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Full text of "Voyage dans l'Amérique Méridionale : (le Brésil, la république orientale de l'Uruguay, la République argentine, la Patagonie, la république du Chili, la république de Bolivia, la républiquedu Pérou), exécuté pendant les années 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832, et 1833"

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VOYAGE 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE 


(Le Brésil, la République orientale de l'Uruguay, la République Argentine, la Patagonie, 
la République du Chili, la République de Bolivia, la République du Pérou). 


STRASBOURG, IMPRIMERIE DE V.° BERGER-LEVRAULT. 


VOYAGE 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE 


(LE BRÉSIL, LA RÉPUBLIQUE ORIENTALE DE L’URUGUAY, LA RÉPUBLIQUE 
ARGENTINE, LA PATAGONIE, LA RÉPUBLIQUE DU CHILI, LA RÉPUBLIQUE DE BOLIVIA, 
LA RÉPUBLIQUE DU PÉROU), 


EXÉCUTÉ PENDANT LES ANNÉES 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 ET 1833, 


PAR 


ABGIDE D'ORBICGNY, 


CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LÉGION D'HONNEUR, OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR DE LA RÉPUBLIQUE 
BOLIVIENNE, MEMBRE DE PLUSIEURS ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES NATIONALES ET ÉTRANGÈRES. 


Ouvrage due au 279 


et publié sous Les auspices de SM. Le Ministre De L’Instruction publique 


(commencé sous M. Guizor). 


TOME QUATRIÈME. 


PARIS, 
CHEZ PITOIS-LEVRAULT ET C, LIBRAIRES-ÉDITEURS, 


RUE DE LA HARPE, N.° 81; 


STRASBOURG, 
CHEZ V® LEVRAULT, RUE DES JUIFS, N.° 33. 


1839. 


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PARTIE HISTORIQUE 


DU VOYAGE 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE, 


ALCIDE D'ORBIGNY. 


1835. 


L'HOMME AMÉRICAIN 


{de l'Amérique méridionale ), 
CONSIDÉRÉ 


NOUS NES RAPPORTS PHYMIOLOGIQUES ET MORAUX: 


ALCIDE D’ORBIGNY. 


TRES © 0 —=—— 


1838, 4839. 


VOYAGE 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE. 


RAAAAAAAAIAAA AUIAAA AUIAMMARAAAAIAAAI AAA AAA AA LAAAAATAIAAMIAAMALAIAAIAAMIAAMAAAA AAA VA 


L'HOMME AMÉRICAIN. 


INTRODUCTION. 


| PAdministration du Muséum d'histoire naturelle voulut bien jeter Homme 
les yeux sur nous et nous proposer de faire, dans l'intérêt des sciences, un es 
voyage dans l'Amérique méridionale, nous acceptàmes cette proposition avec 
d'autant plus d’empressement qu’elle nous mettait à portée de réaliser un 
projet conçu et médité depuis long-temps et à l’exécution duquel nous nous 
préparions depuis plusieurs années. 

Nous sentions que notre étude spéciale, celle des Animaux mollusques 
et rayonnés, à laquelle nous nous étions livré, après avoir étudié les autres 
branches de la zoologie, ne pouvait nous suflire dans une semblable circon- 
stance; et que, pour tirer tout le parti possible d’un voyage à l’entière réus- 
site duquel nous étions disposé à consacrer le temps convenable, en y vouant, 
au besoin , toute notre existence, nous devions embrasser non-seulement l’en- 
semble de la zoologie et de la botanique, mais encore plusieurs autres sciences 
qui s’y rattachent intimement. La géographie, par exemple, des plus indispen- 
sable à toutes recherches d'histoire naturelle, une fois que nous aurions acquis 
une connaissance entière de la configuration des pays que nous avions à par- 
courir, nous permettrait d'étudier, sous tous leurs points de vue, les effets, les 
causes des grandes lois et des modifications de distribution des êtres, sur les- 
quelles la composition et les accidens géologiques n’ont pas une moindre 
influence. Nous avons demandé encore une année avant de partir pour ce 

IV. Homme, a 


Homme 
améri- 
cain. 


—————— 


Cij) 

voyage, afin de nous livrer à de nouvelles études et d'acquérir de nouveaux 
moyens d'observation, pour remplir une si honorable mission dans toute 
l'étendue que lui donnait notre pensée. Cependant la zoologie, ses applica- 
tions et ses dépendances, devaient tenir le premier rang dans nos recherches ; 
ainsi, tout naturellement, lHomwe, le plus parfait des êtres, demandait des 
observations d'autant plus spéciales, qu’alors (en 1825) limmortel Cuvier', 
regardant encore les peuples américains comme trop peu connus pour se 
croire autorisé à les faire entrer dans lune de ses trois grandes races, les 
laissait tout à fait en dehors. On peut même le dire; on mavait encore de 
notions exactes sur les habitans du nouveau monde, ils n'avaient encore été 
envisagés sous un véritable point de vue philosophique que dans les savantes 
publications de ML. le baron Alexandre de Humboldt? ; malheureusement, cet 
illustre voyageur ayant parcouru seulement l'extrémité nord de Amérique 
méridionale, que nous étions appelé à visiter, tout le reste de ce vaste conti- 
nent et surtout les parties australes, restaient presqu’entièrement inconnus sous 
ce rapport; car Azara‘, le seul auteur qui en eût parlé comme observateur, 
na décrit que les naturels du Paraguay ou du voisinage de cette contrée, 
sans en approfondir le langage ni les caractères physiologiques. Une partie du 
Brésil, les vastes Pampas du Sud de la république Argentine, les montagnes 
du Chili, les plateaux des Andes boliviennes, leurs versans orientaux, ainsi 
que toutes les plaines et collines des provinces de Moxos et Chiquitos, au 
centre de Amérique méridionale, restaient toujours vierges d'observations 
immédiates et précises, propres à Jeter quelques lumières sur ce chaos de 
nations souvent nominales, dont le nombre, croissant chaque jour par la 
corruption de orthographe, devenait, de plus en plus, difficile à débrouiller. 

Nous communiquâmes notre projet à MM. Cuvier et de Humboldt, 
qui, appréciant toute limportance d'observations dirigées dans ce but, vou- 
lurent bien nous honorer de leurs conseils. Nous obtinmes plusieurs confé- 
rences avec le premier de ces savans, qui nous accordait quelqu’estime, et 
nous dûmes à la protection toute particulière que M. de Humboldt à tou- 
jours accordée aux personnes qui cherchent à être utiles aux sciences, de pré- 
cieuses instructions sur ce sujet, comme sur la géographie américaine. C’est 
dans le but de réaliser nos projets et de répondre aux diverses questions qui 


1. Règne animal, t. 1, p. 84, nouv. édit. Ainsi en 1829, il pensait encore de même. 
2. Voyage aux régions équinoxiales du nouveau monde. 

vide rs Je e “à 
3. Voyage dans l'Amérique méridionale, t. IL. | 


Ci) 
nous étaient posées, qu'au commencement de 1826 nous avons abandonné Homme 
le sol européen. Fr s 

Nous avons touché le continent d'Amérique à Rio de Janeiro. La guerre avec 
la république Argentine ayant forcé d’augmenter les troupes, cette circonstance 
nous mit à portée de voir réunis un assez grand nombre de Guaranis, habi- 
tans primitifs de la capitale du Brésil, et de les comparer à quelques Boto- 
cudos amenés captifs des parties plus septentrionales ; mais le Brésil, exploré 
par des savans de toutes les nations, ne nous eût offert qu’à glaner sur les 
traces de MM. Auguste Saint-Hilaire, Spix et Martius, le prince Maximilien 
de Neuwied, etc. Nous labandonnâmes donc pour nous rendre à Montevideo, 
à l'embouchure de la Plata, et de là à Buenos-Ayres, où nous avons vu les 
premiers Âraucanos des Pampas, vaincus dans une rencontre avec les 
Argentins. 

Ce n’était pas au sein des capitales que nous devions observer l’homme 
du nouveau monde, et que nous pouvions nous occuper de recherches fruc- 
tueuses sur les autres parties de la science; en conséquence, nous avons remonté 
le Parana jusqu'aux frontières du Paraguay, afin de voir, chez elles, quel- 
ques-unes des nations décrites par Azara et de les observer avec soin. A 
Corrientes, où nous avions fixé notre centre d'observations, ainsi qu'au Para- 
guay et aux Missions, on ne parle, presque partout, que le guarani; aussi, 
un séjour de près d’une année nous mit-il à portée de prendre, de cette langue, 
une connaissance assez étendue pour la reconnaître dans tous les lieux où 
nous la retrouverions ultérieurement; connaissance qui devait plus tard 
nous permettre de découvrir les migrations éloignées de cette nation, et 
éclaircir, pour nous, beaucoup de points douteux de lhistoire de l’homme 
du continent méridional. Sur les restes des célèbres établissemens des Jésuites, 
qui ont motivé tant d’écrits plus exagérés que vrais, le voyage de M. de 
Humboldt pour guide, nous nous plaisions à comparer ses Judicieuses obser- 
vations relatives à lindigène des Missions de POrénoque, avecle Guarani, placé 
dans les mêmes conditions; nous retrouvions, en tout, le même état social, 
les mêmes modifications de coutumes, de mœurs, de facultés morales et intel- 
lectuelles ; mais, quel ne fut pas notre étonnement, lorsque cette comparaison 
nous démontra que des mots évidemment guaranis, qui ne pouvaient avoir 
été communiqués que par le contact, se trouvaient au nombre des mots cités 
par le savant voyageur, dans les langues des nations Caribes, Omaguas, 
Maïpures, Tamanaques, Parenis et Chaïmas, de l’Orénoque et de Cumana! 
Il en fallait conclure que les Guaranis s'étaient étendus sur presque toute la 


(in) 


Homme longueur de l'Amérique méridionale; observation qui nous parut des plus 


.améri= 
cain. 


curieuse, et nous nous promimes dès-lors de pousser plus loin ce genre de 
recherches, à notre retour en Europe. 

Nous étudiâmes scrupuleusement la nation guaranti, ses mélanges avec la 
race blanche et la race africaine; nous visitûmes les fiers Z'obas et les Len- 
guas du grand Chaco, dont les traits, la couleur, les mœurs sont si diffé- 
rens de ceux des Guaranis ; puis, revenant sur nos pas vers Buenos-Ayres, 
nous pûmes observer les restes de la grande nation des Æbipones, ainsi 
que les Mbocobis, guerriers des plaines occidentales du Rio Parana, près de 
Santa-Fe. Nous avions déjà constaté de grandes différences entre ces nations; 
néanmoins nous voulions poursuivre nos observations, avant d’asseoir notre 
jugement. Cest dans ce but, autant que dans l'intérêt de nos autres recherches, 
que, malgré des obstacles de tous genres, nous nous sommes décidé à nous 
aller établir en Patagonie, sur les rives du Rio negro, où nous savions devoir 
rencontrer toutes les nations australes ; d’ailleurs, il s'agissait aussi de résoudre 
la fameuse question des grands et des petits Patagons, et cette tâche était 
assez importante pour nous déterminer. 

Entouré, huit mois, de tribus des Patagons, des Puelches, des Arauca- 
nos et même de quelques Fuégiens, amenés, par les Patagons, des rives du 
détroit de Magellan , nous avons pu les observer tous comparativement non- 
seulement au physique, mais encore dans leurs mœurs, dans leurs coutumes, 
dans leur religion; recueillir, sur leurs langues respectives, des notions très- 
étendues et former des vocabulaires de leurs termes usuels. Tout le temps 
que nous ne passions pas en excursions était employé à réunir chez nous ou 
à visiter chez elles, ces diverses nations, à les questionner au moyen de bons 
interprètes; car nous nous étions aperçu déjà que des observations superfi- 
cielles ou faites trop à la hâte, nuisent à la science plus qu’elles ne la servent; 
aussi nous croyons pouvoir assurer, sans rien hasarder, que lorsque nous 
avons quitté la Patagonie, pour retourner à Buenos-Âyres, nous connaissions 
assez à fond les nations australes, pour nous trouver à portée d’éclaircir un 
point important de discussion sur l’homme. 

Avant de passer sur les rives du grand Océan, nous retournâmes à Mon- 
tevideo, où nous avons observé un assez grand nombre de Charruas, qui 
s'étaient incorporés dans larmée des Indépendans; de ces Charruas guerriers, 
qui, de même que les nations que nous venions de visiter, se sont toujours 
fait décimer par les armes espagnoles, plutôt que de perdre leur liberté 
sauvage; puis, doublant le cap Horn, nous allâmes au Chili, continuer 


(Cv) 


nos observations; mais, comme là nous ne trouvions que les Araucanos, Homme 
améri- 
vain. 


avec lesquels nous avions vécu assez long-temps sur la côte orientale du 
continent, nous nous embarquâmes et nous arrêtâmes à Cobija, pour étudier 
les Indiens pêcheurs Changos, des rives du désert d’Atacama; puis, passant 
promptement au Pérou ou gravissant la pente occidentale des Andes, nous 
nous rendimes sur les plateaux élevés de la Bolivia, afin d’y observer la nation 
Aymara, dont les vastes monumens annoncent l'antique civilisation. Près de 
ces ruines colossales, dans les reliefs symboliques de leurs portiques, nous 
crûmes reconnaître le berceau du culte et de la monarchie des Incas : c'était, 
au reste, la premiére fois que l’histoire nous était nécessaire pour expliquer 
des faits; cC’était la première fois que, dans les cérémonies de la religion 
catholique, professée par ces indigènes, nous devions rechercher des traces 
des anciennes croyances. Après plusieurs mois de séjour parmi les Aymaras 
des plateaux des Andes, nous allâmes les retrouver encore sur le versant 
oriental de la chaîne, dans les provinces de Yungas et de Sicasica. 

Bientôt nous quittämes cette nation pour passer dans la province d'Ayu- 
paya, au sein de celle des Quichuas, la même qui peuple le Cuzco, où les 
Incas avaient le siège de leur gouvernement : nous l’étudiâmes successivement 
dans plusieurs villages; puis, descendant au milieu de la vallée de Cocha- 
bamba, nous trouvâmes là partout la langue quichua, devenue lPidiome 
du pays, même au sein des villes, comme nous avions vu, dans PAymara, 
la langue usuelle de la Paz et des campagnes environnantes. Nous aimions à 
retrouver encore, dans les provinces de Cochabamba, de Clisa et de Misque, 
les hommes soumis jadis aux Incas, dans leurs cabanes en tout semblables 
à ce qu’elles étaient avant la conquête, avec des mœurs si peu différentes de 
celles qui lui étaient antérieures. 

À mesure que nous descendions sur le versant oriental des Andes, vers ses 
derniers contreforts, les traces des Quichuas disparaissaient par le mélange 
avec les Espagnols, et bientôt nous n’en rencontrâmes aucun vestige, dans les 
plaines chaudes et humides de Santa-Cruz de la Sierra. À notre arrivée dans 
la capitale de cette province, nous fûmes frappé de la grande ressemblance 
que nous remarquions entre ses habitans et ceux de la frontière du Paraguay. 
Même accent dans leur parler espagnol, même tournure, même ensemble de 
belles formes, de traits agréables et caractéristiques. Nous nous demandions 
encore quelle pouvait être la cause de ces rapports si intimes, lorsque nous 
renconträmes un [ndien chiriguano, dont les traits nous rappelèrent les Gua- 
ranis de Corrientes : nous lui parlâmes en cette langue, et nous apercümes 


(: vh) | 


Homme _ qu’en effet il appartenait à cette nation; dès-lors nous nous expliquâmes faci- 


améri- 
ain. 


lement la ressemblance des habitans de ces deux localités éloignées. Nous 
étudiâmes de nouveau les Guaranis à Porongo, à Bibosi; nous reconnümes, 
dans cette dernière Mission, que les sauvages S:rionos des forêts du Nord sont 
encore une tribu de cette grande nation, ainsi que la nombreuse population 
des Chiriguanos. Nous retrouvions donc, au pied des Andes, non-seulement 
des Guaranis, provenant de migrations très-anciennes, mais‘encore ceux 
qui, en 15#1, traversèrent le grand Chaco, pour venir habiter ces contrées. 

Nous étions déjà au sein des plaines du centre de l'Amérique; nous 
avions, au Nord, la vaste province de Moxos, à l'Est celle de Chiquitos, 
habitées seulement par des indigènes ; c'était un bien beau champ d’obser- 
vations pour l'étude de Phomme. Nous voulûmes, en conséquence, y con- 
sacrer tout le temps convenable, pour nous rendre un compte exact des 
nations, de leurs caractères physiologiques et moraux. Leur étude, jointe aux 
grandes distances à parcourir, malgré les obstacles naturels, nous occupa dix- 
huit mois, pendant lesquels, à l'exception d’une couple d'employés par Mis- 
sion, nous ne vimes que des Américains de race pure, que les Jésuites avaient 
convertis au christianisme. 

Nous commençcâmes par Chiquitos, que nous avons parcouru jusqu'aux 
rives du Rio Paraguay et aux frontières du Brésil. Là, secondé par M le 
gouverneur Don Marcelino de la Peña, que nous nous plaisons à nommer 
ici, ainsi que par les curés, non-seulement nous avons pu faire toutes les 
observations qui nous convenaient, mais encore nous avons obtenu les ren- 
seignemens les plus certains, les plus curieux, sur le mouvement de la popu- 
lation, sur la statistique indigène de cette partie du monde. Après avoir 
visité toutes les Missions, interrogé soigneusement les tribus qui composent 
chacune d'elles, nous reconnûmes que la masse de la population appartenait 
à la nation des Chiguitos ; mais la différence des langues nous fit encore recon- 
naître évidemment dix autres nations distinctes : les Szmucus, les Payconé- 
cas, les Saravécas, les Otukes, les Curuminacas, les Curares, les Covarécas, 
les Corabécas, les Tapiis et les Curucanécas, sur lesquelles nous avons 
recueilli avec soin toutes les notions qu’il nous a été possible d'obtenir. 

Pour aller de la province de Chiquitos à celle de Moxos, nous avions à 
traverser près de cent lieues de forêts : au sein de cette belle végétation nous 
rencontrâmes plusieurs hameaux d’indigènes, presqu’à leur état primitif; mais 
quel ne fut pas notre étonnement, quand, à la première parole que Fun d'eux 
prononca, nous reconnûmes encore des Guaranis, qui vivent en ces lieux, 


(vi) 

sous le nom de Guarayos! Nous avions donc retrouvé, depuis la Plata jus- 
qu'au 15.° degré sud , et en longitude, depuis les rives de locéan atlantique 
jusqu’au pied des Andes boliviennes, cette nation, si peu connue en Europe! 
Ayant reconnu que les Guarayos avaient en tout conservé leur religion, leurs 
mœurs primitives, nous voultmes les étudier à fond; nous passämes un mois 
et plus parmi eux, témoin de leurs cérémonies religieuses, à portée d'observer 
leurs habitudes tout à fait patriarchales, et nous identifiant d'autant plus 
facilement avec eux, que nous entendions un peu leur langage. 

Nous arrivâmes ensuite à Moxos, où, toujours en pirogue, en voyage et 
dans les villages avec les indigènes, nous les avons étudiés successivement dans 
tous les détails de leurs mœurs, de leurs coutumes, recueillant les mêmes ren- 
seignemens statistiques que pour la province de Chiquitos, et recherchant, par 
la comparaison des langues et des traits, les différences, les rapports entre les 
nations. Après un assez long séjour, nous avons distingué huit langues tout à 
fait différentes, parlées par autant de nations : les Moxos, avec leur tribu des 
Baures, formant à peu près la moitié de la population de la province: puis les 
Chapacuras, les ltonamas, les Canichanas, les Movimas, les Cayuvavas, les 
Pacaguaras et les Iténés, vivant séparés les uns des autres, sans mélange, 
depuis des siècles, et conservant ainsi, chacun, son caractère national. 

Entre les plaines inondées de Moxos et les plateaux élevés de la Bolivia, 
vivent, à ce que nous apprimes , quelques nations indigènes, qui, d’après les 
Maropas, veuus à Moxos pendant notre séjour, nous parurent distinctes de 
celles des plaines. Nous savions d’ailleurs combien la géographie, la zoologie 
et la botanique de ces contrées encore vierges, pouvaient être importantes. 
Nous remontâmes donc le Rio Chaparé, jusqu'au pied des dernières mon- 
tagnes , où, dans les plus belles forêts du monde, nous renconträmes la nation 
Yuracares, Vune des plus curieuses à observer, autant par ses caractères phy- 
siologiques que par la rudesse de ses mœurs sauvages, par sa complète indé- 
pendance, par la complication de sa mythologie. Nous létudiämes quelque 
temps; puis, gravissant la Cordillère orientale jusqu’à Cochabamba, pour 
redescendre dans une autre direction, nous foulâmes le premier une terre 
inconnue, afin d'arriver encore parmi d’autres tribus sauvages des Yuracarès. 
Dans ce dernier voyage nous avons aussi rencontré des indigènes Mocéténés, 
habitant au milieu des plus affreux précipices des contreforts des Andes. 

Chez ces derniers Yuracarès nous nous fimes construire une pirogue, et 
nous nous embarquâmes pour revenir à Moxos, d’où , avec des indigènes de 
cette province, nous remontâmes le Rio Piray, pour gagner Santa-Cruz de 


Homme 
améri- 
cain. 


———— 


( vi ) 


Homme la Sierra. Ayant terminé, non sans peine, nos observations au centre du 


améri- 
«ain. 


continent, nous ne pensâämes plus qu'à gravir de nouveau les montagnes, 
nous proposant de suivre nos recherches sur les parties de la Bolivia que nous 
ne connaissions pas encore. Nous revimes bientôt et continuâmes à étudier, 
dans les provinces de la Laguna, de Tomina, de Yamparais, aux environs 
de Chuquisaca et de Potosi, les Indiens quichuas, qui forment, avec leurs 
mélanges, la plus grande partie de la population de ces provinces. Nous retrou- 
vâmes la nation Aymara aux provinces d’Oruro, de Carangas, de Sicasica, 
de la Paz, ainsi que sur les rives du lac de Titicaca. Nous reprimes nos 
recherches sur ses antiquités, sur son état actuel; enfin, après avoir observé 
les indigènes à Islay et aux environs de Lima, nous nous embarquâmes pour 
la France, emportant le produit de huit années de recherches et dobser- 
vations. 

Chaque nation avait été étudiée avec une scrupuleuse attention dans tous 
ses caractères physiologiques, dans les plus petits détails de ses mœurs, de 
ses coutumes, de sa religion, de son langage; dans les modifications apportées 
à son état primitif par la civilisation. Nous Pavions revue plusieurs fois com- 
parativement avec celles qui l'entourent, afin de juger de ses différences 
caractéristiques ; nous avons recueilli, sur chacune, assez de renseigne- 
mens pour la bien faire connaître; nous avions, enfin, observé l’homme sous 
toutes les températures, sous toutes les latitudes, à tous les degrés d’élévation 
sur les montagnes ; au milieu de la plus riche végétation du monde, comme 


au sein des déserts les plus stériles. Éclairées par la comparaison, nos idées, 


d’abord confuses, avaient peu à peu classé ces faits isolés, en les groupant 

suivant leur plus ou moins d’analogie. Nous avions commencé dès-lors à 

distinguer chaque groupe de formes, de traits, de teintes; trouvé les points 
x Q , À Ro r a 2 

où vient s'arrêter chaque grande division, basée sur les caractères physiolo- 

giques; établi des subdivisions, toujours en rapport avec la composition 

géographique des lieux. 

Il nous avait été facile de juger que, pour une question aussi délicate que 
celle de l’homme, .on avait peut-être marché beaucoup trop vite, et qu’elle 
demandait, au contraire, plus que toute autre, des faits exacts, dont la 
réunion , l'ensemble, permettrait un jour de classer lhomme non plus d’une 
manière arbitraire, mais d’après des déductions rigoureusement tirées d’un 
grand nombre d'observations faites dans un but aussi philosophique que 
zoologique. Nous sommes loin, d’après ce que nous avons vu, d’avoir la 
prétention de connaître les hommes décrits par d’autres observateurs, sur 


Cix) 
celles des contrées américaines qui nous sont inconnues; nous sommes loin de Homme 


vouloir décider qu'ils appartiennent positivement à telle ou telle de nos 
divisions, et de vouloir les faire entrer dans nos groupes, ce qui aurait le 


améri- 
«ain. 


désavantage de mêler aux faits dont nous pouvons répondre et dont Pobser- 
vation nous est personnelle, des faits empruntés à des ouvrages étrangers, 
dont nous ne pouvons garantir l'exactitude; aussi nous sommes-nous déter- 
miné à ne comprendre, dans le travail sur Pespèce humaine, que nous 
méditions depuis notre retour en France, que les faits recueillis pendant 
notre voyage, sans négliger néanmoins de suivre chacune des nations obser- 
vées dans son extension accidentelle, en dehors des limites géographiques que 
nous avons parcourues; car une telle suite est indispensable à l’ensemble de 
sa description, de son histoire. 

Résolu à nous borner à nos observations personnelles, nous ne pouvions 
cependant leur refuser un complément indispensable, Nous avons pu, sur les 
lieux, étudier les nations dans leur état actuel; recueillir des notions pré- 
cieuses sur beaucoup de points de leur histoire, de leur état à l’époque de la 
conquête, de leurs migrations ; mais, pour plusieurs d’entr’elles, ces rensei- 
gnemens nous manquant totalement ou se trouvant altérés par les traditions, 
il nous devenait indispensable de relever tout ce qui a été écrit sur les pre- 
miers temps de la découverte du nouveau monde, afin de comparer Pétat 
primitif à l’état moderne, et de constater les modifications apportées par le 
contact de la civilisation ; les rapports historiques qui peuvent concorder avec 
les monumens existans ; les faits qui permettent de suivre, d’une manitre 
certaine, les migrations lointaines des nations. Îl nous devenait indispen- 
sable aussi de consulter tous les auteurs plus modernes, qui ont parlé de 
ces mêmes hommes, afin de détruire les idées fausses qu'ils ont pu en donner 
ou de les confirmer, lorsqu'ils se sont renfermés dans les limites de la vérité. 

Quelqu’étendues que fussent ces recherches, nous ne nous en sommes pas 
effrayé : la connaissance des langues importées de notre Europe au nouveau 
monde, lespagnol et le portugais, dans lesquelles sont écrits la plupart de 
ces ouvrages , nous facilitait ce travail; nous avions d’ailleurs rapporté d’Amé- 
rique des manuscrits historiques précieux, un grand nombre de vocabulaires 
et quelques-uns des principaux ouvrages des historiens espagnols ; néanmoins 
nos recherches seraient encore restées incomplètes, si M. Ternaux Compans, 
auquel l’histoire américaine doit la connaissance d’une foule de documens 
des plus importans, m'avait mis à notre disposition, avec une obligeance 
toute particulière, sa riche et précieuse collection d'ouvrages sur l'Amérique ; 


IV. Homme. b 


(x) 


Homme Collection réellement unique dans son genre et sans laquelle nous n’aurions 


améri- 
cain. 


pu nous procurer en France plusieurs renseignemens très-rares des 15.°, 16.° 
et 17.° siècles. Nous nous estimons heureux de pouvoir lui témoigner ici 
publiquement notre reconnaissance, tout en signalant sa bibliothèque comme 
indispensable à consulter pour toutes les personnes qui s'occupent de Pétude 
du nouveau monde. Nous devons adresser les mêmes remercimens au savant 
M. Eyries, à qui la géographie est redevable de tant de publications impor- 
tantes, pour la bonté avec laquelle il a bien voulu nous confier plusieurs 
des ouvrages de sa riche bibliothèque. 

En résumé, après avoir, pendant huit années, étudié les Américains sur 
leur sol; après avoir coordonné, classé méthodiquement nos observations et 
les avoir complétées par quatre années de recherches historiques dans les 
auteurs anciens et modernes qui ont parlé des mêmes hommes, nous offrons 
comme fruit de tant d'élucubrations les faits que nous avons recueillis, avec 
les déductions générales que nos études géographiques locales nous permettent 
d’en tirer. Si des recherches aussi délicates, aussi pénibles, apportent quel- 
ques résultats nouveaux, quelques considérations importantes ; si nous indi- 
quons un point de vue plus spécial, sous lequel on puisse envisager l'étude de 
l'homme; si l’ensemble de ce travail, jugé utile à la science, est accueilli avec 
bienveillance : heureux d’avoir osé l’entreprendre, trop payé de nos efforts, 
nous ne regretterons ni les fatigues, ni les veilles, ni le temps qu'il nous aura 
coûtés. 


PREMIÈRE PARTIE. 
GÉNÉRALITÉS. 


UM MMM mu 


CHAPITRE PREMIER. 


Considérations géographiques et statistiques. 


Classification. 


Nous ne chercherons pas à discuter les diverses méthodes appliquées à la 
classification de homme” en général; car nous ne voulons nous occuper ici 


1. En 1684, un anonyme le divise en quatre races, dans la première desquelles il réunit 
l'Américain à l’Européen, et à une petite partie des peuples de l'Asie et de l'Afrique. (Journal 
des savans, 1684, p. 133.) 

En 1766, Linné le divise en quatre races, selon les quatre parties du monde, séparant entiè. 
rement l’homme rouge de l'Amérique. (Syst. nat., ed. 12, Homo.) 

Gmelin, en 1788, divise l’homme, suivant sa couleur, en quatre variétés : le blanc, le basané, 
le noir, le cuivré, composant loutes les races américaines. (Syst. nat., ed. 13, Homo.) 

Buffon forme de l’homme six variétés, et laisse les Américains entièrement séparés. 

Herder suit le même système. (Zur Philosophie der Geschichte der Menschheit, 1. 11, p. 4 et 68.) 

Pownal le divise en trois races, des trois fils de Noé. Les Américains et les Mongoles sont placés 
entre la race blanche et la race rouge. (New collect. of voyages, t. 11, p.273.) 

Kant, en 1788, en fait quatre variétés d’après la couleur, l’une d’elles étant consacrée à 
l'américaine cuivrée. (Engel, Philos. für die Welt, à. IL.) 

Hunter, en 1775, divise lhomme en sept variétés, au nombre desquelles l'américaine rouge 
reste distincte. ( Disput. de hominum varietatibus, p. 9.) 

Zimmermann, en 1783, reconnait quatre variétés dans le genre humain et réunit, dans la 
seconde, l'Asie boréale à l'Amérique. (Geographische Geschichte des Menschen, à. I.) 

Meiners, en 1793, ne forme du genre humain que deux races, la belle et la laide : la pre- 
mière comprend la race blanche; la seconde le reste du monde. (Grundriss der Geschichte der 
Menschheil.) 

Klügel ne trouve que quatre variétés : dans la première il réunit les peuples d'Asie, d'Europe, 
des parties septentrionales de l'Afrique et de Amérique. (Encyclopädie, t. 1, p. 23.) 

Blumenbach , en 1795, dans un travail important, forme cinq variétés : la quatrième, composée 
des Américains ferrugineux, y est regardée comme entièrement distincte. (De gen. hum. var. nat.) 

Lawrence, en 1822, publie un intéressant ouvrage, plein de recherches curieuses, et dans 
lequel il divise comme Blumenbach , l’homme en cinq variétés, conservant les Ænéricains seuls 


IV. Homme. 1 


Homme 
améri- 
cain. 


. (2) 


Homme que de celui d’une partie de l'Amérique long-temps soumise à nos investigations. 


améri- 
cain. 


Avant tout, néanmoins, sil nous est permis d'exprimer, en ce qui concerne 


dans sa quatrième. (Lectures on physiology, zoology and the natural history of man, p. 488.) 

Cuvier, en 1829, divise l’homme en trois races; mais laisse les Américains en dehors, sans les 
placer dans aucune. (Règne animal, 2. édit, t. I, p. 84.) 

M. Duméril, en 1806, sépare l’homme en six races, en ne composant la quatrième que d’Amé- 
ricains. ( Zoologie analytique. ) 

Maltebrun , à qui les sciences géographiques doivent de si beaux travaux, avait, dès 1816, divisé 
l’homme en seize races; dans sa seizième , il laisse tous les Américains, moins ceux des parties les 
plus septentrionales, qu’il suppose provenir des autres continens. ( Géogr. univers., Paris, 1816.) 

Jusqu’alors il n’avait été question que de races, de variétés parmi les hommes, et les Américains 
avaient été généralement considérés comme formant une section distincte des autres; mais les 
coupes changent de valeur. M. Virey en forme deux espèces, d’après l'angle facial; dans sa pre- 
mière espèce viennent, comme troisième race , les 4méricains ou race cuivreuse. 

Presque simultanément, en 1821 , deux savans ont suivi, dans leurs travaux, un système à peu 
près analogue, et qui, si l’on ne tient pas compte de la valeur des divisions, ont beaucoup de 
rapports avec celui de Maltebrun. 

M. Bory de Saint-Vincent sépare le genre humain en quinze espèces. Dans sa VI*, l’hyperbo- 
réenne , il comprend tout le nord de l'Amérique et une partie de Asie russe; dans sa VII, la 
neptunienne, il réunit les Américains de la Californie au Chili, ainsi que les Mexicains et les Péru- 
viens des côtes occidentales de Amérique , les naturels d’une partie de Madagascar et de presque 
toutes les îles de l'Océanie et de la Polynésie; dans sa IX, la colombique, il rassemble les habi- 
tans de la Floride, les Caraïbes des Antilles, les naturels d’une partie du Mexique, de la Terre- 
Ferme et des Guyanes; dans sa X.°, l'américaine , il place tous les habitans de l'Amérique méri- 
dionale, moins ceux de la partie orientale et des parties déjà citées; dans sa XI.°, la patagone, il ne 
conserve que les Patagons ; dans sa XIV, la mélanienne , viennent se ranger les habitans de la Terre- 
du-Feu, ceux de Diémen et de beaucoup de points, de Formose, des Philippines, des Moluques, 
etc. (L'Homme, Æomo, Essai zoologique sur le genre humain.) 

M. Desmoulins divise le genre humain en seize espèces : sa XV, la colombienne, comprend les 
habitans de l'Amérique du Nord , de toutes les Andes, du Chili à Cumana, et de l'archipel Caraïbe ; 
sa XVI, l'américaine, comprend les Guaranis, les Omaguas, dans une première race; les Botocu- 
dos, les Guaïcas, dans une seconde ; les Mbayas, les Charruas, dans une troisième; les Araucanos, les 
Puelches, les Patagons, dans une quatrième; et les Pescheraies ou les Fuégiens , dans une cinquième. 

Nous n’entreprendrons point de discuter ici la valeur absolue ou comparative de ces diverses 
classifications, l'Amérique méridionale étant la seule partie du monde dont nous ayons bien 
approfondi l'étude; aussi, tout en faisant remarquer que ces divisions diffèrent en tout point 
des nôtres, basées sur l'observation immédiate, nous croyons devoir ajouter que, sans avoir vu 
de près les nations qui les composent, il était tout à fait impossible de tirer quelque parti avan- 
tageux de la multitude des écrits publiés sur les Américains par les auteurs anciens et modernes; écrits 
présentant souvent des contradictions qui ne sont qu’apparentes, et cette observation explique, 
mieux que tout ce que nous pourrions dire, les grandes dissemblances de classification. 

M. Garnot, en 1837, dans son article Homme du Dictionnaire d'histoire naturelle, in-4., 
divise, comme Cuvier, les hommes en trois races, tout en réunissant les Américains à la race jaune 


ou mongolique. 


(5) 
la délimitation des êtres, une opinion fondée sur vingt années d'observations Homme 
immédiates et de recherches relatives aux différentes branches de la zoologie “nr 
maritime et terrestre; recherches poursuivies avec constance par toutes les 
latitudes et sous toutes les températures, nous commencerons par déclarer 
que notre conviction intime est que, parmt les hommes, 1l n'y a qu'une 
seule et même espece." 

Cette base une fois arrêtée, sans chercher comment ni d’où l’homme est 
venu sur les différens points qu'il habite; en le prenant tel qu'il sy présente 
actuellement, ou, du moins, en ne remontant pas au-delà des limites des 
traditions historiques, on trouvera que les principales formes en sont plus 
ou moins rigoureusement circonscrites dans des bornes géographiques presque 
généralement admises, et qui paraissent en rapport avec les faits. En vertu 
de ce principe, l’homme du nouveau monde a recu légitimement, d’après le 
lieu de sa demeure, le nom d'homme américain”? ; et, bien loin de vouloir 
changer cette dénomination d’une des grandes sections de l'espèce humaine, 
nous l’adoptons avec empressement pour celle dont nous allons nous occuper. 

En parlant des Américains , presque tous les auteurs anciens et modernes 
ont établi, sur leur origine, quelque hypothèse plus où moins probable; 
chacun d'eux, abandonnant les traditions, a, sur ce vaste sujet, donné carrière 
à son imagination , en des limites plus ou moins larges, plus ou moins ration- 
nelles. Les uns, doués d’un génie supérieur et rassemblant les renseignemens 
incomplets épars dans les voyageurs, ont exposé un système qui ne manque 
pas de vraisemblance; tandis que les autres, au contraire, se laissant entraîner 
par des préoccupations religieuses peut-être trop exclusives, ont tenté d'y 
ramener absolument tous les faits. Nous n’entamerons pas des discussions 
purement gratuites ; et, laissant de côté une question toujours hypothétique, 
indifférente aux progres de la science, nous nous renfermerons dans le cercle 
de lobservation positive. D'ailleurs, pourquoi chercher au loin, pour les Amé- 
ricains, une origine commune, quand on voit, sur leur sol même, leurs carac- 
tères physiologiques et moraux si variés, si différens les uns des autres? Il 
nous semble qu'il faut s’efforcer de faire connaître les Américains, de les 
grouper selon leur plus où moins d’analogie, pour constater si tous appar- 
tiennent à une même souche ou à plusieurs souches distinctes. Tel est l’objet 
que nous nous sommes proposé. 


1. IL serait trop long de développer ici ce que nous entendons par le mot espèce : ce point de 
vue sera exposé dans la zoologie de notre voyage, à chaque série d’animaux. 
2. Voyez la note de la page 1. 


Homme 
améri- 
«ain. 


a 


(4) 
Surface occupée; répartition géographique. 

Comme nous ne voulons parler que des peuples que nous avons vus par 
nous-même, nous n’examinerons que ceux qui habitent une surface comprise 
entre le 12.° degré de latitude sud et lextrémité méridionale du continent 
américain, sur presque toute sa largeur, ne franchissant ces limites qu'autant 
que le peuple dont il sera question les aura lui-même franchies; car alors 
nous le suivrons dans ses migrations Jusqu'au point où il s’est arrêté. 

La superficie de l'Amérique dont nous allons étudier les habitans primi- 
tifs, peut être comparée à plus de la moitié de notre Europe : elle s'étend 
depuis la zone torride jusqu'aux régions glacées de la Terre-du-Feu. Sa consti- 
tution orographique lélève du niveau de la mer aux neiges perpétuelles ‘; 
son sol est on ne peut plus varié dans ses formes, dans son aspect. À locci- 
dent, une vaste chaîne de montagnes s'élève jusqu'aux nues, suit les rives 
du grand Océan; glacée à son extrémité méridionale, sous la zone torride, 
elle offre partout les climats les plus divers : stérile, sèche et brûlante sur 
les pentes abruptes de son versant ouest; tempérée ou froide sur ses immenses 
plateaux; couverte d’une végétation active sur les pentes légèrement incli- 
nées de son versant est. À l’orient, des collines basses, chaudes, boisées, 
bornées par locéan atlantique, offrent une uniformité remarquable d'aspect, 
de composition, de formes. Au milieu de ces terrains si distincts, des plaines 
immenses , d'abord froides, arides et sèches sur les parties méridionales, puis 
tempérées, verdoyantes, avec un horizon sans bornes sur les Pampas ; brû- 
lantes , enfin, et couvertes de forêts, sous la zone torride... Tels sont les traits 
généraux de la nature dans les lieux dont nous parlons. Nous verrons plus 
tard l’influence qu'ils peuvent exercer sur les caractères physiques et moraux 
des hommes qui peuplent ces diverses parties. 

Nous appelons nation, toute réunion d'hommes parlant une langue émanée 
d’une source commune, et tribu, toute réunion d’hommes parlant les diffé- 
rens dialectes dérivés de cette même langue. Nous allons énumérer les nations 
que nous avons observées; mais, anticipant un peu sur les faits, nous les 
présenterons classés méthodiquement, selon leurs races* et leurs rameaux”, 


1. Voyez, à la partie géographique de notre voyage, une description plus détaillée de cette surface. 

2. Nous appelons race, toute réunion de nations que rapproche l'identité de leurs caractères 
physiques généraux (voyez plus loin ces caractères) ; prenant aussi ce mot dans un sens plus res- 
treint que les auteurs, 

3. Nous appelons rameau, un groupe plus ou moins nombreux de nations distinctes, qui offrent, 
dans les races , des caractères soit physiques, soit moraux, propres à motiver ces divisions, pres- 
que toujours en rapport avec la géographie locale, 


(5) 
dont nous établirons plus tard les caractères distinctifs, d’abord pour les Homme 
RE - É n . . ameéri= 
rendre familiers au lecteur, puis afin de simplifier les nombreuses citations “Gin 
spéciales ou collectives auxquelles nous oblige la nature de ces considérations 
générales. Nous présenterons aussi comparativement, en regard, les limites 
d'extension en latitude et en longitude que ces diverses nations occupaient 


avant la conquête ou qu’elles occupent encore aujourd’hui. 


LIMITES D'HABITATION 
NOMS DÉS NATIONS : 


RACES. RAMEAUX. RE 


DES NATIONS. 


en longitude ouest 
en latitude australe. à 
de Paris. 
ERP CE EEE 
1.7 Rameau. Quichua ou Inca ...|[ 0° au 28° 65° au 83° 
PÉRUVIEN «ee oooece) AYMATA. soso. 15° au 20° 69° au 75° 
Chanson. 420.2 22° au 24° 72° 30 
1. Race. Atacama.. ose. 19° au 22° 72° 30” 
2 Yuracarès......... 16° au 17° 66° 69° 
ANDO-PÉRUVIENNE.{ 2 Rameau. |Mocéténés |. |" 16 > 69° au 71° 
ANTISIEN . . . . ... seo.{Tacana....... FPE 13° au 15° 70° au 71° 
Maropa she 13° 50° 70° Ê 
3: Hameau. ANOIBId 5... 15° A 71° z 
ARAUCANIEN. « ces. Auca ou Araucano.. 30° au 50 60° au 76° 
FUÉSIER 5,654 s 50° au 56° 68° au 77° 
PatagonouTéhuelchel 39° au 53° 65° au 74° 
: Puelche........... 34° au 41° 60° au 68° 
1. Rameau. Chanruar 7.7 31° au 35° 56° au 62° 
PAMPÉEN . soso Mbocobi ou Toba…. 21° au 32° 61° au 64° 
Mataguayo......,.. 22° au 28° 63° au 65° 
Abipones..,,...... 28° au 30° 61° au 64° 
Lengla ss sese 27° z 62° z 
Samucu....... PTE 18° au 20° 60° au 62° 
Chiquito : ......:.. 16° au 18° 60° au 64° 
Saravéca.......... 16° 2 62° Ê 
2.° Race. 2 Otukemés sonne 17° 2 60° : 
PAMPÉENNE 2. Rameau. Curuminaca ....... 16° = 62° Ê 
sos CHIQUITÉEN. ...... no nc de De 17° : 61° à 
Curavès.......,... 19° 2 60° £ 
Tapiis...... esse 18° = 60° z 
Curucanéca. ....... 16° Ê 62° Ê 
Paiconéca ..,..,... 16° 2 63° au 64° 
Corabéca.......,.. 18° £ 62° z 
Moxos ............ 13° au 16° 64° au 69° 
Chapacura. ........ 15° 2 64° au 65° 
e Itonama, ,....,... 13° au 14° 65° au 67° 
3: à sels eleie,e sie e eïe 
Moxéen Fu Canichana......... 13° au 14° 67° au 68° 
RE MO na ce 14° £ 68° au 69° 
Cayuyayassss ss. 12° au 13° 68° _ 
Pacaguara....,.... 10° £ 67° au 68° 
3° Race Iténès..... eee 12° au 13° 67° au 68° 
5 s Guarani.....,..,.. du 34° de lat. aust. 37° au 64° 
BRASILIO-GUARANIENNE . « eresereenee ARE er 
Botocudo.......... 18° au 20° 43° £ 


Ainsi tous les Américains que nous avons observés se groupent en trois 
races, divisées en trente-neuf nations distinctes. On trouvera peut-être ce 


(6) 


Homme nombre peu élevé comparativement à la surface signalée, surtout en le rap- 


améri- 
«ain. 


prochant des cartes géographiques, hérissées de noms que les copistes repro- 
duisent sans critique ; mais, comme on pourra le voir à Particle particulier 
de chaque nation, nous en avons discuté la synonymie avec le plus grand 
soin, et nos trente-neuf nations sont, parmi des centaines d’autres, les seules 
qui ne se soient pas évanouies devant une sévère comparaison des idiomes. 
Telles d’entr’elles, par exemple, renferment jusqu’à près de cent’ des déno- 
minations citées par les auteurs anciens et modernes, qui, en se copiant, les 
dénaturaient chaque jour, et formaient de nouveaux mots; ou bien chaque 
voyageur écrivait, selon le génie de sa langue, le même nom de diverses 
manières, qui, pour le compilateur, devenaient autant de nations distinctes. 
Il était bien temps que cet abus cessât; car il rendait impossible toutes consi- 
dérations consciencieuses sur les Américains à quiconque ne parcourait pas 
les lieux. Nous avons tâché de réduire cette exubérance de mots, pour toutes 
les parties que nous avons visitées, et la suppression raisonnée de tant de 
nations purement nominales n’a pas été la partie la moins diflicile, la moins 
fatigante de la tâche que nous nous sommes imposée ; mais si, comme nous 
lespérons, nous avons réussi à simplifier les travaux de nos successeurs 
sur lespèce humaine; si nous avons, sous ce point de vue, rendu quelques 
services aux anthropologistes, nous aurons atteint notre but et nous nous 
reposerons, heureux d’avoir rempli un devoir que la conscience du succès 
obtenu changera pour nous dès-lors en plaisir. 

Les dénominations collectives que nous employons sont toutes dérivées des 
divisions géographiques ou territoriales les plus connues, les plus usitées dans 
le pays et sur les cartes; celles des nations n’ont rien d’étranger à l'Amérique. 
Nous nous sommes bien gardé de changer, de dénaturer même un seul nom; 
car ce n’est point en en créant de nouveaux qu'on sert la science : ceux que 
nous donnons sont les plus connus dans le pays et appartiennent, presque 
tous, aux langues mêmes des nations, ce qu’au reste nous avons expliqué à 
l'article particulier de chacune d'elles. 


1. Voyez, par exemple, la synonymie des Guaranis et celle des Chiquitos, aux articles spéciaux 
sur ces deux nations. De tout temps on a grossi le nombre des nations barbares; l’Europe 
ancienne nous en offre elle-même un exemple. Aussi M. W. Edwards, dans ses curieuses recherches 
( Des caractères physiologiques des races humaines, p. 39), a-til dit avec raison : « La longue 
« liste de ces peuples effraie l'imagination. Il semblerait que tout ce vaste territoire dût à peine 
« leur suffire, quand même ils l’auraient occupé seuls. » 


(a) 

Voulons-nous étudier la répartition de ces nations sur le sol américain, Homme 
et surtout les modifications, les changemens opérés depuis la conquête jusqu’à mo 
l’état actuel des choses? Nous trouverons qu'à l'arrivée des Européens : 

1. Une seule nation, celle des Guaranis, divisée en tribus nombreuses, 
mais ennemies, occupait presque tout le littoral de Pocéan atlantique, depuis 
le 32.° degré de latitude australe jusqu'aux Antilles’, où, sous le nom de 
Caraïbes ( Caribes ), elle subjugua une partie des habitans primitifs, et 
s’étendit jusqu’au pied des Andes péruviennes*, enclavant un grand nombre 
de petites nations distinctes ; 

2. Sur la chaîne des Andes, sur ses versans, sur le littoral du grand 
Océan, une monarchie puissante, celle des fncas ou Quichuas, tenait assu- 
jettis tous les peuples montagnards, depuis le Chili jusqu'à Quito, sans des- 
cendre jamais dans les plaines orientales; laissant néanmoins libres encore, 
à son extrémité méridionale, les Araucanos guerriers et les Fuégiens pêcheurs ; 

3. Entre ces deux premières nations, au sein des plaines, d'abord au Sud, 
les Patagons, les Puelches, les Charruas, les Mbocobis, occupaient une assez 
grande surface de ces terrains uniformes et horizontaux ; mais, marchons- 
nous vers le Nord? nous avancons-nous jusqu'aux petites collines boisées 
de Chiquitos ou vers les plaines inondées de Moxos? au lieu de grandes 
nations, des peuples disséminés au sein des bois et on ne peut plus mul- 
tipliés, ayant chacun un langage particulier ; ce sont nos Chiquitéens, nos 


Moxéens ; 

4. Passons-nous au point de contact des plaines avec les montagnes, sur 
le versant oriental des Andes ? de petites nations, plus réduites encore, cha- 
cune dans son ravin, sur le bord de sa rivière, séparée de toutes les autres 
par des forêts impénétrables ou par des montagnes presqu'inaccessibles, 
formaient les élémens constitutifs de notre rameau antisien. ? 

Tel était le terrain occupé par chacune des nations, lors de l'arrivée des 
Espagnols et des Portugais. 

Voyons maintenant les modifications qui ont eu lieu depuis cette époque 
jusqu'à nos jours. Les Caribes des Antilles furent bientôt détruits par les 
Espagnols; les Guaranis du Brésil, combattus, vendus, soumis par les Por- 


1. Voyez ce que nous avons dit à cet égard, article Guarani. 
2. C'est là que nous avons trouvé les Sirionos, les Guarayos et les Chiriguanos. (Voyez ces 


tribus à l’article Guarani.) 
3. Voyez, pour cet ensemble de répartition, notre carte explicative et pour les détails, les 


descriptions spéciales. 


(S) 


Homme tugais : quelques tribus, pour fuir les conquérans, s’enfoncérent dans l’inté- 


améri- 
ain. 


rieur ; d’autres formèrent des villages, en se livrant aux étrangers ; mais la 
nation resta sur son sol primitif, et l’on retrouve aujourd’hui partout des 
Guaranis ou du moins leur langue, parlée dans tout le Brésil. Soumis par 
les Espagnols, d’autres Guaranis constituèrent les Missions du Paraguay et 
subsistent encore sur leur sol natal. Les Incas, les Aymaras, réduits au joug 
espagnol et au christianisme, n’ont pas changé d'habitation; les fiers Arau- 
canos se sont éloignés des colonies espagnoles du Chili, en passant au Sud 
et dans les Pampas, pour conserver leur indépendance; les Fuégiens sont restés 
sur leurs rochers glacés; les Patagons sur leurs plaines arides; les Puelches 
ont abandonné les rives de la Plata, pour vivre dans les Pampas du Sud; 
les Charruas ont été chassés de la province d'Entre-Rios et de la Banda 
oriental, dont ils n’occupent plus que les points les plus septentrionaux; les 
Mbocobis, les Lenguas, n’ont pas changé d’asyle. Les nations des rameaux chi- 
quitéen et moxéen se sont assujetties au christianisme, chacune sur le sol où 
elle vivait primitivement. Les nations du rameau antisien n’ont point quitté 
leur demeure : les unes devenant chrétiennes, les autres restant sauvages où 
les Espagnols les avaient trouvées. Il ne s’est donc opéré que de bien légers 
changemens dans l’habitation des Américains; et, sauf le voisinage des grandes 
villes, où les nations se sont fondues dans la population, par le mélange, quand 
l'indépendance de leur caractère ne les a pas fait éloigner, l'Amérique en 
présente, à peu de chose près, la même distribution qu'au temps de la 
conquête”; le nombre des individus a seul changé. 

Si, d’après l'étendue comparative du terrain que chaque nation habitait 
sur le sol américain, nous voulons fixer l’ordre où toutes s'y trouvent, en 
commençant par celle qui couvre une plus grande surface, nous reconnais- 
sons que le premier rang n'appartient ni à la plus civilisée, ni à celle qui 
eut un gouvernement établi, mais à la nation des Guaranis, divisée en 
tribus indépendantes, pour ainsi dire encore à l’état sauvage. La seconde, 
dans ce système, est celle des Quichuas civilisés du sommet des Andes; 
la troisième, celle des Araucanos; la quatrième, celle des Patagons; la cin- 
quième , celle des Mbocobis; la sixième, celle des Aymaras; la septième, celle 


1. Il parait que, sur l’ancien continent, les choses se sont passées de même. Voyez Desmoulins 
(Histoire naturelle des races humaines, Paris, 1826, p. 153), et surtout les savantes recherches 
de M. W. Edwards ( Des caractères physiologiques des races humaines). Ce dernier écrivain a 


retrouvé, en Europe, tous les peuples qui lhabitaient anciennement. 


(9) 

des Puelches ; la huitième, celle des Charruas; la neuvième, celle des Fuégiens; Homme 
la dixième, celle des Chiquitos, la onzième, celle des Moxos; reste, enfin, m4 
une multitude de petites nations très-limitées. Nous trouvons aussi que Pex- 
tension du terrain occupé par chacune des nations est loin d’être en rapport 
avec la population, mais elle lest toujours avec le genre de vie, avec la 
nature du sol : un peuple chasseur a besoin, pour vivre, d’une plus 
grande surface que celui qui se livre à l'agriculture; car, obligé de poursuivre 
le gibier , il se divise par familles; il devient ambulant, il occupe une super- 
ficie d'autant plus vaste que le terrain qu’il habite est plus stérile, comme on 
le voit chez les Patagons, chez les Puelches, chez les Charruas, chez les autres 
nations du sud des Pampas. 

La nature des terrains exerce une influence plus ou moins puissante sur 
l'extension plus ou moins grande dont une nation a besoin pour y vivre : 
les plateaux des Andes, par leurs animaux bientôt soumis à la domesticité, 
par les plantes quon y cultive, devaient offrir le plus de ressources à 
Phomme ; aussi est-ce là que le plus grand nombre dhabitans occupe la 
plus petite surface. Les provinces de Moxos, de Chiquitos, tout le Brésil, à 
cause des vastes forêts qui les ombragent, des nombreuses rivières qui les 
arrosent, devaient être habités par des hommes à la fois agriculteurs , chas- 
seurs, pêcheurs; aussi ces régions ne sont-elles que médiocrement peuplées, 
tandis que les Pampas, dont la stérilité rend la culture impossible, ne sont 
habitées que par de petites nations occupant des surfaces d’une immense 
étendue". Sur les montagnes, où rien n’empêèche les peuples de communiquer 
entr’eux, on trouve de grandes nations, comme les Quichuas, les Araucanos, 
les Aymaras; dans les plaines découvertes, homme peut encorese rapprocher 
de son semblable; mais, au sem des forêts, la nature même de son genre de 
vie le maintient dans l'isolement ; et là, plus que partout ailleurs, il se divise 
en une multitude de nations distinctes. 

L’Américain habite toutes les régions, toutes les hauteurs; ainsi, sa demeure 
est indifféremment établie soit aux extrémités glacées du continent, soit sous 
la zone torride, depuis le niveau de la mer jusqu’à une élévation de 4,800 mètres 
au-dessus (presqu'au niveau du Mont-Blanc). Nous verrons plus tard les 
modifications que ces différences d'habitation apportent aux caractères phy- 
siologiques et aux mœurs. 


1. Voyez, à la population, les rapports comparatifs du nombre des individus à la surface. 


IV. Homme. 2 


Homme 
améri- 
cain. 


(10) 


Migrations. 


Passons maintenant aux migrations des nations; cherchons quelles cir- 
constances rendent possibles, quels motifs déterminent celles dont on peut 
suivre les traces. 

L'homme que la nature a fait naître au sein d’épaisses forêts horizontales, 
est borné de toutes parts; il ne saurait se peindre des régions lointaines ; 
aussi reste-t-il, presque toujours, stationnaire dans un cercle limité. Nous 
croyons que quatre circonstances locales distinctes, en révélant à un peuple 
l'étendue du sol qu'il habite, peuvent lengager à voyager. 1.” Le littoral 
de la mer, dont le vaste horizon lui montre sans cesse des terres nouvelles: 
en effet, à peine a-t-il doublé un cap, qu'il en découvre un nouveau, 
et l'éloignement même de cette terre, qu'il distingue à peine, lui inspire le 
désir de la connaître. 2.° Le cours d’un fleuve qui, par le volume de ses eaux, 
lui fait soupçonner limmense extension d’une contrée inconnue, dont il 
poursuit la recherche et la découverte, soit qu'il monte, soit qu’il descende 
le canal naturel qui la parcourt. 3.” Une plaine qu'il franchit facilement 
et qui lui permet d'apercevoir au loin des collines, annonçant un pays 
nouveau. 4. Enfin, les plateaux des pays montueux, couverts d’aspérités, 
qui, dans un sens vertical, doivent produire le même effet que les caps 
du littoral dans le sens contraire : chaque crête, par le spectacle qu’elle lui 
présente, le porte à désirer de gravir son faîte, pour découvrir ce qui se montre 
à lui de l'autre côté et lui donnera l'envie de tenter une exploration nouvelle. 

Le motif des migrations est toujours en rapport avec le degré de civilisa- 
tion, avec les mœurs des peuples; aussi les Quichuas civilisés avaient-ils un 
motif religieux : C’'étaient des barbares qu'il fallait amener au culte du soleil, 
qu'il fallait faire participer aux bienfaits d’une loi commune; mais, chez les 
autres peuples américains , le même motif n'existait pas; car ils ne formaient 
pas de corps de nation, et leur religion, toujours des plus tolérante, ne les 
portait point au prosélytisme. Cétaient alors, pour le chasseur, l'espoir de 
trouver plus loin une contrée plus abondante en gibier; pour le pêcheur, 
une baie plus poissonneuse; pour les guerriers, pour les Guaranis surtout, 
l'espoir de montrer leur courage, le désir de conquérir de nouvelles com- 
pagnes, dont la possession était un honneur. 

Les trois nations chez lesquelles il y eut des migrations sont : la quichua, 
la guarani , laraucana. On voit la première partir avec Mancocapac, du lac 


(44 ) 

de Titicaca, marcher vers le Nord jusqu’au Cuzco'; puis de là rayonner, tou- 
jours dans un esprit de conquête, vers le Nord jusqu’à Quito; vers le Sud jus- 
qu'au Chili, en suivant soit les plateaux des Andes, soit le littoral de la mer.* 
La guarani côtoie les rivages de la mer, en marchant vers le Nord: ses hordes 
sauvages et guerrières s’avancent jusqu'aux Antilles, sous le nom de Caribes ; 
sous ce même nom, elles remontent, en marchant vers l'Ouest, l’Orénoque, 
l'Amazone et leurs affluens*. D'un autre côté, les Guaranis du Paraguay 
suivent le Parana et le descendent vers le Sud, jusqu'à Buenos -Ayres, 
tandis qu'a une époque connue (1541), on les voit, en grand nombre, 
abandonner le Paraguay, se diriger au Nord-Ouest, traverser les plaines 
du Chaco, et venir se fixer au pied oriental des Andes boliviennes, où ils 
sont restés sous le nom de Chiriguanos. Parmi les Araucanos, il n’y à eu 
que des migrations partielles et momentanées de l'Ouest à l'Est, cest-à- 
dire des montagnes des Andes vers les plaines; ainsi, d’après nos recherches, 
la direction des migrations aurait, dans l'Amérique méridionale, rayonné 
toujours d’un centre à divers points; car les Quichuas se sont au moins 
autant avancés vers le Nord que vers le Sud. Seulement les Guaranis, si 
lon considère le tropique du Capricorne comme leur berceau, auraient porté 
du Sud au Nord leurs migrations générales. 


Population. 


On sait combien d'obstacles éprouve l'opération d’un bon recensement même 
au milieu de nos pays civilisés; aussi croira-t-on sans peine que ces diffi- 
cultés augmentent encore en Amérique, parmi des hordes sauvages ; c’est 
pour cela quon n’a réellement , jusqu'a ce jour, rien publié de positif 
sur la population de ce continent, envisagée seulement sous le point de 
vue du nombre des indigènes purs. Il en résulte que, dans le monde, on 
se figure, le plus souvent, que les Américains de la partie méridionale 
ont, pour ainsi dire, disparu de leur sol natal, et qu'il n'existe plus que 
quelques lambeaux épars de la population première, relégués loin des 
colonies existantes, formées par les Européens. Nous dirons plus..... 
Personne, faute de renseignemens, m'aurait pu entreprendre un travail 
semblable; et nous-même, qui vivions sur les lieux, Cest seulement par 


1. Voyez le travail spécial sur cette nation. 

2. L'expédition au Chili de lInca Yupanqui; Garcilaso , Comentario real de los Incas, lib. VIL, 
cap. XVIII, p. 246. 

3. Voyez nos détails spéciaux aux Guaranis, dans lesquels nous nous sommes étendu à ce sujet. 


Homme 
améri- 
ain. 


(12) 
Homme une grande persévérance, aidée du concours de circonstances des plus 


améri- 


ain, favorables, que, pendant un séjour de huit années au milieu de ces nations, 


—__—— 


nous avons obtenu des chiffres que la correspondance ne nous aurait jamais 
procurés, parce que les gouvernemens américains actuels répugnent à les 
faire connaître. Néanmoins, en présentant, dans le tableau suivant, le 
nombre des individus par nations, par rameaux, par races, nous n’avons 
pas la prétention d’être complet. Nous désirons qu’on voie dans ces résultats 
seulement des données recueillies par nous avec le plus grand soin.’ 


NOMS NOMBRE DES INDIVIDUS 
RAMEAUX. D ah a A = = <n 


DES NATIONS. É 
par nations. | par rameaux- par races. 


Quichua ou Inca....} 934,707 
PÉRUVIEN . ... 0006000: 372,397 
12000 1,315,452 
7,348 
Yuracarès..... DD OC 1,337 
Mocéténès.....,.. 2,400 
ANTISIEN. .....ee se ATacanarss. ee tre 6,304 1,364,009 
Maropa........ DOC 900 
Apolista 3,616 
Auca ou Araucano.. 30,000 
* | Fuégien 
Patagon ou Téhuelche 
Puelche..... ée sosie 
, Charrua 
PAMPÉEN. ........ ee { Mbocobi ou Toba . 
Mataguayo........ . 
PRES soso 
Lengua . 


ANDO-PÉRUVIENNE 


ARAUCANIEN 


Curavès 
Tapiis......... .. 
Curucanéca 
Paiconéca 
Corabéca.......... 
Moxos:..... 501 D 
Chapacura. ..,.,... 
Itonama 
.....)Canichana....... Do 
Movima UE 
Cayuvava.......... 
Pacaguara. 
Iténès Pie 
Guarani........ ts 


Botocudo......,.e.. 


RE VÉC DOUTE ce 

Chiquito ......... É 

Saravéca 
PAMPÉENNE,. .. ; Curuminaca. 
CHiQUITÉEN se /Coraréca 19,235 
BRASILIO-GUARANIENNE. 06000060 | 


. 1,685,127 


1. Nous avons indiqué, à la description de chaque nation, les sources auxquelles nous avons 
puisé ces renseignemens ; nous en avons discuté la valeur. On trouvera peut-être que nous avons 


(15) 

Sans sortir du cercle des nations qui font l’objet de ce travail, nous avons Homme 
encore trouvé le chiffre de 1,685,127 pour total des individus qui les com- aie 
posent actuellement. Que serait-ce si nous y avions toujours pu joindre celui 
du produit des mélanges, quand la seule nation quichua nous présente 
458,572 métis, et celle des Aymaras 188,237? Ces deux nations réunies 
offriraient donc un effectif de 646,809 individus, plus ou moins mé- 
langés du sang espagnol; et si nous les ajoutions aux individus purs de 
race, nous trouverions encore sur les lieux dont nous nous occupons, une 
somme de 2,531,936 individus : cette somme prouvera que les Américains 
ne sont pas encore près de s’éteindre, et qu'il faudra bien quelques siècles 
avant qu'ils se soient entièrement fondus dans la population générale. 

Si nous reprenons ces calculs, en divisant les individus en deux séries, 
composées, l’une de ceux qui se sont rangés au christianisme, lautre de ceux 
qui vivent encore dans l’état sauvage, ce que nous avons toujours fait pour 
chaque nation, nous trouvons, par rameau, les résultats suivans : 


Individus chrétiens,  Individus sauvages. 


Rameau péruvien. . . ... 1,315,452 2 

Rameau antisien . . . . . . 11,857 2,700 
Rameau araucanien. . . . . z 34,000 
Rameau pampéen. . . . .. 100 32,400 
Rameau chiquitéen. . . .. 17,735 1,500 


Rameau moxéen . ..... 23,750 3,497 
Race brasilio-guaranienne . 222,036 20,100 


Toraz. . . . . . .  1,590,930 94,197 


Ainsi donc, sur la surface que nous avons explorée, il se trouverait 
1,590,950 Américains purs réduits au christianisme, et il en resterait à peu 
peu près 94,197, encore à leur état primitif : nous disons, à peu près, parce 
qu'afin de n'être pas taxé d’exagération, nous tenons toutes les sommes 
approximatives plutôt un peu au-dessous qu'au-dessus de la vérité. De 
la comparaison de ces sommes, bien qu’elles ne paraissent avoir, au premier 
abord, aucune portée philosophique, on peut tirer des conséquences de la 
plus haute importance, pour les rapports physiologiques et moraux des Amé- 
ricains, en les considérant par nations, par rameaux; car on sera forcé de 


eu tort d’accuser, pour chaque nation, jusqu'aux fractions rencontrées dans les recensemens qui 
nous ont servi de base; mais nous croyons qu’en arrondissant ces nombres, nous nous serions 
encore plus éloigné de la vérité; car alors il y aurait eu de l'arbitraire. 


(14) 


Homme reconnaître : 1À.° qu’elle est tout à fait en faveur des divisions que nous 


améri- 
cain. 


avons établies seulement d’après les caractères physiologiques, puisque chaque 
rameau est presqu’entièrement ou chrétien ou sauvage; 2.° qu’elle prouve 
que les caractères physiologiques sont en rapport avec les dispositions morales ; 
3. que la soumission facile des indigènes américains aux conquérans du 
nouveau monde tenait plus à ces dispositions morales qui leur sont natu- 
relles, qu'a la seule bravoure de ceux-ci, puisque les nations qui leur ont 
résisté au temps de la conquête, sont encore libres, tandis que celles qui les 
recurent en amis sont toutes soumises. 

En considérant séparément chaque race, chaque rameau, sous ce point 
de vue, nous voyons le rameau des Péruviens entièrement soumis; dans le 
rameau des Antisiens, les parties de nations qui ne l'ont pas été sont celles 
que des diflicultés locales ne permettaient pas d'atteindre facilement; car 
elles n’ont jamais résisté; tandis que celui des Araucaniens s’est laissé 
décimer plutôt que de se plier aux exigences européennes. IL est à remar- 
quer que le seul rameau de la race péruvienne qui ait bravé leffort des 
armes espagnoles, habite les parties les plus méridionales du continent. 
Voyons maintenant s'il en sera de même dans notre race pampéenne. Le 
rameau pampéen, le plus méridional des trois, offre absolument les mêmes 
résultats que les Araucaniens. Là nul west chrétien, tous sont encore 
libres; tandis que chez les Chiquitéens, chez les Moxéens, tous ceux qui 
n’ont pas cédé au seul zèle des missionnaires, ont dû le maintien de leur 
indépendance à leur éloignement des lieux où se prêchait le christianisme. 
D'un autre côté, l’on a vu tous les Guaranis, même les plus méridionaux, 
se soumettre aveuglément au joug qu’on leur imposait dans les parties sud 
de leurs limites; et s'ils ne se sont pas convertis au christianisme vers le 
nord (les Chiriguanos de Bolivia), du moins ils sont toujours amis des 
colons européens. 

De tous les faits qui précèdent nous croyons pouvoir conclure, malgré 
quelques apparences contraires, que l'influence de la température sur le 
plus ou moins de docilité de Phomme américain a moins agi sur lui que 
ses dispositions morales naturelles. Tous les peuples des parties les plus 
méridionales du continent d'Amérique, depuis le 34.° degré de latitude 
sud jusqu'à son extrémité, ne se sont, il est vrai, jamais soumis; mais 
ceux des plaines chaudes du Chaco, comprises entre le 20.° et le 32.° degré 
de latitude, sont toujours restés indépendans, malgré les nombreuses ten- 
tatives faites pour les soumettre ; tandis que les Quichuas et les Aymaras, que 


(15) 
les plateaux élevés qu'ils habitent peuvent faire regarder comme des habi- Homme 
tans de régions tempérées et même froides, se sont livrés aux Espagnols, “ain. 
dés que ces derniers ont paru. 
Les nations, considérées dans leur importance relative sous le rapport 
du nombre total actuel des hommes qui les composent, doivent occuper 


l’ordre suivant, que nous comparons à leur ordre selon la superficie occupée. 


NUMÉROS NUMÉROS 


; NOMS D'ORDRE 
D ORDRE POPULATION. selon l’étendue 


selon DES NATIONS. de terrain 


1 ulation. E 
à POP occupé. 


Quichua ou Inca......., NET 934,707 
Guarani 238,136 
372,397 
30,000 
Chiquito so. 14,825 
Mbocobi ou Tobas 14,000 
13,620 
Patagon ou Téhuelche...,... 10,000 
Atacama 
HaCand.. es... pose 


Î 
2 
3 
4 
5 
6 
7 
8 
9 


mi ei 
© 


Mataguayo. . .......sove se . 
Itonama 


[= 
D 


Ce tableau présente des différences énormes, qui prouvent que la surface 
est loin d’être en rapport avec la population qui lhabite; ce qui tient à 
deux causes principales : d'abord à la nature du terrain, comme nous l'avons 
dit, puis au genre de vie des habitans, comme nous le verrons plus tard. 

Afin qu'on puisse juger, par des chiffres, des rapports de la population à 
la surface par lieues carrées de 25 au degré, selon la nature du terrain et 
selon les mœurs des habitans, voici les résultats obtenus pour ceux des 
peuples que leur position actuelle permet de présenter en tableau * : 


1. Les nations laissées sans numéro d’ordre sont celles qui occupent une portion de terrain 
trop petite pour devoir se placer parmi les onze que nous avons fait figurer dans notre première 
comparaison. Voyez page 8. 

2. Nous ne pouvons, dans ces calculs, arriver à quelque justesse qu’en prenant pour terme de 
comparaison les seuls rameaux ou les seules nations qui habitent des circonscriptions déterminées; 
car, dès que les populations sont mélangées de blancs , les rapports des nations pures avec la 
surface cessent d’être exacts. Nos rameaux chiquitéen , moxéen et la nation patagone remplissent, 
à cet égard, toutes les conditions voulues. Quant à la nation Aymara, comme son territoire 


(16) 


Homme SUPERFICIE 


ed NATIONS NATURE MŒURS HABITÉE 
sai ù HABITANS 
is _ DES TERRAINS _ POPULATION. 
RAMEAUX qu'ils habitent. DES, HABIRANS: /Idientsicaniées par lieue carrée, 1 


de 25 au degré. 


Rameau Chiquitéen| Collines boisées et |Chassenrs, agriculteurs. 7,500 19,135 2 
chaudes. 
Rameau Moxéen . . Plaines et bois inondés|Agriculteurs, chasseurs, 8,125 27,247 3 
et chauds. pêcheurs. 
Nation Patagone.. Plaines arides, sèches Chasseurs. 28,750 10,000 0 
et froides. 1 homme par 3 lieues 
Nation Aymara....| Montagnes élevées, |Pasteurs, agriculteurs.| 11,250 717,988 69 ? 


sèches, tempérées ou 


froides. 


On voit que, favorisé par les circonstances, nous pouvons mettre en 
regard des surfaces de terrains placées dans des conditions tout à fait 
différentes de température, de latitude, d’élévation, de nature, et des 
hommes dont les mœurs sont tout à fait distinctes; aussi croyons-nous 
que cette comparaison offrira de l'intérêt, surtout lorsqu'on la rapprochera 
des résultats obtenus en Europe. Notre tableau démontrera que la partie 
de l'Amérique où le nombre de la population se trouve le plus élevé, est 
précisément celle où les peuples étaient les plus civilisés, et ceux chez 
lesquels Pagriculture avait fait le plus de progrès; qu'au contraire, celles où 
lhomme n’avait d'autre industrie que la chasse, restaient au-dessous de tout 
ce que lon connaissait. Il démontre, enfin, que la surface habitée par les 
indigènes qui joignent l'agriculture à la chasse, quoique relativement bien 


est aussi occupé par beaucoup d’Européens et de métis, nous avons dû prendre pour base, non celui 
des Indiens de race pure, mais la population entière des quatre départemens de la Paz, d’Oruro, 
de Puno et d’Aréquipa, ainsi que leur surface; car il est évident que les colons n’ont pas 
changé les ressources locales, ni le genre de vie propre aux montagnes. 

1. Nous n’avons pas cru devoir faire entrer les fractions dans ce tableau; aussi avons- nous 
pris le terme le plus près de la vérité. 

2. 11 y a loin encore de là à la population de l’Europe, qui, selon M. Quetelet (Sur l’homme, 
etc., t I, p. 282), est de 1062 pour la France; et suivant M. Moreau de Jonnès, de 1200, 
d’après ce qu’il a bien voulu nous communiquer verbalement. 

3. Dans les Pays-Bas, 1829 habitans par lieue carrée de 25 au degré. 

En Angleterre, 1457 — es = 
En Espagne, 641 — — _— 
En Suède etNorwège, 82  — _ = 


D’après le tableau présenté par M. Quetelet (Sur l’homme et le développement de ses facultés), 
t. I, p. 282; Paris, 1835. 


(17) 


plus étendue que celles qu'occupent les peuples seulement agriculteurs, ne Homme 
saurait être en rien comparée à celles où résident les peuples purement F4 
chasseurs, surtout lorsque le terrain, par sa nature, en est sec et stérile, 


comme celui des Patagons. 


Mouvement de la population et statistique de la race américaine. 


Jusqu'à ce jour on n'avait jamais pu obtenir de données précises sur la 
population purement américaine; aucune des parties connues du nouveau 
monde n’avait même encore offert les circonstances favorables nécessaires 
à la réunion des élémens d’un bon travail sur cet objet. Pour étudier utile- 
ment les indigènes sous le rapport de leur statistique, il fallait qu'ils se 
présentassent sans mélange, tout en dépendant d’un gouvernement quel- 
conque, qui rendit possible l’obtention de renseignemens positifs. Aucun 
point ne nous offrait, sous ce rapport, autant de garanties que les anciennes 
Missions des Jésuites des provinces de Moxos et de Chiquitos, situées au 
centre de l'Amérique, sous la zone torride; là seulement une population 
purement américaine était soumise à la république de Bolivia. Frappé de 
ce fait, nous avons cherché à faire, de ces deux provinces, le centre de nos 
observations spéciales sur les mouvemens de la population, comme sur 
tout ce qui concernait la statistique des aborigènes. Secondé, dans nos 
recherches, par les curés et par les gouverneurs', nous croyons pouvoir 
présenter comme sûres les données qui suivent, car nous les avons exacte- 
ment relevées sur les registres des curés; et le gouvernement des Jésuites, 
perpétué par les employés actuels, maintient une police trop scrupuleuse, 
qu’exercent les Indiens eux-mêmes, pour qu’une seule naissance, un seul 
décès puisse être ignoré d’eux. Les résultats que nous allons faire connaître 
ne sont basés, il est vrai, que sur une population peu nombreuse, puis- 
qu’elle ne s'élève pas au-dessus de 58,197 ames, distribuée entre deux 
provinces : lune, celle de Chiquitos, couverte de forêts et composée de 
collines granitiques; lPautre, celle de Moxos, presque dénuée d’arbres, 
formée exclusivement de plaines humides, inondées une partie de l’année. 
Mais, sans être peut-être basés sur une population assez nombreuse pour 


1. C’est surtout à l’amitié de M. Marcelino de la Peña que nous avons dû l’avantage d’obtenir 
ces renseignemens, qu’on ne pourrait certainement pas recueillir avec autant d’exactitude, même 
dans les parties civilisées des républiques américaines. 


IV. Homme. 3 


(18 ) 


Homme fixer définitivement l'opinion sur l’objet qu’ils concernent, nous en sommes 


améri- 
«ain. 


bien convaincu, ces résultats offrent des observations intéressantes pour la 
statistique comparative des lieux; et lanthropologiste, en les consultant, 
pourra déjà s'assurer si les choses se passent parmi des hommes de races 
différentes et presque sauvages, comme sous nos yeux, au sein de la civili- 
sation européenne. 

Nous commencerons par faire connaître les élémens de la population des 
deux provinces qui vont nous occuper. 


Population indigène de la province de Chiquitos en 1830.: 


MASCULINE. FÉMININE. TOTAL 
NOM S ELEC de la 
Au- De 3 Au- De 3 popula- 
DES SSIQNS dessous à Mariés. | Veufs. | Torar. À dessous à Mariées. | Veuves. | Torar. tion. 
de 3 ans.| 14 ans. de 3 ans.| 12 ans. 


San-Xavier . 29 60 340 53 482 23 52 340 49 464 946 
Concepcion...| 173 | 235 | (679 59 11,146 | 162 | 189 679 73 |1,103 | 2,249 
San-Ignacio...| 460 181 782 136 | 1,559 414 79 782 100 |1,375 | 2,934 
San-Miguel...l 212 | 214 | 800 27 |1,253 | 297 | 143 | 800 17 11,257 | 2,510 
Santa-Ana ....| 190 54 | 131 49 | 424 140 49 131 54 | 374 798 
San-Rafael ...| 223 69 | 299 45 | 636 77 23 299 14 | 413 | 1,049 


San-Jose.....| 291 119 555 24 989 | 232 102 555 32 | 921 | 1,910 
San-Juan..... 180 54 200 5 439 160 40 | 200 40 | 440 879 
Santiago. .... 230 86 | 288 16 620 | 243 42 | 288 41 614 | 1,234 
Santo-Corazon| 156 37 215 9 417 128 38 215 7 383 805 


Toraux. ..| 2,144 | 1,109 | 4,289 | 423 | 7,965 | 1,876 757 |4,289 | 427 17e 15,314 


A EEEEEEEEEEE————————_——_—_———"——"———_——— —— — —— _—_—_————_—_—_—_—_——. 


1. Les différences de chiffre qu’on remarque entre ces sommes et celles de la population du 
rameau chiquitéen , tiennent à ce que, dans les sommes des rameaux, les Chapacuras, par leurs 
caractères, ont été portés aux Moxéens. 


(19) 


Population indigène de la province de Moxos en 1831.! 
EE——————.——————_—_—_ÂLÂLÂEÂ_E_E___—__—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—_—]—]—_— 


MASCULINE. FÉMININE. TOTAL 

de la 

. laua à 
DES RNSEIQNE RSS] Mariés. | Veuts. ToraL. He Mariées. | Veuves. | Torar. |Population. 


de 12 ans. 


de 14 ans. 


Loreto . . sl 453 | 494 81 | 1,028 | 471 | 494 21 986 | 2,014 
Trinidad......... 672 | 658 54 | 1,384 | 597 | 658 6 | 1,261 | 2,645 
San-Xavier.......| 292 | 371 5 668 | 315 | 371 35 721 | 1,389 
San-Pedro.......| 328 | 420 56 804 | 329 | 420 23 772 | 1,576 
San-Ignacio . .. 414 | 514 37 965 | 381 | 514 88 983 | 1,948 
Santa-Ana ....... 255 | 300 16 571 | 268 | 300 17 585 | 1,156 
PR ANE 266 2 460 | 120 | 266 54 440 | 900 
ne 473 473 2,073 
San-Ramon. ..... 550 | 443 65 | 1,058 | 373 | 443 19 835 | 1,893 
San- Joaquin... 137 | 194 5 336 | 147 | 194 13 354 | 690 
Magdalena. ...... 672 | 658 54 | 1,384 | 621 | 658 6 | 1,285 | 2,669 
Concepcion . ..... 606 | 682 37 | 1,325 | 882 | 682 | 144 | 1,708 | 3,033 


Carmen ..,... se 


EE EE 


TorTaux....| 5,197 11,339 


Avant de chercher à établir aucune comparaison, nous devons expliquer 
pourquoi, au-dessus de quatorze ans chez les hommes, et de douze chez les 
les femmes, nous n'avons plus d'individus non mariés. Cette singularité 
tient à la coutume établie depuis le temps des Jésuites, de marier souvent une 
jeune fille à l’âge de dix ans et les jeunes gens dès l’âge de treize. Cette 
coutume est tellement outrée, qu'on nous a montré un veuf de douze ans 
et une veuve de dix; et, au-dessus de cet âge, 1l n’y à, dans chaque Mission, 
que très-rarement des individus non mariés ou veus. 

Il résulte des tableaux qui précèdent, que les rapports suivans existent 
entre la population mariée et non mariée, comparée au total de la popula- 


tion dans chaque province. 


1. Les différences qu'on pourra remarquer entre le total de la population de Moxos et celui 
de notre rameau moxéen, tiennent à ce que, dans ce tableau-ci, nous plaçons les Maropas de Reyes, 
qui appartiennent au rameau antisien , et à ce que la population des Chapacuras n’est ici que celle 
de Moxos, et non celle de Concepcion de Chiquitos réunie, comme nous l'avons fait dans le tableau 


des Moxéens. 


Homme 
améri- 
ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


(20) 


INDIVIDUS | INDIVIDUS | EXCÉDANT 


EN FAVEUR 
DES MARIÉS. 


PROVINCES. NON MARIÉS. MARIÉS, 


| 
CHIQUITOS....... 5,886 9,428 3,542 ! 


MOXOS ..........l 10,500 ‘12,383 1,883 


Ainsi, à Chiquitos, sur une population de 15,314 ames, le nombre des 
mariés l'emporterait de 3,542 sur le nombre de ceux qui ne le sont pas; 
tandis qu'à Moxos, sur une population totale de 22,883 ames, l’excédant 
en faveur des mariés serait de 1,883, ce qui est loin d’être en rapport; mais 
on peut s'expliquer ce fait par la circonstance que, dans la province de 
Moxos, il meurt, avant quinze ans, beaucoup plus de garçons que de filles, 
comme on pourra le voir par le tableau des décès”, ce qui probablement 
oblige beaucoup de jeunes filles à retarder leur mariage, en empêchant 
aussi les veuves de se remarier. Cette observation paraît d'autant mieux 
fondée, qu’en comparant la population masculine de Chiquitos avec la 
population féminine de cette même province, on y trouvera un excédant 
de 616, en faveur des hommes, tandis qu’à Moxos cet excédant est de 205, 
en faveur des femmes. 


MOUVEMENT de la population indigène des provinces de Chiquitos et Moxos, 
république de Bolivia, pendant les années 1828, 1829, 1830. 


| Ma- NAISSANCES DÉCÈS AUGMEN- 


£ ES | Lt, À T'ATION 
PROVINCES, ANNÉES. | pages. | masce 7 éa : ce 
lines. nines. | TOTAL. |masculins|féminins.| TorTaz. [population 
MOXOS. 
Plaines et bois inondés une partie de[ 1828 £ 767 805 |1,572 590 500 |1,090 482 


l'année; température très - chaude; 1829 


- £ = 
latitude du 12. au 15.° degré sud, sur Si 807 133 | 1,540 574 501 11,075 465 
une population de 22,883 ames. 1830 551 807 784 | 1,591 562 560 |1,122 | 469 


| ———— | ———— |  —— | ————— | ——— | ——— 


Sommes réunies des trois années. .|e-...e see 2,381 | 2,322 | 4,703 | 1,726 | 1,561 | 3,287 | 1,416 
CHIQUITOS. 

Collines granitiques, boisées ; tempé-{ 1828 £ 502 AT1 973 z Ê 940 33 
rature chaude; latitude du16.° au 19.° 1829 . 540 559 | 1.099 js _ 774 395 
degré sud, sur une population de É d Fe d 
15,314 ames. 1830 322 513 488 |1,001 2 z |1,304 22 

Sommes réunies des trois années. .|s.eoeol.eee.e 1,555 sl ,»18 3.073 £ d 3,018 700 


1. Il est curieux de comparer ces résultats avec ceux que présente l’Europe. Voyez à cet égard 
les savans travaux de M. Quetelet, Sur l’homme et le développement de ses facultés, t. 1, p. 297, 
dans lesquels il démontre que les deux tiers de la population se composent de célibataires et l'autre 
tiers de mariés ou de veufs. 


2. Au lieu d'augmentation, il y a eu une diminution de 303 individus. 


(21 ) 

Le tableau qui précède démontre comparativement le mouvement de la 
population pendant les années 1828, 1829 et 1850, dans les deux provinces 
qui nous occupent; mais nous avons cru devoir y réunir les sommes des 
trois années, pour obtenir une moyenne, et pour que les chiffres plus 
élevés fissent mieux sentir les différences comparatives. Ce tableau paraîtra 
peut-être d'autant plus intéressant, qu'il donne les résultats obtenus sur 
une population dont aucun membre n’est inutile à Paugmentation de la 
société, sous la zone torride, en des lieux où l’on semble avoir réuni tous 
les moyens propres à obtenir, d’un nombre déterminé d’habitans, tout ce 
qu'on en peut attendre pour la reproduction de Pespèce, les administrateurs 
et les curés prenant le plus grand soin à ne laisser que les vieillards” libres 
de ne pas se remarier. 

Les rapports des élémens annuels de la population dont nous nous occupons 
sont très-curieux ; et ce qui ne le serait pas moins, ce serait leur rapprochement 
avec ceux qui existent dans nos cités, où, dans quelques classes, le manque 
d’aisance, l’inégalité des fortunes et une foule d'autres causes, empêchant 
un grand nombre d'individus des deux sexes de se marier, donnent lieu 
à beaucoup de naissances illégitimes; tandis que, dans les provinces de Moxos 
et de Chiquitos, tous les individus , sans exception, se mariant dès qu’ils sont 
en âge, on n’y trouve point d'enfants naturels. 

En raison de la cause même que nous venons de déduire, le nombre annuel 
des mariages, comparé à la population, offre des résultats bien différens des 
nôtres. En 1830, dans la province de Moxos, il y a eu 551 mariages, qui, 
comparés à la population de 22,883 habitans, présentent comme résultat : 

Un mariage pour 41.053 habitans. 

La même année, dans la province de Chiquitos, il y a eu 522 mariages”, 
qui, comparés à la population de 15,314 ames, donnent comme résultat : 


Un mariage pour 47.055 habitans. 


1. Il existe même une coutume singulière, instituée par les Jésuites : celle de faire réveiller une 
heure avant la messe tous les habitans, sans les obliger à se lever. Cette coutume peut favoriser 
le système que nous venons d'indiquer, de même que l’habitude de ne laisser pousser les cheveux 
aux femmes que lorsqu’elles ont été mères. 

2, Nous n'avons malheureusement, comme terme de comparaison, que l’année 1830, qui était 
une année d’épidémie , ainsi qu’on peut en juger par le nombre des décès; aussi y a-t-il eu peut-être 
moins de mariages que dans les années moyennes, et en conséquence nous ne doutons pas qu’au 
lieu d’être au-dessous de ceux de la province de Moxos, les rapports doivent être au-dessus. 

3. L'Annuaire du Bureau des longitudes pour 1835, p. 108, donne pour la France, d’après 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 22 ) 

Ces nombres, peu différents pour les deux provinces, paraissent être le 
maximum de ce qu’on peut obtenir d'une population quelconque. 

Si nous comparons le nombre annuel des mariages aux naissances, nous 
trouvons, par exemple, qu’en 1830, il y a eu, dans la province de Moxos, 
551 mariages et 1,591 naissances, ce qui donne : 

Enfans par mariage, 2.090; 

Qu’à Chiquitos il y a eu 322 mariages et 1,001 naissances, ce qui donne : 

ÆEnfans par mariage, 3.010.° 

La fécondité des mariages y est donc au - dessous de la moyenne 
observée en Europe; mais plusieurs causes nous expliquent très-naturelle- 
ment le fait. D'abord on y marie beaucoup d'individus des deux sexes bien 
avant qu'ils soient aptes à la reproduction, ce qui peut exercer une grande 
influence négative sur la fécondité des mariages®; puis il n’y a point, 
chez un peuple dont les femmes sont toutes de condition égale, de moyens 
de faire nourrir les enfans par d'autres, et de redevenir ainsi mères dix ou 
douze mois après leur accouchement. Chaque femme est obligée d'allaiter 
elle-même son enfant; et comme les alimens sont assez grossiers, elle le fait 


les savans résumés de M. Mathieu : un mariage pour 131.6 habitans, ou plus de trois fois le 
nombre des habitans par mariages des provinces de Moxos et de Chiquitos. 

À Cuba, suivant les observations de M. de la Sagra, consignées dans son important ouvrage 
statistique (Historia economico-politica y estadistica de la Isla de Cuba, p. 24), il y aurait eu, dans 
l’année 1827, un mariage pour 194 individus. Cette différence énorme de résultats provient évi- 
demment des conditions de l’état social. 

1. M. Mathieu, loc. cit., p. 108, donne pour la France: 

Enfans légitimes par mariage , 3.777 ; 

Nombre supérieur à ce qui existe dans les provinces de Chiquitos et de Moxos; mais la diffé- 
rence parailra beaucoup plus grande, pour peu qu’on la compare au tableau donné par M. Benoiston 
(Notice sur l'intensité de la fécondité en Europe, etc; Ann. des se. nat., Déc. 1826, p. à). 

En Portugal, enfans pour mariage, 5.14; 
En Bohème, — 5.21; 
En Savoie, — 5.65. 

Ainsi, tout en croyant qu’une chaleur modérée peut être favorable à la fécondité du mariage, 
comme nous avons été à portée de le remarquer à la frontière du Paraguay, et tout en tenant 
compte des influences perturbatrices, nous sommes loin de trouver, à Moxos et à Chiquitos, une 
confirmation de l'observation de M. Benoiston, que la fécondité est plus grande dans les pays chauds. 

2. M. Quetelet a déjà signalé cette cause comme amenant la stérilité ou produisant des enfans 
qui ont moins de probabilité de vie (Sur l’homme, etc., t. 1, p. 65). Dans les pays qui nous 
occupent, la seconde cause est évidente; mais les femmes, sans être jamais absolument stériles, 
ne sont jamais non plus très-fécondes. 


(25) 


invariablement trois années et plus, pendant lesquelles elle n’a aucune nomme 
méri- 


communication avec son mari, dans la crainte qu'une nouvelle grossesse “aix 
ne l’oblige au sevrage. Îl en résulte que, dans toute sa vie, une femme en a 
rarement plus de cinq à six, si même elle atteint ce nombre, ce qui n’est 

pas ordinaire. 

Comparées à la population, les naissances donnent à peu près les mêmes 
termes que les mariages; ce dont on pourra se convaincre, en mettant en 
parallèle les résultats obtenus en France avec ceux que présentent les 
provinces de Chiquitos et de Moxos, et que résume le tableau suivant. 


PROVINCES. ANNÉES. | NAISSANCES. | POPULATION. | UNE NAISSANCE 


pour habitans: 


14. 

14. 

14. 

Moyenne 14. 
1828 15. 
1829 13. 
1830 1,001 15. 
Moyenne ......ss.sssssose Doc 14. 


CHIQUITOS......... 


Moyenne des deux provinces. .....,.......... 14. 


Ainsi, quoique la fécondité des mariages soit un peu moindre qu'en 
Europe, la fécondité de la population y est néanmoins, relativement, de 
plus du double; ce qui tient à ce que chaque membre y concourt, aucun 


1. M. Mathieu donne, pour la France, loc. cit., p. 108: 
Une naissance pour 32.4 habitans; 
Nombre de plus du double de celui que nous trouvons pour moyenne des deux provinces. 
Selon M. Quetelet, Loc. cit., p. 84, les nombres seraient : 
p Pour la Prusse, une naissance pour 23.1 habitans ; 
Pour la Belgique, une naissance pour 30.0 habitans. 
M. de la Sagra, dans son excellent ouvrage sur la Historia economico-politica y estadistica de la 
Isla de Cuba, dit, p. 21, que la proportion des naissances par habitant est: 
Une naissance pour 25 blancs; 
— — 22 libres, de couleur; 
_— — 29 de couleur, esclaves. 
Ce qui est loin encore d’être comparable à ce que nous présente Moxos et Chiquitos. 


(24) 


Homme ne restant inutile, comme il arrive dans nos climats, où les moyens de 


améri- 
cain. 


subsistance et beaucoup d’autres causes s'opposent à ce que tous les indi- 
vidus se marient. La population de Chiquitos et de Moxos augmenterait donc 
rapidement, si les moyens de conservation y étaient en rapport avec le 
chiffre annuel des naissances. 

Le nombre des naissances, comparé aux décès, est loin de nous offrir 
toujours des résultats satisfaisants; ce qui tient à ce que nous venons de 
dire. On voit quelques années de suite la population suivre une progression 
assez prompte; mais une épidémie de petite vérole, mais quelque fièvre 
éruptive, en annullent en quelques mois tous les progrès. Le tableau suivant 
montrera ces énormes variations. 


NOMBRE DÉCÈS 
PROVINCES. ANNÉES. DES NOMBRE pour 


NAISSANCES. DAS UMAMESS 100 naissances. 


1,090 69.034 
1,075 69.067 
MONOS. een ue | 1,122 70.052 


Moyenne des trois années normales... 69.084" 
1831 1,385 | 2,198 202.02 
1828 973 940 96.060 
CHIQUITOS...,:.,2 0 1829 1,099 10.042 
1830 1,001 130.026 


Moyenne des trois années... 


On voit par ce tableau, que les années normales, comme le sont, pour 
Moxos, 1828, 1829 et 1830, et, pour Chiquitos, 1829, donnent certaine- 
ment une bien belle proportion, quand on la compare à celle de la France; 
mais les épidémies de 1831 à Moxos, et de 1830 à Chiquitos, anéantirent 
en grande partie l'accroissement annuel?, et comme ces épidémies sont mal- 
heureusement très-fréquentes, la population, d’après les recherches que nous 


1. M. Mathieu, loc. cit., p. 108, donne pour résultat, relativement à la France: 

Pour une naissance, 0.82 décès; 

Chiffre assurément beaucoup plus élevé que celui des années normales de Moxos et de Chiquitos. 
À Cuba, M. de la Sagra, loc. cit., p. 22, trouve un décès pour 1.8 de naissance. 

2, Voyez les résultats au tableau du mouvement de la population. 


(25) 


avons faites, a plutôt diminué qu'augmenté, même depuis l’époque de l’ex- Homme 
pulsion des Jésuites (1767 ). Cette population, pourvue de tous les avantages N 
possibles, quant aux moyens naturels de prospérité, est donc, d’un autre 
côté, dénuée de toute ressource contre les maladies normales, de tous moyens 
préservatifs et curatifs contre les ravages des épidémies. 

Comparés au nombre dhabitans, les décès nous donnent les résultats 


suivans. 


UN DÉCÈS 


PROVINCES. ANNÉES. DÉCÈS. |POPULATION. 


pour habiians : 


1828 1,090 22,883 29.099 

CT 1829 1,075 22,883 21.028 
1830 1,122 22,883 20.039 

Moyenne des trois années... ,....... 20.086 

1828 940 15,314 16.029 

CHIQUITOS. eee 1829 774 15,314 18.078 
1830 1,304 15,314 11.074 

Moyenne des trois années. .,....... 15.022 

Moyenne des deux provinces. ......... 2. 18.004 


Si, d’un côté, nous avons vu le nombre des naissances, comparé à la 


1. M. Mathieu donne pour la France, loc. cit., p. 108 : 
Un décès pour 39.4 habitans. 

Dans les provinces de Moxos et de Chiquitos on ne fait absolument rien pour la guérison des 
malades, et à cet égard la nature est entièrement livrée à elle-même. 

M. Quetelet, Loc. cit., p. 84, donne les nombres suivans: 

En Angleterre, un décès pour 49.0 habitans; 

En Prusse, un décès pour . . 36.2 habitans. 

On a depuis long-temps reconnu qu’en Europe, et ailleurs, les lieux marécageux augmentent le 
chiffre des décès, comparé à celui de la population. (Voyez les savantes recherches de M. Villermé, 
Annales d'hygiène , et de M. Quetelet, Loc. cit., t. T, p. 150.) Il est curieux de trouver une excep- 
tion à ce fait pour la province de Moxos, comparée à celle de Chiquitos. 

Dans l'ile de Cuba, M. de la Sagra, Historia economico-politica, etc., p. 22, a trouvé: 

Un décès pour 40.8 parmi les blancs ; 

_ — 27.9 pour les hommes de couleur libres; 
— — 35.9 pour les hommes de couleur esclaves. 

Ce qui, quoiqu’au-dessous, pour la moyenne, des résultats obtenus en France, est beaucoup mieux 

que dans les provinces qui nous occupent, situées par une température à peu près égale. 


IV. Homme, 4 


(26) 


Homme population, nous donner des résultats extraordinaires, mais néanmoins 


améri- 
cain. 


toujours en rapport direct avec les coutumes locales et les moyens de repro- 
duction, nous voyons aussi que la mortalité, comparée à la population, 
nous donne des termes bien inférieurs à ceux qu’on obtient en Europe; ce 
que nous devons attribuer à ce que les causes de dépopulation ne sont en 
rien réprimées par les ressources que fournissent la civilisation et le secours 
de la médecine. 

Les décès masculins, comparés aux décès féminins, sont dans les rapports 
Suivans : 


: DÉCÈS Décès féminins 
PROVINCE. ANNEES, | _—" "1  —— pour 
masculins. féminins. 100 décès masculins 


1828 590 84.074 
1829 574 87.028 
1830 562 560 99.064 


MOXOS. soso 


Moyenne des trois années ......... 90.044: 


Ces rapports sont assez différens de ceux qu’on observe en Europe; ce 
qu'on pourrait attribuer au travail manufacturier des hommes moxéens, et 
à ce que, dans leurs navigations continuelles sur les cours d’eau, en un pays 
inondé, les Moxos sont plus sujets à prendre le germe des fièvres inter- 
mittentes ou plus exposés aux accidens divers inhérens à leur genre de vie. 

Il nous reste à comparer le nombre des naissances masculines à celui 
des naissances féminines, pour en reconnaître les rapports avec les pays 
tempérés, et pour chercher dans les connaissances locales , quelques faits 
qui viennent à l'appui des variations qu’on y remarque. 

Le tableau suivant montrera les résultats obtenus. 


1. M. Mathieu a trouvé, pour la France, les rapports des 
masculins... bb; 
féminins. ... 54.066. 


Décès. . 


Homme 
améri- 


pour 100 filles. cain. 


, NAISSANCES GARÇONS 
PROVINCES. ANNÉES, | 


masculines. féminines. 
| RUhUUUUOUOUOUOUOUOOOOO— CR SP 


1828 767 805 95.28 

1829 807 110.10 

MOXOS.. ce e 1830 807 102.93 
1831 695 100.72 
Moyenne des quatre années 102.12 
1828 502 106.58 
1829 540 96.60 
1830 513 105.12 
Moyenne des trois années 102.44 


CHIQUITOS.....,... 


Moyenne des deux provinces ............ . 102.28: 


En ne tenant compte que des résultats généraux, la moyenne des deux 
provinces serait seulement de 102.28 garçons pour 100 filles; et, s’il est 
permis d’asseoir un jugement sur ces nombres, on en pourrait conclure que, 
dans les zones très-chaudes, le nombre des garçons est, proportionnellement 
à celui des filles, moins élevé que dans les pays tempérés et même froids. 

Il est un fait qui peut avoir une grande influence sur le nombre compa- 
ratif des naissances masculines et féminines : c’est que, les mariages ayant 
lieu de très-bonne heure pour les deux sexes”, la différence d'âge entre les 
mariés n’est presque Jamais de plus de deux à trois ans, et la femme est 
toujours nubile au moins ce nombre d'années, avant que homme soit pubère, 
même sous la latitude qui nous occupe : la femme est donc, lors de sa première 
grossesse, évidemment plus formée que homme; car elle a dès-lors atteint tout 
son accroissement, tandis que homme est loin encore d’avoir complété le sien. 

Recherchons maintenant linfluence possible des saisons sur les naissances. 


1. Selon les travaux publiés par M. Quetelet, dans son savant ouvrage Sur l’homme et le 

développement de ses facultés, etc., Paris, 1835 , tome I, page 45 , les proportions seraient : 
En Russie...... 108.91; 
En France...... 106.55; 
En Suède....... 104.62. 

La moyenne, pour l’Europe, serait de 106.00 ; termes beaucoup plus élevés que les résultats 
que nous venons de présenter. 

À la Havana, d’après M. de la Sagra, Loc. cit, p. 28, il y aurait eu, pour cinq années, un terme 
général de 1.0288 garçons pour 1 fille, ce qui est plus élevé qu'à Chiquitos, tout en étant beau- 
coup au-dessous des résultats obtenus en Europe. 

2. Voyez ce que nous avons dit page 19. 


Homme 
améri- 
ain. 


——_— 


(28) 
On en trouvera les données, pour les provinces de Moxos et de Chiquitos, 
situées toutes deux sous la zone torride, dans les deux tableaux suivans. 


TABLEAU COMPARATIF des Naissances par mois de la province de Moxos, pendant 
les années 1828, 1829 et 1830. 


SOMMES RÉUNIES 
1828. 1829. 1830. des trois années. 


D CC QU 


Mascul. | Fémin. Torac. | 'Mascul. | Fémin. Toraz. | Mascul. | Fémin. | Toraz. Mascul. Fémin. ToraL. 
a =, 


Janvier.....| 50 55 105 62 62 124 46 51 97 158 168 326 


MOIS. 


Février... .. 49 39 88 55 42 97 44 56 100 148 137 285 
Mars....... 72 55 127 66 52 118 67 53 120 | 205 160 365 
ANT. 60 66 126 64 69 133 72 81 153 196 216 412 
Mai. ....... 81 94 175 79 71 150 59 65 124 219 230 449 
Juin ...:... 64 66 130 68 50 118 63 66 129 195 182 377 
Juillet. ..... 69 | 70 139 93 79 172 76 67 143 238 | 216 454 
Aoùût....... 70 63 133 67 55 122 91 76 167 | 228 194 422 


Septembre..| 69 | 91 | 160 | 81 88 | 169 | 90 | 79! 169 | 240 | 258 | 498 
Octobre ....| 67 74 141 59 63 122 71 68 139 197 205 402 
Novembre... | 61 | 63 | 124! 63 | 61 | 124 | 65 | 65 | 130 | 189 | 189 | 378 
Décembre..\ | 55 69 124 50 41 91 63 57 120 168 167 335 


ee | —— | ———— |Ù———— | ——————_ | —————_—_—_— À ———_— | ———— | ——_— | ———— | ———— 


767 | 805 |1,572 | 807 | 733 | 1,540 | 807 | 784 | 1,591 | 2,381 | 2,322 | 4,703 


TABLEAU COMPARATIF des Naissances par mois de la province de Chiquitos, 
pendant les années 1828, 1829 et 1830. 


SOMMES RÉUNIES 
MOIS. note 1829. 1830. des trois années. 


RS PQ ES 
Mascul. |! Fémin. Torar. Mascul. Fémin. | Torar. Mascul. | Fémin. Torac. Mascul. Fémin. ! Torar, 


Janvier. .... 54 143 137 280 
Février j2 ÿ : 138 113 251 
: 137 135 272 

136 137 273 

127 122 249 

165 121 286 

137 256 


Septembre. 
Octobre .... 
Novembre... 
Décembre... 


488 | 1,001 


Comme nous avons toujours trouvé une concordance assez exacte entre 
les mois de maximum et de minimum des naissances masculines et des 
naissances féminines, nous croyons inutile de rechercher des causes diffé- 
rentes pour les unes et pour les autres; mais, afin de pouvoir démontrer 
quelles sont les influences que nous paraissent exercer les saisons sur le 
plus ou moins grand nombre de naissances, nous allons présenter, en regard 
et par années, les maximum et les minimum des naissances mensuelles. 


(29) 


MOIS DU MAXIMUM | MOIS DU MINIMUM 
PROVINCES. ANNÉES. 


DES NAISSANCES. DES NAISSANCES. 
Mas sn: 175 | Février. ..... 88 
1828... Septembre.... 160 | Janvier....... 105 
Octobre...... 141 Décembre .... 124 
Juillet....... 2 Décembre ..., 91 
1829... Septembre.... 169 | Février...., eu ON 

Matisse 15 Mars........ sil 
MOXOS... al 0 ars 18 
Septembre.... 169 | Janvier....... 97 
1830... août... .... 167 | Février... 100 
Avril... . 199 Décembre..... 120 
Septembre.... 498 | Février....... 285 
RÉSUMÉ Juillet ce 454 | Janvier... ... 326 
Mans se es. 459 | Décembre. ... 345 
Janvier....... _102 Février......, 62 
1828...) Avril... ,..... 98 | Août... .. 69 
Mai....., ss... 81 | Juillet ....:.. "72 
JUIN. 0... 122 Décembre... .. 69 
1829....{ Juillet . Sue ct 1407 | Janvier....... 71 
AOULS stereo ec < 94 Février... .... 89 

CHIQUITOS..... 

Janvier....... 107 | Décembre..... 57 
1830....! Février. ...... 100 Novembre .... 70 
Mars... 95% | Mai... osent 70 
. . TN. ere 286 Décembre .... 204 
ie Janvier... 280 | Novembre .... 243 
Avnl. ess 279 Mars... 249 


° 
Quoique la température soit relativement peu variable, dans les pays dont 


nous nous occupons, on y sent néanmoins très-vivement les influences des 
saisons, qui dépendent de l’état météorologique des lieux. L'une, la saison 
sèche, commence en automne, c’est-à-dire au mois d'Avril, et finit au prin- 
temps, en Septembre : la nature change alors d'aspect; les arbres se 
revêtent de feuilles nouvelles, de fleurs brillantes ; la végétation la plus 
active vient couvrir partout un sol qu'avaient brûlé les sécheresses de 
l'hiver; il commence à pleuvoir. À l'instant où la nature entière sort de 
cette espèce de léthargie et prend une vie nouvelle, comment lhomme 


LD 


Homme 
améri- 
cain. 


(30 ) 


Homme n'en ressentirait-il pas les puissans effets? Si nous cherchons une preuve 


améri- 
cain. 


de cette action des saisons sur le nombre des enfans nés neuf mois après, 
nous la trouverons des plus concluante, et nous verrons, par le tableau 
précédent, qu'à Moxos, pendant trois années, les maximum sont toujours 
restés entre les mois de Mai et d'Octobre, c’est-à-dire que les enfans ont 
été conçus d’Août en Novembre, ou au printemps, instant des premières 
pluies, au moment où celles-ci deviennent trop abondantes et inondent le 
pays. La moyenne des trois années sur lesquelles roulent nos observations, 
donne pour maximum, à Moxos, Septembre, Juillet, Mai, qui corres- 
pondent, pour les conceptions, à Janvier, Novembre et Septembre (prin- 
temps et été)’. À Chiquitos, nous trouvons moins de régularité dans l'in- 
fluence des saisons; néanmoins les maximum se trouvent presque toujours 
dans les mêmes limites, et il n’y a d'exception que pour Janvier. Le mois de 
conception est Mai, instant le plus froid de l’année, où quelquefois un 
vent sec du Sud raffermit la fibre et tempère la chaleur étouffante de la 
latitude de Chiquitos. Le plus ou moins d’abondance d’alimens ne paraît 
pas influer toujours directement sur le nombre des naissances; car, à la saison 
des récoltes (Février, Mars, Avril), correspondent les minimum des naissances 
de Moxos ; il pourrait tout au plus exercer quelque influence à Chiquitos, 
lorsque les maximum ont eu lieu en Mai et en Juin, correspondant, pour 
la conception, à Janvier et à Février, l'instant où les premières récoltes 
commencent dans cette province. 

L’explication que nous venons de donner pour les maximum, répond, 
en quelque sorte, à ce que nous pouvons dire pour les minimum; néan- 
moins nous pouvons encore en trouver des causes plus spéciales. À Moxos 
on ne doit pas attribuer d'influence au défaut d’abondance, puisque nous 
trouvons le maximum des conceptions précisément à lépoque des semences, 
l'instant le plus éloigné des récoltes; tandis que les nunimum ont lieu 
toujours en Décembre, en Janvier, en Février, qui correspondent, pour les 
conceptions, aux mois d'Avril, de Mai, de Juin, qui suivent les récoltes. 
Nous croyons y trouver deux influences distinctes : Pune, qui tient peut-être 


1. L'époque du maximum en Belgique, selon M. Quetelet, Loc. cit., t. Il, pag. 319, est en 
Février; ainsi les conceptions y auraient lieu en Mai et Juin, précisément au printemps, comme 
dans les pays que nous avons visités. | 

Nos résultats seraient alors différens de ceux obtenus par M. de la Sagra, qui dit qu’à la Havane 
(loc. cit., p. 35) les mois de froid ont été plus favorables aux conceptions que ceux de grande 
chaleur, ce qui peut tenir à des causes locales. 


(51) 

à la température, puisque les conceptions ont eu lieu dans les mois les Homme 

J 3 ‘ ra améri- 
plus froids de lPannée', temps où des émanations putrides s'élèvent d’une ‘ain. 
immense surface desséchée*; mais aussi n’y pourrait-on pas voir les effets 
de ces jeûnes austères, de ces sanglantes pénitences, que les croyances 
religieuses, portées jusqu’au fanatisme, imposent tous les ans, dans le carême, 
à tous les habitans de Moxos?? Le changement de température étant peu 
sensible, nous pencherions à penser que le carême, et surtout les maladies 
qui le suivent, doivent être les causes les plus réelles de l’abaissement de 
nombre. On pourrait y appliquer les mêmes réflexions à Chiquitos, quoi- 
qu'avec moins de régularité. 

Il ne nous reste plus qu'à voir, si, comme résumé de nos connaissances 
locales, les deux tableaux qui suivent, nous donneront quelque explication 
sur l’époque annuelle du maximum et du minimum des décès dans les 
deux provinces qui nous occupent. 


1. Selon M. Quetelet (loc. cit., t. 11, p. 319), le minimum des naissances aurait lieu, en Bel- 
gique, au mois de Juillet, ce qui correspond, pour les conceptions, au commencement des froids 
de l’hiver et se trouve encore en rapport avec ce que nous avons observé sous la zone torride. 

2. M. Villermé, dans ses importans travaux sur les naissances (Annales d'hygiène, Janvier 
1831), avait trouvé que les émanations marécageuses influaient sur le chiffre des conceptions: 
observation encore en rapport avec les faits, dans la province de Moxos. 

3. Ils jeünent rigoureusement du mercredi saint au dimanche de Pâques et se couvrent le corps 
de blessures par suite de flagellations. 


(32) 


TABLEAU COMPARATIF des Décés par mois de la province de Moxos, pendant les années 1828, 
1829 et 1830. 


SOMMES RÉUNIES 


1828. 1829. 1830. des trois années. 
© TS], © |, © TT, | 
Décès masculins. | Décès féminins. Décès masculins. | Décès féminins. Décès masculins. | Décès féminins. Décès masculins. Décès féminins. 
ES EN SE) En) 
RE ARE AE RARE A PA SE A A PE RE RÉ EE 
s |” |+ EU SOU a on s |" | srl ro ele s |*|7 = || 
ARC AE 2). 44 3] #14 AMIS EIRE RARE 
Janvier...| 33| 71 6| 46] 31| 9! 31 43 89 24] 8] 5] 371 24] 12] 5] 411 78] 25) 4] 2] 311 14] 17] - | 31] 62] 82] 19] 13] 1141 69] 38) 8] 115] 229 
Février...| 37| 6| 81511 22] 51 3130! 811 37| 11] 6! 541 281 9! 41 411 95] 311 51 6! 42! 23] 10] 3] 36] 78! 105] 22] 20] 147! 73] 24) 10] 107) 254 
Mars.....| 44l 6! 81 581 34l 71 41 45! 1031 311 5! 11] 471 251 141 51 44) 911 34] 81 2] 44] 31] 7] 1139] 83] 109! 19] 21, 149] 90! 28! 10! 128) 277 
Avril..…..| 35l 101 41 491 311 9! 8! 48l 971 39! 81 41 511 26] 81 51 391 90! 29) 13] 2] 441 36! 8] 6! 50! 941 103] 311 10] 1441 93! 25) 19] 137] 2s1 
Mai... 39| 6l 71 521 341 6! 2] 42! 941 361 13] 3] 52] 22] 10] 31 351 871 41! 151 11 571 32] 17] 5] 54] 111] 116] 34| 111 161! 88] 33] 10! 131] 292 
Juin..…...| 511 22| 8! 811 431 12! 10! 65! 146] 49! 9! 71 65] 341 12! 10! 56! 1211 32! 9! 2] 43] 35] 12! 4] 49] 92] 132) 40] 17] 189) 110! 36) 24! 170! 359 
Juill... 341 12] 11! 57] 37| 71 6! 50! 107| 35! 11] 4] 50! 36! 15] 2! 53 1031 29! 111 1| 41] 35] 12] 2] 49] 90[ 98! 34] 16] 148] 1081 34! 10! 152! 300 
Août. ....) 33] 8| 6! 471 20] 51 41291 76! 21! 5! 6| 321 19] 8! 10! 37| 691 47| 61 2] 55) 38] 6] 7] 51] 106] 101! 19 14] 1341 77] 19] 21] 117! 251 
Septémbre] 34, 1! 4] 39] 24! 12 10! 46| 85| 35] 17| 2! 54] 211 10| 7| 38] 92] 39! 8| 4! 51! 31] 13] 4] 48] 99! 108} 26 10! 1441 76| 35] 21! 132] 276; 
Octobre..| 15| 2] 4] 21} 23] 12 7 42| 631 29! 16! 2] 471 311 6! 4l 41! 88| 40! 131 31 56] 30! 15] 1] 46! 102] 84! 31| 9! 124) 84) 33] 12] 129) 253 
Novembre | 30] 13| 7| 501 10| 9! 1|20| 70) 36! 11| 4] 51] 36] 8| 6! 50! 101] 40! 10] 41 541 42] 12] 2} 56] 110] 106! 34] 15, 155] 88) 29) 9! 126 281 
Décembre.| 18| 141 7! 39] 25! 6| 91 40! 79] 23] 3! 81 341 191 5] 2] 26] 60! 30] 9! 5! 44] 39] 8! 4] 51] 96! 71 26 ” 117| 83] 19) 15! 117| 234 
De A LEE nt PR SN AS SE AA EE ES ee RES SE ee No — 
4031107| 8015901334] 99! 67/500/1090!395/117| 62/57413211117| 63'5011107514171111| 34 5621384137) 39 560/112211215 335 ir ne 169115613287 


Homme 
améri- 
Cain. 


(33) 


TABLEAU COMPARATIF des Décès par mois de la province de Chiquitos, pendant 
les années 1828, 1829 et 1830. 


SOMMES RÉUNIES 


1828. _ 1829. 1830. des trois années. 
CS ES 
i : 28 5 : Torai. . a3 ë : Torar. È É 28 Ë : ToraL. de 48 î . Tor 
Î| Janvier ..... 101| 22| 24| 147 44| 31| 9| 84 A49| 23| 24 96 194 76 57 327 
Février ..... 128| 19] 16| 163 48| 18! 19| 85 43| 12| 26 81 219 49 61 329 
Mars....... 35| 22 9! 66 28| 17| 18| 63 52] 29| 18 99 115 68 45 228 
Avril... 39| 18] 14| 71 181 20] 19! 57 44) 29| 27| 100 101 67 60 228 
Mai... sl 451 16] 15| 76 30| 25! 17| 72 65| 30] 25] 120 140 71 57 268 
Juin........ 39| 141 16| 69 21| 13] 20| 54 53| 22] 16 91 113 49 52 214 
Juillet....., 32] 17] 15| 64 28 7| 211 56 64| 20! 32] 116 124 44 68 236 
Août ...,... 29 8] 13! 50 25| 11| 19! 55 73|l 22] 28| 123 127 Ai 60 228 
Septembre... 33 17 7| 57 35| 26| 14| 75 67| 24| 31| 122 135 67 52 254 
Octobre...., 27| 10] 10! 47 36| 13 16 _ 65 38| 25| 20 83 101 48 46 195 
Novembre... 32] 15 8| 55 14] 10! 16] 40 69] 17] 23] 109 115 42 47 204 


Décembre ... 


— — — | —Ù— — || —— | — | — — | | ——— 


208! 203| 774 | 739| 264) 301] 1,304 


Comme nous n’avons pas trouvé d’époques bien distinctes des décès selon 
les âges et selon les sexes, nous nous contenterons de présenter ici, sans 
L) S] 


distinction pour les maximum et les minimum, les totaux extraits des 
tableaux qui précèdent. | | 


DÉCÈS : 


PROVINCE. | ANNÉES. 


MAXIMUM. MINIMUM. 


Juin......... 146 
Juillet........ 107 
Mars......5.:. 103 


Octobre 


1828... 70 


Novembre .... 
AOÛT: see 


Juin --..0... 121 
Juillet........ 103 
Novembre .... 101 


60 
. 69 
78 


Décembre .... 
Août. . 
Janvier....... 


1829... 


MOXOS........ 

Mais... 111 
Novembre .... 110 
AOÛ. eo. 106 


62 
78 


Janvier....... 
1830... 


Février. ...... 
Mars... ....., 


Juin. ,....... 359 
Juillet........ 300 
Mat... :... ne 292 


Janvier...... 


RÉSUMÉ 


des trois années Décémbre ..…. 


AOÛ» oerere 


IV. Homme. 5 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


(34) 


DÉCÈS: 
PROVINCE. ANNÉES. | EE 
MAXIMUM. MINIMUM. 


Février....... 163 Octobre...... 47 
Janvier: ...... 147 | Août: ........ 50 
Mai.......... 76 | Novembre.... 55 


Février....... 85 | Novembre.... 40 

1829... Janvier....... S4"lTumes ets . 54 
Septembre.... 75 | Aoùût......... 55 

CHIQUITOS..... 

Décembre .... 164 | Février....... 81 

1830"... ] Août... He | Octobre...... 83 
Septembre.... 122 Juin és ses ee) OL 
Février....... 329 Octobre...... 195 

: RÉSUMÉ Janvier....... 327 Novembre .... 204 

es trois années 

Décembre .... 307 | Jun....,..., 214 


Dans la province de Moxos, les maximum des décès ont toujours lieu 
pendant les mois de Mai, de Juin et de Juillet, c’est-à-dire durant les trois 
mois les plus secs, les plus froids de Pannée*, époque subséquente à celle 
où les eaux qui couvrent la province s’'évaporent, en laissant des surfaces 
immenses couvertes de marais, de mares stagnantes et putréfiées. On pour- 
rait conséquemment attribuer le maximum des décès, pendant la saison 
sèche : 1.” aux vents de l'hiver, relativement froids pour des hommes presque 
nus, habitués à une température brûlante; et 2.° aux maladies (fièvres 
intermittentes) que déterminent les miasmes délétères dont l'air se trouve 
alors surchargé. Dans la province de Chiquitos les maximum ont lieu, 
pour les années normales, pendant les mois de Décembre, de Janvier, de 
Février, c’est-à-dire à l'instant qui précède les récoltes, temps de disette, 
moment où les pluies viennent inonder par torrents toutes les vallées. Cest, 
nous en sommes persuadé, à ces deux causes qu'il faut attribuer la multi- 


1. Ilest évident que l’année 1830 a présenté une mortalité plus grande, et dès-lors un chan- 
gement des résultats normaux, que nous attribuons avec certitude à la petite vérole, qui exerçait 
ses ravages à cette même époque. 

2. Il est curieux de trouver, en Europe, comme sous la zone torride, le maximum des décès 
placé dans la saison la plus froide (voyez Quetelet, loc. cit., t. IT, p. 310 , et t. F, p.188); ainsi, 
abstraction faite des influences locales que nous signalons, les choses se passeraient chez nous 


comme en Amérique. 


(35) 


plicité des décès; ainsi ces deux provinces, si voisines lune de lautre, nomme 


éprouveraient l'effet d’influences tout à fait différentes de surcroît de mortalité. 

L'époque du minimum des décès à Moxos correspond à linstant de 
l'abondance des pluies, époque à laquelle les travaux du navigateur sont 
simplifiés par des communications plus courtes, et où cessent toutes les 
exhalaisons putrides des marais. À Chiquitos, quoiqu'il y ait moins de régu- 
larité, il est facile de juger que le minimum correspond au printemps, à 
l'instant où des pluies d’abord peu fortes viennent rendre la vie à toute la 
nature et tempérer l’ardeur d’un sol brûlant et desséché. 


améri- 
«ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 36.) 


CHAPITRE II. 
Considérations physiologiques. 


Couleur de la peau. 


L'étude du principe colorant de la peau des Américains ne peut entrer 
dans notre travail : elle rentre dans le domaine de la physiologie générale 
de l’homme; et cette question importante ayant été approfondie dans les 
savans mémoires de M. Flourens', de manière à ne rien laisser à désirer, nous 
croyons rendre un vrai service à nos lecteurs en les renvoyant à une aussi 
bonne source. Notre tâche, à nous, est d'étudier les caractères zoologiques, 
sans empiéter sur ce qui appartient à l'anatomie spéciale. 

On a bien souvent indiqué la couleur des Américains comme uniforme 
et toujours cuivrée* ; néanmoins il est peu de parties du monde où la 
couleur de l’homme varie plus dans son intensité, dans le mélange de 
ses teintes, selon les rameaux, selon les nations; aussi, loin d'admettre 
cette uniformité trop systématique de lauteur espagnol et de beaucoup 
d’autres, nous débutons en disant que, sur la surface parcourue, nous 
n'avons jamais rencontré un seul Américain cuivré. Nous croyons pouvoir 
trouver lorigine de cette erreur dans létude plus approfondie des peuples 
de l'Amérique septentrionale, tous caractérisés par cette teinte, appliquée 


1. Recherches anatomiques sur le corps muqueux ou appareil pigmental de la peau, dans l’In- 
dien Charrua, etc. (Annales des sciences naturelles, t. VIT; p. 156, 1837.) 

2. Los Indios son de un color que tira a rojo, y afuerza de tortarse con el sol y con el viento, 
toman otro que obscurece ; Ulloa, Noticias americanas, p. 252 et 253 : Visio un Indio de qualquier 
region, se puede decir que sehan visio todos en quanto el color y contestura. (Lorsqu'on a vu un 
Indien de nimporte quelle région, on peut dire qu’on les a tous vus pour la couleur et pour les 
formes). M. de Humboldt dit avec raison (Foy. in-8.°,t. IE, p. 278) : « La dénomination d'hommes 
« rouges-cuivrés n'aurait jamais pris naissance dans l’Amérique équinoxiale pour désigner les 
« indigènes. » Nous pouvons en dire autant des parties méridionales. 

Buffon, Histoire de l’homme (édit. de Sonnini, t. II, p. 378 ), a suivi exactement Ulloa, pour 
l’uniformité supposée des Américains, p. 434; Blumenbach à tort met des noirs au Brésil, p.147, 
trad. franç. : ce sont, sans doute, des nègres amenés de la côte d’Afrique. 

Home, Sketches of the history of man, t.1, p.13, met aussi tous les Américains d’une même couleur. 

Il en est de même de Robertson, Histoire d'Amérique (Bordeaux , 1827, liv. 4, p. 56 ); et de 
Pedro Cieça de Leon, Cronica del Peru, part. 1, cap. 19. 


(37) 
sans distinction, aux aborigènes des parties méridionales du nouveau monde, Homme 
sur lesquels on n’avait, le plus souvent, que des notions vagues ou recueillies en 
dans un but différent de celui qui nous occupe. 

La couleur des Américains qui font le sujet de nos observations ne nous 
présente que deux teintes distinctes, le brun-olivâtre et le jaune, puis 
toutes les nuances intermédiaires; mais nous voyons le jaune dominer chez 
tous les peuples orientaux, tandis que c’est le brun qui l'emporte chez tous 
les occidentaux et parmi ceux du centre du continent. Les Péruviens, les 
Pampéens, les Araucaniens, les Chiquitéens et les Moxéens ont tous une 
couleur brun-olivâtre, plus ou moins intense; tandis que tous les peuples 
brasilio-guaraniens sont jaunâtres; et c’est même la différence de ces nuances, 
jointe à l’ensemble des autres caractères, qui nous a servi de base pour 
nos divisions. Voyons maintenant quels changements d'intensité éprouve 
chacune de ces teintes générales. 

Dans la première (le brun-olivâtre) nous trouvons que les rameaux les 
plus foncés de tous sont les Pampéens et les Péruviens, dont la teinte res- 
semble beaucoup à celle des mulâtres. Les Araucaniens sont plus pâles, 
tandis que chez les Moxéens et chez les Chiquitéens, la teinte non-seulement 
est moins foncée, mais encore contient un peu de jaune. Il existe d’autres 
nations, que nous regardons comme des exceptions et comme des variétés 
locales, les Yuracarès et les Mocéténès, du rameau antisien, par exemple, 
presque aussi blancs que les plus basanés des Européens du midi; mais nous 
reviendrons sur ces variétés exceptionnelles. 

Dans notre seconde teinte (le jaunâtre) nous trouvons beaucoup d’uni- 
formité chez les Guaraniens; néanmoins il y a plus ou moins de mélange au 
rougeâtre très-pâle, ou au brun, selon les nations, et même selon les tribus. 
Il en est même quelques-unes dont la teinte très-pâle forme anomalie, sans 
qu'on puisse attribuer cette différence à d’autres causes qu'à des influences 
locales ; ainsi nos races ando-péruviennes et pampéennes ont évidemment 
une même teinte brun-olivâtre, tandis que celle des races brasilio-guaraniennes 
est constainment jaunâtre. Ces différences tranchées, unies aux autres carac- 
tères physiques et moraux, nous porteraient à croire qu'il y a une cause 
purement nationale. 

Autre question : Quelle influence peut-on attribuer aux circonstances 
de latitude, d’élévation, de nature des lieux? 

Les nations les plus foncées de toutes sont celles du rameau péruvien, qui 
habite la zone torride, et celles du rameau pampéen, qui s'étend depuis les 


(38 ) 


Homme plaines glacées de la Patagonie jusqu'aux régions chaudes. L'influence de la 


améri- 
cain. 


latitude sur la teinte plus ou moins intense serait donc d'autant moins 
admissible, que les nations les plus foncées se trouvent dans la zone tropi- 
cale, comme dans les plus méridionales; que, d’un autre côté, les plus 
claires de toutes, celles du rameau antisien, les Yuracarès et les Mocéténèés, 
les tribus des Guaranis, les Guarayos, sont des régions chaudes, et qu'enfin 
les Fuégiens, habitants les plus rapprochés du pôle austral, sont beaucoup 
moins foncés que les Péruviens ; ainsi rien ne prouve que le plus ou moins 
de chaleur de la latitude exerce la moindre influence sur la coloration, 
pâle ou intense, de la même teinte, chez les peuples américains. 
L’élévation des montagnes ne nous paraît pas non plus produire un effet 
sensible sur la teinte, sauf ce qui peut dépendre de causes secondaires, 
comme nous le verrons tout à l'heure. Nous trouvons, il est vrai, sur les 
plateaux des Andes, notre rameau péruvien le plus foncé de la race ando- 
péruvienne*; mais ne voyons-nous pas aussi le rameau pampéen, le plus 
coloré des races pampéennes, toujours au sein des plaines du littoral mari- 
time ou du moins dans celles qui s'élèvent peu au-dessus, tandis que les 
nations les plus päles dans cette race, celle des Chiquitéens, vivent sur des 


collines, et, par la même raison, sur le point culminant de la superficie 
qu'habite la race pampéenne ? Nous croyons pouvoir conclure de ces faits 


que l'élévation n’a réellement d'influence sur lintensité de la teinte des peu- 
ples qu'autant qu'il s’y joint des causes qui tiennent à l’état météorologique 
du lieu. 

Si nous n’avons rien observé qui puisse faire croire que la latitude et 
l'élévation du lieu d'habitation de l’homme ait une influence directe sur l’'in- 
tensité de la teinte des nations qui nous occupent, il n’en est pas ainsi des 
circonstances atmosphériques : tout, au contraire, nous démontre que le plus 
ou moins d'humidité d’une région influe, on ne peut davantage, sur cette 
intensité relative. 


Notre race ando-péruvienne nous en offre une preuve évidente : les plus 


1. Pauw, Recherches sur les Américains , p. 227, 236, 237, assure que la chaleur est la seule 
cause de l'intensité de teinte. 

Blumenbach, De generis humani, p. 151, pensait de même que la chaleur déterminait la 
teinte foncée. 

2. Buffon croyait que la couleur tenait à la chaleur (édit. de Sonnini, t. Il, p. 303, 454, 449, 
314) : il dit, en suivant ce système (p. 378), que les habitans des plateaux des Andes sont pres- 
que blancs, ce qui est tout à fait le contraire de la vérité. 


(39) 

foncées des nations qui la composent, les Quichuas et les Aymaras, habitent 
les plateaux élevés des Andes, où il ne pleut que deux mois de l’année, où 
règne constamment la plus grande sécheresse”, où le sol est dépourvu d'ombre. 
Sur le versant occidental, où jamais il ne pleut, les peuples du littoral sont 
aussi foncés que ceux des plateaux; mais descend-on sur le versant oriental, 
couvert de la végétation la plus active ? à mesure qu’on abandonne les régions 
les moins humides, pour arriver, enfin, chez les Yuracarès, où il pleut pres- 
que toute l'année, où de vastes forêts interceptent constamment les rayons 
solaires, on voit décroître la teinte, en passant des Apolistas aux Mocéténès 
et aux Yuracarès : les derniers surtout témoignent pour nous du fait de la 
manière la plus positive. Par leurs traits, ils appartiennent à la race ando- 
péruvienne; mais leur teinte, au lieu d’être brun-olivâtre, est moins basanée 
et presque blanche, comparativement à tous les autres Américains”. Ne devons- 
nous pas attribuer cette teinte beaucoup plus claire à leur séjour prolongé 
dans une température chaude et humide, à ombre perpétuelle sous laquelle 
ils vivent Ÿ, qui aura depuis un grand nombre de siècles altéré peu à peu 
leur couleur primitive? Avant de nous prononcer définitivement, accumulons 
les faits : voyons si la même race ne nous fournira pas quelques autres argu- 
mens en faveur de cette observation. Si nous suivons les montagnes, vers le 
Sud, nous trouvons les Araucanos lésèrement moins foncés que les Péru- 
viens : leur sol, dans les parties méridionales, est humide et couvert de végé- 
tation; leur caractère coïnciderait avec ce que nous avons dit; mais les 
Fuégiens, perdus au sein des régions brumeuses des pays boisés à l’ouest du 
détroit, sont plus pâles encore, et leur teinte appuyerait directement ce que 
nous avons avancé, 


1. Nous aurions voulu pouvoir indiquer, par des observations, l’état hygrométrique de Pair; 
mais, ne possédant pas d’instrumens propres à évaluer mathématiquement les sommes d'humidité 
et de sécheresse, nous avons eu recours à un hygromètre qui ne nous a jamais fait défaut, la 
préparation des plantes. Sur le plateau des Andes et en Patagonie, les plantes placées entre des 
feuilles de papier se desséchaient sans qu’on eût besoin de les changer une seule fois; ce qui devait 
nous porter à croire, quand d’ailleurs tout venait nous le prouver , que la somme d'humidité était 
très-minime; tandis que, chez les Yuracarès et chez les Guarayos, nos plantes pourrissaient, quoi- 
que nous les changeassions deux fois par jour avec du papier séché au four; ce qui nous a donné 
la certitude que l'humidité était extrême. 

2. Les Guaharibos, les Gainarès, les Guaïcas, les Maquiritarès, décrits par M. de Humboldt, 
Voy., & VIT, p. 209 et suiv., pourraient être dans le même cas. 

3. Gumilla (Histoire de l’Orénoque, trad., Avignon , 1752, t. 1, p. 108) avait aussi remarqué 
que les peuples qui vivent dans les bois sont presque blancs, tandis que ceux des plaines sont 
basanés; ce qui corroborerait d'autant notre thèse. 


Homme 
améri- 
cain. 


mm 


Homme 
améri- 
«ain. 


(40) 
La race pampéenne nous offre des exemples non moins concluans : les 
nations les plus foncées en couleur, les Patagons, les Puelches, etc., habitent 


les régions les plus sèches du territoire occupé par la race; leurs plaines sont 


arides et dépourvues de végétation. S’avance-t-on vers le Nord? à mesure 
que la végétation prend le dessus, à mesure que Phumidité augmente par 
le voisinage des plaines noyées du centre de l'Amérique, on voit la teinte 
diminuer graduellement et devenir beaucoup plus pâle, chez les Chiquitéens, 
habitans de collines boisées et chaudes et chez les Moxéens, du milieu des 
plaines inondées. 

La race brasilio-guaranienne nous fournit aussi des preuves irrécusables : 
nous les chercherons ici, non plus en comparant les nations :entr’elles, 
mais en étudiant les tribus d’une même nation, en étudiant des hommes 
qui parlent, en tout, la même langue, et dès-lors appartenant à une souche 
commune. Les Guaranis de la province de Corrientes, habitans de plaines 
en partie découvertes, les Guaranis du pied des Andes, connus sous le nom 
de Chiriguanos, vivant sur la lisière des vastes plaines du grand Chaco, 
dans un pays peu boisé, ont une teinte assez foncée; tandis que les tribus 
des Guarayos* et des Sirionos, qui résident, depuis au moins quatre siècles, 
au sein des forêts chaudes et humides, impénétrables aux rayons du soleil, 
sont presque aussi peu foncées que l’Européen de nos contrées méridionales. 

De tous ces faits, qu'on ne peut révoquer en doute, ne doit-on pas 
conclure que laction prolongée de l’humidité influe beaucoup sur les limites 
d'intensité de la couleur de l’homme en général, puisque nous trouvons une 
si énorme différence entre les Yuracarès et les Quichuas, dont les traits 
sont les mêmes, et dont, par conséquent, l’origine pourrait être rapprochée; 
quand, surtout chez les Guarayos et chez les Chiriguanos, deux tribus d’une 
même nation, toutes deux encore sauvages, et dont, par conséquent, 
laltération de teinte ne peut être attribuée à aucun mélange ; quand, 
disons-nous, chez ces deux tribus, on trouve une si grande disparité? Pour 
nous, nous en sommes convaincu; mais nous soumettons nos remarques au 
jugement des hommes spéciaux, satisfait d’avoir soulevé une question nou- 
velle qui peut faire avancer la science. 

L'action prolongée des rayons du soleil sur les Américains, produit aussi 


1. Les Guayanas de l’Uruguay, décrits par Azara (Voy. dans lAmér. mérid., 1. Il, p. 76), se 
trouvent peut-être dans les mêmes circonstances que les Guarayos : ce n’est aussi, au reste, qu’une 


tribu des Guaranis. 


(41 ) 

chez eux quelques changemens momentanés. Ainsi, quoique le Péruvien et 
le Chiquitéen aient, sous leurs vêtemens, une couleur foncée qui tient à leur 
race, cette couleur devient beaucoup plus intense sur celles des parties de 
leur corps qui sont exposées à lardeur du soleil; mais ces mêmes parties 
brûlées, quand on les tient quelque temps à l'ombre, reprennent par degrés 
leur teinte naturelle. Nous avons reconnu un fait assez curieux chez les 
Chiquitéens qui se sont soumis à lexpérience que nous avons faite à cet 
égard : Cest qu'après trois mois, pendant lesquels ils ne s'étaient jamais 
exposés au soleil sans se couvrir, la partie du corps qui devenait la moins 
foncée, quoiqu’elle eût été, depuis l'enfance, la plus exposée à Pair, c'était 
la figure; à tel point que, si l’on eût pu mesurer la différence d'intensité, 
on eût trouvé une distance énorme; et cependant le corps avait été presque 
toujours couvert depuis la naissance des individus. Nous avons cherché à 
multiplier les exemples de ce phénomène, et nous avons reconnu que chez 
les Guarayos, et en général chez tous les Américains, la face, dans sa teinte 
normale, était toujours la partie la moins foncée, tandis que le bout du 
sein, chez les femmes, était celle où la teinte plus obscure se montrait dans 
toute sa force. Les enfans naissent toujours avec la teinte propre à la race: 
cette teinte, d'abord plus pâle, est, dès l’âge de huit ou dix ans, presque 
aussi intense que dans l’âge adulte. 

L'opinion établie que les races américaines ne manifestent point, par la 
coloration instantanée du système dermoïdal (la rougeur) de la figure, les 
sensations vives qu’elles éprouvent, ne nous paraît pas juste, du moins 
quant à la partie que nous avons étudiée; car nous avons successivement 
reconnu que, chez toutes les nations, l'expression extérieure de sensations 
vives était tout aussi naïve et non moins énergique que dans la race blanche; 
seulement, comme la teinte est plus foncée, leffet mécanique est moins 
ostensible. 

En résumé, lon a vu que les deux grandes divisions de teintes, le brun 
olivâtre et le jaunâtre, sont parfaitement en rapport avec nos divisions de 
races, et qu’elles tiennent évidemment aux caractères physiques propres à 
chaque souche première; tandis que des faits que nous avons fait connaître, 
on peut induire que lintensité de couleur dans chaque race, et même dans 
chaque nation, varie en raison du plus où moins d'humidité des lieux 
qu'elles habitent. Nous terminerons ces recherches spéciales sur les teintes 
naturelles des peuples, en faisant remarquer que la couleur de la race bra- 
silio-guaranienne est, à peu de chose près, la même que celle des peuples 


IV. Homme. 6 


Homme 
améri- 
cain. 


(4) 


Homme des îles océaniennes; mais qu'en conclure, lorsque toute la largeur des 


améri- 
ain. 


lieux habités par les races pampéennes et ando-péruviennes la sépare du 
grand Océan? comment admettre des rapprochemens d’origine, quand il n’y 
a pas de possibilités géographiques ? 

Il nous reste à parler des couleurs qui, partielles ou générales, nous 
paraissent appartenir à des causes accidentelles. Notre rameau antisien nous 
a montré, pour presque tous les individus des nations mocéténès, tacanas 
et yuracarès, sur tout le corps, sur la figure, aux extrémités, de larges 
taches irrégulières, presque blanches’, à contours peu arrêtés; nous avons, 
en même temps, remarqué que ces taches occupaient surtout les parties 
saillantes des articulations; mais aucune m’avait l'aspect farineux des mala- 
dies cutanées; au contraire, lépiderme était aussi lisse dans ces parties que 
partout ailleurs. Néanmoins, après avoir reconnu que les enfans n’avaient 
point ces taches, nous avons dû les attribuer à des causes artificielles ou 
les regarder comme la suite d’affections cutanées. Îl est curieux toutefois de 
voir trois nations présenter simultanément cette anomalie, qui ne laisse pas 
d'être étrange et d’étonner quiconque lobserve pour la première fois. Malgré 
toutes nos recherches locales, nous n'avons trouvé que deux fois des cas d’al- 
binisme : l’un chez la nation des Moxos, l'autre parmi les Patagons ; encore 
le premier seul était-il pour nous bien avéré, tandis que le second nous a laissé 
quelques doutes. 


Contexture de la peau. 


Jamais nous n'avons vu, dans les régions chaudes de l'Amérique, des 
hommes ou des femmes presque nus, sans être frappé de l’extrême finesse 
de leur peau. Elle ne présente jamais cette légère villosité de celle des hommes 
de l’ancien monde; elle est lisse, polie, brillante même, aussi douce que du 
satin, et bien loin d’être inégale, comme Passure l'ennemi de la race améri- 
caine, Don Antonio Ulloa*; nous l’avons toujours vue telle que nous venons de 


1. Ce caractère singulier a été remarqué par tous les habitans des lieux rapprochés des nations 
qui nous occupent; ce qui vaut à ces derniers, de la part des Espagnols, le nom d’hombres 
overos, hommes tachetés. 

Blumenbach, De l'unité du genre humain, p. 171 (trad.) , parle de nègres tachetés, mais comme 
excepüon, tandis qu’ici le fait est général. 

2. Noticias americanas ; Madrid, 1772, p. 313. 


(43) 


la décrire, surtout parmi les Chiquitéens, les Moxéens, les Guaranis'; et, Homme 


quoique ces qualités de la peau soient encore assez développées parmi les 
nations des montagnes et parmi celles des parties méridionales du continent, 
on ne peut en comparer l'intensité à celle qu’elle acquiert sous la zone torride. 


Odeur de la peau. 


Nous avons reconnu que partout sur le sol de Amérique les naturels ont 
en général une odeur différente de celle des Européens et un peu plus pro- 
noncée; odeur que, du reste, il nous serait bien difficile de décrire. Nous 
avons tous la nôtre, et les animaux doués d'un odorat trés-délicat, comme 
le chien, distinguent de suite, à l'odeur seule, les vêtemens de leur maître d'avec 
ceux d’autres individus; mais tenter de rendre la sensation qu'a produite sur 
nous cette odeur sui generis, ce serait beaucoup hasarder; car chacun pour- 
rait, ce nous semble, lexprimer à sa maniere. Tout ce que nous pouvons 
dire avec certitude à ce sujet, c’est que les Américains ont une odeur par- 
ticulière différente de celle du nègre et un peu moins forte. * 


T'aille. 


Il est peu de parties du monde où lon ait plus exagéré la taille qu'en Amé- 
rique : on à vu tour à tour, au nouveau monde, des géans, des colosses de 
trois mètres *, à côté de nains, de pygmées de cinq à six palmes“ seulement. 

no É . ° r r ren ON à . , . 
Qu’on se soit si fort écarté de la vérité dans un siècle où le vrai n'aurait paru 
que vulgaire, dans un siècle ami du merveilleux, nous n’en sommes pas 
surpris ; mais ce dont on pourrait s'étonner, c’est que de pareilles fables, tout 
au plus un peu modifiées, se soient maintenues jusqu’à nos jours. Après avoir 

A LA p er Q rie 
par nous-même reconnu la fausseté de tout ce qui avait été dit, le désir de 
remonter aux sources, de découvrir les causes de Perreur, nous à donné le 


1. Biet, Voyage dans la France équinoxiale, p. 352, avait aussi reconnu ce caractère chez les 
Caribes, appartenant toujours, selon nous, aux Guaranis : Leur chair est basanée et fort douce; 
il semble que ce soit du satin, quand on touche leur peau. ” 

2. Thibault de Chanvalon, Voyage à la Martinique, p. 44, dit, en parlant des Caribes des 
Antilles : «Ils ont tous une odeur forte et désagréable,” mais il éprouve le même embarras que 
nous pour la spécifier. 

3. Sarmiento, dans Argensola , Conquista de las Molucas, lib. 3, p. 117, 125, dit tres varas, mot 
qu'on a traduit par {rois aunes, ce qui présentait de suite une augmentation de plus d’un tiers. 

4. Expédition de Cavendish en 1592, par Knivet, Collection de Purchas, t. IV, lib. VE, c. 7. 


améri- 
«in 


(4) 


Homme Courage de fouiller ce chaos de matériaux incohérens ; et de longues, de. labo- 


améri- 
cain, 


rieuses recherches nous font espérer que les renseignemens par nous offerts 
sur les Patagons” et sur les Fuégiens dispenseront à l'avenir de remonter aux 
anciennes sources, la question que les philosophes et les savans ont si long- 
temps agitée, se trouvant enfin à jamais résolue. Si ces deux nations des par- 
ties les plus australes de l'Amérique ont fixé Pattention des observateurs, il 
n’en est malheureusement pas de même du reste de la surface qui nous occupe. 
Azara seul a donné, sur ce sujet, quelques vagues renseignemens, sans les 
appuyer de mesures ; aussi n’avons-nous réellement à cet égard d'autre can 
que nos observations personnelles. 

Avant de nous livrer à aucune considération de détail, nous croyons devoir 
présenter, dans un tableau comparatif, nos observations relatives à la taille 
moyenne des hommes par nation; puis dans leur ensemble, par rameaux, 
et par coupes plus générales encore, par races, afin que, nous suivant avec 
moins de peine dans les développemens que nous allons donner, on puisse 
mieux en apprécier la valeur.* 


1. Voyez notre Coup d’æœil historique sur les Patagons, et le tableau dans lequel nous avons 
présenté en regard toutes les tailles données par les différens auteurs aux Patagons et aux 
Fuégiens. 

2. Toutes les mesures indiquées sont celles que nous avons prises dans chaque nation, sur 
un plus ou moins grand nombre d'individus. (Voir les spécialités.) 


(45 ) 


Homme 


TABLEAU COMPARATIF de la taille moyenne par nations, par rameaux, par races. améri- 


cain. 


TAILLE TAILLE TAILLE 
NOMS 
RAMEAUX. MOYENNE MOYENNE 


MOYENNE 
DES NATIONS. |Par nations, pe par races. 
en metre. rameaux. 


.600 
. 600 
.590 
.600 


3 


| 


L Yuracarès 
ANDO-PERUVIENNE.,. Mocéténès 
ANTISIEN..se.scoee | Tacana 


.650 
.649 
.650 
.620 
.620 
.663 
.130 
.700 
.680 
.680 
.670 
.680 
.680 


663 
663 
663 
.663 
.663 
2663 Ÿ 1.6630 \ 1.6732 


| Apolistasss.si ss 
ARAUCANIEN Araucano creer 
Fuégien. ..... set 

Patagon 
Puelche. ......... ë 


Mataguayo 
Abipones 

Lengua ...... 
Samucu....... ess 
Chiquito 

SArTAVÉCA. . success e 
Otukè ...., ete 
Curuminaca 
Covaréca..... tes 
Curavès 


PAMPÉENNE . . ,../ CHIQUITÉEN. ........ 
.663 
.663 
.663 


Dh Mb deb ed deb Hd eh deb fe nb deb feeb feeb ed ed deb fe Jeeb ed je jaeb bah jeub feeb jbl jee jee 
note 


Curucanéca. .,.,.... 
Paiconéca. .... z 

Corabéca .663 
.677 
.663 
.649 
.677 
.690 
.677 
.670 
.677 
.620 
.620 


Chapacura.. 
Itonama 


MoxÉEN...... see 1:6704 


Cayuvava 
Pacaguara 


:BRASILIO-GUARANIENNE . .. | Guarani 


.6200 
Botocudo....... 56e à 


lb eb eh jenk bb eb jeeb jeeb jh eh jen 


Si nous voulons considérer la taille moyenne dans ensemble des nations, 
selon ses limites, nous trouvons, par exemple, que la plus grande est, sans 
contredit, la nation patagone, atteignant, suivant nous", À mètre 730 milli- 
mètres (5 pieds 4 pouces), tandis que les plus petites de toutes, les nations 


1. Notre moyenne, prise sur un grand nombre d'individus, est bien différente de tout ce 


qui avait été dit. 


(46) 


Homme _Chango et quichua, n’atteignent que À mètre 590 à 600 millimètres (4 pieds 


améri- 
cain. 


9 pouces); ainsi, entre ces deux limites extrêmes, il y aurait l'énorme diffé- 
rence de 140 millimètres (plus de 5 pouces), ce qui prouve péremptoire- 
ment qu'il n’y a point unité de taille parmi les Américains pris en général. 
Il s’agit de voir maintenant quels rapports d’uniformité nous trouverons avec 
nos divisions par rameaux ou par races. 

Commencons par notre race ando-péruvienne. Parmi les quatre nations 
qui composent le rameau péruvien, nous reconnaissons une grande égalité 
de taille; et si les Changos font exception, cela tient, peut-être, à des causes 
particulières ; car toutes les autres nous ont donné, pour taille moyenne, 
1 mètre 600 millimètres (un peu plus de 4 pieds 9 pouces). Le rameau 
antisien est loin de nous offrir la même uniformité : entre les Yuracarès, les 
plus grands de tous, de À mètre 660 millimètres (5 pieds 1 pouce et demi), 
et les Tacanas, les plus petits, de 4 mètre 649 millimètres, il y a 41 milli- 
mètres de différence, et la taille moyenne du rameau est de 1 mètre 645 
millimètres , c’est-à-dire de 48 millimètres plus élevée que celle des Péruviens. 
Nous chercherons, plus tard, les causes de cette différence. Pour le rameau 
araucanien, nous lui trouvons, en terme moyen, À mètre 641 millimètres, 
c’est-à-dire un peu moins que le rameau antisien, mais il est plus élevé de 
44 millimètres que le rameau péruvien; ainsi les différences qui existent 
entre toutes les nations ando-péruviennes disparaissent, et se groupent par- 
faitement selon les rameaux. La taille moyenne de la race entière est de 1 
mètre 627 millimètres. 

La race pampéenne offre, dans son rameau pampéen, les plus grands de 
tous nos Américains. Les Patagons, comme nous l'avons dit, ont 1 mètre 
750 millimètres; les Mataguayos, les plus petits, ont encore À mètre 670 
millimètres. La différence est donc entr’eux de 60 millimètres, ce qui est 
énorme; mais ne nous paraît pas extraordinaire, quand, dans les comparai- 
sons, on fait entrer les influences locales. La taille moyenne du rameau est 
de 4 mètre 688 millimètres. Le rameau chiquitéen est d'une uniformité par- 
faite de taille; sa moyenne est de 1 mètre 663 millimètres, c'est-à-dire de 
25 millimètres au-dessous de celle des Pampéens. Si, dans le rameau moxéen, 
nous écartons de la comparaison la nation itonama, qui forme anomalie, 
nous trouverons que la nation la moins grande après elle est la chapacura, 
qui conserve la taille des Chiquitéens, tandis que les Movimas présentent 
4 mètre 690 millimètres, ou 27 millimètres de différence. La taille moyenne 
sera de 1 mètre 670 millimètres, ou intermédiaire entre celles des Pampéens 


( 47 ) 
et des Chiquitéens. Enfin , notre somme moyenne de taille de la race pam- 
péenne nous donne À mètre 673 millimètres, ou 46 millimètres au-dessus 
de la race ando-péruvienne. 

Pour la race brasilio-guaranienne, elle nous a paru avoir 4 mètre 620 milli- 
mètres, en ne tenant pas compte de ses exceptions"; ainsi elle serait au-des- 
sous des deux autres, tout en restant supérieure à notre rameau péruvien. 
On voit, néanmoins, par ce qui précède, que les moyennes des tailles rela- 
tives sont parfaitement en rapport avec les divisions établies; ainsi la taille, 
comme la couleur, paraîtrait dépendre dun caractère primitif propre à 
chaque nation en particulier. Voyons cependant si lon ne devrait pas attribuer 
quelques effets des différences signalées à influence de la latitude, de léléva- 
tion au-dessus du niveau des mers ou de la nature des lieux. 

Les hommes les plus grands, les Patagons, habitent les régions froides 
comprises entre le 39.° et le 53. degré de latitude australe, tandis que les 
plus petits, les Péruviens, vivent sous la zone torride. Il ne faudrait pas con- 
clure trop vite de ces premiers faits que la région chaude est moins favorable 
à l'accroissement de l’homme, puisque les Movimas de Moxos nous offrent 
une moyenne peu inférieure à celle des Puelches, voisins des Patagons, comme 
taille et comme habitation; et que, d’ailleurs, en nous écartant de nos limites, 
nous voyons d’autres peuples des régions plus chaudes”, rivaliser encore avec 
la nation patagone. En comparant soigneusement tous les matériaux que nous 
possédons, nous ne trouvons rien qui puisse prouver que la chaleur ait la 
moindre influence sur la taille ?. Tout nous porterait à croire qu’au moins dans 
Amérique australe le froid n’a pas non plus une grande influence; car, bien 
qu'on ait voulu, systématiquement, faire des Fuégiens des nains, pour trouver, 
au pôle sud la décroissance observée vers le pôle nord, cette opinion reste sans 
- fondement, puisque, d'après nos observations personnelles et d’après le témoi- 
gnage des voyageurs, cette nation offre encore une taille moyenne de 1 mètre 
665 millimètres (ou près de 5 pieds 4 pouce et demi ). 

L'influence de l'élévation, de l'habitation permanente sur les montagnes, 
nous paraît entrer pour beaucoup dans la taille moyenne relative de l’homme 


1. Celle de la tribu des Guarayos (voyez sa description spéciale à Particle Guarani). 

2, Les Caribes, décrits par M. de Humboldt, dans son Voyage aux régions équinoxiales (in-8.”, 
LIT, p. 355), n’appartiennent peut-être pas à la nation qui habitait les Antilles et qu’on dési- 
gnait par le même nom. Voyez nos recherches à cet égard, article des Guaranis. 

3. Buffon croyait que le froid rapetissait l’homme (édit. de Sonnini, Homme, 1. IN, p. 303). 


Homme 
améri- 
«ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


—— 


(48) 

américain : nous voyons, par exemple, tous nos Péruviens rester les plus 
petits entre les nations que nous comparons ; ils habitent plus particulière- 
ment des plateaux compris entre les limites d’élévation, de 2,000 à plus de 
4,700 mètres' au-dessus du niveau de la mer, où l'air est fortement raréfié. 
Si nous suivons les autres peuples montagnards, nous les voyons, en nous 
avançant vers le Sud, à mesure que la latitude plus froide les force de des- 
cendre des plateaux sur des points moins élevés; nous les voyons, disons-nous, 
prendre une taille plus élevée; les Araucanos sont plus grands que les Péru- 
viens ; et les Fuégiens, qui, au milieu de leurs montagnes glacées, en suivent 
le littoral seulement, sont plus grands que les Araucanos. Sous les zones 
chaudes nous trouvons les mêmés circonstances, en descendant des plateaux 
sur le versant oriental des Andes : les Apolistas du rameau antisien sont les 
plus petits, tandis que les autres nations qui en dépendent ont une taille, en 
quelque sorte, relative à la hauteur du lieu où elles sont fixées; ainsi, en passant 
des Apolistas aux Tacanas et aux Mocéténès, la taille augmente; aussi les 
Yuracarès du pied de la chaîne sont les plus grands de tous. Deux faits curieux 
viendraient confirmer cette influence : dans les vallées chaudes et humides de 
la Bolivia la taille des Quichuas est plus avantageuse que sur les plateaux. 
La nation araucana nous offre le même phénomène : la plus petite de toutes 
ses tribus est celle des Péhuenches*, habitans des montagnes, tandis que les 
Ranqueles, bien plus hauts de taille, sont fixés, depuis des siècles, dans les 
plaines voisines des Andes. | 

Les observations que nous avons faites sur les peuples composant la race 
pampéenne, confirment aussi notre allégation : le point le plus élevé de sa 
circonscription géographique, est la province de Chiquitos, formée des collines 
granitiques sérvant de partage entre les grands systèmes des versans de l'Ama- 
zone et de la Plata. Il est curieux de trouver là les hommes de plus petite 
taille, tandis que la taille moyenne augmente à mesure qu’on s'éloigne de ce 
centre, en descendant vers les plaines du Sud jusqu’à ce qu'on arrive aux 
Patagons du littoral maritime ou du côté du Nord, en se dirigeant vers les 
plaines de la province de Moxos. On en conviendra sans doute avec nous... 
De tout ce qui précede, il est difficile de ne pas conclure que laction pro- 
longée de la raréfaction de Pair sur les plateaux peut influer sur le rapetisse- 


1. Voyez ce que nous avons dit à l’article des Quichuas et des Aÿymaras. 
2. Voyez notre description spéciale et la partie historique, t. II, chap. XXI, pour les détails dans 
lesquels nous sommes entré relativement à cette nation. 


(49) 


ment de la taille moyenne de l’homme, puisque ce fait est démontré, non- Homme 
améri- 
cain. 


seulement par l’ensemble des peuples, mais encore par les preuves qu'en offre 
le lieu même où vivent les tribus d’une même nation. 

Pour nous trouver à portée de distinguer nettement si leffet que nous 
venons de décrire ne se combine pas avec l'état de Patmosphère, ou s’il n’est 
réellement dû qu'à l'influence des montagnes, il nous reste à considérer 
l'influence des lieux sur la taille. Le parallèle que nous pouvons établir 
entre les Patagons et les Péruviens viendrait détruire toutes les objections 
présentées en faveur des seules influences atmosphériques. En effet, comme 
nous lont fait connaître la végétation et la zoologie propres aux plaines 
qu'habitent les Patagons, au bord de la mer, du 41° au 50. degré de lati- 
tude'; ces plaines se trouvent absolument dans Îles mêmes conditions que 
les plateaux des Andes, du 15.° au 20.° degré de latitude, entre les limites 
d'élévation de 2,700 à 4,700 mètres au-dessus du niveau de la mer. Non-seu- 
lement on y trouve les mêmes familles, les mêmes genres de plantes et d’ani- 
maux, mais encore ces derniers présentent absolument les mêmes espèces : 
la sécheresse y est analogue; l'aspect en est en tout semblable; et cependant 
les plaines nourrissent les plus grands de nos Américains, tandis que les pla- 
teaux ne sont habités que par de petits hommes. Cette comparaison seule, 
prouvera que l'influence d’une température froide et sèche ne suffit pas pour 
altérer la taille, et qu'il faut qu'il sy joigne une autre cause inhérente au 
séjour des montagnes plus ou moins élevées. D’un autre côté, toutefois, il 
ne faudrait pas nier absolument linfluence des localités ; car, si nous pouvons 
attribuer la différence de taille entre les Yuracarès et les Péruviens à celle 
de lélévation des cantons qu’ils habitent, on y pourrait joindre encore Pin- 
fluence d’une température bénigne, d’un sol le plus fertile du monde, de la 
chaleur et de humidité constantes des belles forêts habitées par les premiers ; 
et, à l'appui de cette dernière considération, nous citerons la différence de 
taille observée entre les Guaranis en général, et leur tribu des Guarayos 
placés absolument dans les mêmes circonstances atmosphériques que les 
Yuracarès, la taille moyenne des Guaranis étant de 1 mètre 620 millimètres, 
tandis que celle des Guarayos est de 1 mètre 660 millimètres. ? 

Si nous cherchons les effets produits sur la taille des Américains par labon- 
dance ou par la disette d’alimens, nous ne trouvons que des faits négatifs. 


1. Voyez ce que nous en disons aux généralités sur les Passereaux, Oiseaux, p. 141 et suiv., 
et sur les Mammiféres. 


2. Voyez les articles spéciaux. 


IV. Homme, 


3 


(50 ) 


Homme Les Péruviens, qui, de tous temps, ont eu des troupeaux et ont poussé très- 


améri- 
ain. 


loin l'art de Pagriculture, les Chiquitéens, toujours cultivateurs et chasseurs, 


des premiers parmi notre race ando-péruvienne, les seconds parmi notre race 


pampéenne, sont les plus petits. De toutes les nations de leur race respective, 
les Fuégiens et les Yuracarès, chasseurs et pêcheurs montagnards, les Patagons 
chasseurs sur les plaines, sont au contraire les plus grands de tous, et lon 
sait de combien de privations momentanées est entourée la vie nomade et 
hasardeuse du chasseur, surtout dans la Patagonie, le pays le plus stérile 
du monde’. De ces considérations et de beaucoup d’autres, inutiles à repro- . 
duire ici, qu'avons-nous conclu ? Que parmi nos peuples américains cette 
influence est entièrement nulle. ide jh 

Le rapprochement de l'influence des lieux sur la taille moyenne comparée 
à celle que cette influence exerce sur la couleur, est assez singulier : d'un côté, 
sur les montagnes , la couleur diminue d'intensité, en descendant des plateaux 
élevés vers les plaines ou en abandonnant les régions sèches des Andes, 
pour marcher vers le pôle; ce qui est précisément l'opposé de ce que nous 
venons de dire de la taille comparative due à Pélévation ; de l’autre, sur les 
plaines, l'intensité de teinte augmente avec la sécheresse des régions chaudes 
vers le Sud, et la taille suit presque une marche égale, puisque des collines 
des Chiquitos, elle augmente jusque chez les Patagons ; ainsi, sur les plaines 
il y a concordance, tandis que, sur les montagnes, la marche est tout à fait 
opposée. Il n’y a lieu ici à aucune espèce de parallèle, puisque ces deux 
décroissances tiennent à des causes distinctes; mais nous n'avons pas cru 
devoir passer ce fait sous silence. LT 

Avant d'aborder de nouvelles considérations sur la taille, nous présentons 
dans un tableau, pour lun et pour Pautre sexe, la décroissance moyenne 
par nation, comparée à la plus haute taille qu'ils atteignent‘; et nous y plaçons 
l'élévation et la nature des terrains sur lesquels chaque nation est fixée, pour 
compléter, autant que possible, nos observations à ce sujet. 


1. Voyez notre description de la Patagonie, partie historique, t I, chap. XVIII et chap. XX. 
2. Nous ne parlons que des résultats qui nous appartiennent en propre. 


(51) 


Homme 

améri- 

RAMEAUX | ‘77 

can. 
auxquels 
elles 
appar- 
tiennent. 
ES) 


. idem. 
Moxéen. 
Pampéen. 
idem. 
idem. 


idem. 


Moxéen. 
idem. 
idem. 
idem. 
idem. 

Pampéen. 
Moxéen. 
Chiquitéen. 
idem. 
idem. 
idem. 
idem. 
idem. 
idem. 
idem. 
idem. 


idem. 


Antisien. 
idem. 
idem. 


idem. 


Pampéenne.| : Moxéen. 


z 


Antisien. 
Araucanien. 
Péruvien. 
idem. 
idem. 


idem. 


à TAILLE LIMITES D'HABITATION | Rae 
£ NOMS RS SE) NATURE auxquelles 
f en élévation | DES TERRAINS elles 
= j Sao du niveau iennent. 
E hommes. | hommes. | femmes. F méridionale Tone. 
Lo Métre. | Mètre | Mètre. | Mars. | 
1|Patagon....| 1.730 | 1.920 | 1.620 39° au 53° £ [Praines sèches, arides Fanpéenne, Pampéen. 
2|Puelche....| 1.700 | 1.800 | 1.620 |34au 41° £ [Plaines sèches , arides.| idem. 
3|Movima....l 1.690) 1.740 | 1.620 14° £ jen et idém. 
4 | Charrua ...1 1.680 | 1.760 | 1.600 !31°au 35° Ê | Plaines tempérées. idem. 
5|Mbocobi...| 1.680 | 1.730 | 1.590 |21°au 32° : | idem. idem. 
6| Abipones...| 1.680 | 1.000 : |28°au30° 5 idem. idem. 
7|Lengua....| 1.680 £ : | 27 £ idem. idem. 
8 | Moxo ..... 1.677| 1.785| 1.552 13°au16° Ê RENE RRANE et idem. 
9 | Canichana..| 1.677! 1.785 | 1.550 |13° au 14° £ idem. idem. 
10 | Cayuvava ..| 1.677] 1.785 | 1.552 |12°au13° £ idem. idem. 
11|Iténès..... 1.677 e s 12°au13° 2 idem. idem. 
12 |Pacaguara..| 1.670 z z | 10° Ê idem. idem. 
13 | Mataguayo .| 1.670 | 1.720 z |22°au 28° 5 Plaines chaudes, idem. 
14| Chapacura .| 1.663 | 1.760 1.535 15° £ | Plaines inondées, idem. 
15|Samucu....| 1.663 | 1.760 | 1.535 18° au 20° Ê | Collines basses, idem. 
16|Chiquito.…| 1.663 | 1.000 | 1.535 H6rau18l 2: | ‘em 
17|Saravéca.. .| 1.663 £ 1.5351 16° z | idem. idem. 
18 | Otukè. 1.663|. : | 1.535 1Tau18° z idem. idem. 
19 | Curuminaca| 1.663 =: 1.535] 16° 2 idem. idem. 
20 | Covaréca., .| 1.663 z | 1.535, 17° Ê idem. idem. 
21 | Curavès ...| 1.663 2 1.535 1 9° £ idem. idem. 
22 |Tapüs 1.663| - |1.535] 17 : idem. idem. 
23 | Curucanéca.| 1.663 | 2 | 1.535] 16° Ê idem. idem. 
24 | Paiconéca. .| 1.663 es 1.535 16° 2 idem. idem. 
25 | Fuégiens...| 1.663 £ 1.540 {50° au 56° 2 Littoral de montagnes| Ando-péru-|Araucanien, 
froides et basses. vienne, 
26| Yuracarès. .| 1.660] 1.760 | 1.530 [16°au17°|600 à 10090! Pied des montagnes | idem. 
27 | Mocéténès.. | 1.650 | 1.680| + | 16° | 1000? | moutasnes boisées, | item. 
28 Maäropa. fes] ha | 650 2 É 13° £ | Piea Fute idem. 
29 | Tacana ....1 1.649 | 1.700 : M13’au15° 1200? Montagnes boisées. idem. 
30 |Itonama....| 1.649 | 1.730 | 1.550 [13° au 14° 2 | Plaines inondées, 
31| Guarani....| 1. 620 1.730 | 1.490 £ £ pers Brasilio-gua- 
32] Botocudo ..| 1,620 | 1.000! = : > idem. Fr 
33 Apolistas. ..1 1.620 2 £ 15° e Montagnes tempérées. Ando-péru- 
34 | Araucano .. | 1.620 | 1.730 | 1.460 |30°au 50° : Don Pr 
35 | Quichua...| 1.600! 1. 700 1.460 | O°au 28°12500 à 5000! Montagnes sèches , idem. 
36|Aymara. | 1.600! 1.650 | 1.460 15°au20°/2500 à 5000! "im | item. 
37 |Atacama...| 1.600 £ z [{9°au22°| 2500? idem. idem. 
38 | Chango....1 1.590 | 1.650! 1. 455 22° au 24° £ [Littoral des montagnes 


Homme 
améri- 
cain. 


(52) 

Le tableau précédent présente les nations suivant l’ordre de la moyenne 
de leur taille, ce qui permet de reconnaître de prime abord : 

1. Que la décroissance est tellement en rapport avec nos divisions de races 
et de rameaux, qu'à peine y a-t-il quelques exceptions dans chacun de ces 
groupes; ainsi, jusqu'à présent, nous voyons la couleur et la taille offrir des 
caractères distinctifs, selon ces mêmes groupes ; 

2.° Que cette décroissance ne coïncide nullement avec les limites de la lati- 
tude où vivent les nations; 

5.” Qu'au contraire cette décroissance est tout à fait en rapport avec le 
niveau d'habitation, c’est-à-dire qu'a mesure qu’on s’élève sur les montagnes, 
la taille diminue; 

4." Enfin, que, si la nature des terrains influe plus ou moins, suivant que 
ceux-ci sont composés de plaines ou de montagnes, on voit en même temps 
que ces mêmes plaines, soit qu’elles s'étendent sous la zone froide ou sous la 
zone chaude, soit qu’elles se montrent sèches et arides, ou qw’elles présentent 
des terrains inondés, ne font pas sensiblement varier la taille, au moins dans 
l'ensemble des nations. 

La taille la plus élevée à laquelle parviennent les individus d’une même 
nation au-dessus de la moyenne, n'offre pas, comme nous le montre le 
tableau , une marche bien régulière, et les rapports sont loin d’être les mêmes; 
néanmoins, Pensemble des faits réunis nous paraît prouver qu'entre la taille 
moyenne et la taille extrême, il ÿ a, pour chaque nation, beaucoup moins de 
différences qu’en Europe. Les savans travaux de MM. Villermé’ et Quetelet’, 
démontreraient, que si l'accroissement est plus prompt au sein des villes d’Eu- 
rope que dans les campagnes, la différence de la taille n’est plus sensible, quand 
une fois elle a atteint tout son développement; ainsi, lon ne pourrait employer 
cet argument; mais il en existe un autre inattaquable; c’est qu'il y a d'autant 
plus d’uniformité dans les dimensions des mammiferes d’une même espèce, 
qu'ils sont plus éloignés de Pinfluence de la domesticité. Ne pourrait-on pas 
regarder, par analogie, Pétat plus rapproché de la nature dans lequel vivent 
les Américains, comme la cause la plus admissible de ce peu de différence ? 
Jamais, relativement à la taille moyenne propre à chaque nation, nous 
n'avons trouvé, parmi les indigènes purs, ni géant, ni nain. Ce fait négatif 
ne viendrait-il pas encore à l’appui de notre hypothèse ? 


