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7" ITT' A
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(E U VR E S
COMPLETES
D £
M. DE MONTESQUIEU
TOM. III.
fontenam la fuiH dc CEfprit dt$ Lois^
E L'ESP RIT
D E $
L O I
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1/ E S P R I T
D E S LOIS.
NOUVELLE EDITION,
Revue ^ corrigic , & confiderabUmcnt
augmentic par tAutmu
TOME T R O I S I E M E.
• • * • ProUm Jini matrt crpatam
Ovid,
*餘 ; 3^*
AUX DEUX. FONTS,
Chez Sanson et Compagni*,
、
V
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3 f JUL
'〕,
Oh u 入 r
XXXXXXXXXXHXXXXX
DBS
LIVRES ET CHAPITRES
Contenus dans ce Ille.* Volume,
LI VRE XIX.
Pes his , dans U rapport qi!dU$ ont aved
ks pnncipts qui formmt tefprit gini-
, red J Us maurs & Us mamms aun6
nation.
Chapitrx L
Ch. IL
Ch. m.
Ch.IV,
Ch.V.
Ch: VI.
Ch. Vn.
D u fujct de C€ Uvre. Pag, Jf
Combien , pour Us meiUturts lo'u ,
il €ft neteffaiji que ks efpria
foitnt priparis, 4
De la tyrannit. J
p ^ui c、Ji que tefptit gen^^
Combien d fam itrt attennf d nc
point changer tefprit general (Tunc
nauan. 7
Quii ne fam fas coniger tout, 9
D" AtkinUns dts Lacidemo^
nuns, ♦
4
»、
? ill,
L--. IX.
Ch. X.
Ch. XL
Ch. XIL
Ch. XIIL
Ch. XIV.
Ch. XV.
Ch. XVI.
Ch. XVIL
Ch. XVIII.
Ch, XX.
Ch. XXL
Ch. XXn.
Cd XX
Ch. XXIV.
Ch. XXV.
jCH. XXVL.
T A B L t
Eff"s dc Vhumur Jociatfe, f
De td ' yaniti & it rorgueil des
nations, * lO
i>u caraSiere des Efpagnols & de
cetui des Chinois, 1 2
Reflexion. i}
Des manures' & des mceurs dans
Vitat defpotiqiu. ibid*
D" manieres che;^ Us Chinois, 1 5
QueU fontles moyens naturds d 參
changer les momrs & ks mani 《-
res d'une natWn, ibid;
Influence du gouvemement domcf^
dque fiir U politiaue. 17
Comment quelques lepjlareurs ont
coflfondu les. principes qui gouver-
nent les hommes. 18
Propriite parncn^rt du gouverne^
ment dt la Chin" 20
€onfequenc€ du ehapitrc precidenK
21
Comment s*efi faktt cent union de
la rcUpon , des his , <ks maurs
des mameres cbcij^ les Chinois,
ExpBcation (Fun puradoxe fur les:
Chinois. • 2 5
Common ks lois doivent itre re-
lauves mix ntoeurs & aux manii^
res. 26
Continuation dk memc fufeu 27
Comment Us lois fidvent Us maurs*
ibid
Continuation du mime fujet, 28
Continuation du mime fujet, 29
Continuathn du mcme Jujet, 3a
DES CHAPItRES. "1
Ch. XXVII. Comment Us lots peuvcnt contti -
buet a former Us momrs , les ma*
nitres & U caraHere d unc nation*
L I V R E X X.
Des lots , dans Ic rapport qu tilts ont
avu It Commerce , conjidiri dans fa
nature 6* fes dijlinclions.
CfiAPITRE I,
Ch. III.
Ch. 111.
Ch. IV.
Ch. V.
Ch. VI.
Ch. VII.
Ch. VIII.
Ch. IX.
Ch. X,
Ch. XI.
Ch. XII.
Ch XIII.
Ch. XIV.
Du commerce, 44
De tcfprit du commerce. 45
De la pauvreti des ptuples, 47
Du commerce dans Us divers gou*
vememens. ibid.
D" peuples qui out fait le com-
merce aeconome. 50
Quelqius effets (Tune grande na-
vigation, 5 1
Efprit de VAng^Utcrrc fur U com-
merce, • 5 a
Comment on 4 g(ni qudquefois
le commerce iiconomie. "
Dtf I txclufion en fait de commerce.
54
EtabUJfement propre au commerce
{Teccmomie. 5 j
Continuation du mime fujct, 56
De la hbeerti de commerce* ibid.
Ce qui detruit cettc liberU, .^7
Des lois du commerce qui empor-
tent la confifcation des marc haw
difes, 58
a iv
Ch. XL
Ch. xn.
Ch. XIIL
Ch. XIV.
- in, Bffm dc fhumtur fotnahfe. ,
'X. Dt U vaniri & de f orgutil dtt ,
nations. ' to
X. Du caraStre dta EJp<^nols Sf dc
cetid desChinois. ix
Xifitxion.^ tj
Des immiires- &• dij maxrs dans
Vital dtffotique, ibid
Dm mamtTts chti^ Us Ckinois. i ;
QutU fiat Us maytns rmmnls dt
_t '-, maurs & Us munit-
nation.
Ch. XX. -、 fxpfi
Ch. XXL , Cmm
lath
res.
Cr XXn. Conm
CmL XXin. Comm
Ch. XXIV. Comb
Ch. XXV.
px. XXVI, Coma
Cm.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch
Ch.
X
XII.
XIIL
XIV.
XV.
XVI.
XVIL
xvm.
XIX.
Ch. XX.
Cb. XXI.
Ch. XXIL
Ch. XXia
DES CHAPITRES.
Du tour dc I'Afrique. j
Carthage & MarjciUe, ic
Isli dc Dilos. Mitkriddtc, ic
Du genie dts Romains pour
marine. i 】
Du gdnie des Romains pour Ic
commerce, iiz
Commerce des Romains avec kr
Barbares, - 1 14
Dir cemmfcc des Romains avec
t Arabic 6» Us Indcs. 115
Du commerce aprcs la deftruiBon
des Romains en Occident. 121
RigUmmt paruculier. "»
Du commerce dcpuis V affoiblijft"
rtHMt des RomMns- en Orient. 12}
Comment Ic commerce fs fit jour em
Europe d travcrs la barbaric^
ibid.
Dkouvern des deux noayeaux
mondes, Eut de CJ&urope a cet
egard, 1 27
Des richeff" qut lEjpagne tim
dt I Ameriqut, 1^%
ProbUmi. 、 13S
令
L I V R E
Dts Ibis , doMS k rapport tpltUts 0ni
av0C tufagc dc Id monmne.
Chapitre I. Mai/on de tufage dc la monnoie^
• ' .139
Ch. IL Dt la mmt it U mamau* i^a
9^
ch, in.
Ch. IV
Ch. V.
Ch. VI,
Ch. VII.
Ch. VIH.
Ch. IX.
Ch. X.
Ch. XI.
Ch. XII.
Ch. XIII.
Ch. XIV.
Ch. XV.
Ch. XVI.
Ch. XVII.
Ch. XVIII.
Ch. XIX.
Ch. XX.
Ch XXL
Ca XXII.
f ABLE
Des monnoies ideaUs, l-^^f
De la quandtt dt I* or 6» dc Var^
gen 卩 ^
Continuation du meme fajet. ibid.
Par quelle raifon le prix de /*//—
fure dimhma de la moitii , Ion'
de la dicouverte des Indes, 14S
Comment le prix des chofes fsf
fixe dans la variation des ri-
chejfes dc Jigne. 147
Continuation du meme fujet, 149
Dt la rarcU relative tor & dd
t argent, - 150
Du change, 151
D" operations que Us Romainjf
firent far /" monnoies. 164
Circonftances dans lefquelUs /"
Remains firent leurs operations
fur la monnoie, 166
Operations fur les monnoies du
temps des Empereurs. 168
Comment le change gene les itats
defpotlques. ' 170
Ufage de quelques pays dltaUc.
Du ficours que Vitat "pent tirer
des banquiers, ibid.
Des denes puhliques. \j%
Du payenunt des dettes publiquesm
, , • ,、 174
Des prets a mteret. ijS
Des ufures niaritimes, 177
Du pret par contrat , & de Vufure
eke 爻 Us Romains. 1 7 S
Continuation du mime fujet, 179
DES CHAPTTRES,
L I V R E XX I
3»
Dcs lois , dans k rapport qiidUs oni
avcc U nombn des habitans.
Chapitrs I.
Ch. II.
Ch. III.
Ch. IV.
Ch. V.
Ch. VI.
Ch. VII.
Ch. VIII.
Ch. IX.
Ch. X.
Ch. XI.
Ch. XII.
Ch, XIII.
Ch. XIV.
Ch. XV.
Ch. XVI.
Ch. XVn. :
D" homms 6f des ammaux , par
rapport d la multipUcatton dt
Uur cfpece, 187
"Des manages. 188
Di la condition des tnfans. 1 89
D" families, 190
DCS divers ordres des fcmmes li-
jndmes. 191
uts bdtards dans Us divers gou"
vernemens.
Du confentement dcs peres au ma^
riag€. ^ 194
Continuation du mime fujet, 195
D" fiUes. 196
Ce qui diterndne au mariagc, ibid.
Di la dureti du gouvcmement, 1 97
Du nombre des filles & dcs gar"
fons dans differcns pays, 198
Des . ports de mtr. 199.
Des produQions de la terre qui
demandent plus ou mows d, horn -
mes, 200
Du nombre des habitant par rap-
port aux arts, 201
Ues vues du lepflateur fur la
' propagatil>n dc I'ejpece. 10 2
De. la Grece & du nombn ie fes
habitans. aoi
直, J
Ch. xvm.
Ch. xdl
Ch. XX.
Ch. XXL
Ch. XXn.
Ch. XXIIL
Ch. XXIV.
Cp. XXV.
Ch. XXVI.
Ch XXVin.
Ch.. XXVin.
Ch. XXIX.
TABLE
De Vitat dcs peapUs avam lei
Romaitu. xo6
Depofndadan de f wavers, ibid.
Qiir Its Romains fureni dans Urn-
necejjiti de fairc des his pour Ax
propagation dc Vefptce, ao^
tjts lois dts Romains fur la pro^-
pagation de tefftcc. 20 S
D« texpofition des cnfans. 223
De tetatdc rmmvcrs aprks la dif^
truBlon dts Romains.
Changtmens arrives at Europ
par rafport au nombrc dcs ka*
bitans. 126
Continuation dm mime fujiU 127
Confcqucnces, aaS
De la hi fain ea France , pour
cncouragcr la propagauan dt
Vefpece, ibid.
Comment on pcut rcmeditr d la
dipopulatioTU 229
D" Bopitaux. 230
L I V R E XXIV.
Des Lois , dans U rapport quelUs ont avee
la religion ctablic dans chaquc pays ,
confidiru dans fcs pratiques & tn clle^
mime.
Chapitre L
Ch* II.
Ch. III.
De/ nlipans jn eincroL 13 )
Paradoxe de Bayic. 134
Que Ic gmvtrtumtnt modiri a» 囀
Ch. IV.
Ch. V.
Ch. VI.
Ch. VIL ,
QisL VIU.
Ch. IX.
Ch. X.
Chu XI.
Ch. XII.
Ch. XUL
Ch. XIV.
Ch. XVL
Ch. XVn.
Ch. XVUL
Ch. XIX.
DES CHAPITRES. xilf
vUni niuux a la religion chH-
tknnc ; & U gouvernement dtf-
podquc , A ia mahomitane. 236
Cbnfiquences du cara(Ure dc la
Upon chriuenne , & dc ctlui dt
la reiipon mahomctane. 23^
Que la religion cath^U^ con^
vlent micux i um monarchic , &
que la vroteflante s*accommodc
fffuux aunt rifuhlique. 259
Autre paradoxc de Baylt, 240
D" his de ptrfeBwn dans la
relipon. 141
Dt t accord des lots dc la morale
av€C "lbs di la nUffon. ^4%
Des Ejfiens,
De la fiBe Stpique.
Dtf U contemplation.
Des penitences,
D« ennus inexpiahUs*
Commeiu la force dt la religion
s'appliquc d ccUc d" his civiUs*
Comment Us lots civiks corrig€n$
quclquefois Us faujf" religions^
Comment Us bis de la nUpm
corrigent Us inconvenUns de I4
conf^tuuan politique, , • 251
Continuation du mime fujet» 25 %
Qmuntnt Us his de la rekpon on$
teffet des lots civUes, 25 5
Que c,efl mains U vcriti, ou U
faujfeti fun dogme qui le rend
uttk ou pcmicitux aux hommts.
M3
ibid
ibid.
、
ChXX.
Ch. XXL
Ch. XXIL
Ch. XXIII.
Ch. XX[V.
Ch. XXV.
Ch. XXVL
TABLE
dans Vitat civil, aue tufagt
tabus que ton en fait. 254.
Continuation du mime fujet. 256
De Id mctempfycoft, 457
Combien il efi dangereux que la
religion infpire de I、 korrmr pour
dcs chafes indiffcrtntes, ii^id*
Des feus, 158
Des lots de religion locaks, 260
Inconvenient du tranfport (Tunc
religion dun fays dans m autrf.
♦ x6i
Conttnuation du mime fujet* 262
LI V R E XXV,
Des his , dans h mpport qiidles ont
avu retablijfement de la religion dc cka -
que pays , &fa police extirUure.
Du fentiment pour la retiglom 164
Du motif lattachement pour Us
diycrfcs religions, i ibjcL
Des Temples. 267
D" Miniftres de la religion. 270
JD" bor/ies que ks Ivis doivtnt
mettre aux ric^effis du clerge, 27 冬
Des monajleres. 274
pu luxe de la. fupeiptlpn. ibid.
Da Pontifical ' 276
P, la toUranot cn fait relipon,
^17
Chapitre I.
Ch. II.
Ch. III.
Ch. IV.
Ch. V,
Ch. VI.
Ch. VII.
Ch. VIII,
Ch. IX.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch.
Ch.
XIII.
XIV.
XV.
DES CH-APITRES;
Continmtion du mime fujet. ibid,
"tf chanpment de rclip^. 278
DCS lois pcnaUs. 279
Trcf humble remontrance aux In-
quifiteurs iTEfpagne & de Por-
ft^d/' , 280
Pourquoi la religion chriuenne eft
fi odieufe au Japon, 284
vc la propagation dc la religio/u
2$;
L I V R E XXVL
Lois , dans Ic rapport qu, tiles do"
vent avoir avec tordrc dts chofcs fur Uf*
qudUsdUs Jlatucnt. ,
Chapitre L
Ch. IL
Ch. IIL
Ch. IV.
Ch. V.
Ch. VL
Ch. VIL
Idee de u Livre. 287
Des lois divines & dcs lois hu-
makes* 288
Des lois civiUs qui font contra"
res d la hi naturtlU, 289
Continuation du mime fujet, 291
Casoh ton pcut jugcr par Us prin;
cipes du droit civile en modifi-
4mt ks principes du droit na-
tural. 29}
Que tordre des fucctJIlons dipend
des principes^ du droit politique
ou civil J 6» non pas des principes
du droit natureL 294
Qu"il nc faut point decider par Ur
prectpus de la relip^^ hrfyu'U
Ch. VIIL
Ch. IX.
Ch. XL
Ch. Xn.
Ch. XilL
Ch. XIV.
Ch. XV.
Ch. XVL
Ch. XVn.
Ch. XVQI.
TABLE
s'agit de la loi naturetk. 297
Quil tic faut pas regier par Us
principes du droit apptUi canoni-
que , Us chef" replies per Us
frinctpes du droit civil. 298
Q^c Us chofes fjii doivent itr《
regUes par Us principes^ du droit
civil y peuvent rarimtnt titre par
Us principes it la religion. 290
Dans quel cos il faut fidvre ut
loi civile qui permet, & non Ui
hide la r/Ugion qui defend. ^0%
Qtiil nt faut point rcgUr Us tribu,
naux bwnains par Us maximes
des tribunaux qui regardent t au-
trc vie, ibicL
Condmaaon du aim fujtu 303
Dans quel cas il faut juivre, A
"fcgard des mariages , us his dt
Ia religion ; fy dans quel cas U
faut fitivre les his civiles, ibicL
Dans fuel cas , dans les maria-
ges tntre pawns , il faut fe re-
gler par its bis de la nature ;
dans ^uels cas an doit fe regUr
par les his civiles. 3 10
Quil nt fim point rigUr par les
frincipes du droit politique , U$
chofts ^ui depending des prin-
cipes du droit civil, 311
Quil nt faut pom$ didder par Us
r^Us du droit civil , quand il
s apt 4k decider par cellos du
droit politique. .315
Contmuation du mime fujet, 315
Quil faut tpcaminfr fi les bis qui
DBS
Cu. XIX.
Ch, XX.
Chl XXL
Cu. XXIL
Gh. XXIIL
Ck. XXV.
CHAPITRES. xvif
paroijftnt fe cantrecUre, fa/u du
mhu drdre, )i6
Qu*il nc fata pas didder par Us'
lois chiles Ut chofcs qui doi 考
vent I'Stre par Us his domefiique"
Qu'il ne faut pas decider par Us
princifts dts lois civiUs , les
chojes qui apparttimunt du droit
des gefu, 5*8
Quil ne faut pas dicid^ far let
lois poGnquts , ks ckofis qui ap"
fardcnnent au droit des gats. 3 19
Jualheureux fort it VYnc^
^u€ lorfytu 9 par quelque
€onftan€€ 、 la lei poEtique ditm^
titat , U faui didder par la log
poUtijue qui k confirv 幾 , /ji^'
devUnt ^uttqtufnt un droit dei^
j^ens, • 3ai
Qu£ Us ri^mens die poUcc joni
<run autre ardrc que Us autrcs
his civiUsk 3 巧
i^'d ne four pas fiuvri Us dif*
poJUions ginifaUs du droit civile
lotJqiiUsajpt dt chofei fttidoi 舊
vent tire joumifes d des regli^'
fardculierts Uri^s de Icur frcptrt^
nature.. 、 yii^
ZVIX)
TABLE
LIVRE XXVIL
Cs. WIQUE. Dc For^tti & des rivolutiom
its his dis Romains fur lei
/ucceffions* 325
LIVRE XXVIIL
Dt forhgine' & its: rholutions i^s Lois
ciyilts cke^ Ics Ftangois^
Chapitre L
Ch. IL
Ch. IIL -
Ctt IV.
Ch. V,'
C», VL
Ch. VIL
C». VIH
Du different caraBert dcs lois d'es
veuples Gcrmains. 349.
Qu6 Us his its barhm'ts furent
、 toutes perfonnelles, 346
Difference capitaie entrt Us lois
jfaliqties & Us lois des Wijigoths
& Bourguiptons 348-
Comment k droit Romain ft j>er^ •
Jit dans k pays du dbmaine des
Francs , 6* fi conferva dans /r
• f^ys du dortiaine des Gcths. 6*
des Sotirguignons. 350?
Continuation du mane fuj<t, 35.5
Comment k dYoit Romain fe con^
ferva dans U domainc des^ Lony^
hards, ibicL
Comr^nt^ te droit Ramam fe per 一
du tn Efpagne. 3^7
Faux capituiairt'*^ 35^
QmmmtUs €odtsiks lois <ks Bop-:
Ch
Ch.
X.
XI.
Cm. m
Cm. Xm.
Ch.
Ch.
Ch.
XVI.
Ch. XVII.
Ch.
Ch.
xvm
Ch.
Ch.
XIX.
XX.
XXI.
XXII.
Ch.
Ch. XXIV.
Ch.
Ch.
XXV.
XXVI
DES CHAPITR£1 xU
bares & 'des capitulaires ft per-
dirent. ibid.
Continuation du meme fujet 361
jiutrts caufes la chute des codes
des lots ides Bar hares , du droit
Romain & des capittilaires * 363
D" coututnes locales ; revolution
des lois des piupks barbares , &
du droit Romain. 264
D '^f ence de la loi Salique ou d"
francs Saliens , cfavec celle des
Francs Ripuaires & des autres
peupUs Barbares. 3^7
Autre difference. 369
Hfiflexion, 370
Dc la preuve par Veau houitlante ,
itablie par la loi fulique. 371
Manure de penfer de nos per"*
37Z
Comment la preuve par U combat
s'etendit ' 376
NouvelU rdifofl de. TouhU des
lois Saliques , des lots Romaines
& d《s Capitulaires, 381
Origins du point- d*honnettr, 385
NouvelU reflexion fur le point-
d'honneuT che^ Us Germams. 387.
D" moeurs relatives aux combats*
388
De la jurifprudence du combat
judiciaire. 3^6
Regies etabUes dans U combat /«-
diciaire, 391
Des bornes que ton mettoit a ?
fa^e du combat judiciaire. ' 393
t)» combat judiciaire entre unc
Ch. XXVIl
Ch. XXVIB.
Ch. XXIX.
Ch. XXX,
Ch. XXXI.
Ch. XXXII.
Ch. XXXm.
Ch. XXXIV.
C XXXV.
c xxxvt
c xxxvn.
c. xxxvni.
C, xxxix*.
CJ. xit,
C. axi..
C XLIII.
C, XLIV.
TABLE
da parties & un dei timoins. 39$
Du Combat judicutire entrt une
partic & un dts pairs du fi"
gneur. Appel dc faux jfigcment.
399
De Vappd da defauu de droit. 406
Epoque du nme de S. Louis^J^y
Nervation Jut ks appds. 41^
Cont'umatUm du mime fujcu ibicL
Continuation du mime fujtt 41,
Continuation du menu JujtL 420
Comnunt la proceJurt devint /i-
cretti, 421
depens. - 423
tXe la pardi puhltque. 4 巧
Comment ks Etablijfhmtns. da 5L
Lends tombcrent dans rouhU. 419
Contmrntian dw minu.fujtt. 43 a.
Cantinuadon du mime fujcu 4 j 5.
Comment on prit Us formes jt^
ikciaires dcs dicritaUs. 437
Flux & reflux de la juridi^SM
ecclifiaffique & de la, juridi^om
Renijfance du droit Sdmain & cr
€n refidta : ckangemini^ dan*,
us trivunaux, 441
Continuation du mimt fiijtL 445
Dela pjcuve par timoins, ^^fy
Dts coutumc^. dt, Ffancu 44^,
fill dela Table du. tr«ifieine Vbhune*.
D E L,E S P R I T
D E S
LOIS.
Tom. IIL
A
D E
r ESP R I T
JO je: s . 3: o X s.
L I V R E XIX.
Dcs lots , dans Ic rapport qiidUs ent avcc
Us principcs ^ui fofmcnt fefprit gene-
ral y les m<zuTS & Us manures tCunc
natioru
CHAPITRE PREMIER,.
Dir fnjtt de cc Uvre,
\^ETTE tnatiere eft d'unc grande itenJue.
Dans cettQi foule d'id^s qui fe prefentent a
moil efpm , je ferai pin's attentif a i'ordre des
chofes qu'aux choles memes. II faut que j*ecarfe
a droite & a gauche , que je perce 、 & que |c
me fafTe jour*
A 2
4 De l'Esprit des Lois
C H A P I T R E II.
Combicn , pour les^eiUcures lois , // eft neceffairt
que Us efprits fo'unt prepares,,
JRiEN ne parut plus infupportable aux Ger-
mains {a) que !e tribunal de Varus. Celui que
Juftuiien ^rigea [bi] chez les Laziens , pour faire
le proc^ au meurtrier de leur Roi leur parut
une chofe horrible & barbare. Mithridate [c\
haranguant centre \H Romains , leur reproche
furtout les formalites {d) de lenr juftice. Les
Parthes ne parent fupporter ce Roi , qui ayant
^te ^leve a Rome, fe rendlt affable \e\ & ac —
ceflible a tout le monde. La liberty meme a
paru infupportable a des peuples qui n^etoient
pas accoutumes a en }ouir. Ceft ainfi qu'un
air pur eft quelquefois nuifibie a ceux. qai ont
v^cu dans des pays mar^cageux.
Un Venitien nomme Balbi , etant au (/)
Pegu , fdt introduit chez le RoL Quand celui-
ci apprit qu,il n*y avoit point de R^i a Ve,
{a^ 11$ coupoient la langue aux aTOcats & difoi«nt :
Vipcn , ccjfc de fi^er. Tacitc. , ,
{b) Agathias , liv. IV.
(0 Jaftin , liv. XXXVIII.
{d) Calumnias litium , ibul.
(«) ? rompti aditus , m}v4 comuas , ignotu FArthis viu
$u:cs ftiova vitia, Tacite.
(/) n en a fait la defcnption en Recueil des
Voyages qui ont fervi A Ittab^iffemem <U £4 con^a«ii§
des Indes, torn, III. part, I. pag 33,
Liv. XIX. Chap. IL f
nlfe , il fit un fi grand ^clat de rire , qu'une
toux le prit, Sc qu'il eut beaucoup de peine a
parler a fes courtifans. Quel eft le l^gislateur
qui pourroit propofer le eouvernement popu 攀
laire a des peuples pareilsr
警 I
C H A P I T R E III.
De la tyrannic.
Il y a deux fortes de tyrannie ; une rielle ,'
qui confifte dans la viplence du gouvernement ;
& une d'opinion , qui fe fait fentir lorfque ceux
qui gouvernent ^tabliiTent des chofes qui cho*
quent la maniere de penfer d'une nation.
Dion dit qu'Augiifte voulut fe faire appeller
Romulus ; mais qu'ayant appris que le peuple
craignoit qu'il ne vGulut fe (aire Roi , il chan -
sea de denein. Les premiers Romains ne vou-
loient point de Roi, parce qu'ils n'en pou-
voient loufFrir la puiflance : les Romains d,alors
ne vouloient >point de Roi; pour n'en point
fouffrir les tnanieres. Car , queique C^far , les
Triumvirs , Augufte , fuflent de v^ritables Rois ,
lis a voient gard6 tout rextiricur de I'^galit^ ,
& leur vie privee contenoit une efpece d'op-
pofition avec le fafte des Rois aalors : &
auand ils ne vouloient point de Roi , cela figni-
fioit qu'ils vouloient garder leurs tnanieres ,
& ne pas prendre celles des peuples d*Afrique
& d'Orient.
Dion [a"] nous dit que le peuple Romain
(a) Liv. LIV. pag. 53*'
A 3
6 Dc lTsput Dis Lmi
etok uxSgDe coctre Ai^^uile , a cwfe cer-
taiges loxs trop dkires qu^ avoit iaitcs : mais
me fi-tot qoli cot £ut rerefiir )e Comedien
Pylade que ks lEzdions avvieiit cfaaffiE de la
Ti'le, k mecootentement cefia. Un pea{de pa-
reil (entoh plus ▼Wrroeot la tyrannie lorfqu*oa
cfeafibit an baladm , qoe ]oxiqu*Qa fan otoiK
foutes «es k>is»
CHAPITRE IV.
Ce qitt ct^ que TcfpTiz ghUrjL
3Plusieurs chofes goirrerneiit les hommes :
le ciiioat , la religion , les lois , les maximes
dn gpuvernement , les exempks des chofes
paflees , les mceurs, les manieres; d'ott il
ibrme un efpiit general qm en rti'ulte.
A mefuie que dans chaque nation une de
ces causes agit avec plus de force , les autres
lui cedent d'auunt. La nature & le clknat do-
sninent prefque feuis fur les Sauvages ; les ma-
nieres goavernent les Qiinois ; les lois tyran-
nlfent le Japon ; les moeurs donnoient autrefois
le toil dans Lacedemone; les maximes du gou-
Ternement & fes m«urs aaciennes le donnoient
lians Romcr
攀
Li V. XDE Cmap. V: f
C H A P I T R E V*
Combicn U faiu ctre atttntif a ne point changer
. tefprit general d^une n^tioru
S'lL y avoit dans k moflde uile nation qui
eiit une humeur fociable , une ouvertute de
coeur , une joie dans la vie , un gout , une fa-
cility a communiquer fcs penfees ; qui fut vive ,
dgreable , enjouee , quelquefbis imprudente f
louvent indifcrete ; & qui eCtt avec cela du
courage , de la g^n^rofite , de la franchi(c , un
certain point d'honneur ; il ne faudroit point
chercher a gener par des lois fes manieres ,
pour ne point gener fes vertns. Si en general
ie cara6^ere eft bon, qu'importe de quelques
defauts qui s*y trouvem ?
On y pburroit contenir 巧 es femmes , ifair^
dei lois pour corriger les moeurs & borner
leur luxe : mais qui fait 6 on xx'y pcrdroit pas
on certain gofit , qui feroit la foiirce des rW
chefles, de la nation , & /une politefle qui at<*
tire chez elle les Strangers ? '
C'eft au I^glslateur a fuivre l'efpr;t de la na«
tion, lorfqu'il n'eft pas cofltraire aux pnncipes
du gouventement ; car nous ne faifons rien de
mieux que ce que nous faifons Iibrement>& en
fuivant notre genie Daturel. 、
Qu'on doftne un, efprit de pidanterie it un6
nation xiaturellement gaie, l*Etat n'y gagnera
rien , ni pour le dedans V ni pour le dehors.
Laiflez- lui faire les chofes frivcJcs ferieufement ,
& gaiement les chofes f^&rieufes.
A4
C H A P I T R E . VI.
Qtf'i/ /:c t pas tout conigen
C^u*ON Aous la'iflfe comme nous, fo mmes,
difoit un Gentilhomme d'une nation qui
fcffemble beaucoup a . celle dont nous venons
de donner line idee. La nature repare tout.
Elle nous a donne une vivacit^ capable d*of-
fenfo , & propre a nous faire manouer a tous
les ^gards ; cette mictne vivacite . eft corrigee
par la politefle quelle nous procure , en nous
mfptiint iu gout pour le monde , & furtout
pour le commerce des femmes. ,
Qu'on nous laiffe tels que nous fommes,
Nos qualit^s indifcretes , jointes \ notre peu
de malice , font que les Ipis qui generoient l,hu-
tneur fociable parmi nous, ne feroient point
convenables.
C H API T R E VII,
Des Athiniens & des Lacidimomens.
Les Athenlens , continuolt ce Gentilhomme »
ctoient un people qui avoit quelque- rapport
avec le notre. Il mettoit de la gaiete dans les
affaires ; tr^iit^de raillerie lui plaifoit fur U
tribune comme fur le theatre, Cette vivaciti
bu'il mettoit dans les conieils , il la portoit
cans Fexecution. Le cara£lere des Laeedemo*-
Effets de Vhumeur fociabk*
IPlus les jpeuples fe communiquent , plus Us
cjiangent aifement de manieres, parce que cha-
can eft plus un fpedacle pour un autre ; on
voit mieux les Gngularites des individus.
cKmat ■ qui fait qu'ime nation aime a fe com-
muniquer , fait aufli qu'elle aime a changer ; Si
ce qui fait qu'une nation aime a changer, fait
auffi qu'elle fe forme le gout.
La fociet^ des femmes gite les moeurs , &
forme le eoiit : Fenvie de plaire plus que les
autres , ^taolit les parures ; & I'envie de plaire
plus que foi-meme ^etablit les modes. Les modes
font un objet important : a force de fe rendre
fefprit ffivole , on augmente fans cefle les braii^
ches de fon commerce (d).
(a) Voycz U fable des abeiUes*
L-《v. XD{, Chap. VI. .9
mens 4toit grave, ferieux, fee , taciturne. On
Q'aaroit pas plus tire parti d*un Ath^nien en
Vennuyant , que d'un Lac^demonien en le di 翁
vertiilant. '
E
R
T
p
A
H
c
on A P I T R E IX.
/>< la vanite & de Forpuil des [nations*
JLj a vanit^ eft un aufli bon reitort pour on
gouvernement , que Forgueil en eft un dange-
reux. II n'y a pour cela qu'a fe reprdfenter , d'un
cot^ , les biens fans nombre qui refultent de la
vanite ^ de M le luxe , Vinduftrie , les arts , les
Anodes , la politefle , le gout : & d'un autre cote ,
ks maux infinis qui nallient de rorgueil cer-
taines nations ; la parefTe , la pauvrete , l,aban-
don de tout , la deftruflion dcs nations que le
hafard a fait tomber entre kurs mains , & de la
leur m^me. La parcflc [a] eft l,effet de rorgueil;
le travail eft une fuite de la vaniti^ : L'oreueil d'ud
Efpa^nol le portera k ne pas ttavailler; la vanit^
d'un Francois le portera k favoir travailler mieux
i}ae les autres.
Toute nation parefleufe eft grave ; car ceax <pn
tie travaillent pas , fe regardent cojnme fouverains
(de C€ux qui travaill^t.
Examinez toutes les nations ; & vous verrez
(4) Les jpeuples qui fuivent le Kan de Malacambsr $
ceux de Carnataca & de Coromandel , font des peu*
pies orgueilleux & pareiTcux ; confomment pen ,
parce qu'tls font miC^rables ! au lieu aue les Mogols
& les peuplei de llndoftan s'occupent 01 iouiifent des
Sommodit^s de la vie , comme les Europ^ens. Rccucil
ts voyages qui ont fttvi h. l^dtablijj'mcnt di la tomgOr
gnU da ittdc*. Tom. L pag. '
1,1V. XIX. Chap. IX. if
qne , clans la plupart , la gravite , Forgueil & la
pareiTe marchent du meme pas.
Les peuples d'Achim {b) font fiers & pareiTeux:
ceux qui n'ont point cl'efclaves en louent un , ne
fut-ce que pour faire cent pas , & porter deiur
pintes de riz ; ils fe croiroient d^shonoris s'ils les
portoieot eux-mSmes.
II y a plufieurs endroits de la terrfe ou Ion fe
lailEe croitrc les ongles , pour inarqaer que Von ne
travaille point*
Les iemmes des Indes (c) croient qu'il eft
honteux pour elles d'apprendre a lire : c'eft
f a£faire , difent- elles, des efclaves qai chantent
des cantiques dans les pagodes. Dans une cafte ,
elles ne filent point ; dans une autre , elies ne
font que des pankrs & des nattes , elles ne doi-
vent pas m^rae piler le riz ; dans d'antres , U ne
faut pas qu'elles aillent qnerir de I'eau. L'orgueil
y a etabli fes regies il les fait fi»vre. II n'eft
pas n^ceflaire de dire que les qualit^s morales
>ont des effets differens , felon qu'elles font
unies a d*autres : ainfi I'orgueil , joint a une
Tafte ambition , a !a grandeur des td^es , &c
produifit chez les Ronukis les effets qpe ron
lait.
H) Voyez Dsimpierre', t6in. III.
(e) Lettres e4if. <iottzieiiie cccucil » p. ^
n .De E'EsmrT des Lois ;
C H A P I T R E X.
Dtf carafe des EfpagnoU & dt celui des Chinoism
es divers cara£leres des nations font tneMs
de vertus & de vices , de bonnes & de mauvaifes
qualites. Les heureux melanges font ceux dont il
r^fulte de grands biens , & fouvent on ne les
foup^onneroit pas ; il y en a dont il refulte de
grands maux , & qu'on ne foup90imeroit pas
non plus.
La bonne foi des Efpagnols a iti fameufe dans
tous les temps. JuJUn {a) nous parle de leur
fid^Ute a garder les depots ; ils ont fouvent fou&-
fert la mort pour le$ ^enir fecrets. Cette fid^liti
qu'ils avoient autrefois , ils ront . encore aujour-
ahui. Tcqtes les pations qui commercent a Ca--
dix , confient leur fortune aixx £fpaghols ^ elles
ne s'en font jamais repenties. Mais cette qua*
lite admiraj>le , Jointe a leur parefle , forme un
melange dont il refulte des effets qui leur font
pernicieux : les peuples de PEurope font fous
leurs yeux tout le commerce de leur tnonar-
chie.
Le caradere des Chinois forme un autre
iDelange , qui eft en contrafte avec le caradere
des Elpagnols. Leur vie precaire (f) fait qu*iis
ont une aftivit6 prodigieufe ,& un defir fi ex-
(a) Liv. XUl}. ,
(h) Par h natuie du clunat 8c du terreini
Liv. XIX. Chap. X. 13
eeffif dii eain , (^u*aiKune nation cotntner^nte
ne peut le fier a eux [c]. Cette infidelk^ ' re*
co^nue leur a conferv6 le commerce du Japon ;
aucun n^gociant d*Europe n'a ofe entreprendre
de le faire fous. leur nom , quelque facility qu*il
y eut eu a rentreprendre par leurs provinces
maritimes du nord.
CHAP I T R E XL
Reflexion.
y £ n*ai point dit ceci pour diminuer rien de la
diftance infinie qu*il y a entre les vices & les
vcitus : a Dieu ne plaife I J'ai feulement voulu
faire compre*ndre que tous les vices politiques
ne font pas des vices moraux , & que tous les
vices moraux ne font pas des vices politiques ;
& c'eft ce que ne doivent point i^norer ceux
qui font des lois. qui choquent I'efpm general.
c== . ' 颺 ai
C H A P I T R E XII.
Des manlcres & des mmrs dans Titat ^efpotlquc*
C'est line maxime capitate , qu'il ne (aut )a«
roais changer les moeurs & les manieres dans
V6tat defpotique ; rien ne feroit plus prompte-
義 ■ f I I n
10 Lc ?. du Halde, tom/IL
14 De L*EsMliT DCS Lois ;
snest fiBvi d'une revolution. Ccft que dans cet
ctats U n'y a point de lois , pour ainfi dire ;
il n*y a que des moeurs & des manieres : & fi
vous renverfez cda , vous reaverfez tout.
Les lois font ^tablies, Ics moeurs font infpi<*
lies ; ceUes-ci tiennent plus a refprit general ,
celles-la tiennent plus a une inftitution particu-
liere : or il eft auiu dangerenx, & plus, de ren -
Tcrfcr I'cfprit g^niral , que de chaoger une infti -
tution parucuUere.
Oa fe communique moins dans les pays oik
cbaom, & comme fuperieur & comme infe-
rieur , exerce •& fouffire un pouvoir arbitraire ,
que-cbns ceux ou la liberte regne dans toutes les
conditions. On y change done moins de ma-
nieres & de moeurs ; les manieres plus fixes
approchent plus des lois ; ainfi il (aut qu'un
Prince ou un legiflateur y cheque moins les
fnoeur$ & les manieres qye dans aucun pay$ du
fnonde.
Les femmes y font ordlnairement enfertnees ,
& n'ont point de ton a donner. Dans les autres
pays oil eUss vivent avec les hommes , I'envie
qu^Ues ont de pla'ire ,& le defir que l,on a de
)eur plair^ au0i , fpnf que Ton change continuel-
lement de maniefes. Les deux fexes fe eatent ,
ils perdent ruo & Fautre leur qualit^ diuin^ye
& eiTentielle ; il fe met un arbitraire dans ee qui
etoit abiblu, & les manieres chaogent tous le$
|Ours* 、
t IV. XIX. Chap. Xffl
C H A P I T R E XML
Dcs manures che^ Its Chinou.
JLiyL Ais c*cft a la Chine que les^mameres font
indeftru^tibles. Outre que les femmes y font ab«
folument (epardes- des hommes , on enfeigne
dans les e coles les manieres comme les moeurs.
On connoit un l^ttr^ (a) a la fa^on aifte dont
il fait la reverence. Ces cho fes une fois donnees
en pr^ceptes & par de graves dodeurs , s'y
fixent comme des prinQpe$ de morale • & ne
changent plus.
CH AP IT R E XIV.
Quds font Us moyens naturals de changer kf
maurs Us mapun^ £mt natioru
ous avons dit que les lois itoient des inf -
titudons particuUeres & pr^cifes du l^giflateur »
& ies mosurs & les manieres des inflitucions de
la nation en gi^n^raK De )a il fuit que , lorf-
que Von veut changer les moeurs' & les manie 一
res » il he faut pasj^tiiu^hanger par les lois ;
cela paroitroit trop tyrannique ; il vaut mieux
les changer par d'autres ipoeur$ & d'autres tnn,
nieres, ' ,
(4)<Ut lc P. du mdt.
v6 De l'Esprit des Lois ,
' Ainfi , lorfqu'ttA Prince vm. iaice^de flcaocb
changemens dans fa nation , il faut qu'il relorme
par les lob ce ()ui eft '^t^li ptr fes iois , & qu'il
change par les manieres ce qui eft ^tabli par les
manieres : & c'eft une tr^s mauvaife politique , de
changer par les IcAjs ce qui doit etre change par
les manieres.
La loi qui oUigeoit les Moicovites a fe faire
couper la barbe & l^s habits , &, la. violence -de
Pierre I, qui faifoit tailler pCqu'awx. genpux los
iongues rob^s de ceux qvi. »entroient xlans. les
villes , etoient tyranniques. D y ^ des moyens
pour empScher les crimes , ce font les peines : U
y en a pour (aire changer les manieres , ce font
Us cxemples.
La facility & la promptitude avec labuelle
Cftte nation ' . p ol kfe , ^ l^ieo. montre .gue
ce Prince avoit trop mauvaife opinion d'eile ;
& que ces peuples n*eibieiit {>asdfi$l>£tes, comme
il ie difoit. Les moyens violens qu,il employa
Etoient inutiles ; il feroit arrir^ tout de tneine i
fon but par la douceur.
II iprouva lui-meme la facility de ces chan-
gemens. Les femmes etpient renferm^es ^ &c en
quelque fa^on efdaves ; il les app^Ha a la cour ;,
il les fit habiller a rAllemahde , il leur envoyoit
des ecoffes. Ce fexe eouta d'abord une fagod
de yivre qui flattoit fi tort fon gout , fa yanite &-
fes pafSons , & la fit Eouier aux homines.
(Je qui rendit le"'cnangenknt plus aifS , 'c*eft
que les moeurs a*aIors itoient etrangeres au cli 一
mat ^ & y avoient ^te apporiees par le melange
des nations & par les conquetes. Pierre I.' don-
nant les masurs &ies manieres tie •I'F.ni opc. a
une nation d'Europe , trouva des faciiites qu'il
n'attendoit pas lui-mlmi* L'emptre da cfimat
Li V, XIX. Chap, XIV. 17
eft le premier de tous le^ empires. II nlavoit
done pashefoin de lois pour changer les moeun
& les manieres de fa nation ; il lui eut fuffi d'inf-
pirer d'autres moeurs & d*autres manieres.
En general , les peuples font' tres attaches a
leurs coutumes ; les leur oter violemtnent , c,eft
les rendre malheureux : il ne faut done psls les
changer, mais les engager a les changer eux-
memes.
Toute peine qui ne derive pas de la neceilit^
eft tyrannique. La loi n'eft pas un pur ade de
puiflance ; les chofes indifTerentes par leur nature
ne font pas de fon reffort.
CHAPITRE XV.
Influence du gouvemement domefiique fur U
、 politique,
(> t chaneement des moeurs des fetnmes in*
fluera fans ooute beaucoup dans le gouverne-
ment de Mbfcovie. Tout eft cxtrlmement li6 :
le defpotifme du Prince s'umt natureUement
avec la fervitude des femmes ; la Hberti det
femmes avec refprit de kt snonarchie.
B
t& De l'Estrit des Lois;
t
C H A P I T R E XVI.
Comment quctques UpJtAteurs ont conf&ndu ksfrm^
cipcs qui gouvcraent Us hwmcs.
£s moeurs & les manieres fentdes u^es que
ks lots n'ont poii^t itiablis , ou n*oat pas pa , ou
n'ontpas-TOUui ^tablir* '
II y a cette (Hfference entre les lois & les
moeurs , qas ks lois regient plus les»a^ons du-
dtoyen , & que hs moeurs reeWnt plu» le» actions
de lliomme. U y a cette difference entfe les
moeurs & ie& manieres , aueles pcemieres regar—
dent plus la condsite interieure » les antces Fex—
tirfeurev
Que]que(bis , dans un> tt^ , ces chofes (a) fe
confondent. Lycurgue fit un meme code pour
les leis , les imeuts & les manieres ;. 6c les le*
giflateurs de h Chine en firent de. meme.
II- ne iaotpaS' etre ^nn^ fi les- legj^ateurs de
Lac^d^tnone & de la Chine confbndirent les lois ,
les morurs & les manieres r c'eft gue les moeurs
r^prefenteatles lok , & les manieres regrefemeiu
les moeurs.
Les l^iitateurs de la Ch^ne avoient pour
principal objet de faire vivre kur peuple traiv*
quille. Us youlurent que fes homines fe refpee"
tt ' ' ' ■ I II, II ■ 固 ■ i| a
(4) Mo'ife ftx tm m^me corfe pour fes Xoh & la jw^^
trgion. Les premiers Rom^ins CQDibAdirest les €oaiy^
Liv. XIX. Cha,.XVL If
鳙 (Tent bcaucoup ; que chacun fentit a torn let
itiftans qu'ii devoit beaiicoup aux autres , qu'il
n*y avoit point de citoyen qui ne dependit
quelqu'egard d'un autre citoyen : lis donnerent
done aux regies de la civUit^ la plus grasde
Vendue.
Aind , chez les peoples Gunois , on vit k 霧
gens {h) de viUage obfervcr entr'eux des ciri"
monies <otnme les gens d*une condition rele-
vee : moyen tris propre a infpirer la douceur ^
a nudntenir parmi le peuple la p«x & le bon
ordre, & a oter tous les vices qui viennent d'un
elprit dur. En effet , s'atfranchir des regln^de la
civxHe^ , n'eft-Ce pas chercher le moyen de met-
tre fes d^faats plus i F^fe )
La civilite vaut mieui a cet ^ard que la po*
fiteffe. La politefTe flatte les vices des autres , &
la civilit^ nous empeche de mettre les notres aa
joiir : c'eft line barricre que ks- homines met*
lent entr'eux pour s'empecher de fe corronipre.
Lycurgue , dont les iimitutions ito'ient dures »
n'eut point la civiliti pour objet lorfmi'il forma
les man'ieres ; il eut en vue cet efprit belliqueux
qu'il vouloit donner a fon peuple. Des gens tou-
}ours corrigeans , ou toujours coniges , qui iirf*
truifoient toujours , & itoient toujours inAruits ,
^aleiaent fioiples & rigidcs , exer9dieiit plu-
t6t ehtr'eux des vertus quUs n'avoient des
(igards.
(h) Voyei le Pere Hald«. . .
' De l'Esprit DCS Lois
CHAP I THE XV IL
Propriiti particuUcrc du gouvemement dt Lt Chine;
ES ligiflateurs de fa Chine fireiit phis (tf) :
kls confondirent la religion , ks lois , les tnoeurs
& les manieres ; tout tela fat k morak , tout cela
fut la vertu. Les preceptes qui regardoient ce*
quatre points , (brent ce que ron appella les
rites Ce fut dans robfcrvation exa£^e de ces rites ,
que le gouvernement Chinois triompha. On
pafTa toute fa jeunefle a ks apprendre , toute fa
vie a les pratiquer. Les letups les enfeignerent ,
les magiurats les precherent. £t comme ils
enveloppoient toutes les petltes actions de ]a
vie , lonqu'on trouva k mojen de les falre
cbferver exatlement , la Chine fiit bien gou-
vernee.
Deux chofes ont pu aifcmem graver tes rites
dans le coeur & I'efprit des Chinois; I'une , leur
mani^re d'^crire extremement eompofte , qui a
fait que , pendant une tres grande partie de la vie ,
Fefpm a iti imiquement (I) occupe de ces rites ,
parce qu*il a fallu apprendre a fire dans les livr^s
& pour les livres qui les contenoient; Tautre , que
les pr^ceptes des rites n*aya]it rien de fpirttuel ,
mais fimplement des regies d*une pratique com 一
(tf) Voyez les livres clafBques dont le P. da Hald,
nous a donn^ de (i beaux morceaax,
(b) Ceft ce qua a ^ttbli K^mulation , Ift fuite de V»
f vet 豸 , & Veftune pour te (avotr»
Liv. XIX; Chap. XVII, ai
nt me , U eft dIus aii<^ d'en convaincrc & d'eoi
frapper les eiprits , que d'une chofe ihteUec 翁
tuelle. , '、
Les Princes qui , au lieu de gouverner par le»
rites , gouvernerent par la force des fupplices »
voulurent faire faire aux fuppfices ce qui n'efk
pas dans leur pouvoir , qui eft de donner des
inoeurs. Les fupplices retrancheront bien de la
fociet^ un citoyen qui , ay ant. perdu fes mceurs ,
viole les lois : mats tout le monde a perdu fes
inoenrs , les r^tabliront-ils } Les &pplices arrete-'
rent bien plufieurs confequence$ dn ma] general ,
matsils ne corrigeront pas ce mal. Auffi quand on
abandonna les principes da gouvernement Chi -
nois , quand • 】a morale y fut perdue , r^at
tomba-t-il dans ranarchie ,& oa vit des revo-
lutions.
C H A P I T R E XVIIl.
• Confiquencc du chofitrt frccidtnu
3[ L r^fulte de la qiie la Chine ne perd poi»t
fes ibis par la conqu^te. Les manieres , fes
mceurs , l^s lois, la religion y 6tant la meme
chofe , on ne peut changer toirt cela a la fpis^
Et comme il faut que le vainqueur ou ie vaihcu
changent , il a toujours falhi a la Chine que ce fut
le vamqueur ; car fes moeurs n'etant point fes
manieres , fes manieres fes lob , fes lois fa reK-
gion, il a kxk plus aifeii^u'il fe pHat peu a peu
au peuple vaincu , que le peuple vaincu a^lui.
II fuit encore de-la une chofs bien trifte :
c'eft qu*il n'eft prefque pas poilible que le Chrif-
0% De l*Esfrit dis Lois;
1\zmftn€ s*^abli(re jamais k b CMne {a\ Let
▼ceux de vtrginitifc , les aiTembl^ des fetnnies
dans les £^li(es , leur communication n^cefTaire
avec les miniftres de la religon , leur participation
aux facremens , la confeUioii auriculaire , l,ex -
trimei-on&ion , le manage d'une feule femine ;
tout cela reaverfe les moeurs & les manieres da
pays , & frappe encore du mime coup fur la reli-
gion & fur les lois.
La religion chr^tienne, par I'^tabHflement de
h charitiy par un cidte public , |>ar la participation
aux mimes facremens, femble demander que
tout s'uniiTe : les rites des Ghinois femblentordon*
' ner que tout fe ftpare. 、 、
£t cotnme on *a vu que cette ftparation (0
tient en ginitsl k refprit du defpotifme , on
trouvera dans ceci une des raifons qui font que
k gouverncment monarchique & tout eouverne-
fUent modire s'allient mieux [c] avec fa religion
chr^denne.
(tf) Voyez les raifons donn^es par Tes niagiftrats
Chinois* dans les <i^rets par lefquels ils profcrivcne
!• religion chr^tienne. Ltttris idif, dix-ftp$ieme ncutil^
{h) Voyez le liv. IV. chap ui \ 8c le Uv. XIX. ^
cliap. XII
if) Voyw ci-apris le liv* XXIV. ch. in.
Liv. XIX. Chap, XVm. 2|
,C H A P I T R E XIX.
Comment s'eft faiti cette wuon dt la reRgion , dijf , -
Icisg its maun & d" mamcns cht^ ks
L IS lej^ifiateors de k Chine etirent pear prln 二
cipal ob)et du gouvernement la tranoiiHIit^ de
FEmpire. La fuborctinatk>n leur parut W moyen
k plos propre k la matntenir. Dans cette id^e ,
lis crurent devoir tnfptrer le refpel^ pour les
peres , & ils raffemblerent touces leurs forces pouc
cela. Us itablirent ime infinh^ rrtes & de
ceremonies , pour les honorer pendant leur vie
& aprb kor nort. II iton isipoflible de tant
honarer ks peres snorts , fans etre portd a les
honorer vivans. Les t^rimonies pour les peres
mom avoiem plus de rapport a la telijgion ;
ceUes pour les peres virans avoient pms da
fapport aux lob , aux moeurs & aux manieres j
snais ce n'ctoit que ks parties d*un xneme code,
& ce code etoit tres ^cen&.
Le refpcd pour- les peres etoit n^ceffairement
Be avec tout ce qui teprtfentoit les peres, les
vieilkrrd* , les. maitres > ks magifirats , rEmpe-
leur. Ce refpeS pour les peres fuppofoit uit
yetour d'atnour pour les enfans ; & par confe-
i]iient le metne retour des vieilhirds aux j;eunes
geJiS y des magiftrats a ceux qui kuf ^toient fou-
wks , de rcmpereur a fes fu^ets. Tout cela for 一
moit fes rites ^ & ces rites fefptit g^niral dc k»
%4 De t'EspftiT Dss Lois- '
On va fentir le rapport que peuv'ent avoir ^
arec la conilitmion fandatnemale de la Chine,
les chofes qui paroiflent ies plus indifferentes»
Cet Empire eu form^ fur Ka6e du gouverne-
ment d'une famille. Si vous dimihuez Fautoriti
paternelle , ou m^nie fi vous retranchez les cere-
monies qui exprimenl le refpeft qne Fon a pour
elle , vbas aflFoiblifTez le refpe^l pour les magif-
trats qu'on regards comme des peres ; les magif-
trats n'auront plus le meme foin pour les peu-
pks qu'ils doivent confiderer comme des enfans ;
. ce rapporf d'amour qui eft entre le Prmce &L
les fujets, fe perdra aufli peu a peu. Retranchex
une de ces pratiques , & vous ebranlez l*^tat.
II eft fort indifferent en fai , que tons les ma-
tins une belle- fille fe leve pour aller resdre tels &
teis devoirs a fa belle-mere : mass fi I'on lait atten,
tion que ces pratiques extdrieurcs rappelknt
fans ceiFe a -un fentiment qu*i} eft neceffaire
d'imprinier dans tous les coeurs , & qui va de
tous les coeurs former refprit qui gourerne
FEmpire , Von verra qu'ii eft n6ceffaire qu'une
telle ou une telle adion particuliei-e fe fafe.
Chap.
Liv. XVI. Chaf. xn, M
C H A P I T R E XX、
E^xpUcadon d*un paradoxe fur Us Chinois.
C £ qu*il y a de fingalier , c'eft aue les Chinois ;
* -dont la vie eft end^rement dirkee par les ri|e$ ,
font neaninoinsle peupl$ le plas fourbe &t la
terre. Cela paroit furtout dans le commerce ,
•qui n,a jamais pu leur infpirer la bonne foi qui
lui eft naturelle. Celui qui achete doit por^r (a)
fa propre balance ; chaque marchand en ayant
trois , one forte pour acheter , une 16gere pour
.vendre , & une jufte pour ceux qui font fur leurs
gardes. Je <:rois pouvoii; expliquer cette contra-
ci^on. ' • rr.
: Les l^giflateiffs de la Chine ont^eu deux bb-
|ets: lis ant voulu que le peuple f&t founits- & tran-
iquille ; & qu'il £at laboFieux .6c induftrkux. Par la
nature du climat & du terreln , ii a une vie pre-
calre ; on ri*y eft affund de £a vie'qu'a force d'in-
^uftrie & de travail.
Qc^and tout le monde ob£it^ & que tout le
monpde travaille , I'^tat eft dans une heureufe
£tuation. Cell la neceflit^ , & peut-etre la na-
ture du dimat , qui.ont donn^ a tousles Chinois
aine avidite inconcevabk pour le gain ; & les
iois .n'ont pas fong^ a rarreter. Tout a ^tc d6-
£sndu , quand il a iti queftion d'^qu^rir par
violence ; tout a " permis , quand il s'eft agi
{a) Journal de Lange en 1721 & lyii ; torn. VUI*^
lies Voyages du nord » pag. 365,
Tome III. C
^6 D£ l'EsPRIT DBS LoiS ; ^
dTobtenir par artifice ou par induftrie/ Ne com*
Sarons done pas la morale des Chinois avec celle
e TEurope, Qucun a la Chine a du etre atten —
ftfa ce qui lid 6toit ptile: ft fripon a veilli
a fes interets , ceiui aui e{l dupe devoit pen —
fer ^WL fienSp A Lgced^mone , il ^toit per-
mis de vol 伊 ; a U Chine , il eft permis 4e
tipmper. -
CHAPITRE XXI.
Comment Us kis doivM"trf nlativcs aux mcturs
&. jOUX mamcreu
Jl n*y « cpie des institutions fingnlieres aui
confondent ainfi des chofes natureUement fe-
par^es, les tois , les moeurs & ies manieres ;
miis quoiqtt'elles foient £^paries , elles ne hdf;
(tnt pas d'avoir entr*elles de grands rappprts.
On demanda a Solon, fi les lpi$ qu'il avoit
donnees aux Ath^niens ^toient les meilleures^
« Je leur ai donn£ , r4pondit-il , l^s meiUeures d«
» celled qu*tls pouvoient fouffrir.» : belle parole ,
Jul devroit etre entendue 4c tons \t% l^eiuateurs.
^uand la fag^flfe diyis^e dit peupie iuif : a
n vous ai dpnn^ 4^$ jpr^ceptes qqi ne font pas
,, bons ,, , c^la ifgniQe qu'ils n'avoient qu*une
boiite relatiye;^ ce qui e(l Feponge de touted
les difficult" c|M<sT0ii peut iaire fur U$ \w ds
^ I.V. XiX. C H A,. XXfl. %g
、 CHAPITRE XXIL-
Cmunuauan du menu fujtu
^^ •UAND tin people a de bonnes tnceurr, \m
lois devieiment iiinples. PLu&n \a\ dtt que Ra -
diamante ^ qui gouvcrnoit un people extn^me-
ment religicux , expediott tous les proems av€c
ciXknxi^ aeferant feuleoient Ift fermeot fur cha-
que chef. Mais, dit le tneme Plaion (i) , 平 and
tin peuple n'eft pas religieux , on ne peut {aire
tifage du ferment que dans les occafions ce*
lui qui jure eft fans int6f£t, comme un |uge & de$
timoins.
CHAPITRE XXIIL
Comment les lois fidvtiu les mmurs*
3D ANS le temps que les tmeun de$ Romaiits
^toient pures , ii n'y avoit point de loi particu-*
liere centre ie p^culat. Quand ce crime com*
men^a a paroltre , il fut trouv^ iafame , que
d'etre condamn^ 1 reftituer {a) ce qu*on a^oit
pris, £it regard^ comme une grande peine; te-
fnoiA le jugement de L Scipuon [A〗《
a) Des lots , IW. XIL
h) Ibid.
a) In.fimplum,
L
De l'Esprit des Lois J
€ H A P I T R E XXIV.
CojiHrmation du meme fujet.
E s lob qui donnent la" tutelle k la mere;
ont plus d'attention a la confervation de la per-
fonne du pupille ; celles qui la donnent au plus
proche h^ritier ont plus a'attention a la confer-
•vation des bien# Chez les peuples dont les
moeurs font corrompues , U vaut mieux don-
ner la tutelle a la mere. Chez ceux ou les lois
doivent avoir de la confiance dans les moeurs
des cltoyens , on docne la tutelle a I'h^ritier
des biens , ou a la mere, & quelqu^fois a tons
les deux.
Si ron r^flechit fur les lois Romaines , oh
trouvera que leur efpnt eft conforme k ce que
je dis. Dans le temps ou I'on fit la loi des douze
tables , les moeurs a Rome etoiefit admlrables.
On defira la tutelle au plus proche parent da
pupille , penfant que celui-la devoit avoir la
charge de la tutelle , qui pouvoit avoir ravan-
tage de la fucceffion. On ne crut point la vie
du pupille en danger , quoiqu'elle fut mife entre
les mains de celui a qui fa mort devoit etre utile.
Mais lorfque les moeurs changerent a Rome , on
vit les Ugiflateurs changer auffi de fa^on de
penfer. Si dans la fubflitution pupillaire, difent
Caius [a] & Jujlinien (b) , le teuateur craint que
(a) Inft. liv. II. tit. 6. §. 2 ; la compilation d'Ozel,
k Leyde , 1658. %
(b) Inftitut. Uy. II. de pupil, /uhJUt, §. 5.
L I V. XVII. Chap. X X.V. 19
le fubftitu^ ne . drefle des ecnbuches .au pupille,
il peut laiiler a decouvert la fubflitudon vul-
gaire (c) , & mettre la pupillaire' dans une par-
tie du teflament qu,on ne (Sourra ouvrir qu'a-
pres un certain temps. Voila des craintes &
des precautions inconnues aux premiers Ro,
mains.
•
• 'II - m I
C H A P I T R E XXV.
ft
Continuation -du meme fujtu
T 》 ,
JLja loi ^Roxnaine donnoit la liberte de fe
faire des dons ayant le manage ; apres le ixia*
nags elk ne le permettoit plus, Cela etoit
fondi fur 】es moeurs des Romains , qui n'^toient
port^s au mariage que par la frugalite , la fim-
plicite & la modeme ; mais qui pouvoient fe
kiiTer feduire par les foins^ domeftiques ^ les
complaifances & le bonheur de toute une ' vie.
La loi des Wifigoths vouloit que repeux
ne put donner a celle qu il devoit (^poufer , au-
dela du dixie me de fes biens , & qu'il ne put
lui rien donner la premiere annee de fon ma-
nage. Cela venoit encore des moeurs du pays,
Les legislateurs vouloient arreter cette jadance
Efpagnole , uniquement port^e a faire des li-
beralites exceflives dans une attion d'eclat.
{c) La fub^litution vulgaire eft : Si un tel ne prend
- pas I'Mc^ditd , je lui fubftitue , &c. La pupillaire :
,2»i untel meurt avant fa pubert^ , je lui fub(Utu€,&c-
(«) Liv.Ili, tit.i.g.y.
C 3
30 De L,£sraiT Dis Lois;
Les Romans , par kurs lots, arreterent quel-
ifues incony^niens de Vtmpnt du tnonde le
f^us durable 9 em eft relui de la vcrtu t les Ef-
pagnob , par les leurs , YOuMent empecher les
snauvais eSets de h tyrannie du monde piufr
fragile, qui eft cette de la beauti.
C H A P I T R E XXVL
totUMuathn du mime Cu'jtu :
La loi \d\ de Thiodofe & Vakntlnien tim
)es caufes de repudiation des anclennes meBurs (巧
& des manieres des Romains. Elle mit au^nom-
lire de ces cau(e$ I'aflion d'un niari (c) qui
chatieroit fa femme ^*une maniere indlgnt
d'tme perfonne ingenue. Cette caufe fat omife
dans les lois fuivantes \d\ : c'cft que les tnoeun
aToient change \ #et egard ; les uiases d'Orient
avdient pris la place de ceux oEurope. Le
prem'er eunuque de rimperatrice , femme
Jiiftinien II. , la mena^a , dit rhiftoire , de ce
chatiment dont on punit les enfans dans les
^coles. II n*y a que des moeurs Stabiles ou des
moeurs qui cherchent a $, 荟 tablir, qui puiffent
fxire imaginer une pareiBe chofe.
Et de U lot des douze tables , Voyex Gc^on^
fiK'onde Phi'ippique.
(c) Si vcrherihis, ftic iugcauis atUM4 Jknt $ afiut/C
m prohaimrii.
Djuh U aovelte ",, ch, kcr»
Liv. XIX. Chap. JOCVI. ji
Noils avons Ytt comment les lois Advent le»
inoeurs : yoyons k pf6fent comment les moeurs
fiulreiit fti iois.
C H A P I f R E XXVIl
Comment Us his peuveat eanmbua a fotmir Us
mceufs , Us manittts if U utraStn £uRi
Lrs coufnmes d'un peuofe efclave font ime
{^artte de fa fervftude : celles d^utt people Ubr«
bnt une panie de fa liberty.
Jfai park au livre XL [a] dWpei^le fibre \
voyont les elFets qui ont d& frnvre, ie carac^
tere qui a pu itxi former, & bs manieres 9pk
en rifidtent.
Je ne <£s point oo^ k cfimat n*»t prodfti
en grande partie les lois » les moeurs & les ma-
nieres dans ceite nation ; oiais jc dts que kf
moeurs & 4es manieres de cette nation de-
vrolent aroir im grand rapport fe$ lois.
Comme il jr auroit dans cet Etat deux pou-
voirs vifibles , la pu'iflance legislative & Pexir
cutrice ; & ql&e tout citoyen y auroit fa vo-
lont^ propre , & feroit raloir \ fon gri fon
ind^ndance ; la plupart des ^ns auroient plus
dTaffedtion pour une ae ces pmflances que pour
rautre, k grand nombre n*ayaiit |>as ordmai*
W Cbapkrt VI, ^
C 4
32 De l'Esprit d£s tots,
rement affez d'equite ni de fens pour les af- -
feftionner egalement toutes les d^ux. ,
£t comme la puiflance executrtce , difpofant
de tous les emplois , pourroit donner de gran-
des efperances &i jamais des craintes •' tous
ceux qui obti^ndroient (Telle feroient port 纟 s a
f^Kxapfitr de fon coti , & felle pourroit etre atta-
qu^e par tous ceux qui n'en efp^reroient rien*
Touteis les paiSohs y. ^tant liores , la haine ,
Fenvie , la jaloufi^ , I'ardeur de s*eririchir & de
fe diftinguer , paroitroient <}ans touts leur ^ten-
due ; & fi cela etoit autrement , I'Etat feroit
comme un homme abattu par la maladie , qui
n'a point de paffions , parce qu'il n'a point de
forces. ,
La haine qui fer— entre' les d^iix pan is du-
moit, paFte qu'elle feroit toujours impuiflante*
Ces partis etaht compof^s d'hommes ' libres ,
• fi Fun prenoit trop le deffus , Feffet de la li-
berte feroit quef celui - ci feroit abaiiTe , tandls
que les citoyens , comme les mains qui fecou-
rent le corps, viendroient relerer l*aiitre.
Comme chaque particulier toujours indep^n-
, dant fuivroit beau coup fes caprices & fes fan-*
taifles , on changeroit fouvent de parti; an ^ii
abandonneroit un oil I'on laifferoit tous fes
amis , pour fe Her k un autre dans lequel on
trouveroit tous fes ennemis ; & fouvent , dans
^ette nation , on pourroit oubKer les lots de
ramitie & celles de la haine.
^ Le Monarque ferOit dans le cas des particu-
liers ; & centre les maximes ordinaires de ti
prudence, i\ feroit fouvent oblige de donner fa
confiance a ceux qui rauroient le ^lus choqu6 »
& de difgracier ceux qui rauroient le mieux
Liv. XIX.. Chap. XXVII. 33
fervi, faifant par n^ceffit^ ce que les autres
Princes font par choix.
On craint de voir ^chapper un bicn que
ron fent , que I'on ne connoit guere , & qu*on
peut nous d^guifer ; & la crainte groffit tou-
jours les objets. Le peuple feroit inquiet fur
iituation , & croiroit etre en clanger dans les .
snoitiens niSme les plus sflrs.
D*autant mieux que ceux qui s'oppoferoient
le plus viyement ^ la puHTance e'xecutrice , ne
pouvant avouer les motife int^refRs de leur
opposition , lis augmenteroient les terreurs dii
peuple , qui ne fauroit jamais au jufte s'll feroit
en. dango/r ou non. Mais cela mende contribue-
roit a lui faire' 6viter les vrais perils il
pourroit dans la fuite ^tre expofd.
Mais le corps l^gislatif ayant la confiance du .
peuple , & etant plus dclaire que lui ; il pour- ,
roit Je faire revenir des mauvaifes impreflions
qu'op, lui auroit (^nnees ^ & calmer ces mou 一
vemens. . -
•C,eft le grand avantagc qu'auroit ce gouver-
nement fur les democraties anciennes , dans
lefquelles le peuple avoit une piriffance Imme-
diate; car lorfque des Orateurs ragitoient , ces
citations avoient toujours leur effet.
Ainfi quand les terreurs imprimees ii*auroient
point d*objet certain , elles ne produiroient que
ae vaines clameurs & des injures : 6c elles au-
roient meme ce bon effet, qu'elles tendroient
tous les reffgrts du gouvernement , 6c ren-
droient tous les citoyens attenttfs. Mais fi elles
nailToient a roccaiion du renverfem'ent des
lois fondamentales, elles feroient fourdes , funef-
tes , atroces , & produiroient des c?itaftrophes. ,
Bientot. oer verroit un calme affreux , pen-.
34 t>E L*EsPltIT DIS tOlS;
diant lequel tout fe r^uniroit contre la pwflilnce
violatrice des lois.
Si , dans le cas oil les inquietudes n'ont pas
d'objet certain , quelque puillance itrangiere me-
iia9oit l'£tat» & le mettoit en danger de fa
fortune ou de fa gloirc ; pour - k>rs , les petlts
uit^rets c^dant aux plus erail'ds, tout fc r€im?='
loit en faveur de la puifUnce ex^cutrice.
Que fi les (Hfputes etoient form^es a I'occa-
fion de la violation des lois fondamen tales , &
々u,une piniTance ^trangere parut ; il y auroit
tine revolution qui nc changeroit pas la forpic
du gouvernement ni fa coniHtution car fes
revolutions que forme la Hberti ne font qu'une
confirmation de la liberty.
Une nation libre peut avoir un lib^ateur;
line nation fubjuguie ne peut avoii' qu'un aiK
tre oppreffeun
Car tout homtne aui a aflez de force poor
chafTer celrn qui eft ai)a le maitre abfolu daos
1IR Etat , en a aHez pour le ^venir )ui-ineme»
. Comme , pour jouir de la fibert6 , il faut que
chacun jwiite dire -ce qu'il pcnfe; & que , pour
la conferver, il faut encore que chacun pu^
&re ce qu'il penfe ; un citoyen ,dans cet Etat,
dtifoit & ecrirott tout ce que les lob ne lui onf ,
、 pas d^fendu expreflement <te dire ou d'ecrire.
Cette nation , toujours ichzuSie , pourroit
plus &(%ment £tre coaduite par fes paflions que
par la raifon , qm ne produit jamais de grands
effets fur Fefprit des homines ; & il feroit facile
ceux qui la goi^yerneroient » de lui faire ,
iaire des entreprifes contre fes veritables interets,
Cette nation almeroit prodigieufement fa li-
berty , parce que cette liberte fcroit vrafe - &
|1 pourroit Vriver que , pour la dikndxt f xXte
1 1 V, XIX. Chap. XXVn. jtj
fccrifieroh fon bien , fon aifance , fes int^rCts ;
i|u'elle fe chareeroit des impots les plus dun ,
& tels' qne le Prince ]ej>lus abfolu n*ofer<nt les
£dre fiipporter 5 fes fujets,
Mais comme elk auroit une connoifTance
certaine de la n^ce/Sti de s'y foumettre , ou'elle
payeroit dans Pefp^ance bien fondle de ne
payer plas ; les cmrgts y feroient plus pefan -
tes que le fentiment de ces charges : aa lieu
qu^ y a des Etats oil le fentiment infini-'
jnent au- deiTus diT mal.
£lle auroit un credit sdr , parce qu^elle eim .
prunteroit 1^ elle - mSme & fe payeroit ellc-
snepie. II pourroit arriver cm'elle entreprendroit
aiindeflus de fes forces' natffelles , & feroit va-
loir contre fes ennemis des immenfes richefTes
de fiftion , que la con&mce & la nature 4c
' fon gouvernement rendroient r 荟 dies.
Poor conferver fa liberty , c!le emprunteroit
de , fes Aijets ; & fes fujets , qui verroient ane
fon credit feroit perdu fi die ^toit conquiie ,
auroient un nou^cau mocif de &ire des efforts
potir d^fendre fa Hbsrt^. '
Si cette nation habitoh une isle , elle ne fc-
fbit point conqu^rant^ , parce que des conqui 禱
tes fejpar^es I'affoibliroient Si le terreio de cette
isle ^toit bon , elle le feroit encore mobs , parce
jau'dle n*auroit pas befoin ie h guerre pour
renrichir. Et comme aucun citoyen ne d^pen-
droh d'un autre citoyen, chacnn feroit plus dc
• cas de fa hberti , que de la gbire de quelqiies
citoyens ou d'un feul.
La on regarderoit Us homines de guerre
comme des gens (Tun metier qui peut £tre vtil^
& fouvent dangereux , coname des gens dont
Im kiyic9$ foot bboiUvx pew 1» nation mcno ;
56 De l'Esprit des Lois ,
it les qualitis civiles y feroient plus confidM^§*
Cette nation , que la paix & la liberte ren-
droient aifi^e , affranchie des prejug^s deftruc- .
teurs , feroit portee a devenir comxner9ante. Si
clle avoit quelqu'une de ces marchandifes pri-
mitives qui fervent a faire de ces chofes aux-
quelles la inaln de . I'ouvrier donne un grand
prix, elle pourroit faire des ^tabliiTemens pro -
pres ^ fe procurer la jouiHance de ce don du
Ciel dans toute fon ^tcndue.
Si cette nation itolt fitu^e vers le Nord, &
qu'elle ettt un grand nombre de denr^es fuper-
flues; comme elle manqueroit auffi d'un grand
nombre de marchandifes que fon dimat lui.re,
fuferoit , elle feroi 做 un commerce neceflaire ,
mais grand , avec les peuples du Midi : & chol- '
fiffant les Etats qu'efle tavoriferoit d'un com-
merce avantageux , elle feroit des traites r^ci-
proquement utiles .avec la nation qu*elle auroit
choifie,
Dans un Etat oil d'un cote ropulence feroit
extreme ,& de I'autre les imp&ts excefTifs , on
ne pourroit guere vivre fans induftiie avec une
fortune bornee. Bien des gens , fous pr^texte de
voyages ou de fanti,- s'exileroient de chez eux,
& iroient chercher Vabondance dans les pays
de la fervitude meme.
Une nation commer^ante a uh nombre pro-
digleux de petits inter^ts particuliers ;. elle peut
done choquer & etre choquee d*une infinite de
manieres. Celle - ci deviendroit fbuverainement
jaloufe , & elle s'affligeroit plus de la profpirit^
des autres qu'eile ne jouiroit de la fienne.
£t fes lois , d'ailleurs douces & faciles , pour 二
roient etre fi rigides a regard du commerce Sc
d( la navigation qu*on feroit chez elle , qu*eU^
厂
Liv. XIX. Chap. XXVIL 37
femblerblt ne negoc'ier qu'avec des ennemU.
Si cette nation ehvoyoit au loin des colo-
nies , elle le feroit plus pour etendre fon com-
merce que fa domination.
Comme on aime a ^tablir ailleurs ce qu'on
trouve ^etabli chez foi , elle donneroit aux peu -
pies de fes colonies la forme de fon gouverne-
ment propre : e gouvernement portant avec
lui la proip^rit^ ^mi verroit fe former de grands
peupies dans les forets memes qu'elle en verroit
habiter.
II pourroit etre qu*elle auroit autrefois (tibju*
gue une nation voifipe, qui , par fa fituation ,
. Iz bont^ de fes ports, la nature de fes richeffes , 、
lui donneroit de la jaloufie : ainfi , quoiqu'elle
lai eut donn^ fes propres lois , elle la tiendroit
dans une grande dependance , de fa^on que les
citdyens y feroienj libres , & que I'Etat l^i-
mSme feroit efclave.
L'Etat conquis auroit uh tres bon gouverne-
tnent civil; mais il feroit accabM par le droit
des gens : & on lui impoferoit des lois de na«
tion a nation , qui feroient telles que fa prof-
p^rite ne feroit que precaire & feulement ea
a6p6t pour un maitre.
La nation dominante habitant une grande
isle, & ^tant en poffefSon d*un grand com-
merce , auroit tautes fortcrs de facilit^s pour
avoir des forces de mer : & comme la confer-
vadon de fa liberte demanderoit qu'elle rt'eut ni
places, ni fortereffes, ni artnees* de terre , elle
euroit befoin d'une arm^e de mer qui la garan*
tit des invafions ; & ia marine feroit fup^rieiue
a celle de toutes les autres puilTances , qui ,
ayant befoin d'employer leurs finances pour la
|S De l'Esprit dis Loisi;
guerre de terre , fi'en auroient plus aiTez pout Ig
guerre de mer. •
L'empire de la mer a toujours donne aux peo-
ples qm ront pofled^ une nert^ naturelle ; parce
que , fe fentant capables d'infulter par - tout , ils
croienc que ieur pouvoir n'a pas plus de bornes
que rOciaa. 、
. Cette nation pourroit avoir une grande in-
fiuence dans les afBures de ; voifins. Car,
comme elle n'emploiroit pas fa puiiTance a con*
quirir , on rechercheroit plus fon amitie , & I'on
cradndroit plus fa haine,*que I'inconflance de
fon gouvernement & fon agitation int^rieur^ nc
. fembleroit le promettre.
Ainfi ce feroit le dedin de la puIfTatice exi^
cutrice d'etre prefque toujours inquietie au de-*
rians & refpeaee au dehors.
S*il arrivoit que cette nation devint en quel*
ques occafions le centre des negociations de
rEurope , elle y porteroit un peu plus de pro«
biti & de bonne -foi que les autres ; parce que
fes Miniftres itant fouvent obliges de juflifoer
leur condutte devant un Confeil populaire, leurs
nigoclations ne pourroient etre lecretes ,& ils
. feroient forces a'itre a cet igard un peu plus
honnetes gens.
De plus , (omme ils feroient en quelque fa^
^on g^rans des 6v6nemens qu'une conduhe de«
toumee pourroit faire naitre, le plus sur pour
eux feroit de prendre le plus droit chemin.
Si les Nobles avoient eu dans de certain-
temps un pouvoir immodere dans h ngtion , S(
^ue Te Monarque eut trouv^ le mp^en de le$
abaifler en ^levant le peuple ; le point de Fex-
treme fervitude auroit it6 entre le moment de
Liv. XIX. Chap. XXVII. 39^
Va1>aifleinent des Grands & celiii oil le peuple
aiKoh commence a fenttr fon pouvoir.
II pourroit ctre que cette nation ayant kxk au«
trefois foumife a uiu pouvoir arbitraire » en 】u-
roit en plufteurs occauons confervi le ftyle ; de
maniere que, fur le fonds d'un 'gouvemement li-
bre , on verroit fouvent la forme d*un gouver-
fietnent abfolu.
A i'egard de la religion , comme dans cet Etat
chaque citoyen auroit fa Tolonri propre , & fe-
roit par conf(iqueiit conduit par les propres lu-
fnieres ou fes fantaifies ; il arriveroit » ou que
chacun auroit beaucoup d'indifFiirence pour rou-
tes fortes de religions dequelque efpece qu'ellec
fuffent , moyennant quoi tout le monde feroic
porti a embrafler la religion dominante ; o«
que I'on feroit liak pour lar religion en gen^«
ral , moyennant quel les feAes fe multipfierdienr.
U ne feroit pas impoffible qtt*tl y eftt dans
cette nation des gens qut n'auroient point dc
relieiofi ,. & oui o< Youdroient pas cependatic
ibuftnr qu,on les obligeit a changer celie qu'Us
auroient s*ils en avoient une : car ils fentiroienc
d*abord que la vie & les biens ne font pas
plus a em que-leur msiniere de penfcr ; & que
qui peui ravif fun , peut encore mieux 6ter .
rautre^
$1 parmi les differentesj'eligions il y en avok
one a r^abliiTement de laqueUe on euc tente de
parvenir par la voie de refdavage , elJe y fe-;
roit odieufe; parce que , comme nous jugeons
des chofes par les Itaifons 6c les accciToires que
nous y mettons, <eile-ei ne fe pr^fenteroit
laais a rcfprit avec I'idie de liberty.
Les lois cpntre ceux qui profeiTeroient cette
religion, ne feroient point fanguinairef ; car ―
40 t) EL*EsPRiT MS Lois;
liberti n*iinagine point ces fortes de peines :
mais elles feroient fi reprimantes , qu'elles fe-
roient tout le mal qui peut fe faire de fang—
froid. •
II pourroit arrlver de mille manieres que
Clerge auroit ii peu de credit , que les autres
citoyens en auroient davaptage. Ainfi , au lieu
de le feparer , il aimeroit mieux fupporter les
memes charges que les La'iques , & ne £aire a
C€t egard qu'un meme corps : mais comme il
chei'cneroit toujours a s'attirer le refped du peu-
ple , il fe diltingueroit par une vie plus retiree ,
une condiiite plus refervee & des moeurs plus
pulres.
Ce Clerge ne pouvant proteger la religion
tii etre protege par elle , fans force pour con-,
traihdre , cliercheroit a perfuader : on *verroit
fortir de fa plume <]e tr^s bons puvrages , pour
'prouver la revelatiion>& la proyidence du grand
ttre. •
,11 pourroit arriver qu'on ^Iqderoit fes affem-
blees , & qu'on ne voudroit pas lui permettre
'de corriger fes abus memes ; & que , par un
~delire de la liberty , on aimieroit mieux lai0er
fa refprme imparfaite que de foufFrir qi;,il fut
r^formateur.
Les dignit^s faifant partie de la conOitudon
fondamentale , feroient plus fixes qu'ailleurs :
mais d'un autre cote , les Grands , dans ce pays
liberte , s'approcherpient plus du peuple ; les
tangs feroient done plus repan6s & ks perfonnes
' plus confondues.
Ceux qpi gouyernent ayant une puiiTance qui
. fe remonte , pour, ainfi Are, & fe refait tous
les J ours, aiiroient plus d*egarcls pour ceux qui
' IcuEifont utiles que pour ceux qui les divertif-
fent :
L I V. XIX. Cha p. XXVII. 41
fefit ; ainfi on y verroit pen de courtifans , de
flatteurs , de complaifans , enfin de toutes ces
fortes de gens qui font payer aux Ct^nds le
vide mSme de leur ^fprit :
On n'y eftimeroit euere les hommes par des
talens ou des attributs trivoles , mals par des qua-* •
lit^sjeelles; & de ce genre il n'y en a que #ux,
les. richeffes & le merite perfonncl.
II y auroit un luxe folide , fond^, non pas fur le /
rafin^ment de la vanit6 , tpais fur celui.des be-
foins r^els ; & Von ne chercheroit guere dans
les cbofes que les plaifirs que la nature y a mis«
Oft y jouiroit d'un grand fuperfiu , & cepen-
dant les chofes frivoles y feroient profcrites :
ainfi plufieurs ayant plus de bien <^ue d'occafions
de depenCe , 1 emploieroient d'une maniere bi-
zarre :& dans cette nation , il y auroit plus
d*e(prit que de gout. >.
Comme on i^eroU toujouh occup6 de fes in-
t^rets , on n'auroit point cette politeffe qui eft
fondle fur I'oifivete ; 6c reellement on n,en au-
roit pas le temps.
Ulpoque de la politeffe des Romams eft h
fneme que oelle de retabliflemeni du pouvoir ar-
bitraire. Le gouveroenient ablplu prodiiit roifi^
reU , & I'oiSvet 连 fait naitre la politeffe.
Plus il y a de ,gens dans une nation qui 01^
befoin d'avoir des tn^nagemens entr'eux & de
ne pas diplaire , plus il y a de politeffe. Mais
c'cft plus la politefle des tnoeurs que .celie des
manieres , qui doit nous diftinguer des peuples
barbares.
Dans une nation oi!i tout .hotnme a ^ ma*
niere prendroit part a i'adminiflratioji >de l*£ut,
les femnies ne devfoient guere vivre avec les
hommes. Eiles feioieiu dpAC mod«ftes , c'e£l-ir?
D
4^ D£ l'Esprit des 1/>is ;
dire, titnides : cette timidite feroSt leur vctju ;
tandis que ks hoirtmes fans galanterie fe jetc-
xoient dans une d^bauche qui feur kifleroit toute
leur liberti & leur loifir.
Les lois n*y itant pas faites pour nn parti*
• culier plus que pour un autre , chacun fe reear-
deroit cotnvie Mdnarque; & ks homtnes , oans
cette nation ,& rokat phitot d<M QonSkiixkis que
des concitoyeti»»
Sik cHznac avoit dorni^ Ikbiesicles gcfu cm cf-
prit isquiei dc des vims itendues , dans un pays
. oil k constitution donneroit 4 tout le monde
ifie part au gouvernement & de» mtirets poli-
toques , on parleroit beaucoup de poHtique ; oi?
,€rroit des g^ens qui pafferoient leur ric a cal-
culer des ivinemehs, qur, yu la nature des cho -
fes & le caprice -db U fortune ^ c'cft - a- dire ,
iles homines, ne tjnt guerc foumJs au calculi
Danr «ne nation l£rie , H eft tr^s fouvent
indifF^ent que les particuliers rasfonaent bieir
<nr mal;: il: fuHk qu*ils ntifonnent : de -la fort
k tibert^ ^ui earanth des tffets de cts monies
taifontiemens.
De mSme*, dans mr gouvernemnt deipoti^
ouCy. il eft ^galement -pernicieux qu'on ra>
K>nne bien ou msd ; il; luffit qu'on raifonnev
l^our que le principe du、 goavetnieinent fote
ehoquc.
Bien des e^s qui ne fe foucierDi«flf dt
pkise a per^nne , s'abandonneroient a leur
humeur ^ la plupatt,. ame; de I'efgTif, feroient
tourmentes par leur efprit mime : dans le di^
bale oegottt de toutes chofes:, Hs feroient
malheureux avec txnt de iujets de ne I'ctre
pas.
Aatm ckoyen ne eraigAant mean clfiojF^m,
Liv. XIX. C H A f. XXVn. 43
•tDette fiatioii fennt fiere; car la fieiti des Roit
aTeft fondle que fur leur indipendance.
Let nations libres font fuperbes, les aiitxtt
penvent plus ^fement £tre vaineft«
Mais ces hoi^es fi fiers vivaht beaucoup
ayec eux • mimes , fe trouveroient fonvent au
Inilieu de gens kiconnus ; ils feroiem dimdes ,
& Foil verroit en eu^ la jplupsut ia temps un
jiiekuige Uiarte de mwvaile bonte & dc ner^»
Le caradere de la nation paroitroit furtout
dans leurs ouvn^es d'^efprit , dans lefquels on
ifcrroit des gens recueiUis ,& qi^ ' auroient
peaft tout feiris.
hsL fociitt nous apprend II fentir les ridicules }
la retraite noos rend plus proprcs a fentir le»
▼ices. Leurs Merits fat yriqipes feroient fanglam ;
& Y&ti verroit b'len des Jur^naU chez eux,
avant davoir irouvi im Horace.
Dans ks tnonarcluet e"r£mexnent abfolues ,
ks Hi^oriens traTiiflent la v 丟 ritf ', patce qu'ib
n'ont 'pas la liberty de 、Ia dire : dans les Etats
extr^mement libres, ils trablfient h vititi a
caufe de leur liberty in 条 me , ^ui prodidfant
tou)Oiifs des divifions , chacun devient auffi ef-
' daye des preji^es de fa faction , qu,d le feroit
dTun defpote.
Leurs Poetes auroient plus fouvent cette rd»
deffe ominale de rinvention , qu*ime certaine
delicateile que donne le gofit j on y trouvefoit
aaelque cbofe qui approchcroit plus de-la force
5 Mi'cbd - Ange que de la grace <k Raphael
0^
' • -' 、〜二 -" n
44 De L*E$PAir Diks Lots ^
2 ' • , 一 i
L I V R E X X.
Des tois , dans Ic fapport quclUs onp
avec k Commerce y confidiri dans Jk
nature & fis diJlin3ions, 、
Docuit quae maximus Atliis*.
Virgil. jEneid,
CHAPITRE PRjEMIE^l.
Du commerce. 、
• Lis matieres qui fuivent demanderoient (Wjtre
trait^es avec pi as d'^tendue ; mais la nature de
• cet ouvrage ne le' permet pas. Je voudrois cou- --
ler fur une riviere tranquille ; je Aus entraine
par un torrent.
Le commerce, gu^rit des prejuges deflruc-
teurs : & c,eft pr^lque une regie eenerale , que
par - tout oil il y a des mceun Jouces , il y a
du commerce ; Sc que par - tout oil il y a da
commerce , il y' a des tnoeurs donees, •
Qu*on ne s'etonne ^onc point fi nos moeurs
font moins feroces ^*elles ne retoient autre-
fois. Le commerce a fait que la connoiiTance
des mceurs de tomes les nations a pen^tr^ par-
Liv. X^. Chap. I. 4f
tout . : on les a compar^es entrelles,. & II en a
refult^ de grands biens.
On peut dire que les lois du commerce per-
feftionnent les moeurs ; par la meme raifon que
ces mimes lois perdent les moeurs. Le com-
merce corrompt les moeurs pnres (*) ; c'ctoit
le fujet des plaintes de Platon : il polit Sc
adoucit les moeurs barbar^ , comme nous le.
voyons tous les jours.
CHAPITRE IL
Dc refprit du commerce.
I-#'effet nature! du commerce eft de porter
a la paix. Deux nations qui negocient enfemble ,
fe rendent r^ciproquetnent d^p^ndantes ; 6
rune a interet aacheter , I'autre a interet de
vendre ; &• foutgs les unions font fondees fur
d€s befoini mutuels. ' ,
Mais , fi refprit de commerce unit, les na-
tions , il n'uhit pas de meme les particulicrs.
Nous voyons que dans ks pays [a] oil i,on
n'eil ^Sdili que de refprit de commerce , on
trafique de toutes les alliens huxnaines Sc de
toutes ks vertus morales : les plus petites cbo-*
(*) C^far dit <fes Gaulais , cfiie le voiflnage & I*
commerce <\e Marfejile les avpieftt^at^9,tle fa^on qu'cux,
qui autrefois avoi^nt toujours vaincii les Qermains,
leur etoicnt devenus ii^f^rieurs* Guern des Gaule^ ,
Kv. VI. '
W La HoUaode,
fes I cdles que I'humaniti demande^ s'y (bnf
ou 《y (ionnent pouf de Pat^gent. ,
L efprit de commerce produtt dans les hoiiH
mes un certain fentimenc de juftice exa^^
bppoft d'un c6f6 au brigandage ,& dt Fautre 、
\ ces vertus morales qui font qu'on ne difcute
pas toujours fes int^rets avec tigidh^, & qu'on
peut les ne^liger pour ceux des autres.
La privation totale du commerce prodiut ac;
€ontraire le brigandage ., qu'Ariilote met aii
aombre des manieres d'acquirir. L*efprit n'en
eft point op(K>f(& \ de certaines vertus motates :
par c .temple , rhofp'italiti , tres rare dans lea
pays de commerce , fe trouve adimrablement
parmi.les peuples brigands.
Cell un facrilege chez les Gentudfis ^ cEf
Tiuiti , de feriner fa maifon k ^ueloulioinfne
qpe ce (bit , connti on inconnu. Ceiui qui a
€xerce (Jf) rhofpitaltti envers .un ^tcanger^ va
ku montrer une autre msufon oii on I'exerce
encore, & il y eft re^x avcc la mime huna-
nixi. Mais lonque les Germatns eurent fondi
des roy^umes , 1 hofpitalit^ leur devtnt a charge.
Cela paroit par deux lob du Code (c) des
Bourguignons , dont rune infli^e une peine ^
tout oarbare qin iroit montrer a un danger I,
siaifon d'un Romain ; & l,autre regk que celui
qui recevra un Granger , fera dMommag^ par
les habitans , chacun pour fa ^quote-part.
{h) Et fui modo Ao/pes futrst , monflrdtov ho/jniih
D« morib. Germ. V©yex ai2£ Ciin^ Gmtm dU Gm«
• Ms , Hv. VL •
Ltv. XIX. Chav. VSL
C H A P I T R E
la fouvrtte its ptupUsn
HEl V a deux fortes de peoples paimet : cew
que la durcte du gouTernemeiit a rend us tels;
& ces gens*la font incapablet dc prefque aucune
▼eitii, parce que leur pauvreti' fait une partie
de kur fervitude : les autres ne font pauvret
que parce qu'il» ont deda'igni » ou parce qu'ils
n'ont pas cornm les conmodit^s de la y\t ; &
ceitt-ci peuvent faire de giyndes chofes , parce
que cette paoTiet^ bix une partie de Imr Uberti»
* C H A P I T R E IV.
Du 49mmerc€ dasu Us divers gouvemtmtn^
Le commerce a da rapp^ 9vec h coniKtifs^
tiom Dans le gouvernement d'lm feul , U eft
ordmatrement ibndi fur le tuie; & q^uoiqu'il k
fok auffi far ks befouisj'^lt, fon ob)«t princi*
pal eft de procurer h la nation qui le fait, tout
ce qui peut ferrir i fon orgueU , a fcf d^licei
& a fes fantaifies. Dansie gouvememept de plu-
iieurs, il efl plus fouvent fond^ Cir 1 economie*
Les negocians ayant VctU fur toiates let nadoot
de la terre , portent 4 Fune ce qu'ils tirent de
famre* Ceft aiofi que les ripubliques deTyt,
48 Dfi L*EsPiiiT DEs Lois ,
de Carthage , d'Athenes , de Marfeille , die F!<j 一
rgnce, de Venife. & de HoUande ont fait fe
commerce.
Cette efpece de trafic regarde le gouvernc-
ment de plufieurs par fa nature, & le mona 卜
chique par occafion. Car , comme il n'eft fondS
que fur la pratique de gagner peu , & m^me de
gagner ^ moins qu'aucune autre nation , & de ne
le dedommager qu'en gagnant continuellement ,
il neft guere poflible qu'il puifle etre fait par
un feul peuple , chez qui le luxe eft etabli , qui
d^penfa beaucoup , & qui ne voit que de grands
objets.
Ceft dans ces idies que Cxceron (a) difoit ft
bien: » Je naime point qu'un me me peuple foic
,, en meme temps le dominateur & le fa£leur de
» runivers «. En efFet^ il fau droit fuppo(er que
chaque particulier dans cet etat, & tout i'^tat
tneme^, euflent tou'iours la tete pleine de grand^
projets, & cette meme tete remplie de petits : ce
qui efl contradi6loire. *
Ce n'eft us que , dans ces ^tats qui fubfiftent
par le commerce d'^conomie , on ne faiTe auffi
les plus grandes entreprifes , & que I'on n'y
ait une hardiefle qui ne fe trouve pas dans les
monarchies : en void la raifoa.
Un commerce mene a Kautre , le petit au
mediocre , le mediocre au grand ; 8c celui qui a
eu tant d'envie de gagner peu , fe met dans
tine fituation oh il nen a pas moins de gagner
beaucoup.
De plus , les grandes entreprifes des nigodaas
(a) Nolo eumdcm poj^ulunt 、 impcratorem & pertitonm
ijjfc urrdrufn , -
" font
Liv. XX. Chap. IV; 49
font tou]ours n^ceflairement melees avec les af«
faires publkjues. Mais dans les monarchies, les
affaires publiques font la plupart du temps aufli
iufpeSes aux marchands quelles leur paroiflent
sures dans ies 6tats r^publicains. Les grandes en«
treprifes de commerce ne font done pas pour
les monarchies , mais pour le gouvernement de
plufieurs.
£n un mot, une plus grande certitude de fa
profperite , que l,on croit avoir dans ces etats ,
fait tout entreprendre ; &, parce qu'on croit
ctre sdr de ce que I'on a acquis , on ofe I'expofer
pour acquirir davantage ; on ne court de rifque
que fur les moyens d'acquerir: or les hommes
efperent beaucoup de leur fortune.
Je ne veux pas dire qu'il y ait aucune monar-
clue qui foit totalement exdue commerce
d'economie ; mais elle y eil moins portee par
fa nature. Je ne veux pas dire que les republi-
ques que nous connoiflbns foient entiiremeht
privies du commerce de luxe ; mais il a moins
de rapport a1eur conilltution.
Quant a F^tat defpotique, il eft inutile d'en
parler. Regie genirale : dans une nation qui eft
dans la fervitude , on travaille plus a conferver ―
qu'a acqu^rir : dans une nation libre , on travaille
plus a acqu^rir qu'a conferver*
Tome III
E
59 De 1,'Esprit 1P^$ Lois ;
C H A P I T R E v.
