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Full text of "Œuvres de Vauvenargues"

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ŒUVRES POSTHUMES 



ET 



ŒUVRES tNÉDITES 



DE 



VAUVENARGUES 



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llirailIBBlI RIROO ET MAO LDI 

Rue de Rivoli, «44 






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ŒUVRES POSTHUMES 

ŒUVRES INÉDITES 

VAUVENARGUES 

*VEC NOTES ET GOHHENTAIBES 

D.-L. GILBERT 

PROPRIÉTÉ DE L'ÉDITEUR 






PARIS 



FURNE ET C". ÉDITEURS 

m unn-iNDU-Dct-iiTS, « 



sis ■ 502 



AVERTISSEMENT 



SUR CE YOLUM£. 



Dans ce volunfe supplémentaire, qui complète les œuvres de Vauve- 
nargues, la partie posthume, déjà publiée, se réduit aux iHabgues et à 
la Correspondance avec Voltaire. Je n'insisterai pas sur les Dialogues, 
(pie j'ai déjà signalés à Tattention * ; la forme en est imitée, mais le 
fond en est original; non-seulement Vauvenargues y a déposé bien des 
confidences indirectes sur lui-même, mais il y a résumé, en quelque 
sorte, ses opinions littéraires et philosophiques. Je n'insisterai pas non 
plus sur la Correspondance avec Voltaire; le nom des deux correspon- 
dants la recommande assez, et j'ai hâte, d'ailleurs, d'arriver à la partie 
inédite de ce volume. Elle se compose de quatre Fragments, de la Crt- 
tique de quelques Majcimes du duc de La Rochefoucauld, et de cent quinze 
Leltres échangées avec Mirabeau, V ami des hommes,' ou adressées au 
Président Saint-Vincens et à divers. 

Les quatre Fragments sont tirés d'une mise au net, qui est écrite de 
la main de Vauvenargues, et qui est en ma possession. Les manuscrits 
du Louvre ne contiennent que trois de ces Fragments; encore s'y trou- 
vent-ils à l'état de brouillons; cependant, je n'ai pas négligé de les 
consulter, pour contrôler le texte définitif que j'avais entre les mains. 

Les manuscrits du Louvre m'ont fourni la Critique de quelques Maxi- 
mes du duc de La Rochefoucaulâ^ les quarante-deux Lettres à Saint- 
Vincens, et huit autres adressées au Roi, au ministre Amelot, et au duc 
de Biron. Le reste des Lettres est tiré de collections particulières. C'est 
ainsi que je dois les 75*, 86*, 98* et 103* à M. E. Dentu, libraire à Pa< 
ris; la 109* à M. Cbambry, et la 121* à M. Victor Cousin. Je les prie 
d'en recevoir, de nouveau, mes remerciments. 

* Voir VEloge de Vauvenargues. 



Il AVERTISSEMENT 

Il est des secrets de sa vie que Vauvenargues a toujours réservés, 
même en écrivant à ses plus chers amis; de là vient que cette vie si 
touchante est si peu connue : ainsi Voltaire nous apprend que Vauve- 
nargues e$t mort en héros, mais sans que personne en ait rien m ; il a 
été dévoré de cette ambition ardente, qui exile les plaisirs dès la jeu- 
nesu, ponr gouivemer seule; ses goûts, toujours au-dessus de sa for- 
tune, Tont toujours tenu dans la gène, et quelquefois dans la misère : 
dans les écrits qu'il a donnés ou qull destinait au public, on soupçonne 
plutôt ces douleurs, qu*on ne les aperçoit; mais sa Correspondance 
change le soupçon en certitude. Quelles que fussent la constance et la 
discrétion de Vauvenargues, les coups dont la fortune le frappe sont 
si répétés, les blessures qu'elle lui fait sont si cruelles, que, parfois, la 
chair cède, et que le cri s'échappe. 

Les LeUres à Saint-Vincens éclaireront un des points inconnus de la 
vie de Vauvenargues, je veui dire sa lutte contre la pauvreté; mais 
l'attention s'arrêtera, de préférence, sur la Correspondance avec Mira- 
beau , que M. Gabriel Lucas-Montigny a récemment «découverte, au 
château de Mirabeau même, et mise à ma disposition. Les lecteurs les 
plus indifférents ne se seutbont pas moins obligés que moi envers 
M. Lucas-Montigny, et lui sauront gré du service qu'il a rendu aux 
lettres, en recueillant ces pages remarquables, et en me mettant à 
même de les publier '. 

Les lacunes de cette Correspondance sont, heureusement, peu consi- 
dérables, et la suite n'en est pas sensiblement rompue. Elle se com- 
pose de cinquante-neuf lettres : toutes sont intéressantes, et quelques- 
unes, par leur sujet aussi bien que par leur étendue, sont de petits 
traités philosophiques. Les deux correspondants ont le même âge, 
vingt-deux ans; même instruction, moins variée peut-être dans Vau- 
venargues, mais aussi moins disséminée, et plus forte sur les objets 
qu'elle a touchés; enfln, même passion pour la gloire, bien qu'ils l'ex- 
priment, comme ils la sentent, d'une manière différente : long- temps 
dissimulée chez l'un, elle s'étale complaisamment chez l'autre. Inconnus 
encore, ils se montrent tels qu'ils sont; ils sont vrais tous deux, parce 
que l'un, Vauvenargues, n'a jamais cessé de l'être, et parce que l'au- 
tre, Mirabeau, n'a point encore de personnage pris qu'il faille soutenir. 



I M. Lucas-Montigny les avait transcrites de sa main, dans le dessein de 
les publier lui-même ; il avait même commencé à y joindre des notes que j*ai 
conservées précieusement, et que Ton trouvera sous son nom. Les archives 
du chAtean de HiraDeau contiennent d'autres richesses encore, par exemple, 
la correspondance entre le marquis do Mirabeau et son frère le Bailli. La publi- 
cation de cette correspondance serait véritaUement un événement littéraire, 
et il serait à désirer que M. G. Lucas-Montigny, continuant Tœuvre de son 
père, se chargeAt d'un soin dont personne ne s'acquitterait aussi bien que lui. 



SUR CE VOLUME. m 

L'un a déjà toute rélévation de soncœur, Tautre, toute la verve de son 
esprit; l'un, sa tenue parfois trop discrète, Tautre, sa fougue toujours 
intempérante ; Tun, son air noble et grave, Tautre, son tour vif et 
amusant Ce contraste entre deux hommes de valeur réelle, quoique 
inégale, ne peut manquer d'exciter vivement l'intérêt. 

Dans mon travail d'annotation, je me suis attaché surtout à donner 
les renseignements nécessaires sur les noms et les faits que contient 
la Correspondance. J^ai puisé ces renseignements aux meilleures sour- 
ces, et je me suis principalement aidé des Mémoires de Mirabeau et des 
Rues d'Aix^ livre aussi intéressant qu'exact, auquel l'auteur, M. Roux- 
Alpberan, aurait pu donner un titre moins modeste. Tai conservé, d'ail- 
leurs, dans le reste du volume, les notes des éditions Suard et Brière, 
et j'y ai joint, comme je l'ai dit plus haut, celles de M. G. Lucas-Mon- 
tigny. Enfin, le volume est terminé par un Indes alphabétique donnant 
le résumé complet des matières contenues dans l'édition entière. Je 
puis parler avec éloge de ce dernier travail, car il ne m'appartient pas : 
je le dois à un ami de Vauvenargues et des lettres qui, à mon grand 
regret, ne m'a pas permis de le nommer. 

En terminant ici mon r61e d'éditeur, et en me séparant d'une œuvre 
qui m'a occupé plus d'un an sans relâche, je n'ai qu'un vœu à former, 
c'est que le public en tire le fruit que j'en ai tiré pour moi-même. Ce 
n'est pas sans profit qu'on entre en commerce intime avec le plus at- 
tachant des moralistes, avec l'homme qui a dit et prouvé que les 
grandes pensées viennent du cœur 

l«'jiiiUett857. 

G. 



DIALOGUES 



DIALOGUES 



1. - ALEXANDRE ET DESPRÉAUX. 



ALEXàNDBE. 

Eh bien ! mon ami Despréaux, me voulez-vous toujours 
beaucoup de mal ? Vous parais-je toujours aussi fou que 
vous m'avez peint dans vos satires? 

DESPRÉACX. 

Point du tout, seigneur, je vous honore, et je vous ai 
toujours connu mille vertus : vous vous êtes laissé cor- 
rompre par la prospérité et par les flatteurs ; mais vous aviez 
un beau naturel et un génie élevé. 

ALEXANDRE. 

Pourquoi donc m'avez-vous traité de fou ' et de ban- 

< Ce n*C8t pas sans raison qu'Alexandre reproche & Boileau la manière dont 
celui-ci l'a traité dans sa huitième satire. Voici ce qu'il dit : 

Quoi donc! à votre avis, fat-ce nn foa qu' Alexandre? 
— Qui? oet écerrelé qni mit TAsie en cendre? 
Ce fongueux rAngeli, qni, de aang altère *, 
liaitre dn monde entier ^ s'y trouTait trop serré **? 
L'enragé qall était, né roi d'une province 

* Deamarifts et Pndon ne manquèrent pas de relever l'espèce d'inconvenance qu'il y 
avait à faire on fou, nn iceneU, nn PAngeti enfin, dn héros auquel on compare si no* 
Idenent louis XrV, dans le vers 150 dn tioisième chant de V Art poétique : 

Qii*il loit tel que Céur, AU*a»dr§f <m Looi*. 

C'est, à la vérité, une petite inadvertance que Boileau aurait dû corriger, mais qne 
Louis XIV était trop grand pour apercevoir. — Charles XII, indigné, arracha, dit^n, ce 
feuillet des (Envres de Boileau. Qu'eût-il donc fait à la lecture du vers de Pope (ép. IV, 
vers ttO), qoi ne met aucune différence entre le fo* de Macédoine et celui de Suide ? 

Pnm MëotdoKia'ê wdwwn to l*« 5tMd«. — B. 



** Juvénal, dans son admiraUe satire X, vers 169, s'écrie, à propos du conqaérant ma- 
cédonieo : • Il sue, il élonflîB, le malheureux ! le monde est trop étroit pour Ini. • 

.AtiMf imtkUx mtguêlo in Umine mundi. 

Vers hien autrement énergique qne celui de Boileau, qui trouve, en général, nn adver- 
saire plos redoutable dans Jnvénal que dans Horace, sons le rapport de la verre et de 
i'cipresiiioB poétique. — B. 

♦ 1 



2 DIALOGUES. 

dit dans vos satii*es? Serait*il vrai que» vous autres 
poètes, vous ne réussissiez que dans les fictions ? 

DESPRÉAUX. 

J'ai soutenu toute ma vie le contraire ; et j'ai prouvé, je 
crois, dans mes écrits, que rien n'était beau, en aucun genre, 
que le vrai, .... 

ALEXANDRE. 

Vous avouez donc que vous aviez tort de me blâmer si 
aigrement? 

DESPRÉAUX. 

Je voulais avoir de l'esprit; je voulais dire quelque chose 
qui surprit les hommes ; de plus, je voulais flatter un autre 
prince qui me protégeait : avec toutes ces intentions, vous 
voyez bien que je ne pouvais pas être sincère. 

ALEXANDRE. 

Vous l'êtes, du moins^ pour reconnaître vos fautes, et 
cette espèce de sincérité est bien la plus rare ; mais pous- 
sez-la jusqu'au bout : avouez que vous n'aviez peut-être 
pas bien senti ce que je valais, quand vous écriviez contre 
moi. 

DESPRÉAUX. 

Cela peut être. J'étais né aivec quelque justesse dans 
l'esprit; mais les esprits justes, qui ne sont point élevés, 
sont quelquefois faux sur les choses de sentiment, et dont 
il faut juger par le cœur. 

ALEXANDRE. 

C'est, apparemment, par. cette raison que beaucoup d'es- 



Qu*il poaTiit gonrerner en bon et sage priuee, 
S'en alla follement, et pendant être I)iea, 
Goorir comme un bandit qni n'a ni feu ni lien ; 
£t, traînant arec soi les horreurs de la guerre , 
De sa vaste folie emplir toute la terre : 
Heureux si, de son temps, pour cent bonnes raisons, 
La Macédoine eût eu des Petites-Maisons; 
Et qu'un sage tuteur Teùt en cette demeure, 
Par avis de parents , enfermé de bonne heure ! 



DIALOGUES. 3 

prits justes m'ont méprisé; mais les grandes âmes m'ont 
estimé; et votre Bossuet, votre Fénelon, qui avaient le 
génie élevé, ont rendu justice à mon caractèrà, en blâmant, 
mes fautes et mes faibles. 

DÉSPRÉAUX. 

Il est vrai que ces écrivains paraissent avoir eu pour vous 
une extrême vénération ; mais ils l'ont poussée peut-être 
trop loin. Car enfin, malgré vos vertus, vous avez commis 
d'étranges fautes : comment vous excuser de la mort de 
Clitus ^, et de vous être fait adorer 7 

ALEXANDRE. 

J'ai tué Clitus dans un emportement que l'ivresse peut 
excuser. Combien de princes, mon cher Despréaux, ont fait 
mourir de sang-froid leurs enfants, leurs frères, ou leurs 
favoris, par une jalousie excessive de leur autorité ! La 
mienne était blessée par l'insolence de Clitus, et je l'en ai 
puni dans le premier mouvement de ma colère : je lui aurais 
pardonné dans un autre temps. Vous autres particuliers , 
mon cher Despréaux, qui n'avez nul droit sur la vie des 
hommes, combien de fois vous arrive-t-il de désirer secrè- 
tement leur mort, ou de vous en réjouir lorsqu'elle est 
arrivée? et vous seriez surpris qu'un prince, qui peut tout 
avec impunité, et que la prospérité a enivré, se soit sacrifié 
dans sa colère un sujet insolent et ingrat ! 



> GUtas, frère d'Hdlanicc, nourrice d'Alexwdre le Grand, se signala sous 
oe prince, et lui sauva la vie au passage du Granique, en coupant d'un coup 
de cimeterre le bras d'un satrape qui allait abattre de sa hache la tète du héros 
macédonien. Cette action lui gagnarramitié d'Alexandre. 

Dans un accès d'ivresse, ce roi se plaisait un Jour à exalter ses exploits et 
à rabaisser ceux de Philippe son père ; GUtns osa relever les actions de Phi- 
lippe aux dépens de celles d'Alexandre. Tu ai vaincu, lui dit-il, mais c*esi 
avec les soldats de ton père, n alla même Jusqu'à lui reprocher la mort de 
PhiloUft et de Parménion ; Alexandre, échauffé par le vin et la colère, suivit 
un premier mouvement, et le perça d'un Javelot, en lui disant : Va donc re- 
joindre Philippe, Parménion et PhUotas. Revenu à la raison, & la vue de son 
ami baigné de son sang, honteux et désespéré, il voulut se donner la mort ; 
mais les philosophes Callistbène et Anaxarque l'en empêchèrent — B 



i DIALOGUES. 

DESPRÉAUX. 

Il est vrai : nous jugeons trës-mal des actions d'autrui ; 
nous ne nous mettons jamais à la place de ceux que nous 
blâmons. Si nous étions capables d'une réflexion sérieuse 
sur nous-mêmes et sur la faiblesse de l'esprit humain^ nous 
exciiserions plus de fautes ; et, contents de trouver quelques 
vertus dans les meilleurs hommes, nous saurions les estimer 
et les admirer, malgré leurs vices K 



2. — FÉNELON ET BOSSUET. 

BOSSUE r. 

Pardonnez-moi, aimable prélat; j'ai combattu un peu 
vivement vos opinions, mais je n'ai jamais cessé de vous 
estimer. 

FÉNELOX. 

Je méritais que vous eussiez quelque bonté pour moi : 
vous savez que j'ai toujours respecté votre génie et votre 
éloquence. 

BOSSUET. 

Et moi, j'ai estimé votre vertu jusqu'au point d'en être 
jaloux. Nous courions la même carrière; je vous avais re- 
gardé d'abord comme mon disciple, parce que vous étiez 
plus jeune que moi ; votre modestie et votre douceur (n'a- 
vaient chamié, et la beauté de votre esprit m'attachait à 
vous ; mais, lorsque votre réputation commença à balancer 
la mienne, je ne pus me défendre de quelque chagrin ; car 
vous m*aviez accoutumé à me regarder comme votre maître. 

FÉNELON. 

Vous étiez fait pour l'être à tous égards ; mais vous étiez 
ambitieux : je ne pouvais approuver vos maximes en ce 
point. 

I Voii la 38« n flexion (sur la Tolérance), et la Maxime 395*. — G. 



DIALOGUES. 5 

BOSSUET. 

Je n'approuvais pas non plus toutes les vôtres : il me 
semblait que vous poussiez trop loin la modération, la piété 
scrupuleuse, et l'ingénuité. 

FÊNELON. 

En jugez-vous encore ainsi ? 

BOSSUET. 

MUS, j'ai bien de la peine à m'en défendre. Il me semble 
que l'éducation que vous avez donnée au duc de Bour- 
gogne * était un peu trop asservie à ces principes. Vous 
êtes l'homme du monde qui avez parlé aux princes avec le 
plus de vérité et de courage ; vous les avez instruits de leurs 
devoirs; vous n'avez flatté ni leur mollesse, ni leur orgueil, 
ni leur dureté*; personne ne leur a jamais parlé avec tant 
de candeur et de hardiesse ; mais vous avez peut-être poussé 
trop loin vos délicatesses sur la probité. Vous leur inspirez 
de la défiance et de la haine pour tous ceux qui ont de 
l'ambition; vous exigez qu'ils les écartent, autant qu'ils 
pourront, des emplois : n'est-ce pas donner aux princes un 



1 Louis, dauphin, fils 'aîné du Grand Dauphin et petit-fils de Louis XIV, 
père de Loub XV, naquit à Versailles le 6 août 1682, et reçut en naissant le 
nom de due de Bourgogne. Il eut le duc de Beauvilliers, un des plus honnêtes 
hommes de la cour, pour gouverneur, et Fénelon, qui était un des plus ver- 
tueux et des plus aimables, pour précepteur. Digne élève de tels maîtres, ce 
prince fut un modèle de vertus : il Teût été des rois ! — B. 

' s Qu'il nous soit permis de confirmer le Jugement de Vauvenargues par 
un trait que Thistoire nous a transmis. Le duc de Bourgogne était fort enclin 
à la colère; voici un des moyens que Fénelon employa pour réprimer ce pen- 
chant : un jour que le prince avait battu son valet d^ chambre, il s'amusait à 
considérer les outils d'un menuisier qui travaillait dans son appartement. 
L'ouvrier, instruit par Fénelon, dit brutalement au prince de passer son che- 
min, et de le laisser travailler. Le prince se fâche, le menuisier redouble de 
brutalité, et s'emportant jusqu'à le menacer, lui dit : Reiire%-vous, mon prince ; 
quand je mis en colère je ne connais personne. Le prince court se plaindre à 
son piécepteur de ce qu'on a introduit chez lui le plus méchant des hommes. 
Cest un trèê-bon ouvrier, dit froidement Fénelon ; son unique défaut est de 
se livrer à la colère. Leçon admirable, et qui fit mieux comprendre au prince 
combien la colère est une chose hideuse, que ne l'auraient fait les discours les 
pins éloquents. •— B. 



6 DIALOGUES. 

conseil timide? Un grand roi ne craint point ses sujets, et 
n'en doit rien craindre*. 

FÉNELON. 

J*ai suivi en cela mon tempérament, qui m'a peut-être 
poussé un peu au-delà de la vérité. J'étais né modéré et 
sincère ; je n'aimais point les hommes ambitieux et artifi- 
cieux : j'ai dit qu'il y avait des occasions où l'on devait s'en 
servir, mais qu'il fallait tâcher, peu à peu, de les rendre 
inutiles. 

BOSSUET. 

Vous vous êtes laissé emporter à l'esprit systématique. 
Parce que la modération, la simplicité, la droiture, la vérité, 
vous étaient chères, vous ne vous êtes pas contenté de re* 
lever l'avantage de ces vertus, vous avez voulu décrier les 
vices contraires. C'est ce même esprit qui vous a fait reje- 
ter si sévèrement le luxe : vous avez exagéré ses inconvé- 
nients, et vous n'avez point prévu ceux qui pourraient se 
rencontrer dans la réforme et dans les règles étroites que 
vous proposiez ^ 

FÉNELON. 

Je suis tombé dans une autre erreur, dont vous ne parlez 
pas : je n'ai tâché qu'à inspirer de l'humanité aux hommes 
dans mes écrits ; mais, par la rigidité des maximes que je 
leur ai données, je me suis écarté moi-même de cette hu- 
manité que je leur enseignais. J'ai trop voulu que les prin- 
ces contraignissent les hommes à vivre dans la règle, et 
j'ai condamné trop sévèrement les vices'. Imposer aux 
hommes un tel joug , et réprimer leurs faiblesses par des 
lois sévères, dans le même temps qu'on leur recommande 
le support et la charité, c'est, en quelque sorte, se contre- 
dire ; c'est manquer à l'humanité qu'on veut établir. 



< Voir la Maxime 368*, où la môme pensée est exprimée presque en mômes 
termes. — G. 
* Voyez, dans ce Tolume, le 3* Fragment (Sor le luxe). — G. 
Voir lo 42» Caracttre {Cloditu). — G. 



DIALOGUES. 7 

BOSSUET. 

Vous êtes trop modeste et trop aimable dans votre sincé- 
rité ; csLT, malgré ces défauts que vous vous reprochez, per- 
sonne, à tout prendre, n'était si propre que vous à former 
le cœur d'un jeune prince. Vous étiez né pour être le pré- 
cepteur des maîtres de la terre. 

FÉNELON. 

Et vous, pour être un grand ministre sous un roi am- 
bitieux ^ 

BOSSUËT. 

La fortune dispose de tout. Je pouvais être né avec quel- 
que génie pour le ministère, et j'étais instruit de toutes les 
connaissances nécessaires; mais je m'étais appliqué, dès 
mon enfance, à la science des Écritures et à l'éloquence. 
Quand je suis venu à la cour, ma réputation était déjà faite 
par ces deux endroits : je me suis laissé amuser par cette 
ombre de gloire. Il m'était difficile de vaincre les obstacles 
qui ni' éloignaient des grandes places., et rien ne m'empê- 
chait de cultiver mon talent : je me laissai dominer par mon 
génie : et je n'ai pas fait peut-être tout ce qu'un autre au- 
rait entrepris pour sa fortune, quoique j'eusse de l'ambition 
et de la faveur. 

FÉNELON. 

Je comprends très-bien ce que vous dites. Si le cardinal 
de Richelieu avait eu vos talents et votre éloquence, il n'au- 
ndt peut-être jamais été ministre. 

nossuET. 

Le cardinal de Richelieu avait de la naissance * ; c'est, en 
France^ un avantage que rien ne peut suppléer ; le mérite 
n'y met jamais les hommes au niveau des grands. Vous 

< Voir la Maxime 373*. — G. 

s Richelieu (Armand Jean du Pletais)^ né à Paris le 5 septembre 1586, 
sacré érê^ue de Laçon à T&ge de 22 ans, premier ministre de Louis XIII en 
novembre 1616, descendait d*une des plus anciennes familles du Poitou, n 
mourut à Paris le h décembre 1642. — fi. 



8 DIALOGUES. 

aviez aussi de la Daissancei mon cher Fénelon, et, par là» 
vous me primiez en quelque manière. Gela n*a pas peu 
contribué à me détacher de vous ; car fêtais peut-être in- 
capable d'être jaloux du mérite d'un autre; mais je ne pou- 
vais souffrir que le hasard de la naissance prévalût sur 
tout ; et vous conviendrez que cela est dur. 

FÊNELON. 

Oui, très-dur; et je vous pardonne les persécutions que 
vous m'avez suscitées par ce motir, car la nature ne m'avait 
pas fait pour vous dominer. 



3. — DÉMOSTHÈNE ET ISOCRATE. 

ISOCRATE * . 

Je vois avec joie le plus éloquent de tous les hommes. 
J'ai cultivé votre art toute ma vie, et votre nom et vos 
écrits me sont chers- 

DÉMOSTHÈNE ^ 

Vous ne me l'êtes pas moins, mon cher Isocrate, puis- 
que vous aimez l'éloquence ; c'est un talent que j'ai idolâ- 
tré. Mais il y avait, de mon temps, des philosophes qui l'es- 
timaient peUy et qui le rendaient méprisable au peuple. 

ISOCRATE. 

N'est-ce pas plutôt que, de votre temps, Téloquence n é- 
tait point encore à sa perfection * 7 



* Isocnte naquit à Athènes Tan 636 avant J. C. n devint, dans Técole de 
GoTgias et de Prodicua, Tun des plus grands maîtres dans Tart de la parole. 
Sa Toix était faible et sa timidité excessive : aussi il ne parla Jamais en pu- 
blic dans les grandes affaires de TÉtat; mais ses leçons lui procurèrent une 
fortune inunense. — B. 

* Le nom par lequel Isocrate désigne Démosthëne, en l'appelant le pîun 
éloquent de tout les hommes, est celui que la postérité a confirmé à ce célèbre 
orateur, qui naquit à Athènes Tan 381 avant Jésus-Christ. — B. 

3 Cette phrase donnerait à penser qu*Isocrate est postérieur à Démosthène; 
rtr, quand Démosthène est n<*, Isocrate avait déjà 53 an». -- G. 



DIALOGUES. tf 

DÉMOSTHÈNE. 

Hélas ! mon cher Isocrate, vous ne dites que trop vrai. 
11 y avait, de mon temps, beaucoup de déclaniateurs et de 
sophistes, beaucoup d'écrivains ingénieux, harmonieux, 
fleuris, élégants, mais peu d'orateurs véritables; ces mau- 
vais orateurs avaient accoutumé les hommes à regarder 
leur art comme un jeu d'esprit, sans utilité et sans consis- 
tance. 

ISOGRATE. 

Est-ce qu'ils ne tendaient pas tous, dans leurs discours, 
à persuader et à convaincre ? 

DÉMOSTHÊNE. 

Non, ils ne pensaient à rien moins. Pour ménager notre 
délicatesse, ils ne voulaient rien prouver ; pour ne pas blesser 
la raison, ils n'osaient rien passionner : ils substituaient, 
dans tous leurs écrits, la finesse à la véhémence, l'art au 
sentiment, et les traits aux grands mouvements ; ils discu- 
taient quelquefois ce qu'il fallait peindre, et ils effleuraient 
en badinant ce qu'ils auraient dû approfondir; ils fardaient 
les plus grandes vérités par des expressions affectées, des 
plaisanteries mal placées, et un langage précieux; leur 
mauvaise délicatesse leur faisait rejeter le style décisif, 
dans les endroits même où il est le plus nécessaire : aussi, 
laissaient-ils toujours l'esprit des écoutants dans une par- 
faite liberté, et dans une profonde indifférence. Je leur criais 
de toute ma folx^e : celui qui est de sang-froid n'échauffe 
pas; celui qui doute ne persuade pas ; ce n'est pas ainsi 
qu'ont parlé nos maîtres * ! Nous flatterions-nous de con- 
naître plus parfaitement la vérité que ces grands hommes, 
parce que nous la traitons plus délicatement ? C'est parce 
que nous ne la possédons pas comme eux, que nous ne 
savons pas lui conserver son autorité et sa force. 

< Voir les Maximes 113' rt 335"; voir aussi le 53' Caraelère [Lys\B<). — G. 



10 DIALOGUES. 

ISOGRATE. 

Mon cher Démostbëoe, permetiez-moi de vous interrom- 
pre : est-ce,qae vous pensez que Téloquence soit Tartde 
mettre dans son jour la vérité 7 

DÉIIOSTHÈNE. 

On peut s'en ser\'îr quelquefois pour insinuer un men- 
songe; mjûs'c'est par une foule de vérités de détail qu'on 
parvient à faire illusion sur l'objet principal. Un discours, 
tissu de mensonges et de pensées fausses, fût -il plein 
d'esprit et d' imagination « serait faible» et ne persuaderait 
personne*. 

ISOGRATE. 

Vous croyez donc, mon cher Démosthëne, qu'il ne suffit 
point de peindre et de passionner, pour faire un discours 
éloquent ? 

DÉMOSTHËNE. 

Je crois qu'on peint faiblement, quand on ne peint pas 
la vérité ; je crois qu'on ne passionne point, quand on ne 
soutient point le pathétique de ses discours par la force de 
ses raisons ; je crois que peindre et toucher sont des par- 
ties nécessaires de l'éloquence, mais qu'il y faut joindre, 
pour persuader et pour convaincre, une grande supériorité 
de raisonnement. 

ISOGRATE. 

On n'a donc, selon vous, qu'une faible éloquence, lors- 
qu'on n'a pas, en même temps, une égale supériorité de 
raison, d'imagination et de sentiment; lorsqu'on n'a pas une 
âme forte et pleine de lumières, qui domine de tous côtés 
les autres honmies ? 

DÉMOSTHÈIfE. 

« 

Je Voudrais y ajouter encore l'élégance, la pureté et 
rharmonie; car, quoique be soient des choses moins es- 
sentielles, elles contribuent cependant beaucoup à l'illu- 

< Voir la Muime 276'. — G. 



DIALOGUES. 11 

sîoD, et donnent une nouvelle force aux raisons et aux 
images \ 

ISOGRATB. 

Ainsi vous voudriez qu'un orateur eût d'abord l'esprit 
profond et philosophique, pour parler avec solidité et avec 
ascendant; qu'il eût ensuite une grande imagination, pour 
étonner l'âme par ses images, et des passions véhémentes, 
pour entraîner les volontés. Est-il surprenant qu'il se 
trouve si peu d'orateurs, s'il faut tant de choses pour les 
former ? . 

DÉMOSTBÈNE. 

Non, il n'est point surprenant qu'il y ait si peu d'ora- 
teurs; mais il est extraordinaire que tant de gens se pi- 
quent de l'être. Adieu, je suis forcé de vous quitter ; mais 
je vous rejoindrai bientôt,* et noua reprendrons, si vous le 
voulez, notre sujet. 



A. — DÉMOSTHÈNE ET ISÔCRATE. 

ISOCRATE. 

Je VOUS retrouve avec plaisir, illustre orateur : vous 
m*avez presque persuadé que je ne connaissais guère l'élo- 
quence ; mais j'ai encore quelques questions à vous faire. 

DÉMOSTHÈNE. 

Parlez, ne perdons point de temps ; je serais ravi de vous 
faire approuver mes maximes. . 

ISOCBATE. 

Croyez-vous que tous les sujets soient susceptibles d'é- 
loquence ? 

DÉMOSTHÈNE. 

Je n'en doute pas ; il y a toujours une manière de dire 

* Rapproches da 13* chap. de Vlntroduclion à la Connaissance de Vesprit 
humain. — G. 



i'À DIALOGUES. 

les choses, quelles qu'eHes soient , plus insinuante, plus 
persuasive : le grand art est, je crois, de proportionner son 
discours à son sujet; c'est avilir un grand sujet, lorsqu'on 
veut l'orner, l'embellir, le semer de fleurs et de traits. C'est 
encore une faute plus choquante, lorsqu'on excitant de 
petits intérêts, on veut exciter de grands mouvements, 
lorsqu'on emploie de grandes figures, des tours pathétiques : 
tout cela devient ridicule, lorsqu'il n'est point placé, et c'est 
le défaut de tous les déclamateurs, de tous les écrivains 
qui n'écrivent point de génie, mais par imitation. 

ISOCRATE. 

J'ai toujours été choqué, plus que personne, de ce défaut. 

DÉMOSTHÈNE. 

Ceux qui y tombent en sont choqués eux-mêmes, lors- 
qu'ils l'aperçoivent dans les autres. Il y a peu d'écrivains 
qui ne sachent les règles, mais il y en a peu qui puissent 
les pratiquer : on sait, par exemple, qu'il faut écrire sim- 
plement ; mais on ne pense pas des choses assez solides 
pour soutenir la simplicité ; on sait qu'il faut dire des choses 
vraies ; mais, comme on n'en imagine pas de telles, on en 
suppose de spécieuses et d'éblouissantes ; en un mot, on 
n'a pas le talent d'écrire, et on veut écrire \ 

ISOCRATE. 

De là, non-seulement le mauvais style, mais le mauvais 
goât ; car, lorsqu'on s'est écarté des bons principes par fai- 
blesse, on cherche à se justifier par vanité, et on se flatte 
d'autoriser les nouveautés les plus bizarres, en disant qu'il 
ne faut donner l'exclusion à aucun genre, comme si le faux, 
le frivole et l'insipide méritaient -ce nom '. 

DÊMOSTHÈNE. 

II y a plus, mon cher Isocrate ; on ne se contente pas 



* Voir le O* Fragment (Sar le» mauvais écrivain!^). ^ G. 
t Voir la Maximo 272'. — G. 



DIALOGUES. n 

de dire des choses sensées, on veut dire des choses nou* 
velles. 

ISOGRATE. 

Mais ce soin serait-il blâmable? les hommes ont-ils be- 
soin qu'on les entretienne de ce qu'ils savent? 

OÉMOSTHÈNE. 

Oui, très-grand besoin ; car il n'y a rien qu'ils ne pois- 
sent mieux posséder qu'ils ne le possèdent, et il n'y a rien 
non plus qu'un honune éloquent ne puisse rajeuni^pai* ses 
expressions. 

ISOCRATE. 

Selon vous, rien n'est usé ni pour le peuple, ni pour ses 
maîtres*? 

DÉMOSTHÈHE. 

Je dis plus, mon cher Isocrate ; l'éloquence ne doit guère 
s'exercer que sur les vérités les plus palpables et les plus 
connues. Le caractère des grandes vérités est l'antiquité ; 
l'éloquence qui ne roule que sur des pensées fines ou abs- 
traitest dégénère en subtilité ; il faut que les grands écri- 
vains imitent les pasteurs des peuples : ceux-ci n'annoncent 
point aux hommes une nouvelle doctrine et de nouvelles 
vérités. 11 ne faut pas qu'un écrivain ait plus d'amour- 
propre ; s'il a en vue l'ptilité des hommes, il doit s'oublier, 
et ne parler que pour enseigner des choses utiles. 

ISOCRATE. 

Je n'ai point suivi, mon cher maître, ces maximes. J'ai 
cherché, au contraire, avec beaucoup de soin à m' écarter 
des maximes vulgaires : j'ai voulu étonner les hommes, en 
leur présentant sous de nouvelles faces les choses qu'ils 
croyaient connaître; j'ai dorade ce qu'ils estimaient, j'ai 
loué ce qu'ils méprisaient; j'ai toujours pris le côté con- 
traire des ophiions reçues, sans m' embarrasser de la vérité ; 
je me suis moqué surtout de ce qu'on traitait sérieusement ; 

1 Voir les Maximes 398^-ftOO*. — G. 



14 DIALOGUES. 

les hommes ont été la dupe de ce dédain affecté ; ils m'ont 
cru supérieur aux choses que je méprisais. Je n'ai rien 
établi, mais j'ai tâché de détruire : cela m'a fait un grand 
nombre de partisans, car les hommes sont fort avides de 
nouveautés •* 

DÉMOSTHÈNE. 

Vous aviez l'esprit fin, ingénieux, profond ; vous ne man- 
quiez pas d'imagination ; vous saviez beaucoup ; vos ou- 
vrages sont pleins d'esprit, de traits, d'élégance, d'érudi- 
tion ; vous aviez un génie étendu, qui se portait également 
à beaucoup de choses : avec de si grands avantages, vous 
ne pouviez manquer d'imposer à votre siècle, dans lequel il 
y avait peu d'hommes qui vous égalassent. 

ISOCBàTE. 

J'avais peut-être une partie des qualités que vous m'at- 
tribuez ; mais je manquais d'élévation dans le génie, de sen- 
sibilité, et de passion c ce défaut de.sentiment a corrompu 
mon jugement sur beaucoup de choses ; car, lorsqu'on a un 
peu d'esprit, on croit être en droit de juger de tout. 

DÉMOSTHÈNE. 

Vofis avouez là des défauts que je n'aurais jamais osé 
vous faire connaître. 

ISOGRATE. 

Je n'aurais pas pardonné, tant que j'ai vécu, à quiconque 
aurût eu la hardiesse de me les découvrir. Les hommes 
désirent souvent qu'on leur dise la vérité; mais il y a beau- 
coup de vérités qui sont trop iortes pour eux, et qu'ils ne 
sauraient supporter ; il y en a même qu'on ne peut pas croire, 
parce qu'on n'est point capable de les sentir. Ainsi, on de- 
mande à ses amis qu'ils soient sincères ; et, lorsqu'ils le 
sont, on les croit injustes ou aveugles, et on s'éloigne d'eux ' : 
mais, ici, on est guéri de toutes les vsûnes délicatesses, et 

i Rapprochez du 52« Caractère- — G. 

* Voyei la Maxime 175', %t V addition qui s*y rapporte. — G. 



DIALOGUES. 15 

la vérité ne blesse plus. Mais revenons à notre sujet : dites- 
moi quelles sont les qualités que vous exigeriez dans un 
orateur. 

DÉMOSTHÈNE. 

Je vous l'ai déjà dit : un grand génie, une forte îmagi- 
natioUy une âme sublime. Je voudrais donc qu'un homme, 
qui est né avec cette supériorité de génie qui porte à vou- 
loir régner sur les esprits, approfondit d'abord les grands 
principes de la morale ; car toutes les disputes des hommes 
ne roulent que sur le juste et l'injuste, sur le vrai et le 
faux ; et l'éloquence est la médiatrice des hommes, qui ter- 
mine toutes ces disputes. Je voudrais qu'un homme élo- 
quent fût en état de pousser toutes ses idées au-delà de 
l'attente de ceux qui l'écoutent, qu'il sortit des limites de 
leur jugement, et qu'il les maîtrisât par ses lubières, dans 
le même temps qu'il les domine par la force de son iinàgi- 
nation, et par la véhémence de ses sentiments. 11 faudrait 
qu'il fût grand et simple, énergique et clair, véhément sans 
déclamation, élevé sans ostentation, pathétique et fort 
sans enflure. J'aime encore qu'il soit hardi, et qu'il soit 
capable de prendre un grand essor; mais je veux qu'on 
soit forcé de le suivre dans ses écarts, qu'il sorte na- 
turellement' de soû sujet, et qu'il y rentre de même, sans le 
secours de ces transitions languissantes et méthodiques, 
qui refroidissent les meilleurs discours.' Je veux qu'il n'ait 
jamais d'art, ou, du moins, que sonart consiste à peindre 
la nature plus fidèlement, à mettre les choses à leur place, 
à ne dire que ce qu'il faut, et de la manière qu'il le faut. 
Tout ce qui s'écarte de la nature est d'autant plus défec- 
tueux qu'il s'en éloigne davantage : le sublime, la véhé- 
mence^ |e raisonnement, la magnificence, la simplicité, la 
hardiesse, toutes ces choses ensemble ne sont que l'image 
d'une nature forte et vigoureuse ; quiconque n'a point cette 
nature ne peut l'imiter. C'est pourquoi il vaut mieux écrire 
froidement, que de se guinder et de se tourmenter pour dire 
ou de grandes choses, ou des choses passionnées. 



16 DIALOGUES. 

iSUGBATE. 

Je pense bien comme vous, mon cher Démostbëne ; mais, 
cela étant ainsi, ies règles deviennent inutiles : les hommes 
sans génie ne peyvent les pratiquer, et les autres les trou- 
vent dans leur propre fonds, d'où dles ont été tirées *• 

DÉMOSTHÈNE* 

Qodque génie qu'on puisse avoir, on a besoin de Texercer 
et de le corriger par la réflexion et par les règles, et les pré- 
ceptes M sont point inutiles. 

ISOCRATE. 

Quelle est donc la manière la plus courte de s'exercer à 
l'éloquence 7 

DÊMOSTHÈNE. 

La conversatifNi, lorsque Ton s'y propose quelque objet. 

ISOCRàTE. 

Ainsi, c'est en traitant de ses plaisirs et de ses affaires, 
en négociant journellement avec les hommes, qu'on peut 
s'instruire de cet art aimable 1 

DÉIIOSTHtoE. 

Oui, c'est dans ce commerce du monde qu'on puise ces 
tours naturels, ces insunuations, ce langage familier, cet art 
de se proportionner à tous les esprits, qui demande un gé- 
nie si vaste : c'est là qu'im apprend, sans eflTort, à déployer 
les ressources de son esprit et de son Ame ' ; l'imagination 
s'échauffe par la contradictira ou par l'intérêt, et fournit 
un grand nombre de figures et de réflexions pour persuader. 

ISOCIIATe. 

Cependant, mon cher Démostbëne, je crois qu'il faut 
aussi un peu de solitude et d'habitude d'écrire dans son 



i Voir la Maiime SM*. — G* 

s Voir la 17* HêlUxion, et le k* Conuil à un Jeune homme ; voir aussi la 
Maùme lOM. —G. 



DIALOGUES. 17 

cabinet : c'est dans le silence de la retraite que Tâme, plus 
à soi et plus recueillie, s'élève à ces grandes pensées et à cet 
enthousiasme naturel qui transportent l'esprit, mènent au 
sublime, et produisent tous ces grands mouvements que l'art 
n'a jamais excités. La lecture des grands poètes n'y est pas 
inutile ; mais il faut avoir le génie poétique pour saisir leur 
esprit, et il faut, en même temps, avoir de la sagesse pour 
accorder leur style à la simplicité des sujets qu'on traite ; 
sdnsi, voilà bien des mérites à rassembler. Mais, après tout 
cela, mon cher Démosthène, on ne persuadera jamais au 
peuple que l'éloqaence soit un art utile. 

DÉMOSTHÈNE. 

Je prétends qu'il n'en est aucun qui le soit davantage : il 
n'y a ni plaisir, ni affaire, ni conversation, ni intrigue, ni 
discours public, où l'éloquence n'ait de l'autorité ; elle est 
nécessaire aux particuliers, dans tous les détails de la vie ; 
elle est plus nécessaire aux gens en place, parce qu'elle 
leur sert à mener les esprits, à colorer leurs intentions, à 
gouverner les peuples, à négocier avec avantage vis-à-vis 
des étrangers ; de plus, elle répand sur toute une nation un 
grand éclat, elle éternise la mémoire des grandes actions. 
Les étrangeis sont obligés de chercher dans ses chefs-d'œu- 
vre l'art de penser et de s'exprimer ; elle élève et instruit, en 
même temps, l'esprit deshommes ; elle fait passer peu à peu 
dans leurs pensées la hauteur et les sentiments qui lui sont 
propres. Des hommes qui pensent grandement et fortement 
sont toujours plus disposés que les autres à se conduire avec 
sagesse et avec courage. 

ISOCRATE. 

Je désire plus que personne que les hommes puissent vous 
croire. 

DÉMOSTHÈNE. 

Us ne me croiront point, mon ther Isocrate; caril y a bien 
des raisons pour que l'éloquence ne se relève jamais. Mais 



18 DIALOGUES. 

la vérité est indépendante des opinions et des intérêts des 
hommes; et, enfin, le nombre de ceux qui peuvent goûter 
de certaines vérités est bien petit ; mais il mérite qu'on ne 
le n^lige pas, et c*est pour lui seul qu'il faut écrire. 



5. — PASCAL ET FÉNELON. 

FÉNELON. 

Dites-moi, je vous prie, génie sublime, ce qu& vous pen- 
sez de mon style 7 

PASCAL. *- 

11 est enchanteur, naturel, fadle, insinuant Vous avez 
peint les hommes avec vérité, avec feu et avec grftce * ; les 
caractères de votre TiUmaque sont très-variés ; il y en a de 
grands et même de forts, quoique ce ne fût point votre 
étude de les faire tels. Vous ne vous êtes point piqué de 
rassembler en peu de mots tous les traits de vos caractères > ; 
vous avez laissé courir votre plume, et donné un libre essor 
à votre imagination vive et féconde. 

FÉNELON. 

J'ai cru qu'un portrait rapproché annonçait trop d'art. 
11 ne m'appartenait point d'être en même temps concis et 
naturel ; je me suis borné à imiter la naïveté d'une conver- 
sation facile où l'on présente, sous des images différentes, 
les mêmes pensées, pour les imprimer plus vivement dans 
l'esprit des hommes. 

PASCAL. 

Gela n'a pas empêché qu'on ne vous ait reproché quel- 
ques répétitions ; mais il est usé de vous excuser*. Vous 
n'écriviez que pour porter les hommes à la vertu et à la 
piété ; vous ne croyiez point qu'on pût trop inculquer de 

i Voir le 1** Fragment (Sor les orateurs). — G. 

• Gomme La Brayère, par exemple. — G. 

' Rapproches da 3* Fragment (SurFénelon). -—G. 



DIALOGUES. 19 

telles vérités , et vous vous êtes trompé en cela : car la plu- 
part des hommes ne lisent que par vanité et par curiosité ; 
ils n'ont aucune affection pour les meilleures choses, et il 
s'ennuient bientôt des plus sages instructions. 

FÉNELON. 

J'ai eu tort, sans doute, de plusieufs manières : j'avais 
fait un système de morale ; j'étais comme tous les esprits 
systématiques, qui ramènent sans cesse toutes choses à leurs 
principes. 

PASCAL. 

J'ai fait un système tout comme vous, et^ en voulant rame- 
ner à ce système toutes choses, je me suis peut-être écarté 
quelquefois de la vérité, et on ne me l'a point pardonné. 

FÉNELON. 

A.U naoins, ne s'est-il trouvé encore personne qui n'ait 
rendu justice à votre style : vous aviez joint à la naïveté du 
vieux langage une énergie qui n'appartient qu'à vous, et une 
brièveté pleine de lumière ; vos images étaient fortes, gran- 
des et pathétiques. Mais ce qu'il y a eu d'éminent en vous, 
ce en quoi vous avez surpassé tous les hommes , c'est dans * 
l'art de mettre chaque chose à sa place, de ne jamais rien 
dire d'inutile, de présenter la vérité dans le plus beau jour 
qu'elle pût recevoir, de donner à vos raisonnements une 
force invincible, d'épuiser, en quelque manière, vos sujets, 
sans être jamais trop long, et, ennn, de faire croître l'intérêt 
et la chaleur de vos discours jusqu'à la fin. Aussi Despréaux 
a-t-il dit que vous étiez également au-dessus des anciens, 
et des modernes, et beaucoup de gens sensés sont per- 
suadés que vous aviez plus de génie pour l'éloquenc"^ que 
Démosthène ^ 

PASCAL. 

Vous me surprenez beaucoup; je n'ai vu encore per- 

* Tel est le texte da manuscrit; pour que la phrase fût correcte, il faudrait 
supprimer le root dam. — G. 

* Voir le 4* Fragment (Sur Pascal et Bossuet). — G. 



20 DIALOGUES. 

sonne qui ait égalé les modernes aux anciens, pour Félo- 
quence. 

FÊNELON. 

Connaissez-vous la majesté et la magnificence de Bos- 
suet? croyez- vous qu'il n'ait pas surpassé, au moins en ima- 
gination, en grandeur et en sublimité, tous les Romains et 
les Grecs? Vous êtes mort avant qu'il parût dans le monde ; 
et vous n'avez point vu ces Oraisons funèbres admirables, 
où il a égalé peut-être les plus grands poètes, et par cet 
enthousiasme singulier dont elles sont pleines, et par cette 
imagination toujours renaissante, qui n'a été donnée qu'à 
lui, et par les grands mouvements qu'il sait exciter, et, 
enfin, par la hardiesse de ses transitions, qui, plus natu- 
relles que celles de nos odes, me parussent aussi surpre- 
nantes, et plus sublimes. 

PASCAL. 

J'ai encore ouï parler ici avec estime de son Discours sur 
f histoire universelk. 

FÉNELON. 

C'est peut-être le plus grand tableau qui soit sorti de la 
main des hommes; mais il n'est pas aussi admirable dans 
tous ses ouvrages. 11 a fait une Histoire des Variations qui 
est estimable ; mais, si vous aviez traité le même sujet, vous 
auriez réduit ses quatre vglumes à un seul, et vous auriez 
combattu les hérésies avec plus de profondeur et plus 
d'ordre ; car ce grand homme ne peut vous être comparé 
du côté de la force du raisonnement, et des lumières de l'es- 
prit : aussi a-t-il fait une foule d'autres ouvrages que vous 
n'auriez pas même daigné lire. C'est que les plus grands 
génies manquent tous par quelque endroit ; mais il n'y a 
que les petits esprits qui prennent droit de les mépriser 
pour leurs défauts. 

PASCAL. 

Tout ce que vous me dites me parait vrai ; mais permet- 



DIALOGUES. 21 

lez-moi de vous demander ce que c*est qu'un certain évèque 
qu'on a égalé à Bossue! pour l'éloquence. 

FÉNELON. 

Vous voulez parler sans doute de Fléchier : c'est un rhé- 
teur qui écrivait avec quelque élégance, qui a semé quel- 
ques fleurs dans ses écrits, et qui n'avait point de génie. 
Mais les hommes médiocres aiment leurs semblables, et les 
rhéteurs le soutiennent encore dans le déclin de sa répu- 
tation . 

PASCAL. • 

N'y a-t-il point eu, sous le beau règne de Louis XIV, 
d'autre écrivain de prose, de génie * ? 

FÉNELON. 

C'est un mérite qu'on ne peut refuser à La Bruyère. Il 
n'avait ni votre profondeur, ni l'élévation de Bossuet, ni 
les grâces que vous me trouvez ; mais il était un peintre 
admirable. 

PASCAL. 

En vérité, ce nombre est bien petit; mais le génie est 
rare, dans tous les temps et dans tous les genres : on a vu 
passer plusieurs siècles sans qu'il parût un seul homme 
d'un vrai génie. 



6. — MONTAIGNE ET CHARRON. 

CHARRON. 

Expliquons-nous, mon cher Montaigne, puisque nous le 
pouvons présentement. Que vonliez-vous insinuer quand 
vous avez dit : Plaisante jtistice quune rivière ou une mon- 
tagne Ifome! Vérité au-delà des Pyrénées, erreur au-deçà^f 

t Voir le 5« Fragment (Sur les Prosateurs du 17« siècle). — G. 
s L'auteur cite ici les paroles de Pascal (voyez ses Pensées) ; Montaigne, de 
qui Pascal a emprunté cette idée, s'est servi des paroles suivantes : « Quelle 



22 DIALOGUES. 

Avez-vous prétendu qu'il n'y eût pas une vérité et une jus- 
tice réelles? 

MONTAIGNE. 

J'ai prétendu, mon cher ami, que ia plupart des lois 
étaient arbitraires, que le caprice des hommes les avait 
faites, ou que la violence les avait imposées : ainsi, elles 
se sont trouvées fort différentes selon les pays, et, quelque- 
fois, très-peu conformes aux lois de l'équité naturelle. Mais, 
comme il n'est pas possible que l'égalité se maintienne 
parmi les hommes, je prétends que c'est justement qu'on 
soutient les lois de son pays« et que c'est à bon titre qu'on 
en fût dépendre la justice. Sans cela, il n'y aiurait plus de 
règle dans la société, ce qui serait un plus grand mal que 
celui des particuliers lésés par les lois. 

CHARBON. 

Hais, dites-moi, parmi ces lois et ces coutumes diffé- 
rentes, croyez-vous qu'il s'en trouve quelques-unes de plus 
conformes à la raison et à l'équité naturelle que les autres? 

MONTAIGNE. 

Oui, mon ami, je le crois ; et, cependant, je ne pense 
pas que ce fût un bien dç changer celles qui paraissent 
moins justes ; car, en général, le genre humain souffre moins 
des lois injustes que du changement des lois; mais il y a 
des occasions et des circonstances qui le demandent. 

CHARRON. 

Et quelles sont ces circonstances où l'on peut, justement 
et sagement, changer les lois ? 

MONTAIGNE. 

C'est sur quoi il est difficile de donner des règles géné- 
rales : mais les bons esprits, lorsqu'ils sont instruits de 

beauté est-ce queie vayins hier en creidit, et demain ne lettre pUaf Quelle 
vérité est-ce que ces montagnes bornent? Mensonge au monde qui se tient 
oiMff ià. » Essais, Hv. II, chap. 2. — S. 



DIALOGUES. 23 

TéUt d'une natioDy sentent ce que Ton peut et ce qu'on 
doit tenter ; ils connaissent le génie des peuples, leurs be* 
soins, leurs vœux, leur puissance ; ils savent quel est l'in- 
térêt général et dominant de l'État ; ils règlent là-dessus 
leurs entreprises et leur conduite. 

CHARRON. 

n faut avouer qu'il y a bien peu d'hommes assez habiles 
pour juger d'un si grand objet, peser les avantages et les 
inconvénients de leurs démarches, et embrasser d'un coup 
d'œil toutes les suites d'un gouvernement qui influe quel- 
quefois sur plusieurs siècles, et qui est assujetti, pour son 
succès, à la disposition et au ministère des États voisins. 

MONTAIGNE. 

C'est ce qui fait, mon cher Charron, qu'il y a si peu de 
grands rois et de grands ministres. 

CHARRON. 

S'il vous fallait choisir entre les hommes qui ont gou- 
verné l'Europe depuis quelques siècles, auquel donneriez- 
vous la préférence? 

MONTAIGNE. 

Je serais bien embarrassé. Charles-Quint , Louis XII, 
Louis XIV, le cardinal de Richelieu, le chancelier Oxens- 
tieni, le duc d'Olivarez, Sixte-Quint, la reine Elisabeth, 
ont tous gouverné avec succès et avec gloire, mais avec des 
principes, des moyens, et une politique difiërente. 

CHARRON. 

C'est que l'état, la puissance, les mœurs, la religion, etc. , 
des peuples qu'ils gouvernaient différaient aussi beaucoup, 
et qu'ils ne se sont point trouvés dans les mêmes circon- 
stances. 

MONTAIGNE. 

Quand ils se seraient trouvés dans la même position, et 
auraieht eu à gouverner, dans les mêmes circonstances, 
les mêmes peuples, il ne faut pas croire qu'ils eussent 



24 DIALOGUES. 

suivi les mêmes maximes, et fonné les mêmes plans ; car 
il ne faut pas croire qu'on soit assujetti à un seul plan, pour 
régner avec gloire : chacun, en suivant son génie particu* 
lier, peut exécuter de grandes choses. Le cardinal Ximenez 
n'aurait point gouverné la France comme celui de Riche- 
lieu *, et l'aurait, vraisemblablement, bien gouvernée. Il y 
a plusieurs moyensd'arriver au même but ; on peut même se 
proposer un but différent, et que ' celui qu'on se propose et 
celui qu'on néglige soient accompagnés de biens et d'in- 
convénients égaux; car vous savez qu'il y a, en toutes 
choses, des inconvénients inévitables. 



7. — UN AMÉRICAIN ET UN PORTUGAIS. 

L'AlfÉRICAIN. 

Vous ne me persuaderez point : je suis très-convaincu 
que votre luxe, votre politesse et vos arts n'ont fait qu'aug- 
menter nos besoins, corrompre nos mœurs, allumer davan- 
tage notre cupidité ; en un root, corrompre la nature, dont 
nous suivions les lois avant de vous connaître. 

LE PORTUGAIS. 

Mais qu'appelez- vous donc les lois de la nature? Suiviez- 
vous en toutes choses votre instinct? ne l'aviez-vous pas 
assujetti à de certaines règles, pour le bien de la société ? 

l'américain. 
Oui; mais ces règles étaient conformes à la raison. 

LE PORTUGAIS. 

Je vous demande eqcore ce que vous appelez la rsûson. 

* Comme celui de Richelieu. Cette incorrection se trouve dans le manu- 
scrit; il faudrait répéter le cardinal^ ou dire comme Richelieu, — B. 

* Phrase incorrecte : pour amener ici le que , il faudrait que le premier 
membre de phrase fût ainsi construit : // se peut même qu'on te propou un 
M différeni. — G. 



DIALOGUES. 25 

Est-ce une lumière que tous les hommes apportent au 
monde en naissant? Cette lumière ne s'augmente-t-elle point 
par rexpérience, par rapplicaUon 7 n'est-elle pas plus vive 
dans quelques esprits que dans les autres? De plus, le 
concours des réflexions, et rexpérience d'un grand nombre 
d'hommes, ne donnent»ils pas plus d'étendue et plus de 
vivacité à cette lumière ? 

l'américain. 

Il y a quelque chose de vrai à ce que vous dites ; cette 
lumière naturelle peut s'augmenter, et la raison, par consé- 
quent, se perfectionner;.. 

LE PORTUGAIS. 

Si cela eàt ainsi, voilà la source de nouvelles lois, voilà 
de nouvelles règles prescrites à l'instinct, et, par consé- 
quent, un changement avantageux dans la nature ; je parle 
ici de la nature de l'homme, qui n'est autre chose que le 
concours de son instinct et de sa raison. 

l'américain. 

Mais nous appelons la nature le sentiment, et non la rai- 
son*. 

LE PORTUGAIS. 

Est-ce que la raison n'est pas naturelle à Thomme, comme 

le sentiment? N'est-il pas né pour réfléchir, comme pour 

sentir? et sa nature n'est-elle pas composée de ces deux 

qualités? 

l'américain. 

Oui, j'en veux bien convenir ; mais je crois qu'il y a un 
certain degré, au-delà duquel la raison s'égare lorsqu'elle 
veut pénétrer. Je crois que le genre humûn est parvenu- de 
bonne heure à ce point de lumière, qui est à la raison ce 
que la maturité est aux fruits. 

* n n*y a qu*& lire la Maxime 123«, et la note qui s'y rapporte, pour s'assu- 
rer que Vauvenargues est, ici, du côté de V Américain, ^ G. 



26 DIALOGUES. 

LB PORTUGAIS. 

Vous comparez doQcle génie du genre humsun à un grand 
arbre qui n'a porté des fruits mûrs qu'avec le temps, msds 
qui, ensuite, a dégénéré, et a perdu sa fécondité avec sa 
force? 

L*AlfÉRICATN. 

Cette comparaison me parait juste. 

LE PORTUGAIS. 

Msds qui vous a dit que vous eussiez atteint, en Améri- 
que, ce point de maturité? qui vous a dit qu'après l'avoir 
acquis, vous ne l'aviez pas perdu? Ne pourrads-je pas com- 
parer les arts, que nous vous avons apportés d'Europe, à la 
douce influence du printemps, qui ranime la terre languis- 
sante, et rend aux plantes leurs fleurs et leurs fruits? 
L'ignorance et la barbarie avaient ravagé la raison dans 
vos contrées, comme l'hiver désole les campagnes ; nous 
vous avons rapporté la lumière que la barbarie avait éteinte 

dans vos âmes. 

l'américain. 

Je prétends, au contraire, que vous avez obscurci celle 
dont nous jouissions. Mais je sens que j'aurais de la peine 
à vous en convaincre ; il faudrait entrer dans de grands dé- 
tails; et, enfin, n'ayant point vécu dans les mêmes prin- 
cipes et dans les mêmes habitudes, nous aurions de la 
peine à nous accorder sur ce qu'on nonune la vérité, la nd- 
son et le bonheur. 

LE PORTUGAIS. 

Nous aurions moins de disputes là-dessus que vous ne 
pensez ; car je conviendrais de très-bonne foi que la cou- 
tume peut plus que la raison même pour le bien des hom-' 
mes, et que la nature, le bonheur, la vérité même, dépen- 
dent infiniment d'elle *. Mais je suis content des prindpes 
que vous m'accordez : il me suffit que vous croyiez que la 

t Voir la S* Réflexion {Sur la nature et la toulume). ~ G. 



DIALOGUES. 27 

Datare humaine a pu recevoir da temps sa maturité et sa 
perfection, ainsi que tous les autres êtres de la terres car 
nous ne voyons rien qui n'ait sa croissance, sa maturité, ses 
changements, et son déclin. Mais il ne m'appartient point 
de déterminer si les arts et la politesse ont apporté le vrai 
bien aux hommes , et enfin si la nature humaine a attendu 
long-temps sa perfection, et en quel lieu, ou en quel siècle, 
elle y est parvenue*. 



8. — PHILIPPE II ET COMINES. 

PHILIPPE II. 

On dit que vous avez écrit l'histoire de votre maître ^ 
Mais comment pouvez*vous le justifier de sa familiarité 
avec des gens de basse extraction ? 

GOMINES. 

Le roi Louis XI était populaire et accessible. Il avait, à 
la vérité, de la hauteur, mais sans cette fierté sauvage qui 
fait mépriser aux princes tous les autres hommes. Le roi 
mon maître ne se bornait point à connaître sa cour et les 
grands du royaume : il connaissait le caractère et le génie 
des ministres et des princes étrangers ; il avait des corres- 
pondances dans tous les pays ; il avait continuellement les 
yeux ouverts sur le genre humain, sur toutes les affaires de 
l'Earope ; il recherchait le mérite dans les sujets les plus 
obscurs ; il savait vivre familièrement avec ses sujets, sans 
perdre rien de sa dignité, et sans rien relâcher de l'autorité 
de sa couronne. Les princes faibles et vains, comme vous, 

1 Dans son Dueours êur le Caractère de$ différents nèeles, Vauvenargues 
avait gardé, sur ce point, la même résenre ; quelques années plus tard, en 1750, 
i.-J. Rousseau se montrera plus décidé, dans son DiMCOurs but les Scienees et 
mrleê Arts, couronné par TAcadémie de Dijon. — G. 

* C<nmnes (Philippe de la Glite de), d'autres écrivent à tort Commines^ his- 
torien de Louis XI, naquit au ch&teau de ce nom, à quelques lieues de Lille, 
en U45, et mourut en 1509, au château d'Aigenton, le 17 août, snivant Swer* 
tins, le 17 octobre, suivant Vossius. — B. 



/ 



28 DIALOGUES. 

ne voient que ce qui les approche * ; ils ne connaissent ja- 
mais que Textérieur des hommes, ils ne pénètrent januûs 
le fond de leur cœur; et, comme ils ne les connaissent point 
assez, ils ne savent point s*en servir. Louis XI choisissait' 
lui-même tous les gens qu'il employait dans les affaires , il 
avait une âme profonde, qui ne pouvait se contenter de con- 
naître superficiellement les dehors des hommes, et de quel- 
ques hommes : il aimait à descendre dans les derniers replis 
du cœur ; il cherchât, dans tous les états^ des gens d'es- 
prit; il démêlait leurs talents, il les employait : pour tout 
cela, vous sentez bien qu'il fallait se familiariser avec les 
hommes. C'était dans ce commerce familier, dans ces 
soupers qu'il faisait, à Paris, avec la bourgeoisie, dans les 
entretiens secrets qu'il avait avec des personnes de tous les 
états, qu'il apprenait à déployer toutes les ressources de 
son génie, qu'il tirait du fond du cœur de ses sujets la vé- 
rité, qu'on cache aux princes orgueilleux et impraticables. 
C'est ainsi qu'il avait cultivé ce génie souple*et pénétrant 
qu'il avait reçu de la nature : aussi s'était-il rendu plus 
habile qu'aucun des ministres qu'il employait. Il était l'âme 
de tous ses conseils, savait tout ce cpii se passait dans son 
État, avait un esprit vaste qui ne perdait point de vue les 
petits objets au milieu des grandes affaires, qui suivait tout, 
qui voysdt tout, qui ne laissait rien échapper. C'était une 
âme qui, par son activité et son étendue, paraissait se mul- 
tiplier pour suffire à tout; qui jouissait véritablement de la 
royauté, parce qu'il ' animait tous les ressorts de son em- 
pire, et qu'il suivait toutes choses jusqu'à leur racine. Un 
esprit borné et pesant ne voit que ce qui l'environne; il ne 
regarde jamais ni le passé, ni l'avenir ; il voit disparaître 
autour de lui ses amis, ses supports, ses connaissances, 
presque sans s'en apercevoir; son âme est toute concentrée 
sur elle-même ; elle ne sort point de la sphère étroite que 

I Vauveoargaes a d^à dit des ffrands, ce qu*il dit, ici, des rois. (Voir le 43* 
Caractère). — G. 
> Phrase incorrecte, âme étant le sujet — G. 



DIALOGUES. 29 

la nature lui a prescrite; elle s'appesantit sur elle-même ; 
tous les événements du monde passent devant elle comme 
des songes légers qui se perdent sans retour * . Une grande 
àme, au contraire, ne perd rien de vue ; le passé, le présent 
et Tavenir sont immobiles devant ses yeux ; elle porte sa 
vue loin d'elle ; elle embrasse cette distance énorme qui est 
entre les grands et le peuple, entre les affaires générales de 
l'univers et les intérêts des particuliers les plus obscurs ; 
elle incorpore à soi toutes les choses de la terre ; elle tient 
à tout ; tout la touche ; rien ne lui est étranger : ni la diffé- 
rence infinie des mœurs , ni celle des conditions, ni celle 
des payS| ni la distance des temps, ne l'empêchent de rap- 
procher toutes les choses humaines, de s'unir d'intérêt à tout. 
Les hommes de ce caractère ne font rien d'inutile, sa- 
vent employer tout leur temps, ont un esprit vif qui ren- 
contre d'abord le nœud et la source de chaque chose, qui 
marche légèrement et rapidement, etc '. . 

< Voir le 26« Caractère { L'homme puani), — G. 

* Ce dernier mot indique assez que le morceau n'est pas terminé ; ce n*est 
qa*une ébauche ; mais la touche n'en est pas moins singulièrement ferme et 
vive, quoi qu'en dise Suard, dans la note qui suit. — G. — U n'y a dans ce 
discours de Comines que quelques traits qui conviennent à Louis XL II était 
populaire et accessible, mais par nécessité, plutôt que par inclination. Dans 
la latte qui s'était engagée entre le aouTerain et les grands vassaux de la cou- 
ronne, ceux-ci commirent une faute dont les conséquences ont été funestes 
pour eux et pour la nation : ils séparèrent leurs intérêts de l'intérêt du peu- 
ple, et se crurent assez forts par eux-mêmes pour maintenir les prérogatives 
qu'ils avaient usurpées dans des temps d'anarchie, et sous des rois faibles. 
S'ils s'étaient appuyés du peuple, comme les barons d'Angleterre avaient fait 
dans des circonstances semblables, ils auraient pu conserver comme eux uqo 
influence directe sur le gouvernement, et la nation aurait Joui de ses anciens 
privilèges; l'équilibre se serait établi naturellement entre les divers ordres 
de l'État, et aurait prévenu les guerres et les révolutions qui depuis trois 
siècles ont tourmenté la France. Nos rois furent plus habiles que la haute 
noblesse; ils se concilièrent l'amour et l'estime du tiers-état : ils accordèrent 
quelques privil^es aux coomiunes, mais ils ne donnèrent pas au peuple toute 
la liberté et les droits dont il aurait dû Jouir d'après les constitutions primi- 
tives de la monarchie. Toutefois, ces concessions les rendirent populaires, et, 
dans aucun pays de l'Europe, les souverains n'ont été plus aimés de leurs 
sujets qu'en France. Ce fut donc par des vues politiques que Louis XI se fa- 
miliarisait avec les bourgeois de Paris, et ne dédaignait point de les admettre 
dans sa eonilanoe ^ Leur affection lui fut plus d'une fois utile dans les diflé- 

* Vnrenarguea ne dit pu antre cfaote. Dèf que Soerd iccorde ce point , m longue noie eet eau 
objet. — G. 



30 DIALOGUES. 

9. — CÉSAR ET BRUTUS. 

CÉSAR. 

Mon ami, pourquoi me fuis-tu? n'as-tu pas éteint dans 
mon sang la haine que tu m'as portée? 

BRUTUS. 

César , je ne t'ai point baî : j'estimais ton génie et ton 
courage. 

CÉSAR. 

Mais je t'aimais tendremmti et tu m'as arraché la vie. 

BRUTUS. 

C'est une cruauté barbare où j'd été poussé par l'erreur 
de la gloire, et par les principes d'une vertu fausse et fa- 
rouche. 

CÉSAR. 

Tu étais né humain et compatissant : tu n'as été cruel 
que pour moi seul, qm t'aimab avec tendresse. 

rentes gaerres qu'il eut à soutenir; mais il les fit servir à ses projets, sans 
rien faire pour eux et pour la nation en général. 

Quelques historiens, entre autres Dudos, ont cherché à nous donner une 
hante idée du génie politique de Louis XI : il est vrai quMl réunit à la cou> 
ronne plusieurs prorinoes, et qu'il abaissa l'orgueil des grands ; mais il commit 
deux fautes capitales qui suffiraient pour faire douter s'il ne dut pas ses 
SUCCÈS à la fortune plutôt qu'à sa prudence. La première fut de selinvr entre 
les mains de Charies-^le-Téméraire, qui le força d'assister à la prise de la Tille 
de Liège, dont il était l'allié et le protecteur; la seconde, plus grave encore, 
tai de ne pas prévenir le mariage de Marie de Bourgogne avec l'empereur 
MaximiHen, union qui a été pour la ntuice pendant plusieurs aièdes une 
soarce de guerres et de calamités. Louis XI rapportait tout à son intérêt : 
l'amitié ni la reconnaissance* n'entrèrent Jamais dans son cœur. Fils ingrat, 
père dénaturé, maître cruel, roi sanguinaire et superstitieux, il qe fut yrai- 
ment habile que dans l'art de tromper. On le soupçonne d'avoir fait empoi- 
sonner son frère le duc de Berry. n est le seul roi dans l'histoire qui, par le 
raffinement de sa cruauté, ait rendu la Justice même odieuse. Enfin il vécut 
en tyran et mourut en lâche. Il aurait fallu un Tacite ou un Montesquieu 
pour écrire son histoire. On dit que ce dernier s'en était occupé, et que, 
par mégarde, son secrétaire avait Jeté le manuscrit au feu. C'est une perte 
qui peutrètre ne sera Jamais réparée. ^S. 



DIALOGUES. 31 

BRUT0S. 

D'où naissait dans ton cœur cette amitié que j'avais si 
peu méritée? 

CÉSAR. 

Ta jeunesse m'avait séduit, et ton âme Gère et sensible 
avaittouché la mienne. 

BRUTUS. 

J'd fait ce que j'û pu pour reconnaître ta bonté pour 
moi : je me reprochais mon ingratitude ; je sentais que tu 
méritais d'être aimé ; tu me faisais pitié lorsque je songeais 
à t'immoler à la liberté, et je me reprocbids ma barbarie. 

CÉSAR. 

Et avec tout cela je n'ai jamais fléchi ton cceur ! 

BRUTUS. 

Je n'û jamais pu t'aimer : ton génie, ton âge, le mien, 
te donnaient sur moi trop d'ascendant. Je t'admirais, et je 
ne t'aimais point. 

CÉSAR. 

Est-ce que l'estime empêche l'amitié 7 

BRUTUS. 

Non, mais le respect l'affaiblit ; et peut-être qu'il y a un 
âge où l'on ne peut plus être aimé. 

CÉSAR. 

Tu dis vrai : le mérite inspire du respect ; mais il n'y a 
que la jeunesse qui soit aimable. C'est une vérité affreuse. 
Il est horribl&d'avoir un cœur sensible à l'amitié, et d'être 
privé des grâces qui l'inspirent. 

BRUTUS. 

Voilà la source de l'ingratitude des jeunes gens. L'amitié 
de leurs parents, de leurs bienfaiteurs, leur est souvent 
onéreuse ^ Cependant, je crois que les belles âmes peu- 

1 Rapprochez de la Mazime 823* et de la note qui s'y rapporte. — G. 



32 DIALOGUES. 

vent surmonter leur instinct, ou sortir, en ce point, des 
règles générales. 

CÉSAR. 

La tienne était haute et sensible, et cependant. •• 

BRUTUS. 

Je m'étais laissé imposer par les discours et la philoso- 
phie de Caton ; j'aimais ardemment la gloire; cette passion 
étouffa en mon cœur toutes les autres. Mais daigne croire 
qu'il m'en a coûté pour trahir ce que je devais à ton amitié 
et à ton mérite. 

CÉSAR. 

Va, je t'ai pardonné, même en mourant. L'amitiéf^va plus 
loin que la vertu, et passe en magnanimité la philosophie 
que tu as professée. 

BRUTUS. 

Tu parles de l'amitié des grandes ftmes, telles que la 
tienne. Mais ce pardon généreux que tu m'accordes aug- 
mente mon repentir; et je n'ai de regret à la vie que par 
l'impuissance où me met la mort de te témoigner ma recon- 
naissance *. 



10. —MOLIÈRE ET UN JEUNE HOMME. 

LE JEUNE HOMME. 

Je suis charmé de vous voir, divin Molière. Vous avez 
rempli toute l'Europe de votre nom, et la réputation de vos 
ouvrages augmente, de jour à autre, dans le monde. 

MOLIÈRE. 

Je ne suis point touché, mon cher ami , de cette gloire: 
j'ai mieux connu que vous, qui êtes jeune, ce qu'elle vaut. 

t Voir, sur Brutus, uoe lettre éloquente de Vauvenaigues à Mirabeau, datée 
de Vef4un, le il mars 1740. — G. 



DIALOGUES. * 33 

LE JEDNE HOMUE. 

Seriez-vous mécontent de votre siècle, qui vous devait 
tant? 

IfOUÈRE. 

Quelques-uns de mes contemporains m'ont rendu justice : 
c'étaient même les meilleurs esprits ; mais le plus grand 
nombre me regardait comme un comédien qui faisait des 
vers. Le prince me protégesdt, quelques courtisans m'ai- 
maient; cependant j'ai souffert d'étranges humiliations. 

LE JEUNE HOMME. 

Gela est-il possible? Je ne fais que de quitter le monde; 
on y fait très-peu de cas des talents ; mais j'y ai ouï dire 
que ceux qui avaient ouvert la carrière avaient joui de plus 
de considération. 

MOLIÈRE. 

Ceux qui ont ouvert la carrière en méritaient peut-être 
davantage, et en ont obtenu, comme je vous l'ai dit, des 
esprits justes; mais elle n'a janiais été proportionnée à leur 
mérite, et elle a été contrepesée par de grands dégoûts. 

« LE JEUNE HOMME. 

Sans doute, ils étaient traversés, persécutés, calomniés 
par leurs envieux ; mais les gens en place et les grands ne 
leur rendaient-ils pas justice? 

MOUÈRE. 

Les grands riaient des querelles des auteurs ; plusieurs 
se laissaient prévenir par les gens de lettres subalternes 
qu'ils protégeaient; ils avaient la faiblesse d'épouser leurs 
passions et leur injustice contre les grands hommes qui 
étaient moins dans leur dépendance. 

LE JEUNE HOMME. 

C'est, au moins, une consolation que la postérité vous 
ait rendu justice. 

♦ 3 



34 DIALOGUES. 

MOUÈRE. 

La postérité ne me la rendra point telle que j'ai pa la 
mériter. Ne vois-je pas ici les plus grands hommes deFaa- 
tiquité, Homère, Virgile, Euripide, qui sont encore pour- 
suivis dans le tombeau par ce même esprit de critique qui 
les a dégradés pendant leur vie? Dans le même temps qu'ils 
sont adorés de quelques personnes sensées dont ils eniîban<- 
tent rimagination, ils sont méprisés et tournés en ridicule 
par les esprits médiocres qui manquent de goût ^ Je voyûs 
passer le Tasse, il y a quelques jours, suivide quelques beaux 
esprits qui lui faisaient leur cour : plusieurs ombres de 
grands sdgneurs qui étaient avec moi, me demanderait qui 
c'était ; sur cela, le duc de Ferrare prit la parole, et répon- 
dit que c'était un poète auquel il avait fait donner des coups 
de bâton, pour châtier son insolence. Voilà comme les gens 
du monde et les grands savent honorer le génie. 

LE JEUNE HOMME. 

J'ai souvent ouï dans le monde de pareils discours, et 
j'en étais indigné. Car, enGn, qu'est-ce qu'un grand poète, 
sinon un grand génie , un homme qui domine les autres 
hommes par son imagination ; qui leur est supérieur en vi- 
vacité ; qui connaît, par un sentiment plein de lumière, les 
passions, les vices et l'esprit des hommes; qui peint fidèle* 
ment la nature, parce qu'il la connaît parfaitement, et qu'il 
a des idées plus vives de toutes choses que les autres; une 
âme qui est capable de s'élever ; un génie ardent, laborieux, 
éloquent, aimable, qui ne se borne point à faire des vers 
harmonieux, comme un charpentier fait des cadres et des 
tables dans son atelier, mais qui porte dans le commerce du 
monde son feu, sa vivacité, son pinceati et son esprit, et qui 

1 Allusion k Lft Motte qui, au 18* siècle, avait réveillé la querelle des an- 
ciens et des modernes, et avait pris parti contre les anciens. — Voir, sur cet 
intéressant SHJct, le beau livre de H. Hippolyte Higault, professeur suppléant 
au collège de France : Histoire de la Querelle des Anciens et des Modernes, 
Paris, Hachette, 1856. — G. 



DIALOGUES. 36 

conserve, par conséquent, parmi les hommes, le même mé- 
rite qui le fait admirer dans son cabinet? 

MOLIÈRE. 

Les gens qui réfléchissent savent tout cela, mon cher ami ; 
mais ces gens-là sont en petit nombre. 

LE JEUNE HOMIIE. 

Hé! pourquoi s'embarrasser des autres? 

MOUÈRE. 

Parce qu'on a besoin de tout le monde ; parce qu'ils sont 
les plus forts ; parce qu'on en souffre du mal, quand on n'en 
reçoit pas de bien; enfin, parce qu'un homme qui a les 
vues un peu grandes voudrait régner, s'il pouvait, dans 
toupies esprits, et qu'on est toujours inconsolable de n'obte- 
nir que la ofioindre partie de ce qu'on mérite ^ 

■ Dana le temps où Vauvenai^es écrivait ce dialogue, il y aralt encore en 
France beaucoup de ces esprits médiocres qui croyaient se distinguer de la 
foule en méprisant les plus beaux- chefs-d'osuvre de Tantiqulté, qu'ils étaient 
incapables de comprendre et de juger : ils s'imaginaient montrer de la force 
d'esprit et de la philosophie, en affectant de dédaigner ce qui atait été consa- 
cré par l'admiration des siècles. L'origine de cette manie ridicule remonte 
aux dernières années du dix-septième siècle; elle se perpétua dans le dix-hui- 
tième par l'influence de La Motte, qui n'était point un écrivain sans mérite, 
mais dont la littérature était trè&-bomée, et surtout par l'influence de Pon- 
tenelle, qui fut pendant cinquante ans à la tôte des hommes de lettres. Fon- 
tcnelie était nn homme extrêmement adroit, qui avait d'autres titres à la 
rcnoomiée que ses travaux purement littéraires, et qui, sentant ce qui lui 
oianquait, aurait volontiers rabaissé les chefs^'œuvre qu'il ne pouvait égaler. 
n suffisait d'ailleurs que Boileau et Racine, contre lesquels il nourrit une 
inimitié séculaire, se fussent prononcés en faveur de la raison et des anciens, 
pour qu'il penchât du côté opposé. On peut rapporter à ce philosophe, si 
modéré en apparence, la plupart des hérésies littéraires qui ont obtenu quel- 
que crédit dans le dernier siècle ; et peut-être même -le goût se seraitril en- 
tièrement corrompu, si des hommes tels que Voltaire, Montesquieu, Buffon, 
Rousseau, n'eussent maintenu ses principes par leurs leçons et par leurs exem- 
ples. Les écrivains du dix-septième siècle n'étaient pas mieux fi'aités par Fon- 
tenelie que les anciens. Il ne pardonna Jamais à Racine et à Boileau les épi- 
grammes qu'ils avaient lancées contre sa malheureuse tragédie d'Aspar.'Il no 
rendait pas au pnemier la justice qui lui était due, et refusait le génie à l'au- 
teur de V Art poétique, ïi aurait même volontiers attaqué Voltaire, si la crainte 
des représailles n'eût un peu refroidi son ressentiment contre un homme qui 
avait tant de supériorité sur lui. 

Nous sommes très-heureusement délivrés de ces opinions fausses et ridicules 
qui ont fait tant de mal dans le dernier siècle t on est revenu à l'étude et à 



36 DIALOGUES. 



U. — RACINE ET BOSSUET. 

BOSSUET. 

Je récitais tout à l'heure, mon cher Racine, quelques- 
uns de vos vers que je n'ai pas oubliés. Je suis enchanté 
de la richesse de vos expressions, de la vérité de votre pin- 
ceau et de vos idées, de votre simplicité, de vos images, et 
même de vos caractères, qui sont si peu estimés, car je leur 
trouve un très-grand mérite, et le plus rare, celui d*ètre 
pris dans la nature. Vos personnages ne disent jamais que 
ce qu'ils doivent, parlent avec noblesse, et se caractérisent 
sans affectation. Cela est admirable *. 

RACINE. 

Je ne suis pas siurprisque vous m'aimiez un peu. Je vous 
ai toujours admiré ; vous aviez le génie poétique et l'inven- 
tion dans l'expression, qui est le talent que mes ennemis 
même sont obligés de m'accorder. U y a plus d'impétuosité 
et de plus grands trsdts dans vos ouvrages que dans ceux 
des plus grands poètes *. 

radmiration des anciens avec une ardeur qui promet à la littérature française 
une nouvelle époque de génie et de gloire. Je pourrais citer des traductions 
et des ouvrages originaux, où Ton retrouve les grAces et le charme du génie 
antique. On a banni de la prose cette pompe indigente de paroles, cette rocher- 
che puérile d*antitbè8cs, cette affectation du bel esprit qui déshonorait, il n'y 
a pas encoro longtemps, même les productions de quelques membres de TAca- 
demie. On s'est également débarrassé de cette sécheresse que Tesprit d'analyse, 
porté à l'excès, avait introduite dans notro littérature. Une faut pas confondre 
cet abus de l'analyse avec l'esprit vraiment philosophique, dont aucun genre 
ne peut be passer : c'est lui seul qui peut donner de la force au raisonnement, 
de la justesse aux idées. Sans son secours, l'imagination ne produirait que 
des monstres semblables à celui que nous dépeint Horace dans les premiers 
vers de Tépltreaux Pitons. Montaigne, Boileau, Molière, La (ontaine. Vol- 
taire, Montesquieu, Rousseau, ont allié l'esprit philosophique à l'imagina- 
tion, et l'on ne voit pas que l'un ait Jamais nui à l'autre. On peut abuser de 
l'esprit philosophique comme on abuse de l'imagination et des meilleures 
choses; mais, après tout, il faudra toujours en revenir à cet axiûmed'uo 
poète philosophe : « Le bien penser est la source du bien écrire, » — S. 

> Voir, dans les Réflexions critiques sur quelques poêles^ le parallèle entre 
Corneille et Racine. — G. 

> Voir la Maxime 350*. — G. 



DIALOGUES. 37 

BOSSUET. 

Hélas ! mon ami, mes ouvrages ne sont presque plus 
connus que d'un très-petit nombre de gens de lettres et 
d'homme pieux : les matières que j'ai traitées ne sont nul- 
lement du goût des gens du monde. 

RACINE. 

Ils devraient, du moins« admirer vos Oraisons' funèbres. 

BOSSUET. 

Ce titre seul les rebute ; on n'aime ni les louanges, ni les 
choses tristes. 

RACINE. 

Que dites-vous donc? je ne puis vous croire; le genre 
dont nous parlons est le plus terrible, car les hommes ne 
sont eSmyés que de la mort. Or, qu'est-ce que le sujet de 
vos or^sons funèbres, sinon la mort, c'est-à-dire, la seule 
chose qui inspire de la terreur à l'esprit humain? Se pour- 
rait-il que les hommes ne fussent pas frappés par des dis- 
cours qui ne s'exercent que sur le sujet le plus frappant et 
le plus intéressant pour l'humanité? J'avais cru que c'était 
le véritable champ du pathétique et du sublime. 

BOSSUET. 

La nation française est légère ; on aime mieux le conte du 
Bélier * ou celui de Jocande ' que tout ce pathétique dont 
vous parlez. 

RACINE. 

Si cela est, Corneille et moi, nous ne devons pas nous 
flatter de conserver longtemps notre réputation. 

BOSSUET. 

Vous vous trompez ; les bons auteurs du théâtre ne mour- 
ront jamais, parce qu'on les fait revivre tous les ans, et on 
empêche le monde de les oublier : d'ailleurs, les poètes 

* Conte d'Hamilton. — B. 

* Goote de La Fontaine. — B. 



38 DIALOCUES, 

se soutiennent toujours mieux que les orateurs, parce qu*il 
y a plus de gens qui font des vers, qu'il n'y en a qui. écrivent 
en prose ; parce que les vers sont plus faciles à retenir, et 
plus difficiles à faire ; parce qu'enfin les poètes traitent des 
sujets toujours intéressants, au lieu que les orateurs, dont 
l'éloquence ne s'exerce ordinairement que sur de petits 
sujets, périssent avec la ménK)ire de ces sujets mêmes. 

RACailE. 

Les vrais orateurs comme vous devrsdent, du moins, se 
soutenir par les grandes pensées qu'ils ont semées dans 
leurs écrits, par la force et la solidité de leurs raisonne- 
ments ; car tout cela doit se trouver dans un ouvrage d'élo- 
quence. Nous autres poètes, nous pouvons quelquefois 
manquer par le fond des choses ; si nous sommes harmo* 
nieux, si nous avons de l'imagination dans l'expression, il 
nous surCt, d'ailleurs, de penser juste sur les choses de 
sentiment, et on n'exige de nous ni sagacité ni profondeur : 
il faut être un grand peintre pour être un poète ; mab on 
peut être un grand peintre, sans avoir une grande étendue 

d'esprit et des vues fines. j 

I 

BO6S0ET. I 

On peut aussi avoir cette étendue d'esprit, cette finesse, 
cette sagesse, cet art qui est nécessaire aux orateurs, et y 
joindre le charme de l'harmonie et la vivacité du pinceau : 
vous êtes la preuve de ce que je dis. 

RACINE. 

i)e même un orateur peut avoit* toutes les parties * d*un 
poète, et il n'y a même que l'harmonie qui en ftisse la dif- 
férence; encore faut-il qu,'il y ait une harmonie dans la 
bonne prose. 

* Je 8a|s gré à Vauvenargues d'avoir employé cette expression ; elle était 
baooie du laiHsa^a d^oia le «ièole de Montaigne, qui sVm est souMnl aoni 
dans ses EttaU, et toujours à propos. Je crois que Voltaire a réclamé en sa 
faveur en quelque endroit de ses ouvrages, et les Anglais, aocou^uiDéa deipuis 
longtemps à vivre de pillage, Tont empruntée de nos premiera écrivain», et 



DIALOGUES. 9» 

BOSSUET. 

Je pense comme vous, et comme un grand poète qui vous 
a suivi \ mon cher Racine : la poésie est t éloquence har- 
monieuse. 

L'auteur dont vous parlez est aussi éloquent en prose 
qu'en vers; il a cet avantage sur tous les poètes, qui n'ont 
point su écrire en prose ; ainsi , on peut s'en rapporter à son 
jugement : c'est lui qui a dit de vous, que vous étiez le seul 
écrivain français en prose qui fût éloquent. Si ce grand homme 
ne s'est point trompé, il faudrait convenir que le génie de 
l'éloquence est plus rare que celui de la poésie *. 

BOSSUET. 

Je ne crois pas qu'il soit moins commun, mais je crois 
qu'il l'est bien autant : les 'véritablement grands hommes 
dans tous les genres sont toujours très-rares. 

. BàGlME. 

Qu'appelez-vous, je vous prie, de grands hommes 7 

BOSSUET. 

Tous ceux qui surpassent les autres par le cœur et par 
l'esprit, qui ont la vue plus nette et plus fine, qui discer- 
nent mieux les choses humaines, qui jugent mieux, qui 
s'expriment mieux, qui ont l'imagination plus forte et le 

génie plus vaste. 

RÂcmc. 

Voilà, en effet, ce qui fait de très-grands hommes. De 
tels esprits sont faits pour s'estimer et pour s'aimer, malgré 

roni soigneosement cooaenrée. On troQTer&it dans Amyot et dans Montaigne 
d*aotK8 expressions aussi énergiques, qu'on pourrait n^eunir arec succès. 
Nous ne connaissons pas toutes les ressources et toutes les richesses de notre 
langue, et, en général, on ne lit pas assex les écrivains du seisième siècle. — S. 
— On sait que, dans sa Lettre à' VAeadémie, Fénekm exprimait, un siède 
plus tôt, le même regret. — G. 

4 VolUiire. — > B. -> Voir le 12* Fragment {Sur la Poétie et F Éloquence)^ 
-G. 

< Voir le 5« Fragment [Sur îet Protateun du 47* siècie).-- G. 



♦ 



40 DIALOGUES. 

la différence de leur travail et de leurs objets; c'est aux 
petits esprits à dégrader ou les uns ou les autres, selon le 
parti qu'ils ont pris * : comme ceux qui sont attachés à quel* 
que faction décrient les chefs du parti contraire, tandis que 
ces mêmes chefs s'estiment et se craignent réciproque- 
ment. 



12. — LE CARDINAL DE RICHELIEU ET LE 

GRAND CORNEILLE. 

CORNEILLE. 

Est-il vrai que Votre Éminence ait été jalouse de mes 
écrits? 

EIGBEUED. 

Pourquoi ne Taurai-je pas été ? un ministre de peu d'esprit 
aurait pu être assez ébloui de sa puissance pour mépriser 
vos talents ; mais, pour moi, je connaissais le prix du génie, 
et j'étais jaloux d'une gloire où la fortune n'avait point de 
part. Avais-je donc tant de tort ? 

CORNEILLE. 

Cette jalousie honorait Corneille, et ne devait pas nuire 
à la réputation de son protecteur ; car vous daigniez l'être, 
et vous récompensiez^ dit un auteur % comme ministre, ce 

* Rapprochei de U Maxime 286* et de ses yariaDtes. — G. 

• Voltaire a dit, dans son Commentaire tur ComeUUf au sujet du mot Hen- 
faUi, employé par l'auteur é*Horace dans TÉpitre dédicatoire de cette pi^ce 
au cardiDal de Richelieu : « Ce mot bienfaits fait voir que le cardinal de Riche- 
lieu tavait récompenur en premier ministre , ce même talent qu'il avait per» 
Bécuté dans fauteur du Cid.» — Voltaire a encore dit quelque chose d'analogue 
dans le Temple du Goût. Voyei les Variantes de ce poème, t X, p. 188, de 
l'édition de ses Œuvres complètes en 66 roL, Paris, Renouard, 1819. — B. — > 
La phrase dont il s'agît ne se trouve ni dans le texte, ni dans les Variantes 
du Temple du Goitl, et ce n'est pas, assurément, du Commentaire sur Corneille 
qu'elle a pu être extraite, car cet ouvrage est postérieur, de près de vinçt 
ans, à la mort de Vauvenargues. H faut supposer, ou que Voltaire s'en est 
servi dans quelqu'une de ses conveisations avec son Jeune ami, ou, plutôt, 
qu'il l'a ôtée de quelque ouvrage antérieur où Vauvenargues avait pu la lire, 
ponr la placer dans le Commentaire sur Corneille, — G. 






DIALOGUES. 41 

mime génie dmî vous étiez jaloux comme poète. La seule chose 
qai m'ait étonné, c'est que Votre Éminence ait favorisé des 
écrivains indignes de sa protection *. 

RICHELIEU. 

Je suis venu dans un mauvais temps, mon cher Corneille; 
il y avait peu de gens de mérite pendant mon ministère, et 
je voulais encourager les hommes à travailler, en accor- 
dant une protection inarquée à tous les arts ; il est vrai que 
je ne vous ai pas assez distingué : en cela je suis très-blâ- 
mable. 

CORNEILLE. ^ 

Moins que veut bien avouer Votre Éminence. Il est vrai 
qne j'avais quelque génie ; mais je n'étais pas courtisan : 
j'avais , naturellement, cette inflexibilité d'esprit que j'ai 
donnée si souvent à mes héros. Comme eux, j'avais une 
vertu dure, un esprit sans délicatesse et trop resserré dans 
les bornes de mon art; il n'est pas étonnant qu'un grand mi- 
nistre, accoutumé aux devoirs et à la flatterie des plus puis- 
sants de rÉtat, ait négligé un homme de mon caractère. 

RICHELIEU. 

Ajoutez que je n'ai point coimu tout ce que vous valiez. 
Mon esprit était peut-être resserré , comme lé vôtre, dans 
les bornes de son talent; vous n'aviez pas l'esprit de la cour, 
et moi, je n'avais pour les lettres qu'un goût défectueux '. 

I On peut citer parmi ces écrivuDs Desmarets, CoUetet, Faret et Chape- 
lain. H admit quelque tempe le grand Corneille dans cette troupe; mais le 
mérite de CorneiUe.se tron?a incompatible avec ces poètes , et il fut aussitôt 
exclu. Richelieu faisait des vers, et ce fut même pour faire représenter la 
tragédie de Jlirame, dont il avait donné le sujet, et dans laquelle il avait fait 
plus de cinq cents vers, qu*il fit b&tir la salle du Palaia-Royal. — B. 

* On vent ahsoloment que le cardinal de Richelieu ait été jaloni des suc- 
cès de Corneille : cela me parait aussi vraisemblable que si Racine eût été 
jak>Qi des victoires du grand Gondé. Boileau est le premier qui ait accrédité 
cette opinion en disant : 

En vain cootre le Gid nn ministre se ligne; 
Tont Paris pour Ghimëne a les yenx de Rodrigue. 

On en conclut, ce qui n'était peut-être pas dans la pensée du po^te , que 
Richelieu n'avait pu voir sans jalousie le triomphe de Corneille. Fontenelle 



42 DilALOGUBS. 



18. — RICHELIEU ET MAZARIN. 



Est-il possible, mon illustre ami, que vous u'ayez jamais 
usé de tromperie dans votre ministère? 

• 

a été plus loin qae Boileau : il dit expressément que le cardinal fut aussi 
alarmé do succès prodigieux du Cid que s'il eftt tu les Espagnols aux portes 
de Paris. Cette exagération de la part du petit-neveu de Corneille 8*est générar 
lement répandue, et elle prête Unt à la déclamation, elle est si favorable à la 
vanité des auteurs, qu'il est difficile d'en douter sans soulever une foule d'es^ 
prits qui la regardent comme une vérité historique. Cela ne iii'«mpêchera pi|s 
d'en dire mon sentiment, d'après l'opinion que j'ai conçue du cardinal de Ri- 
chelieu et de l'esprit de son ministèô^, l'une des époques les pluaintéresaantea de 
notre histpirc. Le souvenirdes guerres civiles n'était pas encore ettêcé du cœur 
des Français; la paix était rétablie dans l'État, mais il était aisé de voir quMl 
existait dans les esprits unefenneiitation sourde, qui aurait éclaté sims une ad- 
' ministration moins énergique que celle du cardinal de Richelien. Ce ministre 
avait trop de lumières pour ne pas apercevoir cette agitation générale et les 
conséquences qui pouvaient en résulter. H prit une résolotlon digne de son 
génie, se mit à la tête de l'opinion publique pour la diriger, et fbnmii un 
aliment à l'activité des espriu. Ce fut alors qu'il fonda l'Académie Française, 
qu'il encouragea les lettres, les sciences et les arts, protégea oenx qui lea cultl* 
vaient, les appela autour de lui, leur donna de la considération, et fixa tons 
les regards sur la gloire littéraire et les travaux de la pensée. Cette impulsion 
donnée surpassa les espérances du cardinal. Les Plaçais, accoutumés aux 
querelles de roligian, s'occupèrent alors de débats et de discussions littéraires. 
Un sonnet, un madrigal, attiraient l'attention de la cour et de la ville. A cette 
époque parut le premier chef-d'œuvre de Corneille ; il excita on enthousiasme 
ot une admiration générale. On ne s'entretenait que du Cid, on ne se lassait 
point de le voir. Tout fut oublié pour le Cid, Le ministre saisit cette occasion 
pour suivre son plan. II flt faire la critique de cette tragédie , comme Alci- 
biade fit couper la queue de son chien, afin que les Athéniens, occupés de 
cette bixarrerie, ne cheiebassent point à contrarier ses vues politiques *. Je 
ne vois dans la conduite du cardinal de Richelieu que beaucoup d'adresse, et 
point du tout un sentiment d'envie, indigne d'un grand nûnistre. Observez, 
de plus, qu'à cette époque même, Corneille Jouissait d'une pension que lui 
faisait le cardinal. L'envie n'est pas si généreuse. Au reste, le mouvement 
imprimé aux esprits par la politique de Riclielieu ne s'est pas arrêté : il a 
élevé la France à un haut degré de gloire littéraire, et c'est peut-être à cette 
conception politique que nous devons les chefs-d'œuvre qui ont illustré le 
règne de Louis XIV et celui de son successeur. — S. 

< Maiarin (Jules), né à Piscina dans l'Abnizze, le Ift Juillet 1002 , de la 
famille des Martinozzi, mounit le mars léél. ^ B. 

* Cette asMrtion de Surd, qui ii*est pas présenta coame noe simple coa^ecture, mait 
comme on fait hors de doute » peiU paraîtra, au moins, hasardée, et plus charitable que 
juste. — 0. 



DIALOGUER 4B 

RIGBBLIBU. 

Hé! croyes^TOos i^oos-méme, mon cher cardinal, qu'on 
puisse gouverner les hommes sans les tromper ? 

MAZARIN. 

Je n'ai que trQp. mooti:é« par ma conduite» que je ne le 
croyais pas ; mais ou m'en a fait un grand crime. 

RIGBEUEU. 

(Test que vous poussiez un peu trop loin la tromperie ; 
c'est que vous trompiez par choix et par faiblesse, plusque 

par nécesisrté et par raison. 

» 

MAZARTN. 

Je suivais en cela mon caractère timide et défiant. Je 
n'avais pas assez de fermeté pour résister en face aux cour- 
tisans ; mais je reprenais ensuite, par ruse, ce que j'avais 
Cédé par faiblesse. 

RICHELIEU. 

Vous étiez né avec un esprit souple, délié, profond, pé- 
nétrant ; vous connaissiez tout ce qu'on peut tirer de la 
faiblesse des hommes, et vous avez été bien loin dans cette 
science. 

MAZARÎN. 

Oui, mais on m'a reproché de n'avoir pas connu leur 
force. . 

RICHELIEU. 

Très-injustement, mon ami. Vous la connaissiez, puis- 
que vous la craigniez ; mais vous ne l'estimiez point. Vous 
étiez vous-même trop fsdble pour vous en servir, ou pour 
la vaincre ; et, ne pouvant la combattre de front, vous l'at- 
taquiez par ht (messe, et vous lui résistiez souvent avec 
succès. 

MAZARIN. 

Cela est assez singulier, que je la méprisasse, et que, ce- 
pendant, je la craignisse. 



I 

44 DIALOGUES. ' 

mCHEUEU. I 

Rien n'est plus naturel, mon cher ami : les hommes n'^es- 
timent guère que les qualités qu'ils possèdent. 

MAZARIN. 



Après tout cela, que pensez-vous de mon ministère et de 
mon génie 7 

RICHEUEU. 

Votre ministère a souffert de justes reproches, parce 
que vous aviez de grands défauts. Mais vous aviez, en même 
temps, un esprit supérieur à ces défauts même ; vous joi- 
gniez à la vivacité de vos lumières une ambition vaste et in- 
vincible. Par là vous avez surmonté tous les obstacles de 
votre carrière, et vous avez exécuté de grandes choses. 

MAZARIN. 

Je ne laisse pas de reconnaître que vous aviez un génie 
supérieur au mien. Je vous surpassais, peut-être, en subti- 
lité et en finesse ; mais vous m'avez primé par la hauteur et 
par la vigoureuse hardiesse de votre âme. 

RICBEUEU. 

Nous avons bien fait l'un et l'autre ; mais la fortune nous 
a bien servis. 

MAZARIN. 

Cela est vrai ; mais de moindres esprits n'auraient pas 
profité de leur fortune : la prospérité n'est qu'un écueil pour 
les âmes faibles. 



14. - FÉNELON ET RICHELIEU. 

FÉNELON. 

Je n'ai qu'unie seule chose à vous reprocher, votre am- 
bition sans bornes et sans délicatesse. 



DIALOGUES. 45 

aiGHEUEU. 

. C'est eette ambition des grands hommes, aimable pbilo- 
sophe, qui fait la grandeur des États K 

FÊNELON. 

C'est elle aussi qui les détruit, et qui les abîme sans res- 
source. 

RICHELIEU. 

C'est-à-dire qu'elle fait toutes choses sur la terre; c'est 
elle qui domine partout, et qui gouverne l'univers. 

FÉNELON. 

Dites plutôt que c'est l'activité et le courage. 

RICHELIEU. 

Oui, l'activité et le courage; mais l'un et l'autre ne se 
trouvent guère qu'avec une grande ambition et avec l'amour 
de la gloire. 

FÉNELON. 

Eh quoi ! Votre Éminence croirait-elle que la prudence 
et la vertu ne pourraient résister à l'ambition, gouverner 
sans elle, et l'assujettir ? 

RIGHEUEU. 

Cela n'est guère arrivé, mon cher ami ; et il y a bien de 
Tapparence que ce qui n'arrive point ou [cej qui n'arrive que 
rarement, n'est point selon les lois de la nature. 

FÉNELON. 

N'a-t-on pas vu des ministres et des princes sans am- 
bition 7 

RICHELIEU. 

- Ces ministres et ces princes, mon aimable ami, ne gou- 
vernaient point par eux-mêmes ; les plus habiles avaient 
sous eux des esprits ambitieux, qui les conduisaient à leurs 
fins, sans qu'ils le sussent. 

* Voir les Maximes 368' et 371* ; voir aussi le 2« Dialogue. — G. 



46 DiALOGtES. 

FÉNELON.' 

Je VOUS en nommerai plusieurs qui ont gouverné par eux- 
mêmes. 

RIGHEUEU. 

Hé ! qui vous a dit que ceux que vous me nommeriez 
n'avaient pas, dans le cœur, une ambition secrète qu'ils ca- 
chaient aux peuples ? Les grandes afisdres, l'autorité, élè- 
vent les hommes les plus faibles, et fécondent ce germe 
d'ambition que tous les hommes apportent au monde avec 
la vie. Vous, qui vous êtes montré si ami de la modération 
dans vos écrits, ne vouliez-vous pas vous insinuer dans les 
esprits, ÎBlre prévaloir vos maximes? n'étiez- vous pas fâché 
qu'on les négligeât? 

FÉNELON. 

11 est vrai que j'étais zélé pour mes maximes ; mais parce 
que je les croyais, justes , et non parce qu'elles étaient 
miennes. 

RIGHEUEU. 

Il est aisé, mon cher ami, de se faire illusion là-dessus. 
Si vous aviez eu un esprit faible, vous auriez laissé le soin 
à tout autre de redresser le genre humain ; mais, parce que 
vous étiez né avec de la vertu et de l'activité, vous vouliez 
assujettir les hommes à votre génie particulier. Groyez^moi, 
c'est là de l'ambition. 

FÉNELON. 

Cela peut bien être. Mais cette ambition qui va, en tout, 
au bien des peuples, est bien diOérente de celle qui rapporte 
tout à soi, et que j'ai combattue. 

RICHELIEU. 

Ai-je prétendu le contraire, mon aimable ami ? L'ambi- 
tion est l'âme du monde; mais il faut qu elle eoit accom- 
pagnée de vertu , d'humanité, de prudence et de grandes 
vues, pour faire le bonheur des peuples, et assurer la gloire 
de ceux qui gouvernent. 



DIALOGUES. 47 

16. — BRUTUS ET UN JEUNE ROMAIN*. 

LE JEUNE ËOMME. 

Ombre illustre , dûgnez m' aimer. Vous avez ëté mon 
modèle tant que j'ai vécu ; fêtais ambitieux comme vous, je 
m'efforçais de suivre vos autres vertus : la fortune m'a été 
contraire ; j*ai trompé sa baine; je me suis dérobé à sa ri- 
gueur, en me tuant. 

BRUtUS. 

Vous avez pris ce parti-là bien jeune, mon ami. Ne vous 
restait-il plus de ressources dans le monde ? 

LE JEUNE HOMME. 

J'ai cru qu'il né m'en restait d'autre que le hasard, et je 
n'ai pas dûgné l'attendre. 

BRUTUS. 

A quel titre demandiez-vous de la fortune ? Étiez-vous né 
d'un sang illustre ? 

LE JEUNE HOMME. 

J'étais né dans l'obscurité ; je voulais m'ennqblir par la 
vertu et par la gloire. 

BRUTUS. 

Quels moyens aviez-vous choisis pour vous élever? car, 
sansdoute^ vous n'aviez pas un désir vague de faire fortune, 
sans vous attacher à un objet particulier 7 

LE JEUNE HOMME. 

Je croyais pouvoir espérer de m'avancer par mon esprit 
et par mon courage; je me sentais l'âme élevée. 

BRUTUS* 

Vous cultiviez avec cela quelque talent? car vous n'igno- 
riez pas qu'on ne s'avance point par la magnanimité, lors- 

■ Ce Dialogue, joint aux deux premiers Caractères, donae le résumé de la 
vie de Vaavenargues. (Voir notre Éloge») — G. 



48 DIALOGUES. 

qu'on n'est pas à portée de la développer dans les grandes 
affaires? 

LE JEUNE HOMME. 

Je connaissais un peu le cœur humain; j'aimais l'in- 
trigue ' ; j'espérais de me rendre mattre de l'esprit des 
autres : par là on peut aller à tout. 

BBUTUS. 

Oui, lorsqu'on est avancé dans la carrière, et connu des 
grands. Mais qu'aviez-vous fait pour vous mettre en passe, 
et vous faire connaître? Vous distinguiez-vous à la guerre 7 

LE JEUNE HOMME. 

Je me présentais froidement à tous les dangers , et je 
remplissais mes devoirs; mais j'avais peu de goût pour les 
détûls de mon métier. Je croyais que j'aurais bien fait dans 
les grands emplois ; mais je négligeas de me faire une ré- 
putation dans les petits ^ 

BRUTUS. 

Et vous flattiez-vous qu'on devinerait ce talent que vous 
aviez pour les grandes choses, si vous ne l'annonciez dans 
les petites ? 

LE JEUNE HOMME. 

Je ne m'en flattais que trop, ombre illustre ; 6ar je n'a- 
vais nulle expérience de la vie, et on ne m'avait point ins- 
truit du monde. Je n'avais pas été élevé pour la fortune. 

BRUTUS. 

Aviez-vous du moins cultivé votre esprit pour l'élo- 
quence ? 

LE JEUNE HOMME. 

Je la cultivais autant que les occupations de la guerre le 

< Il faat noter, dans Tintérât même de Tauteur, que ce mot a changé 
d'acception, et que, de son temps, aucun sens défavorable ne s*y attachait. 
Vaurenargues entend par ce mot ce qu*il entend par Vesprit de manège, (Voir 
]e 33* Caractère.) — G. 

> Rapprochez du 12* Conseil à un Jeune homme, — G. 



DIALOGUES. 49 

pouvaient permettre ; j'aimais les lettres et la poésie ; mais 
tout cela était inutile sous l'empire de Tibère, qui n'aimait 
que la politique, et qui méprisait les arts, dans sa vieillesse. 
L'éloquence ne menait plus, à Rome, aux dignités; c'était 
un talent inutile pour la fortune, et qu'on n'avait pas même 
occasion de mettre en pratique. 

BRUTUS. 

Vous deviez donc vous attacher aux choses qui pouvaient 
vous rendre agréable à votre maître, et utile à votre patrie, 
dans l'état où elle se trouvait alors. 

LE JEUNE HOMME. 

J'ai reconnu la vérité de ce que vous dites ; mais je l'ai 
connue trop tard, et je me suis tué moi-mëme> pour me 
punir de mes fautes. 

BRDTDS. 

Vos fautes ne sont pas inexcusables, mon ami. Vous 
n'aviez pas pris les vrais chemins de la fortune ; mais vous 
pouviez réussir par d'autres moyens, puisque mille gens 
se sont avancés, sans mérite et sans industrie estimable. 
Vous vous condamnez trop sévèrement : vous êtes jcomme 
la plupart des hommes, qui ne jugent guère de leur conduite 
que par le succès. 

LE JEUNE HOMME. 

11 m'est très-doux, grande ombre, que vous m'excusiez. 
Je n'ai jamais osé ouvrir mon cœur à personne tant que j*ai 
vécu ; vous êtes le premier à qui j'aie avoué mon ambi^ 
lion S et qui m'ayez pardonné ma mauvaise fortune. 

BRUTUS. 

Hélas I si je vous avais connu dans le monde, j'aursûs 
tâché de vous consoler dans vos disgrâces. Je vois que vous 
ne manquiez ni de vertu, ni d'esprit, ni de courage : vous 

1 Rapprocbei da 41' Caractère (Cléon, ou la folle ambition), — Voir aussi 
la dernière note du 39* Caractère {Tumus). — G. 

♦ A 



fiO DIALOGUES. 

auriez fait votre fortune dans un meifleur temps, car vous 
avez l'âme romaine. 

LE JEUNE BOlfME. 

Si cela est ainsi , mon cher Bnitus, je ne dois point re- 
gretter mon malheur. La fortune est partiale et injuste ; ce 
n'est pas un grand mal de la manquer, lorsqu'on peut se 
répondre qu'on l'a méritée ; mais quand on la possède in- 
dignement et à titre injuste, c'est peu de chose : elle ne sert 
qu'à faire de plus grandes fautes, et à augmenter tous les 
vices. 



lô. — CATILINA ET SÉNÉCION- 

SÊNÉCION. 

Avouez, Catilina, que vous vous ennuyez ici étrangement. 
Vous n'avez plus personne ni à persuader, ni à tromper, 
ni à corrompre ; l'art que vous possédiez de gagner les 
' hommes, de vous proportionner à eux, de les flatter par 
l'espérance, de les tenir dans vos intérêts, ou par les plad- 
sirs, ou par l'ambition, ou par la crainte, cet art vous est, 
ici, tout à fait inutile. 

CATILINA. 

Il est vrai que je mène ici une vie à peu près aussi oisive 
et aussi languissante que celle que vous avez menée vous- 
même dans le monde, et à la cour de Néron. 

sÊNiaoN. 

Moi ! je n'ai pas mené une vie languissante : j'étais favori 
de mon maître ; j'étais de tous ses amusements et de tous 
ses plaisirs; les ministres avaient de grands égards pour 
moi, et les courtisans me portaient envie. 

GATIUNA. 

Saviez- vous faire usage de votre faveur ? protégiez-vous 
les hommes de mérite ? vous en serviez-vous ? 



DIALOGUES. 61 

SÉNÊGION. 

De gens de mérite, je n'en connaissais point.. Il y avait 
quelques hommes obscurs» à Rome, qui se piquaient de 
Tertu ; mais c'étaient des imbéciles, que Ton ne voyait point 
en bonne compagnie, et qui n'étaient bons à rien. 

GATILINA. 

Mais il y ayait aussi des gens d'esprit ; et sans doute 

vous... 

sénégiÔn. 

Oui, il y avait, à la cour, quelques jeunes gens qui avaient 
de l'imagination, qui étaient plaisants, singuliers, et de 
très-bonne compagnie; je passais ma vie avec eux. 

CATIUNA. 

Quoi 1 il n'y avait de gens d'esprit que dans ce petit cer- 
cle d'hommes qui composaient la cour de l'empereur? 

SÉNÉCION. 

Je connaissais aussi quelques pédants, des poètes, des 
philosophes, des gens à talent, en tout genre ; mais je te- 
nsds ces espèces dans la subordination : je m'en amusais 
quelquefois, et les congédiais ensuite, sans me familiariser 
avec eux . 

GATILINA. 

On m'avait dit que vous-même faisiez des vers ; que vous 
déclamiez ; que vous vous piquiez d'être philosophe. 

SÊNÉGION. 

Je m'amusais de tous ces talents qui étaient en moi ; 
mais je m'appliquais à des choses plus utiles et plus rai- 
sonnables. 

GATIUNA. 

Et quelles étaient donc ces choses raisonnables ? 

SÊNÊCION. 

Oh ! vous en voulez trop savoir.. Voudriez-vous que j'eusse 



52 DIALOGUES. 

passé ma vie sur des livres , et dans mon cabinet, comme 
ces misérables qui n'avaient d'autre ressource que leur ta- 
lent? Je vous avoue que ces gens-là avadent bien peu d*esprit. 
Je les recevais chez moi, pour leur apprendre que j'avais 
plus d'esprit qu'eux ; je leur faisais sentir, à tout moment, 
qu'ils n'étaient que des sots ; je les accablais quelquefois 
d'amitiés etd'bonnétetés;Je voyais qu'ils comptaûent sur 
moi; mds, le lendemûn, je ne leur parlais plus ; je ne 
faisais pas semblant de les voir : ils s'en allaient déses- 
pérés contre moi ; mais je me moquais de leur colère, et je 
savais qu'ils seraient trop heureux que je leur accordasse 
encore ma protection '. 

CATILINA. 

Ainsi, vous vous réserviez de vous attacher d'autres hom- 
mes plus propres à servir vos desseins; car, apparemment, 
vous ne comptiez pas sur le cœur de ceux que vous traitiez 
si mal ? 

SÉNÉCÏON. 

Moi ! j'avais la faveur de mon maître, je n'avais besoin 
de personne. Je n'aurais pas manqué de créatures, si j'avais 
voulu : les hommes se jetaient en foule au-devant de moi ; 
mais je me contentais de ménager les grands et ceux qui 
approchaient l'empereur ; j'étais inexorable pour les autres, 
qui me recherchaient parce que je pouvais leur être utile, 
et qui, eux-mêmes, n'étaient bons à rien. 

CATILINA. 

Et que seriez-vous devenu, si Néron eût cessé de vous 
aimer? Ces grands, qui étaient tous jaloux de votre for- 
tune, vous auraient-ils soutenu dans vos disgrâces? Qui 
vous aurait regretté ? qui vous eût plaint ? qui aurait pris 
votre parti contre le peuple, animé contre vous par votre 
orgueil et votre mollesse ? 

• R&pprocbez de la 26« Bèperion (sur les Gens de lettres). — G. 



DIALOGUES. 53 

SÊNÉCION. 

Mon ami, quand on perd la faveur du prince» on perd 
toujours tout avec elle. 

CATlLLUk. 

On ne perd point le génie et le courage» lorsqu'on en a 
véritablement ; on ne perd point l'amour des misérables, 
qui sont toujours en très-grand nombre; on conserve l'es- 
time des gens de mérite. Le malheur même augmente quel- 
quefois la réputation des grands hommes; leur chute en- 
traîne nécessairement celle d'une infinité de gens de mérite 
qui leur étaient attachés : ceux-ci ont intérêt de les relever, 
de les défendre dans le public, et se sacrifient quelquefois 
de très-bon cœur pour les servir. 

SÊNÉCION. 

Ce que vous dites est peut-être vrai dans une républi- 
que; mais, sous un roi, je vous dis qu'on dépend unique- 
ment de sa volonté. 

GÀTILINA. 

Vous avez servi sous un mauvais prince qui n'était envi- 
ronné que de flatteurs, et d'esprits bas et mercenaires. Si 
vous aviez vécu sous un meilleur règne, vous auriez vu 
qu'on dépendait, à la vérité, de la volonté du prince, mais 
que la volonté d'un prince éclairé revenait aisément vers 
ceux qui se mettaient en état de le bien servir, qui avalât 
pour eux la voul publique, et des créatures pour rappeler 
à l'esprit du maître leurs talents, dans les circonstances 
favorables. 

SÊNÉCION. 

Je n'ai point éprouvé ce que vous dites, et j'ai mené une 
vie assez heureuse, sans suivre vos maximes. 