1. Annales d'hygiène, cahiers n° 2 et n.° 5. 
2. Sur l’homme et le développement de ses facultés, etc. (Paris, 1835), t IT, p. 11. 


(55) 

Nous n'avons pas encore parlé de la taille moyenne des femmes comparée 
à celle des hommes ; mais tous les renseignemens que nous avons pu obtenir 
à cet égard sont consignés dans le même tableau et pourront prouver égale- 
ment, par la comparaison, qu'il ÿ à peu d’uniformité dans les rapports; mais 
que ces rapports suivent néanmoins une marche régulière, lorsqu'on les con- 
sidère séparément pour chacun des groupes. On trouve alors que, chez 
toutes les nations du rameau pampéen, les Patagons, les Puelches, les Char- 
ruas, les Mbocobis, et chez les Moxéens, les Movimas, les femmes ont des 
proportions relativement plus grandes que celles qui existent en Europe entre 
les hommes et les femmes”; tandis qu'au contraire, parmi les peuples mon- 
tagnards, les Péruviens, les Araucaniens, les femmes ont des proportions 
relatives plus petites que celles des Européennes*. Une autre déduction 
curieuse peut être tirée de la comparaison de la proportion relativement plus 
élevée chez les femmes des nations de haute stature que chez celles de 
petite taille; c’est que cette proportion serait, pour les nations américaines 
que nous avons observées, tout à fait contraire à ce qui existe en Europe. 
M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dit, dans ses savantes recherches Ÿ : ; Les 
« femmes sont beaucoup plus petites, proportion gardée avec les hommes, 
« dans les contrées où ceux-ci atteignent une taille très-élevée. ” Ainsi, en 
Amérique, la différence que nous venons de signaler serait anomale ét pour- 
rait tenir à des causes locales ou plutôt à d’autres causes, tirées des coutumes 
des peuples. En Europe, les femmes exercent beaucoup moins que les hommes 
leurs forces physiques, tandis qu'au contraire, parmi les nations les plus rap- 
prochées de la nature, et principalement chez celles qui vivent exclusive- 
ment de chasse, les femmes se livrent beaucoup plus que les individus de 
l'autre sexe à des exercices variés, sans que, néanmoins, cet exercice soit 
forcé; toujours modéré, il ne fatigue jamais l'enfance, parce qu’il ne com- 
mence qu'après l’âge de la nubilité. Ne pourrait-on pas trouver, dans ce genre 


1. Dans un des intéressans tableaux donnés par M. Quetelet, loc. cit., t. IT, p. 42 et 43, nous 
trouvons que les limites d’accroissement de l’homme sont de 1 mètre 722 millimètres, tandis que 
celles de la femme sont de 1 mètre 579 millimètres : la différence serait de 143 millimètres, ou 
un peu plus d’un cinquième, tandis que nous ne trouvons, chez les Patagons, que 110 milli- 
mètres de différence, et 80 millimètres seulement chez les Puelches, c’est-à-dire à peu près du 
sixième au huitième. 

2. La différence entre la taille moyenne des Quichuas et des femmes de la même nation, est 
de 140 millimètres, ou moins d’un cinquième de la taille moyenne des hommes. 

3. Histoire générale et particulière des anomalies de l’organisation, à. L®, p. 236. 


Homme 
améri- 
cain. 


—__—— 


(54) 


Homme de vie si distinct de celui de l'Europe, la cause immédiate de la moindre 


améri- 
ain. 


différence qui existe entre les limites comparatives de la taille moyenne des 
deux sexes en Amérique ? 


Formes générales. 


Si nous avons trouvé de grandes différences dans la couleur et dans la 
taille des Américains, leurs formes sont loin de nous offrir les mêmes résul- 
tats : elles varient sans doute, mais en des proportions peu considérables, 
eu égard à la taille comparative propre à chaque nation. Nous allons d'abord 
décrire ces formes en général, puis nous signalerons les exceptions, en recher- 
chant, en même temps, les causes qui nous paraissent les avoir déterminées. 

Malgré les volumes écrits pour démontrer la dégénérescence et laffaiblis- 
sement des Américains‘, nous pouvons dire, en thèse générale, qu'ils pré- 
sentent tous les caractères assignés à la force. Comparée au reste du corps, 
leur tête est plutôt grosse que petite; leur tronc est large, robuste, presque 
égal sur sa longueur; leur poitrine bombée ; leurs épaules sont effacées, 
élargies; leurs hanches rarement très-saillantes. Leurs membres sont quel- 
quefois un peu courts, comparés au tronc; mais replets, le plus souvent 
arrondis, rarement pourvus de muscles saillans. Leurs extrémités supérieures, 
jamais amaigries , sont d'ordinaire bien dessinées, dans le sens artistique, 
quoique parfois trop fortes; leurs mains sont petites, comparées aux bras. 
Leurs extrémités inférieures sont presque toujours bien proportionnées et 
dans de belles formes, très-rarement maigres; leurs articulations peu sou- 
vent grosses ; leurs cuisses et leurs jambes replètes; leurs pieds petits, quoique 
larges. La forme générale, chez les Américains, est done moins belle qu’hercu- 
léenne. Les femmes participent à la vigueur de cette complexion ; aussi ne 
présentent-elles qu'exceptionnellement des formes gracieuses : avec tous les 
signes de la force, elles sont trop robustes, trop larges pour être bien faites, 
dans le sens que nous donnons à ce mot en Europe. La nature les a douées, 
en revanche, de tous les avantages désirables pour le genre d'existence auquel 
elles sont appelées : larges épaules, poitrine effacée, la gorge plutôt bien pro- 


1. Pauw, Recherches sur les Américains. 

Don Antonio Ulloa, Noticias americanas , p. 320, les appelle animaux, parce qu’ils sont robustes 
et supportent facilement la fatigue et les intempéries. 

Robertson , Histoire d’ Amérique, édit. espagn., liv. 4, p. 57, 58, etc. Tout ce qu'il écrit tend 
à prouver, comme Ulloa , non-seulement que les Américains sont dégénérés, mais encore que le 
pays même et tous les êtres qui habitent se trouvent dans le même cas. 


(55) 
portionnée que volumineuse ou petite; bassin large; aussi l'acte de Paccou- Horime 
chement, toujours facile, n’a-t-il jamais, pour elles, de suites fâcheuses ; a 
mains et pieds petits. Telles sont les formes générales des deux sexes parmi 
les nations américaines que nous avons visitées. Voyons, selon nos rameaux 


et nos races, si les influences typiques ou celles des localités ne les ont pas 


souvent modifiées. 

Dans la race ando-péruvienne, les Péruviens nous montrent des formes 
très-massives : en général, ils ont le tronc plus large que les autres Améri- 
cains, et surtout un peu plus long, proportion gardée avec les extrémités. 
Ces proportions sortent même de la ligne normale et doivent être attribuées 
à des causes que nous examinerons tout à lheure. Les extrémités sont replètes 
et courtes. Les femmes ont beaucoup de gorge. Les Araucaniens ont, en tout, 
les mêmes caractères que les Péruviens ; cependant, quoique long, leur tronc 
ne l’est pas autant que chez les premiers : chez eux, les articulations sont 
grosses et la démarche gênée”. Les Antisiens n’offrent plus d’uniformité de 
formes : ils sont bien également robustes, mais leur tronc n’est plus dispro- 
portionné avec les extrémités, surtout chez les Yuracarès; et, de tous les 
peuples de la race ando-péruvienne, ce sont les seuls chez lesquels on trouve 
des proportions analogues à celles que nous admirons dans l’ancien monde; 
nous en trouverons bientôt les causes dans les influences locales. 

-Comparons maintenant les rameaux de notre race pampéenne : chez les 
Pampéens, proportion gardée avec leur taille, nous trouvons le vrai type 
des caractères des Américains, c’est-à-dire la réunion de l'élévation de la taille 
à celle de toutes les formes propres à la force. Le tronc, quoique des plus 
robuste, est toujours proportionné aux extrémités. Les femmes sont pres- 
qu'aussi grandes que les hommes et ont les mêmes formes; les seins médiocres. 
Les Chiquitéens montrent seulement moins de vigueur. Les Moxéens, avec 
les mêmes caractères, sont en général moins massifs, mieux dessinés, et 
l'extérieur de leurs femmes s'éloigne moins de celui des Européennes. 

La race brasilio-guaranienne tient le juste milieu, sous ce rapport, entre la 
race ando-péruvienne et la race pampéenne : moins disproportionnés que les 
Péruviens, les hommes ont néanmoins le corps plus large que les Pampéens; 
et si, à la première vue, on reconnaît un Péruvien montagnard au plus de 
longueur de son corps, proportionnellement avec les extrémités, on distingue 


1. Ce que nous avons attribué à leur manière de s'asseoir à terre. Voy. partie historique, t IT, 
chap. XXI. 


Homme 
améri- 
cain. 


—— 


(56) 

aussi un Guarani d'un habitant des plaines à la grande largeur du tronc, 
peu proportionnée à la taille. C’est dans cette nation que nous trouvons 
encore, comme anomalie locale, une tribu plus belle, plus élancée, celle des 
Guarayos. En résumé, lon voit que les caractères de formes, quoique différens 
entre les trois races, par la largeur et par la longueur comparatives du tronc 
aux extrémités, sont néanmoins loin d’être bien tranchés. En général, la force 
relative paraît suivre celle de la taille". Les peuples montagnards font seuls 
exception, montrant des proportions plus robustes que leur taille ne devrait 
le comporter. 

La latitude plus ou moins chaude ou plus ou moins froide ne nous a 
montré aucune influence. [1 n’en est pas ainsi de l'élévation du lieu d’habi- 
tation au-dessus du niveau de la mer, qui en exerce une très-positive sur les 
peuples montagnards ; aussi tous ces peuples sont-ils, comme nous Pavons 
vu, les plus petits, sans que la taille, néanmoins, influe généralement sur 
toutes leurs parties; car nous voyons, chez eux, le tronc beaucoup plus 
large, proportion gardée, que chez les peuples des plaines. Îl est même un 
caractère qui nous paraît tenir essentiellement à la raréfaction de Pair : nous 
voulons parler du grand développement de la poitrine, influant sur la lon- 
gueur du tronc et lui donnant un peu plus de longueur relative que chez 
les autres hommes. Nous avons dit que les plateaux qu'habitent les peuples 
péruviens sont compris entre les limites d’élévation de 2,000 à 5,000 mètres 
au-dessus du niveau de la mer. L'air y est plus ou moins raréfié, selon le 
niveau; mais, sur les plateaux, nul doute qu’il n’en faille une bien plus grande 
quantité qu'au niveau de l'Océan, pour que l’homme y trouve les élémens 
de la vie. Îl en résulte que, par la plus grande dilatation de leurs cellules, 
les poumons prennent un développement énorme, et que la cavité qui les 
contient est plus vaste que dans l’état normal, ce qui allonge d'autant plus 
le tronc, en détruisant un peu les rapports harmoniques avec les extrémités. 
Des tribus des mêmes nations, descendues depuis long-temps dans les plaines, 
nous offrent une preuve de cette influence : elles sont bien toujours larges de 
corps, Caractère qui tient aux formes de la race; mais elles ne présentent 
plus de disproportions dans la longueur du tronc comparé aux extrémités. 
Cette anomalie disparaît aussi peu à peu, à mesure que le trop grand abais- 
sement de la température ne permet plus aux montagnards d’habiter des 


1. Privé d’instrument qui nous eût permis d’éprouver la force relative des nations, suivant 
leur taille et leurs formes , nous sommes obligé de garder le silence à cet égard. 


(57) 


régions aussi élevées, comme on le remarque chez les Araucanos : une de Homme 
améri- 
vain. 


leurs tribus, les Ranqueles, nous en offre une preuve évidente; car, des- 
cendue depuis long-temps sur les plaines, cette tribu est beaucoup moins 
massive dans ses formes. Les nations qui composent le rameau antisien 
nous démontrent encore évidemment linfluence de la raréfaction de Pair : 
à mesure qu'on descend des montagnes vers les plaines chaudes, on voit les 
formes s’allonger, la poitrine diminuer d’ampleur; et les Yuracarès, qui 
habitent les plaines du pied des Andes, au sein des forêts les plus belles, les 
plus chaudes, comme les plus humides, non-seulement ont la teinte plus 
pâle, la taille plus élevée, comme nous l'avons vu, mais aussi les propor- 
tions sont plus belles, plus sveltes, en eux, que chez aucune des autres nations 
américaines que nous connaissons. 

Dans ce dernier cas, nous croyons que deux influences distinctes déterminent 
les changemens de cette nature : la première, peut-être la plus puissante, est 
le manque de raréfaction de Pair; la seconde, à laquelle il est difficile de ne 
pas reconnaître une grande action, est la chaleur humide des contrées habitées 
par les Yuracarès ; et, à l'appui de ce fait, nous pouvons encore citer la tribu 
des Guarayos, qui se trouve dans les mêmes circonstances locales que les 
Yuracarès, et qui, au lieu d’avoir les formes un peu massives du reste de la 
nation guarani, sont plus sveltes et en général constituent aussi anomalie parmi 
les peuples américains. D'ailleurs, placé au milieu des plaines chaudes et 
constamment inondées, le rameau moxéen ne nous montre-t-il pas encore, 
dans toute la race pampéenne, les seules nations chez lesquelles les formes 
sont les moins massives? Nous croyons donc pouvoir conclure de ces observa- 
tions que la .raréfaction de l'air amène des proportions plus larges, tandis 
que l'humidité chaude tend au contraire à les allonger et à les rapprocher de 
celles de la race caucasienne. 

Nous croyons reconnaître aussi dans l'humidité une influence tout à fait 
locale sur lobésité plus ou moins fréquente. Nous n’avons jamais rencontré 
Vobésité ni sur les plateaux élevés, ni sur les plaines méridionales, où Pair 
est très-sec; tandis que, dans les plaines inondées et brûlantes de la province 
de Moxos, chez les Guarayos, au sein des forêts humides et chaudes , ainsi 
que sur les collines boisées qu'habitent les Guaranis, on trouve fréquemment 
des hommes et des femmes qui en sont atteints. Ces observations seraient 
peut-être en rapport avec les observations faites sur l'Europe, où l’obésité 
est plus commune en Angleterre qu’en Italie; mais cela tient peut-être aussi 
à des dispositions particulières des nations étudiées. 


IV. Homme. : 8 


Homme 
améri- 
cain. 


(58 ) 

Nous avons été à portée de faire, sur le jeune âge, chez les nations amé- 
ricaines, une remarque assez curieuse, indistinctement applicable à toutes ; 
c’est que, depuis l'enfance jusqu’à Pâge adulte, on n’y voit Jamais ces formes 
élancées, ces membres amaigris, ce corps étroit des enfans en Europe; tous, 
au contraire, conservent, depuis la naissance jusqu’à la mort, la même lar- 
geur du tronc, les mêmes extrémités pleines et charnues, ce qui prouverait 
peut-être d'autant que ces formes tiennent essentiellement aux caractères pri- 
mitifs des Américains. 

Les coutumes, dans quelques circonstances, influent aussi sur les formes: 
les Araucanos, les Patagons, les Puelches, nous en ont offert une preuve 
évidente. En général, les Américains marchent droit, ont une tournure aisée, 
beaucoup d’agilité, beaucoup de souplesse; néanmoins, les nations indiquées 
ont une démarche gênée, les jambes arquées, les genoux trop en dehors, 
les articulations grosses, les pieds un peu en dedans. Surpris d’abord, nous 
avons cru trouver plus tard lexplication de ces faits dans l’habitude qu’elles 
ont de s’asseoir toujours par terre, les jambes repliées comme les Orien- 
taux, de rester dans cette posture au moins le quart de leur vie; il faut 
y Joindre et citer surtout leur coutume constante, pour les deux sexes, 
d'aller dès l'enfance à cheval, ce qui les force à porter sans cesse les genoux 
en dehors. * 

Il ne se trouve jamais, parmi les Américains, de personnes difformes; ce 
qu’on a voulu attribuer à l'habitude dans laquelle auraient été tous ces peuples, 
de détruire ceux de leurs enfans qui montrent des dispositions à sortir de l’état 
normal*. Nous sommes loin de nier qu'il ne puisse en être ainsi chez les 
nations tout à fait sauvages ; mais chez les Péruviens, qui, en général, tiennent 
à leurs enfans plus peut-être que les Européens eux-mêmes (en y comprenant 
les classes inférieures de la société ); chez les Péruviens, qui les soignent avec 
la plus vive sollicitude; chez les nations chiquitéenne et moxéenne, où il est 
facile d’avoir des renseignemens précis à cet égard ; non plus que dans aucune des 
autres régions de l'Amérique que nous avons parcourues, nous n’avons Jamais 
rencontré que des infirmités accidentelles. Cet avantage ne tiendrait-il pas au 
peu d’entraves qu'on met au développement physique, les enfans étant 


1. Forster, Voyage autour du globe, 1. I, p. 480, cite cette même observation, que nous 


avons bien souvent faite. 
Pallas, Ueber die mongolischen Vôlkerschaften, t. 1°, p. 98, trouve la même chose en Asie. 


2. Robertson, Histoire d'Amérique, édit. espagn. , t. IE, liv. 4, p. 67 ; Gumilla, II, p. 234; Padre 


Techo, Histoire du Paraguay. 


(59) 
presque toujours nus? Nous serions tenté de le croire; et c'est aussi, sans 
doute, à ce même motif qu'on peut attribuer cette uniformité de détails 
dans chaque nation, le corps à aucun âge n'étant gêné par aucun lien et 
pouvant prendre, sur tous les points, ses contours naturels. 


Formes de la tête. 


Il serait aussi difficile d'établir que la forme de la tête est une chez les 
Américains, que de montrer rigoureusement les caractères toujours existans, 
qui peuvent servir à distinguer celles des diverses nations; car, sur un grand 
nombre d'individus que nous avons examinés pour quelques peuples, nous 
avons trouvé une telle variété de formes que nous avons dû nous en tenir 
aux termes généraux, sans Jamais spécifier *. Nous ne doutons pas que, sur 
quelques milliers de crânes d’une race quelconque, dans l’ancien comme dans 
le nouveau continent, l’on ne trouve des têtes que leurs caractères rapportent 
à toutes les autres, celle des nègres exceptée. On sentira dès-lors Pextrême 
difficulté de donner quelque chose de bien positif sur ce point. Nous avons 
cru remarquer que, dans notre race ando-péruvienne, les Péruviens ont la 
tête le plus souvent oblongue, d'avant en arrière, un peu comprimée latéra- 
lement ; le front peu bombé, court et fuyant un peu en arrière. Les Antisiens 
et les Araucaniens ont à peu près les mêmes formes de tête. Dans la race 
pampéenne”, on voit la tête des Pampéens généralement arrondie, à peine 


1. M. de Humboldt (Joy., édit. in-8.°, t. III, p. 291) cite le manque de difformité chez les 
Caribes, les Muiscas, les Mexicains, ce qui prouve la généralité du fait. 

2. Comme on peut le voir dans notre planche IT bis, le crâne peut être épais aussi parmi les 
Américains, et non très-léger , comme le dit Blumenbach, trad. franç., p. 218. 

Lawrence, Lectures on physiology, zoology and the natural history of man, London, 1828, 
de même que Blumenbach, regarde les crânes américains comme ayant le front aplati. Notre 
planche 1 des mammifères prouve, au moins pour les Puelches, que cette règle n’est pas géné- 
rale , et qu'en Amérique, ainsi qu'ailleurs, le crâne varie on ne peut plus. Le même auteur regarde 
le crâne américain comme analogue, pour la forme, à celui des Mongols, quoique plus petit. Les 
observations de M. Parchappe, Recherches sur l'encéphale, p. 50, constatent que, sur le petit 
nombre de ceux qu’il a mesurés, le volume des têtes américaines est, au contraire, supérieur à 
celui des têtes de la race malaye. La difficulté de se procurer des crânes, même sur les lieux, ne 
nous a pas toujours permis d’en rapporter de chaque nation; mais l'aspect des indigènes et l’in- 
spection d’un grand nombre de crânes que nous avons vus, nous ont convaincu qu’en Amérique 
ils varient non-seulement selon les races et les nations, mais encore d’individu à individu dans un 
même peuple. 

3. Voyez Mammifères, planche I, fig. 5, la tête d’un Puelche des Pampas. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 60 ) 


Homme ellipsoïde, raccourcie d'avant en arrière, peu comprimée latéralement ; le 


améri- 
cain. 


front médiocrement bombé, mais non fuyant. Chez les Chiquitéens, ce carac- 
tère est plus outré, la tête étant presque circulaire; tandis que chez les Moxéens, 
elle est plus oblongue. La race guaranienne a une forme de tête très-voisine 
de celle des Moxéens. Tout en donnant ces caractères, nous sommes loin de 
vouloir leur assigner une valeur rigoureuse; car, dans chacune des nations, 
on trouve plus ou moins d’exceptions ; c’est seulement le caractère dominant 
que nous avons cru apercevoir. 

IL est un genre de difformité purement artificielle qui a frappé les physio- 
logistes : nous voulons parler de la difformité de la tête, que nous avons ren- 
contrée à son plus haut degré dans les restes des anciens Aymaras', tandis 
que leurs descendans ont le crâne conformé comme les autres Péruviens. Par 
les détails dans lesquels nous sommes entré à cet égard”, nous croyons avoir 
assez clairement expliqué le mode de pression exercée d’avant en arrière et 
circulairement, ce qui repoussait la masse du cerveau et donnait une très- 
grande largeur aux parties postérieures, au détriment des parties antérieures, 
de sorte que les pariétaux formaient deux mamelons très-remarquables, tan- 
dis que le front était presque horizontal au-dessus des arcades sourcilières. 
Nous avons tout lieu de croire que, dans ce cas, il n’y avait que déplacement 
de parties et non altération, et les facultés intellectuelles devaient en être 
peu affectées. ? 


1. Voyez notre planche Mammifères I, fig. 2; planche IL, fig. 1 et 2, et planche II bis. 

2. Voyez l’article Aymara. 

3. Les considérations relatives à ces crânes nous ont paru trop spéciales aux Aymaras pour que 
nous pussions les regarder comme faisant partie des généralités; nous les renvoyons donc à notre 
article Aymara, rameau péruvien. 

Les savantes observations de M. Parchappe ( Recherches sur l’encéphale, etc., Paris, 1836) 
éclairent plusieurs points curieux du rapport du volume du crâne avec les facultés; ce qui peut 
prouver, jusqu’à un certain point, que la forme plus ou moins variable du crâne chez les hommes 
des diverses contrées, ne saurait avoir une influence directe sur leurs facultés. Il dit, page 28: 
« La différence de volume entre les individus sains d’esprit et les têtes des aliénés, serait à lavan- 
« tage des insensés.” — Page 34 : « L'intelligence peut se manifester à son degré normal dans une 
« tête dont le volume est inférieur, égal ou à peine supérieur au volume des têtes d’idiots. "— 
Page 35 : « Le volume de la tête n’influe pas sur les facultés parmi les imbécilles. » — Et page 46 : 
« La plus grande somme d'intelligence ne coïncide pas toujours avec le plus grand volume de la 
a tête. » 


(61) 


Traits ; physionomie. 


On sait combien les traits sont variables au sein de nos cités ; combien il 
est facile d'y trouver les différens types des pays les plus éloignés. Nous ne 
nous demandons pas si cette diversité de formes et de physionomié tient au 
mélange des races, ou sil ne faudrait pas y faire entrer pour beaucoup 
l'influence de la civilisation; question étrangère à notre sujet actuel. Nous 
énonçons ce fait seulement dans le but de prouver que, si, parmi les nations 
américaines, nous avions trouvé des limites aussi larges, nous n’aurions 
jamais pu arriver à distinguer nettement les groupes d'hommes qui forment 
les élémens de la population du nouveau monde. Heureusement il n’en a pas 
été ainsi; et, en thèse générale, on peut regarder chaque nation comme ayant 
un air de famille qui, la distinguant nettement de ses voisines, permet à 
l'œil exercé du zoologiste de reconnaître, dans une grande réunion, tous les 
types, sans presque Jamais les confondre. Un Péruvien diffère plus d’un Pata- 
gon, et celui-ci d’un Guarani, qu'un Grec ne diffère d’un Éthiopien ou d’un 
Mongol. Un auteur a dit naïvement que quiconque a vu un Américain, 
les a tous vus’, témoignage superficiel, malheureusement beaucoup trop 
accrédité, et qui devait arrêter les recherches; mais nous pouvons affirmer 
avec la plus grande certitude, comme nous allons chercher à le prouver, 
qu'il est, au contraire, peu de peuples moins uniformes dans les détails comme 
dans l’ensemble de leurs traits; il en est, au reste , de ce dernier caractère comme 
de ceux de couleur et de taille, que nous avons vus varier on ne peut plus, 
selon les races et même selon les nations. 

Pour démontrer ce que nous venons d'avancer, nous allons passer succes- 
sivement en revue toutes les limites de variations des parties constitutives 
des traits, pour arriver ensuite à l'ensemble de la figure. * 

Le front, nous venons de le voir, est un peu fuyant et comprimé latéra- 


1. Ulloa, Noticias americanas. Entretenimiento XVII, p. 253. 

Robertson, History of America, t. Il, p. 404, note 47. 

Kant, /m ieutschen Mercur, 1788 , t. 1.7, p. 119. 

Molina, Sulla sloria naturale del Chili, p. 336. 

2. Quoiqu'il y ait moins de variation qu’en Europe dans les traits des individus d’une même 
nation entre les peuples qui nous occupent, parce qu’ils se mêlent peu entr’eux, il en existe 
néanmoins quelques-unes, et nous avons dû prendre pour modèle le type général, non les 
exceplions. 


Homme 
améri- 
“ain. 


——— 


(62) 
lement chez les Péruviens; légerement bombé, sans compression, chez les 
autres nations. 

Le nez est long, saillant, fortement aquilin et comme recourbé à son extré- 
mité chez les Péruviens; court, légèrement épaté chez les Araucaniens, les 
Moxéens , les Chiquitéens , presque tous les Antisiens ; très-court, très-épaté, 
très-large chez les Pampéens ; court, étroit, chez les Guaranis. 

Les narines, très-ouvertes chez les Pampéens, le sont un peu moins chez 
les Péruviens, moins encore chez les Araucaniens, les Antisiens, les Moxéens 
et les Chiquitéens; tandis qu’elles le sont à peine chez les Guaranis. 

La bouche a aussi ses modifications : très-grande, à lèvres grosses et sail- 
lantes, chez les Pampéens; assez grande encore, à lèvres médiocres et peu 
saillantes, chez les Péruviens; de même dimension , mais avec les lèvres grosses 
chez les Moxéens ; moyenne, à lèvres minces, peu saillantes chez les Chiqui- 
téens ; plus petite, mais d’ailleurs semblable, chez les Guaranis. 

Les yeux, toujours petits et noirs chez toutes les nations, sont tout à fait 
horizontaux parmi la race ando-péruvienne, le rameau moxéen , les Pata- 
gons, les Puelches; mais, chez la nation Mbocobi du grand Chaco, et parmi 
les Chiquitéens , quoique la masse de la population les ait encore horizon- 
taux, quelques individus les ont bridés extérieurement, ce qui établit la tran- 
sition à ceux des Guaranis, toujours relevés à l’angle extérieur, comme on 
le voit chez les Mongols. Les Péruviens nous ont montré un autre caractère 
constant, celui d’avoir toujours la cornée Jaunâtre. 

Les pommettes, saillantes chez les Pampéens, les Araucaniens, ne com- 
mencent à se montrer que dans l’âge plus qu'adulte, chez les Péruviens, les 
Moxéens, ne saillant ni chez les Chiquitéens, ni chez les Guaraniens, à moins 
que ce ne soit dans l'extrême vieillesse. 

Le menton a plus duniformité : chez tous les Américains, il est court et 
rond ; les Araucaniens l'ont un peu élargi, et chez les Péruviens et les Gua- 
ranis seuls on le remarque un peu plus saillant, sans qu'il soit jamais com- 
parable à celui de la race du Caucase. 

On a enfin abandonné la croyance systématique qui refusait entierement 
la barbe aux Américains”, parce qu'on prenait pour caractère général ce qui 
n’est dû qu’à la coutume de l'épilation. La barbe chez tous les peuples amé- 
ricains constamment droite ou non frisée, est noire, pousse tard et couvre 


1. Pauw, Recherches sur les Américains, 1. I, p. 184. 
Robertson, Histoire d’ Amérique, édit. espagn., t. IL, liv. 4, p. d6. 


(65 ) 
plus particulièrement les côtés de la lèvre supérieure et le milieu du menton; riomme 
ameri- 


encore se réduit-elle, le plus souvent, à quelques poils rares. À ces caractères “is. 
nous n'avons rencontré qu'une seule exception pour une tribu des Guaranis, 


les Guarayos", qui, quoiqu'appartenant à la même nation, portent une barbe 
longue, couvrant non-seulement le menton et la lèvre supérieure, mais encore 
les côtés de la figure : cette barbe se distingue de celle de notre race en ce 
qu'elle est droite; ainsi toute supposition qui tendrait à prouver que cette 
tribu tient ce caractère exceptionnel de son mélange avec la race blanche, 
tomberait d'elle-même, quand d’ailleurs nous n’aurions pas acquis, sur les 
lieux, la certitude que cette tribu n’a pu Jamais éprouver de mélange, étant 
toujours restée sauvage et éloignée de plus de cent lieues de la population 
européenne la plus voisine. Nous avons cherché à nous expliquer cette ano- 
malie; et si, comme pour la dégradation de teinte de cette même tribu, et 
sa taille anomale, relativement au reste de sa nation, nous n’y voyons 
pas encore la suite des influences locales que nous avons signalées, peut-être 
serait-il impossible d'y en trouver d’autres causes. 

Les sourcils nous ont montré une grande uniformité parmi les nations 
qui ne connaissent pas Pépilation : ils sont constamment étroits, très-arqués 
et très-noirs. 

Les cheveux sont aussi caractéristiques et semblables chez toutes les nations: 
ils descendent bas sur le front, sont noirs, gros, épais, très-droits et lisses ; 
mais un fait des plus remarquable, qui paraît propre à la race américaine, 
c’est qu'ils ne tombent jamais chez elle, même dans la vieillesse la plus 
avancée. Nous n'avons pas rencontré un seul chauve qui appartint aux indi- 
gènes purs, ni même à leur mélange, et ce n’est que dans le plus grand âge, 
et encore seulement chez quelques individus, qu’on voit des cheveux Jaunâ- 
tres remplacer la couleur normale. 

Les dents nous offrent aussi beaucoup d’uniformité : elles sont belles, bien 
rangées, presque verticales et persistantes, c’est-à-dire que la carie en est 
très-rare; nous avons vu un grand nombre de vieillards dont les dents étaient 
usées presque jusqu’à la racine par la mastication, sans qu’il leur en manquât 
une seule. Ne pourrions-nous pas demander à Pauw * si ce caractère et 


celui de la persistance des cheveux annoncent une race dégénérée et mala- 
dive ? 


1. Voyez notre article sur les Guaranis et nos observations sur leur tribu des Guarayos. 
2. Recherches sur les Américains. I en fait des êtres maladifs et faibles. 


Homme 
améri- 
cain. 


(64) 

Passons maintenant à la comparaison des caractères qui tiennent à l’ensemble 
des parties que nous venons de passer en revue. 

La face est loin d’être uniforme dans ses contours : nous la voyons pres- 
que circulaire chez les Guaranis et chez les Chiquitéens; un peu plus ellip- 
tique chez les Araucaniens, les Péruviens, les Moxéens, les Antisiens; presque 
carrée et longue chez les Pampéens, surtout chez les Patagons. 

L’angle facial est peu variable : en général la bouche est saillante, chez 
toutes les nations, sans que, pour cela, l'angle soit très-aigu; les maxillaires 
avancent par la même raison; mais le profil n’approche néanmoins jamais 
de celui des Éthiopiens ; au contraire, les Patagons montrent une belle courbe 
et celle des Péruviens est loin d’avoir rien d’exagéré. | 

On a dit, en généralisant encore beaucoup trop les caractères des Améri- 
cains, que leur physionomie était toujours sérieuse, triste, abattue'. Nous 
sommes loin de nier que ce ne soit en effet l’aspect de quelques-unes de leurs 
nations; mais il s’en faut de beaucoup que nous Payons trouvé chez toutes. 
Rien de plus variable que la physionomie; aussi, tout en donnant la descrip- 
tion générale de chaque groupe de peuples, signalerons-nous quelques faits 
relatifs aux modifications qu’apporte à leur extérieur leur état moral ou 
physique. Le Péruvien , de tout temps soumis à la plus étroite servitude”, a 
la physionomie grave, réfléchie, triste même; on dirait qu'il renferme en 
lui toutes ses pensées, qu'il cache aussi soigneusement ses plaisirs que ses 
peines sous une apparence d’insensibilité, qui n’est rien moins que réelle. Les 
Araucaniens libres, mais toujours en guerre, sont aussi réfléchis, sérieux, 
froids, mais non plus tristes : c’est du mépris envers tout homme étranger 
à leur nation qui se manifeste dans leur être. Les Pampéens présentent la 
même apparence de froideur et peut-être d’indifférence*. Si, chez les Pata- 
gons, on voit encore percer un peu de douceur au travers de leur physio- 
nomie froide, il n’en est pas de même chez les Mbocobis, des traits desquels 
l'ensemble est repoussant et va jusqu’à peindre la férocité. Les Moxéens, 
quoique généralement gais, ont au milieu d’eux, des nations dont la physio- 
nomie est triste, froide, comme les Canichanas, tandis que les Moxos ont 
les traits les plus doux, les plus ouverts. Remonte-t-on sur les collines habitées 
par les Chiquitéens ? On rencontre la physionomie la plus ouverte, la plus 


1. Azara, V oyage dans l'Amérique méridionale, t. Il, à chacune de ses descriptions d’Indiens. 
2. Même du temps des Incas. 


3. Voyez notre description des Tobas. Partie historique, t. L®, p. 305, et des Patagons, t. IT, 
chap. XVIII. 


(65) 
franche, la plus gaie, une physionomie remplie de vivacité. Tout en ayant 
remarqué que l'expression des traits est presque toujours la même dans chaque 
nation; et quoique nous puissions croire qu’elle tient, le plus souvent, au 
caractère national, nous avons néanmoins une preuve que la position morale 
peut influer beaucoup sur laspect extérieur. 

Nous en chercherons des exemples dans les tribus différentes d’un même 
peuple. Les Guaranis du Paraguay, de Corrientes et de la Bolivia, soumis, 
presqu’en esclaves, aux colons, ont l'air triste, abattu; lindifférence se peint 
sur leurs traits; et ils ne semblent ni penser, ni sentir; tandis que les Guaranis 
libres (les Guarayos) nous montrent une figure douce, intéressante, pleine 
de fierté; leur aspect dénote des hommes spirituels. Les Sirionos et les 
Chiriguanos ont bien la fierté, mais non la douceur des Guarayos. La com- 
paraison de ces trois tribus encore à l’état primitif de liberté avec celles des 
tribus qui sont entièrement assujetties au régime des Missions, lequel y étouffe 
tout sentiment d’amour-propre et de dignité nationale, prouvera sans doute 
l'influence de l'état social ; mais, peut-on se fier à l'extérieur d'hommes asservis ? 
et, sous ce masque d’insensibilité, ces hommes, rendus à eux-mêmes, ne 
retrouvent-ils pas toujours leur caractère naturel? D’après des observations 
fréquentes, nous croyons pouvoir répondre aflirmativement à cette question. 

En résumé, après avoir comparé entr'elles toutes les parties qui composent 
la physionomie, et la physionomie elle-même; après avoir montré les modi- 
fications de formes de chacune de ces parties, selon les nations, il ne nous 
reste plus qu'à signaler, au contraire, chez les Américains, les caractères 
généraux, uniformes et pouvant être considérés comme type des peuples du 
nouveau monde. Ce sont, dans leur ordre d'importance, 1.° les cheveux, 
épais, gros, noirs, lisses et longs, descendant bas sur le front, résistant à 
l’âge; 2. la barbe, rare, grosse, noire, toujours lisse, poussant très-tard, 
et seulement sur le menton et aux côtés de la moustache ; 3.” le menton court; 
4° les yeux petits, enfoncés; 5.” les mâchoires saillantes, les dents belles, 
presque verticales, persistantes, malgré la vieillesse; 6.” les sourcils étroits, 
très-arqués. 

On voit que, malgré les nombreuses exceptions que nous avons signalées, 
il reste encore aux Américains des caractères typiques comparables à ceux 
des peuples des autres parties du globe. 

La beauté est purement idéale, purement conventionnelle; chaque peuple 
a la sienne : le nègre voit peut-être le beau dans son nez épaté, dans ses 
grosses lèvres; le Mongole dans ses yeux inclinés; aussi, vouloir ne trouver 


IV. Homme. 9 


Homme 
améri- 
«ain. 


—————— 


( 66 ) 


Homme bien que ce qui se rapproche du type de notre race, ce serait se montrer 


améri- 
ain. 


trop exclusif; ce serait, tout au moins, s’exposer au reproche d’égoïsme. Il ne 
nous est donc pas permis de nous prononcer à cet égard, et la comparaison 
seule nous reste. 

Parmi les races américaines pures, on trouve rarement des traits analogues 
à ceux de la race blanche; néanmoins, dans chaque nation, nous avons ren- 
contré de ces figures qu’en Europe on eût regardées comme agréables : les 
unes appartenant au type ando-péruvien, les autres au type brasilio-guara- 
nien ou à celui de la race pampéenne; mais il y avait assurément fort peu 
de rapports entrelles ; et ne pouvant pas considérer le beau comparative- 
ment à notre race, nous manquons absolument de données pour le spécifier ici. 

Un autre genre d'aspect particulier aux nations américaines est l'air mâle 
ou efféminé des hommes. Nous avons trouvé le caractère mâle très-prononcé 
chez les Péruviens, chez les Pampéens, un peu moins chez les Moxéens; tandis 
que les Chiquitéens, les Antisiens, les Araucaniens (ces derniers pourtant 
si belliqueux) et les Brasilio-Guaraniens ont toujours les traits efféminés ; 
à un tel point que, parmi les Mocéténès et les Araucanos, il est difficile de 
reconnaître le sexe aux traits, et que nous serions souvent resté dans Pindé- 
cision, si le costume n’avait pas levé nos doutes. Chez presque toutes les 
nations, dans le jeune âge, les hommes ressemblent aux femmes : il en est 
chez lesquelles le sexe, au contraire, amène de grands changemens; par 
exemple, les nations péruviennes, où les hommes ont le nez long; et ces 
différences subsistent tout le temps de lexistence, tandis que, parmi la plu- 
part des autres nations, dès que les femmes ont atteint trente ans, elles 
perdent leurs traits caractéristiques, et sont alors tout à fait semblables aux 
hommes. Dans l'enfance, chez toutes les nations sans distinction, la face est 
entièrement ronde, caractère qui change chez les hommes à l’âge de la puberté, 
se maintenant chez les femmes long-temps après qu’elles sont devenues nubiles, 
et continuant quelquefois jusqu’à l’âge de vingt ou vingt-cinq ans, selon les 
nations, mais disparaissant totalement ensuite. 

Nous avons remarqué dans chaque tribu un air de famille, qui se repro- 
duisait entre tous les membres de chaque nation, double fait dont on doit 
chercher la cause dans le concours de diverses circonstances. Il n’est pas 
étonnant que chaque type reste le même, aucune famille presque ne 
s’unissant qu'avec des parentes, ou tout au moins, les alliances nayant 
jamais lieu qu'entre les indigènes d’une même nation; de là vient qu'on 
remarque partout, chez elles, une plus grande umiformité qu’en Europe, 


(67 ) 

uniformité qui se perpétue depuis des siècles, et restera sans doute inva- Homme 
riablement la même, tant que se maintiendra le système suivi; uniformité pe 
modifiée seulement alors que ces peuples, abandonnant les coutumes de leur 
état primitif, renoncent à leur genre de vie pour adopter celui qu'amène la 
civilisation; car nous croyons qu'il y a toujours des rapports intimes entre les 
coutumes et les traits; aussi les peuples agriculteurs ont toujours la physionomie 
douce, ouverte, tandis que les peuples chasseurs et guerriers sont fiers, tristes 
et réfléchis. Nous croyons aussi qu'avec l’hérédité des traits par l'alliance, par 
la perpétuité des mêmes coutumes, il y a encore la cause que nous avons 
déjà indiquée, c’est-à-dire que tous ces peuples, se rapprochant davantage de 
l'état de nature, doivent plus se ressembler que s'ils participaient à la civili- 
sation, qui détruit l’uniformité de moyens d’existence, de commodités sociales, 
et amène de si grands changemens dans la position respective de chaque 
membre d’une nation, par rapport aux autres. 


Complexion; longévité. 


Pour compléter Pexposé des caractères physiques des Américains, nous 
n'avons plus qu’à présenter quelques réflexions sur la vigueur de leur com- 
plexion, sur leur longévité. En parlant des décès, nous avons déjà dit com- 
bien, dénués, en général, de tous les secours de la médecine, ces peuples 
échappent rarement aux épidémies. Dévoré par la fièvre ardente qui précède 
l’éruption de la petite vérole, un indigène ne connaît pas d'autre moyen 
curatif, que de se trainer au ruisseau le plus frais et de sy baigner avec 
délices, sans que personne sy oppose. On prévoit qu’il en résulte une réper- 
cussion subite et la mort presque certaine du malade. D’un autre côté, leurs 
seuls remèdes, quand ce ne sont pas simplement des pratiques superstitieuses, 
consistent en une diète si rigoureuse, qu'ils meurent souvent d’inanition. 
La civilisation répandue en certaines parties de l'Amérique pourra peut-être 
prévenir le tiers du chiffre actuel des décès, surtout dans les provinces de 
Moxos et de Chiquitos. 

: La complexion des Américains est très-vigoureuse : ils résistent aux plus 
rudes travaux’, sont des plus sobres, et supportent long-temps la soif et 
la faim, sans paraître en souffrir. [ls sont rarement malades, et cependant 
ne prennent aucune précaution pour prévenir les maladies, bravant avec 


1. C’est pourquoi Ulloa (loc. cit, p. 314) les traite de brutes. Il nomme aussi insensibilité le 
courage avec lequel ils supportent les souffrances. 


(68) 


Homme intrépidité la chaleur et le froid. On s'étonne de voir, chez eux, des vieil- 


améri- 
cain. 


lards ignorer les maux de la décrépitude, et posséder tous leurs sens, comme 


—— dans la Jeunesse; les dents intactes, la tête jamais chauve, les cheveux grison- 


nant à peine chez les plus âgés, la vue, louïe, Podorat les plus fins, les 
mouvemens les plus libres, la figure peu ridée”. Il serait difficile de fixer bien 
précisément l’âge de ces vieillards ; car peu d’entr’eux sont capables de compter, 
et d’ailleurs jamais eux-mêmes ne le savent exactement, ne fixant leurs 
souvenirs, à cet égard, que par les événemens historiques gravés dans leur 
mémoire. Les recherches faites sur ce sujet nous ont donné la certitude que 
la durée de l'existence est moindre dans les pays chauds que dans les lieux 
tempérés; et, dans lune comme dans lautre région, nous n’avons pas vu 
d’'Américains passer la centaine. On peut dire même que peu d’entr'eux 
vivent plus de quatre-vingts ans. La preuve la plus convaincante que nous 
puissions donner de la force de leur constitution, c’est la coutume presque 
générale parmi les femmes indigènes, d'aller accoucher près d’un ruisseau, 
de s’y baigner immédiatement avec leur enfant, puis de venir reprendre leurs 
travaux domestiques du Jour avec autant de tranquillité que si rien ne se fût 
passé d’extraordinaire; et nous n’avons jamais entendu dire qu’elles en éprou- 
vassent le moindre inconvénient. Il y a loin de là, sans doute, aux soins 
nombreux et délicats dont on entoure en Europe une nouvelle accouchée. 


Mélange des races. 


Nous n’avons vu que très-peu de cas bien avérés de croisement entre diffé- 
rentes nations des races américaines; mais ils nous ont toujours montré des 
produits supérieurs aux deux types mélangés : par exemple, les Guaranis et 
les Chiquitos donnent des hommes plus grands que leurs nations respectives, 
et généralement beaucoup plus beaux; le mélange des Mbocobis du Chaco 
avec les Guaranis nous a montré le mêmie résultat; mais nous n’avons pu 
recueillir un assez grand nombre de faits pour nous croire autorisé à porter 
un Jugement à cet égard. 

Il n’en est pas ainsi du croisement avec la race blanche ou la race nègre. 
Partout nous avons pu en observer les produits et en suivre les modifications. 
Commençons par les mélanges avec la race blanche. Nous avons trouvé qu’ils 


1. Ulloa l’a également reconnu. Noticias americanas , p. 324. 


( 69 ) 

étaient loin d'offrir indistinctement les mêmes résultats : celui des Guara- Homme 
nies avec les Espagnols‘ donne des hommes de belle taille, presque blancs, “ain. 
et ayant de beaux traits, dès la première génération. À Corrientes, à Santa- 
Cruz de la Sierra, où ce mélange est le plus commun, on est frappé de la 
beauté, de la noblesse de leur éxtérieur : les yeux sont grands, le teint très- 
clair, le nez espagnol, ainsi que la plus grande partie des traits; la barbe 
néanmoins reste rare, et ne devient qu’à la troisième génération presqu'aussi 
forte que dans la race blanche. Cest, de tous les croisemens, celui qui nous 
a paru le plus satisfaisant; il rivalise presque avec la race blanche. 

Les Chiquitéennes avec les blancs produisent des hommes peu différens 
de la forme primitive indigène. Quant aux traits, la face reste encore arrondie, 
et ce caractère ne change qu’à la seconde génération, qui déjà, par la cou- 
leur, ne diffère presque plus des Espagnols. 

Les Moxéennes avec les blancs donnent des résultats à peu près semblables, 
à cette seule différence près, que les formes sont bien plus belles dans le 
mélange avec les Moxéennes que dans le mélange avec les Chiquitéennes ; 
mais, dans ces deux rameaux, les yeux restent souvent petits, tandis qu'avec 
les Guaranies ils changeaient, de suite, de dimensions. 

Les Araucaniennes donnent des hommes qui conservent, jusqu’à la troi- 
sième génération, la face arrondie, caractère de la nation; c’est surtout chez 
les femmes que ce caractère se maintient, ainsi que celui de la petite taille. 
Nous avons, au contraire, remarqué qu'au Chili souvent les traits des hommes 
produits d’un premier croisement étaient plus rapprochés du type espagnol, 
et qu'il en était de même de la taille. 

Les nations des Pampas sont loin de donner un mélange comparable à 
celui des Moxéens: les traits restent aussi durs, aussi sérieux; et la face con- 
serve, au moins deux générations, les grosses lèvres et le nez caractéristiques. 

La race péruvienne est, peut-être, celle qui produit le mélange à la fois le 
moins beau et le plus tenace : on y trouve encore, à la quatrième génération, 
des traces des Quichuas, et surtout ce caractère singulier de la cornée des 
yeux jaunâtre au lieu d'être blanche. A la première génération, la couleur 
diminue peu, les traits changent à peine; la taille reste presque toujours la 

ñ 
même, 

Cette différence dans le produit du mélange, dépend-elle des races qui se 
croisent ou des lieux du croisement? Nous serions porté à croire que l’une 


1. Voyez ce que nous en avons dit, partie historique, t. IL”, chap. XI, p. 367. 


(70) 


Homme €t l'autre cause peuvent avoir part aux effets. Quoi qu'il en soit, le mélange 


améri- 
vain. 


produit, en général, des hommes beaucoup mieux constitués sur les plaines 
chaudes que sur les montagnes; ce qui, au moins quant à la taille, pourrait 
être considéré comme une preuve des influences locales déjà signalées ”. Une 
remarque, qui n’est peut-être pas sans intérêt, c’est que tous les mélanges 
dont nous venons de parler, sont toujours les produits d'Espagnols avec les 
femmes indigènes, et jamais du contraire. 

Si nous avons vu des différences marquées entre les mélanges, selon les 
nations et selon les lieux, sous le rapport physique, la plus grande uniformité 
règne quant aux facultés intellectuelles : les hommes qui en proviennent sont 
doués d’une extrême facilité, et ne le cèdent en rien, sous ce rapport, à la 
race blanche. 

Le mélange des nègres avec les femmes indigènes, le seul qui existe, pro- 
duit des hommes supérieurs pour les traits, aux deux races mélangées; c’est 
surtout chez les Guaranis que l’on est étonné des résultats : on dirait que 
la race américaine gagne en beauté, tandis que tout ce qui caractérise la 
race africaine disparaît, quant aux traits, pour ne laisser quelquefois d’autres 
traces que des cheveux crépus; encore est-il fréquent de voir, dans le premier 
croisement, les cheveux devenir presque plats, tandis qu’à la troisième géné- 
ration le croisement du nègre avec le blanc donne toujours des cheveux 
crépus. Avec les Guaranis, le nez, dès la première génération, n’est presque 
plus épaté, les lèvres épaisses s’effacent presqu’en entier. Nous avons aussi 
remarqué que le mélange ne produisait pas également partout des change- 
mens aussi remarquables, et tout nous prouverait encore qu’on doit lattribuer 
à des causes purement locales. D'ailleurs, un fait que peuvent attester tous 
les habitans des colonies américaines, c’est que les nègres nés sur le sol du 
nouveau monde ne ressemblent plus à ceux de la même nation qu’on amène 
de la côte. Un nègre créole, né d’un père et d’une mère venus d'Afrique, 
n'a plus les traits outrés de ses parens, et se distingue de suite parmi beau- 
coup d’autres nègres”; ce qui prouverait évidemment qu’il y a, sur les traits 
comme sur les formes, une influence locale dont on est encore loin d'avoir 
déterminé les causes. 


1. La raréfaction de l'air, etc.; voy. p. 48 et p. 49. 

2. Nous ne poussons pourtant pas, sur ce point, les conséquences du principe aussi loin que 
Blumenbach, qui (De generis humani var., trad. franç., p. 198) prétend qu'aux Antilles des Anglais 
ont pris la figure des Américains. 


(71) 


CHAPITRE IIT. 


Considérations morales. 


Langues. 


Il est peu d’études plus difficiles et qui demandent plus de réflexion que celle 
de la philologie. Nous sommes loin de nous abuser sur ce point; aussi les 
langues ne jouent-elles pas un premier rôle dans cet ouvrage. Nous nous bor- 
nerons ici à quelques généralités, renvoyant à un travail spécial et étendu les 
détails et les développemens que comporte ce sujet, sur lequel nous avons 
recueilli beaucoup de matériaux tout à fait neufs. 

Après les savantes recherches de M. le baron Alexandre de Humboldt, 
sur les langues américaines”, après les recherches plus générales encore de 
M. Vater® et de M. Guillaume de Humboldt#, on nous trouvera peut-être 
bien hardi de chercher à dire un mot sur les idiomes des nations que nous 
avons observées; mais, tout en reconnaissant la difficulté de cette tâche, qui 
sort du cercle de nos études habituelles, nous n’avons pas cru devoir nous 
dispenser de traiter ce sujet pour lequel nous réclamons d'avance lindulgence 
de nos lecteurs. 

L'illustre voyageur avait reconnu la justesse des travaux de M. Vater % 
lorsqu'il dit° : 4 En Amérique, depuis le pays des Esquimaux jusqu'aux rives 
« de POrénoque, et depuis ces rives brülantes jusqu'aux glaces du détroit de 
« Magellan, des langues mères, entièrement différentes par leurs racines, 
« Ont pour ainsi dire une même physionomie. On reconnaît des analogies 
« frappantes de structure grammaticale, non-seulement dans les langues per- 
« fectionnées, comine la langue de lInca, laymara, le guarani, le mexicain et 


1. Voyez la partie spéciale de la Philologie, dans notre Voyage. 

2. Dans son Voyage aux régions équinoxiales du nouveau continent. 

3. Mühridates, et Bevôllerung von Amerika. 

4. Sur les monographies des langues. 

5. Mihridates, 1. TE, part. II, p. 385 et 409; Bevôlkerung von Amerika, p. 207. 

6. Humboldt, Voyage aux régions équinoxiales, édit. in-8°, t. III, p. 306; et t. IX, p. 26. 
Il dit encore : « C’est une disparité totale des mots à côté d’une grande analogie dans la structure 
« qui caractérise les langues américaines. Ce sont comme des matières différentes, revêtues de 
« formes analogues. » 


Homme 
améri- 
cain. 


(72) 


e Q A A » 
Homme « Île Cora, mais aussi dans des langues extrêmement grossières.”? Nous avons 


améri- 
cain. 


comparé les nombreux vocabulaires des langues américaines recueillis dans 
le cours de notre voyage, et dont presque tous sont inconnus aux philologues. 
Cette comparaison nous a convaincu de la vérité du principe d’uniformité 
entre les idiomes du nouveau monde; mais si des langues, dont les racines 
ne se ressemblent nullement, ont un mécanisme intérieur analogue; si elles 
présentent un caractère général de ressemblance, celui de se composer de parti- 
cules agrégées plus ou moins complexes que l’euphonie a dénaturées; si, enfin, 
les règles grammaticales sont presque toujours si voisines pour toutes, ce 
genre de recherche n’aura pas une importance exclusive. Pour reconnaître 
les limites où s'arrête la distinction des langues mères d'avec les dialectes 
qui en dérivent, la comparaison des racines composantes et des mots deviendra 
d'autant plus nécessaire, que les règles grammaticales y seront plus uniformes; 
car dès-lors ces règles ne pourront plus seules établir les limites que donnent 
au moins, Jusqu'à un certain point, les racines. Nous avons dû nous 
étendre à cet égard, afin de prouver que les vocabulaires auxquels on 
attache peu d'importance, lorsqu'ils ne sont pas accompagnés de gram- 
maires, ont, en Amérique, bien plus de valeur que dans les autres parties 
du globe; et les rapprochemens comparatifs des mots composés deviendront 
d'autant plus indispensables, que beaucoup des auteurs de grammaires 
américaines ont, le plus souvent, voulu subordonner les règles des langues 
de l'Amérique à celles de la langue latine, qu'ils prennent pour point de 
départ de leur théorie; d’ailleurs, leuphonie, la prononciation, ainsi que 
l’'analogie des sons, nous paraissent ne devoir pas être négligées dans la 
comparaison. * 

Toutes les langues américaines sont composées de parties agrégées, de 
particules merveilleusement calculées, pour rendre toutes les combinaisons 
possibles, le jeu des substantifs avec les verbes, les pronoms, les adjec- 
tifs, les pensées qui peuvent s'y attacher, et les nombreuses modifications 
que le mode d'action y détermine; néanmoins, comme leuphonie à fait, 


1. Le savant M. W. Edwards dit très à propos à ce sujet: « Le peuple qui aura changé de 
« langue transmettra donc en partie à ses descendans son accent et sa prononciation primitifs; 
« et, quoique tout s’altère à la longue, nous ne voyons pas de raison pour qu’il n’en subsiste 
« pas de traces évidentes dans ce nouvel idiome pendant des siècles. » Des caractères physiques 
des races humaines, p. 101 et suiv., surtout p. 106, pour ce qui a rapport aux sons transmis ; 
ainsi l’on ne s’étonnera pas que nous ayons cru devoir nous étendre sur certains sons particuliers 
des langues américaines. 


(75) 
selon les circonstances, supprimer ou ajouter des lettres, la décompo- 
sition de ces particules n’est pas toujours facile; car, dans la jonction de deux 
substantifs pour en former un composé, presque toutes les langues usent de 
la contraction, mais sous des formes si larges, que quelquefois une seule 
voyelle représente le mot entier. Dans beaucoup dentrelles les pronoms sont 
si intimement unis aux substantifs, qu'ils n’en sont presque Jamais séparés: 
il en est de même de ceux qui se joignent aux verbes; et le plus souvent, le 
radical se réduit à une seule lettre, précédant ou suivant, soit le sujet, soit 
le verbe qu’il accompagne. L'union des substantifs aux adjectifs participe à la 
même règle, mais généralement subit des réductions considérables de lettres. 
Ce qui caractérise surtout les langues américaines, Cest la complication des 
temps de verbes, le grand nombre de modifications de ces temps, selon le 
genre de Paction auquel ils se rattachent, et le défaut complet de Particle. 
M. de Humboldt dit, avec une bien grande vérité, en parlant des langues 
du nouveau monde’ : . On reconnaît une multiplicité de formes et de temps 
« dans les verbes, une industrie artificieuse, pour indiquer d’avance, soit par 
la flexion des pronoms personnels qui forment la désinence des verbes, 
soit par un suffixum intercalé, la nature et les rapports du régime et du 
sujet, pour distinguer si le régime est animé ou inanimé, du genre masculin 


« 
« 


« 


ou féminm, unique ou en nombre complexe.” 

Dans quelques langues, les adjectifs ne varient point selon les genres et 
selon les cas, comme dans celle des Quichuas, des Aymaras, ete., ils pré- 
cèdent les substantifs; mais, dans le guarani, quoiqu’aussi invariables, ils 
suivent souvent le sujet; en un mot, bien que les principes généraux y 
soient les mêmes, pour les inversions, ils different tellement dans les détails, 
qu'il nous faudrait beaucoup plus de place que nous n’en pouvons ici 
consacrer à ce sujet, pour rendre sensible seulement une partie des nom- 


« 


breuses nuances caractéristiques de chaque langage, sous le rapport de 
Varrangement des particules composantes, comme sous celui de leu- 
phonie. 

Toutes les langues américaines sont fortement accentuées, ce qui leur donne 
un caractère très-arrêté : les unes ont une forte gutturation, ou des sons pro- 
noncés du nez; les autres sont douces et euphoniques. Dans quelques-unes, 
des redondances ou des combinaisons de consonnes fort dures choquent l'oreille, 
tandis que d’autres sont, au contraire, remplies de voyelles ou de formes on 


1. Voyage aux régions équinoxiales, in-8,, t. III, p. 306. 
IV. Homme, 10 


Homme 
améri- 
«ain. 


a 


(74) 


Homme ne peut plus agréables. Chez les unes, on ne trouve que les sons pleins de 


améri- 
cain. 


la langue latine, chez les autres se présentent fréquemment nos diphthongues, 
nos lettres françaises, comme lu, le z, et d’autres sons propres à notre 
langue. Les langues que nous connaissons sont toutes étrangères à l'usage de 
telle ou telle lettre. L’f, par exemple, se trouve dans la langue araucana; 
mais elle manque dans toutes les autres; dans la quichua, c’est le b, le d, 
le g; dans le guarani, PZ, le », etc., etc. 

Le système de numération est en rapport avec les besoins d'échange, le 
commerce et la civilisation des peuples : les Quichuas, les peuples des Pampas, 
étendent le leur jusqu'à cent mille’, en suivant des divisions décimales on 
ne peut plus claires; tandis que beaucoup d’autres nations de chasseurs ne 
connaissent que des termes de comparaison, et non des quantités absolues, 
ou s'arrêtent à cing, à dix où à vingt, d'après le nombre des doigts des 
mains et des pieds; cest là même, quoiqu'il n’en reste pas toujours des 
traces, qu'il faut chercher la source des formes décimales adoptées par les 
peuples. 

Plusieurs langues, principalement celles de la race pampéenne, nous ont 
présenté une anomalie, relativement aux noms des parties du corps. Ces noms 
commencent ou finissent d’une manière uniforme, par une ou plusieurs lettres 
toujours les mêmes. Nous avons cru trouver Pexplication de ce fait singulier 
dans lexistence d’un pronom possessif qui y serait constamment joint; mais 
nous n'avons pas toujours eu la preuve positive de cette existence; d’ailleurs, 
il est des langues (la canichana, par exemple) où cette anomalie étend à 
tout objet matériel appartenant à la nature, de sorte que tous les substantifs 
y commencent seulement par deux lettres distinctes, tandis que les mots 
explicatifs des qualités, d’une action ou d’une pensée, varient seuls dans les 
premieres lettres dont ils se composent. 

Un autre genre d'exception a donné lieu à beaucoup de réflexions : dans 
telle langue, les mots employés par homme sont, en majeure partie, différens 
de ceux qu’emploie la femme, où chaque mot, en passant par la bouche de 
cette dernière, prend une terminaison distincte. La langue des Chiquitos offre, 
au plus haut degré, ce caractère; mais dans les autres il se réduit, lorsqu'il 


1. Pauw, Recherches sur les Américains, dit (t. IT, p. 266) : «Il n’y a aucune de ces langues 
« dans lesquelles on puisse compter au-delà de trois. ” On voit avec quelle justesse il juge d’un 
peuple qu’il n’a pas vu. Robertson, Hist. de l’Amér. (édit. esp. , t. IT, p. 84), partage son erreur 
sur ce point. 


(7%) 
s’y trouve, aux titres de parenté. Depuis bien long-temps” on a expliqué cette 
anomalie, par l'habitude de certains peuples conquérans (des Guaranis sur- 
tout), de tuer les hommes et de garder les femmes, supposition qui nous 
paraît assez probable. 

On a quelquefois supposé”, faute de connaissances positives, que presque 
toutes les langues américaines étaient peu étendues, grossières, et qu’elles 
manquaient entièrement de termes pour exprimer une pensée, une idée fine, 
ou même la passion; mais, sous ce rapport, comme sous tant d’autres, on 
était entièrement dans l'erreur; car, si les Quichuas et les Aymaras civilisés 
ont une langue étendue, pleine de figures élégantes, de comparaisons naïves, 
de poésie, surtout lorsqu'il s'agit d'amour $, il ne faut pas croire qu'isolés au 
sein des forêts sauvages ou jetés au milieu des plaines sans bornes, les peu- 
ples chasseurs, agriculteurs et guerriers soient privés de formes élégantes de 
langage, de figures riches et variées. Les volumineux vocabulaires chiquitos * 
nous en donnent une preuve; d’ailleurs, sil n’en était ainsi, que pourraient 
dire ces infatigables orateurs que nous avons vus parmi les Patagons, 
les Puelches, les Yuracarès, les Araucanos, émouvoir leur auditoire et animer 
de leurs discours*? De quoi se composeraient ces hymnes religieux et allé- 
goriques, si riches en figures, des Guarayos (tribu des Guaranis)°? Plus nous 
pénétrons dans le génie des langues, plus nous les concevons, et plus nous 
reconnaissons qu’elles sont, en général, extrêmement riches, abondantes. Si on 
pouvait étudier à fond le guarani, le quichua, le chiquitos, comme on étudie le 
grec, le latin, on pourrait se convaincre du fait. On juge souvent une nation sur 
quelques individus qui en font partie, réduits, soumis, presqu’esclaves dans 
les Missions, individus chez qui Pesprit national cède à Pinfluence de la servilité; 


1. Père Raymond Breton, Dictionnaire caraïbe , p. 229, publié en 1665. 

2. Robertson, Histoire de l'Amérique. 

3. Il n’est aucun voyageur qui ne puisse attester la vérité de ce fait; car au Pérou, ce sera, 
dans les sociétés, la première chose qu’il apprendra des habitans. 

4. Nous possédons un dictionnaire chiquitos manuscrit, in-folio, de 600 pages, qui peut le 
prouver de reste. 

M. de Humboldt avait déjà remarqué ce fait, lorsqu'il a dit: « On reconnaît que presque 
« partout les idiomes offrent plus de richesses, des nuances plus fines qu’on ne devrait le sup- 
« poser d’après l’état d’inculture des peuples qui les parlent. » ( Voyage aux régions équinoxiales, 
édit. in-8.°, t. LIT, p. 302.) 

à. Ulloa dit que ces discours manquent de fond (Woticias americanas, p. 334). Nous en con- 
cluons qu’il n’a jamais étudié une langue américaine et ne s’est jamais fait traduire ces harangues. 

6. Il est impossible de trouver rien de plus gracieux. Voyez partie historique. 


Homme 
améri- 
ain. 


(76) 


Homme mais ces individus sont totalement abrutis’. C’est dans l’homme libre, sui- 


améri- 
cain. 


vant encore les usages primitifs, qu’il faut chercher cet état de l'esprit, cette 
exaltation de sentimens qui tiennent réellement à la nation. 

Nous avons voulu expliquer la dureté ou leuphonie des langues par des 
inductions tirées des coutumes, du genre de vie, plus ou moins rapprochés 
de la nature; mais nous n’avons rien trouvé qui pût autoriser ces inductions: 
la nation la plus civilisée, celle des Quichuas, parle la langue la plus dure, 
tandis que des chasseurs sauvages ont une langue douce et harmonieuse. 

Nous pouvons dire aussi que si nous avons pris, dans les langues, le carac- 
tère qui limite et distingue les nations entr’elles, nous sommes loin de trouver, 
dans leur ensemble, par rameaux, des différences aussi tranchées que celles 
que nous ont offertes les caractères physiques. Nulle part aucune règle cir- 
conscrite; et, sauf les racines distinctes par races, tous les autres caractères 
grammaticaux sont loin de se montrer constamment en rapport avec nos 
divisions. Ainsi, d’après nos observations, les langues ne seraient pas le 
moyen le plus sûr d'arriver à une solution de la question sur l’origine des 
peuples, et sur leur classement en groupes plus ou moins étendus; mais, chez 
les peuples sans annales, elles remplaceront toujours exactement l’histoire, 
pour faire connaître leurs anciennes migrations et pour en suivre les traces 
au travers des continens *; car, s’il est de ces mots que le hasard seul fait 
retrouver chez des peuples éloignés, il en est d’autres qui tiennent aux usages 
particuliers, aux coutumes intimes, à la croyance religieuse d’une nation, et 
qui ne peuvent s’y transmettre que par un contact bien prouvé. 

Un savant géographe # a dit avec raison : Dans l'étude philosophique de 
la structure des langues, l'analogie de quelques racines n'acquiert de la 
valeur que lorsqu'on peut les enchaïner géographiquement. Nous sommes 
tout à fait de son avis. Pour nous, le rapport de quelques mots, de ceux même 
que lon considère comme radicaux, ne peut, entre deux peuples, avoir 
d'importance et faire supposer des filiations, qu'autant qu'il y a possibilité 


1. Ilest certain que, dans les Missions, les indigènes cherchent toujours à deviner votre pensée 
avant de répondre à la question que vous leur faites, ou qu’ils tächent de se ménager le moyen 
de vous plaire par des réponses évasives; mais cela tient à leur état de servilité. Un Indien libre 
répond avec justesse et sans jamais tergiverser. 

2. Voyez à l’article Guarani les faits curieux ignorés jusqu’à nous que nous ont dévoilés nos 
recherches sur les langues relativement aux anciennes migrations des peuples. 

3. Par exemple ceux que nous citons pour les Caribes. 

4. Maltebrun, Géographie universelle. 


(77) 


géographique. Îl est certainement très-curieux d'établir des comparaisons; Homme 
de se dévouer, dans cet intérêt, à des recherches fastidieuses et difficiles sur ‘7 
les peuples de continens divers; mais en vouloir conclure qu'il y a eu des 
communications récentes, serait outrer peut-être les conséquences dun prin- 
cipe au moins contestable. Plus on amoncellera les rapports entre un plus 
grand nombre de nations éloignées les unes des autres et dispersées sur des 
points distans de nos hémisphères, plus, à notre avis, on prouvera Pim- 
possibilité matérielle que ces rapports soient le résultat de contact ; car, si des 
analogies de construction grammaticale ou de racines existant entre deux 
peuples placés sur deux régions éloignées du globe, peuvent laisser encore de 
Pincertitude sur leur origine commune, que sera-ce des analogies s'étendant en 
même temps, à plusieurs contrées prises chacune dans une partie différente 
du monde, comme, par exemple, celles que trouve M. de Paravey’, entre la 
nation Muisca du plateau de Bogota en Amérique, les peuples japonais de 
l'est de l'Asie, les Arabes de la partie ouest du même continent et les Basques 
de l'Europe occidentale? Ne paraîtra-t-il pas difficile de supposer que, de 
contrées si éloignées, des peuples franchissant les mers, les continens, toutes 
les impossibilités locales, soient venus à la fois peupler le sommet d’une 
montagne de la Colombie, et former un centre de civilisation on ne peut plus 
restreint, au milieu des nations sauvages qui l’enclavent? Avec un peu de 
bonne volonté, et sans changer beaucoup de lettres dans les racines des 
langues, on pourrait trouver de Panalogie entre les langues du monde entier. 
Si nous demandons explication de ce fait à la nature même des choses, 
peut-être la trouverons-nous dans la conformation des organes de la voix. 
Malgré sa flexibilité, malgré la grande multiplicité de sons que lexercice lui 
permet de rendre, la voix humaine ne saurait sortir des limites assignées à 
sa conformation, et dées-lors, en comparant toutes les langues entr’elles, on 
trouve partout les mêmes sons, diversement combinés et plus ou moins modi- 
fiés par lusage, il est vrai; mais exprimant des choses le plus souvent distinctes 
dans les langues éloignées, le plus souvent identiques dans les langues voi- 
sines ou qui se sont trouvées en contact. Plus une langue est étendue, plus 
dans ses racines presque constamment réduites à une émission de sons”, et 


1. Mémoire sur l'origine japonaise, arabe et basque de la civilisation des peuples du plateau 
de Bogota. (Extrait du n° 56 des Annales de philosophie chrétienne.) 

2. Le nombre des voyelles est limité : elles sont invariablement les mêmes dans toutes les langues; 
lorsqu'on y joint une consonne radicale, quoique le chiffre des consonnes en soit plus grand, il 


(78) 


Homme par conséquent bien plus limitées que le reste du langage, on pourra trouver 


améri- 
cain. 


de sons semblables, tandis que tous les mots seront distincts; mais en tirera- 
2 D 
t-on nécessairement la conséquence qu'il y a eu communication, quand, en 
effet, ce ne sera qu'un rapport fortuit qui, nous le répétons, paraît tenir 
à la nature intime de l’homme? Un exemple frappant de ce que nous 
venons d'avancer se trouve dans le résultat des premiers efforts de l'enfant 
pour articuler des sons. Comme il ne rend que ceux qui tiennent essen- 
tiellement à lespèce, et qui sont, en même temps, les plus faciles à pro- 
pece, , PS » 
férer, sans que laltération et les modifications apportées par le génie et par 
la tournure propre à chaque langue y ait encore rien changé, les mots quil 
PGOF ; 
produit sont presque partout les mêmes. De même que ses premiers 
regards, les premiers sons que lui arrache la plus impérieuse des nécessités, 
il les adresse à sa mère, en lui demandant instinctivement le premier aliment; 
. \ . . . . \ 
aussi ceux-là doivent-ils se ressembler davantage; puis il les adresse à son 
père, l'être qui, naturellement, se présente ensuite le plus souvent à ses yeux. 
Or, en comparant ces mots entr’eux dans un grand nombre de langues, nous 
les avons retrouvés d'autant plus fréquemment identiques, que le cercle en est 
q GUESSAT 

plus restreint. Le nom de la mère est le premier, celui du père vient le 
second et chacun d’eux se retrouve le même sur presque tout le globe; ce qui 
nous a prouvé que l'enfant a presque partout le même langage. 


est encore facile d’en calculer les combinaisons, qui, comparativement à celles d’une langue entière, 
se réduisent à un nombre peu élevé. Il n’est donc pas étonnant de voir très-souvent des racines 
dues à la Jonction d’une consonne et d’une voyelle, identiques chez deux nations qui n’ont 
jamais eu de contact constaté par l’histoire. À l’inverse, plus les sons se compliquent, plus les rap- 
ports deviennent rares, en finissant par disparaître en raison proportionnelle de la plus grande 
complication de ces mêmes sons. 


Premiers mots de l'enfance dans les principales langues du monde. 


PARTIE 
DU MONDE. 


ANÉRIQUE 
MÉRIDIONALE, 


AMÉRIQUE 
SEPTENTRIONALE 


OcÉaANIE. 


ASIE N. E. 


NOM 
DE LA NATION. 


Patagon 
Puelche 
Araucano 
Guarani 
Galibi. 
Moxo. 
Quichua. 
Aymara. 
Cayuvava. 
Kitemoca. 
Yuracarès. 
Chapacura. 


Itonama. 
Yaios. 
Paunaca. 
Cumanagota. 
Delawares. 


Pottawate- 
meh. 


Pensylvanie. 
De Viti. 

De Ticopua. 
D'O-Taïl. 
De Malaco. 
De Guaham. 
PortDalrym- 


ple. 
Jukaguir. 


Koriak. 
Samoyède. 


MÈRE. 


Yama. 
Mama. 
Papai. 
Mama. 
Bibi. 

Meme. 
Mama. 


Mama-tai. 


Apipi. 
Mama. 
Meme. 
Mama. 
Amete. 
Immer. 
Mimi. 
Mama. 
Anna. 
Nanna. 


Anna. 

Ti nana. 
Ti nana. 
Moana. 
Mama. 
Nana. 


Ble-mana. 


Ama. 
Memme. 
Amma. 


(79) 


Yaca. 


_ 


Chachai. 


Papa. 
Baba. 
Tata. 
Yaya. 
Tata. 
Apapa. 
Tatia. 
Tata. 
Tiatia. 
Amima. 
Pape. 
Tata. 


_ 
2 


Nosach. 


_ 
= 


Tama. 
Pa. 
Papa. 
Bapa. 
Tata. 
Mena. 


_ 


Pepe. 


_ 
= 


PARTIE 
DU MONDE. 


As: N. E. 


EUROPE RUSSE. 


EuroPE 
SEPTENTRIONALE, 
CENTRALE 
ET MÉRIDIONALE. 


AFRIQUE. 


Taigi. 
Chinois. 
Qasiqumucq 
Khiva. 


NOM 
DE LA NATION. 


Tchetchem 
Turcs 


Estonien. 
Carélien. 
Olonetz. 
Slavon. 
Votiak. 
Allemand. 
Anglais. 
Latin. 
Espagnol. 
Portugais. 
Français. 
Italien. 
Grec. 
Madecasse. 
Loango. 
Camba. 
Congo. 
Tembu. 
Foula. 
Mangrée. 
Berber. 
Bambara. 
Kamamil. 


MÈRE. 


Emme. 
Mama. 
Ninu. 
Nana. 
Ana. 
Ana. 
Omma. 
Mamo. 
Mamo. 


Mammo. 


Mumy. 
Mama. 
Mama. 


Mamma. 


Mama. 
Mamai. 
Maman. 


Mamma. 
Mamma. 


Nini. 
Mama. 
Mama. 
Mama. 
Ma. 


Hamma. 


Mina. 
Jemma. 


Homme 
améri- 
cain. 


PÈRE. 


Dada. 
Ata. 
Baba. 


_ 
= 


Tuata. 
Tato. 
Bata. 


= 
= 


Papa. 
Papa. 
Papa. 
Papa. 
Pai. 
Papa. 
Babbo. 
Pappas. 
Baba. 
Tata. 
Tate. 
Tata me. 


_ 
= 


Baba. 
Atia. 
Baba. 
Fa. 
Paba. 


Il en est de même de toutes les racines dans lesquelles on trouve plus sou- 


vent des ressemblances, parce qu’elles sont moins compliquées, tandis que le 


rapprochement d’un grand nombre de mots n'existe réellement que lorsqu'il 


y a eu contact ou souche commune, ce qui dépend toujours des possibilités 


géographiques; ainsi, autant les recherches sur les langues, par lanalogie 


1. Les mots de l'Amérique méridionale sont tirés de nos vocabulaires manuscrits, ainsi que 


des vocabulaires imprimés : ceux de l'Amérique septentrionale de Barton (Wew views of the orig., 
etc.); ceux de l'Océanie, de la Philologie de PAstrolabe par M. d’Urville ; ceux de l'Asie et de la 
Russie, de Klaproth (4sia polyglotta); ceux de l'Europe, des dictionnaires ; ceux de l'Afrique, 


d'Oldendorp. Le mot chinois nous a été communiqué par M. Stanislas Julien. 


( 80 ) 


Homme des constructions, par l'identité des racines, pour celle des mots intimement 


améri- 
cain. 


liés aux coutumes, à la religion d’un peuple, auront d'importance, et prou- 
veront les filiations, lorsqu'on pourra les suivre, de proche en proche, au 
travers des continents, ou démontrer la route que l’homme a pu parcourir; 
autant ces mêmes recherches en auront peu, quand elles r’établiront les 
relations que de quelques racines isolées, entre deux peuples placés dans des 
circonstances d’éloignement difficiles à franchir, surtout lorsque les caractères 
physiques ne se rapprocheront pas. 

Pour remplir le cadre de ce que nous avons à dire ici des langues améri- 
caines, nous présenterons en regard, dans le tableau ci-contre, les mêmes mots 
dans les langues des diverses nations qui font l’objet de ce travail, afin qu’on 
puisse Juger du peu de rapport qui existe entr’elles, quoique toutes appar- 
tiennent à un même continent. 


Facultés intellectuelles. 


Presque tous les auteurs du siecle dernier s'accordent à refuser aux Amé- 
ricains l'intelligence. Antonio Ulloa, pour justifier, autant que possible, la 
conduite souvent barbare de cette troupe d’aventuriers intrépides qui fit la 
conquête du nouveau monde, ou parce qu'il n’a pas voulu descendre jus- 
qu'aux indigènes américains, afin de les comprendre, dit, sous toutes les 
formes, qu'ils sont dépourvus de facultés intellectuelles”; et-comme il avait vu 
les Américains sur un grand nombre de points du continent, son ouvrage, 
ainsi que ceux de MM. Bouguer* et de La Condamine”, à qui sans doute 
son contact avait fait, à peu de chose près, adopter son système, ont servi de 
thème à ceux qui ont écrit après eux sur les Américains, sans recourir aux 
anciens auteurs“, certainement moins passionnés. Pauw ° poussa, dans ce sens, 


1. Noticias americanas, Madrid , 1772, p. 321: il les compare à des brutes ; p. 322: il dit qu’ils ne 
pensent pas; p. 308 : En la raza de Indios es necesario distinguir los actos y operaciones del enten- 
dimiento de los que son de pura manipulacion o industria..…… En los primeros son totalmente nega- 
dos, lorpisimos y sin descernimiento, ni comprehension. (Ulloa, dans ses écrits, a puisé, sans citer, 
un grand nombre de faits pris dans la Miscellania austral de Diego d’Avalos y Figuroa; Lima, 
1602.) 

2. Voyage au Pérou, in-4°, 1749, p. 102. 

3. Relation abrégée d’un voyage, etc. 

4. Garcilaso de la Vega, Padre Acosta, etc. 

5. Recherches sur les Américains. H ne fait qu’un de tous les Américains; ainsi, prenant toujours, 
dans tous les auteurs et pour chaque nation, les détails qui concordent mieux avec sa pensée pré- 
dominante, il finit par avoir, comme portrait des Américains , l’assemblage le plus monstrueux des 
vices, des défauts, de la barbarie. 


FRANÇAIS. 


Homme. 
Femme. 

Tête. 

Joue. 

Yeux. 

Oreille. 

Main. 

Soleil. 

Lune. 

Eau. 

Feu. 
Montagne. 
Arc. 

Flèche. 
Jeune, adject. 
Vieux, adject. 
Je, moi, pron. 
Lui, elle, pron. 
Donne-moi, v. 
Manger, verbe. 
Dormir, verbe. 
Je veux, verbe. 


Je ne veux pas, 
verbe négatif. 


1 Mots empruntés 


RACE ANDO-PÉRUVIENNE. 
PR Er 


RAMEAU PÉRUVIEN. 


CR 
Nation Nation 
Quichua.' | Aymara.”? 
Runa. 6 Hake. 
Huarmi. Marmi. 
Uma. Ppekeña. 
Ccaklla. Nauna. 
Nahui. Nayra. 
Rinri. Inchu. 
Maki. Ampara. 
Inti. Inti (villca). 
Killa. Phakhsi. 
Yacu. Uma. 
Nina. Nina. 
Oreco. Collo. 
Picta. Micchi. 
Huachhi.  [Micchi. 
Huaina. Yacana. 
Machu. Achachi. 
Noca. Na. 
Pay. Hupa. 
Koay. z 
Miccuni. Mankatha. 
Puñuni. Ikita. 
Munani. Chicatha. 


Munanichu. |Chicathan. 


LUESRNI 


RAMEAU 


ANTISIEN. 
a 


Nation 
Yuracarès.? 


Suüe. 
Yee. 
Dala. 
Puñe. 
Tanti. 
Meye. 
Bana. 
Puine. 
Subi. 
Sama. 
Aima. 
Monono. 
Mumuta. 
Tomete. 
Sebchonto. 
Calasuñe. 
Se. 

Lati. 

Tim buche. 
Tiai. 
Atesei. 
Cusu. 


Nis cusu. 


RAMEAU 


ARAUCANIEN. |" 


Nation 


Araucana. ° 


Che. 
Malgen. 
Lonco. 
Tavuun. 
Ge. 
Pilun. 
Cuu. 
Antu. 
Cuyen. 
Co. 
Cutal. 
Mahuida. 
Tugud. 
Pulki. 
Hueche. 
Vucha. 
Inche. 


Vei. 


Umaugtlun. 
Anay. 


Pilan. 


au Pocabulario de la lengua general de todo el Peru 
2 Mots pris dans le l’ocabulario de la lengua Aymara, par Lulovico Bertonio; Juli, 1612. 
3 Mots tirés des vocabulaires que nous avons formés sur les licux au moyen de bons interprètes. 
4 Mots de l’Arte de la lengua Moxa, con su vocabulario, par Pedro Marban; Lima, 1701. 
ô Voyez Tesoro de la lengua Guarani, compuesto por el Padre Antonio Ruiz; Madrid, 1639. 


Nation 


Nuca. 
Nacuna. 
Dil. 
Capenca. 
Guter. 
Jene. 
Cheme. 
Chuina. 
Chuina. 
Ara. 


Maya. 


Yuilhuana. 


Chuita. 
Aje. 
Naken. 
Kikeken. 
Yaja. 
Toja. 
Tasja. 
Ket. 
Cootc. 


Venengui. 


Chaetengui. 


CENXT 


Patagonc. 


RAMEAU PAMPÉEN. 
— RQ 


Nation 


Puelche. ? 


Chia. 
Yamoeat. 
Cacaa. 
Yacalere. 
Yatitco. 
Yaxyezke. 
Yapayc. 
Apiucuc. 
Pioo. 
Yagup. 
Aquacake. 
Atecq. 
Aeke. 
Guit. 
Yapelgue. 
Ictza. 

Kia. 

Sas. 
Chutaca. 


Akenec. 


Meplamum. 


Kemo. 


Canoa. 


Nation 


Mbocobi. ? 


Yova. 


Alo. 


Carcaic. 


Jacte. 
Iketela. 
Kenoc. 
Nalaoïc. 
Caaboïc. 
Netrat. 
Anorec. 
Nectikena. 
Nectikenap. 
Nesoc. 
Iraïc. 
Aam. 

Aam. 
Ahuaenoc. 
Sckea. 
Sooti. 


Ain ain. 


w 


Nation 


Mataguaya. * 


Inoon. 
Kiteis. 


Litec. 


Notelo. 
Nokiote. 
Noguec. 
Jjuaba. 
Guela. 
Guag. 
Itag. 
Lesug. 
Luchang. 
Lotec. 
Magse. 
Chuit. 
Yam. 
Atachi. 
Maletuec. 
Tec. 


Nobina. 


LA 


Yhite. 


, llamada lengua Qquichua o del Inca, par Gonzales de Ho!guin; Lima 1608. 


= 


RAMEA 
——— ] 
Nation Nation | 
Samucu.? | Chiquito.? 
—_—— 
Vairiguè. [Noñich.7 
Yacotea. Paich. : 
Yatodo. Taanys. 
Yudè. Nochosté. 
Yedoy. Nosuto. 
Yagoronè. |Noñémosu. 
Ymanaetio. |[Panaucos. 
Yede. Zuuch. 
Etosia. Vaach. 
Yod. TuucA. 
Pioc. Peecs: 
Cucanat. Yirituch. 
Acho. Kimomes. 
Diojic. Cokikich. 
Nacar. Naukich. 
Chokinap. |Poostii. 
Oyu. Ny (gny): 
Uuta. Tu. 
Asigue. Aiñanauzo. 
Agu. lchaca. 
Amo Nanoca. 
Aimese. Noñemaca. 
Gachinese! Miñoñcma- 
call. 


z PAMPÉENNE. 


a ———— 
Ja Nation Nation 
». | |Païconéca.* |  Moxa.‘ 


oem 


| [Uchanenuve|Achane. 
. | [Esenunuve. |Eseno. 
Ipe. Nuchuti. 
| Ipiki. Numiro. 
Jhuikis. Nuuki. 
ar |Iseñoki. Nuchoca. 
Ivuaki. Nubupe. 
Isèsè. Saache. 
Kejerè, Coje. 
Ina. Une. 
Chaki. Yucu. 
lyepè. Mari. 
Tibopo. Eziporocu. 
(Coriruco.  |Takirikirè. 
Umono. Amoperu. 
Ectia. Echasi. 
ck |Neti. Nuti. 
mt |Piti. Ema. 
Pipanira. |Pecracano. 
| [Ninico. Pinike. 
- |[Pimoco. Migue. 


u | Nikikino.  Pivoro. 


| Isiñi kinovo.|Voi-pivoro. 


Nation 


Chapacura. ? 


Kiritian. 
Yamake. 
Upachi. 
Urutarachi. 
Tucuchi. 
Taitatachi. 
Umichi. 
Huapuito. 
Panato. 
Acum. 
Isse. 
Pecun. 
Parami. 
Chininie, 
Isohuem. 
Itaracun. 
Huaya. 
Aricau. 
Miapachi. 
Cahuara. 
Huachié. 
Mosi cha- 


cum. 


Masi cha- 
cum. 


Nation 


Itonama. ? 


Umo. 
Caneca. 
Uchu. 
Papapana. 
Icachi. 
Mochtodo. 
Malaca. 
Apache. 
Tiacaca. 
Huanuve. 


Bari. 


A 


Hualichkit. 
Chere. 
Tiètiè. 
Viayachne. 
Achni. 

Oni. 
Macuno. 
Ape. 
Conejna. 
Ichavaneve. 


Huachich- 
Vaco. 


RAMEAU 


Nation 


Canichana. * 


Enacu. 
Ikegahui. 
Eucucu. 
Eicokena. 
Eutot. 
Eucomete. 
Eutijle. 
Nicojli. 
Nimilacu. 
Nese. 
Nichucu. 
Coméé. 
Niescutop. 
Ichuhuera. 
Ecokelege. 
Enimara. 
Ojale. 
Enjale. 
Sichite. 
Alema. 
Agaja. 
Huarchua. 


Nolmach 


MOXÉEN. 


Cayuvava.? | Pacaguara. 


LL 


Nation 


Uni. 


Mapo. 
Tamo. 
Huiro. 
Paoki. 
Muipata. 
Vari. 
Oche. 
Jenc. 
Chi. 
Machiva. 
Canati. 
Pia. 
Huakehue. 
Chaita. 
Ea. 

Aa. 

Eki ahue. 
Pihue. 


Ochahuan. 


EE" 


Nation 


Iténès. ? 


Huataki. 
Tana. 
Mahui. 


Buca. 


Uru. 
Mapito. 
Panevo. 
Como. 
Iche. 
Pico. 
Pari. 
Kivo. 
Iroco. 
Ucuti. 
Miti. 
Comari. 
Huiti. 
Caorc. 
Upuira. 


Imiré. 


Oje amakia.|Inimire. 


Nation Nation 
Movima. ? 
Itilacua. Cratasi. 
Cucha. Cratalorane.|Yucha. 
Bamacua. [Nahuaraca- 
ma. 
Kinto. lribuju. 
Sora. Niyoco. 
Lototo. Iradike. 
Sojpan. |Daru. 
Tinno. Naraman. 
Yetso. Irarè. 
Touni. Ikita. 
Véé. Idore. 
Champandi. 'Jruretui. 
Tanilo. Jraupui. 
Julpaendi. {frabibiki. 
Ovenionca. |[Mamihuasi. 
Bijau. Iratakasi. 
Incla. Areai. 
Icolo. Arc. 
Caijleca. Piboloire. 
Caiki. Panii. 
Oroki. Pibilii. 
Jirampana. |Orichuhueu-|Akekia. 
hua. 
Cai-jiram- |Yeichuen- 
hua. 


éhua-éréhual pana-aca. 


as altérer l'orthographe des mots contenus dans les dictionnaires imprimés, et pour qu’il 
Ria, prononcez Rouna, elc.; mais comme dans quelques langues il se trouve des mots dans lesquels les lettres espagnoles ne peuvent rendre les sons avec exactitude, 
p£e en lettres italiques toutes celles qui doivent se prononcer à la Française, comme : chuina (la lune) en patagon, et ain- air (je veux), en Mbocobi. 
ol: ch sans voyelle finale, ayant seulement le son de la voyelle qui précède, et non {ch, que représente la jonction de ces deux lettres en espagnol. Ce son a été impro- 
ad par un x dans les dictionnaires manuscrits de la langue des Chiquitos. | 


Page 80. 


RACE 


BRASILIC- 
GUARANIENNE. 


ES 


Nation 


Guarani.° 


Aba. 
Cuña. 
Acang. 
Tatipi. 
Tesa. 
Apiçaqua. 
Mbo. 
Quaraci. 
Yaci. 
Ÿ. 
Tata. 
Ibiti. 
Guirapa. 
Hui. 
Cunumbu- 
çu. 
Tuya. 
Ndi ni. 
Ac. 
Emboocho. 
Acaru. 
Ake. 
Potari. 


Ndaypotari. 


Nation 


Botocuda. ? 


vw 


LA 


u 


Chamton. 


Kectom. 


Aismon. 


Jomton. 


LA 


LL 


Miñan. 
Chumbake. 
Itacluc. 
Kekenem. 


Clocochi. 


uw 


LA 


LL 


u 


LI 


LL 


Li] 


Li 


y ait uniformité, nous les avons écrits comme ils se prononcent en Espagnol. 


Page 80. 


, RACE 
CE ANDO-PÉRUVIENNE. É | 


BRASILIO- 

D 5 RAMEAU MOXÉEN, ! 

RAMEAU RAMEAU RAMEAU PAMPÉEN. k GUARANIENNE. 
RAMEAU PÉRUVIEN. ANTISIEN. | ARAUCANIEN. 


FRANÇAIS. | | —— 


Nation Nation Nation 


Non Nation Nation Nation Nation Nation Nation Nation Nation Nation Nation Nation 


as \, : Nation 
Nation Nation Nation Nation ne | Nation 


; nd : 
Patagone.® | Puelche.? | Mbocubi. ? |Mataguaya.*| Samucu,? Chiquito |] 


ù 3 3 | Cani 3 . : js 
= Parconécas Moxa.‘ |Chapacura.?| Itonama. ? | Canichana.”| Movima.? Cayuvava.? | Pacaguara. | Iténès. ? Guarani.5 | Botocuda.* 
Quichua.' | Aymara.” Yuracarès.? | Araucana. 

É | | — | — | — | — 


| 
re | l 
Inoon. Vairiguë,  [Noñich; | Uchanenuve|Achane. Kiritian. Umo. Enacu. Itilacua. Cratasi. Uni. Huataki. 


Homme. Runa. 5 Hake. 


Malgen Yameat. . Kiteis. Yacotea. [Pac + | Esenunuve. |[Eseno. Yamake. Caneca. Ikegahui.  |Cucha. Cratalorane. | Yucha. Tana. 

Femme. Huarmi. Marmi. ES | rte tee Yatodo. Tics k ï Nuchuti. Upachi. Uchu. Eucucu. Bamacua.  [Nahuaraca- Mapo. Mahui, 
Ppekena. |Dala. Lonco. p Cacaa. arcaic. Ys. M pe. IE ; : . ma. 5 
nr Yacalere. Yudè. Nochosté, | Ipiki. Numiro. Urutarachi. [Papapana. |Eicokena, [Kinto. Iribuju. Tamo. Buca. 5 Chamton. 

Joue. b Nauna. Puñe, Tayuun. | Ë 1 Dre L _. 
Yatitco. Jacte. Notelo. Yedoy. Nosuto. ME" lihuikis. Nuuki. Tucuchi. cachi. utot. Sora. 


Téte. 


Huiro, To. l'esa. Kectom, 
AE Nayra. Tant. us 
VE fo Yazyerke. |Iketela Nokiote, Yagoronè. |Noñémosu, ï Iseñoki. Nuchoca. [Taitatachi. |Mochtodo. |Eucomete. [Lototo. Iradike. Paoki. Iniri. Apiçaqua. [Aismon. 
: be Inchu. Meye. : 6 À la 
Oreille. . 


< Ê $ io. aucos, lvuaki. Nubupe. Umichi. Malaca, Eutijle. Soipan Dorus Muipata, Unes | sn 
ï ki ï ana. apaye. enoc. guec. Ymanaetio. [Pan à 
Main. mpara. K N 


# è : Le icojli ï \ d i Mapito. 
à - ‘ ljuaba. Yede. Zuuch. | Isèsè. Saache. Huapuito. |Apache. Nicojli. Tino. Naraman. |Vari: May 
: REA ine Antu. Chuina. Apiucuc. [Nalaoïc. I] 
Soleil. b Inti (villca).|[Puine. 


ï É Kejerè oi Tiacaca \imilacu, |Yetso. Irarè. Oche. Pancvo. 
FL Gucla. Etosia, Vaach, Kejeré, Coje. Panato. Tiacaca. Nimi 
«i a ï Subi Cuyen. Chuina. Pioo. Caaboïc. 
Lune. b Phakhsi. |Subi. À 


; 3 J { Nese. Touni. {Ikita. Jenc. Como. Ÿ. Miñan. 
% \ Guag. Yod. Tuuch. Ina. Une. Acum, Huanuve. |1 
F j S Co. Ara. Yagup. Netrat. g 
Eau. eu. Uma. Sama. 


f ki ( ari Nichucu. be: Idore. Chi. Iche. Tata. Clumbake. 
Cut. h \quacake, |Anorec Itag. Pioc. Pecs. } Chaki. Yucu. Isse. Bari. V d h 
i Nina Aima utal. Maja. Aquacakc. . Le 
Feu. a. ina. Aima, ] 


i 4 Lesug, Cucanat Yirituch.… | lyepè. Mari. Pecun. Iti. Coméé. Champandi. [Jruretui.  [Machiva. Pico. iti. ltacluc, 
Montagne. Orcco. Collo. Monono. [Mahuida. . [Atecq. ge 


j i ichiki \i ani i Canati Pari. irapa. |Kekenem. 
etL Kimomes. | Tibopo. Eziporocu. |Parami. Hualichkit. [Nieseutop. [Tanilo. lraupui. Canati. 
i icchi i Acke. Nectikena, |Luchang. |Acho. 
Arc. Picta. Micchi. Mumuta.  [Tugud. b 


: | É EN en S : DL: R «i i Clocochi. 
: 1 ioji Cokikich. Coriruco.  |Takirikiré. |Chininie, |Chere. Ichuhucra. [Julpaendi. [Irabibiki. |Pia. Kivo. 

4 PATTES - He : Guit. Nectikenap. |Lotec. Diojic. 

Flèche. Huachhi.  [Micchi. Tometc. Pulki. ï 


Nauki | Tiétiè & e eni i i ce, [lroco. 
Naukich. D |Umono. Amoperu. [Isohuem. [Tiètiè. Ecokelege. |Ovenionca. [Mamihuasi. [Huakehue, 
i C scbel lueche. y Yapelgue. [Nesoc. Magse. Nacar. 
Jeune, adjecu THuaina. Yacana. Scbcbonto. |E 


,. E DE 
Icux, adjec| chu chachi Si Û K. L au hoKINap. | ÿ 1 aracun, iayachne. |Enimara Bijau. Jratakasi. |Chaita. culi 
Vicux, adj Machu, Act i Calasuñe. |Vucha ÿ Ictza, Jraïc, Chuit Chokinap.  |Poost Qia Echas IL V E B k. 


$ ÿ DT CT ON ; ‘ re Ea. 
, « a. al yu. ; (gny} Net. b uaya Achni. Ojale Incla. Areai. iti. 
moi \ Ù nc! Aam. an. u 3 
Je, moi, pron. [Noca. Na Se. he. K Y 0 Ny (pl (I Nuti H h Il M 


F h Diti. : - : : re. Aa. Comari. 
Lui, elle P Hupa Lati Vei j Sas Aam Atachi. Uuta. Tu. It Ema. Aricau. Oni. Enjale. Icolo. Are a 
Lui, elle, pron.[Pay. b b . : r am. 


im bucl j Chut AI Maletuec. |Asigue. Aiñanaut0. lipanira.  |Pecracano. Miapachi. |Macuno, Sichite. Caijleca. Piboloire. |Eki ahue. |Huiti. 
Donne-moi, v. |[Koay. Tim buche. ja. hutaca, Ahuaenoc. £ . 


caca. ( Niico,  (hinike,  Îc: e lema.  (Caiki. © [Pani. [Pihue.  |Caore. 
Manger, verbe. [Miccuni. |Mankatha. |Tiai. . ; Akenec. Sckea. Tec. Agu. Ichaca se Cahuara.  |Ape. Alem: 


Nanou |° Fimoco. i iaé j j ki Pibilii. Ochahuan. |Upuira. 
Dormir, verbe. [Puñnuni. Ihita. Atesci. Umauglun. 2. Meplamum. |Sooti. Nobina. Amo. Nanoca: SU Migue, Huachiaé. Concjna. Agaja. Oroki. Pibilii fe 


N kiki Pi i il 1 i irè. 'otari. 
Noñemaca. Nikikino. Pivoro, Mosi cha- [Ichavaneve. |Huarehua. [Jirampana. OricRoRae Akckia. Imirè Pol 
j ua, 
cum. . ; 
inoî Ii kinoy i-pi ïi i i-ji ic j kia.|Inimire. Ndaypotari. 
i hi ï. [Ni B D Cachimese. Minonem- ni kinovo, Voi-pivoro. |Masi cha- Huachich- [Nolmack Cai-jiram- |Yeichuen- |Oje amakia YP 
de ne veux pas, [Munanichu. |Chicathani. [Nis cusu.  [Pilan. Canva. ne nee nus a M sc 
verbe négatif. 


Je veux, verbe]Munani.  |Chicatha. |Cusu. Anay. Kemo. Ain ain. Aimes 


=== = = =: = > DES altérer l'ortho) 

. n r. » Prono: 2 a 
1 Mots empruntés au Focabulario de la lengua general de todo el Peru, llamada lengua Q ue Re R 3 mais comme dans quelques langues il se Lrouve des mots dans er Pete EU GET et) en |NEocobi (OS 
2 Mots pris dans le Focabulario de la lengua Aymara, par Lulovico Bertonios Juli, 1612. ch sans Go SS toutes celles qui doivent se prononcer à la Française, comme : chuina (la lune) en PRO ces deux. lettres en esgagaol. Ce son a été impro- 

3 Mots tirés des vocabulaires que nous avons formés sur les licux au moyen de bons interprètes. D Par on "lle finale, ayant seulement le son de la voyelle qui précède, el non (ch, que réprésente la jonclio! e 

4 Mots de l'Arte de la tengua Moxa, con su vocabulario, par Pedro Marban; : # dans les dictionnaires manuscrits de la langue des Chiquitos. 

5 Voyez Tesoro de la lengua Guarani, compueslo por el Padre Antonio Ruiz; L 


La e ils se ent en Espagnol. 
Te ne :s écrits comme ils se prononcent à 
ste s s dans ictionnaires il el v'il y ait uniformité, nous les avons écri De 
US ee PR LCR RESTE, CUITE lesquels les lettres espagnoles ne peuvent rendre les sons avec exactitude, 
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( 81 ) 


l'exagération et la mauvaise foi aussi loin qu’il était possible de le faire, éten- Homme 
dant son système des hommes aux plantes, et enfin au sol américain. . 
Robertson’ y puisa ses idées, bien éloignées d’être conformes à la vérité; aussi 
ces deux écrivains, qui ne connaissaient les Américains que d’après de faux 
rapports, ou qui ne prirent, dans les auteurs par eux cités, que ce qui coïnci- 
dait avec leurs idées, dépouillèrent-ils peu à peu les indigènes du nouveau 
monde de tous les dons de la nature, jusqu’à en faire des hommes faibles, 
dégénérés au physique comme au moral, et doués tout au plus de Pinstinct des 
animaux de l’ancien monde. Si en France on prenait pour type les paysans 
Poitevins ou les Bas-Bretons, par exemple, que pourrait-on dire de la civi- 
lisation de la nation? C’est donc dans les capitales, près des centres des 
gouvernemens, des grandes sociétés, qu'il faut aller chercher le degré de 
facultés intellectuelles d'un peuple, et non parmi les classes les moins éclai- 
rées de la société, comme l'ont fait les auteurs que nous citons. 

Ce que nous avons dit de la richesse, de lélégance des langues*, a déjà 
donné une idée plus juste et plus avantageuse des Américains. Poursuivons 
ce genre de recherches, pour ce qui a rapport à la pensée, aux réflexions, 
à la poésie. Les Quichuas, les Araucanos avaient leurs poëtes, chargés de 
retracer les belles actions de leurs rois”. Des idiomes qu’animent tant de 
comparaisons si naïves, de tours si élégans, la clarté d’élocution de tous les 
peuples orateurs, Quichuas‘, Patagons, Puelches, Araucanos, Yuracarès, 
sont-ce là des preuves de la faiblesse de la pensée, de la stérilité de l'esprit? 


Cent fois nous avons entendu ces hommes, traités de brutes, haranguer les 


1. Histoire de l'Amérique. I est évident que Robertson avait aussi, lui, une idée préconçue, 
lorsqu'il entreprit l’histoire de Amérique; car, de même que Pauw, il confond tous les Améri- 
cains ; et, avec moins d’exagération, avec plus d’érudition, arrive aux mêmes résultats; il a suivi le 
même système que Pauw et n’est pas plus conséquent dans ses conclusions. Rien de plus faux 
que les généralités dans lesquelles on ne tient pas compte des spécialités, des motifs, des causes ; 
car alors on prend les exceptions pour des règles. 

Herrera, Decadas IT, lib. IT, p. 15. On a élevé la question de savoir si les Américains étaient 
des hommes ou des animaux. 

L'auteur du Choix des lettres édifiantes, t. VIT (Missions d'Amérique, t. 1, p. 14), dans ses 
réflexions générales sur les Américains, a copié en tout les idées défavorables aux Américains, 
professées par Robertson. 

2. Voyez page 72. 

3. Voyez Garcilaso, Coment. de los Incas, p. 34, 37,67, 717, 261, etc. Voyez partie historique, 
t. Il, chap. XXI, p. 264. 

4. Ulloa, loc. cit., p. 334, cite leurs longues harangues et pourtant leur refuse la pensée. 


1V. Homme. 11 


( 82 ) 


Homne leurs des heures entières, sans hésiter un seul instant. Leurs intonations sont 


améri- 
cain. 


des plus variées, et tour à tour attendrissent ou exaltent leur auditoire. Est-ce 
là le fait d'êtres qui ne pensent pas? L’Américain n’est privé d'aucune des 
facultés que possèdent les autres peuples; il ne lui manque que l’occasion 
de les développer. Quand les nations étaient libres, elles montraient beau- 
coup plus de facilité en tout genre, et si plusieurs ne sont aujourd’hui que 
l'ombre d’elles -mêmes, la faute en est seulement à leur position sociale 
actuelle. 

Quelques -unes, comme la guarani et la yuracarès, avaient une mytho- 
logie remplie de fictions des plus gracieuses. Les Patagons et les peuples 
ambulans des plaines ont un système de constellation très-ingénieux”'. Les 
Quichuas avaient calculé l’année solaire, les révolutions lunaires; chez eux 
et chez les Aymaras, l’architecture était assez avancée, ce que prouvent les 
restes de leurs immenses monumens, souvent ornés de reliefs plats?; leur 
dessin n’était pas toujours aussi grossier qu'on pourrait le croire, et nous 
possédons des Quichuas une tête qui annonce, au contraire, un sentiment 
d'imitation des traits fort remarquable’. Les historiens des Moxos avaient 
encore, dans le siècle dernier, une écriture consistant en raies tracées sur 
de petites planchettes*; ceux de la nation quichua conservaient, par des 
signes symboliques*, par des assemblages de nœuds et de fils, les annales 
de la nation; aussi leur fallait-il de la mémoire. Quant à leurs poëtes, le 
charme avec lequel ils peignent l'amour, annonce, certainement en eux, une 
intelligence développée et autant d'esprit que de sensibilité. Nous avons pu 
juger de l'extrême aptitude que tous les Américains, même ceux dont l'esprit 
est le plus inculte, montrent pour apprendre ce qu’on veut leur enseigner. La 
perception est chez eux très-prompte, et il n’est pas rare de trouver des 
individus parlant jusqu’à trois ou quatre langues, aussi distinctes entr’elles 
que le français et lallemand*. En résumé, sans vouloir comparer le dévelop- 
pement des facultés intellectuelles des Américains à celui des habitans de 


il Voyez partie historique, t. II, p. 93. 

2. Voyez nos planches d’Antiquités, n.” 4, 6,7. 

3. Voyez Antiquités, pl. 15. 

4. Voyez Viedma, Informe general de la provincia de Santa-Cruz (1787 ), p. 89; manuscrit 
dont nous possédons loriginal. 

5. Voyez notre description spéciale des Quichuas. 

6. Ce fait est général, et M. de Humboldt l’a observé comme nous (Voy. aux rég. trop., t. HT, 
p. 308, édit. in-8.°). 


(85) 
l'Europe, nous les croyons des plus capables de former un peuple éclairé; 
et nul doute que, tôt ou tard, la marche de la civilisation ne démontre 
ce que nous avançons, d’après des faits bien établis et d’après nos observa- 
tions personnelles. 

Entre toutes les nations que nous avons vues, on peut mettre au premier 
rang, pour l'intelligence, les peuples montagnards et ceux des régions tem- 
pérées des plaines. Ceux des régions chaudes sont, en général, plus doux, 
plus affables ; ils ont, peut-être, plus de légèreté dans la pensée, mais moins 
de profondeur dans le jugement. Les Incas étaient les plus avancés, parce 
que, seuls soumis à un gouvernement régulier, ils formaient, dès-lors, une 
société organisée, pourvue d’un centre de lumières, d’où rayonnaient des 
idées de grandeur, de luxe, nourries et vivifiées là, comme toujours et par- 
tout dans la classe aristocratique, qui les répandait parmi le peuple; tandis 
que, divisées en tribus nombreuses , vivant dans l'isolement et se fuyant, 
pour ainsi dire, les autres nations ne portaient jamais leur attention au- 
delà du cercle étroit de leurs intérêts du moment, et les plus immé- 
diats. 

Ce qui est arrivé de la civilisation péruvienne, anéantie d’un seul coup, 
avec les connaissances des Incas, par le massacre que l’usurpateur Atahualpa 
fit faire de ces derniers, au premier temps de la conquête, explique l'état actuel 
des Péruviens, comparé à ce qu'ils étaient. 


Caractere. 


Quoique le caractère de l’homme soit des plus variable selon les individus, 
on ne saurait nier qu'il n’ait des nuances qui tiennent à la souche. En jugeant 
d’une nation, d’une race par son ensemble, comparé à celui de telle autre, 
on pourra se convaincre que celle-ci penche vers la douceur, celle-là vers la 
férocité; que l’une est disposée à se soumettre à tout ce qu’on lui prescrira, 
tandis que l’autre préférera la mort à la soumission; et, sans sortir du cercle de 
nos observations, nous trouvons toutes les nuances que nous venons d'indiquer. 
Les Quichuas et les Aymaras civilisés des Andes sont d’un caractère doux, 
paisible, on ne peut plus sociable. [ls reçurent les Espagnols avec une hospi- 
talité franche, et se soumirent aveuglément à la religion, ainsi qu'aux nouvelles 
lois qu’on leur imposait : ils sont sobres, patiens dans la souffrance; labo- 
rieux et persévérans dans le travail. Les Guaranis sauvages des collines boisées 
du Brésil sont généralement doux, affables, francs et hospitaliers; ils accueil- 


Homme 
améri- 
«ain. 


( 84) 


Homme lirent, presqu’en tous lieux, les Espagnols et les Portugais avec joie, les 


améri- 
cain. 


aidèrent même, et se soumirent à leur religion, à leur joug. Il en est de même 
des peuples de nos rameaux chiquitéen et moxéen, que le zèle religieux suffit 
pour réduire, pour convertir au christianisme; tandis que, fiers et indomp- 
tables guerriers, les peuples les plus méridionaux des montagnes et ceux des 
plaines, les Araucanos, les Patagons, les Puelches, les Charruas, les Mboco: 
bis, etce., combattirent avec acharnement les Européens à leur arrivée; et, 
depuis trois siècles, ont mieux aïmé se voir sans cesse décimer par les Espa- 
gnols ‘, que d’en jamais reconnaître les lois, la religion; de sorte que leurs 
coutumes , leur culte, sont encore aujourd’hui les mêmes qu'au temps de la 
conquête. Des contrastes si frappans entre des hommes que leurs caractères 
physiques distinguent d’ailleurs nettement les uns des autres, ne prouve- 
raient-ils pas évidemment que chaque race, chaque nation peut avoir dans 
le caractère, des nuances, qui, sans jamais changer en rien, semblent se 
perpétuer, de génération en génération, parmi les membres d’un même peuple? 
Les Péruviens, les Chiquitéens, les Moxéens seront toujours doux, toujours 
soumis; les Araucaniens et les Pampéens, toujours fiers, toujours indomp- 
tables. 

Chacune de nos divisions offre, dans son caractère, les nuances les plus 
tranchées. | 

Parmi les Ando-Péruviens, les Péruviens sont doux, affables, hospitaliers, 
sociables, soumis jusqu’à la servilité, superstitieux à l'extrême; ils samusent 
sans paraitre gais, dansent sans quitter leur taciturnité , leur froideur. Ils 
sont tous chrétiens. Les Antisiens présentent peu d’uniformité et servent, par 
leur caractère comme par leur position géographique, de passage entre les Péru- 
viens et les peuples des plaines : les uns, peu différens des Quichuas pour les 
bonnes qualités , sont réduits au christianisme; tandis que les autres (les Yura- 
carès) présentent le vrai type du sauvage livré à lui-même, réunissant tous les 
vices à l’égoïisme le plus complet; fiers, insociables, indépendans, cruels, insen- 
sibles pour eux, comme pour les autres; ils sont encore libres. Les Araucaniens 
ressemblent beaucoup aux Yuracarès; altiers, indocilés comme eux, dissimulés, 
rancuneux, peu gais, souvent taciturnes ; guerriers intrépides, voyageurs des 
plus infatigables, tous indépendans.* 

La race pampéenne offre à peu près, par rameaux, les mêmes contrastes. 


1. Pauw attribue aux localités ce qu’il ne peut citer comme preuve de faiblesse (t. I, p. 99). 
2. Voyez leur description très-étendue, partie historique, t. IT, chap. XXI, p. 225. 


( 85 ) 

Les Pampéens ressemblent en tout aux Araucaniens : fiers, indomptables , Homme 
infatigables guerriers, ils voyagent sans cesse et portent partout leur incon- ‘ain. 
stance ; ils sont tristes, sérieux, réservés, froids, quelquefois féroces ; jamais 
un seul ne se fit chrétien sans contrainte... Tous sont libres. Les Chiqui- 
téens en différent en tous points : doux, soumis, ils se rangèrent volontiers 
aux lois des missionnaires, sans presque faire de difficultés. Constans dans 
leurs goûts, ils présentent le type de la gaïîté la plus frivole, de la sociabi- 
lité, de la bonté, de l'esprit communicatif; tous sont chrétiens. Les Moxéens, 
avec moins de gaîté, sont, pour le caractère, les mêmes que les Chiquitéens ; 
comme ceux-ci, ils aiment peu le changement : tous ont aussi embrassé le 
christianisme. | 

La race brasilio-guaranienne tient le milieu entre les Péruviens et les 
Chiquitéens. Généralement bons, affables, francs, hospitaliers, faciles à con- 
vaincre, quand une fois les hommes de cette race ont admis un principe, ils 
le suivent aveuglément. Ils reçurent l'étranger parmi eux, se soumirent aux 
conquérans, comme au zèle religieux des missionnaires; guerriers et voya- 
geurs, ils étaient courageux et poussaient quelquefois la vengeance contre 
l'ennemi vaincu jusqu’à l’anthropophagie, tout en le traitant préalablement 
avec beaucoup d'humanité”. Réfléchis, sérieux dans leurs discours, ils parlent 
peu ; presque tous sont chrétiens. 

D’apres cet aperçu rapide des nuances du caractère moral, on peut se con- 
vaincre qu’elles sont presque toujours en rapport avec nos divisions, basées sur 
les caractères physiologiques; ce qui fournit une nouvelle preuve que le carac- 
tère est le plus souvent national, et tient essentiellement à des dispositions 
physiques prédominantes, particulières à chaque nation ou à chaque groupe de 
nation. On pourrait encore déduire de ce fait une autre conséquence non 
moins importante : Cest qu'une énigme restée jusqu'à ce Jour inexplicable 
pour ceux qui ont scruté histoire de cette époque singulière, la conquête du 
Pérou et de certaines autres parties de l'Amérique, faite par une poignée 
d'hommes, au milieu de peuples nombreux; cette conquête, disons-nous, 
ne fut qu'une conséquence inévitable des dispositions naturelles, du caractère 


1. Pero Magalhanes de Gandavo, Historia de Santa-Cruz, Lisboa, 1576, en a donné plusieurs 
preuves évidentes. Voyez aussi la traduction française que M. Ternaux Compans a donnée de cet 
ouvrage dans son intéressante Collection de voyages, relations el mémoires originaux, pour servir 
à l’histoire de la découverte de l Amérique. 

Robertson, Hist. de l’Amér., édit. esp., t. Il, p. 151, dit tout à fait à tort que les Péruviens 
connaissaient l’anthropophagie. 


( 86 ) 
Homme des peuples conquis; car les Espagnols n’ont mis ni moins de bravoure, ni 
“ain moins de persévérance dans leur lutte guerrière ou religieuse contre les Arau- 
canos, contre les peuples des Pampas et du grand Chaco; et cependant, ni 
le fer, ni la persuasion n’ont pu rien obtenir de ces dernières nations, demeu- 
rées, Jusqu'à nos Jours, en religion comme en politique, ce qu’elles étaient 
avant la découverte du nouveau monde. 

Si, comme nous l'avons fait des caractères physiologiques des Américains, 
nous comparons leur caractère moral à leur genre de vie, nous arrivons à des 
résultats curieux. 

Les plus doux, les plus hospitaliers de tous, les Quichuas et les Aymaras, 
sont, par la nature du lieu qu’ils habitent, tous pasteurs, tous agriculteurs , 
seulement, ne s’occupant presque jamais de chasse. Ceux qui leur ressem- 
blent le plus par ces qualités, les Chiquitéens, les Moxéens, les Brasilio- 
Guaraniens, sont simultanément, suivant les localités, agriculteurs, pêcheurs 
et chasseurs, tandis que les plus indomptables, les plus cruels, les plus 
ficrs, les Araucanos, les Patagons, les Puelches, les Mbocobis, sont chas- 
seurs par essence. Est-ce le caractère qui influe sur les mœurs? sont-ce 
les mœurs qui influent sur le caractère? Cette double question peut paraître 
toute hypothétique; mais nous n’en pensons pas moins qu’on doit croire à 
l'influence des mœurs sur le caractère; car il est évident qu’une coutume 
qui d'abord nous répugne et nous inspire de lhorreur, l'habitude finit par 
nous la rendre naturelle. Tous les peuples agriculteurs et pasteurs, presque 
tous les peuples agriculteurs et chasseurs à la fois, se sont soumis aux Espa- 
gnols et sont chrétiens. Les peuples exclusivement chasseurs ne se sont 
Jamais soumis : tous, au contraire, sont libres, tant dans l'Amérique du 
Nord que dans l'Amérique du Sud. 

Les rapports du caractère avec les localités habitées par les peuples amé- 
ricains , offrent aussi des rapprochemens intéressans. Les nations les plus civi- 
lisées, les plus sociables, habitaient les plateaux élevés et tempérés : les 
Péruviens sur les Andes, les Muiscas sur le plateau de Bogota, les Mexicains 
sur celui du Mexique; pourtant, si l'esprit de sociabilité se développait sur 
les montagnes, la bonté, la douceur ne s’y trouvaient pas toujours. Les Péru- 
viens , les Muiscas avaient des mœurs douces; mais les Mexicains étaient bar- 
bares, cruels dans leurs croyances religieuses, ce qui, du reste, tenait peut- 
être à leur fanatisme plutôt qu’à leur caractere propre. Sur les collines chaudes, 
plus de ces caractères sociaux; beaucoup de bonté, de douceur quelquetois, 
comme chez les Chiquitéens, chez les Guaranis; mais des familles dispersées 


( 87 ) 
et isolées les unes des autres, ce qui probablement tenait aux exigences impé- Homme 
rieuses de la vie du chasseur; sur les plaines froides et tempérées, les peuples a 
les plus insociables, les plus intraitables, les plus fiers, comme les Patagons, 
les Puelches, les habitans du grand Chaco. Quoiqu'il semble résulter de ce 


que nous venons de dire que l'influence des montagnes amène plus d’aménité 


dans les mœurs et que les plaines produisent leffet contraire, il ne faudrait 
pas trop se hâter de prononcer; car les Moxéens, d’un caractère très-doux, 
habitent des plaines; tandis que les fiers Araucanos vivent sur des montagnes; 
aussi reste-t-il encore bien des doutes à lever, avant d’asseoir un Jugement, 
surtout quand on ne saurait se refuser à reconnaître qu'il est des nuances 
de caractère intimement liées à la race. 

L'examen des grandes masses de la population américaine atteste l'influence 
de la latitude et de la température sur le caractère. Les peuples les plus intrai- 
tables vivent, dans l'Amérique du Sud, vers son extrémité méridionale; dans 
l'Amérique du Nord, vers son extrémité septentrionale. On pourrait, de prime 
abord, en conclure que l'influence est évidente; mais ne pourrait-on pas, avec 
autant de raison, attribuer cette identité de caractère à la similitude des 
mœurs ? Viendraient ensuite ces questions : ces mœurs sont-elles déterminées 
par les localités, comme il arrive évidemment pour les Patagons ? sont-elles 
la conséquence de la latitude? Nous voyons, il est vrai, les peuples les plus 
doux, les plus gais, vers les régions chaudes; les plus sombres, les plus réflé- 
chis, les plus indomptables, vers les régions tempérées et froides, mais cela 
seulement quand la température est due à la latitude seule; car les Péruviens 
de la zone torride, en conséquence de l'élévation des plateaux qu’ils habitent, 
peuplent, par le fait, les régions froides et tempérées, et sont, comme nous 
Vavons vu, les plus doux de tous les Américains. 

Quelques auteurs, que nous nous dispensons de nommer, car ils l’ont été 
beaucoup trop souvent déjà dans ce travail, ont voulu refuser les passions 
aux Américains : ils les croient incapables d'amour, sentiment si vif chez 
les habitans de l’ancien monde. Néanmoins, d’après nos observations propres, 
nous pouvons aflirmer qu'ils sont tout aussi susceptibles que nous d’éprouver 
des passions ardentes; nous pourrions en citer plusieurs exemples dont nous 
avons été témoin; mais nous nous contenterons de renvoyer aux historiens 
narrateurs de faits qui le démontrent sans réplique. Au seizième siecle”, la 


1. Tous les auteurs qui ont écrit sur la Plata citent ce fait. 
Lozano, Historia del Paraguay, 1. 1, p. 29. 
Funes, Ensayo de la historia civil del Paraguay, 1, X, chap. 2, p. 26. 


(88) 


Homme ruine du fort de Santi-Espiritu , fondé par Gaboto, fut amenée par l'amour 


améri- 
cain. 


d'un Guarani pour une femme espagnole. Plus tard M. Lesson a recueilli un 
autre fait qui faillit entraîner d'aussi tragiques résultats chez les Araucanos 


du Chili.” 
Moœurs; 


Les mœurs des peuples dépendent toujours des ressources et des possibilités 
locales. Vouloir attribuer les différences qui existent, à cet égard, entre les 
nations, à la seule influence de la civilisation, serait tout à fait injuste, puis- 
qu'au contraire ce sont ces ressources locales qui entravent ou accélèrent 
l'extension numérique des peuples et leur réunion en société, première source 
de la civilisation. La surface que nous étudions, nous en offre un exemple. 
Il ne sy trouvait qu'une seule nation civilisée, celle des Quichuas des Andes; 
mais leur civilisation, à quelles circonstances la devaient-ils? Rien n’em- 
pêche de Pattribuer à la présence, sur leurs plateaux, du [lama et de lalpaca, 
qu'ils ont réduits à l’état de domesticité, autant qu’à la culture de la pomme 
de terre, naturelle sur leurs montagnes, et remplaçant le grain de l’ancien 
monde, auquel celui-ci doit, sans doute, ses premiers centres de civilisation. 
Vivant dans l'abondance, ils purent se réunir en grand nombre, et même 
constituer une puissante monarchie. Partout ailleurs, aucun animal propre 
au pays ne pouvait être réduit à l’état domestique *. Quelques contrées avaient 
le manioc, qui manque souvent, et qui ne peut pas se conserver dans 
les migrations; le maïs, que la grande chaleur, l'humidité et les nombreux 
insectes destructeurs ne permettent pas de garder toujours comme provi- 
sion”. D’autres ne possédaient aucunes racines, ni graines cultivables#; et, 
d'ailleurs, leur terrain n’en aurait point permis la culture*; dès-lors les 
uns, en des momens de fréquentes disettes, les autres par nécessité, durent 
nécessairement devenir chasseurs. À mesure que le gibier devint plus rare, 
les hommes s’étendirent au loin pour le poursuivre; ils devinrent vagabonds, 
voyageurs. Le goût de la chasse, au lieu de tendre à les réunir, les porte à 


1. Lesson, Complément des Œuvres de Buffon, t. I, races humaines, p. 166. 

2. On pourrait demander à Robertson, qui (édit. espagn., t. Il, p. 114) critique les Américains 
sous ce point de vue, quel animal il aurait voulu qu’on réduisit à l’état domestique , au Brésil , 
par exemple ? 

3. Il en est ainsi dans toutes les contrées chaudes. 

4. Les Patagons, les Puelches. 


©r 


. Par sa grande sécheresse et le manque de pluie. 


( 89 ) 

s’isoler, pour s'assurer une meilleure chance, pour éviter des rivalités nuisibles. Homme 
Leurs ressources diminuaient donc à mesure qu'ils se trouvaient en plus grand ni 
nombre sur un lieu; aussi durent-ils se diviser par petites tribus. Ces tribus —— 
étaient souvent en concurrence ouverte sur le droit de chasser dans les 
endroits qu’elles habitaient; de là, rixes entr’elles, haines entre les familles, 
habitude de se faire la guerre ou de se disperser sur les plaines et au sein 
d’épaisses forêts. Telle est, en peu de mots, lhistoire des mœurs compara- 

tives des peuples américains. Voyons maintenant si, selon les lieux, selon les 
possibilités, les mœurs des peuples sont toujours conformes à ce que nous 
avons dit. 

Les grandes troupes de Ilamas et d’alpacas, que les Péruviens avaient 
réduites à l’état domestique, sur le plateau des Andes, avaient fait de ces lieux, 
avant la conquête, les seuls points où les peuples fussent pasteurs. Partout 
ailleurs aucun animal n’était propre à la domesticité; aussi les autres nations 
manquaient-elles de ce genre de ressource. L'agriculture existait chez presque 
tous les peuples; les Péruviens l'avaient poussée au dernier degré de perfection 
relative, et y avaient appliqué les arts"; les Chiquitéens, les Moxéens, les Gua- 
ranis de la zone torride, sy livraient à envi; mais comme beaucoup de causes 
détruisaient leurs récoltes ou les empêchaient de se conserver, ils étaient 
en même temps, suivant les localités, pêcheurs et chasseurs. Pour eux, Pagri- 
culture était un moyen constant d'existence, tandis qu’ils ne voyaient dans 
la chasse, dans la pêche, qu’une ressource momentanée, qu'un amusement. 
Les Pampéens, au contraire, habitant des plaines sèches, arides, manquant 
d'ailleurs de graines propres à la culture, ou ne la connaissaient qu'aux 
points de contact avec les autres nations de cultivateurs, ou, pour la plu- 
part, lignoraient complétement. La chasse devait donc être générale sur 
toutes les contrées chaudes et à l'extrémité sud de l'Amérique méridio- 
nale; aussi les Pampéens, les Araucaniens, en faisaient-ils leur seule res- 
source, tandis que les Guaranis, les Chiquitéens, les Moxéens, ne s’en 
occupaient que secondairement. La pêche, comme la chasse, amène sou- 
vent le goût, la nécessité du changement de lieu, témoins les Fuégiens”, 
seuls exclusivement pêcheurs, les autres ne l’étant que par circonstance. 
Les peuples du littoral du Pérou létaient aussi, de même que les Guaranis des 
côtes du Brésil; les autres peuples ne pêchaient que dans les saisons propices, 


1. Voyez l’article Quichua. 
2. Voyez notre description spéciale. 


IV. Homme. 12 


( 90 ) 


Homme Où lorsque les conjonctures les placaient accidentellement en des conditions 


améri- 
cain 


favorables. 

Les grandes sociétés n’existaient donc que parmi les Péruviens du plateau 
des Andes, agriculteurs et pasteurs, attachés à des habitations fixes ; les 
autres nations se divisaient et subdivisaient à linfini par tribus. Les peuples 
agriculteurs et chasseurs restaient souvent stationnaires, comme les Moxéens, 
les Chiquitéens, quelques Guaranis, quelques-uns des Antisiens; mais ils 
changeaient aussi fréquemment de résidence, et faisaient momentanément 
des courses à des distances médiocres. Les peuples chasseurs et pêcheurs, 
comme les Araucaniens et les Pampéens, étaient et sont toujours ambulans. 

Ce qui précède a pu démontrer que les grandes divisions de mœurs sont 
souvent en rapport avec celles que nous avons établies d'après les caractères 
physiques, et le sont toujours, surtout, avec les possibilités locales. Voyons 
maintenant les modifications apportées aux mœurs des Américains, par Pin- 
troduction au milieu d’eux du cheval, du bœuf, des autres animaux domes- 
tiques, ainsi que par celle des céréales. Les Péruviens, restés ce qu'ils étaient, 
ont continué à élever les animaux propres au sol; seulement ils y ont joint 
nos moutons, nos ânes, enrichissant leur culture de celle du froment et de 
l'orge. Dans les contrées chaudes, où le grain ne croît point, les animaux 
domestiques ont sufli pour amener de plus grands changemens; les indigènes 
les ont adoptés dans beaucoup de contrées, renonçant dès-lors aux voyages 
et à la chasse. Les tribus encore sauvages, errant au milieu des forêts, 
sont les seules qui souvent, par le manque de pâturages, ne se soient pas 
prévalues de ce bienfait. Dans les plaines tempérées du grand Chaco, 
l'homme a cessé d’être ambulant; il possède des troupeaux; il ne fait plus 
de la chasse qu’un amusement. Sur les montagnes du Chili, les Arauca- 
nos ont aussi des troupeaux et sèment le froment; ils sont souvent séden- 
taires ; mais, dans les Pampas et sur les plaines de la Patagonie, les 
Araucanos, les Puelches, les Patagons surtout, maîtres aujourd’hui du cheval, 
qu'ils préfèrent à tout, sont, au lieu de se fixer, devenus plus ambulans 
encore, plus chasseurs, en raison de la faculté qui leur est donnée de fran- 
chir rapidement de grandes distances, et de se nourrir de la chair de leurs 
coursiers. Peut-être la stérilité de leurs plaines, qui les a forcés, comme chas- 
seurs, à la vie nomade, les aura-t-elle obligés à continuer, comme pasteurs, 
le même genre de vie, par suite du défaut de pâturages. 


(M) 


Coutumes et usages. 


Si les mœurs des peuples dépendent des ressources locales, les coutumes 
et les usages sont presque toujours en rapport avec les mœurs, mais souvent 
encore modifiés par les localités. Les Quichuas et les autres Péruviens, rassem- 
blés en de grandes villes, en de nombreux villages, durent bâtir de vastes 
édifices pour Paristocratie de leur nation, pour son culte; des maisons solides 
en pierre pour les simples particuliers; car ils ne voyageaient point. Les hommes 
des rameaux moxéens fixés, par la religion, près des lacs, près des grandes 
rivières, dont ils croyaient descendre”, groupèrent en villages des cabanes de 
troncs de palmiers; les Chiquitéens, les Guaraniens et les Antisiens, quoique 
ne manquant pas de pierres, comme les Moxéens, ne se bâtirent que des 
cabanes de roseaux, soutenues par des troncs d'arbres, et ne vécurent qu’en 
grandes familles. Nomade par goût et par nécessité, habitant pampéen du 
grand Chaco n’a pour demeure que des nattes, dont à chaque halte il se fait 
un abri contre les intempéries de la saison; tandis que le Patagon, le Puelche, 
l'Araucano des Pampas, plus ambulans encore, non-seulement ne se con- 
struisent pas de maisons, mais se contentent de former, avec les peaux des 
animaux qu'ils ont tués, des tentes, qu'ils transportent partout avec eux. 

Les mœurs et les possibilités locales influent beaucoup sur le genre de 
construction des demeures des Américains. Chez les Péruviens, chaque ménage 
ayant sa maison séparée, celle-ci est petite; chez les Guaranis, où une famille 
entière vit sous le même toit, chacune représente presque la contenance d’un 
hameau; chez les Moxéens, chez les Guaranis, chez les Chiquitos, outre les 
habitations privées, il y a, dans chaque hameau, une vaste maison commune, 
destinée à recevoir les étrangers, les visiteurs; et, chez le dernier de ces peu- 
ples, les jeunes gens des deux sexes qui se séparent de leurs familles respec- 
tives pour vivre en commun jusqu’à leur mariage. 

L’ameublement de l'habitation est en raison des coutumes : les Péruviens 
ne connaissaient le luxe, les ornemens, que pour leurs temples, pour leurs Incas; 
les simples particuliers avaient et ont encore des peaux sur lesquelles ils se 
couchent, et auxquelles ils joignent seulement leurs instrumens aratoires, les 
outils nécessaires à lexercice de leur industrie personnelle, les ustensiles de 
leur ménage. L’Antisien yuracarès ne possède que ses armes, pour lit des feuilles 
de palmier, une mousticaire d’écorce de mürier pour se garantir des insectes; 


1. Voyez la partie spéciale. 


(92 ) 


Homme le Moxéen, le Guarani, ont leur hamac pour se coucher; le Chiquitéen 


améri- 
Cain. 


possède encore le hamac pour les hommes, mais une simple natte pour les 


" femmes; les Pampéens du Chaco n’ont aussi pour lit que des nattes; le 


Patagon, le Puelche, lPAraucano , se contentent de peaux d'animaux sau- 
vages. Les armes, qui partout ornent les habitations, varient suivant les 
nations : le Péruvien, PAraucanien, le Fuégien, se servent de la fronde; la 
massue est propre à toutes les nations des rameaux guaranien, chiquitéen, 
moxéen, antisien, péruvien, ainsi qu'à une partie des Pampéens ; la lance 
appartient aux Péruviens, aux Araucaniens, aux Pampéens; les bolas, arme 
des plus terrible, sont spéciales aux Pampéens et aux Araucaniens; mais 
on trouve chez toutes les nations, sans distinction, Parc et la flèche, attributs 
certains du chasseur et souvent du guerrier. | 

Pour mieux faire connaître les coutumes, selon les diverses époques de la 
vie, nous allons parcourir, successivement, le cours de l'existence des Amé- 
ricains, en en comparant les rapports et les dissemblances. 

Chez presque toutes les nations, pendant sa grossesse, la femme ne change 
en rien ses occupations ordinaires; comme nous lavons déjà fait remarquer, 
elle va le plus souvent, sous toutes les latitudes, accoucher près d’un ruis- 
seau, s’y baigne ensuite, y lave son enfant et revient chez elle reprendre ses 
habitudes journalières. Parmi quelques nations seulement (les Quichuas, les 
Araucanos'), l'époque de la naïssance des enfans est marquée par des fêtes et 
par quelques cérémonies. Les enfans sont élevés avec une tendre sollicitude : 
les mères les allaitent deux ou trois ans de suite, et leur prodiguent les soins 
les plus minutieux; plus tard, elles deviennent leurs esclaves, supportent tous 
leurs caprices, sans Jamais leur adresser de reproches. Le père en fait autant; 
et, chez les Yuracarès, la moindre remontrance serait regardée comme un 
crime. On a vu des Araucanos abandonner un lieu d'habitation par suite du 
simple caprice d’un enfant”. L'éducation des deux sexes se borne à limita- 
tion des exercices de leurs parens : les garcons s’occupent de la chasse, les 
filles des devoirs du ménage et des travaux affectés à leur sexe. 

L'époque de la nubilité des femmes est, chez la plupart des Américains, 
l’occasion de cérémonies compliquées, de pratiques barbares, qui, sous diverses 
formes, se retrouvent chez les Antisiens, chez les Araucaniens, chez les Pam- 
péens, chez les Chiquitéens, chez les Moxos, chez les Brasilio-Guaraniens, ou, 


1. Voyez partie historique, t. IT, chap. XXI, p. 244. 
2. Falkner, Description des terres magellaniques (édit. de Lausanne, 1787, t. Il, p. 109). 


(95 ) 


pour mieux dire, sur toute la superficie de PAmérique méridionale. C'est un Homme 
jeûne rigoureux, ce sont des ablutions de la jeune fille, le tatouage d’une partie de pe 
sa figure ou de ses bras, des cicatrices profondes sur sa poitrine, qui témoignent 
extérieurement de son passage de lenfance stérile à l’âge de la fécondité. 

L'époque du mariage est moins solennisée : Palliance se fait presque par- 
tout entre les plus proches parens ou du moins entre les membres d’une 
même tribu. Chez les Quichuas, Punion était consacrée par un des Incas; 
parmi les autres nations américaines ce n’est, le plus souvent, qu’une affaire 
de convention, de convenance. L’homme doit préalablement donner des 
preuves de son adresse à la chasse, de sa valeur comme guerrier; puis il 
faut qu'il obtienne lagrément de la famille. Chez les peuples du Sud, le 
mariage n’est que l'achat d’une femme au plus haut prix; aussi trouvent- 
ils souvent plus facile de conquérir une esclave sur l'ennemi, que de se 
procurer une femme de leur tribu. La polygamie n’était pas admise chez les 
peuples quichuas, ou n’y était qu'un privilége de Paristocratie; tandis que, 
chez presque toutes les autres nations à leur état primitif, c’est une coutume 
générale qui dépend de la richesse, de la bravoure, de la position sociale 
des hommes, et qu'on y considère comme un grand honneur. 

Dans les maladies, les moyens curatifs se bornent, presqu’en tous lieux, 
à des Jongleries superstitieuses, ou à quelques saignées locales. Les peuples 
chasseurs (Araucanos, Patagons, Puelches et Yuracarès ) fuient le lieu du 
mal et abandonnent leurs malades, dans la crainte de la contagion’. A la 
mort, les coutumes sont presque partout les mêmes. Quand on enterre le 
défunt, les jambes sont reployées, les genoux appuyés sur la poitrine, les 
bras croisés, de manière à ce que le corps se trouve exactement, au tom- 
beau, dans la position qu’il occupait au sein de sa mère avant sa naissance; 
comme si ces peuples, à qui l’on a refusé la pensée, voulaient, par ce rap- 
prochement philosophique de la tombe au berceau, joindre les deux termes 
extrêmes de la vie de l’homme, en lui rappelant qu'il naît seulement pour 
mourir. Le corps ainsi ployé se place dans un monument individuel, qu’élève 
chaque famille, en un lieu commun, chez les Aymaras; dans des comparti- 
mens par étages, sur un tertre consacré à chaque village, chez les Quichuas. 
Les Guaranis placent leur mort dans sa propre cabane, soit au fond d’une 
tombe tapissée de branchages, soit en un vase de terre cuite, spécialement 


1. Voyez les détails dans lesquels nous entrons à cet égard, partie historique, t. IT, chap. XX, 
p. 190. 


Homme 
améri- 
ain. 


— 


(9% ) 

destiné à cet usage. Les Antisiens yuracarès le déposent aussi dans sa cabane, 
qu'ils ferment ensuite, sans plus cueillir un seul fruit au champ quil 
avait planté. Les Araucanos des Pampas, les Patagons, les Puelches, enterrent 
le défunt, brülent sur sa tombe tout ce qui lui appartenait, sacrifient à ses 
mânes tous ses animaux domestiques, ses chevaux, ses chiens, pour qu'ils 
accompagnent dans une autre vie, dont la croyance universelle fait qu’on 
entoure partout les trépassés de leurs vêtemens, de leurs armes, et qu’on 
place toujours des vivres à leur côté; ce qui semblerait venir à l'appui de 
certains rapprochemens ethnologiques, sur la valeur desquels nous nous 
expliquerons ailleurs. Le deuil est modéré chez les Péruviens, chez les 
Yuracarès, et consiste à fuir le voisinage du lieu où l'individu est décédé. 
Parmi les Araucanos, les Patagons, les Puelches, il est marqué par des 
vêtemens sombres ou par des teintes noires, dont on se barbouille le corps. Chez 
les nations du Chaco, chez les Charruas, les parens, surtout les femmes et 
les enfans, sont soumis à des jeûnes sévères, et non-seulement se couvrent 
de blessures, mais encore la femme se coupe une articulation d’un doigt, à 
la mort de chaque proche parent. À la naissance du jour on entend chaque 
nation pleurer ses morts, avec gémissemens, se rappeler leurs vertus, raconter 
leurs bonnes actions, exalter leur courage. 

La condition respective des deux sexes dépend toujours du degré de la 
civilisation : celle de la femme sera d'autant plus douce chez tel ou tel peuple 
qu'il aura fait plus de progrès. Chez une nation civilisée, on l’entoure de tous 
les égards, de tous les ménagemens dus à la faiblesse de son sexe; les 
hommes se vouent aux travaux les plus pénibles, pour les épargner à leurs 
compagnes. Chez un peuple sauvage, quel contraste! L'homme, le plus 
fort des deux, se regarde, pour ainsi dire, comme d’une nature différente ; 
il se croirait déshonoré, sil faisait autre chose que chasser et pêcher. 
Dans les courses lointaines, il marche, portant seulement son are, ses flèches", 
tandis que la femme se charge des bagages, de ses enfans, des vivres; et 
encore, quand on s'arrête, doit-elle, au lieu de se reposer, aller chercher 
du bois, faire la cuisine”, pendant que l’homme est mollement couché dans 


1. Nous avons souvent demandé aux hommes pourquoi ils ne portaient que leurs armes, tan- 
dis que les femmes étaient aussi chargées; ils nous ont toujours répondu qu’il fallait qu'il en 
fût ainsi, pour qu’ils pussent être toujours prêts à défendre leurs compagnes de l'attaque imprévue 
d’un jaguar. 

2. M. Walkenaër, Essai sur l’histoire de l'espèce humaine, 1798, p. 79, a bien peint la con- 
dition de la femme du chasseur sauvage. 


(95 ) 

son hamac, ou nonchalamment étendu par terre’. Dans l’intérieur des Homme 
villages, Phomme s’absente souvent pour chasser, pour aller au sein des 4 
forêts chercher le miel des abeilles sauvages; et il y va toujours seul. Il abat 
les arbres des lieux où il veut établir un champ de culture, confectionne ses 
armes, se creuse une pirogue, tandis que la femme élève ses enfans, fait des 
vêtemens, s'occupe de l’intérieur, cultive le champ, cueille les fruits, récolte 
les racines et prépare les alimens. Telle est, du plus au moins, la condition 
respective des deux sexes, chez presque tous les Américains. Les Péruviens 
seuls avaient déjà, dans leur demi-civilisation, modifié partiellement ces cou- 
tumes; car l’homme chez eux partageait les fatigues de l’autre sexe ou se 
chargeait des travaux les plus pénibles. 

Depuis le plus civilisé, le Péruvien, par exemple, jusqu'au plus sauvage, 
tous les Américains aiment les boissons fermentées, dont la consommation 
est même la base de leurs fêtes, de leurs amusemens, de leurs jeux. Chez 
les Moxéens, chez les Chiquitéens, chez les Guaranis, chez les Antisiens, où 
chaque nation est divisée en un grand nombre de tribus, Phabitude est de 
se faire de fréquentes visites qui déterminent toujours des réjouissances. Les 
femmes vont de suite aux champs, apportent du manioc ou écrasent du 
mais, et préparent une boisson agréable pour recevoir les visiteurs. Alors 
ont lieu ces danses monotones, où les danseurs ne semblent pas toujours 
s'amuser; cette musique peu harmonieuse, ce jeu de balle des Chiquitos, 
qui s’exécute avec la tête, mettant des villages entiers en rivalité d'adresse” ; 
et celui des Patagons, où les mains et la poitrine sont également en action. 
Le plaisir de se réunir et de boire attire encore les Péruviens modernes aux 
fêtes du christianisme, où ils exécutent les danses réservées jadis à la grande 
fête du Raimi (la fête du soleil). C’est même en multipliant, pour les nations 
péruvienne, chiquitéenne, moxéenne, guaranienne, les cérémonies reli- 
gieuses, en les entourant de danses et de divers ornemens pleins d'éclat, qui 
plaisent surtout aux Américains, que les Jésuites sont parvenus à les convertir 
au christianisme et à les attacher à cette nouvelle religion. Chez les peuples 


1. La condition de la femme par rapport au travail est donc on ne peut plus pénible; mais 
aussi, jamais on ne lui fait le moindre reproche sur sa manière de tenir son ménage; jamais 
l'Américain, même le plus barbare, ne bat sa femme, il la traite au contraire toujours avec la plus 
grande douceur. Cela étant, ne pourrait-on pas se demander si, malgré les charges qu’elles sup- 
portent, les femmes de ces hommes dits sauvages ne sont pas moins malheureuses que beaucoup 
de celles de nos classes ouvrières d'Europe, souvent si maltraitées par leurs maris ? 

2. Voyez partie historique. 


( 96 ) 


Homme du Sud (les Patagons, les Puelches, les Araucanos), l'ivresse est le bonheur 


améri- 
cain. 


suprême; et cette passion, ils la poussent si loin, que nous avons vu une 
Indienne vendre son fils, pour sassurer trois Jours d’orgie, à elle et à sa 
famille. 

Plusieurs changemens remarquables se sont opérés dans les mœurs et dans 
les coutumes des Américains soumis aux Espagnols : tous sont chrétiens, ce 
qui a beaucoup modifié leurs usages. Le sort des femmes s’est amélioré, et 
les hommes ont partagé les travaux, en imitant leurs nouveaux maîtres. La 
religion a rendu bien des services à l'humanité; elle a, par exemple, détruit 
l'anthropophagie des Guaranis ; elle a fait cesser ces coutumes superstitieuses 
qui portaient les Moxéens à sacrifier la femme qui avortait ou celle qui mettait 
au monde des jumeaux; mais il ne faudrait pas croire qu’elle ait effacé toutes 
les traces de l'état primitif. Les Américains ont conservé presque tous leurs 
anciens usages, leurs jeux, leurs amusemens, jusqu'aux superstitions de 
leur état sauvage. Les seules nations qui les aient entièrement abandonnés, 
sont celles qui se sont fondues dans la population des colons. Quant aux 
nations restées libres, elles n’ont rien adopté de la civilisation qui les 
entoure, et sont ce qu’elles étaient au temps de la conquête. Les peuples du 
Sud se montrent toujours barbares, indomptables; les Yuracarès, circon- 
scrits au sein de leurs forêts par des nations soumises, immolent encore 
souvent leurs enfans, pour s’épargner la peine de les élever; conservent tou- 
jours ces fêtes sanglantes, où chacun, pour montrer son courage, se couvre 
de blessures; et seuls connaissent le suicide et le duel. Toutes les nations non 
soumises usent plus ou moins largement de la polygamie. 


Industrie; arts. 


Les progrès de l’industrie et des arts chez les peuples dépendent toujours 
de ceux de leur civilisation ; comme les facultés intellectuelles, l’industrie, les 
arts, les manufactures, ne sauraient se développer, se perfectionner, qu’au 
sein des grandes sociétés et sous l'empire des gouvernemens stables. 

Nous pourrions, sous ce point de vue, diviser les nations américaines en 
deux séries : l’une, où ces avantages commencent à se faire sentir, et qui ne 
nous présentera que les nations péruviennes ; l'autre, où l’industrie est tout 
à fait au berceau, et dans laquelle viendront se grouper, avec toutes les 


1. Voyez partie historique, t. Il, chap. XVIII, p. 108. 


(97) 
nations des régions chaudes, celles des parties méridionales du continent. Homme 
Quoique chaque nation, pour ne pas dire chaque tribu, ait son industrie par- a 
ticulière, dépendant des ressources locales, il est évident que, dans lensemble, 
il y a, sous ce rapport, une distance considérable entre les Péruviens consti- 
tués en corps de nation régulier et les autres Américains plus ou moins 
sauvages, fractionnés en innombrables tribus. 

Nous allons passer rapidement en revue l’état de l’industrie, des arts amé- 
ricains, en prenant séparément chaque genre, pour en donner le tableau 
comparatif. 

Nous avons vu que, chez la plupart des Américains, l'architecture est encore 
bien peu avancée, puisqu'ils se contentent de cabanes ou même de tentes. 
Les Péruviens seuls ont laissé des ruines qu’on chercherait en vain dans 
tout le reste des parties de Amérique méridionale dont nous nous occu- 
pons; et, sans connaître la théorie de la voûte, ils ont construit des monu- 
mens immenses, entr’autres des temples et les palais de leurs souverains : ces 
monumens sont, au premier âge des Incas, ainsi que dans l'enfance de tous 
les peuples, bâtis de blocs cyclopéens, en parallélipipèdes, chez les Ayma- 
ras, plus anciens’, et les Quichuas plus modernes. Ils ont beaucoup plus 
de solidité, de grandeur, que d'élégance, quoique peu hardis. Des portes à 
pans inclinés chez les Quichuas, droits chez les Aymaras, décorent les 
temples, souvent monolithes, et ornés seulement, chez les Aymaras, de reliefs 
plats des plus réguliers, de grecques variées”, bien que le dessin en soit 
grossier. Toutes les maisons des simples individus sont petites, circulaires”, 
couvertes en terre; et, chez ces peuples, les tombeaux“, les temples, les autres 
monumens élevés à la religion, s’écartent seuls des formes mesquines. Les 
Quichuas avaient des ponts en corde suspendus sur les torrents, des grands 
chemins tracés sur des centaines de lieues, au travers du sol le plus accidenté, 
des canaux d'irrigation d’une étendue extraordinaire. 

La sculpture, réduite, chez les peuples sauvages, à quelques figures en 
bois ou aux ornemens de leurs armes, était relativement perfectionnée chez 
les Incas, quoiqu'a la manière des anciens Égyptiens, les bras ce leurs 
statues adhérassent au corps. Nous croyons que cela tenait au manque 


1. Voyez, dans notre Voyage dans l’Amérique méridionale, Antiquités, pl. 4, 5, 6. C’est ce 
qu’on peut répondre à Pauw, qui (t. IT, p. 229) niait que les Péruviens eussent des monumens. 

2. Voyez Antiquités, pl. 6. 

3. Voyez partie historique (Vues, pl. 12), celles des Quichuas de la vallée de Cochabamba. 

4. Voyez Antiquités, pl. 3. 


IV. Homme. 1 3 


Homme 
améri- 
cain. 


(98 ) 

d'outils, de moyens d'exécution; car des vases de terre nous montrent le 
sentiment du modelé et une certaine connaissance du dessin”. Les statues de la 
première civilisation des Aymaras sont remarquables par leurs formes si diffé- 
rentes de la nature, et d’un caractère qui annonce des idées arrêtées, sévères”, 
plutôt que le désir d’imiter. À Pépoque des Incas, au contraire, il y a 
tendance manifeste à limitation, et leurs statues signalent un premier 
progrès. ? 

Le dessin était beaucoup plus avancé chez les Quichuas que partout ailleurs : 
il retraçait quelquefois l’image des rois, des dieux; le plus souvent, néanmoins, 
il se bornait aux grecques, ornemens de leurs vases, de leurs temples, ou à 
des figures régulières, composées de lignes diversement croisées, mais toujours 
anguleuses, qui décorent leurs vases‘ et leurs vêtemens. On retrouve ce 
genre de dessin chez tous les Américains, même les plus sauvages. Les Pata- 
gons, les Araucanos, les Puelches, le reproduisent en couleurs sur leurs 
manteaux de tissus, sur leurs vêtemens”; les Moxéens en ornent leurs cale- 
basses; les Yuracarès le modifient en lignes courbes, régulières, qu'ils impriment 
sur leurs chemises d’écorce d’arbre°, au moyen de planches de bois sculptées, 
et les Tacanas les imitent en plumes de couleurs variées, témoins les orne- 
mens de leurs ceintures. Chose singulière ! Les Américains, qui tous exécutent 
des grecques régulières, n’ont que bien rarement cherché à imiter une fleur, 
un animal ou quelqu'autre objet de la nature organique; au moins n’en 
avons-nous Jamais vu en peinture, tandis que tous en essayent limitation 
dans la forme de leurs vases. 7 

La fabrication de la poterie est connue de toutes les hordes américaines, 
les peuples pampéens exceptés; et, dans mille endroits, où l’on ne rencontre 
Jamais la moindre trace de monument, au milieu des forêts les plus épaisses, 
des plus vastes plaines, on trouve des fragmens de vase. Les anciens Péru- 
viens surtout excellaient dans ce genre de fabrication, presque partout le 
domaine exclusif des femmes. Leurs vases, des plus variés, représentent sou- 


: Voyez Antiquités, pl. 15. 


1 
* ? S.-ïder, pl.:8 ét 11. 


5. idern;pl9. : 

4. Idem, pl. 19 , 20. 

5. Coutumes et Usages, pl. 1. 

6. Idem, pl. 11. 

7. Antiquités, pl. 16,17, 18, 19, 20. 


(99 ) 
vent nos formes étrusques‘; quelquefois aussi des animaux, des fruits, des jeux Homue 
hydrauliques ingénieux : ces vases, élégans de forme, sont d’une belle exécu- ‘ain. 
tion et d’une régularité parfaite, quoique modelés seulement avec la main, 
sans le secours du tour à poterie. Les Guaranis également en fabriquent de 
remarquables par leurs dimensions, par leur régularité”. La cuisson a lieu, chez 
tous les peuples, à Pair libre ou dans une fosse peu profonde, creusée dans le sol. 

L'emploi des métaux n’était pas général, en Amérique, avant la conquête. 
Le fer n’était pas connu; le cuivre, Por, largent, étaient seuls mis en 
œuvre, encore surtout chez les Péruviens. Le cuivre s’employait aux armes, 
aux outils; lor et l'argent, aux ornemens. Les anciens Quichuas excellaient 
dans le martelage de l’un et de lautre; ils fabriquaient ainsi des vases, les 
ornemens sans nombre de leurs temples, et des figures creuses, représentant 
des hommes et des femmes. Toutes les autres nations, excepté celles qui se 
sont trouvées en rapport avec les Incas, n'avaient que quelques ornemens 
en or, et pour seuls outils des pierres. Telles étaient les haches des Guaranis, 
des Chiquitéens, des Moxéens, l'extrémité des flèches et des lances des Arauca- 
nos, des Patagons, des Fuégiens, des Puelches, des Charruas, avant qu’on leur 
apportât le fer. ? 

Le tissage est plus général en Amérique que les autres industries manu- 
facturières. Les anciens Péruviens, avec leurs métiers, consistant simplement 
en deux bâtons attachés à des pieux fichés en terre, ont atteint un 
assez haut degré de perfection; nous avons trouvé, dans leurs tombeaux, 
des tissus de laine et de coton très-fins et d’une régularité parfaite. Cest 
probablement à leur contact avec les Péruviens que les Araucanos en 
doivent la connaissance; mais la même probabilité n'existe pas relative- 
ment aux Moxéens, aux Chiquitéens, aux Guaranis, qui, avant l'arrivée des 
Espagnols, savaient aussi tisser le coton, non-seulement pour leur hamac, 
mais encore quelquefois pour leurs vêtemens. Toutes les autres nations igno- 
raient complétement cet art et l’ignorent encore. Les Yuracarès et quel- 
ques-uns des Guaranis utilisent l'écorce des arbres; les autres (les Pata- 
sons, les Fuégiens, les Puelches et les habitans du grand Chaco), la fourrure 
des animaux. Avec l'art du tissage, les Péruviens possédaient celui des tein- 


1. Antiquités, pl. 20. 

2. On peut voir, indépendamment de la collection que nous en possédons, ceux que nous 
avons envoyés , des divers points du continent américain, au Musée céramitique de Sèvres. 

3. On trouve même en France de ces anciennes haches de pierre, communes à tous les peuples. 


( 100 ) 


Homme tures solides : et nous avons trouvé des restes de vêtemens qui, enfouis dans 


améri- 
cain. 


leurs tombeaux, depuis au moins quatre à cinq siècles, ont cependant con- 
servé de magnifiques couleurs rouges et jaunes. 

Inconnue aux Fuégiens, aux Patagons, aux Puelches, aux Charruas, aux 
nations du grand Chaco, l'agriculture était au berceau chez les Guaranis, 
les Chiquitéens , les Moxéens, les Antisiens, parmi lesquels, aujourd’hui encore, 
abattre des arbres, y mettre le feu, gratter une terre des plus fertile, y 
semer du maïs, du manioc et les récolter, constitue tout l’art agricole’; 
mais, sur les plateaux des Andes, où une population considérable avait 
besoin d'économiser le terrain, afin d’y trouver les ressources nécessaires à 
l'existence de tous ses membres ; sur un sol des plus accidenté, où très-peu de 
points sont cultivables, il leur fallait, souvent, amener l’eau de très-loin 
par des canaux d'irrigation, qui fertilisaient, en se divisant et subdivisant 
à l'infini, des vallées étendues, jusqu'alors restées incultes. Ce procédé seul rend 
habitables celles du versant occidental des Andes, où il ne pleut jamais. Sur 
les pentes les plus abruptes, des murailles disposées par gradins, de manière 
à retenir les terres, purent encore augmenter les ressources du Péruvien, 
et lui permirent de semer, dans les parties froides, la pomme de terre (papa) 
et la quinua , le maïs, dans les parties tempérées et chaudes. Il dut encore 
à son génie agricole l’idée de faire geler, puis de sécher les pommes de terre, 


qui, sous le nom de chuno, constituent la base de ses provisions annuelles.” 


Les Péruviens seuls, avant la conquête, étaient pasteurs, élevaient des 
animaux domestiques, qui, tout en leur fournissant la laine nécessaire pour 
leurs vêtemens, les aidaient encore dans le transport de leurs récoltes. Les 
Ilamas, les alpacas de leurs montagnes, ont probablement influé sur la civi- 
lisation de leurs plateaux élevés; mais, comme ces animaux ne peuvent pas 
vivre dans les plaines chaudes, les points culminans des Andes purent seuls 
profiter de ce bienfait de la nature. Les Péruviens traitent leurs animaux 
domestiques avec une extrême douceur. Dans aucune autre partie de l'Amé- 
rique, aucun autre mammifère que le chien cosmopolite, fidèle compagnon 


1. La fertilité est telle que quelques journées de travail pourvoient surabondamment aux 
besoins de plusieurs familles. On accuse l'Américain de paresse; mais, lorsqu'il lui faut si peu de 
temps pour se procurer le superflu, pourquoi voudrait-on qu’il s’imposät sans besoin un travail 
inutile? La différence des conditions, le commerce, peuvent exciter l’agriculteur européen , en 
lui suggérant l’idée de s'élever par la fortune; mais l’homme libre des forêts, quel serait son 
stimulant ? 

2. Voyez les descriptions spéciales. 


(101 ) 


de l’homme civilisé, comme du sauvage, n'avait été soumis à la domesticité; Homme 
à peine, chez les Péruviens, y pouvait-on Joindre le coboye (notre cochon ae 
d'Inde); chez les Guaranis, chez les Chiquitéens, quelques oiseaux, si l’on 
doit, sur ce point, en croire les historiens’. Aujourd’hui tous les Américains, 
sauf quelques tribus sauvages des forêts, ont nos chevaux, nos bœufs, nos 
moutons. Le cheval, surtout, que les Patagons, les Puelches, les Araucanos, 
les Charruas, les nations du Chaco, se sont approprié, et qui leur est devenu 
indispensable, n’a pas toujours amené, chez eux, comme il serait pourtant 
naturel de le croire, des progrès réels dans la civilisation. Maintenant tous 
ceux de ces peuples qui sont sédentaires, possèdent des poules. 

La chasse, seule ressource des nations pampéennes, délassement des Chi- 
quitéens, des Moxéens, des Guaranis, se borne, chez les Péruviens, à faire 
le chacu”, c'est-à-dire à se réunir, d’après les ordres de leurs souverains, pour 
cerner, au nombre de quelques milliers, un espace déterminé de terrain, 
et à forcer, en se rapprochant peu à peu, tous les animaux renfermés dans le 
cercle, soit à entrer dans une enceinte formée de pieux et de fils attachés 
de lun à l’autre, soit à se laisser prendre au milieu d’eux. Les Araucanos, 
les Patagons et les Puelches, se joignent aussi, mais en petit nombre, pour 
chasser plus facilement avec leurs terribles bolas, ou à l'arc et à la flèche, 
tandis que les autres nations chassent généralement à l'arc, chaque individu 
étant seul pour son compte particulier. L'adresse des Américains est pro- 
verbiale; aussi n’en dirons-nous rien; seulement nous avons été étonné de 
ne trouver chez eux que très-peu de ruses de chasse, qui nous sembleraient 
devoir être d'autant plus multipliées, que leurs moyens directs de succès sont 
en plus petit nombre. En tout cas, nous avons remarqué que, de tous les 
objets à leur usage, les armes sont, même chez les plus sauvages, ceux qu’ils 
chargent de plus d’ornemens, et dont ils varient le plus les formes, comme 
signes distinctifs entre les nations. 

La pêche, inconnue aux Patagons, aux Puelches et à quelques autres 
nations pampéennes, se fait, presque partout, soit avec un petit harpon, comme 
chez les habitans des côtes du Chili, du Pérou, du Brésil; soit avec des hame- 


1. Commentario de Nuñez Cabeza de Baca; Barcia , Historiadoros primitivos de las Indias, p. 6, 
9,30, 43, et le Voyage de Schmiedel; Collection de obras y documentos, etc., de Pedro de 
Angelis, p. 43, parlent, à chaque page, de canards et de poules domestiques. Les premiers 
existaient réellement ; mais pour les secondes, doit-on croire à leur existence P 

2. Garcilaso de la Vega, Comment. de los Incas. 

Zarate, Histoire de la conquête du Pérou, p. 43. 


( 102 ) 


Homme ÇOns grossiers, ce qui est plus général sur les côtes brésiliennes; soit encore, 


améri- 
vain. 


et c’est le mode le plus répandu chez tous les peuples des bords des rivières 
du centre du continent, avec Parc et la flèche, et de l’intérieur de leurs 
pirogues. On les voit aussi entrant dans l'eau jusqu’à la ceinture, pour y guet- 
ter, d’un œil exercé, le poisson qu’ils veulent percer de leurs traits. Très-peu 
de nations se servent de filets, tandis que les Guaranis et les Chiquitéens 
pratiquent une autre méthode plus facile, consistant à écraser et à Jeter dans 
l'eau certaine plante dont le suc enivre momentanément le poisson, de 
manière à ce qu'on puisse le saisir à la main. | 

La nécessité de pêcher ou de traverser un large fleuve, un bras de mer, 
a souvent engagé l'Américain à s'occuper de navigation; néanmoins, en 
thèse générale, on peut dire qu'à linstant de la conquête, cet art était 
encore moins avancé que les autres. Les Pampéens et les Chiquitéens n’ont 
jamais pensé à s’aider d’un moyen quelconque pour passer une rivière. Les 
Guaranis et les Moxéens, au contraire, pour monter et descendre leurs 
fleuves, avaient tous de vastes pirogues faites d’un seul tronc d'arbre creusé’ 
au moyen de la hache et du feu. Ils suivirent ainsi, les premiers, les côtes 
maritimes du Brésil, et saventurèrent non seulement sur le cours majestueux 
de l'Amazone et de l’Orénoque, mais encore sur la mer, pour conquérir 
les Antilles. Les Fuégiens, même quand il sagit de traverser leur détroit, 
malgré les écueils et les orages, se contentent de leurs frêles nacelles d'é- 
corce d'arbres cousue. Les Araucaniens, de même que les Péruviens, 
n’eurent sur la côte que d’informes radeaux, composés de troncs d'arbres 
attachés ensemble ; mais, au sommet des Andes, où le bois manquait abso- 
lument, les Aymaras inventèrent des bateaux formés de rouleaux de jones 
solidement liés ensemble”; sur Les côtes sèches du désert d’Atacama, ils imagi- 
nèrent de confectionner avec des peaux de phoque deux immenses outres 
remplies d’air° et attachées ensemble, formant une nacelle légère, ressource 
actuelle du pêcheur. 

La grande facilité avec laquelle, dans les Missions de Chiquitos et de Moxos, 
les Jésuites enseignèrent aux naturels un tissage plus avancé, des peintures 
plus compliquées et un grand nombre d’autres procédés industriels, dont les 
produits constituent les exportations de ces deux provinces; l'aptitude qu'ont 


. Voyez Vues, pl. n.° 16. 


19 = 


. Coutumes et Usages, pl. 8. 
. Idem, pl. 9. 


Ce 


( 105 ) 
montrée les indigènes des autres parties de l'Amérique à apprendre, des Homme 
Espagnols et des Portugais, tous les arts mécaniques, prouvent évidemment un 
qu'ils pourront, dès qu’on voudra les instruire, se perfectionner sous ce rap- 
port, et suivre, peu à peu, les pas immenses que fait journellement notre 
Europe dans lincommensurable carrière de l’industrie artistique et manu- 


facturière. 


Costume. 


Le costume des peuples dépend ordinairement, dans sa nature, de la 
température du lieu habité; mais son élégance, sa beauté, sa complication, 
tiennent, soit au degré de civilisation qu'ils ont atteint, soit à leurs goûts 
plus ou moins frivoles. En Amérique il y a quelquefois, dans la toilette 
même du sauvage entièrement nu, une extrême recherche attestée par 
la coquetterie des peintures dont il se pare’; mais nulle part on n’a de ces 
costumes si riches et si élégans qui caractérisent quelques-uns des habitans 
de l’ancien monde; et l'influence de la température n’a pas toujours amené 
les nations américaines à s'assurer un préservatif contre les rigueurs du froid 
ou du chaud. Sous la zone torride, les Guaranis vont nus par principe 
de religion, les Chiquitéens par goût; les Moxéens ont des tuniques tissues 
ou des chemises d’écorce d'arbre; les Yuracarès, le même costume ; mais, 
s’avance-t-on des régions chaudes vers les régions tempérées, sur le 
territoire des Pampéens ? Tous indistinctement ne portent, outre le petit 
tablier propre à presque tous les peuples, qu’un manteau* formé du pelage 
des animaux qu'ils tuent à la chasse; et ce même manteau, réduit à quel- 
ques peaux de loups marins, est le seul costume qui couvre les Fuégiens , 
sur leurs roches glacées. Les Péruviens exclusivement avaient un costume rap- 
proché, jusqu’à un certain point, de celui des peuples de l'ancien monde, et 
consistant en diverses pièces de tissus de laine 3, fabriqués par eux, et en 
ornemens d'argent et d’or. 

Quoique le costume des Américains soit bien simple, il varie beaucoup 
dans ses détails, comme le prouvera la description comparative que nous 
allons en donner en peu de mots. Depuis le Patagon des régions froides jusqu’à 
lhabitant des parties les plus brûlantes , aucuns ne se couvrent la tête, excepté 


1. Voyez Costumes, pl. 9. 
2. Idem, pl. 1. 
3. Idem, pl. 4, dans laquelle, sauf la coiffure, tout tient à l’ancien costume des habitans. 


(104 ) 


Homme lors des fêtes et à la guerre. Il faut pourtant excepter de cette négative les Péru- 


améri- 
ain. 


viens, qui portaient et portent encore un bonnet de laine tombant en arrière; 
leurs rois avaient la toque royale. Les cheveux, longs chez les Péruviens, les 
Araucaniens, les Patagons, les Puelches, les Moxéens, sont coupés en avant 
chez les Antisiens et chez quelques Guaranis ; rasés, en partie, chez quelques 
tribus de cette même nation, ainsi que parmi les peuples du grand Chaco ou 
Pampéens septentrionaux. Chez presque toutes les nations, non seulement on 
s'épilait la barbe, ce qui a donné lieu à la fausse idée que les Américains 
sont entièrement imberbes; mais quelquefois encore on s’épile les sourcils, 
comme le font les Pampéens pour les deux sexes. La face est souvent cou- 
verte de couleur, de lignes régulières, comme parmi les Pampéens, les Arau- 
caniens, les Guaraniens, les Moxéens et les Antisiens ; on peut même dire 
que les seuls Péruviens restent étrangers à cette coutume. Le tatouage, si 
commun parmi les peuples de l'Océanie, se réduit en Amérique, par suite de 
croyances religieuses propres à ce continent, à quelques lignes tracées sur la 
figure des femmes des petites tribus des Guaranis ou des Pampéens septen- 
trionaux, pour indiquer le moment où elles deviennent nubiles. Toutes les 
nations se percent les oreilles et y placent divers ornemens plus ou moins 
bizarres : les anciens Péruviens, ainsi que les Botocudos et les Lenguas actuels, 
regardaient comme une beauté de les faire s’allonger jusqu’à tomber sur les 
épaules et les surchargeaient de poids ou de morceaux de bois très-volumi- 
neux. Les Guaranis, les Botocudos, les habitans du Chaco, tels que les Tobas 
et les Lenguas, ne se bornent pas à ces mutilations. Plus ils sont guerriers, 
plus ils se défigurent, afin d’intimider l'ennemi : ils se percent les côtés des 
narines , la cloison du nez, surtout la lèvre inférieure, dans le but d'y intro- 
duire divers ornemens et quelquefois des morceaux de bois très-gros, comme 
chez les Botocudos et les Lenguas, ce qui les rend affreux. Presque toutes les 
nations portent le collier dans les deux sexes. 

Le corps, entièrement nu chez les Guaranis, chez les Chiquitos (hommes) 
sauvages , est néanmoins orné de peintures , de dessins ; celui de leurs femmes, 
couvert seulement du tablier, est également peint de lignes diverses très-régu- 
lières où de teintes différentes par larges parties, s'étendant aussi aux jambes et 
aux pieds. L'usage des bracelets est à peu près commun à toutes les nations 
sauvages , et le Guarani, ltonama , le Vuracarès, portent les jarretières sans 
bas. Les femmes chiquitéennes, les Moxéens, les Antisiens, quelques Guara- 
nis usent de la tunique sans manche d’écorce de ficus ou de tissu de coton. 
Quant à ces plumes dont on sobstine toujours, en Europe, à faire Phabille- 


( 105 ) 


ment des Américains , elles n’appartiennent jamais à leur costume habituel nomme 
et sont loin d’être d’un usage général. Nous les avons trouvées en ceintures “ain. 
brillantes chez les seuls Tacanas, tandis que la tête en est ornée chez les 
Guaranis, chez les Antisiens et chez quelques Pampéens, seulement dans leurs 
fêtes religieuses, pendant leurs danses ; car une fois ces cérémonies achevées, 
ces ornemens sont serrés avec soin : ils ne servent pas plus d’une ou deux 
fois par an. 
= Les costumes que nous venons de décrire existent encore aujourd’hui chez 
toutes les nations libres, et se retrouvent, plus ou moins modifiés par la 
décence, dans les anciennes Missions des Jésuites, à Moxos, à Chiquitos. Il 
n’y a réellement que les nations voisines des grandes villes qui aient tout à 


fait abandonné leur costume national. 