P« peupUs qui ofit faip le (ommrcf d*ic<monw*
, retraite n^ceflaire au milieu d'unt
fi^^r orageufe ; Marfeilte , ce li^u oil tous les
Tents » les bancs de la fner , la difpofition des
(cdte$ ordonnent de toucher , fut f^i^quentee p^r
}es gens de mer. La flerilite \a\ de fon territoire
determina fe$ citoyens au commerce d'econo*
ft^ie. J I fall|i( qu,ils fufient laborieux pour fup,
pieer a la nature qui fe refufoit ; qu'iis fuflenf
juAes, ppur yivre parmi ]es nations barbares qui
devoient fair^ leur profp^rite ; qu'iis fuiTent mo ,
dires , pour que l^ur gouvernem^nt fut toujours
tr^nquil)e \ enfin qp*il$ euil^nf (des poeurs fru<«
gales, pour qu,i}s puffent tpujpurs vivre (Tun
cpmmerce qu'iis conferveroient ph}s sjarement
Jorfqu'il feroit inoins ayantdgeu^f.
On g vu par-tout I4 violence & 1^ vexation
dpnn^r naiflance au cpmnierce , lorf,
que le$ hotnmes fpnt contraints fe r^fugier
4^n$ les marais , dan$ les ijles , les bas fonds de
}a mer & fes ^ci^eils mpmes. C*e(l ainfi que Tyr,
Venife & les yilles de (lollande furent fondees ,
les fugitifs y trpuverent leur sdrete. II fallut fub*
fifter; ils ^irerejit l^ur futiiftance de tout I'ur
{fi) Jaflifi , liv' Xmi. chap. x\u
Liv. XX. Chap. VI. %i
CH A PIT RE VL
Quelques effets (Tunc jgrandt navigdtioiu
arrive quelquefois qn'une nation q. • ^ait Ic
commerce d'econGinie, ayantbefoin d*une itiar-
chandife d'un pays qui lui ferve de fends pour
、 fe procurer les marchandifes d'un autre j fe con-
tente de gagner trhs peu , & quelquefois rlen , fuc
les unes , dans refp6rance ou la certitude de ga-
gner beaucoup fur les »utres. Ain£ , lorfque U
Hollande faifoit prefque leule le commerce du
mldi 2u nord <ie 1,. Europe, les vios de France ,
qu'elle portoit au nord , ne lui fervoient en quel-
que maniere que de fonds pour faire fon com 一
jnerce dans le nodi.
, On fait que fouvent en HoUamde, de cfirtaias
fenres de marchandife venue de loin ne Vjr ven-
ent pas plus cher qu*ils n'ont cout6 fur les iieux
ciemes. Void la raifon qu*o« en donne : uk car
.pitaine , qui a be (bin de lefter fon vailleau , pren-
dra du marbre; il a befoin de bois four rarri-
mage, il en achetera ; 6c pourvu <^uil n*y per-
xien , 11 ^roira avoir Jbeaucoup iEait. Cefl:
ainil que laHoUande a ain& (ss carrieres & fes
Non-feulement un cotxunerce <^ui ne donne riea
pent etre utile ; un commerce m^me defavanta*
geux peut I'etre. Tai oui dire en Hollande, que
la peche de la baleine , en gSniral , ne Tend pref-
que jamais ce qu'elle CQUte : mais ceux qui ont
ett eisploy^s a la ^gnftru^on du vaifleau , ceHX
£ z
5& De l'Esprit oes Lois;
qui ont fourni les agr^s, les apparaux, les vi-
vres, font auffi ceux qui prennent le principal
intiret k cette pSche. Perdiffent-ils fur la peche ,
ils ont gagn6 fur les fournitures. Ce commerce
eft une efpece de loterie , & chacun eft feduit
par refperance d'un billet noir. Tout le monde
aime a joaer; & les gens les plus fages jouept
volontiers , lorfqu'ils ne volent point les appa*
rences du jeu, fes ^garemens , fes violences , fes
diffipations , la perte du temps, & xneme de toute
la vie.
C H A P I T R E VII.
Efprlt de rAngkurre fur le commerce.
X /angleterre n'a guere de tarif r6gl6 avec
les autres nations ; fon tarif change , pour ainfi
dire , a chaque Parlement , par les droits parti-
culiers qu'elle ote, ou qu'elle impofe. Elle a
voulu encore conferver fur cela ion indepen-
dance. Souverainement jaloufe du commerce
quon fait chez elle , elle le lie peu par des trai-r
t^s , & ne depend que de fes lois.
D'aiitres nations ont fait c^der des int^rSts da
commerce a des int^ts politiques : celle-ci a
toujours fait cider fes int6rets politiques aux in -
t^r^ts de fon commerce.
Ceft le peuple du monde qui a le mieux fa
fe pr^valoir a la fois de ces trois grandes cho-»
fes, la religion, le commerce & la liberte.
、
Liv. XX. CHAPrVm. S5
C H A P I T R E VIIL
Comment on a gene quel^uefois U commerce
(Teconomie.
o N a fait dans certaines monarchies des lois
trks propres a abaifler les ^tats qui font le com - ,
merce d*economie. On leur a difendii d'appor-
ter d'autres marchandifes , que celles du cru de
leur pays: on ne leur a per mis de venirtrafiquer,
qu'avec des navires de la fabrique du pays ou
ils viennent.
U faut que I'^tat qui impofe ces lois puifTe ai-
{kvcitnx. faire lui-meme. le commerce : uns cela ,
il fe fera pour le moins un tort ^gal. II vaut
mieiix avoir affaire a une nation qui exige peu,'
& qu« les befoins du commerce rendent en quel 藝
que fa^on d^pendante ; a une nation qui , par
retendue de fes vues ou de fes affaires , fait ou
placer toutes les marchandifes fuperflues; qui eft
riche , & peut ife charger de beaucoup de den-
rees; qui les payera promptement ; qui a , pour
ainfi dire , des neceffit^s d'etre fidelle ; qui eft pa-
cifique par principe ; qui cherche a gagner , &
non pas a conquerir : il vaut mieux , dis-je ,
avoir affaire a cette nation , qu'a d'autres , tou-
jours rivales , & qui ne donneroient pas tous ces
a vantages. 、
E3
54 De t'EspRiT DCS Leis ;
―、 CHAP I T R E IX.
Df f exchj^tt en fan di commtrcr*
L A vr«5c maxune eft de n^exclure aocune n^-^
tion die fon commerce fans de grandes raifons 奢
Les Japonois ne commercent qu*avec deux na -
lions , la Chinoife & la Holiaodoife. Les Chi-
nois [tf ] gagnent mille pour cent fur le fucrev
tl quelquefois autant fur les retours. Les Hol?-
landois font des (>rofks a-peu-pres^ pareils. Toute
nation qui fe conduira fur les nlaximes Japonnoi-
ies y fcra fi^cefFatrement trompee. Ceft la con-
currence qui met un prix jdiAe aux marchandr-
fes, & qui etablit ks vrais rapports entr'elles.
Encore moins un etat doit-il s'afTuiettir a ne
vendi e fes marchandifes qu'a une feule nation >
ions pretexte qu'elle les prendra toutes a un cer-
tain prix. Les Polonois ont fait pour leur bled
ce march^ arec la vilk de Dantzik ; plu%urs
Rois ties Ijides ont de pareils contrats pour le^
epiceries avec les ( ^ ) Hollandois. Ces coaven-
tions ne fonl propres qu'i une nation pauvre »
qui veut bten perxke refp^rance de s,enridiir,
po\irvu qu*elle ait une fubnftance affur^e , ou a
des nations , dont la fervitude confifle ^ renoa-
cer h Fufage des chofes que la nature leur avoit
donnees , ou a faire fur ces chofes un commerce
d^favantageux^ -.
(a) Le pcre du Halde , torn. It. pag. 170.
(A) Cela flit premierement ^tsbli par les Portug.aii^
Voyt^ts de Fran£oif Pjfrard, ch, xv. part.. IL
Liv. 3CS:/CrtAP. IXl. "
CHAPITRE X.
Etabliffimmt propr€ au commra iconomU'
I3ans les etats qui font k commerce tfeco^
nomie , on a heureufement etabli des banques ^
qui , par leur credit , ont formi de nouveaux fi,
gnes des valeurs. Mais on auroit tort de les
tranfporter dans les ^tats qui font le commerce
de luxe. Les mettre dans des pays gouvernis
par un feul , c'eft fuppofe? Fargent d'ua cot^ ,'
' 6l de laptre la putiTanee i c'efl-3i-AfC § d'un c6t^ ,
la facult^ de tout avoir fans aucun pouvoir , &
de Fautre , pouvoir avcc la faculte de rien du^
tout. Dans un gouvernement pareil^ il n'y i ja-
mais eu que le Prince qui ait en, on ((ai ait pu
avoir un tr^for ; & par-tout oil U y en a ur>f
d^s qu'il eft exceifif , il devient d'abord la tr"
/or du Prince.
Par la m^me rai(bn , (es compagntes cfe n^goM
cians qui s'aflbcient pour un certain commerce ,
conviennent raren^ent au gouyernement d^unfeul.
La nature de ces compagnies eft (fe donner aux
richefTes particulieres la force des richiefies pti-
b)iques« Mais dans ces itats, cette force ne peut
fe trouver que dans les mains du Prince. Je dis
plus : elles ne conviennent pas toujours dans les
^tats oil 1*011 fait le cothmerce d'^conomie ; &
fi les afBiires ne font fi grandes qu'elles foient
au-defTus de la port6e xies particuHers» on fera
encore mieux de ne point gSner par des privilige^
cxclufifs la liberce da commerce.
E 4
56 . De l*Esprit des Lois;
m 、 ,1 '義 -
CHAPITREXI.
Continuation dtt menu fuj",
ANS les £tats qui font le commerce d*&ono-
mie , on peut ^tablir un port franc. L'economie
de r^tat , qui fuit toujoars la frugality des par-
ticuliers, donne, pour ainfi dire. Tame a fon
commerce d'^conomie* Ce qu'il perd de tributt
par r^tablifTement dont nous parlons , eft com-
penf6 par ce qu'il peut tirer de la richeffe induf*
trieufe de la republique. Mais dans le gouver,
nement monarchique , de parells ^tabliiTemens fe-^
roient cpntre la raifon ; iU n'auroient d*autre ef-
.fet que de foulager le luxe du poids des im-
1>dts. On fe priveroit de I'anique bien que ce
uxe peut procurer ,& du feul frein que dans une
conftitution pareille il puiiTe rccevoir.
C H A P I T R E XII.
Dtf la liUni de commerce.
Xja liberty du , commerce n'eft pas me faculty
accordee aux n^gocians de faire ce qu'ils veu-
lent ; ce ferpit bien plutotia fervttude. Ce qui
g^ne le commer9ai)t , ne gSne pas pour cela le
commerce. C'eft dans les pays de la liber" que
le n^eociant trouve des contradidions fans nom-
bre; &il n*eft jamais moins croift par les lois»
que dans ks pays de 】a fervitude.
L'Angleterre defend de fairs fortir fes laines ;
Liv. XX. Chap. XII. 57
elle vetit que le charbon foit tranfporti par mer
dans la capitale ; elle m permet point la fortie
fes chevaux , sik he font coupes; les vaif-
feaux (if ) de fes colonies qui commercent en
Europe , doivent mouiller en Angleterre* Elle
gene le n^goclant ; mais c'eft en fareur du conv*
merce.
til II ^ ,
C H A P I T R E XIII.
Ce qui ditruip cette liberti.
X^A oil il y a du commerce , il y a des doua-
nes. L*objec du commerce eft I'exportation &
rimportation des ixvarchaQdifes en faveur de Fe-
iat ; & robjet des douanes eft ua certain droit
fur cette meme exportation & importation , auffi 、
en faveur de Fetat. 11 faut done que Petat foit
neutre enu-e fa douane & fon commerce , 6c
qu'il faflfe enforte que ces deux chofes ne^ fe
croifent point ; & alors on y jouit de la liberty
du commerce.
La finance detrult 】e commerce par fes injuf-
tkes , par fes vexations , par I'exces de ce qu'elle
impofe : mais elle le detruit encore independam-
snent de cela , par les difficult^ qu'elle fait naitre ,
& les formalites qu'elle exige. En Aijgleterre , oil
les douanes font en r^gie , il y a une facility de
(a) AAe de -navigation de 1660. Ce n'a — qu'en
temps de guerre que ceux de Bofton & de Philadel-
phie ont cnvoye ieurs vaiffeaux en droiture jufques
dans la M^dicerran^e porter Ieurs denrits.
De l'Esprit d£s Lois;
negocier fmguliers : un mot d*ecriture fait les plirs-
grandes affaires ; ii ne faut point que 1e marchatid
petde un temps infini , & qu'il ait des commis
expr^s t pdur faife cefler toutes les difficult 在 s des
fermiers , ou pour s'y foUmettre.
舞 ' ' ' ' " f t ■ . - ■
C H A P I T R E XIV.
D^s lots du commerce qui tmportent la confifcation
des marchandifes,
X^A grande chartre der Anglois defend de f»-
iir & confifquer , en cas de guerre , les mar-
, chandifes des n^goc'ians etrangers , a moins que
ce ne foit par re pre failles. 11 beau que la na-
tion Angloife ait fait de cela un des articles de fa
liberty.
Dans la guerre que rEipagne eut^ centre les
、 Arv^Iois en 174O, elle fit une ^ « ) ^oi qui pu-
nifioit de tnort ceuz qui introdtiiroient dans les
itats d'Efpagne des marchandifes d'Angleterre ;
elle infJigeoit la m^me peine a ceux qui porte-
roient dans les ^tats d'Angleterre des marchan -
difes d*£rpagne, Une ordonnance pareille ne pent,
je crois, trouver de modele que dans les lois du
Japon. Elle choque fios moeurs , I'efprit du com-
merce , & rharraonie qui doit ^tre dans la pro-
portion des peines ; elle confond toutes les id^es ,
laifant un crime d*etat de ce qui n'eft qu'une vio-
lation de police.
謹". 'I ' ―—
{4) Public© k Cadix au tnois de Mars
Li V. XX. Chap. XV;
C H A P I T R E XV.
Dt la contraiatc par corps*
Solon ) ordonna a Athenes qu'on n'obli-
feroit plus le corps pour dettes dviles. II tira
h ) cette loi d'Egypte ; Boccoris I'avoit faite^
& Sifofins I'avok renouvellle.
Cette 】oi eft tths bonne pour les affaires (
CIV lies ordinaires ; mais nous avons raifon de ne
point robferver dans celles du commerce. Car
les n^gocUns £tatA obliges de confer de grandes
fomnes pour des temps fouvent fort courts, de
les donner 6c'de les reprendre , il &ut que le de*
biteur rempliffe tou)ours au temps 6xi fes en-
gagemens ; ce qui fuppofe la contrainte par
corps,
Dans les affaires qui derivent des contrats ci-
rils ordinaires » ta loi n£ doit point donner la
contrainte par corps , parce qu'efic fait phis de
cas de la liberty aun citoyen , que de faifance -
tfun autre. Mais dans les conventions qui den-
vent du commerce, la loi doit faire phis de cas
de Faifance publique , que de la liberti d*un c"
(tf) Platarque , au trakf : qu,it ne faut point cm»
ptunter a ufurc,
(h) Diodore , liv. 1. part. II. , III.
(c) Les Ugiflateurs Grec« ^totent blamables , <{ui
avolent d^fendu de prendre en gage les armes & la
charrue d'un homme , & pcrmettoient de .prendre I'Eionk**
鎮 c in^me. Diodon, liv. 1. par" II. chap. 1U»
6o De l*Esprit d£s Lois;
ioyen ; ce qui n*emp^che pas les reftrlftions Sc
es limitations que peuvent demander rhumanic^
& la bonne police.
e H A P I T R E XVI. -
BdU loi.
'SLmA loi de Genive qui exclut des maglftratu*
res, & mime de rentrie dans le grand-confeil ,
les enfans de ceux qui ont v6cu ou qui font morts
infolvables , a moins qu'ils i^acquittent les det*
tes de leur pere , eft txhi bonne. £lle a cet ef-
fet, qu'elle donne de la confiance pour les n6-
gocians ; die en donne pour les inagiftrats ; elle
en donne pour la cit^ meme. La foi particuliere
y a encore la force de la foi publique.
C H A P I T R E XVII.
Loi de Rhodes,
r
Slavs Rhodiens allerent plus loin. Sextos Em-
piricus [tf ] dlt que chez eux un fils ne pou-
voit fe difpenfer de payer les dettes de fon pere ,
en renon^ant a fa fuccedion. La loi de Rhodes
^toit donnee a une r£publique fondee fur le com-
merce : or , je crois que la raifon du commerce
mSme y devoit mettre cette limitation , que les
{a) Hippotipofes, liv. I. chap, xiv.
L I V. XVIII. C H A P. XVII. 6t
• dettes contraries par le pere depuis que le fils
avoit commence ii'faire le commerce , n'afFefte-
roient point les biens acquis par celui-ci. Un n6 赠
gociant doit tou)ours connoitre fes obligations ,
& fe conduire a chaque inftant fuivant Tetat de
fa fortune.
C H A P I T R E XVIII.
Des Juges pour U commerce,
^Jf^ENOPHON , au livre dcs revmus , voudroit
qu'on donn^t des r^compenfes a ceux des pr6fets
du commerce qui expedient le plus vite les pro-
ces. II fentoit le befoin de notre jurifdidion con -
fulaire.
Les affaires du commerce font trb peu fuf-
ceptibles de formaiites. 、 Ce font des anions de
chaque jour, que d'autres de meme nature do"
vent fuivre chaque jour. II faut done qu'elles
^iffent etre decid^es chaque jour. II en eft au-
~ trement des aftions de la vie qui influent beau-
'coup fur Tavcnir , mals qui arrivent rarement. On
ne fe marie guere qu'une fois ; on ne fait pas tous
les ipurs des donations ou des tefiamens ; on n'eft
txnqeur qu'une fois. -- "
Platon (tf ) dit que dans une ville oii il, n y a
point de commerce maritime, il faiit la moiti6
moins de lois civiles ; & cela eft tr^s vrai. Le
commerce introduit dans le m^me pays diff"
{a) Des lots , liv. VIII.
6± De l'Esprit des Lois;
rentes fortes de peuples , un grand nombre de
conventions, d'efpeces debiens, & de maoieres
d'acquerir.
Ainfi dans tine viUe commer^ante , il y amoiiis
de juges, &c plus de lois.
— -
CHAPITRE XIX,
Que le princt nc dolt point fairt le commerce.
Ti^HEOPHiLE [tf 1 voyant un yaifleau oil il y -
avoit des marchandifes pour fa femme Theodora ,
le fit bruler. " Je fuis Empereur, lui dit-il, Sc-
99 vous me faites patron de galere. £n quoi ies
If pauvres gens pourront-il gagner leur vie , fi
f» nous faifons encore leur metier ? " II auroic
pu ajouter. : qui pourra nous reprimer , fi npus
faifons des monopoles ? Qui nous obligera de
remplir nos engagemens ? Ce commerce que nous
faifons , le$ courtifans voudront le fair$; ils fe-
ront plus avides & plus injufles que nous. Le
peuple a de la confiance en notre juftice ; il n,eA
a point en notre opulence : tant d*iinp5ts qui
font fa mifere, font des preuves certaines da
k ndtre. . 、、
Zonarc*
liv. XX. Chap. XX. 6j
C H A P I T R E XX.
Continuation du mime fujeu
A^ORsQU£ les Portugais & les Caftillans dam!-
fioient dans les Indes orientales , le commerce
avoit des branches fi riches , que leurs Princes ne
manquerent pas de s'en faifir, Ceia ruina leurt
d^tabliifeffiens dans ces parties- }i.
Le vke'Roi de Goa accordoit a des particuliers
igs privileges exdufifs. On n*a point de confiance
de pareiiles gens; le commerce eft difcontinui
par le changement perp^tiiel de ceux » qui on le
confie ; perfonne ne menage ce commerce , &
oe fe &u^ie de le laiiTer perdu a fon fuccefleur ;
le profit rcfte dans des sn^ins particulieres , &ne
s*etend pas alTez.
CHAP IT RE XXI.
Du commrce de la nobUJfe dans la moruirchU.
Il eft cofitre I'efprk du commerce , que la nd«.
blefle le fafie dans la monarchie. Cela feroit
ft pemicieux aux villes , difent [ " ] les^Empersurs
n HonQrius ^ TWodofe, & 6teroit entre les
釁' iv I ■ eaaagaesag i ' 圍 i' r aaaaaaesai
(a) Leg. nohiUorcs « cod» d€ cmmr, & leg, nZt. dt
nfcind* vcHdif*
64 De l'Esprit des Lois;
, marchaods & les plebiens la facility d^acheter
99 & de vendre. u
/II eft contrel'efprk de la nKHiarchie que la no-
blefTe y faile le commerce. L'ufage qui a pennis
en Angleterre le commerce a la noblefle , eft une
des chofes qui ont le plus contribue a y affoiblir
le gouvernement monarchique.
C H A P I T R E XXII.
Riflkxion particulltre,
Des gens frapp 在 s de ce qui fe pratique dans
quelques 6tats, penfent qu'il faudroit qu'en France
il y eut des lois qui edgageailent les nobles a
faire le commerce. Ce feroit le moyen dy d^-
truire la noblefTe , fans aucune utilite pour le com-
merce. La pratique de ce pays eft tres (age ; 】es
n^gocians n'y font pas nobles ; mais ils peuvent
le devenir ; ils ont4'efp^rance d'obtenir la noblefle ,
fans en avoir rinconv^nient aduel ; ils n'ont pas
de moyen plus sur de fortir de leur profeffion que
de la bien faire , ou de 】i faire avec honneur ,
chofe qui efl ordinairement attachee a la fuf-
fifance.
Les lois qui ordonnent que chacun refte dans
fa profeffion ,& la faffe pafler a fes enfans , ne
font & ne peuvent ^tre utiles que dans les 纟 tats
[tf] defpotiques , oii perfonne ne peut , ni ne doit
avoir d'^mulation. -
Qu'on ne dife pas que chacun fera mleux fa
{a) EfFeftivcment, cela y eft rouvent ainfi ^tabli. '
profeffion
Liv. XX. Chap. XXII. 6{
profeffion lorfqu'on ne pourra pas la quitter pour
line autre. Je dis qu'on (era mieux fa profeffion ,
lorfqueceux qui y auront excelle efpireront de par-
▼enir a une autre.
L'acquifition qu'on peut falre de la nobleile k
prix d'argent, encourage beaucoup ^es n^gocians
a fe mettre en 豸 tat d*y parvenir. Je n'examine
pas fi Yon fait bien de donner ainfi aux richefles
fe prix de la ycfrtu : il y a tel gouvernement ou
cela peut itre trbs utile*
En France , cet ^tat de la robe qui fe trouve
cntre la grande noblefle & le peuple ; qui , fans
avoir le brillant de celle-la, en a tous les privi-
leges ; cet ^tat , qui laifle les particuHers dans la
m^diocriti , tandis que le corps depofitaire des
lois eft dans la gloire ; cet etat encore dans le-
quel on n,a de mojen de fe diAinguer que par
Ja fuiEfance & par la vertu ; profeiiion honora-
ble, mais qui en laiiTe t6ujours voir une plus
diilinguee : cette noblefle toute guerriere , qui
penfe qu'en quelque degr^ de richefTes que I'on
fbit , il faut faire fa fortune ; mais qu,il eft hon-
teux d'augmenter fon bien , fi on .ne commence
par le difliper ; cette partie de la nation , qui fert
tou jours avec le capital de fon bien; qu" quand
elle eA ruin^e , donne fa place a une autre , qi|i
fer vira avec fon capital encore; qui va a la guerre
pour que perfonne n'ofe dire aa'elle ny a pas
ii6 ; qui, quand elle ne peut efperer les richeiTes,
efpere les honneurs ; & lorfqu'elle ne les ob-
tient pas , fe confole , parce qu'elle a acquis de
、 I'honnetlir ; toutes ces chofes ont n^ceflairement
contribu6 a la grandeur de ce • royauine. £t (i
depuis deux ou trois fiecles , il a augmente fans
cefle i*a puiiTance , il faut attribuer cela. a la bQnt6
6^ . De l'Esprit des Lois,
de its lo'is , non pas ^< la fortune , qui n'a pas ce»
fortes de conilance-
« e H AP IT HE XXIII.
'A qUiUeS' muons' U ejt difavantagtux dc fain Ir
commerce^
Jj ts ricfifeffes confident eir fbnds & terre , ou?
•n efFets mobiliers : les fonds de terre de chaque
pays font ardinairement pofKdea par fes habi-
tans. La* pfupart des etats ont des lois qui de-
goutent les (Strangers de I'iacquifition de leun^
terres ; il n'y a meme que la prifence dit,
maitre qia les* fkffe yaloir : ce genre dc richeffes-
appartient don€ a chaque 纟 tat en particuHer*-
Mais les efEets mobiliers , cdmiiie Fargent, les
billets , les lettres de change , les a£hons fur
les compagnies , les vaifTeaux , toutes les mar*-
chandifes^ appartiennent au monde entier , qub
dans ce rapport ne compofe qu'an feul &at"
dont toutes les foci6t《, font les membres : le
peuple qui poffede le plus' de ces effiets mobiliers'
de runivers*, eft le pl^s riche. Quelques- 叾 tats en
ont une immenffe quantitd : ils les acquierent
chacan^par leurs denrees , par k travail de leur»、
- ouwiers , par leur induftrie , par leurs d6cou*
V€rtes> par le haTard* meme. I2'avarice des na*
tiony fe difpute lea» meubles de tout Fumvers. 11、
peut fe trouvcr un etat fi malheureux , q«'il fera-
priv6 des effete des anties pays , & mime encore
de prefque tous les fiens : les propri^taires des
奢 ^ fonds de terre n'y feront que les. colons des itran^
gers. Cet etat xnanquera de tout ne pourrs
Liv. XIX. Chap. XXIII. 67
ntn acquenr ; il vaudroit bten mieux qu'il n'eAt
de commerce avec aucune nation du monde :
c,eft ie commerce qui, dans les circonftances oil
il fe trouvoit , I'a conduit a la pauvretc.
Un pays qui envoie toujours moms de mar—
chandius ou de denr^es qu'il n,en re^oit , k
met iui-meme en equilibre en s'appauvriffanr :
il recevra toujours moins , jufqu'a ce que ,
dans une pauvreti extreme , il ne re^oive plus
lien.
Dans Ie» pays Jk commerce , Sargent qui
9,eft tout* a- coup ifvanoui revient , parce que
le9 浍 tats qui font re^u le doivent : dans les
^tats dont nous parlons , Fargent ne revient
jamais , parce que ceux quU.ont pris ne doivent
vien.
La Polognc fervira ici d'exemple. EBfe n*a
prefqu'aucane des chofes que nous appellons les
cffets tnobiiiers de runivers , ce n'eft le bled de
fes terres. Quelques feigneurs poffedent des pr<f> -
yinces cnderes ; ils preffent.le hboureur pour"
avoir une plus grande quantite de bled <ju'ib
puiiTent ef^yoyer aux Grangers , & fe procurer
les chofes que demaiMle leur luxe. Si h P'ologife'
ne commer^oit avec jmctine nation , fes pcuples'
feroient plus heureux. Ses- grands qui n'auroient
que leur bled , le donneroient a leurs payfarfs
pour vivre ; trop grands domaines leur fe 一
foient a charge , ils ks partageroient a leurs*
f^yjhitis ; tout le monde , trouvant des peaux
©u aes bines dans fes trl)upeaux ^ il ny auroit-
bIus- une depenfe imnienfe a £aire pour les ha*--
bits ; les grands qui aiment toujours le luxe, &
q^ii ne le pourroieflt trouver que dans leur pays ,•
encburageroient les pauvres au travail. Je dis que
cette ndXiM kxoit plus floxiiTan te , a moins qu'ell^
F
68 De l'Esprit des Lots;
ne devint barbare ; chofe que les lois pourroient
prevenir.
Confiderons a prtfent le Japon. La quantity
exceflive de ce qu*U peut recevoir , prodult la
quandte exceffive de ce qu^ pern envoyer : les
chofes feront en ^quilibre , comme fi I'impor-
tatiott & ["exportation 荟 toient mod^rees ; &
d'ailleurs cette efpece d*enflure produira a I'etat
snille avantages : il y aura plus de confommar
tion , phis de chofes fur lefquelles les arts peu-
vent s'exercer , plus (Thoimnes employes , plus
de moyens d'acqu^rir de la pdifTance r il peut
arriver des cas oil I'on ait befoin d'un fecours
prompt , quun ^tat fi plein peut donner plutdt
qu'un autre. II eft difficile qu'un pays n'ait des
chofes fuperflues ; mais c*eft la nature du com-
merce de rendre les chofes fuperfiues utiles , &
• les utiles n^ceiTaires. L'etat pourra done donner
les chofes neceiTaues a un plus grand nombre de
fujets.
Difons done que ce ne font pomt tes nations
qui n'ont befoin de rien , qui perdent a faire le
commerce ; ce font celles qui bnt befoin de tout.
Ce ne font point 】es penples qui fe fu£fent a
eux-memesy mais ceux qui n'ont rien chez eux ,
qui trouvent de ravantage a ne trafiquer ayec
perfonne*
Liv. XXI. Chap. I
. \^ \^ \^ \^ \^ \^ \^ \^ \^ w \^ \^ \^
^\ ^\ ^\ f\ ^ ^\ f\. /*\ W\
L I V R E XXL
Des lots , dans U rapport qiitlUs ont avu
le commerce , conjideri dans Us revolu"
iions qu il a cues dans le monde.
CHAPITRE PREMIER.
Quehptes confidirations giniralcj.
uoi Q UE le commerce foit fujet a cTe
grandes revolutions , il peut amver que de cer-
tatnes caufes phyiiques , la qumit^ du terrein oit
du climat , fixent ponr jamais fa nature.
Nous ne faifons au)ourd*hui le" commerce deft
Indes , que par rargent que nous y enyOyons*
Les Romains [a\ y portoient tomes les ann^es>'
environ cmquante millions de fefterces. Cet
ai^ent , comme le notre aujourdliui , ^toit con-
vert! en marchandifes quails rapportoient eii
Occident. Tous les peoples qui ont negoci^ aux
Indes, y ont toujburs port^ qqs metaux, & en ont
rapport^ des marchafidifes.
Oeft la nature meme qui produh cet effet-
Les Indians ont leurs ^rts , qui font adaptes a
leur maniere de vivre. Notre luxe ne lauroit
(«) Pline > livre Vl> chap, xxiii*
7# Di lTEsPrit 0IS Lofs ;
ctrc le leur, ni nos befoins etre leurs befouuC
Lew climat lie leur demande ni ne leur permet
prefque nen <k ce cnn vient chez nous. lis vont
en grande par tie nuds ; !es y^ecncns qu'ils ont ,
le pays les leur fournit convenables ; & leur
religion, qui a fur eux tant d'empire , leur donne
de la repugnance (four les chofes qui nous fes-
veirt de nourriture. lis n'ont done befoin que
de nos m^taux qui font les (ignes des valeurs , 8c
pour lefquels ils donnent des marchandifes , que
leur frugalh^ & la nature de leur pays leur pro-
cure en grande aboindance, Les autenrs anciens
qtd nous ont parle des Indes- , nous les depei-
gnent (h) telles que nous les voyons aujourd'noi ,
quant a la police , aux manieres & aux moeurs^
Les Indes ont et^ , les Indes feront ce qu'elles*
font a pr^fent ; & dans tons les temps , ceux qui:
negocieront aux Indes , y porteront de Fargent ^
& n'en rapportvbnt pa».
C H A P I T R E IL
Des feupUs d, Afriqiu;
a plupart dies p^npTes dies c&tes de PAfrique*
font fauvages ou bar bares. Je crois que cela
rient beaucoup de ce que des ' . pays- prefquMiv-
habitablcs fepareiit de petits pays qui peuvenf
Itre habit^Sr^ Ils font Kins induftrie j. ils nont
tiv. XXI. Chaf. H. "
point d*arts ; ih ont en abondance des tn^taux
precieux qu'ils tiennent imm^iatement de$inain»
de la nature. Tous ks peuples polices (dni done
en ^tat de negocier avec eux avec arantaee ;.
ns peuvenf leur faire eflimer beaucpup des cho-
、 fes de nulie valeur ,& ea receToir ua tres grancf
prix.
CHAP IT RE nr.
Que ks hefoins des peuples du midi font diffirtns
de. cmx des peupUs du nordL
X L J a dans I'Europe une efpece de balance -
ment entre les nations du midi & celles du norcL
Les premieres ont toutes fortes de commodites
four la vie , & peu de befoms ; les fecondes ont
eaucoup de befoins , & pea de commodity
pour la vie. Aux lines , la nature a dbnn^ beau-
coup , & elle» ne lui demandent que peu ; aux
autres , la nature dbnne peu , & elUs lui deman-^
dent beaucoup. L'^quilibre fe maintient par Isu
parefTe qu*elle a donn^e aux nations du midi ,
& par rinduftri'e & radtivite qu'elle a donn^es
a. celles du nord Ces dernierfis font obligees dd
travailler beaucoup*, fans quoi ellbs manque-
foient de tout & deviendroient barbares. C'efP
ce qui a. naturalife la fervitude chez les peuple»
du midi : comme ils peuvent aifement fe paf-
fer de- richefTes , ils peuvent encore mieux fe
paffer de liBerte. Mais les peuples dii nord ont
befoin de la liberty , qui leur procure plus de
moyens de fatisfaire tous les befoins que la na-^
lure leur a dbnnes. L^s peugles du nordibnt done
,
71 De l'Esfrit des Lois,'
dans un 6tat fore 丟 , s'ils ne font libres ou bar-
bares : prefque tous les peuples du midi font en
quelque fa^on dbuis un €tat violent , s^ils ne foat
efclaves.
y , 11
C H A P I T R E IV.
Prihcipale difference du commerce des ancicns.
d*avec cilui £aujourct kui.
L
E monde fe met de temps en temps dans des
iituations qui changent le commerce. Aiijour-
cHiui le commerce de ITEurope fe fait principa-
lement du nord au midi. Pour lors ia difFerence
des cHmats fait que les peuples ont an grand
befoin des marchandifes les uns des autres. Par
exemple , les boiflbns du midi portees au nord ,
forment une efpece de commerce que les ancien)
n'avoient guere. Auffi la capacite des vaifTeaux,
«ui fc mefuroit autrefois par muids de bled ,
mefure-t-elle au)ourd*hui par tonneaux de
liqueurs.
' Le commerce ancien que nous connoiffons »
fe faifant d,un port de la Medkerran^e a I'autre ,
^toit prefqne tout dans le midi. Or les peuples du
meme dimat ayant chez eux a peu pres ks
memes chofes , n'ont pas tant de befoin de
commercer entr*eux , que ceux d'un climat
different. Le commerce en Europe etoit done
autrefois moins etendu qu^il ne I'eft a pri-
fent ?
_ Ceci n'eft point contradiftolre avec ce que
)*ai dit de notre commerce de& Indes : la diffe-
一、 • • rence
.1
r
Liv* XXI. Chap. IV. 75
itnce exceffive du dtmat fait que les befoins
telatifs font nul^
C H A P I T R K V.
Autres differences.
c commerce , tantot detruit par les con;
querans , tantot g^n6 par les monarques , par*
court la terre , (bit d'oh il eft opprime , fe re*
pofe oil on le laiiTe refpirer : il regne aujourd'hui
oil Xofi ne voyoit que des deferts , des mers
& des rochers ; la oil il regnoit , il n'y a que des
deferts.
A voir atqourd*huI la Colchide , qui n'eft
plus qu'une vafte foret , ou le peuple , qui dimi-
nue tous les jours, ne defend (a libert6 que'
pour fe vendre en detail aux Turcs & aux Per-
fans ; on ne diroit jamais que cette contr^e edt
et6 du temps des Romains pleine de villes, o\i le
commerce appelloit toutes les nations du monde.
On n'en trouve aucun monument dans le pays ;
il nV en a de traces que dans PUne {a) & Stra 一
hon \b\
Uhiftoire du commerce eft celle de la cpinmu-
fiication des peuples. Leurs deftrudtions diverfes ,
&c de certains flux & reflux de populations &
de d^vailations , en forment les plus grands ^v6-
aemens. , ^
U) Uy. VI.
ih) Liv. II.
Tome III.
74 De l'Esprit des Lois
(a) DiodoH f liv. II,
{h) Ibid.
(c) Voyei Pline , liv. VI. chap, xyi. s 6c Stral>on •
Uv. XI. '- --
{d) Strabon , Uv. XI, 、
CHAPITRE VI.
Du CQmmerce des ancicns.
Sli e s trifors immenfes {a) de Semiramis , qui
ne pouvoient avoir et^ acquis en un jour , nous
font penfer que les Aflyriens avoient eux-memes
pill^ d'autres nations riches , comme les amres na-
tions les pillerent apr^s.
L'effet du commerce font les richeffes ; la
fuite des richeffes le luxe ; celle du Lixe 'la per-
fedlion des am. Les arts portes au point oil
on les trouve du temps de Semiramis ] ,
nous marquent un grand commerce d^ja ^tabli.
II y avoit un erand commerce de luxe dans
les Empires d'Ane. feroit une belle partie
de rhiftoire uu commerce qiie rhiftoire du luxe :
le luxe des Pgrfes ptoit celui des Medes , coipme
celni des Medes etoit celui des Affyriens,
II eft grriv6 de er^nds ch^ingemen? en Afie.
La partie de I4 Perfe qyi eft au nord-eft , I'Hyr-
ane, &c. etoient
autrefois pleines^ de villes floriflantes*(c) qui ne
font plus ; & le nord {d) de cet Empire , c*eft-a-
dire , rifthme qui fepare I4 mer Cafpienne 4u
pont-Eu^n , ^toit couvertde villes & de nations »
qui ne font plus encore,
• 1
a
B
n
a
.1
M
c
L I V. Chap. VI. 7J
"Eratojlhene & Ariftohuk tenoient de Pa-
trocle (/) , que les marchandiles des Indes pal-
foient par rOxws dans la mer du Pont* Mare
Varwn (g) nous dit que 1*0 n apprit , du temp6
4e Pompie dans ia guerre centre Mitiiridate , que
Von alloit en fept jours de rinde dans le pays deii
Ba^biens , & au fleuve Icarus qui fe jette dans
rOxus ; que par-la lei marchandiCes de rijide
pouvoient travetfer ,la mer Cafpienne , entrer
de-la dans rembouchure du Cjrus^ que de ce
fleuve il ne faMoit qu'un tra^et par terre de cinq
jours pour aller au Phafe qui conduifoit 4a ns
le Pont- Euxin. C'eft fans dome p^r les nations
qui peuploient ces divers pays , que les grands
Empires des Affyriens , des Medes ; & des
Perfes , avoient une communication avec les
parties de i'orient 6c de roccideiK les plus re-
culees. •
Cette communication n'eft plus. Tons cos
pays ont ete devaftes par les Tartares [k\ , &
cette nation deftrudrice les habite encore po«r
les infefter. L'Oxus ne va plus a la mer Caf-
pienne ; ks Tartares I'ont d^tourne pour des
(0 Ihii.
If) L'autorit^ Patrode eft confid 豸 rable , comme
il paroit par no recit de Strabon , liv, II.
{ g) Dans Pline , liv. VL chap, xvii, Voyez aufli
Strabon , liv. XI. fur le trajet des marchandifes cfu
Ph^fe au Cyrus. .
(h) 11 faut que depuis" le temjps de Ptolomee, qui
nous decrit tant de rivieres qui le jettcnt dans la par-
tie orientale de la mer Cafpienne » il y ak eti de grands
changemens dans ce pays. ^ La carte du czar ne met de
ce cot^-1a que U riviere tfAftrabat & ceUe de M.
Sathalfi , rien da tout.
76 De l'EsPRIT D£S lois ;
raifons particulieres (/) ; il fe perd dans des fa*
bles arides.
Le Jaxarte , qiu formoit autrefois une bar—
ilere entre les nations policees & les nations
barbares , a et^ tout de meme detourne [kj
par Its Tartares , & ne va plus jufqu'a la
m^r ? , •
SiUiLCus Nicator forma le projet [/] de join-
^re le Pont-Euxin a la mer Cafpienne. Ce def-
fein qui eut donn6 bien des facilit^s au com-
merce qui fe faifoit dans ce temps-la , s'^vanouit
a fa (m) mort. On ne fait s'il auroit pu Fexc-
cuter dans Fifthme qui fepare les deux mers. Ce
l^ays eft aujourd'hui tfSs peu connu ; il eft
d^peuple & plein de forets ; les eaux n'y man-
quent pas , car une infinite de rivieres y def,
cendent du Mont-Caucafe ; mais ce Caucafe ,
qui forme le nord de rifthme ,& qui 6tena
Aes cfpec^ de bras (") au midi , auroit ^t6
un grand obftacle , furtout dans ce temps-Ik ,
oil Von n'avoit point Fart de faire des eclufes.
On pourroit croire que $elcucus vouloit faire
la jon£tion des deux mers dans le lieu meme oil
]e czar Pierre I. I'a faite depuis , c'eft-a-dire ,
dans cette langue de terre oil le Tanais s'ap-
proche du Volga : mais le nord de la mer Cai«
pienne h'^toit pas encore decouvert.
Pendant que dans les Empires d'Afie il y avoit
W 華 ■ =31
(i) Voyez la relation de GenHnfon , dans le recue)
tts voyages du nord , torn. IV.
(k) Je crob que de-Ii j'eft form^ le lac Aral.
u) Claude-Cefar, dans Pline , liv. VI. chap, ii. j
(jw) II fut tue par Piolomee Ceranus.
(«) Voycz Strabgn liv. XL
Liv. XXI. Chap. VI.
im commerce de luxe, les Tyriens faifoient f>ar
toute la terre un commerce d*^conomle. Bo^
chard a employ^ le premier livre de fon Cha -
naan a faire r^num^ration des colonies quails en-
voyerent dans tous les pays qui font pr^s de la
mer ; ils paiTerent les colonnes d'Hercule , &
firent des ^tabliiTemens [o] fur les cotes de
l*ocean.
Dans ces temps- la , les navigateurs ^toient
x>b]ig^s de fuivre les c6tes, qui etoient,pour ainii
dire , leur boufTole. Les voyages ^toient longs
6c p^nibles. Les travaux dela navigation d'UIyU«
ont ix^ un fujet fertile pour le plus beau poeme
monde , apvis celui qui eft le premier de
- tous.
Le peu de tonnolflknce q^ue la plupart des
pefiples avoient de ceux qui ^toient eloigner
€l*eux , favorifoit les nations qui faifoient le com-
merce d'economie. EUes mettoient dans leur
negoce les obfcurites qu*elles vouloient : elles
avoient tous les a vantages que les nations in-
telligentes prennent fur les peuples ignorans.
L'Egypte eloign^e , par la religion & par
.les mcjeurs , de toute communication avec les
Strangers , ne faifoit guere de comtnerce au
dehors : elle jomfToit d'un terrein fertile & d'une
extreme abondanc^. C*6toit le Japon de ces
temps-la : elle fe fuiEfoit a eile-meme.
Les Egypticns furent fi peu jaloux du com-
merce du dehors , qu'ils laiiTerent celui de la
mer rouge a toutes les pctites nations qui y
eurent quelque port. Ils foufFrirent que les Ida-
meens , les Juiis & les Syriens y euiTent des
{fi) Ils fonderent Tartefe„ & s'^tablirent a CadU
G }
78 De ttsPRlT D£S Lews;
£ottes. Salomon (/^) employa a cette navi—'
gation des Tyriens qui connoi^Toient ces mers.
Jofephe [ f ] iit que fa nation , uniqiaement
occup6e de ragriculture , connoiffoit peu la
mer : auffi ne fut-ce que par occafion que les
}uifs negocierent dans k mer rouge. Us con-
quirent fui les Idum^ens Elath & Afk)ngaber ,
qui leur donnerent ce commerce : ils perdi -
lent ces deux villes , & perdirent te commerce
U n*en fut pas de mime des Phiniciens : ils-
ne faifoient pas un commerce de luxe ; ils ne
negocioient point par la conqiiete ; leur frugalite ,
kur habile te , leur induftrU , leurs perils , leurs
fafigues , les rendoient necefTaires a toutes les
mations tiu monde. ♦
Les nations vol ikies de la mer rouge ne n^go-
cioient que dans cette mer & celle d'Afrique,
L'etonnement de Funivers a la decouverte de la
xner des Indes , faite fous Alexandre , le prouve
afTez. Nous avons (r) dit qu'on porte toujour-
aux Indes des metaux precieux , & que Ton n'^n*
fapporte [ point : les flottes Jiiives qui rap -
portoient par la mer rouge de For & de l,ar-
gent , revenoient d'Afnqne , & mm pas de»
Indes.
Je dis plus r cette navigation fe faifoit fur ia
0>) Livre HI des Rob » cha 卜 IX. Paralip , liv. IL
chap. VIII-.
(a) Contra Appion.
fr) Au chap. I de ce Hrre*
(s) La proportion ^tablie en Europe entre l^ar &
Pargent , peuC quelquefois faire trouver dii. profit 4
prendre dans les Indes de I'or pour de I'arg^nt ; mais
c*eQi peu de chofe*. 、
i
Liv. XXI. Chap. VI. 79
tote orientals de rAfrique ; & Fetat ou ^toit la
marine pour lors , prouve aflez qu'on n'alioit pas
dans des lieux bien recules.
Je fais que les flottes de Salomon & de Jo-
xaphat ne revenoient que la troiHeme an nee ;
mais je ne vois pas que la longueur 4u voyage
prouve la grandeur de reloignement.
Pline & Strabon nous difent que le chemin
qu'un navire des Indes & de la mer rouge , fa-
brique de joncs , faifoit en vingt jours , un na-
vire Grec ou Romain , le faiibtt en fept (/).
Dans cette proportion , un voyage d'un an pour
les flottes Grecques & Romaines ^ etoit a pea
pres de trois pour celles de Salomon.
Oeux navires d'une viteffe in-egale ne font pas
leur voyage dans un temps proportionni a leur
viteffe : la lenteur prodult fouvent une plu,
grande lenteur. Quand il s'agit . de fuivre le»
cotes J & qu'on i,e trouve fans cefle dans une
difFerente pofition ; qu'il faut attendre un bon
vent pour fortir d*uri golfe , en avoir un autre
pour aller en avant , un navire bon voilier pro*
nte de tous, les temps favorables , tandts que
I'autre reftep dans tin endroit difficile , 6c attend
plufieurs jours un autre changement.
Cette lenteur des navires des Inde» qui dans
un temps egal ne pouvoient fairg que le tiers
du chemin que faifoient les vaiiT^aux Grecs &
Ro mains , peut s'expUquei' par ce que nous
voyons aujourd'hui dans notre marine. Les
navires des Indes qui ^toient de jonc , tiroient
mo ins d'eau que les yaifleaux Grecs & Ro-
(t) V<jyci Pline , Uv, VI. chap, la; & StrabOn
Uv. XV.
一 .0 4
r
8a De l'Esprit des Lois ;
mains qui etoi«nt de bois , & joints avec du fer*
On peut comparer ccs navires des Indes h
ceux de quelques nations d'au)ourd'hui dont les
ports on peu de fond : tels font ceux -de Venife ,
& meme en g^n^ral de tltaUe (ju) , de la mer
Baltique & de la province de Hollande (at),
Leurs navires qui doivent en fortir & y ren—
trer, font d'une fabrique ronde & large de fond ;
au lieu que les navires d*autfes nations qui ont de
bons ports , font par le bas d*une forme qui 】es
fait cntrer profondetnent ^aas Feau. Cette m^-
canique fait que ces demiers navires naviguent
plus pres du vent, & aue les premiers ne navi-
guent prefque que quand ils ont le vent en poupe.
Vn navire qui entre beaucoup dans leau , na-
vigue vers le meme cote a prefque tous les vents ;
ce qui vient de la r^fiflance que trouve dans
I'eau le vaifleau pouiR par le vent , qui fait un
point d'appui , & de la forme longue du vaifTeaii
qui eft pr^fente au vent par fon c6t6 , pendant
que par FefFet de la figure du gouvernail on tourne
la proue vers le cote que Fon Ce propofe ; en*
forte qu'on peut aller tres pres du vent , c*eft-
a-dire , tres pr^s du cote d*ou vieitt le vent,
Mais, quand le navire eft d'une figure ronde Sc
Jarge de fond , & que par conf^quent il enfonce
peu dans I'eau , il n*y a plus de point d'appui; le
vent chafle le vaifleau , qui ne peut refiftef , ni
guere aller que du c&t^ oppoft au vent. D^oii il
luit que les vaifTeaux d'une conftru6lion ronde de
(a) £Ue n'a prefque i{iie des rades ; mais la Sicile a 6%
tres bons port"
(x) Je dis c!e la province de Hollande j car Us potts
4e celle de Zelande font aiTez profonds.
liy. XXL Chap. VI. 8i
fond, (bnt plus lents dans leurs v%^es : lO.Us
perdent beaucoup de temps a atteridre le vent ,
iurtout s'ils font obliges de changer fouvent de
diredxon : a^. ils vont plus lentement ; parce
que n'ayant pas de point d*appui , ils ne fau«
roient porter iantant de voiles que les autres. Que
£ dans un temps oil la marine »'eft fi fort per 一
fe£tion^e ; dans un temps oh les arts fe com -
muniquent ; dans un temps oil I'on corrige
par Fart & ies difauts de la nature & les d^fauts
de Fart metne ; on fent ces differences , que de<*
▼oit-cc Stre dans U marine des anciens ?
Je ne faurob quitter ce fujet. Les navires des
Indes Roient petits , & ceux des Gr«cs & des
Romains , fi l,on en excepte ces machines que
I'oftentation fit faire , ^toient moins grands que
les notres. Or, plus un navire eft petit , plus il
eft en danger dans les gros temps. Telle tern-*
pete fubmerge un navire , qui ne feroit que le
tourtnenter s'il ^toit plus grand. Plus un corps
en furpafle un autre en grandeur , plus fa furface
eft relativement petite ; d'oii il futt que dans un
petit navire il 'y a une moindre raifon , c'eft-a-
dire , tme plus grsinde difference la furface da
navire au poids ou a la charge qu'il peut porter ,
que dans un grand. On fait que , par une pra-
tique a peu pres eenetale , on mgt dans un. na-
vire une charge aun poids £gal a celui de la
moidi de I'cau qu'il pourroit contenir. Suppo-
fons qu,un navire tint huit cent tonneaux d*eau ;
fa charge feroit de quatre cent tonneaux ; celle
tfun navire qui n« tiendroit que quatre cent ton-
neaux d*eau , feroit de deux cents tonneaux,
Ainfi la grandeur du premier navire feroit ,
au poids qu'il porteroit , comme 8 eft k 4 ^ 6c
ceile da fecond, comme 4 eft a 2. Suppofons
82 De l*E sprit DCS Lois;
que la furfac9 du grand (bit, a la furface du
petit , comme'8 eft a 6 ; la furface (y) de celui-
ci fera , a fon poids , comme 6 eft a deux ;
fandis que la fur face de celui-la ne fera , k
fon poids , que comme 8 eft a 4 ; & les vents &
ks flots n'agiffant que fur la furface , k grand
valHeau refiuera plus par fon poids a leur irape-
tuofit^ , que le petit.
C H A P I T R E VII.
Du commerce d" G"cs,
£ s premiers Grecs etoient tons pirates. Mi-
nos , qui avoit eu rEmpire de la mer , n'avoit eu
peut-etre que de plus grands fucces dans les
brigandages : fon Empire etoit borne aux en,
virons de fon ile. Mais lorfque les Grecs devin-
rent un grand peuple , les Atheniens obtinrcnt
le viiTtaSie Empire de la mer , parce que cette
Ration commer^ante & vidlorieufe donna la.loi
au Monarque (a) le plus puiiTant d*alors , &
abattit les forces maritimes de k Syrie , de I'ile de
Chypre & de la Phenicie.
II faut que je parle tie cet Empire de la mer
qu'eut Athenes. " Athenes , clit Aenophon (^) ,
,, a rEmpire de la mer : tnais comme 1, Attique
,, tient a la terre , les ennemis la ravagent ,
(y) C'eft-a-dire , pour comparer les grandeurs <le
fneme genre : I'ailion ou la prite du flatde fur le na -
vire , lera , a la r^(ii)ance du meme navire , comme , 8cc«
(a) Le roi de Perfe.
- {b) Dc repuhlm Athcn,
Liv. XXI. Chap. VH. 8j
» tandis qu'elle fait fes expeditions au loin.Xes
Vpnncipaux laiffent detruire leurs terres , &
3, mettent leurs biens en surete dans quelqu'ile :
3> la populace qui n'a point de terres , vit fans
" aucune inquietude. Mais fi les Atheniens ha-
3, bitoient une ile , & avoient outre cela FEm-
7) pire dela taev , ils auroient le pouvoir de nuire
» aux autres (ans qu'on put leur nuire , tandis
,, qu'ils feroient les maitres de la mer "• Vous
diriez que Xeno^ion a voulu parler de FAn-
gleterre.
Athenes remplie d« projets de gloire ; Athenes
qui augtnentoit la jaloufie , ^ lieu d'augmenter
rinfiuence ; plus attentive. a etendre fon Empire
maritime , qu'a en jouir ; avec un tel gouverne-
ment politique , que Je bas peuple fe diftribuoit
les revenus publics , tandis que les riches ^toient
dans roppreflion ; ne fit point ce grand -com-
merce que lui promettoient le travail de fes mines,
la multitude de fes efclaves , le nombre de fes
gens de mer , fon autorite fur les villes Gr^c-
ques , &, plus que tout cela, les belles inflitutions
de Solon. Son negpce fut prefque born^ a la
Grece & au Pont-£uxiri , d*ou elle tira fa fub-
ilflance. •
Corintfee &t admlrablement bien fituee : elle
fepara deux mers , ouvnt & ferma le Pelopo-
nefe, & ouvrit & ferma la Grece. Elle fut une
ville de la plus grande imjportance , dans un
temps oil le peupk Grec etoit un monde , &
les villes Grecques des nations : elle fit un plus
grand commerce qtf Athenes. Elle avoit un port
pour reccvoir les marchandifes d'Afie ; elle en
avoit un autre pour recevoir celles dltalie : car ,
comme il y avoit de grandes difficultes a toui>
>4 De l*Esprit MS Lois;
ner le promontoire Malie , oii des vents [^X
oppofts fe rencontrent & caufent des naufragA?
on aimoit mieux aller a Corinthe, & ronpou— -
voit meme faire pafler par terre les vaiileaujc
tfune mer a I'autre. Dans aucune ville on
porta fi loin les ouvrages de I'art La religion
acheva de corrompre ce que fon opulence lui
avoit laifEi de tnoeurs. Elle ^rigea un temple a
V^nus , oil plus de mille courtifanes furentcon*
facrees. Celt de ce ft&minaire que fortirent la
plupart de ces beautes ctiebres , dont Athenit
a oft icrire rhiftoire. *
II paroit que, <ki temps d*Homere , ropulencc
de la Grece itoit k Rhodes , a Corintne & a
Orcomene. cc Jupiter, dit - sdtna les Rho-
« diens , & leur donna de grandes richefTes
U donne k Corinthe (e) r^pithete de riche. De
meme, quand il veut parler des villes qui ont
beaucoup d'or , il cite Orcomene [/] , qu'il joint
a Thebes d'Egypte. Rhodes & Corinthe con —
ferverent leur puifTance, & Orcomene ]a perdit.
La pofmon d'Orcomene, pr^s de l*Hellefpont ,
de la Propontide & du Pont-Euxin , fait natu-
rellement penfer qu'elle tiroit fes richeffes d'un
commerce fur les cotes de xes mers , qui avoit
donnd lieu a la fable de la toifon d,or : Et effec-
tivement , le horn de Miniarese^ donne a Orco-
mene (g) & encore aux Argonautes. Mais commt
(c) Voy€z Strabon, liv. VIII.
(4 IHade , liv. IL
U) Ibid. 、
(/) Ibid, liv. I.v. 381. Voyez Strabon , Uy. pC>
pag. 414 , edition de 1610. '
(^) Strabon » Ur. IX.pag. 414.
Liv. XVI. Chap. XVI. «{:
idans la faite ces mers devinrent plus connues ; que
les Grecs y ^tablirent un tr^s grand nombre de
colonies ; cnie ces colonies n^gocierent avec les
petiples barbares ; qu'elles communiquerent avec
ieur m^tropole ; Orcomene commen^a a d 圣-
cHeoir , & elle rentra dans la foule des autres
villes Grecques.
Les Grecs , avant Homere , n*ayoient guert
negoci^ qu'entr'eux , & chez quelque peuple bar-
bare ; mais ils 6tendirent • leur domination , a
mefure qu'ils formerent de nouveaux peuples. La
Grece ^oit une grando p^ninfule , done les caps
femblolent avoir fait reculer les mers, & les
golfes s'ouvrir de tous cotes , comme pour les
recevoir encore. Si I'on jette les yeux fur la
Grece , on verra , dans un pays aUiez refferre *
une vafte ^tendue de c&tes. Ses colonies in-
nombrables faifoient une immenfe drconference
autour (Telle ; & elle y voyoit , pour ainfi dire ,
tout le monde qui n'etoit pas barbare. P^n^tra-
t-elle en Sicile & en Ital^? elle jr forma des
nations. Navigua-t-elle vers les mers du Pont,
vers les cotes de l,Afie mineure , vers celles d'A-
f rique ? elle en fit de m^me. Ses villes acqui -
rent de la profperit6, a mefure qu'elles fe trou-
verent pres de nouveaux peuples. £t ce nu'ily
avoit <f admirable , des iles fans nombre , ntu^es
comme en premiere ligne , I'entouroient encore.
Quelles caufes de profp^rite pour la Grece ,
que des jeux qu'elle donnoit , pour ainfi dire , a
Funivers; des temples , oii tous les rois en-
voyoient des ofFrandes ; des fetes , oh Yon s'af«*
fembloit de tomes parts ; des oracles , qui fai-
foient Fattention de toute la curiofit^ humaine ;
enfin , le gout & les arts port 纟 s a un point ,
que de croire les furpafler, fera toujours na les
pas connoitre i
96 De L*EsPiiiT bEs Lois;
C H A P I T R E VIII.
Yy Alexandre. Sa conquiu.
^^UATRE evinemens arrives fous Alexandre;
firent dans le commerce une grande revolution ;
ia prife de Tyr , la conquete de FEgypte , celle
<ks Indes , & k decouverte de la mer qui eft au
midi de ce pays.
Uempire des Pejfes s'^tendoit jufqu'a rinclus(/2).
Long -temps avant Alexandre , Darius ( ^ ) avoit
envoye des navigateurs qui defcendirent ce fleuve>
& allerent jufqq'a la mer rouge. Cttmnient done
les Grecs furent- ils les premiers qui firent par le
midi 】e commerce des Indes ? Comment les
Perfes ne ravoient-ils pas fait auparavant ? Que
leur fervoient des mers qui etoient fi proches
d*eux , des mers quibai^noient leur empire ? II
eft vrai qu' Alexandre conquit les Indes : mais
faut-il conquerir un pays pour y Ji^gocier ?
J*examinerai ceci.
L'Ariane _( O , qi" s'etendoit depuis le golfe
Perfique jufqu'a I'lndus , & de la mer du midi
jufquaux montagnes des Paropamifades , dep en-
doit bien quelque fkson de Fempire des
Perfes : mais dans fa partie m^ridionale elle
^toit aride , bruise , inculte & barbare. La tra-
(fl) StraboB,liv.XV.
{h) H^rodote, in Melpomtn^
{c) Strabon« Uv. XV.
Liv. XXL Chap. VIII.
^ttiois [</] portoit que les armees de Simiramis
& de Cyrus avoient peri dans' ces deferts \ 6c
Alexandre , qui fe fit fuivre par fa flotte , ne
lai^Ta pas dV perdre une grande partie de fon
arm6e. Les rerfes laifibient toute la core au pou-
voir des Ifthyophages \e ) , des Orittes & autres
peupies barbares. D'ailleurs, les Perles (/) n'e-
toient pas navigateurs , & leur religion meme
leur otoit toute idee de commerce maritime.
L*a navigation que Darius fit faire fur I'lndus 6c
la mer des Indes , fut plntot* une fantaifie d,un
prince qui vent montrer fa puifTance , que le
Bojet r^gli d*un monarqiie qui veut reirployer.
le n'eut de fuite , ni pour le commerce , ni
pour la marine ; & fi I'on forth de ignorance ,
ce (ut paur y retomber.
II y a fffus : il ^toit regu [ ^ avant I'expe-
didon 6i Alexandre , que la partie meridionale
des Indes 6toit inhabitable ( A ) : ce qui fuivoit
de la tradition que Simiramis ( i) n'en avoit
ratnen^ que vingt hommes , & Cyrus que fept.
Alexandre entra par le nord. Son deffein etoit de
marcher vers l,oriem : mais ayant trouve la paf,
tie du siidi pleine de grandes nations , de villes
\e) Pline, Hr. VI. chap, xxiii. Strabon , liv. XV,
(/) Pour^nc point fouiller lei ^l^meRs , its ne na-
viguoient pas fur les flfuves. M, Hidde , religion des
Per/cs. Encore aujourd'hui ils n'ont point de commer-
ce maritime » & ils traitent d'ath^es ceux qui vont Ctir
mer.
(g) Strabon , liv. XV.
(A) H^rodote , in Melpomene , dit que Darius coq-
i|uit les Indes. CeU ne peut 6tre entendu que de I'A'
riane :、 encore ne fat-ce qu*un« cooquSte en td^e.
(i) Sttabon , liy. XV.
$9 De LTtsPRIT DES loiS ;
& de rivieres , il en.tenta la conquete , &la fir.
Pour lors, il forma le defiein d'unir les in—
des avec I'occident par un commerce maritime ,
comme il les avoit unies par les colonies qu'iX
avoit ^tablies dans les terres.
II fit conftruire une flotte fur I'Hydafpe , def-
cendit cette riviere , entra dans llndus , & na-
vigua jufqu'a fon embouchure. II laifla fon ar-
m^e oL fa flotte a Patale , alia lui-tnSme avec
quelques vaiiTeaux reconnoitre la mer, marqua
les liepx ou il voulut que Von conftruisit des ports,
des havres , des arfenaux. De retour a Patale ,
il fe fepara de fa flotte , & prit la route de terre ,
pour lui donner du fecours , & en recevoir. La
flotte fuivit la cote depuis I'embouchure de lln-
dus, le long du rivage des pays des Orittes,
des Idhyopnages , de la Caramanie & de U
Perfe. II fit creofer des puits , b^tir des villes;
il defendit aux I6Uiyopnages (A) de vivre de
poifTon ; il vouloit que 】es bords de cette mer
• tuiTent habites par des nations civilifiies. Niar-
que & Oneficrite ont fait le journal de cette
navigation , qui fut de dix mois. Us arriverent
a Sale ; ils y trouverent Alexandre , qui don-
noit des fetes a fon ann6e.
(k) Ceci ne fauroit s'cntendre de tous les ifthio-
phages qui babitoient unt cote de dix mille ftades.
Comment Alexandre auroit-il pu leur donner la fub-
(iftance ? comment fc feroit-il fait l>b4ir } II ne peut
etre tci queftion que de quelques peuples particuUers.
N barque , dans le lirre rcrum Jndicamm , dit qu'i I'ex-
tremit^ de cette cote , du c6c^ de la Perfe , il avoit
trouv^ les peuples moins if^iophages. Je croirois que
I'ordre d* Alexandre regardoit cette contrde , ou quel -
qu'^autre encore plus voUiac de la Perfe,
Ce
、一
Li V. XXI. Chap. Vffl. S,
Cc conquirant avoit fonde Alexandrie , dans
la vue de s'aflurer de I'Egypte ; c'^toit une clef
pour l,ouVfir, dans le lieu meme [/] oil les
rois fes pr^deceffeurs avoient une clef pour la fer-
Sjer; & il ne fongeoit point a un comtnefce
ont \a decouverte de la mcr des Indes pou-
voit feule lui faire naitre la penfee*
II parolt mfime qu'apr^s cette decouverte
n*eut aucime vue nouvelle fur Alexandrie. It
avoit bien , en c^n^ral , le projet d'^tablir uit
commerce entfe les Indes & les parties occiden-
tales de fon empire t mais, pour le projet de
fiiire ce commerce par FEgypte , il lui manquoit
trop de connoiflances pour pouvoif le former*
Il av^oit vu rindus , il avoit va le Nil ; tnais il
lie connoiffoit point les mers de 1' Arable , qiu
font entre deux. A peine fut-il arrive des Indes ,
<pi*U fit conftruife de nouvelles Aottes ,& na«
vigua (m) fur l,Eul6us, le Tigre , ITuphrate 8t
la mer : il ota lei cataradies que les Perfes avoient
mifes fur ces fleuves : il d^couvrit que le fein
Perfique itoit un golfe de Yocim* Comme U
alia t^connokre [n] cette mer ^ ainfl qu'il avoit
recotinu celie des indes ; conime il fit conftruire
im port a Babylone pour mille vaifleaux , 8c
、des arfenaux ; comme il envoya cinq cent ta-
lens en Phinick & en Syrie , pour en faire ve-
(/) Alexandrie Cut fondle dans une plage appclM#
RacotiJ, Les anciens Rois y tenofent une garni fon ,
four d^fendfe rcntfee dii pays aux ^tfangers , & fuf-
tout aax Grecs qui ^toient , comme on fait , de grands
Straws. Voycz ? litit , liv. VI. chap x ; 8c $tf abort ,
V. xvni.
im) Arricn , expedite AUxanifi , lib* Vlh
90 Cte l'Esprit des Lois;
nir des 'nautoniers , qu'il vouloit ^acer Anns les
colonies quH F^andoit fur les cotes ; comine
enfin il fit des travaux immenfes fur FEuphrate
& les autres fleuves de I'Aflyrie , on ne peut
douter que fon deffein ne fut de fake le com-*
laerce des. Indes par Babylone &L le golfe Per*'
fiqiie.
Quelqnes gens , Caas -prftexte qu'Alexandre
TOuloit conqu^rir TArabie (。)', ont dk qu*il aroit
fDrme le deuein d'y meure le fiege de ion em-
pire : nuris comment auroit-il choifi un lieu qu'ifr
ne connoifTeit pas [p]^ D'aillcurs ^ c*6toit le
pays du monde le plus incommode : il fe feroifr
fipare de fon empire. Les califes , qui conqui-
rent au loin , quitterent d*abord FArabie , pour
sTetablir ailleurs^
mm
€ H A P I T R E IX.
Du commerce dts Rois Grtcs aprcs- Akxandre-^
S^ORSQu' Alexandre conquit I'Egypte , on
connoiff 心 it tr^s peir la mer rouge , & riei> de
cette partie de Toe 纟 an , qui'fe joint a cette mer ,
& qui biigne d'un cote la cote d*Afrique , &:
de I'autre celle de KArabie : on crut meme depuis
qu*il etoit impoffible de faire Fe tour cfe la pref-
qp'ile de L'Arabie. Csux. qui I'avoiem tent 纟 de
(p) Strabon , lir. XVI. i la fip. .
"(p) Voyant la Babyloni'e inonde^ , if regardoit FA—
rabie , qui en eft. proche , comme une iHe*. Ariftobule>.
^ns. Strabon. V ILv. XVI;
Ltv. XXI. Chap. XI. 91
diaque cote , avoient abandonn6 hut entrcprife.
On difoit [a] : a Comment feroit-il poflible de'
» naviguer au midi des c6tes de I'Arabie , puif-
» que rarmee de Cambyfe , qui la traverla du
» cote du nord, perit prefque • to6te ; & que
» celle que Ptolomee , fils de Lagus , envoya au
" (ecours de Seleucus Nicator , a Baby lone ,
» foufFrit des maux incroyables ,& i caufe de
s» la chaleur , ne put marcher que la nnit »
Les Perfes n'avoient aucune forte de naviga*
tion. Quand ils conquirent I'Egyptc , ils y ap-
porterent le me me efprit qu'ik avoient eu cher
eux ; & 】^^n6gligence fiit fi extraordinaire , que
les rois Grecs trouverent que nott^feukment les
navigations des Tyriens , des Idumeens & des
Juife dans rocean , ^toient ignorees ; mais que
celles memes de la mer rouge I'^toient. Je croi»
que la deftrudion de la premiere Tyr par Nabiy-
chodonofor , & celle de plufieurs petites 'nations
& villes voifines de la mer rouge , firent perdre
les connoiffances que l,ofi avoit aequifes*
L'Egypte , *da temps des Perfes , ne confi -
fioit point a lamer rouge : elle^ne contenoit [if]
que cette Hfiere de terre longue & ^troite que le
Nil couvre par fes inondatiens , & qui eft refler-
tie des deux cot^s par des chaines de moma -
gncs. U faljut done d^couvrir la mer rouge une
ieconde fois , & rocean une feconde ibis ; &
cette 'd^couverte appartmt a fa curiofite des roIs
Grecs.
On remoma le Nil , on fit la chaffe des ele-
phans dans les pays qui font entre le Nil & la'
00 Voyez le livre rerum Indicarum,
ih Stwlwm , liv. XYU
H X.
De l*Esprit des Lois
xner; on decouyrit les bords de ccttc flier par
les tcrres : & conune cette decouverte fe Ht fbus
ks Grecs , les noms en font Grecs , & les tem-
ples font confacr^s (c) a des divinites Grecques.
Les Grecs d*Egypte purent faire un com-
merce tres ^ndu : ils etoient maitres des ports
de la mer rouge ; Tyr , male de toute nation
conunersante , n'^tait plus; ils n'ctoient point
gen^s paries anclennes (d) fuperftitions du pays ;
irpte ^oit devenue le centre de I'univers.
Les rois de Syrie laifTerent a ceux d^Egypte le
commerce meridional des Indes , & ne s*atta-
cherent qu*a ce commerce feptentrional qui fe
faifok par ; Oxus & la mer Cafpienne. On
croyoit dans ce temps-la que cette mer etoit
line partie de roc^an feptentrional : & Ale-
xandre, qudque temps avant fa mort, avort
fait conftruire (/)une flotte , pour decouvrir &
elle eommuniquoit a Focean par le Pont-Euxin ,
on par que}qu*autre. mer orientale vers les Li-
cks. Apr^s fui, S^eucus & Antiochus eurent
une attention particuliere a la reconnoitre : ils
- y entretinrent (g) des flottes. jCe que Seleucusr
reconaut fut appell^ mer Seleucide : ce qu'An-
tiochus decotivrit fut appell^ mer Aflthi'ochide.
Attentifs aux projets qu'ils pouyoient avoir de ce
Ate-la , ils n^ligerent les mers du mkli; foit
(c) Uid. ,
{^QElles leur donn&icnt de fhorreur poor te»^rai»-
XII. Strabon , lir, XL Arrien , de Pexped. 4'Alex«
liv* IH. pag. 74, & liv. V. pag. 104.
(/) Arrica , de Pexped. d*AIex. Uv, Ylk
(g) Pliac^liy. ch. XLiv*
Liv. XXt. Chap. IX. 95
que les Ptolom^e , par leurs flottes fur fa mer
rouge, s*en RifTent deja pracur^ FEmpire ; foit
cp:i,^ euflent d^couvert dans Fes Perfes un ^loi-
gnement invincible pour la marine. La c&te du
midi de la Perfe ne fourniiToit point de mate-
lots ; on n*y en avoit vu que dans les derniers
momens de la vie d'Alexandre. Mais les Rois
d ,! ^ypte , maitres del'ile de Chypre , de la Phe-
nicie, & d'un grand nombre de places fur les
cotes de I'Afie mineure, avoient toutes fortes
^ moyens pour ialre des entreprife* de mer.
Us n'avoient point a contraindre le g^nie de leurs
iujets ; ils n'avoient qu,a le fuivre.
On a de la peine a comprendre robftinariofi
des anciens a croire que la mer Cafpienne ^toit
nne partie de roc^nn. Les expeditions d'Alexan-
dre , des Rois de Syrie , des Parthes & des Ro-
mains , ne purent leur faire changer de penfie ;
c'eft qu*on revknt de fes etreurs le plus tard
eu'on pern. EXabord on ne connut que le midi
oe la mer Cafpienne, on la prit pour Foc^ah ;
a mefure que I'on avan^a le long de fes bords
du cote du nord , on crut encore que c'^toit
foc^an qui entroit dans les terrcs : En fuivant les
cotes , on n'avoit reconntt cot6 de l,eft que
jufqu'au Jaxarte , & du coti de I'oueft que juf"-
ou'aux extr^init^s de rAlbanie. JLa mer , du cot&
sa nord, £toit vafeufe (A) , & par confluent
tr^ peu propre a la navigation. Tout cela fit que
f on ne vit jamais que rocean.
L'arm^e Alexandre n*avoit iti , du c8ti de
f orient , que )ufqu'a FHypanis., qui eft la der-
(A) Voyex U carte da czaf»
94 De l'Esprit des Lois;
niere des rivieres qui fe jettent dans I'lndus. Ain/i
le premier commerce que les Grecs eurent aux
Indes fe fit dans une tr^s petite partie du pays.
Seleucus Nicator p^netra }ufqu*au Gange [i} : &
par- la on d^couvrit la mer ou ce fleuve fe jette ,
c,eft-a-dire , le^golfe de Eengale. Aujourd*bui i'on
decouvre les terres par les voyages de mer; autre-
fois on decouvroit les mers par la conqulte des
terres.
Strabon (^) , malgri le moignagc d * Appal-
lodore , paroit douter que les Rois 《/) Grecs de
Baftriane foient alles plus loin que Seleucus 6 &
Alexandre. Quand il leroit vrai qu'ils n'auroient
pas iti plus loin vers I'orient que Seleucus , lis
ailerent plus loin vers le midi : ils decouvrirent [mj
Siger & des ports dans le Malabar , qui don-
nerent lieu a la navigation dont je vais parleiv
Pline (") nous apprend qu'on prit fucceffive-
tnent trois routes pour faire la navigation des
Indes. D'abord , on alia du promontoire de Siagre
a rile de Patalene , ^ui eft a I'embouchure de lln-
chis : on voit que c'etoit la route qu'avoit tenue la
flotte d' Alexandre, On prit enfuite un chemin
plus court [ci] & plus sur ; & on alia du meme
promontoire a Siger. Siger ne peut etre que
le Royaume de S^er dont parle Strabon [p]^
(i) Pline, Ut. VI. chap xvn.
h) Liv. XV.
I (/) Les Macedonien* de la BaAnane , des Indes &
<3« I'Ariane , $'eta«t r^^par^s< du royaume de Syrie , fop»-
mcrent un grand 豸 tat,
(«) ApoUonius Adramittin , dans Strabon , liv, Xk -
(«} LiV. VI. ch. xxirr.
Co) Pline , liv. VI. ch. xxiii,
(f) Liv. XI* Sigertidis ngnum^
Ltv. XXI. Cha?. IX. 9f
«ie les Rois Grecs d6 Ba&riane d^courrifent^
-line ne peut dire que ce chemin iat plus court,
parce qu*on le faifoit en moins de temps;
osLT Siger devoit etre plus recule que llndus ^
pvifque les Rois de Baariane le d^couvrirent. II
nlloit done que l,on 6vitit pac-la le detour de
certaines' c6tes , & que l,on pro&at de certauns-
vents. Enfiiv, ks snarchands prirent une troifieme
route : il&fe readolent a Canes ou a Ocelis , ports
iitues a rembouchure de la mer rouee, cToii, par
un vent d'oueft , on arrivoit a Muziris , pre-
miere itape des Indes , & de-1^ a d'autres ports.
On voit qu'au lieu (Taller de rembouchure de la
mer rouge jufqtt'a Siagre en remontant la cote de
CArabie-4ieureufe au nord-eft , oti alia, direde*
laent de I'oueft a I'eft , d*ua c6ti a rsuitre , {iar
le moyen des mou^ons , dont on decouvrit les
changemens en naviguant dans ces parages. Les
. anciens ne qakterent les cotes , que quand il&
k fervirent des mou^ons [s] & cUs vent&ali-
£is , qui etoient une efpece de bouiTolIe pouir
Pline (rV (fit , qu'bn partoit pour les Indes^
au milieu oe l*ete , & qu'on en revenoit vers Ian
fin de Decembre & au commencement de Janr
vier. Ceci eft enti^rement confbrme aux jour -
naux de nos navig^teurs* Dans cettepartie de
mer des Indes qui ieft entre la prelqulle d*A^
fi-ique & celle de de^a le Gange y a deux mou-
sons ; la premiere , pendant laquelfe les vents*
(q) Les mou^pns foulffent une par tie de I'ann^e d'unt
^ot^ , & ]une partie de I'ann^e de I'autre ; & les vent»
aUr^s foufflent du iti^mc coti toate Itann^e*-
(r) liv. VL ch^xxur-
9<$ De l'Esprit Drs Lois 9
vont de I'oueft a l,eft , commence au mcnt
d'Aout & de Septempre ; la deuxieme pendant
laquelie les vents vont de l,eft a Foueft , com-
mence en Janvier. Ainfi nous partons d'Afrique
pour le Malabar dans le temps que partoient les
flottes de Ptolomee , & nous en revenons dans le
m^me temps.
La flotte d* Alexandre nut fept moU pour aller
de Patale a Suze. EHe partit dans le mois de Juil-
let , c*eft-a-dire , dans un temps 011 au)ourd*hui
aucun navire n'ofe fe mettre en mer pour revenir
des Indes. Entre 1' 義 ne & 1, autre mougon , il y a
un intervalle de temps pendant lequel les vent*
varient ;& ou un vent de nord fe melant avec
les vents ordinaires , caufe , furtout aupr^s des
c6tes , d*horribles tempetes. Cela dure les moi*
de Juin, de Juillet & d'Aoftt. La flotte d' Alexan-
dre partant de Patale au mois de Juillet , ef-
fuya bien des tempetes ,& le voyage fttt long ,
parce qu'elle navigua dans une mou^on ccm-
traire.
Pline dit qu*on partolt pour les Indes a ta fin de
Yiti : ainfLon employ oit le temps de la variation
de la mou9on ^ {aire W trajet oAlexandrie a la
mer rouge*
Voyez, je voiis prie , comment on fe perfec-
tionna p^u a peu dans la navigation. Celle que
Darius fit faire , pour defceiktre llndus & aller
a la mer rouge , fm de deux ans & demi (sj*
La flotte d' Alexandre (r) defc^ndant llndus,,
arriva a Suze dix mois apres , ayarit navigu^
trois mois fur FIndus & fept fur la mer des
(s) H^rodote , in Melpomme,
Liv. XXI. Chap. DC. 97
Indes : dans lafuite , le trajet de la cote de Ma-
labar a la mer rouge fe fit en quarante jours (u).
Strabon, qui rend, raifon Fignorance 011
ron ^toit des pays qui font entre iHypanis &r
le Gange , 4it que parmi ies navigateurs qui vont
de I'^ypte aux Indes , il yen a*peu qui aillent
jafqu'au Gange. Effedivement , on voh que les
flottes ny aMoient pas; elles alloient par les mou-
^ons de I'oueft a l,eft , de rembouchure de la
mer rouge a la cote de Malabar. EUes s*arretoient
dans les Stapes qui y ^toient , & n'alloient point
faire le tour de la prefqu*iie de^a le Gange par
le cap de Comorin & la cote de Coromanclel :
le plan de la navigation des Rots d'Egypte &
des Romuns , etoit de revenir la meme an-
jiee (v).
Ainfi il s*eii faut Uen que le commerce des
Grecs & des Ronudns auxlstdef ait ^t^ auffi ^ten-
du que le notre ; nous qui coiinoiflbns des pays
Immenfes qu'ils ne fonnoiiToient pas ; nous qui
fiufons notre commerce avec toutes les nations
Indiennes , & qui comfiier^ons m^me pour elles
-& naviguons pour ^Ues. •
Mais ils failoient ce commerce avec plus de
facility que nous : & l,on ne n^gocioit aujoar«
d'hui que fur la cdte da Guzarat Si da Malabar;
&que fans aller chercher les iles du midi, on
fe comemsLt des marchandifes que les infii-
laires yiendroient apporter , il faudroit pr^-
£erer la route de FEgypte a celle du cap de
Bonne - Efp^rance. Strabon [*] dit que l,on
9$ Df l'Esprjt des Lois,'
nigodolt ainfi avec ies peuples de la Tapr(H>
bane.
C H A P I T R E X.
Du tour dt tAfriqut.
O H trouve dans Fhiftoire , qu'avant la d^cou*
verte de la bouiTole on tenta quatre fois de faire
le tour de rAfrique. Des Ph^niciens envoy es
par Necho (4》 & Eudoxe (厶 ) , foyan 言 la colere
de Ptolom^e-Lature , panire/it de la mer rougs
& riM0irent. Satafpe [i] fous Xerc^s , & Han«
nbn qui fiit envoy 豸 par les Carthaginois , for-
tirent des colonnes d'Hercule, & ne reuffirent
pas.
Le point capital pour £ure le touf & I'AiHqiie
細 U .cfe d^coQvnr & de dpuMer le cap de
fionne* Efp^rance. Mais fi I'on partoit de la mer
rouge, ou trouvoit cc cap de la mpiti^ du che-
fiuo plus pr(b$ qu*en partailt de ja mediterran^e*
cpte qbi va de la mer rouge au cap eft plu$
faine'que ceUe qui va du cap aux colonnes
d*Mi^cuk. Pour que ceux aui partoient des co-
lonnes dliorciile ayent pu ckcouvrir le cap , il a
rinvention de la bouiTole , qui a fak que
Ton a quitt^ la c6te d'Afrique & qu'on a imvi 一
!a\ H^odote , liv. IV. II rouloit conqu^rir.
h) Plinc , liv. 11. chap. (.xvii. Pgrnponius MtU^
Hr. IH. chap/ i*. ― : "
!c) H^tOQOte » in Melpomene,
d) Joignez 4 ceci cc que Je dis au chap, XI de ct
慕 , Cur U naTigatioR d'Haonon, .
Lxv. XXL Chap. X. 99
mi dans 】e vafte ocdan (-) pour aHer vers
rile de Sainte-H^ene ou vers ia cote du Bre-
fil. II ^toit done tres pof&ble qu'on (ut alii
de la mer rouge dans la medlterran^e , fans
qu'on iut revenu de k snedkerranee a la mer
rouge.
AinCi fans iaire ce gmndoraxt, apr^ lequdi
on ne pouvoit plus revenir , il etoit plus nature!
de faire le commerce de rAfrique orientale par
la mer rouge , .& celui de la cote ocddentale par
les colonnes d'Hercule.
Les Rois Grecs d'Egypte dScouvrirent d'a-
bord , dans la mer rouge , 1^ parde de la cote
d'Afrique qui va depuisTe fonci du eolfe oil eft la
cit6 d'Heroum , juiqu'a Dira, c'elt-a-dire, juf-
S'au detroit appelle aujourd'hui de Sahelmandet
2-la jufqu'au promontoire.des Aromates fitu6
k I'entree de la mer rouge (/) , la cdte a'avoit
.point iti reconnue par les nayigat^urs : & ceU
^ft . clair psu: ce que nous xlit Art^midore (g)^
que I'on connoiiioit les lieux de cette cote,
'mais qu'on en ignoroit les diftances ; ce qui
veneit d« ce qifon avolt fuccdfirement conna
ces ports par les terres , & ians aller de run a
rautre.
(tf) On trouve dans I'Oc^an Atlantique , aux inois
d^O&obre , Novembre , D^embre & Janvier , un vent
de nord-eft. On palfe la ligne ; &. pour ^luder le vent
g^n^ral cfeily ott ! dtrige fa route vers Ic fud ; ou bien
on entre dans la zone torride , dans les Ueux ou le
vent fouffle jde I'oueft a Veft. , ,
(/) Ce golfe ,' auquel nous donnoiis aujoiird'hui ce
nom , ^toit app«Ue par les anciens U fein ArMqw : ils
appelloknt Mer R^uge , la partie de Voc^a roifine
4e ce eolfe.
Cg) Strabon , Mr. XVI.
I 1
loo De L*EsPRiT D£s Lois;
Att'dela de ce pfomontoire ou commence lo;
cbte de I'oc^an , on ne connoiflbit rien , commc
nous (h) I'apprenons d*Eratoilhene & d*Art6-
inidore.
Telles ^toient les connoifTances que Pon avoit
des c&tes d'Afrioue du temps de Strabon , c*eft-i-
dire du temps o'Augufte. Mais , depuis Augufte ,
lesRomains d^cotiyrirent le promontoire Raptum
& le promontoire Praffitm , dont Strabon ne
parle pas , parce qu'ils n'etoient pas encore
connus. On voit que ces deux noms font Ro-
mains.
Ptolomie le geographe vivoit fens' Adrien
& Antonin Pie ; & I'auteur du Periple de la mer
Erythrie , quel qu'il foit , v6cut peu de temps
apr^. Cependant le premier borne rAfrique (i)
connue au promontoire Praffitm, qui eft environ
au quatomeme degri de latitude iud : & I'auteur
dn Piriple {k) au promontoire Raptum , qui eft a
peu prei au dixieme dcgr6 de cette latitude. II y
a apparence que celui-ci prenoit pour limfte un
lieu oil l,on alloit, & Ptolomee un Heu oil fon
n'alloit plus.
Cc qui me confinne|dans cette id^e^c'eft que
les peuples amour da'PraJJiim ^toient antropo^
phages (/). Ptolomee , qui [m] nous parle dun
grand nombre de lieux entre le port des Aroma*
tes & le promontoire Raptum , laifle un vuide
(A) Ibid, Artemidore kornoit la cdte connue au Heti
'a^^elle Aufiricomu ; & Eratofthene mL CinnamonUfiram*
(i) Liv. I. ch. VII. lir. IV. chap. IX. table IV. d«
SOn a attribu^ ce P^ripIe i Arrien,
Ptolomee , liv. IV. chap. IX.
(«) Liv. IV. chap VII & VIIL
Lxv. XXI. Chap. X. loi
total depuls le Raptum jufqu'au Prajfum. Le^
grands profits de la navigation des Indes duren^
laire ifegliger cells d'AfriquCi Enfin les Romajns
n'eurent jamais fur cette cote de navigation re-
glee : ils avoient d^couvert ces po《ts par les ter'
res , 6c par des navires jet^s par la tempete^ Et
comme aujourd'hui on connoit aflez bien les
cotes de rAfrique , & tr^s mal rmtirieur (") , les
anciens connoifToient affez bien rinterieur, & tres
xnal les cotesl
J'ai dit erne des Phenlciens , envoy^s par
Necho & Eudoxe fous Ptolom^e Lature ,
avoient fait le tour de rAfrique : il faut bien
que, du temps de Ptolomee le G^ographe , ces
deux navigations fuffent regarddes comme fa-
buleufes , puifqu'il place (o) , depub le Jignus
magmis , qui eft , je crois , le golfe de Siam ,
une terre inconnue , qui va d'Afie en Afrique ,
aboutit au promontoire Praffum ; de forte que
la mer des Indes n*atiroit iti qu'un lac. Les
anciens , qui reconnurent les Indes paf le
Nord , s*^tant avanc^s vers rOrient , placerent
vers le Midi cette terre inconnue.
(«) Voyez avec quelle exa^litucle Strabon & Pto*
lom^e nous d^crivent les direrfes parties de TAfrique.
Cei connoiffiinces venoient des diverfes guerres que
les deux plus puiiTantes nations 6u monde , les Car-
thaginots 8c I^s Romains , avoient eves av«c les pen*
plet d'Afrique , des alliances au'iU avoient cootra£l^€s ,
cu commerce qu'ils avoient Uit dans les tefres.
(") LiV. VII. cb. in. '
De l*Esprxt jdis Lois^
C H A P I T R E
、 Carthage & MarftiUc.
ARTHAGE avoit ufl fingulier droit — »
gens ; ellc faifoit noyer {a) tous les Strangers
qui trafiquoient en dardaigne & vers les Co-
k»nnes d'Hercule : fon droit politiquie n'etoit
pas rooin^ extraordinaire ; elle defendit aux
Sardes de cultiver la terre, fous peine de la
y'le, Elle accrut fa piiiflance par fes richefTes^
& enfuite fes rickelTes par fa puiflance. Mai -
treffe des cotes dlAfrique que baigne la Medi-
terran^e , die s*etendit le long de celles de
rOcean. Harmon, par crire du S^nat de Car-
thage , pandit trente mills Carthaginois de-
puis les Colonnes d*Hercule jufqu'a Cerne. II
ait que ce lieu ed auffi- ^loigne des Colonne&
d'Hercule que les Colonnes d*Hercule le font
de Carthage. Cette pofition eft trfes remarqua-
ble ; elle uax voir c^vkHannon borna fes ^tablif-
iemens au vingt - cinquieme degre de latitude
nord , c*e{l - a - dire , deux ou trois degris au-
dda des isles Canaries , vers le Sud.
Hannon etant a Cerne , fit luie autre navi-
gation , dont robjet ^toit de faire des dicouver-
tes ph)6 avant vers k Midi. II ne prit prefqiie
aucune connoiflance du Continent. L'etendue
de& c6tes qii*il fuivit, flit de vingt - fix jours.
[a) £rsto^oe» dans Strabo" Uf» XVU, p<. 8o2»
Liv. XXI. Chap. XI, lO)
^ navigation, & il fut oblig^ de revehir
faate de vivres. II par6k que les Caithaginois
sie firent aucun ufage de cette entreprife d'/fj« -
nan, Scylax (b) dit qu'au - dela de C6rn6 , la
mer n'efi pas navigable [弓 , pal-ce qu'eUe y
eft baiTe , pleine de limon & d*herbes marines :
e£Fedivement ii y en a beaUcoup dans ces pa-
rages (</). Les M'archands Carthaginols dont
l^arle Scylax , ponvbient trouver des obAacles
rj^Harmon , qui kvoit foixante na vires de cin-
quante rames chacun', avoit Vaindus. Les difS-
cult 荟 s font relatives ; & de pltis , on ne doit
pas confondre une entrsprife qui a la hardiefTe
& la tem^rit6 pour ob}et , avec ce qui eft
fefFet d'une conduke ordinaire.
C'eft un beau morceaa de i'anti(^H^ que la
relation A、 Harmon : le itidme homme qui a ex"
cut 圣 , a ^crit : 'il nc ^njet aucune dueiltation<
d^ns fes re cits. Les grands Capitaihes Scrivent
leurs adions avec fiiiipliciti , parce <^'ils font
plus glorieux de ce qu'ils ont fait que de ce
qu'ils ont dit.
Les chofes font 'comtne le ftyie. 'II ne donne
|k>int ds^rs le merveiHeux .* tout ce qu'il dit du
dimat', du terrem , des moeurs 9 des inanferes
des habkans , fe rapporte a ce 'qu*on Voit au-
(h) Voyez fon P^rtple , article de Carthase.
(c) Voyez H^rodote , in Melpomene , fur Yes obfta-
es que Satafpe trouva.
(d) Voy«z les cartes & les relations , le premier rpK
des voyages qui ont ferW 1 I^itabtilTement de la com*
pagnte des Indes , part. I. p. xoi. Cettc herbe courre
tellenient la furface de la mer , qu'on a <!e la peine k
▼pir I'eau ; & le, yaifleaux Ae peuvent paiTer au tra*
YM i{ue par ua vent frais. ,
104 De l'Esprit d£$ Lais,
jourd'hui dans cette cote d'Afrique ; 3 femhle
que c,€fl le Journal d'un de nt>s navigateurs.
Harmon remarqua (e) fur fa flotte , que le
Jour il regnoit dans le Continent un vafte '
filence ; que la nuit on entendoit les fons de
divers inflrumens de mufique ; & qu'on voyoit^
par - tout des feux, les uns plus grands , les.
autres moindres. Nos relations connrment ceci :
on y trouve que le jour ces Sauvages , pour,
^viter rardeur du foleil , fe retirent dans les
forets ; que la nuit ils font de grands feux
pour ^carter les betes feroces; & qu'ils aiment
pafHonn^ment la danfe & les inurumens de
mufique.
Hannon nous d^crit un. vol can avec tous lesj
phenomenes que fait voir aujourd'hui le Vd-
luve ; & le recit qu'il fait de ces deuxr femmes^
velues , qui fe laifferent plutot tuer que de fui 垂.
Vre les Carthaginois , & dont, il fit porter les .
peaux a Carthage, n'eft pas , comme on. Fa
dit , hors de vraifemblance.
Cette relation eft dautant plus precieufe,;
qu'clle eft un monument Punique ; & c'eft
parce qu'elle eft un monument Punique , qa'elle-
a itt regardee comm fabuleufe. Car les Ro-
mains conferverent leur haine centre les Car-
thaginois , meme apres les avoir ddtriiits. Mais
ce ne fut que la vidoire qui d^cida s'il falloit
dire , la foi Punique , ou la foi Romaine.
Des modernes (/) ont fuivi ce prejiig^. Que-
(e) Pllne nous dit I2 m^me chofe en parlant du mont
Atlas : NoHibus micarf cnbris ignibus , tihiarum cantu ,
timpanorumque fonitu fircptrc , neminem interdiit cemL
(f) M. Dodwel ; voyez fa difTertation fur le Peri-
pie d'Hannon.
Li V. XXI. Chap. XL lOf
ibut devenues , difent • lis , les villes qu*Hanaon .
nous decrit , & dont , meme du temps de Pline »
il ne reftoit pas le • moindre Teftige ? Le mer-
veilleux kxoit qu*il en fut refte. Etoit -ce Co-,
rinthe ou Athen^^qu'jET^/m (? /i alloit batir fur ces
cotes ? II laiflbit; dans les endroits propres au.
commerce, des families Carthaginoiks ; la
bate , il les mettoit en $uret^ centre les hom-
ines fauvages & les betes iixoces. Les calami-
tes des Carthaginois firent ceffer k navigation.
d'Afrique ; il fallut bien que ces families pirif-
fent ou deyinflent fauvages. Je dis plus : quand
les ruines de ces villes fubfifterpient encore ,
qui eft - ce qui auroit ^te en faire la dicou-
verte dans les bois & dans les tnarais ? On
trouve pourtant dans Scylax & dans Polyhc ,
cue le^ Carthaginois avoient de grands 6tablif-.
xemens fur ces c6tes. Voila les veftiges des^
"villes 《 Harmon ; il n'y cn a point d'autres,,
parce qu'a peine y en a - t-il d*autres de Car,
thage meme.
Les Carthaginois 豸 toient fur le chemin des
richefTes : & s'ils avoient ete jufqu'au quatneme
degri de latitude nord au quinzieme de lon-
gitude , ils auroient decouvert la cote d,Or &.
les cotes voifmes. Us y auroient fait un com-
merce de toute autre importance que celui
qu'oii- y. fait aujoard'hui, que FAm^nque fem,
ble avoir avili les richeiTes de tous les autres.
pays : ils y auroient trouve des tr^fors qui ne
pouvoient etre enlev^s par les Romains.
On a dit des chofes bien furprenantes des.
richefTes de. FEfpagne. Si Fon en croit Arif"
tou (g) , les Pheniciens* qui %borderent a Tap*
{g) Def chofes merveiUeuCef*
io8 De l'Esprit d£s Lois , .
jour le lever & le coucher du foleil ; il eft clalr*
qu'il auroit pu fe conduire comme on hit au—
jourd'hui par la bouflble : ixials ce feroif un cas
fortuit & non pas une navigation regime.