GATIUNA. 

Vous appelez une vie heureuse c^Ue que vous avez passée 
tout entière avec un prince qui avait une folie barbare, 
qui consumait les jours et les miits dans de longs et fasti- 



54 DIALOGUES. 

dieux repas ; une vie qui n'a été occupée qu'à assister au 
lever et au dîner de votre maître, à posséder quelques fem- 
mes que vous méprisiez, à vous parer, à vous fûre voir, à 
recevoir les respects d'une cour qui vous haïssait, où vous 
n'aviez aucun vrai ami, aucune créature, aucun homme 
attaché à vous! 

SÉ5ÉCI0H. 

Ne dirait-on pas, à vous entendre, que votre vie a été 
plus agréable et plus glorieuse ? 

CATIUNA. 

Ce n'est pas à moi à vous dire qu'elle a été glorieuse; 
mais je puis, au moins, vous répondre qu'elle a été plus 
agréable que la vôtre : f ai joui des mêmes plaisirs que 
vous, mais je ne m'y suis pas borné ; je les ai fait servir à 
des desseins sérieux, et à une fin plus flatteuse. J'ai aimé et 
estimé les hommes de bonne foi, parce que j'étais capable de 
discerner le mérite, et que j'avais un cœur sensible ; je me 
suis attaché tous les misérables, sans cesser de vivre avec 
les grands ; je tenais à tous les états par mon génie vaste et 
conciliant ; le peuple m'aimait ; je savais me familiariser 
avec les hommes, sans m' avilir ; je me relâchais sur les 
avantages de ma naissance, content de primer par mon 
génie et par mon courage. Les grands ne négligent souvent 
les hommes de mérite que parce qu'ils sentent bien qu'ils 
ne peuvent les dominer par leur esprit * : pour moi, je me 
livrais tout entier aux plus courageux et aux plus habiles, 
parce que je n'en craignais aucun ; je me proportionnais aux 
autres; je gagnais le cœur de ceux qui, parleurs principes, 
n'estimaûent point mes sentiments ; mon parti m'adorait ; 
j'aurûs assujetti la république, si j*avais pu éviter certaines 
fautes. Pour vous, sans la scélératesse et la folie de votre 
maître, vous n'auriez jamais été qu'un homme obscur et 
accablé de ses propres vices. Adieu '. 

I RappR>ch<'z de la Maxime 5C1\ — G. 

• Tacite parie de ce Séoédon, doac le prénom était Tallios. C'était on efae^ 



DIALOGUES. 65 



17. — RENAUD ET JAFFIER, conjurés*. 

JAFFIER. 

Eh bien ! mon cher Renaud, es-tu désabusé de l'ambi- 
tion et de la fortune? 

RENAUD. 

Mon ami, j'ai péri en homme de courage, dans une en- 
treprise qui éternisera mon nom et l'injustice de mes des- 
tinées : je ne regrette point ce que j'ai fait. 

JAFFIER. 

Mais tu avsds pris un mauvais chemin pour faire fortune : 
mille gens sont parvenus, sans péril et sans peine, plus haut 
que toi. J'ai connu un homme sans nom, qui avait amassé 
des richesses immenses par le débit d'un nouvel opiat pour 
les dents *. 

RENAUD. 

J'ai connu , comme toi , des hommes que le hasard ou 
une frivole industrie ont avancés : mais je n'étais pas né 

Talier romain, dont Néron avait fait le confident des secrets quMl roulait ca^- 
cher à sa mère Agrippine. Tullius Sônécion devint un des favoris du tyran, 
le complice de ses crimes, et le compagnon de ses débauches. U fut enveloppé 
dans U fameose conspiration oà périrent Épicbaris, Sénèque et Lucain : on 
dit qu'il mourut avec plus de courage qu'on n'avait lieu de l'attendre d'un 
homme livré aux plaisirs. 

Je trouve que l'auteur de ces dialogues eicuse avec trop de complaisance 
les crimes de l'ambition ^ Le portrait que Salluste fait de Catilina ne s'ac- 
corde point avec l'idée qu'on en donne dans ce dialogue : « l\ aVait, dit l'his- 
torien romain, l'âme forte, le corps robuste, mais l'esprit méchant et l'&me 
dépravée. Jeune encore, il aimait les troubles, les séditions et les guerres ci- 
viles, n se plaisait au meurtre et an pillage, et ses premières années furent 
un apprentissage de scélératesse. U supportait avec une fermeté incroyable la 
faim, le froid et les veilles. Audacieux, habile en l'art de séduire et de feindre, 
avide du bien d'autrui, prodigue du sien, violent dans ses passions, asses élo- 
quent, mais dénué de raison, il n'eut que de vastes desseins, et ne se porta 
qu'à des choses extrêmes, presque impossibles, au-dessus de l'ambition et de 
la fortmie d'un simple citoyen. » Salluste, Bell, CatiL, cap. V. — S. 

> Voir VHuiofre de la Conjuration de Venise^ par Saint-Réal. — G. 

* n y a, dans le manuscrit, d'une nouvelle opiate pour les dents. — Voir la 
S^ Réflexion (sur les Hasards de la fortune). •— G. 

* Voir la 1* note da 5* Gartcttrs (Les/v/st ). — 0. 



56 DIALOGUES. 

pour m' élever par ces moyens; je n ai jamais porté eofie à 
ces misérables. 

JAFTlEt. 

Et pourquoi avais-tu de l'ambidon, si tu méprisais Fin- 
justice de la fortune 7 

lENADD. 

Parce que j'avais r&me haute, et que j'aimais à lutter 
contre mon mauvais destin : le combat me plaisait sans la 
victoire*. 

JAmEB. 

n est vrai que la fortune t'avait fût naître hors de ta 
place. 

tENAUD. 

Et la nature, mon cher Jaffier, m'y appelait, et se révol- 
tait. 

JAFFIER. 

Ne pouvais-tu vivre tranquillement, sans autorité et sans 
gloire? 

RENAUD. 

J'aimais mieux la mort qu'une vie oisive; je savais bien 
vivre sans gloire, mais non sans activité et sans intrigue \ 

JAFFIER. 

Avoue, cependant, que tu te conduisais avec imprudence : 
tu portais trop haut tes projets *. Ignorais-tu qu'un gentil- 
homme français comme toi, qui avait peu de bien, qui n'é- 
tait recommandable ni par son nom, ni par ses alliances, ni 
par sa fortune, devait renoncer à ces grands desseins * 7 

RENAUD. 

Ami, ce fut cette pensée qui me fit quitter ma patrie, 

< Dana la 34' Pensée de l'arL IX de la l^e Partie, Pascal dit de même : 
> C'est le combat qui noas plaît, et non pas la victoire. » — G. 

* Voir, sur ce mot, la l'* note de la page A8. — G. 

* Rapprochez du 2' Caractère (PhérécUle). — G. 

* Voir le 15« Dialogue. — G. 



DIALOGUES. 57 

après avoir tenté tout ce qui dépendait de moi pour m'y 
élever. J'errai en divers pays; je vins à Venise, et tu sais 
le reste. 

JAFP1£R. 

Oui, je sais que tu fus sur le point d'élever ta fortune sur 
les débris de cette puissante république ; mais, quand tu 
aurais réussi, tu n'aurais jamais eu ni la principale gloire, 
ni le fruit de cette entreprise, qui était conduite par des 
hommes plus puissants que toi. 

RENAUD. 

C'est le sort des hommes de génie, qui n'ont que du génie 
et du courage : ils ne sont que les instruments des grands 
qui les emploient ; ils ne recueillent jamais ni la gloire, ni le 
fruit principal des entreprises qu'ils ont conduites, et que 
l'on doit à leur prudence ; mais le témoignage de leur con- 
science leur est bien doux. Ils sont considérés, du moins, 
des grands qu'ils servent ; ils les maîtrisent quelquefois dans 
leur conduite; et, enfin, quelques-uns parviennent, s'élè- 
vent au-dessus de leurs protecteurs, et emportent au tom- 
beau l'estime des peuples. 

JAFnER. 

Ce sont ces sentiments qui t'ont conduit sur l'échafaud. 

RENAUD. 

Crois-tu que j'ide regretté la vie ? Un homme qui craint 
la mort n'est pas même digne de vivre ^ 



■ Ce dialogue est unc^ «impie esquisse. Rien n'y est approfondi ; et cepen- 
dant Tautenr aurait pu y faire entrer de beaux tableaux et de beaux déTelop- 
pements. L'histoire de la conjuration de Venise, par l'abbé de SaiBtrRéal, lui 
aurait fourni les matériaux nécessaires. Il y avait quelque chose de sombre 
et de mystérieux dans le gouTemement de Venise, qui attache l'imagination, 
et qui a répandu du charme et de l'intérêt sur les ouvrages où il en a été 
question. Au reste, il est à peu prfes évident que tous les détails de cette fa- 
meuse conspiration sont sortis de l'imagination de l'abbé de Saint-Réal , qui 
écrirait l'histoire à peu près comme Varillas, son modèle, sans se mettre en 
peini.' de la vérité des faits et de l'exactitude des détails. 

yni cru m'aperccvoir, en lisant avec attention ces dialogue^} de Vauvenar- 



SS DIALOGUES. 

18. — PLATON ET DENYS LE TYRAN. 

OE5YS. 

Oui, je le maintiens, mon cher philœopbe, la pitié, l'a- 
mitié, la générosité, ne font que glisser sor le cceor de 
Fhoaune; pour Féquîté, il n'y en a aocon principe dans sa 
nature. 

PLATON. 

Quand serait vrai que les sentiments d'bmnanité ne se- 
raient point durables dans le cœur de l'homme.... 

DEHYS. 

Cela ne peut être plus vrai ; n'y a de durable dans le 
CGBur de l'homme que l'amour-propre. 

FLATOSI. 

Eh bien I que conduez-vous de cette suppoâtion ? 

gneif qa^il y arait dus son ftme des semences d'ambition \ On sait qu'il fit 
quelques démarches infructueuses pour entrer dans la carrière diplomatique ; 
mais il fallait, pour réussir de son temps, un esprit d'intrigne et de serrilité 
iooompaûble avec son caractère natureUemeot noble et porté aux grandes 
choses et aux grandes pensées. U est malheureux pour des âmes de cette 
trempe de naître dans un siècle d'égoisme et de petitesse ; elles s'y trouTent 
contraintes, resserrées, et leur essor, tans cesse comprimé, les Jette dans la 
mélancolie, et, quelquefois, dans l'abattement. Je ne lis point le dialogue entre 
Brutns et un Jeune Romain sans soupçonner que l'auteur, en faisant parler 
ce dernier personnage, a touIu peindre les dispositions de son esprit et quel- 
ques-uns des érénements de sa vie. Je ne suis pas de ceux qui condamnent 
l'ambition d'une manière absolue ; J'en juge par les effets qu'elle produit. Si 
elle est utile aux hommes, si elle est accompagnée de la vertu. Je la consi- 
dère comme un des plus nobles mouvements de l'Ame ; si die ne recherche 
le crédit et l'autorité que pour satisfaire d'autres passions viles, telles que 
l'avarice, la haine, la cruauté. Je la déteste, et la méprise, au sein même de 
son opulence et de son pouvoir. — S. 

* Il faut avouer que U pénéiratiOD de Soard, tar ce poiot, a été bleo leote, et qis la 
mnarqoe est lingaliènunent uaîve. S'il o'a pas tu rambition de YauTcnaigoes, iioa<«eu- 
lement dana ms Diatcgue*, mais dans ses Msxime*, dans ses HilUjûmt sur éiter9 njet»t 
dans sas Onueilt è un Jeune homme, dans ses Caraettret, dans ses DUamrt tur Is Glmre, 
en nn mot, daus tons se» onvrages, qa'y a-t-il donc va? Suaid ne nous semble pas mieux 
inspiré, quand il reproche à ce dialogue de n^ètre pas approfondi. YanTenaigues s'est gardé, 
heureasement , des ^mx ëiteloppemenis que ânard eftt aimés, et dont, quelques lignes 
après, il donne, sans doute, le modèle, dûs sa timda contre Tambitiim; TanveDargues 
s'est gardé, surtout, des hemu tëkiemu que Snard regrette ; ee sont de simples /Ifares 
au trait qu'il a touIu donner, et, selon nous, celle de Hmumâ est, prérisément, du dessin 
le plus sobre, le ^Ins correct et le plus pur. <^ G. 



DIALOGUES. 59 

DENYS. 

Je conclus que j'ai jeu raison de me défier de tous les 
hommes, de rapporter tout à moi, de n'aimer que moi. 

PLATON. 

Vous niez donc que les hommes soient obligés à être 
justes? 

DENYS. 

Pourquoi y seraient-ils obligés, puisque la nature ne les 
a pas faits tels? 

PLATON. 

Parce que la nature les a faits raisonnablesi et que, si elle 
ne leur a pas accordé l'équité , elle leur a donné la raison 
pour la leur faire connaître et pratiquer ; car vous ne niez 
pas, du moins, que la raison ne montre la nécessité de la 
justice ? 

DENYS. 

La raison veut que les habiles et les forts gouvernent, et 
qu'ils fassent observer aux autres hommes l'équité : voilà 
ce que je vous accorde. 

PLATON. 

C'est-à-dire que vous, qui étiez plus fort et plus habile 
que vos sujets, vous n'étiez pas obligé envers eux à être 
juste ? Mais vous avez trouvé des hommes encore plus heu- 
reux et plus habiles que vous ; ils vous ont chassé de la 
place que vous aviez usurpée : après avoir éprouvé si dure- 
ment les inconvénients de la violence, devriez-vous persis- 
ter dans votre erreur? Mais puisque votre expérience n'a 
pu vous instruire, je le tenterais vainement. Adieu ; je ne 
veux point infecter mon esprit du poison dangereux de vos 
maximes. 

DENYS. 

Et moi, je veux toujours haïr les vôtres : la vertu me 



60 DIALOGUES. 

condamne avec trop de rigueur pour que je puisse jamais 
la souffrir ' . 



* Cette dernière réflexion, si Juste qu'elle soit d'ailleun, estp-elle bien placée 
dans la bouche de Denys? Et Vauveuargues oe mérite-t-il pas, ici, le repro- 
che, qu'il adresse si souTont à Corneille, de se substituer à ses persoonages, et 
de parler en leur nom? — G. 



FRAGMENTS 



1. — EXTRAITS d'un DISCOURS SUR L* ÉLOQUENCE ^ 

II y a peu de sujets, dans la littérature, sur lesquels il 
paraisse plus inutile de donner des règles que sur l'élo- 
quence. Quand même les ouvrages des maîtres ne seraient 
pas des leçons vivantes de leur art, on pourrait en trouver 
encore tous les principe^, distinctement exprimés, en di- 
vers écrits, et je crois qu'il est difficile d'ajouter aucune 
réflexion essentielle à tant d'observations faites en divers 
temps'. C'est ce qu'on aurait cependant de la peine à se 
persuader , en voyant combien toutes ces règles sont peu 
observées, si l'on ne savait jusqu'à quel point les hommes 
sont enclins à négliger les choses même qu'ils savent le 
mieux. Qui n'a ouï dire, ou n'a lu, qu'il faut écrire avec 
simplicité ? mais qui est-ce qui observe cette règle ? Est-ce 
par mépris de ces maximes trop connues, ou est-ce par im- 
puissance de les pratiquer, qu'on prend des routes si diffé- 

> Tel est le titre du manuscrit; en effet, ce discours est resté, malheureuse- 
ment, inachevé. — G. 

* Var. : ■ H y a peu de sqjets, dans la littérature, sur lesquels on ait mieux 
« écrit que sur Téloquence, sur lesquels on ait et de si sages règles, et de si 
« grands modèles. Socraie, Platon, Aristote, Cicéron, Quintilien, Longin, parmi 
« les anciens, Fénelon, panni les modernes, ont épuisé tous les principes de 
« cet art ûmable, et leurs écrits, plus utiles encore que leurs préceptes, sont 
« des leçons virantes de leur art. Ils instruisent, sans qu'on y pense; ils poi^ 
« tcnt la fécondité, avec la lumière, dans les âmes ; ils y excitent ces senti- 
€ menta et ces pensées, cette hardiesse et cette chaleur, que les règles ap- 
< prennent à conduire, mais qu'elles ne peuvent suppléer, car il n'y a que 
« les choses animées qui puissent produire; ce qui n'a point la vie ne peut 
« la donner, et les préceptes seraient peu utiles, malgré l'instruction qu'ils ' 
e renferment, s'ils n'étaient soutenus par les exemples. Mais ni les uns ni les 

• antres ne nous manquent; nous avons, en tout genre, des règles et des 
« modèles, et, si l'on s'en écarte, c'est par vanité de frayer de nouveaux sen- 

• tiers, ou par impuissance de suivre les anciens. » 



62 FRAGMENTS. 

rentes ? Je crois que c'est par Tune et l'autre de ces raisons '. 

On est toujours porté à croire que le genre auquel on 
s'applique est fort supérieur à tous les autres, et, quel que 
soit ce genre, on se moque de ceux qui veulent rappeler 
les vieux principes, comme de gens d'un esprit borné, qui 
ont des vues étroites et courtes. C'est ainsi que des hom- 
mes, nés avec l'esprit faux, mais cependant avec quelque 
esprit, séduisent, peu à peu, les autres qui n'ont pas même 
d'esprit, et l'on s'accoutume à juger, non pas selon les 
règles, mais selon la mode. S'il pouvait se trouver de bons 
auteurs dans le même temps que les autres corrompent le 
goût, l'erreur aurait ses partisans, parce qu'il y a toujours 
un grand nombre d*esprits faux et superficiels; mais la 
raison prévaudrait, et le bon goût serait, du moins, le do- 
minant. Le malheur veut que, quand la nature fait naître 
de ces hommes qui ont assez d'esprit pour corrompre le 
jugement des. autres, il ne se trouve point, en même 
temps, de plus grands hommes pour les redresser. Il n'y a 
plus alors que les écrits des vieux auteurs qui puissent 
servir de pièces de comparaison, et notre nation ne lit guère 
que les livres nouveaux. Quel autre remède y a-t-il contre 
ce dégoût, si ce n'est de faire reparaître dans nos ouvrages 
ces vieilles maximes qu'on se contente de voir une fois dans 
les originaux, et qu'on oublie ensuite avec tant de prompti- 
tude? Comment faisaient les anciens philosophes dans leurs 
écoles? Disaient-ils toujours des choses nouvelles? Non, 
sans doute ; car ils se seraient écartés souvent de la vérité, et 
auraient donné des imaginations creuses pour des nouveau- 
tés. Que faisaient-ils donc ? Ils expliquaient les vieux prin- 
cipes de la philosophie ; ils les reproduisaient en divers 
termes, pour les mieux inculquer dans la mémoire, et empê- 
cher les hommes de les oublier ; ils ne s'appliquaient qu'à 

t Voir le ft* Dialogue {Démùtthène et iêoentè), — Le manuscrit donne en- 
suite une phrase que Vauvenagues « ptaoéo dans le Dialogue auquel nous ran- 
voyons, et qui ferait ici double emploi. -» G. 



FRAGMENTS. 63 

maioteiiir dans leur pureté les vérités anciennes, et à les 
faire entrer sans cesse dans Tesprit des hommes. Cette 
avidité que nous avons aujourd'hui pour les pensées neu- 
ves est une des plus grandes marques de notre légèreté, . 
et un des plus grands obstacles à la vérité ^ . Par là, on bannit 
du discours l'éloquence, car on la réduit à s'exercer sur des 
idées fines ou abstraites, sur des subtilités et des fantômes, 
au lieu qu'elle ne devrait s'exercer que sur les vérités les 
plus importantes et les plus palpables, sur ces vérités que 
tous les hommes portent en germe dans leur fonds, et dont 
l'expression ne semble usée', que parce qu'elles sont plus 
grandes et plus utiles que les autres. Rien n'est Irop usé 
pour les hommes, car il n'y a rien qu'ils ne puissent savoh- 
mieux qu'ils ne le savent ; rien n'est trop vieux pour les 
hommes éloquents, cai* il n'y a rien qu'ils ne puissent ra- / 
jeunir et rendre encore agréable par la force et le charme 
de leurs expressions ^ ; mais tout est usé et devient inutile 
pour ceux qui ne lisent ou n'écrivent que par vanité, sans 
génie, saas goût, sans justesse, sans amour de la vérité. 

S'il y avaiti à Paris, un lieu où les hommes qui ont quel- 
que talent pour la parole pussent assembler lesjeunes gens, 
et prononcer devant eux des discours tantôt remplis des 
préceptes de l'éloquence, tantôt écrits sur d'autres sujets ; 
où les jeunes gens eux-mêmes pussent, quand ils le vou- 
draient, s'exercer à la parole, au risque d'être moqués et 
méprisés quand ils s^exposeraient mal à propos, je ne doute 
pas que cela ne servit beaucoup à maintenir le bon esprit 
et le bon goût. 

On aurait grand tort de juger des auteurs dont je parle 
par les morceaux que je cite * : ces morceaux peuvent être 

1 Var, : C'est perdre réloqueoce, et ôter la vérité de tous les écrits, que 
« d*aToir pour la nouveanté cet amour immense qui fuit tout ce qui est connu 
« et rebattu. > — Rapprochez de la Maxime 220«. — G. 

* Rapprochez des Mazimes 308* et 703*. — G. 

' Vanvenargues se proposait de citer de Fénelon, une Prière, et le portrait 
de Pyçmalion dans le Télémaque ; de Boesoet, la fin des oraisons funèbres de 



61 FRAGMENTS. 

mal choisis; 6tés de leur place, ils peuvent ne pas^fiûio 
leur impression ; enfin, ils ne représentent qu'une petite par- 
tie des beautés de difiérent genre dont les ouvrages de ces 
grands hommes sont remplis. Ceux qui ont lu les ouvrages 
dont je parle savent bien qu^il n'est pas possible de les faire 
connaître par des passages si courts ; mais ils n'ont pas be- 
soin qu'on leur en dise davantage, pour se souvenir de ce 
qu'ils ont lu. A l'égard de ceux qui n'ont rien lu, je ne fais 
que leur indiquer les sources du beau, sans prétendre à 
prévenir, ou à forcer leur jugement Je suis comme ces an- 
tiquaires qui, dans les grandes villes, se louent aux étran- 
gers, pour leur montrer les beautés du pays : ces gena-là 
ont entendu parler des chefs-d'œuvre de leur patrie ; par 
exemple, à Rome, ils mènent les étrangers à l'Église de Saint- 
Pierre, et ils leur disent : u Voyez-vous cette statue ? elle 
ii est du Bernini ; admirez la hardiesse de cette figure, elle 
« est de Michel-Ange. » Les étrangers qui n'ont point de 
goût, s'en tiennent à ces instructions; mais ceux qui sont 
en état de juger par eux-mêmes, voient bien au-delà de ce 
qu'on leur montre, et ils portent leurs réflexions beaucoup 
plus loin que ceux qui font métier de parler aux autres de 
ces sortes de choses. Et qu'on ne dise pas que des Français 
n'ont pas besoin qu'on les avertisse des beautés de leurs 
propres écrivains : cela peut être vrai à l'égard des poètes 
dont les vers demeurent aisément dans la mémoire, et que 
l'on fait reparaître souvent sur le théâtre* ; cela peut être vrai 
à l'égard des historiens, parce que l'étude de l'histoire entre 
dans l'éducation de la jeunesse ; mais cela n'est point vrai 
pour les ouvrages de pure éloquence ; car peu de gens les 
lisent, et moins encore se souviennent de ce qu'ils en ont lu. 
Nous sommes, d'ailleurs, dans l'opinion que nous n'avons 
point égalé les anciens pour l'éloquence, et cela peut bien 
être vrai à l'égard de plusieurs de ses parties; ils en ont 

Marie-Thérèse et da grand Condé; enfin, de La Bruyère, le inoroeau sur Ten- 
treprise du prince d'Orange. — G. 

« Voir le ll«.Dialogue ( Racine et Boisuet ). — G. 



FRAGMENTS. 65 

tmnx connu l'art que nous; mais je doute qu'ils aient fait 
voir plus de génie. On lit beaucoup plus Démosthënes et 
Cicéron, que Bossuet et que Pascal; cependant, je ne crois 
pas qu'il y ait moins à profiter dans les uns que dans les 
autres, et, enfin, j'ose assurer qu'on ne pourrait que gagner 
infiniment à se mettre en état de les comparer, et à tirer 
des uns et des autres ce qu'ils ont eu de propre et d'excel- 
lent. Si l'on se remplissait bien de la lecture de ces grands 
hommes, peut-être n'atteindrait-on pas, même avec du 
génie, à la hauteur de leurs pensées, et à ce caractère ori- 
ginal qui leur appartient; mais, du moins, on appi-endrait, 
dans leur commerce, à mépriser les ornements frivoles, les 
petits traits, les tours recherchés, et les vues qui ne sont 
qu'ingénieuses; peut-être ne serait*on pas fort; mais, du 
moins, on serait simple ; peut-être ne serait-on pas sublime; 
mais, du moins, on serait raisonnable et vrai. 

2. — SUR LES CONVERSATIONS DU MONDE. 

On parlerait peu, dit un auteur, si la vanité ne faisait 
parler \ Voilà pourquoi on est taciturne dans sa famille, et 
avec les gens qu'on dédaigne ; on ne leur parle que pour le 
besoin. C'est dans le monde que l'on se prodigue, et que 
Ton produit la plaisanterie forcée, les contes froids, et les 
riens; là, comme on veut se parler, n'ayant rien à se dire, 
on se passe mutuellement toutes ces puérilités. Il faudrait, 
pour s'entretenir de choses plus intéressantes, convenir de 
goûts et d'opinions ; mais à peine, entre deux amis, peut-on 
trouver une telle convenance ; quant au monde, où l'on est 
toujours en garde et en défiance les uns des autres, le dis- 
cours ne saurait rouler que sur des sujets généraux, le plus 
souvent très-frivoles ; et, comme ces conversations n'ont 
qu'un intérêt emprunté de la vanité qui s'y mêle, on en 
change à chaque moment, ce qui fatigue de telle manière 
les gens accoutumés à pousser un peu loin leurs idées, qu'ils 

■ VauTenargues fait, sans doute, allusion à la 137* Maxime de La Roche- 
foucauld : On parle peu, quand la vanité ne fait pas parler, — G. 



5 



66 FRAGMENTS. 

De sont jamais au sujet qa'on traite, et ne disent rien à 
propos. Ceux qui ont Thabitude du inonde triomphent à 
montrer le ridicule et la pesanteur de ceux-ci, et ceux-ci 
disent, à leur tour, des gens du monde qu'ils n'embrassent 
tant de sujets que par légèreté, et par impuissance d'en ap- 
profondir aucun ' : reproches, quelquefois, bien fondés, des 
deux parts; car le caractère de la pesanteur est d'appuyer 
mal à propos, et celui de la légèreté, de changer mal à pro- 
pos. Mais il y en a qui réunissent ces deux caractères, qui 
inedstent sur les choses inutiles ou froides, et glissent sur 
toutes les autres ; et, comme cette espèce est celle qui com- 
pose surtout le train du monde , il faut convenir que ses 
règles ont plus de sens et d'esprit qu'on ne pense, je parle 
des règles ^u monde : en effet, des conversations plus so- 
lides lasseraient bien vite des gens qui n'y pourraient rien 
fournir; leur vanité souffrirait, le peu d'esprit qu'ils ont 
s'épuiserait en un moment, pour tomber en langueur, et 
nous les toucherions peut-^tre encore moins, en leur parlant 
de choses qui nous fussent personnelles; car, outre qu'il y 
auridt de l'imprudence dans cette conduite, et que l'on ris- 
querait de n'être pas écouté, il est difGcile aussi que l'inté- 
rêt général puisse se rencontrer dans la conversation d'un 
homme qui parlerait de lui et de ses propres affaires. C'est 
ainsi qu'il n'est pas nécessaire seulement de parlerde choses 
frivoles, mais qu'il est encoi'e nécessaire d'en parler frivo- 
lement ; et, cette coutume ayant son principe dans la frivolité 
de presque tous les gens du monde, tels qu'ils sont, il n'y 
aurait rien de plus déraisonnable qu'un usage plus raison- 
nable. Cependant, on en voit quelques-uns qui font entrer 
dans la conversation les grands et les petits sujets, et qui 
se persuadent même, qu'en les confondant de la sorte, et 
en traitant légèrement les matières les plus relevées, comme 
un jeu au-dessous de leur application, ils font paraître un 
esprit supérieur aux plus hautes difficultés, lorsqu'ils n'ont 

* Voir la Maxime 658% — G. 



FRAGBIEXTS. 67 

pas même de quoi les entendre : mais c'est là une imper- 
tinence à laquelle encore la coutume et la réflexion même 
nous soumettent. A quoi bon résister, et qu'attendre jamais 
de la vanité jointe à l'esprit faux» si ce n'est le ridicule à 
l'excès ' ? 

S. — SUR LE LUXE». 

Le luxe dépeuple la campagne, attire les laboureurs et 
les artisans dans le sein des grandes villes, par l'app&t d'un 
métier plus doux, ou par l'espoir d'un gain plus rapide; 
empêche d'autres hommes de se marier, par vanité ou par 
libertinage ; fait que des terres, dans presque toutes les pro- 
vinces, demeurent en friche, et met les peuples dans une 
espèce de dépendance à l'égard de leurs voisins, parce que 
le besoin qu'ils ont les uns des autres les assujettit les uns 
aux autres, et attache toute leur fortune à*un mutuel négoce, 
dont le succès n'a pas assez de certitude pour suppléer les 
fruits certains du labourage. Toutefois, étant impossible de 
maintenir dans un état puissant l'égalité des conditions et 
des fortunes, il est sensible aussi que l'on n'en peut fermer 
l'entrée au luxe, non pas même l'y réformer, parce que le 
coup qu'on lui porte accable nécessairement une infinité 
d'artisans qui, privés de toutes ressources, et habitués à 
des arts faciles, deviennent, par leur incapacité ou leur va- 
nité paresseuse, inutiles à la patrie, et l'affaiblissent par leur 
oisiveté, s'ils y demeurent, ou par leur désertion, s'ils l'a- 
bandonnent ; ce qui découvre le malheureux germe dont 

I lUpprochei de la 61* Réfexion (Sur la frÎToUté du inonde). — G. 

* Noos n'avons pas qualité suffisante pour Jager, quant an fond, de ces 
deux pages ^économie politique ; il ne serait pas surprenant qu'un œil plus 
exercé que le nôtre y découvrit, tout d*abord , plus d'une hérésie, car elles 
ont été écrites vers 1740, c'est-à-dire avant la publication des ouvrages de 
Quesaay ; mais nous ne craignons pas de les recommander, quant à la forme, 
à la sérieuse attention des économistes de notre temps; ils pourront se con- 
vaincre, en les lisant, qu'ils ne sont nullement forcés d'abandonner la lan- 
gue générale, au profit d'on ne sait qud idiAme, lequel, sous prétexte de 
$péeialiié . d^^énèro trop souvent en jargon. Ce morceau peut servir à prou- 
ver que lytre vieille langue suffit à tout, même à l'expression des idées 1rs 
plus nouvelles. ^ G. 



68 FRAGMENTS. 

toutes les choses humaines sont sensiblement infectées, et 
prépare» dans la grandeur même des empires, leur inévi- 
table ruine. 

Que d'hommes inutiles en France I que de légistes, que 
de valets, que de religieux ! que de bourgeois, qui crou- 
pissent dans l'oisiveté des villes, et privent le royaume de 
leur industrie et de leur travail ! La plupart 4e ces maux 
irrémédiables ont leur source dans la grandeur de l'État, 
et dans la prospérité même de ceux qui les produisent. Il 
semble à quelques hommes qu'on pourrait réparer ce dé- 
sordre, en faisant tomber sur les riches les charges les plus 
onéreuses ; mais qu'arrivendt-il de là 7 Ils diminueraient 
leurs dépenses, ou à la ville, ou à la campagne ; si à la cam- 
pagne, les terres dépériraient ; si à la ville, le commerce ; et, 
alors, les artisans ou les paysans, sans travail, seraient ré* 
duits à l'aumône ou à quitter leur pays, alternative égale- 
ment ruineuse pour l'État. 

Je suis persuadé que, dans le Royaume, on n'a jamais 
vu autant d'argent qu'il s'y en trouve à présent ; mais il est 
apparent que les denrées ont augmenté sans proportion à 
l'argent, ce qui fait que tant de millions ne peuvent cepen- 
dant suffire à la facilité des échanges, et que le Roi ne peut 
pas faire le recouvrement des impôts, sans interrompre ou 
gêner le cours du commerce, diminuer le travail et la con- 
sommation, et, par conséquent, le produit de la terre et de 
l'industrie. 

Comment porter remède à ce mal 7 Diminuer les impôts 7 
mais cela ne se peut pas, car les charges de l'État sont 
augmentées; il souffrirait de cette diminution, et TÉiat ne 
peut être en souffrance, que tous les citoyens n'y soient eu 
même temps que lui. Hausser les espèces 7 non, car les den- 
rées hausseraient dans la même proportion. Baisser les 
espèces ? encore moins, car les denrées baisseraient, et le 
recouvrement des impôts deviendrait plus difficile encore. 
On pourrait faire une refonte des monnaies, hausser les 
nouvelles, et baisser les anciennes ; mais il en arriverait 



FRAGMENTS. €9 

qu'on cacherait les anciennes, qu'on les porterait hors du 
Royaume, et.que le commerce intérieur languirait néces- 
sairement, faute de circulation et de nourriture. Où donc 
recourir? Aux billets? qui s'y fierait aujourd'hui *? On a 
proposé quelquefois de diminuer, ou même d'anéantir les 
charges de l'État; mais c'est une grande entreprise, et qui 
veut être approfondie. On a peut-être des moyens moins 
violents : rendre les avantages du commerce supérieurs aux 
dommages du luxe ; avilir l' oisiveté, et protéger l'industrie, 
l'agriculture et la population ; empêcher, autant qu'il se 
peut, la disproportion trop grande des fortunes ; simplifier 
la perception des revenus du Roi ; en un mot, bien d'autres 
ressources, qu'une connaissance plus profonde de l'état de 
chaque province pourrait révéler aux ministres ; car je crois 
qu'il est impossible, dans la condition présente du Royaume, 
de faire quelque bien, autrement que dans le détail, et de 
trouver, par exemple, de ces moyens simples, qui opèrent 
par une impulsion unique et universelle. La plupart de ces 
beaux systèmes n'ont qu'un endroit de réel, et ne sont pas 
proportionnés à leur fin : l'État est comme une balance : 
un poids trop fort emporterait d'un coup l'équilibre. 

A. — PLAN D UN LIVRE DE PHILOSOPHIE. 

Ceux qui ne lisent que pour s'amuser, ou pour enrichir 
leur esprit de beaucoup de pensées fines ou délicates, sans 
se soucier de la vérité et s'intéresser au fond des choses, 
trouvent assez à se satisfaire dans la multitude de livres 
que nous possédons ; car la plupart des auteurs ne parais- 
sent avoir écrit que pour ce genre d'hommes; la plupart 
n'ont pensé qu'à mettre de l'esprit dans leurs ouvrages. 
Aussi peu inquiets de la vérité que leurs lecteurs, ils ne se 
sont pas mis en peine de faire entrer dans leurs écrits ce 
qu'on ne devait pas y chercher ; ils y ont répandu de l'esprit, 
parce que ce n'était que de l'esprit qu'on y voulait. Ainsi, 

1 Alluûon aux billets ilc la fameuse banque do Law. — G, 



70 FRAGMENTS. 

ils n'ont point rejeté la vérité, lorsqu'elle a pu servir à leur 
dessein ; mais ils lui ont associé ou substitué l'errair, lors- 
qu'elle leur a été utile ; de sorte que les livres les plus esti* 
mes n'ont plus été des titres et des archives de la venté, 
mais de simples recueils d'esprit et de pensées vraies ou 
fausses. Je serais bien porté à croire que l'objet des pre- 
miers hommes qui ont écrit n'a pas été si vain et si fri- 
vole : il y a grande apparence que les premiers auteurs de 
réflexions se sont flattés de découvrir la vérité à leurs lec- 
teurs, et que les premiers lecteurs ont espéré de recevoir 
cette lumière de leurs maîtres ; mais, comme les découvertes 
ne se sont faites que peu à peu, et par différents hommes 
qui, tous, ont envisagé les objets par diva*s côtés, de là 
s'est formée dans l'esprit des hommes uïie confusion de pen- 
sées et de principes, que peu ont eu la force de développer 
et de réunir sous un même point de vue. Plus lerréflexions 
et les vues se sont multipliées, plus les hommes se sont 
trouvés accablés de cette infinité de connaissances, moins 
leur esprit s'est trouvé capable de les dépouiUer des erreurs 
qui les accompagnent \ et de les réduire en principes. Faute 
de pouvoir accorder un grand nombre de réflexions c<ni- 
tradictoires en apparence, ou véritablement incompatibles, 
plusieurs se sont persuadés qu'il n'appartenait pas à 
l'homme de connaître la vérité, car le pyrrhonisme est né 
de l'impuissance de l'esprit, comme l'indifférence de la vé- 
rité est née du pyrrhonisme. On a fait ce raisonnement : 
s'il y a tant de choses également apparentes et néanmoins 
incompatibles, ou tout est erreur dans le monde, ou l'es- 
prit de l'homme est incapable de démêler la vérité ; or, si 
la vérité ne peut être connue, c'est une folle de la chercher. 
Alors, et les auteurs et les lecteurs sont convenus qu'il n'é- 
tait plus question que d'avoir de l'esprit, et les uns n'ont 
écrit, et les autres n'ont lu, que dans cette unique pensée. 
Mais, parce que le plus grand nombre des hommes aime 

< Voir la Maxime 271* et ses variantes; voir ausai le Diicoun tur le Carac* 
(ère des ûiffértnin siècien. — fî. 



FRAGMENTS. 71 

■ 

à croire, qu'il y a, d'ailleurs, beaucoup de vérités sen- 
sibles et. que l'esprit a de la peine à rejeter malgré les 
ombres qui les obscurcissent, il est arrivé que le plus grand 
nombre a regardé avec mépris les livres et les auteurs où l'on 
n'apercevait, en général, qu'une vaine affectation d'esprit. 
En effet, si la vérité ne peut être connue, à quoi sert l'esprit 
qui ne peut la trouver 7 et, si la vérité peut être connue, à 
quoi sert l'esprit qui ne teiyl pas à l'enseigner? Ainsi, les 
philosophes et les auteurs se sont décriés et avilis eux- 
mêmes aux yeux des hommes, qui n'ont pas besoin de sa- 
voir qu'un autre homme a de l'esprit, et veulent des lectures 
utiles, ou proscrivent la lecture avec raison , si elle est 
inutile. 

Ce n*est pas que la plupart des grands hommes qui ont 
écrit dans les derniers temps, n'aient écrit dogmatiquement, 
et n'aient eu, la plupart, un système général sur tous les 
objets essentiels; mais, comme ils n'ont traité que des sujets 
particuliers, et qu'ils n'ont pas pris soin de faire un corps 
de leurs principes, il n'est pas aisé de saisir leurs vues 
éparses, et de les rapprocher pour former un système; 
d'autant mieux qu*ayant considéré les choses en divers 
temps et sous diverses faces, ils n'ont pas toujours évité 
de se contredire, et se sont trompés quelquefois, parce qu'il 
n'appartient à aucun homme d'échapper à toute sorte d'er- 
reurs. Si l'on ajoute à ces considérations que le dernier 
siècle, où ces grands hommes ont paru, sortait à peine de 
la barbarie et des ténèbres d'une longue ignorance, on ne 
sera nullement surpris, qu'ayant eu tant d'obstacles à 
surmonter, chacun dans son genre, pour trouver le vrai, ils 
n'aient pu réunir les différentes découvertes que les uns 
et les autres faisaient en même temps. 

C'est à nous, qui venons après tant de grands génies, à 
rassembler toutes leurs lumières, et à purger leurs opinions 
du faux qui peut s'y être mêlé. Avec des matériaux aussi 
riches que ceux qu'ils nous ont laissés, nous pouvons bien 
plus aisément élever un édifice qui ait de la proportion et 



72 FRAGMENTS. 

de l'étendue. C'est à noua à prendre des vues générales, 
et à nous former un esprit vaste de tant d'esprits parti- 
culiers, mais excellents, qui nous ont ouvert l'entrée de 
toutes les sciences. Aussi voyons-nous que ceux qui mar* 
chent de plus près sur les pas de ces hommes illustres, 
font paraître des vues plus générales et peut-être plus éten- 
dues qu'on n'en trouve dans ]a plupart de leurs modèles. 
Cet avantage est celui de notre siècle, plutôt que celui de 
nos auteurs, et nous ne devons pas, je crois, en tirer de la 
vanité ; nous le devons d'autant moins, que ces vues géné- 
rales que nous affectons sont encore mêlées de beaucoup 
d'erreurs, et ne sont présentées, nulle part, avec méthode, 
ni même en système. Or, il me parait que c'est un grand 
défaut dans les ouvrages de réflexion de ne pas fsdre un 
tout, car l'esprit saisit avec peine ce qui n'est point un. 
C'est pourquoi j'ai toujours pensé qu'il serait fort utile de 
former un système général de toutes les vérités essen- 
tielles que l'on peut connaître sur les sciences utiles. 
* Comme la principale erreur de notre siècle est de croire 
tout incertidn et problématique, je voudrais qu'on s'atta* 
chat d'abord à détruire cette erreur nuisible ', qu'on décou- 
vrit, en même temps, la certitude et l'utilité de certaines 
sciences, qu'on les appréciât toutes avec justice, et qu'on 
mit chacune dans son rang. Je voudrais qu'on pût rap- 
procher, en peu de mots, les siècles barbares et le petit 
nombre de siècles éclairés ; qu'en les comparant les uns 
aux autres, on ftt voir ce que la nature peut faire pour les 
hommes, et ce que l'éducation peut y ajouter'; que l'on 
mit dans une balance les divers avaiitages du savoir et de 
l'ignorance , que l'on expliquât l'origine des principales 
erreurs, et qu'on nous menât aux grandes sources de nos 
opinions. 



< Vauvenarguet s*y est attaché, dans maint endroit de ses ourrages, et, 
particulièrement, dans sa 1^ Rêflejrion (Sur le Pyrrhonisme). — G. 

* Cest l'objet de Vauvenargues dans ses Dticours sur U Caractère de* ilil^ 
féreni» $ièclet, et Sur le» mœurs duiiécle, — G. 



FRAGMENTS. 73 

Je voudrais encore qu'on prouvât la réalité de la vertu 
et celle du vice, qu'on expliquât la religion et la morale, 
que l'on remontât aux principes de l'une et de l'autre, 
qu'on cherchât, dans la connaissance de l'esprit humain, 
la source des coutumes différentes, des mœurs qui nous 
semblent les plus barbares, et des opinions qui nous sur- 
prennent le plus, afin qu'on ne s'étonnât plus de tant de 
choses qu'il serait si facile de concilier et de comprendre. 

Comme le commerce paraît aujourd'hui une chose fort 
importante, ainsi que les manufactures et les arts qui le 
font fleurir, et qu'il se trouve, néanmoins, des philosophes 
qui méprisent toutes ces choses qu'ils croient superflues, 
et voudraient ramener les hommes à la première simpli- 
cité, je crois qu'il serait instructif et agréable de montrer 
en quoi les uns et les autres se trompent , et en quoi ils 
peuvent être bien fondés. Il ne serait ni moins utile ni 
moins nécessaire de décider entre les ignorants et les sa- 
vants du mérite des beaux-arts^ trop estimés peut-être par 
les uns, et trop avilis par les autres. Je voudrais qu'on fixât 
aussi nos opinions sur le gouvernement, dont les hommes 
disputent depuis si long-temps sans pouvoir s'accorder. 

Rien ne serait plus utile, ce me semble, que de régler 
ainsi tous les principaux points de nos disputes, en conci- 
liant, autant qu'il est possible, toutes les vérités répandues 
dans nos opinions, et en les dépouillant du faux qui s'y est 
mêlé. Or, je crois qu'il serait nécessaire, pour cela, de 
traiter chaque chose brièvement, clairement, et de manière 
que les vérités présentées prévinssent toutes les objections 
qu'on a coutume de leur opposer, afm d'éviter les longueurs 
et les détails ; car, si l'on s'engageait, sur chaque article, ou 
dans de longues disputes ou dans des détails expliqués, 
l'ouvrage devenant idors trop étendu pour être saisi facile- 
ment et d'un coup d'œil, on perdrait le fruit principal 
qu'on s'y propose, qui est de pouvoir rapprocher en peu 
de mots toutes les vérités importantes, et former un 
corps de principes. Toutefois, il serait facile, après avoir 



74 FRAGMENTS. 

traité les grands sujets daos un premier tome, d*en expli- 
quer les branches et les effets dans un second et dans un 
troisième , qui, sans séparer les matières du premier vo- 
lume, ne feraient que les éclaircir '. 

» 

* Ce qui fait le principal intârdt de ce morocAU, d'aillean, si remarquable, 
c'est que Vauvenargues y développe les vues simplement indiquées dans son 
Dhcâun préHmmaire à Vtnirodueiien à la Com û im an ee de l Esprit kumam. 
On voit ici, clairement, ce qn'il aurait essayé de faire, ce ^u'il aurait, fait, 
sans doute, si la Tie ne lui eût pas manqué; on devine, en même temps, le 
bat et la place d'an grand nombre de tes Réfexiont et de ses F\ragments: 
ce sont les pieiros taillées de l'édifice qu'il n'a pas eu le temps d'élever. 
Pendent opéra interrupta... — G. 



CRITIQUE 



DB 



QUELQUES MAXIMES 



DU DUC DE LA ROGHBPOLGAULD. 



AVERTISSEMENT. 

La répagnanœ que j*ai toujonn eue poiu* les principes que Ton attri- 
bue au duc de La Rochefoucauld, m*a engagé à discuter quelques-unes 
de ses Maximes. Ge sont les erreurs des hommes illustres quMl importe le 
plus de réfuter^ leur réputation leur donnant de Pautorité, et les grâces 
de leurs écrits les rendant plus propres à séduire *. 

Le duc de La Rochefoucauld a saisi admirablement le côté faible de 
Tesprit humain; peut-être n*en a-t-il pas ignoré la force; peut-être nV 
l-il contesté le mérite de tant d^actions éblouissantes, que pour démas- 
quer la fausse sagesse. Quelles qu'aient été ses intentions, Teffet m*en 
parait pernicieux; son livre, rempli d'invectives délicates contre Thypo- 
crisie, détourne, encore aujourd'hui, les hommes de la vertu, en leur 
persuadant qu'il n'y en a point de véritable. 

Cet illustre auteur mérite, d'ailleurs, de grandes louanges, pour avoir 
été, en quelque sorte, l'inventeur du genre d'écrire qu'il a choisi. Tose 
dire que cette manière hardie d'exprimer, brièvement et sans liaison, de 
grandes pensées, a quelque chose de bien élevé. Les esprits timides ne 
scmt pas capables de passer ainsi, sans gradatif>n et sans milieu, d'une 
idée à une autre; l'auteur des Maximes les étonne par les grandes dé- 
marches de son jugement; son imagination agile se promène, sans s'ar* 
rêter, sur toutes les faiblesses de l'esprit humain, et l'on volt en lui une 
vaste intelligence qui, laissant tomber au basant ses regards rapides, 
prend toutes les folies et tous les vices pour le champ de ses réflexions. 

Cependant, M. de La Rochefoucauld n'était pas peintre *, talent sans 

> Var, : • Ge sont, eBsentieUement, comme chacun sait, les erreun des 
« hommes Uluttresqu*!! Importe de réfuter, parce que, étant plus accréditées 
« et plus spécieuses que les autres, elles sont nécessairement plus dànge* 
« rcuses. » 

* Voir la 337* Maxime de Yauvcuargues. ^ G. 



76 CRITIQUE DE QUELQUES MAXIMES 

* 

le<iuel il est bien difficile d*ètre éloquent; il savait exprimer, avec pré- 
cision et avec finesse, des pensées profondes; il avait cette liberté et cette 
hardiesse qui caractérisent le génie; mais son style n'est ni gracieux, ni 
touchant, ni véhément, ni sublime; on ne trouve, dans ses écrits, ni la 
magnificence de Bossuet, ni la simplicité et Ténergie de Pascal, ni le 
pathétique de Fénelon, ni le coloris de La Bruyère. Aussi plalt-îl moins^ 
ce me semble, par ses expressions que par la finesse de son esprit ; mais 
je crois quMl sera toujours dans le premier rang des philosophes qui ont 
su écrire. 

Après les Maximes qui m'ont semblé fausses, j*ai placé quelques ré- 
flexions qui m*ont paru communes, par leur fond, ou par la manière dont 
elles sont exprimées ; ayant écrit moi-même quelque chose dans ce genre, 
j*al cru que je pourrais justifier mes fautes en faisant voir qu'il n'appartient 
pas, même aux écrivains les plus célèbres, d'éviter toute sorte de dé- 
fauts. J'aurais pu, pour cette fin, critiquer un plus grand nombre des 
pensées de M. de La Rochefoucauld; mais je me suis borné à en exami- 
ner quelques-unes, parce que, ayant combattu encore ailleurs ses opi- 
nions ■, j'ai craint de révoUer les partisans zélés de cet auteur, et de 
rebuter les* indifférents. Si ces derniers ne trouvent pas assez d'intérêt 
dans les Maximes mêmes que j'ai critiquées, c'est encore une preuve 
incontestable de l'imperfection de l'ouvrage que j'examine; enfin, si j'ai 
pu me tromper souvent dans mes remarques, je n'ai jamais cherché à 
tromper les autres. 



3 *. Quelque découverte que l'on ait faite dans le pays de l'amoai^ 
propre, il y reste encore bien des terres inconnues. 

Le pays de l amour -propix, terres inconnues ; ces expres- 
sions ne me paraissent pas nobles. 

d. L*amour-propre est plus habile que le plus habile homme du 
monde. 

L'amour-propre le plus habile fait beaucoup de fautes 
contre ses vrais- intérêts. 

7. <}es grandes.et éclatantes actions qui éblouissent les yeux sont 
représentées par les politiques comme les effets des grands desseins, au 
lieu que ce sont d'ordinaire les effets de l'humeur et des passions. Ainsi 

I Voir, dans le Discours sur le Caractère des différenls siècles, la 2« noie 
de la page 162. — G. 

* te Quméro, placé au commencement des Maximes critiquées par Vauve- 
nargues, indique le rang qu'elles occcupent dans le livre de La nochcfou- 
cauld. — G. 



DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. 77 

la guerre d^Auguste et d'Antoine, qu^on rapporte àTambition qu'ils 
ataient de se rendre maîtres do monde, n'était peut-être qu'un etfet de 
jalousie. 

La jalousie d'Auguste et d'Antoine n'étant, probable- 
ment, fondée que sur ce qu'ils partageaient l'empire du 
monde, on a pu raisonnablement confondre une tellejalousie 
avec l'ambition. 

lâ. Les hommes ne sont pas seulement sujets k perdre le souvenir 
des bienfaits et des injures; ils haïssent même ceux qui les ont obligés, 
et cessent de haïr ceux qui leur ont foit des outrages. L'application à 
récompenser le bien et à se venger du mal leur parait une servitude à 
laquelle ils ont peine de se soumettre. 

Les hommes oublient les bienfaits et les injures, parce 
qu'ils sont légers S et qu'il n'y a, ordinairement, que le pré- 
sent qui fasse une forte impression sur leur esprit. 

17. La modération des personnes heureuses vient du calme que la 
bonne fortune donne à leur humeur. 

La bonne fortune ne fait qu'irriter les désirs des esprits 
naturellement immodérés. 

IS. La modération est une crainte de tomber dans l'envie et dans le 
mépris que méritent ceux qui s'enivrent de leur bonheur; c'est une 
vaine ostentation de ta force de notre esprit ; et enfin la modération des 
hommes dans leur plus haute élévation est un désir de paraître plus 
grands que leur fortune '. 

Il y a une modération de tempérament, où la réflexion 
n'a point de part. Tous ceux qui sont continents ne le 
sont point par raison ; on pourrait en nommer qui sont 
nés chastes. La nature a fait d'autres hommes modérés 
dans leur ambition, comme ceux-ci le sont dans leurs 
plaisirs. 



1 Voir la 82d« Ma&ime de Vauvenargues. — G. 

* Dans le texte de cette Maxime, tel qae le donne Vaavenargiies, se ren- 
contre une variante, que je ne trouve pas dans Tédition de La Rochefoucauld 
que j'ai sous les yeux, ceUe d* Aimé-Martin : < La inodératîuii des Uoinmc» 
« dans la plus haute élévation est un désir de paraître plus grands que les 
« chosfs qui les élèvent, «» — G. 



78 CRITIQUE DE QUELQUES MAXIMES 

30. Uconfltànoe des Mges n'est qverart de fenlmiierleiiragîU^^ 
dans leur cœur. 

La constance des sages peut être fondée sur le sentiment 
qu'ils ont de leurs ressources \ 

3A. Lorsque les grands hommes se laissent abattre par la longueur de 
leurs infortunes, ils font voir qu'ils ne les soutenaient que par la force 
de leur ambition, et non par celle de leur Ame; et qu'à une grande va- 
nité pr^, les béros sont foits comme les autres hommes. 

Lorsqu'un bomme n'est pas assez fort pour supporter k 
malheur, je ne crois point qu'il puisse être capable d'une 
forte ambition, et surtout de celle qui fait supporter de lon- 
gues infortunes : ce que M. de La Rochefoucauld appelle 
la force de tambiîion n'est donc autre chose que la force de 
tâme, et l'auteur les sépare mal à propos. À une grande 
vanité près, leê héros $mî faits, dit*iU comme les autres hom- 
mes: c'est encore abuser des termes, que d'appeler l'amour 
de la gloire une gramde vanité^ et je ne conviens point de 
cette définition ^ D'ailleurs, plus un homme a de vanité, 
moins il est capable d'héroïsme ; il est donc faux de dire 
que c'est une grande vanité qui fait les héros, puisque c'est, 
au contraire, le mépris des choses vaines qui les rend su- 
périeurs aux autres hommes*. 

26. Le soleil ni ia mort ne se peuvent regarder fixement 

11 me semble que le soleil est une image assez mal choi- 
sie de la mort ^ 



I Voir la 30' Kéflexiun^ et le S* Conseil à un Jeune homme. — G. 

< En effet, c'est un des points où le dissentiment est le plus marqué entra 
les deux niioralistes ; presqu'à chaque page de son livre, Vauvenargues, oon- 
seulement Justifie, mais recommande l'amour de la gloire. — G. 

' Var. : • Lliéroisme est incompatible avec la vanité, et n'a ni les mâmes 
« effiiHsy ni la môme cause : pk» grande est la vanité, plus fûble est Tamonr 
a de la gloire. • 

* Aussi, La Rocbefoucauld n*a-t-il nullement songé à donner le soleil oomme 
hnage de la naort; Tobservation de Vauven argues nous parait sans al^et. 



DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. 79 

35). L^orgneil est égal dans tous h» homniies, et il tCj a de différence 
qu*aai moyens et à la manière de le mettre au jour. 

L'orgueil n'est pas plus égal dans tous les hommes que 
l'ambition , ou le courage ; et, comme il y a des hommes 
qui ont moins d'esprit, moins de vivacité, moins d'huma- 
nité que d'autres, il s'en trouve aussi qui ont moins d'or- 
gueil. 

61. Ceux qui s'appliquent trop aux petites choses, deviennent ordi- 
nairement incapables des grandes. 

Je crois qu'il serait plus vrai de dire qu'ils sont nés in- 
capables des grandes. 



A6. La force et la faiblesee de Tesprit sont mal nommées; elles ne 
sont en eflet que la bonne ou la mauvaise disposition des organes du 

rorps*. 

On pourrait dire, sur ce fondement : La sagacité et l'im- 
bécillité sent mal nommées, elles ne sont en effet, etc. Mais 
qui ne voit la fausseté de cette maxime? L'imbécillité et la 
sagacité, la force et la faiblesse de l'esprit sont-elles moins 
réelles et moins distinctes, pour être fondées sur la dispo - 
sition de nos organes 7 Si la force du corps entraînait né- 
cessairement celle de l'esprit, il serait assez raisonnable de 
les appeler du même nom ; mais, puisque ces deux avan- 
tages sont si rarement unis, ne faut-il pas avoir aussi deux 
expressions pour caractériser deux choses, non-seulement 
séparaUes, mais presque toujours séparées? 

&6. L^attachement ou rindifférence que les philosophes avaient pour 
la Tîe notaient qu*un goût de leur amour-propre, dont on ne doit non 
ph» disputer que du goût de la langue, ou du choix des couleurs. 

L'amour-propre n'empêche pas qu'il n'y ait, en toutes 
choses, un bon et un mauvais goût, et qu'on n'en puisse 
disputer avec fondement. 

63. L'aversion du mensonge est souvent une imperceptible ambition 



* Voir, dans Vintroduciion à la CoHHai9$ance de VEtprit huinain^ la note 
de la page 8. — G. 



m CRITIQUE DE QUELQUES MAXIMES 

de rendre nos témoîgiuiges considérables, et d'attirer à nos paroles tni 
respect de religion. 

Vaverrian du mensonge est encore plus souvent, à mon 
avis, l'aversion d'être trompé '• 

67. La bonne grftce est au corps ce que le bon sens est à Pespril '. 

Cette comparaison ne me parait ni clidre, ni juste. Un 
esprit sage peut manquer de grftce, comme il est possible 
qu'un homme, bien fait d'ailleurs, n'ait pas un maintien 
agréable, ou une démarche légère. 

6S. Il est difficile de définir Tamour : ce qu'on en peut dire est que, 
dans FAme, c'est une passion de régner ; dans les esprits, c'est une sym- 
pathie; et, dans les corps, ce n'est qu'une envie cachée et délicate de 
posséder ce que Ton aime, après beaucoup de mystères. 

Si l'âme est distincte du corps, si c'est, non pas le corps, 
comme le suppose ici l'auteur, mais Tâme, qui sent', on 
ne peut pas dire que l'amour est, dans le corps ^ une envte 
cachée et délicate de posséder ce que Ion aime. Et, d'ail* 
leurs, quel est cet amour qui ne veut posséder qu'après 
beaucoup de mystères î Le duc de La Rochefoucauld avait 
pris cela dans nos romans, ou parmi les Femmes savantes 
de Molière. 

7A. Il n'y a que d'une sorte d'amour, mais il y en a mille différentes 
copies. 

Autre maxime de roman. L'amour prend le caractère des 
cœurs qu'il surmonte : il est violent, impérieux, et jaloux, 
jusqu'à la fureur, dans quelques*uns ; il est tendre, aveugle 
et soumis, dans quelques autres; il est passionné et volage 



< Rapprocliez de 1» 533* Maxiroo de VauvtMiargucs. » G. 

* Dans une première rédaction de sa Criiiqne des Maxime* de La Roehefau- 
eauld^ Vaavenargues qualifiait cette pensée de juste et lumineuse comparni" 
son; mais, en y regardant de plds près, il est arrivé, comme on ?a le ▼oir, à 
une conclusion tout opposée. — G. 

s Voir la 5A5* Maxime de Vauvenargues ; voir aussi le 36* chap- de VInîrfh- 
duction à la Connaissance de VE^init humain ; dans ces deux endroits, Vau- 
vcnargucs se propose, évidemment, de répondre à La Rochefoucauld. — G. 



nu DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. 81 

dans la plupart des hommes, mais il lui arrive quelquefois 
d*ètre fidèle'. 

77. L^amour prête son nom à un nombre infini de commerces qu*on 
lui attribue, et où il n*a non plus de part que le doge à ce qui se fait à 
Venise. 

Cette plaisanterie me parait froide et recherchée, 
se. Notre défiance jusUfie la tromperie d'autruL 

L'expérience justifie notre défiance ; mais rien ne peut 
justifier la tromperie. 

92. Détromper un bomme préoccupé de son mérite est lui rendre un 
aussi mauvais office que celui que Ton rendit à ce fou d'Athènes, qui 
croyait que tous les vaisseaux qui arrivaient dans le port étaient à lui. 

Détromper un homme de la fausse idée de son mérite^ 
c* est le guérir de la présomption, qui fait commettre les 
fautes les plus sottes et les plus nuisibles'. 

il^ On ne peut se consoler d'être trompé par ses ennemis et trahi 
par ses amis, et Ton est souvent satisfait de Tètre par soi-même. 

Il n'y a, en cela, aucune contradiction : on est presque 
aussi fâché d'avoir été trompé par soi-même, quand on s'en 
aperçoit, que de l'avoir été par d'autres ; et si l'on est quel- 
quefois bien aise d'être trompé par soi-même, c'est qu'on 
ne s'en aperçoit pas toujours; car, si l'on savait que l'on 
se trompe, on ne serait point en erreur. Il est vrai qu'on 
s'en doute quelquefois , et qu'on ne veut pas s'éclairer ; 
mais cela nous arrive aussi bien avec les autres qu'avec 
nous-mêmes ; lorsqu'on nous flatte, par exemple. 

13S '. n y a des crimes qui deviennent innocents et même glorieux 
par leur éclat, leur'nombre et leur excès : de là vient que les voleries- 

* VauTenargues disait pourtant, dans une Maxime qu'il a supprimée, il est 
vrai (755*) : c La constance est la chimère de Tamour. » — G. 

* Var, : « C'est lui épai^ner des fautes plus humiliantes que la modestie 
« qu'on lui inspire. » 

s Cette Maxime, que Vanvenargues donne sous le n* 138, a été mise au re- 
but par La Rochefoucauld. Elle porte le n« 35 du Supplément^ dans les diverses 
éditions. — G. 

♦ 6 



82 CRITIQUE DE QUELQUES BtAXlMES 

publiques tODt des balnletés, et qoe prendre des provinoesûyiislanenl 
s*q>peUe faire des conquêtes. 

U est faux que l'éclat oa l'excès du crime le rendent in- 
nocent ou glorienz : un de nos meilleurs rois*, assassiné^ 
au milieu de ses gardes et de son peuple, a couvert le nom 
du meurtrier d'un étemel opprobre. Ce ne sont donc pas les 
grands crimes qui rendent un homme illustre ; ce sont ceux 
qui demandent, dans l'exécution, de grands talents et un 
gtoie élevé ; tel est l'attentat de. Cromwell. 

303. Le vrai honnête bomoie est celui qui ne se pique de rien *. 

Ce mérite, si c'en est un, peut se rencontrer aussi dans un 
imbécile. 

22S. L*orgueil ne veut pas devoir, et l'amonr-propre ne veut pas 
payer. 

L'orgueil n'est qu'un effet de l'amour-propre, et, par 
conséquent, c'est l'amour-propre qui ne veut pas devoir, 
comme c'est lui qui ne veut pas payer. Comment est-il 
échappé à l'auteur des Maximes de distinguer l'orgueil de 
l'amour-propre, lui qui rapporte à ce dernier toutes nos 
vertus? 

244. La souveraine habileté consiste k bien connaître le prix des 
choses. 

On n'est pas habile pour connaître le prix des choses, si 
Ton n'y joint l'art de les acquérir. 

251. Il y a des personnes è qui les défauts siéent bien, et d^autres qui 
sont disgraciées avec leurs bonnes qualités. 

L'auteur des Maximes avait déjà dit * : 



« n est clair qu'il s*agit d*Henri IV et de RavaiUac — G. — Var. : « Les 
« grands crimes ne deviennent pas glorieux par leur éclat, leur nombre et leur 
« excès, mais par le mérite qui les accompagne quelquefois, et par les talents 
« qu*ils supposent dans l'exécution. L'énormité du crime de RavaiUac n*a 
« servi qu*à le rendre plus infâme. » 

9 Voir, dans les Con$eils à un Jeune homme, la àoto de la page lis. 
— G. 

s Dans la Maxime 153<*. — G. 



DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. 83 

Il y a des gens dégoûtâDta avec du mérite, et d'autres qui plaisent 
avec des défauts. 

Une pensée si commune ne méritait pas, je crois, .d'être 
répétée*. 

268. Nous récusons des juges pour les plus petits intérêts, et nous 
voulons bien que notre réputation et notre gloire dépendent du juge- 
ment des hommes, qui nous sont tous contraires, ou par leur jalousie, 
ou pat leur préoccupation, ou par leur peu de lumières; et ce n'est que 
pour les faire prononcer en notre faveur, que nous exposons, en tant de 
manières, notre repos et notre vie. 

n n'est pas vrai que les hommes nous soient, tous, con- 
traires ' ; plusieurs sont préoccupés en notre faveur, par 
leur propre intérêt, ou par les ressemblances qu'ils ont avec 
nous. D'ailleurs, quand nous récusons des juges pour un 
intérêt de fortime, c'est parce qu'on peut nous en donner 
d'autres; mais,lorsque nous nous remettons de notre gloire 
au jugement des hommes, c'est que nous ne pouvons l'ob- 
tenir que des hommes, et qu'il n'existe pas pour nous d'autre 
tribunal ; encore se trouve-tril des opiniâtres qui en ap- 
pellent à la postérité. L'auteur des Maximes se trompe donc, 
ainsi que la plupart des philosophes ; les hommes sont in- 
conséquents dans leurs opinions ; mais, dans la conduite 
de leurs intérêts , ils ont un instinct qui les dirige, et la 
nature, qui préside à leurs passions, sauve presque toujours 
leur cœur des contradictions de leur esprit. 

En discutant ainsi quelques-unes des Maximes du duc de 
La Rochefoucauld, je crois sentir^ aussi bien que personne, 
combien elles sont ingénieuses ; mais c'est parce qu'elles 
ne me paraissent qu'ingénieuses, que je les attaque. J'au- 
rais rendu mes remarques beaucoup plus courtes, si je 
n'avais craint qu'on [ne] les prit pour des décisions, ou 
qu'elles ne fussent mal interprétées par ceux qui honorent 

* Vaavenargues aurait pu ajouter que La Rochefoucauld revient encore sur 
cette pensée dans les Maximes 90* et 973*. — G. 

* Dans sa 311* Maxime, Vauvenargues est moins indulgent, pt semble d'ac- 
cord avec La Rochefoucauld. — G. 



84 CRITIQUE DE QUELQUES MAXIMES, &,K 

cet auteur, et qui ont Fesprit plein de son sens. Quand on 
critique de grands écrivains» il n'est pas permis de les 
juger, on est obligé de les combattre; on est même forcé 
de s'expliquer beaucoup, pour contenter toutes les délica- 
tesses des esprits déjà prévenus, et cette attention néces- 
saire rend toutes les critiques languissantes, en sorte qu'il 
n'y en a aucune qui ne soit toujours trop longue pour les 
bons esprits, quoique toujours insufiisante pour le9 au- 
tres*. 

I Dans le manuscrit que nous avons sous les yeux, ce morceau se tennioe 
par une phrase que Tauteur a reprise, pour la placer daos ses Maximes, où 
on la trouvera sous le n9 510. EnOn, à la suite de cette Critique^ Yauve- 
nargues, ainsi qu'il Tavalt annoncé dans Tifverrtsseineiif qui la précède, 
avait transcrit de sa main les Maximes qui lui semblaient commîmes, par !eur 
fotid, ou par h manière dont elles $ont exjnimées. H nous paraît inutile de les 
transcrire, à notre tour; il suffit de les désigner par les numéros qn*ellcs 
portent dans les diverses éditions de La Rochefoucauld. Les voici , dans leur 
ordre : 0, 12, 1$, 27, 28, 32, 33, 36, 30, à8, 30, 53, 5&, 57, 58, 60, 79, 85, 
89, 0&, 05, 105 et 279. Vauvenaigues supprimait également une pensée que 
Pauteur avait déjji supprimée lui-même; c'est la 22* du Supplément. Nous 
avons relu avec soin ces Maximes, mises au rebut par Vauvenargues, et nous 
devons dire que nous serions bien fftcbé qu'il eût été aussi sévère pour lui* 
même, qu'il l'est, ici, pour La Rochefoucauld. — G. 



CORRESPONDANCE 



CORRESPONDANCE 



i. — LE MARQUIS DE MIRABEAU > AU MARQUIS DE 

VAUVENARGUEa 

(Du château de Mirabeau.) — Juillet 1737. 

Des qualités ordinairement séparées, et toujours recherchées, 

se joignent en vous; jugez des sentiments qu'elles y attirent A la 
beauté près, je ne saurais rien dire de plus d*une maîtresse qui m'aurait 
fait perdre le bon sens. Ty trouve une autre dilTérence : c'est que là, je 
mentirais, et qu'ici je dis vrai ; mais vous me flattez, cela suffit pour m'ar- 
rftter sur vos louanges; et puis, je ne fais. point une épitre dédicatoire. 

La confidence de mes amours et dé mes plaisirs ne saurait tout au 
plus regarder que le passé. Je suis un demi-anachorète, à présent; 

< Victor de Riqueti, marquis de Mirabeau, était cousin de Vauven argues. 
Né à Pertbuis, en Provence, le 5 octobre 1715; chevalier de Malte, le 1"^ sep- 
tembre 171S; enseigne à TAge.de 14 ans, il devint capitaine de grenadiers au 
Régiment de Duras, dont son père, le marquis Jean-Antoine, avait été co- 
lonel. Après avoir fait, avec Vauvenargues, la campagne de Bavière (1761-62), 
il donne sa démission le 7 mars 17&3, et, le 21 avril suivant, épouse Marie- 
Geneviève de Vassan. Dès-lors, il s'occupe exclusivement de littérature, d'é- 
conomie politique, et d'expériences agticoles. En 1740, il avait acheté la 
terre du Bignon, à six Iteaes de Sens, et, deux ans après, un hôtel à Paris, 
afin d*y suivre ses projets philosophiques et littéraires. En 1757, il se sépare 
de sa femme avec éclat, et vit publiquement avec M"** de Pailly, qui ne fut 
pas étrangère aux procès scandaleux du marquis avec sa femme, et à ses 
démêlés avec son fUs, le célèbre orateur. Cependant,, le marquis rédigeait 
de nombreux écrits philanthropiques, entre autres VAmi des Hommes, et la 
Théorie de l'Impôt; à l'occasion de ce dernier ouvrage (1700), il est empri- 
sonné, pendant cinq jours, à la Bastille, puis exilé, pendant deux mois, au 
Bignon. H meurt à Argenteuil, le 13 juillet 1780, la veille même du jour où 
la prise de la Bastille ouvrait définitivement à son fils la carrière révolution- 
naire. Le marquis de llirabeau écrivait sans cesse ; dès l'année 1735, il rédi- 
geait des Mémoires particuliers , et , sans parler de ses nombreux manu- 
scrits, U a pubUé environ trente volumes, dont plus de moitié in-/î*. « A 
< trois ans, dit-il lui-même. Je prêchais; à six, j'étais un prodige; à douze, 
1 un objet d'espoir; à vingt, un brûlot; à trente, un politique de théorie; à 
« quarante, je ne suis plus qu'un bon homme. » {Lettre inédite à la comtesse 
de Roehefcrt, du 27 décembre 1756.) Ce dernier mot est, au moins, contestable ; 
et si, dans l'appréciation de sa vie et de son caractère, les biographes sont 
généralement trop sévères, le marquis est ici, comme il le fut toujours, trop 



88 CORRESPONDANCE. 

mais cela ne davera pas. Voilà pourtant une lettre que je reçois d'une 
ancienne maltresse, qui m'avait assujetti aux malheurs de Tabsenoe, sur 
laquelle j^atais pris mon parti, et que je n*ai pas approchée, depuis, de 
plus de 50 lieues : 

« Je n'ose vous ailler. Monsieur, de ces noms tendres qui nous 
« servaient autrefois; ils ne sont plus faits pour moi; j'ai fait, pour les 
« perdre, tout ce que je voudrais faire, à présent, pour les ravoir. 
« Taurais tort de ne pas connaître votre caractère, et qu'il n'y a plus 
« de retour avec vous. Vous me Pavez dit assez souvent; je n'y ai pas 
« pensé quand il le fallait; j'ai laissé prendre à mes étourderies la cou- 
« leur des crimes; n'en parlons plus. Vous n'étiez plus pour moi qu'un 
« songe agréable, lorsque le bruit du malheur qui vous est arrivé m'a 
« attendrie * ; les larmes auxquelles je n'ai voulu faire nulle attention, 
« quand vous m'avez voulu persuader que je les causais, m'ont frap- 
« pée, sans savoir même si vous en avez versé, dans une occasion 
« dont on se console, quelquefois, plus aisément que de la perte d'une 
« maltresse. Que vous dirai*je7 j'ai cru qu'un compliment de ma part, 
« sur un sujet pour lequel tout le monde vous en fait, ne pourrait 
« vous choquer. Je l'ai fait, et le voilà. Adieu, Monsieur. Oserai-je 
« vous demander un peu d'amitié? » 

Répome : 

Mademoiselle, 

rai rhonneur d'être, avec un très profond respect. 
Mademoiselle, 
Votre très-humble et très-obéissant serviteur *. 
Adieu, mon cher Vanvenaigues, aimez-moi un peu. 



complaisant envers lut'^nème. • Ses lettres fimilières , dit Lacas-Montigny 
« {Mimoirei de Mirabeau, vol. i**, page 315), toujours remarquables par on 
« naturel abondant et facile, par une aisance spirituelle et gaie, forment 
« le plus inexplicable des contrastes avec ses écrits, dans lesquels le fond 
« toujours trèfr^ensé des idées, est décrédité par la couleur particulière de son 
« style obscur, pesant, et baroque, mélangé de tropes bizarres, d'incohérentes 
« métaphores, en un mot, il faut le dire, de galimatias intolérable. > Les let- 
tres à Vanvenargues vont Justifier, à la fols, cet éloge et ce blâme : on y dé- 
mêlera aisément les incohérences, les bizairreries, aussi bien que la Jactance 
de TécriTain futur; mais on y reconnaîtra, en môme temps, un tour original, 
un vif esprit, et tout le feu du ffrûloi de vingt ans. — G. 

* L« malheur dont il s*agit, c'est la mort du marquis Jean-Antoine, arrivée 
le 37 mai 1737. ^ G. 

* On peut rapprocher ceci d*un passage des Mémoires dn comte de Busay- 



CORRESPONI>ANCK. 89 

2. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

t 

A Braaoçon, le 11 août 1737. 

H. le duc de Durfort, mon cher Mirabeau, est venu voir 
M. son père; il a passé huit jours ici, avec M. de Cham- 
bona, colonel du Maine, et M. de Lagrolet, votre major ; 
Is dînèrent avant-hier à notre auberge. M. le duc de Durfort 
me demanda si je recevais de vos lettres ; je lui montrai la 
dernière que vous m'écrivez, où vous me louez sans pu- 
deur, et cela, sans la moindre retenue, comme si j'étais 
assez vain pour croire tout ce qui me flatte; n'importe, cette 
lettre eut un bon effet ; je voulais qu'elle m' acquit de la con- 
sidération, elle doit m'en avoir acquis. M. de Durfort ne me 
connaissait pas, et il ne m'a vu qu'une fois depuis; il est 
ort de vos amis, à ce qu'il m'a paru ; il conte vos folies, et 
les siennes; il nous dit que vous êtes méchant, quand nous 
lûmes votre réponse à cette ancienne maîtresse ; elle lui pa- 
rut, d'ailleurs, fort bonne, et dans votre caractère; mais 
nous plaignîmes une pauvre fille, qui a de l'esprit, et qui 
vous aime *. M. de Chambona écoutait d'un peu loin ; il se 
récriait : « On ne peut mieux écrire 1 » disait-il ; — il n'en- 
tendait pas un mot, car nous lisions la lettre de la fille, et 
il croyait que c'était la vôtre. On lui dit qu'il se méprenait; 
il ne se déconcerta point , et se rejeta sur une autre lettre 
de vous, que le duc de Durfort lui avait montrée, et qu'ils 
admindent tous deux. Je ne sais si vous connaissez M. de 



Rabntin; l'analogie est frappante, et ce n^est pas la sotile qu'on pourrait 
trouver entre le caractère de ces deux hommes, qui, avec une renommée et 
une fortune diverses, ont eu cela de commun qu'ils ont mésusé, comme à 
l'envi, des dons les plus rares , et gftté la plus belle position par une incu- 
rable vfnité. [Note de Jf. G» Luca^-Montigny,) — On peut ajouter que la lettre, 
dont Mirabeau envoie copie, et qui est toute pleine de délicatesse et de grâce, 
méritait d'être adressée à un correspondant moins brutal, et de moins mau- 
vais goût. — G. 

* Les deux amis ont le même âge, vingtpdenx ans; mais, dès les deux pre- 
mières lettres, la différence des caractères éclate : d'un côté, la forfanterie et 
la técherease; de l'autre, la tendresse et la gravité. -> G. 



90 CORRESPONDANCE. 

Chambona? on veut qu*il ait beaucoup d'esprit : il a des 
traits dans la conversation, un son de voix et des manières 
composées. On dit que, pendant sa jeunesse, il n'avait rien 
qui fût à lui ; il a toujours cru que c'était une injustice de 
ne point rendre communs les biens que donne la nature, per- 
suadé, d'ailleurs, qu'on n'en jouissait soi-même qu*autant 
qu'on les partageait avec plus de joie. Votre duc est moins 
recherché ; il parle beaucoup, il fait des révérences, il veut 
gagner tout le monde, et y a réussi, avant de le vouloir, car 
il est jeune et doué d'une très-Jolie figure ; au lieu que l'au- 
tre, dénué de tous ces avantages, semble pourtant n'y a;voir 
pas renoncé, et suppose dans ceux qui l'écoutent des sen- 
timents qui n'y sont point. On peut mettre entre eux la dif- 
férence qui se trouve entre un homme qui cherche à plaire, 
et celui qui croit avoir plu. Je ne voudrais pas, cependant, 
dépouiller M. de Durfort de ses bonnnes qualités^ pour en 
revêtir M. de Chambona; mais laissons-les tous les deux. 
Etes-vous encore dans votre château 7 Vous n'aimez point la 
chasse ; vous devez vous ennuyer, si vous n'avez mené per- 
sonne de la ville. Ecrivez-moi, je vous prie, comme vous 
êtes avec Mons ' , avec Monclar % et les autres. Je suis jaloux 
de votre amitié, mon cher Mirabeau, au point de souffrir 
avec peine qu'elle se partage. 

I Manrel , ou MoreJ-Villenenve de Mons, conMiller ta Pariemoat de Pro- 
venoe. -^ Cette famille B*est éteinte, dans la personne de Martin-Étleiuie-fial- 
thasar^ParfaitpAndré de Maurel on Morel de Mocb, pair de France, mort ar- 
cherdqoe d'ÀTÎgnon, le 6 octobre 1830. — G. 

1 Le nom de Jean-Pierre-François de Ripert, baron de Monclar, qoi rerieo- 
dra souvent dans la Correspondance de Vauvenargues, a dépassé le ressort du 
Pariement de Provence. Conseiller, puis procureurgéoéral à ce Parlement, 
Monclar, né le 1" octobre 1711, était de quatre ans Talné de VauTenuigues et 
de Mirabeau ; ilmonrot le 13 férrierl77S, pendant rexil des Parlements, n était 
allié aux Boyer d'Aiguilles ou d*Aguilles, marquis d'Argens, aux TEnAmt, et 
à la famille du célèbre naturaliste Toumefort. Magistrat aussi savant qu'in- 
tègre, il avait mérité l'attention et les éloges du chancelier DagueMeaa. n a 
laissé plusieurs Mémoire» ou Rapports, sur diverses matières d'administration ; 
mais ses principaux titres sont ses Réquititoires, son Mémmre établmani la 
tauveraineU du Roi sur la ville d'Avignon et le Comtot-Venaissin, et, snitoat, 
son Compre-Aendti des CantiUutiong des JimUei, et son Plaiéoffer contre cette 
société fameoie. n n'arait qu'un flls, qui est mort sur réebaftmd, à Pvi», 
pendant la Terreur, et en qui s'est éteinte cette remarquable famille. — G. 



CORRESPONDANCE. 91 

3. — MIRABEAU A VAUVENARGUE& 

Dp Mirabeau, ce 21 ao6t 1737. 

C'est moi qui gagne à vous louer, mou cher Vauvenargues, et tous 
ceux qui vous connaissent en conviendront avec moi. Rien n'est mieux, 
assurément, que les portraits que vous faites du duc de Durfort et de 
M. de Chambona; j'aurais reconnu le premier sans le nommer; j'y ajou- 
terais que, s'il cherche à plaire, il croit y réussir ; il a des défauts, mais 
il a des envieux, et il les mérite. Je ne connais M. de Chambona que 
de réputation; on lui accorde de l'esprit, et, puisque, ne l'ayant vu 
qu'une fois, vous lui cédez des traits, cela vaut bien le suift-age d'un 
autre qui le mettrait au rang des génies. Rien n>st si bien que la làçon 
dont vous me marquez son défaut dominant ; il sufDt, pour le prouver, 
de vous dire, qu'étant bic^n tiré au clair, il était détaillé de façon que 
j'ai pu le lire à ma mère *. Je vous trouve excellent de figurer avec 
ceux qui plaignent une pauvre flUe, qui a de l^esprU, et qui m* aime : passe 
pour le duc de Durfort; me croyant vrai, et sachant que je le connais, 
il a intérêt à me calomnier; mais vous, mon roaitre, dont je ferais Tapo- 
théose en cas de besoin, vous êtes un ingrat : cependant, tout bien pesé, 
je pense que vous avez raison. Tai Mons ici, des livres, des chftteaux 
en Espagne, et beaucoup d'envie d'en sortir : vous voyez que c'est de 
quoi passer le temps. 

Adieu, mon cher Vauvenargues. En vérité, vous êtes trop aimable, 
de loin et de près, pour être jaloux de l'amitié de quelqu^un; mais si 
ce sentiment est susceptible de jalousie, mes amis en doivent être 
moins tracassés que d'autres, car je n'en sache pas de moins général 
que le mien. Adieu, mon cher; un peu de reconnaissance. 



A. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Besançon, le 5 leptembre 1737. 

Hé bioi, louez-moi, mon cher Mirabeau, louez-moi tou- 
jours; on imprimera mon nom et vos lettres ensemble ' ; 

* Frtaçoiae de CasteUaoe, nariée, au bumb de mai 170S, au marquis lean- 
Antowe Riqoeti de Mirabeau. — G. 

* C*eM ee qae nous faisons aujourd'hui. *- G.^ 



92 CORRESPONDANCE. 

voilà comment viennent la fortune et la réputation. Je ne 
suis pas surpris que* malgré tous vos livres « et la compa* 
gnie de Mons, qui est très-aimable, vous ayez des moments 
d'ennui dans votre seigneurie, et quelque envie d'en sortir ; 
ce sont là les dégoûts que l'on éprouve, au milieu des gran- 
deurs ; et puis, je vois d'autres raisons à votre ennui : il 
vous faut être continent, cela vous fâche ; mais à quelque 
chose malheur est bon, et votre santé y prendra des forces. 
Meyronnet * m'a dit que M. de Biron ' avait accordé de l'em- 
ploi à M. votre frère *, et que vous le fusiez joindre : nous 
l'attendons avec empressement. Je vous prie, mon cher Mi- 
rabeau , de lui demander son amitié pour moi ; celle que 
j'ai pour vous s'étendra naturellement sur lui ; faites-la lui 
agréer, et continuez-moi la vôtre; elle est pour moi d'un 
prix inestimable. 

En relisant ma lettre, il m'a semblé qu'elle était un peu 
obscure ; mais je ne ferai pas un commentaire ; il y a bien 
des choses qui ne .se peuvent corriger ; le remède serait pis 
que le mal. J'oublie de vous fûre des excuses sur ce que 
j'ai tardé à vous répondre ; peut-être que je n'en ai pas 
besoin ; mais je suppose volontiers ce qui m& fait quelque 

* n y avait, en Provence, deux branches de Meyronnet : les marquis de 
Chàteauneuf, et les barons de Saint-Marc, La terre de ces derniers touchait 
celle de Vaa?enargues. Ces deux branches ont fourni des magistrats estimés au 
Parlement et à la Cour des Comptes de Provence, et toutes deux subsistent 
encore. Le Meyronnet dont il s*agit id, appartenait aux Saint-Marc, et ser- 
vait, comme officier, dans le même régiment que Vauven argues. — G. 

* Colonel du régiment du Roi, infanterie, où servait Vauvenargues. — G. 
> Louis-Alexandre, chevalier, puis comte de Mirabeau; entré an Bégiment 

du Roi, ainsi que Vauvenargues Tannonce ici, à Tâge de 13 ans (il était né 
le octobre 1724), il le quitta, avec le grade de capitaine, en 17&8, pour 
épauur, dit Lucas -Montigny {Mémoires de Mirabeau), dans le paroxysme 
iune passion insensée, une fille du nom de Navarre, échappée du harem du 
maréchal de Saxe. Cette équipée, 8*il avait pu en être témoin, eût, à oonp 
sûr, chagriné Vauvenai^gues, qui s'Intéressait à cet enfant, ainsi que nous le 
verrons plus loin, et Tavait pris, au régiment, sous son patronage. « Loois- 
« Alexandre, ajoute Lucas-Montigny, compromis sérieusement par ce triste 
« mariage, mais bientôt veuf, quitta la France, et prit du service en Aile- 
« magne; devint grand-chambellan et conseiller-privé du margrave de Bran- 
« debourg-Barenth; épousa une Jeune Allemande, Julienne-Dorotbée-Sylvie, 
« née comtesse de Kunsberg, et mourut prématurément, sans postérité, le 
« 31 Juillet 1761. > — G. ^ 



CORRESPONDANCE. 03 

plaisir. Je croia que vous êtes bien aise de recevoir de mes 
noaveUes, si j'en juge par rempressement que j'ai de rece- 
voir de vos lettres ; cette règle n'est pas sûre, mais elle est 
flatteuse pour moi, et je m'en sers. 



5. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Mirabeau, ce 13 septembre 1737. 

Vous savez assez, mon cher Vauvenargues, que, quand je loue quel- 
qu'un, ma sincérité prévaut sur mon goût; de ma méchanceté, le duc de 
Ourfort m'a mandé que vous en étiez convenu avec lui ; je n'en conviens 
cependant pas tout à fait, moi, quelque soumission que j'aie d'ailleurs 
pour vos sentiments. Voici mon cas : quiconque veut définir, dans ce 
monde, peut s'attendre à faire moins de beaux portraits que de vilains: 
je m'en suis mêlé, et ai préféré la vérité à tout; voilà ce qui me donne 
la réputation de méchanceté. J'ai dit le bon où il s'est trouvé, et rien 
de plus; voilà pourquoi je l'ai dit rarement Du reste, c'est plus le tour 
qu'autre chose qui m'a mis en réputation sur cet article, que j'épuiserai 
dans une autre lettre ; j'ai voulu vous en dire seulement ceci, parce 
que je Favais sur le cœur, le duc de Durfort m'ayant mandé que vous 
étiez convenu avec lui que j'étais le plus méchant homme du monde. 
Quant à ce que vous me dites de l'impression de mes lettres, ce serait 
TOUS moquer de moi, si vous me croyiez assez sot pour y donner ; mais, 
cela n'étant pas, vous vous réjouissez simplement Non, mon ami ; c'est 
ordinairement la vanité plus que l'esprit que l'on imprime dans ce 
genre, et, quant à cette qualité (c'est de la vanité que je parle), j'en 

ai trop dans mon temps ', pour qu'il m'en reste après moi 

• ••• •••«•••••••••••••••■•••«•■•••••••••••••■••••••••• •••••• 

C'est le petit que je range sous vos drapeaux : je lui recommanderai 
de mériter votre, amitié; cela renferme tout Votre lettre n'est point 
obscure; rarement on toiùbe dans ce défaut, quand on ne veut point 
paraître plus que son naturel. Si vous trouvez l'empressement de notre 
commerce trop ennuyeux, c'est à vous à en régler les pauses ; je suis 
flanS rhabitude de répondre sur-le-champ à toutes les lettres que je 

1 Le marquis be rend, ici, pleiiio justice. — G. 



94 CORRESPONDANCE. 

reçois, et quand je n*y serais pas, je m'y mettrais pour voos. jUlka, 
mon cher Vauvenaigues; je tAcherai de me rendre digne de votre 
amitié; mais mes sentiments la méritent 



6. - VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Beiaii^ni U tS teptembre 1737. 

Je me sois rendu, dans ma dernière lettre, mon cher Afi- 
rabeau ; je ne me défendrai pas davantage à Favenir ; je 
vaux quelque chose, puisque vous m'aimez. 

Quoi que j'aie pu dire à M. de Durfort, je me rétracte, et 
je vous fais réparation : vous n'êtes point méchant ; vous 
peignez les gens tels qu'ils sont ; c'eat le ton que vous donnez 
à vos paroles qui les rend piquantes : oh ! c'est être bon, 
que cela, et très-bon I Si P. avait de l'esprit, vous le «diriez 
avec plaisir; vous êtes fâché qu'il en manque, et qu'il ne 
soit pas une femme, car ce serait une femme aimable ; il en 

a toutes les façons. Et pourquoi madame de n'est-elle 

pas un homme? qui est-ce qui en a mieux les traits ? Ce qui 
lui manque, c'est un rien : la nature, bizarre dans ses pro- 
ductions, en laisse quelques-unes d'imparfaites; on le voit 
avec douleur, mais on le voit ; faut-il se crever les yeux au 
bout de tout cela? Je laisse tous les noms en blanc, pour 
que vous ayez le plaisir d'en trouver dix , au lieu d'un . Adieu, 
mon cher Mirabeau, écrivez-moi ; vous ne sauriez trop pres- 
ser vos réponses. Je ne vous louerai plus de bien écrire, 
puisque votre mpdestie.en est blessée, mais je ne puis être 
contraint en tout : vos lettres me font un plaisir sensible ; 
il m'est impossible de vous le cacher. 

Nous attendons votre frère ; il doit être sûr de mes sen- 
timents ; pour les faire naître dans les autres , il n'a qu'à 
vous ressembler. 



< Cette initiale désigne , vraisemblablement , un certain Pépin qui devait 
Ctrc un personnage singulièrement ridicule, et qui, dans h» lettres saivantes. 



CORRESPONDANCE. 95 



7. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Mirabeau, ee 14 oetobre 1737. 

J*ai fait un voyage de trois semaines à Marseille, mon cher Vauve- 
naigues, qui a dérangé mes lettres, et causé dvt retardement dans la 
réponse que je vous devais. 

Je conviens du principe : vous valez quelque chose, puisque je vous 
aime; oui, et j^y ajoute même que, par cette raison, vous valez beau- 
coup. Vous prenez le ton de Tironie sur ma qualité de méchant; je ne 
m*y laisse point attraper; tout ce que je puis faire pour votre service, 
est de ne prétendre pas être déclaré bon, et bon par excellence. Et, 
non, je vous en quitte; mais je ne veux pas absolument être admis 
dans le catalogue des méchants. Je fais la peinture des hommes; je 
passe pour méchant; je devrais passer pour vrai; mais il leur est plus 
commode de penser mal de moi, que d*eux. Je dis que vous avez du 
mérite en tout; que Monclar * est très-aimable; il y a comme cela plu- 
sieurs personnes à Tabri du mais. Je dis ensuite que le duc de Durfort 
aime à plaire, mais quMl aime encore plus à persuader qu'il a plu; qu'il 
a de la raison, mais qu'il s'en sert rarement; que Grillon ' est char- 
mant, mais superflciel, se souciant plus de plaire que d'être estimé; 
ainsi de plusieurs autres : voUà la seconde catégorie. Je dis ensuite que 
Mons a de Tespilt, mais dur, sans conduite, sans ombre et sans raison ; 
que Saint-Tropez a le cœur bon, mais qu'il a la cervelle totalement dé- 

« 

défraiera plus d'une fois la bonne bumeor de Vauvenargoes. ( Voir les Lettres 
19», 2l« et 34V) — G. 

1 Voir la dernière note de la 2* Lettre. — G. 

* « Ce qae tu me dis de la prudence humaine est toujours sous mes yeux : 

• Grillon est un bon diable, mais fol et bouffon, de la pire des manières, qui 

• est de se dépriser soi-même... Né ruiné, il épouse une aventure portugaise; 
« il en tire deux fils, les plus sensés de leur temps. D mange tout; une grand*- 

• mère laisse de quoi vivre à ses enfants. Il épouse une fille entretenue par 
tt son perruquier, et, ne pouvant plus paraître, il passe en Espagne. Veuf, 
« il reparaît, à 60 ans ; il épouse une Péruvienne, nouveUe débarquée, qui ne 
« savait pas un mot de français, et qui se trouve pne femme de mérite, et très- 
« aimable... Ses gapçoha atnés se marient sans secours, Tappulent aii^otir- 
« d'hni, et le guident. Et cet homme aura pris Mahon, est capitaine-général, 

• grand d*Espagne, et va avoir sous ses ordres un Fils de lYance I.... A la 
•c vérité, pour qui connaît Grillon, le cas est rare, et, peut-être, unique ; 
« mais CTois-tn que le mot du cardinal Mazarin : Est4l heureux ! tùt d*un 
« sot Y Le mérite est bon pour celui qui le porte, s*U est complet; mais, 
•• pour la fortune, U n*est rien, et bon à rien. » (Lettre inédite du Marqui$ ù 
son frère le Bailli de Mirabeau ; du Bignon, le 7 Janvier 1781) — G. 



06 CORRESPONOANCe. 

rangée : voâà la troisième. La qnatrièine enfin? oh ! elle est trop vaste, 
laissons-la. Adieu, mon cber Vaavenargnes; émvez-mm le plus sou- 
vent que vous pourrez ; quand je dis que vous pourrez, sans bAiller, el 
croyez que rien ne me fait tant de plaisir que vos lettres el votre 
amitié. 



8. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Besao^n, le 17 oetolire 1737. 

Puisque vous me trouvez du mérite, mon cher Mirabeau, 
il faut bien que je convienne que vous êtes bon; oui, vous 
êtes bon, je le répète, et je le dis sans ironie. Mons et M. de 
Durfort sont caractérisés, dans votre lettre, par les traits les 
plus naturels; je ne connus pas Saint-Tropez; on pourrait 
changer quelque chose à la peinture que vous faites de 
Grillon; vous rendez justice à Monclar ; il est aimable; je 
doute seulement qu'il soit aimé. Adieu, mon cher Mirabeau; 
je précipite ma main et mes pensées, pour vous écrire ces 
lignes; j*ai mille affaires aujourd'hui. Pourquoi, me direz- 
vous, ne pas attendre un autre jour ? G'est que je craindrais 
que ma lettre ne vous trouvât plus en Provence. Adieu, 
encore une fois ; je vous embrasse, je vous aime ; je meurs 
d'impatience de vous voir. Gonservez-moi votre amitié et 
vos bontés ; je suis sans réserve à vous. 



9. — MIRABEAl A VAUVENARGUES. 

De Paris, ce 14 janvier 1733. 

Votre exactitude ' m^assure de votre amitié, mon cher Vauvenai^es 
car autre chose chez moi ne peut l*attirer. Pour moi, qjioique Tesprit 
seul me demande de vos lettres, croyez que c'est le cœur qui me donne 
cet empressement à vous répondre, car je suis maintenant dans le 

t Ce mot seul indique qa'eotre cette lettre et la précédeote, pluaieora au- 
tres avaient dû être échangées, qui manquent, malheureusement, an recueil 
que nous avons entre les mains. — G. 



CORRESPONDANCE. 97 

grand broubaba; mais, où que je puisse être, vos lettres me feront tou- 
jours un grand plaisir. Comptant sur la sincérité que vous m*avez pro- 
mise, les nouvelles que vous me donnez de mon frère me charment 
fort; je m*en fierai à vous sur ce principe, sachant, d*ailleurs, que, 
pourvu qu'il vous plaise, il est tel que je le souhaite. Je savais que 
M. votre père * n'était plus dans la rue d'Orléans, mais je n'avais pu en- 
core savoir où il était Je pars pour Versailles; à mon retour, je Tirai 
voir, et vous en dirai des nouvelles positives; l'on m'a dit que, dans 
son premier logement, il était très-retiré. Je vous remercie de vos sou- 
haits pour mot; quand on approche, on trouve tout bien difficile; Dieu 
nous soit en aide I Adieu, cher Vauvenargues; mon amitié pour vous 
ne connaît point de bornes *, 



10. — LE MÊME AU MÊME, 

De Paris, ce 19 afril 1738. 

Dès que la promotion fut faite, mon cher Vauvenargues, nous con- 
vlnmes, Crillon et moi, que nous attendrions la nomination des régi- 
ments, pour nous condouloir ou nous réjouir avec vous; nous ne pen- 
sions pas alors que cela dût aller si loin, et cela, joint aux occupations 
que cette affaire m'a données, a occasionné mon silence. Grillon a ob- 
tenu; je suis resté conmie j'étais ; nous pouvions avoir tous les deux, 
mais je suis charmé qu'il ait réussi Six ans de service que j'avais de 
plus que lui ' ne me donnent pas de jalousie, car il est bien plus propre 
à la cour que moi; il est vrai que comme c'est par là qu'il veut faire 
son chemin, à un établissement près, qu'un régiment lui procurera plus 
avantageux, il ne lui importe pas tant qu'à moi, qui veux me faire con- 
naître par la guerre seulement Votre régiment est bien traité, dans 
cette occasion-ci, et le plus ancien des demandants en a eu, parce que 

I Joseph de Clapiers, seigneur de Vauvenargues et de Claps, né le 12 Janvier 
ie91,mort le 30 avril 1762. Premier consul d*Aix (1720-21), pendant la peste 
qui enleva à cette ville près de 8,000 habitants, au milieu de la désertion géné- 
rale, il resta à son poste, avec un seul de ses collègues, Tassesseur Joseph 
Buisaon. C'est en récompense du courage qu'il montra et des services qu'il 
rendit alors, que la seignenrio de Vauvenargues fut érigée en marquisat Un 
tel homme méritait d'avoir un tel flls. — G. 

* Noua n'avons pas la réponse de Vauvenargues à cette lettre et aux trois 
suivantes. — G. 

» Mirabeau éuit entré au service en 1721). — G. 



>1» 



98 CORRESPONDAfTCE. 

ToD eo donnait à des jeune& Pour moi, dans les vues d^ambUioD que 
j'ai, non pas de grades, car, chaque jour, ils denenoent jfm vMiociti, 
mais de réputaUon, je me trouve furieusement dérangé, et je ne snis 
pas encore sûr du parti que je prendrai Adieu, mon cher Yauvenar'- 
gués; pardonneiHnoi cetAe petite absence, et aimesr-moi. 



il. — LE M&MB AD MÊME. 

De Pkris, et 10 STril 173». 

Je vous suis bien obligé, mon cher Vauvenargues, de la part que 
vous prenez à mon chagrin : il ne m*a pas un seul moment fait songer 
à quitter; j'ai voulu toujours resterMans la passe. L'ambition me dé- 
vore, mais d'une façon singulière : ce n'est pas les honneurs que f em- 
bitionne, ni l'argent, ou les bienfaits, mais un nom, et, enfin, d'6tre 
quelqu'un ; pour cela, il faut être dans un poste. Cette espèce d'am- 
bition m'a fait retourner de bien des côtés, et au point que, si, dans 
la conjoncture présente, favais voulu un régiment dans un service 
étranger, je savais où le trouver; mes amis et ma famille s'y sont op- 
posés. On m'a représenté que j'avais trop de bien dans ce pays-ci, pour 
prendre un pareil parti; j'ai cédé; il a donc fallu tâcher de se mettre, 
ici, à même d'aller son chemin ; je Fai fait, et, dans peu, vous verrez 
si je vous trompe; je ne saurais vous en dire davantage à présent 
Quant à la fleiibilité, elle n'est nulle part moins que chez moi. Tai 
vu M. votre père chez M"* de Valbelle * ; il a vingt-cinq ans de moins 
qu'à Aix, un visage plein et frais; je ne le reconnaissais pas; je ne 
puis vous en dire plus, car je ne Fai point vu chez lui. Tout ceci m'a 
furieusement dérangé, et puis, j'ai encore des affaires plus particu- 
lières. Adieu, mon cher Vauvenargues. Que Ton est heureux lorsqu^on 
est aussi philosophe que vous l'êtes ! 



t Margaerlte-Dclphine de ValbeUe-Tourves. Elle avait épousé, en 1733, 
cousÎD André^jcoffroy de Valbelle, marquis de Rians, baron de Mc^ynryuea, elc ; 
ce mariage avait réuni les deux dernières branches de la maison de Valbelle, 
dont te dernier représentant mile fut mis à mort, 4 Marseille, ffv iiat la 
Terreur, en 1794. — G. 



CORRESPONDANCE. 09 

12. — L£ MÊME AU MÊME. 

De Faris, ca 10 mai 1738. 

U me leinbkt moD cher Yauvenargues, que je vous dois une ré- 
ponse. Tai été 4 la campagne ; ajoutez à cela les différents nouve- 
raents d*un hooime battu de Toiseau de tous côtés, et vous conyien- 
drsa que œla doit bien (aire pardonner un peu de manque d^eïactitude. 
Xai vu BL votre père, chez lui; il parait bien tranquille, et il est joli- 
ment logé, mais dans un quartier triste; je lui ai offert de venir dans 
le nien, car je ne suis pas où vous m*adressez vos lettres, et de lui 
donner là des sociétés qui lui conviendraient, et où je vous mettrais, si 
vous veniez dans oe pays-ci, comme il m'a dit que cela pourrait bien être. 

Vous me demandez mes desseins ; mon cher, en voici le résultat : 
j'éponse M"* de Nesle, Tainée de celles qui sont à marier. Elle est en- 
core au couvent, n'ayant jamais voulu en sortir, pour aller ni chez 
M"* de Lesdiguières, ni chez M"* de Mazarin; on la dit du meilleur 
caractère du monde. La différence d'elle à ses sœurs est bien grande, 
en ce que, si M"* de Durfort, enfant de trois ans, venait à mourir, elle 
hériterait des biens de la maison de Mazarin; d'ailleurs, M"^ de Mailly, 
sa sœur, qui, comme vous savez, est la sultane favorite *, déteste ses 
autres sœurs, parce qu'elles dépendent de M"** de Mazarin, avec qui 
eile est à couteau tiré, pour des tracasseries de cour, et le Roi suit les 
mêmes impressions. La sultane n'aime donc que celle-ci, d'ailleurs 
alliée k toute la cour qui s'en fait honneur, cousine de M. de Maure- 
paa, et de M. de Saint-Florentin * ; de plus, elle viendrait en province. 
Tout cela, dans l'idée où je suis d'aller, m'a déterminé de ce côté-là, 
plutôt que de celui des grands biens, qui m'obligeraient tout d'un coup 
à lever maison ici, et qui, dans deux générations, seraient partagés 
entre tous les cadets. Ne parlez pas de cela, mon cher, jusqu'à ce 
qu'il soit public Adieu; aimez*moi un peu. 

t Lonise-Jalie, comtesse de MaiUy-Nesle, née le 16 mars 1710, morte le 
30 man 1751. Elle était sœur aînée de MÔdames de Vintimille, de Laura- 
goais, et de la Toumelle, depuis ducboBse de Cbâteauroux, oui, comme elle, 
fureat succéssiyement maltreflaes de Loais XV. Cette lettre de Mirabeau fait 
remonter, au moin» jusqu'aux premiers mois de 17as, le règne de cette favo- 
rite, que Beucfaot, dans son édition de Voltaire, remet, à tort, au miUeu de 
l'anDée niiivante. — G. 

• Jean- Frédéric Phelypeaui, comte de Haurepas, ministre sous Louis XV, 
et sous Louis XVI ; Louis Phelypeaux, comte de Saint-Florentin, puis duc de 
La Vrillière, ministre sons Louis XY. — G. 



% 



IGO CORRESPONDANCE. 

13. — LE MÊME AU MÊME. 

De Paris^ ce 6 jnin 1738 

Voas pouvez, mon cher Vauvenargues, rengainer votre compliment; 
mon mariage est rompu. Gomme il a été public, quelqu^ûn a donné des 
conseils à M"* de Nesle, dans le temps qu'on allait en avant; elle a dit 
que la province loi faisait peur. Nous ne les avions pas été chercher, 
comme vous savez. M"* de Mazarin a été outrée qu'on Teût fait avancer, 
pour la dédire. Pour moi, comme il y avait autant pour que contre, 
révéneroent m'a été fort indifférent; mon résolu était pris, et je me 
trouve à mon aise de ce dont cela m'eût obligé de me rétrécir; d'ail- 
leurs, la nature m'ayant décoré d'une volonté, et d'une volonté décidée, 
je ne me trouvais point à mon aise d'imaginer que je serais despoti- 
quement conduit par cinq ou six différentes personnes : allez, venez, 
partez I Enfin, tout bien considéré, je comptais la chose comme faite, 
et mon parti était pris; mais je regarde comme un bonheur un événe- 
mentqui m'en tire, sans que l'on puisse me Timputer. Je ne serai point 
ici, quand vous y viendrez, car je compte partir au plus tôt Tout ceci 
m'a rendu la nouvelle de la ville : mille gens penseront à moi, qui ne 
me connaissaient point, et, quand on le saura rompu, je serai accablé 
de propositions de toutes les espèces * ; mais j'ai rattrapé ma liberté. 
Adieu, mon cher ami; si vous voulez que votre lettre me trouve, écri- 
vez-moi bientôt, car je partirai Dites-moi quelque chose de mon frère. 
Je vis, l'autre jour, monsieur votre père, chez M** de Vall)elle ; il me 
parut bien portant Adieu, cher ami, je vous embrasse. Brûlez, je vous 
prie, mes letti^ qui vous parlent de cela, et ne les montrez à per- 
sonne. 



14. -- VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Besançon, le 13 juin I73S. 

Le mariage qu'on vous proposait, mon cher Mirabeau, 
m'avait paru avantageux, pour vous, et pour mademoiselle 
de Nesie; mais vous avez plus de lieu d'être surpris qu'il 
soit rompu, que d'en être fâché, et je suis vos sentiments. 

• On voit que Mirabeau trouvait toti jours inoyon de 9Auver sa vaniti^. — <;. 



CORRESPONDANCE. 101 

Jaime votre amour pour la liberté; elle est mon idoles* et 
j*ai peine à concevoir que Ton soit heureux sans elle. Nous 
sommes jeunes, mon cher Mirabeau ; et, quoique la vie soit 
courte, elle peut sembler bien longue, dans de certains en- 
gagements; aussi, je crois qu'on n'en doit prendre que par 
raison, et le plus tard qu'on peut. Vous serez peut-être à 
portée, dans dix ans d'ici, de faire un meilleur mariage. 
Celui dont il est question avait des faces riantes; j'entrais 
dans vos espérances; je m'en faisais un sujet de joie; 
mais je les perds sans regret, et j'en conçois de plus 
grandes. 

Votre frère a été à la citadelle, pendant huit ou dix jours, 
pour quelque mutinerie contre M. de Misère ' ; il en est sorti 
hier matin. Il est ferme dans ses idées, et sa volonté est 
aussi décidée que la vôtre; c'est le seul défaut qu'on puisse 
lui reprocher, car il est aimable et raisonnable. Je lui fis, 
hier, une grande morale; mais je ne le vois pas souvent; 
on lui a donné de moi une idée fausse et désavantageuse. 
Je ne puis obtenir de lui qu'il vienne dîner à l'auberge S 



15. — MIRABEAU A VAUVENARGUËS. 

(PiQdejailleti73S.) 

II mérite qu'on se transplante, pour se rapprocher de lui; car 

il a, outre cela, une société choisie. Il demeui^ rue Bergère, quartier 
de la Nouvelle-France, au-nlelà du boulevard ; vous pouvez lui aller faire 
mes compliments; il est chez lui tous les après-midi. Je lui ai parlé, et 
je lui écris sur votre compte, de manière à lui faire souhaitçr votre 
connak^nce, car je vous aime tous deux, et je pense que vous me 
remercierez Tun et Tautre. C'est Thomme le plus franc et le plus ouvert 

« Voir les Lettres 22* et 26* , où Vaavcnarguca déclare de nouveau qu'f7 
n'aime pa$ la contrainte. — G. 

* Officier au régiment du lioi. — G. 

* Dans le manuscrit, il y a, ici , une lacune de plusieurs pages. — G. 



102 CORRESPONDANCE. 

qà"ï\ y ail au monde, et vous ne devez pas craindre Tabordage '. Adieu, 
mon cher Vauvenargue»; diverUasez-vous, et n'oubliez pas foa amia. 



16. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Paris, le 4 août i738. 

Je voudrais bien, mon cher Mirabeau^ pouvoir vous ou- 
blier quand vous êtes absent; mais cela n'est pas possible» 
et vos soupçons me font tort. Votre amitié m*est trop cbëre, 
elle m*est trop avantageuse» et je vous ai trop connu ; n'êtes- 
vous pas rassuré ? 

J*ai vu, hier, M. de Saint-Georges; je lui ai trouvé ces 
dehors simples, qui siéent si bien aux esprits supérieurs ; il 
me reçut poliment» comme un homme qui venait de votre 
part. Je fus une heure chez lui; nous ne parlâmes que de 
vous ; ce début était heureux pour moi, car nous fûmes d'ac* 
cord sur tout, et nous ne nous ennuyâmes point ; la conversa- 
tion fut vive ; elle était intéressante, et le sujet inépuisable ; 
enfin, mon cher Mirabeau, je vous dois mille amitiés, et mille 
remerciements. Vous êtes trop bon et trop aimable d'avoir 
songé, dans votre éloignement, à m'en dédommager un peu : 
vous ne pouviez me donner une meilleure connaissance, plus 
agréable, plus utile ; et que souhaiter de mieux ? Un homme 
qui a beaucoup d'esprit, un homme qui est de vos amis, un 
homme qui me parlera de vous, et à qui j'en pourrai par- 
ler ? tout est compris là-dedans. Adieu, mon cher Mirabeau ; 
comptez sur ma reconnaissance et sur ma sincérité. 

Songez-vous à venir ici, ou à retourner en Provence, 
quand vous aurez un congé ? 

< Le bailli de Mirabeau ne partageait pas l'esthottsiaNne de son (Mre 
pour le marquis de Saint-Georges, dont il est ici question : « Si tu VéUis 
f cassé une jambe, la veille du jour qu'un chien de violon, et Tenvie de danser, 
« te firent connaître M. le marquis de Saint-Georges, tu aurais été bien heu- 
« reux, car ce ftit lui qui te maria, te dégoûta du service, et t'engoua de 
Paris, où un homme de qualité, qui ne va pas à la cour, est toujours dé- 
« placé. » — {Lettre inédite du baiUi au marifuis de Mirabeau, du 7 septem- 
bre 4779.) — G. 



CORRESPONDANCE. 103 



17. — MtKABEAU A VAUVENARGUES. 

De Bayonne, c« llème août 173S. 

Vous êtes trop flatteur, mon cher Vauvenargues; cette qualité, à mon 
égard, ne va pas avec la sincérité et Tamitié. Sans celles-ci, voyez dans 
queUesconséquencesje vous mènerais 1 Je ne veux pas m'y arrêter, 
car elles vous chagrineraient Je vous félicite de votre arrivée k Pa- 
ris : il doit avoir pour vous bien des sortes d*agrémant8, qu'il n'a pas 
pour les autres; je n'imagine pas que ce soit k la Foire ' ou aux Tui* 
lerîes que vous les chercherez. Peut-être me trompé-je, car il y a par- 
tout & apprendre, et la façon de prendre les choses en change bien 
le point de vue '. Je suis persuadé que vous avez été content de M. de 
Saint-Georges, et qu'il l'aura étéuie vous. Je ne ferai point le modeste 
sur cela, et j'avouerai que sa connaissance est une véritable obligation 
que vous m'avez. Rien ne marque tant ma grande âme que cela, car, 
vous connaissant, f aurais dû craindre que vous n'emportassiez auprès 
de lui une place où je veux primer; mais je préfère à tout l'utilité de 
mes amis. Plus vous le connaîtrez, plus vous le goûterez. Que je vou- 
drais être avec vous, en troistème, sous son berceau I C'est un homme 
aimable et excellent; les rayons de sa belle ftme rejailliront sur la nôtre. 
Je ne parle pas id de ses qualités essentielles, que des gens, qui l'avaient 
pratiqué long-temps, m'ont Adt connaître, et qui vous ieront avouer 
qu'il lait honneur à l'homme; aussi es^<e celui de France que je res- 
pecte et aime le plus. Sa famille l'assortit» et vous aimerez tout cela, 
quand vous le connaîtrez. Adieu, mon cher Vauvenargues; divertissçz- 
vous, et aimez-moi. 

Faites, je vous prie, mes compliments à M. votre père. 

* Thé&tre fort en Togue, parmi les petits-maUres d'alors, bien qu'on n'y 
Jouât que des farces et des pantomimes. Ce thé&tre, fondé en 1505, dans l'en- 
epinte de la foire Saint^Germain, d'où lui vint son nom, a duré jusqu'à la fin 
du 16* siècle. — G. 

* Mirabeau se trompe, en effet. Vauvenargues n'allait guère au thé&tre de 
la Foire, mais il allait souvent aux jardins pubUc^, aux Toileries, au Luxem- 
txMiig, et il y prenait ki choien à 8on point de me. (Voir la kO* BéfUjrion, 
Sur les misères cachées.) — G. 



au CORRESPONDANCE. 

18. - VALVëNARGUES a MIRABEAU. 

A Paris, le 6 septembre 1733. 

Je suis flatteur, mon cher Mirabeau, comme vous êtes 
méchant Vous dites la vérité ; j'avoue que c*est un défaut, 
mais vous l'avez plus que moi ; je ne loue pas le bien comme 
vous blâmez le mal ; mes louanges sont toujours fort au- 
dessous de ma pensée, et, si vous les condamnez, vous fautes 
votre procès. Je n'ai vu M. de Saint-Georges que deux fois : 
je me reproche cette négligence, quoiqu'elle soit appuyée 
sur quelques raisons; j'irai le voir aujourd'hui, et j'espère 
être, un jour, à même de formerplus de liaison avec lui. Mon 
père vous fait mille compliments ; il se prépare à quitter ce 
pays-ci. Adressez-moi, je vous prie, votre première lettre à 
Aix ; nous y serons à la fin de ce mois, si quelque chose ne 
vient à la traverse. Encore un mot de M. de Saint-Geor- 
ges : j'ai un regret infini à l'avoir connu si tard ; je sens le 
prix de cette connaissance ; mais je n'admets point ce que 
vous dites de votre prétendue générosité : vous connaissez 
trop votre ami, pour craindre des préférences, et vous en 
êtes trop connu. Adieu , mon cher Mirabeau ; je devrais 
avoir quelque honte de vous répondre si tard ; mais on est 
dégoûté d'écrire après avoir lu vos lettres ; on y songe plus 
d'une fois*. 



19. — LE MÊME AU MÊME. 

A Âii, le 9 ooTemhre 1738. 

J'ai retardé ma réponse, mon cher Mirabeau, pour vous 
donner le temps d'arriver à Paris : je présume que vous y 
êtes actuellement, et je souhaite fort d'avoir de vos nou- 
velles. Il n'y en a pas de récentes dans ce pays-ci. On n'y est 

* A cette Lettre, et aut trois suivantes, les réponses de Mirabeau manquent. 
- fi. 