Centres de civilisation; gouvernement. 


Nous avons déjà dit que, sur la superficie de l'Amérique méridionale 
dont nous nous occupons, il n’y avait, avant la conquête, qu’un seul centre 
de civilisation, celui des Péruviens, tandis que toutes les autres nations, plus 
ou moins sauvages, ne présentaient aucun corps politique, aucun centre plus 
cultivé que le reste’; ainsi, d’un côté existait un peuple chez lequel tout 
marchait vers les lumières, de l’autre se montraient des sociétés informes, 
dans l'égalité presque complète de Phomme primitif. Nous avons cherché les 
causes de ce contraste dans les possibilités locales”, dans les mœurs ; et main- 
tenant que, pour compléter le tableau des Américains, il ne nous reste 
plus qu’à traiter ce qui a rapport aux gouvernemens et à la religion, nous 
croyons utile de dire préalablement un mot de ce que les monumens, les 
traditions, les recherches sur les langues, peuvent nous faire penser des lieux 
où se sont formés les premiers centres de civilisation. 

Nos recherches à cet égard, comme on pourra le reconnaître aux spécia- 
lités sur les Quichuas et sur les Aymaras, prouvent évidemment que la 
civilisation des Péruviens a commencé sur les rives du lac Titicaca, au sein 
de la nation Aymara, et qu’elle doit être la souche première de la civilisation 
du plateau des Andes; au moins est-ce bien elle qui en occupe le point cen- 
tral, où la vie agricole et pastorale paraît s'être d’abord développée, où les 


1. Voyez p. 90 -96. 
2. Page 9. 


IV. Homme. 1 4 


( 106 ) 


Homme idées sociales ont germé , où le premier gouvernement monarchique et reli- 


améri- 
“ain, 


gieux a pris naissance. Cette société, antérieurement aux Incas, à une 
époque bien ancienne, perdue dans la nuit des temps”, était parvenue à 
une civilisation assez avancée, ce que prouvent les monumens. Transportées 
par Mancocapac des rives du lac de Titicaca vers le Cuzco, sa dernière 
splendeur, sa religion, son industrie, ont commencé la monarchie des [ncas, 
laquelle, bien que le peuple en eût presque oublié le berceau, montre que 
ses rois eux-mêmes en gardaient le souvenir. Ce dernier fait nous semble 
prouvé par l'espèce de prédilection que les Incas conservèrent toujours pour 
les îles du lac de Titicaca, celle du Soleil et celle de la Lune, où ils firent 
bâtir des temples en mémoire de leur ancienne origine; qui empêcherait 
de croire que leur langue sacrée, parlée seulement entreux, ne fût aussi 
Paymara ? 

Établie sur des bases solides, mais bornées, réduite à un cercle étroit sous 
Mancocapac, la monarchie des Incas s’étendit, au Nord et au Sud, d’une 
manière rapide, sous les onze rois qui le suivirent. À larrivée des Espagnols, 
les lois des Incas étaient reconnues, d’un côté, jusqu’à la ligne, à Quito ; 
de l'autre, jusqu'au 55.° degré de latitude sud, au Rio Maule (Chili), 
toujours sur les montagnes ; car Jamais elles ne régnèrent au sem des 
plaines chaudes situées à l’est des Andes. À côté de cette civilisation déve- 
loppée, nous voyons des peuples privés de toute civilisation ; à côté de ce 
gouvernement monarchique, de petites tribus éparses, disséminées, ennemies 
les unes des autres et n’ayant pas toujours un chef; ainsi, en Amérique, 
l'extension des gouvernemens est loin de pouvoir se comparer à celle des 
nations distinguées par la langue; ainsi le degré de civilisation ne suit pas 
toujours non plus une marche relative à leur importance numérique ; mais 
elle se rattache à l'étendue, à la stabilité des sociétés. 

Le gouvernement monarchique des Incas était de tous peut-être le plus 
solidement établi, puisque les chefs héréditaires commandaient, en même 
temps, comme dieux, fils du soleil, comme rois tout-puissans; puis- 
qu'ils réunissaient le pouvoir religieux au pouvoir civil, obtenant à la fois 
Padoration et l’obéissance des peuples qui leur furent soumis; aussi leur 


1. Ulloa, Moticias americanas, page 341, ne donne aux Américains que 250 ans de civili- 
sation avant l’arrivée des Espagnols, ce qui est évidemment erroné. Buffon, Histoire de l'homme, 
édit. de Sonnini, t. Il, p. 426, ne leur en donne que 300. L'Amérique est, à son avis (p. 428 ) une 
terre nouvellement habitée, 


(107 ) 


autorité était-elle sans limites; et l'aristocratie, composée seulement des mem- Homme 
bres d’une même famille divine, était là si fort au-dessus des sujets, qu’elle nr < 
se réservait exclusivement toutes les branches de administration, qu’elle pos- 
sédait toutes les lumières scientifiques, industrielles , intellectuelles, et profitait 
de tous les progrès sociaux, tandis que la masse de la nation, contenue par 
des lois douces et paternelles en pratique, quoique des plus sévères en théorie, 
se voyait condamnée à ne jamais changer de sort, tous les états, toutes les 
professions y étant toujours héréditaires", toutes les terres appartenant à l'État. 
C'est probablement une des causes qui avaient entravé la marche de la civili- 
sation, et l'avaient rendue plus stationnaire; car, en paralysant l'ambition 
des individus, on tarit infailliblement toute source de progrès pour la nation 
qu'ils composent. Fractionnée par divisions parcellaires de dix, de cent, 
de mille, de dix mille individus, ayant chacune son chef, la population 
entière était répartie en d’immenses provinces dépendant du Cuzco, la 
capitale. Les terres, labourées en commun par le peuple, se divisaient en trois 
parties, dont l’une affectée aux besoins de la nation, l’autre à l'entretien des 
cultes, la troisième mise en réserve pour les besoins de la guerre. 

Les autres parties de PAmérique dont nous nous occupons, ne présentaient 
pas de corps national, morcelées qu’elles étaient en une foule de petites 
tribus, ayant chacune son chef momentané ou rarement héréditaire, armé 
seulement d’un pouvoir toujours très-limité, et cessant quelquefois avec la 
guerre qui Ven avait fait revêtir. Il y avait encore, parmi ces chefs, plus d’un 
genre d'activité: chez les Chiquitos, nommés par le conseil des vieillards, ils 
cumulaient les fonctions de médecins, de sorciers; et par conséquent, joignaient 
à leurs fonctions politiques, des fonctions religieuses qui leur donnaient de 
la prépondérance. Chez les Guaranis, ils étaient héréditaires, ayant souvent 
des subalternes sous leurs ordres. Chez les Araucanos, les Patagons, les 
Puelches, la bravoure militaire et le talent oratoire décidaient et décident 


1. Comme toutes les lumières résidaient dans la classe noble, anéantie en quelque sorte par 
le cruel Atahualpa , pour détrôner son frère (Garcilaso, Comentario de los Incas, p. 28, 330, 
345, étc.), ainsi que par les Espagnols, qui ne pouvaient souffrir de rivalités de pouvoir, les 
connaissances que la civilisation avait procurées durent disparaitre tout à coup avec les Incas, 
et la population conservée par les Espagnols ne se trouve plus en rapport avec le tableau que les 
historiens tracent de l’état de son gouvernement et de sa civilisation, du temps des Incas. Ce 
fait nous semble résoudre la question si souvent agitée par les écrivains, sur la vérité des faits 
avancés et en apparence contradictoires avec ce que chacun d’eux a vu des Péruviens de son 
siècle. | 


Homme 
améri- 
cain. 


——_ 


(108 ) 


encore du choix qu'on en fait, et leur autorité se réduit à rien en temps 
de paix; il en était de même chez les Moxéens. Chez les Charruas, les Tobas 
et autres nations du Chaco, les vieillards nomment les chefs temporaires 
qui doivent diriger lattaque préméditée. Chez les Yuracarès, enfin, on ne 
reconnaît encore aucun chef, et la liberté individuelle est respectée au point 
qu'un fils même n’est jamais contraint d’obéir à son père. 

Malgré son despotisme, le gouvernement des Incas, par cela seul qu'il for- 
mait une grande société, un centre des connaissances, était parvenu à une 
demi-civilisation. On sent que, dans toutes les autres parties de Amérique, le : 
fractionnement du pouvoir, les querelles continuelles des chefs, tendirent au 
contraire à perpétuer cet état d’anarchie sauvage, qui devait durer autant 
que leur système de gouvernement et fait comprendre au mieux comment ils 
n'étaient pas plus avancés, lors de la conquête de l'Amérique; ainsi, cette 
imperfection de la civilisation, regardée, par quelques auteurs, comme résul- 
tant de ce que l'Amérique est un pays beaucoup plus moderne que le reste 
du monde’, s'explique, on le voit, par le morcellement de Pautorité, par le 
défaut d'extension, par le peu de stabilité des gouvernemens. 

Les Quichuas, qu’on pourrait comparer, sous ce rapport, aux Arabes de 
Mahomet, faisaient la guerre dans un esprit de prosélytisme pour augmenter 
le nombre des adhérens au culte du soleil. Ils ne furent jamais cruels, 
n'ayant recours aux armes que lorsque la persuasion restait sans action. [ls 
combattaient franchement, loyalement, annonçant toujours leur attaque; et 
n’exigeaient du vaincu que sa soumission aux lois du vainqueur. Les autres 
nations , divisées par tribus, étaient toujours en armes soit entr’elles, soit 
contre les nations voisines. Leur véritable motif, leur motif le plus fréquent, 
celui qui porta les Guaranis ou Caribes , par exemple, à conquérir la moitié 
de l'Amérique méridionale, était le désir d’enlever des femmes, pour s’en faire 
des concubines; leurs prétextes étaient une querelle de famille, des droits de 
chasse contestés pour une partie de terrain, ou, plus souvent encore, linsti- 
gation des agens religieux, des prêtres ou des sorciers”. La tactique militaire 
se bornait à la ruse, à la surprise; mais, toujours cruels, les hommes souvent 
étaient massacrés sans pitié ou même dévorés par les vainqueurs, qui n’épar- 
gnaient que les femmes et les enfans, pour les réduire en esclavage. 


1. Ulloa, Noticias americanas, p. 428. 

2. Chez les Chiquitos, les Araucanos, les Patagons, la mort d’un chef que le médecin n’a pu 
sauver, est attribuée à certains individus d’une famille éloignée; ce qui détermine souvent la 
guerre. Voyez nos articles spéciaux et partie historique, t. IT, chap. XXI. 


( 109 ) 


Aujourd’hui, les peuples non soumis aux gouvernemens républicains qui Homme 
améri- 
ain. 


régissent l'Amérique méridionale, n’ont en rien changé leurs coutumes et 
surtout leur système de division par tribus nombreuses; aussi ne sont-ils pas 
plus civilisés qu’au temps de la conquête. 


Religion. 


La religion a toujours un rapport intime avec l'état de la civilisation des 
peuples ou l'extension des sociétés. Les hommes rapprochés de Pétat de nature 
et divisés en petites tribus, ont une religion simple, qu'ils ne cherchent pres- 
que jamais à propager. À mesure que les sociétés se développent, s'étendent, 
leur religion se complique de plus en plus; et, de cette complication même, 
naît l'esprit de prosélytisme, du moins dans les religions dont cet esprit de 
propagation est en quelque sorte l'essence et la vie. L'Amérique (dans la 
partie qui nous occupe) le prouve autant que tout autre pays du monde. 
D'un côté, de petites tribus éparses avaient une religion si peu compliquée, 
qu'on est allé jusqu’à leur en refuser une, et Jamais leur conviction religieuse 
ou l'envie d’en étendre l'empire ne fut le but de leurs guerres; de l’autre, une 
seule nation était civilisée; une seule aussi nous montre un système de reli- 
gion étendu, compliqué de rites nombreux, et le seul qui fût animé de lesprit 
de prosélytisme. 

Quoique plusieurs auteurs aient refusé toute religion aux Américains”, il 
est évident pour nous que toutes les nations, même les plus sauvages, en 
avaient une quelconque. L'homme, en naissant, n’apporte-t-il pas avec lui 
cette idée consolante qui l'accompagne durant son séjour plus où moins 
pénible sur la terre, qu'à la fin de sa carrière terrestre il ne périra pas tout 
entier, et qu'a la mort commencera, pour la plus noble partie de lui-même, une 
seconde existence, mais sans terme et plus heureuse? Or, cette idée consolante, 
cette foi instinctive en une autre vie, sont générales chez les nations améri- 
caines, et se manifestaient ou se manifestent encore sous différentes formes, 
dans la coutume d’ensevelir, avec les morts, des vivres et tout ce qui leur 
appartenait. Les Incas allaient près de leur père, le soleil; les vassaux conti- 
nuaient à servir leurs maîtres ; le Guarani, dans l’autre monde, retrouve, avec 
une chasse abondante, toutes ses femmes redevenues jeunes; PAntisien, le 


1. Azara, Voyage dans l Amérique méridionale; Pauw, Recherches sur les Américains ; Robert- 
son, Histoire de l’ Amérique, édit. espagn., t. II, p. 178. 


(110) 


Homme Chiquitéen, le Moxéen , le Pampéen, l'Araucano, y rencontrent beaucoup de 


améri- 
cain. 


gibier, y revoient toute leur famille. Quelques tribus des Pampas y éprouvent 
les délices d’une ivresse de tous les instans ; ainsi chacun, selon son goût domi- 
nant, se crée ou se créait une béatitude en rapport avec ses jouissances actuelles. 

En comparant les religions entr'elles, nous trouvons , comme pour le gou- 
vernement, une différence énorme entre celle des Péruviens civilisés et celles 
des autres nations. En effet, les Quichuas croyaient que le Pachacamac, 
dieu invisible, créateur de toutes choses !, avait le pouvoir suprême, comman- 
dait au soleil, à la lune sa femme, puisque ceux-ci sont assujettis à une 
marche régulière et invariable; mais, comme ils ne connaissaient pas la forme 
du dieu créateur, ils Padoraient en plein air, sans vouloir le figurer; tandis 
que le soleil, sa création visible, avait des temples spacieux, remplis de richesses, 
des vierges consacrées, et pour prêtres, pour interprètes sur la terre, les Incas, 
ses fils, auxquels le peuple pouvait recourir, dans ses besoins et dans ses 
maux. On offrait au soleil, fécondateur de la terre, des fruits que sa cha- 
leur avait müris; on lui sacrifiait quelques paisibles Îlamas; on le fêtait 
encore à l’équinoxe de Septembre, dans la grande réunion du Raimi. Le 
plus proche parent de l’Inca était premier sacerdote; les autres membres de la 
famille royale administraient les temples nombreux répandus dans le royaume. 

À côté de la religion des Incas nous n’avons plus, chez les autres peuples, 
qu'une simplicité de croyance tout à fait en rapport avec leurs subdivisions : 
les Guaranis, depuis le Rio de la Plata jusqu'aux Antilles, et des côtes du 
Brésil jusqu’au pied des Andes boliviennes, révéraient, sans le craindre, un 
être bienfaisant, leur premier père, le T'amoï ou vieux du ciel, qui avait 
vécu parmi eux, leur avait enseigné l’agriculture, et ensuite avait disparu à 
l'Orient, d’où il les protégeait. On lui adresse encore (chez les Guarayos) des 
prières en des cabanes octogones, mais Jamais d’offrandes, ni de sacrifices ; 
les Payes ou Piaches, sorciers, sont ses devins, ses interprètes. 

Toutes les nations pampéennes et celles du rameau araucanien professent une 
croyance calquée sur ce principe : elles redoutent plutôt qu’elles n'aiment un 
génie bon par nécessité, malfaisant sans motifs, cause de tout ce qui leur arrive 
de mal; de vieilles femmes en sont les interprètes, cumulant Part de guérir. 
avec les fonctions sacerdotales. Les Chiquitéens croyaient aussi à des influences 
malignes, dont leurs chefs étaient les interprètes, en même temps que médecins. 


1. Robertson, Histoire de l'Amérique, édit. espagn., t. IV, p. 56, ne reconnait à tort que le 
culte du soleil aux Incas. Voyez à la partie spéciale les auteurs qui ont parlé du Pachacamac. . 


(114) 
Les Moxéens n'avaient aucune uniformité : chez quelques-uns, un dieu présidait Homme 
: améri- 


à la culture, à la chasse, dirigeait les nuages, le tonnerre; mais le culte le ‘ain. 
plus général était celui que la crainte avait fait vouer au jaguar (Felis 


onca), auquel on érigeait des autels ou consacrait des offrandes, en se vouant à 
des jeûnes rigoureux, pour obtenir sa prêtrise, à laquelle on joignait la pro- 
fession de médecin, comme chez les Chiquitos. Les Yuracarès, qui possèdent 
une mythologie compliquée, n’adorent néanmoins ni ne craignent aucun être 
spécial; ils n’attendent rien de l'avenir et ne conservent aucune reconnaissance 
du passé, véritable type de l’homme superstitieux, dont le plus ignoble 
égoisme brise tous les liens de parenté. 

Cette comparaison rapide montre : 1. que la religion des Américains 
était fort éloignée d’avoir pour base, comme on l'a pensé, le culte seul du 
soleil et de la lune; 2.° que ce dernier culte n'existait même que secondaire- 
ment chez les Incas, tandis qu'il était tout à fait inconnu chez les autres 
nations, dont la foi avait bien plutôt pour principe lespérance du bien d’un 
côté, la crainte du mal de l’autre; mais ce système supposait une association 
d'idées, de réflexions, que n'aurait pas exigée le culte d’un objet visible 
pour tous, et des abstractions regardées comme au-dessus de la capacité 
intellectuelle des Américains, qu’on croyait, sous ce rapport, comme infé- 
rieure à celle du reste de humanité. | 

Indépendamment de leur croyance fondamentale, tous les peuples améri- 
cains, ainsi que tous ceux qui sont peu civilisés, accordaient beaucoup d’in- 
fluence aux choses naturelles, à la rencontre d’un animal dans telle circon- 
stance donnée, au cri de tel autre, aux éclipses de lune et de soleil, aux 
rêves; mais les peuples chasseurs surtout avaient, à cet égard, des préjugés 
sans nombre, et leurs repas, leurs chasses, étaient soumis à une foule de 
pratiques superstitieuses qui, variant à l'infini, suivant les nations, étaient 
toujours appliquées par les devins ou interprètes de la divinité. On a vu ces 
prêtres dieux et rois en même temps chez les Incas, chefs et prêtres chez les 
Chiquitos, tandis que, parmi les autres nations, ils sont seulement devins 
ou interprètes de la divinité. On les craint, dans ce dernier cas, beaucoup plus 
qu'on ne les aime, et ils ne jouissent pas toujours d’une grande considération, 
surtout parmi les peuples pampéens ét guaranis. 

Auprès des magnifiques monumens des Incas, pompeusement ornés d’or 
et d'argent, à peine voit-on s'élever, chez les autres nations, une simple 
cabane, couverte de feuilles de palmier et consacrée à ladoration de l'être 
suprême. À côté de ces fêtes somptueuses du Raimi où, chez les Incas, on accou- 


(112) 


Homme rait de toutes les parties du royaume, on ne voit que des orgies plus ou moins 


améri- 
ain. 


barbares, plus ou moins sanglantes, presque toujours déterminées par les 
diverses phases de l'existence des individus. À la naissance des Incas, souvent 
des réjouissances, des fêtes, que l’on ne retrouve, mais beaucoup plus simples, 
que chez les Araucanos. La nubilité des femmes est, excepté chez les Péru- 
viens , généralement signalée et solennisée au sein des nations les plus 
distinctes. Chez les Guaranis, des jeûnes rigoureux, des stigmates sanglans 
sur la poitrine, le tatouage d’une petite partie du bras ou de la figure, 
sont ordonnés aux jeunes filles; chez les Pampéens et chez les Araucanos, 
des jeûnes, le tatouage, ou diverses cérémonies plus ou moins compliquées; 
chez les Yuracarès, encore des jeûnes; puis la Jeune fille, tous ses parens 
se couvrent de blessures les bras et les jambes; et, pour mieux célébrer 
son entrée dans le monde, chez toutes les nations, on termine la cérémo- 
nie par des libations. Le mariage demeure affaire de commerce ou de con- 
vention privée, presque étranger à la religion. Il n’en est pas ainsi de la 
grossesse d’une femme, qui amène toujours beaucoup de pusillanimité 
chez le mari, dont les actions peuvent influer sur létat de lenfant, et 
sur l'accouchement qui, traité indifféremment pour la femme, oblige quel- 
quefois le mari à prendre des mesures hygiéniques. Les prêtres, les devins 
sont consultés dans les maladies : quelquefois ils appliquent des remèdes, 
font des saignées locales; mais, presque toujours, se bornent à des jongle- 
ries, surtout à la succion des parties malades, comme chez les Pampéens, 
les Araucanos, les Guaranis, les Chiquitéens, les Moxéens; ou bien à des 
cérémonies plus ou moins compliquées. À la mort, depuis le Quichua 
civilisé jusqu'au plus sauvage des Américains, la croyance d’une autre vie 
conduit à parer le cadavre de ce qu'il avait de meilleurs habits, et à placer 
à son côté ses armes et des vivres pour faire le voyage. Chez les Araucanos, 
les Patagons, les Puelches, les Charruas, on brûle ce qui appartenait au 
défunt; on tue, sur sa tombe, tous les animaux domestiques qui lont servi; 
et, de plus chez les Charruas, chez les peuples du Chaco, les parens, pour 
mieux exprimer leur douleur, se couvrent les bras, les flancs, la poitrine 
de blessures profondes; les femmes se coupent larticulation d’un doigt, et 
tous se livrent aux jeûnes les plus rigoureux. 

L'histoire mythologique des peuples, quelquefois en rapport avec les 
monumens qui témoignent de leur antique civilisation, peut alors faciliter 
les recherches de lhistorien. Celui-ci, en dégageant les fictions de cet entou- 
rage mystérieux, dont limagination de l’homme s’est plu à les envelopper, 


(1135) 

en fera quelquefois jaillir des traits de lumière propres à éclaircir, pour lui, 
des faits dont il demanderait en vain la manifestation à des traditions natio- 
nales d’une autre espèce; ainsi, par exemple, la coïncidence du lieu de la 
naissance de Mancocapac, fils du soleil, au bord du lac de Titicaca, avec 
les monumens de ces mêmes rivages, nous a découvert le berceau du premier 
centre de civilisation des peuples péruviens'. Malheureusement, des renseigne- 
mens semblables sont bien difficiles à obtenir des autres peuples, de la langue 
desquels on connaît à peine quelques mots; et leur mythologie, d'ailleurs, 
remonte si loin dans l'antiquité, qu’on ne peut y retrouver qu'une analogie 
remarquable avec certains faits généraux appartenant au monde entier. Nous 
voulons parler de la création, et des époques qui remplacent, sur certains 
points de l'Amérique, le déluge répandu non-seulement sur ancien monde, 
mais encore sur le nouveau ?. Si la croyance au déluge, qu'on retrouve chez 
les Araucanos, obligés de se réfugier au sommet des Andes”; si, disons-nous, 
cette croyance est, comme on pourrait le supposer, suggérée par la présence 
des coquilles fossiles sur la terre et jusque sur les montagnes, il n’en est pas 
ainsi d’un renouvellement général de la race humaine, que nous retrouvons 
chez les Yuracarëès et chez les Mbocobis, enveloppés, non par une inonda- 
tion, mais par un incendie général des forêts, auquel échappent seuls des 
êtres privilégiés qui repeuplent la terre“. Les Guaranis ont Parrivée du Tamoï, 
qui ranima les peuples, en leur enseignant Pagriculture; tandis que les Moxéens 
sont fils des lacs, des grands fleuves, dont les poissons les nourrissent. 

Les rapports des grandes divisions religieuses des peuples américains avec 
ceux que les caractères physiques nous ont fait établir, sont évidens : les 
Péruviens avaient tous le culte du soleil, régi par le Pachacamac; les Arau- 
caniens et les Pampéens, la croyance dun être bon par nécessité, méchant 
sans but, ainsi que les mêmes coutumes religieuses; les Guaranis, une grande 


uniformité de religion; les Chiquitéens, les influences de la nature; les Moxéens, 


la crainte d'êtres vivans. L’analogie avec les mœurs, les coutumes, n’est pas 


1. Voyez partie spéciale. 

2. Chez les Mexicains (voyez M. de Humboldt, Vues des Cordillères, etc., t. 1, p. 102), et sur 
le plateau de Cundinamarca (Humboldt, Vues des Cordillères et Monumens des peuples ind. de 
l'Amér., 1. Il, p. 256, etc. ). 

3. Voyez partie historique, t. II, p. 259. 

4. Les Yuracarès ont une mythologie très-étendue et des plus curieuse. Voyez, dans ce travail, 
l'article spécial des Yuracarès (rameau antisien}, et, partie historique, la description de cette 
nation. : 


1V. Homme, 1 5 


Homme 
améri- 
+ Cain. 


(4114) 


Homme Moins remarquable : les Péruviens, agriculteurs et pasteurs, les plus civilisés 

a des Américains du sud, ont la religion la plus compliquée, la plus douce; 

——— les Guaranis, agriculteurs et chasseurs, ainsi que les Chiquitéens et les 
Moxéens, ont des croyances simples, plus ou moins douces; tandis que, chez 
les chasseurs araucaniens et pampéens surtout, Pindépendance de leur genre 
de vie se retrouve dans lobligation qu'ils imposent à l'être suprême de les 
protéger, sans se soumettre eux-mêmes à aucun châtiment, quand ils ont 
violé ses lois. Leurs coutumes sanglantes sont aussi en rapport avec leur 
mode d'existence. 

Il nous reste à établir un dernier genre de comparaison, celui de la tem- 
pérature du lieu avec le système de religion des peuples. Le culte du soleil 
aurait-il pu naître sous la zone torride, dont les feux dévorans contraignent 
incessamment l’homme à chercher l'ombre; sous la zone torride, où le matin 
et le soir sont les seuls instans de vie pour la nature? Nous ne le pensons 
pas; mais n'était-il pas tout naturel que ce culte devint un besoin pour des 
peuples habitant des plateaux élevés, n’ayant de chaleur qu'alors que Pastre 
les éclaire, la nature se glaçant autour d’eux dès qu'il se cache; aussi trouve- 
t-on le même principe religieux sur le plateau du Pérou et sur celui de 
Cundinamarca’, placés dans les mêmes conditions, tandis que rien, chez 
les peuples des régions chaudes, n’annonce le culte du soleil. 

Si nous considérons, dans leur état de liberté primitive, les croyances reli- 
gieuses actuelles de PAméricain, nous les trouverons telles qu’elles étaient 
avant l’arrivée des Espagnols, sans que la civilisation qui les entoure ait 
rien changé aux rites, aux cérémonies dont elles sont accompagnées. L’Amé- 
ricain qui a embrassé la religion chrétienne, offre encore, avec beaucoup des 
superstitions de sa position première, soit l'indifférence qu'il montrait dans 
ses forêts, comme chez les Guaranis, soit un fanatisme porté à son comble, 
comme à Moxos : à Moxos, où l’homme qui jadis immolait, par superstition, 
sa femme et ses enfans ; l’homme qui, par crainte des jaguars, s’astreignait aux 
jeûnes les plus rigoureux, se punit aujourd’hui de ses péchés, non-seulement 
en Jeûnant outre mesure, mais en se couvrant de blessures dans la semaine 
sainte. En un mot, quoique les Américains suivent avec exactitude la religion 
chrétienne, nos observations nous font croire qu'ils n’en ont, pour la plu- 
part, que les cérémonies extérieures, sans en avoir la véritable conviction, 
ou sans l’envisager sous le point de vue de sa morale. 


1. Picdra Hita, Conquesta, p. 17 ; Herrera, Decada VI, li. V, cap. V1. 


(415) 


RACES AMÉRICAINES. 


Caracrères. Couleur variable du jaune au brun et au rouge cuivré. Tazlle 
variable. Formes : tête grosse comparativement au tronc; tronc large, robuste, 
poitrine bombée, membres replets, arrondis, mains et pieds petits ; cheveux 
épais, gros, noirs, lisses, longs, descendant très-bas sur le front et résistant 
à l’âge. Barbe rare, grosse, noire, toujours lisse ou non frisée, poussant 
très-tard, et seulement sur le menton et aux côtés de la moustache. Menton 
court. Yeux petits, enfoncés. Mâchoires saillantes. Dents belles, presque ver- 
ticales, sourcils très-marqués. | 

Ces caractères généraux, les seuls que nous ayons retrouvés chez tous les 
Américains que nous avons vus, sont en conséquence ceux qu'on pourrait 
mettre en parallèle dans la comparaison qu’on en voudrait faire avec les 
hommes des autres parties du monde. Nous insistons particulièrement sur 
celui de la barbe lisse et poussant tres-tard, que nous signalons aujourd’hui 
pour la première fois, parce qu'il nous paraît distinguer, d’une manière 
tranchée, l’homme américain des autres sections de lPespèce humaine. 

Avec les coupes que les caractères physiques nous ont forcé d'établir 
parmi les Américains que nous avons vus, nous présentons, dans le tableau 
suivant, les différences qui distinguent ses divisions les unes des autres. Nous 
ne doutons pas d’ailleurs, qu’en suivant cette marche pour létude des autres 
parties du nouveau monde, le nombre des races ne dût nécessairement 
s’augmenter. 


1. Blumenbach avait eu de faux renseignemens, lorsqu'il donna pour caractère aux Américains 
d’avoir peu de cheveux; ils les ont, au contraire, très -abondans. 

2. Peut-être les habitans de Cundinamarca et les Mexicains rentreraient-ils dans notre race ando- 
péruvienne; mais nous ne doutons pas que les Américains du Nord de la partie septentrionale ne 
constiluent une quatrième race, tout à fait distincte. 


Homme 
améri- 
ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


(Hé) 


1." RACE : 
ANDO-PÉRU VIENNE. 
Couleur brun-olivâtre plus ou 
moins foncé. Taille petite. Front 
peu élevé ou fuyant; yeux hori- 
zontaux, jamais bridés à leur 
angle extérieur. 


HOMME 
AMÉRICAIN. Rice: 


PAMPÉENNE. 

Couleur brun-olivâtre. Taille 
souvent très-élevée ; front bombé 
non fuyant; yeux horizontaux, 
quelquefois bridés à leur angle 
extérieur. 


11.{ RACE : 
BRASILIO -GUARANIENNE. 
Couleur jaunâtre.Taillemoyen- 
ne; front peu bombé; yeux obli- 
ques, relevés à l’angle extérieur. 


1. Rameau : PÉRUVIEN. 

Couleur brun-olivàtre foncé. Taille moyenne, { mètre 
597 millimètres. Formes massives ; tronctrès-long com- 
parativement à l’ensemble. Front fuyant; face large, 
ovale; nez long, très-aquilin, élargi à la base; bouche 


“assez grande; lèvres médiocres ; yeux horizontaux, à 


cornée jaunâtre ; pommettes non saillantes ; traits pro- 
noncés ; physionomie sérieuse, réfléchie, triste. 
2.° Rameau : ANTISIEN. 

Couleur variable du brun-olivâtre foncé à une teinte 
très-claire. Taille variable ; moyenne, 1 mètre 645 milli- 
mètres. Formes peu massives ; tronc dansles proportions 
ordinaires. Front non fuyant; face ovale; nez variable ; 
bouche moyenne, yeux horizontaux; traits efféminés; 
physionomie vive, douce. 

3.° Rameau : ARAUCANIEN. 

Couleur brun-olivètre peu foncé. Taille moyenne, 
1 mètre 641 millimètres. Formes massives; tronc un peu 
long comparativement à l’ensemble. Front peu élevé; face 
presque circulaire ; nez très-court, épaté ; yeux hori- 
zontaux, bouche médiocre, lèvres minces; pommettes 
saillantes; traits efféminés ; physionomie sérieuse, froide. 


1. Rameau : PAMPÉEN. 

Couleur brun-olivâtre ou marron foncé. Taille 
moyenne, 1 mètre 688 millimètres. Formes hercu- 
léennes. Front bombé; face large, aplatie, oblongue ; 
nez très-court , très-épaté , à narines larges , ouvertes ; 
bouche très-grande; lèvres grosses, très-saillantes ; 
yeux horizontaux, quelquefois bridés à leur angle exté- 
rieur; pommettes saillantes; traits prononcés, mâles ; 
physionomie froide, souvent féroce. 


2.* Rameau : CHIQUITÉEN. 

Couleur brun-olivâtre clair. Taille moyenne, 1 mètre 
663 millimètres. Formes médiocrement robustes ; face 
circulaire pleine ; front bombé; nez court, peu épaté ; 
bouche moyenne; lèvres minces , peu saillantes ; yeux 
horizontaux, quelquefois légèrement bridés extérieure- 
ment; pommettes non saillantes; traits efféminés ; phy- 
sionomie enjouée, vive, gaie. | 

3.° Rameau : MOXÉEN. ; 

Couleur brun-olivâtre peu foncé. Taille moyenne, 
1 mètre 670 millimètres. Formes robustes, front peu 
bombé; face ovale circulaire; nez court, peu large; 
bouche médiocre; lèvres un peu saillantes; yeux hori- 
zontaux non bridés; pommettes peu saillantes; phy- 
sionomie un peu enjouée, douce. 


Rameau unique. 

Couleur jaunâtre, mélangée d’un peu de rouge très- 
pâle. Taille moyenne, 1 mètre 620 millimètres. Formes 
très-massives ; front non fuyant; face circulaire pleine ; 
nez court, étroit; narines étroites ; bouche moyenne, 
peu saillante; lèvres minces; yeux souvent obliques, 
toujours relevés à l'angle extérieur; pommettes peu 
saillantes ; traits efféminés ; physionomie douce. 


(117 ) 
Homme 
PREMIÈRE RACE. | A 
ANDO-PÉRUVIENNE. 
CARACIBRES CÉNÉRAUX.. Couirun HRUN-OLIVATRE PLUS OÙ MOINS FONCÉ. 


Tase PETITE. FRONT PEU ÉLEVÉ OÙ FUYANT. VEUX HORIZONTAUX, JAMAIS BRIDÉS A 
LEUR ANGLE EXTÉRIEUR. 


PREMIER RAMEAU. 
PÉRUVIEN. 


Couleur : brun-olivâtre foncé. Taille moyenne : À mètre 597 millimètres. 
Formes massives; tronc très-long comparativement à l'ensemble. Front 
fuyant ; face large, ovale. Nez long, tres-aquilin, élargi à sa base. 
Bouche assez grande; lèvres médiocres. Yeux horizontaux, à cornée 
jaunâtre. Pommettes non saillantes. Traits prononcés. Physionomie 
sérieuse, réfléchie, triste.” 


Le rameau auquel nous avons donné le nom de Péruvien, du lieu qu'il 
habite, s'étend sur la plus grande partie de l’ancienne domination des Incas, 
avant la conquête, c’est-à-dire sur les Andes et sur leurs versans, depuis la ligne 
jusqu’à Santiago del Estero, au 28.° degré de latitude australe. Cette domina- 
tion comprenait, sur les montagnes seulement, toute la république actuelle 
du Pérou, celle de Bolivia et une partie de la république Argentine. Elle était 
bornée à l'Ouest par le grand Océan, au Nord par des nations qui appar- 
tiennent peut-être encore au même rameau, au-delà de Quito; à PEst, vers 
le Nord, par les nations de notre rameau Antisien ; vers le Sud, par les nations 
pampéennes du grand Chaco; au Sud, par les Araucanos. 

Le pays des Péruviens est uniforme dans sa composition orographique, 
autant que dans sa sécheresse. Partout des plateaux élevés, voisins des neiges 
perpétuelles, des vallées plus où moins chaudes, toujours sèches, peu ou 
point boisées, toujours dépourvues d’ombrage; des pics déchirés, des ravins 
profonds, des plaines stériles, où lagriculteur industrieux peut seul trouver 
les ressources que le force à rechercher le manque de pâturages dans les lieux 


1. Nous ne trouvons aucun caractère qui puisse rapprocher les Péruviens des peuples de 
l'Océanie. Ils en diffèrent par tous leurs caractères physiologiques, et de plus par leurs mœurs. 
Venus des îles, comme on Pa dit, ils auraient une idée quelconque de la navigation, si avancée 
parmi les Océaniens; tandis que, de tous les peuples, ce sont les plus arriérés sur ce point. 
Les Péruviens diffèrent tout à fait des autres races du monde. 


(18) 


Homme tempérés. Là, jamais cette imposante végétation du versant oriental des Andes 


améri- 
cain. 


ne réjouit la vue des habitans; partout Paspect le plus triste; et, d'abord, 
préoccupé du nom pompeux de Pérou, qui rappelle tant d'idées de richesses, 
l’'Européen s'étonne qu’au milieu d’une nature si aride, si accidentée, se trouve 
le centre de la plus parfaite civilisation de l'Amérique méridionale; mais lors- 
qu'il aperçoit, sur les plateaux, les paisibles troupeaux d’alpacas et de Ilamas, 
accompagnés de leurs bergers, son étonnement cesse; car il en reconnaît la source. 

Parmi les peuples que nous avons observés, les nations qui se rattachent 
naturellement à ce rameau, sont au nombre de quatre : la première, celle 
des Quichuas (ou Incas), renfermant seule toute la civilisation, du temps 
de la conquête, était la nation souveraine; la seconde, celle des Aymaras, 
des plateaux élevés, quoique la plus anciennement civilisée, et malgré son 
importance numérique, était soumise aux Quichuas, dont dépendaient aussi 
les deux autres, les Atacamas et les Changos, du littoral occidental, réduites 
à une faible population. | 

Le tableau suivant indiquera la population respective de ces quatre nations. 


NOMBRE, DANS CHAQUE NATION, 
des 
EE oo, 
NOMS DES NATIONS. INDIVIDUS DE RACE PURE : 
EEE TT, 


CHRÉTIENS. SAUVAGES. 


MÉTIS. 


Quichuas ou Incas 934,707 458,572 
Aymaras 372,397 188,237 
Atacamas 7,348 2,170 
Changos 1,000 z 


1,315,452 648,979 


Ainsi, dans le rameau Péruvien il n'existe plus aujourd’hui d’hommes à 
l’état sauvage; leur civilisation ancienne, leur soumission religieuse envers 
les chefs, les ont tous portés à se faire chrétiens. 

Nous ne poussons pas plus loin nos généralités sur les Péruviens. La 
description de la nation Quichua, comme la plus étendue, la plus civilisée, 
devant, dun côté, renfermer tous les détails de caractères physiologiques et 
moraux que nous pourrions reproduire ici, nous y renvoyons, afin d'éviter 
de fastidieuses redites, si difficiles à éviter dans ce genre de travail; d’autre 
part, les détails spéciaux sur la nation Aymara, n’en différant qu’en ce qui 
concerne la coutume de cette nation de $'aplatir la tête, et les renseignemens 
propres à leur histoire ancienne, à leur origine, nous prions nos lecteurs de 
regarder les renseignemens sur les Quichuas comme généralités sur le rameau, 
en tenant compte du coup d'œil historique particulier aux Aymaras. 


C9) 


NATION QUICHUA OU INCA. 


Le nom de Quichua, sous lequel on connaît à présent, dans le pays, la nation qui 
nous occupe, n’était autrefois, à ce qu’il paraît, que la dénomination d’une de ses 
tribus'; et nous croyons même qu’il n’a été généralisé que par les Espagnols. Celui 
d’/nca, plus connu en Europe, n’était appliqué qu'aux hommes de la famille royale, 
et signifiait, plus particulièrement, rof, chef ?. Nous ne chercherons pas à reproduire ici 
les noms primitifs de chacune des tribus qui formaient l'empire des Incas, ce qui serait 
empiéter sur le domaine exclusif de l’histoire; car aujourd’hui les noms qui distinguaient 
les provinces, et en même temps les tribus qui les habitaient, sont tout à fait oubliés 
ou se confondent en un seul, celui de Quichua. 

À l'instant de la conquête de l'Amérique, les Incas avaient sous leur domination, 
depuis le Rio Ancasmayoÿ, au nord de Quito, un peu au septentrion de la ligne, jusqu’au 
Rio Maule du Chili, au 35° degré de latitude sud, c’est-à-dire une étendue de plus de 
700 lieues marines4. À l’est, leurs limites étaient les plaines chaudes et boisées, ou 
même les pentes orientales des montagnes des Andes, dès qu’elles se couvraient d’une 
végétation active ou qu’elles devenaient trop chaudes pour qu’on püt élever des Ilamas; 
aussi n’avaient-ils point pour bornes, de ce côté, les Andes mêmes, malgré ce qu’ont 
dit les anciens écrivains, puisque partout nous en avons trouvé jusqu’à près de 100 lieues 
plus loin à l’est. Vers l’ouest, les Quichuas étaient bornés par la mer; aussi occupaient-ils 
toute la largeur des Andes et une partie de léurs versans, sur une étendue variable, de 
140 lieues (au 18° degré), dans sa plus grande extension, et de 50 lieues dans sa partie 
la plus étroite (au 16° degré). Après avoir indiqué cette surface comme soumise aux Incas, 
nous allons distinguer le territoire où vivait la nation Quichua, qui nous occupe en ce 
moment, et qui était loin d’y être la seule. Vers le nord, elle s’étendait sur le plateau 
peut-être jusqu’à Quito même; car, aujourd’hui, l’on y parle encore la langue quichuat, 


1. Garcilaso de la Vega (édition de 1723), Comentario real de los Incas, lib. IV, cap. 23, 
p. 129, 87. 

2. Ibidem, p.28, 30. 

3. Ibidem, p. 9. 

Padre Acosta, Âistoria natural y moral de las Indias. Barcelona (1591), 4ib. VI, cap. 19, 
p. 280. 

4. Il ya loin encore de là aux 1300 lieues indiquées par Garcilaso, Com. de los Incas, p. 9. 

5. Garcilaso, Com. de los Incas, p. 10, ne connaissait pas leurs limites orientales, lorsqu'il leur 
donne pour bornes les Andes neigeuses. Il y avait au moins autant de population quichua à lest 
que sur les plateaux. Cochabamba , Chuquisaca sont à l’est de la chaine. 

6. Don Jorge Juan et Ulloa, Relacion historica del viage à la America meridional, Madrid, 
1748, t. 1, Gb. V, cap. V, p. 377, l'annoncent à chaque page de leur ouvrage; d’ailleurs M. de 
Martigny nous Pa confirmé encore pour aujourd’hui. 


Homme 
améri- 
cain. 


(120 ) 


Homme ce qui n'aurait pas eu lieu, s’il y eût eu primitivement une nation différente; de là, en 


améri- 
cain. 


s’avançant vers le sud, elle s’étendait et s'étend encore sur tout le plateau des Andes 
du Pérou et sur une petite partie du versant oriental, jusqu’au 15.° degré sud, où elle 
cesse tout à coup, pour laisser un large espace compris entre les deux chaïnes et la 
côte occupée par la nation Aymara, dont nous traiterons séparément. Elle reprend 
ensuite au sud des Aymaras, sur toutes les provinces de Cochabamba, de Chuquisaca, 
de Chayanta et de Potosi; puis de là ne remonte plus les plateaux, mais vit seule- 
ment sur le versant oriental, jusqu’à Tucma? (Tucuman) et jusqu’à Santiago del Estero, 
au 28.° degré de latitude, où l’on parle encore maintenant la quichua 5. A la côte, sur 
le versant occidental, Aréquipa, habitée par les Aymaras, et au-delà, les Atacamas, 
qui peuplaient la province de ce nom, bornaient les Quichuas , lesquels n’avaient, 
sur tout le littoral du sud, que des peuples subjugués, mais d’une autre origine ; 
ainsi les Quichuas occupaient une longue bande de terrain suivant, du nord au sud, 
la forme de la chaîne des Andes, de Quito jusque près du lac de Titicaca; puis repre- 
nait, au sud-est de la nation Aymara, enclavée au milieu d'eux, pour occuper encore 
une lisière du versant oriental, depuis Cochabamba jusqu’à Santiago del Estero, bornés 
alors, vers l’ouest aux Andes, vers l’est aux plaines chaudes et boisées. 

Leur voisinage à l’est se compose d’une foule de petites nations constituant, depuis 
Quito jusqu’à Santa-Cruz de la Sierra, notre rameau Antisien, les Quiros, par exemple, 
les Chayaritos, les Chuchos du Rio Paro; puis, sur les parties que nous décrivons, les 
Apolistas, les Maropas, les Tacanas, les Mocéténès, et enfin les Yuracarès. Au-delà, vers 
le sud, les Quichuas avaient pour voisins les Chiriguanos, tribu des Guaranis du Para- 
guay, et, plus au sud encore, des nations appartenant au rameau Pampéen, telles que 
les Matacos, les Mbocobis, les premières tribus des Araucanos des Pampas, étant aussi 
séparés alors, par la chaîne des Andes, des tribus de cette nation guerrière de Copiapo 


et de Coquimbo. Au nord, ils confinaient avec des nations appartenant, probablement, 


aux Muiscas du plateau de Cundinamarca; au sud-ouest, les Aymaras les bornaient 
sur la côte. 


1. La tribu du plateau de Quito portait un nom différent; mais nous croyons qu’elle faisait 
partie de la nation Quichua; car les tribus subjuguées parlant des langues distinctes, ont encore leur 
idiome primitif, témoin les Aymaras. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, p. 164, 240, 309. 

3. Voyez les limites des Quichuas, sur la carte des races humaines , où elles se feront mieux saisir 
que par une description. Ces limites sont celles que nous avons vérifiées nous-même pendant 
trois années de séjour dans les pays qu’habite la race ando-péruvienne; limites réellement incon- 
nues jusqu’à nous. | 

4. Nous avons trouvé, dans la langue des peuples du Sud (les Araucanos, les Puelches) des 
mots qui appartiennent à la quichua et introduits lors des conquêtes des Incas, sous Yupanqui, 
en 1400 (Garcilaso, Com. de los Incas, p. 216 ); aussi est-il prouvé que tous les mots introduits 
dans une langue différente, annoncent des communications positives. 


(12 ) 


Il est évident que les lieux habités par les Quichuas étaient, à l’époque de la pre- Homme 
mière arrivée des Espagnols, beaucoup plus peuplés qu'aujourd'hui; car on sait qu'un “on 
grand nombre d’entr'eux fut massacré à Caxamarca ! ; que beaucoup plus encore périrent 
ensuite dans les expéditions des premiers aventuriers?, dans les guerres civiles 5, ainsi que 
par les travaux des mines, où ils étaient conduits de force4. On sait encore qu'un grand 
nombre se sont mêlés aux Espagnols et n’ont pas conservé leur race pure; néanmoins, 
des recherches fastidieuses nous ont conduit à pouvoir présenter le tableau suivant de 


la population actuelle de cette nation, toute chrétienne. 


Quichuas Métis de Quichuas 
purs. et d’Espagnols. 


Quichuas de la ville de Cochabamba (Bolivia). . . . . . . . . 1,1825  12,9805 
de la province de Sacava, départ.‘ de Cochabamba.  3,8055 2,290 5 


de la province d’Ayopaya, — — . _ À,5855 1,4625 
de la province de Tacapari,  — _ . 14,7805 8,090 5 
de la province d’Arque, _— _ . 13,4915 4,7415 
de la province de Clisa, — — . 16,3555  11,1925 
de la province de Mizqué,  — — .  8,0315 5,6025 
de la province de Yamparais, dép.* de Chuquisaca . 12,4406  6,2206 
de la province de Tomina, — = . 14,8530 9,426 6 
de la province de Sinti, _ _ . 13,6366 6,818 0 


A reporter . . . . . 103,158 68,821 


1. Garcilaso, Comentario real del Peru, lib. I, cap. XXVIL, p. 35. 

Ulloa, Noticias amer., p. 345, décrit beaucoup de ruines de nombreux villages dans des vallées 
inhabitées aujourd’hui; et p. 352, 353, il attribue la diminution de la population aux excès des 
boissons et non aux mines, 345. 

2. Dans l’expédition de Gonzalo Pizarro, à la conquête de la province de la Canela (Garcilaso, 
Com. del Peru, lib. LT, cap. IL, p. 140); dans celle d’Almagro au Chili (oc. cit., lib. LL, cap. XX, 
p. 87 ). 

3. Les guerres entre Diego Almagro et Francisco Pizarro , lors de la conquête du Cuzco (Garcil., 
Com. del Peru, lib. II, p. 112, etc.). 

4. Ulloa, Noticias americanas, p. 329, prétend que le travail des mines ne pouvait pas leur 
faire de mal. Robertson, Histoire de l'Amérique, édition espagnole, t. IV, p. 102, croit le 
contraire. 

5. Sommes prises dans l’excellent travail statistique de Francisco Viedma , intendant des pro- 
vinces de Cochabamba et de Santa-Cruz de la Sierra , et communiqué au vice-roi de Buenos-Ayres, 
dans son /nforme general, en 1793. (Manuscrit important dont nous possédons loriginal.) 

6. Comme dans le recensement de 1835 (Calendario y guia de forastero de la republica Bol- 
viana), imprimé à la Paz, il n’y a pas de distinction de castes, nous avons dû, par comparaison 
avec les sommes données par Viedma , prendre la moitié du total pour les naturels purs et le quart 
pour les métis. 


1V. Homme. 16 


Homme 
améri- 
cain. 


( 122 ) 


Quichuas Métis de Quichuas 
purs. et d’Espagnols. 


Report . ..... 103,158 68,821 
Quichuas de la ville de Chuquisaca, département de Chuquisaca 1,312: 3,282: 
de la province de Potosi, département de Potosi. . 1,365: 6,825: 
de la province de Chayanta,  — — . 39,2682  19,6342 
des provinces de Porco, Chichas, Lipez,  — . 67,0662 33,533? 
de la province de Valle-Grande , département de i 


Santa-Cruz . . . .. SRE RC LORIE 3175 4,239 3 
de la province du Cuzco (Pérou)... ...... +. 14,2544 6994 
de la province de Paucartambo ........... 11,229 4 9574 
de la province d’Abancay, département du Cuzco . 18,4194 4,139 4 
de la province de Calca y Lares, — — 5510005208 
de la province d'Urubamba, _ _ ..  5,1644 3,1944 
de la province de Cotabamba, — _ . 18,2374 1,3824 
de la province de Paruro, _ _ . 15,0344 27334 
de la province de Chabibilcas, — —_ . 11,4754 z 
de la province de Tinta, _ == . 29,0454 5,420 4 
de la province de Quispicanchi, — _ . 19,9474 4,3064 
du département de Lima (Pérou). . . ....... 63,1814  13,3474 
du département d’Ayacucho (Pérou) . . . . . . .. 99,1834  34,1584 
du département de Junin (Pérou). . ........ 105,1874  78,6844 
du département de la Libertad (Pérou). . . . . .. 115,6474  76,9494 
du département de Guayaquil, Ecuador . . . ... 153,9005  76,9505 
du département de Quito, Ecuador. . . . .. “ere 36,8005  18,4005 


934,707 458,572 


1. Ces sommes, comparées à celles de Viedma, sont, d’après ce que nous avons vu, la moitié 
de la population générale des villes, comme métis, et le dixième comme Indiens purs, pour Potosi 
(et le quart de métis et un dixième pour les Indiens purs de Chuquisaca), des chiffres indiqués 
dans le Calendario y guia de forastero de la republica Boliviana, 1835. 

2. Voyez la note 6, à la page précédente. 

3. Voyez la note 5, à la page précédente. 

4. Sommes prises dans l’excellente statistique de 1795, publiée à Lima dans le Guia politica, 
eclesiastica y militar del vireinato del Peru, par les ordres du vice-roi, où la population est 
divisée comme nous l’indiquons. Nous avons dû l’adopter avec d’autant plus de confiance qu’il 
n’y a pas eu de recensement postérieur, et que, dans un recueil publié à Lima en 1833 sous le 
nom de Calendario y guia de forastero de Lima, p. 6, on prend encore pour base le recensement 
de 1795. : 

5. Des sommes de la population totale des départemens de Guayaquil et de Quito, selon le 
recensement de 1830 (Précis de la Géographie universelle, par Maltebrun , édition de M. Huot, 
t. XI, p. 549), nous avons pris, de même que pour la Bolivia, la moitié comme naturels purs et 
le quart comme métis. 


( 193 ) 

Passons maintenant aux caractères physiologiques des Quichuas : leur couleur, 
comme nous l’avons observé sur des milliers d'individus, n’a en rien la teinte cuivrée 
qu’on assigne aux nations de l'Amérique septentrionale, ni le fond jaune de celles de 
la race brasilio-guaranienne; c’est la même intensité, le même mélange de brun-olivâtre 
foncé qu’on retrouve dans notre race pampéenne. En effet, la couleur des Quichuas 
est celle des mulätres, et l’uniformité est très-remarquable parmi tous les hommes de 
race pure. Ulloa, dans sa description des Américains, confond souvent les nations; il 
parle comme s’il n’y en avait qu’une seule’; et, mélant ainsi les souvenirs qu’il a gardés 
des habitans de l'Amérique septentrionale, il les donne tous comme rougeätres?, ce qui 
n’est pas; néanmoins on voit qu'il attribuait à l’ardeur du soleil et à l’action de l'air 
la couleur plus foncée des Péruviens, que M. de Humboldt indique avec raison comme 
bronzés. 5 | 

La taille est très-peu élevée chez les Quichuas; jamais nous n’en avons rencontrés 
qui atteignissent { mètre 70 centimètres (5 pieds 3 pouces). Le grand nombre de mesures 
que nous avons prises, nous autorise à croire que leur taille moyenne est de 1 mètre 
60 centimètres (4 pieds 9 pouces); et nous pensons même qu’elle reste souvent au-dessous, 
dans beaucoup de provinces, surtout sur les plateaux élevés, où la raréfaction de l’air 
est plus grandef, tandis que ceux qui nous ont montré une stature plus élevée, vivaient 
principalement dans les vallées chaudes et humides de la province d’Ayupaya; différence 
dont nous avons déduit les causes dans nos généralités$, en l’attribuant à la raréfaction 
de l'air. Les femmes sont plus petites encore et peut-être au-dessous de la proportion 
relative qui existe ailleurs dans la race blanche (1 mètre 460 millimètres). 

Les formes sont plus massives chez les Quichuas que chez les autres nations des mon- 
tagnes ; nous pouvons les présenter comme caractéristiques. Les Quichuas ont les épaules 
très-larges, carrées, la poitrine excessivement volumineuse, très-bombée et plus longue qu’à 
l'ordinaire, ce qui augmente le tronc; aussi le rapport normal de longueur respective 
de celui-ci avec les extrémités ne paraît-il pas être le même chez les Quichuas que dans 
nos races européennes, et diffère-t-il également de celui des autres rameaux américains. 


1. Noticias americanas, Entr. XV, p. 253. Visio un Indio de qualquier region, se puede decir 
que se han visto todos en quanto el color y contestura. (Lorsqu'on a vu un Indien de quelque 
région que ce soit, on peut dire qu’on les a tous vus, pour la couleur et la conformation.) 

2. Loc. cit., p. 252: Los Indios son de un color que tira à roxo, y afuerza de tostar se con el 
sol y con el viento, toman otro que obscurece. (Les Indiens sont d’une couleur rougeâtre, et à 
force d’être brûlés par le soleil et le vent, ils. deviennent plus foncés.) : 

3. Voyage aux régions, etc., t. III, p. 364. On reconnait que le savant voyageur avait vu 
les Péruviens comme nous. | 

4. Ulloa, loc. cit., p. 253, avait remarqué aussi que les Péruviens étaient petits. Los (Indios) 
de la tierra alta del Peru son de mediana estatura. «Ceux (les Indiens) des régions élevées du Pérou 
sont de moyenne taille.” Cette taille est toujours relative à celle des Espagnols, inférieure à celle 
des Français. LE 


5. Voyez p. 47. 


Homme 
améri- 
ain. 


mme 


(124) 


Homme Nous voyons même que, sous ce rapport, il sort tout à fait des règles observées, étant 


améri- 
«ain. 


plus long à proportion que les extrémités, qui n’en sont pas moins bien fournies, bien 
musclées; et annoncent beaucoup de force. La tête est plutôt grosse que moyenne, 
proportion gardée avec l’ensemble. Les mains et les pieds sont toujours petits; les arti- 
culations, quoiqu’un peu grosses, ne le sont pas extraordinairement. Les femmes pré- 
sentent les mêmes caractères : leur gorge est toujours volumineuse. 

Nous venons de dire que le tronc est plus long à proportion que chez les autres Amé- 
ricains; et que, par la même raison, les extrémités sont, au contraire, plus courtes : nous 
chercherons maintenant à expliquer ce fait par le grand développement anormal de la 
poitrine. Nous croyons que telle partie déterminée d’un corps peut prendre plus d’exten- 
sion, par suite d’une cause quelconque, sans que les autres parties cessent de suivre la 
marche ordinaire. Nous en avons une preuve évidente dans le cas tout à fait opposé à 
celui que nous voulons établir : celui, par exemple, où telle partie du corps, par suite 
d’une difformité, ne prend pas, en apparence extérieure, tout son développement naturel, 
comme on le voit dans le tronc des bossus; ce qui n’empèche pas les extrémités d’ac- 
quérir les proportions qu’elles auraient eues, si le tronc eût reçu tout son accroisse- 
ment. De là, ce défaut d'harmonie dans leur personne, de là cette longueur des membres 
supérieurs et inférieurs, démesurée comparativement au tronc. Si l’on admet ce fait, 
difficile à contester, pourquoi, dans le cas dont il s’agit, n’admettrait-on pas aussi 
bien que la poitrine, par une cause que nous allons tenter de déterminer, ayant 
acquis une extension plus qu'ordinaire, peut naturellement allonger le tronc, sans 
que les extrémités perdent rien de leurs proportions normales, ce qui le fera paraitre, 
comme en effet il le sera, plus long que chez les autres hommes, où nul accident n’est 
venu altérer les formes propres à l’espèce? Ces considérations pourraient faire le sujet 
d’un mémoire spécial, mais ne comportent pas ici plus de détails. 

Revenons aux causes qui déterminent, dans les Quichuas, le grand volume de la 
poitrine que nous y avons observé : beaucoup de recherches ont dû nous le faire attri- 
buer à l'influence des régions élevées sur lesquelles ils vivent et aux modifications 
apportées par l’extrème dilatation de l'air. Les plateaux qu’ils habitent sont toujours 
compris entre les limites de 7,500 à 15,000 pieds, ou de 2,500: à 5,000 2 mètres d’élé- 
vation au-dessus du niveau de la mer; aussi l'air y est-il si raréfié, qu’il en faut une 
plus grande quantité qu’au niveau de l’Océan, pour que l’homme y trouve les élémens 
de la vie. Les poumons ayant besoin, par suite de leur grand volume nécessaire, et de 
leur plus grande dilatation dans l'inspiration, d’une cavité plus large qu’aux régions 
basses, cette cavité reçoit, dès l’enfance et pendant toute la durée de l’accroissement, un 
grand développement, tout à fait indépendant de celui des autres parties. Nous avons voulu 


1. C’est l'élévation de la vallée de Cochabamba, l’une des plus basses entre les vallées qu’ha- 
bitent les Quichuas de la Bolivia. 

2. La ville de Potosi s'élève à 4,166 mètres au-dessus du niveau de la mer; un grand nombre 
d’autres lieux habités sont beaucoup plus élevés encore. 


(1%) 


nous assurer si, Comme nous devions le supposer à priori, les poumons eux-mêmes, Homme 
améri- 
cain. 


par suite de leur plus grande extension, n'avaient pas subi de modifications notables, 
Habitant la ville de la Paz, élevée de 3,717 mètres au-dessus du niveau de l'Océan, et 
informé qu’à l’hôpital 1l y avait constamment des Indiens des plateaux très-populeux 
plus élevés encore (3,900 à 4,400 mètres), nous avons eu recours à la complaisance de 
notre compatriote M. Burnier, médecin de cet hôpital; nous l'avons prié de vouloir 
bien nous permettre de faire l’autopsie du cadavre de quelques-uns des Indiens des 
plus hautes régions, et nous avons, comme nous nous y altendions, reconnu avec 
lui', aux poumons des dimensions extraordinaires, ce qu’indiquait la forme extérieure 
de la poitrine, Nous avons remarqué que les cellules sont plus grandes que celles des 
poumons que nous avions disséqués en France; condition aussi nécessaire pour aug- 
menter la surface en contact avec le fluide ambiant. En résumé, nous avons cru 
reconnaître, 1. que les cellules sont plus dilatées; 2° que leur dilatation augmente 
notablement le volume des poumons; 3.” que par suite il faut à ceux-ci, pour les con- 
tenir, une cavité plus vaste; 4° que, dès-lors, la poitrine a une capacité plus grande 
que dans l’état normal; 5.°, enfin, que ce grand développement de la poitrine allonge 
le tronc un peu au-delà des proportions ordinaires, et le met presque en désharmonie 
avec la longueur des extrémités, restées ce qu’elles auraient dû être, si la poitrine avait 
conservé ses dimensions naturelles. 2 

Les traits des Quichuas sont bien caractérisés, et ne ressemblent en rien à ceux des 
nations de nos races pampéennes et brasilio-guaraniennes : c’est un type tout à fait 
distinct, qui ne se rapproche que des peuples mexicains. Leur tête est oblongue d’avant 
en arrière, un peu comprimée latéralement; le front est peu bombé, court, fuyant un 
peu en arrière; néanmoins le crane est souvent volumineux, et annonce un assez grand 
développement du cerveau. Leur face est généralement large; et, sans être arrondie, son 
ellipse approche beaucoup plus du cercle que de l’ovale. Leur nez, remarquable, est tou- 
jours saillant, assez long, fortement aquilin, comme recourbé à son extrémité, sur la 
lèvre supérieureÿ, le haut renfoncé, les narines larges, épatées, très-ouvertes. Leur 
bouche est plutôt grande que moyenne, et saille, sans que les lèvres soient très-grosses; 
les dents sont toujours belles, persistantes dans la vieillesse. Leur menton est assez court, 


{. M. Burnier nous fit remarquer, en outre, que les poumons paraissaient divisés en cellules 
beaucoup plus nombreuses qu’à l'ordinaire. Ce fait nous paraissant étrange et difficile à admettre, 
nous avons prié M. Burnier de répéter ces observations sur un plus grand nombre de sujets, et 
lorsqu’après quelques années nous avons revu ce médecin instruit, il nous l’a de nouveau com- 
plétement confirmé. 

2. Tout en signalant cette différence de proportions relatives, nous sommes loin de les donner 
comme très-exagérées; il faut plutôt l'œil de l'observateur que celui de tout le monde pour la 
reconnaitre chez chaque individu. 

3. Ulloa, Noticias americanas, Madrid, 1792, Entret. XVII, p. 253, dit de même: Variz 
delgada, pequeña y encorvado hacia el labio superior. On voit néanmoins qu’il mêle encore les 
nations pour les formes , les Péruviens étant loin d’avoir le nez étroit. 


( 126 ) 


Homme sans être fuyant, quelquefois même assez saillant. Les joues sont médiocrement élevées, 


améri- 
ain. 


et seulement dans l’âge avancé; les yeux, de dimension moyenne, et même souvent 
petits, toujours horizontaux, ne sont jamais bridés ni relevés à leur angle extérieur. 
Jamais la cornée n’est d’un beau blanc; elle est invariablement un peu jaune. Les sourcils 
sont très-arqués, étroits, peu fournis; les cheveux, épais, longs, très-lisses, très-droits, 
gros, toujours d’un beau noir, descendent très-bas sur les côtés du front. La barbe se 
réduit, chez tous les Quichuas, sans exception, à quelques poils droits et rares, poussant 
fort tard, couvrant la lèvre supérieure, les côtés de la moustache et la partie culmi- 
nante du menton. La nation Quichua est même, peut-être, des nations indigènes, celle 
qui en a le moins. Le profil des Quichuas forme un angle très-obtus et peu différent 
du nôtre; seulement les maxillaires avancent plus que dans la race caucasienne; les 
arcades sourcilières sont saillantes; la base du nez est très-profonde. Leur physionomie 
est, à peu de choses près, uniforme, sérieuse, réfléchie, triste même, sans cependant 
montrer d’indifférence : elle dénoterait plutôt de la pénétration sans franchise. On 
dirait qu'ils veulent: cacher leur pensée sous l'aspect d’uniformité qu’on remarque dans 


leurs traits, où les sensations se peignent rarement à l'extérieur, et encore jamais avec 


la vivacité qui les trahit chez certains peuples. L'ensemble des traits reste toujours dans 
le médiocre : rarement voit-on , chez les femmes, une figure relativement jolie; néanmoins 
elles n’ont pas le nez aussi saillant et aussi courbé que celui des hommes. Ceux-ci, 
quoiqu'’ils ne portent pas de barbe, doivent un aspect mâle à la saillie de leur nez. Un 
vase ancien, qui présente, avec une vérité frappante, l’image des traits des Quichuas 
d'aujourd'hui, nous donne la certitude, que, depuis quatre à cinq siècles, les traits 
n’ont éprouvé aucune altération sensible. 1 | : 
La langue quichua (qquichua) est très-riche; elle répond tout à fait à la civilisation 


du peuple qui la parlait et la parle encore. Elle peut, par la combinaison des particules 


qui la composent, exprimer non-seulement des idées concrètes, mais encore des 
abstractions. Pleine de figures élégantes, de comparaisons naïves; il est d'autant plus 
fàcheux que ce soit une des langues les plus dures à l’oreille comme à la pronon- 
ciation. Elle a tels sons d’une gutturation qui passe toutes les bornes connues, et d’un 
croassement difficile à rendre; elle est chargée en outre des consonnes les plus rudes, de 
fréquentes redondances; elle est aussi fortement accentuée, la pénultième syllabe étant 
toujours longue. Il y a complication de consonnes, mais dans un sens que nos 
caractères ordinaires d'Europe peuvent difficilement faire comprendre; par exemple, 
dans gquichua, celle des deux q, dont le premier se prononce du fond de la gorge 
comme un croassement?, ou celle du double cc, ou de scc, de tcc, de tto, etc. Les mots 


1. Antiquités, planche 15. Il ne faut pas s’en étonner; car, dans ses savantes recherches, 
M. Edwards a reconnu, sur le tombeau d’un ancien roi d'Egypte, la figure caractéristique des 
juifs actuels, qui n’a pas changé depuis trois mille ans. (Des caractères physiologiques des races 
humaines , Paris, 1829, p. 19.) 

2. On ne peut se rendre compte de la prononciation d’une langue qu’en l’entendant parler; 


(127) 

se terminent presque toujours par des voyelles.en a et en r; mais, lorsqu'ils finissent 
par une consônne, ils offrent, le plus souvent, les sons #p, ac, ak, et, quelquefois, 
aussi les sons am, an. Les Quichuas n’emploient ni diphthongues, ni notre w; le 7, avec 
la prononciation espagnole gutturale, se répète fréquemment. Les sons du b, du d, de l’f, 
du g, de l’z, manquent entièrement. Les noms des parties du corps n’ont pas d’ano- 
malie, comme on peut le voir par ccaklla, joue; avi (ñakuï)', yeux; rinri (nigri)!, 
oreille. Les adjectifs ne varient point selon les genres et les cas, tandis que les substantifs 
suivent toutes les modifications qu’exigent le singulier et le pluriel. 

. Leur numération est décimale et très-étendue; elle va jusqu’à cent mille, et les nombres 
n'ont aucun rapport avec le nom des doigts. La construction des phrases se fait ainsi: 
« Quilla imahina (jinac) muyu uya; de quilla, la lune; émakina ( jinac), comme; 
muyu, arrondie; ya, figure. Traduction littérale : La lune comme arrondie figure; ou, 
mieux : Figure arrondie comme la lune; et encore : Munaï cucuhay, munaï cucuscaiki, de 
muna, temps du verbe aimer, dont le pronom personnel, cucuhay, moi, gouverne le 
sens; z2unai, mème temps du verbe aimer, gouverné par le pronom personnel, cucur- 
. cayhi, toi. Traduction littérale : 4ime-moi, aimerai toi; ou, mieux : 4ime-moi, si lu veux 
que je l'aime. 

D'après ce que disent les anciens auteurs?, on ne peut douter que les Incas 
(ceux de la famille royale) n’aient eu, parmi eux, un langage particulier, différent de 
la langue générale; langage qu'a fait entièrement oublier l'extinction des principaux 
d’entr’eux. | 

Le caractère des Quichuas est un fond de douceur à toute épreuve, de sociabilité 
poussée jusqu’à la servilité, d’obéissance et de soumission aveugles à leurs chefs, de fixité 
dans les idées, de stabilité dans les goûts. On sait avec quelle exactitude des centaines, 
des milliers d'hommes de cette nation exécütaient, même à une distance considérable, les 
moindres ordres de leur Inca4; l’on sait encore avec quel empressement ils reçurent 
les premiers Espagnols qui se montrèrent au milieu d’eux5; et comment, malgré les cruautés 


aussi les dictionnaires sont-ils loin de faire deviner la véritable prononciation. des Quichuas. Un 
long séjour au milieu d’eux à pu seul nous permettre de faire ces remarques. Voyez aussi le 
Vocabulario y arte de la lengua general de todo el Peru, llumada Qquichua, o del Inca; par 


le père Diego Gonçalez Holguin, Lima, 1608; et 4rte y vocabulario de la lengua general del Peru, 


Lima, 1614; deux ouvrages très-rares et que nous possédons. 

1. Les mots entre deux parenthèses sont ceux de la prononciation actuelle, recueillie de la 
bouche des indigènes. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VII, cap. LI, p. 292, 

.3. Cest à tort qu’Ulloa les accuse de férocité (Noticias americanas, p. 312) envers les ani- 
maux : nous avons vu des Indiens pleurer de la nécessité de tuer un de leurs Ilamas. 

4. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VE, cap. XXXV1, p. 218. | 

5. Témoins ces deux Espagnols qui, avant la mort d’Atahualpa, parcoururent tout le Pérou, 
de Caxamarca au Cuzco. Voyez Garcilaso, Com. del Peru, lib. 1, cap. XXX11, p. 40 et p. 158. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 128 ) 


Homme dont ils étaient l’objet, ils se dévouaient aux conquérans que le sort de la guerre: et 


améri- 
ain. 


les superstitions religieuses? leur faisaient recevoir comme des maîtres et révérer comme 


— des dieux. On en a encore une preuve dans la manière dont tous, sans exception, se 


soumirent au nouveau culte qu’on leur apportait5, aux exigences despotiques que leur 
imposaient leurs nouveaux dominateurs, le scrupule avec lequel des milliers d'hommes 
obéissaient à un seul Espagnol, tandis qu’il leur eùt été si facile de s’en défaire, ce 
qui a été souvent attribué à leur lacheté, à leur faiblesse4. Bien éloigné de vouloir 
expliquer ainsi le fait (car, en d’autres circonstances, ils ont montré qu’ils pouvaient 
combattre avec bravoureÿ, et qu’ils ne craignaient pas la mort); nous croyons qu’il faut 
l’attribuer plutôt à une cause tout à fait religieuse, et non au manque de force morale, 
au défaut de courage6. L’obéissance passive était pour les Quichuas un des devoirs que 
leur imposait le culte qu’ils rendaient à leurs Incas; et ils se crurent soumis à la même loi 
relativement aux hommes extraordinaires qui se présentaient la foudre à la main7, avan- 
tage que les fils du soleil même ne possédaient pas. Ils se montrent reconnaissans des bons 
procédés, et vont jusqu’à se sacrifier pour un bienfaiteur 8; ce que prouvent non-seule- 
ment l’histoire de la conquête, mais encore les observations que nous avons recueillies 
nous-même dans le cours de nos voyages. Ils sont hospitaliers envers les étrangers; et 
si l'opinion du pays n’est pas généralement pour eux, nous expliquons cette défaveur, 
moins par la faute des Indiens, que par les exigences de quelques propriétaires9. Ils sont 
bons pères, bons maris; ils aiment la société, vivent toujours par hameaux, et cherchent 
des motifs de réunion et d’amusemens : c’est même par ce faible que les religieux 


1. Garcilaso , Com. del Peru, lib. 1, cap. XLI, p. 55 et p. 99. 

2. On sait que la prédiction de Huaina capac (Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IX, cap. XP, 
p. 321 et suiv.) avait ordonné aux Quichuas d’obéir aux étrangers barbus. 

3. Dès l’arrivée des Espagnols, les Quichuas se firent chrétiens; aussi n’en reste-t-il pas un seul 
à l’état sauvage. 

4. Pauw, Recherches sur les Américains, 1. X, p. 95, 96; Robertson, Histoire de l’ Amérique, 
édit. espagn., t. IV, p. 102. 

5. On en trouve la démonstration dans les épreuves auxquelles les soumettait leur éducation 
guerrière. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VI, cap. XXIV, p. 202. Voyez aussi Garcilaso , Com. 
del Peru, p.69, 70, 97, 104. 

6. L’acharnement qu’Ulloa met à démontrer que les Américains pèchent par tous les points est 
tel, qu’il explique par un défaut absolu de sensibilité la fermeté manifestée par un Indien dans 
le cours d’une opération douloureuse, pendant laquelle il n’avait proféré aucune plainte. Noticias 
americanas , p. 313. 

7. Voyez Garcilaso, Com. del Peru, lib. IT, cap. IV, p. 62. 

8. Ibidem, p. 144, 331. 

9. Ulloa, dans son injuste prévention contre les Américains, trouve étrange (Noticias ame- 
ricanas, p. 320) que les Péruviens supportassent avec peine le service des mines, auquel on 
les assujettissait. 


( 129 ) 


adroits' les ont amenés au christianisme, en leur créant des motifs de réunion, et par Homme 
améri- 
ain. 


conséquent de plaisir; néanmoins, au milieu de ces fêtes, ils s'amusent sans être gais; 
leur taciturnité, leur froideur disparaissent rarement en entier; mais aussi, dans l'ivresse 
même, ils se querellent rarement, et plus rarement encore en viennent à se battre. S'ils 
sont vindicatifs, s'ils oublient difficilement une offense, ils ne cherchent guère à 
s'en venger, et peut-être n'est-il pas au monde de pays où se commettent moins 
d’assassinats que dans les lieux habités seulement par les Quichuas. En résumé, ce 
sont des hommes doux, paisibles, sociaux, soumis aux lois, remplissant tous leurs devoirs 
de famille, très-sobres, patiens dans les souffrances, laborieux? et des plus discrets. 5 

Sous le rapport des facultés intellectuelles, nous croyons que les Quichuas ne 
sont pas au-dessous des peuples des autres continens#; ils ont la conception vive, 
apprennent avec facilité ce qu’on veut leur enseigner , et diverses observations ne 
nous permettent pas de douter qu'ils n'aient tout ce qu'il faut pour faire un 
peuple éclairé. Des hommes qui s'étaient rendu compte de l’année solaire 5, qui 
connaissaient l'architecture 6, qui avaient fait d'assez grands progrès dans l’art de 
la sculpture7; des hommes capables de reproduire les souvenirs de leur his- 
toire au moyen de signes symboliques, et de leurs quipusô; qui avaient des lois si 


1. Les fêtes religieuses du catholicisme sont on ne peut plus nombreuses; et toujours, comme 
nous l'avons vu plusieurs fois, un grand nombre d’Indiens, affublés d’habits grotesques, dansent 
devant les processions, comme ils dansaient lors des fêtes du soleil, surtout lors de celle du Raimi. 
Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VI, cap. XX, p. 195, et Acosta, Historia natural y moral de 
las Indias, Barcelona, 1591, Gb. V, cap. XXVI, p. 245. 

2. Don Antonio Ulloa, Noticias americanas, Entret. VII, p. 311, part. 7, dit à tort que les Péru- 
viens sont paresseux. 

3. Voyage d’Ulloa, IT, p. 309. Un complot s’est tramé trente ans, sans qu’il y ait eu un dénon- 
ciateur. 

4. On voit que nous sommes loin de penser comme Pauw, ni comme Ulloa, qui, Noticias amer. 
(p- 321,366), les regarde comme des brutes sans idées, mais seulement plus adroites que les autres. 

5. Acosta, Historia natural de las Indias, 1591, Gb. VI, cap. LI, p. 249, dit que l’année 
solaire des Incas commençait en Janvier, comme la nôtre. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IL, 
cap. XXII, p. 61. 

6. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. III, cap. XX, p.98 , 99. Voyez nos planches d’Antiquités, 
3, 4, 6, 12 et 13. 

7. Si du moins nous en jugeons par le vase que nous représentons dans la partie historique, 
Antiquités, n.° 15. 

8. Acosta, Hist. nat. de las Indias, 1591, lib. VI, cap. VIT, p. 266, dit que les Quichuas 
avaient des peintures hiéroglyphiques, et, à propos des quipos, il écrit: Porque para diversos 
generos como guerra de gobierno, de tributos, de ceremonias, de tierra, avia diversos quipos o 
ramales. F'en cada manojo destos tantos Rudos y Audicos, y hilillos atados, unos colorados, otros 
verdes, otros azules, otros blancos, y finalmente tantas deferencias, que asi como nosotros de 
veinte y quatro letras quisandolas en deferentes maneras sacamos tanta infinidad de vocablos, asi 


eslos de sus Audus, y colores sacavan innumerables significaciones de cosas. (Pour les différentes 


IV. Homme. i 7 


(150). 


Homme sages!, le gouvernement le mieux organisé?, des idées de médecine5; de tels hommes 


améri- 
cain. 


ne montraient-ils pas autant de dispositions qu’on peut en attendre d’un peuple 
isolé, qui ne doit qu’à ses propres forces une civilisation nécessairement lente dans 
sa marche, en raison de son isolement même? On sait que les Incas étaient orateurs, 
qu'ils savaient agir sur les masses par l’éloquence; on sait encore que leurs historiens 
devaient avoir de la mémoire et du jugement4; leurs poëtes, leurs musiciens, de l’'in- 
spiration, du génie; leur langue est remplie de figures gracieuses, de comparaisons 
justes, de proverbes naïfs, el peint avec force et élégance les passions vives, l’amour 
surtout, la plus entrainante de toutes... Tant de faits ne prouvent-ils pas surabon- 
damment que les Quichuas ne manquaient ni d'esprit naturel, ni d’une certaine élévation 
de pensées, qui sont loin d’exister au même degré chez tous les peuples américains ? Il 
est vrai que beaucoup d’entr'eux, vivant plus isolés dans les campagnes, et manquant 
souvent de centre de lumières, sont maintenant, à peu près, au même point que 
nos paysans bas-bretons, par exemple. 

La nation quichua est, sans contredit, celle qui nous fournirait le plus de détails 
sur ses mœurs, sur ses coutumes, sur ses usages avant la conquête; mais , forcé de 
nous renfermer dans un cercle étroit, il nous suflira d’en offrir un aperçu rapide. Tous 
les Quichuas, suivant les lieux qu’ils habitaient, étaient et sont encore pasteurs et 
agriculteurs sur les plateaux élevés, agriculteurs seulement dans les vallées chaudes7, 
pêcheurs et quelquefois agriculteurs sur les rivages de la merë. Ils étaient tous fixés sur 


affaires de guerre, de gouvernement, de tributs, de cérémonie , de terre, il y avait divers quipos, 
et, dans chaque paquet de ceux-ci, beaucoup de nœuds et de fils attachés: les uns rouges, verts, 
bleus, blancs, et autant de différences que nous en trouvons dans nos vingt-quatre lettres, en les 
plaçant de diverses manières, pour tirer une si grande quantité de sons; de même les Indiens, 
de leurs nœuds et couleurs, tiraient un grand nombre de significations de choses.) On voit 
done qu’ils ne se servaient pas des quipos seulement comme série de nombres, mais comme 
Annales historiques. Voyez Garcilaso, Com. del Peru, p. 26, 32. Les dictionnaires écrivent 
qqupus. 

1. Acosta, &b. VT, cap. XVIIT, p. 277 ; Garcilaso , Com. de los Incas, lib. IL, cap. XII, p. 49. 

2, Ils s’occupaient même de la statistique annuelle, et les Incas se faisaient tous les ans rendre 
compte du nombre des naissances et des décès. Garcilaso de la Vega, Com. real de los Incas, 
üib. IT, cap. XIV, p. 51. 

3. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IT, cap. XXI, p. 63. 

4. 'Acosta, Hist. nat. y mor. de las Indias, 1591, lib. VI, cap. VIII, p. 266, et Garcilaso, etc. 

5. Garcilaso, Com. de los Incas, p. 34, 37,67, 77, 261, 321, etc. 

6. Ils le sont encore, et les anciens auteurs citent comme la plus grande richesse de ces peuples 
leurs nombreux troupeaux. Garcilaso, Com. de los Incas, p. 57, 185, 285, 242, etc. 

7. Celles du Rimac, par exemple, celle de Cochabamba, celle de Chuquisaca, où la douceur 
de la température leur permet une culture abondante. 

8. Au Callao et sur tous les points de la côte où les eaux arrivent jusqu’à la mer, sur un sol 


où il ne pleut jamais. 


( 131 ) 
le sol natal, sans qu'aucun d’eux püt changer de condition’; et, comme nous l'avons 
vu, ils sont encore bien plus nombreux sur les plateaux élevés que dans les plaines. 
Il leur était, il est vrai, sur ces plateaux, bien plus facile de se livrer à la culture?, 
et leurs troupeaux y trouvaient une bien meilleure nourriture; aussi était-ce au sommet 
de la chaîne des Andes que se trouvait le siège de la civilisation et du gouvernement. Tous 
étaient soumis à un seul chef, leur Inca; tous, réunis par villes, par villages, par nom- 
breux hameaux, mettaient à se rallier en sociétés autant de soin que les peuples chas- 
seurs en mettent à se fuir. Ils avaient des monumens spacieux pour leurs souverains; 
des temples superbes pour leurs divinités; mais eux-mêmes se contentaient de petites 
huttes arrondies en dôme, couvertes de branchages et de terre, habitations dont les 
formes sont encore identiques aujourd’hui, ou vers le Nord, de vastes maisons de 
forme oblongue4. Chaque famille vivait à part, élevait ses enfans avec beaucoup de 
douceur, en les habituant, de bonne heure, au travail, et à se soumettre aux exigences 
de la société, d'autant plus nombreuses que les Quichuas étaient dépendans et 
n'avaient point de propriétés. Les hommes ne se mariaient qu'après vingt ansÿ : ils ne 
pouvaient avoir qu'une femme, qu’ils prenaient ‘toujours du consentement de leurs 
pères parmi leurs plus proches parens6, sans pouvoir jamais changer de famille. Les Incas 
unissaient les prétendus; puis la famille et les voisins donnaient au nouveau couple 
le nécessaire du ménage, et bâtissaient la maison qu'il devait habiter 7; ainsi jamais 
de mélange entre les diverses tribus. Plus ils avaient d’enfans, plus ils étaient respectés. 
Les Incas seuls pouvaient user de la polygamie, non en se mariant deux fois, mais avec 
des concubines. Les femmes étaient dans l’usage d’accoucher seules et de se laver immé- 
diatement dans l’eau des ruisseaux8. À la mort d’un Quichua, on lui reployait les mem- 
bres dans l'attitude d’un homme assis9; puis on le renfermait, avec tous ses vétemens, 
soit dans une tombe creusée garnie de murailles en pierres sèches, et couverte de 
terre, soit, comme sur la côte du Pérou, en un lieu commun de sépulture où chaque 
famille avait, par étage, un asyle disposé pour ses morts, soit encore dans un caveau de la 
maison habitée par la famille même10. Là, entouré de ce qui lui avait appartenu et de 


1. Non-seulement un individu ne pouvait changer de lieu qu’autant qu’il convenait aux chefs, 
mais encore les professions étaient héréditaires. 

2. Ils trouvaient plus d'avantage à cultiver les plateaux, parce qu’ils pouvaient là, plus que 
partout ailleurs, cultiver la pomme de terre et la quinua, plus estimées que le maïs même. 

3. Voyez partie historique, Vues, pl. 12, celles que nous avons dessinées dans la vallée de 
Cochabamba. Ulloa les a retrouvées aussi au Pérou, Noticias americanas, p. 328. 

4. Ulloa, Loc. cit., p. 354. 

5. Garcilaso de la Vega, Com. de los Incas, p. 25, 218, 113. 

6. Ibidem, lib. II, cap. WII, p. 113, et Gb. I, cap. XXI, p. 25. 

7. Ibidem. 

8. lbidem, lib. IV, cap. XIT, p. 116. 

9. Voyez Antiquités, pl. 14. 

10. Ulloa, Loc. cit, p. 354, 340. On plaçait jusqu’à trente corps dans chacun. 


Hom ne 
améri- 
cain. 


( 132 ) 


Homme vases remplis de boissons, le corps se desséchait complétement; et nous en avons ren- 


améri= 
«ain, 


contré un grand nombre encore très-bien conservés ?. Le plus souvent, les lieux de 
sépulture étaient communs , toute une nation plaçant ses morts les uns près des 
autres, et séparément. Voilà ce qui concernait le peuple; pour les Incas, les coutumes 
étaient différentes; mais comme ce qui les regarde se rattache à la religion ou au gou- 
vernement, puisqu'ils réunissaient les qualités de souverains et de prêtres-dieux, nous 
en parlerons en traitant ces deux points de vue. 

L'industrie était assez avancée chez les Quichuas : comme agriculteurs, ils avaient 
fait des travaux immenses pour amener de très-loin, par des canaux d'irrigation les 
mieux conduits, l’eau nécessaire à la fertilisation des vallées incultes faute d'humidité. 
Ces canaux sont, soit par le niveau qu’ils conservent, soit par les difficultés vaincues pour 
les établir, réellement extraordinaires?. Il en était de même des gradins en pierres 
sèches, destinés à retenir les terres sur un pays si accidenté5. Les Quichuas cultivaient 
dans les régions froides la quinua et la pomme de terre que nous avons reçues d’eux; dans 
les vallées plus chaudes, le maïs et la occa (oxalis). Ils savaient, par la gelée, conserver 
les provisions de pommes de terre sèches. Comme pasteurs, ils conduisaient leurs trou- 
peaux de Ilamas et d’alpacas4 dans les lieux qui leur sont propices, en les séparant 
par sexes, afin d'éviter les accidens. Ils ne se servaient et ne se servent encore, comme 
bêtes de somme, que des màles des Ilamas, qu’ils ont toujours traités avec une extrême 
douceur. Industriels, ils ont poussé le tissage à un point de perfection d’autant plus remar- 
quable, que leurs métiers sont plus grossiers. La finesse de leurs tissus de laine était 
réellement étonnante, et aurait pu rivaliser avec les produits de nos manufactures. Ils 
n'étaient pas moins avancés dans la teinture de ces mêmes tissus : les couleurs les plus 
vives, le rouge, le jaune, surtout, étaient tellement fixes, que nous en avons trouvé 
qui, bien que renfermés depuis des siècles dans les tombeaux, avaient conservé leur 
fraicheur primitive. Parmi les métaux, ils employaient l’or, l'argent, le cuivre et le 
plomb. L'or et l’argent servaient aux ornemens des temples, à ceux des maisons de leurs 
Incas. Ils avaient poussé assez loin l’art du martelage, malgré l’imperfection des pierres 


1. C’est dans ces tombeaux que nous avons recueilli beaucoup des vases que nous avons figurés. 

2. Nous en avons vu, sur les montagnes de Cochabamba, des restes qui témoignent d’un tra- 
vail réellement inoui. Zarate, Conquista del Peru, Anvers, 1555, lib. 1, cap. IV; et Garcilaso 
de la Vega , Com. de los Incas, lib. V, cap. 1, 24, parlent de ces canaux. 

3. Garcilaso de la Vega, Com. real, p. 132. Nous avons vu l'ile entière de Coati (Antiquités, 
n.° 13), toutes les provinces de Yungas, cultivées de cette manière, la seule possible dans ces 
montagnes. 

4. Garcilaso , Com. de los Incas, p. 140. Il dit qu’à l’époque des Incas le pays était peuplé au 
point que les troupeaux n’y trouvaient plus de place. Ils sont encore très-nombreux. 

5. Nous avons trouvé, dans les tombeaux, des tissus magnifiques, bien qu’on ne puisse pas les 
comparer à ceux que tissaient les vierges du soleil (Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IV, cap. IT, 
p. 108). Leurs métiers consistent en deux bâtons placés horizontalement à terre et auxquels la 
trame est attachée. 


(153) 


dont ils se servaient comme outils, et beaucoup de leurs ouvrages étaient creux1. On se Homme 
rappelle la description des jardins d’arbres factices de Tumbez et du Cuzco, faits avec ou 
des métaux?. Beaucoup de leurs vases étaient de même nature. Le cuivre, mélangé 
d’étain 5, devenait plus dur et remplaçait chez eux, pour leurs armes, le fer, qui leur 
était inconnu. 

En architecture, ils ne connaissaient pas la voûte; cependant leurs monumens 
annoncent déjà de grandes idées. Quelques-uns, comme dans l'enfance des peuples, 
sont composés de blocs énormes de roche, souvent irrégulièrement taillés à la manière 
des constructions cyclopéennes, d’autres fois taillés en parallélipipèdes et convexes en 
dehors6, mais très-réguliers dans leur ensemble. Ils avaient de vastes temples, sans 
fenêtres, et dont les portes étaient à pans inclinés7; des forts spacieux 8, de vastes maisons 
pour les vierges et pour les Incas9. Leur sculpture était dans l'enfance, puisque souvent 
les membres de leurs statues n'étaient pas détachés du corps1°; mais on s'étonne de 
trouver, dans leurs vases, des figures qui annoncent l'entente du dessin, un degré réelle- 
ment extraordinaire de vérité, de perfection, de finesse dans les traits!1, surtout quand 
on les compare aux statues, ce qui pourrait faire croire qu’il ne leur manquait que les 
moyens d'exécution. Aucun de leurs monumens n’a de reliefs semblables à ceux qu’on 


1. Nous possédons de petites figurines en or soufflées, assez bien exécutées. Antonio Ulloa en 
parle aussi, Noticias americanas, p. 376. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. III, cap. XXIV, p. 103; Zarate, Conq. del Peru, cap. VI, 
et trad: franç. (1775), p. 25. 

3. Humboldt, Vues et monumens, in-8.°, t. I, p. 314. Nous possédons plusieurs haches et autres 
instrumens de ce mélange assez dur. | 

4. Nous possédons de ces armes , recueillies dans les tombeaux du Pérou. Ulloa, loc. cit., p. 373, 
en parle aussi. | 

5. Acosta, loc. cit, lib. VI, cap. XIV, p. 272; Garcilaso , Com. de los Incas, lib. VII, cap. XXIX, 
p. 261, 257. 

6. Tels sont tous les temples de Cuzco, dont nous avons vu des dessins. Il en est de même des 
tambos et des monumens plus septentrionaux. Humboldt, Vues des Cordillères, in-8.°, LT, p. 311; 
La Condamine, Mém. de l Acad. de Berlin, 1746, p. 443, et Don Jorge Juan et D. Antonio Ulloa, 
Relacion del viage a la America merid., Madrid, 1748, t. 2, lib. VT, cap. XL, p. 626, pl. 17. 

7. Don Jorge Juan y Ulloa, Loc. cit., à I, liv. VI, p. 626, p. 17; Humboldt, Vues, L. I, 
p- 312, et t IT, p. 100 et suiv. Voyez nos planches d’Antiquités, n.° 12, le temple de Titicaca. 

8. Celui du Cuzco, décrit par Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VIT, cap. XXV1II, p.256, et 
plusieurs que nous avons rencontrés sur le sommet des montagnes de Carangas, etc. Ulloa en 
décrit aussi. Voyez Noticias americanas, p. 354 ; de même que Jorge Juan y Ulloa, Loc. cit., t. IT, 
p. 629, pl. 18 et 19. 

9. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IV, cap. I, p. 106; Don Jorge Juan ÿ Ulloa, oc. cit, L. IF, 
p. 626, pl. 17. 

10. Voyez Antiquités, pl. 10, fig. 4, 5,6; pl. 9, fig. 5, partie historique. 

11. Partie historique, Antiquités, pl. 15; vase trouvé dans un tombeau non loin de Chuqui- 


saca, et que nous possédons. 


(134) 


Homme trouve à Tiaguanaco, chez les Aymaras. Ils connaissaient aussi la peinture. Les auteurs 


améri- 
“ain. 


anciens nous ont conservé la description de leurs voies, de leurs chemins, tracés au 
milieu des inégalités des Andes, sur une longueur de quelques centaines de lieues!; 
des tambos ou lieux de refuge, qu’ils avaient bâtis, de distance en distance, sur les routes 
pour le repos des voyageurs; de leurs ponts suspendus sur les torrens ?, genre de con- 
struclion qu’ils ont connu quelques siècles avant nous. Cependant ils n’ont jamais eu 
le luxe des meubles; à peine possédaient-ils les plus nécessaires et encore étaient-ils 
très-grossiers. Tout ce qui tient aux commodités de la vie, leur était, pour ainsi dire, 
étranger : à l’Inca seul était réservé un siège ou une litière dorée sur laquelle on le 
portait5. Ils avaient des orateurs, des poëtes, des historiens, chargés de conserver les 
annales de la nation; mais ils ne connaissaient point l'écriture. Beaucoup de renseigne- 
mens recueillis par les auteurs, rendent presque certain le fait qu’ils avaient des carac- 
rères symboliques 4 en peinture, outre leurs quipus, assemblage de nœuds et de fils de 
diverses couleurs, différemment espacés ou variés dans leurs nuances, qui étaient aussi 
leurs manuscrits les plus usités5. Ils avaient calculé l’année solaire par le passage du 
soleil. L'art militaire était chez eux dans l'enfance; ils se servaient, comme armes, 
de frondes, de massues, de piques, de rondelles6, se construisaient des forts, toujours 
au sommet des montagnes isolées7, afin d’apercevoir constamment l’ennemi; et non- 
seulement se faisaient des signaux au moyen de feux6, mais avaient encore un système 


1. Garcilaso, Com. de los Incas, Ub. IX, cap. XII, p. 317; Agustin de Zarate, Conq. del 
Peru, lib. I, cap. XIII, XIV ; Pedro Cieça, Chronica del Peru, 1554, cap. XXXVII et LX; Xerez, 
p. 189, 101; Ulloa en a encore vu des restes, Moticias americanas, p. 365, et Bouguer, Voy., 
p. 105. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IT, cap. VII, p. 80,1; Zarate, Loc. cit., lib. L, cap. XIV ; 
Herrera, Dec. V, lib. IV, cap. II, 1F ; Ramusio , IT, p. 375 ; Ulloa, V'iage al Peru, 1.1, p. 358; 
Humboldt, Vues des Cordillères, t. I, p. 186. 

3. Garcilaso, Com. del Peru, lib. 1, cap. XXVIII, p. 37 et p. 51. 

4. Acosta, loc. cit., lib. VI, cap. VIIL, p. 266. 

5. 1bidem ; Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VI, cap. VI, p. 179. Diego d’Avalos, y figuroa, 
Lima, 1602, Miscellanea austral, p.151, dit qu’il a trouvé, chez un vieil Indien, un quipus que 
celui-ci avait formé de tout ce qui s’était passé dans sa province, pour en rendre compte à l’Inca. 
EL corejedor tomo y quemo sus quentas, y castigo el Indio. (Le corregidor prit et brüla tout après 
avoir fait châtier l’Indien.) C’est ainsi qu’on encourageait l’industrie indigène. 

6. Voyez Garcilaso, Com. real de los Incas, lib. VI, cap. XXF, p. 202. La rondelle était de 
pierre ou de cuivre et se plaçait à l'extrémité d’un bâton flexible. Ulloa, Loc. cit., p. 378 , en parle; 
et nous en possédons plusieurs. 

7. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. IT, cap. XVI, p. b4. Ils se nommaient Pucara. Nous en 
avons rencontré plusieurs dans la province de Carangas. Don Jorge Juan y Ulloa, Relacion del 
viage a la Amer. mer., les trouve aussi à Quito, t. IT, p. 632, pl. XVI. 

8. Ce sont eux qui ont enseigné ce genre de télégraphes aux Araucanos, qui s’en servent encore 
aujourd’hui. Voyez notre partie historique, t. IT, p. 221. 


( 135 ) 


de courriers, des chasquis*, dont la diligence à franchir la courte traite que chacun avait Homme 
améri- 
cüin. 


à faire sur la ligne établie, leur permettait d’avoir très-promptement des nouvelles des 
points les plus éloignés. Quant à la navigation, elle était moins avancée que les autres 
arts, ce qui tient probablement au manque d'arbres près de la mer; aussi se servaient- 
ils, sur les lacs des plateaux des Andes, de bateaux construits avec des rouleaux de joncs 
attachés en forme de nacelle?, ayant une voile de même nature, et pour rame une 
simple perche. Sur le littoral maritime, où cette matière première leur manquait, ils 
ont eu recours à un autre genre d'industrie : ils font usage de bateaux formés de deux 
outres de peaux de loup marin, cousues et réunies au moyen de cordes, qu’ils rem- 
plissent d'air avec un tube placé à l'extrémité de chaque outreÿ. À Guayaquil, l’an- 
cien Tumpis (Tumbez), quoique le bois y abonde, ils ne fabriquent jamais que des 
radeaux grossiersä. Un genre d'industrie, dans lequel les Quichuas excellaient, est celui 
de la fabrication des vases : on s'étonne de la variété autant que de la régularité des 
formes qu’ils leur donnaient; et nous dirons même de l'élégance de leur exécution. Sur 
la côte nord, depuis Lima jusqu’à Quito, c’étaient, presque toujours, soit des jeux 
hydrauliques, formés de compartimens doubles ou quadruples, soit des animaux, des 
fruits, des hommes ou des figures, offrant le sentiment du dessin, du goût et surtout 
une originalité singulière. Sur les plateaux élevés, les formes étaient plus sévères; des vases 
étrusques, souvent d’une grande dimension, étaient quelquefois ornés de peintures ou 
d’arabesques régulières. Les métiers, comme le gouvernement, étaient héréditaires. 7 
Les vêtemens du peuple étaient faits avec la laine des alpacas. Ils consistaient en une 
tunique qui descendait jusqu’à mi-jambe, et en un pantalon tombant également jusqu’au 
genou. Ils portaient un bonnet sur la têteë et des sandales (wsutas, actuellement ojolas) 
aux pieds; mais le tout de couleur sombre et de tissus assez grossiers; leurs cheveux longs 
tombaient en tresses par derrière. Le costume des femmes se composait d’une chemise 
de laine; par dessus, une tunique sans manches, non cousue en haut, les deux pièces 
étant réunies au moyen de deux {upu ou épinglettes d’argent et recouvertes d’une pièce 


1. Voyez Garcilaso, Com. de los Incas, lib. VI, cap. VIT, p. 180; Zolarzano, Politica indiana, 
2° édit., 1736,t1.1, &b. IT, cap. XIV, p. 119, part. 9. 

2. Nous avons parcouru le lac de Titicaca sur des bateaux de cette espèce. Voyez Coutumes 
et Usages, pl. 8, partie historique. 

3. Les indigènes d’une partie de la côte du Pérou n’ont pas encore aujourd’hui d’autres embar- 
cations. Voyez Coutumes et Usages, pl. 9, partie historique. 

4. Garcilaso, Com. de los Incas, lib. HT, cap. XVL, p. 94, dit qu’on s’en servait aussi aux envi- 
rons du Cuzco; Zarate , Hist. de la conq. du Pérou, ch. VI, p. 23; Jorge Juan y Ulloa, Relacion, 1.1, 
iv. IV, ch. IX, p. 266. 

5. Voyez partie historique, Antiquités, pl. 17, 18, 19, 20, 21; Jorge Juan y Ulloa, Loc. cit., 
t. IT, ch. XI, p. 621, 624, pl. 15, en a trouvé à Quito de semblables à ceux des environs de Lima. 

6. Voyez Antiquités, pl. 20, fig. 2. Ulloa en avait aussi vu (Noticias americanas, p. 319). 

7. Acosta, loc. cit, liv. VI, ch. XVI, p. 276. 

8. Voyez Antiquités, planche n.° 15. 


Homme 
améri- 
vain. 


( 156 ) 

d’étoffe carrée, qui vient se réunir sur la poitrine au moyen d’un autre tupu. Leurs 
cheveux tombaient sur leurs épaules ; leurs seuls ornemens étaient des colliers de pierres. 
Les Incas portaient des vêtemens on ne peut plus fins, tissés par les vierges du soleil; 
à eux seuls étaient réservés les ornemens de plumes et la couleur rouge et jaune. 
Par une concession des Incas, les habitans de certaine province portaient, comme leur 
roi, les oreilles longues et tombantes sur les épaules; la longueur était limitée et pro- 
portionnée aux rangs. Point de tatouage ni de peintures sur la peau. | 

Avant de parler du gouvernement des Quichuas, nous ne pouvons nous dispenser 
de dire quelques mots de l’histoire de cette nation, afin d’éclaircir certains faits 
importans relatifs à la migration des peuples et aux centres de civilisation. Comme 
on le verra dans la description spéciale des Aymaras?, les bords du lac de Titicaca 
sont couverts de monumens* d’une architecture différente de celle des Quichuas, et qui 
annoncent une époque bien plus reculée. N’est-il pas curieux de voir les Incas, dans 
leurs annales, faire venir leur premier roi, fils du soleil, des bords même de ce 
lacä, et transporter. une civilisation inconnue, une langue particulière5, au Cuzco, où 
il fonda la monarchie péruvienne(? N’est-il pas curieux encore de voir, plus tard, les 
Incas conserver, de cette origine, une telle reconnaissance, qu’ils dédient deux îles de 
ce lac, une, celle de Titicaca7, au soleil, et l’autre à la lune, et viennent y bâtir des 
temples somptueux, où, tous les ans, ils remercient le soleil de les avoir fait naître en 
ces lieux8? La concordance de ces faits, de ces souvenirs avec les restes des monumens, 
ne viendrait-elle pas prouver que Mancocapac n’était peut-être qu’un dernier déposi- 
taire de cette civilisation presqu’éteinte à laquelle appartenaient ces ruines ? et le langage 
sacré que parlaient exclusivement les membres de la: famille des Incas9, ne serait-il pas 
la langue aymara, que ce premier souverain aurait conservée dans sa famille ? Quoiqu’elle 
ne soit appuyée du témoignage d’aucun historien, cette hypothèse ne paraît pas impro- 


1. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. I, ch. XXIT, p. 26, et ch. XXV, p. 30. Les habitans des 

iles Carolines portent le même ornement. Quoy et Gaim., Zoo!. de l’Astrol., 1. 1, p. 25 et 36. 
. À la suite de l’article des Quichuas. 

3. Voyez partie historique, Antiquités, planches n.® 4, 5, 6, 7. 

4. Padre Acosta, Hist. nat. y mor. de las Indias, Barcelona, 1591, liv. ch. XXV, p. 54. Gar- 
cilaso de la Vega, Com. de los Incas, liv. 1, ch. XV, p. 18, dit: Puzo nuestro padre el sol (cest 
l'Inca qui parle) estos dos hijos suyos, en la laguna de Titicaca. (Notre père le soleil plaça ses 
deux enfans à la lagune de Titicaca.) Francisco Lopez de Gomara, Gener. hist. de las Indias, 
ch. XX; Zarate, ch. XIII. 

5. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. 1, ch. XVI, p. 19. 

6. Ibidem. Ulloa, Noticias americanas, p. ee ne fait, à tort, remonter la monarchie des Incas 
qu’à 250 ans avant la conquête. 

7. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IT, ch. XXV, p. 104. 

8. lbidem, p.114. 

9. Ibidem, liv. VI, ch. I, p. 221. 


( 137 ) 


bable, et nous pourrions la fonder sur bien d’autres faits que nous signalerons le Homme 
améri- 
cain. 


premier et que nous exposerons plus tard dans un travail spécial. 

Mancocapac vivait vers le onzième siècle de notre ère. Douze Incas se succèdent 
jusqu’à la conquête. Le royaume, borné dans son origine à un cercle de vingt lieues 
autour du Cuzco!, s'agrandit peu à peu; sous le règne du quatrième Inca, Maitacapac, 
il s’étendait déjà, au sud , jusqu’à Choque apu (la Paz) et jusqu’à Paria (Oruro); vers la 
côte, jusqu’à Arequepa (Aréquipa). Le cinquième, Capac Yupanqur, fait la conquête de 
Colchapampa (Cochabamba); le sixième, celle de Charcas (Chuquisaca); et, vers le nord, 
s’avance jusqu'aux Chancas. Sous le dixième Inca, Yupanqui, l'empire est porté jusqu'aux 
Chiriguanos, à l’est de la Bolivia, et jusqu’au Rio Maule au Chili; mais ce n’est que sous 
le douzième, Æuaina capac, que, vers le nord, Quito y est encore réuni. Alors cesse 
la tranquillité. Le royaume ne s’accroit plus : les Espagnols ont déjà paru sur la 
côte?. D’après ce qu’on vient de voir, la civilisation du plateau ando-péruvien aurait 
pris naissance sur les bords du lac de Titicaca; de là elle se serait étendue, d’abord, 
vers le nord, jusqu’au Cuzco, et aurait ensuite rayonné au sud jusqu’au Chili, et au 
nord jusqu’à Quito. 

Le gouvernement des Quichuas est remarquable dans son ensemble et dans ses 
détails. Le premier législateur, se disant fils du soleil, avait donné ordre à ses descen- 
dans en ligne directe et fils du soleil comme lui, d’épouser leurs sœurs légitimes, afin de 
ne pas altérer leur sang et de mériter toujours le même respect 5. Sous le nom d’Incas 
héréditaires, ils exerçaient une autorité d'autant plus illimitée qu’ils commandaient 
comme dieux et comme rois, en cumulant tous les pouvoirs religieux et politiques 4; 
aussi dirigeaient-ils, en même temps, le culte, l'administration civile et la guerre. Le 
Cuzco pris pour centre de leur royaume, ils divisaient celui-ci en quatre grandes 
portions® : Colla-suyo, celle du sud; Chincha-suyo, celle du nord; Cunti-suyo, celle de 
l’ouest, et Anti-suyo, celle de l’est. Chaque province avait pour chef un membre de la 
famille des Incas, prêtre et gouverneur à la fois, qui devait rendre compte de son admi- 
nistration à l’Inca suprème. Dans chaque gouvernement, tout le peuple était subdivisé, 
sous autant de chefs distincts, par dix mille®, par mille, par cent et enfin par dix 
habitans, dont chacun ne devait s'entendre qu'avec son chef le plus immédiat, et ainsi 
par échelons, de sorte que l’Inca était instruit des moindres détails sur tous ses sujets. 
Tous les emplois, toutes les professions étaient héréditaires. Les terres, propriété 


1. Acosta, liv. VI, ch. XX, p. 280, dit qu'il y avait eu deux lignages d’Incas : le second com- 
mence à l’Inca Roca, qui renouvela les lois et donna de nouveaux réglemens au royaume; mais 
la chose ne parait pas prouvée. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IX, ch. XIV, p. 322. 

3. Idem, liv. IV, ch. IX, p. 113. 

4. Ils avaient toujours pour souverain pontife leur oncle ou du moins leur plus proche parent, 
qui dépendait entièrement d’eux. Garcilaso , Com. de los Incas, liv. I, ch. IX, p. 44. 

5. Acosta, liv. VI, ch. XIIT, p. 272 ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. II, ch. XI, p- 47. 

6. Acosta, p. 271; Garcilaso, ch. XIV, p. 51. L'ordre de division est réellement admirable. 


1V. Homme. 1 8 


Homme 
améri- 
cain. 


—__—_—_— 


( 158 ) 
exclusive de l’État1, étaient réparties tous les ans, suivant le besoin des familles et divisées 
en trois parties? : Fi première pour le soleil, avec abandon de ses produits aux per- 
sonnes employées à la construction des temples; la seconde pour l’Inca, comme réserve 
de guerre, et la troisième, la plus considérable, pour tous les habitans qui la cultivaient 
ensemble en chantant5. Après les terres du soleil, les premières cultivées étaient celles 
des veuves et des orphelins 4. Les lois étaient sévères et entraïnaient toujours la mort 
du coupable’; mais elles ne s’appliquaient qu’à des crimes odieux, au vol, à l’homicide, 
à l’adultère, au sacrilège, etc. La police était on ne peut mieux faite et l’aveugle sou- 
mission des vassaux rendait facile l’exécution du moindre réglement ; aussi le plus grand 
ordre régnait-il partout; et, comme chaque individu avait le droit de se plaindre directe- 
ment au chef suprême, la justice se rendait équitablement et d’une manière toute 
paternelle6. Les guerres se faisaient au nom du soleil, dans le but d'augmenter le 
nombre de ses adorateurs. Les conquêtes armées étaient toujours accompagnées de la 
plus grande clémence; et l’on n’avait recours à la force que lorsque la persuasion restait 
sans pouvoir 7. Les peuples soumis étaient bien traités, on portait leurs idoles au temple 
du soleil du Cuzcoë. L’Inca dirigeait souvent lui-même l’armée ou s’y faisait remplacer 
par son plus proche parent. Le système décimal, existant pour le gouvernement poli- 
üque, s’appliquait également aux troupes, soumises à beaucoup de discipline; et, pour 
que l’Inca, lorsqu'il ne commandait pas en personne, apprit, d’instans en instans, les 
moindres détails, on avait établi un système ingénieux de courriers, les chasquis, 
placés de distance en distance sur toute la route à parcourir, et toujours prêts à fran- 
chir, à la course, l’espace peu étendu qui les séparait les uns des autres, pour faire 
ainsi parvenir le quipu contenant les nouvelles. Nous croyons que si le gouvernement 
des Incas était d’un côté on ne peut mieux entendu dans lintérêt de la stabilité des 
choses et du bonheur individuel des sujets; de l’autre, l’hérédité des emplois et de lin- 
dustrie, ainsi que le manque de propriété personnelle, devaient entraver les progrès de 
la civilisation et les laisser stationnaires, en neutralisant l’ambition et l’émulation, 


2 , Va ? 
sources premières de l'avancement des sociétés. 


. Acosta, liv. VI, ch. XV, p. 275; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. V, ch. I, p. 131. 

. Acosta, loc. cil., p. 275 ; Garcilaso, loc. cit., p. 132. 

. Garcilaso, Comm. de los Incas, liv. V, ch. IT, p. 133. 

Idem, ibidem. 

. Acosta, liv. VI, ch. XVIII, p. 277 ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IT, ch. XIIT, p. 49. 

6. Acosta, Liv. VI, ch. XIT, p. 271. 

7. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. I, ch. XXV, p. 29 : c'était une loi dictée par Mancocapac, 
et Liv. V, ch. XII, p. 144. 

8. Les Incas conservaient dans le temple du soleil les idoles des peuples conquis (Garcilaso, 
de la Vega, Com. de los Incas, liv. V, ch. XIT). Les Espagnols ont commencé par détruire toutes 
ces richesses historiques. On pourrait se demander si ces premiers conquérans ne montraient pas 
plus de barbarie, plus de vandalisme, que les Incas ? 

9. Acosta, liv. VI, ch. X, p. 268, et ch. XVII, p. 277 ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. VI, 


ch. VII, p. 180. 


1ŸÙ = 


à 


(139 ) 


La religion des Quichuas était plus complexe que ne le pensent beaucoup d'auteurs. 1 Homme 
améri- 
cain. 


Nous avons vu que l’Inca, fils du soleil, envoyé par lui pour civiliser les peuples, était 
investi des pouvoirs politiques et religieux; pourtant on ne le regardait pas comme dieu, 
et moins encore comme le moteur de toutes choses, le créateur du monde; ce n’était pas 
même le soleil son père, mais bien Pachacamac?, le dieu invisible, révéré en cette qualité; 
toutefois, ne s'étant jamais montré, on l’adorait en plein air, sans lui consacrer d’images. Le 
soleil, sa créature, soumis, ainsi que la lune sa femme, à la loi d’une marche uniforme, 
était dès-lors son représentant visible. C'était au soleil qu’on élevait des autels, et qu’on 
avait voué un culte d'autant plus immédiat, que les Incas, ses fils et ses prêtres, servaient 
d’intermédiaires entre le peuple et la divinité. Au soleil donc étaient dédiés les fameux 
temples du Cuzco et celui de Tumbez4, ainsi que tous ceux qui couvraient les lieux 
habités par les Incas$; au soleil, source de la lumière, fécondateur de la terre, se faisait 
l’oblation des premiers fruits dus à sa chaleur même; au soleil, enfin, étaient immolés 
quelques paisibles Ilamas6. C'était pour lui qu’au Cuzco des femmes se vouaient 
à la virginité perpétuelle7; c'était pour devenir ses épouses que des jeunes filles se ren- 
fermaient en des monastères, bâtis sur tous les points du royaume; monastères qui 
lui étaient consacrés, mais où l’Inca, son fils, avait seul le droit d’entrer et de choisir 
ses concubines 8. L’Inca avait son oncle ou son frère pour souverain pontife; les 
membres de sa famille pouvaient seuls exercer les fonctions subalternes dans toute 
‘étendue du royaume. À la naissance d’un Inca, l’on célébrait, à üitre de culte, des fêtes 
magnifiques 1°; et, plus tard, pour le rendre digne de commander, on lélevait avec 
beaucoup de soin, lui faisant subir des épreuves d'instruction et de courage!!, Quand 


1. On a dit généralement qu’ils n’adoraient que le soleil. Robertson, Hist. de l’Amér., édit. esp. 
t. IV, p. 56. 

2. Padre Acosta, liv. V. ch. IT, p. 198, et ch. XIT, p. 215 ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. 1, 
ch. IV, p. 37, 34; Ulloa, Noticias americanas , Entreten. XX, p. 300, 377, 356. 

3. Son temple était dans la vallée du Rimac, près de Lima; Garcilaso, p. 37 et p. 209; Ulloa, 
loc. cit., p. 356. 

4. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. HIT, ch. XX, p. 98 et 99. Celui qui était situé à Herbay et 
qui a été décrit par Ulloa, Loc. cit., p. 365 ; Pedro Cieça, ch. LIV; Garcilaso, Com. del Peru, 
liv. I, ch. XI, p. 14. 

5. Acosta, liv. V, ch. XXVI, p. 244, dit qu'il y avait au Cuzco seulement plus de trois cents 
oratoires, et Liv. VI, ch. XV, p. 273; Garcilaso, Com. real de los Incas, liv. HI, ch. XXIV, p. 103. 

6. Acosta, liv. V, ch. XVIII, p. 224. Diego d’Avalos de Figuroa, Micellanea austral, etc. Lima, 
1602, p. 150; Colloquio XXXIF ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. I, ch. IV, p- 38, et liv. VI, 
ch. XXI, p. 196. 

7. Padre Acosta, liv. V, ch. XV, p. 219 ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IV, ch. I, p- 106. 

8. Garcilaso de la Vega, Com. de los Incas, liv. IV, ch. IV, p. 109. 

9. Ibidem, Liv. , ch. IX, p. 44. | 

10. Témoin celle qui eut lieu à l’occasion de la naissance de Huainacapac, et où Pon fabriqua 
cette fameuse chaîne d’or. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IX, ch. I, p. 302. 

11. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. VI, ch. XXIV, p. 200. 


(140) 


Homme mourait l’Inca régnant, on l’embaumait, on prenait le deuil; puis, au couronnement 


améri- 
cain. 


de son successeur, à l'instant où celui-ci se couvrait de la toque rouge, signe de son 
autorité?, les fêtes recommençaient, et des réjouissances avaient lieu dans toutes les 
parties du royaume; mais la solennité la plus importante était celle du Raymi, célébrée 
à l’équinoxe de Septembre. Rien n'était épargné pour qu’elle fût brillante; et dans 
celte occasion on distribuait au peuple le pain sacré, pétri de la main des vierges.4 
Les Quichuas croyaient aux augures, consultaient les entrailles des animaux immolésÿ, 
étaient crédules et fanatiques à l'extrême. Ils révéraient la lune comme femme et sœur 
du soleil6; regardaient les orages, le tonnerre comme les agens du grand astre7; et, 
dans leurs voyages, faisaient au sommet de chaque gorge ou défilé (apachitas), quel- 
qu'offrande au vent$. À leur mort, les Incas allaient retrouver leur père le soleil9, 
tandis que les plébéiens, tout en admettant une autre vie, n'avaient d’autre espoir que 
celui de s’y revoir ensemble et d'y servir les Incas leurs maîtres1°. En résumé, la 
religion des Incas était fort douce, se bornant à l'exécution des lois transmises par 
leurs prètres-législateurs. 

Si nous résumons ce que nous avons dit des Quichuas, nous verrons que leur couleur 
les place dans la même série d'hommes que la race pampéenne; que leur taille les met, au 
contraire, en rapport avec toutes les autres nations des montagnes, comme les Araucanos; 
tandis que, par leur nez aquilin, par le reste de leurs traits, ils constituent un type différent 
des autres peuples du Sud, rapprochés seulement, sous ce rapport, des Aymaras, que 
nous allons décrire, et chez lesquels nous retrouvons des caractères identiques, sauf la 
couleur, à ceux de tous les peuples des plateaux mexicains. Cette analogie est-elle le résultat 
d’une communauté de souche avec ce dernier peuple? ce dont on pourrait douter, en com- 
parant leur langage et leur civilisation; ou w’est-elle plutôt qu’une suite de la conformité 
du lieu d'habitation chez les deux premières nations de l'Amérique? Cette question, se 
trouvant en dehors des faits que nous avons observés, échappe à notre domaine. De 
tous les peuples de l'Amérique méridionale, les Quichuas étaient, sans contredit, les plus 
avancés-en civilisation, mais non pas ceux qui couvraient la plus grande étendue de terrain. 


1. Acosta, liv. VI, ch. XVIII, p. 278; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. VI, ch. VI, p. 178. 

2, Acosta, liv. VI, ch. XII, p. 270; Garcilaso, Loc. cit., liv. I, ch. HIT, p. 28. 

3. Acosta, liv. V, ch. XXVI, p. 245; Garcilaso, Loc. cit., liv. IT, ch. XXIIT, p. 101. 

4. Acosta , Liv. V, ch. XXIIT , p. 234; Garcilaso, Loc. cit., liv. IV, ch. IT, p. 109. 

5. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. VI, ch. XXIT, p. 198. 

6. Padre Acosta, liv. V, ch. Il, p. 198 ; Garcilaso, Com. de los Incas, liv. [,p. 33, ch. IV, p. 37 ; 
liv. II, ch. XXIIE, p. 62, et surtout liv. IT, ch. XXI, p. 99 et suiv. 

7. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IT, ch. XXT, p. 99. 

8. Padre Acosta, liv. V, ch. IV, p. 204. Cette coutume existe encore aujourd’hui dans toute la 
Bolivia , malgré le christianisme. Voyez partie historique. 

Garcilaso, Com. de los Incas, p. 38; Ulloa, p. 337. 

9. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. 1, ch. XXV, P- 29. 

10. Padre Acosta, liv. V, ch. VII, p. 207 ; Micellanea austral, de Don Diego d’Avalos y Figuroa, 
Lima, 1602, p. 149; ouvrage très-rare, que M. Ternaux à bien voulu nous communiquer. 


( 141 ) 


NATION AYMARA. 


La nation dont nous allons nous occuper, bien que son nom même soit à peine 
connu en Europe, est, sans aucun doute, celle qui mérite le plus notre attention; 
c'est, à notre avis, la première qui ait joué un rôle dans la civilisation de l'Amérique 
méridionale : chez elle, en effet, il faut chercher le berceau de ce peuple religieux 
et conquérant, qui forma l'empire des Incas; mais n’anticipons pas sur les faits, et 
suiyons une marche comparative avec les autres nations déjà décrites. 

Le nom d’Aymara était celui que portait, antérieurement même à l’existence de. 
l'empire des Incas’, un peuple habitant non loin des rives du lac de Titicaca, centre 
le plus ancien de la civilisation du plateau des Andes. Là Mancocapac?, le fondateur de 
la monarchie péruvienne, sortit du sein de l'onde; et, marchant vers le nord, courut 
au loin appeler les peuples encore sauvages, et les réunir pour former la ville du Cuzco”, 
qui bientôt devait faire complétement oublier la source de sa grandeur. Quoique le 
troisième roi, Lloque Yupanqui#, eût commencé à soumettre les Aymaras, les Incas ne 
revirent les monumens de Tiaguanaco, d’où, sans aucun doute, leurs ancêtres étaient 
descendus, que sous Maytacapac$, son successeur; et l’entière soumission de la nation 
des Aymaras à la domination péruvienne eut lieu seulement sous le règne de Fahuar 
Huacac, septième Inca. La dénomination d’4ymara, d’abord restreinte à une province, 
s'étendit bientôt à toute la nation qui parlait le même langage, différent de celui des 
Incas; et c’est ainsi que l’appliquent maintenant, dans le pays, les indigènes et les descen- 
dans des premiers Espagnols. 

Si la nation aymara avait été peu nombreuse, si elle n’eüt pas couvert une très- 
grande surface, son langage se serait mêlé à celui des conquérans, dont le principe était 
d'établir l'unité d’idiome dans leur empire7; et il ne nous resterait peut-être qu’un nom 
à citer, comme pour une multitude d’autres peuples qu’on trouve dans les premiers histo- 
riens de la conquête; mais des plus populeuse, au contraire, et couvrant tout le plateau 
des Andes du 15.° au 20.° degré de latitude sud, cette nation a dû conserver son langage 


1. Garcilaso de la Vega, Com. real de los Incas, liv. I, ch. X, p. 84. 

2. Padre Acosta, Hist. nat. de las Indias, Barcelona (1591), liv. I, ch. XXV, p. 54; Garcilaso, 
Com. de los Incas, liv. 1, ch. XV, p. 18; Francisco Lopez de Gomarra, Hist. gen. de las Indius 
(1552), ch. CXX; Zarate, Hist. de la conq. del Peru (4555), ch. XIIT. 

3. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. I, ch. XVI, p. 19. 

. Jbidem, liv. IE, ch. XX, p. 58. 

. Ibidem, liv. HE, ch. I, p. 73. 

. Jbidem, liv. IV, p. 125. C’est lui qui conquit Carangas, etc. 
. Ibidem, liv. VIT, ch. I, p. 221. 


NU OO Or À 


Homme 
améri- 
cain. 


(142) 


Homme jusqu'à nos jours'. Les Aymaras s’étendaient et s'étendent encore, du nord au sud, 


améri- 
cain. 


du 15.° au 20. degré de latitude méridionale, de la province de Tinta et de celle d’Aré- 
quipa, en suivant le plateau des Andes, jusque sur tout le bassin de Paria et d’Oruro. De 
l'est à l’ouest, ils habitent du 69.° au 75.° degré de longitude ouest de Paris, ou, pour 
mieux dire, une surface irrégulière occupant tout le plateau des Andes, et son versant 
occidental, depuis la chaîne orientale jusqu’à la mer; et plus exactement, enfin , d’après 
les divisions actuelles, presque tout le département d’Aréquipa, les provinces d’Aymaras 
et de Paucartambo, du Cuzco, tout le département de la Paz et celui d’Oruro. Leurs 
voisins sont, au nord-ouest, les Quichuas; à l’est, les nations du rameau antisien, 
telles que les Tacanas, les Apolistas, les Mocéténès; au sud-est et au sud, les Quichuas 
de Cochabamba, de Chayanta, de Potosi; puis, sur la côte au sud, les Atacamas et 
les Changos. Ils forment ainsi, géographiquement, un centre, autour duquel rayonnent 
les Quichuas. Les régions qu’ils habitent sont principalement comprises entre les limites 
de la hauteur de 2,000 à 4,792 mètres? au-dessus du niveau de la mer. 

Si nous en jugeons par les immenses monumens de Tiaguanaco, par la dimension 
des blocs qui les composent5, par le grand nombre de restes d’habitations des rivages 
du lac de Titicaca4 ou par les groupes de nombreux tombeaux * qu’on retrouve encore 
au sein de lieux aujourd’hui déserts, la population des Aymaras était on ne peut plus 
considérable, et leurs provinces devaient être les plus peuplées des plateaux. Aucune 
tradition ne peut nous fixer sur leur nombre, même approximatif, au temps de la 
conquête; mais voici, d’après tous les renseignemens dispersés que nous avons pu 
recueillir dans le pays, le tableau de leur population actuelle, toute chrétienne, et 
soumise aux différens gouvernemens américains. 


1. Aujourd’hui l’aymara se parle non-seulement dans tous les lieux habités par les Indiens, 
mais encore dans les villes de la Paz et d’Oruro. Tous les descendans d’Espagnols même la savent; 
ainsi l’aymara est, en ces lieux, la langue la plus usitée, la langue naturelle. On ne parle espagnol 
qu’avec les étrangers. 

2. C’est surtout sur le plateau élevé (terme moyen) de 4,000 mètres que la république de Boli- 
via est la plus peuplée : partout ce sont des villes, des villages populeux et nombreux; partout 
un grand nombre d’habitations dispersées. Il y a même, sur le plateau particulier des Andes occi- 
dentales, des points habités plus élevés que ceux que nous indiquons. 

3. Garcilaso de la Vega, Com. de los Incas, liv. HI, ch. 1, p. 73; Acosta, liv. VI, ch. XIV, 
p. 272. Voyez Antiquités, pl. 4, 5,6, 7. 

4. Il n’est pas, dans les deux républiques actuelles du Pérou et de Bolivia, de partie plus 
peuplée que les rives du lac de Titicaca : partout ce sont des villages, partout aussi des restes 
d’une ancienne population. 

5. C’est surtout dans la province de Carangas que nous avons trouvé, au milieu de lieux inha- 


bités, des groupes nombreux de tombeaux ; témoin notre vue d’Antiquités de Pataca chulpa (les 
cent tombeaux ). 


“ 


(143) 


Aymaras Métis d'Aymaras 
purs. et d’Espagnols. 


Aymaras de la province d’Aymaras, départ." du Cuzco (Pérou). . 10,782: 2,255 1 
de la province d’Aréquipa, départ. d’Aréquipa (Pérou). 5,929: 4,908 : 


de la province de Camana, _ _ . 1,249: 1,021 : 
de la province de Condesuyos, — — . 12,011: 4,358 1 
de la province de Cellaguàs, _ — . 11,872: 1,417: 
de la province de Moquegna, _— — 24732729 2,916 : 
de la province d’Arica, — — . 12,870: 1,977 : 
du département de Puno (Pérou). ........... 78,000? 39,000? 
de la province de la Paz (Bolivia). . . . . . . . . . .. 3,1405  15,7015 
de la province de Pacages, département de la Paz. . . . 30,6794  15,3394 
de la province de Muñecas, _ — ... 20,2974  10,1484 
de la province de Larecaja, — — + 0419,4954 7,7274 
de la province d'Omasuyos, — — ... 39,6384  19,8194 
de la province de Sicasica, — — .….. 29,2544 14,627 4 
de la province de Yungas, — — ... 24,4494 12,224 
de la province d’Oruro , département d'Oruro . . . .. 10,650 4 5,325 4 
de la province de Poopo, = nm ONE 29,8004  19,9504 
de la province de Carangas, — RE 7 19,050 4 9,525 4 


Toraux . . . 372,397. 188,237. 


1. Ces chiffres sont ceux qu’indique le recensement de 1795, publié à Lima, par ordre du vice- 
roi, dans La guia politica, eclesiastica y nulitar del virreynato del Peru, p. 84 et suiv. Ils sont 
encore cités comme les seuls dans le Calendario y guia de forastero de Lima, Para elaño 1833, p. 6; 
c'est pourquoi nous avons dû les conserver ; et cela même avec d'autant plus de raison, que cet 
ouvrage donne les distinctions de castes dans la population. Les chiffres fournis par La guia de 
forastero del Cuzco, Para el año de 1833 , ne diffèrent que peu de ceux que présente le recensement 
de 1795; mais ils ne sont pas divisés par castes. 

2. La population du département de Puno est de 156,000 habitans, selon Æ calendario y guia 
de forastero de Lima, 1833, p. 6. Nous avons cru, sans crainte d’être au-dessus de la vérité, et 
d’après la comparaison faite des pays voisins, sur lesquels nous avons des renseignemens précis, 
divisés par castes, pouvoir prendre la moitié de cette somme pour celle des Indiens purs et le 
quart pour celle des métis. 

3. La population de 31,402 ames de la ville de la Paz (Calendario y guia de forastero de la 
republica boliviana, 1835, p. 78), n’étant pas divisée par castes, par la comparaison des villes 
voisines pour lesquelles nous avons des renseignemens positifs, et d’après nos observations, nous 
avons pris la moitié comme étant celle des métis, et le dixième pour le chiffre des Indiens purs. 
C'était aussi opinion de l’auteur des premiers renseignemens statistiques publiés dans Pris de 
la Paz, en 1829. 

4. Comme dans le recensement de 1835 (Calendario y guia de forastero de la republica boli- 
viana, La Paz), il n’y a pas de distinctions de-castes indiquées, par comparaison avec les provinces 
voisines, et d’après ce que nous avons vu, nous avons pris la moitié de chacun des chiffres pour 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 144 ) 


Le tableau précédent, quoique nous soyons resté au-dessous du nombre réel des 
Aymaras , donne encore le chiffre total de 372,397 pour ceux de race pure, et celui 
de 188,237, pour ceux qui se sont mélés avec la race espagnole. On peut voir dès-lors 
quel était le rôle que devait jouer une nation de cette importance au milieu de celles 
qui l’entouraient, avant d’avoir été décimée par ces guerres cruelles du commencement 
de la conquête, à l’époque des différens survenus entre Gonzalo Pizarro et Diego Centeno 
en 15471; par le service des mines qui, chaque année, moissonnait lant de ses 
membres; par la révolution sanglante de Tupac Amaro, en 1780, quand les Indiens 
essayèrent de recouvrer leur liberté?; et, enfin, par la guerre de l’indépendance des 
colons qui, pendant quatorze ans, ravagea successivement leurs campagnes, et les 
obligea au service militaire5, comme moyens de transport. 

Pour les caractères physiques, les Aymaras ne diffèrent en rien des Quichuas : ils 
ont absolument la même teinte, la même taille médiocre, les mêmes formes raccourcies; 
et, comme ils habitent des plateaux encore plus élevés, c’est chez eux principalement que 
se remarque la longueur et la largeur de la poitrine. Leurs traits sont aussi en tout ceux 
des Quichuas, avec lesquels ils partagent le caractère du nez aquilin et de tous les autres 
détails de la figure; en un mot, il est impossible de rencontrer une similitude plus 
complète que celle que présentent ces deux nations, qui ne diffèrent réellement que par 
leurs langages, lesquels néanmoins, comme on le verra, nous paraissent sortir d’une 
souche commune. 

Les Aymaras actuels ont la même forme de tête que les Quichuas, c’est-à-dire 
qu'elle est souvent volumineuse, oblongue d’avant en arrière, ou légèrement comprimée 
latéralement. Leur front légèrement bombé fuit un peu; mais aucun n’a la tête aplatie 
comme les cranes que nous avons rencontrés dans les tombeaux de leurs ancêtres des 
îles du lac de Titicaca, dans ceux de la province de Muñecas, dans ceux des parties 
les plus sauvages de la province de Carangas, ainsi que dans les vallées de Tacna; ce 
qui annonce que, sur toute la surface habitée par les Aymaras, on retrouvait ce même 
fait, que nous ne pouvons attribuer qu’à une déformation de la tête par des moyens 
artificiels; car, ayant rencontré dans les mêmes tombeaux, avec les têtes déprimées, 
un plus grand nombre de têtes qui ne le sont pas, nous avons dù, tout naturellement, 
en inférer que cet aplatissement n’était pas normal, qu’il ne caractérisait pas la nation, 
mais tenait évidemment à une opération mécanique. Cette première observation, que 


la somme de la population d’indigènes purs et le quart pour les métis. Tout en approchant de la 
vérité, nous restons au-dessous plutôt que nous ne sommes au-dessus du nombre réel; car il y a 
beaucoup de bourgs où, sauf le curé, tous les habitans sont indigènes. 

1. Agustin de Zarate, liv. VIT, ch. IT; Garcilaso de la Vega, Com. real del Peru, Liv. V,ch. XVIIT, 
p- 301. 

2. Nous possédons les annales originales de cette révolution : il s’y trouve des renseignemens 
bien précieux et tout à fait inconnus. 

3. Le premier cri de liberté fut jeté à Buenos-Ayres en 1810, et la dernière bataille décisive, 
celle d'Ayacucho, a eu lieu en 1824. 


(145) 
la coutume n’était pas générale pour tous les individus, nous a fait reconnaître que les 
têtes chez lesquelles l’aplatissement était le plus extraordinaire', appartenaient toutes 
à des hommes, tandis que les corps dont l’état de conservation permettait de reconnaitre 
des corps de femmes, avaient la tête dans l’état normal. Aucun historien ne nous a 
laissé la moindre notion sur la coutume des Aymaras de s’aplatir le crâne, et, par con- 
séquent, sur les moyens qu’ils employaient pour atteindre ce résultat; mais cette habi- 
tude, commune à beaucoup d’autres peuples, a été décrite, par un grand nombre d’au- 
teurs anciens et modernes?, avec assez de détails pour que nous ne doutions pas que 
la forme exagérée de celle des Aymaras résulte d’une cause identique. D'ailleurs, si 
nous en cherchons des preuves sur les têtes mêmes, il nous sera facile de les trouver. 
Nous voyons, dans l’aplatissement du coronal, dans la saillie qu’il forme sur les parié- 
taux à sa partie supérieure (comme on peut s’en convaincre par l'inspection de nos 
planches 5), qu'évidemment il y a eu pression d’avant en arrière, ce qui a forcé la masse 
du cerveau de se porter en arrière, en déterminant une espèce de chevauchement du 
coronal sur les pariétaux. La tête d’un jeune sujet que nous possédons4, atteste plus 


1. Voyez nos planches de Mammifères, n.° 1, 2 et 2 bis. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IX, ch. VITE, p. 312 , dit, en parlant des Apichiquis de la 
côte près de Quito: Deformavan las cabezas à los niños en naciendo, poniendoles una tablilla en 
la frente y otra en el colodrillo, y se las apretavan de dia en dia hasta que eran de quatro 6 cinco 
años, paraque la cabeza quedace ancha del uno lado al otro, y angosta de la frente «al colodrillo. 

Rochefort, Histoire des Antilles, 1665, p. 437, dit qu’on déformait la tête des Caraïbes des Antilles. 

Barrère en décrit à la Guyane (p. 239), chez les RUE 

Gomara, Histoire des Indiens, fol. XLV. 

Dans la Corrografia Brazilica, ch. 11, p. 326, on voit que les Omaguas du Maranham s’apla- 
tissaient la tête entre deux planches. 

M. John Scouler, Zool. Journal, 1829, p. 304, art. 38, non-seulement indique cette coutume 
chez les Américains du nord de la Colombie, mais encore, dans un savant mémoire, il décrit par- 
faitement l’appareil dont on se sert pour déprimer la tête au moyen de tablettes. 

La Condamine, Voy., 1745, p. 72, pour ce qui a rapport aux Omaguas, et Mém. de l Acad. 
des sciences, 1745, p. 427. 

Manuel Rodriguez, Marañon y Amazonas, 1684, Liv. IF, ch. X, p. 124. . 

Ulloa, Voy., 1. L°, p. 329. 

Acuña, Relac. del Rio de las Amaz., WU, p. 83. 

Lawson, Voy. to Carolina, p. 33. 

Jorge Juan et Ulloa, Relacion del viage à la America meridional, 1. KE, liv. VI, ch:V,-p. 534, 
donnent aussi la description des tablettes avec lesquelles les Omaguas aplatissent la tête de leurs 
enfans. | | 

D'ailleurs, d’après l’intéressant mémoire de M. Achille Foville, Sur l'influence des vétemens sur 
les organes, et la déformation du crâne, il est évident que ces déformations existent même au 
milieu de nous, dans le sein même de la France. (Voyez p. 20, et enfin tout le mémoire.) 

3. Voyez Mammifères, pl. 1, fig. 2; pl. 2, fig. 1, 2; Poe 2 bis. 


4. Voyez partie historique, Ru pl. 14. 


Li 
IV. Homme. 1 9 


Homme 
améri- 
cain. 


(146) 


Homme positivement encore, par un pli longitudinal, qui existe à la partie supérieure médiane 


améri- 
cain, 


du coronal, par la forte saillie du coronal sur les pariétaux, par la saillie non moins . 


forte de la partie supérieure de loccipital sur ces pariétaux, que la pression a dû être 
exercée circulairement , dès la plus tendre enfance, sans doute même au moyen d’une 
large ligature. Cette supposition paraît d'autant plus admissible que, refoulée en arrière, 
non-seulement la masse du cerveau a donné une très-grande largeur aux parties posté- 
rieures, au détriment des parties antérieures, mais encore que, la pression ayant de 
beaucoup augmenté la convexité des lobes postérieurs du cerveau, les pariétaux ont 
dû nécessairement suivre les mêmes contours, en se modelant sur ceux-ci; aussi les 
pariétaux forment-ils toujours deux convexités latéro-postérieures, légèrement séparées 
par une dépression évidente. Nous trouvons, enfin, une preuve de plus de cette pression 
dans loblitération des sutures, que nous avons remarquée sur tous les points pressés, 
même sur les têtes de jeunes sujets. * 

Nous croyons avoir prouvé que la forme déprimée ou allongée de ces têtes n’est pas, 
comme on l’a cru, le caractère propre aux crànes des Aymaras, mais bien une exception 
due évidemment à l'intervention de l’art. Cherchons maintenant à démontrer à quelle 
antiquité remontait cet usage de l’aplatissement ‘de la tête et quelle influence il a pu 
exercer sur l'intelligence des sujets chez lesquels il se trouvait le plus marqué. 

Quant à l'antiquité, nous voyons, par le profil de la tête d’une Statue colossale!, 
antérieure à l’époque des Incas, que la leur n’était pas alors déprimée; car les anciens 
peuples, qui cherchaient toujours à exagérer les caractères existans, n'auraient pas 
manqué de le faire sentir; aussi nous croyons celte coutume contemporaine de la suze- 
raineté des Incas; et même l’allongement des oreilles d’un des sujets à tête compri- 
mée que nous possédons, peut nous conduire à déterminer à peu près le siècle où il 
a vécu. Il a été trouvé dans la province de Carangas , à l’ouest d’Oruro. On sait que cette 
province fut conquise seulement sous le règne du septième Inca, Yahuar Hucac?, qui, 
selon toutes les probabilités, vivait vers le treizième siècle; aussi comme les Incas 
n’accordaient l'honneur du prolongement des oreilles$ que par grâce spéciale et pour 
récompenser une nation vaincue de sa prompte soumission à leurs lois; comme cette 
concession devait nécessairement venir à la suite de l'établissement des coutumes des 
conquérans, nous devons supposer qu’elle ne put se généraliser chez les Aymaras que 
vers le quatorzième ou le quinzième siècle. Les statues montrent, enfin, que l'usage 
d’allonger les oreilles était inconnu lors de la première civilisation du plateau des Andes. 
_ Rien absolument ne vient nous éclairer relativement à l'influence que devait avoir, 
sur les facultés intellectuelles des Aymaras, la déformation artificielle de leur tête, 
puisque les anciens historiens n’en ont pas parlé; mais nous sommes tenté de croire 


. Voyez Antiquités, pl. 8 et pl. 11. 

- Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IV, ch. XX, p. 125. 
. Idem, Liv. 1, ch. XVIT, p. 26 et p. 30, 271. 

. Voyez Antiquités, pl. 8. 


ù C9 ID = 


(147 ) 


qu'il n’y avait que déplacement des parties constitutives du cerveau, sans disparition 
ni même lésion de ces dernières :. On admettra que, par la nature de leurs occupations, 
les chefs de ces nations devaient avoir des facultés intellectuelles plus étendues que 
leurs vassaux. Ne pourrait-on pas, de ce fait; tirer un argument en faveur de notre 
opinion? car les têtes les plus déprimées que nous ayons rencontrées, se trouvaient 
toujours dans les tombeaux dont la construction de plus d'apparence annonçait qu'ils 
appartenaient à des chefs. 

La langue aymara, par sa richesse, par ses combinaisons, par la variété de ses 
formes pour exprimer la même pensée, ressemble tout à fait à celle des Quichuas ; 
elle est élégante, poétique, mais aussi, peut-être, l’une des plus dures du monde; sa 
gutturation, sortant de toutes les bornes connues, vient tout à fait du fond de la gorge, 
et ne cède en rien à la langue quichua pour le nombre de ses consonnes, pour leur 
redondance rude et saccadée. Elle est également très-accentuée; la complication de ses 
consonnes est à peu près identique à celle que présente la langue quichua; ce sont encore 
des gq, des cc, des kk, des {t, des pp, qu’il faut tirer du gosier ou par d’énergiques aspi- 
rations; mais ces sons ne se présentent qu'au commencement ou au milieu des mots, et 
jamais à la fin, les finales étant toujours des voyelles, surtout des voyelles en 4, qui 
forment les sept huitièmes des mots; les autres sont le, li, lo, lu, remplacées, mais 
très-rarement, par la seule consonne £. Les diphthongues y sont inconnues, ainsi que le 
son de notre 4 français. Le j espagnol y est fréquent avec toute sa gutturation. Les lettres 
b, d, f,r, x, n’y sont pas employées; le son du g est toujours doux, rendu dans ies 
vocabulaires?, devant les voyelles, par Æua, qui doit être prononcé wa. Les noms des par- 
ties du corps n’ont pas d’anomalie, comme on peut le voir par rnauna, joue; nayra, yeux; 
inchu, oreilles. Les adjectifs ne varient point selon le genre ni le cas. Leur numération 
est décimale et on ne peut plus étendue; elle est susceptible de rendre jusqu’à un mil- 
lion, et les nombres n’ont pas de rapports avec les noms des doigts. Cette numération, 
pour les chiffres 3, 6, 8,100 et 1000, découle évidemment de la même source que la 
quichua, tandis que les autres sont tout à fait différens. La langue est riche en syno- 
nymes 5 pour les substantifs; et, souvent , il y a contraction pour les mots com- 
posés , sans doute dans l'intérêt de leuphonie. Dans les phrases, le sujet précède 
toujours le verbe et les adjectifs les substantifs, comme on peut le voir par kuyata 
nayra-ni; de kuyata (petit), nayra (yeux), ni (celui qui a), ou, mieux : celui qui à 
les yeux pelits4. En résumé, la langue aymara, par ses formes, par sa composition, 


1. M. John Scouler, Zool. Journal, 1829, p. 304 et suiv., dit, que la pression de la tête 
n’influe en rien sur les facultés intellectuelles; ainsi son observation serait dans notre sens. 

2. Voyez Ludovico Bertonio, Vocabulario de la lengua aymara, imprimé à Juli, petit village 
du plateau des Andes, en 1612; ouvrage très-rare, que nous possédons. 

3. Canal d'irrigation se dit en même temps : Larca, Pincha, Irpu; faire un canal d'irrigation, 
larcachatha, pinchachatha, etc. 

4. Voyez Ludovico Bertonio, Vocabulario de la lengua aymara. Juli, 1612, p. 328. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
ain. 


—— 


(448 ) 

par sa dureté, par son étendue, ressemble beaucoup à celle des Quichuas. On retrouve 
même à peu près un vingtième des mots qui ont évidemment la même origine, sur- 
tout ceux qui expriment les idées religieuses; aussi, tout en y reconnaissant une 
foule d’autres dont la racine est différente, et qui par conséquent dénotent une langue 
distincte, nous sommes porté à croire que la langue aymara est la source de la langue 
quichua, qui l'entoure de tous côtés et que le temps a pu altérer. Cette hypothèse 
serait en rapport avec la position géographique du plateau de Titicaca, où vivent les 
Aymaras, et, plus encore, avec les monumens de celte nation, qui paraissent être le 
point central de la civilisation primitive. On pourrait se demander encore, si la’ langue 
sacrée que les Incas transportèrent des rives du lac de Titicaca vers le Cuzco!, et qu'ils 
conservèrent dans leur famille, ne serait pas la langue aymara. 

Pour le caractère, pour les facultés intellectuelles, pour les mœurs, pour les cou- 
tumes, pour les usages privés et de société, pour l’industrie agricole et manufac- 
turière, pour les vêtemens, les Aymaras ressemblaient et ressemblent encore en tout 
aux Quichuas, auxquels, du reste, ils étaient soumis; mais si nous voulons jeter un 
coup d'œil rapide sur lé mode d'architecture de leurs monumens, dont l’origine se 
perd dans la nuit des temps, nous y trouverons de suite une grande différence avec ceux 
des Incas. Nous voulons parler des monumens de Tiaguanaco, situés au centre de la 
nation, près du lac de Titicaca; monumens dont beaucoup d'auteurs anciens ont parlé?, 
et dont l’origine leur était tellement inconnue, que l’un d’eux a dit naïvement, en 
prenant au propre une expression figurée, qu'ils avaient été bâtis avant que le soleil 
n'éclairät la terre$. Ces monumens, retrouvés par nous, annoncent une civilisation 
plus avancée peut-être que celle même de Palenqué; ils se composent d’un tumulus 
élevé de près de 100 pieds, entouré de pilastres; de temples de 100 à 200 mètres de 
longueur, bien orientés à l’est, ornés de suites de colonnes anguleuses, colossales, de 
portiques monolithes, que recouvrent des grecques élégantes, des reliefs plats d’une 
exécution régulière, quoique d’un dessin grossier, représentant des allégories religieuses 
du soleil et du condor son messager; des statues colossales de basalte chargées de reliefs 
plats, dont le dessin à tête carrée est demi-égyptien 4; et, enfin, d’un intérieur de palais 


1. Garcilaso, Com. real de los Incas, liv. VIT, ch. I.”, p. 221. 

2. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. I, ch. L, p. 74; Diego d’Avalos ÿ Figuroa, Colloquio, 
XXXIIT, p. 145; Cieça de Leon, Chronica del Peru. Anvers, 1554, p. 254. 

3. Don Diego d’Avalos y Figuroa, Micelanea austral, Lima, 1602, dit, p.145, que les Indiens 
racontaient : Ser obra de antes que huviese sol en el cielo (être une œuvre d’avant qu’il y eût un 
soleil dans le ciel). Ce qui peut se prendre figurément pour l’époque antérieure à celle où le 
culte du soleil vint éclairer la terre. Nous avons dessiné soigneusement tous ces monumens, et 
l’on peut en voir les détails dans nos planches d’Antiquités, n° 4, 5, 6,7, 8 et 11. Nous avons 
retrouvé tout ce qui est indiqué dans Cieça de Leon, ch. CV, et dans Garcilaso, Com. de los 
Incas, p. T4, mais beaucoup plus altéré; toutes les églises des environs ayant été bâties avec les 
pierres qu’on en a enlevées, les masses trop lourdes sont les seules qui restent aujourd’hui. 

4. Voyez planches d’Antiquités, n.° 8. 


( 149 ) 


formé d'énormes blocs de roche parfaitement taillés', dont les dimensions ont souvent Homme 
améri- 
ain. 


jusqu'à 7 mètres 80 centimètres de longueur, sur 4 mètres de largeur et 2 d'épaisseur? 
Dans les temples et dans les palais les pans des portes sont non pas inclinés comme dans ceux 
des Incas, mais perpendiculaires, et leur vaste dimension , les masses imposantes dont ils 
se composent, dépassent de beaucoup, en beauté comme en grandeur, tout ce qui posté- 
rieurement a été bat par les Incas. D’ailleurs, on ne connait aucune sculpture, aucuns 
reliefs plats dans les monumens dés Quichuas du Cuzco, tandis que tous en sont ornés 
à Tiaguanaco. La présence de ces restes évidens d’une civilisation antique sur le point 
même d’où est sorti le premier Inca, pour fonder celle du Cuzco, n’offrirait-elle pas 
une preuve de plus que de là furent transportés, avec Mancocapac, les derniers sou- 
venirs d’une grandeur éteinte sur la terre classique des Incas? 

Les tombeaux des Aymaras sont bien différens de ceux des Quichuas : au lieu d’être 
souterrains, tantôt c’étaient de grands bâtimens carrés5 avec une simple ouverture par 
laquelle on introduisait les morts, qu’on rangeait autour d’une cavité restreinte, assis, 
avec leurs vêtemens, et, en d’autres cas, recouverts d’une espèce de tissu de paille 
enveloppant le corps4; tantôt de petites maisons en briques non cuites, de la même 
forme, à toit incliné, à ouverture également dirigée vers l’est5; ou bien encore des 
espèces de tours carrées, à divers étages, contenant chacun des corps, comme dans 
les iles de Quebayaë et autres, sur les rives du lac de Titicaca; mais ces tombeaux, 
quelquefois très-vastes, sont toujours réunis par groupes nombreux, et forment sou- 
vent comme de vastes villages. 

À l’époque de la conquête de l'Amérique, les Aymaras dépendaient de l'empire des 
Incas. Quoique nous n’ayons aucune notion sur leur gouvernement antérieur, nous 
pouvons juger, par l'étendue de leurs monumens, par le grand concours de bras qu’ils 
ont dû réunir pour en transporter les masses constituantes, qu’ils formaient un peuple 
nombreux sous une puissante monarchie, antérieure à celle des Incas; si la nation 
avait été disséminée par petites tribus, ainsi que lindique le naïf historien des Incas, 
Garcilaso de la Vega7, elle n’aurait pu arriver à un tel degré"de civilisation, et ses 
forces n’auraient pu suffire à des -constructions aussi colossales. 


1. Voyez partie historique, planches d’Antiquités, n.° 5. : 

2, C’est le même bloc que le Père Acosta, liv. VE, ch. 14, p. 272, dit avoir 38 pieds de lon- 
gueur, 18 de largeur et 6 d'épaisseur. Ses moyens de mesurer n'étaient sans doute pas bien 
justes; car un bloc de cette dimension n’aurait pu être emporté; et celui que nous avons mesuré 
‘est le plus grand de tous. 

3. Voyez notre planche d’Antiquités, n° 3, où nous avons représenté un magnifique tombeau 
de construction demi-cyclopéenne, situé dans la partie la plus isolée des déserts de la province 
de Carangas. 

4. Voyez partie historique, planche d’Antiquités, n.° 14. 

5. Voyez Vues, n.° 8. 

6. Certaines parties des îles de Quebaya sont couvertes d’un grand nombre de tombeaux. 

7. Garcilaso, Com. de los Incas, liv. IL, ch. IX, p. 12; Robertson, Hist. de l’Amér., L IV, p. 53. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 150 ) 


Aucune preuve, autre que les monumens, ne nous reste pour retrouver les traces de 
l’ancienne religion des Aymaras; mais ces monumens nous fournissent des argumens 
péremptoires en faveur de l’opinion, que le culte du soleil, l’industrie et la civilisa- 
tion des Incas, ont pris naissance sur les rives du lac de Titicaca. Ne le voit-on pas, en 
effet, dans l'orientation de tous les temples à l’est vrai', du côté où l’astre apparaît ? 
N’est-il pas écrit dans les reliefs allégoriques de ces portiques monolithes?, qui repré- 
sentent le soleil, la tête entourée de rayons, sous la figure d’hommes tenant deux 
sceptres, signes du double pouvoir, religieux et séculier$, occupant le centre du 
tableau, tandis que, de chaque côté, marchent vers lui les rois couronnés# et les 
condors, regardés peut-être comme ses messagers”, et dans leur vol élevé, contemplant 
de plus près sa gloire? 

En résumé, la nation aymara, par tous ses caractères physiques et moraux, paraît 
évidemment appartenir à la même souche que celle des Quichuas. Elle n’en diffère 
que par un langage dont la plus grande partie des mots n’ont pas d’analogie avec les 
leurs, quoique, d’un autre côté, la prononciation et les règles grammaticales soient les 
mêmes; elle n’en diffère que par l’usage singulier de s’aplatir la tête, et, enfin, par 
la construction de ses tombeaux; mais ce que nous avons dit de la concordance de 
la langue sacrée des Incas, avec l’origine de Mancocapac; le Heu où gisent les ruines des 
monumens des Aymaras, comparé à celui d’où les traditions font sortir le premier 
Inca, et surtout la forte présomption d’une source commune de religion tirée des bas- 
reliefs de Tiaguanaco : ces déductions n’établiraient-elles pas pour tous, comme pour 
nous, la presque-certitude que les Aymaras sont la souche première de la civilisation du 
plateau des Andes ? qu’ils occupaient le point central où la vie agricole et pastorale 
s’est d’abord développée ? où les idées sociales ont germé? où le premier gouvernement 
monarchique et religieux a pris naissance, au sein de cette société, parvenue bien 
anciennement peut-être, à un degré de civilisation avancé, dont la dernière splendeur, 
la religion, l’industrie, transportées, par Mancocapac, des rives du lac de Titicaca vers 
le Cuzco, ont fini par créer la monarchie des Incas, qui, plus tard, fit tout à fait 
oublier son berceau ? 


1. Voyez partie historique, les plans que nous en avons donnés, Antiquités, pl. 2. 
2. Voyez nos planches d’Antiquités, n.° 6, fig. 2. 

3. Jbidem, n°7, fig. 1. 

4. Ibidem, et surtout pl. 7, fig. 2. 

5. Ibidem, pl. 7, fig. 3. 


( 451 ) 


NATION ATACAMA. 


Nous avons moins de renseignemens sur celle nation que sur celle des Changos, 
dont elle est voisine; il paraïîtrait qu’elle-même prend la dénomination sous laquelle 
nous la présentons, et que ses ancêtres se nommaient encore Olipes ou Llipi1. Les 
Atacamas occupent, à ce que nous croyons, tout le versant occidental des Andes, depuis 
le 19.° jusqu’au 22.° degré de latitude sud, c’est-à-dire depuis le sud d’Arica jusqu'aux 
Changos, qui, avec les Aymaras, les entourent de toutes parts et sont leurs seuls voisins. 
Si nous avons été bien informé, ils habitent toute la province de Tarapaca et celle 


d’Atacama, et leur population, toute chrétienne, serait : 
Purs de race. Métis. 


Pour ceux de la province de Tarapaca, de. . . . . . . 5,4062 1,200? 
Pour ceux de la province d’Atacama, de. . . . .. . . 1,9425 9705 


Toraux . . . 7,348 2,170. 

Nous n'avons vu que très-peu d’Atacamas : autant que nous en avons pu juger, ils ont 
absolument les mêmes caractères physiques que les Quichuas; mais si nous en croyons 
ce qu'on nous à dit, leur langage diffère du chango, du quichua et de l’aymara. Au 
moral, ils ressemblent aux Changos; néanmoins, comme ils habitent, en même temps, 
la côte et les vallées, ils sont pêcheurs et agriculteurs; aussi avancés, sous ce rapport, que 
les Aymaras actuels. Réunis en villages, leurs habitudes sont sédentaires; du reste, ils 
paraissent avoir les coutumes et les usages des Aymaras. Nous ignorons complétement 
ce qu'ils étaient avant la conquête; seulement par leurs tombeaux, toujours souter- 
rains, ils se distinguent des Aymaras et se rapprochent des Quichuas : comme chez 
ces derniers, les membres repliés sur eux-mêmes, dans la position qu’occupe l’homme 
avant de naître, leurs morts étaient déposés dans des fosses verticales, revêtues de mu- 
railles en pierres sèches; ils étaient entourés de vases, de leurs vêtemens, de tous leurs 
ustensiles de ménage, tels que paniers et jattes de paille tressés avec art; fuseaux, 
fil, métiers de tissage même, si c'était une femme; de la nourriture et des armes, si 
c'était un homme. Le tout, recouvert de branchages ou de pierres, l’étant ensuite de 
terre par dessus, rien ne paraissait en dehors du sol. Les lieux de sépulture étaient 
communs; car où l’on trouve un tombeau, il y en a toujours beaucoup d’autres. 

Nous pensons que , de même que pour les Changos, les Atacamas, tout en appartenant 
positivement au rameau péruvien, peuvent établirune transition avecles peuples araucanos. 


1. Aujourd’hui on dit Lipes; mais du temps de Garcilaso, p. 125, on disait Lip. . 

2. Renseignemens tirés du Guia politica, eclesiustica y militar del vireynato del Peru, pour 
1795. Cest le recensement donné en 1833 à Lima comme le meilleur. 

3. D’après les recensemens publiés en Bolivia. 

4. Nous possédons plusieurs de ces restes, trouvés dans un tombeau. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
“ain, 


( 152 ). 


NATION CHANGO. 


Le nom par lequel nous désignons cette nation, est usité aujourd’hui pour indiquer 
quelques Indiens, reste, sans doute, d’une nation plus puissante, et qui habitent seule- 
ment le littoral de l’océan Pacifique, entre le 22.° et le 24.° degré de latitude australe, prin- 
cipalement aux environs du port de Cobija, en Bolivia. Ils ont pour voisins actuels, au 
nord et à l’est, les Atacamas et au sud, les premiers Araucanos, dont ils sont séparés par 
le fameux désert d’Atacama. Jadis ils étaient assez nombreux pour qu’on eût pu étabbr 
une Mission à Cobija'; mais aujourd’hui, dispersés sur la côte, nous ne croyons pas que 
leur nombre puisse s'élever au-delà de 1000 âmes; néanmoins ce n’est qu’une supposition, 
uniquement basée sur le rapport verbal que nous a fait un des gouverneurs de Cobija, 
en 1832°; car nous en avons à peine vu une centaine durant notre séjour dans ce port. 
Les Changos habitent plus particulièrement à deux lieues nord de l'établissement. 

La couleur des Changos est identique à celle des Quichuas, quoique peut-être plus 
foncée, en bistre noirâtre. Leur taille est aussi, à peu de chose près, la même, si elle 
n’est pas plus petite encore : d’après ceux que nous avons vus, nous pouvons croire 
qu’elle n’arrive pas, en terme moyen, à 1 mètre 60 centimètres (4 pieds 9 pouces), 
tandis que nous n’en avons pas vu qui dépassassent 5 pieds 1 pouce (1 mètre 65 cen- 
timètres). En général, nous croyons pouvoir dire que c’est la plus petite des nations 
ando-péruviennes. Les femmes sont à proportion plus petites encore que les hommes 
(1 mètre 455 millimètres). Pour les formes, ils ressemblent aux Quichuas: ils sont 
larges et courts, sans que néanmoins la poitrine ait chez eux autant de développement; 
leur ensemble est le même. Les traits des Changos sont encore ceux des Aymaras et des 
Quichuas, à cette seule différence près, qu'avec la face semblable, et les yeux hori- 
zontaux, leur nez est médiocre, presque jamais aquilin. Il est, au contraire, étroit à 
son extrémité, quoiqu’un peu élargi aux narines. Leur physionomie est également sombre 
et triste, de même que celle des peuples que nous venons de citer. 

Tout ce que nous avons appris de leur langage, c’est qu'eux-mêmes assurent qu’il diffère 
de celui des Atacamas, autant que du quichua et de l’aymara ; mais comme nous n’en avons 
pas pu recueillir de vocabulaires, les Indiens auxquels nous nous étions adressé ayant, 
pour ainsi dire, oublié leur langue primitive, nous ne pouvons rien spécifier sur ce point. 

Leur caractère paraît doux, affable; ils sont obligeans, dévoués, hospitaliers, et, en 
même temps,.on ne peut plus soumis aux lois du pays; ils paraissent très-unis dans 
l'intérieur de leur famille. Ils vivent constamment sur les bords de la mer, où ils 


1. Une inscription gravée sur l’église porte le millésime 1777, comme époque de sa construc- 
tion. Ainsi l’on doit supposer que c’est vers le commencement du dix-huitième siècle qu’on com- 
mença à réduire les Changos. 

2. Lors du voyage de Frézier, en 1712, il y avait plus de cinquante maisons réunies. (Relation 
du voyage de la mer du Sud. Paris, 1716, p. 130.) 


(153 ) 


sont souvent ambulans. Comme il ne pleut jamais dans les lieux qu’ils habitent, trois Homme 
améri- 
‘vain. 


à quatre piquets fichés en terre près des rivages et sur lesquels ils jettent des 
peaux de loups marins, des algues marines, forment leurs maisons . Toute la famille 
y couche pêle-mêle sur des algues sèches, sur quelques tissus de laine ou sur des peaux 
de mouton. Leur mobilier consiste en quelques coquilles, en quelques vases, en instru- 
mens de pêche, qui sont des petits harpons, ingénieusement confectionnés. La pêche 
étant leur seul moyen d’existence, tout leur art se porte sur ce point; leurs barques 
sont ces mêmes bateaux formés de deux outres de peau de loup marin soufflées et 
attachées ensemble, dont nous avons parlé à l’article des Aymaras?. Ces bateaux sont 
formés de deux outres cylindriques, relevées et acuminées aux deux extrémités, frottées 
d'huile de phoque, et remplies d’air au moyen d’un tuyau : une fois bien gonflées, les 
Indiens les attachent fortement ensemble, les serrant plus d’un bout que de l’autre, 
afin d’en faire la proue; ils les lancent à l’eau, malgré la vague, et à genoux sur le 
devant, ils les dirigent au moyen d’une rame à deux bouts, qu’on change alternativement 
de côté; c’est sur cette légère embarcation qu’ils vont chasser les loups marins sur les 
rochers et qu’ils gagnent le large pour épier le poisson, qu'ils harponnent avec une 
adresse toute particulière. Ils ont actuellement le monopole de la fraude commerciale 
de la côte. On ne peut plus agiles, ils servent souvent de guides au milieu des déserts 
qui séparent la côte des premiers points habités dans l’intérieur. Dans les voyages, 
leurs femmes portent les fardeaux; elles se servent de hottes coniques formées de six 
bâtons, réunis à leur base et retenus, sur la moitié de leur longueur, par un tissage 
assez régulier. Soutenues par une sangle qu’elles portent sur le front, ces hottes ne 
sont qu’appuyées sur le dosÿ et servent à transporter les enfans et les provisions. Les 
Changos savent tisser assez régulièrement. Leur costume est celui des habitans actuels 
des environs. Anciennement, d’après ce que nous en avons vu dans leurs tombeaux, 
ce costume était le même que celui des Quichuas. Nous n'avons rien appris touchant 
leur gouvernement et leur religion ancienne. 

À Cobija, en 1830, on fit une excavation qui mit à découvert un grand nombre de Corps 
d’Indiens, lesquels, à en juger par l'énorme couche de terre qui les recouvrait (3 à 4 
mètres), devaient être enfouis depuis l’antiquité la plus reculée; ils étaient rangés séparé- 
ment par sexe et par àge, enveloppés dans leurs vêtemens, tissus de laine assez fins4; ils 
avaient encore leurs cheveux, et étaient couchés en long, coutume que nous n'avons 
retrouvée chez aucune autre des nations américaines, qui ordinairement reploient les 
corps de manière à les remettre dans la position naturelle à l'homme avant sa naissance. 

En résumé, nous pensons que, d’après leurs caractères physiques et moraux, les 
Changos appartiennent tout à fait au rameau péruvien; mais que leur nez peu long et 
non aquilin établit la transition des Aymaras et des Quichuas aux Araucanos du Chili. 


1. Frézier les avait vues comme nous. (Relation du voyage de la mer du Sud, p.130.) 

2. Voyez partie historique, Coutumes et usages, p. 9; et notre ami, M. Mœrenhout, dans son 
intéressant Voyage aux îles du grand Océan, 1. 1°, p. 15. 

3. Voy. Coutumes et Usages, pl. 6. — 4. Nous avons apporté en France des échantillons de ces tissus. 


IV. Homme. 20 


Homme 
améri- 
«ain. 


(154) 


DEUXIÈME RAMEAU. 


ANTISEEN. 


Couleur : variable du brun-olivâtre foncé à une teinte tres-claire. Taille 
variable moyenne, À mètre 645 nullimètres. Formes peu massives ; 
tronc dans les proportions ordinaires. Front non fuyant; face ovale; 
nez variable; bouche moyenne; yeux horizontaux; traits efféminés ; 
physionomie vive, douce. 


Le rameau des races ando-péruviennes, que nous avons nommé Antisien, 
parce qu’ilest confiné dans le pays que les Incas nommaient Antis’, est réparti 
sur les régions chaudes et humides du versant oriental des Andes boliviennes 
et péruviennes, depuis ses derniers contreforts, près de Santa-Cruz dela Sierra, 
au 17° degré de latitude sud, en remontant vers le nord, jusqu’au-delà du 
15. degré, dans une largeur qui n’a pas plus de 20 à 50 lieues marines. 

Le pays qu'habite ce rameau est uniforme dans ses détails. Là, plus de 
plateaux élevés dénués d'ombrages, où des plaines étendues, des montagnes 
froides, couvertes de graminées croissant au - dessous des neiges perpé- 
tuelles, permettent au pasteur aymara et quichua de vivre tranquille du 
produit de sa culture, de ses troupeaux, au sein de son antique civilisation 
et des ruines de ses monumens; là, plus de ces terrains moins accidentés, 
nus en partie ou couverts de buissons, semblables à ceux que peuplent les 
guerriers araucanos. Le pays des sauvages antisiens paraît inhabitable au 
premier aperçu : partout des montagnes déchirées ou aiguës, sur lesquelles 
se développe néanmoins la végétation la plus active, la plus grandiose; 
partout de sombres et profondes vallées, où roulent avec fracas des torrens 
furieux, parmi d’épouvantables précipices. C’est au bord de ces torrens, de 
ces cascades sans cesse renaissantes, au pied de ces rochers suspendus sur sa 
tête, que l’homme antisien à fixé sa demeure, sous des arbres énormes, dont 
les rameaux élevés vers le ciel forment une voûte impénétrable aux rayons 
du soleil*, où l'ombre protége toujours la végétation la plus fraiche et la plus 


1. Les Incas appelaient Antis (Garcilaso de la Vega, Com. de los Incas, liv. IH, ch. XI, p. 47), 
les pays situés à l’est des montagnes du Cuzco, et de là ils nommèrent la chaine orientale #ntis, 
dont les Espagnols ont fait Andes, en l’appliquant à tort aux deux chaines des Andes, changeant 
ainsi le nom primitif. 


2. Voyez Bulletin de la Société de géographie, Mars 1838. 


( 155 ) 


variée. C’est au sein de cette imposante nature que l’homme des montagnes 
a dû modifier ses caractères physiques et ses mœurs. Pouvait-il rester le.même 
que celui des régions élevées, avec lesquelles contraste si fort sa demeure? 
Nous allons examiner cette question dans les généralités suivantes. 

Les nations que nous rattachons à ce rameau, sont au nombre de cinq. 
4.2 La première dont nous parlerons est celle des Yuracares, qui occupe 
l'extrémité orientale du territoire assigné au rameau, sur tous les petits affluens 
du Rio Ibabo, du Rio Chimoré, du Rio Marmoré et du Rio Securi*, depuis 
Santa-Cruz de la Sierra jusqu'au-delà de Cochabamba, dans les forêts les 
plus épaisses du pied oriental des Andes boliviennes. En marchant vers le 
le nord, on rencontre, 2.° les Mocéténès des premiers affluens du Rio Béni 
à l’est, dans les vallées les plus sombres et les plus humides; 5. les T'acanas 
de la rive occidentale du Rio Béni; 4.° les Maropas de la rive orientale de 
la même rivière, vis-à-vis des derniers Tacanas; et, enfin, 5.” les Æpolistas 
de la vallée du Rio d’Apolo, bien plus à l'ouest que les autres nations, sur les 
contreforts plus élevés des Andes péruviennes. F $ 

Le tableau suivant donnera une idée de la population relative de chacune 
d'elles. 


NOMBRE DES INDIVIDUS 


DE CHAQUE NATION NOMBRE 
NOMS DES NATIONS. D, 


RÉDUITS ENCORE TOTAL, 


AU CHRISTIANISME, SAUVAGES. 


Vuracarès . ..... 0 + ee 0 + cs 337 1,000 1,337 


Mocéténès ........... Rien 1,600 800 2,400 
Tacanas se: _ 5,304 1,000 6,304 
MAFODAS 5. eos ses 900 2 900 
ADUNSTAS SET seu sono 3,616 3,616 


Toraux. .. 11,757 14,557 4 


1. Voyez notre Carte spéciale de la Bolivia et celle des nations. 

2. Aucune relation, aucun ouvrage imprimé ne parle des nations que nous allons décrire. La 
difficulté de pénétrer dans les régions qu’elles habitent, explique le peu de connaissances qu’on 
en a, même dans les provinces voisines. 