Oh yoit, dans le trait 圣 qui finit la premiere
guerre Puniqiie , que Carthage fut principale—
ment attentive a fe conferver rempire de la
met, & Rome a garder celui de la terre. Ma/i"
non (/?) , dans la negociatioflf avec hs Romains ,
declara qu'il ne fouftiriroit pas feulemcnt qu*ils
fe lavaflent les mains dans les mers de Sidle ; il
tie leur fut pas permis de naviguer au - dela'
du beau Promontoire ; il leur fut defendu (^)
de trafiquer en 5icUe (r), en Sardaigne, en
Afrkpie , except^ a Carthage ; exception qui
fait voir qu,on ne leur y preparoit pas un
commerce arantageux.
II y cut dans les premiers temps de grandes
guerres entre Carthage & Marfeille (s) au fu-
jet de la peche. Apres la paix, ils firent con-
curremment le commerce d'6conomie. Mar-
feille fut d'autant plus jaloufe , qu'egalant fa ri-
vals en induftrie, elle lui etoit devenue inft-
rieiire en puiffance : voila la raifon de cette
grande fidelite pour les Romains. La guerre
que ceux- ci firent co litre fes Carthaginois en
Eipagne , fut une fource de richeffes pour Mar-,
feille qui fervoit d'entrepot. La mine de Car-
(p) Tite-Live , fuppUment de Freashemius , feconde
Aic^de , Uv, VI.
(f) Polybe , liv. III.
(r) Dans la partie fujette aux Carthaginois* .
is) Juftin , liv. XUU. chap. V.
^ L I V. XXI. Chap. XI. 109
^ge &deCorinthe^agmenta encore la gloire de
Marfeillle , & fans les guerres civiles oil il fallcHt
heureufe fous la prote&ion des Romains , qui
ii'ayoient aucune jaloufie de fon commerce.
C H A P I T R E XII.
V-^ORiNTHE ayant eti detruite par les Ro«
mains, les Marchands fe redrerent a. D^los •
la reUelon & - la veneration des peuples faifoit
tegarc^r cette ifle comme un lieu de suret^ (a),i
de plus, elle ^toit tthi bien fituee pour le com 寿
merce de Ultalie & de l,AAe, qui , depuis
raniantifTement de FAfrique & I'affoiUUTemgQt
de la Grece , itoit devenu plus important.
rent , comme nous, avons dit , des colonies fur
la Propondde & le Pont-Euxin : elles confer-
verent , fous les Perfes , leurs iois & leur Ij-
bert^. Alexandre , qui n'itoit parti que contre
les Barbares , ne les attaqua pas (i), II ne pa-
ia) Voyei Strabon , \W. X.
b) II confirma la liberty de la ville d'Amife. , colo*
nie Ath^ienne » qui avoit joui de I'^tat populaire,
. fous les rois de Perfe. LucuUus , quf prit Si*
nope 8c Amife, leur rendit la Uberte , & rsppella 1m
habitans, ({ui Veioient enfuis fur Uurs vai^^ayx*
Isle de Dclos. Mithridatc.
110 De l*E$prxt dis Lois,
cccuperent pluiteurs , leur euiTent [c] oti leur
gouvernement politique^ ,
La puiflance [J] ^de ces Roh augmenta , fi-tdt
qu'ils ies eucent ioumifes^ Mithridate fe trouva
en etat d'acheter pat -. tout ides tvpupes ; de r6—
parer [«] continuelkment fes pertes ; d'avoir
des ouvriers , des vaiiTeaux, des machines de
guerre ^ de fe procurer des allies ; de corrom-
pre ceux des Romains & Ies Romains memes
de foudoyer (/) les barbares de I'Afie & de
I'Europe ; de faire la guerre long - temps , 6c
par confequent de difcipliner fes troupes ; il
put les armer , & les inflruire dans I'art tnifi-
tair% {g) des Romains ', & former des corps
confid^rables de leurs transftiges : enfin , ii put
faire de erat^ des perte* , & ? ouffrir de grands
tehees , fans p^fir ; & il n'aurok point peri »
ii , dans 1^ .profperh^s , le Roi voluptueux &
bar bare n*«vok pas detniit * ce -que, dans la
fnauvatTe fortufie $ avoit fak At grand Prince.
C*eft ainfi qae^ dans le temps- que les Ro-
J inains -^toient- au cofiible de la grandeur, &
qu,ils fembloient n'aiyoir a craindre qu,eux-
<
(«) Voyei " q^'4fcnt App'ifn fur \ti Phanagor^ens,
Ies Ainiiienii , les SynopMits , dans fon litre la guerr«
centre Mithridate.
(d) Voycr Apj^en , fur les, tr^fors imtneafes que
Mithridate cmploya dans fes guertes , ceux qu'il ayoit
caches , ceux qu'il perdit fi fouvent par U trahifon des
iens» ceux .((u on trouva -apres* fa mort.
(e) 11 penht une fois- 170000 homnies ; & noa«
irdles ann^«s- reparurent d'abord.
(/) Voytz Appicn , la guerre contre Mithd*.
4at«.
te) 脚 •
Z
4r
Liv. XXI. Chap. XH. iit
tnSmes^ Mithridbite 'rerait en qu^ion ce que
la prife de. Cartl^ge , le$ de&ites de PhiUppe «
d'Anuochus &c de Perfte, ayoient d^cidi.. Ja«
mass guerre ne fut. plus funejl^ ; & les deux
partis ayant un« grande puiiTance & des ava»-
tages mutuels , les peuples de la Grec^ & de
YA&e furent detruits , ou cpmme amis d$ Mi-
thridate , ou comme fes ennemis. Delos fut -en*
Telopp^e dans le malheur commun* Le com«
merce tomba de tomes part^ ; il falloit biea
qu*il fut d6truit , les peuples memes I'itoient.
Les Romains , fuivant m (y&ime dont 'fu
par]£ ailleurs [A【 , deflrudeurs pour ne pas pa«
roitre conqu^rans , ruinerent CsMthage & <Jo-
•rinthe : & , par une telle pradque , ils fe fe-
coient pQut - etre perdus , s'ils n'avoicnt pas
conquis toute la terre. Quand le$ Roi^ de
Pont fe rendirent maitres des colonies Grec-
3ues du Pont - Eiixin , ils n'eurent garde de
^truire ce cpi devoit etre la caufe de leur
grandeur.
C H A P I T R E XIIL
Du ginie des Romains pour la marme.
XjCS Romsuns ne faifoient cas aue des trou-
pes de terre, dont I'efprit 6toit ae refter to 霍-
jours ferine.9 de.comfeiijttrje au.meme Jieu & d'y
mourir. Us ne pouvoient eftioier la pratique
(A) Dans les con<i4^raUo«s, (uc. let ctHfes dt Im
grandeur des Romaiul.
Ill De l'Esprit des Lois;
des gens de tner qui fe pf^fentent au combat ;
fuient , reviennent , ivitent toujours le cUnger ,
emploient la rufe , ratement la force. Tout cela
n'6toit point du ginie des Grecs {a) , & ^toit
encore moins de celui des Romains.
lis ne deftinoient done a la marine que ceux
qui n'^toieat pas des citoyens affez confid^ra-
bles (0 pour avoir place dans les l^giohs : les
fens de met 6toieht ordinairetnent des af-
ranchis.
Nous n*avons aujourdliui ni la tneme eft; me
pour les troupes de terre , ni le mSme m^pris
pour celles de mer. Chez les premieres (c) I'art
eft diminu^ ; chez les fecondes [</] il eft aug«
ment^ : or on eftime les chofes a proportion
du degri de fuffifance qui eft requis pour le
bieii raire.
C H A P I T R E XIV.
Du gcfde des Romains pour U commerce^
On n'a jamais retnarqu^ aux Romains de ja-
louiie fur le commerce. Ce fiit comme nation
rivale , & non comme nation commer^ante ,
qu*ils attaquerent Carthage. lis favoriferent les
villes qui faifoient le commerce, quoiqu'eIle$
(a) Comme l*a remarqu^ Platon , Ur. IV des loif.
{h) Polybe , liv. V.
(c) Voyez les coniid^rattoas fur les caufei de la
crandeur des Romains > &c.
li) Ibid. -
- oe
Liv. XXI. Ckap. XIII. 113
Be fuffent pas fujettes ; ainfi ils augmenterent
par la ceilion de plufieurs pays la puifTance de
Marfeille. Ils craignoient tout ties barbares &
Tien d'un peuple n^gociant. D'ailleurs leur g^-
nie , leur eloire , leur Education militaire , la
forme de leur gouv^mement , les eiloignoient
du commerce.
Dans la ville, on n'itoit occupy que de
||uerre$ , <r61e£Uons , de brigues - & de- proces ;
a la campagne , que d'agriculture ; & dans les
provinces un gouyernenient dur & tyranniqut
etoit incompatible avec le commerce.
Que a leur conftitution politique y ^toit op-
pofee , -leur droit des gens n'y r^puenoit pas
moifis* ic Les peuples , dit le Jurifconfulte Pom-
» ponius avec lefquels nous n'avpns ni
y>' amitie , ni hofpitalite , ni alliance , ne font
point, hos ^nnetnis •• cependant , fi une chofe
w qm lioiis appartient , tbmbe entre leurs' mains ^
3f its en font proprletaires : les hoititnes libres
,, deviennent leurs efclayes ; & ils font dans les
" monies termes a notre egard ,,•
Leur droit civil li'etoit pas moins accablant.
La loi de Confiantin , apres avoir, declare
tards 1" enfans des perlonn^^viles qui fe font
marines avec celles d'une condition relevee ,
confond. les femmes qui pnt une boutique [i]
de marchandife, avec les efclaves , les cabare-
tieces , les femmes de tH^atte , les filles ' d,un
homme qui tient un lieu de proftitution , ou qui
a 6t6 conclamn6 a combattre fur Patene : ceci
(a) Leg; V. §. 1. ff, d€ capiivis;
Xi) Qua mercimoniis publicc prcefuU, Leg. I. cod. d9
natural, Hhcris,
K
defceiidbit des anci«nne» inftitutions^ des Ro 一
mainsv
Je fais i(hn' que des gens ptems de xes deux
ide€s; rune , que le commerce^ eft la chofe dur
flionde la plus、 utile a un Etat ; & rautre , que
h$ Romains avolent la meilleure policg^jdu^
monde , ont cru qp'ils avoient beaucoup encou*
tSLgi & honori le commerce : mais la y^iti eft
fu'ik y ont mement penf(6;
C H A P I T R E XVL
Commerce des Romains Us Marfapesi
X^£S Romains avoient hit de I'Ei*dpe ,
FAfie 8c dfe rAfiique , un vafte Empire :- Isf
foiblefCe des peuples & la tyrannie du com-,
mandement unirent toutes les parties de ce
corps immenfe. Pour-lors la politique Ro-
maine fbt de fe ftparer de- toutes les nations
qui n^avoient pas et6 aflujetties ; U crainte de
Jeur porter I'art de vaincre , fit n^gllgef* l,art de-
s*enrichir. Us firenf *Qes lois pour empech'er tbirt
commerce avec les barl^ares. « Que perfonne -.
9f difent (a) Valens & Gratieh , h*ejivo5e da-
" vin , de I'huile ou d*autre$ liqueurs auit bar-
,, bares , mime pour en goflter ; qu'bn tie kur
porte point de rbr [Jj' , ajoutent Graden ,
(a) Leg. ad Barbaricum , CQd, qu^t ns, catpQrtari noa
(h) Leg. II. cod, dc eemmrc, & mcrcat/OTt
C H A P i T R E; XVI.
一 A
J}a comnurcc dcs Romams avec tAratU & Us
Indts,
rE nigoce de FArabie - heureufe & celui des
Indes furent les deux branches , & prefque les
feules , du commerce exterieur. Les Arabics
avoient de granges richeflea •• ils les tirot^nt de
ieurs mers & de leurs forets ; & comme ib
Leg. n. a«ic ui exportari non itbtani\ & , PV"
cope , guerre oes Pierfcs , liv. L
Voyei les confid^rations fur les csiuf^f rte U
^andeur <les lUmaiiis » & 43 Uix2 ^^^^dei^ce , Paris ^
,7J5'
、
Liv. XXI. CitAK XV. iif
V Valentinien & Theodofe » & que mime ce
" qu'ib en ont , on le leur dte avec finefle "•
Le tranfport du fer fut d^fendir fous peine de la
Tie. .
Domitien , Prince timide, fit arracher les vi-
gnes [c] dans la Gaule , de ( • ' ,
que cettc liqueur n'y attir -
comme die les avoit autrefois attires en Italie*
Probus & Jullen , qui ne les reHouterent ja 着、
mais , en r^tablirent la plantation.
Je fais bien que dans M foiblefTe de rEmpire ,
les barbares oblteerent les Romains d*^tablir
des Stapes {i) & de commercer avec eux.
Mais cela m^^e prouve que refprit des Ro-
oiains etoit de he pas commercer.
o n
5 X
1
! 9
S 1
xi6 De i.*EsPRiT D£s Lois ;
achetoient peu & vendoient beaucoup , ils at-,
tiroient [a\ a eux l,or & I'argent de leurs voi-
fins. Augufte [^] con nut leur opulence , & il.
r^folut de les avoir pour amis ou pour ennemiSir
11 fit pafler £liu5 Gallus d'Egypte en Arabic.
Celuirci trouva des peuples oihfs , tranquilles.
& peu aguerris. II donna des 4>atailles , fit des
fieges , & ne perdit que fept foldats ; mais la.
perfidie de fer guides , les inarches , le climat ,
la faim, la foif , les ^laladies', des mefures mal
prifes , lui firent perdre fon aim^e.
II fallut done le contenter de n^gocier avec
les Arabes comme les autres peuples avoient
fait , c'eft- a - dire , de leur porter de l,of & de
Fargent pour leurs marchandifes. On commerce
encore avec eux de la meme tnaniere ; la cara-
vase d'Alep & le vaiiTe^u royal de Suez y
portent des fommes immehfes [c].
La nature avoit deflin^ les Arabes au com-
merce ; e\\e ne ks avoit pas deftines k la guerre :
xnais lorfque ces pauples tranquilles fe trouve-
rent fur les frontieres ; des Parthes & des Ro-
mains , ils devinrent auxiS aires des uns & des
autres. Elius Gallus les avolt trouvis cominer-
§ans; Mahomet, les trouva guerriers : tl leur
donn^ de i*enthoufiafme , & le, voUa con*
Le commerce 4es Romams aux Indes itoit
(a) Pfin-, Ky. yih chftp. XXVIII i & Smbon, lir,
XVI,
. . . .
(r) Les carayanes d'Alep ,8c de Suez y portent deux
milHoiu aotre monopie , '& il en paiw autant en
fraudc; k ^ifeitt rgysd dc S\i9Z y .pprU auifi deux
Xiv. XXI. Chap. XVI. 117
' confkldrable. Strabon {d) xvoit appris en Egypt*
qu'ils y employoient cent, vingt navires : ce.
Gonunerce ne foutenoit encore que .par leur
argent. lis y envoyoient tous les ans cinquante
millions de feilerces. Pliae [e] dit que les mar-,
chandifes qu'on en rapportpit , fe vendoient a 、
Rome le centuple. Je crois qu'il parle trop
neralement : ce profit f*ait une fois, tout le
monde aura voulu le faire ; & d^s ce^ mo-
ment perfonne ne I'aura fait.
On peut mettre en queilion s'il' fut avanta-.
feux $aix Romains £ure le commerce de
Arable & des In<ks. 11 falloit qu*ils y envoyaf- -
fent leur argent ; & il$ n'awient pas, comme
nous , la reSburce de rAmirique , qui fuppUe
a ce que nous envoyons. Je iuis perfuad6
qu'une des raifonsi qui fit augmentjer chex eux
la valeur numeraire des monnoies , c'eft-a-
dire, 6tablir le billon, fut la rarete de Fargent »
cauf^e par le tranfport continue! qui s*en fai-
foit aux Indes. Que fi les marchandifes de ce
pays fe vendoient a Rome le centuple , pro-
fit des Romains fe faifoit fur les Romains me-
mes , & n'enrichiflbit pqmt VEmpire.
On pourra dire, d,un autre c6t6 , qtie ce
commerce procuroit aux Romains une grande
navigation 9 c*eft - a - dire , une erande puif-
fance; que des marchandifes nouvelles airmen-,
toient le commerce int^rieur , fayorifoient les,
arts, entretenoient i'induftrie ; que le nombre
des citoyens fc multiplioit a proportion des
muveaux inoyens qu'on avoit - de vim; que
(<f) Liv. II. pag, 81.
\e) liv, VI, chap, xxm.
cc nouveau moyen produifoit le luxe que noa#
avons prouve etre aufK favorable au gouver-*
nement d'un feul que fatal a celui de pkifieurs ^
^ue cet ^tabliiFement iut de mSme date que la
diute de leur r^publique ; que le luxe a Kome*
^toit n^flaire : & qu^U fatioit bien qu*une
ville qui attiroit a elle toutes tes richeiies de
runivers , les rendit par fon luxe.
Strabon (/) dit que le commerce des Ro-
mains aux Indes 纟 toit beaucoup plus confid^r^*
ble que celui des Rois d'Egypte : & H eft fin-
!; ulier (|ue les Romain^ , qui conncnflbient pea
e commerce , aieht eu pour celui des Indes
plus d'attention que n'en eurent les Roi»
d'Egypte , qui ravoient , pour ainfi dire, fous
les yeux. II faut expliquer ceci.
Apr^s la tnort d' Alexandra', ksRbis d'Egypfe
^tabhrerit aux Indes un commerce marititne ; &
les Rois de Syrie , qui eurent fes provinces les
plus orientale^ de rEmpire , & pai^ coiifiiqaent
ks Indes, maintinrent'-ce cpmnierce dont nous
avons pari 圣 au Chipitre VI , fe faifoit par
tes terres & par les fleuves 、& qui avoit i-egu'
de nouvelUs facilitis par r^tabliffcmertt des co-
lonies Macedoniennes : de forte que rEurope
communiquoit avec Its Indes , & par TEgypte ,
& par le royaume de Syrie. Le demembTemeni
cjui fe fit ^du royanme de Syrie , d'ou fe fornut^
celui de Badriane , ne fit aueun tort a ce com-V
inerce. Marin , Tyri^n , ciii par Ptolomee \g\ ,
(/) 11 dk , au Kv. XII quete» Roniainf y employoient
cent vmgt na vires ; & au liv» XVIl » CffLt l«s Roii
Grecs y en envoyoient k p^uie vingu
(g) Lit* «luip« n.
Liv. XXI. C H A F. XVI. 1 19
JNEffe des dccouvertes faites aux indes par 1®
moyen quelques Marchancb Macedonieii»>
• CeUes que ks expeditions des Rois n'ayoteot
pas faites, k» Marchands les firent. Nous xoyoM
dans Ptolotn^e [h] , qu,il» aUereat depuis h tour
― Pierre [ij juUm'k Sera : & U d^couverte
par les Marctands d'une ^tape £ reculee ,
fitu6e dans la partie orientale & feptentrionale
la Chine, wt ime efpece de prodige, Ainfi ,
- fous les Rois de Syrie & de Ba£hiane, les roar*
cbandifes <fa Midi de llnde paflbient , par llix-
dus ,.FOxus & 】a mer Cafpiepne,en Occident ;
& cdles des contr^es plus orientale» & plus ftp-
tentrionaiies ^toient porti6es depuis Sera , la tour
Pierre & autres "apes, jafqu'k I'Euphrate*
' Ces Marcfarands faifoient leur route , tenant , a-»
peu-pres, k quaramieinedegre de latitude nord ,
par des pays qui font au couchant de la Chine ,
I>'uy>oliccs qu'ife ire font au》ourd*hui, parce que
' les Taruttes neks a-voiart. ehco!re infeitei.
Or , pendant que l,€mpire de Syrie ^tendoit
£ fort fon commerce du cdti des terres , I'Egypte
ii'augmenta pas beaucoup fon cptamerce ma"
ritime.
Les Parthes parafcn" & fonderem leur Em-
pire : & k)f fque J'Egypte toinba bus Ut puifTance
«ies Romakis, cet EinpSre itoit dans fa force, St
avok re^u (on extedibn. ;
Les Romains & ks Parthes furene deux puif -
fences fi vales , qui combattirent , noa p" pour
(f) Liv, VI. chap. xin.
0) mtrilleures cartes pJkcent fa tour de Pierre
111 centieme degr^ dt l«Rgitud«^ & tnyiron le qua*
fantienc de latitudCr
110 t)E l'Esprit des Low,
favoir qui devoit r6gner , mais exifter. Entre !«•
deux empires , il fe forma des d^ferts ; entre le*.
deux empires, on fut toujours fous les armes;
bien loin qu'il y eut de commerce, il n'y eut
pas jneme de communication. L'ambicion , la
falovfie , la religion, la haine, lesmoeurs, f6-
parerent tout. Ainfi le commerce entre I'occi-
dent & I'orient , qui avoit eu plufieurs routes ,
n,en eut plus qu'une ; & Alexandrie^auit deve-
nue la feule ^tape , cetce etape groi&t.
Je ne dirai (ju'un mot du commerce intirienr*
Sa branch^ principle fut celle des bles qu'on
faifoit venir pour la fubfiftance du peuple de
Rome : ce qui £toit une matiere de police, pin-
t6t qu'un objet de. commerce. A cette occauon ,
les nautoniers re9urent quelques privileges (A:) ,
parce que le falut de Tempire dipendoit de leur
vigilance.
. (k) Sueton in Claudia. Leg. VU, cod. Thcodof. de
《》
、
Chap.
1.1 V. XXI. GiiAF. xvn. Ill
CHAPITRE XVIL
JDu commerce apris la 4ip7i&Qn des Romains ift
Ocoident, '
Xj'empire Romain fiit envahi ;<& fun des effets
de la calamity £^h£rale , (iit la defirudion du
commerce. Les barbares ne le regarderent d'a-
bord que comme uo objet de leurs brigandages;
& quand ils (urent ^tablis , ils ne rhonorerent
pas plus <{ue ragricalmre & 4es^ autres ptx)feffions
cujpeupie yainctt
bient6t il rly eut pr^fque plus-de commerce
en Europe; la noblefle qui regnoit par'tout, oe
s、en mettoic point en pdtre.
La \o\{a) des Wifigoths permettbk aux par^.
ticuliers d'occuper la moiti^ du lit des grand,
^euv€s , pottryu que I'autre refiat libre pour les
(ilets & pour tes bateaux ^ H falioit qu'il y eftt
|>ien pea de commerce dans 4es pays qu*ils avoient
^onquis.
Dans c€ tdmps-U^ s^^takfireRt les droits in 嗎
fenfes d'siubaine oc de naufrage: les homines peih>
ferent.que les itrangecs ne leur 6tant unis par
aucune communication du droit civil , ils ne leur
devoient d'cm c&tc aucnne forte de juflice , &
I'smtre at^cutie Corte de piti6.
Dans les bornes ^trqites ou fe trouyoient les^
peuples du nord, xaxxt leur *^toit Granger : dans
I M Lir VIII. tit, 4, €. 9
Tome nU
f If, D« l'Esfrit d(s Lots ;
leur pauvret^ , tout ^toit pour eux un objet de
rkheUes. Etablis avant leurs conqu^tes far les
c6tes d'une mer refferr^e & pleine d'^cueils , ils
avoient tire-paiti de ces ^cueik inemes«
Mais les Komains qui faifqient des lois pour
,Out runivers » ea avoient £ait tris homaines
(b) fur les nauiVages ; il$ rif^imerent k cet egard
les brigandages de ceux qui habitoient les cotes^
& ce qi^i ^toit plus encore , b capacity de ieur
fife ).
If,,, 、 " ,' ■ ■ , ... I g
C H A P I T R E XVIII.
RigUmtnt patdculUr.
A loi des Wifigfi^ {a) pourtant uoe dif-
p<^fkion favorabk an commerce ; elle ordonna
qu^ les fxi^rchaods qui vc^oieot 4e dela la mer ,
leroAent }ug^$, 1^ ^iff^r^dji qui naiiS>ieiift
^n|r-eiix,par "s Ipin ^ par .des. ^uges de leur na,
tion. CcQi 6tqit ibod^ (iir PuGige et^hJi chez tony
ces peuple; inelis , que ^haque homme v^cut fou$
fa proper chow 'je parl^a^ bsaucoup
【年] Totp tjt^ulf^ » fiL 4$ in<en4, ruin, naufi^g. 6c co4«
y< tiaifra^U ; &leg* lU. fF. de leg. Corbel, (fe faarii^
[c] ]Leg. I. cod. naufragUs^
V,' ,一' ' "
[#3 Urn X}. til. J, 乡,
Liv. XXL Chak XIX. 憲 3LJ
CHAPITRE £IX.
Du ammcru depuis T^oihlijfcmcnt dcj Ramams
4tt Or'uttt.
A^s MskoiDiitan* pamrent, conqwrent, & fe
^viferent. L'Egypte eut fea fouverains particu*
liers. £Ile connnua de faice le- commerce dei
|ndes. Maitreffe des marchandifes de ce p4ys«
eli«^ttira iesTichefles de tous les autres. Ses k>u-
dans furent les plus puiilans princes de ces temps-
la: on peut voir dans I'hiftoire commeot, ave^
line ; force conilante & hiien menagee. Us arr 启,
terent i'ardeur , la fougue & riinp«tuofiti des
CHAPITRE XX,
Comment U commerce ft fit pur en Europe a ir**
vers harhorie^
ILja phHofoplne ^Arifiott ayant it6 porrfe e 戴
Occident, eUe plut beaucoup aux efprhs fubtils,
qui dans les temps d'ignorance font les beaax
efprits. Des fcholafliques s'en infatuerent , &
-prirent de ce philofophe (力 bicn des exp^icai
tions fur le pcet k iiuenSt, au lieu que la fource
(tf) Yoycz Ariftote » polit* Iir» L chap, tx x«
L 2
124 Di l'Esprit x5es Lois;
en €toJt naturelle dans I'^vangile ; ik le con4
damnerent indiflindement & dans tous les cas»
Par-la le commerce , qui n'etoit que la profeffioQ
des gens vils , dfevint encore celle des maIhonne->
tes gens: car tomes les fois que Ton defend une
choie naturellement permife ou n^ceffaire ^ on
lie fait que rendre malhonnStes gens ceux qui
la font.
Le commerce pafla a me nation pour lors
couverte d'infamie ; & bient&t il ne fut plus dif*
tingu6 des ufures les plus afFreufes , des mono-
poles , de la levee des fubfides , & de tous les
moyens malhonnStes d'acqu^rir de I'argent.
Les Juifs (b) , enrickis par *leurs exa£lions ,'
^toient pill 豸 s par \e% princes avec la mime ty-
rannic ; chofe qui confoloit les peuples , & ae
les foulageoit pas.
Ce qui fe paiTa en Angleterre donnera une
idee de ce qu'oir fit dans les autres pays. Le Roi
Jean (c) ayatit fak emprifonner les Juifs pour
avoir leur bien , il y «n eut peu ^fui n'euflent au
moins quelquoeil creve : ce roi faifoit ainfi fa
chambre de juftice. Un d'euz , a qui on arracha
fypt dents 9 une chaque jour , donna dix tnille
marcs d'argent a.la huitieme. Henri i//tirad*>4ii-
ron , Juif d, York , quatorze mille marcs d'argent,
& dix mille pour la Reine. Dans ces teotps-I^
on faifoit violemment ce qu'on fait aujourd'hui
en Pologne avec quelque mefure* Les Rois ne
(b) Voyez dans Marca Hifpanica. , les conftttutioits
4*Arragon des anodes iiiS & 123 1 ; & dans Bruffel ,
I'accord de I'ann^e 1206, paff<6 entre le Roi , la Com*
teife de Champagne & Gui de Dampierre.
(c) Slowe^ in kis furrcy af London ^\iy. III. p« 54*
Liv. XXI. CttAP. XX, lit
pouvant fouiller dans la bourfe de leurs^ fujets »
a caafe de tears privileges, mettoient i la torture'
les Juifs, qa'on ne regardoit pas comtne ci-
toyens.
Enfin il s*introduifit une coutume , qui confif^
qua tous les biens des 7uifs qui embraflbient le
chridianifme. Cette coutuoie (i bizarre j nous la
favons par la loi (d) qui I'abroge.On en a dohn^
des raiions bien vaines ) on a dit qu'on vouloit
les ^prouver, & faire en forte quil ne reAit rien
de Vefclavage du demon* Mais il efi vifible que
cette confiscation etoit une efpece de droit (^)
d^amortiflement pour le prince ou pour les id-
gneurSy des taxes qu'ils levoient fiir les laifs, &
dont lis etoient fruftres lorfque ceux-ci embraf*
foient le chriftianifme. Dans ces temps-la on re-»
gardoit les hommes com me des terres. Et je re"
marquerai , en pafTant , co mbien on s'eft jou6
da cette nation d,un fiecle a I'autre. On confif-*
quoit leurs biens iorfqu'ils vouloient etre chre«
tiens ; & bientot apr^s on les fit bi filer Iorfqu'ils
ne voulurent pas I'etre.
Cependant on vit le commerce fortir du fein
de la vexation & du difefpoir. Les Juifs, prof-
ctits tour-a-tour de chaque pays , trouvcrent le
moyen de fauver leurs effets. Par- la ils rendi-
rent pour jamais leurs retraites fixes ; car tel
prince qui voudroit bien fe defaire d,eux, ne
(d) Edit donn^ k Baville , le 4 Avril 1591.
(e) En France , les Juifs' Etoient ferfs , main-moN
tables ; & les feignears leur fucc^doient. M. BruiTcl
rapporte un accord de Tan 1206, entre le Roi & Thi-
haut , comte de Champagne , par lequel il ^toit con«
venu que les Juifs de l*un ne pr^teroient point dans
Us terres d«s aatres,
- L 3
ia5 De lTsphit des Lois ;
feroh pas pour tela d'hameur a fe d^fai're de teur
argent.
lis inventerent les tettres (/) de change ; 6c
par ce moyen , k commerce put ^luder la vio-
lence & fe mainteftir par-tout ; k negpciant le
plus riche n'ayant que des biem inviwles , qm
pouToientitre cnvoyfo par-tout ^ & he laiflbient
de trace nulk part.
Les tb6ologien$ furent obligiis de re^reindre
feurs principes ; & le commerce qu'on avoit
Tiolemment avec la mauvaife foi , rentra pour
a'mfi dire dans le fern die la probit^.
Ainii nous elevens aux fp&ulations des fcho-
]aftique» tous lei malheurs (g) qui ont accoin -
pagn^ la deflrufiion du commerce ; & a Fava-
rice des princes r^tabliflement d*une chofe qui
le met en quelque fa^on hors de leur pouvoir.
II a fallu depuK ce t€snps que ks princes fe
gouvemafTent avec plus de fagefle quils n'au,
foient eux-m^mes peni% : car, par rev6nemcnt,
les grands coups d'autorit^ fe {ont troaves fi
mal-adroits , aue c'eft une experience reconpue ,
qu'il n'y a puis que la bont6 du gouvernement
qui donne de la profpdrit^. 、
On a commence k fe guenr du Machiavt-
(/) On fait que fous Philippe- Augiifte & (bus Phr-
-fippe-le-long , les Jutfs , chaff6s de France, fe r^fii*
gierent en Lombardie ; & que \k ils donnerent' aux
B^ocians Strangers & aux voyageurs , des lettres fe- /
crettes fur c€i»x k qui ils ^ivoient confix leurs efFets
•n France » qui fiireat acqurtt^es. ^
(g) Voyet , dans le corps du droit » la quatre-
vingt troikeme Novelle de L^on , aui revoque la lot
豸 e 6a file Con pere. Cette loi de Bahfte eft dans Her-
meoopule , fous le nom de L6oa, liv. Ul. tit»7» 27*
liv. XXI. Chap, XX. 117
%{tM , & 00 s'on "^6rira tous ks jours. II faut
plus de moderation dans les con&ils^ Ce qu'on
appeiloit autrefois de$ coups d'etat , ne leroh
aujourd'hui , ind^pendamment de lliorreur ^ que
des imprudences.
El il eft heureux poar les hontmes d'etre dans
line iituation , oil pendant que. Icurs paffiohs
leur in.rpirent ia penfee d'etre mecham , ils onf
pourtant inter^ de ne pas i'ltre.
xxxxxxxxxxxxxxxx
C H A P I T R E XXI.
Dicouverte des dtux nouveaux mondes. Etat di
- - ItEurope d at igard.
La bouffole ouvrit pour ainfi dire fanivert^
On trouva PAfie & I'Afrique ionx on tk^ con-
neiiloit que quelques bords , & rAm^rique dont
on m connoinbit riesi du tour.
Les Poftugais naviguant fur I'ociati Atlanti-
que, d^couvrirent )a point 教 la plus m^ridionale
rAfrique ; ils vircnt une vafte met ; elle les
porta atn^ Indes orientates. Leurs perils fur cette
nicr, & la decouyerte de Mozahibique ^ de M^*
Knde & de Calicut, ont M chant 浍 s par k Ca«
moens , dont le poeme fait fentir quelque chofe
des chafmes de I'Odyrfte & de la magnificence
de rEn<^ide.
Lc$ Venitiens avoient fait jufques Ik le com-
merce des Indes par les pays des Turcs , 3t
ravoient pourfuivi au miiieti des avanies & cfe$
outrages. Par la dicouverte du Cap de Bonne-*
Efp^rancc , & celles quon fit quelque tempt,
L 4
ii8 De L'EsraiT OES TUm;
- apris, ritalie ne fut plus au centre da monde
commer^ant ; elle fut , pour ainfi 4ire , dans un
coin de runivers , & elle y eft encore. Le com-
merce meme du Levant dependant aujourd'hut
de celui que le$ grandes nations font aux deux
Indes, ricalie ne le fait plus qu'accefibirement.
Les Portugais trafiquerent aux Indes en con-
qii^rans. Les lois genantes \a\ que les HoUan -
dois impofent aujourd^hui aux petiu princes In-
diens fur le commerce , les Portugais les avoient
Stabiles avant eux.
La fortune de la maifon d'Autriche fut pro-
digieufe. Charles - Quint recueillit la fucceffion de
Bourgogne , de Caftllle & d'Arragon ; il parvint
a rempire ; & pour lui procurer un nouveau
genre de grandeur , i'univers s'^endit , & I'oii
vit paroitre ui> monde nouveau fons fon ob^if-
fance.
Chriftophe Colotnb decouvrit FAmirique; &
quoique I'Efpagne n'y envoyat point^e forces
qu'itn petit Prince de rEurope n'eut pu y envoyer
tout de meme , elle founiit 'deux grands empi-
res & d'autres grands ecats.
Pendant que les Efpagnols d^couvroient &
conqueroient du cote ae iOccident , les Portu-
gais pouffoient leurs conquete$ & leurs d^cou-
vertes du cote de rOrient : ces deux nations fe
rencontrerent ; elles eurent recours au Pape Ale-
xandre VI , qui fit la celebre ligne de demar-
quation , & jugea un grand proems*
Mais les autres nations de rEurope ne les
laifferent pas jouir tranqmllement de leur par-
• {cl) Voyez la relation de Francois Pyrard , deuiio*
flie partie » chap. xy» - ^
Liv. XXI. Chap. XXI. i%p
tage ; les Hollandois chafTerent les Portugais de
prefque toutes les Indes orientales ; & diverfes
nations firent eh Am^rique des ^tablifTetnens.
Les Efpagnols regardererrt d'abord les terre*
decouvertes com me des objets de conquete •
des peuples plus raffin^s qu'eux tfouverent au*el-
les etoient aes objets de commerce ; & c,eu 14-
deflbs qu'ils dirieerent leurs vues. Plufieurs peu -
pies fe font condaits avec tant de TageiTe, qu'ils
ont donn^ rempire a des compagnies de N6 —
godans , qui , gouvernant ces etats iloignis
uniauement pour le negoce , ont fait une grande
puiUance acceffoire , fans embarrafler I'etat prin-
cipal.
Les colonies qu'on y a fornixes , font fou*
un genre de dependance dont on ne trouve gue
peu d'exemples dans les colonies anciennes , ioit
que celles d'aiijourd*hui relevent de l,6tat mime ,
ou de quelque compagnie commer^ante ^tablie
dans cet etat. *
Uobjet de ces colonies eft de faire le com-
merce a de meilleures 'conditions qu*on ne le
fait avec les peuples voifins , avec lefquels tous
les avantages font reciproques. On a ^tabli que
la Metropole feule pourroit n^eocier dans \^ co^
lonie ; & cela avec grande raiion , parce que le
but de retabliffement a ete rextenfion du com-
merce , non la fondation d*ane ville ou d'un nou,
vel empire.
Ainfi c'eft eftcore une loi fondamentale de
VEurope , que tout commerce avec une colonie
itraneere eft reearde comme un pur monopole
puniflabie par Tes lois du pays ; 6c 11 ne faut^
pds juger de cela par les lois & ks- exemplea
tjo De l'Esprit 0£s Lois ;
des anclenS'peuples (^) qui n'y font guere ap^
pUcables. '
II eft encore reqa que le commerce etabli en—
tre fes M^tro poles n'entrame point une permip-
fion pour les colonies, qui reilent toujours en
itat de prohibition,
Le d^rarantage des colonies qui perdent la
libert^ du commerce , eft vifiblcment coinpenf<&
par la protection d6 la M^tropole (c) , qui la
offend par fes armes ou la maintient par fes
lois.
De-la firit une troifieme loi de PEurope , que
quand le commerce Stranger eft defendu avec
la colonie , on ne peut naviguer dans fes mers
que dans les cas ^tablis par les trait^s.
Les nations qui font \ I'igard de tout I'uni-
vers ce que les particuliers ibnt dans un etat,
fe gouvernent comme eux par le droit naturel
tc par les lois qu'elles fe font faites. Un peupie
peut c^der ^ un autre la mer, comme il peut
ceder la terre. Les Carthaginois exigerent {J) des
Romains qu,ils ne navigueroient pas au-dela de
ceKtaines litnites , comtne lesGrecs avoient exigi
du Roi de Perfe qu'il fe tiendroit toujours cioi- '
gn^ des cotes de la mer (e) de la carriere d*un
cheval. '
L'extreme tioignement de nos colonies n'eft
(^) Except^ les Carthaginois , comme on voit par
!• trait^- qui tcrmina la premiere guerre Punique.
(c) M^tropole eft , dans le langage des aociens »
I'^tat qui a fond^ la colonie.
W) Polybe, liv. III.
\^ Le coi dc Perfe s'obUgca, on trait^ » de ne
Liv. XXI. Chap. XXL ",
point nn inconvenient pour Jeur sureti ; car A
la Metropole eft ^loignde^pour les defendre , les
nations ri vales de la Metropole ne font p^s
moins ^lo'ignies pour les conqu^iir. •
De plus , cet eloignement fait que ceux qui
Yont s'y etablir ne peu,ent prendre la maniere
de vivre d'un cUmat fi different ; ils font obli-
ges de tirer toutes les commodit^s de b vie du
pays d*oii ils font venus. Les Carthaginois (/} ,
Eur rendre les Sardes & les Corfes pius d^pen-
ns , leur avoient defendu , fous peine de la vie,
de planter, dt femer & de faire rien de fembla*
ble ; ils leur envoyoient d'Afrique des vivres.
Nous fonunes parvenus au me me point , fans
£iire des lois ii dares. Nos colonies ae& isles An-
^es font admirables ; elles out des objets de
commerce que nous n'avons ni ne pouvons
avoir ; elles manquent de ce qui fait lobjet du
n6tre.
L'effet de la dicouyerte de I'Am^rique iut de
lier a r Europe FAfie & I'Afrique ; rAm^rique
fournit a I'Europe la tnatiere de fon commerce,
avec cette vafte partie de I'Afie , qu^on appg^e
les Indes Ortentales: L' argent , ce m^tal fi utile
au commerce comme (igne , fut encore la bafe
du plus grand commerce de I'umvers, comme
marchanaife. Enfin la navigation d'Afrique de -
Tint niceffsdte ; elle foutniflbit des homines pour
nariguer tree aucon vfttiTeau d« ^uevre au-deU des
roches Scyan^es & des ifics Ch^lidoniennei , Tlutdrqut »
▼ie de Cimoiu
(/*) Ariftote , des ekoja mervcUicufts. Tite- Life
Bt. Yii* 4e U fecoodft "ca 化
iji De l*Esprit des Lots;
le travail des mines & des terres de VAmi^
rique.
L'Elurope eft parveniie a un _fi haut degre de.
puiflance •, que rhifioire n*a rien a comparer la-
oeflus ; ft I'on confidere rimmenfite des depen-
fes , la grandeur des engagemens , le nombre-
des troupes & la continuity de leur entretien ,
meme lorfqu'elles font le plus inutiles, & qu'on
ne les a que pour I'oflentation.
Le P. ou mlde (/) dit que le commerce
int^rieur de la Chine eA plus grand que ceiui
- de toute l,£urope. Cela pourroit Stre, fi notre
commerce ext^rieur n'augmeAtoit pas l,int£rieur»
L*£urope fait le commerce & la navigation des
trois autres partis du monde ; comme la France ,
I'Angleterre & la Hollande font a-peu-prfe la
navigation & le commerce de rEurope.
C H A P I T R E XXII.
Des ncheffis que lEfpapie tird de tAmirique,
Si rEurope (a) a trouv6 tant d'avantiges dans
le commerce de rAmerique , il feroit nature! de
croire que I'Erpagne en auroit regu de pluc
grands. Elle tira du monde nouvellement dd-
couK^ line quantite d'or & d'argent ft prodi-
fe) Tom. II. pag 170.
(^) Ceci paruc, il y a plus de vingt ans » dans un
petit ouvrage mahiifcrit . de I'auteur » qui a. prefc^ue
tout foodu dans celui-ci.
V
Liv. XXI, Chap. XXI.
"gieuf e , que ce que fon en avoit eu jufqu'alors
ne pouvoit y etre compare.
Mais ( ce qu'on n*auro it Jamais foup^onni )
la mifere la fit ^chouer ptefque par - tout. Phi-
lippe II. , qui fucc^da a Charles - Quint , fut
obiig^ de faire la celebrc banqueroute que tout
le monde fait ; & il nV a guere jamais eu de
Prince qui ait plus fouflert que lui des murmu -
res , de Finfolence & de la r6yolte de fes trou,
pes toujours mal payees.
Depuis ce temps, lajnonarchie d'Efpagne d^-^
clina ians ceffe. C*eA qu'il y avoit un vice hit"
rieur & phyfique dans la nature de ces richeiTes
qui les rendoit vaines ; & ce vice augmenta tons
les jours.
L,or & rargent font une richeffe de fi^on
ou de &ne. ties fignes font trh$ durables &
fe d^truiient peu , comme il conyient a leur
nature. Plus ils fe multiplient , plus ils perdcnc
de leur prix , parce qa'ils repr4fentent moins
de chofes.
Lors de la conqu^te du Mexique & du P"
Tou , les Efpagnols abandonnerent les richefles
naturelles pour avoir des richeffes de fignes qui
s'aviliflbient par elies - memes. L,or & rargent
^toient tr^s rares en Europe ; & FEfpagne ma"
trefle tout - a -coup d'une trhs grande quandti
de mdtaux , con^it des efperances qu'elle n'avoit
jamais eues. Les richeffes que l,on trouva dans
les pays conquis , n'6toient pourtant pas pro-
portionoees k celles de leurs mines. Les In 一
diens en coherent une partie ; & de plus , ces
peu pies , qui ne faifoient fervir l,or & rargent
ou'i la magnificence des Temples des Dieux
oc des Palais des Rois, ne les chercholent pas
avec la - mSme avarice que nous : eniin ils
134 l'Esprit des Lois ;
fi^avoiem pas \t fecret de tirer les tn^atix de
toutes les mines ; mais feulement de celles dans
lefquelies la f<^paration fe fait par le feu , ne
connoidant pas la maniere d'employer le mer-
cure, ni peut- itre le inercure meme.
Cependant I'argent ne laiiTa pas de doubter
bientot Europe qui parut en ce que le
grix de tout ce qui s'acheta fiit environ da
double. 、
Les Efpagnols fouUlerent les mines , cieuier
rent les tnontagnes, inventerent des macbines
pour tirer les eaux , brifer^le mineral & le ft-
par^r: & comtne ils fe Jouoient de la vie des
Indiens, ils les firent travailler fans menage-
ment. 亡, argent doubla bient6t en Europe , &
}e profit diminua toujours de moiti^ pour FEf-
pagne , qui n'avoit chaque ann^e que la meme
quafitite d*un metal qui 6toit devenu la moitii
tnoins pr^cieux.
Dans le double da temps , I'argent doubla
encore , & le profit diminua encore de la moitie*
U diminua meme de plus de la moitii : void
comment.
Pour tirer Vor des mines , pour lui ^lonner
les pi^epafations requifes & le transporter e»
Europe , il falloit tine depenle ffluelconque ; je
fuppofe qu,eUe fut comme i eft a 64 : quand
Fargent fiit double une fois & par confiquent
la moiti6 molns pr^cieux, la dipenfe fut corame
a font k 64. Ainfi les flottes qui porterent en
Efpagne la m€me quantite d'ox, porterent une
chofe qui rkltement valoit la moitii ip^ids , &
^outoic la nioiti6 plus.
Si ron fuit la chofe- de doublement en dou-
blementy on trouvera la progreffion de la caufe.
rimimiffuice des nchdfes de I'Efpagne.
Liv. XXI. Chap. XXII.
II y a environ deux cens ans que I'on tra«
vaille les mines des Indes. Je fuppofe que la
quantite d'argent qui eft a prefent dans le motide
€\u\ comm^ce , foit a celle qui itoit avant la
d^couverte , comme 31 eft a 1 , c'cft-a-dire ,
qu*elle ait double cinq fois : dalis deux cens ans
encore la m^me quantiti fera a ceUe qui ^toic
avant la decouverte, comme 64 eft a i , c'eft-
a-dire , qu'elle doublera encore. Or a prefent
^nquante \_h\ quintaox de tnin^rai pour l,or
donnent quatre, dnq & fix onces d'or; &
quand il n'y en a aue deux , le mineur ne re-
tire que fes frais. Dans deux cens ans ^ lorf-
qa'il n'y en aura que quatre , le mineur ne ti-
rera auffi que fes frais. II y aura done peu de
FTofit a titer fur You Meme raifonnetnent 4ur
argent , except^ que le travail des mines d*ar-
gent eft un peu plus avantageux que celui des
ixunes d'or.
• Que il I'on d^couvre des mines fi abondan-
tes qu'elles donnent plus de profit ; plus elles fe-
tont abondantes , plut6t le profit finira.
Les Portueais ont troavi tant d'or [c] dans
le Br^fil , qu'u faudra n^cefTairemeat que le pro-
fit des Efpaenols diminue bientot confiderable*
jnent & le Teur auffi.
,J*ai oui plufieurs fois diplorer rayeiiglement
(h) yoycz les voyages Frezier.
Suivant' milord Anfon , f Europe re^oit du Bri*
§1 , tous les ans , pour <)«ux miUionf fterling en or »
que I'on trou^ dsns le fable an pitd des monta^oes ,
ou dans le lit des rivieres. Lorfque j[e h$ le ^tit ou«
vtage dont j*ai parl^ dans la premiere note, de ce cha 一
pitre , il s *n falloit bien que les retours du Br^fit
fttflfi^ un obj«t aulfi iftiportapt qu'tt4'eft att)oard'hiu»
"6 De l'Esprit des Lots ;
du confeii de Fcan^ois I. qui rebuta Chnftophe
Colomb , qui lui propofoit les Indes. En ve-
rity , on nt peut - etre par imprudence une
chofe bien fage. L'Efpagne a fait comme ce
Roi infenf (& qui demanda que tout ce qu'il ton-
cheroit fe convertit eri or, & qui ht oblig^ de
revemr aux Dieux pour les prier de finir fa
mifere. 、
L 终 cotnpagnies & les banques que plufieurs
nations ^tablirent , acheverent d'avilir I'or 6l
rargent dans leur quality de fiene •• car , par
de nouvelles fi^ons , ils multipTierent tellement
les fignes des denr^es , que l,or & rargent ne
firent plus cet office qu'en partie , & en de -
vinrent moins pr^cieux.
^infi le credit public" leur tint li^ de miftes ,
& diminua encore le profit que les Efpagnols
tiroient des leurs. -.
II eft vrai que, par le commerce que les
Hollandois firent dans les Indes Orientales , ils
donnecent quelque prix a la marchandife des
Efpagnols ; car comme ils porterent de I'argent
pour troquer contre les marchandifes de FOrient,
lis foulagerent en Europe les Efpagnols d'une
partie de leur》 denr^es qui y abondoient trop.
£t ce commerce , qui ne femhie regarder
.qu*indire6lement FEfpapne , lui eft avantageux
comme aux nations memes qui le fonf.
Par tout ce qui vient d,gtre dit, on peut juger
des Ordonhances du Confeii d,E(*pagne, qui dd-
fendent d'employer Yor & I'argent en dorures
& autr^ fuperfluitis : Dicret pareil a celui que
feroient les Etats de Hollande , s*ik d^fehdoient
la confommation de la canelle.
Mon raifonnement ne porte pas fur toutes les
tmnes ; cellos d,AUemagne & de H^ngrie , d'oti
Ton
Liv. XXt. Chap. XXIt. 137
I'on ne retire que peu de chofe au- dela des frais ,
font trhs utiles. Elles fe trouvent dans I'etat prin-
cipal; elles y occupent plufieurs milliers dnom-
mes aui y con fume nt les denrees furabpndantes;
elles lont proprement une manufadure du pay&
Les mines d'AUemagne & de Hon^ie font
valoir la culture* des terres ; & le travairde celle»
du Mexique & du Perou la detruin
Les Indes & FErpagne font deint puifTanceS
fous un me me maitre ; mais les Indes font ler
principal , I'Efpagne n,eft qiie I'acceffoire. C'eft
en vain que b politique veut ramener le princi 一
pal a racceffoire ; ks Indes attkent toujours l,EiP*
pagne a elles.
.D'eiiviron cinquatnte millions <le fliafrefiandife^
qui vont. toutes les ann^es aux IiKle»,rEfpagne
ne fournh que deux millions & demi : les Indes
fom done un commerce de cmquante imllions^
& rEfjpagne de deux miUions & demu
C,eft une mauvaife efpece de richefle qu'utf
ftribut d'accident & qui ne depend pas de I'lnduf-
trie 一 de la nation , du notnbfe de fcs habitans , n<
de la culture de fes terres. Le Roi dTEfpagnre, qui
revolt de grandes fommes de fa doaane de Ca-
ibc, n,€ft a cet egard qu'un particulier tres rkhe
dans un etat tr^ pauvr«. Tout fe paffe des ^ran*
gers a lui , fans que fes fujets y pfennent prefqu^J
de part : ce commerce eft ind^pendant de
bonne & de la mauvaife fortune de (on royaume;
Si quetques provinces dans la Caftilfe ki don-
moient une fomme pareille a celk de douane
de Cadix , fa puiilance feroit bien plus grande i
fts fich^iTes ne pourroient etre que I'efiet de cel-
les du pays ; ces provinces animeroient toutes
amresy & eUes^ ieroi^At toutes enfemWe plu$>e0'
S3S De l'Esprit des Lois 9
圣 tat de fbutenir les charges refpeftives ; ay liet^
d*un grand tr^for on auroit un grand peuple.
C H A P I T R E XXIIL
, 一 ■ 、 、 s
C^E n'efl point a moi i prononccr fiir la qnef-
tion , fi rEipagne ne pouvant faire !fi» commerce
des Indes par elle - meme , il ne vaudroit pas
snieux qu'ielle le rendk libre aux etrang^rs. Je
dirai feulement qull lui convient de tnettre a ce
commerce le molns cfobfbcle que fa politique
pourra lut permettre. Quand les marchandifea
que les diverfes nations portent aiix Indes y
font chores les Indes donnent beaucoup de
hur marchandife , qui eft Yot & Kaxgent,. pour
peu de marchandiTes ^trangeres :.le contraire ar 一
five lorfque cellfes — ci font a vil pfix. II feroit
peut-etre utile <pie ces nations fe nuififTent les*
unes aux autires , a£n que les niarchandifes. qu'el-
te 攀 poFtent aux. Indes y fuflent toujours a boa
marche. VoUa des princip^s qu,9 faut examiner ,
fans les f^parer pourtant des autres. confideja-
ttons ;: la suretd des Indes ; Futilite d'une douane
unique ; les d^ngera d'un grand changement^; fes>
lncon,£iiiens. qu*6n prevoit , & qui fouvent font
moins dangi^seux que cemt qu on ne peut pa*-
r
Liv. XXII. Chap. I. 139
L I V R E XXII.
Des lols , dans U rapport qt! tiles out
avcc tufagc dc la monnoie.
CHAPITRE PREMIER.
Raifon de fufage dc U monnoi"
L
£S peuples qui ont peu de marchanAfes pour
le commerce , cooime les fauvages, & les peuple»
polices qui n*en oft t que de deux ou trois eipe-
ces , n^gocient par ^change. Ainfi les caravan'^
n€s de Maure$ qui vont a lomboudou, dans le
fond de rAfrfque , troquer du fel contre de I'ot*,
n'ont pas befoin de lAonnoie. Le Maure m<it fon
fel daQS un monceau ; le Ncgre , fa peudre dan^
nn autre : s,il n*y a pas auez d'or , le Maure
fetranche de fon fel , ou le Negre ajoute de
fon" or , )ufqif4 ce que les parties convien-
sent.
Mats lorfqu^an peupte tratfique fur un trh
grand nombre de mardiandifes , il faut n^ceiTai^
rement un« monnoie , parce qu'un metal facile
a transporter ^pargne men des h^is , que I'o^
feroit oblig^ de £ureiiron procMoit toujours par
'<ichangc'
Toutes les nations ayant de» befoins ricipro-
,es,il amve fwvent q^ue ITuae veut avoir
140 De t'EsPRiT DEs Lois ;
tr^s grand nombre de marchandiCes de rautrei
& cellc-ci treS peu des ilennes ; tandis qu'a Ft-
gard d'une autre nation , elle eft dans un cas.
contraire. Mais lorfque les nations out ime mon-
noie , & qu^elles procedent par vente & par
achat , celles qui prennent plus de marchandtfes
fe foldent ou payent Fexc^ent avec de rairgent:
& il y a cette diiFerence , que dans le cas de 、
Fachat , te commerce fe fast a proportion des
befoins de la nation qui demande le plus; &
que dans I'^change , le commerce fe fait feu*-
tement dans I'dtendue des befoins de la naJtioa
qui' demande le moins ; fans quoi cette dtgr-
niere feroit. dans. ruhpoiBbilite de folder foa
compte.
C H A P I T R E IL
De la nadurt de Ia rMrmoUi.
La monnoie eft un figne qui repr^fente Ik
iraleur de tomes les marchandifes. On prend
quelque m^tal pour que k figne foil durable (a)^,
Qu'il fe confomme peu par I'ufage; & que, fans,
fe d^ttuire , il foit capable de beaucoup de divi-
fions. On choiflt un metal pt^cieux , pour que le
figne puiffe aifement fe tranfpoiter. Un m^taleft
tres propre a etre une mefure commune, pares
qu'on peut aiftment le r^duire au m^me titre^
Chaque 4tat y met foa empreinte , afin que la.
[4] te fcl , dont on fe f?rt en Abyffinie y^ ce d^--
Li V. XXIL Chap. IL 941
{fftme r^ponde du titre & du poids , & que
l,on connoifTe Fun & rautre par la feule mfpecr
tion.
Les AtWniens n'ayant point Pbfage des tn6-
taox , fe fervirent de boeufs f^] ; & JLes Romains
de brebis : xnais un bceuf neft pas la meme chofe
qu*un autre boeuf , comme une piece de tn^tal
peut^tre la meme qu'une autre.
Comme t'acgent e£t le'figne des yaleurs de»
marchandifes , le papier eft* un figne dela valeur
de raiment j & lorfqu'tl eft boo, u le reprefente
tellemem , que, qaant a I'effet , il n*y a point d»
De meme que Pargent efi un ikne d'une chofe^
& la reprefente ; chaque chofe eu un figne de l,ac»
gent ,& le reprtfente : & r^tat eft dans la^rof-
p^rite , felon que d'un coti Pargent reprefente
hien toutes chofes > & que d'un autre , toute*
chofes repr^fentent bien rjareent ^ & qu'ils font
£gnes les uns des auttes c'efra-dire, que, dans
kur valeur relative , on peut avoir l,un fitot que
ron a I'autre. Cela n'arrive jamais, que dans un
gouvernement mod^re,, mais n'krrire pas tou-
jours dans un gouvernementinod^re : parexeih-
ple , fi les lois fayorifent un d6biteuc injufte , le»
chofes qui LoL appartiennent n€ rept^fentent
f oint Targenty & n'en font point un figne. A
igard du eouvernement defpotique , ce feroit un
prodige files chofesAy reprlfentoient leutfigne t
【&】 H^rodote , in Clio , nous dit que les^ Lydiens-
trouverent I'art battre la monnoie ; I« Grecs le-
prirent d'eux ; les monnoies d'Athenes eurent pour
•mpreintes leur ancieh boeuf. J,ai vu une de ces motb-
Boies dans le cabiofil 4u cont» p€mbfocke«. .
141 De lTsfrit des Lox$r
la tyrannic & la m^nce font que tout le fnOn<fe
y enterre [c] fon argent : les chofes n'jr reprifen-
tent done point rareent.
Quelquefois les llgifiateurs ont employ^ un
fel art , que non-feulement les chafes reprefen-
toient i'argent • par leur nature , mais qu'elles
devenoient monnoie comme I'argent meme. Ce-
far (d) di^lateur , permit aux • debiteurs de Con-
ner en payement a leurs cr6anciers de$ fonds de
terre au prix qu'ils valoient avant la guert^ ci-
vile. Tibere [e] ordonna que ceux qui voudroieot
de rargent , en auroi^nt du trefor public , en
oblieeant des fonds pour k double. Sous C^far
les tonds de terre furent la monnoie qui paya
tomes les、 dettes ; fom Tibere , dix miile fef-
terces en fonds devinrent une monnoie com*
mune Comme cinq mi]!^ fefterccs en argent.
La grande chartre d'Angleterre defend de fa"
fir les terres ou les revenus d'un d^biteur , lorf-
que fes biens mobiliers ou personnels fuffifent
pour le payement , & qu'il ofFre de les dcmner-
pour lors tous les biens d'un Anglois veprifen-
toient de rargent.
Les k>is des Germains appricierent etr argent
les fatisfa^Hons pout les torts que Fon avok uuts ,
& pour les peines des crimes. Mais comme il y
avoit trhs peu d'argent dans le pays , eHes r^-
appr^cierent Fargent en denries ou en b^taiL
Cieci fe trotnre fixi dans la loi des Suons, avec
【f] C*«ft un ancien uiagc 4 Alger , qat cbamie
pere d^faarlle ait an trefor enterre. Zogier de Tajft»,
hsftoire «lu royaume d* Alger.
J if] Voyez "far, de la gucm civile , Ur, III*.
t} Tacitc , U¥. VJU
Liv. XXI. Chaf. 11. i4f
de certames difGSrences fuivant raifance & la
commodity des divers p^ples. D'abord (/) la lot
declare la valeur du fousn betaii : le fou dedeux
tremKTes le rapportoit a un boeufde douze mois ,
oua une brebts avec fon agneau; celur de troiS'
tr^mifles valoit uiv beeuf ae feize tnois. Chez,
ces peuples h monnoie devenoit hitaW , mar-
chandife , ou denr^e ; & ces chofes devenoient
monnoie. *
Non-feulement Fargent eft un (igne des cho-
fes ; il eft encore un ngne de I'argent & fcpre-
fente l,argent, conune nous k verrons au cha^?
pitre du chang.e.
、、 C H A P I T R E IIL
Des monnoiis idiale"
Ull y a des monnoies rielles & des monnoie,
ideales. Les peupjes polkas , ^ fe fervent pre"
sue tous de mocinoies ^ideal'es y ne le font que
parce qu'ils ont convert! kurs monnoies r^elles*
en id^alcs* D'abord leurs monnoies r^elles fontr
舊 n certain poids & un certain titre de quelque
metal r mais biemdt \st maavaife for ou le befoia
font ^u'on retranche une partie du mitaX de cha*
,ue piece ^ monnoie , a laqueik on laifle le
mcme noiti i par exemple , d,une piece dm
poids (Tune Uvre (Tkrgent, on retranche la moi-
ti^ de Fargent , & on continue de I'appeUer
Rvre ; la piece qui itoiv une vingtieme partie
(/) Lol dc» Saxons , dv xyu&
144 De l'Esfiut D£s Lotf,
de la Kvr^ d'argent on continue de Fappelkr fou^
quoiqu'elle be foil plus la vingtieme partie de -
cette livre. Pour k>rs , la livre eiiune livre ideale ,
& le fou un fou id^al ; atnfi des autres fub-
divifions : & cek peut aller au point que ce
qu*on appeUera livre ne fera plu» qu'une tres
petite portion de la livre , ce qui la rendra encore
plus ideale. II p€ut trie me arriver que Ton ne
iera plus de piece de monnoie qui vaille pr《ci 一
ftment une Kvre, & qu'on nefera pas non plus
de piece qui vaille un fou : pour lars la livre &
k fou fcront des monnoies pufement ideales. On
donnera a chaque pi^ce de monnoie la denomi-
nation d'autant de livres & d'amant de fous que
I'oh voudra ; la variation pourra ^tre continuelle ,
parce qiTil eft auifi de donner un autre nom
a une diofe qu*il eft difficile de changer la chofe
sneme.
Pour oter la (burce des abus ,. ce fera une trk»
bdnne loi dahs to as les pays ou l,on voudra faire
jfleurir le commerce , que cells, qui ordonnera^
cju,on etnpk>iera des monnoies . l】es ; & que
ton ne fera point d'operation qpt puifTe les r€n-
dre id^aks.
Rien ne doit Stre 6 exempt de variation , que
ce qui eft la mefure commune de tout.
te n^^oce par lui-meine eft tr^s iticertan ; dc
c'eft un grand mal d'ajouter une nouvelle incer-
titude a ceile q^ui eft fondee fur la nature de la
cbofe»
令
Li V. XXII. Chap. IV. mt
C H A P I T R E IV,
Dc la ^udntue de Vor dc Vargera*
XjoRSQUE« les nations policies font ks mat-
trefTes du mande , l,or & rargent augmentent tous
ks|ours, foit qu'elks le tirent de cnez~ elles , loit
qu'dles i'ailleiu cherch^ la oil il eft. II diminue
au contraire , lorfque ks nations barbares pren-
hent le deHlis. On fait quelle fut la raret^ de ces
fnetaux , lorfque les Goths & les Vandales d,un
cote , les Sarrafins & les Tartares de I'autre ,
eurent tout envahi*
C H A P I T R E V*
Condmiation du mmcfujtu
L 'ARGENT tir6 des mines de rAm^nque , tf an"
porte en Europe , de-la encore envoy 6 en Orient ,
a favorifd la navigation de FEurope ; c'eft une
marchandife de plus que I'Europe re^oit en troc
de rAmerique , & qu'elle cnvoie en troc aux
Indes. Une plus grande quantity d'or & d'argent
eft done favorable , lorfqu'on regarde ces metaux
comme marchandife ; <tUe ne l,efE point lorfqu'oa
les regards comme figne, parce que leur abon-
dance cheque leur qualite de figne qui eft beau—
(oup fondle fur la raret^.
Avant la premise guerre Punique , le cuivre
Tom III. N
146 De l'Esprit DCS Lois;
etoit a rargent comme (*) 960 eft a i ; il eft
aujourd'hui a peu pres comme 73 j eft a i (f ).
Quand la. proportion feroit comme elle etoit au-
trefois, Fargent n'en feroit que mieux fa fondion
de figne.
CHAPITRE VI.
Par quelle raifon U prix de Vufure diminiia de
moitii 9 lors dc la dicouveru dcs Indes.
L ,YNCA Carcilaffh {a) dit qu*en Efpagne , apris
la conquete des Indes , les rentes qui ^toient au
denier iix tombereot au denier vingt. Cela devoit
ctre ainfi. Une grande quantity d'argent fut tout-
a-coup port^e £urpp^ ; bier.tpt moins de per-
fonnes eurent befoin a argent ; le prix de tou->
tes chofes augtnenta , & celui de rargent dimi'
nua : la proportion fut done rompue , toutes les
ancieimes dettes furent eteintes. On peut fe rap-
peller le temps du fyfteme {h) ou toutes les
chofes avoient une grande valeur , except^ rar-
gent. Apres la conquete des Indes , ceux qui
avoient de T^rgent furent obliges de diminuer lo
鼴- ■ _ . ■ . ' '"J ' I II I II 謹嚷
*) Voycz ci-Heifous le chap. xii.
t) En fuppofant rargent k 49 Uv. le marc , & le
cuivre ^ 10 fols la livre.
(a) Hiftoire des guerres civHes det ECpagaoU dans
Us Indes.
{b) On appelloh ainfi 1« prpjct d« M. Law ea
France.
Liv. XXI. Chap, IT. 147
fxix ott le louage de leur marchandife , c'eft-a-
olire rintdret.
Depms <:e temps , le pret n*a pu Tevenir a Pan-
den taux , parce que la quantity de Vargent a
augment^ toutes les ann^es en Europe. D*ailleurs ,
Us fonds publics de quelques 6tats , fondes fur
les richefles que le commerce leur a procurees ,
donnant un int^ret tr^s modique , il a fallu aue
les contrats des particuliers fe r^glaflent la-deUus«
Enfin le change ayant donne aux hommes unt
facilite fmguliere de tranfporter I'argent d*un pays
a un autre , Fargent n'a pu etre rare dans un lieu ,
qu'il n'en vint de tous cotes de cetix oil il €toit
commun.
f . '■■ . -'"
一 C H A P I T R E VII.
Comment h prlx dcs cbofes fe fixe dans la ya^
riation des richejfes dcjigne,
TT
Suk 'argent eft le prix des marchandifes ou
denrees.'Mais , comment fe fixera ce prix ? c'eft-
a - dire , par quelle portion d'argent chaque chofe
fera-t-dfe reprifeiKee ?
Si I'on compare la maiTe de For & de I'argent
.qui eft dans le monde , ayec la fomme des •
marchandifes qui y font , il eft certain que
chaque denrce ou marchandife en particulier
pourra Itre compar^e a une certaine portion
la raaffe entiere de for & de rargent. Comme
le total de I'une eft au total de I'autre , la partie
de Fune fera a la partie de I'autre. Suppofons qu'il
rCy ait quTune feule denrce ou marchandife dans
le monde , ou qu'il n*y en ait qu'une feule qiu.
1 4'
De l*Esprit des Lois.
s'achete, & qu'elle fe divife comme I'argent; cettd
partie de cette marchandife r^pondra a une partie
de la maflfe de rargent ; la moiti^ du total de
rune a la moitie du total de i'autre ; la dixieme ,
la centieme , la millieme de I'une , k la dixieme ,
a la centieme , a la millieine de I'autre. Mais
homines, n*eft pas tout a la fois dans le com-
merce , & que les m^taux ou les monnoies , qui
en font les fignes, nV font pas aufli dans le
itieme temps ; les prix (e fixeront en raifon com -
pofee du total des chofes avec le total des fignes ,
6l de celle du total des chofes qui font dans le
commerce avec le total des fignes qui y font
auffi : & cotnme les chofes qui ne font pas dans
le commerce aujourd'hui peuvent y itre decnain ,
& que les fignes qui n*y font point aujourd*hui
peuvent y rentrer tout de meme , r^tabliOtetnent
du prix a€s chofes depend toujours fondamen-
talement de la raifon du total des chofes au total
des fignes.
* Ainfi le Prince ou le tnaglfirat ne peuvent pas
plus taxer la valeur des marchandifes , qu*^tablir
par une ordonnance que le rapport d'un a dix eft
egal a celui d,un a vingt. Julien (a) ayant baiffi
les denr^es k Antioche , y caufa une af&eufe
famine*
(a) Hiftoire de i'Eglife , par Socrate , lir. ii«
Liv. XXn. Chap. VII.
C H A P I T R E VIII.
Continuation du menu fujet,
£S Nbirs de la c6te d'Afrique ont un figne dies
valeurs fans monnoie ; c*eft un figne puremen 書
ideal , fondi fur le degre d'eftime qa'ils mettent
dans leur efprit a chaque marchandife , a pro-
portion du befoin qu'ils en ont. Une certaine den*
r^e 4>u marchandife vaut trois macutes ; une
autre , fix macutes ; une autre , dix macutes : c'eft
comme s'ils difoient fimplement trois , fix , dix.
Le prix fe forme par la compafaifon qu'ils font
de tomes les marchandifes entr*elles ; pour lors
il n*y a point tie monnoie particuliere , mais
chaque portion de marchandiie eft monnoie de
rautre.
Tranfportons pour un moment parmi nous
cette maniere d'evaluer les chofes , & joignons>la
avec la notre. Toutes les marchandifes & den-
rees du monde, ou bien toutes les marchandifes
ou denrees d'un etat en particulier confider^
cornme ftpare de tous les aiitres , vaudront un
certain nombre de macutes ; 6c divifant I'argent
de cet <^tat en aurant de parties qu,il y a de ma-
cutes, une partie divifee de cet argent fera le
figne d*une macute.
Si ron fuppofe que la quantity de I'argem d'un
^tat double , il faudra pour une macute le double
de rargent ; mab fi en doublant Targent , vous
doubles^ auf& les macutes , la proportion reftera
N 3
i^o De x-TsPRiT DEsr LoiBi . -
telle qu'elle 荟 toit avant l,un & Fautre doul^le^
ment.
Si depuis la dicouverte des Indes ^ For & 】,ar-
gent ont augment^ en Europe «i raifoii cTun 4
"vingt, le prix des denrees 6c marchdndifes auroit
du monter en raifon d*un k vingt : mais fi d'un
aurre cot^ , k nombre des fnarcnancKfes a aug-
inent6 comme un a deux , il faudra que le prix
de ces marchandifes & denries ait* hauiTe d'un
cot^ en raifon d'un a vingt , & qu'ii ait baifie en
raifon d'un a .deux , & qu'il ne foit par confi^uent
qu'en raifon d'un a dU.
La quantite des marchandifes & denrees crolt
par une augmentation de. commerce ; I'aug-
snentation de commerce , par une augmentation
d*argent qui arrive fuccellivement , & par
nbuveiks communications avec de nouvelles
teries & de nouvelles mers , qui nous donnent
de nouvelles denrees & de nouvelles marchan-.
difes.
C H A P I T R E IX.
De la rarett relative d《 tor £* dc targent.
o UTRE l-abondance & la rarett pofitivc de
I'or & de rargcnt , il y a encore une abondance
& une rarete relative d'un de ces metaux 4
Fautre.
L'avarice garde I'or & I'argent , psirce que,
coitime elle ne veut pas confommer , elle aime
des fignes qui ne fe detruifent point. Elle aime
tnieux garder I'or que I'argent , parce qu'elle-
craint toujours de perdre , & quelle peut mieiui
Liv, XXII. Chap. IX. 151
eacher ce qui eft en plus petit volume. L'or dif-
paroit done quand rargent eft commun , parce
que chacun en a pour le cachet; il reparoit quand
rargent eft rare, parce qu'on eft oblige de ]g
"retirer de fes retraites. ,
C'eft done une regie : l'or eft commun quand
I'argent eft rare ,& 1 or eft rare quand I'argent
eft commun. Cela fait fentir la clifF(irence <k I'a-
bondance & de la raret6 relative , d'avec Fabon-
dance & la raret^ r^elle ; chofe dont je vais beau-
coup parler.
c
CHAPITRE X.
'est rabondance & la raretd relative des
monnoies des clivers pays , qui forment ce qu*on'
appelle le change.
Le change eft une fixation de la valeur aftuelle
& momentan^e des monnoies.
• L'argent , comtne m^ta) , a une valeut comme
toutes les autres marchandifes ; & il a encore une
valeur qui vient de ce qu,il eft capable de deve-
tiir le figne des autres marchandifes : & s'il
n'^toit qu*une fimple marchandife , il ne faut
pas douter qu'il ne perdit beaucoup de fon
P 卞; ♦ ,
L argent , comme monnoie , a une valeur que
le Prince peut fixer dans quelqiies rapports , &
qu*i] ne fauroit fixer dans d'autres.
1。. Le Prince etablit une proportion entre une
quantite d 'argent comme mdtal ,& la mime
quantity comme monnoie. »。• II fixe ctUe qui
N 4 -
15a De l'Esprit dis Lois ;
•ft cntre divers m^taiix employes a la monnote.
de monnoie. Enhn il donne a chaque piece cette
\^ki]r id^ale dont j'ai paile. J^appellerai la va-
leur de la monnoie dans ce$ • quatre rapports'
卞 aleur pofidve , parce qi^elk peut etre fixee par
une lot.
Les monnoles de chaque etat ont de plus une
,akur relative , dans le fens qu'on les compare
avec les, monnoies des autres pays : c,efl cette
-valeur relative tjue le change 化 Wit. EUe depend
beaocoup de la valeur pofitive. Elle eft iix^e par
rcftimela plus g^nerale des negocians , & na peut
F^tre par lordon nance du Prince , parce qu'elle
varie fans cefle , &. depend de miUe circonf-
tances.
Pour fixer la valeur relative , les direrfes na*
tions fe r^eleront beaucoup fur celle qui a le plus
d'argent. Si elle a autant d'argent que toutes les
autres enferoble , il faudra bien que chacune aille
fe mefurer avec elle ; ce qui fera qu'ielles fe re-
gleront a peu pr^s entrelks comme dies fe font
iTiefiirtes avec la nation principale.
Dans I'etat aftuel de hinivers , c'cft la Hal-
lande {a) qui eft cette nation dont nous parlons*
Examinons le change par rapport a elle
II y a en Hollande une monnoie qu'oa ap^
peUe un Horin : le florin vaut vingt fous , ou
quarante detni fous , ou gros. Pour Hmplifier les
id^es, imag'mons quTil n'y a point de norms en
Hollande , & qu'il n'y ait que des gros : u»
(*) les Hollandots reglent le change de prefqu'
. U,eux > felon cju'if cohvient a Icurs hit 爸 cits*
Liv. XXIL "Chap, X. 153
homme qui aura mille florins , aura quarante
mille gros , ainfi du refte. Or ie change avec la
Hollande , confide a favoir combien vaudra <te
gros chaque piece de monnoie dcs autres pays;.
& cotnme I'oii cotnpte ordinairement en France
par 6cu de trois livres , le change demandera
combien un ^cu de trois livres vaudra de gros*
Si le change eft a cinquante-quatre , I'^cu de
trois livres vaudra cinquante-quatre gros ; s'il eft
a foixante , il vaudra foixante gros ; fi I'argent
eft rare en France , recu de trois livres vaudra
plus d« gros ; s'U eft en aboildance , il vaudra
moins de gros.
Cette rarete ou cette abondance d'oii r^fulte
la mutation du change , n*eft pas la rarete ou
rabondance reelle ; c'eft une raret^ ou une abon*
dance relative : par exemple , qnand la France ai
plu^ befoin d'avoir des fonds en Hollande , que
les HoUandois n'ont befoin d'en avoir en France »
rareent eft appelle commun en France , & rare
•n Hollande , & vice versa,
Suppofons que le change avec la Hollande
foit a cinquante-quatre. Si la France & la Hol-
lande ne compofoient qu'une ville , on feroit
comme Yon fait quand on donne la monnoie'
d*un ecu: le Francois tireroit de fa poche trois
livres , & le HoUandois tireroit de la fienne cin-
quante-quatre gros. Mais comme il y a de la
cUilance entre Paris & Amfterdam , il faut qut
celui qui me donne pour mon ecu de trois livres
• cinquante-quatre gros qu,il a en Hollande , me
donne une lettre de change de cinquante-quatre
gros fur la Hollande. II n,eft plus id quefti6n de
cinquante-quatre gros , vcidis d'une kttre de cia-
X54 13e l*Esprit DBS Lois ;
quante-quatre gros. Ainfi pour juger (b) de la ra-
rete ou de rabondance de Fargent , il taut favoir
s,il y a en France plus de lettres de cinquante*
Juatre gros deftin^es pour la France , qu'il n'y a
*icus deilin^s pour la Hollande. S'il y a beau-
coup de lettres ofFertes par les Hollandois &
peu d*6cijs ofFerts par 】esFran;ois, I'argent eft
rare en France & commun en Hollande ; & il
faut que le change haufTe , & que pour mon ^cu
on me donne plus de cinquame - quatre gros ;
autrement je ne le donnerois pas ^ & vice
versa. •
On volt que les diverfes operations du change
forment un compte de recette & de d^penfe qu il
faut toujours folder ; & qu'un etat qui doit , ne
s'acquitte pas plus avec les autres par le change ,
qu'un particulier ne paye une dette tn changeant
de rangent.
Je ffippofe qu'il ny ait que tro'is f tats dans le
monde , la France , VEfpagne & la Hollande ;
que divers particuliers d'Efpagne dufienten France
la valeur de cent mHle marcs d'argent , & que
divers. particuliers de France duiTent en Efpagne
cent dix mille marcs ; & que quelque circonf-
tance fit que chacun , en Efpagne & en France,
Toulut tout-a-coup retirer fon argent : que fe-
roient les operations du change ? Elles acquitte-
roient riciproquement ces deux nations de 】a
fomme de cent mille marcs : mais la France de-
vroit toujours dix mille marcs en Efpagne , &
les Efpagnois auroient toujours des lettres fur la
參
(b) II y .a beaucoup d'argent dans une place , lorf-
€ju*il y a plus d'argent que de papier ; il y en apcu,
lorfqu'il y a plus de papier que d'argent.
、 Liv. XXII. Chap. X.
France pour dix milk marcs ; & la France n,ea
auroit point du tout.
Quefi la Hollands ^toit dans un cas contraire
avec la France , & que pour folde elle lui ddt
dix mille marcs , la France pourroit payer l,Ef-
paene de deux manieres , ou en donnant a fes
creanciers en Efpagne des lettres fur (es debiteurs -
de Hollande pour dix mille marcs , ou bien en
envoy ant dix mille marcs d'argent ! en efpeces en
Efpagne.
II Tuit de-13l , que quand un £tat a befoin de
remettre une fomme d*argent dans un autre^pays ,
il eft indifferent par lia nature de la chofe que I'on
y voiture de Fargent « ou que l,on prenne des
lettres de change. L'avantage de ces deux ma 一
nieres de payer , depend uniquement des circonf-
tances aduelles; il faudra voir ce qui , dans ce
jnoment , donnera plus de gros en Hollande, ou
rargent port 纟 en efpece [c] , ou une lettre fur
-Ja Hollande de pareille (omme.
Lorfque m^me titre & mSme poids d'argent
en France me rendent mdme poids & mSme ti-
tre d'argent en Hollande, on dit que le change
efl au pair. Dans I'etat a£^uel des monnoies[</|,
le pair eft a-peu-pres a cinquante-quatre gros par
^cus : lorfque le change fera au-deflus de cin-
quante- quatre gros , on dira quil eft haut; lorf-
qu'il fera au-deiTous, on dira qu'il eft bas.
Pour favoir , dans une certaine fituation du
change , letat gagne ou perd ; il faut le confidi< -
rer comme dibiteur , comme creancter , comme
Vendeur , cotnme acheteur. Lorfque le change
eft plus bas que le pair , il- perd comme debi^
(e) Les frais dela voiti^rt; & de raflfurance deduiCs.
(<0 En 1744.
i5< De l'Esprit d£S Lois ,
teur, il gagne comme creancier; il perd tomme
acheteur , ii gagne comme vendeur. On fent bien
? u'U perd comme debiteur : par exemple , Ja
ranee devant k la Hollands un certain nombre
de gros , moins fon ^cu yaudra de gros , plus il
lui faudra d*^cus pour payer : au contraire ,
fi la France eft creanciere aun certain nom-
bre de gro$ , moins chaque ica vaudra de
gros , plus elle recevra d*^cus. L'^tat perd en-
core comme acheteur ; car il faut tou jours le
meme nombre de gros pour acheter la mSme
quantity de marchandifes ; & lorfque le change
l>aiile , chaque ^cu de France donoe moins de
gros. Par la mSme raifon , r^tat gagne comme
▼endear: je vends ma marchandiTe en HoUande
le mime nombre de gros que je la Vendob ; j*aii-
ra done plus d*£cus 6n France, lorf(Ju*avec cin-
quante gros je me procurerai iin ecu , que lorf*
qu'il men faudra cinquante-quatre pour avoir
cc m&me €cu : le contraire de tout ceci arrivera
a I'autre ^tat. Si la Hotlande doit an certain nom-
bre d*^cus , die gagoera; & (i on hs lui doit »
elle perdra ; fi elle vend , elle perdra ; ft eUe
achete, elle gagnera. *
11 faut pourtant fuivre ced : lorfque le change
eft au-deubus du pair, par exemple , s'il eft at
cinquante au lieu d'etre a cinquante - quatre ,
ii devroit arriver que la France envoyant par le
, change cinquante - quatre tnille ^us en Ho! -
lande , n'acheteroit de marchandifes gue pour
cinquante mille ; & que d*un autre cote la Hol-
lande envoyant Fa valeur de cinquante mille
^cus en France , en acheteroit pour cinquante^
quatre mtlle ; ce qui feroit une difKrence de bftt
cinquante- quatriemes , c'eft-a-dire, de plus d'un
feptieme de perte pour la France \ de forte qu'il
Liv. XXII. Chap. X. 157
fimdroU cnvoyer en Hollands un feptieme de
plus en argent ou en marchandifes , qu'on ne
faifoit lorfque le change ^toit au pair : & ]e ma
augmentant toujours, parce qu'une pareiUe dettl
feroit encore diminuer le change , 】a France fe-
roit a la fin ruin^e. 11 fembk , dis-je , que cela
devroit etre ; & cela n*eft pas j k caufe du prin*
cipe que j'ai d^ja ^tabli ailleurs ( - ) , qui eft
que les 豸 tats tendent tou jours a fe mettre dans
la balance , & a fe procurer leur liberation ; ainfi
lis n'einpruntent qu,a proportion de ce qu'ils peu 一
vent payer , & n'achetcnt qu'a mefure qu'ils ven-
dent. Et en prenant rexemple ci- deuus^ fi le
change tombe en France de cinquante-quatce k
cinquante , le Hollandois qui achetoit des mar«
chandifes de France pour mille 6cus, & qui let
payoit cinquante*quatre mille gios, ne les paye-
roit plus qaie cjinquante mille, fi le Francois j
vouloit confentir : mais la marchandife de France
hauflera infenfiblement, le profit fe partagera en*
tre le Frangois & le Hollandois ; car , lorfqu'un
nigociant peut gagner ,• il partage aifi^ment fon
profit : il fe fera done une cotntnunication de
profit entre le Francois & le Hollandois. De la
fieme cnaniere ,le Francois qui achetoit des mar-
chandifes de HoUande pour cinquante - quatre
mille gros , & qui les payoit avec mille icus
lorfque ie change ^toit a cinquante-quatre , fe«
roit oblige d'ajouter quatre cinquante- quatriemes
de plus en ecus de France , pour acheter les me*
mes marchandifes ; mais le inarchand Francois
qui (entira la pcrte qu'il feroit , voudra donner
molns de la marchandife de Hollande ; il fe fera
done une communication de perte entre le mar 一
(f) \ojet It livre XX、 chap, xxi
l^S De lTsprit DCS Lois;
chand Francois & le marchand HoUandoSs, 1*^—"
tat fe mettra infenfiblement dans la balance, &
rabaiflecnent du change n'aura pas tous les ia-*^
conveniens qu'on d-.voit craindre.
Lorfque le change efl. plus bas que le pair,'
un n^goctant peut, Tans diminuer fa fortune , re—
mettre fes fonds dans les pays Strangers ; parce
qu'en les faifant revenir, i] regagne ce qu'il a
|>erdu : mats un Prince qui n'envoie dans les pays
etrangers qu'un argent qui ne doit jamais reve—
nir, perd toujours.
Lorfque les negocians font beaucoup d'affai-
res dans un pays , le change y haufTe infaiUible —
ment. Cela vient de ce qu'on y prend beaucoup
d'engagemens , & qu*on y achete beaucoup de
marchandifes ; & Ion tire fur le pays Stranger
pour les payer. •
Si un Prince fait un grand amas d*argent dans
ion 6tat , rargent y pourra etre rare reellement,
& commun relativement ; par exemple , fi dans
le meme temps cei etat avoit a payer beaucoup
de marchandifes dans le ^ays Stranger » le change
baifleroit, quoique Targent fut rare.
Le change de toutes les places tend toujours a
fe mettre a une certaine proportion , & cela e 秦
dans la nature de la chote meme. Si le change
de rirlande 4 I'Angleterre eft plus bas que le
pair , & que celui de rAngleterre a la Hollande
loit auffi plus bas que le pair, celui de llrlande
a la Hollands fera encore plus -bas, c'eft-a-di-
re, en raifon compof^e de celui d'irlande a i,An,
gleterre , & de celui de rAngleterre a la Hollan,
de : car un Uollahdois qui peut faire venir fes
fonds indiredement d'irlande par I'Angleterre ,
ne voudra pas payer plus cher pour les Taire ve,
rir diredement. h dis que cela devroit ^treainii :
Liv. XXn. Chap. X.
mats cela n'eft pourtant pas exaftement ainfi; il
y a toujours des circonftances aui font varicr ces
chofes ; &' la diii^rence du pront qu'il y a ^ ti*
rer par une place ou a tirer par une autre, fait
Fart & rhabilet^ particulier^ des banquiers , dont
il n'eft point queftion ici.
Lor(qu'un itSLt hauiTe fa monnoSe ; par exem 赠
pie , lorfqu'il appelle fix livres ou deux ^cus, ce
qu'il n'appelloit qiie trois livres ou un ica , cette
denomination nouvelle, quin'ajoute rien de r^el
^Pecu , ne doit pas procurer un feul gros de plus
par le change. On ne devroit avoir pour les deux
^cus nouveaux , que la m^me quantity de gros
que i'on recevoit pour I'anden ; & ii cela n'eft
pas , ce n'eft point I'effet de la fixation en elle-
meme , mais de celui qu'elle produit comtne nou«
velle , & de celui qu'elle a comtne fubite. Le
change tient a des affaires commenc6es , & ne
fe met en regie qu'apr&s uir certain temps.
Lorfqu'un 6tat , au lieu de haufTer {Implement
fa monnoie par uneloi , fait une nou velle refonte,
afin de fairc d'une monnoie forte une monnoie
plus foible, il arrive que , pendant le temps de
Fop^ration, il y a deux fortes de monnoie , la
forte qui eft la vieille , & la foible qui eft la
nouvelle ; 5c comme la forte eft decri^e & ne fe
revolt qu'a la monnoie , & que par conf^quent
les lettres de change doivent fe payer en efpe-
cds ^ouvelles , il (emble que le change devroit
fe r^gler fur refpece nouvelle. Si, par exemple,
rafFoibliflement en France ^toit 4e moid 在 , 6c que
rancien icu de trois livres donnat Toixante g os
en Hollande, le nouvel ecu ne devroit dohner
que trente gros; d*un autre c6t^, il femble que
U change devroit fe r^gler fur la valeur de I'ef;
i6o Ds l'Esprit des Lois;
pece vielUe, parce que !e banquier qui a de Pai^
gent & qui prend des lettres , eft obiig^ d'alJer
porter a la monnoie des efpeces vieilles .pour en
avoir de nouvelles fur lefquelles il perd: le change
fe mettra done entre la valeur de Fefpece nou -
velle &L celie de I'efpece vieille ; la valeur de I'ef —
pece vieille tombe , pour ainfi dire, & parce
qu'il y ad^ja dans le coinmerce de I'efpece nou -
velle , & parce que le banquier ne peut pas te-
nir rigueur , ayant int^r^t de faire fortir promp*
tement I'argeot vieux de fa caifTe pour le fauie
travailler , & y 叔 ant m^me fore 在 pour fairerrs
pay e mens : d*un autre cbti , la valeur de I'efpece
nouVelle s'eleve , pour ainfi dire, paice que le
banquier avec de I'efpece nou velle fe trouve dans
une circondance oil nous alions faire voir qu'il
peut avec un grand avantage s,en procurer de ia
vieille : le change fe mettra done , comme j'ai dit ,
entre I'efpece nou velle & refpece vieille. Pour
lors ies banquiers ont du profit k faire fortir I'ef-
pece vieille de r^tat, parce qu'ils fe procurent
par la le meme avantage que donneroit un change
rkg\i fur refpece vieille , c'eft-i-dire , beaucoup
de gros en Hollande, & qu'ils ont un retour ea
change r^gle. entre refpece nouvelle & I'efpece
vieille » c'eft-a-direplu$ bas; ce qui procure beau*
coup d'6cus en France.
Je fuppofe que troLs livres d'efpece- vieille ren-
dent par le change aduel quarante-cinq gros,
& qu*en tranfportant ce meme ^cu en Hollands ,
on en ait foiiante ; tnais avec une lettre de qua*
rante-cinq gro$» on fe procurera un icu de trois
Evres en France , lequel tranfport^ en efpeces
vieilles en Hollande , donnera encore foixante
gros: touts refpece vieille fortira done de I'etac
V
\ Liv* XXn. Chap. X. i6t
qui fait la refonte, & le profit en fera pour let
banquiers«
、 ' Pour rem^dier a cela , on (era forci 4^faire
tine operation nouvelle. L'^tat qui fait la retontef
enverra lui-meme une grande quantite d'efpeces
vie i lies chez la nation qui regie le change ; & s'y
procurant un credit , 11 fera mooter le change
aa point , qu'on aura , a pea de choie pris, au-
tant de gros par le change d'an ecu de trois li-
' vres , qu'on en auroit en faifant forth- ui> ^cu de
trois livrcs en efpeces Tieilles hors du pays« Jei
dis a pea de chofe pris, parce que, lorfque le
profit fera modique , on tie fera point tent^ der
taire fortir Fefpece « a caufe des rrais de kk voi-
ture, & des rifques de la coniifcatioiT.
li eft bon de donner une idde bieil cklre de
ceci. Le fieur Bernard , on tout autre banquier
que r^tat vaudra employer, propate fes lettrei
fur la Hollande , & les donne a im, deux , trait
gros plus h^ut que le change afiuel ; il a fait une
proyifion dans le» pays Grangers , par le moyeii
des efpeces vieilles qu'il a fait contlnuellemenf
voiturer : il a done hit haufTer le change au
point que nous veneris d« dire i cependant , k
lorcc de donner de fes tettres , il le faiftt de
toutes les efpeces noovelles , & force les autre*
, banquters aui ont des payeinen» a faire , a pot-
ter Jeurs efpeces vieilles a )a monnoie" & d0
phis , comrneH a eu infenfiblemene tout I'argemr 一
tl contraint a letir tour les autres bscnqurers a \vi
donner des lettres ^ uif change tr^ & haut } fe
C'ofit de la fin rindemnife en grande partie d9
perte du comrnencemenn
On fent qf»e , pendant toute cette oplratroni^
r^tat doit fouffrir une violente crVfe. U'arg^nt y
deviendra trc& rare^ i^, parce (ja'il fWut «i> d4«
i6i De l'Esprit d£s Lois,
i:rier la plus grande partie ; a^. parce qu*J! <etf
faudra tranfporter une partie dans les pays etran—
gers ; parce que tout Ic monde le rcflerrera ,
perfonne ne vouiant laifler au Prince un profit
Suon efpere avoir foi-meme. 11 eft dangereux
e la faire avec lenteur; il eft dangereux de la
faire avec promptitude. Si le gain qu'on fup-
pofe eft immoder^f le» inconveniens augtnen-
. tent a tnefure. 一
On a vu ci-deflus que , quand le change 6toit
plus bas que i'efpece , il y avoit du profit a faire
fortir I'argent: par la in^me raifon, ]orfqu*il eft plus
haut que I'efpece,]! y ado profit a le faire revenir.
Mais il y a un cas oh on trouve du profit a
faire fortir Fefpece , quoique le change foit an
pair : c'eft lorfqu'on I'envoie ds^ns ks pays ^tran*
gersypour la faire remarquer ou refondre, Quand
tl]e eft revenue, on fait, foit qu'on remploie
dans le pays, (bit qu'on prenne dies lettres pour
fetr anger , le profit de la monnoie. *
S'il anivoit que 'dan$ un etat on fit une com*
pagnie qui eut un nombre tr^s confiderable d 'ac-
tions , & qu'on eut fait dans quelques mois de
temps hauUer ces adions vingt ou vingt-cinq
ibis au-dela de la valeur du premier achat, &
que ce m^me etat eut 6tabli une banque dont
les billets duiTent faire la fon^ion de monnoie,
& que la valeur numeraire de ces billets (dt pro-
^gieufe pour ripondre a la prodigieufti raleur
numeraire des anions ( c'eft le fyit^me de M.
Law ), il fuivroit de la nature de la chofe que
ces attions & billets s'an^antiroient de la m&me
- inaniere quils fe feroient ^tablis. On n*auroit
pu faire monter tout-a-coup les adions vingt
ou vingt-cinq fois plus haut que feur premiere
vs4eur, fans donner a beauccup de gens U moyen
Liv. XXII. Chap. XI. 163
Ae (e procurer d'immenfes richeffes en papier :
<^acun chercHeroita aflurer fa fortune; & comme
le change donne la voie la plus facile pour la cU-
naturer , ou pour la transporter ou 】'<m veut ,
on remettroit fans ceffe une partie de fes efFets
. ckez la nation qui regie le jch^nge. Un projet
con timid de remettre dans les pays Strangers ,
feroit baifler le change. Suppofols que , du temps
du fyfteme , dans le rapport du titre & du poids
de la monnoie d*argent , le taux du change fut
de quarante gros par ^cu; lorfqu'un papier in-
nombrabie fut devenu monnoie > on n'aura plus
voulu donner que trente-neuf jgros par ^cu , en-
fuite que trente-huit , trente-fcpt , &c, Cela alia
fi loin, que l,on ne donna plus que huit gros,
& au'enfin il n'y eut plus de change.