CORRESPONDANCE. 105 

occupé que de M. de Villars\ et des plaisirs qu'il promet 
cet hiver. Il fut reçu avec de grandes démonstrations de 
joie ; on lui prodigua les louanges : des moines lui dirent 
hardiment qu'il marchait sur les traces de son père» qu'il 
surpasserait sa gloire» qu'il serait maréchal avant son rang, 
et autres choses semblables. Pépin fut le voir dans sou lit, 
Pépin qui serait le rival des femmes d'Aix, s'il n'avait pas 
de la barbe ; il lui dit qu'il venait lui faire sa cour en par- 
ticulier ; il lui demanda une grftce : il était charmé de sa 
frisure ; il le supplia de lui prêter un valet de chambre, le 
sien n'ayant point cet art pour arranger les cheveux ; Pépin 
se seridt fait raser s'il n'avait pu l'obtenir; il avait été \m 
jour entier à sa toilette, et il n'avait pu réussir, etc., etc. 
M. de Villars prévint son désespoir ; il lui promit de lui 
prêter son valet de chambre. Pépin, au comble de ses vœux, 
avoue qu'il est pénétré d'une si grande bonté, il sort, tout 
hors de lui-même, et va dire à tout le monde qu'il sera, cet 
hiver, favori de ce duc, et vous savez qu'il vaut mieux être 
son favori, que sa maltresse ^ Cependant, M. de Vence* a 
tout pouvoir sur son esprit ; mais Pépin lui disputera son 
cceur ; il l'a suivi à Marseille. M. de Villars demandait où se 
tenait l'Académie : un Marseillais répondit que c'était au 



< Honoré-Armand, duc de Villars, fils du célèbre maréchal, succéda à son 
père dans le gouvernement de Provence ; il mourut à quelques lieues d*Aix, 
au cbAteau des Aygalades, le 27 avril 1770, laissant une réputation équivoque. 
n manquait, dit-on, de bravoure, et ses mœurs étaient, au moins, suspectes : 
« n était taxé, dit Bachauraont {Mémoires secrets de la République des Lettres, 
« tome 5, page 108), d'un vice qu'il avait mis à la mode à la cour, et qui lui 
■ avait valu une renommée assez étendue. » Dans le poème de la Pticelle, Voltaire 
fait allusion à ce bruit généralement accrédité (Ed. Beuchot, tome 11, page 418). 
On loi reprochait aussi d*avoir apporté et répandu, dans son gouvernement, la 
passion dajeu. Enfin, voici son oraisoo funèbre, dans une lettre inédite du bailli 
de Mirabeau au marquis : « M. de Villars est mort vendredi passé. Son existence 
• avait perdu les mœurs, et ruiné, par lo Jeu le plus effréné, cette province, 
« que ce même Jeu avait peuplée de fripons. Sa charogne exciterait une sédition , 
« ai le nerf n'était pas coupé chez les Provençaux, comme chez les autres. • —G. 

> Pour l'explication de cette plaisanterie, voir la note précédente. — G. 

s Alexandre-Gaspard de Villeneuve, marquis de Vence, marié, en 1723, a 
Madeleine^phie de Simiane, Sa fille, comme nous le verrons dans la suite de 
cette Correspondance^ épousa Jules Faoris de. Saint-Vincens, ami de Vanve* 
nargnes. — G. 



106 CORRESPONDANCE. 

Marché au Foin. — Ces messieurs, dit M. de Vence, attra- 
peront une indigestion ! (C'est que les Anes ne mangent qoe 
de la paiDe. ) — On applaudit à ees paroleë, et on dit & M. de 
Vence : eh Inen, Mon^ur, toqs en s^ret 1 -^ Ce ne fut pas 
parole en Fair ; il a été, en Tërité, bien agréé, et il prépare 
son comidiment. Tout cela se passait à table. On raconte 
qu'au même repas, un évêque dit des ducs qu'ils étaient des 
impertinents, qu'ils se laissaient appeler Monseigneur, et 
que cela était misérable ; M. de Villars répliqua qu'il fen- 
drait qu'on flt un livre pour enseigner à se taire. On dit en- 
core qu'à Marseille , nne fille présenta sa mère, et que 
M. de Villars les pria à dtner : la demoiselle n'était pas ha- 
bituée à boire, elle avait peut-être d'autres habitudes ; le 
vin lui porta à la tête ; elle parla beaucoup à table. On com- 
mença un lansquenet, elle y joua ; M. de Villars lui disait": 
Que faites-vous, mademoiselle? — Je suis à un écu, mon- 
sieur le duc. — Cette réponse fit rire. Adieu, mon cher 
Mirabeau ; voilà bien des pauvretés : si vous y prenez inté* 
rèt, il n'y aura pas grand mal. Voyez madame de ValbeUe, 
elle est instruite de tout ; elle a des nouvellistes qui entrent 
dans les détails, et qui les rendent mieux que moi. Je vous 
embrasse mille fois. 



20. — LE MÊME AU MÊME. 

A Aix, le 30 novembR I7ft. 

Je suis fâché, mon cher Mirabeau, que la fièvre vous ait 
arrêté à Bordeaux, et je suis charmé que les plù^s vous 
y retiennent : tous les événements de votre vie me trouvent 
également sensible ; je crois que vous n'en doutes pas. Il me 
parait que vous ne regrettez point Paris, et que vous ne 
songes pas encore à voua en rn^procber ; je n'en suis nulle- 
ment surpris : j'ai fort onl parler des richesses de la Guyenne, 
et des agréments qui s'y trouvent attachés ; le nom de M. de 
Montazet ne m'est pas inconnu non plus, ni leur maison. 



CORRESPONDANCE. 107 

Vous trouverez à Piiris une de mes lettres qui doit y être 
dqmis plus de quinze jours ; elle est de quatre pages, au 
uKHi»; ce sont toutes les tracasseries de Provence. Je ne 
sais si je vous y ai mandé oe que madame du Prat dit à 
H. de Villars : Monsieur, ce dort dtre une grande satisflio- 
tjoo poor madame la maréchale d'avoir un fils si bien élevé ! 
et, dans une antre occasion qu'il lui servait une aile de 
perdrix : Monsieur, gardez^la pour vous I On ferait un vo^ 
lame des sottises qui se disent, si l'on avait de la mémoire. 
Le chevalier de Bras S qui est un aimable, était à l'église 
avec M. de Villars ; la messe ne sortait point. -^ Monsieur, 
dit le chevalier, si nous avions l'honneur d'accompagner 
H. de Noailles, nous n'attendrions pas si longtemps I — Ce 
boD mot fut mal reçu : le duc de Villars lui répondit qu'il 
bipassait trois sottises par jour, et qu'il le priait de tenir 
compte. C'est ce même chevalier de Bras à qui d' Anthoine^ 
disait, devant H. de Richelieu, que sa mère était morte 
d'amour. — Monsieur, lui répondit Bras , ma mère a été 
bien malheureuse ; chacun sait que la vôtre en vit i — * Il y 
eut, ces jours passés, un combat singulier qui fait grand 
brait dans le monde ; mais nommez les combattants? Je vous 
le donne en dix mille, et vous n'y viendrez jamais*. Ces 
messieurs prirent querelle chez madame de Bourbon; ils 
sortirent de la ville; les épées brillaient en l'air, le sang 
allût se répandre, mais d'Aymar % que Dieu guidait, se 
trouva derrière eux, et se jeta au milieu. On dit qu'il les 
avait suivis, que ce fut une inspiration , que personne n'y 
avait pensé. Ces messieurs ne s'étaient jamais battus ; ce fut 
le plus grand bonheur du monde ; un d'eux pourtant est 
blessé au doigt : on dit qu'il se l'était mordu, pour s'être en«- 
gagé si avant ; mais c'est une médisance, et il le fbat laisser 

* De la familte pariementaire des ViUeBettf?^, barons d'AnaouM et de Bras^ 
éteints depuis la Révolution. — G. 

• D'Anihoîne-Venel, fils d'un conseiller à la cour des Comptes de Provence. 
-G. 

* Voir la lettre suivante. — G. 

• Uf'nti>nanf-viguier, rbarjçé de In police à Aix. — G. 



106 CORRESPONDANCE. 

jouir de ce petit honneur; il n'en abusera paa. N*abiisez 
pas non plus de ce que je vous dis, et conservez-moi votre 
amitié. Je vous suis fort obligé de l'intérêt que vous prenez 
à mes plaisirs ; vous me dites que vous valez mieux que 
vous ne faisiez autrefois; je n*ai pas de peine à le croire, 
parce que je n'ignore pas l'usage que vous faites du temps. 
Pour moi « j'empire tous les jours, depuis que je ne vous vois 
plus, et vous me faites trop d'honneur de me r^retler quel- 
quefois. Dites-moi, sincèrement, si vous lisez mon écriture; 
il y a tant de gens qui s'en plaignent, que, si je devenais 
riche, j'aurais d'abord un secrétaire* Adieu, mon cher Mi- 
rabeau. 



21. — LE MÊME AU MÊME. 

A Aix, k S4 déoejnbre 1738. 

S'il est vrai, mon cher Mirabeau, que vous estimiez la mo- 
destie, ne me louez point, je vous prie, comme vous faites; 
n'étouffez pas une vertu que vous aimez, ou ne me louez 
que par votre amitié : c'est une louange qui m'est chère, et 
que je ne refuse point ; elle balance dans mon cœur le sen- 
timent de mes défauts; mais n'y joignez pas l'art des pa- 
roles; vous me rendriez trop orgueilleux, et j'en serais plus 
méprisé. Je n'ai rien pour faire illusion aux autres hommes, 
comme à vous ; l'amitié n'a pas mis son voile sur leurs yeux; 
ils me voient nu. Si je me remplissais de l'opinion que vous 
me donnez de moi-même, ne trouvant rien autour de moi 
qui la démentit, je serais le plus malheureux de tous les 
hommes. Il y a des humiliations que le mérite soutient; 
mais la vanité les aggrave ; elle les rend plus sensibles. 
Pour vous, mon cher Mirabt;au, vous ne courez aucun risque 
à vous livrer aux gens qui vous approuvent, et votre déli- 
catessCi là-dessus, est déplacée ; vous trouvez partout les 
mêmes sentiments, et si vous en étiez moins touché, vous 
auriez plus d'ingratitude que de modestie. 



CORRESPONDANCE. 109 

Je vous trouve fort heureux d'être à portée de voir M. de 
Montenquieu, et d'entendre parler un liomme qui a si bien 
écrit. On ne présume pas qu'il ait« dans la conversation, 
tout l'esprit qui parait dans ses ouvrages; il aurait trop 
d'avantage sur les autres hommes ; mais cela ne gâte rien, 
et l'amour-propre y souscrit. 

Je suis fâché que vous ayez perdu ma première lettre, 
puisque vous aimez les impertinences ; elle en était toute 
remplie. Vous avez deviné un des héros du duel? c'est être 
bien pénétrant : il y avait tant de gens, à Aix, que vous 2)ou- 
viez nommer ! Le champion de Pépin, c'est d' Arbaud ' ; mais 
ne me citez pas, je vous en prie : puisqu'ils se sont battus 
une fois, ils pourraient bien se battre encore, et je n'aime 
pas assez la gloire pour la défendre contre tous ses ennemis ; 
leur nombre m'intimide trop. Il y en a peu cependant qui 
lui fassent une guerre ouverte, et Pépio disait, l'autre jour, 
qu'aux odcasions où elle est intéressée, il ne se possède pas. 
Il contait, à ce sujet, que madame d'Agut ^ fut insultée dans 
la rue; vous connaissez sa figure : elle défend son honneur; 
aussi ne l'attaquait-on pas; l'insulte ne pouvait avoir rien 
d'engageant. Elle se jette dans la maison de madame de Bro- 
glio', criant : Je viens d'être insultée I on assassine l'abbé 
Blanc! Elle dit, et s'évanouit. — Pépin jouait au quadrille; 
il met l'épée à la main, et vole au secours de l'abbé, mais il 
ne trouvidt point la porte ; un paravent la lui cachait , il se 
jette tout au travers, et le perce de mille coups. Dans ce 
temps-là, voilà l'abbé qui entre, et qui rassure tout le 
monde : on eut bien envie de rire. Mais que pensez-vous de 
Pépin? Si l'on mettait ce caractère sur le théâtre, croirait- 
on qu'il est pris dans la nature? 

Vous ne vous plaindrez pas, pour cette fois, de ne pas 
voir assez de mon écriture; j'ai commencé cette lettre dans 

• Fils d*André>Elzéar d*Arbaad, seigneur de Jonques et de Gardanne, Pr6- 
sideDt au Parlement de Provence. — G. 
> Femme d*un conseiller au Parlement. — G. 
^ Branche, aujourd'hui éteinte, de l'illustre famille de Broglic. — G. 



110 CORRESPONDANCE. 

le dessein de la faire bien longue. Je vous dirai encore un 
mot de H. de Villars : il s'est, déclaré hautement pour ma- 
dame de Beaurecueil^; il en est aux petits soins; mais, àparler 
francliementt je crains pour lui à la première occasion, car 
je crois qu'il esthrave, jusqu'au dégainer*. Vous comprenez 
ma pensée ; ne me faites pas dire plus que je ne veux; je 
n'ai en vue que les défauts de son tempérament. Vous sa- 
ves le séjour qu'il a fait à Marseille : on le reçut à l'Acadé- 
mie ; il harangua ; il aime k paraître en public Sa dépense 
est excessive. Pour ses façons, nous nous en accommodons ; 
on le prie à souper dans les maisons qui représentent; c'est 
le bon air, et on lui fait plaisir. On dit qu'il déclame, dans 
tous ces soupers, jusqu' à extinction de voix * ; cela me rappelle 
le voyage de Néron en Grèce, lorsqu'il montait sur le théâtre, 
et qu'il prodiguait sa voix et les trésors de l'empire ; mais 
ce prince était cruel, et M. de Villars ne l'a jamais été ; ceux 
qui l'ont connu dans sa jeunesse peuvent en rendre témoi- 
gnage. S'il me restait plus de papier, et qu'il fût moins pro- 
vincial de parler sans mesure de M. le Gouverneur, je vous 
• dirais encore mille choses ; ce sera pour une autre fois. Vous 
n'aurez ma lettre que dans la nouvelle année, qui sera mar- 
quée par vos succès et les plaisirs les plus vifs, si la for- 
tune avoue les sentiments que j'ai pour vous, et justifie mes 
pronostics. 

. 22. — LE MÊME AU MÊME. 

 AiXf le 23 jaavier 1739. 

Je souffrais, mon cher Mirabeau, de n'avoir point de vos 
nouvelles ; mon amitié en murmurait ; car vous êtes exact 

1 Femme de Laugier de Beaurecueit, conseiller au Parlement. — G. 

« Voir la ir* note de la page 109. — G. 

> La correspondance de Voltaire nous apprend que le duc de ViUan avait la 
prétention, assez mal fondée d'ailleurs, de bien déclamer, et qu'il Joua même, sar 
le petit théâtre des Déliceê, le rôle de Gengiskhan, dans VOrphêlin ée la Ckme, 
(Voir la lettre de Voltaire, datée du 1'' octobre 1700, à M-* d'Argental.) C'était, 
du reste, un goût de famille ; car son père, le maréchal, savait par cœur et 
aimait à réciter les plus belles tirades de Corneille, de Racine et de Molière.— G. 



CORRESPONDANCE. lit 

à répopdre, et je cberchai» la cau9e de votre silence. Eufio, 
j'ai reçu votre lettre; elle me fut rendue, hier, fort sale et 
fort cbiffouDée. Vous me faites un plaisir sensible, en me 
proposant de vous écrire avec confiance : mon esprit se fa- 
tiguait à lutter contre sa paresse ; vous aures nu)ins d'avan* 
tage sur mes sentiments; je crains plutôt d'en avoir trop 
sur vous. Je ne saurais cependant, me plaindre de votre 
amitié; il est bien flatteur pour moi qu'elle se soutienne 
parmi vos languem*s, et qu'elle se sauve de leur contagion. 
Je voua plains^ mon cber Mirabeai\, de vous être lié d'une 
si forte cbatne * ; si j'ét^s auprès de vous, je ferais mettre 
des cbevaux à votre cbaise» et je vous mènerais à Paris ; 
mais je ne m'aviserai pas de vous conseiller de cent lieues, 
sachant combien les conseils ont peu de force, en pareille 
occasion ; car, pour moi, je n'ai jamais été amoureux, que je 
ne crusse Pëtre pour toute ma vie ; et, si je le redevensds, 
j'aurais encore la même persuasion. On sent asse? qu'on 
est malade, mais on ne veut pas guérir; l'âme est remplie 
de son objet; les autres ne la touchent point; on souffre, on 
connaît son mal, mais on ne saurait s'en distraire. Où trou- 
ver d'ailleurs de l'appui, du plaisir» de l'amusement ? Le 
temps fait ensuite ce que la raison et l'esprit ne peuvent 
pas; cette pensée nous humilie; néanmoins, rien n'est si 
vrai ; alors on rougit de ses folies, et on reprend son carac- 
tère, ses vues, ses inclinations. Vous savez, mon cber Mira- 
beau, comme je pense à votre égard ; mais je ne crois pas 
que vous ayez assez de force d'esprit pour briser tout d'un 
coup vos liens, et fuir bien loin de Bordeaux, dans Tétat où 
est votre cœur. Si vous aviez ce courage, j'en prendrais 
peut-être de la jalousie, et je n'aimerais pas que vous joi- 
gnissiez cet avantage à ceux que déjà vous avez sur moi. 
Ainsi, je ne vous dirai rien^ et je me bornerai à vous re- 
mercier de votre confiance ; l'aveu que vous me faites de 
votre passion flatte bien ma vanité : vous n'avez pas craint, 

t On verra, dès la lettre suivante, que la chaîne n'était pas aussi forte que 
le pensait l*honn^e Vauyenarguee, -<- G, 



112 CORRESPONDANCE. 

mon cher Mirabeau, d'fitre ridicule* à mes yeux ; vous me 
confiez un amour qui n'est point du siècle où nous sommes ; 
vous n'avez point hésité à me croire au-dessus des préjugés; 
vous me dévoilez votre cœur ! voilà la vraie amitié ; je re- 
connais ses procédés et son langage ; je suis sensible à cette 
aimable franchise, et je n'en perdrai jamais le souvenir. 

11 est vrai, mon cher Mirabeau, que je n'aime pas la Pro- 
vence > ; mais ce n'est pas par réflexion ; je haïrais moins ses 
défauts , si les miens y étaient ignorés ; car je n'ai point 
cette vertu austère dont vous faites profession ; si Ton m'ap- 
prouvait davantage, je blâmerais beaucoup moins. Ce que 
je sens, c'est l'opposition constante qui est entre mon carac- 
tère et les mœurs de ce pays-ci. Je ne forme point de plan 
pour ma conduite à venir ; il y a trop peu d'harmonie entre 
mon cœur et ma raison; je suis beaucoup mon humeur, qui 
est un peu timbrée et chagrine ; je n'aime pas la contrainte, 
et je cherche à m'en affranchir. J'aurais bien des choses à 
vous dire sur les projets que vous faites ; mais elles ne sau- 
raient contenir dans une lettre, et j'espère que nous nous 
verrons avant que vous ayez songé à les mettre à exécu- 
tion*. Je compte être à Paris vers le 15 de mars; je n'y 
serai que quelques jours, et je passerai en Flandre, où se 
trouve le régiment. Si je puis avoir le plaisir de vous em- 
brasser, je vous ouvrirai mon cœur. Adieu , mon cher Mi- 
rabeau. 



1 Parmi les Jeunes gens d*alorSt nétf aa temps de la Régence, ramour sin- 
cère, passant pour un ridicule, n'osait s'avouer, et Vauvenargues, dans ses 
ouvrages, fait plus d*une fois allusion i cette singulière affectation d'indiffé- 
rence. — G. 

« Voir la â8« Lettre. —G. 

' Là doivent se trouver les premières marques de dégoût pour la carrière 
militaire, et les premiers projets littéraires et philosophiques, inspirés au mar- 
quis de Mirabeau par M. de Saint-Georges. {Note de M. G. Lucat-Montigny ) 



CORRESPONDANCE. 113 



23. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Borduuzi oe 7 féTrier 1739. 

Je réponds à Totre lettre, mon cher Vauvenargues, dans une situa- 
tion bien différente ^ de celle où fêtais quand je vous écrivis celle qui 
me Ta attirée. Il s'est passé bien des choses dans mon cœur depuis : le 
détail en serait trop long, et je vous le ferai, un jour, de bouche; je 
m*en souviendrai, car je le regarde comme une époque de ma vie. En 
voîd seulement Fabrégé : engagé par une coquette, d'autant plus dan- 
gereuse que ses allures étaient tout opposées à celles que nous leur 
prêtons ordinairement, je m'étais trouvé surpris par un air de senti- 
ment, et j'étais venu au point d'extravaguer; je ne me reconnaissais 
plus, et ma raison ne paraissait qu'assez pour me tourmenter. La réserve 
avait soocédé aux perpétuelles inégalités premières; on refusait mes 
lettres, on me parlait de devoir d'état, on me mettait au désespoir. Mes 
yeux se dessillaient à demi, mais mon cœur n'en était pas moins occupé ; 
Thumeur noire m'accablait; je desséchais à vue d'œii. Une dernière 
algarade me poussa à bout ; je la rembarrai avec cette volubilité et 
cette vivacité d'expressions que la nature m'a données ; je l'atterrai 
avec un tel dédain, qu'elle ne trouva pas le mot à dire. Bientôt, un 
amusement léger et sincère changea tout à coup la face de mon cœur : 
je m'aperçus, avec étonnement ', que je ne l'aimais plus, et j'en fus 
dans une joie sensible. Je retrouve enfin mon âme, ma raison, mes 
projets; enfin, je suis moL Je le lui ai fait sentir au naturel, et j'ai à 
IM^ésent le plaisir de la voir en être fâchée, sans que cela me touche. 
Voilà pour moi ; parlons maintenant de vous ! 

Il n'est pas d'un philosophe, mon cher ami, de vivre au jour la jour- 
née. Cherchez d'abord à corriger votre humeur, à blanchir vos idées, 
et imaginez toujours que la gatté est le fondement du bonheur'. Je ne 
m'arrête point aux préjugés sur cela : il faut rectifier ce qu'il peut y 
avoir de mauvais dans ses inclinations, et puis, les suivre, sans s'arrêter 

I Les pasfioru de Mirabeau ne daraient Jamais long-temps, surtout lors- 
qu'elles rencontraient quelque obstacle. — G. 

* L*étonneinent du marquis peut paraître naïf. — G. 

s Mirabeau s'adressait mal : Vauvenargues se souciait pou de la gaité, 
legpertanneB enjouéu lui semblaient un peu plus vainei que Us autres; il aimait 
mieux les mélancoliques^ qui sont ardents, timides^ inquiets, et se sauvent 
de la vanité par Vambition et VorgueiL (Voir le 33* chap. de Vlnlroduction à 
la Connaissance de V Esprit humain,) ~ G. 

♦ 8 



111 CORRESPONDANCE. 

aux façoDS de penser du profane vulgaire. M. de Montesquieu, marié et 
Président à mortier, vend sa charge, pour satiflCaire son goût pour les 
sciences; il se fait une réputation flatteuse, se forme un esprit agréable, 
et, loin que ses affaires dépérissent par ses voyages continuels, de Rome, 
il dispose de Tarbre quHl veut qu^on plante à tel coin de sa terre; sa 
femme exécute, il trouve ses ouvrages faits au retour, et a augmenté 
considérablement son revenu, dans le temps qu'un misérable casanier 
se plaint que la terre devient tous les jours ingrate. Montaigne dit que 
ses parents, voyant son humeur peu stable et son goût pour les lettres, 
craignirent qu'il ne dissipât son héritage; maiê^ si j'avais u» garçam, 
dit-il, avec le peu de connaissances qne jai aeqnises, je l'aiarais Irien 
mis en garde; ^t si, sans application aucune, ai-je encore accru le 
mien. Si vous aviez connu pariiculièreroent le marquis de Sainl- 
Georges, vous auriez su que, du fond de son calûnet, il a augmenté 
son revenu de 20,000 livres de rente; que cela ne Tempèchera pas de 
faire connaître à son Gis toute l'Europe, et d*être un des plus savants 
et des plus raisonnables hommes que Ton voie. Nous avons besoin de 
nous joindre, mon cher ami : vous q>puierîez sur la raison, et je vous 
fournirais des idées. Je ne compte pas aller à Paris, de cet hiver, le 
régiment étant dans ces quartiers-ci; ce serait un trop long voyage; 
cependant, j'ai telle chose en train, qui pourrait m'y conduire. Adieu, 
mon cher Vauvenargues ; je vous ferai part de mes amusements, quand 
je vous verrai ; mais je m'occupe trop pour copier. Adieu ; vole et Uctare / 
et souvenezr-vous d'Horace; c'est l'alphabet des sages» 



2A. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Àix, l« \*r nun 17St 

Votre dernière lettre, mon cher Mirabeau, me cause une 
joie sensible : vous étiez sous la puissance d'une cruelle 
enchanteresse ; vous avez su vous dégager ; vous avez rompu 
le charme I Souffrez que j'applaudisse à ce triomphe : je 
vous ai plaint de vos disgrâces , je prends part à vos succès; 
ce sentiment est naturel. 

Rien n'est si sage et si vrai que les conseils obligeants 
dont vous m'offrez le secours : corriger son humeur, bian- 



CORRESPONDANCE. 115 

chir ses idées, se former un plan de vie , se conduire par 
principes, se soustraire aux préjugés , épurer ses inclina- 
tions, s*y livrer ensuite hardiment, et ne pas perdre de 
vue que la galté est le vrai bonheur ; voilà, mon cher Mira- 
beau» l'essence de la morale. Je n'y saurais rien ajouter ; et 
que pourrais-je vous écrire que vous n'eussiez pensé ^ D'ail- 
leurs, mes réflexions ne sont pas neuves, ou, s'il y en a qui 
le soient, elles ne méritent pas d'être mises à côté dés 
autres. 

Vous me faites trop d'honneur, en cherchant à me sou- 
tenir par le nom de philosophe^ dont vous couvrez mes sin- 
gularités ; c'est un nom que je n'ai pas pris ; on me l'a jeté 
à la tète, je ne le mérite point ; je l'ai reçu, sans en prendre 
les charges ; le poids en est trop fort pour moi. 

Ce sont mes mclinations qui m'ont rendu philosophe^ ou 
qui m'en ont acquis le titre : si ce titre les gênait , il leur 
deviendrait odieux ; je ne m'en suis jamais caché : toute ma 
philosophie a sa source dans mon cœur; croyez-vous qu'il 
soit possible qu'elle recule vers sa source, et qu'elle s'arme 
contre elle 7 une philosophie naturelle, qui ne doit rien à la 
radson, n'en saurait recevoir les lois : la philosophie que je 
suis, ne souffre rien que d'elle-même ; elle consiste propre- 
ment dans l'amour de l'indépendance, et le joug de la raison 
lui serait plus insupportable que celui des préjugés. Adieu, 
mon cher Mirabeau ; adressez-moi votre première lettre à 
Arras, où je serai à la fin du mois. Monsieur votre frère est 
ici ; je parle du marin ' ; car vous savez où est l'autre : nous 
nous voyons quelquefois ; je suis charmé de le connaître. 

• Jean-Antoioe-Joseph-Charles EIzéar, chevalier, puis bailli de Mirabeau , 
oé à Pertbuis, en Provence, le 8 octobre 1717, reçu che?alier de Malte, le 31 
juillet 1720; à douce ans et demi, il entra, dans le corps des galères, comme 
garde de l'étendard; enseigne de vaisseau, le 1*' avril 1738, lieutenant en 
1746, capitaine en 1751 ; gouverneur de la Guadeloupe en 1752. Retiré & Malte 
en 1761, il est nommé général des galères, après 31 ans de service dans la 
marine royale, et plusieurs blessures. — G. 



116 CORRESPONDANCE. 

26. — VAUVENARGUES A SAINT-VINCENS*. 

A P&rit, k 19 mars 1739. 

Je suis arrivé ici, mon cher Saint- Vincens^ depuis trois 
jours ; je suis accablé de petits soins , je pars demain, je 
ne puis t'écrire que deux mots ; mus , dès que je seni à 
Arras, je te donnerai de mes nouvelles aussi prolixement 
que je voudrai ; je me reposerai en t'écrivant, je me délas- 
serai, je me satisfera. Présentement, je ne suis pas en état, 
ili en puissance de t'écrire ; je suis chez un homme malade, 
qui meurt d'envie de se coucher, et qui me presse extrême- 
ment. Je te prie, mon cher Saint- Vincens, de t'adresser à 
M. Bose, trésorier des troupes, pour m'envoyer l'argent 
que tu me destines; il te refusera peut-être, mais fais-lui 
quelques instances, dis-lui qu'il t'obligera et moi aussi, et 
engage-le au secret, sans lui dire ce que c'est que cet ar- 
gent \ S'il ne veut pas me fûre toucher toute la somme, 

1 Jules-Françoifl-Pâol Fauris, seignenr de Saint-Vincei», de Noyen, de Saint- 
Clément, ete.^ ne le 21 Juillet 1718, mort le 23 octobre 1708 ; fils d*un conaeiller 
& la cour des Comptes de Provence, il deyint conseiller, puis président k mor- 
tier au Parlement de la même province. Antiquaire savant, il avait fonné, à 
Aix, le plus beau cabinet qui existât de son temps; il était associé-corres- 
pondant de TAcadémie des Inscriptions et Belles-Lettres, & laquelle il adressa 
plusieurs Ménwires sur les antiquités de la Provence. En 1777, il lit élever» i 
ses frais, un monument & Peiresc, dans Téglise des Dominicains, ai^ourdltui 
de la Madeleine, & Aix. H a fourni de précieux documents à Papon, pour son 
Histoire de Provence, et, dans son Voyage dan$ le» dêpartemetUs du mUHdê la 
France, Millin rend bonmiage & la mémoire de cet hommtt, digne, en effet, 
d*ètre Tand et le confident de Vauvenargues. — G. 

> Dès cette première lettre à SaintpVincens, nous sommes an fait d'an des 
principaux embarras de la vie de Vauvenargues. On sait combien, sous l'an- 
cienne monarchie, le service militaire était onéreux pour les gentilshommes; 
or, Vauvenargues, dans le régiment du Roi, était pauvre, an moins reUtive- 
ment, et, en même temps, nous l'avons vu (Reflexionê mr diven tHJeU» et 
Maximes)^ libéral, presque prodigue, par principes; outre les cbaiiges de son 
état, il avait le goût des voyages, des grandes villes, des thé&tres, et nous ver- 
rons, dans les lettres suivantes, à quels expédients il en était réduit, pour 
suffire à de telles occasions de dépense. Aussi, comme nous avons eu lieu de 
le remarquer déjà (voir la dernière note du 60« Corne/ère), est-il mort dans 
un état voisin de la misère, tantôt prenant son parti de sa. détresse : « Qu'im- 
« porte à un homme ambitieux, qui a perdu sa fortune sans retoor, de mou- 
« rir plus pauvre ? • {Maxime 582«) ; tantôt désespéré de laisser à la charge de 



CORRESPONDANCE. 117 

propose-lui mille francs, cinq cents francs, ce qu'il voudra ; 
puis, nous trouverons des expédients pour faire venir le 
reste. Adieu, mon cher Saint- Vincens ; je ne te dirai rien ici 
des sentiments que j'û pour toi ; dans le temps que tu me 
cjdmbleâ d'amitié, que j'en ai les plus fortes assurances ; 
dans le temps que tu me rends un grand service, et que je 
suis dans l'impuissance de m' acquitter jamais avec toi, il 
serait ridicule, mon cher Saint-Vincens, que j'employasse 
des paroles pour te convaincre de ma sensibilité ; je mé fe- 
rais trop dé tort. 

Mande-moi si tu as vu mon chevalier ', s'il est parti de- 
pub longtemps, et si tu en es satisfait. 



26. — LE MÊME AU MÊME. 

A Arras, le 25 mars 1739. 

Mon cher Saint- Vincens, je suis arrivé ici depuis deux 
jours, je commence à me reposer, et je vous tiens parole. 
J'ai fait une longue route, fatigante, et ennuyeuse. Vous 
connaissez Meyronnet * : c'est un homme d'un grand sens; 
mais, dès que je demeure un moment sans parler, il me 
demande si je suis malade, je veux dire dans la route, car, 
depuis notre arrivée, nous n'avons pas eu le temps de nous 
voir. Nous avons été seuls jusqu'à Lyon, et, à Lyon, nous 
avons pris la diligence. J*y trouvai un frère du chevalier dç 
Quinsonas', qui est abbé; il m'a paru raisonnable. Nous 
étions huit dans ce carrosse, tous honnêtes gens, mais qui 
se se convenaient guère, et je disais, tout au rebours des 

»a fimille tes dettes qu'il STsit contractées : « La mort Ta surpris dans le plus 

• grand désordre de sa fortune ; il a eu la douleur amëre de ne pas laisser assez 

• de \Âeu pour payer ses dettes, et n*a pu sauver sa vertu de cette tache. » 
(i** Caractère, Claiomène.) — G. 

« Voir la 31* Lettre. — G. 
* Voir la 1" note de la page 92. — G. 

> Voir, sur le chevalier de Quinsonas, la lettre de Voltaire fi Vauvcnar- 
gues, datée du mai ilk^. — G. 



118 CORRESPONDANCE. 

autres : plus on est de fous, et moins on rit. L'abbé disait 
son bréviaire ; un officier de Lyonnais comptait les arlx'es du 
chemin, depuis Fontainebleau jusqu'à Paris; un autre offi- 
cier se jetait hors de la portiëre, pour crier après les lièvres 
qui passaient ; trois valets dormaient profondément ; Mey* 
ronnet chantait quelquefois, et je jurais entre mes dents, 
quand nous étions fort cahotés. Je n'û été que trois jours 
à Paris ; je t'écrivis la veille de mon départ, et, si mon calcul 
est juste, tu recevras demain ma lettre. 

La voiture que j'û prise, de Paris ici, n'était pas plus 
douce que la diligence ; c'étût encore un grand carrosse, où 
nous étions huit personnes qui ne s'étaient jamais vues. Il y 
avait un major de place, qui décidait des ouvrages d'esprit, 
et qui cachait sa croix de Saint-Louis, par modestie, comme 
on cache le Cordon bleu * ; il l'a depuis trente-cinq ans, il a 
perdu un bras à la guerre ; c est, en vérité, fort bonne compa- 
gnie ; les autres assortissaient. Ce major nous contait qu'à 
Paris, il avait une dispute sur une pièce de théâtre ; son 
adversaire était fort opiniâtre : a Monsieur, lui dit le major, 
il n'y a pourtant qu'un bon et un mauvais goût ! — Mon- 
sieur, lui répondit son adversaire, peut-on vous demander 
quel est le vôtre 7 o J'ai trouvé ce dialogue assez bon ; mais 
je ne sais si la réponse est neuve. 

Il faut avoir l'esprit bien libre, mon cher Saint-Vincens, 
ou bien vide, pour te fûre des contes de cette espèce'; 
mais te parlerais-je de mes sentiments ? je les dégraderais 
par mes paroles. Je songe à chaque instant à ce que je te 
dois, et cette pensée me donne une joie vive. Mon cher Saint- 
Vincens, jamais personne dans le monde n'a su obliger 
comme toi, et personne n'a fait naître dans mon cœur de 



* On sait que le Cordon bleu était le signe distinctif de I*on]re do 5flfii/- 
Espritt équivalant à celui de la Toison-irOr, à celui de /« Jarretièrt, et & la 
Crandetie d*Espagne. — G. 

• Ces accès de gaité sont rares dans Vauvenargues; nous avoua tu quMl 
n*aime pas le rire et les rieun ; aussi prend-il soin de s*excaser ici de cet 
«Vart, comme déjh i! sVn est excuse^, auprès de Mirabeau, à la fin de la 19* 
I>*ttrr. - - G. 



CORRESPONDANCE. 119 

si vive reeoonaissanoe ; il est bien flatteur pour moi de te 
devoir tant. 

Disons un mot de nos affaires : si M. Bose se refuse, 

adresse-toi à M. Camaud * ; mais ne lui propose pas toute 

la somme, parce qu'il en serait surpris; propose-lui six 

cents livres; s'il n'a point de correspondant à Ârras, il faut 

qu'il te donne une lettre de change sur Paris ; on l'acquittera 

peut-être ici. Ne lui dis point notre secrets et exige aussi 

de lui qu'il ne parle, à qui que ce soit, de l'argent que tu 

m'envoies, parce qu'on nous devinerait. Tu pourras, si tu 

veux, lui faire quelque histoire, et lui dire, par exemple, 

que c'est un argent prêté à unx>fGcier de galères, la veille 

de mon départ; ajouter qu'il aurait perdu sur sa parole, 

qu'il est fort de mes amis, et que je n'avais pu le refuser 

malgré mon départ, d'autant mieux que c'est un homme 

exact, avec lequel je ne pouvais risquer ; car il faut mettre 

de la vraisemblance dans tout ce que tu lui diras, autant 

qu'il sera possible. Quand nous aurons ces six cents livres, 

nous trouverons des expédients pour faire venir le reste. 

Adieu, mon eber Saint- Vincens, je t'embrasse et te supplie 

de m'aimer. J'ai bien abusé de tes yeux. 

Mande-moi si je mets bien ton adresse. 



27. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Bordeaux, ce 30 mars 1739. 

Saurais répondu plus tdt, mon cher Vauvenargues, à la dernière 
lettre que vous m'écrivîtes de Provence, le 1" de ce mois; mais j'ai été 
obligé d'attendre le temps que vous me prescriviez. 

Je n'ai pas vu de lettre mieux écrite que celle-là : comment peut-on 
témoigner avoir, en même temps, tant de vivacité et de nonchalance 
dans Tesprit? Eh quoi I mon cher, vous pensez continuellement, vous 

* Riche ocMomerçant d'Aix. — G. 

* ]lA Mcrat, dont il &*agit» on le devine ; c*€8t un prêt d'argent fait, ou pro- 
curé, par Saiot-Vinoens à Vauvenargues, au moment où celui-ci partait pour 
Paris et pour Airas. — G. 



120 CORRESPONDANCE. 

étudiez, rien n^est au-dessus de la portée de vos idées, et vous ne songez 
pas un moment à vous faire un plan fixe vers ce qui doit être notre 
unique objet, qui est le bonheur? vous vous livrez sur cela, avec une 
inconséquence qui tient de Taccablementl Non, cela n^est pas possible: 
j^aime mieux croire que je vous ai pris dans un moment où Tinaction 
remportait sur la raison. Gomment! de ces individus mécaniques, dont 
Fespèce est si multipliée, et qui n^ont de nous que la figure, pas un qui 
n*ait un objet, dans lequel il se foige une idée de bonheur; Pan, c*est 
quand il obtiendra une charge; Tautre, quand son père, ou un oncle, 
dont il doit hériter, mourra; un autre, quand il se mariera; d^autres 
enfin, qufnd leur maison sera achevée, ou toutes autres choses qui 
amusent les désirs des hommes, selon la passion qui les domine; et 
vous seul, qui êtes si fort au-dessus de cette eqtèce, vous vivrez du jour 
à la journée, sans thésauriser dans la jeunesse^ pour vous en servir dans 
Fâge où tout nous manque! Non, cette faiblesse n'^est pas pardonnable! 
Ne dites pas que la délicatesse de votre tempérament vous abat : vous 
n^ètes pas robuste, mais vous n^ètes pas malade ; nuls accidents ne vous 
attaquent, et vous n'avez, tout au plus, que des incommodités habi- 
tuelles : oh I Ton se lait à tout, et les accidents seub peuvent déranger 
es opérations de la raison. Abjurez, mon cher, et nous entrerons 
ensuite en matière; sinon, je ne vous pardonnerai pas sitôt, et je vous 
combattrai sans cesse. Donnez-moi sincèrement des nduvelles du che- 
valîer, et de la façon doiH il s'est tourné; f attends ce soin de votre 
amitié. Adieu, mon cher; que votre abattement ne s'étende pas jusque 
sur le compte de vos amis. 



28. — VAUVENARGUES A SAINT-VINCEN& 

[A Amt, 10 eommeoenneBt d'iTiil 1799.] 

Je ne pois pas vous dire, mon cher Saint-Vincens, com- 
bien je sais sensible à votre exactitade ; votre lettre est 
remplie d'amitié, elle ro*a touché. Je vous assure, mon cher 
Saint- Vincens, que si j*avais, à Aix, deux amis comme vous, 
je ne voudras pas en sortir; mais, D*y ayant point de dis- 
traction, mon goût et mon attachement pour vous vous au- 
raient été à charge, et il aurait Tallu que vous renonçassiez 
h tout autre commerce, et que vous ne fassiez qu*à moi, si 



CORRESPONDANCE. 121 

TOUS aviez voula remplir tout le vide de mon loisir, et sa- 
tisfaire à toute la tendresse de mon cœur. Il est vrai que 
les commencements sont assez pénibles ici ; j'ai été sur- 
chargé de petits soins depuis mon arrivée, et je ne respire 
pas encore ; mais je suis assez content parmi tous ces em- 
barras, et il ne me manque qu'une seule chose pour être 
tranquille ; je crois que vous la devinez '. Je n'ai pas vu en- 
core de médecin * ; je n'en ai pas eu loisir. D'abord que je 
serai arrangé, je vous rendrai compte de tout; il faut que 
voos vous contentiez, pour le présent, de voir mon écriture. 
Viendrez-vous à bout de la lire? je n'ai plume, encre, ni 
écritoire; tout cela viendra peu à peu. Adieu, mon cher 
Saint-Vincens, je vous embrasse de tout mon cœur. 

J'ai trouvé Gautier ' à Lyon, qui m'a fait mille amitiés; 
je vous prie, mon cher Saint-Vincens, de me remettre dans 
son Souvenir^, lorsqu'il sera à Aix. il m'a promis de me 
donner des commissions; je serai charmé qu'il m'emploie. 
Je ne comprends point La Boulie ^ de se plaindre comme il 
a fait, après m'avoir dit plusieurs fois de faire ce que je 
voudrais, sachant ma situation, et combien j'étais éloigné 
de prévoir tout ce qu'il me dit, lorsque j'arrêtai son laquais. 
Je vous prie de lui dire que je suis fftché qu'il ait oublié nos 
andennes liûsous, et que c'est à moi à me plaindre de lui : 
vous uae ferez plaisir, mon cher Saint-Vincens, de le re- 
mettre là-dessus, et d'dter de son esprit tout ce qui a pu 
l'éloigner; vous n'aurez pas de peine à me défendre, puis- 
que vous savez ma conduite, et que je vous ai tout conté. 
Mille compliments à Monclar ^ 

^ U^fA clair qu'il s'agit de la wmme d'argent dont il est question dans 
lea lettres piécôdentes, et que Vauyenargues n'a pas encore reçue. — G. 

3 Vanvenargues avait les yeux malades, et plusieurs autres incommodités, 
dont U pariera dans les Lettres suivantes. — G. 

' U y avait, & Aiz, deux familles de ce nom, toutes deux parlementaire^^, 
et toutes deux éteintes : les Gautier, seigneurs du Poët, du Vemègueê, de 
Vatttvcive, etc.; et les Gautier, seigneurs à*ArHgues et de (a MoUe. — G. 

« Famille parlementaire d'Aix, qui a fourni des hommes distingués. Jusque 
dans les assemblées délibérantes de nos jours. — G. 

* Voir la dernière note de la 2* Lettre. — G. 



1S2 CORRESPONDANCE. 

29. — LE MÊME A MIRABEAU. 

A Ànai, le f avril 1731. 

Je n'ai rien à répondrei mon cber Mirabeau, à tos louaD* 
gee ; c'est un voile que vous avei mis sur vos reproches ; je 
ne prends pas ie change là-dessus, et je serais trop ridicule 
de chercher à m'en défendre. Je n'ai pas envie, non plus, 
de rim opposer à vos reproches : je sens qu'ils ont quel- 
que justice, et je ne me ferai pas cette délicatesse de vous 
refuser mon aveu. Je conviens, mon cber Blirabeau, que je 
suis un homme faible, qui se conduit par seutiment, qui lui 
soumet sa liberté, et qui ne veut que par lui ; ma raison 
m'est inutile* : elle est comme un miroir, où je vois mes 
faiblesses, mds qui ne les corrige point. 

Cependant, mon cher Mirabeau, quelque chose me repu* 
gne dans les exemples que vous me donnez : il est vrai que 
peu de gens vivent au jour la journée ; je suis le seul, peut- 
être; les autres hommes ont un objet dans l'avenir, et ils y 
attachent le bonheur; mais songez, je vous prie, qu'ils l'y 
attachent faussement, que cet objet les fuit toujours, et que 
leurs vaines poursuites les occupent, sans les satisfaire; leurs 
soins, leurs inquiétudes, leurs travaux, leur activité, sont 
moins l'effet de leur raison, que du sentiment intérieur de 
leur misère. Je ne veux pas vous faire entendre que je me 
suffise à moi-même, et que, toujours, le présent remplisse le 
vide de mon cœur ; j'éprouve aussi, souvent et vivement, 
cette inquiétude qui est la source des passions. J'aimerais 
la santé, la force, un enjouement naturel, les richesaes, l'in- 
dépendance, et une société douce ; mais, comme tous ces 
biens sont loin de moi, et que les autres me touchent fort 
peu, tous mes désirs se concentrent, et fonnent une humeur 
sombre, que j'essaie d'adoucir par toute sorte de moyens* 

« Délia, dans la Lettre W, VaurenargueB déclare que ia pkiloiophie ^àaii 
rien à la raiMm, qu*U prend dans le aem de réfieMon ; Je l'ai dit aiUemra [Éioge 
de VauvenoTfiuett}^ et VauvanaiipMa le dit ici lui-même, U iteie /!e fii^aii te»- 
timeni. Voir la Zh* Béflexion, voir aoasi la Masâmê 123*, et U note qoi s*y 
rapporte. — G. 



CORRESPONDANCE. 123 

Voilà où se bornent mes souds, à l'égard de la vidllesse ; je 
ne FenTisage, cependant, que trop : il me semble que tous 
les hommes y touchent en naissant ; mais, comme la mort 
touche aussi à la vieillesset ce n'est pas trop la peine de se 
mettre à la torture pour prévenir des maux qui doivent être 
si courts; et, d'ailleurs, mon cher Mirabeau, nos soins sont 
assez inutiles ; la nature a son cours réglé, et elle a ses droits 
inviolables ; opposons-lui des vertus et des connaissances 
acquises, elle se joue de nos efforts; elle nous ôte la mé- 
moire, la raison, et le Curage; et, quand nous sommes 
privés de ces ressources amassées avec tant de travail, elle 
nous apporte le dégoût, les infirmités, et la mort! 

Voilà, mon cher Mirabeau, ce que je pense tous les jours, 
pour justifler mon indolence ; et voilà ce que font aussi les 
autres hommes. Les objets ont plusieurs faces : chacun les 
considère du côté qui flatte ses passions, et la raison, qui est 
étrangère sur la terre, n'ayant pas assez de force pour com- 
battre notre cœur, est obligée de se mettre à ses gages; 
mais, quelque peu de pouvoir qu'elle ait jamais eu sur moi, 
vous avez tort de soupçonner l'amitié que j'ai pour vousi 
je n'ai point, en toutes choses, la langueur que vous me 
supposez; c'est même la vivacité de mes sentiments qui fait 
la faiblesse de ma raison, et ceux que je vous ai voués, non- 
seulement sont les plus raisonnables qui aient jamais été 
dans mon cœur, mais ils lui sont aussi les plus naturels et 
les plus cbers. 

Depuis que je suis ici, je n'ai rencontré le petit chevalier 
que deux ou trois fois, parce que je sors très-peu. Il me 
trouve déjà bien vieux ^ ; je démêle cette vérité dans ses ma- 
nières et d^ns son maintien avec moi. Il a grandi beau- 
, coup depuis un an ; ses camarades l'sdment fort ; il a des 
façons unies, et un caractère décidé; je crois qu'il umera 
le jeu, et qu'il défendra son argent; il voit jouer avec plai- 
sir, et prévoit bien les coups, mais il ne joue point du tout ; 

* VauTODirgM» n*avait pM vingtpquatre ans; mais il est Trai que le jenoe 
chevalier de Mirabeati n*en avait pas encore quinxe. — G. 



124 CORRESPONDANCE. 

cependant, il va dans le monde, et il y a une contenance. 
S'il y avût quelque chose à désirer pour lui, ce serait de la 
douceur et un peu de souplesse; mab ce n'est qu'une cod- 
jeelure, que je forme sur son ûr. 



30. — MIRABEAU A VAUVENARGUES 

De BoidMU, ce i4 avril 1739. 

Je n'ai rien reçu, mon cher VanTenargoes, de plus sensé et de plus 
frappant que votre lettre; quelqa^un qui pense et s*expriiùe comme 
oek n'est pas pardonnable de n'avoir aucune ambition. Je sais que 
votre peu de disposition et de santé ne vous permet pas de courir œ 
que quelqu'un comme vous doit appeler fortune; mais quelle carrière 
d'agréments ne vous ouvrent pas vos talents dans ce qu'on appelle la 
BépublUiue dei lettrfi / Si vous pouviez connaître combien de plaisirs 
différents nous procure une réputation établie dans ce genre I Ce n'est 
plus le temps où un homme de qualité rougit des talents que lui peut 
disputer un homme de rien; je doute même qu'il ait jamais été que 
pour les sots; et, sans entrer dans les détails, l'Académie française n'est 
composée presque que de gens du bon ordre, et sous le nom desqoeb il 
a paru plusieurs ouvrages. Vous croirez que j'en parie en homme inté- 
ressé, quand je vous aurai dit que je suis prêt à être dans le cas; mais 
non ; je me suis dit ces choses-là à moi-même, avant que de prendre ma 
résoluUon. Sans avoir une réputaUon faite que par mes amis, et encore 
dans un très-petit cercle, je puis vous dire combien cela ade commodités : 
premièrement, celle de ne parler que quand on veut, sans que Famour- 
propre vous presse de briller : c'est un tel, qui a fait telle chose; ctAs 
suffit 1 grand motif pour la paresse ! Outre cela, les savants et les gens à 
talent font une espèce de république à part ; faites-vous-y connaître, 
tout est fait; votre nom seul les réveille tous; ils se renvoient et se re- 
commandent l'homme, de Pun à l'autre ; partoutest votre patrie; vous les 
rassembIez,etiisvous rendent bien les agréments que vous leurprocurez. 
Peut-être ne fais-jequ'affermir ici, chez vous, une résoluUon prise ; il m'en . 
est même transpiré quelque chose ', mais j'en demande l'aveu à votre 
amiUé. N'allez point me dire qu'il est des choses que l'on ne peut confier 

* Vauveaarguw n'avait pat alors de réêolution prtu^ et ses vues se toQ^ 
naient plutôt du côté de la diplomatie; cependant, Utneti nnèine trantjpM quel- 
que chô»e à Mirabemi^ depo» long-temps (^jà, dans ses loisin de garnison, non- 
seulement il relisait assidûment quelques livres préférés, mais U 8*exerçait à 



CORRESPONDANCE* 125 

au papier : il n*en est. point que Ton ne puisse commettre au papier qui 
?a àson ami« et rien ne se perd à la poste ; je Tai. éprouvé mille (bis. 

Que vous êtes heureux, mon cher, de n'avoir que le principe des pas- 
sions qui tounnentent les autres hommes, et combien n*achèterais-je pas 
votre inaction I Lliiver passé, Tambition m^a tourmenté comme un for- 
çat; celui-ci, rebuté par une coquette qui avait tout fait pour m*acqué- 
rir, f ai joui en plusieurs endroits, dont je ne me souciais pas; attaché, 
enfin, à une jeune personne qui méritait une passion par tout ce que la 
candeur, la sincérité, là douceur et Tamour ont de plus' attrayant, je me 
vois obligé, par principe, à m*armer contre moi-même. On a voulu réta- 
blir; elle a fait un éclat, sans me consulter, et, seul, je puis la ramener : « 
jugez quel effroi pour un homme qui n'a jamais raisonné que sur ce qui 
lui était indifférent I Je me vois, outre cela, prêt à m'en séparer, et le 
cœur plein d'amertume, quand je viens à comparer les difficultés, les 
embarras, les douleurs que j'ai eues, et, enfin, la peine que je ressens 
à présent, aux plaisirs I Je désil^rais n'avoir jamais aimé que Melpo- 
mène I Que vous êtes heureux, encore un coup, dans votre inaction ! 
Mais je vois que je ne vous parle que de moi : hélas ! je crois que la fa- 
cilité que nous avons de nous livrer à notre penchant sur cela avec nos 
amis, est ce qui nous attache le plus à leur commerce : vous, qui dé- 
veloppez si bien notre Ame, mandez-^moi ce que vous en pensez 7 

Le laîsonnement que vous faites sur la vieillesse est uni, et il n'y a 
rien à y répondre; il a été nouveau pour moi, et m'a surpris d'autant 
plus, que j'avais oui faire aux gens les plus sages celui que je vous faisais ; 
mais, enfin, mon cher, un homme qui tombe dans cet état, sans l'avoir 
pTévu^ n'y peut être que três-malheureux, et, quelque détriment que 
r^ porte à celui qui s'y est préparé, l'habitude est une seconde na- 
ture, et lui laissera toujours infiniment plus de ressources qu'au végétal 
dont je viens de vous parler. Adieu, mon cher Vauvenai^es ; continuez 
de m'écrire, et donnez-moi votre adresse dans votre changement Parlez- 
moi un peu du petit ', je vous en supplie; je vous en croirai. Adieu; je 
ne saurais avoir plus de plaisir que quand je cause avec vous. 

écrire, car une premièro rédaction de son Traité iur le lÀbre-ÂrkUre est datée de 
Besançon, ou mm de juillet 47S7, S*il n'en dit rien & Mirabeau, c'est qu'il ne 
rtdmettait pas à son entière confidence ; il entretenait volontiers un oom- 
merœ de lettres avec on homme dont la toornure d'esprit, vive et piquante, 
pouvait lui plaire, et qui, d'aiUenn, était son parent ; mais U le regardait, sans 
doute, comme trop léger de caractère, et trop mobile d'humeur, pour s'ouvîir 
à lui sans réserve» — r 6> 
* Le chevalier de Mirabeau. — G. 



196 CORRESPONDANCE. 



SI. ~ VAUVENARGUES A SAINT*VINCENS. 



Ta lettre, mon cher Saint-Encens, m'en faisait attendre 
une autre, et tu me dois d'dlleurs une réponse que je serais 
bien fâché de n'avoir point. J'attendais donc pour t' écrire; 
je difiérais de jour en jour ; mais je souffre trop de ce re- 
tardement, et je ne saurais m'empècher de t'en faire des 
* reproches; je vois bien ce qui en est la cause, c'est sans 
doute cet argent ; mais tu devais avoir compris que je sau^ 
rais m'en passer, et que tes lettres me sont nécessaires. Je 
suis charmé que tu aies mis L'Enfant * dans notre secret : tu 
me flattes bien en me disant qu'il est de mes amis ; si je t'ai 
cette obligation, elle met le comble aux autres. Je te prie 
de lui dire, de ma part, que je serais trop heureux, si je 
pouvais, par ma confiance, l'intéresser un peu à moi ; tu ne 
lui mentiras pas. 

Je te suis bien obligé d'avoir compris qu'jen demandant 
des nouvelles de mon chevalier, je ne voulais pas te parler du 
chevalier de Gaillard ' ou du chevalier de Piolenc*, et de 
tels autres chevaliers; mais si tu crois que je désire d'avoir 
de tes lettres par d'autres que toi, ou qu'elles puissent rece- 
voir plus d'agrément par la part qu'y auraient les étrangers, 
tu nous fais tort à tous deux , et tu n'aurais pas de sembla- 
bles pensées, si tu connaissais l'amitié comme je laconnads. 
Je pourrais me plaindre aussi des louanges que tu me pro- 
digues, elles me font mourir de honte ; je me vpis cent piques 

» 

1 Famille parlemenUire de Provence, qai s'est éteinte dans la peraonnedo 
BalUiazard-Simon-Suzanne de L'Enfant, chanoine de Téglise SaintrSanyeur, & 
Aix, mort en 1795. — G. 

> FrèK cadet de GidUard de Longinmeaa, conseiller à la cour des Gonpies 
de' Provence. Une branche de cette famille, cdie de GailIard^'Agottll, a*est 
perpétuée à Marseille. — G. 

s Maison féconde en magistrats d*un haut mérite, aujourd'hui éteinte^ Les 
Piolenc possédaient, à une deooMieue d*Aii, sur la rivière d*Arc, le domaine 
de Beauvoisin, qui a retenu d*em le nom de la PioHne, mm» lequel on le dé- 
signe Tulgaircinent. — G. 



CORRESPONDANCE. 137 

aiu-desaou8; cependant, je lesoroia ûneère», et toft estime 
me toodie bien vivement, et j'aime mieax la devoir à toïi 
amitié que de la mériter. Mais quelle folie de me dire du mal 
de toi, à moi qui te connais mieux que personne « et qui suià 
si intéressé à n'en pas convenir I Ah I que je serais charmé 
de trouver cette occasion de dire tout ce que je pense, si je 
n'étais obligé à ménager ta modestie, malgré l'austère con- 
trainte qu'elle met dans notre commerce ! Je suis del'aviâ 
de *** sur les vers qa'on a faits à sa femme : je trouve aussi 
qu'il a bien fut de n'en pas prendre le parti ; il y a des gens 
que cette méchanceté intéresse plus que lui, et qui sont plus 
capables d'y répondre. Adieu, mon cher Saint- Vincens, tu 
me feras grand plaisir de me dire toujours un mot de ce qui 
se passe à Aiz ; j*y prends plus de part que tu ne crois. 
J'approuve fort tous les arrangements que tu as pris pour 
nos affaires ; je ne me plains que du silence dont ces arran- 
gements sont cause. 



Vi. ^ LE MÊME A MIRABEAU. 

A Arru, ce 4 mai 1739. 

Je ne rougis plus de vos louanges, mon cher Mirabeau, 
quoique j'en connaisse tout le prix, et qu'elles soient aussi 
loin de moi que les étoiles. Je ne les compare point à mon 
faibte mérite, je ne suis point assez dupe ; je ne vois en elles 
que votre amitié ; je n'écoute que la voix et le jugement de 
votre cœur, et leur témoignage m'est plus cher que les qua- 
lités qui me manquent ; cela soit dit en passant. 

Je n*ignore pas les avantages que donnent les bons com- 
merces ; je les ai toujours fort souhaités, et je ne m'en cache 
point; mais j'accorde moins que vous aux gens de lettres : 
je ne juge que sur leurs ouvrages, car j'avoue que je n'en 
connais point * ; mais je vous dirai franchement, qu'ôtez 

* Ce n*6tt qne quatre ans plus tard qae Vanvenargnes entra en correspon- 
dance avec Voltaire, et, bientôt, se lia d'amitié avec lai. — G. 



12B CORRESPONDANCE. 

quelques grands génies, et quelques hommes originaux dont 
je respecte les noms, le reste ne m'impose pas. Je commence 
à m'apercevoir que la plupart ne savent que ce que les autres 
ont pensé; qu'ils ne sentent point, qu'ils n'ont point d'âme; 
qu'As ne jugent qu'en reflétant le goût du siècle, ou les au- 
torités, car ils ne percent point la profondeur des choses ; 
ils n'ont point de prindpes à eux, ou s'ils en ont, c'est en« 
core pis : ils opposent à des préjugés commodes , des con« 
naissances fausses, des connaissances ennuyeuses ou des 
connaissances inutiles, et un esprit éteint par le travail; et, 
sur cela, je me figure que ce n'est pas leur génie qui les a 
tournés vers les sciences, mais leur incapacité pour les 
affaires, les dégoûts qu'ils ont eus dans le monde, la jalou* 
sie, l'ambition, l'éducation, le hasard. Il faut cependant, 
pour vivre avec tous ces gens-là, un grand fonds de con- 
naissances qui ne satisfont ni le cœur, ni l'esprit, et qui 
prennent tout le temps de la jeunesse. Il est vrai qu'on se 
fait une réputation, et qu'elle impose au grand nombre, 
mus c'est l'acheter chèrement, et il est encore plus péni- 
ble de la soutenir; et, quand il n'y aurait d'autre désagré- 
ment que de lire tous les mauvais livres qui s'impriment, 
afin d'en pouvoir raisonner, et d'entendre tous les jours de 
sottes discussions, ce serait encore trop pour moi, car je ne 
parle pas des autres, et personne ne pourra se plaindre que 
je lui fasse le tort de lui prêter mon caractère. Je suis assez 
juste là-dessus, mus je dis mon opinion pour ce qui me 
regarde, et je la dis librement : il me serait fort agréable 
d'avoir de la réputation, si elle venait me chercher ; msds il 
est trop fatigant de courir après elle, et trop peu flatteur 
de l'atteindre, lorsqu'elle coûte tant de soins. Si j'avais plus 
de santé, et si j'aimais assez la gloire pour lui donner ma 
paresse, je la voudrais plus générale et plus avantageuse que 
celle qu'on attache aux sciences S Pour vous, mon cher 

1 Vtuvenargueft,dans plusieurs eodroits de son livre, et, noUamienti dans 
le 60* Caractère, a déj& exprimé ce dédain pour les gens de lettres et pour la 
gloire littéraire; il eût préfi^ré, il le dit lui-m^mc, une ivoire plus génénde, et, 



COBRESPONDÂNGE. 129 

llinbeao» qui avez une ftme agissante, et une santé robuste, 
▼0U9 ne seriez point heureux si vous suiviez mes opinions * . 
car vous n'avez pas les mêmes sentiments, ni le même tem- 
pérament : les objets se peignent à votre cœur sous des 
couleurs plus riantes et plus flatteuses; vous faites bien 
d'en embrasser plusieurs à la fois ; cela vous est nécessaire, 
et il vous en coûtera moins qu'à personne que ce soit, pour 
arriver à un but. 

11 est, entre les objets et notre cœur, de certaines con- 
venances, que la nature a formées, et que l'on ne saurait 
rompre; car on peut dire, en général, que nous sommes 
maîtres de nos actions ' ; mais nous ne le sommes guère de 
nos passions, et c'est une folie de les combattre, quand elles 
n'ont rien de vicieux ; c'est même une injustice de s'en plain- 
dre, car une vie sans passions ressemble bien à la mort S et 
je compare un homme sans passions à un livre de raisonne- 
ments : il n'est bon qu'à ceux qui le lisent ; il n'a pas là vie 
en lui, il ne sent point, il ne jouit de rien, pas même de ses 
pensées: Ainsi, mon cher Hirabeaui nulle compassion pour 
vous : vous avez tort d'en attendre de moi, et, encore plus, 
de craindre de m' ennuyer. Il y a peut-être mille gens qui 
vous envieraient votre amour, que vous trouvez si malheu- 
reux, et toutes vos autres passions ; mais dites-moi, je vous 
prie, quel est le cas où vous êtes? Est-ce le cas de faire un 
livre, ou d'entrer à l'Académie ? le ne vous ai pas entendu ; 

sortout, plus active. Quelques années plus tard, il reviendra de ce dédain ; il 
aîfliem mieux déroger à sa qualité qu'à son génie (Maxime 770*); il s'autori- 
sera 4e l'exemple de Richelieu, La Rochefoucauld, et autres grands hommes, 
auMsi connu» par leurs écrits, que par leurs actions immortelles (voir la 53* i?^- 
flexUm); enfin, n'ayant pu faire de grandes choses, il voudra, du moins, écrire 
de grandes pensées (33* Réflexion), 7- Voir la dernière note du 90^ Caractère, 
— G. 

I Nouvelle preuve que Vauvenargues ne dit pas tout à Mirabeau; car ce 
qtd domine dans ses écrits, et œ qui les échauffe, c'est précisément cet amour 
de la gUrire et de V action^ dont il paraît, ici, se défendre. -~ G. 

• Vauvenargues n'accorde pas toujours ce point. (Voir son Traité sur le Libre- 
Arbitre). -- G. 

' On retrouve ici la tliéorie développée par Vauvenargues dans ses diveni 
ouvrages; il n'a Jamais varié à cet égard. — G. 

» 9 



lao CORRESPONDANCE. 

mais, comme on peut entendre l'un ou l'autre le phi» B^f- 
tureUement du monde, je ne sais où m'arrèter ; tireE-OMH, 
je vous prie, d'incertitude/ et entrez en des détails sur cela» 
Vous ne sauriez me faire plus de plaisir que de me parier 
de vous ; et, si c'est là, comme vous dites, et comme on l'a 
dit avant vous, ce qui nous fait aimer le commerce de nos 
amis, je m'estime trop heureux qu'il y ait des moyens si 
faciles de serrer le nôtre, par des nœuds si agréables. 

Ce que je vous si mandé sur la vieillesse n'est pas sans 
réponse, comme vous me l'accordez par courtoisie* U nous 
faut des occupations qui touchent notre cœur ou notre es- 
prit, ou nous tombons en langueur : la plupart des voluptés 
ne sont plus pour les vieillards ; tous les plûsirs des sens 
leur manquent, et il n'y a guère de passions à leur usage; 
mais les lettres peuvent être cultivées jusqu'au tombeau, et 
c'est presque le seul objet qui soit en la puissance d'un 
vieillard, qui est honnête homme, et qui conserve sa rai- 
son, parmi ses infirmités ; car, s'il radote, je n'y sais plus 
rien* Mais ne trouvez-vous pas que je ressemble Kce per- 
sonnage de Molière, qui ne veut avoir ni tort ni raison, de 
peur de finir les disputes 7 Je vous avertis que si vous êtes 
encore de mon avis, je reprends sur-le-champ ma première 
opinion. 

Adieu, mon cher Mirabeau. Meyronnet est content de 
votre frère ; je le suis infiniment, et Madame votre mère ne 
Test pas; mais je n*en sais pas la raison. Je crains que vous 
ne fassiez un affront à cette lettre : vous n'aurez janiais la 
patience de la lire ; mais c'est pour la dernière fois, je vous 
le promets ; car les longues écritures me fatiguent plus que 
les longues lectures ne peuvent vous ennuyer. Ne soyez pas 
assez simple pour répondre à toutes ces sottises ; on ne peut 
rien approfondir dans une lettre ; on écrirait des volumes 
sur les plus petits sujets, Bi l'on en voulait considérer toiules 
les faces, en examiner tous les rapports» expliquer toutes 
ses pensées, et ôter de ses expressions toute sorte d'équi- 
voques. Je vous enverrai mon adresse, quand nous partirons 



CORRESPONDANCE. 13i 

d'id ; ows VOUS wriaz fort bien fait de m'envoyer la vôtre, 
QW je M sais où vous prendre, et ce volume pourra bien se 
perdre, 6*il ne vous trouve pas i Bordeaux. Faites-moi part, 
je vous prie, des arrangerarats que vous prenez pour eet 
hiver ; le passerez-vous à Paris T il me semble qu'il y a bien 
longtemps que nous ne nous sommes vus. 



33. — MIRABEAU A VAUVEXARGUES. 

De Bordeaux, ee 16 mai 17S9. 

Vou8 avez parfaitement le génie anglais, mon cher Vauvenargues : 
vous ne pensez que trop fortement juste, et profondément ; mais à quoi 
vous sert cette faculté, dès que Tinaction est votre sphère? Je crains 
que vous ne vous ôtiez çnOn jusqu'à la peine de creuser les matières. 
Si fêtais auprès de vous, loin de vous permettre Tespèce de culture qui 
vous confirme dans ce défaut d'inaction, je ne vous mettrais entre les 
mains que de la crème fouettée, du goût, de Tesprit, et point de rai- 
sonnement; je vous trouverais d'abord un peu indocile; mais comme 
ce serait sans rien demander à votre paresse *, j'espère que j'en vien- 
drais à bout 

L'on ^(Tirait des volumes, me dites-vous, fur les plus petits sujets, etc.: 
quelie idée pour un jeune Français! eh quoi! si, par malheur, vous 
vous eierciez sur quelque anecdote de littérature, vous deviendriez 
donc un lexico<rassus ! Sachez qu'il n'y a que les génies stériles qui 
aient fait des volumes sur des riens ! L'on n'est jamais abstrait qu'à 
forée de vouloir se fah^ entendre, et les Pascal, les La Rochefoucauld, 
les La Brayère, tous génies reconnus, ont mis une infinité de pensées 
daes de petits volumes '. C'est la lecture des moralistes anglais, et, en 

t 

t On voit assez qu'il ne s*agit pas, ici, de la paresse en général, mais de la 
pamne à faire ses preuves, car Mirabeau reconnaît plus haut Tactivité in- 
t^ectnelle de Vauvenargues, et son habitude de creuser les matières; d^à, 
dans U Lettre 27*^, il lui disait : Vom pensei continuellement^ vous étudiez ; 
seulement, |lirat>eau tient peu de compte de cette activité tpute spéculative, 
^ p^lit sur le* livres; il voudrait que Vauvenargues dirigeât se* occupations 
à mnlmi, et prit la peine d'y aspirer. (Voir la Lettre 35*.) — G. 

s Mirabeau parait encore loin de ^ douter que rboinme à qui il parle sur 
ce ton tranchant et décisif, prendra prochainement sa placR à côté même des 
trots grands moralistes qu'il lui propose comme exemples. — G. 



m CORRESPONDANCE. 

im Inot, de tous les ouvrages qui- pouvaient flatter la leoteur de votre 
humeur et la profondeur de votre esprit, qui vous a confirmé; et c^est 
sur les écrivains faibles, et qui, de ceux-là, n?ont que les défauts, que 
vous jugez le bel-espriL J'appelle gens d'esprit ceux qui, occupés de 
vivre, ne se livrent à leurs talents que par amusement et par enthou- 
siasme, et non ces gens qui pâlissent sur les livres; le commerce de 
ceux-ci ne saurait être qu'insipide; mais celui des autres, et, surtout, 
quand ils appuient sur le goût, ne saurait être que très-agréable; vous 
apprendriez à discerner ces deux espèces de gens, pour peu qu'un ami 
vous tirftt de cette inaction. Quand vous auriez plus de santé et de 
goût pour la gloireî vous ne sauriez faire naître la guerre, et ne seriez 
pas capable des bassesses qu'il faut pour s'avancer à la cour *. Je sens 
par moi-même, qui, ayant plus d'imagination que de jugement *, em- 
brasse toute sorte d'objets, que les plus dignes de moi sont dans un 
avenir presque impossible : dois-je, pour cela, négliger des talents qui 
peuvent me donner de l'agrément ' ? Non; je travaille, pour m'occuper ; 
cela m'amuse, et je me forme une grande facilité dans toute sorte de 
genres d^écrire. Mais, encore un mot de vous : vous enfouissez, si vous 
ne travaillez, jes plus grands talents du monde ^ ! Je ne sème point ici de 
louanges, c'est la vérité qui parle ; des gens du meilleur goût, ayant 
vu vos premières lettres, m'obligent à leur envoyer toutes celles que je 
reçois de vous, et je les ai entendus s'écrier, quand je leur ai dit que 
vous n'aviez pas 25 ans " : Ah I Dieu I quels hommes produit cette Pro- 
vence I Adieu, mon cher Vauvenargues. Je serai en Provence cet au- 
tomne, et à Paris, cet hiver; adieu; aimez-moi toujours, et envoyez- 
moi votre adresse; écrivez-moi ici. 

< Mirabeau suppose que l'ambition de son ami est encore tournée vers la 
guerre; il est pnisnmable qu*à ce moment, Vauvenargues en était déjà rc^ 
venu, et qu'il songeait, sinon à la cour, du moins aux afTaires ; nous le Ter- 
rons dans les Lettres suivantes, il ne pensait pas, comme Mirabe-an, que, 
pour s'avancer de ce côté, la hasseàse fût indispensable: il ne vo^aii pas cette 
question de» mfmes yevx, (Lettre 50«.) — G. 

* Ici encore, Mirabeau se rend pleine justice. — G. 

' Vauvenargues, à qui Mirabeau fait la leçon, l'entRudait autrement : quand 
le moment sera venu d'écrire, il se proposera autre chose que son agrément 
on que sa propre satisfaction. — G. 

^ On voit combien Vauvenargues attirait l'attention, puisqu'il forçait à ce 
point celle de Mirabeau, qui, le plus souvent, n'avait de regards que pont 
lui-même. — G. % ' 

> Vauvenargues n'avait pas encore 24 ans. (Voir la lettre suivante. } — G. 



CORRESPONDANCE. 13^ 



U. - VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Arraf, le SO mai 1739. 

Je suis bien aise> mon cher Mirabeau, que vous ine trou- 
vie; le génie anglais; il y a déjà trois ou quatre ans qu'on 
m'en a trouvé la figure, et, quoique la figure d'un Anglais, 
en France, soit celle d'un homme qui a la consomption, 
cette prétendue ressemblance n'a pas laissé de m'attacher 
à eux; Je n'en ai jam^ds connu aucun particulièrement^ et 
je n'ad jamais lu de leurs ouvrages que M. Pope et M. Locke * , 
et le Paradis perdu^ ; mais j'honore fort leur génie : tout 
ce que j'en entends dire me le rend recommandable, et, 
puisque vous trouvez que j'en ai des rayons, je prends un 
degré d'estime et d'amitié de plus pour la nation. 

Si vous pouviez me faire lire, vous n'auriez aucune peine à 
me plier aux lectures qui émeuvent les sentiments ; ce sont 
les seules qui* me plaisent, et qui flattent ma paresse ; les 
autres me fatiguent et m'ennuient; je n'en ai guère fait en 
ma vie, et, si vous connaissiez ma profonde ignorance, vous 
changeriez bien de ton . Je ne sais, mon cher Mirabeau , si c' est 
à moi à vous détromper, mais vous me donnez des louanges 
si excessives , qu'elles m' étonnent toujours. Vous n'êtes 
pas le seul, peut-être, qui vous grossissiez mon idée * : je 
voudrais avoir assez de vanité pour Tadopter, et croire à 
tous les compliments. C'est cette crédulité qui fait le bon- 
heur de Pépin ; elle ferait aussi le mien ; mais je suis trop 
près de moi, pour m' éblouir; je vois le fond de mon esprit, 
et ce qui trompe en sa faveur : je hais le jeu et les femmes, 
do moins, celles que je connais ; cela fait que je ne vais 
guère dans le monde, et que je m'y ennuie extrêmement; 

I Voir, dans le Traité sur le Libre-Arbitre^ la note de la page 206. — > G. 

« C'est-à-dire Hilton, ~G. 

s En eflet, dans la Lettre 31', nous avons tu que Vauvenargues se défend, 
avec la même nnodestie, contre les louangos que Saint-Vinceus lui adi'essc. 
— G. '. 



134 CORRESPONDANCE. 

il y a des esprits malins qui tirent de ce dégoût de quoi me 
faire plusieurs crimes ; mais il y en a d'autres qui m'en font 
honneur, et qui veulent absolument que j'emploie» d'une 
manière utile, le temps que je donne à ma paresse ou à ma 
mauvaise humeur. Je ne puis pa? me plaindre, mon cher 
Mirabeau, de la bonté qu'ils ont pour moi; mais je rougis 
d'être aussi loin de votre idée et de la leur, et je ne vou- 
drais pas que l'on pût m'imputer d'entretenir des erreurs 
qui me sont si favond)Ies. 

Il me semble que vous me jugez avec moins d'indulgence 
sur ce que j'ai dit du bel-esprit : j'ai dû fûre des exceptions, 
et je suis persuadé qu'il y en a dans ma lettre, parce qu'il y 
en a toujours eu dans ma pensée ; je ne les étends peut-être 
pas assez, ou vous les portez trop loin. Si nous entrions 
dans les détails , nous conviendrions aisément, car je suis 
de bonne foi, et je mets trop peu d'intérêt et trop peu de 
réflexion dans mes paroles, pour en prendre le parti. Je crois 
que vous n'êtes pas non plus si bien entré dans mon idée, 
sur ce que je vous ai dit de la difficulté que j'avais à traiter 
les moindres sujets dans une lettre : je ssds qu'on peut 
exprimer beaucoup de choses en peu de mots * ; mais, lors- 
qu'on ne convient pas, ou que l'on ne veut pas convenir, 
il faut parcourir toutes les faces et tous les rapports; voilà 
ce que j'ai voulu dire, et voilà ce qui est long, qu'on abrège 
bien pourtant, lorsqu'on a du génie, car je n'ai aucune envie 
de nier cela. Il est vrai que M. Pascal et M. de La Roche- 
foucauld ont rendu, l'un et l'autre, avec une extrême préci- 
sion des idées très-composées ; mais si vous lisiez la critique 
qu'à faite H. de Voltaire des Pensées du premier, et le misé- 
rable commentaire qu'on a fait des Masimes du second S 
vous conviendriez peut-être aussi que si ces deux auteurs 



1 Non-seulement Vau^enargues le sait, mais il le prouvera bientôt dans 
sea érrlt«. — G. 

* Vauvenargues veut parler, ftans doute, du commentai]^ ftaset miàéràble. 
en effet, qu'Amelot de I^ Hou&.«a5'e a joint aux Marimex tle La RocheftHi- 
cauld, en 171^.-0. 



CORRESPONDANCE. 135 

fameux avaient voulu rendre compte de leurs pensées, les 
expliquer, les prouver, ils auraient bien grossi leurs livres. 
Je ne dis point ceci pour me défendre» car je vous aban- 
donne tous mes sentiments, et je vous les soumets tous; 
mais vous louez si fort mes lettres qu'il m'est permis de les 
rendres infinies, et de vous en accabler. J'ai cependant quel- 
que inquiétude sur ce que vous me dites que vous les avez 
montrées : vous en avez quelques-unes où il y a de Tamer- 
tume et de l'bumeur ; ce sont celles de cet hiver ; je n'ose 
croire, mon cher Mirabeau, que vous les ayez laissé voir; ce 
serait une grande ûnprudence * ; dites-moi cependant ce qui 
«d est, et ne me déguisez rien; pour les autres, je vous les 
abandonne, et je suis charmé qu'on les trouve bien. C'est 
une obligation que je vous ai, mais elle ne m'est point à 
charge ; je m'acquitterai, quand je voudrai, av%c usure ; j'ai 
conservé vos réponses, et, si j'en étais moins jaloux, vous 
me réduiriez bientôt. 

Je suis au désespoir de n'être pas à Paris, pour voir jouer 
votre comédie ; j'ai pris des arrangements pour qu'on me 
l'envoyât, dès qu'elle serait imprimée. Je ne doute point du 
succès, et je m'en réjouis à Tavance ; mais ne craignez point 
que je vous nomme; je suis trop flatté de votre confiance pour 
en abuser, et vous pouvez compter sur moi. Je vous sais un 
gré infini d'avoir fait des tragédies sans amour ; une intrigue 
de ce genre est bien usée au théâtre, et elle y est très-souvent 
déplacée ; rarement, elle y amène la terreur, qui est l'âme de 
la tragédie, etil faut se faire violence pour se persuader qu'elle 
est la cause des plus grands événements, et le mobile des 
plus grands hommes; d'ailleurs, ce n'est plus la mode des 
amours tendres et délicats ; le goût des romans est passé ; 
on n'aime plus comme«on aimait jadis. Enfin, mon cher 
Mirabeau, vous ne pouviez mieux penser, ni prouver plus 
évidemment la force et la fécondité de votre esprit, qu'en 
vous ouvrant une nouvelle roule qui, à la vérité, n'était point 



1 G6M« Miiciiétion de Mirabeau ùài otmpnaàm U w S ee r ye où Va«Tenar- 
gues se tenait avec lai. (Voir la 1'" note de la Lettre S0«.) — G. 



196 CORRESPONDANCE. 

incooDue S mais qui semblait trop difficile» et qui demandait 
trop de génie. Je ne finirais point sur ce chapitre, si je pou- 
vus dire des choses que vous savez mieux que moi. Mais 
où avez-vous pris le temps qu'il faut pour de si grands ou- 
vrages? Hélas I vous parlez de mon ftge! dites-moi donc 
quel est le vôtre* ? Savez-vous que j'aurai 2A ans, au 6 du 
mois d'août prochain ? Si j'étais ambitieux comme César, je 
pleurerais comme lui ; car vous n'ignorez pas, sans doute, 
qu'pn lisant la vie d'Alexandre, il ne put retenir ses lar- 
mes; songez, moi^ cher Mirabeau, qu'il n'y a que votre 
amitié qui puisse arrêter les miennes ; la possession de votre 
cœur remplira cette distance qui est si humiliante ; elle me 
justifiera ma paresse et mes défauts; ne me la refusez donc 
pas, et parlez-m'en quelquefois. « 

Vous pouvez m' écrire ici encore une lettre ; je vous aver- 
tirai de tous mes changements. J'aurais souhaité avec pas- 
sion de vous voir en Provence, cet automne, mais je ne 
ponrrd pas y être ; cette pensée me déplaît bien. Je suis 
toujours pour votre frère comme vous me connaissez. 



35. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

I>e Bordttai, ee 14 Jnio 1791. 

Votre lettre m*a attendu, mon cher Vauvenargues. Tai été, au ré- 
giment, passer la revue de Tinspecteur, et me voilA de retour. 

Si TOUS avez toujours pour moi la complaisance d*étendre voa répon- 
ses, je VOUS arracherai à vous-même, en détail. Travaillez pour le public, 
car je suis, sur les manuscrits >, comme Alexandre, qui Ait fâché qu*Aris- 
tote eût donné sa philosophie à tant de gens, sans la donner à tout le 
monde. Si la privation du travail vous faisait vivre dans la dissipation, 

1 En effet, plus de vingt ans auparavant (1718), Voltaire avait donné sa 
tragédie d*Œdipe, dans laquelle, on le sait, Tamour n'a pas de place, ou, du 
moinB, en a si peu, que ce n'est pas la peine d'en parier. — G. 

> Voir la 1** note de la 1" LetU^ — G. 

s Mirabeau tuppo$e que Vauvenargues écrit ; car celui-ci ne lui a fait aii^ 
ctiue ronfldeoro à cet égard. — G. 



CORRESPONDANCE. 137 

je D^oserais, avec le peu de santé que je vous connais, vous conseiller 
Pétude; mais, vivant dans la retraite et toujours sur les livres, il n*est 
pas pardonnable de ne pas diriger ses occupations à un but C'est la 
perte du temps qui mène à cette inaction, qui semblait à Gaton d'Utique 
le plus grand des crimes. SMl est permis de se citer, j'ai, je crois, plus 
de feu, d'imagination, de santé, que vous; mais vous avez plus d'esprit 
et de suite: cependant, si vous ne m'en imposer * , il s'en faut de beau-' 
coup que vous tiriez le même parti du temps. Si vous employiez tout le 
loisir que votre humeur vous laisse, jugez de ce que vous pourriez 
faire I Ten sais plus que vous, sur votre propre compte, si vous ne vous 
connaissez pas une grande étendue de génie I 

Votre humeur, quoique toujours mélancolique, est sujette à des va- 
riations, vos lettres en font foi; dans les unes, vous disputez, et vous 
voulez disputer; ici, vous passez condamnation sur tout, mais, toujours, 
vous êtes également bon. Quant à notre dispute sur la nécessité d'é- 
tendre ses pensées, je ne reculerai pas d'un pas : l'on doit écrire pour 
ceux qui sont dignes de lire ; pour ceux-là, il sufiBt d'être clair, mais il 
est nécessaire d'être concis. La pensée s'énerve dans le fatras du lan- 
gage *, et cette précaution choque notre amour-propre ; les sots ne Ten- 
tendront pas; les esprits faux le prendront à gauche ; ce n'est pas pour 
eux que l'on écrit; ce serait un effort inutile et déshonorant que de se 
mettre a leur portée. 

Je n*ai reçu aucune lettre de vous qui ne fût très-montrable ; mais 
je n'ai montré que les dernières, qui sont pleines de traits originaux et 
de réflexions; fiez-vous à mon amitié sur les précautions qu'elles exi- 
gent Je ne sais si l'on jouera ma comédie cet été; je m'en suis, sur 
cela, rapporté à un de mes amis qui n'était pas trop de ce sentiment-là, 
et je n'en ai pas encore des nouvelles précises. 

Adieu, mon cher Vauvenargues; avertissez-moi de tous vos change- 
ments, car je serais bien fâché de vous perdre. Adieu; soyez sûr de ma 
vive amitié. 



1 On le voit encore à ce mot, Mirabeau soupçonne que Vauvenargues ne 
s*ouvre pas entièrement à luL — G. 

* Voilà une vérité que Mirabeau lui-même a prouvée, Hurabondamment, par 
9P9 ouvrages. — G. 



138 CORRESPONDANCE. 

36. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Arru, le 30 Juin 1T39. 

Voud vous moques^ moD cher Mirabeau, de me demander 
eoeore dee détails : je voue parlerais de moi, auaai kyog- 
temps que vovs youdriei; oda m me coule point, je anîs 
trop près du sujets et mes paroles coulent véritablement 
de source ; cette expression est propre, dans cette occasion; 
mais je vous aime trop pour vous noyer dans ces misères, 
et, quand je songe à la longueur de ma dernière lettre, j*en 
ai honte, et je vous plains d'avoir eu tant à lire. M. Pascal 
s'en sendt épai^né la peine, sûrement ; il aurait brûlé cette 
lettre, lui qui ne voulait pas que l'on dit mot; mais ce qui 
est écrit est écrit; n'en parlons plus, cela est fini. Vous ne 
sentes pas vos louanges, vous ne savez pas la force qu'elles 
ont| vous me perdez I épargnez-moii je vous le demande à 
genoux*! 

le m SUIS pte surpris de ce que vous me dites de k fé- 
condité de votre esprit et de sa facilité ; j'en connais oHle 
traits que vous cachez, et qu'il ne contiendrait pas que 
vous découvrissiez vous-même ; mais je suis fiché que tous 
ne donniez pas votre comédie cet été; je meurs â*envie 
de la lire, et ce serait une lecture qui me ferait grand plai- 
sir. Pour les autres» elles me touchent peu, et je ne passe 
point ma vie sur les livres, comme vous avez la bonté de le 
croire pour justifier ma retraite '« Je suis bien loin d'être 
raisonnable ; depuis deux ans, je n'ai pas lu un quart d'heure 
tous les jours, j'entends un jour portant l'autre. Cet aveu-14 
est bien naturel, mais ne vous met>il pas en colère? car vous 

* Cette phrase expressive trahit, visiblement, l^arrière-pensée de Vaove- 
nargues : il ne veut pas l'avouer, mais on aperçoit qu'il serait plus sensible 
k la gloire qu'il ne veut le paraître, et qu'il a peur de céder à la tentation. 
Rien n'est plus intéressant que ceUe lutte entre les deux amis, où la curiosité 
obstinée de l'un arrache à l'antre le secret qu'il voudrait garder. — G. 

* Ici, Vauvenargoes, qui peut craindre d*en avoir trop dit quelques lignes 
plus haut, revient à sa discrétion habituelle. — G. 



CORRESPONDANCE. 139 

avez horreur de mon oisiveté. Elle n'a pââ toujours été aussi 
grande, mon chéi" Mirabeau; il y à eu des temps où j'àl lu ; 
mab ces temps-là sont un point dans ma vie. J'ai tôujOuts 
été obsédé de mes pensées et de mes passions ; ce fi' est pds 
là une âimpation^ comme vous croyez, ïûais une dtetractioft 
continuelle, et une occupation tféâ-inive, QUolqUë prè&qUe 
toujours inquiète et inutile. Je serai d'un meilleur Com- 
merce quand je serai vieux ; je veui, du ittolnâ, avoir Cette 
espérance. La raison et vos conseils poutront alôts beaucoup 
sur moi; il est vrai qu*il sei'a bien tard I Hais que puis-je 
y faire, mon cher Mirabeau ? meâ goûts, mon caractère, ma 
conduite, mes volontés, mes passions, tout était décidé 
avant moi ; mon cœur, mon esprit, et mon tempérament 
ont été faits ensemble, sans que j'y aie rien pu, et, dans 
leur assortiment, on aujrait pu voir ma pâUvrè dànté, mes 
faiblesses, mes erreurs, aVant qu'elles fussent formées, si 
l'on avait eu de bons yeux. — ILy a des remèdes, me dit-on, 
contre les infirmités du corps ; on fortifie un homme faible 
par des secours ëtningers ; lé régime le àoutiènt I — Gela est 
Ynû, quelquefois ; mais on veut guérit* les maux du Cof*ps, 
sans renoncer à ses folies, et la comparaison n*ëdt paë juste, 
quoiqu'il y ait aussi des remèdes pour les maux de l'âme. 
Enfin, mon cher Mirabeau, si je m'étais Ibrmé moi-mémè, 
je crois que je vaudrais mieux. Mais finissons ce chapitre ; 
me voilà retombé dans le moi plus que jamais, et voilà tout 
le commencement de ma lettre ridicule I Gela se h\i âa&s 
qu'on le veuille; riez-en,^ mou cher Mirabeau, je n'en serai 
pasfâcbé. 

Heyronnet vous aura mandé comme on a fût une injus- 
tice au petit chevalier, en donnant une lieutenance à un 
neveu du major, qui est son cadet; je sens le tort qu'on lui 
fait, et je prévois que vous le sentirez trèà-vivement; c'est 
un chagrin réel pour moi. L'on a mis encore devant lui deux 
ou trois pages du Roi ; ïnais cela est moins désagréable : ils 
ont tous quatre ou cinq ans de plus que le chevalier, et le 
Roi veut que le service qu'ils ont fait auprès de sa personne 



140 CORRESPONDANCE. 

leur soit compté dans ses ti*oupes; il n*y a qu'un an qu'ils 
ont joint, et votre frère était six mois avant eux. A l'yard 
de H. de Risse, qui est ce neveu du major, il est à peu près 
de son âge; c'est un homme de condition; il n'appartient à 
H. le major que par sa mère. Voici ce que M. de Biron ap- 
porte en sa faveur : les [irogrès qu'il a faits dans les mathé- 
matiques, et les services présents de son oncle dans le corps; 
il ajoute que l'intention du Roi n'est pas que les lieute- 
nances soient données à l'ancienneté, ni qu'il y ait des 
rangs parmi les lieutenants en second ; il le déclara, l'année 
passée, en faisant l'ouverture de l'école des mathématiques. 
On n'est point sans réponse à toutes ces raisons : le che- 
valier n'a point démérité, et l'intention du Roi le favorise; 
mus on dit : il est bien jeune, il peut attendre, etc. Cela 
est misérable, car il est en état de faire la guerre, et, si l'on 
prend garde à l'ftge, il né servirait donc en rien de com- 
mencer de bonne heure; d'ailleurs, M. de Risse est aussi 
jeune que lui. 

On voit tout cela d'un coup d'œil, et Heyronnet ne 
s'est pas tu. Cependant, mon cher Mirabeau, si le cheva- 
lier nous reste, il ne tardera pas à être lieutenant; c'est 
six mois, au plus, à attendre. On lui a donné une sous-lieu- 
tenance avec appointement ; cela n'est rien en soi-même, 
mais c'est un nouveau titre pour passer, et qui assure son 
rang. Si vous pouvez lui faire quelque chose de mieux que 
de le Abire suivre, vous fere2 parfaitement bien ; mais s'il 
quitte par honneur, je crois que ce sera une sottise, car 
l'honneur ne l'engage en aucune manière. C'est le senti- 
ment de Heyronnet, du chevalier de Sade S de tout le ré* 
giment du Roi ; je souhaite que ce soit aussi le vôtre, et il 
ne faut pas vous dire les raisons qui me le font souhaiter, 
vous les comprenez aisément. Il n'y a rien de si ordinaire 
que ces sortes de passe-droits ; il y a peu de gens qui n'en 
aient essuyé, et personne n'y attafhe d'idée. On connaît 

« Ondode raiitoiir triMcmont eélèbre de Jmtine, — G. 



CORRESPONDANCE. 141 

votre frère; il serait bien malheureux, si le rang qu'on 
donne à M. de Risse sur lui portait coup à sa fortune ; pour 
les autres, il faut les regarder comme un obstacle qui était 
naturellement placé sur son chemin ; le Roi veut quer ses 
pages aient des préférences ; il est le maître. Vous savez 
mieux que personne, mon cher Mirabeau, les règles de 
l'honneur; vous connaisses les' facultés du chevalier pour 
les emplois qui sont à sa portée; vous savez l'intérêt sen- 
sible que je prends à tout ce qui vous touche, et v-ous ne 
doutez pas de la sincérité de mes paroles; vous ne sauriez 
manquer, avec cela, de prendre le meilleur parti, et tout 
ce que je pourrais vous dire serait inutile. 

Nous partons d'ici demain; nous serons le 6 à Compiè- 
gne, et nous camperons jusqu'au 20; ensuite, nous irons à 
Reims et à Cbâlons. Je serai dans cette dernière ville le 2 
ou le 3 août, pour le plus tard; adressez-);^ vos lettres, mon 
cher Mirabeau, et croyez qu'on ne peut être plus à vous 
que je ne le suis. 



37. — LE MÊME AU MÊME. 



A Péionne, le 3 jnillet 1739. 

Je n'ai pas fait partir ma lettre d' Arras, parce que je vou- 
lais montrer à votre frère l'article qui le concerne; il m'a 
dit que M. Raymond de Bordeaux, qui vient d'avoir une 
lieutenance, était aussi après lui , mais de huit jours seu- 
lement: Votre frère n'est actuellement que le sixième; ainsi, 
ces injustices ne le regardent pas, et M. le duc de Biron a 
promis à Meyronnet la première lieutenance qui vaquerait; 
c'est Meyronnet qui me l'a dit ; vous pouvez régler vos dé- 
marches là-dessus. 



m COHHE»POMDAN€£. 

18. -^ LE MÊME A SAINT-VINCËNS. 

» A GoiQ^iègne, le il joilUt 1739. 

U bMard, moo cher Saisit*ViaeeM, m'a £ût nmcoo^fr 
ici le obAviliar de GaateDam S qui viort de m'apprendre k 
sujet de votre long »teiice*et reztrâmitë où vous aves ^. 
Je erof aie avoir à me {daiadre de voue» J'attendaîa îiopa* 
Uemnent que voue voue justifiasses, et je |i*osaie plus Tes- 
pérer, ui vous écrire, de peur qu'il m fût arrivé quelque 
méprise, et que mes lettres ne fussent découvertes avec les 
secrets de notre amitié ^ Quelle surprise, mon cher Saint- 
Vincens, quand j'ai su que je vous faisais une injustice ! 
quelle joie et quelle douleur I tout ce que l'amitié la plus 
sincère et la plus naturelle peut faire sentir, je Tai éprouvé 
vivement ; je vou} assure, mon cher Saint-Vidcens, que j'ai 
été pénétré. Je ne songe p<Hnt sans frémir auz dangers que 
vous aves courus, et, quoique le chevalier de Castellane 
m'ait fort assuré que vous êtes bien rétabK, il me reste une 
inquiétude que je ne puis dissiper, et toutes mes réflexions 
m'attendrissent jusqu'aux larmes. Je vous supplie, mon 
cher Saint*Vincen8, de m'écrire dès que vous le pourrez ; 
vous ne sauriez me parler trop de votre maladie, et^entrer 
dans trop de détails ; ne m'épargnez aucune circonstance, 
quelque triste qu'elle soit; il faut que je repasse néceasai- 
rement sur ces idées affligeantes, il me serait impossible de 
les ignorer. 

Hélas I mon cher Saint-Vincens , je vous accusais dans 
mon coMir ; je demandais & lleyronnet de vos nouvelles ; il 
me disait que vous étiez & Aix, et que vous vous portiez 
bien, et que M. votre père avait acheté une maîeon. Quelle 
tristesse, tout d'un coup, d'apprendre l'état où vous avez 
été; quel attendrissement, quelle révolution I Ah ! qoeicette 

< La maison de Castellane, une des plus anciennes de ProTence, et dont 
1rs branches étaient nombreuses, subsiste encore de nos Jour». — G. 
« Voir la dernière note de la page 119. — G. 



CORRESPONDANCE. UA 

TÎe est malbeureiue et agitée I Hue les liens qui noiui y 
attachent neoe eont agréaUee, et plus neua eommes exposés 
aux amertumes, aux dégoAts» aux plus grandes inquiétu- 
des; et ce qui devndt en être le charme et Fagrément, en 
devient la désolation. Je ne finirais point, mon cher Saint- 
Vincens, si je voulais appuyer sur ces pensées ; msds il ne faut 
I>oint noircir la joie de votre convalescence, il faut la goûter 
au contraire, la savourer, en jouirt et éloigner les réflexions. 
Nous sommes ioi, depuis cinq ou six jours, pour passer 
en revue devant le Boi ; le régiment est campé, nous avons 
beaucoup de service et beaucoup de dissipation. Je vous 
écrirai de Chftlons en Champagne, où nous irons, au sortir 
dMci ; nous y arriverons vers le premier d'août; adresses-y 
vos lettres. Je ne puis rendre œlle-ai plus longue, parce 
que je suis de garde, et que je suis en compagnie : qu'elle 
ne vous serve point de règle, je vous prie ; vous en avez eu 
de moi qui sont immenses ; marquez-moi si vous les avez 
reçues, nommément la dernière, et si vous étiez déjà ma- 
lade, lorsqu'elle vous a été rendue. Je vous embrasse, mon 
cher Saint-Vincens, avec une extrême tendresse» et vous 
prie d'dtjne persuadé qu'il n'y eu a pas de plus vive que celle 
que j'ai pour vous. 



99. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Bonteiai, ce II jnillH 1731. 

/e me suis contraint, mon cher Vauvenargues, pom* attendre ju9qu*à 
re temps-ci à vous faire réponse; mais, ne devant être dans vos quar- 
tiers qn^au commencement d*août, f ai cm qn'il serait inutile de faire 
courir ma leUre. Vous ne sauriez me faire un plus grand plaisir que de 
rae parler de vous. Je ne veui pas vous attaquer en détail ; f on mecon- 
nattrait mal par ce moyen, car mon intercadence* se fait sentir dans 
mes lettres, et je suis, hors pour les principes essentiels, tttntât Pp^andre. 

1 C*est4-dirc moihHié : Toilà nn mot qae Vaavenargaes n'eût Jamais em- 
ployé, et qui annonce le style practavn 4e Mirabemn, dans Ma écrits politi- 
ques et économiques, (Voir la 1" noie de Uê Lettre l".j — G. 



144 CORRESPONDANCE. 

et UaU&l Ârmédan * ; mais les changements mêmes de ses amis IorI. un 
plaisir infîni à rassembler, et à retrouver dans un portefeuille* 

. Vous ne lisez point, me dites-vous, et vous me citez tous les mots re^ 
manjuables de nos maîtres; cela me rappelle Montaigne, qui sootieni 
partout qu'il craint d'oublier son nom, tant il a peu de mémoire, et 
nous cite dans son livre toutes les sentences des anciens. Quant à la 
fécondité dont je vous parlais à mon sujet, c'était pour vous parler tra- 
vail, car je sais fort bien que c'est la compagne presque inséparable de 
l'exécrabflité *, et un critique très-fin de mes amis, qui m'épluche à la 
rigueur, quand je lui parlais de la prompfitude avec laquelle j'avais 
composé : Un défaut de plu$! me disaitrîL Cest chose convenue que 
vous avez une imagination impayable; mais elle écarte ordinairement 
la réflexion; c'est pourtant ce qu'il nous faut rapprocher en tout Mais 
que faites vous donc, dans votre chambre, si vous ne lisez point 7 car je 
ne sache pas d'occupatiop plus digne d'un paresseux que celle de lire 
sans objet Je crois que vous prenez pour passions des pensées vive- 
ment imprimées chez un individu comme vous, où la matière est la 
plus faible; car moi, qui suis ardent, je puis vous assurer que les pas- 
sions, en agitant l'Ame, tiennent le corps en action , et, loin qu'elles 
le tranquillisent, mon seul embarras est que le corps ne peut faire 
qu'une seule chose à la fois, tandis que l'âme lui en demanderait mille. 
Tespère que, dans un Age avancé, vous serez excellent, et j'ai quelques 
amis dans ce cas. Hélas I si nous pouvions un jour nous rassembler! 
c'est là le bonheur véritable I 

Si j'avais été le maître de mon frère, il aurait quitté, avec la hauteur 
convenable à son nom et à sa naissance; mais la vanité, {dus peut-être 
que l'amitié, me fait sentir cela d'une façon inconnue aux autres hom- 
mes. J'en ai écrit à ma mère comme je le pensais ; elle m'a répondu que 
j'étais trop ardent, et je lui ai dit qu'elle était trop sage. La façon de 
penser des autres ne m'a j«cmais conduit: si je m'en suis mal trouvé, do 
côté de la fortune, j'ai toujours pensé qu'un homme de qualité était 
au-dessus d'elle ; et, du moins, cela m'a-t-il toujours attiré de ces atten- 
tions de société qui ne dépendent que de nous. Ducs manants d^m 
côté, robins décrassés de l'autre, tout empiète sur l'homme de qua- 
lité : faites comme tout le monde avec ces gens-là, vous les avez tou- 
jours sur les épaules; sachez vous annoncer et vous, redresser, vous les 
voyez arriver plus bas que terre. En un mot, la façon de penser gé- 

• Voir Corneille, le Menteur^ acte IV, scène 6. — G. 
^ Le style de Mirabeau se déclare de plus en plus. — G. 



CORRESPONDANCE. 145 

oérale, iii*a (ocyoure para recueil de la vertu : dès que Ton a eu assez 
de désagrémenU pour se plaindre. Ton doit en * ;ivoir assez pour éclater 
de la façon la plus vive; voilà mon sentiment ; Ton dit que j'ai tort; cela 
peut-^tre, mais je Taurai longtemps. Je ne sais ce que ma mère fera, 
noais de quoi je vous répAids, c*est que mon frère se débciptisera, ou ne 
sera jamais capitaine dans le Régiment du Roi *. 

Adieu, mon cher Vauvenargues. Vous voyez l'Ame de votre ami toute 
nue; je ne doute pas qu^au travers de ses défauts, vous n'y trouviez 
quelque chose de digne dMntéresser une aussi belle âme que la vôtre. 
Adieu; aimez-moi; vous êtes quelques-uns, dont l'amitié fera toute la 
douceur de ma vie, car les femmes, qui font maintenant toute l'occu- 
pation de ma folle jeunesse, n'y tiendront pas, j'espère, du moins en 
tant que sexe, le moindre petit coin k un certain Age. Adieu; je vous 
aime comme vous le méritez; est-ce assez dire? 



40. — VAUVENARGUES A SAINT-VINCENS. 

A Reims, le 6 août 1739. 

Mon cher Saint- Vincens, tu comprends donc l'amitié que 
j'ai pour toi, et tu la trouves naturelle! voilà tout ce que 
tu pouvais me dire de plus agréable ; si tu n'y étais pas 
sensible, tu ne la comprendrais pas; mais tu m'aimes^ et tu 
me comprends ; il n'y a rien de si simple que cela. 

Je connaissais tes sentiments, je n'en pouvais pas douter ; 
et, malgré cette persuasion , je t'avouerai bonnement que 
cette manière de les exprimer m'a fait un plaisir sensible. 
Mais je ne suis pas tranquille sur l'état de ta santé : cette sai- 
gnée et ce retour de fièvre me donnent de l'inquiétude, et 
corrompent ainsi toute ma joie ; je voudrais pouvoir passer 
surles deux cents lieues qui nous séparent, et m'assurer de 
ta convale^nce par mes propres yeux. Je te vois d'ici, bien 
naaigre, pâle, défait, les yeux battus, avec un habit fort 
lai^e, les jambes minces et tremblantes; et ce fantôme, que 

t Dans cette phrase mal constraitc, en tient la place de vertu, — G. 
9 n Ta été pourtant, san^ ff tlébnptiner, (Voir la dernière note de la 
i» Leitrc.;— G. 

* 10 



m CORRESPONDANCE. 

je fais, me blesse et me serre le cœur. Ménage-toi, je t'en 
conjure, pour reprendre bient6t tes forces; renonce, pour 
quelque temps, à toute sorte de lecture et de travail ; rien 
n'épuise comme l'étude. J'aurais bien joulu savoir la cause 
de ta maladie, tu ne m'en parles presque pas ; à quoi l'a-t-on 
attribuée? tous les maux ont une excuse : que t'ont dit les 
médecins? 

Je ne suis point surpris de la sécurité avec laquelle tu 
as vu les approches de la mort; il est pourtant bien triste de 
mourir dans la fleur de la jeunesse ! Mais la Religion, 
comme tu dis, fournit de grandes ressources ; il est heu- 
reux, dans ces moments, d'en être bien convaincu. La vie 
ne parait qu'un instant auprès de l'éternité, et la félicité hu- 
maine, un songe ; et, s'il faut parler franchement, ce n'est 
pas seulement contre la mort qu'on peut tirer des forces 
de la Foi; elle nous est d'un grand secours dans toutes les 
misères humaines : il n'y a point de disgrâces qu'elle.n'a- 
doucisse, point de larmes qu'elle n'essuie, point de perte 
qu'elle ne répare ; elle console du mépris, de la pauvreté, 
de l'infortune, du défaut de santé, qui est la plus rude af- 
fliction que puissent éprouver les hommes, et il n'en est au- 
cun de ai humilié, de si abandonné, qui, dans son désespoir 
et son abattement, ne trouve en elle de l'appui, des espé- 
rances, du courage. Mais cette même Foi, qui est la couso- 
lation des misérables, est le supplice des heureux ' ; c'est 
elle qui empoisonne leurs plaisirs, qui trouble leur félicité 
présente, qui leur donne des regrets sur le passée et de& 
craintes sur l'avenir; c'est elle, enfin, qui tyrannise leurs 
passions, et qui veut leur interdire les deux sources d'où la 
nature fait couler nos biens et nos maux, l'amour-^propre:^ 
et la volupté, c'est-à-dire tous les plaiàrs des sens, et toutes 
les joies du cœur ; car la seule chose qu'elle nous permette» 

1 Voir la Dote de la page xzxvi de V Éloge de Vauvenargues. — Voir aussi 
la Maxime 333* — G. 

* Ici, coinoïc presque toujours, Vauven argues entend par nmour-prapre, 
V amour de $oi, — G. 



CORRESPtiNDANGE. 147 

c'est de satisfaire à nos besoins; encore, en éprouvons-noas 
qu'elle ne veat contenter qu'à des conditions si onéreuses, et 
à l'usage de si peu de gens *, et qui sont pourtant si naturels 
et si pressants, que le crime de l'enfance ' le plus ordinaire, 
et ]^t-ètre le premier, est la transgression de la loi ^. 

J'ayouerai ingénument que cette sorte de besoins m'est 
moins connue qu'à personne ; mais, quand ma complexion 
serait plus forte que celle des patriarches, il me serait im- 
possible de me soumettre à leur joug*; et, s'il est permis 
de dire ce qu'on pense, il semble qu'il y ait bien de la ma- 
lignité à faire un devoir d'un plaisir. On ne peut pas nier 
que toute sujétion . n'ait quelque chose de fâcheux ; celle 
d'un tempérament robuste a bien des inconvénients, quoi- 
que douce en elle-même; mais elle est momentanée,«e]le 
n'est que pour la jeunesse : n'y a-t-il pas quelque injustice 
à la rendre indispensable dans tout le cours de la vie, et è, 
l'étendre ainsi au-delà de ses bornes naturelles? N'est-ce 
pas là proprement faire une obligation jusqu'à la mort, d'une 
nécessité qu'on dit qui nous abaisse'? Ces réflexions font 
une étrange bigarrure, après le sermon qui les amène ; c'est 
un écart ridicule, je t'en demande pardon ; je me suis jeté 
si loin de ma première thèse, qu'il m'est impossible de m'y 



« 

* LcB conditions si onéreuses^ et à l'usage de si peu de gens, sont, appai-eni- 
ineDt, celles da mariage; Vauvenargues a déjà dit, à ce propos, dans la 
14* Lettre : « Quoique la nie soit courte, elle peut sembler bien /oHjTue, dans 
ée certains enéjaflements. » n|roettaitrindépendance au-dessus de tout; dans les 
Lettres 14', 23*, W* 50*, il déclare son goût pour elle, et, dans cette dernière, 
il ^^ioiera : « Je ne veux point me contraindre; f aimerais mieux rendre ma 
rie! » — -G. 

' Vauvenargues yeat dire de Vadolescence, —G. 

3 U s'agit, sans doute, de la loi de continence. — G. 

^ Toute cette fin de lettre est, au moins, obscure. U faut croire que le joug 
dont il s*agit ici, c'est celui des condition» onéreuses du mariage, dont il est 
question six lignes plus haut ; de même que, deux lignes plus bas, le mariage 
est regardé encore comme un joug, puisqu'on y fUt un devoir de ce qui ne 
derrait être qu'un plaisir, — G. 

s Ici encore, Vauvenargues semble combattre le mariage, qui oblige, dans 
tout le cours de la vie, à des preuves de tendresse dont la jeunesse seule eut 
capable, et qui impose, jusqu'à la mort, une ardeur que la foi chrétienne or- 
donne, tout en déclarant qu'elle nous abaisse, — G. 



146 CORRESPttNDANGE. 

ramener. Tu n'en es pas plus à plaindre, mou cher Saint- 
Vincens; je vais finir ici ma lettre. 

Je n'ai reçu ta lettre que depuis trois jours; elle était 
allée à Ghâlons, où je t'avais prié de l'adresser; c'est de là 
qu'on me l'a renvoyée à Reims, où la cour a mis trois ba- 
taillons du ré^ment, contre ce que j'avais prévu. Nous y 
demeurerons jusqu'à la fin d'août, et nous serons dans Ver- 
dun aux premiers jours de septembre ; mais, comme ce que 
je te dis n'est pas absolument certain, ne manqpie pas, lors- 
que tu m'écriras, de mettre en garnison à Reims ou à Verdun , 
sur le dessus de ta lettre. 



Al. — LE MÊME A MIRABEAU. 

A lleinu, le 29 août 1739. 

Je vous avais donné une fausse adresse, mon cher Mira- 
beau : le bataillon dont je fais partie est à Reims, et votre 
lettre a été à Châlons; on m'avait trompé le premier; nous 
n'étions pas destinés à être ici, et je n'avais pas pu prévoir 
que l'on changerait tous nos arrangements. Il y a près de 
quinze jours, cependant, que j'ai reçu votre lettre, mais il ne 
m'a pas été possible d'y répondre. 

J'ai pris le goût de la lecture, comme une passion, en 
arrivant à Reims, et, au bout de cinq ou six jours, mes 
yeux, que je n'avais pas consultés, s'en sont trouvés si mal, 
qu'il m'a fallu rentrer dans mon oisiveté, et je ne puis ni 
lire, ni écrire. Je veux suivre vos conseils, et remplir doré- 
navant le vide de mes jours du soin de former mon esprit ; 
et, pour exécuter cette résolution, j'ai pris deux hommes 
pour me faire la lecture, un le matin, et un autre le soir. 
Us défigurent ce qu'ils lisent; je leur donnai, l'autre jour, 
les Oràisotis funèbres de Bossuet, dont l'éloquence est divine, 
et ils coupaient, par le milieu, les plus belles périodes; je 



CORRESPONDANCE. 149 

faisais du mauvais sang, mais il me fallait prendre patience ; 
cela vaut encore mieux que rien. 

Je suis humilié de ce que vous me dites que je cite les 
mots remarquables des grands écrivains ; rien n'approche de 
radoter comme de citer souvent, et je fuis tout-à-fait ce 
style : je vous suis très-obligé de m' avoir fait apercevoir 
que j'y tendais; je serai sur mes gardes à l'avenir, je vous 
le promets bien. Ce que vous dites de quelques mauvais 
écrivains est vrai, mais cela ne peut pas vous convenir. Je 
n'entre point dans vos sentiments, au sujet de votre frère, 
et il me semble qu'il y aurait beaucoup à dire sur tout ce 
que vous pensez sur la naissance et sur la vertu; je souffre 
beaucoup à me taire, tes mains me démangent, et j'ai peine 
à les retenir ; mais elles n'ont plus de guides, et mes yeux 
sont si fatigués qu'il m'est impossible d'aller plus loin. 
Adieu, mon cher Mirabeau. 

Nous partirons f)our Verdun, dans trois ou quatre jours; 
voas pouvez m'y adresser votre première lettre. 



A2. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

» 

De Bordeani, ce 7 septembre 1739. 

Ce que vous me dites de l'inaction dont vous sortez est vrai, mon 
cher Vauvenargues; je me sais bon gré de vous avoir excité sur cela; 
vous y profiterez, le public bientôt, et moi, à ce que j*espère, quelque 
jour, en mon particulier. 

La méthode de se faire lire est excellente, mais il faut, pour cela, un 
bon lecteur; pour moi, tout mauvais que sont mes yeux, je ne saurais 
m'y accoutumer, et récriture me nuit encore plus que la lecture, car 
je ne crois pas qu'il y ait d'homme dans le monde qui griffonne plus 
de papier ' * 

t Mirabeau dit bien vrai; car, «ans compter des miUiers de lettres autogra- 
phes, qui ont été conservées, U dit, dans une lettre au marquis Longo, de Mi- 
lan, son ami : « Indépendamment de ce qui verra le jour, et qui est aussi 
• nombreux que vous connaissez, J*ai 50 volumes in-4® et 12 in-folio, au moins, 



150 CORRESPONDANCE. 

Ne pensez pas que j'aie voulu critiquer, eu vous disant que vous citiez: 
citer mal, est à mourir; mais citer bien, est divin; Montaigne, c'est tout 
dire, doit une partie de ses beautés à ses citations. Usez, retenez vos 
pensées sur le papier *, ne fût-ce que pour vous; c'est là votre genre, 
vous devez l'avoir éprouvé; pour moi, les brimborions que j'ai bar- 
bouillés, à 17 ans, me font un plaisir infini; il en sera de même, dans 
six ans, de ce que j'écris à présent Ne négligez donc pas, mon cher 
maître, de vous procurer des plaisirs aussi innocents; ce sont des ma- 
tériaux qu'on se prépare pour l'Age où l'on veut ou jouir, ou écrire; 
croyez-m'en sur cet article, comme vous m'en avez cru sur l'autre. 

Heureux de pouvoir vous livrer à des goûts si agréables, déplorez le 
sort de votre ami dans le tourbillon : je suis actuellement tourmenté 
d^ine passion qui me dévore, et obligé d'aller courir le monde, sans 
satisfaction d'une part ni d'autre. Adieu, mon cher ami ; écrivez-moi 
toujours ici. Je suis si ballotté, que je ne sais quelle route je prendrai; 
les maîtres de poste seront informés de mon adresse. Adieu; aimez vos 
amis avec leurs défauts *; je vous passe trop de sagesse, passez-moi le 
contraire. 



AS, — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Verdun, \f tS sf^piembre 1739. 

Je n*ai trouvé personne ici, mon dier Mirabeau, pour me 
faire la lecture, comme à Reims. Me voilà retombé dans 
l'inaction que vous me reprochez, sans qu'on puisse m'en 

« qui ne sont que des griffonnsges. • ( 19 janvier 1777. ) 11 dit ailleurs : « J'ai 
« tant écrit dans ma vie, que si ma main était de bronze, elle serait usée 
« m^Dtenant » (Lettre à M»* du Saillant, Paris, 16 noveœbra 1765. ) 
H Moi qui ai peut^tre hOO volumes de manuscrits »,écrit-U ailleurs; enfin, 
dans un autre endroit, il dit en parlant de sa fille. M"* de Cabris : « Elle ne 

• sait pas que, depuis ta mamelle de mes enfants, on ne m*a pas écrit un 
u seul billet sur leur compte, ni eux à moi, ni moi à eui, dont Je n*aie retenu 

• copie! > (Lettre au bailli de Mirabeau; du Bignon, le 27 juillet 1780.) 
( Xote de M. G. Lucat-Montigny,) 

« C*eat ce que Vauvenargues faisait. — Voir la 52* Ré^xion. — G. 