3. Comme nous lindiquons, à la suite des descriptions spéciales des nations de ce rameau, 
nous ne doutons pas qu’on ne puisse y en adjoindre plusieurs autres qui se trouvent beaucoup 
plus au nord, en des pays entièrement analogues à ceux qu’occupent celles que nous avons pu 
‘étudier par nous-même. 

4. Le chiffre des individus convertis au christianisme résulte de recensemens faits en 1832, et sur 
lesquels on peut compter; quant à celui des indigènes encore sauvages, il n’est à peu près positif 
que pour la nation ÿuracarès; les autres sont approximatifs et donnés par les nations elles-mêmes. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 156 ) 

On s’étonnera peut-être de voir nos généralités rapportées seulement à un 
total de 14,557 individus, sur lesquels 2,800 encore sauvages; mais ce chiffre 
est celui des habitans des pays que nous connaissons, c’est-à-dire de la république 
de Bolivia, et non le chiffre entier du rameau auquel un grand nombre d’au- 
tres nations viendront, sans doute, se réunir, quand les voyageurs voudront 
poursuivre le travail que nous commençons. Ce petit nombre n’en offre pas 
moins les faits les plus curieux, relativement à l'influence des localités sur 
les caractères physiques et moraux de homme. ; 

La couleur du rameau des Antisiens nous présente une première preuve de 
cette influence des circonstances locales. Les nations qui le composent vivant 
toujours à ombre de forêts épaisses, chaudes et humides, ‘où il pleut presque 
continuellement, leur teinte devait naturellement être moins foncée que celle 
des habitans de ces montagnes sèches, de ces plateaux élevés, dépourvus 
d'une végétation active et de ombre des forêts. Les nations de ce rameau 
sont en effet presque blanches, comparativement aux Aymaras, aux Quichuas, 
aux autres montagnards des plateaux élevés, et même comparativement aux 
habitans des plaines de Moxos. Un fait viendrait encore appuyer notre 
hypothèse; parmi ces nations, les plus foncées en couleur sont les Maro- 
pas, depuis long-temps transportés au sein des plaines, et les Apolistas, 
qui habitent des montagnes plus élevées et moins humides; tandis que les 
Yuracarès”, les Mocéténès, les Tacanas*?, qui vivent au sein des forêts les 
plus impénétrables aux rayons du soleil, sont les plus blancs de tous. La 
couleur des Antisiens, beaucoup plus claire que celle de tous les autres 
Ando-Péruviens, est légèrement basanée, et contient peu de jaune. Un autre 
caractère, qui paraît néanmoins avoir pour cause quelque maladie cutanée, 
ainsi que nous avons pu Île reconnaître, mais qui n’en est pas moins presque 
général, parmi les individus de ce rameau, Cest d’avoir la figure et tout le 
corps couverts de larges taches plus pâles, ce qui les rend comme tapirés. 
Cette singularité se manifeste surtout généralement chez les Mocéténès, chez 
les Tacanas et chez les Yuracarès des parties les plus septentrionales de leur 


territoire. 
La taille nous fournit une seconde preuve de linfluence des localités : les 


1. Les Incas les nommaient Furak kari, de yurak, blanc, et de kart, homme; ce qui prou- 
verait qu’ils avaient remarqué cette anomalie de teinte. 

2, Le rédacteur d’un court manuscrit sur la province de Caupolican, adressé au président de 
Bolivia, et dont nous avons une copie, dit, p. 15, en parlant des Tacanas : Ils sont d’une cou- 
leur blanc pâle (color blanco palido). 


(18% ) 


montagnards des Andes, tels que les Aymaras et les Quichuas, sont d’une Honme 
taille au-dessous de la médiocre, tandis que les Antisiens sont plutôt grands ‘in 
que petits. Les Yuracarès, qui vivent tout à fait au pied du versant oriental 
des Andes, sont les plus hauts de tous; ils ont, en terme moyen, jusqu’à 
4 mètre 66 centimètres (5 pieds 1 pouce), tandis que les Mocéténès, les 
Tacanas et les Maropas sont un peu moins grands et ne passent pas À mètre 
65 centimètres (5 pieds 1 pouce). Les Apolistas sont les plus petits, se 
rapprochant, sous ce rapport, des autres montagnards des plateaux élevés; 
dont ils sont les plus voisins des hautes montagnes. La taille moyenne de ce 
rameau est donc de À mètre 645 millimètres. 

Les formes suivent les mêmes modifications que les autres caractères : chez 
les Antisiens, plus de ces hommes larges et courts, dont le tronc n’est pas 
toujours en harmonie avec les extrémités, comme on le remarque chez les 
habitans des plateaux élevés, où la raréfaction de Pair se fait puissamment 
sentir. Les Antisiens offrent, au contraire, de belles formes, des proportions 
mâles et gracieuses à la fois; leur corps est robuste, un peu élancé, ressem- 
blant à celui des Européens. Les mieux faits de tous sont les Yuracarès; les 
autres nations sont généralement plus massives. Les membres annoncent 
la vigueur; ils sont replets, bien fournis et accusent quelquefois les muscles 
à l'extérieur. 

Les traits des Antisiens présentent deux caractères bien distincts, qui prouvent 
peut-être encore l’influence des localités. Ceux des Yuracarès, à face ovale, 
au nez assez long et souvent aquilin, sont les mêmes que ceux des nations 
aymara et quichua des plateaux élevés, dont les Yuracarès diffèrent d’ailleurs 
Si fort par la couleur, par la taille, par les formes. Si lon ne prenait que les 
traits pour caractères de types, on pourrait supposer que les Yuracarès des- 
cendent de ces peuples montagnards dont ils ont l'extérieur; mais que la 
chaleur et lhumidité ont peu à peu changé leur couleur, en la rendant plus 
claire, tandis que la non-raréfaction de Pair de leurs belles vallées permettait 
au corps de se développer et de prendre de belles formes. On sent que ces 
conjectures sont fort hypothétiques, quelque bien fondées qu’elles puissent 
paraître. 

Pour les autres nations de ce rameau, les Mocéténès, les Tacanas, les 
Maropas, les Apolistas, qui ont aussi la teinte pâle, il serait difficile d'établir 
la même supposition; car ils n’ont pas les traits des montagnards : leur face 
est arrondie, toujours efféminée. Leur nez court, épaté, jamais aquilin, les 
rapprocherait des Aymaras ou des peuples des plaines. Il devient alors pro- 


(158 ) 


Homme bable qu’ils ont subi les mêmes influences de changement de teintes en remon- 


améri- 
cain. 


tant de la région des plaines, d’où ils sont, peut-être, originaires, vers les 
régions des montagnes. 

Les langues des Antisiens n’offrent aucun caractère qui les distingue d’une 
manière bien tranchée de celles des autres rameaux. Les langues des Yura- 
carès, des Mocéténès, des Maropas, des Apolistas, sont douces et euphoniques, 
et ne ressemblent nullement, sous ce rapport, à celles des Aymaras et des 
Quichuas. La seule qui s'en rapproche, par sa dureté, est la langue des 
Tacanas. Au reste, nous ne connaissons bien, de toutes ces langues, que la 
yuracarès, qui, comme on peut le voir à la description de cette nation, n’a 
pas d'anomalies et possède un système de numération décimal. 

Il existe peu d’uniformité dans le caractère moral des Antisiens : le Yuracarès, 
au milieu de ses belles forêts, s’est toujours cru le premier des hommes ; aussi 
se montre-t-il fier, insoumis, insociable, indépendant, au-dessus de tout, entre- 
prenant, méchant, cruel, insensible pour lui comme pour les autres; c’est, en 
un mot, le véritable type du sauvage livré à lui-même. [Il réunit tous les vices à 
légoisme le plus complet. Le Tacana, également fier, s’est pourtant soumis au 
christianisme; et, même à l'état sauvage, il est moins dur, moins insociable. 
Pour les autres nations, toutes ont un caractere mêlé de fierté et de douceur, 
toutes ont facilement changé de croyances religieuses. Les Yuracarès, les 
Mocéténès, les Tacanas, les Maropas, n’ont pas de gaïîté; ils dansent sans 
paraître s'amuser; le sourire vient rarement eflleurer leurs lèvres. La seule 
nation des Apolistas fait exception, sans avoir toutefois lhilarité presque 
continuelle des Chiquitos. En général, comme tous les montagnards, les Anti- 
siens connaissent peu de véritable gaîté. 

Pour les mœurs, il y a plus d’uniformité parmi les nations de ce rameau, 
ce qui tient, sans doute, à leur habitation sur des localités semblables. Tous 
les Antisiens sont par goût chasseurs et pêcheurs passionnés, agriculteurs par 
nécessité. Quelques-uns seulement se fixent le long d’une rivière, tandis que 
les autres (les Yuracarès) sont les plus inconstans des peuples chasseurs, 
toujours vagabonds et nomades, ne restant jamais dans le même lieu plus 
de deux années de suite. Tous aiment la guerre, et sont divisés par petites 
tribus. Le christianisme à pu en réunir quelques-uns par grands villages. Seul 
parmi ces nations, le Yuracarès est cruel par insensibilité; il a des mœurs 
barbares, des fêtes où chacun se couvre de blessures pour montrer son cou- 
rage; il connaît le duel, le suicide; en lui point de douceur pour sa com- 
pagne, de respect pour son père, qu'il abandonne dans sa vieillesse, de tendresse 


( 159 ) 
pour ses enfans, qu'il sacrifie à l'ennui de les élever où à de nombreuses fomme 
superstitions. Avant leur réduction, ces peuples étaient guerriers, ce qui . 
tient aux habitudes de la chasse; mais, sous.ce rapport, leur contact avec 
les Chrétiens a beaucoup modifié leurs mœurs. Ils sont tous amis des boissons 
fermentées et ne dansent que dans leurs orgies. 

L'industrie est peu avancée chez les Antisiens. Les hommes font leurs armes, 
qui consistent en arcs et en flèches souvent artistement ornées de plumes 
de couleurs; ils cultivent la terre, construisent les radeaux qui leur servent 
à naviguer, pêchent et chassent à Parc, bâtissent leurs maisons couvertes 
en feuilles de palmiers; et, chez les Yuracarës, les hommes aussi font 
leurs chemises d’écorce et-les couvrent de dessins, représentant des courbes 
régulières, mais jamais des formes imitatives. Ceux-ci connaissent, à l’état 
sauvage, l'impression au moyen de planches en bois, qu’ils sculptent pour 
orner leurs tuniques de figures diverses. Aux femmes sont réservés le trans- 
port des effets en voyage, le tracas de l’intérieur, la fabrication de la poterie, 
souvent accompagnée de pratiques superstitieuses. Celles qui filent et tissent 
le coton et la laine ont appris cet art des Incas leurs voisins. Beaucoup de 
petits ouvrages que confectionnent aujourd’hui divers Indiens de ces nations, 
les feraient croire capables d'apprendre facilement tout ce qu'on voudrait 
leur enseigner de travaux manuels. 

Le costume de ceux qui ne vont pas entièrement nus, se réduit à des 

tuniques sans manches, plus ou moins longues, et souvent ornées de teintes 
vives ; les unes sont en tissus de coton et de laine, les autres en écorce d'arbre. 
Îls vont les pieds nus et ne se couvrent jamais la tête, à moins que ce ne 
soit de plumes de couleurs, pour danser dans leurs jours de fêtes. Tous 
portent les cheveux longs, attachés par derrière. Aucun ne se tatoue; mais 
les Yuracarès et les Mocéténès se peignent presque toujours la figure de raies 
rouges et noires. Les premiers s'épilent les sourcils et la barbe. Les femmes 
s'ornent de verreries le cou et les épaules, et quelques-unes portent des 
bracelets. 

Îl n'existait, parmi les nations du rameau antisien, aucun corps politique, 
gouvernement. Divisées par petites tribus, quel- 
ques-unes avaient des chefs auxquels elles ne montraient aucune soumis- 
sion. Chez les Yuracarès, le respect pour la liberté individuelle est tel que 
jamais un fils n’est contraint d’obéir à son père, qui même regarderait comme 


et par conséquent aucun 


un crime doser réprimander ses enfans. 
Nous ignorons entièrement quelle est la religion des nations antisiennes, 


Homme 
améri- 
cain. 


( 160 ) 


à l'exception de celle des Yuracarès, peut-être lune des plus compliquées. Il 
n’est pas étonnant que l’homme vivant au sein d’une si belle nature ait senti 
s'élever son esprit, et que lexaltation de son génie lui ait fait créer de gracieuses 
fictions sur son origine comme sur celle des autres nations. Les Yuracarès 
ont une mythologie aussi curieuse qu’étendue, remplie de faits bizarres et 
originaux sur l’origine des peuples; mais ce qu'il y a de singulier en eux, 
c’est leur facilité à concilier l'indépendance la plus complète avec ces croyances 
religieuses , avec ces superstitions sans nombre, rapportées à toutes les choses 
animées et inanimées, à toutes les circonstances de leur vie. Ils n’adorent 
rien, ne craignent rien, croient l’homme indéfiniment libre dans toutes ses 
actions, pensant que les choses se sont formées d’elles-mêmes; aussi n’attendent- 
ils rien de l'avenir et ne conservent-ils aucune connaissance du passé. L'époque 
de la nubilité des jeunes filles est marquée chez eux par des cérémonies san- 
glantes. 

En résumant les faits que nous venons d’énoncer, on pourra voir que la 
teinte claire, jointe à l'identité d'habitation et du fond des mœurs, sont les seuls 
caractères généraux des Antisiens; mais, pour peu qu'on les compare aux 
autres rameaux des peuples montagnards, on les trouvera toujours en oppo- 
sition avec ces derniers. Les Yuracarès, qui, par les traits, se rapprochent 
davantage des Péruviens, sont, en effet, ceux qui s’en éloignent le plus par 
les formes, par la couleur, par la taille, par la douceur du langage, par le 
caractère, par l'esprit d'indépendance, par la religion; tandis que la nation 
dont les traits diffèrent le plus des Péruviens, comme celle des Tacanas, 
est, sous le rapport de la dureté de la langue, la nation qu'on en pourrait 
le plus naturellement rapprocher. En un mot, le rameau antisien tient au 
rameau péruvien par les traits des Yuracarès; au rameau araucanien par 
ceux de leurs autres nations; tandis que l'esprit d'indépendance des Yuracarès 
et leur mode d'éducation sont analogues à ceux des Araucaniens; et, au 
contraire, la soumission des Mocéténès et Apolistas, ainsi que leurs carac- 
tères, les placent près des Péruviens. Les Antisiens serviraient donc, d’un côté, 
d’intermédiaires entre les Péruviens et les Chiliens; de Pautre, entre les 
montagnards et les peuples des plaines. 


( 161 ) 


NATION YURACARÉS. 


Le nom des Yuracarès paraît venir de la langue quichua ou inca, et signifie hommes 
blancs, de yurak (blanc) et de kari (hommes). Il a néanmoins été admis par quel- 
ques indigènes de la nation, qui le prononcent Furujuré, mais seulement par imita- 
tion; car, entr'eux, il est constant qu'ils se divisent en deux tribus ennemies depuis 
des siècles, les Solostos, ceux de l’est, et les Wansiños, ceux des montagnes de l’ouest. 
Nous croyons aussi que les Oromos, détruits par la tribu des Mansiños, appartenaient 
à la même nation. De plus, à différentes époques, ils furent connus sous divers noms 
de sections, comme ceux de Conis et de Cuchus, cités dans un manuscrit de 1796, par le 
naturaliste Haink, et qui, sans aucun doute, venaient du lieu où ils vivaient; et celui 
d’Énétès, consigné dans une carte manuscrite du même naturaliste. Le nom de Yuracarès 
est universellement consacré dans le pays par les Espagnols, tandis que les autres ne 
sont pas connus hors de la nation même. Les Solostos, réunis à la Mission de San- 
Carlos, reçoivent le nom de Mages des habitans de Santa-Cruz. 

Les Yuracarès habitent le pied des derniers contreforts des Andes orientales et les 
forêts des plaines qui les bordent , sur toute la surface comprise entre Santa-Cruz de la 
Sierra, à l’est, jusque par la longitude de Cochabamba, à l’ouest, sur une large bande 
est et ouest, de forêts des plus humides et des plus chaudes, qui s'étend , sur une lar- 
geur de vingt à trente lieues, depuis le 67.° jusqu’au 69.° degré de longitude ouest de 
Paris, et par les 16.° et 17.° degrés de latitude sud. Ce sont les derniers peuples des mon- 
tagnes boliviennes, dont, le plus souvent, ils n’habitent que le pied, disséminés qu’ils 
sont par petites familles, au sein des bois les plus épais, près des sources d’une mul- 
titude d’affluens du Mamoré. Leurs voisins, au nord, sont les Moxos; au nord-est, 
les Sirionos; à l’ouest, les Mocéténès des montagnes; au sud-est, les Chiriguanos; et 
au sud-ouest, les Quichuas de Cochabamba. Aujourd’hui, tous les Mansiños sont sauvages 
dans les lieux mêmes où ils vivaient jadis, et les Solostos sont réunis dans la Mission 
de San-Carlos, près de Santa-Cruz de la Sierra. Les Mansiños sont à peu près au nombre 
de 10001; les Solostos de San-Carlos s'élèvent à 3372; ainsi leur nombre total serait 
de 1337. 

La couleur des Yuracarès pourrait être regardée comme une anomalie, si elle n’était 
pas aussi celle des Mocéténès et des Tacanas, qui habitent des pays absolument ana- 
logues. Les Quichuas ou Incas les avaient appelés Furakari (hommes blancs). En 
effet, leur couleur n’est en rien celle des Quichuas et des autres habitans des mon- 
tagnes découvertes; elle est presque blanche, comparativement à celle des Incas, et 


1. Ce chiffre est celui que nous a donné le Père Lacueva, qui, pendant dix-neuf ans, a prêché 
sans succès le christianisme à ces peuples. 

2. Selon le recensement que nous avons fait faire en 1832, en tout le même que celui pré- 
senté au gouvernement par le préfet. 


IV. Homme. 21 


Homme 
améri- 
«ain. 


(162 ) 


Homme beaucoup des hommes bruns des parties méridionales de l'Europe ne sont pas plus blancs 


améri- 
calin. 


qu'eux. Cette couleur ne contient que très-peu de jaune; c’est une teinte légèrement basa- 
née, beaucoup plus claire que celle de toutes les nations de la race pampéenne, et même 
de toutes les nations des montagnes. Grand nombre d’entr'eux ont la figure et le corps 
couverts de larges taches presque blanches, ce qui les rend comme tapirés. Nous croyons 
pouvoir attribuer cette singularité à quelque maladie cutanée qui détruit l’épiderme, 
anomalie remarquée du reste chez toutes les nations de ce rameau. Nous avons cru 
reconnaître, dans la couleur claire des Yuracarès, un effet prolongé de leur habita- 
tion : entourés de nations dont les teintes sont bien plus foncées, on doit attribuer 
laffaiblissement de la leur à l’influence continue des ombrages perpétuels sous lesquels 
ils vivent au sein de forêts touffues, où il pleut presque continuellement; tandis que 
les montagnards, leurs voisins, habitent des pays accidentés, toujours dépourvus 
d'ombre et dont la température est des plus sèche. 1 

Bien qu'ils appartiennent aux races ando-péruviennes, leur taille est belle et 
approche beaucoup de celle des nations des plaines : en effet, les Yuracarès sont, 
sans contredit, les plus grands de tous les peuples montagnards. Ils atteignent jusqu’à 
1 mètre 76 centimètres (5 pieds 5 pouces); et ceux que nous avons mesurés, ont pu nous 
faire croire que leur taille moyenne n’est pas au-dessous de 1 mètre 66 centimètres (5 pieds 
1 pouce). Les femmes sont dans de belles proportions relatives et toutes plutôt grandes 
que de stature ordinaire; leur taille moyenne est à peu près de 1 mètre 530 millimètres. 

Les Yuracarès ont de très-belles formes, l'air vigoureux, les épaules larges, la 
poitrine bombée, le corps assez svelte, les membres replets et bien musclés. Tout 
annonce chez eux la force, la souplesse. Ils sont ‘droits, bien plantés; leur démarche 
fière et arrogante s'accorde parfaitement avec leur caractère et la haute idée qu’ils ont 
d'eux-mêmes. Nous les croyons les mieux faits entre toutes les nations que nous avons 
vues. Les femmes sont aussi très-bien faites, plus fortes et plus robustes à proportion 
que les hommes; leurs membres sont replets et musclés, sans que leurs formes cessent 
d’être gracieuses. 

Les Yuracarès offrent encore, pour les traits, une anomalie difficile à expliquer: 
lorsqu'on les compare aux autres nations des montagnes boisées, qui ont leurs teintes, 
ces traits sont tout à fait différens, tandis qu’ils ont du rapport avec ceux des Incas ou 
Quichuas, dont la couleur et les formes sont si distinctes des leurs; ce serait peut-être 
une preuve de l'influence des localités sur la couleur et sur les formes. Leur face est 
presqu'ovale, leurs pommettes sont peu saillantes, leur front est court, légèrement 
bombé, leur nez assez long, souvent aquilin, pas trop épaté ni trop large à sa base, 
leurs narines sont peu ouvertes; leur bouche est médiocre, leurs lèvres assez minces; 


1. On ne peut attribuer le peu d'intensité de leur teint au croisement des races; car ils sont 
encore sauvages; et, sous peine de duels interminables, ils ne se marient qu'avec leurs plus proches 
parentes, sans jamais s’allier aux autres tribus de leur nation, et à plus forte raison avec des femmes 
blanches, qu’ils regardent comme de beaucoup au-dessous d’eux. 


( 165 ) 


leurs yeux noirs, très-petits et horizontaux; leurs oreilles petites, leurs sourcils étroits Homme 
améri- 
ain. 


et arqués, quand ils ne les suppriment pas; leur barbe paraît droite, peu fournie, pous- 
sant tard, et seulement au-dessus de la lèvre supérieure et au menton : ils se l’arrachent. 
Leurs cheveux sont noirs, droits et longs. Leur physionomie est fine, remplie de 
vivacité, de fierté, et ne manque pas d’une certaine gaîté expressive. La figure, chez les 
hommes, est plutôt bien que mal; elle est peu efféminée. Les femmes ont les mêmes 
traits, mais moins prononcés; leur figure est plus arrondie, l’expression en est plus 
douce; on peut même les dire jolies. 

La langue yuracarès est euphonique, et diffère essentiellement, sous ce rapport, 
des durs idiomes des nations des montagnes, par exemple de ceux des Quichuas 
et des Aymaras des Andes. Elle n’a aucune complication de sons des consonnes ni 
aucunes finales dures. La seule consonne qui termine les mots est l’s; ainsi, à cet égard, 
aucune dureté, aucune des lettres françaises, comme le z, l’& ou l’e muet. Tous les 
mots peuvent être écrits avec la prononciation de l'espagnol, d’autant plus nécessaire 
que le j de cette langue, avec sa gutturation, est assez commun. L’f est la seule lettre 
qui manque à la langue yuracarès. Il n’y a aucune analogie pour les noms des parties 
du corps. Les adjectifs sont différens selon le sexe, et les pluriels distincts des singuliers. 
Le système de numération est étendu jusqu’à cent, par divisions décimales et n’a aucun 
rapport avec les noms des doigts. 

Les manières des Yuracarès sont telles qu’on devait les attendre de la nation la plus 
fière et la plus vaine de son indépendance sauvage : leur caractère offre la réunion la 
plus monstrueuse de tous les défauts que puisse amener, chez l’homme sans instruction 
et superstitieux, une éducation à tous les âges affranchie du frein des réprimandes et 
même des plus simples conseils. Les Yuracarès sont assez gais, ont une pénétration 
facile, de l'esprit même et beaucoup de finesse; ils se croient les premiers des hommes; 
hautains, insolens, hardis, entreprenans, ils ne redoutent rien. Cruels autant pour 
eux-mêmes que pour les autres, endurcis aux souffrances physiques, leur insensibilité 
est extrème, habitués qu'ils sont, dans chacune des occasions que leur offrent des 
superstitions sans nombre, à se couvrir de blessures, à martyriser leurs femmes et 
leurs enfans. Ils n’ont aucun attachement pour leurs pères, qu’ils abandonnent souvent, 
et immolent de sang-froid leurs enfans, dans le seul but de s'affranchir de l'embarras 
de les élever. Ennemis de toute espèce de société qui pourrait leur ôter un peu de 
leur indépendance, ils ne vivent que par familles, et encore, dans celles-ci même, ne 
connait-on n1 les égards mutuels ni la subordination, chaque individu ne vivant que 
pour soi. Les femmes partagent le caractère des hommes, et chez elles on ne trouve 
même pas toujours le sentiment maternel; elles immolent fréquemment la moitié de 
leurs enfans, tout en restant esclaves de ceux qu’elles élèvent. 1 


1. On trouve, jusqu’à un certain point, des rapports entre le caractère des Yuracarès et celui 
des Aucas ou Araucanos, par l’esprit d'indépendance et par le système d'éducation qui leur sont 
communs. 


Homme 
améri- 
cain. 


(164 ) 


Les mœurs des Yuracarès sont tout à fait analogues à leur caractère; ils se montrent 
encore aujourd’hui ce qu'ils étaient avant l’arrivée des Espagnols, et n’ont en rien 
modifié leurs coutumes et leurs usages, par le contact avec la civilisation qui les entoure, 
vivant toujours au plus épais des bois, disséminés par petites familles ambulantes, 
qui se fuient, et cherchant plus que jamais à s'éloigner des lieux habités par les Chré- 
tiens. Marié après une orgie, un Yuracarès se sépare aussitôt de ses parens et va 
s'établir avec sa femme près d’un ruisseau, au sein des plus sombres forêts : là, aidé 
des siens, qu'il a invités à le joindre dans cette circonstance, il abat des arbres, construit 
une vaste cabane couverte en feuilles de palmiers, ensemence un champ; et, en attendant 
la récolte, vit de chasse et de pèche. Il y séjourne quelques années, puis quitte la place 
pour aller se fixer à peu de distance : la femme alors se charge de tout le bagage, 
renfermé dans une espèce de filet, dont tout le poids pèse sur le front; et de plus, 
de ses jeunes enfans, tandis que son mari ne porte que son arc et ses flèches. Visiteurs 
infatigables, les Yuracarès n'arrivent jamais chez leurs voisins sans les prévenir de loin 
par des fanfares ou par des sifflemens ; ils se traitent les uns les autres avec beaucoup de 
cérémonial, ont des conférences très-prolongées, sans jamais se regarder en parlant. 
Ces réunions amènent presque toujours des orgies de boissons fermentées et des danses 
monotones : elles se renouvellent à diverses époques de leur existence, à la nubilité 
d’une jeune fille, par exemple, et ne se terminent jamais sans que chacun ait arrosé 
la terre de son sang, en se faisant de nombreuses blessures aux bras et aux jambes. 
Les femmes vont accoucher au milieu des bois, au bord d’un ruisseau, dans lequel elles 
se baignent immédiatement et reviennent à leur maison reprendre leurs travaux 
ordinaires; mais souvent elles tuent de suite leur enfant, soit parce qu’elles en ont 
assez, soit parce que leurs premiers n’ont pas vécu. Les hommes pratiquent le suicide 
et se battent souvent en duel à coups de flèches. En réunion, ils mangent ensemble, 
et leurs repas, comme leur chasse et leur pêche, sont assujettis à une foule de super- 
stitions. Les malades sont traités, souvent au milieu des bois, par des saignées locales 
ou par des cérémonies superstitieuses. À la mort de l’un d’eux, tout ce qui appartenait 
au défunt est anéanti : on abandonne sa cabane et son champ, puis on l’enterre; mais 
son souvenir se conserve long-temps dans sa famille. Les Yuracarès ont pour règle générale 
de ne jamais réprimander leurs enfans et même de ne leur faire aucune observation. 
Ils se piquent d’être tous de très-grands orateurs et parlent quelquefois des heures 
entières. 

Leur industrie se borne à la fabrication des arcs et des flèches, qu’ils soignent beau- 
coup, et à la décoration de leurs chemises d’écorce d'arbre, dont les ornemens consistent 
toujours en peintures régulières, en lignes droites et courbes, ne représentant jamais 
ni animaux ni plantes. Ils se servent, pour imprimer leurs dessins, de planches en 


1. La relation historique de notre voyage contiendra tous les détails désirables sur les mœurs 
singulières et compliquées des Yuracarès. 


( 165 ) 

bois sculptées’. Avant leurs relations avec les Moxéens, ils ne connaissaient pas la Homme 
navigation, et l'ont apprise de ces derniers. Adroits chasseurs, tout leur art est dans ed 
leur dextérité à manier la flèche, qui leur sert aussi pour pêcher. Ils ne connaissent 

ni le tissage ni l’usage du hamac. Les femmes fabriquent la poterie, avec beaucoup de 
cérémonies superstitieuses; elles font aussi les boissons fermentées et cultivent la terre; 

sur elles seules roule tout le travail intérieur de la maison et celui des changemens de 
domicile; alors, avec les bagages et les vivres, elles portent encore leurs enfans et leurs 
animaux domestiques. : 

Leur costume consiste en tuniques sans manches, faites d’écorces de mürier et de 
Jicus, sur lesquelles sont imprimés des dessins réguliers rouges et violets, ne manquant 
pas de goût?. Les hommes coupent leurs cheveux carrément sur le front, le reste 
tombant en queue par derrière. Ils s’arrachent les sourcils et se peignent la figure de 
rouge et de noir, surtout le nez et le front; les jours de danse, ils se parent de coiffures 
en plumes, ou, lors de leurs visites, se couvrent la tête du duvet blanc de la grande 
harpie, qu'ils élèvent à cet effet. De plus, ils suspendent à une bandoulière leurs 
sifflets et quelques autres ornemens; leur couteau est attaché aux cheveux par derrière. 
Les femmes ont la tunique sans peintures, et, lors des danses, elles s’ornent les épaules 
de houppes de plumes de couleur. 

Leur gouvernement est tout à fait négatif : ils ont un chef par famille, auquel ils 
n’obéissent même pas; tous indépendans, ils sont disséminés par très-petites sections, 
entre les membres desquelles ne règne aucune subordination. On peut dire qu'ils ne 
connaissent pas de nationalité. 

La religion des Yuracarès est des plus singulière : ils n’adorent ni ne respectent aucune 
divinité, et néanmoins sont plus superstitieux que tous leurs voisins. Ils croient que 
les choses se sont formées d’elles-mêmes dans la nature, et qu’ainsi ils ne doivent en 
remercier personne; qu'ils n’ont rien à attendre d’une conduite plus ou moins vicieuse, 
l’homme naissant le maître absolu de ses actions bonnes ou mauvaises, sans que jamais 
rien doive le retenir. Ils ont néanmoins une histoire mythologique des plus compliquée, 
remplie de fictions gracieuses5, dans laquelle un assez grand nombre de dieux ou d’êtres 
fabuleux apparaissent tour à tour. Le Suraruma cause un incendie général des forêts, 
qui remplace le déluge des autres nations, dont un seul homme se sauve en se cachant 
dans une caverne. Le même Sararuma lui donne des graines qui lui servent à repeupler 
la terre de ses arbres; après quoi plusieurs êtres se succèdent dans le monde et y 
jouent un grand rôle : c’est Ulé, qui de l'arbre le plus brillant des forêts, qu'il était 
d’abord, se métamorphose en homme, à la prière d’une jeune fille; c’est Ziré qu'élève 


1. Ilest curieux de rencontrer parmi les Indiens les plus sauvages la connaissance de l'impression , 
tandis que les Incas, leurs voisins, déjà civilisés, et les autres nations qui les entourent, l’ignorent 
entièrement. 

2. Voyez Costumes, planche 2, partie historique. 

3. Voyez la partie historique. 


( 466 ) 


Homme ]a femelle d’un jaguar, après l'avoir arraché du sein de cette même jeune fille, 


améri- 
cain. 


devenue mère; c’est Caru qui rendit les hommes mortels; c’est Tiri encore qui fit 
sorür du creux d’un arbre toutes les nations connues des Yuracarès, et qui le referma, 
dès qu’il vit la terre assez peuplée. Les Yuracarès savent tous l’histoire mythologique 
de leur pays, mais ne révèrent aucun des êtres qu'ils y placent; au contraire, ils les 
détestent et se plaignent d’eux. Il en est de même du dieu du tonnerre, Mororoma, qui, 
du haut des montagnes, leur lance ses foudres; ils le menacent de leurs flèches , le 
défiant lorsqu'il tonne; de Pepezu, qui les enlève du milieu des bois, et de Chunchu, 
dieu de la guerre. Leur demande-t-on quel est leur divinité bienfaisante? ils montrent 
leur arc et leurs flèches, armes auxquelles ils doivent leur nourriture. Ils croient à une 
autre vie, dans laquelle ils auront abondance de chasse, et où tous, sans exception, 
doivent se retrouver. Leurs superstitions se transmettent de père en fils : ils en connaissent 
peu pour les maladies; mais ce qui a rapport à la chasse, à la pêche, aux alimens, leur en 
inspire beaucoup et des plus absurdes : ils craignent qu’en offensant les animaux tués, 
ceux-ci ne veuillent plus se présenter à leurs coups. Ils en ont aussi de relatives à 
l'agriculture et aux plantes. L'époque de la nubilité des jeunes filles est marquée par des 
fêtes sanglantes, où, après avoir dansé, les assistans de tout àge se couvrent les bras 
de profondes blessures, les hommes pour devenir plus adroits, les femmes pour se forti- 
fier, les enfans pour grandir. 

En résumé, les Yuracarès présentent, sous plusieurs points de vue, une anomalie sin- 
gulière avec les peuples des montagnes : leur couleur presque blanche contraste avec 
celle des Incas et des Aymaras, leurs voisins ; et, comme ils ont le nez aquilin de ceux-ci, 
on pourrait croire que les régions chaudes, humides et continuellement ombragées où 
ils vivent, ont influé sur leur teinte. Leur couleur est celle de toutes les nations 
placées dans les mêmes circonstances, les Mocéténès, ainsi que les Guarayos. Leur 
taille est aussi beaucoup plus élevée que celle des autres habitans des montagnes, ce 
qui ferait penser que l'influence seule de la raréfaction de l'air peut changer beaucoup 
la taille et les formes. Leur langage n’a aucun rapport avec celui des montagnards; leur 
caractère indocile et fier, ainsi que leurs coutumes barbares, rappellent les nations du 
grand Chaco, auxquelles ils ressemblent pour le gouvernement, mais non pour la reli- 
gion, chez eux bien plus compliquée, et annonçant, au milieu d’une nation de chasseurs 
sauvages, un génie plus élevé, des vues d’une bien plus vaste portée qu’on ne devait 
naturellement s’y attendre. 


( 167 ) 


NATION MOCÉTÉNÉS. 


Sous le nom de Mocéténès existe, dans les montagnes, une nation que les Yuracarès 
nomment Maniquiés, et que les Espagnols de Bolivia, tout en lui conservant la première 
dénomination, appellent aussi, mais très-improprement, Chunchos, nom appliqué déjà 
depuis des siècles à des nations qui vivent à l’est de Lima. On nomme encore Magdalenos, 
Chimanisas ou Chimanis, ceux qui vivent au confluent du Rio Coendo; Muchanis, ceux 
du Rio Béni, et Zucupi, ceux du confluent du Rio Bogpi et du Rio Béni. 

Les Mocéténès habitent le fond des ravins le long du Rio Béni et de ses affluens, 
depuis le Rio de la Réunion, au nord de Cochabamba, jusqu’au nord de la Paz, sur 
une étendue d'à peu près 30 à 50 lieues géographiques, de montagnes comprises entre 
les 15. et 16.° degrés de latitude sud et les 69.° à 71. degrés de longitude ouest de Paris. 
Ils n’occupent, pour ainsi dire, qu’une large bande circonscrite au nord-est par la chaîne 
de Yuracarès, qui les sépare des plaines de Moxos, et au sud-ouest par les hautes mon- 
tagnes du versant oriental des Andes boliviennes. Ils sont divisés en plusieurs tribus, 
formant des villages sous de sombres forêts, au bord de torrens ombragés, qui déchargent 
leurs eaux dans le Béni. Leurs voisins sont, au nord, les Apolistas; à l’ouest, les Aymaras; 
au sud, les Quichuas; à l’est, les Moxos et les Yuracarès. Plusieurs de ces tribus sont 
encore sauvages, landis que quelques autres ont tout récemment été formées en Missions, 
sous les noms de Santa-Ana et de San-Miguel. Leur nombre est peut-être de 8001 pour 
ceux qui sont encore sauvages, et d'à peu près le double pour ceux qui sont réunis en 
Missions; on pourrait ainsi en évaluer approximativement le total à 2,400. ? 

La couleur des Mocéténès est absolument celle des Yuracarès, brune ou légèrement 
basanée, mais assez claire pour paraître presque blanche, comparativement aux Aymaras 
et aux autres nations des montagnes : nous avons cru remarquer qu’elle était peut-être 
un peu plus mélangée de jaune que celle des Yuracarès. De même que cette nation, les 
Mocéténès sont presque tous tapirés ou couverts de grandes taches irrégulières, moins 
foncées sur le corps et sur la figure, ce qui leur donne un aspect bizarre. 

Leur taille, en général, nous a paru différente de celle des Yuracarès; elle est beau- 
coup moins élevée et annonce déjà l'influence des montagnes : sur un assez bon nombre 
de Mocéténès que nous avons rencontrés dans nos voyages au nord des montagnes de 
Cochabamba et dans la province de Yungas, le plus grand ne passait pas { mètre 68 centi- 
mètres (5 pieds 2 pouces) , et leur taille moyenne ne nous parut point s’élever au-dessus 
de 1 mètre 65 centimètres (5 pieds 1 pouce). 

Leurs formes sont aussi quelque peu différentes : elles ont bien cette vigueur qui 
plait chez les Yuracarès; mais si les épaules sont larges, si la poitrine est bombée, le 


1. Ce nombre est celui qui nous a été indiqué par les Mocéténès eux-mêmes. 
2. Le chiffre des Mocéténès réduits nous a été donné par un des missionnaires qui s’occupaient 
de la conversion de la nation. 


Homme 
améri- 
ain. 


( 168 ) 


Homme Corps, un peu élargi, n’est plus aussi élancé. Les Mocéténès ont les membres replets, 


améri- 
calin. 


arrondis ; ils sont droits; leur démarche est aisée et fière. 

Leurs traits n’ont aucun rapport avec ceux des Yuracarès : leur face est ronde, 
assez pleine, les pommettes sont peu apparentes, le front moyen, le nez très-court, 
un peu élargi, les narines peu ouvertes, la bouche médiocre, les lèvres assez minces, 
les yeux noirs, petits, horizontaux; les oreilles petites, les sourcils arqués et étroits. 
Nous ne leur avons pas vu de barbe; il est vrai qu’ils s’arrachent tout ce qu'ils peuvent 
en avoir. Leurs cheveux sont noirs, droits et longs; leur physionomie est gaie, douce, 
expressive; leur figure très-efféminée peut facilement faire prendre un homme pour 
une femme; car les deux sexes présentent la même expression et la même régularité dans 
les traits. 

La langue mocéténès, dont nous n'avons pu écrire de vocabulaire, est très-eupho- 
nique : elle nous a paru n'avoir ni gutturation ni redondance de sons; différente, 
néanmoins, de celle des Yuracarès, à ce que nous ont assuré ceux-ci et par ce que nous 
en avons entendu. 

Leur caractère paraît doux, sans manquer de fierté. Les Mocéténès ont de la gaîté, sont 
confians, bons, faciles à tromper et paraissent s'aimer entr’eux. Jamais ils n’ont refusé 
de se soumettre au christianisme, et toutes les fois qu’on a envoyé des missionnaires 
dans leurs demeures, -dont l'accès est souvent fort difficile à cause des précipices et 
des accidens du terrain qui les défendent, ils se sont soumis volontiers. 

Les Mocéténès vivent le long des torrens ombragés de leurs montagnes, couvertes 
d’une végétation active, continuellement ranimée par des pluies abondantes; ils sont 
répartis par petits villages, principalement aux confluens des rivières, qu’ils parcourent 
incessamment pour chasser et pêcher à la flèche. Ces villages sont quelquefois com- 
posés de plusieurs familles, ce qui prouve chez eux plus de sociabilité que chez les 
Yuracarès. Leurs cabanes, faites de roseaux et couvertes en feuilles de palmier, sont, 
lorsque les accidens du sol le permettent, entourées de champs de yuca et de bananiers. 
Là, paisible, le Mocéténès vit en famille, abandonnant souvent sa femme et ses enfans 


pour suivre les cours d’eau, en chassant les singes et les pécaris, au milieu des bois, 


5 
ou pour épier, au sein d’une onde cristalline, les poissons, qu'il perce de ses flèches 
aiguës. Si la chasse est abondante, il la boucane et revient chargé de provisions. Sou- 
vent sur de légers radeaux il remonte les torrens, après avoir pris soin de renfermer 
ses provisions dans des outres : précaution indispensable sur ses frêles embarcations, 
fréquemment submergées par la violence des courans. 11 se rend ainsi chez les habitans 
de Yungas de la Paz, afin d’y prendre des couteaux et des haches, en échange de 
ses plumes chamarrées de vives couleurs. Les femmes des Mocéténès ne voyagent 
jamais, tant ils sont jaloux. Quoique peu belliqueux, ils ne souffrent pas qu’on les 
attaque. 

Une partie de leur industrie est peut-être venue de leur contact avec les Chrétiens 
ou avec les Incas. Les hommes cultivent la terre, chassent, péchent, fabriquent leurs 
armes et leurs ornemens de plumes; les femmes filent le coton et le tissent, habiles 


( 169 ) 


à teindre leurs tissus de couleurs brillantes qu’elles tirent du suc des plantes de leurs Homme 


forêts. Ils ne font point de pirogues; leur seul mode de navigation est l'emploi de 
légers troncs d'arbres, qu'ils unissent au moyen de lianes; leurs armes sont l’arc et la 
flèche. 

Leur costume consiste en tuniques sans manches, d’une belle couleur violette, 
bordées de rouge, faites d’un tissu assez fin en coton : ces tuniques leur descendent jus- 
qu'aux genoux. Ils ont les cheveux coupés carrément en avant et réunis par derrière 
en une queue, à laquelle ils suspendent leur couteau; ils ne s’arrachent pas les sour- 
cils; leur figure est peinte ou, pour mieux dire, marquée de trois raies bleues, l’une 
en arc, et qui passe des joues à la lèvre supérieure; la seconde, au-dessous de la lèvre 
inférieure , et une troisième sur le nez. Ils portent des boucles doreilles; et, pour 
danser, s’ornent la tête de plumes d’ailes de perroquets; en voyage tous portent sur 
l'épaule gauche, un bissac de toile. 

Leur gouvernement paraît se réduire à l’autorité purement nominale de certains chefs 
auxquels ils n’obéissent pas toujours; seulement ils les suivent à la guerre, et il y en 
a autant que de villages. 

Nous n'avons rien appris du système de leur religion primitive; nous savons seule- 
ment que ceux d’entr’eux qui ont adopté le christianisme montrent peu de ferveur. 

En résumé, les Mocéténès, avec une teinte analogue et des taches par tout le corps, 
comme les Yuracarès, en diffèrent par un nez court, une figure plus efféminée, par 
une taille moins élevée et des mœurs plus douces; caractères qui se retrouvent tous 
chez les nations dont nous allons parler. Ils n’ont des peuples des régions élevées que 
le corps un peu trapu et les jambes courtes à proportion. 


IV. Homme, 


b 
D 


améri- 
cain. 


( 170 ) 


NATION TACANA. 


acana est le nom que cette nation donne à la langue qu’elle parle; ainsi nous avons 
dû croire qu’il était plus naturel de le lui conserver, que de la placer sous le nom 
d’Atenianos, donné par les Espagnols à ceux de la Mission d’4ten, à ceux d’Zsiamas et de 
Cavinas, qui ne sont aussi que des dénominations locales. Leurs tribus encore sauvages 
portent le nom de Toromonas. 

Les Tacanas habitent le fond des ravins du versant occidental du Rio Béni, au sein 
des montagnes boisées et humides qui couvrent les pentes orientales des Andes boli- 
viennes, depuis le 13.° jusqu’au 15.° degré de latitude sud; et, en longitude, depuis le 
70.° jusqu’au 71.°, à l’ouest de Paris, sur une large bande nord-nord-ouest et sud-sud- 
est, bornée à l’est par le Rio Béni, et à l’ouest par les Andes orientales. Ils sont divisés 
en plusieurs tribus, les unes sauvages, les autres réunies en Missions; les premières, 
sous le nom de Toromonas, vivent en villages, au sein des forêts; Les secondes, devenues 
chrétiennes, composent les villages d’4ten, de Cavinas, de Tumupasa et d’Isiamas. Leurs 
voisins sont, de l’autre côté du Béni, à l’est-nord-est, les Haropas de Reyes; au sud, les 
Mocéténès ; au nord, les nations sauvages des Æuacanahuas, des Suriguas; à l’ouest 
les Apolistas et les Aymaras. 

La nation est divisée comme il suit : 

Tacanas de la Mission d’Aten. . . . . . . . . 2,033 
de la Mission d’Isiamas . . . . . . . 1,028 
de la Mission de Cavinas . . . . . . 1,000: 5,304: (Chrétiens). 
de la Mission de Tumupasa. . . . . 1,170 
de San-Joé . nue. 0 00 
Toromonas (sauvages). 1.002. #7.  LOU0S 


TorTaz . . . 6,304 âmes. 


La couleur des Tacanas, un peu plus foncée que celle des Mocéténès, l’est moins 
que celle des Apolistas et, à plus forte raison, des Aymaras, qui les regardent compa- 
ralivement comme blancs. Les Tacanas, de mème que les Mocéténès et les Yuracarès, 
sont presque tous tapirés ou tachetés en clair sur le corps et sur la figure. 

La taille des Tacanas les rapproche des Yuracarès ou du moins est la même que celle 
des Mocéténès : quelques hommes atteignent 1 mètre 70 centimètres (5 pieds 2 ou 3 
pouces); mais nous croyons que leur taille moyenne est au-dessous de 5 pieds 1 pouce 
(1 mètre 65 centimètres). 

Leurs formes paraissent en tout celles des Mocéténès : leur corps est aussi robuste et 
bien fait; leurs membres sont replets et arrondis; leur démarche est aisée et gracieuse. 


1. Ces chiffres sont ceux d’un manuscrit de 1832, sur la province de Caupolican ou Apolo- 
bamba, et résultent du recensement fait par les curés. 
2. Chiffre approximatif, admis par les habitans. 


( 171 ) 

Leurs traits, auxquels les femmes participent, tout en reproduisant, pour les détails, 
ceux des Mocéténès, sont moins délicats, moins efféminés; leur nez est toujours court 
et épaté; leur physionomie régulière, gaie, fine, sans être très-agréable; leurs yeux sont 
médiocres, horizontaux, vifs, expressifs; leurs cheveux noirs et longs. 

La langue tacana paraît être une des plus gutturales et des plus saccadées de l'Amé- 
rique, si nous en jugeons par ce qu'en dit l’auteur d’un mémoire sur la province 
d’Apolobamba!, qui parlait laymara et trouvait encore la tacana plus dure2; mais 
comme nous n'avons pu nous en procurer de vocabulaire, nous nous bornons à rap- 
porter ce que nous en ont dit les habitans mêmes de la province d’Apolobamba. 

Les Tacanas ont le caractère entier, irritable, rempli de hauteur et sans beaucoup 
de gaîté. Ils se soumirent néanmoins facilement au christianisme et leurs hordes encore 
sauvages n’attendent que des missionnaires pour se constituer en Missions. 

Les Tacanas sauvages vivent en tribus au sein des forêts humides des dernières mon- 
tagnes du versant oriental des Andes; ceux qui sont Chrétiens forment de grands 
villages situés dans les vallées des mêmes montagnes boisées. Ils ont été et sont encore 
agriculteurs, chasseurs et pêcheurs; mais, riches par la fertilité de leur sol, ils ne cul- 
tivent qu’autant qu’il le faut pour se nourrir et pour se procurer quelques ornemens. 
Chaque homme doit bâtir à lui seul la maison qu'il veut habiter plus tard avec sa 
famille; en manquant à cet usage, il se couvre d’opprobre. 

Tout à fait arriérée, l’industrie, chez cette nation, est bien au-dessous de celle des 
Missions de Moxos. Les femmes tissent assez grossièrement le coton, et les hommes 
sauvages se font des ornemens tissus de plumes, dontles couleurs, agréablement nuancées, 
annoncent qu’ils ne manquent pas de goût. Leur costume, à l’état sauvage, se réduit 
à quelques toques de plumes pour la danse; ils vont d’ailleurs entièrement nus. Les 
Tacanas des Missions ne se couvrent pas la tête; ils portent une chemise de laine à 
manches courtes, qui leur descend jusqu’au genou. Les femmes mettent plus de recherche 
dans leurs habits, et surtout dans leur parure. Jeunes, elles s’entourent de bracelets 
le poignet et le dessus du coude, répétant cet ornement au bas de la jambe et au-dessous 
du genou; elles portent encore la chemise sans manches des Missions et s’ornent le 
cou de beaucoup de verroteries et de bijouteries. Comme chez les autres Américains, les 
deux sexes vont pieds nus. 

Leur gouvernement, à l’état sauvage, consiste à reconnaître des chefs de petites 
sections, qui les conduisent à la guerre ou dans les expéditions lointaines; mais ils 
n'ont pas de corps de nation. Nous n’avons rien appris de leur religion primitive. 

Les Tacanas, en résumé, ne nous présentent aucun caractère physiologique différent 
de ceux des Mocéténès, nation à laquelle ils ressemblent le plus, ne s’en distinguant 


que par une langue très-dure et par plus de fierté. 


1. À la page 14 du manuscrit, il dit: Su guluracion es fuerte y golpeada (sa gutturation est 


forte et saccadée). 
2. L’aymara qu'on parle à la Paz est peut-être, par sa gutturation, l’une des langues les plus 


dures du monde. 


Homme 
améri- 
«ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


(172) 


NATION MAROPA. 


Nous citons, sous le nom de Maropas, une nation qui, tout en faisant partie de la 
province de Moxos, appartient encore au rameau Antisien; elle se donne elle-même, 
le nom par lequel nous la désignons. : 

Avant de constituer une Mission, les Maropas occupaient le grand bassin du Rio Béni, 
au pied des montagnes boisées et humides des derniers contreforts des Andes boliviennes. 
Dans le courant du siècle dernier, les Jésuites les rassemblèrent et en formèrent la 
Mission de Reyes, située non loin du cours du Béni, sur sa rive orientale, par 13° 50! 
de latitude sud et par 70 degrés de longitude ouest de Paris. Ils vivaient sur le cours 
même du Béni, ayant pour voisins, au sud et à l’ouest, les Tacanas; à l’est, les 
Cayuvavas de Moxos; au nord, des tribus sauvages peu connues. Leur nombre à la 
Mission de Reyes est de 9001 hommes, tous Chrétiens. 

Les Maropas que nous avons vus, ont tous, à peu de chose près, la couleur des 
Mocéténès ; seulement ils sont plus foncés en brun, sans approcher pourtant de la 
teinte propre aux Moxos. Leur taille n’est pas plus élevée que celle des Tacanas; ils ne 
passent point { mètre 65 centimètres (5 pieds { pouce), terme moyen. Leurs formes 
sont aussi celles des Tacanas et des Mocéténès. Leurs traits, beaucoup plus efféminés 
que ceux des Tacanas, le sont au moins autant que ceux des Mocéténès. Ils ont, 
comme ces derniers, une expression de douceur remarquable, une face arrondie et un 
ensemble de figure passable. 

La langue maropa nous a paru assez douce; quelques mots que nous en avons 
obtenus, nous feraient croire qu’elle diffère de celle des Mocéténès. 

Pour la douceur et la docilité du caractère, pour les mœurs et les coutumes, les 
Maropas ressemblent aux Mocéténès. Nous croyons que si, sous certains rapports, 
ils ont modifié leurs usages, ces modifications ne sont dues qu’au régime d’uniformité 
établi par les Jésuites dans les Missions de Moxos, dont ils dépendent. La substitution, 
chez eux, de la navigation en pirogues à celle des radeaux, aussi bien que les avantages 
qu'ils tirent de leur peu d'industrie, tiennent sans doute au même principe. Leur cos- 
tume est également modifié : ils portent la chemise sans manches; mais cette chemise 
beaucoup plus courte que celle des Moxéens et en tissu de laine. 

Nous ne savons rien sur le gouvernement ni sur la religion primitive de cette nation, 
que tous ses caractères physiologiques placent près des Mocéténès, et par conséquent, 
dans le rameau Antisien. 


1. D’après le recensement de 1831, fait tandis que nous étions à Moxos. 


(173 ) 


Homme 
améri- 
cain. 


NATION APOLISTA. 


Le nom d’Apolista est celui sous lequel les Espagnols des environs connaissent cette 

,; vation. Nous ne saurions dire si ce sont les Apolistas qui ont donné leur nom à la province 

d’Apolobamba, ou si cette province à communiqué le sien à la nation; fait, d’ailleurs, 
d’un intérêt secondaire. 

Nous ignorons de même où vivaient les Apolistas avant leur soumission au christia- 
nisme; néanmoins nous sommes porté à croire qu'ils n’ont fait que se réunir sur un seul 
point, sans abandonner les lieux qu’ils occupaient à l’état sauvage. Tous sont aujourd’hui 
Chrétiens dans le bourg d’Apolobamba, jadis Mission, situé au milieu d’une grande 
vallée traversée par le Rio d’Apolo, qui coule entre des montagnes élevées et va, non 
loin de là, se réunir au Rio Béni, à peu près au 15.° degré de latitude sud et au 71. 
degré de longitude ouest de Paris. Leurs voisins sont, au sud, les Mocéténès; au nord, 
les Tacanas, et à l’ouest, les Aymaras, séparés qu’ils sont de ces nations par de hautes 
montagnes. Leur nombre est de 27751 à Apolobamba; c’est au moins la population de 
ce bourg, à laquelle se mêlent à peine quelques blancs ou quelques métis; et celle de 
Santa-Cruz étant évaluée à 841 âmes, le tout présente un total de 3616. 

La couleur des Apolistas est plus foncée que celle des Mocéténès et des Yuracarès, les 
rapprochant beaucoup des Aymaras et des Quichuas des Andes; elle est basanée ou 
brun-foncé, mélangé de jaune. 

Leur taille, d’après ceux que nous avons vus, et d’après ce que nous avons appris 
des personnes qui ont vécu long-temps avec eux, serait moindre que celle de toutes 
les autres nations antisiennes; elle s’élèverait peu au-dessus de 1 mètre 62 centimètres 
(5 pieds), ce qui montrerait déjà l’influence des montagnes comme habitation. 

Leurs formes sont celles des Mocéténès, à cette différence près que leur corps vigou- 
reux est plus large et plus long que celui des Yuracarès; leurs membres sont courts, 
replets et arrondis. 

Leurs traits sont moins efféminés que ceux des Mocéténès; leur couleur, ainsi que 
leurs formes, les indiquent comme faisant transition aux nations des plateaux élevés des 
Andes. Cependant le nez des Apolistas est encore court, épaté; les détails de leurs traits 
rappellent les Mocéténès. Leur physionomie est douce, expressive, pleine de gaîté. 

Leur langue n’est pas très-dure; et, suivant les missionnaires, diffère en tout de celle 
des Mocéténès et des Tacanas. 

Le caractère des Apolistas est on ne peut plus doux et docile; ils aiment le plaisir, 
et sont néanmoins soumis et laborieux. Tout annonce en eux des dispositions à une 
civilisation plus avancée. 


Nous ne savons rien de leurs mœurs primitives. Entièrement réduits aujourd’hui au 


1. Ce chiffre se trouve dans un mémoire manuscrit rédigé en 1832, sur la province d’Apolo- 
bamba, par un habitant d’Apolo. 


(174) 


Homme régime des Missions, ils ont du goût pour l’agriculture, pour la chasse, pour la pêche; 


améri- 
in. 


les nombreuses fêtes du christianisme leur ménagent de fréquentes occasions de réunions, 
de danses joyeuses, toujours stimulées par des boissons fermentées, dont ils abusent 
jusqu’à perdre la raison. Industrieux, ils fabriquent tout ce qu’on fait habituellement 
dans les Missions. Ils ont pris le costume des Indiens actuels des Andes, mélange du 
costume primitif et du costume espagnol. 

Nous ne savons rien de leur gouvernement ni du système de leur religion primitive; 
ils sont aujourd’hui catholiques jusqu’au fanatisme. | 

En résumé, les Apolistas, par leur couleur foncée, leur taille peu élevée et leurs 
formes, ont beaucoup de rapports avec les nations des plateaux des Andes; mais, par 
leurs traits efféminés, par leur nez court et par leur langue peu dure, ils se rapprochent 
des nations des montagnes chaudes; aussi leurs caractères et le lieu qu’ils habitent 
font-ils le passage entre les Antisiens et les Péruviens. 


Ossenvarion. Il nous paraît présumable que beaucoup d’autres nations 
sauvages peu connues, qui habitent les contreforts et le pied oriental des 
Andes péruviennes, au nord de celles dont nous venons de parler, doivent 
aussi faire partie de ce rameau; mais nous n’avons pu les visiter, et leurs 
noms seuls sont parvenus jusqu’à nous. Ce sont les Zuacanahuas ; les Suri- 
guas, les Machuis, cités comme peuples guerriers; les Ultume-Cuanas, les 
Chontaquiros, les Chunchos et même les Quxos, les Chayavitos des parties 
encore plus septentrionales. Peut-être ce rameau s’étend-il sur tout le versant 
oriental des Andes, jusqu’au pied méridional des plateaux de Cundinamarca. 


(175 ) 


TROISIÈME RAMEAU. 


ARAUCANIEN. 


Couleur : brun-olivâtre peu foncé. Taille moyenne, À mètre GA milli- 
mètres. Formes massives; tronc un peu long, comparé à l'ensemble. 
Front peu élevé; face presque circulaire; nez tres-court, épaté; yeux 
horizontaux; bouche médiocre; lèvres minces; pommettes saillantes; 
traits efféminés; physionomie sérieuse, froide." 


Nous avons donné à ce rameau le nom des Araucanos, peuples indomp- 
tables, qui, de tout temps, résistèrent aux armes des Incas et des Espagnols. 
Il s’étend, sur le versant occidental des Andes, depuis le 30.° degré de 
latitude sud jusqu’à Pextrémité de la Terre-du-Feu; puis des vallées supérieures 
et des plaines, à l’est des Cordillères, du 33.° au 42.° degré, sur les montagnes 
et leurs versans ; borné, au nord, par les Changos et par les Atacamas; au 
sud et à l’ouest, par la mer; à l’est, par les Puelches et par les Patagons 
des Pampas. 

La surface qu'habitent les Araucaniens est assez variée dans sa composition 
et dans son aspect : sur la côte du grand Océan, vers le nord, nous aperce- 
vons des terrains accidentés à peine couverts de buissons épineux ; nous avan- 
cons-nous vers le sud, la végétation augmente peu à peu, et finit par former, au 
41. degré, d'immenses fourrés, des bois épais où croît l’araucaria. Marchons- 
nous encore plus au sud, les bois continuent toujours; mais le froid les empêche 
bientôt de prendre leur accroissement; et, arrivé au détroit de Magellan, nous 
ne voyons plus que des arbres rabougris, disparaissant tout à fait sur les nom- 
breuses îles de la Terre-du-Feu. Au nord, les vallées des montagnes offrent à 
VAraucano des pâturages pour ses bestiaux; mais, à mesure qu'il avance vers 
les régions méridionales, la neige le chassant des sommets, il se voit avant peu 
forcé d’habiter les rivages, seuls points de la Terre-du-Feu où puisse séjourner 
Phomme jeté sur ces plages stériles et glacées ; aussi ne tarde-t-il pas à devenir 
spécialement ichthyophage. À l'est des Andes, il descend dans les plaines dont 


1. Les Araucaniens se rapprochent plus que les Péruviens des peuples de l'Océanie, sans qu’on 
puisse néanmoins dire qu’ils font partie de la race de ces derniers, dont nous les croyons aussi 


distincts par leurs caractères physiques que par leurs mœurs. 


Homme 
améri- 
cain. 


(176 ) 


Homme rien ne borne l’horizon; et dans ces lieux le tableau triste et sauvage de la 


améri- 
«ain. 


nature, présente à l'œil du voyageur le contraste le plus frappant avec cette 
belle végétation des ravins où le chasseur antisien vit au bord des torrens, 
avec ces plateaux élevés où le Péruvien civilisé a fixé sa demeure. 

Les nations que nous réunissons dans ce rameau, ne sont qu’au nombre de 
deux : la première, composée des fiers Araucanos; la seconde, des Fuégiens 
pêcheurs. : 

Le tableau suivant indiquera leur population respective. 


NOMBRE DES INDIVIDUS 
NOMS DES NATIONS. , TOTAL. 
. CHRÉTIENS. SAUVAGES, 


ArauCanos OU AUCAS.. soso 30,000 30,000 
Fuégiens . ....... .. seine e cie 4,000 4,000 


ToTaux.….… 34,000 | 34,000 


Notre rameau araucanien n’offre donc que des hommes libres maintenant 
comme ils Pétaient avant la découverte de l'Amérique. Toutefois il existe 
une grande différence entre les deux nations; et, si les Araucanos ne cédèrent 
jamais ni au fer ni à la persuasion, nous expliquons Pétat actuel des Fuégiens 
moins par leur caractère national que par la nature du terrain qu’ils habitent 
et par l’excès du froid qu’ils y éprouvent. 

Comme nous n'avons que deux nations dans ce rameau, et que les géné- 
ralités, poussées plus loin, ne feraient que reproduire les faits contenus dans 
les descriptions spéciales, nous croyons inutile d’en donner l’ensemble, et 
nous renvoyons aux articles qui suivent sur les Araucanos et les Fuégiens. 


(177) 


NATION AUCA OU ARAUCANA. 


Il est peu de nations qui aient autant de noms différens que celle-ci et dont la syno- 
nymie soit plus embrouillée. Ses diverses dénominations tiennent souvent aux lieux que 
les Indiens fréquentent, ou aux chefs qu’ils suivent. Falconer ! est l’auteur qui lui en a le 
plus donné; mais la plupart n’en sont réellement pas; car celles de Zuiliches (hommes du 
sud), de Æwli, sud, et de ce, homme; de Picunches (hommes du nord); de Puelches 
(hommes de l'est), qu’il divise encore en Talahuets et Diuihets, selon le point qu'ils 
habitent, ne sont que des indications relatives à la position de ceux qui les donnent. 
Les Æuiliches (hommes du sud) pour les Indiens des parties plus septentrionales, seront 
en effet les Picunches (hommes du nord) pour les Indiens du sud, et il en sera de 
même des tribus qui occupent, de l’est à l’ouest, toute la largeur de l'Amérique méri- 
dionale, depuis les côtes du Chili jusqu’à celles de la république Argentine. Les autres 
noms donnés par cet auteur proviennent tous du lieu où vit, plus habituellement, 
chaque tribu; ainsi les CZonos sont les Aucas des parties les plus méridionales des 
côtes du Chili, sur les rivages de l’archipel de ce nom; et la dénomination de Moluches 
(hommes guerriers), par laquelle il désigne à tort la nation entière, est peu connue. 
Il divise les Chiliens en Pencos, Tucapels et Araucos, des lieux qu’ils habitent dans les 
parties méridionales du versant occidental. Ses Péhuenches où hommes du pays des 
Araucarias (espèce de conifères) nommés Pekuen, vivent dans les montagnes seulement, 
toujours confondus avec les Puelches, nation distincte; et, enfin, le nom qu’il donne 
à ses Leuvuches (de leuvu, rivière, et de cke, homme), hommes des rivières, peut s’ap- 
pliquer à toutes les tribus qui campent tour à tour près des cours d’eau ?. Molina 5 
qui ne connaissait que les Indiens du Chili proprement dit, les divise en Æraucanos, 
vivant dans le pays d’Arauco; en Cunckhes, en Boroanos, dont il parle comme d'hommes 
blancs; en Péhuelques (peut-être Péhuenches, nom estropié); en Æuiliches (hommes du 
sud), nom qui n’est aussi que relatif; en Puelches (hommes de l’est), qui ne sont que 


1. Falconer, Description des terres magellaniques. Nous avons cherché long-temps à reconnaitre, 
parmi cette multitude de noms, ceux qui pouvaient appartenir à telle ou telle nation. Nous avons, 
à cet effet, rapproché les mots qu’il indique comme distinctifs; et nous nous sommes convaincu 
qu’il avait complétement confondu les Puelches, les Patagons et les Aucas, ce qui est excusable; 
car on sait que ce religieux n’a écrit que de mémoire, long-temps après son retour en Europe. 

2. On trouve dans Garcilaso de la Vega, Com. real de los Incas, p. 249 , les noms des Pincu, 
Cauqui et Antalli, comme tribus des Araucanos existant au quinzième siècle au Chili, lorsque l’{nca 
Fupanqui fit la conquête d’une partie de cette contrée. 

3. Histoire naturelle du Chili. 


D 
(à. 


IV. Homme, ° 


Homme 
améri- 
ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


a — 


(178) 

les Péhuenches des Andes. Villarino*, dans son Voyage aux sources du Rio negro, parle 
seulement des Aucas ou Aucaces des plaines et des Péhuenches des montagnes. Louis de 
la Cruz?, dans son Voyage au travers des Pampas, de Valdivia à Santa-Fe, ne parle égale 
ment que des Péhuenches montagnards, des Ranqueles ou Ranquelinos des plaines et de 
petites tribus, qui se nommaient alors Malalquinos, parce qu’elles habitaient les rives 
du Malalqui, Mamilmapu, comme vivant au lieu nommé Mamil5. Si nous ajoutons, à 
cette nomenclature, les noms de Pampas et de Chilenos, donnés par les Espagnols à cette 
nation, celui de Yacach, que lui appliquent les Patagons, et celui de Æuinca, qui leur 
est consacré par les Puelches, on pourra juger combien cette synonymie américaine 
si embrouillée des noms américains, rend difficile la distinction des nations d’avec les 
simples tribus. 

Nous conservons à la nation deux dénominations distinctes : 

1.° Celle d’Araucanos , pour les Indiens qui vivent à l’occident des Andes chiliennes et 
dans les Andes, les seuls de cette nation qui soient plus sédentaires. On peut les diviser 
en Chonos (ceux qui vivent au sud de Valdivia); en 4raucanos proprement dits (ceux du 
pays d’Arauco), et en Péhuenches (tous les montagnards des Andes) : ce sont, au reste, 
les noms sous lesquels on les connaît dans le pays. 

2.” Celle d’Aucas, pour toutes les tribus qui errent sur les Pampas, à l’est des Andes. 
Ces derniers se divisent maintenant en Ranqueles, habitant les Pampas, et en CArlenos, 
qui se trouvent vers les sources du Rio negro, sous le chef chilien Pincheira. Il y a 
ensuite, dans chacune de ces deux divisions, un nom particulier par lequel se désigne 
chaque petite section, selon le cacique qu’elle reconnaît pour chef, ou le lieu de son 
habitation momentanée. 

Considérée dans son ensemble, la nation habitait depuis Coquimbo, au 30.° degré, 
jusqu’à l’archipel de Chonos, au 50. degré sud; mais, en longitude, elle s’étendait des 
rives de l'océan atlantique au grand Océan, c’est-à-dire du 60.° au 76.° degré de longi- 
tude ouest de Paris. | 

Au temps de la conquête, les 4raucanos proprement dits couvraient toutes les vallées 
du versant occidental des Andes, depuis Coquimbo jusqu’à l'archipel de Chonos. 
Refoulés vers les parties méridionales du Chili, ils n’occupent plus aujourd’hui que 
les vallées situées au sud du Rio Maule. Les Péhuenches vivent toujours sur la chaîne 
même des Andes, depuis Mendoza jusqu’au Rio negro: ces deux tribus s'étendent en 
des vallées particulières, où elles sont fixées; les Péhuenches seulement font de fré- 
quentes incursions sur le territoire des Pampas, revenant toujours aux mêmes lieux, 
si le manque de pâturages pour leurs bestiaux ne les oblige pas à changer momentané- 
ment; tandis que les Chonos sont ambulans et navigateurs sur les côtes méridionales 
du Chili. Quant aux Aucas, voyageurs par excellence, on lés trouve alternativement, 


1. Ouvrage manuscrit, dont nous possédons l'original, intitulé : Viage sobre el Rio negro en 
la costa Patagonica. 

2. Manuscrit intéressant, dont nous avons également l'original. 

3. Mapu veut dire terre ou parage. 


(179 ) 


depuis Buenos-Ayres, Santa-Fe et Mendoza, au nord, jusqu'aux rives du Rio negro Homme 
ameri- 
cain. 


vers le sud, et de l’est à l’ouest, depuis l’océan atlantique jusqu’au pied des Andes, sur 
toute l'étendue des Pampas, du 34° au 41. degré de latitude sud. Les premiers, les 
Araucanos, habitent donc toujours les montagnes, tandis que les seconds, les Aucas, ne 
vivent que dans les plaines. Nous montrerons, plus tard, l’influence de la localité sur la 
manière de vivre des deux grandes sections de cette nation, dont elle a modifié non- 
seulement les coutumes, les mœurs, mais encore essentiellement le physique. 

Les Aucas et les Araucanos ont eu, jadis, de fréquentes communications avec les 
Incas, et l’on en trouve des traces dans leur industrie?, dans leur langage5; main- 
tenant ils sont souvent en contact, par les Pampas, avec les Mbocobis, au nord, avec 
les Patagons et les Puelches, au sud. 

Le chiffre total des Araucanos et des Aucas nous paraît bien difficile à obtenir; et 
si le nombre des caciques nous à conduit à croire que les Aucas des Pampas et les 
Péhuenches réunis peuvent s'élever à 20,000, nous n’avons aucune donnée précise sur 
celui des Araucanos du sud du Chili. Dire qu’il peut s'élever à la moitié de celui des 
orientaux, ce ne serait faire encore qu'une supposition basée d’une part sur les rapports 
des caciques ou chefs péhuenches que nous avons vus, de l’autre sur la superficie du 
terrain, déduction faite, pour ce pays montagneux, des parties inhabitables. Il y aurait 
donc 30,000 Araucanos et Aucas; mais, nous le répétons, ce ne sont là que des approxi- 
mations exagérées ou trop faibles. 

Les Aucas et les Araucanos ont la couleur moins foncée que les Péruviens, quoiqu’elle 
soit absolument la même, pour la teinte brun-olivätre pâle ou olivàtre. La grande quantité 
de captives blanches avec lesquelles ils se croisent journellement tend à diminuer encore 
peu à peu l'intensité de la couleur naturelle. Les jeunes gens des deux sexes sont beau- 
coup moins foncés que les adultes. 4 

La taille n’est pas toujours un caractère distinctif des nations, comme nous le prou- 
veraient les Araucanos ou Aucas, qui sont en général petits; leur taille moyenne 
atteint à peine 1 mètre 620 millimètres (5 pieds). Cependant il y a des exceptions 


* 1. Lors de la conquête de l’Inca Yupanqui. Garcilaso de la Vega, Com. de los Incas, p. 249. 

2. Nul doute que les Incas n’aient appris le tissage aux Araucanos. Une des preuves en est le 
nom des vêtemens et des ornemens, identique dans la langue inca; celui de topu, par exemple, 
pour laiguille d’argent qui retient la mante en avant. 

3. Les Aucas ont emprunté aux Incas leurs nombres, pataca, cent, et guaranca, mille. Voyez 
le Dictionnaire quichua. 

4, Nous ne croyons pas ce que dit Molina (Saggio sulla storia del Chili, 2° édit., p. 293) des 
Boroas, qui auraient les yeux bleus et le teint blanc. 

M. Lesson (Complément des Œuvres de Buffon, t. 11, Paris, 1828, p. 159) les indique comme 
cuivrés ; mais , ayant vécu huit mois au milieu d’eux et les ayant vus tout à notre aise, nous croyons 
pouvoir affirmer qu’ils ont la teinte que nous avons déterminée. 

5. Les mesures prises par M. Rollin (Voyäge de Lapeyrouse ) sur des Chiliens donnent 1 mètre 
650 millimètres de taille, mesure qui diffère peu des nôtres. 


( 180 ) 


Homme tenant peut-être à l'influence des localités. Les Chilenos et les Péhuenches, “qui 


améri- 
ain. 


vivent dans les montagnes!, ont rarement plus de { mètre 67 à 70 centimètres (5 pieds 
2 ou 3 pouces), tandis que la plupart sont au - dessous de 1 mètre 62 centimètres 
(5 pieds). Parmi les Ranqueles spéciaux aux plaines, on voit des hommes de 1 mètre 
70 à 73 centimètres (5 pieds 5 ou 6 pouces). Les formes des premiers sont massives, 
celles des autres plus élancées. Il paraît que la même chose arrive pour les Araucanos 
des plaines des côtes du Chili; ils sont aussi d’une belle taille. Nous croyons pouvoir 
en conclure, comme nous l'avons déjà dit, que les Indiens montagnards, en Amérique, 
sont généralement petits, tandis que ceux des plaines sont plus sveltes. Il est curieux 
de trouver cette influence (due peut-être à la raréfaction de l'air) parmi des tribus 
d’une même nation; cela ne ferait-il pas supposer qu’il y a bien long-temps que les 
Ranqueles occupent les plaines ou que l'influence est assez prompte sur ce change- 
ment de conformation? Leur taille moyenne nous a paru de 1 mètre 62 centimètres 
(5 pieds) seulement; les femmes sont des plus petites, et leur taille moyenne est, 
tout au plus, de 1 mètre 46 centimètres (4/ pieds); beaucoup d’entr’elles n’atteignant 
même que 4 pieds. 

Les formes des Aucas ne sont pas sveltes, comme quelques auteurs l’ont avancé; au 
contraire …. ainsi que toutes les nations des montagnes élevées des Andes, ils sont trapus 
et petits; leurs épaules sont larges, carrées, leur poitrine effacée et des plus bombée, 
leur corps est tout d’une venue, avec les membres inférieurs des plus courts et rarement 
proportionnés au tronc; les articulations sont grosses, les mains et les pieds très- 
petits, ces derniers en dedans; ce qui gène la marche. Sans être sujets à l'obésité, leurs 
membres sont bien fournis, arrondis et ne montrent jamais de muscles saillans; fait 
qu’on doit attribuer plutôt à leur conformation qu’au peu d'usage qu’ils font de leurs 
forces. En général, ils sont robustes; jamais nous n'avons vu parmi eux de jeunes gens 
minces et élancés, comme chez les nations d'Europe : dès leur jeunesse ils ont les mêmes 
proportions. 

Les Ranqueles, tout en présentant les mêmes caractères, sont moins trapus et ont, pro- 
portionnellement, les épaules moins larges. Les femmes offrent des formes identiques ; elles 
sont courtes et massives, ont les épaules et la poitrine très-larges, le corps presqu’égal 
sur sa longueur, sans que les membres prennent jamais plus de largeur que les épaules ; 
elles ont beaucoup de gorge, et celle-ci, dans la jeunesse, est parfaitement placée, par- 
faitement bien faite; leurs membres sont replets et arrondis; mais elles ne possèdent 
rien de ce qui caractérise, en Europe, la beauté des femmes : tournure svelte, taille fine, 


1. Ainsi, quand Molina dit (Histoire naturelle du Chili, p. 314), que les montagnards sont 
grands et en fait des Patagons, il veut probablement parler de Puelches qui seraient venus de 
l'est, au travers des Andes. Il est positif pour nous qu’aucun des habitans des montagnes, des 
lieux que nous avons vus, n’a de belles formes, ni une haute taille. Cet auteur soutient au reste la 
même chose que Frézier ( Relation du voyage de la mer du sud, p. 68), qui était loin d’être au 
courant sur les Araucanos , qu’il n’a vus que très-superficiellement. 


( 181 ) 
démarche gracieuse. Tout leur extérieur annonce des femmes robustes, propres à rem- Homme 
plir parfaitement les conditions de leur sexe; aussi n’entend-on jamais parler, chez elles, "it 
d’accidens de couches ni d’enfans mal nourris. 

Les Araucanos ont généralement la tête grosse, à proportion du corps; leur figure 
est pleine, arrondie, à pommettes saillantes, leur bouche assez grande; mais leurs lèvres 
sont beaucoup moins épaisses que chez les nations des Pampas. Ils ont les dents belles et 
résistant à l’âge; le nez épaté, assez court, les narines assez ouvertes, les yeux horizontaux 
et bien fendus, le front peu large et peu élevé, le menton élargi et court. L’ensemble 
des traits est quelquefois assez bien dans la jeunesse, où les hommes se confondent 
avec les femmes, par leur figure presque circulaire et efféminée; mais, à vingt-cinq ans, 
les pommettes commencent à se prononcer, et à cet âge, chacun des deux sexes prend 
les traits qu’il doit conserver toute la vie. La physionomie est variable: le plus souvent, 
un aspect sérieux, réfléchi, froid se remarque chez les hommes; mais on y trouve 
aussi de l'esprit, de la douceur. Quelques-unes des femmes sont jolies dans la très- 
grande jeunesse; plus âgées, elles ressemblent en tout aux hommes. Les cheveux, chez 
les deux sexes, sont longs, noirs, assez durs, comme chez tous les peuples américains. 
Les hommes s’épilent une partie des sourcils, ainsi que le peu de barbe qui leur vient 
au menton. L ; 

La langue n’a point de sons gutturaux; remplie de voyelles longues, elle est on ne 
peut plus douce, étendue, mesurée; plus euphonique qu'aucune de celles des peuples 
montagnards et contrastant, sous ce rapport, avec celle des Patagons, des Puelches, des 
Incas, leurs voisins. La nation met un soin tout particulier à parler avec pureté; les 
talens oratoires sont toujours d'autant plus, chez elle, le but de l'ambition qu'il faut 
être orateur pour obtenir le moindre crédit politique. Les Aucas ont aussi des poëtes 
et des chansonniers. Dans la langue auca ou araucana la diction oratoire est scandée 
par versets, et, pour ainsi dire, chantée. On n’y connaît ni le j espagnol, ni aucun 
son compliqué formé de consonnes. La plupart des mots sont terminés par des voyelles 
toujours longues; mais quand ils le sont par des consonnes, ce sont toujours les moins 
dures, par exemple ln, l’r, l'£, l’r et très-rarement l’f, le p ou le g. Nous retrouvons, 
dans la langue araucana, la prononciation de notre c4 français, et en même temps, . 
quelques-unes de nos diphthongues, comme eu et ain. 

Le système de numération est décimal; mais les nombres cent et mille sont empruntés 
à la langue des Incas. 

Le caractère de cette nation est surtout fier, indépendant, courageux, inconstant , 
dissimulé, rancuneux, peu jovial, souvent taciturne; c’est, au reste, le même que celui 
des Patagons et des Puelches des plaines; et, parmi les nations de montagnards, nous 
ne lui trouvons d’analogie qu'avec celle des Yuracarès pour l'indépendance, à cette seule 
différence près, que les Aucas sont moins sanguinaires, plus sociables, et surtout bons 
pères, bons époux. Guerriers indomptables, infatigables voyageurs, aussi libres aujour- 
d’hui qu’au temps de la conquête, ils ne se sont jamais soumis au christianisme. 

Les mœurs, dans la nation auca, ne sont pas aussi uniformes que le caractère et le 


Homme 
améri- 
cain. 


—_——— 


(182 ) 
langage; les différens lieux habités par les tribus, ont beaucoup modifié leurs habi- 
tudes. Les Aucas ou les orientaux des plaines sont, comme les Patagons, comme les 
Puelches, constamment en marche, essentiellement vagabonds, se nourrissant seulement 
de leur chasse et de la chair de leurs troupeaux, vivant sous des tentes de cuir, qu'ils 
transportent avec eux. Toujours à cheval, ils sont devenus les meilleurs écuyers de 
l'Amérique méridionale. Dans les attaques diurnes, qui sont rares, le clair de lune étant 
presque toujours l'instant qu'ils choisissent pour attaquer, ils se cachent quelquefois 
sur le côté de leur cheval. Les Araucanos du sud du Chili, au contraire, fixés dans 
des vallées, y cultivent des grains, y élèvent des bestiaux et habitent des maisons. On 
voit combien leurs tribus diffèrent sous ce point de vue, tout en se ressemblant sous 
les autres rapports; aussi belliqueux les uns que les autres, et tous disposés à comploter 
contre les Chrétiens, auxquels jamais ‘ils ne se soumirent, et contre les nations voisines, 
pour eux objet d’une rivalité constante. Ils se réunissent, à cet effet, armés de leurs 
bolas?, de leurs frondes, de leurs lances que forme un roseau flexible, long de 15 à 18 
pieds; partent avec leurs femmes, avec leurs enfans, sous la direction d’un chef ora- 
teur et guerrier, s’approchent du lieu qu'ils veulent attaquer, envoient des éclaireurs 
pour le reconnaître, et la nuit suivante, comme un torrent débordé, tombent sur 
l'ennemi, le surprennent, l’assaillent avec impétuosité, Les femmes et les enfans enlèvent 
les bestiaux et pillent tout pendant le combat. Après avoir tué les hommes, les vain- 
queurs emmènent en esclavage les femmes, les enfans, et regagnent à petites journées 
leur point de départ. Chargées dans ces courses des soins domestiques et des bagages, 
les femmes sont néanmoins bien traitées par leurs maris: et l’on a dit à tort que ceux-ci 
les obligent même à seller leurs chevaux. 5 

Attaqués depuis les Incas, qui ne purent les soumettre#, par Almagro, par Valdivia 5, 
par tous les Espagnols du Chili et de Buenos-Ayres, ils n’ont jamais cédé ni à la force 
de leurs armes, ni aux suggestions de leurs missionnaires, 


n 


conservant jusqu’à auJour- 
d’hui leur liberté, leurs coutumes, leur religion primitive. Ce sont, on peut le dire, 
les plus déterminés de tous les Américains, et ceux qui entendent le mieux l'art de la 


guerre. 


1. Père Lozano , Hist. de la com. de Jesus en la prov. del Paraguay; t. 1, p.147, cite ce fait pour 
les Araucanos du Chili. 

2. Nous avons décrit cette arme, partie historique, t. 1, p. 129. Ce sont trois boules auxquelles 
sont attachées autant de courroies de deux tiers de mètre de longueur, qui se réunissent à un 
centre commun et qui se lancent; et non pas, comme l’a dit M. Lesson (Compl. des Œuvres de 
Bufjon, Homme, t. Il ,p. 165), des boules attachées à l’extrémité d’une longue courroie, dont le 
cavalier retiendrait l’extrémité,. 

3. Lesson, Complément des Œuvres de Buffon, races humaines, t. II, p. 162, avait été très-mal 
informé sur ce point. 

4. Lors de l'expédition de Yupanqui, avant la conquête de l'Amérique. 

5. Garcilaso de la Vega, Coment. real de los Incas, p. 249. 

6. Funes, Ensayo de la historia del Paraguay, 1. HT, p. 20. 


(185 ) 


Leurs amusemens consistent en jeux de balles, assez curieux, puisque c’est la poitrine Homme 


qui doit recevoir la balle quand celle-ci a passé sous la jambe; et quelquefois en rondes 
monotones !, qui ne sont en rien lascives et imitatives, quoi qu’on en ait dit2. Parmi eux 
la polygamieÿ est tolérée, chacun des chefs possède un grand nombre de concubines, 
cette condition étant le sort des prisonnières; leur mariage n’est, en quelque sorte, que 
l'achat d’une femme à très-haut prix, ce qui empêche beaucoup d'individus de se 
marier. | 

Ils ne sont pas plus navigateurs que les Patagons; néanmoins ceux qui avoisinent 
l'archipel de Chonos se servent de radeaux grossièrement construits. 

Les progrès de l’industrie, un peu plus avancée que celle des autres nations du 
sud, sont dus, sans aucun doute, aux rapports qu’ils ont eu long-temps avec les Incas. 
Les hommes, comme tous les sauvages, ne s'occupent que de leurs armes, tandis 
que les femmes filent la laine de leurs moutons et la tissent, pour s’en faire des vête- 
mens. Ces tissus sont variés de diverses couleurs, au moyen de certaines teintures. Ils 
peignent aussi les peaux dont ils se font des couvertures; mais nous avons remarqué 
que leurs dessins, au lieu de reproduire, comme ceux de presque tous les hommes 
qui se rapprochent le plus de la nature, l’image d’êtres animés ou fantastiques, repré- 
sentent simplement des grecques de formes variées. 

Le costume des hommes est le poncho, le chilipa, adopté par les habitans de la 
campagne de Buenos-Ayres, consistant en une pièce d’étoffe qui s’attache autour du 
corps et couvre jusqu'au dessous du genou; celui des femmes est composé d’une pièce 
de tissu qui s'attache sous les bras, et d’une autre qui couvre les épaules, retenue en 
avant par une épingle, le topu des Incas. Pour le reste, les cheveux divisés en deux 
queues, les colliers, les peintures rouges de la figure, hommes et femmes suivent les 
habitudes des Patagons et des Puelches. A l’armée les hommes portent une cotte-de-mailles 
en cuir, comme les Patagôns. 4 

Le gouvernement des Aucas est, en tout, semblable à celui des Patagons. Leurs 
chefs, choisis dans une assembléeS, les guident à la guerre et deviennent presque 
leurs égaux, lorsqu'ils rentrent sous leurs tentes. Point de soumission à leur père, à 
leur cacique; point de châtimens pour les crimes; seulement, les parens d’un homme 
assassiné peuvent, s'ils sont puissans, tirer vengeance de l'assassinat sur le meurtrier, 


1. Padre Ovalle. 

Pedro de Oña, 4rauco domado, canto IT, octava XII, folio 20. 

2 M. Lesson, loc. cit., p. 165 , parle de la Sapatera comme d’une danse des Araucanos, tan- 
dis que c’est une danse exclusivement propre aux Espagnols, ce qu’indique assez son nom ; d’ail- 
leurs, notre long séjour chez cette nation nous en a fourni la preuve certaine. 

3. Lozano, Hist. de la comp. de Jesus en la prov. del Paraguay, à. X, p. 155, dit, comme 
nous l’avons vu, qu’ils sont polygames. 

4. Le père Lozano, Loc. cit., 1.1, p. 144, dit que ceux du Chili la portent aussi. 

5. Le père Lozano, Loc. cit. (1754), p. 142, l'avait appris aussi au Chili. 


améri- 
cain. 


(18) 


Homme Ce qui amène, entre les familles, des querelles interminables et provoque des divisions 


améri- 
cain. 


sans fin et des haines mortelles entre les tribus. On peut dire en somme qu’il n’y a 
aucun corps de nation. 

La religion des Aucas et des Araucanos est, pour le fond, absolument la même que 
celle des Patagons : ils craignent leur Quecubu ou malin esprit, et admettent un être 
créateur de toutes choses, obligé de les protéger, de leur donner tout ce qu'ils désirent, 
sans qu’ils lui doivent aucune adoration, aucune prière. Ils croient l’homme libre 
de toutes ses actions; ne pensant même pas que leurs crimes puissent influer sur les 
faveurs d’un créateur ni sur le mal que leur fait le Quecubu. Les machis ou médecins! 
sont les agens du malin esprit, et interprètent une foule de choses, comme les rêves, 
les hurlemens des chiens, le chant d’un oiseau nocturne, etc. Ils font mille jongleries 
pour guérir les malades; et, s’ils n’y réussissent pas, ils interprètent la mort et presque 
toujours en rejettent la faute sur d’autres Indiens; de là encore poursuite et meurtre 
de ceux-ci par les parens du défunt; de là ces inimitiés héréditaires, tant individuelles 
que nationales. Ils croient à l’immortalité de l'ame, et comptent, après la mort, se retrouver 
dans un lieu de délices de l’autre côté des mers. On enterre avec eux ce qu’ils ont de 
plus précieux, pour qu’ils puissent se montrer dignement dans le séjour des morts; 
on tue les chevaux du défunt sur sa tombe; mais on ne détruit pas entièrement tout 
ce qui lui appartenait; aussi existe-t-il pour la nation une source de richesses, une 
tendance à la civilisation. Leurs morts sont enterrés assis, les genoux pliés sur la poi- 
trine. Ils ont aussi, à l’occasion de l’âge de nubilité des jeunes filles, des cérémonies 
superstitieuses , mais ils ne leur font aucune blessure. 

Nous ne croyons pas que les Aucas ou Araucanos soient, plus que les autres Améri- 
cains, rapprochés de la grande race jaune océanienne. Ils ont, pour l’ensemble du carac- 
tère, des mœurs, de la religion, l’analogie la plus directe avec les Patagons, les Puelches, 
les Fuégiens; et il est impossible de les en séparer entièrement sous ce rapport, non- 
obstant même les petites nuances observées. Pour les caractères physiques, ils diffèrent 
essentiellement de ces mêmes Patagons, de ces mêmes Puelches, par une stature beau- 
coup moins élevée, des formes plus massives, un corps plus raccourci, plus large, une 
figure moins aplatie, des pommettes un peu plus saillantes. Ils ont la taille, la confor- 
mation caractéristique de tout le rameau des Américains montagnards; se rapprochent 
beaucoup, sous ce point de vue, des Fuégiens et surtoul des Péruviens; mais leurs traits 
sont tout à fait différens de ceux des derniers, ainsi que leur langage, et s’en distinguent 
surtout par la douceur, par l’euphonie des sons. De tout cela nous concluons que les 
Aucas ou Araucanos appartiennent à la race des peuples montagnards ; mais comme 
rameau particulier, servant, pour ainsi dire, d’intermédiaire entre les peuples des mon- 
tagnes et ceux des plaines. 


1. Ovalle, liv. VIT, ch. V, p. 281, et Lozano, Hist. de la comp. de Jesus en la prov. del Paraguay, 
t. 1, p. 154, disent que les Araucanos du Chili ont aussi des prêtres du même genre. 


( 185 ) 


NATION FUÉGIENNE. 


Si nous examinons les noms divers que les voyageurs ont donnés à cette nation, nous 
verrons qu'il est impossible de trouver entr’eux aucune analogie. Olivier de Noort dit! 
qu'elle se divise en plusieurs tribus, celles des Ænoo, des Kemenettes, des Kennekas, des 
Karaïkes. Beauchène-Gouin? n’en forme que deux, celle des Laguediches, à l'est, et 
celle des 4veguediches, à l’ouest du détroit. Bougainville les nomme Péchérais5, parce 
qu'il leur entend souvent prononcer ce mot. Molina les appelle Caucau ; et Falconerf, 
qui ne les connaissait pas, donne le nom de Key-Yus ou Keyos à ceux qui sont à l’ouest 
du détroit de Magellan, le nom de Facana-Cunny à ceux de l’est, confondant ainsi les 
nations du nord et du sud , de manière à ne laisser aucune ligne de démarcation entre 
les vrais Patagons et les Fuégiens. Enfin, en 1822, le capitaine Weddelf leur imposa le 
nom de Fuégiens, nom par lequel nous croyons devoir continuer à désigner cette nation, 
comme spécifiant mieux sa principale résidence. 

Les Fuégiens habitent toutes les côtes de la Terre-du-Feu et des deux rives du détroit 
de Magellan, depuis l’île Élisabeth et le port Famine, vers l’est, jusqu’à cette multitude 
d'îles qui couvrent toutes les parties occidentales au nord et au sud du détroit; ils sont 
séparés des Patagons par la mer et par la chaîne de montagnes constituant l’isthme 
qui réunit la péninsule de Brunswick au continent. C’est toujours entre ces limites que 
les navigateurs ont aperçu les hommes qu'ils ont décrits comme des Patagons de 

petite taille. On en pourra juger par le tableau comparauf des voyages que nous don- 
nons à l’article Patagon7. Les Fuégiens peuvent donc communiquer d’un côté avec les 
Patagons, à l’est du port Famine, ou avec la tribu des Araucanos, qui habite l'archipel 
de Chonos, sur la côte occidentale de l'Amérique, ce que prouvent, au reste, les mots 
espagnols que le capitaine Weddel 6 leur a entendu prononcer. Leur genre de vie et Îes 
glaces des pays montueux qu'ils habitent, les forcent à se tenir exclusivement sur les côtes. 

Il nous est impossible de donner une idée exacte du nombre d'individus qui com- 
posent cette nation; en Île portant à 4000, nous pourrions craindre de rester au-des- 
sous de la vérité; c’est néanmoins à peu près le chiffre de population que les Patagons 
leur attribuent. | 


De Brosse, Histoire des navigations aux Terres australes, 1. 1, p. 298. 
Ibidem, t. 1, p.120. 

Bougainville, Étoile et Boudeuse, p. 147. 

Molina , Histoire naturelle du Chili, p. 318. 

Terres magellaniques , 1. IT, p. 38 et p. 66. 

Voyage towards the south pole. 

. Voyez l’article Patagon , plus loin. 


NE R EN 


. Voyage towards, etc., p. 152 et suiv. 


IV. Homme. 


© 
ES 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
Cain. 


( 186 ) 

La couleur des Fuégiens est olivètre ou basanée, mais plus päle que celle des Péruviens 
et de leurs voisins les Araucanos. 

Nous avons vu, au Carmen, un jeune homme de cette nation dont les caractères 
physiques étaient parfaitement en rapport avec ceux que donnent les voyageurs, qui 
tous, à l'exception d’un seul, depuis Magellan jusqu’à nos jours, s'accordent à leur 
attribuer, dans les descriptions qu’ils en font, une taille tout à fait ordinaire; un seul, 
disons-nous, Sébald de Weert, en compagnie de Simon de Cord?, bien qu'il ne les 
ait pas approchés, en fait des hommes de 10 à 11 pieds de hauteur; mais il 
est inutile de discuter la véracité de ce récit, puisque tous les observateurs qui l'ont 
précédé ou suivi, sont unanimes relativement à la question de la taille, et puisque 
d’ailleurs les mesures données par Wallis, par Forster et par Weddel ne varient entr’elles 
que de 1 mètre 620 à { mètre 670 millimètres (5 pieds à 5 pieds 3 pouces français). On 
peut donc, sans crainte, porter leur taille moyenne à 1 mètre 663 millimètres (5 pieds 
1 pouce).$ 

Leur corps est peu svelte, comme chez presque tous les Américains; ils ont les 
formes massives, la poitrine large, et sont néanmoins assez bien. La diversité d’opi- 
nion des voyageurs qui les ont vus robustes et ayant les membres bien fournis, comme 
Brak, Narborough, Degennes, Cook et Weddel, tandis que Duclos Guyot et Bougainville, 
au contraire, les représentent comme maigres, vient probablement de la saison où 
ils auront été aperçus, l'hiver devant avoir une grande influence sur l'abondance de 
leur nourriture. Leur démarche chancelante tient sans doute à ce que leurs jambes 
sont arquées, forme déterminée par la manière dont ils s’asseyent à terre, les jambes 
croisées à la manière des Orientaux; cette coutume porte naturellement les pieds en 
dedans. Les femmes paraissent avoir les mêmes formes que les hommes, et l’on cherche- 
rait vainement en elles les proportions consacrées par les arts de l'Europe. 

Leurs traits annoncent du rapport avec les Araucanos, dont ils sont voisins; leur tête 
est assez grosse, leur visage arrondi; ils ont le nez court et un peu élargi, les narines 
ouvertes, les yeux petits, noirs et horizontaux; la bouche grande, à grosses lèvres, les 
dents blanches, bien rangées; les oreilles petites et les pommettes peu saillantes. Ils 
paraissent n'avoir que très-peu de barbe, et l’arrachent, ainsi que leurs sourcils. Leurs 
cheveux sont ceux de tous les Américains, noirs, longs et plats. Avec cet ensemble de 
traits on ne remarque jamais chez eux cet air féroce qui caractérise quelques nations de 
chasseurs; ils ont au contraire le sourire doux, plein de naïveté; leur caractère répond, 
au reste, parfaitement à leur extérieur : ils sont obligeans; et aucun navigateur ne s’en 
est plaint, tandis que beaucoup ont eu à s’en louer. 


1. M. Bory de Saint-Vincent a été induit en erreur par les renseignemens qu'il a reçus, lors- 


qu'il décrit les Fuégiens comme entièrement noirs. L'Homme (Homo ), Essai zoologique sur le. 


genre humain, t. I, XIV espèce, mélanienne, p. 104. 

2, Recueil de la Compagnie des Indes ; Rouen, 1725, t. IT, p. 300. 

3. On voit qu’il y a loin encore de là à ces prétendus nains du pôle sud, représentans des 
Lapons du pôle nord, et que plusieurs auteurs s’obstinent à trouver dans les Fuégiens. 


(187 ) 

Leur langage est guttural; et, d’après le peu de mots que nous en ont donnés les 
voyageurs, nous croyons pouvoir affirmer qu’il n’a d’autres caractères communs avec 
celui des Patagons, que de présenter aussi beaucoup de sons d’une prononciation diffi- 
cile, et surtout beaucoup de ceux qui nécessitent l'emploi du k. Ces rapprochemens 
seuls nous paraissent justes; mais si l’on compare ces mots à ceux de la langue des 
Araucanos, on trouvera entr'eux quelque analogie, non dans les sons ni pour la dureté 
du langage, mais dans le sens; car la finale ce, qui veut dire homme en araucano, se 
trouve, comme nous l'avons vu, dans les mots Laguedi-che et Aveguedi-che donnés par 
Beauchène-Gouin, ce qui est tout à fait en rapport avec les traits, avec la taille, et les 
place très-près de ces derniers. | 

Essentiellement ambulans et vagabonds, leurs conditions d’existence ne leur per- 
mettent pas de se former en grandes sociétés. Ne vivant que de chasse et de pêche, 
ils vont toujours en petit nombre d’un lieu à un autre, changeant de séjour, dès qu'ils 
ont épuisé les animaux et surtout les coquillages des côtes. Comme ils habitent une 
terre morcelée en une multitude d’iles, ils sont devenus navigateurs, différant com- 
plètement en cela des nations qui les avoisinent; car les Patagons n’ont jamais eu la 
pensée de se construire un radeau pour passer une rivière. Les Fuégiens parcourent 
donc incessamment toutes les plages de la Terre-du-Feu et des contrées situées à l’ouest 
du détroit : on les voit réunis par deux ou trois familles ou quelquefois moins, se 
construire des pirogues d’écorce d'arbre, cousues avec des tendons d'animaux, leur don- 
ner jusqu'à douze ou quinze pieds de long, sur trois de large, boucher les joints 
avec du jonc, soutenir le dedans par des branches, et enduire le dehors de résine; le 
tout sans autres outils que des coquilles ou des morceaux de silex; puis ils aban- 
donnent leurs cabanes, qui sont coniques, construites en branchages fichés circulaire- 
ment en terre et réunis à leur sommet. Souvent établies à quelques pieds sous terre, 
elles sont recouvertes d'argile ou de peaux de loup marin; et vers leur centre, s'allume 
un feu dont la fumée ne peut sortir que par une seule ouverture basse qui leur sert 
de porte. Hommes, femmes, enfans et nombre de chiens s’embarquent dans la frèle 
nacelle. Les femmes rament, les hommes restent inactifs, toujours prêts, néanmoins, 
à percer le poisson qu’ils aperçoivent, d’un dard armé d’une pierre aiguë à son extré- 
mité. Ils arrivent ainsi à une autre île : de suite les femmes sont chargées de la sur- 
veillance des pirogues, de la pêche des coquillages, tandis que les hommes songent à 
chasser à la fronde, et à l’arc avec des flèches armées d’un morceau de silex. Ils construisent 
ensuite une nouvelle cabane et y séjournent quelque temps; mais, dès que la chasse et 
la pêche deviennent moins abondantes, la famille se rembarque et va s'établir ailleurs. 
Chaque famille est ainsi constamment exposée aux dangers de la mer, aux intempéries 
d’une région presque toujours glacée et cela, pour ainsi dire, sans vêtemens : un 
morceau de peau de loup marin vient à peine couvrir les épaules de l’homme, tandis 
que la femme n’a qu'un petit tablier de même nature, ou, en hiver, des morceaux 
de peau de guanacos. Au sein de cette indigence, qui ne s’étonnerait de voir régner , 
parmi les Fuégiens, une sorte de recherche et de coquetterie? Ils se chargent le cou, 


Homme 
améri- 
cain. 


(188 ) 


Homme les bras, les jambes de colifichets ou de coquilles; ils se peignent le corps et plus 


améri- 
Cain, 


souvent la figure, de divers dessins blancs, noirs et rouges, usage commun aux Pata- 
gons 1; les hommes s’ornent quelquefois la tête d’un bonnet de plumes. Tous portent 
des espèces de bottines faites de peau de loup marin. 5 

Comme les peuples chasseurs, ils ont fréquemment entr’eux des querelles, de petites 
guerres, qui durent peu, mais paraissent se renouveler souvent. 

Misérables par suite du climat, ils vivent principalement de coquillages cuits et crus, 
de poissons, d'oiseaux, de loups marins, dont ils mangent la graisse crue, partageant 
leur nourriture avec leurs chiens, qui les accompagnent en tout lieu. Ils passent ainsi la 
saison. la plus rigoureuse, non pas sous terre, comme les habitans du pôle nord, mais 
sans que leur genre de vie éprouve la moindre influence de la température; chez eux, 
comme chez tant d’autres nations sauvages, la femme, que la civilisation dispense des 
travaux pénibles, est contrainte, outre les charges naturelles à son sexe, outre ses devoirs 
de mère, de vaquer aux occupations les plus fatigantes : elle rame, pêche, construit 
les cabanes, et brave jusque dans l’eau l’extrème rigueur du froid. En un mot, les 
Fuégiennes sont peut-être, de toutes les femmes sauvages de l'Amérique, celles dont 
le sort est le plus dur. | 

La religion des Fuégiens, d’après le peu qu’en ont pu dire les navigateurs, serait, 
au fond, celle des Patagons. Ils croiraient, de même, à une autre vie, marqueraient 
linstant de la mort par un deuil et par des cérémonies superstitieuses. Malades, ils ont, 
comme les Patagons, comme les Araucanos, des jongleries pratiquées par une femme; 
pression du ventre, succion des diverses parties du corps, paroles magiques adressées à 
un être invisible... Seulement le médecin-prêtre a les cheveux poudrés et la tête ornée 
de deux plumes blanches; ce qu’on ne voit pas chez les Patagons. 

Bien que rapportés à la race d'hommes noirs qui couvrent une partie de la Terre 


de Diémen 5, les Fuégiens n’ont, ainsi que l’avait pensé Forster4, aucun des traits 


caractéristiques de la race du grand Océan; ils appartiennent bien certainement à la race 
américaine; pour les traits, pour les formes, 1ls ont beaucoup d’analogie avec les Arauca- 
nos; leur langage se rapproche, pour les sons, de celui des Patagons et des Puelches, de 
celui des Araucanos pour les formes. Leurs armes, leur religion, les peintures de leur visage, 


‘sont aussi celles des trois nations voisines; mais ils s’en distinguent par l’idiome. Leurs 


caractères physiques nous semblent en tout les rattacher au rameau des Aucas ou 


Araucanos du Chili. 


2 RO RER BU SE PE CE PUS SSSR 
1. Tous les voyageurs se sont accordés dans la description des Fuégiens quant à leur toilette, à 
la construction de leurs cabanes, à la forme de leurs pirogues. Voir à cet égard, pour plus ou moins 
de détails, Drake, Sébald de Weert, L’Hermite, Narborough, Degennes, Duclos-Guyot, Byron, 
Bougainville, Cook , Weddel et le capitaine King, dont nous citons les ouvrages à l’article des Patagons. 
2. Bougainville, p. 159. j 
3. M. Bory de Saint-Vincent, dans son ouvrage sur l'Homme, les rapporte à son Espèce méla- 
nienne , t. II, p. 105. 
4. Forster, Observations, p. 244 et 249. 


(189 ) 


DEUXIÈME RACE. 


PAMPÉENNE. 
CARACTÈRES GÉNÉRAUX. Covzeur BRuN-OLVÂTRE. TAILLE SOUVENT TRès- 


ÉLEVÉE. FRONT EOMBÉ, NON FUYANT. ŸEUX HORIZONTAUX , QUELQUEFOIS BRIDÉS A 
LEUR ANGLE EXTÉRIEUR. | 


PREMIER RAMEAU. 


PAMPÉEN. 


Couleur : brun-olivâtre ou marron foncé. Taille moyenne, À mètre 688 
millimètres. Formes herculéennes. Front bombé. Face large, aplatie. 
Nez tres-court, tres-épaté, à narines larges, ouvertes. Bouche tres-grande. 
Levres grosses, tres-saillantes. Yeux horizontaux, quelquefois bridés à 
leur angle extérieur. Pomimettes saillantes. Traits mâles et prononcés. 
Physionomie froide, souvent féroce. 


Le rameau de la race pampéenne auquel nous avons imposé le nom de 
Pampéen, parce que les Pampas ou terrains unis des parties australes de 
Amérique ont été le berceau du plus grand nombre des nations qui le com- 
posent, est peut-être, de toute l'Amérique méridionale, celui qui couvre la 
plus grande superficie. En effet, il commence au détroit de Magellan, au 
53." degré de latitude sud, sur les terrains arides et froids de la Patagonie, 
s'étend sur la totalité des immenses Pampas ; et, de là, suit les plaines tem- 
pérées, chaudes et quelquefois ombragées du grand Chaco, jusqu'aux pre- 
mières collines de la province de Chiquitos, au 19.° degré. Ses limites sont, 
à l’ouest, les derniers contreforts des Andes ; à l'est, la mer, du détroit de 
Magellan au 35.° degré; de là, les montagnes de la Banda oriental, le cours 
du Rio Uruguay, vers le 350.° degré, puis les rives du Parana et du Para- 
guay jusqu'à Chiquitos, embrassant ainsi le sol horizontal de la Patagonie, 
les Pampas de Buenos-Ayres, de la Banda oriental, de la Plata, de la pro- 
vince d’Entre-Rios et du grand Chaco; le tout équivalant à une surface d’au 
moins 88,000 lieues marines, surface dont la forme allongée est comme 
resserrée entre la race ando-péruvienne, à l’ouest, et la race brasilio-guara- 
nienne , à l’est. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 190 ) 

Les pays habités par les Pampéens sont d’une grande uniformité, quant 
aux accidens du terrain : partout des plaines sans horizon, où l’homme 
chasseur devient naturellement vagabond, n'étant arrêté, dans ses excur- 
sions, par aucun obstacle; plaines où, dès-lors, toutes les tribus se con- 
naissent. Âu sud, une aridité désolante influe sur les migrations annuelles 
des peuples chasseurs; dans les Pampas, moins d’aridité; mais le manque 
d’eau, qui contraint le gibier à changer de lieu, obligerait souvent l’homme 
à voyager pour le poursuivre, s’il ne le faisait par habitude. Plus au nord, 
dans le Chaco, encore des plaines ; mais celles-ci, inondées à la saison des 
pluies, sont privées d’eau pendant les sécheresses , et ces deux causes contraires 
obligent leurs habitans à changer fréquemment de place; aussi, quoiqu'il y 
ait d’assez grandes différences entre le sol uni de la Patagonie et des Pampas 
et celui du Chaco, dont quelques bouquets de bois viennent au moins 
rompre l’uniformité, lhomme s’y trouve conduit à un genre de vie à peu près 
analogue, qui n’est peut-être pas sans influence sur ses caractères physiques. 
Dans le rameau qui nous occupe, plus d'agriculteurs fixés et paisibles, comme 
ceux des impénétrables et sombres forêts des collines de Chiquitos , lesquels 
peuvent vivre ignorés, quoique voisins les uns des autres; plus de naviga- 
teurs intrépides, comme à Moxos, où les mille méandres de nombreuses 
rivières et des inondations périodiques offrent à l’industrieux indigène, au sein 
des forêts et des plaines, des moyens de communication dont ne pourraient 
jouir la plupart des Pampéens, faute de matières premières pour se construire 
des pirogues. Le rameau pampéen, au contraire, réunit des hommes presque 
toujours errans, belliqueux et cruels, en qui lon trouve plus d’uniformité 
de caractères physiologiques, de mœurs, de croyances religieuses, que dans 
toutes les autres parties de l'Amérique, où des obstacles se sont opposés à 
la fréquence des communications. Comme preuve, nous allons rassembler, 
sous un seul point de vue, les caractères qui unissent les différentes nations 
dont se compose le rameau pampéen. 

Ces nations, infiniment moins nombreuses que celles indiquées par les 
auteurs, se réduisent, pour nous, à dix, dont sept nous sont bien connues: 
les Patagons ou Téhuelches des parties les plus australes, les Puelches des 
Pampas, les Charruas de la Banda oriental et de la province d'Entre-Rios, 
les Mbocobis ou Tobas, les-Abipones, les Lenguas et les Mataguayos du grand 
Chaco. Les trois autres, que nous croyons y pouvoir rapporter sans les avoir 
vues, sont les Payaguas, les Mbayas et les Guaycurus, décrits par Azara, et 
que nous nous contentons de citer à la suite des nations que nous avons 


(19 ) | 
étudiées par nous-même. On sera peut-être étonné de n’en voir figurer ici Homme 
qu'un nombre si peu élevé, tandis qu'il faudrait un volume pour trans- a 
crire les noms différens qui surchargent les cartes ou qui figurent dans les 
écrits sur le Chaco' et sur les Pampas*; mais un travail long et pénible nous 
a fait acquérir la conviction que cette multitude de dénominations devait 
se réduire à dix. Ces recherches nous ont, en même temps, fait connaître d’où 
provenait cette nomenclature si compliquée, et nous croyons pouvoir Pattri- 
buer : 1.” au mépris qu'on a toujours fait de l'étude des langues, comme 
moyen d'arriver à réduire les tribus en nations; 2.° à la corruption des mêmes 
mots qui se reproduisent avec une orthographe différente et finissent par être 
regardés comme désignant des nations distinctes; 3. au fait que ces noms 
changent continuellement, selon les historiens et les voyageurs, d’où cette 
multitude de nations prétendues éteintes, bien qu’elles existent toujours : 
les Espagnols donnent journellement de nouveaux noms, tenant aux lieux 
habités par les tribus ou aux caciques qui les commandent; puis chaque 
nation, chaque tribu ou même chaque famille indigène en donne aussi, 
dans sa langue, à chacune des autres réunions d'hommes dispersées au sein 
des déserts; et, comme ces tribus sont souvent ambulantes, leurs dénomina- 
tions changent suivant les endroits qu’elles habitent ou suivant le nouveau 
chef qu’elles se sont choisi. Nous ne pouvons offrir une meilleure preuve 
de ce que nous avancons, que celle que nous fournissent trois rapports 
officiels faits au vice-roi de Buenos-Ayres, sur les expéditions? des gouver- 


1. Sources principales : 1° Dans son énumération des nations du grand Chaco ( Descripcion 
chorographica del gran Chaco Gualamba, p. 51), le père Lozano cite d’abord un très-grand 
nombre de nations; mais, dans les pages suivantes, il en cite beaucoup d’autres, entièrement 
différentes, comme 36, tirées d’un manuscrit pris dans les archives de Cordova (même ouvrage, 
p. 52), puis tant de tribus de chaque nation, qu’il est extrêmement difficile de s’y reconnaître. 2.° Le 
père Fernandez (Relacion historial de los Chiquitos, 1723) indique, p. 419, dans le grand Chaco, 
400 hameaux de différentes nations. 3.° Une relation insérée dans l’intéressant ouvrage de M. Are- 
nales (Noticias historicas sobre el gran pays del Chaco, p. 86) parle de 54 nations. 

2. Nous avons montré, aux descriptions partielles des nations, combien Falconer ayait mul- 
üplié celles des Pampas. 

3. Dans ces rapports, dont nous possédons les originaux : 1.° le gouverneur de Salta nomme les 
Maiaguayos, les Matacos, les Chunupies, les Malvalaes et Signipies ; 2° le gouverneur du Para- 
guay parle des Mhocobis, des Tobas, des Pitilagas, des Lenguas, des Guaycurus, des Enimagas, 
des Gentusés, des Chunupies et des Vilelas ; 3° le gouverneur de Santa-Fe indique d’autres noms: 
les Mabataras, les Lules, les Aquilotes, les Amulalaes, les Callagaes, les Palomos, les Torquicines, 
les sistines, les Oristines, les Frentones, les Tobas, les Mbocobis, les Toquistines, les Abipones, les 
Calchaquies et les Naticas. 


( 192 ) 
Homme neurs de Salta, du Paraguay et de Santa-Fe, qui, en 1790, furent dirigées 
“ain, simultanément vers un même point, sur le cours du Rio Vermejo, et qui n’en 
ont pas moins donné une nomenclature tout à fait différente des nations 
qu'elles ont rencontrées. * 

Le nombre des habitans des Pampas et du Chaco n’est pas, dans les 
historiens, moins exagéré que celui des nations : dans une relation que 
conservent les archives de Cordova”, une liste de 54 nations du Chaco offri- 
rait un total de 103,250 âmes; dans une autre, également du Chaco seul et 
publiée par le père Lozano”, figurent les noms de 40 nations, dont la popu- 
lation serait de 62,650 âmes; mais, si l’on considère que cette dernière liste 
donne 12,000 âmes aux Guaycurus, tandis qu'Azara“ dit positivement qu’en 
1801 il ne restait plus qu’un seul homme de cette nation, on pourra se faire une 
idée de la discordance des opinions sur le nombre des individus qui peuplent 
encore le Chaco et les Pampas. Le tableau suivant présente les chiffres aux- 
quels nous nous sommes arrêté, d’après les approximations les plus rigou- 
reuses. 


NOMBRE DES INDIVIDUS 
DE CHAQUE NATION NOMBRE 


NOMS DES NATIONS. 
RÉDUITS AU ENCORE TOTAL. 


CHRISTIANISME. SAUVAGES. 


Patagons ou Téhuelches....... Ê 10,000 10,000 ? 
Puelches z 600 600 ? 
Chantuas entr te SHoo00bc 1,500 1,500 ? 
Mbocobis ou Tobas 14,000 14,000 ? 
Mataguayos ...... ee o esse 6,000 6,000 ? 
ADIDONES 26-06. ARE Acte 100 P 
Éenguas ar rrRen Moose 300 ? 


Totaux. ..... 32,500 


1. Le cours du Rio Vermejo n’est plus, depuis long-temps , habité que par les tribus des Mata- 
guayos et des Mbocobis ou Tobas. 

2. Voyez p. 86 de l’intéressant ouvrage de M. Arenales, Noticias historicas, etc. 

3. Descrip. chorog. del gran Chaco, p. 52. 

4. Voy. dans l’Amér. mér., I, p. 146. 

5. Nous ne faisons figurer ici que les nations qui appartiennent, par leurs caractères, à notre 
rameau pampéen, et celles que nous avons vues ; ainsi les Afaucanos des Pampas vont avec la race 
ando-péruvienne, les Chiriguanos du Chaco avec la race guaranienne; et nous ne citons pas 
des Payaguas, des Mbayas, des Guaycurus, décrits par Azara, quoique devant rentrer dans ce 
rameau , parce que nous ne les avons pas vus. 


( 193 ) 


Nous ne donnons aucun de ces chiffres comme positif; cest une simple Homme 
approximation obtenue des nations elles-mêmes et que de minutieuses recher- ri 
ches, faites sur les lieux, pour arriver à une solution satisfaisante, nous font 
croire voisine de la vérité. Peut-être, malheureusement, se passera-t-il bien 
des siècles avant qu’on puisse se procurer des données positives sur les nations 
du rameau pampéen, toutes encore à l'état sauvage. 

La couleur est, dans ce rameau, d’une assez grande uniformité : les hommes 
qui le composent sont, sans aucun doute, de tous les Américains que nous 
connaissons, les plus foncés en teinte; leur couleur, en effet, n’a rien de 
cuivré; la sépia ou le brun-olivâtre la rappelle le mieux; elle tient beau- 
coup de celle des mulâtres. Toutes les nations du Chaco présentent une 
intensité de teinte égale à celle des Patagons. Les Charruas et les Puelches 
seuls nous ont paru plus foncés que les autres; les premiers peut-être un peu 
marron. 

Si nous avons trouvé de luniformité dans la coulenr des nations de ce 
rameau, nous en rencontrons beaucoup moins dans leur taille; surtout en 
nous rappelant qu’elles comprennent les fameux Patagons, ces géans de la 
fable, renouvelés par les auteurs. Néanmoins, en ramenant les choses à 
leur juste valeur, il y a beaucoup moins de disproportion qu’on ne le pense 
entre la taille des nations du rameau pampéen, ce qui vient de ce que toutes 
renferment les plus beaux hommes des parties de l'Amérique méridionale 
que nous avons visitées. Nous trouvons aux Patagons une taille moyenne de 
1 mètre 750 centimètres (cinq pieds quatre pouces), et nous n’en avons pas 
vus qui passassent À mètre 92 centimètres (cinq pieds onze pouces ). Si nous 
leur comparons les Mataguayos, les plus petits des nations pampéennes, 
nous aurons encore pour taille moyenne de ces derniers À mètre 67 centi- 
mètres (près de cinq pieds deux pouces), et 1 mètre 76 centimètres (cinq 
pieds cinq pouces) pour les plus grands. Dès-lors la moyenne entre toutes les 
nations serait de À mètre 688 millimètres (près de cinq pieds deux pouces 
et demi), taille incomparablement plus avantageuse que celle des autres 
rameaux de cette race. La décroissance de la taille suit une marche régu- 
lière; des plaines du sud à celles du nord on la voit successivement diminuer 
des Patagons aux Puelches, des Puelches aux Charruas. À partir de ceux-ci, 
elle devient stationnaire dans les plaines du Chaco; et baisse de nouveau pour 
les Mataguayos, en approchant des peuples montagnards. Tirera-t-on de 
cette remarque la conséquence que les Patagons sont le type, la souche 
primitive de la race, qui, s’avançant vers le nord et se mêlant aux autres 


IV. Homme. 2 


( 494 ) 


Homme nations , aurait diminué de taille; ou que les hommes, en passant des pays 


améri- 
«ain. 


tempérés à la zone torride, ont subi des modifications d’influences qui les ont 
empêéchés de prendre une stature semblable? Nous sommes lom de vouloir 
résoudre cette question, qui ne serait qu'hypothétique et sortirait des faits 
positifs, base de notre travail. Parmi toutes les nations pampéennes, la taille 
des femmes est en général plus élevée qu’elle ne lest en Europe, compara- 
tivement à celle des hommes sur ce continent. 

Les formes des Pampéens sont le type de la force réellement athlétique. 
Ils ont le tronc large et robusté, presqu’égal sur sa longueur; les épaules 
effacées, la poitrine saillante, les membres replets, arrondis, ce qui concourt 
à donner à ces peuples une apparence herculéenne. Néanmoins il ne faut 
pas chercher chez eux de muscles apparens : leurs membres sont bien four- 
nis, mais 1] ne s’y manifeste aucune saillie musculaire; caractère particulier 
à la race, ou qui tient au peu d'emploi qu'ils font de leurs forces. Les femmes 
participent à cette complexion vigoureuse; aussi ne présentent-elles jamais de 
formes gracieuses : avec tous les signes de la force, elles sont trop robustes, 
trop larges, pour être bien faites; la nature les a douées, en revanche, de 
tous les avantages désirables pour le genre d'existence auquel elles sont appe- 
lées. Elles ont, pour la plupart, la main et le pied petits; leur gorge n’est 
pas trop volumineuse. | 

Les traits des diverses nations de ce rameau ont certainement entr’eux une 
analogie sensible. Chez les Patagons, la tête est grosse, la face large, aplatie; 
les pommettes sont plus ou moins saillantes, notamment dans la vieillesse; 
chez les nations du Chaco, les yeux sont petits, noirs, horizontaux, quel- 
quefois légèrement bridés à extérieur; le nez court, épaté, large, à narines 
ouvertes ; la bouche grande; les lèvres grosses et saillantes; les dents bien 
placées et belles; le front bombé; le menton court; les sourcils étroits et 
arqués ; la barbe rare, non frisée, poussant seulement à la lèvre supérieure 
et au menton; les cheveux noirs, longs et plats. La physionomie, constam- 
ment sérieuse, est froide, réservée, souvent féroce; et si chez quelques nations 
on trouve une Jeunesse joyeuse, et des traits efféminés dans les deux sexes, 
comme chez les Patagons, il en est chez lesquelles les jeunes gens participent 
à la taciturnité et à la tristesse de l’homme adulte. La différence à cet égard 
est énorme entre ces hommes et leurs voisins, les Chiquitéens, toujours prêts 
à rire et à s'amuser d’un rien. Les femmes ont presque toujours le même aspect 
que les hommes : très-peu sont passables dans la jeunesse, et toutes deviennent 
repoussantes dans l’âge de la décrépitude, chez elles fort prématuré. 


( 195 ) 

Les langues du rameau pampéen ont entr'elles une très-grande analogie nomme 
de sons et de formes, quoique tout à fait distinctes pour le fond: elles sont 5" 
principalement caractérisées par des sons du nez, par une gutturation forte, 
un manque total d’euphonie, et surtout par une redondance de consonnes 
qui les rendent on ne peut plus dures, telles que tz, nd, mb, zl, dl, etc. Le 
caractère commun à ces langues est notammént ce grand nombre de termi- 
naisons des mots en ic, eC, OC, ac, Où en ap, eg, ag, qu'on retrouve dans 
toutes, surtout dans celles du Chaco; car elles ne sont qu'indiquées dans 
celle des Patagons. La gutturation du j espagnol est souvent remplacée, 
chez les Patagons, chez les Puelches, chez les Tobas, par Pr, fortement pro- 
noncée du gosier. L’x nasal se trouve dans les langues patagone et puelche. 
Les mêmes langues possèdent notre ch, et la patagone seule notre z. Si lon 
rencontre, dans la langue des Patagons et des Puelches, un système de numé- 
ration étendu, tandis qu'à peine va-t-il à cinq ou même moins dans les autres 
langues, on doit, à ce que nous avons reconnu par leur nombre 100 et 1000, 
Pattribuer au contact avec les Araucanos, qui avaient eux-mêmes emprunté 
ces nombres aux Incas. Un autre point de ressemblance, c’est que le son de 
Lf est inconnu chez toutes ces nations. Au reste la seule langue puelche offre 
une anomalie pour les noms des parties du corps, qui commencent tous par 
‘un y. Les trois mots suivans, dans les diverses langues, pourront en faire 
juger, et serviront de termes de comparaison avec les mots correspondans 
dans les autres rameaux de la race pampéenne. 


NOMS NOMSs NOMS NOMS NOMS 
MBOCOBIS 


FRANÇAIS. PATAGONS. PUELCHES, Sr MATAGUAYOS. 
U BAS. 


Joue. Capenca. Yacaléré. 


Oreille. Guter. Yatitco. Equetela. Noquiote. 


Yeux. Jéné. Yaxyexké. Yacte. Notelo. 


Le caractère des peuples du rameau pampéen forme un contraste frappant 
avec celui des Chiquitéens : autant le premier est triste, sérieux, froid et 
réservé, autant le second est gai, ouvert, expansif et enjoué; aussi les uns, 
fiers, indomptables, ont toujours conservé leur indépendance sauvage; tan- 
dis que tous les autres se sont soumis au christianisme. En un mot, les Pam- 


( 196 ) 


Homme péens, depuis les régions glacées de la Patagonie jusqu'aux plaines chaudes 


améri- 
cain. 


du grand Chaco, furent et sont encore aujourd’hui les hommes les plus fiers, 
les plus intraitables guerriers des nations américaines : ils se sont laissé 
décimer par les Espagnols plutôt que de jamais se soumettre à leurs lois ; d'où 
vient qu'ils sont aussi libres aujourd’hui qu'ils l’étaient lors de la conquête. 
On a vu les Charruas, les Payaguas, les Abipones, les Guaycurus, s’anéantir 
peu à peu, sans se ranger sous la domination de l'étranger. Tous sont cepen- 
dant bons pères et bons maris. 

Il y a encore, entre les nations de ce rameau, assez d’analogie pour les 
mœurs : en effet les Patagons, les Puelches, les Charruas sont continuelle- 
ment vagabonds, errans, et vivent sous des tentes de peaux d'animaux, 
qu'ils transportent partout avec eux; les Mbocobis, les Lenguas, les Abi- 
pones, les Mataguayos, sont souvent ambulans aussi; mais le plus ordi- 
nairement ils se fixent sous des cabanes couvertes en paille. Les premiers 
ne sont que chasseurs et pasteurs; les derniers sont chasseurs, pasteurs et 
quelquefois agriculteurs. Sauf ces différences, ils ont tous beaucoup d’analogie 
de coutumes; car tous habitent des plaines, tous sont chasseurs aussi passionnés 
que guerriers intrépides, ce qui les force à vivre disséminés par petites tribus, 
au sein des vastes déserts, et à s’éviter pour ne pas compromettre mutuelle- 
ment le succès de leur chasse. À la guerre, la surprise est toute leur tactique: 
ils ont pour armes Parce, la flèche, la lance, la fronde, les bolas meurtrières 
et souvent la tranchante massue. , 

Leur industrie est on ne peut plus bornée : quelques-unes de leurs nations 
seulement doivent au contact des peuples montagnards l’art du tissage de 
la laine; encore l’exécutent-elles assez grossièrement. Aucune d’elles ne se sert 
de hamac. Généralement les hommes ne s'occupent que de fabriquer leurs 
armes, tandis que les femmes confectionnent les vêtemens, font la cuisine, et, 
lors des changemens de domicile, servent de bêtes de somme, en transportant 
tout le bagage. Elles sont souvent aussi chargées de ce qui regarde Pagricul- 
ture. Parmi ces nations, les Payaguas seuls étaient navigateurs, et celles du 
Chaco, plus industrieuses que celles des Pampas, joignent la pêche à la 
chasse. 

Leur costume a quelque chose d'analogue : toutes les nations vont tête 
nue, les unes relevant ou tressant leurs cheveux ; les autres s’en coupant une 
partie au ras de la tête; toutes ont la coutume de se peindre la figure de 
diverses couleurs, de s’arracher les sourcils, les cils, la barbe; et, parmi celles 
du Chaco, on est étonné de rencontrer le tatouage, si commun parmi la 


( 197 ) 


race jaune de lPOcéanie; cet usage n'existe que chez les femmes par suite Homme 
d’une coutume superstitieuse, pratiquée à l'instant de la nubilité. Tous ces ee 
peuples s’attachent une pièce d’étoffe ou de peau autour des hanches et se 
couvrent les épaules d’un manteau de peaux d'animaux, sur lequel, du côté 
opposé au poil, ils figurent des grecques irrégulières et variées. 

On pourrait dire que les nations pampéennes n’ont aucun gouvernement ; 
car on ne peut regarder comme tel lautorité momentanée de caciques ou 
chefs qui, en temps de guerre, conduisent au combat les tribus de chaque 
nation, et n’ont plus aucun pouvoir, quand ils rentrent dans Pétat de paix. 
Il n'existe, en effet, aucune subordination entre les simples Indiens et leurs 
chefs, pas plus qu'entre le fils et le père : la liberté individuelle est illimitée ; 
et aucun des peuples de ce rameau ne forme un corps de nation. Les chefs 
ne sont Jamais revêtus de fonctions religieuses. 

On dirait leurs croyances religieuses calquées les unes sur les autres et 
d’une origine commune, tant elles ont de rapport entr’elles. Tous redoutent 
un génie malfaisant, cause du mal, et ayant pour interprètes de vieilles 
femmes qui prétendent guérir les malades par une foule de jongleries supersti- 
tieuses, mais surtout par des succions. Ces nations croient à l’immortalité 
de l’âme; celles qui, comme les Patagons et les Mataguayos, ne brülent 
pas ce qui appartient au défunt, enterrent tout avec lui, et tuent sur sa 
tombe son meilleur cheval, pour qu'il le retrouve dans Pautre vie. L'âge 
de nubilité, chez les femmes, est marqué par des cérémonies compliquées; 
et chez les nations du Chaco, celles-ci reçoivent alors, par le tatouage d’une 
partie de la figure ou de la poitrine, les marques ineffacables de leur sexe. 
Si les croyances religieuses n’amènent jamais les Patagons et les Puelches 
à exécuter aucune scène sanglante, il n’en est pas ainsi des nations du 
Chaco, qui, par suite de superstitions, se livrent, à la mort d’un des leurs, 
à des Jeûnes rigoureux ou se mutilent de la manière la plus barbare, en se 
coupant une articulation des doigts ou en se couvrant les bras, les jambes, 
les flancs, et même le sein, chez les femmes, d’un grand nombre de bles- 
sures, dont les cicatrices restent toujours; le tout, sans doute, comme chez 
les peuples chasseurs et guerriers, pour montrer leur courage. 

En nous résumant, après avoir fait connaître les traits de ressemblance 
des diverses nations, il ne nous reste plus qu'à montrer les différences frap- 
pantes qui existent entre les Chiquitéens et les Pampéens. Les premiers sont, 
en effet, petits de taille, moins foncés en couleur; bons, gais, sociables, 
soumis ; leurs langues sont euphoniques, leurs coutumes douces, tandis que 


( 198 ) 


Homme les Pampéens, à la figure aplatie, sérieuse et froide, sont d’une taille élevée, 
“aim d'une teinte foncée, d’un caractère hautain et indocile, d’une taciturnité 
remarquable; leurs langues sont aussi dures, aussi gutturales, aussi sacca- 
dées que leurs mœurs sont sauvages ; néanmoins, par la couleur et par les 
caractères physiques, ces deux rameaux appartiennent à la même race, dont 


les Pampéens, et surtout les Patagons, seraient les types. 


(199 ) 


NATION PATAGONE OU TÉHUELCHE. 


Ce que nous avons à dire de ce peuple se divisera naturellement en deux paragraphes 
distincts : le premier présentera un coup d'œil historique et critique sur la fameuse 
question qu'ont soulevée, parmi les auteurs, les exagérations contradictoires dans 
lesquelles ils sont tombés sur sa taille, en le confondant d’ailleurs avec les Fuégiens 
ou habitans de la Terre-du-Feu; le second résumera nos observations personnelles sur 
ses caractères physiques et sur ses mœurs, pendant le séjour que nous avons fait dans 
son sein. 


S. 1.” Coup d'œil historique et critique sur ce que les auteurs ont dit des géans des 
parties australes de l'Amérique méridionale. 


L'existence, dans les parties australes, de l'Amérique d’hommes tour à tour géans ou 
de taille médiocre, ayant occupé, plusieurs siècles, les savans et les philosophes, et 
étant devenue, pour eux, tout ce temps et jusqu'à nos jours, le sujet d’une lutte 


opiniàtre; nous avons pensé qu'une résidence de huit mois parmi ces nations nous 


permettrait d'essayer enfin de résoudre pour toujours cette question si controversée. Il 
nous à semblé que ce serait rendre un assez grand service à la science et à la cause de 
la vérité; mais pour atteindre ce but, il a fallu nous condamner à un travail long et 
fastidieux, dans lequel le désir d’être utile pouvait seul nous soutenir. Nous avons dû 
passer successivement en revue tous les voyageurs qui ont parlé des prétendus géans; 
analyser sévèrement leurs récits, y séparer le vrai du faux, retrancher tout ce qui appar- 
tenait à l’exagération du siècle où ils écrivaient; mettre, enfin, à part ce qui concerne 
les Patagons et ce qui concerne les Fuégiens, que l’insuffisance de connaissances géogra- 
phiques locales avait constamment fait confondre, de manière à ce qu'il ne fût plus 
possible de s’y reconnaître. 

Les premières notions sur ces hommes gigantesques furent recueillies en 1520, par 
‘le voyage de l’immortel Magellan (Wagallanes où mieux Magalhaes), dont les détails 
nous ont été transmis par le chevalier Pigafetta. Cet intrépide voyageur toucha à l’em- 
bouchure de la Plata, par 34° 40', où, sans doute, l'envie de trouver quelque chose 
d’extraordinaire lui fit voir dans les Charruas, qui habitaient alors ces rives, des can- 
nibales, des géans. L’un d'eux, dit-il, d’une figure gigantesque et dont la voix ressem- 
blait à celle d’un taureau ?. Et plus loin : {s faisaient de si grandes enjambées, que, 


1. Herrera, Dec. 11, p. 235. 
. , LL) LU - e 
2. Pigafetta, Voyage autour du monde, wad. franç., p. 22; et édition originale de 1536, (. 8: 
Uno grande como un gigante, che havea una voce come di. un toro. (Ouvrage dont nous devons 


la communication à l’extrême complaisance de M. Ternaux.) 


Homme 
améri- 
cain. 


( 200 ) 


Homme méme en courant et en sautant, nous ne pümes jamais parvenir à les joindre. Les Charruas 


améri- 
cain. 


sont trop connus, surtout depuis qu’on en a vu à Paris, pour que ces indications ne 
prouvent pas une tendance à l’exagération commune au siècle où chaque voyageur 
pouvait mentir impunément. Une longue relâche au port Saint-Julien, au 49° 30/ 
sud, fit enfin voir aux Espagnols ces géans auxquels Magellan, à cause de leurs pieds, 
donna le nom de Patagons?, qu’ils ont conservé jusqu’à nos jours. Pigafetta dit, en 
parlant du premier de ces géans : Cet homme était si grand, que notre tête touchait à 
peine à sa ceinture 5. 1] dit ensuite que ces hommes couraient aussi vite qu’un cheval 
au galop, et buvaient un demi-seau d’eau d’une haleine. Il observa leur costume, leurs 
mœurs, et recueillit, par signes, un court vocabulaire d’un Patagon que l’escadre 
emmena avec elleä. Si l’on retranche du récit de Pigafetta ce qu’il y a de trop dans 
la taille qu'il indique, on reconnaîtra dans tout le reste de ces détails, une exacti- 
tude remarquable, en raison de l’époque. Les vêtemens, les peintures de la figure, etc., 
sont bien décrits, ce qui donnait plus de poids à la fable des géans; mais ayant 
manifesté une tendance prononcée à ce genre d’exagération dans la description des 
Charruas, il était encore plus pardonnable de la reproduire à l’égard des Patagons, 
incomparablement plus grands que les derniers. Une autre preuve de mélange du faux 
avec le vrai, se trouve dans la description de flèches empoisonnées chez les Patagons, 
fait évidemment imaginé pour donner une plus haute idée des dangers courus par les 
navigateurs; car cette espèce d’armes n'existait pas là, reléguée qu’elle était, dans l’Amé- 
rique méridionale, seulement aux rives de l’'Orénoque et de l’'Amazone. 

Dans le récit de Magellan, imprimé en 1557, par Oviedoÿ, l’historien raconte, en 


1. Pigafetta, Voyage autour du monde, p. 23. Il était tout naturel que, pour expliquer la 
mort de Solis, tué dans ces lieux, on exagérât la taille de ses assassins; et quoique les historiens 
qui ont précédé Pigafetta ne parlent pas de la stature des Charruas , il est positif que le récit de 
ce voyageur se ressent un peu de celui des compagnons du malheureux aventurier. 

2. Patagon, dans la langue espagnole, signifie tout simplement grand pied ; ainsi ce nom n’a 
pas élé donné à la nation à cause de la ressemblance de son pied chaussé avec la patte d’un ours, 
comme le dit Debry, 4mericæ, liv. IV, p. 66; et Blumenbach, De l'unité de la race humaine, 
p. 255; ni, selon Harris (dans son abrégé de la relation de Magellan), parce que ces géans avaient 
cinq coudées de haut. On s'étonne de voir Buffon (édit. de Sonnini, t. XX, p- 400 ) demander en 
quelle langue le mot Patagon veut dire haute taille. Le premier dictionnaire espagnol eût levé 
toutes les difficultés sur son étymologie. 

3. Voyez traduction française, p. 26, qui n’est que le sens littéral de Costui era cosi grande, 
che li nostri non Li arrivavano alla cintura, de l'édition originale de 1536, $. 10; mais il ne dit 
pas, comme l’assure l’auteur des Navigations aux Terres australes (t. 1, p. 129), qu’ils ont dix 
palmes ou sept pieds de haut. 

4. La comparaison du vocabulaire avec celui que nous avons recueilli au Rio Negro, nous à 
fait reconnaitre que nous avons vu les mêmes hommes que Pigafetta. Voyez plus loin la description 
des Patagons. ; 

5. Oviedo, Coronica de las Indias occidentales, liv. XX, fol. VI. Nous devons à M. Ternaux la 
communication de ce livre extrêmement rare. 

Herrera, Dec. LIT, lib. VII; de Brosse, Navigations aux Terres australes, 1. T, p. 151. 


( 201 ). 
parlant des Patagons, qu'ils ont douze ou treize palmes de haut. Ce qu'il dit du reste 
des tentes couvertes de peaux, est on ne peut plus juste; seulement on y reconnait, 
comme dans Pigafetta, une exagération qui tient à l’époque. 

Dans le voyage de Jofre Loaysa, en 1525 et 1526, publié par Oviedo, on voit encore 
* une suite de l’idée fixe de l’historien. « Ils rencontrèrent, dit-il2, plusieurs cabanes 
« de Patagons, hommes de treize palmes de haut; leurs femmes sont de la même 
« taille;” et plus loin : « les Chrétiens qui s’y trouvèrent n’arrivaient pas avec leurs 
« têtes à la partie supérieure de leurs cuisses.5 ? Il serait possible que ce qu’en dit Oviedo, 
ne fût que la suite de ce qu’il avait avancé dans la relation de Magellan; cependant 
on ne saurait y voir autre chose qu’une exagération manifeste, prouvée d’ailleurs par 
ce qu'il dit plus loin, en parlant des Fuégiens, que l'expédition aperçoit dans leurs 
pirogues d’écorce, et auxquels il donne, comme aux Patagons, la qualité de géans.4 
L'écrivain est, jusqu’à un certain point, excusable; car il déclare n’avoir pas vu de près 
ces derniers. 

Alcaçoba, dans son voyage au détroit de Magellan en 1535, voit les Fuégiens et les 
Patagons et ne parle pas de leur taille. 

Dans celui de Drake, fait en 15780, les Anglais abordent au port Saint- Julien, le 
lieu même où était arrivé Magellan, cinquante-huit ans avant eux; ils rencontrent ces 
mêmes Patagons, qui n’ont plus la taille gigantesque que leur donnaient Pigafetta et 
Oviedo; aussi dit-on dans la relation publiée par Edwards Cliffe7 : 4 Ces hommes 
« ne sont point d'aussi grande taille que les Espagnols le pensent, il y a des Anglais 
« plus grands que le plus haut d’entr’eux.8” Dès-lors, les Patagons prirent à peu près 


1. Oviedo, Coronica de las Indias occidentales, liv. XX, fol. VI. L'auteur s'exprime ainsi: 
Vieron algunos Indios de doce o treze palmos de alto.” 

ae Dec. III, lib. VII; de Brosse, Navig. aux Terres austr., t. T, p. 151. 

. Oviedo, liv. XX, fol. 22, ch. IV. Hallaron muchos ranchos y choças de los Patagones , que 
son ne. es de treze palmos de alto, y sus mugères son de la misma altura. 

3. Oviedo, fol. 23 et 25. Los christianos (que alli se hallaron) , no legavan con las cabezas 
a sus miembros vergoncosos. C’est, d’après la relation du père Juan d’Areycaga qu’Oviedo écrit 
cette relation, où il traite partout les Patagons de géans. 

4. Idem, fol. 28. 

5. Herrera, Dec. V, lib. VIT, p. 161, et copie Histoire des navigations aux Terres australes, 
t. I, p. 164. 

6. Voyez-en l'extrait dans de Brosse, Histoire des navigations aux Terres australes, t. X, p. 178. 

7: Même ouvrage, t. I, p. 193. 

8. Argensola, Conquista de las Molucas, liv. IT, p. 105, fait dire à Drake que ce sont des 
géans : Aqui aparecieron ocho Indios gigantes, que dexavan baxo el mas alto Ingles. (ei appa- 
rurent huit Indiens géans, qui firent paraitre petit le plus grand Anglais.) On voit combien 
Argensola citait juste. 

L'auteur du discours préliminaire de la Relation du voyage de Pernetti, 1. 1, p. 36, cite à son 
tour Argensola et lui fait dire que ceux-ci sont petits comme des Lapons ; Ve aussi fausse 
que celle d’Argensola même. 

IV. Homme. 20 


Homme 
améri- 
«ain. 


——— 


( 202 ) 


Homme leur véritable stature, bien différens des naturels de la Terre-du-Feu, décrits dans le 


améri- 
cain, 


même voyage, lorsque Drake arrive à l’extrémité occidentale du détroit. 

La relation de Pedro Sarmiento, en 1579, était peut-être assez véridique, avant 
qu'Argensola!, son historien, y eût placé des colosses de trois varas? de haut, qui ressem- 
blaïent à des cyélopes, avec des villes et des temples sur les côtes du détroit de Magellan. : 
Cette relation renferme effectivement beaucoup de faits véritables attestant l'esprit 
d'observation. Ce que: l’auteur dit de la taille des habitans, reste donc au-dessous de 
toute critique; mais ses remarques sur les Fuégiens qu’il rencontre dans l'archipel de 
l'embouchure occidentale du détroit, sont très-judicieuses. 3 

Cavendish, dans son premier voyage en 15864, vit des Patagons au port Désiré : il 
ne parle pas de leur taille; et, suivant la remarque de Pretty, son silence ferait croire 
qu'il n’en a pas été frappé. Sa description des sépultures annonce pourtant bien qu'il a 
vu les Patagons. Il les distingue des Fuégiens qu’il rencontre dans la baïe Élisabeth. 6 
Dans son second voyage, en 1592, Cavendish vit encore, au port Désiré, des naturels, 
que la relation publiée par son secrétaire dit être grands et robustes, sans spécifier 
leur taille. On peut avoir quelque confiance en cette relation; mais on n’en doit accorder 
aucune à celle de Knivetô, qui faisait aussi partie de l'expédition. Ce dernier, aban- 
donné sur les côtes du Brésil, y resta long-temps avant de revenir en Europe; et son 
récit, fait seulement de mémoire, est plein de faits exagérés, écrits dans le seul but de 
divertir le lecteur. Il ne donne que cinq ou six empans aux habitans du port Famine ou 
Fuégiens, en accorde quinze ou seize aux Patagons du port Désiré, par lui gratifiés 
d’un pied quatre fois long comme le nôtre; et en attribue quatorze aux squelettes. Cest 
lui qui parle des quartiers de rochers que les géans lancent au voyageur; faits 
évidemment empruntés au souvenir classique des fables d'Homère, d’Ovide et de 
Virgile, sur les Lestrigons et sur les Cyclopes. La seule conclusion que nous puissions 


1. Voyez Argensola, Historia de la conquista de las Molucas , liv. HT, p. 125, et l'extrait qu’en 
donne de Brosse, Hist. des navig. aux Terres austr., &. V, p. 210, où ce dernier écrivain met trois 
aunes, au lieu de trois varas, ce qui double presque la mesure. Quoique Sarmiento eût exagéré, 
en décrivant le détroit, afin de décider le roi d’Espagne à lui permettre d’y fonder une colonie, 
il est évident pour nous que tous les détails purement imaginaires sont du fait de son interprète 
Argensola, qui à tout prix voulait du merveilleux. 

2, Tiene cada uno de estos mas de tres varas (près de trois mètres), liv. IE, p. 125. 

3. Argensola, Conquista de las Molucas, liv. UT, p. 117. 

4. Harckluyt, t II, p. 803, et la traduction dans de Brosse, loc. cit., t. I, p. 221. 

5. Relation des voyages de Cavendish. 

6. En ce lieu les Anglais, que les naturels engagent, par des signes de paix, à pénétrer dans les 
terres, leur tirent un coup de canon qui en tue plusieurs. 

7. Collection d'Harckluyt, t. II, p. 842, et traduction dans de Brosse, Hist. des navig., 
t. 1, p. 228. 

8. Collection de Purchas, t. IV, liv. VI, ch. VIT. 


( 205 ) 


tirer des voyages de Cavendish, c’est que les Patagons sont d’une belle taille; ce qui Homme 


est de la plus exacte vérité. 

John Chidley mouille, en 1590, au port Famine, où les sauvages Fuégiens lui tuent 
plusieurs hommes. Il les indique comme de taille ordinaire. 1 

L’Anglais Richard Hawkins (1593) dit que les Patagons du port Saint-Julien sont de 
haute taille, de véritables géans : il paraît, du reste, n’en parler que par ouiï-dire.2 

Sébald de Weert, dans la compagnie de Simon de Cord, vit en 1598 des naturels en 
pirogue, à l’entrée occidentale du détroit. Ceux-ci étaient petits : on en amena un en 
Hollandeÿ. C’étaient évidemment des Fuégiens. Il rencontra, près de la baie Verte, 4 sept 
« canots de sauvages hauts de dix à onze pieds, autant qu’on en put juger; car on 
« ne les approcha pas : on tira dessus, on en tua quatre ou cinq; le reste, épouvanté, 
« retourna à terre. Là, ces géans arrachèrent de leurs mains des arbres qui paraissaient 
« de lépaisseur d’un empan, et s’en firent des retranchemens.... Le vice-amiral 
« abandonna ces hommes sanguinaires à leurs propres fureurs.4” Cette relation est 
évidemment fausse en plusieurs points. Sébald de Weert, en donnant aux naturels une 
taille aussi élevée, dit qu’il ne les approcha pas; on peut en conséquence douter de 
l'exactitude de sa mesure; mais il y a plus... Les Patagons n’ont jamais été et ne sont 
pas encore navigateurs. Toute cette histoire est donc basée sur une rencontre avec les 
habitans fuégiens, et leur taille si élevée n’exista jamais que dans l’imagination de 
l'écrivain. 

Olivier de Noort, Hollandais, vit en 1599, au port Désiré, des Patagons de grande 
stature, qu'il ne désigne pasÿ, tout en décrivant bien leurs armes. À l’ouest du détroit de 
Magellan il s'empara de plusieurs enfans des sauvages; et, plus tard, apprit de l’un d’eux 
qu'il était de la nation d’Ænoo ; que, parmi les habitans du détroit, il y avait plusieurs autres 
tribus de la même race de peuples navigateurs et de moyenne taille; que ceux-ci se 
nommaient Xemenettes, Kennekas et Karaïkes; que les Patagons ou grands hommes étaient 
connus d’eux sous le nom de 7iremenen. D'après cette relation, 1l était assez facile de 
distinguer les véritables Patagons des Fuégiens, nation de petite taille du détroit; et 
dès-lors la confusion, à cet égard, n’aurait pas dû régner jusqu’à nos jours. 

En 1610, Turner fit voir à la cour de Londres le fenur d’un géant du Mexique, 
dont les proportions étaient démesurées; il dit que près de la Plata, des géans allaient 


1. Voyez la relation écrite par Guil. Magoths, dans le recueil d'Harckluyt, t. IT, p. 839. 

2. Collection de Purchas, t. IV, liv. VIT, ch. V. Il fait descendre les Patagons des Anglais, du prince 
Owen Guineth, dont les enfans s’embarquèrent au 12. siècle et se perdirent. 

3. Renneville, Recueil de la Compagnie des Indes, imprimé à Rouen, 1725, t. II, p. 300; 
de Brosse, Hist. des navig., 1. 7, p. 283. 

4. Quelle naïveté dans ce récit! Ne pourrait-on pas se demander lequel est le plus barbare ou le 
plus sanguinaire, de celui qui répand le sang d'hommes inoffensifs, ou de ceux qui cherchent à 
se défendre, lorsqu'on les attaque aussi brusquement ? 

5. Voyez de Brosse, Hist. des navig., 1. 1, p. 296, 298. 

6. Introduction générale aux voyages de Byron, Wallis, etc., trad. franç., t. I”, p. 56. 


améri- 
ain. 


Homme 
ameri- 
Cain. 


———— 


( 204 ) 
tout nus, qu'il en avait vu un de douze pieds de haut, lequel, à la vérité, était le plus 
grand de la contrée. Il est probable que|l’ossement était celui d’un mastodonte, et les 
géans de la Plata étaient de l'invention de Turner ou calqués sur ceux de Pigafetta; 
car , à la rive nord de l'entrée de la Plata, il n’y avait que les Charruas; et sur l’autre 
rive les Puelches, qui ne sont rienmoins que des géans. 

En 1614, George Spilberg! dit qu’étant à son bord, dans le détroit de Magellan, il 
aperçut, sur la Terre-du-Feu, un homme de grande taille, qui se montra plusieurs fois 
sur les collines. N'y aurait-il pas eu ici un peu d’illusion? Ce serait le seul exemple 
d’un homme de haute stature rencontré à la Terre-du-Feu, habitée seulement par des 
races d’une taille peu avantageuse. Il trouva deux tombeaux, l’un contenant des ossemens 
d’une taille ordinaire, l’autre de beaucoup plus grands. 

Dans les lieux où Olivier de Noort avait vu les Patagons de ‘haute stature, les Hollan- 
dais Lemaire et Schouten? ne trouvèrent, en 1615, que des sépultures, dont les ossemens 
leur firent croire que les habitans devaient avoir dix à onze pieds de haut. I fallait que 
l'esprit d’exagération füt alors poussé bien loin, pour reconnaître, d’après des ossemens qui 
montrent toujours une taille inférieure à celle de l’homme vivant, une stature de dix à 
onze pieds; aussi ne chercherons-nous point à discuter quel fond on doit faire sur le 
récit de ces voyageurs, qui pourraient bien avoir pris des ossemens fossiles pour des 
essemens d'hommes. 

L'Espagnol Garcia de Nodal5, en passant par le détroit de Lemaire, en 1618, ne vit 
que les Fuégiens, qu’il a représentés comme des hommes pleins de douceur. 

Le Hollandais Jacques l’Ermite, passant par le détroit de Lemaire, aperçut aussi, en 
16244, les habitans de la Terre-du-Feu. Son voyage est le premier où cette nation soit 
bien décrite pour la stature et pour le costume; c’est aussi celui qui présente le plus 
de faits vraisemblables. 

Les Anglais Narborough et Wood abordent, en 1670, au port Saint-Julien, y ren- 
contrent des hommes de moyenne taille, dont ils décrivent si bien le costume et les 
armes, qu'il est impossible de douter que ce ne soient des Patagons. Ils voient aussi 
les Fuégiens près de l’île Élisabeth, et remarquent qu’ils répètent souvent le mot Ursack. 
Ils nient absolument l’existence de Patagons géans; et leur opinion a d’autant plus de 
poids, que tout, dans leur relation, est marqué du sceau de la vérité. 

Degennes, parti de la Rochelle en 1696, voit des Fuégiens au port Faminef, et annonce 


1. Spilberg, p. 22 et 23; Recueil de la Compagnie des Indes, t. VIII, p. 29 à 31, et de Brosse, 
Hist. des navig., t. 1”, liv. II, p. 344. 

2. Rec. de la Comp. des Indes, 1725 ,t. VIII, p. 128 ; de Brosse, Hist. des nav., t. I, liv. III, p. 353. 

3. De Brosse, Hist. des navig. aux Terres austr., 1. 1, p. 423. 

4. Hist. des navig., t& 1, p. 442. C’est un voyage des plus véridique. 

5. Voyez en l'extrait, Hist. des navig., t. I, p. 21; Voy. de Coreal, t. IT, p. 231-284 : c’est le 
voyage le plus judicieux pour tout ce qu’il décrit. 

6. Voyage de M. Degennes, par Froger, en 1700, édit. in-12, p. 97, et Hist. des navig., t. II, 
p- 109. 


(205 ) 


que ceux-ci habitent les deux rives du détroit. Il les décrit assez bien et dit que le plus Homme 
| en 
Beauchesne-Gouin', parti du même port, voit, en 1699, les Fuégiens seulement; il ——— 
rapporte aussi que ces peuples couvrent les deux rives du détroit; mais qu'ils sont 
divisés en deux tribus, celle des Zaguediche, habitant depuis l'entrée occidentale jus- 
qu’à Saint-Sébastien, et celle des 4veguediche, s'étendant du cap Saint-Jérôme au cap 
Gate; il les indique comme étant de moyenne taille. 
 Frézier, en 1712, passe en dehors de la Terre-du-Feu. On ne peut trouver que de 


vagues renseignemens dans tout ce qu’on a fait dire à cet auteur sur les Patagons, 


ae Lau 
grand n'avait pas six pieds. 


puisqu'il dit lui-même ne les avoir pas vus, et avoir appris des Chonos, qui les appellent 
Caucahues , qu'ils existent à l’est des Cordillères. À ce propos, il cite? le capitaine 
Harenton, de Saint-Malo, qui, en 1704, les aperçut au cap Grégoire; le Carman, de Mar- 
seille, qui les vit à la baie Possession; et, d’après ces autorités, rapporte que leur aille 
est de neuf à dix pieds. I est facile de juger que l'opinion de Frézier, si long-temps 
d’un grand poids dans la discussion, se base sur des ouï-dire de marins, et non sur 
ses propres observations; ce qui est bien différent. IL fait l'historique abrégé de ceux 
qui ont vu les Patagons géans, et les grandit encore. 

En 1745, les pères Cardiel et Quiroga”, envoyés pour reconnaître la côte de Patagonie 
à l'effet d’y fonder une colonie, ne rencontrent point de Patagons; mais au port Saint- 
Julien, ils voient un tombeau, et reconnaissent que les corps sont de stature ordinaire. 
Le tombeau était bien cependant celui d’un Patagon, avec des chevaux tués autour. 

Le président de Brosse, dans son Æistoire des navigations aux Terres australes, ras- 
semble les rapports des voyageurs sur les Patagons, discute leurs relations, et finit par 
croiré à leur existence en qualité de géans4; mais les considère très-judicieusement, 
comme bien distincts des nations de navigateurs du détroit, toutes de moyenne taille. 
Suivant lui, la raison qui empêcha les premiers de se montrer au dix-septième siècle, 
c’est qu'ils se sont retirés dans l’intérieur , de peur des navires, ou qu'ils ne viennent que 
par intervalles vers la côte. 

L'amiral Anson, en 1741, ne vit pas d’Américains à l'extrémité australe de l’Amé- 
rique ; mais les officiers du #ager rencontrèrent les Fuégiens 5 sur la côte ouest de 
l'Amérique dans le détroit6, et aperçurent de loin les Patagons à cheval, un peu au 


1. La relation de cette expédition, écrite par Villefort, enseigne de vaisseau, est imprimée, 
mais seulement en extrait, dans l’Hist. des navig. aux Terres austr., t. 1, p. 113. 

2. Voyage de Frézier, p.78; mais les citations des deux capitaines ne sont faites que d’après 
des rapports verbaux de marins ; car nulle part ces relations n’ont été imprimées; elles ont cepen- 
dant servi de base à beaucoup d’auteurs. 

3. Voyez Charlevoix, Histoire du Paraguay, t. HI, p. 271, et Collection de M. d’Angelis, t. 1; 
Viage de los padres Quiroga y Cardiel, p. 28,16-20, et padre Guevara , Historia del Paraguay, p.31. 

4. Hist. des navig. aux Terres austr., t. I, liv. V, p. 331. 

5. Voyage du Wager, trad. franç., p. 27. 

6. Même ouvrage, p. 63. 


( 206 ) 


Homme nord du cap Sainte-Marie. Quant aux autres nations des Pampas dont ils donnent la 


améri- 
ain. 


taille', ce sont les Péhuenches et non les Patagons. 

En 1762, Bernardo Hañez? dit n’avoir jamais rencontré de Patagons qui passassent 
deux varas et trois pouces (à peu près 5 pieds 9 pouces). 

Byron, en 1764, s'arrêta à l'entrée orientale du détroit : il descendit à terre, vit des 
Patagons, dont le chef, qui vint le visiter, était un géant au milieu des autres. 4 Je ne 
« le mesurai point, dit-il5; mais si je puis juger de sa hauteur par comparaison de sa 
« taille à la mienne, elle n’était guère au-dessous de sept pieds.” — , Ils étaient presque 
« tous d’une taille égale à celle du chef;” et plus loin, en parlant de M. Cuming : 
« Cet officier, qui avait six pieds, se voyait pour ainsi dire transformé en pygmée à 
« Côté de ces géans; car on doit dire des Patagons qu'ils sont plutôt des géans que des 
« hommes de haute taille. On peut donc aisément s’imaginer l'impression que dut faire 
« Sur nous la vue de cinq cents hommes, dont les plus petits étaient au moins de sx 
« Pieds six pouces, et dont la grosseur des membres répondait parfaitement à cette 
« hauteur gigantesque.” Il dit, de plus, que ces géans ont de très-petits chevaux, 
très- vites à la course. En admettant l'indication de la taille de cette relation, tout 
approximative, puisqu'elle n’est que le résultat de comparaisons et non celui de mesures 
rigoureuses, on trouvera que sept pieds anglais, indiqués pour les plus grands, ne 
donneraient encore que six pieds sept pouces français à peu près, proportions peu d’ac- 
cord avec celles de très-petits chevaux, qui porteraient cependant leurs cavaliers avec 
vitesse. Il faut plutôt croire que la taille a été exagérée, et qu’elle se füt renfermée 
en des bornes plus raisonnables, si elle avait été mesurée. Byron voit, plus avant 
dans le détroit, les Fuégiens avec leurs pirogues d’écorce. 

En 1765, M. de Bougainville va des îles Malouines au détroit de Magellan : il ren- 
contre aussi les Fuégiens près du port Famine. 5 

En 1766, MM. Duclos Guyot et La Giraudais pénètrent dans le détroit de Magellan. 
À son entrée orientale, un peu en dedans du cap Possession, ils rencontrent des Pata- 
gons. M. Duclos Guyot dit 6 : 4 On mesura le plus petit ou le moins haut, et il se trouva 
« de cinq pieds sept pouces; les autres étaient beaucoup plus hauts.” Au reste, il 
décrit bien les armes des sauvages. Les différens mots espagnols qu’il leur entend pro- 
noncer 7 annoncent les fréquentes communications qu'ils avaient pu avoir avec les 


1. Voyage du Wager, trad. franç., p. 128. 

2. Reino jesuitico, p. 238. 

3. Voyage de Byron, trad. frang., 1. I, p. 64. 

4. Tel est le récit de la traduction française, édition de 1774, la seule que nous connaissions. 
Elle diffère beaucoup du texte imprimé dans les Philosoph. trans., vol. LVIT, p. 78, lequel donne 
aux Patagons une taille moyenne de huit pieds, et la plus haute de neuf pieds et plus; en traitant 
d’ailleurs leur langage « de jargon confus, sans mélange de portugais et d'espagnol. » 

5. Lettre de M. de Bougainville à M. Pernetty. Pernetty, Histoire d’un voyage aux îles Malouines , 
t. II, p. 102. 

6. Pernetty, loc. cit., t. IT, p. 106. 

7. P. 108. 


( 207 ) 

établissemens des Jésuites, commencés dans les Pampas dès 17391, ou plutôt avec la 
colonie espagnole, fondée en 17472 sur le Rio Negro, où nous avons vu les Patagons; 
ainsi nul doute que ces hommes ne soient ceux que nous avons retrouvés en 1828. 
Ce voyage leur attribue une taille semblable à celle que nous leur avons assignée. Plus 
loin le voyageur rencontre, dans leurs pirogues, les mêmes Indiens qu’il avait vus en 
1765, remarque combien ils diffèrent des Patagons$, en donne une bonne description, 
et fait judicieusement observer qu'ils sont vagabonds. 

La relation de M. de La Giraudais s'accorde en tout parfaitement avec celle de M. Duclos 
Guyot; il a recueilli, sans en connaître la signification, quelques-uns des mots patagons 
le plus souvent répétés par eux4. En comparant ces mots à ceux que nous avons recueillis 
nous-même, nous les reconnaissons tous comme patagons, et notre vocabulaire nous 
présente l’explication de plusieurs d’entr'eux. 

En 1767, M. de Bougainville6 passa le détroit avec l'Étoile et la Boudeuse; il vit et ses 
marins reconnurent les Patagons visités l’année d’avant, dans le même lieu, par M. Duclos 
Guyot. , Aucun, dit-il, n’était au-dessous de cinq pieds neuf à dix pouces.” —« L'Étoile 
les avait vus de six pieds;” et le savant Commerson, qui accompagnait Bougainville, 
dit7 «que les Patagons ne sont que d’une taille un peu au-dessus de la notre ordinaire, 
« Cest-à-dire communément de cinq pieds huit pouces à six pieds quatre pouces.” Mais, 
comme M. de Bougainville, ce qu’il trouve de plus extraordinaire, c’est la corpulence 
de ces hommes; au reste, nous ne doutons, en aucune manière, que ce ne soient les 
mêmes Indiens que ceux que nous connaissons, et nous ne pouvons qu'applaudir à 
l'exactitude des descriptions données par ces voyageurs instruits, qui de même trouvent, 
chez les Patagons, beaucoup de mots espagnols, signes certains de leurs fréquentes com- 
munications avec les établissemens de ces derniers. M. de Bougainville les a nommés 
Chaouaÿ , parce qu’il leur avait souvent entendu prononcer ce mot. Au cap Galant ce 
voyageur vit ensuite les Fuégiens avec leurs pirogues; il les a nommés Pécherais, pour 
la même raison qui lui avait fait donner aux Patagons le nom de Caoua9. I rapporte 


1. Funes, Ensayo de la historia del Paraguay, 1. 1, p. 396. 

2. Idem, 1. HI, p. 24. 

3. Pernetty, loc. cit., 1. II, p. 114. 

4. Idem, 1. 1, p. 124, et Journal des Savans, 1767, t XXV, p. 33, dans lequel il ne leur 
donne que six pieds. | 

5. Entr’autres «hi, qui veut dire avaler ; ohi peut-être oki et qui veut dire marcher ; quecallé, 
sans doute Xécagné, quatre, etc. 

6. Voyage autour du monde de la frégate la Boudeuse, p. 129, in-4.° 

7. Voyage autour du monde, in-8.°, t. I, p. 87. 

8. Nous ne trouvons d’analogue à ce mot, dans notre vocabulaire, que le mot chalua ou chaloua, 
qui veut dire poisson. 

9. Ne serait-ce pas Pachpachéré, que M. Duclos Guyot dit signifier homme dans la langue 
de ces naturels ? 


Homme 
améri- 
cain. 


( 208 ) 


Homme d’eux ce qu'ont mentionné tous les voyageurs: : « ces sauvages sont, dit-il, petits, vilains, 


améri- 
ain. 


maigres; ” néanmoins il décrit on ne peut mieux leur costume et quelques-uns de leurs 
usages. 1 

En 1767, Wallis avec le Dauphin, et Carteret, commandant un autre navire, abor- 
dèrent un peu au nord du lieu même où le capitaine Byron avait vu ses Patagons; mais 
ces observateurs véridiques ne les trouvèrent pas aussi grands que leur compatriote. 
Wallis dit2:,Nous primes la mesure de ceux qui étaient les plus grands; l’un d’eux 
« avait six pieds sept pouces, plusieurs autres avaient six pieds cinq pouces; mais la 
« taille du plus grand nombre était de cinq pieds dix pouces à six pieds. ” IL est évident 
que si l’on réduit les mesures anglaises aux nôtres, la taille des hommes mesurés rentrera 
parfaitement dans celle qu’a donnée M. de Bougainville; car six pieds sept pouces, pour 
les plus grands, se réduiraient seulement à un peu plus de six pieds, tandis que là 
majorité aurait cinq pieds cinq pouces. Ces résultats sont encore si loin de la stature 
indiquée par Byron, que nous pouvons douter de l'exactitude de la relation de ce 
dernier. Wallis entendit les Patagons prononcer plusieurs mots espagnols; il décrit 
assez bien leur costume et ce qu’il a pu observer de leurs usages. Comme tous les 
autres circum-navigateurs, il fit rencontre, à la pointe d’York et plus à l’ouest5, de 
Fuégiens, auxquels il ne trouva que cinq pieds six pouces de haut, ce qui équivaut à peu 
près à cinq pieds un à deux pouces français. 

À cette époque chacun croyait de son devoir de faire l’histoire des Patagons; ainsi 
l’auteur de l’Introduction aux Voyages de Byron et de Wallis fait aussi la sienne d’après 
de Brosse : il récapitule ce qui a été dit sur les Patagons#; il copie les opinions de ce 
premier compilateur, en disant judicieusement que tous les géans ont été vus à l’est du 
détroit à la côte Saint-Julien, tandis que ceux qui ont aperçu de petits hommes, n’ont 
vu que les habitans du détroit. Il en conclut qu’il y a deux nations, finissant aussi par 
croire à l’existence des géans. Il cite à l’appui l’opinion de Frézier, qui n’a pas vu les 
Patagons”, et transcrit l'opinion d’Anson, qui n’a pas été davantage à portée de les voir. 
Suivant ce dernier, les Patagons vivent au pied des Cordillères, ne venant à la côte 
qu’à des époques données. 

En 1767, Pauw6, qui, avant d'étudier les Américains, avait imaginé que l'Amérique 
ne devait produire que des êtres dégénérés, dénature quelquefois les relations pour 
établir son opinion : il reprend les auteurs, souvent avec justesse; mais sa critique serait 
bien plus judicieuse, s’il n’avait confondu les Fuégiens avec les Patagons7, et s’il n’eût, dès- 
lors, trouvé fabuleux tout ce qui pouvait faire croire qu’il existait des hommes de grande 


1. Voyage autour du monde, in-4®, p. 154. 

2. Traduction française, t. 3, p. 24. 

3. Page 62. 

4. Introduction aux voyages de Byron, Wallis, etc., 1.1, p. 49, trad. franc. 
5. Même ouvrage, p. 67. 


(er) 


. Recherches philosophiques sur les Américains. 
7. Page 366, édition de l’an 3. 


( 209 ) 


taille, près des extrémités sud de l'Amérique. D'ailleurs l'idée qu’il s'était faite des Amé- Homme 


ricains est tout à fait rendue par ce passage : « Malgré leur faiblesse et leur làcheté, ils 
« Sirritent, ainsi que les animaux, contre quiconque les offense; et se laissent captiver 
« par les caresses. ” Cet écrivain examine successivement les voyageurs, combat Pigafetta, 
cite Drake comme véridique, attaque avec raison Sarmiento, Knivet, Spilberg, Byron; 
approuve Cavendish; et, après une revue commentée, finit par nier l'existence de Pata- 
gons géans. 

L'auteur de la nouvelle édition de Pernetty!, rappelle, dans un discours préliminaire, 
tout ce qui a été dit sur les géans : il annonce d’abord qu'il croit à la réalité de colosses 
humains : pour la prouver, il remonte au temps fabuleux des Incas?, afin de parler 
des géans sodomites, dont l'existence prétendue s'explique par la découverte probable 
d'os de mastodontes; et pour arriver à démontrer le contraire de Pauw, il dénature aussi 
toutes les relations des voyageurs. À l’occasion du voyage de Cavendish, il ne parle que 
de la relation de Knivet; à l’occasion de celui de Byron, que de l'édition 5 qui assigne neuf 
pieds et plus de hauteur aux Patagons. Il élague tout ce qui pourrait démontrer la non- 
existence de géans, et ne distingue jamais les Fuégiens des Patagons. Sa critique est amère, 
surtout contre Pauw, parce que ce dernier n’admet pas le géant de Spilberg, qui saute 
d’une colline à l’autre4. Il finit par dire que, puisqu'il y a des Albinos au Sénégal, des 
Hottentotes à tabliers, et surtout à Manille, des Nègres à queue, il peut bien y avoir 
des géans en Patagonie, et il y en reconnaît du double de notre taille. 

Pernetty lui-même réfute Pauw sur les Patagons; il ne conçoit pas comment cet auteur 
a pu entreprendre « d’anéantir l'existence de Patagons géans. ÿ » Il cite aussi, mais avec 
partialité, toutes les autorités, et surtout Duclos Guyot, qui aurait embarqué un 
squelette de douze à treize pieds 6. Comme il n’est pas question de squelette dans 
la relation de Duclos Guyot, nous pouvons croire que Pernetty a voulu rendre les 
Patagons bien plus grands que ce voyageur ne les avait vus dans ses voyages. D'ailleurs, 
le squelette qu’il fait recueillir à Duclos Guyot, ne pourrait être celui d’un homme. Il 
y a évidemment exagération de part et d'autre. 

