) qui ^ 
jpar la nature de leur gouvernement 
politique , font dans un meilleur état: 
que les autres. On s'imagine toujours 
qu'elles nepayent pas affez, parce qucj^ 
par un effet de k bonté de leur gou- 
vernement , elles poxuToient payer da-p 
vantage ; & il, vient toujours dans. l'ejC- 
prit de leur ôter ce gouvernement 
même qui produit ce bien qui fe corn-- 
munique , qui fe répand au loin , â(| 
dont û vaudroit bien mieux jouir. 

(a) EnRuiHe, les tnbuts (ont médiocres t on Iet% 
* augmentés diepuir que le defpotifhie y eft pHis mo*. 
éhé. Voyez l'hiftoire des Tattars • deiudcnc^ p«ttit| 

i}) Les pays dMtats^ 




«8 De l'esprit des Lois, 

CHAPITRE XIII/ 

Jians quel gouvcrntment Us tributs font 
fufccptibUs d* augmentation. 

ON peut augmenter les tributs dans 
la plupart des républiques ; parce 
cjue le citoyen , qui croit payer à lui-* 
ïnême , a la volonté de les payer , & en 
a ordinairement le pouvoir par l'effet 
de la nature du gouvernement. 

Dans la monarchie on peut augmen- 
ter les tributs ; parce que la modération 
du gouvernement y peut procurer des 
tiçheffes : c'eft comme la récompenfe 
du prince , à caufe du refpeft cju'îl a 
J)our les lois. Dans Tétat defpotique , 
on ne peut pas les augmenter ; parce 
^u'on ne peut pas augmenter la fervi- 
lude extrême. 



m 



: C Ht A P I T R E X I V. . 

Qz/e la nature des tributs efl relative ^ au 

gouvernement. 

L'impôt par tête eft plus naturel à la 
lervitude ; l'impôt fur les marchan- 
difes eil plus naturel à la liberté , parce 



Liv. XIII. Chap. XIV. ip 

'mi^iUfe rapporte d'une manière moins 
a\xeQ:e à la perfonne. 

Il eft naturel au gouvernement def- 
][K>tique , que le pnnce ne donne pomt 
d'argent à la milice ou aux gens de fa 
cour ^ mais qu'il leur diftribue^ des ter- 
res , 8c par conféquent qu'on y levé peu 
4e tributs. Que fi le prince donne de 
l'argent , le tribut le plus naturel qu'il 
ÇMÎffe lever eft un tribut par tête. Ce 
tribut ne peut être que très-modique : 
car, comme on n'y peut pas faire di* 
verifes claffes confidérables,àcaufe des 
abus qui en réfulteroient , vul'injuftice 
^ la violence du gouvernement , il faut 
néceffairement fe régler fur le taux de 
r: ce que peuvent payer les plus mifé- 
râbles. 

Le tribut naturel au gouvernement 
modéré , eft l'impôt fur les marchan- 
difes. Cet impôt étant réellement payé 
par l'acheteur , quoique le marchand 
l'avance , eft im prêt que le marchand a 
déjà fait à l'acheteur: ainfi il faut regar^ 
4er le négociant , &c comme le débiteur 
général de l'état , & comme le créancier 
de tous les particuliers. Il avance à l'état 
le droit que l'acheteur lui payera queU 
que jour ^ôc il a payé , poxurr acheteur^ 



iô De L'ESPitir DES Lois, 

le droit qu'il a payé pour lamarchandlfrf 
On fent donc que plus le gouvernement 
eft modéré , que plus l'écrit de liberté 
i»egne y que plus les fortunes ont de fu- 
leté, plus-il eft facile au marchand d'à-' 
vancer à Tétat , & de prêter au particu- 
Ker des droits confiderables. En Angle- 
terre , un marchand prête réellement à 
Pétat cinquante ou foixante livres fter- 
lâng À chaque tonneau de vin qu'il re-^ 
çoit. Quel eft^ le marchand qui oferoitr 
feireunechofe de cette efpece dansuiv 
pays çonverné comme la Turquie ? &" 
quand il Poferoit faire , conmient le 
pourroit*il, avecime fortune itifpeâte, 
incertaine , ruinée ? 




CHAPITRE XV. 

Abus de la liberté. 

CES grands avantages de la liberté' 
ont fait que l'on aabwféde laliberté 
même. Parce que le gouvernement mo-* 
déré a produit d'admirables effets , on a 
quitté cette modération : parce qu'oa 
a tiré de grands tributs , on ea a voulue 
lirer d'exceffifs : & méconnoiftant la» 
main de la liberté qui faifoitCQ préfen^ 



A 



Liv. XIIL Chap. XV, 2i: 

on s'eft adrefîe àla jfervitude qui réfiife 
tout 

La liberté a produit l'excès des tri- 
buts : mais TefFetde ces tributs exceifift 
eft de produire à leur tour la fervitude^ 
& Teffet de la fervitude j dé produire 
la diminution des tributs* ' 

Les monarques de TAfie ne font guère 
d'édits que pour exempter chaque an- 
née de tributs quelque province de leur 
empire (a) : les manifeftations de leUr 
volonté font des bien&its» Mais en 
Europe , les édits des princes affligent 
même avant qu'on les ait vus , parce 
qu'ils y parlent toujours de leurs be- 
ioins , & jamais des nôtres. 
D'une impardonnable nonchalance , 
ue les miniftres de ces pays-là tienjafent 
u gouvernement & foxivent du climat, 
les peuples tirent cet avantage , qu'ils 
ne font point fans ceffe accablés par de 
nouvelles demandes. Les dépenles n'y 
augmçntent point , parce qu'on n'y fait 
point de projets nouveaux : &c fi par 
Ward on y en fait , ce font des projets 
dont on voit la fin , & non des projets 
conunencés. Ceux qui gouvernent l'é- 
tat ne le tourmentent pas , parce qu'ils 

( « } ^eft Toiàge dfk iempcteiûs de U Chiii«« 



I 



il t>t L'iSftîf Éts Lois, 

ne fe tourmentent pas fans çeffe eux^ 
mêmes. Mais , pour nous , il eft impoC* 
fible que nous ayons jamais de règles 
dans nos finances , parce que nous fa-^ 
yons toujours que nous ferons quelque 
chofe , & jamais ce que nous ferons. . 
On n'appelle plus parmi nous un grand 
minière celui qui eft le fage difpenfa- 
teur des revenus publics; mais celui qui 
€ft homme d'induftrie , & qui trouva 
ce qu'on appelle des expédiens. 

CHAPITRE XVI. 
Des conquéus^ des Màhométans. 

CE furent ces tributs (tf) exceffifs 
qui donnerentKeu à cette étrange 
facilité que trouvèrent les Mahométans 
dans leurs conquêtes. Les peuples , an 
lieu de cette fuite continuelle de vexar 
tions que Tavarice fubtile des empe- 
reurs avoit imaginées , fe virent fourni^ 
à un tribut fimple , payé aifément , reçu 
de même ; plus heureux d'obéir à une 
nation b^bare qu'à un gouvernement 

{a) Vojrez, dans l*hiftohe y U erand«ar » la bizaN 
tetie, & même U folie de ces tru>iits. AnaAafe on 
îmagma un pour refpicer Tair ; ut ^ui/^ut pro haufitt 
éirU jp4mdiH$« 






Liv. Xîll. Chap, XVL îj 

corrompu , dans lequel ils foufFroîent 
tous les inconvéniens d*une liberté 
qu'ils n*avoient plus , avec toutes les 
horreurs d'une fervitude préfente. 

CHAPITRE XVII. 

l}e r augmentation des troupes. 

UNE maladie nouvelle s'eft répandue 
en Europe ; elle a faifi nos princes, 
& leur fait entretenir un nombre défor- 
donné de troupes. Elle a fes redouble- 
mens, & elle devient nécçffairement 
çontagieufe : car fi-tôt qu'un état augr 
mente ce qu'il appelle fçs troupes , les 
autres foudain augmentent les leurs ; de 
façon qu'on ne gagne rien par-là , que 
la ruine commune, Chaque monarquç 
tient fur pied toutes> les armées qu'il 
pourroit avoir, fi fes peuples étoient 
<en danger d'être exterminés ; & oa 
nomme paix cet état (a) d'effort de touj; 
contre tous. Auffi. l'Europe eft-elle fi 
ruinée , que les particuliers qui feroient 

dans la fituation oii font les trois puif- 

* 

(4) Û çft vrai ^e c^eft ce? état d'cfFort qui main* 
tient principalement l'équilibre , . parçç. qu'il éreia^ 
U$ graode^ pui|îançes. 



%4 ^^ l'esprit bes Lois, 

Êtnces de cette partie du monde les plus, 
epulentes , n'auroient pas dé quoi vi- 
vre. Nous fommes pauvres avec les ri- 
chefles & le commerce de tout l'uni- 
vers , & bientôt , à force d'avoir des 
fcddstSy nous n'aurons plus que des 
foldatSy & nous ferons comme des 
Tartares (tf\ 

.Les pianos princes 5 non contens 
d'acheter les troupes des plus petits 3 
cherclient de tous côtés à payer des 
alliances; c'eft-à-dire, prefque tou- 
jours à perdre leur argent. 

La mite d'une telle fituatipn eu, 
l'augmentation perpétuelle des tributs : 
& ce qui prévient tous les remèdes à 
venir , on ne compte plus fur les reve- 
nus , mais on fait la guerre avec fon 
capital. Il n'eft pas inoui de voir des 
états hypothéquer leur fonds pendant 
la paix même ; & employer pour fe 
ruiner , des moyens qu'ils appellent 
«xtraoïdînaires , & qui le font fi fort 
que le fils de famille le plus dérangé 
les imagine à peine* 

/« ) Il ne âut p«nr cela » qne faire valoir la nos- 
velle invention des milices établies dans prefque toute 
TEufope , & les porter aumêrae excès que ron« fait 
icf uoiipci régU^t 

CHAPITRE 



L 



Liv. xin. c«Ap. xyni. af 

t.. '1 .,., 1 j l,,lf,'l"fH"""l ' ' "'JL-^-^ ' 

. CHAPITRE XVHI. 

JD^ la rtmlje dts tnbutsT 

A maxime des grands empires d*ô^ 
rient , de remettre les tributs aux 
jfrovinces qui pat fouffert , devroit bie^i 
être portée dans les états monarchiques. 
Il ytn a bien oit telles •eft établie : mais 
elle accabla plus que fi elle n*y étoit 
pas , parce que le prince n'en levant ni 
plus ni moins, tout l'état devient folî- 
daire. Pour foulager un village qui paye 
mal^ on charge un autre qui paye mieux ; 
on ne rétablit point le premier,^ on dé^ 
truit le fécond. Le peuple eft défefpéré 
«ntre la néceffité de payer de peur des 
cxaâions , &le danger de payer crainte 
des fin-charges. 

Un état bien gouverné doit mettre ^ 
pour le premier article de fa dépenfe , 
une fomme réglée pour les ctis fortuits. 
Il en eft du public comme des particiH 
liers , xjui fe ruinent lorfqu'ils dépenfent 
exaôement les revenus de leurs terres. 
A regard de la folidité entre les ha^ 
bitans du même village , on a dit (<z) , 

( «) Voyei le traUi disfinënces dts Romains ,^ ch. IL 
kiprimé à Paris^ | chez BnuTon $ 1740. 

Tt)mc IL B, - 



Jté De VisPKit h^s Lois/ 

tjif elle étoit tmCoM&hU , patce' qu'oit 

{>oivvoit fuppofer uii ÔJrtpïot fraùdu- 
eux ddieur part : -mais où art-on pris 
que , fur des ïuppofitions , il faille établir 
«Ae chofe injufte par elle-même fie rûi> 
jiçufe pour l'état ? ^ > . ; ', 

■ CH A PI t RE XIX. 

QiCtJl'Cé qui èjt plus Convenable au prince 
& au peuple^ de là ferme ou de la regU 

des tributs? 

fi 

•T ArégieeftradminiftrationTd'un bon 
JLmJ père de famille , qui Iç ve lui-même 
iavec économie &avecordrefesrevehus* 
Par la régie , le prince eft le maître 
de preffer ou de retarder la levée des 
tributs , ou fuivant fes befoins , ou fiii-^ 
,vant ceux de fes peuples^ Far la régie, 
^1 ép^ghe à l'iétat les profits immenfes 
.des fermiers , fc[ui Tap^auvriflent d'une 
infinité de manières. PSar la , régie ^ ïl 
épargne ait peuple le fpeâacle des for- 
tunes fubitfes qui l'affligent. Par la régie^ 
l'argent levé paffe par peu tie ndains ; 
^1 va dïreftem^nt au prince j- & par con^ 
féquent revient plu«.prompteme(it au 
peuple, Par 1^ régie, le prince épargne 



Liv. XIIL CujLP. XIX^ iT 

au peuple une infinité de mauvaifes lois 
tju'exige toujours de lui ^avarice im- 
portune des fermiers, qui i^oAtçent ua 
avantage préfent dans des ix^glcaijeAS 
fiineftes pour ravenin 

Conune celui qui a l'aygeiit eil tou- 
jours le maître d^ l^awtre ^ Icvtraltant ie 
rend defpotique fur le prince mêmet; il 
n'eft pas Içgiflateur^rmais il le force à 
donner des lois, , , 

J'avoue qu*il eft quelaueéois utile de 
commencefpardcwierlfenne undrojt 
nouvellement établi :,il y a un art & dçs 
inventions pour prévenir les fraudes^ 
que ^intérêt des fermiers leur fuggere, , 
I & que les régiffeurs n'auroient lu ima- 
' ;gineri or le fyftême;^^ la levée, étant 
une fois fait pair je, fern^iex > on peut avec 
fuGcès établir ja régle.^En Angleterre , 
■ l'adminiûration de. Vaccïfi &c .^u revenju 
À^spops , telle qu'elle eft aujourd'hui , 
a été empruntée des fermiers. 

Dans les républiques, les revenus 4e 
l'état foat prefque toujours en régie^ 
L'établiffement contraire fut un gran(d 
mce du gouvernemçnt de Rome (^a). 

(û) Cëfar fut obligé d'ôtcr les puWicains delà pro- 
^ce d'Afie , & d*y établir une autre forîe tfadmi- 
lùftraûonj conune nous rapprenons de Dion. Et Ta« 

B ij 



aJ De t^ESPRiT DES Lois, 

Dans les états defpotiques , oîi la régîe 
eft établie , les peuples font infiniment 
plus heureux ; témoin la Perfe ÔC la 
Chine (a). Les plus malheureux font 
ceux oh le prince donne à ferme fçs 
ports de mer & fes villes de commerce. 
L^hîftoire des monarchies eft pleine dçs 
maux faits par les traitans. 

Néron indigné des vexations des pu- 
blicains , forma le projet impoîlible & 
magnanime d'abolir tous les impôts. Il 
n'imaginapoint la régie : il fit (A) quatre 
ordonnances ; que les lois faites contre 
les publicains, quiavoientétéjufques- 
là tenues fecretes , feroient publiées ; 
qu'ils ne pourroientplus exiger ce qu'ils 
avoient négligé de demander dans l'an- 
née ; qu'il y auroit un préteur établi 

{)our juger leurs prétentions fans forma- 
ité ; que les marchands ne payeroient 
rien pour les navires. Voilà les beaux 
' jours de cet empereur, 

cite nom dft qut la Macédoine & l'Achaïe , provinces 
qu*Augufte avoit laiffées au peuple Romain , & qui par 
, conféquent étoient gouvetnées fur Tancien phn , ob- 
tinrent d*4.tre du nopibre de celles que l'empereur 
gouvernoit par Tes officiers. 

Îm) Voyez Chardin 9 voyage de Per^e, tom. YI« 
^) Tacite I annales )iy. %lUf 



liv. Xllt. Chap. XX. ici 

t.'". ' " "',''. . "j - 

CHAPITRE XX. 

Dts traitans, 

I 

Tout eft perdu , iofique là profelfiort! 
lucrative des traitans parvient en^ 
core par fes richeffes à être une profet 
iiôn honorée. Cela peut être bon dans 
les états delpotiques , oîi fouvent leut 
emploi efl une partie des fbnâlons des 
gouverneurs eux-mêmes* Cela n'eft pas 
non dans la république ; & une chofe 
pareille détruifit larépublique Romaine»' 
Cela n'efl pas liieilleur dans la monar- 
chie ; rien n^eft plus contraire à l'efprit 
de ce gouvernement* Un dégoût faifit 
tous les autres états ; l'honneur y perd 
toute fa coniidération ^ les moyens lents 
& naturels de fe diftinguer ne touchent 
plus, &* le gouvernement eft frappé 
dans fon principe.. 

On vit hien dans les temps paffés des 
fortunes fcandaleufes ; c'étoit une des 
calamités des guerres de cinquante ans : 
mais pour lors , ces richeffes furent re- 
gardas comme ridicules j & nous les 
admirons^ 
Il y a un lot poxir chaque firofelfioni 

B ïi\ 



'30» DS L*ESPRIT DES tOlS^ 
i.e lot de ceux qui lèvent les tributs ett 
les ricbefles; & lés récompenfes de ces. 
ricbefles, font les richeffes mêmes. La 

floire & rhomieur fom pour cette no- 
ileffe qui ne connok , qui ne voit , qui 
ne fent de vrai bien que l'honneur 5c la 
gloire. Lerefpeâ & laconfidération font 
pour ces miniftres & ces magïArats qui ^ 
ne trouvant que le travail après le tra^- 
*ail , veillent nuit & jour pour le bonf 
beur de Tempire» 



L IVRE XI v/ 

jDes.^Lûis^y jcéansi' Id) tapp&n quxlleÉ 
' orU' avéc'ta rUxtute dû i^UmdtJ - 

G H A P ï T R E P R-E^M JB Tt, > 

.'il eft vrai que le ca;:^^eré de,l clpri^ 

l&lej oafioûs^du cœjurfoiei^t exuê* 

mement ai^çr^nt^^^ les c(îyer;ç-^liy 







4^«nc^#.<yf "c%raô^re^,;„ 



dH A P I T.RE. II. ; : 

^-- '''* .''1 ..? *,"<J ^ . * m 

Combien Us hommes (ont diffcrerii dahs kà 
mtçsycj^X^ a«g0^e»te Wur reflbrt, r§fe 

-(-tf) Cela paroir même ^ la yuet èafis-le froid o« 
parole plus maigre. .-ii ^1 ...«._. ..i. . ri-. - i. . ^ 

B îv 



^ Ôb l'esprit 0Esr Lois, 

fevorife le retour du fang des extrémités 
verslecàeur.Il diminue la loîiguevtî (a) 
de ces mêiies fibres ; il augmente donc 
encore par-là leur force. L*air chaud au 
rontraire relâche les extrémités des 
fibres , & les alonge ; il diminue donc 
leur force & leur reflbrt. 

On a donc plus de vigueur dans 1« 
climats froids. L'aâion du cœur &; la 
réaâion des extrémités des fibres s^y 
font mieux, lés liqueurs font mieux en 
équilibre, le fang eft pi vis déterminé 
vers le cœur, & réciproquement le cœut 
a plus de puiflance. Cette force plus 
grande doit produire bien des ^effets : 

£ar exemple, plus de confiance en foi** 
lême , c'eft-àrdire plus 3e courage; 
plus de connoiffancé'de fe fupériorité ^ 
^eùrèràue:j «aoifts de défir de la ven-^ 
geance ; plus d'opinion 4e fa fureté „ 
c'eft-à-dire , plus de franchife , moins 
4© (qupççiimf, de politique & de rufes^ 
Enfin , cela do^t ^re 4!^$ c^raâeres bien 
différens. Mettez un homme dans un 
Uisù'Chaud' &: enferaié ^il ^uffiîra,' pâ)- 
tes^ raiforts <que^|e viens de dire, un^ 
défaillance de cœur très-gfânde.-Si dans^ 
cette circcfnftîuice onyaluipropofer une 

(a) On fait qu'il raccourcit 1« fer» • 

VI 1 



[ 



Liv. XIV- Ckap. il 33f 

j uàion hardie , je crois au*on Vy trouvera 

très-peu difpofé ; fa loiblefle préfente 

mettra un découragement dans ton âme ;' 

il craindra tout , parce qu'il femira' 

qu'il ne peut rien* Les peuples des 

pays chavids font timides , comme les 

vieillards le font ; ceux des pays froids 

font courageux , comme le font les 

jeunes gens. Si nous faii<»is att^ention 

aux dernières ( ^ ) guerres , qui font 

celles que nous avons le plus fous nos 

yeux , & dans lefquelles nous pouvons 

mieux voir de certains effets légers y 

imperceptibles de loin , nous féntirons 

bien que les peuples du nord tranfportés 

dans les pays du midi (b) , n'y ont pas 

fait d'aum belles aâions que leurs corn* 

patriotes, qui, combattant dans- leur 

propre climat, y jouiflbient de tout leur 

courage, 

La force des f3>res des peuples du 
nord, fait que les fucs les plus çrôffiers 
{ont tirés des alimens. Il enréfuite deux 
chofes : l'une que les parties'du^Kyle, 
ou de la lymphe , foiw plus propres^ par 
leur grande furface, à être appliqiiéesfur 
les fibres &àles nourrir: l'autre, qu'elles 

(a) Celles pour la fucceflîon d'Efpagne, 
( ^) Ëa^ £%agner ^ ^ai exemple. 



j4 Db l'esprit des Lois; 

font moins propres , par leurgroffiéreté^ 
à donner une certaine fubtiiité au fuc: 
neri^eux. Ges peuples auront donc de> 
grands corps i^ &peu de vivacité* 

Les nerwi^Miaboutiffent de tous çôtés> 
au tiffu de notre peau , font chacun un- 
feifceau de nerfs : ordinairement ce n'eft. 
pas tout le. jierf qui eu remué, c'en effc 
urne partie infiniment petite. Dans le$i 
pays chauds > <^ le tiuu de la peau eft. 
llelâché^ les bouts des n^erfs font épa- 
nouis^ &expiofés à la plus petite aâion; 
des objets les plus éoimes. Dans les pays, 
froids ^ le tiffu de la peau eft refferre , Se 
1^ mamisWm -cooiprimés ; les petites 
houpes font en quelque façon paraly-^ 
tiqufs (,. la fepiatton ne paffe guère aa 
«ervew, que Wfou^elle eft extrême- 
«jient ifoft^.f & qu'elle eft de tout le nerf 
cnfemble. Mais c'eft d^un nombre infuii 
^e petÂtes fenfations que dépendent 
r^maginatio(|>^^Ugout9 la fenfibilité , lu 
vivacités, • <. ► 

J'aloitfervéîle tiffu extérieur d'une^ 
îangue de i|fiQUtpn, Àm^ Tendnnt oh. 
ellepardîtà ^î^fimple vue couverte de ^ 
anamelons,. J'ai vu. avec un microf? 
cope, fur ces mamelons, de petits, 
joils ou une el£ec£ de duvet j^entrele^ 



matttçlons , étoient. des wrramîdes ,' 
^lii formoient p^ le'toUt comme de" 
petits piqçéaxix.Uy a grande apparence 
que ces pyrajnides font le principal 

organe du goût. 

J'aif 
gue;& 
les iha 

Ions s'é 

f en ai î 

cope , je n'ai plus vu de pyramides. A 

mefurp que la Isrigi»^ s'çft d^égelfifi , les 

çM^elpiis 4 13 fwnplç vue oqt paru fe 

relever »& au mîcrofcope, les petites 

toupes ont commencé à reparoître. . 

Cette obferva^ion confirme ce quff 
?ai dit, quev dans les pays froids, Ici; 
ppupesneryeu(esfom moins épanouies; 
çUes s'ênfo/iceni dans leurs gaines, oh 
'^^M^J.^è^ï^i^W^o'^ies objet» 
extérieurs. Les fcnfattons' font donc 
WpiqS yiyes,, ... 
', Dafls'/esp^ysfroids, onaurapeude 
fenfîbilité paurles plàifirs ; elle fera pluç 
grande dans les pays tempérés ; dans lej 
pays chauds, elteiéra extrême, Cooimç 
pa difliiiguç l^s ilimats .par les degrés 
^ Jatitude' j, on ppurroitles diflingùer „ 

■ "'B vj,' "■■ / 






3^^ Dé i'tsViiîVDE^ Ldts^, 

Jour aînfi dire', paç lès degrés '^é îenlî^ 
Bilit'é: rài vu îès op'éi?$s 'd^ Angl^éire 8^^^ 
-fâ^Italle; ce font les'mênles piécfés & \^è 
bernes afteurs : mais la même mitfique^ 
produit des effets fi difFérens fur les. 
âeux nation^, l'une eft* fi calme , ôc 
Vautre fi trânfpbkée , ' que celer paroît 
incoîïcevabre. 

Il en fera dé mê^ftie délai douleur ;: 
elle eft excitée en nôu^ par lé décWre-r 
inent de quelque fibre dé notre corps. 
L'auteur dé la nature a établi que cette 
douleur féroit ^liis farte , à mefute que 
le défangei^entfç?ôit*pluÈ( grand: or if 
ift évident que les grands corps & les 
fibres groflleres des peuples dti nord 
font moîhs capables aé dérangement ^ 
€[ue lés fibres délicates des peuples des 
pays chauds ; Famé y eft donc moins^ 
îenfible à lia douleur. 11 faut éçorcher un 
Mofcovîtè , pour lui donner* du fenti* 
iment. ^ -^ '^ ^ . ^ 

Avec cette délicateffe d*orgaïies que 
Ton a dans les pays chauds , famé eft 
fouverainement émue par tout ce qui a 
du rapport à l'union des deux fexes j. 
tout conduit à cet objet. ' 
' Dans les climats du nor^^' à peme* le 
fhyfique de l'amour a-t-U la force de fe 



Liv. XIV. chàp. il ^i 

rendre bien iehfible ; dans les climats 
rempérés , ramoiiraccompagne de mille 
âcceffôir es , fe rend agréable par dçs 
chofes , qui d'abord femblent être lui- 
même , & ne font pas encore lui ; dans 
les cKmats plus chauds, onaimeramour 
pour hii'-meme , il eft la caufe unique du 
Bonheur , il eft la vi e . 

Dans les pays du raîdi j une machine 

dëlicâtte , fôible ^ mais fenfible , fe livre 

à un amour qui , dans un férail , naît 

& fe calme lans ceffe ; ou bien à un 

amour ^ qui laiflànt les femmes dans une 

plus grarrde indépendance, eil expofé à 

mille troubles. Dans les pays du nord ^ 

une machine faîne & bien conffftuée , 

mais lourde, trouve fes plaifirs cfens 

tout ce qui peut remettre les efprits. en 

mouvement , la chaffie , les voyages , la 

guerre , le vin. Vous trouverez dans les 

climats du nord des peuples qui ont peu 

de vices ^ affei de vertus,, beaucoup de 

fincérîté & de franchife. Approchez des 

pays du midi, vouscroîrez vous éloigner 

de la morale même ; des paffions plus 

vives multiplieront les crimes ; chacun 

^cherchera à prendre fur les*utres tous 

les avantages qui peuvent favorïferces 

imêmes paflioas.'-Dans les pays tempe* 



|S De L^ESPRIT DES LoiS^ 

rés y vous verrez des peuples incon^a^. 
dans leurs manières , dans leurs vices» 
mêtnçs , & dans leurs vertus : le climat 
n'y a pas une qualité affez dé^enninée 
pour les fixer eux-mêmes. 

La chaleur du climat peut être fi exr 
çfsflîve , que le corps y /era aùfolumuent 
i^ns force. Pour lors, rabattement paf- 
fcra à Telprit même ; aucune curij^fité , 
îiuçune noble 'enstreprife , aucun ienti-; 
ment généreux ; les inclinations y feront 
toutes paltives ; la pai:eire y ferç le 
bonheur ; la plupart des chatimeps y 
feront moins difficiles à foutenir , que 
Tadion de Tam^ ; & la fervitude moms 
inifupportahle , que la force d^efprit qui» 
fâ néceflGairepour fe conduire foi-même*. 

L f 

CHAPITRE II r. 

ContradiSion dans les cdraclcrts de certaine 
peuples du mldi^ 

T ES Indiens (tf) font paturelleçxenr 
JUi^ans courage ; les enfans(^) mêmie^ 
^es Ëiu-opéens nés aux Indes y perdent 

(^tf) ^* Cent foldats d*Europei dit TavernUrt n'ào,*- 
vt roient pas grand*peine à battre mille Toldats Indiens % 



Liv. XIV- Chap. iri. 

celui de leur climat. Mais comment ac- 
corder cela avec leurs aâions atroces ^ 
leurs coutumes y leurs pénitences bar-i 
Bares ? Les hommes s*y foumettent k^ 
des maux incroyables j les femmes sV 
brûlent elles-mêmes : voilà bien de (^ 
force pour tant de foibleffe. 

La nature ^ qui a donné à ces peuples, 
une foiblefle qui les rend timides*^ leuj: 
a donné auffi une imagination fi vive l 
^ue tout les frappe à l'exçès^^ Cettjf^ 
même délicateffe d'organes qui leur fait 
craindre la mort , fert aufli à leur faire 
redouter mille chofes plus que la mort- 
Ceft la même fenfibillté qui leur fai^ 
foir tous les piérils, & les leur fak tous* 
braver. 

Comme ime bonne éducation efl plus 
néceflaire aux enfans qu'à ceux donc 
Fefprit eil dans fa maturité ; de mêmg 
tespeuples^le ces climiits ont plus hs(Qin 
jd'unl^iflateurfag^, qvie 1^ peuples dtr 
notre. Plus on eft »i(ém^nt Se forte*- 
Iftent frappé 9 plus il i^iporte de l'être 
li'uae manière c<)nv^5table , de ne rece^ 
xoix pas des préjugés^ & d'être conduit 
par la raifon. 

rnnent, àla troifiepte gënécation» la nonchalance 8& 
lâcheté Indienne. Vo/ez BtMÎtr ^ Atf U lA<^pï^ 



'40 De l'esprit des Lors, 

Du temps des Romains , les peuples 
du nord de TÉurope vivoient fans art > 
fans éducation, prefaue fans lois : & 
cependant , par le feul bon fens attaché 
aux fibres groffieres de ces climats , ils fe 
maintinrent avec une fageffe admirable 
contre la puiffance Romaine, jufqu'au 
moment où ils fortirent de leurs forêts 
pourra détruire. 



CHAPITRE IV. 

Cauftdt Vimmutahïâti de lanûgian , dcf 
moeurs^ des manières^ des toisy dans Us 
pays dH orienta 

SI avec cette foibleffe d^'organes qui 
fait recevoir aux peuples d'orient les 
imprefliûns du monde les plus fortes ^ 
vous joignez une certaine pareffe dans 
Tefprit naturellement liée avec celle 
du corps y qui fafle que cet efprit ne 
foit capable d'aucune aâion , d'aucun, 
effort, d'aucune contention ; vouscomv 
prendrez que Tame qui a une fois reçu 
des impreflions ne peut plus en changer- 
'Ç'eâ ce Q^x fait i^ue les lois ^ les 



Lit. XIV. Chap. IV. 4* 

mœurs (a) & les manières y même celles 
oui paroiffent indifférentes , comme là 
raçoH de fe vêtir , font aujourd'hui en 
arient comme elles étoient il y ~a mille 
ans. 

(«) On VQÎt, par un froment de IficoUs it Dëmn^i 
Tecuenii par Confiantin rorphyrogentf f que la cou« 
tume étoic ancienne en orient ., d'envoyer étrangler u» 
gouverneur qui déplaUbit ^ elle étoit du temps dts 
Medes. 




Que tes mauvais ligljlateurs font ceux 
qui ont favorijc Us vices du climat ,' 
& les bons font ceux qui s^y font 
oppofes* * 

LES Indiens croient que le repos & 
le néant font le fondement de toutes 
chofes , & la fin oii elles aboutirent. Ils 
regardent donc l'entière inaâion comme 
l'état le plus parfeit & l'objet de leurs 
défirs. Ils donnent au fouveraia être (i), 
k furnom d'immobile. Les Siamois 
croient que la* félicité (c) fuprême 
confifte à n'être point obligé d'animer 
une machine & 4e faire agir im corps. 



h) Panamanack. Voyta: Kirchtr. 
" LsLouhfre, relation de Siaait p»44^ 



i.'j 



j|i De l'e5piiit des Loij, 

Dans ces pays , où la chaleur excefilvé 
énerve & accable , le repos ell fi déli-r 
cieux^ Ô4 le mpuvempnt fi pénible, quç 
cfifyAême dç métaphyfiqii^.p?,i5c>ît.n?mT 
rel ; & (a) Fo'é, legiflateur des In(ies> 
afuivi ce qu'ilfentoit, lorfqu'il aipi^ les 
hommes dans un état extrêmement 
paffif : mais fà dodrine , née de la parefle 
du climat , la favorifant à fon tour ^ ^ 
çaufé mille maux. 

^Les légiflateurs de la Chine furent plus 
fenfés, lorfque^onfi(léra»t4esh^mes ^ 
GÇn, pas dans l'état p^ifible où il$ feront 
quelque jour , mais dans Taûion propre 

l.leur faire remplir Us devoirs de la vie , 
ils firent leur religion , leur philofoptiie 
& leurs lois toutes pratiquesl Plus les 
canfes phyôqiies portant Us hpn^npts ajif 
i;epos 9 plus les. cwfes morales les^ ^jg, 
doivent éloignj&r. 

{a ) Fvë veut réduire le cœur tu pur vide. « Kou9 
*l ayons des yeux 6c des oreUles ; m^ U perMion eA[ 
M. de ne voir ni entendre : une bouche ^ des mains &c* 
MJa perfcélion e^ que ces membre» (oient dans l^inao^^ 
n tion. )f Ceci«ft tiré du dialof^ue 4*19^ ^Ivlp^pphç ChM 
m]$p rappoité pv Je P. du Huldcs toi;i» UU 




Lïv. X.IV. Chap. VI. ^ 

B I 



UrnS^ 



CHAPITRE VL 

Hc la cidtWTù des terres dans Us climat^: 

chaudsh 

LA culture des terres eft le plus grand, 
travail dès hommes. Plus le climat 
Tes porte à fuir ce travail^ plus la religloa 
& les lois doivent y exciter. Ainfi les 
Fois «des Indes , qui donnent les terres^. 
aux. princes , . & ôtent aux particuliers, 
l'êfprit de propriété^ augmentent les. 
itiauvais effets du climat , c'eft-à-dire j^ 
la pareffe naturelle* 



^w^-^gaw ^~i^t II > — ^^^^ 



CHAPITRE VIL 

JDd monachifme^ 

* 

LE monachlfme y fait Içs mêmet 
maux ; il efl né,dans:les pays chauds 
d'Orient y, oîi l'on eft moins porté à. 
raâiori qu'à la fpéculation. 

En Afie le nombre des derviches ou,, 
moines. ifeuQ^e augmenter avec la cha- 
leur du climat;. les Indes , où elle eft 
exceffive, eafont remplies: on trouve? 
en Europe cette même différence. 



44 De l'esprit des Lors, 

Pour vaincre la pareffe du climat , il 
faudroit que les lois cherchaffent à ôter 
tous les moyens de vivre fans travail : 
mais, dans lemididel^Europe, elles font 
tout le contraire ; elles donnent à ceux 
qui veulent être oififs des places propres 
à la vie fpéculative , & y attachent des 
richeffes immenfes. Ces gens , qui vi* 
vent dans une abondance qui leiu- eft à 
charge , donnent avec raifonleur fuper* 
Ûi\ au bas peuple : il a perdu la propriété 
des biens ; ils Ten dédommagent par Toi-» 
lîveté dont ils le font jouir ; & il parvient 
à aimer fa mifere même. 



mt 



sa 



C H A P I T R E VIIL 

Sonne coutume de la Chine, 

LES relations (a) de la Chine noix^ 
parlent de la cérémonie (b) d*ouvrir 
les terres , que l'empereur tait tous les 
ans. On a voulu exciter (c)les peuples 

(a) Le P. iM JiaUê, hifloTre de la Chine, fom. lU 
pag. 71. 

• (k) Hlufieurs rois des Indes , font de même. ReUdoa 
du royaume de Siam par la Lauherc , p. 67. 

(c) Vinty ^ trotfîeme ertipereur de la troifîeme dy« 
nailie, cultiva la terre de Tes propres mains , & 2U 
travailler à la foie, dans fon palais « l'impératrice & 
fcs femmes. Hiiloire de la Chine* 



Liv. XIV. Chap. Vlir. 4Ç 

an labourage par cet afte public & fo- 
lennel. 

De plus , l'Empereur eft informé cha- 
que année du laboureur qui s'eft le plus 
diftingué dans fa profeffion ; il le fait 
mandarin du huitième ordre. 

Chez les anciens Perfes (tf), le 
huitième jour du mois nommé Chorrcm-^ 
rui , les rois quittoient leur fafte pour 
manger avec les laboureurs. Ces inftitu- 
tions font admirables pour encourager 
J'agricultiu-e* 



«K 



CHAPITRE IX. 

Moyens iTç/tcourager FindujlrU. 

JE ferai voir au livre XIX , que les 
nations pa^effeufes font ordmaire- 
wentorgueilleufes. On pourroit tourner 
l'effet contre la c^ufe , & détruire la pa* 
refle par Toreueil. Dans le midi de 
l'Europe , où les peuples ibnt fi frappés 
par le point d'honneur , il feroit bon de 
donner des prix aux laboureurs qui au- 
Toient lemieux cultivéleurs champs , ou 
auxouvriers quiauroient porté plusloiii 

leur induftriep Cette pratique réuffira 

(«) M. Myitt religion des P^rfe^» 



146 De l'esprit dès Lois, 

'même par tout pays. Elk a fervi de nos 
jours, en Irlande , àrétabliffement d'une 
des plus importantes manufaftures de 
toile qui foit en Europe* 

C H A PI T R E X. 

Des lois qui ont rapport à la fobriétc du 

peuples. 

DANS les pays ^chauds , la partît? 
aqueufe du fang fe xliffipe beau- 
coup par la tranipiration (^); il y faut 
donc fubfiftuer un liquide pareil. L'eau 
-y eft d'un ufage admirable , les liqueurs 
fortes y coaguleroient les globules (J>) 
du fang qui reftent après la diffipation 
:de la partie aqueufe. 

Dans les^pay s fixDids^ lapartie aqueufe 
du fang ij'exhalepeu par la tranfpiration ; 
elierefte en grande abondance. On y 
peut donc uferdé liqueurs fpiritu eufes, 

( a ) M. Bernitr fakant un voyage de Lahor à Ctf- 
£hemir , écrivoit : u Mon corps eft un crible > . à pei]|e 
M ai-)e avalé une pinte d*eau , que je la vois .fosik 
M conMQe une rofée de tous mes membres )urqu*au bout 
•«V des doigts ; ^'en'bois .dix pintes par foùrv & cela de 
M me hïf. point de mal »; Voyage de Bernur ^ tom. \l» 
p. i4x. 

{b) Il y a 4ans le itng des globules' rouges 1 des 
parties flbreufes, des globlues bluics» & de Teau dans 
laquelle nage tottt cela» 






Li^. xrv. Chap. X. 4'jr 

fzns que le *^fahg fe coagule. On y eft 
plein d'humeurs ; les liqueurs fortes , qui 
donneùt du mouvement au fang , y; 
peuvent être convenables. ' 

La loi de Mahomet > qui défend^ de 
loite du vin , eft donc une loi du climat 
a Arabie : aufli , avant Mahomet , Teau 
étoit-elle la boiffon commune des Afa^ 
bes.Lalôi (a) qui défendoitjaux CâHha- 
ginois de boire du vin , étoit aufli une loi 
du climat; effeôivemeilt le climat de 
ces deux pays eu à. peu près le même?. 
Une pareille loi ne fef oit pas bonne 
dans les pays froids , où le climat femble 
forcer à une certaine ivrognerie de na- 
ture, bien difFétente de celle de la per* 
fonne. L'ivrognerie fe trouve établie par 
toute la terre , dans la proportion de la 
froideur & de rhumidité du climat. Par- 
fez de réqûateur jiifqu'à nôtre pôle ^ 
vous y vertez l'ivrognerie augmenter 
avec les degrés de latitude. Paffez dû 
même équateur au pôle oppôfé , vous y 
trouverez l'ivrognerie aller vers le midi 
(A), comme de ce côté-ci elle âvoit été 
vers le'ndrd. ' 

^1tfitttt'iU>mftifU€ê-'/R\S^ïk, prép.iviÉng. liv; XII.icH^ 

XVII. •• = ^ ■■-.-.;. 

; (h) Cela (e ▼oit dans les Hottcntoti & les peuple^ 
fc la po)ittç du ChU^a ^lu fcnt plus près ^^ ^»^) 



De l'ssprit ùes LôîSj 

Il efl naturel que , là oîi le vin eft 
contraire au climat , & par conféquent 
à la fanté , l'excès en foit plus févére- 
mentpuni , que dans les pays oîi Tivro- 
gnerie a çe^ de mauvais effets pour la 
perfonnè ^ pîi elle en a peu poiwr la fo- 
ciété ; où elle né rend point les hommes 
furieux , mais feulement ftupides. Ainfi 
ïès lois (a) qui ont puni un homme 
ivre , & pour la faute qu'il faifoit & 
pour rivrefle , n'étoient appliquables 
qu'à l'ivrognerie de la perfonnè , & non 
à l'ivrognerie de la nation. Un Alle- 
mand boit par coutuitie , un Efpagnol 
par choix- 
Dans les pays cliauds , le relâchement 
des fibres produit une grande tranfpira- 
tion des liquides : mais les parties foli- 
dfes fe dîfllpent moins. Les fibres, qui 
n'ont qu'une adion très-foible & peu 
'de reflort , ne s'ufent givère ; il feat peu 
de fuc nourricier pour les réparer ; osx 
mange donc très-peu. 

Ce font les diiférens befoins , dans 
les différens climats , qui ont formé les 
différentes manières de vivre ; & ces 

•^'- {s) Comme fit Pittacvs t feton Aûilote»; p^if* 
Jjv. 11. <b. zii,,ll vivoit Mn$ m.cimêt oilklivcogA^ 
B^eft pas 4111 vice de^na^n. 

^ .' :^ différentes 



Liv* XIV. Chap. X. 49 

différentes manières de vivre ont for- 
mé les diverfes fortes de lois. Que dans 
une nation les hommes fe communi- 
quent beaucoup, il faut de certaines 
lois i il eh faut d'autres , chez un peu- 
ple oà l'on ne fé communique point. 



C H A P I T RE XL 

Des lois qui ont du rapport aux maladies 

du climat. 

HÉRODOTE {a) nous dît que les lois 
des Juifs fur la lepr*e ont été tirées 
de la pratique des Egyptiens. En effet, 
les mêmes maladies demanjloient les 
mêmes remèdes. Ces lois furent incon- 
nues aux Grecs & aux premiers Ro- 
mains auflî bien aue le mal. Le. climat 
de l'Egypte & de la Paleftine les rendit 
néceflaires ; & la facilité qu'a cette ma- 
ladie à fe rendre populaire , nous doit 
bien faire fentir la (ageffe & la pré- 
voyance de ces lois. 

Nous en avons nous-mêmes éprouvé 
les effets. Les croifades nous avoient 
apporté la lèpre;, les réglemens fages 

{a) Liv. IL 

Tome IL - C 






* <j«e l'on A l^empêckerent de -giagner la 
< iBa& tiu peuplev 

On voit par laloi^^) defrLonfbsffdî , 

* que cette ^roâbâie ét<>k répandue ^n 
Italie avant les <rroUades , & ifiérita 
Tattention des4égîflateurs.*îRo/A^W^or<^ 

^ donna qu'un lépreux, chafle de famaî« 
" ibh & rerégué dans un endroit parti- 

culier^'ve ppurroit dîfpofer é^ fes biens ; 

parce que , dès le moment qu'il avoit 

* été tire de 'ùl ntaifoh , ilétôit eeitfé 
mort. Pour enipccher toute commuai- 
•cation avec les lépreux^ on les r^deit 

. incapables dfs effets civils, * 

Je 'penfe que cette maladie fiit appor- 
tée en Italie par les conquêtes des em* 
pereurs Creçs^ dans les armées defquels 
il pouvoit y avoir des milices de la Pa- 
leftine ou de rÇgypte. Quoi qu'il ea 
foit , les, progrès en £irent arrêtés juf*- 
qu'au temps des croiiades. 

On dit que les fbldats de Pompée xe* 
venant de Syrie , rapportèrent une ma- 
ladie à peu près pareule fh lèpre. Au» 
çun règlement , fait pour lors, n'eft ve^ 
nu jufqu'à nous : mais il y a apparence 
qu'il y en eut , puifque ce mal fut fuf» 
pendu jufqu'au temps des Lombards, 

(a) Ur. IL m. I. $• }» & pu i3« S* h 



Il y a 4eux fiecks 9 qu'uB€ maladie 
inconnue à i^os pères paila du nouveau 
monde dans celui-ci^ &:vmt;a$taquer la 
jiature humaine jufques ^ns la fource 
de la vie & des pîaifîrs. Qn vida ^wpart 
ides f lus ^ande^ familles du midi de 
Vhvx&p^ ^ém p^ wt n;^»! qui devint 
ttop xommun po w être hoitteux ^ ^ ne 
iut plus que twn?çfte. Ce fut lafoif dç 
rarquij>erpétua cette maladie : on alla 
iCans ceflGe en Amériqiie , & on en rap- 
porta toujours de nouTçaux levains. 

Dlc« caifoos pifiufes voulurent de^ 
mander qu'on laifsât cette punition fur 
le crime : mais cette calamité itoit en- 
trée dans le fein du mariage , &c avoit 
^éjà corrompu Penfance même. 

Comme ile& de lafageije des lëglfla^ 
teurs de veiller k la fanté des citoyens, 
11 eût été très^oenfé .d'arrêter cette com- 
munication perdes lois fiiitès fur le plan 
Jdes lois Moli^ques. 

.La pçfte «ft un fi^al 4<>n,t les r^v^ag^s 
ibnt epçore pUis proims $c plus rapi- 
des. Son ,iiege ;principaîeft, qu Egjrpt^ ., 
-d'où elle .fe répand ,par tout Tuni^verÂ* 
On a fait dans la plup.art .de^ états de 
l'Europe de très-bons réglemçns pqur 
rempêcher d'y pénétrer ; & on ^ imar 

C ij 



çr De l*ësprït des Lois, 

giné de nos jours un moyen admirable 
de l'arrêter: on forme une ligne de 
troupes autour du pays infeûe , qui 
empêche toute conuniuiication. 

Les (tf) Turcs qui n'ont à cet égard 
aucune police , voient les Chrétiens , 
dans la même ville , échapper au danger, 
& eux feuls périr; ils achètent les ha- 
bits des peftiférés , s'en vêtiffent, & 
vont leur train. La doftrine d'un deftin 
rigide qui règle tout, fait du magiftrat 
un fpeâateur tranquille : il peni^ qwc 
Dieu a déjà tout fait, & que lui n'a 
Tien à fairç. 

(a) Rîcaut^ de Tempire Ottoman • p. 284. 

«5= 



> " ■ I 



CHAPITRE XII. 
[J)çs loi$ contre ceux qui fi ment (a) cuoo' 



mêmes. 



Nous ne voyons point dans les hit 
toires , que les Romains fe fiffent 
mourir fans uijet: mais les Angloisfc 
tuent fans au'on puiffe imaginer aucune 
raifon qui les y détermine j ils fe tuent 
dans le fein même 4u bonheur. Cette 

. («) L*af^ion de ceuxjqui fe tuent eux-mêmes , «ft 
çontTiiire à la loi naturelle , & 4 la religion réT^lée. 



Liv. XIV. Chap. XIL fj 

dâian chez les Romains ëtoit TefFet é^ 
réducation ; elle tenoit à leurs maniè- 
res de penier & à leurs coutumes : chez 
les Anglois , elle eft l'effet d'une malar 
die (a) ; elle tient à Tétat phyfique de là 
machine , & eft indépendante de toute 
autre caufe. 

Il y a apparence que c'eft un défaut 
de iîltration du fuc nerveux ; la ma- 
chine dont les forces motrices fe trou- 
vent à tout moment fans aftion , cft 
laffe d'elle-même ; l'ame ne fent point 
de douleur, mais une certaine difficulté 
de l'exiftence. La douleur eft un mal 
local , qui nous porte au défir de voir 
ceffer cette douleur ; le poids de la vie 
eft un mal qui n'a point de lieu parti- 
culier , & qui nous porte au défir de. 
voir finir cette vie. 
. Il eft clair que les lois civiles de quel- 
ques pays, ont eu des raifons pour flé- 
trir l'homicide de foi-même: mais en 
Angleterre , on ne peut pas plus le 
punir , qu'on ne punit les effets de la 
démence. 

(«) Elle pourroit bien être compliquée ivec le 
fcorbut ; qui , fur-tout dans quelques pays , rend un 
lK»mme bizarre Se inAipportable à lui-même. Voyage 
de François Pyrard^ part. U« chap. }(XI. 



J4 De L'ESPRfT BES Lcfï^Jy 

g'i iMl 1 1 l . i M!! i ' I m ■! ■. ■ ■ I I L ' - 

CHAPITRE XII L 

Effets qm rifuturtt du climat d'Angtt^ 

terre. 

DANS une nation â qui une matadi^^ 
du clîinat À&âe tellement Tame , 
qu'elle pouitoit pôttet le dégoût de 
toutes chofe^ îufûu'à celui de la vie j; 
on voit bien que le gouvernement qui 
conviendroît le mieux à des gens à oui 
tout feroit infupportable , feroit celuî; 
^ii ils ne pourroient pas ie prendre â 
un feul de ce qui cauferoit leurs cha* 
grin^ ; & où les lois gouvernant plutôt 
cpie les hommes , il faudroit, pour chan« 
ger rétat^ les renverfer elles-mêmes. 

Que fi la même nation avoit encore 
reçu du climaftun certiûn caraâere d'inw 
patience, qui ne lui permît pas de fouf- 
irir long -temps les mêmes choies ; on 
voit bien que le gouvernement dont 
nous venons de parler , feroit encore 
le plus convenable. 

Ce caraftere d*impatience n'eft pas 
grand pat lui-même : mais il peut le de- 
venir beaucoup , quand il eft joint avec 
îe courage. 



•.V 



U eâ i^tentàfi lia. légèreté , <{ai ^ 
qttç Von e^tirepi^ad faoâ Ai jet, &c que 




pas 
de les foufifcir. 

Ce cara^çr« «l^îs, uoe OMtîpn Hbre ; 
ferolt très-propre à déconcerter les pro-« 
kts de k tyrannie (a), faijî eib tou)ourir 
i»te & foîble dans tes. conuttencé-i. 
tl&ens!^ ûmune elle eA pnoatpte & vive 
daosl (a fia; qpii ne montre d'abord 
qnHiaê main, pour iâCQurir , & oppH* 
me enfuite une iafimt^ de bras, l 
^ La&rvitude cemmte»ce ti^ujouf Sc par 
U f^msateâ; Maisi uivpBuple qni.i^^a de^ » 
repos danscaucune iituation , qui fe'tâte , 
ians ceflb , &t trouve tous les endroits 
dcmlûureux , ne pourrait guère s^n^ « 
àorn^if* 

la politique eA une lime fourde , qui ^ 
wk ^ qui parvient lentement à fa nn. t 
Obr, les £omnies-dont nous venons de > 
parter^ ne pourraient foutenii? les len- l 
t&xrsy les détails, le fang-froid des c 

(«) Xe prends ici ce mot pour le deffeîn><le ren* ^ 
ïttf«t le gpuvoir 4f ijbJi ^ & fur-toùt ^ ?^4«ocf ^ tif^;^ ^ 
C'eit la iîgnilication que lui donnoient les Grecs U 
les Romains. - : ' . . - .^ 

C iv 



56 De L'isi>RiT DES Lois, 

négociations ; ils y réuflSfoient ipuy ent 
irioins que toute autre nation; &i ils 
pierdroient, par leurs traités, ce qu^ils 
âiiroiént obtenu par leurs armes. 

• i' . ■ ■ ' sa 

CHAPITRE XIV. 

t 

Autres effets du climat. 

NQS pères, les anciens Germaine ^ 
habitoîent un climat ouïes paiHons 
étoiênt très-^calmes. Leurs lois ne trou- 
voient dans les chofes que ce » qu'elles 
voypient , & n'imaginoient rien de 
plus. Et conime elles )ugeoient des ia^ 
luîtes faites aux hommes paf la^ndeur 
des bleffures , elles ne mettoient pas 
plus de raffinement dans les ofFenfes 
faites aux femmes, La loi {a) des Alle- 
mands eil là-defTus fort finguliere. Si 
Ton découvre une fenune à la tête , on 
pdyera une amende dé fix fols, autant 
fi c*eft à la jambe jufqu'au geaou ; le 
double depuis le genou. Il femble que 
]a loi mefuroitla grandeitr de^ oiit;rages 
faits à la perfonne des fenunes ^ comme 
on mefure une figure de géométrie ; 
elle ne punifloit point le crime de Tima- 



{a) Chap. LVIILS. la^a. 



I 



> 



Liv. XIV. CHAP.XIV. 57 

gînation , elle punifToit celui des yeux. 
Mais lorfqu*une nation Germanique fe 
fiit tranfportée en Efpagne , le climat 
trouva bien d'autres lois. La loi dés Wi" 
figoths défendit aux médecins de faigner 
une femme ingénue^ qu'en préfence <le 
fon père ou de fa mère , de fon frère ^ 
de fon fils ou de fon oncle. L'imagina- 
tion des peuples s'alluma , celle des 
légiilateurs s'echaufFa de même ; la loi 
foupçonna tout , pour im peuple qui 
pouvoit tout foupçonner. 

Ces lois eurent donc une extrême 
attention fur les deux fexes. Mais il 
ièmkle que , dans les punitions qu'elles 
firent, elles fongerent plus à flatter la 
vengeance particulière, qu'à exercer la 
vengeance publique. Ainfi daos la plu- 
part des cas, elles réduifoient les deux 
coupables dans la feryitude des parens 
ou du mari ofFenfé. Une femme (a) in* 
génue , qui s'étoit livrée à un homme 
marié, étoit remife dans la puîflance de 
fa femme , pour en difjpofer à fa vô?- 
lontc. Elles obligeoient les efclaves (V) 
de lier & de préienter au mari fa femme 
•qu'ils furprenoient en adultère; elles 

in) Loi des Wifigoths , liv. lU. fit. 4. §. 9, 
*)lbid.Uv, ULth.4« S-6. 

C Y 



permettdiem 4 fes enfans (a) de Taccu-* 
l'er, & de mettra à la queftion fes ef* 
elaves pour la convamcre, Aiiffi furent- 
elles plus propres à rafiner à l'excès ua 
certain point d'honneur, qu'à former 
une bonne police. Et il ne faut pas 
être étonné file comte Julien crutqu'ua 
outrage de cette eipece demandoit la 
perte de fa padrie & de fon roi. On ne 
doit pas être furpris û les Maures, avec 
une telle conformité de mceurs , trou^ 
verent tant de facilité à s'établir en Ef- 
pagne , .à s'y maintenir , & à retarder 
la chute de leur empire* 



X 






C H AJ^I T R E XY. 

De la différente confiance que les lois om 
dans le ptupU félon Us cUmais. 

^ E peuple Japonois a un caraflbereif 
JL^ atroce , que fes légiflateurs &c fe^ 
jljàgifl^ats n^ont pu avoir aimune conf 
^ance ^.lui^ Ils. ne lui ont mis devait 
les yeux que des iuges j. des menaces ÔC 
des châtimens : ils Pont fournis , pour 
chaque démarche, à Tinquilition de 1^ 
police. Ces lois qui, fur cinq chefs d4 



giftradL fur les qufrtrç auff es ; ççs lois qui j^ 
j paur un |ppj^wp^,,pi»ii^|»t ^çute ua^ 
' £amilk pi^ toijit u|i q$ia|tier;î ces lois^ 

3Uj,iijç ^<;a^;i^ent jw^iat 4'i9n<w:;ens làoài 
peut y avoir un coup2â>le , font faites 
f>our que tous les hommes fe méfient 
esi^ls di^'ftiitf>es ^^ ^four que oksaun re- 
çherçke la cpnduite 4e Gnîuci;iR , 8{ qiafi]^ 
en foit llaifieâ^r ^ b t4aiom & U 

Le peuple des Indes ait contraire eff 
ioux (a) , tendre , compatifTant. Auffi 
fes iégiflateurs ont- ils eu une grande 
confiance en lui. Ils ont établi peu (^) 
de peines , & elles font peu feveres j 
«lies ne font ga^ mêmjç ri^ureufement 
exécutées. Ils pnt donri^ les neveux 
aux oncles,, Jes ccn^é^vf}^ ^jfcs. tuteurs, 
comme on le^ dongie scieurs à leiws 
pères : ils Ont xj^é la fu^çeiîion par le 
Jnérite reconnti mi j^ceflëur. Il femble 

Su'ils ont penfé que chaque citoyen 
evoit fe repofer fur le bon naturel 
des autres. 

Îû) Voyez Btrnier, tome ÏI. p* 140- 
h) Voyez dans le quatorzième recueil iei Uttru 
ié'ifanies » p. 403. les principales lois ou coutumes 4q| 
(eupUs d« rinda d« UpivC^u'ile deçà le Gange^ 



ifo" De L*^si>kiT DES Lois, 

" Ils donnent aifément la liberté (a) à 
leurs efclaves ; ils les marient ; ils les 
traitent comme leurs enfans (b) : heu- 
Teu^ climat qiii fait naître la candeur 
des mœurs & produit la d^trcexir des:. 
lois! ' * ^ ' ' '• 



r » 



*'ia\ Lettres édifiantes, neiurîemeiMQK(I« p; Vî^ 
(h ) J'ayois penfé que U daaceur de T^ficlavage ausc 
Indes avoit fait dire à Diodore , qu*il n'); avoit dans 
ce pays n^.nuitre ni enclave : mai* Djodore a- attfibaé^ 
à toute rinde , ce qui » félon Strabon» Uy* XVt a'étM; 
{tf opre çu'à une nation paixiculiere* ' 




Liv. XV. Chap. I. 6i 

^ ^ ^ ^ ^ ^« 4^ • «U» • «V* «^ «12» 4^ «U* «3^ «It» 

L I V R E X V. 

Comment les Lois de l^efclavage 
civil ont du rapport avec la 
nature du climat. 

• mmmmmmmmmmmmmmmmmmmtmmmmm^ 

CHAPITRE PREMIER. 
De Pcfclavaffi civil. 

L'esclavage , projprement dît , eft 
rétabliffement d'un droit qui teni 
un homme tellement propre à un autre" 
homme , qu'il eft le maître abfolu de fa 
vie & de les biens. Il n'eft pas bon pat far 
nature ; il n'eft utile ni au maître ni à Tef- 
clave : à celui-ci , parce qu'il ne peut rien 
feire par vertu ; à celui-là , parce qu'it 
contraôe avec fe^efidaves toutes fortes 
de mauvaifes habitudes , qu'il s'accou* 
tume infenfiblement à manquer à toutes 
l^s vertus morales y qu'il devient fier ^ 



déjà fous l'efclavage politique 

vage civil eft plus tolérable qu'ailleurs; 

Chacun y dort être affei - content d^y; 



6^, DÊ.L^pSpRIt 0£S t04Sf 

avoir f^ fu}>{iâance,& la. vie» Ain^ {$ 
condition ds Tefclavc n'y eft giierc plusf 
à charge <|[tie la condition du fii)et. 