Cetoit le change qui devoit en ce cas regler
en France la proportion de I'argent avec le pa-
pier. }e fuppofe que , par le poids & le titre de
I'argent , recu de trois livres d'argent valdt qua -
rante eros, & que le change fe faifant en pa-
pier, l^cu de trois livres en papier ne valih
que huit sros , la difference ktoit de quatre cin-
quiexnes. X'icu de trois livres en papier valoit
done quatre cinquiemes de moins que I'icu
trois livres en argent. 、
O a
164 De l'Esprit des Lois
C H A P 1 T R E XL
Des opiramns que ks Romams firent fur Us
monnoies^
u^LQirrs 90ups d'autorite que Von act faits
de nos ^ours en France fur les monnoies , dans
deux mimfteres confecutifs , les Romatns en fi—
rent de plus grands , non pas dans le temps de
cette republiqtie corrompue, ni dans cdui de
cette republique c|ui n*^toit q^uVne anarchte ; mais
torfque, dans la. force de fcm inftitution , par Gk
fagefle comme par fon courage , apr^s avoir
vaincu les villes dltalie, elle difputok r^empire
aux Carthaginois^
£t je fuis bien aife d^apprelic»idn' un peu cette
matiere, zftn qu'on ne fafle pas un exemple de
ce qui n'eia eft point un*
Chins k prenviere guerre Puniqiie (<t) Pas , qui
devoit fere de douze onces de cui vre, n*en pe&
plus que deux ;. & dans la feconde , il ne Cut
plus que d\me* Ce retranchem^nt r 各 pond a ce
que nous appellons aujourdliui augmeiitatioa des
iponnotes r btex d,un ecu de fix livres la moiti^
de l*argent pour*en faire deux, on k fau-e va-
loir douze livres , c'eft preciliiment la m^me
II nenous refte point de- montitnent la nut*
aieredontlei Remains firent teur operatiron dans
W Plke^ nal. Ur» XXXUL art. i>
Liv. Chap. XL i6f
la premiere guerre Punique : mais ce qn'ils 6-
rent dans la leconde , nous marque une fageiTe
admirable. La r^publique ne (e trouvoit point
en ^tat d'acquiter fes dettes; t'as pefoit deux on-
ces de cmvre ; & le denier valant dtx as, va-
loit vingt onces de cuivre. La r^pubHcjue fit cle»
as ( d'une once de cuivre^ elle gaena la moi*
tl^ fur fes cr 圣 Anders , elle paya un denier avec
ces dtx onces de cuivre. Cette operation donna
une grande fecoufFe a . I'^at ; tl falloit la donner
la moindrequM ^toh pofltble : eUe contenoit une
Wjuftice , tl falloit qu'elle fik la moindre quit
ctoit pofiible : elle avott poar objet la Hb^a*
tion de la r^publique enrtm fes dtoyens; il ne -
falloit done pas qu'eMe eut celui de la Ub^ation
des citoyens entr*eux. Cela faire une (econde
operation; & If on ordotina que le denier qui
n'aroit et^ jufques-^ que de dn as, en con -
tiendroit feize; il rtfulta de cette double op&3«
tion , que , pendant que les creanrciers de fa 1*6^
pubHque perdoi^t k fnoiti6 ( c) ; ceux des par-
ticulters ne perdoiem c|u*un ctnquleme (d } : les
iQarchaadiie& n,augmentokm que cfun einquieme ,
k chang^ent r^I dans la monnoie n'i^toit
que d,un cinquieine : on voit ks autres- con(3&-
quences.
Les Romaiiis fe conduifirent done mieux c{ue
1IOU9, qui dans nes operations , avons envebppi
& k» fortunes publiques & les fortunes parti*
cu£ere&. Ce n*eft pas tout : on va voir qu*i^»
les firent dans des circonftances plus- faYoraUes
que J10U5. 、
(h) Rid. • ^
{c) Us recevoieirt (Ifx onces tfe cufvre pour vingt*
\d\ Us receyoitni feizc onces de cume poor ving;*
1 66 De l'Esprit d£s Lois
C H A P I T R E XI 1.
Grconftances dans lefqucUes les Romains firent
• leurs operations fur la monnoie,
3[l y avoit anclennement tres peu d'or & d'ar-
gent en Italie; ce pays a peu ou point de mi-
nes d'or & d,argem:for{"que Rome fut prife par
les Gaulois , il ne sy trouva que mille Jivres
d'or (a), Cependant les Romains avoient fac-
cage plufieurs villes puiiTantes, & ils en avoient
tranfporte les richeifes chez eux. Ils ne fe fervi-
rent long-temps que*de monnoie de cuivre : ce
ne fut qu*apres ia paix de Pyrrhus , qu'ils eurent
affez d'argent pour en faire de la monnoie (b) :
ils firent des deniers de ce m^tal , qui valoient dix
(c)y o\x dix livres de cuivre : pour lors la
|>ropordon de I'argent au cuivre ^toit comme i
a 960 ; car le denier Romain valant dix as oa
dix livres de cuivre , il valoit cent vingt onces
de cuivre ; & le meme denier valant un huitieme
(d) d*once d*argent , cela faifoit la propoitioa
que nous venous de dire.
Rome devenue maitrefle de cette partic de 1*1-
talie , la plus voiiine de 4a Grece & de la Skile,
fe trouva peu- a- peu entre deux peu pies riches ,
les Grecs & les Carthaginois; ra-^gent augmenta
Ja) Pline, liv. XXXIII. art. 5.
(h) Fntinshemius , liv. V. de la feconde decade.
(c) Ibid , loco citato : ils frapperent au(fi , dit le
Sie auteur , des cleinis , appell^s quinaires , & <Ie$ quarts
appelles ftfUrcts,
(d) Un huitieme , felon Budee , un feptieme* feU>ii
d'autces auteurs.
Li V. XXII. Chap. XIL 167
cHex cUe ; & la proportion de i ^ 960 entre
rargexit & le cuivre ne pouvant plus fe foute-
nir 9 elle fit >diverfes operations fur les mon-
noies , que nous ne connoifTons pas. Nous fa*
vons feulement qu'au commencement de la fe-
comJe guetre Punique , le denier (e) Romain ne
valoit plus que vingt onces de cuivre; 6c.quVin(i
la proportion fentre Kargent & le cuivre n'etoit
plus que comme i eft a 160 ; la redudion etoit
bien confiderable , puifque la republique gagna
cinq fixiemes fur toute la monnoie de cuivre ;
snais on ne fit que ce que demandoit la nature
des chofes , & retablir la proportion entre les
xnetaux qui fervoicnt de monnoie.
La paix qui termina la premiere guerre Pu-
nique , avoit laifT^ les Romains maitres de la
Sidle. Bientot ils entrerent en Sardaigne , ils
commencerent a connoitre I'Efpagne : la mafle
de I'argent augmenta encore a Rome ; on y fit
I'operation qui r^duifit (f) le denisr d'argent
de vingt onces a feize ; & elle eut cet efFet , qu'elle
remit en proportion I'argent & le cuivre ; cette
proportion etoit comme i eft a 160, elle fut
comme i efta 128.
Examinez les Romains , vous ne les trouverex
jamais (i fup^rieurs , que dans le choix des cir-
conflances dans lefquelles ils firent jes biens &
les maux.
(0 Pline , hift. nat. liv. XXXIII. art.
板
i65 De l'Esfrit dm Lot*
C H A P I T R E XIII.
Opirations fur tes monnoies du temps des
Empcreun,
ANS les opirations que l,on fit fur les monn
noies du temps de la republique , on proceda par
voie de retranchement : I'etat confiok au peu 一
pie fes befoins ,& ne pr6tendoit pas le feduire*
Sous les Emnereurs , on proceda par vpi« d'al-
liage : ces Princes reduits au defetpon- par leurs
liberal ites mime , fe virent obliges d'alterer les
tnonnoies ; voie indirefte , qui diminaoit le mal ,
& (embloit ne k pas toucher : on retiroit une
par tie du don ,& on cacho4t la main \ & fans
parser de dimmution de b paye ou des largefles ^
elles fe trouvoient di minuses*
On voit encore dians les cabinets (a) des>
mMailles qu*on appelle fourr^es^ qui nVm qu'une
lame d'argent qui couvre !e cuivre* U eft pail^r
de cette iTionnoie dans un fragment du Livre 77
de Dion \h\
Didius Jutien commen^a rafFoiblMFement 0»
trouve que la monnoie (c) Caracalla avoit
phis de hi rnotiii d'alliag^ , celle d'Alexandre
(a) Voyez la fcience des m^tfaHfes du P, Joubert,
edition de Paris , ij^o , pag^ 5,.
(i) Ext rait des vertus & des vicef.
(c) Voyez Savotte , part. a. chap, xtl ; & !e Jour-
ml OSS lagans du aS- juillet r Hue d^€Ott«
YCJtc df 50000 med^Ues,
i Sivere
Liv. XXL Chap. XIII. 169
Severe ( d) les . deux tiers : raffoibliflement con-
tinua ; & Ibus Galien (^), on ne voyoit plus
que du cuivre argent^.
On fent que ces operations violentes ne (au-
roient avoir lieu dans ces temps- ci ; un Prince
fe tromperoit iui'meme-, & ne tiomperoit per -
fonne. Le change a appris au banquier a com-
parer toutes les monnoies du monde ,& a les
mettre a leur Jufte valeur ; le titre des monnoies
fie peut plus 8tre un fecret. Si un Prince com-
mence le billon , tout le monde continue , & le
fait pour 】ui ; les efpeces fortes for tent d'abord ,
& on les lul renvois foibles. Si , comme ies £m-
pereurs Romains , \\ affoibl'tdbit Fargent fans af-
foibltr For, il verroit tout-a-toup difparoitre
I'or, & il (*2rott r^duit a fon mauvais argent,
Le change , comme j'ai dit au Livre precedent
(f), a ote les grands coups . d'autorite ou dii
moios le fucces des grands coups (fautorite.
(if) Voyez Savotte , ihttL
[() Idem , ibid, _
Ij) dapitre xvi, '
Tm. Ul
P
I7P De l'Esprit oes Lois ;
一
I 義. .1 . , ' , . ' -a
C H A P I T R E X IV.
Comment le change gene Us itats defponques,
A Mofcovie voudroit defcendre de fon de"
potifme , & ne le peut. L'^tabliflement du com,
inerce demande celui du change ; & les op&a,
tions du change contredifent tputes fes lois.
En 1745 , la Czarine fit upe ordonnance pour
chafTer les Juifs, pares qu*ils avoient remis dans
les pays Strangers I'argent de ceux qui etoient
relegues en Sib^ri^ , S( celui des Strangers qui
etoient au fervice* Tou$ l^s fpjet$ <k rempire; ,
COnime des ^fcUves , n'en peuvent fortir , ni fair^
fortir leuri biens fans permiflionf Le change qui
donne le moyen tranfpprter rargent d*un pays
a un autre , eft done contradi6loire aux lois de
Le commerce meme contredit fes lois. Le
peuple n'eft compofe qu^ d'efclaves attaches aux
terres , & d*ef(plaves quon appelle ecclefiaftiqu^
ou gentilshommes , parce qu'ils font les feigneurs
de ces efclaves : il ne refte done guere perionne
pour le tiers-^tat, qui dpit former fes ouvri^n
Li V. XXII. Chap. XIV. 171
C H A P I T a E XV, 、
l/fage de qudqu" pays d'ltalie. -
33ans quelques pajrs d'ltalie on a fait des lots
pour empecher ]es fujets de v^ndrc des fonds de
terre pour tranfporter leur argent dans les pays
etrangers. (:es lois pouvoient ^tre bonnes , lorf-
que les rtcheffes de chaque ^tat etoient tdlemenC
a lui, qu'il y avoit beaucoup de dlfficulte a les
faire paHer. a un auffe. Mais depuis que, par
I'ufage du change,, les richefles ne font en quet-
que £39011. a aucun etat en particulier , & qu'il
Y a tant de facilite a les tranfporter d'un pays
a un autre , c'eft une mauvaite loi que celiq qui
ne pertnet pas de difpofer pour (es affaires de
fes fonds de terre , lojfqu'on pent difpofer cLe
fan argent. Cette loi eft mauvaife , parce qu'elle
donne de rayantage aux effets mobiliers fur les
fonds de terre 9 parce qu'elle degoute les Stran-
gers de vemr s'etablir dans le pays, & enfin
parce qu,on peut Teluden
U 撃、 >
CHAP IT RE XVI.
- Du fecours que l*4tat peut dr^r des banquiers,
'Les Banquiers font faits pour changer de I'ar-
^ent & non pas pour en prater. Si le Prince ne
s*en fert qufe pour changer fon argent; comme
il ne fait que de groffes affaires 9 le moindre pro-
P 2
. 172 De l'Esprit D£s Lois,
fit • qu*il leur dcmne pour leurs remi fes dev;ent
un objet confiderable ; & fi on lui demande de
gros profits , il pent etre sur que c'eft un de-
iaut de radtniniuration. Quand au contraire ils
, font employes a faire des avances , leur art con-
fifle a fe procurer de gros profits de leur ar-
gent , fans qu'on puiiTe les accufer d'ufure.
CHAPITRE XVII.
D" denes publiques.
C^UELQUES gens ont cru qu*il etAt ton qu'un
^tat d^t a lui - me me •• ils ont penfe que cela
multiplioit les richefles, en augmentant la cir-
cuUiion.
Je crois qu'on a confondu un papier circu'
lant qui repr^fente la monnoie , ou un papier
circulant mii eft le figne des profits qu,une com-
pagnie a iaits ou fera fur le commerce, avec
un papier qui reprefente une dette. Les deux
premiers font trSs avantageux a I'^tat •• le der-
nier ne peut Fetre ; & tout ce qu'on peut en
attendr" c'eft qu'il foit un bon gage pour les
particuliers de Ja dette de la natioir, c'eft- a-
dire, qu'il en procure le payement. Mais voici
les incohveniens qui en refultent.
iQ. Si les Strangers poiTedent beaucoup de
papiers qui repr^fentent une dette, ils tirent
tous les ans de la nation une fomme confide**
rable pour les interets,
Dans une nation ainfi p^rp^tuellemeAt
d^bitrice , le change doit etre tres bas.
L I V. XXII. Chap. Xtn. 17)
3^, L'impot levi pour le payement des in-
terets la dette fait tort aux manufatlures , en
rendant la main de I'ouvrier plqs chere.
4^. On ote les revenus viritables de I'etat a
、ceux qui ont de raftivit^ & de Tinduftne pour
les transporter aux gens oififs ; c'eft -a- dire ,
quon donne des commodit^s pour travailler at
ceux qui ne travaillent point , & des diiHcultes
pour travailler a ceux qui travaillent.,
Voila les inconV^niens ; je n'en connois point
les a vantages. I^ix jperfoones ont chacune miHe
teas de revenu en tends de terre ou en induf-
trie ; cela fait pour la nation , a cinq pour
cent , un capital de deux cent ihiile. ^cus. Si
ces dix perfonnes emploient )a moiti^ de leur
revenu , c'eft- a-dire , cinq mille 豸 cus, pour
payer les interets de cent mllle ^cus qu'elles ont
empruntis a d'autres, cela ne fait enCore pour
I'etat que deux cent mille ^cus : c'eft, dans le
langage desAlg^briftes ? lodooo ^cus 一 looooo
^cus T 100000 icus ― 200000 ecus.
Ce qui peut jeter dans l,erreur , c'eft qu'un
papier qui rcprefente la dette d,u,ie nation, eft
un figne de ricKefle ; car il n*y a qu'un ^tat
riche qui puiffe foutenir un tel papier (ans tom-
ber dans la decadence : que s'il n'y tombe pas ,
il faut qne Fitat ait de grandes richefTes aail-
leurs. On dit qu'il n'y a point de mal , parce
qu'il y a des reflburces contre ce tnal ; & <jn
dlt que le mal eft un bien , parce que ks ref-
fources furpaflent le mal. '
174 De l*Esprit des Lois ,
C H A P I T R E XVIIL
Du payment dcs dtttts publiques.
Jl faut au'il y ait une proportion entre I'^tat
cr^ancier &. r^tat debiteur L'etat peut etre cr^an-
cier a I'infini , mais il ne peut fitre debiteur qu'a
un certain deer^ ; & quand on eft parvenu a
pafler ce degre , le titre de cr^ancier s'^vanouiU
Si cet etat a encore un credit qui n'ait point
re^u d'atteinte , il pourra faire-ce qu*bn a pra-
tiqu6 fi heureufement dans un etat {a) d'Europe ;
c'eft de fe procurer une grande quantitd d'efpe-
ces , & d'ofFrir a tous les particulars leur rem-
bourfement , a moins qu'ils ne veuillent reduire
rinter^t. En effet, comme, lorfque Tetat errv-
prunte , ce font les particuliers qui fixent fe
taux de Uinterit j lorfque I'^tat veut payer >
c'eft a Im a le fixer.
U ne fuffit pas de r^dirire Vxtiiktki : il faut
aue le b^ifice de k redudion forme un fonds
aamortifl^aient pour payer chaque aiin^e une
partie des capttaux ; operation cTautant plus
heureufe , que le facets en augtnente tous les
, jours^
Lorfque le credit de retat n'cft entier ,
c'eft ane nouvelk raifon pour chercher a for-
mer un fonds d'amortiiTement ; parce que tt
fonds line fois ^tabli rend bientot la confiance.
1。. Si r^tat eft une repubiique , dont le gou-
[a] UAng]et€trc,
. tiir. 3tXn. Chap. XVtiL if^
verneitient comporte par fa nature que l,on y
£sSe des prajets pour long - temps , le capital
fonds d*amortiflement peut etre peu confi-
durable ; il faut , dans une itionarChi^, que ce
capital foit plus grand.
2^. Les reglemens doiyent fitre tels que tous
• les citoyens de I'etat portent le poids de I'eta-
blifTement de ce fonds , pares qu'ils ont tous Je
poids de r^tablifTement de la dette ; le creancier
3e r^tat , par les fommes qu'il contribue , payant
lui - me me a lui * itierae.
3^. II y a quatre ch{k$ de gens qui parjrent
les dettes de I'itat : les propri^taires de^ fonds
de terre , ceux qui exercent kur induftrie par
le n^goce^ les laboureurs & artifans , eniin les
xentiers de Fetat ou A^s partlculiers. De ces
quatre claiTes , la ^rniere , (ians un eas de n4-
ceffite , fembleroit devoir itre la moins mena^
! parce que c'eft une clafle entierement paf-
ive jclans I'^tat ^ tandis que ce m^me ^tat eft
foutenu par la force adive des trois autres. Mai,,
comme on' ne peut la charger plus , fans
tniire la confiance publique , dont I'etat en
neral & ces trois claiTes en particulier pnt un
fouverain befoin ; comme b foi publique ne
peut manquer a un cectaili nombre de ci-
toyens ^ fans paroitre manquer. a tous; comme
la claffe des cr^anciers eft toujours la plus ex*
pdfte aux projets^des Miniftres , & qu'elle eft
toujours fous les yeux & (bus la main ; il faut
que I'etat lui accorde une finguliere prot^diofl ,
& que la partie debitrice n'ait jamais le moin-
dre avantage fur celle qui eft creanciere.
P4
f
C H A P I T R E XIX.
Des pms d intirit.
L,ARGEWT efl le figne des yaleurs. II eft clair
que celui qui a befoin de ce figne , doit le louer ,
comme il fait toutes les chofes dont il peut avoir
befoin. Toute la difference eft que les autres cho-
fes peuvent, oufe louer, ou s'acheter ; au lieu que
rargent , qui eft le prix des chofes, fe loue &L
ne s'achete pas (a).'
C,eft bien une a£Hon xxhs bonne de-preter a
ttn autre fon argent fans inter^t •• mais on fent
que ce ne peut Stre qu'un conieil de religion,
& non une loi civile.
Pour que le commerce puifle (e bien faire , il
faut que rargent ait un prix , mais que~ee prix"
foit peu confiderable. S'il eft trop haut^ le N6-
gociant, qui voit qu'il lui en couterpit plus efi
int^rets qu'il ne pourroit gagner dans fon com-
merce, n'entreprend rien ; fi rargent n,a point
de prix , perfonne n'en prete , & le N^gociant
n'entreprend rien non plus.
Je me trompe , quand )e dis que perfonne
n'en prete. II faut toujours que 4es aftaires de
la fociite aillent ; Fufure s'^tablit , mais a:ec les
defordres que I'on a eprouv^s dans tOiis les
temps.
(^) On n« parle point des cas ou I'or 8c I'argent
font confidcres comme nurclumdife"
L I V. XXII. Chap. XIX. 177
La ! oi de Mahomet confon'd Fufure avec le
pret a interet. L'ufure augmente <kns ks pays
Mahom^t^ns a proportion de la ftv^rite de l<i
defenfe : le pr6teur s'indemnife du peril de la
comravention. * ^
Dans ces paysd'Orient, la plupart des hom-
ines n'ont rlen d'aHiir^ ; il n*y a prefque point
rapport entre la poffeflion aftuelle d'une
fomme , & refperance de la r'avoir apres l,avoir
pret^e ; Pufpre y augmente dene a proportion
du penl de riniolvabilite.
C H A P I T R E XX.
D" Ufiim maridms*
La grandeur de I'ufure maritime eft fondee fur
deux chofes •• le p6ril de la mer , qui fait qu'on
ne s'expofe a preter fon argent que pour en
avoir beaucoup davantage, & ia facilite que le
commerce donne a I'emprunteur, de faire promp-
tement cle grandes affaires & en grand n ombre ;
au Ueu que les ufures de terre ji'etant fondees
fur aucune de ces deux raifons, font ou prof-
crites par les l^^iflateurs , ou, ce qui eft plus
imli , reduites a de juftes bornes.
178 D£ l'Esprit dis Lois
C H A P I T R E XXL
Du pret par contrat , &de Tufun che:^ Us Romains^
Outre le pret fait potir le commerce , il y
a €ncote une efpeee de pr^t fait par un contrat
civil 9 cl'ou refulte un int^ret ou ufure.
Le peuple, chez les Romains , augmentant
tous les Jours fa puiffance , les Magiftrats cher-
cherent a le flatter , & a lui faire faire les lois
qui lui 6toient les plus a^reables. II retrancha les
capitaux ; il diminua les irtterlts ; il defendit d*ea
prendre ; il ota les confiraintes par corps •• enfia
rabolitipn des d、 ttes fut mife en queftion toutes
les fois qu'un Tribun voulut fe rQjndre popu-
}a re.
Ces continnels changemens , folt par des tois,
(bit par des plebifcites , naturaliferent a Rome
Fufure ; car les cr^anciers voyant le peuple leur
debiteur , leur legislateur & leur juge , n'eurent
plus de confiance dans les contrats. Le peuple ,
comme un debiteur decr^dite , ne tentoit a iui
preter que par de gros profits ; d'autant plus que,
fi les loisne venotent que de temps en temps, les
p'aintes du peuple ^toient continueliesr & inti -
midoient toufours les creanci«rs. Cela fit cfure
tous les moyens honnetes de preter & d'em-
punter furenc abolis a Rome , & qu'une ufure
afFreufe, toujours foudroyee {a) & toujours re-
(a) Tacite * annal^ Uv. \U
Liv. XXJI. Chap. XXI. 179
^aHTante , s'y ^tablit* Le mal venoit de ce que
les chofes n'avpient pas ^te menag^es. Les lob
extremes dans lebien font naitre le mal extreme :
il iailut payer pour le pret de Fargent & pour
le danger des peines de la loi.
C H A P I T R E XXII.
Continuation du mime fujeu
T-i£S premiers Remains n'eurent point de lols
pour regler le taux de (<j)Tufure.- Dans les de-
mel^s qui fe formerent la - deffus entre les Ple-
bekns & les Patriciens, dans la ftdition (^)
meme du Mont - Sacr^, on n'allegua d*im cote
que la foi , & de Fautre que ta duret^ des
contrats.
On fiiivoit done les convi6Hons particulieres ;
& je crois, que les plus ordin aires ^toient cle
douze pour cent par an. Ma raifon eft que dans
le langage (c》 ancien chez les Romains , l,in-
tkx^i a Sx pour cent etoit appell^ la moitie de
Fufure , rintiret i trois pour cent le quart de
Fufure : Fufure totale etoit done fint6rS 家 a
douze pour cent.
(a) Ufure & iiU> (ignifioient la m^me chofe chei
les Romains. 、
(b) Voycz Dcnys 'd*Hafic. Pa fi bien <I^crite.
(r) Ufwit fimijfes , tricntes , quadrantts, Voyez ,i-
deffus les djvers trait 豸 s du digelie & dit code de ufif
ris ; & futtoat la loi XTU , avcc (a note » au ff,
i9o 、 De l'Esprit DCS Lois;
Que fi ron demande conrment de fi groffrt*
ufures avoient pu s'^tablir chez nn peuple qui
itoit prefque fans commerce, je dirai que ce
peuple, tres - fouvent oblige d*aller fans folds
a la guerre , avolt tr^s - fouvent beToin d*em-
prunter ; & que faifant fans'ceffe des expedi-
tions heureufes , il avoit tres - fouvent la faci-
lite de payer. Et cela fe fent bien danr le re-
cit des d^m^l^s qui s'eleverent k cet ^gard : on
n'y difconvient point de Favarice de ceux qui
pretoient ; mais on dit que ceux qui fe plai-
gnoient, auroient pu payer $,ils avoient cu une
conduite r^gl6e (d), \
On faifoit done des lois qui n^nfluoierft que
* fur la fituation aftuelle : otT ordonnoit , par
exemple , que ceux qui s'cnroleroient pour la
guerre que I'on avoit k foutenir , ne leroient
point pourfuivts par leurs cr^anciets ; que ceux
qui eto»€nt dans les fers feroient d^livres ; que
les plus indigens feroient tnenes dans les colo-^
nies ; quelquefois on ouvroitle tr^for public.
Le peuple s'appaifoit par le foulagement des
ihaux pr^fens ; oc comme il ne detnandoit nen
pour la fuite , le S^nat n'avoit garde de le pre-
venir.
Dans M temps que le Senat defendoh avec
tant de conAance la caufe des ufures, Vamour
de la pauvreti , de la frug^lite , de la medio-
crity , 6toit extreme chez les Romains : maris
telle ^toit la conftitution , que les principaux ci-
toyens portoient toutes les charges de I'etat ,
& que le bas peuple ne payoit rien. Quel
(d) Voyez le difcours .d'Appius U-deiTos » dans De»
oys d'Halicarnaflfe.
- Liv. XXIL Chap. XXII. i8i
tnoyen de priver ceux - la du droit de poiir-
fuivre leurs debiteurs , de leur deniander d'ac-
quitter leurs charges , & de fubvenir aux be -
foins preitans de la republique ?
Tacite (e) dit que la loi des douze tables fix a
Finteret a un pour cent par an. II eft vifible
qu'il s'eft trompe , & qu'il a pris pour la loi des
douze tables une autre loi dont je vais parler.
Si la loi des douze tables avoit regl6 cela , com-
• tnent , dans les difputes qui s'eleverent depuis
encre les crianciers & les debiteurs , ne fe fe-
TOit-on pas fervi de fon autorite ? On ne trouve
aucun veftige de cette loi fur le pret a int^ret :
& pour peu qu'on foit verft dans rhiftoire de
Rome , on verra qu'une loi pareille ne devoit
point etre IVjuvrage des Decemvi<"s.
La loi Licinienne (/) faite quatre- vingt- cinq
ans apr^s la loi des douze tables , fut une de ces
lois pafTageres dont nous avons parle. £lle or-
donha qu'on retrancheroit du capital ce qui avoit
^te paye pour ks interets , & que le refte fe-
roit acquitt^ en trois payemens egaux.
L'an 398 de Rolhe , les Tribuns Duellius &
Menenius firent pafTer une loi gui reduifoit les
interets k un (2) pour cent par an. C'eft cette
loi que Tacite (A) confond avec la loi des douze
tables , & c'eft la premiere qui ait et6 faite cher
les Romains pour fixer le taux de Fint^r^. Dix
ans apr^s (i) , cette ufure fut reduite a la moi.
(c) Anna1es,Ur. VI.
(/) L'an de Rome "8 Tite-Live , liv. VI.
(g) UfLciaria ufurU , Tite-Live , liv. VIL Voycz fai
diUnCe d.e I'efprit des loi$,' art. ufure, -
(k) Annal , Uv. vi.
(i) SfQUi k confulat de L* Manlius Torqu«ta$ ,
乂
r
I
iSi De l'Esprit oes Lois;
tie 、k) ; dans la fiiite on Fota toiit-a-&it
& fi nous en croyons quelques auteurs qu^avoit
vus Tite - Uve , ce fut (bus le confulat (m) de
C. Martius Rudlius & de Q. ServiHus , I'aa
413 de Rome. f
Xl en fut de cette loi comme de toutes celles
oil le legislateur a port 纟 les chofes a I'exc^s z
on troiiva un moyen de I'eluder. II en faliuc
faire beaucoup d'autres pour 】a confirmer , cor-
riger , temp^rer. Tant&t on quitta les lois pour
fuivre les ufages ("), tant6t on quitta les ulages
pour fuivre les lois ; mais dans ce cas Yu^ag^
devoit jiif^ment prevaloir. Quand un homme
emprunte , il trouve un obftade dans la lot
meme qui eft fake en fa faveur : cette loi a
contr'elle , & celui "qu'elle fecourt , & celui
qu'elle condamne* Le rreteur Sempronius Afel-
lus ayant permis {o) aux d^biteurs d'agir en
conf(^quence des lois , fut tui par les cr^an-
ciers [pi , pour avoir voulu rappeller la me-
jnoirt aune rigidit^ qu*on ne pouvoit plus
foutenir.
Je quitte la ville , pour jeter an peu les yeux
fur les province.
C. Plautius, felon Titc^Live , liv. VII i & c*eft Ui loi
dont parle Tacjte • 9nnal. liv, VL
(k) SUmiuntiaria ufura,
m Comme dit Tacitc , annaU Wr, VI.
(m) La Ibi en fut faite i la pourfuite de M. Genu-
ciiis , tribun du peuple ; Tite- Live, liv. VII * "a fin.
(n) Vcttri jam more fs^nus receptum erat, Appien , dc
la euerrf c;vile , \vr* I.
\o) Permifit cos Uphuf agtre. Appien , de la guerrt
civile, liv. I ; & I'^pitome de Tite- Uve t Uv. LXlV.
(p) Vm de Rpme 663,
L I V, XXII. Chap. XXII. 183
J*ai dit ailkurs jqr , que les provinces Ro-
malnes etoient defol^es par un gouvernement
defpotique & diir. Ce n'eft pas tout : elles
r^toient encore par des ufures affreufes.
Ciceron dit • [r] que ceux de Salamine vou-
loient emprunter de l-argent a Rome, & qu*ils
lie le pouvoient pas a caufe de la loi Gab"
nienne. II faut que je cherche ce que c'^toit
que cette loi.
Lorfque les prSts a int^rSt eurent iti defen-
du$ a Rome , on iinadna (s) toutes fortes de
moyens pour eluder la loi_; 6c comme les al-
lies (t) & ceux de la nation Latine n'^toient
point affujettis aux lois civiles des Romains ,
on fe fervit d'un Latin, ou d'un allie , qui prS-
toit fon nom , & paroifToit etre le cr^ancier.
La loi n'avoit done fait que foumettre les cr^an-
clers a une formality , oc le peuple n'^toit pas
foulag^.
Le peuple fe plaignit de cette fraude ; & Ma"
xus Sempronius , Tribun du peuple , par Fau-
tomk du S^nat , fit faire un pl^bifcite tut qui
portoit , qu'en fait de prSts, les lois qui d^fen-
doient les prSts a ufure entre un citoyen Ro«
main & un autre citoyen Romain , auroient
^alement lieu entre un citoyen & un allie ou
un Latin. ~
Dans ces temps - la , on appelloit allies les
peuples de VltaUe proprement dite » qui s'eten-
(》Liir, XI. chap. XIX.
(n Lettres k Atticus , liv. V, lett. 》i,
{s) Tite*Live.
(t) Ibid. '
(0) L'anx|56o de Rome, yoycz Tice-Uve.
l84 L,EsPRiT DEs Lois «
doit jufqu'a I'Arno & le Rubicon , & qui n'etoit
point gouvern^e en provinces Romaines.
Tacite (x) dit qu'on failoit tou jours de nou-
velles fraudes aux lob taites pour arreter les
ufures. Quand pn ne put plus preter ni em-
priinter fous le nom aun allii , tl fut aife de
laire paroitre an homme des provinces , qui
pretoit fon nom.
II falloit une nouvelle loi contre cet abus : &
Gabinius (y) faifant la loi fameufe qui avoit pour
objet d'arreter la corruption dans les fufFrages ,
dut natiirellement penfer que le meilleur moyen
pour y parvenir , ^toit de decourager les em-
p runts : ces deux chofes ^toient naturellement
liees ; car les ufures augmentoient ({) toujours
au temps des eledions , parce qu'on avoit be-
foin d'argent pour gagner des voix. On voif
hien que la loi Gabinienne avoit ^tendu le Se-
natus - Confulte Sexnpronien aux Provinciaiix,
puifqne les Salaminiens ne pouvoient einprun,
ter de I'argent a Rome a caufe de cette loi.
Brutus, fous des noms empruntes , 】eur en
preta (^I'^a quatre pour cent par mois [^], &
obtint pour cela deux Senatus- Confultes , dans
le premier defquels il ^toit dit que ce pret ne
(x) Annal. Mr. VI.
(y) Van 615 de Rome.
ll) Voyez les lettres de Cic^ron i Atticus liv. IV.
let. 15 & i6.
(a) Cic^ren k Atticus , liV. VI, let. i,
(p) Pompee , oui avoit pr^te au roi Ariobarfane iix
tens talensf fe taifoit payer trente-trois talens Atti-
ques tous les trente jours, Ck^roo a Acucus , liv. Ill ,
l«tt. 21 , liv. VI. let" X.
feroit
Liv. XXII. C^AP, XXIL iS{
ferolt pas regarde comme une fraude (c) faite
a la loi, & que le Gouverneur de StUcie ju-
geroit en conformite des conventions portees
par le " billet des Salaminiens.
Le pret a interet etant interdit par la lot
Gabinienne entre les gens des provinces & les
citoyens Remains, & ceux - ci ayant pour-
iors tout Fargent de I'univers ,entre leurs mains ,
il fallut les tenter par de eroffes ufures , qui
fiHedt difparoitre aux yeux de I'avarice le dan-
ger de psrdre la dette. Et com me il y avoit a
NRome des gens puifTans , qui intimidoient les
Magifttats , &L faifoient taire les lois , ils furent
plus hardis a preter & plus hardis a exiger de
- grofles ufures. Cela fit que les provinces furent
tour- a- tour ravagees par tous ceux qui avoient
<lu credit a Rome : & comme chaque Gou-
verneur faifoit fon Edit [d] en entrant dans fa
province , dans lequel il mettoit a rufure le
taux qu'il lui plaifoit , KaVarice pretoit la nuin
a la legislation & la. legislation a I'avance.
II faut que les affaires aillent ; & un etat eft
perdu , fi tout y eft dans Finaftion. II y avoit
des occafions ,oU il faltoit que les villes » les
corps , les foci^s des villes , les ^particuliers
mprun"ffem •• & on n'avoit que trop befoiri
(e) Ut ntqut Salaminis , ncfuc cm tis dciijfet , fraudi
•ffu , ibid.
^{d) L'edit de Ciceron la fixoit a un pour cent par
moU, avec I'lifure de rufure 911 bout oe I'an. Quant
aux fermiers de la r^publique , il les enzageoit a don-
•oer un d^ai k leurs debiteurs : (i ceux-cL ne pajoient
as au temps fixe , il adjugeoit Vufure portee par le
iliet, Ciceron a Atticiis , liv. VI» let. 1、
i86 De l'Esprit D£s Lois,
d'emprunter , ne fut - ce que pour fubvenir aux
ravages des armies , aux rapines des Magi^
trats , aux concuffions des gens d'affaires & auic
mauvais ufages qui s'i^tabliUotent tous les jours j.
car on ne fut jamais fi riche ni fi pauvre. Le Se-
nat , crui avoit h puiflance ex^cutrice , donnoit ,
par niccffiti , fouvent par faveur , h pertni(Goi»
(Pemprunter. des citoyens Romains , & £aifoit
la-defTus des S6natus - Confultes. Mais ces.Se-
natus - Confultes memes ^toient decr^dit^s par
)a loi : ces Status - Confultes {je) pouvoient
donner occafion au peuple de demahder de noo-
velles tables ^ ce qui , augmemant le danger de
la perte du capital , auementoit encore rufure.
Je le dirai toujours ; c eA la moderation qui.
gouverne les hommes, & non pas les exces.
Celur-l^a paye moin», dit Ulpien, ^/): , qui'
paye plus tard. Ceft ce principe qui conduifit:
les Wgislateurs apr^s 2a defirufiioi^ de la rigvH
blique Romaioe.
(t) Voyez ce que dltLucc^tus , let. 21 . k Attkiis
Hv. V. ll y eut mime un fenatus-confulte giniral
pour fixer Sufage it un pot cent par inois» Vo3?«z U
mime lettre.
if) Leg, XJL ffi dc ytr^or, fiffiifi"
Liv. XXIIL Chap. L 187
L I V R E XX VIIL
Dts lots , dans Ic \rapport qj!dUs <mt
avcc U nombrc dcs habitans.
CHAPITRE PREMIER.
攀
Dts homms & des animaux , par rapport a la
multiplication dt Uur cfptcu
O V^nus ! 6 mere de I'Amour \
Des le premier beau four que ton aftre ramene ,
Les z^phirs font feotir leur amoureure haleine ;
La terrc orne fon fein de brillantcs couleurs ;
Et J'air eft parfum^ du 4oux efpnt des fUurs''
On entend les o;feaut,—frapp& de ta puitTanc^ ,
Par mille fons lafcifs cAi^bter ta pr 豸 fence :
Pour la belle g^niiTe » on voit les fiers taureaux, ,
Ou bofidir dans la plaine , ou traverfer les eaux.
Enfin , les habitant d«s bois & des niO0tagnes ,
Des ileuves & des oners, & des vertes campagnes ,
BrAlant a tpn afped d'amour 6c de defir »
S'cnga]gent i peupler par fattrait du ptaHir, ,
Tanr on aime it te uiivre ,&" cnarmant empire
Que donne la beaut^ fur tout ce qui refpire -
£S fetnelles des animaux ont a-peu-pres une
fecondit^ conftante. Mais dans I'efp^ce humaine ,
(tf) TraduAion du commenctmenf de Lucrece , par
Q *
i88 De l'Esfrit des Lois,
】a manierg de penfer , le caraftere , les paflions ,
les fantaifies , les caprices , I'idee de conferv^r
fa beaute , I'embarras de la grpffeffe , celui d*une
fatnille trop nombreufe , troublent la propaga-
tion de miUe manieres*
C H A P I T R E IL
JO", mariages,
L, 、
OBLiGATfl^N naturelle qu'a le pere de nour-
rir fes enfans , a fait ^tabiir le manage, qui de-
clare celui qui doit remplir' cette obligation. Les
peupies [a] dont parle Pomponius Mela [b'\ ne
le nxoient que par la reffemblance.
Chez les peuptes bien polices , le pere (c)
eft celui que les lois, par la ceretnonie du ma —
riage , ont declare devoir etre td , parce qu'elies
trouvent en lui la perfonne qu'eBes cherchetit,
Cette obligation , chez les animaux, eft telle
que la mere peut ordinairement y fuffire/ Elle
a beaucoup plus d'etendue chez les homines :
leurs enfans ont de la raifdn ; mais elle ne leur
vient que par degres : rl ne fufHt pas de' tes
nourrir , il faut encore les' conduire : deja ik
pwrroient vivre ,& ils ae peoyeat pas fe gou-
vemer.
Les conjonfKons illicites contribufent peu a
la propagation de Fe^ece. Le pere , qui a l,obii-
{a) Les Garamantes,
{h) Liv. I. ch. III.
{c) ^ater eft.quem nuptia demon Jfrant
!
r
Liv. XXItl. Chap. II. 189
Ration naiurelk de nourrir & d*clever les en-
tans, n'y eft point fijcc ; & la mere, a qui
robligation refte , trOuve miile obftacles , par la
home , les remords , la gene de fon fexe , la
rigueur des lois : U plupart du temps elle man-
que de moyens.
Les femmes qui fe font foumifes a une pros-
titution publique , ne peuvent avoir la commo-
dite d'elever leurs enfans. Les peines de cette
education font meme incompatibles avec leur
condition : & elles font fi corrojnpues, qu'elles
ne fauroient avoir la q>nfiance de la loi.
II fuit de tout ceci , que la continence publi-
•que eft naturellement jointe a la propagation de
Tefpece,
C H A P I T R E III.
DC la condition des enfans.
*EST la raifon qui difte que , quand il y a
un manage 9 les enfans fuivent la condition du
pere ; & que , quand il n,y en a point , lis ne
peuvent concerner que h mere (j).
{a) C'cft pour cela que chez les nations qui ont des
efclaves , 1 'enfant fuit prefque toujours la condition
de la mere.
、飞
I
1
二
190 De l*EsPrit DBS Lois,
t
C H A P I T R E IV.
DCS familUs.
Il eft prefque re^u par - tout que la femme
paiTe dans la maifon du mari. Le contraire eft,
ians aucun inconvenient , ^tabli a Formofe {^a\
oil le mari va former - celle la fern me.
Cette loi , qui fixe la famille dans une fuite
de perfonnes du meme fexe , contribue beau-
coup, md^pendamment des premiers motifs^ a
la propagation de refpece humaine. La famille
eft une forte de propri^t6 : un homme qui a
des enfans da fexe qui ne la perpetue pas , n'eft
jamais content qu'il n'en ait de celui qui la per-
petue.
Les noms qui donnent aux homines Pidfe
d'une chofe qui femble n€ devoir pas p^rir ,
font tres prop res k infpircr a chaque famiile
le defir d'etendre, fa duiie. II y a des peuples
chez lefquels les noms diflinguent les famtlles :
11 y en a oU ils ne diflinguent que les perfoflh
fies ; ce qui n'eft pas fi bien*
00 Le pere du Halde » torn. I. p«g,< i$6
4
Liv. XXm. Ch a». v. 19 直
CHAPltRE V,
DCS divers ordrtt d" femms Uptimes.
^UELQUEFOis Ics lois & la fefigfoii ont itar-
bli plufieurs fortes de conjondtons civiles ; &
cela eft ainfi chez les Mahometans , oil il y a
divers ordrcs die femmes , dont les enfans fe
reconnoiffent par la naifTance dans h maifon , ou
par des contrats civils » ou m^me par refclavage
ce la mere , & la reconnoUTance' fubfi^c^uente
As pere. , '
II feroit centre la raifbn,, que, la. loi flitrft
dans les enfans ce qu'elle a approuvi dans le pere r
tOQs ces enfans y doivent done fucc^der , a moins
que quelque raifon particuliere ne s'y oppofe ,
comme au Japon , oil il n'y a que les enfans de
la femme donnee par rempereur qui fuccedent.
La po}it]<j[ue y exige que les biens que rempe-
reur donne , tie foient pas trop partages , p2lYce
qu'ils font foumis a un fefvioe , comme ^toient
autrefois nos 6efs.
H y a des pays oil une femme l^gmme pult
dans la marfon , a pen pr^ , des honneurs qu'a
dans nos clhnats une femme unique : la , les en-'
fans des concubines font cenfi^ appartenir a la
£remiere femme. Cela efl ainfi ^tabli a la Chine;.
£ refped filial (^), la cdremonie d-un deuil r"
[*} Le ^er« du- Halde 參 torn. II; pag. loj^
De l*Esprit oes Lois; ,
goureux ne font point dus it la mere naturelle ;
mais a cette mere qui donne la lol.
A i'aid^ d'une telle fi£liofi {fj) , il n'y a plus
d*'enfans batards : & dans les pays oti cette fic-
tion n*a pas lieu , on voit bien que la loi qui le-
gitime les enfans des concubines , eft une lot
t'orcee ; car ce feroit le gros de la nation qui fe-
roit fl^tri par la loi. Il n'eft pas queftion non plus
dans ces pays d'enfans adulterins. Les feparktions
des femmes, la cl6ture , les eunuques , les ver-
roux , rendent la chofe fi difficile , que la loi la
}uge impoffible. D'ailleurs , le meme glaive ex-
termineroit la mere & I'enfant.
C H A P I T R E VI.
DCS batards dans Us divers gouvernemens,
o K ne connoit done guere ks batards dans
les pays oii la polygamie eft permife ; on les
connoit dans ceux oil la loi d,une feuie femme
eft eublie. Il a fallu , dans ces pays, fletrir le
cone binage ; il a done fallu fletiir les enfans qui
en 6toient nes.
、 Dans les republiqaes ou .il eft neceffaire que
les moeurs foient pures , les batards doivent eue
encore plus odieux que dans les monarchies.
[h] On didingue les femmes en grandes & petit^s ,
c' eft- a- dire , en legitimes ou non ; mais il n^y a point
une pareille diflin^ion entre les enfans. C'eft la gran-
ge do£lrine de I'empire , eft-il dit dans un ouvrage
Chinois fur \^ ^morale i mduil pat le sicme l^ere ,
pag. 140. 、 、 , _
On
• Liv. XXin. Chap. VI.
On fit peut-etre a Rome des difpofitionstrop
dares contr'eux. Mais les inftitutions anciennes
mettaiu tous les citoyens dans la neceilite de
fe marier , les manages itaiit d*ailleurs adoucis
par la permiilion de repudier ou de faire divorce ,
u n*y avoit qu*une trhs grande corruption de
moeurs qui ptit porter 屋 u concubinage.
1} £uit remarquer que la quaHti de citoyen £tant
conficlerable dans les democraties oU elle em-
portoit avec elfe la fouveraine puiflance , ii s'y
faifoit fouvent des lois fur I'^tat des batards^ qui
avoient moins de rapport a la jchofe m6me & k
rhonnStete du manage , qu'a la confiitadoa par-
ticuliere de la repuolique. Ainfi, le peup'e a
quelquefois re^u pour citoyens {a) les batards ,
aifin d'augmenter fa puiflance contre ks grands,
Ainfi , a Athenes le peuple tetrancha les bitards
du nombre des citoyens , pour avoic une plus
grande portion du ol^ que lui avoit «nvoyc le
roi d'Egypte. Enfin , Arijhte (>) nous apprend
que , dans plufieurs vllles, lorfqu'il n'y avoit pas
aflez de citoyens , les Mtards fuccidoient, & que
c[uand il y en avoit affez, ils ne fuccedoient
pas. •
(tf) Voyez Ariftote , politique , liv* VI« ch. ly,
(*) Ihid. Mr. m. chap, au '
禱
<^ —
公
Tome IIU
194 De i/Espiut d£s Lois
C H A P I T R E VIL
Du confenununt des pcrcs au manage.
X^E confentement des peres eft fond£ fur leur
puifTance , c'eft-a-dire , fur leur droit de pro -
pri6te ; il eft encore fondi fur leur amour , fur
leur raifon , 6c fur I'mcertitude de ceile de leurs
enfans , que Fage tlent dans I'^tat d'ignorance ,
& les pamons dans Fitat d'ivreffe.
Dans les petites republiques ou inftltutions
fmgulieres dont nous avons parle, il peut y
avoir des lois qui donnent aux magiftrats une
infped^ion fur les manages des enfans des ci-
toyens , que la nature avoit d^ja donnee aux
peres. L'amour du bien public y peut etre tel ,
qu'il £gale ou furpaffe tout autre amour. Ainfi ,
Piaton vouloit que les magiftrats r^glaffent les
mariages : ainfi les magiftrats Lacedemoniens les
tlirigeoient-ils. '
Mais , dans les inflitutlons ordinaires , c'eft
aux peres a marier leurs enfans ; leur prudence
a cet 6gard fer^ tou jours au-defTus de toute autre
prudence. La nature donne aux peres un defir
de procurer a leurs enfans des fucceffeurs , quails
fentent a peine pour, eux-memes : dans les di»
vefs degrls de prog^niture , ils fe voient avan-
cer infendblement vers i*avenir. Mais que feroit-
Se , fi la vexation & I'avarice alloient au point
'ufurpfr ra^torite des peres ? £coutons Thqma^
L I V. XXIIU Ch ap. Vfl. 195
Gage (a) fur la conduite des Efpagnols dansles
Indes.
<c Pour augmenter le nombre des gens qui
,, payent le tribut , il faut que tous les Indiens
,, qui ont quinze ans fe tnarient ; & me me on
a r^gU le temps dts manage des Indiens \
,, quatorze ans pour les males , & a treize pour
,, les filles. On fe fon^e fur untranon , qui dit,
3, que la malice peut fupplder a Page. ,, 11 vit faire
un de ces denombremens : c'itoit , dit-il , une
chofe honteufe. Ainfi, dans raSion du monde
qui doit etre la plus iibre , les Indiens font en-
core efclaves. *
C H A P I T R E VIIL
Cohtimuuion du mime fujeu
N Angleterre, les filles abufent fcmvent de
la do" pour fe marier a leur fantaifie, fans con 一
fulter leurs parens. Je ne fais pas (i cet ufage
ne pourroic pas y etre plus toler^ qu'ailleurs ,
par la raifon que les lois n'y ayant point etabli
un c^libat monaftlque , les filles n'y ont d'etat
a prendre qpe celui du manage , & ne peuvent
s'y refufer. En France, au contraire , ou le mo-
nachifme eft etabli , les filles ont tou jours la
reffource du celibat ; & la loi qui leur ordonne
dattendre le confentertient des peres , y pour-
roit etre plus convenable. Dans cette idSe ; Fu-
乂
I<i】 lUlatkm de XJiomas Gage » pag. 171,
_ R %
196 De L'EsPRit^toES Lois,
{agt d'ltalie & d'Efpagne fement le moins rai-
fonnabl^ : le monachiune y eft ^tabli , & I'oa
pent s'y marier fans le confentement de$ peres.
C H A P I T R E JX. •
Dcs filks.
Lis fiUes, que I'on ne conduit que par le
manage aux plaiiii^ Sc a la 置 ibeiti , qui ont un
efprit qui n'ofe penfer , un cceur qui n'ofe fen-
tir , des yeux qui n'ofent voir , des oreilles qui
n'ofent entendre , qui ne fe prefentent que pour
fe montrer ftupides , condamnies fans reliche
i des bagatelles & a des pr6cepte&, font affex.
port^es au nuriage ; ce font les gardens qu'il faut
encourager.
C H A P I T R E X.
CV j"i determine du manage.
JPahtout oU il fe trouvc tme place o\x deint
S^erfonnes peuvent vivre cominod 圣 ment, il fe
i»it un manage. La nature y porte aflez, lorf,
Gu'elle n,eA point arr^t^e par la difficult; de ia
iubiiftance. ,
Les peuples naifTans fe multiplient & croiflent
beaucoup. Ce feroit chez eux une grande in-
de vivre dans le c^at ; ce n'en tft
Liv. XXHL Chap. XL 197
point line d'avoir beaucoup d'enfans. Le con*
traire arrive, lorfque la nation eft fonnee.
C )H A P I T R E XL
Dt ta durtti dt^gouvtmmcnt.
Les gens qui n'om abfolument rien , comme
ks mencKans , ont beaucoup xl'enfans. C*eft qu'ils
font dans ie cas des peuples naiiTans : il n'en
coftte rien au pere , pour donner fon art k fes
cnfaiiSy qui vsAmt font en naifTam des inftru -
mens de cet art. Ces eens , dans un pays riche
ou fuperftitieux , fe muitiplient , parce qu'ils nont
pas les charges de la foci^te , mais font eux*
m^mes les charges de la foci^t^. Mak les gens
qui ne font pauvres qi^e parce qu'ils vivent dans
un goovernement dur, qui regardent leur champ
moins comme k fondement de leur fubftftance
que comme un-pr^texte a la vexation ; ces gens**
la , dis-je , font peu d'enfans •• Us n*ont pas mime
leur nourritare; comment powrroient-ils fong^r
a )a partager ? Us ne pAivcnt fe fo^ner dans
leurs maladies \ comment pourroient-ils Clever
des creatures , qui font dans une maladie con 一
tinuelie , qui eft renfance i
Ceft la facility de parler, & rimpuiiTance
d'examiner , qui ont fait dire que plus les fujets
6toient pauvres » plus les families ^toienMjom*
breufes ; que plus on ixott chargi d^impdts , plus
on fe ftiettoit en 圣 tat de les payer : deux fophiP
ines qui ont toujours perdu , & qui perdront
a jamius les monarchies.
198 De lTsprit des L019;
La duret^ du gouvernement peut aller Juffqu'
d^truire les fentimens naturels , par les fentr-
mens naturek memes. Les femmes de rAmeri-
C}ue (*) ne fe feifoient-elies pas avorter , poor
que leurs enfans n'euffent pas des maitres auffi
cruels ?
C H A Pi T R E Xri.
Du nombn des filUs & dejTgargons danr
diffirens pays,
d^)a dit {a) qu'en Europe il nait un pen
plus de gar^ons. que de filles. On a remarquA
qu'au Japon {b) , W naiiToit un peu plus de fiUes
que de gar^ons : toutes chofes 6galss , ily aura
plus 'de Temmes f(^condes au Japon qu*en Eii-
rope , & par confSouent plus de peupte.
I>es relations [cj dif^nt qu'a Bantam , il y
a dix filles' pour un gar 9011 1 une difproportion
pareiile , qui feroit que le nombre des families
y feroit au nombre de celles des autres climats
comme un eft a cinq & demiy feroit exceffive.
Les fiimilks y pourroient 4tre plus grandes ^ la
verit6 : mais il y a peu d« gens affez a'.fts pour
pottvoir entretenir une fi grande famille.
i*] Relation <Jc Thomas Gag« , pag. ^8.
d\ Au IWre XVI. chap- iv. •
{h) Voycz Kcmpfer * qui rapportc un deaombrc-r
merit de M^aco.
(c) Recueil des voyages qui ont fervi a I'^tabliiTe-
jnent de U Compagnle des Indesj torn. I. pag. 347^
Liv. XXIII. Chap. XIII. 199
C H A P I T R E XIII.
D" ports de met.
ANS les ports de mer , oii les hommes s'ex-
' pofent ii mille dangers , & vont motif ir ou vivre
<lans des climats recul^s , ily a meins dliommes
que de femmes ; cependant ony voit plus d'ejti-
fans qa'ailleurs : cela vient de la facility de la
fubfiftance: Peut-etre meme que les parties hui-
leufes du poiflbn font plus jpropres a fournir cette
matiere qui fert a la generation. Ce feroit une
des caufes de ce nombre infini de peuple qui eft
au Japon [4] & a la Chine [A〗i^ oil Fon ne
vit prefque que de poiflbn [c]. Si tela itoit ,
de certaines regies monaftiques , qui obligent de
vivre de poiiTon , feroient contraires a refprit
du leg'ilateur m^me«
{a) L« Japon eft compoft^ d'iiles ; il y a beaucoup
de rivages > & la mer y eft tres poiftbnneufe.
SLA Chine eil pleine de ruKTeaux.
Vgycz'le per€ du Halde , torn, II, pag. 13 夕,
142 6c fuiyant«s«
R4
100 De l'Espwt D£s Lois,
C H A P I T R E XIV.
Dts frodu&ons it la terre f demandent plus
QU moins d'honmus^
Les pays de pltura^es font peu peuplfe^
parce aue peu de gens y trouvent de l,occupa 一
tion ;: les terres a bl^ occupent plus cThomroes,
& les vignobles infihiment davantage.
£fi Anglcterre (/^ on s*eft fouvent plaint que
^'augmentation des piturages diminuoit les'hab"
tans ; & on obferve en France , que 】a grande
quantite de vignobles y eft une des grandes caufes
de ]a multitude des hommes.
Les pays oIl des mines de charbon foumiiTent
des m^res propres a bruler, ant cet avan-
tage fur les autfes , qu'il n'y faut point de fo-
rets , 6c que tomes les terres peuvent etre cul*
tivees. 、
Dans le$ tieux oil croit le nz , 11 faut de grands
travaux pour manager les eaux : beaucoup de
gens y peuvent done ktxt occupes. II y a plus :
il y uut moins de terre pour lournir a la fub-
(«) La pkipart des propri^takes des &>nds. de terres ,
4lt Burnet » trourant plus de profit en^la vente de
leur lainc que de Icur bled , enfertnercnt leurs poiTef-
(ions ; les cominunM , <{ui mouraient de £aim le fou«
tererent : on propofa une loi a^raire \. le jeuae Roi
^crivit m^e U-delfus : on fit des - proclamations con^
tre ceux qui avoient renferm^ leurs terres, AhtigL ik
Vhifioire dc la rejofw » pa[^» 44 &
Li V. XXIIL Chap. XIV. 201
fiftance d'une (amille , que dans ceux qui pro -
duifent (fautres grains : enfin la terrc qui eft em-
ployee ailleurs k la nourriture des animaux , y
fert immediatement a la fubfiftance d^Jiommes;
le travail que font aiileur- les animaSx , eft fait
la par les nomxnes ; & la culture des terres de-
vient pour les homines une immenfe manu",
ia£hire.
C H A P I T R E XV.
Du nombre des habitans par rapport aux arts*
LoRSQu'iL y a tme loi aeraire , & que les
terres font 化 alement partagees , le pays peut
£tre tr^s peup!6, quoiqu^l y ait peu d'arts ,
parce que chaque citoy«n trouve dans le travail
oe fa terre precif(6ment de quoi fe nourrir , &
que tous les citoyens enfeitible^ confomment tous
les fruits du pays ; cela etoit ainfi dans quelques
anciennes republiques.
Mais 4ans nos ^tats d*aQ}ourd*hui , les fonds '
de terre font in^galement diftriba^s ; ils pro -
duifent plus de fruits que ceux cui les cultivent
fi'en peuvent confomtner; & li l,on y neglige
les arts, & qu,on ne s*attache qu*a ragticulture,
le pays ne peut kttt peupU. Cciux qui cultivent
ou font cultiver , ayant des fruits de refte , rien
ne les engage ^ travailler f ann^e d^enfute: les
fruits ne leroient point confoipmis par fes gens
oififs , car les gens oififi n*auroient pas de quoi
】es acheter. II faut done que les arts s'etabliffent ,
pour que les fruits fotent confomm^s par les
iaboureurs & les axtifans. £0 m met « ces cuts
102 DE l/EsPRIT DES Lof S ;
dnt befoin que beaucoup de eens cultivcnf au«
dela de ce qui leur eft n^ceuaire : pour cela ,
il faut leur donner envie d'avoLr le fuperflu ; mais
il n'y a les artifans qui le donnent.
Ces machines , dont I'objet eft d'abreger I'art ,
ne font pas tdujours utiles. Si un ouvrage eft k
un prIx mediocre ,. & qui convienne ^galement
a celui qui rachete & a I'ouvrier qui I'a fait ,
les machines qui en fimplifieroient la manufac-
ture, c*eft-a-dire, qui diminuerolent le nombre
des ouvriers , feroient pemicieufes ; & fi les
moulins a eau n'etoient pas par-tout etablis ,
je ne les croirois pas aum utiles qu*on le dit ,
parce qu'ils ont fait repofer une infinite de bras ,
qu*ils ont priv6 bien des gens de^ Tufage des
caux , & ont fait perdre la fecondit6 k beau-
coup de terres.
CHAPITRE Xyi.
Des vues du leg'tftateur fur la propagation de
. I'efpece.
X^ES riglemens fur le nombre des dtoyens de-
pendent beaucoup des circonilances. II y a des
pays ou la nature a tout fait ; le l^giflateur n'y
a done rien a faire. A quoi bon engager par
des lois a la propagation > lorfque la feconditi
climat donne afiez de peuple ? Quelquefois
le climat eft plus favorable que le terrein 2 le
peuple s'y multiplie , & les famines le d^truifent :
c'eft k cas ou le trouve la Chine ; aufli un pere
y vend-il fes fiUes & expofe fe$ enfaos. Le$
L I r. XXin. Chap. XVI. 105
mdfXi^s caufes operent au Tonquin ] les mSmes
ciFets ; & il ne faut pas , comme les voyageurs
Arabes dont Renaudot nous a 6onnt la rela-
tion , aller chercher ropinion (JH) de la mitemp-
(ycofe pour ce】a, 、
Les memes raifons font que , dans Hie For-
mofe (c) , la religion ne permet pas aux femmes
de mettre des enfans au monde qu*elles n'aient
trente-cinq ans : avant cet , la prStrefle leur
foule le ventre , & les fait ayorter.
C H A? I T R E XVII.
Dc la Grece , & du nombrt de fts habium"
C^ET effct qui tient a des caufes phyfiques dans
de certains pays d'Orient , la nature du gouver-
nement le produifit dans la Grece. Les Grecs
itoient une grande nation , compofee de villes
qui ayoient chacune leur gouvernement & leurs
lois. EUes n'etoient pas plus conqu^rantes que
celle* de Su fTe, de Hollande & d*Allemagne ne
le font aujourd'hui : dans chaque republique , le
l^giilateur avolt eu pour objet le bonheur des
citoyens au dedans , & une puifTance au dehors
qui ne fSk pas inf^rieure a celie des villes voift-
(a) Voyages de Dampierre , torn. 11. p. 41 •
f^^ Pag. 167.
\cS Voycz le recueil des voyages qui ont fervr k
r^tablliTement de la compagnie des Indes* torn* V » partie
U pag. 182 & iSS.
%04 De l*Esprit des Lois ;
nes (tf ). Avec un petit territoire & unegrande
fi^licit^ , il etoit facile que le noxnbre des citoyens
augmentat , & leur devint a charge : auffi firent-
ils fans ceffe des colonies (h) ; iis fe vendirent
pour la guerre , comme les Suiffes font aujour-
d'hui : rien ne fut n^dig^ de ce qui pouvoit em -
pecher la trop granae multiplication des enfans.
II Y avoit chez eux dies republiques dont la
confhttttion ^toit fmguliere. Des peuples foumis
^toient obHgis de fournir la fubfiilance aux ci-
toyens : les Lacid^mooiens 6toient nourris par
les Ilotes ; les Critois , par les Pirieciens ; les
Thefialiens , par les PAieftes. II ne deyoit y
avoir qu^un certain nombre d'honimes libres ,
pour que les efdaves iuflent en ^tat de leur four-
nir la fubfiftance. Nous difons au)Ourd'hui qu'il
faut borner le notnbre des troupes riglees; or,
Lacedemone ^toit uae annee entretenue par des
pay fans , il falloit done borner cette armee ; fans
cela, les hommes libres , qui avoient tous Ie$
dvantages de la focieti , fe feroient multiplies
fans nombre , & les laboureurs auroient 爸 t 在
accabUs.
Les politiques Grecs s'attacherent done patw
ticuli^rement a r^gler le nombre des citoyens.
Platan (c) le fixe a cinq mille quarante ; & il
vent que ron arrete , ou que i'on encourage la
propagation , felon le befoin , par les honneurs ,
par la honte & par les avortiiletnens des vieil-
(tf) Par U valeur , la difcipUne & les exercices mi*
litaires*
(b) Les Gaulois , qui ^toieat dans le meme cis
£rent de m^me.
【f】 Dans (ts loss, Uy, V.
Liv. XXIII. Chap. XVlf. lof
lards; il veut meme (jd) que Ton regie le nom-
bre des manages , de maniere oue le peuple fe
T^pare fans que la republique loit furchare^e.
Si la loi du pays, dit Artftotc {e) , detend
f expofir les «n&ns , il faudfa borner le nom*
bre de ceux que chacun doit engendrer. Si Foil
a des enfans au-dela du nombre d^fini par la
loi , il confeille de faire (/) avorter la iemme
avakt que le foetus ait vie.
Le tnoyen infime qu'employo'ient les Cii 一
to'is pour privenir le trop grand nombre rfen-
fans , eft rapporte par Ariuote ; & )*ai fenti la
pudeur effrayee , quand voulu le rappocter*
II y a des lieux , dit encore Ariftote (g) , oil
la loi fait citoyens "s Strangers ^ ou ies bitards,
ou ceux qui ^ont feulement d'une mere cU
toyenne : mais d^s qu'ils ont alTez de peuple •
Us ne le font plus. Les fauvages du Canada font
bruler leurs prifonniers : mais iorfqu*ils ont des
cabanes vides a leur donner , ils les reconnoif*
fent de leur nation.
Le chevalier Feuy a fuppofi, dans fes cal -
culs,qu'un homrae en Angleterre Taut ce qu*oii
le vendroit i Alger. (Ji) Cela ne peut ctre bo*/
que pour rAngkterre : il y a des pays oii un
hofxune ne vaut rien; il y en a oil if yaut motns
que rien* 、
R^publique , B,, V.*
Politique » Uy. VII. chip, xvx*
})md.
『) Politique , liv* IIL cbap, m»
\) Soixantc tivrcs ftcrltogf
ao6 De l'Esprit Dni Lois
C H A P I T R E XVIII.
Dt Vitat dts peupks avant Us RomainSm
L'lTALiE, la Sidle , I'Afie mineure , rEfpagne,
la Gaule, la German ie, etoient a peu pres comme
la Grece , pleines de petits peoples, & regor-
geoient d'habitans : on n'y avoit pas befoin de
lois pour en augmenter le nombre.
C H A P I T R E XIX.
、 Depopulation de Vurdvcrs.
f ouTES ces petltes republiques furent englou-
ties dans une grande , & Ton vit infenfiblement
runivers fc d^peupler : il n'y a qu'a yoirce
toient ritalie & la Grece , avant & apres les vic-
toires des Romains.
" On me demandera , dit Tite-Live (a) ,oii
les Voifques ont pu trouver affez de foldats pour
faire la guerre , apr^s avoir et6 fi fouvent vain-
cus. II falloit qu*il y eut iin peuple infini dans
ces contr^es , qui ne feiroient aujourd'hui qu'un
defert , fans quelques foldats & quelques ef-.
daves Romains.
i) Liv. VI
Li v. XXIIL Chap. XIX. 107
tt Les oracles ont ceff6, dit Plutarque (h)
farce que' les lieux oil ils parloient font d^truits ;
peine trouveroit-on aujourd'hui dans la Grece
trois mille homines de guerre.
,, Je ne decrirai point , dit Strabon (c) , I'E-
pire & les Ueux circonvoifins , parce que ces pays
font enti^rement diferts. Cette depopulation , qui
a commence depuis long- temps, continue tous
les jours; de fort- que les foldats Romains ont
leur camp dans les maifons abandonnees ,,.
II trouve la caufe de ceci dans Poly be, qui dit
que Paul-Emile, apres fa vidoire , detfuifit foi-
Xante & dix villes de I'Epire , & en emmenz
cent dnquante mille efclaves.
C H A P I T R E XX.
Que les Romains fiirent dans la niceJJUi de fain
des lots pour la propagation de Vefpecc.
Sutis Romains ) en detrulfant tous les peuples i
fe d^tTuifoient eux-^memes : fans ceffe dans Pac-
tion , refFort & la. violence , ils s'ufoient , comme
wne arme dont on fe fert tou jours.
Je pe parlerai poiot ici de I'attentioH qu'ils eu-
rent a fe donner des citoyens a mefure qu'ils en
perdoient (a), des aflbciations qu'ils firent, des
[i) (Euyres morales : des oracles qui ont cefle,
[c) Livre VII. pag. 496.
\a) J'ai traite ceci dans les Confid^ratioo; fur ]esi
caufes de la grandeur des Romains » &c,
doS De l*Esprit D£s Lois ;
droits de cit^ qu'ils doimerent ,& de cettc p£p!-
niere imipenfe de citoyens qu'ils trouverent dans
lean efclaves. Je dirai ce qu'ils firent , non pas
pour r^parer la perte des citoyens, fnais celle
des hommes ; & comme ce nit fe peuple du
monde qui fut le mieux accorder fes lots avec
. fes projets , if n'efi point indiff^reni d'examiner -
ce quil fit a cet 6gard
•C H A P I T Jl E XXL
Dts lois des Remains fur la propagation de
Cefpece. •
'i^is anciennes lois de Rome- chercherent beaiK
coup \ d^erminer les citoyens au manage. Le
f^nat & le peuple firent fouvent des r^g&meas
. l"deffus, comme le dit Aueufte dans fa haran -
gue rapport^e par Dioti ( a).
Denys d'Halicarnaile (^)ne peut croire , qua-
pris la mort des trois cent cinq Fabiens , exter 一
min^s par les V^iens , il ne f&t refte de cette race
qu'un leul enfant ; parce que la loi aiicienne , qui
ordonnoit i chaque citoyen de fe marier & d'c-
lever tous fes enfans, etoit encore dan$ fa vi- •
gueur (r).
Ind^pendamment des lois, ks cenfeurs eurent
foeil fur ks mariages; & felon les ))efoin$ de U
(a) Li,. LVL
(M Livre II.
ripublique
Liv. XXdL Chap. XXI. .209
ff^tibKque , ils y ei^gerent (d) & par b home
& par les pdnes. ,
Les moeurs , qui commencermt a (ecorrom-
pre , contribuereat beaucoup k qegouter les ci-
toyens du manage, qui n'a que des panes pour
ceux qui nont plus de (pn pour les .plaifirs de
^innocence. Cell Fcfprit de cette {c) harangue
que Metellus Numi<&cus fit au peuple dans (a
cenfare. " Sil ^ott poffible de n avoir point de
» femme , nous nous dilivrerions de ce mal ;
» mais comme la nature a tzMi que l,on ne
» peut guere virre heureux avec elles, ni fub-
» lifter fans eUes, il faut avoir plus d*igards ^
» notre confervation , qu*^ des fatkfa&ons paf 崎
9f fageres
La corruption des moeurs d£trai(ft la cenfure^
jtablie elie-meme pour ditruirela corruption dss
moeurs : mais lorfque cette corruption devient
gen^rale , fa cenfore n,a plut de fore 癸 【/]•
Les difcardes miles , les triumvirats , Jesprof*
criptions,' affoiblirent plus Rome qu'aucune guerre
quelle eAt encore faite : il refla peu de choyens
& la plupart n^oienc pas mariis. Pour rem"
dier it ce dernier mal, Cifar & Augufte r6ta-
Uirent la cenfure , & votdurem (^)、 HdSoie Site
Live
€h. 19. -
(e) Elle efl ^ans Auluj^elle , Mr. I. cliap vT,
\f) Voyei ce <{u« j'sii dit au livrt V, chap^ j^OV
(g) Cidr , apTcs la gnerre cWUe , a^ant fait fairer
le cens , il ne $'y trouva que cent cinquante mille
cliefs de famine* Epitome de ; Floras (at Tite - Livr ,
^ouzieme decade.
(i) Voycx DtOAr Uvr XLIQ. & Jtiphil. in Augufi.
a 10 De lTsprit i>es Low J
cen&urs. lis firent divers regleniens : C 仏 r ( / )
donna des ricompenfes a ceux qui avoient beau-
coup d'enfans ; il defendit (A), aux femmes quJ
svoient moins de quarante cinq ans & qui n'a-
Toient ni marts ni enfans , de porter des pierre-
ries ,& de fe fervir de li tie res r raethode excel —
krite d'attaquer le celibat par la vanit^. Les loii
d'Augufte (/) furent plus preffantes impofa (my
des peines nouveHes a ceux qui n'^toient point
maries , & augmenta le» recompenfes de ceux
qu» r^toient , 6( de ceux qui avoient des enfans*.
Tacite appelle ces- lois Juliennes ( " ) ; il y a ap-
parence qu*bn y avok fbndu les anciens regie -
mens faits par le fen at , le peupte & les cenfeurs.
La loi d'Augufle trouva mille obftacles ; &
trente-quatre ans [o] apres qu'elle eut ^t^ faite >
les chevaliers Romains lui en demanderent la re-
vocation. II fit mettre d'un c6t4 ceux qui &oient
maries ^& I'autre ceux qui ne fetoient pas :
ces derniers parurent en ^lus grand n ombre ; ce
qui ^tonna hs citoyens & les confondiL Au-
gufte , avec la gravite des anciens cenfeurs , I'eur
parla ainfi (f).
" Pendant que les matadies & tes guerres nous
enlevent tant de citoyens , que deviendra la
(i) Dion , Hv. XLUI ; Su^tone, vie de C^far chap.
XX ; Appien , liv. II. de la guerre cirile.
(k) Eulebe dars la chronique,
(l) Dion , liv. LIV.
(m) L'an 736 de Rome,
In) Julius rogationzs , annal, Itr. iir.
\o) L'an 762 dc Rome , Dion , liv. LVT.
{p) J'ai abr^g^ cette harangue , qui eft <l*iine Ton*
gueur acchhlanu •• eUe ed ~ranpOrti^e dans Otion , li -,
vre LVI,
Liv. XXIIL Chap. XXI. %ii
ViHe , fi on ne contrade plas de marines } La
€it& lie confiAe point dans les maifons , les por-
tiques , les places pub^iques : ce font les homines
qui font la cit6, vous ne verrez point., comme
dans les fables , fortir des hommes de deflbus la
terre , pour prendre foin de vos affaires, Ce il*eft
point pour vivre feul*, que vous reftex dans le
cell bat : chacun de vous a des compagnes de fa
table & de fon lit , dc vous ne chercnez que la
F'aix dans vos deriglemens. Citerez-vous id
exemple des vierges Vofcks ? Done fi vous
ne gatdiez pas les lois de la pudicit^ , il fau^roit
vous punir comme elles.< Vous etes egalement
snauvais citoyens , fok que tout le monde imite .
votre exemple , foit que perfonne fie le fmve.
Mon unique objet eft la perp^tuitc de la r^pu-
blique. J,ai augmente les peines de ceux qui n'ont
point obei ; & a Pegard des r^compenfes , elles
font telles que je ne fache pas que k vertu en ait
encore eu de plus grandes : il y en a de mom-
dres , qui portent mille gens a expofer leur vie;'
& celles-ci ne vous engageroient pas a prendre
une femme , & a^nanrrir des enfans "i
II donna la loi qlr'on nomtna de* £on nom
Julia , & Poppia Pappsea du nom des cafifols (力
d'une partie de cette annie-la. La grandeur du
mal paroiffoit dans leur 在 le£Hon iiiefne;Dion (r)
nous dit qu'ils n'^toient point mari^s, 6c qu'ils
n'avoient p<Mnt cTenfans,
Cette loi d'Augufte fut proptemehf uti code
de lois. &un corps fyflematique , de tou$.le»
(f) Marcus l^appius Mutilus , 6» (^. Poppaus S、ah"
nus. Dion Hv. LVl. :
{r) Dion, Uv. LVh . --
s %
"2 Ds L*EsPRIT DE$ LoiS,
riglemens qu*on pouvoit fairs fur ce fu|et. On
y refondit les lois Juliennes (s) ,& on leur don-
na plus de force : elles ont tant de vucs , dies
influent fur tant de chofes , qu'elles forment
h plus belle parde des lois civiles des Roinains»
On en trouve (t) les morceaux difperfes dans
les pr^cieux fragmens dUlpien, dans ks lots dvt
digefte tir^s des auteurs qui out ictk for les
lois Papplennes ; dans les hiftoriens & ks autres
auteurs qui les ont cities ; dans le cade Theodo-
fien qui les a abrog4ls ; dans les Peres qui les
ont cenfur^es » fans doute avec un zele lovable
pour ks chofes de f autre vie , mais avec tres
peu de connoliTance des affaires de cdle ci.
Ces lois aroient plufieurs chefs , & Yon ett
connott trente-ctnq (y), Mais alUnt a mon fil-
let le plus direAement qu'il me fera poi&ble , je
commencerai par k chef qu^Aulugelk [jp] nous
dit £tre k fepdeme, & qui regarde ks hon-
neurs & tes ricompenfes accorcks par eeue
foi? ,
Les Romains , fortk pout k pliipart de%
villes Ladnes , qui etoient. des colonies Laced«->
ttioniennes [y] ^ Sl qui avoient inline ttr4 de*
ces vilks 【3 une par tie de ku» lois, enrent^
(i) Le titre 14 des fragment d'Ulpien 湖 ingsieTarft
bien U l。i Jutiennc dr la Fappiennc.
it) Jacques GbHcffoid «n a fait une compilktion.
y) Le trentc^cifK{uicine eft: cit^ dans. U loi
ic ritu nuptidrum,
(«) Liv. U: cln xir.
(y) Denyfr cl'ifaUcariiafle*.
ft) Le* d^put^ <te Rome qui furent enf oy& pouf
chercher des leii Grtcqaes } alletcoti Mhenes danik
ks vUles ilulic
3
tiv. XXIII. Chap. XXt. itj
comme les Lacid^moniens , ponr la Yieillefle*
ce refpefi qui donne tons les honneurs & ton -
tes les prifeances. Lorfque la ripublique man-
qua de citoyens , on accorda au tnaris^e & au
notnbre des enfans les prerogatives que I'oii
avoit d(>nnees a r^ge (a) ; on _en attacha quel*
qoes-unes au mariage feul , ind^pendamment des
enfans qui en pourrotent naitre r cela s^appeDoit
le droit des maris. On en donna d,autres a ceox
qui avoient des enfans , de plus grandes k ceux
ui avoient trois enfans. U ne £iut pas confon-
re ces trois chofes. B y avoit de ces privi-
leges dont ks gens mmis jouifToient toi^ours,
comme , par exemple , une place particuHere aa
thesltre (t) ; il y en avoit dont ils ne jouiffoient
que iorique des gens qui avoient des enfans »
ou qui en avoient plus qu,eux, ne ks lent
otoient pais.
Ces privileges Aoient tris itendiis. Les geni
tnaries qui ayoient le plus g^and nombre (Ten -
&ns, ^oient toujours^f^feris (c) , foit dans 1*
pourfuke des honneurs , foit dans rexercice de
ces honneurs monies. Le conful cpu aroit le plus
d'enfans , prenoit le premier les (aifceaux [d] ; il
avok k cnoix des provinces (f》 ; le (^nateur qui
avoit pkisdlenfans , etoit icnt k premier dans
le catalogue dies finateun ; il difok au fenat fon
avis k premier (/). I/bn pouvott paryenif avant
(tf) AulugelleJiv.IK ch. xv.
(Fi SuetoM , in Augufio , ch. XLfV,
(c) Tacit e, fiv. U. Ut numcrus libtrarum hi canSda^
ds prapolUret y quod, le^ jubehat,
(d) Au1ugel]ie».liY. H. chap. xv.
U) Tactte , annal, Mr, Xy.
If) Voyetla loiVLS^, 5. C dc duuriom^
ft 14 De l'Esprit D£s Low,
I'ige aux maglflratures , parce que chaque enfaiit
donnoit difpenfe d*im an [g], bi Von avoit ttor»
cnfans a Rome , on etoit exempt de toutes char-
ges perfonnelles (A). Les fennnes ingenires qitt
avoient trois enfans , & les affranch IS qui en
avoient quatre , fortoient (r) de cette perpe*^
tuelk tutelle , ou les retenoient (k) les anciennes
lois de Rome.
Que s'il y avoit des r^compenfes , fl y ffvoit
aufli des peines (/). Ceux qui irttoient point
roaries , ne pouvoient rien recevoir par le tefta-
ment des [rri] Strangers ; & ceux qui , 6tant
mari^s , n'avoient pas d'enfans , n*en rccevoient
que la moitie Les Romains , dit Plutaiv
que (a) , fe mafioient pour ^re heritiers , & non
pour av<ni^ des heritiers.
Les a vantages qu'un mart & une femtne pou-
Toient fe faire par teftament , ^toient limites
par la k)i. lis pouvoient fe donner le toot [p] ,
avoient des enfans run de rautre ; s'ils n'eii
avoient point , Us pouvoient recevoir I2 dixieme
fj) Voyez la Toi H. flp. it mirtorih.
rt) Loi I & 11 , fF. <fe vacatione , & exeufat» mmer,
CO FragiTU d'Ulpien , tit. 29. §. j.
(k) PlutarqiM , vie de Numa.
(/) Voyc^ Us fragmens d'Ulpitn- , aux fit. 14, Tf,'
16, 17 & i8 , qui font un des beaux morceaux de I'aft*
crenne Jtrrifprudence Romatne.
(m) SozoiDr liv. I chap IX. On recevoit de fes pa»-
fens ; &agnK d*UIpien ; tft. r6. §. r.
(") Sozom , Kv. I. chap. IX , & leg^. unic codTheodr
de infirm, ^panis catih, & orbit at,
(0; (Euvrcs morales , de I'amcmr des peres envers>
feurs enfans.
* {p) Voyez un pTas long (?^ tail de ceci dani Us
gm^ns d'Ulpicn , tit.- 15- &.
L I V. XXIII. ChA7. Xltt. 2Tf
partle de la fuccefHon , a caufe du marlage ; Sc
s'il avoient des enfans d'un autre manage , ils
pouvpient fe doanec autant de dixiemes qu'ils
avotent (fenfans.
Si un m^r s'labfentoit [-] d'auprSs de fa
femme y^our autre caufe que pour Ics affaires
de^hi^republique , il ne pouvoit en itre l,h£-
litier.
La lordonnoit a un mari ou a une femme qui
furvivoit , deux ans [rj pour fe remarier : & un
an & deiTii dans le eas du divorce. Les peres qui
ne vouloient pas marier leurs enians , ou donner
de dot a leurs filles , y ^toient contrcunts par les
magiftrats [s].
On ne poavoit fake de fian^ailles lorfque le
mar i age devoit itre differ^ de plus de deux
ans [rj ; •& comme on ire pouvoit ^poufer une
qu'a douze aas , on ne pouvoit la fiancer
qu^a dix. La loi ne vouloit pas que Von put jouir
inutilement [v] , & foi】s pretexte de iian^ailles y
des privikgfs des gens mari^s*
Cg) Fragm. d*Ulpien , tit. t6. §,
(r) Fragm. d'Ulpien , tk. 14. II paroit que Tes pre-
mieres low Juliennes (! bnnerent trois ans. Harangue
fi'Aug..fte dans Dion , liv. LVf : Suetone * vie d'Au-
Cuftfi, chap. XXXIV. D'aatres lois Jaliemies n,accot>
derent ou'un an : en fin , la loi Pappienne en donna
deux, fragm. d'Ulpien , tit. 14. Ces lois n'^oient
point agr^ables au peuple ; 8c Augude les temp^roit
ou les roidtffoit,. felon qufon ^oit plus ou motiis dif-
pof^ a lies fouffrir.
• C^toit le trente-cinqmeme cheP de Ik loi- Piap*
pieniie /tg. /<>. ff, p'ta nuptiarum,
(t) Voyez Dion , liv. LIV , anno 7J6 Suetone , in
OSavio , chjp. XXXIV. -
, (V) Voyez Dion , liv. LIV; & dan9 le mime Dio9.^
h harangue d'Augufte , liv, LVI;
Uf t*EsPRiT DE$ Lois;
II etoH d^fendull un hotnme qui avoit foi^ante
ans [x] d'dpQufer une femme qui en avoit cin -
quante. Comme on avoit donne de grands pri-
vileges aax gens maries , la loi ne vouloit point
cu'il y eut des manages inutiles. Par la meme rat-
ion , le ftinatus - confulte Calvifien declaroit
in6gal [y] le manage d,une femme qui avoir
plus de cinquante ans , avec un homme mii ea
avoit fnoins de foixante : de forte qu'une lemme
qui avoit cinquante ans ne pouvoit fe marier ,
fans encourir les peines de ces lois, Tibere
ajouta (^J a la rigueur de la loi Pappienne , &
defendit a un homme de foixante ans d'ipoufer
une femme qui en avoit moxns de cinquante ;
de forte qu*un homme de foixante ans ne pouvoit
fe marier dans aucun cas , fans encourhr la pme :
mais Claude {a) abrogea ce qui avoit iti bat fou&
Tibere a cet egard
Tomes ces difpofitions ^oient plus confonnes
au climat dltalie qu,a cehii du nord , on un
homme de foixante ans a encore de la force, dc
oil les femmes de cinquante ans ne font pas
giniraiement ft^nles.
Pour aue ron ne fit pa» inotilement borne
dans k choix que t'on pouvok faire , Aucufte
permit a tous les ineenus qui n'l&toient pa» lena-
teurs {if) d*i6poufer oes affranchies (c). m loi (々
(x) Ffagm. d'UIpien , tit. i^; & U lor XXVil p cod,
auptiis.
(y) Fragm. dUlpkn , ti" i6. §, 5. ,
(1) Voyez Suetone , is Claudia , dw xmi.
(«) Voycr Su^one , vie de Claude , ch. xxxn ; 9i
ks fragm. d'UIpien > tit, 16. §. p
《-》 DU>h, liv. LIV J fragm. d'l/lpien, tft. IT.
(f) Harangue d'Augufte , danf Dion , liv. LVl.
(rf) Fragm. d'UIpien , ch. & U bi XLlV , au
ft, iU ritu nupumm ^41a &u
Pappienne
Li V. XXIII. Chap. XXI. 117
I^ppienne interdifoit aux fenateurs le mafiage
avec les femm^s qui avoient it& aiFranchles , oil
qui s'etoient produites fur le theatre ; & du temps
总, Ulpien (e) , il etoit defendu aux ing^nus d'e-
pouler des femmes qui avoient mene une mau-
vaHe vie, qui ^toient mont^es fur le theatre ,
ou qui avoient ete condamn^es par un jugement
public. II falloit que ce fut quelque ftnatus-con-
? bite qui eut etabli cela. Du temps de la r6publi-
<jue , on n*avoit, guere fait de ces fortes de lois ,
paree que les cenfeyrs corrigeoient a cet ^gard
leS defordres qui naiiToient , ou les ^mpechoient
de naltre. '
Conftantin i^f) ayant fait une loi , par laquelle
II comprenoit dans la defenfe de la loi Pap-
pienne non feulement ies fenateurs , mats, encore
ceux qui avoient un rang confiderable dans Fe-
tat , fans parler de ceux qui etoient d*une condi-
tion inferieure; cela forma le droit de ce temps-
la : il n'y eut plus que les ingenus , compris dans
la loi de Conftantia , a qui de tels mari^iges
fuflent defendus. ^uftinien {£) abrogea encore
la loi de Conftantin , & permit a toutes fortes
de perfonnes de oontrafter ces manages :. c'eft
par - la que nous avons acquis une liberte fi
trifle.
II eft clair que les peines porties centre ceux
^ui fe marioient contre la defenfe de la loi,
etoient les m ernes que celles port^es contre
ceux qui ne fe marioient point du tout. Ces ma -
' {«) Voycz les fragmens d'Ulpieo , tit. 13 &. i5.
(/) Voyez la loM , au cod. it not, lih,
W Novel. 117.
Tome III. T
ii8 De l'Esprit D£s Lolif
riages ne 4eur donnoient aucun avantage
civil •• la dot (i) ^toit caduque (k^ apres la mort
de la femme.
Augufte ayant adjug^ au trefor [/] public les
fucceflions 6c les Jegs de ceux que ces lois en
d^claroient incapables , ces lois parurent plutot
fifcales que politique^ 6i civiles. Le 'degout que
Yon avokd^ja pour une chofe qui paroilloit acca^
blante , fut augment^ par celui de fe voir con-
tinuellement en proie a ravidite du fife. Cela fit
<jue , fous Tibere , on Ait obligi de modi-
fier ini) ces lots ,,qiie Ncron diminua les recom-
penfes des 、"、 delateurs au fife , que Trajan (o)
arreta Icurs brigandages , que Severe (p) mo,
difia ces lois , & que les iurilconfultes les regar-
derent comme odieufes, 6t dansleurs deciiions en-
abandonnerent larigueur.
D'aiUeurs ' les Empereurs inerverent ces
• lois , par les privilejges qu*ils donnerent des
(A) Loi xxxvii , S.7.ff, dt operib. libertorum , frag,
d Vipien , tit. i6. §. 2.
(i) Fragm. Ibid,
Ik) Voyei ci deiTous le ch. xiii du lir. XXVI.
(/) Except^ dans de certains cas. Voyez les fragm:
d'Ulpien, tic. iS^; 6; la loi unique , au^ cod. dc caducm
iolUnd, ,
(jn) Relatum ic moderandd Pappia Poppad « Tacite ,
annai, I'fv. iii. p, 117.
(n) II les reduiBt a 】a qaatrieme partie. Su^tone >
in Niront , chap. X.
(oj Voyez pan^gyriqiie de Pline. *
一 ip) Severe recula jufqu'a 25 ans pour Ie$ males > &
ao pour les filles , le temps At% diipofitions de la loi
Pappienne , comme on le voit en cofif^rjint le fragm*
d'Ulpien , tit iCt avec ce que dit TertuUien , apolo-
g^t. ch. IV.
(力 P, Scipion » cenfeur » dans fa harangue au peu-
L IV. XXHI. Chap. XXI. 1x9
droits de maris , cTenfans , & de trois enfans. lis
firent plus ; ils difpenCerent les particuliers {r) des
peines de ces lois. Mais des regies etaUies pour
rutilite publique , fembloient ne devoir point ad- ,
mettre ae difpenfe. ,
li avoit ^te raifonnaWe d'accorcler le droit
d'enfkns aux Veftales i^s) , qufe la religion retc-
noit dans une virginite n^ceflaire : on donna £f]
de mcmele privilege des maris aux foldats^parce
qu'ib ne pouvoient pas fc marier. C6toit la cou-
tume d'exempter les Etnpereurs de ia gene de
certain es lois tiviles. Ainfi Augufte fut exempt 士
de ia gene de la loi qui- limitoit la faculti (v、
d'affranchir , & de celle qui bornoit la faculte {x^
leguer. Tout cela ii*etoit que des cas panic u-
Hers : mais dans Isuiuite les difpenfes furent don-
nees fans management, & la regie ne fut plus
qu'une. exception.
X>es leftes de plilofophie avoient deja introduit
d^ns rempite un efprit d'eloignement pour les
affaires, qui n'auroit pu gaener a ce point dans
le temps ae la republique (y) , oil tout le monde
pk fur les moeurs , fe plaint d« Vabus ^ut dcja s'etoit
uitroduit * aue le fils adopttf donnoit le m^me privi-
lege que le his nature). Auiug. Hv. V. ch. xzx.
(r) Voyet la loi XXXI. ft. de ritu nupt.
\s) Aii^'ufte , par la loi Pappienne , leur donna ! e
tneme pmiUge qu*aux meces ; voyci Dion , Uv. LVI.
Numa teur avoit donne I'ancien privilege des femmes
qui avoient trois enfans , qui efl de n'avoir point de
curateur ; Plutarque dans la vie de Numa.
(r) Claude le leur accorda , Dion , liv. LX.
(v) Leg. Apud cum , . if. dc mamufnijjionib. i.
(x) Dion , liv. LV. 、
ly) Voyez dans les offices de Cic^ron « ces idees
fur cet efprit de fp^culation,
Ta
220 l*Esprit des Lois ;
ctoit occupi de& arts de la guerre & de la paix*
De-la une idee de perfeftion attache e a tout ce
qui mene a une vie fpeculative : de-rla r^loi-
gnement pour les foins & les embarras d'une
famille. La religion chretienne -venant apres la
philofophie , fixa , pour ainfi dire , des idees que
celle-ci n'avoit fait que preparer.
Le chriftianifme donna fon cara6iere a la
jurifprudence ; car I'empire a toujours du rap-
port avec le facerdoce. On pent voir le code
Theodofien , qui n'eft qu'une compilation des
ordonnances des Empereurs chretiens. ^
Un panegyrifte (i\ de Confiantin dit a cet
Empereur : " Vos lets n'ont ete faites que
,, pour corriger les vices , & regie r les moeurs ;
,, vous avez 6te I'anifice des anciennes lois , qui
,, fembloient n'avoir d,autres vues que de tendre
V des pieges a la fimplicite "• _
II eu certain que les changemens de Coqf-
tantin furent fkits, ou fur des iddes qui fe rap -
portoient a r^tablifTement du chriflianifitie , ou
fur des iddes prifes de fa perfedlion. De ce pre*
ipier objet ^ vinrent ces lois qui donnerent une
telle autorite aux ev^ues , qu'elles ont ete le
fondement de la jurifdidion ecclefiaftlque : de-
la ces lois qui afFoiblirent rautprit6 pater —
nelle (a) , en 6tant au pere la propriete des
biens de fes enfans. Pour ^tendre une religion
nouvelle , il faut oter rextreme depenc'»ance des
enfans , qui tiennent toujours moins a ce qui eft
(l) Nazaire, In panygtrico Canftantini. , anno 521.
{a) Voyez laloi i , 11 & ill , au cod Thdod. d& butm
nis maumis , maternique generis, &' c. & la loi unique da
code de bonis qua filiis family acquiruntur*
Liv. XXin. Chap; XXI.
Les lois faites dans rob jet de la perfeftion
chv^tienne , furent furtoiit celles par lefquclles
il dta les peines des lois Pappiennes (Jf) , & en
exempta , tant ceux qui n'etoient point maries ,
que ceux qui , £tant maries , n'avoient pas
aenfans.
Ces lois avoi^nt M Stabiles , dit un hiflo-
,, rien (^c) eccl^fiaftique , comme fi la miiltipli-
,> cation de l,efpece humaine pouvoit etre un
» effet de nos loins ; au lieu de volt que ce
» nombre croit &c decroit felon I'ordre de la
,, providence ,,,
Les principes de la religion ont extremement
influe fur la propagation de I'efpece humaine :
tantot -lis l,ont encouragee , comme chez les
Juifs , les Mahometans- , les Guebres , les Chi-
nois : tantot lis Font choqu^e , comme ils firent
chez les Romains devenus chretien^.'
On ne cefia de pr^cher par-tout Ja continence ,
c'eft-a-dire , cette yertu qui' eft plus parfaite ,
parce que par fa nature elle doit etre pratiqaee
par tres peu de gerS.
Conftantin n'avoit point ote les lois deci-
tnaires , qui donnoient une plus gfande extan-
fion aux dons que le mari & la femme pou-
voient fe faire a proportion du nombre de leurs
enfans : Th^odofe le jeune abrogea /tf) encore
ces lois. 、厂
Juftinien declara valables (e^ tousles manages
(b) Leg unic, cod Th^od. de infirm, pan, calib, &
orhie.
(c) Spzom. p. 17.
(d) Leg. II & III. cod Th^od. de jur, lib,
Jml e ) Leg. Saneimus , cod,' dc nuptiis^ •
攀- T 3
aaa De l'Esprit de» Lois }
que les lois Pappiennes avohnt defendus. Ce*
lois vouloicnt qu'on fe remariat : Juflinien
accorda des avantages a ceux qui ne fe remarie-
roient pas.
Par Us lois anciennes , la facult^ naturelle que
chacun a de fe marier , & d*avoir cTes enfans , ne
pouvoit etre ot^e : ainfl, quand on recevoit un
legs (^') a condition de ne point fe marier, lorf-
qu'un patron faifoit jurer (hy fon affranchi qu,il
ne fe marieroit point , & qu,il n'auroit point
cTenfans, la loi Pappienne annulloit (i) & cette
condition & ce ferment. Les claufes , cn gar-
dant viduiti^ Stabiles parmi nous , contredifent
done le droit ancxen , & defcendent des conftitu-
tions des Empereurs , iaites fur les idees de la
perfe^^tion.
II n*y a point de loi qui contienne une abro-
gation expreffe des privileges .& des honneurs
que les Romains pa'iens avoient accord^s aux
mariages & ail nombre des enfans : mais la oil
le celibat avoit la preeminence , il ne pouvoit
plus y avoir d'honneur p«ur le manage ; &
pui£[^ue l,on put obliger les traitans a renoncer
a tant de profits par I'al^lition des peines., on
font qu'il tut eacore plus aife d*6ter les ricom-
penfes*
La miaie ralfon de fpiritualiti qui avoit £ut
permettre le cilibat , impofa bient&t la n6ceffite
Gu cilibat meme. A Dieu ne plaife que }e parle
ici contre le ceBbat qu'a adopts la religion :
(7")Nov. ri7, di. ! II. Kov. i 8 ch, v.
{e) Leg. LIV. ff. di condit. & dcmonjL
in) Leg. V. $. 4. de jure patronat,
Paul , daas Ces (jentences > liY«. III. tit» xi $• I 恭
Liv. XXIII. Chap. XXI. aa)
mais qui pourroit fe taire contre celui au'a for-
me le libertinage ; cclui oil les c-jus iexes , fe
corrompant par les fentimens naturels memes ,
fuyent une union qui doit 1* rendre meilleurs ^
pour vivr« dans celle qui les rend toujours
pi res ?
C'eft une regie tiree de la nature , . que plus
on diminue le nombre des manages qui pour,
.foient fe faire , plus on corrompt ceux qui
font falts ; moins 11 y a de gens mari^s , moins
il y a de fidelity dans les manages : comme
lorfqu'il y a plus de voleurs , il y a plus de
vok.