Pauw réfute à son tour Pernetty7. On reconnaît sans peine qu’à cette époque Pauw 
fait la part des Patagons et celle des Fuégiens, qu’il ne confond plus. Il croit que M. de 
La Giraudais est le plus véridique pour la question de la taille, et admet enfin une horde 
de taille élevée. 

Buffon, dans son Æistoire de l’homme, commence par citer l'opinion de Commerson, 
qui voit, dans les Patagons, des hommes un peu plus grands que nous, mais non pas 


1. Histoire d’un voyage aux îles Malouines, 1770. 

2. Voyez Garcilaso de la Vega. 

3. Elle ne ressemble en rien à l'édition de 1774, in-12. 

4. Discours préliminaire à la nouvelle édition de Pernetty, t. L®, p. 51. 
5. Imprimé à la suite de Pauw, & IT, p. 57. 

6. Page 84. 

7. Œuvres de Pauw, lan INT, t. IT, p. 383, 394. 


1V. Homme. 27 


améri- 
calin. 


( 210 ) 


Homme des géans'. Il les croit nomades, ajoute foi à la relation de Byron, et admet une 


améri- 
eain, 


race distincte des Fuégiens; il cite aussi, en abrégé, toutes les autorités que nous 
avons indiquées, s'étend seulement sur celle de Pigafetta, finissant par dire? que les 
voyageurs n’ont pas vu les mêmes hommes, et qu’il paraît que les grands Patagons 
habitent depuis le 22.° degré jusqu’au 40 ou 45, ce qui est évidemment faux. Il 
admet que les Patagons, s'ils existent, peuvent avoir, dans leurs grandes dimensions, 
jusqu’à neuf et dix pieds de haut. 

Cook, dans son premier voyage, en 1769, passe, avec Banks et Solander, le détroit 
de Lemaire, où il voit les Fuégiensä, qu’il décrit bien, et qu’il trouve de cinq pieds huit 
à dix pouces anglais. 

Le Jésuite Falconer (ou mieux Falkner), qui a long-temps vécu dans les Pampas de 
Buenos-Ayres, parmi les nations auca et puelche, eut de fréquentes communications avec 
des députations de chefs patagons. II dit, sans doute d’après les Puelches ou les Aucas, 
que la nation la plus australe du continent se nomme Yacana cunny5; la considère 
comme faisant partie de celle des Telhuelhets ou Téhuelches , et la croit la plus nombreuse 
et la plus vagabonde. Il n’admet point pour eux cette taille de géant. «Ils ont rarement, 
« dit-il, des hommes de sept pieds anglais de haut; le plus grand nombre n’en a que six.6 ” 
D’après la relation de cet auteur, où l’on trouve beaucoup de choses vraies, on voit qu’il 
s'accorde avec Bougainville et Wallis, en donnant encore une stature moindre. Il indique, 
iout en mêlant quelquefois les tribus australes, qu’il y a parmi elles des nations distinctes, 
et les divise en trois : les Téhuelhets (parmi lesquels il range les Fuégiens), les Puelches 
et les Moluches (Araucanos). 

Dans le second voyage de Cook, en 1774, Forster? voit les habitans du cap Noël en 
dehors de la Terre-du-Feu : il les regarde comme une race altérée qui n'appartient 
pas à celle du grand Océan, mais est tout à fait américaine. | pense, comme nous, que 
toutes les nations australes ont été confondues par les auteurs ; et à l'exemple de tous les 


1. Buffon, Histoire de l’homme (édition de Sonnini), t. Il, p. 388. 

2. Ibidem, p. 405. 

3. L'opinion de Buffon était probablement influencée par le récit de Pigafetta, qui crut voir des 
éans dans les Charruas, et par celui de Knivet, qui parle d’un homme d’une haute stature au Brésil. 

4. Traduction française, t. IV, p. 12 - 35. 

5. Description des Terres magellaniques (trad. franç. de Lausanne, 1787), t. If, p. 62. 

6. Page 68. Il nous parait évident qu’il parle des Patagons et non pas des habitans de la Terre- 
du-Feu, qu’il na pu voir, ceux-ci n’abandonnant jamais le bord de la mer; ainsi la citation 
de Forster à cet égard doit être erronée. Falconer a cependant eu des notions vagues sur les tribus 
les plus australes ; mais il les a confondues, n’ayant pas été à portée de vérifier les faits. On peut en 
juger par la taille qu’il assigne (page 70) aux Puelches, aux plus grands desquels il donne 7 pieds 
6 pouces anglais, n’attribuant que six pieds aux plus petits; il n’en donnait également que six à 
la nation patagone. On sait que cet auteur n’a écrit que de souvenir, long-temps après son retour 


© 
o 


en Europe; la confusion est donc pardonnable. 
7. Observations, p. 244 et suiv. 


(211 ) 


auteurs, il fait une récapitulation de ceux qui ont écrit sur les Patagons; mais ne cite Homme 


que Wallis, Bougainville, La Giraudais, Cavendish et Falconer, qui lui paraissent de 
bonne foi. 11 admet la taille des Patagons indiquée par ce dernier écrivain, décrit les 
Fuégiens! comme des Patagons dégradés et les appelle à tort Yanaconni d’après Falconer.? 

M. Gautier de Saint-Malo, faisant la pêche aux phoques à la baie de San-Blasÿ, voit, 
en 1820, les mêmes Patagons que nous avons observés au Carmen, sur les rives du Rio 
Negro; sa courte notice est celle d’un marin peu observateur, et nous rappelle beau- 
coup trop les relations du seizième siècle. Il accorde aux Patagons une taille de près de six 
pieds, et prétend que la fable des géans provient de la coutume qu’ils avaient de choisir 
le plus grand d’entr'eux, iorsqu’ils communiquaient avec les navires anglais; fait du 
reste entièrement controuvé. Ce voyageur dit encore : « Dans chaque tribu de Patagons, 
« formée d’environ cent cinquante sauvages, il existe toujours une race particulière 
« d'individus qui sont au nombre de quinze à vingt, et qui vivent méprisés et séparés 
« des autres. Ces individus, par une bizarrerie surprenante de la nature, offrent réunis 
« tous les caractères des deux sexes. 4” Cette seule remarque, si peu en rapport avec 
le siècle où elle a été publiée, fera juger du crédit que mérite cette notice. 

C’est encore d’un pêcheur qu'est venue cette autre fable, que les Patagones ont le 
tablier des Hottentotes. 5 

En 1822 le capitaine Weddel 6 débarque en dehors de la Terre-du-Feu au cap Noël: 
il voit les habitans, qu’il nomme Fuégiens, d’après le lieu qu’ils occupent; il les décrit 
en bon observateur, et leur assigne de cinq pieds quatre pouces, à cinq pieds cinq 
pouces anglais; il reconnaît parmi eux quelques mots espagnols, preuve incontestable 
des communications fréquentes avec les Patagons ou les Chonos de l’ouest de l'Amérique; 
mais il ne voit point ces derniers. 

En 1826, M. Lesson fit imprimer l’abrégé de ce qu’il avait lu sur les Patagons7, 
abrégé dans lequel, comme de Brosse et Buffon, il énumère les auteurs qui ont 
parlé de cette nation; il professe la même opinion sur la haute taille, et comme eux 
aussi explique l'apparition d'hommes plus ou moins grands par l'habitude ambulante 
des tribus australes, parmi lesquelles il confond les Fuégiens de Weddel et de Cook avec 
les Patagons de Wallis, etc. 


1. Observations, p. 249. 

2. Voyez la note 6 de la page 210. 

3. Nouvelles annales des voyages, t. XVII, p. 277. 

4, Cette fable doit sans doute son origine à l'habitude qu’ont beaucoup de devins de prendre 
l’habillement des femmes, et de ne se livrer à aucun des travaux de l’homme. Voyez la partie histo- 
rique de notre voyage, t. II, ch. XVIIE, p. 91. 

5. Nouvelles annales des voyages, 1. XIII, p. 282. 

6. Voyage towards the south pole, 1822-1824, p. 152. 

7. Archives géographiques, 1. XXX, p. 231. Le même mémoire est reproduit Complément des 
Œuvres de Buffon, t. 1, p.170, et Ætlas ethnographique du globe ou Classification des peuples 
anciens et modernes, par M. Balbi, Paris, 1826, tableau XXVI. 


améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
calin. 


( 212 ) 

L'expédition du Beagle et de l’Adventure, sous le commandement du capitaine King, 
parcourt, en 1826 et 18271, avec une mission spéciale, toutes les rives du détroit de 
Magellan. Dans la baie Saint-Grégoire, le capitaine communique plusieurs fois avec les 
Patagons, et rapporte que leur taille variait de six pieds à cinq pieds dix pouces (mesure 
anglaise). Tout, dans cette relation, annonce des observations judicieuses; aussi la diffé- 
rence du pied anglais avec le nôtre réduirait-elle les plus hauts Patagons à cinq pieds sept 
pouces, et ceux de moyenne taille à cinq pieds cinq à six pouces, ce qui est, à peu de 
choses près, en rapport avec nos observations. Le capitaine King vit, pour la première 
fois , les Fuégiens à l’ouest du cap Negro?, et les retrouva ensuite sur toute la Terre-du-Feu. 


Après avoir passé successivement en revue tous les voyageurs et tous les écrivains qui - 
ont traité spécialement des habitans des parties australes de l'Amérique méridionale, 
avant de discuter le plus ou moins de confiance qu’ils méritent, nous croyons devoir 
résumer, comparativement, tout ce qu'ils en ont dit, dans un tableau synoptique, pour 
qu'on puisse juger, par avance, des parties de leurs relations qui concernent spéciale- 
ment ou les Fuégiens ou les Patagons. Nous avons eu soin de désigner positivement, dans le 
tableau, le lieu où les voyageurs ont vu les Américains grands et petits, ce qui montrera; 
dès le premier coup d'œil, la véritable circonscription des Patagons et des Fuégiens, et 
indiquera quand ces voyageurs ont parlé des uns ou des autres. (Voir le tableau ci-contre.) 

Notre voyage sur les rives du Rio Negro'en Patagonie n'avait pas seulement pour but 
de recueillir des collections et des faits relatifs à la zoologie, à la botanique et à la géo- 
logie de ces contrées, si long-temps ignorées; nous voulions encore chercher à débrouiller 
les notions si confuses admises jusqu’à ce jour sur le nombre et sur la circonscription 
des nations qui habitent cette partie de l'Amérique. Heureux dans nos investigations, 
nous avons pu observer et décrire comparativement, sur place, les traits, les mœurs 
le langage de chacune d'elles; et nous nous sommes convaincu que de l'embouchure de 
la Plata au cap Horn, en marchant du sud au nord, il en existe seulement quatre 
distinctes, qui parlent des langues différentes : 1.” les Fuëgiens, habitant la Terre-du-Feu 
el la partie occidentale des deux rives du détroit de Magellan (les petits Patagons des 
premiers voyageurs); 2. les Patagons ou Téhuelches, qui voyagent sur les plaines com- 
prises entre le détroit de Magellan et le 40.° degré de latitude sud, à l’est des Andes 
(les grands Patagons des voyageurs); 3.° les Puelches, qui vivent au nord des Patagons 
et dans les plaines exclusivement, confondus avec les Patagons par beaucoup d'écrivains; 
et 4° les Aucas ou Araucanos, connus pour habiter tout le Chili et l’est des Andes, sur 
la totalité des Pampas, depuis Buenos-Ayres jusqu’au Rio Negro. 

Comme ces quatre nations n’appartiennent pas toutes au même rameau d'hommes, 


1. Voyez l’extrait, Nouvelles annales des voyages, Juin 1832, t. XXIV, 2: série, p. 326 et suiv. 
Quant au christo dont on parle, c’est évidemment une mystification faite par les Patagons pour 
avoir quelque chose des Anglais; car ils n’ont aucune communication avec les missionnaires et 
sont loin d’être chrétiens. ù 

2, Loc. cit., p. 333. 


TABLEAU COMPARATIFrique jusqu'à nos Jours. 
Page 212. 


SRE 


ÉPOQUE VOYAGEURS. 
DU EE © © © 
VOYAGE. 
LEURS NOMS. LEUR NATION.| LEURS OBSERVATIONS. 
ES TT CS TG 0 QG LG © GC RU 
Portugais, als 2 rare + | Taille exagérée, due à l’esprit de l’époque. 
1520. | Magellan. Up ne 
Oviedo.: * | dem. 
1526. | Loaysa. Espagnol. Oviedo.}* * | Ædem. 
1535. Alcaçoba. Espagnol. Ur tt: Ï parait qu’il ne fut pas frappé de leur taille. 
1578. | Drake. Anglais. Edw. Cl: * | Ce sont bien les Patagons. 
1579. | Sarmiento. Espagnol. Argenso/ + | Exagération de l'historien Argensola. 
1583. | Sarmiento. Espagnol. Argensol * | Ne vit point les Patagons. 
1586. | Cavendish. Anglais. Pretty. + + | Signe que la taille ne les a pas surpris. 
1590. | John Chidley. Anglais. Magots. . « | Ne vit point les Patagons. 
; : a ne De ces deux relations si différentes entr'elles, nous 
1592. | Cavendish. Anglais. | Janc, sq | regardons celle de Knivet comme exagérée et fautive, 
Knivet, écrite très-long-temps après l'expédition. 
1593. Hawkins. Anglais. Lui - mèr- - | [1 paraît qu’il n’a pas vu de Patagons, et n’en parle 
A | que d’après les autres. 
1598. | Sébald de Weert et * * | Les Patagons n’ont jamais été navigateurs; ainsi ce sont 
: Hollandais A 
Simon de Coord. $ L nonym, . sans doute des Fuégiens. 
1599. | Olivier de Noort. Hollandais. Anonym!: * | Description vague. 
1614. | Spilberg. Hollandais. | De Maye- : I est évident que sur la Terre-du-Feu il ny a pas de 
k : atagons. 
1615 Lemaire et Schouten. Hollandais. Le comn' Sans doute des os de mastodonte; ce lieu est rempli 
de débris fossiles. 
1618. | Garcia de Nodal. Espagnol. ._. . + + | Ne vit point les Patagons. 
1624. | L’Hermite. Hollandais. Decker. : Ne vit pas les Patagons. 
1670. | Narborough et Wood. Anglais. Wood. * *| Voyage très-judicieux. 
1696. | Degennes. Francais. Froger. * * | Ne vit pas les Patagons. 
1699. | Beauchesne-Gouin. Français. Villefort: : | Ne vit pas les Patagons. 
1704. | Carman. Français. Point de’ : Fiene relation exacte; oui-dire de marin, rapporté 
1 : l par Freézier. 
1712 Frézier. Francais. Lui-méên’ ‘| Ne vit pas les Patagons; en parle par ouiï-dire. 
1741 Anson Anela ._. . .* * | Ne vitpas d’Américains, en parle d’après les voyageurs. 
. nglais. Fe Wagc +. + | Le Wager les aperçut à cheval. 
1745. | Cardiel et Quiroga. Espagnols. | Lozano. + + | Patagons à cheval, première fois. 
Relation t* à 
k : 5 I1 est évident que la 2.‘ relation est plus exagérée en- 
1764. Byron. Anglais. Edit cù citée … core que la première, qui l’est déjà un peu. 
1765. Bougainville. Français. a |. . | Ne vit pas les Patagons. 
1766. Duclos Guyot et Français. Eux - méplus Premiers mots espagnols entendus. On pourrait se deman- 
La Giraudais. der pourquoi l’on ne mesura que les plus petits. 
à ee ne : Lui-méê itS. | J1 les nomme Chaouas; ce sont évidemment les mêmes 
1767. | Bougainville, Français. De Donietne és Noires, 
1767. | Wallis et Carteret, Anglais. gl.; | Au même lieu que Byron ; ce sont évidemment les mêmes 
Lors p.* Patagons. 
1767. | Falconcr. Anglais. Lui - mérl 5 Ce sont les mêmes Patagons que les nôtres. 
1769. ! Cook. Anglais. Premier |: . | Ne vit pas les Patagons. 
1774. | Cook. Anglais. . | Ne vit pas les Patagons. 
1820. | Gautier. Français. Lui-mén - : Est étudiée ; ce sont les mêmes Patagons que 
' : 
1822. | Weddel. Anglais. Lui-mén* + | Ne vit pas les Patagons. 
1826. King. Anglais. Lui-mêt gl. | Détails judicieux. 
1829. D'Orbigny. ancais 1C.; | Séjour de huit mois au milieu des Patagons. 
gn) rançÇaIs. Lui-mér 
anc. 
1V. Homme. +. 


TABLEAU COMPARATIF des observations faites par les voyageurs sur la taille des Patagons et des Fuégiens, depuis la découverte de l'Amérique jusqu'à nos jours. 


IÉPOQUE 


po 


vos 


VOYAGEURS. 


A 


ce. 


1590. 


1592. 


1593. 
1598. 


1599. 
1614. 
1615. 


1618. 
1624. 
1670, 
1696. 
1609. 
1704. 
1712. 


1741. 


LEURS NONS. 


a 


Magellan. 


Loaysa. 
Alcaçoba. 
Drake. 
Sarmiento. 


Sarmiento. 
Cavendish. 


John Chidley. 
Cavendish. 


Hawkins. 
Sébald de Weert 


Simon de Coord. 


Olivier de Noort. 
Spilberg. 


Lemaire et Schouten. 


Garcia de Nodal, 
L'Hermite, 
Narborough et Wo: 
Degennes. 
Beauchesne-Gouin 
Carman. 


Frézier. 


Anson. 


Cardiel et Quiroga. 


Byron, 


Bougainville. 
Duclos Guyot et 
La Giraudais, 


Bougainville, 
Wallis et Carteret 
Falconer. 

Cook. 

Cook, 

Gautier. 

Weddel, 

King. 

D'Orbi ny. 


* Wmme 


LEUR NATION.| LEURS ÉCRIVAINS. 


—_ 
Portugais, au] Pigafetta. 


serv. de l'Espagne, Ovicdo. 


Oviedo. 


Espagnol. 
Espagnol. 
Anglais. 


Edw. Cliffe. 


Espagnol. Argensula. 
Espagnol. 


Argensola. 
Anglais. 


Pretty. 
Magots. 


Anglais. 


Janc, son secrétaire. 


Bb Knivet, de l'expéd. 


Anglais. Lui-méme. 


€ | Hollandais. 


| 


Anonyme. 


Hollandais. 
Hollandais. 
Hollandais. 


Anonyme. 
De Maye.. 
Le commis. 
Espagnol. 
Hollandais. 
Anglais. 


Decker. 

Wood. 

Froger. 

Villefort, enseigne. 
Point de relation. 


od. 
Français. 
‘ Françai 


Français. 


Français. Lui-méême. 


Anglais. Le iWager. 
Lozano. 
Relation trad. en 1774. 
Edit. citée par Pernetty 
et Pauw. 


Espagnols. 


Anglais. 
Français. Lettre. 


Français. Eux - mêmes. 

: Lui-même 

Français. S 
£ Commerson. 


o Anflais. 


Anglais. Lui-méme. 


Anglais. Premier voyage. 


Anglais. Forster. 
Français. Lui-même. 
Anglais. Lui-méme. 
Anglais. Lui-même. 


Fr. Lui-méme. 


Terre-du-F., dét. de Mag. 
Port Famine. 
Entrée O. du détroit. 


Entrée O. sur les iles. 
Port Famine. 

Baie Elisabeth. 

Port Famine, 


Port Famine. 
Port Famine. 


‘Entrée O. du détroit. 
Baie verte. 


Ile Élisabeth. 
Terre-du-Feu. 


Cap Noël, Terre-du-Feu. 
Cap Noël. 

PortFamine, ile Élisabeth 
Port Famine, Terre-du- 
PortFamine, Terre-du-F. 


Cap Noël. 


Détroit. 


Gp Quand. 


Port Famine. 
Port Famine. 


Port Famine, Terre-du-F. 


Près de lle Elisabeth. 


Cap Noël. 
Cap Noël. 


Cap Noël. 


FUÉGIENS. 


LEUR TAILLE 
INDIQUÉE. 


Taille médiocre. 
Petite, 


Aucune. 
Aucune. 


Ordinaire. 
Aucune, 


5 ou 6 palmes. 


Petits. 
10 à 11 pieds. autant 


qu'on pouvait en jugerde loin, 
car on ne les approcha pas. 


Petite stature. 


Grande, sur les collines 


Aucune. 
Européenne. 
Médiocre. 


F. Plus haut, moins de6 p° 


Ordinaire. 


Moyenne. 


Moyenne. 


Commelesautr.hommes 
Aucune. 


Petits. 


5 pieds 6 pouces angl. 


5 pieds4 à 5 p.” angl. 


5 pieds 1}, pouc.moy. 


OBSERVATIONS. 


L'historien ne parle pas d'hommes 
rencontrés. 


Taille exagérée. 


Description vague. 


Description vague. 


Description vague. 


L'un d'eux amené en Hollande. 


lis étaient en pirogues; donc c'étaient 
des Fuégiens. 


Enfans amenés à bord. 


< . 
N'en approcha pas; illusion sans 


doute. 


Descriptionevague. 
Bonne description. 
Voyage judicieux. 


Taille exagérée. 


Il les dit vagabonds. 


li les nomme Pécherais. 


Bonne description. 


Bonne description. 


Bonne description. 


NATIONS OBSERVÉES: 


Page 212. 


oo 


LIEUX 


où ils ont été vus. 


Port Saint-Julien. 
Port Saint-Julien. 
Santa-Cruz. 

Au nord deSaint-Julien. 
Port Saint-Julien. 


Entrée E. du détroit, sur 
le continent. 


Port Dés: 
Port Dés 


Port Saint-Julien. 


S. du port Désiré. 


S. du port Désiré, 


Près le cap S.° Marie. 
Port Saint-Julien. 
Baie Possession. 


Baie Possession. 


Baie Possession. 


Baie Possession. 
Baie Possession. 
Baic Possession. 


Dans les Pampas. 


Rio Negro. 


Cap ‘Grégoire. 
Rio Negro, 


PATAGONS. 


TAILLE DONNÉE PAR LES VOYAGEURS: 
A 


APPROXIMATIVE. | MESURÉE. 


—_— 


OBSERVATIONS. 


————— 
Notre téte touchait à peine à leur. 
ceinture. 

Douze ou treize palmes. 
Treize palmes. 


Taille exagérée, due à l'esprit de l'époque. 


Idem. 
Idem. 


Il n'en donne pas. 11 parait qu'il ne fut pas frappé de leur laille. 


Il y a des Anglais plus grands] 
que le plus haut d'entr'eux. 
Colosses de trois varas. 


Ce sont bien les Patagons. 
Exagération de l'historien Argensola. 


Ne vit point les Patagons. 


Aucune. Signe que la taille ne les a pas surpris. 


. Ne vit point les Patagons. 

Grands, robustes. 

15 à 16 palmes; leur pied, 
quatre fois le nôtre. 

Grande; géans. 


De ces deux relations si différentes entr'elles, nous 
regardons celle de Knivet comme exagérée et fautive, 
éc ès-long-Lemps après l'expédition. 


I paralt qu'il n'a pas vu de Palagons, et n'en parle 
que d'après les autres. 

Les Patagons n'ont jamais éLé navigateurs; ainsi ce sont 
sans doute des Fuégiens. 


Haute stature, Description vague. 


11 est évident que sur la Terre-du-Feu il n'y à pas de 
Patagons. 

Sans doute des os de mastodonte; ce lieu est rempli 
de débris fossiles. 


Squelettes qui firent croire à 

des hommes de 10 à 11 pieds. 
© Ne vit point les Patagons. 

Ne vit pas les Patagons. 

Voyage très-judicieux. 

Ne vit pas les Patagons. 

Ne vit pas les Patagons. 

Aucune relation exacte; oui-dire de marin, rapporté 

par Frézier. 

Ne vit pas les Patagons; en parle par ouï-dire, 


Ne vit pas d'Américains, en parle d'après les voyageurs. 
Le Wager les aperçut à cheval, 


Stature ordinaire. Patagons à cheval, première fois. 


Grands, 7 pieds angl. ; 
6 pieds 6 pouces. 
Moyenne, 8 p''angl 


petits, : 
IL est évident que la 2.° relation est plus exagérée en- 

ds core que la première, qui l'est déjà un peu. 

nds, 9 p 


+3gral 


es eo + + + + « « | Ne vit pas les Patagons. 


p." 7 p.' franc. les plus 
peLILS® 
Aucun au-dessous de 5 p"9à10 p.[5 p« "ga0p.l 
Tailleun peu au-dessus de la nôtre| 5 p- *8p. 
Grands, 6 p. 
ordinaire, 5p 
Rarement 1 DR angl. ; 
plus souvent 6 pieds. 


Premiers mots espagnols entendus. On pourrait se deman- 
der pourquoi l'on ne mesura que les plus petits. 


les plus petits. 


d Ë Il les nomme Chaouas; ce sont évidemment les mêmes 
Û 


hommes que les nôtres, 


Au même lieu que Byron ; ce sont évidemment les mêmes 
Patagons. 


Ce sont les mêmes Patagons que les nôtres. 


Ne vit pas les Patagons. 


5 Ne vil pas les Patagons. 

Relation peu étudiée ; ce sont les mêmes Palagons que 
les nôtres. 

Ne vit pas les Patagons. 


Six pieds français. 


Parut de 6 pieds anglais. 


p.10 p-°à 6 p."angl. 


Détails judicieux. 


Plus ar 5 pieds{1pouc.; Séjour de huit mois au milieu des Patagons. 


moyenne, 5 p."4p.franc. 


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de 
: 


( 213 ) 


nous renvoyons, quant à leurs descriptions comparatives, pour celles des Patagons et 
des Puelches, au rameau des Pampéens , qui nous occupe en ce moment, pour celles 
des Aucas et des Fuégiens aux peuples ando-péruviens. 


$. 2. Description des Patagons ou Téhuelches. 


Avant de parler du nom des Patagons et de leurs caractères physiques, nous croyons 
indispensable de démontrer qu'il existe une analogie parfaite entre les Patagons vus 
d’abord par Magellan, au port San-Julian, en 1520, puis revus successivement par les 
autres voyageurs, et ceux avec lesquels nous avons vécu huit mois, en 1829, sur les 
rives du Rio Negro, au 41.° degré de latitude australe; car de ce fait dépend l'éclair- 
cissement de la question des géans, puisqu'il rendra manifeste les exagérations dans 
lesquelles plusieurs des anciens observateurs sont tombés à cet égard. Si le naïf historien 
du voyage de Magellan, le chevalier Pigafetta, n’eût fait, comme beaucoup des navi- 
gateurs qui l’ont suivi au détroit de Magellan, que donner une description des mœurs 
et des coutumes de ces prétendus géans, la seule identité de ces détails avec nos propres 
observations nous aurait amené sans peine à des résultats satisfaisans; mais ce premier 
circum-navigateur nous a laissé un autre moyen de vérification sans réplique. Il prit à 
bord de l'amiral, un de ces hommes extraordinaires; et, après l'avoir étudié pendant 
quelques mois, il obtint même de lui, par signes, un court vocabulaire, composé sur- 
tout des noms des parties du corps. La comparaison réfléchie de cette courte liste de 
mots avec le vocabulaire de la langue patagone que nous avons formé pendant notre 
séjour, à l’aide de bons interprètes parlant l'espagnol, a levé tous les doutes qui pou- 
vaient nous rester encore sur l'identité du sujet, et nous avons dû reconnaître que les 
Patagons de Magellan et les nôtres sont absolument de la même nation; seulement la 
série des mots de Pigafetta, recueillis par signes, désigne quelquefois une chose pour 
une autre. Le tableau suivant suffira, du reste, pour établir les rapports cherchés. ! 


MOTS PATAGONS 


M D'APRÈ 
OL Re ONE OBSERVATIONS. 


FRANÇAIS. PIGAFETTA, | D'ORBIGNY, 
EN 1520. EN 1829. 


Jeune. Calemi. Caclem. Veut dire enfant plutôt que jeune. 
OEil. Oter. Guter. 

Nez. Or. Ho. 

Bouche. Chian. Thum. 


Dents. For. Jor. 


Oreille. Sané. Jéné. 
Derrière. Hoii. . Hoi. Veut dire dos. 
Main. Chéné. Chémé. 


en de DR A 
1. Notre langue, malgré ses dictionnaires écrits, prouverait seule combien trois siècles peuvent 
apporter de changemens dans les mots signifiant les mêmes choses. On doit donc s'étonner de 


Homme 
améris 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 214 ) 

L'identité des géans de Pigafetta et des Patagons du Rio Negro, une fois incontesta- 
blement établie, rien de plus facile à reconnaître que l’exagération d’un siècle d’igno- 
rance et de préjugés, où aucune relation ne se renfermait en des bornes naturelles; 
rien de plus facile à expliquer que les contradictions que présentent les détails relatifs 
aux naturels, vus sur le même point, à diverses époques, par des voyageurs dont quel- 
ques-uns voulaient ramener les choses à la vérité, tandis que le plus grand nombre 
cherchait à perpétuer la fable des géans de Pigafetta. Quoi qu’il en soit, en décrivant 
les Patagons tels que nous les avons vus, nous allons discuter la valeur relative des 
récits qui les concernent, afin de dissiper pour jamais, s’il est possible, les nuages dont 
la crédulité, l'ignorance ou la mauvaise foi ont, jusqu’à présent, enveloppé cette question 
importante de l’histoire naturelle de l’homme. ; 

Le nom de Patagon, imposé à la nation en 1520 par Magellan lui-même, ainsi que 
nous l'avons déjà dit, est un mot espagnol, qui signifie tout simplement grand pied. 
C’est le nom sous lequel cette nation a toujours été connue, et nous le lui conservons. 
D’après Olivier de Noort?, les Fuégiens désigneraient les Patagons sous celui de Zire- 
menen ; les Chonos du Chili, d’après Frézier 5, les appelleraient Caucakues. Bougainville 4 
les nomme Chaoua, parce qu’il leur a souvent entendu prononcer ce mot. Falconer5, 
en les confondant fréquemment avec les nations voisines, les appelle Tékuelhets. Au 
Carmen, sur les rives du Rio Negro, les colons espagnols ne les désignent que par la 
dénomination de Téhuelche , la mème sans doute qu’emploie Falconer; et nous croyons 
qu’elle leur a été imposée par la nation puelche. Les Aucas ou Araucanos les disent 
Huiliche® (homme du sud); enfin, les Patagons eux-mêmes prennent, comme nous 
avons été à portée de l’apprendre, deux noms différens, celui de Téhuelche pour ceux 
du nord, et celui d’Znaken pour ceux du sud. 

Les Patagons habitent depuis le détroit de Magellan jusqu’au Rio Negro, au 40.° degré 
de latitude sud; ils passent même plus au nord, jusqu'aux montagnes de la Ventana, 
au 19.° degré sud, et de l’est à l’ouest, des bords de l’océan atlantique austral jusqu’au 
pied oriental des Andes, c’est-à-dire du 65° au 74° degré de longitude occidentale de 
Paris, mais seulement dans les plaines; car ils ne sont point montagnards, comme 
le pensait Falconer7. Ils ne se trouvent en conséquence qu’à l’est de la péninsule de 
Brunswick, dans le détroit de Magellan et au port Saint-Julien, ainsi que sur toutes 


retrouver encore, après un laps de temps semblable, chez un peuple qui n’a que la transmission 
orale, autant d'identité dans les mots. L’idiome patagon a probablement changé davantage quant 
aux verbes. 

1. Voyez page 200. 

2. Olivier de Noort, de Brosse, Histoire des navigations aux Terres australes, t. 1, p. 296-298. 

3. Frézier, Voyage, p. 31. 

4. Voyage autour du monde, p. 129 et suiv. 

5. Falconer, Description des Terres magellaniques, 1. IT, p. 62. 

6. Falconer, Loc. cit., p. 38-62, applique mal à propos ce nom aux Aucas. 

7. Terres magellaniques, t. 11, p. 62. 


PAUL. Te 


( 215 ) 

les plaines étendues du pied des Andes à la mer. Essentiellement chasseurs, et par suite Homme 
nomades, ils errent du nord au sud, et de l’est à l’ouest, sans avoir, à proprement ‘5 
parler, de résidence déterminée. Il en résulte qu'on peut successivement voir les 
mêmes individus soit au détroit de Magellan, soit sur les rives du Rio Negro!. En jetant 

les yeux sur notre résumé synoptique des observations comparatives des voyageurs, on 

se convaincra qu'ils ont toujours rencontré des hommes de grande taille au port Désiré, 

au port Saint-Julien, sur les côtes de l'Océan, dans la baie Possession, au cap Grégoire 
(détroit de Magellan), sur les parties non boisées étendues plus à l’ouest, et dépendant 

des plaines qui succèdent aux Pampas. Ils se divisent en une foule de petites tribus 
dispersées par familles au sein des vastes terres unies du sud. De tout temps ils ont 

eu de fréquentes communications avec les Puelches, leurs voisins du nord; avec les Aucas, 

leurs voisins de l’ouest, qui ne tardèrent pas à leur procurer des chevaux, et leur ont 

aussi probablement appris les premiers mots espagnols, recueillis au détroit par quel- 
ques-uns des navigateurs européens?. Leurs relations avec les Fuégiens paraissent très- 
rares, tandis qu’on les a vus, à plusieurs reprises, envoyer des députations au nord 
jusqu’au Tandil, dans les Pampas de Buenos-Ayres. Ils semblent, au reste, préférer aux 
bords de la mer, qu’ils ne gagnent que très-rarement, et seulement quand la saison le 

leur permet, le séjour de l’intérieur des terres et le voisinage des fleuves, où ils trouvent 

plus de gibier; ce en quoi ils diffèrent essentiellement des Fuégiens. 

Leur nombre, d’après ce que nous avons pu savoir des chefs, ne s’élèverait guère 
au-dessus de 10,000 âmes, réparties sur plus de 28,000 lieues, ce qui donnerait à peu 
près un homme par 3 lieues de superficie. 5 

Leur couleur, plus foncée que celle des Fuégiens leurs voisins, et que celle des nations 
du nord-est, n’est pas cuivrée, mais brun-olivätre foncé : c’est la nuance des mulâtres et 
non celle qu’on a généralement assignée à la race américaine; mais elle est d’une teinte 
aussi intense que celle des nations du Chaco. Les seuls Américains qui soient plus foncés 
que les Patagons, sont les Puelches et les Charruas; mais la différence est peu sensible. 

La taille des Patagons fut bien long-temps un problème qui paraissait insoluble, 
et dont s’occupèrent avec une ardeur égale les écrivains anciens et modernes : les 
uns voulaient qu'ils fussent de petite taille; les autres en faisaient des géans. Quel- 
ques auteurs, plus sensés, supposèrent avec raison qu’il y avait confusion de nation; 
mais le défaut de lumières sur la géographie locale et des recherches superficielles 
avaient encore laissé jusqu'ici des doutes à cet égard. Le mal venait de ce que l’on 
confondait les Fuégiens avec les Patagons. Les voyageurs qui n’ont vu que les Fué- 
giens, comme Loaysa, Chidley , Sébald de Weert, Garcia de Nodal, l’'Hermite, Degennes, 


1. Voyez partie historique, t. II, ch. XVIIF, et ch. XX, pour des détails plus étendus sur la 
nation patagone. 

2, On a”vu pour la première fois des chevaux aux -Patagons lors du retour des bateaux des” 
naufragés du Wager, compagnons infortunés de lamiral Anson, en 1740 (Wager, p. 69). 

3. Voyez à cet égard la partie historique, t. Il, p. 97. 


( 216 ) 


Homme Beauchène-Gouin, Frézier, Anson, Cook, Forster et Weddel!, ne devaient parler que 


améri- 
cain. 


de petits hommes, puisqu'ils n’en avaient pas vus d’autres, et la plupart alors nièrent 

‘absolument l'existence des géans. Une autre catégorie de voyageurs aurait pu éclaircir 
la question; ceux qui, ayant vu successivement les Patagons et les Fuégiens, ont parlé 
des uns comme d'hommes de grande taille, et des autres comme de taille ordinaire. 
De ce nombre sont Alcaçoba, Drake, Sarmiento, Cavendish, Olivier de Noort, Narbo- 
rough et Wood, Byron, Duclos Guyot, Bougainville, Wallis et King. Ces derniers 
spécifient les lieux invariablement les mêmes où ils ont rencontré des hommes différens ; 
il eût été dès-lors possible de se convaincre qu’il y avait deux nations distinctes, et 
d'établir sur cette base, ainsi que nous l'avons fait, une ligne de démarcation entre les 
Patagons et les Fuégiens. 

Si, en distinguant les nations, il nous a été facile d’expliquer la discordance entre 
certains voyageurs qui ont vu des naturels sur des points différens, le même mode 
de conciliation ne s'applique pas aussi bien à ceux qui, dans une même localité, ont 
tour à tour aperçu des colosses ou des hommes ordinaires; cependant, après avoir 
prouvé l'identité des géans de Pigafetta avec nos Patagons, l’exagération devient évidente; 
car on ne peut croire que cette nation ait dégénéré. Il est bien plus simple d'admettre 
qu'à mesure que le progrès des lumières nous a rapprochés de la vérité, la taille chimé- 
rique des Patagons est peu à peu rentrée dans les bornes naturelles. La preuve de ce 
fait résultera de la comparaison de la taille approximative donnée par les voyageurs 
anciens, et de celle qu’indiquent des observateurs plus modernes. 


En 1520, Magellan (selon Oviedo) disait : Ils ont de douze à treize palmes de haut. 

En 1520, Pigafetta disait : Notre tête touchait à peine à leur ceinture. 

En 1579, Sarmiento : Colosses de trois varas (3 mètres). 

En 1592, Knivet (voyage de Cavendish) : Quinze à seize palmes de haut; leur pied 
quatre fois le nôtre. 

En 1593, Hawkins : Géans. 

En 1615, Lemaire et Schouten : Squelettes qui firent croire à des hommes de 10 
à 11 pieds. | 

En 1704, Carman : 9 à 10 pieds. 

En 1764, Byron : 7 pieds (anglais) les plus grands; 6 pieds 6 pouces les petits. 

En 1766, Duclos Guyot : 5 pieds 7 pouces (français) les plus petits. 

En 1767, Bougainville : 5 pieds 8 pouces à 6 pieds 4 pouces (français). 


En 1767, Wallis : 6 pieds 7 pouces (anglais) les plus grands; 5 pieds 10 pouces 


les hommes de taille ordinaire. 
En 1826, King : 5 pieds 10 pouces (anglais); pour les plus hauts, 6 pieds. 


Parmi les voyageurs qui dès les temps reculés critiquèrent les relations exagérées, et 
ramenèrent la taille des Patagons à des appréciations raisonnables, on peut citer Drake, 


1. On peut voir la citation des ouvrages de chacun de ces navigateurs dans l'historique des 
nations australes. 


——— 


( 217 ) 


qui en 1578, parlant des hommes vus par Magellan, dit : 2! y a des Anglais plus grands Homme 


que le plus haut d’'entr'eux ; et, en 1670, Narborough, judicieux observateur, les décrit 
comme ayant une taille ordinaire. Il existe parmi les auteurs modernes, un autre motif 
de discordance, dont on a peu tenu compte, la différence des mesures locales : ainsi, 
en traduisant les écrivains anglais, on a conservé le pied d'Angleterre, qui, de près d’un 
douzième moins grand que le nôtre, augmente la taille de cette même proportion. 
Cette différence appréciée, les mesures de Byron se réduisent à 6 pieds 5 pouces pour 
les plus grands, celles de Wallis à 6 pieds, et la taille moyenne à 5 pieds 5 pouces fran- 
çais; enfin, celles du capitaine King, données comme taille ordinaire, à 5 pieds 5 pouces, 
appréciation conforme à nos observations personnelles. Nous-mème (et nous ne le 
dissimulerons pas), nous avons été trompé plusieurs fois à l'aspect des Patagons : la 
largeur de leurs épaules, leur tête nue, la manière dont ils se drapent de la tête aux 
pieds avec des manteaux de peaux d'animaux sauvages, cousues ensemble, nous faisaient 
tellement illusion, qu'avant de les mesurer, nous les aurions pris pour des hommes 
d’une taille extraordinaire, tandis que l’observation directe les ramenait à l’ordre com- 
mun. D’autres voyageurs n’ont-ils pu se laisser influencer par les apparences, sans cher- 
cher comme nous la vérité au moyen de mesures exactes ? 

En résumé, après avoir vécu huit mois au milieu des Téhuelches, après en avoir eu 
sous les yeux et mesuré successivement un grand nombre, et de ceux-là même qui 
venaient soit du port Saint-Julien, soit des rives du détroit de Magellan, nous n’en 
avons pas rencontré un seul qui dépassàt un mètre quatre-vingt-douze centimètres (5 pieds 
11 pouces métriques), leur taille moyenne ne s’élevant pas au-dessus d’un mètre soixante- 
treize centimètres (5 pieds 4 pouces). C’est, sans contredit, une belle taille; mais il y a loin 
de là au gigantisme?, si l’on veut bien nous passer ce mot. Les femmes sont presqu'aussi 
grandes et surtout aussi fortes que les hommes; leur taille moyenne s'élève à 1 mètre 
620 millimètres. 

Les hommes sont remarquables par la largeur de leurs épaules et par la proéminence de 
leur poitrine. Leur corps est d’une venueÿ, leurs membres sont bien fournis, leurs formes 
arrondies, leurs articulations grosses, leurs chairs fermes. On ne trouve pas chez eux 
ces constitutions efféminées des Indiens de certaines parties de la zone torride; ils 
sont, au contraire, massifs, bien que sans difformité. Presque tous ont la main et le 
pied petits comparativement au reste du corps, et méritent peu, sous ce rapport, le 
nom de Patagons. Leur coutume de s'asseoir à terre leur fait rentrer les pieds en dedans, 
et leur donne une démarche peu gracieuse. Les femmes offrent les mêmes formes que les 
hommes; mais leur taille élevée les fait paraître plus minces que ne le sont ordinairement 
les Américaines; elles ne sont pas mal faites, quoique leur extérieur soit peu féminin. 


1. Histoire des navigations aux Terres australes, 1. 17, p. 186. 

2. Les Caribes décrits par M. de Humboldt, Poy., & IX, p. 11, sont au moins aussi grands. 

3. Nous n’avons pas reconnu cette disproportion observée par l'expédition du Beagle entre 
la longueur relative du corps et les extrémités. 


IV. Homme. 28 


améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
ain. 


( 218 ) 

Leur tête est grosse, leur face large, pleine, carrée, aplatie, à pommettes peu saillantes, 
si ce n’est dans la vieillesse. Ils ont les yeux petits, noirs, vifs, horizontaux; le nez 
court, épaté, large, à narines ouvertes; la bouche grande, saillante, à grosses lèvres, 
montrant, lorsqu'elle s’ouvre, des dents magnifiques, blanches, bien rangées et qui 
résistent, même dans la plus grande vieillesse; le front bombé, proéminent; le menton 
assez court, un peu saillant; le cou gros; mais (chose remarquable pour des Américains), 
dans leur profil le front, la bouche ou même quelquefois le menton, saillent au 
point, qu’en abaissant une perpendiculaire du front aux lèvres, le nez à peine viendra 
l'effleurer et la dépassera rarement. L'ensemble des traits est souvent difforme; leur 
aspect sévère, mais néanmoins doux plutôt que désagréable; d’où vient qu’on se sent 
disposé à se rapprocher d’eux, tandis qu’il est des hommes, moins laids peut-être, dont 
l'air féroce repousse invinciblement. Les jeunes gens des deux sexes ont la physionomie 
vive, spirituelle, quelquefois même la figure assez passable, pour des Patagons; il est diffi- 
cile d'y reconnaitre les sexes jusqu’à l'instant où les traits prennent les caractères saillans 
de l'adulte. Ils ont tous alors ce facies pour ainsi dire uniforme, qui distingue immédia- 
tement les nations les unes des autres. Leurs cheveux noirs, gros, longs et lisses, 
ne tombent jamais et blanchissent rarement; leur barbe paraît très-peu fournie, fait 
dont il est, au reste, difficile de s'assurer positivement, par suite de l’usage qui leur est 
commun avec les autres nations australes, de se l’arracher, ainsi qu’une partie des sourcils. 

La langue patagone, tout à fait différente pour le fond de celle des Puelches, s’en 
rapproche pour les formes : elle est accentuée, gutturale, comme celle-ci, mais moins 
saccadée et moins dure. Elle renferme peu de sons compliqués de consonnes; les seuls 
qui soient durs, sont jr et le j espagnol dans toute sa gutturation; du reste, moins 
de consonnes terminales des mots, et seulement encore les suivantes : em, ex, es, ar, 
el, et, in, ip, et, ec. Lu nasal y est peu commun; le ck français n’y est pas rare; 
l'f et le v y manquent entièrement. On n’y trouve aucune anomalie pour les noms 
des parties du corps, comme on peut le voir par les trois mots suivans : Capenca, joues; 
Guter, yeux; Jene, oreille. Du reste, l'emploi du k est commun. Les adjectifs s’y déclinent. 
Le système de numération est décimal et va jusqu’à 100,000; mais, comme dans la 
langue puelche, les nombres 100 et 1000 sont empruntés à la langue des Incas’. La 
langue patagone a aussi, dans sa dureté, des rapports avec celle des Fuégiens. 

Le caractère moral des Patagons est à peu près le même que celui des autres nations 
australes : hautains, indépendans, esclaves de leurs promesses entr’eux, serviables 
même et se soutenant mutuellement; ils sont, à l'égard des Chrétiens, faux, dissimulés, 
rancuneux, sans aucune parole, et volent par principe d'éducation; dispositions qui 
viennent sans doute, comme représailles, du peu de foi des Espagnols envers les Indiens. 
Incapables de trahir les leurs, discrets et courageux, ils unissent à ces vertus l’astuee 
des pays civilisés. Bons pères, bons maris, ils laissent néanmoins peser sur leurs femmes 
le fardeau de presque tout le travail journalier; mais ils ne les brusquent jamais. 


1. Ils ont sans aucun doute été transmis par les Araucanos dans leurs échanges réciproques. 


( 249 ) 


L'arrivée des Européens en Amérique a grandement modifié la manière de vivre des 
. Patagons. Avant la conquête, ils voyageaient à pied, par petites familles, s’établissant 
dans un lieu tant qu’ils y trouvaient du gibier; puis, la contrée dégarnie, ils se trans- 
portaient ailleurs, errant ainsi sans cesse. Ils voyagent plus encore aujourd’hui, parce qu’à 
l'intérêt de la chasse, nécessaire à leur existence, se joint, dans leurs courses actuelles, 
le besoin de pâturages pour leurs chevaux; et si ces animaux leur facilitent la traversée 
de déserts dont ils n’osaient d’abord approcher, s'ils s'emparent du gibier avec moins 
de peine, ils résident aussi moins long-temps en des lieux plus promptement dépeuplés. 
Dès qu’une famille patagone a détruit tout le gibier du canton où elle s’était établie, 
les femmes seules, chargées du travail du ménage, s'occupent à rouler les peaux qui, 
soutenues sur des pieux, forment la tente (Toldo), son humble retraite; elles empa- 
quètent tout, tandis que les hommes réunissent les chevaux; elles chargent leur bagage, 
et montent ensuite par dessus avec leurs jeunes enfans. Les hommes ne portent que 
leur arc, leurs flèches, armées d’un morceau de silex, comme celles des Fuégiens; ils 
ont aussi leur fronde et surtout leurs bolas!, la plus terrible de leurs armes. Ils se 
rendent ainsi, à petites journées, au canton où ils doivent séjourner de nouveau. Dès 
qu'ils sont arrivés, les femmes reforment la tente, allument du feu; leurs maris, comme 
toujours, passant à dormir tout le temps qu’ils ne donnent pas à la chasse, leur occu- 
pation exclusive. De plus les femmes, avec une patience extrême, écorchent les animaux 
tués, en préparent les peaux, les assouplissent, les cousent ensemble, quand elles sont 
petites, au moyen de tendons d’animaux, et en confectionnent ainsi principalement de 
grands manteaux ornés de peintures, qui servent d’'habillement aux deux sexes, indé- 
pendamment d’autres pièces qui entourent la ceinture. C’est là d’ailleurs toute l’industrie 
des Patagons; jamais ils n’ont songé à se construire même un radeau. Essentiellement 
terrestre, le Patagon s’abaisse rarement à manger des coquillages, lorsque les circons- 
tances lui font diriger sa chasse vers les rivages maritimes. Les hommes relèvent leurs 
cheveux sur la tête et les attachent avec un petit ruban de tissu ou de cuir. Ils ne 
laissent pas fréquemment à leur figure sa couleur naturelle; ils se peignent en rouge et 
en noir, mettant le rouge sur les joues, le noir sous les yeux, quelquefois du blanc sur 
les sourcils. Les femmes emploient les mêmes couleurs, à l’exception du blanc; elles 
séparent leurs cheveux en deux parts, sur le milieu de la tête, les laissant ainsi flotter 
sur leurs épaules, ou en formant deux queues ornées de grelots et de verroteries; elles 
portent des boucles d'oreilles d'argent, larges de quelques pouces ?, et s’ornent les pieds 
de bracelets et de colliers en verroteries, qu’elles obtiennent par échange des autres 
nations, qui se les procurent dans les villes. 

Le gouvernement des Patagons n’a rien de positif : les chefs qui les mènent à la guerre, 
sont leurs égaux en tout autre temps. Jamais ils ne se sont soumis au joug européen , et 


1. Pour plus de détails, voyez partie historique, t. IT, les chapitres XVIII et XX, où nous 
avons décrit tout ce qui a rapport à celle nation. | 
2, Voyez Coutumes, n.* 4 et à, et Costumes, pl. 5. 


Homme 
améri- 
«ain. 


( 220 ) 


Homme toujours ils surent au besoin défendre par les armes, la liberté dont ils jouissent 


améri- 
«ain. 


encore. 

Leur religion est, avec quelques modifications, celle des Puelches et des Aucas; 
ils redoutent plutôt qu’ils ne révèrent, leur Æ4chekenat-hkanet, tour à tour génie du 
mal et génie du bien. Éprouvent-ils quelqu’indisposition ? Le génie est entré dans 
leur corps; et les devins, en même temps médecins, cherchent à l’en arracher par 
des succions, par mille conjurations, par mille jongleries. Égarent-ils quelque chose? 
C’est encore le génie qu’on accuse de la perte, sans que le bien qu’il fait soit équivalent 
du mal dont il est l’auteur. Leurs devins, déguisés en femmes, lorsqu'ils ne sont pas 
du sexe féminin, exercent aussi les fonctions d’interprètes du génie malfaisant, lui parlent 
et transmettent sa réponse à l'instant où, tout exallés, comme les anciennes pythies 
des Grecs, ils sont encore remplis du dieu. Les Patagons croient à une autre vie, où 
ils goûteront une félicité parfaite; de là vient, chez eux, la coutume d’enterrer, avec le 
défunt, ses armes, ses bijoux, et même de tuer, sur sa tombe, tous les animaux 
qui lui ont appartenu, afin qu’il les retrouve dans le séjour de la béatitude. Ce dernier 
usage oppose une barrière insurmontable à toute civilisation; car ne conservant jamais 
rien de ce qu'ils ont pu amasser, ils demeurent toujours pauvres et ne sauraient assez 
multiplier les troupeaux pour subvenir à leur nourriture, ce qui les empêche de se 
fixer. Les plus superstitieux entre tous les sauvages, ils fêtent l’époque de la nubilité des 
femmes. 

En résumé, si les Patagons doivent former une espèce séparée des autres Américains, 
ce n’est pas seulement en raison de la supériorité de leur taille, comme on l’a dit jusqu’à 
présent. Les Patagons, au contraire, nous semblent appartenir à un rameau d'hommes 
distingués surtout par des formes massives, nullement efféminées, et par une taille avan- 
tageuse; d’hommes propres aux plaines de l’est de l'Amérique méridionale, qui, par 
les Puelches, passent aux Charruas, aux Mbocobis ou aux Tobas du grand Chaco. Leurs 
mœurs, leurs coutumes, leur religion sont celles des Puelches, surtout, et des Aucas. 
Sous ces divers points de vue, toutes ces nations australes ont la plus étroite analogie. Par 
le langage, les Patagons n’ont rien qui les rapproche des Aucas, l’idiome de ces derniers 
étant très-doux et très-harmonieux, tandis que celui des Téhuelches est dur. Ils paraissent, 
sous ce rapport, liés aux Puelches, dont la langue, plus gutturale encore, présente 
beaucoup des mêmes formes. On retrouve aussi, dans la manière dont prononcent les 
Mbocobis et les Tobas, les sons durs de la langue patagone, ce qui est un trait de 
ressemblance de plus. Comme le montrera la description comparative, les Patagons se 
distinguent des Aucas par leur taille, par leurs formes, par leurs traits, différence que 
nous avons trouvée partout en Amérique, entre les peuples montagnards et ceux des 
plaines. 


( 221 ) 


NATION PUELCHE. 


Les divers auteurs !, et même les habitans des villes ou villages voisins des lieux 
où vivent les Aucas et les Patagons, confondent presque toujours les Puelches avec ces deux 
nations australes, sous la dénomination vague de Pampas, parce qu’ils habitent les 
immenses plaines de ce nom, situées au sud de Buenos-Ayres. Le nom de Puelche, que 
la nation se donne, lui est aussi appliqué par les Aucas; les Patagons l’appellent Fonec. 
C’est probablement le peuple connu sous le nom de Querendis? lors de la conquête de 
Buenos-Ayres. 5 

En contact au sud avec les Patagons, ils se mélent fréquemment avec eux dans 
leurs courses. Passant pour avoir habité au seizième siècle les lieux occupés aujour- 
d’hui par Buenos-Ayres, il est du moins certain que depuis plus de cent ans ils sont 
fixés du 39.° au 41.° degré de latitude méridionale sur les plaines d’entre le Rio Negro 
et le Rio Colorado, mais plus particulièrement encore sur les rives de ce dernier fleuve, 
à quelques degrés du bord de la mer dans l'intérieur. Ils voyagent au sud jusqu’au 
Rio Negro et au-delà, et vers le nord jusqu’à la Sierra de la Ventana, ne quittant ces 
parages que pour faire des excursions sur les terres de Buenos-Ayres ou sur celles des 
Aucas; au reste, ils sont au moins aussi nomades que les Patagons, et toujours divisés 
en plusieurs tribus errantes, qui se réunissent soit pour attaquer, soit pour se défendre. 

De tout temps les Puelches ont eu de fréquentes relations avec les Patagons et les 
Aucas, souvent même ils ont eu à soutenir des guerres cruelles contre ces nations; par 
suite, leur nombre, d’abord de quelques milliers, était déjà considérablement diminué, 
lorsque, vers la fin du siècle dernier, les funestes effets de la petite vérole le réduisirent 
au quart; et décimés encore par les attaques journalières des Aucas, ils ne comptent 
plus aujourd’hui que cinq à six cents âmesé, sous les ordres de plusieurs caciques. Tout 
porte à croire que la nation entière sera détruite d’ici à un siècle, ou tout au moins 
qu’elle se fondra dans celle des Araucanos. 

La peau des Puelches, de la même teinte que celle des Patagons, est peut-être un 
peu plus foncée; leur couleur est aussi brun-olivätre plutôt que cuivrée. 


1. Falconer (Terres magellaniques, t. 11, p. 45) les confond avec les Patagons dans sa descrip- 
tion ; et Azara (Voyage dans l’Amér. mérid., t. 11, p. 55 et suiv.), qui n’a vu aucune de ces 
nations australes, les mêle au contraire avec les Aucas. C’est à tort qu’on à presque toujours regardé 
le nom de Puelche comme identique avec celui de Péhuenche, tribu des Aucas. 

2. Ce mot, qui n’est ni auca ni puelche, appartient évidemment à la langue guarani, parlée 
aussi près de Buenos-Ayres. 

3. Rui Diaz de Guzman, Historia argentina (écrite en 1612), imprimée (Collection de Angelis) 
à Buenos-Ayres en 1835, dit, p. 9, qu’ils sont chasseurs, et p. 33, qu’ils emploient les bolas, 
ce qui ferait croire que ce sont bien des Puelches. 

4. En 1535, selon Schmidel, Loc. cit., p. 9 , ils étaient au nombre de 3,000. 


Homme 
améri- 
ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 222 ) 

Leur taille est moins élevée que celle des Patagons; leur stature moyenne au moins 
de { mètre 70 centimètres (5 pieds 3 pouces). Peu d'hommes sont au-dessous de 1 mètre 
62 centimètres (5 pieds), tandis que quelques-uns atteignent { mètre 75 à 80 centimètres 
(5 pieds 5 ou 6 pouces), et même plus. Les femmes sont presqu’aussi grandes que les 
hommes, el nous croyons, d’après nos mesures, que leur taille moyenne sélève à 1 mètre 
620 millimètres. 

Les Puelches peuvent rivaliser avec les Patagons pour la corpulence, la largeur des 
épaules et la force des membres. Ils leur ressemblent tellement qu’on pourrait les regarder 
comme des Patagons plus petits, parlant une langue différente; même figure large et 
sévère, même bouche saillante, très-grande, à grosses lèvres et renfermant des dents 
magnifiques; mêmes yeux petits, horizontaux; même nez épaté, à narines ouvertes; 
mêmes cheveux noirs, lisses et longs; même barbe, qu'ils arrachent également. Les pom- 
mettes seules sont un peu plus saillantes que chez les Patagons et annoncent la 
transition aux Mbocobis et aux Charruas. Les femmes participent aux traits et à la force 
des hommes, et n’ont que dans l’extrême jeunesse la figure de leur sexe; sous ce rap- 
port, elles ressemblent aussi beaucoup aux Patagones. 

On se fera une idée plus exacte de la tête osseuse des Puelches par l'inspection de 
la planche 1, fig. 1, où nous en avons représenté une. On pourra trouver que, sauf 
la saillie des os maxillaires, ce crâne diffère peu de ceux des autres nations de l’ancien 
monde. 

La langue puelche ne se rapproche de la langue patagone qu’en ce que cette dernière 
a de dureté; mais elle en est tout à fait distincte par le fond; gutturale, saccadée et 
rude, au point qu’en nous servant des lettres espagnoles, nous n’avons pas encore 
trouvé de moyens d'écrire certains mots. Employant souvent le Æ, et remplie de sons 
composés que forment les consonnes {z et mz, elle est fortement accentuée. Ce qui 
la rend plus dure encore, c’est que la moitié des mots sont terminés par les consonnes 
at, ex, ec, L, am, ig, s, ep, eq, ch et tz. Le j espagnol s'emploie fréquemment; mais 
il est encore une articulation plus forte, celle du tr, prononcée du fond du gosier. L’u 
nasal est peu commun, ainsi que les diphthongues, comme ain; le ck français y est d’un 
fréquent usage; le son de l’f tout à fait inconnu. On y remarque une anomalie dans 
les noms des parties du corps, qui commencent tous par un y, comme Yacaléré, joues; 
Fatitco, yeux; Faxyexké, oreille; mais nous croyons devoir attribuer cette singularité 
à la contraction du pronom possessif, qui entre dans le composé de ces noms. Les 
adjectifs ne changent pas au masculin et au féminin. Le système de numération est 
étendu , il va jusqu’à 100,000; mais tous les nombres au-dessus de 99 sont empruntés 
à la langue des Incas. ! 

Le caractère des Puelches est identiquement celui des Patagons : même dissimulation, 


même fierté, mêmes idées d'indépendance. 


1. Voyez partie de Linguistique. La meilleure preuve qu’Azara les confond avec les Aucas, 
c’est qu'il dit (p. 41) que leur langue n’a aucun son nasal ni guttural; ce qui est vrai des Aucas, 
mais non des Puclches, dont la langue est une des plus dures de celles qui se parlent en Amérique. 


( 223 ) 

Les mœurs de la nation qui nous occupe sont celles des Patagons : comme ceux-ci, 
toujours en voyage, les Puelches sont ambulans et grands chasseurs; ils possèdent 
maintenant beaucoup de chevaux, et se retirent sous des tentes de peaux d’animaux, 
qu'ils transportent partout avec eux, armés également de l'arc, de la flèche et des 
bolas:; ils sont tout aussi peu avancés pour l’industrie, quoiqu’ils commencent à savoir 
tisser. Même costume, bien que souvent mêlé à celui des Aucas; mêmes ornemens, 
mêmes peintures de la figure; même paresse chez les hommes; même activité chez les 
femmes, chargées de tous les travaux du ménage. Les Puelches, comme les Patagons, ne 
vivent jamais sur les rivages de la mer, et ne sont pas plus navigateurs. 

Leur gouvernement est semblable à celui des Patagons : ils ont des chefs ou Ganac qui 
les dirigent à la guerre, mais auxquels ils n’obéissent pas en temps de paix; C'est ordi- 
nairement le meilleur des orateurs et le plus brave qui devient cacique. Aussi indé- 
pendans aujourd’hui qu’à l’époque de la conquête, ils n’ont jamais reconnu la domination 
espagnole. 

Leur religion est aussi celle des Patagons : ils croient à un génie du mal, nommé 
Gualichu ou Arraken, qui devient quelquefois bienfaisant, sans qu’on ait besoin de le 
prier. Leurs devins (Calmelache), également médecins, sont tellement redoutés, qu'après 
leur mort un Puelche ne passe qu’en silence au pied de leur tombe, dans la crainte de 
les réveiller. Ils croient à l'immortalité de l’âme, et, en conséquence, enterrent avec 
le défunt ses armes et ses bijoux les plus précieux?. Ils fêtent l'instant de la nubilité 
des femmes. 

On a vu combien il y a d’analogie, pour les caractères physiques, pour les mœurs, 
pour la religion, entre les Puelches et les Patagons. Nous en conclurons qu'ils appar- 
tiennent au même rameau d'hommes ; seulement plus petits que les Patagons, ils parlent 
un langage distinct. Par les traits et le parler, ils diffèrent des Aucas, et font ainsi le 
passage des Patagons aux autres nations des plaines du grand Chaco, telles que les 
Mbocobis ou Tobas et aux Charruas de la Banda oriental de la Plata. 


1. Ils s’en servirent en 1536, lors de la première fondation de Buenos-Aÿres. (Voyez Historix 
argentina, de Rui Diaz de Guzman, p. 34.) 
Ulderico Schmidel, édit. de Buenos-Ayres, p. 7, dit la même chose et parle aussi de lances 
armées de pointes de silex. 
2. Azara dit de cette nation, comme de toutes les autres (t. II, p. 49 ), qu’elle n’a pas de croyance 
religieuse : il fallait qu’il fût bien préoccupé de cette idée négative pour l'appliquer même aux 
Puelches, remarquables par la multiplicité des pratiques superstitieuses auxquelles ils se livrent. 


Homme 
améri- 
cain. 


——— 


Homme 
améri- 
cain. 


( 224 ) 


NATION CHARRUA. 


Le nom de Charruas, connu depuis les premiers temps de la conquête de l'Amérique, 
n’est cependant pas le seul sous lequel cette nation soit désignée par les historiens. Nous 
croyons, contre le témoignage d’Azara!, que les Minuanes, toujours confondus par les 
auteurs avec les Charruas?, n’en étaient qu’une tribu, ce que nous paraît prouver l’iden- 
tité parfaite de coutumes indiquée même par l’écrivain espagnol. Nous croyons également 
que les Yaros$, qui vivaient entre les Charruas et les Minuanes, les Bokanes et les Chanas, 
leurs voisins, étaient aussi des tribus des Charruas, dont les noms ne figurent qu’au 
commencement de la conquête, ce qui a fait dire à Azara 4 qu'ils avaient été détruits. 
par les Charruas.ÿ : 

Lors de la conquête, les Charruas proprement dits s’étendaient depuis /a Lagoa dos 
Patos, province de Rio Grande, jusqu’au débouché de l’Uruguay dans la Plata, sur tout 
le littoral maritime; et des côtes orientales de la Plata6 jusqu’à une trentaine de lieues 
dans les terres. La tribu des WMinuanes se tenait entre l’Uruguay et le Parana, tandis que 
les Yaros, les Bohanes et les Chanas vivaient, en très-petit nombre, les premiers sur 
la rive orientale de l’Uruguay, près du Rio Negro; les deux autres tribus dans les îles 
de l’Uruguay, en face du Rio Negro. Ils étaient donc, au seizième siècle, circonserits, 
vers le nord, par des déserts, sans passer le 31.° degré de latitude sud; à l’est, par la 
mer; à l’ouest, par le Parana, et au sud par le confluent du Parana et de l’Uruguay, 
sur la Plata même. Les Minuanes passèrent, vers 1730, sur la rive orientale de l’Uru- 
guay, se réunirent aux Charruas dans la Banda oriental et combattirent long-temps les 
Espagnols, qui, après la fondation de Montevideo et de la Colonia del Sacramento, les 
repoussèrent à leur tour. Ils s’enfuirent vers le nord, où ils furent encore attaqués; 
leur nombre diminua peu à peu ; et, enfin, aujourd’hui les Charruas sont réduits à 
quelques petites tribus errantes, à l’est de l’'Uruguay, au nord du 31. degré de latitude 
sud, aux frontières et même sur le territoire des anciennes Missions. Jadis ils avaient 


1. Voyage dans l’Amér. mérid., 1. I, p. 30. 

2. On peut, à cet égard, consulter Funes, Hist. del Paraguay ; Gonzalo Doblas, Memoria histo- 
rica de missiones, p. 55. 

3. Il est faux, d’après le manuscrit de Lastarria, art. 80, qu’ils vécussent encore en 1804 sur 
les rives du Rio Negro. Voyez Art de vérifier les dates, 3° part., t. XIIT, p. 181. 

4. Voy. dans l'Amér. mér., II, p. 7. 

5. Une preuve de plus de la confusion qui règne dans la nomenclature des nations américaines, 
c’est le travail de M. Warden ( Art de vérifier les dates, t. XII, 3 partie) qui réunit, pour le 
Brésil seulement, plus de 400 nations. Il est vrai que nous trouvons, parmi celles-ci, des nations 
vivant en dehors de cette contrée. 

6. Historia argentina, p. 6, 78. 


(235 ) 
pour voisins, du côté de l’ouest, les Aucas et les Puelches des Pampas, dont les sépa- 
raient le Parana et la Plata; et, au nord, les Guaranis. 

Dans la dernière guerre entre Buenos-Ayres et le Brésil, en 1827, on nous assura que 
cinq caciques s'étaient avec cinq cents Charruas incorporés à l’armée argentine. S'il en 
est ainsi, comme tout paraît le prouver, il y aurait encore plus de 1,500 âmes de cette 
nation , jadis si formidable; mais ce nombre diminue journellement, soit par les guerres, 
soit par le mélange des naturels avec les Guaranis, soit parce qu'ils se sont laissé emme- 
ner dans les villages. 

Leur couleur, plus foncée que celle des Patagons, est d’un brun-olivàtre souvent 
noirâtre ou marron. C’est peut-être la nation américaine que l’intensité de la couleur 
rapproche le plus du noir; elle contraste même, sous ce rapport, d’une manière frap- 
pante avec celle des Guaranis, ses voisins. 

Nous avons été à portée de voir, en 1829, à Montevideo plusieurs Charruas; ils ne 
nous ont pas montré, malgré l’allégation d’Azara!, une taille qui parüt dépasser d'un 
pouce celle des Espagnols. Le plus grand que nous ayons vu, n'avait pas plus de 1 mètre 
76 centimètres (5 pieds 5 pouces), et leur taille moyenne ne nous a pas semblé de plus 
de 1 mètre 68 centimètres (5 pieds 2 pouces). Comme chez les Puelches, les femmes 
sont presque aussi grandes et aussi robustes que les hommes; elles ont au moins { mètre 
66 centimètres, ou 5 pieds 1/ pouce de taille moyenne. 

Les formes des Charruas sont, comme celles des Puelches, on ne peut plus massives; 
toujours très-charnus, ils n’ont jamais l'obésité des Guaranis. Leurs épaules sont 
larges, leur corps d’une venue, leurs membres fournis, leurs mains et leurs pieds 
petits. Les femmes, dans les mêmes proportions, ont la gorge bien faite, le corps large, 
sans que jamais la ceinture soit notablement plus étroite que le reste du corps. 

‘Les Charruas ont la tête grosse, la face large; les pommettes un peu saillantes; le nez 
assez étroit de la base, enfoncé dans cette partie, gros, à narines évasées et ouvertes; 
les sourcils saillans, fortement arqués, peu fournis; les yeux petits, noirs, enfoncés, 
peut-être un peu bridés, mais horizontaux; les lèvres grosses; la bouche grande; les 
dents belles et ne tombant jamais; la barbe rare; la lèvre supérieure et le menton en 
dessous, sont seuls garnis de poils droits et non frisés; leurs cheveux sont longs, noirs, 
gros et plats. L'ensemble des traits donne une figure des plus sérieuse, et souvent même 
d’un aspect dur et féroce; on trouve rarement chez leurs jeunes gens cet air enjoué et 
ouvert de ceux de quelques autres nations : on pourrait dire que, sous ce rapport, ils 
n’ont point de jeunesse. Leur maintien est toujours triste et taciturne. 

Leur langue, dure et gutturale?, se rapproche en cela de celle des Puelches et des 
autres nations des plaines, telles que les Mbocobis ou les Tobas du grand Chaco; mais 
c’est la seule analogie qu’on y rencontre; car elle est d’ailleurs très-différente. Leur voix 
n'est Jamais élevée; ils parlent même presque toujours bas. 


1. Voy. dans l’Amér. mér., 1. II, p. 8. 
2. Azara dit, t. Il, p. 6 : « Leur langue est si gutturale, que notre alphabet ne saurait rendre 
« le son de ses syllabes. » 


IV. Homme. 29 


Homme 
améri- 
ain. 


Jomme 
améri- 
cain. 


( 226 ) 


Le caractère moral des Charruas est le même que celui des Puelches et des Patagons: 
fiers, indomptables , courageux, amis de leur liberté, guerriers par excellence, ils ont 
mieux aimé combattre toujours, se faire décimer par les conquérans du nouveau monde, 
que de suivre l'exemple de leurs voisins, en se soumettant aux exigences religieuses des 
Jésuites; et, quoiqu’aujourd’hui réduits à une poignée d'hommes, ils font encore tous 
leurs efforts pour se soustraire à l’esclavage. 

Les Charruas sont exclusivement habitans des plaines et des pays entièrement décou- 
verts. Leurs mœurs ressemblent beaucoup à celles des Indiens des Pampas continuelle- 
ment ambulans; comme eux ils sont vagabonds, ne vivent que de chasse, sans connaître 
la pêche, la navigation, la culture; comme eux, ils se construisent des tentes de cuir 
dans tous les lieux où ils veulent s'arrêter. Infatigables guerriers, ils ne sont pas long- 
temps sans attaquer surtout les Chrétiens qui les gènent'. À cet effet, ils aban- 
donnent momentanément leurs déserts pour s'approcher de l’ennemi, cachent leurs 
familles dans les bois, prennent leurs chevaux; envoient des éclaireurs pour décou- 
vrir les forces à combattre; et, vers le point du jour, les hommes seulement cherchent 
à surprendre leurs adversaires, tous armés d’une lance de dix à douze pieds, ou d’un 
arc et de flèches courtes, qu’ils mettent dans un carquois suspendu sur l'épaule. Ils 
s’avancent ainsi lentement, souvent couchés sur le côté de leurs chevaux; mais dès qu'ils 
sont très-près, ils animent leurs coursiers, tombent au grand galop sur l'ennemi, en 
poussant des cris furieux; et tuent tous les hommes, ne conservant que les femmes 
et les enfans, dont ils font des concubines et des esclaves. Iis ne partagent pas le 
butin. 

Le mariage n’est pour eux, des deux côtés, qu’une affaire de convenance. La polyga- 
mie leur est permise en ce sens, qu’ils prennent une jeune femme dès que la première 
est âgée; mais celle-ci a toujours la haute main sur les autres. 

Leur industrie se borne à élever des chevaux et à se faire quelques pièces de vête- 
mens avec des peaux d'animaux; car jamais ils n’ont su tisser. Les hommes ne s'occupent 
que de leurs armes, tandis que les femmes tiennent lieu de bêtes de somme, lorsqu'ils 
voyagent et manquent de chevaux; elles sont aussi chargées de tous les détails du 
ménage. Les hommes vont toujours tête nue et portent quelquefois une chemisette sans 
manches, faite de peaux d'animaux; les femmes se procurent, des Guaranis ou des Chré- 
tiens, des tissus dont elles font des chemises. Les hommes s’ornent souvent de la barbote, 


1. On a maintenu, jusque dans ces derniers temps, l'énoncé des anciens auteurs que les Char- 
ruas sont anthropophages, parce que les premiers aventuriers ont dit qu’ils avaient mangé le 
corps de Diaz de Solis (Funes, Ensayo de la historia del Paraguay, t. 1°, p. 3); mais depuis 
il a été bien reconnu que ce n’était qu’une fable; que les Charruas , même lors de l’expédition 
de Gaboto (en 1526) gardèrent au milieu d’eux leurs prisonniers et n’eurent jamais l'intention 
de les manger. Voyez Corogr. bras., 1, p. 338; Art de vérifier les dates, t. XWT, p. 137. On peut 
donc s'étonner de voir cette fable reproduite en 1835 par M. d’Angelis, à la page 11 de la table 
de l’AÆistoria argentina. 


(ea). 


formée d’un morceau de bois qu’ils passent dans un trou pratiqué à la lèvre inférieure, Homme 
améri- 
cain. 


à la base des dents. Leurs cheveux sont fréquemment relevés, et ils y posent verticale- 
ment des plumes blanches; les femmes les portent pendans. Elles se tatouent la figure à 
l’époque de la nubilité. 

Leur gouvernement, selon Azara, se réduirait à un conseil formé par les chefs de 
famille, se réunissant et s’asseyant en rond pour délibérer s’il y a lieu ou non d’atta- 
quer l'ennemi commun. Ils n’ont d’autres supérieurs que celui d’entreux momen- 
tanément chargé de diriger l'expédition ; d’ailleurs aucune soumission à personne, 
pas même à leurs parens. Les querelles se vident entre les parties. 

Leur religion, quoiqu’Azara : prétende qu’ils n’en ont aucune, est analogue à celle 
des Indiens des Pampas : comme ceux-ci, ils ont la coutume de marquer par une fête 
l’époque de la nubilité des jeunes filles, et c’est alors qu’ils tracent trois lignes bleues 
de tatouage, de la racine des cheveux au bout du nez, et deux autres transversales sur 
les tempes. Ils croient à une autre vie, ce que prouve la manière dont ils enterrent 
les morts, avec leurs armes et tous leurs habillemens; et, comme chez les Aucas, 
ils tuent leur meilleur cheval sur la tombe. Le deuil est barbare : les sœurs, les 
femmes et les filles se coupent, au décès de chacun des leurs, une articulation des 
doigts, en commençant par le petit; de plus, elles s’enfoncent, et toujours, la lance 
ou le couteau du parent dans la peau des bras, des seins et des flancs, de la ceinture 
en haut. Les hommes ne portent pas le deuil de leur femme; mais à la mort de leur 
père ils en observent un, plus rigoureux encore que celui des femmes : ils se font enfoncer 
de. part en part dans la chair des morceaux de roseau, de pouce en pouce sur toute la 
longueur des bras, depuis le poignet jusqu’à l’épaule, et se soumettent à des jeûnes 
très-prolongés. Leurs médecins, également devins, ainsi qu'en Patagonie, prétendent 
opérer des cures au moyen de la succion des parties malades. 

En résumé, les Charruas, ainsi que les Puelches, parcourent les plaines en 
nomades ; comme eux ils sont fiers, belliqueux, indépendans, indomptables. Leur 
langue est aussi dure et gutturale; leurs mœurs, leur manière de se nourrir, leur 
gouvernement, sont à peu près les mêmes; ils vivent sous des tentes de cuir et 
attaquent l'ennemi à l’improviste. Le fond de leur religion présente beaucoup d’ana- 
logie avec celle des Puelches; ainsi, sous ces divers points de vue, les Charruas 
peuvent être considérés comme voisins de ces derniers, dont ils ont même encore 
quelques-uns des caractères physiques généraux, tels que les formes massives, la 
couleur foncée, les yeux horizontaux, les grosses lèvres; s’en distinguant néanmoins 
par un langage différent, des pratiques plus barbares dans leurs cérémonies reli- 
gieuses, une taille moins élevée, une teinte plus prononcée, une figure plus 
féroce, plus sombre, des yeux plus grands. Nous ne pouvons, en conséquence, 


1. Loc. cit., p. 14: Ils n'adorent aucune divinité, et n’ont aucune religion. Telles sont les 
5 o 
paroles de l’auteur espagnol. Ne pourrait-on pas lui demander pourquoi ces mêmes Indiens, 
sont, comme il le rapporte, enterrés avec leurs armes ? 


Homme 
améri- 
cain, 


——_—_—— 


ne pas considérer les Charruas comme appartenant au rameau américain propre aux 


plaines. 


1. Nous croyons qu’on a quelquefois mêlé des Charruas à cette réunion hétérogène d’Indiens 
indiqués sous le nom de Guaycurus. (Voyez Art de vérifier les dates, t. XIII, 3. part., p. 147.) Les 


Espagnols et les Portugais donnent le nom de Guaycurus à tous les Indiens qui sont à cheval ; et 


dès-lors cette nation, depuis long-temps éteinte, suivant Azara (4mér. mér., t. Il, p. 146), se repro- 
duit tous les jours; ainsi nous avons entendu appeler Guaycurus les Tobas, les Mbocobis et une 
foule d’autres. 


( 229 ) 


_ NATION MBOCOBI OU TOBA. 


En confrontant les vocabulaires que nous avons recueillis de la langue des Mbocobis 
et de celle des Tobas, décrits par Azara! comme des nations tout à fait différentes, 
nous avons reconnu qu’elles n’en forment absolument qu’une, et d’après ce que nous 
avons appris d'eux-mêmes, il nous a été facile de nous apercevoir que bien certainement 
les Pitilagas? de cet auteur, ses Aguilots5, ses Mbocobys, ses Machicuysi et ses Tobas ne 
sont que des tribus parlant la même langue que les Mbocobis et les Tobas. Les Tobas se 
nomment Guanlang dans la langue mataguaya. Les Lenguas les appellent Vatocoet et 
Incanabacte ; les Abipones du Chaco, Caliazec. Le père Lozanoÿ dit aussi que les Tobas, 
les Mbocobis et les Fapitalaguas du Chaco sont de la même nation6; mais il cite quarante- 
trois noms de villages, que nous nous dispenserons de reproduire ici. Ses Malbalas7 et 
peut-être ses Zaños ê nous paraissent encore être des Tobas. 

En les réunissant aux Mbocobis, comme nous croyons le devoir faire ici, les Tobas 
couvrent la plus grande partie du grand Chaco, du 21° au 32.° degré de latitude sud. 
Ils habitent toutes les rives du Pilcomayo, du lieu où cette rivière abandonne les 
derniers contreforts des Andes boliviennes jusqu’au Paraguay, le quart inférieur du 
cours du Rio Vermejo, près de son confluent, et de là, sous le nom de Mbocobis, le 
sud, jusqu'aux environs de Santa-Fe, sur les plaines élevées en dehors des marais des 
rives du Parana; ainsi, au nord-est, ils sont bornés par des nations de la province de 
Chiquitos; au nord-ouest , par les Chiriguanos de Bolivia; à l’est, par les Abipones, 
par le Rio Parana et le Paraguay qui les sépare des Guaranis; au sud, par les 


1. Les nations du grand Chaco sont peut-être les plus embrouillées de toutes celles de l'Amé- 
rique, et Azara lui-même (Voy. dans l’'Amér. mér., t. 11, p. 160 et 162) n’a pas, sous ce rapport, 
rendu à la science tous les services qu’on pouvait attendre d’un observateur aussi distingué ; 
il était malheureusement, ainsi que nous l’avons déjà fréquemment reconnu, préoccupé de la double 
idée que les Américains ne devaient pas avoir de religion, que chaque tribu dont il n’entendait 
pas le langage, devait avoir un idiome tout à fait différent de tous les autres; cette opinion il 
la professait sans avoir écrit les mots qui pouvaient l’amener à la conclusion contraire; aussi ses 
listes de nations se sont-elles accrues à l'infini. 

2. Loc. cit., p. 161. 

3. Page 162. 

4. Les dix-huit noms de tribus donnés par Azara (p. 155) annoncent évidemment que la langue 
des Machicuys présentait les mêmes sons que celle des Tobas. Les terminaisons en #h, en ac et 
en op le démontrent sans réplique; d’ailleurs les coutumes, les traits et les autres caractères 
physiques sont aussi en rapport. 

5. Descripcion chorographica del gran Chaco. Gualamba (1733), p. 77. 

6. Lozano, Historia del Paraguay, copie quelquefois son autre ouvrage. Voy. t. IE, p.173, etc. 

7. Lozano, Chaco, p. 83 à 85. 

8. Ibidem, p. 247. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 250 ) 


Homme Pampas qu’habitent les Aucas, et, à l’ouest, par les nombreuses tribus des Mataguayos, 


améri- 
«ain. 


enclavant peut-être quelques autres petites tribus distinctes. 

Cette nation est spéciale aux plaines, et paraît se plaire principalement sur les rivages 
des fleuves, où elle vit de chasse et élève des troupeaux. Souvent elle se fixe en un lieu, 
dans le but d’y cultiver la terre; mais, plus souvent encore, elle aime le changement, 
voyageant d’un endroit à l’autre. Ces Indiens sont peu unis entr’eux. La tribu des 
Mbocobis, aujourd’hui des plus puissante, fait la guerre aux autres tribus des rives du 
Parana, tandis qu’au contraire celles du haut Pilcomayo attaquent fréquemment les 
Chiriguanos, malgré la supériorité numérique de ces derniers. 11 y a de plus une foule 
d’autres petites tribus presque toujours en querelle les unes avec les autres. Azara', en 
1800, évaluait le nombre des Mbocobis seuls à 2,000 guerriers, ce qui pourrait le porter 
à 6,000 âmes au moins; celui des Tobas à 500 guerriers, ce qui supposerait environ 1,500 
àmes; celui des Pitilagas, à 200 guerriers (ou 600 âmes); les Aguilots à 100 guerriers 
(300 âmes), et enfin les Machicuys à 1,200 guerriers ou 3,600 âmes, ce qui ferait un 


" total de 12,000, pour ceux que connaissait Azara. Si l’on songe ensuite que les Tobas 


des Cordillères font la guerre aux Chiriguanos, qui ont à leur disposition quelques 
milliers de combattans, on devra penser qu’ils ne sont pas inférieurs en nombre aux 
Mbocobis; et pour peu qu’on y ajoute toutes les petites hordes disséminées dans le Chaco, 
lon pourra, sans s'éloigner de la vérité, supposer que la nation entière se compose 
au moins de 14,000 individus encore indépendans. ? 

La couleur des Tobas et Mbocobis, bronzée, ou plutôt brun-olivètre, moins foncée 
que celle des Charruas, n’est pas jaune comme chez les Guaranis; se rapprochant beau- 
coup de celle des Puelches, elle est beaucoup plus foncée que parmi les nations du 
rameau chiquitéen. 

Les Tobas que nous avons vus près de Corrientes sont d’une assez haute stature; on 
en trouve fréquemment de { mètre 73 à 76 centimètres (5 pieds 4 à 5 pouces), et 


* leur taille moyenne paraît approcher de { mètre 68 centimètres (5 pieds 2 pouces). 


Celle des femmes est presque semblable, ou du moins dans de belles proportions rela- 
uves (1 mètre 590 millimètres). 

Leur forme générale les rapproche des Charruas. Ils sont robustes, ont les jambes 
grosses, les épaules larges, la poitrine saillante, le corps peu svelte. Les femmes 
participent à leur extérieur : on ne peut plus fortes, elles sont larges des hanches et 
de la poitrine; leur ceinture est peu marquée; leurs seins ne sont pas trop volumi- 
neux, et surtout sont très-bien placés; mais c’est pour peu de temps, par suite de leur 
coutume de les aplatir et de se les allonger, de manière à pouvoir, en marche même, 
allaiter leurs enfans, qu’elles portent derrière le dos5. Nous n’avons jamais vu d’obésité 
parmi les Charruas. Leur démarche est peu gracieuse. $ 


1. Voy. dans l’Amér. mér., t. I, p.162. 
2. Le père Lozano, Loc. cit., dit, p. 77, que cette nation forme 43 villages distincts. 
3. Voyez partie historique, t. L®, ch. X, p. 305. 


(251 ) 


Leurs traits ont aussi beaucoup de rapports avec ceux des Charruas; leur tête est Homme 
améri- 
cain. 


grosse, leur face large sans être pleine, leur front saillant, leur nez élargi par des 
narines ouvertes; leurs pommettes sont prononcées dans l’âge adulte, ils ont la bouche 
grande, les dents magnifiques; les oreilles petites ; les yeux petits, horizontaux, comme 
bridés quelquefois au côté externe, ce qui les ferait croire un peu inclinés vers le haut. 
Les sourcils (chez ceux qui ne s’épilent pas) sont peu larges, noirs et arqués; leur barbe 
est très-rare et ils se l’arrachent; leurs cheveux se rapportent à ceux de tous les autres 
Américains. L'ensemble des traits est des plus sérieux, et s’accorde parfaitement avec 
la taciturnité des hommes. Les jeunes femmes montrent quelquefois un sourire gracieux 
et une figure intéressante; mais, le plus souvent, dès qu’elles ont atteint vingt-cinq ans, 
leurs traits changent, leurs pommettes deviennent saillantes, et les deux sexes sont 
alors d’une laideur repoussante. 

Leur langue, des plus facile à reconnaître par la multiplicité de ses terminaisons 
en , ec, ac, oc, ap et et, est excessivement saecadée, excessivement dure; d’autres 
sons, plus compliqués de consonnes, ceux, par exemple, de #d, de mb, de la double 
nn (la première de ces deux dernières lettres prononcée comme si elle était seule ), lui 
donnent aussi un caractère tout particulier. La gutturation en est aussi extrêmement 
forte , extrêmement dure; mais ce n’est pas le j espagnol, c’est l’r qu’elle grasseye et tire 
de la gorge. Le cz français et espagnol lui manquent, ainsi que les sons des lettres b, f, 
æ. Quoique cette langue soit privée d’euphonie, autant au moins que celle des Puelches, 
elle est encore plus saccadée, et en diffère de tous points; mais elle présente une ana- 
logie de sons remarquable avec les autres langues du Chaco. La voix est constamment 
rauque chez les deux sexes. 

Leur caractère est aussi fier, aussi indépendant que celui des autres nations des 
plaines; il est de plus insouciant, et tout chez eux annonce une indolence qui ne cesse 
que lorsqu'il s’agit de chasse ou de guerre. Taciturnes autant que possible , ils ne 
rient presque jamais, et ne sont cependant pas méchans envers leurs femmes, qu'ils 
traitent même souvent avec beaucoup de douceur. Jamais on n’a pu réussir à les main- 
tenir sous la tutelle des religieux. 

Les mœurs des Tobas sont singulières; ils sont à la fois, par circonstance, errans et 
vagabonds, ou sédentaires et alors agriculteurs; pasteurs depuis la conquête, ils furent 
toujours chasseurs et guerriers. On voit dès-lors qu’ils servent de transition aux autres 
nations septentrionales. Les habitudes ne sont pas identiques dans les diverses tribus; mais 
elles ont partout un fond de ressemblance. Le Toba se fixe volontiers au bord des rivières, 
où il soigne ses troupeaux et sème le maïs, les patates douces, le mani, le manioc; se 
contentant, le plus souvent, de faire un trou dans la terre, lorsqu'elle est dégagée des 
bois qui la couvraient; mais, si la récolte vient à manquer, si les troupeaux ont été 
volés par d’autres nations, la moitié et plus des hommes laissent leurs femmes pendant 
une quinzaine, vont où ils comptent rencontrer du gibier, y chassent continuellement 
et boucanent ce qu'ils tuent chaque jour, tant avec leurs flèches armées de bois 
dur, qu'avec les bolas, qu’ils manient à cheval. Lorsqu'ils ont fait leur provision, ils 


(232 ) 


Homme reviennent à leurs cabanes, où ils se reposent jusqu’à ce que la nécessité les force 


améri- 
ain. 


à retourner à la chasse; tandis que ceux qui étaient restés d’abord, partent pour le 
même objet. Leurs cabanes, ordinairement communes, sont dirigées est ‘et ouest, et 
fermées du côté du sud; ouvertes aux deux bouts, elles forment de longues files, dont 
chaque famille possède une partie marquée extérieurement d’un seul côté par une 
ouverture latérale. Couchés sur des espèces de lits de camp, élevés de terre de quel- 
ques pieds, les couples ne se servent pas de hamacs. Au toit sont suspendus Parc, 
la flèche, la lance et la massue du chef de la famille, ou les instrumens de pêche, 
En voyage, ils marchent sur une seule ligne, les vieillards en avant, les femmes les 
dernières ; celles-ci portent leur bagage et leurs enfans. Dans tous les endroits où 
ils s'arrêtent, ils se font provisoirement de petites tentes qu'ils couvrent de paille; 
mais ils consiruisent des cabanes aussitôt qu’ils peuvent se fixer dans un lieu. Les 
Mbocobis ont maintenant des villages, et sont d’autant plus forts, qu'ils sont unis 
en plus grandes familles. Essentiellement chasseurs, ils sont en même temps guerriers; 
et, depuis la conquête, ils n’ont cessé que par intervalles de combattre les Espagnols 
et les nations voisines. Comme pour tous les Indiens, la surprise est leur seule tac- 
tique militaire. Leur mariage n’est qu’une affaire de convenance entre les parties inté- 
ressées et les familles. Ils ont souvent plusieurs femmes. 

Leur industrie commence à faire plus de progrès que celle de quelques-unes des 
nations dont nous avons parlé; ils fabriquent leurs armes, sans avoir jamais conçu 
la pensée de se creuser des pirogues pour naviguer sur les fleuves. Leurs femmes tissent, 
avec des métiers formés de deux barres de bois fixées à terre, la laine de leurs brebis, 
et le coton qu’ils obtiennent des autres Indiens; elles teignent leurs fils de couleurs vives, 
rouges et jaunes; elles fabriquent de la poterie grossière, et font des cordes très-longues 
et très-fortes avec des feuilles de Bromelia. Les deux sexes sèment et cultivent la terre ou 
élèvent leurs bestiaux; les hommes seuls chassent et pêchent. Ils commercent surtout 
en pelleteries, qui leur servent aussi de vêtement. 

Leur costume est fort simple : hommes et femmes laissent tomber leurs cheveux sur les 
épaules, en les divisant seulement vers la ligne médiane, d’avant en arrière; ils portent 
une pièce de tissu roulée autour des hanches, et se couvrent d’un manteau de tissu, 
ou plus souvent encore d’une grande pièce de pelleterie, ornée de dessins du côté 
opposé aux poils, de même que celles des Patagons; comme ceux-ci, ils se drapent à 
l'antique. Les femmes s’ornent le cou et les bras de perles de verre et de petites coquilles. 
Azara dit que les Tobas portent la barbote; mais ceux que nous avons vus, ainsi que 
les Mbocobis, doivent avoir perdu cette coutume; car ils n’ont aucune ouverture aux 
lèvres. 

Leur gouvernement est analogue à celui des Charruas : ils ont un conseil composé 
des vieillards; et chaque tribu se choisit un cacique qui la dirige à la guerre, tout en 
étant plutôt conseiller que chef. 

Leurs croyances religieuses sont bornées; ils ont cependant l’idée d’une autre vie, 
puisqu'ils enterrent avec les morts tout ce qui leur a appartenu. Selon le père Gue- 


(233 ) 


vara”, l'âme des morts monte au ciel par l'arbre Llagdigua , qui unit la terre aux cieux. Leurs Homme 
améri- 
cain. 


médecins pratiquent aussi des succions, des sortiléges; et, comme chez les Charruas, les 
femmes des Tobas proprement dits, à l’époque de leur nubilité, se tatouent, avec des 
raies noires, le haut du nez, les tempes, les joues; opération que les Mbocobis font 
au milieu de la poitrine. Le père Guevara? dit qu’ils reconnaissaient un dieu créateur, 
nommé Gdoapidolgaté. On peut croire, d’après le même auteur 5, que les Mbocobis 
ont, ainsi que les Patagons, un système de constellation compliqué, qui se mêle à leur 
histoire fabuleuse. La croix du sud est une autruche (4mnic), les étoiles qui l'entourent 
(Apiogo) sont des chiens qui la poursuivent; toutes les autres planètes sont, les unes 
des pénélopes (Bagada), les autres des tatous (Watumnac), des perdrix (Wazalo). La 
lune (4dago) est un homme, le soleil (Gdazoa) est sa compagne. Ce dernier tomba 
du ciel, un Mbocobi le releva et le plaça où il est; mais il tomba une seconde fois 
et incendia toutes les forêts. Les Mbocobis se sauvèrent en se changeant en Gabiais et 
en Caïmans. Un homme et une femme seuls montèrent sur un arbre pour fuir le 
danger et voir couler les flots de feu; une flamme leur brüla le visage et ils furent 
changés en singes. 

En résumant les faits connus, on voit combien il y a de rapports entre les Tobas et 
Mbocobis et les Charruas, tant pour les mœurs, pour les coutumes, pour les traits, 
que pour la langue; il y a surtout entr'eux un trait de conformité qui ne se retrouve que 
parmi les nations du grand Chaco et parmi les Charruas, c’est le tatouage. On s'étonne 
de le voir seulement chez ceux des Américains: qui vivent à l’est des Andes, tandis que, 
si, comme l’ont pensé quelques auteurs, les nations américaines descendaient des peuples 
océaniens, chez lesquels cette coutume est si commune, elle devrait, tout au moins, 
se montrer à l’ouest de cette chaîne au milieu des nations de couleur jaunâtre, et 
non chez les plus foncés des indigènes du nouveau monde. 

Les Tobas, à notre avis, appartiennent encore au rameau des plaines, servant de passage 
aux Puelches par les Charruas, mais commençant à s’en éloigner par quelques-unes de 
leurs coutumes plus pacifiques, et par un commencement de culture. Au reste, ils 
diffèrent complètement du rameau guarani, établissant déjà certains rapports avec les 


Chiquitos. 


1. Historia del Paraguay, p. 32 (Colleccion de obras y documentos). 
2. Loc. cit., p. 23. 
3. Loc. cit., p. 34. 


1V: Homme. 29 


Homme 
améri- 
cain. 


( 254 ) 


NATION MATAGUAYA. 


Cette nation, comme toutes celles du Chaco, se divise en plusieurs tribus, que leurs 
noms différens avaient toujours fait considérer comme des nations distirictes, quoiqu’elles 
parlassent absolument la même langue. Ces tribus sont : 1.° les Mataguayos1, vivant 
entre le Pilcomayo et le Vermejo, subdivisés en Chanès? (peut-être les mêmes que les 
Guanas$); en Vilelas ou Vélelash, et, enfin, en Yoes; 2.° les Matacos du sud du Rio 
Vermejo, qui se divisent en Bejosos$, Chunipis où Chumipis 6 et Ocoles 7. Ce ne sont pas 
néanmoins les seules dénominations de cette nation; elle s’en donne d’autres dans sa 
langue; par exemple, les Mataguayos s'appellent Taglélé au singulier et Tagléléys au 
pluriel; les Matacos, Anal (singulier) et Analéys (pluriel); les Bejosos, Zatko (singu- 
lier) et Tationes (pluriel); et, en lisant avec attention le père Lozano, ce que nous 
n'avons pu faire sans nous armer de beaucoup de patience, nous nous sommes con- 
vaincu que ses Mataguayos , divisés en Coronados et en Curumatas9; ses Tentas 1°, peut- 
être les Taunies ou Tayinuis , dont les noms ont du rapport avec ceux que se donnent 
les Bejosos ( Tatko); ses Jsitineses 1? et ses Orystineses, sont aussi des tribus de Mataguayos. 
Nous pourrions augmenter beaucoup cette synonymie, si nous voulions citer la mul- 
ütude de noms qui couvrent les cartes géographiques, ou qu’on rencontre à chaque 


1. Un vocabulaire manuscrit de la langue mataguaya, écrit par les religieux des anciennes 
Missions de la frontière orientale de Tarija et que nous possédons, porte en tête que les Matacos 
et les Bejolos parlent la même langue. 

2. Padre Lozano, Descripcion chorographica del gran Chaco, p. 294, p. 55. 

3. Azara ( Voy. dans l’Amér. mér., t. Il, p. 85) cite, comme synonyme des Guanas, les Chanès. 
Il paraïtrait alors, si c’est, comme nous le croyons, la même nation que celle des Mataguayos, 
qu’elle est venue en 1526 (voyez Barcia, Historiadores de las Indias, Comentarios de Alvar de 
Nuñes Cabeza de Baca, p. 43) du pied des Andes, avec Alexo Garcia, et qu’elle s’est fixée non 
loin de la rivière du Paraguay; ce qui, au reste, expliquerait parfaitement la route de cet intré- 
pide aventurier, et jetterait un assez grand jour sur les lieux visités par lui. 

4. Padre Lozano, loc. cit., p. 89 et 399, et Azara, t. IT, p. 167. 

5. Ces deux noms sont employés aujourd’hui par les habitans de Salta et de Tarija. 

6. Padre Lozano, p. 399; Azara, t. II, p. 167. 

7. Soria, dans le journal de sa navigation du Vermejo (inséré dans l’ouvrage de M. Arenales, 
p. 254), dit positivement que ces deux tribus appartiennent à la nation mataguaya. Le manuscrit 
de Feliberto Mena (1764, Arenales, p. 96) dit la même chose. 

8. Toutes ces dénominations sont empruntées au dictionnaire manuscrit que nous possédons. 

9. Lozano, p. 76. g 

10. /dem, p. 76. 

11. Idem, p.75. 

12. Idem, p. 51 et 423. 


(255 ) 


page dans les différens récits et écrits des Jésuites'; mais nous croyons en avoir dit Homme 


assez, pour ne devoir pas y ajouter ceux de l'identité desquels nous ne sommes pas 
certain. ? 

Les Mataguayos, tels que nous les considérons, c’est-à-dire dans l’ensemble de leurs 
tribus, couvrent une assez grande surface du Chaco. Ils habitent plus spécialement le 
pied oriental des Andes, ne passent point au nord du Rio Pilcomayo, ou, pour mieux 
dire, ne s’approchent même pas de ses rives, restant toujours au sud du 22.° degré de 
latitude sud, d’où ils s'étendent jusqu'aux rives du Vermejo. Cest même là qu'ils 
sont en plus grand nombre, sous le nom de Mataguayos, et sous celui de Chanès; 
se répandant sur toute la rive sud de cette rivière, et, s’avançant vers le sud jusque près 
du 28.° degré, sous la dénomination de Matacos, de Bejosos, de Chunupis, d’Ocoles. 
À l’ouest, ils sont bornés par les derniers contreforts des Andes de Salta et du Tucu- 
man; et à l’est, ils pénètrent dans l’intérieur du continent, sur les rives du Vermejo, 
qu’ils habitent jusqu’à l’ancienne Mission de Cangayéÿ5, à peu près vers le 64.° degré de 
longitude occidentale de Paris, la tribu des Mataguayos restant continuellement au 
nord, tandis que les Chunupis ne franchissent jamais le sud du Vermejo. Les nations 
avec lesquelles ils se trouvent en contact sont : au septentrion, les Chiriguanos, tribu 
des Guaranis, et les Tobas, des rives du Rio Pilcomayo; à l’est et au sud, encore les 
Tobas et les Mbocobis, qui, pour ainsi dire, les entourent; à l’ouest, ils avaient, avant 
la conquête, les Quichuas ou Incas du Tucuman, remplacés aujourd’hui par des établisse- 
mens espagnols. 

Cette nation, comme celle des Tobas, paraît ne se plaire qu’au sein des plaines et 
rechercher les rivages des grands cours d’eau qui favorisent son genre de vie. Là, 
les Mataguayos se fixent souvent sur des tertres4 un peu plus élevés que les plaines 
environnantes inondées au temps des pluies : ils s’y réunissent en petits villages, qu'ils 
n’abandonnent qu’en partie pour aller chasser aux environs, ou lorsque leurs guerres 
de tribu à tribu les forcent à déserter leur demeure. Ceux du nord du Vermejo ou 


1. On peut en acquérir la preuve en jetant les yeux sur les cartes françaises, anglaises, 
espagnoles, où se trouvent une foule de noms plus ou moins estropiés par les copies inexactes 
qui s’en font journellement. 

2. Charlevoix, Histoire du Paraguay, & 1, p. 170, parle aussi des Mataguayos. 

3. Toutes les relations sont unanimes sur ce fait; ainsi, depuis le commencement du siècle 
dernier jusqu’à nos jours, ces deux tribus des Chunupis et des Mataguayos n’ont pas changé 
d'habitation. Voyez : 1.° la Relation de l'expédition de Filiberto Mena, en 1764 (Arenales, loc. cit., 
p. 96); 2° celle du gouverneur Matorras, en 1774 (même ouvrage, p. 182 et 183); 3. celle du 
colonel Cornejo, en 1790 (même ouvrage, p. 201, 209 et 217); et enfin, 4.° la Relation de Soria, 
en 1826 (p. 253 ). 

4. Le père Lozano, p. 77, les dit sédentaires, sous le nom de Mataguayos, tandis qu’il les 
indique comme vagabonds (p. 174). Il dit aussi les Mataguayos voyageurs, ce qui annoncerait 
que les uns sont ambulans, tandis que les autres sont fixes. 


améri- 
«ain. 


( 256 ) 


Homme Mataguayos sont continuellement en mésintelligence avec les Chunupis de la rive 


améri- 
ain. 


opposée, et pour-eux la rivière est une borne que respectivement ils n’ont pas franchie 
depuis des siècles. 

En relisant tout ce qu'on a écrit sur le Chaco, nous sommes arrivé à croire que la 
uation entière des Mataguayos pouvait être évaluée à 6,000 âmes!, chiffre que nous à 
donné un habitant de Tarija, qui pendant long-temps a vécu chez elle. 

Leur couleur sépia foncée est identique à celle des Tobas et Mbocobis. : 

Leur taille est aussi très-voisine de celle des Tobas; il paraîtrait même qu'il se trouve 
chez eux de très-beaux hommes?; néanmoins nous n’en avons pas vu de plus de 1 mètre 
72 centimètres (5 pieds 4 pouces), et leur taille moyenne est de { mètre 67 centimètres, 
un peu moins de 5 pieds 2 pouces. 

On peut dire de leurs formes, comme de leur couleur, qu’elles ressemblent en tout 
à celles des Tobas. Les Mataguayos sont bien musclés, larges des épaules et générale- 
ment très-robustes; leurs traits sont aussi peu différens; néanmoins on remarque, chez 
eux, plus de gaîté, un air plus ouvert, moins de fierté dans le regard. 

Quoiqu'il n’y ait pas, dans la langue mataguaya5, de mots semblables aux mots 
tobas , ou qui en approchent, on y reconnaît néanmoins une certaine analogie de sons 
et de prononciation; car cette langue a, comme celle des Tobas, beaucoup de finales 
dures en %, ec, oc, ac; en ag, eg, ig, at, et, etc. Elle a bien aussi des sons composés 
de consonnes, comme ceux de z/, dl, gt; mais elle n’a pas ceux de mb et de nd des 
Tobas; le j s'y présente très-souvent avec toute sa gutturation espagnole. Il n’y manque 
aucune lettre. Le singulier et le pluriel y sont différens. Le système de numération ne va 
que jusqu’à cinq. 

Leur caractère a beaucoup de rapport avec celui des Tobas; cependant on remarque, 
chez les Mataguayos , plus de gaîté, de franchise, d’aménité, moins de fierté, beau- 
coup plus de dispositions à parler; aussi en a-t-on réuni en Missions à plusieurs 
reprises; mais leur inconstance ne leur a permis de se maintenir que peu de temps sous 
ce régime. 

Les Mataguayos ont fait un peu plus de progrès que les Tobas dans la civilisation. 
Errans jadis, ils sont aujourd’hui sédentaires, agriculteurs, pasteurs et chasseurs tout 
à la fois, fixés près des cours d’eau, où ils se construisent des cabanes que plusieurs 


1. Le père Lozano, dans une note empruntée aux archives de Cordova, dit (p. 52) que les 
Mataguayos sont au nombre de 2,000; plus loin (p. 76°) il dit, d’après le Padre Techo, liv. VIT, 
ch. XV, que, sous le nom de Taunies, ils sont divisés en 188 villages; tandis que les Teutas le sont 
en 46 villages, les Mataguayos en 55; et, enfin (p. 109), il assure que 2,000 d’entr’eux furent 
baptisés en 1589. 

2. Le père Lozano (p. 54) dit qu’ils sont très-grands et qu’on en a vu de deux varas et demi, 
ce qui équivaut à près de sept pieds français. Cette taille est, sans aucun doute, exagérée. 

3. Nous possédons de cette langue un vocabulaire manuscrit assez étendu, recueilli » dans le 
courant du siècle dernier, par des missionnaires de Tarija. 


(257 ) 

familles habitent ensemble, élevant leurs troupeaux de chevaux, de vaches, de mou- 
tons. Lorsque les eaux se sont retirées des terrains d’atterrissement du Vermejo ou 
des marais du Chaco, ils y sèment du maïs, des citrouilles, quelques autres légumes; 
et, en attendant leurs récoltes, ils vont, aux environs de leur demeure, chasser les 
oiseaux et les mammifères, ou, avec leurs lignes et leurs filets, pêcher les poissons 
qui peuplent en grand nombre les rivières; ils se distinguent surtout dans ces derniers 
exercices par l’adresse et la patience. Leurs cabanes sont plus divisées que celles des 
Tobas; mais ils y couchent, de même que ceux-ci, sans hamacs, sur des lits de camp 
peu élevés de terre. Ils aiment beaucoup la danse, surtout lorsqu'ils sont animés par 
leur boisson de miel fermenté. 

Si les Mataguayos ont toujours combattu les nations voisines des lieux qu’ils habitent, 
s'ils se sont fait respecter des belliqueux Tobas qui les entourent, par leur nombre et 
par leur adresse à manier l'arc, la flèche, la petite lance, l’assommoir ou macanna, 
ils ne se sont que rarement armés contre les Espagnols. Ils se souviennent même d’avoir 
été leurs alliés; et, depuis, ils ont, du moins les Matacos et Chunipis, contracté des 
habitudes qui leur rendent nécessaires les communications avec les colons européens. 
Suivant une ancienne relation, l’une de leurs tribus, les Queanaes, aurait été soumise 
aux Chiriguanos et les aurait aidés à cultiver la terre; ce qui semble d'autant plus 
vraisemblable, que tous les ans encore des troupes de Matacos et de Chunipis aban- 
donnent momentanément leurs villages; hommes, femmes, enfans s’acheminent alors 
vers les frontières de Salta, de Jujui, d'Oran, de Tarija?, pour se louer, au temps 
des récoltes, en échange des objets dont ils ont besoin, et retournent ensuite passer 


le reste de l’année dans leurs déserts, où ils jouissent en paix du produit de leur 


travail. Rien de plus curieux que l’attirail de ces familles voyageuses : les femmes portent 
tous les bagages, et se chargent même des chiens. Cette demi-servitude ferait penser 
qu’on pourrait, sans peine, réunir celte nation en villages, en ne lui imposant que des 
obligations faciles à remplir ; néanmoins, jusqu’à présent, elle jouit encore de sa liberté, 
n’est soumise à aucunes lois, et, depuis la conquête de l'Amérique, n’a que momen- 
tanément changé de position. 5 

Son industrie a dü naturellement gagner au contact avec les Espagnols; aussi, indé- 


1. Voyez Arenales, loc. cit., p.94, première relation des Indiens qui existent dans la province 
du Chaco, etc. On yÿ assure que les Chiriguanos avaient comme esclaves plus de 4,000 Indiens 
Queanaes. 

2. Il n’est aucun habitant de ces provinces qui ne puisse affirmer ce fait, aussi publié par 
Soria. (Voyez Arenales, loc. cit, p. 253.) 

3. Une partie s'était réunie à la Mission del Rosario, à l’est de Tarija, et d’autres, avec des 
Tobas, à celle de San-Bernardo, sur les rives du Vermejo; mais la révolution américaine à fait 
entièrement oublier ces établissemens, qui sont aujourd’hui tout à fait abandonnés; et les [Indiens 
qui les formaient sont redevenus sauvages. Le père Lozano, p. 78, assure à tort, selon nous, 
qu'ils étaient anthropophages. 


Homme 
améri- 
cain. 


a 


(258 ) 


Homme pendamment de ce que tout sauvage sait faire, c’est-à-dire ses armes, celle nation 


améri- 
«ain. 


connaît le tissage de la laine, l’art de la teindre, fait des lignes de bromelia qu’elle vend 
aux colons, et parait même, ce qui est rare parmi les Américains encore non civilisés, 
pouvoir faire des espèces de filets qui lui servent à pêcher. Le plus souvent pourtant 
les Mataguayos se procurent le poisson à coups de flèches; mais jusqu’à ce jour, ils 
n’ont jamais pensé à se creuser une pirogue, ni même à confectionner un radeau 
pour passer les rivières; s'ils en ont une à traverser, comme tous savent nager, ils 
jettent dans l’eau une branche de bois léger, à laquelle les plus forts de leurs enfans 
se cramponnent, et les hommes ou les femmes les poussent devant eux jusqu’à l’autre 
rive, tandis que les plus faibles sont portés sur la tête de leurs mères. Les femmes 
s'occupent des soins du ménage, du labourage, et se chargent des effets dans les marches. 
Elles se baignent aussitôt après être accouchées. La chasse et la pèche sont exclusive- 
ment dans les attributions de l’homme. Leur commerce extérieur se borne à la vente de 
quelques tissus, de lignes, et principalement de pelleteries. 

Leur costume est analogue à celui des Tobas : en été ils vont nus de la ceinture à 
la tête; en hiver, ils se drapent avec des manteaux de peaux d’animaux sauvages, ou 
avec des tissus de laine fabriqués par leurs femmes. Ceux qui communiquent avec les 
blancs, en reçoivent des costumes dont ils ne font néanmoins que peu d’usage. Chez 
quelques tribus les femmes ont la coutume de se tondre les cheveux, d'avant en arrière, 
sur une large bande; elles se peignent souvent en rouge et toutes se tatouent de lignes 
noires le haut du nez et les joues. 1 

Le gouvernement des Mataguayos ressemble à celui des autres Indiens du Chacoi il 
se réduit à suivre le plus ancien d’une famille lorsqu'ils voyagent ou à se laisser, durant 
les guerres, diriger par un cacique. En tout autre temps, chacun est libre chez lui; la 
justice est personnelle. Ceux que l’on considère comme chefs n’ont que le droit de 
conseiller ; le père même n’a aucune autorité sur ses enfans. 

Leur religion est on ne peut plus analogue à celle des Patagons?. Ils croient à une 
autre vie; et, à la mort d’un des leurs, brülent tout ce qui lui a appartenu, pour qu’il 
le retrouve dans l’autre monde. Ils ont un dieu du mal (4vaqua), et des médecins char- 
latans et suceurs. Îls fuient les épidémies et abandonnent leurs malades. Comme tous les 
peuples des plaines, 1ls ont un système de constellation. Les éclipses sont dues, selon 
eux, à un grand oiseau qui, les ailes ouvertes, tue momentanément lastre éclipsé. 
Leurs morts sont enterrés assis, les membres ployés, comme chez les peuples méri- 
dionaux. 

D’après leurs caractères physiques, leurs traits, leurs formes, leur couleur, les 
Mataguayos paraissent, à tous égards, se rapprocher des Tobas, des Charruas et même 
des Puelches; ils appartiennent évidemment aux races des plaines. Leurs coutumes sont 
aussi d'accord avec celles de cette série d’Américains; leur langage, plus que tous 


1. Voyez Lozano, loc. cit., p. 76 à 80. 
2. Ibidem, p.96, 97 et 100. 


( 239 ) 


les autres caractères, les place positivement, ainsi que l’habitude du tatouage, près 
des Tobas et des Charruas, tandis qu’ils ont la même religion que les Patagons et les 
Puelches des plaines du sud. Au reste, des manières plus pacifiques, des habitudes 
agricoles et pastorales, une disposition plus marquée à la soumission en font un peuple 
intermédiaire entre les fiers chasseurs des parties australes des plaines et les humbles 
cultivateurs des collines de Chiquitos. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
«ain. 


(240 ) 


NATION ABIPONÈS. 


Le père Lozano! nous à, le premier, fait connaître cette nation, à laquelle les Espa- 
gnols paraissent avoir imposé le nom sous lequel nous la désignons ici; ils lui donnent 
aussi celui de Callages. Azara? la décrit à son tour, et lui assigne comme synonymes 
les Méponès, les Écusgina, les Lenguas, les Quiabanabaité, les Énimagas. 

Les Abiponès vivaient, du 28. au 30. degré de latitude sud, sur la rive occidentale 
du Parana, dans les parties voisines du grand Chaco; ils y formèrent même une 
Mission; mais d'anciennes haines contre les nations voisines les contraignirent à passer le 
Parana, et à se réunir aux villages espagnols de las Garzas, de Goyaz, province de Cor- 
rientes, où nous avons eu l’occasion d’en voir quelques-uns, derniers restes d’une nation 
formidable, qui, sous peu, va disparaître, et dont le nom bientôt témoignera seul de 
son existence. Le père Lozano$ dit qu’il y avait 8,000 Abiponès dans un seul village. 
Azara ne parle pas de leur nombre; mais cette nation, d’abord en partie détruite par 
les habitans de Corrientes4, décimée ensuite par ses voisins, est, aujourd’hui, réduite 
à très-peu d'individus dispersés dans la province de Corrientes , dans celle d’Entre-Rios; 
en évaluant son chiffre actuel à cent individus, nous craignons d’être encore au-dessus 
de la vérité. 

La couleur et la stature des Abiponès sont les mêmes que celles des Tobas et Mbo- 
cobis, avec lesquels, du reste, ils ont les plus grands rapports; leurs formes et leurs 
traits sont identiques; et, en les considérant sous ces divers points de vue, il est 
impossible de ne pas leur croire une origine commune. 

Leur langage offre aussi avec celui des Tobas l’analogie d’une prononciation dure, 
nasale, gutturale; mais le petit nombre de mots que nous en avons recueilli, nous a 
prouvé qu’il diffère essentiellement des autres langues du Chaco, et qu’il a moins de 
redondances de consonnes. Au reste, les données nous manquent pour entrer dans plus 
de détails sur cette langue. 

La fierté et l'indépendance constituent le fond du caractère des Abiponès : sous ce 
rapport, ils ressemblent encore aux Mbocobis, qui, les plus forts, devaient nécessairement 
les anéantir. Comme eux, chasseurs, pêcheurs et agriculteurs, les Abiponès ont les mêmes 
armes, les mêmes coutumes guerrières, la même cruauté, et s’en rapprochent également 
beaucoup pour les mœurs et pour l’industrie. Leur costume est aussi à peu près semblable : 
les hommes vont presque nus, portant la barbote; les femmes se couvrent les épaules 


1. Padre Lozano, Historia del gran Chaco, p. 89. 

2. Voy. dans l’Amér. mér., 1. 11, p. 164. 

3. Lozano, p. 89. 

4. Voyez Funes. Dans les Lettres édifiantes (Choix), t. VIT; Missions de l'Amérique, 1. F, p.77; 
il ÿ a une description très-largement traitée des Abiponès. 


( 241 ) 
de manteaux de peaux, se peignent le corps, se tatouent le haut du nez et les joues à 
l'instant de la nubilité; s’arrachent les sourcils et se rasent les cheveux sur une large 
bande d’avant en arrière. 

Leur gouvernement se borne à reconnaître, en temps de guerre, l'autorité de chefs 
auxquels ils n’obéissent plus en temps de paix. 

Quant à des croyances religieuses, tout en leur en refusant de la manière la plus 
absolue, Azara: leur attribue des usages qui nécessairement en font supposer quelques- 
unes. Ils enterrent, dit-il, le défunt avec tout ce qui lui appartenait; ” et plus loin : «Ils 
« tuent même sur sa tombe les chevaux dont l’Indien se servait le plus souvent. ? 
L'auteur espagnol explique ces coutumes par l'horreur des Abiponès pour les morts; 
tandis qu'au contraire tout prouve que c’est la croyance d’une autre vie qui les 
porte, comme les autres nations des plaines, à ne pas éloigner du défunt les objets 
qu’il affectionnait le plus pendant sa vie, afin qu’il puisse s’en servir dans l’autre monde. 
Les Abiponès ont aussi beaucoup d’autres croyances religieuses analogues aux supersti- 
Lions des peuples des plaines, comme celles des vieilles femmes interprètes du mauvais 
génie, et enlevant, par des succions, les causes du mal renfermé dans le corps des 
malades. 

Par leurs caractères physiques, les Abiponès ne peuvent être séparés des Tobas; il 
en est de même de leur caractère moral, de leurs coutumes, de leur langage, de leur 
religion. Nous leur trouvons même, quant à cette dernière, des rapports intimes avec 
les Patagons et les Puelches des parties méridionales des plaines; nous croyons en 
conséquence, que les Abiponès font, ainsi que les Tobas et les Charruas, la transition 
entre les nations des Pampas et celles des Chiquitos, et qu’ils appartiennent au rameau 
pampéen. 


1. Voyage dans l'Amér. mér., t. Il, p. 166. 


IV. Homme. 3 À 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


—_——_— 


(22) 


NATION LENGUA. 


Ce nom fut imposé à la nation qui nous occupe par suite de l’usage qu’elle a de porter 
une barbote plate simulant une seconde langue. Selon Azara!, elle se nomme elle- 
même Juiadgé ; les Payaguas l’appellent Cadalu ; les Machicuys, Quiesmagpipo ; les Éni- 
magas, Cachabotk, et les Tobas, Cocoloth. Nous croyons que les Énimagas et les Gentuses 
d’Azara sont aussi des tribus de cette nation. 

Les Lenguas vivent aujourd’hui au 27. degré de latitude sud, et au 62.° degré de 
longitude ouest de Paris, au milieu du grand Chaco. Ils sont entourés des diverses 
tribus de Tobas ou Mbocobis, avec lesquelles ils sont amis. Azara s’est trompé en 
disant que la nation, en 1794, était sur le point de s’éteindre; car nous en avons vu 
plusieurs individus en visite à Corrientes en 1828, et ils nous ont dit alors être encore 
au nombre de 300 àmes à peu près. 

Pour la couleur, la stature et les autres caractères physiques, les Lenguas ne diffèrent 
en rien des Mbocobis et des Tobas. Leur langage est varié quant au fond; mais pour 
la gutturation, la dureté, il a beaucoup d’analogie avec celui de ces peuples. Comme 
eux, les Lenguas sont agriculteurs, chasseurs et pêcheurs; leur caractère est fier; leurs 
coutumes sont assez barbares; ils usent d’armes semblables, vont à cheval et voyagent 
de même. En un mot, ils ne s’en distinguent que par l’usage de se percer les oreilles 
et d'y passer un morceau de bois large de quelques pouces; par leur barbote aplatie, 
fortement saillante, passée dans un trou transversal pratiqué à la base des gencives de 
la mâchoire inférieure, et par l’ornement de plumes d’autruches dont ils se chargent 
la tête. 

Leur croyance religieuse paraît avoir beaucoup de ressemblance avec celle des Tobas 
et des Abiponès; nous pensons que, sous tous les rapports, les Lenguas doivent être 
placés auprès de cette nation, et qu’ils appartiennent aussi au rameau pampéen. 


1. Voyage dans l’Amér. mér., L II, p. 148. 


—ee————— 


(243) 


NATIONS DU RAMEAU PAMPÉEN, NON OBSERVÉES. 


Indépendamment des nations que nous venons de décrire, en les réduisant à leur 
juste valeur, après avoir nous-même reconnu leur identité ou leur plus ou moins de 
rapports mutuels, il en est encore quelques autres indiquées par différens auteurs, et 
dont les noms surchargent les écrits, ainsi que les cartes, publiés sur l'Amérique. 
Nous avons cherché à débrouiller ce chaos; et nous sommes arrivé aux résultats sui- 


N 


vans, en réduisant la liste de ces nations à celles dont la description ne nous laisse 
aucune incertitude quant au rapprochement à faire à notre rameau pampéen; nous en 
indiquons aussi la synonymie. 

Ces nations sont : 

1.” Les Payaguas, anciens Agaces des historiens ', nommés aussi Sarigué, Cadigue, 
Siacuas et Tacumbu, par Azara?, vivaient, au temps de la conquête, sur le Rio Para- 
guay, jusqu’à son confluent avec le Parana. Ils appartiennent évidemment au rameau 
des plaines; leur langue très-gutturale, le tatouage des femmes à leur nubilité, leurs 
mœurs ambulantes, tout concourt à les placer auprès des Tobas et des Charruas. 

2. Les Mbayas, du nord du Chaco, dont le nombre, selon Azara 5, est de 3,800 àmes. 
Agriculteurs au langage doux et facile, ils se rapprochent beaucoup à cet égard des 
Chiquitos; néanmoins, par leurs mœurs féroces, leur religion , leurs médecins suceurs, 
les chevaux tués sur la tombe des morts, ils présentent quelques traits des peuples du 
Chaco. Nous croyons donc qu'ils doivent être intermédiaires entre les dernières nations 
du rameau pampéen et les premières du rameau chiquitéen. 

3. Les Guaycurus4, nation éteinte ou connue maintenant sous un autre nom. Sa 
langue gutturale, ses mœurs ambulantes, guerrières et féroces, le tatouage des femmes 


1. Historia argentina (1612) de Rui Dias de Guzman, p. 20, 37, 95. L'éditeur de cet ouvrage, 
M. d’Angelis; dit à la table, page 3, que les Payaguas parlaient la langue guarani, ce qui est 
tout à fait inexact. 

Ulderico Schmidel, au Rio de la Plata, édit. espagn. de Buenos-Ayres, p. 15, 18. 

Padre Guevara, Hist. del Parag., p. 21. 

2. Azara, loc. cit, t. Il, p. 119; voyez padre Lozano, p. 55; Rue Historia del Paraguay, 
t. Il, p. 3, 123,135, etc. 

3. Loc. cit., t. IT, p. 100. 

Schmidel les vit en 1548; il parle avec naïveté du grand nombre d'individus de cette nation 
tués par l’expédition d’Irala (p. 44). 

4. Azara, loc. cit., t. IT, p. 146; Historia argentina de Rui Dias, p. 11, 117; padre Lozano, 
Historia del gran Chaco, p. 62; padre Guevara, Historia del Paraguay, p. 20; Montoya (1639), 
Conquista espiritual en las provincias del Paraguay, Parana, etc., fol. 10. 


Homme 
améri- 
«ain. 


( 244 ) 


Homme el beaucoup d’autres caractères, n’en feraient qu’une tribu des Tobas, ou tout au moins 
P ; 


améri- 
cain. 


une nation très-voisine. Le père Lozano!: divise les Guaycurus en Codollate, Taquiyiqui, 


——— Napinyiqui et Ipiquayiqui, et dit qu’ils sont au nombre de 1,500.2 


Les Brésiliens et les Espagnols donnent le nom de Guaycurus à tous les indigènes du 
Chaco ou de la rive occidentale du Rio Paraguay, pour peu qu’ils soient cavaliers; ainsi 
nous avons entendu nommer Guaycurus les Tobas et les Lenguas; ce qui nous laisse 
dans le doute sur la question de savoir si les Guaycurus vus près du fort de la Coïm- 
breÿ, sont les mêmes que décrit Azara. 

Quant aux autres nations indiquées, sans pouvoir nous prononcer à leur égard, nous 
y voyons seulement des tribus de celles que nous avons citées dans notre rameau 


pampéen. 


1. Lozano, loc. cit., p. 63. 

2. Ibidem, p. 52. 

3. Nouvelles annales des voyages, 1. IT, p. 329, d’après M. Eschwege. Il est fâcheux qu’on 
publie des renseignemens aussi faux que ceux de cet article, où les Lenguas, les Guaranis, les 
Chiriguanos et les Tobas paraissent confondus sous le nom de Guaycurus. 


( 245 ) 


DEUXIÈME RAMEAU. 


CHIQUITÉEN. 


Couleur : brun-olivâtre clair. Taille moyenne, environ À mètre 663 
millimètres. Formes médiocrement robustes; face circulaire pleine; 
front bombé; nez court, peu épaté; bouche moyenne; levres minces, 
peu saillantes; yeux horizontaux, quelquefois légèrement bridés exté- 
rieurement; pommettes non saillantes ; traits efféminés; physionomie 
enjouée, vive, gate. 


Nous avons appelé Chiguitéens, tous les indigènes américains de la pro- 
vince de Chiquitos, qui, bien qu'appartenant évidemment, par la couleur 
et par les formes, à notre race centrale ou pampéenne, s’en distinguent 
néanmoins, par un ensemble de caractères physiques et moraux qu'il est 
impossible de ne pas admettre. | 

Ce troisième rameau de la race pampéenne occupe un territoire d'environ 
10,000 lieues marines de superficie, comprises entre le 15.° et le 20.° degré 
de latitude sud, et les 60.° et 65.° degrés de longitude ouest de Paris. Ses 
limites sont : au nord, les collines situées au septentrion du cours du Guaporé; 
à l'est, le Rio du Paraguay; au sud, les plaines du Chaco; à l'ouest, les 
forêts qui se prolongent jusqu’au Rio Grande. Nous croyons que ce rameau 
s'étend également sur tout le territoire de la capitainerie générale de Cuyaba 
ou de Matto-Grosso, situé à l’ouest des premières collines séparant ce pays 
des autres parties du Brésil. Les voisins des Chiquitéens sont, au nord et 
à lorient, des peuples qui, tout en nous étant inconnus, nous semblent 
néanmoins appartenir à la race brasilio-guaranienne; au sud, les diverses 
nations du rameau pampéen; à l'occident, quelques Guaranis, entr’eux et 
les nations ando-péruviennes. 

La plus grande uniformité caractérise le pays habité par les Chiquitéens : 
partout nous n’y apercevons que des montagnes basses, la plupart primitives, 
formant, au centre, un large plateau d’où partent plusieurs collines qui 
affectent pas de direction générale. Partout des cours d’eau diversement 
dirigés, partout une multitude de petits ruisseaux coulant au milieu de forêts 
épaisses, rarement interrompues sur les points de partage, et sur les plateaux 


Homme 
améri- 
cain. 


——— 


( 246 ) 


Homme par quelques clairières de très-peu d’étendue. C’est là que homme, trouvant 


améri- 
cain. 


des obstacles invincibles à ses migrations, a dû nécessairement fixer sa demeure 
au sein de la forêt qui Pa vu naître, sur le bord du ruisseau témoin de son 
enfance; c’est là que, devenu agriculteur et chasseur, il est disséminé en une 
multitude de petites nations, de tribus vivant isolées, souvent même ignorées 
les unes des autres, sans avoir néanmoins d'autre barrière que d’épaisses 
forêts. 

Dans la région qu'habite le rameau dont nous nous occupons, plus de ces 
plaines sans horizon, où l’homme chasseur et guerrier devient naturellement 
nomade, n’étant arrêté, dans ses excursions, par aucun obstacle; où dès-lors, 
toutes les nations se connaissent, comme chez les Pampéens. Plus d’immenses 
plaines traversées par de larges rivières, dont les versans, confondus par des 
inondations périodiques, obligent Pindustrieux Moxéen à naviguer constam- 
ment. L'homme chiquitéen, au contraire, n’a jamais voyagé, n’a Jamais songé 
à se construire une pirogue; et toujours sédentaire, toujours paisible agri- 
culteur, il reste au sein de ses collines ombragées, conservant des habitudes 
uniformes, déterminées par identité dhabitation. 

Les nations qui appartiennent au rameau chiquitéen sont : celle des Ch- 
quitos, occupant tout le centre de la province de ce nom, principalement 
sur les plateaux et les parties sud-ouest; celles des Samucus, des Curaves, 
des T'apiis, des Corabécas, placés avant la conquête, au sud-est des Chi- 
quitos; celles des Saravécas, des Otukes, des Curuminacas, des Covarécas, 
des Curucanécas à leur nord-est; et, enfin, celle des Paiïconécas' à leur 
nord-ouest. Les Chiquitos, divisés en une multitude de sections, sont à eux 
seuls plus nombreux que tous les autres ensemble. 

Si la confusion qui règne dans les premiers historiens sur les noms trop 
multipliés des peuples de la province de Chiquitos, ne permet pas d’y recon- 
naître ceux qu'on doit considérer comme nation ou comme simples tribus, 
il est plus difficile encore d’assigner précisément le lieu de leur habitation ; 
aussi, dans la crainte d'augmenter la confusion, ne citerons-nous les nations 
indiquées d’une manière si vague par le seul historien qui s’en soit occupé?, que 


1. Comme nous le dirons plus en détail, en parlant de chaque nation, nous croyons qu’on peut 
joindre encore à celles que nous avons vues, celles des parties voisines du Brésil. 

2. Padre Fernandez, Relacion historial de las misiones de los Chiquitos. 

C’est à tort que M. d’Angelis, table de la Ærgentina de Rui Dias de Guzman , p. 40, dit que 
les Payaguas et les Chiquitos sont des Guaranis. 


( 247 ) 


lorsque nous croirons pouvoir les rapporter avec certitude à nos propres obser- 1eme 


vations, dont nous donnons ici le résultat. 

Le nombre comparatif peut être évalué d’une manière presque positive; 
et le tableau suivant pourra donner une idée, non-seulement du chiffre de 
ceux qui, au sein des missions, ont été réduits au christianisme, mais encore 
du chiffre approximatif" des indigènes qui ont conservé leur liberté sauvage. 


QE 
NOMBRE DES INDIVIDUS 


DE CHAQUE NATION NOMBRE 
NOMS DES NATIONS. A 
RÉDUITS AU ENCORE TOTAL. 
CHRISTIANISME. SAUVAGES. 


een À encens) | cos | ces 


Chiquitos. . . . .. Stern 0e 14,925 z 14,925 
SAMUCUS ln, Se Sté 1,250 1,000 2,250 
Païconécas. 4 2, 1, , 4.1. 610 300 910 
Sarayvécas. . .......... 350 Ê 300 
DURE Et ER LS: 150 Ê 150 
Curuminacas. . . . . . . . .. 150 5 150 
CUPANES: eme de de de 0 à 150 z 150 
COVATCEAST + à Pme 50 100 150 
COrTaDÉCASs ES UE 0 Ê 100 100 
Tapis een se 50 Ê 50 
Curucanécass.s ts de 48e 50 £ 50 

TOTAUX- LES cu. 17,135 1,500 19,235 


D’après ce tableau il est facile de juger ce qui reste aujourd’hui d'indigènes 
sur le territoire de la province de Chiquitos. Si nous en croyons les histo- 
riens, le nombre en aurait été bien plus élevé; et des nations entières, ainsi 
que beaucoup de tribus des Chiquitos , auraient été décimées dans les expédi- 
tions de découverte exécutées par ces courageux aventuriers partis du Para- 
guay pour chercher de lor*; dans les incursions des Mamelucos de San-Pablo 


1. L’énoncé du chiffre des indigènes réduits au christianisme est le résultat de renseignemens 
pris en 1831, pendant notre séjour à Chiquitos. Celui du chiffre des Indiens encore sauvages est 
déduit de renseignemens donnés par les nations voisines, et quoiqu’on puisse croire qu’il approche 
de la vérité, il n’est cependant qu'approximatif. 

2. L'expédition d’Alvar Nuñes Cabesa de Vaca , en 1542, fit tuer beaucoup de Sacocies, évidem- 
ment des Chiquitos (voyez Schmidel, p. 36); celles d'Irala, en 1547 (Funes, Hist. del Parag., & 1, 
p. 129), et de Nuflo de Chaves, en 1557, coûtèrent aussi la vie à une quantité d’indigènes. Voyez 
père Fernandez ( Relac. histor. de las miss. de los Indios Chiquitos, p. 46), et surtout Schmidel 
(édit. de Buenos-Ayres, p. 2), curieux pour le calme avec lequel il parle du grand nombre d’Indiens 
qu'on tuait chaque jour. 


améri- 
ain. 


(248 ) 


Homme du Brésil, qui chassaient les Indiens pour les vendre’; et, enfin, par une 


améri- 
cain. 


compagnie de marchands espagnols de Santa-Cruz de la Sierra*, laquelle, à 
Pimitation des Portugais, fit un instant le commerce infâme des pauvres 
Chiquitos avec les propriétaires des mines du Pérou. Îl n’y eut plus ensuite 
que des pestes; mais elles exercèrent des ravages affreux, dès Pinstant de 
l'arrivée des Jésuites sur le territoire de la province’, et continuèrent jusqu’à 
nos Jours‘. Toutes ces causes de dépopulation nous feraient croire qu’il n'existe 
pas maintenant plus de la moitié des habitans qui couvraient le sol de la 
province à l’époque de la découverte. Il est facile de s'apercevoir, en jetant 
les yeux sur le tableau, que la nation des Chiquitos forme, à elle seule, 
les six septièmes de la population du pays; tandis que, parmi les autres, 
celle des Samucus et celle des Païconécas ont seules encore une certaine 
importance; ce qui nous a déterminé à prendre le nom de Chiquitos comme 
type de ce rameau, auquel nous avons reconnu les caractères généraux 
SUIVans : 

La couleur identique à celle des naturels du Chaco, quoiqu’un peu moins 
foncée, est bronzée, ou, pour mieux dire, d’un brun pâle, mélangé d’oli- 
vâtre, et non de rouge ou de jaune. Nous avons cru remarquer que les 
Samucus étaient plus fortement teintés que les autres nations de la province; 
de si peu toutefois, qu'il faut voir beaucoup d'individus réunis pour les 
reconnaître. 

La taille des Chiquitéens, beaucoup moins élevée que celle des habitans 
des plaines du Chaco et du sud, ne varie guère. La moyenne en est de 1 mètre 
663 millimètres (5 pieds 1 pouce), tandis que les plus grands n’ont pas plus 
de 1 mètre 75 à 78 centimètres (5 pieds 5 à 6 pouces). Les femmes n’atteignent 
pas une stature presqu'égale à celle des hommes, comme on le voit parmi 
les nations du sud; elles conservent seulement leurs proportions relatives. 

Les formes du corps sont, chez les Chiquitéens, peu différentes de celles des 
Indiens du Chaco; de même le tronc est robuste, la poitrine saillante; les 
épaules sont larges; mais, en général, il ÿy a moins de force apparente. Le corps 
est d'une venue; les membres sont replets, montrant des formes arrondies et 
Jamais de muscles apparens; du reste, les hommes sont droits, bien plantés; ils ont 


1. En 1690, les Portugais de San-Pablo, sous le nom de Mamelucos, ravagèrent la province 
de Chiquitos. Voyez Relacion hist. de las mis. de los Chiquitos, p. 50. 

2. Voyez le père Fernandez, Loc. cit., p. 59. 

3. Voyez Relacion du père Fernandez. 


1. En 1828 , la petite vérole enleva un grand nombre des habitans de Chiquitos. 


( 249 ) 
une démarche aisée. Les femmes, plus larges, plus massives que les hommes, 
conservent le même diamètre sur toute la longueur du tronc; aussi mon- 
trent-elles beaucoup de vigueur, et ne présentent-elles en rien la beauté idéale 
des formes antiques. 

Les traits des Chiquitéens sont typiques ; leur tête est grosse, presque 
ronde, non comprimée sur les côtés; la face très-pleine, arrondie; les pom- 
mettes ne sont nullement saillantes; le front est bas et bombé; le nez tou- 
jours court, est moins épaté que celui des races des plaines; les yeux sont 
petits, vifs, expressifs, presque toujours horizontaux; mais, chez quel- 
ques individus, Pangle extérieur en est bridé, et annonce une tendance à 
se relever, comme on le voit dans la race guaranie; les lèvres sont assez 
minces, la bouche beaucoup moins grande que chez les nations du Chaco, 
et toujours prête à sourire; le menton arrondi et court; les sourcils minces 
et bien marqués. La barbe ne couvre que le dessous du menton, et la mous- 
tache, constamment peu fournie, n’est pas frisée. La physionomie est ouverte, 
annonce la gaité, la franchise, beaucoup de vivacité. On ne peut néanmoins 
dire que les figures soient jolies; la plupart, au contraire, sont moins que 
passables. Les femmes ont la face plus arrondie encore que les hommes, avec 
beaucoup de gaïîté et de naïveté dans l'expression. En général, la figure des 
hommes n’a rien de mâle. 

Les langues chiquitéennes sont aussi variées que les nations qui les parlent. 
Elles ne sont pas aussi gutturales que celles du Chaco ; la plupart sont 
même très-douces et très-euphoniques, ne présentant ni des sons durs, ni 
cette redondance de consonnes si commune dans les dernieres. La langue 
chiquita, par ses finales en ch, ainsi que la morotoca (section des Samucus) 
par les siennes en od et ad, offrent seules un dernier trait de ressemblance 
avec celles du Chaco. On retrouve le son guttural du 7 espagnol dans les 
langues saravéca, curuminaca, covaréca et païconéca; il manque dans toutes 
les autres. L’u français, prononcé du nez, se remarque dans la langue chiquita, 
dans l’otuké, dans la curuminaca, dans la covaréca et dans la païconéca. Plu- 
sieurs offrent notre cz, ainsi que le son doux de notre z. Une anomalie singu- 
lière se présente dans la langue chiquita, où, pour beaucoup de choses, homme 
emploie des mots différens de ceux dont se sert la femme, tandis que pour 
les autres, la femme emploie des mots dont l’homme se sert, en se contentant 
d'en changer la terminaison”, Quoique ces langues soient très-compliquées, 


1. Voyez plus loin les détails spéciaux sur la langue chiquita. 


IV. Homme. 92 


Homme 
améri- 
cain. 


ee 


( 250 ) 


Honme surtout celles des Chiquitos, on s'étonne qu'aucune d'elles n'ait un système 


améri- 
cain. 


de numération étendu, ce qui annonce peu de relations, et surtout le 
défaut absolu de commerce. Les Chiquitos, les Otukès, les Païconécas et, 
sans doute, les autres petites nations du nord-est, n’ont aucun terme numé- 
rique de comparaison ; les Samucus et Saravécas ne vont que jusqu’à cinq 
ou dix, chiffre pris peut-être du nombre des doigts de lune des mains ou 
des deux réunies. En un mot, il n’y a réellement aucune uniformité entre 
les différentes langues. Le seul trait de ressemblance que nous y trouvions, 
existe dans les noms des parties du corps commençant presque tous par 
une lettre déterminée, comme on peut le voir par le tableau suivant qui, 
en même temps, sera comparatif, pour les divers idiomes. 


NOMS NOMS CHIQUITOS. NOMS PAÏCONÉCAS. 
NOMS NOMS NOMS 


FRANÇAIS A , ES, 
Des Tribu Tribu SARAVÉCAS. OTUKÉS. SAMUCUS. Tribu Tribu 
PARTIES. chiquita. cuciquia. païconéca. paunaca. 


ne | Come | Comme eee RS 


Joue. Nochosté. | Oya. Nozovivi. | Ivenara. Yuréata. | Huimilo. Ipiki. 


Oreille. Néñémosis. | Oñumasis. | Nunihijé. | Ichaparara.| Yanoénia. | Iseñoki. Huichuca. 


Yeux. Nosuto. Osuto. Nohé. Ichaa. Yédodia. | Huikis. Ihuiké. 


Les Chiquitéens se font remarquer par une gaîté poussée à l'extrême, 
par leur goût pour la musique et pour la danse, par leur bonté à toute 
épreuve, leur sociabilité, leur hospitalité, le peu de jalousie que leur 
inspirent leurs femmes et leurs filles; par leur persévérance et par la facilité 
avec laquelle ils se sont rangés au christianisme. Il ne faudrait cependant 
pas croire que toutes les nations se montrèrent également dociles ; la mort 
de plusieurs Jésuites’, lors de la fondation des missions, prouverait le con- 
traire; mais une fois chrétiennes, elles persévérèrent, et, aujourd’hui, pour 
rien au monde ne retourneraient dans les bois, bien différentes, sous ce 
rapport, du rameau des plaines, qui, loin de s’être jamais soumis à aucun 
joug, est encore ce qu'il était au temps de la découverte. La nation des 
Chiquitos fut la plus facile à réduire et sans doute entraîna les autres par 
son exemple. Le caractère indépendant des Samucus, donna plus à faire; 
aussi en reste-t-il encore de sauvages. Il en est de même des Païconécas, 


1. Voyez Francisco Fernandez (1726) Relacion historial de los Chiquitos, p. 303 et p. 397. 


( 251 ) 
des Covarécas et des Corabécas; les premiers et les Corabécas surtout, romme 
montrèrent, quant à leur attachement à la vie sauvage, plus de rapports 
qu'aucune des autres nations avec les habitans des plaines. En résumé, le 
caractère des Chiquitéens est aussi enjoué que celui des naturels du Chaco 
et des Pampas est taciturne et triste. Les premiers sont aussi communicatifs 
que les seconds le sont peu. 

Quant aux mœurs, elles sont identiques pour toutes leurs nations ; ils 
vivent sur le penchant des collines, au sein de forêts épaisses, où, jadis, ils 
étaient tous fixés et agriculteurs; néanmoins leur goût pour la chasse dut 
les faire se disséminer davantage; et de là, sans doute, le grand nombre 
de leurs tribus, dispersées au milieu des bois. Cependant la chasse n’était 
pour eux qu'un délassement, et n’avait lieu qu'après les récoltes. Les Chi- 
quitéens en général avaient des villages, ne contenant qu’une seule famille; 
mais les Chiquitos construisaient de plus des maisons communes, où vivaient 
ensemble tous les jeunes gens, qui, à l’âge de quatorze ans, se séparaient de 
leurs parens, afin d’embrasser ce nouveau genre de vie. Des plus sociables 
et des plus hospitalieres, leurs tribus étaient continuellement en visite, ce 
qui motivait des fêtes, des danses, des jeux durant autant que le séjour 
des étrangers ou que les boissons fermentées qui les animaient. 

Leur industrie différait aussi de celle des peuples habitant les plaines. 
Les femmes filaient et tissaient soit des pièces d’étoffe pour elles, soit, pour 
leurs maris, le hamac, que nous n'avions jusqu'ici trouvé chez aucune autre 
nation. Îl n’était à l’usage que des hommes ; les femmes se contentant d’une 
natte artistement tissée. Les armes (arc, la flèche, la massue tranchante et 
quelquefois la lance), fabriquées par le mari, lui servaient à chasser, ou à 
combattre les nations voisines. Ils pêchaient au moyen de racines qui 
enivrent le poisson; mais n'ayant jamais pensé à se construire une pirogue, 
ils ne sont pas navigateurs. 

Les hommes allaient nus; les femmes se couvraient d’une chemise sans 
manche, et s’ornaient de colliers et de bracelets. Le tatouage et les couleurs 
appliquées sur la peau étaient inconnus aux Chiquitéens; et si la coutume 
barbare de se percer les lèvres et la base du nez existait avant la conquête, 
elle a depuis entièrement disparu. On retrouve actuellement encore chez 
ces peuples le même fond de mœurs et de coutumes, seulement un peu 
modifiées par le christianisme. - 

Le gouvernement était semblable à celui des nations du Chaco; il y avait 
des chefs pour chaque tribu; mais jamais aucun corps de nation. Les vieil- 


Homme 
améri- 
cain. 


———— 


( 252 ) 
lards avaient une grande influence sur la nomination du chef, nomination 
dépendant presque toujours de la bravoure du candidat. Souvent ces chefs 
étaient en même temps médecins; mais leur pouvoir se trouvant toujours 
borné, il n’y avait pas de despotisme. 

La religion présentait une unité, celle de croire à une autre vie, et d’attacher 
des influences malignes à une foule de causes naturelles, croyance accréditée 
par les médecins, qui pratiquaient des succions comme chez les peuples du 
sud, attribuant la mort tantôt à des causes puériles, tantôt à l'intervention 
d’une femme, souvent sacrifiée, plus tard, par les parens. Selon les histo- 
riens", les Manacicas, tribu des Chiquitos, auraient professé un polythéisme 
compliqué, en admettant que quelque Jésuite nait pas supposé celui-ci, 
dans le but d'établir une analogie plus frappante avec le culte catholique. 
Aujourd’hui beaucoup de missions poussent la religion catholique jusqu’au 
fanatisme. 

Pour nous résumer, nous croyons que le rameau chiquitéen se distingue 
de celui des plaines par une teinte un peu moins foncée, une taille moins 
élevée, des pommettes moins saillantes, une figure plus ronde, plus enjouée; 
par un caractère gai, ouvert, bon, soumis; par des mœurs douces; par l’ha- 
bitude de se livrer à la culture, à lombre des forêts; par la facilité avec laquelle 
il adopta le christianisme et se soumit au système des missions. Ses langues 
sont plus euphoniques que celles du Chaco et des Pampas, et présentent 
pour caractère général la singularité, que les noms des parties du corps 
commencent par une lettre spéciale, variée selon les idiomes. Si ce rameau 
diffère en tout point de celui des plaines, il a les plus grands rapports avec 
celui de Moxos, dont il ne se distingue, pour ainsi dire, que par quelques 
caractères physiques, et par l'ignorance de Part de la navigation, très-connu 
au contraire de ses voisins, qu’on voit sans cesse en pirogue. Du reste, le 
rameau chiquitéen fait le passage à la race brasilio-guaranienne, par cette 
tendance à linclinaison des yeux, qu'on remarque chez quelques-uns des 
individus des nations qui le composent, ainsi que par les sons de certaines 
lettres de leurs idiomes; mais non par la couleur, qui est toujours différente. 


1. Fernandez, Relacion historial de los Chiquitos, p. 228. 


( 255 ) 


Homme 
améri- 
cain. 


NATION SAMUCU.: 


‘étude des langues nous à conduit à ce résultat, que le nom de Samucu?, par 
lequel nous désignons cette nation, n’est propre qu'à une de ses tribus, tandis que 
d’autres sections, très-nombreuses, portaient, dès l’époque de la découverte, et portent 
encore des noms distincts, comme les Morotocos5 ou Morotocas, que nous avons retrouvés 
encore sous cette même dénomination à la mission de San-Juan; les Poturerosh, que 
nous avons rencontrés à Santo-Corazon, et les Guarañocas, vivant à Santiago. Ce sont 
les quatre grandes sections encore existantes à Chiquitos, et que, dans le pays, on regarde 
comme distinctes, quoiqu’elles parlent bien certainement un langage identique, plus ou 
moins corrompu et mélangé d’idiomes différens; mais, si nous parcourons les histo- 
riens, nous y verrons qu’on doit encore regarder comme synonymes les Coroinos, les 
Caréras, les Ugaronos”, les birayas des Jésuites, et peut-être beaucoup d’autres, qu’on 
ne peut y rapporter aussi sûrement, ainsi que les 4guitegnédichagas et les Mnaquiguilas 
d’Azara 6, qui n’en sont que des tribus désignées sous d’autres noms. 

Les Samucus (nous appliquerons ce nom à la nation entière) étaient, lors de la fonda- 
tion des missions de la province de Chiquitos, répandus sur la plus grande partie de ses 
frontières sud et sud-est, en contact avec les déserts du grand Chaco. Ils s’étendaient, en 
latitude, du 18.° au 20.° degré sud, et, en longitude, du 60."au 62.° degré ouest de Paris, 
sur les dernières collines couvertes de forêts impénétrables qui bornent au nord les plaines 
du grand Chaco, et s’approchent du cours du Rio Oxuquis, avant son confluent avec le 
Paraguay. Ils avaient alors pour voisins, au sud, les nombreuses nations du Chaco, princi- 
palement les Guanas, les Gualos et les Curaves ; à l'est, les Xarayes du lac de ce nom, et 
les Otuquès ; au nord, les nations saravéca et curuminaca; à l’ouest, les nombreuses 
tribus des Chiquitos, ainsi que les Paunacas et les Païconécas. La nation entière vivait 
au sein des forêts, où sont encore aujourd’hui quelques tribus dérobées au zèle religieux 
des Jésuites, principalement près de la saline de Santiago et au Rio d’Oxuquis; tandis 
que les Samucus et les Potureros sont réunis à la mission de Santo-Corazon, les 
Guarañocas à Santiago, et les Morotocas à San-Juan. Ils aiment les forêts épaisses, et 
surtout les collines, où ils peuvent se soutraire aux inondations si communes dans 
les lieux qu’ils habitent. Là ils sont à la fois chasseurs adroits, cultivateurs intelligens, 


1. Prononcez Samoucou. 
2. Il a été question pour la première fois de ces Indiens dans la Relacion historial de las missiones 
de los Indios que lluman Chiquitos, publiée en 1726 par le père Fernandez, p. 318, 373, 398, etc. 
3. Voyez le père Fernandez, loc. cit., p. 316. 
4. Azara, Voyage dans lAmér. mér., 1. Il, p. 83, les confond sous divers noms. 
5. Père Fernandez, loc. cit., p. 316, 370, 390. 
6. Loc. cit., p. 81 et 83. 


| (254) 


Homme et, pour ainsi dire, fixes sur le même lieu, d’où ils rayonnent seulement afin de 


améri- 
«ain. 


suivre le gibier. Leurs tribus encore sauvages, réduites à peu d'individus, se cachent 
au sein des bois, et leur faiblesse les empêche, sans doute, d'attaquer les nations 
voisines. 

Il nous est facile de donner le chiffre presque positif des Indiens samucus existant 
encore dans les missions. En somme il peut s'élever à 1,250 :; et en y joignant à peu 
près 5002 individus sauvages de la saline de Santiago et 500 des rives du Rio Oxuquis, 
leur nombre total serait de 2,250, sur lesquels 1,000 encore tout à fait indépendans. 

La couleur générale de la nation est moins foncée que celle des Tobas et autres 
Indiens du Chaco; mais, au lieu du jaune des Guaranis, c’est une teinte bronzée, ou, 
pour mieux dire, de bistre-olivtre pâle, du même aspect que la couleur des races des 
plaines, avec moins d’intensité. 

La taille des Samucus, une des plus belles de la province de Chiquitos, est au-des- 
sus du médiocre, et peut rivaliser, sous ce rapport, avec celle des Européens. Nous 
avons mesuré un assez grand nombre d'individus, pour être à portée d'assurer que 
leur stature moyenne n’est pas au-dessous de 1 mètre 663 millimètres (5 pieds 1 7 pouce). 
Les plus grands n’ont pas, néanmoins, plus de 1 mètre 760 millimètres (5 pieds 
5 pouces). Les femmes, généralement grandes, sont dans des proportions relatives 
avec les hommes (1 mètre 535 millimètres). 

Les formes du corps sont belles, les hommes robustes, bien musclés, sans jamais 
tourner à l'obésité; ils ont les épaules larges, carrées, la poitrine élevée, les membres 
bien nourris ; mais le corps, loin d’être ,. comme chez les Européens, plus étroit à 
la ceinture, est, au contraire, tout d’une venue. Cest surtout chez les femmes qu’on 
remarque ce caractère, celles-ci ayant les mêmes formes que les hommes, et se trouvant 
dans des proportions peu gracieuses, qui ne sauraient annoncer que beaucoup de force. 
Elles sont larges des épaules, et, de là, presqu’aussi grosses jusqu'aux hanches; leurs 
seins, sont ordinairement très-bien placés, et presque toutes les ont plutôt bien propor- 
tionnés que trop volumineux; les mains et les pieds sont généralement petits; le bras 
est assez bien fait. 

Les traits, dans ce rameau, prennent un caractère différent de tous ceux des nations 
des plaines. La tête est grosse; la face large et plus arrondie; les pommettes, non 
saillantes dans la jeunesse, sont à peine élevées chez les adultes; le front est très- 
court, peu bombé; le nez, moins large que chez les nations du Chaco, approche 
davantage des formes européennes , sans être jamais long; les narines, quoiqu’ou- 
vertes, le sont beaucoup moins; la bouche est grande; les lèvres sont peu épaisses5; 


1. Ainsi répartis : à Santiago, 700 Guarañocas; à Santo-Corazon, 50 tant Potureros que 
Samucus ; et à San-Juan, 500 Morotocas. 


2. Les données que nous avons obtenues sur les lieux nous font regarder cette évaluation 
comme juste. 


3. Les naturels d’aujourd’hui ne se mutilent plus; mais il parait qu’au temps de la conquête 


( 255 ) 


les dents magnifiques; les yeux sont généralement petits, horizontaux, mais un peu bri- Homme 
améri- 


dés, au côté externe, chez quelques individus seulement; les oreilles petites; les sourcils “7 


arqués, peu larges; la barbe est noire, rare, jamais frisée, poussant seulement après 
vingt ans, et ne couvrant que la lèvre supérieure et la partie antérieure et inférieure 
du menton; les cheveux sont noirs, droits et longs. L'ensemble des traits est laid 
plutôt qu’agréable; néanmoins on y remarque une expression de vivacité et de gaîté 
qui les fait distinguer de suite des nations du sud, où l’air sombre domine toujours. 
Les hommes ne sont pas généralement bien, les femmes sont souvent passables; la jeu- 
nesse offre des figures arrondies et pleines, changeant beaucoup moins dans l’âge adulte 
que chez les nations australes, et conservant presque toujours des traits moins repous- 
sans, même dans la décrépitude. 

Le langage accuse, dès le premier aperçu, une source tout à fait différente de celle 
des langues du Chaco; ce ne sont plus ces sons durs, cette sorte de croassement guttu- 
ral, dont l'oreille est continuellement choquée; au contraire, dans la langue samucu, 
on trouve une douceur remarquable, une euphonie qui plaît; on l'entend avec plaisir : 
c'est l'italien des déserts. Elle est remplie de terminaisons en a et en o, surtout dans 
les sections guarañoca et samucu; mais la morotoca change souvent ces terminaisons en 
od et ad, ou en #, et dans cette dernière finale, supprime les voyelles qui la suivent. 
Elle présente cette particularité, que presque tous les noms des parties du corps com- 
mencent par la monosyllabe ya, ye, yu, comme dans Furéata, joue; Fanoénia, oreilles; 
Yédodia, yeux. Les Samucus ont un système de numération qui va jusqu’à dix seulement 
(sans doute en raison du nombre des dix doigts). 

Leur caractère fut toujours la fierté et l'indépendance; aussi ceux des missions 
donnèrent-ils beaucoup de peine aux Jésuites, qui, dans le cours de leur règne, n’ont 
pu soumettre qu'une partie de chaque tribu, le surplus restant toujours sauvage au milieu 
des forêts. Les Samucus ont conservé, parmi les Chiquitos, une réputation de bravoure 
et de force; aussi sont-ils, au moins les Morotocas, les plus redoutés de toutes les 
missions, et commandent-ils dans tous les lieux où ils se présentent. Essentiellement 
bons, sociables, intègres, des plus hospitaliers, même caressans pour les étrangers, 
leur abord est ouvert et gai. Tout annonce, en eux, du goût pour les plaisirs et en 
particulier pour la danse, que les femmes aiment passionnément. 

Quant aux mœurs, on trouve également une grande différence entre les Samucus et 
les peuples du Chaco qui les avoisinent. Chasseurs comme eux, ils joignent constam- 
ment la culture à la chasse; et par là même ne sont pas ambulans, mais bien fixes 
dans le lieu de leur naissance; s'ils font la guerre, ce n’est que par représaille. C’est 
ainsi qu'ils attaquèrent long-temps les missions de San-Juan et de Santiago. Ils se 


la nation samucu avait la lèvre inférieure, les oreilles et quelquefois les narines percées, afin d’y 
passer un gros morceau de bois: si du moins, comme tout l’annoncerait, les Tarapecocies, décrits 
dans les excursions de Nuñez Cabeza de Vaca de 1544 (p. 55 du recueil de Barcia historiadores 
prinutivos de Indios, t. 1°) , appartiennent à cette nation. 


( 256 ) 


Homme tiennent au sein des grandes forêts, principalement sur les coteaux, cultivant les vallons 


améri- 
cain. 


dès que les eaux s’en sont retirées. Ils sèment le manioc, le maïs, le mani, ainsi que 
quelques espèces de citrouilles. Leur culture est peu dispendieuse; il leur suffit presque 
d’abattre des arbres, d’y mettre le feu et de jeter des graines sur la terre, ou, tout au plus, 
de les placer dans un très-petit trou. La récolte faite, la plupart des hommes aban- 
donnent momentanément leurs femmes et s’enfoncent dans les bois, où, disséminés par 
petits groupes et vivant du miel des abeilles sauvages, ils chassent et boucanent le gibier 
qu’ils rapportent ensuite à leur demeure, cabane couverte en paille, au milieu de laquelle 
on allume le feu. Tandis que les femmes s'étendent à terre sur des nattes artistement 
tressées , les hommes couchent sur des hamacs faits de fils de coton. Leurs armes sont 
la lance, l'arc, la flèche et la massue à deux tranchans de bois très-dur, dont ils font 
le plus d'usage, s’en servant aussi comme de hache pour s'ouvrir une route au milieu 
des bois. Toujours disséminés par petits hameaux peu éloignés les uns des autres, 
dont chacun a son chef. Ils aiment beaucoup le plaisir et lorsque la récolte de maïs 
a été abondante, ils se font souvent les uns aux autres des visites qui donnent lieu à 
une fête. Ils composent alors de la bière de maïs, et pendant plusieurs jours ne 
cessent de danser et de boire, saisissant toutes les occasions possibles de s’amuser. Leurs 
danses singulières, imitatives et grotesques!, sont accompagnées de chant; le plus 
souvent un Indien agite une calebasse au milieu d’un cercle de femmes, qui répètent 
la chanson en sifflant, en sautant et en prenant diverses attitudes. Quant à leur mu- 
sique, ils ne se contentent pas de la musique vocale; tous les hommes, rangés en 


files, armés d’une flûte de Pan dans divers tons, trouvent, dans l’ensemble des sons 


produits séparément par chacun des musiciens, des mélodies sauvages qui, malgré 
leur monotonie, ne laissent pas que d’être assez harmonieuses?. Ce sont, en un mot, 
de tous les habitans de la province de Chiquitos les plus gais et les plus disposés au 
plaisir : riant sans cesse, ils sont toujours prêts à s'amuser d’un rien. 

L'industrie des Samucus est très-bornée; les hommes confectionnent leurs armes 
avec assez d'adresse, tandis que les femmes filent le coton, pour en former des espèces 
de filets servant de hamacs à leurs maris, lorsque ces derniers vont à la chasse; 
elles tissent aussi la pièce d’étoffe qu’elles portent, de la ceinture au bas des jambes; 
elles fabriquent de la poterie assez belle. Les deux sexes travaillent à la terre et font 
les récoltes ; les hommes seuls pêchent et chassent, tandis que les femmes se chargent 
de tous les détails du ménage. Jamais cette nation n’a songé à se construire de 
pirogues pour naviguer sur les rivières. Soumise au christianisme dans les missions, 
elle a pris les coutumes générales des néophytes ; les femmes seules filent, tandis que 
les hommes tissent et font les travaux de force. Ils ont intégralement conservé, dans 
l'état de demi-civilisation des missions, le caractère de leurs mœurs primitives. 


1. Voyez partie historique. 
2. Voir dans la partie historique, quelques morceaux de leur musique. 


( 257 ) 

Les hommes vont entièrement nus à l’état sauvage, et les femmes, dans la tribu des 
Samucus proprement dits, portent une pièce de tissu de la ceinture au bas des jambes! 
et des ornemens aux bras et au cou. Cette tribu se coupe aussi les cheveux très-courts, 
tandis que les autres se les laissent pousser, flottant sur les épaules. Nous n'avons vu 
chez elle aucun reste de tatouage ni de peinture du corps, non plus que l’usage barbare 
de se percer les lèvres et les oreilles; mais peut-être cette coutume a-t-elle cessé avec 
l’état sauvage. 

Ces Indiens se gouvernent par un cacique, qui jouit du droit de conseil et même d’une 
certaine autorité. Chacune de leurs réunions partielles a son chef; et, comme ces réunions 
sont nombreuses, il n'existe, en fait, aucun lien entre les diverses tribus de la nation, 
qui se traitent en étrangères, lorsqu'elles sont restées long-temps sans communiquer. 

La religion, autant que nous a permis d’en. juger le peu de renseignemens que 
nous avons obtenus à cet égard, se bornerait à la croyance d’une autre vie, prouvée 
par la coutume d’enterrer les armes avec les morts. Les médecins pratiquent des suc- 
cions pour la guérison des malades. 

En résumé, nous pensons que les Samucus s’éloignent des nations du Chaco, par 
les traits, par la couleur moins foncée, et surtout par des mœurs plus douces, un carac- 
tère plus joyeux, un langage plus euphonique; nous croyons qu’ils appartiennent à un 
rameau particulier d’hommes propres aux collines boisées de la province de Chiquitos, 
qui établirait le passage des nations des plaines à celles des montagnes et aux nations 
guaranies brésiliennes, tenant aux premières par une teinte bistrée, aux secondes par 
des yeux bridés extérieurement; du reste, leur langage, quoiqu’entièrement différent, 
les rapproche plus des nations guaraniennes que de celles des Pampas. 


1. Padre Fernandez, Loc. cit., p. 318. 


[e)| 
CN 


IV. Homme. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 258 ) 


NATION CHIQUITO. 


Nous allons nous occuper d’une nation fort nombreuse dont le nom a été appliqué 
à une province entière, sans néanmoins être indigène; car Chiquito veut dire petit dans 
la langue espagnole. Ce nom, selon les historiens, lui fut donné d’après les portes des 
maisons des naturels, si basses qu'on n’y pouvait entrer qu’en se trainant sur les 
genoux et sur les mains !; ainsi cette dénomination, qui a fait croire à beaucoup d’au- 
teurs que les hommes auxquels elle s'applique sont de petite taille, tient à une cir- 
constance tout à fait étrangère à leur stature. Cependant, au milieu de cette multitude 
de noms propres à chacune des tribus, il eüt été facile d’en choisir un indigène, et 
surtout plus approprié aux habitans. 

Peu de nations portent autant de dénominations différentes que les Chiquitos, ce 
qui s'explique sans peine par leur manière de vivre. Disséminés en très-faibles tribus, 
afin de chasser plus à l'aise, chacune de ces réunions de famille se désignait par le 
lieu de son habitation ou par le chef qui la commandait; de là cette multitude de 
noms variant sans cesse, à mesure que les tribus changeaient de demeure ou que les 
caciques se succédaient. On chercherait donc vainement aujourd’hui toutes les tribus 
mentionnées dans les premiers historiens; aussi ne trouve-t-on plus les Cercosis vus 
par Irala? en 1548, les Sacocies et les Arianicocies, vus en 1543 par Nuñez Cabeza de 
Bacaÿ, et qui étaient certainement des Chiquitos; ni les Piñocas , les Pénoquis, les 
Boxos, les Tapiquas, les Taus, les Xamaros4, les Penotos, les Tapipuicas, les Caricas , les 
Pequiquias , les Arupores, les Tubacis, les Puraxis, et une foule d’autres, parmi les- 
quels se rangent les Manacicas, à eux seuls divisés en soixante et une tribus, ayant 
chacune son nom, et entourées de vingt-neuf autres, se distinguant, de leur côté, par 
une dénomination particulière; tribus toutes citées par le père Fernandez, dans son 
Histoire de la province de Chiquitos, de 1696 à 17235, et dont nous ne reproduisons 
pas ici la liste, cette nomenclature stérile devant nous demander trop de place. En 


1. Voyez Relacion historial de las missiones de los Indios que llaman Chiquitos, par le père 
Fernandez, p. 34. 

2, Herrera, Decadas, et Funes, Ensayo de la historia del Paraguay, 1. T, p. 131. 

3. Rui Diaz de Guzman, Historia argentina, p. 45, 73 (Coleccion de obras y documentos rela- 
tivos a la historia antigua y moderna del Rio de la Plata, por Pedro de Angelis); Barcia, Histo- 
riadores primitivos de Indias, t. 1 (Comentario de Alvar Nuñez Cabeza de Baca, p. 42, 45, bb); 
Schmidel ( Coleccion de obras, p. 29, 36-47 ). 

4. Dans l’orthographe fixée par les Jésuites pour la langue chiquita, lx ne représente pas le 
son du j espagnol, mais celui de notre ch français, qu'aucune lettre espagnole ne pouvait rendre. 
On doit donc prononcer chamaros; observation applicable à tous les cas où cette lettre se présente. 

5. Voyez surtout page 227; car il serait trop long de les énumérer toutes. 


( 259 ) 


1831, tandis que nous étions à Chiquitos, les sections de la nation étaient ainsi 
distribuées par missions : À San-Xavier vivaient cinq divisions ou Parcialidades , 
comme les appellent les missionnaires, les Piococas, les Quemecas, les Quiriquias, les 
Punasiquias et les Xamanacas ; à Concepcion, les Mococas, les Cuciquias 1, subdivisés en 
Cusiquias, Furucaritias et Tapacuracas ; à San-Miguel, les Péquicas, les Saracas, les 
Parahacas, les Guazorock, les Fazoros et les Guarayos?; à San-Ignacio, les Sañepicas , 
les Quehuciquias, les Guarayocas, les Samanucas, les Piococas, les Xurubérécas et les 
Punasiquias ; à Santa-Ana , les Guazorocas et les Xamanucas ; à San-Rafael, les Matahucas 
et les Æuatasis ; à San-José, les Chamanucas, les Péroquiquiaz ; à San-Juan, les Boros; à 
Santiago, les Macarañys, les Maxamanucas, les Matahucas et les Mataiminicas ; enfin, à Santo- 
Corazon, encore les Matakucas etles Boros, ainsi que beaucoup d’autres petites sections, qui, 
dans chacune des missions, pourraient, à leur tour, se diviser à l'infini; car chaque grande 
famille a, pour ainsi dire, un nom de tribu différent de sa voisine. Nous avons cru devoir 
donner cette nomenclature de sections, pensant qu’elle ne subira plus de changements, 
les mêmes noms s’étant toujours conservés depuis l'établissement définitif des missions. Les 
Espagnols confondent toutes les nations de la province sous la dénomination de Chiquitos. 

Avant d’être réunie en missions, la nation des Chiquitos habitait tout le centre de la 
province de ce nom, principalement sur le plateau et sur les versans des collines 
granitiques qui constituent le sol montueux de sa partie sud-ouest. Elle s’étendait, 
en latitude, du 16.° degré sud au 18.°, et, en longitude, du 60. au 64. degré ouest, 
bornée au sud-est par les collines de San-José; au sud, par le commencement des 
plaines du grand Chaco; à l’est, par les chaînes de San-Carlos; au nord, par la fin 
des collines du versant au Guaporé, et à l’ouest, par le Rio San-Miguel, occupant ainsi 
un terrain de figure irrégulière et rhomboïdale, dirigée nord-ouest et sud-est. Elle 
était divisée en une multitude de petites tribus fixées au milieu des forêts qui cou- 
vrent toute la province, et dont chacune, sur son petit espace, vivait entièrement 
séparée des autres, ne les voyant que lorsqu'elle y était forcée, à moins qu’elle ne se 
regardàt comme leur parente; car il y avait alors, entr’elles, de fréquentes visites, 
marquées par des fêtes continuelles. Sa principale tribu, celle des HManacicas, habi- 
tait le versant nord des montagnes; elle avait encore plus au nord les Cusiquias 
avec leurs tribus, tandis que les Piñocas étaient près du Rio San-Miguel; les Pénoquis, 
au lieu où se trouve aujourd’hui Concepcion; les Boxos, les Tapiquas et les Taus, près de 
San-Rafael ; les Zabicas, les Boxos encore, les Pénotos etles Aunaros, occupant les parties 
sud de leur territoireÿ, près de San-José. Il ne reste aujourd’hui aucun Chiquito sau- 


1. Cette dernière section parle un dialecte tout à fait corrompu du chiquito, dialecte conservé 
jusqu’à nos jours, et certainement mélangé de mots qui appartiennent à une langue distincte, 
celle des Païconécas. 