Mais dans le gouvernement monar-* 
clique ^ qU il fxt ff^uveraifiemeat im^ 
^rtant de n^ poi^t abajttre o^ avilir la 
nature humaine , il ne faut pçint; 4*^^ 
clave. Dans la démocratie oîi tout le 
fSQndç eil égal ^ &ç dans Pariâoqratie oi| 
les lois doivçnt faire leurs efforts pour 
que tout le monde foit auffi égal qiie la 
nature du ^ouyeniement peut le per^ 
mettre^ des efç^resibntJtoat^e Vi^rit' 
4e la conftitûti^on ^ ils ne fervent qu'i 
4onnef aux citoyens une puiflanpc Çç 
un luxe qu'ils ne doivent point avoir^ 

CHAPITRE IL 
Origi^.iu droit .^ tp^lavtkjgt che^ Uà 

ONf ne çroii^ôit îamais c^t c'eût kxi\ 
la pitié qui eût établi l'efclavage ^ 
& que pour cela elle s'y ifût prife de 
trois manières (^). 

Le droit des ^ttis a Voulu que les pri-f 
fonnîers fuffent efclaves , poiu: qu'o» 



Liv. XV. Chap. U. %, 

• 

J2e les tuât pas* Le droit civU des Ro^ 
mains permît à des débit^virs y que 
leurs créanciers pouvaient maltraiter , 
de fe vendre eux-mêmes : &C le droit 
naturel a voulu ({W des enfans ^ qu'uo 
père efclave ne pouVoit plus nourrir , 
fuflent dans reiclavage cc»mne leur 
père. 

Ces raifons des juriiconfultes ne font 
point fen£ées. U eft faux qu'il Ibit per^ 
mis de tuer dans la guerre autrement 
que dans le cas d^ nççeffitç : mais dès 
qu'un homme en a ^t \m aiitrie ef«v 
clave , on ne peut p«is dire q>i*il ait 4té 
dans la nécemté de le tuer, puifqu'il ne 
Ta p4S fait. Tout Je droit que la cuerris 

i)eut donner fur les ^captifs, eft ae s'af« 
urèr tellement de leur perfonne , qu'ils 
ne puiffent plus nuire. Les homicide* 
faits de fang froid par \çs foldats^ ô4 
^près la chaleur die yaÇtion , font re^ 
jettes de tputes Iç^ ^lations {a} d\i[ 
moade. . ^ 

%^. Il n'eft pas vxgi qi^u^ hpmme 
libre puiffe-fp vendre. La v entç fvipppfè 
un priy : Tefclave fe vendant , .tous fe^^ 
biens entreroient dans la propriété dii 

(a) Si Tonne yiçjit ciiw jfci|cs ^ui (ç^nç^it l«aj| 
piîfoniiieri. . . : . . - À 



64 D£ l'esprit des Lois, 

maître; le maître ne donneroit dofnc 
rien, & Tefclavene recevroit rien. Il 
auroit un pécule ^ dira-t-on : mais le pé- 
cule eft acceffoire à la perfonne. S'il 
n'eft pas permis de fe tuer , parte qu'on 
fe dérobe à fa patrie , il n'eft pas plus 
permis de fe vendre. La liberté de cha- 
que citoyen eft une partie de la liberté 
publique. Cette qualité dans l'état po- 
pulaire eft même une partie de la fou- 
veraineté. Vendre fa qualité de citoyen 
eft un(tf) afte d'une telle extravagance, 
qu'on ne peut pas là fuppofer dans un 
homme. Si la liberté a un prix pour 
celui qui l'acheté , elle eft fans prix pour 
celui qui la vend. La loi civile , qui a 
|>ermis aux hommes le partage des biens, 
n'a pu mettre au nombre des biens une 
partie des hommes qui dévoient faire 
ce partage. La loi civile , qui reftitue fur 
les cdîitrats qui contiennent quelque 
léfion , ne peut s'empêcher de reftitueF 
contre un accord qui contient la léâon 
la plus énorme de toutes. 
^ La troifieme manière , c'eft la nai A 
fance. Celle-ci tombe avec les deux 



(tf) Je parle de L*e(cUTage pris à la tîgueur^tel 
ijtint ètok chti ks Romaiiu^» te qull eft établi daiif 
•os €olaaies» 



Liv. XV. CttAP. IL 6f 

âiitres* Car fi un homme n'a pu fe ven- 
dre, encore moins a-t-il pu vendre fon 
fils qui n'étoit pas né : fi un prifonnier 
de guerre ne peut être réduit en fervi- 
tilde, encore moins fes enfans. 

Ce qui fait cjue la mort d'un criminel 
eft une chofe licite , c'eft que la loi qui 
le punit a été faite en fa faveur. Un 
meurtrier, par exemple, a joui de la loi 
qui le condamne; elle lui acônferve la' 
vie à tous les inftans : il ne peut donc 
pas réclamer contr'elle. Il n^n eft pas 
de même de Tefclave : la loi de Tefcla- 
vage n'a jamais pu lui être utile ; elle eft 
dans tous les cas contre lui, fans jamais 
être pour lui; ce qui eft contraire au 
principe fondamental de toutes les fo- 
ciétés. * 

On dira- qu'elle a pu lui être utile , . 
parce que lé maître lui a donné la nour- 
riture. Il faudroit donc réduire, l^efcla- ^ 
vage aux perfonnes incapables de ga- 
gner leur vie. Mais on ne veut pas de • 
ces efclaves-là. Quant aux ehfens, Isa- 
nature qui a donné du lait atrx mères , 
a pourvu à leur nourriture ; et le refte 
dé leur enfknce eft il près^^de l'â^e oîi ^ 
eft en eux la plus grande capacité de fe 
rendre utiles , qu'on ne pourroit pas » 



.j 



6é De L*ESJ>«rT D%s tovs, 

dke que celui qui les nourriroit , pcn^rV 
être leur «laîtte , donnât rien. 

L'efclavage eft d'ailleurs aufficOppofé 
au droit civil qu^au droit naturel* Ôuello 
loi civile pouf roit empêcher un elclave 
de fuir, lui qiri n'eft point dans la fb- 
ciété, & que par conféquent aucunes 
lois civiles ne concernent? Il ne peut 
être retenu que par une loi de fitmdle i 
c'eft-à-dire ^ par la loi du maître^ 



CHAPITRE I IL 

Autre origine du droit de teJtUvagc. 

J'aimiroI!$ TOtant dire que le drwt > 
de l'e^aviigç vient 4tt m^ qu'\in;ç ; 

nation conçoit pour une autre , fQod^ j 
fur la difiîérence des coutvwe3# 

topes de Gama (4) dit « que les Efpa- ^ 
» nols trouvèrent près de Sie* Marthe 
1^ 4es paniers oi\ les h{i}>itans^voi^itf det r 
>» denrée$ ; ç'étoiwt de« oaiicFfs 1 4ea » 
>►. limaçons, des cigales , des fpMtçrelles, ; 
» Les vainqueurs en firent un crime aux 
» vaincus, n L'auteur avoue que c'eft là- 
deâus qu'on fo^ le drcût qui rendoit 

{«) BiMîodieque AngU tome XIII deuxiene pa»»-^ 
tki«t» S» 



Liv. XV. Chap. Iir. (5^ 

fes Américains efclaves des Efpagnols ;. 
outre qu^ilsfiimoient du tabac , & qu'il» 
lîe fe feifoientpas iabarbeà rêfpagnole* 
Les connoifTances rendent les hom^ 
mes doux ; la raifon porte àlTiumanitéi 
il 4i'y a que les préjugés qui y faflentf 
renoncer. 



CHAPITRE IV. 

4tttr€ origint du droit dt tefilavags. 

J'aimerois autant dire que la reli^ 
gion donne à ceux qui la profeffent. 
un droit de réduire en fervitude ceux 
qui ne la profeflent pas, pour travailler 
plus aifément à fa propag3tion« 

Ce fut cette manière de penfer auî en-^ 
couragea les deftruâeurs de TAmerique ] 
dans leurs crimes (a). C*eft fur cette idée 
qu'ils fondèrent le droit de rendre tant - 
oe peuples efclaves; car ces brigands >. 
qui vouloient abfbtiunent être brigands \ 
& chrétiens , étoient trèsrdévots. 

Louis Xill (A) fe fit une peine extrême ^ 
de la loi qui rendoit efclaves les Nègres 

( «) "^vytit rbtftoîre de la conquête dp Mextcrne pit 
Solisi & ceUe du VétOJx par GarciUJfo ii la Ktg^ 

(h) Le P. Ldhat, nouveau voyage aux fies df 
fAaériquci tomt IV. p^ VM» 17a» ^i^*''* i 



>'^ 



W De l'esprit 3és Lois, 

de (es colonies : mais <ïuand on lui eut: 
bien mis dans Pefprit que c'étoit la voie 
la plus fure pour les convertir , il y 
confentit. n 



CHAPITRE V. 
De refclavagc des Nègres. 

SI j'avois à foutenir le droit que nous 
avons eu de rendre les Nègres en- 
claves , voici ce que je dirois : 
• Les peuples d'Europe ayant exter- 
miné ceux de rAmérique , ils ont du 
mettre en efclavage ceux de l'Afrique , 
pour s'en fervir à défricher tant de terres» 

Le fucre feroit trop cher, fi l'on ne 
faifoit travailler la pfante qui le produit 
par des efclaves. 

Ceux dont il s'agit font noirs depuis 
les pieds jufqu'à la tête ; & ils ont le 
nez fi écrafé , qu'il eft prefqu'impoflîbîe 
de les plaindre. 

On ne peut fe mettre dans l'efprit 
qiie Dieu , qui eft un être très-fage ^ 
ait mis ime ame , fur -tout une ame 
bonne, dans un corps tout noir. 

Il eft fi naturel de penfer que c'eft la 
couleur qui conflitue Teflence de l'bu- 



I 



liv. XV. Chap. V. 6i 

. manité, que les peuples d'Afie qui font 
des eimuquçs , privent toujours les 
noirs dit rapport qu'ils ont avec nous 
d*une façon plus marquéç. 

On peut juger de la couleur de la peau 
parcelle des cheveux, qui^ chez les 
Egyptiens, les meilleurs philofophes 

•du monde, étoient d'une fi grande con- 
séquence, qu'ils faifoient mourir tous 
le^ homnjes roux qui leur tomboient 
entre les mains. 

Une preuve que les Nègres n'ont pas 
le fens commun , e'eft qu'ils font plus 
de cas d'un collier de verre , que de 
Tor, qui chez les nations policées eft 
d'une fi grande conféquence. 

Il eft impofiible que nous fuppofions 
que ces geni-là foient des hommes; 

Earce que fi nous les fuppofions des 
ommèsr, on commenceroit à croire 
que nous ne fommes pas nçus - ^êmés 
chrétiens. 

De petits efprits exagèrent trop l'iil-» 
juftice que l'on fait aux Africains. Car fi 
elle étoit telle qu'ils le difent , ne feroit- 
il pas venu dans la tête des princes d'Eu- 
rope , qui font entFeux tant de conven* 
' tipns inutiles, d'en faire une générçile en 
jfkvçiir 4c la n:^iféricor4e.& de 1^ pitiç? 



CHAPITRE VI. 

f^iriiabU origine du droit id-tfolava^^ 

IL eft temps de chercher la vraie ori- 
gine du drok de l'efclavage. II4oit 
jêtre fondé fur la nature des chofes x 
vqyons s'ily a des cas oîi U en dérive^ 

Dans tout gouvernement defpotiqu^ 
on a une gnmde facilité à fe vendre .; 
• l'efclavage politique y anéantit en quel- 
xjue façon la liberté civile^ 

M. Perry {a) dit que les Mofcovites 
fe vendent très-aifément : j'en fais bien 
la raifon,.c'eû que leur liberté ne vaut 
rien. 

A Achim, tout le monde cherche à 
\ (e vendre. Quelques-uns des principaux 
. feigneurs (^) n'ont ^pas moins de mille 
.cfclaves, qui font des principaux mar- 
chands 9 qui ont aufH beaucoup à^eC^ 
^claves fous eux, v& ceux-ci beaucoup 
d'autres : on en hérite j &c on les fait tra- 
..fiquer • Dans ces états,les hommes libres^ 
..trop foibles contre le gowvernemeitf , 

^ (4) Stat^pf^eat de la gnnde Ruffie, pu Jtêm 
Pcmf^ Paris» 1717* in-i^, 

(p) Nouveau voyage autour du laoode par Guil^ 
■'Utmt DëmpUnfi « toauB Ul* ijnfteidam» ijiu 






V 



Liv. XV. Ckap. ^n. Tï 

4rfrerchent à devenir les efclaves'de ceux 
^ui tyraftnifent le, gouvernement. 

C'eft-là l'ori^nc îtïfte iSc<:onforme 
^ la mfon^ de^cc droit d'eicUvage très-» 
doux que Ton trouve dans ^elques 
•pays ; & il doit être dotrx^ parce qu'il 
^& fondé far le -cfcoix libre quNin hom« 
"»e, pour ion uiiUté, fefaît^'^in «laî- 
'tre ; <e qui forme une convention »• 
^^ripl'Oqae eittre les^deux parties. 

^ ■ f I II ■ ■ ■ - I ■ ■ 

C H A P il T iR £ VIL 

j4uer^ origine du droit de Tefclavage. 

VOICI une autre origine du droit 
de l'efclavage , & même de cet 
cfclavage cruel que Ton voit parmi les 
hommes. 

Il y ^ des pays oîi la chaleur énerve 
le corps , & afïoiblit fi fort le courage, 

3ue les hommes ne *font portés à un 
evoir pénible que par la xK^inte du 
châtiment : Tefçlavage y choque donc 
moins la raifon ; & le maître y étant 
auffi lâche à l'égard de fon prince , que 
fonefclave Teft à fon égard , Tefelavage 
civil y eft encore accompagné de Tef- 
clavage politique. 



7* De l'espuït des Lors; 

Arifiou (tf ) veut prouver qu'il y a ^ 
des eïclaves par nature , & ce qu'il dit 
ne le prouve guère. Je crois que , s'il 
y en a de tels , ce font ceux dont je 
viens de parler. 

Mais comme tous les hommes naif- 
fent égaux , il faut dire que Tefclavage 
eft contre la nature , quoique dans cer- 
tains pays il foit fondé fur une raifon 
naturelle^ & il faut bien diftihguer ces 
pays d'avec ceux oii les raifons natu- 
relles mêmes les rejettent, comme les 
pays d'Europe oîi il a été fi heureufe- 
ment aboli. 

Plutarque nous dit , dans la vie de 
Numa , que du temps de Saturne , il 
n'y avoit ni maître ni efclave. Dans 
nos climats , le chriftianifme a rameaé ' 
cet âg^. ^ 



4P 



CHAPITRE VIII. 
Inutilité Je tefclavagt parmi nous. 

IL faut donc borner la fervitude naUi- 
relle à de certains pays particuliers 
de la terre. Dans tous les autres, il me 
femble que, quelque pénibles que foient 

{ 4 ) Politique , li V. I. ch. h 

les 



A- 



Liv. XV. Chap. VIIL if 

ks travaux que la focîéte y exige , oa 
peut tout faire avec des hommes libres. 

Ce qui me fait penfer ainfi , c*eft qu'a- 
vant que le chriftianifine eût aboli ea 
Europe la fervitude civile , oji rerardoit 
les travaux des mines comme u péni- 
bles , qu'on croyoit qu'ils ne pouvoient 
être faits que par des efclaves ou par des 
criminels. Mais on fait qu'aujourd*hui 
les hommes qui y font employés (a) 
vivent heureux. On a par de petits pri- 
vilèges encouragé cette profeflîon ; onh 
a joint à l'augmentation du travail celle 
du gain , & on eft parvenu à leur faire 
aimer leur condition plus que toute an* 
tre qu'ils euffent pu prendre. 

Il n'y a point de travail fi pénible 
l'on ne puiffe proportionner à la force 
« celui qui le fait , pourvu que ce foit 
la raifon & non pas l'avarice qui le rçgle* 
Gnpeut, parla commodité des machines 
que l'art invente ou applique , fuppléer 
au travail forcé qu'ailleurs on fait faire 
aux efclaves. Les mines des Turcs , dans 
le bannat de Témefvar , étoient plus 
riches que celles de Hongrie ; & elles ne 

W On peut fe fttre inftniîre de ce cpî fd pafle k 
cet égard dans les mines du Hartz dans la bafle AUe« 
ot^nci & dans ceUes de Hongrie, 

Tome tl. < Yy 



l 



^ 



74 De L^ESPftiT DES L015; 

produifoient pas tant , parce qu'ils n'î- 
nfaginoient jamais que tes bras de leurs 
çfclaves. 

Je ne fais fi c'eft Tefprit ou le cœur 
qui me diûe cet article ci. Il n'y a peut- 
être pas de climat fur la terre oîi Ton ne 
put engager au travail des hommes li- 
bres. Parce que les lois etoient mal fai- 
tes , on a trouvé des hommes pareffeux ; 
parce que ces hommes étoient paref- 
feux , on les a mis dans Tefclavage. 






CHAPITRE IX. 

^€S nations cke^ kfyuttUs la Uberti civile 
ejl giniraUmcnt imbUe. 

ON entend dire tous les jours , qu'il 
feroit bon que parmi pous il y 
eût des efclaves<. 

Mais , pour bien juger de ceci , il ne 
faut pas examiner s'ils feroient utiles à . 
la petite partie riche & voïuptueufe de 
chaque nation ; fans doute qu'ils lui fe- 
roient utiles : mais prenant un autre 
point de vue , je ne crois pas qu'aucun 
de ceux qui la compofeçt voulût tirer 
au fort, powfavoirqlu de vroit former 

fôpartiç de la nation ^ui feroit libre , ^ 



lîv. XV. CéAP, IX; 7^ 

telle qui feroit efclave. Ceux qui par- 
lent le plus pour Fefclavage , rauroient 
le plus en horreur , & les hommes les 
flus mifërables «n auroi«nt horreur de 
même. Lecri pour rcfclavageeft donc le 
cri du luxe & de la volupté , & non pas 
celui de l'amour de lafélicité publique. 
Qui peut douter que chaque homme , en 
paiticulîèr, ne fut très-content d'être la 
anaître des biens , de l'honheur & de la 
vie des autres ; & que toutes {es pat- 
rons rie £è réveiilaffent d'abord à cette 
idée ? Dans ces hofes , voulez- vous Sa- 
voir fi les défirs de chacim font légiti- 
ïnes? exaiôîriez les défirs de tous* 



/ - 1 - . c 



( Il PI 



C H A P I T R E X. 

Dîvcrfes cficces d*ejclavage^ 

IL y a deux fortes df fervîtude , la 
réelle & la perfonnelle. La rédle , eft 
celle qulattàchel'efclavage aux fonds de 
terre. C'éft ainfi qu'étoient les efclaves 
chez les Germains , au rapport de Ta- 
cite (tf). Ils n'avoient point d'office dans 
la maifon ; ils rendoient à leur maître 
une certaine quantité de blé , de bétail 

ià) Dé mêrihus Gêrmanorum* 

Dij 



76 Di l'esprit des Loi$, 

ou d'ctofFe : l'objet de leur efclavagft 
n^alloit pas plus loin. Cette efpece de 
fervitude eft encore établie en Hongrie, 
çn Bohême , & dans pluiieurs endroit$ 
de la baffe-AUepi^gne. 

Lafçrvitude perfonnelle regarde le 
ininiftere de la maifon , & fe rapporte 
plus à la perfonne du maître. 

L'abus extrême de Tefclavage eft 
lorfqu'il eft en même temps perlbnnel 
& réel. Telle étoit la fervitude des Ilotes 
chez lesLacédérAoniens; ils étoient fou- 
rnis à tous les travaux hors de la maifon^ 
& à toutes fortes d'infultes dans la mai- 
son : cette ilotie eft contre la nature des. 
chofes.Les peuples fimples n'ont qu'un 
efclavage réel (a) , parce que leurs fém-^ 
mes 6f leurs ertfens font les travavixdo- 
meftiques. Les peuples voluptueux ont 
un efclavage perfonnel , pfurce que le 
l]xxe demande le fervice des çfçlayes 
dans la maifon» Qr Tilotie joint daqs les 
ipêmes perfonnes l'j^fclavage établi chea; 
les peuples voluptueux, & celui qui eft 
établi chez Içs peiiples fimples, 

(a) Vou< ne pourriez » ( dit Taclu , fur les moiurt 
ép Germains , } diftinguci le œaîcr^ de l'cfitUvç i ps^ 
les délicçs de h YÎf • 



Liv. XV. Chap. XI. i^, 

g , ' ^ > 

CHAPITRE XL 

Ce que Us lois doivent faire par rapport è 

rejclavage, 

MA I S de quelque nature que foît 
Tefclavage , il faut que les lois ci- 
viles cherchent à en ôter , d'un côté les 
-abus 9 & de l'autre les dangers. 

C H A PITRE XII. 

j4bus <U PtfcUyage. 

DANS ks états Mahométans (aS , ort 
eft non*ieulement maître de la vie 
& des biens des femmes efclaves , mais 
encore de ce qu'on appelle leur vertu ou 
leur honneur. C'eft un des malheurs de 
cespays, que la plus grande partie de la 
nation n'y foit faite que pour fervir à la 
volupté de l'autre.. Cette fervitude eft^ 
récompenfée par la pareffe dont on fait, 
jouir de pareils efclaves : ce qui cft en- 
core pour l'état un nouveau malheur* 
C'eft cette pareffe qui rend les férails. 



(a) Voyez Chardin , royage 4e Perfe 

D «i 



• • • 



^ De lTesfait des Lai5y 

d'orient (a) des lieux de délices , pou# 
ceux mêmes contre qui ils font faits. Des 
gens <jui ne craignent que le travail ^ 
peuvent trouver leur bonheur dans ces 
lieux tranquilles. Mais on voit que par-* 
là on choque même Tefprit de 1 établi!^ 
Jfement de Fefclavage. 
" La raifon veut que le ptouvoir du mai* 
tre ne s'étende point îiu-delà des chofes. 
qui font de fon fervice ; il faut que Tef^ 
clavage foit pour l'utilité , & non pas. 
pour la volupté. Les lois de la pudicité 
font du droit naturel , & doivent être 
fentiés par toutes les nations du monde* 

Que fi la loi qui conferve la pudicité 
des ef(çlaves eft bonne dans 1(BS états Qii; 
Ife pouvoir fans bornés fe pue de tout , 
feômbîen le fera-t-elle dans les monar- 
chies? combien ïe'fera-t-eile dans les 
états républicains ? 

Il y a une difpofition de la loi (F) des 
Lpmbards , qui paroît bonne pour tous 
les gouvernéméns» << Si un maître dé* 
p> baiiche la fenime de fon efclave , ceux- 
34 ci feront tous deux libres >¥. Tempé- 
rament admirable pour prévenir & arrê* 

(a) Voyez Çkardm » tome IL (Uns fa defciiptlon dia 
marché d'Izagour. 

(h) Uvrc I. Cit. 31. §. s. « 



r' 



liv. XV. Chap. XÎI. 7^ 

ter , fans trop de rigueur , Tinconti^ 
nence des maîtres. 

Je ne vois pas que les Romains ayenc 
eu à cet égard une bonne police. Ils 
lâchèrent la bride à l'incontinence des 
maîtres; ils privèrent même en quel- 
que façon leurs efclaves du droit des 
mariages. C'étoit la partie de la nation 
la plus vile ; mais quelque vile qu'elle 
fut , il étoit bon qu elle eût des mœurs ; 
& de plus , en lui ôtant les mariages , 
pn corrompok ceux des citoyens. 

(Lj.' il 1 , , ' ',,'''■ B55S 

CHAPITRE XI IL 

Danger du grand nombre d^efclaves* 

LE grand nombre d'efclaves a des 
effets différens dans les divers gou^ 
vernemens. Il n'eft point à charge dans 
le gouvernement defpotique ; Tefcla- 
vage politique établi dans le corps de 
l'état , fait que l'on fent peu l'efclavage 
civil. Ceux aue l'on appelle hommes 
libres , ne le iont guère olus que ceux 
qui n'y ont pas ce titre; oL ceux-ci , en 

Îualité d'eunuques ^ d'affranchis , ou 
'efclavçs , ayant en main prefque tou-* 
tes les aflfaires , la condition d'un hommir 



*d De i*ESiPRiT des Loi*, 

libre & celle d'un efclave fe touchent 
de fort près. Il eft donc prcfqu'îndifFé- 
rent que peu ou beaucoup de gens y 
yivent dans Tefclavage. 

Mais dans les états modérés , il efl 
très-important qu'il n'y ait point trop 
d'efclaves. La liberté politique y rend 
précieufe la liberté civile ; & celui qui 
eft privé de cette dernière eft encore 
privé de l'autre. Il voit une fociété heu-? 
rfeufe , dont il n'eft pas même partie ; il 
trouve la fureté établie pour les autres, 
& non pas pour lui ; 4 fent que foa 
maître a une ame oui peut s'agi^ndir , 
& que la fienne eu contrainte de s'a- 
bajiuer fans ceffe. Rien ne met plus prèi 
de la condition des bêtes , que de voir 
toujours des hommes libres & de ne 
l'être pas. De telles gens font des enne- 
mis naturels de la fociété ; & leur nom* 
bre feroit dangereux. 

Il ne faut donc pas être étonné que 
dans les gouvernemens modérés l'état 
ait été fi troublé par la révolte des ef-^ 
daves, & que cela foit arrivé fi rare-r- 
ment (a) dans les états defpotiques. 

' (a) La révolte dts Mêmmelui étoit un cat partîcu* 
Mer i ç*4toit ua corps de milice qui uforpa l'empire. 



X 



tir. XV. G H AP. XIV. 8^ 



90* 



CHAPITRE XI V. 

Des ejclaves armés^ 

IL eu moins dangereux dans la mo^ 
narchie d'armer les efdaves , que 
dans les républiques. Là unpeuple guer- 
rier ,' uft corps de noblelïe , contien- 
dront affez ces efclayes armés. Dans la 
république des hommes uniquement ci* 
Moyens ne povirront guère contenir des 
^ens 9 qui ayant les armes à la main , fe 
trouveront égaux aux citoyens. 

Les Goths qui conquirent TEfp^ne ^ 
fe répandirent dans le pays , & bientôt 
fc trouvèrent très-foibles. 11$ firent trois 
réglemens confidérables : ils abolirent 
l'ancienne coutume qui leur défendoit 
de (tf) s'allier par mariage avec les Ro- 
mains ; ils établirent que tous les af&an*» 
lààs Qi) du fifc iroient à la guerre , fous 
peine d'être réduits en fervxtude ; ils or- 
donnèrent que chaque Goth meneroit à 
la guerre & armeroit la dixième (c^ par* 
tie de ies cfclaves. Ce nombre étoit peu 

(<t) Loi des Wiiîgoths , Viv. HT. tit. i. §• l^ 
(h) Ibid, .Uv. V. t»t. 7- $. 20. 

(0 Ibid. liv. lXvril..r„S^9* * - 

D y 



confidérable ea comparaifon de ceum^ 
qui rcftoient. De plus y ces efclaves 
menés à la guerre par leur maître ne 
faifoient pas un corps féparé ; ils étoient 
dans l'armée, & reftoient , pour ainil 
^e , dans la Emilie* 



PBsa 



C H.AP I T R E XV* 

Continuation du mimtfujtt* 

QUAND toute la nation eft guer* 
riere , les efclaves armés font 
encore .moins à craindre. 

Par la loi des Allemands^ un cfclave 

3ui voloit (d)* une chofe qui avait été 
épofée , étoit fournis à la peine qu'on- 
auroit infligée à un homme libre : mais 
s'il l'enlevoit par (^) violence, il n'étoit 
obligé qu'à la refhtution de la chofo 
enlevée. Chez les Allemands , \^ aâions 

;C[ui avoiént pour principe le courage fie 
4a force , n'etoient point odieufes. Us fe 
fervoient de feurs efdaves dans leurs 
guerres. Dans la plupart des républi-- 
ques , on a toujours cherché à abattre 
le courage des efclaves : le peuple AUc^ 

/«) Loi des AlUmandi y chap. v« §« ]« 



Liv, XV. Chap. XV. «j* 

nmnd , sûr de lui-même ^ fongeoit à 
augmenter l'audace des ûens ; toujours 
armé , il ne craignoit rien d'eux ; c'ér 
toient des inftrumens de (es briganda^ 
ges ou de fa gloire. 



CHAPITRE XVI. 

Précaution à prendre dans U gmytrnti^ 

mtm modère. 

L'humanité que l'on aura pour les 
efclaves , pourra prévenir dans l'é*^ 
tat modéré les dangers que l'on pour^ 
roit craindre de leur trop grand nom-; 
bre. Les hommes s'accoutument atout,' 
& à la fervitude même , pourvu que le^ 
maître ne foit: pas. plus dur que lalervi-» 
tude. Les Athéniens traitoient leurs eA> 
claves avec une grande douceur zonn^ 
\aoit point qu'ils. ayent troub^ l'état à^ 
Athènes , comme ils ébraiderent celui 
de Lacédémone. 

On ne voit point que les premiers 
Romains ayent eu des inquiétudes à 
l'occafion de leurs efclaves. Ce fiit lors- 
qu'ils eurent perdu pour eux tous les 
ientiinens de rhumanité ^ que l'on vi)Ç^ 



*■• 



/ 



% De l'esprit des Lois"^ 

naître ces guerres civiles , qu'on a conif^ 
parées aux guerres Puniques (a), 
- Les nations amples, & qui s'attachent 
eUes*memes aa travail , ont ordinaire-» 
ment plus de douceur pour leurs ef- 
claves ^ que celles qui y ont renoncé* 
Les premiers Romains vivoient , tra-* 
vaillqient & mangeoient avec leurs ef- 
claves : il avoient poiu: eux beaucoup 
ée douceur &: d'équité : ta plus grande^ 

J>eine qu'ils leur infligeaient , étoh de 
es faire pafler devant leiurs voifios avec 
un morceau de bois fourchu furie dos» 
Les mœurs fuflifoient pour maintenir 
la fidélité des efclaves i il ne falloit 
point de lois» 

, Maislorfque les Romains fè flirent 
agrandis, que leurs eiclaves ne furent 
pïus les compagnons de leur travail ^ 
mais les inârumens de leur luxe &c de 
leur orgueil p comme il n'y avodt point 
de mœurs ^ on eut befoin de lois» Il em 
f^allut même de terribles ,, pour établir 1^ 
fureté de ceraiakres cruels ^ qui vivoient 
au milieu de leurs efdaves ^ comme au 
milieu de leurs ennemis» 

(a) tt La. Sicirci ^t Florus %. pliir cnieltement d^ 
» Taftée par la guerre fttvUc > q.u« fV 1» JJlCO» 



Liv. XV. Chàf. XVI. 8^ 

- On fit le fénatus-confulte Sillamm y 
& d'autres lois (/) qui établirent que , 
lorfqu'un maître feroit tué , tous les cf* 
daves qui étoient fous le même toit , ou 
dans un lieu aflez près de la maifon pour 
ou'on pût entendre la voix d'un homme, 
leroient fans diftinâion condamnés à la 
mort. Ceux qui dans ce cas réfiigioient 
unefclavepourleiauver, étoient punis 
conune meurtriers (If). Celui-là même 
à qui fon maître auroit ordonné (c) de 
le tuer, & qui lui auroit obéi, auroit 
été coupable : celui qui ne Taiuroit point 
empêché de fe tuer lui-même , auroit 
été puni (d). Si im maître avoit été tué 
dans un voyage , on faifoit mourir (e) 
ceux qui étoient reâés avec lui & ceux 
qui s*étoient enfuis. Toutes ces. lois 
avoient lieu contre ceux mêmes dont 
Hnnocence étoit prouvée; elles avoient 
pour objet de donner aux enclaves pour 

(d) Voyez toat le ùtt^dcfinau t^m/ulu SîUmù 
ta S. 
r ( b) Leg^mfi iuîê > S* 12. »a ff. d€ ftêuu. €onfuît^ 

S'Ulan, 

(c) Quand Antoine commanda à Etes de le tuer; 
ce n'étoit point lui «ommander de le tuef » mais de 
k tuer lui-même . puiTque s'il ki eût obéi p il auroii 
été puni comme meurtrier de Con maître* 

(d) Lcg. t. $. 22. & de finàU çonfulh Silkm^ 
{e) Ug. 2. %. }UtL ihié. 



86 DK L^ES#llïT D£5 LOIS, 

leur inffltre un refpeû prodicieux. Elle* 
a'étoient pas dépendantes du gouver- 
nement civil y mais d'un vice ou d'une 
imperfeôion du gouvernement civiU 
Elles ne dérivoicnt point de réquité des 
lois civiles , puifqu'elles étaient con- 
traires aux principes des lois civiles. 
Elles étoient proprement fondées fur 
le principe de la guerre , à cela près que 
c'etoit dans le fein de l'état qu^étoient 
les ennemis* Le fénatus-confulte Silla- 
nien dérivoit du droit des gens 9 qui 
veut qu'ime fociété , même imparfaite , 
fe conferve. 

C'eft un malheur du gouvernement^' 
lorfgue la magiftrature fe voit contrainte 
de taire ainn des lois cruelles. C'eft 
parce qu'on a rendu l'obéiffance diffi- 
cile , que l'on eft obligé d'aggraver la 
peine de la défobéiflance ^ ou de foup- 
çonner la fidélité* Un légiilateur pru- 
dent prévient le malheur de devenir 
Hn léciflateur terrible. C'eft parce que 
Us eickves ne purent avoir chez les 
Romains de confiance dans la loi ^ 

que la loi ne put avoir de confiance 
en eux. 



f 



tiiy. XV. Chap, XVH. 9f 



CHAPITRE XVII. 

Héglcmens à faire entre U maître & Us 

efclaves. 

LE maglftrat doit veiller à ce que 
l'efclave ait fa nourriture & Ibni 
vêtement : cela doit être réglé par la loi. 
Les lois doivent avoir attention qu'ils 
foient foignés dans leurs maladies & 
dans leur vieillefle. Claude (tf) ordonna 

3ue les efclaves qui auroient été aban- 
onnés par leurs maîtres étant malades ,' 
ferbient libres s'ils échappoient. Cette 
loi affuroit leur liberté ; il auroit encore 
fallu affurer leur vie. 

Quand la loi permet au maître d'ôter 
la vie à fon eiclave , c'eft un droit qu'il 
doit exercer comme juge , & non pas 
comme maître : il faut que la loi or- 
donne des fprn^alités'qjiii ôtent le foupt 
çon d^une aftion violente* 
, ^.orfqu'à Rome , il ne fiit plus permis 
aux pères de faire mourir leurs enfans ^ 
les magiftrats infligèrent (i) la peine 
que le père vouloit prefcrire^Un ufage 

(tC\ Xiphilin « in CU^d^o•^ 

(h) Voyez la toi III. au code de p4trU p^^fkikj 
giû eft d6 ri^in^«xeuc AUauuukCi 



tî De l'esprit des tàîs^ 

pareil entre le maître & les efclaves fe^ 
roit raiibfinable dans les pays oii les 
maîtres ont droit de vie & de mort. 
* La loi de Moïfe étoit bien rude. « Si 
» quelqu'un frappe fon efdave , & qu'il 
M^ meure fous fa main , il fera puni : ma^s 
» s'il furvit un jour ou deux , il ne le fera 
>> pîis , parce que c'eft fôn argent ». Quel 
J)euple , que celui oîi il falloit que la loi 
civile fe relâchât de la loi naturelle ! 
"• Par une loi des Grecs (a) , les efclaves 
trop rudement traités par leurs maîtres ^ 
pouvoient demander d'être vendus â uii 
îiutre. Dans les derniers temps , il y eut à 
Rome une pareille loi(^).Un maître irrité 
tontre fon efclave , & un efclave irrité^ 
contre fon maître , doivent être féparés; 

Quand un citoyen maltraite l'elclave 
d'un autre , il faut que celui-ci puifTe aller 
idevant le juge* Les (c) lois de Platon St 
de la plupart des peuples , ôtent aux ef* 
claves la défenfe naturelle : il faut donc 
leur donner la défenfe civile* 

A Lacédémone , les efclaves ne pou* 
voient avoir aucue juftice contre les in- 
fuites ni contre les injures*. L'excès de 

(a) Pliiftrque» di la fiptrfiiuon* 

Ih) Voyez la cooûUutio» d'Aotonîa Pif i I/^uf!^ 

(0 Uvre UU 



Liy. XV. Chàp. XVIL S^ 

leur malhevir étoit tel , qu'ils n'étôif nt 
pas feulement efclaves a*un citoyen ^ 
mais encore du public ; ils appartenoient 
à tous & à un ifeul. A Rome ^ dans le 
tort foit à un efclave , on ne confidéroit 
que (a) l'intérêt du maître. On confonr 
doit fous Faâion de la loi Aquilienne la 
bleffure faite à une bête , & celle faite à 
im efclave ; on n'avoit attention qu'à la 
diminution de leur prix. A Athènes (*) ^ 
on puniflbit févérement , quclcjuefoi» 
même de mort , celui qui àvoit mal- 
traité Tefclave d'un autre. La loi d'A- 
thènes , avec raifon , ne vouloit point 
ajouter la perte de la fureté à celle de 
la liberté. 



■^^E 



CHAPITRE XVIII. 
Des afranchijjemcns. 

ON fent bien que quand j dans le 
gouvernement républicain , on a 
beaucoup d'efclaves , il faut en affran- 
chir beaucoup. Le mal eft que , fi on a 

{a) Ce fiit encore fouvcnt refprit des lois des 
peuples qui fortirent de la Germanie , comme on le 
peut voir dans leurs codes. 

{h) Démofthenes, orat, contre Mcdiêmi page 6lO« 
édition de Francfort , de l'an i6«4* 



^0 Dé l'esi^rit DÏS Loi5, 

trop d'efcl^ves , ils ne peuvent être 
contenus ; (i Ton a trop d'affranchis , ils 
ne peuvent pas vivre , & ils deviennent 
à charge à larépublique ; outre que celle- 
ci peut être également en danger de la 
part d'un très-grand nombre d'affranchis 
& de la part d'un trop grand nombre 
d'efclaves. Il faut donc que les lois aient 
l'œil fur ces deux inconvéniens. 

Les divejrfes lois & les fénatus-con-* 
fuites qu'on fit à Rome pour & contre 
les efclaves ^ tantôt pour gêner , tantôt 
pour faciliter les affranchiffemens , font 
bien voir l'embarras oîi l'on fe trouva 
è cet égard. Il y^eut même des temps 
oîi l'on n'ofa pas faire des lois. Lorfque 
fous Néron (tf) on demanda au fénat 
qu'il fut permis aux patrons de remet- 
tre en fervitude les affranchît ingrats ^ 
l'empereur écrivit qu'il falloit juger les 
affaires particulières , & ne rien Satuer 
de général. 

Je ne faurois guère dire quels font les 
réglemens qu'une bonne république doit 
faire là-deffus ; cela dépena trop des cir- 
confiances. Voici quelques réflexions» 
. Il ne Êiut pas faire tout-à-coup & par 
une loi générale un nombre confidér 

(é) Tacite » mm/. Jiy« XIU. 



Liv. XV. Cnxt. XVin. 

toble d'affiranchifTemens. On fait que 
chez les ^olfiniens (a) , les aflGrancnis 
devenus maîtres des iufFrages , firent 
une abominable loi , qui leur donnoit 
le droit de coucher les premiers avec 
les filles qui fe marioient à des in- 
génus. 

Il y a: diverfes manières d'introduire 
infenfiblement de nouveaux citoyens 
dans la république. Les lois peuvent 6i-^ 
vorifer le pécule , & mettre les efclaves 
en état d'acheter leur liberté; elles peu-» 
vent donner un terme à la fervitude ^ 
comme celles de Moife 9 qui avoient 
borné à fix ans celle des elclaves Hé-» 
|)reux (by II eft aifé d'affranchir toutes 
les années un certaiç nombre d'efclaves, 
parmi ceux qui , par leur âge , leur fanté,^ 
leur induftrie , auront le moyen de vir^ 
vre. On peut même guérir le mal dans 
h racine : comme 1^ grand nombre d^ef* 
daves eft lié aux divers emplois qu'oa 
leur donne ; tranfporter aux ingénus 
i^ne partie de ces emplois , par exem<» 
pie , le commerce ou la navigation ^ 
c'eô .diminuer le nombre des elclaves» 

' (â) Supplément dt Fninshemiut ; deioieme décade^ 
Jir. V. 
(^) Exodk ckip. xxu 



^1 De L*ÉSpRrT Dti Lors, 

Lorfqu*il y a beaucoup d'aflîranchîs ^ 
il faut que les lois civiles fixent ce qu'ils 
doivent à leur patron , ou que le con- 
trat d'afFranchiiiement fixe ces devoirs 
pour elles. 

On fent que leur condition doit être 

f)Ius favorifee dans l'état civil que dans 
*état politique ; parce que dans le gon-« 
vernement même popidaire , la puif^ 
fance ne doit point tomber entre les 
mains du bas peuple. 
. A Rome , oii il y avoit tant d'afFran-^ 
chis 9 les lois politiques .furent admi- 
râbles à leur égard* On leur donna peu ^ 
& on ne les exclut prefque de rien ; ils 
furent bien quelque part a la légiflation, 
mais ils n'influoient prefque point dans 
les réfolutions qu'on pouvoit prendre* 
Ils pouvoient avoir part aux charges ÔC 
au ikcerdoce même (a) ; mais ce privi- 
lège étoit en quelque façon rendu vain 
ar les défavantages qu'ils avoient dans 
es éleftions. Ils avoient droit d'entrer 
dans la milice ; mais pour être foldat ^ 
il falloit un certain cens. Rien n'empê- 
qhoitles affranchis (A) de s'unir pauma* 
riage avec les familles ingénues i mais il 

(a) Tacite , annaL liv. III. 

l») Harangue d'Aogufte» dan^ Dion » Uy» LVL 



i 



Lîv. XV. Chap. XVIII. 9f 

Jit leur étoit pas permis de s'allier avec» 
celles des fénateurs. Enfin leurs enfans 
étoient ingénus , quoiqu'ils ne le fuf- 
fentpas eux-mêmes. 



■^■•" 



CHAPITRE XIX. 
Des affranchis & des eunuques» 

AINSI , dans le gouvernement dé 
plufieurs , il eft (buvçnt utile que 
la condition des affranchis foit peu au« 
deflbus de celle des ingénus , Se q^e 
les lois travaillent à Içiu* pter le dégoût 
de leur condition. Mais dans le gouver- 
nement d'un feul , lorfque le luxç & le 
Pouvoir arbitraire régnent , on n'a rien 
a faire à cet égard. Les affranchis fe 
trouvent prcfque toujours au-deiTus^es 
hommes libres* Us dominent à la cour 
du prince 6^ dans les palais dçs grands : 
& comnie ils pnt étudié les foibleffes 
de leur maître , & non pas fes vertus ^ 
ils le font régnçr , non pas par fes ver- 
tus, mais par fes foibleffes. Tels étoient 
à Rome les affranchis du temps dçs cm* 

pereurs, 
Lorfque les principaux efclaves font 

eunuques , quelque privilège qu'Qftleui: 



■> 



94 De l'esprit des Lorsi 

accorde , oh ne peut guère les regardet* 
comme des affranchis. Car comme ils 
iie peuvent avoir de famille , ils font par 
leur nature attachés à une famille , & ce 
n'eil que par une efpece de fiûion qu'on 
peut les confidérer comme citoyens. 

Cependant il y à des pays où on leur 
donne toutes les magiftratures : ^ Au 
H Tonquln (tf) , JU Dampitm (V) , tous 
>f les mandarins civils & militaires font 
>f eunuques ^. Ils n'ont point de famille ;- 
& quoiqu'ils foient naturellement ava- 
res , le maître ou le prince profitent à 
là fin de leur avarice même. 

Le même Dampicrrt (c) nous" dit que , 
dans ce pays , les eunuques ne peuvent 
fe pafier de femraies , & qu'ils fe ma- 
rient, La loi qui leur permet le mariage , 
ne peut être fondée, d'un côté , que fur 
la confidératiôn que l'on y a pour de pa- 
reilles gens ; & de Tautre , fur le mé- 
pris qu'on y a pour lés femmes. 

Ainfi l'on confie à ces gehs-là les^ma^- ; 
giftratures , parce qû^ils n'ont point de 

(«) Cëtoit autrefois de même à la Chînt • Les deux 
Arabes Mahométans qui y voyagèrent au neuvième 
fiecle , difent Vtunuque , quand ils veulent parler du . 
gouverneur d*une ville. 

(h) Tome ni. page 91* 



Liv. XV, Chàp. XIÎT. 9f 

fonille ; & d'un autre côté , on leur 
perniet de fe marier , parce qu'ils ont 
les magiftratures. 

C'eft pour lors que les fens qui reC* 
tent , veulent obftinément fuppléer à 
ceux que l'on a perdus ; & que les en- 
trepriles du délefpoir font ime efpece 
de jouiflance. Ainu , dans Milton , -ccet 
efprit à qui il ne refte que des défirs , 
pénétré de fa dégradation , veut faire 
ufage de fon impuiflance même. 

On voit dans Thiftoire de la Chine 
un grand nombre de lois pour ôtcr aux 
eunuques tous les emplois civils & mi- 
litaires; mais ils reviennent toujours. 
Il femble que les eunuques , en Orient , 
£)ient im mal nécefTaire. 






® 




A®> 



f& De l'esprit pxs Lor? ; 
LIVRE XVI. 

Comment Us Lois de Pefclavage 
domejlique ont du rapport avec 
la nature du climat. 

CHAPITRE PREMIER. 

De la firvimdc d^mcftiquc. 

LES efclaves font plutôt établis pour 
la famille ^ qu'ils ne font dans la 
famille. Aiiîfi je diftinguerai leur fervi- 
tude de celle où font les femmes dans 
quelques pays^ & que j'appellerai pro^ 
prement la lervitude domeftique. 

CHAPITRE II. 

Que dans Us pays du Midi il y a dans Us 
deux fixes une inégalité naturelle. 

LES femmes font nubiles (tf) dans 
les climats chauds à huit , neuf & 
dix ans : ainfi l'enfance & le mariage y 

(«) Mahomet ëpoufa Cadhisja à cinq tns » coucha 
ftv«c elle à huit* Dans les pays chauds d'Arabie & des 

vont 



Liv. XVL Chap. il 97 

vont prefque toujours enfemble. Elles' 
font vieilles à vingt : la raifon ne fe 
trouve donjE jamais chez elles avec la 
beauté. Quand labeauté demande l'em* 
pire , la raifon le fait refiifer ; quand la 
raifon pourroit l'obtenir, la beauté n*eft 
plus. Les femmes doivent être dans la 
dépendance : car la raifon ne peut leur 
procurer dans leur vieilleffe un empire 

2ue la beauté ne leur avoit pas donné 
ans la jeuneffe même. Il eft donc très-i. 
fimple qu'un homme, lorfque la reli- 
gion ne s'y oppofe pas , quitté fa femme 
pour en prendre une autre , & que la 
polygamie s'introduife. » 

Dans les pays tempérés , oîi les agré* 
mens des femmes fe confervent mieux^ 
où elles font plus tard nubiles, & oîi elles 
ont des enfans dans un âge plus avancé , 
la vieilleffe de leur mari luit en quel- 
que façon la leur : & comme elles y ont 
plus de raifon & deconnoiffancesquand 
elles fe marient , ne fut-ce que parce 
qu'elles ont plus longrtemps vecu,il a dû 
naturellement s'introduire une efpece 

i 
Indes, les iîlles y font nubiles à huit ans^, & accou- 
chent Vannée d'après. PrUeaux > vie de Mahomel', 
On voit des .femmes dans les royaumes A'Algtr , erf- 
ïantcràneuf , dix'& oniç ans. Laug^tr de TaJJy , hi^ 
toirc du royaume d* Alger , pag. 6i. 

Tome ÏI. E 




0-^y 



IjS De l'esprit i>es Lois, 

d'égalité dans les deux fexes , & paf 
coniéqiient la loi d'une feule fenune. 

Dans les pays froids , Tufage prefqiie 
néceflaire des boiffons fortes établit l in- 
tempérance parmi les honmies. Les fem- 
mes , cmi ont à cet égard une retenue 
naturelle , parce qu'elles ont toujours 
à fe défendre , ont donc encore l'av»!^ 
tage de la raifon fur e\ix. 

La nature, qui adiftinguéles honunes 

{>ar la force & par la raifon , n'a mis k 
eur pouvoir de terme que celui de cette 
force & de cette raifom Elle a donné 
9XOC fenmies les agrémens , & a voulu 
que leur afcendant finît avec ces agré- 
mens : mais , dans les pays chauds , ils 
ne fe trouvent que dans fes commence- 
mens, & jamais dans le cours de leur vie. 
Ainfi la loi qui ne permet qu'ime fem- 
me , fe rapporte plus au phyfique du cli* 
inat de l'Europe , qu'au phyfique du cli- 
mat de l'Afie. C'eft une des raifons qui 
a fait que le Mahométifme a trouvé tant 
de iàciliîé à s'établir en Afie , & tant ce 
difficulté à s^étendre en Europe ; t]ue le 
Chriftianifme,s'efl maintenu en Europe, 
jBc a été détruit en Afie ^ & qu'çirfn les 
Mahonvétans font tant de "progrès à la 
ij^hine , Çc Içs Chrçtiçns fi peu. Les rai^ 



Lit. XVI. Cnkp: ït ^ 

fons htimaines font toujours fubordon*- 
tiées à cette caufe fuprême, qmi fait 
tout ce qu'elle veut , & ie fcrt de tout 
ce qu'elle veut. 

Quelques rai^DUS^ particulienes è. Va^ 
ientiaien ( iï } ^ lui^rent |»ermettre la 
polygamie mns Tempire. Cette loi , 
Violente pour nos climats , fut dtée (b^ 
par Théodofe , Arcadius & Honorius, 



9m 



CHAPITRE II L 

i^ue la pluralité dês femmes dépend teau* 
coup de hur entretie/û 

QUOIQUE , dans les pays oîi la po^ 
lygamie eft une fois établie , le 
grand nombre des femmes dépende 
beaucoup àe& richeffes 4u mari ; cepen- 
dant on ne peut pas dire que ce foient 
les richeffes qui taffent établir dans un 
état la polygamie : la pauvreté peut 
faire le même effet , conmie je le dirai 
en parlant des Sauvages, 

Là polygamie eft moins un luxe , qu^ 
Toccafion d'un grand luxe chez des na- 

leiViftoriens eccléfiaftiques, 

( * ) Voy«t U loi vu , au coà^^ic Judmis & cmUeo^ 
Usi ScÙl novelis t% i ^ap. V^ 

E ij 



ioo pE L^isptiiT DES Lois, 

tioiis puiffaKes.Dansles climats chauds,' 
on a moins de befoins (a) : il en coûte 
moins pour entretenir une femme &C 
des enfans. On y peut donc avoir un 
plus grand nombre de femmes. 

(tf) A Ceylaft , un homme vit pour dix fi>in par 
mois ; on n'y maoge que du rh &. au poiâbn. Recueil 
d€svi>yMgc4 qui ontfcrvi à l*itahlij[tment dc^U Cfunpa? 
Ifoie J«x7iBJe/« tom. II , part. !• 



CHAPITRE IV. 

De la polygamie. Ses diverfcs circonfi 

tancés. 

SUIVANT les calculs que Ton fait en 
divers endroits de l'Europe , il y naît 
plus de garçons que de filles (/>) : au 
contraire , les relations de l'Afie ( ^ ) & 
de rAfriqué (d) nous difent qu'il y naît 
beaucoup plus de filles que de garçons'.. 
La toi feule d'une femme en Europe , 
& celle qui en permet plufieurs en Aût 

(h) M» Arhutnot trouve qu*en Angleterre le nom* 
))re des garçons excède celui des filles : on a eu tort 
'd*en conclure que ce fût la même thofe dans tous les 
climats. ". 

{c) Voyez Kempftr , qui nous rapporte un dënom- 
»brément de Méaco , où Ton trouve 182072 ;nâfle»> & 
22 j 573 femelles. » 

(d ) Voyez le voyage de Guinée de M. SmltJi ^ 
|)artie féconde * fur le pays d'Anté. 



Lîv. XVÏ. Chap. ÏV. ïoi 

& en Afrique, ont donc un certain 
rapport au climat. 

Dans les climats froids de TAfie , il 
îiaît, comme en Europe, plus de garçons 
que de filles. C'eft , oifent les Lanias (a) 
la raifon de la loi qui chez eux permet 
à une femme d'avoir plufieurs maris (b). 
* Mais je ne croîs pas qu'il y ait beau- 
coup de pays oîi la difproportion foit 
affez grande, pour qu'elle exige qu'on 
y introduifé la loi de plufieurs femmes 
ou la loi de plufieurs maris. Cela veut 
dire feulement que la pluralité des fem- 
mes , ou même la pluralité des hommes, 
s'éloigne moins de la nature dans de 
certains pays que dans d'autres. 

Tavoue que fi ce que les relations 
nous difent étoit vrai , qu'à Bantam (c) 
il y a dix femmes pour im homme , ce 
feroit un cas bien particulier de la po- 
lygamie. 

Dans tout ceci , je ne juftifie pas les 
lîf^es ; mais j'en rends les raifons. 

!a) Du Halit t, Mém. de U Chine , tom.IV , p. 46; 
h ) AlbuzeiV-el-bâflen , un des deux mahométans 
Arabes qui allèrent aux Ind^s & à la Cliine au neu- 
vième 'ficcfe , ^lend xet ufage pour une proftitution. 
C'eft que rien ne choquoit tant les id'ées Mahomet 
tanes. 

( c ) Recueil des voyages qui ont fervi à Tétablifle^ 
méat de la Compagnie des Indes i tom. U 

E ii) 



101 De l'espeit dis Loif^ 

CHAPITRE V. 
Raifon tTunt lot (^u liia^Mr. 

SUR la côte du Malabar , dans la calle 
des Naîres (a) , les hommes ne pçiw 
vent avoir qu'une femme , & une îem» 
me au contraire peut avoir plulîeur^ 
maris. Je crois qu'on peut découvrir 
forigine de cette coutume. Les Naïrei 
£3nt la caAe des nobles, qui font tes 
foldats de toutes ces nations. En Eu- 
rope , on empêche les foldats de fe 
marier : dans le Malabar, où le dimat 
exige davantage , on s*eû contenté de 
leur rendre le mariage auffi peu embar- 
raflant qu'il eu. po^ible : on a donné une 
femme a plufieurs hommes ; ce qui di- 
minue d'autant l'attachement pour une 
femille & les foins du ménage, Ôclaifle 
à ces gens refprit militaire. 

ah Pyrtri , A. xxvu. Lemes 
dixiMie leoieil bii k M«Uia- 
Ubir. Cela *it leptié cemn* 
militaire : & comiM dit Pj'td^ 
U Biimiseï vH^auivoa i«niit' 



tiv. XVÏ. Cha^. Vt. t&% 

CHAPITRE VL 
jDc la fofygamU en elle - mimté 

A REGARDER la polygamie en gén^«f 
rai , indépendamment des circonf- 
tances qui peuvent la faire un peu tP* 
lérer , elle n'eft point utile au genrQ 
humain , ni à aucun des deux fe.xes , 
foit à celui qui abufe , foit à celui d^OfUt 
On abufe* Elle n'eft pas r\on plus utile 
aux enfans ; & un de fes grande in^ 
conyéniens ^ eft que le perc & la meré 
ne peuvent avoir la même affeûioii 
pour leurs enfans ; un pore ne peut pas 
aimer vingt enfans , comme une mtx^ 
en aime deux. C'eft bien pis, quandi 
une femme a plufieurs maris ; car, pour 
lors, l'amour paternel ne tient plus qu'à 
cette opinion , qu'un perje peut croire j^ 
s'il veut , ou que le^ autres peuvent 
croire , que de certains enfans lui ap'» 
partiennent. 

On dit que le roi de Maroc a dans 
fon férail des femmes blanches , des 
femmes noires , des femmes ^unes. Le 
malheureux ! à peine a-t-il befoin d'vm€ 
côulexu-. 

E iy 



%04 De l^esprît des Lor^, 

La poffeffion de beaucoup de fem- 
mes ne prévient pas toujours les dé- 
firs (a) pour celle d'un autre ; il en efl: 
de la luxure comme de Tavarice , elle 
augmente fa foif par Tacquifition des 
trefors; 

' Du temps de Juftinien , plufieurs Phi- 
lofophes gênés par le Cnriftianifme , 
fe retirèrent en Perfe auprès de Cof- 
roës. Ce qui les frappa le plus , dit Aga^ 
thias (J>) , ce fiit que la polygamie ^toit 
permife à des cens qui ne s'abftenoient 
pas même de radultere. 

La pluralité des femmes , qui le dî- 
roit ! mené à cet amour que la nature 
défavoue : c'eft qu'une diffolution en 
entraîne toujours une autre. A la révo- 
lution qui arriva à Conftantinople, lors- 
qu'on dépofa le fultan Achmet, les 
relations difoient que le peuple ayant 
pillé la maifon du cniaya , on n'y avoit 
pas trouvé ime feule femme. On dit 
qu'à Alger ( c ) on eft parvenu à ce 
point , qu'on n'en a pas dans la plupart 
des férails. 

4 

' {a) C*eft ce qui fait que Ton cache avec tant de 
^in le^ femmes en orient. 

f^ } Delà %'ii 6* des aHlons de Jufiinitn , pag. 40}. 
c) Laurier de Tajly , HUloire d'Alger. 



Liv. XVI. Chai». VII. loj 



mrtmmm^rt^mi'^'^^mmmi^m^^mmi 



CHAPITRE VIL 

De r égalité au traitement dans U cas dt 
la pluralité des femmes. 

DE la loi de la pluralité des femmes, 
fuit celle de Tégalité du traite- 
ment. Mahomet qui en permet quatre y 
veut que toiït foit égal entr'elles ; nour- 
riture , habits , devoir conjugal. Cette 
loi eft auiîi établie aux Maldives ( ^ ) > 
oh on peut époufer trois femmes^ 

La loi de Moife ( i ) veut même que 
fi quelqu'un a marié fon fils à une ef- 
clave , & qu'enfuite il époufe une fem- 
me libre y il. ne lui ôte rien des vête- 
mens , de la nourriture & des dçvoirs,- 
On pouvoit donner plus à la nouvelle 
époufe; mais il fallpit que la première^ 
n'eût pas moins* 



Ϋ) Voyage* de français Pyrari^ chap. xil» 
h) Èxod, cbap. XXI * vecC lo & ii» 




Ev 



io6 De i-'bsfrit ix* s hotff. 