CHAPITRE XXIL
Xj£ s premiers Romalns eurent une aflez bonne
polke fur I'expofition des enfans. Romulus , die
Denys d'HaHcarnafTe [a] , impo(a a tousjes ci-
toyens !a neceflit6 d'^lever tous les enfans males
& ies aln^es des filles. Si les enfans etotent diffor -
mes & monftrueux , i] permettpit de les expofer ,
fpT^s les avoir montres ik cinq des plus proches
VoHins^
Romulus ne permit (h) de tuer aucun enfant
qui eut moins de trois ans : par- la il condltoit U
loi qui donnoit aux peres le droit de vie & de
a) Antiquit^s Romaines , Iir. II.
>) Ibid. O T
T 4
124 De l'Esprit D£s Lois;
mort iviT leurs enfans , & celle qui defencbit Je
les expofer.
On trouve encore dans Denys d'Halicar-
fiaiFe (c) , que la loilqui ordonnoit aux citoyens
de fe marier & d'elever tous leurs enfans , etoit
en vigueur l,an 277 deRome : on voit que Fufagc
avoir rcftreint la loi de Romulus , qui permettoit
rfexpofer les filles cadettes.
Njous n'avpns de connoifTance de ce que la lot
des iouie tables , donnie Fan de Rome 301 y
flatua fur rexpofition des enfans, que par m
paiTage de Ciceron [d] , qui , parlant du tribunat
du peuple , dit que d'abord apres fa naifTance ,
tel que Fenfant monftnieux de la loi des douz^
tables , il fut ^toufFe : les enfans qui n*etoient paa-
monflrueux etoient done conferves ,& la loi des
douze tables ae changea rien aux inftitmions pre-
cedentes.
" Les Germalns, dit Tacite [^}, n'expofent
" point leurs enfans ; 6c chez eux , les bonnes
» moeurs out plus de force qiie n'ont ailleurs les
" bonnes lois "• II y avoit done chez les Romains
des lois centre cet ufagje ,& on tie les fuivoit
plus. On ne trouve auciine loi (/) Romaine^
(tiii permette d'expofeir les enfans : ce fat fans
<!oute un abiis introduit dans les derniers temps ^
lorfque le luxe ota I'aifance , lorfque ks richelTes
partagees furent appellees pauvrete , lorfque 1$
(c) Liv. IX.
(if) Liv. III. de U^h,
(c) Dc morih, German.
(/) 11 n'y a point de titfe U-deffiis dans le dig e fie t
\t tit re du code n'en dit rien » non. plus i^uc ki
Liv. xxin. ch AP. xxii. 2"
p(»re crut avoir perdu ce qu'il donna a fa fa -
mille , & qu'il diuingua cette famille de fa pro-
priete.
!! BBS
C H A P I T R E XXIIJ.
Di lUtat dc tunivers apres la deftru£&on dtM
Romains.
L Es* r^glcmens que firent, les Romain, pour
augmenter le nombre de leurs cltoyens, ctjrent
leur efFet pendant que leur r^publique , dans la
force de (on inftitutron , n'eut a r^parer que les.
penes qu*elle faiibit par fon courage , par fon
audace , par fa fermet^ , par fon amour pour la
gloire , & par fa vertu fneme. Mais bientot les
lois les plus fages ne purent retablir ce qu'une
republique mourante , ce qu'une anarchie g^ne-
rale , ce qu*un gouvernement militaire , ce>qu'un
empire dur , ce qu,im defpotifme fuperbe , ce
qu'une monarchie foible , ce qu'une cour ftupide ,
idiote &L fuperftitieufe , avoient fucceflivement
abattu : on e{k dit qu*ils n'avoient Conquis le
monde que pour I'affoiblir , & le livrer fans
fenfe aux barbares. Les nations Gothes , Ge-
thiques , Sarrazines & Tartares , les accablerent
tour- a- tour ; bientot les peuples barbares n'eurent
a detruire que des peuples barbares. AinQ dans le
temps des fables , apr^s les inondations & les de-
luges , il fortit de la terre des homines armes qui
s'exteiminerent.
226 De L*EsprfiT o£s Lois;
C H A P I T R E XXIV.
疇
Changemcns arrives ea Europe , par rapport au
nombre dts habitans.
D
ANS I'etat o& ttoit I'Europe , on n'auroit
^as cru qu*elle put fe r^tablir : furtout lorfque,
bus Charlemagne , elle ne forma plus qu'un
vafte empire, Mais par la nature du gouvcrne-
ment d>alors , elle (e partagea en une infinite de
pctites fouverainetis. Et comme un feigneur r"
iidoit dans fon' village ou dans fa ville ; cfUril n*^-
toit grand , riche 'puifTant, que dis-je ? qu*il n'i-
toit en snret£ que par ie nombre de fes habitans ,-
<;bacun s'attacha avec une attention finguliere a
fake fieurir fon petit pays : ce qui reumt telte-
ment , que , maleri les irr^ularitis du gouver-
ment , le defaut des connoifiances qu'on a acqin-
fe$ depurs fur le commerce , 】e grand noinore
cie guerres & de querelle; qui &*elevercnt fans
cefle , il y eut dans la plupart des contrees
d*£urope plus de peuple^ qu'il n'y en a aujour-
Jhui.
Je n'ai pas le temps de trailer a fond cette
matiere ; mais je citerai les prodigieufes ann^es
des croifes , compofees de gens de toute ef-
pece. M. Pufendorff dit (a) , que fous Char-
les IX il y avoit vingt sultions d*hommes em
France*
W Hifi* dc rutir. ch« V. " U France
秦
L I V. XXin. Chap. XXIV. 117
Ce font les perpetuelles reunions de plu-
fietirs petits ctats , qui ont produit cette dimi-
nution. Autrefois chaque village de France 6toi|
une capitals ; il n'y en a aujoiird'hui qu'une
grande : Chaque partie de I'etat etoit urt centre
de puifTance ; aujourd'hqi tout fe rapportc a un
centre ; & ce centre eft , pour ainfi dire, I'^tat
I
C H A P I T R E XXV.
Continuation du mime fujet.
L eft vrai que I'Europe a , depuis deux fiecles ,
beaucoup augmente fa navigation : cela lui a pro -
cur 在 des habitant , 6c lui en a fait perdre. La
Ho"*:nde ^nvoie tous les ans aux Indes un
grand nombre de matelots , dont il revient
«ue les deux tiers; le refte perit ou s'^tablit aux
indes : meme chofe doit a peu pres arriver k
toutes les autres nations qui font ce com-
merce. • .
II ne (aut point juger de rEurope comme
d,un ^tat particu&er qui y feroit feui imegrande
navigation. Cet ^tat augmenteroit de peuple ,
parce que toutes les nations voifmes viendroient
prendre part a cette oavigation ; tl y arriveroit
des matelots de tous cotes : FEurope ftpar^e
du rede du monde par la religion [a\ , par de
vaftes mers & par des d^ferts , ne fe r^pare
pas aipfi.
{a) Lcf pays Mah«»^faos rcntottrent prtfqiat par^^
tout.
aiS De l'Esprit piEs Lois;
C H A P I T R E XXVI.
Confiquences,
D E tout cec; I] faut condure que rEurope eft
encore aujourd'hui* dans le cas d'avoir befoin de
lois qui favorifent la propagation de refpece hu-
maine : auffi comme les politique s Grecs nous
parlent tou jours de ce grand nombre de citoyens
cjui traviaillent la r^publique , les politiques d'au-
^our*d*hui ne nous parlent que des moyens propres
a raugmenter.
C H A P I T R E XXVII.
De la loi faite en France , pour encourager la
propagation de I'efpece.
X«i ouis XIV ordonna (a) de certainei pen-
fions pour ceux qui ' auroient dix enfans , & de
plus fortes pour ceux qui €n auroient dofize.
Mais il n'etoit pas queflion de recompenfer des
prodiges. Pour donner un certain efprit general
qui portat a la propagation de refpece , il falloit
etablir , commev les Romains , des recompenfes
gen^ralss ou des peinfes gen^rales.
*
(a) Edit de 1666 , en faveur des mariages
Liv. XXIII. Chap. XXVIH
229
C H A P I T R E XXVIII.
Comment on peut nmidier a la dipopulatioru
X^ORSQu'uN it2X fe trouve d^pci3pl6 par des
accidens particuliers , des guerres, des peAes , des
famines , il y a des reflburces. Les hommes qui
redent peuvent conferver Fefprit de travail &
d'induflrie ; ils peuvent chercher a repair leurs
malheurs , & devenir plus induftrieirc par leur
calamite memc. Le mal prefqu'incurable eft lorf-
«|ue hi depopulation vient de longue main, par
un vice interieur & un mauvais gouvernement.
Les homines y ont p^ri par une maladie infen-
fible & habituelle : tiks dans la langueur & dans
]a mifere , dans la violence ou les pr^juges du
gouvemement , ils fe font vus ditruire , fouvent
lans fentir les caufes de leur deflrudion. Les pays
defol6s par le defpotifme , ou par les avantages
exceflifs du clerge fur les laiques , en font deux
grands exem pies.
Pour retablir un 6tat ainfi depeupI6 , on atten-
droit en vain des fecours des enfans qui . pour-
roient naitre. II n'cft plus temps ; les hommes
dans leurs deferts font fans courage & fans in -
duilrie. Avec des terres pour nourrir un peuple ,
on a a peine de quoi nourrir une famiile. Le
bas peuple dans ces pays n'a pas meme de part •
a leur mifere , c*eft-a-dire , aux friches dont ils
font remplis. Le clerg6 , le prince , les villes , les
grands, quelques citoyens principaux« font de -
Ye 篇 us infenfiblement pioprietaires de toute la coo*
%jo Di L*EsPRiT DEs Lois i
trie : elle efl inculte ; mais les families detruites
kor en ont laide les patures , & rhomme de tra-
vail n'a rien.
Dans cette fituation , il faudrbitfaire dans toute
r^fendue de retnpire , ce que ]es Remains fai-
ibient dans une paitie du leur : pratiquer, daos
la difette de^ habitans, ce qu*ils obfervoient dans
labondance ; diflribuer des terres a toutes les fa-
fnilles qui n'ont rien ; leur procurer les moyens
de les d^fricher & de les cultiver. Cette diftri -
bution devroit fe faire a mefure qu'il y aurott
un homtne pour la reccvoir ; de forte qu'il ny
eut poiu de moment perdu pour le travaiL
C H A P I T R E XXIX.
ves Hopitaux,
N homme n,eft pas pauvre parce qu'H n'a
rien , mais parce qu'il ne travaille pas. Celui qui
n'a aucun bien & qui travaille , eft auffi a fon
aiie que celui qui a cent icus de revenu fans
travailler. Celui qui n'a rien , & qui a un m^ier,
n'eft pas plus pauvrc que celui qui a dix arpens
de terreenpropre, & qui doit les travailler pour
fubfifter. Uouvrier qui a donn^ a fes enfans fon .
art pour heritage , leur a laifK un bien qui s'eft
multiplii a proportion de leur nombre. IJ n'en
eft pas de m^me de celui qui a dix arpens de
fonds pour' vivre , & qui les partage a fes enfans.
Dans les pays de commerce , ou beaucoup de
gens n'ont que leur art , V^iat eft fouvent eblig^
de pourvoir aux befolns des Vieillards , des ma*
kdes & <Ies orpkelins. Un ^ut bien polici tire
、
L I V. XXIIL Chap. XXIX. 13 1
cette fubfidance du fonds .des arts m^oies ; il
donne aiix uns les travaux dont ils font capables ;
il enfeigne les autres k travailler , ce gui iaitdeja
un travail
Quelques autn&nes que l,on fait ii un homme
nud dans les rues , ne rempliflcnt point les obli-
gations de r^tat, qui doit a tous^les citoyens uiie
lubfiftance aflur^e , la nourrtcure , tin vetetnent
convenable, & un genre de vie qui ne foit poinc
contraire a la fante.
Aureng-Zebe (<f ) k qui on detnandoit pour*
quoi il ne b^tiflbk point d*hdpitaux , dit : a Je
» rendrai men empire fi riche, ciu*il n'aura pas
,, befoin d'hopitaux "• II auroit fallu dire : Je com-
tnencerai par rendre mon empire riche, & je
batirai des hopitaux,
Les richefles d'un itat fuppofent beaucoup d*in-
duflrie. II n'cft pas poflible que dans un fi grand
nombre' de branches de commerce , il n'y en ait
toujours qnelqu'une qui fouffre, 6t dont par
coniiiquent les ouvriers ne foient dans une n"
tt&xi momentanee.
Ceft pour lors que retat a befotn d'apportef
un prompt fecours, foit pour empecher le peu-
•ple de foufFrir , foit pour ^vtter qu'U ne fe r"
\oke : c'eft dans ce cas qu'il faut des hdptuus ,
oil quelque r^glement equiyaidit , qui puifle pr4-
yenir cette mifere.
Mais quand la nation eft pauvre , la pauvret6
particuliere derive de la mifere ^i^n^rale ; 6c elle
cfl , pour ainfi dire , la mifere generate. Tous les
hopitaux du monde ne fauroient guer'tr cette pau-
vret^ paiticyliere; aa contraire, rcfprit de pa*
(s) Yoyex Char din, voyage cU Pcrfe , toniu
23^ t5H l'Esprit des Lois;
reffe qu*ils infpirent , augmente la pauvreti gi«
u^rale , & par conft^quent la particuliere.
Henri VIII {b) voulant reformer reglife d'An-
gleterre , ditruifit les moines , nation pare (Feu fe
elle-ifieme, & qui entretenoit 】a parefle des au-
tres , parce que pratiquant rhofpitalit^ , une in-
iv^ite de gens oififs , gentilshommes & bourgeois ,
paffoient leur vie a courir de couvent en con -
vent. II Ota encore les h6pitaux oil le bas peuple
trouvoit £i fubnfUnce , com me les gentilshommes
trouvoient la leur dans les monafleres. Depuis ce
changement , Fefprit de commerce ^ d'induilrie
s*etablit en Angleterre. 、
A Rome , les hopitaux font que tqpt le monde
eft a fon aife , except 纟 ceux qui travaillent , ex-
cepte ceux qui ont de I'induftrie, excepte ceux
qui cultivent les arts , excepte ceux qui ont des
terres, except^ ceux qui font le commerce.
J'ai dit que 】es nations riches avoient befoin
d'hopitaux, parce que la fortune y etoit fujette a
mille accidens : mais on fent que des (ecours paf-
fagers vaudroient bien mieux que des ^tabliflfe-
、! nens perpetuels. Le mal efl momentan^ : il faut
done des fecours de meme nature , 6c qui foienc
applicables a raccident particulier.
{b) Voyei Vhiftoirc de la r^forme d'Angleterre , par
M. 13urnet.
LlVRE
Liv. XXIV. Ghap. I
^33
LIV, RE XXIV.
Dcs Lois , dans U rapport qi!clh% ont avcc
la religion itabUc dans ckaquc pays ,
conjidcrie dans fc$ pratiques & m、lk*
mcmt:
C H A P I T R E PREMIER.
DCS religions en gineraL
^^OMME on peut juger parml les tinebres celles
qui ibnt les mojns ^paifles , & «parini les abymes
ceux qui font les moins profonds ; ainfi ron peut
chercher enjre les religions faufles celles qui font
ks plus coniortnes au bien de la fociete ; celles
qui , quoiqu*elles n'aient pas Feffet de mener les
homines aux f^licites de Fautre vie, peuvent le
plus contribuer a leur bonheur dans celle-ci.
' . Je n'examinerai done les diverfes religions da
monde , que par rapport au bien que Yon en tire
dans Petat civil ; foit que je parle c,e celle qui a
fa raclne dans le del , ou bien de celles qui cnt
la leur fiir la terre.
Comme dans cet ouvrage je ne futs point theo-
logien, mais ecrivain politique , il poiirroit y
avoir des chofes qui iie feroient entieremeat vraies
que dans une fa^on de penfer humaine , nayant
&34 D.E l'Esfrit DCS Lat&,
point iti c&nQAiries dans le rapport avec .des
^irites plus fublimes. •
A regard de la vraic religion , H ne faudra
que tr^s. peu d*^uiti pour voir que )e n'su jamais
pr^tendu faire ccder fes interets aux tnt^etspo-*
iidques, mais les unir: or, pourles unir^il hut
Us, connoitre.
La reltfion Chritienne, qui ordonne aux hom-^
miss de salcner^ veut dins doute que chaque
peuple ail les^ meilieures lois politiques & les^
tneilleures lois civiles ; parce qu'elles font apres-
elles le plus grand bien que les honunes puiuent
donner & recevoir.. ,
G H A.P1T ILE IL
Paradoxc dt Bayle^
M,BA?
lolt mieax etrc athee' qu'idolatre; c*eft-a-dirc^
en d'autres terines,^ qu'il eft moins dangereux de
n'avoir poiiit du tout de religion , (gst d en avonr
une mauvarfe. u J'aTaiemis mi^x , dltrit; que
' » I'bii dit moi que je n%xjffe pas ^ qpe &
» Fon dlfbit que fe iui& un niechant Bomme m
Ce n'eft qu"un fophifme^ fonde fiir oe, qu*il n'eft
d'aucune utility au getire hamain que ITon croU^
qu'un certain homme exifte> au Keu qu*il e(l
tres utile que Fon croie que Dieu eff^ De ride'c
Au,il n'efl pas » fuit Fid^ de notre independance
(<) Peof^es fttf k comet,, 8(c»
Liv. XXIV- Chap. II. aj?
oa, fi nous ne ppuvons pas avoir cctte idie >
celle de notre revoke. Dire que- la religion rfcft
pas tin motif rdprimant , parce qu'elle ne repri-
tne pas toujours , c'eft dire que les lois clviles ne
font pas ua 'motif repritnant non plus. .C'cft inal
ralfonner contre la religion « <k raflembler dans
un grand ouvrage une longue Enumeration des
•maux qu'elle a produits, fi I'on ne fait de mime
celle des biens qu'elle a faits. Si je vouIoU ra -
conter tous les maux qu*ontproduit dans le monde
les lois civiies , la monarchie , le gouvernement
republicain , je dirois des chofes efFroyables.
Quand U feroit inutile que les fujets enflent une
religion , il ne le feroit pas que les princes
euuent , quails blanehlfieift d'6cume le leul frein
que ceux qui ne cnugnent pas les lois hamaines
puiflent avoir.
Un prince qui aimela religion & aui la craint ,
cil un lion qui cede 4 la main (jui le flatte , ou
3i la voix (jui rappaife : celui qui craint la refi-
gion & qui la hait, eft comme les bites iauva-
ges qui mordent la chaine qui les emp&he de<e
J«icr fur ceux qui paiTent : celui qoi n,a point
• du tout de religion » eH cet animal terrible , qui
ne fent fa liberty que lorfqull dechire Sl qu*il
devore.
La quefh'on n'eft pas de favoir s*il vatt(!fx>it
inleux qu*un certain hotnme ou qu'un certain
peuple n*eut point de religion , que d'abufcr de
celle qu'il a ; mais de favoir quel eft le moindre
ma] , que I'on abufe quelquefois de la religion »
on qu'il n,y en ait poip 食 du tout parmi les
homines.
Pour dimlnuer ITiorreur de I'atlielfme » on
chaige trop ridolatrte. II n'eft pas vrai que ,
qnaod ks aniens ekvoient des scmels k querque
53^ De L'EsPRtT D£S LoiS ,
vice, ce!a iignifi^t qu'ils almafTent ce vice: cela
fignifioit au contraire qu,ils le ha'iiToient. Quand
ks Lacedemoniens e tiger en t une chapelle a la
Peur , cela ne fignifioit pas que -cette nation bel*
licjueufe lui demsnd^t de s'emparer dans les com-
bats des coeurs >des Lac6demoniens. II y avoit
des divinites a qui on demandoit de ne pas inf-
pirer le crime , & d'autres a qui or demandoit
de le ditourner.
CHAPITRE III.
Que le gouvermment moderi convimt mieux a la
religion chritienne ; & U gQUverncmtnt defpoti^
qut ,丄 la mahornctam* \
X^A religion Chritienne eft ^loignee du pur def-
potifme : c'eft que la douceur etant recom man-
dee dans r^vangile , elle* s'oppofe a la colere def-
potique avec laquefle le prince fe fetoit juiUcs »
& exerceroit fes cniautes*
、 Cctte religion defendant la plurality des fem-
mes, les princes y font moins rertferm^Sj.moinfr
fipar^s de leurs fujets,' & par oonfi^quent plus
hommes; ils font plus difpofes a fe faire des
lois ^ & plus capables de fentir quals ne p^uvent
pas tout.
Pendant que les princes Mahometans donnent
fans cefle la mort ou la re9oivent , la religion
cfiez les Chr<stiens rend les princes mojns timides ,
& par conf^quent moins cruek. Le prince compte
fur fes fujets , & les fujets fur le prince. Ch» fe
admirable! la religion Chretienne ,、qui ne femble
Liv. XXIV. Chap. III. 157
avoir d 'oh jet que 】a felicit^ de I'autre vie , fait
encore notre bonhcur dans celle-ci.
C,eft la religion Chretrenne , qui, tndlgri la.
grandeur de I'empire & le vice du cliinat , a
empeche le defpotifme de s*^tablir en Ethio]^ »
& a port6 au milreu de f Afrique les moeurs de
rEurope '& fes lois.
Le prince Writier d'Ethiopie Jouit dune prin-
cipaute , & donne aux autres fujets I'ex^mple
de Famour & de I'ob^iffance. Tout pr^s de ji ,
on voit le Mahometifme;, faire enfermer les en-
fans du [a] roi de Sennar ; a fv. mort, ie confeS
les envois egorger , en faveur de celui qui monte
fur le trone.
Que d,un cot6 Fon fe tnette devant k$ yeux
les malTacres continuels des rois & des Chefs
Grecs & Romains ^ & de I'autre la deflrud^lon
des peuples & des villes par ces memes chefs ;
TWmur & Gengiskan , qui ont devafl^ I'Afie ;
& nous verrons que nqus devons au Chriftianif-
me , & dans le gouvernement un certain droit
politique , & dans la guerre un certain droit des
gens, que la nature humaine ne fauroit afTezre -
connoitre.
C'eft ce droit des gens qus fait que , paripV
nous , la vid^oire laiiTe aux peuples vainc^» ces
trandes chofes , la vie, la liberte , les loHv
iens , & toujours la religicm ^ lorfc^u'on ne s'a-
veugle pas foi-meme.
On pent dire q^e 】" peuples de rEurope ne
font pas ai^ourd^hui plus d6fani» que ne retoient
dans rempire Homain devenu defpotique & mi-
(a) Refation d*Ethiopie , par le fieur Ponce , me^
~^e€in > au quatrkme cecueii oes Ifttre»n£difiaate$«
De i*EsnuT ois Lois ;
4haire , les peoples & ks mates, ou qae M
Fetciait ks arm 仏 entr'elles ; d'un coti , les ar -
mees fe fiufoient la guerre ; & de I'amre , oa
lenr donnoit le pillage de» yilles, 6c le partage
Oil ii confiscation des terresik
C H A P I T R E IV.'
ConfiqutMces du caraBere de la religion chridenne ,
& dc celui de la rdigioa mahomiuuu,
SuR le caradere de la religion Chretienne 8c
celui de la Mahom^tane, on doit , fans autre exa—
men , embracer Fune & rejeter I'autre : car if
nous eft bien phis Evident qu^une religion doit
adoucir les tnoeurs des hommes , qu*if ne red
^'une reli^on foit vraie.*
Ceft un malheur pour la nature hutname , lorf-
que la religion eft donn^e par un conqii^rant. La
religion Mahometane , qui ne parte que de glaive »
agit encore fur les hommes avec cet efprit def-
trudeur qui I'a fondie.
I^iiAoire de Sabbacon (tf), un des rois paA
tcuri / eft admirable. Le Dieu de Thebes , 】ui
apparm en fonge , & lui ordonna de faire mou-
rir tons les pretres d'Egypte. U jugea que les
dteui n'ayotent phis pour agr^able-qu'il regnat ,
puifqulls hii ordonnoiem des chofes fi contrai—
res a leur volonti ordinaire ; & il fe retira eir
Ethiopie.
m
L IV. XXIV. Cha^. IV. a,.
CHAPITRE V.
Qu€ Is reHgiofi cathoUqtu cmvient mtcux i im
monarchic , & que la frotefiamc s'accommodc
muux~ d'uae ripublique^
X^ORSQu*uK£ religion nalt & k fbrme dans un
^rat , elle fuit ordinairement le plan du gouver-
nement oii elie e(l etablie : car les homines qui
la resolvent, & ceux qui la font recevoir, n,ont
guere d*autre id^e de police que C2lle r^tat
Sans leqtiel ils font
Quand la reHglon Qir^tienne fouffnt , ii y a
deux fiecles, cc malheuraix partagie- qui la divifa
en . catholique & en proteftante, les peuples da
nord embrafierent la proteftante , & ceux du
tnidi garderent \t cathofique.
Ceft que les peuples du nord ont & aoront
toujours un efprit d*in4^pendance & de libertd
qtie n,ont pas les peupies du xnidi ; & qu'une
religion qiu n,a point ae chef vifible ^* convient
mieux a Findependance du dimat , que celle qui
en auo.
Dans les pays memes ou ia refigion. protcf-
tante s*^tab!it , les rivolufions fe firent (uf le' plaA
de Fetat poRiique. Luthet^zyM pour lui de grands
princes, n'auroit guere pu leur faiie gauter unef
autorite ecd^fbfiLque qui n'auroit point eu de
pre^miiience ext^ieure ; & Calvin ay ant pour lui
oes peuples qui yivoient dans des r^publiques, on
des bourgeois obfcurcis dans des monarchies ji,
pouvQjt tort bien ne pas Etablie des preemrnexk*
%40 De l'Eeprit du Cois;
Chacune de ces deux religions pouvoit fe croire
la plus parfaite^ la Calvinnte fe ]ugeant plus con-
forme a ce que Jefus-Chrift avoit dit, & la Lmt
therienne a ce que Its Ap6tre$ avoieht fait.
C H A P I T R E V I. 、 ^
j4utre paradoxe de Baylc,
M • Bayle, apr^s avoir infulte toutes Its re-
ligions , fletrit la religion Chretienne : il ofe avan-
cer que de veritables Chretiens ne formeroient
pas un etat qui pfit fubfifter. Pourquoi non ? Ce
leroient dcs cieoyens infiniment eclaires fur leurs
devoirs , & qui auroient un tr^s grand zele pour
les remplir ; lis fentiroient tres bien les droits de
la d^fenfe naturelle ; plus ils croiroient devoir a
]a religion , plus ilspenferoient devoir a la patrie*
Les principes du (Jhriftianifme bien graves dans
le coeur , feroient infiniment plus forts que ce faux
hontieur des monarchies , res vertus humaines des
r^puWique* , & cette crainte fervile des 6 tats
defpotiqiies.
11 eft etonnant qu'on pulfTe imputer a ce grand
horn me d*avoif meconnu refprit de fa propre re-
ligion ; qu*il n^ait pas fu didinguer les ordres pour
rJtabliffement du Chriftistnifme , d*avec le Chrif-
tianifme tneme , ni les pr^ceptes de revangile
d,avec fes confeils. Lorfque le iegiilateur , au lieu
de donner des lois , a donne des confeils , c'eft
qu'il a vu que fes tonfeils , s*ils ^toient ordonnes
comme des lois , feroiem coatraires a refprit de
fes lois»
Chaf.
Li V. XXIV. C«AP. VIL 041
C H A P I T R E VIL
Dts lots ik perfeS&on dans la rd^pan.
ICjhES lots humaines , faites pour parler \ Fefprit,
doivent donner des priceptes & point de con -
feils : la religion, £aite pour parler au coeur , doit
donner beaucoup xle coafeils & peu de pr"
ceptes. , *
Quand, par exemple , efle donne des regies,
non pas pour le bien , msus pour le meilkur ;
non pas pour ce qui eft bon , mais pour ce qui
"eft parfait ; il eft convenable que ce foient des
confeils & non pas Ae% lob: carta per&ftion ne
regards pas rumverfafit£ des hommes m des chofes.
plus , fi ce font des lois , il en faudra une infi-
nite d*autres pour £ure obferver les premieres*
Le c^libat (at an confeil du ChriftiaQilme : lorf-
qu'on en 6t uiie loi pour an certain ordre de gens 參
il en fallut chique your de nouvelles (a) pour r6-
duire les homines ^ robferratson ae celie-cL
Le legiilateur fe fatigua, il fajigua la fociet^,
pour ? aire cix^cuter aux hommes par pr^cepte ,
ce que ceux qui aiment la perfeaion auroient
ex^cut6 comme confeil.
Tom. III.
14^ De L'EiPRiT DEs Lois
C H A P I T R E VIII.
De I, accord des his dt la morale avcc ceUes dc
la reli^pn,
3[3ans un pays ou l,on a le malheur d'avoir
line religion que Dieu n'a pas donn6e , U、 eil
fbu jours neceUaire qu'elle s'accorde avec la mo-
fale ; pares que la religion , meme fauiTe , eft le
tncilleur g^rant que les hommes pui0ent avoir de
}a probity des homines,
Les points principaux de la religion de ceux
de P^gu (^a) font de ne point tuer » de ne point
voler , d'^viter rimpudicite , de ne faite aucun
deplaifir k (on prochain', de lui faire au con —
traire tout le bien qu'on peut. Avec cela ils
croient qu'on (e fauvera dans qitelque religion
que ce foit ; ce qui fait que ces peuples , quoiw
que fiers & pauvres ^ ont de la douceur & de
la compadion pour les malheureuk.
(a) Recueil des voyages qui ont fervl k I'^tabliiTe*
went de la conpagnie des ^des , torn. III. p«t, I»
m
Liv. XXrV. Chap. X, 145
CHAP IT RE IX.
JDtis EJfiem.
^^£S Efleens 《<z) faifotent voeu d'otferver la
iuftice envecs les hommes, de ne faire de mal
a per fo one, meme pour ob6ir, de haiir les in-
luAes 9 de garder la foi a tout le monde, de
commander avec modeftie , de prendre toujours
le parti de la verite , de fuir tout gain ilUcite,
CHAPITRE X.
' Dc la fc^e Sidiqtu*
3Li£s diverfes fe3e$ de philofophie chez ks an-
ciens , pouvoient 8tre confidecees ,comme des
e{peces de religion. II n'y en a jamais eu dont
les principes fuiTent plus dignes de I'liomme , &
plus propres a former des gens de bien, que
4celle des Stoi.iens; & fi je pouvoisun moment,
ceffer de penfer que je fuis Chretien ^ je ne pour*
rois m^emplcher de mettre la deftru^ion de la
feiSe de Zenon au nombre des malheurs du genre
humain.
Efle n'outrolt que les chofes dans lefquelles il
y a de la grandeur : le m^pris des plaifirs &
de la douleor.
W Hifioire des latfsi par Prideaux.
X 2
244 De lTsprit des Lois
EUe feult favoit faire les citoyens ; eDe feule
faifoit les grands homines ; elle feule faifoit ks
grands empereurs. ,
Faites pour un mometit abftradion des —
tis r^velm ; cherchez dans toute 】a nature, 8c
vous n'y trouverez pas de plus grand objet que
les Antofuns, JuUen meme , Juliin , ( un fufFrage
ainfi arrachi ne me rendra point complice de
fon apoftafie ) non , il n'y a point eu apres lui
de prince plus digne de gouveraer les hommes.
Pendant que les Stoiciens regardoient comme
line chofe vaine les richeffes , les grandeurs hu-
maines , la doukur , les chagrins , les plaifirs »
lis n'itoient occup^ qu'i.fravailler au bonheur
des homines , ^ exercer les devoirs de la focieti :
il (embloit qu'ils regardaflent cet efprit facr^ qu'ils
croyoient etre en eux*inemes, comme une cf-
pece de providence (avorabk qui veilloit fur le
genre humain.
N^s pour la (ocxhiy ils croyoient tous qu^
leur deftin ^toh de travailler pour elle: d'autant
moins a charge , que leurs ricompenfes etoient
toutes dans eux-^memes ; qu*heureux par leur
philofophie feule, irfembloit que le feul bon'
beur des goitres put augmenter £e leur.
Liv. XXIV. Chap. XL 14;
C H A P I T R E XI.
lES hommes itant faits pour fe conferver, pour
tions de la、 loci^t^ , la religion ne doit pas ieur
donner une vie trop contemplative
Les Mahometans deviennent fpiculatifs par
habitude; ils prient cinq fob le jour, & chaque
ce monde : car cela les forme k la fp^culatioiL
A)outez a cela cette indifference poor toittes
choices, que donne le dogme d'un deflin rigide.
Sji d'aiil^urs cTautres caufes concourent 9i leur
infpirer 】e d^tachement : comme , fi la durete da
Souvernement , fi les lois concemant la propri^t^
es terres , donnent iin efprit pricaire ; tout eft
perdu.
La religion des Guebres rendit autrefois le
toyaume de Perfc florifTant; elle corrigea les
mauvais efTets du defpotifme : la religion M^-
hom^tane d^truit aujourd'hui ce m&ne empire.
(a) Ceft riiiconv^nient de la doctrine de Fo'i & dc
Laockiam.
Dc la contemplation*
24^ De l'Esprit des LomJ
C H A P I T R E XII.
Dts pinkences,
1l eft bon que les penitences (brent jomtes avec
Yid^ de travail , non avec Fid^e d'oifivete ; avee
fid^e da bien, non avec Hd^e de Fextraordi-
naire ; avec I'idee de frugality , non a^ec Fidee
d'ayarice»
C H A P I T R E XIII.
JDts crimes inexpiahks,
paroit , par un paflage des Kvres des pon:
tifes , rapport^ par Qciron (tf ) » qu*il y avoit
chez le$ Remains des crimes {b) inexpiables ;
& c'efl: la-defTus que Zo^yme fonde le recit fi
propre a enyenimer les tnoHfs de la converfion -
de Conjlantm , & fuRen cette raillerte amere qu*il
£siit de cette meme converfion dans fes Ceiars.
La religion paknne qui ne defendoit que que 卜
ques crimes groffiers, qui arr droit la main &
^andonnoh le coeur , pouvoit avoir des crimes
inexpiables. Mais une religion qui enveloppe
toutes les paflions ; qui n'elt pas plus ^aloufe ctes^
(a) Liv. II. des lois. • . •
(b) Sacrum commijfum » quod neque expiari poteritp.
hnpU commijfum efi ; quod expiari fourU,fuWUifaca>
dotes cxpianta.
L X V. XXIV. Chap. XIII. ^47
ddions que des deflrs & des pen(*(&e$ ; qui ne
noys tient point attaches par quelques chainei ,
trtais par un nombre innombrable de fils ; ^ui
laiffe derriere elle la juflice humaine , & com-
mence une autre juftrce ; qui eft faite pour mc*
net fans cefle du repentir a l,anioi?r, & de l,a-
tnouf aq repentir; qui met entre le juge & fe
criminel tin grand mediateur , entre le jufte &
le mediateur un grand juge ; une telle religion
ne doit point avoir de crimes inexpiables. Mais
qi^oiqu'eile donne des cralntes ik des efperancC'S
a tous , elle £^it afTez fentir que , s*il n'y a point
de crime qui par fa nature foit inexpiable , toute
une vie peut I'etre ; qu'il feroit tres dangereux
de tourmenter fans cefle la mifericorde par de
nouveaux crimes & die nouvelles expiations ;
qu'inquiets fur les anciennes dettes , jamais nnittes
envers le Seigoeur , nous devqns cfaindre d'en
contraSer de nouvelles, de combler la mefure ,
& d'ailer jufqu'au terme ob la bont^ paternelle
C H A P I T R E* XV.
Comment la ji^^odt la religion s, applique a "lit
des his civiles^
CoMME la religion & les lois civiles doivent
tendre principalement a rendre les hommes bon$
citoyens , on voit que , lorfqu'une des tleux s'e-
cartera de ce but , I'autre y doit tendre davan-
tage : moins la religion fera reprimante , plus
les lois civiles doivent r^piimer.
Ainii au Japon la religion dominante o'ayant
X 4
t'EsPRiT D£s Lois r
prefquc poim de dogtiies , & ne propofant point
oe paradis ni d'enfer , les lois, pour y fuppleer,
ont iih fakes avec nne ftv6rite & executees avec
une pondualite extraordmaire. 、
Lorfque la religion ^ablit le dogme de la ne-
ceflit^ des actions humaifies , les peines des lois
doivent etre plus ftreres & la police plus vigi-
lante , pour que les homines , qui fans cela s a-
bandonneroient eux-m^mes , foient determines
par ces motifs : mais fi la religion ^t^litle dogme
de la libert^ , c*eft autre cnofe.
De la pareffe de Fame , nait le dogme de hi
predeftination Mahometane ; & du dogme de
cette predefiination , nait la pareffe de Fame*
On a dit : Cela eft dans les d^crets de Dieu;
il faut done refter en repos. Dans un cas pareil ,
on doit exciter par les lois les hommes endoraiis
dans la religion.
Lorfque )a religion condamne des chofes
les lois civiks doivent permettre , il eft dangp-
reux que les lois civiles ne peitnettent de leur
coi6 ce aue la religion doit condamner ; une de
ces choies marquant toupurs un defaut d'barmo-
nie & de juftefle dans ks idees , qm fe repand
fur rautre.
Ainfi les Tartares \a\ de Gengiskan , che,
lefquels c'6toit un p^ch^ & mSme un crime ca^
pital , de mettre le couteau dans lefeu, de s'ap-
puycr contre un foue^^, de battre un cheval
avec fa bride , derompre un os avec un autre,
ne croyoient pas qu'il y e&t de p^cb6 a violer
{a) Voyez ts reIatioi> de here Jean DufTan Carpm^
envoy 4 cn Tartacie par le Pape Innocent iV» cnhik
ttie 124^.
Liv. XXIV. Chap. XIV. 249
la foi , a ravir le bien d'autrui , a faire injure 4
un homme , k le tuer. En un mot , les lois qui
font regarder comtne n^ceflgire ce qui eft in-
difF(^rent , ont cet inconvenient , qu'elles font
conHderer comme indifferent ce qui eft n^cef-
faire.
Ceux de FormoCe (^) croient une efpece d'en-
fer ; fnais c'eft pour punir ceux qui ont manqn^
d'aller nuds en certaines faifons^ qui ont mis
des vetemer^s de toile & non pas de foie , qui
ont et6 cheicher des huitres , qui ont agi fans
confulter le chant des oifeaux : aufTi ne regar-
dent-ils point comme p^ch^ rivrogncrie & le
der^glement avec les fexntnes ; ils croient m^me
que les debauches de leurs enfans font agr^ables
a leurs dieux.
Lorfque la religion )uftifie pour une chofe
d*accident , elle perd inutilement le pins grand
reflbrt qui foit parmi les homines. On croit ,
chez les Indiens^ que les eaux du Gargs ont une
vertu fandifiante [c] ; ceux qui meurent Cur fe$
bords , font reputes exempts des peines de Faii-
tre vie , & devoir habiter une region pleine de
delices : on envoie des lieux les plus recules , des
urncs pleines des cendres des morts , pour les
jeter dans le Gange. Qu'importe qu*on vive ver-
tueufement , ou non i on fe fera jeter dans le
Gange.
Uidee d'un lieu de ricompenfe , ^mporte -
ceiTairement I'idee d'un fqour de peines ; &
(h) Recueil det voyages qui ont fervi k r^tabli^Te-
meot de U coropagnie des Indcs , torn. V. part* L
pag. 191.
(c) Lettres ^dif. c{^inzicme r«ciifil.
De l'Esprit oes Lois;
quand on efpere I'un fans craindre Fautre , les
lois civiles n'ont plus tfe force. Des hommei^
qui croient cfes r^compenfes Aires dans I'autre
vie , echapperont au legiilateur : ils auront trap
de m^pris pour la mort. t^uel moyen de con—
tenir par les lois un homme qui croit etre sur
que la plus grande peine que les magltrats Jui.
pourront infllger , ne finira dans u!i moment que
pour commencer fon bonheur i
C H A P I T R E XV.
Comment les lois civiles corrigent quilqtufois Us
faujfcs relipons,
E refpeft pour les chofes anciennes , la
fimplicite ou la fuperftition , ont quelquefbis
^tabli de^ myfteres eu des ceremonies qui pou—
voient choquer la pudeur ; & de (Tela les exem-
ples n'ont pas ite rares dans le monde. Ari"
tote [tf] dit que , dans ce cas , 】a loi permet que
les peres de famille aillent au temple c^l^brer ces
^ myfteres pour leurs femmes & pour leurs enfans.
Loi civile admirable , qui conlerve les moeurs
centre la religion !
Augufte [6] defendit aux jeunes gens de run
& de 卩 autre lexe d'afllifter a aucune ceretnonie
nocturne , s'ils n'etoient ^ accompagn^s d'un pa-
rent plus age y & lorfqu'il retablit les fetes (c) lu-
(a) Politique , liv. VII. chap, xviu-
\c) Ibid,
Li V. XXIV. Chap. XV.
-percales , il ne voulut pas que les jeunes gens
couruiTent nuds.
C H A P I T R E XVI.
Comment Its hh dt la religion corrigent hs in 一
conveniens dt la conJHtution politique.
,u N autre cot^ , la religion peut foutenir
r^tat politique , lorfque les lois fe itrouvent dans
nmpuifTance. -
Ainfi , lorfque Fetat eft fouvent agite par de$
guerres ciyiles , la religion ("era beaucoup , fi elle
etablit que quelque partie de cet itat refte tou-
jours en paix. Chez les Grecs , les Ellens, com -
sne pretres d'ApoUon , jouiflbient d'une parx
iternelle. Au Japon (a) , on laifTe toujours en
paix la ville de M^aco , cju\ eft une ville fainte :
fa religion maintient ce reglement ; & cet em-
pire , qui femble etre feul fur la terre , qui n*a
& qui ne veut avoir aucune reffource de la part,
des Strangers , a toujours dans fon fern un com-
merce que la guerre ne rurne pas.
Dans les etats ob les guerres ne fe font pas
par une deliberation commune ,& oil les lois ne
le font laifTe aucun moyen de les terminer ou,
de les prevenir , la religion ^ablit des temps de
paix ou de treve , pour que le peuple puHFe
(a) Recueit des voyages qui ont fervi a r^tabUffe*
ment de U compagnie dt$ kid«s > torn. 1V» put.
137« Z
De l'Esprit des Lois;
fairs les chofes fans lefquelles I'^tat ne pourroi*
fubfliler, comme les femailles & les travaux
pareils.
Chaque annie , pendant quatre mois , toute
hoftilit^ ceflbit entre les tribus [h] Arabes : le
ipoindre trouble eut 在 t6 une impi6t6. Quand
chaque feigneur faifoit en France la guerre
ou la paix , fa religion donna des treves , qui
devoient avoir lieu dans de certaines faifons*
C H A P I T R E XVIL
Condnuation du mime fujet.
L
ORSQu'iL y a beaucoup de fujets de haine
dans un etat , il faut que la religion donne beau-
coup de moyens de reconciliation. Les Arabes ,
peuple brigand , fe faifoient fouvent des injures
& des injufiices, Mahomet (a) fit cette loi : " Si
y> qUelqu'un pardonne le fang de fon frere {b) ,
,, il pourra pourfuivre le malfaiteur pour at%
" dommages & int^rets : mais celui qui fera
" tort au mechant apr^s avoir re^u fatisfadtion
" de lui , foufiVira au jour du )ugement cUs tour-
" mens douloureux "•
Chez les Germains , on Mritolt des halnes &
des inimiti^s de fes proches : mais elles n'etoient
pas ^ternelles. On expioit rhomicide , en don-
9\ ^oyez Prideaux, vie de Mahomet , pae« Ca^
>?( pans I'Alcoran , liv. I. ch. de U vaciU..
Liv. XXIV. Chap. XVI. 153
rant une certalne quantite de b 圣 tail , & tpute la
famille recevoit la fatisfadion : chofe tr^s utile ,
Alt Tacite {a) , parce que les inimhi^s font fort
daneereufes chez un peuple libre. Je crois bien
3ue les miniftres de la religion , qui avoient tant
e credit parmi eux , entroient dans des recon-
ciliations.
Chez les Mala'is [b] , ou la reconciliation n*eft
pas etablie, celui qui a tu6 quelqu*un , sur d'etre
afTafline par les parens ou les amis du mort, s*a-
bandonne a fa mieur , blefle & tue tout ce qu'il
rencontre.
C H AP I T R E XVIII.
Comment les lois de la rellpon ont Vefftt dcs
his civiles.
ES premiers Grecs ^Itoient de petits peuples
fouvent difperfts , pirates fur la mer , injuftes
fur la terre , fans police & fans lois. Les belles
adions d'Hercule & de TWfee font voir F^tat
oil fe trouvoit ce peuple naiflant. Que pouvoit
faire la religion , que ce qu'elle fit pour donner
de l*horreur du meurtre ? Elle etablit qu,un
homme tue par violence {a) ^toh d'abord en
I
(c) De morih, German,
(d) Recueil de$ voyages qui ont fcrvl i r^tablif*
fetnent de la compagnie des Indes , torn. vii. p. %o^*
Voyez auffi les m^moires du comte de Forbio » ecce
311," dit fur les MacafTiirs. ,
(tf) PI 細, dcs loU , Uy fx.
254 De l'Esprit oes Lois;
colere contre le meutrier , qu'il lui infpirolt da
trouble & de la terreur , & vouloit qu'il lui
cedat les lieux qu'il avoit fr^quent^s ; on ne pou-
voit toucher le criminel , ni converfer avec lui,
fans etre fouille (^) ou inteilable ; la prefence du
meurtrier devoit etre^pargnie a la ville, & il
falloit I'expier (c).
W W W W w w w w w w w %^ w w
^\ ^\ ^\ ^\ /*S ^\ ^\
C H A FI T R E XIX.
Que cejl mains la vcriti ou la fauffcte (fun dogrru
qui U rend utile ou pemicieux aux hommes dans
i, Stat civil , que fujage ou tabus que Ion ea
fait.
Xjes dogmes les plus vrais & les plus faints
peuvcnt avoir de tres mauvaifes confequences ,
lorrqu'on ne les He pas avec 1^6 principes de la
foci^te i & au contraire , les dogoies les plus
faux en peuvent avoir d'admirables , lorf-
qu'on fait qu'ils fe rappoitent aux memes prin-
cipes.
La religion Confucius \a\ nie rimmortaliti
{h) Voycz la trag. d'CEdipe a Colonne.
(c) Platon , des lois , liv. IX.
{a) Un phitofophe Chinois areumente ainfi contre fi
dlo^rine ae Foe ; » 11 eft dit oans un livre de cette
», feAe, que notre corps eft notre domicile , &l'aine
»» !' h6te(re immortelle qui y loge ; mais (i le corps de
,, nos parens n'eft qu'un logement , il «ft naturel de ie
n regarder avec le m^me m^pris qu'on a pour un tas
,, de boue & de terre. N'eft-ce pas voiiloir arracher
M du cttur la vcrtu de L'amour de- parens } C«la pm*
Liv. XXIV. Chap. XIX. 155
I'ame ; & la fe6le de Zenon ne la croyoit pas.
<2ui le diroit ? ces deux fe^tes ont tir^ de leurs
.vnauyais principes <les confequences , non pas
^juftes , mais admirables pour 】a foci". La re-
ligion des Tao & des Foe croit l,immortalit》 de'
raiTie : mais de ce dogme fi faint , iis ont tire des
confequences afFreuies.
Prelque par tout le monde & dans tous les
tetnps , ropinion de ritnmortalit^ de fame mal
prife a engage les femmes , les efclaves, les fu-
|ets, les amis , a fe tuer, pour aller fervir dans
i'autre monde fobjet de leur refped ou de leur
amour. Cela etoit ain(i dans les Indes Occident-
tales ; cela ^tolt ainfi chez les Danois [b] ; &
cela eft encore aujourd'hui au Japon (c) , a Ma-
cafTar [d\ , & dans plufieurs autres endroits de la
terre. "
Ces coutumes ^manent moins dire£tement du
fdogme de rimmortant^ de Fame , que de celui
jAe la r^furredion des corps ; d'oii I'on a tiri cette
fconf^quence , qu'aprb la tnort un m^me indi-
vidu auroit les memes befoins , les mSmes fen-
timens , les monies paffions. Dans ce point de
vue , le dogme de rimmortalit^ de Fame affede
prodigieufement les homines ; parce que Fi-
,» de tn^me a n^gUger le foin du corps , & i lui refu-
,, fer la compaflion & I'afTe&ion ft n^ceffaires pour fa
»» confervation : ainii les difciples de Foe fe tuent a
M milliers CWrage cl,un pliilofoph^ Chinois , lijinsl^
recueil du p»7du Halde , torn. III. p. 口.
(h) Voycz Thomas Bartholin , antiquit^s Danoifes*
( c ) Relation du Japon , dans le recueil des voya-
ces qui ont fervi i I'^tabUiTeinent de la compagnie dey
hides,'
(d) M^noires de Forbin.
De l*Esprit d£s Lois
iTun fimple changement de dcmeure eft
phis a ia portee de no【re efprit , & flatte plus
notre coeur , que Hdee d'une modification nou -
velle,
,Ce n'eft pas aflez pour une religion d'etablir
un dogme ; il faut encore qu'elle le dirige. C'eft
ce qu'a fait admlrabiement bien la religion
Chretienne a I'egard des dogmes dont nous par-
loos : eile nous fait efperer un ^tat que nous
croyons, non pas un 6tat que nous fentions ou
• que nous connoiffions : tout , jufqu'a la refurrec-
tion des corps , nous mene 4 des idees fpiri-
tuelles.
C H A P I T R E XX.
Continuation du mem fujtu
T
JL^ H s fivres («) facris des anciens Perfes , di-
foieiu : " Si vous voulez etre laint , inftruifez
,, vos enfans , parcc, que toOtes les bonnes
!j a^ons quails feront vous ferom imputeei
lis confeilloient de fe marier de bonne heure ;
parce que les en&ns feroient comme un pont
jour du jugement , & que ceux qui n'auroient
j^oint d enfans ne poMrroient pas pafler. Ces
oogmes ^toient faux , mais ils 6toient tr^s
utiles.
W M. Hide.
/5
C H A P I T R E
Dt la mitempfycoff.
L
E dogme de rimmortalite de Fame fe divife
en trois branches : celui de rimmortaliti pure.,
celui du fimple changement de demeure , celui
la metempfycofe ; c'eft-a-dire, le fyfteme
des Chretiens , le fyftSme des Scythes , le fyf-
teme des Indiens, Je viens de parler des deux
premiers ; & je ydirai du troifieme , que , comme
fl a hii bien & mal dirig^ , il a auxindes de bons
& de mauvais effets : comme il donne
mes une certaine horreur pour verfer le fang , il
y a aux Indes tris pea ae meurtres ; & quoi-
qu'on n'y puniflTe guere <Ie mort , u>ut le monde
y eft tranquille.
D'un autre cdt 在, les femmes s'y brulent \ la
mort <k leurs maris: il n'y a que ks ianocens
qui y fouffrenr une mort vioknte*
CH A PIT RE XX I L
ComBUn U efl dangenux que la ttUpon infpin ic
' tkwrtwr pour des chofes indiffirmtes.
N certain honneur que des-prijtigis de re-
^tablifTent aux Indes , fait que les diverfes
out borreur tines des aiKres. Cet bon-
Y
2^5 De L-'EsPaiT DEi Lois»
nenr eft tmiquement fonde fur la religion ; #s
diAindions de famiUe ne fbrment pas des diftinc-
tions' civiles : il y a tel Indien qur fe croirolt
d^shonore , s'il man^eoit avec fon roL
Ces fbrfes de diuin&ions font liees a une
certaine avetton pour les autres homines ,
bien dilFe rente des fentimens que doivent
£ure naitre les differences des raiigs , qui par-
mi nous , contiennent Famour pouf les infe.-
sieurs.
Les Bpis de h religioir ertteront dlnfpirer
cTautres tnepris que celui du vice , & fuTtout d'e-
loigner fes homines de KamouF 6c de la^pitie pour
les hommes*
La religion Mahom^tane , & la* region In*-
cBenne ont dan» leur fein un nosnbre in&ii de
pcuples^r les Indiens ha'fiTent les Mahometans>
parce qu*il$ mangent de la vache ; hs Mahom6-
tans deteflent les bidiens , parce qu'ik mangent
du cochom
G H A.P 1 T R.E XXIIL
JDcs jfctes*.
Q[ UAND. une religion. orJonne la ceflanon db
travail , e\h doit avoir egard aux beifoins des
hommes., plus qu'a. la grandeur de l,£tre qu'elle
feonore.
C'Stok a. Atlienes (a) un grand mcoirv^nient
que le trop grand nombre de fetes. Chez ce
W Xinophoft, de la i^puliljque d, Athene 桌 》
Lxv. XXIV. Chap. XXIII. 1^9
peuple dominateuf , devant qui toutes les villes
de la Gr*ce venoient porter leurs difF^rends , o 纖
ne pouYoit fuffire aux affaires.
Lorfque Conflantin ^rablit que Yon chomerolt
(e dimaache , il fit cette ordonnance pour les
villes [^1 , & non pour les peuples de ia campa-
gne : il lentoit que dans les villes etoient les tra-
vaux utiles , & dans les campagnes les travaux
neceffaires.
Par la mime ralfon , dans les pays qui fe
. maintiennent par le commerce , le nombre des
fetes doit etre relatif a ce commerce rn^me.
, Les pays proteftans & les pays catholiques f6nt
lltues [c] de maniere que I on a plus befoin dc
travail dans les premiers que dans les feconds :
la fupprefiion des fStes convenoit done plus
aux pays proteftans qu'aux pays catholiqaes.
Dampierre [d] remarque que les divertiffe-
mens des peuples varient beaucoup felon les
climats. Comme les clhnats chauds prodaifent
quantity dc fruits d^licats , les barbares , qui
trouvent d'ajbord le n^ceffaire , emploient plus
de temps a divertir : les Indiens des pays froids
n*ont pas tarn de loifir , il faut qu'ils p^chent &
chafTent continuellement ; il y a done chez eux
tnoins de danfes , de muiique & de feftins ; &
une religion qui s'etablirblt chez ces peuples , cie-
vroit avoir ^ard a cela dans riiuUtution des
fetes.
Leg. 3. cod. de fonis,Cttte loi n'^toit faite
fans doute que pour les paiens..
(0 Les catholiques font plus vers le midi , & lei
proteflans vers le>nord.
id) Noavcaux voyagts autoar da monde, tomw II..
Y %
46o De l'£sprxt dis Lois
CHAPITRE XXIV.
Pes lots dc reUffon tocaks*
L y a beaucoup de lois locales dans les diverfes
religions. Et quand Mont^fuma s'obflinoit tant
& dire que la religion des Efpaenols etoit bonne
pour leur pays , & celle du Mexique pour 】e
Sen , U ne difoit pas une abfurdite ; parce
3u*en effet les l^giflateurs n'ont pu s*empecher
'avoir ^ard a ce que la nature avoh ^tabU
avaiu eux»
Uopinioft d€ la m^empfycofe eft £ute pour
le climat des Indes. L'exceflave chaleur brule \a\
tomes Its canmaenes ; oa n*y peut nourrir que
tres peu de betaU ; on eft toujours en danger
d,en manqnec pour k labour age ; les boeufs ne
s*y inukipllent [^] que m^diocreinent , ils font
fiijets a beaucoup de maladies:. une hoi de religion
qui Jes coni^rye , eft done tr^s coaveoable a la
police du pa^s.
Pendant que let ptanies font bHU^, te riz
& let H^gmnes y croiflent heureufement , par
les eaux qu^on y peuti employer t une loi 4t
religion qui ne permet que- cette nourrkufre ,
cfl done tres- utUe aux hommes dans ces cli«
mats. '
(a) Voyage de Bcmier, torn. ir. pag; 157-^
Liv. XXIV. Chap. XXIV. t6^
La chair (c) des befiiaux n'y a p.as de gofit#
& le hit & le beurre qu'ils en tircnt , font une
partie de leur fubfiilance : la lot qm defend dc
manner & de tuer des vaches , n'eft done pas
d^raifonnable aux In des.
Athenes avok dans fon fdn une multitude
innombrabe de peuple ; fon territoire ^toit ft6*
rile : ce fut une maxime religieufe , que ceux atii
offroient aux dieux de certains petits pr^fens , les
honotoient (</) plus que ceux qui immoloient des
boeiifs.
C H A P I T R E XXV.
InconvinUnt du tranfport S une rtUffon cC un fdys
a ua autre.
2 L fuit de la , qu*il y a txhs fouvent beaucoup
d*inconv^nieos a tranfporter une religion (4) d*un
pays dans un autre.
" Le cochon ; dit \b'\ M. de Boulainvilliers ,
» doit 6fre tr^s rare en Arabie , oil il n*y a
» prefque point de bois , & prefque rien de
" propre a la nourrhure de ces anixnaux ; d*atl-
) leurs, la falure des eaux des sdimens , rend le
" peuple trfes fufceptible des maladies de
(r) Voyage de Bernier , torn. n. p. 137.
Euripide , Anr Athtnic , \vr* ir. 尸 ag- 40,
(itf) On ne parte point de la religion chrettenne , parce
que, comm« on a Hit sOi lirre XXIV , chap, i, 4 it iia
a reVigion chr^tienne eft le pf«mier bien»
C^i Vie d« Mahomet r 口
afia D 直 lTEsprit dcs Lois ;
,, peau "• La loi locale qui le defend , ne fauroit
^re bonne pour d'autres (c) pays ou le cochon
eft une nourrUure prefqa'univerfelle ,& en quef-
que fa^on neceflaire.
Je ferai ici une reflexion. Sanfloriius a obfervi
que la chair de cochon que Von mange , fe tranf-
pire {d) peu ; & que mSme cette nourriture
empeche beaucoup la tranfptration des aurres
alimens ; il a trouve que la diminution alloit a
un tiers ; Von &tt dVilkurs que. le dcfaut de
tranfpiration forme on aigrit tes maladies de U
peau : la nourriture du cochon doit done etre
defendue dans les climats oil I'on eft fujet a
ces maladies , comme celui de la Paleftine , de
r Arable , de I'Egypte & de la Lybie,
C H A P I T R E XXV I.
、 Continuation du mime fujet^
M • Chardin [4] dit qu"il n'y a point 3e
fleuve navigable en Perfe , fi ce n'eft le fleuve
Kur, qm elt aax extremit^s de I'empire. L'an -
cienne lai des Guebres qui dtfendoit de naviguer
fur les fteuves , n'avoit done aucun inconve-
nient dans kur pay* : mais elle sniroh ruin 豸 le
commerce dans un autre.
Les continuelles lotions font tv^ en ufage
dans les climats chauds. Cela fait que la loi Mjt-
! c) Comme k la Chine. \
d) M^dec-Statiq, (eft. ^. aplior. %p
W Voyqgc de Perf« , tQm« Wr
Liv. XXIV. Cha?. XXVI. t&f
Itom^tane & la religion Indienne les ordon-
nent. Ceft un ade tres m^rttoire aux Imle»
cie prier 【多】 Dieu dans Peau courante ; msa
comment ex6cuter ces chides dans d*autres cli-
snats ?
Lorfque fa reKigion fondfe fur le cHmat a trop
choqu^ le dimat d*un autre pays, elle n'a pa
9*y ^tabltr ; & quand on Fja mtroduite, elle en
a ^t^ chafKe. U femble , numainenieBt parlant »
que ce foit le dimat qui a preCcrit des oornes a
ia religion Chretrenne & a kr religion Maho-
m^tane.
U fuit de-l^ , qn'il eft prefque tou)purs coa*
venable qu\iiie relieion ait des dogmes parti-
culiers & un cults gln6nd. Dans les lois qiu con-
cement ks pratiques de culte , i! faut peu de de-
tails ; par exemple , des mortifications , & non
pas line certarine mortification. Le Chriftianifme
eft plein de bon fens : rabfiineiice eft dis
dfroit divin ; mab une abfltnence paiticuliere
eft de droit de police ,& on pcut la changer;
t*) Voyage de B«nu€r>. torn, lu
De l'Esprit des Lois ;
L I V R E XXV. .
Dcs lots , dans U rapport qiidks out
avtc titabliffcment de la religion de cha -
que pays 3 &fa police cxtirieurc.
3
CHAPITR^ PREMIER,
Du fmthnent pour la reUpon.
L ,HOMME pieux & I'ath^e parlent toujours de
religion ; l*un parle de ce qu'il aime , & I'autre de
ce qu'il craint. ^
C H A P I T R E II;
、 ,
Du mcftif i attachtment' pour les £verfcs rtBgions;
L ES diverfes religions du monde ne donnenf
pas a ceux qui les profeHent des motifs ^gaux
d'attachement pour elles : cela depend beaucoup
de la maniere dont elles fe concilient avec ist
fa9on de penfer & de fentir des homines.
Nous fomokes extr^mement portis a ridol4-
ttie«
Liv. XXV. Chap. IL 164
trie, & cependant nous ne fommes pas fort
attaches aux religions tdolatres ; nous ne fommes
guere portes attx id^es fpirituelles , & cependant
sous fommes tr^s attaches aux religions qui
nous font adorer an etre fpiritueL Celt un feii«
timent heweux , qui vient en parde de la fatis-
ladion que nous trouvons en nous mimes , d:%«
voir ^te aflez inteliigens pour avoir choHi une-
religion qui tire la (Svinit^ de rhumiliation oil
les autres ravoient mife. Nous regardons 1'"
dolatrie comme la religion des peuples grof- •
fiers ; & la religion qui a pour objet un £tre
ipirituel , comme cdle des peuples 6clair^s.
Quand, avec Y'ldie d'un Etre fpirituel fu-
preme , qui forme le dogme , nous pouvons
loindre encore des id^es fenfiUes qui entrent
dans le cuke , cela nous donne un grand atta-
chement pour la religion ; parce que 】es motifs
iAont nous yenons de parler , fe trouvent joints a
nptre penchant nature! pour les chofes fenfibles.
Auffi les catholiques ,, qui ont plus de cette forte
de cults que les proteftans , font - Us' plus iiivin-
ciblemenc attaches a lear" religion que les pro-
teilans ne le font a la leur, & plus z^l^s pour fft
propagation,
Lorique [a\ le peuple d'Ephefe eut apprls que
les peres du concile avoient decide qu on pou-
voit appeller ia Vierge mere de Diea , il fut tranf-
port^ de )oie ; il baifoit les mains des ev^ques,
il embraflfoit leurs genoux ; tout retentiffoit aac-
clamations.
Quand une religion intelle£faielle nous donne
(«j Lettre de St. Cyrille,
Tome Ul.
%66 De lT sprit des Lois,
encore V'ldie d'un choix fait par la Divinite , &
d*une di{lin6Hon de ceux qui la profeffent d'a-
vec ceux qui ne la profeffent pas ,、cela、 nous
attache beaucoup a cette religion. Les Mahome-
tans ne feroient pas fi bons Mufulmansyii d'un
cot^ il n*y avoit pas de peuples idolatres , qui
l^r font p3nfer qu*ils font les vengeurs de Funit^
de Dieu , & de Fautre des Chretiens , pour leuf
faire croire qu'ils font l,objet de fes preferences.
Uhe religion char^ee de beaucoup [/»] de pra-
tiques , attache plus a elle qu'une autre qui I'eft
moins : on tient beaucoup aux chofes dont on eft
continuellement occupe ; temoin I'obflinatlon
tenace des Mahometans (c) & des Juifs , & la
facilite qu*ont de changer de religion les peuples
barbares & fauvages , qui , uniquement occupes
de la chaiTe-ou de la guerre, ne fe chargent guere
de pratiques religieui'es.
Les hommes lont extremement port 圣 s a ef-
perer & a craindre ; & une religion qui n'aurolt
ni enfer nj paradis , ne fauroit guere leur plaire.
Cela fe prouve par la facilite qu'ont eue les
religions etrangeres a s*etablir au Japon ,、 &
le zek & ramour avec lefquels on les y a re-
^ues (d).
(b) Ceci n,eft point contradi^oire avec ch que ),ai
dit au chapitre p^nultieme du Uvre precedent ; ici j€
parle des motifs d'attachement pour une religion ; Sc
Ik , des moyens de la rendre plus g^n^rale.
(c) Cela le remarque par touts h terrc. Voyez fur
les Turcs les miHTions du levant ;; le recueil des voya-
ges qui ont fervi a r^cablifTement de la compagnie aes
Ipdes , torn. III. part. i. pag. aoi , fur les Maures de
Batavia ; 6c le P. Labat , fur les negres Mahome-
tans, &c.
{4) La religion c]u^tieiv»e ^ U teligion des lades ;
Liv, XXV. Cha?. It. 1)1
- Ponr qu'une religion attache , il faut qu'elle ait
tine morale pure. Les hommes , frippons en de-
tail 9 font en gros de tr^s honnetes gens ; ils
^iment la morale ; 6c ii ne trait ois pas ua
£]jet ft grave ^ )e dirols que ceia fe vok admi*-
rablement bien fur les theatres : on eft s?ur de
plaice au peupleMr les fentimens que la morale
avoue , & on eu sdr de h ckoquer par ceux
qu'dle r^prouveJ
- Loffque le cuks extecieu*' a vine grande ma-
gnificence , cehf nous £atte & nous donne ]>eaii«
<;oup cTattachement pour la religion. Les riche"
fes des temples & cdles du clerg^ nous afFec-
tent beaucoup. Ainfi la t^ifere meme des pen-
pies eft im motif qui les attache a cette religion
qui a ferva de pr6texte a ceux qui ont cauf^ leur
inifere..
C H A P I T R E III.
ves Temples,
IPresque tous les peuples polices babkem <Ians
des maifons. De - la eft venue naturellement
I'id^e de batir a Dieu une maifon , ou ils puif^
fent r adorer & I'aller chercher dans leurs crain*
tes ou leurs efperances.
En effet , rien n'eft plus confoknt pour left
hommes , qu'un lieu oil ils trouvent la Diviiihd
cclles->ci ont un enfer & un paradis , au liou que It
religion des Smtos n*en a point*
Z 2
i69 Ds L*EsPRit< i^Es Lofs ;
plus prefente , Sc oh tous enfemble ils font par^
ler leur foibkiTe & leur tnifere.
Mais cette idee fi naturelle ne vient qu'aux
peuples qui cultivenr les terres; & on jie verm
pas bsltir de temple chez ceux qui n'ont pas de
fnaifohs eux - m^mes.
C'eft ce qui fit que Gengis - kan marqua un fi
grand mepris pour les mofquees (力. Ce Prince [^]
interrogea les Mahometans ; il approuva tous
leurs dogtnes , excepte cdui qui porte la necef-
fite d'aller a la Mecque ; il ne pouvoit com -
I)rendre qu'on ne put pas adorer Dieu par - tout r
es Tartares n'habitoient point de maifons , ne
connoiflbient point temples.
Les peuples qui n*ont point de temples , ont
peu d'attachement pour leur- religion : voila pour-
quoi les Tartares ont ^ti de tout temps ii to-
lerans [c] ; pourquoi les peuples barbares qui con-
quirent rempire Romain ne balancerent pas uit
moment a embraffer'le Chriftianifme ; pourquoi
les Sauvages de I'Anigrique font fi peu attaches
a leur propre religion ; 6c pourquoi , depuis que '
nos Miflionnaires leur ont fait batir au Paraguay
d^s egliff^s , ils font fi fort zeles pour la notre.
• Comme la divinit^ eft le refuge des malheu*
reux, &-qu*il n'y a pas de gens plus malheu*
reux que les dpimin^U , on a et^ naturellement
i.. ― 「 =g '. ,' , , ga=g
(4) .Entrant dans la mofqu^e de Bucbara , U enlevji
Palcioran , 6c le jeta (bus les pieds de (es chevaux )
hiftoire des Tartarus , part. III. pag. 473,
^(h) Ihhi, pag. 342.
(c) Cette dilpoiition d'efprit a paiffi jufqu'attx Japo«
nois:» -qui tirent leur origine des TAftac^ , comne H
eft aifi^ de 1$ prouY 贫,'
Liv. XXV. Chap. HI. 169
porti k penfer que les temples ^toknt im afyk
pour eux ; & cette id^e parut encore plus na-
turelle chet ]gs Grecs , 0(2 les msurtriers ,. chaf-
fis de leur ville.&.de la prefence des hosnines,
fembloient n'avoir plus de maifons que les tem-
ples ; ni d'autres prot^deurs que. ler dieux.
Ceci ne regarda d'abord que les homicides in-
volontaires : mais lorfqu'on y can^it les grands
criminels , on tomba dans nne contradiAion grof-
fiere : s'ils avoient oSenCi 】es^ homines , ils avoient
a plus forte raifon offenft les dieux.
Ces afyles fe multiplferent dans, la Grcce :
l&s temples , dhfi/^ Tacite , 6t6ient remplis. ds
dcbiteiirs infolvabies & d'efclaves m^chans ; le$
Magiftrats avoient de la peine a exercer la po-
lice; le peuple proteseoit les crimes des horn**
xnes , comme les ceremonies des dieux ; le S^-
nat fut oblig^ d*en retrancher un grand nombre*
Les lois de Mo'ife furent trks Tages. Les ho 一
micides involontaires ^toient innocens , mais ils
devoient Stre otes de devant les yeux des pa*
rens du mort : il etablit done un afyle (e) pour
cux. Les grands crimiiiels ne meritent point
d'afyle , ils n,en eurent pas (/*) : les Jui&
n'avoient qu'un tabernacle portatif, & qui chan-
geoit xontinuellement de lieu;、cela excluoit I'id^e
d'afyle: II eft vrai qu'ils devoient avoir un tem-
ple : mais les criminels qui y feroient vetius dft
tomes parts, auroient pu troubler le fervice di-
vin. Si les Koniicides avoient ete chafies hors du
pays , comme ils le fuV?nt chez l^s Grecs , il
' " " " " ' ■ ■ ■ 議' I III ! • ' , II I - 議 》 峰 I' I. * *m
. (d) Annal. liv. ii.
1e\ Nomb. chap, xxxr*
Z 3
J
ayo De l'Esprit des Lois;
eut ith a craindre qu'ils n'adorafTent des Aenn
Strangers. Toutes ces confiderations firent ^ta-
blir des vtlUes d'afyle , ou l,on devoit refler juf-
qu'a la mort du fouverain Pontife.
CHAPITRE IV.
, ves Minifires de Id religion.
X^ES premiers hommes, dit Porphyre^ ne facti-
iioieot que de ITierbe. Pour un culte fi fitnple ,
chacun pouvoit Stre Pontife dans fa famiUe.
Le defir naturel de plaije a la Divinit^ mul-
tiplia les cef^monies : ce qui fit que les horn*
mes , occup^s a I'agriculture , devinrent incapa -
bles de les executer toutes & d'en remplk le&
details.
On confacra aux dieux des lieux particulars ;
W fallut qu'il y efit des Miniftres pour en pren-
jdre foin , comme chaque citoyen prend foin de
fa maifon & de fes affaires domcftiques. Aufli
les peuples qui n*bnt point de Prettes , font««
ils ordinaireoient barbares, Tels etoient autre-
fois les Pidaliens {a) , tds font encore fes Wot^
guski (Ji\. 、 A
Des gens confacr^s a la Divkiite devoient efre
honor" fur-toiu chez les peupks (jias*6toient
ftf) lAlius GiraUus , pag.jltf.
h) Peup(«s de la Sib^rie. Voyci la rtlarion de M-
Everard Ishrands^ldts , dans le recucil <le& voyag<es
tfu Nord ' torn, ymu
Liv. XXV. Chap. IV. %yt
formes une certaine id^e d*une puret 叾 corpo*
telle , fiicdflaire pour approcher des lieux les
plus agriables aux dieux , & dependante de cer-
taioes pratiques.
Le cuke d€s dieux demandant una attention
cpntinuelle , la plupart des peuples furent por-
tes a faire du derge i】n corps fepar^. Ainfi , chez
les Egyptiens , les Juifs & les Perfes (c) , on
cpnfacra a la divinite de ceriaines families , qui
fe perp^tuoient & fdifoient le fervice. Il y eut
m^me des religions oil l,on ne 'penfa pas feu-
lement a Eloigner les Ecclefiadiques des affaires ,
tnais er.core a leur oter rembarras d'une famille ;
& ceft la pratique de la principals branche de
la lol Chmienne.
Je ne parlerai point ici des conCequences de
la loi du celibat : on fent qu'elle pourroit de-
venir nuifible , k proportion que le corps du
clerge feroit trop 6tendu, & que par confi-
quent celui «des la'tques ne le feroit pas afTez.
Par la nature de rentendement humain , nous
aimons , en fait de religion , tout ce qui fup-
pofe un effort ; comme , en ma tie re de morale ,
nous aimons fp^culatlvement ce qui porte le ca-
radlere de la fev^rit^. Le celibat a ete plus ag,6a -
ble^ aux peuples a qui il fembloit convenir le
moins , & pour lefquels il pcvivoit avoir de plus
facheufes fuites. Dans les pays du mid; de VEu-^
rope , oil , par la nature du dimdt , la loi du
celibat eft plus difficile a obferver^ elle a iti
retenue ; dans ceux du Nord, oil les paffion^
font moins vives , elle a eti profcritc. II y a
plus : dans les pays ou il y a peu dliabitans ,
(c) Voyez M. Hyde
Z 4
die a M admife ; dans ceux oU U y en a beam^
coup , on ra rejet^e. On fent que toutes ces^
li^flexions ne portent que fur la trop grande ex*
tenfion da celibat , 6c non fur le celibat inline*
J— — — fpii— — — ■iP— — ft -
C H A P I T R E V. 一
JD€s homes, que Ics his dcHvent mttre au»
richeffes du cUrge.
X^£S families partlculieres peuvent perir : ainft
Ics biens n*y ont point une deftination per-
pituelle. te clerg^ eft une fatnille qui ne- peut
pas pirir i les biens y font done attaches pour
loujours , & n'en peuvent pas fortir.
Les famtUes particulieres peuvent s-'augmen^
ter •• il {aut done que kurs, biens puiffent croir
tre auili. Le clerg^ eft une faipille qut ne doit
point s'auementer ; les biens dolvent done, y
etre bornes.
Nous avons retenu les dlfpofitlons du Levi-
tique fur les biens du cler^, enxepte ceHes qm
regardent les bornes de ces biens : efFedtive-
xnent , on ignorera toujpurs parmi nous quel eft
le terme apr^s leqiiel il n'eft plus permis a un,
communaute religieufe d'acqu^rir,
Ces acquifitions fans £n paroiflent 'aux peu-
ples fi d^Aifonnables, que celui qui voudroit
parler pouf elks , feroit tegard^ comme imbci-
cille. 、 '
t^s, lois civile^ trouvent <|uelqUe£bis des obf-
tacles a changer des abus etablis parce qu'ils
font Wis a des chofes au'elks doivent rcfpec-
ter : daiis ce cas ^uiie diipofuioa indirefle mar-
(
Liv. XXV. Cm A*. V. 175
que plus le bon efprit du l^gislateuf , qu'une au-
trc qui frapperoit fur la chofe mime. Au lieu
de defendre les acquisitions du clerg^ , il faiit
chercher ^ Ken d^gouter lui-meme ; laiffer le
droit & oter le fait.
Dans quelques pays de 1* Europe , la confi-
guration des droits des Seigneurs a fait 6tablir
en leur faveur nn droit dlndemnite fur les im-
meubles acquis par les gens de main - morte.
L'interet du Prince lui a fait cxiger un droit
d'amortiffement dans le meme cas. En Caftille ,
ou il n'y a point de droit pareil, le clergi a
tout envahi; en Arragon, oil il y a quelque
droit d'amortiiTenient > il a acquis moins ; ea
France , oii ce droit & celui d*indemnit£ font
^tablis , il a moins acquis encore ; & l*on peut
dire que la profp^rit6 de cet ^tat efl due en
parde a rexercice de ces deux droits. Augmen-
tez - les ces droits, & arretez la main - morte »
s'il ^ polSble.
Rendez facr6 & inviolable I'ancien & n^-
ceffaire ^omaine du clerg^ ; cju'il (bit fixe &
eternel comme lui : mais laiilez fortir de fes
mains les nouveaux domaines.
Permettez de violer la regie , lorfque la re-
gie eft devenue un abus; foufiirez. I'abus , lorf-
qu'il rentre dans la regie.
On fe fouvient toujour- a Rome d*un
moire qui y fut envoy^ a roccafion de quel**
ques demel^s avec le clergi. On y avoit mis
cette maxime : a Le ckrge doit contribuer aux
» charges de I'^tat , quoi qu'en dife ranciea
、 " Teftament On en c6nclut que rauteur du
me moire entendoit mieux le langage de la malt*^
tote que celui de la religiauu
'2-74
De l'Es'prit des Lois ;
C H A, P I T R E Vt-
res monajie/es.
T
JLiE moindre bon fens fait roir que ces corps
qui fe perpetaent fans fin, ne doivent pas ven-
dre leurs fonds a vie, ni faire des em prun ts
a vie, a moins qu'on ne veuille qu'ils fe ren-
dent heritiers de tous ceux qui n'ont point
parens ,& de tou6 ceux qui n'en veulent point
avoir : ces gens jouent centre le peupie , mais
ils tiennent la banque centre lui. *
C H A P I T R E
vu luxe de la fuperfitioru '
ic 0>EUX-LA font impies envers les dieux ,
,, dit Platon {a) , qui nient kur exlftence ; ou
» qpi Faccordent , mais foutiennent qu'ils ne fe
» melent point d'es chofes d,ici 一 bas ; ou enfin »
» qui penfent qu'on les appaife aifement par
» des lacrifices •• trois opinions egalement per*
» nicieufe^ ,,. Platon dit la tout ce que la lu-
miere naturelle a jamais dit de plus fenfe en
matiere de religion.
La magnificence du culte extirieur a beau-
(a) Des lois,Uv. X*
Liv. XXV. c^AP. vn. "5
coup de rapport a la conflitution de r^tat,
Da^s les bonnes r^publiques ^ on n'a pas feu-
lement r^prime le luxe de la vanit^ , mais en-
core celui de la fuperflition : on a fait dans Ja
religion des lois d'6pargne. De ce nombre,
font plufieurs lois de Solon , pJufteurs lois de
Plato n fur les funi rallies , que Gc^ron a adop*
t^es ; enfin , quelques lois de Numa [b] fur les
facrifices.
" Des oifeaux , dit Cic^ron , & des peiqtu-
79 res faites en un Jour, font des dons tr^s di-
n vins. Nous ofFrons des chofes communes , di-
" foit un Spartiate, afin que nous ayions tous
» les tours le moyen d'honorer les dleux "•
Le loin que les hommes doivent avoir de rcn-
dre un culte a la divinit6 , eft bien different de
la、 magnificence de ce cuke. Ne lui offrons poins
- nos. trefors , fi nous ne voulons lui faire voir
Teftime que nous faifons des chofes quelle veut,
que nous meprificns.
« Que doivent penfer les dieux des dons des
w impies , dlt admirable ment Plato n , puifqu'un
,, homma de bien rougiroit de recevoir des pre-
,, fens dun tnalhonnete homme ,,?
II ne faut pas que la religion , fous pr^texte
de dons , exige des peuples ce que les neceffit^s
de I'etat kvr ont laifTe ; & , comme dit Pla-
ton (c), des hommes chaAes & pieux doivent
offrir des doss qui leur reffemblent.
II ne faudroit pas non plus que la religion
encouraged les -aepenfes des funerailles. Qu'y
'h) Rogum vino ne rejper^to, Loi des douze tables*.
[e) Des lois , Uv. Ul, 、
"6 DE- l'Esprit des Lois ,
a-t-il de plus naturel , que d'oter la iiSirence
des fortunes dans une chofe & dans les moro ns
qui egalifent toutes les fortunes ?
—————— ————— ——^■y
C H A P I T R E VIII.
Du Ponnftcat.
XjORSQue la religion a beaucoup de miniflres,
il eft naturel qu'ils ^ent un chef, & que le pon-
tlficat y foit ^tabli. Dans la monarchie , oil l,on
ne faurQit trop feparer les. ordrcs de I'etat , &
oh Fon ne dqit point affembler fur une meme
tete toutes les puiiTances , il eft bon que le pon-
tificat foit fi^pare de 1 'empire. La meme l»ecef-
{\ti ne fe rencontre pas dans le gouvernement
defpotique , dont la nature fift de reunir fur une
meme tete tous les ppuvoirs. Mais , dans ce cas ,
ii pourroit arriver que le prince regarderoit la
religion comme fes lots memes & comme des
effets" de fa volonte. Pour prevenir cet incon-
venient , il put qu'il y ait des monumens dd
la religion ; par exemple , des livres facres qui
la fixent & qui retabliflent. Le roi de Perfe eft
le chef de la religion ; mais I'akoran regie la
religion : rempereur de la Chine eft le fouve-
rain pantife ; mais-il y a des livres qui font
entre les mains de tout le tnonde , auxqueis il
doit lut-meme fe confer men En vain un em-
pereur voulut-ll les abolir , il& triompherent de
la tyraanie*
Liv. XXV. Chap. VIII
CHAPITRE IX.
Dt U toUrancc en fait dc relipofu
ous fommes id politlques , & non pas Ato^
logiens : & pour les th^ologiens monies, il y
a men de la difCirence eotre tol^rer une reli*
gion & rapprouver.
Lorfque les lois d*un dtat ont cru devoir fouf*
frir plufieurs religions , il faut qu*elles les obli-
gent aufli-a fe tol^rer entrelles. Ceft un jprin-
cipe , que toute religion qui eft r^prim^e , de-
- vient eile-m^me reprimante : car fi-tot que ,
par quelque hafard , elle peut fortir de roppref-
lion , elle ^ttaque la religion qui l*a r^prim^e »
non pas comme ane religion , mais comme une
tyrannie.'
II eft done utile que les lois exigent de ces
diverfes religions , non feulement -qu'elles ne
troublent pas I'^at , mais auffi qu'elles ne fe
troublent pas cntr'elles. Un citoyen ne fatisfait
point aux lois, en fe contentant de ne pas agl-
ter 1e corps de Wtat ; il faut encore qu'il ne
trouble pas quelque citoyen que ce foit.
CHAPITRE X.
Continuation du mime fujtu
0^OMM£ il n*y a guere que les fefigions m«
toUr^ntes qui axent un grand zMe pour s'etablir
«iUeurs, parce qu'une religion qui peut tolirer
De l'Esprit des Lois ;
les autres ne fonge guere a fa propagation ; cc
iera une tres bonne loi civile , lorque 1, 圣 tat eft
fatisfait de la religion de]a etablie , de ne point
fouffrir r^iabliiTement (^) dune autre.
Voici doi)c le principe fondamental des lois
politiques en fait de religion. Quand on eft
maitre de recevoir dans un ^tat une nouvellc
religion , ou de ne la pas recevoir , il ne faut
pas Yy itablir ; quand elle y eft Etablie , il faut
la tolerer.
C H A P I T R E XL
Du changement de religion.
XJn prince qui entreprend dans fon itat de
d^truire ou de changer la religion dominante ,
- s*expofe beaucoup. Si fon gouvernement eft
defpotique , il court plus de rifque de voir une
revolution , que par quelque tyrannie que ce
foit , qui n'eft jamais dans ces fortes d'etats une
chofe nouvelle. La revolution vieYit de qu'un
^tat ne change pas de religion , de niceurs &
de tnanieres dans un inftant , & auffi vite que
le prince publie l,ordonnance qui ^tablit une re-
ligion nouvelle.
De plus , la religion ancienne eft ii^e avec la
conflitution de I'^tat , & la nouvelle n'y tient
(a) Je ne parle point d«ns tout ce chapitre de U
religion chr^tienne ; parce que , comme j'ai dit ail-
leurs , la religion chr^tienne eft le premier bien«
Voyez la fin du chapitre I. du livre precedent , & U
d^fenfe de refprit des lois, feconde partic.
Liv. XXV. Chap. XI. ^79
point : celle-la s'accorde avec le climate & fou-
vent U nouvelle s'y refufe. II y a plus : les ci-
tojens fe degoutent de leurs lois ; ils prennent
du m^pr'is pour le gouvernement deja etabli ;
on fubilitue des foupsons contre les deux reli-
gions , a une ferme croyance pour une ; en un
mot , 1*0 n donne a I'^tat , au moins pour quel —
que temps ,& de mauvais citoyens , & de
snauvais fideles.
C H A P I T R E XIL
DCS lois pinales.
Jl faut iviter les lois penales en fait de reli-
gion. Elles impriment de la crainte, il eft vrai :
mais comme la religion a fes lois p6nales auffi
qui infpirent de la crainte , lune eu effacSe par
I'autre. Entre ces deux craintes difFerentes , leis
ames deviennent atroces.
La religion a de fi grandes menaces , elle a
de fi grandes promefTes , que lorfqu'elles font
prefentes a notre efprit , quelque chofe que le
magiflrat puifTe fairs pour nous contraindre a la
quitter , il femble qu*on ne nous laifTe rien quand
on nous 1*6 te , & qu'on ne,nous dte rien lorf-
qu*on nous la laifTe.
Ce n*€ft done pas en remplifTant Vame de
ce grand objet , en I'approchant du moment oil
il lui doit etre d'une plus grande importance , que
I'ofi parvient a I'en detacher : il eft plus s^r
d'attaquer une religion par I4 faveur , par les
commodites de la vie, par refperance de la for.
& to De l'EePRIT DCS Loi,,
tune ; non pas par ce qui avertit , tnais par c6
3ui fait que I'on oublie ; non pas par ce qui in-
igne , mais par ce qui jette dans la tiedeur,
lorfque cTautres pafHons agiiTent fur nos ames,
& que celles que la religion infpire font dans
le filence. Regie g^n^rale : en fait de change*
ment de religioif , ies invitations font plus for-
tes que les peines.
Le cara6^ere l,efprit humain a paru dans
Fordre me me des peines qu'on a employees.
Que I'on fe rappelle les perf(£cutions du Ja 了
pon (a); on fe revolta plus centre le> fuppli-
ces cruels que contre les peines longues, qui
lafTent plus qu*elles n*effarouchent, qui font plus
difficiies a furmonter , parce qu'elles paroiuent
moins difEciles.
£n un mot , I'hiftoire nous apprend aiTez que
les lois penales nont jamais eu d'effet que
comme oeflrudion.
C H A P I T R E XIIL
Tris- humble remmtrance aux Inqvifiuurs / Ef"
gagne & de Portugal,
NE Juivc de dix-huit ans , bruWe a Lis-
bonne au dernier auto-da* fe , donna occafion
a ce petit ouvrage ; & je crois que c'eft le
plus inutile qui ait jamais 6tc 6crit. Quand U
(a) Voyez le recueil des voyages qui font fervi k
f^tablKTement de U compagnie deslndes> tom.V. partie
1. page i9»
• Liv. XXV, Chap. 3^11. 281
s*agit de pfouver des chofes il claires , on eft
sur de ne pas convaincre.
" Uauteur declare que, qumqull foh Juif , il
tefpefte la religion Chr^tienne , & qu'il Taime
affei , pour oter aux princes qui ne feront pa^
Chretiens un pretexte plaufible'pour la perft- 、
cmer. 、
u Vous rous plaignez, dit-il aux Inquifiteurs ,
ff de ce que l,einpereur du Japon fait brDlef a
» petit feu tous les Chretiens qui font dans fe»
» etats ; mais il vous r^pondra : Nous vou»
" traitons , vous qui ne croyez pas comme
" 'hous , comme vous traitez vous-mSmes ceux
* qui ne croient pas comme vous : vous ne
» pouvei vous plaindre que de vatrc foibleffe ,
» qui vous empSche de nous exterminer , & qui
" (ait qtie nous vous exterminons.
- -w Mais il faut avouer que vous Ites bieil
ff plus cruels que cet empereur. Vou» nous fai-
7f tes mouiir , nous qiu ne croyons que ce que
» vous croyez, parce que nous ne croyons pas
» tout cc que vous croyez. Nous fuivotis une
" religion que vous favez vous-m^mes avoii*
n iti au&efois cWrie* de Dieu : nous penfdns
" que Dieu raime encore, & vous penfez quH
" Tie raime plus ; & parce que vous jugez aitiil ,
» vous faites pafler par le fer & par k feu
n ceux qui font dans cette erreur n pardon-
J* nable, de croire que Dieu (ai) ahne encori;
» ce qu'il a aim&
[«】 C'eft la fource 6e I'aveuglement des 7uifs , <f«
ne pas fentir que reconomie de revangile- eft dan*,
rbrdre des deifeins de IMeu , $c qu'ainfi elle ua#
' " Si VOU5. etes. cruels a notte ^gard, vous-
» retes bi^n plus a I'egard de nos. enfans ;. you$
» les faites bruler> parce q)a,ik fuiveot les inf-
n piraiions que leur ont donn^es ceux que la
» loi iiaturelle & les lois de tous . les peupie&
" leur apprennent a refpefier comme des dieux;
» Vous Yons prirez de Favantage que wus
n a donne fur les Mahometans la maniere dont
jf leur religoh s'eft Stabile. Quand ils ft van-
» tent dit nombre de leurs fideles , y.ous 】eus
» dites que la force les leur a acquis , & qu'il&
» ont etendu leur religioa par le fer ;; pourquoi
» done €tabliflei- vous la voire par le feu ?
" Quand vqus voulez nous faxre 'venir Sk
» vous ^ nous vous. objefitons une fource dont
j» vous Yous faites gloire. de defcendre. Vous
• » nous ripondez que votre religion eft nou«
V velle mais. qu'elle. eft divine ; & vous le'
3» proiivez parce qu'elle s'eft accrue par la per*
5> lecutlon des payens & par le fang, de yo&
5f martyrs :. mais aujourd'hui vous preniez 1&
" role des Dloclttiens & yous. nous • faites
V prendre le votre,,
,, Nous vous.conjurons?,. non pa, par le Dievn
» puiflant que nous ffrvona vous & nous^
,, mais par le Chrift que vous nous dites avoic;
V pris la condition hutnaine pour vous propo--
» fer des exemples que vous puifliez fuivre ^
、- V nous vous cQnjurons d*agir avec. nous comme.
" il agiroit luf-meme s'il dtoit encore fur, h《
n terre. Vous voulez que nous foyons Ghrd—
» tiens ,. & yfim ne voukz pas i'feirer,
" Mais fi vous ne voulez pas etre GJinStiens ,
,, foyez' au inbins des hommes :: traitez-nous.
,, comme vous feriez , fi n*ayant que ces foi>
» bles lueurs de juftice .que la nature ncjus donoe>
Liv. XXV. Chap. XIH, 283
ft vous n*aviez point line religion pour vous
» condulre & une riv61ation pour vous iclairer.
• w Si le ciei vous a aflez aim^s pour vous
ft falre voir la veritc , U vous a fait une grands
,, grace : mais eft-ce aux enfans qui ont I'he-
» ritage de leur pere , de hair ceux qui, ne
II I'ont pas eu ?
,, Que {\ vous avez cette v^rit^ , ne nout
» la cachez pas par la maniere dont vous nons
,, la propofex. Le canidere de la \kt\tk , c'eft
-n fon triomphe fur les coeurs & les efprits , &
n non pas cette impuiflance que vous avoiicz ,
" lorfque vous voulez la faire recevoir par dei
» fupplices.
" Si vous Ites raironnables^ vous ne devez
» pas nous faire mourir, parce que nous ne
,, voulons pas vous troinper. Si votre ChriA
,, eft le ills de Dieu , nous efpe^fOns qu'il nous
» r^compenfcra de n'avoir pas voulu profaner
" fes myftefes : & nous croyons* que le /Dieu
» que nous fervons voUs . & ilous, ne nous pu-
" nira pas de ce que nous avons foufFert 】3
» mort pour une religion quil nous a autrefois
», donn^e , parce que nous croyons*qu*il nous
n I'a encore donnee.
" Vous vivez dans un fiede o& ta lumiere
r> natureile eft plus vive qu'elle n'a jamais ete,
" oil la philofophie a eclair^ les efprits , oil U
" morale de votre evangile a ^te plus connue,
,, oil les droits refpe6Bfs des hommes les uns
» fur les autres , rempife d'une conscience a
,, fur une autre conscience , font mieyx ^tablis*
" Si done vous ne revenez pas de vos anciens
n pr^jug^s , qui , fi vous n'y prencz gardf ,
19 font 义 OS pafHons , il faut avouer que vous
• " etes incorrigibles , incapables de toute lur
A a X
a84 L*EspmT D£s Loi^;^
" miere & de toute inftru6Hon ^ & une natiott:
» eft bien maiheureufe, qui donne de l'autorit£^
» a des hommes tels que vous.
,, Voulez-vous que nous vous difions nai-
n vement notre pen fee ? * Vous nou» regarder-
H plutot comme yos ennemis , que comme lesr
n ennimis de votre religion : car fi vous ai—
» miez votre rel'igion , yous ne la laifferiez pas»
i> corrompre par une ignorance groffiere.
" 11 faut que nous vous avertifficms d'une
" chofe ; c'eft que , fi quelqn-un dans ia pofte-
rit6 ofe jamais dire: que dans le fiecle oil
" nous vivons , les peuples d'Europe 6toient
,> polices , on vous citera pouc prouver qu'il*
,, etoient barbares ; & I'idee que Von aura de
w vous , fera telle , qu'elle fletriia votre ftccle ,
" & portera la liaine fur tous yos contem,
» potains ,,• -
C H A P I T R K XI Y, 、
Pourquoi la nlipon chreacnnc eft Ji odimfc aa
Japan.
J'ai pztU (a), du caradere atroce des^ ames Jk-
ponoiles. Les ms^iArats reearderent la fermett
qu-infpire le ChriSianifme lorfqu'il s,agit^ de re 翁
.noncer k la foi , comme tils dangereufe : on
crut devoir augtnenter I'audace. loi du Ja-
pon punit fihr^rement Ia moindre d^fob^iflance :
oil ordonna de renoncer a Ik religion Chr6-
[«] Liv. VI. ch, xxiY.
、 Liv. XXV. Cha». XIV.
iSenne : vCy pas.renoncer , c,6toit defobeir ; on
chatia ce crime ,& la continuation de la de*-
fob^ifTance parut m^riter un autre chitiment^
Les pumtions chez les Japonois font regar-
dees comme la vengeance d*une infultc faitc
au prince. Les chants d*'all6greffe de nos martyrs
parurent etre un attentat centre lui r le titre de
martyr intimida les maglArats ; dans leur ef-
prit, il fignifioit rebelle*, iU fiient tout pour
empScher qu'on ne I'obtint, Ce fut alors que
fes ames s'effaroucherent , & que ron vit un
combat horrible entre les tribunaux qui con—
^amnerent &. les accufes qui fouftrirent, entre
ks lois clviles & celles de ia religion^
C H A P I T R E XV.
DC la prof ugation de la reli^on-
T ouales peuples d'brient , except^ les Maho^
fli^tans , croient toutes les religions en dies —
tneme» indifFentes^Ce n'eft que comme change*-
tnent dans le gouvernement , qu'ils craignenf
r^tabliffement d'une autre religion. Chez les»
Japonois, ou ily a plufieurs fedles , & oil I'^tat »
fi long- temps un chef eccl^fiafli^ue ^ on ne
difpute la), jamais fur la religion. II en eft de
meme chez les Siamois \h\ Les Calmouks [cj
kat plus ; ils fe font une affaire de confcience
[d] Voyez Kempfer.
i] M^nioircs du comte de Fbrbin.
f] Hiftoires des Tar tares , part.. V,
a86 De l'Esprit des Lms ;
de foufFrir toutes fortes de religions : A Calr-^
cut [d] , c'eft une maxime d'etat , que touts
religion eft bonne.