2. Il ne faut pas confondre cette dénomination, donnée par les Espagnols à une section 
des Chiquitos, avec un nom identique que porte une tribu des Guaranis dont nous parlerons 
plus tard. 

3. Voyez père Fernandez, de la page 63 à la page 93. 


Homme 
améri- 
“ain. 


( 260 ) 


Homme vage, tous ayant été réduits en missions. On les à répartis sur les différens points 


améri- 
cain. 


de la province, les mélangeant aux nations voisines, dans le but, fondé sur leur plus 
grand nombre, de rendre leur langue générale, et de faire disparaitre les autres idiomes; 
c’est ainsi qu’on en a vu, dans la liste précédente de leurs tribus, jusqu’à Santo-Corazon, 
bien en dehors du lieu qu’ils habitaient étant sauvages. Dans leur état de liberté, ils 
avaient pour voisins, à l’est, les Samucus; au sud, les nations du Chaco, comme les 
Guanas, les Guatos et les Tobas; à l’ouest, les Sirionos du Rio Grande et les Guarayos 
du nord-ouest; au septentrion, non-seulement ils étaient bornés par beaucoup de nations 
distinctes, telles que les Sarabécas, les Otukès, les Tapiis, les Covarécas, les Païconé- 
cas, les Tapacuras et leurs tribus, mais encore ils en enclavaient plusieurs qui, pour ainsi 
dire, sous leur dépendance et vivant en bonne intelligence avec eux, n'étaient séparées 
les unes des autres que par un marécage ou une épaisse forêt. 

Nous pouvons donner un chiffre exact des Chiquitos actuels, en nous servant 
du recensement fait en 1830: par ordre du gouvernement. En défalquant des missions 
les naturels appartenant à d’autres nations, leur nombre positif serait ainsi réparti : 


À Buenavista de'Santa-Cruz:2. 10.60 ue Te 
À San-Francisco-Xavier de Chiquitos. ................. 946 
A"la:Côoncepcion-de:Chiquitossshme rme RRnrAe 900 


À San-Ignacio  — _— tant mn, cinéaste SN Dr 
À San-Miguel  — RU 0 +0) 
À Santa-Ana _ _ EE D NT ARE ET CU A 0 di 398 
À San-Rafael _— — TN Mon ee MR MOD 0 
À San-José _ — sets e AE Sn NE CL CT OO 
À San-Juan _ _ éére bacon Se Mr Cod MORE 319 
À Santiago _— _— Pen Re dd Ref os 484 
À Santo-Corazon — — PR RO M 0 Mo 455 


À Casalvasco du Brésil (enlevés par les Brésiliens) . . . . . . .... 300 


TorTir 1.4: 141075 


Réduits au christianisme par les Jésuites, tous vivent encore, au sein des missions, 
sous l’ancien régime institué par les pères. 

Leur couleur est à peu près celle des Samucus, quoiqu’un peu moins intense; mais 
la nuance est si peu distincte, qu’il faut en voir un grand nombre ensemble pour 
en juger. La teinte est bistré brun-pàle, tenant plutôt de l’olivätre que du jaune. ? 


1. Nous nous sommes procuré sur les lieux tous les renseignemens relatifs à la statistique du 
pays, et nous croyons pouvoir en garantir l’authenticité. 

2. Le père Fernandez, loc. cit., p. 31, s'exprime ainsi sur leur couleur : E! color es de azey- 
tuna (la couleur est celle de l’olive); il les avait donc vus comme nous. 


(- 261 ) 

La taille des Chiquitos, à peu près la même que celle des Samucus, est assez belle, Homme 
et peut s'élever à la moyenne de 1 mètre 663 millimètres (5 pieds 1 pouce). Les plus “7 
hauts ne passent pas { mètre 760 à 790 millimètres (5 pieds 5 à 6 pouces). Les femmes, 
sans être grandes, sont dans la proportion des hommes; quelques-unes atteignent néan- 
moins { mètre 635 millimètres (5 pieds / pouce). 

Les Chiquitos, en général des plus robustes, ont les épaules larges, la poitrine 
avancée et s’effaçant bien; le reste de leur corps, à peu près d’une venue, est des plus 
massif; leurs membres sont fournis, replets, sans muscles saillans. Il est rare de leur 
voir les extrémités amaigries. Bien plantés, se tenant très-droit, ils ont une démarche 
aisée; très-vigoureux seulement en apparence, ils ne résistent guère au travail. Les 
femmes présentent, à peu près, les mêmes formes que les hommes; excessivement 
larges des épaules et du corps, tout, chez elles, atteste la force; mais on y chercherait 
en vain des tournures gracieuses et élancées; elles sont même plus massives que les 
hommes. Leurs seins sont séparés et petits; leurs bras bien faits; leurs pieds et 
leurs mains dans des proportions minimes. Il n’y a que uès-peu de villosité aux 
aisselles et au pubis; encore ne paraît-elle qu’à près de vingt ans. Elles sont des plus 
fécondes. 

Les traits des Chiquitos, différens de ceux des nations du Chaco, peuvent servir de 
type au rameau des collines élevées du centre de l'Amérique. Ils ont la tête arrondie, 
plutôt grosse que moyenne, presque toujours circulaire, rarement comprimée des côtés ; 
la face ronde et pleine, les pommettes nullement saillantes; le front bas et bombé; 
le nez toujours court et légèrement épaté; les narines peu ouvertes, comparativement à 
celles des nations australes. Les yeux, pleins d'expression et de vivacité, sont petits, hori- 
zontaux; cependant, chez quelques individus, ils sont légèrement bridés à l’angle extérieur, 
ce qui les ferait croire un peu relevés; mais le fait est exceptionnel. Les lèvres sont assez 
minces, les dents belles, la bouche est médiocre; le menton arrondi et court; les 
sourcils, bien marqués et minces, sont agréablement arqués; la barbe, peu fournie, 
non frisée, ne croit que dans l’âge avancé, et ne couvre jamais que la lèvre supérieure 
et le dessous du menton; les cheveux, longs, noirs et lisses, jaunissent dans l'extrême 
vieillesse, mais ne blanchissent pas. L'ensemble des traits ne se rapproche aucunement 
du type européen... C’est un autre genre; néanmoins quelques figures sont passables; et 
l'on y remarque de la vivacité, de la gaîté, un fond de bonté, de franchise, une naïveté 
qui intéresse. Nous n'avons jamais vu, chez les Chiquitos, une seule figure longue. Les 
femmes ont également des traits d’un ensemble assez grossier; dans la jeunesse cepen- 
dant, beaucoup sont assez bien, sans être précisément jolies. Leur face est beaucoup plus 
circulaire , beaucoup plus pleine que celle des hommes; leur bouche petite. En souriant, 
elles montrent, presque toutes, deux petites fosseltes aux joues et aux angles extérieurs 
de la bouche. Après vingt-cinq ans leurs traits deviennent semblables à ceux des hommes ; 
la décrépitude les rend des plus disgracieuses. 

La langue des Chiquitos est une des plus étendues, des plus complètes de l'Amé- 
rique. À en croire le Jésuite auteur d’un vocabulaire in-folio de plus de cinq cents 


( 262 ) 


Homme pages!, elle serait fort riche et d’une fécondité illimitée, quant à la combinaison de ses 


améri- 
cain. 


particules. Elle se distingue, en tous points, des autres idiomes du Chaco et du guarani, 
et peut être considérée comme la souche des langues de quelques autres tribus des 
mêmes contrées. Néanmoins, en la considérant sous le rapport des sons, on y trouvera 
beaucoup de ceux qui caractérisent la langue guaranie, comme celui de notre 4, pro- 
noncé du nez, un peu différemment de l’& français, très-rare chez les autres peuples, 
ainsi que les sons prononcés du nez et de la gorge; mais ces derniers s’écartent de ceux 
des langues des plaines, et ce n’est jamais une gutturation analogue à celle du j espagnol. 
En un mot, à l'exception de lu, plus accentué que le nôtre, la langue peut être consi- 
dérée comme plus douce que dure, particulièrement pour les Français accoutumés aux 
diphthongues. La langue chiquita n’a pas le c. espagnol. Il y est remplacé par le nôtre 
qui y devient caractéristique, s’employant très-fréquemment et surtout à la fin des mots, 
comme dans Vapeich?, les côtes, et Paich, femme; mais toujours sans e muet après, 
c’est-à-dire sans prolongation de son. Une particularité de cette langue, c’est la diffé- 
rence d'expression des mêmes objets pour les deux sexes. Non-seulement les noms 
des objets indiqués par la femme ont une terminaison autre que pour les hommes, 
mais encore il y a souvent des mots tout à fait dissemblables; ainsi l’homme exprime 
père par /yàr, et la femme par Yxupu (prononcez Ychoupou). Comme nous l'avons 
fait remarquer pour la langue samucu , les noms des parties du corps commencent pres- 
que tous par une même lettre; dans la langue chiquita, c’est un W, exemple Nochosté, 
joue; Véñémosis, oreille, et Vosuto, yeux. La tribu des Cuciquias parle un dialecte du 
même idiome, c’est-à-dire que, dans presque tous les mots, elle supprime les finales en ck, 
ne se servant presque jamais de ces sons. Chez elle les noms des parties du corps ne 
commencent plus par un Ÿ, mais bien par un ©. Exemple : Ofñumasis, oreille; Osuto, 
yeux. Les Chiquitos ne savent compter que jusqu'à un ({ama), n'ayant plus ensuite 
que des termes de comparaison. 
Leur caractère consiste généralement en un fonds de bonté à toute épreuve; ils ont 
des goûts sociables, de la fixité dans les idées, aiment peu le changement, et se sou- 
mettent volontiers à tout ce qu’on leur ordonne; par de bons procédés, on peut en 
obtenir tout ce qu’on veut. Leur abord inspire la confiance; l'hospitalité est chez eux 
poussée à l’extrème. Nullement jaloux de leurs femmes, ils sont si peu rancuneux, qu’ils 
ont les attentions les plus délicates pour ceux-là même qui les font châtier. En un 


1. Nous avons trouvé, dans les missions des Chiquitos, le dictionnaire de la langue générale , 
resté manuscrit et se composant de trois volumes : 1° un volume in-folio de plus de 500 pages, 
chiquito-espagnol; 2° un volume in-8. de plus de 400 pages, espagnol-chiquito ; 3° une grammaire 
in-8.° Rien n’a été écrit de plus complet sur aucune langue américaine, et nous regardons ces 
trois ouvrages comme renfermant en ce genre les documens les plus précieux que nous ayons 
rapportés de ces contrées. 

2. Comme nous l'avons déjà fait remarquer, les dictionnaires écrits par les Espagnols rendent 
ces sons par un #, la langue castillane n'ayant pas de signes qui représentent notre ch. 


( 263 ) 

mot, semblables à de grands enfans, sans volonté, ils sont doués néanmoins d’un juge- 
ment sain et d’un esprit naturel, qui se manifestent à chaque instant; mais aussi, comme 
les enfans, ils aiment peu le travail; et libres, leur peu de prévoyance pourrait les exposer 
à manquer souvent du nécessaire dans les années de mauvaises récoltes. Autant ils sont 
peu travailleurs, autant ils sont ardens pour le plaisir, se livrant tour à tour à la danse et 
aux jeux d'adresse, surtout dans ces réunions motivées par le désir de boire des liqueurs 
fermentées, qui exaltent encore leur hilarité. Tous musiciens nés, ils composent même 
des airs et des chants. L’Indien chiquito passerait heureusement sa vie près d’un vase 
de liqueur de maïs fermenté, ne se dérangeant que pour chanter, danser, faire de la 
musique ou chasser ; car la chasse, son exercice primiuf, lui est toujours chère. Ancien- 
nement guerriers redoutés par leurs voisins, les Chiquitos ont conservé, dans l’état 
de domesticité, si l’on veut bien nous passer ce terme, leur goût pour la vie hasar- 
deuse du chasseur. Capables de beaucoup d’attachement et de beaucoup de dévoue- 
ment, ils n’ont pourtant pas tous cet amour paternel ou filial qui caractérise l’homme 
Sauvage ; ils se séparent facilement et sans émotion de leurs enfans; habitude qui leur 
était déjà familière avant d’être réunis en villages.1 

Les mœurs ‘des Chiquitos diffèrent essentiellement de celles des nations du Chaco. 
Tous agriculteurs, ils durent nécessairement se fixer en des lieux où ils trouvaient des 
ressources pour la culture; mais chasseurs en même temps, 1ls se divisèrent en très- 
petites tribus, afin de ne pas se nuire mutuellement; de là leur usage constant de vivre 
au sein des bois, sous des ombrages protecteurs de la chasse et conservateurs d’une 
humidité nécessaire à la réussite de leurs travaux agricoles; de là, pour eux, l'habitude 
de se séparer par familles, au lieu de former un corps de nation. Telle était leur manière 
de vivre avant que les Jésuites les amenassent aux missions?. Leurs maisons, couvertes 
en paille, avaient alors une perte si basse, qu’elle ne permettait d’y entrer qu’en ram- 
pant, ce qu'ils avaient imaginé pour se préserver des mouches et des attaques de leurs 
ennemis. Chaque famille laissait ses enfans entièrement libres jusqu’à l’âge de qua- 
torze ans, époque à laquelle ceux-ci se séparaient de leurs parens et allaient vivre en 
commun dans une maison distincte, consacrée aussi à recevoir les étrangers, dont les 
visites déterminaient toujours des fêtes où l’on s’enivrait de bière de maïs. Les jeunes 
gens des deux sexes dansaient souvent la nuit. 

Un garçon voulait-il se marier? il allait chasser, et déposait, à son retour, sa chasse 
à la porte des parens de sa belle, qui l’acceptaient pour leur gendre, s'ils étaient 
contens du produit. Les chefs seuls se permettaient la polygamie. Une fois mariée, la 


1. Le padre Fernandez, Loc. cit., p. 41, dit qu’à l’époque où il écrivait (1723), les Chiquitos 
se vendaient. Nous avons, en 1831, retrouvé chez eux cette coutume. 

2. Nous avons obtenu beaucoup de ces détails sur les lieux mêmes. Quelques-uns de ceux qui 
sont relatifs au temps antérieur à la conquête, sont tirés de l’ouvrage du père Fernandez, Relucion 
historial de los Chiquitos, et des renseignemens conservés dans le pays. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 264 ) 


Homme femme s’occupait de la cuisine, du ménage, filait et tissait, couchait à terre, tandis que le 


améri- 
ain. 


mari s’étendait dans son hamac. Celui-ci cultivait le champ et chassait. Tous les matins, 


- jusqu'à ce que le soleil eüt séché la rosée, il jouait de la flûte, puis commençait sa 


journée de travail, achevée à midi. Alors, comme à présent, l’automne était une 
époque où tous les Indiens se séparaient et s’enfonçaient dans les forêts, pendant plus 
d’un mois, pour chasser, apportant ensuite chacun sa hotte ou Panaquick remplie de 
chair boucanée. Intrépides guerriers, maniant avec adresse l’arc et la flèche, ils atta- 
quaient leurs voisins, et faisaient des esclaves, auxquels souvent leur bonté naturelle 
les portait à donner pour femmes jusqu’à leurs filles. Ils aiment la musique, cherchent 
tous les moyens possibles de s'amuser, dansent continuellement et sont toujours dis- 
posés à jouer. Parmi leurs jeux, il en est un caractéristique, celui du Guatorock, jeu 
de balle, d'autant plus singulier , que deux ou trois cents individus peuvent s’y intéresser 
à la fois, et que la balle est lancée par les joueurs avec la tête’. Tous ces divertissemens se 
sont conservés dans les missions actuelles, ainsi que le fond de leurs anciennes coutumes. 
Dès l'instant où une femme est enceinte, elle interrompt, jusqu’à la fin de l’allaitement 
de son enfant, toute communication avec son mari. 

Avant que cette nation se soumit au christianisme, l’industrie était-chez elle dans 
l'enfance; cependant les femmes savaient filer et tisser; les hommes fabriquaient leurs 
armes, chassaient à l’arc et péchaient au moyen d’une racine qui, jetée dans l’eau, 
étourdit momentanément le poisson, lequel vient de suite à la surface et se laisse 
prendre sans peine. Jamais les Chiquitos n’ont navigué sur les rivières. Dans les missions 
ils ont montré de l'aptitude à tout, et maintenant on trouve parmi eux des artisans 
de toute espèce. 

Les hommes allaient nus, les femmes se couvraient d’une chemise sans manches?; 
et s’ornaient de bracelets et de colliers. Dans les jours de fête, avant d’être Chrétiens, 
les Chiquitos portaient des ceintures de plumes colorées, et comme signe de vic- 
toire, la queue et les plumes des oiseaux tués par eux. Ils avaient aussi une cou- 
tume qui n’existe plus aujourd’hui, celle de se percer les oreilles et la lèvre inférieure, 
afin d'y introduire des plumes de couleur. Les deux sexes ne se laissaient pousser les 
cheveux qu'après l’âge de vingt ans; usage encore suivi, ainsi que beaucoup d’autres, 
qui n’ont pas été modifiés par la demi-civilisation des missions. Le costume des femmes 
est toujours le même. 

Les Chiquitos étaient gouvernés par une foule de petits chefs ou Zriabos, élus par le 
conseil des vieillards, et conduisant chacun sa petite tribu, tout en remplissant les fonc- 
tions de médecin. Souvent ils partaient avec les leurs et attaquaient les tribus voisines, dans 
le seul but de se faire une réputation de bravoure qui contribuait à leur donner beaucoup 
d'importance; mais il n’existait entre tous aucune union dont püt résulter une force réelle. 


1. Nous avons souvent été témoin de ces jeux, un des grands divertissemens de cette nation. 


2. Schmidel parle de leur costume, en 1548, lors de l'expédition d’Irala, édition de Buenos- 
Ayres , p. 48 à 52. 


( 265 ) 


Ils se recherchaient peu, faisaient rarement cause commune; et, disséminés en centaines Homme 


de sections, ne formaient point, à proprement parler, de corps national. 

Selon le père Fernandez', leur religion se réduisait, dans l’état sauvage, à la 
croyance d’une autre vie, motivant l’enterrement d’armes et de vivres avec les morts. Ils 
craignaient un être malfaisant, appelaient la lune leur mère, sans lui rendre de culte; 
mais , lorsque la planète s’éclipsait, pensant que des chiens la mordaient et lui tiraient 
du sang, ils sortaient de leurs cabanes et lançaient contre elle des flèches jusqu’à la fin 
de l’éclipse. Ils se figuraient aussi que les éclairs devaient être les àmes des défunts qui 
descendaient du séjour des étoiles. Superstitieux à l’extrème, ils croyaient et croient même 
encore à l'influence des astres sur l’avenir, tirant des augures du chant des oiseaux ou 
de la présence d’un animal, dans certaines circonstances données. Les Iriabos pratiquaient 
des succions sur les malades?; ils attribuaient quelquefois la maladie à des causes 
futiles, comme d’avoir donné de la chair de tortue à leur chien, ce qui poussait l’âme 
de la tortue à venir venger cette injure; mais si le mal résistait, l’Iriabos l’attribuait à une 
femme désignée par lui; et alors les parens allaient la tuer. La section des Manacicas, 
selon le même auteurê, aurait eu une religion bien plus compliquée et une espèce 
de trinité, analogue à celle des catholiques : un Dieu père, un Dieu fils et un Saint- 
Esprit; une déesse, femme du père; un prêtre (Manopo), rendant les oracles, quand 
les dieux ne descendaient pas pour les rendre eux-mêmes; un cinquième dieu, Zsituuck, 
dieu de l'eau, et un sixième, faisant passer le Styx. Aujourd’hui des plus religieux, 


les Chiquitos sont très-bons catholiques. Ils ont néanmoins conservé beaucoup des 


superstitions de leur état sauvage. 

Le résumé de tout ce qui précède est : 1. que les Chiquitos n’appartiennent pas 
au même rameau que les Indiens du Chaco, dont ils diffèrent par les traits, par la 
face beaucoup plus ronde, par la couleur moins foncée, par les mœurs, les habitudes; 
2. qu'ils ne sont pas non plus de la race guaranie, dont ils se distinguent par une 
couleur plus brune et l'horizontalité des yeux; mais qu’avec les Samucus et quelques 
autres petites nations des collines du centre de l’Amérique, ils doivent constituer un 
rameau particulier, rapproché des nations des plaines inondées de la province de Moxos 
et appartenant évidemment, par la couleur, à la race pampéenne. 


1. Voyez Relacion historial de los Chiquitos, p. 39; description reproduite dans le Choix de 
lettres édifiantes, 1. VIII, p. 260, et Charlevoix, Paraguay, t. II, p. 236. | 

2. Relacion, etc., p. 28 et 29. 

3. Loc. cit., p. 228 et suiv. Il est à craindre que cette religion ne soit apocryphe et toute 
d'invention; l'exposé en est fait par un Jésuite dont les récits ultérieurs semblent annoncer qu'il en 
impose. On en trouve une copie dans le Choix de lettres édifiantes, t. VIII, p. 194. 


1V. Homme. 


ea 
ES 


améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
can. 


( 266 ) 


NATION SARAVÉCA. 


Saravéca est le nom imposé sur les lieux à une nation que nous avons rencontrée 
au sein des missions de la province de Chiquitos, ‘et dont jusqu'ici aucun historien 
n'a fait mention. 

D’après ce que nous ont appris leurs vieillards, les Saravécas, avant d’être réunis dans 
les missions des Jésuites, vivaient au sein des forêts qui avoisinent la Réduction actuelle 
de Santa-Ana, vers l’est, sur les chaines nord-est des dernières collines de la province 
de Chiquitos, vers le 16.° degré de latitude sud, et par le 62.° degré de longitude ouest 
de Paris, formant plusieurs petites tribus voisines les unes des autres, et, pour ainsi 
dire, enclavées par les Chiquitos sur la frontière nord-est du territoire qu’occupe cette 
nation. Aujourd’hui aucun Saravéca ne se trouve à l’état sauvage, tous étant soumis au 
christianisme, dans la mission de Santa-Ana. 

Au nombre encore de deux cent cinquante, au moins, à Santa-Ana, et d’un cent 
environ à la Réduction de Casalvasco, où les Portugais les ont menés, leur chiffre total 
peut, en tout, s'élever à trois cent cinquante. 

Leur couleur, leur taille, leurs formes, leurs traits, sont les mêmes que ceux des 
Chiquitos; mêlés avec ceux-ci, on ne peut les distinguer les uns des autres; seulement 
nous avons cru remarquer qu’on trouve, parmi les Saravécas , les plus jolies figures de 
la mission de Santa-Ana, sans qu’elles présentent toutefois la moindre différence dans 
les caractères particuliers. 

Le langage seul diffère essentiellement; car la confrontation des vocabulaires écrits 
par nous sur les lieux, au moyen de bons interprètes, nous a fait reconnaître que 
ce n’était pas une variante d’une même langue, mais bien un tout autre idiome. On 


ne rencontre plus, chez les Saravécas, ni le son de notre #, ni le ck final des Chiquitos, 


ni le changement d’expressions selon les sexes. La langue saravéca se distingue d’une 
autre manière : elle présente, dans la prononciation du j espagnol, une forte guttura- 
tion, qu’on retrouve dans beaucoup de mots; mais c’est la seule intonation dure ou 
peu euphonique; car elle n’a ni diphthongues, ni son nasal. Des plus facile à écrire 
pour un Français espagnolisé, elle a le c4 espagnol et le cz français, ainsi que le son 
du z de cette dernière langue, rare parmi les idiomes américains. L'emploi des voyelles, 
surtout de l final, comme dans Æjarati, les côtes, y est le plus fréquent, ainsi que 
celui de lu espagnol (o4 des Français), comme dans 4cunéchu , femme. La même sin- 
gularité que dans les langues chiquito et samucu sy remarque pour la formation 
des noms des parties du corps; presque tous commençant, comme chez les Chiquitos, 
par un V; mais ils diffèrent en tout le reste, ainsi qu’on peut le voir par Vozoviwr, 


joue; Nunihijé, oreille, et Nohé, yeux. Les Saravécas n’ont d'autre système de numéra- 


( 267 ) 


tion que les noms des cinq doigts de la main, qu’ils étendent jusqu’à cinq mains, ce qui 
fait vingt-cinq. 

Leur caractère est analogue à celui des Chiquitos; même bonté, même gaité soute- 
nue, même goût pour les plaisirs et les fêtes. 

Leurs mœurs, avant qu'ils ne fussent Chrétiens, paraissent aussi avoir été semblables 
à celles des Chiquitos. C’est au moins ce que nous avons cru pouvoir conclure des 
renseignemens, malheureusement trop vagues, que les Indiens nous ont procurés. 
Chrétiens, ils ressemblent absolument aux Chiquitos, soit par leur manière de vivre, 
soit par le costume des hommes et des femmes. Leur gouvernement devait, sans doute, 
être analogue. Quant à leur ancienne religion, nous n’en avons pu rien apprendre. 

Ainsi les caractères physiques étant les mêmes chez les Saravécas que chez les Chi- 
quitos, leurs mœurs et coutumes étant identiques, nous les regardons comme une 
nation distincte du même rameau, caractérisée seulement par une langue différente. 


1. Lors de notre séjour à Santa-Ana (1831 ), quoique la langue saravéca se parlât encore entre 
les Indiens de cette tribu , elle commençait à disparaître et à se mélanger de chiquito; ce que 
nous avons su d’un vieil Indien de cette nation, interprète de l’espagnol et le seul qui la parlàt 
purement. Nous ne doutons pas que dans quelques années, elle ne disparaisse entièrement , comme 
celle des Curuminacas et autres, dont nous aurons occasion de parler. 


Homme 
améri- 
Cain. 


Homme 
améri- 
«ain. 


( 268 ) 


NATION OTUKËS.: 


Cette nation se donne elle-même le nom d’Otukés ou Otuques, que lui appliquent les 
autres peuples de la province de Chiquitos, ainsi que les Espagnols des missions. Elle 
n'a jamais été indiquée par les anciens écrivains; et nous croyons être le premier à la 
faire connaître. 

Les Otukès, s’il faut s’en rapporter à leurs compatriotes, habiteraient les forêts épaisses 
couvrant les parties nord-est de la province de Chiquitos, non loin des frontières 
du Brésil, et formeraient une lisière qui s’étendrait du sud-est au nord-ouest, entre le 
17." et le 18.° degré de latitude sud, et à peu près au 60.° degré de longitude ouest de 
Paris, ayant pour voisins, au sud, les Samucus, et même, peut-être, des tribus des 
Chiquitos, qui, avec les Saravécas, et surtout les Covarécas et les Curuminacas, les 
enveloppaient vers l’ouest. Tous, aujourd’hui, sont réduits au christianisme dans la 
mission de Santo-Corazon, et aucun, au moins à ce qu'ils assurent, n’est resté sauvage. 

Leur nombre est d’environ cent cinquante. 

Les Otukès ressemblent aux Saravécas, en ce qu'ils ont la couleur, la taille, les 
formes et les traits des Chiquitos; mais en général, nous avons cru remarquer que, tout 
en ayant les mêmes figures, ils sont plus laids et moins bien faits que les autres. 

L'idiome des Otukès diffère essentiellement de celui des autres nations de la pro- 
vince. Nous en avons écrit un vocabulaire que nous avons confronté avec toutes les 
langues voisines, et parmi quelques centaines de mots, nous n’en avons trouvé que 
quelques-uns qui se rapprochassent de la langue chiquito, ce qui peut provenir de l'oubli 
de leur idiome primitif et de l'habitude qu'ils ont prise de parler le chiquito?. Nous 
avons cru y rencontrer aussi un petit nombre de mots ayant du rapport avec ceux des 
Saravécas; sans qu’on puisse néanmoins en déduire d’autre conséquence que celle de rela- 
tions accidentelles avec ces derniers. La langue otukè n’a aucune gutturation, très-peu de 
diphthongues ou de sons venant du nez. Elle est des plus douce et des plus facile soit à 
entendre, soit à écrire; elle possède le cz espagnol et le cz français; mais aucune autre 
inflexion ou articulation du français que l’z nasal, encore cette articulation y est-elle 


1. Prononcez Otoukès. Nous n’avons changé l'orthographe usuelle d’aucun nom, dans la crainte 
d'augmenter la confusion, déjà beaucoup trop grande. 

2. En 1831, il ne restait plus à Santo-Corazon que deux Indiens âgés qui se rappelassent cette 
langue, déjà oubliée par leurs enfans; aussi, peut-être, n’y a-t-il aujourd’hui d’autre trace de 
leur langage que le vocabulaire que nous en avons rédigé. Les Jésuites voulaient amener toutes les 
nations à parler une seule langue, celle des Chiquitos, en forçant les naturels à prier dans celle-ci; 
ce qui a fait insensiblement disparaitre tous les idiomes parlés par les moins nombreuses. 


( 269 ) 


rare: la langue manque absolument de z et d’s simple. Ses mots ne finissent jamais par 
2; 8 J E 


une consonne, mais toujours par les voyelles, en a, e, i, o, u et ou. Du reste, elle offre 
encore la singularité que nous avons fait remarquer dans la langue des Samucus, des 
Chiquitos et des Saravécas, que beaucoup des noms des parties du corps commencent 
par une lettre déterminée; exemple : /vérana, joue; Zchaparara, oreille; Zchaa, yeux. 
Les Otukès n’ont aucun système de numération. 


Leur caractère nous à paru analogue à celui des Chiquitos; à l'exception de leur 


gaité, que nous n'avons pas trouvée aussi franche. Ils sont plus taciturnes; et tiennent 
à leur liberté, au point d’avoir quelquefois regagné les bois dont ils étaient sortis, lors- 
qu'ils se voyaient tourmentés par un administrateur peu facile; mais aussitôt qu’on les 
prenait par la douceur, ils rentraient sous le joug avec une extrême docilité. 

Quant aux mœurs, au gouvernement et à la religion, nous ignorons entièrement 
ce qu'étaient les Otukès, avant leur conversion au christianisme; ils ont aujourd’hui 
les usages et le costume des Chiquitos. 

Cette nation nous semble appartenir au rameau chiquitéen par ses caractères phy- 


siques; se distinguant néanmoins des Chiquitos par une langue toute différente. 


Homme 
améri- 
tain. 


Homme 
améri- 
car. 


( 270 ) 


NATION CURUMINACA.: 


A la mission de Santa-Ana de Chiquitos, il existe une nation appelée Curuminaca, 
nom également consacré par les Chiquitos et par les Espagnols, sans que jamais il en ait 
été fait mention par les historiens. 

Les rapports des vieux Indiens feraient croire que les Curuminacas ont dü habiter 
vers le nord-est de la province, entre les Saravécas et les Otukès, c’est-à-dire au milieu 
des forêts qui couvrent les plaines et les montagnes granitiques des frontières du Brésil, 
par le 16.° degré de latitude sud et à peu près par le 62.° degré de longitude. Leurs 
tribus, peu nombreuses, communiquaient fréquemment avec les Saravécas, qu'ils sui- 
virent à la mission de Santa-Ana, lorsque ceux-ci embrassèrent le christianisme. Il n’en 
reste aucun de sauvage. 

Leur nombre est à peu près de cent à la mission de Santa-Ana, et peut-être de 
cinquante parmi les Indiens enlevés de cette mission pour peupler Casalvasco, ce qui 
forme un total d'environ cent cinquante. 

Pour tous les caractères physiques et moraux, ils ne diffèrent aucunement des Chi- 
quitos, avec lesquels ils sont confondus, et dont ils se regardent maintenant comme les 
alliés. 

Les Curuminacas ont oublié leur langue primitive. Un de leurs vieillards a pu seul 
nous en communiquer quelques mots, qui en sont les uniques vestiges. Il nous assura, 
d'accord avec les anciens de la mission, que la langue des Curuminacas devait se 
distinguer des autres langues de la province. La confrontation du peu de mots que 
nous avons recueillis, nous a fait reconnaître que sur quatorze, cinq avaient un peu 
d’analogie et dérivaient évidemment de la langue otukès, tandis que les autres diffé- 
raient essentiellement des idiomes chiquitéens; ce qui nous donnerait lieu de croire 
que cette nation a été réellement distincte; mais qu’elle a eu de fréquens rapports avec 
les Otukès. Il résulte du peu de mots que nous possédons, que les Curuminacas avaient 
dans leur langage : 1.” beaucoup de sons gutturaux et nasals, tels que le 7 espagnol et 
lu prononcé du nez; 2° qu'ils avaient aussi le ck espagnol, le ck et le z français; 3.° que 
leurs mots ne devaient se terminer que par des voyelles. 

Nous pensons donc que les Curuminacas ne sont autres qu’une très-petite nation 
bien voisine des Otukès, appartenant évidemment, par tous ses caractères, au rameau 
chiquitéen. 


1. En français Courouminaca. 


( 271 ) 


NATION COVARÉCA. 


Sous ce nom vivait, à la mission de Santa-Ana de Chiquitos, une nation qui, selon 
les vieillards, y aurait été amenée par les Jésuites (du 17.° degré de latitude sud et du 
61.‘ degré de longitude ouest de Paris) en même temps que les Saravécas et les Curu- 
minacas, ces derniers étant leurs amis et alliés; mais les mœurs des Covarécas, caracté- 
risées par un goût dominant pour la vie errante du chasseur, les auraient rendus indociles 
aux Jésuites, qui n’en firent jamais de bons chrétiens. Plusieurs d’entr’eux, au nombre 
de cent environ, regagnèrent les bois d’où ils étaient sortis; et quelques autres, en 
s’alliant à des nations différentes, finirent par se fixer à Santa-Ana, où il en reste peut- 
être encore une cinquantaine. 

Leurs caractères physiques sont les mêmes que ceux des Chiquitos, dont on ne 
saurait les distinguer; mais, plus amis de leur liberté sauvage, ils furent toujours 
les plus incorrigibles voleurs de la province. Presque tous ceux qui existent aujour- 
d’hui ont échangé leur langue contre celle des Chiquitos. Ne nous en rapportant pas 
entièrement aux indigènes, qui nous disaient leur langage distinct de celui de tous 
les peuples de la province, nous avons encore consulté un très-vieil Indien qui 
nous en dicta quelques mots, par lesquels nous avons pu nous assurer que, comme 
la langue curuminaca, avec laquelle elle a de l’analogie, la langue covaréca se rap- 
proche, pour le tiers des mots, de celle des Otukès; ce qui pourrait faire croire, 
malgré le nombre des termes différens, que la nation covaréca en est peut-être une 
tribu, ou que, tout au moins, elle est voisine des Otukès. La langue a le son guttural 
du j espagnol, ainsi que l’u nasal des Américains, beaucoup de voyelles terminales, quel- 
ques-unes dans l’intérieur des mots et aucune prononciation de ck; mais, nous le 
répétons , nous possédons trop peu de documens pour pouvoir donner une solution 
positive relativement à cette langue. Le seul fait que nous soyons en mesure de garan- 
ur, c’est que les Covarécas appartiennent au rameau chiquitéen. 


—re——— 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


(272 ) 


NATION CURAVÉS.: 


À la mission de Santo-Corazon de Chiquitos, nous avons rencontré des indigènes 
portant le nom de Curavès, qui, avant d’être réunis aux autres Indiens de cette mis- 
sion, auraient, selon les vieillards, habité les rives du Rio Tucabaca, au-delà de 
l’ancien Santo-Corazon, c’est-à-dire au 19.° degré de latitude sud, entre les 59.° et 
60. degrés de longitude, au milieu des forêts bornant, au sud, les dernières petites 
collines granitiques du plateau de Chiquitos. Aujourd’hui les Curavès peuvent être 
encore au nombre de cent cinquante dans la section (Parcialidad) qu’ils forment à 
Santo-Corazon. 

En les considérant sous le rapport de leurs caractères physiques, nous ne les avons 
nullement trouvés différens des autres indigènes de la province. Leurs mœurs nous 
ont également paru identiques; et nous ne les aurions pas séparés des nombreuses sec- 
tions des Chiquitos proprement dits, si tous les Indiens de leur nation, ainsi que les 
Poturéros et les Samucus, leurs voisins, ne s'étaient accordés à nous assurer qu’ils 
parlaient une langue distincte de celle des autres nations, ce dont nous n’avons pu nous 
assurer par nous-même; tous ayant entièrement oublié leur idiome primitif, par suite 
de l’obligation dans laquelle ils se sont trouvés de parler continuellement celui des 
Chiquitos. Aucun Indien même n’a su nous donner une idée de ce qu’il pouvait être. Du 
reste les Curavès appartiennent évidemment au rameau chiquitéen. 


1. Prononcez en français Couravès. 


( 273 ) 


NATION TAPIIS. 


Nous avons rencontré, dans la mission de Santiago de Chiquitos la nation Tapüs, qui, 
pour les caractères physiques et moraux, se trouve dans les mêmes circonstances que 
celle des Curavès. Tous les naturels s'accordent à dire que les Tapiis parlaient une langue 
distincte des autres nations; mais comme ils l’ont entièrement oubliée, nous ne saurions 
dire jusqu’à quel point cette allégation doit être admise. Il y en a cinquante environ 
dans Santiago; et l’on doit sans doute attribuer à leur petit nombre la perte de leur 
langue primitive. D’après les renseignemens que nous avons obtenus, les Tapiis auraient 
habité les forêts situées au nord-est, entre le 17.° et le 18.° degré de latitude sud, et 
vers le 60.° degré de longitude ouest de Paris; ils se seraient alors trouvés enclavés par 
les Otukès, dont ils sont peut-être une section. ‘ 


NATION CURUCANECA. 


Les Indiens de ce nom, au nombre d’une cinquantaine, au plus, habitent encore la 
mission de San-Rafael, où ils sont mêlés aux Chiquitos, dont ils ont adopté le langage, 
en oubliant totalement le leur, que tous les autres naturels et eux-mêmes nous ont 
assuré être différent. Nous n'avons aucun moyen de vérification du fait; mais les Curu- 
canécas ayant les traits, la couleur et les formes des Chiquitos, il nous est au moins 
possible d'affirmer qu’ils appartiennent au même rameau. Ils ont été amenés des forêts 
du nord-est de la mission (vers le 62.° degré de longitude ouest et le 16.° degré de 
latitude sud), et peuvent fort bien n'être qu’une tribu des nations qui occupaient 
cette partie, comme les Saravécas, les Otukès, les Curuminacas et les Covarécas. 


IV. Homme. 35 


Homme 
améri- 
cain. 


Horime 
améri- 
calin, 


( 274 ) 


NATION CORABÉCA. 


Celie nation vivait au sud de San-Rafael (vers le 18.° degré de latitude sud et le 
62. degré de longitude ouest), aux frontières du grand Chaco, d’où elle fut amenée 
à cette mission par les Jésuites; mais, toujours indociles, toujours sauvages, rigoureu- 
sement châtiés pour de fréquentes violations du droit des gens, les Corabécas ne 
devinrent jamais bons chrétiens, finirent par abandonner San-Rafael et regagnèrent 
les forêts d’où ils étaient sortis, et où ils sont probablement encore. Ils étaient spé- 
cialement chasseurs; et, d’après ce qu’un de leurs vieillards nous affirma, ils auraient 
eu une langue distincte de celle des autres. Quoique nous ne puissions rien dire de 
formel sur leurs caractères physiques, qui nous ont paru les mêmes que ceux des 
Chiquitos, nous pensons qu’ils appartiennent au rameau chiquitéen et nous en faisons 
mention, afin que d’autres voyageurs, plus heureux que nous, puissent, en les voyant, 
déterminer positivement ce qu’ils peuvent être. On assure qu'ils ne sont pas plus d’une 
centaine environ. 


NATION PAICONÉCA.:1 


C’est sous ce nom que la nation qui nous occupe est connue dans la mission de Con- 
cepcion de Chiquitos; on l’y regarde comme distincte de toutes les autres tribus habi- 
tant le même lieu; mais, en confrontant avec soin les langues, nous pensons qu'on y 
doit joindre les Paunacas? qui, sans doute, appartiennent à la même nation, quoique 
vivant plus au sud. 

Les Païconécas furent amenés des forêts du nord-est à Concepcion par les Jésuites, 
qui les y réunirent aux Chiquitos, pour en faire des Chrétiens. Ils vivaient, divisés en 
petites tribus, sur le versant nord des collines granitiques de la province de Chiquitos, 
le long des cours d’eau, au sein d’épaisses forêts, dont l’ombre favorisait leur culture, 
tout en leur permettant la chasse, leur principal délassement. L'espace qu’ils occupaient 


1. Ce seraient peut-être les Paicunoes, vus par Francisco Rivera en 1543. (Voyez Barcia, 
Historiadores primitivos de las Indias; Comentarios de Alvar Nuñez Cabeza de Baca, p. 55.) 

2, Le père Fernandez, Relacion historial de los Chiquitos, p. 296, cite une fois le nom de 
celle tribu; c’est, au reste, tout ce qu’on en savait avant nous. 


: (27) 

était assez vaste, et leurs tribus éparses s’étendaient au 16. degré de latitude sud, 
et en longitude, du 63. au 64.° degré ouest, entre les sources du Rio Blanco et du 
Rio Verde. Ils avaient pour voisins, au sud, toutes les tribus des Chiquitos; à l’est, 
les Saravécas; à l’ouest, les Chapacuras de Moxos, également dispersés vers le nord, 
en les enveloppant, pour ainsi dire. Aujourd’hui, la plus grande partie de la nation 
est fixée à la mission de Concepcion; mais il n’en reste pas moins quelques tribus sau- 
vages, qui, après avoir déserté les missions, ont regagné leurs asiles primitifs. 

Quant au chiffre des individus composant la nation, parmi ceux que réunit la 
mission de Concepcion, on compte à peu près 360 Païconécas et 250 Paunacas, nom- 
bres auxquels on peut ajouter au moins celui de 300, pour représenter les indigènes 
vivant au sein des forêts; le total serait donc de 910 âmes. 

Leur couleur, semblable à celle des Chiquitos, est néanmoins un peu plus foncée ou 
plus olivâtre. 

La taille des Païconécas est aussi absolument la même que celle des Chiquitos, e'est- 
à-dire que, terme moyen, ils peuvent avoir 1 mètre 663 millimètres (5 pieds { / pouce). 

Les formes du corps ne diffèrent pas non plus de celles des Chiquitos. Il en est de 
même des traits; néanmoins on trouve, généralement, chez eux, des figures plus laides, 
des traits plus grossiers, le nez plus petit, et surtout une physionomie moins expres- 
sive et annonçant moins de gaité dans le caractère. Également bons, et, à tous égards, 
différant peu des Chiquitos, ils sont seulement plus taciturnes et moins disposés à la 
joie; enfin, plus spécialement chasseurs, les Païconécas tiennent davantage à leur 
liberte. ‘ 

Leur langue diffère essentiellement de celle des autres nations de la province, non 
par des caractères qui se saisissent au premier aperçu; mais par des mots venus évidem- 
ment d’une source distincte, puisqu'ils ne se rapportent en rien aux autres idiomes. 
Le son de l’x nasal, assez commun dans le dialecte des Paunacas, manque totalement 
dans celui des Païconécas; le j espagnol se retrouve avec toute sa dureté dans les 
deux tribus : ce sont, au reste, les seules intonations venant du gosier. Il n’en est pas 
ainsi des sons nasals, qui abondent surtout dans les diphthongues, comme on, an. La 
langue païconéca offre fréquemment la prononciation du c* espagnol, très-rarement 
celle des Français; du reste, sans rien avoir de bien caractéristique, elle ne manque 
pas d’euphonie. De même que les autres idiomes du rameau chiquitéen, elle présente, 
quoique moins régulièrement, cette singularité, que beaucoup des noms des parties 
du corps commencent par Z ou Æui, comme dans Ipihi, joue? (prononcez /pukr) ; 
Huichuca, oreille, et Zhuiké, yeux, qui se dit Æwikis dans le dialecte Paunaca. I n'y 
a , dans cette langue, aucun système de numération, qu’y remplacent à peine quelques 
termes de comparaison, eux-mêmes très-bornés. 

Les mœurs, les habitudes, et jusqu'au costume des Païconécas, sont identiques à 
ceux des Chiquitos, au moins quant à leur manière d’être moderne. Ils vivent au 


1. Les Paunacas disent Auimilo (prononcez houimilo ). 


Homme 
améri- 
cain. 


a 


Homme 
améri- 
calin, 


(276 ) 


milieu des forêts, y semant du maïs et diverses espèces de légumes, qui leur servent 
de nourriture. Ils pêchent et chassent par délassement; et leurs femmes, au sein des 
bois, continuent à filer et à tisser, s’occupant en outre des autres travaux qui leur 
étaient connus avant l’arrivée des Espagnols, et de ceux auxquels on les a formées dans 
les missions. Les hommes ont repris leur coutume primitive; ils vont nus, et leurs 
femmes portent la chemise sans manches. Ils n’ont rétabli l’usage ni de la peinture ni 
de la barbote. Quant au gouvernement, il est probable qu’ils avaient jadis des chefs 
par tribu, puisqu'ils en conservent même encore aujourd’hui; mais lorsque les Indiens 
ne sont pas soumis aux coutumes des missions, ces caciques n’ont que très-peu d’au- 
torité. Leur religion ancienne est tout à fait ignorée; il n’en reste plus qu’un grand 
nombre de superstitions. 

En un mot, à l'exception du langage, qui est distinct, d’un peu plus d'intensité 
dans la couleur olivtre, cette nation présente tous les caractères physiques et moraux 
des Chiquitos, aussi pour nous appartient-elle, sans aucun doute, au même rameau. 


Observations. 


Les Farayes', Jarayes ou Xarayes?, et sans doute les Uleses5 des rives du Rio du 
Paraguay, près de la province de Chiquitos, étaient, en 15434, habillés de tipoy, cou- 
chaient dans des hamacs, étaient agriculteurs; faits qui nous portent à croire, malgré 
le tatouage qu’Azara leur attribue, qu’ils appartiennent au rameau chiquitéen, servant, 
pour ainsi dire, de chaïnon entre les nations du Chaco et celles de Chiquitos. Comme 
il n'existe plus maintenant de nation de ce nom, nous croyons qu’elle en a changé, 
et que les Farayes sont peut-être les mêmes que les Guanas ou Guatos. 


1. Azara, Voy. dans l’Amér. mérid., t. Il, p. 167, et Schmidel, Viage al Rio de la Plata 
(édit. de Buenos-Ayres), p. 21, en vit en 1542, et en parle comme d’une nation civilisée. 

2, Barcia, Historiadores primitivos de las Indias, Comentarios de Alvar Nuñez Cabeza de Baca 
(1543), p. 45, et Récit de Hernando Ribera, p. 67 (1543). 

3. Récit de Hernando de Ribera, Barcia, Historiadores de Indias, Com. real de Nuñez, etc., 
p- 67. 

4, Ibid, p. 45; Ruiz Diaz de Guzman, Historia argentina (écrite en 1612), p. 14, parle des 
Jarayes. 

Funez, Historia del Paraguay, X, p. 152, 163. 


( 277 ) 


TROISIÈME RAMEAU. 


MOXÉEN. 


Couleur: brun-olivâtre peu foncé. Taille moyenne, À metre 670 millimetres. 
Formes robustes. Front légérement bombé; face ovalo-circulaire; nez 
court, peu large; bouche médiocre; levres un peu saillantes; yeux hori- 
zontaux non bridés; pommettes peu saillantes; physionomie peu 
enjouée, douce. 


Le rameau de la race pampéenne ou des plaines, que nous avons nommé 
mozxéen, d'après la dénomination de la province qu'il habite, de la plus 
nombreuse des nations qui s’y rattachent, les Moxos, ce rameau, disons-nous, 
est réparti sur une surface de terrain qui, formée seulement de la province 
de Moxos, serait d'a peu près 12,000 lieues marines, comprises entre les 
11." et 17. degrés de latitude sud, et entre les 64.° et 72.° degrés de longi- 
tude ouest de Paris. Ce terrain est borné, au sud, par les forêts de Chiquitos 
et de Santa-Cruz de la Sierra, qui le séparent du grand Chaco; au sud-ouest 
et à l’ouest, par les forêts qui bordent le pied oriental des Andes boliviennes; 
à l'est, par les collines boisées de Chiquitos et du Brésil. Circonscrit de la 
sorte, il forme un immense bassin, ouvert seulement au nord, vers les plaines 
inconnues que traverse le Rio Béni, à l’est du Pérou proprement dit, vers le 
cours du Rio Madeiras, jusqu’à l'Amazone. II est caractérisé par une unifor- 
mité de sol remarquable. On n’y voit aucune colline, ni, même entre les 
rivières, aucuns versans, qui ne soient sujets à se confondre, au temps des 
pluies; ce sont d’immenses plaines inondées la moitié de l’année, entrecoupées 
de bouquets de bois épars, d’amas d'eaux stagnantes, traversées par deux 
grandes rivieres, dont les débordemens causent eux-mêmes des inondations, 
et par une multitude de cours d’eau, dont la pente est à peine sensible, On 
ne trouve que de loin en loin, dans cette province, des lieux assez élevés 
pour ne pas y être submergé. Là, plus de forêts impénétrables, couvrant le 
sol entier au milieu de collines, où l’homme peut vivre ignoré, quoiqu’entouré 
de voisins, comme à Chiquitos; plus de plaines, dont rien ne borne lhorizon, 


Homme 
améri- 
«ain. 


Homme 
améri- 
£ain, 


( 278) 

où le sauvage entreprenant connaît jusqu’à la tribu la plus éloignée, comme 
dans les Pampas. À Moxos, le piéton indigène ne saurait faire quelques lieues 
sans être arrêté par des rivières, des lacs ou des marais; faits qui ont dû, 
nécessairement, exercer sur ses mœurs, sur ses coutumes, et même sur ses 
caractères physiques, une influence que nous allons chercher à rendre sen- 
sible, en résumant, sous leurs différens points de vue, les signes distinctifs 
des nations dont nous formons notre rameau moxéen. 

Les circonstances nous ayant permis de voir successivement avec détail 
chacune des nations de ce rameau, d'étudier leurs caractères physiques, leurs 
mœurs, leurs coutumes, et de rédiger un vocabulaire de chacune de leurs 
langues, nous donnons ici le résultat des observations que nous avons faites 
sur les lieux, pendant un séjour de neuf mois. On n’avait, avant nous, que 
quelques notions vagues et très-incertaines, sur les hommes qui vont nous 
occuper. * 

Les nations à nous connues qui composent notre rameau moxéen sont 
actuellement, au nombre de huit: celle des Moxos, qui, avec ses tribus 
des Baurès et Muchojéonès, occupait et occupe encore entièrement la lisière 
des forêts de Pest à l’ouest, sur toutes les parties sud et sud-ouest de la pro- 
vince de Moxos; au sud-est, les Chapacuras; au nord, les Cayuvavas, les 
Pacaguaras et les [ténès; et, au milieu de ceux-ci, les Itonamas, les Cani- 
chanas et les Movimas. Peut-être y pourrait-on rapporter aussi les nations 
sauvages qui habitent toutes les plaines inondées et boisées étendues au nord 
jusqu’à P Amazone et ses affluens, sur des terrains analogues à ceux de Moxos; 
mais ne les ayant pas vues, nous ne les mentionnerons même pas, voulant 
nous borner à ce que nous pouvons formellement établir. 

Le chiffre comparatif des individus de chaque nation, que nous donnons 
dans le tableau suivant, est positif pour les nations réduites au christia- 
nisme dans les missions; il résulte de recensemens faits avec soin pendant 
notre séjour. Quant à celui des tribus encore sauvages, il ne peut être qu’ap- 
proximatif; mais nous le croyons néanmoins très-rapproché de la vérité, 
le tenant des nations elles-mêmes, et de la bouche de plusieurs individus 
différens, qui tous se sont accordés. 


1. Les seuls ouvrages dans lesquels il en soit un peu question, sont : 1° un petit imprimé 
de 67 pages, ayant pour titre : Relacion de la mission apostolica de los Moxos, 1696 (ouvrage 
des plus rare, dont nous devons la connaissance à la complaisance de M. Henri Ternaux ; 2.° une 
lettre d’un missionnaire, insérée dans labrégé des Lettres édifiantes, tome VIT, p. 66. 


NOMBRE DES INDIVIDUS 


NOMS DE CHAQUE NATION NOMBRE 
EN 
DES NATIONS. RÉDUITS ENCORE TOTAL» 


AU CHRISTIANISME, SAUVAGES: 


[ Moxos 12,620 1,000 13,620 
Chapacuras 1,050 1,350 


Itonamas 4,815 4,815. 
Canichanas ...... Pc 1,939 1,939 
Movimas 1,238 1,238 
CAVUVAVAS ER See... .ne 2,073 2,073 
Pacaguaras c…. 12 1,012 
Iténès ses 3 1,200 


23,750 DT AT 


Le rameau moxéen, pour ce que nous en connaissons, n’offrirait donc, main- 


tenant, qu'un total de 27,247 âmes, sur le territoire de la province de Moxos, 


en y comprenant les nations encore sauvages, dont les individus seraient 
à peu près au nombre de 3,497. Si, comme nous le pensons, on peut réunir 
à ce rameau les nations qui couvrent les rives du Rio Madeiras et les pays 
encore inconnus qu'arrose le Rio Béni, le chiffre en serait bien plus élevé. 
La province de Moxos a dû être beaucoup plus peuplée qu’elle ne lest 
actuellement, du moins si nous en Jugeons par ce que disent les historiens. 
En 1696, selon le père Diego de Eguiluz', le nombre des Moxos seul s'élevait 
à 19,789; ce qui pourrait prouver qu’au lieu d'augmenter, la population 
a considérablement diminué. Les Moxos proprement dits ne sont aujourd’hui 
qu'au nombre de 8,212°; différence attribuable seulement aux maladies 
épidémiques, principalement à la petite vérole; car les habitans n’ont eu 
à souffrir d'aucune guerre. En admettant les supputations des historiens ”, 
il resterait à peine la moitié de la population qui couvrait alors la pro- 
vince, Si nous comparons l’importance des nations, en raison du nembre 


Î. Relacion de la mission apostolica de los Moxos, p. 65. 

2. Nous parlons ici des Moxos séparés des Baurès. 

3. Dans sa première visite aux Moxos, en 1691, le gouverneur Don Benito de Rivera y Qui- 
roga avait trouvé 15,483 individus, dans les six missions fondées par les Jésuites; ce qui prou- 
verait l'exactitude des énoncés de ces derniers. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 280 ) 


Homme des individus dont se compose chacune d'elles, les Moxos prendront le 


améri- 
cain. 


premier rang, puisqu'ils forment à eux seuls près de la moitié de la 
population totale de la province; les Itonamas viendront après; ensuite les 
Cayuvavas, les Canichanas, les Chapacuras, les Movimas, les Pacaguaras 
et les [ténès. Nous allons chercher à déterminer les traits caractéristiques 
de ce rameau. 

La couleur des Moxéens est brun pâle, mélangé d’olivâtre; les Chapacuras, 
les Ttonamas et les Canichanas, nous ont paru avoir absolument la même 
teinte que les Chiquitéens, tandis que les Moxos et les autres nations sont 
un peu moins foncés, ayant peut-être un peu de jaune mélangé à la nuance 
des premiers; mais cette différence est si légère, qu'on ne s’en aperçoit qu'a 
laide d’une attention soutenue : du reste, la teinte générale, peu distincte 
de celle des peuples du Chaco, est seulement plus pâle ou un peu plus 
jaunâtre. 

Dans le rameau moxéen la taille, généralement plus élevée que dans celui 
des Chiquitéens, se rapproche beaucoup de celle des habitans du Chaco. 
Les plus grands atteignent jusqu'à 1 mètre 79 centimètres (5 pieds 6 pouces), 
et la taille moyenne des Movimas, des Moxos, des Canichanas et des Cayu- 
vavas, est de plus de 1 mètre 677 millimètres (5 pieds 2 pouces ). Les seules 
nations qui ne parviennent pas à la même stature, sont celles des Chapacuras 
et des Itonamas. On peut, jusqu'à un certain point, expliquer cette diffé- 
rence, chez les premiers, par le voisinage des montagnes de Chiquitos ; mais 
alors les derniers ne doivent être considérés que comme se trouvant dans 
une condition anomale. Les femmes sont en général proportionnées aux 
hommes. Néanmoins celles des Canichanas nous ont paru petites, tandis 
que chez les Movimas, comme nous l'avons déjà observé parmi les nations 
des Pampas, les femmes sont, au contraire, presqu’aussi grandes que leurs 
maris, où au moins bien au-dessus des proportions relatives ordinaires. 

Les formes des Moxéens participent encore de celles des Chiquitéens et 
des habitans du Chaco; de même que chez ces derniers, de larges épaules, 
une poitrine fortement bombée, un corps des plus robuste annoncent 
beaucoup de force; avec cette différence néanmoins que les Moxéens, géné- 
ralement encore plus vigoureux que les Chiquitéens, sont aussi forts, en 
apparence, que les nations du Chaco; se distinguant pourtant des uns et des 
autres par des formes un peu plus élancées, par un corps mieux dessiné, une 
ceinture plus marquée. Leurs membres, sans muscles saillans, sont généra- 
lement plus replets et plus arrondis. Ces caractères présentent une exception 


( 281 ) 


qu'on remarque chez les ftonamas, qui, avec des formes semblables aux Homme 
autres nations, ont constamment les membres amaigris, surtout les jambes. F4 
Les Moxéens sont bien plantés, marchent droit et avec beaucoup d’aisance. 
Le plus grand nombre, les Moxos en particulier, sont sujets à obésité. Les 
femmes diffèrent un peu de celles du rameau chiquitéen; elles ont les épaules 
et les hanches larges; mais leur corps moins d’une venue et leur ceinture 
un peu plus étroite, accusent une tendance à la forme svelte des Européennes. 
Plus agréables, en général, que les Chiquitéennes, elles sont des plus robustes, 
ont les seins bien placés et de médiocre grosseur; les mains et les pieds 
petits. 

Les traits sont assez différens chez les Moxéens, et se distinguent facilement 
de ceux des Chiquitéens. La tête est grosse, un peu allongée postérieure- 
ment. La face, moins pleine et moins large que chez les Chiquitéens, est un 
peu oblongue; les pommettes sont peu apparentes; le front est bas et peu 
bombé; le nez court, épaté, sans être trop large; les narines sont ouvertes; la 
bouche moyenne, à lèvres peu grosses ; les yeux sont généralement petits et 
horizontaux ; les oreilles petites; les sourcils sont étroits et arqués; le menton 
est arrondi; la barbe, noire, peu fournie, pousse tard, seulement au menton 
et à la lèvre supérieure, et n’est jamais frisée; les cheveux sont noirs, longs, 
gros et lisses. Tels sont les caractères généraux que nous avons remarqués 
chez presque toutes les nations; néanmoins nous y avons aussi reconnu plu- 
sieurs exceptions. Les Movimas ont le nez un peu plus large que les autres; 
les Ttonamas, la face plus allongée, les pommettes plus saillantes; mais une 
nation qui nous a montré une anomalie remarquable, quoiqu’elle soit placée 
au centre, est celle des Canichanas, où lon retrouve beaucoup des traits 
des nations du Chaco. En effet, ils ont la face oblongue, les pommettes très- 
apparentes, le front court, le nez épaté, fortement rentré à sa base; les 
narines plus ouvertes, la bouche grande, les yeux petits, enfoncés, et légère- 
ment relevés à leur angle extérieur. 

La physionomie , quoique douce et ouverte chez les Moxéens, annonce moins 
de gaîté que chez les Chiquitéens. Les Moxos sont, de tous, ceux qui paraissent 
le mieux disposés à Philarité, tandis que les Cayuvavas, les Ttonamas, les [ténès 
et les Pacaguaras ont la figure presque toujours sérieuse, comme les nations 
du Chaco. Les Canichanas l'ont tout à fait triste; ils ont même laspect 
féroce, tandis que les Ttonamas offrent le type de Pastuce et de la fausseté. 
Les Moxéens ont une figure plus mâle que les Chiquitéens, sans qu’on puisse 
toutefois la comparer aux traits des Européens, ni même à celle des peuples 


= 


1V: Homme. 50 


Homme 
améri-" 
vain. 


( 282 ) 
du sud. Les Itonamas l’ont plus efféminée que toutes les autres nations, tandis 
que les Canichanas l'ont plus mâle. L'ensemble de leurs traits est générale- 
ment assez bien; beaucoup de figures sont intéressantes, et quelques-unes 
agréables. Les femmes sont passables, et même, chez les Moxos et les Cayu- 
vavas, on en voit de réellement jolies. Leur face est un peu plus arrondie 
que celle des hommes. 

IL serait difficile d'établir des caractères bien tranchés entre les langues de 
la province de Moxos et celles de Chiquitos et du Chaco; néanmoins il existe 
des nuances que nous allons chercher à faire ressortir. Les langues du rameau 
moxéen sont en général, bien plus dures, bien plus gutturales que celles des 
Chiquitéens; et, en cela, elles ont quelques rapports avec les idiomes du Chaco, 
à cette différence près, qu’elles ont peut-être encore plus de gutturation avec 
beaucoup moins de finales dures. Par un rapprochement assez singulier, la seule 
nation qui ait des traits féroces analogues à ceux des peuples du Chaco, la 
nation canichana, est aussi la seule dont beaucoup de mots soient terminés 
par des consonnes en ac, ec, etc. Dans les langues moxéennes, la plupart 
finissent par des voyelles, et même, chez les Îténès, aucun ne se termine 
par des consonnes. Dans d’autres langues, celles des Moxos, des Cayuva- 
vas, des Pacaguaras, les finales en consonnes ne donnent encore que des 
sons composés ou diphthongues, comme les sons en ain, on, an, des Fran- 
cais; tandis que, dans les autres, les terminaisons par des consonnes pré- 
sentent une assez grande variété. Chez les Chapacuras, cest le #, le p, le 7; 
chez les Movimas, seulement PZ et Ps. Aucune langue n'offre plus de dureté, 
dans ce genre, que celle des Canichanas. Toutes, excepté la langue iténès, 
ont la prononciation gutturale du 7 espagnol. L’x nasal ne manque que 
chez les Iténès, les Canichanas et les Movimas, tandis qu'il est employé par 
toutes les autres nations. Les sons divers du ch français et du ch espagnol 
se retrouvent dans toutes les langues, excepté dans celle des Tténès. Le son 
doux du z français n'existe que chez les Moxos, les Cayuvavas et les Paca- 
ouaras. L’e muet français est prononcé par les Moxos, les [tonamas et les 
Cayuvavas. Les sons compliqués de consonnes réunies, qui rendent certaines 
langues si dures, sont assez communs; celle qui en emploie le plus, est la 
movima, où l’on trouve ceux de y, jn, j£, jr, chl, dont le ; espagnol a toute 
sa dureté, tandis qu'en d’autres langues, comme la cayuvava, les sons com- 
posés se réduisent au dz ou dj de la prononciation française. Les idiomes 
chapacura et moxo n’ont aucun son composé. Plusieurs lettres manquent dans 
les langues moxéennes : lf, Px ne sy trouvent Jamais; lZ est inconnu au 


( 285 ) 
Cayuvava, à lten, au Pacaguara; et quelques dialectes sont privés d’autres 
lettres. Les [ténès, par exemple, ne connaissent pas le g et le 7. Si lon 
compare la dureté relative des langues moxéennes, on s’apercevra bientôt 
que la movima est à la fois la plus gutturale et la plus dure; que la cani- 
chana, la pacaguara, litonama et la chapacura sont aussi dures et gut- 
turales, bien qu'à un degré beaucoup moindre, tandis que la plus douce, 
et même peut-être la plus laconique de toutes les langues connues, est, 
sans contredit, celle des [ténès. En général, toutes sont peu riches. Il y en 
a plusieurs, comme la chapacura, litonama, la canichana, la movima et la 
pacaguara, où les adjectifs étant des deux genres, le singulier ne se distingue 
souvent pas du pluriel. Leur système de numération, très-restreint, annonce 
peu de commerce; chez les Itonamas, les Canichanas et les Movimas, il ne 
passe pas deux et quatre; chez les autres nations il va jusqu’à cinq, quel- 
quefois jusqu'à dix, et porte alors, le plus ordinairement, le nom des doigts. 
Les Cayuvavas ont dans leur numération une anomalie singulière, celle de 
recommencer à compter après cinq, au lieu d'aller jusqu'à dix, ainsi que 
nous le voyons généralement, dans les autres langues américaines. Les idiomes 
moxéens ne présentent pas tous, comme ceux des Chiquitéens, cette bizar- 
rerie de commencer les noms des parties du corps par une lettre déterminée; 
les seules nations qui lPoffrent encore, sont celles qui, par leur position 
géographique, sont les plus voisines des Chiquitéens, comme les Moxos, et 
les Chapacuras; mais si chez les premiers on trouve une anomalie sem- 
blable à celle qui existe chez les Chiquitéens, il n’en est pas de même chez 
les Chapacuras, où la finale et non Pinitiale garde Puniformité. La langue 
canichana se distingue par une particularité bien plus remarquable : non- 
seulement les noms des parties du corps y commencent par une lettre 
déterminée ; mais encore tout ce qui tient à l’homme suit la même regle ; 
ainsi que tout ce qui appartient à la nature, comme les astres, les animaux 
et les plantes; mais ici la lettre est différente de celle des parties du corps. 
Le tableau suivant donnera l'idée des langues qui présentent cette anomalie, 
et servira, en même temps, de terme de comparaison avec celui des Chiqui- 


téens. 


Homme 
améri- 
ain. 


——— 


Homme 
améri- 
cain, 


LANGUES LANGUES 
qui ont l’anomalie des noms des parties du corps. qui manquent d’anomalie. 
A, QC 
NOMS MOXOS : NOMS 


NOMS 


FRANÇAIS. NOMS NOMS NOMS NOMS NOMS NOMS 


. CHAPACUR AS | CANICHANAS. ë : ÉNÈS. : 
ne TER A Eo NAS. | MOVIMAS. | CAYUVAVAS.|  ITÉNÈS ITONAMAS. |PACAGUAR AS 


Ichemira | Auimira- DHReRe Æicokéna.| Kinto.  [fribuyu. |Buca. Capapana |Tamo. 
raki. chi. 
Ichaca- |Huichara |[Tapatachi| Eucomété! Lototo. [radiké. {Irini. Mochtodo \Paoki. 
ney. ; 
Tkisé. Huiki. |Tucuchi. | Eutot. Sora. Nicoyo. |To. Icachi. [Huiro. 


Les Moxéens, par lanomalie des mots, tiennent de près au rameau chi- 
quitéen : quelques-unes de leurs langues ont, par la dureté, beaucoup 
d'affinités avec celles des habitans du Chaco; mais nous ne trouvons, dans cet 
aperçu rapide, aucun caractère qui puisse bien en embrasser la totalité et 
les séparer nettement des idiomes propres aux autres rameaux de la même race. 

Pour le caractère, les Moxéens ont beaucoup de rapport avec les Chi- 
quitéens, dont les rapprochent leur bonté, leur sociabilité, leur hospitalité 
envers les étrangers, leur persévérance, et surtout la facilité avec laquelle 
ils ont changé de religion, pour se soumettre au christianisme et au régime 
des missions. Si à Chiquitos, plusieurs missionnaires furent victimes de leur 
zèle, avant qu’on arrivät à convertir les indigènes, il n’en fut pas de même à 
Moxos, où, successivement, toutes les nations embrassèrent la religion chré- 
tienne, sans Jamais se révolter contre les Jésuites. Les Moxéens diffèrent des 
Chiquitéens par un caractère moins gai, moins communicatif, plus taci- 
turne, bien éloigné, cependant, sous ce rapport, de celui des habitans du 
Chaco et des Pampas. Les Moxos, les plus superstitieux de tous, portèrent 
les autres nations à se soumettre au joug de létranger. Les [tonamas et les 
Uanichanas ont fait exception. Les premiers ne se firent pas chrétiens par 
conviction, mais par intérêt; car ils étaient bien les plus rusés, les plus fins, 
les plus voleurs de toute la province; les seconds, plus belliqueux, ne se 
convertirent que pour avoir des armes; et, en conséquence de leur position 
géographique, entourés qu’ils étaient de nations plus douces qu'eux, ni les 
uns ni les autres n’abandonnèrent entièrement leurs idées premières. Les 
Îténès seuls, plus indépendans, plus guerriers, sont encore ce qu’ils étaient 
au temps de la conquête. En un mot, le caractère des Moxéens tient le milieu, 
pour la gaïté, entre celui des Chiquitéens, qui la poussent à l’extrême, 
et celui des habitans du Chaco, fort taciturnes au contraire. Leur bonté, 


( 285 ) 


ainsi que leur peu de goût pour les voyages, doivent les faire comparer aux Homme 


Chiquitéens. È 
Les Moxéens ont des mœurs fort analogues à celles des Chiquitéens, et 


ces mœurs sont, à peu de modifications près, les mêmes pour toutes les 


nations. Avant la conquête, fixés par suite de leur croyance religieuse, ils 
étaient divisés en villages établis tant au bord des rivières, des lacs, que dans 
les bois ou au milieu des plaines, dont ils croyaient descendre; partout 
pêcheurs, chasseurs et surtout agriculteurs. La chasse n’était pour eux qu'un 
délassement, la pêche une nécessité, et l’agriculture leur procurait les pro- 
visions et les matières premières servant aux boissons qui, de même que 
chez les Chiquitéens, se faisaient dans une maison commune où lon recevait 
les étrangers, et où, dans certains jours, les habitans se réunissaient pour 
boire, chanter et danser; mais ces diversions avaient un caractère de gra- 
vité qu'on ne trouvait pas chez les Chiquitos; leurs coutumes étaient aussi 
plus barbares. Un Moxos immolait, par superstition, sa femme, si elle 
avortait, et ses enfans, s'ils étaient jumeaux, tandis que de son côté la mère 
se débarrassait souvent de ses enfans quand ils Pennuyaient. Le mariage était 
une convention résoluble à la volonté des parties, et la polygamie était ordi- 
naire, L’habitude d’être toujours en pirogue leur faisait chercher les cours 
d’eau, qu'ils parcouraient incessamment, soit pour chasser, soit pour pêcher 
ou même pour aller à leurs champs. Ils étaient tous plus où moins guer- 
riers; mais les traditions et les écrits’ ne nous ont conservé la mémoire que 
d’une seule nation anthropophage, mangeant ses prisonniers : C'était la cani- 
chana, qui, même aujourd’hui, est encore la terreur des autres. Les mœurs 
de cette nation ont été modifiées par le régime des missions; mais elle à 
conservé beaucoup de ses coutumes primitives. 

L'industrie était plus avancée chez les Moxéens que chez les Chiquitéens. 
Les hommes ornaient leurs armes, qui consistaient en arcs, flèches et lances, 
creusaient leurs pirogues avec des haches de pierre et du feu, pêchaient à 
coups de flèche, chassaient et cultivaient. Les femmes filaient le coton, et 
en faisaient, avec beaucoup plus de délicatesse que dans la province de 
Chiquitos, des tissus pour leurs vêtemens où pour leurs hamacs, imdispen- 
sables dans un pays presque toujours inondé. Si nous devons en croire un 
écrivain assez moderne”, les Moxos auraient, par des raies faites sur des 


1. Relacion de la mission apostolica de los Moxos (1696), p. 34. 
2. Viedma, Informe general de la provincia de Sunta-Cruz, p. 89, (. 521; manuscrit dont nous 
possédons l'original. 


améri- 
Cain. 


( 286 ) 


Homme planchettes, reproduit leurs pensées et conservé leurs annales, ce qui annon- 


améri- 
cain. 


cerait un commencement de civilisation dont ils n’ont pas, du reste, conservé 
la moindre trace. Aujourd’hui les Moxéens sont, sans contredit, les plus 
industrieux, les plus adroits de tous les indigènes du haut Pérou, pour le 
tissage autant que pour une foule de petits ouvrages. Is sont bons musiciens 
et peintres assez habiles; mais, jusqu’à présent, ils ne font qu'imiter, et n’ont 
pas le génie de Pinvention. 

Le costume annonçait jadis plus de civilisation parmi quelques nations 
des Moxéens que chez les Chiquitos. Les Baurès étaient complétement vêtus 
de chemises sans manches, faites de tissus ou d’écorces de ficus ; les Moxos 
avaient à peu près le même costume. Toutes les nations s’ornaient la tête de 
plumes; presque toutes aussi avaient la coutume de se peindre la figure’, et 
beaucoup se perçaient la lèvre inférieure et la base des narines, afin d'y 
suspendre des ornemens. Les hommes portaient, au cou, les dents de leurs 
ennemis tués à la guerre, tandis que de petits limaçons constituaient pour les 
femmes des colliers du même genre. Aujourd’hui plus de peintures sur la 
figure, plus de percement des lèvres; le costume général, le même pour les deux 
sexes, consiste en une chemise sans manches. Continuellement humectés d'huile 
de coco, les cheveux tombent en une longue queue au milieu du dos ; le cou 
est orné de colliers et de chapelets. Le tatouage leur est tout à fait inconnu. 

Le gouvernement des Moxéens était uniforme et ressemblait à celui des 
Chiquitéens. Chaque nation se divisait en beaucoup de tribus; chaque tribu 
avait un chef, dont l'influence était très-faible; et il n'existait, par le fait, 
aucun corps de nation. Ces chefs, nommés par la tribu, guidaient les guer- 
riers dans les batailles, donnaient des conseils, et n'étaient Jamais en même 
temps médecins et prêtres. 

La religion était différente, non-seulement selon les nations, mais encore 
selon les tribus, qui toutes avaient des fêtes et des solennités sans nombre, 
dans lesquelles entrait pour beaucoup lusage des boissons fermentées. Leur 
culte était souvent celui de la nature; ils révéraient un dieu présidant à 
la culture, à la chasse ou à la pêche, dirigeant les nuages, le tonnerre ; mais 
ce culte n’était pas aussi répandu que celui que leur inspirait la crainte du 
jaguar, auquel ils érigeaient des autels, et consacraient des offrandes, se 
vouant à des jeûnes rigoureux, pour devenir ses prêtres”. La religion était 


1. Voyez Lettres édifiantes, t. VII, p. 70. 
2. Relacion de la mission apostolica de los Moxos, p- 9. 


( 287 ) 
basée moins sur l'amour que sur la crainte des dieux; elle n’admettait pas de 
véritable adoration; aussi les peuples se décidèrent-ils facilement à changer 


de croyance; mais, s'ils ont abandonné leur culte extérieur, beaucoup d’en- 


tr'eux conservent encore quelques-unes des nombreuses superstitions de leur 
état sauvage. Tous prétendaient descendre des lieux voisins de leur demeure, et 
suivaient à la lettre la religion de leurs pères. Les prêtres étaient, en même 
temps, médecins. Aujourd’hui, dans quelques-unes de leurs nations, ils sont 
chrétiens fanatiques, se livrent à des jeûnes rigoureux, et s’infligent les péni- 
tences les plus barbares et les plus sanglantes. 

En nous résumant, nous dirons que les Moxéens qui habitent un pays 
de plaines, sont intermédiaires, pour quelques-uns de leurs caractères , 
entre Îles habitans du Chaco et les Chiquitéens, tandis que, d’un autre côté, 
ils font le passage aux nations brasilio-guaraniennes, par une teinte géné- 
ralement moins foncée que celle des Chiquitéens, et par un peu de jaune 
mélangé dans leur couleur brune. Leur taille, leurs traits et leurs formes, 
au contraire, doivent les placer entre les Chiquitos et les nations du Chaco. 
Plus grands que les Chiquitéens, leur corps plus svelte annonce évidem- 
ment des rapports avec les habitans du Chaco; les Canichanas ont même 
tout à fait les traits de ces derniers. Le caractère est également intermédiaire; 
moins gai, quoiqu'aussi bon que celui des Chiquitéens, il est lon d'être 
aussi sombre que celui des peuples du Chaco. En dernière analyse, les 
Moxos se sont soumis au christianisme plus facilement encore que les Chiqui- 
téens; comme eux, ils ont toujours été agriculteurs, chasseurs et sédentaires ; 
de plus, ils sont navigateurs. Leurs langages, pour la dureté, sont voisins 
de ceux du Chaco; mais, bien qu'opérant la transition des Chiquitéens aux 
Pampéens, ils se rapprochent plus des premiers que des derniers. 


EEE — 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 288 ) 


NATION CHAPACURA. 


Nous avons rencontré, sous le nom de Chapacuras, une nation tirée, en 1794, des 
bois bordant les rives du Rio Blanco, pour peupler la mission du Carmen, dans la 
province de Moxos. Ce nom étant usité maintenant dans cette mission, nous avons 
cru devoir le conserver; mais ce n’est pas la dénomination que se donne la nation même, 
qui s'appelle, dans sa langue, Æuachi. Lorsqu'on amena ces Indiens au Carmen, on les 
nommait improprement Guarayos1, dénomination propre à une section des Guaranis, 
voisine des Chiquitos; mais plus tard, le curé et l'administrateur leur donnèrent le nom 
de Chapacuras, venu probablement des Tapacuras, que nous retrouvons, dans les anciens 
auteurs?, comme rameau des Moxos. Par la comparaison des langues, nous sommes par- 
venu à découvrir que les Chapacuras ne parlaient pas le même idiome; mais bien celui 
des Quitémocas, vivant à Concepcion de Chiquitos, et, d’après les renseignemens que nous 
avons recueillis, venus primitivement des mêmes lieux; ainsi les Chapacuras ou Tapacuras 
et les Quitémocas ne doivent former qu’une seule nation. 

Avant d’être réunis aux missions, les Chapacuras vivaient épars sur les rives du Rio 
Blanco ou Baurès, non loin d’une très-grande lagune, au milieu des forêts qui séparent 
la province de Chiquitos de celle de Moxos, au-delà des dernières collines de la pre- 
mière province, à peu près par le 15° degré de latitude sud et le 64° à 65.° degré de 
longitude ouest de Paris. Ils avaient pour voisins éloignés, avec lesquels ils ne com- 
muniquaient pas, au sud les Chapacuracas et les Païconécas, et au nord les hordes de 
la tribu des Baurès. Aujourd’hui la plus grande partie de la nation est réunie en 
deux sections, aux missions des Jésuites; sous le nom de Chapacuras, à celle du 
Carmen de Moxos, et sous celui de Quitémocas, à celle de Concepcion de Chiquitos. 
Dans les lieux qu’ils habitaient jadis, il ne reste plus que très-peu d'individus non 
civilisés. Le nombre des Chapucuras est assez borné : au Carmen de Moxos il y en a 
350; à Concepcion de Chiquitos, 700 environ; et, si l’on en croit les naturels, le 
nombre des individus encore sauvages doit être de 300; le total de la nation entière 
serait donc de 1350. 

Leur couleur, bronzée ou bistre mélangé de brun-verdûtre, est absolument la même 
que celle des Chiquitos. 

La taille est aussi analogue; la moyenne est de 1 mètre 663 millim. (5 pieds 1 7 pouce) ; 


1. Nous trouvons cette nation sous ce nom dans le procès-verbal dressé de la fondation du 
Carmen, par le gouverneur Zamorra, pièce que nous avons vue dans les archives de la mission. 
C'est probablement aussi des mêmes Indiens dont il est question dans le père Diego de Eguiluz, 
Relacion de la mission de los Moxos (1696), p. 24, sous le nom de Æuarayus. 

2. Même ouvrage, p. 24. 


( 289 ) 


les plus grands ne passent pas { mètre 760 millimètres (5 pieds 5 pouces). Les femmes Homme 


sont dans les proportions relatives avec les hommes; terme moyen elles ont { mètre 535 
millimètres. 

Les formes du corps sont identiques à celles des Chiquitos; néanmoins nous avons 
cru remarquer que généralement les hommes sont plus sveltes, plus élancés, quoi- 
qu'ayant les membres bien fournis, sans muscles apparens. De même la poitrme est 
saillante, les épaules sont larges, carrées et les membres bien nourris... Jamais 
d’obésité. Les femmes sont, pour le corps, beaucoup mieux que les Chiquitéennes; 
leurs hanches et leurs épaules sont larges, leurs seins bien placés, jamais trop volu- 
mineux ; leur ceinture les rapproche des proportions européennes ; leur main et leur 
pied sont petits. 

Leurs traits sont aussi quelque peu différens de ceux des Chiquitéens : leur tête est 
grosse, leur face large, mais moins pleine que celle des Chiquitos: les pommettes 
sont plus apparentes; le front est court et légèrement bombé; le nez court, épaté, sans 
être très-large; les narines sont un peu ouvertes; la bouche est moyenne; les lèvres 
sont peu grosses; les yeux petits, horizontaux; les oreilles petites, les sourcils étroits, 
arqués; la barbe, noire, non frisée, très-rare, pousse tard, et ne se montre qu’au menton 
et à la lèvre supérieure; les cheveux sont noirs, longs, droits et gros. Moins animée 
que celle des Chiquitos, leur physionomie est triste. Les hommes sont généralement 
laids, et les femmes n’offrent que peu de figures passables, sans néanmoins être repous- 
santes; mais l'aspect général des deux sexes inspire la confiance, et tout en eux annonce 
de la douceur. 

La langue est, pour la forme des mots, entièrement distincte de celles des Chiqui- 
téens; quoiqu’assez dure, on aime pourtant à l'entendre. Elle contient beaucoup de 
finales terminées par des voyelles; mais aussi quelques-unes par les consonnes #2, m, #, 
p et j, les seules que nous ayons remarquées. Le son guttural du j espagnol y est 
commun, ainsi que le son nasal de l’u. Plusieurs consonnes, telles que le b, Pf, le v 
et l’x, paraissent y manquer entièrement. Le c4 espagnol y est très-souvent employé, 
tandis que celui du français est rare. On retrouve dans cette langue, comme dans celle 
des Chiquitéens, cette particularité propre aux noms des parties du corps, qui, au lieu 
de commencer par une lettre déterminée, sont terminés par une particule uniforme, 
comme dans Ürutarachi, joue; Taipatachi, oreille, et Tucuchi, yeux; que les Quitémocas 
de Chiquitos rendent par Urutaraché, Tatiataché et Cuché, mots peu différens. Nous 
n’y avons pas trouvé de distinction entre le masculin et le féminin dans les adjectifs, ni 
de forme spéciale pour le pluriel. Leur système de numération, n’allant que jusqu’à 
dix, est, sans doute, dérivé du nombre des doigts. La tribu des Quitémocas possède 
beaucoup de termes entièrement différens de ceux des Chapacuras, ce qui provient 
peut-être d’anciennes relations avec quelqu’autre nation distincte. 

Les Chapacuras, un peu indolens par caractère, sont d’une bonté extrême, disposés 
à l’obéissance et même à la servilité; hospitaliers pour les étrangers, ils sont des plus 
sociables, mais beaucoup moins gais que les Chiquitéens. 


IV. Homme. 17 


améri- 
ain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 290 ) 

Leurs mœurs ont des rapports avec celles des Chiquitos. Comme ceux-ci, ils vivaient 
par petites tribus éparses au sein des bois voisins des rivages du Rio Blanco ou 
Baurès; comme eux, ils cultivaient la terre, chassaient et se bâtissaient des cabanes 
couvertes en paille, où vivait chaque famille. Ils avaient les mêmes armes, l’are, la 
flèche et la massue à deux tranchans, faite de bois de palmier; mais, de plus, ils 
se construisaient, avec des arbres creusés, des pirogues leur servant à parcourir le 
Rio Blanco, et les conduisant à la chasse et à la pêche, leur principale occupation, 
après la récolte du maïs. Ils avaient aussi de ces réunions où l’on buvait des liqueurs 
fermentées, motif perpétuel de danses et de jeux beaucoup moins animés pourtant que 
chez les Chiquitos. Des plus pacifiques, ils n’attaquaient que rarement leurs voisins. 
Aujourd’hui ceux qui sont restés sauvages conservent le même genre de vie, tandis 
que les Chapacuras, soumis au christianisme, suivent toutes les règles des missions. 
Ïls sont médiocres rameurs, comparativement aux autres nations de Moxos. 

L'industrie des Chapacuras est assez bornée : les hommes font leurs armes, creusent 
leurs pirogues au moyen de la hache et du feu, chassent, pêchent et cultivent leurs 
champs, tandis que les femmes filent le coton, tissent les hamacs de leurs maris, leurs 
vêtemens, fabriquent la poterie et sont chargées de tous les détails du ménage. 

Jadis le costume des hommes était fort simple; ils allaient nus, se mettaient une 
pièce de peau entre les jambes ou se contentaient, lorsqu'ils étaient à la pêche, 
d’attacher l'extrémité du prépuce. Les femmes portaient le Tipoy des Chiquitos, 
chemise sans manches descendant jusqu’au bas des jambes; elles se paraient d’un 
collier et de bracelets, qu’elles mettent encore aujourd’hui, ainsi que leur chemise, 
également adoptée par les hommes. Ils laissent pousser leurs cheveux, les imprègnent 
continuellement d'huile de coco, et les lissent, en les faisant tomber en queue par 
derrière. Ils ne se peignent ni ne se tatouent; et rien ne semble indiquer qu'ils se 
soient jamais percé les lèvres ni le nez. 

Ils étaient gouvernés par des chefs, dont l'autorité était bornée au conseil et au 
commandement de chaque tribu lors des guerres. 

Nous ne connaissons de leur religion que l'habitude conservée par ceux qui sont 
encore sauvages, d’enterrer les armes avec les morts, ce qui dénote la croyance à une 
autre vie. Ils ont des médecins, et sont imbus d’une foule de superstitions. 

Les Chapacuras ne diffèrent donc des Chiquitéens que par des formes plus élancées, 
une figure plus longue, des traits qui annoncent moins de gaîté; par leur langage et 
leur pratique de la navigation; s’en rapprochant, d’ailleurs, par tous les autres carac- 
tères physiques et par l’anomalie des noms des parties du corps. Nous ne les sépare- 
rions même pas de ces derniers, si leur position géographique ne les rattachaït évi- 
demment à notre rameau moxéen. 


( 29 ) 


NATION MOXCO. 


Nous avons conservé comme nom de la nation la plus nombreuse de la province de 
Moxos:, celui de sa principale tribu, qui a reçu le sien de la province même. Avant 
d’avoir comparé les langues entr’elles, nous croyions, de même que tous les Espagnols 
qui connaissent le pays, que les Moxos (ainsi nommés par les Espagnols) étaient une 
nation distincte des autres; mais la comparaison des idiomes nous a fait reconnaître 
que les Baurès? ou Bauros, regardés comme entièrement différens, n’en étaient qu'une 
tribu, dont la langue, tout en ne présentant qu’un huitième des mots analogues, 
n’est qu’une variante, ayant une origine commune. Il en est de même des Muchojéonés, 
qui se disent eux-mêmes alliés des Baurès. Les noms de Baurès et de Muchojéonès sont 
d’origine américaine; celui de Moxo paraît avoir été donné par les premiers Espagnols 
qui entrèrent dans la province. Chacune des grandes tribus que nous venons d'indiquer 
se subdivise encore en une multitude de sections portant des noms dissemblables. Les 
Baurès en ont à eux seuls jusqu’à vingt. 5 

Cette nation, telle que nous la considérons, habitait toute la partie sud de la pro- 
vince de Moxos, au milieu des plaines souvent inondées qui s'étendent entre le cours 
du Guaporé et le Mamoré, jusqu’à la lisière des forêts du pied oriental des Andes boli- 
viennes, de celles de Santa-Cruz de la Sierra et de Chiquitos, sur les affluens des deux 
grandes rivières. Ils occupaient une large bande est et ouest, qui s’étendait du 13.° au 
16° degré de latitude sud, et du 64. au 69. degré de longitude ouest. Premiers 
habitans des plaines de Moxos, vers le sud, ils étaient séparés, de ce côté, des autres 
Américains par une centaine de lieues de forêts, inondées au temps des pluies, et réelle- 
ment inhabitables. Ils vivaient sur les lieux peu sujets aux inondations, sur les rives 
du Rio Mamoré, du Rio Apéré, du Rio Sécuri et du Rio Tijamuchi, vers l’ouest; 
et, à l’est, sur les bords du Rio Baurès, du Rio San-Ramon, jusqu'au Guaporé. 


1. Garcilaso de la Vega, Comentario real de los Incas, p. 240, à propos d’une incursion des 
Incas dans la province de Musu, à est du Cusco, parle d’une expédition , faite en 1564, par Diego 
Aleman, dans la province de Musu, que les Espagnols nomment Moxos (p. 248). Quant à l’incur- 
sion des Incas, elle n’était pas assurément dirigée vers Moxos; mais Diego Aleman, parti de 
Cochabamba, se porta sur le pays dont nous nous occupons. Dès-lors le Musu des Incas ne serait 
pas, comme on l’a cru, le Moxos des Espagnols. 

2. Prononcez Baourès. On trouve le nom de cette tribu indiqué par le père de Eguiluz (1696), 
dans sa Relacion de la mission de los Moxos, p. 24. 

3. Le père Eguiluz, loc. cit., cite près de trente noms de nations, selon lui différentes, et qui 
ne sont probablement aussi que des tribus Moxos. Sa description est copiée dans le Choix de 
lettres édifiantes, 1. VIT; Missions de l Amérique, t. 1, p. 308, et If, p. 64. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 292 ) 


Homme Leurs voisins, vers le sud, étaient les Sirionos des forêts de Santa-Cruz; au sud-est, 


améri- 
cain. 


les Chapacuras; à l'ouest, les Furacarès, et, au nord, les Movimas, les Canichanas et 

les Ztonamas. Depuis long-temps les Baurès et les Moxos, séparés par des déserts, 

ne communiquaient plus entreux. Aujourd’hui la nation habite encore les lieux 

où elle vivait jadis; seulement elle est réunie, ainsi qu’il suit, dans les missions de la 

province. 

Muchojéonès du Carmen ............... 230 

Baurès du Carmen de Moxos . . . . .. ... 362 
— de Concepcion de Moxos . . . . . . . 3,126 
— de San-Joaquin de Moxos. . . . . .. 690 
— encore sauvages . . . . . . . . . . . . 1,000 

Moxos de Loreto de Moxos . . .. . . . . . . 2,145 
—: ‘déifrinidad "EN END CZ 
— " de'San-Xavier..:. 5 2 Pots 
— de San-Ignacio. ".". CE 948 


Tori. : 7. 136207 


5,178 


8,212 


On voit par le tableau précédent que si la presque-totalité des Moxos est réduite au 
christianisme, il y en a néanmoins encore à l’état sauvage. Ceux-ci, parmi lesquels 
une petite partie appartenant jadis aux missions des Jésuites, s’en sont séparés lors de 
l'expulsion, se divisent en tribus fixées non loin du cours du Guaporé, à l’est des 
missions de Concepcion et du Carmen, et maintenant ne communiquent jamais avec 
leurs compatriotes chrétiens. On y voit aussi le nombre relatif des différentes tribus 
des Moxos, des Baurès et des Muchojéonès ; et, enfin, quelle importance peut avoir, 
au sein de ces pays inondés, une nation présentant encore un effectif de plus de 
13,000 âmes. ? 

La couleur bronzée des Moxos, moins foncée que celle des Chiquitos et des Chapa- 
curas, nous à paru contenir un peu de jaune; cependant la différence est si peu 
tranchée, qu’on ne s’en aperçoit qu’en comparant un grand nombre d’individus réunis. 

Plus élevée que celle des Chapacuras, leur taille atteint souvent 1 mètre 785 mil- 
limètres (5 pieds 6 pouces); mais la moyenne ne nous a pas paru dépasser 1 mètre 
677 millimètres (5 pieds 2 pouces). Les femmes sont dans les proportions relatives 
ordinaires : elles ont, terme moyen, environ { mètre 552 millimètres. 

Les formes, semblables à celles des Chapacuras, sont généralement plus sveltes, 
plus élancées que chez les Chiquitéens. Tout en conservant à peu près les proportions 


1. Tous ces chiffres sont le résultat de renseignemens exacts, recueillis en 1831. 

2. En 1696 il y avait deux missions de plus, habitées par la nation moxo, celle de San-José et 
celle de San-Borja; et, selon le père de Eguiluz (Relacion de la mission de los Moxos, p. 65); la 
seule tribu des Moxos présentait un eflectif de 19,789 âmes, ce qui prouverait qu'aujourd'hui 
cette nation est au moins réduite à la moitié de sa population. 


(:295 ) 
de ceux-ci, les Moxos sont des plus robustes, ont des membres bien plus fournis, 
toujours arrondis, des épaules très-larges, une poitrine bombée; ils sont même sujets 
à l'obésité. Les femmes participent à leurs formes; elles sont bien proportionnées; des 
épaules , des hanches larges annoncent en elles une constitution des plus robuste. Leurs 
seins, bien placés, sont de médiocre grosseur ; leurs mains et leurs pieds sont petits. 
La ceinture est chez elles moins large que parmi les Chiquitéennes. 

Les traits sont ceux des Chapacuras, aussi ont-ils en général la face moins arrondie 
que celle des Chiquitéens, la physionomie moins gaie, quoiqu’ouverte et pleine de 
douceur. On trouve, chez les Moxos, des figures infiniment plus agréables que chez 
les Chapacuras; beaucoup d’hommes sont bien, et quelques femmes sont réellement 
jolies, sans que pour cela le détail des traits soit changé. Les hommes sont presque 
imberbes. 

La langue diffère essentiellement de celle des Chapacuras et des autres nations de 
Moxos. Loin d’être dure, on pourrait dire qu’elle est euphonique; presque tous les 
mots en sont fortement accentués et se terminent en 4, e, t, o, mais surtout par 
les trois premières voyelles. Un très-petit nombre ont une consonne; et encore ces 
dernières sont-elles des 77 et des », qui, presque toujours, forment des diphthongues en 
on, an, am, Sans que celles-ci soient prononcées aussi fortement que dans les langues 
dérivées du latin. Le son guttural du j espagnol est peu commun, celui de lu nasal 
‘est très-rare. Les seules consonnes qui manquent sont l’f et l’x. Le ch français $ ‘emploie 
fréquemment, ainsi que celui des Espagnols. L’e muet des Français se rencontre très- 
rarement, ainsi que leur 3. On retrouve, dans la langue moxo, cette particularité que 
les noms des parties du corps commencent par une lettre déterminée, comme on en 
peut juger par le tableau suivant, pour les trois mots que nous avons toujours cités. 


NOMS BAURES: NOMS MOXOS: NOMS 
ES | 2 | MU CHOJÉ ONËS, 
FRANÇAIS. Écrits par nous, Tirés de la gram- | Écrits par nous, Tirés écrits par nous, 


en 1831. D di en 1831. du dictionnaire. en 1831. 


NOMS 


Ichémira. £ Huimiro-raki. Numiro. Ichémira. 
Ichacaney. Chacané. Huichoca. Nuchoca. Ichacanan. 


Ikisé. Kisé. Yuki. Nuuqui. Ikise. 


Nous avons reconnu qu'à ces mots écrits tels qu’ils le sont dans le dictionnaire, 
est joint un pronom possessif 1, ce qui doit exister de même pour les autres tribus. 
Chacune d'elles à des mots qui lui sont propres; ainsi, sur 400 mots muchojéonès, 


1. Le pronom possessif nu, mon, le mien, est, sans aucun doute, joint au nom propre des 
parties. Voyez padre Marban, Arte de la lengua moxa, con su vocabulario; Lima, 1701, p. 8 et 9. 


Homme 
améri- 
cain. 


(29% ) 


Homme {15 ont de l’analogie avec ceux des Baurès, et 49 leur sont identiques; tandis que, sur 


améri- 
cain. 


le même nombre, 50 mots des Baurès ont de l’analogie avec ceux des Moxos, et quatre 
seulement leur sont identiques. Le système de numération, qui s'étend jusqu’à vingt 
chez les Baurès et chez les Muchojéonès, est représenté par les noms des doigts des 
mains et des pieds. Les Moxos ne comptent que jusqu’à trois. 

Habitués à l’obéissance, les Moxos ont le caractère boh, sociable, enjoué, patient 
au-dessus de toute expression; néanmoins, autant ils sont disposés à rire d’un rien, lors- 
qu'ils sont livrés à eux-mêmes, autant la servitude les a rendus craintifs et taciturnes, 
quand ils approchent d’un chef. Ils s’aiment entr’eux et sont susceptibles de beaucoup 
d’attachement. L’indolence habituelle aux nations des pays très-chauds n’est pas leur 
défaut. Toujours occupés, ils mènent une vie on ne peut plus active; les deux sexes 
se ressemblent sur tous ces points. À l’état sauvage, ils étaient cruels par superstition. 

Les Moxos, pour les mœurs, se rapprochent, à certains égards, des Chapacuras; 
cependant, avant de se soumettre au christianisme, ils étaient beaucoup plus avancés 
que ces derniers dans la civilisation. Ils formaient de grands et nombreux villages, com- 
posés de cabanes basses, sur les rives des larges rivières traversant les plaines en partie 
inondées qui caractérisent la province, ainsi qu’au bord des lacs, des marais, au sein 
des plaines ou des forêts. Vivant en grandes familles dans des lieux fixes, sans Jamais 
changer de demeure, par suite de la croyance religieuse qu’ils y étaient nés, leurs occu- 
pations habituelles étaient l’agriculture, la pêche et la chasse; ils semaient au milieu des 
bois; et, pour chasser et pêcher se servaient de longues pirogues faites d'arbres creusés, 
qui leur permettaient de communiquer entr’eux par les cours d’eau ou, lors des inon- 
dations, en traversant ce pays. Spécialement navigateurs, ils connaissaient ces inter- 
minables méandres des nombreuses rivières de leur territoire; et s'ils attaquaient leurs 
voisins, c'était encore sur leurs pirogues, ayant alors pour armes l'arc, la flèche et la 
massue. Amis des jeux et de la danse, ils étaient tous musiciens, se servant de flûtes 
de Pan, dont quelques-unes avaient plus de six pieds de long; l'emploi de cet instru- 
ment dans tous les tons procure une musique souvent originale, quoique monotone. 
Les réunions étaient toujours déterminées par le désir de boire des liqueurs fermentées, 
préparées à l’avance pour des fêtes religieuses, auxquelles les voisins étaient invités, ainsi 
que tout le village. Ces fêtes avaient lieu dans une chambre commune. Le mariage 
n'était qu’une convention, et les deux parties se séparaient souvent pour former de 
nouveaux liens; néanmoins, l’adultère était rigoureusement châtié. La polygamie était 
admise; et, au sein de mœurs généralement douces, on s'étonne de trouver les cou- 
tumes les plus barbares : ils tuaient les enfans jumeaux, par suite de la pensée que les 
animaux seuls pouvaient avoir plusieurs petits à la fois; souvent aussi la mère enterrait 
ses enfans vivans, seulement parce qu’ils l’importunaient, ou d’autres fois, à la mort 
de leur mère, ils étaient inhumés avec elle, s'ils étaient trop jeunes pour se passer de 
ses soins; les femmes qui avortaient étaient sacrifiées par le peuple. Depuis, tous ces 


En ———————_—ppaL 


1. Relacion de los Moxos, p. {1. 


( 295 ) 


usages ont été abandonnés, ainsi que ceux tenant à des superstitions religieuses; mais, Homme 
améri- 


du reste, les Moxos ont à peu de chose près conservé les mêmes mœurs. ie 


L'industrie chez eux devait être avancée, si, du moins, l’on en juge par ce qu’ils 
font aujourd’hui : les hommes fabriquaient leurs armes, cultivaient la terre avec des 
pelles de bois, chassaient, pêchaient à la flèche, et construisaient leurs pirogues : 
suivant un auteur peu ancien, mais remarquable par son exactitude?, ils auraient 
connu une espèce d'écriture, au moyen de lignes tracées sur des planchettes. Eux seuls 
étaient musiciens. Leurs femmes filaient et tissaient leurs vêtemens, ainsi que leshamacs, 
indispensables dans un pays toujours inondé. Elles confectionnaient la poterie, aidaient 
leurs maris dans les récoltes et s’occupaient du ménage. Assez bons dessinateurs, leurs 
peintures représentent non-seulement des grecques, mais encore des animaux et des 
plantes passablement rendus; sculpteurs, tourneurs, ébénistes, tisserands adroits, ils 
font beaucoup de petits ouvrages et de tissus, qu’on importe par curiosité dans les 
villes du Pérou. Plusieurs ont parfaitement appris l'espagnol et le latin, et savent 
écrire correctement; en un mot, c’est la nation la plus susceptible de civilisation. 

Le costume des hommes consiste en une chemise sans manches de tissu de coton 
ou d’écorce d’une espèce de ficus, presque toujours peinte de diverses couleurs. Dans 
les fêtes ils portent sur la tête des plumes de couleurs variées5, des grelots aux pieds 
et dansent ainsi au son du tambourin. Les femmes ont habituellement le même cos- 
tume; et de plus, se parent de colliers et de boucles d'oreilles. Constamment imprégnés 
d'huile de coco, les cheveux, chez les deux sexes, sont longs, et attachés en une 
queue qui tombe sur le dos. Nous n’avons retrouvé parmi eux aucune trace de tatouage 
ni de peinture; néanmoins, il paraît qu’ils se peignaient la figure, et se perçaient les 
lèvres et les narines. 4 

Leur gouvernement, si nous devions en juger par leurs coutumes actuelles, devait 
être des plus despotique. Un cacique, aujourd’hui, est obéi dans ses moindres caprices, 
exerçant un pouvoir absolu sur toute sa mission; cependant rien de semblable n'existait 
lorsqu'ils étaient sauvages; ils se partageaient en un grand nombre de villages, tous indé- 
pendans les uns des autres 5, et ayant un cacique ou chef, auquel ils n’obéissaient pas: 


1. Robertson, Histoire d'Amérique, édit. espagn., t. II, p. 104, se trompe tout à fait lorsqu'il 
dit que les Moxos ne connaissaient pas l’agriculture. 

2. Francisco Viedma, Informe general de la provincia de Santa-Cruz (manuscrit dont nous 
avons l’original), 1787, p. 89 : Un Indio moxo escribe los anales de su pueblo en una tabla o un 
pedazo de caña por medio de varios signos, cuya inteligencia ÿ manejo pide mucha convinacion 7 
una memoria felis. (Un Indien écrit les annales de son village sur une planche ou un morceau 
de roseau, au moyen de divers signes, dont l'intelligence et l’usage demandent une grande com- 
binaison et une heureuse mémoire.) 

3. Cet usage ne se trouve plus que dans les fêtes du christianisme. 

4. Lettres édifiantes, 1. VIT, p. 70. 

5. Père de Eguiluz, loc. cit., p. 7. 


( 296 ) 


Homme ainsi leur gouvernement primitif était tout à fait négatif, et il n’y avait, réellement, 


améri- 
cain. 


aucun corps de nation. 

Leur religion primitive était des plus compliquée. Ils se croyaient enfans du lac, du 
bois ou du bord de rivière où ils vivaient, et, pour cela, ne changeaient jamais de 
demeure. Chaque village, d’ailleurs, avait sa foi différente; les uns espéraient des 
faveurs des dieux présidant aux moissons, à la pèche ou à la chasse; d’autres redou- 
taient ceux du tonnerre. Les sectes étaient des plus variées. La plus générale, celle qui 
avait le plus de culte extérieur, révérait le jaguar, et lui élevait des autels, dont les 
prêtres ou Comocois étaient les individus échappés aux griffes du féroce animal. Dans 
leur religion, la crainte dominait l’espérance, et il y avait au fait beaucoup de fana- 
tisme. Des superstitions sans nombre influaient sur beaucoup d’actions de la vie privée. 
Les prêtres étaient médecins, el opéraient des succions curatives 1. Tous croyaient à 
une autre vie. Aujourd’hui, si les Baurès sont des Catholiques assez tièdes, les Moxos 
proprement dits sont les plus ardens, parmi les Indiens de la province; ils poussent 
même le fanatisme si loin, qu’on les voit, tous les ans, dans la semaine sainte, arroser 
de leur sang les places publiques, par suite des atroces flagellations qu’ils s’infligent. 
Ils sont aussi des plus superstitieux. 

En résumé, les Moxos diffèrent des Chapacuras par une couleur moins intense, une 
taille plus élevée, des formes plus robustes, des traits dont l’ensemble est assez agréable, 
une langue distincte, plus d'industrie et plus de superstitions; du reste, séparés seu- 
lement par des nuances presqu’insensibles, ils ont à bien peu de chose près les mêmes 
caractères physiques ; aussi appartiennent-ils évidemment au même rameau. 


1. Ces détails sont empruntés au père Eguiluz, p. 8 et 9. 


( 297 ) 


NATION ITONAMA. 


Sous le nom d’Z{onama existe une des plus nombreuses nations de la province de 
Moxos. Cette dénomination paraît être celle que se donne la nation elle-même; et, 
depuis la conquête, elle n’en a pas changé. Les Itonamas sont divisés en plusieurs 
petites sections, portant chacune un nom différent. 

Ils habitent la partie nord-est de la province de Moxos, sur les rives du Rio 
Itonama, depuis la grande lagune jusque près de son confluent avec le Rio Machupo, 
c’est-à-dire du 13° au 14.° degré de latitude sud, et du 65.° au 67. degré de longitude 
ouest de. Paris. Jadis disséminés en quelques groupes, sur les terrains moins inondés, 
et au milieu des bois qui bordent leur rivière, ils avaient, au nord, pour voisins les 
tés ou Iténès; à l’est, les Baurès; à l’ouest, les Canichanas; et au sud, les Moxos. 
Aujourd’hui aucun d’eux n’est sauvage. Tous ayant embrassé le christianisme, ils sont 
divisés en deux missions, celle de Magdalena, située sur le Rio Itonama, et celle de 
San-Ramon, sur le Rio Machupo. Leur nombre était, en 1830, à Magdalena, de 2,831 ; 
à San-Ramon, de 1,984; ce qui formait un total de 4,815 individus. 

La couleur des Itonamas, plus foncée que celle des Moxos, nous a paru la même que 
celle des Chapacuras, mais appartenant toujours à la teinte bronzée. 

Leur taille, beaucoup au-dessous de celle des Chapacuras, est généralement la moins 
élevée de la province; les plus grands ont à peine { mètre 730 millimètres (cinq pieds 
quatre pouces), et leur moyenne ne passe guère 1 mètre 649 millimètres (cinq pieds 
dix lignes). Les femmes sont, dans les proportions ordinaires: elles ont, taille moyenne, 
à peu près { mètre 550 millimètres. 

Les formes des Itonamas sont aussi bien différentes de celles des autres nations de 
Moxos. On ne retrouve plus en eux cette structure herculéenne, cette corpulence remar-- 
quable des autres indigènes; ils ont bien encore les épaules assez larges ; mais le reste 
de leur corps, maigre et mince, n’annonce aucune force. L’obésité leur est inconnue, et 
leurs membres sont constamment amaigris, mème quand ils ont abondance de vivres. 
Leurs jambes sont gréles, avec les articulations assez épaisses, à tel point qu’on recon- 
naît immédiatement un Îtonama au milieu des autres nations. Les femmes sont égale- 
ment moins fortes; cependant la différence n’est pas en elles aussi frappante que parmi 
les hommes. Elles sont, du reste, bien faites et plus minces que chez les peuples qui 
les entourent. 

Si nous trouvons une différence remarquable dans la taille et dans les formes des 
Ttonamas, comparées à celles des Moxos, il n’y en a pas une aussi sensible quant aux traits; 
néanmoins on s'aperçoit immédiatement que leur visage, moins arrondi, est beaucoup 
plus long, quoiqu’avec les mêmes détails de formes; que les pommettes sont plus sail- 
lantes; la tête plus petite, le front plus étroit. Les yeux sont petits et horizontaux. La face 


8 


ei 


IV. Homme. 


Homme 
améri- 
cain. 


(298 ) 


Iomme” des hommes est efféminée, et leur barbe, lorsqu'ils en ont, est on ne peut plus rare. 


améri- 
vain. 


Leur physionomie, annonçant peu de gaîté et beaucoup de crainte, est néanmoins spiri- 
tuelle et présente le type de la fausseté et de l’astuce; cependant, les hommes n’ont 
pas les traits repoussans, et quelques-uns sont même passables. Les femmes ne sont 
pas, à proportion, aussi bien : elles sont généralement laides. 

La langue des Itonamas est tout à fait distincte de celles des autres nations de la 
province de Moxos; elle ne manque pas d'harmonie, et la grande quantité de voyelles 
qu’elle emploie la rend quelquefois euphonique, tandis qu’elle est très-dure pour beau- 
coup de mots : elle est accentuée et tous les mots en sont terminés par des voyelles, à 
quelques rares exceptions près, dans ceux que terminent un {, une », une s ou notre 
ch. Le j espagnol, rarement seul, y est peu commun et prend le son composé des 
lettres qui lui sont unies, comme jna, jle, etc. L’u nasal est rare; l’f et lz manquent 
absolument ; le muet français se retrouve encore, mais peu fréquemment. Il n’y a aucune 
anomalie pour les noms des parties du corps. Le féminin et le masculin ne changent 
pas dans les adjectifs. Le système de numération est nul; ils ne comptent que jusqu’à 
deux. 

Le caractère offre aussi des dissemblances notables avec celui des Moxos : il n’est plus 
franc, loyal, sociable et bon; les défauts opposés à ces vertus en font au contraire 
la base. Les hommes sont égoïstes, peu lians, sournois, obséquieux jusqu’à la bassesse 
pour les blancs, qu’intérieurement ils détestent: ce sont les plus déterminés voleurs et 
les hommes les plus lâches de toute la province; mais, d'autre ‘part, ils sont laborieux 
et nullement jaloux de leurs femmes, ni de leurs filles. 

Les mœurs des Itonamas peuvent, jusqu’à un certain point, être comparées à celles des 
Moxos. Également distribués par grands villages, ils habitaient les rives des cours d’eau, 
qu'ils parcouraient incessamment avec leurs pirogues; comme eux, ils étaient agriculteurs, 
pêcheurs et chasseurs : les plus pacifiques des habitans de la province, ils se servaient 
néanmoins d’arcs, de flèches et de massues à deux tranchans; ils aimaient la musique, 
la danse et surtout les réunions, où ils buvaient des liqueurs fermentées. Ils ont 
aujourd’hui conservé leurs goûts et leurs mœurs premières, que la religion catholique 
n’a pu déraciner. Dénués de toute pudeur, les parens enseignent les vices à leurs 
enfans, dès l’âge le plus tendre; dans leurs jours d’orgies, ils changent volontiers de 
femmes, et celles-ci sont obligées de se livrer tour à tour à leurs proches. 

Leur industrie, la même que celle des Moxos, est seulement moins avancée. Ce sont 
pourtant les meilleurs tisserands de la province; mais leurs peintures sont inférieures à. 
celles des autres nations. 

Leur costume est celui des Moxos, si ce n’est que beaucoup d’entr’eux portent leur 
chemise noire. Nous avons remarqué, cependant, que leurs enfans attachaient, jusqu’à 
l'âge de puberté, une jarretière au-dessous du genou, et une autre au cou-de-pied, 
quoiqu’ils fussent entièrement nus; coutume que nous avons retrouvée chez les Gua- 
rayos. Les filles ont, de plus, une ceinture faite de perles enfilées; elles vont entièrement 
nues jusqu’à l’époque de leur mariage. 


( 299 ) 


Nous supposons que le gouvernement des Itonamas devait ressembler à celui des Homme 
Moxos. / 4 
Cain. 

Il ne reste plus que quelques traces de leur religion et de leurs superstitions primi- -—— 
üves. Ils croyaient à une autre vie, n’adoraient aucun dieu bienfaisant, mais craignaient 
beaucoup le malin esprit Chukiva. Dès qu’une personne est malade, maintenant encore, 
quelle que soit la distance, elle va de suite se faire soigner dans la maison où elle 
est née. S'il y a lieu de croire que sa maladie soit promptement mortelle, ses parens 
ont grand soin de lui tenir hermétiquement fermée la bouche, les narines et les yeux, 
afin que la mort ne passe pas en d’autres corps, et qu’elle reste confinée dans le sien , 
de sorte que, le plus souvent, il leur arrive ainsi d’étouffer les pauvres malades. Ils 
ne suivent le catholicisme que par force et non par persuasion. 

Malgré l’infériorité de leur taille, leur maigreur habituelle et les autres différences 
que nous avons remarquées entre eux et les Moxos, nous croyons qu’on ne peut les 
en séparer, et que leur couleur, leurs traits et leurs mœurs les rattachent au rameau 
moxéen. 


Homme 
améri- 


ain. 


( 300 ) 


NATION CANICHANA. 


Canichana est le nom que porte, et que se donne elle-même, dans la province de 
Moxos, la nation la plus guerrière, la plus redoutée, la plus anomale du pays. Cest 
aussi la dénomination qu’elle reçoit des Espagnols des provinces voisines. Les Jésuites 
l'appelaient Caniciana.1 

D’après les traditions, les Canichanas auraient habité les rives du Rio Mamoré, près 
des sources du Rio Machupo, et sur tout le cours de cette dernière rivière, jusqu’au 
lieu où se trouve aujourd’hui la mission de San-Joaquin. Nous avons été à portée de 
voir, entre San-Joaquin et San-Ramon , dans les plaines de l’ouest du Machupo, des retran- 
chemens qu’ils avaient construits, afin de se garantir de leurs voisins. Ils habitaient un 
assez grand nombre de villages ?, compris entre les 13.° et 14.° degrés de latitude sud, 
et les 67.° et 68.° degrés de longitude ouest de Paris. Isolés de tous leurs voisins, qui 
néanmoins les serraient de très-près, ils étaient, à l’est, bornés par les Itonamas; à l’ouest 
et au nord, par les Itès; au sud, par les Moxos, et au nord-ouest, par les Cayuvavas. Ils 
furent tous transportés par les Jésuites sur les rives du Mamoré, où ils constituèrent la 
mission de San-Pedro, qui, après avoir plusieurs fois changé de place, est aujourd’hui 
fixée à la source du Machupo, non loin du Mamoré. Leur nombre s'élevait, en 1830, 
à 1,939 individus. Il n’en reste aucun de sauvage. 

La couleur, un peu plus foncée chez les Canichanas que chez les Moxos, est à peu 
près celle des Chapacuras, et présente les mêmes teintes. 

Aussi grands que les Moxos, leur taille moyenne atteint environ 1 mètre 677 milli- 
mètres (5 pieds 2 pouces). Les femmes, proportionnellement aux hommes, sont de 
petite stature (1 mètre 550 millimètres). 

Les formes du corps, identiques à celles des Moxos, sont peut-être un peu plus mas- 
sives, moins élancées; leurs épaules sont larges et leurs membres nourris; du reste, ils 
annoncent autant de force, sans jamais tourner à l'obésité. Les femmes sont dans les 
mêmes proportions que chez les Moxos. 

Si les formes du corps nous ont présenté une conformité avec les Moxos, il n’en est 
pas de même des traits, qui ne ressemblent en rien aux leurs. On ne trouve plus, chez 
le Canichana, une figure ouverte, annonçant la douceur; au contraire, il a l’aspect 
féroce et dur; la tête grosse, la face oblongue, comme celle des Tobas; les pommettes 


1. Père de Eguiluz, loc. cit., p. 35, 36. . 

2. Le père de Eguiluz dit (p. 35) qu’ils formaient 70 villages. 

3. En 1694, selon le père de Eguiluz, ils étaient au nombre de quatre à cinq mille. Il faut que 
les pères aient considérablement outré la population de chacune de leurs missions ou que toutes 
les nations se soient depuis réduites à la moitié de ce qu’elles étaient alors. 


( 501 ) 


apparentes, le front très-court, bombé; le nez très-large, court et épaté, fortement Homme 


rentré à sa base; les narines ouvertes, la bouche grande, les lèvres un peu grosses ; 
les yeux enfoncés, petits, légèrement inclinés, par en haut, à leur angle externe; 
les oreilles petites, les sourcils minces et arqués, les cheveux et la barbe comme 
les autres Moxéens. La physionomie est triste et d’une laideur repoussante; elle n’ex- 
prime pourtant pas l'abattement, mais une fierté sauvage. Les femmes ne sont pas jolies: 
on retrouve chez elles les mêmes traits que chez les hommes, et l'enfance mème montre 
peu de gaîté; mais en revanche, beaucoup de méchanceté et d’indiscipline. 

La langue des Canichanas ne contient aucun mot ayant du rapport avec les autres 
langues de la province; elle est musicale, fortement accentuée, quelquefois dure à 
entendre, à cause des sons gutturaux et des sons composés de plusieurs consonnes unies, 
comme j/, {z, ts. Presque tous les mots en sont terminés par des voyelles; mais il y a 
quelques exceptions, toutes très-dures, comme dans les mots en ac, ec, ip, ij et ch. Le j 
espagnol s'emploie très-souvent avec toute sa dureté; quelquefois il se joint à l/, et 
donne alors un son fort rude, comme j/a. L’u nasal n’existe point; les sons de Ff et de 
x sont inconnus; le ck français et le c4 espagnol sont communs. La langue canichana 
est peut-être celle qui offre le plus d'anomalies sous le rapport du commencement des 
mots. On à vu que dans les langues chiquitéennes les parties du corps avaient une 
lettre déterminée; cette même singularité se retrouve dans celle-ci, comme dans £ico- 
éna, joue; Eucomété, oreille, et £ulot, yeux, et s'étend à tout ce qui se rapporte au 
physique de l’homme; mais une anomalie plus grande encore, c’est que les mots qui 
expriment des objets matériels appartenant à la nature, les animaux, les plantes, les 
minéraux, et même les astres, commencent invariablement par un V, comme Vicolara, 
singe; /Vitij, le coton; Msep, un lac; Mcojli, le soleil. Les autres consonnes servent seu- 
lement pour les pronoms et pour les verbes, etc. Les adjectifs sont des deux genres. Le 
système de numération ne va que jusqu'à trois. La prononciation à beaucoup de rap- 
port avec celle des Movimas et des Itonamas. 

Le caractère est aussi anomal que les traits et le langage; ce n’est plus la franchise 
des Moxos, et leur sociabilité, non plus que la pusillanimité des Itonamas. Hardis 


au-delà de toute expression, les Canichanas sont entreprenans et indépendans, froids, 


dissimulés, peu scrupuleux surtout, taciturnes, tristes, insociables. Aussi voleurs que 
les Itonamas, ils le sont avec d'autant plus de raison, que les autres nations les craignent 
au point de se laisser impunément piller par eux. Ils paraissent néanmoins susceptibles 
les uns envers les autres, d’un attachement dont ils ont donné plus d’une preuve ; mais 
avec un tel caractère, n'est-il pas surprenant qu'ils se soient si facilement soumis au 
joug des Jésuites 1? 

D’après ce que nous en avons appris, leurs mœurs devaient être des plus guerrières ; 
ils avaient une fortification formée de fossés, dans laquelle vivait une partie de la 


1. Le père Eguiluz dit (p. 36) que les Canicianas se sont d’eux-mêmes réunis en grands 


villages, afin d’obtenir des missionnaires. 


améri- 
cain. 


( 302 ) 


Homme nation, qui, de là, faisait des incursions sur le territoire de ses voisins, les Iténès, les 


améri- 
«ain. 


Cayuvavas, et surtout chez les [tonamas, qui ont toujours excessivement redouté les 


— Canichanas. Ils enlevaient des prisonniers, qui, si nous en devons croire les relations1, 


auraient été mangés dans des festins solennels. Principalement chasseurs et pêcheurs, 
l'agriculture était chez eux très-peu avancée. Ils aimaient les liqueurs fermentées. Aujour- 
d’hui, au sein même des missions, ils ont conservé beaucoup de leurs usages primitifs 
et sont la terreur des autres nations, auxquelles ils dérobent les fruits et le produit de 
leurs champs, sans que celles-ci osent s’en plaindre, tant est grande la crainte qu'ils 
inspirent. Ils sont très-brusques et n’ont pas la moindre politesse. Seuls ils mangent 
les caïmans et les chassent avec adresse. 

Leur industrie se bornait jadis à la confection des armes et des pirogues; aujourd’hui 
encore ce sont les moins industrieux de tous les habitans des missions de Moxos. Ils 
connaissent néanmoins le tissage et tout ce qu’on fabrique dans les missions. 

Leur costume est celui des autres nations moxéennes : les hommes et les femmes 
ont le #ipoy; mais, assez habituellement, les hommes ne portent que l’écorce des ficus. 

Leur gouvernement paraît avoir été celui de nombreux caciques, les dirigeant lors 
des attaques. Leurs fortifications annonceraient parmi eux plus d'unité qu’on n’en trouve 
chez les autres peuples de la province; c’est bien probablement de là que sera venue 
la terreur qu'ils inspiraient à toutes ces tribus éparses, en dépit de leur petit nombre, 
comparé à celui de leurs voisins. 

Nous ignorons complétement ce qu'était leur religion primitive. Seulement nous avons 
encore retrouvé un usage religieux qui s’est conservé, malgré le christianisme, celui de 
marquer l’âge de nubilité des jeunes filles par un jeûne de huit jours que celles-ci sont 
obligées de subir, et de se réjouir ensuite, par des libations, de cet heureux événe- 
ment. Nous avons déjà vu cette coutume parmi les nations australes, et nous la retrou- 
vons encore sur le versant oriental des Andes boliviennes. Les Canichanas sont très- 
mauvais catholiques; ils redoutent toujours leur Yinijama ou génie malfaisant. 

Pour la couleur, les formes et la taille, les Canichanas tiennent aux Moxos; mais 
par les mœurs et les traits, ils se rapprochent plutôt des Tobas et des Mbocobis du 
Chaco. Leur langue, par ses anomalies, les place auprès des Moxos et des Chiquitéens. 
Nous croyons néanmoins que les Canichanas appartiennent au rameau moxéen; mais 
qu'ils y constituent une anomalie d'autant plus étrange, qu’ils sont entourés de peuples 
réunissant des caractères d’uniformité remarquables sous tous les rapports physiques. 
Nous pourrions peut-être trouver, dans l'influence d’un autre régime et de mœurs oppo- 
sées, l'explication de tout ce qui distingue les Canichanas des autres nations. 


1. Père de Eguiluz, p. 36. 


( 505) 


NATION MOVIMA. 


La nation Movima qui nous occupe en ce moment porte cette dénomination dans 
la provincee de Moxos, et elle-même se la donne aussi. 

Au temps de la conquête de la province de Moxos, les Movimas habitaient les plaines 
de l’ouest du Mamoré, sur les rives du Rio Yacuma, à peu près par le 14.° degré de 
latitude sud, et par les 68.° et 69.° degrés de longitude ouest de Paris. Ils étaient divisés 
en nombreux villages sur les bords des rivières, ayant pour voisins, au sud et au sud- 
ouest, les Moxos; à l’est, les Canichanas, et au nord les Cayuvavas. Ils étaient séparés 
de ces nations soit par des plaines inondées, soit par des forêts. 

Les Movimas ont tous été réunis par les Jésuites à la mission de Santa-Ana, située 
près du confluent du Rio Yacuma et du Rio Rapulo, l’un des affluens du Mamoré, et 
il n’en reste aucun sauvage. D’après le recensement, leur nombre, en 1830, était de 
1,238 individus. 

La couleur des Movimas est absolument la même que celle des Moxos. 

Leur taille, plus élevée, est en moyenne d’un mètre 690 millimètres (5 pieds 
2 /, pouces) ; ce sont tous de très-beaux hommes, et leurs femmes sont également 
remarquables par leur haute stature. Nous avons vu des jeunes filles de seize à 
dix-sept ans si grandes et si fortes, qu’elles pouvaient rivaliser avec l’autre sexe; et 
nous croyons que la taille, chez les femmes, est beaucoup au-dessus des proportions 
relatives qu’elles conservent ordinairement avec les hommes. Terme moyen, nous leur 
avons trouvé 1 mètre 620 millimètres (5 pieds). 

Les formes des Movimas sont au moins aussi robustes que celles des Moxos, et en 
tout semblables, quant aux détails; seulement les femmes participent plus de celles des 
hommes. Les traits ne diffèrent en rien de ceux de la nation citée; ils annoncent beau- 
coup de douceur; mais, chez un grand nombre de femmes, on retrouve des traits 
masculins, et rarement celte délicatesse de détails qui caractérise l’autre sexe. En 
général, le nez paraît un peu plus large chez les Movimas que chez les Moxos. 

La langue, quoique différente, pour le fond, des idiomes des autres nations de la 
province, se rapproche beaucoup, en raison de la dureté de ses sons et pour sa 
prononciation, de la langue des Canichanas et des Itonamas, quoiqu’elle soit plus 
dure encore que ces deux dernières. De même, elle a beaucoup de consonnes jointes 
ensemble, comme #c, ch, chl, jn, jl, jr, ÿj et ts, ce qui constitue des sons rabo- 
teux à l'oreille; la plupart des mots se terminent par des voyelles; néanmoins on y 
trouve des consonnes, comme l’/, ln, l’m, le p; Vs, et les sons composés du c fran- 
çais et du cz espagnol. Le 7 espagnol est très-souvent employé; l’# nasal n’existe point, 
non plus que lf. Au reste, cette langue n’a aucune anomalie apparente. Les adjectifs 
y prennent les deux genres. Le système de numération ne s'étend que jusqu’à quatre, 
et n'a aucun rapport avec les noms des doigts. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 304 ) 


Le caractère des Movimas est absolument le même que celui des Moxos; ils ont un 
grand fonds de bonté et sont des plus sociables. Leurs mœurs ont également dû être 
identiques, si l’on en juge par leur genre de vie actuel ; ils sont pêcheurs, chasseurs, 
navigateurs et agriculteurs. Leur industrie, à peu près semblable à celle des Moxos, 
est seulement beaucoup moins avancée, le tissage excepté. Le costume est le même que 
chez les autres nations de la province. 

Nous avons lieu de croire que l’ancien gouvernement des Movimas présentait 
beaucoup d’analogie avec celui des Moxos. Ils sont aujourd’hui soumis au régime 
des missions. 

Leur religion primitive est tout à fait oubliée; ils se souviennent néanmoins, qu’un 
génie malfaisant, appelé Canibaba Kilmo, causait tous leurs malheurs; ils avaient aussi 
la croyance d’une autre vie. Nous avons retrouvé quelques traces de leurs superstitions 
premières, comme celle de ne jamais tuer un serpent, dans la crainte de devenir 
lépreux; ou, lorsqu'ils sont veufs, de ne jamais attaquer un jaguar, certains qu’ils sont 
alors de succomber. 

En résumé, l'entière conformité des caractères physiques et moraux des Movimas 
et des Moxos, nous fait penser qu’ils appartiennent au même rameau, ne se distinguant 
de la nation type que par un langage tout à fait différent, et peut-être par plus de 
force corporelle. 


( 305 ) 


NATION CAYUVAVA. 


Dans la partie la plus septentrionale du cours du Rio Mamoré existe, à la mission 
d’Exaltacion, la nation nommée Cayuvava (prononcez Cayouvava). Quelques Espagnols 
écrivent Cayubaba. 1 | 

Cette nation, avant de se soumettre au christianisme, habitait la rive occidentale du 
Mamoré, à une quinzaine de lieues au-dessus de son confluent avec le Guaporé ou 
Iténès, sur les plaines entrecoupées de marais et de bouquets de bois qui caractérisent 
ces terrains. Les Cayuvavas étaient disséminés en tribus sur les bords de cette grande 
rivière, et sur les petits affluens des plaines de l’ouest?, du 12.° au 13.° degré de latitude 
sud et au 68.° degré de longitude ouest de Paris. Leurs voisins étaient, au sud, les 
Movimas; à l’est, les Iténès; à l’ouest, les Maropas de Reyes, et, au nord, les Pacaguaras 
du Rio Béni. Ils étaient séparés, surtout des deux dernières nations, par des déserts 
d'une immense étendue. Tous Chrétiens, ils sont actuellement réunis dans la mission 
d’Exaltacion, sur la rive ouest du Mamoré, à douze lieues au-dessous de l'embouchure 
du Rio Yacuma. Le nombre des Cayuvavas était, en 1831, de 2,073 individus. 

Par la couleur, la taille élevée des hommes, leurs formes robustes, leurs membres 
replets, leurs traits réguliers et agréables, leur douce physionomie, les Cayuvavas res- 
semblent aux Moxos, dont ils ne diffèrent peut-être que par plus de sérieux dans 
l'aspect général, réunissant, du reste, tous leurs caractères physiques. 

La langue cayuvava se distingue de toutes les autres langues de la province de Moxos, 
par le fond des mots; car, bien qu’elle présente encore un peu d’analogie avec les 
idiomes itonama, canichana et movima, pour la dureté de beaucoup de sons, elle 
est néanmoins plus euphonique. La complication des sons de consonnes réunies est 
assez fréquente. Celle de dz et de dj, devant des voyelles, est un peu dure; néanmoins 
alors la seconde consonne a toujours le son doux de la prononciation française. On 
retrouve encore, parmi les sons propres à cette langue, l’x légèrement nasal, le z, l’e 
muet, le cz, et des finales en an et ain, les seules, du reste, que terminent des con- 
sonnes, toutes les autres finissant invariablement par des voyelles. Le son guttural du 
j espagnol est très-commun, ainsi que le cz de cette langue, et l/ est la seule lettre 
qui manque. Nous n’avons remarqué aucune anomalie. Les adjectifs sont des deux 
genres. Le système de numération n’a pas de rapport aux noms des doigts; mais il 


1. Père de Eguiluz, p. 35. 

2. Si l’on devait en croire les matériaux sur lesquels Brué a construit ses cartes de l'Amérique 
méridionale , les Cayubabas habiteraient, d’après celle de 1826, jusqu’au 12° degré de latitude 
sud, tandis que, dans celle de 1834, ils s'étendent jusqu’au 10.° 

3. Le père Eguiluz évaluait, en 1693 , leur population à 3,000 âmes (p. 35). 


IV. Homme, 9) 


Homme 
améri- 
«ain. 


( 306 ) 


Homme offre une particularité nouvelle. Les nombres, qui ordinairement ne se joignent à d’autres 


améri- 
ain. 


qu'après dix, sont joints, dans la langue cayuvava, dès le nombre six; ainsi toutes 


—— les autres langues américaines ont des noms différens jusqu’à dix; puis elles comptent 
5 


dix et un, pour onze, tandis que chez les Cayuvavas les nombres ne changent que 
jusqu’à cinq seulement; pour six, on dit Carata rirobo ; cinq et un; Mitia rirobo, deux 
et cinq, pour sept, et ainsi de suite, jusqu’à dix; puis commencent les dizaines, allant 
seulement jusqu’à cent. 

Le caractère des Cayuvavas a beaucoup de rapports avec celui des Moxos; néanmoins 
nous le croyons meilleur. Ardens, hardis, entreprenans, industrieux, francs et loyaux, 
les Cayuvavas se font aimer de tous ceux qui les connaissent. Par les mœurs également, 
ils ne différent pas des Moxos; seulement, les plus habiles rameurs de la province, les 
plus habiles pilotes du Mamoré, ils connaissent mieux la navigation que les autres 
Moxéens. Ils sont pêcheurs, chasseurs et agriculteurs. Jadis ils étaient guerriers redoutés. 
Sous le rapport de l’industrie, ils ne le cèdent en rien aux Moxos, surtout en ce qui 
a trait à l’agriculture. Le costume national est actuellement celui des Moxos. Leurs 
armes, lorsqu'ils étaient sauvages, étaient l’are, la flèche et la lance. ! 

Nous ne savons rien de positif sur leur ancien gouvernement; mais les huit sections 
qui les partagent à la mission d’Exaltacion?, nous feraient croire que la nation a dû être 
divisée sous les ordres de chefs difiérens. 3 

Bons Catholiques, les Cayuvavas n’ont conservé de leur religion primitive que le 
nom d’un être protecteur de toutes choses, l’/daapa, et celui d’un génie du mal, 
cause de tous les malheurs, le Mainajé. Ts admettaient l’immortalité de l’âme. Ayant 
conservé quelques-unes des superstitions de leur état sauvage, ils croient, comme les 
Itonamas, empêcher la mort de sortir du corps d’un malade à l’agonie, en lui fermant 
la bouche et le nez. Les hommes ne se livrent à aucun travail pendant la menstruation 
de leurs femmes, et n’osent rien entreprendre lorsqu'ils sont veufs. 

Les Cayuvavas, voisins des Moxos par tous leurs caractères, appartiennent évidem- 
ment au même rameau, comme nation distincte par le langage. 


1. Père de Eguiluz, p. 35. 

2. Ces sections ou Parcialidades sont les suivantes : Maïsimaé, Maïdibochoké, Maïdépurupiñé , 
Maïrouaña, Maïauké , Maïdijibobo , Maïmajuya et Maïmosoroya. 

3. C’est chez cette nation que le père de Eguiluz (p. 35) avait placé le grand Paititi, Dorado 
ou pays des Césars de ces contrées. 


( 307 ) 


NATION ITÉ OU ITÉNÉS. 


Interrogée sur son nom, cette nation nous a dit s'appeler /té et Zen; d’où nous 
avons conclu qu’elle avait donné ce nom à la rivière qui vient, de l’est, se réunir au 
Mamoré, vers le 12.° degré sud , et que les Brésiliens connaissaient sous celui de Guaporé. 
Dans la province, les Ités sont connus sous celui de Guarayos, dénomination appliquée 
tour à tour aux Guaranis et aux Chapacuras, et qui, de même que celle de Guaycurus, 
donnée à toutes les nations du Chaco et à beaucoup de peuples du Brésil, a succes- 
sivement désigné pour les Espagnols de ces contrées, tous les indigènes encore sauvages. 

Les Iténès ont jusqu'ici conservé leur état primitif de liberté. Possesseurs du terri- 
toire compris entre le Rio Iténès et le Rio Mamoré, dans le delta formé par le confluent 
de ces deux rivières, jusqu’à une trentaine de lieues vers le nord, ils sont Lous sau- 
vages, et habitent les mêmes lieux où ils ont toujours vécu. Ils vivent divisés en 
hameaux dans l’intérieur des terres, au milieu des bois, ou sur les rives des ruisseaux 
affluens du Mamoré, et de là parcourent incessamment le Rio [ténès et le Rio Mamoré, 
ainsi que les forêts qui s'étendent au nord du premier. Le pays qu’ils occupent est 
circonscrit entre les 12. et 13. degrés de latitude sud, et les 67. et 68.° degrés de 
longitude ouest. Leurs voisins, avant la fondation des missions, étaient, au sud-est, 
les Canichanas; au nord-ouest, les Movimas, et à l’ouest, les Cayuvavas : ces mêmes 
nations les entourent encore aujourd’hui. Nous avons appris par quelques Iténès, captifs 
à Exaltacion, que leur nombre peut être de 1,000 à 1,200. 

Autant que nous en pouvons juger par trois [ténès, les seuls que nous ayons vus, 
la nation ne doit en rien différer des Cayuvavas et des Moxos, pour la couleur, pour 
les formes, pour les traits; elle semble seulement avoir plus de sérieux dans la physio- 
nomie. L’un des trois Iténès, encore jeune, avait une figure des plus intéressante. 

La langue des Ités est distincte des autres de la province, pour le fond et pour la 
prononciation ; mais nous supposons qu'autrefois 1l y aura eu contact entr’eux et les 
Chapacuras; car il se trouve, dans les deux langues, quelques mots dont l’étroite ana- 
logie ne saurait être due au hasard; néanmoins tout est différent dans chacune. Celle 
des Iténès est, sans aucun doute, la plus laconique, la plus douce, la plus euphonique 
de toutes les langues américaines; tous les mots s’y terminent par des voyelles, et 
aucun ne contient de consonnes dures. Les sons gutturaux et nasals n’y sont pas con- 
nus, et les seuls composés de consonnes résultent de la jonction du b au z francais, 
assez communs et sans dureté. Les lettres f, g, j, l, æ manquent absolument. Il n’y à 
aucune anomalie dans les substantifs; les adjectifs sont en même temps des deux 
genres. En un mot, la langue ité est la plus simple dans sa prononciation, comme la 
plus laconique dans ses formes; souvent une seule émission de son suffit pour indiquer 
un objet quelconque. Le système de numération des [ténès ne va que jusqu’à cinq, et 
n’a aucun rapport aux noms des doigts. 


Homme 
améri- 
Gin. 


Homme 
améri- 
ain, 


( 3508 ) 

Leur caractère ressemble peu à celui des Moxos; mais il présente quelques rapports 
avec celui des Canichanas. Indépendans et fiers au-delà de toute expression, courageux 
jusqu’à la témérité et guerriers indomptables, ils ne paraissent pas manquer entr’eux 
de franchise et de bonté. Ils ont mieux aimé se voir décimer journellement depuis 
plus d’un siècle, que de se soumettre au zèle religieux des Jésuites ou au joug des 
Espagnols. Encore aujourd'hui ce qu’ils étaient au temps de la découverte, ils doivent 
le maintien de leur indépendance à l’union qui semble régner entr’eux. 

Leurs mœurs sont fort singulières. Vivant en des hameaux, au milieu de leurs 
déserts, défendus par d'immenses marais ou par des forêts peu accessibles, ils ne s’oc- 
cupent de la demi-civilisation qui les entoure, que pour se glisser, à l’aide de leurs 
pirogues, dans les petits affluens du Mamoré et de l’Iténès. Là ils épient les Indiens 
des missions et les soldats brésiliens du fort de Beira, les attaquent à l’improviste, 
surtout à la faveur de la nuit, et les tuent seulement pour s'approprier des instrumens 
de fer. Chasseurs intrépides et pêcheurs infatigables, ils n’en sont pas moins agricul- 
teurs. Jamais ils n’ont été anthropophages. 

L'industrie chez les Iténès est assez bornée. Ils savent tisser et peindre; mais ils 
excellent surtout dans l’art de confectionner leurs armes; leurs flèches sont armées 
d’un os pointu, et ornées d’une foule de dessins qui les rendent des plus curieuses. 
Leurs pirogues sont très-longues et peu larges. Leur costume paraît ressembler à celui 
des autres Indiens de la province; de même leurs femmes portent la chemise sans 
manches. Ils se peignent la figure, et les jours de gala s’ornent la tête de plumes 
artistement placées. 

Leur gouvernement se réduit réellement à rien. Des caciques les conduisent au 
combat, sans avoir, du reste, aucune autorité. 

Leur religion, sur laquelle nous n’avons que des notions très-vagues, se bornerait 
à craindre un génie malfaisant, connu sous le nom de Tuméké (Touméké). 

Tous les caractères physiques des Iténès sont les mêmes que ceux des Moxos; leurs 
mœurs les rapprocheraient des Canichanas, tandis que leur langage, le plus doux de 
toute la province, aurait, malgré ses différences de prononciation, quelques mots voi- 
sins de celui des Chapacuras. En résumé, les Iténès appartiennent évidemment au 
rameau moxéen. 


( 309 ) 


NATION PACAGUARA. 


Cette nation, connue des Espagnols des missions de Moxos et des indigènes, sous 
le nom de Pacaguara, est appelée différemment par les Brésiliens. Nous en avons 
rencontré plusieurs hommes et plusieurs femmes, qui nous en ont appris le peu que 
nous en savons, et d’après lesquels nous avons cherché à en déterminer les caractères 
physiques. 

Les Pacaguaras qui ont habité de tout temps le confluent du Rio Béni et du Mamoré, 
vers le 10.° degré de latitude sud et du 67. au 68.° degré de longitude ouest, forment 
de grands villages au sein des forêts bordant ces larges rivières. Ils sont, pour ainsi 
dire, en dehors. du territoire de la province de Moxos, et appartiennent probablement 
à ces nombreuses nations disséminées sur les rives du Rio de Madeira, sur l’'Amazone 


“et sur ses affluens. Nous ne connaissons pas leurs voisins du nord; au sud, les plus 


proches étaient les Iténès et les Cayuvavas; encore n’avaient-ils de relations qu'avec ces 
derniers. Plusieurs fois on les amena à Exaltacion pour les convertir au christianisme ; 
mais, comme on les a toujours trompés, tous sont rentrés dans leur asile primiuf, sauf 
une douzaine d’entr'eux, restée à Exaltacion. Leur nombre total peut être de 1,600 
environ. 

Leur couleur nous a paru être, en tout, celle des Moxos. Leur taille, autant que 
nous avons pu en juger, serait peut-être un peu moins élevée; mais leurs formes et 
leurs traits réunissent tous les caractères de ceux des Moxos, et surtout des Cayuvavas 
par le plus de sérieux de leur physionomie. 

Le langage pacaguara, tout en différant par le fond de celui des Cayuvavas, a néan- 
moins quelques rapports de prononciation avec ce dernier, et conséquemment par la 
dureté de ses sons, un peu d’analogie avec l’itonama, la canichana et la movima. On y 
trouve la complication de sons de consonnes réunies, tels que #7, ts, dj et jn, lantôt 
avec toute la gutturation de la prononciation espagnole, tantôt avec la prononciation 
plus douce des Français. Le z, le ck de cette dernière langue y sont fréquens; ainsi 
que ses diphthongues, comme on, an, et le son de lu, pourtant plus nasal. Presque 
tous les mots se terminent par des voyelles, et il n’y a d’exceptions que pour les sons 
composés en on et an, et pour le c4 français, sans qu'aucun de ces sons soit dur. 
Trois lettres, l’f, lZ et l'x, ne sont pas employées. Les adjectifs sont des deux genres 
à la fois; et la langue ne présente aucune anomalie. Le système de numération ne 
s'étend que jusqu’à dix et vient probablement du nombre des doigts. 

Le caractère des Pacaguaras paraît ressembler à celui des Cayuvavas : même bonté, 
même hospitalité, même franchise, même loyauté; toutes vertus auxquelles ils joignent 
de la hardiesse et un génie entreprenant. Ils ont toujours été disposés à aider les 
Espagnols et les Brésiliens, sans néanmoins s'occuper jamais des querelles de ces deux 


Homme 
améri- 
cain. 


(310) 


Homme nations. S’étant plusieurs fois laissé conduire dans les missions des Jésuites, ils se 


améri- 
cain. 


montraient disposés à se soumettre sans résistance aux règles de conduite qu'on 
aurait voulu leur imposer. Pour les mœurs, les Pacaguaras ont aussi un grand fond 
de ressemblance avec les Moxos; spécialement navigateurs, chasseurs, pêcheurs et 
agriculteurs , ils sont très-pacifiques et ne paraissent pas chercher à indisposer leurs 
voisins, avec lesquels ils vivent toujours en bonne intelligence. Leur industrie se borne 
au tissage des étoffes pour vêtemens et à la confection d’armes et de pirogues, sem- 
blables à celles des Moxos. 

Leurs chefs, avec très-peu d'autorité, ne sont guère que de simples conseillers. 

Nous n’avons obtenu d'autre notion sur leur religion que celle de leur croyance en 
un être bon, nommé /uara, et en un malin esprit nommé Fochina, pour lesquels ils 
n’ont pas de culte extérieur. | 

En résumé, nous croyons qu’en raison de leurs caractères physiques et moraux, les 
Pacaguaras appartiennent positivement au rameau moxéen. 


(514) 
Homme 
améri- 
cain. 


TROISIÈME RACE. 


BRASILIO-GUARANIENNE. 
CARACTÈRES GÉNÉRAUX. Coueur saunèmnes Taie moyenne. Front rev 


BOMBÉ. YEUX OBLIQUES, RELEVÉS A L'ANGLE EXTÉRIEUR. 


RAMEAU UNIQUE. 


Couleur jaunâtre, mélangée d'un peu de rouge très-päle. Taille moyenne, 
1 metre 620 millimétres. Formes très-massives. Front non fuyant. 
Face pleine, circulaire. Nez court, étroit. Narines étroites. Bouche 
moyenne, peu saillante. Léèvres nunces. Yeux souvent obliques, tou- 
Jours relevés à l'angle extérieur. Pommeites peu saillantes. Traits 
efféminés. Physiononue douce. 


La race à laquelle nous avons imposé le nom de brasilio-guaranienne, 
du lieu qu’elle habite et du nom de la principale nation dont elle se com- 
pose, couvrait toute la partie orientale de l'Amérique méridionale, depuis 
les Antilles jusque près de la Plata. Étendue en latitude, du 54.° degré 
de latitude sud, au 23° degré de latitude nord, sur immense surface de 
1,140 lieues marines, du nord au sud, elle occupe, de Pest à l’ouest, des côtes 
du Brésil au pied des Andes, entre les 37.° et 65.° degrés de longitude ouest 
de Paris, une largeur de 560 lieues marines, ou mieux encore, presque 
tout le Brésil, le Paraguay, les Missions, les Guyanes et les Antilles. Elle est 
bornée au sud par le rameau pampéen, à l’est et au nord par la mer, à 
l’ouest par les Pampéens, les Chiquitéens, les Moxéens et les Antisiens. 

Le pays des Brasilio-Guaraniens, quoique très-étendu, a néanmoins une 
grande uniformité dans sa composition. Plus de ces montagnes élevées aux 
sommets glacés, aux plateaux tempérés habités par les Péruviens; plus de 
ces plaines découvertes, arides ou inondées, où vivent les Pampéens; par- 
tout un sol ondulé, couvert de petites collines, de petites chaînes de mon- 
tagnes, partout de nombreux cours d'eaux, des forêts imposantes, aussi 
anciennes que le monde; partout la végétation la plus active, sur un sol 
coupé de bouquets de bois, de petites clairières, où l’homme, divisé et sub- 
divisé en tribus nombreuses, vit isolément de chasse et de culture, au sein 
de l'abondance. 


(312) 


Homme Parmi les nations que nous avons observées, deux seulement se rattachent 
améri- 


ain. à Ce rameau; la première, celle des Guaranis, couvrait à elle seule toute la 
surface indiquée, enclavant la seconde, celle des Botocudos, et sans doute 
plusieurs autres qui nous sont inconnues, disséminées au sein des forêts, 
et sur les rives des fleuves et des rivières. 

Le tableau suivant indiquera la population relative de ces deux nations. 


NOMBRE DES INDIVIDUS 


DE RACE PURE 


NOMS DES NATIONS. DE CHAQUE NATION. 


EE TT, 
CHRÉTIENS. SAUVAGES. 


222,036 16,100 | 238,136 
4,000 4,000 


222,036 20,100 | 242,136 


Nous n’étendrons pas plus loin nos généralités sur les Brasilio-Guaraniens, 
la description de la nation guaranie les renfermant toutes à elle seule, pour 
les caractères physiques et moraux. Nous y renvoyons pour éviter les redites. 


(313) 


NATION GUARANIE. 


Ce nom, porté d’abord par certaines tribus de cette grande nation, est ensuite devenu 
celui de la nation entière, et s’est vu, comme tel, admis dans presque toutes les langues. 
Nous croyons, avec ceux qui se sont trouvés plus à portée que nous d'étudier le guarani, 
que cette dénomination est une corruption du mot Guarini! (guerre et guerrier); car 
nous le retrouvons, sous d’autres formes, dans les mots Galibi? (Caribi), Caribe5 ou 
Caraïibe#, qui n’en sont que des formes plus altérées encore, s'appliquant aux diverses 
tribus de la nation, qui se targuaient d’être les plus guerrières. 

Avant de parler de l’extension du terrain occupé par cette nation, il est indispen- 
sable d'établir, en dehors des lieux que nous avons visités, les traces de ses migrations 
anciennes et modernes, en jetant, de proche en proche, des jalons dans les limites 
desquels on pourra renfermer la nation entière, telle que nous la comprenons. Nous 
partirons de la Plata, ses limites les plus méridionales, pour prendre ensuite ses points 
les plus occidentaux. D’après les historiens, nul doute qu'elle n’ait habité les îles du 
Parana à son embouchure, et le lieu nommé aujourd’hui San-Isidroÿ, au 34.° degré 
de latitude sud. Si nous suivons, en le remontant, le Rio Parana, nous retrouvons 


1. Tesoro de la lengua guarani, par le père Antonio Ruiz (1639), p. 130. Guaränt, guerru 
(guerre); Guariny-hara, guerero (guerrier ). 

M. d’Angelis (Table de la Argentina de Rui Diaz de Guzman, p. 40), croit que Guarani vient 
de gua, peinture; de ra, tacheté, et de ni, signe du pluriel, ce qui signifierait les {achetés de pein- 
ture, où ceux qui se peignent; mais nous ne voyons pas pourquoi l’on irait dénaturer les mots, 
les mettre pour ainsi dire à la torture, pour trouver une étymologie autre que celle que nous 
donnent les Dictionnaires, écrits par des hommes qui possédaient parfaitement la langue. 

2. C’est évidemment une corruption du même mot. Nous ne croyons pas que Galibi soit une 
transformation de Caribe; ce serait le contraire, si l’on admet notre négative. D'ailleurs il n’y à 
réellement, dans ce nom, d’autre changement que celui de gua en ca. 

3. Caribe. D’après les observations de M. de Humboldt (t. IE, p. 359), cette nation se nom- 
merait elle-même Carina. En supposant, comme pour les Galibis, que la première syllabe gua ait 
été changée en ca, comme il arrive souvent, et comme nous l’avons observé chez d’autres tribus 
des Guaranis, il n’y aurait d’autres différences entre Guarini ou Curini et Carina, que la termi- 
naison en a. D'ailleurs, Rochefort lève les difficultés en disant (Mist. des Ant, p. 455) que 
Caribe signifie guerrier ; ce serait donc absolument le mot guarani. 

4. On sait que le mot Caraïbe, adopté par les Français et par les Allemands, n’est qu'une 
corruption du mot caribe, admis seulement dans ces langues, et analogue au changement de 
London en Londres, de Paris en Parigi, etc. 

5. Voyez Fundacion de la ciudad de Buenos-Ayres, por Juan de Garay, 1582 (première répar- 
tition des Indiens, p. 27), où l’on donne en propriété aux fondateurs les Guaranis des iles. 
(Collection de M. d’Angelis, et Azara, Voyage dans l’Amér. mérid., 1. 11, p. 53.) 


1V. Homme. 40 


Homme 
améri- 
«ain. 


(314) 


Homme des Guaranis, sous le nom de Mbéguas' et de Timbuez?, au Barradero; plus haut, 


améri- 
“ain. 


vers l’ancien fort de Santi-Espiritu, sous celui de Caracards$. Nous les avons vus 
à Corrientes, au confluent du Rio Parana et du Paraguay, où ils se nommaient ancien- 
nement Zapès#, et formaient jadis, comme maintenant encore, la masse de la popula- 
tion. On sait combien ils étaient nombreux sur le territoire occupé aujourd’hui par 
la capitale du Paraguay où, du temps de la conquête, ils étaient plus généralement 
connus sous le nom de Carios5. D’après le rapport le plus unanime des historienst, 
c’est de ce point que vers 1541 une de leurs dernières grandes migrations traversa le 
Chaco, et, sous le nom de CAiriguanos, alla peupler le pi des derniers contreforts 
des Andes boliviennes, du 17° au 19.° degré de latitude, où nous l'avons retrouvée. 
L'étude que nous en avons faite nous a prouvé qu’ils n'avaient rien changé à leur 
langue primitive. Nous pouvons en dire autant de ceux que nous avons rencontrés 
entre Santa-Cruz de la Sierra et Moxos, sous le nom de Sirionos, et entre Chiquitos 
et Moxos, sous celui de Guarayos7. Les auteursô démontrent qu’ils habitaient encore 
le confluent du Rio Jaoru et du Paraguay, non loin de Matogrosso. Pour tous les 
points que nous venons d'indiquer, notre expérience personnelle et les rapports des 
écrivains nous assurent positivement que toutes ces tribus appartiennent à la souche 
mère du Guarani, dont elles ont les mœurs et le langage, sans presque aucune altéra- 
tion; mais il nous reste à remplir une tàche plus difficile; nous avons à prouver que 
des Guaranis ont aussi poussé leurs migrations sur le cours de l’Amazone et de ses 
affluens et sur celui de lOrénoque. 

Indépendamment de beaucoup de traits de mœurs, nous trouvons très-haut, sur le 
Rio Yapura, l’un des tributaires de l’Amazone, et à Porto dos Miranhas, plusieurs mots 
évidemment guaranis, comme celui de Tata, feu. Dans l’intéressante relation de MM. 
Spix et Martius, et dans la langue générale (/engua geral), qui n’est que le guarani 
plus ou moins corrompu, que ces savans voyageurs annoncent se parler sur une partie 
du cours du Marañon et de l’Amazone, nous voyons des preuves certaines que, si les 
tribus habitant ces lieux ne sont pas elles-mêmes des Guaranis, elles ont au moins 


1. Rui Diaz de Guzman, #rgentina, p. 133. (Écrite en 1602, imprimée à Buenos-Ayres, en 
1835.) 

2. Schmidel, Viage al Rio de la Plata, en 1534. Édition de Buenos-Ayres, p. 11. 

3. Rui Diaz de Guzman, p. 10, 40. 

4. Idem, p. 12. 

Ce sont peut-être aussi les Galgaisi de Schmidel, p. 13. 

5. Schmidel, p. 15, 17. 

6. Rui Diaz de Guzman, p. 16. 

Padre Fernandez, Relacion historial de los Chiquitos, chap. 1, p. 4; Lozano, Historia del gran 
Chaco, p. 57. 

7. Voyez plus loin la description spéciale que nous donnons de cette tribu. 

8. Rui Diaz de Guzman, p. 14. 


( 3157) 
dû admettre dans leur sein, à des époques antérieures1 ou postérieures? à la con- 
quête, des migrations de cette grande nation. Du reste, en lisant l'ouvrage de Rodriguezÿ, 
on trouve partout soit des noms de nation qui sont évidemment guaranis, soit des noms 
de rivière, comme Parana Guazu et Parana Mini. 

À mesure que nous nous éloignons de la patrie primitive des Guaranis, que nous 
croyons être le Brésil et le Paraguay, nous devons accumuler les preuves de leur pré- 
sence sur un fleuve où ils ne pouvaient pas arriver aussi facilement que sur l’'Ama- 
zone; nous voulons parler de l’Orénoque. Nous les tirons, ces preuves, des savantes 
et judicieuses observations de M. de Humboldt, celui de tous les voyageurs qui a le 
mieux décrit ce pays; et, quoique les mœurs, les usages puissent nous les donner, nous 
les rechercherons aussi dans les langues des peuples, en mettant en regard quelques 
mots identiques, ou de source évidemment commune, comme on peut le voir par les 
suivans, choisis dans le petit nombre de ceux que M. de Humboldt a donnés: 


GUARANIS CARIBES OMAGUAS MAIPURES |TAMANAQUES PARENIS CHAÏMAS 
FRANÇAIS. du de de de de des affluens de 
Paraguay. l’Orénoque. lOrénoque. l’'Orénoque. l'Orénoque. | de l'Orénoque. Cumana. 


Sorcier, mé- 


decin. Paye. £ z 2 Psiache’. £ Piache*. 
Mer, grande 

rivière. Parana. Paranaë. Ê Parana ?. Parava. 5 É 
Soleil. Quaraci. 5 Huarassi. | Kie "”. 2 Camosi '!. Zis*. 
Lune. Yaci. £ Jacè®. Kejapi”°. 2 Keri "”. Ê 
Eau. ÿ (pron.u). Ê Ê Oueni ‘. Tuna. Ut," oueni.| Tuna. 
Cabiai. Capiiba. Capigua *. £ 2 Cappiva”?. z : 
Tabac. Petÿ. z Pete-ma ". z z É 2 


Grand-pèreet 
Dieu. Tamoi. Tamussi 


Li 
w 
LL) 
“n 
uw 


1. Les communications des Omaguas du Marañon et des Otomaques de l’Orénoque sont au 
moins démontrées par ce qu’en dit M. de Humboldt, Voyage, édition in-8, t. VII, p. 315. 

2. MM.Spix et Martius en ont rencontré à Villa-Nova, et Texeira les a vus à l'embouchure du Rio 
Madeira. 

3. Marañon y Amazonas. Madrid, 1684, liv. IT, chap. 11, p. 131, etc. 

4. Tous ces mots sont pris du Zesoro de la lengua guarani, par le père Antonio Ruiz (Madrid, 
1639), et Arte y Vocabulario de la lengua guarani, par le même (Madrid , 1639). 

5. M. de Humboldt, Voyage, édit. in-8., t. III, p. 318. 

6. Idem, ibidem, p. 344; c’est le même mot dans la haute Guyane. Loc. cit, 1. III, p. 544. 

7. Idem, ibidem, 1. VII, p. 3. 

8. Idem, ibidem, t. HT, p. 375. 

9. Idem, ibidem, t. VII, p. 183. 

10. Idem, ibidem, t. VII, p. 362. 

11. Idem, ibidem, p. 181. Une nation nommée Paresi vit aussi, à ce que nous avons appris, 
au nord de Diamantino, non loin de Matogrosso; serait-ce une tribu de cette même nation? 

12. M. de Humboldt, Voyage, t. VI, p. 207. 

13. Idem» ibidem, 1. VII, p. 316. 

14. Idem, ibidem, 1. HI, p. 323. Ce mot surtout est important; car il se rattache à d’anciennes 
traditions sur l’origine des Guaranis. 


Homme 
améri- 
calin. 


Homme 
améri- 
cain, 


("316 ) 

Nous n'avons pas toujours pu nous procurer les termes correspondans dans chacune 
des langues que nous venons d'indiquer; et par conséquent, il y a là beaucoup de 
lacunes à remplir; nous croyons néanmoins pouvoir déduire de la comparaison de ces 
mots entr'eux, la conséquence toute naturelle, que, si ces nations n’appartiennent pas 
au grand rameau guarani, il est au moins impossible de ne pas admettre qu’elles ont 
eu d'anciennes communications avec les tribus qui en dépendent, et même ont reçu 
dans leur sein des migrations assez considérables de la nation guaranie (peut-être sous 
le nom de Caribes1), pour que les principaux mots de cette langue aient passé dans 
celles des habitans des rives de l’Orénoque et de ses affluens, ainsi que dans celles 
des peuples de Cumana. 

Si nous cherchons encore plus au nord des traces de ces grandes migrations, nous en 
trouverons de positives sur les nombreuses îles de l’archipel des Antilles; et quoique 
plusieurs auteurs aient voulu prouver que les Caribes (ou Caraïbes) sont venus du 
continent septentrional?, tous les faits démontrent, au contraire, que les guerriers qui 
subjuguèrent les habitans primitifs des Antilles, en y portant leurs lois, leurs cou- 
tumes, leur langage, sont des Guaranis, dont le mot Caribe n’est qu’une corruption, 
et qui, cédant à l’impulsion générale des migrations de cette nation du sud au nord, 
sont arrivés du continent méridional. Plus tard, nous chercherons à le démontrer par 
les mœurs. Suivons maintenant les traces que nous en fournit la langue caribe. 


1. M. de Humboldt, Voyage, édition in-8., t. IX, p.15, dit: « Partout à l’Orénoque nous 
« avons trouvé les souvenirs de ces incursions hostiles des Caribes : elles ont été poussées jadis 
« depuis les sources du Carony et de l’Evevato jusqu'aux rives du Ventuari, de l’Atacavi et du 
« Rio Negro.” Voyage, t. VII, p. 251, 255, 441. 

2. Petri Martyr, p. 6. Rochefort, Hist. nat. des Antilles, p. 351 (Amsterdam, 1665), les fait 
venir des Apalachites de la Floride : il oublie, sans doute, que, p. 347, il signale une grande 
conformité de leurs mœurs et de leur langage avec ceux de la terre ferme, et que, p. 349, il a 
dit que les Caraïbes s'accordent dans leur prétention à descendre des Galibis des Guyanes. 

C’est sans doute en s’attachant à la première énonciation de Rochefort, que M. Bory de Saint- 
Vincent fait venir de la Floride les Caraïbes et les Galibis (Homme, deuxième édition, t. IF, 
p. 2, 3); erreur dans laquelle sont tombés plusieurs autres auteurs. 


GUARANIS DU PARAGUAY 


GUARAYOS DE LA BOLIVIA. 
EE 


Prononciation Prononciation 
espagnole. francaise. 


FRANÇAIS. 


Sorcier, médecin./Paye”. Payé. 

Mer, grande ri- fée Parana. 

vière. 

Grand Le 1e Tamoi'° Tamoï. 
vieux du ciel. 

Jeune, enfant. |Raï'. Rahu”°. Rahu. 

Ty'. Ty. 

Moroti”?. Moroti. 

Hou. 


Souhou. 


Blanc (couleur). 
‘ Hu’. 
Noir (couleur). nee 


Guirapa. Gouirapa. 
Arc: LEE Rs 
Épine. Yu’. You. 
Herbe. Caa :. Caa. 
Chaleur brûlante, {Araa ’. Araa. 
Jour de chaleur, {Ara ali'. Ara ali. 
Fièvre chaude. Fe cu 5, Ara cou. 


Acarapii E 
Ica ru°. 


Acarapii. 


Icarou. 


Manger. 


Pleurer. Ayaceo”. 
Toi. Nde, ne’. 
T1 (pronom de compos.) Ndi, ni!. 
Bien, bon, plus, 

etc. (diction affirma- Catu'. 

tive Ja plus employée). 
Qui ou que. [Aba è 


Ayaceo. 
Ndé, né. 
Ndi, ni. 
Catou. 


Aba. 


Tamou-tairi ‘. 


OYAMPIS 


DE CAYENNE. 


Prononciation 
française. 


Tamouchi. 


VEpi ou! 


| 
| 


Ourupapa. 


Gniou‘. 


2 


Carayeu‘. 


NW 4 vw 


GALIBIS 
DE LA GUYANE. 


Prononciation 
française. 


Piayé . 
Parana °° 
Balana?. 


Tamoussi 56 "5, 


Tamouco*. 
Heu‘. 
Tibourou °. 


Ouraba ‘ ?. 


Aoura °°. 
Carara "°. 


Accoleou ? 


Homme 
CARIBES ce 


DES ANTILLES. cain. 
EN 


Prononciation 
française. OBSERVATIONS. 


Kia neti ”. = 


|Balana ee = 


Itamoulou 
Tamou-cailou ”? 


son ; signifie en 
même temps dieu 


Ce mot, capital 
pourla comparai- 
et grand-père. 


Le Dict. caraibe 


12 13 
Raheu . donne petit. 


VAlouti 2, 
Ou louti ”. 


Oulaba " 


You 12 13 
Kalao "? ‘5, 
Brûler , chaleur 


d'une partie. 
Temps chaud. 


Ara a ra' 
Araali'”. 
Aika "3 Manger. 
Baica 
Taica cani' 


Mange. 
Mangeaille. 
Aya Le us < 
Ils entrent dans 
la comp. d. mots. 


Idem. 


Diction affirinat. 


Aba li”. 


1. Dictionnaire guarani (Tesoro de lengua guarani), par Antonio Ruiz. Madrid, 1639. 

2. Mots empruntés au vocabulaire que nous avons formé de la langue guaranie, telle que la 
parlent les Guarayos du centre de la Bolivia. 

3. Mots guaranis tirés d’un Dictionnaire manuscrit des Chiriguanos, du pied des Andes boliviennes. 

4. Mots de la langue des Oyampis de la Guyane française, extraits du Vocabulaire publié par 
M. Leprieur, dans le Bulletin de la société de géographie (avril, 1834). 

5. Biet, Voyage de la France équinoxiale en l'ile de Cayenne, p. 408, 421,219, 404, 431. 


6. Boyer, Véritable relation de tout ce qui s’est fait el passé, etc. 


, au voyage de M. de Bretigny 


(Paris, 1654), avec vocabulaire galibi, p. 416, 404, 408, 397,421, 430, 423. 
7. Pelleprat, Relation des missions des Jésuites dans les îles et dans la terre ferme, etc. (Paris, 
1655), avec dictionnaire galibi, p. 16, 21, 22. 


8. Laet, p. 641. 


9. Dictionnaire galibi, etc. Paris, 1763 (compilation des autres auteurs), p. 17. 
10. Barrère, Nouvelle relation de la France équinoxiale, p. 77. Paris, 1743. Il indique ce mot 


comme désignant une espèce de luzerne. 


11. Les pronoms ni et ne se voient évidemment dans leur adjonction aux verbes. Voy. Diction- 
naire galibi, p. 205 ; Biet, Boyer, Pelleprat, etc. Le dictionnaire galibi, inséré par de Préfontaine, 
dans sa Maison rustique de Cayenne. Paris, 1763, est une compilation de plusieurs langues distinctes. 

12. P. Raymond Breton, Dictionnaire caraïbe, p. 229, 436, 450. Auxerre, 1665. 

13. Rochefort, Hist. nat. des Ant. (Rotterdam , 1565), avec dictionnaire caraïbe, p.573, 574, 


575,576, 580, 581. 


14. Ces pronoms se trouvent indiqués et joints aux verbes. Voyez Dict. caraïbe, p. 369 et 377. 
15. Voyage à la Guyane et à Cayenne, fait en 1789 et suivantes, avec vocab. galibi, p. 372. 


Homme 
améri- 
«ain. 


Nous espérons que la comparaison des différens mots de ce tableau en fera recon- 
naître la source commune, ou tout au moins y accusera la présence de la langue 


——— guaranie; car, s’il n’en était pas ainsi, pourquoi la mer, les grands fleuves porteraient-ils 


les mêmes noms, depuis la Plata jusqu'aux Antilles, depuis le rivage oriental de l'Océan 
jusqu’au pied des Andes? Il est évident, que s’il n’y eût eu ni,communication ni trans- 
migration, ou si les peuples eussent eu une autre origine, la mer aurait porté un autre 
nom aux Antilles. Pourquoi aussi ces mots, qui tiennent aux croyances religieuses, qui 
s'appliquent à des pensées abstraites, peut-être à des souvenirs historiques, remontant 
au berceau de ces peuples, les mots Tamoi, Itamulou, Tamou-cailou , le grand-père, le 
vieux du ciel, le Dieu, se trouvent-ils les mêmes? ainsi que le nom de celui qui le 
servait, le Paye, Piache, sorcier, prêtre et médecin tout à la fois? Pourquoi les substan- 
üfs, les adjecufs, les pronoms, les verbes, les adverbes, présentent-ils tout au moins des 
rapports immédiats, sinon toujours une identité parfaite de sons? Pourquoi le nom 
des armes est-il semblable, des armes, premier attribut d’un peuple guerrier; pour- 
quoi tous ces rapports évidens, si ces mots n’appartiennent pas à la même langue? Nous 
croyons que ces comparaisons acquièrent encore une plus grande importance, et décident 
tout à fait la question, quand on considère que cette langue se trouve, sans interruption, 
sur tous les points intermédiaires, comme nous l’avons démontré pour les Oyampis, 
pour les Galibis de la Guyane, pour les nations des rives de l’Orénoque; qu’elle se parle 
sur l’immense superficie du Brésil; que d’ailleurs, les Caraïbes eux-mêmes, d’après les 
traditions reproduites par les anciens auteurs, conservaient le souvenir de leurs migra- 
tions! et avaient, dans toutes les îles, un langage et des coutumes uniformes. ? 

Si maintenant, abandonnant les îles, nous repassons sur le continent méridional, si 
nous suivons les rivages de la mer, en marchant vers le sud, pour arriver au point 
d’où nous sommes parti, nous y retrouvons, comme nous l'avons indiqué, des traces 
sensibles du passage des Guaranis. À la Guyane, les langues galibiÿ et oyampi4 ne 


1. Rochefort, loc. cit., p. 349, dit que les Caraïbes des Antilles s'accordent pour descendre 
des Galibis, et plus loin, p. 448 : «Ils ont la prononciation plus douce que les Caraïbes du 
« Continent; mais, d’ailleurs, ils ne diffèrent qu’en dialecte. » 

Raymond-Breton, Dictionnaire caraïbe, p. 229 : « Les Caraïbes disent qu'ils sont venus du con- 
« tinent pour conquérir les îles. » , 

2. Oviedo, Coronica de las Indias. De la Historia general de las Indias (1547), liv. XVII, 
fol. CLIT, dit, à propos de la Jamaïque : « De los ritos y ceremonias de la gente de la isla de 
« Santiago, no hablo, porque, como he dicho, en todo tenia esta gente la costumbre y manera que 
« los Indios de la isla de Hayti y de Cuba.” («Je ne parle pas des rites et cérémonies des 
« babitans de l'ile de Santiago (Jamaïque), attendu qu’en tout, comme je l'ai dit, ils avaient 
« les coutumes et les manières des Indiens de l'ile d'Haïti et de Cuba. ») 

Rochefort, p. 448, dit : « Tous les Caraïbes des diverses iles s'entendent entr’eux. » C’est aussi 
ce qu'écrit l’auteur du Dictionnaire caraïbe, le père Raymond Breton. 