". ■ ' ' ' -i" 

C H A P I T R E VIIU 

Vc la JepAratîon des femmes £ayec k$ 

hommes^ 

C*EST une conféquence de k {)OÎy* 
garnie , que , dans les nations yq^ 
luptueuies & ridies ^ on ait un très- 
grand nombre de femmes. Leur Répara- 
tion d'avec les hommes^ & leur clôture^ 
Suivent naturellement de ce grand nom- 
bre. L'orfre domeûigue le demande 
ainfi ; un débiteur infolvable cherche à 
fe mettre à couvert des pourfuîtes de 
fes créanciers. Il y a de tels climats où le^ 
phyfique a i«ne telle force ^ que la mo- 
rale n'y peut prefque rien» Laiflèz un 
homme avec une femme ; les tentations 
feront des chutes , Pattaque ûire , la 
réfiftance nulle. Dans ces pays^. au lieu 
de préceptes , il faut des verroux.^ 
Un îivre daffique (^ ) de la Chine 

( a ) M Trouver à Tëcart un txé(ot dont on foît le 
M maître ; eu une belle femme feule dans un appar* 
j* tement reculé ;. entendre la voix de fon ennend 
M qui va périr , fi on ne le fecourt , admirable 
«• pierre de touche n. Tradu^lion d*un ouvrage Chk 
sois fur la morale > dans Le Peie du Haldi «. um*. lll| 



Liv. XVI. Chap. ÏX^ rofj 
regarde comme un prodige de vertu ^' 
de fe trouver feul dans un appartement 
reculé avec un^ femme , f^ms lui fair^ 
violence. 



9 



CHAPITRE IX. 

Lîaifon du gouvernement domeflique aveif, 

le politique. 

DANS une république , la condition 
des citoyens eft bornée , égale , 
douce , modérée ; tout s'y reffent de 
la liberté publique. L'empire fur les 
femmes n'y pourroit pas être fi biea 
exercé ; & lorfque le climat a demandé 
cet empire , le gouvernement d'un feul 
a été le plus convenable. Voilà une des 
raiibns qui a Êiit que le gouvernement 

Eopulaire a toujours ité difficile à étab- 
lir fin orient. 

Au contraire , la fervitude des fem- 
mes eft très-conforme au génie du gou-; 
vernement defpotique , qui aime à abu» 
fer de tout. Auffi a-t-on vu dans tous 
les temps , en Afie , marcher d'un pas 
égal la fervitude domeftique & le gou^^ 
yemement defpotique. 
Dans un gouvernement oti rgn d% 

JE V) 



%o8 De l^esprît dis Lois, 

«i^andc fur-tout la tranquillité , & où la 
fubordination extrême s'appelle la paix,, 
il faut enfermer les femmes ; leurs intri- 
gues feroient fatales au mari. Un gou»^ 
yernement qui n'a pas le temps d'exa*- 
miner la conduite des fujets , la tient 
pour fufpeft-c , par cela feul qu'elle pa* 
jroît & qu'elle fe fait fentir- 

Suppofons un moment que la légé-^ 
reté d'efprit & les indifcrétions , les^ 
goûts & les dëgoiits de nos femmes,, 
leurs paflîons grandes & petites , fe 
^rouvaffent tranfportées dans un gou- 
ivernenient d'orient, dans l'aâivité & 
4ans cette liberté où elles font parmi 
iiîous ; quel eu le père de femille qui 
pourroit être un moment tranquille ^ 
Par-tout des gens fufpefts , par-tout.de^ 
ennemis ; l'état feroit ébranlé ^ on ver^ 
xoit couler des ilôts de fang. 



CHAPITRE X. 

Principe de lor momie de Forient. 

DANS le cas de la multiplicité dës^ 
femmes, plus lafaraille ceflVd'être* 
«ne , plus les lois doivent réunir à un 
l^entreces parties détachées^ âcplu^^les» 



y 



- Liv. XV L Chap. X. 109 

intérêts font divers, plus il eft bon que 
les lois les ramènent à un intérêt. 

Cela fe fait fur-tout par la clôture,. 
Les femmes ne dbivent pas feulement ' 
être féparées des hommes par laclôture 
de la maifon ; mais elles en doivent en- 
core être féparées dans cette même clô- 
ture , en forte qu'elles y faffent comme 
une famille particulière dans la famille^ 
De là dérive pour les femmes toute la 
pratique de la morale, la pudeur , la 
chafteté ,1a retenue , lefîlencc, lapaix^ 
la dépendance , le refpeft , Tamour ; 
enfin une direftloil générale de fenti- 
mens à la chofe du monde la meilleure 
par fa nature , qui eft rattachement. 
luîique à fa famille. 

Les femmes ont Naturellement à 
remplir tant de devoirs qui leur font 
propres , qu'on ne peut anez les fépa- 
rer de tout ce qui pourroit leur donner 
d'autres idées y de tout ce qu'on traite 
d'amufemens , & de tout ce qu'on ap- 
pelle des affaires. 

On trouve des mœvirs plus pures dans 
les divers états d'orient ,, à proportion 
eue la clôtirre des femmes y eft plus 
rïafte. Dans les grands états , ilyané-^ 
^affairement, de grands feigneurs. Plus^. 



ïio D« l'esprit des tOï^f 

ils ont de grands moyens , plus ils font 
en état de tenir les femmes dans une 
exaûe clôture , & de les empêcher de 
rentrer dans la fociété. C'eftpour cela 

?ue , dans les empires du Tiurc , de 
erfe , du Mogol ^ de la Chine & du 
Japon j les mœurs des femmes font 
admirables. 

On ne peut pas dire la même chofe 
des Indes 9 que le nombre infini d'îles ^ 
& la fituation du terrain , ont divifées 
en une infinité de petits états y crue le 
grand nombre des caufes que le n ai pas 
le temps de rapporter ici rendent def- 
potiques. 

Là , il n'y a que des miférables qui 

fàllent , & des miférables qui font pil- 
es. Ceux qu'on appelle des grands , 
n'ont que de très-petits moyens ; ceux 
que l'on appelle des gens riches , n'ont 
guère que leur fubfilïance. La clôture 
des femmes n'y peut être auffi exaûe. 
Ton n'y peut pas prendre d'auffi gran- 
des précautions pour les contenir , la 
corruption de leurs mœurs y eft incon* 
cevable. 

C'eft là qu'on voit )iifqu'à quel point 
les vices du climat ^ laifies dans une 
grande' liberté, peuvent porter Iç dé^ 



Lit, XVL Chap. X. ii* 

/ordre. C'eft là que la nature a une 
force , & la pudeur une foiblefle qu*oix 
ne peut con^prendre. A Pataoe (a) , la 
lubricité {h) des femmes eft fi grande ^ 
que les hommes font contraints de fe 
raire de certaines garnitures pour fe 
mettre à l'abri de leurs ehtreprifes. Se- 
lon M. Smith (c), les chofes ne vonç 
pas mieux dans les petits royaumes dé 
Guiaée. Il femble que dans ces pays-là,^ 
les deux (exes perdent jufqu'à leurs 
propres lois. 

(m) Recueil des voyages qui ont fenri k VétzhVtffe* 
Âent de la compagnie des Indes > tom..U « partie 11^ 

(h) Aux Maidiref • les pères marient leurs B^c$ k 
éix. Se onxe ans • parce que c'eft un grand fléché» 
dtfeiu-ils » de leur laiBer endurer néce^té d*hommef » 
Voyages de François Pyrard » chap. xii. ABantam» 
fi-tot qu*une fille à treize ou quatorze ans, il faut la^ 
marier , & Voit ne veut qu'elle meiM une vie débordée* 
Recueil des voyages qui ont fênù à tUtabliJJemeat de Im 
€ompagnle des Indes , pag. ^48^ 

( c} Voyage de Guini^e , Mconde partie , pag. v)i p 
die la traduéiion. m Quand les femmes % dtt'il , ren« 
n contrent un homme , elles le faifilTent , & le mena*- 
n cent de le dénoncer à leur mari , s^il les mépr iffi 
n Elles fs gliflent dans le lit d'un homme > elles la 
n réveillent ; & s*il les refiife , eUe le menacent d« 
n k laiflêr prendre fur le £ût »^ 



^S^&^M^ 



111 De l'esprit des Lois, 



•ÂS- 



CHAPITRE XI. 

'Z?e la firvitude Jomefiique indépendante 
de la polygamie. 

CE n'eft pas feulement la pluralité 
des femmes qui exige leur clôturé 
dans de certains lieux d'orient ; c'eft le 
climat. Ceux qui liront les horreurs, les 
crimes , les perfidies , les noirceurs ^ les 
ppifons, les aflaflinats,que la liberté des 
femmes fait faire à Goa , & dans les éta- 
bliffemens des Portugais dans les Indes 
oîi la religion ne perme | qu'une femme ^ 
& qui les compareront à Tinnocence & 
à la pureté des mœurs des femmes de 
Turquie, de Perfe , du Mogol, de la 
Chine & du Japon , verront bien qu'il 
eft fou vent auflî néceffaire de les fépareir 
des hommes , lorfqu'on n'en a qu'une , ' 
que quand on en a pluûeurs* 

C'eft le climat qui doit décider de 
ces chofes. Que ferviroit d'enfermer les 
femmes dans nos pays du nord , où leurs 
mœurs font naturellement bonnes ; oit 
toutes leurs paflîons (ont calmes , peu* 
aûives ^ peu rafînées j où l'amour a lue 



Liv, XVI. Chap. XL iij 

ïe cœur un empire fi réglé , que la moin- 
dre police fuffit pour les conduire? 

Il eft heureux de vivre dans ces cli- 
mats qui permettent cju'on fe commu- 
nique ; oh le fexe q^i a le plus d'agré- 
mens , femble parer la fociété ; & oii 
les femmes ferefervant aux plaifirs d'un 
feu! , fervent encore à Tamufement de 
tous. 



/ 



CHAPITRE XII. 

• - - 

De la pudeur naturelle. 

TOUTES les nations fe font égale- 
ment accordées à attacher du mé- 
pris à l'incontinence des fenmies : c'efl: 
que la nature a parlé à toutes les na- 
tions. Elle a établi la défenfe , elle a 
établi l'attaque ; & ayant mis des deux 
côtés des defirs , elle a placé dans l'un 
la témérité , & dans l'autre la honte. 
Elle a donné aux individus^pour fe con- 
ferver de longs efpaces de temps , & 
ne leur a donné pour fe perpétuer que 
des momens. 

" Il n'eft donc pas vrai que l'inconti- 
nence fuive les lois de la nature ; elle 



JI4 De i'ESPRIT DES toîS^ 

les viole au contraire, C'eft la modeftîe 
& la retenue qui fuivent ces lois. 

D'ailleurs il eft de lanaturedes êtres 
intelligens de fentir leurs imperfeâions t 
la nature a donc mis en nous la pudeur p 
c'eft-à-dire la honte de nos imperfec- 
tions. 

Quand donc la puiffance phyfique dç 
certains climats viole la loi naturelle 
des deux fexes & celle des êtres intelli- 
gens , c*eft au légiflateur à faire des lois 
civiles qui forcent la nature du climat 
& rétabliffent les lois primitives. 

CHAPITRE XIIL 

De la Jaloufie, 

IL faut bien diftinguer chez les peu^ 
plçs la jaloufie de paflion d'avec la 
jaloufie de coutume , de mœurs , de 
lois. L'une eft ime fièvre ardente qui 
dévore ; l'aiure froide, mais quelque-» 
fois terrible , peut s'allier avec l'indifc 
férence & le mépris. 

L'une , qui eft un abus de l'amour^ 
tire fa naiffânce de l'amour même. L'au- 
tre tient uniquement aux mœurs y aux 
0ianieres de la nation y aux lois du pays^ 



Iiv. XVI. Chap. XHI, tï% 

à la morale , & quelquefois même à la 
religion (tf). 

EUe.eftprefquetovijoiU's l'effet delà 
force phytique du climat , & elle eu le 
remède de cette force phyfique.' 



CHAPITRE XIV- 

Vu gouvernement de la maijbn en orieni^ 

ON change fi foitvent de femmes en 
orient , qu'elles ne peuvent avoir 
le gouvernement domeftique. On en 
charge donc les eunuques , on leur re- 
met toutes les clefs , &C ils ont la dif- 
pofition des affaires de la maifon. «Eii. 
» Perfe, dit M. Chardin, on donne aux 
» femmes leurs habits , comme on fe-. 
>» roit à des enfkns ». Ainfi ce foin qui 
femble leur convenir fi bien , ce foin quî 

Î>ar-tout ailleurs eft le premier de leur$ 
oins ^ ne les regarde pas. 

(a) Mahomet recoinnianda s fçs ie^btetits • ê9 

rdcr leurs femmes : cm cerrûn îman dit ep mourant 
même chofe ', & Çonfuçiu* n*^ pas moins prêché 
cette doûilce. 



Vi6 De l'esprit des Lots, 

i ■ ' - 

CHAPITRE XV. 

Du divorce & de la répudiation^ 

IL y a cette difFéreftce entre le divorcé 
& la répudiation , que le divorce fe 
fait par vin confentement mutuel à Toc-» 
cafion d'une incompatibilité mutuelle; 
au lieu que la répudiation fe fait par la 
volonté & pour l'avantage d'une des 
deux parties , indépendamment de la 
volonté & de l'avantage de l'autre. 

II eft quelquefois fi neceffaire aux fem- 
mes de répudier, & il leur cft toujours 
fi fâcheux de le faire , que la loi eft dure, 
éui donne ce droit aux hommes , fans le 
conner aux femmes. Un mari eft le maî- 
tre de la maifon ; il a mille moyens de 
tenir ou de remettre fes femmes dans 
le devoir, & il femble que, dans {es 
mains , la répudiation ne foit qu'un nou- 
vel abus de fà puiflance. Mais une feni- 
m^qui répudie , n'exerce qu'un trifte 
remède. C'eft toujours un grand mal- 
heur pour elle d'être contrainte d'aller 
chercher un fécond mari , lorfqu'elle a 
perdu la plupart de (es agrémens chez 
un autre. C'eft un des avantages des 



Liv. XVI. Chap, XV. n7 

charmes de lajeuneffe dansles femmes» 
que , dans un âge avancé , un mari fe 
porte à la bienveillance par le fouvenir 
de fes plaifirs. 

C'eft donc une règle générale ^ que 
dans tous les pays oii la loi accorde aux 
hommes la faculté de répudier , elle 
doit auffi l'accorder aux femmes. Il y a 
plus : dans les climats oîi les femmes 
vivent fous un efclavage domeftique ^ 
il femble. que la loi doive permettre 
aux femmes la répudiation , & aux 
maris feulement le divorce. 

l^orfque les femmes font dans un 
férail , le mari ne peut répudier pour 
caufe d'incompatibilité de mœurs : c'eft 
la faute du mari , fi Içs mœurs font in- 
compatibles, 

La répudiation pour raifon de la fté^ 
rilité de la femme , ne fauroit avoir 
lieu que dans le cas d'une femme uni- 
que (a ) : lorfgue Ton a plufieurs fendî- 
mes , cette raifon n^eft pour le mari 
d'aucune importance. 

La loi des Maldives ( i ) permet de 

( a ) Cela ne (ignifie pas.que la répudiation pour rai- 
fon de la ÂériUté > foit permile dans le cbriftianifme. 

(h) Voyage de fr:^nçois Pyrard, On la reprend 
plutôt qu*une autre \ pacce que * d^ns ce cas % U hvX 
«loiiu de dépeofç^. 



%iS De l'esprit î>es Lois, 

reprendra une femme qu'on a répu- 
diée, La loi du Mexique (a) défenaoit 
<le fe réunir , fous peine de la vie. La 
loi du Mexique étoit plus fenfée que 
telle des Maldives ; dans le temps mê- 
me de la diffolution ^ elle fongeoit à 
réternité du mariage : au lieu que la loi 
des Maldives femble fe jouer également 
du mariage & de la répudiation. 

La loi du Mexique n'accordoit que 
le divorce, C'étoit une nouvelle railbn 
pour ne point permettre à des gens qui 
s'étoient volontairement féparés , de 
fe réunir. La répudiation fenible plutôt 
tenir h la promptitude de Tefprit , & à 
ouelque paffion de T^me ; le divorce 
iembie être une affaire de confeil. 

Le divorce a ordinairement une gran- 
de utilité politique; & quant à Tutilité 
civile , il eft établi pour le mari & pour 
la femme , & n'eft pas toujours favo* 
Yable aux enfans. 

(il } Hiiloire de ft coirqiiéte « pir Sotit > p. 499. 




Liv. XVI. Chap. XVI. ii| 

>■' ' — 

CHAPITRE XVI. 

De la répudianon & du divorce che^ /es 

Romains. 

ROMULUS permit au mari de répu- 
dier fa femme , fi ellç^ avoit com- 
mis un adultère , préparé du poifon , 
ou falfifié les clefs. Il ne donna point 
aux femmes le droit de répudier leur 
'mari. Plutaraue (^i) appelle cette loi , 
une loi très-aure. 

Comme la loi d'Athènes (b) donnoit 
à la femme , auffi-bien qu'au mari, la fa- 
culté de répudier ; & que l'on voit que 
les femmes obtinrent ce droit chez les 
premiers Romains nonobftant la loi de 
komulus ; il eft clair que cette inftitu- 
tion fut une de celles que les députés de 
Rome rapportèrent d' Athenes,&qu'elle 
ïut mife dans les lois des douze tables. 
Cicéron (c) dit que les caùfes de ré- 
pudiation venoient dé la loi des douze 
tables. On ne peut donc pas dWter que 

'41 ) Vie de Romnluc. 
[ b ) C'étoit une loi de Solon. 
Je) Mimam res fuas fihihtibert jujpt^ ix dUê^Uim 
êêhuUs cauffam ûdiiMt, PhtHp, U. 



iio De l'esprit des LoiSV 

cette loi n*ent augmenté \% nombre des 
caufes de répudiation établies par Ro- 
mulus. - ' 

La faculté du divorce fut encore une 
difpofition ^ ou du moins une confé- 

2uence de la loi des douze tables. Car, 
es le moment que la femme pu le mari 
avoit féparément le droit de répudier , 
à plus forte raifon ppuvoient-ils fe 
quitter de concert , & par une volonté 
mutuelle, 

La loi ne demandoit point qu'on don- 
nât des caufes pour le divorce (a). C'eft 
que , par la nature de la chofe , il faut des 
caufes pour la répudiatipn , & qu'il n'en 
faut point pour le divorce ; parce que li 
oii la loi établit des caufes qui peuvent 
rompre le mariage , l'incompatibilité 
mutuelle eft la plus forte de toutes. 

Denys d* HalicarnaJJc (^ ) , VaUn-Md" 
xime (c), & jiulugcUe (^) , rapportent 
im f^it qui ne me paroît pas vrailembla- 
ble : ils difent que , quoiqu'on eut à 
Rome la faculté de répudier fa femme , 
on eut tant de refpeû pour les aufpices , 
que perfonne , pendant cinq cents vingt 

a) Juftinien changea cela» n^rel, II7 » ch. x« 

h ) Liv. H. 

^ ) Liy. II , chapi. iv. 

</J Liv, IV , cbap. m. 

ans 



i 



>c 



3, 



Liv, XVL Chàp.- XVL lit* : 

Ms (a) , n'ufa de ce droit jufqu'à Car-* 
vilius Ruga^ quî répudia la iienne pour 
<aufe de ftériltté. Mais il fufEt de con- 
noître la nature de l'efprit humain , pour 
fentir quel prodige ce feroit , que la loi 
donnant à tout un peuple un droit pa- 
reil , perfbiine n'en ufât. Corîolan par- 
tant pour fon -exil , confeilla (k) à fa 
femme de fe marier à un homme plus ' 
heureux que lui. Nous venons de voir ' 
ue la loi des douxe tables , & les mœurs ' 
es Romains , étendirent beaucoup la 
loi de Romuius, Pourquoi ces exten- • 
£ons , fi on n'avoit jamais fait ufage de 
la faculté dç répudier ? De plus , fi les 
citoyens eurent un tel refpeâ pour les 
avifpices , qu'ils ne répudièrent jamais , 
pourquoi les légiflateurs de Ro^ne en ^ 
eurent-ils moins ? Comment la loi cor- = 
rompit-elle fans ceffe les moeurs ? ♦ ^ 
En rapprochant deux paffages'de i'Za- •• 
torque, on vena difparoitre le merveil-'i 
leux du faitenqueftion. La loi royaU (<:)• i* 
perméttoit au mari de répudier dans les : 

(«) Selon Denys d'Halicarnaffe & Valere-Mâ^în^o J 
&'5^^ , félon AulBgelle. Auili ae m«ttent-U$ pas ie^ 
inlmesconfuls*^, t -, .1 JL' "''^ 

i^J. Voyez le difipQur^ ,dp V4tmc 1 daat Deoyf i 
id'HiUcamaffe , liv. Vin. .z : * , - 

Tome II. F 



%%% D.EX^ËSPRiT DES Lois-, 

trois cas .dpnt nou^ avons parlé, « Et 
» ^Ue voulait , dit Plutarque (a) , que 
y> jcelui qui répudiroit dans d'aytres cas , 
» fîu obligé ae donner la moitié de fes 
» biens à ià femme , & que l'autre moi- 
» lié fut confacrée à Cercs ». On pou- 
vait donc répudier dans tous les cas, en 
fci fqum^ttant à lapeine; Perfonne ne 1% 
û\ avant CarviUus Ruga (^) ; « qui , 
♦> comme dit encore Plutarque (c) , ré- 
ff pudiîï fa femme pour caufe de ftérilité, 
j* peuxç^nts trenteansaprès Romulus » : 
c'ieft'sà-dirç^ qu'il la répudia foixante & 
onze ansiavant la loi des.douze tables, 
qvi étendit le. pouvoir de répudier, & 
1^ caufes de. répudiation. 

Les auteurs que j'ai cités , difentque 
QaçviUus Ru^ aimoit fa femme ; mais 
Gu'à çaufe de laftérilité , les cenfeurs lui 
nrent faire fennent qu'il larépùdieroit , 
ai^ ^'il pût donner des enfans à la ré- 
publique^ &C que icela le if ndit odieux 
3i| ptupleii II faut connoître le génie du 
pçupleRomaia, pour découvrir la vraie 

(é^ Flutëfquêt vie de Romulus. 

fï} Ëéfeâîv«m»nt , la caufe <le MiiMxi n*eft point 
portée par la loi de Romulus II y a apparence qu'il ne 
^i9polfitrejjetàii>con£fcallbn t pB>rqtt*il ^nivoit l'ordre 
des cenfeurf. 

{f) D^aps b çopp«9ifiift4tt Th^fdt & de Ropuiul^ 



r' 



LiV. iCVI, Cha*. XVI. itj 

€a.u{e4e la hame qiL*il conçut peur Caiv- 
vilius. Ce Ji'eft point parcè-^i|e Carvi- 
lius répudia fa femme , qu'il tomba dans 
hxf^race dû pèupk : c V A une * chofei 
dont le, peuple ne. s'emfe^afraffoit pas. 
Mais Càrviliusavoit fait un. ferment 
aux cenfeurs, qu%tendù là ftérilité de 
fafemmç, iHarépudiermt^pottr donner î 
des enfaos à la république. C'étoitim 
joug- que U peuple voyoit que lés cen- 
ieursalloient mettrefur lui J^ fêtai voir 
dans la fuite (a) de cet ouvrage les ré- 
pugnances qu'il eut tou joUts pout dès réf 
glen^ns pareils. Mais d'oui peut vecûi?- 
une telle çontr^diâion entreces auteurs J> 
Le voijci : Plùtarque a exanainé un fût , . 
& les autres ont raconté, une merveille», 

{«J Au l^v« XXm. chap. xxi. 




1 > .. - 






Fij 



'ï2A Dec i^esprit i>es Loi$r 

. LIVRE XVII.: 

Comment les Lois de la ferviiudc 
•• pptiîiaue ont dufappori^âvçç la 
'.tiaturc\dy. climat, 

^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^^ 

CHAPITRE PREMIER. 

JP< la firv'uuit politique. 



\ . 



1; A fervitude: politique ne dépénc} : 
^pas moins de la nature du climat ,' 
cfue ha civile & la doiîieftiqitè ,' Comme 
o;i va le faire .voir, 



C H A P I T R EU, ' 

'Piffinnçc des peuples , par rapport au 

courjtge. 

NOUS avons déjà dit que la grande 
chalçur énerVQit la force & le cou- 
rage des hommes ; & qu*il y avdit dans 
les climats froids une certaine force de 
corps & d'efprit , qui rendoit les hom-r 
ipçs capables des gtûions longues, pé.^ 



Tiv. %m CnAP. W fïj 

ttibles-, grandes & hardies. Cela fc re* 
iiiarque. i>on-feillement de natîoo à na- 
tion , mais encore dans le même pays 
d'une partie à une autre. Les peuples 
du nord de la Chine (a) font plus ccJU* 
rageux que ç^ux du midi; lespeMples 
du midi de la Corée (f) ne le font pas 
tant que ceux du nora. 

Il ne faut donc pas être étonné que la 
lâcheté des peuples des climat^, chauds 
les ait prefgue toujours rendu ^çlaves^ 
i5^ que le courage des, peuples des cli*- 
mats froids les ait maintenus libres* 
C'eft un effet qui dérive de fa çaufe na-*, 
turelle. 

. Ceci s^eft encore trouvé vrai dans l' A^ 
mérique ; les empires defpotique;s duMe* 
xique & dvi Pérou étoient vers la ligne, 
& prefque toyis les petits peuples libres 
étoiçnt, & ib/it encore vers les pôles* 

(«) Le P. 4tî HaUe , tome î. page m. 
{i) Les livras Chinois le à\{9SX ainû. ibid« tome IV^ 
page 448. . ,,,_ 



» . 



• T 






1 






^^ 






•r« 



m 



jtS De i/isp«it i>es Loff^ 



Smim 



CHAPITRE; ÏIL 

l}u climat de F A fa* 

TT ^is relations, nous difeiit (tf) que 
jLj ^ le nofd de 1* Afie , ce vàfte contî* 
vnent qui'va du quarantième degré oiv 
n eiavlron pifques au pôle , & des fron-^ 
♦►tieres'de laMofcovie juftju'à la mer 
^ orientale , eft danstin clîmattrès-froid ? 
m" que ce terrain îmménfe eft divîfé de 
y^ Picmeftà l!éft par une chaîne' dé mon- 
\ ff tagrtes, qui laiffent au* nord li Sibérie ^ 
>^&- au midMa grande Tartariè : que le 
i¥ climat de la Sibérie eft fi froid , qu'à la 
y^ réfervede quelques endroits, elle ne 
•H peut'^êtne cultivée ; & que , quoique 
#^ le^'Ruffes aient des établiflemens tout 
^ lelongdterirtîs , ils n'y dïltivent rien; 
ir qu^il ne vient dans ce pays que queW 
» ques petits fapins &c arorifieaux ; que 
^. les^iiaturelsdu pays{bntdivifés«nde 
n miférables peuplades, qui font comme 
n celles du Canada : quela raifon de cette 
» froidure vient4*un^té de la hauteur 
» du terrain ; &.<le P»utrc , de ce qu'à 

{a) Voyez les voyages du Nord . tome VHI ; VïùC* 
toire des Tartarcs , & Itt quattleine volume de It Cbioe 
du P.. du Haldu 



Liv. XVIt. Chap.III. 117, 

>> mefure que Ton va du midi^u nord, 

H les montagnes s'applaniffent ; de fortô 

» gue le vent du nord foufSe par-tout 

» rafts trouver d'obftacles : que ce vent 

» qui rend la nouvelle Zenîble inhabi- 

» table , foufBant dans la Sibérie , la rertd 

» inculte. Qu'en Europe , au contraire, 

'» les montagnes de Nôrrege & de Lâ- 

' » ponie fôht des boulevards admirables , 

'» qui couvi"ent de ce vent les pays du 

'w nord : que cela (Biiq\x'kStock/wlm j qui 

'ntûk Cinquante-neuf degrés de lati- 

» tude ou environ , le terrain proditît 

-n des'fruits , des grains , des plantés ; & 

n qu'autour à^Abo , qui eft au ibîxanfè- 

'n uhiëme degré , de même que ver^ l%s 

'>> fôixànte-tfois & foiMnte-quatre , U*y 

n â^ des mine^ émargent , & qiie lé teri^m 

>^liflez>fertile ». 

•Nous voyons encore dans les rèl^-* 
^tîons que « 4a grande ^T^rtàfiè ,'qal efi 

> au midi de la Sibérie, eft auffi très- 
» froide ; que le pays ne fe-culti Ve point, 

> qu^on n^y trouve que dés pâturages 
Vpour les troupeaux ; qu'il n^ croît 
^y> point d'arbres , mais quelques broUC* 

» failles , comme en Iflànde : qu'il y a 
» auprès de la Chine & du Mogol quel- 
itques pays oii il croît une eipece d« 

F iv 



1 



-\it De jl'esprit des Loîs^ 

» millet, maïs que le blc m le rizt>'y 

» peuvent nxùrir : qu'il n'y a guère d'efi- 

» droits dan$ la Tartarie Chinoife, aux 

_ ».4j^ 44 & 45"^" dçgrés^. ohï\ me gelé 

, H fept oii:buit mois de Fannée ; defoiîte 

j » qu'elle efr auffi froide que l'Wande y 

^ » quoiqu'elle dut être plus chaude que 

. » le midi de la France : qu'il n'y a point 

^ » de villes , excepté quatre ou cinq vers 

r » la mer orientale, & quelques-unes que 

t >^ les Chinois , par dçs raifons de poli- 

^ >> tique 5, ont bâties près delà Chipe; que 

>* dans lé refte de la grande Tart^rie^il 

^ n'y en a que queïques-imes placées- 

, ♦> dans les Êouchàries ^ Turke^an & 

: » Charifme : que la raifon de cette ««-^ 

,^ trême froidure vient de la nature du 

- », terrain, nitreux , plein de falpêtre & 

» fiablonneux , & de plus , delà hauteur 

. » du terrain. Le P. Vcrb'ujl avoit trouvé: 

n qu'un certain endroit, à 8a lieues au? 

>> nord. de la grande nxuraille, vers la: 

^ fource de iCavamhiu-am^, excédoit la^ 

V Kauteur du rivage de la merprçs di? 

» Pekïade jooo pas géométriques ; que 

n cette hauteur {a^ m caufe que , cjuoi- 

» que quafi toutes les grandes rivières^ 

• fa) La Tartarle eft. donc comme une ergecfi: dfab 



tiv. xvii. Chap. iir, 11^ 

il de PAfié ayerit Wuf fôiirçô dans le 
» pays, il irtanque cependant' d'eau ^ 
fc' de façon àVr'il Ae peut éfre habité 
» qu'auprès'aes rivières & des lacs >»,■ 

Ces faits pofés , je raifonne ainfi : 
L'Afie ri'a pbint" proprenrent de zone 
tempérée ; & les lie 
tlimat très-froid , y t 
lemeTitceuxqaifonti 
chaod,' c'eft-â-dire , la 
leMogol',l3CÎHirb;rï 

En Etirppe , aucon 
pérée éft irès-étendu' 
fitiiéé dans des' climats" très'-dilférens 
Éntr'eiiX', n'y ayant point de rapport 
entré lés cHniats d'ÈfoagHe'& dTiàJie , 
&ceiix deNora'egeK.'de Suéde, Mais 
Coiiïme lé clinfat y devient ïnienfîbte- 
ment froid en allant du midi au nord , à 
peu près à proportion de la latitude de 
Chàquepayffiily arrive anechaquepays 
«ftà pen pfësfémhlable a cfelui qui en èïî 
Voifin; qu'iI'h'yapasùnenoîable'difF&- 
fence ;' &r qoe -,^cbttime je -viéhs de le 
dire,l3ionetempéréeyefttrcs-étendueJ 
De-là il fuit qu'en Afie , les nations 
font oppofées aux nations du fort au ■ 
foible i les peuples guerriers , braves , &; 
9âi£s , tQuchçaç inunédiatement des 



130 De L^jE5PiWT frks Lôf», 

P euples efféminés ^ pareffeux , timides i 
^ faut donc que Tun foit conquis , Se 
'^^utre conquérant. En Europe , au con«^ 
^ire , les nations foct oppofées du fprt 
*tt fortf celles quife touchent ont à peu 
près le même courage, C*eft la grande 
raifon de la foibleffe de TAfie & de la 
force de llEurope., de la liberté de l'Eu- 
rope & de la fervitude de l'Afie ; caufe 
que je ne fâche pas que l'on ait encore 
temarquée. C'eft ce qui fait qu'en Afie, 
ïl n'arrive jamais que la liberté augmen- 
te ; au lieu qu'en Europe elle augmenteF 
pu diminue , félon les eirconôances. 

Que la aobleffe Mofcovite ait été ré-^ 
duite en fervitude par vm de &s princes , 
en y verra toujours àes traits d'impa* 
tience que les cGmats du midi ne don-» 
hent point. N'y avons^nous pas vu le 
gouvernement ariftocratique établi pen**- 
Sant quelques jours î Qu'uaautreroyau- 
ine du nord ait perdu fes lois, on peut 
5'én fier au climat , il ne tes a pas per* 
eues d^une jnaniere irrévacabïe»^ 






Liv. xyil. Chap. tV. f^t. 



MM 



CHAPITRE IV. 

Conjiqumcc de ceci. 

CE que nous venons de dire , s^ac-* 
corde avec les événemens de l*hifr 
toire. L*Afie a été fiibjuguée treize fois; 
onze fois par les peuples du nord , deux 
fois par ceux du midi. Dans les teitfpï 
. redilés , l^s Scythes la conquirent troii 
fois; enfuite les Medes & les Perfc^ 
chacun une ; les Grecs , les Arabes , les 
Mogols , les Turcs , les Tartares , les Fer* 
fans & les Aguans. Je ne parle que de la 
haute Afie , & j e ne dis rien dés in vaûofllB 
^tes dans le refte dii midi de cette par-» 
:tie du monde , qui a continuellement 
foufFert de très-grandes, révolutions. 

En- Europe^ au contraire , nous. ne 
trohnoiflbfe , depuis rétabliffémeht des 
colonies Grecques *& Phéniciennes , que 
■quatre grâhds changemens ; le prémier*^^ 
%aufé-par les conquêtes des Romains ; 
le fécond , par les inondations des^Bar^ 
'bares qui aétruifirent ces même^ Ro- 
iftaiiîs; letroifieme, parles viftolres de 
'Chaflfenfegne ; & le dernier , par les inVà- 
•fions des Normands. Et fi Ton exàtnïne 
^en cèci^ èa trouvera daii^ ces chaii-r 

F V) 



%5i De t'^ESPHit n-ES LaiBr 

ge^em même nne- forte générale* re*^ 
pandue dansi toutes les< parties de TEiiW 
rope. On fait la difficulté que les Ro*-^ 
mains trouvèrent à conquérir en Eu— 
ix>{5eV & lalfacilitrqu'ils.eurent àren!r 
vahir l'Afiç;;. On CQnnoît les peines qnô. 
}es peuples du' nord eurient à rerivener* 
l'empire Romain ^ les guerres &.les tra»- 
yaux deGhariemagixei».les diverfesent^ 
Jreprifes des Normands. Les deftraûeur&i 
«toient ians> ceffe détruits*.. 



"^î^ 



9 




C H A E I T R È V.. 

i *, 

'^ues quandfksptupks du nord^ de CAJiê y, 
" & ceux du nord detEuropt ont con^ 
: guis^ tts effets de. la conquête rûitoientz 
paiUs mêmcs^, 

ES peuples dit nord de TEuropr 
l'ont conquiie en hommes rihre3-;: 
I(2S peuplçs du nord de TAfie Pont qqt^ 
qviife en efclaves ,,& n'ont vaincn qu© 
^^our un maître, . 

La raifon en efl^ que le peuple Tar^ 

.tare , conguérant naturel de rÂûe, «ff 

devenu, eiclave lui-même. Il cona^ieiC 

, ians ceffe dans le midi de TAfie,- il forme 

^^ empires^ mais la par^^ dç l|ijaa4oi| 



jqfiri rdle^ans le pays y (è trôiive fou- 
niifeà un grand maître y qui , defpotique 
ifans le midi ^ veut encore l'être dans le 
nord ; &; avec un pouvoir arbitraire fur 
les fûjets conquis y le prétend encore 
fur les fuîets conquérans. Cela fe voit 
Jbien aujourd'hui djais ce vafte pays , . 
qu'on appelle laTartariè Chinoife , que 
l'empereur gouverne prefiqu'auifidefpo- 
tiquemc«t que 1 a Chine même , & qu'il 
étend tous les jours par fes^conquêtesw 

On peut voir encore dans l'hiftoire 
,de la Chine , qae les empereurs T^) Oïtt 
envoyé des colonies Chinoifes d^is la 
':Tartarie. Ces Chinois ibnt devenus^^ 
Tartares , & mortels ennemis de lît 
Chine; mais c^ela n'empêcl^ pas qu'ils, 
n'ayent porté dans la Tartarie l'efpfït 
du gouvernement Chinois^ 

Souvent une partie delà nation Tai^ 
.tare qui a conquis eft chaiîee elle^^nâmej 
& elle rapporte dans fes déferte un efprit 
de fervitude qu'elle a acquis dan» le cli^ 
piatde l'eCclavage. L'hiftcâredelaChine 
nous eh fournit d«rgrands exeipples, &C 
notre hiftoire ancienne aulfi (b). 

(a) Comme Ven-tî , cinquième empereur de là cia.». 
^meme dynaftie» 
•I {h) Les Sf^tiies conquirent trois fois TAfie» & mf 



/ 



-Ï34 lyis: i/n^PKiT dès Lorr; 

C'eft ce qui a fait que le génie de la 
nation Taitare ou Gétique , a toujours 
été femMable à celui des empires de 
TAfie. Les peuples dans ceux-ci font 
gouvernés par le bâton ; les peuples 
Tartares , par les longs fouets. L'elprit 
de l'Europe a toujours été contraire à 
ces mœurs ; & dans tous les temps , ce 
■^ue les peuples d*Afie ont appelle puni- 
lion , les peuples d*Europeront appelle 
outrage (<j). 

Les Tartares détruifant Tempire Grec, 
établirent dans les pays conquis la fer- 
vitude & le defpotifme : les Goths con« 
quérant Tempire Romain, fondèrent 
par-tout la monarchie & la liberté. 

Je ne fais û le fameux Rudbcck , qui 
dans fon Atlantique a tant loué laSkran- 
dinavie , a parlé de cette grande préro- 

Î;ative qui doit mettre les hâtions qui 
'habitent au-defllis de tous les peuples 
du monde ; c'eft qu'elles ont été lafource 
-4e la liberté de l'Europe , c'eft-à-dire > 
'de prefque toute celle qui ^cft aujouf- 
:d'hui parmi les homuFtes. 

(«) Ceci n*eft pdlnt contraire à ce que je dira! ats 
^lïv. XXVUI. ch. XX. fur la manière de peitfer des peu* 

pies Germains fur le bâton : quelqu'inininnent que tr 
rfii( ; ^Is r^gard^reftc tcrajouni comme un gflront », \% 

pouvoir ou r&âîÂa Aibitiaire dç £iàui«» 



JLiV. XVII. Cha-p. V. tin 

r- Le Goth Jornandc^ a appelle le nord 
ae l'Europe la fabrique du genre hu^ 
œain (a). Je rappellerai plutôt la fabri- 
que des iiiftruinens qui brifent les fers 
forgés au midi» C'eft là que fe forment 
ces nations vaillantes , qui fortent de 
leur pays poiu- détruire les tyrans & les 
eiclaves^ &C apprencke aux hommes 
que la nature les ayant fait égaux ^ k^ 
raifon n'a pu les rendre dépendans qa^ 
poiir leur bonheur. 

(a) Hunuud generis officiaénm 

CHAPITRE VI. 

Houvctk cauft^hyjiqutdt lafirvttudc d^ 
VAfit & de la liberté de C Europe. 

EN Aiie , on atoujours vu de grmds 
empires : en Europe ^ ils n'ont ja?* 
itiaispu fubfifler. C'eûiquerAfieque 
oouseoimoifl'ons, a de plus graines pW 
nés i elie-efl coupée en phtsgrénds mor-^ 
fewocpar les mers ;,& comme elle eflpdus 
tu mi(u , lesibupces yf ont plus aifément 
taries > les imonta^es y font moins 
couvertes de neiges , & les fleuves {*) 

(j) Les twosL feperdcnfoH s'^yaporçnt &vantde^' 



/ 



>i^6 Dé t^ʧFÂiT éËS Lôii^ 

moins gf oflis *y fônticnt lié moinéttei 
barrières* ' ^ '. 

La puiflance doit 6ànc ê*re totijfot^rs^ 
defpotique en Afie.Çar^là fervitude 
tï*y éto'ît p^ extrême ^ il fe feroit d'à-* 
bord lin partage que la natiîre du pays 
ne peut-pas fouffrin * : . • • - 

■ En Eiaropé , le* partagé nôturd forrttef 
plufi^urs états d'une étendue inëdip-' 
cre , dans lefq^éls le ^otiV^etnenïtent àèi 
loisn'eft pas îneompatiMe avécïle main4 
tien de Tétat ; au contraire ^ ily eft & 
^avorabley que fans elles ^ cet état tombf 
dans la décadence , & devient inférieur 
à tous 4es autres. > 

G'eft ce ^ui y a fbr0j4. un. génie (Iç 
liberté y qui rend chaque partie trçs-dié^ 
ficile à être fubjuguée & foumife à une 
force étrangère , autrefnient qûé par les 
lois & l'utilité de fon commerce. 

Au contraire ^ il n^gne en Afic 'un ef^ 
prit de fervitude qiû lïe î^k jama^^ qui^ 
tée, & dans toutes les htâoires d« ^cô 
pîcjrs , il n'edd pas poffiWe ^ée trowvef 
un feul trait qui marque une abe librè^î 
on n'y verra jamîûs que l'hétoifm^ii^ 
fofervitude,^ - ^ i 






Liv. XVII. Chap. vu. fjy 



CHAPITRE VIL 

De t Afrique & de t Amérique^ * 

VOILA ce que je puis dire fur PAfié 
& fur l'Europe. L'Afrique eft dans 
un climat pareil à celui du midi de 
l'Afie , & elle eft dans une même fervi- 
tude. L'Almérique (a) détruite & nou- 
vellement repeuplée par les nations de 
l'Europe & de TAfrique , ne peut guère 
aujourd'hui montrer fon propre génie : 
mais ce que nous, favons de fon an- 
cienne hiftoire eij très-conforme à nos 
principes. -' 



CHAPITRE VI»L 

De la capitale de t Empire. 

UNE des conféquences de ce qite 
nous venons de dire, c'eft qu'il eft 
important à un très-grand prince de bien 
choifir le fiege de fon empire. Celui qui 

{a) Les petits peuples barbares de rAfnérîqoc- font 
appelles Udios bravos , par les Efpaçnols :: bien plus 
ëiiHcifes à founiettre (^ue Us grands empiie^ daMexiq^ 
^duPéroUt 



iî8 Di L*ESî>RîT DIS Loiis^ 

le placera au midi courra rifque de p€r* 
dre le nord ; & celui qui le placera au 
nord, confervera aifément le midi. Je 
ne , parle pas des cas particuliers : la 
mécanique a bien fes frottemens , qui 
fou vent changent ou arrêtent les eSeis 
de la théorie; la politique a auffiles 
ûens. 









Lrv. XVin. CHJif.t 1-0 

LIVRE XVIII. 

'Des Lois dans le rapport qu elles orit 
avec la nature dit terrain. 



asaa 



CHAPfTRE PREMIER. 

Comment la nature du urrain infiuc Jià^ 

Us lois. 

jT A bonté dçs terres d'un pays y éta** 
i-i blit naturellement la dépendance. 
Les gens.de la campagne qm y font la 
principale partie du peuple ^ ne font pa^ 
fi jaloux de leur liberté: ils font trop 
occupés & trop pleins de leurs affaires 
particulières. Une campàgnequi regorge 
de biens , craint le pillage ^ elle craint 
wne armée. « Qui eft-ce qui forme le 
» bon parti , difoit.Cicéron à Atticus (a) ? 
»> Seront-ce les gens de commerce 8c 
>> de la campagne } à moins que nous 
» n'imaginionç qu'ils font oppofés à là 
» monarchie , eux , à qui tous les gou- 
» vernemens font égaux, dès-lors qu'ils 
» font tranquilles >^* 

M Livre VIL 



140 Dé L'feSPRiT bES Lois, 

Ainû le gouvernement d'un feul*^ie 
trouve plus fouvent dans les pays fer- 
tiles ,*& le gouvernement de ^lufieurs 
d^ns les' pays qui ne le font pas ,\ce t[ui 
cft quelquefois un dé.doiimagement. 

La ftérilité du terrain de TAttique y 
établit le gouvernement populaire ; & 
la fertilité de celui de Lacédémone, le 
gouvernement ariftocratique. Car, dans 
cè^-temps^là , on ne vouloifpoint dans 
la Grèce du gouverhement d'un feul : 
or le gouvernement ariftocratique a 
plus de rapport avec le gouvernement 
d'un feul. 

Plutarque (^) nous dit que la fédition 
Cilônienne ayant été appaifée à Athè- 
nes, la ville retomba dans (es anciennes 
diffentibns , & fe divifa en autant de 
partis qu'il y avoit de fortes dé 'terri- 
toires dans^ les pays de fÂttique. Les 
gens delà montagne vouloient à toute 
iorciclé^ouvemement populaire ; ceux 
de la plaine dertiandoient le gouverne- 
tnem des principaux; ceux qïii étôient 
^rës de la mer , étoient pour un gouver- 
nement mêle ddà deux, ' 



i* 



(«} Vie de SoIoQ. 



Liv. -xyill. Chap, II. 141: 

■■■I ' '" " »;' '1' ■" '1 ■ ' 111^ 

C H A P I T R E ri. 

» - - 

Continuation du mçmc fujct. 

GJ ES pays fertiles font çles plaines ^ 
^oîi roh ne peutrîeri îdiïputer au 
plu^ i$>xt:\Qa fe fo^met cl^ncà lui ; ÔC ." 
quand Qn liji eft fournis, Tefprit de U-;, 
bçrté n'y fauroit revenir ; les biens dje 
la campagne font un gage de la fidélité. . 
Mais dans les pays de. montagnes , on 
pçut Gonferver çeque l^Qn a , Ôc Hon a , 
ppu à oçqfery^/L^ liberté > c'eftrà-dire 
le gouvernement dont on jouit , eft Iç. 
feul bien qui méifite. qu'on le ^éfend^. 
E/le rçgn? àoryc plus dans lies pay^ mon-' 
t^neux & difficiles , que d^ns ceux que 
I^nature /einblQjt avoir plii^/i^MÇiriféSf - 
^Z^esimpgtftgn^d^c^nferygf^tiMn.gQiij- ^ 
v&tn^vç^p^ pliism^déjf-» p^ce,q^i'ilsiie - 
fcjqt^pss fi ^rt:€x|>pd1é^&;^4a:ÇQnqv*ête* ; 
U^ fe défçi^d^nt aifémei^t , ^Is fotit atta^ ;. 
qirés difficilement ; les ipuiiitions de - 
g\ierre ôc de twjuçhe font alTeipîblées &; 
pçrtéçs gon.tr'ç^^gveç beauc^ig 4® 4é- . i 
pe'nfe , le pays ipfm fptirpit |)oiptiill eft ;. 
d9^cpUfs#%M^4gl§ui?ifftîre iag>i^r9,^ 



t4i De Vesvrït des Lois, 

t^tttes ks lois que Ton fait pour la fa-^ 
reté du peuple y ont moins de Ue^. 

CHAPITRE III. 
Ç^uels font Us pays ks plus culnvis* 

LES pays ne font pas cultivée en 
raifon de leur fertilité , mais en rai- 
fon de leur liberté; & fi ToBi^divife la 
terre par la penfée , on fera étonné de 
voir la plupart du temps des déferts 
dans iés parties les plus fertiles j & de : 
grands peuples dans celles oîi le terrain 
lemble refufer tout. 

Il eft naturel qu'un peuple quitte un 
mauvais pays pour en chercher un 
meilleur , & non pas qu'il quitte un bon 
pays pour en chercher un pire* La plu- 
part des invafions fe font donc dans les 
pays que la nature avoit faits pour être 
heureux : &cbmme rien n'eft plus près 
de la dévaftation aue l'invanonv les 
meilleurs pays font lé plus fouvent dé- 
peuplés , tandis que l'afifreux pays du 
nor<i refte toujours habité , par la ndfoa 
^jtt'il eft prefqu'inhabitable. 

-On-Voit, parte que les hiftoriens 
nw>às <.dUknt ictu pafla^^ des peuples de : 



Liv. XVIIL Chap. III. 145 

laScandinavie fur les bords du Danube , 
que ce n'étoit point une conquête , piais 
leulement une tranfmigration dans des 
t<fres défertesr 

Ces climats heureux avoient donc 
été dépeuplés par d'autres tranfinigrarr.. 
tbns, & nous ne Savons pas les chofes, 
tragiques qui s*y font panées. 

^ Il paroît par plufieurs monumens , 
M dit Ariftote (a) , que la Sardaigne eft' 
w une colonie Grecque. Elle étoit autre- 
w fois très-riche ; & Ariftée , dont on 
»*a tant vanté Tamour pour l'agricuU 
» ture , lui donna des lois. Mais elle a 
>» bien déchu depuis ; car les Carthagi- , 
M nois s'en étant rendus les maîtres , 
I» ils y détruifirent tout ce qui pouvoit 
» la rendre propre à la nourriture des 
» hommes ^ & défendirent , fous peine 
w de la vie , d*y cultiver la terre ». La 
Sardaigne n^étoit point rétablie du temps 
d'Ariftote ; elle ne Teft point encore^ 
aujourd'hui. 

Les parties les plus tempérées de la 
Perfe , de la Turquie , de la Mofcovie 
& de la Pologne , n'ont pu fe rétablir 
des dévaftations des grands & des pétiti 
Tartaies. 



1144 ^^ l'esprit d^s Loi5, 
CHAPITRE IV. 

^iJouvtaux effets de la fardliti & dt Ul 
fliriliti du pays.. 

L, A ftériljte dç§ terres rend les hom* 
I mes induilrieux , fobres , endurcis- , 
au travail , courageux • propres à la 
gikerre ; il faut bien qu'ils fe procurent ; 
ce que le terrain leur refufe. La fertilité 
d'un pays donne , avec Taifance , la -, 
mollefle , & ua certain amour pour la. 
ironfervation de la vie. 

On a remarqué que les troupes d*Al- . 
lemagne levées dans des lieux oii les 
pâyians font riches , comme en Saxe', 
ne font pas û bonnes que les autres. 
Lies lois militaires pourront pourvoir à 
c^tt inconvénient par une plus févere 
difci'pline. 

C HA PI T R E • V^ ' 

Des peuples des îles» 

LES peupi/es d^s îles font plus portés 
à la liberté que les peuples ducoa-'^ 
jinent^l^çs îlçç Ipnt prdinayrçmentd.'une 

petite 



tiv. XVIIL Chap. V. I4Ç. 

petite étendue (4) ; tme partie du peuple 
lie peut pas être fi bien employée à op^- 
primer Tautre ; la mer les. fepare de$ 
grands empires , & la tyrannie ne peut 
pas s'y prêter la main , les conquerans 
ibnt arrêtée par la mer; les infulaires ne 
font pas enveloppé» dans la conquête ^ 
&ils confervMt plus aifément leurs loi$«^ 

CHAPITRE VI. 

Des pays formes par tindufiru des 

hommes. 

LBS^ pays que Tinduftrie ij^s hommes 
a reridus Habitables, & qui Oiltbe- 
ibin pour exifter delà même induttriey 
appellent à eux le gouvernement mo- 
déré. Il y en a principalement trois <ïe 
cette efpece ; les deux belles provinces 
de Kiang-nàn &Tche-kiang à la Chine, 
l'Egypte & la Hollande, i ^ 

Les anciens empereurs de la Chine 
tfétoient point conquerans. Lapremiere 
chofe qu'ils iîiient pour- s'ugrandir , fiit 
celle qur prouvale plus leur fagefle. On 
vit fortir de deffous^ les eaux les deux 

(tf } L« Japon déroge i ceci par fa grandeur & par 
fit fervitude. 

Tome IL G 



%46 De l'e«fRit dès Lois, 
plus belles provinces tiè l'empire ; ellas 
forent faites par les' hommes. C'eft la 
fertilité inexprimable de ces deux pro- 
vinces, qui a donné àl'Euxope les idées 
<ie la félicité de cette vafte contrée. 
Mais un foin continuel ^.néc^Èwe 
|>our garantir de la deftrOÔio» «n«pai»- 
tie fi confid^bk del'empif* » -deiMiD- 
doit plutôt les moeurs d'un peuple fage , 
que celles d'un peuj)le voluptueux; 
plutôt le pouvoii- légitime d'un monar- 
que , que la puiOance tyrannique d un 
defpote. Il falloit que le pouvoir y tut 
modéré, comme il l'étoit autrefois en 
Egypte. Il falloit que le pouvoir y tut 
modéré, comme il l'eft çn Hollande , 
que la nature afait€ pour avoir atten- 
tiez jfur elle-même, & non paspoitf 
"être àbaftdônnée à la nonchalance ott 

.au caprice. ;,, . ' 

Ainfi , malgré le climat de la P^iiaty 

oîi l'on eft naturellement porte à 1 o- 

béiffance fçrvile , malgré les horreurs 

qui fuivent la trop grande «tendue d tg 

«mpir.e , les4>jtemiftr& AégUja^evïs .ds, V» 

Chine furent obligés ,de faire de très- 
bonnes lois , & le goiiyçrnçment tut 
foulent obligé de les fuivre. 



r 



Liv. XVm. Chap, Vtl. 147 



■ I ■<*mi>iir.i« fri'f^JAa^^MM 



CHAPITRE VIL 
Dts ouvrages des hommes^ 

LES hommes , par leurs fains & par 
de bonnes lois , ont rendu la terre 
plus propre à être leur demeure. Nous 
voyons couler des rivières là o\\ étbient 
des lacs & des marais : c*eft un bien que 
ïa nature n'a point fait , mais qui eft en- 
tretenu par la nature, Lorfque les Per- 
♦fes {a) étoient les maîtres de l'Afie, ils 
permettoient à ceux qui ameneroient 
de l'eau de fontaine en quelque lieu qui 
n'auroit point été encore arrofé > d'en 
jouir pendant cinq générations ; & com- 
me îl ibrt quantité de ruifleaux du mont 
Taurus, ils n'épargnèrent aucune dé- 
penfe pour en faire venir de l'eau. Au- 
jourd'hui, (ans favoir d'oîi elle, peut 
venir, on la trouve dans it% champs 6c 
dans its jardins, 

Ainfi y comme les nations deftruâri- 
cts font des maux qui durent plus qu'et* 
les , il y a des nations induûrieufes qui 
font des biens qui ne fîniflentpasmêmie 
avec elles. 



<«) FW^*#,Uv.X. 



Gij 



'148 Dt L^ESPRiT pEs Lois, 
C HA PITRE VIÎJ. 

Rapport général des lois. 

LES lol$ ent i^n tr.ès-grand rapport 
avec la façpn dont les divers peu- 
ples le procurant la fijibfiftani:e. Il feut un 
pode de Iqîs plijis étendu pour un peuplé 
qui s'attache gu comn^erçe 6f à la mer, 
que pour un peuple qui fe contente de 
.cultiver ^s terres. Il en faut un plus 
grand ppur celui-ci , qujç pour un peu- 
ple qui vit ৠfeç troupeaux. Il en faut 
un plus grand ppur pe dernier, que 
pour un peuple qui vit de fa çhaffe. 



m. 



CHAPITRE IX. • 
ÇdL terrain 4fi C Amérique» 

CE qui fait qu'il y a tant de nations 
fauvages eh Amérique , c'eftquela 
terre y produit d'elle-même beaucoup 
de fruits dont on peut fe nourrir. Si les 
femmes y cultivent autour de la cabane 
un morceau de terre , le maïs y yiei)t 
d'abord. La chaffe & la pêche achèvent 
démettre les hommes dans l'abondance. 
Pe plus, îes animaux qui paiffent, 



Liv. XVIII. Chap. IX. 149 

comme les bœufs, les buffles, &c. y 
réuffiffent mieux que les bêtes carnafSe- 
res. Celles-ci ont eu de tout temps 
l'empire de T Afrique. 

Je crois qu'on n'aurpit point^ous ces 
avantages en Europe , fi Von y laiffoit 
la terre inculte ; il n'y viendroit guère 
que des forêts , des chênes &C autres 
arbres ftériles. 

'" ■— — ^ 

. C H A P I T R E X. 

Du nombre des hommes dans le rapport 
avec la manière dont ils fe procurent la 
fubjijlance. 

QUAND les nations ne cultivent 
pas les terres , voici dans quelle 
proportion le nombre des hommes s'y, 
trouve. Gomme le produit d'un terrain 
inculte eft au produit d'un terrain cul- 
tivé ; de même le nombre des fauvages 
dans un pays, eft au nombre des labou- 
reurs dans un autre: & quand le peuple 
qui cultive les terres, cultive aufli les 
arts , cela fuit des proportions qui de- 
manderoient bien des détails. 

Us ne peuvent guer^ former une 
grande nation. S'ils font pafteurs , ils 

G ijj 



1^6 De L^ÉsHiït ets Lors^^ 

ontbefoin d*im grand pays, pour qu'ife' 
puiffent fubfifter en certain nombre r 
s'ils font chaflèurs , ils font encore 
en plus petit nombre ; & forment j. 
pour vi^e , une plus petite nation. 

Leur pays eft ordinairement plein de 
forêts ; & comme les hommes n'y ont 
point donné de cours aux eaux, il eft 
rempli de marécages , oii cha<|ue troupe 
fe cantonne & forme une petite nation^ 

-Il -..- !■'■> miiiT 

. CHAPITRE XL 

^J^s peuples fauvages , & des ptupks 

barbares, 

IL y a cette drifFérence entre les peu- 
ples fauvages & les peuples barbares , 
otie les p«miefs font de petites nations 
^fperfées, qui,parquelquesraifonspar-- 
tixriilieres, ne peuvent pasfe réunir; au 
lieu que les barbares font ordinairenaent 
de petites nations qui fe peuvent réunir» 
Les premiers font oir4iinairemeHt des 
peuples ehaffeurs ; les féconds , des peu* 
pies pafleurs. Cela fe voit bien dans le 
nord de TAfie. Les peuples de la Sibé- 
rie ne fauroieiit vivre en corps , parce 
xf^ïh ne pourroient fe nourrir i les Tar- 



Lîv. XVIIL Ci^AP. XL ïç« 

Ores peuvent vivre en corps pendant 
quelque temps, parce que leurs trou- 
peaux peuvent être raffemWcs pendant 
quelque temps. Toutes les hordes peun 
vent donc f^ réunir ; & cela fe fait lorf- 
qu*un chef en a fournis beaucoup d'au- 
tres, après quoi, il faut qu'elles Éaffent de 
deux chofes Tune , qu'elles fe féparent , 
Ou qu'ell^ aillent faire quelque grande 
conquête oans quelque çmpire duimdi« 

^^^^^ • __ 

. CHAPITRE XIL 

pu droit dts gens che^ les peuples qui w 
cultivent point Us terres^ 

Cite peupUs^nô vivfemt pas dans un 
t^r^iîïî'Umité&^circomcrit, miîiôflt 
entf*etix feieh dès ftqeie de auet^Ùe ^ ils 
fe diipuceront la t«r#e inculie , oomme 
^arrni noâs^les citoyens fe disputent leâ 
héritâmes* Ainû ik trouveront de iré^ 
queftt<^&'Oà3a(fi4>ns^ guerre pour leut^ 
chaflfesy |K)itH? leiifô pêches ,^pourla nour* 
wture dé Xem^ beftiaux , pourJ'^nléve- 
toent de kut^efotaves ; & n'ayant point 
de territoire , ils auront autant de chofes 
à régler par le droit des gens , qu'ils^ en 
auront peu à décider par le droit civiW 

G iv 



151 Dé l'estrit dés Loïi, 

- m^tiÊaÊmmmÊÊÊÊÊÊammÊmmaÊÊÊtmÊÊÊiÊÊÊÊmÊÊiÊÊÊÊmÊmÊmmÊmamÊmm 
«»«i ..II " > 

CHAPITRE XIIU: 

Vts lois civiles che[ Us peuples qui tu 
cultivent point les terres. 