• C'est encora ce que faisait Vauvenargues. —Voir le 35« chap. de 17filro- 
(luciion à la Connaissance de Vesprii humain» et le 7« CoMfil à un Jeune 
homme. — (i. 



CORRESPONDANCE. 151 

imputer la Xaute, car j'ai toujours mal aux yeux» et ils ne 
veulent ui lire ni écrire ; mais je les y force quelquefois, et 
j'ai acheté des lunettes, dont je me sers, comme un homme 
de cinquante ans. 

Vous ne croyez peut-être pas être aussi à plaindre que 
voQs le dites, dans les passions qui vous obsèdent ; mais je 
vous prends par vos paroles, et je vous plains de bonne foi. 
Que faites-vous à Bordeaux 7 il y a un an que vous y 
êtes; n'en avez-vous pas encore épuisé tous les agréments? 
Avez-vous oublié qu'il est un pays où vous trouveriez 
les mêmes plaisirs, avec plus de variété, sans quitter le 
soin de votre fortune, ni celui de cultiver votre esprit , 
et sans séparer, comme vous faites, les objets de vos pas-* 
sions? Quand vous ne prendriez que les mauvais tours de 
phrase et l'accent du Bordelais, et ne perdriez pas de cent 
autres côtés, vous seriez toujours blâmable du long sé- 
jour que vous y faites. Vous dites qu'il y a beaucoup de 
gens d'esprit, des gens de lettres , etc. : je le crois, mais 
pensez-vous qu'à Paris il n'y en ait pas davantage, et 
que cette grande ville ne rassemble pas dès hommes ex- 
cellents dans tous les genres, ce qu'on ne trouve dans 
aucune province? Il est bon de les connaître, je dis les 
provinces, parce que chacune d'elles renferme son instruc- 
tion, qu'elle a ses mœurs, ses préjugés, son caractère par- 
ticulier, ses lois, son gouvernement, et qu'on s'instruit, 
BUT les lieux, bien mieux qu'on no fait ailleurs, et avec bien 
moins de peine; outre que tous les provinciaux n'ayant pas 
les dehors trompeurs qui confondent les gens du monde, 
la différence que la nature a mise entre les hommes est bien 
plus sensible en eux ; mais, dès qu'on en a tiré les lumières 
que l'on cherche, il faut les fuir rapidement, de peur de se 
gâter par k contagion de leurs défauts, qui sont toujours 
supérieurs à leurs bonnes qualités. Dans les commencements, 
on en est si blessé, qu'on ne craint pas cette contagion ; ce- 
pendant, on s'y accoutume, parce qu'on ne voit rien de 
mieux, et, ensuite, on les imite; en6n, je ne crois pas qu'il 



162 CORRESPONDANCE. 

y ait rien de plus dangereux, et qui rétrécisse tant l'écrit, 
que de vivre toujours avec les mêmes gens. C'est un dan- 
ger qu'on ne court point à Paris, à moins qu'on ne le veuille 
bien, et on y trouve tant de différences dans les moeurs, 
dans les goûts, dans les opinions, qu'au milieu de cette bi- 
garrure, on demeure maître de soi ; on n'imite que ce qu'on 
veut imiter, et les différences infinies qu'on a toujours sous 
les yeux étendent l'esprit, Téclairent, et l'empêchent de se 
prévenir. Et quel spectacle n'est-ce pas que cette variété ! 
Quel agrément de pouvoir vivre avec des hommes de tous 
les états, de toutes les provinces, de toutes les nations, et 
de réunir, en un point, tous les rayons de lumière épars dans 
cette multitude, qui renferme en son sein toutes les con- 
naissances, tous les sentiments, et tous les talents du monde ! 
— Hais, il y a des femmes trop aimables k Bordeaux ! il est 
difficile de ^'en détacher I —Est-ce qu'il n'y en a pas ailleurs, 
qui, avec autant de beauté, ont plus de délicatesse, plus de 
monde, plus de tour, plus de raffinement dans l'esprit, et 
dont le commerce vous serait aussi avantageux qu'agréable? 
Qu'est devenue votre ambition? elle est donc tout à fait 
éteinte ? ne songez-vous jamais que vous pourriez aimer 
ailleurs, être heureux, jouir de même, et faire servir vos 
plaisirs à votre fortune ' 7 

Vous voyez, mon cher Mirabeau, que je vous parle à 
cœur ouvert, et sans craindre le ridicule qu'on peut jeter 
sur le sérieux qui est l'âme de cette lettre: car il y a un ùr 
et un ton dogmatiques dans tout ce que je viens de dire, 
qui fait comme un gros nuage et un poids sur mes paroles; 
mais l'amitié ne cherche point de tours, et je me fais une 
vanité de vous parler son langage. J'espère que vous sen- 
tirez, dans la naïveté de mes expressions, la sincérité de 
mes sentiments. Adieu, mon cher Mirabeau. 

* Les rôles sont changés; c'est Vauvenai^guël qui prêche, id, Tambitlon; 
MchaDt que Mirabeau ne peut se passer de plaisirs, il ?eut, du moins, qu*il 
f<uu êenir fet plaitin à ta fortune. Nous avons remarqué ailleurs (voir l*£io0f, 
page xMiv) que Vauvenargues ne néglige rien dans l'âme humaine, et que, anf 
direction, il prétend tirer parti de toutes lef> pas«ions. >- G. 



CORRESPONDANCE. 153 



àh. — MIRABEAU A VAUYENARGUE& 

De BayonDe, ce 6 octobre 1739. 

Je reçois, mon cher Vauvenai^es, votre lettre du 22 du mds passé; 
permettez à mon amitié de vous dine ce que je vous crois nécessaire : 
Que faitefr-votts à Verdun *? est-ce à votre âge que Ton doit se borner 
à commander un bataillon d'infanterie? Un homme de condition est-il 
luen placé de passer les plus belles années de sa vie à Verdun? à. aller 
de son auberge à sa chambre? Si Fambitlon vous occupe, car, enfin, il 
faut avoir un objet, Paris et la cour ne doivent-ils pas être votre séjour? 
Si les plaisirs vous dominent, suivez-les, mais songez que le temps se 
passe. Si c'est enfin la douceur d'une vie retirée qui vous flatte, mettez- 
vous donc à même d'en jouir, sans être perpétuellement aux ordres 
d'autrui ! Décidez-vous; vous avez trop d'esprit pour tuer le temps. Pour 
moi, plus fondé dans mes principes, quoique aussi détraqué dans mes 
actions, je suis mes plaisirs, je les cours, je me livre à leur léthargie, 
et en sors par le mouvement Je suis maintenant à la suite de ma dame, 
que je vais accompagner, avec le duc de Durfort, jusqu'à la frontière ; 
de lÀ, nous irons faire une Umtnée,quœren8 qaem devoret ',et nous nous 
rendrons à Paris. 

Vous voyez, mon cher ami, qu'il n'est personne qui ne puisse faire 
des leçons à son prochain. Vous me parlez d'or, et votre lettre est un 
petit chef-d'oeuvre; mais elle ne saurait arriver plus mal à propos, car 
je suis parti de Bordeaux, et amoureux. J'ai débuté par une véritable 
passion, j'ai eu ensuite plusieurs amourettes, et je finis par un amour 
qui durera, je pense, toute ma vie ' ; jugez comme on est reçu à me 
donner des conseils ! Je n'aime point Paris, et parce que je n'y ai eu 
que des désagréments, et parce que, pour peu qu'on y ait des devoirs, 
on n'a plus de plaisir; cependant, ceux de ma position dans le monde 
me décident, et j'y vais; mais je sens que bientôt une passion me 
fixera^ ; tout est Louvre avec ce que l'on aime I Cela est fou I me direz- 
vous; mais, du moins, ai-je des plans, et ne me laissé-je pas mener de 



* Mirabeau fait, d'une manière piquante, la contre-partie de la lettre de 
Vauvenargues. — G. 

* C*eBi-4-dire, en français, cherchimi quelque morceau à croquer, — G. 

* Cet amour, qui est, à peu près, le sixième depuis deux ans, durera autant 
que les autres. — G. 

* Non» verrons bien. — G. 



154 CORRESPONDANCE. 

récuriè à Tabreuvoir. Ehen! fugaces ^ Po$lume^ laHntur anni * / Je coiR'- 
mence à le comprendre; les peines viendront, sans nous consulter; 
procunmfr-nbus au moins les plaisirs! Adieu, mon cher Vauvenaiigues; 
je vais être dans un mouvement perpétuel ; attendez que je vous donne 
une adresse. Votre lettre est un tissu de raisonnements vrais et nou- 
veaux : faudra-t-il toujours que mes coulpes* vous arrachent des ou- 
vragest Adieu ; aimez-moi un peu. 



4*. — VAUVENARGUES A SAINT-VINCENS. 

A Terdun, le 10 oetolirt 1739. 

Est-il vrai, mon cher Saint-Vincens, qu'il y ait do sen- 
timent dans mes paroles, et qu'elles te convainquent de mon 
amitié? Tu sus que je n'ai rien qui me soit plus à cœur ; je 
voudrais qu'elle pût passer tout entière dans mes lettres, et 
je n'ai jamais cru que cela fût possible ; mais tu veux bien 
en parallre content, pour m'ôter cette inquiétude, et je dois 
à ton amitié ce témoignage délicat. 

On ne saurait tracer d'image plus sensible que celle que 
tu fais d'un homme agonisant, qui a vécu dans les plaisirs, 
persuadé de leur innocence* par la liberté, la durée, ou la 
douceur de leur usage, et qui est rappelé, tout d'un coup, 
aux préjugés de son éducation, et ramené à la Foi, par le 
sentiment de sa fin, par la terreur de l'avenir, par le dan- 
ger de ne pas croire, par les pleurs qui coulent sur lui, et, 
enfin, par les impressions de tous ceux qui l'environnent. 
Gomme c'est le cœur qui doute dans la plupart des gens du 
monde, quand le cœur est converti, tout est fait ; il les en- 
traîne ; l'esprit [en] suit les mouvements, par coutume et 
par raison. Je n'ai jamais été contre' ; mais il y a des in- 
crédules dont l'erreur est plus profonde : c'est leur esprit 
trop curieux qui a gâté leurs sentiments ; leur rsdson s'est 

I Horace, Ode», livre II, lA. — G. 
< Ce mot, qui a vieilli, vient du latin culpa (faute). — G. 
' Voir VÉloffe de Vauvenàrgue», page xxxvi ; voir auui la dernière note 
de la Méditation $ur la Foi, — G. 



CORRESPONDANCE. 1&5 

égarée, et formée sur le meosonge; ils ont consumé leur vie 
à noircir la Yérité!; ils la repoussent encore, entre les bras 
de la mort, et presque écUpsés dans son ombre ; les res- 
sources ordinaires que tire la Religion des faiblesses d'un 
mourant, sont anéanties pour eux; leurs réflexions, à 
l'avance, en ont éteint le principe. Cette même Religion a 
des preuves irréfutables, qu'ils n'ont jamais ignorées, mais 
comparées^ dans leur cœur, à leurs trompeuses idées, et la 
prévention et l'orgueil penchent toujours la balance du côté 
de celles-ci. Cependant, la vérité, qui éclûre communément 
le trépas des autres hommes, peut aus^ luire sur eux ; elle 
perce quelquefois le nuage de l'erreur, et s'offre à leurs 
derniers regards; son flambeau, longtemps caché, sort, 
comme un feu dévorant, des cendres de leurs passions, bien 
différent à leurs yeux de bette lumière douce, que la Foi, 
rhmnble umocence, portent sur les pas du juste, msds 
comme un rayon ardent de la vengeance divine, qui jette un 
jour odieux dans les ombres de la mort. Les plabirs, la 
fausse gloire, s'effacent à sa lueur, et fondent dans le néant; 
l'erreur se tait et se trouble, et, dans ce silence affreux» le 
remords, au fond du cœur, fait seul entendre sa voix comme 
un hurlement sinistre. Alors, le plus intrépide sue de crainte 
et d'horreur, la raison est confondue, et la Foi victorieuse; 
mais le philosophe nu ne peut soutenir la vue de ces terribles 
objets; ses yeux affaiblis s'éteignent à la lumière brûlante 
qui a passé jusqu'à son cœur, et les restes de sa vie sont 
consumés p6u à peu dans un cruel désespoir. 

J'aurus pu dire tout cela dans quatre lignes, et peut-être 
plus clairement ; mais j'ahne i|ueIquefois à joindre de grands 
mots, et à me perdre dans une période ; cela me paraît plai- 
sant. Je ne lis jamais de poète, ni d'ouvrage d'éloquence, 
qui ne laisse quelques traces dans mon cerveau ; elles se 
rouvrent dans les occasions, et je les couds à ma pensée, 
sans le savoir, ni le soupçonner ; mais, lorsqu'elles ont passé 
sur le papier, que ma tète est dégagée, et que tout est sous 
mes yeux, je ris de l'effet singulier que fait cette bigarrure, 



156 CORRESPONDANCE. 

et malheur à qui ça tombe I Adieu, mon cher Saint-Vinœns. 
Peu de jours avant que je partisse de Provence, il vint 
un ordre à M. d'Argens ' d'informer sur un ci'me inorme; 
c'étaient là les termes de H. le Chancelier. ' Tu me feras 
plaisir de me mander les suites et le détail de cette affaire ^, 
si elle est venue à ta connaissance. J'ai eu cent fois la pen- 
sée de te le demander; mais elle ne s'offre jamais que 
quand ma lettre est cachetée, et j'allais encore l'Oublier. 



66. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

« 

ne Fuit, ee 23 décanbre 1739. 

' Nous nous sommes perdus, mon cher Vauvenargues; je viens de faire 
des voyages de deux mois, et vous m*avez oublié. Me voici, maintenant, 
fixé dans cette ville que vous aimez tant, et si fixé, que j'y ai maison, 
et que je me ruine en meubles. Donnez-moi donc de vos nouvelles, 
dans la rue Poissonnière, au coin du boulevard, quartier de Notre- 
Dame de Bdnne-Nouvelle, et relions un commerce qui, outre l'agré- 
ment, peut nous être utile à Tun et à Tautre. Adieu, mon cher Vauve- 
nargues; donnez-moi des nouvelles de mon frère, et aimez-moL 



47. — VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

A Verdun, le 29 décembre 1739. 

Si j'avais eu votre adresse, mon cher Mirabeau, lorsque 
vous couriez le monde,* vous auriez eu une longue lettre de 
moi, sur 1* ambition, sur la gloire, sur la folie de perdre son 
temps à Bordeaux, et de se flatter tout seul que l'on puisse 

« Alexandre-Jean-Baptisfce de Boyer d*Aigailles , ou d*AgaUles d*Argeiis 
(1708-17S3), fut plaident au Parlement de Provence. En 1763, vietiinecte 
son xèle pour les Jésuites, qu*il avait défendus en vain, sur la réquisition 
du Procureur-général Hondar, son parent, il fut condamné au bannissement 
perpétuel. Il était frère puîné du marquis d'Argens, chambellan du roi de 
Prusse, ami, puis ennemi de Voltaire, et auteur des Lettres Juives et de la 
Philosophie du bon-sens, Malherbe, allié aux Boyer, les avait institués ses 
héritiers. — G. 

s J*ai vainement cherché de quelle affaire il s'agit -- G. 



CORRESPONDANCE. 1&7 

être heureux par les petits moyens, lorsque Ton est formé 
pour les grands. C'était une assez bonne rhapsodie que cette 
lettre; je l'avais gardée dans ma poche, en attendant votre 
adresse, et je l'ai relue tout à l'heure : elle est un peu triste, 
sérieuse, assez profonde, fort guindée, et d*un homme qui 
passe sa vie dans un tombeau, séparé du reste du monde; 
cependant, tout y est vrai ; mais elle est glacée. Aujourd'hui, 
que vous avez brisé vos liens, je vous épargnerai cette lec- 
ture S quoique j'aie bien sur le cœur le reproche que vous 
me faites de m'ensevelir à Verdun, comme si cela justifiait. 
Bordeaux, et comme si nos fortunes étaient égales en tout, 
ou que je fusse responsable de la mienne, parce qujs j'ai 
assez d'orgueil pour ne m'en plaindre jamais' 7 Passons là- 
dessus ; je veux bien ne pas rappeler nos querelles ; mais 
soyez bien persusLdé qu'il me serait plus facile de justifier 
îna conduite, qu'A vous de colorer la vôtre. 

Vous me faites grand plaisir de me demander des nou- 
velles du petit chevalier : il est aimable, il est sage, et je 
l'aime de tout mon cœur. Je trouve qu'il pense beaucoup, 
qu'il a de la raison , de la pénétration, et les passions 
comme vous, c'est-à-dire extrêmement vives. L'affectation 
lui déplaît fort, et les airs avantageux; toutes ses manières 
sont simples et naturelles, conune son esprit ; on voit bien, 
cependant, qu'il se sent, et il est fier par complexion ; enfin, 
vous en seriez content. Les mathématiques l'attachent, et 
l'occupent, tout le jour; il lit des romans, la nuit, pour s'en 
dégoûter, dit-il. J'^i vu, ce matin, un plan, qu'il veut en- 
voyer en Provence ; il en fait un autre pour vous, auquel 
il veut joindre une lettre; n^iais il est fort embarrassé pour 
justifier son silence ; il est persuadé aussi que vous croyez 
avoir à vous plaindre d^lui, et cela augmente son embarras. 
Je le rassure là-dessus, et lui dis que vous l'aimez trop, pour 
vouloir lui donner des torts qui ne sont pas dans son cœur; 

* Ed effet, cette lettre qui appuyait, sans doute, sur celle du 22 septenibv, 
lie se trouve pas au recueil. — G. 

* Voir la dernière note du 60* Cftrarlère. — G. 



Iâ8 . CORRESPONDANCE. 

après ceb, je lui lys boute de sa paresse, el jetuieD fais 
seatir les consiqaeDees; 3 coaneM de tout avec moi, mis 
il me dit (ju'il ne sait pas écrire, qa'il a fait plus de dix lèt- 
ties qu'il a déchirées, qu'il ne sait pas le françaiSj» et qse 
voos roQgiriex de hd, s'il écrivait; il ajoutait, ce matis, que 
les chevaliers de sa famille ne brillaient pas par ïesprk, 
qu'on ne leur avait rien laissé; ce sent ses propres perdes» 
que je tous rends tout chaudement. 

IL l'évoque de Verdun est ici, depuis huit jours; vous 
devez le connaître de réputation; on dh qu'il a bien de Tes- 
prit, et qu^ c'est l'éloquence même*. J'avûs envie de le 
voir ; j'aime les gens qui parlent bien ; cda estdésmtéreSBé; 
mais, comme je ne Tais nulle part, je n'ai pas été chez loi; 
je n'ai pas voulu qu'on dtt que je cherchais de l'esprit, ou 
qu'il fallait un évèque pour me tirer de dies moi ; si c'eût été 
un petit prêtre obscur, j'aurais déjà soupe avec hn; msis 
qu'est-ce que cela peut vous faire ? Vous voyez, mon cher 
Ifirabea», que j'aime à causer avec vous ; jamais moins de 
quatre pages! Cependant, il faut finir; je le fais doneen 
vous embrassant, et je vous souhaite une très-bonne année, 
une aussi longue vie que celle des patriarches, et un aussi 
bon estomac. 

M. de Sûnt-Georges est^il toujours à Paris? se souvient-il 
assez de m'avoir vu pour que vous lui nommiez mon nom? 
le sien ne s'oublie pas si vite ; on se fait honneur de le 
voir. 



AS. ~ LE MÊME A SA1NT*V1NCENS. 

A YerdnD, If joardn Rois [6 jtoTier 1740]. 

Qu'ai-je fait, mon cher Saint- Vincens, ou dit, qpii vous 
ait déplu 7 qu'est-ce que c'est que cette idée de me pein- 

* Le 5iége épiscopal de Verdun était alors occupé par Charltss-Fnoçois de 
Hillenooart de Dromesnil, dont Véloqtience n'a laissé aucune trace dans l'his- 
toire; on remarquera, du reste, que Vauvcnargue^ nVn paHc que parouî* 
dliv. — G. 



CORRESPONDANCE. 150 

die UB iMmine austère^ ehagrin, inquiet et farouche, qui 
s*enauie toujours, et de mettre mon nom sou» ce sothbre 
tableau, eo me parlant à moi, qui n'ai rien si à cœur que 
de vous paraître aimaUe, qui me pique de sentir ^agrément 
de voire commeree, et ém n'avoir jamais mêlé à ce plaisir la 
langueur el l'enniii qui suivent l'habilnde ? Et qui vous a 
dit» s'il Yùm plalt^ qoe je m'ennuierais de ce qui vous 
amuae 7 sur quoi me co«daamez-vous, et comment aivez«-vous 
pu crwire de me flatter par cet endroit, sans me faire l'bon- 
neur de soupçoaner, un moment, que je puisse souhaiter 
d*aveir des goûts conformes aux vfttres, et que je serais 
offensé de toutes vos distinction 7 

Mais quittons ce ton de reproches : je ne veux pas même 
l'en faire sur la longueur de ton silence. J'aurais pourtant 
beaucoup àdire sur Vexeuse de la campagne ; maisjen'aime 
pas à me plaindre; cela blesse ma vanité, qui ne veut s'an- 
rèter que sur ce qui la flatte, et qui ne veut pas voir le 
reste. Passons donc aux amitiés que tu me fais dans ta let- 
tre : j'aime bien à remercier, et qu'on m'^en donne Tocca- 
sioo; je te remercie donc de tous les bons souhaits que tu 
me fais dans la nouvelle année ; je voudrais bien la passer 
avec toi, et te voir, et te parler, pour te dire de quel cœur 
je m'intéresse à l'agrément et à la douceur de ta vie, com- 
bien elle influe sur la mienne, et combien je serai sensible 
à tout ce qui vient de toi, tant que je respirerai. Mais je ne 
voudrais pas te dire tout cela en Provence ; je voudrais que 
la scène fût ailleurs, car il y a dans mes sentiments une se- 
crète injustice pour notre bonne patrie S et je sais quelqu'un 
dans le monde qui la pousse plus loin que moi, quoiqu'il 
on ait moins de raisons. Nous nous fortifions l'un l'autre 
dans ces sentiments, qui ne sont nullement romains; nous 
n'aurions jamais eu de place dans les tragédies de Cor- 
neille ; mais le temps nous ramènera ; il a fait bien d'autres 
miracles. 

i Voir la 22« Lettre. — (i. 



16à CORRESPONDANCE. 

J*ai reçu une lettre de mon frère S avec la tienne ; il était 
de retour de la campagne; il m'écrit d'Aix. Mande-moi â 
tu le vois, et les allures qu'il a dans le monde, et s'il mérite 
que tu l'aimes. Je ne voudrais pas, cependant, qu'il le 
mérit&t trop, et pour cause. Dis^moi aussi, je te prie, un 
mot de Ballon \ de Saint-Marc*, de nos anciens camarades. 
Mille compliments à L'Enfant Je reçus, cet été, une lettre 
de son frère, qui me prenait pour juge d'un pari, sur notre 
camp de Compiègne ; il avût perdu le pari, je ne fis pas de 
réponse ; je trouvai ce moyen-là d'^éluder une décision qui 
lui devait être contraire : conte cela au Commissaire * ; mais 
qu'il nous garde le secret, parce qu'il n'y aurait qu'à payer, 
s'il ne nous le gardût pas. 

Adieu, mon cher Saint*Vincens ; je t'aime de tout mon 
cœur, et t'embrasse mille fois. Je ne sais si tu pourras lire 
mon écriture; mande-moi ce qui en est; j'y prendrais plus 
de peine à l'avenir, si tu ne pouvsds pas la lire. 

■ .Nicolas-Françoift-XAvier de Clapiers, dernier marquis de Vauvenaipics 
et de Qaps ; né en 1710, il fut, comme son père, 1^ Consul d'Aix, et Procu- 
reur du pays de Provence (1775-76). FTayant pas d'enfanta, il voulut, au 
moins, perpétuer son marquisat dans sa famille, eo adoptant son oooain 
Jacques-Auguste -Michel-Marie de Clapiers, seigneur de Collongues et de 
Mootfort, officier de dragbns, dont un fils, Joseph-Philippe-Camille de Cla- 
piers, périt misérablement à Tàge de 33 ans. Chef d'une de ces bandes qui, 
sous le nom de Compagnies de Sabreun ou du Soleil, désolaient le midi de 
la France, de 1705 à ISOO, et se vengeaient des excès révolutioimaires par 
des excès pareils, il fut condamné, sous le chef d'sasassinat, et fusillé, à Aix, 
le 16 Janvier. 1801. Nicolas-Fk'ançois-Xavier survécut peu à son petit-Als par 
adoption; il mourut le 36 Juillet suivant. Dix ans auparavant, à bout de re». 
sources, il avait vendu sa terre. Les possesseurs actuels, les d*Isoard, ont prb 
le nom de Vauvenargues par adjonction, mais n'appartiennent pas à la famille 
du moraliste. Les Vauvenargues sont donc éteints depuis 1801; mais une 
branche des Clapiers subsiste, à Marseille, dans la personne de M. le comte 
Henri de Clapiers. Vauvenargues avait un autre frère , Antoine de Clapiers, 
officier coomie lui, et tué, en Corse, pendant la guerre de 17ftl ; il avait, enfin, 
une sœur, morte carmélite, à Marseille. — Les armes de Vauvenargues étaient : 
Fascé (Tauir et ^argent, de six pièces; au ehefitor. — G. 

* Famille parieinentaire de Provence. Les Ballon, seigneurs de Saint-JolieD, 
avaient, à Aix, leur sépulture, à côté de celle des Vauvenargues, dans l'église 
de l'Observance, détruite en 1703. — G. 

3 Frère cadet de Meyronnet de Saint-Marc >oir la l** note de la page 93). 
— G. 

* Les L'Enfant «M Aient rommmnirrs des fjurrres pour la principauté de 
Monaco. — G. 



CORRESPONDANCE. 161 

i». — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Versailles, ce 7 janTier 1740. 

/e f0U8 réponds, mon cher Vauvenargues, du lieu que je déteste i>ar 
excellence '. Ty suis pour affaire qui réussira, ou qui, sûrement, me met- 
tra hors de ce métier-ci ; me voilà au pied du mur : démission, ou avan- 
cement 

Vous êtes le premier raisonneur de France, mais le plus mauvais 
acteur'. Eh! morbleu! sortez de votre solitude, montrez-vous; vous y 
gagnerez I Je fais cas d^un philosophe comme le marquis de Saint- 
Georges, qui, par parenthèse, répond, comme il le doit, à votre politesse; 
cet homme agit ; enfln, il est heureux 1 mais vous 1 J'enrage de voir tant 
d'ouverture enfouie t Hé quoi l pensez-vous que ce soit dans la fortune que 
le trouvent les grands objets? hélas! quelles en seraient les avenues? 
Non, c'est dans la façon de concevoir et d'agir, dans la vertu enfin. 
Mais appellerez-vous vertu, une inactive privation du vice? Non encoUB; 
an homme de qualité ne doit pas s'enterrer; il se doit à l'État >. Je sais 
qu'il n'en est guère question à présent, selon le bas ministre * qui le 
gouverne, et que ce sont lès maltôtiers > qui en sont les colonnes; mais 
vous avez une patrie misérable, une province vexée par les esclaves 
subalternes, que l'on érige en souverains, pour le malheur des peuples ; 
desamts, que vous pouvez servir; des compatriotes, à qui vos talents 
exercés pourraient être utiles; une famille, dont vous devez, ou soigner 
les affaires, ou soutenir le nom ; vous-même, à qui vous devez un plan 
fixe de bonheur ou d'agrément; que d'objets divers et opposés! Ne 
croyez pas, mon cher ami, que ce soit encore, ici, une diversion, comme 
l'autre fois; non, mais je serais bien aise de vous obliger à un plan fixe, 
et surtout pour la conduite et pour l'action de votre esprit Mais d'ailleurs, 
c'est mon histoire que je fais. Non! il n'est d'homme heureux que celui 
qui raisonne sur des principes sûrs, et qui croit l'être, sans rien devoir 

' n faat croire que VeraaiUes ne déplaisait point tant à Mirabeau ; car, dans 
tout le cours de sa vie, il y a fait d'assez fréquentes apparitions. — G. 

* n est clair que le mot acteur rîgniûe, ici, homme d'aetUm, — G. 

s Ici, Mirabeau change de conseil : ce n'est plus à la littérature, mais aux 
affaires, qu'il pousse Vauvenargues. On verra, dès la lettre suivante, que, 
sur ce point encore, il prêche un converti. — G. 

* Le cardinal Fleury. — G. 

' Oo sait la haine de Mirabeau pour les gens de finance ; elle a duré, comme 
tontes ses haines d'ailleurs, pendant toute sa vie. — G. 

» It 



ie2 CORRESPONDANCE. 

de cette idée au transport des passions! Blisérables esclaves, jouets de 
Ilmagination, Tictines des mages et des présages, nous joignons le terme, 
sans réflexion sur le passé, toujours tendus vers l'avenir; heureux en- 
core qui peut y voir des fantômes de bonheur, sans le chercher dans le 
présent! Pour moi, dans les idées qui s'offrent à mon imagination, plu- 
sieurs se présentent avec empire, mais nulle avec agrément, que celle 
d'une solitude aimable et commode, quatre ou cinq personnes assorties 
de goût et de sentiment, de l'étude, de la musique, de la lecture, beau 
climat, agriculture, quelques commerces de lettres ; voilà mon glfe ! 
mais peut-être qu'avant d'y arriver, le diable emportera la voiture! Mats 
voici presqu'un traité : ce pays^i me donne du noir, et j'y ai souvent 
écrit de belles missives; mais vous avez assez de patience pour les lire. 
J'explique ma pensée, et mes lettres doivent faire quelquefois un beau 
contraste. 

Adieu, mon cher ami, écrivez-moi, quand vous n'aurez rien de mieux 
à faire; vos lettres sont belles et bonnes; souvenez-vous, pour la dic- 
tion, que les et fréquents la rendent lâche ; supprimez-en le plus que vous 
pourrez*. 



50. — VAUVENARGUES A MIRABEAU, 

A Yerdan, le t6 janvier 1749. 

Il y a plus d'un ati, mon cher Mirabeau, que tood atta- 
quez ma retraite, et rinaction où je vis; je me défëùds par 
des retours et des généralités; je me jette tantôt d'un côté, 
tantôt d'un autre; je pousse la première idée que je trouvé 
devant moi. Je vous laissa, dans ma dernière lettre, plus 
de jour et de lumière ; je tirai un peu le rideau ; mais, puis- 
que cette ouverture ne vous satisfait pas encore, que votre 
amitié va plus loin, qu'elle me poursuit toujours, et qu'il 
m'est permis de voir dans un soin aussi constant le fond de 
votre cœur pour moi, j'aurais tort de vous rien cacher'. 

t En reranche, le marquis n'aurait pas mal fait de tupprimer quelques mais, 
in^ flriquenU daus l'alinéa qui précède. — G. 

* Enfla, dans cette longue et admirable lettre, Vauvenargues qui, Jniqae> 
là, n'était pas aaaes gftr de Mirabeau, et se renfermait dans Vkumêur titmee 
et iadie, dont il va parler quelques lignes plus bas, commence à donner pfiu 



CORRESPONDANCE. 103 

Je Yous avouerai A* abord , fort naturellement, que si j'étais 
né à la cour, ou plus près que je n*en suis, je ne m*y serads 
point déplu ou ennuyé autant que vous. Je ne vob point ce 
pay&-là des mêmes yeux ; j'y crois démêler des agréments 
qui peuvent toucher l'esprit ; je n'y vois point ce qui vous 
choque : j*y vois, au contrûre, le centre du goût, du monde, 
de la politesse, le cœur, la tète de l'État, où tout aboutit et 
fermente, d'où le bien et le mal se répandent partout ; j'y 
voifl le séjour des passions, où tout respire, où tout est 
animé, où tout est dans le mouvement; et, au bout de tout 
cela, le spectacle le plus orné, le plus varié, le plus vif, 
que l'on trouve sur la terre. Les personnages, il est vrai, 
n*y sont pas trop gens de bien, le vice y est dominant; 
tant pis pour ceux qui ont des vices ! Hais, lorsqu'on ^est 
asses heureux pour avoir de la vertu, c'est, à mon sens, 
une ambition très-noble que celle d'élever cette même vertu 
au sein de la corruption, de la faire réussir, de la mettre 
aa-dessus de tout, d'exercer et de protéger des passions 
sans reproche, de leur soumettre les obstacles, et de se 
livrer aux penchants d'un cœur droit et magnanime, au lieu 
de les conÂattre ou de les cacher dans la retraite, sans les 
satisfaire, ni les vûncre ; je ne sais rien même de si faible 
et de si vain, que de fuir devant les vices, ou de les haïr 
sans mesure ; car on ne les hait jamais que parce qu'on les 
craint, par représailles; ou par vengeance, parce qu'on en 
est mal trûté ; mais un peu de grandeur d'Ame, quelque 
connidssance du cœur, une humeur douce et tacite, empê- 

dejmtret ée bamère sur KiiHBiêoM; U tire le rideau, oottum il le dit encore, 
el, da premier coup, il montre à son ami qne, en Tait d'ambition, il le d^ 
pMBè, et ne B*ifflpoee pas les mêmes limites. Aux déclamations banales de Mi- 
raben oontie la conr et ks courtisans, VanTenaigues répond qu'il n'a pas les 
mêmes délicatesses, et que la cour loi parait être le Trai cbamp des ambitieux, 
flaênie bonnetes. n n'échappera pas au lecteur attentif, qu'à mesure que cette 
intéresaante correspondance descend plus à fond, elle change de caractère : 
dans les prenfières lettres, Mirabeau semble aToir le dé; mais, dès que Vaa« 
venargues sort de sa réserve, il prend toute la place, pour ainsi dire; il ar- 
rire alori, entre les deux correspondants, coumie dans un entretien entre 
deux interlocuteurs, dont l'un est supérieur à l'autre; plus l'un s'élèfe, plus 
rantre baisse. — G. 



164 CORRESPONDANCE. 

cbent qu'on en soit surpris ou blessé si vivement ^ Aiaé, 
mon cher Mirabeau, je mûntiens ce que j'ai dit : si j'étais né 
à la cour, je ne vois pas que j'eusse été contraint de m*y dé- 
plaire, ou il y aurait eu de ma faute ; mais la Providence m'a 
placé si loin de cette cour, qu'il serait ridicule de me de- 
mander pourquoi je n'y suis pas. A l'égard de Paris, vous 
savez comme je pense' : si je pouvais m'y tenir, je n'auraôs 
point d'autre patrie. 11 vous e3t aisé de comprendre que je 
ne passe pas ma jeunesse, par choix , dans une société 
qui touche peu mon cœur *, à qui j'ai peu d'envie de pl^re, 
et qui m'exile du monde, par le peu de goût et d'intérêt que 
je trouve dans son commerce : mais vous voudriez que, con- 
traint de vivre dans la solitude, j'essayasse de la remplir 
de Tamour des belles-lettres, de cultiver ma raison, ne pou- 
vant suivre mon cœur, et de m' enivrer d'écriture, au défaut 
de conversations, afin de tenir au monde, au moins par cet 
endroit-là, et de communiquer mon âme. Celaest bien pensé; 
on ne peut dire mieux ; mais, comme je me connais, que je 
sais me faire justice, et que je ne me vante pas, je ne vous 
cacherai point que je n'ai ni la santé, ni le génie, ni 
le goût qu'il faut avqir pour écrire ; que le public n'a point 
besoin de savoir ce que je pense, et que, si je le disais, ce 
serait ou sans effet, ou sans aucun avantage. Cela vous sa- 
Usfait-il? Je n'irai pas à présent vous faire une énuméra» 
tion de toutes mes infirmités, il y aurait trop de ridicule ; ai 
vous parler de mes inclinations, j'en ai de trop reprocha- 
bles; ni des défauts de mon esprit, car à quoi servirait 
cela? mais je puis bien vous dire encore, en général, qu'il 
n'y a ni proportion, ni convenance, entre mes forces et mes 
désirs, entre ma raison et mon cœur S entre mon cœur et 
mon état, sans qu'il y ait plus de ma faute que de celle d'uo 

• Rapproches de la 33* Béfkxiùn (Sur la fermeté dans la conduite), qui 
semble avoir été écrite pour'Mirabeau. — G. 

• Voir la Lettre 43'. — G. 

s Voir la 68' Réflexion (Sur les armées d*à-présent). — G. 

• Voir la J2« Lettre. ^ G. 



CORRESPONDANCE. 165 

malade qui ne peut rien savourer de tout ce qu'on lui pré- 
sente, et qui n^a pas en lui la force de changer la dispbsi- 
don de ses organes et de ses sens, ou de trouver des objets 
qid leur puissent convenir. Mais, quoique je ne sois point 
heureux, j'aime mes inclinations, et je n'y saurais renoncer ; 
je me fais un point d'honneur de protéger leur faiblesse; 
je ne consulte que mon cœur ; je ne veux point qu'il soit 
esclave des maximes des philosophes, ni de ma situation; 
je ne fais pas d'inutiles efforts pour le régler sur ma for- 
tune; je veux former ma fortune sur lui. Cela^ sans doute^ 
ne comble pas mes vœux ; tout ce qui pourrait me plaire 
est à mille lieues de moi ; mais je ne veux point me con- 
traindre % j'aimerais mieux rendre ma vie ! Je la garde, à ces 
conditions ; et je souifre moins des chagrins qui me viennent 
par mes passions, que je ne ferais par le Soin de les con- 
trarier sans cesse. Il n'est nullement en moi d'avoir à ma 
portée les objets que vous donnez à mon cœur ; je ne manque 
pas, cependant, de principes de conduite, et je les suis exac- 
tement ; mais, comme ils ne sont pas les mêmes que les 
vétres, vous croyez que je n'en ai point, et vous vous trom- 
pez en cela, comme lorsque vous croyez que mon âme est 
inactive, quoiqu'elle soit sensible et présente % qu'elle ne 
supporte la solitude que par là, et qu'elle ûme à se tourner 
sur ce qui peut la former et lui être utile, quand ma santé 
le permet Voilà, mon cher Mirabeau, ce qu'il faut que vous 
sachiez, puisque vous le demandez. 

L'exemple de M. de Saint-Georges n'est fait ni pour vous, 
ni pour moi; c'est un homme trop accompli ; il est gai, mo- 
déré, facile, sans orgueil, et sans humeur ; il a une santé 
robuste ; il aime les scieùces et la paix ; il est formé pour la 
vertu ; sa famille et ses affairés lui font un intérêt et une oc- 
cupation ; son esprit déborde son cœur, le fixe, et le rassasie ; 

* Voir, plus hMt, la i'* bote de la page 147. — G. 

< « Ceux qai confondent les traits et la ressemblance des choses, le trou- 
« vaient indolent... Sa paresse n'afait rien de faible ni de lent; on y aurait 
« remarqué plutôt quelque chose de ylf et de fier. » (Éloge ^Hippolyte de 
" Seytren, — Voir, dans cet Éhge, la liote de la page 143.) — G. 



tes CORRfi&PONDANCE. 

Uale goût de b raiaoû et de la atmplkîté; tout cela ae trouve 
en lui, sans qu*il lai ea coûte ; ce sont des doûo de la nature ; 
il eat foTBié pour les biens qu'elle a mis autour de ea vie; ks 
autres le toucheraient moins ; il a le bonheur, si rare, de jouir 
de tout ce qu'il aime» parce qu'il n'aime rien que ce dont il 
joiût. Mais vous êtes ardent, bilieux, plus agité, plus superibe, 
plus inéfal que la mer, et souverainement avi^ de plaisirs, 
de science, et d'honneurs; moi, je suis fûble, inquiet, fa- 
rouche, sans goût pour les biens communs, opiniâtre, sin- 
gulier, et tout ce qu'il vous plaira. Vous voyez donc que 
M. de Saint-Georges ne peut pas nous servir de règle ; il a 
son boiteur en lui, et dans sa constitution , cmnme nouaavons 
en noua la source de nos d^Iaisirs. Vous n'Mes donc pas 
fait pour vivre comme lui ; le repos vous est dangereux ; il 
vous faut tenir loin de vous ; votre cœur ne peut voi» verser 
que le fiel dont il est pétri; il ne faut pas qu'il se cherche, 
son plaisir est hors de lui ; il veut être rempli par une action 
plus vive que celle où vous le destinez. 

Je vous ai parlé de moi sans aucun déguisement; je vous 
en ai paiié sans mesure, et sans bornes ; je m'en tins à pré- 
sent à vous, et je ne veux pas vous flatter; mais, si cela ne 
vous plaît pas, je suis quelquefois heureux à trouver l'envuR 
des choses, et vous n'avez qu'un mot à dire, je serai de voire 
avis* Je vous approuverai, par exemple, de quitter le ser- 
vice, et d'aller, comme Scipion, méconnu de ses concitOTeos, 
après toutes SOS victoires, ou comme Fabricius, cultiver Fa- 
gricttlture, et la remettre en honneur, comme au siède heu- 
reux d'Astrée*. Qnpasseàun philosi^phe, àuo homme d'un 
grand cœur, d'être, trois mois, k souffrir les caprices d'une 
femme qui a toutes les perfection ; Hercule fit bien pis que 
cela : mais d'être, un mom^t, k la cour, à sufqMHter l'indif- 
férence des ministres et des grands; de sovffrir qu'on wus 
préfère des gens qui savent se faire connaître, qui sont nés 
dans la faveur, qui ont des amis, des alliances, des son- 

i Etl41 besoin de fiire roiii«rquer que ces lignes , et les sniTantes , sont 
ironiques? — G. 



CORRESPONDANCE. 167 

terrai]», des iotrigues ; eofo, d'être, quioxe jours, à Ver- 
saâke, k nânager tout le monde, taudie qu'on peut doimer, 
quiase mois, le ton dans une province, voilà qui est au-des- 
sous d'une ftme fiëre et haute ! Quelle bassesse, en effet, 
d'aller courber son courage, comme ont fait tant de grands 
hommes, pour l'élever et le montrer plus grand dans la 
suite ; de se prêter aux temps, à la nécessité ; de régner sur 
les esprits par ses insinuations, quand on ne peut autre- 
ment ; de les soumettre tous au sien, malgré leur diversité, 
et leur distance à notre égard; d'être l'âme et le ressort 
des hommes qui ont le plus d'orgueil, de fléchir des cœurs 
faroujches, de les asservir à nos vues, lorsqu'ils nous croient 
asservis aux leurs M Oh I la douceur d'une vie privée passe, 
de bien loin, tout cela I tin peu de poésie^ de nmtique, de 
leeturef quelques ami$^ des commerces de lettres, voilà qui 
vaut mieux, et qui est digne de vous ; votre vie serait trop 
heureuse, ai vous preniez ce parti-là I... 

Il y aurait pourtant des gens qui se souviendraient encore 
de votre passion pour la gloire ; ils vous diraient peut-être, 
touchés de ce souvenir : Mais cette gloire, que vous aimiez, 
doit le goût était né avec vous, l'a-t-on dépouillée de ses 
charmes? aurait-elle trompé vos vœux? n'est-elle qu'une 
chimère? Voulee^ous démentir le chagrin naturel de ceux 
dont elle s'éloigne, qui témoigne si bien pour sa réalité? 
restime et le mépris, ne sont-ils que des noms? l'amertume 
ou la joie, qui nûssent à leur suite, n'auraient-eUes rien de 
réel, ou ne sontrce pas des sentiments vrais et naturels à 
tous lesœurs? n'y aurait-il donc que les objets des sens qui 
eussent de la réalité ? l'homme est-il corps seulement? n'a- 
t-il point d'âme? l'eqirit n'a-t-il pas ses pdaisirs, le cœur les 
siens? L'on sait assez que la gloire ne rend pas un homme 
plus grand; personne ne nie cela; mais, du moins, elle l'as- 
sure de sa grandeur, elle voile sa misère, elle rassasie son 
âme, enfin, eHe le rend heureux. Elle n'est pas également 
sensible à tous les hommes ; il faut qu'elle trouve certaines 

^ Rapprochez des 33*, 37* et 30* Caraeières, -~ G. 



168 CORRESPONDANCE. 

dispositions dans leur cosur : la musique et la poésie neflattent 
pas tous les goûts, ni la gloire ; mais cela n'empêche pas 
qu'elle ne soit réelle. Il n'y a personne qui n'ait quelque goût 
pour la gloire ; cela va du plus au moins, selon les ressour- 
ces et les voies que l'on a pour y arriver ; mais ceux qm en 
médisent sont précisément ceux qui ne pourraient pas 
vivre dans le mépris .de cinq ou six personnes qu'ils ver- 
raient tous les jours*. Je sais que vous êtes bien loin de 
ressembler à ces gens-là, et que, si votre esprit se faisait 
illusion, votre cceur le ramènerait ; mus je crains que le 
goût de la littérature n'arrête trop vos pensées. Je songe 
quelquefois à Yoltdre, dont le goût est si vif, si brillant, â 
étendu, et que je vois méprisé tous les jours ', par des gens 
qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Benriade et 
ses peintures si animées, mais les préfaces de ses tragédies ; 
cela n'est pas exagéré. Là-dessus, je me figure que la gloire 
des belles-lettres, pu n'est pas essentielle, ou ne s'acquiert 
que bien tard, et lorsqu'on n'en peut plus jouir ; mais, même 
en supposant que l'on soit plus heureux que beaucoup de 
grands génies, devrait-on être bien avide de la gloire si 
troublée de Racine ou de Molière, qui sont pourtant les 
hommes excellents, et croyez- vous que la plupart des gens 
de lettres n'en eussent pas cherché une autre, si leur con- 
dition l'eût permis*? 

Ce n'est pas que la naissance doive éteindre les talents; 
je ne prétends pas cela, mais je crois que tous les sujets 
ne lui sont pas convenables : la bienséance veut, je crois, 
qu'ils aient rapport à notre état, et qu'ils lui puissent être 
utiles ; quant aux livres d'agrément, ils ne devraient point 
sortir d'une plume un peu orgueilleuse, quelque génie 
qu'ils demandent, ou qu'ils prouvent \ Vouy aimez lapoé- 

* Nous retrouTons ici toutes les idées sur la gloire, que Vauveosigues a 
développées dans ses divers écrits. (Voir, entre autres, la 30* RéfieMOiL) — G. 

* Rapproches des W, t5* et 36* Rifîexioni ntr diven ttijeU^ et des 49* et 
54* Caraetértê, — G. 

» Voir le Caractère 60'. — G. 

* Voir la ?• Réflejtion (De» romans). — G. 



CORRESPONDANCE. 169 

sie; VOUS avez cet heureux génie; c'est un des plus grands 
dons du ciel, non à cause de la rime et de la versification, 
car on ne parle pas en vers , mais parce que ce génie 
suppose nécessairement une imagination très-vive , ou , si 
vous voulez d'autres termes , une extrême fécondité , qui 
met Time et la vie dans l'expression, et qui donne à nos 
paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul 
talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presqu'à 
tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les 
hommes, en général, quoique avec différents degrés; le ta- 
lent, par conséquent, qu'on doit le plus cultiver, pour plaire 
et pour réussir, et le plus négligé peut-être, au profit de la 
poésie qui semble arrêter l'esprit autant sur les mots que 
sur les choses, et lier la sagacité, sans trouver une récom- 
pense de goût ou d'approbation dans la foule des gens 
lourds, qui n'ont ni cœur ni oreilles. Je me flatte que nos 
idées se rapprochent bien là-dessus ; je voudrais que nous 
pussions les accorder sur le reste, et réconcilier surtçut 
vos reflétions avec la fortune, dont elles éloignent votre 
cœur qui ne s'en passera jamais, et que vous rendrez mal- 
heureux , si vous le tournez ailleurs ; je voudrais que vous 
convinssiez que, dans les vues de changer sa condition, on 
peut faire entrer les sentiments les plus hauts. 

11 y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les gran- 
deurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le 
désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équi- 
pages, ou pour jouer gros jeu ; pour s'élever au-dessus du 
mérite, et afiliger la vertu, et qui n'arrivent à ce point que 
par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de 
souhaiter, malgré soi, un peu de domination, parce qu'on se 
sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs 
à son génie; d'aspirer aux honneurs pour répandre le bien, 
pour s'attacher le mérite, le taleât, les vertus, pour se les 
approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son 
inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos 
maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes 



170 CORRESPOMDAirCE. 

ces choMS; il me aemUe qu'à œk il peat y a?oir qaèlqiie 
gnndeor. L'ambîiiaB est dam le eorar et dans la Bodk 
des os de tons les gens de la cour; mais tous n'ont pas les 
mêmes idées, ai les mêmes sentiments, il s'en faut de besu- 
ceap. D n'y a qa'oa nom pour les passions que les mêmes 
objets font naître, pour l'amour, pour Tambition, pour le 
goût du jeu, pour les jdaisirs; mais les objets ont tant de 
faces, et peuvent être en vissgés dans des jours si d^Bîérei^, 
(fae les sentiments qu'ils inspirent ne se ressemblent en 
rien. Lorsque vousaimiez àBordeaaz, vous voyiesdana ¥Otre 
aaûe son esprit, sa naïveté, sa modestie, sa douceur; tout 
cela était sur son visage, et c'étaient les avantages reados 
flensiMas dans ses traits, qui vous passionnaient; ces trails 
vous trompaient peut-être; son âme n'avait point toutes 
ces peiiiBctîeas ; n'importe, vous les voyiez I vous n'aimiez 
que votre idée, rien de plus. Mais, dans le même temps que 
vous simiez mnsî, il n'était point impossible que vous eussiez 
ua rival qui ne vU pmnt votre idéeS et qui cbérit, daas la 
mêaie perseaae, de petites façons, on des lûrs ridicules, 
qui cbsussaient mieux son esprit, ou, enfin, ce que vous 
savez qu'il y a de phis malfacmnête et de plus dégoûtant à 
dire. Uestaisé à présent d'ai^pUquer ma pensée : ce qui est 
vrai sur l'amour, l'est sur un autre objet; par notre idée, 
nous ennobUssens nos passions, ou nous les avilissons; 
eUes s'élèveal, ou descendent, selon les cœurs. C'est aîaù 
que la bassesse de ceux qû courent à la fortune ne doit 
peint influer sur votre ambition, et que vous pouvez vous y 
livrer^ sans mériter de reprocbes. — Mais vous avez, dites* 
vous, fait des démarches sans fruit? — Voilà une belle rai- 
son I Pouvez-vous appuyer sur de légers dégoûts, et crmre 
qu'ils vous justifient 7 II y a, dans le monde, des gens qui 
n'ont ni cœur ni aaisaanoe, difiamés par mille endroits, qui 
vont de pair, nésamoins, avec ce qu'il y a de mieux ; un 
peu d'esprit et d'impudence les soutient contre l'homear et 

« Rapprocbez des 35* et 36' chap. de Vlntroduetion à la ùnuuOmnee di 
VSiprii kmmam, oà la mftMe idée le vetreiiTe. ^ G. 



CORRESPONDANCE. 171 

k Imae du public, oMtre toos les préjugés; et toas, qui 
Mas assez heareux pour ne cndodre aucun reprodie S vous 
TOUS laisseriez abattre par quelques désagréments, et vous 
croiriez obligé de renoncer, tout d'un coup, à la moitié de 
vous-même, pour jouir en paix de l'autre I 

« Plenres, pleorci, mes jrmx^ tt Ibndes^YDoi en mn ; 
« La moitié de ma vie a mis l'autre aa tombeau *. > 

Vous êtes entré dans le monde sans aucune expérience ; vous 
auriez voulu y régner ,'avant que d'y être connu ; lorsqu'on 
est jeune, on a des vues, mais l'on manque de moyens pour 
les fahre réussir; l'esprit vient plus tard que le cœur. D 
n'est nullement impossible, aussi, que vous ayez fait des 
fautes : vous vous faisiez une gloire de ne vous plier à pér- 
soxme, de ne savoir point dépouiller vos mœurs, votre ca- 
ractère, et de ne point chercher les différentes faces que l'on 
peut donner aux choses; vous n'aimiez pas à les voir au- 
delà de votre cœur et de votre éducation, sans penser qu'il 
n'y a peint de science dont on ne puisse user, plus encore 
qu'abuser, et que c'est l'intention '. 



51. — MIRABEAU A VAUVENARGUES^ 

[De Paris, février 1740.] 

men intime ami, à qui je réoris; vous méritez le même laii§age. 

Parions de votre lettre : immédiatement après les monvemenU de oette 
aifiûie, mon Crèffe ^ est tombé malade ; il n'est même point bien ft présent ; 
tout cela a ratardé la répoose, outre que je voulais la ftdre sérieuse. 

Je k Bootrû à mon maître le marquis de Sainmseorges : « Il y a 
« partout de Tesprit, dil-îl ; peu d^endroits vrais, beaaconp de faut, et 
« qoalqaea-unfl de mélhapiifsîqQes^ il parie par tbéoiie, on le voit • 

« lUppiocfaet de la A^/Ifloiofi M" (Néoetaité de rait« des faota^. -» G^ 

* ConeiUe, Le Cidy acte m, scène 3. — G. 

> La fin de oette lettre manque, ainsi que le commencement de la réponse 
de ]lirabe«o. — G. 

* Le baim do Mirabeau, alors à Paris. — G. 



172 CORRESPONDANCE. 

Vous rongiiiez, si vous connaissiez Versailles, du portrait que tous 
en faites; tout oe qui est obligé d*y rester, en pleure. Jeu perpétuel, pss 
un mot de bon sens; et oe sont les plus pauvres espèces du royaume, 
connues pour telles, qui y dominent, ou du moins qui y tiennent le dé. 
Quelle idée d'aller chercher le séjour du vice et de la dégradation totale 
de tous sentiments, pour y paraître vertueux avec plus d'éclat 1 Chacun 
cherche son semblable : Je plus honnête homme de ce pays-là, BL de 
Mortemart, a tout quitté. Je n'aurais garde de conseiller ce parti ft mon 
ami, s'il y était attaché par les mêmes liens; mais encore moins lui di- 
rais-je de s'en rapprocher, si rien ne l'y appelait. 

Vous me poursuivez trop, pour que je continue ma diversion; je n'ai 
sur cela qu'un mot à vous dire : vous savez plus que personne que j'ai 
connu là faculté de penser; elle n'est faite que pour s'appliquer sur les 
objets de bonheur qui sont à notre portée, et nous former pour eux, ou 
les rapprocher de nous. Pourquoi laisser égarer nos désirs? Personne 
ne peut tout ce qu'il voudrait; la nature ou la Providence ont pris soin 
de nous laisser sur cela un ver, qui se charge du malheur de tous les 
hommes, si la raison ne le tue. Le plus puissant a les désirs les plus fous, 
et, en même temps, les plus impérieux; je ne connais à cela qu'un re- 
mède, c'est de ne vouloir à peu près que ce que l'on peut; vous serez 
alors au niveau des autres pour la situation, et aurez un grand avantage, 
quant à l'Ame et à l'esprit, qui sont les grands mobiles de notre bonheur, 
et que la culture nous rend propres. Pour le reste, peut-être en savez- 
vous plus que moi ; je dis ce que je pense bon, et que je voudrais rendre 
propre à mes amis, car quel autre motif pourrait me faire parler? Saint- 
Bernard voulait être le seul théologien de son temps. 

M. de Saint-Georges prétend qu'il est devenu ce qu'il est; il m'a fait 
voir des lettres où on lui parle de son humeur; peut-être avait-il plus 
de dispositions que nous ? Hé bien, si nous venons au même état, fl sera 
plus à nous, cet état 1 

Vous me reprochez mon trop de passion pour les femmes: vous avez 
raison ; je m'en corrigerai peut-être, mais vous devez sentir que la com- 
paraison n'est nullement recevable. Quant à l'amour pour la gloire, je 
ne pousserai pas la philosophie jusqu'à la mépriser; mais je crois aussi 
que, quand les occasions des choses auxquelles on a donné ce nom ne 
se présentent pas, U faut tâcher de la mettre en une bonne conduite, un 
parfait accomplissement de ses devoirs de toutes les espèces, enfin, une 
entière observation de ce qu'un homme sensé appelle la vertu ; du oDoins, 
pour me tranquilliser, veux-je le croire. Ainsi, si les occasions d^êlre 
utile à mes amis, à mes parents, aux hommes, enfin, et à ma patrie, si 



CORRESPONDANCE. 173 

patrie il y a, se présénUient, je les ttisirais et tAc&eraig de iii*eii tirer. 
Da reste, je ne sois obligé qu'aax devoirs de ma position, et ceùr de 
Kfne-Eldtam deManiauban ', sont des accessoires, et lie sont point nés 
avec moi. 

Vous avez vu mépriser Voltaire, dlte»-vous, par des gens qui ne le va- 
lent pas : le mépris des imbéciles est ordinairement le sceau de Testime 
publique. Il s'en faut de beaucoup que je Testime comme nombre d'au- 
tres auteurs illustres *; il a dégradé ses talents, mais ils n'en sont pas 
moins respectables. Ceux qui méprisent Voltaire se rangeraient, s'il pas- 
sait, je l'ai vu souvent arriver; ils n'auraient jamais connu M. AroUet, 
et auraient peut-être de la peine à parvenir aux antichambres des cabi- 
nets où il est souhaité. 

La gloire du bel-esprit est, je l'avoue, un petit objet, peu compara- 
ble à celle du bon esprit ; cependant, eu égard à la vie rampante du vul- 
gaire, elle donne bien des agréments, croyez-moi; non que je l'aie 
voulu expérimenter, car j'ai toujours fui l'éclat sur cela. 

Vous êtes orftvre, mùMteur Jos%e >, quand vous dites que la rime et 
la mesure lient la sagacité 1 Dans les endroits les phis heureux des plus 
beaux ouvrages, la mesure a élevé l'imagination de l'auteur, et plus 
d'un a souvent dû à la rime les plus singulières et les plus fortes pen- 

gcusb 

La plupart des sectateurs de la fortune sont bas; je puis, dites-vous, 
suivre la même route, et avoir l'âme noble, en changeant seulement 
d'objet; déraison que tout celai L'on a vu, au milieu des siècles les plus 
corrompus, de grands hommes, et par conséquent en place, la vie pri- 
vée ne laissant pas de mémoire ; mais ces gens-là étaient nés tout portés 
dans les emplois. Moi, j'irais courre la même lice avec des hommes 
corrompus, et valeter avec des lâches I Non ! ces gens-là sont bons dans 
la société civile; mes amis restent ensuite à mon cœur, et c'est tout ce 
que je veux! 

— Des gens déshonorés se soutiennent, dites-vous, dans le monde par 
de l'effronterie, et vous, qui n'avez rien à vous reprocher, vous quitteriez 
la partie? — Oui! où l'impudence est un appui, quel parti doit prendre 
l'honnêteté? 

t Voir la fin de la Lettre 53*. — G. 

* De son cété, Voltaire faisait pea de cas de Mirabeau ; il s'étonnait qu'on 
le ^H téfUuumtniy et le regardait comme un fouy avec de bons moments, 
(Voir, eotre autres, ses lettres du 36 et du 31 décembre 1760, à madame d*Ê- 
pinay, et an comte d'Argental.) — G. 

» Molière, L'Amour médecin , acte I", scOnc V\ — G. 



174 CORRESPONDANCE. 

J6n*«ijtfliiifptté»iie8intt;jeme nisoepeiidMitiiiisaiHnwitN- 
dMMNit du nérite, el f ai ea des attsotiDiis poor la nmma» et tes 
gndM; du reste, dans k aodélé, fd toiiyeot fovla prioMT, je rtiaoe; 
j'ai senti ipie c'était ma plaœl Yoilà de qa<^ mettre quelqo^in anxF»- 
tites-MaiaoDS, mais je vous parle comme je parierais à mon nMNir- 
propre. J'ai sourent eu besoin de lire, pour m'hnmilîer. 

Quant à la vie retirée, je sens que je n'amrâ pas la force de la lOQt^ 
nir; mais je veux vivre pour moi, ma fiunille et mes amis, voir et bire 
ce qui me plaira, retrancher dd devoirs, et remplir ceux qui rastarsat 
Jéneiais ict qu'ébaudier les principaux articles de votre lettre qui, dans 
le food, est Ibrt bonne; ne vous lasses pas de m'en écrire de aièiie; 
cela arrange lespensées,et, quelque jour, je vous montrerai tout entier 
à vous-mè|M; mais la maladie de mon frère me met hors des gonds 
pour tout ceci. Ayes soin du petit, reooramandez«4ui les bonnes lectares, 
et l'écriture; qu'il me fasse des détails sur cela. Adieu, mon cher Yto- 
venargues, aimes-moi, et ne m'inquiètes pas; quand je 
métier, ce serait, en vérité, sans goût '. 



* « Le dernier dégoût qae J*ai reçu, tu me le demandée? le voici : Too 
m'ivait donné toutes les paroles imaginables pour un goidoo des gandtr- 
roes de la Garde, qui vient de vaquer; œ sont des emplois qui ooÉteot 
cent mille francs ; ils mènent conmie les régiments, mais l'on est commandé 
toute sa vie ; enfin, au bout de cela, Ton donne à on enfant de 13 ans, cèosc 
inouïe pour ces corps pesants, et qui d'ailleurs n'était dans aucun serrioe. 
Le duc de Duras ^ qui est fort de mes amis, ne voulut point nomniBr à 
ma compagnie ; M. d'AngervUliers ^ me manda, etme dit qu'il bm défendait 
de quitter; Je luiiépondls qu'U ne pouvait me retenir, s'il ne pouvait m*»- 
vancer, et que de passer tous les étés au régiment dérangeait mes affairei ; 
il me dit que Je n'Irais pas de dix ans, si Je voulais, et qu'il ftdlatt, ao 
moins, savoir du Cardinal **^ s'il y avait quelque dioae ooOM meL AeeU 
Je lui repartis que Je ne reverrais la grille de Versailles que colonel, et 
qu'n n*y avait pas d'apparence qu'on me vint chercher bourgeois ëe Pari» 
pour cela, et que Je ne ferais de ma vie d'autre métier. A cela, tnaste 
amis du monde, à quelques-uns près, dans la classe desquels ta denvi 
être, se sont élevés; « e/ (a ffuerre? etc. » Madame de Duraa me dit qu'elle 
se chargeait de mol, et ainsi du reste. A cela Je réponds que si lagusm 
revient, moi ayant asses d'aideur pour vouloir encore eo tater. Je sii» 
quelqu'un qui me recevra, si Je suis d'un âge plus mûr. Je ne ferai 
pas sur cela de démarches de mode, et qui fassent tort à mon bon sens: 
J'ai été 18 ans subalterne, prOné dans ce genre ; J'ai pai^deveis moi te 
services les plus brillants d'un père, et les blessures les plus maïquées; 
qu'aurais-Je de plus dans 10 ans de patience, qui sont un point? Je ver- 
rais sans cesse renaître des minnidons qu'on me préférera, et H fandrs, 

* Colonel do tégiBieiit où Mrvait Mirabeaa. — 6. 

** Soerétain-d'EUttU Game. —6. 

*** Le cardinal Fleory, premier ministre. ^ 0. 



CORRESPONDANCE. 175 



52. — VAOVENARGUES A MIRABEAD. 



A Yerdun, le 3 mars 1740. 

Lorsque je vous ai conaeillé de ne pas quitter le seryiœ, 
je croyais, mon cher Mirabeau^ qu'il vous était nécessaire, 
et qu'il pourrait» un jour, r^plir votre ambition, ou, du 
moins, Fexercer et l'occuper ; mais vous devez vous croire, 
mieux que personne que ce soit ; vous vous êtes consulté ; 
vous avez réfléchi sur votre caractère, et sur votre situa- 
tioD; vous avez vu de plus près que je ne puis vour d'id; 

pour que noo tour vienne, que la tKfexar cesse de décider à U cour ! — 
Réplique à cela ; quant à moi, Je lève les épaules, et Je laisse dire. Trois 
vébicolet, en un métier aussi pénible que c^ui de la guerre, sont le lucre, 
l'animoeité, et le désir de considération : le lucre n*a Jamais été un objet en 
France * ; Je ne hais point les autres hommes, voilà pour Tanimosité, et la 
coDiidération est absolument tombée, sans pouvoir Jamais s'en relever. 
Qoaad on me donnerait Picardie ** aiijourd'hui, Je ne saurais, à moins qu'on 
ne voulût tout bouleverser, être brigadier, de 20 ans d'ici; et que serai»-Je 
ahnrs 7 le camarade de deux mille faquins méprisés, avec lesquels Je ne vou- 
drais pas vivre. Les grades militaires sont si furieusement multipliés en 
France, et donnés à de telles espèces, qu'ils n'ont plus aucune considérar 
Uon : j'étais, il y a deux mois, à la campagne, chez un lieutenan^général 
des armées du Roi, colonel depuis 1703, et homme de mérite; un collecteur, 
pour quelques droits qu'il ne devait pas, lui envoya dix dragons en garni- 
son; il ftat obligé, pour les faire sortir, d'écrire à l'Intendant ! Ces choses- 
là n'étonnent pas, dans ce pays-ci ***» Que puis-Je espérer, au milieu de tout 
cela? de me faire remarquer à la première occasion, en pourfendant des 
géintst Ces Mées d'actions frappantes sont bonnes à dix-huit ans: qui les 
conçoit plus tard que cela, est ordinairement un cerveau mal conditionné 
par quelque bout, et s'il réussit quelquefois, un courtisan, adroit et ap- 
posé, s*en attribue l'honneur. ^ Où est le mal, me diras-tu, de faire un 
métier que tout le monde fait? Le préjugé de son pays est toujours respec- 
taUe ! — Tu déduis le bien ; voici le mal : l'on postillone Tété, et l'on va- 
lète l'hiver ; l'intérieur dans lequel nous devons chercher notre bonheur**^, 
est né^igé ; le cosur et l'esprit eu souflrent ; l'on passe sa vie, de passions en 
passions, de désirs eft désirs. Je sens combien peu Je suis formé, eu égard à 
€è qne Je promettais, ainsi que toi ; Je n'ai plus de temps à perdre ; Je veux 
eD profiter. • (Lettre inédite éumarqms à son frère le bailli,) 

* S'il vivait de nos joun, le marquis leraii-il encore de cet avis? •— G. 

** !lom d'nn des Régiments les pins recherchés alors. — 0. 

*** Eues ètemÊtrmU moins encore à la fin de ce sièclei dont rétemel honneor sera d a- 
voir conquis légalité devint la loi. — 6. 

***** Si Mirabcan a jamais cherché là le bonheur, il ne Ta trouvé, à coup sur. ni pour 
lui, ni pour les riens. — G. 



176 CORRESPONDANCE. 

VOUS avez pris, apparemment, le parti le plus confonseà 
vos dispositions et à vos intérêts; je n'ai garde d*y contoe- 
dire, et je soumets toutes mes vues. Lorsque je vous écrivis 
pour m'opposer à vos dégoûts, je voulus vous persuader, 
et vous dire des choses fortes; je montai sur des échasses; 
je quittû Texpérience ; je vous dis des subtilités ; vous vous 
en êtes aperçu, et j'ai perdu mes paroles. J'ai fait tout au 
Tebours de ce que je voidais, inon cher Mirabeau ; mais cda 
est heureux, et je n'en suis nullement fâché; ma lettre est 
arrivée après coup. Si mes conseils avaient eu plus de force, 
j'aurais eu à me reprocher de vous avoir donné d'inutiles 
r^rets, ou d'avoir troublé votre repos ; je m'en serais fait 
un reproche, j'aurais partagé vos chagrins; ainsi, tout a 
bien tourné, et ma fausse éloquence a très-bien réussi. 

Je suis fort reconnaissant à M. de Saint-Georges de la 
manière obligeante dont il condamne ma lettre ; rien n'est 
si persuasif; car, s'il avait dit simplement qu'elle était fausse 
et ridicule, cela m'aurait répugné ; mais d'ajouter qu'il y 
avait de l'esprit, et qu'il y en avait partout, voilà qui laisse 
sans ressource, et qui confond la prévention. Il dit que je 
parle par théorie ; d'autres appelleraient cela rif^er cr^tix, et 
ce l'est peut-être, en effet. Il est assez naturel qu'un homme 
qui passe sa vie à Verdun, où à Salins, parle de l'ambition 
en métaphysicien, et je n'ai point été surpris que cela vous 
ait frappé ; mais je crois que vous aurez vu la droiture et 
la vérité de mes sentiments pour vous, à travers tant de 
paroles ; cette pensée me console, et je n'ignore point, d'ail- 
leurs, ce que l'on doit à la sagesse et à la force de votre 
esprit. 

Je vous relevais vos passions, parce que je pensais qu'elles 
vous conduisaient ; vous voulez vous faire un bonheur séparé 
de leur intérêt ; je croyais cela difficile ; mais vous connais- 
sez vos forces, et vous osez m'en répondre; me voilà donc 
convaincu; et, dans le fond, je n'ai jamus douté du pou- 
voir de la raison . La nature met en nous des penchants irré- 
fléchis, et de secrets rapports entre tous les objets ; mais 



CORRESPONDANCE. 177 

cela ne prouve riea contre la force d'esprit; la raison ne 
nous 68t point étrangère; son principe est dans la nature, 
tout comme cdui des passions; c'en est le fruit le plas lent, 
le plus délicat, le plus rare, le plus facile à se corrompre, 
le plus difficile à mûrir; mais c'en est aussi le meilleur, et 
le plus puissant sur Tâme, lorsqu'il vient à sa perfection; 
l'on ne peut le cultiver trop» nt-s'es pramettmasser, lors^ 
qu'on le coitive^ Ceux qui bornent la nature à des mouve-^ 
■leiitsanRigles, n'en connaissent point l'excellence, ni l'in- 
6me profondeur. Si quelque chose est hors de la nature, 
c'est l'erreur et le mensonge; cependant Terreur même en 
est aussi le fruit, quoique flétri et gâté. C'est donc s'expli-^ 
quer bien mal que de dire que la nature l'emporte sur la 
raison * , puisque la raison fut toujours la production de la 
nature la plus forte et la plas heureuse; et l'on peut dire 
encore plus, c'est que la plupart des passions dépendent 
beaucoup de nos vues S et les affections constantes, sans 
reproches et sans remords, des vues droites et raisonna- 
bles. Il n'est donc pas impossible de noyer et d'effacer, dans 
une vive lumière, ces ombres et ces fantômes * que suit 
notre âme trompée dans la nuit de ses erreurs. Si nos pro- 
pres sentiments n'étaient pas en notre pouvoir S comment 
pourrions-nous espérer de soumettre les autres hommes, les 
événements, la fortune, et tout ce qui est hors de nous? Il 
n'est pas facile de changer son cœur, mais il est encore plus 
difficile de détourner le cours rapide et puissant des choses 
homûnes; c'est donc principalement sur nous que nous 
devons travailler, et la véritable grandeur se trouve dans 



t Vauvenirgues, ici, se réfute lai-mémo par avance, car il dira dans son 
Uvre : « La raison nous trompe plus sparent que la nature •(Maxime 138'] ; 
n est vrai que, dans la tfatime 150*, il prendra un terme moyen. — G. 

s Autre contradiction : dans son Traiié sur le Libre-arbUre, Vauvenargues 
soutient, au contraire, que c'est le tentiment et la passion qui déterminent 
nos vues ou la répexion. — G. 

* La vive lumière dont parle Vauvenargues, c'est celle de la raison, de 
même que les amlrres et les fantômes sont ceux de la passion. — G. 

^ La contradiction se poursuit : le Traité sur le Libre-Arbitre a pour prin- 
cipal objet de prouver que nos sèvUtnenls ne sont pas en notre pouvoir. — G. 

* 12 



178 CORRESPONDANCE. 

ce travail. La pompe et les prospérités d'une fortuite éeUi^ 
tante n'ont jamûs élevé personne, aux yeux de la vertu et 
de la vérité; Tâme est grande paar ses pensées et par ses 
propres sentiments, le reste lui est étranger; cela seul est 
en son pouvoir. Hais, lorsqu'il lui est refusé d'étendre au 
dehors son action, elle l'exerce en elle-même, d'une manière 
inconnue aux esprits faibles et légers, que Faction du corps 
seul occupe. Semblables à des somnambules qui parlent et 
qui marchent en dormant, ces derniers ne connaissent point 
cette suite impétueuse et féconde de pensées, qui forment 
un si vif sentiment dans le cœur des hommes profonds ; 
leur agitation n'est qu'un sommeil; leurs passions, des son- 
ges bizarres ; leurs joies, une vile ivresse, et leurs plaisirs, 
un abrutissement ; mais la raison et la sagesse savent créer 
des plaisirs, des occupations, des vertus , sans emprunter 
de la gloire, ni de l'éclat de la fortune, une félicité trop 
souvent reprochable, trop fragile, et trop achetée. Voilà, 
mon cher Mirabeau, un jargon bien philosophique ; je dois 
m'en excuser. — Mais ce langage, dites-vous, contredit 
bien vos conseils? — Nullement, mon cher ami ; il y a plu« 
sieurs sortes de grandeur et placeurs sortes de bonheur; 
on va au même but par différents chemins. Je vous conseil- 
lais les voies que je vous croyais ouvertes, et le bonheur 
que je vous croyais propre; il se trouve que je me t^m- 
pais en tout ; je reviens donc sans résistance, et j'entre 
dans vos sentiments; tout cela est naturel. Je suis fort 
aise de m' être trompé au sujet de la cour; vous n'y auras 
jamais de regret ; cela constate votre état, et justifie votre 
conduite. 

Vous me faites grand plaisir de me redresser sur la poéâe : 
je ne dirai plus la même sottise, car j'ai conçu votre idée, 
comme si c'eût été la mienne. Je ne sais, cependant, si ce 
que je vous disais ne conviendrait pas un peu à des poètes 
médiocres ; j'ai peine à me persuader qu'ils soient toujours 
dans l'enthousiasme ; je pensais que, hors certains endroits 
qui frappent l'imagination dans les poésies ordinaires, le 



CORRESPONDANCE. 179 

reste i^t fût de sang-froid V et à peu près comme la prose, 
mids que, la rime et la mesu?e n'étant pas aussi faciles qu'un 
arrangement prosaïque» Tesprit s'épuisait souvent dans le 
choix seul des paroles» et s'arrêtait sur les mêmes idées plus 
qu'il ne convient à la sagacité, qui doit percer rapidement 
les objets les plus profonds, et parcourir une vaste étendue 
dans un intervalle très-court. Les poésies relevées offrent à 
l'esprit de longues vues, dans des termes forts et précis ; 
ainsi, elles exercent à merveille la sagacité du lecteur; je 
n'ai jamais nié cela ; mais le poète est plus de temps à 
exprimer ses idées, que nous ne sommes à les sentir ; et, 
néanmoins, je sens bien que ce que vous dites est vrai; je 
parle pour, bavarder. 

Je vous suis très-obligé de la manière naïve dont vous 
vous exprimez sur l'envie de primer : il me semble qu'on 
devrait toujours penser tout haut, lorsque l'on parle à ses 
amis ; ce style met de l'intérêt à tout; mais le mensonge et 
la contrsdnte n'ont que des paroles glacées. J'adore la sin- 
cérité, et^ si les hommes voulaient bien entrer dans ce sen- 
timent, il y en aurait peu d'ennuyeux S et le commerce du 
monde ne serait pas aussi fade. J'écrirais là-dessus un vo- 
lume; mais vous êtes encore pressé de la longueur de ma 
dernière lettre, je m'en suis bien aperçu ; cela a retardé 
celle-ci, qui prend le même chemin ; mais je vus quitter la 
plume; aussi bien, elle me tombe des mwis, tant il y a 
longtemps que j'écris. Je vous prie de faire bien mes com^ 
pliments à M. votre frère ; je né savùs pas qu'il fût à Paris ; 
j'û été fort touché de son état; donnez -moi de sesnouvelles, 
dans toutes vos lettres. A l'égard du petit chevalier, vous 
n'avez que faire de me le recommander; je ne négligerai 
rien pour lui inspirer vos sentiments. 

n y a ùeax mots dans votre lettre, que je ne lis pas trop 
lien, ou que je ne comprends pas : KyrieEletson de Mon- 

. 

* Voir, dans les RéftesionB critifiuea mir quelques poètes, le morceau inti- 
tulé J, B, Rousseau ; voir aussi le 11' Fragment (sur l'Ode). — G. 

* Rapprocfaeii de la Maxime 553<'. — G. 



180 CORRESPONDANCE. 

tauhan ; vos lignes et vos mots sont si serrés^ vous mettez 
si peu de virgules et de points, que le plaisir de vous lire 
n*est point du tout un plaisir pur. Mandez-moi, je vous 
supplie, ce que vous faites cet été ; s'il vous prenait quel- 
que envie de passer l'hiver en Provence, je parle de l'hiver 
prochain, nous pourrions nous y rencontrer. Je m'ennuie 
de traîner mon esponton * dans la boue, à la tète de vingt 
hommes, et de faire ainsi amende honorable dans les rues, 
avec la redingote, et la pluie sur le corps ; mais comme je 
n'ai point d'asile, je tâche de me supporter. Continuez-moi 
vos conseils ; tout ce que je vous dis de moi ne doit pas les 
retenir, car il n'est rien de moins stable que les pensées 
d'un homme inquiet et valétudinûre ' ; je ne veux pas que 
vous m'abandonniez. Adieu, mon cher Mirabeau : si j*avais 
plus de papier, j'aurais peine à vous quitter. 



53. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

IW> Parif , ce r3 mars 1740. 

Vous êtes bien plus fort et bien plus conséquent sur la vérité que 
sur le sophisme, mon cher Vauvenargueâ; c'est le propre d'un esprit 
juste. Vous vous êtes réhabilité dans vos droits, par cette dernière lettre; 
suivez la raison, mon cher ami; voUe esprit vous y porte, et méfiex-vous 
de ses lumières, quand il voudra s'en éloigner K Mes jours sont sereins, 
depuis que j'ai pris mon parti; je vois courir la même lice, où je me 
suis si vainement lassé autrefois, à des malheureux dont je plains le sort 
On attend tous les jours une promotion ; j'ai essuyé bien des assauts, 
pour faire, au moins, quelques démarches; l'on me montrait les plus 
belles espérances, et cela, tant les bureaux que le ministre; j'ai ré- 

I Sorte de demi-pique, qae portaient alors les ofiSders d'infanterie, et dont 
Tusage fut aboli, en même temps que celui de la hallebarde, en 1750. — G. 

* En effet, dans cette lettre môme, nous avons eu la preuve que les pensées 
de Vauvenargues ne sont pas toujours constaaies. — G. 

' Dans cette phrase mal construite, les lumières dont il est question sont 
relies de respril de Vauvenarguesi dont Vauvenargues devra »e méfier, qnaid 
cet esprit voudra s'éloigner de la raison, — G. 



CORRESPONDANCE. 181 

pondu que c*était s'accuser soi-même d*iatercadenc^ < et de jeunesse, 
qae de démentir sitôt son langage ; . . 

Me tabula BBcer 

VotivA paries indicat uyida 

Suspendisse, potciiti 
Vestimenta maris Dco '. 

Voilà mon maître en tout : volupté sage, raison daucf /Seriez-vous le 
seul homme qui ait de la philosophie dans la tète, qui n'en ferait pas 
autant de cas que d'un sylphe ' ? 

Il y a des traits admirables dans votre lettre ! Pouvez-vous penser aussi 
conséquemment, sans agir? Notre âge s'avance ; le célèbre Maupertuis* 
était capitaine d'infanterie, mal à son aise; il n'a que 28 ans ', et vous 
savez quelle est sa réputation? Mais, indépendamment de la gloire, à 
laquelle on peut n'être pa^fort sensihle, le vide, l'ennemi juré de notre 
bonheur, est bien loin de cet homme ^, 

A quoi, direz-vous, tend ce raisonnement? — C'est à vous persuader 
un pian iiie. Il faut peu de chose à un homn^e qui a les idées philoso- 
phiques, et que sa santé oblige à du régime : quelques amis, logement 
gai, facilité de rèmplu* tous ses désirs, ce qui en éteint la violence ; voilà 
tout, et ce qu'on ne trouve qu'à P^ris. C'est le lieu que j'habiterai désor- 
mais, hors des étés, que des devoirs de position me conduiront à mes 
affaires. J*ai acheté une terre, à vingt lieues de Pans^ ; beau pavé, soli- 



* Voir, sur ce mot, la !'• note de la 39« Lettre. — (». 

* Horace, Ode», Livre V, 5. — G.. 

s Vaayeoargues, bien qu'ayant de la philosophie dans la tète, n'était guèn; 
couché de la volupté sage, de la raison douce, que Mirabeau lui recommanda, 
et n>n faisait, effectivement, pas plus de cas que d'un sylphe. Rapprochez de 
la 3* note de la Lettre 23". — 6* 

* Pierre-Louis Moreau de Maupertuis, né à Saint-Malo en 1698, mort à 
Bàle en 1759; géomètre, membre de l'Académie des sciences, et de l'Académie 
française, puis nommé, par le grand Frédéric, président de l'Académie de 
Berlin. An moment où Mirabeau écrivait cette lettre, Maupertuis n'était 
célèbre que par l'expédition en Laponie , dont le ministre Maurepas l'avait 
chargé en 1736; il y mesura un degré du méridien, et, malgi-é tout le bruit 
qu'il a fait depuis, ce service rendu à la science est, à peu près, son seul titn^ 
à la gloire. Condorcet disait de lui que c'était c un homme de beaucoup d'esr 
u prit, savant médiocre, et philosophe plus médiocre encore, v — G. 

< Mirabeau est loin de compte ; Maupertuis avait alors 42 ans. — G. 

^ Ici encore, Mirabeau est loin de compte ; Maupertuis se plaignait sans 
cesse, au contraire, de ce vide, l*ennemi juré de notre bonheur. Un Jour, 
madame Du Châtelet lui demandait: Vota ennuijei-vovM quelquefois? ^Tou- 
îoan, répondit-il. — 6. 

' La terre du Bignon, près de Si-us. — <;.* 



182 CORRESPONDANCE. 

tude charmante, ie pied dans Teau au mois d^aoftl, lé pied sec an mois 
de décembre; grands cabinets à Ut ville, petits réduits à la caropagm» 
omis sûrs, recherchés du public» voilà ma vie. 

N*aYoir ni remords sur la veille. 
Ni soucis sur le lendemain ; 

voilà mon état, que vous devriez partager, en qualité d^ami, el vous 
seriez à meilleur marché ici, que nulle autre part. Quant à la Provence, 
Ton ne m*y verra que Tété, et je serai bien fâché si Tindécision et la 
paresse vous tiennent éloigné de la situation que je crois votre unique 
centre* 

Kyrie-eldsoh de Moniauban est un fameux pourfendeur, dont pirie 
Tiran^Slanc^ roman espagnol; vous comprendrez alors le sens de ce 
mot, qu*il vous était très>permis d'ignorer. Adieu, mon cher Vauvenaiw 
guéis ; aimez-moi toujours. 



54. — VAUVENARGIKS A MIRABEAU. 

A Yenlan, le 13 man 1740 '. 

Mon cher Mirabeau, vous recevrez aujourd'hui ma ré- 
ponse au sujet du chevalier ; vous verrez comme je pense 
qu'il serait bien avec nous, tout Tété, et Thiver, à l'Aca- 
démie * ; j'exagère peut-être un peu l'avantage de cette idée, 
dans la première chaleur; vous en retrancherez ce qu'il y 
aura de trop. 

Mes yeux sont un peu soulagés; je vais donc reprendre 
ma lettre, et me justifier sur les sermons que je fais au petit 
chevalier. Il me semble que vous avez peur que je ne com- 
batte en lui la force et la fermeté z Dieu me garde de cela I 
J'honore trop ces vertus, mais je ne sens pas bien qu'elles 
aient de liaison avec la sécheresse et avec la rudesse; voilà 
les vices que j'attaque, la raideur de l'esfHrit, la dureté des 

* Cette lettre s'était croisée, en ronte^ avec la précédente. — G. 

s G*e»t dans la Lettre M«, datée du S avril suivant (wrir plut Imn)^ qne 
Vauvcnargues traite cette question ; rien d*aUleurs, dans cettetettre, n*in<liqite 
pour quelle raison il en a i^oumé TeuToi, et eo a même changé la date. — G. 



CORRESPONDANCE. 183 

manières, et nullement la hauteur, la force, la véhémence. 
Vous dites qu'on ne peut pas tout avoir : il semble que vous 
croyiez que l'adresse et la douceur soient incompatibles 
avec le reste. U est vnd que ces qualités se trouvent rare- 
ment ensemble, parce que la plupart des hommes se lais- 
sent dominor par leur tempérament, par leur éducation, et 
par leurs habitudes ; mais une raison égale à la force des 
passions les tempère, et les conduit. Quel homme eut des 
passions plus vives, plus grandes, plus de force. d'esprit, 
un courage plus! haut que César, ou encore Alcibiade? et 
quel homme eut, en même temps, plus d'art, plus de dou- 
ceur, et plus de jeu dans Tesprit? qui fut plus insinuant, 
plus indulgent, plus facile? U est ridicule de citer de si 
grands noms ; cependant, ces noms-]^ décident II y a des 
pratiques qui se contrarient, j'en conviens; mais on em- 
ploie tour à tour celles qui sont bonnes; l'occasion et les 
conjonctures servent de règles là-dessus : la constance, la 
hardiesse, la fermeté, le courage dans les grandes entre- 
prises, la hauteur, dans l'infortune ; et, dans le commerce 
ordinaire, la facilité, la bonté, la vérité, la complaisance, 
voilà ce que je voudrais faire entrer dans un caractère ^ 11 
est vrai que cela demande une raison éminente; il est 
vrai encore que les passions intéressent plus que l'ac- 
tion de l'esprit, car il n'y a que l'action du cœur qui 
puisse remuer le cœur : aussi, j'aime mieux Brutus que 
llésar; ce n'est pas pour ses vertus; César en avait de 
grandes; mais, dans César, c'est l'esprit qui domine, qui 
couvre, qui conduit, et qui sert la passion : dans Brutus, 
tout au contraire, Time se fait sentir partout, et semble 
marcher toute seule. Brutus m'échauffe donc , et me plaît 
davantage; mais César a plus de génie; pour quelqu'un 
qui réfléchit, ses vues sont plus longues, plus sûres, son 
génie plus puissant, plus facilç, plus souple. Et remar- 

I Vaavenaigues a résumé ces idées dans sa 101' Maxime : n II est bon'd*£trc 
• ferme par tempérament, et flexible par rOflexion. » — Voir aussi la 33' 
Rêfeiion (Sur la fermeté dans la conduite). — G. 



184 CORRESPONDANCE. 

quez cependant : ce Brutus, qui était si haut, qui adorait 
r indépendance, qui tua son bienfaiteur pour venger la U* 
berté, qui écrivait à Cicéron avec tant de hauteur en Grèce, 
qui était si courageux, si fier, si ferme dans le nialheury si 
hardi dans ses desseins, si déddgneux de la mort ; ce même 
Brutus était simple, aimable et doux dans le. commerce; 
il n'avait point l'austérité grossière des anciens Romains; 
il n'était ni dur, ni sévère; il aimsdt à gagner les cœurs; 
son âme était remplie de cette humanité si naturelle aax 
grands hommes, et si rare dans les petits. Si sa main trempa 
dans le sang, c'est qu'il avait pris pour règle de fadre, toute 
sa vie, ce qu'il y avait de plus grand et de meilleur; il 
crut qu'il devût cette mort à la patrie, à la vertu, à la gloire, 
à ses aïeux, aux roftnes de ses amis ; s'il avait pu satisfaire 
par son propre sang, à ses devoirs , je suis persuadé qu*il 
l'eût fait, et qu'il eût sauvé César, aux dépens de sa propre 
vie ; sans cela, ce héros serait trop odieux, au lieu qu'il faut 
r adorer ; et, néanmoins, malgré de si grandes vertus, le pre- 
mier mouvement éteint, je crois que César valait mieux I 

Il faut que je vous parle vrai : j'aime un homme fier et 
violent, pourvu qu'il ne soit point sévère ; les paroles fières, 
hautaines, me ravissent malgré moi : ce que dit H. le 
Prince ^ au maréchal de Gassion : qu'il sauraiî bien se passer 
dtun vieux caporal comme lui; le discours du sire de Giac, 
au milieu de toute la cour, qu'il faudrait, s'il en était cm^ 
jeter lévique Combaret, et ses fauteurs, dans la rivière^ ces pa- 
roles, quoique injustes, m'entraînent avec empire; mais je 
ne saurais souffrir un homme dur et rigide, qui voudrait 
resserrer tous les hommes dans ses maximes étroites, do- 
miner les esprits par son tempérament, et ré^er sur les 
cœurs par son austérité. Gatilina me platt mille fois plus 
que l'aïeul de Caton d'Utique; ce misérable censeur, 
qui courait la Sicile à pied, n'est, pour moi, qu'un homme 
incommode, fâcheux, et de peu d'esprit; j'aurais très- bien 
vécu avec Catilina, au hasard d'être poignardé, d'être brûlé 

I Lo grand Condé. — G. 



CORRESPONDANCE. Ifi6 

> 

dans mon lit ; mais, pour Çaton, il e^t failli qu'un de nous 
deux eût quitté Rome;, jamais la même enceinte n'aurait 
pu nous contenir. Le connétable de Bretagne *• et celui de 
Montmorency me paraissent, comme Caton, nés pour dé- 
plaire et pour choquer, mais surtout celui de Bretagne, qui, 
pouvant conduire un bon roi par la douceur, aimait mieux 
le tyranniser, sans dessein et sans intérêt ; s'il m'avait ja- 
mais fait le tiers des insolences qu' il faisait au roi Charles VII , 
je l'aurais fait hacher en pièces. 

Il me semble que la dureté et la sévérité ne sauraient 
convenir aux hommes, en quelque état qu'ils se trouvent: 
c'est un orgueil misérable que de se croire sans vices, et 
c'^est un défaut odieux que d'être vicieux et sévère, en même 
temps; nul esprit n'est si corrompu, que je ne le préfère, 
avec beaucoup de joie, au mérite dur et rigide. Un homme 
amolli me touche, s'il a l'esprit délicat; la jeunesse et la 
beauté réjouissent mes sens, malgré l'étourderie et la vanité 
qui les suivent; je supporte la sottise, en faveur du naturel 
et de la simplicité ; l'artifice me découvre les ressources d'un 
esprit fécond ; la violence et la fierté me paraissent excu- 
sables; l'homme infâme attache mes yeux sur la sorte de 
courage qui soutient son infamie; le crime et l'audace me 
montrent des âmes au-dessus de la crainte, au-dessus des 
préjugés, libres dans leurs pensées, fermes dans leurs des- 
seins; je laisse vivre en repos l'homme fade et sans carac- 
tère : mais l'homme dur et rigide,rhomme tout d'une pièce, 
plein de maximes sévères, enivré de sa vertu, esclave des 
vieilles idées, qu'il n'a point approfondies, ennemi de la 
liberté, je le fuis, et je le déteste ' ; c'est, selon moi, l'espèce 
la plus vaine, la plus injuste, la plus insociable, la plus 
ridicule, la plus sujette à se laisser tromper par les âmes 
basses et fausses, enfin, l'espèce la plus partiale, la plus 
aveugle, et la plus odieuse que l'on trouve sous le soleil. 

• 

* ArtuB de Richemont, connétable soas Charles VIL -^ G. 

• Voir le j.V Caractère (Ma»ift\ — G. 



186 G0RRESPONDAN€E. 

Ce que mon incliBaâœi me rend cher, c*eôt un bomme 
constant dans ses passions, car je suis de votre avis : 

« Ce qu'un grand cœur commence, il le doit achever. • 

Un hooime haut et ardent, inflexible dans le malheur, fa- 
cile dans le commerce, extrême dans ses passions, bnmam 
par- dessus toutes choses, avec une liberté sans bornes dans 
l'esprit et dans le coeur, me platt par-dessus tout; j'y joins, 
par réflexion, un esprit souple et flexible, et la force de se 
vainci*e, quand cela est nécessaire ; car il ne dépend pas de 
nous d'être paisible et modéré, de n'être pas violent, de 
n'être pas extrême ; mais il faut tâcher d'être bon, d'adoucir 
son caractère, de calmer ses passions, de posséder son âme, 
d'écarter les hunes injustes, d'attendrir son humeur autant 
que cela est en nous, et, quand on ne le peut pas, de sauver, 
du moins, son esprit du désordre de son cœur, d'affranchir 
ses jugements de la tyrannie des passions» d'être libre dans 
ses idées, lors mtoie qu'on est esclave dans sa conduite. 
Gaton le Censeur, s'il vivait, -serait magister de village, ou 
recteur de quelque collège ; du moins serait-ce là sa place : 
Caton d'Utique, au contraire, serait un homme singulier, 
courageux, philosophe, simple, aimable parmi ses amis, et 
jouissant avec eux de la force de son âme et des vues de 
son esprit ; mais César serait un ministre, un ambassadeur, 
un monarque, un capitaine illustre, un homme de plaisir, 
un orateur, un courtisan possédant mille vertus, et une âme 
vraiment noble, dans une extrême amlûtion. Les deux pre- 
miers n'ont que Tesprit de leur siècle, et les mœurs de 
leur patrie; mats le génie de César est si flexible à toutes 
les mœurs, à tous les hommes, à tous les temps, qu'il 
l'emporte. 

L'esprit de singularité pkUt, quand il est naturel ; car, 
quand il est affecté, ii n'y a qu'à vomir dessus ; mais il est un 
autre esprit bien plus grand, plus utile, et plus estimable; 
cet esprit est loin de moi, plus que le ciel n'est de la terre; 
mais, enfin, une fortune obscure est-elle un si grand défaut 



CORIlÊSPOriDANCE. I«7 

qà*^etle couvre de ridicule jtisqu'aax nieilleors sentiments; 
que Ton ne puisse,, du moins, dire ce qu'on estimerait le plus, 
et que, même entre amis, entre philosophes, on doive cacher 
ses pensées, pour respecter la mode et le goût de son siècle, 
comme s'il n'y avût rien déraisonnable et de bien, hors de 
la plaisanterie et des maximes4e^ gens du bel-air ? Vous voyez , 
mon cher Mirabeau, que je ne le pense pas, et que je me 
donne carrière. Les sentiments dont je vous parle, ce sont 
ceux que j'ai tâché d'inspirer à votre frère, ce sont ceux 
que je vois en vous, et je les vois si clairement, que, si vous 
étiez grand seigneur, je craindrais que vous ne crussiez que 
je vous veux faire ma cour. Si j'ai pourtant quelques prin- 
cipes qui ne vous soient pas communs avec moi, je ne Veux 
pas les cacher, ni surprendre votre amitié \ mais j'espère 
que ma franchise me tiendra lieu de quelque chose, et que 
vouSj qui m'aimez un peu, et qui adorez la vérité, vous 
m'aimerez doublement, quand vous la trouverez en moi. Ce 
que je dis de la sévérité combat rexemple d'un père \ qui 
soutenait ce défaut par de grandes vertus, par un esprit 
solide, et par une éloquence mâle ; je serais bien fâché d'at- 
taquer sa mémoire; mais, comlne elle me condamne, qu'elle 
vit dans votre cœur, et y confond peut-être les vertus et les 
défauts, je crains qu'un respect si juste ne soit un préjugé 
contre mes sentiments. Ne me cachez point ce qui en est : 
il n'y a point de vérité, quelque dure qu'elle soit, qui puisse 
altérer* l'amitié que j'Aurai toujours pour vous. 

Adressez-moi votre première lettre à Metz, où je serai 
jeudi soir; il n'est aujourd'hui que lundi; mais j'écris de 
provision, parce que mes yeux le permettent, et que je veux 
en profiter. 

It y a beaucoup à répondre à ce que je vous dis sur la ri- 
gidité : quand je lui préfère le vice, ce n'est pas par réflexion, 
je crois que vous m'entendrez, c'est par goût et par senti- 

> Le marquis Jean-Antoioe avait été ftévère , en effet, pour ses enfants, 
mais jamais autant que Mirabeau lui-même, Vami des hommes, le fut pour le» 
siens. — (5. 



Il» CORRESPONDANCE; 

ment; je n'ignore pas, cTailleurs, ce qu on doit à la verlu, 
quelque f&cheusc qu'elle soit. 



55. — LE MÊME Ali MÊME. 

A Terdnu, le tî nurs 1740. 

Mon cher Mirabeau, vous me dites mille douceurs sur le 
séjour qui me convient* ; je sens toute l'amitié que vous me 
témoignez sur cela, j'en suis vivement touché. Je ne sais 
pas encore où je passerai l'hiver ; ce sera à Aix, où à Metz; je 
crois que je connais bien les agréments de Paris, mais ils ne 
sont pas faits pour moi. Vous me parlez de la douceur d'y 
vivre, avec quelques amis; je ne crois pas d'en avoir là, pas 
même des connaissances. Je bais le jeu comme la fièvre, et le 
commerce des femmes comme je n'ose pas dire ; celles qui 
pourraient me toucher, ne voudraient seulement pas jeter un 
regard sur moi. Je ne sais s'il vous souvient de m'avoir vu 
en compagnie? Je voudrais, quelquefois, avoir un bras de 
moins, vous comprenez bien pourquoi ^ Il faut pourtant bien 
que je vous dise quelque chose de plaisant, c'est que, dans 
mes distractions, qui ne sont que trop fréquentes, il m'ar- 
rive, parfois, de me représenter à moi-même avec un air de 
finesseg ou de grandeur, ou de majesté, selon la pensée qui 
m'occupe ; je monte là-dessus l'idée de ma figure, et ^, par 
hasard, je rencontre et regarde un miroir, je suis presque 
aussi surpris que si je voyais un cyclope, ou un habitant du 
Tartare ; il me semble que ce n'est pas moi« que je suis dans 
Je corps d'un chien, comme le roi de Babylone ; je crois à la 
transmigration ; enfin, cela me fait comprendre comment la 
plupart des sots, qui s'estiment sans pudeur, se croient aussi 
d'une belle figure, car rien n'est si naturel que de former son 
image sur le sentiment bizarre dont on se trouve rempli'. 

* Cette lettre nipond à celle de Mirabeau, datée du 13 mars. — G» 
s Saoa doute, parce que, à défaut de beauté, un bras perdu à la guenf 
excite, au moins, l'attention et l'inti^H^t. — G. 
5 Voir la Maxime 236'. — G. 



CORRESPONDANCE. 1« 

Dïtes-moî pourquoi je vous conte cela? H n'y à. rien de 
si miaérable que la conclusion ; la voici : c'est que je n'îrài 
point à Paris, cet hiver, et que je n'y puis point aller; je ne 
sais si cette conséquence eist bien ou làal amenée , mais 
c'est ma résolution. Je suis fâché qu'il me soit impossible 
d'être, cet été» en Provence, car j'aurais été vous voir^ e(t je 
vous aurais fait compagnie. Je sUîsbon danalasqlitud6,ou 
excessivement mauvais, car je cause éternellement ;iéj^tit 
chevalier pourra bien vous lé dire. . 

11 vient fort souvent, et il veut bien me témoigner qu'il ne 
s*eDDuie pas avec moi; je lui en sais très-bon gré. J'aîme sa 
raison naissante, et sa jeunesse naïve; la vérité de son es^ 
prity de son cœur, de ses manières, me touche toujours beau- 
coup. Je lui trouve dans l'humeur quelque chose desRiqueti, 
qui n'est point conciliant^ ; mais il a bien envie de se fûre 
estimer ; cela lé corrigera. Je ne manque pasde lui dire qu'on 
n'est guère estimé, quand on n'^st point aimé; il n'y a que 
les ftmes fortes et les esprits supérieurs, c'est-à-dire près- 
que personne, qui tombent dans l'excès contrure, qui est 
d'estimer ce qu'ils haïssent au-^delà de ce qu'il vaut. Là- 
dessus, il me demande comment on se fût aimer : je lui 
dis que c'est en se faisant estimer ; ces deux choses4à» en 
effet,' doivent être toujours unies; on n'estime guère quel- 
qu'un, lorsqu'on ne l'aime pas, et Ton aime médiocrement, 
lorsqu'on estime peu ; mais, comme il ne suffit point, pour 
obtenir l'amitié, d'avoir de la douceur et de la complaisance, 
ce n'est point assez non plus, pour s'attirer de l'estbne, 
d'avoir dés vertus et du génie. Les soins d'un homme qu'on 
méprise sont méprisés comme lui, et le mérite odieux est 
toujours rabaissé, et, souvent, méconnu : l'on n'est donc 
peut--ètre jamais ni aim^able, ni estimable, que l'on ne soit 

• Qufl dommage , disait M** de Pompadour, que tous ces Mirabeau noient 
M mauwttsei tètes I Le marquis dit souTeot, de son côté : Les passUnu très- 
rivet furent toujours calcinées dans notre sang; enfin son fils, le grand or»- 
teur, ^ônte : L'audace et l'appétit de (^impossible est un des earaetèrês dis- 
tinetffs <fe fio^re race,.. Notre nom était, pour tes singularilés tranchantes^ aussi 
noie que relui de Hoquelaure, pour les bons mots. (Voir les Mémoires de Miro' 
beau, y^ voL , pages 57, 77, 80, 205 et 309.) -- G. 



190 COERESPONDANCE» 

l'un et: Tautre à la fois ; du moins, ai l'on n'est qii*eatinia- 
Ue» l'cm est tarement aimé. Il convient de tont cela; je lui 
cite des eiemples et son eipérience propre, et il est de très- 
bonne foi. Je loi fais faire encore une atlentbn, c'est que, 
pour.avnir des soffrages, il ne suffit pas de les mériter, il 
faut les enlever de force; Tbomme qui pense le mieux 
n'obtient pas toujours justice ; il faut qu'il sache se la fûre. 
11 n'y aque deux moyens pour en venir à bout, bien parier 
et bien écrire ; toutes les aifûres du monde, toutes les ea- 
treprises et toutes les passions ne réussissent que par là; 
l'on n'A que ces deux voies pour se faire connidtre, et toutes 
les actions s'y terminent. Un homme qui ne Sfait qu'écrire, 
ne sait rien, et im homme qui ne sait que parler, est sou- 
vent dans l'embarras^ et perd quelquefois le fruit de la 
meilleure conduite, et des plus signalés services. Ce soot 
donc deux talents que l'on doit cultiver ; mais, comme il est 
nécessûre, pour parler et pour écrire, de penser d'abord, 
et de sentir, il faut allier tout cela, former son goût et sa 
raison, pour bien écrire, et apprendre à bien s'exprimer, 
pour produire sa rûson et son goût, pour les mettre en 
usage, et pour les étendre encore ^ 

Quand nous en sommes ventis là, nous descendons aux dé- 
tails et aux exemples familiers : on accuse le chevalier d'être 
un peu trop opiniâtre; je tâche de lui faire entendre qu'eu 
ne soutient son opinion que pour primer, et se faire esti- 
mer, mais qu'-avec l'opiniâtreté, il arrive le contraire de ce 
qu'on ose se promettre; qu'il est bien plus honnête, plus 
poli, pluS'humain, et plus avantageux, de céder à la préven- 
tion des autres, que de les aigrir, de s'en fiùre haïr, et quel- 
quefois mépriser, sans pouvoir s'en faire comprendre : il y a 
même bien des esprits qu'on ne peijsuade qu'en cédant, et, 
quand l'opiniâtreté n'aurait point un effet contraire» il adBt 
qu'eUe soit commune à tous les petits esprits, pour qu'on 
doive en avoir horreur. Ce qui répugne au chevalier, c'est 
qu'il ne comprend pas encore comment on peut accorder la 

1 Voir le 13" Froo$ffe9tt (Sur la vérité et réloqiicncc). — G. 



CORRESPONDANCE. 181 

véiité et;la hauteur avec l'esprit souple et liant : à l'égard de 
la vraie haoteur d' âme« quand elle est à un certain point, peu 
déposes sontde niveau ; elle passe par-dessusi et, maîtresse 
de 80Q action, elle tire avantage et se nourrit de tout ; il n'y 
a que la vanité, la hauteur trop malheureuse, la hauteur sans 
resaeurces, impuissante, accablée^etaussi la hauteur contret- 
faite et sans esprit, qui s'^rissent, se révoltent, et craignent 
de s'abaisser; et pour ce qui est de la vérité, quand elle est 
unie à l'adresse, elle se sauve toujours. Il n'y a rien, assu- 
rément, de si bas et de si inutile que le mensonge ; mais ce 
n'est point par le mensonge que l'on est souple et liant; 
c'est par l'art de mettre au jour les vérités persuasives, et 
de se taire sur les autres. Deux hommes se sont en horreur; 
ne leur dites point qu'ils ont tort, ne condamnez point leur 
uianie, cela les éloignerait ; soyez discret là-dessus ; ne vous 
amusez. pas, non plus, à flatter leur passion, et à les ap- 
prouver tous deux, pour les concilier; cela serait faux et 
méchant, et, s'ils venaient à vous découvrir, vous seriez 
perdu sans ressource ; mais montrez-leur à découvert oom-^ 
bien il leur serait facile de se réunir ; faites-leur voir un ini* 
térët plus grand que celui de leur haine ; ménagez un peu 
leur esprit, ne précipitez point les choses, avancez insensi- 
blement ; vous réussirez assez tét, et vous serez aimé de 
tous deux ; ils vous auront une obligation que vous porte- 
rez au comble, en paraissant l'ignorer. Sur toutes les choses 
de la vie, il me semble que l'on peut avoir la même con^ 
duite, sans se manquer à soi-même ; il n'y a que l'orgueil, 
le caprice, le mépris qui nous éloignent de là ; l'on ne fait rien 
que par la vérité ; mais il faut de la retenue, de la douceur, 
de l'adresset et de la délicatesse ; de toutes les grossièretés, 
le mensonge est la plus vicieuse ; mais toute vérité n'est 
pas simple, ni naïve, etc. » etc. 

Voilà les conversations que j'ai avec votre frère* ; il en- 

1 Ces pages remarqaables donnent ouverture sur le caractèrede Vauvenar- 
gues, sur sa manière de traiter arec les hommes, sur son rôle parmi ses cama- 
rad«s,surlenom dep«redont ils Pappelaient^et elles peuvent servir d'explication, 
Doo seulement à son goût pour la diplomatie, mais aussi à la plupart des idée^i 



m COtlRESPONDANCE. 

tend bien, et la matière est inépuisable; nous la toarnons 
de tous les sens, et puis, nous tombons, tout d'un coup, au 
chapitre de la danse et à celui des révérences, dont nens 
repassons aussi,avec le même soin, toutes les modifiealioDS* 
S'il aimait un peu plus à lire, je le trouverais trop pâr&it; 
mais il faut dire, comme madame de Sévigné du jeune mar- 
quis de Grignan : Sa jeunesse lui fajf du bruU ! Hais ce bruit 
se dissipera, et toutes choses auront leur temps. 

L'histoire de France, que vous lui conseillez, est une lec- 
ture essentielle ; il est honteux de l'ignorer, c'est contre toute 
bienséance; il n'y a qu'une réponse à faire, c'est que cette 
même histoire est extrêmement sèche, qu'elle ne Tamuserait 
point, et vous savez à merveille qu'une lecture qui CMine, 
n'est pas une lecture utile ; tout passe comme suas leayeox 
d'un homme qui rêve ou qui sommeîUt» LorafsH pourra 
saisir ce qu'il y a d'important, la suite du gouvernement, ses 
variations et leur causes, les iotérëto actuels, les droits des 
conditions, leur origine, leurs rapports, leurs fortunes di- 
verses, et les principe» de toutes ces choses, le goût lui eo 
viendra, et il vou» sera facile de l'en instruire vous-même; 
quinze jours de conversations vous suffiront pour cela. On 
pourrait même lui dicter et lui faire écrire à mesure; mais 
il faut commencer, je crois, par lui donner le goût de lire, 
et ne lui mettre dans les mains que des livres qui ont de 
l'intérêt ; par exemple, j'aurais voulu lui donner h^.Vies de 
nutarque, mais elles ne sont point ici. C'est une lecture 
touchante, j'en étais fou à son ftge ; le génie et la vertu oe 
sont nulle part mieux peints ; l'on y peut prendre une tein- 
ture de l'histoire de la Grèce, et même de celle de Rome. 
L'on ne mesure bien, d'ailleurs, la force et l'étendue de l'es- 
prit et du cœur humains que dads ces siècles fortunés ; la 
liberté découvre, jusque dans l'excès du crime, la vraie gran- 
deur de notre âme ^ ; là, la force de la nature brille au sein 

répandues dans ses divers ouvrages. Voir, outre les Muxime», la 37« Réfietion, 
le 7' Conseil à un Jeune homme, et les Caracières 33% 35*, 37' et 39". — G. 

< Voir la Maxime 747« et la note qui s*y rapporte. — G. 



CORRESPONDANCE. 193 

de là corruption ; là, parait la vertu sans bomes, les plaisirs 
sans infamie, l'esprit sans affectation, la hauteur sans vanité, 
les- v|ce8 sans bassesse, et sans déguisement. Pour moi, 
je pleorais de joie, lorsque je lisûs ces Vies ' ; je ne passais 
point de nuit sans parler à Âlcibiade, Âgésilas, et autres; 
j'allais dans la place de Rome, pour haranguer avec les 
Gracqnes, et pour défendre Gat on, quand on loi jetait des 
pierres^. Vous souvenez-vous que, César voulant faire passer 
nne loi trop à l'avantage du peuple, le même Caton voulut 
Tempécher de la proposer, et lui mit la main sur la bouche, . 
pour l'empêcher de parler ? Ces manières d'agir, si con- 
tnûres à nos mœurs, faisaient grande impression sur mot. 
Il me tomba, en même temps, un Sénèque dans les mains, 
je ne dais par quel hasard ; puis, des lettres de Brutus à 
Cicéron, dans le temps 'qu'il était en Grèce, après la mort 
de César : ces lettres sont si rem plies de hauteur, d'élévation , 
de passion, et de courage, qu'il m'était bien impossible de 
les lire de sang-froid ; je mêlûs céd trois lectures, et j'en 
étais si ému, que je ne contenais plus ce qu'elles mettaient 
en moi; j'étouffais, je quittais mes livres, et je sortais 
comme un homme en fureur, pour faire plusieurs fois le 
tour d'une assez longue terrasse *, en courant de toute ma 
force, jusqu'à ce que la lassitude mit fin à la convulsion V 
C'est là ce qui m'a donné cet air de philosophie, qu'on 
dit que je conserve encore, car je devins stoïcien de la meil- 
leure foi du monde, mais stoïcien à lier ; j'aurais voulu qu'il 



< On sait que J.-J. Ronaseau pleurait aussi, eu lisant Plutarque. — G. 

* Rapprochez du 33* Caractère (Horace, ou Ventfiounaste), — G. 

'* U B*8git de la terrasse du ch&teau de Vauvenâi^gues ; ce ch&teau, bâti 
anriio rocher, au pied de la montagne Sainte^Victoire, qui, dans son nom 
même, a retenu le souvenir de la victoire de Mari us sur les Teutons, est, en 
effet, entouré d'une terrasse. — G.' 

* Ici encore, on ne peut se défendre de penser à J.-J. Rousseau, et à ses 
accès d'enthousiasme. Ce n*est pas le seul point de ressemblance c|ue Ton 
pourrait noter entre Vauvenargues et lè philosophe de Genève : M. Emile 
Gliaaiea. a dit avec raison, dans un spirituel et solide travail intitulé lex 
Confemansde Vauvenarguee : • 11 ouvre la carrièrp au sentiment, à rinspi- 
• ration, qui feront la fortune des écrits de Rousseau. > — Voir la Revtie Con- 
temporaine ; livraison du 15 janvier 1857.) — G. 

* 13 



194 CORRESPONDANCE. 

ra'amvàt quelque inf(H:tQiie remarquable, pooridécbirer mes 
entrailles» comme ce fou de Caton» qui fui si fidMe à sa 
secte ^ Je fus deux ans comme cek^ et pins^ je disà mon 
tour, comme Brutus : O vertu / tu ries qt^un finUâme t Ce- 
pendant^ cet aimable stoïcien ^ que sa constante vertu, son 
génie, son bumanilé, son inflexible courage me rendaient 
infiniment cher, m'a fait verser bien des larmes sur la fai- 
blesse de sa mort : c'est une extrême pitié de voir tant de 
vertu, tant de force et de grandeur jl'&me vaincues, en un 
moment, par le plus léger revers, au milieu de tant de res- 
'sources, et de tant de faveurs de la fortune I Mais n- est-ce 
pas une folie que de vous ccmter tout cela, et de prendre ce 
ton lugubre? Vous^allez croire, sûrement, que je veux que 
votre frère devienne un stoïcien, et qu'il se tue, conune 
Caton, ou qu'il lise notre Senèque UAb I n'apprébendez pas 
cela ; je ris, actuellement, de mes vieilles folies, et même 
des folies présentes. Je voudrais bien que cette lettre fût 
assez ridicule pour vous faire rire vous-même; mais je 
crains qu'elle n'ait que ce qui est nécessaire pour vous en- 
nuyer un quart d'heure, car il faut bien cela pour la lire. 
Ce sont vos louanges qui me gâtent* ; il est juste que vous 
en souffriez; d'ailleurs, j'aime beaucoup mieux vous écrire 
rarement, que retenir ma plume, lorsqu'elle est en train 
d*aller ; oela est plus conforme à ma paresse, et phis com- 
mode aussi pour vous. 

Adieu, mon cher Mirabeau; ne répondez rien à ceci; mar- 
quez-moi le temps qu'il fait, plutôt que d'entrer là-dedans. 
Nous serons à Metz, le 7 ou le 8 du mois prochain ; je vous 
écrirai de là avec plus de modération, parce que je -serai 
moins seul, et que j'y trouverai des gens avec qui je pourrai 

> Vinfortune que Vauvenargues souhaitait, ne lai a pas manqué ; mais il 
a fait mieux que de déchirer $e$ entrailles ; il a supporté cette infortmie avec 
tant de constance, que Voltaire a pu dire de lui t « Je Vai (ot^fourt vu le pte* 
a inlortuné de» hommes, et le plus tranquille: » et que Harmonlel a paajoa- 

< ter : « On n'osait être malheureux auprès de lui;... e'éHsU onee ait fii'M 

< apprenait à mourir, • — G. 

< Heureoses louanges, puisqu'elles ont vaincu, à la fin, la réaerre de Van- 
venargues, et Font engagé à quelques confidences ! — G. 



CORRESPONDANCE. 196 

Je ne sus si vous pourrez bien lire mou écriture ; 
mes yeux sont, dans ce moment^ dans un état pitoyable. Je* 
vous embrasse tendrement. 



66. — LE MÊME A SAINT-VINCENS». 

A Terdon, le 27 mars 1740. 