3. Voyez tous les Dictionnaires galibis que nous avons cités à propos de notre tableau. 


4. Voyez le Dictionnaire oyampi publié par M. Leprieur, dans lequel on reconnait la langue 
guaranie à peine altérée. | 


( 319) 


sont que des dialectes peu différens de la langue primitive, et là des tribus entières Homme 


sont déjà guaranies. Plus au sud, sur la côte du Brésil, se trouvent partout des indices 
du guarani: les noms de rivières, de montagnes, tout ce qui tient au sol, porte encore 
sur les cartes des dénominations qui appartiennent à cette langue, et sur le territoire 
on parle presque en tous lieux la lengua geral, qui n’est autre que le guarani. D'ailleurs, 
les descriptions des peuples et les Dictionnaires publiés par les anciens auteurs, nous 
en donnent une preuve on ne peut plus concluante'. À l'embouchure de l’Amazone?, 
à Pernamboucÿ, et de là jusqu'à Rio de Janeiro4; de ce dernier point à l’île Sainte- 
Catherine, et en suivant la côte jusqu’à la Lagoa dos Patos et Lagoa Mirim6, au 34. 
degré de latitude sud, il n’y avait presque partout que des tribus de Guaranis. 


1. Os quaes ainda que estejam divisos, et aja entre elles diversos nomes de nacôen, todavia 
na semelhança, condicam, costumes, et ritos gentilico todos sam hüs. (Car quoiqu'ils soient 
divisés en plusieurs nations qui ne portent pas le même nom, leur figure, leurs mœurs, leurs 
coutumes et leurs cérémonies religieuses sont absolument les mêmes.) Historia da provincia Sancta- 
Cruz, p. 33 (Lisbonne, 1576), et traduction française de M. Henri Ternaux, p. 108. Nous devons 
à la complaisance toute particulière de M. Ternaux la connaissance de l'original de cet ouvrage, 
des plus rare. M. Noyer, Mémoire sur les naturels de la Guyane, 1824, p. 10, dit que la langue 
galibi s'étend sur toutes les Guyanes. 

2. Padre de Acuña, Æmazonas, chap. 68. 

3. Marcgrave, Historia naturalis Brasiliæ (1648), liv. VIT, p. 282, le prouve par les tribus 
des Tapuyis des environs de Pernambouc, dans lesquelles on retrouve les noms de Cariri vasu 
(les grands Guaranis), et de Cariri jou (Guaranis jaunes), etc.; et, d’ailleurs, tout ce qu’il dit 
de leurs mœurs s’y rapporte parfaitement. Le dictionnaire qu’il reproduit, d’après le père Joseph 
Anchieta, liv. VIII, p. 276, est conforme au Dictionnaire de la langue guaranie, qui se parle 
au Paraguay. Ce Dictionnaire est celui du père Antonio Ruiz. 

Pernambouc vient de Paranambu. 

Les Tupinambas, les premiers habitans de Pernambouc, étaient aussi des Guaranis (Roteiro 
geral, chap. 150), et couvraient une grande partie de la côte. (Corografia Brasilica, 1. V, p. 92, 
112, etc.) 

4. Voyage de Magellan, relation de Pigafetta, p. 15. 

Voyez dans notre Voyage dans l Amérique méridionale, partie historique, t. 1, chap. 2, p. 28, 
ce que nous avons dit des habitans primitifs des environs de Rio de Janeiro, appartenant tous, 
sans aucun doute, à la nation guaranie. 

Voyez Roteiro geral, chap. 58. 

Brito Freyre, liv. 1, n° 61. Voyez Memorias historicas de Rio de Janeiro, liv. F, chap. 1. Expe- 
dicion de Mendo da Sa (1567 ). 

Schmidel, édition de Buenos-Ayres, dit, p. 6, que les Tupis de Rio de Janeiro, vus par lui en 
1531, avaient une langue peu différente des Carions du Paraguay. Tapis est le même mot que 
Tapès, nonT des premiers habitans de Corrientes et des missions. 

5. Comentario de Alvar Nuñez Cabeza de Baca (Barcia, Historiadores primitivos, p. 5). 

Rui Diaz de Guzman, p. 5. 

6. Rui Diaz de Guzman, #rgentina, p. 4 et 5. 


améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 320 ) 

On voit donc que la nation qui nous occupe s’est étendue depuis les rives de la 
Plata jusqu'aux Antilles, c’est-à-dire du 34° degré de latitude sud au 23.° degré de 
latitude nord, ou sur l’immense surface de 1,140 lieues marines du nord au sud. Elle 
habite, de l’est à l’ouest, des côtes du Brésil au pied des Andes boliviennes, entre le 
37." et le 65° degré de longitude ouest de Paris, ou 560 lieues marines. En donnant 
ces points extrêmes comme limites des Guaranis, nous ne voulons pas faire entendre 
que la nation couvre entièrement de ses tribus la superficie qu’ils renferment, superficie 
à peine au-dessous de celle de notre Europe; aussi devons-nous chercher à distinguer 
la patrie originaire des Guaranis, le lieu où ils sont autocthones, des contrées qui n’ont 
été qu'envahies ou partiellement occupées par leurs hordes guerrières. 

D’après nos propres observations, d’après les faits consignés dans les historiens du 
temps de la conquête du nouveau monde, nous devons supposer que la nation guaranie 
habitait primitivement tout le sud du Brésil, du bord de la mer à la Laguna Mirim'!, 
où elle confinait vers le sud, avec les Charruas de la Banda oriental de la Plata, dont elle 
élait séparée par la Sierra de San-Ignacio, qu’elle suivait vers l’ouest, couvrant toutes 
les provinces actuelles du Rio Grande do Sul?, de Santa-Catalinaÿ, de San-Paulo#, de Rio 
de Janeiroÿ, ainsi que la plus grande partie de Minas Geraës, et, sous le nom de Tupi- 
nambas et Tupis6, etc., presque tout le littoral du Brésil7, où elle enveloppait souvent, 
vers le nord, des tribus qui lui étaient étrangères. Sur les possessions espagnoles les Guaranis 
occupaient en entier, sous le nom de Tapès, les provinces des missions 6, celles de Corrientes, 
le sud du Paraguay9, sans jamais passer à l’ouest de la rivière de ce nom. Telle est, à 


1. Rui Diaz de Guzman, p. 4. 

2. Vasconcellos, Chronica da compania de Jesus do estado do Brasil, iv. 1, n° 62, sous le nom 
de Carios; on les appelait aussi Cariges, le même nom que ceux du Paraguay. 

Rui Diaz de Guzman, p. 4. 

3. Comentario de Alvar de Nuñez Cabeza de Baca (Historiadores primitivos de Barcia, p. #, 5). 

Rui Diaz de Guzman, p. 5. 

4. Comentario, etc., p. 8. 

Rui Diaz de Guzman, p. 7, 8, 15. 

5. Memorias historias de Rio de Janeiro, por Pizarro e Araujo, t. F, liv. 1, chap. 1 , n.° 18. 

Schmidel, p. 6, 55. 

6. Voyez Corografia Brasilica. 

Padre de Acuña, 4mazonas, chap. 68. 

7. A lengoa de que usan toda pela costa he huna (la langue qu’on parle partout sur la côte 
est une). Pero de Magalhanes de Gandavo, Historia da Sunta-Cruz, p. 33. Lisboa, 1576. 

Voyez Vasconcellos, (. 152. 

8. Rui Diaz de Guzman, p. 7. 

Gonzalo de Doblas, Memoria historica, geografica, politica, etc., de la provincia de Misiones, 
écrite en 1785, imprimée en 1836 à Buenos-Ayres, p. 5. 

Corografia Brasilica, T, p. 157. C’est sans doute une dénomination corrompue de Tupis. 

9. Rui Diaz de Guzman, p. 2. 

Padre Guevarra, Historia del Paraguay, Rio de la Plata y Tucuman, p. 96, 6. 


( 321 ) 


peu près, l'extension primilive de la nation guaranie, telles sont du moins les provinces Homme 


où, tout en se divisant en une multitude de tribus distinguées par divers noms, elle 
formait un corps compacte d'hommes parlant tous la même langue, et se rattachant, 
sans aucun doute, à une origine commune. 

Passons aux migrations des Guaranis, aux routes qu’ils ont pu suivre, et cherchons 
le point où ils se sont arrêtés. Presque toujours stationnaire, l’homme que la nature a 
placé au sein de forêts épaisses, ne saurait se représenter des régions lointaines; aussi 
croyons-nous que trois circonstances locales distinctes peuvent seules engager un peuple 
à voyager, en lui révélant l'étendue du sol qu'il habite : 1.° le littoral de la mer dont 
le vaste horizon lui montre sans cesse des terres nouvelles : à peine a-t-il doublé un 
cap, qu'il en découvre un nouveau, et l'éloignement même de cette terre, qu’il distingue 
à peine, lui inspire le désir de la connaître; 2.° le cours d’un fleuve qui, par le volume 
de ses eaux, lui dévoile une extension immense, une contrée inconnue, qu'il poursuit 
soit en le remontant, soit en le descendant; 3. enfin, une plaine qui, facilement fran- 
chie, lui permet d’apercevoir au loin des collines, des montagnes, annonçant un pays 
nouveau. Stimulés par l'espoir de montrer leur courage, par le désir de conquérir de 
nouvelles compagnes, dont la possession était un honneur, les Guaranis ont émigré, en 
suivant les trois routes que nous venons de tracer. à 

Vers le sud, nous les voyons s'arrêter au lac Mirim, parce que les fiers Charruas, 
plus guerriers qu'eux encore, les empêchaient d'atteindre les rives de la Plata; mais des 
provinces, des missions de Corrientes ou du Paraguay, ils ont descendu le cours du 
Paraguay et du Parana, et sont venus, par tribus, s’enclaver au milieu des nations 
belliqueuses des plaines. C’est ainsi, sans doute, que, sous le nom de Gualachos1, 
ils ont habité les îles du Rio de Coronda, au-dessous de Santa-Fe; que sous celui de 
Caracaras? ils se sout fixés à Santi-Espiritu; au Baradero, sous celui de Timbuès et sous 
celui de Mbéguas 5; et qu’enfin ils sont arrivés jusqu'aux nombreuses îles qui obstruent la 
jonction du Parana et du Rio Uruguay, sur les bords de la Plata, près de Buenos-Ayres.4 
C’est encore du Paraguay, mais à une époque connue (1541), qu’on vit un corps de 4,0005 
Guaranis traverser le Chaco, sous prétexte de fuir le châtiment dont les Portugais 
menaçaient les meurtriers d’Alexo Garcia; et, franchissant les plaines, aller à près de 


1. Argentina de Rui Diaz de Guzman, p. 10. 

Schmidel, p. 13. 

2. Rui Diaz de Guzman, p. 10. 

3. Idem, p. 10. 

Schmidel, p. 11. 

4. Actas de la fondacion de Buenos-Ayres, en 1582, p. 28. 
Azara, Voyage dans l’ Amérique méridionale, t. I, p. 53. 
5. Padre Fernandez, Relacion historial de los Chiquitos, chap. 1, p. 4. 
6. Padre Fernandez, loc. cit., p. 4. 

Rui Diaz de Guzman, p. 17, 18. 

Lozano, Historia del gran Chaco, p. 57. 


IV. Homme. j 4 i 


améri- 
cain. 


(322 ) 


Homme deux cents lieues au nord-ouest se fixer, sous le nom de Chiriguanos, au pied oriental 


améri- 
cain. 


des Andes boliviennes, où nous les avons retrouvés. Enfin, peut-être antérieurement, 
les Sirionos des rives du Rio Piray, près de Santa-Cruz de la Sierra, sont-ils venus par 
la même route, ainsi que les Guarayos, que nous avons rencontrés au sein des forêts 
qui séparent les grandes nations distinctes des Chiquitos et des Moxos. La tribu qui paraît 
avoir habité au confluent du Rio Paraguay et du Rio Jaoru!, a sans doute remonté le 
Rio Paraguay. Comme sur tous les points de la côte, depuis la partie primitivement 
habitée par les Guaranis, jusqu’à l'embouchure de lAmazone, nous reconnaissons des 
traces évidentes de cette nation, nous devons supposer qu’elle a suivi tout le littoral, 
et qu’ensuite, à diverses époques, soit antérieures, soit contemporaines à la con- 
quête, elle a, dans ses pirogues, remonté le grand fleuve et ses affluens, jusqu’au 
Yapura et la rivière de Madeira?. Ce sont encore des tribus de Guaranis qui, cédant à 
l'impulsion des migrations du sud au nord, ont suivi la côte; et, sous les noms de 
Galibis, de Caribes, ne pouvant s'arrêter dans leurs conquêtes, ont passé aux Guyanes, 
remonté l’Orénoque, et sont enfin arrivées aux Antilles, où les premiers Européens les 
ont rencontrés. 

Nous avons cru devoir nous étendre sur ce qui se rapporte au lieu d’habitation des 
Guaranis, leur extension et leur nombre leur faisant jouer le premier rôle parmi les 
nations américaines : ce fait, que le premier nous avons reconnu, jette, il nous semble, 
un grand jour sur les migrations des peuples. 

Avant de considérer la nation sous ses rapports physiques , nous ajouterons un mot 
sur les races avec lesquelles elle s’est trouvée en contact, et sur les nombreuses tribus 
qui la composent. 

Comme nous l'avons dit, elle avait pour voisins, au sud, les Charruas et les Que- 
rendis des Pampas ou Puelches ; sur les rives du Parana, les Mbocobis, les Tobas; ces 
derniers encore sur les rives du Paraguay, où, au nord, différentes petites nations 
étaient enclavées dans son sein. Au Brésil, elle entourait aussi plusieurs nations 
distinctes, les Botocudos, par exemple, anciens Aypures, et beaucoup d’autres, dont nous 
ne traiterons pas, ne les ayant pas vues; tandis que, dans la Bolivia, ses tribus se 
trouvent entre les Quichuas, les nations du Chaco et celles de Chiquitos et de Moxos. 

Si nous voulons jeter un coup d’œil sur la synonymie des Guaranis, sur les noms 
que portaient au temps de la conquête et que portent encore leurs diverses tribus, 
nous serons réellement effrayé de leur nombre, et un volume de recherches suffirait 
à peine pour les discuter toutes convenablement; car la même tribu, changeant de lieu, 
de chef, changeait en même temps de dénomination : de là cette immense quantité de 
nations prétendues éteintes; puis chaque historien, selon la manière dont il avait 


1. Rui Diaz de Guzman, p. 14. 

2. Hans Stade, Wahrhaftige Historia und Beschreibung einer Landschaft (Francfort, 136), 
parle des Tupinambas. MM. Spix et Martius les ont rencontrés à Vülla-Nova, et Texeira, en 1739, 
les trouva à l'embouchure du Rio de Madeira. 


(325 ) 


entendu le nom, selon l'orthographe qu’il lui donnait, en créait aussi de nouveaux, 
que les compilateurs reproduisaient en les copiant sans critique les uns les autres, en 
dénaturant eux-mêmes ces noms, et en ouvrant ainsi une nouvelle source d’erreurs. 
D'un autre côté, les Espagnols, les Portugais, les Français, les Anglais, les Hollandais, 
chacun suivant sa manière d'écrire, suivant le génie de sa langue, présentaient les mêmes 
dénominations sous une forme différente, ce qui les multipliait gratuitement. La meilleure 
preuve que nous puissions en donner, est la compilation, très-bonne d’ailleurs, qu’en a 
faite M. Warden, dans l’A4rt de vérifier les dates, où, pour le Brésil, ilindique 387 nations', 
et pour la Guyane française seulement 1042, ce qui en donne 491 pour les lieux où il y 
avait le plus de Guaranis. Nous ne croyons pas exagérer en établissant, d’après l'inspection 
de l’origine de ces noms de nations, que plus de 400 doivent appartenir à la nation gua- 
ranie, ne faisant que désigner des tribus dont les dénominations ont été dénaturées par 
l'orthographe. Si, indépendamment des noms de tribus déjà indiqués , nous voulons donner 


‘une courte synonymie pour les lieux qui nous occupent plus particulièrement, nous 


verrons les Guaranis, sous le nom d’#rachanes, au Rio Grande do Sul5; de Mbéguas 
et de Timbuës, au Baradero; de Cardcards, au-dessous de Santa-Fe; de Tapès, à Misiones; 
de Carions, au Paraguay; de Guayanas, près de la grande cascade du Parana#; enfin, 
nous les avons retrouvés, sous celui de Guarayos, entre Moxos et Chiquitos en Bolivia; 
de Srrionos et de Chiriguanos, près de Santa-Cruz de la Sierra. Nous bornerons là cette 
nomenclature fastidieuse, pour embrasser un autre point de vue non moins embrouillé, 
celui du nombre actuel des Guaranis. 

En ne nous occupant que des lieux que nous avons visités ou qui les avoisinent le 
plus, nous voyons, qu’en 1612 Rui Diaz de Guzman * avait connaissance des chiffres 
suivans, sans doute approximatifs : 


Arachanes du Rio Grande. . ............... ‘20,000 
Guaranis de la Lagoa dos Patos. . . . . . ........ 10,0006€ 
Du Rio Ubai à San-Pablo. . . .. Serbes 22200:000 
Au Rio Paranà Pane et Atibijiba. . . .......... 100,000 
Aux environs de l’Assomption du Paraguay . . . . . . . 27,000 
À: PEspirité Santors + 51m MC) 8:000 


365,000. 


1. Art de vérifier les dates, t. XII, p. 120 et suiv. 

2. Idem, 1. XV, p. 47. 

3. Argentina de Rui Diaz de Guzman, p. 4. 

4. Gonzalo de Doblas, Memoria historica, etc., sobre la provincia de Misiones, p. 51. M. de 
Humboldt, qui, près de Cumana, a rencontré une nation sous ce même nom, dit que la 
langue parait appartenir au grand rameau caribe. (Voyage, édit. in-8.°, p. 418.) 

Azara, Voyage dans l’ Amérique méridionale, t. I, p. 75, en fait à tort une nation distincte. 

5. Voyez Argentina, p. 4, , 8, 10, 97, 98. 

6. M. d’Angelis, table du même ouvrage, met par erreur, sans doute, un zéro de plus, et 
donne 100,000 au lieu de 10,000. 


Homme 
améri- 
cain. 


Homme 
améri- 
cain. 


( 524 ) 

Ainsi cet auteur, sans parler des Guaranis du haut Pérou, élevait leur nombre à 
365,000. Nous ne discuterons pas ce chiffre, qui nous semble, pour quelques points, 
un peu au-dessous de la vérité, mais qui, en revanche, est exagéré pour d’autres. En 
1717, le père Fernandez: accordait à la seule province des Missions 121,167 Guaranis. 
En 1744, dans la même province, selon Gonzalo de Doblas?, on n’en comptait plus 
que 84,606, qui s'étaient élevés à 100,000 lors de expulsion des Jésuites en 1767, et à 
l’époque où écrivait l’auteur cité (en 1785), ce nombre était descendu à 70,000; mais 
si nous voulons rentrer en des limites plus modernes et plus exactes, nous les trouve- 
rons dans les chiffres donnés, en 1801, par Azaraÿ, auxquels nous ajoutons ceux des 
Guaranis du haut Pérou, dont nous avons eu des recensemens faits en 1831. 


Chrétiens. Sauvages. Total. 


Guaranis de la province des Missions et de Corrientes. 40,3554 z 40,355 

— de la province du Paraguay . . . . . . . . . 26,7155 s * : 26/45 
Chiriguanos de la Bolivia. . ............. 39666 15,000 18,966 
Guarayos de Bolivia...,546 2. se 15000 100 1,100 
Sirionss.de.Boliviais Mer 4e es" Cr - 1,000 1,000 
Guaranis du Brésil. . . .. .: ... ...1.:. 4 ,0...:150,0007 z: 150,000 


222,036 16,100 238,136 


Abordons, enfin, la description physique des Guaranis. 


Leur couleur, dont nous avons pu juger sur un très-grand nombre d'individus, 


1. Padre Fernandez, Memoria historica de los Chiquitos. 

Gonzalo de Doblas, Mem. hist. de la prov. de Misiones, p. 5. 

2. Memor. historica sobre la prov. de Misiones, p. 5. 

3. Voyage dans l'Amérique méridionale, 1. IT, p. 338 (tableau). 

4. Il est positif qu'on ne pourrait retrouver les habitans de la province des Missions où il 
n'existe plus aucune bourgade; mais ils n’ont pu qu'être dispersés aux environs et non pas anéantis; 
aussi regardons-nous encore ce chiffre comme vrai. 

5. Azara, dans ce recensement, n’a pas compris tous les Guaranis, à peu près aussi nom- 
breux, qui habitaient les villes et paroisses. 

6. Nous n’avons pas non plus indiqué les Chiriguanos répartis sur les fermes et dans la ville 
de Santa-Cruz de la Sierra. 

7. D’après les renseignemens recueillis à Lisbonne par M. Balbi, M. de Humboldt (Voyage aux 
régions équinoxiales du nouveau continent, in-8.°, t. IX, p.179, et t. XI, p. 164) porte, en 1819, 
le nombre des indigènes brésiliens à 259,400 ; somme reproduite dans la Miscelanea hispaño-ame- 
ricana, t. IT, p. 299. Si nous comparons ces données avec celles qui ont été publiées en 1822 par 
Veloso de Oliveira , t.I, $. 4, lequel donne 800,000 Indiens sauvages et catéchisés, et aux rensei- 
gnemens que vient de nous communiquer M. le vicomte de Santarem, sur les notes que lui avait 
remises, antérieurement à ces époques , le père Damazo, conservateur de la bibliothèque royale de 
Rio de Janeiro, et d’après lesquelles les Brésiliens indigènes sont au nombre de 1,500,000, on 
trouvera si énormes les différences entre ces diverses sommes, qu’il en faudra conclure que nous 
n'avons encore rien de positif relativement à la population indigène du Brésil. Aussi, en donnant 


| ( 325:) 

tant à la frontière du Paraguay qu’en Bolivia, les distingue tout à fait des autres rameaux 
décrits : elle est jaunàtre, un peu rouge et très-claire!; c’est, en un mot, la teinte 
qu’on accorde généralement aux peuples océaniens, mais moins jaune que celle-ci. 
Elle n’a pas non plus cet aspect brun qui caractérise les peuples des montagnes et 
ceux des plaines. La nuance n’est pas partout la même, et nous avons observé que 
la localité influe beaucoup sur son intensité : les Guaranis de Corrientes et les Chiri- 
guanos de Bolivia ont une teinte infiniment plus foncée, parce qu’ils habitent les plaines 
ou des lieux découverts, tandis que les Guarayos et les Sirionos, qui vivent constam- 
ment au sein de forêts impénétrables aux rayons du soleil, ne le sont pas beaucoup plus 
que nombre d'hommes de nos contrées méridionales. 

La taille est en général peu élevée chez les Guaranis ? : dans les provinces de Corrientes 
et des Missions nous avons trouvé qu’en moyenne elle s'élevait rarement à 1 mètre 
62 centimètres (5 pieds); les Chiriguanos nous ont offert des proportions un peu plus 
grandes, et chez eux il est rare de rencontrer un homme de 1 mètre 73 centimètres 
(5 pieds 4 pouces). Les Guarayos ont subi une modification qui tient peut-être aux 
conditions favorables d'existence des lieux qu’ils habitent5; aussi atteignent-ils la taille 
moyenne de 1 mètre 66 centimètres (5 pieds 1 pouce). Les femmes sont le plus ordi- 
nairement pelites, et conservent des proportions souvent au-dessous de la taille relative 
que nous leur voyons en Europe; leur taille moyenne est de 1 mètre 490 millimètres #; 
la seule tribu des Guarayos fait encore une exception à cet égard; car chez elle la taille 


le chiffre de 150,000 comme Guaranis du Brésil, nous nous rapprochons davantage de la somme 
indiquée par M. de Humboldt, tout en étant bien certain d’être plutôt au-dessous qu’au-dessus 
de la vérité; car les provinces entières de San-Paulo et du Rio grande do Sul ne sont habitées que par 
des Guaranis. C’étaient aussi les premiers habitans de la plus grande partie du littoral de océan 
atlantique jusqu'aux Guyanes, où ils se retrouvent encore, soit soumis, soit sauvages. 

1. Oviedo, au seizième siècle, dans son Mémoire dédié à Charles V, De la Isla española. 
Barcia, Historiadores primitivos, chap. II, p. 5, dit: Color loros claros (couleur jaune- clair). 

2. Oviedo, De la Isla española. Barcia, Historiadores, chap. IT, p. à, dit: La gente de esta 
isla es de estatura algo menor que la de España. (Les habitans de cette ile sont de stature un peu 
moindre, que celle des Espagnols). Chap. X, p. 12, il dit encore : « Estos Indios de tierra ferme 
«son de misma estatura y color que los de las islas.” (Les Indiens de la terre ferme sont de même 
stature et couleur que ceux des iles.) 

3. La grande taille que M. de Humboldt (Voyage, édit. in-8.°, t. IX, p. 11) a trouvée aux Caraïbes 
de l’Orénoque (de 5 pieds 6 pouces à 5 pieds 10 pouces), est sans doute une anomalie dans la nation, 
comme le croit cet illustre savant (1. HI, p. 355); il faudrait admettre qu’ils se sont trouvés 
encore en des circonstances plus favorables, qui ont modifié la taille médiocre qui leur est propre. 

4. La description que Rochefort donne (p. 351) des Caraïbes est parfaitement en rapport avec 
nos observations; il en est de même des relations. suivantes. 

Quatuor Americi Vesputi navigationes. Navigatio prima de moribus ac eorum vivendi modis. 
Saint-Dié, 1507. 


Historia de colon., p. 20. Barcia, Historiadores primitivos. 


Tomme 
améri- 
«ain. 


( 326 ) 


Homme des femmes se rapproche beaucoup de celle des hommes. Les formes du corps, chez 


améri- 
cain. 


les Guaranis, sont généralement on ne peut plus massives; la poitrine est élevée, le 
corps d’une venue, les épaules larges!, les hanches grosses, les membres très-replets, 
arrondis et sans muscles saillans; les mains et les pieds sont petits. Comparativement 
aux nations des plaines, on reconnaît de suite un Guarani à ses larges proportions. 
Les femmes présentent les mêmes formes; elles sont on ne peut plus massives, larges et 
courtes; elles ont tout ce qu’il faut pour être vigoureuses, pour résister aux travaux 
pénibles et pour être propres à la reproduction; leur gorge est toujours volumineuse 
et très-bien placée. Tels sont les caractères que nous avons trouvés chez les Guaranis des 
missions et parmi les Chiriguanos. Les Guarayos, au sein de leurs belles forêts humides, 
ont eu les leurs modifiés, sans doute, par l’influence locale, si puissante et si pro- 
ductive : les hommes et les femmes ont de belles proportions, presque européennes, 
quoiqu’un peu plus lourdes; la peau très-lisse et fine, le maintien en même temps fier 
et gracieux. 

Les traits des Guaranis se distinguent au premier coup d'œil de ceux des nations 
pampéennes : leur tête est arrondie, non comprimée latéralement; leur front ne fuit pas 
en arrière; il est, au contraire, élevé, et son aplatissement, dans quelques-unes des 
tribus, tient à des causes artificielles?. La face est presque circulaire 5, le nez court, 
très-peu large, à narines beaucoup moins ouvertes que celles des peuples des 
plaines; la bouche moyenne, quoiqu’un peu saillante; les lèvres assez minces, les yeux 
petits, expressifs, toujours relevés à leur angle extérieur, et quelquefois comme bridés 
à cette partie4; le menton rond, très-court et n’avançant jamais jusqu’à la ligne de la 


1. Rochefort, Histoire naturelle des Antilles, p.351 (1665), dit, en parlant des Caraïbes, qu’ils 
sont de moyenne taille, et qu’ils ont les épaules larges; caractères parfaitement en rapport avec 
ce que nous avons vu. ; 

2. Rochefort, loc. cit., p. 437, dit, en parlant des Caraïbes, le front et le nez aplatis, « mais 
« par artifice et non pas naturellement; car leurs mères les leur pressent à leur naissance, et con- 
« tinuellement pendant tout le temps qu’elles allaitent. » 

On trouvait encore des têtes aplaties chez les habitans de la Guyane. Barrère, p. 239. 

La même coutume avait lieu chez les Omaguas des îles du Maranhan. Corografia brasilica, 
t. II, p. 326. 

Oviedo, liv. HIT, chap. 6. 

D'ailleurs Oviedo , au seizième siècle, disait qu’ils ont la frente ancha ( le front large). De la 
Española. Barcia, Historiadores primitivos de Indias, chap. IT, p. 5. 

3. On peut voir des figures guaranies très-ressemblantes dans le beau Voyage au Brésil, par 
M. Debret, pl. 23, 24, 25. 

4. Rochefort, loc. cit., p. 351, dit des Caraïbes des Antilles : «Visage rond, ample, yeux 
« petits, noirs, aussi bien que les Chinois.” N’y a-t-il pas ici encore une concordance parfaite 
avec les Guaranis? 

M. Auguste de Saint-Hilaire a aussi reconnu le caractère des yeux relevés ou bridés à leur angle 
extérieur. Voyage, chap. XVII. 


( 327) 

bouche; les pommettes non prononcées dans la jeunesse, saillent un peu plus dans 
l’âge avancé; les sourcils sont bien arqués, très-étroits, les cheveux longs, droits, gros 
et noirs; la barbe, chez les tribus du Paraguay et des missions, ainsi que chez les 
Chiriguanos, se réduit à quelques poils courts, droits et peu nombreux au-dessus de 
la lèvre supérieure et au menton seulement. Nous nous sommes bien assuré que ce 
peu de barbe ne provient pas de la coutume de l'épilation, comme chez beaucoup des 
tribus sauvages, l'ayant trouvée la même chez les Guaranis soumis au christianisme, 
et qui ont abandonné cet usage’, général parmi la nation ; mais un fait bien curieux 
est celte exception remarquable qui existe chez les Guarayos, tous pourvus d’une barbe 
longue qui couvre la lèvre supérieure, le menton et même le côté des joues?. Cette 
barbe pourrait se comparer à celle des Européens, si elle n’avait un caractère constant, 
celui de n'être jamais frisée, et d’être même aussi droite que les cheveux. La présence 
d’une barbe fournie chez une tribu de cette nation presque imberbe, serait-elle encore 
la suite de l’influence locale, qui amène, comme on l’a vu, tant d’autres modifica- 
üons physiques ? Nous serions tenté de répondre affirmativement; car il nous est bien 
prouvé, par les recherches que nous avons pu faire sur les lieux, que ce fait ne 
résulte pas du mélange de cette tribu aux races européennes, avec lesquelles elle n’a 
jamais eu de contact. 

Nous avons pu remarquer aussi combien la position morale influe sur la physionomie 
des tribus d’une même nation. Au Paraguay et à Corrientes, les Guaranis soumis, 
presque esclaves des colons, ont l’air triste, abattu, l'indifférence peinte sur les traits, 
et ne montrent extérieurement ni passions ni vivacité dans la pensée5. Les compa- 
rons-nous aux Guarayos libres? Nous trouvons, chez ces derniers, une figure inté- 
ressante, pleine de fierté, mais, en même temps, de douceur, et leur aspect dénote des 
hommes spirituels; tandis que les Sirionos et les Chiriguanos ont bien la fierté, mais 
non la douceur caractéristique des Guarayos. On voit, chez ces trois dernières tribus, 
chaque individu plein de la conscience de sa valeur personnelle, tandis que, dans les 
missions, l'esprit de servilité étouffe chez lui tout sentiment d’amour-propre et de dignité. 


1. L’épilation avait lieu chez les Caraïbes (Rochefort, loc. cit., p. 439) et chez les Brésiliens. 
Voyez Pigafetta, Voyage de Magellan en 1519, p. 18, édit. française. 

Père Raymond Breton, Dictionnaire caraïbe, p. 240. | 

Mugalhanes Gandavo, p. 34, dit la même chose. 

2. C'est à tort qu'on a donné une barbe touffue aux Patagons et aux Guaranis du Paraguay. 
Les Patagons n’en ont pas; et Azara (t. II, p. 58), qui a donné lieu à cette erreur pour les 
Guaranis, dit seulement : «Les hommes ont quelquefois un peu de barbe, et même du poil sur 
« le corps.” Il est évident qu’il parle du peu de barbe cité par tous ses devanciers; et, quant aux 
poils du corps, c’est celui des parties sexuelles, qui en sont toujours pourvues, lorsqu'il n’y a pas 
épilation. 

3. Azara, Voyage dans l'Amérique méridionale, t. M, p. 60, représente tous les Guaranis 
comme ayant ce même aspect. On voit bien qu’il n’avait rencontré que des Guaranis soumis. 


Homme 
améri- 
ain. 


( 328 ) 


Homme Les Guarayos seuls ont une figure màle; les autres tribus ont toujours les traits effé- 


améri- 
“ain. 


minés, ce qui tient probablement au manque de barbe. 

La langue guaranie n’est composée que de particules ou de monosyllabes combinées 
avec art, pour rendre même les idées abstraites; la réunion de ces particules, diverse- 
ment arrangées, forme les mots, variant autant que le besoin l'exige. Si les faits ne 
venaient prouver que la nation qui la parle n’a jamais été réunie en corps, quoiqu’elle 
occupàt une surface immense, on serait tenté de croire que la langue a été le produit 
des müres réflexions d’une civilisation avancée, d’un esprit d’analyse réellement extraor- 
dinaire; mais, pour ne pas sortir ici du cercle que nous nous sommes tracé, nous ne 
nous étendrons pas davantage sur les principes, suivant seulement la marche compa- 

rative ‘adoptée pour les autres langues. 

Le guarani, quoique rempli de sons prononcés du nez et de Abba , ce qui 
caractérise celte langue et la distingue facilement des autres idiomes américains, n’a 
que très-peu de gutturations, et peut même passer pour être assez douce. Les finales 
y étant presque toujours longues, elle est des plus accentuée. Les seules complica- 
tions de consonnes sont un peu dures; mais elles sont si communes, qu’elles peuvent 
faire reconnaitre immédiatement la langue à laquelle elles appartiennent : ce sont »#b et 
nd qui ont un son identique, résultant du mélange de l’une et de l’autre avant de 
faire sentir la voyelle qui la suit. Les mots finissent presque tous par des voyelles, 
notamment l’a et l’7; et seulement pour les infinitifs, et pour les adverbes nous trou- 
vons la terminaison en p ou en g, qui changent selon les cas. Nous avons dit que la 
langue contenait beaucoup de voyelles composées ; en effet, nous y reconnaissons, 
à chaque phrase, des sons en an, ain, en, on?, et enfin nombre de diphthongues 
que nous pouvons rendre facilement en français, mais qui ont fort embarrassé les 
Jésuites espagnolsi. Nous y voyons encore notre w, mais avec une prononciation 
nasale et gutturale intermédiaire entre celle de cette lettre en français, et celle de 
Vi 4; c’est même la langue où l’x se rencontre le plus souvent, et il y est toujours 
long. La gutturation du j espagnol n'existe pas dans la langue guaranie. Le son 


1. On pourra voir, plus tard, notre travail spécial sur les langues américaines, dans lequel 
nous reproduirons les nombreux vocabulaires que nous avons recueillis. 

2. Cette observation a été faite par tous les missionnaires jésuites; aussi Lozano, qui était un 
érudit dans cette langue, ne craint-il pas de dire : «Esta lengua es sin controversa, de las mas 
« Copiosas y elegantes que reconoce el orbe.»” (Cette langue est, sans contredit, une des plus 
étendues et des plus élégantes du monde.) Historia de la compania de Jesus en la provincia del 
Paraguay, 4. 1, liv. 11, chap. XIX, p. 259. 

3. C’est précisément l'impossibilité de rendre ces sons avec les lettres espagnoles, qui, dans le 
Tesoro de la lengua guarani du père Antonio Ruiz, a contraint à employer cette multitude 
d’accens ou de signes de convention, dont on tient si peu de compte lorsqu’on cite ce vocabulaire. 

4. Les Jésuites ont rendu ce son par 7; pour montrer qu’il devait se prononcer, en même 
temps, du nez et de la gorge, comme dans Paragua ÿ, la rivière du Paragua, corruption de 
Payagua. 


( 329 ) 


de l’f, de l’/, du v, de læ, y manque entièrement; celui du d'est toujours joint à Homme 


celui de l’r, comme »d. Nous n'avons pas remarqué d’anomalie dans les noms des 
parties du corps. Il n’y a point de terminaison différente pour le pluriel et pour le 
singulier, dans les substantifs; et les adjectifs sont toujours du même genre. La numé- 
ration est le nom des cinq doigts de la main; les Guarayos seuls ne comptent pas au- 
delà de dix : ce manque de connaissance des nombres dénote un défaut absolu de com- 
merce. La construction des phrases se fait ainsi : aka cherope, de aha, je vais; che, moi; 
ro, de og, contracté pour l’euphonie, et qui prend toujours l’r, pour rendre la phrase 
plus douce, maison (ma maison); et de pe, à, adverbe de mouvement. La traduction 
littérale est : Je vais moi maison à, qui veut dire, je vais à ma maison. Les Guaranis 
emploient beaucoup les contractions ou les additions de lettres, pour rendre les sons 
plus euphoniques:. Chaque tribu a plus ou moins modifié son langage; ainsi toutes 
les terminaisons en #, sont changées en chi chez les Guarayos. 

Les Guaranis sont généralement bons, affables, francs, hospitaliers, faciles à per- 
suader , et suivant aveuglément un principe une fois adopté. On en a une grande preuve 
dans la manière dont ils reçurent les premiers Espagnols et les Portugais?, et dans la 
promptitude avec laquelle ils se soumirent à leur joug5 ou aux missionnaires4, tandis 
que d’autres nations, plus guerrières, plus jalouses de leur liberté, ne cédèrent jamais 
ni à la force des armes, ni aux efforts du prosélytisme, afin de garder leurs mœurs, leurs 
usages, et surtoul pour ne pas servir des étrangers. Si nous prenions pour type les 
Guarayos que nous avons trouvés dans leur simplicité primitive, nous dirions que les 


1. Les deux langues, parlées l’une par l’homme, l’autre par la femme, chez les Caraïbes, attestent 
positivement qu’il y a eu invasion; et ce ne serait pas une preuve que les conquérans ne fussent 
pas des Caribes ou des Guaranis. Le père Raymond Breton explique ce fait d’une manière satis- 
faisante dans son Dictionnaire caraïbe, p. 229, en disant : & Les Caraïbes sont venus du con- 
« tinent pour conquérir les îles; ils tuèrent les hommes et gardèrent les femmes : de là l'origine 
« des deux langues.” Voyez aussi Rochefort, p. 440. 

Barcia, Origen de los Indios del nuevo mundo, p. 172-175. 

2. Voyez Comentario de Alvar Nuñez Cabeza de Vaca, p. 8, dans son Voyage de Sainte- 
Catherine au Paraguay, en 1541 (Barcia, Historiadores primitivos de Indias). 

Voyez Herrera, Dec. I, p. 28; premier voyage de Colon, 1492. 

Les habitans de la partie du Brésil vue par Cabral en 1500 , reçurent les Portugais avec une 
bonté toute particulière. Lettre de Pedro vas Caminha, Art de vérifier les dates, t. XIII , pe 445 
et suivantes. 

3. Schmidel, édit. de Buenos-Aÿres, p. 16, parle de la complaisance avec laquelle, en 1539, 
les Guaranis les aidèrent à construire le fort de l’Assompcion. Guevarra, Hist. del Paraguay, p. 96, 
dit la même chose, 

4. Padre Lozano, Historia de la compania de Jesus en la provincia del Paraguay, 1754, 
t. L°, p. 57 et suiv. 

Pero de Magalhanes de Gandavo, 1576, tient le même langage sur les habitans du Brésil, Voy., 
cap. XIII, p. 45. 


IV. Lomme. 4 3 


améri- 
cain. 


( 350 ) 


Homme Guaranis sont ennemis du vol et de l’adultère, qu’ils punissent de la peine de mort.: 


améri- 
‘ain. 


Ils ne connaissent pas l'envie, sont bons pères, bons maris; et, dans leur état sauvage, 
ils admettent l’autorité patriarchale au sein de chaque famille. On retrouve la même 
hospitalité chez les Chiriguanos, et quoique les anciens écrivains les aient calomniés?, 
nous croyons qu'ils ont le même caractère; seulement on veut avoir tous les droits 
possibles de les vexer, sans les laisser se plaindre : ils ne demandaient que de la réciprocité 
dans les procédés; ne l’ayant pas obtenue, ils sont restés sauvages. Les Sirionos font excep- 
tion; ils fuient le contact des autres hommes, demeurant toujours au sein de leurs forêts. 
Ona surtout reproché aux Guaranis d’être cruels, sanguinaires; mais, si l’on veut fouiller 
les annales de l’histoire, ne trouvera-t-on pas, chez nos ancêtres, des coutumes atroces 
envers leurs prisonniers? Tout ce qu’on allègue contre les Guaranis, ne vient que d’un 
fait : la vengeance les portait, par représailles, à tourmenter les vaincus, et même, dans 
beaucoup de tribus, à les manger5, après les avoir d’abord bien traités. C’est plus par- 
üculièrement chez les Guaranis qu’existait cette coutume barbare, ce qui l’a fait attribuer 
à beaucoup d’autres nations qui en étaient innocentes ; néanmoins l’anthropophagie n’avait 
lieu que pour les prisonniers de guerre, et n'allait jamais jusqu’à dévorer leurs enfans et 
leurs pères, comme l’ont prétendu quelques historiens exagérés. Elle n’était pas com- 
mune à toutes les tribus des Guaranisÿ; elle a cessé dès l’instant de la conquête, et n’a 


1. Herrera, Decad. 1, p. 29. Les Caribes des Antilles ne volèrent rien à Colon, lorsqu'un de 
ses navires fit naufrage en 1492, à son premier voyage. 

Oviedo, Historia general de las Indias, 1547, lib. V, cap. IF, fol. 4, dit aussi que les habitans 
d'Haïuü châtiaient rigoureusement le vol. 

2. Garcilaso de la Vega, Coment. real de los Incas, lib. VIT, p. 244. 

Padre Fernandez, Relacion historidl de los Chiquitos, etc. 

3. Geraldini, ltinerarium , p. 186. 

Hist. venet., 1551, p. 83 : Insularum partem homines incolebant feri trucesque, qui puerorum 
et virorum carnibus, quos alis in insulis bello aut latrocinis cœpissent, vescebantur; à fæmunis 
abstinebant cannibales appellair. 

Pero Magalhanes Gandavo, 1576, p. 40. 

Pigafetta, Foy. de Magellan en 1519, p. 17, dit que les Brésiliens ne mangeaient que leurs 
ennemis. était aussi la coutume primitive des Guaranis du Paraguay (voy. Comentario de Alvar 
Nuñez Cabeza de Vaca (1541) , p. 15; Barcia, Historiadores primitivos de las Indias, et Schmidel, 
p. 15) et à la côte ferme : voyez Oviedo, De la Isla Española; Barcia, Hist. primit. de Indias, 
cap. X, p. 15, dit que les Caribes de Carthagène et de la plus grande partie de la côte avaient 
cette coutume. 

4. Vespucci, p. 91. 

Herrera, Decad. 1, p. 13. 

L'auteur du Nouveau monde et navigations faites par Améric de Vespuce (Paris, 1516), dit 
naïvement, en son vieux français, feuillet CVIIT : De ceste chouse soyez asseurez parequil à esté 
veu, le pere avait mengé ses enfans et ses femmes, el iay congneu ung homme auquel iay parlé, 
lequel se diuulguet avait mangie plus de troys cens corps humains. 

5. Les Guarayos ne paraissent pas avoir jamais été anthropophages , et beaucoup d’autres tri- 
bus du Brésil sont dans le même cas. 


( 331 ) 

été présentée comme existant toujours que par quelques voyageurs plus amis de l’extraor- 
dinaire que de la vérité. L’anthropophagie n’avait lieu en effet que sur le territoire occupé 
par les Guaranis, et ne s’étendait pas sur la partie occidentale de l'Amérique méridionale. 
Le fond du caractère des Guaranis est peu gai; on ne voit point chez eux cette hilarité 
de tous les instans qu’on remarque chez les Chiquitos : toujours sérieux dans leurs 
discours, ils sont réfléchis, parlent peu; ils ont cependant des jeux et des fêtes, et sont 
néanmoins loin d’être tristes. Quoiqu’on en ait voulu faire des êtres pusillanimes!, leurs 
longues migrations, leurs conquêtes, leurs guerres contre les Espagnols, prouvent 
qu'ils ont, au contraire, du courage?, et surtout beaucoup de résignation. 

Les mœurs des Guaranis sont presque identiques dans toutes leurs sections. Divisés 
par petites tribus, par familles, ils se fixent toujours au bord d’une rivière, d’un lac, 
à la lisière d’un bois, soit près des plaines, soit au sein des forêts : ordinairement ils 
sont sédentaires, agriculteurs$ et chasseurs en même temps; manière de vivre qui leur 
donnait une grande prépondérance sur les autres peuples simplement chasseurs. Les 
Guarayos se construisent de grandes cabanes souvent octogonesé, avec une porte à 
chaque extrémité. Assez spacieuses pour contenir toute la familleÿ, ce n’est que lors- 
qu’elles deviennent trop petites que les enfans les abandonnent, afin de s’en construire 
une particulière. [ls se marient jeunes. Le prétendu, dès qu’il a fait ses preuves d’apti- 
tude à la chasse ou à la guerre, se présente aux parens, qui l’admettent après quelques 


1. Azara , Voy. dans l’Amér. mér., LT, p. 64 : « Toutes les autres nations leur inspirent une 
« terreur panique; jamais ils ne leur font la guerre : je doute que dix ou douze Guaranis réunis 
« osassent tenir tête à un seul Indien des autres nations. » 

2. Temerarias na guerra (téméraires à la guerre), Pero Magalhanes de Gandavo, Historia da 
provincia de Santa-Cruz, Lisbonne, 1576, p. 33 et 37. IL en était de même aux Antilles. Voyez 
Vida de Colon. Barcia, cap. 47, 48. 

3. Les Caribes des Antilles étaient agriculteurs. Voyez Oviedo, Historia, 1547, lib. V, cap. 1F; 
Herrera , Decad. I, lib. XIF. 

Les Guaranis du Paraguay létaient aussi du temps de la conquête; voyez Comentario de Alvur 
Nuñez Cabeza de Vaca, 1541; Barcia, Historiadores primitivos de Indias, p. 5 ; ainsi que les Bré- 
siliens, Pero Magalhanes Gandavo, 1576, p. 36. 

4. Cest la maison que décrit et figure Oviedo, Historia general de las Indias, lib. VI, cap. 1, 
fol. LVIIT, comme étant celle des habitans primitifs de l'ile d'Haïti, aux Antilles. 

5. Les maisons étaient aussi spacieuses aux Antilles. Voyez Herrera, Decad. 1, p. 24 (1492 ); 
premier voyage de Colon et Oviedo. 

Celles de la terre ferme étaient semblables. Voyez Herrera, Dec. IV, cap. 1, p. 198; V oyage 
d'Améric Vespuce (1499). 

Il en était de même à la Guyane. Wilson’s Account of Guyana; Purch. pilgr., vol. IV, p. 1263 et 
1291; Barrère, Nowv. relat. de la France équin., p. 146 et 147. 

Au Brésil c'était la même chose, Lettre de vas de Caminha, voy. de Cabral (1500 ); 4rt de 
vérifier les dates, t. XIIT, p. 451 ; Pigafetta, Voy. de Magellan (1519), édit. franç., p.16; Pero 
de Magalhanes (1576), p. 33. 


Homme 
améri- 
cain. 


(532 ) 


Homme formalités, à la condition qu’il fera des présens. Tous usent de la polygamie!, prenant 


améri- 
«ain. 


une seconde femme quand la première est àgée; mais ils conservent toujours celle-ci 
comme la plus digne d’être respectée. C’est même ce désir d’avoir plusieurs femmes, 
grand honneur chez les Guaranis, qui les stimulait dans leurs invasions, dans leurs 
migrations guerrières, les prisonnières leur servant de concubines. C’est à tort qu’Azara 
les regarde comme tenant peu à la fidélité conjugale?; dans l’état primitif ils sont, au 
contraire, fort jaloux, et punissent de mort l’adulière$. Autant une jeune fille est libre 
de ses actions, autant, une fois mariée, elle est soumise à son mari; mais, chose singu- 
lière, il y a rarement entre les femmes une querelle sur la préférence que leur accorde 
le chef de la maison. C’est sur elles que retombe tout le travail intérieur; les hommes 
abattent les arbres pour faire un champ, tandis que leurs compagnes sèment, récoltent, 
transportent les produits à la maison et préparent des boissons fermentées pour les visi- 
teurs; car les Guaranis sont constamment les uns chez les autres, surtout les Chiriguanos, 
et chaque visite commence par des pleurs, en mémoire des parens morts4, puis amène 
des fêtes où les hommes boivent, et quelquefois dansent; mais toujours avec gravité. À 
la naissance d’un enfant, chez les Chiriguanos, c’est le père qu’on soigneÿ, tandis que la 
nouvelle accouchée ne suspend pas un seul instant ses travaux. L'enfant est élevé par ses 
parens avec la plus tendre sollicitude. Si c’est un garçon, le père lui enseigne le manie- 
ment des armes; si c’est une fille, la mère se charge de son éducation. A l'instant 
de la nubilité, la jeune fille doit subir quelques épreuves, souvent très-péniblest; 
d’autres fois on se contente de lui imprimer des stigmates sur la poitrine et de la tatouer 


1. Cette coutume était générale aux Antilles (Oviedo , Coronica de las Indias, lib. V, cap. LIL, 
fol. XLVTIT) : les chefs avaient jusqu’à trente femmes, ainsi qu’au Brésil (Pero Magalhanes, p. 34) 
et au Paraguay. 

Padre Montoya, Conquista espiritual en las provincias del Paraguay, etc., fol. 13. 

2. Voy. dans l’Amér. mér., 1. I, p. 60 : &« Ils ignorent la jalousie.” C'était encore une suite 
du système de l’auteur. D'ailleurs il dit lui-même (p. 56) qu’il ne les a jamais vus que dans les 
missions, où ils ont changé leurs coutumes primitives. 

3. Voyez ce que nous avons dit des Guaraÿos. 

Pigafetta, Voy. de Magellan, p. 20 , en 1519, trouva la même coutume chez les Guaranis des 
environs de Rio de Janeiro. 

4. Montoya, Conquista espiritual en las provincias del Paraguay, etc., fol. 13. 

5. Le padre Guevarra (p.17) dit, pour les Guaranis du Paraguay: Luego que paria la muger, 
el hombre ayunaba rigurasamente quinze dias, sin salir. (Aussitôt que la femme accouchait, le 
mari jeünait rigoureusement pendant quinze jours, sans sortir.) 

Montoya, Conquista espiritual, etc., 1639, fol. 13, dit la même chose. 

6. Montoya, Cong. espirit., etc., fol. 14, parle d’un jeûne et des cheveux coupés à cette occasion. 

Padre Guevarra, Historia del Paraguay, écrite en 1770, imprimée à Buenos-Ayres, p. 16: 
Cosian las en una hamaca, dejando una pequeña abertura hacia la boca para respirar, y en esta 
postura, las tenian dos o tres dias envueltas, y las obligaban a rigidisimo ayuno. (On les cousait 
dans un hamac, laissant une petite ouverture vis-à-vis de la bouche pour respirer; et dans cette 
posture on les tenait deux ou trois jours enveloppées, en les obligeant au jeûne le plus rigoureux.) 


(553.) 


sur les bras : c’est une nouvelle occasion de réjouissances. À la mort d’un homme, on Homme 
améri- 
cain. 


le pare de ses vêtemens, de ses peintures de fête; il est enterré dans un vase de terre! 
ou dans une fosse garnie de clayonnage?, au milieu même de sa maison 5, où, pendant 
longtemps, avant le lever du soleil, la famille entière qui l’habite néanmoins, pleure, 
sanglote, en se rappelant ses vertus. 

Tous les Guaranis étaient cultivateurs par nécessité et chasseurs par goût : leur champ 
de culture, situé au sein des bois, leur fournissait abondamment de quoi se nourrir 
et de quoi faire des boissons fermentées. Sur le sol le plus fécond du monde, le travail 
en commun d’une famille pendant quelques jours procurait des vivres pour l’année; 
le reste du temps était employé à la chasse à l’are et à la flèche, exercice dans lequel ils 
excellaient; en fêtes, en danses monotones et toujours sérieuses. Vivaient-ils loin des 
fleuves, loin de la mer? à cela se bornaient leurs occupations. Habitaient-ils au contraire 
près des eaux? alors, aussi habiles pêcheurs que chasseurs adroits, ils se construisaient 
des pirogues d’un seul tronc d’arbre creusé d’abord avec des haches de pierre et du 
feu, puis avec le fer que leur apportèrent les Européens; navigateurs intrépides, ils 
suivaient le littoral de la mer et devenaient pêcheurs à l’arc ou pèchaient en écrasant 
dans l’eau une racine, dont le suc étourdissait momentanément le poisson et leur per- 
mettait de s’en emparer4, ou bien remontaient ou descendaient les fleuves de leur 
voisinage; c’est même, comme nous l’avons vu, ces routes qu’ils suivirent dans leurs 
migrations guerrières. Indépendamment de leurs armes, consistant en un arc de quatre 
à cinq pieds, en flèches, en un casse-tête arrondi ou tranchant$, fait de bois de palmier, 
leur industrie se bornait à la construction de leurs cabanes, de leurs pirogues, au tissage 
de leur hamac (dont toutes les tribus se servaient pour se coucher), et à celui 
du costume des femmes7. Ils s’occupaient beaucoup de leurs ornemens de plumes artiste- 
ment tissées, de colliers, de bracelets de diverses formes. Leurs meubles se bornaient à 
des bancs pour s’asseoir. La fabrication des vases de terre propres à contenir les bois- 


1. Cet usage des Chiriguanos se retrouve sur les bords de l’Orénoque (Humboldt, Foyage, 
in-8., t. VIII, p. 264) et chez les Coroados du Brésil (Art de vérifier les dates, t. XI, p. 214), 
et au Paraguay, voy. Montoya (1639), Conquista espiritual, etc., fol. 14. 

2. Cette coutume, que nous avons rencontrée chez les Guarayos, a été remarquée par M. de 
Humboldt à la Guyane espagnole, t. VIIT, p. 274. 

3. On retrouve le même usage chez les habitans primitifs d'Haïti. Oviedo, Hist. gen. de las 
Indias, 1547, lib. V, cap. IV, fol. XLV'IIL. 

4. Ce genre de pêche que nous avons vu exécuter se faisait aussi à la Guyane et au Brésil. Piso, 
lib. IV, cap. LXXXVIII; Bancroft, Nat. hist. of Guyana, p.106. 

5. Ces armes étaient aussi celles des naturels des Antilles. Herrera, Dec. I, p. 35, 1493; 
premier voyage de Colon : Con arcos, y flechas, y espada de madera, de palma durisima. 

6. La même coutume existait à l’île d'Haïti en 1547 (voy. Oviedo, Historia general de Indius, 
lib. V, cap. IL, fol. XLVI1) , et au Brésil, Pero Magalhanes Gandavo, 1576, p. 36. 

7. Aux Antilles Christophe Colon rencontra des tissus chez les habitans. Vida de Colon; 
Barcia, Historiadores primitivos, cap. XX1IY, p. 22. 


( 334 ) 


Homme sons ou à placer les morts, était l’affaire des femmes, qui, bien qu’elles ne connussent 
P ) ) ) 


améri- 
cain. 


pas le tour du potier, excellaient dans ce genre d'industrie. Les mêmes coutumes, la 
même industrie existent encore aujourd’hui chez les Guaranis non civilisés. 

Le costume était à peu près uniforme : à l’état primitif, les hommes allaient nus1, 
ou se couvraient, seulement en voyage, les parties sexuelles; coutume encore en usage 
chez les Guarayos, et tenant sans doute à leurs croyances religieuses. Les femmes sont 
également nues, sauf une pièce de tissu qui leur couvre quelquefois des hanches à 
l’origine des cuisses?, ou même moins. Les Sirionos des deux sexes n’usent d’aucun 
vêtement. Qu'on ne croie pourtant pas que ces peuples n'aient affecté un certain luxe, 
même dans ce costume de la nature. Ils se couvraient le corps de peintures noires, 
rouges, jaunes, y mettant autant de recherche que les dames de nos cités peuvent en 
apporter à leur brillante toilette. C'était la moitié du corps d’une couleur; des lignes 
longitudinales, transversales, des compartimens; mais toujours des lignes droites, et 
jamais de dessins qui représentassent des êtres naturels. Quelques tribus portaient et 
portent encore des bracelets, des jarretières dessinant leurs formes; des colliers, des 
boucles d'oreilles plus ou moins grosses; dans les fêtes, comme chez les Guarayosi, ils 
s’ornent la tête des plumes brillantes des oiseaux de leurs forêts, artistement tressées. 
Les uns ne coupaient jamais leurs cheveux; les autres, au contraire, se les coupaient 
carrément par devant, ou même se les enlevaient entièrement de certaines parties$. Le 
tatouage était connu, mais le plus souvent réservé comme signe de nubilité chez les 
femmes. Les hommes, pour montrer leur courage ou pour se rendre plus horribles à 


1. Les Brésiliens vus par Cabral en 1500, Lettre de vas Caminha, Art de vérifier les dates, 
t. XITT, p. 443, étaient absolument semblables aux Guarayos. Pero de Magalhanes, 1576, p. 36, 
dit la même chose, ainsi que Pigafetta, en 1519, édit. franç., p. 16, qui trouva les Brésiliens 
entièrement nus. 

Oviedo, Hist. de las Ind., 1547, lib. V, cap. LL, fol. XLVIIT, rencontre les habitans d'Haïti 
également nus, et il Le répète dans la lettre à Charles V. Barcia, Hist. primit. de Ind., cap. LE, p. 6; 
Historia de Fernando Colon, p. 20; Barcia, Histor. primit.; Jean de Lery, Paris, 1578, p. 108. 

2. C'était le costume des femmes de l'ile Fernandina, vues en 1492 par Colon. Herrera, Dec. I, 
p. 22 : Las mugeres cubrian las parles secretas con una faldeta de algodon desde el ombligo, hasta 
media muslo. 

3. Les Brésiliens se peignaient. Lettre de Pedro vas de Caminha, 1500 , Art de vérifier les 
dates, à. XI, p. 449. 

Pigafetta, V’oy. de Magellan, en 1519, p. 18. Il est curieux de remarquer le rapport des usages 
avec les migrations. M. de Humboldt, Zoy., t. VI, p. 322, dit que ce sont les Caribes qui ont 
apporté, chez les peuples de l'Orénoque, usage de se peindre; ce qui est parfaitement en rapport 
avec les faits que nous avons cités sur les migrations. 

Les Guaranis du Paraguay se peignaient aussi au temps de la conquête. Padre Guevarra , p. 12. 

4. C'était également la coutume des premiers habitans du Paraguay, à ce que nous apprend 
Montoya, Conquista espirilual..….. del Paraguay, 1639 , fol. 16. 

5. Azara, Voy. dans l’Amér. mér., & IH, p. 62, et les historiens du Brésil. 


( 335 ) 


la guerre, se trouaient la lèvre inférieure pour y placer une pierre ou un os; coutume Homme 


que nous avons encore retrouvée chez les Chiriguanos'. D’autres tribus plus guerrières 
se mutilaient toute la figure, afin d’y placer trois ou cinq ornemens de ce genre?, 
les uns aux côtés de la bouche, les autres aux côtés du nez, indépendamment des 
trous qu’elles se faisaient aux oreilles. Aujourd’hui les Guarayos ont encore le costume 
primitif; mais, lorsqu'ils visitent les missionnaires, les hommes se couvrent de tuniques 
d’écorce. Les Chiriguanos sont vêtus comme les colons montagnards, quoiqu'ils aient 
toujours la lèvre percée; et les Guarayos se passent encore des ornemens dans la cloison 
du nez.ÿ 

Cette nation, que nous avons vue couvrir une partie du continent méridional du 
nouveau monde; cette nation, à laquelle le nombre des individus qui la composent, et 
l'immense étendue superficielle du terrain qu’elle occupe, doivent assigner le premier 
rang parmi celles de l'Amérique, les Guaranis, le croira-t-on? n'avaient cependant 
aucun corps politique, aucune importance comme peuple; on peut dire même qu'ils 
n'avaient point de gouvernement; car, divisés et subdivisés en milliers de tribus distinctes, 
tour à tour amies et ennemies , selon les caprices de ces petits chefs de canton, maîtres 


absolus chez eux, ou même par suite d’un outrage personnel fait au représentant d’une 


nombreuse famille, ils ne pouvaient se réunir lorsqu'ils étaient menacés d’une guerre 
commune, ou de l’invasion des conquérans espagnols et portugais; aussi leur défaut 
d'ensemble les porta-t-il à se soumettre, dès le premier moment, à des hommes qui 
leur étaient si supérieurs, et dont l’union faisait surtout la force. Au Paraguay et 
dans tout le sud du territoire occupé par la nation, les Guaranis étaient on ne peut 
plus divisés; et aucun chef, lors de la conquête, n'avait sous ses ordres une grande 


1. C'était la coutume des Caribes des Antilles, en 1492, lors du premier voyage de Colon; 
Herrera, Dec. 1, p. 23. Voyez Vespuce ( Lettera al confalon. Soderini), Ramusio, t. 1, p. 131. 
Les Brésiliens avaient la même coutume. Voyage de Pedro Alvarez Cabral en 1500 , Lettre de Pedro 
vas de Caminha, Art de vérifier les dates, 1. XHT, p. 449; Pero Magalhanes Gandavo, p. 34. 

Les anciens Guaranis du Paraguay avaient aussi cette coutume en 1535. Voyez Schmidel, p. 15. 

2. Cette coutume était répandue chez les Brésiliens vus par Magellan, en 1519, Pigafetta, p. 19; 
chez les Guaranis du Parana , 4rgentina de Rui Diaz de Guzman , p. 10. Ulderico Schmidel, p.11, 
dit lavoir trouvée en 1535 chez les Tembucs de San-Pedro. 

Elle existait aussi à la côte ferme. Voy. Herrera , Dec. IF, p.98 , Voyage d’Améric Vespuce en 1499. 

3. Coutume également en usage chez les Caraïbes des Antilles. Dutertre, Histoire générale des 
Antilles, 4. WE, p. 276, dit qu'ils s’y passaient les longues plumes de la queue des phaétons , Phaeton 
æthereus, Linn. 

4. Voyez Padre Guevarra, Historia del Paraguay, p.9 : Mas facil seria multiplicar à nullares los 
reyezuelos, que los subditos de cada uno. 

Il en était de même au Brésil. 

Esta gente nam le entre si nhun rey ne outro genero de justica, send hù principal en cad 
aldea. (Ces gens n’ont ni roi, ni souverain; cependant il y a un chef dans chaque village.) Pero de 
Magalhanes de Gandavo , Hist. da S. Cruz, Lisboa ,1576 , p. 34; trad. franç. de M. Ternaux, p. 111. 

Oviedo, Hist. gen. de Indias, en dit autant des habitans d'Haïti. 


améri- 
cain. 


( 336 ) 


Homme circonscription. On s'étonne même que quatre mille Chiriguanos aient pu se réunir 


améri- 
cain. 


pour gagner le pied des Andes: il fallait probablement le passage de Garcias pour déter- 
miner celte réunion; mais il n’en est pas ainsi au nord du Brésil, où les Tapuyasi, 
les Tupis?, les Caraïbes purent former un corps assez considérable pour subjuguer 
toutes les autres nations qui se trouvaient sur leur passage, et arriver aux Antilles en 
traversant un pays habité. Les chefs sont héréditaires$, n’ayant, néanmoins, en temps 
de paix, que le droit de conseiller et celui de diriger l’attaque en temps de guerre, 
habillés du reste comme tous les autres Indiens. S'agit-il d’une expédition? Les chefs 
subalternes se réunissent, discutent la question pendant la nuit; et le lendemain, 
après avoir pris préalablement un bain et s'être peints de nouveau, ils décident l’expé- 
dition à la pluralité des voix, désignent en même temps celui qui la conduira, et auquel 
tous les autres devront obéir. C’est alors surtout que les guerriers se défigurent pour 
faire peur à l'ennemi. 

Plusieurs auteurs systématiques ® ont voulu prouver que les Guaranis n'avaient 
aucune croyance religieuse. Il eùt fallu pour cela qu’ils ne fussent pas hommes; car 
nous avons rencontré une foi quelconque, ou tout au moins des coutumes qui en 
décèlent une, chez tous les Américains que nous avons été à portée d’observer. Pour 
se convaincre du fait, il ne s’agit que de lire les premiers historiens. La religion 
des Guaranis était simple comme leurs mœurs, et aussi douce que le caractère 
de quelques-unes de leurs tribus, si, comme nous en sommes convaincu, et comme 
nous pouvons même le prouver, elle était, sauf quelques modifications , presque 
identique sur tout l’immense territoire occupé par la nation, et pareille à celle des 


1. Art de vérifier les dates, 1. XIE, p.169; Diario da viagem , Roteiro giral, etc. 

2. C'est la nation vue par Cabral, Lettre de vas de Caminha, Art de vérifier les dates, t. XI, 
p. 451. 

Damien de Goes, Cron., ch. LVT, p. 1; Corografia brasilia, M, p. 57, etc. 

Padre Guevarra, Historia del Paraguay, etc., 1770; imprimé en 1836 à Buenos-Ayres, p. 6. 

3. Montoya (1639), Conquista espiritual en las provincias del Paraguay, Parana, etc., fol. 12, 
dit qu’il en était ainsi au Paraguay. Padre Guevarra, p. 11. 

Les mêmes coutumes étaient communes aux chefs des habitans des Antilles. Voyez Oviedo, Loc. 
cit., 1547, Ub. V, cap. 1V, fol. XLIX. 

Aussi à Cuba, Herrera, Dec. I, lib. I, cap. XVI, et lib. III, cap. XLIV, p. 88. 

Vida de Colon, p. 32. 

Magalhanes de Gandavo, p. 34, en dit autant des Brésiliens. 

4. Ilen était de même chez les anciens Guaranis. Montoya, Conquista espiritual en las prov. 
del Paraguay, etce., fol. 16. 

5. Azara, Voy. dans l Amér. mérid., t. NH, p. 60 : «Ils ne reconnaissent ni divinité, ni récom- 
« penses, ni lois, ni châtimens.” C’est, au reste, ce qu'il dit de toutes les nations qu’il décrit, 
tout en prouvant le contraire de sa thèse par les faits mêmes qu'il allègue pour lappuyer. 


M. d'Angelis, Table de la Argentina de Rui Diaz de Guzman, p. 41, en dit autant, sans 
doute d’après Azara. 


| ant À 


(:537) 


Guarayos actuels. La religion, pour ces derniers, se réduit à révérer et non à craindre 
un être bienfaisant, le Tamoï, le grand-père ou le vieux du ciel. Ce dieu, leur premier 
ancêtre, après avoir vécu parmi eux, leur avoir enseigné l’agriculture, s’éleva vers le 
ciel, à l’orient, et disparut, en leur promettant de les secourir sur la terre, et de les 
transporter, du haut d’un arbre consacré, dans une autre vie, où ils auraient abon- 
dance de chasse et se retrouveraient tous. C’est comme souvenir que les Guarayos, assis 
en rond dans un temple octogone?, frappent la terre avec des bambous, en chantant des 
hymnes 5, dans lesquelles ils engagent la nature entière à se revêtir de sa parure pour 
les aider à manifester l’amour qu’ils portent au Tamoï, auquel ils demandent de la pluie 
dans les sécheresses4 et abondance de récoltes dans la disette. Ainsi, non-seulement les 
Guaranis ont une religion, puisqu'ils révèrent leur premier père, mais encore 1ls admettent, 
ainsi que tous les hommes, la croyance consolante d’une autre vie. C’est afin d’y 
paraître dignement que les morts sont parés de tous leurs ornemens, qu’on les peint 
comme pour un jour de fête, que toutes leurs armes les accompagnent, et qu’on leur 
tourne la face vers l’orient, où ils doivent aller. Les Guaranis avaient de plus beaucoup 
de superstitions; leurs Payés (sorciers et médecins tout à la fois) exerçaient sur eux, 
particulièrement lorsqu'ils étaient malades, une puissante influence par leurs jongleries. 
Cest aussi par suite de leur superstition que la nubilité de leurs jeunes filles, que la 
grossesse de leurs femmes étaient marquées par des jeûnes; que les hommes jeünaient 
à l’accouchement de leurs femmes, et qu’ils ne chassaient pas les bêtes féroces pendant 
leur grossesse. 6 

En résumé, après avoir démontré que le nom de Caribe (Caraïbe) n’est qu'une cor- 
rupüon du mot Guarani (guerre, guerrier); après avoir cherché à prouver, par la 


1. Les Caribes des Antilles le connaissaient sous le nom de Zamou-caila (Dictionnaire carcibe 
du père Raimond Breton, Auxerre, 1665, p. 450 ), ou d’/tamoulou (Rochefort, Histoire naturelle 
des Antilles, Rotterdam, 1665 , p. 573), et l’appelaient dieu, ancien, grand-père ou le vieux du 
ciel. Peut-on trouver une identité plus complète de nom et d’applicalion P 

On le connaissait aussi au Brésil, où il donna son nom aux Tamoyÿos. Votes on Rio Janeiro, 
by J. Luccock, ch. X, London, 1820. 

2. Le même temple était en usage chez les habitans d'Haïti, au temps de la conquête. Voyez 
Oviedo, Coronica general de las Indias (1547), lib. V, cap. IF, fol. 4. 

3. Cette coutume se retrouvait dans les évocations des habitans primitifs de l'ile d'Haïti. Voyez 
Oviedo, Coronica general de las Indias, lib. V, fol. 45. 

4. Un fait identique existait aussi aux Antilles. Oviedo, Loc. cit., lib. VW, cap. IV, fol. 50. Les 
cérémonies des peuples décrits par l’auteur espagnol sont presque toutes semblables à celles 
que pratiquent aujourd’hui les Guarayos de l’intérieur de la Bolivia; fait on ne peut plus curieux 
et qui vient appuyer l'identité de nation. 

5. Montoya, Conquista espiritual del Paraguay (1639), fol. 14, dit qu'ils guérissaient les 
malades au moyen de succions. 

Padre Guevarra, Historia del Paraguay, p. 27, 28 , dit la même chose. 

6. Padre Guevarra, Historia del Paraguay, p. 17. 


QI 


1Y. Homme. 1 


Homme 
améri- 
cain. 


(538 ) 


Homme Comparaison des langues, que les Guaranis ont poussé leurs migrations jusque sur les 


améri- 
“ain. 


rives de l’Orénoque et sur presque toutes les Antilles; après avoir signalé le mode de 
leurs migrations, les motifs qui les ont déterminées, et les traditions qui s’y rattachent, 
nous avons constaté une identité parfaite entre les Guaranis, les peuples brésiliens, les 
Caribes des Antilles, sous le rapport de leurs caractères physiques, de leur taille, de 
leurs formes, de leurs traits. Passant ensuite aux rapports moraux, nous avons retrouvé 
celte même identité des Guaranis et des Caribes dans leur caractère, dans leurs lois, 
dans leurs coutumes privées, dans leurs usages, dans leurs mœurs, dans leur industrie, 
dans leur costume, dans leurs ornemens, dans leurs parures, dans leur gouvernement, 
dans l’hérédité de leurs chefs et dans leurs principes religieux. Si donc la comparaison 
faite et l'accumulation des preuves que nous avons réunies démontrent au lecteur, 
comme à nous, qu’on ne saurait douter des migrations des Guaranis; si, comme nous, 
le lecteur admet qu’ils ont couvert une aussi grande surface du sol américain, il devra 
s'étonner qu'aucun écrivain, qu'aucun naturaliste, n’ait avant nous signalé ce fait; et 
peut-être nous saura-t-il quelque gré d’avoir, par un travail approfondi, tiré du néant 
la plus grande, la plus nombreuse des nations américaines, qui à elle seule occupait 
presque la moitié du continent méridional, et, néanmoins divisée et subdivisée à l'infini, 
n'avait aucun corps politique, ne formait, sous le rapport de la civilisation, qu'un 
dernier échelon, le plus rapproché de l’état sauvage. 

Avant de parler de la nation des Botocudos, nous allons donner quelques détails 
spéciaux sur différentes tribus des Guaranis. 


TRIBU DES GUARAYOS. 


La petite tribu des Guaranis qui porte le nom de Guarayos?, et dont aucun auteur 
n’a parlé jusqu'à présent, habite les immenses forêts qui séparent la province de Chi- 
quitos de celle de Moxos, non loin des rives du Rio San-Miguel (Bolivia), vers le 17.° 
degré de latitude sud et le 66.° degré de longitude ouest de Paris. Les Guarayos sont 
bornés, au sud, par des déserts qui les séparent des Chiquitos; au nord et à l’ouest, 
par des forêts et par des marécages, qui les isolent entièrement des nations de Moxos. 
Divisés en trois petits villages et en familles répandues au sein des forêts, où néanmoins 
chacune est fixée, ils occupent une surface d’à peu près 40 lieues d’extension ou 1600 
lieues de superficie. 


1. Voyez les notes placées à chaque page sur la conformité des caractères physiques et moraux 
des Guaranis de ces divers points, au temps de la conquête. 

2. Le nom de Guarayos, que les Indiens prononcent Guarayu, vient de Guara, tribu, nation, 
et de y&, jaune (tribu jaune), ou du moins plus pâle que le reste des Guaranis, ce qui est, en 
effet, très-vrai. 


( 339 ) 

Leur nombre est d'environ 1,100 âmes. 

Les Guarayos, par tradition, se rappellent encore étre anciennement venus du sud-est 
(probablement du Paraguay), avoir eu pour amis les Chiriguanos, avec lesquels des 
brouilleries leur auraient fait ensuite rompre leurs relations, et cela peut-être depuis 
des siècles. Ce qu'il y a de certain, c’est qu’à partir du seizième siècle, ils n’ont pas 
changé de lieu d'habitation. 

Leur couleur jaunätre est celle de la nation; mais, sous ce point de vue, ils sont 
extraordinaires; car cette couleur est si claire, qu'il y a peu de différence entr’eux et 
les blancs un peu bruns; elle contraste surtout avec celle de leurs voisins les Chiquitos. 
Leur taille, qui n’a rien de particulier, comparée à celle des nations pampéennes, est 
remarquable pour la nation guaranie. Les hommes ont généralement plus de { mètre 
66 centimètres (5 pieds 1 pouce); mais nous n’en avons pas vu au-dessus de 1 mètre 
73 centimètres (5 pieds 4 pouces). Les femmes ont aussi de belles proportions, et il 
semble que la nature si vigoureuse, si productive dans le pays qu’habite la nation, ait 
influé sur l'espèce humaine; car ces Guarayos, placés à côté des Guaranis du Paraguay 
et des Chiriguanos, sont bien mieux proportionnés. En effet, on trouve chez eux, dans 
les deux sexes, un extérieur presqu'européen, quoiqu'un peu plus massif; leur corps 
est robuste, leur maintien noble, ouvert; leurs formes sont gracieuses, et nous ne 
craignons pas d'avancer que, de tous les Américains que nous avons observés, les Guarayos 
sont ceux qui nous ont le plus frappé par tous leurs caractères physiques et moraux. Il est 
fâcheux d’avoir à dire qu’un excès d’embonpoint défigure souvent les deux sexes, 
et que chez les femmes, après la première jeunesse, la gorge, qu’elles ont si bien 
placée et si bien faite, devient beaucoup trop volumineuse et la taille trop grosse. 
Quant aux traits, les Guarayos sont on ne peut mieux : leur figure arrondie, presque 
circulaire, est toujours douce et intéressante; le nez est court, peu large, la bouche 
moyenne; les yeux, de médiocre grandeur, sont expressifs, spirituels, toujours légère- 
ment relevés à leur angle extérieur; le menton est rond, le front assez élevé; les sourcils 
sont bien arqués, les cheveux noirs, longs et lisses; mais ce qui les distingue des autres 
Guaranis, et même des autres Américains, c’est, chez les hommes, une barbe longue, 
souvent fournie, qui couvre tout le menton, la lèvre supérieure et une partie des côtés 
des joues. Cette barbe pourrait être comparée à celle de la race européenne, si elle n’était 
constamment droite au lieu d’être frisée; anomalie on ne peut plus remarquable au 
milieu d’une nation presque toujours imberbe, et qui nous semble difficile à expliquer, 
à moins qu’elle ne soit due à l'influence des lieux. 

Le langage des Guarayos est le guarani, et nous avons été étonné de le trouver 
peu différent de celui du Paraguay et de Corrientes, où nous avions appris les 


1. Ce chiffre est celui qui nous a été donné , pendant notre séjour au milieu de cette tribu, 
par un missionnaire (le père Lacueba) , qui depuis neuf années vivait chez elle et cherchait à la 
convertir au christianisme. Il résulte de recensemens faits aussi bien dans les villages que dans 


les forêts et dont la rigoureuse exactitude nous a été garantie par les caciques. 


Honme 
améri- 
«ain. 


—— 


( 540 ) 


Homme termes les plus usuels de cette langue. En effet, depuis au moins trois siècles que les 


améri- 
cain. 


Guarayos ont abandonné les autres Guaranis, leur langue n’a subi que de très-lésères 
modifications, qui tiennent seulement à la prononciation, et n’ont été que des change- 
mens de terminaisons des mots. La particule ci, par exemple, y remplace toujours le 
ti de la langue primitive, mais on ne peut guère y noter que quelques autres variantes 
aussi peu remarquables. 

Le caractère, chez les Guarayos, répond parfaitement aux traits. Ils offrent le type 
de la bonté, de l’affabilité, de la franchise, de l'honnêteté, de l'hospitalité, de la fierté 
de l’homme libre, qui regarde tous les autres comme au-dessous de lui, même les 
Chrétiens, parce qu’il les croit esclaves, et parce que ces derniers ont des vices inconnus 
d'eux, le vol et l’adultère; aussi, bons pères, bons maris, quoique graves par habi- 
tude, se croient-ils, dans leur état sauvage, au sein de l'abondance, les plus heureux 
des hommes; et tout ce qu'ils craignent dans l’avenir, c’est qu’on ne les force à 
changer de manière de vivre. Leurs vieillards sont des patriarches, l’oracle de la famille, 
et trouvent chez les enfans le respect et la soumission. 

Leurs mœurs sont aussi paisibles que leur caractère est doux; ils se divisent soit 
par petites familles au sein des forêts, soit par familles plus grandes en villages, près 
ou au milieu des bois impénétrables, où ils sont fixés. Les Guarayos se construisent 
des cabanes spacieuses, allongées, de forme octogone, qui par un singulier rapproche- 
ment sont les mêmes que celles des Caraïbes d'Haïti au temps de la conquête. Ils y 
vivent en particulier, s'occupent d'agriculture et se délassent à la chasse. Ils se marient 
jeunes; mais usent presque tous de la polygamie, à mesure que leurs premières femmes 
deviennent âgées. Ils sont on ne peut plus jaloux; l’adultère est puni de mort; aussi les 
femmes, si libres lorsqu'elles ne sont pas mariées, changent-elles de conduite dès 
qu’elles s'engagent ou du moins que leurs frères disposent d’elles; car c’est à eux et 
non à leur père qu’elles appartiennent, et ceux-ci les font payer cher par les prétendans, 
qui les prennent ou pour femmes ou pour un temps déterminé. Le mariage est simple: 
celui qui veut se marier, peint de la tète aux pieds et armé de sa Macana, va pendant 
plusieurs jours se promener autour de la maison de celle qu'il recherche; et, un jour 
de boisson, les prétendus consomment le mariage. Jamais, dans leurs ménages, on 
n'entend de querelle; l’envie n'étant pas connue entre les familles, il est rare qu'ils 
aient des différens. Toujours stimulés par des boissons fermentées, ils aiment la danse. 

L'industrie des Guarayos consiste en la construction de leurs maisons, solidement 
bâties en bois et artistement couvertes en feuilles de palmier; mais, si l'édifice a une 
certaine apparence extérieure, le mobilier y répond peu, consistant seulement en 
hamacs de fil de coton pour se coucher, en bancs pour s’asseoir, en vases nombreux 
fabriqués par les femmes, pour contenir les boissons fermentées, dont ils sont avides, 
et en armes : arcs de six pieds, flèches de quatre, et casse-têtes à deux tranchans. 


1. Voyez Historia general de las Indias, par Oviedo, édit. de 1547, lib. PT, fol. 59, où est 
représentée une de ces maisons. 


PA COR 


(541) 


Les armes sont faites par les hommes, les femmes tissent les hamacs et en général les Homme 


costumes, qui sont d’un tissu original, mais très-grossier. [ls se font, avec des troncs 
d'arbres creusés, des pirogues qui ont jusqu’à trente pieds de long, sur un pied et 
demi de large. Le labourage est toujours un instant de plaisir. L’Indien qui a récolté 
beaucoup de maïs fait faire de la Chicha par ses femmes, et invite tous ses voisins 
à venir travailler et boire, tandis que, nonchalamment étendu sur son hamac, il dirige 
les travailleurs, qui, dans une demi-journée, achèvent la tâche, et passent le reste du 
temps à boire et à danser. 

Le costume est peu varié : les hommes vont entièrement nus par préjugé religieux, 
et ceux-là seulement qui communiquent avec les Chrétiens se couvrent quelquefois 
d’une tunique sans manches, faite d’écorce de ficus; les femmes sont également nues, 
sauf une bande de tissu de coton qui pend des hanches jusqu'à mi-cuisse. Les deux 
sexes se couvrent le corps de peintures noires ou rouges, exécutées avec assez de goût. 
Comme signe distinctif de la nation, ils portent des jarretières au-dessous des genoux; 
et, au-dessus de la cheville du pied, ils ont des colliers de verroterie. Lors des fêtes, 
les hommes s’ornent la tête de turbans artistement tissés avec les plumes les plus bril- 
lantes des oiseaux de leurs forêts; ils se passent des ornemens dans la cloison du nez.! 
Ils ne se coupent jamais les cheveux, qui tombent derrière la tête et sur les épaules; 
les femmes seulement se les équarrissent sur le front. Quelques lignes de tatouage sur 
les bras, ainsi que des cicatrices au-dessous des seins, annoncent la nubilité chez les 
jeunes filles. 

Leur gouvernement est tout à fait patriarchal. Chaque grande réunion de familles a 
son chef, dont les fonctions sont héréditaires; mais il n’a que le droit de conseiller en 
temps de paix, et de diriger les opérations à la guerre. Les Guarayos n’ont que deux 
lois sévères, l’une contre le vol, abhorré d’eux; l’autre contre l’adultère des femmes. 

Leur religion, simple comme leurs mœurs, est aussi douce que leur caractère. Ils 
révèrent un être bienfaisant, auquel ils doivent beaucoup, leur Tamoï? ou grand-père, 
qu'ils aiment sans le craindre. Ce dieu a vécu au milieu d’eux; il leur a enseigné l’agri- 
culture; et, avant de les quitter, leur a promis de les secourir, lorsqu'ils en auraient 
besoin, et de les transporter au ciel après leur mort; puis 1l s’est élevé, vers l’orient, 
tandis que des anges frappaient la terre de tronçons de bambous, dont le son discor- 
dant flattait l’oreille divine. C’est en souvenir de cette ascension que les Guarayos ont 
des maisons octogones, où ils réclament l’accomplissement de la promesse du Tamoï. 
Des hommes entièrement nus, assis en rond autour de la maison consacrée, tiennent 
chacun un tronçon de bambou; le plus ancien, de la voix la plus lugubre et dans le 


1. Voyez planche de Costumes n.° 9. 

Cet usage se trouvait chez les Caribes des Antilles; ceux-ci se passaient les longues plumes du 
paille-en-queue , suivant Dutertre, Histoire générale des Antilles, t. I, p. 276. 

2. Voyez page 337. 

3. Nous avons assisté à ces cérémonies lugubres, mais réellement imposantes. 


améri- 
cain. 


(342 ) 


Homme ton le plus bas, entonne une hymne, en frappant la terre, en mesure, de son bambou ; 


améri- 
cain. 


les autres en font autant, les yeux fixés sur le sol, tandis que les femmes, debout 
derrière, chantent aussi, en faisant des génuflexions en mesure. Ils demandent ainsi, 
en style poétique, des récoltes abondantes ou une pluie bienfaisante, et terminent 
toujours la cérémonie par des libations. Après leur mort, du sommet d’un arbre sacré, 
qu'ils plantent toujours près de leurs maisons, le Tamoï les enlève vers lorient, où 
ils ressuscitent et jouissent de tout ce qu’ils possédaient pendant leur vie terrestre. 
Lorsqu'ils sont malades, ils ont recours aux sorciers ou Payés, qui exécutent des jon- 
gleries. Morts, on les enterre dans leurs maisons même, après leur avoir peint le corps 
comme pour un jour de fête. On leur tourne la tête vers l’est, on brüle leurs armes, 
et ils sont placés dans une fosse profonde, garantie de la terre par des clayonnages et 
par des branchages croisés'. Les parens jeûnent en signe de deuil. 


TRIBU DES CHIRIGUANOS. 


Le nom de Chiriguano? où Chirihuana, sous lequel nous avons trouvé une très-nom- 
breuse tribu des Guaranis au pied des derniers contreforts des Andes boliviennes, est-il 
le nom primitif de cette même tribu, ou celui d’une autre qui, après y avoir ancienne- 
ment vécu, aurait été remplacée par cette dernière ? C’est une question difficile à résoudre, 
mais que nous voulons néanmoins tâcher d’éclaircir. Les Incas, sous Yupanqui, à peu 
près en 1430, cherchèrent à subjuguer les Chirihuanas; et Garcilaso de la Vega nous 
apprend qu’alors, assez nombreux pour ne pas être vaincus par les troupes quichuas, 
ils vivaient nus, sans maisons et étaient anthropophages; mœurs qui s'accordent assez 
avec celles des Sirionos, que nous décrirons plus tard 4. D’un autre côté, suivant l’asser- 
tion des historiensÿ, ne doit-on pas croire qu'un corps de Guaranis d’environ 4,000 


.! Oviedo ( Historia general de las Indias, 1547, lib. V, cap. IF, 48) dit absolument la même 
chose des anciens habitans d'Haïti. 

2. L'étymologie donnée dans les Lettres édifiantes (Choix), t. VIT, p. 247, serait trop forcée: 
elle viendrait de chiri (froid) en quichua, et de huanana (homme rebelle), et non, comme on 
le dit : Le froid les tuera. 

3. Comentarios reales de los Incas, lib. VII, p. 244. 

4. Voyez plus loin, page 347. 

5. Padre Fernandez, Relacion historial de los Chiquitos, cap. I, p. 4. 

Lozano , loc. cit., p. 7. 

Rui Diaz de Guzman (en 1612, imprimé à Buenos-Ayres en 1835), Historia argentina, p. 15 
à 17 : il dit que les uns furent à Tarija, les autres au Guapay. 

Il est curieux de voir, dans les Lettres édifiantes, t. VIT, p. 247, attribuer cette migration à 
l’idée de ne pas se soumettre au christianisme; allégation tout à fait erronée. 


(345 ) 


àmes !, serait, après le meurtre d’Alexis Garcia, vers 1541, parti du Paraguay pour aller Homme 
améri- 
cain. 


s'établir au pied des Cordillères, soit dans la crainte d’être châtié par les Portugais, soit 
parce que le pays lui aurait plu? Ces Guaranis sont bien certainement ceux qui habitent 
aujourd’hui les mêmes lieux; mais rien ne prouve, comme l’assure le père Lozano?, que 
ces nouveaux Guaranis aient entièrement anéanti les habitans qu’ils rencontrèrent; et 
l'unité de langage entre les deux sexes, le peu de corruption de la langue, le grand 
nombre de Chiriguanos actuels, nous donneraient la certitude que les Chirihuanas des 
Incas étaient aussi des Guaranis, auxquels se mêlèrent les nouveaux venus du Paraguay, 
ne faisant plus avec eux qu’une seule et même nation, qui dès-lors devint plus civilisée, 
se construisit des maisons, comme les Guaranis du Paraguay, et bientôt abandonna 
l’anthropophagie, que tous les auteurs attribuent aux Chiriguanos, quoique les relations 
des missionnaires prouvent au moins que dès 16905 ils avaient déjà abandonné cette 
coutume, répandue chez toute la nation des Guaranis, si toutefois on l’y a jamais 
appliquée à d’autres qu’à des prisonniers de guerre. 

Non-seulement les Chiriguanos habitent le pied des Cordillères du département de 
Santa-Cruz de la Sierra et de Chiquisaca, mais encore ils s'étendent sur le cours du Rio 
Grande, jusqu'aux premières forêts épaisses qui séparent la province de Santa-Cruz de 
celle de Chiquitos; cependant la plus grande partie est fixée au pied même des dernières 
collines des contreforts des Andes. Ils occupent, du 17.° au 21. degré de latitude, et 
vers le 65.° degré de longitude occidentale de Paris, une immense surface de terrain 
comprise entre le Rio Pilcomayo et le Piray. Ils sont divisés en villages nombreux dans 
les plaines voisines des bois. 4 

Les recherches statistiques faites sur les lieux pour déterminer leur nombre, nous 
ont été faciles quant à ceux qui sont réduits au christianisme; mais il n’en a pas été 
ainsi pour la partie de la nation encore indépendante; néanmoins voici les résultats 
que nous avons obtenus : 


à 


Chiriguanos réduits à la mission de Porongo. . . ....... 1,1735 


_ réduits à la mission de Santa-Rosa . . . . . . . . 800 
= réduits à Bibosi de Santa-Cruz . . . . . . . . . . 776 


À reporter. . . . 2,749 


1. Fernandez, loc. cit., p. 4. 

2. Historia del gran Chaco, p. 57. 

Rui Diaz, loc. cit., p.17, porte le nombre des Indiens détruits par les Chiriguanos à 100,000. 
Les Lettres édifiantes (Choix), 1. VIE, p. 256, portent ce nombre à 150,000. 

3. Padre Fernandez, loc. cit., p. 12. 

4. Le père Charlevoix donne aussi une copie de ce qui a été relaté par le père Fernandez, 
t. II, p. 221. 

5. En 1787, sa population était de 1,701 âmes, selon Viedma , /nforme de Santa-Cruz (manus- 
crit dont nous possédons loriginal ). 


Homme 
améri- 
cain. 


(344) 
Report. . . . 2,149 
Chiriguanos réduits à Piray de la Cordillera . . . . ...... 252 
— réduits à Cabezas de la Cordillera. . . ...... 421 
— réduits à Abapo de la Cordillera. . . . ...... 544 


Torac des Chiriguanos chrétiens. . . . . . 3,966: 
Chiriguanos encore sauvages. . . . . . ... .. . ... . . . . 15,000 


Toraz de la tribu. . . . . . 18,966 àmes. 


Il reste aujourd’hui, quoique le nombre en ait beaucoup diminué, près de 4,000 
Chiriguanos convertis au christianisme, tandis que 15,000 environ sont encore à l’état 
sauvage. Nul doute que la nation entière ne se fût soumise aux conquérans, si ceux-ci 
n'avaient pas voulu commencer par lui faire entièrement abandonner ses coutumes, 
et l’astreindre à un travail auquel elle n’était pas habituée.? 

La couleur des Chiriguanos, la même que celle des Guarayos, est jaune, un peu 
rougeàlre, mais beaucoup moins claire que celle de cette dernière tribu; néanmoins 
elle est si loin de ressembler à celle des Indiens quichuas des plateaux, que, par rap- 
port à ceux-ci, les Chiriguanos sont presque blancs. Leur taille est très-ordinaire: les 
hommes ont, terme moyen, 1 mètre 62 centimètres (5 pieds); ils sont, dès-lors, 
au-dessous des Guarayos, mais plus grands que les Guaranis du Paraguay; leurs femmes 
conservent une taille relative. Les formes sont moins belles que celles des Guarayos, 
et ressemblent beaucoup plus à ce que nous avons vu à Corrientes et aux missions, 
c'est-à-dire qu’elles sont massives; leurs membres sont fournis, leurs épaules larges, 
leur corps est d’une venue; ils sont cependant loin d’être aussi lourds que les Indiens 
des races montagnardes. Leurs traits sont les mêmes que chez les Guaranis du Paraguay; 
seulement ils ont plus de fierté dans le regard, moins de servilité et moins de tristesse 
dans l'expression. Ils s’épilent avec soin la barbe à l’état sauvage; mais nous avons 
acquis, par les Chiriguanos chrétiens, la certitude qu’ils sont presqu'imberbes, et qu’ils 
ont à peine quelques poils aux moustaches et au-dessous du menton. 


1. Ces chiffres sont le résultat du recensement rigoureux fait en 1832, tandis que nous étions 
à Santa-Cruz. 

Selon Viedma (Informe, manuscrit) le total des Chiriguanos chrétiens était, en 1789, de 
5,100 âmes, et celui des Chiriguanos sauvages (nombre approximatif) de 4,600 ; ce qui donne 
un total de 10,300 âmes, chiffre qui nous paraît au-dessous de la vérité. D’un autre côté , Fernan- 
dez, en 1726 (p. 4), lélevait à 20,000; aussi ne craignons-nous point , d’après beaucoup de don- 
nées recueillies dans le pays, de porter le nombre des Chiriguanos encore sauvages à 15,000, 
divisés au moins en trente villages. 

2. Les premiers missionnaires furent envoyés en 1600 (Fernandez, p. 5); puis les Jésuites y 
entrèrent en 1686; mais la première mission n’eut lieu qu’en 1691 (voy. Fernandez, p. 21). On 
les attaqua souvent pour les forcer à se convertir (Lozano, p. 226), et c’est ce molif qui a le 
plus contribué à les faire persister dans leurs anciennes idées. 


( 345 ) 

Leur langage est le guarani très-peu altéré, et par conséquent peu différent de ce 
qu'il est aujourd’hui au Paraguay. La modification des finales # en chi semblerait 
annoncer qu'ils sont venus à une autre époque que les Guarayÿos. 

Le caractère des Chiriguanos est un mélange de fierté sauvage et de soumission aveugle, 
lorsqu'ils ont une fois adopté un principe. Les Incas! et les anciens missionnaires? en 
faisaient des hommes terribles dans l’état de barbarie le plus complet, se mangeant les 
uns les autres, quand ils n’avaient pas de captifs, vivant sans abri, faux, inconstans, 
sans parole, sacrifiant tout à leurs intérêts. La vérité est que ce sont des hommes 
sensibles aux procédés, recevant les étrangers avec une hospitalité franche, cherchant 
en tout à leur être agréable; mais n’aimant pas qu’on abuse de leur complaisance, 
soit en violant envers eux le droit des gens, soit en cherchant à leur faire changer des 
coutumes qui font leur bonheur. Nous ne doutons pas qu’on n’eût fait des Chirigua- 
nos, comme des Guaranis du Paraguay, les néophytes les plus zélés, si lon se füt 
toujours montré juste envers eux; aussi regardons-nous les Chiriguanos comme des 
hommes réfléchis, doux, plutôt que méchans; bons pères, bons époux, et ayant 
entreux des mœurs tout à fait patriarchales. Ils sont divisés en un grand nombre de 
villages, placés dans les plaines qui avoisinent les bois au pied des dernières montagnes 
des Andes boliviennes. Agriculteurs et chasseurs, ils ont des cabanes spacieuses; 
leurs champs de culture sont dans les forêts : là, sans peine, ils grattent la terre plutôt 
qu'ils ne la remuent, y sèment du maïs, et quinze jours de travail par an, tout au 
plus, leur procurent une récolte assez abondante pour qu’ils aient des vivres, et même 
de quoi subvenir à leur luxe de boisson, pendant plus d’une année; d’où il résulte 
qu'ils passent la moitié de leur existence en visites de tribus à tribus, de villages à 
villages, et en fêtes, dans lesquelles ils jouent, dansent et boivent la liqueur fermentée 
du maïs. On comprend qu’une manière d’être aussi peu fatigante, ne les dispose pas 
à s’astreindre au christianisme, et qu’ils préfèrent leur liberté, leur abondance à la 
contrainte d’un travail forcé. 

Ils se marient jeunes, les chefs seuls usant de la polygamie; et une fois mariées, les 
femmes sont obligées à une conduite exemplaire, tout en obtenant de leurs maris des 
égards, qui ne vont jamais, néanmoins, jusqu’à les soulager du poids des travaux du 
ménage et des récoltes. Ils aiment les plaisirs, la danse, la société. 

La chasse n’est pour eux qu’un délassement, ou un reste de leurs coutumes pri- 
mitives. Naturellement peu belliqueux, ils n’attaquent pas; mais leur nation, toujours 


1. Garcilaso de la Vega, Comentario de los Incas, p. 244, dit d’eux : Son peores que bestias 
Jieras, etc. (Ils sont pis que des bêtes féroces.) 

2. Fernandez, loc. cit., p. 9. 

Lettres édifiantes (Choix) ,t. VIT ,p. 256, il est dit : « Ils enlèvent les habitans, qu’ils emmènent 
« dans les terres, où ils les engraissent de même qu’on engraisse les bœufs en Europe; et après 
« quelques jours, ils les égorgent pour se repaitre de leur chair dans les fréquens festins qu'ils 
« se donnent. » Ce qui est évidemment faux. 


1V. Homme. 44 


Homme 
ameéri- 
cain. 


( 346 ) 


Homme unie, à montré chaque fois qu’on l’y a forcée, qu’elle pouvait vaincre successivement 


améri- 
‘ain. 


les Incas, les Espagnols et les peuples voisins. 

Leur mariage n’est qu’une convention, souvent accompagnée de quelques cérémonies 
superstitieuses. Chez eux a lieu (comme on nous l’a garanti dans le pays, car nous ne 
l'avons pas vu) la singulière coutume en vertu de laquelle une femme, immédiatement 
après son accouchement, vaque à ses travaux comme d’ordinaire, tandis que son mari 
se met à la diète pendant plusieurs jours, couché dans son hamac, où, soigneusement 
garanti du contact de l'air extérieur, 1l devient l’objet de la plus tendre sollicitude. 

À la mort de l’un d’eux, on reploie ses membres, on place le corps dans un grand 
vase de terre! avec tout ce qui lui a appartenu, on l’enterre dans sa propre maison; 
et pendant long-temps toute la famille, avant le lever du soleil, pousse des gémisse- 
mens sur sa mort et rappelle ses actions avec douleur. Ceux d’entr’eux qui reconnaissent 
les lois du christianisme, sont en tout dévoués à leur nouvel état et asservis au système 
général des missions. 

Leur industrie se bornait anciennement à ce qui avait rapport à la chasse ou à l’agri- 
culture; ils ont pris aujourd’hui des Espagnols qui les entourent une partie de leurs 
habitudes de travail. Leurs maisons sont solides; leurs meubles tiennent le milieu entre 
l’état sauvage et la demi-civilisation des campagnes. Les femmes filent, tissent et font 
des vases à contenir les boissons. Les Chiriguanos élèvent des bestiaux, surtout des 
chevaux, qu’ils montent bien, avec un simple bât de jonc; ils savent tanner les cuirs 
des animaux qu’ils tuent à la chasse. 

Leur costume est des plus simple : les deux sexes portent une pièce qui leur cache 
seulement le bas du corps; les hommes se couvrent, à cheval, d’un vêtement de cuir 
tanné, qui ressemble à celui des campagnards bretons. Les deux sexes aussi se peignent 
le corps et la figure de rouge et de noir, tandis qu’à l’homme seul est réservé l'honneur 
de se faire une ouverture à la lèvre inférieure, afin d’y passer la barbote, qui consiste 
en un bouton de plomb ou d’étain, de la grosseur d’une pièce de deux francs; lui 
seul encore peut s’orner la tête des plumes des oiseaux de son pays. 

Leur gouvernement est celui de caciques ou de chefs de famille, chefs de village, 
chefs de contrées; mais, quoique ceux-ci aient, en tout temps, le droit de réprimande, 
ils ne montrent leur pouvoir qu’à la guerre, et sont néanmoins toujours respectés ; 
leur autorité est héréditaire. S'agit-il d’une insulte à la nation? Les chefs se réunissent 
de nuit, commencent par un concert de flûtes, dansent ensuite, puis se consultent et 
agitent la question. A la pointe du jour, ils vont se baigner (leur grand moyen pour 
se former le jugement), se peignent la figure, s’ornent de plumes, déjeûnent et décident 
après ce qu'ils feront, à la majorité des voix. 

Leur religion parait simple. Ils révèrent leurs ancêtres; et, autant qu'il nous a été 
permis d'en juger (car ils sont très-réservés sous ce rapport), ils n’ont réellement 


1. M. de Humboldt a trouvé ces mêmes vases sur les bords de l’Orénoque (Foy., t. VIIT, 
p- 264); ce qui annonce des coutumes semblables. 


( 347 ) 
aucun culte ostensible; ils se souviennent de leur premier père, auquel ils adressent 
quelquefois des demandes; croient à une autre vie, où ils seront toujours en fêtes; 
aussi, pour s’y présenter dignement, enterrent-ils avec eux tout ce qu’ils ont de plus 
précieux. Ceux qui ont adopté le christianisme ne sont pas plus dévots que ceux qui 
sont restés sauvages; ils n’ont réellement aucun véritable culte, ou demeurent fort 
indifférens à celui qu’ils pratiquent. | 


TRIBU DES SIRIONOS. 


Moins nombreuse que celle des Guarayos, cette tribu vit au sein de forêts plus 
sombres encore, qui séparent le Rio Grande du Rio Piray, entre Santa-Cruz de la Sierra 
et la province de Moxos, du 17.° au 18.° degré de latitude sud et à peu près par 68 
degrés de longitude ouest de Paris. Les Sirionos occupent une très-grande surface de 
terrain, quoique, d’après plusieurs captifs de cette tribu que nous avons vus à la 
mission de Ribosi, près de Santa-Cruz, leur nombre s'élève à peine à 1,000 individus. 

Aucun historien n’en a parlé; leur nom figure seulement sur quelques anciennes 
cartes des Jésuites; et, suivant les renseignemens que nous avons obtenus dans le pays, 
les Sirionos, ayant toujours, depuis la conquête, habité les mêmes forêts, sont peut-être 
les restes de ces anciens Chiriguanos, combattus vers le quinzième siècle par l’Inca 
Yupanqui!, et plus tard, obligés de fuir les Guaranis venus du Paraguay au com- 
mencement du seizième siècle?, lesquels prirent leur place, et, selon les historiens’, 
les anéantirent alors. Quoi qu'il en soit, on doit supposer que, bien antérieurement aux 
Chiriguanos, les Sirionos sont aussi venus du sud-est, et ont poussé leurs migrations 
jusqu’à ces contrées lointaines du berceau de la nation guaranie. 

Vivant sous les mêmes conditions que les Guarayos, ils en ont la teinte pale, à peu 
de chose près, la taille et les belles proportions, si nous en pouvons juger par le peu 
d'individus que nous avons vus. Leurs traits sont aussi les mêmes pour l’ensemble; 
mais avec un air sauvage, craintif et une expression de froideur qu’on ne rencontre 
jamais chez les Guarayos. Ils ont l'habitude de s’épiler, en sorte que nous ne saurions 
dire s'ils auraient la barbe aussi fournie que ces derniers. 

Leur langage, comme nous nous en sommes assuré, est le guarani corrompu, mais 
pas assez, néanmoins, pour qu'ils ne puissent s'entendre parfaitement avec les Chiri- 
guanos. Quant à leur caractère, il diffère essentiellement de celui des Guarayos; ils 
sont si sauvages et tiennent si fort à leur indépendance primitive, qu’ils n’ont jamais 
voulu avoir de communications avec les Chrétiens. On n’a pu s’en approcher que les 


1. Voyez Garcilaso de la Vega, Comentario real de los Incas, p. 244 et 226. 

2. Padre Fernandez, 1726, Relacion historial de los Chiquitos, p. 4. 

Padre Lozano, Historia del Paraguay, cap. IT, Ub. IL. 

Lozano, Historia del gran Chaco, p. 57. | 

3. Lozano, loc. cit., p. 57, dit qu’ils mangèrent plus de 150,000 Indiens, chiffre sans aucun 
doute exagéré, comme beaucoup des allégations de cet auteur ; Rui Diaz de Guzman dit 100,000. 


Homme 
améri- 
cain. 


(348) 


Homme armes à la main. Autant les premiers sont doux et affables, autant ceux-ci sont peu 


améri- 
cain. 


communicatifs. Ils vivent par familles éparses et errantes au sein des forêts les plus 
impénétrables, se livrant seulement à l’exercice de la chasse. Ils ne se construisent que 
des huttes formées de branchages, et ne connaissent aucune des commodités de la vie; 
tout annonce chez eux l’état sauvage le plus complet. Ils n’ont d'autre industrie que la 
confection de leurs armes, qui consistent en arcs de huit pieds de long et en flèches de 
même longueur, dont ils se servent le plus souvent assis, s’aidant du pied et des mains 
pour les lancer avec plus de force; aussi ne doivent-ils chasser que le gros gibier. Les 
deux sexes vont entièrement nus, sans se charger en rien de vêtemens, ni même de 
peintures, et sans porter aucun ornement. 

Dans leurs courses journalières, ils ne font aucun usage de pirogues; s'ils ont une 
rivière à passer, ils coupent des lianes, les attachent à terre à un arbre ou à des pieux, 
qu'ils placent à cet effet, les enroulant autour des troncs d'arbres arrêtés par les 
courans au sein des eaux, et formant ainsi une espèce de pont, auquel les femmes s’ac- 
crochent pour passer avec leurs familles 1. Chaque fois qu’ils en trouvent l’occasion, ils 
attaquent les pirogues de Moxos qui remontent à Santa-Cruz, et tuent les rameurs, 
pour s'emparer des haches ou autres instrumens dont ceux-ci sont munis. Cest, du 
reste, tout ce que nous avons appris sur cette tribu, sans doute la plus sauvage de la 
nation. 


TRIBU DES TUPYS. 


Azara? décrit sous ce nom une nation qu’il considère comme différente des Guaranis. 
Elle habite à l’est de la province des Missions sur les rives de l’'Uruguay, vers le 27.° 
degré de latitude sud. D’après les renseignemens que nous avons obtenus aux missions 
et de quelques Brésiliens de San-Paulo, ce ne serait pas une nation distincte, mais bien 
une simple tribu de chasseurs et d'agriculteurs, qui auraient conservé l'habitude de 
vivre au sein des forêts. D'ailleurs, le nom seul de Zupys est celui d’une des grandes 
sections des Guaranis primitifs5, et sans doute le même que celui des Zapès des missions 
espagnoles. 


TRIBU DES GUAYANAS. 


C'est encore une simple tribu des Guaranis, Ce que dit Gonzalo de Doblas à ce sujet 
étant tout à fait concluant, Azaraÿ se serait encore trompé dans cette circonstance. 


1. Voyez partie historique, Vues, pl. 19. 

2, Voy. dans l’Amér. mér., t. II, p. 70. 

3. Damien de Goes, Cron., p. 1, ch. LVI. 

Corografia brasilia, M, p. 57, etc.; padre Guevarra, Historia del Paraguay, 1770, p. 6; Gon- 
zalo de Doblas, p. 54. 

4. Memoria historica, etc., sobre la provincia de Missiones, p. 51. 

5. Loc. cit., p. 75. 


NATION BOTOCUDO OÙ AYMORE. 


La première de ces deux dénominations vient de la langue brésilienne, et tient à 
l'habitude qu’a cette nation de se mettre un morceau de bois arrondi dans un trou de 
la lèvre inférieure; la seconde désigne, sans doute, l’une des principales tribus de la 
nation. Au seizième siècle! les Botocudos vivaient dans les capitaineries d’Ilheos, jusqu’à 
Porto Seguro, d’où ils faisaient une guerre cruelle aux colons portugais; ils habitent 
aujourd'hui dans l’intérieur, sur une surface parallèle à la côte de l'océan Atlantique, 
une zone comprise entre le Rio Doce et le Rio Pardo, du 18.° au 20." degré de latitude sud. 

N'ayant vu qu’un seul Botocudo, et n’ayant pas été dans le pays qu’habite cette 
nation, nous nous bornerons à citer nos observations personnelles, afin de suivre la 
marche que nous nous sommes imposée, renvoyant, du reste, pour de plus amples 
détails, aux savans ouvrages de MM. Spix et Martius, de M. Auguste de Saint-Hilaire 
et de M. le prince Maximilien de Neuwied. 

D’après les notes que nous devons à la complaisance de M. le vicomte de Santarem, 
le nombre des Botocudos ne s’élèverait pas au-dessus de 4,000 individus. 

La couleur jaunätre des Botocudos nous a paru être en tout celle des Guaranis; 
mais, sans doute par suite de leur genre de vie au milieu des forêts, elle est un peu 
moins foncée que celle de la masse de la nation, et se rapproche davantage de celle 
des Guarayos. L’individu que nous avons vu, de la taille ordinaire des Guaranis, 
leur ressemblait par ses formes et même par ses traits, sauf cette différence, que les 
pommettes nous ont paru plus saillantes, le nez plus court, la bouche plus grande, 
la physionomie plus sauvage, la barbe presque nulle, les yeux encore plus petits et plus 
obliques à leur angle extérieur; ce qui les fait ressembler beaucoup aux hommes de 
la race mongolique de Cuvier. 

Un vocabulaire que nous avons formé, en questionnant ce Botocudo, nous a prouvé, 
par à peu près deux cents mots, qu’il n’y avait aucune analogie entre sa langue et celle 
des Guaranis. Quelques sons demandent une prononciation nasale, mais aucun n’est 
guttural; et, sans l'extrême dureté des consonnes, on ne pourrait dire que la langue 
soit dure. Elle est fort accentuée, les finales en étant toujours longues; elle a quelques 
sons compliqués, comme ceux de net de {z, dont on prononce séparément les consonnes 
avant de faire sentir la voyelle qui les suit. Les trois quarts des mots finissent par une 
consonne : les plus employées sont l’, l’a; les autres sont le c et le {, comme dans 
ic, oc, at. Les diphthongues sont très-communes, et nous retrouvons souvent tous les 
composés de voyelles que nous avons en français, on, ain, etc. L’u français n’est pas 


1. Pero Magalhanes de Gandavo, Historia da provincia de Santa-Cruz, 1576, fol. 43. 


Homme 
améri- 
«ain, 


(350) 


Homme en usage; mais le c et le 7 de cette langue sont souvent indispensables pour bien 


améri- 
cain. 


rendre les mots, tandis que la manière dont on les prononce en espagnol n’est pas 
connue. Les lettres d, r, s, v ne sont pas non plus nécessaires; leur valeur phonétique 
ne se trouve pas dans la langue des Botocudos. Les noms des parties du corps ne 
présentent point d'anomalies. Nous ne pouvons rien dire des adjectifs, des verbes, ni 
du système de numération de cette langue, le manque d’interprète ne nous ayant permis 
de prendre à cet égard aucun renseignement positif. 

Le caractère des Aymores paraît rempli de fierté; mais, d’après ce que nous avons 
pu apercevoir, il est, à peu de chose près, semblable à celui des Guaranis; il en est 
de même de leurs mœurs et de leurs usages. Ils vivent au sein des forêts, par familles 
ou par petites tribus guerrières, qui aujourd’hui ont encore les coutumes primitives 
des Guaranis, tout en étant beaucoup plus sauvages. Ce sont les plus intrépides chasseurs 
à l’arc et à la flèche. Peu d’entr'eux se livrent à l’agriculture. 

En résumé, les Botocudos, bien que différant des Guaranis par le langage, se rattachent 
évidemment au même rameau que cette grande nation, par tous leurs caractères 
physiques de couleur, de formes, de traits. Il en est ainsi des coutumes et des mœurs. 
Si l’on prenait pour type l’inclinaison des yeux, ils seraient les plus parfaits du rameau; 
car leurs yeux, plus relevés à l’angle extérieur, leurs pommettes plus saillantes, leur 
teinte plus jaune, les font ressembler en tout aux hommes de la race jaune des côtes 
de la Chine. Ce sont, en un mot, des Guaranis dont les caractères physiques sont très- 
prononcés. 


NATION NUARA.: 
Cette nation, si toutefois elle n’est pas une tribu des Guaranis, nous paraît appartenir 
évidemment à la race guaranienne. 
NATION NALICUECA.2 


C’est le nom d’une nation indiquée par Azara comme vivant au 21. degré sud, à 
l'est de Xérès. Par le peu qu’en rapporte l’auteur espagnol , nous devons croire qu’elle 
apparüent à la même race que les Nuaras. 


NATION GUASARAPO.S 


Cette nation nous parait être dans le cas des deux précédentes : elle vivait à l’est du 
Rio Paraguay, vers le 19.° degré 46 minutes de latitude australe. 


1. Azara, Voy. dans l’Amér. mér., t II, p- 77. 
2. Idem, ibidem. 
3. Idem, ibidem, p. 78. 


( 551 ) 


NATION GUATO.: 


Nous croyons qu’on peut aussi réunir avec certitude cette nation au rameau guara- 
nien. Azara, sans doute, a donné trop de créance aux rapports des Indiens, en les 
décrivant comme vivant au milieu des lagunes. Nous en avons beaucoup entendu parler 
par des habitans de Cuyaba, comme d’une nation d'agriculteurs, avec lesquels ils ont 
des rapports fréquens. 


NATIONS CABASA ET BORORO. 


Les Cabasas habitant les rives du Rio de ce nom, entre le Jaoru et le Rio du Para- 
guay, non loin de Matagrosso, ainsi que les Bororos des plaines voisines de ces deux 
rivières, nous paraissent également appartenir au même rameau, sans que nous puissions 
rien dire de positif sur leur langage. 


La plupart des nations du Brésil dont nous avons vu les portraits dans 
les beaux ouvrages de MM. Spix et Martius, de M. le prince Maximilien de 
Neuwied, de MM. Rugendas et Debret, appartiennent évidemment, par 
tous les caractères de leurs traits, à notre race brasilio-guaranienne. Tels 
sont les Bogres de la province de San-Paulo, les Camacans, les Puris, les 
Coroados et les Coropos. Quant aux Macuanis, aux Penhams de Minas- 
Geraes, aux Machacalis, aux Capoxos, aux Cataxos, aux Comanazxos 
des frontières de Porto Seguro et de Bahia, aux Cariris, aux Sabujas, aux 
Masacaras de Bahia; aux Geicos, aux Apogenicrans, aux Pimenteiras et 
aux Purecamecrans du Maragnan; aux Muras, aux Mundrucus, aux Uaï- 
numas, aux Manazxos, aux Canna Mirim, aux Passes, aux Juris, aux 
Culinos, aux Catuguinas, aux Camperas, aux Maravas, aux Araquaxus, 
aux Cauixanas, aux Mariates, aux Maxurunas, aux Tocunas, aux 
Manaos, aux Bares et aux Cariays du Para et du Rio Negro, dont parlent 
MM. Spix et Martius, nous avons la certitude que presque tous appartiennent 
aussi à notre race brasilio-guaranienne, mais sans pouvoir dire si c’est comme 
nations distinctes ou comme simples tribus des Guaranis ou des autres grandes 
nations de la race. 


1. Azara, Voy. dans l’Amér. mér., 1. II, p. 80. 


Homme 
améri- 
cain. 


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TABLE ALPHABÉTIQUE 


Des noms de nations, de tribus, de leurs synonymies et des matières traitées dans cet ouvrage. 


—"S=———— 
A B 

Abipones, nation du rameau pampéen. Pag. 240 | Barbe (généralités sur la). Pag. 62 
Abondance, son influence. 49 | Bures, nation ou tribu du rameau guaranien. 351 
Achekenat-kanet, malin esprit des Patagons. 220 | Baurès, tribu de la nation moxo. 291 
Agaces, synonyme de la nation Payagua. 243 | Bauros, synonyme de la nation moxo. 291 
Agriculture. 100, 132 | Bejosos, tribu de la nation mataguaya. 234 
Aguilots, tribu de la nation mbocobi. 229 | Boanes, tribu de la nation charrua. 224 
Aguitegnédichagas, tribu de la nation Samucu. 253 | Bogres, nation ou tribu du rameau guaranien. 351 
Ameublement. 91 | Boroanos, tribu de la nation araucana. 177 
Amulalaes , tribu du Chaco. 191 | Bororos, nation ou tribu du rameau guaranien. 351 
Amusements. 95 | Boros, tribu de la nation chiquito. 259 
Anal, Analeys, synonymie de Mataguayo. 234 | Botocudo, nation du rameau brasilio-guaranien. 349 
ANDO-PÉRUVIENNE. Race américaine. 117 | Bouche (forme de). 62 
Antalli, ancienne tribu des Araucanos (note). 177 | Boxos, tribu de la nation chiquito. 258 
ANTisIEN. Rameau de la race ando-péruvienne. 154 | BRASILIO-GUARANIENNE. Race américaine. 311 
Anlti-suyo, partie est du royaume des Incas. 137 
Apachitas, offrandes aux vents des Incas. 140 C 
Apogenicrans, tribu ou nation du rameau gua- Cabasas, nation ou tribu des Guaraniens. 351 

ranien. 351 | Cachaboth, synonyme de la nation boba. 242 
Apolista, nation du rameau antisien. 173 | Cadalu, synonyme de la nation lengua. 242 
Aquilotes, tribu du Chaco. 191 | Cadigue, tribu de la nation payagua. 243 
Arachanes , tribu des Guaranis. 323 | Calchaquies, tribu ou nation des pampas du 
Araken, génie du mal chez les Puelches. 223 grand Chaco. 191 
Araquaæxus, tribu ou nation du rameau guara- Caliazec, synonyme de la nation mbocobi. 229 

nien. 351 | Callagaes, tribu ou nation du Chaco. 191 
Araucana, nation du rameau araucanien. 177 | Callages, tribu de la nation abiponës. 240 
ARAUCANIEN. Rameau dela race ando-péruvienne. 175 | Calmelache, devin des Puelches. 223 
Araucos, tribu de la nation araucana. 177 | Camacans, nation ou tribu durameauguaranien. 351 
Architecture. 97, 133, 148 | Camocois, prêtres de l’ancienne religion des 
Arianicocies, tribu ancienne des Chiquitos. 258 Moxos. 291 
Armes. 134 | Camperas, nation ou tribu du rameau guaranien. 351 
Arts, généralités. 96 | Canibaba-kilmo, génie malfaisant des Movimas 304 
Arupores, tribu de la nation chiquito. 258 | Canichana, nation du rameau moxéen. 300 
Alacama, nation du rameau péruvien. 151 | Caniciana, synonyme de la nation canichana. 300 
Alenianos, tribu de la nation tacana. 170 | Canna Mirim (petit canna [en guarani |), tribu 
Auca, tribu de la nation araucana. 177, 178 ou nation du rameau guaranien. 351 
Aucaces, tribu de la nation araucana. 178 | Capoxos, nation ou tribu du rameau guaranien 351 
Avagua, malin esprit des Mataguayos. 238 | Caräcari, tribu de la nation guaranie. 314, 321 
Aveguediches , tribu de la nation fuégienne. 185, 205 | Caractère moral. 83 
Aymara, nation du rameau péruvien. 141 | Curaibe, synonyme de la nation guaranie 313, 315 
Aymore, Synonyme de Botocudo, nation du Careras , tribu ancienne de la nation samucu. 253 

rameau guaranien. 349 | Cariays, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 


IV. Homme. 


45 


(554) 


Caribe, synonyme de la nation guaranie. Pag. 313, 

315, 317 
313 
253 


Caribi, synonyme de la nation guaranie. 
Caricas, tribu ancienne de la nation samucu. 


Carina, synonyme de la nation guaranie. 313 
Carios, tribu de la nation guaranie. 314, 319 
Cariris, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Caru, voyez Mythologie de la nation yuracarès. 166 
Cataxos, nation ou tribu du rameau guaranien. 351 
Catuquinas, nat. ou tribu du rameau guaranien. 351 
Caucahues , synonyme de la nation patagone 
suivant Frener. 205, 214 
Caucau, synonyme de la nation fuégienne. 185 
Cauixanas, nation ou tribu du rameau guaranien 351 
Cauqui, tribu ancienne des Araucanos (note). 177 
Cavinas, tribu de la nation tacana. 170 
Cayubaba, synonyme de la nation cayuvava. 305 
Cayuvava, nation du rameau moxéen. 305 
Centres de civilisation. 105 
Cercosis, tribu ancienne de la nation chiquito. 258 
Chaimas, tribu citée à propos des Guaranis. 315 
Chamanucas, tribu de la nation chiquito. 259 
Chanas, tribu de la nation charrua. 224 
Chanès, tribu de la nation mataguayo. 234 
Chaoua, synonyme de Patagon, dans Bougain- 
ville. 207, 214 
Chapacura, nation du rameau moxéen. 288 
Charago, nation citée. 152 
Charrua, nation du rameau pampéen. 224 


Chasquis, courriers des Quichuas ou Incas. 135, 138 


Chasse (État de la). 101 
Chayavitos, nation du rameau antisien. 174 
Chemin tracé dans les Andes. 134 
Cheveux (description). 63 
Chilenos, synonyme de la nation araucana. 178 
Chimanis, tribu de la nation mocéténès. 167 
Chimanisas , tribu de la nation mocéténès. 167 
Chincha-suyo, partie nord du royaume des Incas. 137 
CniquiréeN. Rameau de la race pampéenne. 245 
Chiquilo, nation du rameau chiquitéen. 258 
Chiriguanos, tribu de la nation guaranie. 314, 322, 
342 
Chürihuana, synonyme de Chiriguano. 342 
Chonos, tribu de la nation araucana. 177, 178 
Chontaquiros, nation du rameau antisien. 174 
Chukira, malin esprit suivant les Itonamas. 299 
Chumipis où Chumipies , tribu de la nation ma- 
taguaya. 191, 234 
Chunchos, nation du rameau antisien du Rio 
Paro. 120, 174 


Chunchu, dieu de la guerre des Yuracarès. Pag. 166 


Chunipis, tribu de la nation mataguaya. 234 
Cocoloth, synonyme de la nation lengua. 242 
Codollate , tribu de la nation guaycurus. 244 
Colla-suyo, partie sud du royaume des Incas. 137 
Comanaxos, tribu ou nation du rameau gua- 
ranien. 301 
Complexion. 67 
Conis, tribu de la nation yuracarès. 161 
Considérations géographiques. 1 
Considérations physiologiques. 36 
Considérations morales. 71 
Contexture de la peau. 42 
Corabéca , nation du rameau chiquitéen. 274 
Coranos , synonyme de la nation samucu. 253 
Coroados, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Coronados, tribu de la nation mataguaya. 234 
Coropos, nation ou tribu du rameau guaranien. 351 
Costume en général. 103 
Couleur de la peau. 36 
Coutumes, influences sur les formes. 58 
Coutumes, généralités. 91 
Covareca, nation du rameau chiquitéen. 271 
Croyances religieuses. 109 
Cuchis, tribu de la nation yuracarès. 161 
Cuciquias, tribu de la nation des Chiquitos. 259 
Culinos , tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Cunchés, synonyme de la nation araucana. 177 
Cunli-suyo, partie ouest du royaume des Incas. 137 
Curavès , nation du rameau chiquitéen. 272 
Curucanécas, nation du rameau chiquitéen. 273 
Curumatas , tribu de la nation mataguaya. 234 
Curuminacas , nation du rameau chiquitéen. 270 
D 
Décès ; statistique. 25, 32 
Dents. 63 
Dessin. 98 
Diuihets, synonyme de la nation araucana. 177 
Divisions en races, rameaux, nations. 5 
E 
Écusgina, tribu de la nation abiponès suivant 
Azara. 240 
Enfants par mariage. 22 
Énimagas, nation du Chaco, tribu de la nation 
abiponès suivant Azara. 191, 240 
Enoo, tribu de la nation fuégienne. 185, 203 
Éténès, synonyme de la nation yuracarès. 161 


| 


(355) 


F 
Face (Description de la). Pag. 64 
Facultés intellectuelles. 80 
Formes : considérations générales. 54 
Freniones, tribu du Chaco. 191 
Front : généralités. 61 
Fuëgiens, nation du rameau araucanien. 185, 211 

G 


Galgaisi, peut-être tribu de la nation guaranie. 314 
Galibi, synonyme de la nation guaranie. 313, 317 
Gdoapidolgaté, dieu créateur des Mbocobis. 233 
Geicos, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Gentusés, nation du Chaco, tribu des Lenguas. 191, 


242 
Gouvernements. 105, 137 
Gualachos, tribu de la nation guaranie. 321 
Gualichu, génie du mal chez les Puelches. 223 


Guana, tribu de la nation des Mataguayos. 234 
Guanlang, synonyme de la nation mbocobi. 229 
Guarani , nation de la race brasilio-guaranienne. 313 
Guarañocas, tribu de la nation samucu. 253 
Guarayo, synonyme de la nation iténès à Moxos. 307 
Guarayo, synonyme de la nation chapacura. 288 
Guarayo, tribu de la nation guaranie. 314, 317, 358 


Guarayo, synonyme de la nation chiquito. 259 
Guarayoca, tribu de la nation chiquito. 259 
Guarini, synonyme de la nation guaranie. 313 
Guasarapos, nation du rameau guarani. 351 
Guatoroch , jeu des Chiquitos. 264 


Guatos, nation du rameau chiquitéen. 253, 276, 351 
Guazoroca et Guazoroch, tribu de la nation chi- 
quito. 259 
Guayanas, tribu de ia nation guaranic. 323, 348 
Guaycurus, nation du rameau pampéen. 243, 244 


H 

Habitans par lieues carrées. 16 
Huacanahuas , nation du rameau antisien. 174 
Huachi, synonyme de la nation chapacura. 288 
Huaïna capac, XW.° Inca. Limites du royaume 

sous son règne. 137 
Huara, génie bienfaisant des Pacaguaras. 310 
Huarayus , peut-être synonyme de la nation 

chapacuras. 283 
Huatasis, tribu de la nation chiquitos. 259 
Huiliches, synonyme de la nation patagone. 214 
Huiliches, tribu de la nation araucana. 177 
Huinca, synonyme de la nation araucana. 178 


Humidité, son influence sur l'obésité. 57 


I 

Ibirayas , tribu ancienne de la nation samucu. P. 253 
Idaapa, bon génie des Cayuvavas. 306 
Inaken , tribu de la nation patagone. 214 
Inca, voyez Quichua. 119 
Incanabacte, synonyme de la nation mbocobi. 229 
Industrie : généralités. 96 
Influence du lieu d'habitation sur la taille. 49 
Influence du lieu d'habitation sur la couleur. 37 
Influence de la température sur les religions. 114 
Introduction. ] 
Jpiquayiqui, tribu de la nation guaycuru sui- 

vant Lozano. 244 
Triabos , chefs de tribu de la nation chiquito. 264 
Tsianias , tribu de la nation tacana. 170 


sistines, synonyme de la nation mataguaya. 191 
Isitineses , synonyme de la nation mataguaya. 234 


Isilunch, dieu de l’eau des Chiquitos. 265 

Iié, synonyme de la nation iténès. 307 

Jiénès, nation du rameau moxéen. 307 

Jionama, nation du rameau moxéen. 297 
J 

Juiadgé , tribu de la nation lengua. 242 


Juris, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 


; K 
Karaikes, tribu de la nation fuégienne. 185, 205 
Kemeneltes, tribu de la nation fuégienne. 185, 203 
Kennekas , tribu de la nation fuégienne. 185, 203 
Keyos, synonyme de la nation fuégienne. 185 
Key-yus, synonyme de la nation fuégienne. + 185 


L 


Laguediches, tribu de la nation fuégienne. 185, 205 
Langues : généralités (voir cet article à chaque 


nation). 71 
Lengua, nation du rameau pampéen. 242 
Lenguas, tribu des Abiponès suivant Azara. 240 
Lewuches, synonyme de la nation araucana. 177 
Limites d'habitation, en tableau, 5 
Lipes, synonyme de la nation atacama. 151 
Llipi, synonyme de la nation atacama. 151 
Longévité. 67 
Lules, nation du Chaco. 191 

M 


Mabatara , nat. ou tribu des Pampéens du Chaco. 191 
Macarañys, tribu de la nation chiquito. 259 


(356) 


Machacalis, tribu ou nation du rameau guara- 


nien. 


Machi, médecins des Araucanos. 


Machicuys, tribu de la nation mbocobi. 
Machui, nation du rameau antisien. 


Pag. 351 
184 
229 
174 


Macuanis , tribu ou nation du rameau guaranien 351 


Magdalenos, synonyme de la nation mocélènes. 167 


Mages, tribu de la nation yuracarès. 
Maiauke , tribu de la nation cayuvava. 
idem. 


Maidepurupine, idem 
Maidibochoke, idem 
_ Maidijibobo, idem 
Maimaÿjua, idem 
Maimosoroya, idem 


Maïnaje, mauvais génie des Movimas. 


idem. 
idem. 
idem. 
idem. 


161 
306 
306 
306 
306 
306 
306 
306 


Maipures, nation citée à propos des Guaranis. 315 


Mairouaña, tribu de la nation cayuvava. 306 
Maisimae , tribu de la nation cayuvava. 306 
Maitacapac, IV.° Inca. Limite du royaume. 137 
Maladies, remèdes. 93 
Malalquinos, tribu de la nation araucana. 178 
Malbalas où Malvalaes, tribu de la nation mbo- 
cobi. 191, 229 
Mamil-mapu, tibu de la nation araucana. 178 
Manacicas , tribu de la nation chiquito. 258, 265 


Manaos, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Manaxos, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 


Mancocapac, 1.‘ Inca : son origine. 136 
Maniquies, synonyme de la nation mocéténès. 167 
Manopo, prêtre, devin des Chiquitos. 265 
Mansiños, tribu de la nation yuracarès. 161 
Maravas, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Mariages pour habitans. 21 
Mariages. (Coutumes à cette occasion.) 93 
Mariates, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Maropa, nation du rameau antisien. 172 
Masacaras, tribu ou nation du rameau guaranien 351 
Maiacos , tribu de la nation mataguaya. 234 
Mataguaya, nation du rameau pampéen. 234 
Matahucas , tribu de la nation chiquito. 259 
Mataïminicas , tribu de la nation chiquito. 259 
Maxamanucas, tribu de la nation chiquito. 259 
Maxurunas, tribu ou nation du rameau guaranien 351 
Mbayas, nation du rameau pampéen. 243 
Mbéguas , tribu de la nation guaranie. 314, 321 
Mbocobi, nation du rameau pampéen. 229 
Mélange des races. 638 
Menton (Forme du). 62 
Méponèés , tribu de la nation abiponès. 240 


Métaux (Emploi des). Pag. 99 
Migrations. 10, 321 
Minuanes, tribu de la nation charrua. 224 
Mocéiénès, nation du rameau antisien. 167 
Mococas, tribu de la nation chiquito. 259 
Mœurs : généralités. _88 
Moluches, synonymes de la nation araucana. 177 
Monuments. 148 
Mororoma , dieu de la foudre chez les Yuracarès. 166 
Morotocas , tribu de la nation samucu. 253 
Mouvement de la population. 17, 20 
Movimas, nation du rameau moxéen. 303 
Moxéen. Rameau de la race pampéenne. 277 
Moxo, nation du rameau moxéen. 291 
Muchani , tribu de la nation mocéténès. 167 
Muchojéonès, tribu de la nation moxo. 291 


Mundrucus, tribu ou nation du rameau guaranien 351 
Muras, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 


Mythologie américaine. 112 
N 

Naissances par habitans. 23 

Naissances par sexes. 27 


Nalicuecas, nation ou tribu du rameau guaranien 350 
Napinyiqui, tribu de la nation guaycurus. 244 


Narines (Formes des). 62 
Naticas, tribu du grand Chaco. 191 
Nature des terrains ; leur influence sur la popu- 
lation. 9 
Navigation; son état. 102, 135 
Nez (Généralités sur le). 62 
Ninaquiquilas, tribu de la nation samucu. 253 
Notocoet, synonyme de la nation mbocobi. 229 
Nuara, nation ou tribu des Guaranis. 350 
Nubilité, cérémonies à cette occasion. 92 
O 
Ocoles, tribu de la nation mataguaya. 234 
Odeur de la peau. 43 
Olipes, synonyme de la nation atacama. 151 
Omaguas, nation citée à propos des Guaranis. 315, 
326 
Origine des Incas. 136 


Oromos, tribu détruite de la nation yuracarès. 161 
Orystineses , synonyme de la nation mataguaya 234 


Otukès , nation du rameau chiquitéen. 268 
Otuques, synonyme de la nation otukès. 268 
Oyampis, tribu de la nation guaranie. 317 


( 557 ) 


P 

Pacaguara, nation du rameau moxéen. Pag. 309 
Pachacamac , dieu invisible des Incas. 139 
Païconéca, nation du rameau chiquitéen. 274 
Paicunoes, synonyme de la nation païconéca. 274 
Palomos , tribu du Chaco. 191 
Pampas, synonyme de la nation araucana. 178 
Pampas, synonyme de la nation puelche. 221 
Pawpéen. Rameau de la race pampéenne. 189 
Pampéenne. Race américaine. 189 
Parahacas , tribu de la nation chiquito. 259 
Parenis, nation citée à propos des Guaranis. 315 
Paresi, nation ou synonyme des Guaranis. 315 
Passes, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Pasteurs américains. 100 
Patagon , nation du rameau pampéen. 199, 213 
Paunaca, tribu de la nation païconéca. 274 
Payaguas, nation du rameau pampéen. 243 
Payé, Piache, prètre et devin des Guaranis. 318, 

337 
Peau, couleur. 36 
Pêche (État de la). 101 


Pécherais, synonyme de la nation fuégienne185, 207 
Péhuelques, synonyme de la nation araucana. 177 
Péhuenches, tribu de la nation araucana. 177, 178 


Pencos, tribu de la nation araucana. 177 
Penhams, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Pénoquis, tribu de la nation chiquito. 258 
Penotos, tribu de la nation chiquito. 258 
Pepezü, dieu du vent chez les Yuracarès. 166 
Pequicas, tribu de la nation chiquito. 259 
Pequiquias, tribu de la nation chiquito. 258 
Peroquiquias, tribu de la nation chiquito. 259 
Physionomie : généralités. 61, 64 
Picunches , tribu de la nation araucana. 177 
Pimenteiras, tribu ou nation du rameau gua- 
ranien. 351 
Pincu, synonyme de la nation araucana (note) 177 
Piñocas, tribu de la nation chiquito. 258 
Piococas, tribu de la nation chiquito. 259 
Pitilagas, tribu de la nation mbocobi. 229 
Poitrine très-développée chez les Quichuas. 124 
Pommettes (Formes des). 62 
Population. 11, 18 
Population chrétienne. 13 
Population sauvage. 13 
Poterie (Fabrication de la). 98, 135 
Potureros, tribu de la nation samucu. 253 
Pucara, forts des Quichuas. 134 


Puelches, nation du rameau pampéen. 
Punasiquias, tribu de la nation chiquito. 
Puraxis, tribu de la nation chiquito. 


Purecamecrans , tribu ou nation du rameau gua- 


ranien. 


Puris, tribu ou nation du rameau guaranien. 


Q 


Oquichua, voyez nation quichua. 
Queanaes ; tribu de la nation mataguaya. 
Quecubu, malin esprit des Araucanos. 
Quehuciquias, tribu de la nation chiquito. 
Quemecas, tribu de la nation chiquito. 
Querendis, ancien nom des Puelches. 


Quiabanabaité , tribu de la nation abiponès, sui- 


vant Azara. 
Quichua, nation du rameau péruvien. 


Quiesmagpipo, synonyme de la nation lengua. 


Quipus , écriture des Quichuas. 
Quiriquias, tribu de la nation chiquito. 


Quitemocas , tribu de la nation chapacura. 


Quixos, nation du rameau antisien. 


R 


RACE ANDO-PÉRUVIENNE. 

RACE PBRASILIO-GUARANIENNE. 

RACE PAMPÉENNE. 

RAcES AMÉRICAINES. Caractères généraux. 
RAMEAU PÉRUVIEN. 

Ranqueles, tribu de la nation araucana. 
Ranquelinos, tribu de la nation araucana. 
Raréfaction de l’air; son influence. 
Raymi, fète annuelle des Incas. 

Religion en général. 

Répartition géographique. 


S 


Sabuyas, tribu ou nation du rameau guaranien. 


Sacocies, tribu de la nation chiquito. 
Samanucas, tribu de la nation chiquito. 
Samucu, nation du rameau chiquitéen. 
Sañepicas, tribu de la nation chiquito. 
Saracas, tribu de la nation chiquito. 


Sararuma , voyez mythologie des Yuracarès. 


Saravéca, nation du rameau chiquitéen. 
Sarigué, tribu de la nation payagua. 
Sculpture. 

Siacuas , tribu de la nation payagua. 


Signipies, tribu ou nation du grand Chaco. 


Pag. 221 


259 
258 


391 
351 


243 
191 


( 358 ) 


Sirionos, tribu dela nation guaranie. P. 314, 321, 347 


Solostos, tribu de la nation yuracarès. 161 

Sourcils (Formes des). 63 

Statistique américaine. 17 

Superstitions en général. 111 

Surface occupée. 4 

Suriguas, nation du rameau antisien. 174 
T 


Tableau des caractères distinctifs des Américains 116 
— de la taille, suivant les lieux, le sexe, 51 


— des langues. 80 
— des voyages au pays des Patagons. 212 
Tacana, nation du rameau antisien. 170 
Tacumbu, synonyme de la nation payagua. 243 


Taglélé, Tagléleys, syn. dela nation mataguaya. 234 
Taille : considérations générales. 43 à 54 
Talahuets, synonyme de la nation araucana. 177,210 
Tamanaque , nation citée à propos des Guaranis. 315 
Tamoi, le vieux du ciel, le grand-père des Gua- 


ranis. 318, 337, 341 
Taños, tribu de la nation mbocobi. 229 
Tapacuracas, tribu de la nation chiquitos. 259 
Tapacuras , synonyme de la nation tapacura. 288 
Tapès, tribu de la nation guaranie. 314, 320 
Tapiis, nation du rameau chiquitéen. 273 
Tapipuicas , tribu de la nation chiquito. 258 
Tapiquas , tribu de la nation chiquito. 258 
Tapus , tribu de la nation guaranie. 319 
Tapuyas, peut-être tribu des Guaranis. 336 
Tapuyes, tribu de la nation guaranie. 319 
Taquiyiqui, tribu de la nation guaycuru. 244 


Taiho, Tationes, synon. de la nat. mataguaya. 234 
Taunies, synonyme de la nation mataguaya. 234 
Taus, tribu de la nation chiquito. 258 
Tayinuis, synonyme de la nation mataguaya. 234 
Tehuelche, nation du rameau pampéen. 199, 210 
Tentas, synonyme de la nation mataguaya. 234 


Tête (Formes de la). 59 
Tête déformée. 60, 144 
Timbues, tribu de la nation guaranie. 314, 321 
Tiremenen, synonyme de la nation patagone 203, 214 
Tiri, voyez la mythologie des Yuracarès. 165 
Tissage (État du). 99 
Toba , nation du rameau pampéen. 229 
Tocunas, tribu ou nation du rameau guaranien. 351 
Tombeaux. 149 
Toromona, tribu de la nation tacana. 170 


Torquisines , synonyme de la nation mataguaya. 191 


Traits : généralités. Pag. 


Tubacis, tribu de la nation chiquito. 

Tucapel, tribu de la nation araucana. 

Tucma, ancien nom de Tucuman. 

Tucupi, tribu de la nation mocéténés. 

Tuméqué ou tumeké, malin esprit des Iténès. 

Tupinambas, tribu de la nation guaranie. 

Tupis, tribu de la nation guaranie, la même que 
Tapès. 319, 336, 

Tupu , épinglette d’argent des Quichuas ou Incas 


U 
Uainumas , tribu ou nation du rameau guaranien 
Ugaronos, tribu ancienne de la nation samucu. 
Ulé, voyez mythologie des Yuracarès. 
Uleses , nation éteinte du rameau chiquitéen. 
Ulitume-Guana , nation du rameau antisien. 
Usages : généralités. 
Usutas, sandales des Quichuas. 


V 
Vases. 98, 


Velelas, tribu de la nation mataguaya. 
Vilélas, tribu de la nation mataguaya. 


X. 


Xamanacas, tribu de la nation chiquito. 
Xamaros, tribu de la nation chiquito. 
Xarayes, synonyme de la nation yarayes. 
Xurubérécas, tribu de la nation chiquito. 


Y 
Yacach, synonyme de la nation araucana. 
Yacana-cunny, syn. de la nation fuégienne 185, 
Vana-conni, synonyme de la nation patagone, 
d’après Forster. 
J'apitalaguas , synonyme de la nation mbocobi. 
Varayes, nation éteinte du rameau chiquitéen. 
Varos, tribu de la nation charrua. 
Vazoros, tribu de la nation chiquito. 
Yeux (Forme des). 
Vinijama, génie malfaisant des Canichanas. 
Jochina, malin esprit ou génie malfaisant des 
Pacaguaras. 
Poes, tribu de la nation mataguaya. 
Yonec, synonyme de la nation puelche. 
Vupanqui, V.° Inca ; ses conquêtes. 
Vuracarés, nation du rameau antisien. 
Furakari, synonyme de la nation yuracarès. 
Vurucaritia, tribu de la nation chiquito. 
Vurujure, synonyme de la nation yuracarës. 


61 
258 
177 
120 
167 
308 
319 


348 
135 


351 
253 
165 
276 
174 

91 
135 


135 
234 
234 


259 
258 
276 
259 


178 
210 


211 
229 
276 
224 
259 

62 
302 


310 
234 
221 
137 
161 
161 
259 
161 


TABLE DES MATIÈRES 
DE L'HOMME AMÉRICAIN. 


D — 


INTRODUCTION. 
PREMIÈRE Partie. — GÉNÉRALITÉS. 
Cuarirre 1. — Considérations géographiques 
et slalistiques. 
Classification. 
Surface occupée; répartition géographique. 

Description de la surface du continent 
américain dont nous nous occupons. 

Définition des nations, rameaux, races. 

Tableau des nations étudiées avec leurs 
limites en latitude et longitude. 

Analyse critique des noms employés. 

Répartition des nations avantla conquête 

Changemens survenus, état actuel. 

Ordre des nations suivant l’étendue de 
terrain qu’elles occupent. 

Influence de la nature des terrains sur 
l'extension respective de chaquenation 

Migrations. 

Motifs et possibilités des migrations en 
général. 

Routes suivies dans les migrations. 

Population. 

Tableau de la population relative des in- 
digènes actuels. 

Comparaison du nombre des Américains 
soumis au christianisme et de ceux en- 
core sauvages. 

Réflexions à cet égard. 

Ordre des nations suivant leur impor- 
tance numérique. 

Comparaison de la surface habitée avec 
lenombre d’habitans selonles terrains, 
les mœurs. 

Mouvement de la population et statistique 
de la race américaine. 

Population par sexe et âge de la province 
de Chiquitos en 1830. 

Population par sexe et àge de la province 
de Moxos en 1831. 

Individus mariés et non mariés. 

Mouvement de la population indigène de 
Moxos et de Chiquitos en 1828, 1829, 
1830. 


Pag. | 


J 
1 


à à CS 


Œ 1 © Cr 


12 


13 


14 


15 


16 


17 


18 


19 


20 


20 


Mariages pour habitans; rapports. Pag. 
Enfans par mariages. 
Naissances pour habitans. 
Naissances comparées aux décès. 
Décès pour habitans. 
Décès masculins comparés aux décès 
féminins. 
Naissances masculines comparées aux 
naissances féminines. 
Influence des saisons sur les naissances. 
Influence des saisons sur les décès. 
CuapiTre IL, — Considérations physiologiques. 
Couleur de la peau. 
Grandes divisions de couleurs par ra- 
meaux, par races. 
Influence de la latitude. 
Influence du lieu d'habitation. 
Influence atmosphérique. 
Influence de la lumière. 
Coloration du derme suivant les diverses 
sensations. 
Albinisme et taches partielles de la peau. 
Contexture de la peau. 
Odeur de la peau. 
Taille. 
Historique de la taille des Américains. 
Tableau comparatif de la taille moyenne 
par nations, par rameaux, par races. 
Rapports avec nos divisions. 
Influence de la latitude. 
Influence de l’élévation du lieu d’habi- 
tation. 
Influence atmosphérique de l'humidité 
et de la sécheresse. 
Influence de l'abondance ou de la disette 
Influence dela nature du lieu d'habitation 
Tableau de la décroissance de la taille 
moyenne des deux sexes comparée à 
la taille extrème des hommes, suivant 
l'élévation, la latitude, etc. 
Taille la plus élevée comparée à la 
moyenne. 
Taille moyenne des femmes. 
Formes générales. 


49 
49 


( 360 ) 


Description. Pag. 
Modifications suivant les grandes divis.°* 
Influence de la latitude. 
Influence de l'élévation du lieu d’habi- 
tation. 
Influence de l’humidité sur l’obésité. 
Influence des coutumes. 
Formes de la tête. 
Formes générales. 
Déformation artificielle. 
Traits ; physionomie. 
Traits détaillés et comparatifs. 
Barbe. 
Cheveux. 
Ensemble des traits. 
Physionomie comparative. 
Influence de la position sociale. 
Résumé des traits propres aux Américains. 
Figure mâle ou efféminée. 
Complexion; longévité. 
Mélange des races. 
Mélange avec les Espagnols. 
Mélange avec la race nègre. 


CuapiTRE II. — Considérations morales. 


Langues. 
Considérations générales. 
Caractères généraux. 
Accentuation. 
Numération. 
Anomalies. 
Influence des coutumes. 
Cas dans lesquels le rapport des langues 
annonce des communications. 
Rapports des mots avec la conformation 
de la voix. 
Premiers mots de l'enfance dans les 
principales langues du monde. 
Tableau comparatif des langues des na- 
tions que nous avons observées. 
Facultés intellectuelles. 
Historique de ce qu’on en a dit. 
Preuves des facultés intellectuelles. 
Caractère. 
Caractère national. 
Rapport du caractère moral avec les 
caractères physiques. 
Influence du lieu d'habitation sur le ca- 
ractère, 
Influence de la latitude. 


54 


66 
67 


86 
87 


Passions. 
Moœurs. 
Déterminées par les ressources locales. 
Influence des animaux domestiques, de 
la culture. 
Grandes sociétés, causes, impossibili- 
tés. 
Rapports des mœurs avec les divisions. 
Coutumes et usages. 
Rapports avec les mœurs. 
Habitation ; ameublement. 
Coutume pendant la grossesse. 
Époque de la nubilité des femmes. 
Mariage. 
Mort. 
Conditions respectives des deux sexes. 
Fêtes, amusemens. 
Changemens apportés dans les coutumes 
par le contact de la civilisation. 
Industrie; arts. 
Coup d’œil général. 
Architecture. 
Sculpture. 
Dessin. 
Fabrication de la poterie. 
Emploi des métaux. 
Tissage. 
Agriculture. 
Chasse. 
Péche. 
Navigation. 
Facultés industrielles. 
Costume. 
En rapport avec la civilisation, avec les 
lieux. 
Description comparative. 
Centres de civilisation; gouvernement. 
Coup d’œil général sur les renseignemens 
tirés des monumens, des traditions, 
etc., sur les premiers centres de civi- 
lisation. 
Gouvernement des Incas. 
Comparaison des différens modes de gou- 
vernement. 
Guerres ; leurs motifs. 
État actuel. 
Religion. 
Rapport de la religion avec l’état de la 
civilisation des peuples. 


Pag. 


87 
88 
88 


88 


89 
90 
91 
91 
91 
92 
92 
93 
93 
94 
95 


96 
96 
96 
97 
97 
98 
98 
99 
99 
100 
101 
101 
102 
102 
103 


103 
104 
105 


106 
106 


107 
108 
109 
109 


109 


( 561 ) 


Coup d'œil sur l’ensemble des croyances Description des Patagons. Pag. 213 
religieuses. Pag. 109 Nation puelche. 221 
Superstitions. 111 Nation charrua. 224 
Temples, fêtes religieuses. 111 Nation mbocobi ou toba. 229 
Histoire mythologique, comparée aux Nation mataguaya. 234 
monumens. 112 Nation abiponès. 240 
Rapport des divisions religieuses avec Nation lengua. 242 

les divisions physiques. 113 Nations du rameau pampéen non obser- 
Rapport avec la température du lieu d’ha- vées. 243 
bitation. 114 IL RamMEAU. — Chiquiléen. 245 
Modifications apportées aux religions, Caractères. 245 
état actuel. 114 Généralités. 245 
IL° pantiE. — RACES AMÉRICAINES. 115 Nation samucu. 253 
Caractères généraux. 115 Nation chiquito. 258 
Tableau des caractères distinctifs. 116 Nation otukès. 268 
1." RACE. — ANDO-PÉRUVIENNE. 117 Nation curuminaca. 270 
LT RAMEAU. — Péruvien. 117 Nation covaréca. 271 
Généralités. 117 Nation curavès. 272 
Nation quichua ou inca. 119 Nation tapiis. 273 
Nation aymara. 141 Nation curucanéca. 273 
Nation atacama. 151 Nation corabéca. 274 
Nation chango. 152 Nation païconéca. 274 
IL RAMEAU. — Antisien. 154 Observations. 276 
Caractères. 154 HIT.® Rameau. — Moxéen, 277 
Généralités. 154 Caractères. 277 
Nation yuracarès. 161 Généralités. 277 
Nation mocéténès. 167 Nation chapacura. 288 
Nation tacana. 170 Nation moxo. 291 
Nation maropa. 172 Nation itonama. 297 
Nation apolista. 173 Nation canichana. 300 
IL. RAMEAU. — Æraucanien. 175 Nation movima. 303 
Caractères. 175 Nation cayuvava. 305 
Généralités. 175 Nation ité ou iténès. 307 
Nation auca ou araucana. 177 Nation pacaguara. 309 
Nation fuégienne. 185 IL. RACE. — BRASILIO-GUARANIENNE. 311 
IL RACE. — PAMPÉENNE. 189 RAMEAU UNIQUE. — Guaranien. 311 
[LT RAMEAU. — Pampéen. 189 Nation guaranie. 313 
Caractères généraux. 189 Recherche sur le nom. 313 

Généralités. 189 Recherches sur leurs migrations anté- 

Nation patagone. 199 rieures et postérieures à la con- 
Coup d’œil historique et critique sur quête. 313 
ce que les auteurs ont dit des géants Migrations à l'embouchure de la Plata 314 

des parties australes de l'Amérique Migrations au pied des Andes boli- 
méridionale. 199 viennes. 314 

Tableau comparatif des observations Migrations sur l’Orénoque, tableau à 
faites par les voyageurs sur la taille l'appui. 315 

des Patagons et des Fuégiens, de- Migrations jusqu'aux Antilles, sous le 
puis la découverte de l'Amérique nom de Caribes : preuves à l'appui. 317 
jusqu’à nos jours. 212 Extension énorme de la nation. 320 


IV. Homme. A6 


TS 
PA 


62 ) 


Description avec les comparaisons Nation nuara. Pag. 350 
constantes, faites avec les Caribes Nation nalicuega. 350 
des Antilles, et tous les peuples des Nation guasarapo. 350 
points intermédiaires de la Guyane Nation guato. : 351 
et du Brésil. Pag. 321 Nation cabasa et bororo. 301 

Tribu des Guarayos. 338 Noms des diverses nations que nous 

Tribu des Chiriguanos. 342 croyons appartenir à la race brasilio- 

Tribu des Sirionos. 347 guaranienne. 351 

Tribu des Tupys. 348 Table alphabétique des noms de nations, 

Tribu des Guayanas. 348 de tribus, de leurs synonymies et des 

Nation botocudo ou aymore. 349 matières traitées dans cet ouvrage. 353 


220 (HAE 


VOYAGE 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE 


(Le Brésil, la République orientale de l'Uruguay, la République Argentine , la Patagonie, la 


République du Chili, la République de Bolivia, la République du Pérou). 


i.* 


STRASBOURG, IMPRIMERIE DE VEUVE BERGER-LEVRAULT. 


VOYAGE 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE 


(LE BRÉSIL, LA RÉPUBLIQUE ORIENTALE DE L’'URUGUAY, LA RÉPUBLIQUE 
ARGENTINE, LA PATAGONIE, LA RÉPUBLIQUE DU CHILI, LA RÉPUBLIQUE DE BOLIVIA, 
LA RÉPUBLIQUE DU PÉROU ), 


EXEÉCUTÉ PENDANT LES ANNÉES 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 ET 1833, 


PAR 


ALGIDE D'ORBICGNY, 


DOCfEUR ES SCIENCES NATURELLES DE LA FACULTÉ DE PARIS; CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LEGION D'HONNEUR , 
DE L'ORDRE DE $. WLADIMIR DE RUSSIE; DE LA COURONNE DE FER D'AUTRICHE; OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR 
BOLIVIENNE ; MEMBRE DES SOCIÉTÉS PHILOMATHIQUE, DE GÉOLOGIE, DE GÉOGRAPHIE ET D'ETHNOLOGIE DE PARIS; MEMBRE 
HONORAIRE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE LONDRES; MEMBRE DES ACADÉMIES ET SOCIÉTÉS SAVANTES DE TURIN; DE 
MADRID ; DE MOSCOU , DE PHILADELPHIE ; DE RATISBONNE ; DE MONTEVIDEO ; DE BORDEAUX ; DE NORMANDIE; DE LA ROCHELLE: 
DE SAINTES ; DE BLOIS, ETC.; AUTEUR DE LA PALÉONTOLOGIE FRANCAISE, ETC. 


Carnage dé au 1279 


et publie sous Les auspices de SM. Le Sinistre de l’Instruction publique 


(commencé sous le ministère de M. Guizor). 


\ 


ou OC — 
TOME QUATRIÈME. 
2. Partie : MAMMIFÈRES. 


ms 0e 


PARIS, 


CHEZ P. BERTRAND, ÉDITEUR, 


Libraire de la Société géologique de France, 


RUE SAINT-ANDREÉ - DES-ARCS, 65. 


STRASBOURG, 
CHEZ V LEVRAULT, RUE DES JUIFS, 33. 


1847. 


MAMMIFERES, 


M. ALCIDE D'ORBIGNY, 


M. PAUL GERVAIS, 


PROFESSEUR DE ZOOLOGIE À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE MONTPELLIER, ETC. 


NOTA. 


Les planches [, IT et Il bis des Mammifères, ayant rapport aux races américaines, 


ont été citées dans le tome IV, 1." partie, intitulée L'Homme américain. 
Les planches VII et XIX n’ont pas été publiées et ne doivent pas l'être. 


4 AVERTISSEMENT. 


Duraxr mon voyage en Amérique (de 1826 à 1833) j'ai recueilli de 
nombreuses observations sur les mammiferes de toutes les régions que jai 
successivement visitées, dans le but de donner une suite de considérations 
relatives aux limites d'habitation, en latitude et en élévation sur les montagnes, 
de chaque espèce en particulier, et d'arriver ainsi à des lois générales. Fai 
de plus réuni une foule de documens sur les mœurs, sur les habitudes de 
chacun de ces animaux, de manière à définir quelle est Pinfluence de la 
configuration orographique et de la composition phytographique et z0olo- 
gique de toutes les zones d'habitation, sur leur répartition à la surface de 
l'Amérique méridionale. 

Depuis mon retour (de 1834 à 1846), obligé de faire marcher de front, 
presque seul, les diverses parties dont se compose ma vaste publication, les 
mammifères se sont trouvés par hasard réservés en dernier. J'avais lintention 
de leur donner le développement convenable, en rapport avec leur impor- 
tance réelle; mais comme je me trouve aujourd’hui forcé de changer de cadre 
et de rester en des limites très-restreintes, je n'ai plus de place pour les 
traiter suivant mes désirs. Je me résigne done, aidé du savant concours de 
M. Pauz Gervais, si versé dans l'étude mammologique, à indiquer seulement 
une petite partie des espèces que J'ai déposées au Muséum d'histoire naturelle 
de Paris, et sur lesquelles Jai des notes bien plus étendues. Jespère que ces 
matériaux, obtenus au prix de tant de fatigues, ne seront pas perdus pour 
la science, et qu'ils feront, quelque jour, l’objet d’un travail plus complet. 

Paris, ce 10 janvier 1847. 


ALCIDE D'ORBIGNY. 


Grâce aux recherches aussi actives qu'éclairées des nombreux naturalistes 
voyageurs qui ont parcouru l'Amérique méridionale dans ces dernières années, 
ou qui ont visité les principaux points de son littoral, les productions de cette 
vaste région sont aujourd'hui bien mieux connues. Les différens musées de 
l'Europe ont pu se les procurer; les mammalogistes les y ont étudiées avec 
soin et comparativement, et des publications spéciales leur ont également été 
consacrées soit dans les récits des voyageurs, soit dans les recueils des 


académies savantes ou dans les principaux Journaux zoologiques. Cette abon- 


(8) 


dance de récoltes et les publications aussi nombreuses qu’intéressantes qui en 
ont été le résultat, ont contribué d’une manière remarquable aux progrès de la 
mammalogie. Nous nous en félicitons avec tous les naturalistes, bien qu’elles 
réduisent de beaucoup la part des découvertes qui nous était réservée, et 
qu'il ne nous reste plus qu’à glaner là où nous aurions pu moissonner aisé- 
ment. En effet, la plupart des mammifères d'espèces entièrement nouvelles, 
que M. d'Orbigny avait recueillies avec peine et envoyées ou rapportées en 
Europe depuis 1826 jusqu’en 1835, ont été depuis lors découvertes et décrites 
par d’autres observateurs. Beaucoup d’entre elles, celles surtout de l’ordre 
des Rongeurs, sont actuellement vulgaires dans les collections et même dans 
le commerce. Bennett, MM. Isid. Geoffroy, J. E. Gray, Waterhouse, Wagner, 
Tschudi et plusieurs autres savans mammalogistes, ont trop bien fait connaître 
les mammifères de l'Amérique méridionale pour que nous regrettions le 
retard que des circonstances indépendantes de notre volonté ont apporté 
dans cette partie de la présente publication. 

Après la faune australasienne et presque autant qu’elle, la faune mamma- 
logique de l'Amérique méridionale est le meilleur exemple que lon puisse 
citer à l'appui des grandes lois que le génie de Buffon a entrevues dans la 
répartition géographique des animaux, lois que les découvertes récentes des 
zoologistes et celles des paléontologistes ont si heureusement formulées. Non- 
seulement elle nous montre un ensemble d’espèces qu'on ne retrouve point 
ailleurs, mais aussi des genres et même des familles qui lui sont tout-à-fait 
propres. Ce qu'une étude plus analytique et plus difficile peut seule montrer 
dans les diverses faunes de ancien monde et de PAmérique septentrionale 
réunis, un premier coup d'œil peut le faire voir ici. Ajoutons que dans l'Amé- 
rique méridionale comme dans lAustralasie et même dans Pancien monde la 
faune paléontologique relève elle-même des mêmes lois que la faune actuelle. 
Ce sont des espèces particulières qu’elle nous montre, mais ces espèces appar- 
tiennent pour la plupart aux mêmes genres et aux mêmes familles qui carac- 
térisent aujourd’hui PAmérique méridionale, Ce fait, non moins important 
que le premier, résulte clairement des travaux de Cuvier et de ceux de 
MM. de Blainville, Lund, Owen, Claussen, etc. 

Décembre 1846. 

PAUL GERVAIS. 


1. Quelques-unes ont été indiquées dans le Rapport fait à l'Académie en 1834 et imprimé dans 


le tome IV des Nouvelles Annales du Muséum de Paris. 


VOYAGE. 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE. 


CU VV MU LU MY MA VU WI MU ML ELA VE VE EU MU LE UV M VU LT LU MU VU MU M VU EL MU UE EVE MM LR EU ELU LULU LE MAUVE VUE MU 


MAMMIFÈRES. 


ORDRE DES QUADRUMANES. 


Le nombre des quadrumanes américains s’est beaucoup accru dans CeS Mammi- 
feres. 


derniers temps; mais, quoique ces animaux forment plusieurs genres très- 
bien caractérisés. tous sont de la même famille, et cette famille peut être aisé- 
, , P 
ment distinguée de celle des singes de Pancien monde ou des lémuriens. 
Nous renverrons pour son histoire aux travaux des mammalogistes et en 
particulier à ceux de Spix et de MM. Etienne et Isidore Geoffroy Saint-H:- 
laire. nous contentant de parler ici de quelques espèces seulement. 
, q Ï 


STENTOR STRAMINEUS. 


Simia straminea, Humb., Recueil d'observ., +. 1, p. 355; Stentor stramineus, Et. Geoffr.., 
Ann. du Mus. d'hist. nat. de Paris, t. XIX, p. 108; Mycetes stramineus, Desmarest , 
Mammalogie, p. 78; Spix, Sim. brasil., p. 45, pl. 51. 


Hab. Tout le centre du continent méridional, principalement dans les provinces de 
Santa-Cruz, de Chiquitos et de Moxos, en Bolivia. 


CEBUS FULVUS, var. 
PI. LI. 
Cebus flavus P Ét. Geoffr., Ann. du Mus. d'hist. nat. de Paris, 1. XIX, CEE à DE AE 
Fischer, Syn. mamm., p. 49; Cebus fulvus, Desm., Mammalogie, p. 83. 


Nous avons rencontré cette variété dans les grandes forêts qui avoisinent la ville de 
Santa-Cruz de la Sierra, république de Bolivia. 


IV. Mamm. A) 


Mammi- 


fères. 


(10) 


SAIMIRIS ENTOMOPHAGUS. 
PI. IV. Sous le nom de Callithrix entomophagus d'Orb., 1836. 
Callithrix boliviensis, Nouv. Ann. du Mus. d'hist. nat. de Paris , 1. WW, p. 89; Saimiris ento- 
mophagus, Xs. Geoffr. Saint-Hilaire, Voyage de la Vénus, Mamm., p. 99; Chrysothrix 
entomophagus, André Wagner, Ann. and Mag. of nat. hist., t. XIL, p. 42. 


Espèce voisine du Saïmiri (Cebus seiureus des auteurs), mais néanmoins très-facile à 
en distinguer. Elle est en général fauve, avec des teintes verdâtres sur le dos, la gorge 
blanchâtre, les lèvres, la calotte et le bout de la queue noirs. Ses formes sont gréles et 
gracieuses, comme celles du Saïmiri, mais sa queue est un peu plus longue; les poils 
sont annelés de fauve et de noirätre sur une grande partie du corps; les avant-bras, 
les mains et les pieds sont fauve doré. 

Cette espèce habite toutes les grandes forêts chaudes et humides du centre de l’'Amé- 
rique méridionale, Nous l'avons en effet rencontrée successivement dans les provinces 
de Chiquitos, de Moxos et de Santa-Cruz de la Sierra (république de Bolivia). Elle voyage 
en grandes troupes, et se nourrit principalement d'insectes orthoptères et d’araignées. 


CALLITHRIX DONACOPHILUS. 
PI. V. Sous le nom de Callithrix donacophilus, d'Orb., 1836. 


Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, Voyage de la Vénus, Mamm., p. 99. 


La face est nue, noirâtre, tout le corps gris-roux, plus foncé sur la tête et le ventre. 
La queue est gris-brun. Le poil du corps est annelé de noir, de blanc et de roux, 
celui de la queue est d’une seule teinte. 

Nous avons rencontré cette espèce dans les bois et parmi les roseaux qui bordent les 
rivières de la province de Moxos, dans la république de Bolivia. Elle est très-craintive 
el vil ordinairement par paires. 


ORDRE DES CHEIROPTÈRES. 


Les Cheiroptères sont nombreux dans PAmérique, ainsi que dans les autres 
parties du monde. Beaucoup de leurs espèces sud-américaines se rapportent à 
des genres qu’on ne retrouve point ailleurs et qui sont, comme les Sapajous, 
caractéristiques de cette grande région zoologique. Tels sont les Phyllostomes, 
les Stenodermes, tels que les définit M. de Blainville, les Desmodes, les 
Glossophages et les Noctilions. Les autres appartiennent aux deux grandes 
familles des Molosses et des F’espertilions, familles qui paraissent être cos- 
mopolites. On remarque parmi les Vespertilions des Nycticées du sous-genre 
Lasiure et des espèces de presque tous les autres groupes connus dans lan- 
cien monde. L’Amérique, même dans ses parties méridionales, n’a fourni 
aucune espèce de la famille des Roussettes, ni de celle des Rhinolophes. 


Cor 


LOPHOSTOMA SYLVICOLUM. Mammi- 


feres. 
PI. VI. Sous le nom de Lophostoma sylvicolum, d’'Orb., 1856. Ma a 

Animal du même groupe que les Phyllostomes proprement dits, c’est-à-dire voisin 
par son système dentaire insectivore des Phyllostoma spectrum et vampirus, et différent 
au contraire des Stenodermes, Blainv., dont les molaires sont plus frugivores. Le crane 
est suballongé, ainsi que les mächoires, et celles-ci ont cinq paires de molaires supé- 
rieurement et six inférieurement, les deux antérieures les plus petites. Le nez est sur- 
monté d’une feuille simple hastiforme. Les oreilles sont grandes, en cornet élevé et garnies 
intérieurement d’un oreillon échancré à sa base interne. La queue est beaucoup plus 
courte que la membrane interfémorale qui est au contraire ample et descend au niveau 
des ongles ; sa dernière vertèbre est libre à la face supérieure de la membrane; les éperons 
qui soutiennent la membrane sont assez forts, mais de peu détendue. Le corps est 
couvert de poils doux et assez longs, surtout en dessus. Leur couleur est gris de souris 
brun en dessus et sur la tête, cendrée en dessous avec la région du cou un peu plus 
claire. Les poils de la face sont courts et bruns. 

Voici les dimensions de ce cheiroptère : 


Corps et tête 0,090. Éperons 0,017. 
Queue seule 0,015. Avant-bras 0,055. 
Membrane interfémorale 0,040. Envergure 0,350. 


Le groupe des Lophostoma, d'Orb., proposé pour cette seule espèce devra être placé 
parmi les Phyllostomes proprement dits (genres Sturnira et Vampirus, 4, E. Gray). 
L'espèce type est des grandes forêts qui bordent le pied oriental de la Cordillère boli- 
vienne, au pays des sauvages Yuracarès. Elle attaque souvent les personnes endormies 
en plein air. 
DESMODUS RUFUS. 
PI. VIII. Sous le nom de Ædostoma cinerea, d’Orb., 1836. 


Desmodus rufus, Maximilien, Beiträge, 1, p. 233. J. B. Fischer, Synopsis mammalium , 
p- 140. De Blainville, Ostéographie, Fascicule des Cheiroptères, p. 16, ete.; pl. 7, etc. 
Cette singulière espèce de chauve-souris n’était que fort incomplétement connue, 

lorsque la figure en a été publiée dans cet ouvrage ; depuis lors son histoire à été beau- 

coup éclaircie par les travaux de M. de Blainville et de quelques autres mammalogistes, 
et il ne nous reste rien à ajouter à ce qu'ils ont dit, si ce n’est quelques détails sur 
ses mœurs. 

Nos exemplaires sont de Santo-Corazon, province de Chiquitos en Bolivia. L'espèce vit 


autour des habitations et mord souvent les enfans endormis. 
STENODERMA PERSPICILLATUM. 
PI. IX, fig. 7-9. 


Vespertilio perspicillatus, Linn., Mus. Adolph. Frid., p. 7. Phyllostoma perspicillatun . 
Ét. Geoffr., Ann. du Mus. de Paris, 1. X, p. 176. P. Gerv. in Lasagra, ist. nat. et 


Mammi- 


fères. 


(12) 
pol. de Cuba, Mamm., p. 32; Stenoderma perspicill., Blainv., Ostéographie, Cheiropt., 
p. 105, pl. 15. 