C'est le partage des terres gui grot 
fit principalement le coae civil. 
Chez les nations oii l'on n'aura pas fait 
ce partage, il y auf a très-peu, de lois 
civiles. 

*On peut appeller les înftîtutîons de ces 
peuples, des ;77(3^«r5 plutôt que des lois. 
, Chez de pareilles natiops , les vieil- 
lards, qui le jfouviennent des chofes 
paiTées , ont une grande autorité ; on 
n'y peut être -diftingué par les hi^ns ^ 
garnis par la main & psr les confeils. 
; Ces peuples errent §c fe dîfperfent 
dans les pâturages o\\ dans les forêts* 
L« mariajgiç n'y fera pas au0i affure que 
parmi nous., oh il : eft fixé par la de- 
OfieuJre, & oii la femme tient à une mai- 
ibn ; ils peuvent donc plus aifément 
changer de femmes , en avoirplufi^ur^ , 
& quelquefois fe mêler indiffereùiment 
C(m)me le$ bêtes. 

Les peuples pafteurs ne peuvent fe 
iiéparer de leurs troupeaux qui font leur 



i . 



Liv. XVIIL Chap. XIII. 155 

febfiâance ; ils ne fauroîent non plus fe 
féparer dé leurs femmes qui en ont foin. 
Tout cela doit donc marcher enfemble ; 
d'autant plus que vivant ordinairement 
dans de grandes plaines, oii il y a peu 
de lieux forts d*affiette , leurs femmes , 
leurs enfans , leurs troupeaux devien- 
droient la proie de leurs ennemis. 

Leurs lois régleront le partage du 
butin ; & auront , comme nos lois fa- 
Kques , une attention particulière fur 
les vols. 



C H A P I T R E XiV. 

Di Citât politique des peuples qui ne cul-* 
tivent point les terresi 

CES peuples jouiffent HVme grande 
liberté : car, Comme ils ne ailti* 
vent point les terres, ils n^y font point 
attachés ; ils font errans, vagabonds ; & 
fi un chef vouloit leur ôter leur liberté, 
ils riroient d'abord chercher chez un 
autre, ou fe retireroient dans les bois 
pour y vivre avec leur famille. Chez, 
ces peuples, la liberté de Thommeeilfi 
grande, qu'elle entraîne néceffaireinent 
la liberté du citoyen. 

C V 



î^4 ^^ L*E$)PKIT DÈS LOT*^ 



atÊmÊtmm 



CHAPITRE XV. 

Ses peuples qui cormoïffene tufigc de tm 

^ mannoic. 

ARISTIPE ayant fait n^ifirage, nageai 
& aborda au rivage prochain ; il 
vit qu'on avoit tracé fur le fable des? 
figures de géométrie : iï fe fentit éma 
de joie , jugeant qu'il étoit arrivé chez; 
un peuple Grec^ &c non pas chez uni 
peuple barbare- 

Soyez feut,. & arrirer par quelque 
accident chez un peuple inconnu ; & 
vous voyez une pièce de monnoie ^ 
comptez que vous êtes arrivé chez une 
nation policée* 

. La culture des terres demande IWage 
de la monnoïe. Cette culture fuppofe 
beaucoup d'arts & de connpiiTances i 
& l'on voit toujours marcher d'un pas 
égal les artjs.^^ les connoiffances & le$ 
befôins. Tout cela conduit à l'établif» 
fement d^un fîgne de valeurs* 

Les torrens &: les incendies (a) nou$ 

(a) Ceft ainfi' que Diodore noJiS dit que dci bcrEOê 
Éteaveont l'ac dfs Bypéaéa^^ « 



Liv.XVm. Cunf. %y; i5t 

ont fait découvrir que les ter/e$:cphte« 
noient des métaux^ Quand ils en ont 
été une fois féparés^^ il a été aifé de leS/ 
employer. 

CHAPITRE XVI. 

Des lois civiles , cke^ ks peuples qui ne coni^ 
noijfent point fufa^ ât la monnaie. 

QUAND un peuple n'a pas Tufage de 
la monnbie, on ne connoît gueire 
chez lui Que les in)uft΀e$ qui viennent 
de la violence ; & 1^ gens foibies y en 
(^unifiant , fe défendent contre la vio-^. 
lénce. Il n'y a guete là que des arrangea 
mens politiques* Mais chez un^^euplqt 
où la monnoie eâ établie , on eft fujet 
aux injuitices qui viennent de la rufe ; 
& ces inj^ilices peuysent ètr^ e^cercées 
de «iiUt^^%om#:Oa y tk donc forcé 
d'avoir d^j^nnes kUli civiles. ; elles 
eaiflfent.âvecl^ Aouvraux moyens & 
les diverfes manières d'être méchant. 

I>iuis les pays oii il n'y a point de 
monaoie, le ravifleur o^enleve que des 
chofe ; & les chofesn^ fereffemblent 
îam^s. Dans les pays oîi il y a de I» 
nionnoie y U jraviflàsr enkve des^fignes| 

G"v) 



'i;.5« t) Ê L^È s P ft I T DE s L O I ^', 

& les fighés fe reflembleht toujours» 
Dans les premiers pays , rien ne* peur 
âtrecache, parce queleraviffeurpofte 
toujours aveé lui des preuves de fa coh^ 
viition ; cela n'eft pas de même dans 
les autres* 



^:' 



C H API T R e: XVII. 



'Des lois politiques^ cke^ les peuples ^ui 
n'ont point l^ujage de ta monnoit. 

CE qm afftif e le plus la liberté de^ 
peuples qui ne cultivent point Ie9 
terres y c>ft que lamonnoie leur tk in- 
connue.Les fmits de la chaiTe^.'de la 
pêdie f ou des troupeaux , ne peuvent 
s'afienibleFen aâe2; grande quantité , ni 
fe garder afTez ^ pour qu'ui^ homme fe 
trouva en état de corrompre tous^ les 
autres : au liew mie ^ Uorique Ton % des 
fignes' de richeffes y «m peut faire uit 
amas de cesûgnes^fic les di^imer à 
qui l'oa veut. 

: Chez les peuples qm n'ont point de 
:monnoie y cnacun a peu de betoins , S( 
les iatisfait aifément & également* L'é^ 
galitécA donc forcée ^ auâi leurs chefs 
|ie fqnfe^ ils poiat<le%otiques« 



'•• >^ 



i 



L I V. xviii. c H A ». xvin. 1 

CHAPITRE XVIII, 

Force de la Jiiperjtinon. 

SI ce que les relations nous dîfent eft 
vrai , la conftitution d'un peuple de 
la Louifianne, nommé les tiatdies^ dé- 
roge à ceci. Leur chef [ày diipofe des 
biens de tous fes fujets , & les fait tra-* 
vailler à ia fantaifie ; ils ne peuvent lui 
refiifer leur tête ; il eft comme le grand- 
feigneur. Lorique l'héritier préfomptif 
vient à naître , on lui donne tous les en- 
fens à la mamelle^ potir le fervir pen- 
dant fa vie. Vqus. diriez que c'eft le 
grand Séfoftrîs. Ce chef eft traité dans fa 
.cabaneavec les cérémonies qu'on feroit 
-à un empereur du Japon ou d«Ja Chine» 
Les préjugés de la fuperftition font 
fupçrieurs à tousles autres pré^ugés^ & 
fes raifons à toutes les autres. raifon& 
Ainfi y. quoique les peuples feuvages ne 
iconnoiflent point ^iraturellement le de£^ 
>potiitne ,! «e* peijplte-^i le. connoît. ills 
adorè^it le foleil : 6ç fi leur chef ^'avoit 
pas iniagïné qu'il étoit le frerc du foleil^ 
lis n'auroient trouvé çn Iju qu'ua mifé* 

(tf} Littrcs idîf^ vingtkme recu^ 






/ 



15$ De l'esprit dis Loi5y 

r 



CHAPITRE XIX. 

Dt la lihtni dis Arabes ^ & dt lafervituik 

des Tartan^, 

LES Arabes & les Tartares font des 
peuples pafteurs. Les Arabes fe 
trouvent dans les cas généraux dont 
nous avons parlé j & font libres ; au lieu 
oue les Tartares (peuple le plus fingu-» 
lier de la terre ) fe trouvent dans Tefola- 
vage politicjue {a). Tai déjà (b) donné 
quelques raifons de ce dernier £ut : en 
voici de nouvelles. 

Ils n'ont point de villes , ils n'ont 

Î>oint de forets , ils ont peu de marais ; 
«urs rivières font prefque tou^urs gla- 
cées y ils habitent une immenfe plaine y 
ils ont des pâturages & des troupeaux ^ 
&c par conféquent des biens : mais iU 
n'ont aucune efpece de retraite ni de 
^défonfe.Si-totqu^tiûkan eft vaincu ^oit 
âili -coupe» la tête (c ) ; on traite de Ul 

,.(«] X^rffu^on proclaqie un kan , tout le peupfir 
^é<Atl Que fA pmN>U hdfirtê éé glàivê^ 
^ (*)Uv. XVII. chap. y. . 

^(c) Ainfi il nç' faut pas étte étonne A Mlrîvéuy 
s'écanc renda makie ^lÊgûaà f fit intr tou» 1«# pfi^ 
«es dtt iio& ^ . . . 



tir. XVHL Cha». XIX. tf^ 

même manière fes enfans.; & tous Tes 
fujets appartiennent au vainqueur. On 
ne les condamne pas à un efclavage 
civil ; ils feroient à charge à une nation 
fimple , qui n'a point de terres à culti- 
ver , & n'a befom d'aucun fervice do- 
meftique. Ik augmentent donc la na- 
tion. Mais au lieu de Tefclavage civil , 
on conçoit ^ue Tefclavage politique a 
dû s'introduu-e. 

En effet , dans im pays oii les diver- 
{es hordes fe font continuellement la 
guerre & fe conquièrent fans cefie les 
unes les autres ; dans un pays oà , par 
ta mort du chef, le corps politique de 
chaque horde vaincue eft toujours dé- 
truit , la nation en général ne peut guère 
être libre : car il n'y en a pas une feule 
partie qui ne doive avoir été un très- 
grand nombre de fois fubjiiguée. 

Les peuples venais peuvent çonfer-r 
^er quelque liberté, lorlqu«, parla force 
. de leur iituation , ils font en état de Êiire 
des traités après leur déÊûte. Mais le^ 
Tartares toujours fans défenfe, vain-» 
eus ime fois , n'ont jiamais pu faire des 
conditions* 

J'ai dit , au chapitre II , que les habir 
jtans des plîdnes cultiyéçsn'etoient guer^ 



^ 



t6a De L'ESi^Rit des Lois;* 

libres : des circonftances font que les? 
Tartares , habitant une terre inculte , 
font dans le même cas. 



: C H A P I T R E XX. 

Du droit des gens des Tartares. 

LEsTartaresparoiflentehtr'eux doux 
& humains ; & ils font des conque* 
rânt très-cruels : ils paffent au fil de 
rëpée les habitans des villes qu'ils pren* 
nent ; ils croient leur faire grâce lorf- 
qu'ils les vendent ou les dlftribuent à 
leurs foldtàts. Ils ont détruit TAfie de- 
puis les Indes jufqu^à la Méditerranée ; 
tout le pays qui forme l'orient de la 
Perfe en eft refté défert. 

Voici ce qui me paroît avoir produit 
un pareil droit des gens. Cts peuples 
n'avoient point de villes ; toutes leurs 
guerres fe faifoientavec promptitude ^ 
avec impétuofité. Quand ils efpéroient 
de vaincre , ils combattoient \ ils aug- 
rtentoient Tarmée des plus forts , q^tani 
ils ne Tcfpéroient pas. Avec de pareil- 
les coutumes , ils trouvoient qu'il étoit 
contre leur droit àes gens , qu'une ville 
qui Q^ pouvoit leur réûûer les arrêtât* 



, Liv. XVIII. Chap. XX. léi 

lis ne regardoient pas les villes comme 
une afTemblée d'habitans , mais comme 
des lieux propres à fe fouftraire à leur 

ifuiflance. Ils n'avoient aucun art pour 
e%affiéger , & ils s'expofoient beaucoup 
en lesaffiégeant ; ils vengeoient par le 
fang tout celui qu'ils venoient de réy 
pandre. 

CHAPITRE XXI. 

Loi civile des Tarcares^ ^ 

LE père du Halde dit, que chez les 
Tartares , c'eft toujours le dernier 
des mâles qui eft Théritier : par laraifon 
qu'à mefure xjue les aînés font en état 
de mener la. vie paftorale , ils fortent 
de la maifon avec une certaine quantité 
de bétail que le pcre leur do^nne , & 
yont former une nouvelle habitation. 
Le dernier des mâles , qui refte dans 
la maifon avec fpn père, eft donc fon 
héritier naturel. 

J'ai oui dire qu'une pareille coutume, 
étoit obfervée dans quelques petits dif- 
trifts d'Angleterre : & on la trouve en- 
core en Bretagne , dans le duché de 
Rohan, oîi elle a lieu pour les rotures» 



1^1 De Vespkît des Lois, , 

C*eft fans doute une loi paftorale venuéi 
de quelque petit peuple Breton , ou 
portée par quelque peuple Gennain, 
On fait , par Ctjàr & Taciu , que ces 
derniers cultivoient peu les terres. • 

■•■■■■■■^■^■■■■■■■■■■■■^■^■■■■■■■■aiaMHiiHBVHBH» 

'•-■-'---. 

CHAPITRE XXII. 

'-D'uni loi civile des peuples Germains, ' 

J'EXPLiQCE;fiAi ici comment ce texte 
particulier de la loi falique que Ton 
appelle ordinairement la loi lalique, 
tient aux inftitutions à\\n peuple qia 
ne cultivoit point les terres , ou ètt 
ilîoins qui les cultivoit peu. 

La loi falique (a) veut que , lorf^ 
qu'un homme laifle des enfans , le^ 
ihâles fuccedent à la terre falique au 
préjudice des filles. 
• Pour favoir ce que c*étoit que les 
terres faliques , il faut chercher ce que 
c'étoit que les propriétés ou Pufage des 
terres cnez les Francs , avant qu'ils fuf*- 
fent fortis de îa Germanie. 

M. Echatd a très bien prouvé ^ue le 
mot falique vient du mot fala , qui figni- 
fie maifon ; &c qu'ainii la terre falique 

(«)Tit.6a. 



Uv. XVIII. Chaf. XXm i&i 

était la terre de la maifon. J'irai plus 
loin; & f examinerai ce que c*étoit que 
lajnaifon, &c la terre de la maifon, 
chez les Germains* 

« Us n'habitent point de villes , dit 
H Tacite {a) , & ils ne peuvent fouffrir 
>^que leurs maifons fe touchent les unes 
>^les autres ; chacim taifle autour de fa 
Hmaifon un petit terrain ou efpace , 
»^ui eft clos & fermé ». Tacite parloit 
ekaftcment. Car plufieurs lois aes co-r 
des (*) barbares ont des difpofitions 
différentes contre ceux qui renverfoient 
cette enceinte , & ceux qui pénétroient 
dans la maifon même. 

Nou$ favons , par Tacite & Cefar ^ 
que les terres que les Germains culti* 
▼oient ne leur étoicnt données que pour 
tm an ; après qruoi elles redevcnoient 
publiques. Ils ivavoient de patrimoine 
oue la maiibn , & im morceau de terre 
Œins l'enceinte autour de la maifon (c)» 

(«} NulUs Gtrmanorwn j^fulis mhts haUêâPt faits 
Motum tfi f ne pati quiiem inttrft jmnBés fties ; colun$ 
diftrtû t iff nemus plûtniu Vteos locûiu , nùm in nofirtum 
mcnm connexU & cûhéwentihms mdifùis : fuani ^f" 
qut iomum /patio eircumdat. De morib. Germ. 

( ^ ) La loi des AUemands» ch. X ; & U loi des B«« 
wois, tit. lo. $. I & 2. 

(c) Cett* enceinte t'appelle €urtis dana lei char» 
très. 



ï<î4 ^E l'esprît bts Lois, - 

Ç'eft ce patrimoine particulier qui ap- 
partenoit aux mâles. En eflfet, pourquoi 
auroit-it appartenu aux filles ? Elles 
pafibient dans une autre maifon, 
- La terre falique étoit donc cette en- 
ceinte qui dépendoit de la maiibn du 
Çermain ; c'étoit la feule propriété qu'il 
eût. Les Francs ,. après la conquête , ac- 
quirent de nouvelles propriétés , &oa 
continua aies appeler des terres faliques. 
Lorfque les Francs vivoient dans la 
Germaine, leurs biens étoient des ef- 
claves , des troupeaux , des chevaux , 
des armes , &c. La maifon & la petite 
portion de . terre qui y étoit jointe , 
étoient naturellement données aux en- 
fans mâles qui dévoient y habiter» Mais 
lorfqu*après la conquête., les Francs eu- 
rent acquis de grandes terres , on trou* 
Va dur que les filles &c leurs enfans ne 
puffent y avoir de part. Il s'introduifit 
un ufage , qui permettoit au père de 
rappeler fa fille & les enfans de fa fille. 
On fit taire la loi ; & il falloit bien que 
ces fortes de rappels fuflent communs , 
puifqu*on en fit des formules (a). 

(a) Voyet Marculfet Itv. II. form. lo 6e ii; Tap- 
pendice de Marculfe » fqrm. 49 ; & Ui fornults 
lociennes » appelUci de Sirtuènd 1 form. 21. 



liv, XVIIL Chap, XXII. 165 

Parmi toutes ces formules , j'en trouve 
une finguliere Ça). Un aïeul rappelle feS 
petits-enfans pour fuçcéder avec fes û\k 
& avec (es filles. Que devenoit donc Ik 
loi falique? Ilfalloit que , dans ces tem{is- 
là même , elle ne fïlt plus obfervée ; OÙ 
que Tufage continuel de tappeller ïèô 
nlles eût fait regarder leur capacité de 
fiiccéder conrnie le cas le plus ordinaire, 

La loi falique n'ayant point pour ob- 
jet une certaine préférence a un fexe 
fur un autre , elle avoit encore moins 
caliii d'une perpétuité de famille, dç 
nom , ou de tranfmiffion de terre : tout 
cela n'entroit point dans la tête des 
Germains. C'étoit une loi purement 
écohomique, quidonnoitlamaifon, & 
la terre dépenaante de la malfon , aux 
mâles qui de voient l'habiter , & à qui 
par conléquent elle convenoit le mieux. 

Il n'y a qu'à tranfcrire ici le titre dés 
allcus de la loi falique , ce te^çte fi fa- 
meux , dont tant de gens ont parlé ^ 8c 
que fi peu de gens ont lu^ 

i^. « Si un homme meurt fans eh^ 
»»fans , fon père ou fa mère lui fuccé- 
» deront. i^. jS'il n'îf ni çere ni merç , 
^ fofl frère ou fa fœur lui fuccéderontt 

(a) Form. 55« dans le irecuçU dç Lindembroçbf 



t66 De l'esprit des Loisi 

•#^3^. S'il n*a ni frère ni fœur , la fœur 
9> de fa mère lui fuccédera. 4^. Si fa mère 
p> n*a point de fœur , la fœur de fon père 
f> lui fuccédera. 5 ^« Si fon père n*a point 
pf de fœur, le plus proche parent par 
^ mâle lui fuccédera. 6^. Aucune por- 
p> tion Ca) de la terre falique ne paSera 
f> aux temelles ; mais elle appartiendra 
» aux mâles, c*efl:-à-dire que les- enfans 
}> mâles fuccéderont à leur père. 

Il eft clair que les cinq premiers arti- 
cles concernent la fucçemon de celui 
qui meurt fans enfans i &c le ûxieme , la 
iucceflion de celui qui a des enfans. 

Lorfqu'un homme mouroit fans en- 
fans , la loi vouloit qu'un des deux fexes 
xi'eût de préférence fur l'autre que dans 
de certams cas. Dans les deux premiers 
degrés de fucceffion , les avantages des 
mâles & des femelles étoient les mêmes ; 




cinquième^ 
Je trouve les femençes de ces bizar- 
reries dans Taciu. « Les enfans (^) des 

(«) Dêttrrâ vtrh falicâ in nmlitrtm nuUû portm 
iutreiitatu tranfit^ fed hoc virilis ft»us ncquirii » hoc 
4fi filii in ipsâ futreditau fucadunt. Tit. 02. {.é. 

(b } Sororumfiliis idtm apud aruneulum quàm apnd 
fêtrtm konor» Quidam fanSlonm ër^rtmqut hMC 



liv. XVIII. Chap. XXIL 167 

|H (œuts , dît-il , font chéris de leur oncle 
P comme de leur propre père. Il y a des 
» gens qui regardent ce lien comme plus 
» étroit & même plus faint ; ils le préfe- 
n l^nt j quand ils reçoivent des otages »• 
.C'eft pour cela que nos premiers nifto- 
riens (tf) nous parlent tant ^e l'amour 
des rois Francs pour leur four & pow 
les enfpos de Jeur fœur. Que fi les en- 
fans des fceuts étoient regardés ^an$ ]b. 
maifon comme les enfans même , il etoit 
.naturel que les enfans regardaffent lexsx 
tante comme leur propre mère. 
, La fœur de la mère étoit préférée à 
•la fœlir du pere^ cela s'expUque par 
d'autres textes de la loi falique : Lorf- 
qu'une fenune étoit veuve (A) , elle 
tomboit fousla tutelle des parens de fon 
.mari ; la loi préféroit pour cette tutelle 
les parens par femmes aux parens par 
mâles* En effet, une femme qui entroit 
. dans une £miiUe , s'unifTant avec les per- 

ntxum /anguints arhitrantur , & in sccipUndis ohfidi» 
hms magis eatigutu , tanqukm u & anhuum frtniùs 6* 
domum Utiùs ttntant» De morih» Gecm. 

(m) Voyez dans Grégoire de Tours, Ur. VU!, 
ch. XVIII & XX ; Ut. IX. ch. XVI & XX , les fiircuri 
de Contran fur les mêmes traitemens faits à Ingunde 
h. nièce par LeuvigUde : & comme Childd^ert» iba 
irero • fit la guerre pour U venger» 

( ^ }, Loi uu^ue » tit. 47» 



/ 



i68 De l'esprit i>€s Lois, 

fonnes de fon fexe , elle était plus Héô 
avec les parens par femmes, qu^avec 
les parens par mâle. De plus , quand un 
(a) homme en avoit tue un autre , &C 
qu'il n'a voit j)as de quoi fatisfaire à là 

{)eine pécuniaire qu'il avoit encourue , 
a loi lui permettoit de céder fes biens , 
*& les parens dévoient fuppléer k ce qui 
manquoit. Après le père , la merè & le 
frère , c'étoit la fœur de la mère qui 
payoit , comme fi ce lien avoit quelque 
chofe de plus tendre : pr la parenté , 

3ui donne lès charges , devoit de même 
onner les avantages, 
Laloi faliquevouloit qu'après la fœur 
du père , le plus proche parent par mâle 
eut la fucceflion :,mais s'il étoit parent 
au-delà du cinquième degré, il ne 
fuccédoit pas: Ainfi une femme au ciit- 

3uieme degré auroit fuccédé au préju- 
ice d'un mâle du fi^ieme : & cela fe 
voit dans la loi (^) des Francs Ripuat- 
res , fidelle interprète de la loi falique 
dans le titre des alleus, où elle fuit pas 
à pas le même titre de la loi falique. 
Si le père laifToit des enfans , la loi 

• (aYIhid.tit 6t. S I. 

^b) Et d^incem iifyue ad quzntum gertucnhtm qui pn>' 
0imusfutrU in htuiditattmfucçtdùt» Ttt. 56.^. 6. 

lalique 



lîv. XVIIL Chap. XXIL i6^ 

felique vouloitque les iîlles fuffent ex- 
clues de la fucceiEon à la terre falique , 
& qu'elle appartînt aux enfans mâles. 

Il me fera aifé de prouver que la loî^ 
falique n'exclut pas indiftinftement les 
filles de la terre falique , mais dans le 
cas feulement oii des frères les exclu- 
toient. Cela fe voit dans la loi falique 
même , qui , après a^oir dit que les fem-' 
mes ne pofféderoient rien de la terre 
falique , mais» feulement les mâles ^ 
s'interprète & fe reftreint elle-même : 
>» c'eft-à-dire , dit-elle , tjue le fils fuc- 
» cédera à l'hérédité du père. » 

i^.Le texte de laloi falique çft éclairci 
par la loi des Francs Ripuaires , qui a 
aufli un titre ( tf ) des alleus très-con- 
forme à c^lui de la loi falique. 

3^. L^s lois de ces peuples barbares , 
tous originaires de la Germanie , s^inter- 
pretent les unes les autres, d'autant plus' 
qu'elles ont toutes à peu près le même: 
cfprit. La loi des Saxons (^) veut que 
le pere& la mère laiflent leur hérédité* 
à leur fils i & non pas à leur fille ; mais- 

(a) Tit. f6. . . 

{b) Titt 7. §.1. Pater oui niaur defun^l , fiUà ttén- 
fliit hétreditatan reKnquant, §. 4. Qui defunâuSf non 
fUoë t fed fiUas rtliquerit , ad tas omnis h^Tcditai ftr*^ 

Tome IL H 



S^ 0B l*ESJRRIT 1>ES Lai5| 

quç s'il nV a cjùç des filles , elles ayenf 
toute rherédité, 

4®. Nous avons deux anciennes for-^ 
mules (ay qui pofent le cas pii, fuivant 
la loi falique , les filles font exclues par 
les mâles; c'eft lorfqu*elles conçourentl 
avec leur frère, 

5^. Une autre fornuile (^) prouve 
que la fille fuccédoit au préjuaicç éi 
petit-fils ; elle n'étoit donc exclue quf 
car le fils. 

6°. Si les filles , par la loi faliaue ^ 
Hvoient été généralement exclues ae la 
(ucceflion des terres , il feroit impoiOî» 
ble d'expliquer les luiloires , les for-» 
mules & les chartres , qui parlent con* 
tinuellement des terres &: de^ biens de# 
femmes dans la preniiere race* 

On a eu tort de dire (c) que les terres 
faliqùes- étoient des ficts. i^. Ce titre^ 
eil intitulé Jcs alUus. %^. Pans les conw 
|pencemei)s , les fiefs n'étoient point 
héréditaires* 3^. Si les terres faliques 
«voient été 4es fiefs ^^ comment Mar* 
fuift ^urpit-il traité d'impie la çoutuinat 
qui excluoit les femmes d'y fucçéder , 

{a).J>^fi^r^,M^nculfi.^ Uv» II. Ibrm. ix j fie 4^ 
l^appéndicf de M^culfe » form. 49. 



(b'S Dan^le recueil de Lindembroçh| form. ;|t 



PuÇan^e» Pitl?oa/&p, 



^fque;les*jnâtes limaille M (ucc^oten^ 
pas aux fiefs ?^ 4^. Les ckattres que l'on 
^e pour prouver que lei terres lalk[ues 
Soient 4es fiefs , prouvent féulehient 
qvi'eUcs éto^ent des Iterreà fraiKhei. 
^^. Les fie& ne fiirent établis qu*aptès 
lEa^onquête^ de les^ufagés fjlliques ^kîÀ 
toient avmtiE^ue les Francs parttfiTént dé 
laOeMiantè. ^* Ce nfe fot point la loi 
iàlique qui , en bornant la fucceffion des 
^mme^i fÀrma l'établilTeinent des fiefs ; 
tnais ce futl'établUSement des fief^ qui 
mit des limites à la fuc^effion des fem« 
sats &c ^xxx difpofitioils de la loi falique^ 
- Après ce que nous v^hons de dire , 
on ne croirait pas que la ftiGceflîon pef-r 
pétuelle des mâles à la couronne de 
• France pût Venir de la loi falique. Il efl; 

f Pourtant indubitable qu'elle en vient- 
e le prouvé par lés diVërs codes de^ 
Î^éupks barbares. La loi Clique (^i) &C 
a Idi des Bourguignons (i^ ne donnè- 
rent point aux filles le 4roit de fuccé- 
der à la terre avec leurs frères ; elles ne 
fuccëderent pas non plus àla couronne* 
La loi des Wifigoths (r) au contraire 



(a) Tit. ^2. 

(b) Tïu i. S- 3» tit. t4. g. I. & lit, 51. 
f^JLiv. IV, tit. 1.5.1. 

H IJ 



>7^ Or :t*e5PRIT BÊS.Loi^ 

adglitj^s, filles (:«) à foccéder'aux tèr-^ 
yes^ayec Jeurs frères';, les, fcnames fu- 
rent capables de fuccéder à la couronner 
Chez ces peuples ^ la difpoûtioa de.la 
loi civile força (/>) la loi politique. 
^ CencifutvpQ^.lïifeul oaaoîilalo?po* 
litique chefe Içs Francs çéà^À la loi ci- 
vile. Par la difpofition de laloi falique , 
tous les frères fuccédoientiégaleniènt 
^ la terre ; & c'étpit aufli la dilpofition 
de la loi des Bpurgu^nons. .Aum 9 dans 
la monarchie des Francs &c dans celle 
des Bourguignons 9 tous les fteres ,fuc- 
fcderent-iis^ lia couronne 9 àquelcjuea 
violences , meurtres & ufujqpatrons 
près , chez les Bourguig^ions. 

(ii)h Les natîofls ,Gerfnaînes« ^u Tacite , ^voient 
des ufages comnuns > elle$ en avoient àuffi de parti* 
cttiiers. 

(^ } ta couronne , chez les Ofirogoths » pafla deux 
fois pac les femmes aux nîâles; l'une par Amalafanthef 
dans la perfonne d'Athalaric ;• & Tautre « par ilmala* 
frede , dans la ytctCotuçtc de Th^odat. Ce n'eft pas cpiei 
chez eux , les femmei ne puflent régner par elles^-piémes; 
Amalafunthé , aprèi la mort d' Athalaric , régna , & régna 
même après Tele^ion de Théodat & co«cutr«inment 
av^c lui. Voyez les lettres d^Amalafonthe 8c de Thio* 
éat^dans Caffiêdort, lir. X* .> . . 






» 



•Y 



liv. XVin. Chai*. iXItl. i^j 

CHAPITRE. ,X3tlïI. \ 
J)t Ut hngitf chtveiwe Jts Rots Francr^ 



fioui^uigROns&des'Wîfigoths,avoieiit 
ppjir ^g4êiT»e le^r lo^gue/che^veUire, ' 

^ Ç,H A P I f R p, %XIY.' 

Des mariagtf des ftols Francs. 

J'ai dit ci-d&ffus que chez les peuples 
qni né cultivait point tes'terres, \e% 
jDmagesi'&oîéi)t(^auc(»Tp mûins iïxés \ 
& qu'on' y jlrenoitiordinan'emËnt plu* 
fieurs. femmes.'*' Lçs Germains étoiient 
Vf prefque les feuls (à) de tous les b^"- 

H iij 



i7* J>E e'çsfuîi iJE5 ILots^^. 

»» femme , fi ï'on^ en ^ewepte ^a), dit 
»» Tatht; oudqites'perfonnes mil | non 
» t>ar<Ii&rHitiàn ,'^K à13a^fedÀltltir 
n nobleffe , en ayoient pliifieurs. ?* ^j- 
Cela expliqué fcôiriment lés Tt)is delït 
[iremiere race eurent un fi gràod nofn- 



•* Wi/ûatini,, DÎBfiiBÛ nuB(i(f amiiunlBT., tbid. 
<î )• Voyn'U chrôdqdè da FtUigtitl i XlliTtn 6ltt 

p iiiiiVi '■■'m ■■Jumim"! ■M- '-'"*''"■ /iilâ 

c H À piÏRk'^i'vi! 

C ^ I L D é £l l C, . 

p T ^S nuriages c^ez les . Gemntîiv 
j*. Xxf iont^rércces (jc), dit Toéfct les 
iti*ic« n'y font ^intun fjjjet deridi* 
I» culc'; cocr<iaqirey(ïuâËre'(XHTOiiipu; 

(c) Snirm mtIrimonU . . , . Uim»iUUrUiù tUtlf. 

Geim. TT^ 



lîv. XVIÏI. CttAP. XXV. tfi 

¥ ne s'appelle point uf\ irfege ou imcr 
h matiiere de vivre : il y a peu d'exen»* 
» pies {a) dans une nation u nombreufe 
» de la violation de h foi conjugale y>/ 
Cela explique Texpulfion de Childé* 
Tic : il choquoit des tnœurs rigides , que 
la conquête n'avoit pas eu le temps dà 
changer. 

(a) Pauciffîmë in têih^mimêrcfi gêikH éduluriê» &îd« 

CHAPITRE XXVI. 

De la majorité des Rois Francs. 

LES peuples barbares qui ne culti* 
vent point les terres , n'ont point 
proprement de territoire ; & font , cohk 
me nous avons dit , plutôt gouvernés 
par le droit des gen§ que par le droit 
civil. Ils font donc preique toujours 
armés. Auiîi Tacite dit-il << que les Ger* 
» mains (/>) ne faiibient aucune affaire 
» publique ni particulière fans être ar- 
nmés. » Ils donnoient leur avis (c) 
par un figne qu'ils faifoient avec leur$^ 

(b) Nihil^ he^ue puhlica , neque privêUt r*i^ hjfi 
àrntàti agunt. Tacite, de morih» Cirm» 

( c ) St difplleuit fentimdë r ufftfnantur ; fin ^lacuif^ 
frnmtat tQnçutinns» Ibld. 

. H iv 



^7^ I^£ l'esprit des Lois, 
armes {a). Si-tôt qu'ils pouvoient le$ 
porter , ils étoient préfentés à Taflein- 
blée ; pn leur mettoit dans les mains 
un javelot ( ^ ) : dès ce moment , ils 
fortoient de Tenfance (c) ; ils étoient 
une partie de la famille , ils en deve- 
noient une de la républioue. 

>f Les aigles , difoit Çd) le roi des Of- 
» trogoths , ceffent de donner la nour- 
>f riture à leurs petits , fi-tôt que leurs 
» plumes & leurs os^Ê/ji^s font formés; 
M ceux-ci nront plus befoin du fecours 
n d'autrui , quand ils vont eux-mêmes 
» chercher une proie. Il feroit indigne 
» que nos jeunes gens qui font dans 
»nos armées fuffent cenfés être dans 
» un âge trop fôible pour réeir leur 
» bien , & pour régler la conduite de 
» leur vie. C'eft la vertu qui fait la ma-. 
» jorité chez les Goths. »^ 

Childebert IL avoit quinze (e) ans , 

( a ) S^d armé fumtrt non ante atifuam morts quoM 
€i¥ttas fuffitHurum probavtrU* 

(b) Tum in ipfo concilio^ tel principum ûliquU , td 
faur, vel propinquus , fcuto frameâque juvenem ornant» 

(c) Htcc spud illos toga f hic primas juventa. honos^ 
dkU hoc domûs pars vidtntur , mox rdpublic^t. 

fd ) Tfaéodoric , dans Cajjiodort r iiv. 1. lett. ^S. 
c)\\ avoit à peine cinq ans , dit Grégaire de Tours » 
fiv. y« ch. I. brfqu'il fuccéda à Ton père , en l'an 575 ; 
c'eft-à dire • qu'il atoit cinq ans. Gontrand le déclara 
jbajcur en Tan 5$; : il avoit do&c quinze an$« 



Ur. XVni. Chap. XXVI. 177 

îdrique GdntraOifpn oncle le déclara 
majeur , & capable de gouve^-ner par 
lui-mêmei^ On voit dans la loi des Ri" 
puaircs cet âge de «[uinze ans ^ là capa- 
cité de porter les armes , & la majorité . 
marcher enfemble. « Si un Ripuaire eft 
» mort , ou ^ été tué , y eft-il dit {a) , 
>> & quHl ait laiflë i^n fils ^ il né pourra 
>> pourfuïyre ,. ni être pourfuivi en ju- 
» gemeht , qu'il n'ait quinze ans com- 
yi plets ; pour lors il répondra lui-même , 
»x)u choififa un champion. » Il falloir 
aue Feiprit fut affez formé pour fe dé- 
fendre clans le jugement ^ & que le corps 
le fîit affet poirr le défendre dans le com^ 
bat. Chez les Bourguignons ( i ) , oui 
àvoient aufS Tufage du combat dans tes 
aûiohs judiciaires , lamajorité étoit en- 
core à quinze ans» 

' jigaûuAs nous dit que les armes des 
Francs étoient^ légères ; ils pouvoient 
âohC être majeurs à quinze ans. Dans 
hifuite , les armels devinrent pefantes ; & 
elles rétoient dé)à beaucoup du temps 
de Charlemagne , comme il paroît par 
nos capitulaires & par nos romans. Ceux 
qui ( ^) avoient des fiefs ^ & qui par 



f r* • 



{s)T». 8i*: ) . (i) TU. 87. 

H y 



178 De l^ esprit dès Lors," 

corrfcqueii'i dévoient foi» le feryîctf 
militaire, ne furtut plus inajéiirs ^ju'àr 
vingt-un ans (4). ' / 

(a) Çainc Louis né fut majeur qu*à cet âge. Cela- 
«bingea ptr ua édit de Charles V. de Tan 1^7 4^ 



mamm 



C HA P JT R E XXV H. -, 

Condnuâtïon du mtrfit fujef. ' 

-^ - • 

ON a: vu que, che^ les Gennains ^ on- 
n'alloit point à raffembléeiivant. 
la majorifté ; on étôi t partie de laiamiUe ^ 
& non pas de la république, Cçla fît 
que les enfaits de Clodomit , roid'Or-i 
léans & Conquérant M la Bourgogne^ 
ne furent poîftt déclarés rois ; parce 
que y dans rage teàdre oii ïVs étoient i, 
ils ne pouvoient pas être préientés à 
raflemblée. Ils n'etoient pa^ rois en- 
core , mais ils dévoient T'êtrè lorfqu'ife 
ieroient capables de porteries suâmes > 
& cependant Clotilde Uur aïeule gou* 
vemoit V état ( b). Leur^ . oncles Clo-r 
taire & Childebert les égorgèrent ; âc 
partagèrent leur royautt^. Cet exemple 

%b) 11 parok par Grégùirt deTours^ lir. |IL iju'dll 
ehoiiît deux hommes^ de Bourgogne , qui étoit une 
conquête de Oodomir , pour Tes élever *i fiege i^ 
,Xauis,,qui âoit *u^dtirij^ttMilfrQ<Klaàik» 



iiv. xviir. cukt. xxw. tjf 

fat caufe que dans la fuite les princes 
pupilles furent déclarés rois , d'abord 
après la mort de leurs pères. Ainfi le 
duc Gondovalde fauva Childebert IL 
de la cruauté de Chilpéric , & le fit dé* 
darer roi (jiy à Tâge de cinq ans. 

Mais dans ce changement même ^ on^ 
fuivit le premier efprit de la nation ; de 
forte que les aftes ne fe paflbient pa» 
ihême au nom des rois pupilles. Auffi 
y eut-il chez les Francs une double ad- 
ihiniftration ; Tune , qui regardoit 1» 
perfonne du roi pupille ; & l'autre , qui 
regardoit le royaume ; & dans les fiefs ^ 
8 y eut une différence entre la tutelle 
& la baillie. 



■MP. 



CHAPITRE XXVIIL 

Dt t adoption chc[ Us Germains. 

COMM£ chei les <îermîdtis on de-r 
venoit majeur en recevant les ar-r 
mes , on étoit adopté par le même fi^ne.- 
Ainfi Contran voulant déclarer majeur 
fon neveu Childebert , & de plus Ta- 

{a) Grégoire de Tours , liv. V. cbap. r. Fix lu/lrti^ 
4Uûtis uno jam fcraSto | qui die domînic4t NataU^ 




,M 



- ••:)n 




\ 



i8ô I>E l'esprit des Lofs;- 

dopter , il lui dit : « Tai mis (a) ce 
«javelot dans tes mains, comme un 
» figne que je t'ai donné mon royau- 
>> me.» Et fe tournant vers Tafiemblee r 
H Vous voyez que mon fils Childebert 
» eft devenu un homme ;. obiéiffèz^ 
» luL » Thcodoric , roi des Oûrogoths^ 
voulant adopter le roi des Hérules , lui 
écrivit i (^ J <* C'efl une belle chofe 
» parmi nous, de pouvoir être adopté 
it> par les armes : car les hommes cou- 
># rageux font les feuls qui méritent de 
9^ devenir nos ejifans» Il y a une telle 
» force dans cet afte,, que celui qui ea 
là eu l'objet , aimera toujours mieux 
>> mourir , que de fouffrîr quelque 
H chofe de honteux. Ainfi y par la cou-» 
^ tume des nations , & parce que vous 
M êtes un homme , nous vous adoptons 
>> par ces boucliers , ces épées i ces cher 
p vaux, que nous voiis envoyons. >► 



1 



tf) Voyez Grégoire^eTonTSi lîr. f, cbap..2.^ 
bl Dans CMjfÎMhre^ Ut. IV. lett. u 



Liy. XVIII. Chap. XXIX. il» 
CHAPITRE XXIX. 

Efprit fangidnairt des Rois Francs. 

CLOvis n'avoit pas été le feul d» 
princes chez les Francs , qui eût 
entrepris des expéditions dans les Gau- 
les ; plufieurs de (ts parens y avoient 
mené des tribus particulières : & comme 
il y eut de plus grands fuccès , & qu'iL 
put donner des établiffemens confidé* 
râbles à ceux qui Tavoient fuivi y. les 
Francs accoururent à lui de toutes les. 
tribus , & les autres chefe fe trouvèrent 
trop foibles pour lui réfiften II forma le 
deffein d'exterminer toute fa maifon , & 
il y réufîit(tf). Il çraignoit,dit Grégaire 
de Tours (è) , que les Francs ne priffent 
Hn autre chef. Ses enfans & fcs fucçet^ 
feurs fuivirent cette pratique airtant 
qu'ils purent : on vit fans ceue le frère ^ 
l'oncle^ le neveu , que dis-)e î le fils ^ 
le père y confoirer contre toute fa fa- 
mille. La loi leparoit fans cefle la nio- 
narchie ; la crainte , l'anrbition ÔC la 
cruauté vouloient la réunir,. 

(a) Grigoin de Tours » liv. IL 
{h) Uûd. 



ifi De l'^esprit des Loigf. 

I ■»"'i- 

CHAPITRE XXX. 
Des ^imiUtide Ia nation cht[ Us Francs r 

ON a dit ci-deiFus , que les peu- 
ples qui ne cultivent point les» 
terres , jouiflbient d'une grande liber- 
té. Les Germains furent dans ce cas*- 
Tadu dit qu'ils ne donnoient à leurs^ 
rois ou chefs qu'un pouvoir très*ma- 
déré (a) ; & Cifar (h) , qu'ils n'avoient 
pas de magiftrat commun pendant la 
paix 9 mais aue dans chaque village les 

f>rinces renaoient la juftice entre les 
eurs. Aufll les Francs dans la Germa- 
nie n'avoient-ils point de roi , comme 
Grégoire de Tours ( ^ ) le prouve très- 
bien. 

« Les princes (</) , dit Tadte , dëli-^ 
n berent fur les petites chofes, toute la 

(a) Nu rtgibus libers sut infinitm pote/Ur, Ctttrùm 
n€q»t anrmadvtrtere » tuqm vimcire , nêjue vêrhtrmrt «• 
^t. De morib. Germ. 

( b ) in pact ntdlus tfi communu matifirstus i fki 

Îtinciviïï regiûmtm mtqut pagorum imtr fitos jus dicmmiè 
>e beUo GtU. lib. VI. 

(c) Liv. II. 

(d) De nUnorihus prirtcspu eonfuîtpmt % de majorl*^ 
tus omnes ; ità tamen ut tm quorum pcnes plebem mrhi» 
trium eji^ apud principis fuoqut ptrtrattmtur.^ De- 
nb« Géuu 



Ur. XVUL CHk^. XXX, rfFf 

yrfiatkm htles grandes ; de forte pour-^: 
ntant que les affaires dont le peuple 
>> prend connoiiTaiice ^ font portées» 
ff de même devant les princes. » Cet» 
ufage fe conferva après la conquête y. 
comme ( a ) on le voit dans tous les» 
monumens. 

Tacite (p) dit que les crimes capitaux^ 

Eouvoient être p<Mte$ devant raflem- 
lée. il en flit de même après la con-» 
quête y & les grands vafiaux y flirent 
jwgés. 

êia^ÊÊmÊmmÊÊmmmmÊmmiammÊÊÊmÊÊmmÊriÊÊÊÊmÉmÊmimmmmÊmÊÊÊm ' 

W " !■ ■ ■ ■ I I I I ■ I I ■ 

CHA.P.iTRE XXX I. '. 

Pc Fautoruc du clergé dans la première 

race^ 

CHEZ les peuples "barbares , les prê*^ 
très pnt ordinairement du pou-r' 
voir , parce qu'ils ont & Tautorité 
^û*ils doivent tenir dé la religion , ôt 
la puiffance que chez des peuples pareils 
donne la fuperftition. Auffi voyons- 
nouSydans T^me, que les prêtres étoient 
fort accrédités chez les Germains , qu'ils 

( a ) Lex eonftnfu pcpuli fit & conftîtutione regism 
Capitulaires de Charles le Chauve , an, &C4. /trt. &. 

(b ) Licet. apud concUium Mccufan & d'firim(n cû^ùtjf 
ànundtrct Pcmorib» (Î6r% 



184 De l*esi»rit ues Loîs^ 

mettoient la police (a) dans l'aflemblé^ 
du peuple. Il n'étoit permis qu'à ( A y • 
eux de châtier, délier, de frapper: ce 
qu'ils faifoient , non pas par un ordre 
qu prince , ni pour infliger une peine ^ 
mais comme par une infpiration de la 
divinité , toujours préfente à ceux qui 
font la guerre, i 

Il ne faut pas être étonné fi , dès lej 
commencement de la première race , on' 
voit les évêques arbitres (c) xles ^ge- 
^ mens , fi on les voit paroître dans ■ les 
aflemblées de la nation , s'ils influent fi 
fort dans les réfolutions des rois • & fi 
on leur donne tant de biens. 

(a) SiUntium per Saetrdotts , fmhus & cotrcendi juâ 
ift, imperatur* De morib. Germ. 

( b } Nec regibtts libers sut infnita potefias, Ceterùm 
m^^uê anipladvertcny n€qUt vincirt » neaut verberari\mfi 
factrdotihus efl permiffut^ ; non quafi in panam , ncc 
dueU'fujfu t fid Valut Dto imperartte , qwtm sdtffc btUé* 
gOTibus credufit. Ibid. 

(e) Voyez U conâitHtîoii de Clouire de Tan y6o^ 
mi tide 6. 



*%* 



Liv. XIX. Chap. I. i8f 




LIVRE XIX. 

Des Lois , dans le rapport qu elles 
ont avec les principes qui for^ 
ment Vefprit général^ les momrs 
& les manières (Tune nation^ ' 



mm. 



CHAPITRE PREMIER. 
Du fujtt de ce livre. 

CETTE matière eft d'une grande 
étendue. Dans cette foule d'idées 
qui fe préfenterît à mon efprit , je ferai 
plus attentif à Tordre des chofes , 
qu'aux chofes mêmes. Il faut que j'é- 
carte à droite & à gauche , que je per- 
ce , & que je iïie faSe jour. 



#s% 







tî6 D£ l'esprit des LàiSf 



CHAPITRE IL 

Combien f pour les. meilleures lois , il ejl 
nicôffaire que Us ejprits Jbient priparés» 

RIEN ne parut plus infupportablé 
aux Germains \a) que le tribunal 
de Vanis. Celui que Juftinien érigea {f) 
chezles Lazïens , pour faire le procès ait 
meurtrier de leur Roi , leur parut une 
chofe horrible &l)arbare. Mithridate {c) 
haranguant contre les Romains , le«r 
reproche fur-tout les formalités (rf) der 
leur juftice. Les PartKes ne purent fup- 
porter ce Roi , qui ayant été élevé ^ 
Rome, fe rendit affable («) & accefS-» 
ble à tout le monde. La liberté même 
a paru infupportablé à des peuples qui 
â'étoient pas accoutumés à en jouir» 
C*eft aînfi qu'un air pur eft quelquefois^ 
nuifible à ceux qui ont vécu dans des 
pays marécâçèux. 

Un Vénitien nommé Balii ^ étant 

( 4 ) Ils coupoîent la lan^aux avocats » & dUbient i 
Vipère, cejje de Jîffler, Tacite, 

Ïh) Agathias , Ut. IV. 
ri Juftin, lÎT. XXXVIII. 
(d) Calumnias litlum, Ibid. 
(e ) Prompti Mditus , novm^tomtOM » ingnota. PârikUr 
fktuusf mofû vUiû* Tacite. 



Liv. XîX. ÇttJkK m, 1^7 

au.(«) P4gu, f^t iotuodoit chez le roi. 
•Qi»an(J (Cflvii-ci apprit qu'il n'y avoit 
^irtt jie T^ à Venift:, il fit ua fi grand 
^çJ^t.djE firfl-, qu'une toux le fait , ^ 
qu'il eut bçâuçioùp ai peine à parler à 
ies c<>uttifaos. Quel eu le l^iflateur qu» 

^P^WQit:pi!opo4erlef oùrerniement pu* 
fHiIaire à dies p9»j^es pareils ? 



*ii 



C W A.P.I T R E i IL 

De ta tyrannie^ 

Ii ^ â deux fortes de tyrannie ; une 
réelle , qui cohfifte dans la violente 
du gouvernement ; & une d'opinion ^ 
qui fe feit fentir lorfque ceux qui goû-i 
vement établîffent des ehofes qui cho* 

<Juem la manière de penfer d'une na-*^ 
hon. 

-Dioa dît qu^Augnfte voulut fe faire 
^peler Romulus; ttiaîs qu'ayant apprii 
que'le peuprle cr^aighdit du^il ne voulût 
fe faire roi , il changea de deflein. Les 
premiers Romains lîë voulurent point 
de roi , parce qu'ils n'en pouvoient 

(a) Il en a £ût la'â^cri'ptîon en 1596. Recueil dem 
*^yagt^ qui ontferti à l* établi ffcnunt dt U eomga^nU$ 
*ts.lttdcs ^ ToBU UI. pue L p. 15a 



i88 Dé l'ésphit dbs Lois , 

foufFrir^a puiflance : les Romains ,d'a« 
lors «e ivôulôient point de rôi , poiir 
.n'en point fouflfrir les manières. Car^ 
iqfuoique ێfar, les Triutovlrs , Au* 
gufte , fiifferit ; de véritables r<]^is ^ ils 
a voient gardé t^ut Textérieur de l'éga- 
lité , & leur vie privée contenoit une 
efpece d'oppofition avec le faft e des roi$ 
d'alors: & quand ils ne j^rouloieiu: point 
de roi , cela fîgnifioit qu'ils vouloîent 
gardex leurs manierjes , & ne pas pren- 
dre celles des peuples , d'Anique & 
d'Orient. 

/Jion (a) nous dit que le peuple Ro- 
main ^toit indigné contre Augufte , à 
caufe de certaines lois trop dures qu'il 
à voit faites: mais mter^^tot qu'il eut 
fait revenir le comédien Pylade que les 
faâiops avoient chaffô de la ville » le 
mécontentement ceffa. Un peuple pa- 
reil fentoit plus vivement la' tyrannie 
lorfqu'on chafïpit un bajadip ,. qup tort 
îqu'on lui ô toit to\itçsfe^J?oi?._. 

(«} Liy.IIV. pag 531. 



'Jftt^^^/S^ 



Liv. XIX. Chap. IV. i^ 
c H a: P: I T R E I V. 

C4 que c^efi que te/prit giniraL 

< 

PLUSIEURS chofes gouvernent les 
hoîtifnès ,ï4e climat , k religion ^ 
kl? lois 5 le^maxiflftes du gouvernement^ 
les exemples dès chofes paflees , les 
mœurs , les manières^ d'oîi il fe forme 
im efprit général qui en réfulte, 
t À mefure que dans chaque nation une 
de ces caufes agit avec plus de force , 
lesautres lui cèdent d'autant. La nature 
& le climat dominent prefqye feuls fur 
les fauvages ; les manières gouvernent 
les Chiîiois j les lois tyrâniiifent le Ja- 
pon ; les mœurs donnoient autrefois lé 
ton dans Lacédémonc ; Jes^ maximes du 
gouvernement' & les mœurs anciennes 
\& donnoient fbns Romet 



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1 > > '^^> 



%9Cic De L%jpiiïT Dfes Loii^ 
C H A P I T ItB V. 

JCombien il faut hrt at^tiuif à tu pbint 
changer Ptfprit cintrai d^unc nation^ 

S'il y avoit daïi$, le n^o^idie un« na- 
tion qui eût wie l|\ttnçw foâ^le^ 
•^ne Quvertwç de ççe^r^ U9te joie dans 
^ yiç , un gô&t 9 une fecilité à commis* 
niquer fes penfée^ 9 qui f^t vive , agréa-* 
Me, çnjpuçe, quelquefois imprudente, 
Couvent indifcretç ; ;& qui eût avec i:ela 
du courage , de la giénérofité 9 de la fiàDr" 
çhil'e 9 un certain pqint rd'honnefur i il 
ne £audr9it point cîiderclier à gêner par 
dçs lois fe$ nianieres , pour ne point 
gêner fes vertus. Si en général le carac- 
. tere eft bon 9 qu'ii;K^)0]i;e de q^ques 
défeuts qui s'y trouvent ? . 

Onypourroit contenir les &mmes^ 
faire des lois pour corriger leurs mœurs 
& borner leur luxe : mais qui fait fi on 
n'y perdroit pas u4-.certain goût , qui 
fcroit la fource des richeffes de la na- 
tion, & une poUteffe qui attire chez 
elle les étrangers ? 

C'eft au légHlateur à fuivre l'efprit 
4Je la nation , lorfqu'il n'eft paTcontraire 



Lîv. XIX. Chap. V. içf 

tttx principes du gouvernemeiit ; car 
nous ne faifonç rien de mieux que ca 
que nous faifons librement , &: en fuit 
yant notre génie natureL 

Qu'on donne un efprit de pédanterie 
A une nation naturelle^nçnt gaie , l'état 
n'y gagnera rien , ni pour le dedans , ni 
pour le dehors. Laiflex-luiiàire les cho-, 
les frivoles férieufement , & gniemeqt; 
les chojfes férieufes- 

1^""' M ■■" ' ■■ ■'■Il 11 1111 ■IIMjJiJjft 

CHAPITRE VI. 
Qu^U ni faiu pas tout ccmger. 

Qd'o n nous laifle comme noug 
foinmes , difoit un gentilhomme 
id'ime nation qui reflen^le beaucoup à 
celle dont nous venons de donner une 
idée. La nature répare tout. Elle nous d 
donné une vivacité capable d'ofFenfer , 
& propre à nous faire manquer à tous 
les égards ; cette i^.èfne vivaciti^ eft 
jCorrrigée par la poUtpffe qu'elle nous 
procure , en nous infpirant du goût 
pour le monde , & fur - tout pour le 
commerce des femmes. 

Qu'on nous laiffe tels que nou$.fo|n'f' 
jws. Nos cj[u^tç$ i»4ifcrettes , jointes ^ 



t^i De l'esprit des Lois, 

notre peu de malice , font que les lois 
Cjui^êneroient Thumeur fociable parmi 
nous , ne feroient point convenables. 

C H A P I T R E VIL 

^ Des Athéniens & des Lacidtmonitns» 

LES Athéniens , continuoit ce gentil- 
homme, étoient un peuple qui avoit 
tjuelque rapport avec le nôtre. Il met- 
toit de la gaieté dans les affaires ; un trait 
de raillerie lui plaifoit fur la tribune 
comme fur le théâtre. Cette vivacité 
qu'il mettoit dans les confeils , il la por- 
toit dans l'exécution. Le caraâere des 
Lacédémoniens étoit grave , férieux y 
fec , taciturne. On n'auroit pas plus tiré 

Sarti d'un Athénien en l'ennuyant , que 
'un Lacédémohien en le divertiffant. 



,c 



CffAPITREVIIL 

Effets de r humeur fociabU^ 

PLUS les peuples fe conununiquent , 
plus ils changent aifément de ma- 
nières , parce que chacun eft plus un 
fpeûacle.pour un autre; on voit mieux 

les 



Liv. XIX. Cmap. VIII. I9J' 

hs iîngularités des individus. Le climat 
qui fait qu'une nation aime à fe com- 
muniquer , fait auffi qu'elle aime à chan- 
ger ; & ce qui fait qu'une nation aime 
à changer , fait auui qu'elle fe forme 
le goût. 

La focîété des femmes gâte les mœurs ,* 
& forme le goût : l'envie de plaire plus 
que les autres , établit les pariu-es ; & 
l'envie de plaire plus que foi-même , 
établit les modes. Les modes font un 
objet important : à force ^e fe rendre 
l'efprit frivole , on augmente fans ceffe 
les branches de fon commerce ( ^ ). 

t^mmtmmmmmmmimmmmmHÊÊmmmmmmmiÊmmmiammÊmmBmmmmm . 

CHAPITRE IX. 

De la vanité & di> torgiull des nation^. 

LA vanité eft un aujîi bon reflbrt 
pour un gouvernement , que l'or- 
gueil en eft un dangereux. Il n'y a pour 
cela qu'à fe repréfenter , d'un côte , les 
biens fans nombre qui réfultent de la 
vanité ; de là le luxe , l'induftrie, les 
arts , les modes , la politeffe , le goût : 
& d'un autre côté , les maux infinis qui 
. naiffent de l'orgueil de certaines nations; 

(a ) Voyez la fable des abeilles. 

^ Tome //. I 



Î94 3De i'espRit Dis Loi$; 

la pare0e y U pauvreté , l'abandon de 
tout, la deftruâxon des nations que le 
)iaiard a fait tomber entre leurs mains ^ 
& de la l^ur même, La pareffe ( 4 ) eft 
TefF^pt de l'orgueil; le travail eft une 
fuite de 1^ vanité : L'orgueil d'un Eipa*» 
gnol le portera à ne pas travailler ; la 
vanité d'un François le portera à favoir 
travailler mieux que les autres. 