Mais il n'en refiilte pas qu'une religion appor-
tie d'un pays tres eloigne , & totakment difFe-
rente de climat , de lois, & de moeurs & de ma-
nieres , ait tout le fucces que fa faintete devroic
lui promettre. Cela eft furtout vrai dans les
!; rands empires defpotiques : on tolere d,abord
es etrangers , parce qu'on ne fatt point d'atten-
lion a ce qui ne paroit pas, bleffer la puifTance
du Prince ; ony eft dans une ienorance extreme
de tout. Un Europeen peut le rendre agr^able
par de certames connoiflances qu'il procure :
cela eft bon pour les commencemens. Mais fitot
que l,on a quelque fuccis , que quelqne difpure
s'eleve , que les gens qui peuvent avoir quelque
intdr^ font avertis ; comrae cet etat , par fa n»"
ture , demande furtout la tranquiilite , & que le
inoindre\ trouble peut le rcijverfer , on profcrit
d*abord la religion nouvelle & ceux qui l,annon,
cent; les difputes entre ceux qui prechent , ve«-
r nam a eclater , on commence a fe degoater d-une
religion , dont ceux qui la propofent , ne con -
Tiennent pas« 、
(d) Voyagjc (U Firansois Pyrard , ch. xxvu«
Liv. XXVL Chap. L
L I V R E XXVL
Dts Lois , dans k rapport qucUes doivtnt avoir
avtc Vordrt dts chofes fur lelqiullcs cUfj
^tuent,
CHAPITRE PREMIER
Mic de ce Livre^
I^ES hommes font gouvernes par diverfe
fortes de lois ; par le droit nature! ; par le droit
divin , aui eft celur de la religion ; par le droit
ecclefiaitique , autrement appefle canonique , qui
eft cekii de la police de la religion ; par le droit
des gens , qxCon peut confide rer com me le" droit
civiL cte runiws , d^ns le fens qire chaque p3u-
pie en eft ua citoyen ; par le droit politique ge-
neral ^ qui a pour objet cett^ fegefle huhiaine
qui a fonde tomes les fociet^s ; par le droit poli-
ti<|ue particuHer , qui cDncerne chaque fociete
par le diport de conqu^te , fonde fur ce qU'ua-
peupte a vovtlu , a pii', ou a du faire. violence i
im autre ; par le droit civil de chaque fociete
pr lequel un citoyen peut defendre fes biens &
fa vie centre tout autre eitoyen ; enfin par le
droit domeftique , qui vient de ce qu'une Ibciitd
eft divifSe en diverfes families , qui ont befoia
cfun gouvernement particulier^
ftSS D£ lTsprit Dis Lob,
D y a done dtfferens ordres de lois ; & la fch
blimite de la raifoa humaine confifte a fa voir
Inen aucpiel de ces ordfes fe rapportent prin-
cipalement les choles fur Idquelles on doit fta-
tuer, 6c a ne point mettre de confiifion dans
les princlpes qia doivent gouverner les hom-
ines.
C H A P I T R E II.
Z>es lois divines & dcs his kumaims,
O N ne doit point ftatuer par les lois divines
ce qui doit Tetre par les lois humaines, ni rigl^r
|>ar les lois humaines ce qui doit I'etre par les
ois divines.
Ces deux fortes de lois different par leur ori-
gVne , par leur objet , & par leur nature.
Tout le monde convient bien que les k>ts>
bumaines font d'urie autre nature que les lois de
la religion , c'eft un erand principe : mais ce
principe lui-meme eir foumls a d'autres , qu'i|、
iaut chercher.
I*'. La nature des lois humaines eft d'ltre ibu-
imfe a tons les accidens qui arrivent , & de varier
a mefure que les volontds des hommes chan-
gent : au comraire , la nature des lois de la re-
ligion eft de ne varier jamais. Les lois humaines
flatuent fur le bien ; la religion fur le xneiUeur.
Le bien peut avoir un autre objet , parce qu'il y
a plufieurs biens ; mais le meilleur n*eft qu,un , it
peut done pas changer. On peut bien chan-
ger les lois , parce qu*elles ne font cenfees
gu'Stre bonnes ; mais les inilitutions de la re-
ligion
L 1 V. XXVI. Chap. H. 2S9
ligion font toujours fuppofees . ^tre les mail-
leures.
2^. U J a des ^tats ou les lois n€ font rien ,
cn ne font qu'ane volonte capricieufe & tranfi -
foire du fouverain. Si , <lans ces eta^c , les lois de
b religion ^oient de la nature des lois humaines ,
les lois de U religion ne feroient rien non plus ;
il eft pourtant necefliure a la foci^t^ qu'il y ait
quelque chofe de fixe ; & c*^ cette religion qui
in quelque chofe de fixe.
3^1 La force principale de la religion vient
de c& qu*on la croit ; la force des lois humaines
vient de ce qu*an les craint.L'antiquit^ convient
Ik la religion , parce que fouvent nous croyons
£lus, les chofes a mefure qu'elles font plus recu*
ies : car nous n*avons pas dans la tSte des id^es
acceflbires tiroes de ces temps>la , qui puifTent lee
contredire. I^es lots humaines , au contraire ,
tir^nt avantage de leur nouveaut^ , qui annonce
line attention particidiere & a&uelle du ligiila 一
teur , pour les faire obferven
t'l 囊' , I ggg
C H A P I T R E III.
Dts bis civilu qid font contraires d la ioi
naturelU,
S I un efclave , dlt Platon [<f] , fe defend &tue
un homme libre , il doit etre trait 士 com me un
parricide. Voila une loi civile qui punk la 轡
ienfe naturelle.
(a) Liv. IX. des loU
Tome 111.
Bb
約 I De l'Esprit d£s Lois;
yoit-il etre accufateur de fon pere i Pour yenecf
une adlon criminelle , iL en ordonnoit une plus
criininelle encore.
La loi de [F\ Recefluinde permettoit aux en-
fans de la femme adultere , ou a ceux de foii
fnari , de I'accufer , & de mettre a la queftion
les efclaves de la maifon. Loi inique , qui , pour
conferver les moeurs , renverfoit la nature , d'ou
tirent leur engine les moeurs.
Nous voyons avec plaifir fur nos theatres un
)eune h^ros montrer autant d'horreur pour de-
couvrir ' Je crime de fa belle-mere , qu'il en
9Yoit eu pour le crime ih^me ; il ofe a peine ,
dans fa furprife , accufe , jug^ , condamne ,
profcrit & couvert d'infiamie , faire quelques re-
flexions fur le fang abominable dont Phedre eft
fortie : il abandonne ce qull a 、de plus cher , &
robjet le plus tendre , tout ce qui parle a fon
coeur , tout ce qui peut Findignef , pour aUer fe
livrer a la vengeance des dieux qu'il n*a point
meritee. Ce font les accens de ]a nature qui
caufent ce plaifir ; c*eft la plus douce de toutes
les voix.
Liv. XXVI. Chap. V. 193
CHAPITRE V.
Cds oii ton fcut juger par Us principes du droit
civile en modifiam Us principes du droit na^.
turd,
N £ loi d'Athenes obligeolt [^1 les enfans
de nourrir leurs peres tombes dans Pindig^nce ;
«lle exceptoit ceux qui ^toient ixis [b"] d*une cour-
tifane , ceux dojit le pere avoit expoii^ la pudi-
cite par un trafic infame , ceux a qui [c] il
n'avoit proint donne de metier pour gagner
leur vie. »
La loi conHd^roit que., dans le premier cas ,
le pere fe trouvant incertain , il avoit rendu
pT^caire fon obligation naturelle : que , dans le
fecond , il avoit fletri la vie qu,il avoit donn^e;
& que le plus grand mal qu'il pfit faire a fes en»-
fans , il ravoit fait , en les privant de leur carac-
tere ; que , dans le troifipme , il leur avoit rendu
infupportable une vie qu'ils tronvoient tant de
difficult^ a foutenir. La loi n'envifageoit plus le
pere & le fils que comme deux qtoyens , ne fta-
tuoit plus< que fur des vues polkiques & civiles ;
clle confideroit que , dans une bonne ripubii-
que , il faut furtout des moeurs. Je crois bien que
la loi de Solon 6toit bonne dans les deux pre-
(<f) Sous peine d'infamie ; une autre fous peine de
prifon. . ,
(b) Plutarque , vie <je Solon.
(c) Plutarque , vie de Solon ; & Galliien , in exhart^
Md Ar" ch* viu*
3
、 &94 De l'Esprit MS Loi$ ;
miers cas , (bit celui ob la nature laifle ignorCr
«u fils quel eft fon pcre , foit celui oii elle fem-
ble meme lui ordonner de ie m^connoitre : mais
on nc fauroit I'approuver dans le troifieme »
oil le pere n'avoit yi<M qu'un r^glement civil.
1— I . I ' I'', 雪
CHAPITRE VI.
Que tordre dn fucceffions depend des principes
du droit politique ou civil , & non pas dcs prut"
cipes du droit natunL
L A loi Voconiertht ne permettoit point d^nf-
tituer une femme heritiere , pas meme fa fiUe
unique. II n'y eut jamais , dit S. Auguflixi [a] 、
une k>i plus injufte. Une formule de [h] Marculfe
traite d*impie la coutume qui prive les filles de
' la fucceflion de leurs peres. Juftinien (c) appellc
barbare le droit de fucceder des males , «au
prejudice des filles. Ces idees font venues de
ce que Fon a regard^ le droit que les enfans
ont de fucceder a leurs peres ; comme une
confequence de la loi jaaturelle ; ce qui n'eA
pas.
La loi naturelle ordonne aux peres de nour-
rir leurs enfans , iliais elle !!, oblige pas de leS
fatre Writiers. Le partage des bicns , les lois fur
' ce partage , les iucceuions apr^s la mort de
celui qui a eu ce, partage ; tout cela ne peut avbir
if) De civ'akte Dei , liv. Ill,
{h) Liv. II. ch. XII.
、
Liv. XXVI. Chap. VI. 19,
iti rigU que par la fociet^ , & par confiiquent
par des lois politiques ou civiles.
II eft vrai aue l*ordre politiaue ou civil demands
. fouvent que ies enfans fuccedent aiu peres , mais
il ne I'exige pas tou)ours.
Les lois de nos fiefs ont pu avoir des raifons
pour que rain 6 des males , ou les plus proches
parens par males eufTent ' tout , & que les
niles n'euffent rien : & les lois des Lombards {J)
ont pu en avoir pour que les faeurs , les enfans
naturels, ies autres parens , & a leur defaut le
, fife , concouruiTent avec les filles.
II fut r^gle dani quelqiles dynafties de la
Chine , que les (teres de rEmperour lui fucc^*
deroient , & que fes enfatis ne lui Aicccde-
roient pas. Si roh vouloit que le Prince eAt
une certaine experience, fi l,on craignoit les mi*
norit^s , s'il falloit pr^venir que dc« eunuques ne
pla^aflent fucceflivement des enfans fur le trone,
on put tjhs bien 6tablir Un pareil ordre de fuc-
' ceflion : Sl quand quelques (e) ecrivains ont traitc
ces freres d'ufarpateurs , lis ont jug^ fur das id^es
prifes des lois de ces pays-ci.
Selon la coutume de Numidie (/") Delface
frere da Gela , fucceda au royaume , non pas
• Maffiniffe fon fils. Et eiKore aujourd'hui (g) ,
chez les Arabes de Barbarie, ou chaque village
a un ' chef , on choifit , felon cette ancienne cou-
tume , roncle ou quelqu*autre parent , pour fuc-
c^dec
II y a des monarchies purement eledlives ; &
「
(d) Liv. II. tit. 14. §. <S, 7 & S.
(e) Le pere du Halde , fur la feconde dynaftie.
ff) Titc Live, decade 3 , Wv IX.
Ig) Yo/ez l(s roya|es 4e M.Schav , torn. i, ^,491$
996 De l'Esprit D£s Lois ;
des qu'il eft clair que rordre des fucceffions ioit .
de river des lois politiques on civiles , c'eft a elles
a decider dans quels cas la raifon veut que cettc
fucceilion foit dtferie aux enfans ^ & dans quels
ca& il faut.Ia donner a d'autres.
Dans les pays oil la polygamie eft ^tabtie , le
Prince a beaucoup d'enfans ; le nombre en eft
plus grand dans des pays que dans d'autres. U y
a des etats (hi) oil l,entretien des enfans du Roi fe-
roit impoilible au peuple ; on apu y ^tablir que
les en£ins du Roi ne lui fuccideroxent pas ,
mais ceux de fa foeur.
Un nombre proc^gieux d'tn&ns expoferoit I'i-
tat a d'aflreufes guerres civiles. Uorare de fuc-
ceilion qui doinne la couronne aux enfans de Ja
foeur , dont le nombre n'eft pas plus grand que
ne feroit celui des enfans d*un Prince qui n'au-
Toit qu'une feule femme , previen't ces inconve*
niens. '
II y a des nations chez lefqueHes des raifons
d'etat ou quelque manime de religion ont de-
znande qu'une certaine famille fut toujours r" -
gnante : telle eft aux Indes (i) la jaloufie de fa
cafke , & la crainte de n,en point defcendre : on y
•a penf^ que , pour avoir toujours des Princes da
,Sang Royal , il fdUoit prendre ks enfans de la
•feur ainee du Roi.
Maxime gen^fale : nourrir fes en&ns , eft une
(AJ Voyel le Recueii des voyages qui ont fervi k
rit^bliiTement de la Compagnie des Indes » torn. IV,
part. I. pag. 1 14 ;. & M. Smith , voyage de Guin 豸 e,
part. 2. pag. 1 10 , fur le royaume de Juiiia. -
(i) Voyez Les lettres ^dif. quatorzieme recueii » &
les voyages qui ont fervi k PetabUlTemcnt de la COA-
pagnie del Indes , torn. III. part. 2, pag. 644*
Liv. XXVI. Chap. VL 297
obligation du droit naturel ; 'kur donner fa fuc-
ceffion , eft une obligation du droit civil ou po-
Btique. I)e-li d^rivent les difterentes difpofitions
fur les batards dans let clifF<6rens pays du monde ;
dies fuivent les lois ciyiles ou politiqaes de cha,
que pays.
C H A P I T R E VI L
Quil ne faut point decider par les prictptes de Is
relipon , lorfyu"il s'apt de la loi namrcUe,
I^£S AbyiGns ont un caretne de dnquante
jours tr^s^de , & qui les afFoiblit tellement,
que de long-temps ils ne peuvent agir : Aes
Turcs (a) ne manquent pas dt les atraquer apres
leur careme. La religion devroit , en faveur de la
defence naturelle , mettre des bornes a ces pra<*
tiqii€S.
Le fabbat fut ordoiin^ aux Juifs : maitl ce fut
une (lupidite a cette nation de ne point fe dc-
fendre {h) , iorfque fes ennemis cboifirent ce jour
pour rattaquer.
Cambyfe affiegeant Peluze , mit au premier
rang un grand nombre d'animaux qiit les Egyp-
• tiens tenoient pour facr^s : les faldats de la gar-'
nifon n'oferent tirer. Qui ne voit que la defenft
naturelle eA d'un ordte fup^rieur a tous les prc-
ceptes ?
i, i> ,11 • ,1
(a) Recueil des voyages qui ont fervi i r^tabiiiTc-
! ntent. de U compagnie des Indes , torn. IV. part. 1.
(b) Comme i】s firent , Iorfque Pomp^e afil^eea It
temple. yoy€2 Dioa , liv, XXXVU,
2^9 De l*Esprit des Lois
C H A P I T R E VIIL
Qu'il nc faut pas teller par Us principes du droit
appelli canonique , Us chofes rigUes per Us prirt"
apes du droit civil.
3Pa r le droit {a) civil des Romajns , celui qui
enleve d'un lieu facr^ une chofe privee, n,eft puni
aue du crime de vol : par le droit (b) canonique ,
il eft puni du crime de facrileee, Le droit cano-
nique fait attention au lieu , le droit civil a la
chofe. Mais n'avoir attention qu'au lieu, c'eft
ne r6fl4chir , ni fur la nature & la definition du
Tol , ni fur la nature & la definition du facri-
Comme le man peut demander la fepararion
a caufe de rinfidelite de fa femme , la femmie la
demandoit autrefois (c) a caufe de rinfidelite du
mari Get ufage , conttaire a la difpofition des
lois {d) Romaihes > s*etoit introduit dans les
cours [-] d'eglife , oil I'on ne voyoit que les
maximes du droit canonique ; & efFeftivement,a
ne regarder le mariage que dans ides idees purer
ment fpirituelles & dans le rapport aux chofl^
* (tf) Leg. V. fF, ad leg. SuUam peculatus.
{hy Cap. Quifquis xvii » quaeftione 4 ; Cujas , 0"
fervat. liv. XUl. chap, xix , torn. HI.
(c) Beaumanoir , ancienne cootume de BeauvoUU,
ch. xvin.
{d) Lep;. I , cod. Mi leg. Jul, dt adult.
(«) Aujourd'hui , en France , «lles conaoiff«a|
/ point de c«$ chofe—
L rv. XXVI. G H A p. IX. if"
de I'autre vie , la violation eft la mSme. Mais
les lois politiques & civiles de prefque tous les
peuples , ont avec raifon diilingue ces deux
choi'es. £11 es ont demande des femmes un degri
de retenue & de continence , qu'elles n'exigent
point des hommes ; parce que la violation de la
pudeur fuppofe dans les femmes un renoncement
a toutes les vertus ; parce que la femme , en vio-
lant les lois du mariage , fort de l*etat de fa de-
pendance nature lie ; parce que la pature a mar-
que rinfid^lite des femmes par des fignes cer'
tains ; outre que les enfans aduit^rins de la
femme font n^ceflairement au mari & a la charge
du mari , au lieu que les enfans adult^rins du
mari ne font pas a la femme, ni a la charge de U
femme.
纷
CHAPITRE IX,
Qtu les ehofes qui doivent ctre rcglees par Us
principes du droit civil y peuveru rarement Fitn
par Us principes de la religion.
IL-i £S lois religieufes ont plus de fublimlt^ , les
iois civiles ont plus d*etendue.
Les lois de per fe£Hon tiroes de 】a religion ont
.plus pour objet la bont^ de rhomme cjui'Ls
obferve , que celle de la fociete dans laquelle
clles font obferv^es : les lois civiles , au con-
traire , ont plus pour objet la bont^ morale
des hommes en g^n^ral, que celle des individus.
Ainfi , quelque refped^ables que foient les
idies qui naiUgnt utuaediatemeut de la
r
300 De L*EsPRiT DEs Lois i
gion , dies ne doivent pas toujours fervir ds
principe aux lois civiles ; parce que cftlles-ci
en ont un autre, qui eft le bien general de la
Les Romains firent des r 化 lemens pour con-
ferver dans la r^puMique les moeurs des femmes ;
c'^toient des inltitutions politiques. Lorfque la
monarchie s'etablit , ils firent la-deffus des lois
civiles , & ils les firent fur les principes du gou-
y«rnement civil. Lorfque la religion Chretienne
eut pns naifTance , les lois nou veUes que Von fit
curent moins de rapport a la bont^ generale
des.mc£urs , qu'a la laintet^ du mariage ; on con-
fid^ra m^ins I'union des deux fexes dans Fetat ci-
vil, que dans un etat fpirituel.
D*abord , par la loi {a) Romaine , un maii
qui ramenoit fa femme dans fa mai fon apres 】a
condamnation d'adultere , tut puni comme com-
plice de fes debauches. Juftinien \J>\ , dans un
autre efprit , ordonna qu*il pourroit pendant
deux ans Paller reprendre dans le mo naif ^e.
Lorfqu'une femme qui avoit fon maii a 】a
guerre , n'entendoit plus parler de lui ,elle pon-
voit dans les premiers temps aiftment fe rema-
rier , parce qu'elle avoit entre fe mains le pou-
voir de faire divorce. La loi de Conftantin [c]
voulut qu*elle attendic quatre ans , apres quoi eilc
pouvoit envoyer le lib«lle de divorce au chef ;
6i n fon mari revenoit , il ne pouvoit plus I'ac-
cufer d*adu}tere. Mais Juftinien (</) etabiit que ,
(«) Leg. XI. $. ult. ff. ad Ug. Jul. dc adult,
(h) Nov. 1^4 , coll. 9, ch. X. tit. 170.
(c) Leg. VII , cod. dt repudiis & judicio de moriius
fuhUto.
{d) Auth« Hodie quanHfcurnqm 》 cod. dt repud^
Liv. XXIV. Chap. XI. 301
rlque ten^ps qui fe fut ecoQT^ depuis 】e depart
mari , elle ne pouvoit fe remarier , a moin«
que, par la d^pofition & le ferment du chef,
die ne prouvat la mort de fon mari •• Juilinien
9voit en vue rindiffolubilite du niariage , mais on
pent dire qu'il I'avoit trop en viie. 11 demandoit
une prcuve pofitive , lorfqu'une preuve nega-
tive fufEfoit ; il exigeoit une chofe trhs difficile ^
de rendre compte de la deftin^e d'un homme
^k>ign^ & ekpott a tant d'accidens ; il prefumoit
un crime , c*eft-a-dirc , la d^fertion du mari ,
lorfqu'il ^toit fi naturel pr^fumer fa mort. II'
choquoit le hien public , en laiflant une femme
iansjxiaria^e ; il choquoit I'inter^t particulier , em
feacpofant a tnilte dangers.
La loi de Juftinien (e) qui tnit parmi les cau*
fes de divorce le confentetnent du mari & de la
femme d'entrer dans le monaflere , s'eloignoit
enti^rement des prindpes des lois civiles. II eft
naturel que des caufes de divorce tirent leur
origine de certams empechemens qu'on ne de-
voit pas pr^voir avant le manage ; mais ce defir
de garder la chaftete pouvoit etre pr^vu , puif-*
quil efl en nous. Cette loi favorife rinconilance ,
cans un 圣 tat c^ui M fa nature eft perpctuel ; die
cheque le priocipe fondamental ' du divorce ,
2ui ne founr e la diffolution d'un marl age que
ans Fefp^rance d'un autre ; enfin , a fuivre
me me les idees relieieufes , elle ne fait que don-
sier des viftimes k Dieu fans facrifice.
(«) Auth, Quod HodU , cod. dc repui.
Di! L'EsraiT Dss Lois ;
C H A P I T R E X.
Dans quel cas il font fuivre la lot civile qui
pernuty 6* nonla loi de la religion qui defend*
L oRSQu'UNE religion qui defend la polyga-
mic, s'introdiiit dans un pays oil elle eft per-
inife , on ne croit pas , a ne parler que politi-
quement , que la loi du pays doive foufFrrr qu'un
homme qui .a plufieurs femmes embraffe cette
religion ; a moins que le magiilrat ou le mari ne
les dedomma^ent , en leur rendant de quelque
maniere leur etat civil Sans cela leur condition
ferok deplorable ; dies n'auroient fait qu'obetr
aiix lois , & elles le troiiveroient privees des plus
grands avantages 6» la fociet^.
C H A P I T R E XI
Quil nt fdut point re^Ur'Ies tribunaux bumains
、 par Us maximes des tribunaux qui regardent
^autn vU,
Ih» fi tribunal de l,inquifition , forme par les
inoines Chr(Stiens fur Videe du tribunal de la p"
nitenc;^ contraire a toute bonne police* II a
trouve partout un foulevement general ; & il au-
loit cid€ aux conti-adiftions , ii c€ux qui' voii-
loient retablir n'avoient tir6 avantage de ces coib*
tradi<Stion$ m^mes. 、
tiT. XXIV. CnkP. XI. 30,、
Ce tribunal eft infupportable dans tous les
gouvernemens. Dans la monarchie , il ne peut
taire que des delateurs & des traitres ; dans let
I'epubliques , il ne peut former que des malhon-
netes gens ; dan$ I'^tat defpotique , il eft deftruc-
teur coitime lui.
C H A P I T-R E
Conunuation du meme fujct.
C 'est un des abus de ce tribunal , que de deux
perfonnes qui y font accuf^es du meme crime ,
c^le qui nie eft comdamnee a la mort , & celle
qui avoue jivite le fupplice. Ceci eft tir6: des id^es
monadiques , ou celui qui nie paroit • ^tre dans
Pimpenitence & damn6 , & celui qui avoue fem-
ble ^tre dans le repentir & fauv^. Mais upe pa-
reille difllndHon ne peut concerner les tribunaux
humains : la juftice humalne , qui ne voit que
les adlons , n*a qu'un pafte avec les homme»,
qui eft celui de I'mnocence ; la juftice divine , qui
voit les penf(§es, en a deux, celui de I'innocence
& celui du repentir.
C H A P I T R E XI 1 1.
Dans qutlcas il faut fuivrc , J tSgard d" maria-
ges , Us his de la religion ; & dans quel cas il
jaut fuivrc le- lo'is civUcs,
L eft arriv^ , dans tous les pays & dans tou$
les temps , que U religion s'eft mel^e des nurisi,
}04 Dr-L'EspRiT D£s Lpi$;
§es. D^s que de certaines chofes ont etc xegar-
ees conune impures ou illicites , & que cepenr
dant elles ^toient niceflkires , il a bien faUu y
appeller la religion, pour les legitimer dans un cas
& les r^prouver dans ks autres.
D*un autre cote , les manages etant , de toutes
les a^lions humaines , celle qui int^reffe le plus la
fi>Qiit^ , il a bien faUu qu'ils fiifTent regl4s par les
k)is civiles.
Tout ce qui regards le caraftere du manage,
fa forme , la maniere de le contrader , la fecon-
dit^ qu'il procure , qui a fait comprendre a tous
les peuples qu'il ^toit I'objet d'une benedidlion
particuliere , qui n'y £tant pas toujours attaches ,
dipendoit de certaines graces fuperieures ; tout '
ceU eft du reflbrt de la religion.
Les confequences de cette union par rapport
aux biens , les avantages r^ciproques , tout ce
• oui a du rapport a la famille nouvelle , a celle
dont elle ed fortie , a celle qui doit naitre ; tout
cela regards les lob civiles.
Comme un des grands objets dti mariage eft
d'6ter toutes les incertitudes des conjonftions
illegitimes , la religion y imprime fon cara^etje ,
6c Tes lois civiles y joignent le leur, afin qu'il
ait toute rauthenticite poflible. Ainfi , outre les
conditions que demande la religion , pour que le
mariage foit valide , les lois ciyiles en peuvent en-
core exiger d*autres.
Ce qui fait que les lois civiles ont ce pouvoir ,
c^eft que ce font cks carafteres ajout^s , & noa
pas des caraderes contradi^toires. La loi de la
religion veut de certaines c^r^monies , & les
lois civiles veulent le confentement des peres;
elles demandent en cela quelque chole de
plus , mais elles ne demandent rien qui foit con -
traire. II
L 1 V. XXVI. Chap. XllL 50;
' II fuit de-la que c'eft a la loi de la religion a
decider fi le lien fera indiiToluhle , ou non : car &
les lois de la relldon avoient ^tabli le lien indif-
foluble , & que \e$ civiles euflent rtel6 qu'il fe
peut rompre , ce feroient deux choics contca"
didoires.
-Quelquefois les cara£leres imprimis an ma*
riage par les lois civiles , ne font pas d'une ab-
folue necefEte ; tels font ceux qui font ^tablis
par le?1ois qui , au lieu de caffer le mariage , fe
font content^es de punir ceux qui le comrac<*
toient.
Chez les Romains , les lois Pappiennes
clarerent injuftes les manages qu*elles pfoh"
boient , & les foutnirent feulement k des pei 一
nes (力 ; *& le fi^natus-confulte rendu fur le dif*
CQurs de rEmpereur Marc*Antonin , les dedara
nuls ; il rfy cut plus (A) de mariage , d€ femme »
de dot , de man. La loi civile fe determine felon
les circonftances : quelauefois elle eft plus atten*
tive a r^parer k mat , quelquefbis a le pr««
venir. 、
(d) Vojn ce que j*ai dit ci*de0u9 au chap, xxt
livTC des lois dans le rapport qu'«Hts ont avec
le nombre des habttans*
(h) Voyei la loi XVI , C de ritu Huptiamm ; & la
loi lit, I , audi au digefte iU donationibus inur
Cc
}o6 De l'Esprit des LonJ
CHAPITRfe XIV.
Dans quel cas , dans Us manages cntre parens ;
il faut fe regler par Us lots dc la nature ; dans
quels cas on doit fe ngUr par Us loU civiUs.
JEl N fait de prohibition de manage entre parens,'
c'eft une chole tr^s delicate de bien pofer le point
auquel ks lois de la nature s'arretent , & oil les
lois civiles commencent. Pour cela , il faut eta-
blir des principes. '
Le manage du fils avec la mere confond Fi-
tat des chofes-; le fils doit un refpedl fans homes
a fa mere , la femme doit un refpeft fans bornes
a fon man ; le manage d'une mere avec fon fils
renverferoit dans Fun & dans Fautre leur itat
naturet
II y a plus : la nature a avanc^ dans les feia*
mes fe temps oii elles peuvent avoir des enfans \
(die l,a reculi dans les hommes ; & par k m^me
raiCon , 】a femme ceffe plutot d 'avoir cette fa —
cuk^ , & rhomme plus tard. Si le' marrage en*-
tre lat mere & le fils itoit permis , D arpyerok
Erefque toujours que ,- lorfque le n>ari feroit capa-
le aentrer dans le%vues de la nature ^ la femme
n'y feroit phis.
Le manage entre le pere & la fille rdpugne a
la nature , comme le precedent ; msds il r^ugne
moins , parce qu'il n'a pas ces deux obftacles*
Auf& les Tartares, qui peuvent — ufer leuss
Liv. XXVI. Ghak XIV. j©7
aWes ( ) , n'epoufent-ils jamais leurs meres »
comme nous voyons dans les relations (^).
II a tou jours iti natiirel aux peres de veiller
fur la pudeur de leurs en fans. Charges du Com
de les ^tablir , ils ont d{i leur conferver & le
corps le plus parfait , & l,ame la tnoins corrom-
pue, tout ce qui peut tnieiix inf]()irei\ des defirs ,
6c tout ce qui eft le plus propre a donner de la
tendrefle. Des peres , tou jours occupis a confer-
ver les inoeurs de leurs enfans , ont d 右 avoir un
^loignement naturel pouf tout ce qui pourroit les
corrompre. Le manage n*eft point une corrupt
tion, dira-t*on : mais avant le mariage , il faut
parlor , il faut fe fairc aimer , il faut fikluire ;
c'cft cette fedu6tion qui a du faire horreur.
II a done fallu une barriers infurmontdble entre
ceux qui devoient donner reducation , & ceux
qui dsvoient la recevoir ; & 6vker toufe forte
de corruption , mime pour caufe legitime. Pour-
quoi les peres privent-ils fi foigneufement ceux
qui doivent epoufer leurs filles , de leur compa*
gnie & de leur fartiiliarite? -
L'horreur pour l,i!icefte da frere avec la foe or,
a paftr as la m^me fource. It fuffit que les
peres & les meres aycnt voulu conferver les
jnosurs de leurs enfans & leurs maifons* pures ,
pour avoir infpire a leurs enfans de rhorreur pour
tout ce qui pouvoit les porter a l,"nion des deux
fexes.
{a) Cette loi eft bien ancienne parmJ eux. AttHa f
dit Prifcus dans fon ambafTade , s'arr^ta dan^ un cer-
tain lieu pour Epoufer Efca fa fille ; choft permifi , dib»
il , oar Us lois des Scythes , pag. 22.
(i) liiftoire ― Tartivres , part. 5 , psg. 156,
Cc a
3o8 De l*Esprit des Lois 9
La prohibition du manage entre coufins gtr-
mains a la meme origine. Dans les premiers
teaips , c*eft-a-clire dans les temps faints , dans
ks ages ob le luxe n'etoit point connu , tous
les (c^ enfans. reiloient dans la maifon , & s'y
^tabliUoient ; c'eft qu'il ne falloit qu'une maifon
tres petite pour une grande famille. Les en-
fans (d) des deux freres , -ou les coiitins ger-
mains , 在 toient regard^s & feregardoient entr*eux
comme freres. L'eloignement qui ^toit emre les
freres & les foeurs pour le manage , etoit done
auffi (e) entre les cooiins eermains.
Ces caufes font fi fortes oc fi naturelles , qu'el-
, les ont agi prefque par tonte la terre ^ indepen-
cUmment d*aucune communication. Ce ne font
point les Romains qui ont appris aux habitans
l<le Formofe (/), que le manage avec leurs pa-
rens au quatrieme degr^ ^toit inceftueux ; 'ce ne
font point les Romains qui I'ont dit aux Ara-
bes ; ils ne I'ont point enfeign^ aux Maldi-
ves (X).
Que、 ft quelques peuples n*ont point rejet^
.ks manages entre les peres & les enfaii" les
-,
(c) Cda fut ainfi chez les premiers Romains*
(a) En efFet , cher les Romains, ils avoient fe in^
sie nom ; tes coufins germains ^toient nomm^s freres.
. (e) lis 1« furent a Rome dans les premiers temps,
jufqu^i ce q\xe le peupit fit une loi pour Its p«rinet»
tre ; i\ voulort favorifer un homme extrliscment po-
pulaire , & qui $*etoit tnaric avec fa coufine germatt-
fie, PIutar<{ue , au traitc des dcmandts i/e* chojes Ro»
mairtes* '
if) Recueil des royages des Incfw , tom» V, pact*.
I. re/atlon dt i'etat de IMsie de Form«fcr .
(>) L'alcorafij chap, desphmcs,^
Li V. XXVI. Chap. 'XIV. 309
foeurs & les freres , on a vu , dans le livre pre-
- mier , que les etres intelligens ne fuivent pas
- toujours leurs lois. Qui le diroit ! des idees re-
Kgieufes ont fouvtnt fait tomber les hooifneft
dans ces igaremen^. Si les AlTjrriens , fi les Per-
fe^ ont ipouCk, kurs meres , fes premiers I'ont
fait par an refpe6i religieux pour Semiramis ; 6c
les feconds , parce que la religion' de Zoroafire
donnoit la prlf(§rence (i) h. ces manages. Si les
- Egyptiens ont epoud leurs foeurs, ce hit encore
un delire de la religion Egyptienne , qui confa-
cra ces* manages en I'honneur dliis. Comme l*ef-
• prit de !a religion eft de nous porter a faire avec .
effort des chofes grandes & difficiles , il ne faut
pas Juger qu,une chofe foit natureUe , parce
qu'une religion faufTe Va. conlacr^c.
Le principe que les manages cntre les peres
& les ehfans , les freres & les foeurs , font d 会 fen-
dus pour la (;. onfervation de la pudeur natureUe
dans la maifon , fervira k nous £ure decotivrir
quels font les manages defendus par la loi na-
tiirelle , & c^ux qui ne peuvent I'^tre que par Id
ioi civile.
Commfr les enfens habxtent , ou foftt *cenfes
habiter dans la maifdn 8k leur pere , & par cop-
ftquent le beau-fils avec la belle-mere , le bcau-
pere avec ja belle- fille ou avec la fille de fa
iemtne ; le manage entr'eux eft defendu par la
loi de la natute. Dans ce cas , Timage a le.meme
efFet que la reaUte , parce qu'il a la meme caufe ;
k loi civile ne peut ni ne doit permettre ces
manages.
(i) lis ^toieht regardes comme plus bonorable^^
Voyez Philon , de /pecialibus legihus qua vertiHint ai
fraceftt deca/ogc, Vitus j 164O, fag, 778,
iio De l'Esprit des Lois,.
II y a des peuples chsz lefquels , comme j*at
dit , les coufins germains font regardes comme
freres , parce qu ils habitent ordinaire me at dans
la me me maifon ; il y en a oil on ne connoic
guere cet ufage. Chez ces peuples , le ma -
riage entre coufins eermalns doit etre regardf
comme contraire a la nature ; chez les autres ,
non.
Mais les lois de la nature ne peuvent etre
des lois locales. Ainfi quand ces mariages font
defendus ou permis , ils font , felon les cir-
conftances , permis ou d^fendus par une loi
civile.
II n'eft point d*un ufage n^ceffaire que le
beau-frere & la belle-foeur habitent dans la
xneme maifon., Le marl age n'eft done pas de-
fendu entr'eux pour conierver la pudicite dans
la maifon ; & la loi qui le defend ou le permet ,
n'eft point la loi de la nature *, inais une loi ci-
vile, aui fe regie fur les circonflances , & depend
des uiaees de chaque pays > ce font des cas ,
ou les lois depsndent des moeurs & des ma-
nieres.
Ley lois civlles defendent les mariages , lorf-
que , par les ufages re^ii dans un certain pays ,
ils fe trouvent etre dans les memes circonnances
que ceux qui font defendus par les lois de la na -
ture y & dies les permettent lorfque les manages
ne fe trouvent point dans ce cas. La defenfe ae*
lois de la nature eft invariable , parce quelle de-
pend d*une chofe invariable ; le pere , la mere &
les enfans habitant necefTairement dans la mai-
fon. Mais les defenfes des lois civiles font ace"
dentelles , parce ~ qifelles dependent d'une dr-
conftance accidentelle ; les (; oufins germains
& autres habitant accident^lknient cUns la
; m^fon. 、 : >
r
Liv. XXVI. Chap. XIV. "(
Cela explique comment les lois d« Mo;fe,
celles des Egyptians [A] 6c de pluTieurs autres
peuples , permettent le mariage entre le beau 一
frere & la belle^foeur , pendant que ces monies
manages font defendus chez d*autres nations.
Aux Indes, on a une raifon bien. naturelle
d*admettre ces fortes de marines. L'oncle y eft
regard^ comme pere ,& il e(t oblige d'entre-
tenir & d'etablir fes neveux , comme fi c'ctoient
fes propres enfans : ceci vlent du caradere de
ce peuple , qui eft bon & pleln dliumanite.
Cette loi ou cet ufage en a produit un autre :
fi un mari a perdu fa femme , il ne manque
pas d'en ^pouler la foeur (/) : & cela ^ tres
naturel ; car la nouvelle ^poufe devient la mere
des enfans de fceur ,& U h'y a point d'lnjudc
maratre. '
C H A P I T R E XV.
•Quil ne faut point regkr var les principes du
drok politique , les ckojes qui dependent des
principes du droit civil.
OM ME les hoflimes out renonc^' \ leur
independance naturelle , - pour vivre fous de*
]ois poHtiques , ils ow renonce a ki communaiit^
naturelle des biens' , pour vivre fous des lois
civiles.
Ces premieres lois leur acqulerent la Kbert^ J
(Jt) Voycz la loi Vm , ail code dt incefies & inutt-
Uhus nuptUs,
(/) Lettres 磁, i4me» rccueil , pag. 403,
3ii De l*Es?rit des Lois ;
fes fecondes , la propriete. II ne faut pas flecictef
par les lois de la liberty , qui , comme nous avons
dit, n'eft<jue Tempire de la cite, ce qui ne doit
6tre decide que par /les lois qui concernent la
Eropri^te. C'eft un paralogifme de dire que le
ien particulier dcMt ceder au bien public : cela
n'a lieu que dans les cas ou il s*agit de l,empire
de la cLti , c*eft-a-dire , de la liberty du citoven :
cela n'a pas lieu dans ceux ou il eft aumion
de la propriety des biens , parce Que le bien
public eft toujours que ckacun conlerve inva-
riabiement la proprilt^ que lui donnent Us \oi9
civiles.
Ck^ron foatenqit que les lois agraires itoienf
funeftes , parce aue la cit^ n'ctoit itablie que pour
que chacun conlerv^t fes biens.
Pofons done pour maxim^ que lorfqu'il
s*agit bien public , le bien public n'eft jamais
que ron prive un particulier de (on bien , on
fn^me qq*on lui en retranche la moindre partie
par unc 】oi ou un r^glement politique. Dans ce
cas , il faut fuivre a la rigueur la loi civile , qui
eft le palladium de la propriete.
Ainfi lorfque le public a befoih du fonds d,urt
particulier, il ne &ut jamais agir par la rigueur
de la loi politique : m^s c'efl la que doit^triom*
pher la loi civile , qui , avec des yeux de mere ,
regards chaque particulier comme toute la cit6
meme. 「-'
Si le maglftrat politique vcut faire quelque
Edifice public , quelque nouve^au cherain , il faut
qu'il indemnife ; le public eftj a cet egard ,
CommQ un particulier qui traits avec un par-
ticulier. C'eft bien aiTez qu'il ptilfTe contraindre
tm citoyen de lui vendre Ion heritage , & qu'il
lui ote ce grj^id privilege qifil tient de la loi ci-
vik,
Liv- XXVI. Cha,, XV.
inle , 4e lie pouvoir &re forci d'aliener fon
bien.
Aptes. que les pei^les qm ditrvafaent k»
Remains eurem abu£& de leurs conqultcs mhns ,
refprk de iibert^ les rappella a ceiot d'equite ;
les droits les plus barlKo^es , ill les exercereot
avec mod^ation ;& £1 i'on en doutoit , il n'y
auroit qu'a Ike ra&nirabie ouvsage de B^au*
in^noir , qui ecriToit fyr la jurifpnidence dans
le douzieme Gecle.
On racommodoit defbn temps les grands cfas*
mins, comme I'on fak auiourcTiiui 11 dit que,
quand ua grand chemin ne pouyoit etre retabli^
on en faifoit im autre le pltis pr^s de I'ancien
qu'il itoit poffibfe ; mais qi*on d^dommageoh
les |>ropri^taires [/z] aux frais de ceux cpsi ti^
roient quelque avautage du ckemin. On le de-
terminoit pour lors par la- loi civile ; on s'eft d&»
termini de nos jours par k loi politique.
fl' 1 1 , ' ' '、• ■ ' Ji
<: H A P I T R € XVI, ^
Quzl ne faut point decider par les regies du droit
civile quand il s>agit de decider par celUs du
droit politique.
VCTf a- le fond de tomes les qiieftions , fi
ron ccn4f<>Tid point les regies qui dcriveilt de
(d) T,e l'dgn€uf nommoit des prud'hommes pour
fatre la lev^ fur le pay fan; les gehriUhommes ^toient
contratnts k la contribution par le comtc , I'hoimne
d'«g'ife par PeY^uft. Beaumanoir , ch. xxiu
Tome III. 、 D d
314 Dc L*EsPRiT DEs Lois,
la propriite de ia cite , avec celies qiii naifleat
de la liberte de la cite.
Lc domame d'un etat eft- il alienable , ou ne
reft'il pas ? Cette queftion doit ^trc decidee par
la ioi politique , & non pas par la loi civile.
Eile ne doit pas etrc decidee par la 】oi civile ,
parce qu'il eft aufB neceffaire qu*il y ait un do*
iiiaine pour faire fubftiler I'etat , qu'il eft nec€i-
falre au'il y ait dans I'^tat de& lots civiles qui re-
glent ia difpoficioh des bien$.
-Si done on aliene 4e domalne , I'etat fera
force de fsure un nouveau fond pour un autre
domaine. Mais cet expedient renverfe encore le
j^ouvernement politique , parce que, par la nature
de la chofe , a chaque domaine qu'on etabiira , le
fujet pay era toujours plus, & le fouverain reti-
rara toujours itioins ; en un mot , le domaine eft
necefTaire , 6t ralienation ne Feft pas.
L'ordre de fucceffion eft fonde dans ks mo —
n archies fur le bien de I'etat , qui demande que
cet ordre foit fixe , pour ^viter les malheurs
que j'ai dit devoir arriver dans le defpotifme ,
oil tout eft incertain , parce qu^ tout y feft arbir
traire.
Ce n'eft pas pour la famille rignante que For-
drc dc Aicceffion eft etabli , mais parce qu'il efl
de riater^t de I'etat au'il y aic une famille re-
gnanfe. La loi qui re^e la fuccefSon des parti -
cu'liers , eft une loi civile , qui a pour oinet riate-
tet des particuliers ; celle qui regie la (uccefSon
a la monarchie , eft une loi politique , aui a
pour objet le bien & la confervackm de Petat.
I J luit de-la que,lorfcjue la loi politique a ^ta —
bU dans un ^tat un ordre de fucceffion , & que
cet ordre vient a finir, il eft abAude de recJa-
mer la fuccelfioh en vertu la loi civile quel-
Li V. XXV. Chap. XVI. 315
que peuple que ce fott Une (oditxi particu*
lisie oe t'ait point de lots pour une autre UkittL
Les k>is civilcs des Romakis ne font pas plus ajp 華
pUcables que toutes autres lois civile, ; m ne fee
ont point empioyees eux-memes , loHfqu^is ont
jug^ les Rois : & les maximes par leiquelies ils ont,
—!巴 I^ojs, (out fi abooiiubles, qu'd ae faut
point ies taire revivrc
II fuit encoce de-la que , lor(que la loi poli -
"que a fait renoiKer quelque 'fanuUe a ia fuccel-
fion , U eft abfurde voulotr employer les ref-
titucions tirees de la \oi civile. Les reftuutiont font
<LiRS la loi , & peiurem ctre bonnes contre ceux
qui vivent dans lot : mak elles ne font pas
bonnes pour <;eux qui ont cte etablis pour la iol,
q«i vivent pour la loL
U eft rtdicide c]e pr^tendre decider des droks
des royaumes , des nations & de Funivcrs , par
les memes maximes fur lefquelles an d^ide
entire particuliers d'un droit pour une cou-
lierl » pour me fcrvir de rexprdlion de Gtc-
ron (ay
C H A P IT R E XVII.
Continuation dn mem fujcu
X^i^oSTRACisME doitctrc examini par les regies
la loi politique, &non par les regies de fak)i
civile : & bten lorn que cet ufage pti'ifl^ fl^tfir k
g(Svvernement populaire , il eft au contraire
trcs propre a en prouver la douceur : & nous
{a) Lit. I des lois
一
Dd a
3i6 D£ l'Esprit des Lois,
auriofls fenti cela , fi. I'exil pattni nous etant
I toujours vote peine , nous avions pu feparer
ridee de roftracifme d'avec celle de la puni 一
tion.
Ariftote (a) nous dit, qu*il -eft convenu de
tout ie tnonde que cette pratique a quelque chofe
d'hum^n & de popuiaire. Si- <ians les temps &c
dans ld« 1;eux oil I'on exer^oit ce jugement, on
lie le trouvoit point odiedx ; eft-ce a nous, qui
voyons les. chofes de ii loin , de penfer autre -
menc que ie& accufateuFS , les juges & Faccuf^
^neme ?
£t ia I'on {ak attendon que ce jugement du
peuple cosnbloit de gloire Celui contre qui tl
.etoit rendu , que lorfqu'on en eiit abuf a Athe-
nes contre un homme fans (^) merite , on cefla
dans ce moment de (c) remployer ; on verra
bien qu'on en a pris une fauiTe i^e, & que c*^-
toit une loi admirable que celle qui pr^venoit
les mauvais effets que pouvoit produire la gloire
d*un citoyen , en le combiant d'une nouvell^
gloire.
C H A P I T R E XVI I L
Quil faut examiner (i Us lots qui paroifftm
contrcdirt , font du rneme ordre,
xV.^^OME il fut permls au . mari de prSter fa
ienune k lia autre, Plutarque n<^ le {a) dit for-
{a) R^publique , liv. Ill , ch xiii.
lb) Hyperbolas . Voycz Plutarque, vie H'Actftide*
(c). II fe trouva oppof^ a I'efprit du l^gislateur,
(«) Plutarque, dans ia comparaifon oe Lycurgue
&. de Numa.
Liv. XXV. Chai». XVm. )i7
tnellement : on fait que Caton pr^ta fa {h) femmtf
& HorteniQus , & Caton n'etoit point homme k
violer les lois de fon pays.
D'un autre , an mari qui fouffroit les
debauches de/a femme ^ qui ne la mettoit pas
en jugement ou qui la rcprenok (e) aprhs U
condamhation , ^toit puni. Ces paroifTent
fe contredire ,& ne fe contredifent point. La loi
qui permettoit k un Remain de prater fa femme ,
t& vifiblement une inftitution Lac^d^monienne ,
itablie pour donner h la r^pubiique <fes enfans
d'une bonne efpece , fi )*ofe me fervir de ce
terme: Kautre avoit pour objet de coftferver les
mcxurs. La premiere ^toit une loi politit^ue , ia
feconde une loi civile.
G H A P I T R E XIX.
Qu*il ne fiutt p4s decider par ks lois civiUs tes
. chof" qui -dwiv.ent Vitre par Us lois domsfliqius*
A loi des Wifigoths vouloit que les* efcla*
ves U) fuflent obligfs de lier l*homme & la
femme qu'ils furprenoient en adulters, & de fer
prifenter au inari & aju juge •• loi terrible , qui
mettoit entfe les mains' de ces'perfonnes viles h
foin 'de la vengeahi^e publique ,' domeftiqiie &
particulier^ !
. (B) p}ttleiTftt#, vie Oi«0D.Cefai fe faSi 49 K>tf«
temps , dit J>traboD » Uy. XI.
, Cf) Leg. Oa , §. ult; ff. ttd leg. Jul, it adult, .
* («) Loi idki Wifigots, liy, iii. tit. 4. §. 6.
Dd 3
3i8 De l'Esprit DCS Lots,
Cette lol ne feroit bonne que dans les ftrails
d'orient , oil I'efclave, qui eft charge de la do- 、
lure , a prevarique fitot qu'on prevarique. II
arrete les criminels , moins pour les fsure ji^er ,
que potir fe faire )uger Ivri-memc , 6c obtenir
cjue Pon cherche dans les circonftances de I'ac-
書 ion , (i I'on peut perdre le foup9on de fa ncgU-
gence.
Mais dans les pays ou les iemmes ne font point
gard^M, il «ft inienfe que la loi civile les foumet-
te , elles qineouvernem ia maifon ,a rmc^uiittion
de lenrs eicbves. 、
Cette inquiiitioo poiirroit Stre , torn ao plus
dans de certai&s cas , une loi particuliere dbnief-
tique , & jamais une loi civile. *
CHAPITRE XX.
Quil ne faui pas decider par les principes dts
lois civilis , Us cho/is qui apparucantnt au
droit des gens.
SL» A liberte confide princlpalement a ne pouvoir
£tre force a faire une choik que la. loi n*ordonne
pas 'y 6c on nafk dans cet itat que parce qifon eft
eouverne par des lois civ3es: nous fommes dpac
abres , parce que nous yivoii$ foos des lois ci-
viles.
11 fmt de-til aue les Princes qtn ne vivent point
ehtr'eux lorn jon lois ciioUft , ne foot point
libres •• ils font gouvernis par la force ; ils pcu-
vent continoenement forcer ou im forces. De-
la U fuit que les trattis qu'ib ont futs par force,,
font auffi ebligatoires que ceuK qu*Us auroient
— ^
Liv. XXVI. Chap. XXI. "9
£kits de bon gre. Quand nous , qui vivons fons
des lois civlies , fommes contraints a faire quel-
que contrat que la loi n'exige pas , nous poi>-
vons , a la faveur de la loi , revenir centre la
violence ; mats un Prince , qui eft toupurs dans
cet itat d ins lequel ii force ou il eft forci , tie
peut pas fe plaindre d'un trait^ qu,on lui a fait
faire par violence. C*eft comme s*il fe plaignoit
de fon ^tat naturel ; c'eft comme s'il vouloit
eire Prince a Vig^vd des autres Princes , tc que
ks autres Princes fuflent citoyens a fon ^gard j
^dioquer la nature des cbolcs.
C H A P I T R E XXI,
Quil m (out pas Hctdtr par les^iois poUriquo,
ks chofts ^ui apparttinnint au droit dts gens.
L cs lots politiques demandent que tout homme
{o\x foumis aux tnbunaux crmnnels 6c c'lvils du
pays oil il eft 9 & a rammadverTion du Sou*
verain.
Le droit des gens a voutu que les Princes sVn-
voyaiC^iit des AmbafTadeurs ; & la raifon tiree
dela lUkture de la chofe , n*a pas pcrmis que c«s
AmbaHadeurs dependiilent du Souverain chez
qm lis font envoy^s , ni de fes tribunaux. lis
lont la parole du Prince qui les envoie , & cette
f)arole aoit Itre Kbre : aucun obflacle ne doit
es empecher d*aglr : ils peuvent fouvent d"
plaire , parce qu*ils parlent pour un homme' in-
dependant^on poiirroit leur imputer des cri-
mes , s*ils pouvoient etre p«ims pour des crimes ;
on pourroit leur fuppoCer des dettes , s'ils poti-
. Dd 4
32© De l'Estoit ms Lok*,
voient etrc arretes pour des dettes r an Prince
qui a une fiertd naturelle , parkroit par la bouche
d,iin hemrne aul aurok tout, k craindre. li faut
done fuivre , a I'egard des AmbaiTaMieurs , les
raifons tiroes du droit des gens , & non pas ceN
les qui d^rivent du droit politique. • Que s*i}s
abufent dt kur Stre reprifematif , oo. le fait
cefler, en ks rcnvoyant chez eux : on peut mime
les accufer devant leur maitre , qui devieat par-Ik
feur ^uge ou leur complice.
Malhfvreupc fin . t Xnm 4 tMtt^LPA.
£5 |>Fin4hpes que notis -vencjos d^ubfi,,
furent ^yruelleniejQt vioW* [>«r Jes Efp#gi\pis.
L'ynca (4 ) Athualpa ne pouvoit etre juge
'.qufa par le adroit 'des 冬 ens '; .iug^r^oC par
' lois polltiques &i《iYiT-#; i)&.i!aec»4erent d*aY<»r
.fait mourir quetqpe^-iins de, fes .fuj^ts , d'avojr
€u plufieurs femmes , &c. £t le combia de la
fiupi^t^ fut i qu'ils ne le condamn^^fent pas
par ks lois poKtiques & ctviles de fon pays »
xnais par k» lois politiques & civiies du.feur.
W Voyei fmca^ Garctiaffb de la Vega , >a^. iOJK.
4
Liv. XXVI. Chap. XXIIL 511
C H A P I T R E XX I H.
Qut hrfaue^ par qmlque circonftdnct , la hi poli-
tique aetmit Ntat , il /out didder par la hi
poUd^ qui U conftrvt , qui dtvUnt quelqut"
fm un droit ties gens.
C^u AN D la lot politique , c|m a itabli dftus
'X^tAt tin cercaia ordre de facctfAoti , devieflt
.'fleftrufirice du corps' politique pour kc^ucl dte
a 圣 faite , ilne iaut pas douter qu'une autre loi
-p^itique ne pniffe changer '4J€t -ordile j &、 Aien
•loin que cette'in^me loi Toie oppofi^e ii- h pr^
.mofe^ elk y (era dans le Ibnd enti^em«nt cwi-
, forme 9 puiicra'eUes d^peodront toutes deux de
ce j>nii€ipe : tu -alut' qxi : peuple 2st ^Ji $u-
^BlIme hOU 、'
• J*ai<lk {a) 々iA»^nuu) devenu' acteflbtft
d,un antro s'afibiyi(loit , & m^tfie afFoibKilbtt ft
pnitci[iaL On fait que r^ut a intiret d*avoir foti
chef chez.loL, que les reveiius* .{publics foient
bien adminiftr^s ,que fa monnoie ne forte point
pour enrichir un autre pays. II eft important que
cditi iftu tluil {jpuvn'iwi tm 'felP'poiftt imbu de
tnaximes ^trangeres ; ettes conviennent moins
que celled lont eiaBlies :' d'ailleurs les
hotnmes tiennent prodigteufement h. leurs lois
& a leurs cauntmes; is font lnH^Ibs^it 卜 de cha-
I ■ ■ —^― ― ―
(a) Voyei ci deffus, Hv. V. , cbap. xiv ; Uv- VIII ,
c>iap. ^vi , XV", xvm XIX & 'XX ; liv: IX « cfau IY»
ff » Yr, VII s &. liv. X A chap. \x & x»
31ft Dt l'Esprxt DCS Lois ;
que nation ; il eft rare qu'on ks change fans die
{jrandes fecouflles & une erande enuii(^ de
lang , comme les hiftoires ae tous les pays le
font vdr. '
II fuit de-]^ que fi un grand ^tat a. pour M-
riti^f le poffeffeur d'lm grand 在 tat, le premier
peut fort bien I'exchire , parce qu'il eft utile a
tous ies deux etats que l,ordre de la fucceifion
Coit <hang^. Ainfi la lot de Ruflie faite au com-
mencement du regne d*£lifabeth , exclut-elle
irh prudemment tout h^htier qui pofKderoit
une autre monarchie : ainfi la loi de Portugal
f€iette*t-elle tout ^tran^er qui feroh appelle i
la courpfine par le droit du fang.
、 Que fi une nation peut exdore , elle a k plus
forte raiibn le droit de £ure renoncer. Si elk
cramt qu,un certiun aiariage n'ait des fuites qui
puiflVnt iitt £ttre per4ire fen ind^peiulance ou la
yepst -jdaM un panags , eOe pourrsi fort bSen
hire renoncer les contraAans, & cefkx qui nrf-
' front d,«ux, a tons les droits qu'ik auroieiii fur
cUe ; Sl cehii qui renopce , & ceux contre qui
on renonce , pourront d'autant moins fe plain-
dre .qne Fetat auroh pu faire une loi pour les
cxclure.
CHAPITRE XXIV,
Quit Us reg/mens de polkt font (Pm autre ordrt
que Us autrts his civiles.
Il y a des criminels que le tnaglftrat pwik, il
y en a d*autre$ qu*i[ corrige ; les premiers font
xoumis a la puiJTanc^ de la, Wi , ler autref a foo
L I V, XXVI. Ch ap. XXIV. j i)
auto rite : ceux-la font retranches de la foci^t^ ;
on oblige ceux-ci de vivre felon les regies de
la fociete.
I>ans Fexercice de la police, c'eft plot6t le
in^iflrat qui punit, que la loi ; dans les Juge-
xnens^des crimes, c'eft plutot la loi qui punit,
que le magiftrat. Les matteres de police font
4es chofes de chaque inftant, & oti il ne s*agit
ordinairement que de peu : it ne faut done guere
de formalitis. Ias a^ons de la police font promp-
tes , 6c elle s,«xerce for des chofes qui revien-
nent tous les jours : les erandes punitions n'y
font done pas*propres. Elie s'occupe perpetuel-
lement de details : les grands examples ne font
done pas iahs pour elfe. Elle a plutot des re -
elemens que des Ioi&. Les gens qqi relevent d'ellc
loiit fans cefle fous les yeux du magiflrat; c'efl
done la faute du magiftrat slls tombent dans des
exc^s. Aififi il ne £iut pas co.ifofidre les grandes
、 TioUtions des lois avec la violation de la fimple
police ; ces chpres font d*un ordre different.
De-la il fuit qu^on tie s*eft point conforme 3l
la nature des chofes de cette r^oublique d'lta-
lie (if) 4 oil le port des armes a feu eft puni
comme un crime capital , & oii 11 n'eft pas plus
fatal d'en iaire iin mauvais ufage que de les
porter.
II fuit encore 如 e I'aSkm tant lou^e de cet
empereur , qui fit etnpaler un bpulanger qu'il
avoit furpris en fraude , eft one a^Hon de fultan ,
qui ne (ait Stre jaile qu'en outrant la juAice
" ' ' . / I ago
(tf) VcniCi,
、
De lT^spKit des Lois
CH A P I T R E XXV. '
Qu'it ne faut pas fuivn Us difpojrtions glniraUs
du droit civile lorJqu*il s*apt de chofes qui dot"
vent itre foumifes a des regUs pardcuUeres ri-
rees dt Uur propre nature*
EsT-CE une tonne loi , que toutes les obliga-
tions civiles pafTees dans le cours d'un voyage
cntre les matelots dans un navire, foient nidles ?
Francois Pyrard {a) nous (fit que de fon temps
elle n'etoit point obTervee par les Portugais ,
mais qii'elle I'etoit par les rran^ois. Des gens
qui ne font enfemtle que pour peii d§ temps »
qui n'ont aiicuns befoins, puii^ue le prince y.
pourVoit , qui ne peuvent avoir' qu'un objet qui
eft celui de leur voyage , qui ne font plus dans
la fociete , mats citoyens du nayire , ne doivent
point contraSer d$ ces oUigatlons qui n'ont ere
introduites que pour foutenir les charges de la
fociete civile.
C'eft dans ce meme efprit que la loi des Rho-
diens , faite (5our un temps *bu ron fuivolt tou-
jours les c6tes , voulc^t que ^eux qui , pendant
!a tempete , refloient dans le y^fTeau , euffent le
navire & la charge 二 & que c^x qui ravoient
quitte , n,euffei;i't rieh. . . '
(«) Cbapitrc XIV, part. 12«
Lit. XXVIt. 3"
L I V RE XXVII.
CHA P I TRE UNIQUE.
I'origme & des revolutions dts lots Ses Ro*
mains fur les Juccejfians,
Cette tnatiete ttent a des itahJiiTemens d'ane
amiquit^ txhs reculie ; & pouc la p&i^trer ^ fond ,
qu'il me foit permis cle c&rcher da«s les premie-
res lois des Romas as oe (pie je ne fache pas que
ron y ait vu jufqu'icL . 、
On fait que. Romulus [tf] partagea fes terres de
fon petit £tat a fes citoyens ; il me femble qae
ceft de-la que dirivent les loi^ de Rome fup les
fuccef&ons.
La loi de la divifioo des .terres demanda que
Itt btens d'une faimlle ne paiTaiTent pas dans uiie
autre : de-la il fuivit qu'il n'y £ut que deujc or-
dres (Th^ncters etablis par la loL(^); .les enfans
& tous hs defcendans quhviv.orent foi^ :b puif-
fance du perc , qtt*on appeUa heritiers^fiens ; &
a leur d^fkut, les plus proches parens par males ,
• qu'on appeUa agnats* " 、 . ' 》
(d) Denyj d'Hs^yc^rnaHj^ , liv. II. chap. 3. Plutar-
que , dans fa comparaifon de Numa 8c Lycurgue.
(b) Afl fi intcftaio nuritur , cui fuus hares nec txta"
hit , agnatus ^oximiis faanitiam habuo* Fragtn, de la loi
des douze ubies dans Ulpien , tit, ddrnicr.
II fuivit encore que les parens par femmes i
qu'on appella cognats , ne devoient point fucc^-
der ; lis auroient tranfporti les biens dans tine
、 autre famille ; & cela &t ; uriii etablL
II fuivit encore de-la queies enfans tie devoient
point fucceder a leur mere , ni la mere k fes en-
fans ; cela auroit'poit^ les blens d'une famifle
dans une autre. Auffi les voit-on exclus (c) dans
la loi des douze tables ;elle n*appelIoit a la luccef-
fion que les agnats y&le fils&la mere ne retoient
pas.enCr'eux.
Mais il etoit indifferent que rherltier-fienyOn,
a fan difkut , le plus proche agnat , fut itiale lui-
meme ou fenielle ; parce que les parens ducote
inacernd ne focc^dant point , quoiquune femme
4ieritiere ie mariat, les biens rentroient toujours
dans ia iamille dont ils etoient fortis. C'eft poi:r
cela que l,on ne diftinguoit point dans la loi dcs
douze tables ^ fi la perfonne [</] qui fuccedoit
etoit male ou femelle.
Cela At que , quoique les petits-enfiins par le
fib fucc^daiient au grand* pere , les petits-enfans
par la iille ne lui fucc^dcrent point r car , pour que
les biens ne paiTaiTent pas dans ime autri £inul1e ,
les agnats Wur ^tOient pr^f<^r^s. Ainfi )a £l)e fuc«
ceda a fon pete , & non pas fes enfans
Ainfi , chez les premiers Ro mains ks femmes
fucceddient , iorfque cela s'accordoit avec la loi
de la divifion des terres ; (k elles re fuccedoient
point , Iorfque cela pouvoit la chocpier. '
W Voyei les fraem, d'UlpIefi , §. $ , tit InfUt.
tit. 3 , in prccemio ad Sen, conf, Tcrtullianumt
(d) Paul , tiv. IV de fent. iU.8, §, j.
W Inftit. Uv. III. tit. 1 9 $• 1$.
Liv. XXV IL 327"
Tell^ furent tes lois dts ftieceffiom chez les
premiers Remains ; & comme elks etoient une
cUpendance naturelle de la coniHtution , & qu,el -
les d-invoient du partage des terres,on voit bien,
qu'elles n'eurent pas* une origine toangere, & ne
furent point du notnbre de tulles qu^ rapp<me-
rest ler diput^s que I'on envoya dans les villes
Grecqiies.
Denys d'Halicariiafle (/) nous dit aue Ser-
vlus Tultius , trouvant les lois de Romulus & da
Numa fur le partage des terres abolies, il les re-
- tablit, & en fit de nouvelles pour doniicr aux an-
ciennes un nouveau poids. Ainfi ofi ne psut dou -
ter que les lo^s dont nom venons de parler , fai-
tes en confequence de ce partage , ne fcMent I'ou-
vrage de ces trois l^giilateurs de Rome.
L'ordre de fucc^lhon ayaiit ete ^tabli en con-
fe<|iience <fune toi politique , un citoyen ne de-
voit pas le troubler par une volont6 particuliere ;
c*eft-i-dire , que, dans ks premiers temps de
Rome, ii ne devoit pas etre permis de faire un
teftament. Cependant il eCkt ^te dur qu'on eut etd
privc dans fe» demiers mo mens du commerce
des bieniauti.
On trottva un moyefi de condlier a cet eeard
les lois avec la volonte des particuliers. II fut
Dermis ds difpoier de fes biens dans une aflem-
blee du peuple ; & chaque teAament fut en quel-
qoe fa^osi un a^le de la pui^Tance l^gillative.
La loi des douze tables permit a celui qui fa;
fott ion teAament , de cboiiir poyr fon h^rltier le
citoyen qui! vouloit. La ratio n qui. fit que les
lois Romaines reftreignirent fi fort le nombre
- ri l l 麵 ■ II II ■ g
(/) Liv. IV. pag. 176,
328 De l*£;^(t,i>is Lois ,
de ceox qm. pouvjOtent fucc^der ah inufUt、 (lit
la loi du partage des terres ; & la raifon pour-
quoi ell^s £ten£rent ii fort la faculte de tefter •
fut que le pere pouvaat vendre fes enfaiis (-) ,
il pouvolt i plus {brte raifon les priver de its
biens^.C'^toient don^ des effets diiiereiis , puif-
qu'ils , couloient de piiadfes divers , & c'eft
i*erprit des lois Romaines a cet egarcL
Les anciennes lois^ d'Atheoes ne permirent
point au citoyen de (aire de teftament. So-
lon (A) le permit , excepte a ceiu qui avoient
des euians : & les legislateurs d$ Rome,.p^n^
tres de Fidee de ,1a puiflance paternelle , per -
mirent 4^ tefter au prejudice meme des enuns.
U fapt avoper que les anciennes lois d'Athenes
furent plus c^niequeot^ que les lois de Rome.
La perminion indefinie de tefter, accerdee chez
las komainsy ruina peu-a-peu k difpoikion po-
litique Air le'parts^e des terres ; eUe introdui-
fit , plus que toute autre chofe , k funefte dif-
ference entre les richefles & la .pauvrete ; plu-»
fieurs partages furent afTembUs (iir une txioae
tete ; de^ citoye^s eureot.jtrop^ une infinite
d'autres n'eurent rien. Auffi le peuple , coati -
nuellement prive de fon partage, demanda-t-il
fans cefle une nouvelle diftribution des terres.
II la demanda dans le temps, ou la frugalite , la
parcinionie & la pauvret^ , faifoient le carac-
tere diftindif d.es Remains , camme. dans, let
temps oil I^ur luxe, fuc porte a I'dKCcs.
(g) penys d^Halicarnaflfe . prouve • par une loi de
Nil ma ; q.ie la loi qui permettoit au pere venclrc
fon fils trois fois • etoit une loi cje RoiDuliUL* non pas
des decemvirs , hv. tl. --
(A) Voycz Plutarqiw , vie de Solon*
Liv. XXVll. fif^
• Les fefiamens 4tant propetn«n< tfne toi faite
dans raiTemblee du peupte - c«i>x qui itoient 爰
V^rttiie fe trouvoi^nt priv" de la fecu?f^ do
tefter. Le people ddnna afux foldats Je pou-
voir (i) de fair* derant qttelques-uns de lew*
comps^nons les difpoiitions (X) qu'ik aoroient
fintes wrstm hu
Les grandes affemW^es dif peupfe rie fe fai-
foient que deux fois I'an ; d'ailleurs le pcftiple
s'^oit augmeilt^ & hss affaires aufR i on jugea
qufil conveiMMt de penmcttre a*tot» les citoyens
ce faiw (/) leur teilament devant qoelques ci-
rrens Remains puberefs , qui repf^fentaflPcnf
corps du peupJtf 5; on pt'tt cifnq («) citoy ens g
devant kfqoels ht^ritkr {fty acdetok du teftafetir
fa families y C*eft-*a-idii«e , fon h^idit^; tut autre
citoy^n portoit une balance poui* en pefer le
prix ; car les Romains (a) nWoient point en-
core de' monnoie^
tl y a apparency que ces cinq Cifoyerts repr^-
fent^^tttn i« <inq dafTes du pen pie ; & quort
1- • . - I , . , ' ^sa
(*) C« feflaiif^t , 0ppe(l4 in proctnciu , ^tolt difT^-
fcnt de t9lul que* t'ftn appella militaire , ne fuC
toWi que par le« confUt— oaJ des ertvpereurs , leg 【-
tf. it itu^tan ttfiamtnUi X cefut une de Uurs c-ajolerie»
«nV$rs'1*f$ fofdats.
(Jt> Ct tcilament n'^toit point 釭 fit , & ^oit fafW
Ibriaaiil^ 《 fiat llbrd & tghutis , cemiAe dh Ckeron •
I?) hl^u 11 V. II. tit. 1 , §: I V Auliigelle, liy. XV.
ct£e*xxvfr. On a|>peHa eette lbri« de teftartent fcr'
im) Ulpieir , ftt. to. j{. 1 一
jiJ^.TWoiAit * inftiu Ut. ll. tit* lO*
(o) tls n'cn eiirent qu'au tempt* de la gnefTe dtf
Pyrrhu^ Tiie-Livc , parlanl du Tiege de Ve'ies , €lki
Hi/ndum argentum JtgnMum trat, liv. IV.
£ s
}3o De L,E$PfUT DEs Lois ,
ne coinpt<HC pat h fixieme , compoiee de gens
n*avoient rien.
U ne faut pas dire , avec Juilinieii , que ces
ventes ^toient imaginaires ; elles le devinrent;
is au commencement elles ne I'etoient pas.
plupart des lob qui r^erent dans la iuite
les tefiamens , tlrent leur ortgiiie de la rdatite
de ces ventes ; on en troure hien la preuve
dans les fraginens d'Ulpien 【戶] • Le fourd, le
fouety le prodigue , ne pouvoient fiiife de t«f 一
tatnent ; le fodrd , parc« qu,il ne pouvott pas
entendre les paroles de Facheteur de la iamiue ;
le miKt , parce qu'il ne pouvott pas prononcer
les cerraes de la nomination ; le prodigue , parce
que route geftion d'affaires lui etant imerdite,
il ne pouvoit pas vendre fa famtUe. Je pafle les
autpes exesnples. 、
Les teflamens ft faifant dans rafleinbl^ di>
peuple , lis etoient plutot des ^^QS da droit
polittque que du droit civil, du droit public plii*
tdc que du droit priv^ : de-la il fuivk que k
pere ne pouvoit permcttre a fon fils qui 去 toit
dans (a puifTance , de faire iin teftament.
- Chez la plupart des peuple»y les teftamens
ne font pas foumb a de pfus giandes formal"
tes que ie» contrats orcKnaifes , parce que les
iins oc les autres ne font que des expreffions te
h voU>m<^ c^itti qoi contract, qui appartien-
fient igajkfneat au droit prive. Mais cfaes les
Romaiiis , ^ii les tefiamens deiiVDient dcr droit
public , Us eurent de plus ^zndks fi>nna&*
th l^] que les autres afies ; & cela fiibCfte
•/O Tiffe^ao, 5. 13、 、
Inflit. Uv. IL tit. ro, !•
― 一
Liv. XXVII. 3>t
Encore aujourd'hui dans l«s pays <k France qui
£e regiffent par le droit Romain. ,
Les teflamens eunt , cooime je I'aL dit , une
lot du peuple , ils devoient ctre faits avec la
for" da commandement , & par des paroles
Pon aftpella ^rtBes & impcratiyes. De*la il
ie .forcita upe regk, que i*on ne pourroic don -
oer nl traaTinettre fen h^redite que par det pa-
roles de commniikneQt [,】 : cTou if fuivit que
Von pouToU bkn, dans de certaios cas, faire
une febfittudon 】 , & ordonner que XWixtdkk
paf$sLt a un autre heritier : mais qu*on ne pou«
voit januus faire de fideicommis ['】 , c,eft-"
dire , charger queiquun , en forme de priere ,
de rcmettrc a autre lli^^di^^ • oa une partie
Lorfque le n*if\iHtuok ni cxhirWoit fon
£ls, le t^amene itott rgmpu; mais il itoit va-
labk , quoiqyUl n'exher^it ni inflitusit fa fiUe.
Pen vois la raifon. Quand H n'inftituoit ni ex-
her^dott fan fib, il faifoit tort a fon petit- fils,
^m auroit fucc^de 4i inttfiat a fon pere ; mats
en n'mftituant oi €xh^recUnt fa fiUe, il ne fai-
foit aucun tort aux en fans de fa fille, qui n*au-
roient -foini fyccMi imftat ^ leur mere (V) ,
.farce qu'ils n'etoient heritie"' fiens ni acnats.
L4I lbi$. des premiers Romains fur fes fuc-
{rl Titiut» ToisfBon hirltier.
\3] La vulgatre , U pupillaire , iVxemplalre.
l«] Augpfte , par 4tf r^ifons particuliercs , ! comment
ca i antorifer Ics fici^i^mmit. Inftit , livre II, tit.
93. $. I. 一 、
J>J Ad Rheros matris inttflata hitreditas , leg- XU
tiS, non pcrunebat , ^uul. fmminm JSfO,. kotrcdts ncm ha^
Mf. Ulp. fra^. tit 16. 7.
E e X
坊 ffioss , n'ayjmt penfe qir'a fuivre refprit <dfci
partage des tenres, ell^s ne refireignirent pas
aflfez les richefFes des femmes , & elks laifierent
par*la uce porte oliycrte au lux6, qui eft tou-
|otirs utfifatMe de ces lichefies. Entre la fc-
' condfe & U troi^emc guerre Psnkfue , on com*
men^ 4 fcmit le mal^; oh 6t b lol Voeo-
Qtenne {*) ; & comme de tr^ '^gpsakde^ cdn£*
必 rations k fuent £aire-^ qull' Me nons en refie
que pea de tnomnneAl;, &,) n*^n a juf-
^u'ici parM c^e d'uac mai^ce ttks- co^Att ; Je
Ciceron nous a- ceirfef^^ iifi fragment » qut
defend d'inflituer utie feoinieMritieii'e (j^ , foil
^'elle fut marine, fok ^)li:«il0«ne le fikt pas.
L'epitome de The- Live, oil il- eft- parle de
''c€tte loi, ii*eiv [^J pa»* d#^tag«. il parok
par Ciceron [4} oaf Si 'AiigDfttii p^) , que la
iille , & in^me W fiile untile , iDoient compli-
es dans la prohlfcirion.
Caton lancien (cjf costribua. Yills «toiit hn
' pouvoir a feire r^cevoir/^cette loi/ Aulugcjie eke
- wn fragment de"a>'htoiigU^'<|ti^,il lit dans*
■ V'i'itl it mU\ V'4H ^\U d TT-TTli
[jp] Quintus Voconius ^ "tfiBiin <^ii peuple lapTopo« -
Dans }'<^pitome de Tite-Live |, Hv. XLI>, ii faut lire
Voconius^ att nle 'IfftOumtu: '^- ― 一一 一
(y) San%it . • •. • nc qu'is haredem virgiricm new 飾一
Uertm fjtctrcti Ciceron*, fectfnde f»arangufe centra Ver*.
Ties. ■ * ; •
00 tuUt ,: %e ^qUU - Mi^dem wftilitHm ii^m-
nt , Kv. XLI. ' ' ' , '' ' '、
(4) Second 參 harangue contre Verris.. ! •
{h) Liv. Ill de la >itH 一 《 Dfeiu, 、 ' • •
IfV. XXV. 11. 5"
cwte' octitkm: ' En etnfT^chi^nt ,4e^ feflMties tfe
^cc^dep, ik voulut pi^veiHf les cAifes de laxe;
cotnme y eti prenant la d^enfe de la loi Op-
piennt, «! vouh^ ar/^tef'^ kixf mfme.
Dans les inAkutcis de JuflkHen (e^ & de
Th^bphae oti' park tre <te lat
loi Vooo«ri2eiDne , quir feftf«i^#H Ht^ fatok^ 'rfe
-qui se pin^ qne ' ce ch^itrritit -m potfr 4*9-
ter xme li Tucceifio^ ^ne "ftt 'telfenrtnt' 6pm^
parties fees, que llKlHsiter t^lbslt ideT^ccept'er..
M«s ce iT^toit poiiir la ^fprit la Idi Vo-
eomfiimr; Noiu yenotas die yok 'qu'dle arOit
pour objet d'eMpjclier 'Kes femntfti de rccei^^>ir
in«uoit deS' bonies i la mxXxt de ligirtrt ^rt-
trok ddfis cet 6bje< t fi 6n- avtwt pu \k^tz
autant c^e l,0n auroh 'Vpulu^ les fem^waii^
tot&A. pu rtc«vok comme legs ct qu'e&es fte
• penvoi^t odbtemr coninrie fucceflian.
La I^i 'Voconienne 化 t fehe pour pr^enlr
trdp grandes richeffe^ des femmes. €> ftit
done des fucceffions con£iMrabfes ditot il fallilt
ks pnverv & n<w# pa$^e *feel!ei» 'qui,ne 扣 u-
▼oiewt eiitretentr le luxe. La lor fooit unc €€^*
Wit ibmme ; ^i*<fevoit donn^e arift feirt -
flies qo^'dle ptivo'Jt <le 】a' fiirc6ffion: Gc 豸一
ton ^ qui ift)iis appret)d ce ftiit, ne nov»
dtt point quelle etoit cette fomme ; * maia
C*j Ihftit. hV. if. ITf.. 化 、: ', p • I "
f j) Ljv. II. tit ,f . * • . , ' f 、 ' •
«OT» Ugt Voconiana ff^rvcnirt, '0e finibus boni fUUv
.334 De l*EsHUt Off Lots;
Dion (A) dii qu*eUe ^it de cent mHle fefteites;
La loi Voconienae ^toit (kite pour regler les
richefles , & non pds pour rigler la painrrete :
auffi Gc^ron nous dinl (i) ^u'elle oe ftatuoit
que fur ceux qui etoient infcnts dans le ceos.
Ceci foucnit on —teste pour binder la loi.
On fait que 1^ Ronuuns ^toient ei^dmement
lormaliftef , & ifous «vons dit c^-dcflii$ que l,ef-
•prit de h ripi9bli<|ue ^toit de foivre la lettre de
la lof. II y eiit des per^ qm ne k firent point
.infcrire oaas le ceos , potir powoir latfler leur
iiicceifioa k leur fille : & ks pr^teurs jugerem
qu'on ne violok point la loi Vocoaieniie, poif-
qu*on n'en violoit ^point la lettre.
Un certain jiams uiftlbts a^oit tnftitu^ fa
一 £Ue, uiuque heridere. II k pouvoit , dit Gcf-
roii (k) , ia loi .Voconienne ne rea{enipechoit
pas, parce qu*il n'eioit point, dan^ le cens.
Verrfcs , etant piiteur » avojt prive la file de
k fucceflion : Cic6»on jfobtient <|iie Verr^ avoit
^t^ corrompu , parce qu« , fans cela , il n'au-
roit point interverti un ordre que Us aiities
. preteurs avoient fuivi.
Qu'etpient done ces citoyens qui n'etotent
. point dans le cens qui comprenoit tous les
. citoyens ? Mais ,- (elop 】,inftitution de Servtus
"Tui^us, rapportee par Denys d'HalicarnafTe (i),
teut citoyeo- qui ne fe ^ifoit pomt infciire dans
Jh) Cum lege V ocon'mni muVurihus prohiherctur ne qute
msjorm centum. mUlihus /lum^ni. handitdum poJ[ii
mdin , li< LVI.
(l) Qui€2nfus effa. Harangue feconde conUc Vtrrej^
!*) Ccnfus non crat , ihid*
I) Livre %\, -
Lrv. XXVIL
le cens itolt bat efdaire •• Qc^ron iui'tntme (m)
dit qu'un tel homme perdoit la Itbeiti i Zonare
dtt la fn^me chofc. 11 falloit do 籠 c qeTil y cut
de la difference 'etitre point dans te cekis
felon reiprit de la loi Vocontennc , & n'ptrc
pcSnt dans.ie cetis fekm fe%rit des inftkiitions
de Servius TuUius.
Ceux qui ne s'itoieni point Cut tnicrire duns
ks cinq prmteres dafles*, bii I'on ^toit fhci
felon ia proportion de fes Ineos , n'^toient point
dans le cens (a) felon Pef|>rit de la loi -Voco-
iiieiuie : ceux qui n'^toient point infcrits dans
le nombre des fix daffes , ou qm n'^oient point
par les cenfeiirs aa nombre de ceux c^e
Yon appelloit -wrii, n'^tokm point dam. le oeos
iuhrant les inftitatiotis de Servius Tiriliusw Tcll«
^toit la force dela nature, qu^des percs ^ poor
^luder la loi Voconienne , con 《? moiem a. iouf-
firir la home d'etre conibndus dans la fixieme
claffe ayec les prclitaiivs & ceux qai itoient
tax^ pour leur t^te , ou peut-ctre ra^me a «tre
renvoy^s dans les tables (o) des Orhes.
Nous avons dit>qae la ]iimprtulence des Ro-
mains n'admettort point les bdaceramk,, LTef 一
perance d'l^kider la lot Voconienne ks intro^
duifit : on inftituoit un homier capable de le-
ccvoir par b ioi ,& on Ic pnon de remettre
la fucceilioii k une perfonne que la k>i en avoit
exdue. Cette nomreUe manicre de Afpofet eut
r 'I " I i', li r ■ ,! HUiii I ,''''' 'ii
(m) In oratione pro Cacinna.
{«) Ces cif>q premier" ctalTes ^oi«At ft coftfi^to-
bles , que quel<|ue£ois les auteurs n'en rapportent
que cinq.
(o) In Carltum tabulas referrl > ttrarius fieri. .
3J( De t*Bl*tt n£» tats ,
edbts bien dttitioens. i*es usis rendkent Thikf
redite ; » & ra6tioa.de Septus Peduceus Ihf) fot
remarauable.* Oii hii donna une grande luccef-*
fion ; it fCj: aroit penfonne dons le monde que
kii qui i&t .qull ^toit pri^ide ti remettre. U alia
tronrcr la venve d^tdftatetir y tL Xvai donna touft
k bien de fon mart. 、'
Les. aurres gardcmie peur eux. k fiiecefEon ;
& I'exempk *R ^extilins Kufbs fut celebri
encore , par6e <pe Ckeroh (^)!i'enipioie dans
fcs disputes centre ies Epicurieny. 'm Dans mai
jeuneffe , dit-il , je ^ piie par SextiHus de
raccompagner chez fe$ amis, pom* favoir d'eui^
s'ii devok remettre Theredite de Quuitus* Fa-
dins Ca^ a Fadta fa fiile. U avoit a^&mblS
pHifiteivs. ]|eunes gens; avec de ttes graYear'fp«-
fonnages j, &* auctm ne fitt d^avis qu*il don-
D&t' plus a Fa^^a que ee qu*ieile devdit .avoir
par /k loi VocoAknne. Sextiilus eut !a une
gvande fucceifion , dont il n'aui%>it pa» re term
tin lefterce, »,U.«vok preiens ce qui etoit ^ifte
& honndte a-ce qaif j^oat ntilOb, le-tpuis eroire ,
— <h)ta-t"" que tock auriesrredndu rher^dit^ ; je
pQis - cxfjmt qu'Epicttre Vaoroit rendue t
mmit vaai itaim^B pas iwvi .iTos prinopes Je
-tiG'fle^- ua raafiKfir la eonditioti' bunurasey
ks ii^iih 使 urs foient obliges de faire de»
tfH pombattent les fentimcns tratuipels tn««
mes r telle fut la Foi Voconicrvne. Ceft que le^
le citayen , & fur le eitoyea que fur I'homme^
Liv-XXVIL
Xa loi facrifioit & le citoycn & lliomfne , &
tie penfoit qu*^ la ripublique. Un homme prioit
{on ami de remettre la fucc^on k fa fiUe : U
loi m^prifoit , dans le teftateur, les fendmens
de la nature ; elle m^prifoit , dans la fille , la
1>i^t^ filiaie ; elle n*avoit aucun ^gard pour ce-
ui qui itoit chargi de remettre VhkriJ^tk , qui
fe trouvoit dans de terribief ciroonftances. la
i^emettoit il ? il itok up mauyais citoyen : la
gardoit-il i U ^toit caaMionn^te homme. II
n'y avoit que les eens <i*un bon nature! oui
peniafTent a ^luder la loi; 11 n'y avott que les
honnetes gens qu*ofi pdt choifir pour f^luder :
car c'eft toujours un triomphe k remporter fur
ravarice & yoluptis, '& il n'y a que les
.honnetes eens qui obtiennent cet fortes
trioinphes.reut-£tr& mfime y auroit-il de la ri-
gueur a les regarder en cela comme de mau -
vais cuoyens. II n'eft pas unpoifible que 1^ 16 -
fislateur eut obtenu une grande partie de fon
.objet , lorfque fa loi itoit .telle, qu'eUe ne for*
^oit que les honn^te^ gen$ ^ I'^luder.
Daas h temps que I'on fit la loi Voco-
nieone , les mceurs avoieot confcrv6 quelque
chofe de ieur ancienne puret^. On int^refla
Suelquefols la conscience publlque en faveur
e la loi, & i'on fit jurer {/) qu'on robferVe-
roit : de forte que la probite faifoit, pour ainfi
4lire、, la guerre a la probit^. Mais dans les der-
mers temps, les moeurs fe corrompirent au ,
point , que les fid^icommis dureat avoir moins
33^ De l'Esprit Dts Lois ,
de force pour ehider la loi Voconiennc , qu,
cette loi ri'en avoit pour fe faire fuivre.
Les gueri«es civiles firent perir un nombr-
infini de citoyens. Rome , fous Augufte , fe
trouva p'refque deferte ; il falloit k repeupler.
On fit les lois Pappiennes , oil I'on n'omit
rien. de ce qui pouvoit' encourager les ci-
toyens a fe marier & a avoir des enians. Un
des principaux moyens fut d'augmenter , poirr
ceux qui fe pr^toient aux vues de la loi , les
efperances de fucceder , & de les diihinuer
pour ceux qui s'y refufoient, & comme la loi
Voconienne avoit rendu les femmes incapables
•de fucceder , la loi Pappienne fit dans de cer-
tains cas ceffer cette prohibitioB.
Les femmes [t] , Turtout ccUes qui avoient
des ^nfans , fufetit rendues capable^ de rece-
voir en vertu du teftament de leurs maris ; el-
4es purent, quand elles avoient des enfans , re-
cevoir en vertu du teftament des etrangers ,
tout cela centre la difpofition la loi Vo*
conienhe : & il eft remafquable qu'on n'aban*
donmi pas enti^rement I'efprit de cette loL Par
exemple , la loi Pappienne M pennettoit a un
homme qui avoit up enfant (a:/, ^ rccevoir
(《) Vpyez ce ((ue J'en ai dit au Hv, XXIII. ch.2i«
(t) Voyez fur cep les fra|mei\s d'Ulpieo , tit. 15 ^
§, 16.
' (v) La tneme difference fe trouve dans plufieufs
difpontions de la lot Pappieone. Voyex les tragmcns
fi'Uipien , fj. 4 & 5 « tit. dernier ; & le mime au mt*
ine titre , §. 6.
(«) Quod tihi fUoIus , vtl filia , nafcimr t» pu.
Jura paunus hdbcs i propter nu firibtris karcs,
Jimnil,"" IX,
Liv. XXVIL
tome I^her^dit^ par le teftament d*un Stranger ;
elle n'accordcit la mSme grace k femme ,
<jue lorfqtt'elle avoit tro'is (y) enfiins.
II faut remarquer que la Toi Pappienne ne
rendu femmes qui avoient trois enfans , ca-
pables de fuccider , qu,en yertu du teftament
des etrangers ; & qu'a i'egard de la fucceiTion
des parens , elle lalfia les anciennes lois & U
lot Voconienne (i) dans toute leur force. MaU
cela ne fubfifta pas.
Rome abym^e par les rldiefles de toutes les
nations ; avoit changi de moeurs ; il ne fut plus
quedion d'arreter le luxe des femmes. Auli^dile ,
qui vivoit fous Adrien {a) , nous dit que de ton
temps la loi Voconienne ^toit prefque anian-*
tie ; elle fut couverte par fopulence de la cit$,
Auffi tronvons-nous dans les (entences de Paul (^)
xflui vivoit fous Niger , & dans les fragmens
oUlpien (c) qui itoit du temps (f Alexandre
Severe, que les foeurs du c6c6 da pere pou-
voient fucc6der , & qu'il n'y arolt que les pa-
rens d'un degr^ plus ^loign^ , out lufTent cans
le cas de la prohibition de la loi Vocoriienne.
Les anciennes iols de Rome avoient coo>*
fnenc£ a paroitre dures ; & les preteurs ne furent
plus touches t}ue des raifons d'equiti , de mode-
ration & de bietifeance.
f ' ' ' ' ' 舊
(y) Voycz la loi IX , cod. Th^od. de bonis profi
€rhtorum ; & Dion , liv. LV ; voytz les fragmens
d'Otpien , ttt. dernier , §. 6 ; 8c tit 29, $. 3.
.(0 Fragm. d'Ulpien » ttt, 16 « §• i i SMOm* Uy.I^
cbap. XIX.
(a) Liv. XX , ch. i.
U) Liv. IV, tit. 6 , €. 9.
(0 Tit: 26,5. 6.
Ff %
340 DjB l'Esprit des Loi$i
Nous avons vu qde , par les anciennes iois <fe
Rome , les meres n'avoient point de part a la
fucceffion de leurs enfans. La loi Voconienne
fut une nouvelle raifon pour les en exclure. MaU
FEmpereur Claude donna a la mere la fucceffion
de fes enfans , comme une confolation^ de leur
perte ; le fi^natus-confulte Tertullien (ait (bus
Adrien (</) la leur donna lorfqu'elies avoient
trois enfans , fi elles ^toient ingenues ; ou quatre ,
fi elles ^toient afFranchies. II eft clair que ce fi-
natus-confulte n'etoit qu'une extenfion de la loi
Pappienne ; qui , dans le mime cas , avoit ac 一
corde aiuc femmes les fucceflions qui leur ^toient
diikries par les Strangers. Enfin Juftinien (e)
tear accorda la fucceffion , ind^pendammem du
sombre de leurs enfans.
Les mdmes caufes qui firent reftreindre la loi
tjfn empSchoit les femmes de iucc^der , firent
renverfer peu4-peu celle qui avoit geni la fuc —
ce/fioii des parens par femmes. Ces lois ^toient
tres coufbrmes a I'efprit d'iine bonne r^publique ,
oil I'on doit faire en lorte que ce fexe ne puifle fe
prevaloir pour le luxe , ni de fes richefTes , ni de
refperance de fes richefTes. Au contraire , le luxe
d,une monarchie rendant le mariage a charge
& couteux , il faut y 6tre invit^ , & par les ri-
cheffes que les femmes peuvent donner , & par
refperance des fucceffions qu'elles peuvent pro-
curer. Ainfi , lorfque la monarchie s*£tablit k
Rome , tout le fyfteme fut chang6 fur les
iftv . ■•
r<ij C'eft-a-dire , l^mpereur Pie , qui prit le nom
d'Aorien par adoption.
, (<) Leg. 11. cod. dt jure Uberorum , inftit. lir. in >
lit. 5. §. ^,de fcnatU4 confult. TcrtuL
Liv. XXVIII. j4t
focceffions. Les pr^teurs appellerent I^s parens
par femmes au d^faut des parens par m^es : au
lieu que , par, les anciennes lois , les parens pat
'femmes n'etoient jamais appellis. Le finalus-
confulte Orphitien appella les enfans ^ la fuc-
ceflion de leur mere ; & les Efnpereurs Valenti-
tiien (/) , Theodofe & Arcadius , appellerent les
petits-enfkns par la fille a la fucceffion du grand- 、
pere. Enfin FEmpereur Juftinien (g:) 6ta jufqu'au
moindre veftige du droit ancien liir les fuccef-
fions : il ^tablit trois ordres d'hWtiers , les def-
cendans , les afcendans , les collat6raux , fans
aucune ^in6Hon entre les miles & les femel-
les , entre les parens par femmes & les parens
par males ; & abrogea toutes celles qui refloient
a cet ^gard. II crut fuivre la nature m^me , en
Vecartant de ce qu*il appella les embarras de
I'ancienne jurlfprudence.
(/) Leg* IX » cod de fuU & UgUimis lihctis,
(i) Ug. Xil i tod, ibid. & \u DoteUcs ii$ & ivj*
341 De l*E$prit dis L0J9 ;
De forigine & des rivolutlons its Lois
civiks che[ Us Frangois.
In nara fert animus mutatas dkere fortius
Corpora. • , .
OyiD. M/tam,
CHAPITRE PREMIER.
Vu dijfirent caradcrc its Wis des ptuptes Germains,
L £S Francs £tant Xort'is de leur pays , ils firent
T^diger (a) par les fages de leur aratibn les lois
faUques. La tribu des Francs Ritraan-es s'^anc
jotnte fous Qovis (^) a celle des Fxancs Saliens ,
elle conferva fes uiages ; & Th^odoric (c) Roi
d'Auftrafie , les fit inettre par ecrit. Il recueil 一
(a) Voycx le prologue de la !oi falique. M. de
Leibnitz dit , dans fon trait 豸 de I'ortgme des Francs ,
que cette loi fut faite avant le regne de Clovif ; mais
elle ne put Vktxt avant que les Franci fuflfent fortis
de la Germanie : ils n'entendoient pas pour lors la
langue latine.
(h) Voyez Gr^goire de Tours.
(0 Voyez le prologue de la 1m d4s BaTarols 9c
celui de la loi falique.
Liv. XXVin. Craf. I. )4}
lit (d) de meme les ufages des Bavarois & des
- Allemands qui dependoient de fon royaume.
Car la Germanie etanr afFoiblie par lar fortie de
fant de peuples , les Francs , apr^s avoir conquis
devant eux , avoient fait un pas en arriere , &
porte leur domination dans les forets de leurs
peres. U y a apparence que le code [el des Thu-
ringiens fut donn^ par le inline Theodoric ,
puiique les Thuringiens ^torbnt aufli fes Aijets.
Les Frifons ay ant tii foumls par Charles- Martel
& Pepin , leur [/*] loi n'eft pas anterieure a ces
Princes. Charlemagne , qui le premier dompta
les Saxons , leur donna la loi qu9 nous avons^
II n*y a quiii lire ces deux derniers codes , pour
voir qu'ils fortent des m^ns des vatnoueurs*
* Les Wifigoths , Les Bourguigjions , & les Lom-
bards ayant fond£ des royaumes , firent icrire
lews lois , non pas pour »ire fuivre leurs ufi^es
aux peuples viuocus , mais pour ks fuivre eux 一
snetnes.