Je me suis flatté longtemps, mon cher ami, que vous me 
feriez réponse, mais je vois bien que c'est à tort, et qu'il 
faut prendre son parti. Je vous avouerai cependant que j'ai 
peine à concevoir, et à porter sans murmure, la longueur de 
votre silence. Vousn*£tes pas, ce me semble, dans une dis- 
sipation qui puisse le justifier ; vous n'êtes pas non plus 
accablé d'écritures, et vous seriez trop paresseux, si c'était 
là votre prétexte. Si ce l'était néanmoins, je ne vous le pas- 
seras pas, et je vous inquiéterais, pour vous corriger d'un 
défaut qui nuit beaucoup à l'amitié, et à la plupart des af- 
faires ; car la moitié des affaires ne se traite que par lettres, 
et toutes les amitiés ont besoin de ce secours, lorsque l'on 
est séparé. Hais je ne pourrai jamais croire que ce soit 
votre paresse qui me fasse tout ce mal; moins encore vous 
soupçonner de vouloir ménager la mienne ; ce soin-là se- 
rait offensant. Il ne se passe point de mois que je n'écrive 
quinze lettres ; c'est trop peu pour me fatiguer, et trop, mon 
cher Saint-Vipcens, pour qu'une lettre de moins me soit un 
soulagement ; je passe sur les liaisons d'intérêt et d'amitié 
qui nous eogagent l'un à l'autre. Quand tout cela ne serait 
point, vous ne pourriez pas penser que ce me fût une fati- 
tigue de vous écrire tous les mois ; voilà donc encore un 
prétexte qui serait bien misérable, et qui montrerait la 

< Dans la lettre précédente, Vauveoai|^ueB conseillait au jeune chevalier 
de liirabeau la vraie hauteur d*âme, qui ne doit se montrer qu*à propos, et 
avec dignité; dans celle-ci, il va en donner lui-même un remarquable eiem^ 
pie. Quand il était sûr de Taffection de Saint-Vinœns, il ne lui en coûtait 
nullement d*ètre son obKfé ; mais il no veut plu» rien devoir à un ami dou- 
teia. — G. 



196 CORRESPONDANCE. 

corde. Mais je me suis aperçu, dès les conHnencements 
même de notre commerce, que vous retardiez vos réponses, 
autant que vous le pouviez ; et, dans le dernier hiver que* 
j'û passé avec vous, il m'avait paru aussi que vous vous 
éloigniez de moi ; mais, comme mon empressement pouvait 
me tromper là-dessus, et me rendre trop difficile, je m'en 
défiai toujours. Depuis, ayant reçu des marques de votre 
amidé, je n'ai pas pu lui faire un crime de mes fau.sses dé- 
licatesses, et, quand vous avez éludé de faire réponse à mes 
lettres, je me suis toujours rassuré sur ses anciens témoi- 
gnages; d'autant mieux, qu'il me semblait que vous n'aviez 
à Aix que moi, et le commissaire L'Enfant, avec qui vous 
eussiez des liaisons plus intimes que ne sont celles du plai- 
sir. Je ne pouvais donc pas comprendre que, n'ayant que 
deux vrais amis, vous en trouvassiez un de trop, parce que 
je ne conçois point qu'il y ait de douceur plus sensible que 
celle de l'amitié. Je n'imagine pas non plus que vous veuil- 
lez ^ me changer pour un autre : vous n'y gagneriez rien, ou 
je suis fort trompé ; car si j'ai quelque mérite, il est de ce 
c6té-là, et c'est m'humilier d'une étrange manière, que de 
me le conte3ter. 

Je ne sais pas cependant si j'aurais eu le courage de 
me plaindre : peut-être j'aurais pris sur moi de me twe 
encore longtemps; mab il m'est venu dans l'esprit qu'il 
n'était pas impossible que Fargent qu'on nous a prêté, dont 
vous répondez tout seul, vous fût devenu nécessaire : rien 
ne serait si naturel. Il y a bien de l'apparence'que madame 
votre mère tira de votre conscience, pendant votre maladie, 
le secret de cette dette ; elle peut souhaiter aussi que je 
rembourse la somme dont vous répondez pour moi ; il n'y 
aurait rien à cela dont je fusse en droit de me plaindre ; 
mais on ne peut pas deviner ; si vous ne m'écrivez point, je 
ne saurai jamais rien, et je n'aurai que l'inquiétude d'iin 
doute désagréable. 

Ce n'était pas mon intention d'aller, cet été, en Provence: 

I n faudrait voulie%; le mot vfuille% o*e8t français qu*à Vimpératil, ~ G. 



I 

I 



. COKRESPONDANCE. 197 

je comptais même, en quelque sorte, d'être encoi*e quinze 
mois absent; il a passé dans ma tête d'aller, dans cet inter* 
valle, faire une course en Angleterre, pour voir cet état flo> 
rissant, pour consulter aussi les plus grands médecins du 
monde sur mes yeux, qui sont fort mauvsds, et sur des in- 
commodités qui inQuent beaucoup sur mon humeur, la- 
quelle est pire que mes yeux. Hais, conune les voyages 
coûtent, et que je suis mal à mon aise, je ne songeais point 
si tôt à m' acquitter avec vous ; je creusais même mon esprit, 
pour trouver encore deux mille francs, comme vous vous 
souvenez bien que je faisais l'année passée. Hais mon pre- 
mier soin, mon plaisir, mon unique inquiétude, c'est de 
satisfûre d'abord à l'amitié, à la reconnaissance ; ainsi, vous 
n'avez qu'à parler, et à dire franchement si votre situation 
et vos dispositions présentes peuvent s'accorder aux mien- 
nes; car cela va devant tout, et je n*ai rien de si cher' que 
de reconnaître, de vaincre, et d'eifacer votre amitié par des 
témoignages sûrs de ma sensibilité. Le voyage d'Angleterre 
n'est qu'un projet fait en l'air, qui ne tient encore h rien, 
car je n'espère presque pas de pouvoir trouver de l'argent. 
Parlez donc, mon cher Saint-Vincens, et que rien ne vous 
retienne : si vous me souhaitez à Aix, je m'y rendrai vers 
la fin du mois d'août ; là, je prendrai des mesures pour 
m'acquitter avec vous; j'espère que je le pourrai, à votre 
retour de la campagne. Répondez-moi là- dessus avec toute 
la confiance et toute la vérité qu'exigent mes sentiments ; 
et, quand vous m'aurez satisfait sur cet article, ne me ca- 
chez point, je vous prie, les raisons de votre silence : estrce 
paresse,est-ce oubli, ou bien quelque autre raison ? Je ne com- 
prends pas la paresse, car, quand on ne se pique pas d'écrire 
nûeux que Voiture, ou que tant de gens d'esprit qui n'ont 
pas ce talent-là; quand on ne veut autre chose que causer, 
se faire entendre, puisque le reste est inutile avec les gens 
qui nous connaissent, et qu'il n'y a que les écoliers qui 
fassent de belles lettres ; quand on sait, dis-je, tout cela, il 
me semble qu'une lettre ne peut pas coûter beaucoup. Ré- 



198 CORRESPONDANCE. 

pondez-moi donc, je vous prie, sans aucun déguilsement; la 
vérité la plus dure vaut toujours mieux que l'arUfice; l'oo 
ne réussit que par elle, Ton ne persuade que par elle, et je 
vous jûme trop d'ailleurSi pour que vous puissiez me trom- 
per. Vous ressaieriez sans fruit, n'en doutez pas, noion cher 
ami ; mais persuadez-vous bien encore, quels que soient 
vos sentiments, que je n'oublierai jamais, ni tout ce que je 
vous dois, ni le prix de votre amitié, ni le désir continuel 
de vous convaincre de la mienne. 

Si vous me faites réponse; adressez-la-moi à Metz, où le 
régiment sera dans une quinzûne de jours. Je vous em- 
brasse de tout mon cœur. 



67. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

Dt PiriSi ce Î9 mars 1740. 

Je vous aurai par morceaux * , mon cher Vauvenargues ; je vous Favau 
promis. 11 y a des choses uniques dans votre lettre, cependant le style 
en est souvent lâche ; mais je ne connais personne qui suive une pensée 
comme vous ; heureuse faculté ! Ton vit sur son fonds, tandis que la col* 
ture des autres n*exerce souvent que la mémoire. 

Le chevalier ne saurait mieux faire que de vous écouter; je doute 
qu^avec toute Tamitiégue j*ai pour lui, je Im* donne jamais à^wm 
bonnes leçons. Ma mère pourtant souhaite bien fort Tavoir cet été, et 
moi aussi; il y a trois ans que nous ne Tavons vu. Mandez-moi si quel- 
que chose Ten pourrait empêcher, car, au fond, son triste emploi ne 
peut lui reprocher le manque d'assiduité. 

Votre spéculation sur la façon dont notre figure se moule sur dos 
idées, est neuve et vraie. Quant au genre de persuasion que vous soufflez 
au chevalier, vous ne réussirez pas, s'il est du même sang que nous : 
votre système est d'arriver aux bonnes fins par la souplesse; le mien est 
d'arriver au bien, droit devant moi, ou par la violence ; de fondre sur 
le mal décidé, de l'épouvanter, et, enfin, de m'éloigner de ce qui n'a 
la force d'être ni l'un ni l'autre. H n'y a pas longtemps qu'en une com- 

« Eo effet, et c*est I&, peut-être, le principal intérêt de ses lettres, HirabesOi 
à force d*insiBtaDce, emporte Vanvenargues pièce à pièce. — G. 



CORRESPONDANCE. 199 

piKDiè» Hue iéame voulut étaler un principe d'exclusion contre lequel 
je «ma révolté; ces gens-là ne voient ordinairement que leurs pareils, 
ou les ^ens véritablement honorés de les voir : je parlai, et bien plus 
doucement qu^on ne s'y attendait; ils vinrent d'eux-mêmes à mon avis, 
et allèrent même plus loin que je n'aurais pu le vouloir. Je sentis, ce 
jour-là,^ que la persuasion est de bien plus d'usage, et qu'il faut même 
avoir, pour en user, plus d'étendue dans l'esprit; mais telle n'est point 
ma nature : on ne peut avoir toutes les parties, et la force et la fer- 
meté sont, de toutes, les plus désirables; quant à l'opiniâtreté, prêchez 
trien le chevalier sur cela ; non pas que l'on s'en corrige totalement ; mais 
c*esl un défaut que l'on ignore fort longtemps, si Ton ne nous en avertit. 
Vous avez raison; les Vite de Plutarque valent bien mieux pour lui 
que toute autre chose ; je crains maintenant, pour moi, ces lectures-là 
comme la foudre, dans le projet forcé de tranquillité que je me suis fait * . 
Adieu, mon cher Vauvenargues; ne faites pas comme moi aujourd'hui, 
n'étranglez point vos lettres; donnez carrière à votre esprit, il va droit I 



58. - VAUVENARGUES A MIRABEAU*. 

A Vprlnn, le 8 ayril 1740. 

Vons avez raison, mon cher Mirabeau, de dire que mon 
style est lâche; il est aussi très-dur; vous ne le dites pas, 
mais je le sens parfaitement, et ne sais pas faire mieux. 

Parlons un peu du chevalier : je ne crois pas que son 
emploi le puisse empêcher d'aller en Provence ; mais je crois 
qu'on pourrait faire mieut que de l'envoyer là-bas. Voici 
sa situation : il y a quatre emplois vacants, et six officiers 
devant lui; de ces six, deux ne comptent point, parce qu'ils 
ont été presque toujours absents, et que la présence décide ; 
s'il vaque donc un autre emploi, votre frère le doit avoir ; 
M. de Biron a promis, je suis sûr qu'il tiendra parole ; et, 
comme il est impossible qu'entre ceci et le moisde septembre, 

< Le marquis, homme i prqftU^ n\ pas plus i^aasi dans celui-là, que dans 
bien d'autres ; sa vie n'a guère été moins agitée que celle de son fils. — G. 
9 Voir la dernière note de la page 183. — G. 



2U0 CORRESPONDAISCE. 

il n'y ait quelque cbangement, je crois que votre frèpe ferait 
bien de l'attendre avec nous. Que ferait-il à Blirabeaa? vous 
le verrez, c'est fort bien, et vous lui donnerez de bonnes 
instructions» mais tout cela, sans pratique et sans exemples 
sensibles; cependant, il en a besoin. Son esprit est raison- 
nable ; mais il est trop nu, trop raide, trop négligé, dans 
tous les sens; il lui faut un peu d'usage et un peu de pa- 
rure. La bonne compagnie lui est fort nécessaire, et c'est 
ce qui lui a manqué^ depuis qu'il est au régiment : sa jeu- 
nesse et ses affaires l'ont mis souvent, dans des auberges, 
avec des jeunes gens peu riches et assez mal élevés, car cela 
est inséparable ; s'il y a quelque chose de bon à apprendre 
dans ce régiment, il n'en a pas été à portée ; ce n'a point 
été sa faute, ni celle de son Mentor, mais celle de sa pen- 
sion, qui n'a pu suffire à tout, quoique trës^bien ménagée, 
et assez considérable. 

Je crois donc qu'il serait bien qu'il nous restât, cet été, 
parce qu'il commence à connaître le monde, et à vivre avec 
tous; je m*imagine qu'il n'y perdrait rien, et qu'il pour- 
rait y gagner. Lorsque l'automne viendra, vous le pourriez 
rappeler, et ie mettre à l'académie ' ; il y entrerait au mois 
d'octobre, et y passerait l'hiver; vous serez alors à Paris; 
vous le verriez, vous l'instruiriez, vous lui procureriez des 
connaissances ; cela le formerait beaucoup, et lui donnerait 
ces dehors qui plaisent tant dans le monde. 11 a trop de bon 
sens et trop de naturel, pour se coiffer de la sottise des 
jeunes gens de Paris, pour prendre leur vanité, leurs ridi- 
cules, leurs airs, leur folle dissipation ' ; mais il est bon 
qu'il les connaisse, qu'il vive un peu avec eux, pour qu'il 
apprenne à se défendre de leur ascendant naturel, à humi- 
lier leur orgueil, à saisir leurs misères, à travers leurs belles 
paroles et leurs belles manières. Si tous les hommes. étaient 



I On appelait alort» académie»^ des écoles où lofi Jeunes gens allaient ap- 
prendre l'équitation, Tescrimc, la danse, et les différents exercices da corps. 
- G. 

* Rapprochez du 8" Caractère. — G. 



CORRESPONDANCE. 201 

aagss, ou qu'on ne voulût plaire qu'à la sagesse, qu'on n'eût 
jamaÎB besoin de la folie, et que tout ce qui n'est pas sage 
n'eût rien d'aimable ni de bon, il n'y aurait qu'à former son 
cœur, et à se rendre raisonnable, dans le particulier ; mais, 
quand on veut passer sa vie dans le monde, lui plaire, 
réussir, et qu'on sait que le monde est rempli d'ignorants, 
desots, de gens ridicules, alors ce n'est pas assez d'avoir, 
à part soi, beaucoup de raison ; il faut s'armer de toutes 
pièces, et tâcher d'écrémer tous ces esprits légers, prendre 
ce qu'ils ont de spécieux, pour leur ôter leurs avantages, 
familiariser avec leurs vices et leur folie, afin de savoir s'en 
servir, s'en prévaloir, ou s'en défendre, au lieu de fuir, de 
gronder, ou de se laisser éblouir. 

Il y a une réflexion à faire pour le chevalier, c'est la 
dépense; mab, si vous m'approuvez d'ailleurs, je crois 
que cette réflexion ne peut vous retenir : cent piistoles au- 
delà de sa pension, que madame votre mère et vous pouvez 
lui donner ou lui prêter, feraient ce que je vous propose, 
et, quand il aurait passé ces six mois-là à Paris, il revien- 
drait au régiment, où il serait tout l'été, et l'hiver, à Âix, 
avec M"* votre mère. Tant qu'il serait académiste, je vou- 
drais qu'il fût pensionnaire, sans quoi il vous serait à charge, 
et vous embarrasserait; à son retour, il serait assez vieux, et 
assez instruitdu monde, pourvoir celui de Provence, et pour 
briUoter à Âix. Là, lecommerce des femmes pourrait lui être 
fort utile, etcela le romprait beaucoup; ilirait ensuiteàlfalte, 
et ferait ses caravanes '. Que vous semble de cette idée ? 

Quand on veut vivre dans le monde, je crois qu'il y faut 
entrer le plus tôt qu'on peut; lorsqu'on y arrive trop tard, 
on est gauche et ridicule ; l'on a peine à réussir ; cela dé- 
goûte et décourage; on fuit la bonne compagnie, ou Ton y 

< Campagnes sor mer, au nombre de quatre, que les Jeunes chevaliers .de 
Malte étaient tenus défaire, contre les Turcset les Barbaresques, pour se mettre 
en passe des commanderiea et des emplois supérieurs de leur ordre. Ces expé- 
ditions étant, le plus souvent, pour ces Jeunes gem, une occasion de Uoenoe, 
on comprend que l'expression faire m caravanes ait reçu un sens défavorable, 
et se dise d*un Jeune homme qui m(?ne une vie folle et dissipée. — G. 



202 CORRESPONDANCE. 

souffre beitueoup, et l'on se ressent, Umte sa ne, âTim 
mauvais commencement Le cbevdier n'est pmnt un phi- 
losophe ; il ne faut pas qu'il le devienne malgré kU, ef 
qu'il joue un rôle forcé. Vous ne sauriez, pe me seinble, 
lui rendre un meilleur service que de déranger son revenu, 
s'il était nécessaire, pour poKr son esprit, ses manières, et 
son air ; il y a bien des occasions où l'économie peut nuire; 
ce n'est plus alors conduite ni sagesse ; c'est défaut de pré- 
voyance, et petitesse \ Vous savez tout ce (}ue jedis là cent 
mille fois mieux que moi ; mais il faut que je vous parle, 
et que je me satisfasse : si vous envoyez, cet été, votre frère 
à Mirabeau, la chasse l'absorbera, et il n'aura plus ni grâce, 
ni maintien, ni assurance ; il passera l'hiver à Aix, et n'aura 
point assez de monde pour tirer aucun avantage de celui 
qu'il y verra, et, au sortir delà, à Halte, où il achèvera de se 
gâter ; au lieu qu'en suivant ma pensée, il sera déjà trop 
formé, quand il fera ses caravanes, pour humer le mauvais 
air de messieurs ses camarades. 

Voilà une terrible causerie; je n'ai pas encore tout dit; 
mais je ne puis continuer, car mes yeux sont dans un triste 
état; j'achèverai par le premier courrier, s'ils veulent me 
le pemiettre ; vous pourrez toujours, sur ceci, prendre votre 
résolution. Adieu, mon cher Mirabeau: je vous suis fort 
obligé de toutes vos amitiés, et de toutes vos louanges, que 
je ne mérite pas. Je crois que je serai forcé de passer l'hiver 
à Aix; mes parents le veulent ahisi. Il m'avait roulé dans 
l'esprit de le passer en Angleterre, et pour voir ce peuple 
heureux, et pour consulter sur mes yeux et sur mes incom- 
modités, qui me rendent la vie pénible; c'est le pays des 
grands médecins, et la dissipation aurait pu m'ètre bonne; 
mais je ne songe plus à tout cela, et je vous embrasse de 
tout mon cœur. 

'Que ce que je vous dis sur votre frère ne passe point, 
je vous prie, en Provence, parce que celaferait une cascade, 

< nsp]>rocbez de» Muimo 51' et 7A2*. -« Voir aussi le 28* Caractère 
(VartK, cfu 1ù Lihérafité). — G. 



CORRESPONDANCE. âf» 

et pourrait revemr à M. de Meyronnet, avec qui jô ne suis 
pas bien, et qui se figurerait que j'improuve sa condutte 
passée à Fëgard du chevalier^ au sujet des mauvaises au- 
berges. 



59. — MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Paris, ce U iTril 1740. 

Je VOUS suis bien obligé, mon cher Vauvenargues, de la bonté que 
avez de vous intéresser à ce qui regarde mon frère ; une preuve de ma 
confiance, c^est que je raisonne avec vous ; je n^en fais pas de même avec 
tout le monde. 

Vos idées sont l)OBnes, d^un côté ; mais ce n^est pas celui que je veux 
donner à mon frère; je ne suis pas embarrassé quMl n*ait Pair d'un 
homme de condition, et c^est tout ce que je lui demande; quant à ce 
* clinquant du monde, auquel vous prétendez qu^il faut s'apprivoiser, 
pour n'en être pas ébloui, Je suis persuadé quMi nous entraîne et nous 
ofiuflqne, quand nous débutons par-là; nous ne connaissons, ni ne vou- 
ions connaître antre chose, et adieu ! Je n'espère pas faire de mon frère 
un horame parfait ; il faut donc se tourner du meilleur èôté : c'est, sans 
contredit, celui de Thonnéte homme; tout le monde Test, ims non pas 
selon moi. 

Il n'est point en nous de principes innés; le foyer paternel en donne 
quelques-uns, mais que sont-ils, sans connaissances? Rien! Mon frère 
a eu moins d'éducation que nous, mais il est dans l'âge d'apprendre, ou 
jamais; mon idée est ^onc de lui rendre ce que m'ont prêté deux amis, 
& qui je dois tout, jusqu'à mes pgncipes de probité (car il faut s'en faire ; 
autrement, H n'y a ni vices ni vertas, comme disait le Régent), de le 
mettre, dis-je, à roénie de prendre une connaissance de l'histoire, 
poar qu'il puisse juger de l'absurde de ce qui l'environne; et qu'enfin, il 
parte pour Malte, se regardant comme cosmopolite, et au^essus de la 
force inutile de son pays, qui en caractérise si bien le néant Quant au 
monde, il saura ensuite s'en passer, et vivre avec lui-même, avoir un 
caractère et une allure en propre, sans se livrer sans cesse à la der- 
nière impression. Voilà mon dessein sur lui; je l'aune, jusqu'à présent, 
de droit, et je lui dois ces soins; s'il n'y répond pas, je sais qu'il est en 
âge de commencer à avoir des volontés, et, pourvu qu'il ne s'écarle 
point des lois de l'honneur, je suis certain que je n'aurai rien à lui 



204 CORRESPONDANCE. 

dire; mds j'aurai fait mon devoir, et la nature, en m» donnant an 
cœur compatissant et droit, me l*a aussi donné peu faible du cdfé de 
la tendresse ', et aisé à détacher, dont je la remercie l Quant à son 
emploi, j'ai voulu l'occuper, et non l'enchaîner, et si, au bout d'une 
carrière de trente années, l'on ne voit pour récompense que ce qu'ont 
deux mille poiloux^, je ne conseillerai jamais la patience; enfini, une 
raison qui doit le déterminer, c'est que sa mère le demande. Voilà, moD 
cher ami, ce qui s'appelle répondre bien sèchement; la brièveté en- 
traîne, d'ordinaire, cet inconvénient; n'en faites pas de même; conti- 
nuez-lui vos bontés, et aime^moi I 



dO.—VAUVEN ARGUES A SAINT-VINCENS. 

A MeU, le i3 aTril 1740. 

J'ai reçu vos deux lettres, mon cher Saint-Yincens, par 
le même ordinaire, et si tu voulab dire la vérité, tu con- 
viendrais qu'elles ont été écrites le même jour. Ce soin de 
t'excuser légèrement sur ton silence, de me dire des nou- 
velles, de me parler du grand froid, de dire un mot de L'En- 
fant, et des soirées que mes yeux t'auraient données dans 
ma chambre, tous ces traits-là, et beaucoup d'autres, qui 
sont dans ta première lettre, paraissent faits pour prévenir 
la mienne. Je vois que tu es grand orateur ; mais je te sais 
très-bon gré de t'ëtre donné cette peine, pour rassurer mon 
esprit ; et, comme je suis défiant Quelquefois jusqu'à l'excès, 
je soupçonne fort souvent jusqu'à mes défiances; et enfin, 
après bien des subtilités, je ne sais plus du tout que croire; 
en sorte que je doute encore ». je ne me trompe point au 
sujet de cette lettre. Du moins ne douté ge pas des offres 
que tu me fais au sujet de mon voyage* : je suis persuadé 

* Le marquis ne Ta que trop prouvé, particuUèrement à l'égard de §00 iUs 
aloé. — G. 

* Tenne populaire, et à peu près inusité, qui signifie homme de rien. 
- G. 

s Voir la 56« lettre. - G. 



CORRESPONDANCE. »5 

qu'elles -sont sincères, qae je pourrais, sans bassesse, les 
accepter, et que tu m'aimes assez pour qu'il. me soit diffi- 
cile d'abuser de ton amitié; mais j'ai fait espérer dans ma 
ramitlé mon retour pour le mois d'août; et j'aurais' bien de' 
la peine à leur faire approuver le reste. Mais je ne saurais 
trop te répéter combien je suis reconnaissant et touché de 
ton amitié, et de la manière dont elle s'exprime : je n'ai 
jamais vu, ce me semble, de lettres si naturelles, si pré- 
cises, si clairesy si faciles que les tiennes , et si pleines de 
sentiment Je pourrais te (Kre cela d'une manière plus po- 
lie, mais tu croirais que c'est un compliment, et ce n'en 
est point un. 

D'où vient que tu ne me dis pas quelle sorte de travail 
l'occupe pendant quatre heures, sans aucune interruption ? 
J'ai peur que ce ne soit le droit, et que cette étude aride ne 
te fasse négliger celle des belles-lettres ; tu ne sais pas jus- 
qu'à quel point tu aurais pu \ réussir; nous en parlerons 
r hiver prochain . Tu croiras que je dis cela pour te regagner; 
ce n'est pas mon intention ; mais si tu sais quelque moyen 
de t'adoucir à mon égard, tu me feras grand plaisir de me 
l'indiquer ; car il n'y a rien que je ne fasse, pour effacer 
l'aigreur que tu crois avoir vue dans la chaleur de mes re- 
proches. Je te supplie, du moins, de croire qu'en t' offrant, 
comme j'ai fait, de m'acquitter avec toi, je n'ai jamais été 
fâché un seul moment de te devoir * : Dieu m'a donné, pour 
mon supplice, une vanité sans bornes, et une hauteur ri- 
dicule, par rapport à ma fortune; mais je ne suis pas assez 
sot pour la placer aussi mal. J'ai toujours regardé comme 
un bien d'avoir des marques indubitables de ton amitié ; bien 
loin qu'eUes m'aient été à charge pendant ces froideurs ap- 
parentes, elles m'en ont consolé; et je m'estimerais heureux 
de trouver cette ressource contre mes tristes jK>upçons. Je 
te jure, mon cher Saint-Vincens, que je dis vrai ; ne me 
fais point l'injustice de douter de ce sentiment; ce serait 

* Voir la note de la page 105. -- G. 



206 CORRESPONDàNCE. 

trop me pannr, et tu dois tout oublier; je te le demandeà 
genoux, et t'embrssse de tout moa cœur. 

Mâode^moi s'il est nécessaire de mettre au-dessus de tes 
lettres If. de Samt-Vincens fib; j'ai tant de peur qu'elles ne 
tombent dans les mains de IL votre père, que je ne crois 
pas qu'on puisse prendre trop de précautions. 



61. ~ LE MÊME A MIRABEAU. 

A MeU, le 10 nui 1740. 

J'attendais, mon cher Mirabeau, d'avoir votre réponse à 
ma dernière lettre, pour vous donner de mes nouvelles. 
Celle que vous m'écrivez, au sujet de votre frère, ne souffre 
point de réplique ; vous y êtes trop décidé ; cela me ferme 
la bouche. J'aurais pourtant J^ien à répondre, si je voulais 
entrer en matière, et j'ai la vanité de croire qu'unç heure 
de conversation nous réunirait là-deasus ; mais je ne puis 
pas vous écrire tout ce que je vous diriûs, et j'aime mieux 
ne souffler mot, que de ne parler qu'à moitié. 

Je sus bien ce qui nous sépare au sujet du chevalier : 
la raison et la probité vous sont aussi chères qu'à mcH ; vous 
êtes persuadé qu'elles peuvent suffire au bonheur de tous les 
hommes, et j'y mets quelques exceptions; vous croyes qu'il 
dépend de nous de nous former un caractère, et vous ne 
donnez qu'une route et qu'un objet à tous les esprits ; moi, 
je voudrais que chacun se mesurât à ses forces, que l'on 
consultât son génie, qu'on s'étndiât à l'étendre, à l'orner, 
à l'embellir, bien loin de le contraindre ou de l'abandonnen 
Je suis fortement persui^é que ce qu'il y a de meilleur n'est 
pas fait peut tous les hommes, et qu'au-dessous de ce 
degré, l'on en peut trouver d'estimables, 'd'aimables, de 
raisonnables. Du reste, le chevalier s'abandonne à^^oe con- 
seils ; il n'en prendra jamais d'autres, et ne peut faire mieux ; 
je voudras seulement en lui des volontés plus décidées, et 



. ÇORRfiSPONDANGE. 207 

que ce fût sa raison qai le soamlt à vos vues ; mais tout cela 
peut venir. Je ne le vois presque plua« depuis que nous 
sommes ici, et je ne sais trop pourquoi ; je le lui deman- 
derai. L'on me parle souvent de lui dans lès meilleurs termes 
du monde; cela me fait très-grand plaisir; M. de Biron lui 
promet une des quatre lieutenances qui vaquent depuis cet 
hiwr ; je suis persuadé qu'il l'aura. 

H. le Régent avait tort de n'admettre ni vices ni vertus; 
mais il faudrait savoir comment il l'entendait ; il est difficile 
decroire qu'un homme d'autant d'esprit se soit trompé sur 
un point d'une si grande importance. Nous n'wms foini 
dé principes innés; je vous accorde cela ; mais nous avons 
des sentiments qui ne sont point réfléchis, ni acquis, et qui 
se forment avec nous. Parmi ces sentiments, il y en a quel- 
ques-uns qui sont d'un prix infini aux yeux de toute la 
terre, qui peuvent faire le bonheur et la joie de tous les 
hommes ; il est question de savoir si ces sentimentsrlà valent 
mieux que les autres, et si M. le Régent en a manqué dans 
sa vie, ou s'ilaparu« au contraire, qu'il était au-dessus des 
vertus ennuyeuses, qui ne comprennent point les autres; car 
rien n'edt plus ordinaire, parmi les vertus communes, que 
le mépris insolent des vertus trop supérieures, lorsqu'elles 
sont mêlées de taches * ; mais les hommes d'un esprit indé- 
pendant prennent la liberté de rire de ces graves décisions, 
et ils poussent l'impudence jusqu'à voir, dans certains vices, 
la véritable grandeur d'âme et un génie éminent. Je ne sais 
pas si vous verrez clair dans ma pensée ; pour moi, je com- 
prends bien la vôtre sur l'inanité française : comme per- 
sonne dans le monde n'a l'esprit moins français que moi, 
je trouverai toujours très-bon le mal que vous voudrez 
m'en dire ; mais je suis fâché que vous ne vouliez pas me 
croire au sujet du chevalier, et vous en reviendrez un jour. 
Adieu, mon cher Mirabeau. 

I Voir la Maxime 287e et la 2* variante de la 286^ — G. 



208 CORRESPONDANCE. 



62, -- MIRABEAU A VAUVENARGUES. 

De Par», ce 25 mai 1740. 

« « 

Vous raisonnez tout seul, mon cher Vauvenai^es, malheur très- 
commun à ceux qui s'en mêlent en France, et il y parait Vos préja- 
gés sont des principes fondamentaux, dans Tinstant où vous les adoptez ; 
il est vrai que votre talent pour saisir et soutenir également le pour et 
le contre, détruit bientôt vos premiers autels, pour en élever d^autres. 
Ne vous en déplaise, je crois que, si vous eussiez été prince, vous au- 
riez pu, comme le Régent, quand on lui montra son épitaphe : 

Ci-glt Philippe de Bourbon, 
Petit prince, et grand fripon, 

dire : — Pavte pimr ie dernier ^ mais F autre ne sera jamais! A œ pro- 
pos, mon cher, une preuve certaine que vous êtes un peu bardé *, c'est 
que vous mettiez en doute que le Régent ait cru qu'il n'y avait, en tota- 
lité, ni vices ni vertus : il Ta dit mille fois; mais, dès que vous 
donnez des modifications à ses propos, jugeons par ses actions. Son phis 
grand plaisir était quand il avait démasqué un prétendu vertueux, et 
Ton sait quel fut son triomphe, quand il eut montré le faible du Chan- 
celier, et du cardinal de Noailles; il disait hautement que tes biens 
étaient au plus adroit, et qu'il était égal à l^tat que moi, ou mon la- 
quais, fussions dans mon carrosse, principe absolument faux, et que je 
démontrerais tel tout à Theure, si je n'avais pas peur de vous ennuyer 
de la dissertation '. Mais, sans entrer dan^ ces détails, un homme qui. 
à la tète d'un État, tient de pareils propos, ne tend-il pas à renverser 
toute idée de probité? Prenez que ce soit un préjugé; les égarements 
de notre esprit, quand il se retourne uniquement sur ses propres lu- 
mières, peuvent admettre cet absurde principe * ; mais, en l'accordante 
pour ne point s'écarter, il reste toujours que ce préjugé est l'unique 
bien de la société; et, par conséquent, celui qui gégne le plus à cette 



< C'est-à-dire, sans doute, timhré, toqué ^ aucun dictionnaire ne donne ce 
mot dans cette acception. — G. 

* Ce scrupule du marquis est regrettable ; il eût été piquant de le voir tfê- 
montrer comment il importail à VÉtai qu*il fftt dans un carrosse, plutôt que 
son laquais. — G. 

s Labmrde principe, dont parle Mirabeau, c'est, sans doute, celui de Téga- 
lité entre le maître et le serviteur. — G. 



CORRESPONDANCE. 209 

flodélé doit être le plwfeniieBoatieii de ce qui en fdt le fondement Je 
ne sais si œ raisonnement est faux^; mais je vous afiOrme yrais les faits 
sur lesquels il est fondé : f ai beaucoup vécu avec de ses intimes» et qui 
lui étaient fort attachés, comme tous ceux qui Pont véritablement 
connu; il avait un grand génie, U est vrai; mais, plus vous verrez, plus 
vous sentirez que cette qualité, loin d^entralner la justesse, en est pres- 
que toujours séparée; ce génie lui fit presque tout le mal qu'il lui put 
faire, et très-peu ou point de bien. Il avait, dans le caractère, la plus 
énorme facilité; lui qui était fait pour dominer les autres, se laissa en- 
traîner à tout; il avait un roué ' auprès de lui qui ne lui fit jamais voir 
que ses semblables; une espèce de malaise, que les mystiques appellent 
remords, lui fit chercher dans les autres la même corruption qu'il trou- 
vdit en lui; malheureusement, pouvant tout sur Tesprit et sur Tin- 
térèt des hommes, rien ne le détrompa. Il pensa juste qu'il n'y avait 
ni diable ni enfer; — est-ce un grand effort? mais il pensa faux que 
cela seul doit être le frein des passions. Il renversa tout Tordre reçu ; 
rinoeste et la crapule, la friponnerie et l'impiété, rien ne l'arrêta; et, 
comme tout se moule sur le souverain, il a introduit ce monstrueux 
oubli des bienséances qui sera, je crois, l'époque de la décadence de 
cet État; car l'on ne revient jamais aux mœurs, quand une fois on les 
a perdues. Plusieurs autres, avant lui, avaient pensé que la plupart des 
objets du vulgaire étaient des fantômes, mais nul ne l'avait affiché, 
pensant qu'ils n'étaient pas eux-mêmes autre chose, et qu'il faut gou- 
verner la faiblesse des hommes, pour mettre leur force à profit Mais je 
me livre à mes idées, sans penser qu'elles peuvent vous être fort in- 
différentes. 

Sur les relations que l'on m'a faites de mon frère, et sur ce que j'en 
ai dévoilé autrefois, j'ai imaginé qu'il était, à quelque chose près, du 
même caractère que nous; si cela n'est pas, il pourra se retourner. à sa 
iantaiBie; mais si cela est, et si mes idées sont justes sur le plus que je 
veux lui donner, je sais combien j'ai vacillé avant d'être au but, et com- 
bien,, malgré tous mes écarts, j'ai toujours été obligé de dire : 

« Chasses le naturel, il revient aa galop^ » 
Du reste, il est bien jeune, et U aura le temps d'opter. Adieu donc, ^lon 

I Si le raiwnnement n'ett pai faux, il n*est pas clair. Mirabeau veut dire 
que le Régent, qui gagnait le plus à la société de son temps, puisqu'il la gou- 
Temait, deraît être le plus ferme soutien de la distinction des ordres et des 
personnes, qui faisait le fondement de cette société. — G. 

s Le cardinal Dubois. — G. 

* 14 



210 CORRESPONDANCE. 

cher Vanvenargnes; il faut être lieateBanl du roi, ou miyor de plaee S 
pour espérer le pWair de voua voir. 



ÔS. ~ VAUVENARGUES A MIRABEAU. 

Je aupportaîe imjMUiemment votre âlence» mon cher Mîra- 
beau, lorsque j'ai reçu votre lettre ; msàs je n'en suis pas 
satisfait; vous ne répondez pas un mot à tout ce que je 
vous mandais sur la sévérité ; c'est, cependant, sur quoi je 
voulais vos lumières, et vous me parlez du Régent, qui ne 
reviendra jamais au monde, et qui ne peut plus rien sur 
nousl Quelque opinion qu'il ait tenue, aviez-vous donc trop 
h dire sur le reste 7 Trouvez-vous trop de distance entre vos 
principes et les miens? est-ce paresse de parler, ou crainte 
d'être trop dur? vous m'auriez, pourtant, fait plaisir de me 
dire vos sentiments ; je ne crains point la vérité dans la 
bouche de l'amitié, quelque fâcheuse qu'elle soit; je rahne, 
j'en fais mon étude, et, si je suivais ses conseils autant que 
j'aime à les entendre, je vaudrais mieux que je ne vaux. 

J'ai été tant soit peu surpris de votre idée sur la justesse. 
Quoi I vous croyez que rarement elle est parmi les grands 
génies I J'aurais souhaité que vous m'expliquassiez com- 
ment vous entendez cela. Manquent-ils dans les principes, 
ou dans le rûsonnement, ces esprits dont vous parlez? Je 
crois concevoir à merveille conunent les hommes supérieurs 
veulent assujettir jusqu'à la raison ; la violence de leurs pas- 
sions veut soumettre la vérité elle-même, et la vérité» dé* 
laissée, mal expliquée, mal dëfenduOi ne succonobe que trop 
souvent. L'orgueil, l'intérêt, le plsdsir, l'avidité de con- 
naître, l'impatience du travail, l'impétuosité du génie, 

> Les ?illB8 de guerre, comme Uetz, où Vauvenargues tenait alors gamisoa, 
^^ient commandées par des officiers sapérieurs, appelés LieutenëtUt-dt^Rioê 
ou Majors déplace; Mirabeau exprime donc, dans cette phrase, na regret 
obligeant, celui de voir son ami retenu, si long-temps, en proTince. — G. 



CORRESPONDANCE. 211 

Famour des grandeurs, les affaires, traînent les hommes 
dans des erreurs infinies ; trop ambitieux de savoir, ils par- 
courent trop d'objets; ils ne sauraient les creuser tous; 
mais, sûsis de la nouveauté et de l'éclat de leurs idées, la 
hardiesse de leur cœur passe bientôt dans leur jugement, 
et leurs décisions audacieuses flattent, avec trop d'empire 
pour qu'ils y résistent, leur goût pour l'indépendance; dles 
leur sont d'autant plus chères, qu'elles leur appartiennent 
en propre ; d'où suit, très-ordinairement, que l'on est bien 
plus opiniâtre dans l'illusion qu'on a créée soi-même, que 
dans le vrai, qui n'appartient en propre à personne ; l'an- 
tique vérité trop familière et trop connue, nous intéresse 
beaucoup moins que l'erreur qui nous appartient Mais ce 
qui sert, à mon avis, à confirmer l'égarement des hommes 
dont nous parlons, c'est la justesse des conséquences qu'ils 
tirent d'un principe faux ; voilà ce qui fait l'illusion ; aussi 
je suis bien loin de croire qu'ils n'aient pas l'esprit consé- 
quent Leurs erreurs sont aussi hardies^ aussi puissantes, 
aussi fortes, aussi extrêmes que leur passions, et cela est 
naturel ; mais elles tirent une partie de leur force de la jus- 
tesse de leur esprit, qui donne un ordre, une suite, et des 
proportions admirables, à des idées que des esprits vulgûres 
ne pourraient jamais allier, parce qu'ils ne sauraient en 
trouver les rapports. Que si ceux-ci, cependant, paraissent 
plus attachés à la vérité, c'est parce qu'ils n'osent braver 
la coutume, ou les droits de l'éducation ; ils servent la vé- 
rité sans connaître son étendue, et faute d'avoir assez 
d'idées pour la combattre, ou pour autoriser Terreur; leur 
conduite et leurs opinions sont pleines de justesse, parce 
qu'ils agissent sans discuter ; mais leurs raisonnements se- 
raient faux, s'ils se mêlaient de raisonner ; tout au contraire 
pour les autres ; leurs raisonnements seraient justes en- 
core, leur première idée étant fausse. Ainsi, les premiers 
agissent bien, parce qu'ils ne pensent rien que de simple et de 
connu ; et les grands génies agissent souvent mid, parce 
qu'ils ne pensent rien de simple et de trivial. Hais, lors- 



212 CORRESPONDANCE. 

que la profondeur, retendue, la nouveauté, et la niultipli* 
cité de leurs idées les confond et les égare, leur en peut-on 
faire un crime, et croyez-vous que leur esprit soit entière- 
ment sans justesse ? Celle que l'on voit briller dans les 
lettres de. Pascal, et qui fait, certûnement, un des prind- 
pauz caractères de son génie et de son éloquence, ne Ta pas 
sauvé peut-être de bien des principes faux ; un homme sans 
religion pourrait vous citer encore le grand évèque de 
Meaux, et le Père Bourdaloue, qui ne sont pas non plus, 
peut-être, san^ erreurs ; mais il serait insupportable et de 
la dernière injustice de leur refuser Tesprit juste, quand 
même ils se seraient trompés sur une infinité d'objets. 

Je vous donnerais des exemples plus frappants encore 
que ceux-là, et des raisons plus convaincantes, si je voulais 
approfondir ; mais cela est déjà beaucoup trop, car je suis 
persuadé que nous pensons de même; il n'y a qu'à nous 
expliquer. Je me suis toujours figuré que si nous étions à 
portée d'avoir quelques conversations, nous conviendrions 
bientôt de tout, et que nos disputes tomberaient bien vite; 
mais ce plaisir est encore bien loin de moi, et il semble s'é- 
loigner toujours. Je compte passer à Paris, dans le mois 
de juillet, ou dans le mois d'août ; vous serez alors en Pro- 
vence, et j'en serai bien fâché; car je ne compte pas y être 
plus d'un mois, et je me rendrai à Aix, vers la fin du mois 
de septembre, c'est-à-dire lorsque vous en partirez. — 
Pourquoi, me direz-vous, être à Paris si peu de temps 7 — 
C'est que j'y vais uniquement pour consulter sur mes yeux, 
et sur d'autres infirmités qui me rendent la vie amère. Han- 
dez-moi votre adresse, je vous prie, lorsque vous serez en 
Provence; irez-vous droit à Mirabeau? Vous y trouverez 
votre frère ; rien ne l'aijête plus ici, car il est lieutenant, 
et il a un congé ; il n'attend plus que M. de Biron. J'espère 
que vous serez très-content de lui ; mais s'il ne répondait 
pas tout à fait à votre idée, j'espère encore que vous réflé- 
chirez sur sa grande jeunesse, et que vous lui donnerez des 
soins proportionnés à son ftge et à sa capacité, au lieu de 



CORRESPONDANCE. 213 

ràbandonnei' à sa propre fantaisie» comme vous me le mar- 
quez. C'est une chose ridicule à Texcës, que je vous le re- 
commande ; cependant votre amitié peut rendre cela sup- 
portable; voyez combien je me flatte I Adieu, mon cher 
Mirabeau. 



64. — LE MÊME A SAINT-VINCENS. 

AMeU,le4jnint740. 

Je suis persuadé, mon cher Saint-Vincens, de la sincé^ 
rite de tes ofires ; elles me touchent aussi très-véritablement. 
Comme je ne suis point aimable, j'ai peine à me croire aimé; 
cela jette quelquefois des ombres dans mon esprit ; mais la 
naïveté de tes paroles les écarte et les dissipe. Je suis charmé 
que tu sentes aussi la vérité de mon amitié ; tu ne pourrais 
pas, du moins, si tu ne la sentais pas, me dire rien de plus 
agréable 3 mais pourquoi en douterais-tu 7 tout sert à t'en 
assurer. 

Je songe, avec bien du plaisir, à celui que j'aurai de te 
voir cet hiver; j'espère, mon cher Saint-Vincens, que rien 
ne m'en distrûra : je profiterai des moments que je pourrai 
passer avec toi ; il me semble que nous ne nous serons jamais 
assez vus, ni bien connus. Il est vrai que je ne renonce point 
à l'Angleterre ; je n'achèverai pas ma vie, si je puis, sans 
l'avoir vue ; cependant le goût des voyages ne me possède 
plus tant; la fatigue, la dépense, l'ignorance des langues, 
et bien d'autres pensées, me refroidissent tous les jours. Ce 
que tu me mandes de M. Bristol lui fait beaucoup d'hon- 
neur, mais, tes réflexions sont fort bonnes : cela en fût aussi 
à sa patrie, et l'on n'en use point ainsi en France. 11 y a ici 
beaucoup de Provençaux; l'on écrit à M. de Bras que 
l'église des Grands-Carmes s'est écroulée soudainement. Ce 
temple avait été bien profané ; si ses ruines eussent englouti 
les gens de la belle- messe ^^ cela viendrait bien à propos; 

* L'église des Grand»-€anne8, à Âix, avait été bâtie en 1359 ; il n'en reste, 



214 CORRESPONDANCE. 

car il y a bien da temps qu'on n'a vu de miracle, et celoi-d 
serait fort bon; mais les choses n'arrivent pas toujoars 
comme elles devraient arriver. Cela ne te ehoque-t-il pas* ? 
Adieu, mon cher Saint- Vincens, je t'embrasse de tout mon 
cœur ; les sentiments que j'ai pour toi ne finiront qu'avec 
ma vie. 



65. — MIRABEAU A VAUVENARGUEa 

D'Ail, ce 8 juillet 1740. 

Votre lettre, mon cher Vauvenargues, me trouva sur le point de moD 
départ, comme fera peut-être celle-ci, à votre égard. Je fus à la cam- 
pagne, d'abord, m'occuper de choses trop sèches, pour que je pusse 
me hasarder à vous répondre, ayant alors les organes tendus vers un 
mécanisme insupportable ; de là, je suis venu ici ; il y a cinq jours que 
j'y suis arrivé. Vous connaissez les bienséances du pays, et conunent on 
pauvre arrivant est obligé de tirer et de parer* sans relâche; enfin, 
mon premier moment est pour vous; je veux me dérouiller; p^-ètre 
vous apercevrez-vous que j^en ai besoin. 

Vous prétendez que j'ai tort, en disant que la justesse et le génie sont 
rarement placés par la nature dans le même individu; et, pour prouver 
le contraire, vous dites que souvent un génie, égaré dans son imndpe, 
en tire des conséquences justes; effort de Tesprit humain, dont un cer- 
veau lent est incapable; vous me citez M. de Meaux, Pascal, Bourda- 
loue, exemples et raisons que je prétends tourner contre vous : tout 
philosophe vous dira, si vous lui parlez de ces auteurs, qu'ils sont cap- 
lieux, et que si vous leur passez le principe, vous aurez peine à vous 
tirer des conséquences I Ce sont pourtant nos premiers génies : quelle 
occupation et quelle gloire, pour le chef-d'osuvre de la nature, que de 

au]oiird*hai, qu'une partie, convertie en nagaan. La bdl&mêSMt éuit cèle où 
se rendaient les élégants et les éléganUt, ou, comme Vauvenaigues les ap- 
pelle (Lettre 20"), les aimables d*alors; cette église était, pour eui, un tien de 
rendez-vous, et c'est à ce titre que Vauvenargues trouve qu'elfe opolt éU Hm 
profanée, — G. 

< Vauvenargues, avec sa délicatesse ordinaire, craint d'avoir blessé Saint- 
Vincens, dont les sentiments étaient religieux. ^ G. 

* Expressions empruntées à la langue de l'escrime ; on dirait, dans h mteK 
sens : rester sous les armes, — Voir la Lettre 67*, où Vauvenaiigues se plaint 
de la même sujétion, d'une manière pins plaisante. — G. 



CORRESPONDANCE. 215 

afldner nos regards^ et de donner au spécieux toutes les couleurs de 
la vérité! 

Si Ton vous promettait un jardin enchanté, et que Ton vous donnât 
une muraille, où, par le moyen de Toptique, vous fussiez trompé 
?ous-4néme dans la perspective, auriez-vous lieu d'être content? En 
fait de raisonnement, comme en toute autre chose, qpi manque le piin- 
Gtpe, fût la statue de Nabuchodonosor ^ ; Ton ne me persuadera jamais 
que le sophisme soit une suite de la justesse de Tesprit, mais hien de la 
subtilité. Qui dit justesse, dit suite de conséquences et d'inductions, qui 
tirent leur force Tune de Tautre, et parviennent en un point qui doit 
être fixe; deux et deux ne font que quatre; il est impossible qu'ils 
lassent jamais cinq; cependant, un génie s'offrira de soutenir le pour et 
le contre, et l'exécutera, s'il conserve toujours la même supériorité; 
mais, puisqu'il dépend de lui de s'égarer, puisque ses. organes lui en 
fournissent les moyens si à propos, qui peut lui répondre qu'il ne s'é- 
garera pas, même quand il suivra la bonne route 1 Sa facilité pour colorer 
ses.premières idées le trompera lui-même, et sa vivacité les adopter^, 
ssns consulter lev liaison avec ce qui les suit et les précède, quitte à 
reeoiirir à cette même fadlîté, s'il se trouve embarrassé. Un esprit lent, 
au eontraire, ne marche pas sans appui; le premier point d'un raison- 
nement le conduit au second, et ainsi de suite; il ne dévore pas sa be- 
sogne, mais il la m&che ; il en est mille exemples, et plus encore dans 
la conduite de la vie, que dans les ouvrages. 

rai trouvé le chevalier tel que vous me l'avez dit, et je pense, comme 
vous, qu'il lui faut un peu de Paris, avant d'aller à Malte; je le souhai- 
terais fort, mais ma mère n'est pas de ce sentiment; ne pourrions-nous 
pas, on par Meyronnet, ou par ailleurs, lui persuader de l'y laisser aller 
cet hiver? 

Nous nous verrons, de par Dieu! cet automne, et nous jaserons; 
venez de bonne heure; j'aurai Le Franc de Pompignan, et un abbé de 
Monville de l'Académie, homme de l'esprit le plus aimable'. Adieu, 
moB cher Vauvenargues; portez-vous bien. 



i On sait que U statue, que Nàhaehodonosor avait vue en songe, avait la 
tèèe d*wi or trte-por, et les pieds d'argile. (Ancien Testament, Danid, ch. 3, 
ven. 3i-as.) — G. 

• « n était Hé avec Le Franc de Pompignan, par la plus étroite amitié, et, 
« si l'on pent le dire, par quelque conformité d'habitudes dogmatiques et pé- 
« dantesques. » (Lucas-Montigny ; Mémoires de Mirabeau^ 1*' vol., page 21}3.) 
Un des premiers ouvrages que publia Mirabeau, c'est un Examen des poésies 
sacrées de Le Franc de Pompignan, • emphatique conmientaire, dont La Harpe 



216 CORRESP&NDÂNCE. 



66. — VAUYENARGUES A MIRABEAU. 

À TtUTenugiieSi le 1 aoftt 1740. 

L'on me renvoie de Metz votre dernière lettre, mon cher 
Mirabeau : elle me fait grand plaisir ; j'étais fâché de n'avoir 
pas de vos nouvelles ; je n'en devinais pas la cause ; je suis 
bien use d'avoir de quoi me rassurer contre votre silence ; 
il commençait à m'étonner; j'avais besoin de témoignagesi 
pour guérir mes défiances, et je suis charmé d'en avoir un, 
car il me serait toujours fort triste d'avoir à me plaindre 
de vous. 

J'ai pressé mon départ de Metz, par une de ces inquié- 
tudes qui me sont si familières ; je ne comptais pas venir 
si tôt, et mon estomac était fort dérangé, lorsque je me suis 
mis en route ; il y avait plus de quinze jours que je ne pre- 
nais que des bouillons et des œufs frais, ne pouvant sou- 
tenir une autre nourriture. Présentement, cela va mieux, 
mais j'ai besoin de régime, et je suis venu ici pour l'obser- 
ver tout entier, et sans nulle interruption. Lorsque je me 
trouverai bien, je n'aurai rien de plus pressé que d'aller à 
Mirabeau'; j'ai beaucoup d'envie de vous voir; mandez- 
moi quel temps je dois prendre, pour vous faire ma visite; 
je serai charmé de trouver les gens dont vous me parlez* 

Vous ne me dites rien de la part du chevalier ; est-ce votre 

« s'est moqué arec raison. » (/d., t6td., page 216.) —En effet. Le Franc de Pom- 
pignan et l'abbé de Honrille firent, en 1760, le voyage qne Mirabeau annonce 
idf et ils en rédigèrent une relation qai pamt en 1746 (Amsterdam, Chaream, 
un vol. in-13), sous le titre de Voyage en Languedoc et en Provence, fait en 
4740, par MM, Le F. (Le Franc de Pompignan), UM.deM. (le marquis de 
Mirabeau), et V(Mé de M. (l'abbé de Monville). Lucas-Montigny (ibtd.^ page 
320) pense que « rien n'appartient an marquis de Mirabeau dans cet ouvrage 
€ frivole et graveleux qui, à quelques vers près, n'est nullement digne de Le 
« Franc de Pompignan. • — G. 

< Le chAteau de Vauvenaigues, qui n'est guère qu'à deux lieues d'Aix, est 
encore moins éloigné de celui de Mirabeau. Le premier est, à peu près, en 
même état qu'au temps où Vauvonargues l'habitait; le second, détroit pres- 
que entièrement pendant la Révolution, a été récemment rebâti, avec une pieuse 
exactitude, par MM. Lucas-Montigny, père et fils. — G. 



CORRESPONDANCE. 217 

faate, ou la sienne 7 j'aime mieux qae ce soit la vôtre, car 
je ne Taime point gratis, et je ne lui pardonne point d'être 
indiffèrent pour moi. Vous persuaderez à madame votre 
mère de vous le laisser, si vous le voulez bien ; je crois qu'il 
faudrait, d'abord, marquer peu d'empressement; puis, faire 
parler quelqu'un, comme vous me le marquez. Je ne suis 
point en commerce avec Heyronnet; il me parait même 
diflSdle qu'il entre dans notre dessein. Pour moi, je vou- 
drais être à même de le faire réussir ; lorsque je serai chez 
vous, vous me direz vos pensées, et je vous dirai, comme de 
moi, ce que vous ne voudrez pas dire, et ce qu'il faut pour- 
tant qui soit dit. 

J'ai passé deux jours à Aix ; je n'y ai point été suffoqué. 
On m'a dit, en bien des endroits, que M. le duc de Durfort 
était extrêmement aimable, et que vous étiez un fou : je suis 
fiché que M. de Durfort ait paru si aimable, à Aix ; je le 
suis encore plus de votre opiniâtreté à décrier la justesse. 
Je n'avais pris son parti, que parce qu'on m'en trouvsdt dans 
l'esprit ; msds' vous la traitez de sottise I à la bonne heure I 
Ne seriez-vous pas homme, aussi, à mépriser le bon sens? 
en vérité, j'en ai peur, et je suis bien aise de vous apprendre 
que beaucoup de gens m'en croient; prenez garde alors, 
s'il vous plaît, à mesurer vos paroles; je ne suis pas tou- 
jours d'humeur à souffrir vos décisions! 

Adieu, mon cher Mirabeau ; donnez-moi de vos nouvelles; 
vous me pardonnerez bien de vous écrire à l'envers de ce 
papier; j'ai commencé ainsi, par mégarde, et la paresse ni'a 
empêché de réparer ma sottise. Je suis tendrement à vous. 



67. — LE MÊME A^U MÊME. 

A Viarenargaes, le tout 1740. 

J'irai certainement vous voir, mon cher Mirabeau, dès 
que, et aussi longtemps que je le pourrai; mais je ne sau- 



)tiB CORRESPONDANCE. 

rais a?oir ce plaiar-là avant le 15 ou le SO de ce mois, et 
j*eq^ère que Je recenai encore une de tes lettres; voilà ce 
que je gagnerai à mon retardement 

La répntatîoii de M. de Pômpignan m'est fort connue, et 
c'est, avec votre amitié ponr lui, bien pins qu'il n'en faut pour 
désirer de le voir. Mon père n'est pas id ; je lui envoie votre 
lettre ; elle le flattera beaucoup, et je suis persuadé que, s'U 
ne va pas chez vous, il sera, du moins, très-sensible à votre 
invitation. Quoique je ne sois pas le maître ici, je vous 
prierais d'y venir, si vous éties au régime ; mais je ne prie 
que les gens qui pourraient vivre, comme moi, avec de la 
soupe et des œufs frais : cela vous tenteradt^il ? 

Je vous suis très-obligé de toutes lés flatteries que vous 
aves dites de moi ; c'est là, peut-être, ce qui vous fait tort* ; 
mais c'est encore une raison pour que j'y sois plus sensi- 
ble; aussi, je le suis beaucoup, et je sabis avec joie tout ce 
qui peut m'assurer de votre amitié. Je vous plains seule- 
ment du peu de respect que vous portez au bon sens; vous 
vous décidez contre lui ; cela me fait de la peine. 

liarquez-moi ce que vous appelez T antidote de la raiêon : 
serait^^» M. de Durfort, ou vos voisins de campagne 7 Pour 
moi, je suis assiégé du barlner et des notables du terroir de 
Vauvenargoes * ; comment faites-vous, je vous prie, pour 
vous défendre de ces visites ? reoévez-vous votre curé, et 
faites^ous un honneur à tous les bourgeois du lieu 7 Je suis 
tenté, quelquefois, de me percher sur un aière 1 Si nous 
avions du canon, je nettoierais la tranchée, sur le chemin 
du château *• En vérité, rien n'est si triste que pareille com- 
pagnie ; j'étouffe, je suis suffoqué, je n'y pourrai pas tenir! 

Les lectures du chevalier me paraissent bien sérieuses; 
je Tembrasse tendrement, et j'ai grande envie de le voir. Il 

*■ VaQTenargaes veat dire, sans doute, que c*e«t là ce çut, à Aix, fait paater 
Mirabeau pour un fou, (Voir la Lettre précédente.) — G. 

* Voir la Lettre 66«. ~ G. 

' Le eliâfteaa de Vaufenaifiiea« é^nt bâti et fbrtiflé aewi iolid8iBaiil«ir.aB 
rocher iaolé, on n'y arrivait, et on n*y aniTe encore, que ppur une chanudée 
qai le relie au TiOage. — G. 



CORRESPONDANCE. 219 

n'est pas surprenant du tout que madame votre raëre Tait 
refusé à H. de Durfort; il serait bien moins naturel qu'elle 
le lui eût accordé. Employez, mon cher Mirabeau, quel* 
qu'un qui soit moins atmoUe, et vous pourrez réussir ; mais 
laissez tomber cela, n'en parlez jamais vous-même ; il ne 
faut jamds heurter de front. Je vous expliquerai bientôt 
ce qu'a dit le chevalier ; vous verrez qu'on n'a point de tort; 
n'épuisez pas votre feu contre des moulins à vent; je ne 
passe nuUement pour être un bon officier ; je n'sd pas même 
rinatinct que demande mon raiploi * ; mais je veux, de tout 
mon cœur, que l'on me mette des cornes, si je ne josUfie 
pas ce que vous me demandez *. Adieu» 



68. — MIRABEAU A VAUVENAR6UES. 

De KinLean, ee 15 ao&t 1740. 

Vous me promettez, mon cber raisonneur, que vous viendrez vous 
étabUr ici; c^est ainsi que je veux voir mes amis; les lieux me sont 
^;anx; si j^avais à choisir, je ne vivrais qu*avec eux; dans la retraite, 
ils me trouvent, comme tout le monde, singulier, mais doux, bon, et 
amusant; près de tout le monde, je ne vaux rien ; c*est un malheur; 
peut-être me corrigerai-je, mais, jusqu'à présent, je suis bien loin en- 
core d'avoir obtenu cette supériorité sur moi-même. 

Vous me demandez comment je fais avec tout ce peuple horriblement 
ennuyeux? J'ai le défaut, si je ne fais pas quelque chose, de ne pou- 
voir rester en place; je roule sans cesse, la tête basse, et la vivacité et 
la volubilité de mes idées donnent la torture à mon corps; avec ces 
gens-là, donc, je suis un moment à rouler, et à faire des questions qui 
puissent me servir à la connaissance de l'agriculture, dont je fais main- 
tenant une étude ; j'en tire quelques mots, je leur dis adieu, et je re- 
gagne mon cabmeL — Et où avez-vous pris, me direz-vous, ce goût 
nouveau pour l'agriculture 7 -^ C'est que je sens qu'un philosophe doit 
finir par là, non pas par celle qui vous met sans cesse en détail avec 

> Rapprochei dn 1^ Conseil à un Jeune hûmme, et, surtout, da 15* Dh' ' 
lofftte. — G. ' 

* VaYivenargnoB répond à une lettre qui, malhenreosement, neos manque , 
et nous eût fait comprendre la fin de ceUe-ci. — G. 



220 CORRESPONDANCE. 

des paysans, qui vous occupe comme un secrétaire d^tat, eA voua 
assomme de mécanisme; c^est à celle-là, pourtant, que je donne le plus 
de mes moments. 

Pour en revenir à mes occupations, à sept heures je suis habillé, et 
à mon bureau jusqu^à midi; je cause en rôdant dans une salle, avec 
ma mère, jusqu*à deux heures, et de là, au même cabinet, jusqu'à 
sept heures; Ton sort. Ton soupe, et Ton est couché à onze heure& 
Le monde dérangera une peu cette économie, mai8,;enfin, je ne m'en- 
nuie point; j'ai tout au phis quelques regrets de comparaison; encore 
sont-ils rares. La volupté, mon cher ami, est devenue le bourreau de 
mon imagination, et je paierais bien cher mes folies et le dérange- 
ment de mœurs, qui m'est devenu une seconde nature; hors de là, je 
suis maintenant comme un poisson dans Peau, et, s'il vous plaît, je fois 
des versl quand ils seront mieux polis, je vous les enverraL 

Je ne sais si vous m'avez amené à dire que je ne respectais point le 
bon sens; ce qu'il y a de sûr, c'est que j'ai pour lui tant de vénération 
que je n'ose en approcher; je ne le crains pas d'ailleurs; mais, jusqu'ici, 
le drôle ne s'annonce point 

n est juste de vous parler de mon fràre : travaille onze heures de 
la journée à lire et à extraire Boulainvilliers, le plus sec des auteurs * ; 
fl est ardent, et propre au travail Vous dirai-je que je trouve en lui 
aussi des difficultés pour ne point aller à Paris, mais à Halte? Ses rai- 
sons sont qu'à seize ans, l'on n'est point reçu encore dans le monde, 
et qu'il ne veut point de liaisons de jeunes gens; qu'à dix-huit ans, 
sera de retour de Malte; le détail de ses affaires entre aussi dans son 
plan. Venez, nous raisonnerons de tout cela; tout le monde, ici, vous 
désire, et vous fait ses compliments. 



69. — VABVENARGUES A MIRABEAU. 

A TtnTOiirgnM, le 19 lo&t 1740. 

Je ne saursds trop vous demander, mon cher Mirabeau, 
les vers que vous me promettez ; je ne m'y connais point dn 

. t Henri, comte de Boulainvillien (1658-1799), a laissé sur I*liîstoire de 
France pluneun ouvrages, imprimés après sa mort, et dont les prindpaoz 
loat VHûloire de Faneien gouvernement de France, et V Abrégé ehnmologique 
de fhittotre de France, Jusqu'à Henri IV. — G. 



CORRESPONDANCE. 221 

tout, j'aime peu la poésie» ett de toutes les choses ennuf en- 
ses, celle qui m'ennuie le plus , c'est de lire des vers mé- 
diocres ; mais les vôtres ne saursdent être de la sorte, et, 
venant de vous, ils m'intéresseront toujours.. Je voudrais 
bien les voir à Mirabeau ; j'ai grande envie de m'y rendre, 
et vous m'auriez déjà chez vous, si ma santé le voulait ; mais 
je suis dans un régime sf austère et si incommode , que 
force m'est de rester ici, quoique je m'y ennuie beaucoup. 
Mon père n'ira pas vous voir ; sa santÀ ne le lui permet pas, 
mais il est très-sensible*à la manière dont vous l'en priez, 
quoiqu'il ne puisse pas profiter de votre bonne volonté. 

Je vous prie de faire bien des compliments au chevalier : 
pourquoi n'a-t-il pas mis un mot dans votre lettre f vous 
avez beau dire, il m'oublie ; il faut que j'aille réveiller son 
amitié, et interrompre son travail, qui est trop long ; cela 
ruinera sa santé. La lecture est excellente ; écrire est encore 
mieux ; mais il n'y a que la conversation qui rende l'esprit 
maniable, et qui nous apprenne à nous en servir ; il n'y a 
rien de ai misérable que de savoir écrire, quand on ne sait 
pas parler ; il faut allier l'un à l'autre, et s'exercer en tout, 
afin d'être propre à tout 

Les ouvrages de M. de Bouldnvilliers sont très-instruc- 
tifs : apparemment, c'est V Histoire de t ancien gouvernement 
que le chevalier extrait ; j'en fais un extrait moi-même, nous 
les comparerons ensemble. Mais où prenez-vous, je vous 
prie, que cet auteur-là soit sec? il est bon jusqu'à la 
moelle des os I Pour moi, j'ai toujours trouvé son style très- 
embarrassé ; il manque de netteté et d'élégance; il est par- 
tial, prévenu; il ne raisonne pas toujours conséquemment ; 
nuûs où trouver plus de force, plus d'intérêt, plus de vie, 
plus de caractères mieux peints, et des sentiments plus 
hauts, plus libres, et plus hardis 7 Je ne connais point d'au- 
teur qui mette tant de passion et d'âme dans ses paroles : 
est-ce là, mon cher Mirabeau, ce qu'on appelle la sèche- 
resse ? Mais peut-être n'avons-nous pas lu les mêmes ou- 
vrages de lui ; je le veux croire, pour l'auteur, qui me touche 



CORRESPONDANCE. 

eitrftmemeDt, et pour md, qui se yeux point avoir d'autres 
oiMuions que les vôtres. Adieu, mon cher Mirabeau. M. Le 
Franc est-U déjà chez vous, et II. l'abbé de llonville pto- 
met-il toujours de venir? Vous pouvez encore m'écrire id, 
et c'est ce qui me désespère. 



70. — MIRABEAU A VAUVENARGUSa ' 

m 

De Minbean, ce It loùt 1740. 

Vous VOUS faites entretenir par lettres, meuer Gaster *, mais c'est 
pour la dernière fois; quelques bonnes que soient les vôtres, Ton ne 
voudra jamais les prendre en échange de leur auteur. D'ailleurs, accablé 
des détails de la profession de laboureur, vous me prendriez, à la fin, 
pour être de la banlieue de Vauvenargues; la charge de terre ou la sou- 
teyrade de pré entreraient dans mes languissantes épitres * ; pour peu 
que je voulusse, avec cela; leur donner Fair églogue. Ton regretterait 
les caillettes du Marais, que Fonteneile nous représente si galamment, 
la houlette à la main. Laissons cela arriver, laissons la mousse nous 
gagner réciproquement, cher ami, et, pour peu que vous tardies k arri- 
ver, nous en viendrions peut-être à faire des façons à la porte. 

Moins vous vous donnez pour connaisseur, et plus votre approbation 
sur mes vers me flattera; c'est ce sentiment fin qui vous rend connais- 
seur en tout ; l'usage et les règles ne font, sans cela, que des colifichets 
censeurs à virgules, ou des pédants. Vous êtes la servante de Malherbe, 
à qui nous devons les chefs-d'œuvre de ce prince des poètes; je ne sais 
si vous n^aimeriez pas mieux être celle de ColleteL... '. 



< EipTMtton dont La Fontaine m sert, pour penonnifler restomae. 
beaa fait aUasion au mal d*e&tomac qui obligeait Vauvenargoea à rerter cbet 
lui. — Ç. 

* Les mots charge de terre et eouieyrmde depré^ dont ie dernier neie troote 
daoB aucun dictionnaire, étaient, sana doute, des expreaaions locales, se rap- 
portant aux travaux agricoles que Mirabeau faisait exécuter alors. — G. 

s La correspondance entre Vau?enaigues et Mirabeau s'arrête ici, Unissant, 
comme elle a commencé, par une lettre incomplète, outre les lacunes que 
nous y avons remarquées. Elle a duré cependant plus longtemps ; la lettre du 
7 norembre 1743, adressée à Sain^Vinœns, nous en donne raasurance. —G. 



CORRESPONDANCE. 223 



71 ~ VADVENARGUES A SAINT-VINCENS. 

▲ y«iTeaargm€S| la 17 ootobM I74«. 

J*ai été «a désespoir, mon cher Sûnt-VincenS| qne nous 
n'ayons pas pu nous voir à Aix, et que vous ne soyez point 
venu à Vauvenargues, comme vous me l'aviez promis. Il y 
a Inen loin d'ici à la fin de novembre ; je ne serai peut-être 
plus ici; mds» enfin, si je n'y suis plus, nous nous retrou- 
vertms à Aix ; j'en meurs d'envie, je vous jure ; je ne songe 
qu'à cela, et je ne fais de fonds, pour cet hiver, que sur 
notre commerce et sur le charme de votre amitié. 
. U est vrai que j'ai trouvé très-bonne compagnie à Mira- 
beau * ; je ne m'y suis point ennuyé; j'aurais eu grand tort 
autrement. Honclar est venu passer cinq ou six jours avec 
nous ; il est fort aimable, vous le connaissez ; j'ai été charmé 
de le connaître : il faudra que vous m'aidiez à me lier avec 
lui, c'est une obligation que je veux vous avoir. Demandez- 
lui ce qu'il pense de son ancien camarade ; je parle de 
M. Le Franc ' ; il le connaît mieux que moi, ils ont fait leurs 
classes ensemble, ils ont été fort amis ; je crois penser sur 
Le Franc à peu près comme Honclar, je fais cet honneur à 
mon jugement. Hais parlons de vous, mon cher ami : 
qu'est-ce que c^est que cet ennui dont vous êtes dévoré, 
cette langueur^ ces images mitées de charme et de peine^ ces 
insomnies accàblanteSf ce sommeil interrompu^ et ces réveils 
pleins â^ horreur? Hon cher Saint-Vincens, il faut vous expli- 
quer; j'ai peu de pénétration, il faut m'ouvrir votre cœur; 
je souifre de vous savoir si triste et si agité. Vous vous louez 
quelquefois de votre tempérament ; vous ne me l'aviez ja- 
mais montré d'un côté si difficile; je veux savoir la cause 



< Cette lettre bous apprend que Vauvenargues t'était enfin reoda & l'invi- 
tation du marquis. — G. 
s Le Franc de Pompignan. — G. ' 



224 CORRESPONDANCE. 

de ces nonveaotés, et tous n'aurez point de repos, que tous 
ne m'en ayez instruit ; tous connaissez la noirceur deFe^rit 
qui me domine ; cela doit vous encourager. , 

Ha santé se fortifie depuis que je suis ici ; les eaux de 
Vals^ m*(mt fait du bien, et je m'arrache à moi-même au- 
tant qu'il dépend de moi, pour tromper les inquiétudes qui 
suivent la réflexion ; mais votre confiancei.mpn cher Saint- 
Vincens, vos.lettres, votre amitié, les charmeront sans effort. 
Ne me négligez donc pas, je vous supplie ; ne vous cachez 
pas de moi, bdssez-moi voir votre cœur ; point de tours, 
point de mesure, point d'ouverture à demi ; je n'en aurai 
jamais pour vous, vous lirez toujours jusqu'au fond, lorsque 
vous voudrez y lire, et cette communication de sentiments 
fera le bonheur de ma vie. Adieu, mon cher Saint-Vincens. 



72. — LE MÊME AU MÊME. 

[A VaaTenargaes], le 3 nQfTembre*1740. 

Je suis touché et persuadé, mon cher Saint-Vincens, de 
l'intérêt que vous prenez à ma santé; il est vrai qu'il manquait 
quelque chose au plaisir que j'ai de lavoir rétablir ; je l'ai 
senti, en lisant votre lettre, et j'ai fait l'expérience de tout 
ce que l'amitié peut ajouter de douceur et de sensibilité 
aux joies les plus naturelles. 

En vérité, mon cher Saint-^^cens , rien n'est parfait 
sans l'amitié, rien n'est entier, rien n'est sensible; je 
plains ceux qui la négligent, et qui ne veulent chercher 
leur bonheur que dans eux-mêmes. ^U y a des moments 
de force, des moments d'élévation, dS'jpassion, et d'en- 
thousiasme, où l'âme peut se suffire, et ^dédaigner tout 
secours, ivre de sa propre grandeur : le philosophe dont 
vous me parlez ne voulait tromper personne, en bravant 
des douleurs aiguës; son esprit, possédé du charme et 

* • Petite Tille, de 3,000 habitants, dans le département de l'Ardèche. ~ G. 



CORRESPONDAiNCE. 22A 

du goût de la vertu, ne les sentait presque pas ; il était 
dans une espèce de délire, qui affaiblissait le sentiment de 
tons ses maux, et il ne croyait pas même que c'en fussent 
de réels, dans le temps qu'il les surmontait, qu'il conser- 
vait son courage, et qu'il était embrasé d'un sentiment bien 
plus vif, bien plus pur, bien plus ardent; mais, si on l'eût 
interrogé une heure après, il n'aursdt peut-être pas répondu 
de même. Le feu de l'orgueil, de la gloire, se consume bien- 
têt lui-même, lorsqu'il ne tire point de nourriture du de- 
hors ; il tombe, il périt, il s'éteint; et alors, mon cher Saint- 
Vincens, l'homme éprouve de la douleur ; il en reconnaît 
le pouvoir, et ne trouve au-dedans de lui que ce vide épou- 
vantable que vous avez éprouvé. Les hommes, mon cher 
Saint- Vincens, ne font qu'une société, l'univers entier n'est 
qu'un tout, il n'y a dans toute la nature qu'une seule ftme, 
un seul corps ; celui qui se retranche de ce corps fait périr 
la vie en lui, il se sèche, il se consume dans une aSreuse 
langueur ; il est digne de compassion. Mais queUe bouffée 
de philosophie, quelle ridicule abondance I 

Mon cher Saint-Vincens, je suis charmé que vous soyez 
revenu de vos anciennes erreurs ; vous m'avez fait grand 
plaisir de dissiper les fantêmes que vous m'aviez présentés ; 
votre dernière lettre me tenait en peine ; je me réjouis, de 
tout mon cœur, de vous voir rendu à vous-même et à votre 
état naturel. Hais j'ai autre chose à vous dire, et c'est pour 
cela même que je vous réponds avec tant d'exactitude et 
de précipitation : vous savez, que mon père est ici, depuis 
trois mois; il y avût six ans qu'il n'y avait couché; aujour- 
d'hui, il s'y trouve bien, il se propose d'y passer l'hiver, il 
l'a dit depuis quelques jours. Cette résolution m'effraie, mon 
cher Saint-Vincens, et m'en a fait prendre une autre ; j'ai 
envie de m'en aller à Paris, et de me dérober incessamment 
à ce séjour solitaire. Je n'aurai pas grand plaisir à Paris ; 
c'est un pays que je ne connais point, et d'une grande dé- 
pense; mais j'y ferai, si je puis^ des remèdes pour mes 
yeux ;il y a longtemps que j'en ai envie, ils sont fort affai- 
* 15 



223 CORRESPONDANCE. 

blis, et ma vue m'est fort précieuse. Je oe saurais sop- 
porter^ d'ûUeurs, la solitude et Tennui d'un biTer à U 
campagne. 

Mais, comme je ne saurais faire agréer ce sentiment dans 
ma famille, si je demande pour Paris tout l'aident qui m'est 
nécessaire, je voudrais bien, mon cher Saint-Vincens, pou- 
voir trouver deux mille francs à emprunter, à constitution 
de rente, ou de quelque autre façon. Vous connaissez mieux 
les routes et 1^ souterrains que moi ; vous me feriez grand 
plaisir de me prêter vos lumières. A qui puis- je m'adresser? 
quel notaire, quel marchand, quelle espèce d'hoomae, enfin, 
peut me rendre ce service 7 Croyez-vous que H. de U 
Garde * en soit capable 7 Qui pourrais- je employer auprès 
de lui 7 Par qui faire rendre une lettre? Mon cher Saint- 
l^ncens, c'est peut-être vous demander trop, et votre amitié 
sera blessée que je lui demande des moy^is de m'éloigner 
de son commerce, et [dej mettre entre nous cette loogoe 
distance : mais vous pourriez» mon cher Saint-Vinoeas, 
lever ce fâcheux obstacle. 

Vous n'avez jamais été à Paris ; vous devez en avoir envie; 
vous n'y avez pas de connaissancesi et je n'en ai pas non 
plus ; ne pourrions-nous pas à merveille (aire le voyage 
ensemble 7 Nous nous tiendrions compagnie, nous ne nous 
quitterions pas ; nous irions beaucoup au spectacle, que 
vous aimez comme moi, et, enfin, nous vivrions l'un l'autre 
eu paix et en liberté. Je ne sais si mon amitié me flatte 
trop là-dessus, mais j'ose espérer de la vôtre que le projet 
dont je parle n'aura rien qui lui dépldse, et je serai au dé- 
sespoir, s'il manque par des raisons étrangères à nos désirs. 
Répondez-moi, je vous prie, mon cher Saint-Vincena, le 
plus tôt que vous pourrez ; je voudrais pouvoir partir au 
commencement de décembre; nous n'avons pas [de] temps 
à perdre, il faut un peu se presser. Hais, du secret, je vous 

* Henri de Thomas, marquis de La Garde, baron de Gipièras, sdgnenrde 
VilleneaTe-Loubet, était un des plus riches conseiUen an Parlement de Pro- 
vence; il est mort sans enftmts, dans la seconde moitié du 18* siècle. — C. 



CORRESPONDANCE. 227 

supplie ; j'ai déjà parié à ina mère ^ dé ma résolution, mais 
je ne Yeux pas que mon père en soit instruit, si elle ne réussit 
pas. Ne signez pas votre lettre ', et ne datez que du jour. Je 
vous embrasse de tout mon cœur. 



78. ~ LE MÊME AU MÊME. 

[A T&QvenargQM] , le 8 noTembre [1740] *. 

Je n'ignore pas, mon cher Saint-Yincens , la difficulté 
qu'il Y a de trouver de l'argent dans ma situation; je l'ai 
prévue : mais je suis si ardent et si opiniâtre à suivre mes 
capribes, et mon voyage est si bien décidé, que le défaut de 
fisimcesn'en pourra peut-être pas arrêter l'exécution ; enfin, 
je ferai tout ce que je pourrai ; je me servirai de vos con- 
seih^ et je ne n^ligerai rieti pour surmonter les obstacles. 
Vous, de votre c6té, mon cher Saint-Yincens, vous me ferez 
grand plaiar d'écrire à votre notaire, et de me donner toutes 
les ouvertures qui s'offriront à votre esprit. Je ne connais 
pas une âme à Marseille ; il n'y a rien à espérer par là. 
Peut-être que H. Carnaud * ne me refuserait pas, si je m'a- 
dressais à lui ; vous pensez fort bien là-dessus ; mais cette 
démarche me coûterait trop, et j'y ai une répugnance que 
je ne pourrais pas vaincre. Yoilà donc deux voies bien fer- 
mées : nous en chercherons quelque autre, le besoin m'ins- 
pirera; mais vous vous moquez de moi, quand vous parlez 
des ressources jque j'ai pour la persuasion. Mon cher Saint- 

• Margaerite de BertnoDd, mariée, le 6 septembre 1713, à Joseph de Cla* 
piera, seigneur de VaaTeDargues et de Claps; elle était fille de François de 
Bermond, seigneur de la Galiniëre et de Pennafort, conseiller au Parlement 
de Provence. ^ G. 

s Vanvenargues, pratiquant la prudence qu*il conseille à Saint-Vincens, 
n'a pas signé cette lettre. ^- G. 

* Ici, VauTenarguea, comme il Ta recommandé à Saint-Vincens dans la 
lettre précédente, ne date que du jour; et la lettre suivante n'a ni date, ni 
signature. -^6. 

« Voir la l'« note de la page 110. — G. 



228 CORRESPONDANCE. 

Vincens/ je ne sus si j'ai donné lieu à cette plaisanterie; il 
échappe quelquefois à l'amour-propre , dans la liberté de 
l'amitié, des vanités bien grossières : si cela m'est arrivé, 
oubliez-le, je vous prie, ne me le reprochez plus, je tous 
en fais des excuses, je me mets entre vos mains ; vous auriez 
mauvaise grâce, après ce retour sincère, de ne pas me par- 
donner. 

M^ vous-même, mon cher Saint-Vincens, n'avez-yous 
pas besoin de ma propre indulgence ? Je vous fais part 
d'un projet^ je vous propose d'y entrer, je vous découvre 
mon cœur, je me livre, je me flatte ; et vous, au lieu de 
répondre à toutes mes espérances, vous me parlez du pr(h 
jet, sans dire un seul mot de vous. Dois-je prendre ce si- 
lence, mon cher Saint-Vîncens, pour un refus, pour uoe 
indétermination, ou pour un consentement, au cas que j'aie 
le bonheur de trouver ce que je cherche? Éclaircissez-moi 
là-dessus ; je ne doute point de votre cœur, de votre sin- 
cère amitié ; eh I le moyen d'en douter I mais il importe à 
ma joie et à ma tranquillité, de savoir si nous pourrons 
passer notre hiver ensemble, ou si cela ne se peut; voos ne 
me soupçonnez pas de la moindre inquiétude sur un inté- 
rêt si sensible ; vous ne répondez pas un mot ; en vérité, 
j'en suis blessé. Justifiez-moi tout cela ; je meurs d'impa- 
tience, mon cher Saint- Vincens, d'être instruit de vos rai- 
sons, et vous embrasse, en attendant, de tout mon cœor. 



7A. — LE MÊME AU MÊME. 

[A VuTenargaêSy... noTemhce fT40.] 

Je suis persuadé, mon cher Saint-Vincens, que vous me 
rendez justice, et je reprends mes reproches ; ils n'étaient 
pas bien fondés ; mais je sens avec déplaisir les obstacles 
qui nous traversent, et qui renversent mon plan. Il m*est 



CORRESPONDANCE. 229 

agréable qu'ils ne viennent pas de vous; cela flatte mon 
chagrin, et soutient mes espérances; le succès n'en est pas 
si loin, puisque vous vous y intéressez. Eh quoi I serait-il 
impossible d'obtenir l'agrément de M. votre père 1 Ne pour- 
rait-on pas aisément lui faire entrevoir un mariage 7 11 en- 
trerait dans cette idée ; elle doit toucher sa vieillesse, et sa 
tendresse pour vous. Enfin, mon cher Saint-Vincens, il faut 
insister, tâter, se retourner en tout sens. Ne répandez pas, 
je vous prie, ce que je vous ai proposé ; je serais fort fâché 
d'annoncer mon voyage, s'il était sans exécution. 

Vous trouverez, sous ce pli, une lettre pour M. Jean * ; il 
vous rendra compte de celle que j'ai écrite au marquis de La 
Garde ^, et de son inutilité. 11 faut qu'il vous communique 
tout ce qu'il fera, et que tout passe par vous, parce que 
notre commerce ne doit pas être suspect, et que le sien le 
serait. 

Je fend tout mon possible pour aller à Aix, à la fin de 
la semaine; mais j'espère que vous m'écrirez encore, et je 
vous écrirai aussi ; il faudra que vous envoyiez vos lettres 
le matin, sur les onze heures, à la maison ' ; il y a une ser- 
vante, qui les recevra, et qui me les fera tenir le soir, par 
les gens de Vauveuargues. 

11 n'y a que deux lieues d'ici à Ai&, mais je n'ose vous 
proposer de venir : la maison est pleine de monde ; toute 
la famille s'y trouve, père, mère, frère» sœur, grand'mère; 
cela vous ennuierait trop. D'ailleurs, point de chambre 
meublée ; il faudrait que vous couchassiez entre les quatre 
murailles, comme dans la canicule. Cependant, si vous étiez 
homme à ne pas craindre une mauvaise nuit et un méchant 

« NotaireàAix. — G. 

* Voir ravant-dernière lettre. — G. 

s Une partie de la maison do ville des Vauvenargues, à Aix, subsiste en- 
core,' près de la place du Marché. On aura peut-être quelque peine à croire 
qae la ville d*Aix, qui a élevé des statues à Siméon et à Poriali»^ n'ait pas dé- 
signé, au moins par une plaque de marbre, la maison où sont nés Vauvenar- 
gaes le père, et Vauvenargues le fils, c'est-à-dire deux de ses enfants qui ont 
le mieux mérité d'elle, l'un par son héroïsme, l'autre par son génie, et tous 
les deux par leur grand caractire. (Voir la 1'' note de la page 07.)— G. 



230 CORRESPONDANCE. 

souper, cela avancerait notre entrevue de quelques joun. 
Vous ferex tout pour le mieux. 

Ce qu'il y a de plus avisé pour l'emprunt qui me regarde, 
c'est de battre à plusieurs portes, de savoir qui a de l'ar- 
gent, et de sonder tout le monde ; pauvres, riches, domes- 
tiques, vieux prêtres, gens de métier, tout est bon , tout 
peut produire; et, si l'on ne trouvait pas dans une seule 
bourse tout l'argent dont j'ai besoin, on pourrsdt le prendre 
en plusieurs, et cela reviendrait au même. J'ai eu quelque 
pensée sur M. d'Oraisoo M il a un fils, qu'il voulait mettre 
au régiment du Roi ; je le défie de l'y faire entrer, à qui 
que ce soit qu'il s'adresse ; mais il est riche, il a des amis; 
cela ne le touchera guère ; il trouvera bien à le placer. Ce- 
pendant, s'il persistait à le vouloir avec nous', je le pren- 
drais bien sur moi, et je lui tiendrais parole ; mus comment 
lui dire cela, comment même l'en persuader? Il est encore 
venu dans mon esprit qu'il a des filles, et que je pourrais 
m'engager à en épouser une, dans deux ans, avec une dot 
raisonnable, s'il voulût me prêter l'argent dont j'ai besoin, 
et que je ne le rendisse point, au bout du terme que je 
prends. Mais, comme il est impossible à un fils de famille 
de prendre des engagements de cette force, c'est une pro- 
position à se faire berner, et très-digne de risée *. 11 faudra 
voir cependant s'il n'y a poiut de milieu ; et, si l'on ne peut 
rien tirer de tout cela, nous jious tournerons ûlleurs. 
Adieu, mon cher Saint-Vincens ^ 

* Ancienne famUle, éteinte dans la seconde moitié du 18* siècle; le mtr- 
quisat d'Oraison a passé à la famille Fulque, qui en porte le nom et te titre, 
-G. 

* On sait que Vauvenargues serrait dans le régiment du Roi. — G. 

> Dans le travail que J*ai déjà cité (voir la U* note de la page 103), IL Emile 
Chasles s'étonne de cette étrange pensée; il y voit un trait de Vépofue, et no 
point de ressemblance entre Vauvenargues et Figaro donnant à la dmoitiUi 
de Verte-AUure hypothèque tur $a personne. Le rapprochement estjnqnsiit, 
mais n*estril pas bien sévère T et M. Chasles n'a-t-il pas pris trop sa sérieux 
une idée en Vair, qui peut paraître simplement plaisante, et dont Vsuvenar^ 
gués, d'ailleurs, fait lui-même assez bon marché? ~ G. 

^ Sur la lettre originale, cette phrase estsuivie de la date, iOnoveM^ 1740, 
qui paraît avoir été écrite par Vauvenargues, mais après coup, et avec une 



CORRESPONDANCE. 231 

Je change d'avis, mon' cher Saint-Vincens, et ne mets 
point sous ce pli la lettre de Jean. 



75. — LE MÊME AU MARQUIS DE VILLEVIEILLE \ 

A Ail, le 5 décembre; 1740. 

Je' sGsVais bien, mon cher YiHeyieilIe, lorsque vous me 
promîtes de m'écrire, que ce n'était là qu'un discours, et 
que f^us n'en feriez rien ; mais vous né saviez pas, je crois, 
que jévotis écrirais, et que je dérangerais vos volontés pa- 
resseuses^ par cette importunité. Vous devinez encore moins 
le sujet de cette lettre : vous croyez que c'est pour écrire et 
pour vous dire des riens ; vous vous trompez en tout cela. 

Je pars demain pour Paris ; je pars quasi sans un sol ; je 
me suis laissé amuser par deux notaires, à qui j'avais écrit 
de la campagne, et qui n'ont rien fsdt pour moi, et il m'est 
venu en pensée que vous, qui avez le malheur d'être rongé 
de procès, et de nager dans le dérangement par les arran- 
gements de M. votre père, vous pourriez peut-être cepen- 
dant, par quelque hasard , vous trouver en meilleur état 
que je ne vous ai quitté, et à même de me prêter cent pistoles, 
jusqu'au premier de juin. Voilà une proposition où vous ne 
vous attendiez pas, et qui est faite pour un banquier, ou telle 
autre espèce de gens ; mais je vous la fais avec confiance, 
mon cher Villevieille, et voici mon raisonnement : « S'il est 
u en état de me prêter, ai-je dit, il le fera avec plaisir; il 
« ne faut rien perdre par sa faute ; il n'en coûte rien de 
(c s'éclaircir; et, s'il n'est pas en état, il ne se fera pas une 
« peine de me refuser, persuadé que je n'ai pas le cœur si 
« bas, que je voulusse qu'il s'incommodât pour cela'. » Mon 

encre différente. En tout eu, laWettre n'est pas signée, et il en est de même, 
ponr la plupart de celles qni suivent. — G. 

< Camarade de Vauvenargues an régiment du Rot. Son fils, bibliothécaiie 
à Sainte-Generière, mort à Paris; le 11 mai 1835, dans an âge très-avancé, 
avait été eotrespondant de Voltaire, et ami de Cambacérès. — G. 

^ Rapprochez de la dernière note du H' Caractère (Thyeste). — 6. 



232 CORRESPONDANCE. 

msonnement est fort juste ; je serais au désespoir que vous 
me soupçonnassiez d'avoir d'autres sentiments, et que mon 
amitié, dont vous ne faites pas déjà grand compte, vous 
devint encore à charge, et s'ébloutt là-dessus. Ainsi, voilà 
qui est tout dit. 

Vous serez peut-être curieux de savoir ce que je vais faire 
à Paris : mon cher Villevieille» je vais m'y ennuyer, comme 
je fus souvent ailleurs; car je n'y ai pas de connaissances, 
et j'y aurai fort peu d'argent : mais, comme je m'ennuierais 
beaucoup ici, je n'ai rien à perdre de ce côté-là, et j'y ga- 
gnerai peut-être, de celui de ma santé. Ce n'est pourtant pas 
là l'avis de mes parents; ils disent que j'ad engraissé en 
Provence, que je vais perdre tout cela à Paris, et que ma 
santé n'est qu'un prétexte pour m'éloigner d'eux. Quoi qu'il 
en puisse être, mon cher Villevieille, je vis dans une inquié- 
tude qui ne me permet pas de rester en place, et il faut 
absolument que je me tire d'ici. J'ai passé presque tout 
mon temps à la campagne, depuis que je vous ai quitté, au 
milieu d'une famille qui n'est pas riante, et où tout est 
peint en noir. Mandez- moi si vous êtes à Montpellier : je 
vous enverrais un état de mes infirmités, pour montrer i 
vos médecins \ 

Voici mon adresse à Paris, en attendant que j'y sois logé : 
chez M. Etienne Boyer, cul-de-sac rue Quincampoix. J'y 
arriverai du 15 au 20'. Adieu, mon cher Villevieille; vous 
devinez bien mon nom % et mes sentiments pour vous^ 

( On sait la répaUtion de la Facalté et des médecins de MontpeUisr. —G. 

• Il fallait alors de dix à quinze jours pour aller d*Aix à Paris. —G. 

' En effet, cette lettre D*est pas signée. — 6. 

^ VaaTeoargues ayait eu, a^ec ViUeyieiUe, une assea longue correspondsoce, 
dont il ne reste plus que quelques lettres; le marquis de ViUevieiUe fib en 
donne ainsi la raison : « Il y ayait un plus grand nombre de lettres, et de beso- 
« coup plus intéressantes, adressées à mon père ; mais elles furent TOtées, « 
« Ton en croit une tradition de famiUe, parque espèce de bel-esprit, qui le 
< faisait honneur de celui de Vauvenai^es, et encadrait de ses phrases dsi» 
« ses lettres particulières : on ne revoyait plus les aatogarapbes qn'tt piUait 
« ainsi. » (Voir, à ce sujet, un lirre fort intéressant, VEtprit dans ftototre, 
par M. Edouard Foumicr, 4' note do la page 231. — Paris, S, Dmtu, 1857.} 
— G. 



CORRESPONDANCE. 233 

76. — LE MÊME A SAINT-VINGENS. 

A Farii, l6 19 jaoTier 1741. 

L'archidiacre de l'église cathédrale de Sisteron * , mon cher 
Saint- Vincens, à qui j'avais demandé cent pistoles, m'a 
mandé qu'il ne pouvait m' offrir que cent écus» et qu'il était 
bien fiché que... etc. ' Je lui réponds qu'il me fera plaisir 
de me prêter cette petite somme, et que je le prie de te 
renvoyer. Tu retiendras là-dessus, mon cher SaintrVincens, 
les cent livres que je devais t'envoyer de Paris, selon nos 
conventions^ et tu m'enverras le reste, par la première occa- 
sion. Il ne faut pas que cet argent passe par les mains de 
Gamaud ; tu sais là-dessus mes rusons, je ne les répéterai 
pas. 

y si écrit à Gantiers il y a cinq ou six jours, et je lui 
mandais que je t'écrirais par le premier courrier; mais ma 
paresse, et ton exemple, m'ont mené jusqu'à ce moment; 
c'est un reproche qui nous touche tous les deux. Il ne 
m'arrivera pas, dorénavant, d'avoir des excuses à te faire 
sur pareille chose ; mais je ne veux pas non plus avoir à me 
plaindre de toi. Écris-moi donc plus souvent, donne-moi 
de tes nouvelles, quand ce ne serait qu'un mot, et sois for- 
tement persuadé que rien ne m'est plus sensible que ton 
amitié. Je t'embrasse de tout mon cœur. 

n n'est pas nécessaire que tu te presses beaucoup pour 
m'envoyer les deux cents livres de M. Tfaoinon, qui est l'ar- 
chidiacre en question ; et, s'il y avait espérance de trouver 
ailleurs une somme plus considérable, tu ferais bien de 
garder celle-ci, pour envoyer le tout ensemble. Gela n'aurait 
pas l'air si misérable. 

* Petite Tille du département des Basaes-Alpes. ^ G. 

* Ces prtts clandestins, faits par des gens d*égli80 à des fils de famille, 
n'étaient pas rares alors, et, sans doute, plus Vopération était illicite, plus les 
intérêts en étaient élevés, et les conditions onéreuses pour l'emprunteur. — G. 

^ Voir la y note de la page 121. — G. 



234 CORRESPONDANCE. 



77. — LE MÊME AU MÊME. 



A Paru, le 16 féTTier 1741. 

Vous n'avez pas bonne grâce, mon cher Samt-Vinonst 
de vous plaindre de ma paresse, étant en aniàre avee mû, 
et vous êtes encore moins fondé à prendmmon âlence poor 
un refroidissement ; je ne puis pas croire,, mon» «faer Sskint^ 
Vincens, que vous m'ayez fait ce tort-là; voua ne le croyez 
pas vous-même; consultez-vous, je suis aftr qiit;voua »'y 
avez pas pensé ; il n'est pas possible même qu'il soit né dans 
votre esprit le plus léger soupçon, et il n'y a rien de aérieoi 
dans votre lettre. J'avouerai bien que J'ai tort de nevons 
avoir point écrit; j'ai prévenu vos reproches, et je m'en 
suis fait rooinsiême; mais ces retours -regardaient ma pa- 
resse ; je n'en [ai] jamais eu à faire sur mon amitié : enfin, 
oublions tout cela, et soyons, à l'avenir, plus sinoères*et 
plus exacts. 

Je suis prêt à quitter Paris. Ma santé s'y trouvait bien, 
du moins à plusieurs égards; j'y menais une vie douce, je 
m'y serais amusé, si j'y avais eu plus d'argent; mais la 
misère commençait à m'inquiéter et à troubler mon repos, 
et, enfin, elle me chasse, et je tâche de la fuir. Je m'en re- 
tourne donc à Metz ; j'y serai dans quatre jours, et j'y atten- 
drai impatiemment vos lettres et vos excuses, car vous 
m'en devez aussi, cela n'est pas douteux. 

Vous m'avez fait grand plaisir de me mander tout le bien 
que l'on vous a dit de moi : c'est une marque qu'au moins 
l'on connaît notre anûtié ; et que puis-je désirer après cela? 
Ne suis-je pas trop heureux? Cependant, je vous assure 
que c'est là le moindre fruit que je puisse retirer d'une si 
chère amitié ; elle fait tout le charme de ma vie, et rien ne 
pourra jamais la rendre plus considérable, ou plus pré- 
cieuse, à mes yeux. Gela part du fond du cœur. 

Vous avez fort bien fait de ne pas montrer ma lettre à 



CORRESPONDANCE. 236 

La BoiilieS j'y aurais aussi du regret; voua auriez mieux 
fait encore de m'empècher de prendre son laquais, car [c'est] 
le plus sot de tous les honunes, et j'en suis rassasié ^. Con- 
tinuez, je vous prie^ à me mander les nouvelles de notre 
bonne patrie : j'étais instruit du détail des morts dont vous 
me parlez ; nuiis ces choses-là prennent encore un intértt 
entre vos mains, et elles m'ont fait plaisir. Adieu, mon 
cher Saint*Vineens. 

Si l'on t'a remis l'argent dont je te parlai dans ma der- 
nière lettre, et que tu manques d'occasion pour me le faire 
tenir, tu n'as, mon cher.Saint-i-Vincens, qu'à le remettre à 
Carnaud, lui dire que ce sont des commissions que tu m'as 
données ici, et lui demander une lettre de change, sur Paris, 
de deux cents livres, que tu m'enverras.à Metz, où je trou- 
verai des gens qui voudront bien l'acquitter. 



78. — LE MÊltE AU MÊME. 

A Mets, )e 27 mars 1741. 

Je suis persuadé, mon cher Saint- Vincens, de l'intérêt 
que vous prenez à la perte que j'ai faite, et je n'en puis pas 
douter. Si vous aviez connu mon frère', vous l'auriez re*- 
gretté aussi, et vous comprendriez encore mieux l'excès de 
notre affliction ; car il avait des qualités qui pouvaient le 
faire aimer : un sens droit, un très-bon cœur, un naturel 
très-sensible pour tous ceux de sa famille, et capable d'amitié 
et de beaucoup de vertus. Tout cela ne paraissait point : il 
ne savait rien aifecter, il n'avait aucun des dehors qui pré- 

« Vbk là L«ttrs SS*. ^ G. 

s Ce IftqnAis Ji*était pM, assorément, celui de la Maxime 650*. — Voir cette 
Maxime, et la note qui s*y rapporte. — G. 

> Antoine de Clapiers, frère puîné de Vaurenargues; il était capitaine au 
régiment de Flandre, et fut tué en Corse, pendant la guerre de 17Ai. — Le 
plu jeune frère de VauTenargues, dernier marquis du nom, Nicola»>François- 
Xavier, mort en 1801 {voir la l'« note de la page 160), senrit également 
dans le régiment de Flandre, et en sortit avec le grade de capitaine. ^G. 



236 CORRESPONDANCE. 

vieniieat d'abord le monde ; il ne s'en souciait p<mit On 
l'aurait trouvé trop simple» trop nu, trop froid, trop mo- 
deste parmi de certaines gens ; mais cela venait en lui d'an 
fonds de modération, de bonté, de vérité, qui devait lui atta- 
cher les gens qui le connaissûent, et qui l'aurait fait esUmer 
de tous ceux qui ont assez d'esprit pour sentir le natud, 
et en connaître le prix. Enfin, mon cher Sûnt-YinceDS, je 
l'aimais sensiblement, et il m'aimait bien aussi * ; j'u été 
pénétré de sa mort, et comme si je ne devsûs point mourir 
moi-même, et conune si j'eusse dû jouir de sa vie, de sod 
amitié, et de son bon caractère, pendant une éternité* 
Mus c'est bien abuser, mon ami, de la bonté de votre coeur, 
que de vous entretenir û tristement. Je vous suis très-obligé 
des nouvelles que vous me donnez de ma famille, et de l'in- 
quiétude que vous me marquez pour ma santé ; elle est bien, 
à plusieurs égards ; je n'en suis pas mécontent, et j'espère 
que la belle sûson la remettra tout à fait. Adieu, mon cher 
Saint-Vincens. 



79. — LE MÊME AU MÊME. 

A MêU, le 17 mai 1741. 

Je ne suis point surpris , mon cher Saint-Vincens, que 
Saint^Marc ' ait été plus heureux que moi ' ; cela est très- 
naturel, et je ne comprends pas que vous pensiez que je 
puisse m'en plaindre. Je n'ai pas besoin d'argent, pour le 
présent; je dis besoin; mais comme il ne m'arrive pas de 
me trouver sans quelque idée de dépense, quand il se pré- 
sentera des occasions d'emprunter, je ne les refuserai point, 
bien loin de là. A l'yard du passé, je n'y songe pas du 
tout, et je vous suis trop obligé, mon cher Saint-Vincens, 



* En effet, on toîI, à œ qui précède, qae les deox frères te njMm btoicnt, 
et devaient se convenir. — G. 

* Voir la 3* note de la page 160. — G. 

^ Sans doute, dans quelque néfcociation pour un emprunt. — G. 



CORRESPONDANCE. 237 

des retours que vous faites là-dessus, et sur nos mauvais 
succès. 

Je ne suis pas moins sensible à l'inquiétude où vous Mes 
au sujet de jna santé : les douleurs que j'avais à Aix sont 
fort augmentées depuis lors; je me suis mis au lait, pour 
toute nourriture, il y a trois semaines environ ; mais cela 
n^opère point. On m'a ordonné les eaux de Plombières, je 
m'y en vais; ce voyage sera d'un mois; et puis, je revien- 
drai à Uetz. Vous pouvez, mon cber Saint-Vincens, m'y 
adresser toujours vos lettres; on les retirera avec soin, si je 
ne suis pas de retour. Mandez- moi, je vous prie, ce que fait 
mon frère, et comment il se comporte, si vous en êtes con- 
tent ; je vous demande , mon cher Saint- Viacens , votre 
amitié pour lui, ou, tout au moins, vos conseils. Vous n'avez 
point d'ami au monde qui vous soit plus tendrement attaché 
que je ne le suis S 



80. — LE MÊME AU MÊME. 

A WietU % le 13 janTier 1742. 

• 

11 me semble, mon cher Saint- Vincens, que vous faites 
comme de certaines gens, qui , voyant qu'ils ont quelque 
tort, et n'en voulant pas convenir, commencent par se fâcher. 
Vous avez toujours été en arrière avec moi, et vous n'avez 
pas répondu à ma dernière lettre, et vous vous plaignez ce- 
pendant de mon silence, comme si vous m'aviez écrit. Si 
vous prenez ce tour pour me le faire croire, cela n'est pas 



< En quittant Plombières, Vaareoargues partit poor la Bohème, qui fat, 
on le sait, en 1741-43, le principal théâtre de la guerre dite de la SittcceMiOfi 
drAuiriehe. — G. 

* J'ai Tainement cherché ce nom sur les cartes les plus complètes ; peut- 
être s'agit-il de Vietack sur le Regen, aifiuent du Danube. Prague ayant été 
enlerée par nco troupes, le 35 noTembre 1 741, dès le 38, plusieurs détachements 
sortirent de la rille, pour inquiéter la retraite des Impériaux; un de ces déta- 
chements s'arrêta à Vietach, et l'on peut croire que VauTonargues en faisait 
partie. — G. 



238 CORRESPONDANCE. 

Inea : leotes les fineases sent mamraiaes en amitié, et j€ 
croirais même qu'il n'y en peut entrer, û je ne voyais tons 
les jonrt des choses fort incompatibles, et qu'on ne saurait 
expliquer. Il faut glisser Ut-dessus, car, sur de certaines 
matières^ on ne peut ries dira de bien ; il Tant mieux les 
abandonner. 

Je TOUS sais très-obligé de l'intérêt que tous preMi à ma 
santé : elle n'est pas bonne, dqpuis quelque temps; mais 3 
n'en faut pas parler ;H:ela donnerait de l'inquiétude à ma 
famille, et je serais fiché que l'on me sAt malade, avut 
que je sois à portée de me rétablir; j'espère que oda ne 
tardera pas. On nous fait espérer notre retour à Prague, i 
la fin de ce m(HS, et je n'y vois plus d'obstade ; les choses 
tendent à leur fin. Vous savez comme elles ont été conduites 
jusqu*à présent ; cela me dispense de vous rendre compte 
de notre campagne, qui n'est pas intéressante, et sur la- 
quelle, d'ûlleurSy je ne vous crois pas curieux. 

On m'a écrit, dans son temps, que tous aviez mené mon 
frère à la campagne ; j'en ai été fort use, par plusieurs rai- 
sons, et TOUS en remerde; vous ne sauriez m'obliger da- 
vantage que d'avoir quelque bonté et qudque amitié pour 
lui. Adieu, mon cher Saint-Vincens; dès que nous serons 
à Prague * , je verrai de prendre qudque arrangement pour 
le mois de mais'. Je n'ai pas été à portée de cela, jusqu'à 
présent; j'espère que je le pourrai àPr^e. Adieu, encore 
une fois; je ne vous fais point de complim»ts sur la nou- 
velle année; je me flatte encore que je n'en ai pas besoin, 
et que cela est au-dessous de notre amitié. 

* VaoTenargiies rentra à Prague le 3 man. » Voir la Lettre smfuite. 
— G. 

« Aaiiioladen»B,écléaleiitte8 inlMCadela somme dont Saiin*l^oei» 
répondait pov Vanvenargnea. (Voir la Lettre 5<r.) — G. 



CORRESPONDANCE. :t39 

8f. — LE MÊlfE AO MÊME. 

À Pngiie, le 14 nun 1741. 

Il m'en coûte trop* mon cher Saint^Vlncens, quand j!ao- 
case votre amitié de froideur ou de négligence, pour souhai- 
ter de Pen convaincre : je serai toujours diarmé d'aybir 
tort, en de semblables occasions, et vous me trouverez tou- 
jours très-disposé à vous croire. Je prends de la même 
manière tout ce que vous m'écrivez au sujet de ma santé; 
il ne m'est pas possible, mon cher Saint*Vincens, de douter 
de l'intérêt que votre cœur y veut prendre, et le mien est 
ému de cette persuasion. N'ayez plus, mon cher ami, cette 
inquiétude pour moi ; je suis bien remis, grâce à Dieu ; de 
S(Wte, qu'à mes jambes près, qui méritent peu d'attention, 
je me porte mieux que jamais. Je n'ai reçu votre lettre que 
le deux de mars, qui est le jour de âotre arrivée à Prague ; 
je ne vous dirai pas ce que nous avons fait jusqu'alors; 
vous l'avez su, si vous l'avez voulu. A parler naturellement, 
nous n'avons rien fait de bien ; la campagne a été dure, à 
cause de l'hiver; mais il est heureux que cela nous attire 
quelque pitié. Adieu, mon cher Saint- Vincensi je ne ré- 
ponds rien à ce que vous me dites sur les intérêts de mars; 
le moyen d'y répondre comme je voudrais? Je profite du 
délai que vous me donnez ; mais je trouverai bientôt, j'es- 
père, quelque arrangement, pour n'en pas abusera 

* Entre cette lettre et la saîTante, bien des érénements se passèrent qui 
interrompirent, forcément, la correspondance entre VauTenargues et Saint- 
Vinœoa. Le 25 mai 1743, l'armée française a?ait batta le prince Lobkowiti, 
an combat de Sabai ; mais, abandonnée par le grand Frédéric qui, au prii de 
la Siléaie, arait cessé sa diTenrion, elle avait dû renoncer à roffensive, et se 
replier, nne seconde fois, sous les murs de Prague, qu'elle occupait Elle s'y 
maintiot, avec 35,090 bommes, contrôle grand-duc de Toscane, qui en avait 
65,000, et qui n'en fat pas moins obligé à lever le siège, le 14 septembre 1743. 
Cependant, sur on ordre venu de la cour de Frtakce^ le maréchal de BelIe-ble 
évacue Prague, le 16 décembre 1743, pour se retirer sur Egra, où il arrive 
le 36; il avait réussi à dérober sa marche au prinee Lobkowits; man,dans 
ces dix Jours, il avait perdu la moitié de ses soldats, morts de fiitigue ou de 
froid. — G. 



240 CORRESPONDANCE. 

«2. — LE MÊME AU MÊME. 

ANiAbbnrg *, le 31 JtiiTier 1742. 

' Vous n'avez pas à voas plaindre, mon cher Saint-Vincens, 
de l'aveu que j'ai fait à mon père, l'année dènilèré, des 
marques que j'avais de votre amitié ; c'était une chose né- 
cessaire, dans l'éloignement où nous étions*, et qui, d*^- 
leurs» ne souffrait aucun inconvénient Mon père aurait plus 
de raison de me reprocher le mystère que je lui en 9I fait, 
pendant deux ou trois ans, et c'était à lui à se plaindre; 
mais il n'est pas besoin d'insister là-dessus. 

Je devrais aussi, à mon tour, vous faire une querelle sur 
le secret que vous me faites de votre santé, de vos occu- 
pations, et de vos sentiments ; mais j'aime mieux attribuer 
à votre paresse ce silence. Pour moi, je me porte à mer- 
veille ; je n'ai jamûs été si bien. J'ai songé quelquefois, 
dans nos fatigues, à votre amitié pour moi, et je n'ai pas 
douté que vous ne prissiez part à notre situation : elle a été 
dure, embarrassante; elle est bien changée à présent. Nous 
avons nos ordres pour partir d'ici le h ; on espère que nous 
serons en France dans le mois de mars ; c'est un point de 
vue agréable pour cette armée, qui a beaucoup souflTert, et 
qui a besoin de repos. Le Rhin ne la reverra pas aussi flo- 
rissante qu'à son passage ; nous laissons bien des camarades 
derrière nous, je n'ose pas dire des amis ' ; il faut écarter 

< Petite Tille de BaTière, «lUée de la France, où le bataillon de VaoTenar- 
gues fut cantonné, après la retraite de Pragae à Egra. — G. 

* Craignant pour lui-même les suites d'une campagne désaatreoae, où, 
comme il va le dire quelques lignes plus bas, U a?ait Imsté bkn îles coim- 
rade» derrière /tu, entre autres le Jeune Hippolyte de Seytm, VauTenaigues 
avait, du moins, touIu mettre ses affaires en règle, et, quoi qu'il lui en coû- 
tât, déclarer à son père la dette qu*il avait contractée auprès de Saint-Viooeos. 
— G. 

' Pour ne parler que de cette retraite de vingt lieues entre Prague et Egra, 
dans une lettre adressée à Seckendorff, général des Bavarois, nos aillés, le 
maréchal de Belle-Isle convenait qu'il avait perdu 7 à 8,000 hommes, morts de 
froid, otthorsd'état desuivre. « En arrivante Egra, plusieurs moururent, poar 
« s'être trop tôt approchés du feu; d'autres devinrent prodigieusement en* 



CORRESPONDANCE. 241 

des soaveirirs si tristes, et se remplir autant qu'on peut de 
la pensée de ceux qui restent. Adieu, mon cher Saint- 
Vincens; vos lettres sont si courtes, que je n'ose vous écrire 
plus au long, et comme je le voudrais. Je vous embrasse de 
tout mon cœur, et vous prie d'être aussi persuadé de mon 
amitié, que vous voulez que je le sois de la vôtre. 



83. — LE MÊME AU MÊME. 

A Nancy, le i" aTril 1743. ' 

Je viens d'écrire à mon père, mon. cher Saint- Vincens, 
pour le prier de payer l'intérêt de notre dette ; j'espère qu'il 
aura cette bonté, et que vous n'aurez pas à vous plaindre 
de moi. Je devrais avoir songé plus tôt à vous en écrire; 
mais depuis que je suis ici, j'ai été accablé de pensées et de 
soins ; je n'ai pas encore respiré. Pour réparer cette petite 
négligence, j'écris à mon père de vous faire voir un discours 
que je lui envoie avec deux lettres % dont vous me direz 
votre avis : j'ai lieu de croire que cela est détestable par le 
succès qu'il a eu, mais j'ai encore plus droit d'attendre que . 
vous me marquerez le plus crûment du monde ce qu'il vous 
en semble, et que vous voudrez bien justifier, par une fran- 
chise ingénue, une confiance qui serait Texcès du ridicule, 
si elle était trompée. 

« fiés; il fallut couper des bras et des Jambe» à quelques-uns... Plusieurs 
« de ceux qui étaient arriyés sains et saufs à Egra, moururent de la fiè?re 
« chaude à Amberg. après un long et cruel délire, qui tenait de la rage. » 
{HUtairede la guerre de Bohême^ par Mauvillon, Amsterdam ^ David Mortier, 
1756, J TOI. in-12.) — G. 

* Le discoun, c'est VÉloge fitnèhre d*Hippolyte de Seytre$ (voir les (Bm- 
rrrê) ; mats Je ne sais de quelles lettres il s'agit — G. 



16 



242 CORRESPONDANCE. 

84. — LE MÊME A M. DE VOLTAIRE. 

A Nincy, le 4 arril 1743. 

li y a longtemps, Monsieur, que j'ai une dispute ridicule, 
et que je ne veux finir que par votre autorité : c'est sur 
une matière qui vous est connue. Je n'ai pas besoin de vous 
prévenir par beaucoup de paroles : je veux vous parler de 
deux hommes que vous honorez, de deux hommes qui oDt 
partagé leur siècle, deux hommes que tout le monde admire, 
en un mot. Corneille et Racine ' ; il suffit de les nommer. 
Après cela, oserai-je vous dire les idées que j'en ai formées? 
en voici, du moins, quelques-unes. 

Les héros de Corneille disent de grandes choses sans les 
inspirer; ceux de Racine les inspirent sans les dire; les uns 
parlent, et longuement, afin de se faire connaître ; les autres 
se font connaître parce qu'ils parlent. Surtout, Corneille 
parait ignorer que les hommes se caractérisent souvent da- 
vantage par les choses qu'ils ne disent pas que par celles 
qu'ils disent. 

Lorsque Racine veut peindre Acomat, il lui fait dire ces 
'vers : 

Quoi ! tu crois, cher Osmiii, que ma gloire passée 
Flatta encor leur râleur, et vit dans leur pensée ? 
Croîs-tu qu'ils me suivraient encore avec plaisir, 
Kt qu'ils reconnaîtraient la voix de leur visir *? 

L'on voit, dans les deux premiers vers, un. général dis- 
gracié, qui s'attendrit par le souvenir de sa gloire et sur 
l'attachement des troupes ; dans les deux derniers, un rebelle 
qui médite quelque dessein. Voilà comme il échappe aux 
hommes de se caractériser, sans aucune intention marquée. 
Qn en trouverait un million d'exemples dans Racine, plus 
sensibles que celui-ci ; c'est là sa manière de peindre. Il 

I Voir Corneille et Racine, dans les l\ê/lexion$ critiques but quelques fwtf^ 
-G. 
* B.4JA/.RT, acte !, ncènt 1 . — 0, 



GOHRESPONDANCE. 213 

est vrai qu'il la quitte un peu, lorsqu'il met dans la bouche 
du même Acomat : 

Et a*il faut que Je meure; 
Moarons : moi, cher Osmin, comme un ^isir; et toi. 
Comme le farori d'un homme tel que moi ^ 

Ces paroles ne sont peut-être pas d'un grand homme ; 
mais je les cite, parce qu'elles semblent imitées du style de 
Corneille ; et c'est là ce que j'appelle » en quelque sorte, 
parler pour se faire connaître, et dire de grandes choses 
sans les inspirer. 