Toute nation pareflîpufe eft grave; 
ç^r ceux qui ne travaillent pas fe regar» 
4ent comn^e fpuverainç de ceux qui 
travaillent. 

Exan^nez toutes Içs nations; & vous 
verrez <jue , dans la plupart , la gravité , 
Vprguéil & la pareffe marchent du mê- 
pie pas.. 

Les peuples d'Achipi (A) font fiers & 
pareffeux : ceux qui n'ont point d'efclap 
ves en loujpnt un, ne fut-ce qu<2 pour 
/aire cent pjas , & porter deux pintes 
àfi ^iz ; ils le croiroient déshonoras s'ils 
les portoipnt eux-piêmes. 

M l'Cf peupks ouï ruWent 1^ Kan dp Malacamll^f i 
^cux de Carnàuca oc de Coromandil » font des peu- 
pies orgueilleux & paieifeux ; ils confomment peu » 

Sarce q^ijs font ntiferabUs : au )leu ijue les Mogolf 
c les peuples de rindoÀan s'occupent & Jouiflen; des 
coBs.inoditds de la vie , conine les Europ^ns. RtcutU 
des voyages qui ontfervi à Véublijfefntnt de Ut CQWipêpù$ 
ies Jades , tom. I. pag. 54. 

( ^ ) Voyez Damfifrtf > to^f )U» 



V. XIX CnA*. IX T5ff 

il y a plttfievurs ^endniits tle la ter» 
«Il Tonfe laiffe croître les ongles ^ pour 
xnarquer que l'on ne travaille point. 

Les femmes des Indes' (a ) croient 
^qu'il eft honteux pour elles a apprendre 
à lire : c*eA l'afïaire , difent-elles , detf 
«fclayes quîchai^tem des cantiques dan& 
Jjes p^ooes. Dans w&etcaifte, elles -ne 
filent poiat i dans une autre ,. elles ne 
£oi[it qu4'des paniers &C des nattes ^ elles 
41e' doivent pas même piler le riz; dan6 
4'ai|ti:«s^ il ce faut pas qu'elles aillent 
quérir de Tea^ L'orgueil y a établi fes 
règles , ôcii! les fait fuivre. Il n'eu pas 
f éceffaite de dire que les qualkés mo** 
Talés 4oat des effets différens ^ félon 
qu'elles fo0t unies à d'autres : ainfi Tôt-* 
^ueil j joint à une vaâé ambition , à 1« 
grandeur des idées , &c. produifit che» 
les Romains les effets que l'on feiL 

X «) Lettres ^djf.^ douzième recueil « p*49« 






'**4^>à«' 



« • 



Jij 



^6r Dê t*ESPÉÎT DEé^ toiS, 

fr"^— P-^*^"^— — " ■ -i'. Il .Il i t .lia 

C H API T R E X. 

JPu çaraB^TC des Efpa^nols y & de celui 

des Çhinoi^. 

LES divers caraôeres des nations fopt 
mêlés de vertus & de yices , ^c 
bonnes & de mauvaifes qiialitéSi Les 
heureux mélanges font ceux dont il ré- 
fuite de grands bîèns, & fpuventon ne 
les foupçonneroit pas ; il y en a dont 
il réfulte de grands maux , & qu'on ne 
foupçonnerpit pas non plus. 

La bonne foi ^ des Efpdgnols a été fà-* 
mcufe dans tous les temps. Jufiin ( <i ) 
nous parle de leur fidélité à garder les 
dépôts ; ils ont fouvent fouffert la mOrt 
pour les tenir fecrets. Cette fidélité 
qu'ils avoient autrefois, ils l'ont encore 
^ujourd'hui.Toutes les nations qui com-» 
mercent à C^dix , çonfîçnt leur fortune 
^ux Efpagnols, elles ne s'en font jamais 
repenties. Mais cette quc^lité admirable, 
jointe à leur pareffe , lorme un mélange 
dont il réfulte des effets qui leur font 
pernicieux : les peuples de l'Europe 
font fous leurs yeux tout le çQxnmevçç 
çie leur monarchie. 



. Lit. XIX. CttAP. XI 1197 

Le car^ûere des.Chmois forme un 
autre mélange , qui eft en contrafte avec 
le caraôe're des ËfpàgàoU. Leur vife pré-» 
caire (4) fait qu'ils ont une aftiyit^ 
prodigieufé , & un défir fî exceflîf dii 
gain y qu'aucune nation commerçante 
ne peut fe fier à eux (*). Cette inffdi»- 
lite reconnue . leur a conifervé le com- 
merce du Japon^ aucun négociant d'Eu^ 
rope n'a ofé entrepi^ndre de It fkira 
fous leur nom , quelque fadilitë qu'il y 
eût â i'çntreprendre par leurs provirv* 
ces maritimes du nord. 



CHAPITREXl- 
RéJkxiûnSé 

JE n'ai point dit ceci pour diminuer 
rien de la diflance infinie gii'il y a 
entre les vices & les vertus : à Dieu ne 
plaife ! J'ai feulement voulu faire com^^ 

Î>rendre que. tous les vices politiques n^ 
ont pas des vices moraux, &què tous 
les vices moraux ne font pas des vices 
politiques ; 8c c'eft ce que ne doivent 
point ignprer ceux ciui font des lois qui 
choquent l'efprit général. 

( 4S ) Par la natnre du clifnat & du terrain» 
(b) Le Père du HûUt » tom. U* 

iiij 



*9* Erâ^ t'ESPkL* iî^s; tioisy 



mtm 



c 



C H A,F;i;T RJ. vXîI,I. i 

. r 

is m'anictcs & des mcoirs dani Titdt 

deffotîquè. 

'feST une. maxime oqiitale , qii'îl 
ne ^£attt jamais changer les mœuri 
^ & les nmnieres dans J'^tat de^tirar; 

rien meferoit plus promptement uûvi 
d'une révohitîon.. C'eft cpie cfams ce^ 
«tàts il n'y a- point de lois , pour abft 
4iire : il n'y a .que des mœurs & en 
manières : & fi vous renverfez cela,, 
vous renverfez tout, 

Lesipis font établies ,le$'mœurs font 
înfpirécs ; ceiles-^ci tiennent plus à 
l'eiprit général ,, celles-là tiennent »ltts 
à une inûitution particulière : or il eft 
auffi dangereux , & plus , de renverfer 
Tefprit général , que de changer une 
inftitution particulière. 

On fe cominunique moins dans les» 
paysdî(ichai:un> & comme fupérièur& 
^omme inférieur ^ exerce &; loutFreun 

f mouvoir arbitraire , que dans ceux oii la 
îberté règne dans toutes les conditions^ 
On y change donc moins de manières 
& de liiœursi k5 niaiweresgUwi.fix^s 



approchent pUis des lois : ainfi il faut 
Cfu'un prince ou «n légiflateur y choque 
moins les moeurs & les itianiôres que 
dans aucun pays du monde. 

Les femmes y font ©rdînairenient en-* 
fermées , & n'ont point de ton <i don- 
iier. Dans les autres pays où elles vir 
"vent avec les hommes , l'envie qu'elles 
ont de plaire , & le défir que l'on a de 
leur plairç auâi , font que Ton change 
continuellement de manières. Les deuK 
fexes fe gâtent , ils perdent Tun & l'aiK 
tre leur qualité diftinûive & effentielle J 
il fe met im arbitraire dans ce qui étoit 
abfolu 9 8l les manières changent toti^* 
les jours^^, 

CHAPITR E XIIL 
Des manières che^i les Chinois. 

MAIS c'eft à la Chine que les manie*' 
res font indeftmâibles. Otitre 
que les femmes y font abfolument fépa»* 
Kes des hom»nes , on enfeigne dans les^^ 
écoles les manières comime les mœurs.^ 
On cannoît un lettré (^) à la façon aifée» 
dont il fait la révérence; Ces choies une 

%tii) dît le Pefc ék Hddé, 

l iv 



100 De l'esprittdes Lors, 

fois données en préceptes & par de gra-^ 
ves doûeurs, s'y fixent comme des priiv 
cipes de morale , & ne changent plus. 

CHAPITRE XIV. 

Quels Jont Us moyens naturels de changer 

Us mœurs & Us manures dHunt nation. 

* 

NOUS avons dit que les lois^toient 
des inftitutions particulières & 
f)récifes du légiflateur , & les mœurs & 
es manières des inftitutions de la nation 
en général. De là il fuit que , lorfque 
Ton veut changer les mœurs & les ma- 
nières 5 il ne faut pas les changer par les 
lois ; cela paroîtroit trop tyrannique : 
îl vaut mieux les changer par d'autres 
mœurs & d'autres manières. 

Ainfi ,* lorsqu'un prince veut faire de 
grands changemeîis d^ns fa nation , il 
. feut qu'il réforme par tes lois ce qui eil 
établi par les lois ^ & qu'il change par 
les manières ce qui eft établi par les ma- 
nières : & c'eft une très-mauvaife poli- 
tique , de changer par les lois ce qui 
doit être change par les manières.- 
. La loi qui obligeoit les Mofcovites à 
fé faire couper la barbe ôc les habits , & 



Ltv. XIX; Chap. XÏV. toi 

& violéftdé de Pfert-e I , qui faifoit tailler 
jiifqiraux genoux les longues robes de 
ceux qui éhtroient dans lesvilles,étoient 
tyratiniques. Il y a des moyens pour 
empêcher les crimes , ce fofit let pei- 
nes : Si ^ en a ^'our faire changer les 
Éinhïeres^ feé font' les exemples. 

La faciiîté^Ôelapromp^titude avec la- 
quelle cette nation s'eft policée , a bien 
montré que te.prrocè avoit trop mau- 
vaife opmion d'elle ; & que ces peu- 
ples n'étoîent pas des bêtes , comme il 
le difoit. Les mfbyensviolens qu'il em- 
ploya éttjient inutiles"; il ferôit arrivé 
tout de même à fon butpar la douceur. 

Il éprouva lui-même la facilité de ces 
changemens. Les femmes étoient ren- 
fermées , & en quelques façons efcla- 
yes ; il les appella à la cour , il les ût 
habiller à T Allemande , il leur envoyoit 
des étoffes. Ce fexe goûta d'abord une 
façon de vivre qui flattoit fi fort fon 
goût , fa vanité & fes paflions , & la fit 
goûter aux honmies. 

Ce qui rendit -le changement plus 
aifé , c'eft que les moeurs d'alors étoient 
étrangères au climat , & y avoient été 
apportées par le mélange des nations & 
parles conquêtes, Pierre I^ donnant les 

I V 



iox 'Du e' E sp R îic^ pE s; Le vs%^ 

mocfurs & les manières de TE^iropc ^ 
une nation d'Europe ^vjrouva des faci-^ 
Ktés qu*il n'attendoit. pas lHi-îpemç.j 
L'empire du climat eu* le premier de 
tous^s^mpires-. il n'avoitdpfic pas, 
heidin de lots pour changer: 1^ mœur^ 
&c les manières ;de ia nation ;, il lui euf^ 
fufE d'infpirer d'autres moeut^ & d'au- 
t±es manières*. 

En général ^ les pevipUs font très- 
attachés à leurs coutumes y les leur ôter 
TÎolemment • c'eil les rendre malheu?- 
reux : il ne faut^donc pas les changer y 
mais les engager à les ch^i^r eux- 
mêmes. 

Toute peine qui ne dérive pas dela> 
néceffité. eil tyranaique. La loi n'eil pas* 
un jpvir aâe de puiffance ; les chofes in- 
dittérentes par leur nature ne font ga#> 
de fon reiTort. 



émÊÊmÊÊÊÈÊmÊmÊÊÊÊtÊmÊmÊm 



i^ 



CHAPITRE XV.. 

Jnfiienu du gouvernement domejiîjftc: 
fur le politique» ■ 

CE changement des moeurs des fem- 
mes influera fansdoute beaucoup 
dans le gcuvememeût .de Mofcpvie^ 



Lir. XIX Cha?. XV. tôf 

Tout eft extrêmement lié : ledefpotifme 
du prince s'unit naturellement avec la< 
fervitude des femmes ; la liberté des* 
femmes avec refprit de la monarchie. 



I 

^ 



CHAPITRE X V r. 

Comment quelques legijlateurs ont con^ 
fondu les principes qui gouyerntm àp 
hommes. 

LES mœurs & les manières font des» 
ufàges que les lois n'ont point éta-r 
Mis , ou n'ont pas pu, ou n'ont pas- 
voulu établir. 

Il y a cette différence entre les lois- 
& les moeurs , que les lois règlent plus- 
les aftions du citoyen , & que les 
mœurs règlent plus lesaftions de l'hom-r 
me. H y a cette différence entre les> 
ïRoe\irs & les manières , que les pre- 
mières regardent plus la conduite in- 
térieure , les autres l'extérieure. 

Quelquefois , dans un état , ces cho-^ 
fes (a) fe confondent. Lycurgue fît un: 
même code pour les lois , les mœurs 6C 

(,a) MoïCe £t un mêihe coût pour les loi* & la» 
religion. Les premiers Romains confondirent les cou*- 
Uuati- anciennef avec-Ie« k»s. 

l VJ. 



10*4 De l'esprit des LoiSy 

les manières ; & les légiilateurs de Ta 
Chine en firent de môme, 
, Il ne faut pas être étonné files léçii^ 
latents de Lacédémone & de la Chine 
confondirent les lois , les mœurs & les 
manières : c'eft que les mœurs repré- 
fentent les lois , & les manières repré^ 
fentent les mœurs. 

Les légiflateurs de la Chine avoienC 
pour principal objet de faire vivre le\ir 

Eeuple tranquille. Us voulurent que les 
ommes fe refpeâaffent beaucoup; que 
chacun fentît à tous les inflans qu'il 
devoit beaucoup aux autres , au'il nV 
âvoit point de citoyen qui ne dépendit 
à quelqu'égard d'un autre citoyen : Ils 
donnèrent donc aux règles de la civilité 
la plus grande étendue. 

Ainfi, chezlespcuples Chinois on vit 
tes gens (a) de village obferver entr'eux 
des cérémonies comme les gens d'une 
condition relevée : moyen très-propre à 
înfpîrerla douceur, à maintenir parmi le 
peuple la paix & le bon ordre , oC à ôter 
tous les vices qui viennent d'un efprit 
dur. En effet, s'af&anchir des règles 
de la civilité ^ n'eft-ce pas chercher le 
moyen de mettre fes défeutsplus àTaife? 

(«} Voyez. le Pexe dtLHaldc^ 



Liv. XIX. Chap. XVI. lof 

- La civilité vaut mieux à cet éeard que 
la politeffe. La poUteffe flatte les vices 
des autres , & la civilité nous empêche 
de mettre les nôtres au jour : c'eft une 
barrière que les hommes mettent en- 
tr'eux pour s'empêcher defeVorrompre. 
Lycurgue, dont les inftitutions «toient 
dures , n'eut point la civilité pour objet 
lorfqii'il forma les manières ; il eut en 
vue cet efprit belliqueux qu'il vouloit 
donner à fon peuple. Des gens toujours 
corrigeans , ou toujours corrigés , qui 
inftruifoient toujours , & étoient tou- 
jours inftruits , également . fimples & 
rigides , exerçoient plutôt entr'cux des 
vertus qu'ils n'avoient des égards- . 

CHAPITRE XVII. 

PropricU paniculUre au gouvernement 

de la Chine. 



y 



LES légiflateurs de la Chine firent 
plus {a) : ils confondirent la reli- 
gion , les lois , les mœurs &les maniè- 
res ; tout cela fut la morale , tout cela fut 
la vertu. Les préceptes qui regardoient 

( * ) Voy ex les lirres claflTiqties , dont le F» du HMt 
BOUS a donné de û ^ai» notceaiuu 



^ De l'esi^rit bês Lois,. 

ces quatre points , furent ce que Ton apv 
pela les rites. Ce fut dans rôbfervaliort 
€xaâe de ces rites, que le gouvernement 
Chinois triompha. On paffa toute fa jjsu*- 
neffe à les apprendre , toute fa vie à les^ 

Eratiquer. tes lettrés les enfeignerent, 
s magiftrats les prêchèrent. £t com-^ 
me ils cnveloppoicnt toutes les petites 
aftions de la vie , lorfqu'on trouva lé 
moyen de les faire obferver exafte-- 
ment , la Chine fvit bien gouvernée. 
. Deux chofes ont pu aiiement graver 
ïes rites dans le cœur ficTefprit des Chi* 
nois ; l'une , leur manière d'écrire extrê- 
mement compofée , qui a fait que ^ pen- 
dant une très-grande partie de la vie ,, 
l'efprit a été imiquement (a) occupé de 
ces rites , parce qu'il a fallu apprendre 
à lire dans les livres , & pour les livres 
qui les contenoient ; l'autre , que les 
préceptes des rites n'ayant rien de fplri- 
tuel , mais Amplement des règles d'une 
pratique commune, il efl plus aifé d'en» 
convaincre & d'en frapper les eiprits^. 
que d'une chofe intelleâuelle; 

Les princes qui , au lieu de gouver-- 
ner par les rites , gouvernèrent par la; 

^ Ça) C'ed ce qui a ëtabli rémulatioa , 1« foic^ de-' 



Eiv. %l%. CifA?* XVK. toTt 

force des fupplicesy voulurent faire faim' 
aux fupplices ce qui n'eâ pas dans leu^ 
pouvoir ,, quieil^e donner desmoeurs.. 
Le^ fupplice$ retrancheront bien de la. 
fociété un citoyen qui ^ ayant perdju fes- 
moeurs ^ viole ks lois : mais il tout Id 
Qionde a^ per4u«^ tfto^rs y les rétabli-* 
cont-ilsi Les iu,pplice& arrêteront bieo^ 
^luûeurs confféquences du mal général i 
mais^ilsne corrigeront pas ce mal. Aufli 
quand on abandonn^L les principes di^ 
gouvernement Chinois,quand.lamorale 
y fiit perdue , T^fat tombai-t^ il dans Tar 
narchîe ^ & on vi| d^ révolutions. 



I 



€ H A P I T RE XVII I. 

Conféqutnct du^chapitrcpricident. 
L réijulte de là queia Chine ne perdi 



point fes lois par la conquête. Les> 
manières ^.les mœurs , les lois y la reli- 
gion y étant la même chofe , on ne peutf 
changer tout cela à la fois. Et comme il 
Ésiut que le vainqueur ou le vsûncu chan-r 
genty^^il a- toujours fallu à la Chine que 
ce fut le vainqueur : car fes mœurs n'é-r 
tant point fes manières , fes manières ' 
^s lois , fes lois fa rdigion ,à1 a été glus^ 






lo8 De l'esprit i>es Lors, '> 

âifé qu'il fe pliât peu à peu au peuple 
vaincu , que le peuple vaincu à lui. 

Il fuit encore de là une chofe hten 
trifte : c'eft qu'il n'eft préfque pas poîîî- 
ble que leChriftianifme^^tabliflfe jfamaisr 
à la Chine (<i). Les vos^n de virginité , 
les affemblées desfèmnîés dahslesf égli- 
fes, leur communication néxiefiaireavec 
les miniftres'de la retigioîi , leur parti-'" 
cipation aux facremens /la confeflion 
auriculaire , l'extrêhie-onftion , le ma- 
riage d'une feuje femme; tout celaren- 
verfe les moeurs & lès' maniérés du 
pays , & frappe endorê dii même coup- 
iur la religion & fur les lois. . .. 

La religion chrétienne , par l'établif- 
fement de la charité , par un culte pu- 
blic , par la participation aux mêmes 
facremens , femble demander que tout 
s'uniffe : les rites des Chinois Semblent 
ordonner que iout fe fépare. 

Et comme on a vu que cette fépara- 
lion ( ^ ) tient en général à Tefprit du 
defpotifme , on trouvera dans ceci une 
des iraifons qui font que le gouverne- 

(tf) Voyez les -raîfôns données par les magiftrats' 
Chinois » dans les décrets par lefqueh ils profcrivenr 
U religion Chrétienne. Lu* idif, iUt'feptUmt recueiU 

(h) Voyez le liv» IV, chap, iix ; & le liv.'XlX, 
cliap, XIX*' 



Liv. XIX. Chap. XVIIL îo^ 

ment monarchique & tout gouverne- 
ment modéré s'allient mieux ( a ) aVec 
la religion chrétienne* 



CHAPITRE XIX. 

Comment s^efl faite cette union de la reli" 
gion y des lois , des mœurs & des manie* 
■ res , che^ les Chinois. 

LES légiflateurs de la Chine eurent 
pour principal objet du gouverne- 
ment la tranquillité de l'empire. La fu- 
bordination leur parut le moyen le plus 
propre à la maintenir. Dans cette idée , 
ils crurent devoir infpirer le refpeft 
pour les pères , & ilsraffemblerent tou- 
tes leurs forces pour cela. Ils établirent 
ime infinité de rites & de cérémonies , 
pour les honorer pendant leur vie & 
après leur mort. Il étoit impoflîble de 
tant honorer les pères morts , fans être 
porté à les honorer vivans. Les cérémo- 
nies pour les pères morts avoient plus 
de rapport à la religion ; celles pour les 
pères vivans avoîent plus de rapport 
aux lois y aux mœurs & aux ipanieres ; 
mais ce n'étoit que les parties d'un 

( « ) Voyez «i-aptès U Uv. XXIV , çh. IIL . 



4fo De L^ESPiçir dès LoïSf 

même code,&ce code étoit très-ëtendiiV 
Le refpeû pour les pères étoit nécef- 
fairement lié avec tout ce qui repréfen- 
toit les pères y les vieillards, les maîtres^ 
les magiftrats , l'empereur. Ce refpetl 
pour les pères fuppofoit un retour d'ar- 
mour pour les enfans ; 6c par confé** 
quent le même retour des vieillards aux 

J'eunes gens , des magiftrats à ceux qui 
eur étoient fournis , de l'empereur à les 
fujets. Tout cela formoit les rites , Se 
ces rites l'efprit général de la nation. 

On va fentir le rapport que peuvent 
avoir, avec la conftitution fondamen-^ 
taie de la Chine , leschofes qui paroif- 
fent les plus indifférentes^ Ùet empire 
cft formé fur l'idée du gouvernement 
d'une famille. Si vous diminuez l'auto- 
rité paternelle , ou même fi vous retran-^ 
chez les cérémonies qui expriment le 
refpeft que l'on a pour elle , vous affoi-^ 
bliffez le refpeâ pour les magiftrats que 
Fon regarde comme des pères ; les ma- 
giftrats n'auront plus le même foin pour 
lès peuples qu'ils doivent confidérer 
comme des enêuis ; ce rapport d'amour 
qui eft entre le prince & les fujets , fr 
perdra aufllî peu à peu. Retranchez une 
de ces pratiques^ £c vouséfaranlez l'état» 



Lrv. XÎX. C»AP. XIX. 4« 

B eô fort ifuiîfférent en foi y que tous 1 es: 
«latins une belle-fille fe levé pour aller 
rendre tels & tels devoirs a fa bélier 
mère ^ maisiiron fait attention que ces 
pratiques extérieures rappellent faM 
ceffe à un fentiment qu'il eft néceflaire 
d'imprimer dans tous Us coeurs ^ & qui 
va de tous les eoeurs former Tefprit qui 
gouverne l'empire, l'on verra qu'il eft 
néceâaire qu'une telle ou uae telle 
aûion particulière ie fafie.. 

mmmmmmmmmmÊmrmmmmmmmmmmmÊm mÊmmmmmitmé* 



CHAPITRE XX. 

Explication é^un paradoxe fur ItSf 

Chinois^ 

« 

CE qu'il y a de fingulier , c'eft que 
les Chinois , dont la vie eft entié* 
feraent dirigée par les rites , font néann 
moins le peuple le plus fourbe de lar 
terre. Cela paroît fur-tout dans le com- 
merce 9 qui n'a ^amaiâ pu: leur infpirer la 
bonne foi qui lui e;ft naturelleXeluiqut> 
acheté doit porter (a) fa propre balan- 
ce ; chaque marchand en ayant trois y 
une forte pour acheter , ime légère poujî 

(a ) Journal dis Latige en 172I' & Vjia ». tOffl. VUl^, 
«Us voyages dtt-nord., g. 3^3^. 



iii De t'ÉSPRiT ùÈs Lôî^, 

Vendre , & une jiifte pour ceux qui font 
fur leurs gardes* Je crois pouvoir expU*- 
quer cette contradiftion* 

Les légiflateurs de !a Chine ont eii 
deux objets : iU<rnt atouIu que le peu- 

1)le fut fouii»ts'& tranquille; & qu'il fut 
aborieux & induflrieux. Par la nature 
du climat & du terraift , il a ime vie 
pfécaire ; on n*y eft affuré de fa vie 
qu'à force d'induflric & de travail 

Quand tout le rtônde obéit , & que 
tout le monde travaille , l'état eft dans 
une heureufe fituation. C'eftlanéceffi- 
té , & peut-être la nature du climat , 
qui ont donné à tous les Chinois une 
avidité inconcevable pour le gain ; & 
les lois n'ont pas fonge à l'arrêter. Tout 
a été défendu , quand il a été queftion 
d'acquérir par violence ; tout a été per- 
mis , quand il s'eft agi d'obtenir par 
artifice où par induflrie. Ne comparons 
donc pas la morale des Chinois avec 
celle de l'Europe, Chacun à la Chine a 
dû être attentif à ce qui lui étoit utile : 
fi le fripon a veiUé à les intérêts , celui 
qui eft dupe devoit penfer aux fiens, A 
Lacédémone, il étoit permis de voler ; 
à la Chine , il eft permis de tromper. 



?. 



liv. XIX. Chap, XXI. ni 
CHAPITRE XXI, 

Comment Us lois dçivcrit être reladyes aux 
mœurs & nux manierçs. 

IL n'y ^ que des inftitiitions flngulie-^ 
re$ qtri confondent qinfi des chofes 
naturellement féparées , les lois , les 
mœurs & les manières : mais quoi-» 

libelles foient fi^rées , elles ne laif- 
ent pas d'avoir çntr'elles de grands 
rapports. 

. On . demanda à Sohn fi les lois qu'il 
»yoij: données aux Athéniens étoientles 
meillçurçs, ^< Je leur ai donné , répon- 
>> dit-ril , les meilleures de celles qu'ils 
» pouyoiçnt fouffrir » : belle parolç , 
qui devroit ^être entendue de tous les 
légiflateurs. Quand la fagefîe divine dit 
au peupl,e Jviif :. «Je vousjii donné des 
» préceptes qui ne font pas bons», cela 
iîgnifie qu'ils n'a^ient iqu\me bonté 
relative ; ce qui eil l'éponge de toutes 
les difficultés que l'on peut faire fur Içç 
lois de Mpïfe. . 



^ 



. > 



li4 De l'esprit des Lois, 
CHAPITRE XXIL 

' Contiauathn du mtmefujtu 

QUAND un peuple a de bonnes 
mœurs , les lois deviennent fim- 
pies. Platon Qi)àxt que Radamante, qui 
gouyernoit un peuple extrêmement re* 
lifiieux , expédioit tous les procès avec 
célérité , déférant feulement le ferment 
fur chagiie chef. Mais , xlit le même 
Platon (i) , quand un peuple n'eft pas 
teligieux , on ne peut i^ire ufage du 
ferment que dans les occafions oîi celui 
•jqui jure eft fans intérêt , comme ua 
|uge,& des témoins. 

CHAPITRE XXIII. 

Comment ' les lois fdvtat Us 'meeurs. 

D ANS ic temps que lies mœurs des 
Romains ^oiènt pures , il n^y 
avoit point de loi particulière contre le 
péculat. Quand ce crime commença à 
paroîtr^ , il fut trouvé fi infeme , que 

f - J Des lois , ïiy.X}^ 



Liv. XIX, Chap. XXIV. iiç 

4*être condamné à reftîtuer (^ ) ce que 
Von avait pris, fut regardé comme une 
grande peine ; témom le jugement de 
L Scipion (*)^ 

I ' ' ' . ", ' gggga 

CHAPITRE XXIV. 

Contimiadon du nUmtfuju. 
£S lois qui donnent la tutelle à la 



L 



mère , ont plus d'attention à la 
confervation de la perfonne du pupille ; 
celles qui la donnent au plus proche 
héritier , ont plus d'attention à la con- 
feifvatîon des biens* Chez les peuples 
dont les mœurs font corrompues , il 
vaut mieux donner la tutelleà la mère. 
Chez ceux oti les lois doivent avoir 
de la confiance dans les inœurs des ci- 
toyens , on donne la tutelle à l'héritier 
des biens , oii à la mère , 6f quelquefois 
à tous les deux. 

Si Ton réfléchit fur les lois Romaines ^ 
on trouvera quç leur eforit eft conforme 
à ce que je dis. Pans le temps oii Ton 
fit la loi des douze tables, les moeurs à 
Rome étoient admirables^ On déféra la 

(«) JnSmpîum* 



r 



ii6 De l'esprit des Lois, 

tutelleau plus proche parent du pupille, 
penfant que celui - là devoit avoir la 
charge de la tutelle , qui pouvoit avoir 
davantage de la fucceflîon. On ne crut 
point la vie du pupille en danger , quoi- 
qu'elle fût mile entre les mains de ce- 
lui, à qui fa mort devoit être utile. Mais 
lorfque les mœurs changèrent à Rome , 
on vit les légiflateurs changer auffi de 
£ciçon de penfer. Si dans la lubftitution 
pupillaire , difent Caùts ( ^ ) & Jujlinun 
(f) , le teftateur craint que le fuDftitaé 
ne dreffe des embûches au pupille , il 
peut laiffer à découvert la fubftitution 
vulgaire (c), & mettre la pupillaire 
dans une partie du teftament qu'on ne 
pourra ouvrir qu'après un Certain temps. 
Voilà des cramtes & des précautions 
inconnues wx premiers Romains. 

• 

(a) loft. liv. II , tit. 6, §. ^ ; la çoaipiUtion à*Oul$ 
à Leyde , 1658^ 

(h) Inftitut. iiv. Il, depupil.fuhfiU, %, 3. 

( c } La fubftitution vulgairt eft : Si un tel ne prend 
•ar rnérédité , je lui fubftitue , &c. LapupiUaire eft : 
%ï un tel meiut ivant fa puberté , je lui (ubftituc # &c« 



*^^^ 



CHAPITRE 



tïT. XIX. Chap. XXV". iîf 
, C RA P I T, R E XXV, . 

Continuation du mêmifuju. 

EAloi Romaine donnait la liberté de 
, fe fairejdes jdo^is-avant le mariage ; 
après le mariage éfle'né lé permettoit 
plus. Cela étoit fonde fur les mœurs 
des Romains , qui n'étoient portés au 
mariage que par la û-uçalitéy la fimpli- 
cité & la modeilie , mais qui pouvoient 
fe laifler féduire par les foins domefti- 

3ues y Les complaiiances & le bonheur 
e toute line vicj. ' 

La loi'des Wifigotbs (itt) vouloit qutf 
Pjépauxjîc pût donner à celle qu'il de- 
V'oît époufer, aunielà du i dixième de 
fes biens ; *& qu'il ne pût lui rien don- 
ner la première année de fon mariage. 
Cela y enoit encore des moeurs du pays* 
Les légiilateurs vouloient arrêter cette 
jaé^aace £rpagtv>le>uni<piement portée 
à faire des. libéralités exceiHves dans 
une aftion d'éclat. 

Les .Romains ^ par leurs lois , arrêtè- 
rent quelques inconvén^ensdel'empirt 
du moîide le plUs durable , qui eft celu^ 

{<) Lit. m. tit. l. $. J* 

Tomt II. jSt 



iiiS Pê l'esprit des Lois, 

de laavertuUesfrp^pols^ pwksleiif^i 
vouloient empêcher lés mauvais effets 
de la tytànme dii monde la pW fragile, 
qui eit jççUe de la. beauté, 

pmÊmmmmmmmmmÊÊÊÊmmmmmÊmÊmÊÊmmmmmmmÊmÊmÊÊm ' 

chapitre; XX vi. 

Cùnûnuàtion dû mime fiija* 



) 



LA loi (4) de Théodofz & de VaUnn-^ 
nUn tira les caufes de répudiation 
des anciennes mœurs (fy &i des manie-» 
res des Romains. Elle mit an nombre do 
ces caufes, l'aûion d'im mari (c) qui ch*» 
tieroit fa fenfnie d'une mahiei^ indigne 
d'une perfonné ingénue, Cette caufe fut 
omiie dans les lois fuivaates (^dY. c'eft 
que les mœursi avoient change à cet 
^gard j les ufages d'orient avoient pris 
iia place dç ceux d'Europe^ Le premier 
eunuque de l'impératrice, fémraé dé 
Jiiftimen II, la menaça, dit rhiûoire^ 
de ce châtiment dont on punit les 

Îë) Leg, Vlli, c^d, de repudiis. 
b) Et de ht loi At$ douze tibfes. Voyçz Cictfron 1 
liconde Philifipiqae» 

(() Si verberibust qufi ingenuis alica4jhn$%aMtii$^ 
Uni pfohbvefte, 
(4) Pans la novcllç 11^, Sfk^ *xVi 



Liv. XIX, Chap. XXVI. rrf 

^nfans dans ks écoles. Il n'y a que des- 
anœurs établies , ^ii des mœurs qui 
cherchent à s^étfiblir, qui puiffentfmre 
imaginer une pareille choie. 

Nous avons vu comment les lois fui- 
vent les moeurs 4 voyons à préfent com- 
ment lesnuBurs fui vent les lois. 



CHAPITRE XXVIL ^ 

Comment Us. lois peuvent coniribuer k 
former Us mœurs ^ les manUrcs & le 
càrx^ere /Tune nation. 

LES coutumes d'un peuple efclîive 
font une partie de fa fervitude : 
celles d'un peuple libre font une par- 
tie de fa liberté. 

J*ai parlé au livre XI {à) d*un peuple 
libre ; j'ai donné les principes de fa conf^ 
titution: voyons les effets qui ont du 
fuivre , le carai^ere qui a pu s'en for-» 
mer, & les manières qui en réfultent. 

Je ne dis point que le clin^at n'ait pro* 
duit en grande partie le$ lois , lés mOeUrs 
&les manières dans cette nation ;i maist 
je dis que |es mœurs & les manières de 

{û) Chaïutre VU ' ' - 

K i| 



SaO- Dfe L*tSPRIT DE5 LOÎS^ 

cette nation de vroient avoir un grané 
rapport à (es lois. 

Comme il y auroit dans cet état 
deux pouvoirs vifibles, ta puiffancelé- 
gîflative & l'exécutrice ; & que tout 
citoyen y auroit fa volonté propre , & 
feroit valoir à fon gré fon indépen- 
dance ; la plupart desgens auroientplus 
<ï*affeftion pour une de ces puiffances 
que pour l'autre „ le grand noipbre 
n'ayant pas ordinairement affez d'é- 
quité ni de (ens pour lés afFeftionncr 
«gaiement toutes Içs deux. 

Et comme la puiffance exécutrice , 
difpofant de tous les emplois , pourroit 
donner de grandes efpérancès & jainai^ 
des craintes : tous ceux qui obtien- 
droi^nt d'elle feroient portes à fe tour- 
ner de fon côté , & elle pourroit être 
attaquée par tous ceux qui n'en efpé- 
reroient rien^ 

Toutes Jes paffions y étant libres, la 
haîne, l'envie, la jaloufie, Pardeurde 
s'enrichir & de fe diftinguer , paroi- 
troiçnt dans toute leur étendue; & ii 
eela étoif autrement , l'état feroit com- 
me un homme abattu par la maladie j^ 
qui n'a point de paffions , parce qu'il n** 
point de forces, 



Liv. XIX. ^Chàp. XXVII. %rt 

La haine qui feroit entre les deux 
partis dureroit , p^rce qu*elle feroit tou* 
.jours ittipuiffantei 

Ces partis étant coixipofës d'hommes 
libres , fi l'un prenoit trop le deffiis y 
l'effet de la liberté feroit que celui-ci 
feroit abaiffé , tandis que les citoyens , 
comme les mains qui fecourent le 
corps , viendroient relever l'autre. 

Comme chaque pjarticulier ^ toujours 
indépendant fuivroit beaucoup {^s ca- 
prices & fes fenjtaifies , on changeroit 
îbuvent de jparti : on en abandonneroit 
un oii l'on laifferoit tous fes amis^ pour 
fe.Uer à un autre 'daits lequel on troii- 
veroit tous (es ennemis; ,& fouveaf^ 
dans cette nation , ônpourroit oublier 
le^ lois de l'amitié ôç celles 4e la haine. 

Le monarque feroit: dans^ le cas des 
particuliers; & contre les maximes or- 
dinaires de la prudence , il feroit fou- 
vent obligé de donner fa confiance à 
ceux qui raurpient le plus choqué ^ & 
de difgracier ceux qui l'auroient le 
mieux fervi , faifant pîp: néççflité ce quç 
les autres princes font par choijc. 

On craint.de voir échapper un bien 
que l'on fent, que l'on ne connoît gue* 
fe, ôc qu'on peut nous déguifejr; ^Ig 

K iij 



^zi 1>E h^ÈSPttir DÈS» Lors,; 

crainte ^roiSt touîpurs les objets, te 
^•peuple lerait inquiet fur fa fituation ,. 
fie crpiroit être en danger dans les mo- 
mens même les plus furs» 

D'autant mieux que ceux qui s-Qp-^ 
poferoient le plus vivement à la piuf- 
iance exécutrice, ne pouvant avouer 
fes motifs intérefles de leur oppofition^ 
ils augmenteroient les terreurs du peu- 
ple , qui ne fauroit jamais au jiifte s'il 
îeroit eu danger ou non. Mais cela mê- 
me contribueroit'à lui feire éviter les 
vrais périls oîi il pourroit dans la fuite 
être expofé. 

Mais le corps légiflatif ayant la con- 
fiance du peuple , & étant plus éclairé 
que lui ; il pourroit le fidré revenir des 
tnauvaifes impireffions qù'on'lui auroit 
données ^ ôc calmer (es mouvemens.. 

C'eft le grand avantage qu'auroit ce 
-gouvernement fur les œmocraties an- 
ciennes , dans lefquelles le peuple avoit 
une puifiance immédiate ; car lorfque 
ides orateurs Fagitoient ^ ces agitations 
avoient toujours leur effet. 

Ainii quand les terreurs imprimées 
ii'auroient point d'objet certain , elles 
ne produiroient que de vaines dameurs 
£c ie& injures ; & elles aiiroient çaêmô 



le bon effet , qu*elles tendroient tous 
ks reffotts du gouvernement , & ren* 
ëroieni tous^ les citoyens attentifs. Mais 
fi elles naifToient à roccafion du ren*^ 
verfement des lois fondamentales*^ ellesf 
feroient fourdes, fiineftes, atroces , & 
produiroient des cataftropbes. 
' Bientôt on verroit un calme affi*eux ^ 
pendant liequel tbutfe réuniroit contre 
laf)uiflance violatrice des lois. 
'^ Si, dans le cas où les inquiétudes 
n'ont pas d'objet certain , quelaue puii^ 
iance étrangère menaçoit l^état , & le 
taettoit en danger de fk fortune ou de 
J&èloire;^ourlors, les petits intérêts 
iëaant nux plus grands , tout fe téu- 
fiiroit en fevciir M la puifTan^^e exécu- 
trice.' 

^Que fi les'dif^utes étoiènt formées 
à Poccafion de la violation des lois fpn^ 
^amentales ,;& qu'une puiffance étran- 
gère parut ; il y auroît une révoliitioii 
qui ne changeroit pas la forme di^ gou* 
Vernement , ni fa conftitutloDi : car le$ 
révolutions que forme la liberté ne font^ 
qu'une confirmation de la liberté. 

Une natimi libre peut avoir un libé- 
rateur ; une nation fubjuguée ne peut 
^voir qu'un autre opprefleur, ^ 

K iy 



iX4 pE L'ESFHIT DES tÇ^^^ 

..^^ jtou^ji^pmme.qvi *i aflez de £orq§ 
poi^r^chaffçr^iÇeiHiqHi (?ft déj^ le m^îtt^ 
abljadu danf^ iy\ état ^ ^;* aff^:t* pour le 

Comme ^ pour joinr de la liberté i 
il fau| que cnacun puiffe dire ce qu'il 
penie; & ;Ç|ue, pouf ^'xoiif#rver^^4| 
É^t)Çn/;aiFe q>if ^hacijiJçi.puiff(Çîdireiçe 
^î^'ÀVs^e i vuj ;citay^» i.daççrcçfrit^, 
Giroit &, p53riwit tom : ce x{\\e }r^ loi;? 
jie lui ont fpas défonàu expreffémeiït'de 
^ire . ou d'écrire* . , * » 

Cette nation jf. toujours- échauffée,' 
-pourrpit pJuS[ gifément êtrqjCon^uiff 
par^iÇsS; p^iïïons. qiie p«ir la saifbn^ qiéfi 
ce procmit jamais-, de grands, jqffetslur 
i'ei^rit oe|i honunes ; ; &, ^ /^9fÇ ^ila 
à ceux qui la gouverneroient , de hii 
faire faire des eiUreprifeSr cont]^ ^s^ 
yéritables intérêts» 

Cette nation aimeroit prodîgicufe* 
ment^f^ lij>erté, pcafcçi que cette liberté 
feroït vrgi^ : &.il poiurroit priver que, 

four la défendre , elle facrifieroit ibi> 
ien^ fon aiiànce,-fes intérêts; qu'elle 
jfe chargeroit des impôts les plus diïts, 
& tels que la.princele plu^abfol^a u'ck 
feroit les faire^fupporter à ies,fu\et^ ^ 
Maïs comme! ell^ ^-o^t;. .iiné 4:011* 



i -*'i 



iiôiffance certaine de là nëoeffi<^ de s*y; 
fottmèttre y cpi^^He payeî^oitdans Tef-^ 
pérance bien fondée de ne payer plus; 
les charges y feroient plus pelantes que 
k féntiment de* cèS charges r au lîeii 
C[u*il y.^ des>^tâts oîi'le lè^itktient eft 
ihMm€<%t àîi defiu^ du^rtàh • ' - 

Èllëaiiroit iXft trédlt'sur,pa(rce qu*elle 
etrtpmnteroit à elle-inênT«,& fe pay eroit 
elle-même. Il pourroit arriver qu'elle 
entreprendront au deffus* de fes forces 
naturelles ^ &ferok vskiit^ centre' fes 
enhètnîfs d-imimenfe^' riicheffes de fic^ 
tïôn^ qiié là confiance &-là nature de 
ftm çfoiivemeiiient renàfôieiw! réelles. *> 

Pour confêrvër fa liberté-, elle em- 
prunteroit de fes fujets; & i'es fujefs^ 
qui verroient que fdn crédit feroit 
^rdi4> fi elle était conqtfifë, auraient 
un nouveau motif dé faite ^des efforts 
j^ur défendre fa liberté. '^ ^ i^- 
- Si^cette nation habitoit une île ^ elle 
nfe feroit point conquérante , parce que 
des 'Conquêtes féparéês rafFoibliroient, 
Si le terrain de cette île étoit bon , elle 
i^ feroit encore moiri$*i -parce qtt^elfe 
âVirciitipas bef<^ri dé la guerre pckir 
S*ei^richïf.Etcomme aucun citoyen né 
iâéjMsri(i^Oit;d'ui\iâutre citoyen , chacu^ 



feroît^liis dé cas defa ia;»rté> que fe 
la gloîfe dequelques cito^nS)<)u.d?uat 
feul. 

Là oa regarderoit les hommes de* 
guerre comme des gens df un métier quii 
Pfeut ^tre utilct'ôc fou.vent dsu>g!Bret^4) 
comme des.gens dpnt les iervices font 
laborieux pom la nation même ;.& les 

3ualïtés civiles^ y feroieiat plus con&^ 
érées^ 
Gettenatioi^,,que la paix & la liberté» 
fendroientîttfée,aflBranchiedes préjugés» 
deftrudeurs , feroit portée à devenir 
cc^rnerçante-. Si elle avoit quelqu'une 
de ces marchandifes primitives qui fer- 
vent à faire dfices chofes auxquelles la 
^ain de l'ouvrier donne un grand prix^ 
elle pourroit faire des étaWifffemenspro-^ 
pfcs à fe procurer la jpuiffance de ce 
^ôi? dv çià dans t<HitefQn; étendue. 

Si cette nation étoit iituée vers le 
^ord, èc qu'elle eût xm grand nombre de- 
4enrées fuperflues; comme elle manque^ 
Toit aufïi d'un grand nombre de mar-r 
çhan^ifcs que fon climat lui refiiferoit> 
elle^feroit un commerce nécefTaiife^niais; 
grand, avec les peuples duniidi:& 
«hoififfantléS' états qu'elle foyoriferoit 



et s traités réciproqtiement utiks avec- 
la nation qu^elle auroit chaifie. 

Dans un état oii d'un coté l'opulence* 
fetoit extrême, & de l'autre lé9 impôts 
exceiîifs^ on ne Jwiuttroiti guère ^ivi^e* 
fitus inéuâtie avec^une Ibrtune bornée^ 
Bien^s>gèn^ ^ fotis pt éteirte de Vbyages - 
ou de iftnté ;^ s'exileroiént de chez eux , 
& iroient chercher ^abondance dans 
les payls de la fervitude mème^ 

îdne naiâOîiî commerçante a un nom-'' 
bre piodigî^ii% 'de petis intérêts patti-» 
<adier«Ï^Bepeut dotfo choquer & être' 
choqitée à'^aûe infinité *de manieresir 
<£^ie-ci deviendroit fouverainément 
^ioufe; & elle s'affigerôit plus de la 
profpérité àes^ autres y qu'elle ne joui— 
roit delaôeniie. '. 

^ 'Etfes lois d'ailleurs ^uces & feci-^ 
les , poUîToietît -être fi rigide^ à Pégaf<l 
du commerce & de la navigation' qu'on^ 
feroitchez elle, qu'ielle femble^oit ne 
négocier qu'avec des ennemis. 
- Si' cette nation envoyoit au loin desî 
COloôiês 5 efl^le ftt'oit plus pour éten-^ 
Ate iibnOîbirimiôi'ce que fa domination. 
". Ç.0ftwne'%n^aim^ à- éf aèlir-ailleui^ ce 
qa'toftïtré^ve 'établi chtz {&\ , dSle don-^ 
iUtt4iit^am pwpks de ies colonies^^ 



\ 



l 



forme àé "Con gjwiv^nwiiientfprflçrt'e? ^* 
& ce gouvcfnemeht: pcMTtant^^Cilui 
la p^o%^ché ,^oni!îerroit,fe> former cte 

grands- p^{ilfSi)4^^^' ^ . £cM?éts;i»âmes: 
4^*çjlje iw^îiçrrôit^habifer- n , ' ^ - 
. Il f^mmt:i^^^iàh dm^kMitt^\ 
fois iukjjtiguétuniî^iaatîoa yioifyf^e^^xfuky 
ar'fo fitûationt^ li &ont4'dQ fiçi pkoifts^^i 
anatufrç <k fes-çieheffiesfiiii dowiteraïtr. 
ide la jaloufi^ 2 9^;iicpioîa[ift!eUelvii eût . 
donné (^ jj^mptesl^k^i^lsàkÛti^iAh^it: 
daofir une gffmde d4(fefî$l£im«i^ifo>6çoirI 
que lé$ çk^jrîf*is y*^$r«^t> J^^«$i|jto 
que l'éta^!liHr;tnêm€rrfctraiâit?& 

L'e^t conquis aufoit un^t jès.->bfe!éè> 
'gouvernement civil; m^il-feroitac**" 
câblé par le droit des gens; & on Itti^ 
impoferoit des loïs de natio0ià'ôastioii>: 
qui (exo'm)^ filles,, que .fa pro^érité 
n^ feifôit qiife préèairç.ôiffeji^ment.en{ 
dépôt pouc lin maître,» » ; v 

La nation domân«^te ha&itaiit itne 
grande île, & étant en po^èâkm >d'iia 
grand rcommerce , .Q\ir0it ;to.^^Mé)ites 
de facilitée poifr av^ir.d^S.fi^f flotte 
mer: & coimnie la ^o^ei^ï^iopr de gôfc 

lil^erté4ft«^^^croit qttÎ6ll«#Vut ni^^a?* 
ces, ni fortereffiçs'^ 6i^^é^;^î^0P#i> 

f4e,auroit J^çf^i^?4'jrtç;ftiçi^ ii«i«H 



i^v-. mx.: chaf. xxvn. 1^ 

tqui la f^ainMi^ ^^sks^a&ons y&c fa ma*. 
Tint ferait fiipcmure à celle de toutes . 
les ajutres putfiaoces ; qui ^ ayant beibin i 
df'etj^loycriews finances pow la gueare : 
déterre^ n^^tmwroii^nt pi^& aflbz pour:» 

Uiômpim 4^^a mor^a toujours donae > 
aux pe^ipUs^ ijuiront poâedé^ une^fièrté » 
natufell^ ; parce que , fe fentant capa- 
bles d^infulter par-tout , ik croient que * 
le^dpQUViai^ Q,'a pas ipl^ de J^ocneâ que 

• .C^nfri^tî<^.paurj'$!itjajwiï une granri 
dfi^ inftu^ W.e 4^ lejs^rfPaitje^devfes vt)W 
fuis* Qw^ ♦.'CiKTOnei elle n'emploieroit pas I 
fartpfniffance,^Ci?nqHériF^ on recherche- 
toit pluft (bfj amitié , .& Ton çraindroit 
F^us ^h^inç^ que i'inconftançe de fo». 
gouvernement & fon agitation :inté-/ 
rieiirftffie feinbler/Jîit le prometti^, . ] 
A^fi ce ferok je d^in de la puiiTaocô; 
eKeciifirice.,. d'être preique toujours in-- 
qjLtiétée au -dedans, .& refpeftée au-. 
w)K>rs,. 

fiS'iioarrisoîf :que cette i\atioi> devînt, 
en cjuelques occaiion§ lu wntre des né^ 
gpft<ati$«5 4e, l'Eiijr^i^^ eUe y por^èiroit 
%î p€i\ipùi$;é^ probité & de boniie^foi 



étant fouY€nt ohUgé» de piûiâet letnr * 
conduite devant tui confeil populaire ^ 
leurs négociations ne pourrroient être? 
fecrettes, & ils feroient forcés d*^tre it 
cet égard ua peu plus^ honnêtes gens; 

I>e plus 9 comme ilsferoi^it eiioueW 
<]^e façon garans deîsévénemensqu une 
conduite extournée pourroit feùre naî- 
tre , le plus sûr pour eux feroit de pren- 
ère le plus droit chemin. 

Si les nobles avoient eu d»i& de cer« 
tains temps un pouvoir immodéré dans^- 
la nation y &c que ie nionaf que eût trou- 
vé le moyen de les abaifler en élevant 
le peuple ; le point de l'extr^e feiVi- 
tude auroit été entre le moment de l'a^ 
baiiTement des grands , àc celui oit le 
peuple a^iroit commencé à iatitir foiir[ 
pouvoir, , ( 

Il pourroit être que cette >f nation' 
a?f ant été, autrefois foumiiè à Un pou- 
voir arbitraire , en âiiroit en pKiheurS' 
occafKMisconfepvéie flyle; demaniere' 
que, fur le fond d*un gouvernement 
libre , on verroit fouvent li* forme d'ua 
gouvemeinent abfolu. >'* * 

A regard de la religioo , €t>mme éâti^ 
€«t état chaque citoyen aur<3dtia volonté' 



Ur. XIX; Chaf. XXV)£ t^: 

p^^ jfes propres Ivimieres^ ou fes fantaî^ 
ues ; il arriveroit^ ou que chacun auroit 
beaucoup d'incUfférence pour toutes 
fortes de religions <le quelqu'efpece 
qu'elles fîiâent y moyennant qiEoi tout 
k nsonde feroit porté à embrafler Is 
religion dominante ;. ou que Ton feroit 
Jélepour la religion en général ^iÀoyen»> 
Sisuitquoi les feoes fe multipUeroientV' 

H ne ferait pas inmoffihlequ'ityeût) 
Jbkos cette nation des gens oui n'au^ 
i^ient point de religion , & oui ne vou-^ 
Croient pas cependant fouffirir quf on les 
obligeât à cÏEanger celle qu^ils auroient 
s'ils en avoient ime : caf ils fentiroientt 
«Pabord, que la vie & les biens ne font 
pstô plus à eux que leur manière de pen-* 
fer ;; ôc que qui veut ravir l'un., peuir 
tncore mieux ôter l'autre^ 

S parmi les différentes religions il y 
tn avoit uneà l'établiâement de laquelle 
on eût tenté de parvenir par la voie de 
tcfclavage , elle y feroit odieufe ; parc© 
que, comme nous jugeons des chofes^par 
les liaifons & lesacceffoires que nous y> 
mettons, i celle-ci ne fe préfen^roit ja*^ 
aiais à IVfprit avec l'idée de liberté. î 
• -Les lois contre ceux qui' pro&fferoient 

1^ett€ i^ii^n 2 nç Ul^QiSoi poûit; ^iguî^ 



naires'^ car la liberté n'imagine point ces 
fortes de peines : mais elles feroieftt û 
réprimantes > qu'elles feroient tout le 
mal qiii peut fe faire de fang-froid- 

ilpourroit arriver de mille manières,- 
quele clergéa^irôit fi peu de crédit,' qi» 
lei. autres citoyens en auroient^davan- 
tagCà Ainfi, au:lieu de fe i^parer, il 
aimeroit mieux fupporter les même^ 
cl^trges que les' laïques^ âf ne faire à 
cetégard qu'un raême.corps : mais corn*- 
meril ehercheroit toujours àis'attirer le 
re/|ïeû du peuple ,,ilfe idiftingueroib 
par iinc vie plus ^ etiiîée , uiie. conduite 
plus réferyée^ & xles moeurs plu&pures. 
Ce clergé ne pouvant protéger ta reli- 
gion ni être protégé par elle , lâns force 
pou^ contraindre y cbercheroit à përfua- 
der : on verroit fôrtâr de fa; plume de 
très-faons^^vrages ^ potir prou vrer la ré- 
yâbution H la providence dugrand Être. 

? Il potirroiiaurrverqi^'oh éluderoit fes 
aflemblées, & qu'on ne voudroit pas lui 
permettiiede corriger Tes abus mêmes; 
& que, pac ua délire de laliberté^on ai-^ 
aieroit mieux Uifl^îiria réforme ïmpaxûài 
te ,.<iue dà foîttffcir.qu'il fut réfarmâtBuw 
y Les digmcésfaifant partie de làrcanÛi-' 



Liv. XIX. Chaf. XXVIL 135 

iqu'ailleurs : n>^i$ d'un autre côté , les 
grands , dans ce pays de liberté # s'ap* 
prôcherpient plHs du peuple; les rangs 
leroient donc plus fépatés , & les. peiv 
fonnes plus confondues. 

Ceux qui gouvernent ayant une puifr 
lance qui* fe remonte , pour ainfi dire , 
& fe refait tous les jours, auroient plus 
d'égards pour cçux qui l^ur font utiles^ 
que pour ceux qui les divertiffeiit : , ainfi 
on y verroit peu de çpurtifao^^de flafr 
teurs , de complaiians , enfin de toutes 
ces fortes de gens qui font p^ycr aux 
giçands le vide même de leur eforit. 
; , Or;i nY eftimeroit guère l^s. nommts 
par des talens ou des attributs frivoles i 
mais par 4^S:quaIités!réeUes;;&.dQQe 
genre, il n'y ep a que deux , les^ richef- 
les & le niérite perfonneî. 

Il y aiu-oit un luxe folide , foïi4é^ non 
pas fiii" le rafinçipent dçlji vanité ^ ffiais 
fur celui, des bçfoins rée)^ ;. ^ l'on .rtt 
chetcherciit guère dans les cjiofes qm? 
les plaifir^ q>ie la nature y a mis- . : ; î 
On y )ouiroit d^un grand fiq;^rflu , & 
cependant les chafips friyolçs y feroicnt 
profcrites : ainf^ pïufieurs aya,nt plus de 
tieg q^e d'ocjcadôns de dépepfp,. Tenin 
P^9i?rQifeft$=4!yRe macère -IjHjarf^.; ês 



1)4 T^^ l'esprit des Loïs, 
clans cette nation , il y auroit plus d*c(^ 
prit que de goût. 

Comme on feroit toujours occupé de 
<cs intérêts , on n'auroit point cette po- 
liteffe qui eft fondée fur Toifiveté ; & 
réellement on n^en auroit pas le temps. 

L'époque de la politeffe des Romaine 
cft la même que celle de l'établiffement 
(du pouvoir arbitraire. Le gouverne^ 
ment abiblu produit Toifiyeté ; & l'oi* 
£veté fait naître la politefTe. 

Plus 41 y a de gens dans une nation qui 
ont befoin d'avoir des ménagemens en- 
tr'eux & de ne pas déplaire , plus il y a de 
{^litefle. Mais c'eft plus la politèfle des 
mœurs que celle des manières, qui doit 
tious diftinguer des peuples barbares. 
' > Dans une nation où tout homme à 
fa manière prendront part à Tadminiftra* 
tion -de t^état , les femmes ne devroient 
guère vivre avec les hommes. Elles fe^ 
soient donc modeftes, c'eft-à-d^re, ti^ 
mides : cette timidité feroit leur vertu p 
tandis que les hommes fans galanterie fe 
jetteroient dans une débauche qui leur 
laifleroit toute leur liberté & leur loifir. 

Les lois n'y étant pas faites pour un 
particulier plus que poiu: un^utre , cha* 
çun fc regafderoit comme monarque > &C 



Liv. XiX. Chap. XXvn. ijç 

tes hommes , dans cette nation y feroient 
plutôt des confédérés^ que des conci* 
toyens. 

Si le climat avoit donné à bien des? 
gens un efprit inquiet & des vues éten- 
dues , dans un pays oîi la conftitution 
donneroit à tout le monde une part au 
gouvernement & des intérêts politi- 
ques y on parleroit beaucoup de politi- 
que ; on verroit des gens qui pafferoient 
4eur vie à calculer des évenemens , qui p 
vu la nature des chofcs & le caprice de 
la fortune > c'eft-à-dire des honunes , ne 
font guère fournis au calcul. 

Dans une nation libre, il eft très-fou*- 
Vent indifférent que les particuliers rai- 
fonnent bien ou mal ; il fuffit qu'ils rai- 
fonnent : de là fort la liberté qui garantit 
des effets de ces mêmes raifonnemeny. 

De même , dans un gouvernement 
defpotique , il eft également pernicieux 
qu'on raifonne bien ou Cfial ; il fuffit 

3u*on raifonne , pour que le principe 
u gouvernement foit cnoqué. 
Bien des gens qui ne fe ioucieroîent 
4e plaire à perfonne, s'abandonneroient 
à leur humeur; la plupart, avec de Tef^ 
prit , feroient tourmentés par leur efprit 
wièv^i dam le dédain ou le dégoût de 



%^6 Pi l'esprit des Lois, 

toutes chofes , ils feroient malheureux 
avec tant de fujets de ne l^être pas. 