II y a dans les lois faliques & Ripaaires , dans
celles des Alleitiands , des Bavarois , des Thu-
ringiens & des Frifons , une fimplicite admirable :
on y trouve une rudefle originale ^ un efprit
qui n,avoit point kxk afFpibli par un autre efprit,
£lles changerent pen , pares que ces peuples y fi
on en excepte les Francs , refterent dans U
Germanie. Les Francs m^me y fonderent une
grande partie de leur empire : ainfi leurs lois
lurent tomes Germaines. Il n'en fut pas de meme
cks lois des Wifigaths , des Lombairds & des
• (J) Ibid.
(c) Lex Angliorum Werinorum , hoc eft, ThuringoruiUi
(/) lU ne favoient pomt ^crire.
Pf 4
^44 De L^EsPwr DBS Lois,
Bouijgu'ignons ; eUes perdirent beaucoup de fear
caraaere , parce que ces peuples , qui fe fixe-
rent dans kurs nouyeiks' demeures , perdirent
beaucoup du leur,
Le royaume des Bourgaignons ne fubfifta pas
affex long- temps , pour que ler lois du peuple
vainqueur puifent recevoir dt grands changc-
mens. Gondebaud & Siglffnond , qui recueillirent
leurs ufages , furent prefque les dernters de ieurs
Rois. Les lois des Lombards re9urent plutot des
additions que des changemens. Celies de Rotha-
ris furent fuivies de ceiles de Grimoald , de Luit -
prand , de RacUs , d'AiftuIphe ; mais elles ne
prirent point de nouvelle forme. II n'cn fut pas de
mime des lois des Wifigoths [g] ; leurs Rois
les refondirent ,& ks nrent refondre par le
clergL
Les Rois de la premiere race dterent (A) bleu
aux lois faliques & Ripuaires ce qui ne pou-
voit abfolutnent s'accorder avec le Chriftia-
nifme : mais ils en laiiTerent tout le fond. Ceft
c€ qu'on ne peut pas dire des lois des Wifi-
goths. 、
Les lois des Bourguignons , & furtoyt ceiles
des Wifigoths , admirent ks peines corporel-
les. Les lois faliques & Ripuaires ne les re9u-
rent (f) pas; elles conferverent mieux leur ca-
radere.
•■II :
(g) Eur ic les donna • Leiivigilde les corngea. Voyex.
la cnronique d'lficiore. Chaindafuinde Bl KecefTuinde
les rfformerent. Egiga fit faire le code que nous avons,
& en donna la^commiflion aux ^vegues : on confenr 裏
pourtant les lois de Chaindafuinde oc de R^efliiinde ,
comme il paroit par le feizleme coacile tie Toledc.
(h) Voyez le prologue de la loi des Bavarois.
(i) On en troiive Ualement quelqaes«unes dans le
d^cret de Childebert.
L I V. XXVIIL C H A p. I.
Les Bourguignons & les Wifigoths , dont les
provinces ^toient tr^$ expoH^es , chercherent k
ie concilier les anciens habitans , & a leur don-
tier des lois civiles les plus impartiales (k) : mais
jes Rots Francs , siks de leur puifladce , n'eu-
rent (/) pas ces ^gards.
Les Saxons , qui vivoicnt fous I'etnpire des
Francs , eurent une humeur undomptable , &
s^obftinerent h fe rivolter. Wn trouve dans
leurs (m) lois des duret^s du vainqueur , qu'on ne
voit point dans les autres codes des lois des bar-
bares.
On y voit I'efprk des lois des Germains datit
les peines p^cuniaires , & cdui du vainqueur dans
]es peines afflifBves.
Les crimes au'ils fopt dans leur pays , font
punis corpoVellement ; & on ne luit refpric
des lois Germaniques* que dans la punitioa
de c^ux qu*ib c.ommetteht hors de leur ter«
ritoire.
On. y declare que pour leurs crimes its n'au*
rent jamais de paix , oL on leur refufe I'afile des
^glifes memes.
Les ey^ques eurent une autorit^ immenfe i bi
cour des Rois Wifigoth$ ; les affaires .les plus
importantes itoient decid^es dans les conciles.
Nous devons au. code des Wifigoths toutes les
maximes, tous les principes & toutes les vues
de rinquifition d'aujourd'hui ; & les moines n,ont
I ga
(k) Voyez le prologue du code des Bourguignons
& le code m&me, furtout le tit. ii. $. 5 ; & k tit,
58. Voye* aufli Gr^goire de Tours , liv. II , chap«
xxxiij ; &le code des Wifigoths.
(/) Voyei ci-deiTous \t chap. 3. ,
(«) Voyez le eh. 11 , $. 8 & 9 i ac le ch, IV. $• ft
U 7.
346 ' l'Esprjt des Lois ;
fait que copier contre les Juifs, des lois faites au:
trefois par les cv^qucs.
Du refte , les lois de GondeBaud pour les
Bourguignons paroifTent adez judicieufss ; celles
de Rotharis & des autres Princes Lombards le
font encore plus. Mais les lois des Wifigoths ,
celles de ReceiTuinde , de Chaindafuinde & d'E-
giga, font pueriles, gauches, idiotes ; elles n*at-
teignent point IqJut : pleines de r^thorique, &
-trides de fens , trivoles dans le fond, & gigan -
tefques dans le ftyle.
C H A P I T R E II.
Que les lots des harhans fiirent touus, p€rf<mnelUs»
C'est un caraScre*partic uHer de ces lois des
bar bares , qu'eUes ne furent point attach 圣 es a un
certain territoire : le Franc ^toit juge par la loi
dies Francs , rAUemand par la loi des Allemands ,
le Bourguignon par la loi des Bourguignops ,
fe Romaiii par la loi Romaine : & bien loin
qu*on fong€at dans ces temps-la a rendre unifor-
ines les lois des peupks conqu&ans, on ne
penfa pas mdme a fe faire l^giilateur du peuple
▼aincu.
Je trouve rorigine de cela dans les moeurs des
peuples Germains. Ces nations ^toient parta-
gees par des marais , dds lacs & des for^ts ; on
voit mime dans Cefar [tf] qoelks aimoient \ fe
Liv. XXVIII. CuA^. VL 347
ftparcr. La frayeur qu*elles eurent des Remains ,
qu*elles fe r^unirent ; chaque homtne , dans
ces nations melees , dut etre jiig6 par les ufages
& les coutumes de fa propre nation. Tous ces
peuples dans leur paniculier 6toient libres & in -
dependans ; & quand ils furent melis , rindc-
pendance refla encore : la patrie £toit com-
mune , & la republique particuliere ; le territoire
^toit le meme , & les nations diverfes. L'efprit
des lois gerfonnelles ^toit done chez ces peuples
avantquils partifTent de chez eux, & ils le pot-
ter en t dans leurs conqu^tes.
On trouve cet ufage 6tabli dans }e$ formih-
les [h] de Marculfe , dans les codes des lois des
barbares , iurtout dans la loi des Ripuaires [c] ,
dans les d^crets des Rois:<k la premiercrace ,
d'oii deriverent les capitulaires: que foQ fit la-
delTus dans la feconde [t]. Les enfans ( f )
fuivoient la loi de kur pere, feinme» [g] celle
de leur man, les veuves (A) revenoient 4 leur
loi , les afFranchis (i) avoieiit celie de kur pa-
tron. Ce n'eft pas tout : chacun pouvoit pren-
dre la loi qu*il vouloit; la conflitution de Lo-
thatre I. (A:) exigea <]ue ce choix &t rendu
puUic.
ft" ' "
(b) Liv. L form. 8.
(fj Chap. XXXL
[/) Celui de Clotaire de fan 5^0, dant I*^ditlon
des capitulaires de Saluze , torn. I. art. 4; ibid in fine*
(e) Capitul. ajout^s a la ^oi des Lombards , liv. !•
tit. 25. ch. Lxxi ; liv* U. tic. 41 , ch, vitj & tit. ^6$
ch. I. & ir.
(/) Jhid, Urn, tit. 5*
Ig) Ibid. Ihr. II, tit. 7 , chap. i.
(A) Btd. chap. u.
(i) Ibid, liv. II , tit. 35 » ch. H. «
* (k) Daos U (oi des Lombards , Kr» xi 、 tU 57,
D£ l'Esprit D£s Lois,
C H A P I T R E
Difference eapitale entr'e Us lots faliques & ks lots
des IVifigoths 6» des Bourpdgnous
J\i dit (tf) que la loi des Bourguigaons &
celie des Wihgoths 6to>ent impartial es ; mats k
loi falique ne le fut pas : elie ^tablit entre les
Francs & les Romains les difiin£tions les plus
affligeantes. Quand {b) on avoit tu6 un Franc,
un barbare , ou un homme qui vivoit (bus la loi
falique , on payoit a fes parens une cocnpofi*
tion de . lOO ioh : on n'en payoit au*une de loo,
lorfqu'on avoit tai un Romatn poflefleur (c\ ; &
feulemeht une de 45 , quand on avoit tu6 un'
Kotnain tributaire : la compofitipn pour le
tneurtre d'un Franc vaflal {a) du Roi , ^toit
de 600 fols ; & celle du meurtre d'un Romain
convive {e) du Roi (/), n'etoit que de 30a
Elle m^ttoit done une cruelle difCkence entre
le feigneur Franc & le feigneur Romain , & entir
le Franc & le Romain qui etoient d'une condi-
tion mediocre.
3-
(a) Au chap. I de cc lir.
ih) Loi Calique , tit 44. $. 直
[cj Qui • res in pato uhi nmanet prop Has hahet^
Loi Ulique 、、 tit. 44 , |. 15 ; voyex aum le §. 7.
{J\ Qui in truftc dominied tfi , ibid. tit. 44, 4.
(«; Si Romanus homo conyiva reps juerii , ibid. §, 4,
(f) Les principaux Romains s'attachoient ila cour,
comme oiL^le voit par la vie de plufieurs ^rftques ^ui
y furent elev^s ; il n'y avoit gucces que les Romaiai
qui IttiTciit ,^"ir€"
Liv. XXVin. Chap. IH. 、 349
Ce n'eft pas tout : (i l,on aflembloit (g) da
tnonde pour aflailtir un Franc dans fa maiibn »
& qu'on le tuat , la \o\ falique ordonnoit une
compoikion de 600 fols ; mais fi on avoit af-
failli un Romain ou un af&anchi (h) , on ne
payoit que la moitid de la compoution. Par la
m^me loi (i) , fi un Romain enchaiHoit uit
Franc , il devoit trente fols de compofition ;
mais fi un Franc enchainoit un Romain, il n'en
devoit qu'une de quinze. Un Franc d^pouilli
par un Romain , avoit foixante-deux fob &
demi de compofition ; &jun Romain d^pouilli
par un Franc , n*en recevoit qu'une de trente.
Tout cela devoit etre accablant pour les Ro«
mains.
- Cependant un auteur (A) rflebrc forme ua
fyfteme de VitabUncment des Francs dans Us
Gaules , fur la priiuppofition qu'iis ^ient les
meilleurs amis des Romans. Les Francs ^toient
done les meilleurs amis des Romains , eux qui
leur firent , eux qui en re^urent (I) des Jmaux
effroyables ? les Francs ^toient amis des Ro-
mains 9 eux < qui , apr^s les avoir aiTujettis par
les armes , les opptiiherent de fang troid par
leurs lois i lis ^toient amis des Romains , comme
les Tartares qui conquirent la Chine , ^toieiU amis
des Chinois.
Si quelques iveques catholiques ont voulu
(g) Ihid. tit 4;.
(A) Lidus • dont.Ia condition ^toit meilleure.quo
cells <iu ferf , loi des Aliemands, ch xcv.
« Tit. 35,i.3&4.
\iyt6moin rexp^dttlon d'Arbogafte dans Gr^goire
de Tourr, liift. liv. IL
350 De l'Esprit des Lois,'
fe fervir des Francs pour detruire des Rois
Aniens , s*enfuit-il qu*ils ayent defiri de vivre
ibus des peuples barbares ? £n peut-on condure
que les Francs euiTent des egards particuliers
pour les Romains ? J'en tirerois bien d'autres
conftquences : plus les Francs furent surs des
Romains , moins ils les> m^nagerent.
Mais rabbit Dubos a pui^ dans de manvai-
fes fources pour un hiftonen , les poetes &
tes orateurs ; ce n*eft point fur des ouvrages
d*oftentation qu*il faut fonder des fyftemes.
G H A P I T R E IV.
Comment U droit Romain fe perdit dans le pays
du domaine des Francs y & fc conferva dans U
pays du domaine des Goths & des Bifurffd^nons,
L E s chofes que )'ai dltes donneront du jour
i d'autres , qui ont ^te jufqu'ici pleines d'ob^
curit^s.
Le pays qu'on appelle aujourdliui la France ,
fut gouverne dans la premiere race par la loi
Romaine ou le code Theodoiien , & par ; les
ciiverfes lois des barbares (^5 qui y habi-
toient.
- Dans le pays du domaine des Francs , b loi
falique ^toit etablie pour les Franc? ,& le
4Code {b) Th^odofien pour les Romains. Dans
(a) Les Francs , les Wiiigoths & les Bourguignons,
{h) II fut fini ran 43 巳
Liv. XXVIII. Chap. IV.
celul clu ddmaine des Wifigotlis , une compi-
lation du code Theodofien , faite par rordre
cTAlaric [c] , regia les clifFerens des Romains ;
les coutufnes de la nation , quEuric [d] fit
diger par ^crit , d^ciderent ceux des wif^otht ,
Mais pour^uoi les lois faliques acquirent-elles
une autorite prelque g^nirale dans le pays des
Francs ? Et pourquoi le droit Rpmain s*y per-
dit-il peu-a-peu , pendant que, dans le dom^ne
des wifigoths , le droit Romaia s,6tendk , & eut
une autoriti g^n^rale ? ,
Je dis que le droit Romain perdit fon ufage
chez les Francs , a caufe des grands avants^es
qu'il y avoit a ^tre Franc \e] , barbare , oa
homme vivant fouslaloi falique ; tout le monde
fut port 6 a quitter le droit Romain , pour vivre
fous la loi (alique. 11 fut feulement retenu par
les eccUflaftlques (/) , parcequils n'eurent point -
d'interet a changer. Les difierences des condi-
tions & des rangs ne confiAoient que dans la
Ijrandeur des compofitions , comme )e le feral
voir ailleurs. Or, des lois (g) particulieres leur
(fj La vingtieme ann^e du regne de ce prince , 8c
publiee deux ans apres par Anian , comme ti paroit
.par la preface de ce code.
(d) L'an 504 de "re d'Efpagne , chronique d'Ifi<lore#
(e) Francunt aui barharum , aut hominem qui fiiica
iegt vhit , loi falique , tit 445 , i.
(,) Selon la loi Romainc fouf laqucUt figUfi v:t,
tft-il dit <Uns la loi des ripuaires , tit. 58 , §• i. Voytc
aufTi les autorit^s fans nombre U <)e{fus , rapportees
par M. Ducange, au mot Le^ Romana,
(g) Voyez les capituUires ajout^s 4 Fa loi falique
dans Lindembroc , i 1^ iin de cette loi ; 8c les divers
codes des lois des Barbaras fur Icsprivilegei des cc-
cKfiafiiqucs 毳 cct ^gtfd* Voyci aum U lettre Chacn
Dc L*EsPRiT DEs Lois
donnerent des compofidons auffi favorables
Sue celles qu'avoient les Francs : Us garderent
one le droit Romain. lis n,en recevoient au-
cun prejudice ; & il leur convenoit d'ailleurs ,
parce qiTil £toit Fouvrage des Empereurs Chr^-*
dens.
、D'un autre c6t^ , dans le jpatrimoine des
Wifigoths , la loi Wifigothe (h) ne donnant
aucun avantage civil aux Wifigoths fur les
Komains , les Rotnains n'eurent aucune raifon
de cefler de vivre* fous leur loi pour vivre fous
tine autre : ils garderent done leurs lois , & ne
prirent point celles des Wifigoths.
Ceci fe confirme a mefure qu'on va plus
avant. La loi de Gondebaud flit tr^s impar -
tiale , & ne fut pas plus favorable aux Bouigni -
gnons qu'aux Komains. IL paroit , par le pro-
logue de jcette loi , qu'elle (lit faite pour les
Bourguignons , & qu'elle fut faite encore pour
r^gler les affaires qui pourroient naitre entre les
ftomains & les Bourguignons; & dans ce der-
nier cas , le tribunal fut mi-pard. Cela ^toit
ceflaire pour des raifons particulieres , tiroes de
rarrangement ft) politique de ces temps-la. Le
droit Komain fubfifla dans la Bourgogne , pour
r^gler les difFiirends que les Remains pourroient
avoir entr'eux. Ceux-ci n'eurent point de rai -
Icmagne i Pepin fon fUs , roi d'ltalie » de Pan Soy ,
dans r Edition de Baluze, tome I , page 451', ou il eft
dit qu'un eccl^iiaftique doit recevoir une compofition
triple ; & le recueil des capitulaires » liv, V , art. 302 ,
tpme I , ^dit. de Baluze, •
(A) Voyez c'etteloi. /
(0 J'cn parlerai ailleurs, IW, XXX , chap, yi , vii.
Tin dc IX*
ion
Liv, XXVIIL Chap. IV. ",
fon pour quitter kur loi , comme ils en eurent
dans le pays des Francs ; d'autant mieux que la
loi falique n ^toit point ^tablie en B ourgoene ,
cotnme il paroit par la fameufe lettre qu' Ago«
bard ^crivit a Louis le d^bonnaire.
Agobard (k^ demandoit a ce Prince d'ita-'
blir la loi falique dans la Bourgogne : elle n*y .
6toit done pas Stabile. Ainfi le droit Remain
fubfifla , & fubfifle encore dans tant de pro-
vinces qui dependoient autrefois de ce royaume*
Le droit Romain & la loi Gothe fe maintin*
rent de mime dans le pays de r^t^bliflement
des Goths •• la loi falique nV fut jamais re^ue.
Quand Pepin & Charles-Ma rtel en chafTerent
les Sarrafins , les villes & les provinces qui fe
foumirent i. ces Princes (/) demanderent a con- •
ferver kurs lois , & I'obtinrent : ce qui , malgri
I'ufage de ces temps-li oil toutes les lois ^toient
perfonnelles , fit bientdt regarder le droit Ro-
main comme une loi xielle & territoriale dans
ces pays.
Cela fejprouve par Fedit de Charles le c^aave .
donne a riftes Fan 864 , qui (m) diftingue les
(k) Agoh, ^era,
{1) Voycx Gervais Tilburi , dans le tecuefl ^
Duchefne'f tome 3 , patg. ^66 : Ftfdi pa^ionc tim
Francis , ^uoi illic Gothi patrlis legibus , morihus pa*
iernis vivant, Et fic Narhonenjis provintia Pippino juhm
jititur, £t unc chronique de ran 759 , rapporr^^ par
Catel » hift. da Languedoc. £t Vauteur incertain de U
Vie de Louis le d^bonnatre , fur la dcmande faite pat
les peuples de la Septimanie , da.'s raifembl^e in Ca*
wifidcoj dans le'recueil d6 Duchefae , t6m» II . p.
(m) In ilia urta in qua juSUia fteundhm h^cm Ro^
manam Urminantur , fecundum ipfam legem judicetar » &
M iUd una in ^ui , ari* 16 i v, ftulfi I'art, lo, '
354 l'Esfrit tm Lou;
Says dans lefquels on jugeoit parle droit Romain »
'avec ceux oii I'on n'y jQgeoit pas.
L'edit de Piftes prouve deux chofes ; I'une ,
qu'ii y avok des pays oil I'on jugeoit felon la
loi Roiiiaine , & qu'il y en avoit oil I'on ne
jugeoit point felon cette loi ; I'autre , que ces
pays oil l,on |ugeoit par la loi Romaine , 6toient
precifetnent {ji) ceux oil on la fuit encore au-
jourdliui y comme il paroit par ce meme edit :
ainfi la diflinSion des pays de la France cou-
tumiere , & de la France regie par le droit
icrit , itoir di\i ^tablie du temps de Fedit de
Piftes. •
J,ai dit que dans ks commencemens de la mo-
liarchie , toutes les lois ^toient perfonnelles :
ainfi , quand I'^dit de Piftes diflingue ks pays
du droit Romain d'avee ceux qui ne Fetoient
pas , ctlst figpifie que , dans les pays qui n'e-
toient point pay&de droit Romain , tant de gens
avoient choiii de vivre fous quelqifime des lois
^es peuples barbares , qull n'y xvoit prefque
plus perfonne dans ces contr^es qui choisk de
yivre fous la loi Romaine ; & que , dans les pa"
<ie la lo; Romaine , il y avoit peu de gens aui
eufTent choid de vivre fous les lois des peuples
barbares^
Je fais bien que je dis id des chofes nouvet-
les r mais fi efles font vraies , elles font txH
anciennes. Qiilmporte , apres tout , que ce foient
moi, les Valois^ ou les Kgnons , qia les ayent
dites ?
. («) Voyez I'article ii & t6 de I'^dit d« PiiUs , in
Lit, XXVni. Chap. V. 35^
CHAPITRE V.
Conumiadan du mime fuje"
X« A loi de Gondebaud fubfifta long-temps
chez les Bourguignons , concurremment avec
la Ipi Romaine : elle y etoit encore en ufage
du temps de Louis le debonnaire ; la lettre d'Ago-*
bard ne laiiTe aucun doute la-defTus. De rneme^
? uoique r^dit de Piftes appetle le pays qui avoit
.t6 occupy par les Wiueoths , le pays 3e la
loi Romaine , la loi des Wifigoths y fubfifloit
toujours ; ce qui fe prouve par le fynode de
Troyes , tenu (bus Louis le begue , I'an 878 ,
c'eft - a - dire , quatorze ans apres i'edit de
Piftes.
Dans la fuite , les lois Gothes & Bourgm-
{roonnes p^rirent dans leur pays meme , par
es caufes (a) gidirales qui nrent partout aif-
Eroitre les lob perfonnelles des peuples bar-
res.
CHAPITRE VI.
Comment k droit Romain fe conferva dans le do*
maine des Lombards.
Jt OUT fe plie a mes principes. La loi des:
Lombards ^toit impartiale, & les Remains n,eu,
{a) Voy€zci-deflbo$ Its chapltres , X & XL
臂
35^ De l'Esprit MS Lois ,
rent aucun int^ret a quitter la leur pour la pren-
dre. Le motif qui engagea les Romains fous les
Francs a choifir la loi faliqae , n'eut point de liea
en Italie ; ledroiHlomain s*y maintint avec la loi
des Lombards.
li arriva metne que celle-ci c^da au droit
Romain ; elle ceiTa d'etre la loi de la nation do-
mlnante ; & quoiqu^elle continuit d'ltre celle de
la principals nobleiTe , !a plupart des villes s*^-'
rigerent erf r^publiques , & cette nobleffe tom-
ba , ou fut (b) extermih^e. Les citoyens des noa-
velles r^public^ues ne fiirent point port 纟 s a pren-
dre une loi qui ^abiiiToit I'ufage du combat Judi-
ciaire, & dont les inflitutions tenbient beau-
coup aux coutumes & aux ufages de la chevalerie.
Le clergi d^s-lors fi puiiTant en Italie , vivant
prefque tout fous la loi Romaine , le nombre
de cenx qui fuivoient 】a loi des Lombards dut
touiours diminuer.
U'ailleurs , la loi des Lombards n'avoit point
cette majeil^ du droit Romain , qui rappelloill
a ritalie I'ldee de fa domination fur toute la
terre ; elle n,en avoit pas I'etendue. La loi des
Lombards & Ta loi Romaine ne pouvoierit pins
fervir qu'a fuppl^er aiix ftatuts des villes qui
"toient ^rigies en r^publiques': or , qui pouvoit
xnieux y Aippl 士 er、 ou la loi des Lombards qui
ne ftatuoit que fur quelques cas , ou la loi Romaine
qui les mbrafibit tons i
• {h) Voyex ce que dit Machiavel , dc la dedruilioft
rancienne nobkife d« Florence.
Liv. XXVlft. Chap. VH.
C H A P I T R E VII.
Comment U droit Romaln fe perdit en Efpapit*
X^ES chofes atterent autrement en Efpagne.
La loi des Wifigoths. thompha , le drok no-,
main sV perdit; ^haindafuinde \a\ & R^cef-
fuinde (厶) profcrivirent les lob Romaines , & ne
permirent.pas m£me de les citer dans les tribu 一
iiaux. Riceflmnde fut encore Fauteur de la
loi (c) , qui 6toit la prohibition des mariages
entre les Goths & les.Romains. II eft dair que
ces deux lois avoient le m^me efprit : ce Roi
wuloit enlever les principalis caufes de f%para 一
tiott qui ^toient entre les Goths & les Roinains.
Or, on penfoit que rien ne les ftpaifoit plus que
la d^iienie de contrader entr'eux des tnaria-
ges , & la permiiSon de vivre fous des lois di -
verfeSi
Mais quoique les Rois des 'Wifigoths euflent
profcrit le droit Roftain , ti fubfiila toujours dans
les domaines qu'ils poiT^doient dans la Gaule
sn6ridionale. Ces pays ^loignes du centre de la
monarchie , yivoient dans une grande i|nd—nr
f a) H comment k rcgner en 642.
If) Nous ne voulons plus 6tre tourQient^s par fcs
lois .^trangetes ., ni par les Romaines ; loi des Wifi-
goths , liv. II, tit. 1 > $. 9 & 10.
(c) Vt tarn Gotho Ramanam quAm Romano Gotham
matrimonio Ucuu fociaii , loi dc9 V^ifigothf , lit. lU,
tit. I, fh. u
358 Dc L,EspRrr dss Lots;
dance (d). On voit par l,hiftoire de Vamba ;
qui monta fur le trone en 671 9 que les naturels
oU pays avoient prts le deffus {e) : ainfi la lot
Romaine y avoit plus d'autorite , & la Ipi Gothe
y en avoit moins« Les lois Efpagnoles ne con 攀
venolent ni a leurs manieres , ni a leur (ituation
a£tuelle ; peut-ltre.meme que le peuple s'obf-
tina a la loi Jlomaine , parce qu'il y attacha I'ldee
de fa liber". 11 y a plus : les lois de Chainda-
futnde & de R^ceiTuinde contenoient des difpo-
litions efFroyables contre les Juifs: mais ces Juife
^toient puillans dans la Gaule m^ridionalc.
L'auteur de i'hiftoire du Roi Vamba appelle
ces provinces le proiHbule des^ Juifs. Lorfquc
les Sarrafms vinrent dans ces provinces , ils y
avoient et^ appeil^s : or, qui pur les y avoir
appell^s , que les Juiis ou les Romains ? Le»
Goths ferent las premiers opprim^s , parcc
qu'ils ^toient la nation dominante. On voit dans
procope [/*] que dans leurs calamitds ils ft red -
roient de la Gaule Narbonnoife en Efpagne. Sans
(d) Voyez dans Cafltodore lef condefcendances que
Th£odoric , roi, des Oftrogoths , prince le plus accrf^
i'it6 de fon temps , eut pour cUes , liv. IV » Utt. 19
(k 26.
(《) La r^volte <Ie ces provinces fut une d^fedioii
generate , comme il parolt par le jugement qui eft a
la futte I'hiiloire. Paulus & fes adherens 6to\tct
Romains , ils furent mime favorif^s par les ^v^tfues.
Vamba n'ofa pas faire mourir les feditieux qu'il av*it
vaincus. L'auteur de rhiftoire appcfle la Gaule Nar-
bonnoife, la notirrice de la peifidie,
(/) Cc//tz qui cladifuperfutrant, cx GalUdcumuxo^
fibus Uherifqtu egreffi , in Hifpaniam ad Teudim jkm
taUm tyrannum fi ""ptnmt } de b«Uo GotbWUft,
Ihr. I. ch. x\iu
^
L I V. xxvm, c H A T. m 359
doute que , dans ce malheur-ci , Us fe refiigierent
dans les contr^es de VECpagne qfii fe d^fcn-
doient encore ; & le nambre de c^ux qui , dans
la Gaule m6ridionale , vivoient fous la loi des
WilGgoths , en fut beaucoup diminui. ♦
C H A P I T R E VIII.
Faux capitulaire*
C^E malheureux compilateur Benoit Livite ,
i'alla-t-il pas transformer cette loi Wifigothe ,
qui difendoit I'ufage du droit Romain , en un
capitulaire [a\ quon attribua depuis a Charles
fnagne ? II fit de cette lot pacticuliere une loi
gendrale , comme sll avoit voulu extenniner le
oroit Romain par tout runivers.
CH APITRE IX.
Comment Us codes d" his dts Barharts & des
Capittdiurcs fe ptrdirtni.
X^ES loU Sa^iques , Ripuaires , Bonrgn^ones
& Wifieothes , ceiTerent peu i peu dwe en
uf^^e cnez les Francois : voici cotninent:
Les fiefs etam devenus h^r^dit^res , & les
arrierc-fiefs s'etant ^tendus , il s*introduifit beau~
{a) Capitul. ^dit.de BalttZt
fage J tome L
560 De lTsprit des Lois,
coup d'ufages aux^quels ces lois n*6to5enc phA
applicables. On en rednt bien refprit , qui etoil
de r^^cr la plupart des affaires par des amen^
des. Mais les v^ei^s ayant fans doute change,
les amendes changerent auili ; & Von voit beau-
coup de chartres (a) oil les feigneurs fixoient
tes amendes qui devoient etre payes dans leurs
petits tribunaux. Ainfi l:on fiiivit refprit de la
loi , fans fuivre la lei meme.
z £>,ailleurs, la France fe trouvant ^vlftc en
une infinite de petites feigneuries , qui recon*
noiifoient plut&t une d^pendance f(^odale qu'unc
dependance politique , il ^toit bien difficile
qu,une feule loi put Itre autorifee : en effet ^
on n'auroit pas pu la (aire obferver. L'ufage.
n'^toit gueres plus qu'on cnvoyit des officiers
(h) extraordinaires dans les provinces , qui euf-
lent I'oeil fur radminifiradon de la juftice & fur
les affaires politiques j il paroit meme par les
chartres , que lorfque de nouveaux fieK s*6ta-
bliiToient , les rois fe privoient du droit de les
y envoy er. Ainfi , lorfque tout a-peu-pr^$ fut
devenu fief , ces officiers ne purent plus itre
employes ; il n'y eut plus de loi commune ,
parce que perfonne ne pouvoit faire obfcrvef
la loi commune.
Les lois Saliques , Bourguignones & Wifigo-
thes furent done extremeihent n^lig^es a la fin
de la feconde race ; & au commencement de la '
troifieme , on n,en entendit prefque plusjparler.
Sous les deux premieres races , on auembla
(a) M. it la Thaumafltere en a recueilli plufieurs*
Vovez , par exemple , Us chapitrcs Lxi 考 Lxvi & autres*
(p) MiJJi dominUi.
fouveot
Liv. XXVm. Chap. IX.
.fouveiu la nation, c*eft-a-dire, les feigneurs
les 豸 veques : il n'ctoit point encore qudftion de^
commtines. On ckercha dans ces afTemblees k
regler le cl^rge , qui ^tioit aa corps qui fe for 攀
«noit , pour ainfi dire , fous les conqu^rans , 8c
^ui etaDlifToit fes prerogatives ; les lois faitos
^ans ces affemblees , font ce que nous appd-
Ions les caphulair^s. II arriva quatre chofes ; iec
lois des fiefe s*etablirent , & une erande partie
des biens de I'^glife fut gouvernee par les lois
des fiefs ; les eccfefiaftiques fe feparerent davan-
tage , & nigligerent ]c\ das lois de riforme ok
lis n'avoient pas ete les feuls reformateurs ; on
recueilUt [/] les canons des conciles & les de-
cretales des papes ;& le clergi^ reigut ces lois ,
comme venant d'une (outCQ plus pure. De-
puis rireflion des grands £e£s, les roi« n'eu-
rent plus ^ comme j'ai dit , des envoyes dans
les provinces , pour faire <>hferver des lois ema-
nees d'euxc^nu fous la troUierae race , onn'en-
tendit {dus parler de <capitulair^
(e) Que Ifis Eveques , dtt Charles-te-chanve , dans
le capitutaire de I'an 844 , art. 8 , fous pr^xto qu*il$
ont I'autork^ de faire -Aes canons , ne $*oppofent pas
di cette conftitution , m ne la negligent. 11 lembte qu'fl
en pr^voyok deja la ch^e.
(d) On mfera dans le recueil 6es canons un nom-
^re iufim de d^r^ales des papes ; 11 j en avoit tres
peu dans l,andenne cotle£lion. Deny$-le-pctit en mit
peaucottp daas )a fienne : mais ce!le A'lMot , Mercator
fut remplie de rraias & de fauces d^cr^uWs. L'an-
cienne cplleftion fat en ufage en France julqu'ii Char-
Wftiikgn^* C« princcT re^ut fics mains du pape Adrienl.
la collection de Denys-le-petit » & la fit receroir. La
coUe£l4on cfliidor Mercator parut en France vers le
regne dt Charlemagne ; on s'cri entlta : enfuite vmt
ce qu*on appelle /< 4orps de 4roU caaonique.
Tome III. Hk
36:
De L*EspiiiT DEs Lois;
CHAPITRE X.
ContinuAtton du menu fujet*
o N ajouta plufieurs capitulaires ii la loi des
Lombards , aux lots faliques , ^ la loi des Ba«
varois. On en a cherch^la raifon ; il faut la pren 一
dre dans la chofe mdme. Les capitulaires ^toient
de plufieurs efpeces. Les uns avoient du rapport
au gouvernement politique ; d'autres , au gou-
verneinent ^conomique ; la plupart , au gouver-
nement ecd^aitique ; queiques-uns , au gou-
yernement civil. Ceux cette derniere efpece
fiirent ajoutis a la loi civile , c'eft - 4-dire , aux
lois peribnnelles de chaque nation : c'eft pour
ceia qu'il eft dit dans les capitulaires , qu,on n'y
, lien ffipule {a) contre la loi Romaine. En eN
fet , ceux qui reeardoient le gouvernement ico^
notniquc , eccU&flique ou politique , n'avoient
point de rapport avec cette loi ; & ceux qui
regardoient le gouvernement civil , n,en eurent
qu'aux lois des peuples barbares , que I'on expli-
quoit, corrigeoity augmentoit & diminuoit. Mais
ces capitulaires ajoutes aux lois peribnnelles,
firent , je crob , nej^liger le corps inSme des
capitulaires : dans des temps d'ignorance , I'abii-
gi d*un jouvtage £ut fouvent tomber Fouviage
m^me.
(4) Voyei V^dit 'de$ Piftes, art. 20<
Liv. XXVra. Chap. XL
C H A P I T R E XL
'jtutr" caufts de la ch£u dts codes des lots dts Bar 一
bdres , du droit j^unain & dcs capituUires.
LoRsQuE les nations Germalnes conqiurent
rempire Romain, eUes y trouverent lufage de
Ficriture ; & k limitation des Romains , elles
r^digerent leurs ufages [d] par fcrit , & en
£vent des codes. Les regnes malheureux qui
-Yiiivirent celui de Charlemagne , les invafions
des Normands , les guerres 慕 ntei^ines, replon-
f^ent les nations viftorieufes dans les t^ne-
res dont elles ^toient forties ; on ne fut plus
lire fii eciire, Cela fit oublier en France & en
AUemagne les lois barbares 6crites, le droit
Romain & les capitulaires. Uufage de I'^criture
fe conferva mieiuc en Italie , oii rigno'unt les
papes & les empereurs Grecs, 6c oii il 7
avoit des villes florilTantes 6c prefque le feul
commerce qui fe fit pour-lors. Ce voifinage
de ritalie fit que le droit Romain fe conferva
mieux dans les contries de la Gaule, autrefois
foutnifes aux Goths & aux Bourguienons ;
d*autant plus que ce droit y itoit une loi ter-
ritoriale & une efpece de privilege. U y a ap-.
(a) CeU eft marqu^ expreffilment dans quelques pro-
logues ces codes. On roit m^me , dans les loU des
Saxons Sc des Frifons , des dirpoiitions differeates ,
felon les clivers <<iftrifts. On ajouta a ces ufages quel-
ques difpofitionf particulieres que les circonftances exi«
gcrent. telles fureot les lois dures contre les Saxonf*
Hh %
364 De l*Esprit des Lois;
parence que c'eft Hgnorance de recriture qu^
fit tomber en Efpagne les lois Wifieothes ; & -
par la chute de tant de lois , il fe &rma par-
tout des coutgme,.
Les lois perfonnelles tomberent. L^s cbmpo-
fitions & ce que l,on ^appelloit frcda [^] , fc、
reglerent plus par la coutunu que par Je textc
de ces lois. Ainfi , comme dans retoblinement
de Ja monarchie on avoit paiTe des ufages des
Germains ^ des lois Rentes , on revint , quel-
ques (lecles apr^s , des lois ^crites a des ufa«
ges non Merits,
CH A PIT RE XII.
D" coutumes locales; revolution des lois d" pat*.
• pUs harbares ,6^du dtoit Romairu
C^N voit, par plufieurs monumens , qu^I y
avoit d^ja des coutumes locales dans la pre-
miere & la feconde race. On y parle de la
coutume du lieu [a] , de Fufage ancien (h) ,
de la coutume (r) , des lois (力 & de$ coutu-
mes. Des auteurs ont cru que ce qu'on nom-
moit des coutuipes ^toient les lois des peuples
Barbares , & que ce qu'on ^ppelioit la loi ,
etolt le droit Romain, Je prouve que cela he
(h) J 'en parlerai ailleurs.
(a) Preface des formules de Marculfe.
(h) Lot des Lombards , Uv. 11. tit. $8, §• 3,
(c) Ibid, tit. 41 §• 6,
(P) Vie dt Mger,
Liv. xxvni. CttAi^. xii.
3«5
peut 6tre. Le roi Pepin (/) ordonna que par-
tout oti il 11*7 auroit point de loi , on .foivroit
la coutume ; mais que la coutume ne feroif pas
pr^ftree a la loi. Or, dire que le droit Kd-
main eih la pr^ftrence fur les codes des lois
des Barbares , c'eft renverfer toas les monU*
mens anciens , & furtout ces codes des lots
des Barbares qui difent perp^tuellement le con-
traire.
Bien loin que les lois des peuples Barbares
fiiflent ces coutuiHes , ce furent ces lois m^-
mes , qni , comme lois peribnnelles , les intra*
duifirent. La loi falique , par exemple , 4tQ\t une
Joi perfonnelle ; mais dans des lieux g^n^rale-
ment ou prefque g^n^ralement habitus par des
Francs Saliens , 】a loi falique , toute perfon-
nelle qu'elle "oit , devenoit , par rapport a ces
Francs Saliens , une loi territoriale , & elle
,'6toit perfonnelle que pour les Francs qui ha-
bitoient ulleurs. Or , fi dans un lieu ou 】a loi
lalique etoit territoriale , il etoit arriv6 que
plufieurs Bourguignons, AQemands ou Romaiits
meme » euffent eu fouvent des affi^res , elles
auroient iii d^cid^es par les lois de ces peu-
ples ; & un grand nombre de Jugemens con -
ibrmes a quelques-unes de ces lois , auroient
dfi introdulre dans ie pays de nouveaux ufa-
ees. Et cela explique bien la conilitution de
Loi des Lombards, IW* IL tit. 41, §. 6.
" Hh 3
^66 Ds L^EsFRXT DES Lois ;
AL'fi il y avoit dans chaque lieu une loi
dominante & des ufages re^u^ , qui feryoient
ds fupplement a k loi dominante , lorfqu'ils ne
b choquoient pas.
II f.ouvbit m^me arriver qu'ils ferviflent de
fupplement a une loi qui n'etoit point territo-
riale ; & pour fuivre le meme ^xemple , dans
un lieu cu la lot falique ^toit territoriale , van
Bourguignon ^toit )uge par 】a loi des Bonrgui-
gnons , & que le C9S ne fe trouv^t pas dans le
texte de eette loi , ne hut pas douter que
l,on ne jugeit fuivant la coutume du lieu.
Du temps dn roi P^pin , les coutumes qur
s*4toient formees, avoient moins de force que
les lois ; mais bient6t les coutumes ^^truiiirent
les lois : & com me les nouveaux reglemens
font toujours des remedes qui indiquent un mal
pr^fent, on peut croire que, du temps de Pi-
ping on commen^oit deja a prefercr les cour
tiinicj- at'.x lois,
Ce que )*ai dit, expliqut coxnixient Je droit
fioinain commen^a dhs les premiers temps a
devenir une loi terntoriak , comme on le voit
dans redit de Piftes ; & comment la loi Gothe
n'y laifla pas d*y €tre encore en uTage, comme
il paroit par le fynode de Troies {J\ dont j'ai
parle. La loi Romaine 6toit devenue la loi per*
lonnelle g^n^rale , & la loi Gothe la loi per-
fonnelle particuliere ; & par confi^cjuent la lot
Romaine ^foit la loi territoriale. Mais comment
rignorance fit-elle tomber par'tom les lois per-
fonnelles des peuples barbares , tandis que le
droit Remain fubfifta > comme loi territoriale »
tiv. XXVIII. Chap. MI. 367
dbns les provinces Wifigothes & Boiuguignon -
nes i Je riponds , que la loi Romaine meme eut
i-peu-prw le m^me fort des autres lois perfon-
nelles : fans cela nous aurions encore le code
Tb^odofien dans les provinces oil la loi Ro-
tnaine 6toit loi territorials, au lieu que nous y
avons les lois de Juftinien. II ne refta prefque
a ces provinces que le nom de pays de droit
Romain ou de drpit 6crit, que cet amour que
les peuples ont pour leur loi, fur-tout quand
lis la regardent comme un privilege , & quel*
ques dilpofitions du droit Romain retenues
pour-lors dans la tn^moire des homines : tnais
e'en fut afl*ez pour produire cet effet, que quand
la compilation de Juftinien parut, elle fut re;u«
dans les provinces du domaine des Goths &
des Bourguignons comme loi ^crite ; au lieu
que <ians r ancien domaine des Francs , elle ne
le fut que comme raifon ^crite.
CHAPITRE XIII.
Dijftrtnce de la loi Salique ou des Francs S aliens ^
davec celle des Francs Ripuaires & des autrcs
peuples Barbares.
]LiiA loi faliq 菌 e n'admettoit point I'ufage des
preuves negatives ;' c'eft - a - dire , que , par loi
ialique, celui qui faifoit une detnande ou une
accufation dcvoit la prouver , & qu'il ne fuf*
fifoit pas a I'accuf^i de la nier : ce qui eft con —
forme aux lois de .prefque toutes les nations du
Hh 4
568 Db lTsprit d%s Lois I
La loL (ks Francs Ripuaires avoit tout uA
autre efprlt (tf); ellt fe contentoit desi preuves
negatives ; £c celui contre qui oa formoit une
demande on un« stccufa^n , 下 ouvoit , dans la
plupart des cas fc juilifiery en jurant avec Cer-
tain nombre de temoins qu'il n'avoit point fait
fe qu*on hii ixnputoit. Le nombre (h) des te-
moins qui devoient Jurer , augmentoit (eloit
^'importance de la chofe ; il alloit quelque-
fois (c) a foixante-douze. Les lois des AUe-
mands , des Bavarois^ des Thunngiens , celles
<les Frifons , des Saxons, des Lombards & des
JSourguignons , furent faites tui le mexne plsHi
que celles des Ripuaires.
J'ai dit que la loi fafique n'admettoit point
les preuves negatives.. II y avoit pourtant un
•cas (</) elle les admettoit mais dsuis ce cas
«lle ne ks、 admettoit point -fewles & fans le
concours des preuves pofitives» Le demandeur
faiibit {e\ outr fcs t^motns pour ^tablir fa de-
'tnande ; fe d^fendeur faifoit ouir les fiens pour
fe juftifier ; & le juge cherchoit la vcrit^ dans
ks uns & dans les autres (/) temoignages.
Cene pratique etoit bien difF6rente de cetle des
;■ , - 1
(tf) Ceta fe rapporte 4 ce que dit Tactte , cjue Ics
peuples Germainf avoient des ufages communs , & det
ufaees parti cuUers,
(?) Lois des Ripuaires, tit. d » 7» 8 & autrei.
\e) Ihid, tit. II , n & 17.
(d) C'tft ceUit oil un antrufiion , c*eft-i-dire , uit
▼affal 4u roi , en qut on fuppofott un« vlus grange
irancbiCe , ^toit accttf<£ : voye^ le tk 76 du pnclus.
(«) Voyez le tit. y6 du Paclus UgU Salicte,
[/J Comme U fe pratique tncore auiourd'hoi C4
Angleterre
Liv. XXVin. Chap. XIV. 369
lois Ripuaires & des autres lois Barbares, oii
IU1 accuf% fe juftifioit en jurant qull n'^toit
point coupable, & An fa'ifant jurer fes pareni
qu'iJ avoit dit la v^rit^. Ces lois ne pouvoient
convenir qu'a un peuple qui avoit de la fim-
pHcite & une cenaine candeur naturelle ; il
£»llut ineme que les l^giflateurs en piivintfent
fabus , comme on le va voir tout a rheurc.
C H A P I T R E XIV.
Autre difference.
LiA.loi faliqae ne permettcnt point \z preuve
par le combat fingulier ; la loi des Ripuaires (a)
& prefque (Ji) toutes celles des paiples Barba-
res, la recevoient. H me paroit que la loi du
combat ^toit une fuite naturelle & le remede
de la loi qui etablifloit les preuvei negatives.
Quand on faifoit une dematide , & qifon
voyoit qu*elle alloit ^tre injuilement ^lud^e par
vn ferment , que reftoit-il a un guerrier 、c) qui
fe voyoit far le point d'etre confondu , qu'a
demander raifon du tort qu*on lui faifeit & de
I'ofFre meme du parjure ? La loi falique , qui
n'admettoit point 1 ufage des preuves negatives ,
si'avolt pas befoin de la preuve par le combat »
& ne la recevoit pas; tnais la loi des Ripuai:
{a) Tit. 51 ; tit. <7 . §• i > tit. 59 . 5- 4* 、 ,
{h) Voy«z ct-apres^ la note [c].
\c) Cet efpri^ paroit bien dans la loi des Ripuaires.
tit. 59. §. 4 ; & tit. 67 , §. 5 ; & le capttulaire de
I*ouis-le d^bonnaire , ajottte i U loi 4es Kipvuim»
de* I'an 803 , art* %%.
37© De l'Esprit DBS Loi%
res (<A & cdle des autres peuples (,) barbaret
GUI admettoient Fufage des preuves o^atives ,
iiuent {otcts dTetablir la i^euve par le combat.
Je prie qu'on life les oeux fameufes difpoii-
tions If) Gondeband , roi de Bourgogne,
fur cette nutiere ; on vcrra qu'elles font tiroes
de la nature de la chofe. II falloit , felon k lan-
gage des lois des Barbares , 6ter Je ferment des
fliains d'un homme qui en vouloit abufer.
Chez les Lombards , la loi de Rhotaris admit
its cas oil elle vouloit que celui qui v'etoit de-
fendu par un ferment, ne put plus etre fatigue
par un combat. Get uf^e s*^teiidit (g) : nous
Terrons dans la fuite quels tnaUx il en refulta ,
& comment il faiiut revcair a ranciemie pra-
tique.
egggsss ■ , ,
C H AP I T R E XV.
Rcfiixhn.
«Fe ne dis pas que , daos les chaneemens qui
furent £uts au code des lois des Barbares , dans
(d) Voyex cette loi.
(c) La loi des Frifons , des Lombards , des Bairi*
rois, <!les Saxons, desThuringiens Bl des Bourguignons.
{d) Dans la loi des Bourguignons * tit. 8 , i & 2,
fur les affaires criminelles^ ; & le tit. 45, qui poite
encore fur les affaires civiles. Voyei auui U loi 6%s
Thuringiens , tit. i » C. 31 ; tit. 7, $. 6 ; & tit. S s
^ la loi des Atlemanas* tit. 89 : la loi des Bavarois «
tit. 8 , ch. ii , 6; 8c ch. iii , $. i ; & tit. 9, chap.
IV > $. 4 : la lot des Frifons ytit. 11 , $• 3 ; & ttt, i4,
$. 4 : U lot des L6fnbards»liy.i» tit $. 3 « & tit«
55 • $• I ; & Uv. H , tit. 35 • $. a.
(》 VoytZp ci-deiTouf , le chap, xvill 4 U iki*
Liv. XXVn. Chap. XV. 371
les d'lfpofitions qui y furent ajouties , fic dans
le corps des capitulaifes , on ne pvtifte trouver
quelque texte oil dans le fait la preuve du coih-
Ibat ne hit pas une fuite de la preuve negative*
Dei circoninuices particulieres ont pu, dans
le cours de plufieurs fiecles , £aiire etablir de cer,
taines lots particulieres. Je parle de Fefprit g^-
ii6ral des lots des Germains , de leur nature &
leur origine ; je parle des anciens ufages de
ces peuples , indiqu^^ ou 6tablis par ces lois :
& il n'eft ici queflion que de cela.
■ —―^
CHAPITRE XVI.
la preuve par T can houillante , itablU pdr la
loi faiiqut.
SLiA loi falique {a) admettoit Fufage de !•
pretn'e par I'eau bouillaflt;; & coname cftte
epreuve ^toit fort cruelle , la loi {b) prenoit uh
temperament pour en adoucir la rigueur. Elle
permettoit ^ celui qui avoit ^te ajourne pour
venir faire W preuve par Peau bouillante , de
racheter fa main du confentement de fa partie.
L'accuiateur , moyennant une certaine fomme
que la loi fixoit , pouvoit fe contenter du fer-
ment de quelques temoins , qui declaroient que
I'accufe n'avoit pas commis le crime : & c'etoit
un cas particuiier .de la loi fall que , dans lequel
elle admettoit la preuve negative.
B ■ ' sap
(il) Et quelques autres lois des Batbares auifi.
(*) Ti" 46.
De i*EspRiT Dis Lois;
Cette preuve etoit une chofe de convention;
que la loi fbuffroit, inais qu'elle n*ordonnoh
pas. La loi donnoit un certain dedomtnage-
ment a Faccufateur qui vouloit pernfettre que
I'accufe fe defendit par une preuve negative :
il etoit libre a Faccufateur de s'en rapporter
au ferment de Kaccufe , comme il lui ^toit li-
bre de remettre le tort ou rinjure.
La loi [c] donnoit un temperament pour
qu'avant le jugement , les parnes , Fune dans
la crainte d'une ^preuve terrible , I'autre a la
vue d,un petit dedominagement prefent , ter-
tninafTent leurs difFerends & finiffent leurs hai-
nes. On fent bkn que cette preuve n^ative
une fois coirfomm6e, il n'en lalloit plus d*au-
tre, & qu'ainii la pratique du combat ne pou-
yoit etre une fuite de cette difpofition parti-
culiere de la loi falique.
C H A P I T R E XVIL
Mamert de penfsr dt nos ptres.
o N fera ^tonni de vo5r*que nos peres fif-
fent ainfi d^pendre Fhonneur , la fortune & la
vie des citoyens , de chofes aui ^toient moins
du r effort <fe la raifon que au hafard ; qu'ils
employ iflent fans ceffe des preuves qu'ils ne
prouvoient point , & aui n*^toient liies ai
avec riilnocence ni avec le crime.
(0 IHd, tit« 5i
L I V. XXVIII. Chap. XVIL 37)
Les Germains qui n'ayoient jamais ^ti fab-
lugu^s jouiflbient d'une independance ex
treme. Les families fc faifolent la guerre (^)
pour des meurtres , des vols , des injures. On
tnodifia c^te coutume , en mettant ces guerres
fous des regies ; elles fe firent par ordre &
fous les yeux (c) du ma^ftrat ; ce qui itoit
preferable a une licence generale de fe nuire.
Comme au]our.d*hui les Turcs , dans leurs
guerres civlles , regardent la premiere vidoire
comme un jugement de Dieu qui decide ; ainfi
les peuples oer mains , dans leurs affaires par*
ticuUeres , prenoient r^venement du combat
pour un arr^t de la providence toujours atten-
tive a punir le criminel ou rufurpateur.
Tacite dit que , chez les Germains, loif-
qu*une nation vouloit entrer en guerre avec
tine autre , elle cherchoit a faire quelque pii-
fonnier qui put combactre avec un des fieas ;
& qu'on jugeoit , par rev^nement de ce com-
bat, du fucces de la guerre, D0 ppuples qui
croyoient que le comoat iingulier rigleroU les
affaires publlques , pouvoient bien penfer qu'U
pourroit encore regler les di0erend$ des parti -
culiers.
Gondebaud [J] , roi de Bourgogne , (ut de
i\ ■ ■ 画 ~*T71
M Cela parolt par ce que Alt Tacite : omnibus idem
Hahittts,
(h) VclUUis Paurculus , lir. II , chap, cxviiii die
mae les Germains d^cidoient toutc$ les ^affaires par
combaf.
(r) Voycz Its codes des lois dcsbarbarcs ; &poor let
t«mp$ plus inoderne», Beaumanoir » far la coutume
de H€aavot(is.
{d) La loi des Bourguigaons , chap* xlt.
374 De l'Esprit des Leis;
tous les rob celui qui autorlfa le plus Vufage
du combat. Ce prince rend rsufon de & loi
dans fa loi mSme: a Ceft, dit-il , afin que
M nos fujets ne faflent plus de ferment fur des
» (aits obfcurs, & ne fe parjurent point fur
i> des faits certains ». Ainfi ^ tandis que les ec-
cldfiaitiques [-] d^daroient impie la loi qui per-
mettoit le combat, 】e roi des Bourguienons
regardoit comme facrSege celle qui etaUiflbit
le ferment.
La preuve par k combat fingulier arok
quelque raifon fondle fur rexpirience. Dans
line nation uniquement guerriere, la poltron-
nerie fuppofe d'autres Wees : elle prouve qu'on
a rtfifie a r^ducatioQ qu,on a re^ue , &l que
fon a pas kxk fenfible \ I'honneur, ni conotdt
par les principes qui ont gouvern^ les autres
komtnes ; elle fkit voir qu,on ne craint point
leur tn^pris , & qu'on ne fait point de cas de
. leur eflime : ppur peu qu'on (oit bien n 圣, on
n*y manquera pts ordinairement de radrefTe qui
(doit s'allier avec la force , ni de la force qui
doit concourir avec le courage ; parce que , fai-
fant cas de l*honnear , on le (era touts' fa vie
. exerc^ I des chofes fans lefquelles on ne peut.
Fobtenir. De plus, dans une nation guerriere ,
ok la force , le courage & la proueflS font en
honneur, les crimes veritaWement odieux font
ceux aui naiiTent de la fourberie , de la fineffe
& de la rufe , c'efl-a- dire , de la poltronnerie.
Quant a 4a preuve par le feu, apr^s que
faccu(*<6 avoit mis la main fur un fer chaud ou
dans reau bouillante , on enveloppoit la main
(<) Voyez les oeuvres d'Agobard
Liv. XXVTIL Chap. XVI 575
<J[ans un fac que I'on cachetolt : fi trois jours
apr^ il ne paroiflbit pas de maroue de brii-
lure, on itoit Atdzxi innocent. Qui ne voit
que chez un peuple cxcrci k manier des armes^
- la peau rude & calleufe ne deroit pas recc-
voir aiiez I'impreffion du £er chaud ou de I'eau
bomllante,poar <ju*il y garftt trois ioiirs apris)
Et $*U y paroiflbit, c*4toit une marque que ce-
lui oui (aifoit l,6preuve k\o\t un enemin^ Not
payfans avec leurs mains calleufes manient le
fer chaud comme ils veulent; & quant aux fern 着
mes , les mains de ceiles qui travailloient, pou«
voient refifter au fer chaud. Les dames {f ) ne
snanquoient point de champions pour les dd-
fendre ; & dans une nation oil il n*y avoit
point de hue, il n'y avoit guere d*^at moyea.
Par la loi des Thuringiens (g) , une femme
accuf^e d'adultere , n'^toit condamnte \ ripreuve
par l,eau bouiUante, que lorfqu^il ne fe pr^fen-
toit point de champion poor eile ; & la loi {h\
des Ripuaires n'admet cette ^preuve que lor{^
au*on ne trouve pas de t^moins pour fe jufti«<
tier. Mais une femme qu'aucun de fes parens
ne vouloit deC^ndre , un homtne qui ne pou-
voit all^guer aucun timoi^nage de fa probitij
itoient par cela mSme d^ja convaincus.
Ja dis done que , dans les cirtonilances des
temps oil la preuvc par le combat & la preave
par le fer chaud 6c feau bouillante farent en
ufage , il y .eui un tel accord de ces lois avec
t/l Voyez Beaumanoir , coutume de Beauvoiiis;
ch. LXi. Voyez 獵 uffi la loi des Angles , ch. xiv , ou
U preuve par I'eau bouillante n'ed que Cubdduire,
fe) Titre 14.
W Cfiap. XXXI, S. j,
9Z£ t I'EspRiT DEs Lois;
les moeurs , que ccs lois produifirent moms d^iT«
]ufiices qu'elles ne furent injuAes ; que ]es efTets
lurent plus innocens que les caufes ; qu'elles cho-
querent plus Fequite qu'elles n,en violerent les
droits ; qu'elles furent plus d^raifonnables que
tyraaniques.
C H A P I T R E XVIIL
Comment la preuvt par U combat s*iundit
o N pourroit condure de la lettre d'Agob^rd
a Louis le d^bonnaire , que la preuve par le com-
bat n'^toit point en ufage chez les Francs, puiA-
qu'apris avoir remontre a ce Prince les abus de
la ]oi de Gondebaud ^il demande qu'on juge
en Bourgogne les affaires par la loi des Francs.
Mais comme on fait d'ailleurs que dans ce temps-
la le combat judiciaire etoit en ufage en France ,
on a ete dans rembarras. Cela s'explique par ce
que j'aidit^la loi des Francs Saliens n'admettoit
point cette preuve , & celle des, Francs Ripuai*
res [j)) la recevoit.
Mais, malgre les clatneurs des ecdefiaftiques,'
fufage du combat judiciaire s'itendit tous les
)Oiirs en France ; & je vaisprouver tout-Jl-l,heure
que ce furent eux-memej qui y donnerent lieu en
^rande partie.
Ceft la loi des Lombards qvi nous fournit
(<t) 51 pUecrtt domino noftro ut tos trans ftrrtt ad
k^em Francorum,
(h) Voyex ce^e loi, ti" 59 , §• 4$ & tit. 67 , §.
cette
搴
Liv. XXVni. Chap. XVIIL 377
cette preuvc. " II s'^toit introduit depuis long 一
n tetnps une d^teflable cootume ( eft«il dit dan'
i» dans le priambule de la conftitution {a) d'O-
n dion II ) ; c'eft que fi la chartre de quelque
f> heritage ^toit attaqu^e de faux ; celui qui la
n pr^fentoit, faifoit ferment fur les ^angiles
» qu'elle ^toit vraie; &fans aucun jueement pr^a-
" lable , il fe rendoit proprietaire oe I'h^ritage ;
t> ainfi les parjures ^toknt surs d'acqu^rir ».
Lorfque rEmpereur OtWon I. fe £t couronner
^ Rome {t) , le Pape Jean "XII. tenant un con-
cile, tous les feigneurs (c) dltalie s'ecrierent
qu*il falloit que rEmpereur fit une lot pour cor -
tiger cet indigne abus. Le Pape & rEmpereur ju-
gerent qu'il falloit renvoyer I'afFaire au concile
qui devoit fe tenir peu de tetnps (i) aprds it,
Raveime. Lit les feigneurs firent les memes de-
mandes , & redoublerent leurs cris; mais fou»
pretexte de l*abfence de quelques perfonnes , oa
renvoya encore une fois cette affaire, Lorf-
<ju*Othon IL & Conrad (#) Roi de Bourgogne
arriverent en ItaHe , ils eurent a Veronne un 【f》
colloque {g) avec les feigneurs dltalie ; & fur
kurs inftances r^tir^es , rEmpereur , du confen*
(s\ Loi des Lombards > liy. II , tit. 55^ , ch. 54.
\h) L'an 962.
(c) Ah Italitt proeeribus eft proclamamm, ut impera<^
tor jancbis , mutatd lege , /acinus indignum dtfiruertc
Loi des Lombards » liv, H, tit, 55 , ch. 34.
{d) 11 fut tenu en ran 967 , en prefence du pape
J«an Xlll & de rEtftpereur Othon I.
(j) Oncle d'Othon II , iils de Rod^phe , & nn d«
la Bourgogne Transjurane.
r/] L'an 98^. '
Ig) Cum in hoc ah omnihus impirlaUs awns pulfarcn^
m.' Lot d€s Lombards » Uvt llr-Tit* 15 > ch. ? =4.
li
37^ De l*Esprit des Lois,
tementde tous , fit une loi qui portoit que , cpiand
il y auroitquelque conteflanon fur des heritages,
.& qu'une des parties voudroit fe fervir aime
chartre, & que I'autre foutiendroit qu*eUe 6toit
faiifTe , I'affaire fe d^cideroit par le combat ; que
la mdme regie s*ohferveroit lorfqull s'^iroit de
.matieres de fief; que les ^glifes feroknt fujettes
\ la mime loi , & qu*elles combattroient par leurs
champions. On voit que la nobleffe demanda la
• preuve par k combat , a caufe de rinconv^nient
oe la preuve mtrodoite dans les egUfes ; que,
-malgre les cris de cette noblefle., malpr^ faixis
qui crioit tuirineme, & makri I'autorite d'Othon
qui arnva en Italic pourparler & agir en makre,
le clerg^. tint ferme dans deux conciks ; que le
contours k noblefle & des Princes ayant forc4
ies eccl^fiaftiques a c^der , fufage qu combat
-judiciaire dut Itre regard^ comme un privilege
de ]a noUeffe , comme on remptrt contre Kn-
|uilke, & une afTurance de fa propriety ; & que,
ce moment , cette pratique dut $'itendre»
,£t cela fe fit dans ua temps o& ks Empereurs
^otent^rands & lesPapes pettts; dans un tempi
•ou les Othons vmrent rit4>^ €n Italie k dignit^
^ rempire. *
"it &T4trune reflexion qui confirmeia ce que
J^ai- dtt ci-deiTuSy que F^tabliilement des pneuves
B^g^tives entratnoit apr^s }ui )a jurifprudience
^ combat. Uabus dont on fe plaignoit devant
les Othons, itoit ^'un homme a qur on ol>*
jeAoit que fa chartre itok fauile , fe defendoit
f ar une preuve negative , en didarant fiir ks
vangiles qu'eUe ne ritoit pas. Que fk-on pour
corner Fabus dTune loi qui ayoit kxk troiit{U^^ t
retablk fufage du combat
Je me fuis pr«£Gi de paikr de t| coiifikutio%
L I V. XXVm. Chap. XVlH. 379
d'Othon II , afin de donner une idie claire des
dim&i% de ces temps- la entre ie derg^ & les
b'icfuet. II y avoit eu auparavant une conftitu 垂
don de (h) Lothaire I , qui , fur les m^mes
Elaintes & les memes d^eks , voulant aflurer
L propnet6 des biens , avoit ordonni aue le
notaire jureroit que fa chartre n'^toit pas faulTe;
•6l que , s'il ^toit mort, on feroit jurer 】e, t4-
moias qai ravoient fignee : mais le mal reftok
tou*|ours , il falloit en venir au remede dont je
viens de parler. .
Je trouve qu'avant ce temp-Ii , dans des
aflembl^es g^n^ralet tenues par Charlemdgne ,
la nation lui repr^renta (i) que dans I'^tat des
chofes. U itoit tres diincile que Faccufateur
cu Yzccud ne fe par 加 urafTent , & qu'il valoit
mieux ritablir le combat judiciaire ; ce qu,il fit.
L'ufage da combat judiciaire s*etendit chez
les Bourguignons 嗲 & celui du ferment y &t
born^. '^^odoric, Roi d'ltalie , abolit le com-
bat fingulier chez les Oftrc^oths (k): les lob
«de chaindafiunde & de Riceffuinde femblent en
avoir voulu oter jufqu'a Hd^. Mais ces \o\i
flirent fi peu revues dans la Narbonnoife ,* que le
combat y kioii regard^ comme une preroga-
tive (/) des Goths.
纏 ■' h ,1 ■ ■ ' I ' ■ .saai
fA) Dans U loi des Lombards « 15 v. 11 , tit 5s ,
3).. Dans r<xcniplatrc done t'eft fervi M. Muratort p
cUe eft attribute k Vempereur Gui.
(i) Dans la lot dei Lombards , Uv. U , tk. ^5 1"
(*) Voyet Cafliodore, Uv. Ill , lett. ij & ^4,
ft) In palatio ^oque Bera eomes Sarcinonenfts •
turn imptterctur i. quodam vocato Sunila , & infidclita*
its ar^tttretur , cum eodem ftcunduM legem fropriam ,
mpjtf quia uttr^uc G^thus irat t^ttcfiri pralto ^ongnfm
lift
380 De l*Esprit des Lois,
Les Lombards , qui conqidrent FltftUe aprH
la deftruftion dts Ofirogotbs par les Grecs , j
rapporterent I'ufage du combat : mais leurs pre-
mieres lois le reftreignireot (ot). Charktna"
gne {n) , Louis le debonnaire , les Othons,
firent diverfes conftitutions geiierales , qa'on
trouve infi^r^es dans ies lots && Lombards , fie
ajoutees aux lois^faliques , qui (hendirent le duet^
d*abord dans les affaires crimkielks^ & enfuite
dans les civiles. On ne favok comment £ure. La
preuve negative par le ferment avok des incon*
viniens ; celfe par le combat en avoit auffi •• ott
changeoit , fuivant qii'on 6toit plus frapp 在 des.
HAS ou des autres^
D'un c6t" les ecclffiaftTqnes fe pTalfbient a.
voir , que dans tomes les a£fai£es £eculieres , oa
fecourut aiix eglifes (^0) & aax autelk; & de
I'autre , une noblefle £ere amiott i' (bmenir fes
droits par ibn ^pee;.
Je ne dis point que ce fiit'te cfergf qui eut
introduit rufage dont la noblefle £e plaignoit;.
Cette coutume dertvoit de Fe^rit des lois. des
' 6ft6^ yieftts, L'imteu^ mcertam. de Ik vi« de Loutt;
debonnaire.
(m) Voyez dans la Ibl d«s Lombards le 1' , tit,.
J & tit. ,', §、>3 j & Uv" U, tit. 3.5 , $». 4 St 5 I fit
tit, 5 y , J. 1 , 2 8c 3 ; les reglemeos de Rothaiis j.
«u 5- I 丄, cekii de Luitprand..
(n) Rid: liv^IL tit. 55 , §. ^
\x>) Le ferment Judiciaire fe faiibrt pour tbrs dans
tes e^ViCes j. & il' y avok dans Ik premiere race, dans*
Its pafais des Rois , une chapelle expres pour les af*
£aires.qxa. s'y jugeoient, Voyez les formules d« Mar*
culfe , liv. I, ch.. xxxviTi j. les lois de&Ripuaires, tit*
,9 , §* 4 ; - tit. 65 , §. 5 ;, rhiftoire de Gr^goire de
Toursi le capitulaire. ae Van 805 ajputi a> la. loi
Liv. XXVra. Chap. XVm. )9i
barbares , & de I'^tabliiTement des preuves ne-
gatives. Mais one pratique qui pouvoit procu-
rer rimpunit6' a tant de criminels , ayant fait
penfcr qu'il falloit fe fervir de la faintet^ det
^glifes pour 6tonner les coupables & faire palir
les parjares , les eccUfiaftiques foutinrent cet
«iage & 】a pratique a kquelle il 6toit joint ; car
d'ailleurs Us ^oient oppofes aux preuves nega-
tives. Nous voyons dans Beaumanoir (p) que
ces preuves ne furent jamais adnrufes dans les
tribunaux eccl^iiailiques ; ce qui contribua fans
doute beaucoup a les faire tomber , & a affoi -
blir la difpofition des codes des lots des barbares
a cet 6gard.
Ceci fera encore bien fentir la Haifon entre
Fufage des preuves negatives & celiii du com-
bat judiciaire dont j'ai tant parle. Les tribunaux
laiques les admirem Vun & I'autre , & les uiba«
naux clercs les rejetterent tons deux.
Dans, k choix de la preuve par le combat,
fa nation fuivoit fon genie guerrrer ; car pendant
qu'on ^tabliffok fe combat comme un Juge-
ment de Dieu , on aboIiiToit les preuves pat la
croix , I'eau froide & I'eau bouillante , qu'on
avoit regard^es au0i comme des pgemens de
Dieu.
Charlemagne ordonna que , sll furvenoit
quelque diflSrent entre fes en&ns , il fut ter-
firine par le Jugement de la croix. Louis (q) le •
d^bonnaire borna ce jugement aux affaires ec-
cUfia^iques :- fon Bis Lothair^ I'abolit dans tous
— ■
(p) Chap-. xxxjTc^t pag. an. 、
(f) On trouve fes conftitutions infdr^es dans U loi
des Lomb^ds & i la fuiu des lois faliqjiesv 、
,8i De t*EsPRrr des Loiji,
les cas U abolit (,) de mSme la preuve par VeM
iroide.
Je ne dis pas , que dans un temps oil il y avoU
fi peu d'ufages univerfellemeiit re^us , ces preu-
ves n'ayent ^t^ I'eproduites dans quelques 堪"
fes , d'autant plus qu'une chartre {s) de Philippe
Augufie en fait mention : mais Je dis qu'eiles fu-
rent de peu d'ufage. Beaumanoir (r) qui vivoit
du temps de Saint Louis «m peu apres , faifant
r^numeration des. differens genres de preuves ,
parle de celles du combat |u£ciaire » & point do
tout de celles- Isu
CH A P I T R E XIX.
NouveUe raifon de VoubU its Ids i^alifues y du
lois Romain^ & dis Capiadains,
3F'a 1 d£|a dit les raifons qui avoient fak per<in&
anx lois isdiques , aux lois Romaines, & auz
capitula'ires , leur aatorit^ ; j'ajoutera ooe ht
grande cxtenfion de la preure par le comoat en
nit la principale caufe*
Les lots (aliques , qui s^admettoient point cet
ufage , devinrent en quelque fa^n kitniles, &
tomberent : les lois Romaines , qui ne radmet*
toient pas nan pins , perirent de mSme. On ne
fongea plus qu*k former la loi du combat |ucli*
ciaire ,& a en faire une boone )iurifpn]dence»
(r) Dans fa conHitution inf^r^e dans la K>i dc9
Lombariis , tir. II , tit« 55. §, 31.
(s) De I'an noo.
, W Coutume d« Beauvoifis , ch, XXXIXr
Liv. XXVIIL Chap. XIX.
Les Afpofitioos ies capitulaires ne devinrent pas
moins inutiles. Ainfi tant de lois perdirent leur
autorit" fans qu*on puiffe citer le moment oil
elles rout perdue ; elks furent oubliees , fans
qu'on en trouve d'autres qui ayent pris leur
place.
Une nation pareille n'avoit pas *befoin de lob
^ elites , & fes lois Rentes pouvoient bien aif (&—
•fxient tomber dans loubli.
Y avoit-il quelque difcuffion entre deux par-
ties i onordonnoit le combat. Pour ceh ilne
loit pas beaucoup de fufEfance.
Toutes les adions civiles & criminelles fe
daifent en faits. Ceft fur ces faits qtiefon com*
battoit ; & ce n'^toit pas fevdement le fond de
I'affaire qui fe jugeoit par k combat , mais en-
core les incidens & les interlocutoires , comme
le dit Beaumanoir (4) , qui en donne de»
exemples.
' Je trouve cp'avi commencement de la troi-
fieme race, )urifpruclence ^toh tome en proc^-
; tQut fut gottvem^ par le point dlionneur*
Si Von n'avoit pas obti au juge , il pourfutvoit
fon ofFenie* A Bourges (^), fi le prevftt avoit
mande quelqa'un , & qu*tl ne fi^t pas venu : u Je
19 t'» envoy 在 chercher , £foit-ii , tu as d^dat^
•» ani de venir ; fais-mot raifoih de ce mipris ; »
Ton combattoit Louis le gros rifbrma (c)
cette coutume.
. Le combat judiciaire ^toit en vfage (J) a Or-
itf) Ch. Lxi , ^ges 509 &,, 。•
h) Chartre de Louis le gros, de faiv » dans
le irecueil des ordonnancef*
(c) Bid.
Chartre de Louis le ^et^DC^ dc 1 » "6《 》 dant
k recueil des ocdoMuiiccs*
584 De L,Espi^rr dcs Lois;
Uans dans toutes demandes de dettes. Lome fe
jeune d^clara que cette coutume n'auroit lieu que
lorfque la demande excideroit cinq fb!s, Cette
ordonnance etoit une loi locale ; car du temps
de Saint Louis {e) , il fufSfoit que la valeur rat
de plus de douze deniers. Beaiunanoir (/) avok
oui dire I un feigneur de loi , qu'i) y avoit au-
trefois en France cette mauvaife coutume, qu'oa
pouvoit louer pendant un certain temps un cham-
pion pour combattre dans fes affaires. II falloit
que rufa^e du combat ^diciaire e&t pour lors
une prodigieufe extenfioiu
CHAP.ITRE XX.
Origine du poiru-d' honncuf*
o N trouve des ^nigmes dans les tod" des lois
des barbares. La loi \^a) des Frifons ne donne
qu'un demi fol de composition a celui qui a regir
des coups de baton ; & il n*y a fi petite bleiTure
pour laquelle elle n'en donne davantage. Par la
loi falique , un ing^nu donnoit trois coups
de baton a un ing^nu , il payoit trois fols ; s'il
avoit fait couler*le fang , il ^toit puiu comme
s'il avoit bleiK arvec le fer, & \\ payoit quinze
fous; la peine fe mefuroit par la grandeur des
bleiTures. La loi des Lombards (巧 ^tablit di^f^^
ft.. ■ ■ ' , , ' '— la
(<) Voyez EeaumanoiT ph. ixin , pag.
(/) Voyex Is coiitum«^ de Beauroifis , ch^ XXVliU
page 103. •
(a) Additio fapientium Wilkmari , tit* 5*
(*} Uv. L tit. 6.
c ti,. XXVIII. Ch A ». XX. *3»^
,ent€s cotnpofitions- pour uii coup , pour deux ,
pour trais , pour quatre. Aujourd hui un coup en
vautcent tmlle.
' Lai oenftittttion de Charlemagne Infirie dans
la loi (c) des Lombards, Tcut que ceux a qui elle
permetle duel, combattetit avec le bSLton. Peut -
que ce fiit un management pour le. clergi.;
peut-etre que , comme on ^tenaoit rufaee des
cof^bats , on vouhit les rendre Ao'ms iangui-
fiaires. Le capitulaire [d\ de Louis It <d^bon-
naire donnele choix de combattre avec le biton
oil avec les armes. Dans la fuite U n'y eut
que les fer£s qui combatdiTent avec le bi-
ton {e),
Deja . je vois naitre & fe former les articles
parttcUliers de notre point'dThooneur. L'accufsk -
teut conin4^9oit par declarer devant le juge^
qu'iin tel avoitcominis une telle z€don ; & celid;
ci r^potidcHt qu'il eti avoit metiti (/) ; fur cda le
jfuge ordonnoit le duel. La maxime s'itablit que »
iorfqu'on avoit re^u un dementi , il falloit (t
battre.
Quand un homme [g] avoit didare qu'il cotn-
battroit , il ne pouvoit plus s'en d^partir ; & s'il
le fai(bit , tl itoit condamn6 a une peine. De-la
frnvit cette regie, que quand un homme s'etoit
.engagi par fa parole , rhoiioeur ne lul permettoU
plus le la r^tra&en
hss getitilshoipfxies [A] fe battoient entr'eiXS
^ chevaa & avec leun» armes , & les villains [A
fe battoient a pied & avec le baton. De*la 2
fuivit que le baton ^oit TinftFument des outra-
fes (k\ parce qu'un homme qui en avoit it^
attu , avoit 6te traiti comme un villain.
It ny avoit que ks villains qui combattifleiit
a vifagc decouveit {J) ; ainfi il D*y avoit qu*eux
qui puflent itceyoir des coups fur' la face. Uo
ioufflet devint une injure , qui deroit iire lavee
par kfafig, pafce qu'un homme qui I'avoit resu,
avoit 豸 tltraiti comme un villain.
Les peuples Germains n'etoient pas moins
fenfibtes que nous au point-'d'honneur ; ib Vi^
toient m^me plus. Ainii les parens les plus floi*
gnes prenoient une part tris vive aux injures,
iSc tous leurs codes font fomdis la-^fTus. la loi
des Lombards [m] veut que celui qui > accom -
pagn^ de fes gens , va battre un Komme qm
n'eu point fnr fes gardes , afin de le couvrir
-de honte & 4e ridicule , paye la moiti^ de la
compofition qu'il auroit due , s,il I'avoit tai 、 '6c
que (n) fi, par le mSme motif, il le lie, il
paye ies trois quarts de la meme compofi*
tion.
(&) Voyei , fur les armes des combattans , Bctuma*'
1)0 ir , ch. LXi , pag. jo8 • & ch. hxiv , pag. «i8.
(i) Ibid, ch« txiVf pag. 318 ; royet aulll Its chaf-r
tres (He Saint»Aubta d'Anjou , rapport^s par GalUnct^
page i6j. •
Jk) Cnez les Romains , les coups de baton n^^totenf
po*^nt infamcs. Lege lAttS fuftium. Dt iU qui notanttac
inptmid, >
if) Us n'svoient que I'^cu & le batQo • Beaumanoir \
ch» Lxiv, page jiS.
(m) Liv. I, tit. 6, S. I«
(») Ibid, 5. ju
LiY. XXVnL Ch\p. XX.
Difens done que nos peres itoient extreme-
Inent fenfibles aux affronts ; maisque les affronti
d'une efpece pardculiere , de recevoir des coups
d*uo certain inftrument fur une certaine partie du
corps , & donnas d'ane certune maniere , ne leur
Solent pas encore connus. Tout cela itoit com -
pris dans raflfiront cPfitre battu ; & dans ce cas ,
fa grandeur des exchs faifoit la graftdedr des ou-
trages.
CH A P I T R E XXL
NottPelfe Hf^xion fur U point • d^Awnuur ckti
les Gtrmains.
ft CI '4x0 IT cher les Gernudns, dit Ta-
w cite [tf】, line graode inCsiinie d'avoir aban«
d6nii6 fon bouctier dans le combat ; & plii*
ft fieurs, apr^s ce malheur, s*itoient donn« la
fy mort ,,• Auffi I'ancienne loi (在、 faliaue donne*
C-elie truiiue fols de compofition a celui4 qui on
avoit dit par injure qu'il avoit abandonne ifon
]>oucfier.
Oiarietnagne (c) corrigeant la loi f aKque ;
n'itabUt dans ce cas quetrois fols de compodtion*
On i^e peut pas foup^onner ce Prince d'avoir
voultt aftoiblir la difapline militaire : il eft dair
que ce changement vint de celui des artnes ; &
c'eft a ce changement des artnes que Yon doit
rorigine de bien des ufages«
[aS 'Dt morih. GtmuM,
Dans le p^Hus legis fiUicct.
) Nous*arons rancienne loi , 6c celle qui fiit cof*.
ffl^^e fMX cc prince.
De I'EspRiT DCS Loii;
C H A P I T R E XXII. .
Des mcmrs reUuves mix combats,
N
OTRE llaufon avec les femmes eftfond^ fur
le bonheur attache aux plaiiirs des fens, for "
charme d'aimer & d'etre aim^ , & encore fur le
defir de leur plaire , parce que ce font des juges
tres ^claires fur une parde des chofes qui conf*
t'ltuent le m^rite perlcmnel. Ce defir general de
plaire, produit la galanterie , qui n'eft point Ta-
mour , inais le d^licat , tnab le I6ger , maU le per*
p6tuel menfonge de I'amour.
Selon les circonftances diffirentes dans chaque
nation & dans chaque fiecle , ramour fe porte
plus verf une de ces trois chofes , que yers les
deux autres. Or je disque , dans le temps de nos
combats , ce fut refprit de galanterie qui dut
prendre des forces.
Je trouve dans la lot des Lombards » que (a)
fi un des deux champions avoit fur lui des her —
bes propres aux endbantemens , le )uge les lui
faifoit oter , & le faifoit Jurer qu*il n*en avoit plus.
Cette loi ne pouvoit tee fondle que fur l,opi,
nion commune ; c'eft la peur , qu*on a dit avoir
invent! tant de chofes , qui fit imaginet ces for,
tes .de prefiiges. Comme dans les combats par —
ticuliers les champions ^toient arm^ de toutes
pieces , & qu'avec des armes pefantes, ofFen-*
fi^eV& d^fenfives', celles tfune certaine trempe
& d*une certaine force , donnoient des avantages
■ ' ' ' 川 • ' '' ' ■ 警 ■ 一 -
[a) LiY, II. tit. 8$.$. lu
L I V. XXVIII. Chap. XML 3S9
infinis ; I'opinion des armes enchant^es de queU
ques combattans , dut touraer la tSte a bien des
De-la naquitle fyflfime merveilleux de la che*
Valerie. To us les efprits s'ouvrirent a ces id6e$.
On vit dans les romans, des paladins , des n^gro-
manSy des f^es , des cheyaux.ail^s ou intelligens^,
des homines invifibles ou invuln^rables , des ma-
giciens qui slntireflbient k ia naiflance ou a 1,^ 一
ducation des grands perfonnages , des palais en-
chames & d^fenchant^s ; dans notre monde uti
xnonde nouveau , & le cours ordinaire de la
nature hdSi feulement pour les hommu vul-
gaires.
Des Paladins tou jours arm^s dans une panie
du monde pleine de chateaux , de forter«ffes & de
]u{uce & k defendre ia foiblefle. De-li^ encore
dans nos romans la galaaterie fondle fur Yidie de
Famour , jointe a celle de force & de protecr
tion.
Ainfi naquit la galanterie , lorfqu'on imagina
des hommes extraordinaires , qui , voyant la vertu
}ointe a la beaute & 4 la Ibibleile , furent por 一
tes a s'expofer pour elle dans les dangers » &
a Ini plake daqs les aiik>ii5 ordanaires at U vie.
Nos romans de chdyalerie ilatt-ereat ce de&r
de plaire , & donnerent a une partk de I'Europe
cet efpht de galanterie <{ue I'oa peut dire avoir
ite peu connu par les ancieas.
Le luxe prodigieux de cette immeafe vUle de
Rome, flatta I'ldie des plaifirs des fens. Une
certaine idit de tninquiffit^ ^ns les cafiDp^nes
de la Grcce , fit d6crire (b) les fentimens de I'a-
n peut voir les romans Gr«c$ du movcn age.
gens.
Kk 3
390 De I'EsPRiT oEs Lois,
mour^L'idie des Paladins, protedeurs de la Term
& de la beauti des feuimes , conduifit a ceOe de ■
la ^lanterie.
Cet efprit fe perpitua par Fufagc des tournois ,
qui unifTant enfemble droits de la valcur & de
f amour , donnerent encore k la galanterk unc
grande importance.
gggggggg I ^ssasssssssofsm
C H A P I T R E ,XXni.
De la jurifprudence du combat jtuRciairt,
o N aura peut-Stre <te la cariofit^ 4 voir cet
ufage monilrueux du combat judiciaire ridmt en
principe, & a trouvcr le corps d'une jurifpru-
dence fi finguliere. Les hommes , dans le fond
raifonnables , mettcnt fous des regies lews pr^ju-
ges m^mes. Rien n'etoit plus contraire au bpn
iens que le combat judiciaire : mais ce point une ,
fois poi*6 ,Tex£cmion s'en fit avec une certain^
prudence.
Pour fc \ mettre bien au bit de k jurifprudence
de ces temps-li , ii faut lire avec attention les
Biglemens de S. Louis , qui fit de fi grands
changemens dans . I'ordre judiciaire. D^fontaines
^oit contemporain de ce Prince ; Beaumanoir
^crivoit aprfes (a) lui ; les autres ont v^cu depuis
lui. II faut done chercher I'ancienpe pradque aans
les corredions qn'on en a faitesr '
(a) En I'an 1283
Liv, XXVni. Chap. XltlV. f^i
C H A P I T R E XXIV.
jRjtglcs ctahVics dans U cambat judiciairt,
Xj orsqv'il (4) y avoit plufieurs accufateucs ,
jl £illoit qu'ils s'accord^dTent^ pour que FaiFaire
Qlx pourfuivie par un feul ; & s'ils 9s pouvoient
convenir , celui devanc qui fe faifoit le plaid »
siommoit un d'entr'eux qui pourfuiyoh la que-
telle.
Quand {b) un gentilhomme appeQoit un vU,
lain , il devoit fe prefenter a pied , & avec
& le baton : & s'il venoit a cheval & avec
les armes d,un gentilhomme , on li4 dtoit fon
cheval & fes armes ; il reftoit en chemife , &
^iolt oblige' de combattre en cet ^tat contre le*
villain.
Avant le combat , la joftice (c) faifoit publier
trois bans. Par l,un , il 6tok ordonn^ aux parens
des paitLes de fe retirer ; par Fautre , on avertif-
{pit le people de earder lenience; parle troifiei^e,
il etoit detendu de donner du fecours a nne des
parties fous de groflies pdnes , & m^me celle de
snort, fi par ce fecours un des combattaas avoit
ixi. vaincu.
一 Les gens de juftice gardoient {/) le pare ; &
dans le cas oil une des parties auroit parli de
paix y ils aToient grande attention k F^tat afhiel
fa) Beaun^anoir » ch. vi , pages 40 & 4i
h) Ibidf ch* LXiv , pag« 32$*
id) Ibid.
Kk 4
De lTEsprit pes Lois
pix eUes fe trouyoient tontes les deux dans ce
'moment, pour qv^elles fiiiTent remifes (<) dam
la meme fituation , fi la paix ne fe faifoit pas. 二
- Quand les gages ^tCHent regus pour crime ou
pour faux jueement , lapaix ne pouvoit fe faire
fans le conientement du feigneur ; & qaand
une des parties avpit iii vaincue , il ne pouvoit
plus y avoir de paix que de Faveu du comte (y) ;
qui avoit du rapport a nos lettres de grace.
* Mais fi le crime itoit ' capital , & que le fei-
gneur corrompu par des prefens , confentit a la
paix , il payoit une amende de foixante Hvres;
& le droit (g-) qu*il avoit de faire punir le znalfki 一
{eur, etoit d^volu au comte.
II y avoit bien des gens qui n, 荟 toient en etat
ni (Toffrir le combat nide le recevoihOn permet*
toit , en ConhoifTance de caufe , de prendre m
champion ; & pour qu'll eut'le plus grand int^ret
i defendre fa partie, il avoit le poing coupe ,'s*il
6toit vaincu (A.)
Quand on a fait dans le fiede pafR des
lois capitales contre ISs duels , petit- 纟 tre auroit-
il fufR d'&ter a un euerrier fa quality de guer-'
par la perte de la main , n*y ayant rien-
ordinairement de plus trifte pour les hommes que
de* furvivre a la perte de leur cara^re.
W 脱 ——
If) Les grands 丫 a (faux tv(^ent des droit* partial-
Iters. - -
(g) Beaumanotr , xh* ixiY • pag. 350 » dtt : 11 peew
i)roit fa juftice. Ces paroles , dans les auteurs de ce
tempswU , rfont pa$*-trae ii^iiicstion- g^^rale, mais
reftreinte k I'afFaire dont il s*aeit i Defentaines , du .
XXI. art. 19.
(h) Cet ufage qu« Von trouve dans les capitulaires •
fubtiftoit du temps de Beaumgooir ; voyex It chap«
LXIipage 315,
Liv. XXVn- Chap. XXIV.
. Lorfque daas un crime capital le combat
lb iaifoit par champions , on mettoh les parties
dans un Reu d'oii elles ne pouvoient voir la ba-
tsuUe : chacune d'elles itoit ceinte de la corde qui
devoit fervir i fon fupplice ii fon champion itoit
Vaincu.
<■ Cekd qui iuccbmboit dans le combat, ne
perdoit pas -toujours la chofe conteil^e ; fi
par exemple f A") I'cm combattmt fur un in-
terlocutoire , Von ne perdoit que I'interlocn -
fdire.
C H A P I T R E XXV.
D4S hcrms qui ton mettoh i tufagt du ambdi
4 • judkiaire. •
^ u AND les gages de bataille avoient ixi
jus fur unc" affaire civile de pen d,iinpor,
tance , le feigneur obligeoit les parties a les
Si un fiiit ttoit notolte ; par exemple , fi
un homme ayoit ete aflaflin^ en pleih inarch^ ,
on n'ordonnoit nii la preuvc par t^moih ni la
preuve par le combat ; le juge pronon^oit fur la
publicite. 、,
Quand 9 dans la cour du feigneur., on avoit
ibuvenf jugi cte la meme mamere, & qu'aiaft
(i) Beaumanoir , ch. LXIV , pag. 330.
(i^) Ihli^ chap.LXI, pag. ^09. »
(tf) Beaumanoir , chap. tXl / page 308. I&*i,chafi
XLllI > pag, aj^.
)94 Db l'Esprit im Lots ;
I'ufa^e itoit connu {Ji) , le feigneur refofok Ut
combat auk parties , a£n que les coutumes ne fu(^
ient pas chang^es par 】es divers iv^nemens dear
Combats.
On ne pouvok demander le combat que
pour (c) foi , ou pour quelqu'un de fon ligns^e ,
ou pour fon feigneur^^lige.
Quand un accufi avoit tti abfous (J), un
autre parent ne pouvoit demander le combat ;
autrement .les affaires n'auroient point eude fin.
Si celui dont les parens voulbient venger la
fnort , venoit ^ reparoitre , il n'itoit plus aueftion
du combat : il en itoit de ixieme ,(-) £, par
une abfence notoire ; le £ut fe ttouvoit iaopoi*
me. .
Si un homtne' [f] qui avoit M tui , aroit^
^vant de mourir , diiculpe cehii qui ^tott accuf ,
& qu'il dk nommi. un autre, on ne ];yocidoit
point au combat ; mais n*avoit nommi per 一
lonne , on tie re^ardoit fa declaration que comme
un pardon de fa mort : on continuoit les pour-
fuites ; & mime , entre gendishommes , on pou-
voit faire la guerre.
Quand il y avoit une guerre, & .qu'an des
tiareiis donnoit ou recev oit les gages de bataille,
e droit de la guerre cefToit ; on penfoit que
ks parties vouloient fuiyre le cours ordin^re
de la juftice ; & celle qui auroit continue la
(h) Ibid, chap. LXI , pag. 314 ; royez auifi D«ti!
fontaines » chap. XXII, art. 24.
(0 Ibid , chap LXIII , pag 322.
(d) Ibid,
!t) Beaum. chap. 《3 , page 322*
/) UU, page
Liv. XXVm. Chap. XXV.
guerre , auroit iti condamnie k r^parer les dom-
mages. 暴
Ainfi ta pratique du combat judiciaire avoit
cet avantage , qu'elle pouvoit chaneer nne xjue-
relle g^nirale en une querelle particmlere , rendrc
la force aux tribtmam , & remettre dans Yitzt
civil ceux qui n^^oient plus gouvernis que par le
droit des gens.
XJomme il va une infinite de chbfes fages qtu
lent menses drune maniere tr^s folle , il y a aufli
des fbnes qui font coiiduites d*une maniere triis
fage.
Quand (g) un homme appelli pour un crime ,
snontroit viublement que c*etoit I'appellant mime
qui I'avoit commis , il ny avoit plus de eages de
bataille ; car il n'y a point de coupaole qui
^*eut prifiri un combat douteux k ufte punition
certaine.
II rCy avoir (A) point de combat datiB les
affaires qui fe d^cidoient par des arbitres on par
les cours ecdifiafiiques ; ii n'y en avoit pat
fion plus , lorfqu'U s'agifToit du douaire des
femmes.
Femmf , ctit Beaumanoir , nt fe pent com*
hattre. Si une femme appelloit quelqu*un fans
nommer fon champion , on ne recevoit point
ks gages de bataille. II falloit encore qu'une
femme iut autorifiie par fon (i) baron , c*eft-a-
dire, fon mari, pour appelkr; mais fans ^ette
^utorit^ die pouvoit ^tre appetite.
Si lappellant [A] ou Kappell^ avoient moins
(f) Beaum. chap. 65 , page 514.
(A) /AW, page 3a J.
(i) Ibid.
(k) Beaum. page 323, Voyei auHi ce ({ue j'ai dk
la Uv. XYUL
59^ De l'Esprit d£$ Lois,
de quinze ans' , il n'y avoit point de combats
On pouvoit pourtant i'ordonner dans les affaires
de Duplies, lorfque le tuteur ou celui qui avoit U
bailiie , vouloit courir les nfques de cette pro-
cedure.
II me femble que void les cas oil il ^toit pcr-
mis au ferf de combatrre. II combattoit contre
un autre ferf; il coitibattoit contre une perfonne
franche , & m^me contre un gentilhomme , s'il
4btoit appelle ; mais s'il rappeiloit (A , celai-d
pouvoit rcfufer le combat ; & tn^me le feigneur
<lu ferf itoit en droit de le retirer de la cour. Le
ferf pouvoit , par une chartre du feigneur (m) ,
ou par ufage , combattre contre toutes perion-
nes franches; & IVglife (n) pr^tendoit ce ro^me
droit pour fes ferfs > comme une marque {o) de
tefpea pour elle.
C H A P I T R E XXV L
Du combat judiciairi entre Wu des parties & un
des temoms.
5i EAUMANOIR {a) dit qu'un homme qui
voyoit qu'un temoin alloit akpoCer contre lui,
pouvoit eluder le fecond , en difant (h) aux juges
(1) Ihid, chap. 43 , pag.
(m) Desfontaines , ch. ^t , art. 7.
- (n) Haheant htllandi & ttfli^MOkdi Uccntiam , char-
tre de Louis le gros de ranjul.
(o] Ibid.
ia) Ch. LXI, pagQ 515.
h) Leur doit-on demander , avant qu'ils faiTeol
Liv. XXVni. Cha p. XXVI.
mat fa parde produifoit un t^moin fiiux & ca«-
lomniateur ; & fi le t^moin vouloit foutenir la
quereUe » il donnoit les gages de bataille. II n'"
toit plus queilion de PencjuSte ; car fi le "moin
etoit vaincu , il ^toit dicidi que la partie avott
produtt un faux timoiii , & elle perdoit foa
proems.
II ne (alloit pas lailTer )urer le fecond temom ;
car il auroit prononc^ fon t^moignage, & raffaire
auroit ^te finie par la dipofition de deux t6«
moins. Mais en arr^tant le fecond , la dipoiitioa
du premier devenoit inutile. ,
he (ecpnd temoin etant alnfi rejet^ , la partie
ne pouvoit en faire ouir d'autres , & elle perdoit
fon proces : mais , dans le cas ou il n'y aroit
point de gages de bat^Ue [c] , on pouvoit pror
Guire d'autres tiimoins.
Beaumanoir dit {d) que le timoin pouvoit
dire a fa partie avant de dipofer : a Je ne me
fi b6e pas a cotnbattre pour yotre querelle , ne a
» cntrer en plet au mien ; mais & vous me
» votflez d^fendre , volontiers dirai ma Yinti "•
La partie fe trouvoit obligee a combattre pour
le temoin ; & fi elle ^toit vaincue , elle ne per«
doit point le corps mais le temoin etoit
rejet6. (
Je jprois que ceci ^toit me tnodificatipn de
rancienne coutume ; & ce qui me le fait penfer •
nul ferment , pour qui ils 覃 eulent t^olgner : ctr
Venques gift li point d'aus lever de faux t6noigaage«
Beaumanoir » cnap. XXXIX , pag. ii8.