Je sids qu'on a dit de Corneille qu'il s'était attaché à 
peindre les hommes tels qu'ils devraient être : il est donc 
sûr, au moins, qu'il ne les a pas peints tels qu'ils étaient ; je 
m'en tiens à cet aveu-là. Corneille a cru donner, sans doute, 
à ses héros un caractère supérieur à celui de la nature ; les 
peintres n'ont pas eu la même présomption : quand ils ont 
voulu peindre les esprits célestes, ils ont pris les traits de 
l'enfance : c'était, néanmoins, un beau champ pour leur ima- 
gination; mais c'est qu'ils étaient persuadés que l'imagi- 
nation des hommes, d'ailleurs si féconde en chimères, ne 
pouvait donner de la vie à ses propres inventions. Si le 
grand Corneille, Monsieur, avait fait encore attention que 
tous les panégyriques étaient froids, il en aurait trouvé la 
cause en ce que les orateurs voulaient accommoder les hom- 
mes à leurs idées , au lieu de former leurs idées sur les 
hommes. 

Corneille n'avait point de goût, parce que le bon goût 
n'étant qu'un sentiment vif et fidèle de la belle nature^ ceux 
qui n'ont pas un esprit naturel ne peuvent l'avoir que mau- 
vais^ ; aussi l'a^-il fait paraître, non-seulement dans ses ou- 
vrages, mais encore dans le choix de ses modèles, ayant 
préféré les Latins et l'enflure des Espagnols aux divins gé- 
nies de la Grèce. 

■ Bajaxet, acte !V, scène 7. — G. 

s Phrase incorrecte; grammaticalement, mauvais devrait porter sur etprit, 
«•t, logiquement, il porte sur goiU. — G. 



214 CORRESPONDANCE. 

Racine n'est pas sans défauts : quel homme en fut jamais 
exempt? mais qui donna, jamais, au théâtre plus de pompe 
et de dignité ? qui éleva plus haut la parole, et y versa plus 
de douceur? Quelle facilité, quelle abondance, quelle 
poésie, quelles images, quel sublime dans Athalie I quel 
art dans tout ce qu'il a fait! quels caractères I Et n'est-ce 
pas encore une chose admirable qu'il ait su mêler aux pas* 
sions, et à toute la véhémence et à la naïveté du sentiment, 
tout l'or de l'imagination? En un mot, il me semble aussi 
supérieur à Corneille par la poésie et le génie, que par 
l'esprit, le goût et la délicatesse. Mais l'esprit, principale- 
ment, a manqué à Corneille ; et, lorsque je compare ses 
préceptes et ses longs raisonnements aux froides et pesantes 
moralités de Rousseau dans ses Épttres, je ne trouve ni plus 
de pénétration, ni plus d'étendue d'esprit à l'un qu'à 
l'autre. 

Cependant, les ouvrages de Corneille sont en possession 
d'une admiration bien constante, et cela ne me surprend 
pas. Y a-t-il rien qui se soutienne davantage que la pas- 
sion des romans? 11 y en a qu'on ne relit guère, j'en con- 
viens; mais on court tous les ouvrages qui paraissent dans 
le même genre, et l'on ne s'en rebute point. L'inconstance 
du public n'est qu'à l'égard des auteurs, mais son goût est 
constamment faux. Or, la cause de cette contrariété appa- 
rente, c'est que les habiles ramènent le jugement du pu- 
blic ; mais ils ne peuvent pas de même corriger son goût, 
parce que l'âme a ses inclinations indépendantes de ses 
opinions. Ce qu'elle ne sent pas d'abord, elle ne le sent 
point par degrés, comme elle fait en jugeant; et voilà ce 
qui fait que l'on voit des ouvrages que le public critique 
après les maîtres, qui né lui en plaisent pas moins, parce 
que le public ne les critique que par réflexion, et les goûte 
par sentiment'. 

« Voir un passage semblable dans le 13* chap. de VfntrodueUon à h Ctm- 
naùnance de VEsjfrit humain, ~ Voir aussi la 7« R^Uxion (Des romauDs). 
-G. 



CORRESPONDANCE. 245 

D'expliquer pourquoi les romans meurent dans un si 
prompt oubli, et Corneille soutient sa gloire, c'est là l'avan- 
tage du théâtre. On y fait revivre les morts ; et, comme on 
se dégoûte bien plus vite de la lecture d'une action que de 
sa représentation, on voit jouer dix fois sans peine une 
tragédie très-médiocre, qu'on ne pourrait jamais relire ; 
enfin, les gens du métier soutiennent les ouvrages de Cor- 
neille, et c'est la plus forte objection. Mais peut-être y en 
a-t-il plusieurs qui se laissent emporter aux mêmes choses 
que le peuple; il n'est pas sans exemple qu'avec de l'esprit 
on aime les fictions sans vraisemblance, et les choses hors 
de la nature. D'autres ont assez de modestie pour déférer, 
au moins, dans le public, à l'autorité du grand nombre et 
d'un siècle très-respectable; mais il y en a aussi que leur 
génie dispense de ces égards. J'ose dire. Monsieur, que ces 
derniers ne se doivent qu'à la vérité : c'est à eux d'arrêter 
le progrès des erreurs. J'ai assez de connaissance, Monsieur, 
de vos ouvrages, pour connaître vos déférences, vos ména- 
gements pour les noms consacrés par la voix publique ; 
mais voulez-vous. Monsieur, faire comme Despréaux, qui a 
loué, toute sa vie. Voiture, et qui est mort sans avoir la force 
de se rétracter * ? J'ose croire que le public ne mérite pas ce 
respect. Je vois que l'on parle partout d'un poète sans en- 
thousiasme*, sans élévation, sans sublime; d'un homme 
qui fait des odes par article, comme il disait lui-même de 
M. de la Motte, et qui, n'ayant point de talent que celui 
de fondre avec quelque force dans ses poésies des images 
empruntées de divers auteurs , découvre partout, ce me 
semble, son peu d'invention. Si j'osais vous dire. Monsieur, 
à c6té de qui le public place un écrivain si médiocre, à qui 

« Boilean n*» pas loué, toute sa vif, Voiture, et, avant sa inoit, il s*est 
rétracté. On dirait que Voltaire lui-même répond à Vaurenargaes, dans 
cette note de son Tgrnple du Goût : • Il est vrai que Despréaux a comparé 
m Voiture à Horace, mais Despréaux était Jeune alors. Il payait volontiers 
« ee tribut à la réputation de Voitum, pour attaquer celle de Chapelain,. 
« qui pâmait alors pour le plus grand génie de TEurope, et Despréaax a ré- 
« tracté depuis ces éloges. » — G. 

' J.-B Rousseau. — G. 



246 CORUESPONDANCE. 

même il se fait honneur de le préférer quelqaeiois ! mais il 
ne faut pas que cette injustice vous surprenne ni vous cho- 
que : de mille personnes qui lisent, il n'y en a peut-être 
pas une qui ne préfère, en secret, l'esprit de M. de Fonte- 
nelle au sublime de M. de Meaux, et l'imagination des 
Lettres persanes * à la perfection des Lettres pravineiales^ où 
l'on est étonné de voir ce que l'art a de plus profond, avec 
toute la véhémence et toute la nauveté de la nature. C'est 
que les choses ne font impression sur les hommes que se- 
lon la proportion qu'elles ont avec leur génie; ainsi le vrai, 
le faux, le sublime, le bas, etc., tout glisse sur bien des 
esprits et ne peut aller jusqu'à eux : c'est par ' la même 
raison qui fait que les choses trop petites par rapport à 
notre vue lui échappent, et que les trop grandes l'offus- 
quent. D'où vient que tant de gens encore préfèrent à la 
profondeur méthodique de M. Locke, la mémoire féconde et 
décousue de M. Bayle, qui, n'ayant pas peut-être l'esprit 
assez vaste pour former le plan d'un ouvrage régulier, en- 
tasse, dans ses réflexions sur la comète, tant d'idées philoso- 
phiques, qui n'ont pas un rapport plus nécessaire entre elles 
que les fades histoires de madame de Yilledieu '? D'où vient 
cela? Toujours du même fonds : c'est que cette demi^pro- 
fondeiu* de M. Bayle est plus proportionnée aux hommes. 
Que si l'on se trompe ainsi sur des choses de jugement, 
combien à plus forte raison sur des matières de goût, où il 
faut sentir, ce me semble» sans aucune gradation, le senti- 



1 On sait que cet ouvrage commença la réputation de Montesquieu. — G. 

' C'est par, etc. Tel est le texte des différentefi éditions, tel est celui du 
manuscrit. Il semble que, dans cette phrase, par est de trop; elle devient 
très-claire en supprimant par^ ou qtù fait, ou, enfin, et. — B. 

> H arie-Catberine Oe?Jardins, marquise de Villedieu et de la CbaMe, aaquit 
à AlençoB vers 1640 : ses œuvres ont été recueillies en 1702, 10 vol. in-lS, et 
1791, 12 vol. in-12. On y trouve un grand nombre de romaas. Tout y est peint 
wmc vivacité; mais le pinceau n'est pas assea correct, ni assez diseraL Elle 
emploie quelquefois des couleurs trop romanesques, et, dans ses Mémoirêt du 
sérail, il y a trop d'événements tragiques et invraisemblables. On a d'elle 
deui tragédies, Manlius Torquatm et Nitèiis, jouées m 1663. Bllf moanit 
on 1683, à Ciinchemaro, petit village du Maine. - B. 



CORRESPONDANCE. 217 

ment dépendant moins des choses, que de la vitesse avec 
laquelle l'esprit les pénètre 1 

Je parlerais encore là*dessus longtemps , si je pouvais 
oublier à qui je parle. Pardonnez, Monsieur, & mon âge et 
au métier que je fais, le ridicule de tant de décisions aussi 
mal exprimées que présomptueuses. J'ai souhaité toute ma 
vie, avec padsion, d'avoir l'honneur de vous voir, et je suis 
charmé d'avoir dans cette lettre une occasion de voua assu- 
rer, du moins, de l'inclination naturelle et de l'admiration 
naïve avec laquelle, Monsieur, je suis, du fond de mon 
cœur. 

Votre très-humble et très- obéissant serviteur. 

« 

Mon adresse est à Nancy, capitaine au régiment (Tinfanterie du'Hot 



85. -^ LE MÊME A M. LE DUC DE filRON. 

A Nancy, le 8 arril 1743 '. 

Monsieur, je crois que vous ne pensez pas que j'aie beau- 
coup d'ambition ^ Ennuyé, cependant, de sei*vir sans espé- 
rance, avec une santé très-faible, et porté par une secrète 

* Vauvenargaes était alors dans ud moment d'agitation et de fièvre. La 
malheureufle cainpagne de 1762 est à peine finie; celle de 17^3 va bientôt 
commencer, et, dans ce court intervalle, mêlant les occupations les plus 
diverses, il règle des affaires dMntérét avec Saint- Vincens, écrit à Voltaire do 
longaes lettres littéraires, compose ou achève un morceau sur les Orateurs, 
reloge d'Hippolf/te de Seytres, la Méditation sur la Foi^ et fait des démarches 
auprès de son colonel, M. de Biron, auprès du Roi, et du ministre Amelot, 
pour entrer dans la carrière diplomatique, o Scntcz-vous votre esprit pressa 
« et à l'étroit dans votre état, dit-il lui-môme, dans le 10* Conseil à un Jeune 
« homme, c'est une preuve que vous C^tes né pour une meilleure fortune; il 
* faut donc sortir de vos voies, et marcher dans un champ moins limité.... 
« On a quelquefois dans sa main des ressources que Ton ignore... Osez prendre 
« ao plus grand essor: un tour d'imagination un peu hardi nous ouvre sou- 
« vent des chemins pleins de lumière... Laissez croire à ceux qui le veulent 
« croire, que Ton est misérabledansles embarras des grandsdesseins, efc, etc. » 
On voit assez à quel moment ces lignes éloquentes ont dû être écrites. — G. 

t Gomment M. de Biron aarait-il pn soupçonner une ambition que Vauv 
nargnea n'avait pas encore avouée, même à ses amis? — Voir les notes des 
IjRitr^ 30% 32*, 33«, 35* et SH'. — G. 



218 CORRESPONDANCE. 

inclinalion à une vie plus occupées je prends la liberté 
d'écrire au Roi la lettre que j'ai l'booneur de vous envoyer. 
Je serais presque sûr qu'elle réussirait, si vous aviez la 
bonté de la mettre en des ternies convenables et de l'ap* 
puyer; mais j'espère qu'au moins, Monsieur, vous voudrex 
bien en 6ter le ridicule, en la présentant vous-même au Roi 
Je vous en supplie très-humblement, Monsieur ; vous me 
mortifieriez beaucoup de me refuser cette grftce. Vous eo 
avez attiré sur le régnent de si peu ordinaires, que quand 
vous obtiendriez pour moi que je fusse envoyé aupi^ da 
roi de Prusse, où H. de Pezai avait placé autrefois M. de La 
Cbétardie', personne n'en serait surprb; mais toutes les 
places auxquelles vous me croirez propre, me parattroot 
bonnes, et si vous voulez bien, Monsieur, prendre quelque 
intérêt à moi, je vous assure que cela m'encouragera de 
telle sorte, que ni ma Umidité naturelle, ni le peu d'usage 
que j'ai du monde, ne m'empêcheront de me rendre digne 
de vos bontés. Enfin, je crois qu'il ne saurait y avoir d'ia-^ 
convénient à présenter ma lettre au Roi, surtout si elle lui 
fait penser que, depuis qu'il est lui-même son premier mi- 
nistre*, cela inspire tant de confiance, qu'il n'y a plus per- 
sonne aujourd'hui qui n^ose porter à ses pieds tout ce qu'il 
se sent de courage et de zèle pour son service. Je suis, avec 
un profond reSpect, etc. 

Permettez-moi, Monsieur, de joindre ici un petit mé- 
moire, qui me fera connaître plus particulièrement à vous. 

MÉMOIRE. 

Mon père, mon grand-père, mon bisaïeul, ont eu Thon- 

* Que disait donc Mirabë»a, quand il reprochait à VauYenargoes sa porruf 
et ion inaetion? (Lettre 33«). Yaavenarguea attendait seulement son Jour et 
son heure. — G. 

> Joacbim-Jacques Trotti, marquis de La Ckétardie, avait quitté le aer 
vice militaire, pour exercer les fonctions de Ministre du Roi de France, au- 
près du Roi de Prusse, de 1734 à 1730. —G. 

' Le cardinal Fleury, premier ministre. Tenait de mourir (29 Janvier 1743), 
« et Louis XY. dit Voltaire, prit dèa-lore la résolution de gouverner par lui- 
« même. » (fCdilion Beiichot^ tomo \XI» page 78.) — G. 



CORRESPONDANCE. 249 

neor d'être syndics de la noblesse de Provence ; mon pète a 
eu celui de commander à Aix, pendant la peste, plus jeune 
que je ne suis * ; mon frère a été tué depuis, en Corse ' , au 
service de Sa Majesté. 

Le nom de ma famille est Clapiers. Le premier de mes 
pères, connu en Provence , était gouverneur de la ville 
d'Hyères, et premier écuyer de Robert, roi de Naples et 
comte de Provence, comme il conste par son testament fait 
en 1330*, et vérifié à la chambre des Comptes; je m'offre 
de faire paraître, par des titres incontestables, ma filiation 
jusqu'à lui. Les mêmes titres feront voir encore un évêque 
de Toulon * de ma famiUe, chancelier, et commisssdre-géné- 
ral des finances du roi René. Je n'ose insister davantage 
sur des titres peu considérables pour monsieur le duc de . 
Biron ' ; mais M. Du Muy ^, qui est né en Provence, peut me 
faire connaître plus particulièrement, s'il veut se souvenir 
d'une famille qui est trës-attachée à la sienne. 

I Vauvenargues le trompe : au moment où il écrit ce Mémoire, il n*o pas 
encore 38 ans, et, au moment de la peste d*Aix, son père en avait 30 (voir la 
!*« note de la page 07). U aurait pu ajouter qu'à cette occasion, en 1722, son 
père reçut du Roi une pension de 3,000 lirres et le titre de marquis : mais on 
comprend, qu'en cette circonstance, Vaurenargues se souci&t peu de rappeler 
que son marquisat était d'aussi fraîche date. — G. 

< Voir la 3« note de la page 235. — G. 

* Le personnage dont il s'agit s'appelait Jean de Clapiers, et son testament 
fut reçu par Draoon, notaire à Hyères, le 2 août 1330. Il avait épousé Mar- 
guerite de Castellane, et il avait un frère, Etienne de Clapiers, abbé de Saint- 
Victor. — G. 

* Pierre de Clapiers, évoque do Toulon par bulles du pape Eugène IV, 
datées du mois d'octobre 1440, à Florence. — G. 

s VauTcnargues, en effet, aurait pu citer, entre autres, François de Cla- 
pier», seigneur de Pierrefeu, qui fut lieutenant-particulier au siège d'Aix, 
puis conseiller à la cour des Comptes (1556), enfin conseiller au Parlement 
(17 octobre 1571). II a laissé un Traité de droit, fort estimé de son temps, et 
une chronologie des comtes de Provence. C'est par son mariage avec Mar- 
guerite de Séguiran, dame de Vauvenarguet^ que la terre de ce nom est échue 
à la famille. — G. 

* n y avait deux frères Du Muy : Joseph^abriel-Tancrède, né en 1707, et 
Louis-NîcoIas>Victor, né en 1711. L'alné, marquis Du Muy, comte deGrignan, 
de la Renarde, etc., devint lieutenant-général ; le second, celui, vraisembla- 
Uement, dont Vauvenargues veut parier, fut ministre de la guerre, maréchal, 
et mourut le 10 octobre 1775. Son oraison funèbre fut prononcée, dans l'église. 
des Invalides, par M. de Beauvais, év^ne de Senez, prédicateur, alors, en 
grande réputation. — (î. 



230 CORRESPONDANCE. 

86. — LE MÊME AD ROI. 

A Nancy, \f 8 arril 1743. 

Sire, 

Lorsque Ton n'a plus rien à espérer de la fortune, on se 
tourne d'abord, bien naturellement, vers ceux qui sont au- 
dessus d'elle. Je sers depuis huit ans, en France, dans les 
emplois subalternes de la guerre, sans promesse, et sans 
espérance. Cette situation, insupportable à l'âge de vingt- 
sept ans, m'a fait nattre la pensée et la hardiesse d'offrir 
mes services à Votre Majesté. Vous savez. Sire, qu'il est 
diflScile qu'on n'espère pas quelque chose des hommes que 
le monde admire : ils élèvent nos sentiments ; nous croyons 
trouver dans notre âme de secrètes convenances qui la ren- 
dent digne d'eux, et notre vanité rappelle ainsi à elle tout 
ce qu'elle leur sacrifie. 

J'ai honte. Sire, de vous laisser voir ce que je présume 
de moi ; mais j'ai remarqué très-souvent que les espérances 
les plus ridicules, et les plus hardies, avaient été presque 
toujours la cause des succès extraordinaires < . Je ne demande 
à Votre Majesté que d'agréer que je me donne à elle, et que 
je serve auprès de sa personne, n'importe dans quel em- 
ploi, et j'ose croire qu'il n'y a rien dans ma naissance, ni 
dans ma conduite, qui puisse m' éloigner de cet honneur : 
je ferai connaître l'une et l'autre à Votre Majesté, lorsqu'elle 
l'ordonnera, et ma vie répondra de ma sincérité. 

J'espère encore, Sire, que vous me pardonnerez de m'a- 
dresser directement h Votre Majesté. Je sais combien cette 
hardiesse est éloignée du culte que l'on rend aux Rois; il 

< Vftnvenargues a détacbé cette phrase, ponr la placer dans aet Mtumeu 
(voir la XSI«), JDQaia la forme co eal moiBs afllnoative, car le mot quelquefois 
y «ai 8iii»titué à presque toujoun. Cette lettre, 4*aUleura, ne fat pas reniae ao 
Roi : VauveoaiYues apprit bientôt que no régiment allait te remettre en cam- 
pagne; il ne voulut pas <|uitter les drapeaux en un pareil moment, et Unv 
que, la campagne faite, il reprit soq projet, il rédigea pour le Roi une autre 
lettre, que l'on trouvera sous le n® 95. — G. 



CORRESPONDANCE. 251 

n'y a que Dieu et Votre Majesté, qui puissent inspirer tant 
d'amour et tant de confiance, et dont Tesprit, supérieur aux 
usages et au gouvernement des peuples, soit toujours en 
état de se prêter aux pensées des particuliers malheureux. 
Je suis, avec un très-profond respect, Sire, de Votre 
Majesté, etc. 



87. — LE MÊME AU DUC DE BIRON. 

A Nancy, le 12 avril 1743. 

Monsieur, depuis la lettre que j'ai eu l'honneur de vous 
écrire, j'ai pensé qu'il serait peut-être nécessaire que j'écri- 
visse aussi à M. Amelot * : voilà donc encore une autre 
lettre * que j'ose vous prier de présenter, supposé qu'il faille 
le faire. Si j'avais été à portée d'écrire l'un^et l'autre sous 
vos yeux, je suis persuadé que vous auriez eu la bonté de 
m'inspirer; j'y aurais moins de regret, Monsieur, si vous 
vouliez les corriger et les transcrire ; mais il ne me con- 
viendrait pas de vous demander cette grâce. 

J'ai eu envie d'écrire encore à M. Dallemans, pour le 
prier de vous dire quelque bien de moi, et de vous encou- 
rager à m'avouer ; mais j'ai pensé depuis. Monsieur, que je 
ne devais mettre que vous dans la confidence de mes chi- 
mères, puisqu'il n'y avait que vous qui pussiez les justifier. 
Ceux qui loueraient ma confiance, si vous l'appuyiez, la re- 
garderaient comme une folie, sans votre aveu. Je ne demande 
pas, cependant, que l'on m'ebploie, sur ma parole, à des af- 
faires essentielles; je m'offre de servir dans les pays étraU'- 
gers, sans appointement et sans caractère, jusqu'à ce que 
Ton me connaisse ; on peut bien me mettre à l'épreuve. Que 

t Jeaa-JoBeph Amelot de Chaillou, né le 30 avril 1680, de l'Académie 
française eo 1737, ministre des affaires étrangères le 32 février 1737, dis- 
gnu;ié le 36 avril 174il, et remplacé, au mois de novembre suivant, par le 
marquis Voyer d'Argenson. — G. 

s Cette lettre n'est autre, sans doute, que la 06« {voir plut loin)^ laquelle 
no fut envoyée au ministietiu'à la fin dn la mt^me année. — G. 



262 CORRESPONDANCE. 

ne suis-je aussi à portée de faire paraître le respect et ratta- 
chement inviolable avec lequel je suis, etc. 



88. — VOLTAIRE A VAUVENARGUES. 

Paris, 15 ivril 1743. 

J'eus Phonneur de dire, hier, à M. le duc de Duras que je venais de 
recevoir une lettre d'uA philosophe plein d'esprit , qui, d'aiUeun, était 
capitaine au régiment du Roi : il devina aussitôt M. de Vauvenargues. 
Il serait, en effet, fort difficUe, Monsieur, qu'il y eût deux personnes ca- 
pables d'écrire une telle lettre; et, depuis que j'entends raisonner sur 
le goût, je n'ai rien vu de si fin et de si approfondi que ce que voas 
m'ayez fait l'honneur de m'écrire. 

Il n'y avait pas quatre hommes, dans le siècle passé, qui osassent 
s'avouer à eux-ifaêmes que Corneille n'était souvent qu'un dédamatenr; 
vous sentez, Monsieur, et vous exprimez cette vérité, en homme qui a 
desidées bien justes etbien lumineuses. Je ne m'étonne point qu'un esprit 
aussi sage et aussi fin donne la préférence à l'art de Racine, à cette sagesse 
toiyours éloquente, toujours maltresse du cœur, qui ne lui fait dire que 
ce qu'il faut, et de la manière dont il le faut; mais, en même temps, je 
suis persuadé que ce même goût, qui vous a fait sentir si bien la sapé- 
riorité de l'art de Racine, vous fait admirer le génie de Corneille, qui 
a créé la tragédie dans un siècle barbare. Les inventeurs ont le premier 
rang, à juste titre, dans la mémoire des hommes : Newton en saTait. 
assurément, plus qu'Archimède ; cependant les Êquipondérantsd^ Alchi- 
mie seront, à jamais, un ouvrage admirable. La belle scène d'Horace et 
de Guriace, les deux charmantes scènes du Cidj une grande partie de 
Cinna, le rôle de Sévère, presque to^it celui de Pauline, la moitié du 
dernier acte de Rodogune, se soutiendraient à côté à'AthaUât quand 
même ces morceaux seraient faits aujourd'hui. De quel œil devons-nous 
donc les regarder, quand nous songeons au temps où Corneille a écrit? 
J'ai toujours dit : MnUœ swU numêiones m domo palris «et * ; Molièrr 
ne m'a point empêché d'estimer le Glorieux de M. Destouches; Rka- 
daminle ' m'a ému, même après Phèdre. Il appartient à un homme comme 
vous, Monsieur, de donner des préférences, et point d'exclusions. 

* Ëvangile selon saint Jean, chap. XIV, 2. — G. 
« Tranédiodo Cn:«binon.— G. 



CORRESPONDANCE. 253 

Vous avei grande raison, je crois, de condamner le sage Despréaox 
d'avoir comparé Voiture à Horace t. La réputation de Voiture a dû 
tomber, parce qu*il n'est presque jamais naturel, et que le peu d'agréments 
qu'il a sont d'un genre bien petit et bien frivole ; mais il y a des choses 
H sublimes dans Corneille, au milieu de ses froids raisonnements, et 
même des choses si touchantes, qu'il doit être respecté avec ses dé- 
fauts. Ce sont des tableaux de Léonard dé Vinci, qu'on aime encore à 
voir à côté des Paul Véronèse et des Titien. Je sais, Monsieur, que le 
public ne connaît pas encore assez tous les défauts de Corneille; il y 
en a que l'illusion confond encore avec le petit nombre de ses rares 
beautés. 

Il n'y a que le temps qui puisse fixer le prix de chaque chose; le 
public commence toujours par être ébloui : on a d^abord été ivre des 
Lettrée persanes^ dont vous me parlez; on a négligé le petit livre de la 
Décadence des Romains du même auteur; cependant, je vois que tous 
les bons esprits estiment le grand sens qui règne dans ce bon livre 
d'abord méprisé, et font assez peu de cas de la frivole imagination des 
Lettres persanes, dont la hardiesse, en certains endroits, fait le plus 
grand mérite. Le grand nombre des juges décide, à la longue, d'a- 
près les voix du petit nombre éclairé; vous me paraissez. Monsieur, 
fait pour être à la tète de ce petit nombre. Je suis fâché que le parti des 
armes, que vous avez pris, vous éloigne d'une vOle où je serais à portée 
de m'édairer de vos lumières* ; mais ce même esprit de justesse qui 
vous fait préférer l'art de Racine à rintempéran<% de Corneille, et la 
gages»^ de Locke à la profusion de Bayle, vous servh*a dans votre métier ; 
la justesse sert à tout. Je m'imagine que M. de Catinat aurait pensé 
comme vous. 

J'ai pris la liberté de remettre au coche de Nancy un exemplaire que 
j'ai trouvé d'une des moinâ mauvaises éditions de mes faibles ouvra- 
ges; l'envie de vous offrir ce petit témoignage de mon estime l'a em- 
porté sur la crainte que votre goût me donne. 

Tai l'honneur d'être, avec tous les sentiments que vous méritez, 
Monsieur, votre, etc. 

* Dans sa 0« satire. — G. 

* On comprend qu*ane telle phrase, écrite par Voltaire, ait pu coiiflrine 
Vaurenargues dans son proiet d'abandonner le parti des armes, — G. 



234 CORRESPONDANCE. 

89. — VAUVENARGUES A VOLTAIRE, 

A Ntucy, le U arri) 1742. 

Monsieur , 

Je suis au désespoir que vous me forciez à respecter 
Corneille : je relirai les morceaux que vous me citez ; et, si 
je n'y trouve pas tout le sublime que vous y sentez, je oe 
parlerai de ma vie de ce grand homme, afin de lui rendre, 
au moins par mon silence, l'hommage que je^lui dérobe par 
mon faible goût. 

Permettez-moi cependant, Monsieur, de vous répondre, 
sur ce que vous le comparez à Archimède, qu'il y a bien 
de la différence entre un philosophe qui a posé les premiers 
fondements des vérités géométriques, sans avoir d'autre 
modèle que la nature et son profond génie, et un homme 
qui, sachant les langues mortes, n'a pas même fait passer 
dans la sienne toute la perfection des maîtres qu'il a 
imités. Ce n'est pas créer, ce me semble, que de tra- 
vailler avec des modèles, quoique dans une langue diffé- 
rente, quand on ne les égale pas. Newton, dont vons par- 
lez. Monsieur, a été guidé, je l'avoue, par Archimède, et 
par ceux qui ont suivi Archimède ; mais il a surpassé ses 
guides; partant, il est inventeur : il faudrait donc que Cor- 
neille eût aussi surpassé ses maîtres pour être au niveau de 
Newton, bien loin d'être au-dessus de lui. Ce n*est pas que 
je lui refuse d'avoir des beautés originales, je le crois; mus 
Racine a le même avantage. Qui ressemble moms à Cor- 
neille que Racine? Qui a suivi une route, je ne dis pas plus 
différente , mais plus opposée ? Qui est plus original que 
lui? En vérité. Monsieur, si l'on peut dire que Corneille a 
créé le théâtre, doit-on refuser à Racine la même louange? 
Ne vous semble-t-il pas même. Monsieur, que Racine* 
Pascal, Bossuet, et quelques autres, ont créé la langue fran- 
çaise? Mais, si Corneille et Racine ne peuvent prétendre à 



CORRESPONDANCE. 25& 

la gloire des premiers inventeurs, et qu'ils aient eu l'un et 
l'autre des maîtres, lequel les a mieui imités? 

Que vous dirai-je, après cela, Monsieur, sur les louanges 
que vous me doimez ? S'il était convenable d'y répondre 
par des admirations sincères, je le ferais de tout mon cœur; 
msds la gloire d'un homme comme vous est à n'être plus 
loué, et à dispenser les éloges. J'attends, avec toute Vîxn-r 
patience imaginable, le présent dont vous m'honorez : vous 
croyez bien, Monsieur, que ce n'est pas pour connaître da- 
vantage vos ouvrages , je les porte toujours avec moi ; mais 
de les avoir de votre main, et de les recevoir comme une 
marque de votre estime, c'est une joie. Monsieur, que je ne 
contiens point, et que je ne puis m'empècher de répandre 
sur le papier. Il faut' que vous voyiez. Monsieur, toute la 
vanité qu'elle m'inspire : je joins ici un petit discours que 
j'ai fait depuis votre lettre, et je vous l'envoie avec la même 
confiance que j'enverrais à un autre la Mort de César ^ ou 
Athalie. Je souhaite beaucoup, Monsieur, que vous en soyez 
content : pour moi, je serai charmé si vous le trouvez digne 
de votre critique, ou que vous m'estimiez assez pour me 
dire qu'il ne la mérite pas, supposé qu'il en soit indigne. 
Ce sera alors , Monsieur, que je me permettrai d'espérer 
votre amitié» En attendant, je vous offre la mienne, de tout 
uiOD coeur, et suis avec passion. Monsieur, etc. 

P. S. Quoique ce paquet soit déjà assez considérable, et 
qu'il soit ridicule de vous envoyer un volume par la poste, 
j'espère cependant, Monsieur, que vous ne trouverez pas 
mauvais que j'y joigne encore un petit fragment. Vous avez 
répondu à ce que j'ai eu l'honneur de vous écrire de deux 
grands poètes*, d'une manière si obligeante et si instruc- 
tive, qu'il m'est permis d'espérer que vous ne me refuserez 
pas les mêmes lumières sur trois orateurs ' si célèbres.. 



< Corneille et Racioc. — 0. 

* Bossuet, Fénclon et Pascal. — B. —Voir le» 1'' Fragmenf, intitulé les Ora- 
/n#r«. — G. 



256 CORRESPONDANCE. 

90. — LE MÊME A SAINT-VINCENS. 

A Naoey, le U mai 1743. 

Vous avez raison, mon cher Sûnt-Vincens, de ne pas 
chercher à donner une tournure à vos louanges ; les louanges 
les plus simples sont les plus touchantes, lorsqu'elles sont 
les plus vraies ; mais il faut qu'elles soient vraies, car les 
fausses ne soutiennent point cette simplicité, et Fart seul 
les rend supportables. 

Je suis bien use que vous ayez été content de mon dis- 
cours * ; mais j'aurais souhûté que vous me parlassiez de 
ses défauts avec plus d'étendue. Quand il se trouve quel- 
que chose de moins faible que le reste dans un homme qui 
écrit comme je fais, personne ne manque de le relever; 
mais, pour les défauts, nul n'en parle, hors les véritables 
amis ; car il y aurait trop à reprendre. J'ai été étonné, moo 
cher Saint-Vincens, que, bornant votre critique aux termes 
de beaux yeux et éTintiocente joie S qui sont des épithètes, 
ce me semble, que l'amitié peut souffrir, vous ne parliez 
pas de quelques endroits beaucoup plus forts : et je t'avais 
rendu mille fois^ en secret, un hommage mystérieuxj et cette 
apostrophe même tout entière. 

Une chose encore que j'ai remarquée, c'est que plusieurs 
personnes m'ayant parlé, comme vous, de mon discours, 
avec éloge, aucune ne m'a dit qu'il fût touchant*. Or, 
comme le sujet est pathétique de lui-même, il faut qu'il y 
ait quelque grand défaut, dans l'expression, qui refroidisse, 
soit accablement d'ornements, soit défaut de naïveté, soit 
exagération dans les pensées; car ce n'est pas, ce me sem- 
ble, faute de passion qu'il n'émeut pas, mais plutôt parce 
que la passion y est fardée ; néanmoins, mon cher Saint- 

1 II «i*ftgit de VÊloge dllippolyte de Seytrex. — G. 
* Ces expromions ne se retrouvent pas dans la dernitut: version que \ au- 
venargoes a laissée de ce Discours. — G. 
"* Voir la dernière note de VÉlogf (THippolytf de Sê^re$. — G. 



CORRESPONDAxNCE. 257 

Vinceos, vous, ne m'en dites pas un mot. Je veux bien que 
vous me louiez sans prendre le moindre détour, car la déli- 
catesse méjne est méprisable devant ]*ingénuité de Tamitiê, 
et la finesse est hors de sa place, entre gens qui s'aiment 
un peu; mais il faut que vous me blâmiez avec la même 
franchise^ quand je le mérite, au hasard même de me con- 
damner mal à propos dans les choses un peu douteuses ; 
sans cela, louanges, critiques, tout me deviendrait bien 
suspect. 

Les changements dont je parle à M. de Caumont ' sont 
dans la copie que vous avez vue de mon discours. Ajoutez-y, 
je vous prie, au lieu d'humides tombeaux : Ouvrez-vous, tom- 
beaux redoutables ^ ; c'est une épithète que j'avais changée, 
et qu'on m'a fait rétablir. Je tâcherai de polir ce discours, 
lorsque je serai plus tranquille; mais, aujourd'hui, j'ai 
toutes sortes d'inquiétudes et de* distractions.. Adieu, mon 
cher Saint- Vincens; comptez, pour la vie, sur mon amitié. 
Pourquoi voulez-vous que j'oublie les marques que j'ai de 
la vôtre? Je n'ai rien de plus cher au monde. 

N'ëtes-vous pas bien singulier de me demander de mes 
nouvelles, avec la crainte simulée d'être indiscret? Et le- 
quel de nous, je vous prie, est resté toujours en arrière, 
depuis que nous nous écrivons ? 



91, — VOLTAIRE A VAUVENAKGUES. 

Paris, le 17 mai 1743. 

J^ai tardé longtemps à vous remercier, Monsieur, du portrait que 
vous avez bien voulu m^envoyer de Bossuet, de Fénelon et de Pascal ; 
vous êtes animé de leur esprit quand vous parlez d'eux. Je vous avoue 
que je suis encore plus étonné que je ne l'étais, que vous fassiez un 
métier, très-noble à la vérité, mais un peu barbare, et aussi propre aux 

> Père du jeune de Seytres. — G. 

< En effet, Vauvenargnes a maintenu cette dernière rédaction. — G. 

* 17 



268 CORRESPONDANCE. 

hommes communs et bornés qu^aux gens d^espriL Je ne vous crofais 
que beaucoup de gpût et de oonnaissanoes, mais je vois.qa6 toos avez 
encore plus de génie. Je ne sais si cette campagne vons permettra de 
le cultiver ; je crains même que ma lettre n'arrive au milieu de quelque 
marche, ou dans quelque occasion où les belles-lettres sont trèfr-peu 
dé saison. Je réprime mon envie de vous dire tout ce que je pense, et 
je me borne au plaisir de vous assurer de la singulière estime que vous 
mMnspirez. 

Je suis, Monsieur, voire, etc. * 



»2. - VAIÎVENARGUES A SAINT-VINCENS. 

Au camp de *, le 16 juillet 1743. 

Je réponds bien tard à votre dernière lettre, mon cher 
Saint-Vincens ; vous savez que ce n'est pas ma coutume. 
Je voulais vous envoyer quelque chose , non pas pour sa- 
tisfaire votre curiosité, que je ne mérite point, mais pour 
consulter votre critique qui, trop flatteuse jusqu'à aujour- 
d'hui, peut être forcée, par la continuité de ma confiance, 
à se réduire aux termes de la vérité et de l'amitié. Hais, 
n'ayant pas de copiste à présent, et ne pouvant vaincre ma 
paresse, je renvoie cela à ma première lettre* 

J'ai prié mon père, après l'action deDettingen ', de vous 
donner de mes nouvelles ; je ne vous fenù pas aujourd'hui 
un détail de cette malheureuse affaire ; il vaudrait autant 
vous parler de la bataille de Platée. Tout ce qu'on peut 
dire là-dessus, c'est qu'on n'a jamais vu rien de pareil. 
M. de Montijo S ambassadeur d'Espagne auprès de l'Empe- 
reur, disait à quelques officiers du régiment : « Biessiem^, 



I Sur la lettre originale, le nom est resté en blanc. — G. 

* Sar le Mein, près de Hanaa et de Francfort. On sait que cette bataille, 
soutenue le 27 Juin 17&3, contre les Anglais et les Impériaux, fut perdue par 
la fougue imprudente et par une fausse manœuvre du duc de Gramont. — G. 

* Est-il nécessaire de noter que riropératnce actuelli^ des Français a rendu 
ce nom définitivement historique ? — G. 



CORRESPONDANCE/ 259 

« voilà une grande action : on disait, dans toute FEurope : 
(I I^$ Francaisne veulent pas sebattre, les Français ne veulent 
« pas se battre. Vraiment, vous leur avez fait voir le con- 
« traire. Il faudra qu'on dise à présent : Ils se battent comme 
« des fousy tb se battent comme des fous> » M. de Hontijo 
avait raison ; ce qu'il dit est vrai à la lettre. 

Adieu, mon cher Saint-Vincens ; nous allons repasser le 
Rhin; je ne vous rends pas les discours que Ton tient là- 
dessus, ici; j'en viens de faire une grande lettre à ma mère; 
mais cela ne vaut pas la peine d'être répété. Adieu, encore 
une fois. Envoyez-moi votre adresse, lorsque vous irez à la 
campagne, et ne me négligez pas. 



93. — LE MÊME AU MÊME. 

Alt cantonnement de Tcthchcn, le 7 noTcmbre IT43. 

Votre critique est trop douce, mon cher Saint-Vincens, 
et il faut être aussi sûr de vous que je le suis, pour la croire 
sincère. Le peu que vous dites sur la Méditation * me pa- 
rait très-fondé : le cœur éteint de la terre ^ « que vous reprenez 
dans la Prière, n'est pas une faute du copiste, mais de moi, 
supposé que cette image soit trop hardie ; la réflexion que 
vous faites sur ces mots : modéré jusque dans la guerre \ est 
judicieuse, et peut-être encore ce que vous me dites sur les 
raisonnements qui suivent la peinture de la mort d'Hippo- 
lyte; cependant, j'ai pris soin de m'interrompre à cet en* 
droit, et de mettre une espèce de repos entre le pathétique 
et les raisonnements. Vous me direz : Pourquoi sortir du 
pathétique ? — Pour y replonger, peu après, plus profondé- 

< Voir la Méditation sur la Foi, et la dernière note qui 8*y rapporte. — G. 

< Vaayenargues a*est rendu à la critique de Saint-Vincena, car cet mots 
ont disparu de la Prière, qui termine la Méditation tur la Foi. —G. 

s En reranche, Vauienargues a conservé cette expression dans VEloge 
d^ffiftpoltfte de SeytrfK, — G. , 



260 CORRESPONDANCE. 

ment- Voyez là-dessus ce que j'écris à Mirabeau*, si vous 
êtes à portée ; il m'a reproché de mettre trop de poétique 
dans ma prose, trop d'images, trop depassion, et des transi- 
tions trop soudaines. Je voudrais, mon cher Saint- Vinceus, 
que vous me dissiez là-dessus votre pensée, sans fard; je 
mérite peut-être qu'on me parle avec sincérité. 

Il faudrait que vous .eussiez présentes à l'esprit les Pen- 
sées et les Provinciales de Pascal, les Oraisons funèbres de 
Bossuet, le TiUmaque de Fénelon, et La Bruyère, pour 
juger du^parallèle que j'en fais ^. Lorsque vous m'aurez donué 
votre décision sur ces prateurs, je vous enverrai ce que je 
pense de nos grands poètes. Mais retranchez, je vous prie, 
de vos lettres tous ces discours de modestie, qui tieuDeDt 
la place de quelque chose de meilleur. Personne n'est ca- 
pable comme vous de bien juger; ce n'est pas parce que 
vous me louez que je le dis, car cela devrait, au contraire, 
m'empêcher de vous le dire ; mais je l'ai pensé avant que 
vous me louassiez, et il ne m'est pas possible de changer 
d'idée. ' 

Adieu, mon cher Sdnt-Viiicens. Voilà notre campagne, 
bien heureusement, finie. Il y a quinze jours que cette lettre 
est écrite; mais j'attendais de davoir avec certitude notre 
destination, pour vous en faire part : adressez-moi votre 
première lettre à Arras, où je serai le 9 décembre, avec le 
régiment du Roi. J'ai fait de petits changements aux mor- 
ceaux que je vous ai envoyés ; je pourrai, dans la suite, 
vous les communiquer; je n'en ai pas aujourd'hui le lobir. 

Si vous avez occasion de voir le.marquis de Mirabeau, je 
vous prie de lui dire que le régiment du Roi va à Arras. 

> Oii Vf lit, ici, que Vauvenargues s'est enfin décidé à mettre Mirabeau dan^ 
son ftccret. ( l>'r la note de la page 12&.} — G. 
« Voii* le !•' Fragment, intitulé : Les Orateurs. — G. 



CORRESPONDANCE. 231 

m 

Qh. — LE MÊME A [j DUC DE B-IRON.' 

A Arras, le 12 décembro 1743. 

Monsieur , 

Je prendd la liberté de voas envoyer une copie de deux 
lettres que je viens d* écrire au Roi et à M. Amelot. Vous 
y verrez, Honsieur^ que je ii'ai pas perdu de vue ce que j'ai 
eu l'honneur de vous communiquer l'année passée \ Quoi- 
que je mérite peut-être moins, depuis ce temps-là, que vous 
veuillez * vous intéresser à moi, je crois cependant pouvoir 
encore me confier aux sentiments que vous avez eu la bonté 
de me témoigner en d'autres occasions. Je vous supplie, au 
moins. Monsieur, d'être persuadé que je ne m'engagerais 
pas à une démarche que vous avez désapprouvée, et qui 
blesse totis les usages, si j'avais quelque chose à ménager 
pour ma fortune; mais vous savez bien. Monsieur, que dans 
l'état où je suis, je puis suivre toute mes idées sans consé- 
quence : c'est le malheureux avantage de ceux qui n'ont 
rien à perdre de pouvoir beaucoup hasarder. 

Je ne puis fermer cette lettre sans vous parler encore 
d'une chose que f ai fort à cœur ; il y a, dans ma compagnie, 
un homme de cinq pieds deux pouces, qui est toujours ma- 
. ]iade, et qui demande un congé absolu, en mettant à sa 
place un trës^bel homme. Je voudrais pouvoir contenter 
ce misérable, et je crois que le bien du service s'y rencon- 
trerait ; j'ai prié instamment M. de la Serre de s'employer 
pour lui auprès de vous, n'osant presque pas, Monsieur, 
vous demander moi-^même cette grâce. Je suis avec un pro- 
fond respect, etc. 

« Vauyenargues a voulu dire au eammencement de cette annét^ car ses 
premières lettres à M. de Biron sont du 8 et du 11 avril 1743. — G. 

* 11 fandtrait : que vou$ toulie%; le mot veuilte% ne s'emploie qu*à TimpO- 
ratif. — G. 



282 CORRESPONDANCE. 

P5 — LE MÊME AU ROI. 

A Ams, If M décembre 1743. 

Sire , 

Pénétré de servir, depuis neuf ans, sans espérance, dans 
les emplois subalternes de la guerre, avec une faible santé, 
je me mets aux pieds de Votre Majesté, et la supplie très-hum- 
blement de me faire passer du service des armées, où j*ai 
le malheur d'être inutile, à celui des affaires étrangëresi où 
nK>n application peut me rendre plus propre. Je n'oseras 
dire à Votre Majesté ce qui m'inspire la hardiesse de lui de- 
mander cette grâce ; mais peut-être est-il difficile qu'une 
confiance si extraordinaire se trouve dans un homme tel que 
moi, sans quelque mérite qui la justifie. 

Il n'est pas besoin de rappeler à Votre Majesté quels 
hommes ont été employés, dans tous les temps, et dans les 
affaires les plus difficiles, avec le plus de bonheur. Votre 
Majesté sait que ce sont ceux-là mêmes qu'il semblait que 
la fortune en eût le plus éloignés ^ Et qui doit, en effet, 
servir Votre Majesté avec plus de zèle qu'un gentilhomme 
qui, n'étant pas né à la cour, n'a rien à espérer que de son 
maître et de ses services? Je crois sentir. Sire, en moi-même, 
que je suis appelé à cet honneur, par quelque chose de 
plus invincible et de plus noble que l'ambitipo. 

Monsieur le duc de Biron, sous qui j'ai l'honneur de 
servir, pourra faire connaître ma naissance et ma coaduite 
à Votre Majesté, lorsqu'elle le lui ordonnera; et j'espère 
qu'elle ne trouvera rieUi dans l'une ni dans l'autre, qui 
puisse me fermer l'entrée de ses grâces. 

Je suis, avec un très-profond respect, etc. 

* La même pensée se retrouve, presque eo même termes, dans la Maiime 
786». — G. 



CORRESPONDANCE. 203 

96. - LE MÊME A M. AMELOT. 

A XmSy le 12 décembre 1743. 

Monseigneur, 

J*ai pris la liberté d'écrire au Roi, et de lui représenter 
que Tétat de ma santé et de ma fortune m'ôtant toute espé- 
rance de rendre à la guerre aucun service, je croyais que 
l'habitude que je me suis faite du travail, et le caractère de 
mon esprit, pouvaient me faire espérer de le servir avec 
plus de çuccès, sous l'autorité de votre emploi, dans les 
pays étrangers. J'ose encore. Monseigneur, vous adresser 
ma lettre, et vous supplie de la présenter. Je voudrais vous 
paraître digne de la grâce que j'y demande : mais vous 
n'avez pas le loisir, an milieu des affaires qui vous envi- 
ronnent, de lire les discours d'un bomme oisif. Éprouvez, 
Monseigneur, s'il est possible qu'il se trouve un homme 
assez hardi pour tenter d'imposer à son maître, et à un mi- 
nistre tel que vous. 

Je me ferai connaître plus particulièrement à vous, lors- 
que vous le souhaiterez. Il y a neuf ans que je sers dans le 
régiment du Roi, et M. le duc de Biron sait quelle y a été 
ma conduite. 



97. — LE MÊME AU DUC DE BIRON. 

A Ami, le U jinrier 1744. 

Monsieur, 

J'ai eu l'honneur de vous écrire, de Nancy, deux lettres * 
auxquelles vous n'avez pas jugé à propos de faire réponse» 
et je n'ose plus en attendre à celle que j'ai hasardée encore, 
il y a un mois : ce silence continué de votre part. Monsieur, 
m'est très-sensible, et me fait connaître de quel œil vous re- 

« Voir le* Lettres 85» et 87'. — (î. 



264 CORRESPONDANCE. 

gardez mes sentiments. Jenesaariûs, après cela, aimer en- 
core mon emploi, où j*ai fait des efforts si inuUles pour 
mériter vos bontés, ni m âme conserver ailleurs aucune idée 
qui me flatte. Si vous, Monsieur, à qui j*ai l'honneur d'être 
connu, vous me traitez ainsi, que dois-je attendre de ceux 
qui ne me connaissent pas? 

Vous me faites sentir. Monsieur, la nécessité où je suis, 
de quitter le service que je continue depuis neuf ans, sans 
espérance, contre le sentiment de ma famille, et avec des 
infirmités dont vous avez bien voulu vous apercevoir quel- 
quefois. Je vous supplie, Monsieur, de nommer à mon em- 
ploi, et de recevoir cette lettre comme ma démission. Je 
prends la liberté d'y joindre une copie d'une autre lettre 
que j'écrisà monsieur Amelot^ : je crois justifier, en quelque 
sorte, ma conduite, lorsque j'ose vous la communiquer. 
J'espère, Monsieur, que je pourrai avoir l'honneur de vous 
voir à Paris à la fin de ce mois, et vous remercier, de vive 
voix, du congé absolu que vous avez eu la bonté d'accorder 
à M. de la Serre, pour un soldat de ma compagnie '. 11 a 
été remplacé, sur-le^hamp, par un très-bel homme. Je 
suis, avec un profond respect, etc- 



98. — LE DUC DE BIRON A VAUVENARGUES. 

A Arru, le 14 jaotier 1744. 

J'ai reçu, Monsieur, la lettre que vous m'avez écrite avec votre dé- 
mission. J'envoie ordre de vous laisser partir d'Arras, quand vous le 
jugerez à propos. 

Je suis très-parfaitement, Monsieur, etc. 

Je serai fort aise, quand vous serez à Paris, de vous voir, et de rai- 
sonner avec vous sur les choses que vous m'avez paru désirer. 

» Voir la Lettre 99«. — G. 
« Voir la lettre W* — G. 



CORRESPONDANCE. 2J6 

99. — VAUVENARGUES A AMELOT. 

A Ams, le 14 janTif>r 1741. 

Monseigneur , 

Je suis sensiblement touché que la lettre que j'ai eu 
rbonneur de vous écrire, et celle que j*ai pris la liberté de 
vous adresser pour le Roi, n's^ient pas pu attirer votre atten- 
tion. Il n'est pas surprenant, peut-être. qu*un ministre si 
occupé ne trouve pas le temps d'examiner de telles lettres : 
mais. Monseigneur, me permettez-vous dé vous dire que 
c est cette^impossibilité morale où se trouve un gentilhomme, 
qui n'a que du zèle, .de parvenir jusqu'à son maître, qui 
faille découragement que l'on remarque parmi la noblesse 
des provinces, et qui éteint toute émulation ? 

J'ai passé. Monseigneur, toute ma jeunesse loin des dis- 
tractions du monde, pour tâcher de me rendre capable des 
emplois où j'ai cru que mon caractère m'appelait, et j'osais 
penser qu'une volonté si laborieuse me mettrait, du moins, 
au niveau de ceux qui attendent toute leur fortune de leurs 
intrigues et de leurs plaisirs. Je sub pénétré, Monseigneur, 
qu'une confiance, que j'avais principalement fondée sur 
l'amour de mon devoir, se trouve entièrement déçue. Ma 
santé ne me permettant plus de continuer mes services à la 
guerre, je viens d'écrire à M. le duc de Biron, pour le prier 
de nommer à mon emploi. Je n'aipu, dans une situation 
si malheureuse, me refuser de vous faire connaître mon 
désespoir : pardonnez-moi. Monseigneur, s'il me dicte quel- 
que expression qui ne soit pas assez mesurée. Je suis, avec 
le plus profond respect, etc. 



266 CORRESPONDANCE. 



100. — AMELOT A VAUVENARGUESw 

A Harly, le 26 janTter 1744. 

Tai reçu, Monsieur, la lettre que vous avez pris la peine de m'écrire, 
et à laquelle vous en aviez joint une autre pour le Roi, dont j^ai fait 
lecture à Sa Majesté *• Je ne puis que louer le zèle qui vous porte à 
vouloir la servir dans les affaires étrangères, depuis que vous avez re- 
connu que la fublesse de votre «anté ne vous permettait plus de suivre 
le métier des armes. Je serai très-aise de trouver des occasions de pro- 
poser au Roi de faire usage de vos talents, et de vous donner des mar- 
ques des sentiments aVec lesquels je suis, Monsieur, plus parfaitement 
que personne, entièrement à vous. 



101. -VAUVENARGUES A SAINT^YINCENS. 

A Ams, le 26 jaoTitr 1744. 

J'ai quitté le régiment du Roi, mon cher Saiot-ViDcens, 
et il n'y a pas d'apparence que je trouve un autre emploi 
dans le service. Je vous ferai le détail de mes raisons, dès 
que je serai un peu tranquille ; mais j'ai été saigné aujoor- 
d*bui« étant de garde, et cela ne me permet pas de vous 
écrire aussi longtemps que je voudrais. 

Il doit y avoir à Aix, depuis six mois, un chirurgien 
nommé Foumier, qui a passé plusieurs années à Prague, 
et qui m'y avait prêté cent pistole», que je lui ai rendues 
avec exactitude. Cet homme m'avait promis, en passant à 
Nancy, de me prêter encore deux mille francs à intérêt» et de 
mêles envoyer àl'armée, dès qu'il aur^t arrangé ses affaires. 
Tâchez, mon cher Saint-Vincens, de le déterrer, et, à quel- 
que prix que ce soit, engagez-le à me tenir sa parole : je 

< Il est à noter que le ministre ne fait pas la moindre allosion à la lettre 
précédente, qui est pourtant celle qui l'a décidé à répondre ; mais on com- 
prend qu'il lui fût commode de supposer qu'il ne l'avait pas reçue. — G. 



CÛRRESPONDANCE. . 267 

« 

sai3 perdu sans ressource, s'il me manque. Il y a longtemps 
que j*ayaîs prévu que j'aurais besoin de cet argent , et, 
enfin, le moment est arrivé. 

Je ne puis pas, aujourd'hui, voua en dire davantage ; la 
tête me tourne, et je ne vois pa9 mon papier ; je vous écri- 
rai encore, mon cher ami, dans peu de jours, et je vous 
expliquerai tout. Mon dessein est d'aller à Paris» le plus tôt 
que je pourrai; mai^ je serai peut-être arrêté ici, plus 
longtemps que je ne voudrais. 

Adieu ; je voua enverrai mon adresse à la fin de la se- 
maine. Travaillez, je vous prie» en attendant, à persuader 
H.. Foumier, et à quelque prix que ce soit ; il est homme 
que Ton peut gagner par de grosses offres ; ne négligez rien. 
Adieu, encore une fois; je ne réponds rien à votre dernière 
lettre ; elle est pleine de choses obligeantes, et dont je con- 
nais bien le prix. 



102 — LE MÊME AU lilËME. 

A Arras, le 29 janvier 1744. 

Je vous ai écrit, cqs jours passés, mon cher Saint-Yin- 
cens, étant malade, et hors d'état d'entrer avec vous dans 
des détails. Je ne saurais trop vous recommander l'affdre 
pour laquelle je vous ai écrit ; il n'est pas nécessaire de 
vous dire les raisons, vous les pénétrerez assez. 

Je vous envoie une copie des lettres que j'ai écrites au 
Roi, au duc de Biron, et à M. Amelot, avant de quitter le 
service. Vous serez peut-être surpris, mon cher Saint-Vin- 
cens, de l'idée de ces lettres : je n'ai jamais compté qu'elles 
réussissent, mais j'espérais qu^elles attireraient quelque 
attention parleur singularité, et que cela me mettrait peut- 
être, un jour, à même de me faire connaître. Les choses ont 
tourné au pis : M. le duc de Biron a accepté ma démission 
dans une lettre assez' incivile et assez sèche, et M. Amelot 



288 CORRESPONDANCE. . 

m'a fait une réponse vague, et qui ne décide rien^ Je suis 
touché de tout cela, comme un homme qui a de l'ambition, 
et qui se voit borné de tous côtés par des obstacles presque 
insurmontables ; mais je ne me reproché rien. J'sd toujours 
fût ce que j'ai pu pour mériter une fortune moins obscure; 
je sais 'de quel œil on regarde l'ambition d'un homme qui 
se fonde sur de tels titres; mais il n'a pas été en moi d'en 
produire de meilleiu^. 

S'il y a encore, à Aix, des gens qui se souviennent de 
moi, et que vous jugiez àpropos de leur montrer mes lettres, 
je vous en laisse entièrement le maître, mon cher Saint- 
Vincens. Tout le monde vous dira que ce n'est pas comme 
cela que l'on parvient ; je l'avoue ; mais avais-je de meilleurs 
moyens? Il fallait du moins, direz-vous, vous épargner un 
ridicule : mais il y a des ridicules qui ne nuisent point, 
et qui, même, réussissent quelquefois : Cest mal connaître 
le public^ dit La Bruyère, que de ne pas savoir hasarder quel- 
quefois de grandes fadaises. 

Adieu, mon cher Saint-Yincens ; adressez-moi votre pre- 
mière lettre à Paris, à l'adresse que l'on vous donnera dans 
ma famille; je vous prie de la demander à. mon frère. Je 
compte arriver à Paris vers le 10 février. Hais vous, mon 
cher Saint-Yincens, voulez-vous mourir sans avoir vu la 
capitale ? 



108. — LE MÊME A YILLEYIEILLE. 

A Amif U 5 fétrier 1744. 

Il est décidé, mon cher baron S que je ne deviendrai pas 
capitaine de grenadiers * au régiment du Roi ; je l'ai quitté, 

f Cependant, cette réponse, qaoique tardive et peu eipHcite, était sincère, 
et le ministre destinait le premier emploi vacant à Vauvenargues, viremeot 
recommandé, d'ailleurs, par Voltaire. (Voir la Lettre 10&*.) — G. 

' C'était, sans doute, un sobriquet de régiment ; car ViUëvieiUe était mar- 
ftttf , et c'est sous ce titre que Vauvenargues hii adisesse toutes ses lettres. —G. 

' Vauvenargues était d^à capitaine , depuis cinq ans ; mais on sait que 



CORRESPONDANCE* 280. 

et je pars demain pour Paris, où je serai aussi longtemps 
qu'il plaira à Dieu, car je ne vois pas encore le tour que 
pourra prendre ma fortune. 

II y a longtemps, mon cher Villevieille, que je vous ai dit 
que vous étiez fou de continuer le service : je parlais alors 
contre mon intérêt; mûntenant, je serais inconsolable, si 
vous restiez après moi au régiment ^ Je ne puis le quitter, 
mon cher baron, sans m' attendrir sur le souvenir de ces 
années que j'ai passées avec vous, dans de si utiles et si 
aimables entretiens; je n'oublierai jamais Tappui, la dou- 
ceur, l'instruction qae j'ai trouvés dans votre commerce, 
comJ[>ien mon esprit s'est formé et fortifié avec vous, et tout 
ce que je vous dois. Souvenez-vous, de votre côté, mon 
cher baron, que la supériorité que l'âge vous donnût sur 
moi ne m'a jamais empêché de vous aimer comme un ami. 

Je ne sais pas encore où je logerai à Paris ; mais vous 
pouvez adresser vos lettres pour moi àMontiers^, qui vou- 
dra bien me les faire tenir. Je vous envoie une copie des 
lettres que j'ai eu occasion d'écrire avant de quitter'; vous 
y verrez mes motifs, que vous connaissez déjà, et le peu de 
succès de mes idées. Donnez-moi promptement de vos nou- 
velles, mon cher Villevieille, et mandez-moi s'il m'est permis 
d'espérer de vous voir bientôt; vous me retrouverez tou- 
jours avec les sentiments que vous m'avez connus ; la mort 
même ne les effacera pas, s'il y a quelque chose après elle. 

l*enttée ani grenadiers, compagnie d'élite, était regardée comme un a?anfce- 
ment. — G. 

I On verra dans la lettre 109*, que Vitte?ieille n'a pas tardé à suivre le' 
conseil et l'exemple de Vanvenargues. — G. 

s Camarade de régiment, retiré du service, à Paris. — G. 

' Ce sont les lettres au Roi, à Amelot, et an duc de Biron, dont Vauvenar- 
goes envoyait également copie à Saint^Vincens. — G. 



270 CORRESPONDANCE. 

104. — VOLTAIRE A VAUVENAR6UE& 

BiBunebe, il férriv 1744 *. 

Tottt oê que voos aimerez, Monstonr, me tert cher, et faune déjà le 
rieur de Fléchellei. Vos recommandations sont pour moi les ordres les 
plus précis. Dès que je senii un peu débarrassé de Mérope^ des impri- 
meurs, des Goths et Vandales qui persécutent les lettres, je chercherai 
mes consolations dans votre charmante société, et votre prose éloquente 
ranimera ma poésie. Tai eu le plaisir de dire à M. Amelot tout ce que 
je pense de vous; il sait son Démosthène par cœur, il faudra quMI 
sache son Vauvenargues. Comptez à jamais, Monsieur, sur la tendre 

estime et sur le dévouement de 

Voltaire. 



106, — VAUVENARGUES A SAINT-VINCENS. 

A PtriSf le 36 fèmer 1744. 

Votre dernière lettre, mon cher Saint-Vincens, tn'a fait 
une peine infinie : vous ne sauriez croire l'impatience que 
j'ai d'avoir de vos nouvelles ; je ne puis souffrir de vous 
savoir malade, et d'ignorer la cause de votre maladie. Vous 
deviez me faire écrire par mon frère ; quoiqu'il soit fort 
paresseux, je suis persuadé qu'il ne se serait pas refusé à 
cette occasion. 

J'ai été présenté à M. Amelot, depuis que je suis dans ce 
pays-ci ; il m'a reçu poliment ; mais les dispositions de ma 

t Dans les préc^^denteg éditions de Vauvenargoei, et dans la Correspon- 
dance de Voltaire (édition -Bçuchotj, cette lettre est datée du 10 ou du 11 (é- 
vrier 17 AS, de sorte qu'elle serait antérieure, de deux mois, à celle que VaoTe- 
nargues adressait à Voltaire sur ComeiUe et Racine. Mais, sans parler du ton 
plus familier sur lequel elle est écrite, les détails même qu'elle renferme in- 
diquent qn'eUe est de 17A4. Les deux lettres de Vauvenargues à Ameiot, 
sont de décembre 17&S et de Janvier 17&4, et il est clair que TintenrentioD 
de Voltaire auprès du ministre est de la même date. Les éditeurs précédents 
se sont trompés à Mérope : il est vrai que cette pièce a été représentée le 
20 février 17&3, mais elle n'a été imprimée qu'en 1744, et Voltaire ne parie ici 
que des imprimeur», en même tempe que des Goths et Vandales qui perséeu- 
Uient l'ouvrage, comme ils persécutent d'ordinaire, après le succès. — G. 



CORRESPONDANCE. 271 

familk De me permettent pas de suivre mes projets, et je 
sais obligé de prendre de nouvelles vues ^ Je vous rendrais 
compte de tous mes sentiments, si je vous savais en bonne 
santé ; mais Tinquiétude que j'ai de votre état m'occupe 
uniquement, et je ne saurais, pour cette fois, vous parler 
d'autre chose. 

Adieu , mon cher ami ; écrivez-moi , dès que vous le 
pourrez, ou faites-moi, du moins, donner de vos nouvelles. 



100. — LE MÊME AU MÊME. 

À Paris, le i" mars 1744. 

Votre dernière lettre, mon cher Saint-Yincens, m'avait 
mis dans une grande inquiétude sur votre santé ; celle que 
vous avez la bonté de m' écrire, du 21, me rassure un peu, 
quoique vous ne m'en parliez pas, car je ne saurais croire 
que vous pussiez être malade, et ne pas po'en dire un seul 
mot. 

Je suis très-sensible, mon cher Saint- Vincens, aux soins 
que vous vous êtes donnés pour moi ; je n^ doute pas de 
votre amitié : qui pourrait vous obliger à m'en témoigner, 
si vous ne m'aimiez pas sincèrement 7 Voilà l'avantage que 
je tire de ma situation ; comme elle ne peut pas me donner 
de faui amis, j'ai le plaisir de croire les miens véritables. 

Je suis surpris que vous ne me répondiez pas un mot sur 
le projet et les lettres que je vous ai communiqués : je vous 
ai mandé, dans ma dernière, que j'abandonnais toutes ces 
vues pour en prendre de plus conformes à ma situation. 
Mes parents, mon cher Saint-Vincens, m'éloigneront peut- 
être, pour toute ma vie, de la Provence, en me faisant une 
nécessité d'y retourner; ils ne veulent se prêter à rien, et 
croient les conjonctures favorables, pour me forcer k me dé- 

• Voir la Lettre suivante, et la dernière note de la Lettre 11 0^ — G. 



272 CORRESPONDANCE. 

tacher de mes inclinations ; je crois qu'ils se trompent, et 
peut-être qu'ils y auront du regret avant qu'il soit peu. 

Je ne puis pas, mon ami, en confier davantage au pa- 
pier,* mais j'espère que je serai bientôt à même de vous 
écrire avec plus de liberté. Je suis.au désespoir d'être ré- 
duit à un parti qui me répugne, dans le fond, autant qu'il 
déplaira à ma famille : si l'on avait voulu me mettre en état 
de demeurer, un an de suite, à Paris, pour suivre les 
choses que j'y avais commencées, ou j'aurais obtenu ce que 
je désirais, ou je me serais dégoûté, et j'aurais pris de 
moi-même le parti auquel on me sollicite ; mais la nécessité 
n'a point de loi*. 



107. — VOLTAIRE A VAUVENARGUES. 

Jeadi,4 iTiil 1744 '. 

Aimable créature, beau génie, j'ai lu votre premier manuscrit, el j*y 
ai admiré cette hauteur d'une grande Ame qui s'élève si fort au-dessus 
des peUts brillants des Isocrates. Si vous éUez né quelques années plus 
tôt, mes ouvrages en vaudraient mieux ; mais, au moins, sur la fin de 
ma carrière, vous ip'affermissez dans la roule que vous suivez. Le grand, 
le pathétique, le sentiment, voilà mes premiers maîtres; vous êtes le 
dernier; je vais vous lire encore. Je vous remercie tendrement ; vous 
êtes la plus douce de mes consolations, dans les maux qui' m'accablent. 



108. — LE MÊME AU MÊME. . 

Ce hiodi, 7 oui 1744. 

En vous remerciant Mais vous êtes trop sensible; vous pardonnez 
trop aux faux raisonnements en faveu» de quelque éloquence. D'w 

> Voir la dernière note du 00» Caractère. — G. 

* Dans les éditions précédentes, cette lettre est mise & la dato du h avril 
1743 ; je n'aurais qu'à répéter, ici, ce que j*ai dit dans la note de la Lettre 104% 
à laquelle je renvoie. — G. 



CORRESPONDANCE. 273 

rient que Quelque chou est, et qu'il ne $epeiU pas faire que le rien soU^ 
si ce nest parce que l'être vaut mieux que le rien^ \? Voilà un franc dit- 
cours de Platon. Le rien n'est pas, parce qu'il est contradictoire que 
le nen soit, parce qu'on ne peut admettre la contradiction dans les 
termes; il s'agit bien là du meiUeur! On est toujours, dans ces hauteurs, 
à côté d'un abtme. Je vous embrasse, je vous aime, autant que je vous 
admire. 



109. — VAUVENARGUES A VILLEVIEILLE. 



A Aiz, le 18 juin 1744. 

Il y a bientôt trois semées, mon cher Villevieille, que 
je suis en Provence» et je ne compte pas y faire de vieux 
os. Si jamais je mets le pied en Languedoc, vous pouvez 
vous tenir assuré que j'irai vous rendre mes hommages, dans 
vos terres ^ Ce sera une grande joie pour moi de vous re- 
nouveler mon amitié, et de vous voir tranquille*. Je suis 
charmé que vous ayez résisté à. tout ce qui voulait vous 
retenir au service : ce que vous me dites, à ce sujet, de 
M. de Biron^ ne me surprend en aucune manière ^ ; j'espère 
que la cour sera plus juste, et qu'on vous fera raison. Faites- 
moi part de vos amusements, mon cher baron^ et donnez- 
moi souvent de vos nouvelles, comme vous me le promettez. 
J'imagine que vous n'êtes pas de ceux qui regrettent le 
service, après l'avoir quitté : si cela vous arrivait un jour, 
avertissez-m'en aussitôt, et je tâcherai de vous remettre * 

« Cette phrase ne se retroave pas dans les ceuvres de Vauvenargues, qui 
Ta aapprimée, sans doute, d'après Tavis de Voltaire. — G. 

• Villevieille possédait la terre de Sommières, près de Mmes. — G. 

' n avait quitté le régiment du Roi , peu de temps après Vauvenargues. 
[ Voir la 1** note de la page 260. ) — G. 

4 On a pu remarquer que Vau?enargues, pour son compte, n*a?ail pas trop 
i se louer de son colonel, le duc de Biron. — G. 

s Apparemment, remettre est pris dans le sens de rendre^ et Vauvenargues 
veut dire à VillevieiUe qu'il s'emploiera volontiers à le faire rentrer au service, 
s'il regrette de l'avoir quitté. ~ G. 

♦ 18 



274 CORRESPONDANCE. 

les mauvaises nuits que vous avons passées ensemble; vous 
m'avez rendu ce souvenir très-cher, par mille endroits, et 
je ne le perdrù jamais. Adieu, jeune baron. 



110. — VOLTAIRE A VAUVENARGUESw 



A Versailles, le 7 janvier 1745. 



Le dernier ouvrage * que vous avez bien voulu m^envoyer, Monsieur, 
est une nouvelle preuve de votre grand goût dans un siècle où tout me 
semble un peu petit, et où le faux bel-esprit s'est mis à la place du 
génie. 

Je crois que si on s*est servi du terme àHnsttnct * pour caractériser La 
Fontaine, ce mot insHMCt signifiait génie. Le caractère de ce bon bomme 
était si simple, que, dans la conversation, il n'était guère an-desn» 
des animaux qu'il faisait parler; mais, comme poète, il avait un iastinct 
divin, et d'autant plus imUnct^ qu'il n'avait que ce talent L'abeille est 
admirable, mais c'est dans sa ruche; hors de là, l'abeîUe n'est qu'une 
mouche. 

J'aurais bien des choses à vous dire sur Boilesu et sur Molière : je 
conviendrais, sans doute, que Molière est inégal dans ses vers; mais je 
ne conviendrais pas qu'il ait choisi des personnages et des sujets trop 
bas. Les ridicules fins et déliés, dont vous parlez, ne sont agréables que 
pour un petit nombre d'esprits déliés ; il faut au pubhc des traits plus 
marqués. De plus, ces ridicules si délicats ne peuvent guère fournir des 
personnages de théâtre : un défaut presque imperceptible n'est guère 
f plaisant; il faut des ridicules forts, des impertinences dans lesquelles il 

^ entre de la passion, qui soient propres à l'intrigue; il faut un joueur, 

un avare, un jaloux, etc. Je suis d'autant plus frappé de cette vérité, 
• que je suis actuellement occupé d'une fête pour le mariage de M. le 

Dauphin, dans laquelle il entre une comédie '; et je m'aperçois plus 
que jamais que ce délié, ce fin, ce délicat, qui font le charme de la con- 
versation, ne conviennent guère au théâtre. C'est cette fête qui m\ 



1 Les cinq premières Bé/lexioni critiques »ur quelquei poèêes, ^ G. 
< Voir U 1'* note de la Réflexion Sur La Fontaine. — G. 
s Im Princene de Savarre^ comédie-ballet en trois actes, représentéo aa 
cliàteau de Versailles, le 23 février 1745. — G. 



CpRRESPONDANCE. 275 

pèche d'entrer avec vous, Monsieiir, dans un plus long détail « et de 
vous aoumettre mes idées; mais rien ne m'empêche de sentir le plaisir 
que me donnent les vôtres. 

Je ne prêterai à personne le dernier manuscrit que vous avez eu la 
bonté de me confier. Je ne pus refuser le premier à une personne digne 
d'en être touchée. La singularité frappante de cet ouvrage, en ftdtant 
des admirateurs, a fait, nécessairement^ des indiscrets; Pouvrage a couru ; 
il est tombé entre les mains de M. de La Bruère ', qui, n'en connaissant 
pas l'auteur, a voulu, dit-on, en enrichir son Mercure. Ce Monsieur de 
La Bruère est un homme de mérite et de goût; il faudra que vous lui 
pardonniez; il n'aura pas toujours de pareils présents à faire au public. 
J'ai voulu en arrêter l'impression, mais on m'a dit qu'il^n'en était plus 
temp& Avalez, je vous prie, ce petit dégoût, si vous haïssez la gloire. 

Votre état * me touche à mesure que je vois les productions de votre 

* Braère (Charles Le Clen; de La) eut le privilège du Mercure depuis 11 ih 
Jusqu'à sa mort, arrivée en 1756, à Tàge de 30 ans. Le Mercure, sous lui et 
sons Funlier, son associé, ne fut point le bureau de la satire; il sut le ren- 
dre intéressant par d'autres moyens. Voltaire a fait, à l'occasion d'une pièoe 
de cet auteur {k$ Voyagei de V Amour, opéra représenté en mai 173g>> ks 
vers suivants, que nous citons parce qu'ils sont peu connus : 

• Uamonr Va prêté son flambeau ; 
« Oniomltt son ministre fidèle, 

• T'a laissé son pins doax pinceaa : 

• Ta Tas joair d'an sort si beao, 
■ Sans jamais trouTer de cruelle, 

fl Et sans redouter on Boileao... > — B. 

< On a vu, dans la lettre 106*, que Vauvenargues retournait malgré lui en 
Profvence, et que sa famille ne voulant se prêter à rien, il renonçait à l'idée 
d'entrer dans la diplomatie, pour prendre des vues plus conformes à sa situa- 
tion. Cette dernière phrase, et celles qui la suivent, montrent que, dès ce mo- 
ment-là, il songeait à écrire pour le pubUc, bien que, dofis le fond, ce parti 
lui répuçnàL En efTet, il soumet immédiatement à l'appréciation de Voltaire 
(Lettres 107* et 108*) différents morceaux qu'il se proposait de pubUer. A la 
fin do mois de mai, ou dans les premiers Jours du mois de juin 174&, il ar- 
rive à Aix (Lettre 100*). Là, à force d'instances, sans doute, il avait obtenu 
de sa famille qu'elle lui permit de reprendre ses projets diplomatiques, car 
Marmontel, dans une petite notice qu'il lui a consacrée {Épitre à Voltaire), 
nous apprend que Vauvenaiigues, retiré dans sa famiUe, en attendant le mo- 
■Mnt d'être employé,' se livrait aux études de son nouvel état, quand il fut 
pria d*am petite-vérole de l'espèce la plus maligne. « Défiguré, ijoute M ar- 
« montel, par les traces qu'elle avait laissées, attaqué d'un mal de poitrine 
« qui l'a conduit an tombeau, et presque privé de la vue, il se vit obligé de 
« remercier le ministère des desseins qu'il avait sur luL > — C'est à ce triste 
étui que Voltaire fait ici aUusion, et c'est alors que Vauvenargues, à bout de 
ressources et d'espérances, revint à ses projets littéraires, comme à la seule 
occupation qui lui fût désormais possible, et à la seule occasion de gloire qui 
lui restât. — G. 



276 CORRESPONDANCE. 

esprit si vrai , si naturel, si facile, et quelquefois si sublime. Qu'il serve 
à vous consoler, comme il servira «à me charmer. ConservezHnoi une 
amitié que vous devez à celle que vous m'avez inspirée. Adieu, Mon- 
sieur, je vous embrasse tendrement *. 



111. -« VAUVENARGUES A VOLTAIRE. 

A Ail, le SI jftnTier t745. 

J^ai reçu, Monsieur, avec la plus grande confiance et la 
reconnaissance la plus tendre, les louanges dont vous ho- 
norez mes faibles écrits. Je ne dois pas être fâché que le 
premier discours que j*2d pris la liberté de vous envoyer 
ait vu le jour, puisqu'il a votre approbation, malgré ses 
défauts; j'aurais souhaité seulement le donner à M. delà 
Bruère dans une imperfection moins remarquable. 

J'ai lu avec une grande attention ce que vous me faites 
l'honneur de m' écrire sur La Fontaine. Je croyais que le mot 
instinct aurait pu convenir à un auteur qui n'aurait mis que 
du sentiment, de l'harmonie et de l'éloquence dans ses vers, 
et qui, d'ailleurs, n'aurait montré ni pénétration ni ré- 
flexion; mais qu'un homme qui pense partout, dans ses 
Contes, dans ses Préfaces^ dans ses FabkSj dans les moin- 
dres choses, et dont le caractère même est de penser ingé- 
nieusement et avec finesse; qu'un esprit si solide soit mis 
dans le rang des hommes qui ne pensent point, parce 
qu'il n'aura pas eu dans la conversation le don de s'ex- 
primer, défaut que les hommes, qui sont exagérateurs, 
ont probablement fort enflé , et qui méritait plus d'indul- 
gence dans ce grand poète , je vous avoue. Monsieur, que 
cela mé surprend. Il n'appartient pas à un homme né en 

< Cette lettre de Voltaire est , Binon moins affectueuse , du moins , plus 
céréfMniêu9e que les précédentes : si l'on remarque que la oorrespondtace 
a été interrompue pendant près d'un an, on s'expliquera la différence de 
ton. — G. 



CORRESPONDANCE. 277 

Provence deconnattre la juste signification des mots, et vous 
aurez la bonté de me pardonner les préventions que je puis 
avoir là-dessus. 

J*ai corrigé mes pensées à l'égard de Molière, sur celles 
que vous avez eu la bonté de me communiquer ; je les ajou- 
terai à cette lettre; je vous prie deles relire jusqu'à la fin. 
Si vous êtes encore assez bon pour me faire part, de vos lu- 
mières sur Boileau, je tâcherai aussi d'en profiter. J'ai le 
bonheur que mes sentiments sur la comédie se rapprochent 
beaucoup des vôtres : j'ai toujours compris que le ridicule 
y devait nattre de quelque passion qui attachât l'esprit du 
spectateur, doni^ât de la vivacité à l'intrigue, et de la véhé- 
mence aux personnages ; je ne pensais pas que les passions 
des gens du monde, pour être moins naïves que celles du 
peuple, fussent moins propres à produire ces effets, si un 
auteur naïf peignait avec force leurs mœurs dépravées, leur 
extravagante vanité, leur esprit, sans le savoir, toujours 
hors de la nature, source intarissable de ridicules. J'ai vu 
bien souvent, avec surprise, le succès de quelques pièces 
du haut comique, qui n'avaient pas même l'avantage d'être 
bien pensées ; je disais alors : Que serait-ce si les mêmes 
sujets étaient traités par un homme qui sût écrire, for- 
mer une intrigue, et donner de la vie à ses peintures? C'est 
avec la plus sincère soumission que je vous propose mes 
idées; je sais, depuis longtemps, qu'il n'y a que la pratique 
même des arts qui puisse nous donner, sur la composition, 
des idées saines. Vous les ave:& tous cultivés, dès votre en- 
fance, avec une tendre attention ; et le peu de vues que 
j'ai sur le goût, je les dois principalement^ Monsieur, à vos 
ouvrages. 

Celui qui vous occupe présentement occupera bientôt la 
France. Je conçois qu'un travail si difficile et si pressé de- 
mande vos soins ; vous avez, néanmoins, trouvé le temps de 
me parler de mes frivoles productions, et de consoler par les 
assurances de votre amitié mon cœur affligé. Ces marques 
aimables d'humanité sont bien chères à un malheureux qui 



278 CORRESPONDANCE. 

ne doit plus avoir de pensées que pour la vertu ' ; j'espère 
pouvoir vous en remercier, de vive voix» à la fin de mai, » 
ma santé me permet de me mettre en voyage. Je senûs in- 
consolable, si je ne vous trouvais pas à Paris dans ce temps-là. 
Un gros rhume que j*iû sur la poitrine, avec la fièvre depuis 
quinze jours, interrompt le plaisir que j'ai de m'entretenir 
avec vous. Continuez-moi, je vous prie, Monsieur, les té- 
moignages de votre amitié ; je cesserai de vivre , avant de 
cesser de les reconnaître. 



H2. — LE MÊME AU MÊME. 

A Ail, le 17 jaoTier 1745. 

Je n*aurais pas été longtemps fâché. Monsieur, que mes 
papiers eussent vu le jour, s'ils ne l'avaient dû qu'à l'estime 
que vous en faisiez ; mais, puisqu'ils paraissaient sans votre 
aveu, et avec les défauts que vous leur connaissez, il vaut 
beaucoup mieux, sans doute, qu'ils soient encore à notre 
disposition ; je ne regrette que la peine qu'on vous a donnée 
pour une si grande bagatelle '. 

Mon rhume continue toujours, avec la fièvre, et d'autres 
incommodités qui m'affaiblissent et m'épuisent. Tous les 
maux m'assiègent; je voudrais les souffrir avec patience, 
mais cela est bien difficile. Si je puis mériter. Monsieur, 
que vous m'accordiez une amitié bien sincère, j'espère 
qu'elle me sera grandement utile, et fera, tant que je vivrai, 
ma consolation et ma force. 

« Voir 1* 3* note do U ptge 379. ^ G. 

* La lettre à laquelle Vau?eDarg«eii répond» manque au recueil. Dans cette 
lettre, qui a?ait dû se croiser en route a?ec la précédentei Voltaire, mieui 
tnfomé, lui annonçait, sans doute, contrairement à la lie*, qu'il était temps 
encore d'arrêter la publication des B/épâaàom crUiqMt Mr qtiel^têet poHet, 
— G. 



CORRESPONDANCE. 279 

113. — VOLTAIRE A VAUVENARGUES. 

SFK ON iijOGB rUHteaB D*ini OFFlCm, COMMMi FAA M. fil YAUTBMAIOUBS, A PBA60B ^ 

L*état où TOUS m'apprenez que sont vos yeux a tiré. Monsieur, des 
larmes des miens, et VÉhge funèbre que vous m'avez envoyé a aug- 
menté mon amitié pour vous, en augmentant mon admiration pour 
cette belle éloquence avec laquelle vous êtes né. Tout ce que vous dites 
n*e8t que trop vrai, en général ; vous en exceptez, sans doute, Tamitié : 
c'est elle qui vous a inspiré, et qui a rempli votre âme de ces senti- 
ments qui condamnent le genre humain. Plus les hommes sont mé- 
chants, plus la vertu est précieuse; et Tamitié m'a toujours paru la 
première de toutes les vertus, parce quelle est la première de nos con- 
solationa Voilà la première oraison funèbre que le cœur ait dictée ' ; 
toutes les antres sont l'ouvrage de la vanité. Vous craignez qu'il n'y ait 
un peu de déclamation : il est bien difficile que ce genre d'écrire se 
garantisse de ce défaut; qui parle longtemps, parle trop sans doute. Je 
ne connais aucun discours oratoire où il n'y ait des longueurs ; tout art a 
son endroit faible : quelle tragédie est sans remplissage, quelle ode sans 
strophes inutiles? mais, quand le bon domine, il faut être satisfait. 
D'aiUeurs, ce n'est pas pour le public que vous avez écrit; c'est pour 
vous, c'est pour le soulagement de votre cœur. Le mien est pénétré de 
l'état où vous êtes; puissent les belles-lettres vous consoler! Elles sont, 
en effet, le charme de la vie, quand on les cultive pour elles-mêmes^ 
comme elles le méritent; mais, quand on s'en sert comme d'un organe 
de Prénommée, elles se vengent bien de ce qu'on ne leur a pas offert 
un culte assez pur; elles nous suscitent des ennemis qui nous persé- 
cutent jusqu'au tombeau. Zolle eût été capable de faire tort à Homère 
vivant. Je sais bien que les Zollss sont détestés, qu'ils sont Te mépris 
de toute la terre, et c'est là, précisément, ce qui les rend dangereux : 
on se trouve compromis, malgré qu'on en ait^ avec un homme couvert 
d'opprobres. 

Je voudrais, malgré ce que je vous dis là, que votre ouvrage fût 
puMic; car, après tout, quel Zolle pourrait médire de ce que l'amitié, 

< Voir Y Éloge ^Uippolyie deSeytres, — G. 

* CeUe que Vauvenargues, à son tour, irv»pirera à Voltaire lui-même, sera 
la seconde. Voir VÉlogt funèbre de» officiers morts pendant la guerre de 474!, 
eomposé. Voltaire le dit eipressément, à riutentîon de Vauvenargues. — Édi- 
tion Beuchot, tome 30«, page 27. — G. 



280 CORRESPONDANCE. 

la douleur et réloqaence ont inspiré à un jeune olficier, et qui ne serait 
étonné de voir le génie de M. Boasuet à Prague? Adieu, Monsieur; 
soyez heureux, si les hommes peuvent Tètre; je compterai parmi mes 
beaux jours celui où je pourrai vous revoir. 

Je suis, avec les sentiments les plus tendres, etc *. 



114. — VAUVENARGUES A VOLTAIRE». 

Je vous accable, Monsieur, de mes lettres ; je sens Tin- 
discrétion qu'il y a à vous dérober à vous-même ; mais, 
lorsqu'il me vient en pensée que je puis gagner quelque 
degré dans votre amitié ou votre estime, je ne résiste pas à 
cette idée. J'ai retrouvé, il y a peu de temps, quelques vers 
que j'ai faits dans ma jeimesse : je ne suis pas assez im- 
pudent pour montrer moi-même de telles sottises; je n'au- 
rais jamais osé vous les lire-, mais, dans l'éloignement qui 
nous sépare, et dans une lettre, je suis plus bardi. Le sujet 
des premières pièces est peu honnête ; je manquais beau- 
coup de principes, lorsque je les ai hasardées ; j'étais dans 
un âge où ce qui est le plus licencieux parait trop souvent 
le plus aimable. Vous pardonnerez ces erreurs d'un esprit 
follement amoureux de la liberté, et qui ne savait pas en- 
core que le plaisir même a ses bornes. Je n'achevai pas le 
morceau commencé sur la mort d'Orphée; je crus m'aper- 
cevoir que les rimes redoublées, que j'avais choisies, n'é- 

< Cette lettre, qai, dans la Correspondance générale de Voltaire, se troafe 
Bans date, a été écrite dans les derniers jours de décembre 1745. — B.— J*aieo 
ma possession rorigjnal de cette lettre ; elle est écrite par un secrétaire, mais 
la signature et la suscription sont de la main de Voltaire, n est évident qu'elle 
ne peut être mise à la date indiquée par H. Brière, puisque Vauvenargues en 
cite un passage dans le discours qu'il présenta au concours d'Éloquence de 
1745, et qui a dû être composé, au plus tard, dans les premien mots de cette 
année. (Voir, dans le discours Sur nnégalité des riche»us, la note de la 
page 181.) Il est probable que cette lettre est du mois de mars 1745. — G. 

' Cette lettre, trouvée sans date, répond à la précédente, et a dû être écrite 
d*Aiz, vers la fin du mois de mars 17/|5. — G. 



CORRESPONDANCE. 281 

taient pas propres au genre terrible ; je jugeai selon mes* 
lumières ; il peut arriver qu'un homme de génie fasse voir 
im jour le contraire. 

Si mes vers n'étaient que trës-fsdbles , je prendrais la 
liberté de vous demander àqiïel degré; mais, je crois les 
voir tels qu'ils sont. Je n'ai pu, cependant, me refuser de 
vous donner ce témoignage de l'amour que j'ai eu de très* 
bonne heure pour la poésie ; je l'aurais cultivée avec ardeur, 
si elle m'avait plus favorisé; mais la peine que me donna 
ce petit nombre de vers ridicules, me fit une loi d'y renon- 
cer. Aimez, Moilsieur, malgré cette faiblesse, un homme 
qui aime lui-même si passionnément tous les arts; qui vous 
regarde, dans leur décadence, comme leur unique soutien, 
et respecte votre génie autant qu'il chérit vos bontés. 

Vous avez eu la bonté. Monsieur, de me faire apercevoir 
que le commencement de mon Éloge funèbre exagérait la 
méchanceté des hommes; je l'ai supprimé, et [j'ai] rétabli 
un ancien exorde, qui peut-être ne vaut pas mieux. J'ai fait 
encore quelques changements dans le reste du discours» 
mais je ne vous envoie que le premier. J'espère toujours 
avoir le plaisir de vous voir à la fin de mai. Comme ce sera 
probablement, id, la dernière lettre que j'aurai l'honneur 
de vous écrire, je la fais sans bornes. 



116. — VOLTAIRE A VAUVENARGUE& 

A Vênaillet, ce 3 iTiil 1745. 

Vous pourriez. Monsieur, me dire comme Horace, 

Sic rare scribis, ut toto non quater anno <. 

Ce ne sérail pas la seule ressemblance que vous auriez avec ce sage 
aimable : il a pensé quelquefois comme yous dans ses vers; mais il me 
semble que son cœur n'étail pas si sensible que le vôtre. C'est cette 

< Horace, Salirei, livre II, 3. ^ G. 



282 CORRESPONDANCE. 

extrême leasibilité que j'aime; sans eUe, yons n'auriez point fait cette 
belle oraiaon funèbre dictée par Téloqueiice et la tendre amitié. La 
première façon dont voua Faviez commencée me parait sans comparai- 
son plus touchante, plus pathétiiiue, que la seconde; il n'y aurait seu- 
lement qu'à en adoucir quelques traits, et à ne pas comprendre tous les 
hommes dani le portrait funeste que vous en faites : il y a, sans doute, de 
belles âmes, et qui pleurent leurs amis avec des larmes véritables. N*en 
ètes-yous pas une preuve bien frappante, et croyez-vous être assez 
malheureux pour être le aeul qui soyez sensible t 

Ne parions plus de La Fontaine. QuMmporte qu'en plaisantant, on df 
donné le nom û^niêlinct au talent singulier d*un homme qui avait Ion- 
Joors vécu à l'aventure^ qui pensait et parlât en enfant sor toutes les 
choses de la vie, et qui était si loin d'être phiiosopiwt 

Ce qui me charme surtout 4e vos réiexions» Monsienr, et de tout ce 
que vous voulez bien me communiquer, c'est cet amour si vrai que vous 
témoignez pour les beaux-arts; c'est ce goût vif et déUcatquise mani- 
feste dans toutes vos expressions. Venez donc à Paris : j'y profiterai avec 
assiduité de votre séjour. Vous serez peut-être étonné de recevoir une 
lettre de moi, datée de Versailles : la cour ne semblait guère faite pour 
moi; mais les grâces que le Roi m'a faites * m'y arrêtent, et j^y suis à 
présent, plus par reconnaissance, que par intérêt. Le Roi part, dit-on *, 
les premiers jotirs du mois prochain, pour aller nous donner la paix, h 
force de victoires. Vous avez renoncé à ce métier, qui demande un corps 
plus robuste que le vôtre, et un esprit peu philosophique : c'est bien 
assez d'y avoir consacré vos phis belles snnées. Employez, M <msieur, 
le reste de votre vie à vous rendre heureux; et songez que vous contri- 
buerez à mon bonheur, quand vous m'honorerez de votre commerce, 
dont je sens tout le ipnx. 

< Vohaire venait d*6tre nommé gentiUlomme ordinaire, et historiosn|ihe 
de France. — B. 

* Loais XV partit de VenaiUes, accompagné du Dauphin, et arriva an camp 
de Tournay le 8 mai 17A5 ; le 11, par l'habileté du maréchal de Saxe, il gagna, 
aur le duc de Cumberiand, la bataille de Fontenoy. — B. 



GORRESPONDàNCE. 283 

lie. - VAUVENARGUES A VOLTAIRE. 

A. Aix, le 30 ivril 1745. 

Je ne vous dirai pas« Monsieur, rie tard icnbis^ etc. ; mais 
j'irai vous demander réponse de vive voix : cela vaudra 
mieux. Recevez cependant, ici, mes compliments sincères 
sur les grftces que le Roi vous a faites ; je désire, Monsieur, 
qu'il fasse encore beaucoup d'autres choses qui méritent 
d'être louées, afin que votre reconnaissauce honore toujours 
la vérité. Vous me permettez bien de prendre cet intérêt à 
votre gloire. 

Je suis bien aise d'avoir parlé comme Horace penmL 
qudquefoiê; je vous prie cependant de croire, quoique ce 
soit une chose honteuse à avouer, que je ne pense pas ton- 
jours comme je parle. Après cette petite précaution, je crois 
que je puis recevoir les louanges que vous me donnez sur 
l'amitié. Celle que je prends la liberté, Monsieur, d'avoir 
pour vous, me rendra digne un jour de votre estime. 



117. — LE MÊME A SAINT-VINCENS. 

A Paris % le 22 juillet 1745. 

C'est à moi, mon cher Saint-Vincens, d'être fâché que 
vous ne veniez pas à Paris; car pour vous, les facilités et 
les occasions de faire ce voyage ne vous manqueront pas 
certainement; vous les retrouverez, quand vous voudrez. 
Les raiscms qui vous retiennent en Provence ne peuvent 
qu'être extrêmement louées; mais je suis en peine de votre 
sanlé^ quoique vous me marquiez qu'elle est meilleure : la 

* Comme la lettre précédente Tannonce, Vaavenargaes, dans les premier» 
jours da mois de mai, était parti d'Aii, qu'il ne dorait plus revoir, et il arait 
dû arriver à Paris du 15 aa 20. — G. 



284 CORRESPONDANCE. 

mienne est toujours si mauvaise, et m'oblige à tant d'atten- 
tions, que je mène une vie pénible, pleine de sujétions et 
de tristesse. Votre amitié, mon cher Sidnt-Yincens, adoucit 
ma situation ; je vous prie de m'en continuer les témoi- 
gnages ; quoique je ne puisse pas douter du fond de votre 
cœur, je sens qu'ils me sont nécessaires. Ce serait une pri- 
vation très-sensible pour moi de n'avoir pas, au moins, de 
temps en temps, de vos nouvelles ; j'espère que vous me 
tiendrez i cet égard votre parole. 

On nous fait espérer ici Hondar, dans peu de temps : je 
vous prie de lui témoigner le plaisir que cela me faiL Si 
vous trouvez le moment de dire un mot de moi à H. de 
Yence, je vous prie aussi de le faire; je n'ai pas besoin de 
vous dire mes sentiments pour lui ; vous les connaissez. Ne 
m*épargnez pas, s'il y a quelque chose dans ce pays-d pour 
votre service ; vous devez être persuadé depuis bien des 
années, mon cher Saint-Vincens, que vous n'avez poiot 
d'ami plus sincère et plus passionné '. 



118. — LE MÊME AU MÊME. 

A Paris, Ib 30 déeemfan 174S. 

Je suis trop persuadé, mon cher Saint-Vincens, de la 
bonté de votre cœur, pour penser qu'une courte absence ait 
pu m'en ôter; votre paresse me fâche quelquefois; mais je 
n'ai jamais douté de votre amitié. 

J'ai appris, en son temps, avec plaisir, que vous aviez 
fini avec M. de Jouques ' ; je désirais , beaucoup plus que 



* A partir de cette lettre, VauTenarguee ne se aert plus que de jAii» A 
cacheter, ao liea de cire ; faut-ii croire que, depuis son retour à Paris, il était 
rMuit à tous les genres d^économief — G. 

* Saint-Vincens avait succédé, récemment, comme président-à-mortier, à 
André-EUéar d'Arbaud de Jouques, dont il avait acheté la charge. — G. 



CORRESPONDANCE. 285 

voas-mfime, de vous voir revêtu de cette charge» que vous 
honorez : il ne convenût point, qu'avec tant de vertus et 
de sagesse, vous ne fussiez assis qu'au second banc de la 
justice ; je me réjouis, mon cher ami, de vous voir au pre- 
mier. Là, vous exercerez avec plus d'éclat tous vos talents, 
et vous serez à même de prêter à la vérité et à l'innocence 
un plus fort appui. 

Je vous enverrai mon ouvrage dès que je trouverai une 
occasion ^ Je ne doute pas que beaucoup de gens ne me 
condamnent de l'avoir donné au public ; on ne pardonne 
guère, dans le monde, cette espèce de présomption, mais 
j'espère de supporter avec patience le tort qu'elle pourra 
me faire, si on me devine '. C'est à des hommes plus heu- 
reux que moi qu'il appartient de craindre le ridicule ; pour 
moi, je suis accoutumé, depuis longtemps, à des maux beau- 
coup plus sensibles. 

Je vous prie de faire mes très-huimbles compliments à 
H. le marquis de Vence. Je vous souhaite, mon très-cher 
ami, une bonne et heureuse année, et vous embrasse de 
tout mon cœur. 

Gomment se porte le fils de M. de Lordonet*? Je vous 
prie de l'assurer que personne au monde ne prend plus de 
part que moi à tout ce qui lui appartient. 

* Vlntrodueiion à la Connaistattce de VEtiprit humain , tume de Aê/lextoM 
f I Maximes, alors sous presse. — G. 

s On sait que Vauvenargues gardait Tanonyme. — G. 

> Les Lordonet étaient seignenrs d'Esparron de Pallières; le dernier repré- 
sentant mAIe de cette famille est mort en 1790, laissant une fille unique, ma- 
riée dans la famille de Sinety. — G. 



286 CORRESPON DANCE. 



119. — VOLTAIRE A VAUfE NARGUE S •. 



[À U lA de février, eo a« ecHUMaceBest de aun 1746.] 

rai passé plusieurs fois chez vous, pour vous remercier d'avoir donné 
au public des pensées au-dessus de kd. Le siècle qui a produit les 
Étrennes de la Samt-JecM \ les Êcosseiues *, Misapouf*^ ne vous mé- 
ritait pu; mais enfln^ il vous possède, et je bénis la nature, n y a an 
an que je dis que vous êtes un grand homme, et vous avez révélé mon 
secret Je n*ai lu enoore que les deui tiers de votre livre; je vais dé- 
vorer la troisième partie. Je Tai porté aux antipodes» dont je reviendrai 
incessamment pour embrasser Tauteur, pour loi dire combien je raîme, 
et avec quel transport je m'unis à la grandeur de son âme et à la subli- 
mité de ses réflexions, comme à Thumanité de son caractère, n y a des 
choses qui ont affligé ma philosophie; ne peut-on pas adorer TÊtre- 
Suprème, sans se faire capucin "7 N'importe, tout le reste m'enchante; 
vous êtes l'homme que je n'osais espérer, et je vous conjure de 
m'aimer. 



120. — VAUVENARGOES A SAINT-VINCENS. 

A Piris, le 7 mxn 1746. 

Je n'ai pas trouvé encore d'occasion, mon cher Saint- 
Vincens, pour vous envoyer mon livre, mus vous le rece- 
vrez aussi tôt que mon frère, et je souhaite qu'il remplisse 

> Cette letfVe, publiée dans la Conespondanee de VoHaire, n'a para enoore 
dans aucune édition de Vauvenargues ; la date manque; mais VauTenaisui 
ayant donné son livre en février 1746, cette lettre a d& suivre da pfèii — G. 

> RecueU de pièces de divers auteurs, enH^antres, Montesquieu, le comte 
de Haurepas, le comte de Caylus, et La Chaussée. C'est un volume in-ia, 
dont la 1'* édition est de f 7ftS. — G. 

> Autre recueil attribué à Vadé, au comte de Gaylns, et à la oomtene de 
Verrae. — G, 

* Par Voisenon. — G. 

s Voltaire fait ici allusion, non pas à quelques Maximes, qui ontégslement 
affligé sa philoiophie, mais à la MédUation mr la foi, car il dit précédem- 
ment qu'il n'a lu encore que les deux tiers du livre; or, dans la i'" édition, 
la Méditation est à peu près à la moitié du volume, et les Maximet sont à la 
Un. — G. 



CORRESPONDANCE. 287 

les idées que vous eu avez. Je suis bien touché de la part 
que vous voulez prendre aux suffrages qu'il a obtenus; mais 
vous estimez trop ce petit succès. Il s'en faut de beaucoup, 
mon cher ami» que la gloire soit attachée à si peu de chose ; 
vous vous moquez de moi , quand vous me parlez là-dessus, 
comme vous faites. Un homme, qui a un peu d'ambition, 
serait bien vain, s'il croyait avoir mérité de telles louanges 
pour avoir fait un petit livre ; ce qui me touche, mon cher 
Saint-Vincens, c'est qu'elles viennent de votre amitié. C'est 
cette amitié qui m'honore, et qui me fait aimer moi-même 
la vertu, afin de vous plaire toujours, et de vous faire esti- 
mer, si je puis, les sentiments que je vous ai voués jusqu'au 
tombeau. 

Je vous prie , mon cher Saint-Yincens, de dire à mon 
frère que j'ai reçu avant-hier l'huile qu'il m'a envoyée, parce 
que je ne pourrai peut-être pas lui écrire par ce courrier. 
Je vous prie de Paimer et de vivre avec lui ; outre qu'il est 
mon frère, il est mon plus cher ami. Il appartient peut-être 
à d'autres de le louer de beaucoup de choses; mais il m'est 
permis, je crois, de dire, que rien n'égale la noblesse de 
ses sentiaients et la beauté de son naturel : je vous ai dit 
souvent la même chose, mais vous pardonnez à l'amitié de 
trouver du plaisir à les redire. 

Je suis fâché que vous ne me disiez jamais un mot de 
la Provence dans vos lettres, et que vous oubliiez même de 
me parler des personnes que vous savez que je considère 
le plus. 



288 CORRESPONDANCE. 



121. — VAUVENARGUES A VILLEVIEILLE. 

A Paru, l« 28 mar» 1746, 

à lliMel de Tours, me da Pun*, 

finbonrg SatiiVO«nnain. 

Quoique vous ne songiez plus à moi, mon cher baron ^ 
j'ai encore la folie de vous aimer, et la simplicité de vous le 
dire. Je me suis flatté, tout l'hiver, que vous pourriez venir 
à Paris, et je vous attendais, pour vous gronder selon vos 
mérites ; maia je commence à craindre que vous ne veuil- 
lez * pas vous montrer si tôt ici, avec un fils déjà trop grand, 
et qui vous ferait plus vieux que vous n'êtes : lorsque vous 
vous croirez sans conséquence, mon aimable ami, j'espère 
que vous me donnerez la joie de vous voir. J'ai fait impri* 
mer, cet hiver, un petit ouvrage que je vous envoie. Il a 
paru au mois de février ; j'attendais le printemps, pour vous 
en faire part, afin de vous trouver sans fièvre, et de bonne 
humeur. Recevez-le donc, mon cher Villevieille, et tâchez 
de le lire doucement; car je yous avertis que ce n'est pas 
un de ces livres qu'on entend trop vite ; il faut être un peu 
fait à la fatigue pour le lire, et, de temps en temps, prendre 
haleine. 

Informez-moi, en attendant, mon cher ^Uevieille, de ce 
que vous faites, et songez un peu plus sérieusement à venir 
ici. Vous y viendrez trop tard pour moi, si vous différez 
davantage ; car je suis toujours accablé de maladies, et j'ai 
perdu, en quelque sorte, l'espérance de rétablir ma santé. 
Je vous dis cela, mon ami, afin de vous toucher par la com- 
passion, si je ne le puis plus par l'amitié. Adieu. 

• AviJoard'hui rue Larrey ; la maison où logeait Vauvenaifines porte le 
D* 8; les boulevards projetés dans ce quartier de Paris, vont, procbaineoiMit, 
la faire disparaître. — G. 

> Voir la 2« note de la page 268. — G. 

' n faudrait : que vous ne voulie* pas. (Voir la 2« note de la page 261.) 
— G. 



CORRESPONDANCE. 289 



122. — VOLTAIRE A VAUVENARGUES. 

Ce samedi, aTril 1746. 

Je De sais où trouver M. de Marmontel et son Pylade ', mais je m V 
dresse au héros de Tamltié, pour faire passer jusqu^à eux le chagrin que 
me cause la petite tribulation arrivée à leurs feuilles, et Tempresse- 
ment que j*aurai à les servir. Les recherches qu'on a faites par ordre 
de la coir chez tous les libraires, au sujet du libelle de Roy ', sont 
cause de ce malheur; on cherchait des poisons, et on a saisi de bons 
remèdes; voilà le train de ce monde. Ce misérable Roy n'est né que 
pour faire du mal; mais je me flatte que cette aventure pourra servir à 
faire discerner ceux qui méritent la protection du gouvernement, de 
ceux qui méritent Tindignation du gouvernement et du public : c'est à 
quoi- je vais travailler avec plus de chaleur qu'à mon Discours à l'Aca- 
démie. 

J'embrasse tendrement celui dont je voudrais avoir les pensées et le 
stylQ, et dont j'ai les sentiments, et je prie le plus aimable des hommes 
de m'aimer un peu. 



123. — LE MÊME AU MÊME. 

Paris, lundi, 9 mai 1746 *. 

Nos amis. Monsieur, peuvent continuer leurs feuilles : M. de Boze * 
fermera les yeux; mais il faut 4es fermer aussi avec lui, et ignorer qu'il 

; 

m 

i. Jean-Grégoire Baurin, ami de Vauvenargues et de Blamiontel ; il venait 
de fonder, avec ce dernier, un recueil intitulé VObservateur litléraire, dont 
il n'a paru qu'un volume. — G. 

* UbeUe intitulé : Discourt prononcé, à la porte de r Académie française^ 
par M, le Directeur, à M**% composé en 17/)3, mais réimprimé en 17ft6, 
à roccaaion de la réception de Voltaire. — Pierre-Charies Roy, médiocre au- 
teur d'opéras, de aatirea, et d'épigrammea, né à Paris en 1583, est mort le 23 
octobre 1764. — G. 

s Dans les éditions dé Vauvenargues, et dans l'édition de Voltaire par Beu- 
cbot, cette lettre est à la date du samedi i6 mai : outre que le 26 mai 1746 
n'était point un samedi, mais un jeudis l'original de ce billet, que Je possède, 
écrit de la piain de Voltaire, est daté du lundi, 9; c'était le Jour même de sa 
réception à rAcadémie. ~ G. 

* Claude Gros de Bo*e, était inspecteur de la librairie. Né à Lyon, en 1680, 

» 19 



290 CORRESPONDANCE. 

veut ignorer celte contrebande de joumaL Le chevalier de Quinsonas ■ a 
abandonné son Speciatem'. Il ne s'agit pins pour les Observaleorsque 
de trouver un libraire accommodant et honnête lM)mme, ce qui est 
plus diflScile que de faire un bon journaL Qu'ils se conduisent avec pru- 
dence, et tout ira bien. Je vous attends à deux heures et demie *• 



m. — LE MÊME AU MÊME. 

Ilaii74«. 

Quoi ! la maladie m'empêche d'aller voir le ph» aimable de tous les 
hommes, et ne m'empêche pas d'aller à Versailles I Je rougis et je 
gémis de cette cruelle contradiction, et je ne peux me consoler qu'en 
me plaignant à vous de moi-même. Vous m'avez laissé des choses ad- 
mirables, dans lesquelles je vois que vous m'aimez '; je vous jure que je 
vous le rends bien : je sens combien il est doux d'être aimé d'un génie 
tel que le vôtre. Je vous supplie. Monsieur, si vous voyez MM. les Oé- 
servatenn, de leur dire que je viens de m'qieroevoir d'une iante 
énorme du copiste dans la petite lettre au roi de Prusse. Ommc m 
rarr^ long esl une canlradiction ; il faut : Comm w carré pla» Umg qwe 
large est une canlradiclion ^. 

Adieu. Que j'ai de choses à vous dire et à entendre I 



antiqaftire et numismatiste, U fut élu, dès 1706, aecrétaireiwrpétoel de rici- 
démie des Inscriptions et belles-Letti^, et, en 1715, nommé membre de TAca- 
demie fnnçaiflé, à la place de Féoelon ; enfio, 11 joignait à ses aotaei fooctiras 
le titre de Gonte du cakinet de* MédtûUes* 11 est mort le 10 septembre 17M. 
-G. 

1 Chevalier de Malte, né en 1719. n était collaborateur de Farier au 
Spectateur littéraire, et il avait compoaé on poème Sur rf/mvert, dont Vol- 
taire parle dans une lettre au R<rà de Prusse. (Voir édition Beudioi, lettre 
1747*.) — G. 

« Sans doute pour assister à la séance de réception. — G. 

' 11 s*agit, vraisemblablement, du morceau intitulé : Sur quelques ourraga 
de M. de Vol/aire, que Vauvenargues venait d'achever, et qui ne parut que 
dans sa seconde édition. (Voir les B/flexions critiques sur quelques poètes.)— G. 

^ Voir dans la Correspondance de Voltaire (édltion^ucbot), la Lettre 61S*, 
datée du 23 Janvier 1738. — G. 



CORRESPONDANCE. 201 

125. — LE MÊME AU MÊME. 

Versailles, vendredi an soîTi 13 mai 17M. 

J'ai usé, mon très-aimable philosophe, de la permission que vous 
m*avez donnée; fai crayonné un des meilleurs livres que nous ayons en 
notre langiue, après Tavoir relu avec un extrême recueillement Ty ai 
admiré de nouireau crtte belle tme 91 sublime, si éloquente et si vraie ; 
cette foule d'idées neuves, ou rendues d'une manière si hardie, si pré- 
dae; ces coups de pinceau si fiers et si tendres. 11 ne tient qu'à vous de 
séparer cette profusion de diamants de quelques pierres fausses ou en- 
châssées d'une manière étrangère à notre langue; il faut que ce livre 
soit excellent d'un bout à l'autre; je vous conjure de faire cet honneur 
à notre nation et à vous-même, et de rendre ce service à l'esprit hu- 
main. Je me garde bien d'insister sur mes critiques; je les soumets à 
votre raison, à votre goût, et j'exclus ramour-pr(4>re de notre tribunal. 
J*ai la plus grande impatience de vous embrasser. Je vous supplie de 
dire à notre ami Marmontel qu'il m'envoie, sur-le-champ, ce qu'il sait 
bien ; il n'a qu'à l'adresser, par la poste, chez M. d'Argenson, ministre 
des affaires étrangères, à Versailles. Il faut deux enveloppes, la première 
à moi, la dernière à M. d'Argenson. 

Adieu, belle àme et beau génie. 



iSfk — LE MÊME AU MÊME. 

Ce samedi au soir, 14 mai 1746. 

J'ai apporté à Paris, Monsieur, la lettre que je vous avais écrite à 
Versailles; elle ne vous en sera que plus tôt rendue. J'y ajoute que la 
Reine veut vous lire, qu'elle en a l'empressement que vous devez in- 
q>irer, et que si vous aveï un exemplaire que vous vouliez bien m'en- 
voyer, il lui sera rendu, demain matin, de votre part Je ne doute pas 
qu^ayant lu l'ouvrage, elle n'ait autant d'envie de connaître l'auteur 
que j'en ai d'être honoré de son amitié. 



292 CORRESPONDANCE. 



127. — VAUVENARGUES A VOLTAIRE. 



A Parùf dimanche autUi, (15) mai 174é. 

Je ne mérite aucune des louanges dont vous m'bonorei ; 
mon livre est rempli d'impertinences et de choses ridi- 
cules ; je Yids cependant travailler à le rendre moins mé* 
prisable ', puisque vous voulez bien m*aider à le refaire. 
Dès que vous m'aurez donné vos corrections *, je mettrai 
la main à l'œuvre. J'avais le plus grand dégoût pour cet 
ouvrage ; vos bontés réveillent mon amour-propre ; je sens 
vivement le prix de votre amitié ; je veux, du moins, faire 
tout ce qui dépend de moi pour la mériter. J'ai dit i 
M. Marmontel ce que vous me chargiez de lui dire. J'attends 
impatiemment votre retour, et vous remercie tendrement. 

*■ Vauvenarguaft préparait alore une édition de VfiUroduetian à la tonnait» 
ianee de Vetprit hunam, suiyie de RépexionM et Maximes, leuls oarrages qu'il 
pubtia, et dont l'impression, commencée sous ses yeui, ne fut terminée qu'a- 
près sa mort — > B. — C'est une seconde édition que VauYenargues annonce 
id; elle n'a paru, en effet, qu'après sa mort; mais la première avait été 
donnée par lui, et c'est à ce propos môme que Voltaire lui fait compliment, 
dans les lettres qui précèdent. — G. 

* Les corrections dont parle Vauvenargues, écrites à la marge du mana- 
scrit, sont les notes de Voltaire qni se trouvent dans cette édition. — S. — Il 
y a, ici, confusion : les notes de Voltaire, que l'édition Brière a reproduites 
d'après l'édition-Suard, avaient été trouvées à la marge, non pas du manu- 
terit de Vauvenaigues, mais d'un exemplaire de la seconde édiiion, et, dans sa 
Préface, Suard a pris soin d'en avertir le lecteur. Ces notes sont donc postérieures 
à celles dont il est question dans la présente lettre, puisqu'ellessont postérieures 
à Vauvenargues lui-même, la seconde édition de son livre n'ayant para qu'on 
mois ou deux après sa mort Les notes dont Vauvenargues parle, et qa'il at- 
tend, pour préparer sa seconde édition, ne pouvaient se trouver que sur l'exem- 
plaire de la première qu'il avût adressé à Voltaire, que celoi-d a reçu (Lettre 
119*), et qu'il a crayonné (Lettre 125*). Or, cet exemplaire n'est autre que ce- 
lui de la bibliothèque d'Aix, et les notes que J'y ai recueillies paraissent pour 
la première fois. (Voir V Avertissement du volume des GEnvrea, pages v-%n.) 
— G. 



CORRESPONDANCE. 293 

128. — VOLTAIRE A VAUVENARGUES. 

(2S) Mai 1746. 

La plupart de vos pensées me paraissent dignes de votre âme, et du 
petit nombre d'hommes de goût et de génie qui restent encore dans 
Paris, et qui méritent de vous lire; mais, plus j^admire cet esprit de 
profondeur et de sentiment qui domine en vous, plus je suis affligé que 
vous me refusiez vos lumières. Vous avez lu superficiellement une tra- 
gédie < pleine de fautes de copiste, sans daigner même vous .informer 
de ce qui pouvait être à la place de vingt sottises inintelligibles qui 
étaient dans le manuscrit; vous ne m^avez fait aucune critique. Ten suis 
d'autant plus fâché contre vous, que je le suis contre moi-même, et 
que je crains d'avoir fait un ouvrage indigne d'être jugé par vous. Ce- 
pendant, je méritais vos avis, et par le cas infini que j'en fais, et par 
mon amour pour la vérité, et par une envie de me corriger, qui ne 
craint jamais le travail, et, enfin, par ma tendre amitié pour vous. 