Aucun citoyen ne craignant aucun 
citoyen , cette dation feroit fiere ; car 
la fierté des roi^ n'eu fondée que fur 
leur indépendance. 

Les nations libres font fuperbes ^ les 
autres peuvent plus aifément être 
yaines. 

Mais ces hommes fi fiers vivant beatn 
coup avec eux-mênaes,fetrouveroienl 
fou vent au milieu de gens inconnus; ils 
feroient timides . & Ton verroit en eux 
la plupart du temps un mélange bizarre 
jde mauvaife honte & de fierté. 

Le caraâere de la potion paroîtroit 
iur^tout dans leurs ouvrages d'efprit , 
dans lefquels on verroit des gens re- 
cueillis, & qui auroient penfé tout feuls. 

L^ fpciété nous apprend à fentir les 
ridicules ; la retraite nous rend plus 
propres à fentir les vice$. Leurs écrits 
îatiriques ferjoiçnt fanglans ; &; Ton ver- 
rait bien des Juvenals chez eux, avant 
<i'avoir trouvé un Horace. 

Dans les monarchies extrêmement 
abfolues , les hiftoriens trahiflent la vé- 
rité , parce qu'ils n'ont pas la liberté de 
la dire : dans les états extrêmement 



Itv. XIX. Chap. XXVII/ 237 

libres , ils trahiffent la vérité à calife 
de leur liberté même , qui produifant 
toujours des divifions , chacun devient 
auffi efclave des préjugés de fa faûion , 
qu'il le feroit d'un deîpote. 

Leurs poètes auroient plus fouvent 
cette rudeffe originale de l'invention , 
qu'une certaine délicatefle que donne 
le goût; on y trouveroit quelque chofe 

Îui approcheroit plus de la force de 
lichel- Ange , que de la grâce de Ra* 
phaël - ' 




';, 



i 



^8 De l*esprit des tois/ 




, LIVRE X X. 

Des Lois , dans U rapport qu elles 
ont avec le Commerce , conjidéré 
; dans fa nature & [es dijiinc^ 
, lions. 

Docttît quae manimis kûzù 



CHAPITRE PREMIER, 
JDu Commerce. 



LES matières qui fuivent demande-. j 
roient d^être traitées avec plus d'é- 
tendue ; mais la nature de cet ouvrage 
lie le permet pas. Je voiidrois couleriur | 
ime rivière tranquille j je fuis entraîne 
par un torrent. 

Le commerce guérit des préjugés 
deftruûeurs : & c'eft prefque une règle 
générale , que par-tout oîi il y a des 
mœurs douces , il y a du conunerce ; & 
que par-tout oii il y a du commerce^ il 
y a des mœurs douces. j 

Qu'on ne s'étonne donc point fi noi j 



Liv. XX. Chap. L ^35^ 

l»oeurs font moins féroces qu'elles ne 
J'étoient autrefois. Le commerce a fait; 
que la connoiffance des mœurs de tou- 
tes les nations a pénétré par-tout : on 
les a comparées eiitr'elles , & il en a 
réftilté de grands biens. 

On peut dire que les lois du com«^ 
merce perfeâionnent les mœurs ;par là 
mçme raifon que ces mêmes lois pcr* 
dent les mœurs. Le commerce corrompt 
les mœurs pures (a); c'étoit le fujet des 

f)laintes de Platon ; il polit & adoucit 
es mœurs barbares , comme nous l^ 
voyons tous les jours. 



CHAPITRE IL 
De Ccjprit du Commerce* 

L'effet naturel du commerce eil 
de porter à la paix. Deux nationsf 




•(«) C^r dît des Gaulois • que le voîfînage & lé 
commerce de, Marfeille. les avoit gâtés de façon 
Qu'eux , qui autrefois ^voient toujours vaincu les 
Germains t leur étbient devenus tnféneurs, Guirri 
des Qûuîes^ liv. Yl. 



c 



^6 I>E l'ESPRIT DES'LOIS, 

vendre; & toutes les unions font forir 
dées fur des befoms mutuels, 

• • Mais fi l'efprit de commerce unit les 
nations , il n'unit pas de même les par- 
ticuliefs. Nous voybns que dans les 
pdys (a) où l'on n'eu affeôe que de Tef- 
prit de commerce , on trafique de tou-* 
tes les aftions htimaines , & de, toutes 
tes Vertus morales : les plus petites cho- 
fes , celles que l'Humanité demande , 
s^y font ou s'y donnent pour de l'argent. 

L'efprit de commerce produit dans 
les hommes un certain fentiment de juf- 
tice exafte, oppofé d'im côté aubîîgan- 
d^c 5- & de l'autre à ces vertus mora- 
les qui font qu'on ne difcute pas tou- 
jours fes intérêts avec rigidité, &x}u'on 
peut les négliger pour ceux des autres, 

"La privation totale du comWerce pro- 
duit au cçntraire le brigandage , gu'-^ 
rîftoté met au nombre des' manierfc 
d'âcquérif: L'efprit n'eti èft point oj^ 
pofé à de certaines vertus ïnofale^ : pàt 
exemple y Tholpitalité , trçs-ràré dans 
les pays de commerce, fe trouve admi- 
rablernent p^rmi les peuples brigands. 

• C'eft un facrilege chez les Germains," 
;dit Tafiu^ dç fçrînèf fajnaijToîi ^ quel- 

(4) La Hollande. ^ ! • - . 

qu*ho0unQ 



Lit. XX. Chap; IL : nt^ 

tpi^omme que ce foit ^ connu ^u in-^ 
cenna. Celui qui a exercé {a) rhofpita* 
lité envers un étranger , va lui montrer 
une autre maifon oîi on l'exerce encore^ 
^ il y eft reçu avec la même hiunanité. 
Mab lorique les Germains eiurent fondé, 
des royaumes , rhofpitalité leur devint 
à charge. Cela paroît par deux IgAs àvL 
code (o) des Bourguigaons, dont l'une; 
inflige une peine atout barbare qui iroit 
montrer à im étranger la maifon d'un 
Romain; & l'autre règle que cdui qui 
recevra un étranger ^ fera dédommage 
. par les habitàxts y chacun pour faquote«i 
part. r 



mi 



CHAPITRE IIL 
Dt la pauvreté des peuples. 

IL y a deux fortes de peupleis pauvres : 
ceux que la dureté du gouvernements 
rendu tels ; & ces gens-là font incapa- 
bles de prefqueaiurune vertu , parce que 
leur pauvreté fait une partie de leur fer- 
vitude : les autres ne font pauvres que 

{a) Et qui moih kofyts fuerat^ monfirator hofpitU. 
De morib. Germ. Voyez auffi Céfar , Gutrrfs dtr ^ 
CauUs \ Uv. VL 

<^) Tit. 58, : 

Tonu IL L 



a^i D.ÈiL*Ê5PRIT DES LoiS, 

perce^qu'ils ont dédaigné , ou parce 
qu'ils n'ont pas connu les commodi- 
tés de la vie ; & ceux-ci peuvent faire 
4e grandes chofes ,. parce que cette 
pauvreté fait xine partie de leur liberté. 

.C H A P I T R E t V. 

Dû commerce dans Us divers gouvem^^ 

mens. 

LE commerce a du rapport avçc la 
cottftitutioiv Dans Iç gouverne- 
ment d'un= feul , il eft ordinairement 
fondé fur le luxe ; & quoiqu'il le foit 
auiH fur .Xesbefoins réels, fon objet 
principal eft dç procurer à la nation qui 
le fait , tout ce cjui peut fervir à fon or- 

fueil , à ff s déliççs & à fes fantaifies, 
)ans le gouvernement de plufieurs , il 
eft plus louvent fondé fur l'économie» 
Les négoçians ayant Toeil fur toutes les 
nations de la terre , portent à l'une ce 
qu'ils tirent de l'autre* C'eft ^infi que les 
républiques de Tyr , de Carthage , d'A* 
thenes , de Marfeille , de Florence , de 
Venifé 6c de Hqllande ont f^it le com- 
piercè. 
Çettç efpeçe 4e trafic regarde lô 



tiv. XX. Chap. IV. 14^^ 

gouvernement de.plufi^urs par fa na-* 
tùre , & le flionarthiquc "par ôcdâfion; 
Car, cpmme il h^eft- fondé que' fur la 
pratique dé gagner peu' j & «mênie de. 
gagner moins qu*alicuhé' autre nation y 
& de ne fe dédommager qu'en gagnant 
continuellement , il n*eft guère poffibîe 
^'il puifffc Ȑtre*fait par un feul peuple 
diez qui le luxe eft établi , quîdépenfe' 
beaucoup ^ ^ qui ne Voit que dé grands 
objets. ' • ' ' ' 

• C Vlï dans ces idées que Cicéron (a) 
difoit fi bien-: ^ Je n'aime point qu'un 
» même peuple fôit en même temps 
» le dominateur & lè^aâeur de rùni** 
» vers ». En effet , il faudroit fuppbfer" 
^le chaque particulier date cet état , 
oc tout i^ét« ' même , ettifent tou JMirs^ 
la tête pleine de grands projets , feiétté* 
même tête remplie de petits : ce qui: eft* 
Éontradiftoire. ^ ^^ ' 

• Ce nVft pa>i»c|ue > d^nfr ees^^îàts ' qui* 
ftrbfiftent pà^ k ièômmercé ^éèottbnné;^ 
cHine'Èifls aùffir lés pkis grânâÇjtentré-^' 
prifes , & que Ton n'y ait une hai^ieffé 
qiii ne fé trôirve pas dàfi$ lés monar- 
chies l'en V4^<M la râifon. 

' '• ■• ; -,' ;. . . . • ■• 

\f) ,Noîq cundfm pqwlum , impcrMufn.^ portitor^fu 

L ij 



t44 Dis l'esprit dés Lois, 

, Un commerce mené à Tautre, le pe- 
tit 5ui. médiocre , le mé4iocre au grand ; 
& celui qui a eu tant d*enviç djc gagner 
peu 9 ie met d^s une fituation oii il 
n^çn a pas moins de gagner beaucoup. 

De plus , les grandes entreprifes des 
négocians font toujours néceUairement 
mêléçs avec les affaires publiques. M^ 
dans les monarchies , les affaires publia 
ques font la plup^ du t^mps aufil fuP' 
peâes aux marchands , qu'elles leur pa- 
roiffent fûre$ dans les états républicains* 
Les grandes entrçprifes 4e commerce 
ne font donc pas pour Hs monarchies, 
mais pQ^r U gp«yçînemwt df plu^ 
fieurs. , 

Ç.n un^ioti une plus grimde, certitude 
4e ia profpérif é , que l'on çrpit ^voir 
dans ces états ^ fait tout entreprendre ; 
& parcç qu'on crpiç être, fur de çç 
que Ton a acquis , on ofe Texpofer poyr 
^çq^érir dfiyantage ; pfi ne ÇQurt de rif 
que cguie. furies moyenç ^^gcquérir : or 
les hpxnn^S; pfpçrent bequcpup (Iç leur 
fortune. ; ,, r 

. Je ne veux pjWr dire q^'il y ait pucune 
inonarchie qui foit tptàl^mçnt exclue 
du commerce d'économie ; mais elle y 
r mpins portée par fa n^turç. Je nsL 



Liv; XX.iCHÂP. IV. 045 

veux pas àke que les t^pul^Uques cpie 
nous, connoiâbns faknt entièrement 
privées du commerce de luxe ; mais il 
sa moins de rapport à leur conftitution. 
Quant à Tétat defpotique , il cft inu- 
tile, d'en parler. Règle générale : dans 
une nation qui èft dans liriervitude , on 
travailleplus àconferrer qu'à acquérir : 
dans unenatioii libre-, on travaille plus 
à aci^érir qu'à coriferver. 

c H A p I T R içi y.; 

Des ptupUs^ ^uî oHt fait U- commette 



J^écon(mi€\ 






MARSEILLE , retraite néceffaire qu 
milieu d'une mer orageufe ; Mar- 
seille, ce lieu oh tous les vents , les bancs 
,de la mer, ladifpofitiondçs côtes ordof^- 
nent de toucher , fut fréquentée par les 
îgeii« de mèn La ftériUté («) dé fon t^r- 
.ritoire détermina i^$ citoyens avi cor^- 
.merce d'écdnomie* . U fallût qu'ils fué- 
fent laborieux , pour fuppléer à la naturf 
qui fe refufoit ; qu'ils fuffent juftes , pour 
vivre parmi les étions barbares qm d^r 
Voient faire leur profpérité;^'ils tviffç^ 

(4i)/a>&if,liY.XUiLcluIUi : 

L u) 



(^6 /De JL'i5J?RiT. i>Es Cois, 

V modérés , pour épie letirgoàivcmtmcnt 

:* f^ toujours tranquille ;enfitrquMseuf'- 

l lent de9 mteiirs iragaîes , pour qu'ils 

puffent toujours vivre d'un commerce 

- qu*ils conlérverotent plus furcment 

iorfqu'il fer çût moins. avantageux. 

« * On a vu i |iiHtxiirt là<iriolehce & la 

: veiscatxondoniurrnèiânce aucommerce 

c d^^conomie ^ lofiniie les hommes font 

contraints de^e réfugier dan&Ies notais, 

dans les.îles,9 les bas fonds de la mer &c 

{es écueils mê;ne$. C'eft ainfi que Tyr > 

Venifé & les vilïes*de Hollande furent 

^fondfhs ^iest ^giti^ y trouvèrent leur 

fureté. Il fallu^fi^jfiîler i ils tirèrent leur 

tubfiftance de tout l'univers. 

^,11 II II II'. ' ' . ■ ■ 

Ç'H A P I T R E VI. 

Quelques effets fune grande navigation^ 

IL ârrite quelquefois qu'une nation 
:qùi fait le commerce d'économie^ 
•ayant befdin d'une marchandife d'un 
pays qui lui ferve* de fonds pour fe pro- 
curer les marchandifes d'un autre , fe 
^oritenté de 'gagner très-peu , & quel- 
ijucfois rito , tur les ttrte^, dans Pefpé^ 
rance ou la certitude detgagna: bç^u- 



Liv, XX. Cmap. Vt. 147 

. coup furies autres. Ainfi, lorfquelaHol- 
lande faîfoit prefque feule le commerce 
du midi au nord de l'Europe , les vins 4e 
France,qu*clleportoit aunord, ne lui fer- 
voient en quelque manière que de fonds 
pour faire fon conunerce dans le nord* 

On fait que fouvent en Hollande 9 
de certains genres de marchandife ve- 
nue de loin , ne s'y vendent pas plus 
«her qu'ils n'ont coûté fur les lieux 
mêmes. Voici la raifon qu'on en donné : 
Un capitaine , qui a befoin de leûer fon 
vaiffeau , prendra du . marbre ; il a be- 
foin de bois pour l'arrimage, il en achè- 
tera : & pourvu qu'il n'y perde rien , il 
croira avoir beaucoup Éiit. C'eft . î^infi 
que la Hollande a auflifes carrières ÔC 
ies forêts. ■ v j 

Non- feulement un commerce qui ^ 
donne rien peut être utile ; uii com- 
«i€rce même défavantageux peut l'être. 
J*ai oui dire en Hollande , que la pêchie 
delà baleine , en général ;, ne rend pref- 
que jamais ce qu'elle coûte : m^s ceux 

3ui ont été employés à la conûniûion 
u vaiffeau , ceux qui ont fourni les 
agrès , les apparaux , les vivres , font 
aufli ceux qui prennent le principal \xkr 
térêt à cette pêche, Perdiffeat-ils fur J» 

L x\ 



148 Z>£ l'esprit tot$ L0î9^ 

pêche y ils ont gagné fur les fournitures» 
Ce commerce eft une e^ce de lote- 
ne, & chacun eft fëduit par refpérance 
4'un billet noir. Tout le monde aime à 
jouer ; & les gens les plus fages jouent 
volontiers, lorfqu'ilsnevoientpointks 
apparences du jeu , fes égaremens ^ fes 
violences ^ fes diilipations , la perte à^ 
temps, &c même de toute la vie. 



IBE 



CHAPITRE VIL 

Efprit de F Angleterre Jur k commerce:, 

L'Angleterre n^a guère de tarif 
régli avec les aiîtres notions ; fon 
tarif change, pour ainfi dire, à chaque 
parlement , par les droits particulieis 
<ju^clle ôte , ou qu'elle impofe. EHe a 
voulu encore eonlerver fiir cela fon in- 
dépendance. Souverainement jaloufe 
du commerce qu'on fait chez elle , elle 
ie lie peu par des traités^ & ne dépend 
4}ue de fes lois. 

D'autres nations ont feit céder des 
intérêts du commerce à des intérêts po» 
litiques : celle-ci a toujours fait cédar 
fes intérêts politiques aux intérêts de 
fon commerceir 



M 



ti,y^ XX. Ç H A p. VII. i4f 

CTeft le peuple du monde qui a le 
mieux fu (e prévaloir à la fois de ces 
trois grandes chofes , la religion , le 
commerce & la liberté. ^ 

C H A PITRE VIII. 

Comment on a génc quelquefois le com* 
. merci d* économe. 

ON à faitd^hs cehàlnés monarchies 
des. lois très-propres à abaiffer 
les états qui font le commerce d*éco- 
nomie.'On leur ii> défendu d'apporter 
d'autres marchandifes , que celles du cru 
de leur pays : on ne leur a permis de 
. venir trafiquer , qu'avec des navires de 
4a .fabrique. du pays aîi ils viennent. ' 

liffaut qup rétat qui impoie ces lois 
^puiffe aifénaent fsuîe luirmême lecom- 
/métise : fens cela y il fe fempour le moins 
im tort égal. Il vaut mieux avoir affaire 
à une nation qui exige peu , & que les 
i>efoins ,du commerce rendent en quel- 
que façon dépendante;; aune natioa 
. qui , par retendue. de fes vues ou de fes 
affaires , fait où placer toutes les mar- 
►4:;han4ifes fuperflues; qui^eft riche, & 
peut fe charger dç beaucoup de d^A^ 



'r -• 



/ 



«150 De l'esp^i^t ûts LéîSy 

rées ; qui les payera proirfptemefit ;'qu£ 
a , pour ainfi dire , des néceflités d'être 
fidelle ; qui eft pacifique par principe ; 
qui cherche à gagner, & rien pas à coiï- 
^di-ir :.41 v^ut m'ie%^j^y4tis*'fd y avoir af- 
faire à cette nation 4 qu'à d'aulres tou- 
îours rivales , & qui ne donneroient 
pas-toiis des avantages. ' ^" • *" ' 



*«« 



ÇcH A:P J t R E -IX.,:' ^ 

' jp^^ rtxilûÛon tn fan 4t comrntrcc. 

LA Vraief maxlmfe eft de h'excluftr 
aucune nation ' de fon commerce 
fans de grandes raifons. Les Japonois ne 
commercent qu'avec deux nation^ , la 
Chinoife 6c la HoUandoife. Les Chi- 

^ hois (a)- gagnent mille pour cent filr le 
fucre^ Ôcquelquefois autaiit fur les r^ 
tours. Les Hoilandois^ font des* profits A 
peu près pareils: Toute natioâ qui^fe 
conduira «ir les maximes Japonoifès ^ 
fera néceflairement trouvée. €'eft la 
conciu-rence qui met tiii^riK> jufte aux 
marchandifes , '& (juiitâtiiit le$ -Trais 

- rapports entr'ell es; <l ' ''.- 

Encore moins \\n état d^it^il s'aflU-* 

^ hji Père du Hatde^tcnu IL p. vp^ - Z 



îettir à ne vendre Tes marchandUes cju'à 
une feule nation, fous prétexte qu'elle 
les prendra toutes à un certain prix. Les 
Polonois ont fait pour leur ble ce mar^ 
ché avec la ville de Dantzik; plufieurs 
rois des Indes ont de ..pareils contrats 
pour les épiceries avec les (a) HoHan^ 
dois. Ces conventions ne font propres 
qu'à une nation pauvre, qui veutbien 
perdre Tefpérancede s'enrichir^ poUrva 
u'elle ait une fubûflance affurée ; ou à 
s nations , dont la fervitude coniifte à 
renoncer à l'ufage des chofes que la na*- 
tiu'e leur avoit données, ou:à faire fur 
ces chofes un commerce défavantageux. 



oe 



=9 



CHAPITRE X. 

Etabliffimcnt propre au commerce ^ica^ 
\ nomie. 

D; ANS les états qui font le cbmftiiercfe 
'd'économie , on à heureufemeht 
établi des banques , qui par leur crédit 
ont formé de nouveaux fignes des va- 
ifeurs* Mais on auroit tort de les tranfpor* 
ter dans les états qui font le commerce 

( 4 } Cela fut premièrement établi par les Portu* 
gais, Koyagzs de Franfois F y tard % chap. xv. p«i# lU 

L vj 



îLÇi Dé Vtspktt DE5 LaiJ:, 

Àe hixe. Les mettre dans des pays goti^ 
vernés pamn feiil,c'eô fttppofer rargent 
d'un côté, & de Tàutre la pui^^nce r 
cefl-à^dire d'un côté , la facmté de tout 
avoir fans auain pouvoir ; & de l'autre,, 
te pouvoir avec la faculté de rien du 
tout. Dans un gouvernement pareil , it 
n'y a jamais eu que le prince qui ait eu* , 
:en qui ait pu avoir un tréibr ; &c par-toiet 
oît il y en a un ,^ dès au'il eft exceffif ^ îL 
devient d'^abord le tréfor du prince» 

Par la même railbn y tes compagnies^ 

«de négociansqui s'aflbcient pourua cc»^ 

tain commerce,, conviennent raremeiat 

au gouvernement d'un feul* La nature 

de ces compagnies eu de donner aux 

richeffes par ticulîeres la force des richel^ 

fes pubriques. Mais dans ces états , cette 

force ne peut fe trouver que dans Les 

mains du prince. Je dis plus : eUes n^ 

conviennent pas toujours dans tes états 

€)tvl'on fak le Commerce d'économie'; 

& û les affairesne fontfi grandes qu'elles 

foient au deffus de la portée des particu^ 

Jiers , on fera encore mieux de ne point 

Sêner par des privilèges excluûfs la lir 
erté du commerce». 



^ 



Liv. XX. Chàp. XL 15 j 

-y " -^ j ■ ' 

CHAPITRE XL 

Continuation du mcmt fiijtt, , 

DAN^les états qui font le commerce 
d'économie , on peut établir un 
port franc. L'économie de l'état , qui fuit 
toujours la frugalité des particuliers , 
donne, pour amfi dire , l'ame à fon 
commerce d'économie. Ce q\i'il perd 
de tributs par Tétabliffement dont nous 
IKurkms , eft compenfé par ce qu'il pèiH: 
tirer de la richefie induftrieufe de là 
république. Mais dans te gouvernement 
tnonarchique 9 de pareils établifTeméns 
feraient contre la raifon \ ils n'auroient 
d'autre effet que de ibulager le luxeda 

foids des impôts^ On fe priveroit de 
unique bien que ce luxe peut procu- 
rer 9 & du £eiil freiaque dans une conf-- 
titution pareille il puiffe recevoir ^ 

CHAPITRE XIL 

De ta Rherti du ccanmercc, 

LA lîberteducommerceia'eâ pasTiine 
faculté accordée aux négocians d\& 

^aire ce qu'ils yeulçat.i .ç? woit I^i» 



154 Oe l^esprit d^es-Lois, 

plutôt fa fervitude. Ce qui gêne le coiffr 
merçant , ne gêne pas pour cela le com- 
merce. C*eft dans les pays de la liberté 
que le négociant trouve des contradic- 
tions fans nomI;>re; & il n'efl jamais 
moins çrpifë par les, lois ^ que. dans le$ 
pays de la fervitude. . 

L'Angleterre défend de faire fortir 
fes laines ;. elle veut que le charbon foit 
tranfporté par mer dans la capitale ^ elle 
ne permet point la fortie.defes chevaux, 
s'ils ne font coupés; les v^ifleaux (<») 
de (es colonies qui commercent en Eu- 
rope j, doivent mouiller en Angl^eterfe. 
Ellegêne le négociant; mais c'eft en ùh 
vcur du commerce. 



CHAPITRE XIII. 
Ce qîd détruU utu Ubeni* 

LA oîi ily a du commerce, il^ades 
doUâhes. L'objet du commerce eft 
l'exportation & l'Importation ^e?s mar- 
chandifes ç;i faveur.de l'état; & l'objet 
des douanes eft {incertain droit fur cette 

"(#) Àftè ^e fMvigatiôir Vfèi'éôo. 'Ce u'i été qu*en 
temps é» gserrç^ue «eux <|è ^ftoir;^ 4t. Philadelphie 
ont envey^ t^uri vaiiTsaux en droiture juifaues dans l^i 



même exportation & importation , auffi 

en fâyeur de Tétat. Il faut donc que 

rétat foit neutre entre fa douane & Ion 

commerce , & qu'il faffe enforte que 

ces deux chofes ne fe croifént point ;^ 

& alors oii y jouit de. la liberté du corn- 

opierce; , - . \ 

'La finance détroit \t commerce par 

fes injuftices , par fes vexations , par 

l'excès de et qu*eile impofe : mais elle 

•4e détruit encore indépendamment de 

cela par les difiicultés qu'elle feit naître v 

~& les fonnalités qu'elle exige. En An- 

(glèterre y oîi les doutoes font en régie):, 

il y a uilie facilité de négocier finguiiere:: 

im mot d'écriture fait les plus grandes 

affaires ; il ne faut point que le marchand 

-perde un temps infini , & qu'il ait d» 

Commis exprès, pour faire ceiTer toutes 

-les difficultés des fermiers,, ou pour s'y; 

foumettre*^ 




456 De l'esprït d£5 Lois, 



M II I I 11 ' !■ Il 



CHAPITRE XIV. 

Des lois du commerce qui emportent la ton^ 
ffiadon des marchandifes» 

LA grande chartre des Angtois dé- 
fend de faiiir & de conôfquer , en 
cas de guerre., les marchandiles des né- 
gocians étrangers 9 à moins que ce ne 
foit par repréfailles. U eft beau q\ie la 
nation Angloife ait fait de cela un desi 
articles de fa liberté. 

Dans la guerre que l^Efpa^e eut coiîr 
tre les Anglois en 1740 y elle fit une {a) 
loi qui pimiflbit de mort ceux qui intro- 
^uiroient dans les états d'Efpagne des 
xnarchandifes^ d'Angleterre ; elle infli- 
geait la même peine à ceux qui por- 
teroient dans les états d'Angleterre des 
marchandifes d'Efpagne. Une ordon- 
nance pareille ne peut , je crois ^ trou- 
ver de modèle que dans les lois du Ja- 
pon. Elle choque nos mœurs , Teforif 
du commerce y &c l'harmonie qui doit 
être dans la proportion des peines ; elle , 
confond toutes les idées , faifant un cri- 
me d'état de ce q4ln*eû que violation 
de police, 
(«) FuUiiSc à Cadix m moik de invs ji74q^ 



Lit. XX. Chap. XV. 157 



C H A PI T R E XV. 

Dt la contrainte par corps, 

^OLON (a) ordonna à Athènes mi'o» 
d H'obligeroit plus le corps pour dettes 
civiles. Il tira {b) cette loi d'Egypte ; 
Boccoris Pavoit faite, & Sifofiris ravoit 
renouvellée. 

.Cette loi eft très-bonne pour les af» 
faires (c) civiles ordinaires ; mais nous 
avons raiion de ne point Tobferver dans 
celles du commerce. Car les négocians 
étant obligés de confier de grandes fom- 
mes pour des temps fouvent fort courts, 
de les donner & de les reprendre , il 
faut que le débiteur remplifle toujours 
au temps fixé fes engagemens ; ce qui 
fuppofe la contrainte par corps. 

Dans les affaires qui dérivent des coii-» 
trats civils ordinaires , la loi ne doit 
point donner la contrainte par corps , 
parce qu'elle fait plus de cas de la liberté 

(tf) Plutarque > au traita : qi^U nt faut point emgti^" 
ttr a u/ure, 

(b) Diodoret lîv. I. part. II. ch. IIL 

{c) Les légiflateurs Grecs; ^toient blâmables » qui 
avoient défeudu de prendre en gage les armes & U 
charme d*un homme » oc permettoient de prendre TliOA^ 
at même* Diod^rtt liv. h pvtt 11» çh» UU 



iç8 De L*ESPRtT DÉS Lois, 

é^vtn citoyen , que de Taiôiice d'huit 
autre. Mais daiis les conventions qui 
dérivent du commerce , la loi doit faire 
plus de cas de l'aifance publique , que 
de la liberté d'un citoyen ; ce qui n'em- 
pêche pas les reftriâions & les limita- 
tions que peuvent demander Thun^mité 
& la bonne police. 



CHAPITRE XV L 

B^IU loi* 

LA loi de Genève qui exclut des itïaf- 
giftratures , & même de l'entrée 
dans le grand confeil , les enfans de 
Ceux qui ont vécu ou qui font morts 
înfolvables , à moins qu'ils n'acquittent 
les dettes de leur père, eft très-bonne. 
Elle a cet effet , qu'elle donne de la 
confiance pour les négocians; elle en 
donne pour les magiftrats ; elle en don- 
ne pour la cité même. La foi particu^ 
liere y a encore la force de la loi publi- 
que. 



Liv. XX. Chap. XVIî. 1^9 

CHAPITRE XVII. ■" 
' Loi de Rhodes^ 

LES Rhodiens allèrent plus loin, Sex- 
tus Emplricus {a) dit que chez eux 
un fils ne pouvoit fe difpenfer de payer 
les dettes de fon père , en renonçant à 
fa /ucceffion, La loi de Rhodes étoit 
donnée à une république fondée fur le 
commerce : Or , Je crois que la raifon 
du commerce même y devoit mettr^ 
cette limitation , que des dettes contraç- 
tées par le père depuis que le fils avoit 
commencé à faire le commerce , n'afFec- 
teroient point les biens acquis par celui- 
ci. Un négociant doit toujours conpoî- 
tre fes obligations , & fe conduire à char 
que inftant fuivant Tétat de fa fortune* 



C9K-P599S9! 



CHAPITRE XVIII. 
Dt$ Juges pour U fom/rurci. 

ENOPHON^dxx livre des revenus , 



X 



voudroit qu'on donnât des récom- 
penfes à ceux des préfets du commerce 
qui expédient le plus vite les procès. Il 

(a) ^ Hippôtlpofes , Uv. I. chap. xiv* 



i6o De L'fiSFiiiT BES Lois; 

fentoit le be£oin de notre juiidiôt^ 
confulaire. 

Les af&ires du commerce font très- 
peu fufceptibles de formalités. Ce font 
des aâions de chaque jour, que d'autres 
de même nature doivent fuivre chaque 
jour. Il faut donc qu'elles puiffent être 
décidées chaque jour. Il en eft autrt- 
inent des aâions de la vie qui influent 
beaucoup fur l'avenir , mais qui arrivent 
rarement. On ne fe marie guère quNmfe 
fois; on ne fait pas tous les jours des 
donations ou des teftamens ; on n'eft 
amajeur qu'une fois. 

Platon {a) dit que dans une ville o& 
il n'y a point de commerce maritime ', 
il f^ut la moitié moins de. lois civiles; 
^& cela eft très-vrai. Le commerce in^ 
troduit dans le même pays différentes 
•fortes de peuples , un grand nombre de 
conventions , d'efpeces de bieiis , & de 
manières d'acquérir. 

Ainfi dans une ville commerçante , il 
y a moins de juges , & plus de lois. 

M Des loU, liv. Vni. 



Liv. XX. CHA.P. XIX. léi 

■■^—i "P— ^— — — — — • 

CHAPITRE XIX. 

Que U prince ne doit point faire k com* 

merce. 

nnHàopHi LE (a) voyant un vaif- 
Jl feau oîi il y avoit des marchandifes 
pour fa femme Théodbra , le fît brûler. 
4f Je fuis empereur , lui dit-il , & vous 
» me faites patron de galère. En quoi les 
H pauvres genspourront-ils gagner leur 
H vie , fi nous taifons encore leur mé- 
» tier? » Il auroit pu ajouter : Qui 
pourra nous réprimer , fi nous faifons 
des monopoles ? Qui nous obligera de 
remplir nos engagemens ? Ce commerce 

Sue nous faifons , les courtifans voud- 
ront le faire ; ils feront plus avides & 
plus injuftes que nous. Le peuple a de 
la confiance en notre jufiice ; il n^en a 
point en notre opulence : tant d'impôts, 
qui font fa miferç , font des preuves 
certaines de la nôtre. 



léi Dé l^esprit des Lois, 

CHAPITRE XX. 

Continuation du même fujct* 

LORSQUE les Portugais & les Caf- 
tillans dominoient dans les Indes 
orientales y le commerce avoit des bran- 
ches fi riches , que leurs princes ne man- 
quèrent pas de s*en faifir. Cela ruina 
Ijeurs étapliffemens dans ces parties4à« 
Le vice-roi de Goa accordoit à des 
particuliers des privilèges exclufifs. On 
n'a point de confiance en de pareilles 

Î\tns\ le commerce eft difcontmué par 
ç changement perpétuel de ceux à qui 
qn le confie ; perfonne ne ménage cç 
commerce , & ne fe foucie de le laiffer 
perdu à fon^ûicceffeur; le profit refte 
dans des mains particulières , & ne s'é- 
tpnd pas aflez. 



, 1 É »i ' I pE 



i € H A p. I T R E XXI. ' 

Du commerce de là noblejfe dans la mo" 

narchie. 

IL eft contre IVfprit du commerce ,* 
que la nobleffé lè faffé dans la monar- 
chie. « Cela feroit pernicieux aux villes, 



Liv. JCX. Chàp. XXI. i^î 

^ difent (a) les empereurs Honotius & 
>x Thcodofiy & ôteroit entre les mar- 
>> chands & les plébéiens la facilité d'à- 
» cheter & de vendre. » 

Il eft contre Pefprit de la monarchie 
que la nobleffe y faffe le commerce. 
L'iifage (jiii a permis en Angleterre le 
commerce à la nobleffe , eft une des 
chofes qui ont le plus contribué à y 
affoiblir le gouvernement monarchi- 
que. 

CHAPITRE XXII, 

Réjlexïon particuliert. 



D 



fent qu'il faudroit qu'en France il y 
eût des lois qui engageaffent les nobles 
à faire le commerce. Ce feroit Iç moyen 
d'y détruire la nobleffe , fans aucune 
utilité pour le commerce. La pratiqué 
de ce pays eft très-fage : Les négocians 
ri'y font pas nobles ; mais ils peuvent 
le devenir; ils ont l'efpérance d'obte* 
nir la nobleffe , fans en avoir l'incon- 

{a) Leg. nohiliortf , cod* 4^ cçpmirç, & Içg. ulû 
4^ re/çtndf v^n4U. . • ; , 



^ Dé l'esprit dès Loti; 

vénient aâuel ; ils n'ont pas de moyen 
plus fur defortir de leur profeffion que 
de la bien faire , ou de la mire avec hon« 
neuf, chofe qui eft ordinairement atta<* 
chée à la fuffifance. 

Les lois qui ordonnent que chacun 
Tefte dans fa profeffion , & la fafle pafler 
à fes enÊins, ne font & ne peuvent, 
être utiles que dans les états (a) defpo* 
tiques 9 oii perfonne ne peut, ni ne 
doit avoir d'émulation. 

Qu'on ne dife pas que chacun fera 
nïîeux fa profeffion lorfqu'on ne pourra 
pas la quitter pour une autre. Je dis 
qu'on fera mieux fa profeffion , lorf- 
<jue ceux qui y auront excellé efpére- 
ront de parvenir k une autre,. 

L'acquiiition qu'on peut hxte de la 
iK)ble{re à prix d'argent , encourage 
beaucoup les négocians à fe mettre en 
état d'y parvenir. Je n'exas&ine pas fi l'on 
fait bien de donner ainfi aux richefies 
le prix de la vertu : il y a tel gouverr 
nement oh cela peut être très-utile. 

En France , cet état de la robe qui fe 
trouve entre la grande nobleffe & le 
peuple i qui fans avoir 1^ brillant de celle* 
là 9 en a tous les privilèges ; cet état 

(«) Mcâîveincnt cela y cft fouyent ainfi étaUî.^ 

qui 



Xi r: XX-î G H AlP. X3Hti ^f 

iaètM^^^ h^ ^ûculiers. àsms la mç- > 
dioc^ité, ,, , tandis q\ie . le ^corp^ 4f P^tû- 
tairé de5 Ibi^ efl datîs là gloire ; eût état 
^^opç d^H$. lequel ion aa de.^pyende 
fe diflinguer -que par la iuiSfance & par 
la y ertu j profeffion honorable , mais 
<fiii etf llaifîe toujours voir une plus Sdii^ 
tiheiiée: cette nobleffe^tôute guerrière ^ 
qUi'^eirfe qu'ert iqueloue de^é de ti- 
o^efles que ron fçit , il fauj fâïr€ ùi for- 
tune ;• fàais qu*il eft honteux d'augmen-* 
ifer fqn bien , fi on ne commence par 
lediffiper; cettépartie de la nation, qu£ 
ftit toujours avec le capital de fonbien ç 
^fiii^j'-q^tariid elle e|â ruinée, donne fe 
^ace à tin autre -qui fervifa rfvec foa 
4iapkal «rtcbrè ;yquiVa à la ^verre poulp' 
<|u'é perfdnfte n'ofe dire qU' elle n V a? 

Cétc ; <i^i'9 quand elle ne peut efperer 
richefles , efpere les honneurs ; 8c» 
terfqifelle ne les obtient .pasv fè icon*^;^ 
A)le , pa^pce qu'elle a acquis de rhofï«> 
jîèi^tr : ti^ute^' ceschofes ont néceffairé-* 
ment cbntfibité à U^ grandeur de ce, 
royaume* Et fi depuis deux ou troi^ 
fiecles, il a augmenté fans ceffe fapuilP 
iance 9 it faut attribuer cela à la bonté' 
4e fés loisiy non pas à la fortune , qui 
jtfaf>c|spes<ibfite$^oonftànce. 4 

' Tome II, M 



tf&^ Dâ i^nsviBLîT DES Loiif 



L 



c H A ï> I T R E xxrir. 

lA ftiiliis nations il tfi difivàntaguix Je 
faire U commerce. 

ts richefles confident en (onds de 
f terre , ou en effets mobiliers : les, 
fonds de terre de chaque pays font oti^ 
dinairement poffédés par fes habitans* 
La plupart des états ont des lois c^ui dé* 

{joutent les étrangers de Tacquifition de 
eurs terres ; il n y a même que la pré- 
ifnçe du maître qui les Êifle valoir : ce 
genre de richefles appartient donc à 
chaque état en particuUer.Mais les e^ets 
mobiliers , comme l'argent ^ les billets ^, 
les lettres de change , , les aâions fur 
les compagnies^ les vaifleaux, toutes 
les marçhandifes , appartiennent aa 
monde ehtier , qui dans ce rapport ne 
Gompofe qu'un feùl état , dont toutes les 
iocietés font les membres : le peuple qui 
poflede le plus de ces effets mobiliers de 
l'univers 9 eft le plus richev Quelques 
états en ont ime immenfe quantité ; ils 
les acquièrent çhacim par leurs denrées» 
par le travail de leurs ouvriers , par leur 
induftrii^, parleurs découvertes^ parle 



hshttà mêttie.^ Ûavarke des nations fa 
<^fpute lés meublas de tout l'univers. Il 
peut fe ti^iver un état fi malheureux ^ 
Qp£'û. &m privé de$ effets dès autres 

Eiys\ & même encore de prefâlie tous 
s fieti$ : les pf opriétàites dés voiïA% de 
terre n'y (eront que les colons des étran?* 
gers. Cet ^tat manquera de tout , 6c tle 
pourra rien acquérir ; il ya^drdit bîcit 
smeux ^vk% n'eût ide comhiëi^cc avec 
«ucune nation liu tdoiide : c*eâ lé tom^ 
merce iqui , dans les^rconitancés oii it 
fe trouvôit,^ Ta conduit à la pauvreté; 

Un pays qui envoie toujours moins 

"de marclfândifc^s ou de denrées qu'il n'en 

«cçoit , fe m^t lui-même en équilibre 

txi s'appâiivriffant : il recévi?â toujours 

W)ins , îu^qu^à ce que , dans une pau-» 

Vreté extrême , il ne reçoive plus rien, 

- I>ans les pays de commerce , l'argent 

^ui s'eft tout-à-coup évanoui revient , 

psirce que les états qui l'ont reçu le 

doivent: dans les états dont nous par- 

tons^ Purgent ne revient jamais , patte 

flue ceuîi qui Tont pris ne doivent rien. 

LaPolognefervira ici d'exemple. Elle 

tfa prefqu'aucunc des chofes que iious 

içpellons les effets mobiliers de l'uni- 

Wrs, & ce-i^eft le blé de fes terres^ 

Mij 



^pH^j^Ç^ews ;pofftd^nt.4çs pft*^ 

re^ pq\}r, ^wir ufî§ pl«3 gïapde quao*; 

"^çtdçi l;^3q«'il^jp^iffent feny«yer a\iip 
^^^&irf 9 ^ fe prociirçf les ^Pf^ qujr 
fp^findjl Uur lUl^c?. Sir. la Px>lofiié?ne 

Commerçpijt < avçç ^ aucune nation^ fes 

peuples* , feroi^nt pîu$: heuteiix,. Se$; 

Of^etqi^^X'k lejurjj^jpayéws (iOW vivrèoi 
fet ^p: giçtgds: dpm^n*^ rleiwç iorpienfc 
^ q^^rgft,^i^,JeAj^aft$ger<)^çôt,à ittius! 
payfanç i. ^out; lj?>>nOadç ^'trpuvant desi 
peaux ou desliiines d^ns (<^g troupeaux, 
ij^ n'y auroit plus ufte dçpçnfe inunenie 
à faire, pour les habits-j les grmdjj qui 
ornent toujours le U»x? /^ qui ne le> 
pourrqifiiît trouver que d^Us levr.jpays^- 
cncoprageroient les, pçiuyrjçs au travail* 
Je dis qpe cette nation ier oit plus 'flo^ 
riiTante , k moins qu'elle tie devînt J>cHv- 
barej chofieqç^ Içs lois pourroient pré-- 

Çpnfidéripns à prefent 1?: Japon* Lai 
qusanjït^ e^ceffiyeide ç^ qu'il peut récent 
vpiri^.produit l^.qvïantitç ÇîM^eiEVc? lie ce 
qu'il peut e^vvoy^i; : les chpfes feront en: 
équilibre, comme fi l'importation & l'ex-v 
portatîpg^toieni moderiççs^ &f d'oiHeuHî 







les aitJ pSiyfBt s'âteccerV pluifl'hom- 
mes employés , plus de moyens d'ac-* 




ner plutôt qu un at^tre. 11 elt, 9i$cil< 
qu*un pays n'ait des' cfiof& vipémlies ; 
^gij .c:^ft..la Mipp^du, S8|ï\mRi:«fi. de 
rendre les thofes fuperflnes" utues , *« 
les mi^$| }iéi:âl^i!(es^ib!éfàtf <Ainâ^nc 
donner les chofes tiéceiTaires à un plus 
gnûià^5ttbréîlé'ril|éts.' ■ * m " ■!/ 

Dlfbi}s donc que cène fontpoii 
Jiâtîbiis'^m h'ôHtlifeftiitfdérîfefii^ , 
|)éïd(éht à 'foire le ëomriierte ,' èeJÈ»^t 
Celles iqui'ôrtt befôin âe toUt. Ce hé-foni 
j>idirit-léé'>t!upl>és qui ie'fûiareiïtè^'èt^ 

cQWi qui trèùveiif^dè tiilikt&éjb'^^nt 
lttq5<|«èEàvWi>èrfqflne.- "'' ^ '^ ^-■'' "" 






'<i' :^Z\} /. n.::'>.^.-| 


•-no.» iiiN:^ ç.jjfi bi 


jJx^B 31:* V. li t>I -^mmo^ 


-"KKjqSa <ili'up ^ 


r 


,UIXX 


Miij 



temps, ccuxquï négocieront aux Indes, 
'Y' porteront de l'argent, Se n'en. rap- 
porteront pas* . .'. . ; 

CHAPITRE II. ; 

peuples, des côtes 

nt fauvages bit batr 

:ela vient beaucoui* 

; prefqd'inhâbitaMe* 

prys qui peuvent 

t fans induurie ; i!& 

\ ils ont en abon- 

récieux qu^iIs tien- 

it des mains de 1% 

naïure. Tous les peuples poHcés font 

"donc en état de négocier avec eux avet 

avantage; ils peuvent leurfeireeftimer 

lié^ucôui^des'Cbofes de nulle valeuf^ 

& en tétf ^oir un trèS-grand prix^ 







TL y a dans rEucepeubéi^e^^œebâfe 

& "celles du nord. Les premières 'ont 
toute^foiies êe <S)ii4m^^é4pimrfe vie, 
^ pf i*,^ft^efQ^ips^, J^&p^ 
beaiîfipuft^e >çf;^ ,4çcpin- 

modités pour la vie. Au^ unes,, la na- 
M|f6^ éonÈi3[ér'b^aibc^iip:,ifi6ette8 He Hj^ 
dém3}Ql«ntx{tfej^ù;^^v^ autres, lajuk- 
fiire^domie peii^'&i éttei^llm demandent 
Beâ^scoup î L^â^iâ]ff ë <|e naîonti^t pâi 
k^p2CS^t:^qi(?fittë^9f:toâ^ itatîotts 
Ao/n^div &<|)atrl^iirà|iMeâ^ l'aômté 
milieu doilitéièsfàitôliescdu' libre, vCei 

feeatiO(^V^S'^ubiâllds%tanqueroient 
:de tduûK dettiendr^ieiitbarbat^s; Ceft 
ce qui a DatOf^Ufé la fervitudef hei left 
^eupïei tlîiJ midii :oômnté ih> pearent 
aifénwnt ïbpaâer tki-ichf fiés ^ iis^peu* 
vent en<Kire 'i^iîêttJb fopaffer de libeirté; 
Mait tes peuples: du nord •ont befbin 
4p la hkktnài qui leur procut^eplus di; 

M V 



que la jiature Içfita 4oi>nés. Le^ peu- 
ples dtr ntrd foht ^Onc ainy un état 
3ï?.rKéy'^>U;pe^qnt^^^^ 

en quelque raçôn flans xm état violent^ 

W I h II I .1 » I «Il ■ I , i; > I gj . . Il ■ I T i , m^mm»^ 

Ï' £ iDiieiéfcf|e(fwt:)dc:tdn^p5*'(^ tesipt 
u d^os ides> fiWtîosia qui cfafdgimt iè 
commiegm; AnjcH^d'ktii Ir^oBimetcetlft 
r^uroMiciâit^pmidpftlctoent dj^A/ocd 

tnatsÊùt qëejfii pm^e» t>0( fiagranâ 
l>efoiii des;^in9r<raim£e$ 1^. juss. >4e|» 
«utres. far exeii4>le j \^i ho'éb^s w 
midi portas wixtxoxd y£orm^t luie.e^ 
ftece deicomsneriCie ^qae lt$ anfiicosii'a^ 
ViG^CQDgMfie>'AtifliJa capacité 4es yoklsr 
féaux i ; q^î & me&irolit. autrefii^s pnr 
mut^ de^ Ué ^ fe |ïie/ttrè^^^«raw#cnu?r 
«l'him par toan^ajiQc de iîq^csors^ . 
. Le comm^fs» jàmx^ qiLe ^<mi mOft 
m^iSoas^ ie faisant dlMf^pcict fbt^lai^éf 



ffiterranée à l^aiiitre;^ écoit prelque tout 
daAs le midi. Or les peuples > du mé^ne 
climat ayant chez exùc à peu<pms les 
mêmes cnofes, n'ont pas tant debefoio 
«le commercer entr'eux ^ que ceux d^un 
climat difiiérent. Le cotnmerceen Ëm 
rope vétôit. doiic( autrefois moins létendu^ 
qu'il ne Teft à préfent,. i 

Ceci n'eu point contradi&oire arec 
ce que j'ai dit de notre conmierce der 
Indes ^ la di^Sérencç e^ccei&ve dit climat 
£îit que les besoins irelati&iQnt nuls. 



CH A P I T R E V. 

. Autres diffcrences^ 

LE commerce, tantât détruit par 
les conquérans , tantôt gêné par 
les mondr^ûés , p^ooutt ta tei-re , hilV 
d'oit il eft i>ppriiiié,I fe refKxfe oh. on le 
laiffe t^^féti itiregflê aujourd'hui oiY 
l^on ne voyiôitque des déferts , dès merè» 
fi^ des rochers ; là où il régiloit , il n'y: 
a que des déferts. ^ ; 

A voir ai^ourd'hui ia Golchide, qu^ 
rfeft plus qu'une ^afté forêt , oîi \^ 
peuple ^ «pii diminué' toi^ les j6urs , ne 
âéfend fa liberté que pbii^fe vendre ^ 

Mvj 



■r'fi"- ^ï- ' , >• ■ ,/« 



démlatDt T<|if€S & aux Bérfans; Ott ii& 
diroit jaétaâs que pette centrée ^it^t^ 
du temps des Romains pleine de villes , 
eà le commerce appelloit toutes les na*^ 
tions du monde« On nf en trouve aucuib 
flionumoM dans le p^sr; 'û t^y en a de 
traces iraedansJ^iïfie(tf)'& if /rofojr (b\ 
L'hiftoire du commercé eft' celle de> 
la communication des peuples» Leurs 
deâruâions diverfes y oc de certains 
flux & refiux de populaticms & de dé^ 
vaihitions^ en forment I» plus .giandsi 
cyénemens» , , 



« 



^ f 



C H API TR'E V ï. 




• Dv-ço mni t i x t dts ànctms» 

j]çs tr4for5jimwe»fe? (^) de^cW-ii 
i pamis y, ^qiihM pôiiY^tit avoir été^ 
acquis en un jQiw.> îiM)u»îf<mt pen^ 
que \^ A%'ÂM(& 9yoienit>^x-mêmes 

Î(iUé d'atitTÇ^ JiatiicHi$ riches ^ comintCà 
es autres nations les pillèrent ^^ès. ' •; 
: L'efffet:<ktCoi^iliiercpfiwit ^eftrijchef- 
ie!5 , f^ fuitç/^Sî^fiiçl^ffes le ImA.i cfeUct 
djUrluxe la perieâiç^d^sîi^rtâi» |^e$ arts 



f , 



^ -ter* ^sthrCwAp: tvii : 2^ 

yorté^ au point' oiiibn. lés tKOuvë^u> 
temps dç Simir(ifHi$.(d) ^ nouamarqucot 
un , grapd cotn^iteree <le jà établi. 

Il y avoit un grand commerce de luxe 
dans les «inpir^Sf/i'i^e; Ce liercfit une» 
belle pi^rtie de rhiftbiro dui tommwce! 
querhiftwe dûlwxe : le^liuxe des Perfes- 
f toit celui des Meéés y cotome celui 4eé* 
Medes étoit celui des Aflyriehs. 

11 eft arrivé de grands chan^emens 
^n Afie. La partie de la Petfe qui eftaub 
çoircbe^^ rHyrodiiïe y ia Margiane^ \ak 
Bnôri^ne, &cu'étoient ^isefoisjplmnts^ 
4^ JviUe^fltortfTaîites (fy qjttine font plus ;^ 
4c le nord (e) de cet empire ^ p^ft^tà-i 
dirjç, rifthipe ç{}xi fépare la mer'Caé^ 
pienne du Pont-Euxin , étoit couvert 
de villes & de nations y qui ne font phis 

encore. ;:,i,, , :.. [y,-:, : -/* ... .^ '^ 

. 3r^iofihêMfi (fi^ & y4rifio^ûic^ tenoienf 
4e PatrdcM(fiyjiL^\ie les^marchafidifefir 
4es Indes paffoiem paj? l'Oxua dans laï 
m^r du Pçnt- Marc Vanon (/) nous diU 

!«) I>/War<^ » liv II. 
^ ) Voyez Pline , liv. VI, chap. xvs ; & SiTMèo» g 
Bvre XI* - . * • j 



'<} 5i;ra5«aV;$vze XI* 



1, • • .( 



r;p 



i paroît pat un récit die Sfrabon,, liv^ell, :., c\^ i^'-^ 



cme Ton appdii , du teai^ Atè Pompùf 
oansh guerre contre Mâthrîdate^ que* 
Ton alloit en ièpt )onrs de l'Iode dans le 
piys des'Baâriens , & au fteuve Icarus 
qui fe^ette dans l^Ôxus ; cjuc^ par-là tes; 
marchandlTes^de l'Uidé 'pouvoient tra«^ 
verfer la mer Cafpienne , entrer dé-là 
^buisPemboBcht^f du Cyrus ; qiie de 
ce fleuve il nç falloit qu'un trajet paf 
terre de cinq jours ppur aller au Phafe 
qui conduisit daitôle Pont-Eukin. C'éft 
wm d«Mite par \es natioiis qui peuploient 
ceS'diSrefrs pays^ -que les grands etn-^ 
pirek|des Auj^rriei^s^ dè^'Medès & de9 
Férfe^ ^ ravoi^nt une ^oJ[nmuhicationr 
avccles parties dç Torient & de Tocci-^ 
dent les plus reoiÛes* 

Cette eommumcatidu n^eft plus. 
Tous ces pays ont été dëvaftés par lesr 
Tartares (^), lir cette iiaitiéfn déftmc* 
trice les bante encore pow l^sinfefter^ 
L^Oxus neva plus à la mer Cafpîenne; 
les^Tarmreç l^ont détotimé pour àesf 

Strahony Ihr. XI. fnr te trajet àt$ «archandUfS Ai 

([«) U âut qne depoi» te tenpf ée Ptoleoi^f r 

V qui nous décrit tant de rivières qui fc^tteot dans Is 

partie orientale <{e la ^r Cafpi^Dnç , il ^ ait eu de 

fnuflll^hai^i^eMiMr dans ce pays. La carte '<lu czar ii^ 

met de ce cdrié-lè' qtte la nviere'd'^i^^tff i éc CçU» 



r€nfons\paréièidieres (a)^ il-ie perd'dahs 
des fables raridés. i ; ' i :: ? , f 
Le Jaxàrtev qùLjfooBèîtaiffnâftsfr'unel 
iHuriere^nti^lesji^tiûosfKjlkë^saSc \tà^ 

dëiscâiriHâ (^t) parles Taharearj,: èf, oiaT 
va ptesrîuia^'àfaDinen; . [ r, oi^'n ,:(j 
r; ÂSZbr<a»i^rîf/9F>Ê>tana. le. |»i>|et:(<:} 
de 1010(11:016 Pént^Eimm à la mer Cai^ 
pienne^fiCeideâeui qui eiit donné' Ineir 
de^s^iMlî'tés^an.bommfirce quife Êùibit 
demSi ée temp^à^ Is'fbranamt à £r* ( f/.y 
isortJiOp ne . iidt s'il iiiroitipù l^exéri 
Cutérid^Stl'î^hiBè ^iti; répare les deu^ 
Hiers;»Cc:pays^iaiiî<fmraimi très-pei% 
connu ; il eft dépeuplé & plein de fo« 
rets ; les eaux n'y manquent pas ^ eau 
une inifinxté de rivières y ^defcendent 
du Mont Caucafe ; mais ce £aut:a(e ^ 
mil fonde le nord xie l'iâbine ^ & cm| 
étend des efpeces de bras (e}tumïm^ 
auroit été un grand obftacle , iin>toxii 
dans ce temps-Tà, àii l'6n n'avait poiob 

Fart de &ire àts éclufies*. 

% 

4ti voyageis du nord , tome iV. , 

. (M ) Je croU ^uà tic4à's!efi fbmiÀte kc Aréi^ ) 

..,?<) X:iaud€ ]C^ri àjuis FUét t li,v, VI. çbfi^» lU j 

(d) 11 fut tué par Ptélomde Céraaus*' , ^ 



ï :û&fi'pouriblt jcjx>lpetjûè S'éhucptf^fdip^ 
loit faire la jonâion des^téux rmri*dansL 
leiiea snênlr ott le cxâr Piertei. Va Êute 

de~ àrcre^Kià de ^l^naîs< s'appitsd^ 
Volg0:<]Baisiie iiovfl lâe la ^rùr^'Gaf*^) 
pienne n'étoit pa^iencore d^coiinsetr^ t y 
^' l^etidanf cpierdans^ler'exn^iiriei&il^^e 
il y avoit un commerce de luxe \ les Ty^ 
nrens âiî&ntotpar toute la tërr éÀin com^ 
merce d^onômkiiJ[acftdii/.a>ê^[do^ 
l^lp/emiièi! Jôrre dé ^on^ Chpmun^ ùafh 
Pénuifaéi^ttônncteîreoloiiiesi q^ib <eas( 
voyérenit daqs rtbiis leslp^ys^ncpti Sont 
près -dé' la méi>; iU pafferent ^e5 .tolon*^ 
nés tffleixule ^ & firenfc des > étabtiâe* 
mens ^) (ur^les certes de-rocéaii. . * ^ 
: Dans, ces tempsrlà , lés iiàf^ateuis 
^toienti'olbli^s de fiuvre les dettes , Vjui 
étqnâèfit^ pomr^àmâ direv^leurisoufible^^ 
lièb.vtoiysiges étoieilt longs' &pénibtei& 
LeGirayavix^ikf la» éavigalïion. d'Ulyffe 
Ontétéun^fujetféi-tile pburleptits beau 

fioëme du monde^ après: celui t|m eft 
e premier de tous. 

à^^ peuples avoient dô ceux <|ui étoient 
é\!6lpiéi d'eux /févdrifôit: les ngtiohs 



. \' LiVi XXL Chàf. VI. 181 

n^ul Êfpfpîent le cûÉ:imercé d'économie» 
vElles mf ttoient dans Leur négoce les 

* obficurités qit'elles youloient : elles 
ayoient tous les avantages aue les nt- 

- fions intelligentes prennent lur les peu- 
ples ignorans. > 

L'^ypte éloignée par la religion & 
par les moeurs y de toute conunumcation 

- avec les létrangers 9 ne faifoit guère de 
iccmunécce aa dehors: ^lle jouiuoit d'i^ 

terrain fertile & d'une extrême aboïi- 
dance. C'étoit le Japon de ces temps- 
:là r elle ie fuffifoit à ellc-mêâTie. 

* Les Egyptiens furent fi peu jalouK 
^u commerce du dehors , quJils laiflerent 
«celui de la mer roiige à toutes les petitels 
«nations qui y «urent quelque port. Ife 
ibuârirent que les Iduméens^ les Jui^ 
Se les Syriens y euffent des flottes.. 
Salomon (a) employa à cette navigation 
^es Tyriens qui connoiflbient ces mers» 

Jojiphe (i) dit que fa nation y imi^ti^ 
mentoccupée^l agriculture, con^iiP 
ibit^eii ia mer i aiifli ne£it*ce que pat 
vccmqr\ que les Jui& négocièrent dans 
la mer rouge. Us conquirent fur les 

i (a) LhrrelH. des Roù, dup. IX ^ FAiW/fU Ut. IU 



&8i Del^isphtt des Lois^ 

Iduméens Ëiath & Afiong2d>er , qui le«f 
donnèrent ce commerce : ils perdirent 
ces deux villes , & perdit «it ce toat» 
^erœ auflî. 