Cc) Jhid, chap. LXI, pag. 316.
(fl) Chap. VI , pages 39 8c 40.
(e) Mais le combat fe fatfoit par champions % \%
champion vaincu afolt le poiog coupe.
外 8 De L*E$PiiiT DEs Lois;
c,eft que cet ufage d'appeller les t^oins , fe
Isouve ^abli dans la loi des Bavarois [f] , &
dans celle des Bourguignons [g\ , fans aacune
J'ai ddjk parli de la conilltution de Gond^«
baud , contre iaquelle Agobard [A] & famt
Avlt [i] fe r^crierent tant. u QuancT Paccufe ,
if dit ce Prince , prifente des t^moins pour
9» )urer qu*il n*a pas commis le crime ^ Faccu-
» fatettr pourra appeller au combat un des t"
j» moins ; car il eft jufte que celui qui a ofkrt
,, de jurer , & qui a declari qu'il favoit la
7f riti , ne faffe point de climciilt6 de combat-
91 tre pour la foutenir "• Ce Roi ne laifibit
aux tanoins aucun fubter&ge pour iviter le
combat
C H A P I T R E XXVII.
Vu combat judUiaire entre me par tie & un des
' f4iirs du JUgncur" Appcl de faux jugemenU
A nature de la dicifion par le combat, etant
de ^terminer I'affaife pour toujours , & n'etant
point compatible [a] avec un nouveau jugement
{g) Tit. 45. •
(A) Lettrc i Louis le d^bonnaite.
U) Vie de St. Avit. ,
\a) yt Car en la cour ouTon Ta par la ralfon de
M Vappel pour les gages maintenir , fe bataille eft
H faite; la querelle eft venue i fin , que il n'y 霍
metier de plus d'apUux Beauman, cb, 11, p. 2i«
L IV. XXVni. Chap. XXVII.
Be de nouveiles poarrmtes ; I'appel , tel qull eft
^abU par les lois Romaines & par les lots cano*
iiiques, c^cA —饭一 dire , 4 un tribunal fap^rieur 釁
pour bart rtformerle jugement d*un autre , 6tott
inconnu en France.
Une nation guerriere , uniquement gouvernte
par le polnt*d*honneur , ne connoiflbit pas cette
tbrme de proc^der ; & fuivant toujours le mime
efprit) elle prenoit contre les juges les voies [^J
qu*elle auroit pu employer contre les pardes.
L'appel , chez cette nadon , ^oit un
a un combat par armes, qui'devoit fe termi*
ner par le fane ; & non pas cem invitatioa
a une querelle de plume quon ne comrat qu'a,
pths.
Auffi S. Louis dit ll, dans fes Etabfiflemeiu [rL
Sue I'appei contient ftlonie & iniauiti, Aafli
eaumafloir nous dit - U , oue fi m homme [cj
vouloit fe plaindre de quelque attentat cotninis
contre lui par fon feigneur , il devoit lui d 在 non-
cer qu'il abahdonnoit ton fief ; apr^s quoi il I'ap 一.
pelloit devant fon feigneur fuzerain , & offroit
k$ ga^es de batailie. De mSme le feigneur renon*
^oit a rhommage » s'il appelbic fon homme de«
rant le comte.
Appeller fon feigneur de faux jugeitnent , c*^to!c ,
dire que fon )agement avoit M fauflement 8c -
m^chamment rendu : or , avanc6r de telles paroles
contre fon feigneur • c'^it commettre une c&
pece de crime de £&lonie«
ih) IhU , chtxi,pag. %iti 8c ch. lxtii , p. jjf •
LiY. II. ch. sr.
勻 Beaum. ch, txi , pig. 3IQ & & chap;
txni , pag. 337,
Df x'EsPWT D8 Lou;
Ainfi, au lieu d'appellei^pour faiu jugement
le frigneur qui ^tablmoit & r^g}oit le trflbunal ,
on appeUoit les pairs qui formoient le tribunal
inline : on evitoit par-li le crime de felonie; pa
n'infultoit que ks pairs, a qui on pouvbit tou«
jours faire laifon de rinfulte.
On s*expofoit beaucoup [e] , en fauflant Je
jugement des pairs. Si l,on attendoit que le jt^e- .
ment f&t hit & prononc^ , on ^toit oblige de
les conbattre tous [f] , lorfqu'ils oSroient de
(aire le jugetnent bon. & Fon appeUoit avaot que
•tous les juges eydent donn^ ieur avis , il hUoit
combattre tous ceux qui 6toient convenus du
meme avis (g). Pour ^viter ce danger , oa fup«
plioit le feigncur (li) (Tordonner Ique chaqne pair
dit tout haut fonavis ; & lorfque le premier avoic
prononc^ , &L que le fecond alloit en faire de
meme , on lui diioit qu'il "oit faux , m^chant 6c
calomniateur ; & ce n'etoit plus que contre lui
qu'on deroit fe battre.
D^fontaines (i) vouloit qu'aVant de faufTer (k)
on laifsat prononcer trois juges ; & i) ne dit point
qu'il faliut k$' combattre tous trois , & encore ,
nloins qu'il y e{k des cas ou il fallut combanre
tous ceux qui s*etoient declares pour leur avis.
Ces differences viennfent de ce que dans ces
temps-]a il n'y avoit guere. d'ufages qui fufleot
pr^cif^ment les memes. Beaumanoir rendoit
fe) BeauitK, ch. LXI, pag. 315.
(g) Qui s'etoient accordcs au jugement*
(h) Beaum. ch. LXI> pag. 314.
(i) Chap. XXII, art, i , 10 & ii. 11 dit feulement
qu'on. leur payoit a chacun une amende*
{k) Appeller de faux jugement.
* compt€
L 1 V. XXvm. C H A !». XXVIL 401
tompte de ce aui fe paflbit dans h coint6 de
Clermont , Defontaines de ce qui fe pratiquoit
en Vermandois.
Lorfqu'un [/] des pairs ou homme de iiefavoit
d^dar^ qu'il (butiendroit le jugement , le )uge
faifoit donner le? gages de bataille ,& de plus
J>renoit suret^ de I'appellant qu'il foutienoroit
on appel Mais -ie pair qui ^toit appell^ , ne don*
noit point de s^retes , parce qu if etoit homme
du feigneur , & devoit defendre I'appei , ou
payer au feigneur uue amende de ibixante
livres.
Si celui (m) qui appelloit , ne prouvoh pas que
le jugement nit mauvais , il payoit au feigneur
une amende de foixante livres , la meme amen-
de ("〉 au pair qu*il avoit appell^ , autant a clui 麵
cun de ceux qui avoient ouvertcment confenti au
jugement.
Quand un homme violemment foupgonn^ d*un
crime qui meritoit la mort , avoit et^ pris &
condamn^ , 11 ne pQUvoit appeller (o) de faux
jugement: car il auroit toujours appell^ , ou pour
prolonger fa vie , ou pour faire la paix«
Si quelqu*un (p) difoit que le jugement ^toit
faux OL mauvais , & n'o£froitpas de le faire td,
c*eit-a-dire , de combattre , U ^toit condamn^ a
dix ibis d*amende s'il etoit gendlhomme , & k
cinq foU s*il ^toit ferf, pour les yihdnes paroles
qu*il avoit dU^s.
(/J Beaum, ch* LXI , pag. ^14.
(m) Beaum, Ibid. D^font* ch, xxtl , art* 9^
(h) Difont, ibid*
(o) Beaumanoif , ch« txi , |>ag9 316} & OStotkit
taines , cb. xxii » art. ii.
(f) JBtaum^ €h^p« lxi , page' 514* 、
402 Dc l'Esprit des Lois i
Les juges [?] ou pairs qui avoient itt vain*
cus , lie oevoient perdre ni la vie ni les membres;
mais celui <\ui les appelloit, ^toit puni demon,
lorfque Vaffalre ^toit capitals (r).
【 Cette maniere d*appeller les hommes de fief
pour faux jugemefnt, ^toit pour iviter d'appeller
le feigneur meme. Mais [s\ fi le feigneur n'avoic
point de pairs , ou n,en avoit pas afTez , il pou-
voit i fes frais emprunter (f) des pairs de fon
feigneur fuzerain : mais ces、 pairs n'etoient point
obHg^s de juger s'ils ne le youloient ; ik pou-
roient declarer au*ils n'etoient venus que pour
donner leur conleil •• & dans ce cas particu*
lier [v] , le feigneur jugeant & pronon^ant lui-
meme le jugement , u on appelloit contre lui
faux jugement, c'etoit Si lui a foutenir rap-
pel.
Si le feigneur (*) itoit fi pauvre qu*il ne
ftt pas en 豸 tat de prendre des pairs de (on fei-
gneur fuzerain ,.ou qui! n^ligeit de lui en de-
inander , ou qne celoi-ci renisat de lui en don-
ner , le feigneur ne pouvant pas juger feul , &
perfonne ii'^tant ohhgi de plaider devant on '
tribunal oil I'on ne peut faire jugement , Ya£^,
(q) D^font. chap, xxii, art. 7.
(r) Voyez D^tbntainei , cb. XXI ; art* ti» t% Be
fairans , qui diftingue les .cas ou le fauflfeur perdoit
vi«, I 翁 chofe contcft^e, ou feulement I'mteriocutoire*
(s) Scaum, ch. LXII, pag« 311. D^font. ch« XXII,
art. 3.
(t) Le comte n'^oit pat obIig4 d*en prater. Bdoum,
ch. LXVII. pag. 337..
(r) Nttl ne peut faire Jugement en fa coiir 象 dit
JBiOumanoir, ch. LXVII » pag^ 536 Q(
(*} Ihid* €b. LXU, pag. 3^2.
Liv. XXVm. Chap. XXVIL 40,
laire £toit portie a la cour (bigneur fuze -
rain.
- Je crois que cecl fiit une des grandes caufes
de la reparation de la }uftice d'avec le fief, doii
s'eft form^e la regie des jurifconfultes Francois :
Autrt chofe cd U fief , autre chofe eft la jujj&c€*
Car y ayant une infinite d'hommes de net qui
a'avoient point d*hommes fous eux , ils ne fu-
rent point en hxax de tenir leur cour ; toutes les
affaires furent portees a la cour de leur feigneur
fuzerain ; ils perdirent le droit de juflioe , parce
qu'iis n'eureot ni le pouvoir ni la volonti de le
reclamer.
Tous les )uges (y) qui avoient iih du juge-
ment , devoient etre pr6fens quand on le ren-
' doit , afin auils puflent enfiiivre & dire OH a ce*
lui qui voulant faufler , leur demandoit s'ils
fuivoient ; a car, dit Defontaines [《】 c'eft une 、
n affaire de courtoifie & de loyaute ,& il n'y
» a point la de fuite ni de remife. » Je crots que
Vtjft de cette niatiiere de penfer qu*^ft veiiu I'u-
fage que I'on fuit encore aujourd'hul en Angle-
terre , que tous les jures foient de m^mie avis pour
condamner i mort. *
li falloit done fe declarer pour l,avi, de la
plus^rande partie : & s'il y avoit partage , on
pronon^oit , en cas de crime , pour l,acu(i6 ; en
cas de dettes, pour le debiteur ; en cat dTieri*
Mges , pour le di^feodeur. •
Un pair, dit Defontf {a) , ne pouvoit
pas dire qu'il ne jugeroii 'is s'ils n'^toient que
(y) Defont. ch, XXI , art. ^^ & 2$.
&) IhU, art. 28« ,
W Ch. XXI , art. 37*
LI %
404 De l'Esprit des Lors ,'
quatre (b) , ou ils n*y ^oient tons , ou fi les
plus fages n'y etoient ; c*eft comme s,U avoit dit,'
dans la miSlee, qu^il ne fecourroit pas fon fei-
gneur , parce qu'ii n'avoit au— s de lui qu'une
partie de fes hommes. Mais c etoit au feignenr a
taire honneur a fa cour ,& a prendre les plus
vaillans homines & les plus faees. Je cite ceci
pour faire fentir le jdevoir des vauaux , combattre
& juger ; & ce devoir ^toit mem€ tel , qae juger
c*etoit combattre.
Un feigneur [c] qui plaidoit a fa cour €Ofi>^
tre fon vaHal, & qui y etoit condamn^ » pou*
voitappeller un de (es hommes de faux jugement,
Mais a caufe du refpeft que celui-ci devoit a foa
feigneur pour la foi donn^e » & la bienvetUance
que le feigneur devoit a fon vafTal pour }a for
re^ue , on faifoit une diffin6)ion : ou le feigneur
difoit en g^n^rat , que k jugement [d] itoit £au%
& mauvais ; ou il imputoit a fon namme des
prevarications [<] ptrfonnelk^ Dans le prenMer
cas il ofTenfoit la propre ccmr , &l en qoelqtie
fa^on lui-m^me , & il ae pouvoit y - avcrir de
^fl^es de bataiUes.-^ il y en avoit dans le fecond,
parce qu*il attaquoit lltonneur de fon va&i j
& celui des d^ux qtit itok vainctt , peidoit
la vie & les biens^ pour maintenic' la paijc po«.
■II . ' I、 - ―
(B) n falloit ce nombf* au moii^ » D^foatauKS ^
ch. XXI, utt.j6.
Cc) Voyez Bcaumanoir , ch, ixxvli »pagc 4jj,
{a) Chi ^ugemest eft ftux & maavats^ iBitr, cbap^
txyii , page $jj4
(<) Vou$ avez "It ce lugement faux Sl minvaii »
comme mauvajs qat vous it«s » ou par loviey p»
jpramcffe* J^eumiuuioir, cli' wnrw » page
L IV. XXVni. Chap. XXVII, 405
Cette diftindHon, n^ceflaire dans ce cas par-
culicr , fut 6tendue. Beaumanoir dit que, lortqiie
celui qui appelloit de faux pigement, attaquoit
un des homines par des imputations perfon*
nelles , il y avoit batalUe ; mais que sll n'atta-
quoit que le jugement, il ^toit libre (J) a celui
des pairs qui hoit appell^ , de faire juger TafFaire
par bataille ou par droit. Mais comme I'efprit
qui r^gnoit du temps de Beaumanoir , itoit de
wftreindre Fufage du combat judiclaire , & que
<ette liberty donnee au pair appell^ , de a6-
fendre.par le coiilbat le jugement , ou non , eft
egalement contraire aux idles de Fhonneur ^ta-
bii dans ces temps- la , & a rengagement oti
Yon etoit envers fon feigneur de cftfendre fa
cour , je crois que cette difiinAiorr de Beauma-
noir etoit une jurifprudence nouvelle chez les
Francois.
Je ne dis pas que tous les appels de faux Juge*
mem fe deqdaffent par bataille ; il en ^toit de
cet appel comme de tous les autres. On fe
fouvient des exceptions dont j'ai parl^ au cha-
pitre j^JKXy . lei , c'^toit au tribunal fuzerain
a voir s,il falloit 6ter , ou non , les gages de
bataille, 、 "
On ne pouroit point {auHer les Ji^emens rei*-
dus dans h cour du Rpi ; car le^ Roi n'ayant
perfonne qui iui (ut ^gal , il n'y avQi^ p^rfofiin^
qui put rappeller ; 6c le Roi n'ayaiit point de
iupMeur n'y avoit perfonne qui put appeller
de fa cour. -
Cette loi fondamentale , niceflaire conim^
hi :S^iUi^^ y^dkninu^it encpre comme loi.
(f)4hid* pages & jj?,
^o6 De x*Esprit dss Lois i
civile , ks abus de la pratique judiciaire de ces
tcmps-la. Quand im feigneur craignoit (^、 qu*on
ne faufsat fa cour , ou voyoit qu'on fe pr6fentoit
pour la fauiTer ; s'il etoit du hkn de la JufUce
qu*on ne la faufsat pas , il pouvoit demander.
des hommes de la cour du Roi , dont on ne
pouvoit faufier le iugement^& le Roi Philippe ,
dit Defontaines 、h、、 envoya tout fon confeil
pour juger une anaire dans 】a courkle Fabb^ de
Corbie.
Mais fi le feigneur ne pouvoit avoir des juges
du Roi , il ne pouvoit mettre fa cour dans celle
du Roi, s'il relevoit nuement de kii ; & s'il y
avoit des feigneurs intermediaires , il s'adrefl'oit a
fon feigneur fuzerain , allant de feigneur en fei-
gneur jufqu'au Roi.
Ainli , quoiqu'on n'efet pas dans ces temps-li ,
la pratique ni Fid^e m^me des appels d*aujour-
ti'hui , on avoit recours au Roi ,― qui ^toit toujour
la fource d'oii tous les fleuves partoient , & la
mer ou ils revenoient.
C H A P I T R E XXVIII.
, Dc tappd de difauU d< droit.
\J H appelloit de difaute de droit , ^uandl;
dans la cour d'un feigneur , on di^^roit , on
evitoit, ou ron refufoit de rendr6 l«r jufiice aux
parties. 、-、 -,
if. I > . .11 - .' I
Difcm" XXU, au, 14*
L 1 V. XXVIII. Chap. XXVH. 407
Dans la fecohde race , quoique le comte eflt
plufieurs oiBciers fous lui , la perfonne de ceux-
ci ^tpit iiibordonsi^e ; mais la juridi£lion ne
i'^toit pas' Ces officier$ , dans leurs plaids ,
affifes ou Placites , jugeoient en dernier reflbrt
c6inme le comte ineme ; toute la diiFerence
^toit dans le partage de la juridi6Hon : par exem«
pie , le comte (a) pouvoit condamner moit ,
}uger de h liberte 6c de la reflitution des biens ,
& le centenier ne le pouvoit pas.
Par la meme raifon , il y avoit des caufes ma-
jeures (b) qui ^toierit rifervies au Roi ; c'^toient
celles qui int^reiToient diredemesit rordre* politi-
que. Telles etoient les difcuflions qui itoient emre
les ev^ques , les abbis , les comtes & autres
grands, que les Rois jugeoient avec les grands
vaflaiu {c),
Ce qu'ont dit quelques auteurs , quon appel*
loit du comte a renvoy^ du Roi, ou miffiis
Jomimcus , n'eft pas fond(6. Le comte & le ndjfus
avoient une jutifdidion ^gale & ind^pendante
I'une I'autre 、d) : toute la difference (<) ^toit
que 】e miffus tenoit fes placites quatre mois de
Fannie, 6l le comte les huit autres.
(a) Capitulaire III Van 812 , art. 3. ^dit. de 5^
iu[e , page 4^ , & de Chtrlc$-l«*chauve , ajout^ 4
laloi des Lombards, Mr. II, art. j.
r (b) Capitulaire III de Van Sii, art. 2» Edition' de
^alu\e , page 497.
(c) Cum fitUhus , capitulaire de. Loois le d^boa-
g^aire , Edition dc Balu\e , page 66ij»
(d) Voyez le capitulaire <te Charles It cluirr 鬱 •
•jou" i h lot 6t% Lombards , lir, II, art. j«
(<) Capitulaire UI (de I'an Si^ 9 ait. t.
4o8 De l'Esprit des Lois ,
Si quelqu*uii {^f^ condannie dans une aifii*
fe {g) , y demandoit qu*on le rejugeat, & fuc-
comboit encore , il payoit une amende de quinze
ibis , ou fecevoit quinze coups de la main des
)uges qui avoient d^cid6 raffaire,
Lorfque les comtes ou les envoyes du Roi ne
fe fentoient pas affez de force pour r^duire les
grands a la raifon , ils leur faifoient donner cau,
tion {h^ qu,ils fe prefenteroient devaht le trir
bunal du Roi : cetoit pour juger rafFaire , &
non pour la rejuger. Je trouve dans le capitulaire.
de Metz {J) Fappel de faux jugement a la cour
-du Roi etabli , & toutes autres fortes .d*appeb
profcrits & punis.
Si Yon nacquief^oit pas (A) an jugement des
ichevins (/) , & qu*on ne r^claniat pas on
itolt mis en prifon ce qu'oti eut acqaiefce ;
& il Ton r^clamoit , on ^oit conduit fous une
siire garde devant k Ro" & VaSHre k difcutoif
^ fa cour.
II ne pouvoit guerc etre queftion de rappel
de d^faute de droit. Car bien loin que dans ces
temps-la on eut coutume de fe plaindre que let
(f) Capitulaire ajoute i la Im. des Lombards , \W»
II, tit. 59.
(e) Placitum, ' .'
(A) Cela paroic par les formules , Us cHartres & les
capitulaires.
(i) De I'an 757 , ^dit. tU Salute page 1^0, art* 9
^ 10 ; 8c le fynodt apud Vtfnas de Van 755 , art. 19 ,
<dit. de Balux< page 175, Ces deux csphulaires fu-
tftnx faits fous le roi Pepin.
{h) Capitulaire XI it Charlemagne de Van ^05 •
Edition de Sa!u\e , page 415 : & loi de Lothaire *
dans la loi des Lomhsirds , liv. 11 , tit. 52 > atL 2,,
{0 Officiers iout U coiAU , fiaiinii
comtef
liv. XXVHL Ch a p. XXVIIL 409
COtntes & autres gens qui avoient droit de tenir
aiBfes , ne fuffent pas exads a tenir ieur
cour, on fe plaignoit (m) au contraire qa*ils
f^toient trop ; & tout elt plein cTordonnances
)qui d^fendent aux comtes 6l autres officiers dft
|uftice auelconqoes, de tenir plus de uois affifes
par an.li (alioit ir.olns corriger leur negligence ^
^'an^ter Ieur adiviti.
• Mais , lorfqu'an nombre innombrable de pe-
4tes fetgneuries fe formerent , que difFertns de-
fjris vaffelage furent itablis, la n^ligence de
certauasvaffaiut a tenir leur cour, donna naiflance
4 ces fortes cTappeis (n) ; d*aucant plus qu'il en
revenoit au feigneur iuzerain des amendes con-
fidirables.
L'ufage du combat )adiciaire "tendant de
plus en plus , il y eut des lieux , des cas , des
temps , oil il fut difficile d'aflembler ies pairs ,
& oU par conitquent on n^gligea de rendre la
jtkUce. L'appel de d^fkute de droit s'lntroduiHt ; &
ces fortes d'appeis ont it6 ibuvent des points
retnarquables de notre hiftoire, parce que la
plupart des guerres de ces temps- 14 avoient pour
motif ia violation du droit politique , comine
HQS guerres d'aujourd'hui ont ordinairement
. pour caiife , ou pour pretexte,celle du droit des
gens.
Beaumafioir (o") dtt que , dans le cas de di-
Caute de droit, il n'y avott jamais de bataille ; en
void les raifons. Oh nc pouvoit pas appeller au
(m) Voyez la lot des Lombards , liv. II, tit. 52,
•ct. l^.
(n) On Toit des appels <ie d^aute dc droit dhs It
temps de Philippe - Augufte.
(c) Chap. LX1» page 315.
Tom. ///• 、 M m
410 De I'EsPRiT DEs Low; ,
combat le feigneur lui-mSme, a caufe du rea-
ped du a fa perfonne : on ne pouvoit pas ap-
peller l^s pait$ du feigneur , parce que la choie
etoit claire , & qu'il h'y avoit qu'a compter les
)ours de& ajournemens ou des autres delais : \\ tCy
avoit point de jugement , & on ne fau^oit que fur
un jugemefit : ^nhn le delit des pairs offenfoit ]e
feigneur comme la partie ; & il etoit contre Fordre
Ijtfil yeut un (combat entre feigneur & fes pairs*
MaU [p] , comme devant le trrbunal fuze-
fain , on prouvoit la d^faute par t^moins , on
pouvoit appellor au combat Jes timoins ; &
par-la on n'oifenfpit ni le feigneur , ni fon tri*
1^. Dans les cas oii la defaute venoit de la
part des Jioname 多 pu p^irs du feigneur qui avoient
diff^re de rendre h jwftice, ou evite de faire If
jugetpent ^pr^s l^s delais pafFes, c*etoient les
pairs du feigneur qu'on appeJloit de defiute lie
droit devant le fqzerain ; &( s'ils fuccomboient , [^J
ils paypi^nt qne ^mend^ a leur feigneur. CeJui-ci
ppuypit porter aucun fecour$ a fes hommes ^
au contr^re il faififfoit lewr fief , jufqu'a ce qu'iU
]ui euiTent pay 在 chai:un U9e amende 4e fpixante
livres.
212. ! (^rfque la d^fautp venoit de U part du
feigneur , ce qui arrivoit lorfqu'il n'y avoit
,affez d*honune;s h cour pour faire 】e jiigement,
oil lorfqu'il n'avoit pas nfle^ible f^s hpmmes ,
ou mis quelqu'un 》 fa pl^i^e poiir les ^ifl^inbleF ,
on deipandoit la deflate d^v^nt le feigneur fu 孓 《-
|:&in : mais ^ caiife r^rpe^l du au feigneur ,
v ., Y,' ' jS ;g=g^=== I " ' ' ' ' " 翔
' (p) Bcaum, ii>id,
iph^p, XXI ^ art, 24,
L 1 V. XXVIII. Chap. XXVIII. 411
•m iaifoit ajourner la partie (r) , •& non paste
Le feigncur demandoit fa conr devant le tri-
bunal fuzierain ; & s'il gagnoit la d^iaute , on lui
renVoyoit raffaire , & on lui payoit une amende
de foixantie livres M: mais fi la defaute itoit
prouv^e , la peine [/] contre lui ^toit de per-
dre le jugement de la chofe conteft^e, le fond
4t0it iians le tribunal fuzeraiii ; en eiFet, onr
n'avoit demande la defaute que pour cela.
, 3^. Si I'on pkudoit [v] la cour de fon fei-
gneur contre hii « ce qui n'avoit lieu que pour les
affaires qui concernoicnt le fief ; apris avoir
laiiTe paiier tous les d61ais , on fommoit te fei"
gneur (x) mSme devant bonnes eens , & on U
iaifoit loxnmer par ie foav«rain , dont on devoir
avoir permiflion. On n'ajournoit point par pairs ,
car les pairs ne pouvoient ajourner leur feigneur;
mais us pouvoient ajourner (y) pour leur fei-
gneur.
Quelquefois ({) i'appei de defaute de droit
itoit fuivi d'un appel de faux jugeisent , lotfqiie
le feigneur , malgre la deCiute , avoit £iit rendre
le jugement.
(r) Ibid, chap, xxi , art. 32.
(/) Bcaum. chap, lxi , page 311.
(t) Dtfont. ch. XKi , art. i , 19.
fv) Sous le regne 6e Louis VllI , le fire de Nefe
plaidoit contre Jeanne , comteflfe de Ftandr« ; ; 1 U
fomma de le fairejuger dans guar ante )ours > & il I'ap-
pclla cnftute d« defaute de droit i la cour du roi £lle
x^pondit <ia'e)le le £eroit juger par fes pairs cn Flan-"
dre. La cour du roi pronon^a qu'il n'y fcroit point
renroy^ • & que la comteiTe feroit ajourn^e.
(x) D4(opt, ch. XXI , art. 34.
iy) Ibid. art. 9.
JBeaum、 ch. LXI, p. 311.
Mat z
41 1 Dc t'EsPRIT DCS lOIf ;
Le YalTai [^1 qui appeUoit k tort fon fdgfieiir
de d^faute de droit , etoit condamni a lui payer
une amende II volenti.
Les Gantois [h] avoient appelli de defame
de droit le comte de Flandre devant le Roi , fur
ce qu,il avoit diSiri de leur £itre rendre juge*
xnent en fa cour. II fc troura qu'il avoit pris
epcore moins de d^lais que n'en donnoit la cou-
tame du pays. Les Gantois lui fiirent rtnvQyis ;
il fit faiur de leurs biens jufqu'a la vsileur de
foixante mille Uvres. lis revinrent a la cour do
Roi, pour que cette amende f&t mod^ree ; il fut
dicidi que le comte pouvott prendre cette
amende , & in2me'plus,s'Ui^)ulok. Beaumanobr
lYoit afllile a ces jugemens.
4O. Dans les affaires quele feigneur pouvoit
avoir contre le vaiTal pour raifon du corps ou de
rhonneur de celui-ci, ou des biens qui n*etoient
pas du fief; il n'etoit point queftion d'appei de
d^faute de droit ; puifqu'on ne jugeoit point a b,
cour du feigneur , mals k ia cour de celji de
qui il tenoit ; les homines , dit Defontaines (c) ,
n'ayant pas droit de faire jugement fur le corps
de leur fe^neur.
Pai travailie a donner une idee claire de ces
chofes, qui , dans les auteurs de ce temps-la,
font fi confufes & fi obfcures , qu'en verite les 、
tirer du chaos oil elles font , ceft les decouvrir.
(a) Ibid, 'pag. Mais celui <{ut n'auroi^ M
Bomme nt tenant du feigneur » ne lui payoit qu'un^
mrnende de 60 liv. ihid,
(b) Ibid, page 318. ,
(c) Chap. XXI » art 35*
LiY. XXVm. Chap. XXDL
41)
C H A P I T R E XXIX.
Epoqui du regne dc 5. Lomsm
s
AiNT Louis abollt le combat judiciaire dans
les tribunaux de fes domain^s , comme il paroit
ar rordonnance (a) qu'il fit Ui-deflus , oc par
es EtaBiiffemens [^j,
Mais iT ne I'dta point dans les cours de fes
barons (c) , except^ dans le cas dappel de faux
jugement.
On ne pouvoit faufller [d] la courde fon fei-*
f^neur, fans demander le combat judiciaire contre
es juges qui avoient prononci le jugement. Mai 集
S. Louis introduifit (f) I'ufage de faufler fans
combattre ; changement qui flit une efpece de
revolution.
II d6clara (/) qu,on ne pourroit point faufTer
les jugemens rendiis dans les feigneuries de 、{*e$
domames , parce que c'^toit un crime de felo-
nie. Effeaiyement, fi c'^tolt une efpece de cri 崎
me de ftionie contre le feigneur , a plus forte
raifoa en itoit*ce un conn ie roi. Mais il vou-
ia) En iido.
bS Livre 1 , cbap. it & ; lir. II , chap, x & XU
Art Comme il psiroit par*tout dtns les Etabliflemens ii
、 & BeaumanoiTt ch. LXI • pag. ^o^.
SCeft-Wire , appeller oe faux jugement.
Etabliflemens , liv. I , chap, vi » & liv» II •
p. XV.
If] md, Itr. U I chap. xr.
Mm 3
4i< l'Esprit DEsLpis;
lut que I'on put demander amendement (g:) 6es
fugemens rendus dans fes cours ; non pas parce
Gu'ils etoient faiiffement ou mechamment ren-
ins , mais parce quails faifoient quelque preju-
dice ( A ). Il voulut , au contraire , qu*on fut con -
train t de fauffer ^i) les jugemcns des cours des
barons , fi-Fon vouloit s'en plain dre.
On ne pouyoit point , fuivant les Etablifle-
meiis , fauHer tes c^urs des domatnes du roi ,
comme on vient de le dire. II falloit demander
amendement devant le m^me tribunal ; & en
cas que le baHli ne voulut pas faire ramende-
ment requis , le roi psrmettoit de faire aopel (^)
a fa cour ; ou plut6t en interpretant les Etablif-
femens par eux- memes ,de lui prefenter [/] une
feqiiete ou (bp plication,
A regard des, cours des feigneurs , S. Louis ,
en permettan< de les fauffer , voulut que F af-
faire fut portee (m) au tribunal du foi ou du fei-
gneur fuzerain , non [n] pas pour y etre deci-
dee par le combat , mais par tempins , fuivant
une tormfe de proceder dont 11 donna des re -
gles [oj. 、
Ainu 9 fott qu^on put fauffer, commie dans
(g) Ihid, Hv. I, chap, txxviii ; & liv. II, ch, xv«
(A) Ibid , liv. 1 , ch. Lxxvlll.
fis) Ibid , liy. 11 , ch. xv.
Ik) Etabii (Tern ens , Hvw I , ch. Lxxvixi.
[/) Ibidt liv. II , chap. XV.
(m) Mais on ne fau{rok pas , & (|ii'on voulut ap-
petler , on n'^toit point re^u. EtabliiTemens , liv. II ,
chap. XV. Li firt ea auroit U ncott d€ cour droit
faifmnt,
(/i) Ib'id ^ lir. I, ch. VI 8c txvit ; 6c ,Uv, II • chap,
jtv i & Beaumanoir , ch. xf , pag. ^8. '
(。) £tabUiremeo&» Uv. I, cha^i» U $C llU
Liv. XXVIII. Crap. XXIX 415
ks cours des feigneurs ; foit qu'on ne le pfit pas ,
cpmme dans les cours de fes domaines ; il 6ta-
blit qu*on pourroit appeller, fans courir le ha-
fard d'un combat.
Defomaihes (p) nous rapporte ks deux pre-
miers exemples qu,il a vus , oh Von ah sdnfi
procid^ fans combat judiciaire : Fun , dans une
affaire jiigee a 】a cour de Samt-Quentin , qui
dtott du domain e du roi ; & i'autre , dans . la
cour de Ponthieir, oh le comte , qui ^toit pre-
feot , oppofa rancienne jurisprudence : mais ces
detix affaires furent Jugees par droit.
On demandera peut-ctre pourquoi S. Louis
ordonna pour les cours de fes barons une ma-
liiere de proceder difEirente de celle qull eta-
bliflbit dans les tribunaux de fes domaines : en
,oici la raifon. S. Louis ftatuant pour 】es cours
de fes domaines , ne tut poim gene dans fe»
vues : mats il eut des m^nagemens a garder avec
Ips feigneurs qui jouiiToient de cette anclenne
prerogative , que les affaires n'etoient jamais
tirees de leurs couts , a moins qu*on ne s'expo-
sat aux dangers de les fauffer. Louis mam -
lint cet ufage de fauiTer ; mais il voukt qu'on
pftt fauiTer lan*$ combattre , c'eft-a»dire, que,
pour que le changement fe fit moins fentir , il
Ota la chofe , & laiffa fubMer les termes.
Cd€i ne^(ut pas uivcrfellement re9u dans ks
cours des feigneurs. Beaumanoir (^) dit que de
fon temps il y avoit deux manieres de jug^er ^
l,une , fuivant f EtakliJjhnefU- k'roi ; & I'autre ,
fuivant la pratique ancienne : que tes fsignaurs
avoient droit de fuivre I'lme ou I'autre de ces
- fp\ Chap. XXXI, art. 8c 17.
, M m 4
'41 6 Di L*E$PRiT DBS Lois, 一
pratiques ; msus que , qua^nd dans une affaire^
on en avoit choifi une , on ne pouvoit plus re»
venir a i*autTe. II ajoute {(j) que le Comte de
Clermont fuivoit la nouveJle pratique , tandis
que fes vaflaui fe tenoient a 1 andenne : mais
qui\ pourroit , quand il youdroit , retablir Fan-'
cienne; fans quoi il auroit moins d*autorit^ qut
fes vaiTaax.
II faut favolr que ta France itoit pour*
Ion (b) divif^e en pays du domaine du roi , &
en ce que I*on appelloit pays des barons ou en
baronnies; & pour me fervir des termes det
Etabliffemens de S. Louis, en pays dc YobtiC^
fance-le'roi & en pays hors PobeiiTance- )e*ror«
Quand les rois faiioient des ordonnances pour^
ks pays de leurs domames , ib n'einpk>yoieor
aue I^ur feule autorit^ : mais quand ils en fai-
ioient qui regardoient auffi les pays de leu s
barons , eUes etoient faites (c) <le concert avec
euxj ou fcelt^es ou foufcrhes d*eux : fan& ceia,
les barons les recevoient ou ne les receyoient
pas 9 fuivant quVUes leur paroiHoient^ convenir
ou non au bien de kurs feigneuries. Les arriere*
vafTaux Etoient dans Its memes termes avec let
grands vaffaux. Or ks Etabliffemens ne furent
8 Ibid. .
Voyw Beanmanoir , Ddfontaines , & ks Et««'
blifliemens , liv. U , ch. x , xi , iv & autres.
(t) Voyez les ordonnances du coi|imencement de U -
troitieme race , dans le recueil de Laurtere, furtout.
cclle de Philippe- Augufte fur la |urtHi£Hon eccd^fiaf**
lique , (k celle de Louis VIII fur les Juifs ; 6c les<:har<-
tres rapport^es par M. BruiTel , ootamment celle 6m
S. Lout*, fur le bail & le rachat des terres , & la flu«
jorite f JO dale des filies , torn. II , \W, ill , page 55 《
ibid, rocdoniiaAce dc Piulipp«-Augu£U » page '7、
Liv. XXVin. CuAF. XXIX. 417
pas donnas du confentement des feigneurs s
qaolqu'ils ftatuaflent fur des chofes qui itoient
DOur eux d'une grande importance : ainfl ils ne
tiirent re^us que par ceux qui crurent qu'il leur
诰 toit avantageux de ks recevoir. Robert , fils
de S. Louis, les admit dans fa comt^ de Qer-
mom ; & fes vafiavu ne crurent pas qull kur
convkt de les faire pratiquer chez eox.
CHAPITRE XXX.
Obfcrvauon fur ks appelsm
coiifok que des appels , qpi ^toient det
5 provocations ^ un combat , devoient fe &ire
ur )e champ, a S*il fe gart de courc fans ap«
n pdler, dit Beaumanoir (4), il perd fon ap«
91 pel, & tient le Tu^ement pour bon Ceci
fubfifta, mime apres qu'on eut reftreint Fufagc
du combat judiciaire (^)*
CHAPITRE XX XI.
Conamtatim du mm fujt"
3LiZ ▼illain ne pouvoit pas faufler la cour de'
(on feigneur : nous I'apprenons de O^fbnt^-
《4》 Chap. Lxin , page 517 ; ihH ^ ch lxi* p. 3ii,
\h) Vpyci les EtabTilTemens de S. Louis , tiv. U •
ch« xvs i ordonnaACf d€ Charles YU4< 145 J*
4i8 De L*tsPF!it' Ms Lois;
nes (j]; & ciila eft confirm^ pjir fes Etd>K/l^-
mens [^]. u Auffi, dit encore D^fontaihes [c] ,
" tCy a-t-il entre toi feigneur & ton Villaia
" autre juge fors Dieu "•
C^toit 1 ufage du combat ju^ciaire qiu avoit
exclus les villains de pK)uv6ir fauffer la coiir de
leur feigneur ; & cela eft vrai , que les vil-
lains qui , par chartre [d] ou palf ufage ,
avQieJit droit de combattre , avoienf aufli droit
de fauiTer la' cour, de leur feigneur , quand
me me le$ homme> qui avoient auroient
^t^ chevaliers [r] ; & Defontaines donne des
exp^diens [/] pour que ce fcandale du villain,
qui, en fauiUm le juge nierif , \o mbattroit con-
tra un chevalier , n'arrivat pas;
La pratique cles combat^' ; |uc|iciaires commen-
^ant a s'abolir , & ruf age d^s notkveaux appeis
a s'intrbduire , on penia qu'il etoil! rderaifonna*
61e que les perfonmsr tranches euiT&nt iin te -
tnede contre finjiiftlc^e de la cdur de ieurs /ei-
eurs, & que ks viilatns ne FeufTent pas; . &
e ' parlement re^ut leufs appels CQimne ceiix
ctes perfonnes £anches.
(tf) Chap. XXI, art. ii 8c 12"
ih) Liv. I , chap, cxxxvi.
Ic) Chap. II , ai|. 8/ .' •
\d) Oefontaines , chap^. xxix , art. 7. Cet article &
le* 21 da ch. xxii du mkmt auteur , ont ^t^ jufqu'ici
好 es mal expUqu^s. P^fontaines ne met point en oppo-
firion le jugement du feigneur avec celu! du cheva-
lier , puifque c'etolt le m8me ; mats il oppofe le vi-
lain ordinaire it celui qui avott Ic pririlege de com*
battre.
(e) Les chevaliers peuVent toujours Stre du nom*
"krt des juges. D^fontaihes., chap, xxi t art* 48
【 /J ChapittC jUUi r UU 14. 、 -, : 、 .
Liv. XXVIIL Chap. XXXII. 419
CHAPITRE XXXII.
Continuadon du mem fujet.
ILfORsQu'ON faufToit la cour de (oh feigneur,
il venoit en perfonhe devant le fei^neur fuie-
rain , pour dcfendre* le jugement de la cour. De
sn^me (a), dans le cas d'appel de il^faute de
droit , h partie ajourn6e devant le feigneur fu«
zera'in nlfenoit fon feigneur avec die , afin que ,
fi la difaute n'itoit pas prouv^e , il put ravoir
fa cour.
Dans la Aiite , ce qui n'itok que deux cas
|)articuliers ^tant devenu general pour tomes
es affaires, par rintrodudion de tones forte^
d'appels, il parut extraordinaire que le reigneur
Hit oblige de paffer fa vie dans d'autres tribu-
naux que les fiens , & pour d'autres affaires
que les fiennes, Philippe de Valois (P) ordonna
que les bailHs feuls leroient djourn^s. Et quand
Fufage des appels devint encore j>!us Waiient ,
ce rat aux parties ^ dcfendre a I'appel ; le
fait (c) du juge devint le fait de la partie.
J'ai dit {(f) que , dans I'appel de defaute (ie
droit, le feigneur ne perdoit que le droit de
(a) D 叾 font. ch. XXI , art. jj.
(5) En 1332-
{c) Yoycz quel ^toit I'4tat des chofes du temps (U
BoutiiUer , qui vivoit en I'an i402« Somme rara!e •
w
liv. I, pages lo & 20.
cUcffiu , cha^. XXX.
410 De i/EsPRfr Dzs Lox«^
faire jnger l,affaire en fa cour. Mais fi le fi{«'
gneur etoic anaaue lal-m£me comme par*
tie {jt) , ce qui djvint trb frequent (/) , il
payoit au roi , ou au feigneur fuzerain oevaint
qui on avoit appell6 , one amende de foixantt
livre" De-li vint cet ufage, lorfque les appels
furent univerfellement re^us , de faire payer
Famende au feigneur lonqu'on riformoit la
fentence de fon juge : ufage qui fubfifta long-
temps , qui fut confirmA par rordonnance de
RouiEUon, & que fon abuirdiU a fait pirir.
CH AP ITRE XXXIIL
Continuation du meme fujet.
'AMS la pratique du combat judiclaire , ie
feur qui avoit appell^ un des -juges , pou-
Toit perdre {a) par le combat fon proc 〜-&
ne ppuvott pas le gagner. En effet , la partie
qui avoit un )ugeinent pour elle , n'eh devoit
pas etre. , privie par le fait d'atitrui* II falloit
done que le iauueur qui avoit vaincu , com-
battit epcore centre 】a partie , -non pas pour
favoir fi le jueement ^toit bon ou tnauvais^ il
ne s'agifToit plus de ce )ugemenc , "puifque le
combat I'avoit an^nti; mais poifr decider ii
la demande ktoxt legitime ou non; & c*eft fur
ce nouveau point que I'on combattoit. De-ilk
(t) Beaumanoir , chap Lxi , pages 3x2 & 3181
in Ihid.
Lit. XXVni CitAP.XXXIIL 41%
iiott Ctre venue notre mantere de prononcer let
arrlts : La caur met tappet au nUnt; la cour nut
fappel & ce dont M apptlU au niant. En effet,
quand celui qui avoit appell6 de faux juge-
ment ^oit vaincu , I'appel ^coit an^anti ; quand
il avoit vaincu , le ji^ement kioM an^and St
fappel mime : il faUoic procider 3l un n6u,
veau jugement.
Ceci eft fi rrai , que lorfque I'affaire fe ju*
geoit par enqu^tes , cette maniere de prononcer
n*avoit pas lieu. M. de la Roche- FUvin nous
dit (^) que la chambre des enquStes ne pou -
voit ufcr de cette forme dans les premiers
temps de fa creation*
C H A P I T R E XXXIV.
Comrfunt la pracUure devint ficrctu*
Les duels avolent introduit une forme de
procedure publique ; I'attaque & la d^fenfe
etoient ^galemcnt connues* « Let timoins, dit
舞 Beaiimanoir (力, doivent dire leur "moi 一
ft gnage devant tous ,,• .
、 Le comm«ntateur de BoutiUier dit avoir ap«
pris d'anciens pratictens & de queiques vieux
proems ecrits a la mam, f^^n cienije oient en
France les procb criminels fe {ai(oient publi-
quement , & en une forme non guere diffe-
reate des jugemens ^publics des Romains. Ceci
[^1 Des partemens 4e France , Uv. I> chap xvr,
【- j Chapitre Lxi > page 315.
4%t TH t'EsPRiT z»s Lois J
itoit Hi avec rignorance de I'^criture » com*
mune dans ces temps-la. L'ufage de I'^critiH-e
arrete les id^es , & peut faire. etablir le fecret :
mais quand on . n,a point cet ufage , j1 ny a
2ue la publicite ds la procedure qui puifTe
xer ces iplines idees.
Et comme il , pouvoit y avoir de I'incertitude
fur (^) ce qui avoit ^te juge par homines, ou
plaide devant hommes , on pouvoit en rappel-
ler la me moire toutes les fois qu'on, tenoit la
cour , par ce qui s'appelloit la procedure par
record (c); & d^ns ce cas, il n etoit pas per,
mis d'appeller les t^moins combat ; car les
affaires n'auroient jamais eu de fin.
Dans la fuite , il s*introduifit une fortne de
procMer fecrettt. Tout ^toit public : tout de-
vint cach^ ; les intertogatoires , les inform a-
cions, le r^collement , la confrontation , les
cpnclufions de lai partie publique; & c'eft rufage
dfaujourd'hui^ La premiere forme de proc^der
converioit au gouvernem^nt d*alors , comme
la nouvelle etoit propre au gouvernement qui
&t dtabli depuis*
Le comtnentateur de Boutillier fixe a J'or -.
donnance de 1530 j'^poque de ce changemenu
Je crois qu'il fe ht peu-a^peu , & quil pafTa de
feigneurie en feigneurie , a mefure que les fei-
gneurs renoncerent a randenne pratique de ja-
ger , & que celle tirie des EtabliiTemens de
§. Louis yint a fe perfedtionper. £n efFet,
\h] Comme dit Beaumanoir , chap, xxxix , p. 209.
(c) On prouvoit par oins ce qui S'^it
fiiCi , dit, ou ordonn^ en )uftice»
L I V, XXyiU. C H A », XXXIV.
Befumanoi'r (<Q dit que ce n'itoit que dans !c
cas ou Yon pouvoit donner des gages de ba;
taille, qu'oh entendolt publiquement les
moins : dans les autres , on les oyoit en (e*
cret ,& on r^dlgeoit leurs depofitions par
^crit. Les procedures devinrent done fecrettes^
lorfqu'il n'y eut plus de gages de batailie.
C H A P I T R E XXXV,
Dcs depens.
NCIENNEMENT en France , it vlj arott point
condamnation de d 圣 pens en cour laye (4).
partie qui fuccomboit ^toit ^Hez punip par
des condamnations d'amende envers le feigneur
、& (es. pairs. La tnaniere de proceder par le
combat judlciaire falfoit que , dans les crimes,
la partie qui fuccomboit , & qui perdoit la vie
& les biens , ^toit punie autar.t qu*eUe pouvoit
I'etre : & dans les autres cas du combat judi-
cjaire , U y avoit des amendes quelquefois fixes ,
quelquefois dependaotes de la volont^ du fei-
gneur, qui faiioient afTez craindre les ^vene-
mens des proems. II en itoxt de meme djins I^s
^fFaireft qui ne fe decidoient que par le com 一
bat.- Comme c'etoit le feigneur qui avoit les
profits principaux , c'etoit . lui aum qui f^ifoit
! Chapitre xxxix , page 218.
a) D^fontaincs , dans fpn confeil , chap, xxii , art.
t & ^ ; & Beavtmanoir » cb. xxxin ; £tabUi(rennitiks»
uv.U ck«xc*
'414 lTsprit mm Loit;
• ks principales d^penfes , (bit pour afletnUef
fes pairs , foit pour les mettre en £tat de pro-
yi^der au jueemenn D'ailleurs , les affaires bnif-
foient fur le lieu fn£me, & toujours prefque
fur le champ , & fans ce nombre infini d'icri-
lures qu'on vit depuis , i! n'etolt pas niceShxtc
de donner des d^pens aux parties.
Ccft Fufs^e des appels qui doit natnrdle^
ment introduire celui de donner des cipens*
Auffi D^fontaines (Jb) dit-il que, lorfqu,on ap«
pelloit par loi icrite ,~ c*eft-a-clirc , quand on
fuiyoit les nouvelles lots de S. Louis, on don-,
noit des d 圣 pens ; itiais que , dans Fu/age ordi-
naire , ciui ne permcttoit point d'appelier faos
faufTer , u n'y en avoir point ; on n'obtenoit*
qu'une amende ,& la poifeffion d*an & jour
de la chofe conteftie, fi I'affaire ^toit renvoyie
au feigneur.
Mais lorTque de nouvelles facility d'appeller
atugmenterent le nombre des appels (c) ; que ,-
par le frequent ufi^e de ces appels dun tribu-
nal a un autre, les parties lurent fans cefTe
tranfport^es hors du lieu de leur ftjour ; quand
Fart nouveau de la procedure multiplia & ^ter-
nifa les procis ; lorfque la fcknce d'^luder les
demandes les plus juftes fe fut raffin^e; quand
un plaideur fut fuir, uniquement pour fe faire
fuivre; lorfque la demande fut ruineufe & ]a
d^fenfe tranquille ; que les raifons fe perdirent
dans des volumes de paroles & d'^crits ; que
(b) Cbapitre xxii , art. 8,
(c) A pr^fent qye I'on eft endm k appeller, dst
Bouiillier , fomme ruriilc» liv. I, tit. 3 , pag. 16.
tout
L 1 V. XXvni. Chap. XXV. 415
tout fut plein de fuppots de jikftice , qui
devoient point rendre la juflice ; que la mau-
vaife fol trouva des conieils , la oil elle ne
trouva pas des appuis : il fallut bien arreter
Jes plaideurs par la crainte des depens. Us du-
fem les payer pour la decifion , & pour les
moyens qu*ils avoient employes pour I'^luder.
Charles-le-bel fit li-deffus une ordonnance g6-
n 纟 rale (^d).
C H A P I T R E XXXVl
De la panic pubUqut.
OMME , par les lois Satiques & Ripuaires ,
& par les autres lois des peuples barbares , les
peines des crimes ^toient pecuniaires ; il n*y
avoit point pour lors , comme aujourd'hui parmi
nous , de partie publique qui fut charg^e de, la
pourfuite des crimes. En eftet , tout fe reduifoit
en reparations de dommages ; tome pourfuite
txdit en quelque fa^on civile , & chaque |>arti-
culier pouvoit la faire. D'un autre cote , le
droit Romain avolt des formes populaires pour
la pourfuite de$ crimes .» qui ne pouvoient s'ac-
cprder avec le miniilere d'une partie publique*
, L'ufage des combats judiciaires ne repugnoit
pas moins a cette idee ; car, qui auroit voulu Stre
fa parde publique » & fe iaire cWnpion dc
,tous contre tous ?
Jc trouve dans, un recueii de formules que
W En 13",
4^6 D& L*EsPRiT DEs Lois,
M. 'Muratori a inf<^rees dans les lois des Lom-
bards y qu*il y avoit dans la feconde race uir
avoui (a) de la partie publlque. Msas fi on lit
le recueil entxet oe ces formules > on veni qu'H
y a une cfifKrence totale entre ces officiers &
ce que nous appellons aupurdliui la partie pu-
blique , nos procureurs g^n^raux , nos procu-
reur- du roi ou des feigneurs. Les premiers
£toient plutdt les agens da. |HibIic pour la ma-
fiutention politique & domeftique que pour h
toanutoition civile. En «fFet , on ne. voit point 會
clans ces formules , quils fufTent charges de Iz
pourfuke, des crimes 6c des affaires qui concer-
noientles mtn^urs, les eglifes ou I'^tat des per*
fonnes.
que retabliflement d^une partie pu-
blique repugnoit a I'ufagje du combat judiciaire.
Je trouve pourtant y <hms une de ces formules,
un avou^ de la partie pubKque qui a la libert^
de combattre. M. Muratori ra mife i la fuite
do ia conflitmion (3) d'Henri I. pour laquefie
elie a iti faite. II eft dit dans cette conftitu^
tion , que " fi que!qu'un toe fon pere,(bn frere,
,, fon neveu ou quelqu*autrc de fes parens , 3
» perdra leut fuceeffion , qui paffer^ aox autres
,, parens ; & que h fienne propre aj^partiendra
» att fife "• Or c>eft pour la pourfaite de cette
fucceffion d^volue au fife, que Favoui de Ui
partie pubHciue, qui en foutenoit fes droits',
avoit la Ubert^ de combattre t ce csts rentroit:
dans la regie genirale.
f«) Advocatus de parte guhUcM,
10 Vbvez cette co*>ftuwtiort 8c cette formuKe dam.
ft fecond voUime des hiftoriens d'luUi^j^ page 17^
Liv. XXVIIL Chap、 XXXVI, 4^7
Nous voyonS) dans ces fonnules , ravoni de
la partie publique aglr contre celui (jc) qui avoit
pris tm voleur, & ne I'avoit pas mtni au
comte ; contre celui (d) qui avoit fait un foil -
levement oa une aiTemblie contre le comte ^
contre celui (e) avoit fauve la vie k un
homme que le comte lui avoit donn6 pour le
faire mourir ; contre Favou^ des eglifes (/), a
qui le comte avoit ordonn^ de hii pr^fenter un
yoleur, & qui n'avoh point obii; centre ce-
lui (g) qui avoit t^vili le fecret du roi aux
etrangers ; contre celui {h) qui , a nudn .armie »
avoit pourfuivi renvoy6 ; de rempereur ; contre
celui (i) qui aroit meprif^ ks letcres de rem-
fereur, & il ^toit pourfidvi par VsLvoui de
enipereur ou par rempereur liu-mSme; contre
celm (A) qui n'avoit pas voulu. reccvoir la mon-
noie du prince : enfin » cet avou6 detnandoit
ies chofes que la loi adjugeoit au fife (/).
Mais dans la pourfuite des crimes , on ne
voit point d'avoug -de la partie publimie ; meme
quand on emploie les duels (m) ; meme quand
il s'agit dlncendie (n) ; meme loTf(}^« le juge
eft tu^ fur fon tribunal (o) ; meme loriqu'il
(c) Recueil 6e Muraton , page 104, far U loi Si
de Charleinaene , fiv. I r tit. 26, $. 7^'*
《<Q Autre formule * ibid , page $7^
U) Ibid, page xo4»
Ihid, page
Jhid, page 9^.
Jhid , page
*)Formia^, page ifz;.
W , page 157. , '
\m) Bid , i^age upf* , 【
i«} Mi » psgf.
4^8 De l'Esprit D£s Lois,
s*agit de Vitzt des perfonnes (p) , de la Iibeft£
& de la fervitude
Ce$ formules font faites , non feuletnent poor
les lois des Lombards , mais pour les Capitu-'
laires ajoutds ; ainfi il ne faut pas dbuter que,
fur cette matiere, elles ne nous donnent ia pra-
tique de la feconde race. "
li eft clair que ces avoues de la partie ptH
blique d&reat s'eteindre avec la feconde race ,
comme les envoy ^$ du roi dans ies provinces;
par la raifon qu*il n*y eut plus de loi gen^rale*
nl de fife general ; oc par la raifon qu'ii ny
eut plus de comte dans les provinces , pour te-
nir les plaids ; & par contequent plus de ces
fortes Qofficiers dont Ja principafe fon3ion
^oit de mainteoir Fautorite du comte,
L'ufage des combats , deveiiu phis frequent
dans h troifieme race, ne permit pas d'6tabHr
line partie publiqae. Aufii BoutilUer , dans fa^
fomme rurale , parYant des officiers de krftice^
ne citc-t-il que }es baiUis, hommes f<^oaaux &'
fergens. Voyez les EtabliiTemens (r) & Baumst*'
noir (/) fur la maniere dont on faifoit les pour*
fuite$ dans ces temps-la.
Je trouve dans les lob (#) de Jacques roi
de ^ajorque , une creation de renipioi de pr6*
cureur da roi (u)^ arec les fonaions qa'oot.
(p) , i>«g« m
(9) 編 » p«K€ 107.
ir) Li^. I , chap, x ; 8c Kr, H, chap* » & xnr; *
s) CKap. I 8c chap. lxx.
(0 Voyez ces lots dans ks tics -des Saiati 1114ft
Juin , torn in , pag. 26. »
Liv. XXVm. Chap. XXXVt 4^9
aujbnrd'hui les ndtres. II eft vifible qu'ils ne
vinrent qu'apr^s que la forme judiciaire eue
chang^ parmi nous.
CHAPITRE XXXVII. 、
Comment ks EtahUJfcmtns de S、 Louis tomtcrcMi,
dans Caubli,
C^E f^ledeftin des Etablijfemns , quits n"'
3uirent ^Ipieillirent , & moururent en tri$ peu、
e temps.
Je ferju la*de(rus quelques rifkxlons. Le code
eue nous avons fous le nom d^EtabUiTeinens de
o. Louis , n'a jamais 6ti fait pour fervir de loi
3l togt le royautne, qud'ique cela foit dit dans
la^r^face de ce code. Cette compilation eft un.
c9ae g^niral, qui ilatae fur toutes. les affaires
,civiles , les difpofitions des biens par teilament
ou entre-vifc , ks dots & les avantages des fem-
snes , les profits & les prerogatives des 6e& , les
affaires de police , 8cc, Or, dans un temps oh
chaque vUle^ bourg ou village , avoit fa cou-,
fume, donner pa corps ginirsLl de lois civilej*,
c^^oit youloir renverfer daos un moment toutes
ks, lois particulieres , fous lefquelles oa vivoit
dans chaque lieu du royaume. Faire une cou 一
tume gin^rale de toutes les coutumes particu*
lieres feroit une chofe inconfid^r^e , m^me.
dans ce temps* c" oh les princes trouYcnt^
titatur , infitttatur qui fiSa & Sisuja$ in ipid atrid pr«
4?6 Ds l'EsPRXT D7S Loi^i ^
par-tout que de Tob^iflance. Car, s'il eft vra*
qii*i\ ne taut pas changer lorfque les inconv^-
niens 化 alent les avantages encore ~ moins le
faut-il lorfque les avantages foiit petits & les in-
conveniens immeofes. Or , £ I'on fait attention k
r^tat oil ^toit pour-lors le royaume , oil chacun
s'enivrbit de Vidie de fa f6uverainet£ & de fa
puiiTance , on voit bien qu*entreprendre de chain
ger par-tout les lois & les ufages re^us/ c'etoit
une chofe qui ne pouvoit veAir dans I'efprit de
ceux qui gouvernoient.
Ce que |e viens de dire prouye ^Mjpre que
ce code des EtablKTemens ne fut paMonfirmS
cn parlement par les barons & gens de loi du
royaume , cotntne il eft dit dans un nianufcnt
de rhotel-de-ville d* Amiens , citi par M. Du-
cange (a). On voit , dans les autres' matiufcrits ,
que ce code fut donni par S. Louis en .42ftn-
nee 1 270 , avant qii,il partit pour Tuti" : 讀
iait n'eft pas plus vrai : car S. Louis eft para
en 1269, coxnine I'a* remarqui M. Ducange ;'
d*oii il conclut que ce code sluroit " public
en fon abfence. Mais je dis que celane peat pas
itre. Comment S. Louis auroit-il pris le temps
de fon ^bfence,^pour faire une chofe qui auroit
M une femence de troubles ,& qui eflt pu pro-
.dui'.e , non pas des changemens , mais des re-,
volutions ? Une pareille entrqjrife avoit befoin ,
plus qu'une autre , d'etre fiiivie de pr^s ; & n*etoit
point rouvrage d'une r^gence fdible , & mdine
compof^e de feieneurs qui ayoient int^r^t que
a chofe ne reufsit pas. C'etoit Matthieu , abb^
lie S. Denys ; Simon de Clermont » comte de
( Pt^face far l«f EtabliiTemens*
Liv. XXVin. Chap. XXXVII. 4"
Kelle ; & €n cas de mort, Philippe , iveque
d'Evreux : & Jean ; comte de Ponthieu. On a
vel ordte judiciaire.
h dis en troifieiAe lieu , qu'il y a frande ap-
parency que le code que nous avon$ , eft une
chefe ditterente des EtablUTemens de S, Louis
fur rordre judiciaire. Ce code cite les EtablifTe -
mens ; il eft done un ouvrage fur les Etablifle-
mens, &non pas les Etabliflemens^ De plus,
Beaumanoir , qui parle fouvent desEtabliffemens
de S. Louis , ne cite que des Etabiiffemens par-
ticuliers de ce prince , & non pas cette com-
pilation des Etabliflemens. Defontaines (c) , qui .
^crivoit (bus ce prince , nous parle des deux
premieres fois que I'on executa fes Etabliffe-
mens fur rordre judidaire, comme d'une chofe
reculee. Les Etablifiemens de S. Louis itoient
done ant^eurs a la compila^on dont )e park ,
qui , a la rigueur , & en adoptant ks prologues
etron^s nm par qudques ignorans a la tece de
cet ouvrage , n'auroit、 paru que la derniere an-
fi^e de la vk de S* Ix>uis ou lueme la
moit de ce prince*^
4}% De L*EspiiiT DEs Lois,'
G H A P I T R E XXXVIIL
. Gmtinuadon du meme fuje"
%J?u'e$t-ce done que cette compilation qiie
nous arofis (bus le nom d'Etabliifemens de
S* Louis ? Qu'eft ce que ce code obfcur , con 一
fus & ambigu, oil l,on m^le fans cefle la ju-
rifprudence Pran^oife avec la loi Romaine ; o2i
I'on parle comme un legfflateur , & oil Von voic
un junfconfulte ; oil I'on trouve un corps entier
• de ]un(prudence fur tous les cas , fur tous les
points du droit dvil ? U iaat fe tranfporte' dans
ces temps^lL
S, Louis , TOyant les abas de la jurisprudence
it fon tetnps , chercha i en d^gomer les peu*
pies : il fit plufieurs ridemens pour les tribcH
naux de fes domaines & pour ceux de fes ba«
rons; & il eut un tel fuccis, que Beauma*
noir (a) , qui ^crivoit txks pea de temps apr^9
la mort de ce prince, nous dit que la maniere
de juger ^tablie par S. Louts , ^oit pratiqufe
(jkn$ un grand nombre de cpurs des leigneurs.
Ainfi ce prince remplit fon objet, quoique
fes riglemens pour les tribuaaux aes feigneurs
n'eufTent pas ttk faits pour fcre tine loi g^n^-
rale du royaume , tnais comme un exemple que
chacun pourroit fuivre & qite chacun mime
auroit mttxkt de fuivre. 11 &ta le mal, en fid -
fant fentir ie meilleur. Quand on v'lt dans fes
W Chap. Lxi , page 50^*
tribunaux
Liv. XXVIIL Chap. XXXVHL 45,
tribunanx , quand on vit dans ceux des reigneuft
ttne maniere de proc^der plus natureUe, plus
raifoniicJble , plus conforpie a la morale , a U
te^gion, a la tranmiilUte publique , a la sureti
de la perfonne & des biens, on la prit , & on
abandonaa f autre.
Inviter quand A ne fkut pas coatraindre,
conduire quand il ne faut pas commander , c'eft
rhabiiet^ uipreme. La raifon a un empire natu*
rel ; eUe a meme im erafeire tyrannique ; pa
lui r 纟 (HH, tnais*cette r^ftilance efi Con triom«>
phe ; encore un peu de temps , & i'on - fera
S. Louts , pour degouter de U juiifpradeAce
Fran^oife , fit traduire les livres du droit 一 Ro-
main , a£n qu'ils fuflent connus des hommes de
loi de ces temps-la. Defontatnes , qui eft le pre-
mier (^厶】 auteur de pratique que nous ayons 參
fit un grand ufage de ces lois Rotnalnes : fon
ouvrage eft en quelque fa^on un cefultat de I'aiv*
cienne jurifprudence Fran^oife , des lois ou Eu-
bliiTemens de S. Louis , & de la loi Romaine.
Beaumanoir £t peu d'uf^e de la Joi Romaine ;
jnais il concilia, Fancienne jurifprudence Fran-
^oife avec les regleraens de S. Louis.
• OeCt dans Pelprit de ces deux ouvnges , &
furtout de celui de lO^fontaines 廖 que quelque
l>aUU, je crois, fit rouvrage de lurifprudence
que nous appellons les EtablK&mens. 11 eft dit ,
dans le titre de cet ouvrage , qu'il eft fait (elon
Vufage de Paris & d'Orl^ans , 6c de cour de bsH
ronnie ; & jdans le prologue , qu'il y eft traite
t.' - " a
(h) II dit lui-m^fne dans fon prologue : Nitf lay en*
ptit oncques , mait "ut choft dottt /-》
Tomt 111, O©
434 De l*Ee,rit des ton,
des ufages de tout le royaume & d'Anpu, Si
de cour de baronnie. II eft vifible que cet ou 一
TTage fut fait pour Paris , Orleans & Anjou p
comme les ouvr^es de Beanmanoir & de D6-
fontaines furent raits pour les comt^s de Cler—
inont & 3e Vennandois : &, comme il parok,
par Beaumanoir , que plufieurs lois de S. Louis
avoient p^nitr^ dans les cours de baronnie , ie
compilateur a eu quelqoe raifon de dire que
(on ouvrage [c"] regardoit au^ les cours de
baronnie.
II eft clair que celai qui fit cet ouvrage com -
pila les coutumes' du pays avec les lois & 】es
etablifTemens de S. Louis. Cet ouvrage eft tres
pr^cleux, parcel qu'il contient les anciennes cou-
tumes d'Anjou, & les EtablifTemens de S. Louis ,
tels qu'ils etoient alors pratiques » & enfin ce
qu'on y pratiquoit de I'ancienne jurifpradence
rran9oife. -
La difRrence <}e cet ouvrage d'avec cemc de
D ^Fontaines & Beaumanoir , c'eft qu'on y
parle en termes de commandeiiient, comme les
l^gtslateurs ; ' 6c cela pouvoit ^tre ain/i , parce
qu il ^toit line compilation de coutumes ecrites
& de lois. -
II y aVoit Ufi vice intirieur dans cette- com-
pilation : elle formoit un code amphibie , oil
Foil avoit mel^ la jurisprudence Fran^oife avec
la loi: Romaine ; on rapprochoit des chofes qui
(d) If n'y'a rien de vague que Ie titre & Ie pro-
logue. D'abord ce font les ufages de Paris &. d'Or-
l^ans , & de cour de baronnie ; enfuite ce font les
ufages de toutes les cours Uyes du royaume , & de la
pr^vot^ d,e France ; enfuite ce font les ufages de tout
Ie ro/amne , ^.d'Anjou, & de cour de luronnie.
Liv. XXVm. Chak XXXVIIL 4;^
ii*avx)ient jamais de rapport, & qui fouvcat
itoient contradiSoires.
Je fais bien que les tribuoaox Frafi9ols det
homines ou des pairs, les lu^emens (ans appet
^ un autre tribunal, la maniere de prononcer
par ces mots , je condamne [d] ou yahfius、
avoient de la conformity avec les jugemens po-
pulaires des Romains. Mais on fit peu <ru4g«
de cette ancieime jurisprudence; on fe fervk
plutot de celfe qui tut introdnite depuis par les
empereurs, qu'on exnpiojra par-tout daas cette
CQinpilatic^ , pour r^gler , limiter , cardger 參
etendre ia jurilprudence Fran^oife.
C H A P I T R E XXXIX.
CottUauatum du meme fiijet*
JLats focfloes judicialres introduces par S. Louis
cdTerent d*^^e en ufage. Ce prince avoit ea
moms en vue la chofe rn^me, c'eft - i-dire, k
oieiUeure tnaniere de juger, que la meilleure
^naniere de fuppl^er a ranciemie pratiqne de
jug^r. Le premier objet -^toit de degouter de
i'ancienne lurifprudence, & le fecond d,en for -
4iier une nouvelle; Mais les inconv^niens de
celle-ci ayant paru, on en yit bient^t fucc^der
tine autre.
. Asnii les iois de S. Louis changerent moins
la jurifprudence Fran^oife , qu'dles ne donne-
tcnt moyens pour la changer ; elles ouyri-
(i) EtAlUTemen ,倉 lir. U, chap. jht.
Oo
4}6 De l'Esprit des Lois;
rent de nouveanx tribunaux ou pliit6t des Volet
pour y arriver ; & quand on put parvenir ai-
lement a celui qui avoit tine autorite generaie ,
les jugemens , qui auparavant ne faiioient que
les uUges d'une feign eurie particutiere , forme-
rent une jurifprudence univerfelle. On etoit
parvenu , par la force des EtablifTemens , k avoir
des decifions gcn^ales , qui manquolent entiere-*
ment dans le royaume : quand le b^timent fut
conflruit , on laiiTa tomber rechafaud.
Ainfi les lois que fit Saint Louis eurent des
effets qii,on n*auroit pas du attendre dn chef-
d'oeuvre de la Ugiflation. II faut quelquefois bien
des Cedes pour preparer les changemens ; les
(v^netnens muriilient , & voilk les revolutions.
Le parlement jugea en dernier reflbrt de
prefque toutes les atfaires du royaume. Aupa-
ravant il ne jugeoit que de celles (pi ^toient
entre les dues [a] , cotntes, barons, ^vdquei ,
abb" , ou entre le Roi & fes vailaux [b] , plutdt
dans le rapport qu*elles avoient avec I'ordre po-
litique , qu'avec i'ordre civil. Datw la Ante , on
(at oblige de le rendre fedentaxre , & de le tenir
toujours affemble ; & enfin , on en cr6a plur
fieurs , pour quails puflent fuffire a touted les af-
£airesv
A peine le parlement fut-il un corps fiie , qu'on
tommen^a k compiler fes arrets. Jean de Moih>
luc , £bus le regne de Philippe le bel, fit le re,
(a) Voyex Dqtillet , fur la couf des pairs. Vpye^
.«n(It la Roche - Flavin , liv, I , chap. |ii ; Bad^e 8c •
, Paiil-Emilc.
Les autre! affatfes {tpieat d^cid^es par 1^ tri*
Comment on prit Us formes judiciair^ def
dicritaks*
M A IS (Toil vient qu'en abandqiinant le,
formes judictaires ^tablies , on pnt celles du droit
canonique , plut6t que celles du droit Rotnaio ?
Ceft qtfon avoit toiijours devant les yeux les
tribunaux dercs , qui fuivoient les formes du
droit canonique , & oue Xdn ne connoiflbit au-
cun tribunal qui fmvit celles du droit Roma'uv
De 'plus, les bornes de la )urifdi£iion eccU-
iiaflique & de la f^culiere 6toient dans ces temps-
la tres peu connues : il y avoit [a] des gens [^]
qui {Maidoient indifC^remment dans les deux
cours ; il y avoit des tnatieres pour lefquelles oa
plaldoit de m^me. II femble [cj qiie Ij jurifdic-
tion laye ne fe fut gardie, privativement a I'gutre^
que le jugement des matieres f^odalies , & de$
cfimes commis par ks k'ics dans lei cas qui ne
choquoient {>as k religion [</]. Car fi , pour rai-
(c) Voyez Vexcellent ouTrage de M. le pr^fident
■Uenaut, fur fan 131J.
(a)-Beaum. <hap. xx , pag. 5S.
\h) Les femmes veuves , Tes croif^^s ; ceux ijui te
roient les biens des ^glifes pour raifoa de ces biens
Jhid.
(f) Voyez tout le chap. XI. de Beaumanoir.-
Id) Les tribunaux dercs, fous piit«xte du fermenf^
Oo }
Liv. XXVIII. Cnxp. XL 43?
eudil qu'on appelle aujourd'hui les regiftres
Olim [c].
C HAPITRE Xl4
翁
鲁
438 De t'EsPtif ms Lon;
fon des conventions & des contrats , 3 f^bif
aller a la juftice laye , les parties pouvoient vo-
lontairement proc^der devant les tribunaox
€krcs,qui, n*etant pas en droit d'aUiger lajtiA
tice laye k faire executer la fentence , cantrai*
gnoient d*y oWk par voie d*exc6minuiiica«
tion [-] : £/ans ces circonflances « lorfque , dans^
les tribunaux laks » on voulut changer de pra«
tique , on prit celJe des clercs , parce qu'on la
favoit ; & on ne prit pas celFe du droit Romain ,
parce cp,<y ne La faToit poist : car , en fiut
de pratique , on ne fait qne ce (jue Pon pratique*
CHAPITRE XLt
Flux & refiux de la juridi^an eeclefaJUfM & it
二 la juridiBion layc*
L A puiiTance civile £tant ehtre tes matni d*iine
infinite de feigneurs , il avoit ixh a k yiri*
didHon eccUliaftique de fe donner toiis les joiiri.
plus (fitenduei: mais, comme la jjuiidi 战 oa ecd"
fiaAi^ue inerva la juridi^oor des feigneurs » &
contribua par*]a a aohner des forces a la juri-
di^tion royale , la prididtion royate reftreigmt
peu-4-peu la juri^iaioii eccl^fiaftique^ & ge^d
recula devant la premiere. Le parkniefit , qui
avoit pris dans fa forme de procider tout ct
»,•!! Mimt mkm% fatfis , comme on le Toit par
£Macnx concorikf faff- eirtre PbiKppe-Augtiftc , Its
derc^ & les baron 霧 》 (foi f(e trouve daos les ocdoBi*
vj^ancss Laurierc.
(4) fi«aHmafiok» clu X, »p*gt6o»
Liv. XXVIII. Chap. XU. 439
y ayoit de bon & d'utile dans ccUe des tri-
bunanx des clercs , ne vit bieotdt plus que fes abus ;
6c la juridi6tion royale fe fortifiaat tou$ les
jours, elle fut tott}our,jphu en iutde corriger
ces m 細 es abus. £n tnet Us ^toient intol^ra-
}iles; (k fans en iaurt refniMi^ration » je renver-
rai a Beaumanoir [《, k BcmtUlter , aux ordoh*
nances de no& Roia. Je ne parlcrai que de ceux
qui im^FtiSbicot plus, dkedemfiot la fortune pu-
bllque. Nous connoiflbfis ces abus par les arrets
qui let riformereQt^ L'^paifle i^Qoranctf les avo}t
mtroduits ; une efpece de darte parut, & ils n€
fiirent plus. Oa peut juger , par le filence da
cl«rg^ y cpi'il aDa loi-meme ait'deraiit de la cor-
Tft^on ; ce qui, la nature de Fefprit humain^
nitrite des louanges. Tout hofiune mn mouroit
fans donner une partie de fes biens aVegUfe , ce
u s'appeQoit mourir diconfis 、 Mix prir^ de
conununion & de la fiipulture. Si I'on mouroit
sfiurede teftament, il faUpit que les parens
ttaffinK de I'^v^que <|a'il nommit, concur -
remtacnt avec ewx , des arbitres , pour fixer ce
oue fe difiiiitaiir<KtdA donoer^ en caa cpi'il efit
nfe tm teflamem* O9 nc pooYoit pas cducher
enfemble la precaiere nuit de$ n6ce$, ni tsAam
ks deux fuivantes , fans en avoir achet^ U per-
inilSoft I e^ikeitbieii ces trois mirts-)^ qu*il fiiUleit
choifir ; car pour les aatres on o'auroit pas dpn -
ni beaucoup d'argent. Le parlemeiit co^rigea tout
(tf) Voyez Botttfllicr » fomme rurale , tit. 9 > quelle,
perfonncs ne peuvent faire demande en cour lave ;
oc Beaum. ch. xi , paee 56 ; 8c les r^glemens de Phi-
Xppe«Augafte k ce iu)et ; & I'Etabliffement de Phi-
]ippe*Au(ttftt fait entrc Us dercs , le roi & let barons*
Po 4
440 De t'EsPRiT Dis toif;
cela : on trouve , dans le gloflaire [^] du drett
Francois de Ragau , farrgt qu'il rendit (If) contre
r^v^que d*Amiens.
Je reviens au comtnencement de mon cha-
pitrc. Lorfque , dans un fiede ou dans un gou-
Ternement , on voit les divers corps de iAt9t
chercher ^ augmenter leur autorite , 6c a prendre
les tins fur les autres de cert^ns avantages, on k
tromperoit fouvent fi l,on regardoit leurs entre-
prifcs comtne une marque certaine de leur cor-
ruption. Par un matheur ^ttach^ a la condition
humaine , les grands hommes moder^ font rares ;
& comme il eft toujours plus ai(*(^ de fuivre fa
force que de FarrSter , peut-etre, dans la claik
des gens fup^rieurs , tlt-il plus facile de trou-
ver des gens extremetnent rertueux , que its
homities extr^nement fages.
L'ame goute tant de d^Hces a domxner Ie»
autres atnes ; ceux tnSme qui alment le bien
s'aiment il fort eux-memes , qu'il n'y a perfonne
oui ne (bit aiTez malheureux pour avoir encore ^
fe d^fier de fes, bonnes intentions : & en v^rit^,
nos actions tknnent k tant de chofes, qu'il eft
ciille fois plus aife de bke k biea , que da le bien
faire.
f ■ I ■ 1 羅 i, ap
Au mot txtcuteurs teftamntainu
(c) Dtt 19 Mar, 140^*
々
L I V. XXVin. Chap. XLII. 441
C H A P I T R E XLIL
Rcnaijfancc du droit Romain & ce qui tn ri^
fulfil : €hangcmens dans Us trUmnaux.
Xj( e digefte de Juftin'ien ayant kxh retrouv^ vers
ran 1 1 37 , le droit Romain fembla prendre ime
、 feconde naiiTance. On etablit des ^coles en Italle
oil on renfeignoit : on avoit deja le code Juf-
tmien & les novclks, J,ai di)a dit que ce droity
prit une telle faveur » qu'il fit ^cHpfef la loi des
Des dodteursltaliens portercnt le droit de Juf-
tinien en France , ob I'oix n'avoit connu {a) que le
code Th^odofine , parce que ce ne fut {b) qu*a-
pres retabliffement des barbares dans les Gatt-
tes , que les lois de Juflinten furect fattes. Ce droit
re9ut quelques cppofitions ; mais il fe maintint
malgr^ les excommunications des papes qui
protegeoient kurs canons (c). Saint Louis cher-
cha a I'accr 圣 diter , par les tradu^Hons qu'il iit
£iire des ouyrages de Juftimen , que nous avons
{a) On iuivolt ,n Italie le c<mJ«. de Juftinien : c^cft
pour cela que le pape Jean VIIl , dans fa conftitiition
donn" apres le Wnode de Troy", parte d«ce co<l«,
tkO/i pas p.9rc'e qu il ^tott connu en France , mals parce
qu'il It conooiiToit liiirm^nit ; & fa conftitution itoii
(k) Le code ctt empereur fut public verc I'an
530.
(e) D^cr^eSf Ky« V, tit. de pnriUgUs , capitt Jk»
ftr jptcuia, 、
44^
De L'EtfRiT m» Lois;
encore manufcrltes dans nos bibliotheques ; & fsi
dejadit qu'on en fit un grand ufage dans les £ta-
bliffemens. Philippe le bei [d] fit enfeiener les lois
de Juflinien , feulement comme raSoa ^crite ,
dans les pays de la France qui fe gouvernpient
par le- coututnes ; & elks fiirent adoptees
comme loi , dans ks p^s oh ]t droif Romaia
^toit la loi.
J'ai dit ci-deflus que la mamefe de procider
par le coipbat judiciaire demaikloit dans ceuz
qui jugeoient tr^s peu de fuffifance ; on J^cidoit
ks attaircs dans chaque lieu y felon I'ufage dc
chaque lieu, & fuivant queiqiiies coutumes fim-
plesy qm fe recevoient par traditioa. D y avoit,
du temps de' Beautnanoir [e] , deux diff^^rentet
manieres At rendfe la jufiicc : dans des lieux , on
— geoit par jpairs (/) ; dans d'auires , ca jugeoa
par baUlis : ^quand on fuivoit h presniere forme ,
tes. pairs iugieoUnt felon rufag« de leur jurl-
didion [g\ ; daps la feconde , c'etoient des pru 零
d'hommes ou vieillards qui indiqucMent au bailli
k memQ uTage. Tout ceci he deniandbit aucun^
lettres , aucune capacite , aucune ^tude. Mais ,
k>rrque. Id code obicur des ^taUiffemMis SiS^JOr
(dy Par une cfaartre de Fan , en fatrciir dt
siver(it^ d'OrUans , r«pport^e par DutiHet.
(e) Coutume <le BcauToKis , ck. I ' FoiRct des
f/] Dons ! 8 commune, les boufgeoit ^toimt ju«
htf$ fe }ug«oiciit cnCr^euz4 Toy«» ta T%aiimadi«r 誊釁
chap, jtpc, ^
(g) Auffi tdut«t l«f rtqii^e* coimnen〜en ,一
p^r ces mots': m Sire )uge , il eft d'ufa^e qu'en Yotrc
n JurifeHA^dn , eomfiio " paroit par la formulc rap*
port^c daiu.BouuUier , fomme rorale • Uy 山 titw
urns.
1 1 Y. XXVni. Chap. XLII. 243
tres oima^es de jurifprudence parurcnt ; lorf-
que le droit Romain nit traduit ; lorfqu'il com-
tnen^a a enfeigni dans les ^coles ; lorf-
qu'un certain art de la procedure , & qu'un cer 一
tarn art de la jurifpradence commencerent h. fc
former; lorfqu'on vit naitre des pratictens & des
jurifconfultes , les pairs & les prudlioinmes ne
fiirent plus en ^tat de juger ; les pairs coxnmen-
cerenta fe retirer des triounaux du feigneur ; les
feigneurs furent peq pot t6s 4 les aHemmer : d*au-
tant mieux que ies jugemens , au Heu cTltre une
a^Hbn 6clatante , agreable a la nobleffe , int^
reffante pour les gens de guerre , n'^toient plus
qu,tme pratique qu ,! Is ne fevoient , ni ne vou*
loient favoir. La pratique de juger parpairs de-
Vint moim en ufage [fiij ; celle de juger par bailik
s'^endit. Les baillis ne jugeoient pas (i) ; ils fai-
(A) Le chaagemeht fut infcofible. On trouTe en*
core les pairs employes du temps de Boutillter , qui
▼ivoit en 1401 , date de Cod teftament , qui rapporte
cette for mule au liv. I, tit. it : m Sire juge« en
9»t juftice haut6 , moyenne & baife , que j'ai en tet lieu«
n cour , plaids , baillis » hommes f<^odaux & fergQijs w*
Mais il n'y^ a^it^phis que Its tnatieres f^odales qui f,
jttgeaflcnt par pairs. Rid , liy. I » tit. I, page i《.
(i) Comme il piroit par la fortnule des lettres ({u«
le feigneur leur donnoit , rzppottie par Boutillier ,
{omme rurale, Hy.^I, tit 14^ Ce qui fe prouve eocor*
par Beaiimanoir > coutume de Beauvoiils , chap.. I des
oaillis. lis ne faifoient <{ue la procedure. » Le bailli eft
M tenu en la pr 豸 fence des hommes i penre les paro*
,, les de chaux qui plaident , & doic demaoder as
,, parties fe ils veulent avoir droit felon les raifons
M aue ils ont dites ; & fe ils difcnt , Sin oil , le baiUt
H <loiC contraindre les hommes que ils faflfent le ju^e*
M ment «<• Voyez audi les Etabtinemens de S. Louis »
liv. I, ch, cv ; liv. II, ch, x? : n^Li juge » otdoH
pas faice le jug«meAt»
444 De lTsprit ds$ Lois;
Ibient nnftni^Hon , & pronon^oient le fugeineAt
des prud*hommes : Mais les prud'hoininas n,6 -
tant plus en ^tat de juger , les bsuUis jugerent
eux-m^mes.
Cela fe fit d'iiutant plus aif^ment , qu*oii
avoit devant les yeux la pratiaue des juges d'e-
glife : le droit canoniqu€ & le nouveau droit
civil concoururent igalement k aboUr les pairs.
Ainfi fe perdit I'ufage conftamment obfervi
dans la monarchic , qu*un juge ne jueeoit yat*
tnais feul , comme on le voit par les lois fali-
ques , les caphulaires , & par les preimers ^cri-
vains [k\ de pratique de la troifieme race. L'a-
bus contraire, qui n'a Hea que dans les )uftice$
locales , a itk mod^re , & en quelque fa^on cor-
r'lg^ par rintrotiuftion en plufieurs lieux d'un
lieutenant du juge , que celui-ci confulte , & qui
teprifente les andens prud'hommes; par robliga*
tion oil eft le )uge de prendre deux ^radu^, daas
ks cas qui peuvcnt m^riter une peine affli^ve ;
& en&i il eu devenu nul , par Pextrime faci£ti des
appels.
(k^ Beaumanoir* chap. Lxvil » page 336; & cbu
txi , pages 315 & 5i6 » les Etabliffemcns , Uy. U,
chap. XYk
Liv. XXVIII. Chap. XLUL 44¥
CH A PIT RE XLIIL
Continuation du mime fujtt.
INS I ce lie fut point une lol qui d^fendtt
aux feigneurs de tenif eux-m^mes leur coiir ; ce
ne fut point une loi qui abolit les fonfiions que
leurs pairs y avoient ; il n'y cut point de loi qui
ordonnaLt de crier des baiillis ; ce ne fut point par
une loi qu'lls eurent le droit de juger. Tout cela
fe fit peU'i^-peu , & par la force de la chofe. La
connoifTance du droit B^omain , des arrets des
<ours , des corps de coutumes nouvellemenc
Rentes , demandoient une itude , dont les no-
bles & le peuple fans lettres n'etoient point ca 一
pable$«
La feule ordonnance que nous ayons furxette
fnatiere M , eft celle qui obligea les feigneurs
de' choifir leurs baillis dans Fordre des laiques.
mal-i-propos qu'on I'a regard 各 e comme
la lei de leur creation ; mais eile ne dit que ce
qu*elle dit. De plus, elle fixe ce qu'elk prcfcrit
par les raifons qu'cUe en donne : " Cell afin ,
" eft-il dit , que les baillis puifient ctre punis de
9f leurs prevarications (h) , qu*il faut qu'ils
,, foient pris dans I'ordre des la'iques ,,. On
fait les privileges des^ ecclefiaftiques dans ces
temps^la.
I l I ' , '■ ' ■ '. ii
(a) EHe eft de I'stn 1287.
、 fiihi delinquent , Jupenons fui^ojpnt Mimudf
itmn in to flan*
44^ De iTwRiT Dis Lois;
U ne fautpas croire que les droits dont les fri-
^eurs jouiiloient autrefois, 6c dont ilsne jovaC^
lent plus aujourdliui , leur ayent ^t^ otes comme
des usurpations : pkiiieurs de ces droits dnt M
perdus par negligence ; & d'autres ont 6t6 aban-
don n^s , parce que divers changemens s'^tant
introduits dans le court de plufieurs fiecles ,
ils ne pouvoient fubfifter avec ces change*
mens.
C H A P I T R E LXIV.
J?ela preuve par timoins.
£ s )uges , qui n'ayoient d'autres regies
、 que ' les ufages , s,en enqu^roient ordiDairement
par t^moins , dans chaque quefUon qui fe pre-
lentoit.
Le combat judickire devenant moias en'ufage,
on fit les enquetes par ^crit. Mais une preUve
vocale mife par ^crit n'eft jamais qu'uhe preuve
vocaie ; cela ae faifodt au'ai^msnter les uais de
la procedure. On fit «[es reglemens qui ren-
dirent la plupart de ces enquetes {a) imuiles ; oa
^tablit des regiftres publics , dans lefquels la plu-
i)art des iaits fe trouvoient prouv^s , la nobleHe^
age , la legitimit^ ^ le manage. L'ecnture eil iia
timoin qui ^ difiicilement corrompu. On fit -
diger par 6crit les coutumes. Tout cela itoit biea
railbnnable : il eft plus aif6 d'aller chercher daas
■ ' ' ' ' ' 't ' ■
(tf) Voyez comment on proiivoit I'lge & la pa*
rente , EtabH^Cemens , liyre I , ch. lxxi oc lzxii.
Liv. XXVin. Chap. XUV. 447
|es reglftres de baptdme , ti Pierre eft fils de Paul,
? ue d'aller prouver ce fait par une longue enquete.
^uand , dans un pays , 11 y a un tr^s grand
notnbre d'ufages, it eft plus aifi de les Retire tous
dans un code, que d'obliger les particuliers k
prouver chaque ufaee. Ennn , on fit la fameafe
ordonnance qui dHendit de rccevoir la preuve
par t^tnoins pous une dettc au-deflus de cent
livres , a moins qu'il n'y eut un commencement
de preuve par icxiu
CHAPITRE XLV.
D" coiuumes dc France*
A France itoit rigie , comtne j'al dit, par
des coutumes non Rentes ; & les ufages parti-
culiers* de chaque feigneurie formoient le droit
civil. Chaque leigneune avoit fon droit civil,
comme le dit Beaumanoir & un droit
jfi particulier , que cet auteur , qu'on doit re-
garder comme la lumiere de ce temps-la, & une
grande lumiere , dit quil ne croit pas que , dans
tout le royaume , il y eut 4eux leigneuries qui
fuflent gouvernees de tout point par la mSme I02.
Cette prodigieafe direrute avoit une premiere
origine , & elle en avoit une feconde. Pour la
premiere , on peut fe fouvenir ile ce que j*ai dit
ci-deffus [h] au chapitre des coutumes locales ;
& quant a la feconde, on la trouve dans les <B-
vers ^v^nemens des combats judiciaires ; des
d) Prologue fur la coutume de Bealivi>iiis.
b) Chap» XII.
448 De L'EsPRrf DCS Lois ,
cas contlnuellement forttrits devant introdaire
naturellement de nouveaux ufages.
Ces coutumes-lk etoient confervies dans la
me moire des vieillards ; mais il fe forma peu-a-
peu des lois ou des coutumes ecrites.
- X®. Dans le commencement [c] de la troi 一
£eme race , les Rois donnerent des chartres par-
ticulieres ,& en donnerent meme de generales,
de la maniere dont je I'ai explique ci-defTus ;
tels font les ctabliffemens de Philippe Augufle ,
& ceux que fit Saint Louis. De meme , les grands
vafTaux de concert arec les feigneurs qui tenoient
d*eux , donnerent , dans les amies de ieurs duch&
ou comtes , de certaines chartres ou ^tabliiTe-
mens , felon les circonflances.: telles furent I'al^
fife deGeofroi, comte de Bretagne 9 fur le par -
cage des nobles ; les coutumes cfe Normandie ,
accord^es par le Due Raoul ; le$ coutumes
Champajzn^, donn^es par le Roi Thibault ; le^
lols de Simon , comte de Montfort ; & autrei.
Ceh produiAt quelques lob Rentes, & mSme plu$
ginerales que celles que I'on 9voit.
1^. Dans le commencement de la troifiem^
irace , prefque tout le b 衫 peuple ^tojt ferf, pJu-
fieurs raifons obligereot Us ftoi$ & les feigneur$
:(de les affranchir.
Les feigneurs , en affranchifTant Ieurs ferfs ,
leur donnerent des biens ; il fallut leur donn^r
des lois civilesjpour regkr ja difgofitipn de ces
l>iens. Les feigneurs , en aiFrancbiiUnt leur ferfs ,
fe priverent de leur$ biens : il" fallut done regler
jes droits que Ie$ feigneur$ fe referyoient pour
r«quivalent de leur bien. L,une & I'autre de ces
wm A ■ ■ I II II I I I I I II 龜
(c) Voyez le recueil des oriionnances dt Lauriert.
chofes
(i) Celt fe fit amfi lors ie la r 仏 Aion ^es con 一
tufnes d« Ecfti 8c de Paris. Voyez la Thaamaf&"€,,
Liv. XXVin. Chap. XLV.、 444
chofes furent t^gl^cs par les chartres d'affranchi"
i^tnem ; ces chartres formerent une partie de noS
coutumes, & cette partie fe trouva redig^e par
ictit.
• 3^. Sous te regne de Saint Louis & les fui-
▼ans , des pratictens habiles , tels que Difoii<^
tatnes , Beaumanoir , & atstres , ridieerent par
^crit les coutumes de leurs bailHdges. L^ur objei
i^toit plutdt de donner une pratique judiciaire ,
que les ufaees de leur temps fur la difpofition'
aes biens. Mais tout s'y trouve ; & quoique ces
auteurs particuliers^ n'eufTent d'autoriti que par
k yintk & la publicity des chofes qu,ils difoient ^
on ne ptut douter qu'elles n*ayent bea^coupr
fcrvi a la renaiffance de notre droit Frangois.
Tel etoit , dans ces temps-U , notre droit coih
tumier 4crit.
Void la grange ^poque. Charles VII & h%
fuccefleurs nrent ridiger par icrit dans tout le
royaume les diverfcs coutumes locales , & pref-
chvirent des formalk^s qui dev'oient Itre obfef-
vees a kar reda^on. Or , comme cette rWac-
tion fe fit par provinces ; & aue , de chaque
fe^neuriey on Tenoit d^pofer , dans raflembl^
g^nirale de la province , les 广 '
cciits de chaque lieu ; on c
coutumes plus e^niraks , autant que cela fe put
£utt fsns UeiSr les int^rSts des particuliers qui
fiirent r^fcrvfa [</]. Ainfi nos coutumes prirenr
troh cara^teres ; eUes fiirent icrites , elles furent
plusg^n^ralesy eUe» re^urent le fceau de raato«r
nt6 royale.
c 、a
s 3
450 De t*Esr*iT Dts Lots;
PUiiiettr^ de ces coutames ayant iti de notH
TCau redtg^es , on y fit plufieurs changemens ,
foit en otant tout ce qui ne pouvoit comjpatir
avec la jurifprudence a^bielle^ foit en ajou-
taot pki&eurs chofes tir^es-«e cette jBrifpni-
dence. ^
Qiioique le droit cocttumier Cok cegardi
parmi nous comme contenaiit;Uoe efpece 3*op-
Softtion avec le dcoit Romain , de forte que ct%
eux droits divifent les territoires ; Ueft pourtant
▼rai que plu(teur$ difpofitions da droit Romam
font' entries dans nos coutiimes £urtout lort-
qu*oj| en fit de nouvelles r^a^onS) dans de$
temps qui ne font pas fort eloign^ des ndtres ,
oil ce Sroit ixok fob^et cannoifiances de tons
^etuc qui fe deflinoient aux emplois civils ; d^ns
des temps oh Van ne faifoit pas gloire d'ignorer
ce qtte Ton doit ikvokr, & de favoir ce que
Von doitigno^r ; ou la (aciitte dfi r«fprit (ervoic
plus a apprendre fa profeflion » qu'a ia f^ire^^
oil les amufemeiis continuels n'4coi<m pas m£ai9
U auroit fallu qiie je m^^tendifl^ cbyaiiiag^ i
la fin de ce Kvre j & qu'!$ntrant dans de plvi
grinds ditails \ 'feuS^ fuivi toys k% ck»Qg«*
foeiu iofenfibles , qui » depiiis rouvertupe des 、
appel" ont fotmi k grand corp$ de notfe )uriP«
prudence Frao^oife. mm fwfok im, nn gfaaj
ouvrage dans un graod ouvr^e. ,鬱 (bis comM
cet antiquaire (,》 qui partit de hn ^y$ » arrm
€n Egypte , ystsk un coup d'^o^ (ur ks pyrmideSf
& s'en retourna*
mm
W IHqs liB Spe^iteur Aagloiw
Fin du traifiemc Kalumn^