129. — VAUVENARGUES A VOLTAIRE. 

A Puis, luDdi matin, (13) mai 1746. 

Vous me soutenez, mon cher maître, contre Textréme 
découragement que m'inspire le sentimentde mes défauts. Je 
vous suis sensiblement obligé d'avoir lu sitôt mes Réflexions. 
Si vous êtes chez vous ce soir, ou demain, ou après-demain, 
j'irai vous remercier. 

Je n'ai pas répondu hier à votre lettre, parce que celui 
qui l'a apportée Fa laissée chez le portier, et s'en était 
allé avant qu'on me la rendit.- Je vous écrirais e( je vous 
verrais tous les jours de ma vie, si vous n'étiez pas res- 
ponsable au monde de la vôtre. Ce qui a fait que je vous 
ai si peu parlé de votre tragédie, c'est que mes yeux souf- 
fraient extrêmement lorsque je l'ai lue, et que j'en au- 

< Sémiramis, qui ne fut représentée que deux ans plus tard, le 29 septem- 
bre 17^8. — B. 



294 CORRESPONDANCE. 

rais mal jugé, après une lecture si mal faite. Elle m'a paru 
pleine de beautés sublimes. Vos ennemis répandent dans le 
monde qu'il n'y a que votre premier acte qui soit suppor- 
table, et que le reste est mal conduit et mal écrit. On n'a 
jamais été si horriblement déchaîné contre vous, qu'on l'est 
depuis quatre mois. Vous devez vous attendre que la plu- 
part des gens de lettres de Paris feront les derniers efforts 
pour faire tomber votre pièce. Le succès médiocre de la 
Princesse de Navarre^ et du Temple de la Gloire^ leur fait déjà 
dire que vous n'avez plus de génie. Je suis si choqué de ces 
impertinences» qu'elles me dégoûtent, non-seulement des 
gens de lettres, mais des lettres même. Je vous ccmjure, 
mon cher maître, de polir si bien votre ouvrage, qu'il ne 
reste à l'envie aucun prétexte pour l'attaquer; je m'inté- 
resse tendrement à vo^ gloire, et j'espère que vous par- 
donnerez au zèle de l'amitié ce conseil , dont vous n'avez 
pas besoin. 

130. — VOLTAIRE A VAUVENARGUESw 

Ce lundi, 23 mai I74«. 

Tai peur d*ètre né dans le temps de la décadence des lettres et du 
goût; mais vous êtes venu empêcher la prescription, et vous me tien- 
drez lieu du siècle qui me manque. Bonjour, homme aimable, et homme 
de génie ; vous me ranimez, et je vous en ai bien de Tobligation. Je vous 
soumettrai mes sentiments et mes ouvrages. Votre société m^est aussi 
chère que votre goût m'est précieux. 



131. — LE MÊME AU MÊME. 

# 

Mai 174S. 

Je vais lire vos portraits *. Si jamais je veux foire oeloi do génie le pins 
naturel, de Thomme du plus grand goût, de rame la plus haute et la 
plus sùnple, je mettrai votre nom au bas. Je vous embrasse tendre- 
ment. 

* Voir lei Caractères, — G. 



CORRESPONDANCE. 295 

132. — VAUVENARGUES A SAINT-VINCENS. 

I 

A Parts, le 30 mai 1746. 

J'ai appris avec la plus grande joie» mon cher Saint- Vin- 
cens, votre naariage avec M"« de Vence*. .Voilà rétablisse- 
ment le pins décenty et le plus agréable que vous pussiez 
fsdre : un grand nom, beaucoup de bien, le plus aimable et 
le plus respectable de tous les hommes pour beau-père. 
Quoique je ne sois plus fait pour paraître à aucune fête, je 
suis fâché, mon cher Saint- Vincens, de voir celle-ci de si 
loin ; je voudrais être témoin de votre joie, et de celle de 
vos amis. La mienne est égale aux sentiments que vous' me 
témoignez; rien ne m'est plus cher que votre amitié; elle 
est la plus douce de mes consolations dans les maux qui 
m'accablent. Soyez toujours heureux, mon cher ami, autant 
que vous 'méritez de l'être, et n'oubliez jamais un philo- 
sophe, qui gémit d'être obligé de vous écrire, quand il vou- 
drait pouvoir passer sa vie auprès de vous, et vous em- 
brasser mille fois. 

Je m'en vais écrire tout à l'heure à M. le marquis de 
Vence'. Vous connaissez mes sentiments pour lui : je suis 
vraiment touché des preuves qu'il vous donne de son amitié; 
elles justifient les idées que j'ai toujours eues de son esprit 
et de son cœur. 



183. - LE MÊME AU MÊME. 

/i Paru, le Sft jnillet 1746. 

« 

Je prends beaucoup de part, mon cher §aint-Vincens, à 
la perte que vous venez de faire \ Je ne doute pas que votre 

^ Julie de VJUeneuve-Vonce, petite-fille de M™« de Simîane, petite-fille 
elle-même de M"* de Sévîgné. — G. 
s Voir la 3* note de la page 105. — G. 
s La mère de Saint-Vincens était morte le G juillet. — G . 



296 CORRESPONDANCE. 

affliction ne soit grande : les nœuds les moins chers de la 
vie se font regretter, quand ils se rompent. Les charmes de 
la société sont tous fondés sur ses liens ; nous ne sentons 
souvent que le poids de nos chaînes, quand nous les por- 
tons ; mais, sitôt qu'elles sont brisées, nous plions sous la 
pesanteur de notre propre faiblesse, qu'elles soutenaient; 
nous sommes comme les enfants, qui ne peuvent marcher 
seuls et sans lisières. Les attachements de notre coâur le 
pressent quelquefois ; mais ils le fortifient, et l'étaient ; nous 
ne sommes pas assez forts pour nous soutenir sans maillot. 

Je n'entreprends pas de vous consoler ; le temps le fera; 
il emporte d'une égale rapidité nos afflicUons et nos joies. 
Puisse-t-îl n'affaiblir jamais, mon cher ami, les tendres sen- 
timents qui nous attachent ! C'est un bien que j'espère de 
votre solidité, et de la bonté de votre cœur; pour moi, je 
cesserai plutôt de vivre, que de vous aimer. 

Je vous prie de cultiver pour moi l'amitié et l'estime de 
M. le marquis de Vence» que vous savez m'être bien chères. 
J'ai reçu, il n'y a pas longtemps, une lettre de lui pleine 
de bonté -, je vous la montrerai peut-être quelque jour \ car 
elle mérite d'être conservée et d'être lue. 



ISA. — LE MÊME AU MÊME. 

A Paris, le 23 aoài 1746- 

Je ne crois pas, mon cher ami, que je retourne en Pro- 
vence, cet hiver : ma santé est meilleure qu'elle n'a été de- 
puis deux ans ; et je veux, si je puis, la fortifier encore 
avant de quitter ce pays-ci. 

Je suis enchanté que madame de Saint- Vincens ait dai- 
gné lire mon livre : il n'appartenait pas à un philosophe 
d'espérer un suffrage si aimable et si flatteur; si j'avais 

* Vauven argues ne devait plu» revoir son ami. — G- 



CORRESPONDANCE. 297 

osé écrire pour un tel lecteur, mon ouvrage aundt été cer- 
tainement plus supportable ; je l'aurais travaillé^ du moins, 
avec phis de soin et plus de vivacité. Vous m'auriez fait 
grand plaisir, si vous aviez ajouté quelques critiques gé- 
nérales aux louanges que vous me donnez. Je ne mérite ni 
les unes ni les autres, mais je puis exiger d'une amitié 
comme la vôtre qu'elle me fasse connaître mes dé&uts. 
Vous connaissiez la plus grande partie de mon ouvrage : 
avez-vous été plus ou moins content de ce que vous ne con- 
naissiez pas? 

Vous me demandez si je continue à travailler : il y a 
longtemps que je ne fais rien ou peu de chose ; je n'ai point 
de copiste, et n'en ai pas besoin. Si je faisais, dans la suite, 
quelque niaiserie dont je fusse content, je la ferais trans- 
crire, et je vous l'enverrais; je ne désire rien t^nt, mon 
cher ami , que de vous entretenir de moi et de vous em- 
pêcher de m'ouMer. Je vous prie de faire ma cour à H. le 
marquis de Vence, et de me parler de lui quand vous 
m'écrivez. Je l'aimais pour ses rares qualités ; je l'aime et 
l'honore encore plus, depuis qu'il a contribué à votre bon- 
heur. Je prends un intérêt bien tendre, mon cher Saint- 
Vincens, aux agréments infinis de votre établissement ; ce 
sont des sentiments que je vous dois, et que je ne perdrai 
qu'avec la vie. 

Que dites-vous de nos affaires d'Italie? Ne craignez-vous 
pas de voir en Provence le duc tle Savoie * ? 



135. — LE MÊME AU MÊME. 

A Paris,' le 24 novembre 1746. 

J'ai besoin de votre amitié, mon cher Saint-Vincens : 
toute la Provence est armée, et je suis ici bien tranquille- 

* Vaavenargaes avait deviné Juste : deai mois après (38 octobre), les Pîé- 
montais et les Impériaux passaieut le Var, et envahissaient la Provence. 
(Voir Voltaire, Siècle de Louiê XV, chap. XIX et XX. ) — G. 



296 CORRESPONDANCE. 

ment au coin de moii feu ; le manvûs état de mes yeu et 
de ma santé ne me jnstiQe point aaaez, et je demis être où 
sont tous les gentilshommes de la province. Mandez-moi 
donc, je tous prie, incessamment, s'il reste encore de rem- 
ploi dans nos troupes, nouveDenoent levées S et si je serais 
sûr d'être employé, en me rendant en Provence. Si je m'é- 
tais irouvé à Aix, lorsque le Parlement a fait son régiment, 
j'aurais peut-être eu la témérité de le demander. Je sais 
combien il y a de gentilshommes en Provence, qui, parleur 
naissance et par leur mérite, sont beaucoup plus dignes que 
moi d'obtenir cet honneur; mais vous, mon cher Saint- 
Vincens, Honclar, le marquis de Vence, m'auriez peut-être 
aidé de votre recommandation, et cela m'aurait tenuliea 
de toutes les qualités qui me manquent. Je ne voua dis pas 
à quel point j'aurais été flatté d'être compté parmi ceox 
qui serviront la province dans ces chrconstances ; je crois 
que vous ne doutez pas de mes sentiments. Je vous remets, 
mon cher ami, la disposition de tout ce qui me regarde : 
offirez mes services, pour quelque emploi que ce soit, si vous 
le jugez convenable, et n'attendez point ma réponse pour 
agir; je me tiendnd heureux et honoré de tout ce que vous 
ferez pour moi et en mon nom. Je n'ai pas besoin de vous 
en dire davantage ; vous connaissez ma tendre amitié pour 
vous, et je crois pouvoir toujours compter sur la vôtre. 



1S6. — LE MÊME AU MÊME. 

A Pirii, le 8 décembre 1746. 

Est-il possible, mon cher Saint- Vincens, que vous m'é- 
criviez d' Aix, du 30 novembre, et que vous ne me disiez pas 

* n ê'agtt dêt trûap« que la provïncb éne4nèaie avait miaea sur pied, en 
attendant des renforts. L'armée royale n'avait pas plos de onse mille hommes 
& opposeranx qoarante mille Anstro-Sardes, depuis que les Espagnols, nos al- 
liés, nons avaient abandonnés, poar aller couvrir la Savoie, dont fis étaient 
maîtres encore. — G. 



CORRESPONDANCE. 290 

QD moi des mouyements des ennemis, dn paèsage do Var, 
de la conduite singulière des Espagnols S et de tout le 
reste? On est» ici, dans une violente inquiétude depuis deux 
jours : la mienne doit 6tre plus vive que celle des autres ; 
elle Test aussi, mon cher Sainte Vinœns, et vous en savez 
les raisons. 

Le maréchal de Bblle-lsle ayant refusé nos troupes, je 
crds que je puis être dispensé de Mté un voyage en Pro- 
vence, qui ne me paraît plus aujourd'hui si nécessaire, et 
qui, certainement, nuirait beaucoup à ma santé et à mes 
yeux ; mais je suis tourmenté des réflexions que je fais sur 
les misères de notre province, sur la position de ma famille 
et de mes amis, et sur ma propre âtuation. Je vous serai 
sensiblement obligé, si vous voulez m'écrire quelquefois, 
jusqu'à ce que mon frère soit à Aix ; vous tompventZi mon 
cher ami, combien je dois être occupé de vous et de la Pro* 
vence, en de telles circonstances. Je ne vous dis pas à quel 
point je vous suis attaché ; vous le savez. Je vous sdmc, et 
vous embrasse bien tendrement. 



187. — LE MÊME AU MÊME. 

A FtrU, le 27 dkembre «746. 

Je sdistrès-sensiblemeùt touché, mon cher Sadnt'^Vincens, 
des misères de notre province. U y a bien des gens ici, 
comme à Aix, qui blâment la conduite de M. le maréchal 
de Belle-Isle > ; mais il est difficile de juger, lorsqu'on n'est 
pas sur les lieux, et qu'on n'a pas une connaissance exacte 

< Voir là note préoédenté. ^ G. 

s Le maréchal de BeUe-l8le« était, dit Voltaire, sansarmée et flans argent.. 
« n eut beaucoup de peine à empronter, en son nom, cinquante mille écns, 
« ponr sabvenir aux plus preasanta besoins. » U était donc réduit à se tenir 
sur la défensive, et à laisser ravager, presque impunément, les Tilles et les 
campagnes; mais, bien que son inaction fûtibrcée, les habitants ne s'en plai- 
gnaient pas moins vivement. — G. 



300 CORRESPONDANCE. 

du pays, des troupes^ des subsistances, des véritables forces 
de rennemi, de celles des places, et, enfin, des prcyets dn 
général. Vos lettres sont ma consolation dans les iqqaië- 
tudes continuelles que j*ai pour notre patrie. La nouvelle 
de Gènes* ne nons a apporté qu'une joie très-courte; on 
commence beaucoup à craindre que cette sédition du peuple 
n'ait fini à son grand désavantage, ^u milieu de toutes ces 
craintes, on voit toujours, à Paris, le même faste, les 
mêmes plaisirs, la même dissipation ; toujours même jeu, 
toujours bonne chère, les rendez-vous aussi fréquents, et 
les spectacles aussi suivis qu'à l'ordinaire '. Mais ceux qui 
savent qu'ils sont à la veille d'être ruinés pour la vie, qui 
savent leurs parents et leurs amis dans la même situation, 
ne peuvent prendre aucune part à ces plaisirs. Adieu, mon 
cher ami; je vous remercie mille fois de vos lettres, et vous 
embrasse tendrement. 



138. — LE MÊME AU MÊME. 

A Piris, U 18 juTier 1747. 

J'ai tardé longtemps, mon cher Saint-Vincens, à vous 
remercier des nouvelles que vous avez pris la peine de me 
donner de notre province. Un mal au pied, qui m'empêche, 
depuis longtemps, de me tenir vis-à-vis de ma table pour 
écrire, a été cause, en partie, de mon silence; j'ai écrit 
quelques lettres nécessaires, mais je me suis relâché, avec 
mes amis, de l'exactitude que je leur devads. 

Je suis touché, au-delà de toute expression, des pein- 
tures que vous m'avez faites de la misère de notre pays ; il 
se ressentira longtemps des désordres de la guerre. Je vois 

* Lm Génois qui, sans coap férir, •'étaient rendus aox Impériaux, le 7 sep- 
tembre, regrettèrent bientôt leur soumimion. Le 5 décembre, une révolte éclati, 
qui força les Autridiiens à quitter la yiUe. ~ G. 

« Voir la Z2* Réflexion. — G. 



CORRESPONDANCE. 301 

que ces désordres augmentent, et que Ton s'est trop tôt flatté 
d*en voir la fin. Je ne doute pas, cependant, que les ennemis 
ne soient enfin obligés de se retirer, si leur petite armée 
d'Italie ne peut pas se rouvrir les chemins de Gènes* ; mais 
il faut que la cour de Vienne ait d'abord perdu cette espé- 
rance, et qu^ensiiite, elle envoie des ordres en Provence, 
pour rappeler ses troupes; cela demande du temps, et ce 
temps nous apporte de grands dommages. 

Je vous prie, mon cher ami, de continuer à m'écrire 
quelquefois, et, en parlant de nos misères communes, de 
ne point oublier les incommodités personnelles que laguerre 
vous apporte. J'ai pris beaucoup de part aux désordres 
qu'on a faits à Vence ' : la Cour y aura peut-être égard ; il 
me semble que ce serait une chose trèsH^onvenable, si on 
donnût un régiment, qui ne coûtât rien, au fils de H. le 
marquis de Vence. Le zèle qu'il a témoigné pour les inté- 
rêts du Roi et de la province mériterait bien cette grâce, 
indépendamment de ce qu'il souffre de la guerre ; c'est une 
distinction qu'on a accordée à des gens qui ne portent pas 
un si beau nom, et pour de moindres sujets. Je vous prie 
de me rappeler dans son souvenir, et dans celui de M. le 
procureur-général' ; c'est à vous, mon cher Saint<-Vincens, 
qui êtes le plus ancien de mes amis, à cultiver pour moi 
les vôtres. Je vous suis inviolablement et tendrement atta- 
ché. 



1 Ici encore, Vauvenargues avait deviné Juste ; les Austro-Sardes, |i.yant 
épuisé le pays, et ne pouvant plus tirer leurs approvisionnements de Gènes 
reçurent bientôt Vordre de se retirer devant le maréchal de BeHe-Islé, qui, 
d'ailleurs, avait obtenu des secours en hommes et en argent, et avait pu 
reprendre Toifensive. Dans le mois même où Vauvenargues écrivait cette 
lettre, ils commencèrent leur mouvement de retraite. — G. 

s Les villes de Vence et de Grasse avaient été livrées au pillage. — G. 

s Mondar. — G. 



3d2 CORRESPONDANCE. 

130. — LE MÊME AU MÊME. 

A Paris, k H février 1747. 

Je me réjouis avec vous* mon citer SaiqVVioceps, et «?ec 
Ums les bons citoyens, de re^^pulsion clés ennemis, et du 
soulagement que le^r ratmte apporte à nos misères, fai 
été pénétré, autant que voua, de tout ce que la proTiocç a 
souffert ; le tort particulier que vous craigniez de rece?oir 
de la continuation de la guerre me toucbût comme vou»- 
mème. Je veux espérer que le crédit de la province se réu^ 
blira, et que vous conserverez votre revenu ; vous me 
donnerez une grande marque d'amitié en m'instruisant lir 
dessus comme je le puis désirer. 

Vos lettres ont été ma consolation depuis que je garde 
ma chambre. Je ne me flatte pas encore de sortir de si iAt» 
car il n'y a aucun changement à mon engelure^ ; la plaie 
est toujours de même, et l'os fort gonflé, ht défaut d'exer- 
cice influe sur ma santé ; je ne digère point, et je suis pl^ 
d'humeurs qui se portent sur ma poitrine, et irritent ma 
toux : je vous entretiens de toutes ces bagateUéB» pi^mfK 
je sais que vous m'aimez. 

Je vous prie de remercier VOL de Monclar et de Veoce 
de leur souvenir ; je regrette souvent de ne pouvoir cultiver 
moi-même leurs bontés et leur estime. Adieu, mon cher 
ami, je vous embrasse tendrement ^ et vous suis dévoué pour 
toute ma vie. 



> Vauvenargaes avait eu les Jambes gelées, pendant la désaslrense retraile 
de Prague à Egra, et, à la suite de la petite-Térole, Fengelure avait dégénéré 
en plaie. -^ G. 



CORRESPONDANCE. 303 



UO. — LE MÊME AU MÊME. 

A Paris, le 10 van 1747. 

Je vous adresse, mon très-cher ami, une petite lettre 
pour mon frère, que je vous prie de lui rendre, en mains 
propres, lorsque vous le rencontrerez. 11 y a longtemps que 
vous me privez|des témoignages aimables de votre souvenir, 
et je suis bien aise d'avoir cette occasion de vous en faire 
un petit reproche. 

11 y a deux mois et demi que je garde ma chambre, avec 
des infirmités que cette vie trop sédentaire ne soulage point ; 
je n'ai pas besoin, mon cher ami, de tant d'ennui et de soli- 
tude, pour songer à vous ; mais je vous regrette souvent, 
et je voudrais bien être à portée de vous demander du se- 
cours contre la tristesse de mes rêveries. Rendez-moi compte 
d'une vie qui m'est chère, et qui est plus heureuse que la 
mienne ; vous écarterez les chagrins qui me surmontent. 
Vous savez si je suis sensible aux charpies de votre amitié 
et de votre conversation : un enchaînement malheureux de 
plusieurs crises me fait passer ma vie éloigné de vous ; 
cela changera, si je vis, et vous me tiendrez lieu des pertes 
que j'ai faites, et de la santé qm me manque ^ 

1 VaaTenargaes est mort deux mois et dix-huit Jours après cette lettre, le 
28 mai 1747 ; le 5 du mois d'août suirant, il aurait eu 32 ans. — G. 



TABLE 



DES MATIÈRES 



CONTENUES DANS CE VOLUME. 



Âvertmement sur ce volume. 



DIALOGUES. 

1. Alexandre et Despréaui 1 

2. Fénelon et Boasuet. 4 

3. Démosthènes et Isocrate 8 

4. Les mêinee 12 

5. Pascal et Fénelon 18 

6. Montaigne et Charron 31 

7. Un Américain et un Portugais 24 

8. Philippe II et Gomines 27 

9. César et Brutus 30 

10. Molière et un Jeune homme 32 

11. Radne et Bossnet. 36 

12. Le cardinal de Richelieu et le grand Corneille 60 

13. Richelieu et Mazarin 42 

14. Fénelon et Richelieu 44 

15. Brutus et un Jeune Romain 47 

16. Catilina et Sénécion 50 

17. Renaud et JafBer, conjurés 55 

18. Platon et Denys le Tyran 58 

♦ 20 



306 TABLE 



FRAGMENTS. 



1. Eitraits d'an Disooiin sur l'éloquence 61 

3. Snr les Gonvenations du monde 65 

3. Sur le Luxe 67 

ft. Plan d'un Livre de philosophie 69 



« 



cranquE 

DE QUELQUES MAXIMES DU DUC DE LA ROCHEFOUCAULD. . . 75 



CORRESPONDANCE. 



1. Le marquis de Mirabeau au marquis de Vauvenarguen 87 

3. Yauvenargues à Mirabeau 89 

3. Mirabeau à Yauvenargues 91 

4. Yauvenargues à Mirabeau !h, 

5. Mirabeau & Yauvenargues. 93 

6. Yauvenargues & Mirabeau 9& 

7. Mirabeau à Yauvenargues. 95 

8. Yauvenargues à Mirabeau 96 

9. Mirabeau & Yauvenargues /b. 

10. Le même au môme 97 

11. Le même au même 98 

13. Le même au même 99 

13. Le même au même 100 

U. Yauvenargues & Mirabeau !b, 

15. Mirabeau à Yauvenargues 101 

10. Yauvenargues à Mirabeau 103 

17. Mirabeau à Yauvenargues 103 

18. Yauvenargues à Mirabeau 104 

19. Le même au même Ib. 

30. Le même au même 106 

31. Le même au même 108 

33. Le même au même 110 

33. Mirabeau à Yauvenargues ^ 113 

3(i. Yauvenargues à Mirabeau 11& 

35. Yauvenargues & SaintrYincens 116 

30. lie même au même 117 

37. Mirabeau à Yauvenargues 119 

38. Yauvenargues à Saint-Yincens 130 

39. Le même à Mirabeau 133 



V 



DES MATIÈRES. 307 

30. Mirabeaa à Vaavenargaeft 124 

31. Vauvenargaes & Saint-ViDcens 126 

33. Vaayenargaes à Mirabeau. 127 

33. Mirabean à VauTenargues 131 

3â. VauTenargnea à Mirabeau 133 

35. Mirabeau à VauTenargues , ise 

3e. YauTenargues à Mirabeau 138 

37. Le même au même m 

38. Le même à Saint- Vincens 142 

3». Mirabeau à Vauveoargues 148 

60. Vauvenargues à Saint-Vinoena. 145 

61. Le même à Mirabeau 14g 

63. Mirabeau à Vauvenargues , . . 149 

63. VauTenaigues à Mirabeau. 15q 

66. Mirabeau à VauTenarguea. 153 

65. Vauvenargues à Saint-Vincens 154 

66. Mirabeau & Vauvenargues , . , 156 

67. Vauvenargues à Mirabeau. [[ /6. 

6B. Le même à Saint- Vincens 158 

6tt Mirabeau & Vauvenargues 101 

50. Vauvenargues à Mirabeau !..... 102 

51. Mirabeau à Vauvenargues 171 

52. Vauvenargues à Mirabeau _ 175 

53. Mirabeau à Vauvenargues I80 

56. Vauvenargues à Mirabeau 182 

55. Le même au même. Igg 

50. Vauvenargues à SaintrVincens ! . 105 

57. Mirabeau à Vauvenargues 198 

58. Vauvenargues à Mirabeau 109 

59. Mirabeau à Vauvenargues 203 

60. Vauvenargues à Saint- Vincens 206 

01. Le même à Mirabeau 206 

63. Mirabeau & Vauvenargues 208 

63. Vauvenargues à Mirabeau 210 

66. Le même à Saint-Vincens 213 

65. Mirabeau à Vauvenargues. 216 

66. Vauvenargues & Mirabeau 216 

67. Le même au même 217 

66. Mirabeau & Vauvenargues 219 

69. Vauvenargues à Mirabeau ^236 

70. Mirabeau à Vauvenargues 223 

71. Vauvenargues à Saint-Vincens. . . .♦ 233 

73. Le même au même 236 

73. Le même au même 237 

76. Le même au même , . , . 238 

75. Le même au marquis de Villevieille. , 331 

76. Le même à Saint-Vincens* 233 



306 

77. 

78. 

79. 

80. 

81. 

83. 

83. 

Sk. 

85. 

86. 

87; 

88. 

89. 

00. 

91. 

93. 

03. 

04. 

05. 

00. 

07. 

08. 

00. 
100. 
101. 
102. 
103. 
104. 
105. 
10«. 
107. 
108. 
100. 
110. 
111. 

lis. 
lis. 

114. 
115. 
110. 
117. 
118. 
110. 
120. 
131. 
133. 
123, 



TABLE 

Le même au môme. ^ 

Le même au même ^ 

Le même au même ^ 

Le même au même. ^ 

Le même au même .^ 

Le même au même. ^* 

Le même au même — *** 

Le même à M. de Voltaire, tt' 

lie même à H. le duc de Biron ^^^ 

Le môme au Roi ^ 

Le même au duc de Biron ^^ 

Voltaire à Vauvenargues ^ 

Vauvenargnes à Voltaire W* 

Le même à Saint-Vincens. *56 

Voltaire à VauTecargues **' 

Vauvenargues à Saint-Vincens ^ 

Le même au même ^ 

Le même au duc de Biron ^^ 

Le même au Roi *•* 

Le même à M. Amelot. i ^ 

Le même au duc de Biron '*• 

Le duc de Biron a VauTenargues ^ 

Vauvenargues à Amelot ^^ 

Amelot à Vauvenai^gues '^ 

VauTonargues à SaintrVincens *• 

Le même au même • ^' 

Le même à VUlevieille ^ 

Voltaire à Vauvenargues. ^^ 

Vauvenargues à Saint-Vincens '•• 

Le même au même " 

Voltaire à Vauvenan^ies. '^ 

Le môme au même ^ 

yauvenargues à ViUerieiUe '" 

Voltaire à Vauvenargues ''* 

Vauvenargues à Voltaire. • • ^^ 

Le même au même 

Voltaire à VauTenaigues *'' 

Vauyenargues à Voltaire. ^ 

Voltaire à Vauvenargues. *°* 

Vauvenargues à Voltaire. ^ 

Le même à SaintrVincens '*• 

Le même au même 

Voltaire à Vauvenargues ^ 

Vauvenai^es à Saint-Vincens. '*• 

Le même à VUlevieille. ^ 

Voltaire à Vauvenargues. ^ 

Le même au même 



DES MATIÈRES. 309 

134. Le même au même ^ . . . SOO 

135. Le même aa même 291 

120. Le même au même Ib. 

127. Vaavenargaes & Voltaire « 202 

12& Voltaire & Vauvenargues 293 

129. Vauvenargues à Voltaire 76. 

130. Voltaire à Vauvenargues 29/i 

131. Le même au même Ib. 

133. Vauvenaiigups à Saint-Vincens 295 

133. Le même au même 76. 

134* Le même au même 290 

135. Le même au même 297 

130. Le même au même 298 

137. Le même an même. 299 

138. Le même au même SOO 

139. Le même au même. '. . 302 

140. Le même au même 303 



INDEX 



ALPHABÉTIQUE 



La lettre «, placée à la mite da chiffre indicatif des pages» renvoie an Tolmne dei 

œuvres posthumes et inédites de TauTenargaes. 



A 



AbaUement de Vàme (1*) donne nn ex- 
térieur languissuit, 25. 

Abrkr, personnage de la tragédie d* A- 
tbalie, 251, note. 

Ahu (les) inéritables sont des lois de 
la nature, 370. 

Académie françaUe (!') met au con- 
cours la question de l'inégalité des 
richesses (17&5), xxiv ; fait exami- 
ner les ouyragesde Vauvenargues, ii, 
note; met son Éloge au concours 
pour le prix d'Éloquence (1856). 
Discours qui a remporté le prix, 
par M. Gilbert, ix. Critique des 
discours académiques, xxv, 42&. 

iieeessi^le. Quels sont ceux qui ne le 
sont pas, 383, &80. 

Aceatey on Vamwr ingénu, 300. 

ACBILLB, 100. 

AooifAT, personnage de la tragédie de 
Bajazet, 2&0, 2A1, note, 251, 206, 
242,s. 



Action, Nulle Jouissance sans action, 
67. Elle est nécessaire à Thomme, 
05. Elle n'est que le mode de la 
volonté, ihidt note. Tout vit par 
elle, 304. 

Action», n y en a peu qui mènent à 
une fin utile, 99. Dieu est le principe 
de toutes les nôtres, 190. Elles ne 
sont ni si bonnes ni si vicieuses que 
nos volontés, 420. Il faut les Juger 
selon les temps, 432. Nous n'avons 
pas assez de temps pour les réflé- 
chir toutes, 446. Nous Jugeons très- 
mal des actions d'autrui, 4,^. 

ActivitL Elle porte les hommes à la 
vertu et à la gloire, 33. Elle naît 
d'une force inquiète, 62. Son pou- 
voir, 74. On ne peut la condamner 
sans accuser l'ordre de la nature, 
04. Il est vrai qu'elle a ses dégoûts 
et ses périls, 130. Portrait d'un 
homme actif, 318. L'activité fait 
plus de fortunes que la prudence. 



312 



INDEX 



303. Qui la oondamoe, condamne 
la fécondité, 457. Elle ne supporte 
pas rennui, ftgs. Ce qu'elle fait, 
45,#. 

Admiration. C'est une surprifio pleine 
de respect, 47. Elle manette le ter- 
me de nos connaissances, 305. 

Adresu, On ne peut Jamais dominer 
par elle seule, 383. Comparée au 
mensonge, 460. 

Adtersiié. D y a des lumières qu'elle 
ne peut éteindre, 84. Elle ne doit 
pas compter sur la pitié des au- 
tres, 92. Elle est, en quelque sorte, 
enchaînée à la honte, 434. Elle fait 
beaucoup de coupables et d'imprn- 
denU, 489. Elle est comblée par la 
mort, 485. 

A/feeiation. C'est le dehors de la con- 
trainte et du mensonge, 60. 

Aglieiiùns. Quelle est la plus amèi« de 
toutes? 485. Elles durent peu, 400. 

A/pigéê, Il y en a peu qui sachent 
feindre le tempe qu'il faut, 401. 

AffrcnU, Le lâche en a moins à dévo- 
rer que l'ambitieux, 400. On les 
oublie, et on s'en attire d'autres , 
ilnd. 

AcAHimioii, personnage d'Iphigénie, 
tragédie de Racine, 251. 

Age, A mesure qu'il multiplie les be- 
soins de la nature, il resserre ceux 
de l'imagination, 470. Peut-il don- 
ner droit de gouTeraer la raison? 
481. 

AcésiLAS, 103,s. 

Agilalioru. On ne connaît pas l'attrait 
de celles qui sont violentes, 377. 

Agréments. Des auteurs sublimes ne 
les ont pas négligés, 406. 

AosiFFijiB, personnage de la tragédie 



de Britannicus, 243, 244, 247, 251, 
266, 55,t. 

* 

Agdt (madame d') , femme d'un con- 
seiller au parlement. Anecdote qui 
la concerne, 100,<. 

Aigrewr, l'amour-propre la produit, 
40. Quels sont les gens les plus si- 
grès? 370. 

Alcibiadk, 360, 183,f , 103,1. 

Akifpe, caractère inconstant, 309. 

ALBMMET (d'j. F. DALBHBKaT. 

Albxanobb le Grand, xvi, I36,t. n 
ne voulait plus vivre après aroir 
tué ClituB, 125. Son éloge, 250. Ex- 
cusé de s'être fait rendre des hon- 
neurs divins, 432. La plupart des 
gens de lettres aiment mieux sa 
sutue que sa générosité, 440. Son 
dialogue avec Despréaux, l,s. Com- 
paré par Boilean à Louis XIV, iM., 
note. 

Alexandre, tragédie de Racine, 250, 
note, 251. 

Allemands, ils n'ont pas la férodté 
des Germains, 167. 

Alûre, tragédie de Voltaire, 263, 267. 

Amabilité. Elle est rarement la com- 
pagne du vice, 385. 

Ambition. Sa définition, 32. Elle exile 
les plaisirs dès la Jeunesse, xv, 375, 
ii,f . La fortunenerassouvit pas,38l, 
note. -L«s malheurs des antres ne 
nous en détournent pas, 404. Fânc- 
lon a tort de la craindre, 430. Ses 
avantages, ibid. Seule, elle peut 
conserver la considération et le 
crédit des grands, ibid. Pourquoi 
00 la dissimule, 452. Ce qui peut 
la borner, 453. Qu'importe à l'am- 
bitieux déçu de mourir plus pau- 
vre? 455. Celle d'un seul homme 
agite et ravage un empire Jusqu'à 



ceqae toatfloit dôtrait, 450. Elle 
se fait seotir ans enfants comme 
l'amour, 460. Combien d'affronts 
eUe fait dévorer, 400. Elle fait la 
gnmdeor des ÉUts, 45,«. Tous les 
bommes en apportent le germe avec 
la We; elle est TAme du monde, 
46,s. 

AmoiSB (le cardinal d'), 366. 



ALPHABETIQUE. 313 

▼enargues, 370,s. Réception qu'il 
fait à ce dernier, 270,|. Lettres qui 
lui sont adressées, 263,*, 265,<. Sa 
réponse, 266,s. 



Ahblot de la Hoossatk. Sur son com- 
mentaire des Maximes de La Roche- 
foucauld, 134,s. 

Américain (V) et le Portugais. Dialo- 
gue, 24,*. 



Ame, C'est d'elle que dépend l'éten- 
due de l'eqirit, 14. Son influence '^>»û, n'y comptes pas dans le mal- 
heur, 110. Comment ouïes attache, 
120. Ne leur demandons pas la per- 
fection qu'ils exigent de nous, 121. 
Nous ne savons aucun gré à ceux 
qui s'sperçoivent de nos défauts, 
302, 14, s. Ne tiennent pas compte 
des services qu'ils se rendent mu- 
tuellement, 302. On n'en fait plus 
dans la vieillesse, 450. 



sur le caractère, 24. On confond 
ses qualités avec celles de l'esprit, 
ibid. Tous les sentiments en pn>- 
viennent, 32. Est-elle incapable 
d'un sentiment désintéressé? 43. 
Difficulté de vaincre ses défauts, 
48. Sa définition, 60. S'élève et se 
soutient par les grandes occupa» 
tiona, 75. Les &mes égales sont sou- 



IZ rSr^'Jo ' D*^""/ •" ^«•■^- S« -««"Wo». 3». De celle que 
Joge de 1 âme 389. PuMe sa forte ,.„„ ^ ,„ ^^ 38. Ce qui U 

dans liMK nsMAÎnna ihiA 1j^ k:««. .. '^ •»-», i#^w. vi« ^«u «• 



dans les passions, Und. Les biens 
et les maux ne se font pas sentir 
aux âmes médiocres, 405. L'&me 
règle la force ou la faiblesse de 
notre créance, 420. L'espérance 



distingue de l'amour, 42. Fait beau- 
coup d'ingrate, 455. Est aussi volage 
que la haine, 482. Le respect l'affai- 
blit, 31,«. Va plus loin que la 
vertu, 32,<. 



trompe les plus gmndes, 428. Rap 
pdle à la vie ses pensées éteintes Amour (F), sa définition, 20, 41. Op- 
dans le sommeil, 433. Idée que les 
âmes faibles attachent à la destruc- 
tion, 435. Ce qui est le propre des 
Ames fortes et pénétrantes, 444. 
Quelle est sa plus grande perfection, 
451. Ce qui constitue une Ame forte, 
456. S'endurcit avec le corps, 450. 
A quoi on peut la Juger, 463. Com- 
ment elle influQ sur nos discours, 
487, 16, s. Caractère d'une grande 
Ame, 20,1. L'est surtout par ses 
pensées et par ses propres senti- 
ments, 178,f. 

Ame étemelle du menée (1'], 433. 



posé à l'amitié, 42. Les sentiments 
que le désir allume sont mêlés d'a- 
mour ou de haine, 44. Fait entrer 
la bonté dans un cœur ingénu et 
sensible, 301. L'amour est le pre- 
mier auteur du genre humain, 442. 
Comparé à l'ambition, 460. Est plus 
violent que l'amour- propre, 468; 
mais n'est pas si délicat, 487. Ses 
faiblesses sont pardonnables, 477. 
Est plus tendre que la pitié, 482. 
Prend le caractère des cœurs qu'il 
surmonte, 80,t. 

Amour de la gloire (de 1'), 33, 05, 
471. 



AvRtjOT, ministre des affaires étran- 
gères, xviu, 440, note, i,s. Notice, Amour des iciences et des lettres [deV)y 
25l,f. Voltairelui recommande Vau- 34. 



314 

Amuwr /UitU et fraiern^, 37. 



INDEX 

Animaux. De l'amitié qne Ton a pour 



Amour de la patrie ^ e.t Ngudé, «»*' *»• <*"'-"» ** '^ P*" °"»^ 
dam le temps présent, comme un 

préjugé, 104. Quand il fut le plus Annibal, son éloge, 260. 
¥ir chez les Romains, 433. 



Amour des olgeU ientihles (de T), 47. 

Amour du monde (de 1'} , 32. Il ren- 
ferme la source de presque toutes 
les passions, 33. 

Amour paternel (1*) ne diffbre pas de 
Tamour-propre, 37. 



Amelme^ 350. 

Authoinb-Venel (d*), fils d'un con- 
seiller à la cour des comptes de 
Provence, 107,<. 

Antipathie, Est une haine violente qui 
ne raisonne pas, 44* 

Antipodes, On B*y croyait pas antr^ 
fois, 154. 



Antiquité {V). Ses emura ne doivent 
pas nous étonner, 421. 



AmouT'propre et Amour de fionf- 
mêmesy 20. Ce qui les caractérise, 
31, 416. L*amour-propre n*est pas 
toqjoors un vice, 416. Il est moins 
violent que l'amour, 468. Et plus ARToniB, 248. Sa Jalousie contre Au- 
délicat, 487. Gomment on l'éprouve, guste, 77,s. 
480. L'amour-propre est ce qu^U y j^^^^^ p.^^ 474. 
a de plus durable dans le corar de 
l'homme, 58,«. Le plus habile fait ^ipparence*. en imposent toajoors,460. 

beaucoup de fautes contre ses inté- AaiAOD db Jooquu (André-Élzéard*), 
rôts, 76,«. N'empêche pas qu'il n'y préaident au pariement de Pro- 



ait, en tontes choses, un bon et un 
mauvais goût, 79,t. 

Amuser (s']. On ne s'amuse pas long- 
temps de l'esprit d'autrui, 384. 

Amtot, 30, note. 

An AxARQua, 3,«, note. 



vence. Sur le duel de son fils a? er 
M. Pépin, 107,s, 100,«. Cède u 
charge à Saint-Vincens, 384.a. 

AacHiHSDB, 252,9, 254,*. 

ArgenL Ceux qui l'aiment pour la dé> 
pense ne sont pas avares, 35. 



Ancien*. Leur imiution est fort trom- Argewb (Alexandre-Jean-Baptiste de 

peuse, 103. Us n'attachaient pas la Boyer-d'Aguilles d'), président an 

même idée que nous au nom de parlement de Provence, notice. 

Dieu, 432. Ont traité plus utile- ^^^i'* 

ment et plos habilement que nous Arqbkis (marquis d'), Wsre du précé- 

la morale, 450. dent, auteur des Lettres Juive», etc., 

Antfromaçue, tragédie de Radne, 158, 
252, note. 

AifOBBViLLnaa, secrétaire d'État à la 
guerre, 174,s. 



156,«. 

Abgbnson (A,'L. Voyer if ), ministre 
des affaires étrangères, 291, s. 

Aai8ToraA?iB, 150, note. 



Anglais. Leur estime pour Shake- 
speare, 150. Sont depuis longtemps A*»««' *' "«*«' ^^^» ^^ *»'*• 
accoutumés & piller nos andena Armes. Il n'y a pas de ^oire acbefée 
écrivains, 38,t, note. sans celle des armes, xvi, 446. Le 



ALPHABÉTIQUE. 



316 



métier des armes fait moins de for- 
tunes qu'il n*en détruit, 458. 

.irméeM, Ce qa*on trouve dans les ar- 
mées modernes, 104, 471. 

Arrogance (1*) dans les faibles est élé- 
ration dans les forts, xvi, 381. 

Art (t) est nécessaire pour faire fleu- 
rir les talents, 35. Contre l'abus 
qu'on en fait, 107. On lui attribue 
trop, 158. Ses chelli-d'cBurre ne du- 
rent pas tant que les caprices de la 
nature, 383. 

Art de plaire, 470. 

Art paéiique (l*) de Boileau, 350. 

Arti. Leur utilité, 34, et leur inuti- 
lité, 156, 161. 

Aicetidant, Celui qu'on a sur les hom- 
mes vaut mieux que la richesse, 
455. 

Ataudb, personnage de la tragédie de 
Bajaiet, 341. 

Athatie, tragédie de Racine. Éloge de 
cette pièce, 347 et suiv. Voltaire 
n'a pas prétendu l'attaquer, 366. 
Citée 367. 

Athénieni (Um) pouvaient parler de la 
gloire, 103. 

Attachementt(ïeB) se rapportent géné- 
ralement à l'amour-propre , 39. De 
celui que l'on a pour les animaux, 38. 

Attila. Ce qu'en dit J.-B. Rousseau, 
358. 

Augura. Ceux qui s'en moquent n'ont 
pas toujours plus d'esprit que ceux 
qui y croient, 430. 

AooiJSTB, xxvn. Son courage, 50. Cor^ 
neille ne le représente pas comme 
Suétone, 343. Cause de ses cruau- 
té, 345, note. Comment Corneille 
le fait parier à Cinna, 347, note. 
Sa Jalousie contre Antoine, 77,#. 



Aumâné (]*) égale le pauvre an riche, 
175. 

Auitérité (1') est une haine des plai- 
siri, 63. 

Auteurs. Les meilleurs parlent trop, 
384. Sont souvent mal Jugés, 406, 
467. Ce qu'il faut faire pour les ap- 
précier, 407. On ne doit pas leur 
demander une trop grande perfec- 
tion, ibid. Ceux qui se distinguent 
par le tour et la délicatesse sont 
plus tôt usés que les autres, 430. 
Les auteurs médiocres ont plus d'ad- 
mirateurs que d'envieux, 446. Les 
plus ridicules trouvent des parti- 
sans, ibid. Il y en a peu qui aient été 
contents de leur siècle, 447. Com- 
ment ils montrent leur faiblesse, 
448. De ceux qui pèchent dans le 
détail et de ceux qui se trompent 
dans le plan, 468. Pourquoi sommes- 
nous plutôt disposés à les critiquer? 
403. Ceux qui se sont décriés et 
avilis eux-mêmes, 71,/. 

Autorité. Ses effets sur les âmes fai- 
bles, 46.S. 

AtUriche (maison d*). Sa supériorité 
dans les négociations, 410. 

Autrui. On tire peu de fruit de l'ex 
périence et des lumières d'autrui , 
458. 

Avare. Ce caractère convient au théâ- 
tre, 374,s. 

Avare». Comment ils repoussent la pi- 
tié, 383. Pourquoi ils ne se piquent 
pas ordinairement de beaucoup de 
choses, 480 et note. 

Avarice (de 1'}, 35. D'où elle naît, 59. 
Est une prévoyance hors de sa 
place, 60. Ne s'assouvit pas par les 
richesses, 381. Est la dernière et 
la plus absolue de nos passions, 
470. 



316 INDEX 

Avenir (!*)• Si noos sommes Uen fous Aym ab (d*), lieatenAnt Tiguîer chargé 
de nous en tant inquiéter, 388. de la police à Ais, 107,i. 



B 



Baccbds, comparé à Aleiandre, 432. Batajid, comparé aux hém d'Homère, 

Bachadhont, ses mémoires cités, 105,t. 

» . .. ^ Bàtlb, 352. 360, 481. Comparé à 

Bngalelkt. Ceux qm les aiment, 3W, ^oc,^ j^^ ^53 

464. 

Beau (du), 62. 
Bqja%ei, tragédie de Racine. Opinion 

sur quelques passages de cette ^«^^«- ^ avantagea, 469. Ses ef- 

pièce, 240 et suiv., 251, 242,*. '«*»? ^ *^^^ »« ^ connaisMiit 

Critiquée par Voltaire, 266. P**' *^''- 

Balloî* , d'une famille parlementaire Bbaobbcoeil (madame de), femme 

d'Aix, camarade de Vauvenargues, d'un conseiller au parlement d'AU, 

150^, aimée de M. de Villars, llO,t. 

Balzac, fonde un prix d'éloquence à Bbautais (de], évéque deSenez, 249,t. 

l'Académie français, 182. BaAoviLUtas (duc de), gouverneur du 

Banque de Law, 60,*. Dauphin, petitrflls de Louis XIV, 

n L r . ». 5,1, note. 
Barbare, La pure nature ne 1 est pas, 

157. BeauxHirls, Des règles à observer dans 

Barbane, ne consiste pas unique- '""^ P™^**"*' **®- 

ment dans l'ignorance; choses aux- Beaux-eepriti (les) se vengent du dè- 

quelles il faut appliquer ce nom, dain des riches sur ceux qui n'ont 

156» 157. encore que du mérite, 459. Lear 

Ba.hu (L.). do 1. UbUothèqae da J"» ^'^ '* •*°~» coo.p.gni.. 

Louvre, 11. 

B<u.fymb dela,o^i (U*). W. B't-fspril. Ce que c'est, 100. 

Bauem. Comment elle m décUe. 40. ^^ W. conte d-HwnlHoo, 37^ 

C'est la préférence de l'intérêt à BBLLacASDa (le maréchal de), IM. 

i'honnear,60. Ceqnilapn>doit, ««3. j^^^^^j^ (,, „,^^ ^e). 145. S» 

BathyUe ou PAtUeur frivole, 364. campagnes de 1742 et de 17t6, 

BAODaaLABT (M.), cité, 220. note, ^'^''' ^*®''' ^''• 

307, note, 400, note. Bensekadb, 465. 

BAOvm (Jean-Giégoire), fonde avec Bérénice, tragédie de Racine, 251. 

Marmontel VObiervaieur littéraire, BBaHOito (Marguerite de), mère de 

289,«. Vauvenargues, 227,s. 



ALPHABÉTIQUE. 317 

BsBimii (le Qernîii), peintre, scalp- 10,f. Son âoge, 256, ftl2, 660. Vau- 

teur et architecte, 443, 64,i* venarguea le défend contre Voltaire, 

Bnam. Il et nue d'obtenir beaucoup ^^^ l^"^: ^X^'l^'J^'' ^" ^' 

des gens dont on a besoin, 382. 'I^ '^"f'"^' '•^' ^° ^'•^^«ue avec 

^ Alexandre, l,j. Attaqué par Fonte- 

Besoint. L*àge les multipUe, 470. nelle, 35,«, 245,t, 253,«, 277,s. 

Bâeâ. De l'amitié que l'on a pour Bon (du), 63. U n'y a rien qui ne 

elles, 38. puisse être bon ou mauvais, selon 

Bbdchot, 231. W,i, note, 105,i, note, '«• circonstances, 468. 

270,t. Bonheur. Û dépend du caractère, 

Bibliothèqite du Louvre, à propos des M. N'est pas k regretter, lors- 
manuscrits deVauvenargues,nr,i,i. ^«'«1 «* ^ns gloire et sans génie, 

jL . X 381. n n'existerait pas, s'il sppar- 

Bibliotheque Mtjanu, à Aix, à pro- ^^^^ j^ ^„^. ^^ ^^^^^ ^^ ^^^^ 

pos d'un exemplaire de la première occupations et de nos plaisirs, 385. 
édition de Vauvenargues, chargé de^l Celui d'autrui ne nous suffit pas. 

notes manuscrites, v, 293,1, note. .^^^ 

Bien. Du bien et du mal moral, 50. bohnac (madame de), 349. 

Dire du bien de tout le monde n'est 

pas d'une bonne politique, 490. ^Ofuie chért^ ses avantages, 442. Est 

^. ^, ^ le premier lien de la bonne compa- 

Bmu. Nous ne renonçon. pM à ceux ^^^ ^ ^ 

que nous nous sentons capables 

d'acquérir, 448. Bonnt eompoQnie (la), 139, 443, 464. 



Bienfait. U faut toujours s'en mon- 
trer reconnaissant, 490. 



On croit toujours ceux qui s'en di- 
sent, 380. Place qu'elle réserve aux 
beaux esprits, 478. 

Bonne foif fidélité sans défiance et sans 



BienfaUeur. On ne manque Jamais de 

raisons pour l'oublier, lorsqu'on a __.. 

r -4 # -*. iftA artifice, 61. 

fait fortune, 490. ' 

„ . . . . , , j ^ . . Bonnes tewfres. nécessité d'en faire, 
BiBOR (duc de), colonel du régiment oaq 

de Vauvenargues, x vu, 349, i,«, 93,*, 

140,s, 141,s, 199,«, 207,1, 212,«, 373,9. BoiiKiBVAL (madame de), 349. 

Uttresqui lui sont adi«»ées,347,., ^^ ^^ ^^^ ,^ „^ 

35M,26i,*.26V.Saréponse,364,«. permettent pas de les suivre, 443. 

^Idme. Personne ne nous Uàme sisé-^ » i» >.^.n 

. Montent. En quoi 11 consiste, 11. Beau- 

vèrement que nous nous condam- j. .^ . ^ 

. ^.. coup d espnt ne vaut pas un peu de 

nons souvent nous-mêmes, 487. l .«.w 

' bon sens, 480. 

Blahc a'abbé), 109,t. ^^^^ ^^^ est un goût A fave du bien 
BoiLBAO-DBSPEéADx, XVI, 361. Opiulon et h pardonner le mal, 60. 
«>r Msoumee., 23*. Amt plus de ^ ^^ j„ ^ ,^ ^^.. 
génie que de profondeur d espnt, 
336, 460. Est supérieur à J.-B. Rous- 
seau, 355, 356. Son Jugement sur Bornes. Celles des talents sont inébran- 
Quinault, 254. Et sur Pascal, 273 , labiés, 410. 



318 INDBX 

Bott , trésorier des troupes, 110,f« Born (fittaui^ Mte de -ytaTensT- 

119^. gués, à Paris« tm Quoctmpoii, 

BosBUBT, ixn« uxvii. n a imité les ^^^ 

prophètes, 31. Ses sublimes har- Bon (de), inspecteur de la Vh^k 

diesses, M. n a surpassé les ora- Notice, 289,*. 
teurs de Tantiquité, 182. Vaure- 

nargues art^l voulu Gonti«lkire la ^"^ (^« chevalier de), ses bons mota, 

mijesté et Tenthoosiasme de Bga- *®7»»- Son nom cité, 213,», 

suetf 251. Comment on prouverait Bm^^a^H, libraire, à Paris, i, ix 
que Bossuet est le plus grand poète 

de la terre, 238. L'opinion de Vol- Baiiu, libraire, pubUe une nouveOe 

taire sur Bossuet critiquée par Van- édition des oeuvres de Vauvenar- 

venargues, 266, 267. Comparé à gaes, ii, vn, ui,<, 280,j, 292^ 

Pascal, 26Ô. A Fénelon, 270. A La n,,_^, #m v * • . •-• 

Bruyè^, 272. A Réchier, 352. Son ®""^^ (^>' ^«^"^ ^'^^ 
éloge, 269, 273, 274, &ll,i20,s, 21,1,^ Briittnnicuê, tragédie de Racine. Opi- 

39,1. Était né pour être un grand nion sur cette pièce« 244, 247, 351, 

ministre, sous un roi ambitieux; 266. 

plaisante fortune pour lui d'être -.^ ,. . ,. , ^ » . „. 

X. 1 . j « ^11 c«j »> . B»ocLiB (lo maréchal de), sa rivaUlé 

chapelam de Versailles, 431, 7.«. ^ / * ^ - . Vi ^ 

« ^ j p, wi f • * j^ *^»c le comte de Feckendoiff osn- 

Ses études, 7,». Il n'y a point de . . ^. . ; ™™ 

.V : ... promet le succès de la canmcne 

faiseur de stances qui ne croie lui *: *—■ v^ 

être supérieur, 483. Comment il y ** "**' ^*®' "®^- 
a des hommes qui le traitent de Baocuo (madame de), 109,«. 
petit esprit, 486. n croyait Jésus- 
Christ, 492. Il rend Justice au ca- ®»'''**« (^harics Le Clesc de U), ré- 
ractère d'Alexandre, 3,«. Son dis- ^*^^"'' ^^ Mercure. Ce qu'en dit 
logue avec Fénelon, 4,s. Son dia- Voltaire, 275,1. 
logue avec Racine, 36,«. On lit plus Brutalité (la) est une disposition à U 
Démosthènes que Bossuet, 65,«. colère et à la grossièreté. 61. 
La Rochefoucauld n'a pas sa mag- 
nificence, 76,«. L'éloquence des Orai- BaoTOS, 59, 246, 308, 356, Son dislo- 
sofis fun^es est divine, 1 Û8,«. Bi*- K«e svec César, 30,1, Influence de la 
suet n'est pas, peut-être, sans er- philosophie de Caton sur son cmcr 
reurs, 212,1. On préfère l'esprit do ^^ 32,s. Son dialogue avec un 
Fontenelle au sublime de Bossuet, Jeune Romain, 47,s. Comparé à Cé- 
246,s. Il a créé, avec quelques au- •w» 183,«. Ses lettres à Gcéron, 
très, la langue française, 254iS. 193,s. 

BocLAiNViLUERS (Henri, comte de), Bcpfon, 35,s, note, 

historien. Opinion sur ses ouvrages, ^^^^^ (Joseph), assesseur du coonl 

220,s, 221,«. ^*j^ 5^ conduite pendant la peste 

BOCDALODB, 212,s, 213,s. clo 1720, 97,s, note. 

Bourgeoisie (la). Ses ridicules, 348. Buebhds, personnage de la tngédie 

BoTCi. B'AowixB , mutjais d'Argen.. "« Britannic»., >51, «ft 

V. AiiceNS (d'). But (le) ennoblit le* moyens, 93. 



ALPHABÉTIOCE. . 319 



C 



Omis {madame de), flUe du marquJ» Casibllani (le chevalier de) 142,«. 

de Mirabeau, 150,«. CATHBaiNE db Médicis, 475. 

CiLiGULA, ses folies, 432. Catiluia, xvi, 184,*. Son caractère, 

CAuasTHàiiB» , philosophe grec, 3.i, 57, 58, note, 428, 432. 55,«, note. 
j^^ Son dialogue avec Sénédon, 80,». 

CalUsikène ou V Homme froid et en- Catihat, 132, 253,t. 

««y«» 308. Caton (le Censeur), 184,«, 1 85,«, 186,i, 
Calvin, 152. 103,«. 

Camnagnes. Le luxe des villes les dé- Caton (d'Utique) , 308, 343, 32,«. Ce 
• peuple, 67,1. *1"*** pensait de rinaction, 137,». 

Son caractère, 186,». 
Candeur (la) est une sincérité douce, . , ^ 

^ Cacmont (M. de), père du Jeune de 

,1 j .* A Seytres, 257,». 
Capitaine, qualités qu*il doit possé- ^ 

der, 21. Cause oceulle de Newton, ses effets, 

Caractère individuel, ce qui le consti- ***» **^' 

tue, 24. La physionomie l'exprime. Cause universelle. Si les êtres pbysi- 

42. n ne faut pas sortir de son car- qnes dépendent d'une cause uni- 

ractère, 73. Les passions le for- verselle, 457. 

™®"^' *"• aiLus ae comte de), 286^ 

Caractères, difficulté de les peindre, 
284. La Bruyère n'a pas osé en faire Certitude. Celle des principes est niée 
de grands, 285. Ses Portraits com- quelquefois, 68, 440, 441. 
parés k ceux de Télémaqua et des ^^^^ (Jules), 105, 318, 356, 422. Son 
,Oraisons funèbres, ibid. Vauve- éloge, 58, 461. Est attaqué par Bru- 
nargues imite les Caractères de tog, 50. Lui est comparé, 183,». Son 
Théophraste et de La Bruyère, 287. ^j^ ^^^ ^^g tragédies de Corneille 
n n'y en a point de si petits qu'on ^ ^^ Voltaire, 242, 245, 248. Son 
ne puisse rendre agréables par le dialogue avec Brutus,30,». Ne pou- 
coloris, 438. yjj^ retenir ses larmes en lisant 

Caravanes (faire ses), ce que c'était, et la vie d'Alexandre, 136,». Ce qu'il 

ce qu'on entend aujourd'hui par serait de notre temps, 186,». 

cette expression, 201,». Chagrins. Ceux que cause la fortune 

Contés ou k Grammairien, 355. se taisent à la voix de la nature, 

„_ 405, note. 

Caenadd (M.), conunerçant dAix, 
119,», 227,», 233,», 235,». Ckaiompé (combat de), 189. 



320 INDEX 

Chambona (de), colonel au régimeiit Ghatelet ( medame »o), 367, 181^, 

du Maine, 80,s. note. 

GHAnaT (M.), u. note, m. Cbaolibu (VMté de), M4, son éloge, 

236, 254. 

Cha«la«. M7, note, »V. CMW«««,««««tn.*p«*». 

Chapelle, note sut cet écrirain, 352. wnt, 20. 

CfutriU (la) est un sèle religieux pour Chmaû, 156. 

le prochain, 62. CHÉmaa (André), 346, note. 

Charlatatu de la morale. D» ne pro- CeÉTAaDiE (de la), quitte le lerriee 

poeent que des difficultés, 415. mlUtaiw pour la diplomatie, 2W^. 

CHAaLBS-ÀLBEaT, duc de Bavière, ein- Chotes. U est plus aisé d'en dire de 

pereur d'AUemagne (1742), 146, nouveUes que de concilier celles qui 

note. ont été dites, 374. n y en a beau- 

Chaeles de LoasAWE, battu par Fré- «>"P ^"^ "«"* «•^°f "^' ^^ ^ 

déric le Grand (1745). 351, note. meilleures sont les plus communes, 

457. Si les anaens philosophes en. 

CnAELEMACNE, 176, uote. disaient toii^Jours de noafeUes,62,f. 

Chaeles le Geos, roi de France ; sa Cicéeon, 73, note, 243, 313, 343, 427, 

fin malheureuse, 176, note. 434, 61,«, note, d5,<, 184,«« 193,i. 

Chaeles le TteiBAiEE, 30,*, note^ Cid (le), tragédie de Gomeille. Opi- 

^ ^. nion sur cette pièce, 241. 
Chaeles Quiat, 23,j. 

.,.,, C^tfuui, tragédie de Gomeille. Opinion 

CuAaLBs VI, empereur d*Allemagoe, ^ .. .^^ .^., r/ 

.^« «a» ^^ sur cette jnèce, 246, 247, note. 



145, 187. 



CtreoRtlmeet, leur empire, 468. 



Chaeles VII, empereur d'Allemagne, 
notice, 177. CLAmaas (Jean de), gouf emeardliyè- 



Chaeles VII, roi de France, 185,1. 



res (1830), aïeul de Vauvenaigues. 

— (Etienne de), frère du précédent. 

Chaeles XII, roi de Suède, 267, l,t, — (Pierre de), évêque de Toulon 

note. (1440). — (Fnnçois de) (1556), se- 

CHAaaoN (Pierre), son dialogue atec J"'**' ^ son mmriage, la teire de 

Montaigne, 21.«. Vaurenargues (V. ce nom), 240,1. 

Chaire (la), 37. ^^^r" j J»«l«es. Aupiste-Mlcbd- 

Mane de), seigneur de GoUoogues 
ChaHeU, la solitude la tente puissam- et de Montfort, est adopté par le 

ment, 442. dernier marquis de Vauyenargues> 

Chasles (Emile). Comment U compare ^'^^ ^^ moraliste; son fib périt 

Vaoyenargues à J.-J. Rousseau, miaérablement, 160,*. 

103,*. Ce qu'il pense d'une lettre de CUuiè (la) orne 1m pensées profoo- 
Vauvenargues, 230,9. des, 374. 

Chatbadeoix (duchesse de), sa liaison Cla%oméne on la Veriu malheanm, 
avec Louis XV, 186, 00,t, note. 288. 



ALPHABÉTIQUE. 321 

Clémence (\sl) est une bonté envers Compassion (sur la), 97. 

Complaisance. Celle qa*on a dans soi- 
même caractérise Tamour-propre , 
31. C'est une volonté flexible, 61. Les 



esprits légers y sont disposés, 384. 

Concilier. Ce qui nous manque pour 
tout concilier, A15. 

CoKDÉ (le Grand), 133, 313,"&02, 61,«, 
note. Ce quMl dit au maréchal de 
Gassion, 184,s. 



nos ennemis, 60. Vaut mieux que 
la justice, 391. 

Cléon ou la Folle ambition^ 340. 

GLfopATRB, personnage de Rodogune. 
tragMie de Corneille^ 366. 

Clitcs, sa mort regrettée par Alexan- 
dre, 125, 3,9. 

Cloàius ou le Séditieux, 343. 

Gu)GCi«80i<i, ce qu'il rapporte des der- 
niers moments de Va»ivenargucs Condillac publie son Essai sur Vo- 
refuté, 331, note. rigine des connaissances humai- 

CLYmiTiESTRB , personuaço d'Fphigé- ' 

iM>, tragédie de Racine, 251. Condition des grands, a? antages qu'elle 

- . » „ j leur procure, 88. 
Ccmr. Ses qualités, réunies à celles de 

l'esprit, forment le génie, 21. Les Conditions. Leur inégalité nécessaire, 

maximes des hommes décèlent leur xxiv, 172, 401, 67,#. Chacune a 

cœur, XI, 384. La raison ne connaît ses erreurs, ses lumières, 447, et 

pas SOS intérêts, 385. Les grandes ses devoirs, 451. 

pensées en viennent, 386, iii,». La coi^noacET. Publie le premjer l'anec 

fatuité dédommage du défaut de ^^^ ^^ j^^^^.^ ^ présentant chez 

!^!lJ!!!î' ™T,^iîl" lîif ^"! Vauvenargues mourant*, 331, note. 

Conduite [\tL). Peu de choses en dépcn- 

^., , dent, 488. 
Colère (la) est une aversion subite et 

violente, avec un désir aveugle de Connaissance de soi-même, 384. 



n'entraîne pas toujours celle du 
cœur, 493. 



vengeance, 44. 

CouGNT (l'amiral), 77. 

CoLLBTET, poète, 152, 4Mt note, 332,^. 

Comédie. Le ridicule y doit naître de 
quelque passion, a74,<, 277,«. 

CoMiNES (Philippe de), son dialogue 
avec Philippe II, 37,s. 

Commerce (le). Ce qui le fait prospé- 
rer, 53. Ce qui le ferait languir, 68,«. 
69,«. A été négligé par les Romains, 
156. Est l'école de la tromperie, 
419. 



Connaissances. Il faut se borner à un 
petit nombre, 35. Combien il est 
difficile de les bien posséder, 408. 
Pourquoi elles ne sont Jamais ap- 
profondies, 461. 

Conquérants. Leur gloire a toujours été 
respect.ée, 401. 

Conscience (la) est la plus changeante 
des règles, 386. La fausse ne se 
connaît pas, ibid. Est l'organe du 
sentiment qui nous domine et des 
opinions qui nous gouvernent, 387. 
Celle des mourants calomnie leur 
vie, 373, 387. 



Commerce du monde (le) n'est fondé 
que sur la politesse et la flatterie. Conseil (le) fait f^ire peu de grandeA 
96. Son but, 483. ' choses, 386. 



21 



322 



INDEX 



Onuetli, Injustice de ceus qui on don- 
nent, 300. La générosité en donne 
moins que de eecours, 646. Les plus 
faciles à pratiquer sont les pins uti- 
les, 481, &35. Nous ne nous défions 
pas des nôtres, 481. Fruit qu'on en 
peut tirer, 485. 

ConseiU à un jeune Komme^ 114. 

Consolations (les) sont une flatterie 
envers les aflUgés, 401. 

Constance (la) est une fermeté raison- 
nable dans nos sentiments, 63. Est 
la chimère de Tamour, 477, 81,*» 
note. Celle des sages peut être fon- 
dée sur le sentiment qu'ils ont de 
leurs ressources, .78,«. 

Contentement (le) n'est pas la marque 
du mérite, 380. 

Conter est la ressource de ceux qui 
n'imaginent pas, 384. 

Continence. Tous ceux qui sont conti- 
nents ne le sont pas par raison,77,f . 

Contradictions, Celles de l'esprit hu- 
main, 152. II n'y on a pas dans la 
nature, 415. On parle et Ton écrit 
rarement comme l'on pense, 451. 
Vauvenargues explique ses contra- 
dictions, 463. Nous sommes bien 
plus appliqués à noter celles d'un 
auteur qu'à profiter de ses vues, 
403. 

Conversation (la) lasse l'oreille d'un 
homme passionné , 484. Est la ma- 
nière la plus courte de s'exercer 
à l'éloquence, 16,«.SurlesconTer8a> 
lions du monde, 65,<. 

Conversations frivoles. Dégoût qu'elles 
inspirent, 34inote. 

Conviction. Celle de l'esprit n'entraîne 
pas celle du cœur. 



Coquette. C'est un mauvais parti pour 
une femme, 472. 



GosKEiLLE (Pierre). Sur le jugement 
qu'en a porté Vauvenaigues, xivi, 
xx\ii. A imité Lucain et Sénèque, 
33, 435. Opinion sur ses ouvrages, 
841. Défauts qu'on leur reproche, 
365, 484. Son éloge, 37,t. Son canc- 
tère, kifS. Jugement qu'en porte 
Vauvenaiignes , 243,1. Comparé à 
Racine, t6id., 35S,f. Dialogue avec 
Ricl^elieu, 40,t. Son nom dté,185, 
366, 144,t, 150,*, 171,s. 

CoanÉUB, personnage de la Mort et 
Pompée^ tragédie de Corneille, 343, 
343, 344. 

Corps politiques Oes) ont des défsnti 
inévitables, 476. 

Corruption. Celle des principes est 
cause de la corruption des menus, 
160. 

Cotin ou la Fausse grandeur^ 365. 

Cour (la) est le centre du goût, de la 
politesse; où tout aboatit et fer- 
mente, d'où le bien et le mal se ré- 
pandent partout, 163,s. 

Courage (le). Il y en a de plusieurs 
sortes, 50. Surmonte tout, 78. Il 
a plus de ressources contie les dis- 
grâces que la raison, 375. H agran- 
dit l'esprit ;'cst la lumière de l'ad- 
versité, t^fd., note. Doit régler la 
vie, 441. Quel en est le terme, 484. 
Ses effets, 45,«. 

CoosiN (Victor), ii, i, s. 

Coutume (la). Ce qui fait sa force, 65, 
08, 377. Plus puissante que la rai- 
son mOme pour le bien des hoouies, 
36,1. Le bonheur, la vérité mène 
dépendent d'elle, ihid. 

Crainte (la). Son empire, l533,33,notP. 

CsAssus, époux de Comélie, 343. 

CaéDiLLON (Prosper Jolyot de), 363, 
252,5. 



ALPHABÉTIQUE. 323 

CKéBiLLOîi fils, auteur du Sopha, 354. Cromwell, 53, note, 128, 308, 486, 82,«. 

CiaLOii-MAHON, né en 1718, mort en Cbouza», ce qu'il dit du beau, 62. 

1796, commandant général des Croyance. Sa force ou sa faiblesse dé- 

royanmes de Valence et de Murcie. p^^j pjy, ^^ ^^^ ^^^ q^g de notre 

Son portrait par Mirabeau, «5,«. Il ^^^^^^ ^jO. Celle des choses extrar 

obtient de l'avancement, 97,». ordinaires, 482. QuéUe était celle de 

Crime, Si l'éclat ou l'excès du crime Vauvenargu« , xiivi 150 note 

le rendent innocent ou glorieux? ^55, note, 174, 208, note, 229, note. 

g2 231, note, 146,«, 147,«. 

^ . ., „ ... Craau/é. Insensibilité mêlée dé plai- 

Cr(tiqM (la). Vauvenargues appréaé . 

comme critique, xxvi. But do la cri- **'' ' 

tiquede Vauvenargues, 253, note. La CuUure de V Esprit, 491 . 

critiqueestplusfacileàfairequ'une ^^ personnage de la tragédie 

juste appréciation, 406, 427. Cri- ^^^ ^^^ 

tique éclairée et impartiale, 436. Il 

faut savoir la souffrir, ibid. Cyrus ou VEspril agité, 330. 



D 



Dacie» (M. et madame), traducteurs Montesquieu. Éloge de ce livre, 

d*Homère, 485. 253,s. 

Daillot, obtient en 1745 le prix d'é- Décider de nos acUons n'appartient 

loquence sur la question de l'iné- pas à autrui, 385. 

gaUté des richesses, proposée par j)^clamaleun. Étaient nombreux au 

l'Académie française, 183, note. ^^^ ^^ Démosthènes, 9,«. Leur 

IUlbmbbrt, 413, note. défaut, 12,«. 

^ . «r- . Découverte. Ce qu'est souvent une 

Dallemahs, 251,t. . ,\. x 

' pensée qm s offre à nous comme 

Dahgodrt, auteur comique, 368. une profonde découverte, 374. 

Dardanus, opéra de Rameau, 353, Défaut delà plupart de$ choses, 69. 

note. Tout ce que nous prenons dans la 



David, roi des Juifs, 221. 



morale pour défaut n'est pas tel, 
483. 



Dauphin (le), fils de U)uis XV. Son ^ ^^^ ^^^^ ^ ^ ^^^^^ ^^.. 

mariage, 274,<. Accompagne le roi ^j^j^ ^^ 

à l'armée (1745), 282,*. • ' 

^ .. , . , . ^. . .^. Dégoût, sa déflniUon , 44, 394, note. 

Débauche (portrait d un), 297. L'espérance est le seul bien qu'il 

Décadence des Romains (la), par respecte, 470. 



324 



INDEX 



Dehon (les) nous imposent, 40^. 

DiLANCE, libraire à Paris, i. 

Délicateue (la) vient essentiellement 
de Tàme, 12. Cache sous le Toile 
des paroles ce qu*U y a dans les 
choses de rebutant, IS. Est mépri- 
sable devant Tingénnité de ramitiiî, 
257.«. 

DiifocBrrB, philosophe grec, ZU- 

DémoruiratUm (la) n*est que Téfi- 
dence obtenue par le raisonnement, 
444. 

DteopnàiiBS, 103, 360, 363, 368. 
Ses' dialogues avec Isocrate , 8,s, 
ll,t. Qualités qu'il exige dans un 
orateur, 10,<, 15,<. Comparé à Pas- 
cal, 19,s. Est plus lu que lui, 65.S. 

DB.XTU, libraire à Paris, i, note, i,«. 

Dmys ls TiaAN. Son dialogue avec 
Platon, 5S,s. 

DtnU potiiches. On ne mâche point 
avec elles, 106. 

Dépendance (la; est née de la so- 
ciété, 393. 

Déroger. 11 vaut mieax déroger à sa 
qualité qu*à son génie, xx, 478. 

DescASTES, XXIX, 22, 132, note, 169, 
274, 361, note, 411. 

Détapon (le) est la plus grande de 
nos erreurs, xix, 89, note, 485. En- 
gendre les partis violents, 119. Com- 
ble notre faiblesse, 404. Est plus 
trompeur que Tespérance, 443. 

DnroiiTAuiBa (l'abbé), 352. 

Dém (le) est une espèce de mésaise 
que le goût du bien-être met en 
nous, 46. 

Desmabbts, 1,«, note, 41, s, note. 

Dbbpbéakx. Yoye% Boileal. 

Désertion^ h'iX» 



Deueiiu. Pourquoi on méprise ks 
grands desseins, 382. 

Dbstooches, auteur comique, 252,1. 

DeUingen (bataille de), 189, 258,t. 

Devoirs, Ceux des hommes fondés sur 

« 

leur faiblesse réciproque, 434. On 
ne les pratique guère que par né- 
cessité ou par habitude, 471. 

Dévots de profesnon. Pourquoi ib ne 
sont pas aimés, 403. 

Dialogues : Alexandreet De^wéaux, M- 
Fénelon etBossuet, 4,<. Démosthènes 
et Isocrate, 8.s, ll,t. Pascal et Fé- 
nelon, 18,s. Montaigne et Cbamm, 
21,<. Un Américain et un Portugais, 
24,<. Philippe II et Cominei, 27,^ 
César et Brutus, 30,s. Molière et 
un Jeune homme, 32,s. Racine et 
Bossuet, 36,«. Le cardinal de Riche- 
lieu et le grand Corneille, 40,<. Ri- 
chelieu et Mazarin, 42,<. Fénetoo et 
Richelieu, 44vt. Brutos et un jeune 
homme, 47 ,s. Catilina et Sénéck», 
50,s. Renaud et Jaffier, conjurés, 
55, s. Platon et Denysie Tyran, 58,^ 

DiDBBOT. Publication de ses Pen- 
sée» phUosophtques^ l 

Dièle (la) est au corps ce que U sdi- 
tttde est à Tesprit, xxx, 442. 

DtBD. Peut tout,-49, 171, 190. Sel 
œuvres merveilleuses, 178, 179. Se- 
rait imparfait sans la dépendance 
deshoumies, 195. Principe des ac- 
tions humaines, 195, 196. Sa main 
toujours étendue sur Ilionmie, 207. 
Ne peut être vicieux , 209. Ne dé- 
pend que de lui, 211. Sa bonté, bs 
puissance, 212. Est d*autant plus 
parfait qu'il ne peut être imparfait, 
214. Sa Justice, 217. C'est entre- 
prendre sur sa clémence que de 
punir sans nécessité, 391. 

Dieux. Los anciens n'attachaient pas 



ALPHABÉTIQUE. 325 

à ce nom la môme idée que nous ; Dons. Geax de la nature , 401. Les 
ils en admettaient plusieurs, tous dons intéressés sont importuns, &80. 

fort imparfaits, 632. I^ hommes douceur, D*où elle procède, 38, 61. 

sont nés pour en croire, 154, note. 

Le premier qui s'&t fait des dieux ^««'«'''- Est, comme le plaisir, 1 es- 

afait rimaginaUon plus grande que «^"«^ <^* ^^ ^^^^ des passions, 27. 

ceux qui \& ont rejetés, ibid. Doute universel, 63,û21, 441. ^ 

IHgniié royale. Sur quoi elle se fonde. Droite. Les lois les fixent et les pn>- 

429. tégent, 51, 429. Ceux des enfans, 

^ „ 37, 429. 

Digressions. Leur efiret quand elles 

sont trop longues, 397. Droiture (la) est une habitude de la 

vertu» 60. 
Discours, ce qui Taffaiblit, 397. Criti- 
que des discours académiques, x\v, I>ow>i8 ( le cardinal ), 209,*. 

424. DocLOS, moraliste et historien, 30,s 

Discours sur la gloire , 128. "®^ 

...,„„ Duel. Idée qu'en avaient nos pères, 

Discours sur les plaisirs, 138. ^^^ ^^ ^^^^^^ ^^^ 

Discours sur les caractères des diffé- Dumoclin (Molin), médecin célèbre, 
renls siècles, 151. 312, note. 

IHscours sur les mœurs du siècle, 163. Dupe, On ne peut Tètre de la vertu, 

„. ,,.,.. . , 76. Il n'est pas habile de faire des 

Discours suri inégalité des richesses, ^^^^ ^^^ ^ ^^, ^.^^ ^^ 

171 • dant^ès que Ton peut faire du bien. 

Discours sur Véloquenee (fragments) , 420. Les hommes semblent aés pour 

01 - en faire et pour Tôtre d'eux-mêmes, 

. . 448. L'espérance en fait plus que 

Discrétion (is). Sa définition, 96. riiabileté,. 449. Personne ne veut 

Disgrâces, AO. mre, 473. 

, , . Duplicité, imposture qui a deux faces. 

Disputes. D'où naissent les disputes ^^ ^^^^ j^ ^^pj.^.^^ ^^^ j^ ^„. 

frivoles, 23. Celles qu'on doit évi- . . .-^ 

ter, 74, 75. Comment on y fait ' ' 

régner l'honnôteté, 483. D"'iAS (duc de) , 174,*, 252.«. 

DiMimiiIfl^Mm.C'eU une imposture ré- ^«^«^«1 insensibilité à la vue du 

fléchie, 60. C'est un eflbrt de la rai- malheur, CD, 92. 

son, 448. DunpoBT (duc de). Son séjour à Be- 

n- . ,• r. X • ^ • I.,; «-♦ sançon, 89,«, 93,«. Son caractère. 
Distraction. Du sérieux qui lui est "* ' 21 g J 

propre. 25. Comparée aux rêves du '*' ' ' ^' 

sommeil, 2C. Duriort (mademoiselle de], 99,s. 



326 



INDEX 



Ë 



Éeonomei. On leur fait mal sa cour 
par des présents, W. 

Économie {V) peut s'allier avec la 
profusion, 378. Celui qui sait ren- 
dre son dérangement utile est au- 
dessus d'elle, t6tU, note. Fait plus 
de dupes que la profusion, 478. 

Éerire. Ce que ^ien des gens appel- 
lent écrire pesanmient, 425. Il faut 
écrire avec simplicité, 61,». 

ÉcrivaiM. Ceux du dix -huitième siè- 
cle plus soudeux de la destinée du 
genre humain que de celle de Tin- 
difidn, xxzy, 98. Sur les mauvais 
écrlTains, 377. Ce qui fait souvent 
leur mécompte, 374. Qualités qu'ils 
doivent avoir, 307. Ce que les écri- 
vain»médiocres doivent éviter, 438. 
Ce qui les réduirait à ne point 
écrire, 440. Il n'y en a pas de si 
ridicule que quelqu'un n'ait traité 
d'excellent, 446. Ce qu'on exige des 
écrivains, 447, 448. Se pillent les 
uns les autres, 458. Les anciens 
écrivains travaillaient sans modè- 
les et en servent aujourd'hui, 472. 
Ce qui distingue les écrivains de 
génie de la foule des imitateurs, 12,«. 

9 

Education* Elle ne peut suppléer le 
génie, 35. Celle des enfants et des 
princes, 428, 420, 470, 471, 5,«. 

Effronterie {V) est estimée des fem- 
mes, 475. 

Égalité dans l'inégalité , 51. Ne peut 
exister paimi les hommes, 172. 
M'est pas une loi de la nature, 



401. Est chimérique, 451. Par con- 
séquent, impossible, 67,t. 

Égèey ou le bon eeprit^ 368. 

Ê€i9TnB, personnage de la tragidie 
de Métope^ 264. 

Êgliu ( r ). Son autorité inroquée, 
20tf, 214. 

Égyitliem. Leur religion, 133. 

Electre y tragédie de Voltaire, im- 
primée sous le nom d'Oreife, 363- 

Élégance dans le langage. Ce qui U 
constitue , 10. Qualité essentielle 
pour un orateur, 10,<. 

Élévation. Ce qui la distingue de l'sr- 
rogance, xvi, 381. 

Élisabitu, reine d'Angleterre, 33,t 
Éloge de VauvenargucÈ^ u. 

Éloge d^Hippàlgte de Seytm, Ut. 
Opinions sur cet onvl^^, xxu,lM, 
256,«, 270,«. 

Éloquence (1'). Ce qui la constitue, 
10. Sa définition, 281 et sniv., SM, 
10,s, 11, s. Est bannie des écrits mo- 
demea, 103. Portrait de lyrim, oq 
la faune Uoqwnccy 338. Les plu* 
grands hommes ont été les plus âo- 
quenU, 410. Rien n'en est si loin 
que le Jargon de l'esprit, 445. Scn 
empire, 461. Vaut mieux que le 
savoir , 402. Ce qu'elle était sn 
temps de Démosthènes, 0,1. Tous 
les sujets en sont susceptibles, 12,f- 
Ce qu'elle doit être, 13,«. De It 
manière de s'y exercer , 16,s. Ce 
qu'on doit trouver dans on ou- 



ALPHABÉTIQUE. 327 

frage d'éloquence, 38^. Ses règles Épitodes (les) sont la rascoaree des 
sont peu observées, «1^. écrîTains médiocres, 308. 

Emplois. Sur le choix de ceux qu'on Épithèteê, N'ajoutent rien à la var 
y destine, 671. H n*y a rien de leur des hommes, 668. 



plus rare que le mérite des em- 
plois, 673. n n'est pas vrai qu'il 
soit plus aisé d'en paraître digne 
que de les bien remplir, 693. 



Épilre aux Muses ^ de J. -B. Roua- 
seau, 261. 

Équité, En quoi elle consiste, 51, 52. 
Sa déanition, 60. 



Enfants. Leurs rapports avec leurs , . , ^. . 

parente, 37. Avantages qu'ils reti- ÉquitHHiues. Pourquoi on les dissi- 

rent de la condition de ces der- ^^^ dans les traités, 656. 

nicrs, 88. Leur ingratitude, 391. Érasme^ ou l'Esprit présomptueux^ 

Vices de l'éducation qu'on leur 307. 

donne , 628. Ce qu'il faudrait faire . 

pour eux. ihid. Leur dn>it à la ^'I^J' ^ °" ' ^«^^^ P«'" ^«'"^^ 
succession de leur père, 625). Leur 

amour du désordre, 635. Leur pre- Érox^ ou U Faty 320. 

mier soupir est pour la liberté, ,, ' ^ , j^«_ 

'^ Erreurs, Il en est que la prudence 

ne veut pas qu'on approfondisse , 
68. L'erreur est le partage de l'es- 
prit humain, 155. Périssent d'elles- 
môroes quand elles sont rendues 
clairement, 376. Personne ne veut 
6tre plaint dès siennes , 377. Com- 
ment les grands hommes sont la 
cause des erreurs des faibles, 400. 
Ce qui nous y conduit, 603. Ajou- 
tées, à la vérité, ne l'augmentent 
pas, 609. Celles de l'antiquité* ne 
doivent pas nous étonner, 621. Sont 
la nuit des esprite et le piège de 
l'innocence, 676. Les demi-philoso- 
phes, en louant l'erreur, font les 
honneurs de la vérité , ibid. Quelle 
est la plus grande de nos erreurs, 
685. 



677. 
Énigmes. Puérilité de leur étude, 9. 

Enjouement. Ce qui le fait naître, 
28. Les personnes enjouées sont re- 
cherchées dans le monde, 8. 

Ennui (!') vient du sentiment de 
notre vide, 66. Naît souvent de la 
vanité, 665. 

Enn$^eux, Moyen de ne pas l'être, 
651,<. 

Enrichir (s*]. Moyens opposés pour 
y parvenir, 669. 

Enthousiasme. Est indispensable pour 
s'élever aux grandes vérités, 623. 

Envie 0*)« Sa définition, 63. Ne sau- 



r?it se ««her , 414. Accuse et juge ^^.^^^ e.t eeUe des gen. 

.ans preuves, tb,d Dn honnête hom- ^^ 

me n'envie pas la fortune de ceux 

qui en sont indignes, 632. Escdlapb, 391. 

Envieux. U ne faut pas tâcher de les Espérance (!') est le sentiment d'un 

contenter, 679. bien prochain , 66. Il n'y a rien 

qu'elle ne puisse persuader aux 

ÉFiCHABis, 55,«,note. hommes, 153, 223, note. Il ne faut 

ÉPicTÈTE, 61, note. pas se reposer inconsidérément sur 



328 



INDEX 



ses promesses, 175. Anime le saise 
et leurre le présomptueux « 375. 
Trompe les plus grandes ftmes, 628. 
Mais trompe moins que le désespoir, 
643* Fait plus de dupes que Tha- 
biletë, àh^k C*est lo »eul bien que 
le dégoût respecte, 470. C'est le 
plus utile ou le plus pernicieux des 
biens, 670. Les espérances les plus 
ridicules et les plus hardies ont été 
la cause de succès extraordinaires, 
603, 250,«. 

Esparr (l'abbé) révifait les maximes 
de La Rochefoucauld, xxxit. 

Biprii (de V) en génér&l, 5. Sa dé- 
finition, 398. Ce qu'il no pénètre 
qu'avec peine ne va pas souvent 
Jusqu'au ccsur, 15, 16. En quoi il 
diffère du génie, 20. Est compris 
dans le caractère, 26. Imperfection 
do l'esprit de l*honmie, 66* Sa su* 
Jétion , 75. L'esprit naturel et le 
simple, 82. n y en a plus aujour> 
d'hui qu'autrefois parmi les hom- 
mes, 102. Sur l'esprit d'emprunt, 
106. Ses bornes, 111. Celui d'au- 

' trui n'est pas à notre usage, 153, 
note. Les esprits mffrs et modérés 
ne forcent point l'avenir, 200. Ca- 
ractères de Vupril présomptueux^ 
307. De Yaprit extrême^ 330. De 
Yesprit moyen^ 331. De Vesprit pro- 
fond^ 332. Du bel etprity 36,s. Du 
bon eftprit^ 368. Celui de l'homme 
est plus pénétrant que conséquent, 
376. De l'esprit faux, 386. Léger, 
ibid. L'esprit est l'œil de Tàme, non 
sa force, 389. L'admiration en est 
la mesure , 395. Avantages de l'a- 
voir juste, 396. Il est naturelle- 
ment sérieux, ibid. Comment on 
juge ses productions, ibid» Ce qui 
prouve son étendue, 399. De ceux 
qui n'ont que de l'esprit, 602. Dif- 
férence qu'il met entre les hom- 
mes, 603. Ses effets, ibid^ note. 



Gomment on le Ikit v^ir, 601 Cs 
qui parait aux uns étendue ^ta- 
prit, n'est pour les autres que mé- 
moire et légèreté, ibid. Poorqaoi 
les esprits subalteives n'oot point ^ 
d'erreurs en leur privé nom, 613. 
L'esprit n'atteint au grand que par 
saillies, 626. Tous ceux qui l'ont 
conséquent ne l'ont pas Juste, 626. 
C'est en lui, et non dans les objets 
extérieurs, que nous apercevons la 
plupart des choses, 639. Ses avanta- 
ges sont presque aussi fragiles qoe 
ceux de la fprtune, 663. Il ne tint 
pas lieu de savoir, 665. Qasnd il 
est vrai et solide , il prend sa 
source dans le cosur, ibid, H ne 
fait presque jamais le sel de la con- 
versation, ibid* Son plus grand e*"- 
fort est de se tenir à la hauteur de 
la fortune , 655. Pourquoi il est 
aujourd'hui à si bas prix, 659. Un 
peu de bon sens en ferait évanouir 
beaucoup, 680. Il ne vaut qu'arec 
le Jugement , ibid. Caractère do 
faux esprit, ibid. 11 a besoin d'être 
occupé, 681. n développe les sim- 
plicités du sentiment pour s'en at- 
tribuer l'honneur, 682. Il est borné 
Jusque dans l'erreur, 683. Ce qai 
l'épuisé, 686. II ne fait pas oonoai- 
tre la vertu , iHd. Aucun homme 
n'en a assez pour n'être Jamais en- 
nuyeux, ibid. Les passions le ren- 
dent inutile , 685. Il ne suffit pas 
pour plaire , ibid. Ne nous garan- 
tit pas des sottises de notre bomeor, 
ihid. Ce qui le fait paraître éten- 
du, 686. La méchanceté en tient lien, 
690. Sa faiblesse nous console pins 
promptement que sa force , 601* La 
conviction de l'esprit n'entraîne pas 
toi^urs celle du oorar, 693. Ce 
qui le fait préférer au savoir, 693. 
n est faux de dire que sa fora 
et sa faiblesse dépendent de n» 
oiisanes, 79,ir. 



ALPHABÉTIQUE. 



329 



SiprU (V) de manège^ 338. 

Esprits iysUmaUques. Ramènent tout 
à leurs principes^ 19,<. 

Sspriti faux et superfUieU, 62^8. 

Essai sur quelques caractères^ 285. 

Estker^ tragédie de Racine, 351. 

Estimable, Quelle idée anrartFon de 
soi-même, si Ton ignore ce qui est 
estimable? 3. 



dépend de ramMUon des grands 
hommes, A5,s. 

Étendue ^esprit, 13. N*est aux yeux 
de quelque»-uns que mémoire et 
légèreté, &06. 

Éternité des corps, 433. 

Étannement {V) est une surprise lon- 
gue et accablante, k6. 

Étourdi (1*), 309. 

Être. Ce qui le constitue, 64. 

Étude. Celle des sciences agrandit 
Tesprit, 113. De deux études im- 
portantes, 284. 

Euntolpe, ou le Mauvais poète^ 362. 



Estime (r) est un areu intérieur du 
mérite, 44. Moyen de gagner celle 
d'autrui, 45. Elle s*use, comme 
l'amour, 378. Noua en voulons tou* 

Jours plus qu'on ne nous en ac- eobipide, 34,«. 
corde, 380. Ce que les femmes esti- 

ment dami les hommes, ibid. On ^«^«^ (~' l'équilibre de D, 489. 

^ nous estime à proportion que nous Eurymaque^ ou le Fourbe, 334. 

nous estimons noua^nèmes, 443. j; , \ ,, ^ 

« .^^ ^t^j.^ EvenemefUs (les) nous trompent aussi 

Nous serions moins avides d esyme ^ ' '^^ 

, ,^. . .^ souvent que nos passions, 80. 

si nous en méritions davantage, ^ r >»y 

446. On serait Uen étonné d*ap- £â«rctce<. De la passion des exercices, 

prendre ce qui en fait accorder à 36. Ils sont nécessaires à Tesprit 

quelques hommes, 459. comme au corps, 461. 

Estomacs, n y en a peu de bons, Existence (1'), mélange de peines et 

mais beaucoup de bons alimento, <*« plaisirs, 37. 



458. 

État, n Taut avoir les talents de son 
état, ou le quitter, 136. 

États, n n'y a point de puérilités et 
de fantaisies qui ne se produisent 
et ne trouvent des partisans dans 
les Ëtsts populaire», 409. Les chan- 
gements nécessaires s'y font pres- 
que toujours d'eux-mêmes, 443. 
Leur grandeur ou leur décadence 



Expérience (1*). On tire peu de (hiit 
de celle d'autrui , 458. La nMre 
nous instruit rarement, 485. Elle 
Justifie notre défiance, 81 ,s. 

Expression (!'] répond à la nature 
des idées, 18. II faut en faire cas 
dans le style, 384* Marque d'une 
expression parfaite, 475. 

Extérieur {V) distingue les divers ca- 
ractères, 34. 



22 



330 



INDEX 



F 



Fçhtêê. Ont été ittreotées poar fiire 
receroir la rérité aox enduits, 103, 
155. On doit leor apprendre celles 
de notre pays, ftdS. 

Factieux (le). Son portrait, 20ft. 

Faible, Portrait d'an homme faible, 
333. Nul ne Test par choix, 391. 
La modération du faible n'est que 
paresse et vanité, 381. Quel est son 
intérêt 893, note. 

FaibleiMe de Vêiprii humain^ 56, 55. 
Le sentiment qu'on en a ne doit 
point nous abattre, 110. Est incom- 
patible avec la raison et la liberté, 
376. Nos faiblesses noos attachent 
les uns aux autres autant que pour- 
rait le faire la vertu, 303. Il y a 
plus de faiblesse que de raison à 
être humilié de ce qui nous man- 
que, 443. Celles de l'amour sont 
pardonnables, 477. Il y a des fai- 
blesses inséparables de notre na- 
ture, 484. Nousen tirons vanité, 486. 

Familiarité (la). Ses avantages, 77, 
117. Est l'apprentissage des esprits, 
384, 16.1. Fait beaucoup d'ingrats, 
455. 

Fantaitie$, Vu homme vain et pares- 
seux cède à toutes les siennes, 80. 

FAnsT, 41««. 

Fat (le). Son portrait, 320. Se croît 
toujours beau, 403, note. Est natu- 
rellement insolent, 246, 467. 

Fatuité (la) est aussi difficile à con- 
trefaire que la véritable vertu, 116. 
Égalise les condiiions, 443. Dédom- 
mage du défaut de cœur, 400. 



Fausseté (la) est une imposturu astn- 
relle, 60. Ce qui noos la fait m^wi- 
ser et haïr, 473. Le faux préienté 
avec art nous surprend et noos 
éblouir, 487. 

Fautes. Nécessité d'en faire, 78, SIO, 
404. Personne n'est sujet à plm de 
fautes que ceux qui n'agissent qae 
par réflexion , 386. Celles que nos 
malheurs nous font commettre mt 
pardonnaMes, 482. Ce qu'on appelle 
fautes de Jugement dans un aoteor 
dramatique, 468. 

Faveur, Celle des rois est le plus court 
cliemin pour faire fortune, 431. 

FAvm. Un des collaborateurs daSpec- 
Uteur littéraire, 200,s. 

Fécondité. Sa définition, 7. 

Fefnmes. Qualités ou défauts qui les 
font aimer, 41. Ce qu'elles appellent 
un honmae aimable, 115. Ne sépa- 
rent point leur estime de leitn 
goûts, 377. Ne doivent pas ae pi> 
quer d'esprit, 438. Parti que doi- 
vent prendre celles qui ne sont plos 
Jeunes, 443. Pourquoi la laideur les 
rend méchantes 460. Ont plus de 
vanité que ^ tempérament, et 
plus de temp^ament que de vertu, 
ibid. Ne peuvent comprendre qu'il 
y ait des hommes désintérettés à 
leur égard , 475. N'aiment ordinai- 
rement un Jeune homme que lon- 
qu'elles en ont fait un fat, AU* 
N'estiment dans les hommes que 
l'effronterie, tMd. Leurs erreurs sur 
leur i^ustement, ibid. Quand oo ne 
peut plus leur plaire, on s'en cor- 



ALPHABÉTIQUE. 331 

96. Caractérise un mauvaiB règne, 
18ft. Ceux qu'il est facile de flatter, 
A49. Sans elle, point de société, 
A91: 



FLECHtLLia (de), 270,s. 

FLiCHlBR, 352, 31,S. 

FlcurisU (le). Caractère par La Bruyè- 
re, A30. 



rigc, &77. Les faiblesses de Tamour 
leur sont pardonnables, ibid, 

FiNKLOii, 77. Son Jugement sur Mo- 
lière, 237. Sur les Romains, 2ft3. 

Vauvenargues le défend contre Vol- Flatteur (le) tfwtptde, 354. 
taire, 266, 269,. note. Son éloge, 
270, 274, 467,61,«, note, 63,«, note. 
Comparé à La Bruyère, 272* Est 
imité par Vauvenargues, xxv, 297, 
note. Rend Justice au caraaère 
d'Alexandre, 3,s. Ses Dialogues avec 
Bossuet, 4,1. Avec Pascal, 18,«. Avec Flbory, cardinal et ministre de Louis 
Richelieu, 44,«. Son nom cité, XXII, XV, 185, 16S,«, 174,*. Sa mort, 
XXXI, xxxvu, 21, note, 132, note, 248,s. 
182, 431, 492, 39,«, note, 76,«, 260,«. jp^i^/^. u est bon de l'être par ré- 

FermUL Avantages qu'on en retire flexion, 393. 
dans la conduite de la vie, 93. Por- Poi (la) admet l'expérience et le rai- 
trait de l'homme ferme, 326. 11 est sonnement, 206. Est la consolation 
bon d'être ferme par. tempérament, des misérables et la terreur des 
et flexible par réflexion, 393. heureux, 421, 146,<. 

Femey (le Patriarche de). V. Ko/totre. Foi {Méditation mr la) y 225. En 

quelle circonstance elle Ait compo^ 



Férocité (la). Ce qui la décèle, 378, 
433. 



FnaABE (duc de). Sa conduite envers 
le Tasse, 34,s. 



Bée, xxxvu, 230. 

Folie (la) s'allie souvent à la sagesse, 
11. U y a moins de fous qu'on ne 
^croit, 492. 

Ftde/tlé... Respect pour nos engage- foîstemelle. Son éloge, i, 276. Ce 

mente, 60. q^.jl ^j^ ^q |a poésie et de l'élo- 

Fierié. Est l'orgueil du courage, 31. quence, 281. Comparé à Socrate,481. 

Est une passion fort théâtrale, 246, Son nom cité, xxu , xxvi , 352, 413, 

407, 35,s, note, 4l,s, note, 222,<, 246,<. 

Figure. Idée que chacun se forme de ^^««^» (*>***^« d«)' *^^ ^^^ "<>*®- 

la sienne, 402, 188,s. Force, Définition de la force d'esprit , 

DM oi i> • * v j w -. 41 13,61. Sang-froid qu'elle donne, 25. 

FilM. Si l'on n'est homme de bien, 11 * e ^ 



est rare qu'on soit bon fils, 38. 

Finesn. Est une sorte de sagacité sur 
les choses de sentiment, 13. Son 
langage laisse beaucoup à enten- 
dre, 18. n faut mépriser les petites 
finesses, .122. La finesse ne doit 
point dominer dans un ouvrage; 
quand efle est permise, 466. 

Flatterie (la) est le lien du monde. 



. Force de l'habitude, 65. On ne peut 
résbter à celle de la nature, 94.. Lo 
sentiment de nos forces les aug- 
mente, 381. Ce n'est pas un vice 
que d'avoir ce sentiment, 443. La 
force a fait les partages de la terre, 
438, note. Elle peut tout entrepren- 
dre contre les habiles, 383. 

FoBTU d'Ubban, éditeur de Vauve- 
nargues(1797), i, vu, note, 166, note. 



332 INDEX 

Fortune, Son utilité, 07^. Son aato- Foowiub, chirorglen. PrMe de Ttr- 

rité, 4S3. AvaDtaget qu'elle pro- gent à Vaurenargnes, 2M^* 
cure, 71, 72. Us lont bien fragiles, 

443. n fautsavoir en Jonir, 3». Elle ^onnm (fidonard), auteur de VEt- 

exige des soins, xix, 379. Difficulté f^^ *^ rkiUoin. Ce qu'A wp- 

de racquérir, 452. Ses hasards, 89. P®"^ «"^ *» P«<« *> ^ coitfspoD- 

11 ne fant pas toujours s'en pren- ^»^css de Vauvenargues aree le 

dre à elle, 91. EUe est plus partiale n>*fq«M de VilleiieiUe, 232. 

qu'injuste^ 473. Elle est partiale et ^^ „ ^.„^ ,^ ^ ^^ 

injuste, 50,s. Elle ne peut nen sans . g^ 
la nature, 455. Ses caprices, 487. 

Ses dons ne sont pas si rares que FrançaU, Lear caractère, 167, 460. 
Tart d'en Jouir, 470. Elle est près- „ . . « ^^^ . . 
qa« jnutne .«>. mérite, 478. Moins '^«««*««- «• «>««">»»<». «•■ 
on veut la mériter, plus elle donne FaANçois, Etienne de Lorraine, gan- 
de peine, t^id. Pourquoi les fortu* dre de l'empereur Gbaries VI, 146, 
nés promptes sont les moins solides, note. 
375. La bonne fortune ne fait qu'ir- 
riter les désirs des espriu immodé- ^ »^«"î«- Objet de sa morale, mit. 

rés, 77,«. Ni ses dons ni ses coups FafoÉaic le Grand, 3M, noie, 230,». 

n'égalent ceux de la nature, 405. 

Elle ne sert qu'à augmenter tous f^rts. Quel est le noeud de leur ani- 

les Tices, 50,f. Il n'y a d'beureux ^^^ ^®* 

que ceux qu'eUe a mis à leur place. ^^^^^^^ p^j ^^^^ ^ «die dn 

^^' monde, 98, M,t. Anéantit ceux qai 

Fottr6e (le). Son portrait, 334. »> attachent, 139. 

Fourberie (la) est une imposture qui ^Froifeur, Ce qui la produit entre 

▼eut nuire, 60. amis, 40. 



G 



GâiLLAKD (le cheralier de), note sur point été, 405. L'homme du monde 

sa famille, 126,<. est tenu de l'^^tre, 475. 

« 

Gain. De ceux qui y sont plus sensi- Galiléb, 162, note, 

blés qu'à l'honneur, 378. ^^^^ ,^^ ^ ^ ^^,„„„j^ 

Gaité (la). ÂTantages qu'elle nous pro- chargée, par l'Académie française, 

cure, 29. EUe est la mère des sail- de Texamen des ounages de Vso- 

lies, 480. Elle est, selon BUrabeau, venargues, ii. 

le fondement du bonheur, 113,f. />.« ^ /, ^ x. % jt \ ^^.^nn« 

* Gassion (le nuréchal de), réponse qne 

Galant, Les grands hommes ne l'ont lui fait le grand Gondé, 184,*. 



ALPHABÉTIQUE. 



333 



Gactixii, ami de Vauvenangues. Notes 
sur deax famiUeB de ce nom, 121, «, 
233,s. 

Géants, 163. 

GittérosUé (la). C'est le sacrifice de 
Tamour-prepre, 60. Elle souffre des 
maux d'autrui, comme si elle en 
était responsable, 391. Elle donne 
moins de conseils que de secours, 
ftft6. 

Génie. Son caractère, 32, A39, UkO, 
Tient à retendue de Tesprit, 14. Du 
génie et de Tesprit, 20. C'est l'ap- 
titude à exceller dans un art, 2ft, 
note. Gon>paré au caractère, ibid. 
L'éducation ne peut le suppléer, 35. 
Ce qu'on entend par un grand gé- 
nie, 55. Génie des poètes, 235. 
Les hommes de génie sont souvent 
négligés par ceux qui gouvement, 
02. Différent génie, différent goût, 
396. Moyen de le développer, UU» 
L'invention en est l'unique preuve, 
450, 16,». L'esprit et la vanité ne le 
donnent pas, 475. 11 ne faut point y 
déroger, 478. On ne peut le con- 
trefaire, 487. Mirabeau assure que 
Vauvenargues a une grande éten- 
due de génie, 137 ,«. 

GinonviLLB, 207. 

Genre humain. L'amour est son pre- 
mier auteur, 442. 

Gens de lettres. De leurs rapports avec 
les grands, 86, 52,s. Leurs Jalousies, 
87. Ils estiment beaucoup les arts 
et nullement la. vertu, 440. Pour- 
quoi ils dissimulent les qualités 
qu'ils se reconnaissent les uns aux 
autres, 460. Opinion de Vauvenar- 
gues sur leur compte, 128,4. Vauve- 
nargues dégoûté des gens de lettres, 
294,«. 

Geni /i'espnf (les) sont quelquefois plus 
éclairés que d'assez beaux génies, 



21. Pourquoi ils parlent et agissent 
souvent mal à propos, 106. 

Gens du monde. Leur esprit, 15. En 
quoi ils diffèrent du peuple, 405. 
Leur vanité, 427. L'intérêt les do- 
mine, 449. Leur genre d'érudition, 
462. 

Gens en place (les) craignent plus 
que les autres hommes ceux qu'ils 
ne pourraient dominer, 452. 

Germains. En quoi les anciens Ger- 
mains diffèrent des Allemands d'au- 
jourd'hui, 167. 

GiAc (Pierre de), ministre de Char- 
les VII , 184,s. 

Gloire {la). Elle nous excite au travail 
et à la vertu, 33. La passion de la 
gloire comparée à celle des sciences, 
34. Le mérite seul peut y conduire, 
370. L'amour de la gloire fait les 
grandes fortunes entre les peuples, 
ibid. Pourquoi nous trouvons ridi- 
cule de l'aimer, ibid. S'ils ne l'ar 
valent pas aimée, les hommes n'ar 
valent ni assez d'esprit ni assez de 
vertu pour la mériter, 389. Ce n'est 
pas par paresse qu'on la néglige, 
402. C'est par la vertu qu'il faut la 
rechercher, 416. Son incertitude, 
446. Elle remplit le monde de ver- 
tus, ibid. EmbeUit les héros, ibid. 
Ce que prouve le désir de la gloire, 
ibid. EUe est difficile à acquérir, 
452. Peu de gens la méprisent, 473. 
Rien n'est si doux que ses premiers 
regards, 477. C'est la preuve de la 
vertu, ibid. La gloire et la stupidité 
cachent la mort, sans triompher 
d'elle, 484. Elle fait des héros, 487. 

Glorieux {le), comédie de Destouches, 

253,». 
GoRGiAS, orateur grec, 8,», note. 

Goût (le). En quoi il consiste, 15. Le 
bon goût est un sentiment de la 



334 



INDEX 



belle nature, 16. Cdni da plus grand 
nombre n'est pas juste, 17. Les 
féuunes et les Jeunes gens ne sépa- 
rent point leur estime de leurs 
goûts, 377. Différent génie, différent 
goût, 306. 11 est inconstant, 3M. 
n*est pas toiyours si difficile à con- 

« 

tenter que l'esprit, 408. Gomment 
il est quelquefois malade, &06. 

GouvememenL Gomment il doit se 
régler quand il est sage, 641. 

Gouverner sans la force est le terme 
de l'habileté, 383. On ne peut gou- 
vemer les bommes sans les trom- 
per, 43,<. 

Grâce, Sa déOnition, 62. La vertu la 
donne, 477. 

Gracchos (les), 136, 103,s. 

GramuMirien (le). Son portrait, 355. 

GaAMoifT (le duc de) cause la perte 
de la bataille de Dettingen (1743), 
358,<. 

Grand, Rien de grand ne comporte la 
médiocrité, 448. 

Grandei eho$e$. Pourquoi elles sont 
entreprises, 383. Leur exécution, 
388. Ge qui en dte le sentiment, 403. 

Grandeur d âme (la) est un instinct 
élevé qui porte les bommes au bien 
ou au mal, selon leurs passions, 57. 
Ce qui la distingue de l'ostentation, 
484. 

Grands (les). Leur ignorance, 160, 54,s. 
Leurs défauto, 346, 347, 410, 411. 
Le plaisir et l'ostentation l'empoi* 



tent dans leur oœor sur llntérêt, 
418. Us doirent être ambitieux, 436. 
Gomment on fait fortune anprès 
d'eux, 446. Ils rendent trop cher 
leur protection pour mériter la re- 
connaissance, 440. Us n'estiment pas 
asses les antres hommes, Und, Quels 
sont les gensqu'ik craignent le plus, 
451^ Gomment ils savent honorer le 
génie, 34,1. 

Grande Jkommes. Injustice des con- 
temporains à leur égard, 85, 464- 
Us parlent simplement, 430. Us dog- 
matisent et le peuple croit, ikié. 
Sont quelquefois grands J usque dans 
les petites choses, 451. Us sont ra- 
res dans tous les genres, 30,s. Qu'ap- 
peDe-t-on de grands hommes? îMd. 
Leur ambition fait la grandeur des 
Ëtats, 45,s. 

Grandi géni^ (les) agissent souvent 
mal parce qu'ils ne pensent rien de 
simple et de trivial, 211. 

GravUé^ 35^ 

GaicooBT, 334« note. 

Gréa anciens (les) ne se battaient pas 
en duel, 160. Leur caractère, 169. 
Us passaient en simplicité les peu- 
ples modernes, 447. Leurs conquê- 
tes étaient fadles, 480. 

Grecs modernes^ comparés aui an- 
ciens, 168. 

Guerre (la) n'est pas si onéreuse que 
la servitude, 376. Gomment ellese 
fait de nos Jours, 454, 471«. 

Ginr-JoLT, conseiller au Ghâtelet, 78, 
note. 



ALPHABÉTIQUE. 335 



H 



Habiie$ (les) ne lebatent personne, HecTOR. Son courage comparé à celui 

363. La force peut tout entreprendre de Bayard, 667. 

contreeut,im Quel est mmme ^^^pp^ ou r^nr/kotwûw/e, 316. 

yraiment habae? 411. Comment on "«v«»W^ "«•'»»•«*'»«««''» ^i''- 

peut les tromper, 421. Ce qui nous Hbltétius, xxiyiu Exagère les théo- 

les fait redouter, 440* La folie de ries de La Rocfaefoucaud, 39, note. * 

ceux qui Tont à leurs fins est de se Ce qu'il dit de Tintérôt personnel, 

croire habiles, 480. Les gens vains /^3, note. 

nepeuventrétre, 488. n faut beau- ,„ , ^ «. « « " 

«)upd'acquit pom-le paraître, iMd. ««»" IV, roi de Trance. Son éloge. 

On n'est pas habile pour connaître ^®*» ®^'*- 

le prix des cboses, si Ton n'y Joint ffenriade {la), par Voltaire, 263. 

Tart de les acquérir, 82,«. 

Hbrcclb. Comparé à Alexandre, 432. 

HabUetéiy). En quoi elle consiste, 334. nnMOnn ^^ 

On gagne peu par elle, 382. Quel ^«""^^ "^ ^ ^^ amhUum, 339. 

est son terme, 383. Elle fait moins hérodb, personnage de la tragédie de 

de dupes que l'espérance, 449. Mariamnt, 263. 

Habitude, Sa force, 65. Hérf^Usme (1*) est incompatible avec la 

. . vanité, 78, s. 
Haine (de la], 43. EUe rabaisse ceux 

qui en sont l'objet, 45. Ce qui sou- Hérog. A quoi ils attachent la gloire, 

Tent la fait naître, 378. Est plus 401. La gloire les embellit, 446. Ce 

vive que l'amitié, moins que l'fr- qui les rend supérieurs aux autres 

monr, 393. Celle des faibles n'est hommes, 78,«. 

pas si dangereuse que leur amitié, hippolytb, personnage de la tragédie 

482. N'est pas moins volage que l'a- ^^ ^^ .^^^^ ^^ 
mitié, ihid, 

^ \ ^ Histoire, Pourquoi celle des hommes 

Hallencourt de Dromesnil, évèque .„ *_^ . i i oi. />« 

V il illustres trompe la Jeunesse, 84. On 

de Verdun, 158,*. ^^^^^ ^^^ ^^ ^^ ^.^ ^^ j^^^^ 

Harmonie (1*). Qualité essentielle dans celle de tont le genre humain, 390. 

un orateur, 10,s. Il en faut dans la Pourquoi l'histoire ancienne mérite 

bonne prose, 38,s. d'être respectée, 447. 

Hasard (le) di^[X)se de tout, 473. Histoire de Charles XI!, par Voltaire, 

267. 
Hauteur d^âtne (}9.\ affectée est pué- 
rile, 474. Quand elle est à un cer- Histoire universelle (Discours sur H 
tain point, peu de choses sont de de Boesuet — des Variations y par 
niveau, 191 ,«. le même; éloge du premier de ces 



336 



INDEX 



deux ouvrages et critique du a^ 
oood, 30,s. 

Hittorieni. Faute dans laquelle ils 
tombent tous, 84. 

HOLBACB (d*), XXXVII, ftOO, DOte. 

HoMftsB, 85, 336, 268, note, 301, note, 
467, 485, note, 686,note, 34,s, 279,s. 

Homme ^uprit. Ce qui le distingue 
de l'homme de génie, 21. 

Homme (portrait de V) sans principes, 
304* De l'homme pesant, 319. De 
l'homme faible, 323. De l'homme 
inoonBéquent, 335. De l'homme 
ferme, 326. De l'homme petit, 352. 

Homme du monde (1*}* Son portrait, 
310, Doit-il se mêler d'écrire? 473. 

Hommes, Vauvénargues ne compte 
qu'avec eux, xxxv, 3. Ceux que les 
sens dominent ne sont pas sujets 
aux passions sérieuses, 47. L'honune 
vertueux dépeint par son génie, 83. 
Les hommes se croient obligés aux 
vices de leur profession, 104. Us 
ne souflï^nt d'injures que >|iar fai- 
blesse, 160. Sur leur inconstance, 
350. L'homme est sur la terre un 
atome presque invisible, 305. Il pos- 
sède autant de bonnes qualités que 
de mauvaises, 390. Est en disgrâce 
chea les philosophes, 400, note. Peu 
d'hommes ont le sentiment des gran- 
des choses, 402. Ce qui les distin- 
gue les uns des autres, 403. Gom- 
ment U faut les juger, 106, 407. Le 
progrès de la vérité ne les empêche 
pas de raisonner faux, 408. Ils sont 
naturellement envieux, 413. La rai- 
son appartient à l'homme, ainsi que 
la vertu, 417. Inconséquence des 
hommes, 418. Ils sont clairvoyants 
sur leurs intérêts, 419. Conunent ils 
en usent dans les affaires humaines, 
ibid. Us se défient moins de la cou- 
tume que de leur raison, 420. La 



crainte et Tespéranoe leur penoa- 
dent tout , 421. Us aiment à tout 
farder, 423. Sont mus par U va- 
nité, 437. Les hommes médiocres 
trouvent peu de choses eo eux-mê- 
mes, 480, note. Us ne sont paa nés 
pour aimer les grandes choses, 432. 
A qui l*honmie ressemble lorsqu'il 
est de sang-froid, 433. Ceux qui font 
du mal aux autres hommes les haïs- 
sent, 435. Un seul est qaelquefbis 
plus difficile à gouverner qu'un 
grand peuple, 437. Ceux qui tentent 
de les réformer entreprennent sur 
les droits de Dieu, 442. U eo est qui 
vivent heureux sans le sayoir, 445. 
Tous naissent sincères et meurent 
trompeurs, 448. L'intérêt les rend 
durs et intraitables, 449. Us cachent 
volontiers leurs qualités dominan- 
tes, 452. Quel est le plus grand mil 
que la fortune puisse leur fisire, 453. 
Quand ils sont médiocres, ils crai- 
gnent les grandes places, tM<f. Ceux 
qui ont le plus de vertu ne peuvent 
se défendre de respecter les dons de 
la fortune, mais ils s'en cachent, 
ilrid. Les hommes ne se contentent 
pas des connaissance dont ils ont 
besoin, 461. Quand un homme est 
engoué de la raison, on peut dire 
qu'il n'est pas raisonnable, 462. Ce 
qui rend les hommes plus socia- 
bles, 466. Ce dont fl faut les in- 
struire avant tout, ibid. Us ne sa- 
vent pas estimer en même temps 
plusieurs choses, 470. Us sont enne- 
mis nés les uns des autres, 490. Il 
y en a moins de fous qu'on ne cnrit, 
492. Les hommes actifs supportent 
plus impatieounent l'ennui que le 
travail « ihid. Ceux qui méprisent 
l'homme ne sont pas de grands 
hommes, 493. Us désirent qu'on leur 
dise la vérité, tout en n'aimant pas 
à l'entendre, 14,«. Si Ton peut les 
gouverner sans les tromper, 43,«. 