Il n'en fut pas de même des Phéni- 
ciens : ils ne faifoient pas uir commerct 
de luxe , ils ne négocioient point par la 
concrète ; leur frugalité y leur habileté ^ 
leur induftrie , ku^rsï^érils, leurs 6ti« 

{;ues, les reyidoieat néeeâaiiss à tmam 
es nations du monde. 

Les iia;îoas voiûnes de la mer ^vm 
ne négociaient que dans cette mer Sc 
cellei(rAfri(fue. L'étonneoient de Ttuii» 
^yriiTs k k découverte de la mer des Indes, 
jfaite fout Aitxanirty le prouve afles» 
^ous avons (tf) dit qu'an porte tax&> 
jours aux Indes des métaux pcécîeux \ 
£c que Ton n'en rapporte (i) point : les 
bottes Juives qui rapportpient par la 
mer rouge de Vax & 4e l'ai^gecit , rev«f> 
noientd'Âfrioue , Ac non pas des ^ndes* 
Je dis pkis ; cette aavigatiottie ùitait 
fur la c6te oriieniEiIe de T Afrique ;^^fé* 
tat où étoit la marijie>|)our lors , < pcQuys 

U) Au chapitre t. dé ce Livre. 

(h) La. proportion établie en Europe entr« l*or Ac 
J*«rgciit , . peur qœlqii^fbis iûre trouver* ila profit à 
prendre dans lei Indci df l'or pooc df r«rs*nc ; 
^eft peu de choff. »'^ '^ :/^ /^ . 



M&t qu'on n'ailoh pas Ans des lieioc 
bien reculés* 

Je fais que les flottes tle SahmoM &C 
de la^hat ©e revenoi^it que la troi- 
fione année; mais je ae vois pas que la 
Jbngueur du voyage prouve la graiv» 
Àmx jde Pidoignement. \ 

Pliac ScSxmbon nous ^ent que le 
•^rnini qi^'un navire des Ind^^ de hi 
wtiKxagej fabriquée jœcs, 'faifoit 
pn vdogciours^ un navire <rrec <ni flo^ 
main le faifoit en fept>(a^.II>ans cette 
Vcoportion , : %m voyage a'Uii an pour 
«es mxtÈes Gcec^pies :&pB.omatnes, ét<^ 
à feu j^rès i^s trois pour celles de i*^ 
ftffnofOL 

VttxoL vnairiias. ^'uoe vîfèffe Snégadf 
ne font pas leur voyage dans arn temps 
paropotâ^nnéià leur lateâe : la ionteur 
ptadustibuvèfit UJMK. plus gi^aode leur* 
teur/QiBBid H;s'agU defviivce lesc6t|ss^ 
^.qo^pn^ trouve iansiceâié dans une» 
dÂâerenteopQfition^tqiiHl ^và aoendré 
un h^tif^md pour foi^rir^diun ^oife , w» 
avoimm: autre pour alli&r en aiTjant, uii 
navire bon voilier profite de tous les 
temps lûuraisifailesf ««ndis qKte ^ l^utire 






vjreA^ dans u&d^ndrpii(difficile/&(attihd 
plufîeurs jours tin autre cbarigeoient»^ ^ 
r-^ Cettlî knikuc'deb navires^ des fades 
^oui dans un temps égal ne pouvÀieM 
îi^ire au^.le tiers. du chemin que:* fa»- 
^ibîiçjitlesi^aifleaux Grecs >& Romain5, 
peut s'expliquerparce cp^^iùniavoyoïis 
^ujourd'hîd.dans notremaeiûè. Lé&uia- 
i^ires des:Ind^:i^.étoient de jonc ,.è»» 
^oièat xBûkt^ dî':€au;^e.:lçs vaiffeaMK 
jGrecs & Romains qui etoient i^ boii^ 
ï^ ^ints^avéc^dtt &n V ' .i 

•. : On peut xomparer xrs.naVires ée% 
jiîdës.àxeuxi de.queèq^esi^naiÛMais d'aut 
jourd!hui dontles:pomx>ntipeu 4^fi»9(& 
tels (ont ceux de Venife , & même eh 
général dé Wtalie (i) y. éé larmet Balti- 
ique & de k'^ovince de Hollande (6); 
Leurs navires jquî doivent «a ibrtiré; 
y r^entrer , ibnt aune fabric^ue ronde £; 
|a£ge de fond ;r . au lieu <;^e Lesi^vireâ 
d'autres nations qui font de biftns port^ 
£mt par» le fao^ d'ijoie. :£ràniir iqoi les.'Êwl 
<nttrier^pi;ofondément dans i!eimjtCetto 
jpiécamque fait qîie dm cjiemiers navires 



^<«}, JEUe 0^ :pre^ que df t ûidéU fK^la 
4e très- bons ports« 

^ud€«clU4«Zâaa<Uibiitaâezpc«l(mdsM^. '. I 



, Lit. XXL Chap. W T^i 

in^vlguent plus près du veirti & qiie les 
pnEfmiersD^nsrv^nt preique que quand 
ib <me \m ventien poup0« Un navire quî^ 
enif re ibèaucoupidaiis V-tmx > navige vers ' 
Ipmême cété Â>prefque toupies vents y 




qui:Êdt un point d'appiû ^ & de lafoMie 
longue du vmiTeau ^quL eu piéftàté ^vtr 
-vent <par fon côté, pendantqoEe par l'effet 
de la ûgnte du gouvernail on tournera* 
proue vers lexôté que l'on fe propofe ;' 
enforte qu'on peut aller très-près du 
vent y c'eft^àrdire , très-près du cotéxi'bii 
vient le vent* Mais quand le navire «ft 
d?une figure ronde & lar^e du fond , & 
que par cbnféquentîl «nconce peu dans 
l^u , il n'y a plus de point d^appui ; le 
vent chaffe le v^fleau, qui ne peut ré-* 
Ijfter , ni guère aller que du côteoppofé 
Iktt vent. D'où il fuit que les vaifleaux 
d'une conftruftion jronde de fond y font • 
plus lents dans leurs voyages : i^. ilsper** 
dent beaucoup de )temps à attendre le 
veni , fur?-tdut s'ils font bbligés de chan- - 
geri^bilveçt de direûîon :■ x^. ils vont 
plus lentement , parce que n'ayant pas 
de point^d'appui , ils ne fauroient porter: 
aittant ide j^oUes i4[ue Lé^ amures. Qu^e â# 



tes De l'esprit DES lots, 

éàns un temps oit la marine s'eA fi fort: 
perfeâionn^ ; dans un temps où tes 
arts fe cooimuniquent ; dans un temps 
di l'on corrige par l'art & les dé&uts de 
U nature & les défauts (te Tatt même ; 
on fent ces différences , que devtut-ce 
^tre dans la marsne des anciens ^ 

^ Je ne faurois qukter ee fu jet. Les na« 
vbesdes bd« etsoient petifô ^ &c ceux 
des Grecs & des Romains ^ û Ton en 
excepte ces machines que l'oftentation 
fit faire 9 étoient moins grahdrqiie les 
nôtres. Or^pKisunnavireeft petit 9 plus 
il eft en danger dans les grostemps.Telle 
tempête fubmei^e un navire , c[ui ne 
feroit que le tourmenter s'il étoit plus 
grand. Plus un corps en furpafle un au- 
tre en grandeur^ pluslafunace eft rela- 
tivement petite ; d'oiiil fuit que dans im 
petit navire il y a une moindre raifon ^ 
c'eft-à^dire , une plus grande différence 
de la furÊice du navire au poids ou à la 
okarge qu'il peut porter , que dans un 
grand. On fait que^ par une pratique à 
peu près géoiéraie , on met dans un na« 
vire une diai^e d'un poids égal à celui, 
delà moitié de l'eau qu'il pourroit con« 
tenir. Suppofbns qu'un navire tînt hmt 
0encsîonneai]xd'^aui£i charge feroitde 



Lir. XXL CnkP. Vf. ^f 

qwtre cents tonneaux ; celle d'un na« 
vire* qui ne tiendroit que quatre c^its. 
tonneaux d'eiftt , ieroit de deux cents 
tonneaux* Ahiil la grandeur du premier^ 
navire feroit , au poids qu*ils porteroit ^ 
comme 8 eft à 4 ; & celle du fécond , 
comme 4 eft à i. Supposons que la fur^. 
face du grand foit , à la furface du petit ; 
comme 8 eft à &; la furface (a) de celui- 
ci fera, à fon poids, comme 6 eft à 1 ^ 
tandis que la fudace de celui4à ne fera V 
à fon poids , que comme 8 eft à 4 ; 
& les vents & les flots n'agiflant que 
fur la furface , le gran(l vaifteau réfiftera 
plus par fon poîos à leur impëtuoâté ^ 
que le petit. • . 






CHAPITRE VIL 
Du commerce des Grecs, 

ES premiers Grecs ëtoient tous pt- 
I rates. Minos , qui a voit eu Fempire 
e la mer, n'avoit eu peut-être aue de 
plus grands fuccès dans les briganaages : 
Ion empire étoit borné aux environs de 
fon île. Maislorfque les Grecs devinrent 

(a) C'eft-a-dire , pour comparer Ici grandeurs do 
mène genre : l'a^ton ou la priic du fluide fur le na* 
m|(ecaàUrifi(Uiiccdttikilmtiiaftr«» coouu» te^ 




ijfô De l'ispiUT DES Lois; 

tu» grand peuple , Les Athéniens ob^ 
tinrent le vjérhable en^îre.de la mer j 
parce que cette nâtioa c(MDsherçante&! 
viâoneafe donna la loi au^ monarque 
(a) le plus puiiTant d'alors , & abattitles 
forces maritimes de la Syrie , de Tile de 
Chypre & de la Phénicie. 

. 11 faut que je parle de cet empire de 
la mer qu'eut Athènes. « Athènes, dit 
n' Xinùphon (a) , a l'empire de la mer : 
H tnais comme TAttique tient à la terre^ 
«^ les ennemis la ravagent, tandis qu'elle 
H fait les expéditions au loin. Les prin- 
M cipaux laiflent détruire leurs terres , 
H & mettent leurs biens en fureté dans 
» quelqu'île : la populace qpi n'a point 
>K de terres , yit fansaucune inquiétude» 
>> Mais fi les Athéniens habitoient une 
» île , & avoient outre celaPempire de 
p> la mer, ils auroient le pouvoir denuire 
>* aux autres fans qu'on pût leur nuire^ 
h tandis qu'ifs feroient les mai très delà 
>> mer >>. Vous diriez que Xinophon a 
voulu parler de l'Angleterre* 

• Athènes remplie de projets de gloire; 
Athènes qui augmentoit la jalouue , au 
lieu d'augmenter l'influence ; plus atten- 

■ («I ) Le roi (U Perfie. 

tivc 






Liv. XXT. Chap. vil x$^ 

lûveà étendre fon empire maritime, qu'à 
en jouît ; avec un tel gouvernement po- 
litique , que le bas peuple fe diftribuait 
les revenus publics, tandis quelesrichet 
étoient dans Toppreffion ; ne fit ppintce 
grand commerce que lui promettoient 
le travail de fes raines, la multitude de 
ùs efclaves , le nombre de fes gens de 
mer, fon autorité fur les villes Grec-i 
ques , & plus que tout cela , les belles 
inftitutions de Soloa. Son négoce fut, . 
prefque borné à la Grèce & au Pont- 
Euxin , d'où elle tira fa fubfiiianc^* 

Corinthe fut admirablement bien fU . 
tuée : elle fépara deux mers , ouvrit & 
ferma le Péloponefe , & ouvrit & ferma 
la Grèce. Elle fut une ville de la plus 
grande importance , dans un temps où le 
)euple Grec étoit un monde , & les vil- 
es Grecques des natibns : elle fit uyx 
pkis grand coçimerce qu'Athènes. Elle 
avoit un port pour recevoir les marf^ 
çhandifes d'Afie ; elle en avoit im au-^ 
tre pour recevoir celles d'Italie ; car ^ 
comme il y avoit de grandes difficultés 
à tourner le promontoire Malée , pu des 
vents (<ï) oppofés fe rencontrent & 
^ caufent des naufrages , on aimoit mieitt; 

Tome II. N; 



l 



iço De l'esprit des Lois, 

alWr à Corinthé , & Ton pouvoit même 
faire paiTer par terre les vaiffeaux d*une 
mer à l'autre. Dans aucune ville on ne 
porta fi loin les ouvrages de l'art. La 
religion acheva de corrompre ce que 
fon opulence lui avoit laiffe de mœurs. 
Elle odgea un temple à Vénus , où plus 
de mille courtifanes furent cbniàcrëes. 
C*^ft de ce fcminaire cjue fortirent la 
plupart de ces beautés célèbres dont 
Athénée a ofé écrire l'hiftoire. 
"^ fl paroît que , du temps d*Homere ,' 
Topulence de la Grèce étoit à Rhodes, 
k Corinthé & à Orcomene. « Jupiter, 
H dit-il {a) , aima les Rhodiens , & leur 
» donna oe grandes richeffes •>. Il donna 
à Corinthé (*) Tépithete de riche» De 
même , quand il veut parler des villes 
qui ont beaucoup d'or, il citeOrcome- 
ée (c), qu'A joint à Thebes d'Egypte. 
Rhodes & Corinthé conferverent leur 
pùiflknce, &-Qrcomene la perdit. La 
pofition d*Orcomene, près de rHellef" 
pont , de la Propontide & du Pont- 
Euxin, feit naturellement penfer qu'elle 
tiroitfes riche ffes d'un commerce l'ur les 

' ib) fbid. 

(c) ibid, lir. I „T.4«ï. V<?y« Sirab^Ji , lîr. IX| 



Liv. XXI. Chap. VII. xgt 

cotes de ces mefs , aui avoit donné lieu 
à la fable de la toiion d'or : Et^fFeâi- 
yement le nom de Miniares eit donné à 
Orcomene (a) & encore aux Argonau- 
tes. Mais comme dans la fuite ces mers 
devinrent plus connues; que lesGrec^ 
.y établirent un très-grand nombre de. 
colonies ; que ces colonies négocièrent 
avec les peuplesbarbares; qu'elles com- 
muniquèrent avec lei,u- métropole; Or- 
comene commença à déchoir, & elle 
rentra dans la foule des autres villes 
Grecques.. - 

LesGrecs^avantHomerç, n'avoient, 
guère négocié qu^ntr'eux , & chez 

3uelcfue peuple barbare ; mais ils éten- 
irent leur domination ^ à mefure qu'ils 
formèrent de nouveaux peuples. La 
Grèce étoit ime grande péninlulc dont 
les caps fembloient avoir fait reculer 
les mers & les golfes s'ouvrir de tous 
côtés, comme pour les recevoir encore» 
Si l'on jette les yeux fur la Grèce , on 
verra , dans un pays affez refferré , une 
vafte étendue de côtes. Ses colonies 
innombrables faifoient ime immenfe 
circonférence autour d'elle ; & elle y* 
voyoit , pour ainfi dire , tout le monde^ 

(«} Strah^n, lir. IK, p. 414. 

N ï) 



i.92' De x'esprit hes Lois, 

qui h'étolt pas barbare, Pénctra-t-elk 
en Sicile & en Italie ? elle y fonna des 
nations? Navigua-t-çUç vers les mers 
du Pont , vers les côtes 4e TAfie mi- 
neure , vers celle d'Afrique? elle en fit 
de même, Ses villes acquirent de la 
profpérité , ^ mefure qu'elles fe prou- 
vèrent près de nouveaux peuples. £t 
ce qu'il y àvoit d'admirable , des îles 
fans nombre , fituéçs comme en pre-» 
iftiere ligne ^ Tentouroient çnçore. 

Quelle caufe de profpçrité pour la 
Grèce, que des jeux qu'elle donnoit 
pour àinii dire, à l'univers ; des tçmptes, 
cil tous les rois envoyoiçnt des offran- 
des ; des fêtçs , oii l'on s'affembloit de 
toutes parts ; des oracles , qui faifoicnt 
l'attention de toute la çuripfité humai- 
ne ; enfin , le goût & les arts portés \ 
un point , que de çroirç les lurpafl'er 
fera toujours ne les pas çonnpîtré? 

CHAPITRE VIII. 

J}^ Alexandre. Sa conquête. 

QUATRE événemens arrivés fous 
Alexandre firent dans le commer!- 
iCe une grande révolution j la prife dc 



9 

liv. îixr. dHAP. vitî. 193 

Tyr, la conquête dé l^Egypte , celle 
des Indes ^ & là Recouverte de la mer 
^ûi éft au lî^idi dé ce pays. 

L'empire des. Per fes s'éténdoit ju^ 
t^iCd rf ndus ( a ), Long-temps avant 
Alexandre ^ Darius, ( ^ ) i^voit envoyé 
des navigateurs qui defcendirent ce 
fleuve , & allient jufqu'à la mer rôu- 
jge. Comment donc lès Grecs fiirent- 
îls les premiers qui firent par le midi le 
'commerce des indésr Comment lès 
J^erfes ne Tavoiênt-ils pas fait aupara^ 
Vant ? Que leiurfervoientdéS rtiers qui 
étoient fi proche ^'eux , des mers qiâ 
bàignoient leur empire ? Il eft vrai qu A- 
lexandfê conquit lesïnde's : mais faut-ïl 
ebnquérif un {iaVs^pôur y négocier? 
J'êxâiniiî^ra^ ceci. ^ ' 

L^Anane (/) qui s*étendôit depuis \f 
golf*e Pèrfiquê 'jiifqu'à PIndus , & de la 
mer du midi jufqii^aux itîôntagnes des 
Paropamlfades , dépehdoit bien eti 
cjuelque Êiçdn de rèmpirjè :dës I^erfes : 
mais dans fa partie méridionale ell^ 
ëtoit.arîde, brûlée, inculte" & barbare. 
La tradition (^) portoit que les armée» 

(a) Strahon ^^ liv. XV. 
( 3 ) Hfîrodatc , în M tpomcnC% 
' {e) Strahcnt liv.XV, ' ' 

(d) Ih'id. '■ .. ^ ..^ . 

Niî) 



194 De l*ESPRIT D^S Lois^ 

de Sémîramis & de Cyrus avoient péri 
daiH ces déferts ; & AUxandre^ qui f*e 
fit fuivre par fa flotte ^ ne laiffa pas d'y 
perdre une grande partie de fon armée, 
Xes Perfes làiflôient toute la côte au 
pouvoir des lâhyopli^es ( « ) , des 
Orittes & autres peuples barbares. D*ail- 
leurs les Perfes (^)n'étoientpas navigar 
teurs , & leur religion même leur ôtoit 
toute idée de commerce maritîiîie. La 
iiaivigation que Darius fix faire fur Fln- 
'dus & la mer des Indes, fut plutôt une 
ifef!tt!Îfie d'vin prince qui veut, montrer 
fa puiffance , que le projet réglé d*int 
monarque qui veut remployer. Elle 
n'eut de fuite , ni pour le commercé | 
Tii pour la nfiarine ; & fi Ton fortit de 
rignoriance , ce fut pour y retomber^ 
Il y a plus : il é'toit reçu (*c) avant 
l'expédition d^ Alexandre , que la partie 
méridionale des Indes étoit inhabita- 
ble (^) : ce qui fui voit de la tradition 

. Ia) P(int^ Uv. vu ch. XXIII. Strabon » Uv. XV. 

( hyVo\xt\ rre point foiiiller les élétnens, iisneoa* 
-^gtioient pas fur les fleutei. M, Hiâdê , rdipQn du 
Pirfu. Encore auiourd'hui ils n*ont point de com^ 
'merce maritinie, & ils uaitent d*athées ceux qui Vont 
4iir mer. 

{c) Strahon , lir. XV. 

i^d) Hérodote > in Melpomènt , dit que Darius , con* 
quit les Indes. Cela dé peut-être entendu que de l'A* 
siane : encoie ne fut-ce qu'iind conquête en idée. 



Liv. Î^XI. CttÀP. VIH. ^^ 

ique Simirams , ( tf ) n'en avoit ramené 
que vingt hommes , & Cyrus que fept* 

Alexandre entra par le nord. Son 
deffein étoit de marcher vers Porient : 
mais ayant trouvé la partie du midi 
pleine de grandes nations^ de villes & 
de rivières , il en tenta la conquête , ôç 
la fit. . 

Pour lors , il forma le deffein d'unii* 
les Indes avec l'occident par tm com- 
merce maritime , comme il les avoij; 
unies par des colonies qu'il avoit éta* 
blies dans les terres. 

Il fit copftruire une flotte fur l'Hy- 
dafpe , descendit cette rivière , entra 
dans l'Indus , & navigua jufqu'à fon- 
embouchure. Il laiffa fon armée & fa 
flotte à Fatale , alla lui-même avec quel- 
ques vaiffeaux réconnoître la mer , mar- 
qua les lieux où il voulut que l'on coftf- 
truisît des. ports , des havres , des arfe-t 
naux. De retour à Fatale , il fe fépara de 
fa flotte, &prit la route de terre, pouf 
lui donner du fecours , & en recevoir* 
La flotte fuivit la côte depuis l'embou- 
chure de l'Indus , le long du rivage de;5 
pays des Orittes, des Ifthyophages, 
de la Caramanie & de la Perle. Il fit 

(tf) Strabon, Ur. XV. 



^^ De l'esprit pis Lois, 

cretifer des puits , bâtir des villes ; n 
défendit aux lâhyophages (a) de vivre 
<le poiffôn : il voulait que les bords de 
cette mer fiiffent habités par des nations 
civilifées. Néarqin & Onéjicthtc ont fait 
îe journal de cette navigation , qui fut 
"de dix mois. Ils arrivèrent à Suze ; ils 
y tro^i verent AUxandrl qui donnoit des 
lêtes à fon armée. 

Ce conquérant avoit fondé Alexam- 
<lrie, dans la vue de s^affuter de l'Egyp- 
te ; c'étoît une clef pour l'ouvrir , aans 
le lieu même {f) oîi les rois fes prédé- 
ceffeiirs avaient une defpour la fermer; 
& il ne fongeoit point à un canmierce 
dont la découverte de la mer des Indes 
pouvoir feule lui faire naître la penfée* 

Il pàroît même qu'après cette décou:- 

- (^yC^ ^^ faoroit s'èntcndï» de- tous les Ifthyo 
pliages qui habicoient une côte de dix nulle ilades. 
Comment Alexandre auroir>il pu leur donner la fub- 
fiftaitce-? Comment fe fecoit-il faàt obéir ? 11 nepeuc 
^tre ici que (lion que de quelques peuples particuliers, 
marque, dans délivre rtrum IndUarum-, dit« qu*à 
l'extrémité de cette câre^ ducâtté delà Vei& ^ il* avoit 
trouvé des peuples moins iflhyopluigcs. Je creircisqtie 
Tordre d'Alexandre regard oit cette contiéc , ou quel* 
Qu'autre encore pkis roifîne de la Perfe. 

(b) Al^candrie ftit l'ondée dans une. plage appelle 
Hacotîs. Les anciens rois y tenoier.t une garnifbni 
pour défendre l'entrée du peys- aux étrangers , & fur* 
tout aux Grecs qui étoient , comme on £ait > de grands 
«irates. Voyci P/ifl« > liv. YI > chap^x. & ^/rn^M» 



Liv, XXI.;GflAP/VÏIL \(^ 

^Vcrté^ il n'etitaûciine vue ncnivelle fur 
Alexandrie* Il avbit bien , en général, 
le projet d'établir un commerce entre 
les Indes & les parties occidentales de 
fon empire: maisypçurlqprojetdé faire 
te commerce par l'Egypte ^ il Iwi man- 
<fuait trop de coimcttàGarïCfisi pour pou- 
voir le foroier- 11 avoât ' Vu i^Ifidif s , il 
avoit vu le Nil; mais il ne connoiffoit 
pas les mers d^Afabie^, qmi font entre 
deux. A peine fut-*il arrivé des Indes , 
qu'il fitconftiîuiredeînoavelles flottes , 
& navigua ( a ) far l'Euléus,. le Tigre , 

.l'Eupbrate ôc la naerr^il ôtales catarac- 

,tes que les Perfes avoient.mifes fur ces 
*fleiivës : il découvrit que le fein Perfi- 
que étoît tfn -golfe de l*océan. Com- 
me il alla reconnoitre (/') cet^emer, 
auifi tju'îl avoît reconnu celle des Indes ; 
comme il fît cônftruire un port à Bat^y- 

' Ibhe po^r miflè vaiffeéux ,^ & dds arl'e- 
natux ; comme il envoya cinq cents ta- 
lens en Phéhicie & en Syrie , pour ea 

^ faire venir de^ hautoniers , qu'il vouloir 
placer dans lès colonies qu'il répandoit 
fur les cotes ; comm^ tnim il fit d'es 
travaux immenfes fur TEujdirate ÔC îeç 

( a ) Ar tien , dt Wtdt AUxandri, fib. VIL ^ 



antt"^ ôcures ée PAffyrie , «h ne peut 
douter que fon deffein ne fût de faire le 
commerce d» Indes par Babylone fk 
lé ^olfc Perfique. 

A3^eJques gens , fous prétexte cjn'A-- 

. lexandire voulait conquérir rArabie(tf)^ 

. ont dit miUl avoit formé le dcffein ^y 

mettre le fiege de fon empire : mais 

comment auroit-il dioifi un heu qu*il ne 

connoiifoit pas (A) ? lyailleurs c'etoit le 

pays du monde le plus incommode : it 

le feroàt féparé de fon empire;. Les cali- 

^ fes, qui conauirient au loin , quittèrent 

d'abord rArabilr,. pour s'établir ailleurs* » 

CHAPITRE IX. 

JDu commerce dès rois Grées aprh 

Alexandre. 

L011SQ^;'AL£XAN£>RB ÇOBOult FE* 
gypte , on comioiffoit tres-pai b 
mer rouge ^ & rien de cette partie it 
l'océan qui fe joint à cette mer, &q\ii 
^ baigne d'un coté la côte d'Afrique , & 
de l'autre celle de l'Arabie : on crut 
même depuis qu'il étoit in^oifible (Je 

( d X Smhxtn , \W, XYI ,. i la ^. 

\b) Voyant la Babylonie Inondîée,. il. regiHoit 
TArafaie , .qui en eft proche , comme^ une ùe." Aftfi^ 
hdc^ dm Scrd^Hi liv. XVJU 



feîre le tour de la prefqii'îie d'Arabie. 
Ceux qui Tavoient tenté de chaque 
côté , avoiènt abandonné leur entre-^ 
prifc. On difoit (a) : « Comment feroit-' 
» il poflible de naviguer au midi des 
» côtes de l'Arabie , puiique l'aifeée de 
» Cambyfe , qui la traverfa du coté du 
» nord , périt prefqiie toute ; & que 
n celle que Piolomée , fils de Lagus y 
if envoya au fecours de Séleucus Nica^ 
» tor , à Babylone , ibufFrit des maux 
» incroyables , & à caufe de la chaleur 
» ne put marcher que la nuit». 

Les Perfes n'avoient aucune forte de 
navigation. Quand ils conquirent l'E- 
gypte , ils y apportèrent le même efpr'ii 
qu ils avoient eu chez eux ; & la negli-*^ 
gence flit fi extraordinaire , que les rois 
Grecs trouvèrent que non-feulement les 
navigations desTyriens , des Iduméerri 
& des Juifs dains l'océan, étoieMi^o*' 
rées; mais que celles même de la méi^ 
to«ge rétoient. Jecrois qite la deftntc* 
tion de la première Tyr par Nabuchb-t 
4onofor , & celle de pkrfieurs J^etitei 
nations & villes voifines delà mèr roù* 
ge, firent perdre lesTÇonnojjQJakiices que 
l'on avoit aCquifes. 

* ( * j Vojf Ci It Rvie F^u^ Inilcafum, \ . .^ 

N V 1 ' 



^ùot De l'esprit ves Loi*, 

VEgypte , du ten^s des Perfesy ne 
confrontiMt Doiat àlam«r rouge : die ne 
cantenou (^a) que cette Ufiere de terre 
longue & étroite que le Nil couvre par 
ies inondations ^& qui eu refferrée des 
d)eux cotés par des chaînes de monta^ 
gnesv 11 fallut donc découvrir la mer 
rouge une féconde fois, & l^océan une 
féconde fois; & cette découverte ap- 
partint à la curioâté des rois Grecs. 

On remonta le Nil , on fit la chafle 
des éléphans dans les pays qui font en- 
tre 'le Nil & la mer ; on découvrit les 
hords- de cette mer par les terres : Et 
comme cette découverte fe £t fous les 
Crecs^ les noms en font Grecs ,^ & les 
temples font confacrés. (i») à des divi" 
cités Grecques^ ... 

Les Grecs d'Egypte purent faire un 
commerce très^étendu ; ils étoient mar- 
tres dei$ ports de lar tn^r rouge ;, Tyr^ 
rivale ' dç toute naû^ eorninerçante-^ 
li'^étQit ;pl^s ; Us tf é$<weiît point g^néi 
Pj4r les ancienfies (^) iuperûitiônsdu 
pays^'j^ypteétoit devenue le centra 
d^e runivers*. ' . 

' (û} âtrahn i liv. XVIi 

{<i\ EUcs Uur doxiAoUnt ,dç Tb^xxçm pciu fti 



Lir; XXr. Chaf; IX. f or 

Les f oîs de Syrie laiflerent à ceux 
d'Egypte -le commerce méridional des 
Indes , & ne s'attachèrent qu'à ce corn-* 
merce feptehtriondi qui fe faifoit par 
rOxus & la mer Cafpienne. On croyoit 
dans ces temps* là que cette mer etoit 
une partie de l'océan feptentrional (a) : 
& Alexandre , quelque temps avant fa 
mort, avait fait conftruire (^) une flotte-^ 
pour découvrir fr ellecommiiniquoit à 
l'océan par le Pont-Euxin , ou par quelh 
qu'autre mer orientale vers les Indes^ 
Après lui Séleuais & AntiocKus eurent 
une attention particulière à la recoi>- 
noître : ils y entretinrent^ (c) des flottesi 
Ce que SiUutus rccomnK fot aj)pelé 
mer Séletieide : ce k\vl AntUchus decou* 
vrit fut appelé mer Antiochide. Atten* 
tik aux projets qu'ils pouvoicnt avoir 
de ce corté-là ,. ils négligèrent les mer* 
du midi ; foit que les Ptoioméc ^ par leuns 
flottes fuar la mer rouge, s'en fiiflent 
déjà procuré l'empire ; toit qu'ils eufferiit 
découvert d«ns les Perfes un éloigne»^ 
ment invincible potiria marine. La côte 

{a) Flint , IW. U , ch. txnir, & Kv. VI , ch. rit 
il XII. Strabon yhv» XI. Arricfi, 4e Texp^ d'Aicif 
Uv« UI » p. 74, & Uv, V. p. I04» 

(b) Arrien , de l»expdd. d'Alex, liy, Y]L 



jox De l^esprit des Lois, 

du midi de la Perfe ne foumiffoit point 
de matelots ; on n'y en avoit vu que 
dans lesderniers momens de la vie d'A- 
lexandre , mais les rois d'Egypte , maî- 
tres de l'île de Chypre , de la Phcnicie, 
& d'un grand nombre de places fur les 
côtes de l'Afie mineure, avoient toutes 
fortes de moyens pour faire des enlre- 
prifes de mer. Ils n'avoient point à 
contraindre le génie de leurs fujets; 
ils n'avoient qu'à le fuivre» 

On a de la peine à comprendre l'obf- 
tination des anciens à cro&e que la mer 
Cafpienne étoit une partie de l'océan- 
Les expéditions à^ Alexandre^ des rois 
de Syrie , des Parthes & des Ro^ 
mains , ne purent leur faire changer de 
pehfée : c'eô qu'on revient de les er* 
reurs le plus tard qu'on peut. D'abord 
on ne connirt que le midi de la mer 
Cafpiennç , on la prit pour l'océan f 
à mefure que l'on avança le long de 
fes bords du côté du nord , on crut 
•encore que c'étoit l'océan qui entroit 
dans lés terres : En fuivant les côtes p 
on n'avoit reconnu du côté de l'eft 
4]u« jàfquVi Jaxarte , & du côté de: 
l'oueft gu€ jfiifqu'aux extrémités de l'AN 
banie» la mer ^ du d^tiâxi nçrd ^ ^{ût 



Liy. XXL Chap. rX. jaj 

vafeufe (a) , & par conféquent très-pea 
propre à la navigation. Tout cela &t 
que Ton ne vit jamais que Tocéan* 

L'arn%ée à^ Alexandre n'avoit été , du 
côté de l'orient, que)ufqu'àrHypanis^ 
cjui eft la dernière àts rivières qui fe 
jettent dans Tlndus. Ainfi le premier 
commerce aue les Grecs eurent aux 
Indes fe fit dans une très-petite partie 
du pays. SUeucus Nicator pénétra jiif- 
qu'au Gange {b^ : & par-là on découvrit 
la mer oîi ce fleuve fe jette , c*eft-à- 
- dire , le golfe de Bengale. Aujourd'hui 
' l'on découvre les terres par les voya- 

Î;es de mer ; autrefois on découvroit 
es mers par la conquête des terres. 

Strabon (<:), malgré le témoignage 
Hl Appollodort ^ pàroît dbuter que l^s 
rois {d) Grecs de Baftriane foient allés^ 
plus loin Q^t Sikucus '& Alexandre^ 
Quand ilferoit vraiqu'itsn'auroientpâ^ 
été plus loin vers l'orient que Séleuciis ^ 
ils allèrent plus loin vers le midi r ils 
découvrirent (t) Siger & des ports daAs 

( a ) Voyez la carte da czar. 

( h ) EliAe , iivnVI , du XVÏÏ. 

(c) Liv. XV. 

\d) Les Macédoniens 3e la Ba Ariane» ées Tndef 
& de TAiiane s*étant fépajréè du royaume dd Syrie» 
loimercnc un graittf (5cat. ' 

^t) Apollooius HcdiamlttUt'» ûmt Slrtdfi^ ^'4L^^%JL 



k Malabar ^ qui donnèrent li«u à k 
Jiavigatiôn dont je vais paarler. 

Pi^/je (d) nous apprend qu'on prit fuo- 

ceflivement trois routes pour faire la 

navigation des Indes.- D'abord on alla 

du promontoire de Siagre à Tîle de Pa- 

talene, qui eu a Tembou chute de Tin- 

du^ w on voit que c'étoit la route qu'a- 

voit tenue la flotte d'Alexandre. On prit 

enfuite un chemin plus court (i) & plus^ 

sur ; & on alla du même promontoire à 

Siger^ Ce Sig^r ne peut être que le 

royaume de Sigerdorvt parle Strabon{c)y 

qire lesroisQrecsde Baôriane décou- 

yrirenti. Plir^i ue peut dire que ce clie-' 

min fût pi us court,, que parée qu'on le 

faifoit en moins de temps ;. cox Siger 

devoit être plus reculé que l'Indus ^ 

• puifque les rois de Ba£biane le décou- 

,yirirent.Il fallpit donc que l'on évitât 

, }>ar-là le détour à& certaines cotes , Se 

^ CU'Ç l'on profitât de certains veats. En* 

^ nn ^les marchands prirent une troifieme 

^foi^te ; ilsie rendqie^t à.Çanes o\v,à 

Océlis , ports fitués â Tembouchure de 

la mer rouge , d'oii par un^vent d'oueft^ 

^ //i]J Liv. Vl , cB. xxirr. 

\h ) Pline , liv. VI » ch. XXt»l» 

^ ; (»j Uy» 1Uê% iti^ffidif^ i^ifikP^ 



iiv. XXI. CttAR IX. jtf^ 

on ârrîvoit à Miiziris , première étape 
des Indes, &àelà à d'autres ports. On 
voit qu'ail lieu d'aller de l'embouchure 
de la mer rouge jufqu'à.Siagre en re- 
montant la côte de l'Arabie heureufe 
au nord * eft , on alla direftement de 
l'oueft à l'eft , d'un côté à l'autre , parle 
moyen des mouçons , dont on décoir- 
vrit les changemens en naviguant dsfiTS 
ces parages. Les anciens ne quittèrent 
les côtes, Gue quand ils fe fervirent des 
mouçons (^) & des vents a)i fés , qui 
étoient une eipecede bouffole pour eux. 
• Pline (h) dit , qir'ofl partoit pour les 
Indes au milieu de l'été , & qu'on en 
revenoit vers la fin de décembre & ati 
commencement de janvier. Ceci eft 
entièrement conforme aux journaux cfè 
nos^avigâfteurs. D^s cette^ partie de là 
mer des Indes qui eft entre la prefqu'îlfe 
d'Afrique & celle de deçà le Gange ^ il 
y a deux mouçons : la première , pen^ 
dant laquelle les vents vont de l'ouefj 
à l'eft , commence aii mois d'août & de 
feptembre ; la deuxième , pendant la- 
quelle les vents vont de l'eft à l'oueft j 

( <f ) Les mouçons foufflcnt une partie de Tarin ééd*Uft 
côtié , & une partie éc l'anni^ de l'autre ; & les vent* 
aVtfés foufïlfnt du même côté toute Tannée» 

{b) Liv. Vf , di. xxiir. - 



y>6 0E l'esprit dès Lois, 

commence en janvier. Ainfi nous par- 
tons d'Afrique pour le Malabar danj 
le temps que partôient les flottes de 
Ptolomcc , & nous en revenons dans \t 
même temps« 

La flotte à!Altxandrt mit fept mois 
pour aller de Patalé à Suze. Elle partit 
dans le mois de juillet , c'eft-à-dire , 
dans un temps oh aujourd'hui aucuit 
navire n'ofe fe mettre en mer pour re- 
venir des Indes. Entre l'une ôc l'autre 
mouçon 5 il y a un intervalle de temps 
pendant lequel les vents varient ; & oîi 
un vent de nord fe mêlant avec les 
vents ordinaires, caufe fur-toût auprt's 
des côtes , d'horribles tempêtes, èela 
dure les mois de juin , de juillet , & 
d'août. La flotte ai Alexandre partant 
de Fatale au mois de juillet , efliiya ïntn 
des tempêtes , & le voyage fut long ^ 
parce qu'elle navigua dans une mouçon 
contraire. 

Plint dit qu'on partoît pour les Indes 
à la fin de l'été : aiufi on employoit 
le temps de la variation de la mouçon 
à faire le trajet d'Alexandrie à la mer 
rouge. 

Voyez , je vous prie , comment on 
fe perfeûionna peu a peu dans la navi^ 



Liv. XXI. Chap. IX. 307 

g^tlon. Celle que Darius fit faire , pour 
açfcéndre l'Indus & aller à la mer rou- 
ge , fut de deux ans & demi (a). La flotte 
. a Alexandre (t) defcendant Tlndus , arr ■ 
riva à Suze dix mois après , ayant na- 
. vigue trois mois fur Tlndus & fept fur 
.laitier dés Indes; dans la fuite , le trajet 
^de la côte de Malabar à la mer rouge 
fe fit en quarante jours (c). 
, SirabfiftfC[uï rend r aifon de Tignorance 
iOÎi Ton et oit des pays, qui font entre 
THypanis & le Gange , dit que parmi 
les navigateurs qui vont de THgypte 
aux Indes , il y en a peu qui aillent )ut 
qu'au Gange, EfFeÔivement , on voit 
que les flottes n'y alloient pas ; elles 
mloient par les mouçons de Toueft à 
J'efl , de rembouchui:e de la mer rouge 
^ à la côte de Malabar. Elles s'arrêtoient 
dans les étapes qui y étoient , & n'ai- 
loient point faire le tour de la pref- 
qu'île deçà le Gange par le cap de Co- 
morin & la côte de Coromandel : le 
plan de la navigation des rois d'Egypte 
& des Romain? , étoit de revenir la 
même année (^). 

(a) Hérodote , in Melpomene. " 
(h) Pline, liv. VI, CH. XXUU 

( e ) nid. 

{d)lbîd. 



3o8 De L^ESï>ftit DÈS Loï5, 

Ainfi il s'en faut bien que le côtàf 
merce des Grecs & des Romains aux 
Indes ait été auffi étendu que le nôtre; 
nous qui connoiffons des. pays immen- 
fes qu'ils ne connoiffoieht pas ; nous 
qui laifons notre commerce avec tou- 
tes les nations Indiennes , & qui cbfti* 
merçons même pour elles & navi- 
guons pour elles. 

Mais ils faifoient ce commerce avec 
plus de facilité que nous : &.fi Von nte 
tiégociolt aujourd'hui que fufla côte cHi 
Guzarat & du Malabar, & qiie farts 
aller chercher les îles du Midi, on fe 
contentât des marchartdifés que les in- 
fulaires vïendroient apporter , il faù-' 
droit préférer la route de l'Egypte 4 
celle du cap de Bonne-Efpérance, Stro-- 
hon (^) dit qite Von négocioit ain& 
avec les peuples de laTaprobanc. ; 

(ii)Lir. XV. , 




'y/^' 



.Liv- XXL Chap. X. ' 309; 

g= I !' ■ ,■ I . LU 1 

CHAPITRE X. 

* Du tour di VAfrî(^ut. 

ON trouve dans Thiftoire , qu'avant 
la découverte de la bouffole on 
tenta quatre fois de faire le tour de TA- 
frique. Des Phéniciens envoyés par îJc^ 
clio {a) , Sf Euioxt (b) , fuyant la colère 
de Ptoloméc'Lature, partirent de la mer 
rouge ^réwSir^nt. S atafpc (c)fous 
^crx^s^ & Hannon qui fut envoyé par 
tes Carthaginois , fortirent des colon» 
ijes d'Hercule , $c ne réuflirent pas. 

Le poiqt capital pourf^ire le tour dç 
l^Afriqu,ç étoit de découvrir $C. de dou«r 
bler le cap de Bonge-Efpérance. Mais 
ft l'on partoit de la mer rouge , on trou- 
voit ce çap de la moitié du chemin plus 
près qu'çn p^irtant de la méditerranée. 
La côte qui va de la ;ner rouge ^u cap 
çft plus fainie que (^) cçllç qui v^ du 
çap aux colonnes d'l|ercule. Pour que 

Ça) ffé'odaftt liy. IV. Il voubit conquérir. 

■ {h) Pline t liv. n, ch. i,5^vii. pQmponiui HîUi 
Rv. III, ch. IX. ' 

■ ( c ) Hérodote , in Melpomene. 

\d) Joignez à ceci ce que je dis au chap. xi dç Ç^ 
Jvrç i far la navigafion à'Hqnngn^ 



310 De l^esprit des Lois, 

ctcux qui partaient des colormes d'Her^ 
cule ayent pu découvrir le cap , il a 
fallu Tinvention de la bouffole, qui a 
fait que Ton a cjuitté la côte d*Afrique 
& qu'on a navigué dans le vafte océan 
(a) pour aller vers l'île de Sainte-Hélène 
ou vers la côte du Bréfil. Il étoit donc 
très-poffiblc qu'on fût allé de la mer 
rouge dans la méditerranée , fans qu'on v 
fût revenu de la méditerranée à la mer 
toug9. 

Ainfi fans faire ce grand circuit,* 
après lequel on ne pouvoit plus rêve- 
. nir , il étoit plus naturel de faire le 
commerce de l'Afrique orientale par la 
mer rouge , & celui de la côte occi- 
dentale par les colonnes d'Hercule. 

Les rois Grecs d'Egypte découvri- 
rent d'abord , dans la mer rouge , la 
partie de la côte d'Afrique qui va de- 
puis le fond du golfe oîi eft la cite 
àiHcroum , jufqu'à Dira , c'eft-à-dire , 
jufqu'au détroit appelé aujourd'hui de 
Babclmandcl. De là^ jufqu'au promon- 

( 4 } On troure dans Toc^an Atlantique > aux mots 
d^oOobre , novembre , décembre & janvier , un vent 
4e nord-ei^. On pafîe U ligne-; & pour éluder le vent 

fendrai <i*e(l , oa dirige fa route vers le fud : ou bien 
ti entre dans la zone torride » dans les Ucux où le 
'ffiTit TouiRe de Toueû à Tcil. 



Liv. XXL Chap. X. 311' 
toire des Aromates fitué à Tentrée de 
la mer rouge (a), la côte n'avoît point 
ete reGonniie par les navigateurs : & 
cela eft clair par ce que nous dit' Arté- 
midçre ( ^ ) , que l'on connoiffoit les 
lieux de cette côte, mais qu'on en 
ignoroit les diftances ; ce qui venoit de 
ce qu'on avoit fucceflivement connu 
ces ports par les terres , & fans aller 
de hm à l'autre. 

Au-delà de ce promontoire ou com- 
mence la côte de Tocéan , on ne con- 
noiffoit rien, comme nous (c) l'appre- 
nons d'Eratofthene & d'Artémidore. 

Telles étoient les connoiffances que 
Ton avoit des côtes d'Afrique du temps 
de Strabon , c'eft - à - dire , du temps 
d'Augiifte. Mais depuis Augufte , les 
Romains découvrirent le promontoire 
Rapium , & le promontoire Praffiim^ 
dont Strabon ne parle pas , parce qu'iU 
n'étoient pas encore connus. On voit 
que ces deux noms font Romains. 

(a) Ce golfe, auquel nous donnons au}onrd*hiii 
ft nom , ëtoit appelé par l^s anciens le fein Arabique;- 
ils apjieloient mer rouge la partie de l'océan voifine dtt 
Ée roljfe. 

{h) Strahon, liv. XVI. 

( c ) Jhid, Ârtëmidore bornoît la côte connue ail 
lieu appelé Auftricqrnujf & ^ratoi);hene ad Cia^Mm^ 




jii 'De l'esprit d«s Lois, 

* • 

Ptolomée le géographe vivoit fous 
Adrien & Antonin Pie ; & Tauteur du 
Périple de la mer Erythrée , quel qu'il 
foit, vécut peu de temps après. Cepen- 
dant le premier borne 1 Afrique (a) con- 
nue au promontoire Prajfum , qui eft 
environ au quatorzième degré de lati- 
tude fud : & l'auteur du Périple (^) au 
promontoire Raptum , qui eft à peu près 
au dixième degré de cette latitude. Il 

Îr a apparence que celui-ci prenoit pour 
imite un lieu où Ton alloit , & Ptolo-. 
ipée un lieu oii Ton n'alloit plus. 

Ce qui me confirme dans cette idée,' 
q'eft que les peuples autour du Prajfum 
étoient antropophages (c). P^lomée , 
ui (^) nous parle d'un grand nombre 
e lieux entre le port des ^Aromates & 
Ijp promontoire Raptum^ laiffe un vide 
total depuis le Raptum Jufqu'au Prap- 
fum. Les grands profits de la navigation 
des Indes durent faire négliger celle. 
d'Afrique. Enfin les Romains n'eurent 
jamais fur cette côte de navigation ré- 
glée : ils avoient découvert ces ports 

^( j) Liv. I , ch. VII. IJv.IV , ch, ix. table IV % do 
rAfrique. 



3 



■i 



( M On a attribué ce Tériple à Arrient 
' e) Ptolomé*^ liv. IV, ch. ix. 
d) Liv, IV , ch, vil éc viu. 



Liv. XXL Chap. X. 315 

par les terres , & par des navires jeté^ 
par la tempête : Et comme aujourd'hui 
on connoit affez bien les côtes de l'A- 
frique, & très-mal l'intérieur (a), les 
anciens connoiffoiefit affez bien l'inté- 
rieur , & très-mal les côtes. 

J'ai dit que des Phéniciens , envoyés 
par Nécho & Eudoxe fous Ptolomée 
Lature , avoient fait le tour de l'Afri- 
que : il faut bien , que du tprtips de 
Ptolomée le^ géographe , ces deux navi- 
gations fuffent regardées comme fabu- 
îeufcs , puifqu'il place (i), depuis le 
finusmagnus^ qui eft, je crois , le golfe 
de Siam , une terre inconnue , qui va 
d'Afie en Afrique , aboutir au promon- 
toire Praffum ; de forte que la mer des 
Indes n'auroit été qu'un lac. Les an- 
ciens qui reconnurent les Indes par le 
nord , s^étant avancés vers l'orient , 
placèrent vers le raidi cette terre in- 
connue. 

{a) Voyez avec quelle exaftitude Strabon & Pto^ 
lomée MOUS décrivent les diverfes parties de l'Afrique. 
Ces connoiiTances venoient des diverfes guerres que 
les deux plus pulifantes nations du monde, les Cartna-. 

finois & les Romains , avoient eues avec les peuples 
'Afrique » des alliances qu'ils avoient contra^ésc » du 
commerce qu'ils avoient fait dans les terres, 
(5) Liv. VU. ch. IIK 

Tarn II. O 



314 De t^ESPR'îT DES lois, 



C H A P I T RE XL 

Carthage & MàrfcilU. 

CARTHAGE avoît un fingulier droit 
des gens ; elle faifoit noyer {a) tous 
les étrangers qui trafiquoient en Sardai- 
jne & vers les colonnes d'Hercule : 
.>on droit politique n'étoit pas moins 
extraordinaire ; elle défendit aux Sardes 
de cultiver la terre , fous peine de la vie. 
Elle accrut fa puiflance par fes richeffes, 
3c enfuite fes ticheifes par fa puifTance. 
Maîtrefle des côtes d'Afrique que bai- 

{jne la Méditerranée , elle s'étendit te 
png de celles de l'Océan. Hannon^ par 
ordre du fénat de Carthage , répandit 
trente mille Carthaginois depuis les co^ 
lonnes d'Hercule jufqu'à Cerné. Il dit 

aue ce lieu eft auili éloigné des colonnes 
'Hercule, quç les colonnes d'Hercule 
le font de Carthage. Cette pofition eil 
très-remarquable ; «lie fait voir o^Han* 
non borna tes établiffémens au vingt- 
çinquiçîtxe degré de latitude nord , c'eft* 
à-dire, deux ou trois degrés au-delà 
des îles Canaries , vçrs le fud. 

Hannon étant à Cerné , £t une autre 



tiv. XXL Chjup. XL 31Ç 

Mvigation, dont robjetétpk défaire 
des découvertes plus avant vers le midi. 
Il ne prit prefque aucune connoiiTance» 
du continent. L'étendue des côtes qu'il 
fuivit, fut de vingt*-fix jours de navi-^» 
gation, & U fut obligé de revenir faute 
de vivres. U paroît que les Carthaginois 
ne fîrentaucim ufage de cette entreprifo 
à^Hannon. Scylax {a) dit qu'au-delà dé 
Cerné , la mer n'eft pas navigable ( * ) , 
parce qu'elle y eft baffe, pleine de limon 
& d'herbes marines : efFeâivement il 
y en a beaucoup dans ces parages (<:)• 
Les marchands Carthaginois doAt parle 
Scylax , pouvoient trouver des c^DÛa^ 
c\ts qvCHannon qui avoit foixante na- 
vires de cinquante rames chacun , avoit 
vaincus. Les difficultés *font relatives; 
*& de plus , on ne doit pas confondre 
une entreprife qui a la hardiefle & la 
témérité pour objet , avec ce qui eft 
l'effet d'une conduite ordinaire. 

(«) Voyez Ton Périple, article de Carthage. 

{b\ Voyez Hérodote » in Mclpomcnt , far les obf* 
faciès qiue Satafipe trouva* 

( « ( Voyez les cartes & les relations , le premier 
Tolume des voyages qui ont fervi à Pétabliflement de 
la compagnie des Indes, part. L pag. 201. Cette herbe 
couvre tellement U furfiice de la mer » qu'on a de 1* 
{leine à voir Peau | & les vaiifeau^ ne peuvent pafliac 
au travers que pai un vent frais* 

O ij 



%i6 De l'esprit des Lois, 

C'eft un beau morceau de Tantiquité 
que la relation ^Hannon : le même 
homme qui a exécuté , a écrit , il ne 
met aucune oftentation dans fes récits. 
Les grands capitaines écrivent leurs 
aftions avec fimplicité, parce qu'ils font 
plus glorieux de ce qu'ils ont fait, que 
ce ce qu'ils ont dit. 

Les chofes font comme le ftyle, tl ne 
donne point dans le merveilleux i tout 
ice qu'il dit du climat , du terrain , des 
mœurs , des manières des habitans , fe 
rapporte à ce qu'on voit aujourd'hui 
dans cette côte d'Afrique ; il femble 
que c'eft le journal d'vm de nos navi-^ 
gateurs. 

Hannon remarqua ( a ) fur fa flotte y 
que le jour il régnoit dans le continent 
un vafte filence ; que la nuit on enten- 
dpit les fons de divers inftruînens de 
mufique ; & qu'on voyoit par-tout des 
feux , les uns plus grands , les autres 
moindres» Nos rçlationç confirment 
ceci : on y trouve que le jour ces fauva- 
Çes, pour éviter l'ardeur du foleil , fe 
retirent dans les forêts ; quç la nuit ils 

(^) Pline nous dit U même chofe en parlant du 
mont Atlas ; Noclihus micare crêbris igniius « tibi*" 
T.um cantu timpahorumaut Jbnitu fiuftrt | ntmnim it^ 



Liv, XXL Chap. XL 517 

font de grands feux pour écarter les 
bètes féroces ; & q\i'ils aiment paffion- 
nément la danfe & les inftrumens de 
mufîque. 

Hannon noiis décrit un volcan avec 
tous les phénomènes que fait voir au- 
jourd'hui le Véfuve ; & le récit qu'il 
fait de ces deux femmes velues ^ qui fe 
laifferent plutôt tuer que de fuivre les 
Carthaginois , & dont il fit porter les 
peaux à Carthage , n'efl: pas , comme 
on Ta dit, hors de vraifemblance. 

Cette relation eft d'autant plus pré- 
cieufe , qu'elle eft un momunent Puni- 
que ; & c'eft parce qu'elle eft un monu- 
ment Punique , qu'elle a été regardée 
comme fabuleufe. Car les Romains con- 
fervercnt leur haine contre les Cartha- 
ginois , même après les avoir détruits. 
Mais ce ne fut que la viftoire qui dé- 
cida s'il falloit dire, la foi P unique , ou 
ta foi Romaine. 

Des modernes (a) ont fuivi ce pré- 
jugé. Que font devenues , difent-ils , les 
villes Q^ Hannon nous décrit , & dont, 
même du temps de Vlim , il ne reftoît 
pas le moindre veftige ? Le merveilleux 

(tf) M. Dêdwêl: voyez fa diflertation fur lePéiipl^ 

r^ •• • 

O iij 



'%iÈ Pb l'éspHit des Lois; 

feroit qu'il en fut refté. Etoh-ce Corii*^ 
the ou Athènes qu^Hannan alioît bâtir 
fur ces côtes ? Il laiflbit,dans les endroits 
propres au commerce , des familles Car- 
thaginoises ; & à la hâte , il les mettoit 
en lureté contre les hommes fauvages 
&c les bêtes féroces. Les calamités des 
Carthaginois firent ceffer la navigation 
d'Afrique ; il fallut bien que ces familles 
périffent, ou devinffent lauvages. Je dis 
plus : quand les ruines de ces villes fub» 
ufteroient encore , qui eft-ce qui aiuroii 
ëté en £iire la découverte dans les bois 
& dans les marais ? On trouve pourtant 
dans Scylax Se dans Polybe^ que les Car-» 
thaginois avoient de grands établiffe- 
mens fur ces côtes. Voilà les veftiges 
des V\\\ts^ Hannon ; il n'y en a point 
d'autres , parce qu'à peine y en a-t-il 
d'autres de Carthage même. 

Les Carthaginois étoient fur le che- 
min des richefles : Et s'ils avoient été 
jufqu'au quatrième degré de latitude 
nord , & au quinzième de longitude y 
ils auroient découvert la côte d'Or & 
les côtes voifines. Ils y auroient fait un* 
commerce de toute autre importance 

?ue celui qu'on y fait aujourd'hui , que 
Amérique femble avoir avili les richef^ 



• liv. J6XI. C»AP. XL 5t^ 

fesie tous les autres pays : ils y aurolent 
trouvé des. tréfors qui ne pouvoient 
être enlevés par les Romains. 

On a dit des chofes bien furprenan* 
tes des richeffes de l'Efpagne. Si Von en 
croit Arifiott (tf), les Phéniciens, qui 
abordèrent àTartefc , y trouvèrent tant 
tf argent que leurs navires ne pouvoient 
le contenir , & ils firent faire de ce mé- 
tal leurs plus vils uftenfiles. Les Car^ 
thaginois , au rapport de Di^dore (*) , 
trouvèrent tant a or & d'argent dans 
les Pyrénées , qu'ils en mirent aux an* 
très de leurs navires. Il ne faut point 
faire de fond fur ces récits populaires : 
voici des faits précis. 

On voit, dans un fragment de Potybé 
cité par Strabon (c) , que les mines d'ar* 
gent qui étoient à la fource du Bétis , 
oh quarante mille hommes étoient em- 
ployéj , donnoie^nt au peuple Romain 
vingt-cinq mille drachmes par jour : cela 
peut feire environ cinq millions de livres 
par an , à cinquante francs le marc. On 
appelloit les montagnes oh étoient ces 
mines, les montagnes d'argent (^); ce 



î 



a) Des chofe^menreilleures. 
h) h\r. VI. 
c)Liv. ni. 
(J) Mons argetuarîut* 

O vr 



3^0 De l'es^mt ï)E5 Lois, 

qui fait voir que c'étoit le Potofi de ceS 
temps-là. Aujourd'hui les mines d'Han- 
nover n'ont pas le quart des ouvriers 
qu'on employoit dans celles d'Efpagne , 
& elle^ donnent plus: mais les Romains 
n'ayant guère que des mines de cuivre, 
& peu oe mines d'argent , & les Grecs 
ne xonnoiflant que les mines d'Attique 
très-peu riches , ils durent être étonnés 
ée l'abondance de celles-là. 

Dans la guerre pour la fucceffion d'Ef- 
pagne , un homme appelle le marquis 
de Rhodes , de qui on oifoit qu'il s'étoit 
ruiné dans les mines d'or , & enrichi 
dans les hôpitaux (a) , propofa à la cour 
de Francce d'ouvrir les mines des Pyré- 
nées. Il cita les Tyriens , les Carthagi- 
nois &c les Romains : on lui permit de 
chercher, il chercha , il fouilla par-tout; 
il ci toit toujours , & ne trou voit rien. 

Les Carthaginois , maîtres du com- 
merce de l'or & de l'argent , voulurent 
l'être encore de celui du plomb & de 
l'étain. Ces métaux étoient voitures par 
terre depuis les ports de la Gaule fur 
l'océan, jufqu'à ceux de la méditerranéen 
Les Carthagino^ voulurent les recevoir 
de la première main ; ils envoyèrent 

( «) Il CA tvoit co quelque part la dixcôioa^ 



/ 



Lïv. XXI. Chap. Xi. 311; 

Imikon, pour former {a) des établif- 
ièmens dans les îles Cafïiterides , qu'on 
croit être celles de Silley. 