ALPHABÉTIQUE. 337 

ITestîment guère que les qualités Horace, personnage de la tragédie de 

qn*!lB possèdent, 44,«. Leur esprit Corneille, 246. 

est41 incapable de démêler la Té^ ^^^^^ ^^ rEnthoumsU, 315. 

rité?70,s. Pourquoi ils oublient ègap 

tement les bienfaits et les ii^Juies, Hôtel de RambouiUet, 101. 

t7,«. U plupart naissent sérieux, g,^^ ^^^^^ d'Avranches, W2. 

306, note. 

Humain, On ne peut être Juste si on 

Boiméte homme (1') n'envie pas la for- ^.^g^ humain, 376. 

tune de ceux qu*il ne croit pas la 

mériter, 432. S'il n'y a que le vrai HwnanUé (!') est la première des Ter- 

honnête homme qui ne se pique de *««' ^^^' C*«* y "*°*1°«' ^"® ^ f 

rienî 118, note, 82,*. ' montrer sévère pour les vices de la 

société, 6,». 
Bonnéteê gens. Ceux qui prétendent Tè- 

t« ne ^PM ceux qui. d«» ton. «um^^p «* *^,?'^T, fr?"! 

te. mâtter.,W«i le moto.. M». '" "f*»,»""* *. ••«»»*»• '*;.<^'«f 

^^^ une inégalité qui dispose à l'impa- 

Honneur. Le trafic qu'on en fait n'en- tienca, 61. L'esprit ne nous garan- 

ridût pas, 378. tît pas des sottises de notre humeur. 

Honte Qa). Sa définition, 46. Est la ^^^' 

compagne de la pauvreté, 434. HumiUatUnu. On les oublie plutôt 

, , . „^„ ..^ qu'on ne s'en console, 403. 

HoaACB, poète latin^ 257, 268, 270, ^ 

364, 368, note, 308, note, 440, 2,s, Humilité, Sentiment de notre bassesse 

36,9, note, 181,<, 253,«, 281,«, 283,s. devant Dieu, 62. 



I 



/dêe«. Ce sont nos idées actuelles qui Imagination (!'). Sa définition, 6. 
déterminent nos sentiments et nos N'est Jamais échauifée sans passion- 
actions, 102. Aucune n'est innée, ner l'âme, 280. Fait commettre de 
dans le sens des Cartésiens, 444. très-grandes fautes, 463. Celle d'un 
La netteté leur sert de preuve, 475. grand orateur doit être vaste, 11 ,s. 
EUes sont plus imparfaites que la immodéraHon. Ses dangers, 61. 
langue, 480. Immortalité. Sur la terre , xxvi, ^20. 

fçnoranee-. Ses simplicités sont moins Celle de l'&me n'était pas un dogme 

éloignées de la vérité que les subti- de foi chez les Juifs, 222. 

lités de la science, 156. Imperfection ( 1' ). Est le principe né- 

niade (1'), 157. cessaire de tout vice, 460. 

HUmons. Celles de l'impie, 222. Les Impertinence, Il y en a à faire croire 

hommes en ont assez pour être qu'on n'a pas assez d'illusions pour 

heureux, 476. être heureux, 476. 

♦ 23 






338 INDEX 

Imperimeni (>*]• Son portrait, 293. l'iiidicent eBt noaunée profoiioo, 

JmpU (1'). Ses iUiuions, 333. Repro- ^"^^ 

che qu'il fait à DIau, ftSO. Ce qu'il hdigMttiim. Sentimmi mëé de eo- 

poarrait dire de Pascal, de Bossaet 1ère et de mépris, hh* 

«t d« BouTdrioM, M»^ ;„,^,,^ (,.j H,, ^ ^ ,„„^ 

Impoter. Gonunent quelques hommes des esprits, &77. . 

impoMot «01 Mt«t 4M. Celai /„^^. «^ „ „5,„^ 

qui t'impoM à wi-mtme impoM à ,^ ^^^^ ^^ ^^ ^^ ,,^^ 

d «atres, AM. ^^^^ ^^^^^ jj,^^ «oufent qoejoste, 

Imptiture (1*) Mt le maeqiie de U té- &3S. 

rite, •». Autre. d<ao>tioo^ iUd. ^,^^., . ^^ ,^,,,^^ ,j ^^ ^^ 

ImpôU. S'il est possible de les dlml- tunes et des conditions, 51, 17A, 

Quer, 08,*. 601, 651, 67,s. 

Imprudenei. Sa définition, 63. hfidêUié. Sa défluitioo, 60. 

Imprudents, L'adversité en fait beau- IngénuUi (1' ) est une sinoériié iiuio- 

coup, 483. cente, 60. 

Inaetùm (1'] est le plus grand des /n^olt/iide. Quelle est la plus odiew 

crimes, i87,«. et la plus commune, 301. Source de 

inci^aeité. Celle des lecteur*, 101. ^^ ^~ J«""« ««"' «*'*• 

incertitude. Sa définition, 61. ^'^J^^' ^'^ »« *« ^"^«^ ^« P" 

faiblesse, 160. H en est qu'il faut 

IncHnatimu, Pourquoi on dissimule dissimuler, 303. On les paidonne 

quelquefois les plus vertueuses, 633. qnand on s'est vengé, 600. On en 

Ineoméquenet. Portrait d'un homme •^"®* **" ^ ^*^ *^^- 

inconséquent, 335. It^tute, Tout ce qui l'est nous Uow 

/fieonslaiiee, 38. D'où eUe naît, 50. 'orsqu'il ne nous profite pas, 618. 

Sur celle des hommes, 350. ^n l'est moins envers ses emmiii» 

qu'envers ses proches, 683. 
/ficofuneiitefili. D y en a d'inévitables 

en toutes choses, 36,t. Injuêtice, Envers les grands hommes, 

.... .... .^. fiS- Comment on la colore dans le 

fneriduU. Ce qw doit le tnmUer. .ervice militain,, 668. 
631. 

IneridulUé. Elle a m entboodMte., "T^J^l T ""« J"^ •"' 

tache, 60. Celle des Jeunes gem, 



686. 



677. 



îndèhendanet {!') est une servitude , .. ^ , , 

volontaire, 161. Les hommes ne /««*>•»«<»<«• West pas nécessaire qoaod 

sont pas fidU pour eUe, 303. ^»« «^ ^P ««^«^ * ^^' **»• 

Mes galanteUle.) . opéra de Ra- /'^«^•«'eU'). D'où elle pr^^ 

'' \ ^^ i^ Est un désir sans objet, 66. 



meau, 353. 



InsensiMUé, 60. 



Indigence. EUe borne nos désirs en les 
contrsriant, 665. La libéralité de Instinct, N*a pas besoin de la raison: 



ALPHABÉTIQUE. 339 

flmh il la d«iiM, SM. Il en ftat tnttaitiMe. QaamlM le derieM, 963. 
pOdf tous te BétkOT. 487. Doit être signification de ce mot au 

"^^^"^HTn^tJ^l" t4«de^Ven.rg««.»«^,M^. 
bien de la fôdété, 2ft^. Êmplrt de ^ 

ce mot pour caraetériBer La Fao- inuUle, Un homme iilutile A bien de 

laine, 27&,f, 276,«, 28a,<. la peine à tromper pelvonne, 630. 

rnstruire» U est plus aisé de goaver- Inventeurs. Les esprits subalternes ne 
ner les bommfisqne de les instruire, le sont pas, 413. Ce qui leur est 
437. propre , 472. Ont le prenîScr rang 

,. jj ^j- r. u^ -1^ <^»r.«»*« dans la mémoire des hommes, 252 ,f. 
intubardMAum. Celle des enfants 

eompafée à celle des soldats, 435. invention (de 1*), 19, 667. EUe est la 

hUégriié. Sa définition, 60. !»««▼« du géaie^ 4W. 

InteUiçenee. Ce qui la décèle, 465. JtwerUioni. Nous avons hérité de celles 

de tous les siècles, 151. 
Intempérance (V). Excès dans les 

plaisirs, 6l. La voluplô no Fassou- !phi§énit, trtgédie de AadiMl« 112, 

vit pas, 381, note. note. 

/iifMI(r)«tUta de ramooriiro- irrûotution {V) est une timidité à 
pre, 60. Change le caractère, 370. entreprendre, 61. 

FâH peu de fortunes, UM. Quel i,oAaD(lesd*),lw«Éséuifta€tti^de 
est celui du faible? 303, note. N'est ^ ^^^^ ^ Vaiiveoargu», iAê^. 
que secondaire dans le cœur des 

grands, 418. Est la règle de la pfu- Isocsatb, orateur grec. Ses dialogues 
dence, 441. Est Pâme des gens du aveé Démssthèttes» 8,», 11,1. 

monde, 440. Nous console de la ;,^^^^^ ^^ ^ BéUespHt moéeme, 
mon de nos prvibm^ ibid. QMaé ^^^^ 

U f «nt eomiMer tme ceUd des au- . ^ 

473, ivresse. Ses saillies, 450. 



J 



J AGQois I", roi d'Angleterre, 176, note. Jta», ttotaiw à Aii, ««,«. 

Jaffier , conjuré. Son dialogue avec JÉLYOrta, 353. 

Kenand, 55,«. Jephté, opéra de Tabbé Pellegrin, mu- 

•* -:r- -♦ iaa sique de Montédair, 426. 

JaUrnsU entre les esprits vifs et les "H"" ^^ 

esprits profonds , 12. Ce n'est pas jésofrCHaisr, 183, 204, 200, 213, 222, 

toujours par Jalousie que réclpro- 228, 220. Les plus grands esprits 

qnement on ae rabaisse, 306. l'ont cru, 402. 

J«tof«(le).Caractèrepropieauthéfc. ^e«( de l'esprit du), 26. Pourquoi il 

!!r«,V . ^^ n'y a point de paaaion plus com- 
ire, 274,s. 



340 



INDEX 



nrane que œQe da Jea, 96. Peat 
conduire à la fortoDe, 00. 

Jtûike (le) ooDsmiie les hiiiiiean,403. 

Jtmte femme. Elle a moins de oom- 
plaiaants qu'an homme riche qui 
fait bonne chère, hhX 

Jeune$ gen$. Sont en général trèa^xin- 
flants, trte-senaiblea; mais la viva- 
cité do leurs passions le» rend vola- 
ges, 40. Abus qu'ils font de la vie, 
300. Connaissent plus t6t l'amoar 
que la beauté, 377, 460. Ne sép»- 
rent point leur estime de leurs 
goûts, ibid. Souffrent de la pru- 
dence des vieiUards, 300. Lears 
qualités les plus aimables devieo* 
nent un opprobre dans la vieillesse, 
470. Grâce de leur vertu naissante, 
477. Ne sont pas bien venus auprès 
des femmes, si elles n'en ont Ikit 
des fats, 475. Pourquoi on les oblige 
à ménager leurs biens, 470. Source 
de leur ingratitude, 31,s. 

Jeuneue (la). Ses Illusions, 300. Ses 
orages sont environnés de Jours 
brillants, 377. Inspire l'amitié, di,s. 

JoAD, personnage d'AMolte, tragédie 
de Racine, 247, 351, 266. 

Jofts, perM»nage d'AlAolie, tragédie 
de Racine, 347. 

yooofufe, conte de La Fontaine, 37,s. 

Joiei, Les grandes durent peu et nous 
épuisent, 30. GeUes que cause la 
fortune se taisent à la voix de la na- 
ture, 405, note. Ne durent pas plus 
que les afXlicaons, 400. 

JooaBBT. N'aimait pas la liberté. Pour^ 
quoi f xixi. 



JaueÊtn, Pourquoi il y en a tant, 36. 
Ont le pas sur les gens d'esprit; 
pourquoi Y 380. Leur caractère pro- 
pre au théâtre, 374,s. 

Jimmtmee, Il n'y en a pas sans ac- 
tion, 67; 

Jugement (du). Sa définition, 10. 
Comparé au bon sens, 11. Combien 
lui sert l'étendue de l'esprit, 13. 
Subit l'influence des passions, 45. 
Pourquoi il fait faire moins de fau- 
tes que les passions, 386. 

Jugement faux, 134, 434, 480. 

Juger. Qualités qu'il faut avoir pour 
bien Juger des ouvrages d'art on 
d'esprit, 380. On ne Juge pas si di- 
versement des autres que de soi- 
même, 381. Comment il ûmt juger 
les hommes, 407. Il y a peu de cho- 
ses dont nous Jugions bien, 487. 

Juifi. Leur isolement parmi les peu- 
ples, 333. N'admettaient pas le 
dogme de l'immortaUté de l'âme, 
ibid. 

/tiileste (de la), 0. Elle est une con- 
dition nécessaire de l'étendue de 
Tesprit, 308. Sans elle, plus oo a 
d'esprit, moins on est raisonnable, 
480. 

Juuiee (la) est une équité pratique, 
60. Ce qui n'est pss de son ressort, 
301. Ce qui a forcé les hommes A 
s'y soumettre, 303. Nedottpssétrs 
inexorable, 435. Elle maintient les 
lois de la violence, 438. 

Justice divine (la) ne ressemUepss 
â la Justice humaine, 311, 317. 

JoviiiAL, l,«, note. 



ALPHABÉTIQUE. 341 



L 



La Bodltb. Sa liaison avec Vauve- Gondorcet l'histoire du Jésuite se 

nargues, 121,<, 235,s. ^ présentant chez Vauvenargues mou- 

« n -, .^A «r rant, 230. Cité, 2i5,<. note. 

La Baotbal Imité par Vauvenargues, ' ' -*.»,•, "w««. 

287. Lui est comparé, x&v. Ce der- Laideur (la). Bend les femmes mé- 

nier ne lui rend pas assez justice, chantes, A60. 

uvii. Fait le tableau des faiblesses 

humaines sans conclure, ».x»i. Lambbkt (madame de). Citée, 386, 

Comparé à Molière, 237. Son éloge, "^^®' 

271, 274, 21,«. N'a pas osé faire de Umettbib, &00, note, 

grands caractères, pourquoi? 285. ' 

Était peintre et n'était peut-être ^ Motte. Épltre de J.-B. Rousseau 

pas philosophe, 424. Cité, x, 97, contre lui, 261. Voltaire écrit con- 

note, 158, note, 288, 297, note, ^^ ^^ »* préface d'CEdipe, 267. 

328, note, 352, 438, note, 439, 18,«, Cité, 352, 34,«, 35,f , note, 245,«. 

note, 64,f, bote, 76,«, 131,*. 260,f, ^^^^^ ^^^j^ ^3 Expressions inusi- 

**• tées qui pourraient être rajeunies 

La Cbaosséb, 286,s. avec succès, 39,f , note. 

Lâche (le) a moins d'affronts à déviH. Langueur (la) est un témoignage de 

rer que l'ambitieux, 490« Dotze faiblesse, 46. 

Laem wx le Pelii homme^ Z52. Laquais. Comment se révèle l'intelli- 

Lafatkttb (madame dej, xxxu. «ence de celui de Vauvenargues, 

465, 235,<, note. 
La Fontainl N eut que l'invention de 

détail, 22. Examen de ses ouvrages, La Rochefoocadld. Ce qui le rend 

233. Comparé à Boileau, 235. Sa impitoyable pour l'espèèe humaine, 

naïveté, 253, note. Vauvenargues le xxx. .Comparé à Pascal, xxxii. Com- 

défend contre Voltaire, 269, note. nient il composa ses Maximes, ilrid. 

Son génie, 412, 274,9, 276.<, 282,<. Comparé k Vauvenargues, xxxiii. 

Importance qu'il attachait à l'apo- Son sentiment sur la pitié, 43, note. 

logue, 474. Cité, 488, 222,<. Ce qu'en pensait le cardinal de 

, „ ^ , , ^,. , Retz, 108, note. Était philosophe et 

La F068B, auteur de la tragédie de ,^ V . ^ ,«/^/. •*• a^ 

•«!•.»« . n était pas peintre, 424. Critique de 

Manlm. 488, note. ^ Maxim»; 75,.. Gté, 8. 2«, 118. 

La Gakdb (de), conseiller au parie- 122, note, 162, 400, 414, note, 417, 

ment de Provence, 226,9, 229,<. 65,<, note, 129,«, note, 131, s. 

Lacrolbt, m^jor, 89,s. Laserrb (M. de}, 261,s, 264,9. 

La Habpb. Ses notes sur les œuvres Lacgibr db Beau recueil, conseiller au 

de Vauvienargues, v, vu. Attribue À parlement, 110,9. 



342 



INDEX 



LAUIUU2DAI8 (madame de), maltreeee 
de Loais XV, M,«. 

Law, 00,«, note. 

Lb Gouvrbdr (Adrienne). Épttre de 
Voltaire sur sa mort, 267. 

LeeUurt. Sur leur incapacité, 101. 

Lb Franc db Pompigran, 362. Sa liai- 
son avec le marquis de Mirabeau, 
215,<, 216,<, 218,<, 223,9. 

Légèreté. D*où elle naît, 50. Sa défi- 
nition, 02. Ses marques, 63,«. 

Légulateun. Est-ce une nécessité 
pour eux d*être sévères ? 00. 

L*EiiFAirr, ami de Vanvenai^gues, 126,ff, 
160,s, 106,s, 204,s. 

Leniului on le Factieux^ 204. 



(la) étend toutea les vertus et 
tous les vices, &77. 

Lipu ou rHomme mou prinâpet, 
304. 

Livres, Les bons livres sont TeBseiice 
des meilleurs esprits, 34. FMt 
qu'on peut en tirer, tfrtd. Défauts 
de ceux du dix-buitième siècle, 100. 
Un livre %ien neuf et bien origiflal 
serait celui qui ferait aimer de 
vieilles vérités, 435. Qualités qa'ibi 
doivent avoir, 406. Pourquoi ceui 
de morale sont en général si insi- 
^d», 417. Changement qui s*y 
opérerait si on n'écrivait plus que 
ce qu'on pense, 451. 

Lobkowitx (le prince). Battu par les 
Français en 1742, 230,s. 



Lentulus. compUce de CaUlina, 434. I^"» 200, 208, 413, 424, 133,j, 

246,s, 253,«. 
LioNAan db Vinci, 253,s. 

lot de rhwnanité. Est la seule Juste, 
LBSoiGUiBaES (madame de), 00,<. .^^ 

UHree (les) honorées comme la reli- ^^ ^e^^ ^^gine, 51. Font naître les 



gion et la vertu , 34. Règles à ob- 
server dans leur pratique, 440. 
Pourquoi les hommes les mépri- 
sent ? 457. 

Letfreg persanes (les), par Montes- 
quieu. Jugées, 253,9. 

Libéralité (la). Sa définition, 60, 01. 
Avantages qu'on en retire, 70. Por- 
trait d'un homme libéral, 321. Mul- 
tiplie les avantages des richesses, 
378. Ne ruine personne; 3lle de l'in- 
digent est nommée profusion , 478. 

Liberté (la). En quoi elle consiste, 
108. Elle est incompatible avec la 
faiblesse, 370. Celle de son propre 
esprit difficile à conserver, 430, 
note. Le premier soupir de l'en- 
fance est pour elle, 477. 



guerres qu'elles avaient pour bot de 
prévenir, 101. Quelle est la plus 
ancienne loi de la nature, 303. Ne 
peuvent aMurer le repos des peu- 
ples sans diminuer leur liberté, 418. 
Doivent être respectées, 420. Leur 
insuffisance, 437. Les melllearei 
peuvent paraître ignorantes et bar> 
bares, ibid. Gouvernent la faiblesse 
humaine, 456. Diflérentes, selon les 
pays, et quelquefois peu confonnes 
à l'équité naturelle, 22,1. Il vaut 
mieux en souffrir de mauvaises 
que d'en changer souvent, tMd. 

LoNGiN, 61,9, note. 

LoNGo (le marquis de), Milanais, 

140,9. 

LoanoNBT (IL de), 285,9. 



It^-Ardtlre(7Vat/é9tir/e), lOO.Sur Louanges. Celles qui offensent les 
cet ouvrage, vu, xiv, 125,9, note. hommes, ;M0. Nous les aimons 



ALPHABÉTIQUE. 343 

* 

tontes, 403. C'est pendant leur vie LocAs-Moimftmr, éditeur à» Ménun- 

qu*il faot loaer les hommes, 414. reM de Mirabtau, Citations tirées de 

Comment les femmes et les auteurs ces Mémoires, 88,9, 03,«, 31S,s. Il 

médiocies se louent, 475. Les fait rebâtir le château de Mirabeau, 

louanges se donnent souvent avant 216,s. 

d'ôtre méritées, 476, 470. , „ ... ^ ^_, ,> -. ^ 

LucAS-MoiiTicifT (M. Gabriel], fils du 

Louis, dauphin, fils du grand dau- précédent Découvre la correspon- 

phin. Son éloge, 5,<. dance entre Mirabeau et Vauvenar- 

Lou» XI, roi de France. Son portrait, 8»«' »'«• ^ "^ * Véàitenr, ii, 

27 g M. Ses remarques sur cette corres^ 

pondance, 80,«, 112,<, 150,s. Fait 

LoDis XII, roi de France, 23,f. rebâtir le château de Mirabeau, 

Louis XIII, roi dé France, 101, 433, ^^^^' 

?,«, note. Ldlli, 254, 361. 

Louis XIV, roi de France. Grands j^^^^^^ Pourquoi eUe est le premier 

écrivains de son siècle, 274. Loué j^^ ^^ ,^ naissance, 444. 
comme un tyran, 184. Suites de son 

ambition, 188. Son caractère, 431. iMmière». L^adversité ne peut les 

Comparé â Alexandre, 1,<, note. éteindre, 84. On tire peu de fruit 

Son nom cité, 167, 186, 297, note, de celles d*autrui, 458. 

21^, W,., note. L0THi.,15î. 

Louis XV, roi de France. Gagne la , „ . . • ^ . 

bataille de Fontenoi, 176, 186. Fait ^'^' ^" "*****^' "^' '^^' ^ "»" 

couronner l'empereur Charles VH, ^onvénients et ses avantages, 67,«. 

177. Son éloge, 184. Acquiert la Luxembourg (le maréchal de), 132. 

Lorraine, 480, note. Lettres qui lui j ,. ^* vi j % -«- r— 

sont mirem6>», MO^, Mï,.. Son *-"""» ('" «»°°<*^'« <««)> "«' »«• 

départ pour Tarmée, 282,s. ùycas ou VHomme ferme, 326. 

LuGAiN, 22, 425, 55,«, note. Lyeias ou la Fausse éloquence, 358. 



M 



Magnanimité. EUe ne doit pas compte Maîtres. Quels sont les vrais maîtres 

à la prudence de ses motifs , 80, en politique et en morale, 4^1. 

386. Elle est Tesprit des rois, 430. w t /v * i_ . 

^ ^ Mal, On peut en penser beaucoup de 

Mahomet, tragédie de Voltaire, 263. ses amis, 302, note. 

Maillt (madame de), maîtresse de Mal moral (du), 50. 

Louis XV; sa famille, 00,«. ir i j^ ti #-. *v * ^ • jt 

* \ ' Malade. U ne faut pas trop exiger d un 

Maître. Il y en a un partout, 305. malade, 387. Les malades sont plus 



344 INDEX 

faumàiiifl et moînB dédaigneux que Maiot (Cléiiieot), n, MO, 86$. 
d*«atreB hommes , 4M. Tout le 

monde empiète sur nn malade, 479. ^^'' ^^^^^ ^ rhomme absolu et 

On l'accuse tOHjoan de sa raala- étroitement sérère, 305. 

^'®» *®*' Magquei (Us) peuvent donner rî«c 

Maladies. La fenneté ou la faiblesse **" ™*^^ ^^ 

de la mort dépend de la dernière Mathaw, personnage d'il rtfliie,traué- 

maladie, 387. Effets de la maladie, die de Racine, 251. 

ibid. Elles suspendent nos vertus et 

nos vices, 402. Haobbl, ou MoasL Villshbcvi w 

Hors, conseiller au parlement de 

Halbbbanchb, XXIX, 10, 208. Provence, 00,f, 9l,«. 

Malhbbbb. Ses héritiers, 150,*. Mauhil, ou Mobbl db Mors, psir ds 

Malheur (le) a ses charmes, m, 201 . ''™""' archevêque d*Avignon,90,«. 

note. Us malheurs sont toujours ICaopbbtuis. Notice ei anecdote qui 

plus grands que le« vices, 435. Us le concernent, 181,1. 
augmentent la réputation, 53,s. 

HAUBepAs (le comte de), ministre sous 

Malheureux (les) ont toujours tort, Louis XV, 00,», note, 286,«,notc 
80. Notre injustice à leur égard, 

301. Pourquoi nous les querellons, Maovillor. Son Histoire de la gnerrt 

iMd. de Bohême citée, 241, s. 

Malignité. Est une méchanceté cv ^*«*- ^ nécessité empoisonne ceux 
chée, 00. qu'elle ne peut guérir, 404. On pai^ 

donne aisément ceux qui sont pav 
Manlius, tragédie de La F^me, 488, aés, 452. 

note. 

Haxiiib, personnage de la tragédie de 
Manlius Twqwitus, tragédie de m»- Cinna^ 246. 

dame de Villedieu, 240,«. ■# • » . 

Maxtmes. Les bonnes sont difficiles à 

HABO-AoaàLB, 221, 415, note. appliquer, 1, et si]^ttee à derenir 

Manage. Ce qu'en pensait Vauvenar- ^^al«» 440. Tous les temps ne 
gués, 147,*. permettent pas de les suivre, hht 

Explication d'une maxime de Pas- 

Marib db Bodrgoghb, femme de Tem- cal, 81. Celles des hommes décèlent 
pereur MaximiUen, 30, note. leur cœur, ix, 384. D en est peu de 

MABjB-THiata, archiduchesse d'Au- ^^™*®* * *®"® *"^' ^^' ^^^ ^«* 
triche, J.45. °"' besoin de preuves ne sont pas 

bien rendues, 458. 
Mapids, 105, 308, 315, 343. 

Haxiiiilibr, empereur d'Allemagne, 
Marmortbl. Ses Mémoires cités, i, 30,», note. 

XIV, 74, 320, note, 372, 275,», 201,f, 

202,«. Ce qu'il pensait des opinions *^**'" 0® <»«iinal de), notice, W,». 

religieuses de Vauvenargues, 232. ^" dialogue avec Richelieu, hi^ 

Est inquiété à l'occasion d'un libelle ^" caractère, 44,». 

de Roy, 280,». Mazarir (madame de), 00,», 



ALPHABÉTIQUE. 



345 



UéokmctU (U). £Ue sappose un goût 
à faire du mal, 60. Pourquoi une 
ieraine laide est aouTent méchante, 
ftOO. La méchanceté tient lieu d'es- 
prit, A90. 

Méchants. Ce qui les surprend tou- 
jours, 383. Veulent passer pour 
tKMis, 303. La vertu ne peut faire 
leur bonheur, &Â2. 

Mé^wne, Les remèdes sont souvent 
pirea que les mftux, 101, note. 

Miâemns, Comparés aux moralistes, 
391. 

Èiédiocrité. Les hommea médiocres 
ne le sont pas toujours complète- 
ment, 20. Faiblesses qu'elle traîne 
avec elle, 71. Ce qui la caractérise, 
375. Rien de grand ne la comporte, 

Btéàitttnt (le) nuit rarement, m- 

Méditation (la) remplit l'àmc de l'ob- 
jet qu'elle a en vue, 26. 

Médiiaiion iur la foi, 225. Anecdotes 
sur la composition de ce morceau, 
230, note. Réponse de Vauvenar^ 
gués aux observations de Saintr-Vin- 
cens, 259,ff. 

MélaneoUe. Naît du eentimeni de no- 
tre imperfection, 28. Gara«tèfe des 
mélaneoUquea^SO.Tientde la haine, 

46. 

Mémoire (la). Son utilité n'est pas 
contestée, 0. Est l'occasion et non 
le principe de nos pensées, 7, note. 
Agit souvent trop tOt ou trop tard, 

414- 

' MiHAoi, 402. 

MénaUiue^ ou V Esprit moyen, 331. 

Mensonge (lo) doit se cacher avec 
soin, 411. Celui qui a besoin d'un 
motif pour être engagé à mentir 
n'est pas né menteur, 448. Est la 



grossièreté des hommes faux, âOO. 
On se persuade ceux qu'on fait , 
491. L'aversion du mensonge est 
plus souvent celle d'être trompé, 
80,<. N'est pas dans la nature, 177,«. 
Il n'y a rien de si bas et de si inu- 
tile, 191 ,<. Il est la plus vicieuse de 
toutes les grossièretés, ibid» 

Menteurs (les) sont bas et glorieux, 
384. Un menteur est un homme 
qui ne sait pas tromper, 411* 

Mépris, EHfflculté de le soutenir, 33. 
Est un sentiment mêlé de haine et 
d'orgueil, 40, qui engendre la rail- 
lerie, ibid. Du mépris des choses 
humaines, 95. Celui des sots offense 
peu, 380. Pourfiuoi nous méprisons 
beaucoup de choses, 304* Le mé- 
pris comble les disgrÂces des mal- 
heureux, 463. Pourquoi on ne dé- 
daigne pas celui d'antrui, 487. Per- 
somie ne peut se vanter do n'avoir 
jamais été méprisé, 488. Celui des 
imbéciles est ordinairement le 
sceau de l'estime publique, 173,«. 

Mercure (fe), journal, 275,«. 

Mérite. Son impuissance, lorsqu'il est 
isolé, 87, 404* On peut cependant 
aller à la gloire par lui seul, 379, 
note. S'il donnait une partie de l'au- 
torité qui est attachée à la fortune, 
il n'y a personne qui ne lui accor- 
dât la préférence, A53. Donne la ré- 
putation, 477. Ne met pas toujours 
les hommes au niveau des grands, 
7,ff. Inspire du respect, 31,«. 

Mérope, tragédie de Voltaire. Éloge 
de cette pièce, 204. Représentation 
et puUicaSion de cette pièce, 379,<. 

Mémoires du sérail ^ par ma4ame de 
VUledieu, 246,«. 

Merveilleux {\»). Pourquoi nous l'ai- 
mons, 102. 

21 



346 



INDEX 



Métier». Celui d*écrivain et de plûlo- 
Hoplie est le plus borné de tons, 
log, 110. Ceux qn*il est difficile de 
faire sans intérêt, 449. Les homme» 
Jugent des lettres, comme des mé- 
tiers , par leur utilité pour la for- 
tune, 4M. Le métier des armes fait 
moins de fortunes qu'il n'en détruit, 
fM. Ceux qui font des métiers in- 
fâmes s'en font ^ire, 473. 

llBTaoïfianr, officier dans le régiment 
deVauvenargue8,03,#, 117,s, 130,«, 
139,^ 141,«, 160,s, S03,f, 315,<, 
217,». Note sur sa famille, 93,«. 

Michei^Angb, 04,1. 

aidas ^ ou le Soi qui est glorieux, 351. 

MiLUR. Son Toyage dans le midi de 
la FVanoe, cité, 110,«. 

Hilton, 371, 382,308, 133^. 

JCifittfrei. La présence d'esprit leur 
est moins nécessaire qu'à un négo- 
daleur, 453. Dans quel cas on peut 
les Uâmer, 454. Veulent dtre l'âme 
de tout, t'Md. Du choix qu'on en 
fait dépend le bonheur ou le mal- 
heur des peuples, 470. Les plus 
grands étaient nés loin du minS»-' 
tère, 479, 302,«. 

MiBABCAr (/ean-Antoine, marquis de). 
Sa mort, 88,1, note. H avait été sé- 
vère pour ses enfants, mais pas au- 
tant que le fut l'Ami de$ homme* 
pour les siens, 187,<. 

MiaABBAO (Victor de Riquetii^ marquis 
de), dit VAm des hommes^ xxiii, 
note. Sa famille, son mariage ; se sé- 
pare de sa femme ; sa maîtresse, ses 
démêlés avec son fils, ses nombreux 
écrits, sa mort, son portrait, 87,<, 
note. Rupture avec une maîtresse, 
88,s. Déceptions qu'il éprouve dans 
«a carrière militaire, 98,«, 174,/r. 
Ses projets de mariage avec made- 
moiselle de Nesie, 99,1, 100,«. Sa 



liaison avec Montesquieu, dM/. 
Sesamoursavecune coquette, lit,», 
113,ff. Autres amoura, 125,1, 156^ 
153,1. En quoi son canelère diV- 
raitde celui de Vanvenai^iieB,13t,i. 
Conseils qu'il lui donne , 120^. 
131,1, 101,1. Compose une conédîe, 
135,1, 137,1. Ce qu'il pense des 
gens de qualité, 144,1. Sa haine 
pour les gens de finances , 10!,i. 
Son opinion sur Voltaire, ITS^s. 
Opinion de Voltaire sur Hiiabeso. 
f6td., note. Sa correspondance sier 
VauvenaigueB, 87,i. Caractère de« 
deux correspondants, iim- Lettrp^ 
qu'il adresse à Vauvenaigues, 87^. 
91,1, 93,1, 95,1, 90,1, 97,f, 98. t. 
99,1, 100,1, 101,1, 103,1, 1134. 
119,1, 124,1, 131,1, 130,1, 1&3,». 
149,1, 153,1, 150,1, 101,1, 171,». 
180,1, 198,1, 203,1, 208,1, 214,*. 
219,1, 222,1. Réponses de ce der* 
nier, 89,1, 91,1, 94«f, 90,1, IOO4. 
102,1, 104^, 100,1, 108,1, lli,s. 
114,1, 122,1, 127,1, 133,1, 138,t, 
14i,i, 148,1, 150,1, 150,1, 103,9. 
175,1, 182,1, 188,1, 198,1, 200,». 
210,1, 210,1, 217,1, 220,1. 

MiBABBAO (Jean-AntoinesloBeph-Cbar- 
les-Elxéar, chevalier, puis bailli dp], 
frère du précédent, gouverneur de U 
Guadeloupe, notice, 115^ note. O 
qu'il pensait du marquis de Saint- 
Georges, 1 02,1. Fragments des lettres 
qui lui sont lylreasées par son frèiv 
le marquis de Mirabeau, 95,i,174,<- 

MiBABBAo (Louis-Alexandre), frère de» 
précédents. Note sur sa vie, 93,». 
Injustices qu'il éprouve dans sa car- 
rière, 139,1, 141,1. Son éloge, 157,». 
189,1. Conseils qu'il reçoit de Vau- 
venai^eB, ihid. Ce que pense k 
marquis de son caractère, 203,». 

309,1. Mentionné,101vr,105AlS5,'* 
135,1, 130,1, 179,1, 190,1, 313,1. 
320,1, 221. 



ALPHABÉTIQUE. 



347 



lliMABBAU(Gabriel-Honoré, comte de), 
xni, note, xxiii, note. - 

Jftrmne, tragédie du cardinal de Ri- 
dielieu, 4Mi note. 

U%ȏnh\m, Nous n'avons pas droit de 
rendre misérables ceux que nous ne 
pouvons rendre bons, 370. 

Mitère, Sur les misères cachées, 07. 
La misère doit être un objet de pi- 
tié, tMd., 633,* hZh. Elle est la 
source de toute bassesse, 443. 

MisÈaB (M. de), officier au régiment 
du roi, 101, s. 

Mithridate^ tragédie de Racine, 251, 
266. 

Mode (la). Reflexions sur le ton à la 
mode, 100, 101. Portrait des gens à 
la mode, 311. Il faut qu'elle ait son 
cours, 357. Excède toujours la na- 
ture, 377. Son empire, 425, 456, 
461. Son inconstance, 470. Les mo- 
des yieillissent vite, 473. 

Modération. Ce qui la fait naître, 28. 
Est Tétat d'une &me qui se possède, 
61. Celle des grands hommes ne 
borne que leurs vices, 381. Celle des 
faibles est médiocrité, ibid. Il y a 
une modération de tempérament où 
la réflexion n'a point de part, 77,«. 

Modernes (mr 2ea), 103. 

MoBurs» Discours sur celles du siècle, 
165. Causes de leur corruption , 
168. Se gâtent plus facilement 
qu'elles ne se redressent, 443. C'est 
entreprendre sur les droits de Dieu 
que de vouloir les réformer, itnd, 
La science des mœurs ne donne pas 
celle des hommes, 450. 

MolBB, 221. 

MoLiiBB. Sur le Jugement qu'en a 
porté Vauvenargues, xxvii. Sa gé- 
nérosité envers Racine, 105. Ré- 



flexions sur ses ouvrages, 237. Ca- 
ractère de son talent, 253, note, 
282, 412. Ses dénouements peu es- 
timés, 264, Son dialogue avec un 
jeune homme, 32,«. Jugé par Vol- 
taire, 274i<* Mentionné, 85, note, 
360, note, 360, 130,s, 168,<, 252,s, 
277,». 

MoUeMêe (la) est une paresse volup- 
tueuse, 62. 

MoRCLAB (Jean -Pierre -François de 
Rissert^ baron de), conseiller, puis 
procureur général au parlement de 
Provence. Sa famille, ses écrits, sa 
mort,00,<, note. Son éloge, 05. Men- 
tionné, XXII, note, 121,«, 166,«, 
223,<, 284,«, 203,<, 301 ,«, 302,f. 

MoNCLAR, fils du précédent. Sa mort, 
00,ff, note. 

Monde (le). Effets qu'il produit, 10. 
L'usage du monde fait penser natu- 
rellement, 35. Ce qu'il ne faut pas 
confondre avec le monde, 115. Est 
comme un vieillard qui conserve les 
désirs de la Jeunesse , 422. Idée 
qu'on peut s'en faire, 423. Ce qui 
nous y attire, 460. Il ne faut pas y 
entrer trop tard, 460, 201,». Sur les 
conversations qu'on y entend, 16,», 
65,». Ce qu'il faut faire pour y 
réussir, 201,». 

MoNTAiGNB. Mis OU parallèle avec Vau- 
venargues, X. Relève les faiblesses 
humaines et s'en accommode, xxxi. 
Jugement sur cet écrivain, 22, 274. 
Reproche qu'il fait à Cicéron, 427. 
Son dialogue avec Charron, 21,». 
Loin de le dissiper, avait accru son 
héritage, 114,»* Craignait d'oublier 
son nom, 144«»* Doit une partie de 
ses beautés à ses citations, 150,». 
Mentionné, xxii, xxxii, note, 73, 75, 
76, 360, 38,», note, 30,», note. 

MoKTAttT (M. de), 106,». 



348 INDEX 

MoRTiGLAiR, musicien, 426. des ouvra^os de VaaTenargutt, n. 

MonrnooiED, xxiiii, 30,«, note, 35,#, ^ annotations consenrées dans la 

note. Sa Uaison avec le marquis de P^^nte édition, vu. 

Hirabean, i09.«. Son goût pour les Mort (la) nous r«nt tout, M». U 

sciences, 114^. Mentionné, 246,1, conscience des mourants calonmie 

^^*'- leur Tie, 373, 387. La pensée de U 

MoNTiio. Ambassadeur d'Espagne à mort nous fait oublier de TiTre,38& 

Vienne. Son mot sur la bataille de Le sommeil en est Timage, 433. 

Dettingen, 2,58t. Pourquoi on la craint, 484. GomUe 

MotmRKi (Leclerc de). En queb t«.^ T'^'T'f ' <«; °« **" •»"' *^ 

nm Voluto loi «DDoiiee l»ino>td« ^\^^ 'f '"«'' .?"• *^. 

la craint n est pas digne de titr, 

MoTnfoatiicT (le connéuble de). Sur 57^,, jggt i^ gg„ig ^jj^gg qni ing. 

son caractère, Î85,«. pire de la terreur à Tesprit hn- 

MoiiviixB (Pabbé de). Sa liaison avec mùn, 37,s. 

le marquis de Mirabeau, 215,*, Mort de César (la), tragédie de Vol- 

216,*, 222,«. m5re, 263, 255,*. 

MoaiLDBHoiis. Foye»MAoait. MoaTmiaT. Quitte la cour. Poun 

Moral. Caractère du bien ot du mal quoi? 172,ff. 

^^^* ^^' Motifs. Usage que Ton doit faire des 

Morale (la) consiste dans les devoirs mauvais, 53, note, 481. 

des bommes rassemblés en société, jj^pj^^ ^ sous - bibliothécaire i Aii, 

3. Ses avantages sur les sciences y^„ 

physiques, 110. Comment elle est 

traitée par certains auteurs, 376. Mourants. L«ur conscience calomnie 

De nos erreurs en morale, iHd. La leur ^ie, 373, 387. Leur fkibleWt 

moraleaustère ressemblée lasdence 474* 

àm médecins, 3M. Pourquoi les li- j^^^^ ^ ,^ p,,„ ^^ ^ „^ ^^ 

\Tea de morale sont si insipides, ^^^^ ^gj Q^^ij ^^ ^^g^^^ ^ ^e 

417. Est la plus fardée de toutes les ,^„^ 4 ^^^^^, 472^ 3,^^ 

sciences, ibid. , note. Dk>ù vient 

rindiflférence qu'elle nous inspire, MooasT, musicien, 353. 

420, A été plus habilement traitée iio„„, lecteur de l'Opéra, 48, 353. 
par les anciens que par les moder- 
nes 450. Musique. Eloge de celle de Montédaift 

426. 
Moraliste. Qualités qu'il doit avoir, 

xiix. Mov (Do), lientenantisénéral, 240,1. 

MOBBAO, maître de chapelle à Lan- Mot (Dd), frère du précédent, 240,<- 

grès, 426, note. J|fy«lère ( le ) fait plus de tort que Pin- 

MoRCLLBT, membre de la commission discrétion, 473. Celui qui flatte, 

! chargée par TAcadémie de Tcxamen 483. 



I 



ALPHABÉTIQUE. 



349 



N 



Saifu, 163. 

Naiveié. Ses avantages, 623. Peu d 
prits en connaissent le prix, ilnd^ 

NABCI86&, personnage de la tragédie de 
Briionnicus^ 251. 

Nûtion. Ne doit pas devenir trop sa- 
vante, 409. Ce qui arrive lorsque 
Tcsprit de raisonnement s'y répand, 
409, note. Se divise en deux parts, 
les riches et les pauvres, 418. 

Nature (la) doit être le modèle de nos 
inventions, 20. La nature seule ne 
donne pas le génie, 21. Sur la na- 
ture et la coutume, 65. A ftùt aux. 
hommes un cœur dur pour alléger 
les misères de leur condition, 92. 
La pure nature n'est pas barbare, 
157. La raison ne répare pas tous 
les vices de la nature, 376. Les 
abus inévitables sont des lois de la 
nature, ibid. Le secret de ses moin- 
dres plaisirs passe la raison, 377. 
Ses caprices ne sont pas si frêles 
que les chefs-d'œuvre de l'art, 383. 
La raison trompe plus souvent 
qQ'elle,385. Elle s'épuise par la dou- 
leur, 387. On est forcé de respecter 
ses dons, 401. Différence qu'elle a 
mise entre les hommes, tfrid.,note. 
Elle passe la fortnne en rigueur 
comme en bonté, 405. Peu de chose 
lui suffit, 427. Elle a ébauché beau- 
coup de talents qu'elle n'a pas dai- 
gné finir, 436. Ses caprices et ses 
Jeux, 438. Sa simplicité, 439. Ne se 
gouverne pas par une même loi, 
A57. Est l'image de la vie, 460. Ses 
don^ ne sont pas si rares que l'art 
d'en jouir, 470. Le mépris de notre 



nature est une erreur de notre rai- 
son, 479. Préside aux passions des 
hommes et sauve presque to^Jonn 
leur cœur des contradictions de leur 
esprit, 83,«. 

Nècemté, Sur la nécessité de faire des 
fautes, 78. Elle console dans te mal- 
heur, 89. Sa définition, 198. Néces- 
sité de faire de bonnes œuvres, 209. 
Ses conséquences, 214. N'a point de 
loi, 371, note, 272,«. Modère plus 
de peines que la raison, 404* Com- 
ble les maux qu'elle ne peut soular 
ger, ïbid. Il n'y a pas de situation 
désespérée pour celui qui la combat 
avec courage, 443. Nous délivre de 
l'embarras du choix, 456. Celle de 
mourir est la plus amère de nos af- 
flictions, 485. 

Négociateur (le) n'a pas besoin d'un 
long apprentissage, 453. Latitude 
qu'on doit lui laisser, 454. Conduite 
qu'il doit tenir, 488. 

NiBON , personnage de la tragédie de 
Briiannieusr 244, 266. 

NéaoN, empereur romain, 52,«, 53,«, 
110,t. 

Nesle (mademoiselle de) refiise d'é- 
pouser le marquis de Mirabeau, 99,«, 
100,<. 

NetteU (la) nait de l'ordre des idées, 
0. Tous ceux qui ont l'esprit net ne 
l'ont pas juste, ibid. Ses différents 
caractères, 10. Est le vernis des 
maîtres, 475. Elle sert de preuve 
aux idées, ibid. 

Nbwton. Comment il explique les phé^ 
nomènes de la nature, 111, 112. Son 



350 



INDEX 



nom dté, ixxvii, 100, 935, 3M, 36S, 
693, 253,1, 254,«. 

NlGOLB, 352. 

NitétU, tragédie de madame de Ville- 
dieu, 246,ff. 

NoAiLLBS (le cardinal de), 208,<. 

NobUsie, Ce qui caractériae celle du 
langage, 18. Noblesse du caractère, 
60. Sur la noUesse, 71, 166. A quel 
titre elle se perpétue dans les fa- 
milles, 420. Est un monument de la 
vertu, 484. 

Noireeur (la) est une méchanceté pro- 
fonde, 60. 

Nonu. Quels sont les plus i^véréft, 
448. 



Nonchalanee (la) ne peut rendre la Tie 
heureuse, 388. 

Nawrriiure (la) est aussi nécessaire à 
Tesprit qu*au corps, 304. 

Nawfeaulét (les). En quoi eUes gâtant 
le goût, 400, 12,». Seront tonJouR 
en grande estime parmi les hommes, 
457. n est plus aisé de dire des 
choses nouvelles que de concilier 
celles qui ont été dites, 374. 

NuL Nul n*est faible par clioix, 391. 
Nul n'est ambitieux par raisoD ni 
vicieux par défaut d'esprit, 419. Nul 
n*est content de son état, 453. Nal 
traité qui ne soit comme un mo- 
nument de la mauvaise foi des sou* 
verains, 454. N'avoir nulle vertu 
ou nul défaut est sans exemple, 455. 







Obéimmee. Celui qui serait né pour 
obéir, obéirait jusque sur le trône, 
302. 

Objets iensibles (de V amour de*;, 47. 

Obêcur. L'auteur dlm livre qu'on 
trouve obscur ne doit pas le défen- 
dre, 424. 

Ohteyfiti (l') est le royaume de l'ei^ 
reur, 374. 

(MnerwUewr littéraire (<*). Recueil 
fondé par Marmontel et Bauvin, 
289,«. 

OeeupatioM (les) élèvent ou abaissent 
l'âme, selon leur nature, 75. Celles 
d'un homme qui se croit occupé, 
384. Doivent toujours avoir un but, 
137,«. 

Ode. Sa définition, 356. Ce genre n'a 
pas encore atteint sa perfection, 270. 



Œdipe^ tragédie de Voltaire, 267. 

Ofieieux (0 par vunité, 920. 

Oîiweti (1*). Lasse plutôt que le tra- 
vail, 67. Fait souffHr la vertu, 12ft. 
Qui fait des promesses plus trom- 
peuses qu'elle ! 135. Elle ne peut 
faire le bonheur, 174. N'assouvit 
pas la paresse, 381. Incomnsode le 
paresseux, 481. 

OuvARBz (le duc d'), 23^. 
Olivbt (l'abbé d'}, 355. 

Opiniâtreté (!') est une fermeté dérai- 
sonnable, 62. C'est le défaut des 
hommes pesants, 480. Il faut s'en 
corriger, 100,s. 

Opinionê. Causes de leur diversité, 23. 
Leur puissance, 160. Sont comme 
les générations humaines, bonnes et 
vicieuses tour à tour, 377. Comment 



ALPHABÉTIQUE. 351 

cites 80 succèdent, ftOO. Preuves Orrfre» de T^te^ 6M, 20«,«, note, 
de leur extravagance et de leur bar- q^ç^i p»), Ce qui le produit, 31. 



barie, 665. De ceux qui les suivent 
toutes, 484. Il ne faut pas ridiculiser 
celles qui sont respectées, 486. Leur 
inconséquence, 83,*. Rien ne Buffit 
à l'opinion, 427; elle ne gouverne 
que les faibles, 438. 



Cède à la nécessité, 456. Bst le con- 
solateur des faibles, 459. N'est pas 
égal dans tous les bonunes, 79,1. Est 
un effet de Tamour- propre, 82,f. 
C'est un orgueil misérable que de 
se croire sans vices, 185,<. 



Opprobre {V) est une loi de la pau- Qriçine des fable$ {Y), par Fontcnelle, 
vreté, 434. On le souffhî dans la ^^^ 



grandeur, 455. 

Opulence. Apporte toi:Jonrs plus d'er- 
reurs que la pauvreté, 151. Ses ef- 
fets, 445. 

Oracle. Peuple qui le consulte pour 
s'empèdier de rire dans ses délibé- 
rations, 425. 

OracUê (hittùire des), par Fohtenellc, 
276. 

Oraison (M. d'). Vauvcnargues songe 
à lui pour un empriuit, 230,«. 

Oraiêm» funèhres de Bossuct, 285, 
37,«. 

Orateur de la vertu (1'), 369. 

Orateurs (les), 269. Effet que produi- 
sent les mauvais orateurs, 9,x. Qua- 
lités nécessaires à l'orateur, 11, a, 

Ordre naturel (!') est fondé sur la vio- 
lence, 393. Ce que l'ordre prouve, 
394. 



Originaux:. Ouvrages qui le paraissent 
toujours, 439. 

OronU ou le Vieux ftm^ 296. 

Oser. Qui sait tout souffrir peut tout 
oser, 393. Quiconque ose de gran- 
des cboses risque inévitablement sa 
réputation, 452. 

OsMiN, personnage de la tragédie de 
Bajfnet, 240. 

OssAT (Arnaud, cardinal d'), 108, 132. 
Othm ou le Débauché^ 297. 

Ouvrages. On Juge souvent mal de 
ceux de l'esprit, 17, 396. Ceux du 
goût se Jugent par sentiment, 94. 
On parle peu de ceux qui intéres- 
sent peu de personnes, 375. Le 
mûme mérite qui les fait copier les 
fait vieillir, 439« De ceux qui sont 
trop longs, 460. De ceux qu'il faut 
abréger, 474. 

OxENSTiBBN, chancelier de Suède, 23,». 



P 



P*,tL» ( madame de), maîtresse du. toujours, 601. Wert jamai. durable, 
marquis de Mirabeau, 87,», note. 438, 489. Ses effett, ftM, 677. 

. . . ^ . Panimiriques. Sont tous froids^ 244. 

Pâte (la). Moyen de l'obtenir dans le »-»»»' 

monde. 117. Elle est le prix du tra- Panégymte». Pourquoi .te sont en- 
vail, 131. Comment on l'aurait pour nuyeux, 451. 



362 



INDEX 



Papou, auteur de VHiUoire de Pro- 
venu^ 116,1. 

Puradiê (le) «tt le plus grand Uoii 
connu pvmi letbommes, 301, note. 

Pareue (la). Naît d'impulafianoe, 46, 
62. L'oisifetë ne raasourit pas, 381 , 
note. Ce qui la nourrit, 384. Anéantit 
les promesses, quelquefois sincères, 
de la Taniiô. 480. Introduit l'hon- 
nêteté dans la dispute, 483. 

Pmrenetix ( le), 310, 3S0, noie. Ce qui 
le caractérise, &81. 

ParUmeni de Paru. De ses condaoH 
nations contre les sorciers, 152, 
note. 

Parler, Sur les diflérentes manières de 
parler, 306. Moins on a de penaéos, 
plus on parle, 481. Pourquoi l'on 
est taciturne dans sa (kmiUe, 65,«. 
Celui qui ne sait que parler est sou- 
Yont dans l'embarras, tOO,s. 

pÂaMÉmon, 3,f, note. 

Parole» Celui qui la donne légèrement 
y manque de même, 440. V. Élo- 
quence. 

Pariù Celui qu'il est plus facile de 
former, 38S, ou de détruire, 383. 

Parlieuliers (les) négocient, comme 
les rois et les peuples, 400. Leurs 
procès durent quelquefois plus que 
les querelles des nations, 161, note. 

Pascal. Souffre et s'irrite des faiblesses 
humaines, xxii. Ses pensées citées 
73, 76. Explication d'une do ses 
Maximes, 81. Imitation de samaniù- 
ra, 220. Est mal Jugé par Voltaire, 
266, 260, note. Sa profondeur, 260. 
-Comparé àLa Rochefoucauld, xxxti, 
à Bossuct, 260, à Montaigne, 275. 
On voudrait penser comme lui, 270. 
Jugé par Despréaux vi Vauvoiiar- 
gues, 273. Son éloge, 274. Vivacité 
(le son esprit, 354. Son imagination, 



411. Son dialogue avec Fénelon. 
18,1. Mentionné, ix, x, xxu, xxxii, 
noie, xxxvi, xxxvii, 33, note, 65. 
75, 76, lit, 162, 240, note, 352, 
354, 361, 302, 385, 304, note, 305. 
note, 414« note, 415, noie, 448, 
note, 457, 486, 400, note, 403, 11^^ 
note, 56,s, noie, 65,*, 76,s, l31,s, 
138,<, 212^, 213 A 254^, 260,s. 

PoisUms. L'éloquence se .joue d'elfes, 
10. Rendent l'homme sérieux, 24. 
Sur leur essence, 27. S'opposent les 
unes aux autres, 48. Instinct qui 
leur est supérieur, 60. Comment il 
faut les Juger, 04. Sont amorties 
par le travail, 174. Percent toujours 
le voile dont on les couvre, 303. Il y 
en a peu de constantes, 377. Pour- 
quoi elles font plus de fautes que le 
jugement, 386. Leurs avantagn, 
380. Fertilisent l'esprit, 300, note. 
Se règlent ordinairement sur nos 
besoins, 418. Se tempèrent avec 
l'âge, 422. Naissent de la vanité, 
427. Sont insatiables^ ibid. Sont au- 
tant de chemins ouverts pour aller 
aux hommes, 445. Plus on eo a de 
prépondérantes, moins on eai pn>> 
pre à primer, eo quelque genre que 
ce soit, 456. Quelles sont lea plus 
vives, 477. Quelle est la dernière et 
la plus absolue, 470. L'intérêt d'une 
seule maîtrise toutes les autres, 
483. Elles nous dominent tour à 
tour, 484. Nous séparent quelque- 
fois de la société, 485. Le silence et 
la réflexion les épuisent, 402. Celles 
d'un grand orateur doivent être vé- 
hémentes, 11, s. Dépendent beau- 
coup de nos vues, 177, s. 

Patienee (la) est l'art d'espérer, 404. 
* Peut tout obtenir, 480. 

Patsu (Olivier), 352. 

Paix (saint), xxxii,*208, 217. 

PAtL-EHILE, 360. 



ALPHABÉTIQUE. 



353 



Paouiib, personnage de la tragédie de Pensée (la) doit ôtre claire et concise ; 
Polyeaete, »52^ e>le s'énerve dans le fatras du Un- 

gage, 137^. 

Paum-e (le) est occupé de ses besoins, 
451. Le pauvre et le riche se sont Pensées. Toutes sont morteUes, »ft, 
rencontrés; le Seigneur a fait Tun 433. Marque pour les faire rejeter. 



et l'autre, 171. 

Pauvreté (la) apporte moins d'erreurs 
qae l'opulence, 151. Ne rend pas 
les hommes meilleurs, 381 . Fait plus 
d'opprobres que le vice, 434. Hu- 
milie les hommes jusqu'à les faire 
rougir de leurs vertus, ibid. Ne peut 
avilir les &mes fortes, 455. Ceux 
qui échappent à ses misères, n'é- 
chappent pas à celles de l'orgueil, 
450. 

Paysans (les) aiment leurs hameaux, 
433. 

Péché onçinel, 211, 213, 214, note. 

Pécheur à la ligne, 37. 

Pbcqcbt, auteur de l'art de négocier, 
'406, note. 

Pédant, 100. Ceux qu'on appelait 
ainsi autrefois, 436, 462.. 

Pdmres. Ne doivent pas charger la 
nature, 436. 

Peintures. Pourquoi les petites sont 
plus estimées que les grandes, 440. 
Toute peinture vraie nous charme, 
40!L 

PEiaESC. Saint-Vincens élève un mo- 



374. La clarté orne les pensées pro- 
fondes, ibid. On n'approfondît pas 
celles des autres, 375. Celles qui 
. intéressent . peu de personnes sont 
peu applaudies 4 375. Les grandes 
pensées viennent du cœur, 386, iii,f. 
Celle de la mort nous fait oublier de 
vivre, 388. Ce qu'on appelle une 
pensée brillante, 400. Toute pensée, 
est neuve, quand l'auteur l'exprime 
d'une manière qui est à lui, 435. 
Le faux absolu se rencontre rare- 
ment dans les pensées, 444. H y en 
a peu d'exactes, 447. La netteté leur 
tient lieu de preuves, 475.' Com- 
ment savoir si une pensée est nou- 
velle, 476. Il y en a peu de synony- 
mes, ibid. Quand elles sont fausses,. 
ibid. Comment on les tourne, 483. 
Si les grandes pensées nous trom- 
pent, elles nous amusent, ibid. 

Penser, On parle et l'on écrit rare- 
ment comme l'on pense, 451. Nous, 
ne pensons pas si bien que nous 
agissons, 451, &50. Nécessité de 
penser, 475. Le bien penser est la 
source du bien écrire, 36,«, note. 
L'homme qui pense le mieux n'ob- 
tient pas toujours justice, 100,«. 



Doment à sa mémoire, 116,s, note, .pépin (M.), 04,«, 132.«. Anecdotes qui 
PBLLWjaiN O'abW), 426. . 
Pellisson, 352. 

PénéiriUion M diffère de la vivacité, 
5. Est une qualité attachée comme 
,« autres à notre organisation ^,^^^.^^^ ^^^^ ^^^ 

tK fup ba manifeste en raison de ' ' ^ ' „ . 
15. BUC se mfniie.ve suffrages, 302, 408. Est incommu- 
retendue dç 1 espnt, 14. Diffère du ^^^^ 
jugement, 106. Quand nous en man- 
quons, 415. N'est pas une venu de Perfidie. Est une infidélité couverte 
tous les moments, 467. ft criminelle, 61. 

* 25 



le concernent 1Q5,#, 100,9. 

Père, Son amour pour ses enfants, 
37. Ingratitude de ces derniers, 301 . 

. Comment il devrait les élever, 428, 
420. 



SM 



INDEX 



Perplexité, Est une iiréaolation in- 
quiète, 61. 

Pemuuion, Est impossible sans la 
conviction, 384, 0,*. Il y a des es- 
prits qu'on ne persaade qa'en c6- 
dant, 100,s. 

Perte. On ne reio^tc pas celle de tous 
reuY qu'on aime, 660. Comment on 
ressent celle d'une CBnune aimée, 
601. 

Pesanteur de rejpnl, 35. Portrait d'un 
homme pesant, 310. 

.Petitesu. Est une source de vices, 50. 
Ce qui prouve celle de l'esprit, 
378. 

Peuple (le) souffre toujours de la gloire 
des conquérants, 601. PTa pa^ les 
mêmes vertus ni les mêmes vices 
que les grand», 618. Ceux qui ne 
croient pas en être, 621. Comprend 
trifs-peu ce qu'il croit, 630. Les 
grands ne le connaissent pas, 644, 
670. Respecte les dons de la fortune, 
653. 

Peuples 6ar6<ire9.Nous ne sommes pas 
plus vertueux ni plus lieureux; 
mais nous nous croyons beaucoup 
plus ssges qu'eux, 667. 

Peur (la) est un témoignage de fai- 
blesse, 55. Cf) qui la fait naître, 668, 
602. 

Pbzai (marquis de), 368,s. 

Phalante ou le Scélérat^ 302, 303. 

Phébuê. Ce qu'on entend par ce mot 
dans le langage, 10. 

Phèdre^ tragédie de Racine, 252,.<r. 

Phérêdde^ ou VAmhititm trompée^ 
300. 

Philippe, roi de Macédoine, 3,s, note. 

Philippe h, roi d'Espagna Son Dialo- 
gue avec Philippe deComines, 27,«. 



Philippe D'OtLiAics, régent. N'adnet- 
tait ni vices ni vertus, 20St>, 207,<, 
308,t. Son caractère, 209,«. 

Philotophetu Les anciens opposés u% 
modernes, 163. Leur vanité, 333. 
Des faux philosophes, 388, 615. Ce 
qui en fait le plus, 610. Sur cea\ 
qid se croient philosophes, 631. 
Comparés aux politiques, 637. Ont 
quelquefois nié les choses les plas 
claires, 660. Gonuient ils plaissn- 
tent, 650. Leur caractère, 666. h^ 
grands philosophes sont les génirs 
de la raison, 675. Pourquoi on les 
goûte médiocrement, 683. Ensei- 
gnement des anciens, 63,s. Se dé- 
crient eux-mêmes, 71, s. 

Philosophie. Quelle est la plus fausse 
de toutes, 388. Elle a ses modev, 
600. De ceux qui l'affectent, 666. 
Plan d'un livre de philosophie « 
60.x. 

Philotas, 3,1, note. 

Phocas^ ou la Fausse singuiarité, 
313. 

Physionomie (la) est l'expression du 
caractère et celle do tempérament, 
63. 

Physique. Réflexions sur la physique, 
110. En quoi elle est incertaine, 
111. 

Pièces de théâtre. Comment il faut les 
juger, 685. 

PlNDARB, 357, 368, note, 370, 380. 

note. 

PiOLBNc (le chevalier de). Note sur sa 
famille, 136,«. 

Pfffofi, ou rfmperiineni^ 203. 

Pitié (la) est un sentiment mêlé de 
tristesse et d'amour, 63. Ne pas 
compter sur celle des autres, 03. 
Suit l'amour, 301. Est moins tendre 
que lui, 683. 



ALPHABÉTIQUE. 355 

Pkites. Gem qui en lont dignes, 382, Plotakqob, 343, 103,«, 103,s, iOO,f. 

470, 471. Les grandes instruisent n z^ tt i. ^ •. a. ^ vi 

' ^ ,^ , .^ Poème. Un poème doit ôtre un tableau 

pramptement les grands espnts, • ^ . ^j , 

^.«.j^w . . vrai et passionné delà nature, 464. 
iim, 453, et dispensent quelque- 
fois des moindres talents, ibid. S*il Poésie (la). Son Yéritable objet, 370. 
y a du mérite à les négliger, il y Réflexions sur la poésie, 381. Est 
en a encore plus à les bien remplir, incompatible avec Tesprit des affai- 
483. Ce qu'elles ont de plus utile, res, 410. On trouve beaucoup de 
488. versificateurs, et peu de poètes, 
Ptefre. L^art de plaire est Part de «5. Ne consiste pas seulement dans 
tromper, 433. L'esprit ne suffit pas »* ™°«' ^.J^' ^J*'':^^'' ^ "" 
pour plaire, 485. "^^"^' •^•^ ^ déflmUon, 30,*. 

Plawtntene. Celle des philosophes est ^^^- Q"*»**^ ^«'i»* ^^^^"^^ »^o'f' 
si mesui^e, qu'on ne la disUngue ^1. Réflexions critiques sur quel- 
pas de la raison, 450. Une petite H"®* ^^^ 233. Racine en a été le 
peut abattre une grande présomp- P*^» éloquent, 340. Leur défaut or- 
tion, 470. Ne persuade jamais, 486. ^*n"'«' ^70. But des poètes tragi- 
ques, 408. Se servent tous des ex- 

Plaiumts. Peu d'hommes sont très- p«»8sionsde Racine, 435. Prétention 

plaisants, 306, Il y a des plaisants des mauvais poètes, 483. Qu'est-ce 

de génie, mais en petit nombre, qu'un grand poète? 34,<. 
t6](f, note. Leurs meilleures saillies 

ne Talent pas toujonm celles de P~""*' •^*«^''. ^^ l'^P^'*' ^53. 

l'ivresse, 450. Sont insipides, 460. Poisson (mademoiselle). V. Pompa- 

Plainr. Nous l'éprouvons en naissant, ''^"** 

37. Est le prix du travail, 131, 304. Polidore, ou l'Homme faible, 330. 

N'est pas inconciliable avec la vertu ^ ,. „ , ... 

« Ugloire, m. Est né .vec 1. na- ^"''Til'L*"' * .'""^ "^ 

,^. * o • * ciété, 06. Qu est-ce que la nôtre? 

ture,161, note. Ses impressions sont k 

plus pénétrantes que le parfum d'une 

fleur qu'on vient de cueillir, 303. Politique (la). En quoi elle consiste, 

Quel est celui des &mcs vaines, 415, 3. Ses eflfets, 418, 437, 441. Son 

note, 451. utilité, 480. 

Plainn, Nous épuisent quand nous Polrti^ii«s(les).Connaissent mieux les 

croyons les avoir épuisés, 304. Gom- hommes que les philosophes, 437. 
ment il faut Jouir des véritables, 

400, note. Ceux qu'il faut éviter, Po-""^"'^ (°>»d*«e *»«), 166, note, 

450. Quels sont les plus vifs plaisirs *^- ^" «P'"'^'» «"'' les Mirabeau, 

de l'&me, 451. Discours sur les plai- ^''^''' 

sirs, 138. Pompée, 137. 

Plan d^un livre de philosophie, 60,«. Pompée, tragédie de Corneille, 343, 

Platon. Son dialogue avec Denys le ^^^' 

tyran, 58,s, cité, 61, s, note. Popb, l,i, note. 

Pluralité des mondes (la), par Fonte- Portaus (le comte). Sa statue à Aix, 

nelle, 376. 330,«. 



356 INDEX 

Portugais. Dialogue entre uq Portu- Preuves, Doivent être faites sans di- 

gaiset un Américain, 3^,«. gresaions, 397, note. 

Posteuiian (la) est le aeul titre des P»*vost (l'abbé), 339. 

choses humaines, 429. PnEvosT-PAEADOL, vi. Ses leçons sur 

Poulets sacrés, 421. Vauvenaigues, 208, note, 220, note. 

Pourceaugnae, comédie de Molière, Prévoyance, Ne peut rendre notre vie 



158. 

Poussin (Nicolas), 360. 

Pouvoir (le). D'où il tire sa force et 
_ son utilité, 453. 

Port-Royal, 208. 

Pradon, 1,s, note. 

Prague. Sur le climat de cette ville, 
145, note. Prise d'assaut, en 1741, 
ibùl, 

Prat (madame hv). Ce quelle dit à 
M. de Villars, 107,«. 

Préceptes. Corrigent peu, 109. Nous 
en avons d'assez bons, mais peu de 
bons maîtres, 458. 

Préfaces. Leur inutilité, 460, 474. 

Préférences. Pouvons-nous les expli- 
quer? 464. 

Pr^ugés.Ce qui nous y rend dociles, 
. 491. 

Présence éTesprit (la) est une aptitude 
à profiter des occasions pour parler 
ou pour agir, 25. Est plus néces- 
saire à un négociateur qu'à un mi- 
nistre, 453. 

Présomption. Quand on peut la sup- 



heureuse, 388. 

Prière (la) a été enseignée par J.-€., 
204. Sur celle qu'a composée Vaove- 
nargues, 228, 230. 

Princes. Les plaisirs leur apprennent 
à se familiariser avec les hommes, 
378. Pourquoi ils font beaucoup d'in- 
grats, 392. Comment ils reçoivent 
la cour qu'on leur fi^t, 402. Conseil 
timide que leur donne Fénelon; 490. 
Ils doivent avoir les yertus d*an 
roi, et les faiblesses d'un particulier, 
431. Affectent toutes les formalités 
de la justice pour mieux la Tîoler, 
459. Comment ils devraiont être 
élevés, 470, 471, 5,4. 

Princesse de Navarre (la) , opéra de 
Voltaire. Sur la composition de 
cette pièce, et sur son succès, 274%«, 
294,*. 

Principes. Il n'en existe pas sans con- 
tradiction, 2. Les prouve-t-on 7 ibid. 
Nécessité de les bien manier, 25. 
Principe de notre estime, 44. Leur 
certitude, 68. La corruption des 
principes est cause de celle des 
mœurs, 169. Les vieux principes de 
la philosophie, 62,«. 



porter, 16. C'est une confiance aveu- prohité (la) est un attachement à tou- 



gle dans nos forcer, di. Comment 
on l'abat, 479, 81,«. 

Présomptueux (\e). L'espérance le 
leurre, 375. 



tes les vertus civiles, 60. n en faut 
dans les plaisirs comme dans les 
affaires, 378. Ne s'achète pas, ibid. 
Est un moyen de réussir pour les 
habiles, 383. 



Prétentions. Les hommes en ont de 

grandes et de petits projets, 382. Procès. Ceux des particuliers dorent 

On ne laisse paraître que rell<^ qui quelquefois plus que les quereller 

peuvent réussir, 452. des nations, 161, note. 



ALPHABÉTIQUE. 



357 



Proches. On n*«st pas toujours si in- 
juste envers ses ennemis qu'avec 
ses proches, 482. 

PaoDicos, orateur grec, 8,«, note. 

ProdigalUé, C'est ainsi qu'on appelle 
la libérâlité de l'indigent, 478. 

ProductioM de l'esprit. Comment on 
les jnge, 17, 306. 

Profesnans. On les prend au hasard. 



peuples, 376. Illumine la prudence, 
441. N'est qu'un écueil pour )es 
Ames faibles, hhyS» 

Protection. Celle dès femmes est in- 
Ikillible, 00. Les grands la vendent 
trop cher, 440. 

Providence. Sa sagesse, 171, 176. 
Nous l'accusons sans cesse, 178. 
L'excès des misères prouve-t-il son 
injustice? 170, 218. 



00. Il faut savoir abandonner celles Provinciaux. Pourquoi leurs défauts 

qu'on ne peut remplir, 126. Voyex sont supérieurs à leurs bonnes qua- 

Plaees. lités, 151,«. 

Profondeur. Le caractère de la pro- Prudence (la) est une prévoyance rai- 



sonnable, 62. Ses fruits sont Ur- 
difs, 375. Fait moins de fortunes 
que l'activité, 303. Les vertus ré- 
gnent plus glorieusement qu'elle, 
430. La prospérité l'illumine, 441. 
L'intérôt est sa règle, ibid. 



fondeur est le terme delà réflexion, 
11. Portrait d'un esprit profond, 
332. La clarté orne les pensées pro- 
fondes, 374. 

« 

Profusion (la) est une générosité mal 

placée, 60. Celle qui est utile, 378. 

Fait inoinsde dupesque l'économie. Public (le). Quand ses Jugemfipto de- 

478. Avilit ceux qu'elle n'illustre viennent infaillibles, 17. Son goût 

pas, ibid, insatiable pourles nouveautés et les 

_ . . » t r ^ bagatelles, 00. 

Projets. On n'a pas toujours la force ^ 

ni les occasions de les exécuter, Pudetar (la) est un sentiment de la 

410. Il faut savoir en prévenir les difformité du vice, 62. 

difficultés, 470. Pureté (la). Qualité essentielle de 

Promesses. On promet beaucoup, pour Toratour, 10,». 

se dispenser de donner peu, 470. Ce p^^^^^^ jioins on l'est, plus on peut 

qui anéantit celles de la vanité, «.«metlre des fautes impunément. 



480. 

Proie (la) méprisée par les versifica- 
teurs, 483. 

Prospérité (la) fait peu d'amis, 373. 
N'est pas durable, ibid. Celle des 
mauvais rois ruine la liberté des 



commettre des fautes impunément. 
404. 

Pyrrhonisme (sur le\ 63. 356, note. 
Il sape par le fondement toutes les 
sciences, 153, note. Quels sont les 
hommes qui s'y rangent, 430. Est né 
de l'impuissance de l'esprit, 70,x. 



358 



INDEX 



Q 



Qualité», Celles do cœur, unieB à Qduiaclt. Râleiions critiques sar 

celles de Fesprit, forment le génie, ouvrages, 353. Son éloge, 426. Son 

31. Sur celles qui sont nécessaires à nom cité, 361. 
l'orateur, 11^, 15,s, 38,s, 

Querellée. Le peuple en vient aux QwwaoNAS (le chevalier de). NoUce, 

mains pour peu de <^ose, 463. Celles * * "^ «*i W0,«. 
des nations sont moins durables que 

les procès des particuliers, 161. Qi;ixtilien, 61, s, note. 



R 



Racirb. a imité les Grecs et Virgile, 
33. Obligation qu'il avait à Mo- 
Tiëre, 105. Lui est comparé, 337, 
336, et lui esl supérieur comme 
poète, 338. Est également supé- 
rieur à Boileau, 307. Biis en paral- 
lèle avec Corneille, 330 et suiv., 
34S,s, et suiv, 353,«, 354,«. Est le 
seul de son temps qui ait fait des 
caractères, 366. Jugement qu'en 
porte Vauvenargues, 243,s. N'est 
pas sans défaut, 344,s. Est cri- 
tiqué par Voltaire, 366. L'abbé 
d'Olivet a compté ses fautes, 355. 
Son éloge, 353, 406, 413. Ne se ré- 
pète Jamais, 435. Son dialogue avec 
Boesuet, 36,«. Son nom cité, xiii, 
xxMi, 367, 403, 35,«, note, 4l,t, 
note, 166,«. 

Raillerie (la). Naît d'un mépris con- 
tent, 46. Est répreuve de l'amour- 
propre, 460. 

Raimm (la). Est un don de la nature, 
53. Quoique débile, elle sauve l'hom- 
me de bien des erreurs, 104. Le 
courage a plus de ressourcesqu'elle, 
375. Est incompatible avec la fai- 



blesse, 376. Elle ne peut réparer 
tous les vices de la nature, ibid. 
Elle rougit des penchants dont elle 
ne peut rendre compte, 377. Elle 
nous trompe plus souvent qœ la 
nature, 385, 177,f, note. Elle ne 
connaît pas les intérêts do cœur, 
385. Ce qui nous la donne, 386. 
Le sentiment la supplée, 380. 
Les passions nous ont appris la 
raison, t6t<f. Elle modère moins de 
peines que la nécessité, 404. Elle se 
perfectionne sans agrandir les qua- 
lités du c«Bur, 400, note. Ce qui lui 
fait perdre son lustre et le mérite 
de la nouveauté, 430. On ne peut 
en avoir beaucoup et peu d'esprit, 
458. Elle fait des philosophes, 487. 
Le faux esprit ne paraît qu'à ses 
dépens, 480. Ne doit pas régler, 
mais suppléer la vertu, 481. L'ex- 
périence que nous avons de ses 
bornes euvre l'esprit à la peur, 
401. Les images l'embellisBent, et 
le sentiment la persuade, 403. Sa 
définition, S4,f, S5,f. Elle est tou- 
jours la production de la nature la 
plus forte et la plus heureuse, 177,<. 



ALPHABÉTIQUE. 



350 



Ration d^éire. Tout a sa raison d'être, 

ft28. 
Rameau, muncion, 353. 
Raphaël, peintre, 360, 369. 

Ravaillac, assamin d'Henri IV. L'é- 
nonnité de son crime n'a servi qu'à 
le rendre plus inràme, 82,». 

Rechutes. Les nôtres nous conster- 
nent, 404. 

Reconnaissance, Ce qui la fait naître, 
46. 

Réflexion (la) est le grand, principe 
du raisonnement, dujugement, etc., 
6. Passions qu'elle engendre, 28. 
Elle les épuise, 492. Son insuffi- 
sance, 389. Le sentiment la précède 
et l'instruit, 390. Elle sert à recti- 
fier les écarts du génie, 16,s. 

Réilexions (les). Elles nous fuient ou 
nous obsèdent, selon que nous les 
appelons on Toulons les chasser, 
484. Comment elles peuvent être 
utiles aux autres, 487. 

Réformation. Sur celle des mœurs et 
des coutumes, 442. 

Règles (les). Paraissent inutiles en lit- 
térature, 284. Celles du théâtre ne 
sont exécutées que faiblement, 485. 
Sont utiles pour conjurer les écarts 
du génie, i6,«. 

Regret, En quoi il consiste, A6. Ce qui 
le distingue du repentir, ibid. On 
ne regrette pas la perte de tous 
ceux qu'on aime, 449, 491. 

Religion, En quoi elle consiste, 3. 
Elle répare le vice des choses 
humaines, 50, et établit la vertu, 
56. Sur ceux qui l'attaquent, 132. 
Ce qui distingue la reli^on chré- 
tienne du stoïcisme, 221. Elle a 
rendu les Juifs odieux parmi les 
peuples, 222. Elle est la consolation 
des misérables, et la terreur des 



heureux, 421, 146,s. Celle des Ro- 
mains ne s'offensait pas des temples 
élevés par les empereurs à leurs 
amis, 432. Elle borne l'ambition, 
453. Sur ceux qui la respectent et 
sur ceux qui la méprisent, 4S6. 
Elle fournit de grandes ressources 
contre la mort, 146,«. Vauveu ar- 
gues n'a Jamais été contre elle, 
XXXVI, 232, 154,s. 

RéHORD DE SAiNT-HAan, 355. 

Remords. Ce qui le fait naître, 46. 

Remplissage, Quelle est la tragédie 
sans remplissage? 181, 279,<. Est , 
la ressource des écrivains sans gé- 
nie, 277. 

Remadd, conjuré. Son dialogue avec 
Jaffier, 55,«. 

Renouabd, libraire à Paris, 230, note. 

Rentes viagères. S'il faut s'en faire, 
478. 

Repentir. Ce qui le distingue du re- 
mords et du regret, 46. 

Repos (le) est le prix du travail, 131. 

République, One république sage de- 
vrait ôtre celle des lettres; pour- 
quoi 7 .468. 

Réputation. Commenton diminue celle 
de son esprit, 406. On la risque iné- 
vitablement en osant de grandes 
choses, 452. Les réputations mal 
acquises se changent en mépris, 
476. C'est la fortune qui la fait , et 
c'est le mérite qui la donne, 477. 
Elle impose au vulgaire, 485, 128,«. 

Respect (le). C'est le sentiment de la 
supériorité d'autrui, 44. Comment 
on s'attire celui du monde, 466. Le 
respect affaiblit l'amitié, 31, «. 

Respect de$ /o», 429. 

Ressource. Quelle est celle des mau- 
vais écrivains, 277 . 



MO 



INDEX 



Rm (cardinal de), 73, note, 78, 108, Roâogune^ tragMie de Gonieille, 306, 
118. 253,s. 



Riche (le). Avantages qa'll pmeède, 
378. Le désordre des malheureux 
est toi^ours le crime de sa dureté, 
307. La vanité est son premier in- 
térêt et son premier plaisir, 451. 

RicBBLiBO (cardinal de), notice, 7,s. 
Ses controverses et son testament 

. politique, 108. Préféré à MUton , 
271, note. Son éloge, 460. Sa poli- 
tique, 3d,f . Ses dialogues avec Cor- 
neille, 40,s; avec Mszario, 42,jr; 
avec Féodon, 44«t. Son nom cité, 
XVI, 77^ 85, 132, 185, 186, note, 
250, 271, note, 360, 41,«t note, 
120,«, note. 

AiCBEUBO (duc de), 107,«. 

RiCRBiiORT (Anne de) , connétable de 
Bretagne, sous Charles VIL Son 
caractère, 185,t. 

Richestes, Discours sur leur inégalité, 
171. La libéralité en augmente le 
prix ; la vertu en est une, 378, note. 
Ne peuvent élever les âmes basses, 
455. 

Ridicules. Ce qui les fait naître, 452, 
427. Quand l'éloquence devient ri- 
dicule, 12,s. Des ridicules propres 
an théAtre, 274,<. 

Rieur (le), 314. Vauvenargues n'ai- 
mait pas les rieurs, xxvii. 

RiGAULT (M.), professeur au Collège 
de France, 34,f , note. 

Risse (M. de), officier au régiment 
d*infanterie du Roi, 140,«. 

RocuarosT (comtesse de). Extrait 
d'une lettre que lui adresse le 
marquis de Mirabeau, 87,«, note. 

RocniBiuftaB, de la bibliothèque 
Sainte-Geneviève, ii, note. 



Roi. La prospérité d'un mauvais roi 
devient fatale à ses peuples, 376. 
Un roi ne doit pas se piquer d'élo- 
quence, 428. La magnanimité est 
l'esprit des rois, 430. Un grand roi 
ne craint pas ses sujets, iM, 6,i. 
Il les aime, 431. Pourquoi Ils n'em- 
ploient pas les gnuads écrivains, 
ifrfd. Ce que l'on doit aux mauvab 
rois, 473. Les regards alTables or- 
nent le visage des rois, 476. 

ROLLIN, 352, 467. 

Romaini. Us honoraient la gloire, 136, 
447. Négligeaient le commerce, 157. 
Sur leur culte, ibid. Ne se battaient 
pas en duel, 160. Étaient on peuple 
raisonneur et éclairé, 160. En quoi 
les Italiens d'ai^ourd'hui en diffè- 
rent, 167. Leur décadence, iM., 
170. Leur caractère, 243. Sar leurs 
conquêtes, 480. 

Romans (réflexions sur les), 70. Poa^ 
quoi ils sont promptement oubliés. 
245. La Rochefoucauld leur em- 
prunte le ton de quelques-unes de 
ses maximes, 80,t. 

RoTTEMBOuac , général prussien , 351. 

RooABD, bibliothécaire de la ville 
d'Aix, II, note, vu. 

RoussBSO (J.-B.) a imité Marot, 22. 
Réflexions sur ses ouvrages, 255 , 
262, 270, 461, 244,f, 245,«. Sim- 
plicité et richesse de sa poésie; 
n'avait cependant ni chaleur ni en- 
thousiasme, 280, mentionné xvi, 
XXVI, 157, 334, 364,365. 

RotissEAU (J.-J.) réfuté d'avance par 
Vauvenargues, xxiii. Il pleurait de 
Joie à la lecture de Plntarque, 103,1, 
note. Son nom cité xxix, xxxnr, 77, 
note, 387, note, 415, note, 463, 



ALPHABÉTIQUE. 361 

note, 4«7, note, 27,», note, 35,», Roy (Pieire-Cli tries), notice, 28«,». 

RoiANB, personnage de la tragédie de 



note. 
RoD»-ALPHBaAfi, m,». 



Baja%ei, 261, 267. 



S 



SaMmt (le). On n'y croit plus, 152. 

Sablé (madame de), xxxii. 

Sadb (le chevalier de), oncle du fa- 
meux marquis, 140,». 

Sagaeiii. Sur ceux qui en manquent, 
440. Si elle est fondée sur la dispo- 
sition de nos organes, 79,». 

Sagei, Es se trompent souvent sur 
reflet des passions, 48. La fortune 
seule les fait, 487. Comment elle 
les humilie, 404. 

Sagesse (la) est la connaissance et 
raffection du vrai bien , 62; Elle 
rapproche toutes les conditions et 
tous les âges, 185. N'a ni la vigueur 
ni Tardeur de l'indépendance, 318. 
Est le tyran des faibles, 476. 

Saillant (madame du). Ce que lui 
écrit le marquis de Mirabeau , 
150,». 

SaiUies. Leur définition et leur ca- 
ractère, 14, 15. La galté les fait 
naître, 480. Sur celles de l'ivresse, 
459, et celles des philosophes, 480. 

Saint-Floebutik (comte de), ministre 
80U8 Louis XV. 99,». 

Saint -Gborgbs (marquis de). Son 
éloge, 102,», 103,», 104,», 114,», 
168,», 161,». 165, ». Son opinion sur 
une lettre de Vauvenargues, 171,», 
166,». 

Saint Jean, évangéliste, 252,». 

* 



Saint-Jdst, 346, note. 

Saint-Marc , frère cadet de Meyron- 
net de Saint-Marc, ami de Vauve- 
nargues, 160,», 236,». 

« 

Saint-Réal, 488, note, 55,», note, 
57,», note. 

Saint-S»on. Ce qui le rend si impi- 
toyable pour l'homme, xxi. 

Saint-Tbopbi. Son portrait, 95,». 

Saint-Vincbns (Jules Fauris de), ami 
de Vauvenargues, vi, xvii,80, note, 
92, note, lOâ, note, 149, note, 150, 
note, 227, note, 332, note, 371 , note, 
421, note. Son mariage, 105,», note, 
295,». Notice sur sa vie, 116,». Sei^ 
vice qu'il rend à Vauvenargues, iMd, 
119,». Sa maladie, 142,», 145,». Let- 
tres qui lui sont adressées, 116,», 
117,», 120,», 1 26,», 142,», 1 45,», 154,», 
158,», 195,», 204,», 213,», 223,», 
224,», 227,», 228,», 233,», 234,», 
235,», 236,», 237,», 239,», 240,», 
241,», 256,», 258,», 259,», 266,», 
267,», 270,», 271,», 283,», 28û,», 
286,«, 295,», 296,», 297,», 298,», 
299,», 300,», 301,», 302,», 303,». 

Saintb-Bbdvb (M.). Son opinion sur 
Vauvenargues, 84, 149, 346, 371, 
note. 

Sallostb, 346, note, 55,», note. 

Sang-froid (le). D'où il vient, 25. Ne 
pèse pas les choses avec les mêmes 
balances que la passion, 94. H 

26 



362 



INDEX 



discute et nMiifeiite pu, èS3, 9^ 
Ce que les hommes appellent Juger 
de saog-froid, 633. 

SanU (la) donne la tranquillité d'es- 
prit, 380. 

Satiété, Pourquoi nous disons que 
rien ne peut remplir le cœur de 
rhomme, 30&. 

Sauvages. En quoi ils différent de 
nous, 667. 

Sttvanti. Qualités qu'ils doivent avoir, 
398, 399. 

Savoir (le). Le* moraliste peut s'en 
passer, xxn. Il n'est pas indispen- 
sable, 398, 609. Savoir un peu de 
tout, c'est savoir inotilement, 398. 
11 ne prouve pas le génie, 399. 
L'esprit n'en tient pas lieu, 665. Il 
faut Juger des hommes par ce qu'ils 
savent, et par la manière dont ils 
le savent, 607. Combien il est rare, 
675. Ce qu'on sait le mieux, 682. 
Conmienton s'approprie celui d'au- 
trui,688. Celui qui a un grand sens 
sait beaucoup, ibid, 

S4XB (le maréchal de). Sa réponse à 
l'ambassadeur Hollandais au sujet 
du traité de 1765, 177, note. Gagne 
la bataille de FOntenoi, 282,«. 

Scélérat (le), 302, 303. - 

Scieneet, U n'y en a aucune qui n'ait 
on cOté utile, 2. D'où vient la pas • 
sion qu'on a pour elles, 36. Leur 
étude agrandit l'esprit, 113. La po- 
litique est la plus grande de toutes, 
637. Celle des mœurs ne donne pas 
celle des hommes, 650. De la science 
universelle. 682. 

SciPlOii (les), 130, 262, 308. 



Secret (du). JI n'en faut pas trop garder 
sur nos affaires, 386. 

Séditieux (le). Son portrait, 362.. 

SéGDT (l'abbé). SurveiHe, avec l'abbé 
Trublet, la publication des œuvres 
de Vauvenaigues (1767) i, 225, note, 
603, note. 

SénUramii^ tragédie de Voltaire, 353, 
note, 293,«. 

Sénat romain (le). Fait grâce aux com- 
plices de Catilina, 636. 

SéNicioN. Son dialogue avec Catilina, 
50,«. 

SiniEQtiB, 22, 625, 55,s, note, 193,«. 

Sénéque, ou l'Orateur de ta vertu, 
369. 

Sens (les). Sont les oiganes de nos Uens 
et de nos maux, 27. Tous las objets 
des sens nous affectent malgré nous, 
191. 

Sens commun. Tient lieu du savoir, 
688. 

Sentences (les) sont les saillies des 
philosophes, 680. 

Sentiment (le). PeutFK>n rendre rajsoir 
des matières de sentiment? 17, 18. 
Il s'assoupit dans le malheur, 381 
Supplée la raison, 389. Précède la 
réflexion, 390. Il n'y a rien contre 
lui, 628. Il ne nous est pas auspect 
de fausseté, 630. 

Sérieux (le). Ses différents caractères, 
26. La plupart des hommes naissent 
sérieux, 396. Le sérieux Impoae à 
beaucoup de gens, 667. 

Service. On en tire peu des vieillards, 
381 . On veut rendre sei^oe Jusqu'à 
ce qu'on le puisse, 382. 



SBCKBfiDoapp, général des Bavarois, Service militaire. II fait moins de foi^ 
alliés de la France en 1762, 296, tunes qu'il n'en détruit, 658. Injos- 
note, 260,». tices qui s'y commettent, tM. 



ALPHABÉTIQUE. 303 

Servitude (la) est pins onéreiue que la Sixtb-Qouit, pape, 33, t. 
guerre, 876. EUe abaisse les hom- ^^^. ^^ j^ ^^ 5^ ^ 

mes Jusqu'à s'en fane aimer, tM. hjiw«.„»«. m.««- , u. «*n^. %ui 



Ce qu'U faut faire pour Tévitor, 300. 
La moindre de toutes est celle des 
lois, A5e. 

SivJSRB, personnage de la tragédie de 
Polyeueie, 252,f. 



différentes classes : les grands, 346, 
la bourgeoisie, 348, les bas-fonds, 
340. Elle est infectée de petits dé- 
fauts, 440. Ce qui est nécessaire au 
maintien d'une société d'hommes 
faibles, 473. Du fondement de la 
société, 208,s, 209 ,«. 



Sévérité, Ce que c'est, 62. N'est pas 
utile, 434. La nécessité seule la rend Socsatb, un, 137,221, 250, 481, 



innocente, 473. Il y en a plus que 
de Justice, 482. 



61,1, note. 



Soldats^ 401^ A25. Pourquoi ils s'inci- 
tent contre ceux cbesqui ils fout la 
gnere, 435. Leur caractère, 471. 

Stmis (Hippolyte de). Sur son Étage Solidité d^esprit^ 62. 
par Vanvenargues, uni. Conseils 



SftviGNi (madame de), 102,f , 205,<, 
note. 



quiluisont adressés, 114. Son Etage y 
141. Notice sur sa ?ie, îM, note. 

S'GaavuAiiDB. Son traité des syllo- 
gismes cité, 65. 



Solitude (la) est nécessaire au mora- 
liste, uix* Elle tente puissamment 
la chasteté, 442. Elle est à l'esprit 
ce que la diète est au corps, ixx, 
442. 



SiUKf9ffA»c,159« 189,408, note, 486. Sommet/. Est l'image de la mort, 

SiêcJM. Sur le caractère des diflérenle ^^' 
siècles, 151. Comparés au nôtre ^ 5op^ (le), roman de Crébillon flis. 



156. Sur les mœurs du siècle, 165. 
Les siècles savants ne l'emportent 
guère aor les Aoipes, M6. Devraient 
être comparés entre e«x, 73,t. 

Silence (le). Joint à la réflexion, épuise 
les passions, 402. 

SmuM (madame de), 205,«, note. 

SiMéoN (Joseph-Jérôme). Comte et pair 
de France. Sa statue à Aix, 220,f , 
note. 

Simplicité (la) nous présente l'image 
de la vérité et de la liberté, 60. 
C'est la perfection de l'esprit na- 
turel, 82. Son éloge, 107. Elle délasse 
des grandes occupations, 447. 

Sincérité. Ce que c'est, 60. Difficulté 
de la pratiquer, 402. 

Singularité. Portrait de ta fausse, 312. 



354. 

Sophistes, Leurs défauts, 412. Ce qu'ils 
valent, 415. Florissaient déjà au 
temps de Démosthènes, 9^. 

Sophocle, 236. 

Sorciers, On n'y croit plus, 152. 

Sots (les). Pourquoi ils possèdent l'e^ 
prit du Jeu, 26, 36. Ne compren- 
nent pas les gens d'esprit, et croient 
pouvoir les duper, 370. Se piquent 
d'avoir de l'esprit, 380. Ne sont pas 
sots par leur faute, 301. Sur ceux 
qui out de la mémoire, 308. Pont 
diète en bonne compagnie, 405. 
Sont comme le peuple, qui se croit 
riche de peu , Und, Causes de leur 
ignorance, 420. Leurs louanges sont 
toujours ridicules, 443. Ce qu'ils 
pensent de Ja foésie, 463. Quel «st 



364 INDEX 

le plus sot de tous les hommes, Suecenion. D*où les enfants tiennent 

ibid. Portrait do sot glorieux, 351. leurs droits à celle de leur père. 

Spectateur (le). Journal, 300,s. ^^'* 

Speetaieun. Ce quMl faut pour cap- Scétohb, 243. 

tiver leur aUention, 468. Suffisance (la) se rencontre plus paiti- 

SpéculoiUm abitraites. Leur inuti- cuUèrement dans les grandes villes, 

lité, 406. *^- 

Spinoxa, XXIX, 208, 302. Sujétion de l'esprit de Thomme, 75. 

STAiiiSLAs-LEcxiiisti, roi de Pologne, ^*«^^ ^^' ''^'^' ^«**'* ^"^ *'«^ **^ 

140, note, 170, note, 187, note. P*"* ^« 8*>^' ^"« ^ P™^ ~ »» 

reçoivent, 402. Ne sont point à 

SUMtme.Ce qui ledistingne du chris- craindre pour un bon roi, 430, 0,«. 

tianisme, 221. 

Sully. Son éloge, 185. 

Stupidité pa). Cache la mort sans ^ « . . ,. 

triompher d'eUe. 484. SuperHe^U .hommes), 18. 

StyU. Sur celui de VauTenargua, ^'«^«ion. En quoi elle est excusa- 

xxviL Sur rexpression dans le style, "**' ^^^' Comment Fontenelle eo 

2g . parle, 276. Elle a ses enthousiastes, 

480. 
SoAan, membre de la commission 

chargée par TAcadémie de lexamen ^^'^^'^^ Sa déOniUon, 46. 

. des ouTragts de Vauvenargues, il Sylla, 105, 137, 240, 258, 315, 343. 

En publie une nouvelle édition, l « .. . <« . . - . 

Se. note. Mnt conservée, dtn. U Sympolhu. Ce qm U f»t nalm. ». 

présente édition, vu, iii,f. Attribue Synonyme*. H y a peu de pensées qui 

la composition delà Prière de Vau- le soient, 470. 

ven>rBaes à un défl, 831. ^^^^^ ^ ^ „,,^^ ^^^^^^^^ „ ^ 

Sublime (le). Ce que c'est, 18. être dérangé, 457. 



T 



TAcm, 54t«t note. ture en a ébauché beaucoup qu'elle 

TaUnU. Pourquoi le. talonis wé- "'» »** ^^ «nir. 436. D y en . 

diocre. fout plu» tôt fortune. 0». "» •>"« ** «^"f '<•«"»«' *»• 

Le. talent, ne wnt pa. donné, à *''"•' f »' f" «""^ '««•»*»- 

UMM. 133. Il faut M couMler de •"** ^^ ««^f»»»- ?>»«., iW. 

n'en point avoir, 380. II. wnt no. f '«<^ ?»'"» ?«««"«» . 47». 

plu. Sun protecteurs. 38î. Du ta- ^^ *^'""*' *«"• 

lent médiocre n'enip«cbe pa. une Tanvrède, opéra. 353. 
grande fortune; mai. il ne la pro- 
cura ni ne la mente, 432. La na- Tasse (Le). 34.«. 



ALPHABÉTIQUE. 



986 



Tèlémaque, de Fénelon, 266, 273, 285, Timogène, ou la Faune mçukarité^ 

18,4. 312, note. 

Témérité (la) est une valeur hon de Timidité, Le sérieux d*un homme ti- 

sa place, 69. mide n*a presque Jamais de main- 

Tempérammi. La physionomie en est f''\^^' Comparée à la honte, 46. 

rexpresaion, 42. C'est la nature ^ «convénients dans l'exécution 

qui le donne, 52. Un tempérament ^®* projets, 47«. 

robuste a bien des inconvénients, Tirynthiens (les) consultent l'oracle 

^A7,j. pour s'empêcher de rire dans les 

Tempérance (la) est la modération déUbérations pubUquee, 425. 

dans les plaisirs, 61. Tns-LivB, 243, 346, note. ' 

TmPLE (le chevaUer), 108. titwh Oe), peintre, 253,*. 

Temple du Goût [le), par Voltaire, 7Yli«. ou Mcliw/^ 318. 

40,«, note. 

_ „ , „ . . Tolérance (la). Ses bienfaits, 96, 3,». 

Temps (le). 11 en faut tout attendre « « « 

et tout craindre, 383, et surtout en Ton. Réflexions sur le ton à la mode, 

connaître le prix, 392. 100, 101. Sur ceux qui le donnent, 

TéRBNce, 237, 301, note. ' ' 

Termosiris ou le Scélérat timide, 303. Tourmeport, naturaliste, 89,j, note. 

Théâtre (le) a été créé par Corneille, Toohnelle (madame de la), maîtresse 

250. Difficultés de ses règles, 485. ^e Lo«»» XV, 186, 99,». 

rA«fcoïac(te),tragédie de Racine, 250, Tracy (Destott de), membre de la 



note, 251. 

Thémistoclb, 137. 

Tkéobalde^ ou le Grimaud^ 363. 

Théophile, ou FEsprit profond, 332. 

TnioPHRASTE. Imité par Vauvenar- 
gués, XXV, 287, 297, note. Comparé 
à La Bruyère, 287. 

Thbrsitb, 100, 291. 

Treyshard, 353. 

«p i.*j' JL o« . TVavatI (le) lasse moins que l'oisiveté, 

Troinon, arehidiacre à Sisteron. ^„ / . , . -». , 

67. Amortit les passions, 174. Le 



commission chargée par l'Académie 
de l'examen des ouvrages de Vau- 
venargues, ii. 

Traités, Sont ordinairement la loi du 
plus fort, 419, et un monument de 
la mauvaise foi des souverains, 454. 
Sont ennuyeux à lire, 489. 

Trajan, empereur romain, 221. 

Tranquillité. Celle de l'esprit n'est 
pas une preuve de la vertu, 380. 



Prête de l'argent à Vauvenargues , 
233,4. 

ThratiUey ou les Gens à la mode^ 311. 



fruit du travail est le plus doux des 
plaisirs, 131, 394. Il consume les 
humours, 492. 



Thjfeste, caractère d'un homme in- Trei%e à table^ 421. 
dtilgent, 306. 



Tibère, 49,s. 



Trivialité. Les bonnes maximes de- 
viennent triviales, 440. 



INDE1[ 



Tromper, Ceux qui teolent toujours Trcblit (l*abbé} sonreille, avec Pabbé 



tromper ne trompent point, 383, 
à 11, 10,«. Gomment on peut trom^ 
per loK plus habiles, 621, 445. Si 
Ton est bien aise d'6tre trompé par 
soi-même, 81 ,t. 

Tromperie. Rien ne peut lajustifler, 
81,«. 

Tq/phom, Garaetère d*uQ esprit borné, 
326. 

TrittetU (la) ?ient du seotiment de 
notre misère, 48* 



Séguy, ta publication des oBUTres 
de VàaTenargnes (1747), t, 225, 
note, 403, note. 

ToaraRB, 77, 85, 132, S5f , 308, 313, 
486. 

TWniiif , ou le Chef de partie 335. 

TVran. Quand on le devient, 391. 
Aucune loi ne peut le contenir, 
401. Quel est le tyran des faibles, 
476. 



U 



Uniren, Ses menreilles, 111, 218. Un Lsurpation G') s'autorise toujours de 
rien en dérange tout le qrstème, quelque loi, 437, 438. 
457. Gomment il est gouverné, 460. 



V 



VâDÉ, 286,s. 

Vai$u, Les gens vains ne peuvent 
être habiles, 488. 

Valbbllb (madame de). Sa famille, 
08,f. 

Vanité. D*où elle naît, 20, 50. G*est 
un orgueil qui s'attache à de pe- 
tites choses, 31, une hauteur hors 
de sa place, 60, et le sceau de la 
médiocrité, 73. Ge qui la caracté- 
rise, 427. Elle enfante tous les ri- 
dicules, ibid. Elle est le premier 
intérêt et le premier plaisir des ri- 
ches, 451. Elle est moins aisée à 
abattre que la vertu, 456. Ge qui 
en anéantit les promesses, 480. On 



parierait peu, si la vanité ne fai- 
sait parier, 05,s. Elle est lneo«va- 
tible avec l'héroisaie, 78,t. 

VAaiLLAS, historien, 57,«, note. 

Varuê, ou lalÀbéraUU, 321. 

Vassan (Marie-Geneviève de), femme 
du marquis de Mirabeau, 87^*, noie. 

Vaiiban, 308, 368. 

Vadvbiurgobs (Luc de Clapiers, mar- 
quis de). Sa naissance, xu, 431, 
note. Son éducation, ui. Il entie sa 
service dans le régiment du Roi, in- 
fanterie, ibid. n y entame sa for- 
tune, XIII, note, 105, 458, note. Sa 
conduite parmi ses camarades, xh 



ALPHABÉTIQUE. 



367 



ot suivantes. Quel surnom ils lui 
donnent, ibid,^ TA, note. Son ambi- 
bition, XV, n^. Son respect pour la 
gloire, XV. Son aventure dans un 
bain public, 104. Ses observations 
à Plombières, AM. Comparé au mwe^ 
quis de Mirabeau, son ami, ii,t, 80 .s, 
note. Sa liaison avec M. de Saint- 
Geoi|^, i02,«. Ce qui Ta rendu 
philosophe, 115,t. Il se Justifie de 
vivre au Jour le Jour, 123,«. Il re- 
pousse les louanges qu*on lui donne, 
lÈ&fiy 133,4. Son goût poar la lec- 
ture, 148,*. Son antipathie pour le 
Jeu et pour les femmes, 188,«. Il 
pleurait de Joie en lisant Plutarque, 
1 93,1. Son séjour à Mirabeau , 233,f . 
SeA embarras d*argent, 371, 110,f, 
236,«, 237,s, 230,«, 300,s. Ses re- 
grets sur la mort de son frère An- 
toine, 235,«. Il renonce à la carrièro 
des armes, xvi, xviii, 266,«, 207 ,«. 
Son goût pour la diplomatie, xvi. 
Ses démarches pour y obtenir un 
emploi, XVII, 48, note, 453, note, 
348,«, 261,1. Ce qui l'oblige à y re- 
noncer XIX, 42, note. Comment il 
devient écrivain, xn, 120, note. Il 
s'établit à Paris, xxi, 371, note, 
283,f. Sa liaison avec Voltaire, xxi, 
342,«. n concourt, en 1745, pour le 
prix d'éloquence proposé par TAca- 
démie française, xxiv, 183. Il veut 
reprendre du service pour défendre 
la Provence envahie, xx, 208,«. Il 
publie sa première édition de IVn- 
trodueiûm à la Connatuance de 
VBtprit Aiwiain, wtme de Réflexions 
et Maximeiy i. U prépare la seconde, 
sans pouvoir l'achever, Und, Sa 
mort, 371, note, 303,«. Anecdotes 
apocryphes sur ses derniers mo- 
ments, 230, note. Notice sur sa fa- 
mille éteinte en 1801, 160,f. Il s'est 
peint dans ses écrits, viii, xi, 84, 
note, 80, note, 143, note, 230, note, 
280, note, 201, note, 307, note, 323, 



note, 328, note, 330, note, 342, 
note, 386, note, 453, note, 483, note, 
. 47,«, note, 58,«, note. Son carac- 
tère, XII et sujv., 8, note, 205, note, 
488, noie, il3,«, note, 133,«, 164,», 
105,«, 181f«, note,10l,«, note, 104,t, 
note, 105,4, note, 305,«, 314f<, note. 
Il est aussi dédaigneux pour la pru* 
dence que pour la raison, 885, 
note, 441* note. Son atta ch ement 
pour la noblesse, 72, 430. Il ne croit 
pas à l'égalité, xxiv, 401, 451. Son 
goût pour les voyages, 333, note, 
313,«; pour la libéralité, xiii, 833, 
note. De ses idées religieuses, xxxvi, 
xxxvu, 155, note, 230, note, 420, 
note. De ses idées sur la vie fature,. 
xxxvt, 120, 134, 174, 320. H con- 
teste la liberté humaine, xxix, 308. 
Ses contradictions, vu, xxxv, 208, 
482, 177,«, note. But de ses études 
et de ses écrits, 3. Comment il se 
Justifie d'écrire, 108, 100. Pourquoi 
il étudie le monde, 113, note. Ap- 
préciation de ses divers ouvrages, 
XXII et suiv. De sa critique, xxvi. 
De son style, xxvii, 8, note. De sa 
morale, xxix et suiv. Comparé à 
Montaigne, x, à La Bruyère, xxv, 
287, à Pascal, xxxi, à La Roche- 
foucauld, XXXIII. 

Vaovenabgoes (Joseph de Clapien^ 
seigneur, puis marquis de), p^ du 
moraliste ; premier consul de la ville 
d'Aix (1720-1721). Sa conduite pen- 
dant la peste, 07,«, note, 340, note. 

Valvbnakgoes (Antoine de Ck^ien)^ 
frère du moraliste, tué en Corse, 
pendant la guerre de 1741, 160,s, 
note, 335,f , note, 340,t. 

Vauvxiiaaooes (Nicolas-Fk*ançois-Xa- 
vier de Clapiers^ dernier marquis 
de), frère du moraliste,' 180,«, note, 
335,«, note. 

Voltaire. Son amitié pour Vauve- 



368 



INDEX 



nargues, xxi. Il aollicite en sa fa- 
veur, xvni, 370,f . Ses reproches au 
sujet de la MédUaUon mr la Fm, 
uxvii. Action de VauTenargues sur 
Voltaire, iWdOn lui attribue à tort 
certaine anecdote apocryphe sur les 
derniers moments de VauTenargues, 
330. Discute avec ce dernier au su- 
Jet de Corneille et de Molière, 388, 
n<yte, 353,f, S5ft,«. Rerient souvent 
aux idées de VauTenargues après les 
avoir combattues, 345, note. Louan- 
ges qui lui sont données, 316, 363, 
ft07, 680, 168,*. Son opinion sur 
Bossuet, 376. Comment il qualifie 
la poésie, 381, S0,«. Il a fait retran- 
cher à Vauvenargues quelques-unes 
de ses plus belles maximes, 300, note. 
Ses annotations sur Vexemplmre 
d^Aix^ VI, 303,f. Sa correspondance 
dtée au sujet du duc de Villars, 
110,f. Sa critique des pensées de 
Pascal dtée, 136, t. Son opinion sur 
le marquis de Mirabeau, 173,t,note. 
Ses observations sur TÉloge du 
Jeune de Seytres, 370,«. H compose 
à l'intention de Vauvenargues l'éloge 
des ofllders morts pendant la guerre 
de 1761i t&td, note. Lettres qu'il 
adresse à Vauvenargues, 353,«, 
357,t, 370,S, 373,f, 376,«, 370,t, 
38 M, 386,S, 380,«, 200,«, 301, x, 
303,t, 306,4. Lettres qu'il en reçoit, 
36S,f, 256,s, 276,S, 278,s, 280,s, 
383,«, 203, s, 303,«. Son nom cité, i, 
V, vu, XVI, 330, note, 351, 368, 371, 
note, 373, note, 376, note, 387, 
note, 305, note, 667, m, 35a note, 
60,«, note, 307,s. 

Vrncb (le marquis de), 105,f , 386 ^ 
305,«, 306,f, 307,«, 308,S, 301,S. 
303,4. 

VcNCB (Julie de Villeneuve-j, fille du 
précédent, épouse Saint- Vincpus, 
205,«. 



Vengeanee (la) est l'ouvrage de la ré- 
flexion, 160. 

VniGKuuD. Son opinion sur Timmor- 
talité, XXXV. 

VérUé (la). Son emploi en littérature, 
1 6u Quelle en est l'expression, 60. EUe 
dispose bien la vie, 386- Rien ne Pef- 
face, 356, note. EUe peut être ma- 
tière d'erreur, 377. Canses de l'indif- 
férence qu'on montre pour elle, 630, 
70,& Sa puissance, 611- Sadurée; elle 
n'est pas si usée que le langage, 666. 
Les vérités doivent être sans cesse ré- 
pétées, 635, 67^. Comment les demi- 
philosophes en font les honneurs, 676 . 
Elle est inépuisable, 680. Respect 
que loi portaient nos pères ,'601. 
Elle est le soleil des intelligences, t6.. 
Elle est indépendante des opiniom 
et des intérêts des hommes, I8,s. 

ViBONKSB (Paul), peintre, 353,«. 

Vebrdb (la comtesse de), 386,s. 

yenifieattwr (le) ne connaît pas (!c 
Juge de ses écrits, 683. 

Vertu, Règle sûre pour la bien dis- 
tinguer du vice, 53. Elle ne nous 
satisfait pas complètement, 53. 
L'irréligion ne peut l'anéantir, 56. 
On n'en peut nier la réalité, 56, ni 
en être dupe, 76. Il est des vertus 
qui sont indépendantes du bonheur, 
86. La vertu est plus chère que le 
bonheur, 01. On peut en rougir, 
106- n faut la préférer à tout, 123. 
L'oisiveté U fait souflrir, 136. Sa 
définition, 56, 163, 163, nota II 
n'y a point de siède ni de peuple 
qui n'aient établi des vertua imsgi- 
naircs, 185. Ce que Vauvenargues 
entend parce mot, 360, note. Gom- 
ment la rendre fadle, 376. Rien 
n'est si aimable qu'dle, 378, note. 
Elle n*e8t pas un trafic, mais une 
richesse, ihid. Sur ceux qui la aer- 



ALPHABÉTIQUE. 



m 



vent par réflexion, 416. De la Téri- 
tabie vertu, tfrid., ftl7. Lee Tertas 
régnent plus gloriensenient que la 
prudence, 430. Les gens de lettres 
oe l'estiment pas, 440. L'humanité 
est la première de toutes, 443. Elle 
ne s'inspire pas par la violence, 
ibid» Ne peut faire le bonheur des 
méchants, ihid. Les grandes vertus 
excitent les grandes Jalou^^es, 455. 
Elle ne peut se suffire à elle-même, 
455. Elle est plus aisée à abattre 
que la vanité» 456. Éclat de celle 
qui triomphe d'une longue et en- 
vieuse persécution, 460. Celles qu'il 
faut inspirer aux princes, 471. La 
licence étend toutes les vertus, 
470. Utilitédela vertu, 477.La gloire 
en est la preuve, Und. On en admet 
peu, 483. L'esprit ne la fait pas con- 
naître, 484. Pourquoi on en dépouille 
l'espèce humaine, 486. Seule, elle 
fait des sages, 487. Combien de 
vertus sont sans conséquence! 488. 

Vertu nialheureuie(Cla%oinène ou la)^ 
388, 

Viee. Ce que c'est, 53, 54. En quoi les 
vices peuvent concourir au bien pu- 
blie, 53, 300. Il y a des vices qui 
n'excluent pas les grandes qualités, 
58, 434« Le vice n'obtient Jamais 
d'hommage rM, 128. Plus il estné- 
cettaire, plus il est vice, 215. On 
doit le traiter comme une maladie, 
ibid. Il n'y a pas de société ni de 
peuple qui n'aient établi des vices 
imaginaires, 385. La science de 
l'homme est de les faire servir à la 
vertu, 300. La licence les étend, 
476. Le vice, sans esprit, est tou- 
jours nuisible, 478. Combien sont 
sans conséquence ! 488. 

Vif (la) est un combat, 88. Comment 
on peut la Juger, 387. Du mépris 
de la vie, 388. Celui qui la compte 
pour quelque chose no doit pas pn> 



tendre à la gloire, 370. Celle du 
soldat opposée à celle du contem- 
plateur, 401. Abus qu'on en fait, 
410. Ressemble à un Jeu, 410, note. 
Sa courte durée, 421. Il n'appar- 
tient qu'au courage de la régler, 
441* Est une pratique non inter- 
rompue d'artifices et d'intérêts, 453. 
ISst l'image de la nature, 460. Pour- 
quoi nous l'aimons, 471, 484. Ce qui 
arriverait si elle n'avait pa^ da |n, 
485. Quand elle est sana pa^nM», 
elle ressemble à la mort, 120,^ 

VU future, 120, 134, 174. 

Vieillardt. Le besoin les rapproche, 
40. On en tire peu de services, 381. 
Ne font plus d'amis, 450. Ne de- 
vraient Jamais devenir amoureux, 
468, 460. Doivent se parer, 470. La 
plupart des voluptés ne sont plus 
pour eux, 130,f. 

VieiUesu. FVoideur de ses conseils, 
300. Ses avantages, 403. Elle no 
peut couvrir sa nudité que par la 
véritable gloire, 470. La mort seule 
la garantit des infirmités, 476. 

ViQueur. Il faut entretenir celle du 
corps pour conserver celle de l'es- 
prit, 381. 

ViLLAas (maréchal de). Son goût pour 
la déclamation, 110,<, note. 

ViLLAss (Honoré-Armand, duc de], fils 
du maréchal, gouTemeur de Pro- 
vence. Notice, 105,<. Anecdotes qui 
le concernent, 106,«, 107,«,110,<. 

ViLLEDiBD (madame de). Notice, 246,t. 

ViLLBifAivi, cité, 84, note. 

Villes, Le luxe y attire le peuple des 
campagnes, 67,». 

ViLLBviBiLLB (msrquis de). Camarade 
de Vauvenargnes au régiment du 
Roi. Lettres qui lui sont adressées, 
331, «, 268,ji, 273,^, 288,x. 

27 






370 INDEX ALPHABÉTIQUE. 

ViLLBViBiLLB (H. de), flls du précédent, TivatUè. Sa définition, 8. 

bibliothécaire à Saiote-GenerièYO, .. 

.,. . Vomiioii, 286,t. 

Vraa (Léonard de), peintre, 253,1. Voituhb, 101, 4«5, 253,«. 

VmBT, cité, 81. VWofilé. Ce qui la prodoimOS. Qaand 

elle est on principe indépendant, 

ViNTiMiLLB (madame de), maltresse |Q2 317. 

de Louis XY,09,t. 

„, , « » . ^ . ^ « . VoJypIé. Toujours suirie de dépiût, 

Vloknee (la) est la règle de TomTers, ^^ 

393. Elle ne peut inspirer la Tertu, 

442. EDes'autorise toujoars de quel- Voyages de Vanumr (Ici), opéra de La 

que loi, 437, 438. Bruèrc, 275,». 

ViaoïLB, 22, 85, 236, 268, note, 282, Vrai. Il le faut être pour peindre avfc 

364, 368, note, 34,<. hardiesse, 436. 



X 



XiHOMO», 156. XifBA.te. penoanage de U tnsédie 

de MUkridaU, 3U, 20«. 



z 



Zaïre^ trafcédie de Voltaire, 263. 

ZolLB. Eût été capable de faire tort à 
Zéléi. Pourquoi certains xélôs ne sont Homère vivant, 27M. 
pas aimés, 403. 



wtftiiittiK umit KT HAniAB . uvr. bc bruli . Uk 



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