Ces voyages de la BétiqHe en Angle* 
terre , ont fait penfer à quelques gens 
que les Carthaginois avoient la bouffo- 
le : mais il eft clair au'ils fuivoient les 
côtes. Je n'en veux aautre preuve que 
ce que dit Himikon , qui demeura quatre 
mois à aller de Tembouchure du Betis en 
Angleterre : outre que la fameufe (^) 
hiftqire de ce pilote Carthaginois , qui 
voyant venir un vaiffeau Romain , fe fît 
écnouer pour ne lui pas apprendre la 
route d'Angleterre (c) , fait voir que ces 
vaiffeaux etoient très -près des côtes 
lorfqu*ils fe rencontrèrent. 

Les anciens pourroient avoir fait des 
voyayes de mer quî feroient penfer 
qu ils avoient la bouffole , quoiqu'ils ne 
l'euffentpas. Si xm pilote s'etoit éloigné 
des côt^s , & que pendant fon \oyage 
il eût eu un temps ferein , que la nuit 
il eut toujours vu une étoile polaire , &C 
le jour le lever & le coucher du foleil ; 
il eft clair qu'il auroit pu fe conduire 

{a) Voyez Feflus Avitnus, 

\h) Strahon > liv« III. ûir la fin. 

{c) li^n fut lécoxnpenf^fpar le fénat de Carthagef 

O Y 



\ 



11% De L'ESfRlT DÈS Loif ; 

comme on fait aujourd'hui par la bouf^ 
foie : mais ce feroit un cas fortuit , & 
non pas une navigation réglée» 
. On voit dans le traité qui finit la pre* 
iniere guerre Punique, que Carthagefiit 

f principalement attentive à fe conferver 
'empire de la mer , & Rome à garder 
celui de la terre. Hannon ( ^) , dans la 
négociation avec les Romains ^ déclara 

Î|u'il ne fouffriroit pas feulement qu^ils 
e lavafî'ent les mains <lans les mers de 
Sicile ; il ne leur fut pas permis de ha» 
viguer au-delà du beau Pronwntoire v 
il leur fut défendu (i^) de trafiquer en 
Sicile (c) , en Sardaigne , en Arriaue > 
excepté à Carthage : exception qui fait 
voir qu'on ne leur y préparoi^ pas ua 
commerce avants^eux» 
. Il y eut dans les premiers temps de 
IP'andes guerres entre Carthage & Mar« 
ieille (^) au fu)et de la pêche. Après la 
paix , ils firent concurremment le coHfc* 
merced'économie^arfcillefeitd'autaflt 
plus jaloufe , qu'égalant fa rivale en in- 
duilrie,elle lui étoit devenue inférieure 

(4) TUe^Livt, fitpplémeac àt FitiuktmiMs^ , Tecende 
décade, liir. VI. 
(h) Polybe.Viv. llï. 

(c) Dan&îa partie fujette aux Cart&aAÛioilW 
(rf}/n/«ii»U?.XUlI. ch,V. 



.j 



liv. XXL CukP. XL $ij 

tn piiiâance : voilà ia raifon de cette 
grande fidélité pour les Romains. La 
guerre cjue ceux-ci firent contre les Car- 
thaginois en Ëfpagne , fut une fource 
de richefifes pour Marfeille qui fervoit 
d'entrepôt, La ruine de Cartnage & de 
Corintne augmenta encore la gloire de 
Marfeille ; &c fans les guerres civifa?s où 
ilialloit fermer les yeux , & prendre un 
parti , elle auroit été heureufe fous la 
protedion des Roi^iains , qui n'avoient 
aucune jaloufie de fon commerce. 

u , =sa 

CHAPITRE XIL 

Ile de Délos^ Mithridate. 

CORiNTHE ayant été détruite par les 
Romains , les marchands le retire* 
rent à Délos : la religion & la vénéra- 
tion des peuples faifoit regarder cette 
île comme un lieu de fureté ( <« ) : de 
plus, elle étoit très-bien fituée pour le 
commerce de Tltalie & de T Afie , qui , 
depuis TanéantiiTement de l'Afrique & 
rafFoibliflement de la Grèce , étoit de-, 
yenu plus important. 

Dès les premiers temps les Grecs en* 

: On 



3H De l'esprit ©es Lof?> 

voycrent, comme nous avons dit^ des 
colonies fur la Propontîdç & lePoat- 
Euxin : elles confenrerent , fous lesPer* 
fes, leurs lois & leur liberté. Alexan- 
dre , qui n'étoit parti que contre les bar- 
bares 9 ne les attaqua pas (a\. Il ne pa- 
roît pas même que les rois de Pont, qui 
en occupèrent plufieurs , leur euflent 
(b) ôté leur gouvernement politique; 
^ La puifiance (c) de ces rois augmenta^ 
fi-tôt qu'ils les eurent foumifes. Mithri* 
date (e trouva en état d'acheter par-tout 
des troupes ; de reparer ^d ) continuel- 
lement fes pertes ; d'avoir des ouvriers, 
des vaifleaux , des machines de guerre ; i 
de fe procurer des alliés ; de corrom- \ 
pre ceux des Romains , & les Romains ' 
mêmes; de foudoyer (e) les barbares 
de l'Afiie & de l'Europe ; de foire la 

/«) n confirma la liberté de la ville â^Ami/e , colonie 
Atoéflîenne , oui avoit joui de Tétat popnUire > même 
fous les rots de Perfe. LueuUus qui prit Synope & 
vAmife , leur rendit la liberté , & rappelU les hahitani 
qui s*itoient enfuis Air leurs vai/Teaux. 

{h) Voyez ce qu'écrit Appien fur les PbanafforéeoSt 
les Amifîens • les Sy nopiens , dans fon livre de Ta guerre 
contre Mithridate. 

(c) Voyez Appien « fur les tréfors inmenfes que 
Mithridate employa dans (ts guerres , ceux qu'il avoit 
cachés I ceux qu*il perdit fi ibuvent par la trâhiibii det 
^ens « ceux qu'on trouva après fa mort. 

id)\\ perdit une fois 170000 bommes « & de nos* 
celles armées reparurent d*abord. 

{•) Y9X^ Appiea | de U guerce contfç Mitbiidat^ 



Liv. XXI; CukP. XIL 32f 

guerre long-teiqps, & par conféquent de 
aifcipliner fes troupes : il put les armer , 
& les inftruire dans l'art militaire (a) des 
Romains , & former des corps coniidé- 
râbles de leurs transfuges ; enfin il put 
faire de grandes pertes , & fpuffirir de 
grands échecs ^ fans périr : & il n'auroit 
point péri , fi , dans les profpérités , le 
roi voluptueux & barbare n*avoit pas 
détruit ce que , dans la mauvaife for- 
tune , avoit fait le grand prince. 

C'eil ainfi que, dans le temps que les 
Rondins étoient au comble de la gran« 
deur , & qu'ils fembloient n'avoir à 
craindre qu eux-mêmes , Mithridate re- 
mit en queflion ce que la prife de Car- 
tilage , les défaites de Philippe, d'An- 
tiochiis & de Perfée , avoient décidé. 
Jamais guerre ne fut plus funefle : & les 
deux partis ayant une grande puifiTance 
& des avantages mutuels , les peuples 
de la Grèce & de l' Afie furent détruits , 
ou comme amis de Mithridate , ou com- 
me fes ennemis, Délos fiit enveloppée 
dans le malheur commun. Le commerce 
tomba de toutes parts ; il falloit bien 
ou'il fîit détniit , les peuples mêmes 
rétoient. 

(<} Voyez Appîco > de la gat;are contre Mlthcidattii. 



\ 



^%6 De l*i$prït des Lois, 

Les Romains , fuivant un fyôêm^ 
dont j'ai parlé ailleurs (a) , deftruâeurs 
pour ne pas paroître conquérans , rui- 
nèrent Cartnage & Corinthe ; & , par 
une telle pratique , ils fe feroient peut* 
être perdus , s'ils n'avoient pas conquis 
toute la terre. Quand les rois de Pont 
fe rendirent maîtres des colonies Grec- 

3ues du Pont-Euxin , ils n'eurent garde 
e détruire ce qui devoit être la cauie 
de leur grandeur* 

g ; ' I g 

CHAPITRE Xril. 

Ihi génie des Romains pour la 

marine* 

L£S Romains ne faifoient cas que 
des troupes de terre , dont refprit 
étoit de refter toujours ferme , de com- 
battre au même lieu & d'y mourir. Ils ne 
pouvoient eûimer la pratique des gens 
de mer qui fe préfentent au combat , 
fiiient , reviennent , évitent toujours 
le danger, emploient la nife , rarement 
la force. Tout cela n'étoit point du 

(a) Dans les confidérations fus ît$ caufes d« le 
fNUidiettr deaUomaiû»» 



Liv. XXi. Chap. XliL 317 

génie des/^ecs (^ ) , & étoit encore 
Bioins de ceUii des Romains. 

Ils ne deilinoient donc à la marine 
que ceux qui n'étolent pas des citoyens 
affez confidérables (b) pour avoir place 
dans les légions : les gens de mer étoientî 
ordinairement des affranchis. 
. Nous n'avons aujourd'hui ni la même 
eftime pour les troupes de terre , ni le 
même mépris pour celles de mer. Chex 
les premières (c) l'art eft diminué; chez 
les fécondes (d) il eft augmenté : or oa 
eftime les chofes à proportion du degré 
de fuffifance qui eft requis pour le biea 
faire. 



CHAPITRE XIV. 

Du génie des Romains pour le commerce^ 

ON n'a }amais remarqué aux Ro- 
mains de jaloufie fur le commerce. 
Ce fiit conrnie nation rivale , & no» 
comme nation commerçante , qu'ils at- 
taquèrent Carthage. Ils fevoriierent les 

* («) Comme l*ii reitiarqué TUtQu / thr. IV. des lois» 

{h) Polyht , liv. V. 

\c) Voyez les confidérations fur les CMifes dc I4 
«candeur des Romsûns » &c« 



y 



3i8 De L^fisi^RiT Des Lois, 

villes qui faifoient le commerce , quoi* 
qu'elles ne fuflent pas fujettes ; ainfi ils 
augmentèrent par la ceilion de pluûeurs 
pays lapuifTance de Marfeille. Ils crai-* 
gnoient tout des barbares , & rien d*un 

fieuple négociant. D'ailleurs leur génie, 
eur gloire , leuréducation militaire, la 
forme de leur gouvernement , les éloi- 
gnoient du commerce. 

Dans la ville , on n'étoit occupé que 
de guerres , d'éleâions , de brigues 6c 
de procès ; à la campagne , que d'agri- 
culture ; & dans les provinces un gou- 
vernement dur & tyrannique étoit in- 
compatible avec le commerce. 

Que fi leur conftitution politique y 
étoit oppofée , leur droit des gens n'y 
répugnoit pas moins, a Les peuples, 
>f dit le jurifcomfulte Pomponiits (^ ) , 
» avec lefquels nous n'avons ni ami- 
n tié y ni nofpitalité , ni alliance , ne 
» font point nos ennemis : cependant 
)t fi une chofe qui nous appartient , 
> tombe entre leurs mains , ils en font 
n propriétaires , les hommes libres 
» deviennent leurs efclaves ;. & ils 
n font dans les mêmes termes à notre 
», égard ». 

(«) Leg. V, S« a. ff. de cagtms^ 



/ 



Liv. XXI. ChAp. XIV. 319 

Leur droit civil n*étoit pas moins 
accablant. La loi de Confiantin , après 
avoir déclaré bâtards les enfans des per- 
fonnes viles qui fe font mariées avec 
celles d'une conditioti relevée , confond 
l^s femmes qui ont une boutique {a) 
de marchandifes , avec les efclaves , les 
cabaretieres , les femmes de théâtre , 
les filles d'un homme qui tient un lieu 
de proftitution , ou qui a été condamné 
à combattre fur Tarene : ceci defcen- 
doit des anciennes inftitutions des Ror 
mains. 

Je fais bien que des gens pleins de 
ces deux idées ; Tune que le commerce 
eft la chofe du monde la plus utile à 
un état ; & l'autre , que les Romains 
avoient la meilleure police dujnonde , 
ont cm qu'ils avoient beaucoup encou- 
ragé & honoré le commerce : mais la 
vérité eft qu'ils y ont rarement penfé. 

( a ) Quit rrurcimoniis puhlicè prafiit* Leg. I. cod« 
de nûSurah lihiriu 



^ 



ff^ 
^ 



53Ô De l*esfrit des Lois, 
p "g 

CHAPITRE XV. 

Commerce des Romains avec Us barbares. 

LES Romains avoient fait de VExxtch 
p€ , de TAfie & de l'Afrique , un 
vafte empire : la foibleffe des peuple^ 
& la tyrannie du commandement uni- 
rent toutes les parties de ce corps im- 
menfe. Pour lors la politique Romaine 
fut de fe réparer de toutes les nations 
qui n'avoient pas été affujetties : la 
crainte de leur porter l'art de vaincre, 
fit négliger l'art de s'enrichir. Ils firent 
des lois pour empêcher tout commerce 
avec les barbares. « Que perfonne , di- 
y¥ fent (a) yaltns & Gratien , n*envoîe 
^ du vin , de l'huila ou d'autres li- 
^ queurs aux barbares , même pour en 
p¥ coûter ; qu'on ne leur porte point de 
» l'or (^), ajoutent Gratien y VaUnti" 
» nien & Thiodofe , & que même ce 
» qu'ils en ont , on le leur ôte avec fi^ 
» neffe». Le tranfport du fer fut défendu 
fous peine de la vie. 

(tf) Leg. «d Barbaricom « cod. quuru txportêri »om 
icheant* 
^h) Leg. IL cod. dt €0mMtrc, ^ mtrcMW^ 



Liv. XXI. CiïAF. jtV. 35f 

D^mititn ^ prince timide , fit arrachef 
les vignes {a) dans la Gaule , de crainte 
fans doute que cette liqueur n*y attirât 
les l>arî>ares , comrae elle les avoit au* 
trefois attirés en Italie. Probus &c Julien ^ 
qui ne les redoutèrent jamais , en réta- 
blirent la plantation. 

Je fais bien que dans la foibleiTe de 
l'empire , les barbares obligèrent les 
Romains d'établir des étapes (i) & de 
commercer avec eux. Mais cela même 
prouve que Tefprit des Romains étoit 
de ne pas commercer. 



CHAPITRE XVL 

JDu commerce des Romains avec FArabiei 

& Us Indes* 

LE négoce de TÀrabie heurcufe & 
celui des Indes forent les deux bran*- 
ches , & prefque les feules , du com— 
merce^it^rieur. Les Arabes avoient de 
grandes richeffes : ils les tifoient de 
leurs mers & de leurs forets ; & comme 

( « ) Leg. II. qu4t rts txpôrtari non dtienât ; êc Pro« 
cèpe • eocne des Perfes t !(▼> I- 

(b) voyes les confidérations Çae les ^ufes de 1« 
gfandeuc de« Romiiiii & de lève drfctdict. Pêrù » 

'7//. 



^3* De l'esprit des Lois, 

ils achetoient peu , & vendoient beau- 
coup, ils attiroient {a) à eux Tor & Tar- 
gent de leurs voifins. Augufte ( ^ ) con- 
nut leur opulence, & il réfolut de les 
avoir pour amis, ou pour ennemis. Il fit 
paffer EUus Gaîlus d'Egypte en Arable- 
Celui-ci trouva des peuples oififs , tran- 
quilles & peu aguerris. Il donna des ba- 
tailles , fit des neges , & ne perdit que 
fept foldats : mais la perfidie de fes gui- 
des , les marches , le climat , la fkim , la 
jfoif , les maladies , des mefures mal pri- 
ies , lui firent perdre fon armée. 

Il fallut donc fe contenter de négo- 
cier avec les Arabes comme les autres 
f)euples avoient fait , c'eft-à-dîre , de 
eur porter de Tor & de l'argent pour 
leurs marchandifes. On commerce en- 
core avec eux de la même manière ; la 
caravane d'Alep & le vaiffeau royal de 
Suez y portent .des fommes inunen- 
fes (c). 

La nature avoit deftinéies Arabes au 
commerce ; elle ne les avoit pas deftinés 

(«) Pliiut liv« VII* chapitre xxyixi ; & StrâhoMt 
liv. XVI. 

(c) Les carannes dM lep & de Saez y portent dan 
militons de notre monnoie » & il en paile autant ta 
fi^ade ; le raifliBaù royal de Suez y porte auffi. deux 
l'P^llionfa 



, tiv. XXI. Chap. XVt. 33î^ 

à la guerre : mais lorfque ces peuples 
tranquilles fe trouvèrent fur les frontie* 
Tes des Parthes & des Romains , ils de- 
vinrent auxiliaires des uns & des au- 
tres. Elius Gallus les avoit trouvés corn- 
merçans; Mahomet les trouva guerriers: 
il leur donna de Tenthoufiafine , & les 
voilà conquérans. 

Le commerce des Romains aux In- 
des étoit confidérable, Strabon {a) avoit 
appris en Egypte qu'ils y employoient 
cent vingt navires : ce commerce ne fe 
foutenoit encore que par leur argent. 
Ils y envoyoient tous les ans cinquante 
millions de fefterces. Pline (^t) dit que 
les marchandifes qu'on en rapportoit , 
fe vendoient à Rome le centuple. Je 
crois qu'il parle trop généralement,- ce 
profit fait une fois, tout le monde aura 
voulu le faire , & dès ce moment per- 
fonne ne l'aura fait. 

On peut mettre en queftion s'il fut 
avantageux aux Romains de faire le 
commerce de l'Arabie & des Indes. Il 
falloit qu'ils y envoyaffent leur argent ; 
& ils n'avoient pas comme nous , la 
reffource de l'Amérique , qui fupplée à 



i 



a) Ltv. n. pag 8t. 

b) Liy. VI. en. xxxii^ 



534 Ds l'esprit dès Loi^^ 

ce que nous envoyons. Je fuis perfuadê 
qu'une des raifons oui fit augmenter chez 
eux la valeur numéraire des monnoies , 
c'eft-à-dire , établir le billon , fut la ra- 
reté de l'argent , caufée par le tranfport 
continuel qui s'en faifoit aux Indes. Que 
fi les marchandifes de ce pays (e ven- 
doient à Rome le centuple , ce profit des 
Romains (e Êiifoit (ur les Romains mê- 
mes , & n'enrichiflbit point l'empire. 

On pourra dire , d'un autre côté , que 
ce commerce procuroit aux Romains 
Mne grande navigation, c'eft-à-dire , une 
grande puifTance ; que des marchandifes 
nouvelles augmentoient le commerce 
intérieur , fevorifoient les arts , entre- 
tenoient l'induftrie ; que le nombre des 
citoyens fe multiplioit à proportion des 
nouveaux moyens qu'on avoit de vi- 
vre ; que ce nouveau commerce pro- 
duifoit le luxe que nous avoas prouvé 
être auffi favorable au gouvernement 
d'un feul , que fatal à celui de plufieurs j 
que cet établiffement flit de même date 
que la chute de leur république ; que 
le luxe à Rome étoit néceflaire ; & qu'il 
felloit bijen qu^une ville qui attiroit à 
elle toutes les riche;ffes de l'univers f 
les rendît par fon lu^e. 



Liv. XXL Chap. XVÎ. 33$ 

Strabon (a) dit que le commerce des 
Romains aux Indes étoit beaucoup plus 
coniidérable que celui des rois d'Egyp* 
te : & il eft fingulier que les Romains , 
qui connoiffoient peu le commerce , 
ayent eu pour celui des Inde$4>lus d'at* 
tention que n'en eurent les rois d'Èr 
gypte , qui Tavoient , pour ainfi dire ^ 
ibus les yeux. Il faut expliquer ceci. 

Après la mort d'Alexandre , les rois 
4'Egypte établirent aux Indes un com-* 
merce maritime , & les rois de Syrie ^ 
qui eurent les provinces les plus orien-* 
taies de l'empire , & par conséquent les. 
Indes ^ maintinrent ce commerce dont 
nous avons parlé au chapitre VI , qui fe 
feifoit par le$ terres & par les fleuves, & 
qui avoîtreçu de nouvelles facilités par 
rétabliffement des colonies Macédo- 
niennes : de forte que l'Europe conunu* 
niquoit avec les Indes , & par l'Egypte^ 
&par le royaume de Syrie. Le démem- 
brement qui fe fit du royaume de Sy- 
rie , d'oii fe forma celui de Baâriane , 
ne fit aucun tort à ce commerce. Marin 
Tyrien , cité par Ftolomie ( i ) , parlé 

( A ) Il dit , au Uy. Xn. qM les Romfiiis y «bh» 
ployo'tent cent vingt navires 9 & mi Uv. XYU« ^uf k^ 
lois Grecs y en en voy oient i peine via^t» 

[b) Ï4V. L çh. lU , ; 



536 De l'esprit des Lois, 

des découvertes faites aux Indes par le 
moyen de quelques marchands Macé- 
doniens. Celles que les expéditions des 
rois n*avoient pas faites , les marchands 
les firent. Nous voyons dans Ptolomic 
(a) , qu'ils allèrent depuis la tour de 
Pierre (A) jufqu'à Sera : & la découverte 
faite par les marchands d'une étape fi 
reculée, fituée dans la partie orientale 
& feptentrionale de la Chine , fut une 
cfpece de prodige. Ainfi , fous les rois 
de Syrie & de Baftriane , les marchan- 
difes du midi de Tlnde paffoient , par 
l'Indus , rOxus & la mer Cafpienne , 
en Occident ; & celles des contrées 
plus orientales & plus feptentrionales 
étoient portées^lepuis Sera , la tour de 
Pierre , & autres étapes , Jufqu'à TEur 
phrate. Ces marchands faifoient leur 
route , tenant , à peu près , le quaran- 
tième degré de latitude nord , par des 
pays qui font au couchant de la Chine , 
plus policés qu'ils ne font aujourd'hui , 
parce que les Tartares ne les avoient 
pas encore infeftés. 

Or , pendant que l'empire de Syrie 

- (fl) Liv. VI. ch. XIX I. 

' {h) Nos meilleures cartes placent la tour de Pîene 
au centième degré de longitude » & envinon le qu*- 
lantieme de latitude* 

étendoit 



Liv. XXI. Chap. XVL 55f 

^tendoît fi fort fon commçrce du côtd 
des terres , TEgypte n^augmenta pas 
beaucoup fon commerce maritime. 

L^s Parthes parurent , & fondèrent 
leur empire : & lorfque l'Egypte tomba 
fous la puifTance des Romains , cet em« 
pire étoit dans fa force , & avoit reçu 
ion extenfion. 

Les Romains & les Parthes fiirjent 
deux puiflances rivales , qui combat- 
tirent , non pas pour favoir qui devoit 
régner , mais exiiltr. Entre les deux 
empires , il fe forma des dëferts ; entre 
les deux empires , on fut toujours fous 
les armes : bien loin qu'il y eût de com- 
merce , il n'y eut pas même de commu^- 
nication. L'ambition , la jaloufie , la re* 
ligion, la haine , les mœurs , féparerent 
tout. Ainfi le commerce entre l'occi- 
dent & l'orient , qui avoit eu plufieurs 
routes , n'en eut plus qu'une ; & Ale- 
xandrie étapt devenue la feule étape ^ 
cette étape groflît. 

Je ne dirai qu'un mot-du commerce 
intérieur. Sa branche prîhcipale fut 
celle des blés qu'on faifoit venir pour 
la fubfiftance du peuple de Rome : ce 
qui étoit une matière de police , plutôt 
qu'un objet de commerce. A cette oçca- 
Tomc II. P 



m 

1» 
lau- 

1« 
ime 

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Ifewr 
Mé, 

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fur 



des 
ient 
tau- 
.les 
les 
,U 



55^ Dk l^esprit des Lois, 

lion ^ les nautoniers reçurent quelques 
privilèges (a), parce que le ialut de 
l'empire dépendoit de leur vigilance. 

(a) Suée, im CZmmCm. Leg. VU , cod. Tbéodof, di 
nûvUulariis» 



CHAPITRE XVIL 

J)u commerce aprh la deJlrucUon des 
Romaims en Occident* 

L'empire Romaia fut envahi ; & Tun 
des effets de la calamitç générale , 
fvit la dellruftion du commerce. Les 
barbares ne le regardèrent d'abord que 
comme im objet dç leurs brigandages ; 
& quand ils furent établis, ils ne l'hono- 
rèrent pas plus que l'agriculture & les 
autres profeflîons du peuple v^ncu. 

Bientôt il n'y eut prefque plus de 
commerce ftn Europe ; 1^ nobleffe c^ui 
régnoit par-tout ^ ne s'en mettoit pomt 
en peine. 

La loi (*) 4es WifigQths permettoit 
aux particuliers d'occuper la moitié du 
lit des grands fleuves , pourvu que 
l'autre reftât libre pour les filets & pour 
les bateaux ; il falloit qu'il y eût b^Ç^ 



pcsrdrce#fflieFCç 4sms-lcs pays <ju'ils 
avoieat concpiis. 

Dans ce temps -là s'établirent les 
-droits irrfçnfé^ dWbaine & de nau- 
frage ; les hommes penferent <jue les 
ctiîaiigers'n'e leur^tant imiis p^f aucune 
Côtottlini^àtiôn du droit civil , ils ne 
ieur dévoient -d'un côté -aucune forte 
de jbftidë, ^ Ae l'autre aucune forte 
de pitié. 

" Dans les bornes étroites où fe trou* 
voient lés peuï)les du nord , tout leur 
étoit^étriing^r :- dans leur pauvreté, 
tout étoit pour ^ux un objet de richeP 
fés. Etablis avant leurs conquêtes fur 
les côtés -d'une mer refferrée & pleine 
d'écueils , ils avoiçnt tiré parti de ces 
écueils mêmes. 

Mais les Romains qui &ifoient deâ 
lois pour tout l'univers ^ en avoient 
fait de très-humaines ( ^ ) fur les nau- 
frages : ils réprimèrent à cet égard les 
brigandages de ceux qui habitoient les 
côtes, & ce qui étoit plus encore , la 
rapacité de leur fifç Çb). 

• ■' _ ' 

(a) Tôt© titulo , ff. de inceni^ ruîn, naufrag. fie 
côd.Vtf naufragiu i & leg. III « ff» de leg. CorneU 
d^ ficitriis» 

ih) Leg. I» cod. dt naufiagîU, 

Pij 



340: De t'E^PRlT^BS'lTOWv 

CHAPITRE XY'lil, ** 

Règlement particulier. 

LA Ipî de j Wifîgoths (- ^ ,) fit POui> 
tant tmç difpôiition ^v^ame ^^ 
commerce ; ellç .oiidonna qii^ Içs nîai> 
chands qui yçnoient d(| dj?là l9 mer, 
ferolent jugés dans les différens qui 
naiffoient entr'eux , P^r les lois & pat 
d^s jugçs 4e Içuf naition. Ceci ,étoit 
fondé fur Tuftge établi. chez toiis ces 
peuples mêlés , qjue chaque homme yé* 
eût fofis fa propre loi ; çhpfe dont je 
parlerai beaucoup dan3 l^ fuite, 

(a) L\v. XI, tit.3 , §. ftr 

mmmmfmmmmmmmÊÊmÊÊÊÊÊmmmmmmitÊmmÊÊmiÊàÊiÊÊmmmm 

^ I i l | < Il ■ I I ■ - !>■ ■ I I I II , ■ 

CHAPITRE XîX. 

Du commerce depuis taffoiblljfemcnt deà 
y Romains en Orienta 

LES Mahométans parurent , conquît 
rent , & fe diviferent, L'Egypte 
eut fes fouverain# particuliers. Elle cpn* 
ti/îua de faire le commerce des Indes* , 
Maîtreffe des marchandifes de ce pays f 
çlk attira les riçhefles dç tous les autres» 



•^ iSes ^Soiidàms furent les plus puîffans 

* princes de ces temps-là : on peut Voir 
^ dans rhiftôire comtnent , aveic Une fôr- 
t ce coiiftante 4rbien ménagée . ils arrà- 

* ttiçent V^A&af^ la fougue & rimpétuo- 
fité ies C3foifés. ' ' ' • 



e H À PIT R E XX. 

*!lF A ptiiléfty^î* éAmbté ayant été 
^ iJLi 'pttîti^eff ^ô Vtitfehï/eHé plut beau- 
coup aux èï^ifsf fiAfils ,^ qui dans les 
^'tetoi^dîi'éhdfflricé; fôhtîîes beaux ef- 
-^tâ. 'Dès fciKôîaftiqûes . s*en infatue- 
^rëlfty &Jpî§fent^dè^^t^loft)phe (^) 
^liteA d»s é»pfï?<Mons ftirfepr^ à inf^ 
3**t; »afti 4ieti kiUe Iri foiirfee ^ep étoit fi 
.Wà}ftk^Hé 'dans4*évm\gileVî^^^^ lé con- 

- daiimei'ent indîffinftëment & dans tous 
le* cas. Par là' le commerce ,'qui n^étoit 
que la profeflîon dés gens vils , devint 

- tnfeôre • eélfe des maî-hohnêtès gérii : 
^ fcàr toutes lés'^îs ^ue Ton défend ùiie 
. choiie imtnre}leinentf!6irii2ife pu néçef- 

faire; ori ne fait que rendrè^ inaUion- 
' nêtés geos-çewx 4ju4vl?J&>aitim .. . t 

F iii 



Le commerce ^ij|àuo€mtioapc^r 
lors^ couverte d'jnfaipie iv .& bientôt al 
ne fut plus 4iûiagi^ié deiuiures l^pdiis 
s^reiifes , des tBoiiQgole^ de la levée 
4eà^ f\ihiid^ , & de tow les moy ws 
xnal'honnêtes d'acqujé^ici^.Fargetiti 

Les Juife (tf) enrichis par leurs exac- 
tions^ étoient pîHés parles princes avec 
la même tyrannie ; chdfe qui confolçit 
- tes peft^lte$ , &4ièles roiil^gfeôif^ 

Ge qui* fe- j)^^ en^ M^Ièterrë don- 
j uprapune, idé^^Jg o^iq^fij^J^^ «fens^fes. 

, autres pays«.Le^ roi ^^^^j^*. J^'ï^. fe*^ 

«nprifosaner les J\ûfe pour ^v^W. .Içyr 

„ bien ,: il y «n ^iit peu qm i^ef^^i^^UL 

^ nioins^qu^qu^opil çt;ev!4ç ç4 foi .feiioit 

^inïl fa<dia^plveiile!Ji»% 4W.^ 

à quioû ^rraçlî?* feptdeffi^ yney^g^fiie 

-jourv donna di^ ^ille marcs t^ar^çt 

^à la huitième. Mr^ri III tira, d'^^^vxy? > 

Juif d'York^ quatorze mille jHaarc&d^'ar* 

gant y &c dix mille ^ourla H^ine» Daûs. 

ces t^mps-là on faifoit y^olepmsnt^^ 

. qa'pafait aujourd'^i en Poigne 9¥f c 

qyelque ^fure*. Lç$fQH%,)\e, pa^vjwt 

_d'Arta^ivfeftahiié<% i^^ & 1151*1;^^ dans Bmffi^* 
l'accorc^ derànniëe iao6 «.paire entre le Roi t. U coa* 
HeiTe de ChampagAe^ft^Gm 4« DMn^erre.' ' ^ 

^Ik^) SIqw€., ,(,mX$ fnryieXjOfXofldfp 4, jû^ JU ^ jj. 54^ 



Liv. XSlÏ. Ch4p. XX. j4^ 

fouiller dans la bourfe de leurs fujets, 
à caufe de leurs privilèges , mettoientA 
la torture les Juifk^ qu'on ne regardoît 
' pas comme citoyens* 

Enfin il s'introduifit une coutiune,' 
qui confîfquatous les biens des Juifs qui 
«mbraffoientle chriitianifme.Cette cou-' 
tume fi bizarre , nous la favons par la 
loi (a) qui Tabroge. On en a donné des 
taifons bien raines ; on a dit qu'on vou- 
loir les éprouver , & faire en forte qu'il 
ne reftât rien de l'efclavage du démoa« 
Mais il eit vifible que cette confifcation 
étoit unç efpece de droit (A) d'amoiH 
tiflîement pour ie prince ou pour Icô 
feigneurs , des taxes qu'ils levoient fur 
les Juifs 9 &c dont ils étoient fruifarés 
lorfque ceux-ci embrafToient le ehriflia* 
nifme. Dans ces temps-là on regardoit 
les hommes comme des terres. Et je 
-remarquerai enpafTant, combien on s'eâ 
Joué de cette nation d?un iiecle à l'au^ 
tre. On confifquoit leurs biens lor£- 

(a^ Edit doimë à Bavîlle le 4 aTiU 1 391* 
( ft ) En France , les Juifs étoient Ceth « maîn»mor4 
toblcs } 6t tes feigneurs leur fuccëdoient. Mr Bruffd 
rapporte un accord de l'an 1106 • entre te Rot 9fi 
Thibaut • comte de Campagne , par lequel U étoit 
convenu que Us Juifs de Tun ne préteioîeat poioif 
dans les teties de rautrç» 

P k 



^4 D* L^SMiiT DES Lors, 
qu'ils voxiloient être chrétiens , & bien- 
tôt après on les fit brûler loriqu'ils ne 
voulurent pas Têtre» 

Cependant on vit le commerce fortir 
du fein de la vexation & du défefpoir. 
Les Juifs , profcrits tour-à-tour de cha- 
que pays , trouvèrent le moyen de fau^ 
ver leurs effets. Par-là ils rendireht 
pour jamais leurs retraites fixes ; car tel 
prince qui voudroit bien fe défaire 
d'eux, ne feroit pas pour cela d'hu- 
meur à fe défaire de leur argent. 

Us inventèrent les lettres («) de 
change ; &c par ce moyen , le com- 
merce put éluder la violence & & 
maintenir par-tout ; le négociant le plus 
riche n'ayant que des bi^s inviiU>les , 
ui pouvoient être envoyés par-tout, 

ne laiffoient de trace nulle part. 

Les théologiens furent obligés de 
reflreindre leurs principes ; & le com- 
merce qu'on avoit violemment lié avec 
la mauvaife foi ^ rentra pour ainfi dire 
dans le fein de la probité. 

(d) Or fût qite ton^ Philippe- Augufte & font 
Ph'ili|>pe-le*long , les* Juifs, chattes de France» ft 
ré^gierent en Lombardie ^ & que là ils d«nnerear 
aux negocians étrangers & aux yoyageurs des lettres 
lecrtttes fur ceux k qui ils avoient confié leurs ef&ts 
jBn f rince I qui furent acqmttétes. 



2 



LiV. XXI. CrtAP. XX. ^4Ç 

*' Aînfi ncHis dévoris^ aux fpécîulationi 
des fcholaftiqués tous les malheurs (a) 
qui ont accompagné la deûniâkm du 
commerce ; & à l'avarice des princes 
rétabHffemtent d'une chofe qui le met 
gn quelque façon hors de leur pouvoir. 
Il a J&jily depuis ce temps que les 
princes fe gôuverhaffent avec plus de 
is^St 5^0*11^ ^n-'aiMtyient eux ^ niêmi^s 
pcniSéV taf j paf PéVéïîement^ les grands 
coups^ d'autorité fe font trouvés u mal- 
adroite ^ que c'eft une expérience re- 
connue , qu'il^n*y a plus que la bonté 
éH>gôuv^rnô<nenr qui donne de la prof-^ 

On a eon^méncé â fe gulrîr ^ Ma»- 
chiavéUime y 6c on s'en guérira tous les 
îotirs. Il hxxt plus de modération dans 
îeS'Confeils. Ce qu'oti appeloit autre- 
fois des coups d'état ^ ne leroit aujoùr- 
d'hvd^^ indépendamment de Thori-eujr, 
(que ■désî imprudences, 
- * Et' it eft heureux pour les homnfts 
d'être dans une fituation , où pendant 
que leurs paffions leur infpirent la pen* 

(a-) Voyez dans le corps du droit la quatre- vingt* 

troifieme Kovellé de Léon , qui rëvoqui: la loi de* 

JS^le Hof père. Cette loi de BaEle eft dans Uerm^* 

nopuîe. Yous-'le nom. dé Léon, livre III, tit. 7» 

P V 



54^ De L^ESPRiT DES Loi^y. 

I^e d'être méchant , i\$ ont pourtanfr 
intérêt 4e ne pas l'être; ; 

f M ' ' I I I I - I IT 

chapitre: , XXL 

*JDétâuvertc de itux nouveaux mondèsi 
Etat de. tEuropt 11 ctt. igardi. 

LA'bouflble* ouvrit poui^ ainfi dfrç? 
l'univers. On trouva rAfie&rAr- 
fiique dont on ne connoiffoit quequelr 
ques bords, &C l'AmériqueL dont on. ne: 
connoiflbit rien^du tout^. 

Les Portugais navigant fïm Tàcéa^ 
Atlantique, découvrirent la pointe if; 
•plusméridionale dé T Afrique ; il^ virent 
une vafte mer ; elle les porta aux Indes; 
orientales. Leurs périls fur cette, n^r ^, 
& lai découverte de Mozambique, de 
Mélinàe &.de Calicut ^ . ont été cbaiitiés> 
par lé Gamoëns ,; dont lé poemç^ &k. 
lentir quelque cbofe. des d^armes de* 
l^Odyffée & de la ms^ni^ce^ce. de l-£-- 
néidck . t . , 

Les Vénitiens avoient feit )ufi{ues4à 
le commerce des Indes par les pays des. 
Turcs , ôcl'ay oient pourfuivi au milieu. 
des avanies & des outrages. Par la dé-* 
couverte: du cap de Bonne-Efgéraoc^j^, 



tîv. XXI; CttAP. XXr. 34f 

& celles qu'on fit quelque temps après y 
PItalie ne fut pWau centre du mondes 
conunerçant ; elle fut pour ainfi dire ^ 
dans un coin de Tunivers , & elle y 
eft encore. Le commerce même du Le-» 
vant dépendant aujourd'hui de celui 
que les grandes nations font aux deux 
Indes , l'Italie ne le fait plus qu'accef-» 
fbirement.. 

Les Portugais trafiquèrent aux Indes 
en conquérans. Les lois gênantes (^ j 
que les HoUandois impofent aujour- 
d'hui aux petits princes Indiens fur le 
commerce , les Portugais les avoient 
établies avant euxr 

La fortune de la maifon d'Autriche 
fut prodigieufe. Charàs' Qwmf recueillit 
la fucceffion de Bourgogne , de Caftille 
& d'Arragon; il parvint à l'empire;. 
& pour lui procurer vm nouveau genre 
de grandeur ,. l'univers s'étendit , "^ 
l'on vit paroître un monde nouveau 
fous fon obéiffance. 

Chrillophe Colomb découvrit l'A- 
«lérique ; & quoique TEfp^gne n*y en^ 
voyât point de forces qu'un petit prince 
de l'Europe n'eût pu y envoyer tout 

{a) Voyez la relation de François Fyrari y deo^ 



1 



f4^ De t'ESPUïT DES Lcrr, 

de même , elle fournît deux grands em^ 
pires 9 6c d'autres grands états» 

Pendant que les Espagnols décou^ 
vroieat & conquéroient du côté de 
rOccident, les Portujgais pouffoient 
leurs conquêtes & leiurs découvertes 
du côté de l'Orient : ces deux nations 
fc rencontrèrent ; elles eurent recours 
au Pape Alexandre VI , qui fit la célè- 
bre ligne de démarquation , &c }ugea 
un grand procès. 

. Mais les autres nations de l'Europe 
ne les laifierent pas jouir tranquillement 
de leur partage : les Hollandois chaf* 
ferent les Portugais de prefque toutes 
les Indes orientales ^&:diveries nations 
£rent en Amérique des établifiemens. 

Les Ëfpagnois regardèrent d'abord 
les terres découvertes comme des ob- 
jets de conquête: des peuples plus ra- 
fines qu'eux trouvèrent qu'elles étoient 
des objets de commerce , $c c'eft là- 
deflus qu'ils dirigèrent leurs vues. Pla- 
iieurs peuples fe font conduits avec 
tant de fag^iTe , qu'ils ont donné l'em- 
pire à des compagnies de négocians 9 
qui , gouvernant ces états éloignés unir 
quementpour le négoce, ont fait une 
■grande pulffance acc.effoire ,. ûuxs ejD*: 
parraffer Vé^t principal. 



A 



Lrv. XXL Chap. XXt 349 

' Les colonies qu'on j a formées , font 
fous un genre de dépendance dont otp 
ne trouve que peu d'exemples dans les 
colonies anciennes, foit que celles d^au- 
jourd'hui relèvent de l'état même , oit 
de quelque compagnie conimerçante 
établie dans cet état. 

L'objet de ces colonies eft de faire le 
commerce à de meilleures conditions 
qu'on ne le fait avec les peuples voifins, 
avec lefquels tousles avantages font ré- 
ciproques. Ona établi que la métropole 
feule pourroit négocier dans la colonie ; 
& cela avec grande raifon , parce que 
le but de l'établiffement a été l'exten* 
fion du commerce , npn la fondation 
d'une ville ou d'im nouvel empire. 

Ainfi c'eft encore une loi fondamen- 
tale de l'Europe ^ que tout commerce 
avec une colonie étrangère eft regardé 
comme un pur monopole puniâable pat 
les lois du pays : & il ne faut pas juger 
de cela par les lois & les exemples des 
anciens peuples ( ay qui n'y font guère 
applicablesr^ 

Il eft encore reçu que le commerce 
établi entre les métropoles , n'entraîne 

(a) Excepté les Carth9gipO!s , comme on voit pai^ 
Je traité qui Msniii^ ia^^miore gutire-Puoi^ii^ 



J^O TXl L'kSPRrT DES LoiSy 

point une permif&on pour les colonié^^ 
qui reâent toujours en état de prohi— 
Ibition. 

Le défevantage des colonies qui per-' 
4ent la liberté du commerce, eft vifi-^ 
blement compenfe par la proteâion de 
la métropole ( ^ ) , qui la défend par fe* 
armes , ou la maintient par £ss lois. 
. De-là fuit une troifieme loi de l'Eu-r 
rope , que q\iand le conunerce étranger 
cft défendu avec la colonie , on ne peut 
navijguer dans ies mers , que dans les 
cas établis par les traités. 

Les nations qui font à l'égard de tout 
Funivers^ ce que les particuliers font 
dans un état ^ fe gouvernent commt: 
eux par le droit naturel &c par les lois- 
qu'elles fe font faites^ Un peuple peut 
eéder à im autre la mer ,, comme il peut 
céder la terre; Les Carthaginois exi- 
gèrent (*^) des Romains qu'ils ne navi*^ 
gueroient pas aii'-delà de certaines limi* 
tes y comme les Grecs avoient exigé du 
f oi de Perfe qu'il fe tiendroit toujours* 
éloigné des côtes- de la mer ( ^ ) de Iw 
carrière d'un cheval. 

(a) Métropole eft» dans le langage des andensi 
Pëtat qui a fondé la colonie.) 
• (h) Polybe , liv. III. 

i^cl I^&<û»d6Pçfi€ i*9Uig^«| pu oa tnûté# df^p. 



tïVi^%K% CfiÀ9. XXL 5ff 

, L'extrême éloignemeot de nos colo*^ 
aies n^eft point un inconvénient poUf * 
leur fureté ; car fi. la métropole eft 
éloignée pour les défendre , les. na- 
tions rivales de la métropole ne font 
pas moing éloignées, ppur les con- 
quérir^ 7 

. De plus , cet éloignement fait €pxç 
Cftux qui vont s^y établir ne peuvent 
prendre la manière de vivre aim cli^ 
mat fi^ différent ; ils font obligés de 
tirei^ toutes les commodités de la vie 
du pays d'oii ils ù)nt venus. Les C^rr 
tha§ihoi&(ii)., pour rendre les Sardes 
& le$ Corlès plus dépendans , leur 
avoiçnt défendu , fous peine de la viey. 
de planter , de femer & de faire rien 
deiemblabie ; ils leur envoy oient d'A- 
frique dçs vivres. Nous fommes parr 
venus aiv mêaie point, fans faire âji^ 
lois fi dures. Nos colonies des îles^ 
Antilles font admirables ; elles ont de$' 
x^bjpets d^ commercé que nous n'avons 
jii ne pouvons avoir ; elles manquent 
de ce qui fait l'objet dmiôtre.. 

navîfaçr avec aucnii vaîiTeau de guerre au* delà dcr 
•fodiet Scyanées & des Iles diélidoniennes. Plutar^ 
^ue , FJe de Cimon. 
* (;tf ) Ariftote , des chofet mtryiUUufes , TiU-LÎT^ * 



551- De L'BSPttî'f DÉS toîs l 

L'eflSet de la découverte de l'Amé- 
rique fut de lier à l'Europe l'Afie & 
l'Afrique ; rAmérique fournît à l'Eu- 
rope la matière de ion commerce avec 
cette vafte partie de TAfie , qu'on ap- 
pela les Indes Orientales. L'argent , ce 
métal fi utile au commerce , comme 
figne 5 fui -encore la bafe du plus grand 
cominérce de l'univers ^ comme mar- 
chandife. Enfin la navigation d'Afrique 
devint néceffaire ; elle fourniffoit des 
hommes pour le travail des mines & 
idts terres <ie l'Amérique. 

L'Europe eft pàih^ehue k: un fi haut 
degré de puiffartce , que Thiftoire n'a 
rien à comparer là-demis ; fi l'on con- 
fidere l'immenfité des dépenfes , la 
•grandeur des engagemens, le nombre 
des troupes , & la continuité de leur 
entretien , même lorsqu'elles font le 
plus inutiles , & qu'on ne les a que 
pour l'ôftentàtion. ' 

LeV.'duHalde (^a) ^t que le com*» 
mêrce intérieur de la Chine eft plus, 
grand que celui de toute l'Europe. Cela 
pourroit être ^ fi notre çonimerce extc- 
riein- n'aucmentoit pas l'intérieur. L'Eu- 
^rope fait Te cotmiierce & la navigation^ 

4tf).Tomc II* pagi 170» .• . , 



Liv. XXL CïtAP. XXL 5^5 

tdes trois autres parties du monde; 
CQmme la France , TAngleterre & la 
Hollande font à peu près la navigatioa 
& le conunerce de l'Europe. 



m 



CHAPITRE XXIL 

!Z7« rîchejjes que FEfpagnc tira de CJh 

mérique. 

SI PEurape Ça) a trouvé tant d'avan- 
tage dans je commerce de PAmé- 
rique , il feroit naturel de croire que 
l'Efpagne en âuroit reçu de plus grands. 
EUe tira du monde nouvellement dé-- 
couvert une quantité d'or & d'argent fi 
pfodigieine , que ce que Ion en avoit 
eu julqu'alors ne pouvpit y être com- 
paré. 

Mais (ce qu'on n'auroit jamais foup- 
içonné) la mifere la fit échouer prefquc 
par-touf, Ffùlippt II qui fuccéda à 
Vkarles'Quim , fut obligé de faire la cé- 
lèbre banqueroute que tout le mondé 
fait; & il n'y a guère jamais eu de 
prince qui ait plus foufFert que lui des 

(tf) Ceci parut il y a plus de vkigtansy dansuii^ 
petit ouvrage manufcnt de T Auteur i qui a été picC-' 
f ue tooc .ioadtt dan» celiù-ct»; 



-354 !*£ l'esprit Î5ES Lois ^ 

murmures y de l'infolence & de Isi 
révolte de Tes troupes tou^urs mal 
.payées. 

Depuis ce temps la monarchie dtf- 
pagne déclina fans ceffe, C'eft qu*il,y 
avoitun vice intérieur & phyfique dans 
la nature de ces richeffçs qui les ren- 
doit vaines ; & ce vice augmenta toua^ 
les jours- 

L'or & l'argent font une rlchefle de 
fidion ou de figne. Ces fignes font 
trës-durables & fe détruifent peu^ 
comme il convient à leur nature. Plus 
ils fe multiplient 9 plus ils perdent de 
leur prix , parce qu'ils repréfentiei^t 
moins de chofes. 

Lors de la conquête du Mexique & 
du Pérou , lesEfpagnols abandonnèrent 
les richeffes naturelles pour avoir de$ 
richeffes de fignes qui s'aviliffoient par 
elles-mêmes. L'or & l'argent étoient 
très-rares en Europe ; & TEfpagne maS^ 
treffe tout-à-coup d'une très -grande 
quantité de ces métaux ^ conçut des 
^fpérances qu'elle n'avoit jamais eues» 
Les richeffes que Ton trouva dans les- 
pays conqub , n'étoient pourtant pas 

troportionnées à celles de leurs mines., 
es Indiens en cachèrent unç partie i 



|.ir, XXT- Chaf. XXir. j^f 

. & dé pltis^ ces peuples^ qui ne fai* 

foient fervir l'or &c Targent qu'à ja 

^ m^gnî^^^ience des temples des dieux &C 

. des palais des rois , ne le cberçhoiept 

'pas avec, la içême. avariée -que nous t 

enfin ils n'avoient pas le fecret de tirçr 

. les^ métaux de toutes les mines ; mais 

feulement de celles dans lefquelles la 

: Réparation fe fait; par le feu ^ ne con* 

: jfip:iffant pas la manière d'employer }e 

^jfnerçure , , ni peut-être le mercure 

'^-la^me. ;r '. ■ ' i ^-^ t 

,; Cepend^t, logent ne laiiTapas 4^ 

.do^ihler înentôt en Europe ; . ce qiiL 

. parut en ce que Je prix de tout ce qui 

s'acheta fut enviroii du double. * 

. lr?sEf{<3ignol$i fouillèrent les mînes^ 

. cr^ujferent les montagnes , inventèrent 

-4^i mg^l^nes pour nrier les eav^x , bn- 

fer le minerai & le féparer; & conune 

11$ fe jauoieptvde la. vie4es Indiens^ 

ils ]es firent travailler fans ménagement». 

' L'argent doubla hieatgt en Europe , Se 

le profit diminua tp\|)purs de moitié 

pour l'EfpagAe, i^vii n*çivpit chaque 

-année qiie la même quantité d'un mi^ 

tzï ç^i étoit devenu la moitié moites 

:. précieux» 

. JiêM h dwhle 4u,tçi^^rar^eQt 



5ç6 De L^ESPitiT des Lots, 

■ doubla encore , & le profit diminua en* 
' core de la moitié. 

Il dimimia même de plus de la irtoi- 
tië : voici commenta 

Pour tirer Tor dès mines , pour M 

donner les préparatîoris requifes , & le 

trahfporter en Europe , il falloit unedé- 

penfe quelconqtie ; je fuppofe qu*elle 

' fût domme i ^ft à 64 : quand Targent 

' fut doublé une fois , & par conféqueRt 

- la moîtié moins précieux- , Ja depcnfe 

fut comme 1 font à 64. Ainfi les flottes 

qui portèrent en Efpàgné la ^nême quan- 

' tité d'or ^ portèrent une chofe qui rcel* 

lement vaîoit la moitié moins, &coû' 

toit la moitié plus# - 

Si Ton fuit la choftf dig douMêment 
^eni doublement, on trouvera h pté- 
' grèffion de la eaufe de Timpuifiancédes 
richeffes de l'Efpa^ne# 

Il y a environ deux- cents^ ans que 

• l'on travaille les mines des Indes. Je 

'fuppofe que' h quantité d'argent qui 

-cft à présent dans k monde <jui'C(»À- 

' merce , Toit à ôeltè; qui étoit ïivanf la# 

couverte , <:6initle 3 1 eft â- 1 ^* c'eft-à- 

' dire , qu'elle ait doublié cinq fois : dans 

deux cents ans encore la même quânfiïé 

(ét^ À celle qui étoJt a^ant^ k 4e€0U- 



Liv. XXI- Gha^. XXîfc 3^7^ 

verte ^ camme.64 eft à I , i^eik^k-^ç , » 
qu'elle d^ubler^i encore, Of à |>réij?nt .- 
cinquante ( a ) quintaux de i pûnérai 
pQiw Tor^ donnent qw^ftfîdpqi.ôf fyc j 
oaces d'or ;.& quand il n'y ^P a que 
deux ,'lé nnowr ne.retirequçife^jfrai^. f 
Pans deu:!^, cents »p$ , àoriqu'ilin/jr en ^ 
aiirja que quatre , Wnminei,ir ;ne tirera , 
auflî que fes frais, Ily aur^ dorjç peu de 
profit à tirer fur Tor. Même raifonne- 
mfînt.fur l'argent.^ excepté que le tra- 
vail des mineç d'argent çft un peu plus 
avantageux que celui, des^niines d'or. . 

Que fi l'oii découvre des mines fi 
abondantes qu'elles, donnent plus de 
profit '•, plus elles feront abondantes , 
plutôt le profit finira^ 

Lqs Portiigais ont trouvé tant d'of 
(B^ dan$ Je Çréfil, qu^il ifi^udr^i nécef- 
lairement.que le ^profit des Efp^gnols 
difninue; bientôt confidérabîepient , &C 
le leur au<fi. ' 

J'ai Qui plufieurs fois déplorer l'aveu^! 

(a) Voyez les vovages de Freiicr. 

(h) Suivant Mitord Anion • TEarope rççoît 4u Qr^ 
fîl toos les ans pour deux millions (lerling çn or , quo 
l'on trouve dans le fable au pied des montagnes , on 
d«ns. le tit des riyieres. Lonque je fis le petiç.pa^: 
vr»ge. dont j'aî patrie dans la première note de ce (^ha« 
pitre, il s^én fatloit bien que les retours du Bréfîl fu(^ 
^n^ un obiet au£Q importaat qu*il Tdft auiottcd'baiit 



jfSr^ I3Ï£'!i^EST>lLrf3î>i^LOJ8, î 

glcment du boHfeil de 0aHf0is I^ qat 
rebuta Chrijhpkc Colomb^ qui lui pro- 
pofoit les Iftdes, En vérité , onfitpeut- 
ctre par imprudence • une chofe bien 
fage. UEfpagne a fait coiràne ce roi in- 
fenfé qui aémanda que tout cequ^iltou- 
cheroit fe conve^rtît en^or, &-qui fut 
obligé de revenir au^; dieim poiU" les 
prier de finir fa mifere* » « 

Les compagnies & les- banques que 
phifieurs nations établirent , achevèrent 
^'avilir Tor & l'argent dans leur qualité 
dç figne : car, par ae nouvelles fiftions, 
ils multiplièrent tellement les ûgnesdes 
denrées , que Tor & l'argent ne firent 
plus cet office qu'en partie , & en de- 
vinrent moins précieux- 

Ainfi le crédit public leur tint Keu de 
urines y Se diminua encore le profit que 
lesEfpagnols tiroient d^ leurs. 

'Il eft vrai que, par le commerce que 
les HoUandois firent dans les Indes 
Orientales , ils donnèrent quelque prix 
à la marchandife des Eû>agnols ; car 
comme ils portèrent de l'argent pour 
troquer contre lès marchandiiès de l'O- 
rient , ils foulagerent en Europe les E^ 
paçnbls d'une partie de leurs denrées 
qui y abondoient trop. 



L 



Lit. XXL Chap. XXir. 359; 

Et ce commerce , qui ne femblé re- 
garder qu'indireftement l'Efpagnc , lui 
€Û avantageux cpmme aux nations mê- 
mes qui le font. 

Par tout ce qui vient d'être dit , 
on peut juger des ordonnances du 
conieil d'Efp^ne , qui défendent d'em- 
ployer Tor & l'argent en dorures & 
autres fiiperfluités ; décret pareil à ce- . 
lui que feroient les Etats de Hollande ,. 
s'ils défendoient la çonfpmmation de 
la cannelle. 

Mon raifonnement ne porte pas fur 
toutes les mines; celles d'Allemagne & 
de Hongrie 5 d'oh l'on ne retire que peu 
de choie au-delà des frais ^ font très- 
utiles. Elles fe trouvent dans l'état prin- 
xtipal , elles y occupent plufieurs mil- 
liers d'honunes qui y confomment les 
/denrées furabondantes ; elles font pro- 
prement une manufaôure du pays. 

Les mines d'Allemagne & de Hon- 
jgrie font valoir la culture des terres; 
& le travail de celles du Mexique & du 
Pérou la détruit. 

Les Indes & l'Efpagne font deux 
puiffances fous un même maître : mais 
les Indes font le principal , l'Efpagne- 

tfçft que raççeifoire. C'eft en vainque. 



j6o Dt L*£SPRIT DES LolS, 

la politique veut ramener le principal à 
Tacceffoire; les Indes attirent toujours 
r£fpagne à elles. 

D'environ cinquante millions de 
marchandifes qui vont toutes les an- 
nées aux Indes ^ TEfpagne ne fournit 
oue deux millions 6c demi : les Indes 
font donc un conunerce de cincpante 
millions 9 & l'Efpagne de deux millions 
& demi. 

Ceft une mauvaife efpece de ri- 
cheffes qu'un tribut d'accident & qui ne 
dépend pas de l'indufti'ié de la nation , 
du nombre de fes habitans ^ ni de la 
culture de fes terres. Le roi jlTEXpagne, 

Îii reçoit de grandes fommes de Ta 
)uane de Cadix , n'eft à cet égard 
qu'im particulier très-riche dans un état 
très-pauvre. Tout fe paffe des étran- 
gers à lui , ians que (ts fujets y pren- 
nent prefque de part : ce commerce 
eft indépendant de la bonne & de fa 
mauvailè fortune de fon royaume. 
. Si quelques provinces dans la Ca/- 
tille lui donnoient une fomme pareille 
à celle de la douane de Cadix ^ fa pvxf' 
fance feroit bien pUis grande : fes f 
cheffes ne pourroient être que l'effeti^ 
«Ues du pays ; ces provinces anime- 

roi^^^ 



tir. Xkr. Chap. XXIL yét 

toîent toutes les autres , & elles fe-^ 
foient toutes enfemble plus en état de 
foutenir les charges refpeâives; au lieu 

d'étt) g^^d t^^fo^ ' ^^ ^^^^^ ^^ Z^^^^ 
peuplé. 

* CHAPITRE XXIIL 

ProblémCm 

CE rt'eft point à moi à prononcer fur 
la queuion , fi TEfpagne ne pou-» 
vant faire le commerce des Indes par 
elle-même , il ne vaudroit pas mieux 

3u'elle le rendît libre aux étrangers. Je 
irai feulement qu'il lui convient de 
mettre à ce commerce le moins d'obfta^ 
clés que fa politique pourra lui permet- 
tre. Quand les marchandifes que les 
diverfes nations portent aux Indes y; 
font chères , les Indes donnent beau- 
coup de leur marchandife , qui eft Tor 
& l'argent , pour peu de marchandifes 
étrangères : le contraire arrive lorfque 
celles-ci font à vil prix. Il feroit peut- 
être utile que ces nations fe nuififfent 
les unes les autres , afin que les mar- 
chandifes qu'elles portent aux Indes y 
luflent toujours à bon marché* Voilà des, 
Tome II. Q 



y 



^6x De l^ésprit des Lois y &c; 

principes qu'il faut examiner^ fans les. 
leparer pourtant des autres confidéra- 
tions ; la fureté des Indes ; Tutiiité d'un e 
douane luiique \ les dangers d'un grand 
changement ; les inconvéniens qu^oa 
prévoit 5^ & qui fouvent font moins dan» 
gereux que ceux qu'on ne peut pas 
prévoir. 



lui du fcconê Foiumû^ 



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