Cette espèce est très-commune dans toutes les régions chaudes du centre de l’'Amé- 
rique méridionale, où elle se tient dans les forêts. Nous l’avons surtout rencontrée à 
Guarayos et dans le Monte-Grande, province de Chiquitos (Bolivia). 


NOCTILIO LEPORINUS. 
PI. IX, fig. 1-4. Sous le nom de Moctilio rufipes, d'Orb., 1836. 


Noctilio leporinus, Linn., Syst. nat., édit. 10, p. 32; Noctilio americanus, idem, ibid. 


édit. 12, p. 88. 


Un nouvel examen nous fait considérer comme ne différant pas suffisamment du 
Noctilio leporinus, pour qu’on en fasse une espèce distincte, les noctilions de la figure 
citée. 

Nous avons rencontré cette variété seulement dans les grandes forêts qui bordent le 
Rio de San-Miguel, au pays des sauvages Guarayos (Bolivia), tandis que les autres 
vivent toujours sous les toits des maisons, dans la province de Moxos. Cette différence 
dans les mœurs, jointe aux caractères distinctifs qui existent dans la taille et la teinte 
des ongles, nous l'ont fait désigner d’abord comme espèce nouvelle. 


NOCTILIO AFFINIS. 
PI. X, fig. 1-2. 


De couleur brun-cannelle assez claire, plus pâle en dessous qu’en dessus; un indice 
de raie plus claire longeant la ligne médio-dorsale et résultant plutôt de la disposition 
particulière des poils que d’un changement de couleur. Taille un peu moindre que 
celle du fespertilio leporinus ou rufipes. Longueur de l’avant-bras 0,058 au lieu de 0,062 
comme dans celui de Moxos. 

Ce Cheiroptère ne nous paraît pas pouvoir être distingué spécifiquement du Woctilio 
dorsatus, Desm., Mamm., pag. 118, qui est la Chauve-souris brun-cannelle d’Azara, 
Mamm. du Paraguay, t. KW, p. 290. Quelques auteurs sont encore indécis si ce Moctilio 
dorsatus est une variété du MVoctilio leporinus ou une espèce distincte. 

IL habite sous les toits dans la province de Moxos (Bolivia). À Concepcion sur- 


tout, les individus sont très-nombreux et répandent dans l'air une forte odeur musquée. 


MOLOSSUS VELOX. 
PI, XI, fig. 1-4. Sous le nom de Mol. moxensis, d'Orb., 1836. 


Mol. velox, Temm., Monogr. de mammalogie, 1. 1, p. 234. 


Les Molosses de Moxos et de Guarayos (Bolivia), figurés sous le nom d’une de ces 
localités dans notre atlas, ne paraissent pas différer du Molossus velox d’une manière 


assez considérable pour que nous les regardions comme une espèce distincte. 


(15) 
MOLOSSUS NASUTUS. 6 
PI. X, fig. 3-5. Sous le nom de Molossus rugosus, d’Orb., 1836. 

Molossus nasutus, Spix , Sim. et Vesp., p.60, pl. 65, fig. 7; Nyctinomus brasiliensis, Vs. Geoff., 

Ann. des sc. nat., 1° sér., LT, p. 337, pl. 22; Mol. nas., Temm., Mon. de mamm., 

t. I, p. 233. 

La chauve-souris de Corrientes (république Argentine) figurée dans notre atlas sous 
le nom de Mol. rugosus ne parait pas différente du Mol. nasutus de Spix dont un des 


principaux caractères est d’avoir le nez crénelé sur son pourtour. 


VESPERTILIO FUÜURINALIS. : 


La dentition de cette chauve-souris est celle-ci : 
incisives, ; canines, + molaires. 


bi 


COR 


1. Les espèces de VEsPerTiL1O proprement dits et de Nycticées, qu’on a signalées dans l’'Amé- 
rique méridionale, paraissent présenter dans leur système dentaire une série de modifications 
analogues à celles qu'on a constatées chez les Chauves-souris européennes et qui ont permis 
d'établir divers sous-genres parmi ces dernières. Malheureusement plusieurs Chauves-souris sud- 
américaines n’ont pas encore pu être observées sous le rapport de la dentition. On ignore encore 
la disposition des dents molaires chez les suivantes : Vespertilio nasutus, Shaw ; albescens, Ét. 
Geoffroy, d’après d’Azara; Maugei, Desm.; brasiliensis, Desm.; polythrix, Is. Geoffr.; lœvis, 
Is. Geofr.; nigricans, Maxim.; ænobarbus, Temm.; parvulus, Temm., et lacteus, Temm. 

Voici les noms des Vespertilions dont on a fait connaitre la formule dentaire : 

a. Espèces à quatre molaires supérieures (de chaque côté) et cinq inférieures. 

Vespertilio Dutertrœus, P. Gerv., dans PHist. de Cuba de M. de la Sagra (habite Pile de Cuba). 
— Vespertilio innoxius, P. Gerv., dans la Partie zoologique du voyage de la Bonite (du Pérou ). 
— Plecotus velatus, Is. Geoffroy, d’après des exemplaires dus aux recherches de MM. Aug. de 
Saint-Hilaire, d’Orbigny et CI. Gay'. — Vespertlio Hilarü, 1s. Geoffroy, d’après M. de Blainville , 
Comptes rendus de PAcad. des se.; Décembre 1837. — f’esperülio noveboracensis, d’après M. de 
Blainville, dans son Ostéographie. —V'espertilio ferrugineus , Temm., d’après M. Temminck, Monogr. 
de manim. (de la Guyane hollandaise). Nous ajoutons à ces espèces le ’espertilio furinalis, décrit 
ci - dessus. 

b. Espèces à cinq molaires supérieurement et inférieurement. 

V’espertilio Blossevillei ou bonariensis, Less., Voyage. P. Gervais, dans PHist. de Cuba de M. de la 
Sagra”. — Vespertilio ruber, E. Geoffroy, la Chauve-souris cannelle d’Azara. D’après un exem- 
plaire figuré dans cet ouvrage, il parait que cette espèce ne présente que des : incisives. — ’esper- 
tilio leucogaster, Temm., d’après lobservation de M. Temminck. 

c. Espèces à cinq paires de molaires supérieures et six inférieures : 

Furia horrens, Fréd. Cuvier, d’après F. Cuvier et M. de Blainville, dans son Ostéographie (de la 

1. M. Temminck (Monographies de mammalogie , t. W, p. 241), donne à cette espèce cinq molaires en 
haut et six en bas, d’après des exemplaires qu’il'a reçus de M. Natterer, sous le nom de Vespertilio 
euryolis. Nous n'avons pas en ce moment à notre disposition les matériaux nécessaires pour décider si 
l'erreur de détermination provient de nous ou du savant naturaliste de Leyde. 

2. Cette espèce et le Vespertilio noveboracensis, qui lui ressemble beaucoup à l’extérieur, sont des 
Nycticées à membrane inter-fémorale velue. 


Mammi- 
fères. 


(14) 


Les incisives supérieures sont inégales ; l’interne, de beaucoup la plus forte, est un 
peu bifide; la canine est assez longue et il n’y a que quatre molaires toutes fortes et 
dont la première répond à la carnassière caniniforme des autres chauves-souris. A la 
mâchoire inférieure les trois paires d’incisives sont serrées et obliques; la canine est 
forte, et il y a cinq paires de molaires dont l’antérieure est la plus petite. L'animal 
lui-même est de la taille du Yespertilio ruber, mais de couleur moins rousse. IL est 
gris sur le reste 
des parties inférieures du corps. L’oreille est de forme ordinaire, et son oreillon en 


brun-cannelle en dessus, plus pâle sous la gorge et lavé ou mêlé de 


couteau, assez semblable à celui de la Pipistrelle, mais un peu plus étroit vers son 
sommet. Le museau est large et le nez peu proéminent. Les membranes sont brunes, 
sauf le dessous de l’interfémorale qui est grisätre et présente quelques poils rares et 
courts de couleur blanchätre. 


Longueur du corps et de la tête 0,945. 
— de la queue 0,027. 
— de lavant-bras 0,038. 


Cette espèce habite la province de Corrientes (république Argentine). 


PLECOTUS VELATUS. 


Plecotus velatus , Xs. Geoffroy, Mag. zool. de Guerin, el. T; id., Ann. des sc. nat., 1." série, 
t. IT, p. 446; V’espertilio velatus, Temm., Monogr. de mamm., 1. HN, p. 241, pl. 58, 
fig. 3, Gay et Gervais, Æist. fisica e politica de Chile, mamm., avec figure du 
crane. 

Le crane nous a montré pour formule dentaire + incisives, + canines, + molaires de 
chaque côté. La paire externe des incisives supérieures est très-petite; l’interne au 
contraire beaucoup plus forte et subbifide. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la ville même de Chuquisaca, capitale de la 


république de Bolivia, où elle est rare. 
VESPERTILIO RUBER. 
PI. XI, fig. 5-6. 
Chauve-souris onzième ou cannelle, Azara, Hist. nat. mamm. du Paraguay, édit. fr., LE, 


p. 292; Vespertilio ruber, Geoffroy, Ann. du Mus. de Paris, 1. VIT, p. 204; Desmarest, 


Guyane française). — Fespertilio euryotus, Natterer , d’après M. Temminck, qui considère l'espèce 
comme identique avec son Plecotus velatus. 

d. Espèces à six paires de molaires supérieures et six inférieures, variant dans leur forme et 
leur proportion, suivant les espèces. 

Vespertilio lepidus, P. Gervais, d’après la description publiée dans lPHistoire de Cuba de 
M. de la Sagra, et celle de M. de Blainville, dans son Ostéographie (de Cuba). — Vespertilio chi- 
loensis, Waterhouse, d’après la description insérée dans PHistoire du Chili de M. Gay (des îles 
Chiloë et du Chili). — Fespertilio arsinoë, Temm., d’après la description de M. Temminck , dans sa 
Monogr. de mamm. (de Surinam). Nous ajouterons à cette section les 7 espertilio hypothrix e Isidori. 


(15) 


Mammalogie, p. 143; Vespertilion cannelle, Temminck, Monogr. de mammal., t. I, Mammi- 


p- 255. 

Les caractères assignés par d’Azara à sa chauve-souris onzième ou chauve-souris 
cannelle s'appliquent bien à l'individu que nous avons représenté. Notre chauve-souris 
cannelle est bien de couleur cannelle et sa teinte est à peu près la même sur tous les 
points du corps; le dessus néanmoins est un peu plus foncé et le dessous un peu lavé 
de plus clair. La base des poils est brunâtre en dessous; les poils du dessus sont à peu 
près unicolores. Les membranes alaires et interfémorale sont brunàätres, un peu trans- 
parentes, à nervures assez nombreuses. L’interfémorale assez grande et subcarrée em- 
brasse presque entièrement la queue; elle est soutenue par des éperons assez forts, mais 
qui ne font cependant que la moitié du bord libre entre chaque patte et la queue. 
Les oreilles sont nues, en cornet de médiocre grandeur, non rapprochées sur la ligne 
médiane et pourvues intérieurement d'un oreillon en couteau un peu plus grêle que 


celui du Vespertilion pipistrelle d'Europe. 


Longueur du corps et de la tête 0,032. 
— de la queue 0,028. 
— de loreillon 0,005. 
— de lavant-bras 0,038. 
— du übia 0,016. 


Le crane du Vespertilio ruber est assez court et présente dans la partie faciale quelque 

chose de celui du Plecotus. Son système dentaire est fort particulier. 
Incisives +, canines +, molaires ? de chaque côté. 

Nous ne voyons en effet à la mächoire supérieure qu’une seule paire d’incisives, les- 
quelles sont assez fortes; une paire de canines et cinq paires de molaires, dont la pre- 
mière plus petite que les autres, mais sur le même rang qu’elles, et les autres fortes 
el épaisses ; la dernière est comme d’habitude transversale. À la mâchoire inférieure nous 
n'apercevons que deux paires d’incisives au lieu de trois, comme dans les autres ’esper- 
tilions ; un très-petit espace vide sépare ces molaires de la canine. Après celle-ci viennent 
les molaires au nombre de cinq, deux fausses et trois vraies ; la première des cinq est 
plus petite que les autres. 

Nous n’osons pas affirmer qu'il ne manque pas à cet exemplaire une paire d’incisives 
que présenteraient d’autres chauves-souris de la mème espèce. 

Cependant cette disposition est conforme à ce que d’Azara rapporte. Voici comment 
M. Temminck (Monographie de mammalogie, 4. W, p. 255) parle de l'indication fournie 
par ce naturaliste : «les dents, s’7 faut en croire l'auteur espagnol, auraient une seule 
incisive en haut et de chaque côté, laissant un espace vide au milieu, ei puis deux réunies 
en bas : formule dentaire que nous présumons mal observée ou mal indiquée.” 

Page 258 du mème volume de sa Monographie, M. Temminck cite le Vespertilio ruber 
liguré dans notre atlas, mais sans faire remarquer que c’est celui dont il vient de parler 
trois pages plus haut. 


Habite la province de Corrientes (république Argentine), où elle est rare. 


fères. 


Mammi- 
fères. 


(16) 


VESPERTILIO HYPOTHRYX. 


De la taille et de l’apparence du Vespertilio mystacinus d'Europe et pourvu également 
de six paires de molaires à chaque mâchoire. Face suballongée, subaplatie, peu velue, 
narines écartées avec un sillon longitudinal sur la ligne médiane du nez; oreilles en 
cornet étroit, un peu échancré au bord externe. Oreillon allongé, étroit, en couteau 
rétréci vers son sommet. Membranes non velues, si ce n’est en dessous de la partie 
interfémorale où l’on voit quelques petits poils épars de couleur grise. Les poils du 
corps sont brun-enfumé, plus foncés en dessus qu’en dessous, où ils sont mêlés de 
quelques poils gris. Les poils des moustaches sont petits et peu nombreux. 


Longueur de lavant-bras 0,033. 
—— du corps et de la tête 0,050. 
— de la queue 0,032. 


Nous avons dit que cette espèce était du nombre des Vespertilions à molaires *. 
Ses incisives inférieures ne sont pas très-larges; sa canine n’a qu’un faible bourrelet 
au collet, sans talon épineux en avant; sa première fausse molaire est presque de même 
forme que la carnassière inférieure des felis et un peu plus forte que la seconde. 
Elle est assez commune dans la province de Moxos (Bolivia), c’est-à-dire dans les 


plaines chaudes et boisées du centre du continent méridional. 


VESPERTILIO ISIDORT. 


Espèce à < incisives, ; canines et © molaires de chaque côté. Ses incisives supérieures 
sont assez fortes, subégales, un peu bifides : elles sont séparées par un petit intervalle 
de la canine. La première molaire de la même mâchoire est plus forte que la seconde; 
inférieurement , les incisives sont larges, sans intervalle; la canine à un petit talon épi- 
neux en avant et un en arrière réunis l’un à l’autre par un petit bourrelet qui longe 
le collet de la dent; la première fausse molaire est un peu plus forte que la seconde. 

L’oreille a la forme la plus ordinaire et son oreillon est en couteau subaigu ; les na- 
rines sont peu saillantes. La tête est médiocrement allongée et les poils du corps pré- 
sentent en dessus un glacé gris-fauve dü à leur partie terminale qui est de cette couleur, 
tandis que le reste de leur longueur est brun-noir. Le brun est plus franc aux épaules 
et sur les côtés du cou; la tête est aussi plus brune que le dos et les reins, mais moins 
que les épaules. Les joues et le dessous du cou passent au brun-cannelle. Le ventre est 
gris sale avec la base des poils brun-noir. Il n’y a point de poils sur les membranes. 

Longueur de la tête et du corps 0,040. 
— de la queue 0,028. 
— de lavant-bras 0,033. 

Cette petite chauve-souris est voisine du Vespertilio mystacinus d'Europe par plusieurs 

de ses caractères. Elle a été prise à Corrientes (république Argentine). 


(17) 
ORDRE DES AMPHIBIES. 


L'un de nous a nommé 7T'halassothériens' les mammifères de genres 
essentiellement marins, c’est-à-dire les phoques ou amphibies, les gravigrades 
aquatiques ou cétacés herbivores, et les cétacés proprement dits : trois groupes 
d'animaux fort différens, par l’ensemble de leurs caractères, des autres 
espèces de la même classe et qui offrent cette particularité remarquable que 
toutes leurs espèces ou presque toutes vivent dans les eaux de la mer; les 
autres mammifères ou les Géothériens sont au contraire destinés à vivre sur 
terre” ou dans les eaux douces. 

Les mammifères géothériens qui visitent les côtes de l'Amérique méridio- 
nale, échappent aux règles de géographie mammalogique dont nous avons 
parlé. On sait en effet maintenant qu'il y a une répartition hydrographique 
de ces animaux en rapport avec celles des grands bassins maritimes, dont ils 
constituent la population. Aussi les Thalassothériens des côtes équinoxiales 
de l'Amérique diffèrent-ils spécifiquement, suivant qu'on les étudie dans 
PAtlantique ou dans le grand Océan. 


PHOCA PROBOSCIDEA. 

Phoca leonina, Linné, Syst. nat., édit. 12, p. 55; Phoca proboscidea , Desm., Mammal., 
p- 238; J. B. Fischer, Synops. mamm., p. 234; Macrorkinus proboscideus, F. Cuvier, 
Dict. des sc. nat., L. XXXIX, p. 552. 

Cette espèce vient tous les ans sur les plages sablonneuses de Punta rasa, près de 
l'embouchure du Rio Negro en Patagonie. Nous avons décrit ses mœurs et la pêche 
dont elle est l’objet, Partie historique, 1. I, p. 57 et suivantes. 


OTARIA JUBATA. 
Phoca jubata, Schreber; Otaria jubata, Desmarest, Mamm., p. 248. 

Nous avons rencontré cette espèce sur les côtes rocailleuses de la Patagonie septen- 
trionale au sud du Rio Negro. Ses mœurs sont décrites, Partie historique, 1. H, p. 140 
et suivantes. 

OTARIA PORCINÀ. 

M. Tschudi à récemment signalé sur les côtes du Pérou une espèce d’otarie différente 

de l’Ofaria jubata. W la désigne et la représente sous le nom d’Ofaria Ulloæ. Le crane 


1. Ann. des sc. nat., 3 sér., 1846. 

2. L’Inia boliviensis, qui est un dauphin d’eau douce, découvert dans l'Amérique méridionale 
par M. Alc. d’Orbigny, et l'Enhydra marina, qui est une loutre essentiellement marine de la côte 
nord-ouest d'Amérique, sont les principales exceptions que l’on puisse signaler à cette grande 
règle de la répartition géographique des mammifères. 


IV. Mamm. 2 


Mammi- 
fères. 


(18) 


Mammi- d’un individu du même lieu qui a été rapporté au Muséum de Paris par M. d’Orbigny 
fères. : : 3 « DST : : . 
indique aussi une espèce différente de VO. jubata ou tout au moins une variété fort 


distincte. Serait-ce l'Otaria Ulloæ de M. Tschudi, le Phoca porcina de Molina ou quelque 
autre des espèces également mal connues que l’on a signalées ? C’est un point que l’état 
actuel de nos connaissances sur les Otaries ne permet pas de décider, mais sur lequel 
nous devions appeler l'attention des naturalistes. 

Comme il n’y a bien certainement qu’une seule espèce d’Otarie sur toute la côte du 
Chili et du Pérou, il paraît certain que l'espèce signalée par Molina, ainsi que PO. 
Ulloæ de M. Tschudi, et le crâne que nous avons rapporté, appartiennent à cette même 


espèce. 
ORDRE DES CARNIVORES. 


Les Carnivores de PAmérique méridionale ne sont pas nombreux : ce sont 
une, ou, d'après MM. Roulin et Tschudi, deux espèces d’Ours, quelques 
Plantigrades, voisins des Ours, tels que le Aznkajou, le Coatz et le Raton, 
des Mustéliens, à part les deux espèces du genre Gakictis, des Mephitis, 
diverses espèces de Loutres, des Canis et des Felis, mais aucune espèce des 
genres Mangusta et Viverra, dont les nombreux représentans sont tous de 
l’ancien monde. Le genre Bassaris, qui vit au Mexique, est le seul carnas- 
sier d'Amérique qui ait de lanalogie avec les Viverriens. 


URSUS ORNATUS. 


Ursus ornatus, F. Cuv., Hist. nat. des mamm., avec fig.; Blainv., Ostéogr., genre Ursus, 
p- 25, pl. 4, etc. 


Cette espèce, connue en Bolivia sous le nom d’Ujumari, habite surtout le sommet 
des montagnes boisées et tempérées élevées seulement de 3500 mètres au-dessus du niveau 
de la mer. Elle se trouve dans les provinces de Yungas, de Sicasica, de Cochabamba 
et de Chuquisaca, où elle est très-rare. 


CERCOLEPTES CAUDIVOLVULUS. 
Cercoleptes caudivoleulus, Niger. J. B. Fischer, Synopsis mamm., p. 150. 


Elle est rare, et nous ne l’avons trouvée qu’au sein des forêts chaudes et humides 
du pied oriental des Andes boliviennes au pays des Yuracares. 


NASUA. 


On a dans quelques ouvrages admis l’existence de plusieurs espèces de Coatis, mais 
il a été jusqu'ici impossible de trouver dans les caractères organiques de ces animaux 
la preuve de cette opinion. Aussi M. de Blainville (Ostéographie, genre Subursus, p. 20) 
n’admet-il qu’une seule espèce de Coatis. 

Cependant nous avons été à portée de voir souvent des Coatis, et nous pouvons affir- 


(19) 
mer qu'il existe des espèces distinctes, qui se séparent en Lroupes particulières et ne vivent Mammi- 
pas dans les mêmes lieux. Par exemple le Vasua rufa ne sort pas des régions tropicales us 
dont il habite les forêts les plus chaudes, tandis que le Vasua fusca, tout en habitant 
les régions chaudes, s’avance vers le sud jusqu’au 30. degré de latitude, et s'élève 
également bien plus haut sur les montagnes. Jamais les deux espèces ne se mêlent, à 
l’état sauvage, dans toutes les parties américaines que nous avons parcourues. 


PROCYON CANCRIVORUS. 


Raton crabier, Buffon, Hist. nat., suppl., à. VI, p. 236, pl. 32; Agouara popé, d'Azara, 
Hist. nat. mamm. Paraguay, À. V, p. 327; Procyon cancrivorus, Desmarest, Mammal., 


p. 169. 


Cette espèce habite la zone torride et s'étend vers le sud jusqu'au 30° degré de lati- 
tude. Nous l’avons rencontrée à Corrientes (république Argentine) et à Chiquitos (répu- 
blique de Bolivia), où partout elle est très-rare. 


MEPHITIS CASTANEUS, Nob. 
PI. XIT et PI. XIIF, fig. 2, sous le nom de Mephitis Humboldir. 


Conepatus Humboldti? J. E. Gray, Loudon’s Magaz. of nat. hist., 9. série, L. F, p. 58, 
1837; Mephitis Humboldti, Blainville, Ostéographie, genre Mustela, p. 41, pl. 13. 


M. de Blainville qui à parlé dans son Ostéographie des dents de lune des Moufettes 
de cette espèce, la considère comme étant la mème que celle indiquée peu de temps 
avant par J. E. Gray sous le nom de Mephitis Humboldtir. Plusieurs animaux, semblables 
à celui que M. de Blainville nomme ainsi, ont été déposés dans les Galeries du Muséum. 
Leur taille est plus petite que celle des Moufettes des États-Unis et des parties chaudes 
de l’Amérique méridionale. Leur nez est assez proéminent dans sa partie dénudée, mais 
leur tête est large, leurs oreilles sont courtes, velues et assez largement ouvertes; ils 
ont les ongles antérieurs bien plus longs que les postérieurs et leurs pattes sont presque 
aussi velues que l’avant-bras et la jambe; toutefois la paume est en partie nue, ainsi 
que le dessous des doigts antérieurement et en arrière ia moitié de la plante et le dessous 
des doigts sont dans le même cas. La fourrure du corps et de la queue est abondante, 
assez longue, accompagnée à la base d’une bourre laineuse et généralement de couleur 
brun-marron. Le blanc forme une double ligne qui commence à la base du cou ou sur 
le dessus de la tête entre les oreilles, mais pas sur la ligne médiane, se rapproche sans 
se réunir vers les épaules et s’écarte plus en arrière pour finir vers la région lombaire; 
certains individus ont le manteau, c’est-à-dire la région comprise entre les lignes blan- 
ches d’une teinte plus claire. Les poils de la queue sont longs, touffus et plus durs 
que ceux du dos; la plus grande portion de leur partie cachée est de couleur blan- 
châtre : leur dernier tiers ou à peu près est au contraire de la couleur marron du dos, 
mais un peu plus foncée. La couleur marron de la tête est également un peu plus foncée 
que celle du reste du corps; le dessous de la gorge, la poitrine et le ventre sont au 


( 20 ) 


Mammi-_ contraire plus pâles et plus ternes. Toutefois le lustre des poils, ainsi que la teinte foncée 


fères. 


reparaissent à la région anale et à la face interne des membres. 

Ces petites Moufettes ont la même forme du cräne que les autres ou à peu près, mais 
elles diffèrent par leur système dentaire de la majorité des espèces de ce genre. Leur 
mâchoire supérieure n’a que trois paires de molaires. 

Longueur du corps et de la tête 0,24. 
— de la queue seule 0,15. 

M. Gray a donné son Conepatus Humboldti comme étant le Mephitis Conepalt, Des. 
(sans doute la Moufette Conepalt d’Hernandez), qui est des régions équatoriales de 
l'Amérique, tandis que nos Moufettes viennent des parties australes de ce continent. 
Ce fait et quelques différences existant entre les caractères indiqués par M. Gray et ceux 
des individus que nous décrivons nous fait supposer que notre espèce est probablement 
différente. Aussi lui donnerons-nous jusqu’à preuve du contraire le nouveau nom de 


Mephitis castaneus. 


LUTRA PLATENSIS. 
PI. XV. 


Lutra platensis, Waterhouse #n Darwin, Voyage du Beagle, Mamm. 


Les caractères de cette espèce ont été décrits par M. Waterhouse. Nous avons repro- 
duit la figure qu’il a publiée de son crane. 

Elle habite tout le cours du Rio Parana depuis Buenos-Ayres jusqu’au-dessus de 
Corrientes. Elle est surtout commune dans cette dernière province. 


MUSTELA (PUTORIUS) BRASILIENSIS. 
PI. XII, fig. 3. 


Mustela brasiliensis ? Sevastianoff, Mém. de l’ Acad. de Saint - Pétersbourg , t. IV, p. 56, 
pl. 4; J. B. Fischer, Synopsis mammalium, p. 220: 


Nous avons fait figurer le crane de cette espèce pour montrer que son système den- 


taire la rapporte au genre des Putois. Son crâne est long de 0,075. 


MUSTELA (LYNCODON) PATAGONICA. 
PI. XII, fig. 4. 
Putois du Chili, Blainv., Ostéogr., genre Mustela, p. 42, ou Putois du Paraguay, id. , 
ibid, p. 81, pl. 13 (sous le nom de M. patagonica). Sous-genre Lyncodon, P. Gervais, 
Dict. univ. d'hist. nat. de Ch. d'Orbigny, 1. IV, p. 685 (article Dents). 


Le crâne figuré est la seule partie que nous connaissions de l'animal dont il est ici 
question ; il indique une espèce plus petite que le Putois (Mustela putorius) et plus 
grande que l’hermine (Mustela erminea), mais distinete de toutes celles du genre Putorius 
par son système dentaire. Elle n’a en effet au lieu de + molaires que = molaires, c'est-à- 
dire trois paires à chaque mâchoire. Cette disposition remarquable rappelle le système 
dentaire des Lynx, et c’est ce que nous avons voulu indiquer par le nom de Zyncodon. 


(21 ) 
Ce cräne est long de 0,050. 
Nous avons rencontré cette espèce près du Rio Negro en Patagonie, où elle est très-rare. 


FELIS ONÇA. 


Vaguareté, Azara, Mamm. du Paraguay, édit. fr., t. 1, p. 114. Felis onca, Linn.; J. B. 
Fischer, Synopsis mammalium, p. 198. F. Cuv., Aist. nat. des mamm. 


Cette espèce, si connue, ne s’avance vers le sud que jusqu’au 40. degré de latitude, 
et dépasse rarement, dans les Pampas, les environs de la chaîne du Tandil. Les indi- 
vidus qui atteignent ces régions australes sont ordinairement d’un jaune presque blanc. 


FELIS CONCOLOR. 


Couguar, Buffon, Æist. nat., 1. IX, pl. 19. Felis concolor, Linn., etc. J. B. Fischer, 
Synops. mamm., p. 197. Gouazouara, D'Azara, Mamm. du Taraguay, édit. fr., t.H, 
p: 333. 


Le Cougouar s’avance beaucoup plus vers le sud que le Jaguar, et les Indiens patagons 
nous ont assuré qu’il habite jusqu’au détroit de Magellan. Nous le croyons d'autant plus 


volontiers qu’il vit également sur les montagnes de Bolivia, où le Jaguar n'arrive jamais. 


FELIS GEOFFROYT. 
PI. XIV et PI. XIE, fig. 1. 


Felrs Geoffroyi, AL. d’Orb. et P. Gervais, Bull. de la soc. philom. de Paris, 1844, p. 40 


(6 Mai) et Journ. l’Institut, mème année. 


Cette espèce est voisine par ses caractères principaux de lOcelot, du Chati et du 
Marguay ; elle est de taille un peu supérieure à ce dernier, de proportions moins trapues 
que tous trois et distincte des uns et des autres par les taches nombreuses ponctiformes 
et noirätres qu'elle présente sur tout le corps, y compris les épaules et sur une grande 
partie des cuisses. Sous ce rapport notre Felis Geoffroyi a une analogie réelle avec le 
Felis Guigna de Molina, qui est ainsi caractérisée : 

Fulva, maculis rotundis , diametri circa 5 Uin., nigris, dorsum ad caudam usque occu- 
pantibus ; magnitudo et figura Cati. 

Mais qu'est-ce que le Felis Guigna ? Les renseignemens trop peu significatifs de Molina 
ne permettent pas de le dire et les notes publiées depuis lui par M. Pœppig? n’ont 
pas éclairci la synonymie de cette espèce. Les auteurs de la Mammalogie du Chili 
publiée dans l'Histoire physique et politique du pays n’ont pas obtenu un résultat plus 
satisfaisant. 

Les taches de notre Felis Geofjroyi sont pleines, petites, disposées en séries obliques 
et semblent prêtes, dans certains endroits, à se continuer linéairement, ce qui toutefois 
n'a pas lieu. Elles ne forment pas d’encadremens comme celles des espèces citées. Sur 
la tête et derrière le cou, elles sont remplacées par des lignes; celles-ci sont mieux for- 


1. Bull. univ. de Féruss., t. XIX, p. 99, et Froriep's Notizen, 1829, n.° 529. 


Mammi- 
fères. 


(22) 


Mammi- Imées au cou qu’à la tête. Il y a deux barres génales, dont la première ou l’inférieure 


fères. 


se termine à la hauteur de la première bande transversale du devant du cou. Cette bande 
ou collier est plus forte et plus écartée que les quatre autres bandes transversales qui 
sont au-dessous d'elle, également sur la partie antérieure du cou. Deux bandes noirâtres 
existent à la face interne de l’avant-bras; le dessous du corps présente quelques bandes 
moins foncées que celles des autres parties. La queue est annelée par la transformation 
en anneaux de mieux en mieux définis des taches dorsales. Les deux ou trois premiers 
de ses anneaux sont encore formés de taches ponctiformes, disposées assez irrégulière- 
ment; les onze suivans sont mieux arrêtés, mais ils sont incomplets en dessous; six 
d’entre eux, les six postérieurs, sont seuls bien réguliers; le dernier de tous est à peu 
près terminal. Le fond du pelage est gris-fauve en dessus, gris-blanchâtre en dessous ; 
le blanc et le fauve y sont moins tranchés que dans l’Ocelot, le Chati et le Marguay, 
auquel M. Pœppig rapporte, bien que dubitativement, le Felis Guigna. L'oreille de 
notre espèce a une grande tache blanche à sa face postérieure, près du bord externe; 
le menton est blanchâtre, le sourcil jaune-clair et la face postérieure des carpes et des 


tarses brunûtre. 


Longueur du corps et de la tête 0,55. 
— de la queue 0,32. 
— de la partie basilaire du crane 0,098. 


Le crane a beaucoup de ressemblance avec celui de FOcelot. 

Cette espèce, dont trois exemplaires sont déposés au Muséum de Paris, a été prise 
sur les bords du Rio Negro. 

Elle habite les Pampas de Buenos-Ayres jusqu’au 44. degré de latitude sud. Elle est 
surtout commune sur les bords du Rio Negro en Patagonie, où elle se tient dans les 
jones. Elle fait la chasse aux différentes espèces de Tinamous et à l’Eudromie. 


FELIS PAGEROS. 


Chat Pampa, d’Azara, Mammif. du Paraguay, édit. fr., t. 1, p. 129. Fedis pageros, Desm., 
Mammal., p. 231. Waterhouse, in Darwin, Voyage du Beagle, Mamm. P. Gervais, in 
Eydoux et Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., 1.1, p. 34, pl. 7, fig. 1, 2. D'Orbigny, 
et P. Gervais, in Guerin, Mag. zool., cl. I, pl. 20, 1844. 

On trouve cette espèce du 35.° au 45° degré de latitude sud, dans les petits bois 
des régions désertes de la Patagonie. Elle est surtout commune près des rives du Rio 
Negro. 

CANIS JUBATUS. : 


Aguara guazu, dAzara, Mamm. du Paraguay, 1. X, p. 307. Canis jubatus, Desmarest , 


1. Les Canis de l'Amérique méridionale sont encore assez imparfaitement connus et leur dia- 
gnostique parait assez difficile. Plusieurs auteurs anglais, MM. J. E. Gray, Waterhouse, Hamilton 
Smith, s’en sont déjà occupés, et lon est sur la voie d’une caractéristique complète de ces ani- 
maux. Assez récemment M. de Blainville (Ostéographie, genre Canis) a signalé sous le nom de 


(23) 


Mammalogie, p. 198. Canis campestris, Maxim., Beiträge, M, p. 334. Blamville, Mammi- 
fères. 


Ostéographie, genre Canis. 
Nous l'avons rencontrée dans toutes les régions chaudes de l'Amérique méridionale 
et vers le sud jusqu’au 41° degré de latitude sud. Elle n’est commune nulle part. 


CANIS AZARÆ. 
Aguarachay, d'Azara, Mamm. du Paraguay, 4. 1, p. 317. Canis Azaræ, Maximilien, 


Beiträge, 1, p. 338. Waterhouse in Darwin, Voyage du Beagle, Mami. 


D’après les recherches des naturalistes anglais, il est admis aujourd’hui que lon a 
confondu sous ce nom plusieurs espèces répandues dans les différentes parties de l'Amé- 
rique méridionale, depuis la Nouvelle-Grenade et la Guyane jusqu’au Chili et aux Ma- 
louines. Voir à cet égard les publications de MM. Waterhouse, Gray, Hamilton Smith , etc. 


CANIS CANCRIVORUS. 
Chien des bois, Buffon, Æist. nat., Suppl., & VII, p. 146, pl. 38. Canis cancrivorus, 
Desm., Mamm., p. 199. 


IL'est rare dans la province de Chiquitos en Bolivia. 


ORDRE DES MARSUPIAUX ou DIDELPHES. 


La tribu des Sarigues est exclusivement propre à l'Amérique ; la Mono- 
graphie qu’en a faite M. Waterhouse, dans son ouvrage sur les Marsupiaux, 
dans le Vaturalists Library et dans son Æistory of mammals, nous dispense 
d'entrer à leur € 


gard dans des détails descriptifs. 


ORDRE DES RONGEURS. 


Les Rongeurs, nombreux partout, le sont principalement dans l'Amérique 
méridionale; leurs espèces sont toutes distinctes de celles des autres régions 
et souvent même elles constituent des genres où même de petites familles 
qu'on ne retrouve point ailleurs. Les derniers travaux des mammalogistes, 
ceux de F. Cuvier, de M. Is. Geoffroy Saint-Hilaire et de quelques autres 
zoologistes en France, ceux de M. Waterhouse en Angleterre, et d’autres 
encore, ont beaucoup avancé nos connaissances zoologiques sur les Ron- 
geurs. Nous ne parlerons ici que d’un petit nombre d'espèces; notre travail 
au contraire en aurait fait connaître un bien plus grand nombre, s’il avait 
pu paraître il y a quelques années. 


Canis brachyteles une espèce dont le crâne et la peau ont été rapportés au Muséum de Paris par 
M. Aug. de Saint-Hilaire, sous le nom de Guaracha où Guarachaim. Cet animal méritait déjà 


d’être signalé d’une manière toute spéciale aux recherches des naturalistes. 


Mammi- 
fères. 


(24) 


SCIURUS IGNIVENTRIS. 
Sciurus igniventris, Natterer in Andr. Wagner, Ann. and Mag. of nat. hist., 1. XIT, p. 44. 


Cette espèce est voisine par son crâne du Sc. stramineus, P. Gervais, in Eydoux et 
Souleyet, Voyage de la Bonite, Zool., 1. 1, p. 37, et doit entrer dans la même section. 

Nous l'avons observée dans la province de Chiquitos (Bolivia), c’est-à-dire dans les 
régions chaudes du centre du continent. Elle est très-rare. 


ELIGMODONTIA TYPUS. 
Eligmodontia typus, Y. Cuvier, Ann. des sc. nat., 2.° série, t. II (d’après un exemplaire 
recueilli par M. d’Orbigny). 
Nous avons rencontré celte espèce dans la province de Corrientes, où elle est peu 
commune. 


OCTODON GLIROIDES. 
PI. XVI. 


Octodon gliroides, P. Gervais et d’Orbigny, Bull. de la soc. philom. de Paris, 1844, p. 22 
(9 Mars) et Journal l'Institut, mème année. 


La nature et la couleur des poils de cette espèce, rappellent à la fois par leurs ca- 
ractères ceux du Loir (Myoæus glis) et du Chinchilla. Les poils sont doux au toucher, 
gris-cendré en dessus, blancs en dessous; la queue est brun-noiràtre en dessous, com- 
plétement terminée de la même couleur et un peu en balai; le dessus des pattes est 
blanc. Ces couleurs suffisent pour faire distinguer tout d’abord l’Octodon gliroides de 
l'espèce du Chili plus anciennement connue et que l’on a nommée Octodon degus ou 
Cumingi (Mus degus, Molina) dont il offre à peu près la taille et les proportions. Il 
s’en distingue aussi par la forme de ses molaires qui sont un peu moins allongées, surtout 
celles de la quatrième paire ou les postérieures; celles-ci ont leurs replis moins obliques. 
Les molaires supérieures sont plus triangulaires que dans l'O. degus ; les inférieures au 
contraire sont plus régulièrement en forme d’un uit arabe, sauf la postérieure, dont la 
partie éburnée est virguliforme et à échancrure externe et non interne comme dans 
l'O. degus. Dans ce dernier, la même paire de dents molaires, soit à la mächoire supé- 
rieure , soil à l’inférieure, diffère moins des précédentes que dans notre Octodon gliroïdes, 
aussi bien par sa forme que par son volume. 

Longueur du corps et de la tête 0,16. 
— de la queue 0,12. 
L'Octodon gliroides à été recueilli près de la Paz dans les Andes boliviennes. Il vit 


au milieu des Cactus, dans les haies des jardins de la ville, au niveau de 3700 mètres 
au-dessus de l'Océan. 


1. Le genre Écureuil est loin d’être aussi commun dans l'Amérique méridionale que dans l’'Amé- 
rique septentrionale et dans lInde. Toutefois il a été constaté à la Nouvelle-Grenade, dans plu- 
sieurs parties du Brésil, au Pérou, à Chiquitos en Bolivie. 


(25 ) 


OCTODON DEGUS. 


Mus degus, Molina, Æist. du Chili. Octodon Cumingi, Bennett, Proceed. zool. soc. 
London, 1832, p. 46. Idem, Trans. zool. soc. London, 1. W, p. 81, pl. 16. Dendro- 


bius degus, Meyen, Nova acta nat. curios., t. XVII, avec planches. 


Espèce très-commune dans la campagne aux environs de Santiago au Chili. 


CTENOMYS BRASILIENSIS. 
PI XVII. 


Ctenomys brasiliensis, Blainv., Bull. de la soc. philom. de Paris, 1826, p. 62. /dem, 
Ann. des sc. nat., 1." série, t. IX, p. 97. 


Cette espèce habite les régions chaudes de l'Amérique méridionale. Nous lavons suc- 
cessivement recueillie dans la province de Corrientes (république Argentine) et près de 
Santa-Cruz de la Sierra (Bolivia). 


CTENOMYS MAGELLANICA. 


Clenomys magellanica , Bennett, Proceed. zool. soc. London, 1835, p. 190. dem, Trans. 
zool. soc. London, 1. I, p. 84, pl. 17. 


Cette espèce diffère du Ctenomys brasiliensis par quelques particularités assez faciles 
à saisir par la petitesse de ses molaires et surtout par une forme un peu différente de 
l'enveloppe de l’émail. 

Elle est répandue sur tous les terrains sablonneux arides et secs de la Patagonie 
septentrionale, où elle laboure le sol de manière à rendre très-dangereux les voyages à 
cheval. 

DASYPROCTA NIGRICANS. 


Dasyprocta nigricans, Natterer ir Andr. Wagner, Ann. and mag. of nat. hist., t. XIE, 
p. 45. 

On rencontre cet agouti dans les régions chaudes de l'Amérique méridionale. Il vit 

également dans les plaines et sur les montagnes, où partout il est redouté du cultivateur. 


DOLICHOTIS PATAGONICA. 


Lièvres du port Désiré, J. Narborough, Voyages to the streights of Magellan, p. 33. 
Lièvre Pampa, d’Azara, Mamm. du Paraguay, ad. fr., t. Il, p. 51. Cavia patago- 
nica, Shaw, Gen. zool., 1. Il, p. 266, pl. 165. Dasyprocta (Dolichotis) patagonica , 
Desmarest, Mammalogie, p. 358. Mara magellanica, Lesson, Centurie de zoologre , 


p. 113, pl. 42. 


La dentition de cette espèce a été figurée dans l’/conographie du règne animal, éditée 
par Crochard, Mammif., d’après un des cranes rapportés par M. d'Orbigny. Les molaires 
ont une analogie presque complète avec celles des Kerodons, genre établi parmi les 
Cavia par Fréd. Cuvier. 

On le trouve sur toutes les plaines orientales sèches et arides de la Patagonie septen- 


IV. Mamn. 4 


Mammi- 
fères. 


(26) 


Mammi- trionale, surtout près des rives du Rio Negro. On le rencontre encore à ce qu’il paraît 
fères. 


jusqu'aux environs de Cordova (république Argentine). 


CAVIA AUSTRALIS. 
PI. XVII, fig. 1-4. 


Cavia australis, Is. Geoffroy et d’Orbigny in Guerin, Mag. de zoologie, 1833, pl. 12. 
P. Gervais, Dict. univ. d’hist. nat. de Ch. d'Orbigny, t. IV, p. 40. 


Poils médiocrement longs, doux au toucher, annelés de gris, de jaune paille et de 
noirâtre sur la tête, le cou, le dos et le croupion, qui paraissent olivètre cendré; les 
flancs brun-grisàtre, le devant du cou et une partie du dessous gris-cendré; gorge 
blanchâtre, ainsi que plusieurs parties de la région pectorale et ventrale; pattes grises, 
à ongles noirs assez aigus, au nombre de quatre en avant et de trois en arrière; mous- 
taches noirûtres. 

Les jeunes ont le pelage plus moelleux, un peu plus long et plus uniformément gris. 

Longueur du corps et de la tête environ 0,18. 

L’inspection des caractères ostéologiques de ce Cobaye confirme parfaitement sa dis- 
tinclion spécifique. Ils présentent même une certaine analogie avec ceux des Kérodons. 
Le crâne est plus court que celui de l’Aperea du Brésil, sa région antémolaire est plus 
étroite, son trou sous-orbitaire est plus régulièrement triangulaire et les caisses audi- 
tives sont bien plus renflées. Le volume de ce crane, comparé à celui de l’4perea, est 
aussi d’un tiers moindre. Ses incisives sont blanches en avant et ses molaires sont en 
doubles cœurs aussi réguliers que ceux qui caractérisent les Kérodons. 

Nous l'avons recueilli aux environs de Rio Negro en Patagonie. 


CAVIA FLAVIDENS. 
PI. XVIII, fig. 6-7. 


Cavia flavidens , Brandt, Mém. de l Acad. impér. de Saint-Pétersbourg pour 1834 et 1835, 
6 p: 436. P. Gervais, Dict. univ. d'hist. nat. de Ch. d'Orbigny, t. IV, p. 40. 


Un peu plus petit que le Xerodon moco, à dents incisives de couleur fauve en avant; 
à dos brun jaunâtre assez luisant, mêlé de brun pâle; dessus de la tête et une bande 
au-dessous des yeux et des oreilles plus foncée, noirâtre; gorge et parties inférieures du 
corps blanc-jaunàtre un peu sale; devant du cou cendré; pieds brun-jaunâtre comme 
les flancs. Le système dentaire molaire, comparé à ceux de l’aperea et du cochon d’Inde 
domestique, présente quelques légères différences dans la disposition des replis con- 
firmant la distinction qui a été faite de cette espèce par M. Brandt, d’après la considé- 
ration seule de ses caractères extérieurs. La taille est un peu supérieure à celle de l4perea. 
La longueur du corps égale environ 0,23. 

Nous l'avons rencontré sur toutes les montagnes de la Bolivia, comprises entre Cocha- 
bamba, Chuquisaca et la ville de la Paz. Elle se tient dans les limites de 3000 à 4500 
mètres au-dessus du niveau de l'Océan. | 


(27 ) 


ORDRE DES RUMINANS. 
Favize pes CERFS. 


Le grand genre Cervus de Linné est représenté dans PAmérique méridio- 
nale par un nombre d'espèces plus considérable qu'on ne l'avait cru jusque 
dans ces derniers temps. Outre les cerfs décrits par d'Azara et dont nous 
allons parler (Cervus paludosus, campestris et simplicicornis ou rufus et 
nemorivagus), cette vaste partie du nouveau monde nourrit encore le Cervus 
antisensis, d'Orb., et plusieurs autres, dont voici les noms : Cervus rira- 
nianus, Gmel. (une variété de cette espèce a été rapportée de Colombie par 
M. Roulin). — Cervus Goudotit, Gerv., des hautes régions de la Colombie. 
— Cervus chilensis, Gay et Gerv., voisin de lP'Antisensis; peut-être P£quus 
bisulcus de Molina. — Cervus spinosus, Gerv., de la Guyane. — Cervus 
pudu, Gerv., ou le Capra pudu de Molina, et le Cervus humulis de Bennett. 


CERVUS PALUDOSUS. 
Guazu pucu, d'Azara, Essai sur les quadrupèdes du Paraguay, 1. 1, p.70 de l’édit. fr. 


Cervus paludosus, Desmarest, Mammalogie, p. 443. 
Il se tient seulement dans les marais du centre du continent; nous l’avons rencontré 
dans la province de Corrientes (république Argentine) et à Chiquitos (Bolivia). 


CERVUS SIMPLICICORNIS. 


Cariacou , Buffon, Æist. nat., 1. IX, p. 90. Petite biche de Surinam, idem, ibid., t. XIX, 
p. 311. Guazu-pita, d'Azara, Essai sur l’hist. nat. des quadr. du Paraguay, trad. fr., 
t. 1, p. 82; le Cervus rufus, Fr. Cuvier, Dict. des sc. nat., à. VIT, p. 485. Guazu-bira, 
d’Azara, loco cit., L. 1, p. 86 (le Cervus nemoriwagus, Fr. Cuvier, loco cit., p. 485). 


Cervus simplicicornis , Wiger. 


Ces petits cerfs se trouvent dans une grande partie de l'Amérique méridionale, mais 
il n’est pas encore certain s'ils forment une seule espèce ou deux comme le pensait d’Azara. 
Il a été mis hors de doute, dans ces derniers temps, que les petits cerfs du Chili qui 
ressemblent au Guazu-bira el au Guazu-pita, forment une espèce bien distincte de 
l’un et de l’autre. ! 

Les jeunes cariacous ont une livrée, et les parties roussätres de leur pelage sont plus 
vives que chez les adultes. 

On le trouve dans toutes les régions chaudes et boisées du centre de l'Amérique méri- 


dionale. Il ne s’avance jamais au-delà du 28.° degré de latitude sud. 


1. Voir leur description dans les 4nnales des sciences naturelles , Février 1846, par MM. Gay 


et Gervais. 


Mammi- 
fères. 


Mammi- 
fères. 


(28 ) 
CERVUS CAMPESTRIS. 


Guazu-ti, d'Azara, Essai sur l'hist. nat. des quadrup. du Paraguay, édit. frane., t. 1, 
p. 77; Guazu-para des Brésiliens; Cervus campestris, F. Cuv., Dict. des sc. nat., 1. VIE, 
p- 484; Desm., Mamm., p. 444; Waterhouse /n Darwin, Voy. du Beagle, Mamm. 


Nous avons fait représenter, pl. 20, fig. 2, des bois fort singuliers de C. campestris, 
qui sont actuellement au Muséum de Paris, où ils ont été déposés par M. d’Orbigny. 
La torsion flabellée de ces bois leur donne un aspect tout particulier. 

Les jeunes du Cervus campestris n’ont pas de livrée : leur pelage est plus fauve- 
roussätre que celui des adultes. Un de ces jeunes cerfs, qui est actuellement dans les 
galeries du Muséum, nous a présenté les particularités suivantes : il n’a pas encore de 
blanc pur aux régions où en ont les adultes, si ce n’est sous la queue; celle-ci n’a pas 
encore de noir en dessus; les pieds sont fauves : il y a un peu de blanc à la face postéro- 
interne du calcanéum. 

On rencontre cette espèce seulement dans les plaines, depuis les régions chaudes jus- 


qu'aux régions froides de la Patagonie. 


CERVUS ANTISENSIS , d'Orb., 1834. 
PI. XX, fig. 1. 


Cervus antisensis, d'Orb., Nouv. Ann. du Mus. de Paris, t. WA, p. 91; Cerf d’Antis, 
Pucheran, Dict. uuiv. d'hist. nat. de Ch. d'Orbigny, 1. NX, p. 328. 


Cette curieuse espèce de cerf n'avait point encore été signalée aux naturalistes. Elle 
ne rentre véritablement dans aucune des divisions établies dans ce grand genre par les 
naturalistes modernes, et elle devra y former une coupe nouvelle essentiellement carac- 
térisée par ses bois bifurquées dès la meule, à divisions simples, l’une dirigée en avant 
et l’autre en arrière, quoique médiocrement divergentes entre elles. 

Il n’a encore été parlé du Cervus antisensis que dans un petit nombre d’ouvrages 
récents et d’après les exemplaires que M. d’Orbigny a rapportés en Europe. Ce cerf est 
à peu près de la taille de lAxis, mais son port est plus lonrd et rappelle davantage 
celui du cerf cochon ou du cerf mexicain. Le mufle est nu; il y a audevant des yeux 
des larmiers de longueur moyenne, et tout le pelage, dont les poils sont assez longs, 
durs, un peu cassants et plus ou moins tournés en spirale ou ondulés, est de couleur 
brunâtre, piqueté de fauve-paillé. Chaque poil est d’un brun mat, assez clair dans sa 
partie cachée, brun également, mais plus luisant et d’une teinte plus intense vers le 
sommet. Chacun à sa pointe comprise par un anneau de couleur jaune-paille, dont 
l'étendue a deux ou trois lignes. La portion tout à fait terminale redevient brune, la 
iète, le cou, le tronc et la face externe des membres présentent la même coloration 
tiquetée. Le mufle est encadré de blanchàtre; les oreilles sont tiquetées en dehors comme 
le corps lui-même et elles ont des poils blanchâtres à leur face interne. Il n'existe aucune 
trace de cette dernière couleur à l'œil, mais on la retrouve, plus ou moins mêlée de 


jaunâtre ou de gris, sous le menton, au haut du cou, aux aisselles, aux aines, à la face 


(29) 


interne des jambes, à la région anale, sous le dessous et dans une grande partie de la Mammi- 
queue, aux talons et sur les canons à leur face postérieure. Le blanc de la région anale se 
est plus pur que celui des autres parties. Le dessus et la base supérieure de la queue 
sont de la couleur du dos. Les poils de la région fessière sont plus longs que les autres, 
et il est probable que le peaucier jouit ici comme dans le chevreuil d'Europe et quel- 
ques autres espèces, de la possibilité de les redresser. 


Le mâle et la femelle adultes se ressemblent par la disposition des couleurs. 


Le corps et la tête mesurent 17,200. 
La queue a 0",100. 
Les oreilles 0”,125. 
La hauteur au garrot est de 0,700. 
Celle du bois en arrière 0”,170. 

— en avant 0°,140. 


Les jeunes de cette espèce n’ont pas de livrée : ils ont les poils plus doux que ceux 
des adultes, d’un brun plus roussätre et peu piqueté. L’anneau fauve pâle du sommet 
des poils chez les adultes, est ici fauve roussätre et le corps paraît moins tiqueté; le 
front, la croupe et la base de la queue, tirent au brun noirätre; le ventre est plus 
clair que le dessus du corps. Il y a du blanchàtre à la face interne des cuisses et des bras. 

Comme dans presque toutes les espèces de la famille des Cerfs, les bois n'existent 
que dans le sexe mâle : ils ne sont pas d’un volume considérable; mais ils varient 
néanmoins en force suivant l’âge. Leur forme, ainsi que nous l'avons dit en commen- 
çant, est tout à fait particulière à cette espèce, et elle paraît se rapprocher, sauf plus 
de brièveté dans le pédoncule, des Cerfs fossiles en Europe, auxquels on a donné le 
nom de Dicrocères. La seule espèce vivante qui paraisse s’en rapprocher notablement par 
l'ensemble de ses caractères, car ses bois sont encore inconnus, est le Cervus chilensis, 
Gay et Gervais. 

Une paire de bois, rapportée de Bolivia par M. Pentland et déposée au Muséum de 
Paris, appartient à un individu plus vigoureux et plus adulte que celui que nous avons 
fait figurer. Ces bois sont dépouillés de leur enveloppe cutanée ou, comme disent les 
véneurs , ils ont perlé. Leur pédoncule est encore plus court que dans ceux de Pindi- 
vidu figuré de notre planche XX. De leur meule part une rame ou pédoncule élargi 
d'avant en arrière, c’est-à-dire un peu comprimé et long de 0,050 seulement. Cette 
rame se partage en deux pointes ou andouillers : l’une antérieure, un peu plus petite 
et plus recourbée, est haute de 0,145, mesurée suivant sa corde; l’autre s'élève à 0,225 
depuis le point de bifurcation et complète avec la précédente une sorte de fourche à 
branches inégales et écartées entre elles de 0,130 environ. Le bois a des perlures dans 
sa moiué inférieure et à la meule, ainsi que des veinures; il devient lisse vers sa pointe. 

On rencontre ce cerf sur les régions les plus élevées de la Cordillère orientale de la 
Bolivia; 1l est surtout commun aux environs de la Paz, de Cochabamba et de Chu- 
quisaca, mais descend rarement au-dessous du niveau de 3500 mètres, se tenant de 


cette zone jusqu'aux neiges perpétuelles. Son agilité est très-remarquable. 


Mammi- 
feres. 


(30 ) 


ORDRE DES CÉTACES. 


INIA BOLIVIENSIS. 
PI. XXII. 

Inia boliviensis, d'Orb., Nouv. Ann. du Mus. de Paris, t. I, p. 22, pl. 3 (copié par 
F. Cuvier, Hist. nat. des cétacés, p. 123, pl. 10bis et 11); Delphinus Geoffrensis? de 
Blainv., in Desmarest, Nouv. Dict. d’hist. nat., 1. IX, p. 151. 

Les caractères tout particuliers du crane de ce cétacé ont été dessinés avec soin 
dans notre planche XXIT. 

IL est possible que l/nia boliviensis soit connu plus anciennement des naturalistes 
qu’on ne l'avait pensé d’abord. Aïnsi, en comparant ses caractères tels qu’ils ont été 
décrits dans la notice publiée dans les Nouvelles Annales du Muséum avec ceux du 
Delphinus Geoffrensis, Blainv. (le Delph. Geoffroyi, Desm.), on remarque une similitude 
assez frappante; cependant l’histoire du Delph. Geoffrensis est si incomplétement connue, 
qu'il était impossible de prime abord d'arriver à ce résultat. 

M. de Blainville a nommé Delph. Geoffrensis, dans l’article Daurmns, inséré par Des- 
marest dans le Vouveau Dictionnaire d'histoire naturelle, un dauphin dont le seul indi- 
vidu connu a été rapporté des coilections de Lisbonne dans celles du Muséum de Paris 
par E. Geoffroy Saint-Hilaire en 1810. C'est une peau bourrée et repeinte; le crane est 
encore dans cette peau et la manière dont celle-ci a été préparée laisse voir les dents. 
Le grand nombre d'objets uniques et précieux, originaires du Brésil et des régions 
voisines , que possédait le cabinet d’Ajuda, est un premier argument à l’appui de notre 
manière de voir. Rien n’a confirmé en effet que l'espèce du Dauphin de Geoffroy existàt 
sur la côte du Brésil, comme on la dit. La caractéristique publiée de ce cétacé est un 
autre argument qui nous paraît avoir plus de valeur encore. Voici comment elle a été 
établie par Desmarest, dans sa Mammalogie : 

Corps allongé, presque cylindrique, front très-bombé; museau analogue à celui du 
crocodile du Gange ou du gavial; mächoires émoussées à l'extrémité, égales entre elles 
en longueur, à bords parallèles, armés de chaque côté de vingt-six grosses dents coniques, 
également espacées ; les antérieures étant plus petites que les autres et un peu émoussées à 
la pointe; toutes coniques, obtuses, à surface rugueuse et ayant un collet à leur base ; 
yeux placés un peu au-dessus de la commussure des lèvres ; nageoires pectorales grandes 
et attachées très-bas ; un pli longitudinal de la peau sur la partie postérieure du dos (pour 
nageoire dorsale); évents ayant les cornes tournées en arrière. 

La comparaison du crâne de l’Znia boliviensis que nous avons figuré et de celui qui 
est encore dans la peau de l’exemplaire actuellement au Muséum, et sur lequel repose le 
Delpk. Geoffrensis, confirmera très-probablement le rapprochement que nous indiquons ici. 
Cette opinion est aussi celle de M. de Blainville. 

Un des moufs qui ont retardé la détermination du Delph. Geoffrensis est l'erreur 
échappée à Cuvier et admise par quelques auteurs que le dauphin du cabinet de Lis- 
bonne, est de la même espèce que son Delphinus frontatus. F. Cuvier a rétabli ce point 
de synonymie, mais sans supposer l’identité du Delphinus Geoffrensis et de l’/nia boliviensis. 


( 51 ) 
On le rencontre dans toutes les rivières des provinces de Moxos et de Chiquitos, Mammi- 
fères. 


en Bolivia, ou sur tous les affluens supérieurs de Amazone, à plus de 700 lieues de 
la mer. (Voyez, pour ses mœurs, la notice de M. d’Orbigny indiquée à la synonymie.) 


DELPHINUS BLAINVILLET. 
PI, XXII. 
Delphinus Blainvillei, V. Gervais, Bullet. de la Soc. philomat. de Paris, 1844, p. 38 
(27 Avril), et Journ. l’Institut, mème année. 

Un crâne de dauphin pris à Monte-Video, c’est-à-dire à l'embouchure de la Plata, et 
déposé au Muséum de Paris par M. de Fréminville, officier de la marine royale et natu- 
raliste très-zélé1, démontre l'existence d’une espèce de dauphin à bec allongé, qui était 
restée jusqu’à présent ignorée des zoologistes. Ce cràne a des affinités avec ceux des 
Platanistes et des [nias sous quelques rapports; mais il diffère assez de l’un et de l’autre, 
ainsi que du crâne de tous les dauphins connus, pour qu’on fasse de l’espèce à laquelle 
il appartient un sous-genre que nous nommerons STENODELPHIS. 

Ce crane est long de 0°,23 seulement, depuis les condyles occipitaux jusqu’à l’ex- 
trémité des màchoires; il est très-grèle et très-allongé dans sa partie maxillaire, ce qui 
est ordinaire aux dauphins vivants ou fossiles, propres aux embouchures des grands 
cours d’eau. On peut dire qu’il rappelle grossièrement par sa forme générale celui des 
Bécasses et des Huitriers. Il est en effet presque sphérique dans sa partie cranienne et 
olfactive, et au-devant d’elles se voit un long bec simulé par les màchoires elles-mêmes. 
Les dents qui arment les bords de celles-ci sont petites, longues de 5 ou 6 millimètres 
au plus, toutes plus ou moins aigues, et au nombre de 53 ou 54 supérieurement, 
ainsi qu'inférieurement. Les postérieures sont un peu moins aigues que les autres, et 
leur partie terminale est un peu recourbée. Les faces externes de la machoire supérieure 
el de l’inférieure présentent une gouttière longitudinale assez forte; la symphyse de la 
mâchoire inférieure est fort longue, elle a 0°,255. La partie cranienne n’a point de 
saillie en arrière des évents, ni de crête fronto-maxillaire, comme chez le plataniste ou 
dauphin du Gange. La plus grande largeur de ce crane ne dépasse pas 0”,120. Sa fosse 
temporale, dont la surface est plus considérable que dans les dauphins ordinaires, est 
limitée en arrière par une crête qui se joint à celle qui la borde en dessus, et à celle 
que termine en arrière la surface où sont percés les évents. Cette dernière crête, qui est 
horizontale, se joint à la saillie orbitaire du frontal. L’os temporal envoie une apo- 
physe zygomatique en forme de lame assez forte, qui va se perdre à l’apophyse post- 
orbitaire du frontal, et dont la longueur est considérable. Il n’y a point en dessous 
de rudiment de los molaire, ou du moins nous n’en avons pas vu sur le crane que 
nous décrivons. Ce crâne curieux nous à été communiqué par M. de Blainville, à qui 
nous dédions l'espèce qu'il indique. Il est figuré réduit de moitié dans l’atlas mammolo- 
gique de cet ouvrage, à la pl. XXII, fig. 1-4. Les figures 3 et 4 sont de grandeur naturelle. 


1. D’après un renseignement fourni par M. de Fréminville, le dauphin dont provient ce crâne 


est long de quatre pieds, et il est blanc, avec une bande dorsale noire. 


Mammi- 
fères. 


(32) 

il nous à paru qu’un dauphin, observé et dessiné par M. d'Orbigny sur la côte de 
Patagonie, mais dont il lui a été impossible d'obtenir les dépouilles, était de la même 
espèce que le Stenodelphis Blainvillei. Ce dauphin était long de 1”,20; il avait le bec 
très-long et très-grêle, et présentait une nageoire dorsale. Sa figure, faite sur un indi- 
vidu en décomposition, est reproduite dans notre atlas, pl. XXII, fig. 5. 


DELPHINUS CRUCIGER. 
PI. XXII, fig. 1-4. 
Delphinus cruciger, Quoy et Gaimard, Zool. de l'Uranie, pl. IE, fig. 3 et 4; Delph. bwit- 
tatus, Less., Bull. des sc. nat., 1. VIE, p. 373, et Zool. de la Coquille, à. 1”, p. 178, 
pl. IX, fig. 3; Delpk. cruciger et Delph. bivittatus, F. Cuv., Hist. nat. des Cét., p. 225. 


C’est avec doute que nous rapportons aux dauphins décrits par MM. Quoy, Gaimard 
et Lesson, celui que nous avons figuré dans l’atlas de cet ouvrage sous le nom de Delphinus 
cruciger. Les collections ne possèdent rien des dauphins observés par les naturalistes de 
l’Uranie et de la Coquille. Notre dauphin cruciger est noir au menton et sur le museau, 
et cette couleur se continue le long du dos en comprenant la nageoire dorsale, et 
enveloppant ensuite la queue, qui est échancrée. À la hauteur du pectoral et sur le 
dessus de la région coccygienne la bande noire est plus étroite qu’à la partie dorsale. 
Une autre bande noire règne bilatéralement depuis la queue jusqu’à l'œil, elle se rétrécit 
à la hauteur de l’anus, augmente plus antérieurement et embrasse les nageoires pecto- 
rales. Entre la bande bilatérale noire et la bande médio-supérieure, ainsi que sur la 
face inférieure du corps, la peau est d’un blanc plus ou moins pur. 

Ce dauphin avait le bec court, peu séparé de la convexité frontale. Son cràne est 
déposé dans les galeries du Muséum d'histoire naturelle. Il est plus large que celui 
du Delphinus delphis et moins long; sa mâchoire supérieure a 26 dents d’un côté et 
29 de l’autre, et l’inférieure 27 et 28. Ces dents sont aiguës, et semblables pour la 
forme à celles de la majorité des dauphins du sous-genre Delphis. La longueur du 
crâne égale 0,39; la plus grande largeur a 0°”,22. Nous en avons donné la figure 
(pl. 21, fig. 1 et 2) réduite au tiers. La figure 3 représente une partie de la région 
maxillaire, de grandeur naturelle. Nous avons rencontré cette espèce du 57° au 76° 
degré de latitude sud, ou à l’est et au sud du Cap Horn. Le dessin que nous en don- 


nons a été fait par nous sur le vivant avec tout le soin possible. 


DELPHINAPTERUS PERONII. 
PI. XXI, fig. 5. 
Delphinus Peronit, Lacép., Cétacés, p. 317; Delphinapterus Peronü, Less., Zool. de la 
Coquille, pl. IX, fig. 1; Delphinus Peront, F. Cuv., Cétacés, p. 164, pl. XV, fig. 2. 


Nous l'avons rencontré du 48.° au 64° degré de latitude sud, autour du cap Horn. 
Un individu harponné nous a permis de le dessiner avec toutes ses proportions prises 
avec beaucoup de soin; c’est pour cette raison que nous avons tenu à donner (fig. 5) 
une copie de notre dessin original. 


VOYAGE 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE 


(Le Brésil, la République orientale de l'Uruguay, la République Argentine, la Patagonie, 


la République du Chili, la République de Bolivia, la République du Pérou). 


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STRASBOURG, IMPRIMERIE DE V.° BERGER-LEVRAULT. 


VOYAGE 


DANS 


L'AMERIQUE MÉRIDIONALE 


(LE BRÉSIL, LA RÉPUBLIQUE ORIENTALE DE L’'URUGUAY, LA RÉPUBLIQUE 
ARGENTINE, LA PATAGONIE, LA RÉPUBLIQUE DU CHILI, LA RÉPUBLIQUE DE BOLIVIA, 
LA RÉPUBLIQUE DU PÉROU), 


EXÉCUTÉE PENDANT LES ANNÉES 1826, 1827, 1828, 1829, 1830, 1831, 1832 ET 1833, 
PAR 
ALGRDE D'ORBIEN N, 
CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LÉGION D'HONNEUR, OFFICIER DE LA LÉGION D'HONNEUR DE LA RÉPUBLIQUE 


BOLIVIENNE ; PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE ET MEMBRE DE PLUSIEURS ACADÉMIES 
ET SOCIÉTÉS SAVANTES NATIONALES ET ÉTRANGÈRES. 


Cuvrage de du 1279 
C 


et publié sous Les auspices de SM. Le Ministre de l’Instruction publique 


(commencé sous le ministère de M. Guizor). 


———  ) 2 


TOME QUATRIÈME. 
3. Partie : OISEAUX. 


72 


PARIS, 
CHEZ P. BERTRAND, ÉDITEUR. 


Libraire de la Société géologique dc France, 


RUE SAINT-ANDRÉ-DES-ARCS, 38. 
STRASBOURG, 
CHEZ V® LEVRAULT, RUE DES JUIFS, 33 


1535-1844. 


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OISEAUX. 


PAR 


ALCIDE D'ORBIGNY. 


1835— 1844. 


ce16 0808 0818 185808501806 09081918 0808 1808 0958 080 CHE 0808 1008 1812682018 1808 208 0808 LOC 081608161808 0852 08812 


CLASSE DES OISEAUX. 


AVERTISSEMENT. 


Âv moment de livrer au public les résultats de nos études ornithologiques, 
nous avons un premier devoir à remplir, soit envers ce même public, soit 
-envers nous-même. Ce devoir, c’est celui de payer un juste hommage aux 
talens de deux hommes, dont les travaux ne seront rien moins qu’étrangers 
à La justesse et à la précision des nôtres, si, d’ailleurs , nos efforts personnels 
ne trahissent pas trop l’expectative de succès, dont l’espoir nous soutient 
dans une entreprise aussi épineuse. Livré, dès notre début dans la carrière 
des sciences naturelles, à l'étude de lornithologie, le Voyage de Don Félix 
d'Azara dans l'Amérique méridionale fixa naturellement notre attention, 
et nous donna l’idée la plus favorable de la rectitude de jugement et de 
la bonne foi de son auteur. Long-temps avant notre départ pour Amérique, 
nous avions beaucoup étudié Félix d’Azara; et quand, plus tard, notre des- 
tinée nous entraîna sur le théâtre même de ses observations, notre premier 
soin fut de vérifier, le livre d’Azara à la main, toutes ses allégations, dont 
plusieurs, en Europe, étaient regardées comme fabuleuses. Ayant toujours 
considéré cet écrivain comme un observateur aussi exact que consciencieux 
de tous les animaux qu'il a vus , nous reconnûmes bientôt, non sans une secrète 
jouissance d’amour-propre, que nous ne nous en étions pas le moins du 
monde exagéré le mérite; plus particulièrement en ce qui concerne ses 


IV. os. «a 


(Ci) 
remarques sur les mœurs et sur les habitudes des animaux, ainsi que les par- 
ties secondaires de ses groupes. C’est une Justice qui lui est due; justice qui, 
bien que tardive, doit le replacer au rang des observateurs les plus distingués. 

Nous n'avons pas besoin d'ajouter qu’Azara nous a toujours servi de guide; 
mais nous devons à un autre observateur, plus profond sans être moins exact 
sous le point de vue scientifique, un complément heureux de cette partie de 
nos observations. Tandis qu'au bord des lacs, au bord des fleuves ou dans 
les lagunes de l'Amérique, au sein de ses plaines immenses ou sur ses mon- 
tagnes sourcilleuses, nous comparions, après une chasse souvent pénible, 
les descriptions de ingénieur espagnol à leurs sujets tombés sous nos coups, 
un savant, éminemment doué de cette patience minutieuse , l’une des pre- 
mières vertus du naturaliste, M. de La Fresnaye, de Falaise, depuis long- 
temps avantageusement connu par des travaux utiles à la science; M. de La 
Fresnaye, disons-nous, s’appliquait laborieusement, au sein de ses belles col- 
lections , à reconnaître, dans les espèces décrites par les modernes, les espèces 
déjà observées et décrites par Azara, et souvent reproduites par Vieillot. 
De retour dans nos foyers, et rendu aux douces habitudes de lamitié dont 
il nous honore, on sentira combien dut être piquant et curieux pour nous 
le rapprochement de ses déductions scientifiques, tirées de l'observation des 
pattes, des becs, de la longueur respective des ailes, et autres caractères ex- 
térieurs, avec nos observations pratiques faites sur le vivant, dans le pays 
même ; et nous avons été plus d’une fois surpris de la précision avec laquelle 
ces moyens, tout artificiels, lui faisaient deviner, en quelque sorte, pour tels 
ou tels sujets, une manière d’être dont une longue suite d'expériences et de 
recherches avait pu seule nous instruire. Nous devons à sa complaisance 
et à son zèle pour la science une détermination plus exacte de nos espèces, et 
une partie de notre synonymie, indépendamment d'observations de la critique 
la plus saine et la plus judicieuse que nous nous ferons un honneur et un 
plaisir de citer, toutes les fois que Foccasion s'en présentera. Les citations 
montreront au reste de combien nous sommes redevable à ce digne collabo- 
rateur, aussi désintéressé qu’instruit. 

Nous finirons par une sorte de profession de foi générale, que nous repro- 
duirons probablement de temps à autre dans le cours de ces études, au risque 
même de tomber en des redites, mais avec laquelle nos convictions les plus 
intimes ne nous permettent pas de transiger. Nous voulons parler de lex- 
trême importance dont il nous paraît être aujourd’hui de réunir , en zoologie, 
l'appréciation comparée des caractères moraux des êtres à celle de leurs carac- 


(i) 

tères physiques et extérieurs. Les méthodes purement artificielles n’y sont, 
en effet, dans l’ordre actuel des idées, pas plus admissibles qu'en botanique 
et dans les autres branches des sciences naturelles qui, avec tant de raison, 
n’en admettent plus, ou du moins en restreignent beaucoup l'empire exclusif. 
Nous tenons, en effet, plus que personne, aux bonnes classifications, et nous 
reconnaissons , des premiers, qu’on leur doit les progrès réels qui ont immor- 
talisé nos maitres; mais nos réflexions spéciales, d'accord avec notre expé- 
rience personnelle, ne nous ont pas moins convaincu que la saine logique et 
les vrais intérêts de la science repoussent également, dans les études nouvelles, 
tout système qui n’allierait pas à l’observation des caractères physiques des 
animaux, celle de leurs mœurs et de leurs habitudes. Aussi nous efforcerons- 
nous toujours de reproduire, dans toute leur simple et énergique naïveté, 
sans autre ambition que celle de les faire, autant que possible, reconnaître 
à tous, les traits de cette nature si variée, dans son inépuisable richesse ; 
de cette nature, source de jouissances si douces pour qui ne veut que lad- 
mirer, éternel désespoir de quiconque ose prétendre à la peindre! 


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VOYAGE 


DANS 


L'AMÉRIQUE MÉRIDIONALE. 


NAN EEE EEE RENE EEE RENE LEUR 


OISEAUX. 


PREMIER ORDRE. 
OISEAUX DE PROIE, Æccrrrrres. 


(Linné, Cuvier, Vieillot.) 


La distribution comparative des oiseaux de proie sur l’ancien et sur le oiseaux 

. ° . de 

nouveau continent place dans l’ancien monde, en Europe, en Afrique où  oie. 
en Asie, les vautours proprement dits; et dans le nouveau, les vautours à —— 


caroncules ou sarcoramphes. Parmi les derniers, le roi des vautours paraît 
exclusivement cantonné entre les parallèles des tropiques ou les dépasse peu, 
nhabitant que les lieux boisés et chauds; tandis que le condor, qui joue 
un si grand rôle chez les anciens Incas, fréquente les zones glaciales; et, 
là même, non pas exclusivement la région des Andes, comme on la cru 
jusqu’à ce jour, mais aussi les terrains ondulés et froids, depuis le sud de la 
Patagonie jusqu’à la ligne. Dans cette dernière localité, on le trouve succes- 
sivement à toutes les hauteurs, au niveau de la mer, où règne une chaleur 
étouffante, aux derniers sommets des Andes, en des lieux où nulle autre 
créature vivante ne peut résister à la raréfaction de l'air. Le condor est, 
sans doute, de tous les oiseaux connus, celui dont le vol est le plus élevé; 
circonstance qui lui aura probablement valu, chez les Aÿmaras et chez les 


Incas, le rang qu'il paraissait tenir auprès du soleil, comme l'être qui s’en 
IV. Ois. 1 


(2) 

Oisaux approchait le plus’. Les cathartes sont tous d'Amérique”, où ils habitent 
ee toutes les hauteurs et toutes les latitudes, sans, néanmoins, s'élever autant 
que le condor, des glaces du pôle sud aux feux de la zone équinoxiale, où 
ils vivent également dans les plaines ou sur les montagnes, et rendent, par 
l'abjection même de leurs mœurs, de grands services à certaines villes, dont 
ils corrigent la malpropreté, en enlevant les immondices qu'y accumule la 
négligence de leurs habitans. Le reste de la série des vautours de Linné 
appartient à l’ancien monde. 

Nous croyons pouvoir séparer de la série des Accipitres, qui formait le 
genre faucon de Linné, et cela, afin d’en former une sous-famille des falco- 
nidées, des oiseaux appartenant exclusivement à l'Amérique, les caracaras 
d'Azara et de Cuvier, et ces rancancas de Vieillot, caractérisés par les mœurs 
dégoûtantes des vautours, qui ne vivent, le plus souvent, que d'animaux 
morts et corrompus, ou d’excrémens; ce qui les porte, comme les cathartes, 
à se rapprocher des lieux habités, émigrant en même temps que les hordes 
voyageuses et sauvages des plaines de l'Amérique. Ces oiseaux ont été dissé- 
minés dans différens genres, sans égard pour les rapprochemens faits de leurs 
mœurs, par le judicieux observateur Don Félix de Azara. 

Vient ensuite une grande série d'oiseaux répandus dans les deux hémi- 
sphères, les aquiléides ou oiseaux de proie ignobles de Cuvier; et, d’abord, se 
présentent les rostrames de Lesson, qui ne se trouvent qu'en Amérique, dans 
les lieux inondés, où ils vont en grandes troupes, se servant de leur bec singu- 
lier et de leurs ongles démesurément longs, pour saisir les poissons. Parmi les 
pygargues, l'Amérique a aussi ses espèces propres. L’aguia d’Azara (falco 
aguia , Temm.) est répandu partout dans les contrées froides et tempérées, 
surtout au bord de la mer ou des rivières, où il remplace notre orfraie ou 
pygargue. Les circaëtes, oiseaux voisins de notre jean-le-blanc (circaëtus 
gallicus, Nieïll.), sont également des deux continens; et la seule espèce de 
grande taille que nous en présente l'Amérique méridionale’, est aussi la seule 
qui veuille s'approcher des mouffettes empestées des régions australes qu’elle 
habite. La sanguinaire harpie, propre seulement aux immenses forêts chaudes 


1. Voyez la description des monumens antérieurs aux Incas, Relation historique. 

2. Nous ne pouvons, en effet, séparer des cathartes le Vultur urubu, que Cuvier range parmi 
les Perenoptères, et qui ne diffère que très-peu par les mœurs du Vultur aura, Lin., type de 
cette division. 

3. Circaetus coronatus, Temm. 


(3) 


et humides de la zone torride de l'Amérique est, peut-être, dans cette zone, 
Voiseau de proie le plus fort, et celui qui détruit le plus de ces paisibles 
singes, quelquefois les seuls habitans de ces forêts silencieuses. Les aigles- 
autours ou spizaëtes habitent les deux continens. Ceux d'Amérique sont des 
pays entrecoupés de bois, de plaines et de marais, et Purubitinga même peut 
être considéré plutôt comme un oiseau de marécages. Les autours et les éper- 
viers appartiennent aussi aux deux continens. En Amérique, ils peuplent 
plus particulièrement les bois et les montagnes boisées; ce sont les plus 
nombreux dans toutes les régions de l'Amérique méridionale. C’est parmi 
les autours que se trouve le plus criard, peut-être, de tous les oiseaux de 
proie, Pautour rieur, dont les cris ont donné lieu à des traditions supersti- 
tieuses très-répandues parmi les indigènes américains et même parmi les 
colons. Les milans (sous-genres Vauclerus, Vigors, et Elanus, Savigny) 
sont d'Amérique et d'Afrique; ceux du premier sous-genre, au moins le 
nauclerus furcatus, Vigors, planent des journées entières au-dessus des lacs 
et des marais. Les buses sont aussi communes aux deux mondes; mais nous 
les croyons beaucoup plus nombreuses en Amérique qu’en Europe, et même 
qu’en Afrique, la grande quantité et l'étendue des marais et des terrains entre- 
mélés de plaines et de bouquets de bois, favorisant beaucoup leur genre de 
vie. Elles se trouvent sous toutes les latitudes, depuis la Patagonie jusqu’à 
l'équateur, et du niveau de la mer à une très-grande hauteur sur les Andes. 
Il en est de même des busards, qui, assez voisins des buses par les mœurs, 
sont aussi répandus en Amérique, mais seulement dans les plaines boisées. 

Les falconides se trouvent dans les deux mondes, mais sont beaucoup 
moins nombreux en espèces dans le nouveau que dans l’ancien. Ce sont des 
oiseaux voyageurs, aussi peu sauvages que notre cresserelle d'Europe, et 
d'une adresse extrême pour la chasse. On les employait, après la conquête, 
à la chasse aux tinamous; et il n’y a pas long-temps qu'au Pérou et en Bolivia 
on les appliquait au même usage. 

Les oiseaux de proie nocturnes ou strixidées, contenus dans l’ancien genre 
Strix, Lin., et dont on a fait, avec raison, une série distincte de celle des 
autres oiseaux rapaces, sont également répandus dans lun et l'autre continent. 
Les effraies nous offrent, entre l’espèce d'Europe (strix flammea) et son 
analogue en Amérique, des rapports tels qu'il serait difficile de dire au juste 
si ces espèces ne sont pas identiques. De même qu’en Europe, les effraies 
américaines inspirent la terreur aux ames pusillanimes. Elles vivent aux lieux 
habités, dans les vicilles maisons ou dans les églises, et dans les rochers des 


Oiseaux 
de 
proie. 


———— 


(#7) 


Dia déserts, occupant toutes les latitudes et toutes les hauteurs. Le duc barré 


proie. 


n’habite que les forêts des lieux tempérés sous toutes les latitudes de l'Amé- 
rique méridionale, où il remplace notre grand duc de France. Les chevêches, 
qui abondent dans les deux continens, sont également réparties sous les lati- 
tudes les plus différentes, depuis la Patagonie jusqu'aux régions chaudes, 
et depuis le rivage de la mer jusqu’à 17,000 pieds au-dessus de l'Océan. Ce 
sont tous des oiseaux criards, attristant de leurs accens plus ou moins mé- 
lancoliques les vastes solitudes dont le voyageur se trouve à chaque pas 
entouré dans l'Amérique méridionale. Il est deux espèces de chevêches qui 
ne s’approchent jamais des lieux boisés, et qui n'aiment que les immenses 
savanes, ou les sommets arides des montagnes, où lune d’elles se blottit 
quelquefois dans des terriers appartenant à des mammiféres. Les scops sont 
des parties chaudes et tempérées des deux continens. 

On voit par les généralités qui précèdent, que presque toutes les séries 
d'oiseaux de proie sont également propres à l’ancien et au nouveau monde. 

En résumé, les seuls genres qui appartiennent exclusivement à l'Amérique 
sont : parmi les vulturidées, Îles sarcoramphes et les cathartes, remplaçant, 
dans cette partie du monde, les véritables vautours, propres seulement à 
notre hémisphère; parmi les falconidées, le petit groupe des caracaras, qui 
n’ont point d’analogues dans l’ancien monde, et qui, dans le nouveau, ne 
diffèrent des vautours que par leurs formes; car leurs mœurs les rattachent 
véritablement à ce genre. La harpie et le rostrame sont aussi des oiseaux 
purement américains, manquant d’analogues en Europe; car aucun de nos 
aigles n’est aussi fort que la harpie, et aucun de nos oiseaux aussi sociable 
que le rostrame. 

Considérons maintenant les oiseaux de proie sous le rapport de leur dis- 
tribution géographique ou du nombre d'espèces de ces oiseaux, que présentent 
les diverses localités de l'Amérique méridionale. 

Nous divisons en trois zones tout le terrain sur lequel s'étendent nos ob- 
servations; et ces trois zones seront considérées, chacune, sous le triple point 
de vue de leur latitude, de leur élévation au-dessus du niveau de la mer, 
et de la nature des terrains dont elles se composent. 

Notre premiere" zone s'étend, en latitude, du 11." au 28.° degré; et, en 


1. Cette division est celle que nous avons établie dans nos généralités sur toutes les branches 
de l’histoire naturelle, et qui fait le sujet de la planche géographico-zoologique de Patlas géo- 
graphique. 


(5) 
élévation, de 0 à 5,000 pieds, au-dessus du niveau de la mer; notre seconde, Oiseaux 
du 28. au 54.° degré en latitude, et de 5,000 à 11,000 pieds en élévation; se 
notre troisième, enfin, du 34.° au 45.° degré en latitude, et comprend, en 
élévation, toute hauteur supérieure à celle de 11,000 pieds. 

La première zone en latitude (celle qui s'étend du 41.° au 28.° degré) 
réunit naturellement, outre ses immenses plaines et ses immenses forêts, 
les terrains les plus élevés des Andes; aussi comprend-elle le plus grand 
nombre d'espèces ; car, indépendamment des espèces propres à la zone 
chaude et tempérée, on y trouve celles qui habitent une latitude moins 
élevée, la décroissance proportionnelle de la chaleur, à mesure qu'on s'élève 
sur le plateau des Andes, rendant bientôt la température de cette latitude 
égale à celle de la latitude la plus méridionale. Ainsi, pour peu que nous 
examinions, dans leur ensemble, sans tenir compte des zones d’élévation , 
toutes les espèces comprises entre ces deux parallèles, nous y en trouvons 
trente-huit, tandis que le nombre total des espèces observées ne s’élève 
qu'à quarante et une; calcul d’après lequel il ne reste plus, pour les deux 
autres zones en latitude, que trois espèces étrangères à la première, et 
propres aux plaines australes. Ce chiffre semblera d’abord énorme; mais 
les explications dans lesquelles nous allons entrer le feront paraître moins 
extraordinaire. 

Si nous considérons, dans cette première zone, les espèces propres à une 
élévation de 0, par exemple, à 5,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, 
au 12.° degré; élévation dont nous croyons la température moyenne équi- 
valente à celle de la latitude de quatre à cinq degrés en dehors des tropi- 
ques, on verra, de suite, notre grand total diminuer de toutes les espèces 
n’habitant cette latitude qu’en conséquence de l'extrême hauteur qu'y attei- 
gnent les Andes ; et le nombre en sera borné à vingt-huit; encore ce nombre 
se rapproche-t-il des deux tiers de la totalité des espèces observées ; tandis que 
les espèces différentes, et propres aux 2.° et 3.° zones d’élévation, ne donnent 
qu'un nombre minime de dix; nombre dans lequel, il est vrai, ne sont pas 
comprises celles qui habitent également une zone d’élévation moindre. 

La deuxième zone en latitude (du 28.° au 54.° degré) n'offre pas, à 
beaucoup près, autant d'espèces que la première; mais la diminution y est 
graduelle, ou de la moitié, si nous y faisons entrer la totalité des espèces qui 
se trouvent à toutes les hauteurs de la zone en latitude; et d’un tiers seule- 
ment, si nous n’en comparons les espèces qu'à celles de la zone proprement dite; 
car nous y trouvons dix-neuf espèces, dont neuf sont propres aux plaines et 


(6) 


Oisaux dix aux montagnes. On voit donc que le nombre des espèces y est plus grand, 


de 


proie. OÙ au moins égal, sur les montagnes; tandis que, dans la première zone en 


—— latitude, les oiseaux de plaine sont plus nombreux. Parmi ces espèces, quatre 


seulement sont propres aux plaines; les autres sont alpines ou de la 3.° zone. 

La troisième zone en latitude (du 34° au 45° degré) est celle qui 
comprend le-moins d'espèces; car nous n’y en avons pas trouvé plus de 
dix-sept, toutes des plaines ou des terrains peu élevés qui s'étendent des 
bords de l'océan Atlantique au pied des Cordillières du Chili. La proportion 
est de moins d’un tiers, comparée à la totalité des espèces de la première 
zone en latitude, et de près de la moitié, eu égard au nombre des espèces 
de la zone même dont nous parlons. Parmi ces dernières, huit se trouvent 
aussi au sommet des Andes, et neuf sont patagones ou propres soit aux 
plaines sèches, soit aux rives maritimes de la zone. 

Considérons maintenant les oiseaux de proie relativement à la distribution 
de leur habitation en hauteur, tout en comparant les espèces des zones 
d’élévation aux espèces des zones en latitude, pour les plus australes. 

La première zone en élévation (de 0 à 5,000 pieds au-dessus du niveau de 
la mer) comprend les espèces qui, au 27.° degré de latitude, par exemple, 
vivent surtout dans les plaines; mais la différence de température est si peu 
sensible, que toutes les espèces, à moins qu’elles ne soient propres à tels 
ou tels terrains, en occupent indifféremment les parties les plus basses ou 
les plus élevées. 

Dans la seconde zone en élévation (de 5,000 à 11,000 pieds au-dessus 
du niveau de la mer) nous trouvons neuf espèces, dont deux seulement 
propres à cette région ou à ses localités, outre les autres appartenant à la 
2. ou à la 3.° zone de latitude, où elles vivent dans les plaines dont la tem- 
pérature est à peu près la même, et dont le terrain présente à peu près le 
même aspect que dans la zone élevée; ces espèces ayant, d'ailleurs, retrouvé, 
lors de leurs migrations, des terrains analogues à ceux qu’elles habitent dans 
les plaines australes. 

La troisième zone en élévation (celle qui se trouve à plus de 41,000 pieds 
au-dessus du niveau de la mer) nous a offert neuf espèces, sur lesquelles il 
ne s’en trouve qu'une alpine, toutes les autres appartenant à la Patagonie 
et aux Pampas. 

On peut conclure de tout ce qui précède, que les oiseaux de proie suivent 
toujours la même loi de distribution géographique que les autres séries d’oi- 
seaux; C’est même parmi eux que, dans la 3.° zone en élévation, ou dans la 


(7) 
3." zone en latitude qui lui correspond, nous retrouvons, le plus souvent, la oiseaux 
même espèce, au lieu des espèces seulement analogues que nous présentent ae 
quelques genres des ordres suivans. 

La structure des terrains doit influer beaucoup sur le lieu qu'habite chaque 
espèce. Celles qui couvrent une plus grande surface nous en offrent une 
preuve. Le condor, par exemple, qui habite depuis les terres les plus aus- 
trales jusqu'a la ligne, ne pousse jamais ses migrations jusqu'aux plaines 
éloignées des montagnes sèches et arides; et, s’il se voit en Patagonie, c’est 
qu'il y est attiré par les hautes falaises du littoral de la mer, par le voisi- 
nage des montagnes de San-Jose, et par l’analogie des terres de la contrée 
avec celles qui lui sont propres. Il en est de même de la buse tricolore et 
de l'aigle agwia, qui appartiennent surtout aux localités montueuses; mais 
certaines espèces échappent à cette influence; car le caracara ordinaire et 
les deux espèces de cathartes habitent indifféremment, sous toutes les zones, 
les plaines ou les montagnes, pourvu qu'il sy trouve, à défaut d'arbres, 
soit quelques buissons, soit même seulement des rochers escarpés, où ils 
puissent se poser. 

Si nous examinons, maintenant, la distribution des espèces sous le seul 
point de vue des localités particulières, nous voyons, par exemple, que très- 
peu d’entr'elles habitent les grandes forêts ; encore n’en habitent-elles que 
les lisières, et non l’intérieur, comme on a paru le croire jusqu’à présent. 
Les terrains qui abondent le plus en oiseaux de proie, et où ces oiseaux 
vivent et chassent de préférence, sont les terrains peu élevés, ou plutôt en- 
tièrement plats, ou les terrains entrecoupés de plaines, de bouquets de bois 
épars, de marais étendus, et d’un grand nombre de canaux naturels d’écou- 
lement, dont les bords sont toujours boisés. La grande harpie même, qui, 
sans contredit, peut être, plus que tout autre, considérée comme un oiseau 
forestier, ne suit jamais que les bords des rivières. 

En divisant tous les oiseaux en trois classes, et par le nombre des espèces 
qui habitent, d’abord, les terrains boisés que nous venons de décrire; en- 
suite, les plaines arides et seulement couvertes de petits buissons; puis, 
enfin, les montagnes; le nombre d’espèces, pour les plaines boisées, sera de 
trente-trois, C'est-à-dire de plus des trois quarts de la totalité des espèces 
observées; pour les plaines arides, il sera de dix-neuf, c’est-à-dire de moins 
de la moitié de ce chiffre, et de seize, ou un peu plus du tiers, pour les 
montagnes. Îl est bien entendu qu'à ces nombres se joignent toujours les 
espèces qui passent sans cesse d’une localité à l’autre. 


Oiseaux 


e 
proie. 


(8) 

De toutes ces observations il résulte que le nombre des espèces décroissant 
proportionnellement aux yeux de l'observateur qui marche des parties chaudes 
au pôle, ou s'élève des régions basses des tropiques au sommet des Andes, 
diminue en raison à peu près égale, dans leur passage des terrains boisés 
aux plaines, et des plaines aux montagnes. Le petit tableau suivant offre, 
en résumé, l'échelle comparative de ce système de diminution dans le nombre 
des espèces. F0 


NUMÉRO fn caso 08 mit Pau} ét ent NES 
de DE LATITUDE Nombre D'ÉLÉVATION Nombre D'HABITATION , Nombre 
ZONES: (échelle des degrés). me re RE se es. | selon la nature des terrains. Fes 
| É Du r1.° au 28€ ....,... 28 À De o à 5,000 pieds ..... 28 [Lieux boisés; marais; canaux] 39 
LS vert naturels. ETES 
IIS | Du 28.° au 34°........ 19 | De 5,000 à 11,000 pieds..| 9 Plaines arides etbuissonneuses.| 19 


On pourra demander pourquoi le plus grand nombre d'espèces d'oiseaux 
de proie habite les régions chaudes, et particulièrement les parties où se 
trouvent des marais et des bouquets de bois séparés. Cest parce que la 
plupart des oiseaux de proie de l'Amérique méridionale ne se nourrissent 
pas seulement de petits oiseaux et de mammifères, comme la plupart de nos 
oiseaux d'Europe, mais aussi de reptiles aquatiques et terrestres qui abondent 
dans ces terrains, ainsi que de poissons, et même d’insectes. Les faucons 
sont, en Amérique, les seuls oiseaux de proie qui chassent spécialement aux 
oiseaux et aux mammiferes; tous les autres mangent des animaux de toutes 
autres sortes; ce qui a fait supposer à Azara’ que les oiseaux de proie améri- 
cains pourraient bien participer à l’indolence caractéristique des habitans de 
cette partie du monde. Ils sont, en effet, moins agiles que ceux d'Europe, à 
l'exception, pourtant, des falconides, qui conservent, partout, leur vivacité 
caractéristique, ce qui est, au reste, très-facile à concevoir; car, d’après leur 
genre de vie, ils ont, le plus souvent, besoin de se percher au bord des eaux 
ou à la lisière d’un bois, afin d’y guetter la sortie d’une grenouille, d’un lézard 
ou d’un insecte, qu'ils saisissent aussitôt, et qu'ils mangent à terre; aussi ne les 
voit-on que rarement planer à la manière de notre jean-le-blanc ou de nos 


1. Voyages dans l'Amérique méridionale, tom. III, pag. 5. 


(9) 


aigles; car l’aguia même et les buses, qui sont les oiseaux qui planent le plus, oiseaux 
ne le font que peu d’instans dans la journée, et surtout le matin. de 

Nous avons trouvé, dans beaucoup d’espèces d'oiseaux de proie américains, 
un instinct de sociabilité entièrement étranger à ceux d'Europe, qui, les 
vautours exceptés, ne se réunissent Jamais en troupes. Les vautours d’Amé- 
rique sont aussi sociables que ceux d'Europe; ils se réunissent pour dépecer 
les animaux morts; et les caracaras, leurs fidèles imitateurs, se réunissent, 
comme eux, sur les mêmes pâtures, aussi familiers et aussi peu défians ; 
mais, dans les réunions des caracaras, nous voyons un motif d'intérêt de 
plus, Pappât dun aliment qui leur est commun, et peut-être y entre-t-il 
peu d'idées vraiment sociales. Il n’en est pas ainsi de la réunion en grandes 
troupes d’oiseaux de la même espèce appartenant aux autres séries, lesquels 
voyagent de concert, s'arrêtent au bord du même lac, se posent tous sur 
le même arbre, ou sur le même buisson, voisins des eaux, dans les plaines 
boisées, et ne se séparent que rarement, au moins pendant leurs voyages ; 
car nous ne savons pas encore s'ils ne se rassemblent pas pour une migration 
annuelle. Quoi qu’il en soit, les oiseaux doués de cette faculté sont les cy- 
mindis bec en hamecon (genre Rostramus), qui restent ainsi réunis au moins 
trois mois de l’année , comme nous avons pu nous en assurer par nos propres 
observations, à la frontière du Paraguay. 

Les buses plombées (Falco plumbeus, Lath.) ont les mêmes habitudes. 
Nous les avons vues, à la lisière des bouquets de bois, se poser, en grandes 
troupes, sur le même arbre mort, et rester là toute la journée, les unes 
chassant, les autres se reposant, et ces dernières reprenant leur vol, quand 
leurs compagnes revenaient au gite. On s'étonne de rencontrer cet instinct 
social parmi des oiseaux que leur genre de vie semblerait devoir rendre 
jaloux, querelleurs, et disposer mal à se réunir; car, sauf les espèces que 
nous venons de citer, les oiseaux de proie vivent toujours isolés, sans 
éprouver cette sorte d'attraction qui rapproche les animaux de même espèce. 
À peine, même au temps des amours, ces oiseaux voraces restent-ils unis 
par couples deux mois au plus, pour s’abandonner et ne plus se reconnaître 
ensuite. [Il est vrai que, dans cet intervalle, soumis comme le reste de la 
nature, à la loi qui régit tout être sensible, ils paraissent devenir aussi 
aimans qu'ils étaient farouches, et se partagent le soin d'élever leur nichée; 
mais dès que les petits sont assez forts pour chercher leur nourriture, le 
couple se sépare, et ne présente plus, comme auparavant, que des êtres égoïstes 
et féroces. Plus ils sont carnassiers, moins ils sont disposés à la société, leur 


IV. Oùis. 2 


(10 ) 
Oiau genre de vie les en éloignant naturellement; et nulle part on ne les voit 
É. vivre ensemble pendant presque toute l’année, comme font habituellement 
7 les passereaux, les grimpeurs, les gallinacées, les échassiers et les palmipèdes. 

Un autre genre de réunion, purement fortuite, a lieu dans les immenses 
savanes de l'Amérique. Les habitans ont la coutume d’incendier, tous les 
ans, les campagnes, afin d’en renouveler les pâturages. Cet incendie porte le 
désespoir au sein d’une foule innombrable d’êtres paisibles qui se croyaient, 
dans leurs riches plaines, à l'abri des serres acérées de leurs mortels ennemis. 
Les petits mammifères, les reptiles, et des insectes en bien plus grand nombre, 
fuient, en toute hâte, ces torrens de flamme, au-delà desquels les attendent 
des myriades d'oiseaux de proie que leurs mœurs tiennent d'ordinaire éloignés 
les uns des autres, mais qu'un instinct commun de voracité rassemble, 
momentanément, sur ce théâtre de destruction, où les caracaras surtout se 
précipitent en majorité, plus criards et plus acharnés que les autres, au milieu 
du pétillement des feux dévorateurs, et parmi des flots d’une épaisse fumée, 
tandis que quelques buses, intimidées par les flammes, auxquelles les cara- 
caras sont aguerris, planent lentement autour du brasier, en ÿ cherchant 
leur proie, que le faucon léger, plus rapide dans son vol, vient audacieuse- 
ment leur soustraire, à l’instant même où elles croient s'en saisir. Rien de 
plus singulier que cette réunion spontanée d’oiseaux, devançant à tire d'ailes 
la marche accélérée des flammes, et se disputant avec avidité la conquête de 
faibles victimes, qui, déjà vaincues par l’épouvante, n’échappent à un fléau 
que pour succomber à un autre. Quand le feu vient à cesser, tous ces 
oiseaux se dispersent, et commencent isolément une chasse plus facile, quoi- 
qu'aussi productive. Îls parcourent les terrains incendiés et couverts de cen- 
dres, afin d'y chercher les cadavres à moitié brülés des reptiles et des petits 
mammifères qui n'ont pu se dérober aux flammes; mais alors, rentrés dans 
leur caractere, on les voit éviter l'approche de leurs semblables, en emportant 
leur proie dans leurs serres, afin d’aller la dépecer dans un lieu solitaire, 
où, quoiqu'isolés, ils jettent encore, de temps en temps, autour d’eux, un 
regard inquiet, dans la crainte d’avoir à la partager, délivrés de toute inquié- 
tude seulement quand ils ont consommé leur sanglant festin. 

Dans un pays où le plus grand nombre des oiseaux de proie se nourris- 
sent de reptiles et d'insectes, il est curieux de voir les oiseaux des autres 
ordres devenir aussi carnivores. Les oiseaux domestiques sont, pour la plupart, 
nourris avec de la viande, dont les poules sont très-friandes, ainsi que les 
canards; et il n’est pas jusqu'aux oiseaux sauvages qui abandonnent les graines 


(14) 
et les insectes, leur nourriture habituelle, pour venir manger la viande que les Oiseaux 
habitans exposent au soleil, afin de la faire sécher. Nous avons vu des frin- A 
giles, des troupiales et des gobe-mouches rechercher cet aliment avec une 
voracité et un acharnement qui ne leur sont pas naturels à l’état sauvage, 
et qu'on ne peut attribuer qu’à l'extrême facilité qu'ils ont de se le procurer. 

Comme le démontreront nos comparaisons partielles des genres ou des 
espèces, la plupart des oiseaux de proie présentent, dans l’ancien et dans 
le nouveau monde, le même nombre d'œufs de ponte, la même disposition 
générale de nids; et, nous ne craignons pas de lassurer, les taches de leurs 
œufs ont la même forme et sont généralement distribuées de la même 
manière. 

La marche des oiseaux de proie diffère beaucoup en raison de leurs diverses 
séries. Ainsi la marche lente et compassée des vautours et des caracaras se 
distingue bien du sautillement des faucons et des buses. Les oiseaux de ces 
deux premières séries restent, en effet, volontiers, à terre; quelques-uns même 
s’y tiennent continuellement, perchés par intervalle, et encore sur les rochers; 
tandis que les autres, quoique se promenant quelquefois, aiment à passer 
presque toute leur vie seulement sur les arbres. 

Les aquiléides et les falconides, par exemple, posent très-rarement sur le 
sol; d'ailleurs, ils ne vont que par sauts, pour se rapprocher de objet qu'ils 
cherchent; mais, le plus souvent, ils saisissent leur proie au vol, lenlèvent 
avec leurs serres, et vont la manger au loin. Ils ne demeurent à terre que 
peu de temps, reprennent leur vol, et vont faire la digestion sur les branches 
basses ou élevées des arbres de la lisière des bois. 

Le vol diffère aussi beaucoup, en raison de la diversité des séries; parmi 
les vautours même il varie tellement, quil serait difficile d’en fixer, pour 
eux, le caractère général. Le plus souvent, néanmoins, leur vol est élevé, 
rapide par intervalle, la plupart du temps assez lent. Cest parmi les vau- 
tours, et non parmi les aigles, comme le pensait Buffon, que se trouvent 
les oiseaux dont le vol s'élève le plus; car le condor disparaît à la vue, au- 
delà du plateau des Andes, d’un point déjà placé à plus de deux mille toises 
d’élévation au-dessus du niveau de la mer, ce qui peut faire supposer une 
hauteur au moins égale au-dessus de son point de départ; hauteur effrayante, 
sans doute, pour tout le monde, mais que trouve plus extraordinaire encore 
l'observateur victime de la raréfaction de l'air, dans une région de 16 à 17,000 
pieds au-dessus du niveau de lOcéan. Quelques autres oiseaux ont la singu- 
lière habitude de tournoyer sur un lieu quelconque, à une élévation pro- 


(12) 

Oisau digieuse, et de s’y laisser tout d’un coup tomber comme une balle, faisant 
ne alors un bruit semblable au sifflement d’une flèche lancée avec force; puis, 
en arrivant près de terre, ils reprennent leur vol habituel. Les vautours 
sont, en général (car très-peu d'espèces font exception à cette règle), les 
seuls oiseaux qui planent à une très-grande hauteur au-dessus du sol. Quel- 
ques espèces d’aigles s'élèvent assez haut dans les airs; mais elles y restent 
peu, et préfèrent les régions plus tempérées. Les buses planent à la manière des 
jean-le-blanc, sans toutefois parcourir jamais, avant de se reposer, une aussi 
grande surface de terrain qu'en Europe; ce qu'il faut peut-être attribuer à la 
plus grande facilité qu’elles ont de saisir leur pâture. Les oiseaux de proie qui, 
dans les autres parties du monde, sont toujours défians, inquiets, et peu 
accoutumés à vivre auprès de l’homme, semblent vouloir s’en rapprocher 
en Amérique. Les cathartes et les caracaras ne se voient jamais dans les 
lieux déserts, à moins qu’ils n’y soient attirés par quelques troupes de grands 
mammifères, comme celles d’otaries, sur la côte de Patagonie. Ces oiseaux 
sont devenus les compagnons fidèles des migrations des nations sauvages; 
et, comme nous l'avons établi déjà, les voisins utiles des habitans des cités, 
où quelquefois même des lois spéciales les protègent. Les faucons sont géné- 
ralement plus farouches; mais quelques faucons proprement dits adoptent 
pour demeure une maison, une église, au sommet desquelles on les voit se 
reposer un instant, pour en partir ensuite à tire d’ailes, afin de parcourir 
les environs, sans paraître en rien s'inquiéter de la présence de l’homme. 

Les buses et, en général, tous les oiseaux ignobles de Cuvier ou aquiléides, 
sont, comparativement, moins sociables; se tenant toujours à distance des 
lieux habités, et même, par instinct de nature, plutôt que par besoin réel, 
s’'envolant à la première approche de l'ennemi de tous les êtres. Ces oiseaux 
sont, pourtant, beaucoup moins farouches que les espèces européennes, que 
lon ne peut prendre que par surprise; ils ne s’envolent pas, à beaucoup 
près, d'aussi loin; mais le caractère de défiance propre aux animaux car- 
nassiers se trahit à chaque instant dans toutes les espèces de cette série. 
Les oiseaux de proie nocturnes suivent les mêmes lois que ceux d'Europe, 
pour le degré d’instinct qui les rapproche de notre espèce. Les effraies 
d'Amérique vivent, comme les nôtres, dans les édifices, au milieu des villes, 
tandis que tous les autres se tiennent, le jour, au plus épais des bois, pour 
chercher, la nuit, au sein des déserts, une nourriture abondante. 

Nous avons cru remarquer que quelques espèces d’oiseaux de proie pré- 
sentaient, en Amérique, une disproportion bien moins grande qu’en Europe 


R (13) 

entre la taille du mâle et celle de la femelle; disproportion telle, que qui- oiseaux 
conque ne les verrait pas réunis, serait tenté d’en faire des espèces distinctes. Fa 
Cette disproportion se remarque surtout dans le nisus hemidactylus, Tem.; 
mais nous voyons, au contraire, que, dans la plupart des autres, elle se 
réduit presqu’à rien, et disparaît même entièrement. Les faucons proprement 
dits, par exemple, et quelques buses, ne diffèrent que très-peu pour la 
taille. Nous avons observé, dans les oiseaux de proie, une autre modification 
de forme résultant de la différence d'âge. Nous voulons parler du plus ou 
moins de longueur de la queue dans les jeunes et dans les adultes. Il est 
reconnu que, parmi les passereaux et les gallinacées, par exemple, les jeunes 
sont tout à fait privés de cet ornement dont se pare, chez eux, le mâle adulte; 
et, en raisonnant par analogie, la queue des oiseaux de proie devrait être 
aussi plus longue dans les adultes que dans les jeunes; mais lobservation 
nous à constamment présenté le phénomène contraire, qu’on peut regarder 
comme un caractère propre aux oiseaux de proie; les jeunes, en effet, ont 
toujours, chez eux, la queue plus longue que les adultes. exemple unique 
dans la série des oiseaux. 

Une dernière observation complétera, du moins dans nos vues, ces indi- 
cations générales. 

Buffon, assez plausiblement, a pu classer parmi les oiseaux de proie les 
pies-grièches, parce que, bien que privées de beaucoup de caractères du genre, 
elles en reproduisent quelques habitudes, puisqu'elles mangent de la viande, 
et même quelquefois tuent des oiseaux de petites espèces. Azara, d’un autre 
côté, a pu, jusqu’à un certain point, se croire autorisé à joindre aux oiseaux 
de proie les toucans, parce que, dans une saison de l’année, ils cherchent 
les nichées, pour en dévorer les œufs, et même les jeunes oiseaux; mais 
Cuvier, faisant justice de ces rapprochemens erronés, détache, avec raison, 
de la série des oiseaux de proie, et les pies-grièches et les toucans, qui appar- 
tiennent à des séries bien différentes, pour réduire la série qui nous occupe 
aux sujets qui la composent effectivement, et qui, probablement, lui appar- 
tiendront toujours ; aussi ne saurions-nous trop nous étonner de voir notre 
savant collègue, M. Lesson', y placer le cariama ou sariama, uniquement 
parce qu'il mange des reptiles et surtout des serpens. Ne pourrait-on pas lui 
objecter que, comme le cariama, la cigogne habite les hauteurs, et s’y nourrit 
de serpens, sans avoir pourtant jamais été mise au nombre des oiseaux de 
ne AR SM Se 0, ban as den 

1. Traité d’ornithologie, pag. 16. 


(14) 


ie proie? Nous avons beaucoup étudié les mœurs du sariama; et, sans parler 
prie. de ses longues jambes nues, du manque d’ongles crochus, et de son bec peu 
semblable à celui des oiseaux de proie, nous croyons pouvoir assurer qu'il 
appartient bien certainement à la série des échassiers, dont il a tous les 
caractères et dans laquelle il figure depuis long-temps. La description détaillée 
que nous donnerons de cette espèce à son ordre, pourra convaincre de ce 
que nous avancons. 

Le tableau suivant présente la division générale des oiseaux de proie telle 
que nous la concevons, en nous renfermant toujours exclusivement dans les 
espèces américaines. 


Sarcoramphes. 
‘| Cathartes. 
Rancancas. 
Phalcobènes. 


[°° Famille : Vuzruridées. Vultur, Lin. . . . .. DEA ENUEE 


1.e Sous-famille : Caracarides . . .. 


Caracaras. 
Rostrames. 
Circaëtes. 
Aigles-pêcheurs. 


Harpies. 
OISEAUX IL. Famille : Farco- 


À ù Aigles-autours. 
DE PROIE. nDées. Falco, Lin.\ 9e Sous-famille : 4quiléides . . . . 


Autours. 
Milans. 
Cymindis. 
Buses. 
Busards. 
Éperviers. 
3. Sous-famille : Falconides . . . . .| Falco. 
Strix. 
.] Ducs. 
Chevèches. 
Scops. 


IL Famille : SrrixiDées. Strix, Lin. ....,...,.... 


[" FAMILLE. 


VULTURIDÉES, Vigors. 
Famizce Des VAUTOURS, Cuv.; Vautourins, Vieill.; Fultur, Lin. 


Ceux des caractères des vulturidées qui les distinguent des falconidées sont 
trop connus pour que nous ayons à nous en occuper; et nous croyons même 
devoir relever seulement ceux qui sont propres aux genres américains , objet 
spécial de nos recherches. 


(15) 

Nous avons déjà démontré que les vulturidées, bien que se rapprochant oiseau 
beaucoup, quant à leur distribution géographique, puisqu'ils appartiennent A 
à presque toutes les zones de latitude et de hauteur, n’en ont pas moins des 
mœurs et des lieux d'habitation très-différens. Les cathartes, en effet, sont 
toujours vagabonds et sans aucun domigile fixe; tantôt planant au sommet 
des montagnes glacées, tantôt abattus sur les plaines les plus chaudes, et 
vivant indifféremment dans les lieux arides, ou sur la lisière de ces immenses 
et majestueuses forêts, qui couvrent une partie des vastes déserts du pays; 
mais il en est autrement des sarcoramphes. Ainsi le vultur papa, craintif 
par nature, s'éloigne, seulement dans les pays chauds, des forêts ou de leur 
lisière; tandis que le condor cherche, tour à tour, les terrains arides et décou- 
verts, soit des lieux où l’homme pasteur porte sa domination habituelle, soit 
des lieux les moins accessibles; et s'élève du niveau de la mer à celui des neiges 
perpétuelles, vivant depuis les régions polaires jusqu’à la ligne. En général, 
les cathartes aiment les habitations, autour desquelles ils se montrent très- 
familiers, tandis que les sarcoramphes ne s’en approchent qu’à la dérobée, 
et seulement dans le cas où s’y trouvent des troupeaux. 

Les cathartes exhalent continuellement une odeur que les habitans com- 
parent, pour quelques espèces, à celle du musc; aussi, dans l'intérieur de la 
Bolivia, disent-ils toujours, en flairant odeur du muse, qu'ils sentent le sucha 
(catharte). IL est vrai que l'odeur quexhale le corps de ces oiseaux et la 
liqueur sécrétée de leurs narines, ont quelque rapport avec celle du musc, 
mais désagréable et nauséabonde. 

Autant les cathartes sont dédaignés ou regardés avec indifférence, en ce 
qu'ils ne nuisent en aucune manière aux habitans, à qui même, comme 
nous l'avons dit, ils épargnent, dans les villes, la peine d’enlever les immon- 
dices; autant les sarcoramphes s’en font redouter, en portant souvent la 
terreur et le ravage parmi les troupeaux et dans les basses-cours. [ls compro- 
mettent constamment les intérêts des agriculteurs, et les embarrassent beau- 
coup, en les obligeant à une surveillance d'autant plus active, qu'ils sont 
plus promptement réunis par bandes, dès qu’une proie commune les attire 
dans un même lieu; sociables alors, mais alors seulement, sauf à se disputer, 
plus tard, le fruit de leur conquête; car chez eux, comme chez tous les bri- 
gands, la part du plus faible est toujours confisquée au profit du plus fort. 
Point de distinctions d'espèces dans ces associations dévastatrices. Tous les 
membres de la famille, y compris même les caracaras, s’acharnent sur la 
même curée. Îls mangent alors avec tant de voracité, que leur jabot devient 


(16 ) 
Oiseaux saillant après leur repas, qu’ils ne volent plus qu'avec peine, obligés qu'ils 
pri. Sont de parcourir un assez grand espace de terrain avant de reprendre leur 
essor, ce qui même cause la mort de beaucoup d’entr'eux, surtout de beau- 
coup de sarcoramphes, les habitans saisissant ce moment pour les poursuivre, 
et les atteignant alors sans peine. Le catharte aura est le seul qui n’ait point 
à souffrir de son avidité dans cette circonstance. 

Tous ne volent pas de la même façon; mais, généralement, leur vol est 
très-prolongé. On les voit, pendant plusieurs heures, planer, en suivant 
la lisière des bois, ou les sinuosités des montagnes et des vallons, ou tour- 
noyer à une grande hauteur; puis, dès qu’ils sont repus, rester des journées 
entières perchés, soit au faîte d’une maison, soit sur un aïbre, soit dans 
les anfractuosités d’un rocher ou d’une falaise. Là, le col enfoncé dans les 
épaules, le corps presque horizontal, ils font la digestion, ou attendent la 
fin de l'orage, si le mauvais temps est le motif qui les oblige à s'arrêter. 
Ils marchent par sauts, et rarement à pas lents, comme les caracaras. 

Leur vue est au moins aussi perçcante que celle des falconidées; car ils 
distinguent une proie et se laissent tomber dessus, bien que perdus au sein 
des nuages, à une hauteur telle qu'on ne saurait quelquefois les apercevoir; 
et nous supposons que leur odorat n’est pas moins fin, car ils paraissent 
flairer, au milien d’un bois, telle proie que l’épaisseur du feuillage dérobe à 
leur vue. Nous les avons vus aussi sentir, d’assez loin, un corps caché sous 
terre, et dont leur odorat pouvait seul leur révéler l’existence. Leur cri, géné- 
ralement, est rauque et désagréable; mais ils ne le font entendre que lorsqu'ils 
se disputent une proie, ou dans les querelles amoureuses. On ne les voit par 
paires qu’au temps des amours; ils dépouillent alors momentanément leur 
égoïsme naturel. La femelle pond, d'ordinaire, deux à trois œufs, jamais 
plus, et rarement moins de deux, toujours couvés par la femelle seule; mais, 
dès que les petits sont nés, le père et la mère, devenus de tendres parens , se 
partagent leur éducation. Tous sont couverts, dès le premier âge, d’un duvet 
blanchätre, long et doux, qu'ils ne perdent que lentement. 

Les Américains indigènes, naturalistes par instinct, savent bien distinguer, 
pour quelques-uns, les caractères génériques qui réunissent telles ou telles 
espèces ou les rapprochent de telle autre. Ainsi, par exemple, les Guaranis 
désignent tous les vulturidées par le nom générique d’iribu'; et, en leur 


1. Ce mot, qui s'écrit tribu, suivant le dictionnaire guarani, doit se prononcer wrubou, en 
donnant aux w un son guttural intermédiaire entre le son de cette lettre et celui de Pr. 


(477) 


donnant, de plus, un nom distinctif d’espèces, les Indiens Chapacuras de oiseaux 
Moxos leur conservent le nom générique de Motojo; tandis que les Mucho- Se 
jeones de Moxos font entrer, dans la composition des noms spécifiques , une 
radicale, par exemple, celle d’Z, comme dans L-sevi, Ichan, L-ochere. en 


est de même des Moxos pour la radicale ni, dans ni-cuya, ni-quetzo, ni-reech. 


Gevre SARCORAMPHE, Sarcoramphus, Duméril. 


Comme nous l'avons déjà vu, ce genre n’est composé que de deux espèces, 
toutes deux exclusivement américaines. Les oiseaux qu’il rassemble sont si 
connus, qu'il nous paraît inutile d'en reproduire ici les caractères géné- 
riques, dont les principaux sont la* présence de caroncules et de crêtes 
charnues. 

Temminck réunit sous le nom de Cathartes d'Illiger, les Percnoptères, les 
Cathartes et les Sarcoramphes ; il les divise en deux séries, selon leur distri- 
bution géographique, mettant, dans la première, les Cathartes et les Sarco- 
ramphes, qui sont des espèces américaines; et, dans la seconde, les espèces 
de l'ancien monde. Nous ne sommes pas de son avis, et nous croyons pouvoir 
conserver les deux genres déjà établis de Cathartes et de Sarcoramphes. 

M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, dans un mémoire de généralités sur les 
oiseaux ’, distingue, avec raison, le Condor des Sarcoramphes, en en formant, 
sous le nom de Gryphus, un sous-genre caractérisé par plusieurs rapports 
de formes et de taille, et surtout par la position du pouce, placé si haut 
qu’il peut à peine toucher à terre. 


SARCORAMPHE CONDOR , Sarcoramphus gryphus, Lin. 


Sarcoramphus cuntur, Duméril; Vultur gryphus, Humboldt, Zool. pag. 31, pl. 8, 9; Temm. 
pl. 133-408. 


Sarcoramphus carunculd verticali, oblongä , integrä; gul& nudd, torque albo, 
reliquo corpore ex atro cinerascente. Humb. 


Le condor a été trop bien décrit par MM. de Humboldt et Temminck, pour qu'il 
soit besoin de le décrire de nouveau. Cet article se réduira donc, quant aux caractères, 
à quelques éclaircissemens qui nous paraissent indispensables sur les divers âges de 
l'animal; et, quant à ses mœurs, à tous les renseignemens que nous avons pu obtenir, 
pendant cinq années de séjour aux lieux qu’il habite. 


1. Mémoires de l’Académie des sciences (savans étrangers), tom. III. 
IV. ois. 


ON 


Oiseaux 
de 


proie, 


(18) 


Le mäle adulte seul porte la crète; la femelle en est toujours dépourvue, ainsi que 
des plis du cou. Les jeunes, au sortir de l’œuf, sont couverts d’un duvet long et frisé, 
que M. de Humboldt compare avec raison à celui des jeunes chouettes. Ce duvet, qui 
couvre également les jeunes de toutes les espèces de sarcoramphes et de cathartes, 
se maintient quelques mois. Il est gris-blanc dans le condor et bientôt recouvert de 
plumes d’un brun noiràtre, qui conservent deux ans cette teinte, d’ailleurs plus ou 
moins foncée. La seconde année, à l’époque de la mue, qui précède l’époque des amours, 
les plumes repoussent un peu plus noires, sans montrer encore la tache blanche des 
rémiges. La collerette blanche commence à paraître dès cette époque, et non pas, 
comme on l’a dit à M. de Humboldt, seulement la troisième année. Il est vrai qu’elle 
est alors étroite. Le mâle n’a pas encore de crête charnue et ne commence à la prendre 
que la troisième année, époque à laquelle la collerette devient touffue et aussi belle 
qu'elle doit l'être tout le temps de la vie de l'animal. C’est à cette même époque que 
les plumes, d’abord d’une couleur partout uniforme, commencent à blanchir aux 
rémiges; nous disons, commencent, parce qu’au dire des habitans, les condors ont 
d'autant plus de blanc qu'ils sont plus vieux. C’est cette tache blanche qui a fait dire 
à Garcilaso de la Vega: qu’ils étaient noir et blanc, par pièces, comme les pies. 

Nous avons remarqué que toutes les figures données jusqu’à présent ont outré 
la couleur des parties charnues, en les faisant beaucoup trop rouges. La crête est 
ordinairement noirâtre, et le bas du cou de couleur livide. 

Il serait inutile d'augmenter le nombre des discussions déjà publiées par les auteurs 
sur la véritable taille des condors, qu’on peut voir, d’ailleurs, tous les jours au Jardin 
des plantes. Nous nous contenterons de dire que ceux que nous avons mesurés dans 
le pays n'avaient pas plus de trois mètres d'envergure. Nous en avons mesuré sur les 
Andes et sur la côte de la Patagonie, et tous approchaïent plus ou moins de cette taille. 
Leur longueur ordinaire est d’un mètre vingt-cinq à trente centimètres. Parmi ceux 
que nous avons mesurés sur les Andes et dans les régions australes, nous n’avons 
observé aucune différence de taille notable, quoique MM. Temminck et de Humboldt 
disent, d’après les voyageurs, que ceux du Chili doivent être plus grands. La femelle 
du condor est un peu plus grande que le màle, ce qui est vrai de presque tous les oiseaux 
de proie; mais nous avons cru remarquer que la différence est moins sensible dans cette 
espèce que dans toutes les autres. 

Nous ne voyons donc plus ces géans des oiseaux du nouveau monde, décrits avec 
tant d’exagération par le père Acosta?, qui dit qu’ils sont de force non-seulement à ouvrir 
un mouton, mais encore à manger un veau; ou par Garcilaso de la Vega, contant, avec 
son ingénuité ordinaire, que deux condors attaquent une vache et un taureau et les 
mangent, et qu'ils ont tué des jeunes gens de quinze à seize ans; ou par Desmarchais, 
enfin, qui prétend que le condor enlève un cerf. Cette taille et cette force si exagérées , 


1. «Son blancos y negros à remiendos como las urrucas.” Comentario real de los Incas. 
2. Lib. IV, cap. 37. 


(19) 


et auxquelles a donné crédit le témoignage de tant d'auteurs, nous les ramènerons à leur Oiseaux 
juste valeur, comme l’a déjà fait M. de Humboldt. Elles ne sont pas au-dessus de celles . 
du vultur barbatus ou Lümmergeyer. 

Le condor exhale, comme tous les vautours, une forte odeur de chair en putréfaction, 
qu'il faut, sans doute, attribuer à son genre de nourriture. Aucun des auteurs qui ont parlé 
de cet oiseau si célèbre, n’a signalé cette particularité, que nous croyons nécessaire de citer, 
parce que toutes les espèces n’exhalent pas, au même degré, cette odeur nauséabonde. 

M. de Humboldt, qui n’avait vu le condor que sur les montagnes, dit ? :, Le condor, 
« comme la Ilama, la vigogne et l’alpaca, et plusieurs plantes alpines, est particulier à la 
« grande chaîne des Andes. La région du globe qu’il paraît préférer à toute autre, est celle 
« qui s’élève de 3,100 à 4,900 mètres de hauteur. Chaque fois que nos herborisations 
« nous ont menés jusqu'aux neiges perpétuelles, nous avons été entourés de condors. ” 

Quelque respect que nous professions, en général, pour les opinions de ce grand 
observateur, il nous est impossible de les adopter ici sans réserve. Il est bien certain 
que les condors habitent les hauteurs des Andes où paissent les Ilamas et les vigognes, 
mais nous ne croyons pas que celte zone soit leur zone spéciale d'habitation; nous ne 
croyons pas non plus que la chaine des Andes soit seule habitée par eux; car nous en 
avons rencontré un grand nombre sur toute la côte de l’océan Pacifique et sur celle de 
l'océan Atlantique, au bord de la mer, à la côte de Patagonie, où les montagnes les plus 
voisines sont encore éloignées au moins de cent lieues, et où il est très-sûr qu’ils vivent, 
nichent et demeurent habituellement. Il est vrai qu’on peut supposer que les familles que 
nous vimes sur le bord des falaises de la côte ont pu pousser peu à peu leurs migrations 
du sud vers le nord, en allant des montagnes du détroit de Magellan à l'embouchure du 
Rio Negro de Patagonie. Par les mêmes raisons, nous ne croyons pas que les condors 
préfèrent une zone élevée à celle du niveau de la mer; car ceux de Patagonie sont tout 
aussi gros et tout aussi bien portans que ceux des Andes; et, de plus, nous en avons vu 
si souvent sur toute la côte du Pérou, surtout à Arica, planer, Loute la journée, le long 
de la côte, en cherchant à découvrir des animaux morts rejetés par les vagues; nous en 
avons vu si souvent coucher sur les roches avancées de la colline dite Morro d’Arica, que 
nous les croyons susceptibles d’habiter également la zone la plus froide et le sol brülant 
des côtes de la mer, au Pérou. Il est probable que les hauteurs que visitait M. de Hum- 
boldt étaient voisines d'habitations ou de troupeaux; car nous n’avons jamais rencontré 
de condors sur le sommet des Andes, sans que l’une ou l’autre de ces deux circonstances 
les y attiràt. Nous croyons donc devoir assigner aux condors une plus ample extension de 
limites, tant en latitude qu’en hauteur, et leur donner, en latitude, depuis le cap Horn 
(56° degré de latitude sud?) jusqu’au 8.° degré de latitude nord, dans les parties élevées 
des Andes, ou sur leur versant ouest, sur la totalité du territoire du Pérou, de la Bolivia 


1. Zool., pag. 36. 
2. Le capitaine Middleton l'ayant rencontré dans le détroit de Magellan, la description qu'il en 
donne dans l’ouvrage de Shaw, Museum leverianum, vol. Il, pag. 5 (Lond. 1796), qui a étonné 


à] 


( 20 ) 


Wisaux et du Chili, et depuis le niveau de la mer, où ils nichent et séjournent, jusqu'aux régions 


de 
proie. 


glacées des Andes; car nous les avons vus souvent disparaître à nos yeux, étant déjà 
nous-même à plus de 4,700 mètres de hauteur au-dessus du niveau de la mer. Le 
condor est, sans contredit, de tous les oiseaux celui dont le vol est le plus élevé. Nous 
l'avons vu jusqu’au niveau du sommet de l’Ilimani, qui a 3,753 toises de hauteur, 
tandis qu’à la hauteur de 18,000 pieds, l’homme ne peut résister à la raréfaction de l'air, 
qu'autani qu'il est né sur ces plateaux élevés des Andes. À l’est des Andes, le condor ne 
va que jusqu’à leurs derniers contreforts, c’est-à-dire le long du rameau oriental de la 
Cordillière orientale jusqu’à Cochabamba, et même quelquefois jusqu’au commencement 
des plaines de Santa-Cruz de la Sierra; mais, comme, de là, aucune chaïne de montagnes 
ne réunit les Andes aux premières chaînes de la province de Chiquitos, il ne passe pas 
cette limite, et ne peut se rencontrer sur les montagnes du Brésil. 

Nous croyons que plusieurs autres motifs influent, plus que la latitude et la hauteur, 
sur la préférence que donne le condor à certains lieux. Son genre de vie l’oblige à 
choisir, pour asyle, des terrains couverts de rochers ou de falaises, parce qu’il ne se 
perche jamais sur les arbres, et qu’il lui faut non-seulement des points culminans d’où 
il puisse découvrir autour de lui la campagne, mais aussi des anfractuosités, qui lui 
servent de perchoir, et qui le garantissent de la pluie; aussi ne descend -il ni dans les 
Pampas de Buenos-Ayres, quoiqu'il habite les montagnes qui les bornent à l’ouest, 
ni au milieu des forêts, ni même au milieu des montagnes boisées, où les branches le 
gèneraient. Le condor habite donc spécialement soit les montagnes sèches ou seulement 
peu boisées, soit les côtes maritimes où les falaises escarpées remplacent les montagnes. 
On ne doit cependant pas croire qu’il habite toutes les montagnes ou tous les lieux élevés 
dépourvus de verdure. Il faut qu’il y soit attiré par de paisibles troupeaux appartenant 
à l’homme, comme ceux de brebis, de Ilamas ou d’alpacas , ou par beaucoup d’animaux 
sauvages, réunis en troupe. De là le grand nombre de condors qui suivent les côtes où 
se réunissent habituellement beaucoup de loups marins, comme celles du Pérou, et 
même celles de la Patagonie, toujours couvertes d’otaries et de phoques. Où il n’y a 
point de loups marins, il n’y a plus de condors; ou bien on les voit, comme au Pérou, 
soit planer sur les détours des Andes, soit les parcourir d’un vol rapide, afin d’y 
chercher les petites troupes isolées, seuls restes de la destruction générale des vicuñas 
et des guanacos, dont la disparition graduelle entraine celle des condors, qui, pour 
cette raison , se tiennent de préférence aux environs des lieux habités et sur les routes. 

À la différence des cathartes, qu’on voit, en tous lieux, par centaines, le condor s’isole 
tout le temps qu’il chasse, et ne se réunit guère à d’autres oiseaux que pour prendre sa 
part d’une pâture commune. On en voit cependant, quelquefois, deux ensemble se 
reposer dans le même creux de rocher. 


M. de Humboldt, parce qu’il indiquait les pieds blancs, n’a pourtant rien d’extraordinaire; ceux 
que nous avons vus en Patagonie les avaient blancs aussi, parce qu’ils étaient couverts d’une 
matière étrangère blanchâtre. 


(24 ) 

Le condor est assez paresseux. Après avoir passé la nuit dans une crevasse de rocher ou Oiseaux 
de falaise escarpée, la tête enfoncée dans les épaules, ce qui lui donne un air sournois, Ha 
il s’éveille à l’aube du jour, secoue deux ou trois fois la tête, attendant, assez souvent, le 
lever du soleil pour quitter son gite, surtout s’il n’est pas pressé par la faim; s'incline au 
bord du rocher, en agitant ses vastes ailes, comme s’il balançait à partir; les déploie 
enfin, et s’élance dans l’espace. Il ne prend que difficilement son essor , et ne s'envole pas 
horizontalement, ainsi que beaucoup d’autres oiseaux. On le croirait d’abord peu sûr 
de sa marche aérienne; car il commence par décrire un arc de cercle, en cédant à son 
propre poids; mais reprenant de suite son majestueux élan, les ailes arrondies, les rémiges 
écartées les unes des autres, il se joue dans les airs avec aisance, sans paraître éprouver 
la moindre fatigue. Par des mouvemens oscillatoires? peu sensibles, il imprime à son vol 
toutes les directions imaginables; il suit gracieusement toutes les sinuosités du terrain 
qu’il parcourt; il monte et descend , toujours rapide; tout à l'heure, abaissé jusqu’à raser 
le sol; perdu, maintenant, dans les nues; mais que, du haut des airs, une proie vienne 
frapper sa vue perçante; alors il se précipite ou plutôt se laisse tomber sur elle, égal 
en promptitude à la flèche, avec une circonstance que signalent soigneusement les 

-anciens auteurs : { Quand il descend, dit Garcilaso de la Vega ?, il fait un si grand bruit 
« qu'il étonne. Cuando bajan, cayendo de lo alto, hacen tan gran sombrido que 
« asombra;” circonstance des plus vraies, en effet; car nous avons nous-même, plus 
d’une fois, éprouvé cet étonnement, dont parle Garcilaso de la Vega; mais, dans laquelle 
circonstance, pourtant, on ne pouvait, sans risquer d’être démenti par les voyageurs, 
voir, ainsi que l’ont fait plusieurs écrivains, un des caractères généraux du vol du condor. 
En tout autre cas, le vol du condor est peu bruyant. 

Le condor, seul, parcourt successivement les côtes, afin d’y chercher les animaux de 
tout genre que la mer rejette, ou bien les environs des lieux habités et les détours des 
chemins, afin d'y recueillir des restes d'animaux, jetés par l’homme; et quand il n’a 
rien trouvé, il se pose sur un pic ou sur une pointe de rocher voisine des troupeaux, 
et attend là qu’une brebis ou une Ilama s'éloigne de la troupe, pour mettre bas son 
petit. Alors, si les bergers ne sont pas en mesure de défendre le jeune animal, le 
condor prend son vol; et, tournoyant, à une grande hauteur, au-dessus de la pauvre 
bête, il attend qu’elle ait mis bas, fond sur elle, non pour l’attaquer elle-même, 
mais pour s’acharner sur son placenta, et tuer ensuite le jeune animal, en le déchirant 
par le cordon ombilical; et, si le berger n’accourt pas promptement pour lui faire 
lâcher sa proie, l’avide oiseau , dans un instant, a, malgré les efforts de la pauvre mère, 
dévoré les entrailles du petit. Nous avons remarqué que s’il se trouve quelque animal 
déjà attaqué par un condor, dans un lieu où l’on n’en aperçoit aucun autre, il s’en 
présente sur-le-champ plusieurs, sans qu’on puisse imaginer d’où ils viennent. Nous 


1. Stevenson, Voyages en Araucanie, etc., trad. franç., tom. II, pag. 59, est l’auteur qui a 
le mieux décrit le vol du condor; il n’en est pas de même de ses mœurs. 
2. Comentario real de los Incas, pag. 290 -2. 


(22) 


Oiseaux avons été témoin d’une de ces scènes sanglantes, dans un voyage d’Arica à Tacna, sur 


de 


proie. 


la côte du Pérou. C’est un trajet de onze lieues sans eau, au milieu d’un désert de 
sable brülant que la pluie ne rafraichit jamais, et dont la poussière salée fait encore 
plus sentir la sécheresse. Des troupes de mules et d’ânes pesamment chargés parcourent 
incessamment le pays; et les ânes qui, là, plus qu'ailleurs, sont les souffre-douleurs des 
habitans, le traversent, allée et retour, sans qu’on les ménage le moins du monde, le 
plus souvent sans qu’on leur donne à manger; aussi en meurt-il beaucoup, dont on 
voit les cadavres desséchés, disséminés sur la route. Quand, dans une de ces caravanes, 
un âne vient à se fatiguer, on l’abandonne, sauf à lui à regagner, s’il ne meurt de soif, 
son habitation ordinaire. Un de ces pauvres animaux, ainsi abandonné, n’en pouvant 
plus, se coucha sur la route, prêt à rendre le dernier soupir. Des urubus s’en approchèrent 
de suite, et venaient lui donner quelques coups de bec, peu redoutables pour le mourant; 
mais bientôt un condor, qui avait aperçu cette lutte du haut des airs, fondit sur cette 
proie, que lui abandonnèrent à l'instant les urubus, restés à quelques pas en arrière, 
et attendant, sans doute, avec impatience la fin du repas du condor, dont ils n’osaient 
approcher. Ce premier condor ne tarda pas à se voir suivi d’abord de deux, et, bientôt 
après, de sept à huit autres, qui, s’'acharnant à l’envi sur leur victime, lui déchique- 
taient de leur bee tranchant, ceux-ci les yeux, ceux-là les parties génitales, et le 
délivraient ainsi, promptement, d’un reste de vie, que tant de douleurs devaient lui 
rendre bien pénible. 

Nous nous approchàämes de l’âne; et, alors les condors se retirèrent, à une courte 
distance, sur les petites collines des environs, ou planaient au-dessus; puis, dès que nous 
feignimes de nous retirer, ils revinrent à la charge. Une fois repus, ils s’envolent, mais 
non sans beaucoup de peine, ne pouvant prendre leur essor qu’après avoir long-temps 
couru, en battant des ailes; ou lorsqu'ils sont poursuivis, ils cherchent à se rendre plus 
légers, en dégorgeant une partie de ce qu’ils ont mangé. S'ils ne sont pas inquiétés, 
ils s’envolent, et vont se reposer dans les crevasses de quelque rocher, leur séjour 
habituel; et là, comme on l’a vu plus haut, ils font tranquillement la digestion, la 
tête enfoncée entre les deux épaules. Quand un condor n’a pas trouvé de proie, il 
chasse jusqu’à la nuit tombante, et ce n’est qu’au commencement du crépuscule qu’il 
regagne son repaire. Îl supporte patiemment la faim pendant plusieurs jours, mais se 
dédommage amplement de ses privations, lorsqu'il trouve une proie facile. 

Garcilaso de la Vega avait dit, dès le commencement du 17. siècle, que «le condor 
« n’a pas de serres, comme les aigles, et qu’il a les pieds semblables à ceux d’une 
« poule.'” Ce témoignage si positif et d'autant plus digne de foi qu’il émane d’un 
auteur péruvien, généralement bien informé, n’a pas empêché tous les écrivains plus 
modernes de donner à l’oiseau des mœurs qui n’appartiennent qu'aux falconidées. 
Stevenson, par exemple, prétend que « le condor tombe sur sa proie, et que, si c’est 


1. Comentario real de los Incas, pag. 290 -2. 


(25) 

« un agneau, ou tout autre pelit mammifère, il l’emporte avec ses serres sur quelque 
« montagne voisine. ! ” M. de la Condamine?, antérieurement à Slevenson, avait été 
imbu de cette erreur, dans laquelle est aussi tombé notre grand voyageur, M. de Hum- 
boldt, dont la réputation européenne n’a, d’ailleurs, rien à craindre de la vérité. II 
parle souvent de la force des serres du condor. Il va jusqu’à dire que « deux condors 
« se jettent, non-seulement sur le cerf des Andes, sur le petit lion Puma, ou sur la 
« Vigogne ou guanaco, mais même sur une génisse; ils la poursuivent si long-temps, 
« la blessant de /eurs griffes ou de leur bec, que la génisse, essoufflée et accablée de 
« fatigue, étend la langue en mugissant.5” Le condor a des ongles longs, il est vrai; 
mais ces ongles, qu’il n'emploie qu’à soutenir son corps, sont généralement usés, parce 
qu'il ne se pose que sur les rochers; et, comme l’a judicieusement remarqué M. Tem- 
minck, ne peuvent lui servir à saisir quelque proie que ce puisse être. Nous ajoutons 
qu'il ne pourrait pas même s’en aider pour la manger. Il ne fait véritablement usage, à 
cet effet, que de son terrible bec, avec lequel il la déchire et la dépèce, en tirant forte- 
ment sur la portion saisie, Nous ne croyons pas non plus que le condor puisse attaquer 
des brebis , des cerfs et des Ilamas, et moins encore des génisses. Les habitans américains, 
amis du merveilleux pour tout ce qui concerne leur pays, inclinent toujours à exagérer 
les choses. Nous pouvons assurer que le condor n’attaque jamais un animal adulte, ne 
fût-il que de la taille du mouton, à moins que cet animal n’expire; mais, attiré par 
l'appàt du cordon ombilical, il attaque toujours les animaux qui naissent dans les 
champs. Nous pouvons assurer aussi que le condor ne chasse jamais aux oiseaux, el 
nous n’oserions assurer qu'il chasse même les plus faibles mammifères. 

Ces renseignemens nous dispensent de démentir les fables écrites sur l'attaque des 
enfans par des condors; et nous ne croyons pas qu’on en puisse citer un seul exemple 
dans le pays. Il y a plus; les Indiens chargent ordinairement, dès l’âge le plus tendre, 
leurs enfans de la garde de leurs troupeaux, que ces enfans savent fort bien préserver 
des condors, en prenant à côté d’eux les mères en gésine, ou en emportant les nouveau- 
nés dans leurs bras; sans compter qu’on voit fréquemment des bambins de six à huit 
ans poursuivre ces énormes oiseaux, fuyant timidement à leur approche, quand, de 
moitié plus gros qu'eux, ils pourraient les renverser d’un seul coup d’aile et les tuer 
d’un seul coup de bec. 

Il n’est pas moins inutile de réfuter les exagérations qu’on trouve dans Acosta et dans 
Garcilaso de la Vega lui-même, ordinairement si exact, relativement à la force du bec 
du condor, qu’ils prétendent pouvoir entamer la peau d’un bœuf. Nulle part les con- 
dors, du moins ceux d'aujourd'hui, ne nous ont paru aussi vigoureux; et il n’est aucun 
voyageur à la côte du Pérou ou sur le sommet des Cordillières qui n’ait vu les mules et 
les ânes morts sur les chemins, et dont les condors avaient mangé tout ce qu'ils en 


1. Voyage en ÂAraucanie, etc., trad. franç., tom. II, pag. 60. 
2. Relation abrégée du voyage à l’Amazone. 
3. Zool., pag. 41. 


Oiseaux 
de 
proie. 


——_— 


Oiseaux 
de 
proie. 


(24) 
pouvaient saisir, entamés seulement au ventre, autour de l’anus et de la bouche, tandis 
que le reste de la peau avait séché sur les chairs, sans avoir pu être dépecé par les 
condors. 

Comme le roi des vautours et les cathartes, le condor mange de tout ce qui est 
animal. Nous l'avons vu se nourrir de mollusques, quoique ce soit là son dernier 
aliment. Il mange tous les animaux morts, sans exception, les mammifères, les oiseaux, 
les reptiles et les poissons, ne manifestant quelque prédilection que pour la chair des 
mammifères. Il mange jusqu’à des excrémens quand la faim le presse. 

Les condors ne sont rien moins que familiers; ils fuient, de très-loin, l'approche de 
l’homme; et, si ce n’est en Patagonie, où, voyant des hommes peut-être pour la 
première fois, ils nous laissèrent passer à cent cinquante ou deux cents mètres au-dessous 
de leur habitation, nous n’avons jamais pu approcher un condor d’assez près pour le 
ürer, sans nous cacher dans le voisinage d’une proie présentée à son avidité, afin de le 
surprendre; différant beaucoup en cela des autres vulturidées d'Amérique, des urubus 
surtout, qui vivent, pour ainsi dire, avec les habitans. 

Il serait difficile d'apprécier au juste la véritable durée de la vie d’un condor; 
mais, si nous en croyons les indigènes, sa longévité surpasserait de beaucoup celle de 
tous les autres oiseaux. Les Indiens nous ont assuré en revoir encore, de temps à autre, 
quelques-uns, marqués par leurs pères, il y avait plus de cinquante ans, de certains 
signes particuliers. Le lecteur sent avec nous que le fait même et sa preuve auraient 
ici besoin, l’un et l’autre, d’une vérification plus désirable qu’aisée à se procurer; mais, 
ce qu'il y a de certain, c’est que les condors multiplient peu, et que, comparés aux 
cathartes, ils sont toujours en petit nombre. 

Les condors ne font point de nids; ils se contentent de choisir, dans les rochers, 
ainsi que nous avons pu le reconnaître, en parcourant les falaises de la Patagonie, des 
concavités assez larges pour recevoir leurs œufs, préférant toujours, pour faire leur 
ponte, les points inaccessibles, moins par leur élévation que par l’àpreté de leur pente. 

Le condor femelle pond deux œufs, de dix à douze centimètres. Les naturels nous les 
ont dits blancs; mais un fragment que nous en avons vu nous ferait croire que, comme 
pour l'œuf de l'aura et de l’urubu, le blanc est couvert de taches espacées d’un brun 
rougeâtre. Cest surtout de Novembre en Février qu’a lieu la couvée. Les couples, alors, 
s'éloignent encore davantage des lieux habités, pour chercher un emplacement propice. 
Les habitans nous ont assuré que la femelle couve seule, ce qui nous paraît difficile à 
croire, parce qu’en des régions quelquefois froides et sans arbres, le petit aurait le 
temps de périr dans la coquille. En tout cas le mâle et la femelle s'occupent, de con- 
cert, du soin de nourrir les jeunes condors, en dégorgeant dans leur bec les alimens 
qu'ils ont pris eux-mêmes. Les jeunes grandissent assez lentement, et peuvent à peine 
voler au bout d’un mois et demi. Ils suivent long-temps encore le couple, qui les guide 
dans leurs premières chasses; mais le plus long terme de leur éducation ne passe 
jamais quelques mois; et, dès ce moment, on voit les jeunes condors s’isoler de 
leurs parens, et chercher eux-mêmes à pourvoir à leur nourriture. Plus voraces alors 


(25) 
que les vieux, mais moins prévoyans et moins défians, parce qu’ils ont moins d’expé- Oiseaux 
rience, ils tombent plus facilement dans les embüches des chasseurs; aussi tue-t-on . 
souvent de jeunes condors et rarement des condors adultes. 

Les condors nuisent beaucoup aux troupeaux, en tuant les animaux nouveau-nés ; 
c’est pourquoi les habitans actuels leur font une guerre d’extermination et mettent en 
jeu, pour les détruire, beaucoup de ruses différentes. La plupart du temps, ils les 
guettent, cachés près d’un lieu garni par eux d’un appt propre à les attirer, et les 
tuent à coups de fusil; ou bien, attendant qu'ils soient repus, ils les poursuivent à 
cheval, les enveloppant, le plus souvent, de leur terrible Zazo; d’autres fois, enfin, ils les 
surprennent, gorgés de nourriture, dans un cercle étroit de palissades formé d’avance 
autour de la proie tentatrice, et les assomment à coups de bâton, sans qu'ils puissent fuir, 
faute d'espace, ni s'envoler, par suite de la gloutonnerie qui vient appesantir leurs ailes 
en surchargeant leur estomac. Nous n’avons pas entendu parler de la chasse décrite 
par Molina: : selon cet auteur, un homme se couche sur le dos, affublé de la peau 
d’un bœuf fraichement égorgé; le condor, trompé par l'aspect de cette peau, qu'il 
prend pour un animal mort, s’en approche, afin de le manger. L'homme, dont les 
mains sont armées de gants, saisit alors l'oiseau par les pattes, et d’autres chasseurs 
viennent promptement l’assommer. 

Nous croyons qu’on a trompé M. de La Condamine? en lui garantissant qu’on emploie, 
pour attirer le condor, une figure d’enfant pétrie d’une argile très-visqueuse, où l'oiseau 
vient engager ses serres. C’est une suite de l’erreur consacrée, que le condor se sert de 
ses ongles. 

Comme tous les oiseaux de proie, en général, le condor a la vie très-dure; mais 
les habitans tombent quelquefois, à cet égard, dans une exagération pareille à celle 
d'Ulloaÿ, qui prétend que le tissu des plumes du condor est si serré que la balle n’y 
pénètre pas, et ajoute même qu’on lui a tiré de huit à dix coups de fusil de suite 
sans lui faire du mal, les balles renvoyées par les plumes rebroussant vers le chasseur. 
Ce fait n’a pas besoin de réfutation. Nous avons tué des condors, et de très-loin, 
non-seulement avec des balles ordinaires, mais encore avec de petites balles ou plomb 
n.” 0, des chasseurs. Néanmoins le condor, étant plus grand et plus fort qu'aucun 
autre oiseau de proie, doit nécessairement être plus difficile à tuer; aussi vole-t-il 
long-temps encore, avant de tomber, même après avoir élé grièvement blessé. Nous 
avons acquis la certitude que le condor est très-difficile à mettre à mort par telle autre 
voie, celle, par exemple, de la strangulation. Oserons-nous avouer qu'après en avoir 
blessé un d’une balle, sur la côte de la Patagonie, nous voulûmes l’achever de cette 
manière, et ne pümes y parvenir qu'après une heure des plus pénibles efforts? Cette 


1. Essai sur l’histoire naturelle du Chili, trad. franç., pag. 249. 
2. Relation abrégée du voyage de lAmazone, pag. 171. 
3. Noticias americanas, pag. 158, (. 18. 
IV. Ois. 4 


(26 ) 


Oiseaux observation est applicable, et plus directement encore, aux oiseaux de mer, comme 


de 
proie. 


les albatrosses. 

Le nom du condor vient peut-être de cuntur, mot par lequel les anciens auteurs 
le désignent; et M. de Humboldit fait dériver cuntur du verbe quichua cuntuni1 qui 
signifie exhaler une bonne odeur, sentir bon. Nous ne sommes pas de son avis. 
Dans la langue quichua ou des Incas, quand on veut parler de choses qui ont une 
bonne odeur, on se sert, en effet, de la radicale cuntun ou cuntuy; mais quand, au 
contraire, on veut désigner des choses de mauvaise odeur, on emploie la radicale 
aznak, aznay. Or ne pouvant, en conscience, admettre que les Quichuas eussent 
l’'odorat assez dépravé pour trouver une bonne odeur au condor, nous ne croyons 
pas trop nous écarter de la vérité en tirant le mot cuntur de conturi, nom du condor 
dans la langue aymara?, que nous croyons antérieure à celle des Quichuas, qui 
pourrait bien lui devoir son origine; à moins qu’on ne veuille expliquer cette sorte 
d’anomalie étymologique par une anti-phrase analogue à celle dont usaient les anciens 
Grecs, en donnant à leurs furies le nom d’Æuménides, qui veut dire douces. 

Les Indiens Araucanos du Chili et des Pampas, du sud de Buenos-Ayres, nomment 
le condor mauké; les Puelches, qui habitent du 39.° au 41. degré sud, le nomment 
chanana, et les Patagons ou Tehuelches, de l’extrémité la plus méridionale du continent 
américain, le nomment Auirio. Les Espagnols le nomment buytre, appellation par 
laquelle ils désignent les vautours d'Europe. 

Il nous reste à considérer le condor sous un point de vue tout à fait neuf, ou 
qui n’a été, du moins, que partiellement indiqué par les anciens auteurs espagnols de 
l'histoire du Pérou. Nous voulons parler du rôle qu’a joué cet oiseau dans les anti- 
ques superstitions religieuses des grandes nations Quichua et Aymara. Il est curieux, 
sans doute, de voir un oiseau de proie révéré dans les deux vastes empires du Mexique 
et du Pérou, tandis que les vieux Aztèques faisaient, de leur côté, jouer un si grand 
rôle mythologique à leur cozcaquauthli, qui paraît être la grande harpie, et non pas 
le vultur papa, comme on l’a cru jusqu’à présent. Il est curieux aussi de retrouver 
des traces de l’adoration du condor bien avant l’époque des Incas, et peut-être même 
avant celle des Aztèques. 

Garcilaso de la Vega ditÿ vaguement, en parlant des diverses religions antérieures 
aux Incas, que quelques nations adoraient le condor à cause de sa taille, et parce 
qu'elles se glorifiaient d’en descendre. Ces traditions ne s’étaient, sans doute, conservées 
que par oui-dire, et sans qu’on désignàt la nation à laquelle on pouvait les rapporter. 
Il dit encore, en parlant des conquêtes que fit le onzième roi des Incas, Tupac Inca 


1. Vocabulario del padre Diego Gonçalez Holguin (Lima, 1608), pag. 33 et 34. 

2. Vocabulario de la lengua Aymara, por Ludovico Bertonio (Juli, 1612), pag. 52. C’est, peut- 
être, de tous les ouvrages de ce genre, le plus curieux sous le rapport bibliographique; car il est 
le seul livre imprimé par un Jésuite dans un petit village du sommet des Andes. 

3. Comentario real de los Incas, pag. 12-2. 


(27) 

Fupanqui, que, quand ce prince pénétra à l’est de Cajamarca", au 6. degrésud, chez la Oiseaux 
nation Chachapuya, cette nation avait le condor pour principal dieu. Enfin, parlant FA 
des offrandes des chefs ou curacas à l’Inca, lors de leur visite, à l’occasion de la 
grande fête annuelle du soleil, appelée Raymi?, il dit que les Indiens donnaient à 
lInca beaucoup d'animaux, parmi lesquels on remarquait des condors. Dans cette 
même fête, où les Indiens se déguisaient de diverses manières, on en voyait quelques- 
uns se présenter avec des ailes de condor attachées aux épaules, comme prétendant 
descendre de cet oiseau 5. Nous avons vu les mêmes images se reproduire dans les 
déguisemens des Indiens Aymaras de la Paz (Bolivia), lors des grandes fêtes du catholi- 
cisme, par exemple, le jour de la Saint-Pierre et de la Fête-Dieu. IL est assez singulier 
que les Indiens Aymaras aient conservé jusqu’à nos jours le goût de ces scènes bur- 
lesques, qu’ils représentaient lors des anciennes fêtes du soleil; mais il l’est plus encore 
que cette coutume se soit maintenue chez un peuple qui, dès les premiers temps de 
son histoire, que nous rappellent seuls aujourd’hui les monumens de Tiaguanaco, sur 
le lac de Titicaca, était sous l'empire d’idées religieuses, dans lesquelles le condor 
entrait pour beaucoup. En effet, sur des statues colossales, sur des portiques mono- 
lithes, nous avons trouvé partout des figures de condor, tantôt entières et tenant un 
sceptre, pour représenter allégoriquement les messagers du soleil, tantôt par fragmens, 
soit que les ailes de l’oiseau s'adaptent aux épaules des rois qui viennent rendre 
hommage à l’astre dominateur, soit que sa tête orne la couronne même ou le sceptre 
du dieu; sa tête prodiguée, d’ailleurs, dans toutes les sculptures de ces temps reculés, 
que nous croyons de beaucoup antérieurs au règne des Incas, regardés par nous, non 
sans quelques raisons, comme les derniers rejetons des Aymaras, cette nation brillante, 
bien plus avancée dans les arts que ne l'ont été depuis les Incas eux-mêmes. 4 

Les Incas regardaient aussi le condor comme l’animal le plus noble, sans quoi ils ne 
se seraient pas représentés sous cet emblème, comme nous le voyons dans l’histoire de 
Viracocha, leur huitième roi 5, qui, après la mort de son père Yahuar Huacac, fit, 
au lieu même où son père s’était lâächement retiré, lors de l’attaque des Chancas, sculpter, 
sur une très-haute pierre, deux condors, l’un, les ailes fermées, la tête basse et enfoncée 
entre les épaules, comme s’il se cachait, et le bec dirigé vers le sud ou Coflasuyo, tour- 
nant le dos au Cuzco; l’autre, le bec tourné vers la ville, l'air fier, les ailes éployées, 
comme s'il fondait sur une proie; celui-là représentant Yahuar Huacac soustrait au 
danger par la fuite, celui-ci Viracocha lui-même accourant à la défense de la capitale de 
l'empire. L'auteur du commentaire des Incas nous apprend que ces figures existaient 
encore en 1580. 


1. Comentario real de los Incas, pag. 264-1, sous le nom de Cassamarca. 
2. Idem, pag. 139-1. — 3. Idem, pag. 196- 1. 

4, Voyez partie historique : Environs de la Paz. 

5. Garcilaso de la Vega, Comentario real de los Incas, pag. 161-1. 


Oiseaux 
de 
proie. 


—— 


(28) 
Plusieurs endroits ont tiré leur nom de celui du condor. Nous trouvons, sur la route 
de Potosi à Oruro, la côte de Condor-apacheta (la gorge du condor), et beaucoup de 
dérivés, comme Cuntur-marca (la demeure du condor, etc.) dont on a fait, par cor- 


ruption, Cuntumasca. 


SARCORAMPHE PAPA, Sarcoramphus papa. 


Vultur papa, Lin., Gmel.; Vuliur elegans, Gerini; Gypagus papa, Vieïllot, Gal. pl. 3; Encycl. 
tom. IL, pag. 1176; Buff., Enl. 428; Zribu rubicha, Azara, n° 1; Spix, pl. 1; Cuvier, 
tom. IT, pag. 316. 


Cet oiseau, qu’on a vu souvent dans les ménageries d'Europe, est assez connu pour 
que nous puissions nous dispenser d’en reproduire la description. Comme le dit judi- 
cieusement Azara!, les jeunes naissent vêtus d’un duvet blanchätre, bientôt recouvert 
de plumes noirâtres, dont se pare, pendant une année, cet oiseau, non encore pourvu 
des belles couleurs qui doivent, plus tard, orner son cou. Cette partie est noirâtre, ainsi 
que la crête, alors seulement rudimentaire, assez petite, libre et tachetée. La seconde 
année, le cou devient jaunâtre et le noir commence à se teinter en violet; la crête demeure 
toujours noire et peu développée; tout le corps conserve encore la couleur noirâtre. A 
trois ans, l’oiseau présente encore quelques tectrices noires, qui disparaissent entière- 
ment , la quatrième année, pour faire place au blanc rougeätre dont cette partie se couvre 
dans l'adulte. 

L’odeur que répand le sarcoramphe papa est bien moins forte que celle qu’exhalent le 
condor et surtout le catharte; il est vrai qu’il est aussi moins sale dans ses goûts. 

Il parait répandu dans les parties chaudes des deux continens américains, commun 
au Mexique, en Colombie, à la Guyane, dans tout le Brésil, à l’est du Pérou et de 
Bolivia. Vers le sud, il pousse ses dernières migrations jusqu’au 28. degré, au Paraguay et 
à Corrientes, où, cependant, il devient rare; car il ne semble pas s'éloigner volontiers des 
tropiques. On ne le rencontre jamais, non plus, sur les hautes montagnes; à peine au 
15° degré sud atteint-il la hauteur de cinq mille pieds au-dessus du niveau de la mer, et il 
ne se trouve que rarement sur quelques points voisins des plaines, sans jamais s'étendre 
jusqu'aux régions lempérées; d’où nous concluons que, circonscrit, pour l'Amérique 
méridionale, aux pays situés à l’est des Andes ou de leurs contreforts, nous croyons 
pouvoir garantir qu'on ne le voit jamais à l’ouest des Andes, vivant ainsi dans les lieux 
où le condor ne parait pas; remarque de statistique ornithologique qui pourra n'être 
pas sans utilité pour la science. 

Le genre de vie du sarcoramphe dont nous nous occupons est tout à fait différent de 
celui du condor. Celui-ci, par exemple, aime les lieux découverts et dégarnis d'arbres; le 
sarcoramphe papa, au contraire, ne vit que sur les montagnes ou collines basses, 


1. Azara, tom. III, pag. 19. 


(29) 


couvertes de bois, ou, plus particulièrement dans les plaines boisées, préférant à toutes Oiseaux 


autres localités les terrains coupés de bois et de marais. Bien loin de montrer cette 
familiarité caractéristique des cathartes, il se cache toujours, ne paraît qu’à la dérobée, 
et fuit à l'approche de l’homme. Nous l’avons rencontré presque toujours par couples, 
Mais si rarement, qu’on peut dire, avec raison, que son espèce est la plus rare de toutes. 
À peine, en effet, dans les pays qu’il fréquente le plus, en pourrait-on comparer le 
nombre à la moitié de celui des condors, au quinzième de celui des auras, et au 
centième, au moins, de celui des urubus; aussi n’est-il pas étonnant qu’on n’en voie 
jamais plus de quatre à cinq ensemble; encore faut-il que l’appâät d’une proie commune 
les tente depuis quelques jours. Nous les croyons aussi moins voyageurs et plus casa- 
niers que les autres espèces, fait dont la campagne de San-Carlos, près de Santa-Cruz 
de la Sierra nous a offert un exemple frappant. Depuis la fondation de Santa-Cruz, 
moins soigneux, peut-être, que les Indiens des Andes, placés, d’ailleurs, au milieu de 
bouquets de bois où la surveillance exacte des troupeaux devient impossible, les 
fermiers des environs de cette ville ont beaucoup de peine à élever leur bétail, et perdent, 
tous les ans, un grand nombre de veaux, malgré la guerre à mort qu’ils ne cessent de 
faire au roi des vautours, tandis que leurs confrères n’éprouvent jamais les mêmes 
pertes en des lieux à peine éloignés de dix ou douze lieues; et qu’en d’autres localités 
de la même province, non moins favorables à la vie de l'oiseau dévastateur, les habitans 
n'en ont jamais vu. 

Ce sarcoramphe aime la lisière des bois. Il passe ordinairement la nuit sur les branches 
basses des arbres, assez souvent en société; et semble, en chaque endroit, adopter une 
place à laquelle il revient tous les soirs, à quelque distance que ses courses de la journée 
l'en aient porté. Il est plus matinal que le condor. Chaque matin, soit seul, soit avec sa 
compagne, dès que l'aurore éclaire l'horizon, il prend son essor comme l’urubu, et 
planant surtout à la lisière des bois, il parcourt les environs, en cherchant à s'assurer, 
par la vue ou par l’odorat, si des jaguars ne lui ont pas laissé une proie facile et de la 
pèture pour la journée. Nous l’avons vu, volant au-dessus d’un bois, s’abattre tout 
à coup sur un cadavre, qu’il ne voyait assurément pas. S'il n’aperçoit rien, il plane encore 
d’un vol léger peu différent de celui du condor, sans jamais se laisser tomber sur sa 
proie, et sans tournoyer dans les airs, comme le condor et les cathartes; et, après avoir 
ainsi parcouru la campagne, il va, de même que le condor, au sommet d’un pic, se 
percher sur le faite d’un arbre mort, voisin des troupeaux, pour attendre là que quelque 
vache ou quelque brebis mette bas; puis, descendant avec rapidité, il parvient souvent, 
malgré la mère, à saisir le petit par le cordon ombilical, et le tue. Nous avons vu une 
pauvre vache nouvellement délivrée, prendre son veau entre ses pattes, avec une solli- 
citude toute maternelle, et le défendre contre deux ou trois sarcoramphes qui n’atten- 
daient que le moment de s’en emparer. 

Les urubus, si nombreux, sont, la plupart du temps, les premiers à se réunir autour 
du cadavre d’un animal dont ils se disputent entr’eux la jouissance. Mais un sarco- 
ramphe papa vient-il à s’abattre auprès, de suite les urubus se retirent à quelques pas, 


de 
proie. 


( 30 ) 


Oiseaux dans la crainte de recevoir de lui des coups de bec, plutôt que par respect, comme le 


de 
proie. 


croient les Américains; ce qui, ainsi que nous le verrons plus tard, lui a valu, dans 
plusieurs des langues indiennes, le nom de roi, de chef ou de capitaine des cathartes. 
Son bec est au moins aussi tranchant que celui du condor, ce qui fait qu’il déchire la 
peau des animaux avec la même facilité. Ses pieds ne lui servent pas plus qu’au condor, 
pour saisir sa proie. Nous ne croyons pas, en conséquence, et nous n’avons jamais en- 
tendu dire aux habitans qu'il attaque d’autres oiseaux, ni même des mammifères. Le 
vautour papa est, peut-être, de tous les vautours le moins familier et le plus difhcile 
à tuer sans surprise, parce que, perchant au sommet des arbres, il aperçoit facilement 
les chasseurs et s'envole au plus tôt. 

Nous n'avons jamais vu son nid; mais les Indiens nous ont assuré, comme ils l'ont 
fait à Don Félix d’Azara, qu’il niche dans les bois, dans les trous des gros arbres morts, 
et que ses œufs sont blancs. Les naturels nous ont appris aussi que le couple donne des 
soins très-assidus à ses petits, qu'on voit ensuite accompagner leurs parens pendant 
quelques mois, à l'expiration desquels ils les abandonnent; et comme, le plus souvent, 
ces Jeunes sont de sexe différent, ainsi que nous avons cru le remarquer pour tous 
les oiseaux qui ne pondent que deux œufs, ils se trouvent tout naturellement accouplés, 
le frère et la sœur finissant par former un ménage semblable à celui de leurs pères. 

Les habitans usent de tous les moyens pour les détruire. Souvent ils les tentent par 
une proie placée à la lisière d’un bois dans lequel ils se cachent, afin de les tuer à 
coups de fusil; mais la chasse la plus singulière est celle qu’on leur fait aux environs de 
Santa-Cruz de la Sierra. Comme ils ont l’habitude de revenir jucher, tous les soirs, sur 
le même arbre, les habitans cherchent à découvrir cet arbre; et, la nuit, ils montent, 
tout doucement, dessus, les mains garnies de gants épais, les saisissent endormis, et 
puis les tuent. C’est ainsi qu’on nous a dit avoir réussi à en diminuer un peu le nombre. 
Ils n’éprouvent point, après leurs repas, cette difficulté de voler qu’éprouve le condor 
à la suite des siens. 

Le nom de roi des vautours, que Buffon donnait au sarcoramphe papa, lui vient, 
sans doute, de celui de roi des couroumous, qu'on lui donne à la Guyane française, 
pour le distinguer des cathartes, qu’on y désigne, nous a-t-on dit, par ce nom même 
de couroumous. Cette désignation se retrouve chez les Guaranis, qui le nomment iribu- 
rubicha}, roi ou chef des iribus (cathartes). Ce nom est celui qu’on emploie au Paraguay; 
car les Guaranis de la section des Guarayos, qui habitent au 16. degré dans l’intérieur 
du haut Pérou, nomment notre sarcoramphe wrubu chi?. Dans la langue des Saraveca 
de Chiquitos, on le nomme acaso-amooré (capitaine des oiseaux). Dans cette même 
province il a son nom dans chaque langue particulière. Les Chiquitos le nomment 
upamacaïtuch, que les Cuciguia corrompent en pumacaïich; en Guaranoca, on l'appelle 
nanucutu 5; en Samucu, nanïecuto; en Morotoca, nanioguto, trois noms qui ont évi- 
demment la même racine. Les Otukès de la même province le nomment acaracapa; les 


1. Prononcez urubou-roubitcha. — 2, Pron. ouroubou-tchi. — 3. Pron. nanoucoutou. 


(51) 


Quitemocas, Auitiara; les Paunacas, chenacone; les Paiconecas, isole. Si nous passons Oiseaux 
de 


aux langues de la province de Mojos, nous trouvons quelques noms analogues à celui 


que lui donne la nation Paiconecas, dans celui de iseyi, qu’il reçoit des Baures et des 
Muchojeones ; mais tous les autres noms qu’il porte dans la même province, chez 
les autres nations, n’ont pas d’analogie entr'eux, comme on peut le voir dans le nom 
de motojo, que lui donnent les Chapacuras; dans ceux de kirapupui, des Itonamas ; 
de irapachahua , des Cayavara; de bocota, des Iten; de puicoroa , des Pacaguaras; de 
talotalo, des Movimas; de nicutuya, des Canichanas, et de chognoï, des Mojos. Les 
Espagnols du Pérou le nomment buytre (vautour), et ceux du Paraguay, cuervo blanco 
(corbeau blanc), en désignant l’urubu par un nom tout à fait contraire, emprunté à 
la couleur inverse de son plumage. 


Gevre CATHARTE, Cathartes, Wig. 


Cuv., Temm.; Gallinazes, Catharista, Nieïllot; F’ultur, Lin., Lath.; Percnoptères, Cuv. 


Linné plaçait ces oiseaux dans le genre Vautour; Vieillot en forma ses 
Gallinazes; mais nous croyons ne pas devoir mettre les deux espèces améri- 
caines dans deux genres différens, comme le fait Cuvier, dans la nouvelle 
édition de son Règne animal. En effet, après avoir, dans sa première édition, 
confondu les deux espèces sous un nom identique, il range, dans la seconde, 
Aura parmi les Cathartes; et l'Urubu, son bec un peu plus alongé et grêle 
le détermine à le placer au rang des Percnoptères, ainsi qu'il l'avait fait dans 
sa première édition. Comme nous trouvons une grande analogie de mœurs 
et même de forme entre ces deux oiseaux, nous croyons qu'il serait difficile 
de les séparer l’un de l’autre, sans forcer un peu leurs caractères distinctifs, 
qui ne sont que spécifiques. 


CATHARTE URUBU, Cathartes urubu, Vieillot. 


Vultur aura, Wils, Orn. am., tom. IX, pl. 75, fig. 1; Vautour du Brésil, Buffon, Enl. 187; 
Vultur brasiliensis, Lath., Sp. 8 ; Cathartista urubu, Vieillot, Amér. sept., pl. 1; Cathartes 
Jota, Ch. Bonap.; /ribu, Azara, n.° 2. 


Cathartes toto nigro-coruscante; trunco, basiremigium albicantibus; capite, collo nudis, 
verrucosis , obscuro-nigris ; extremo rostro albicante; caudd brevi, æquali. 


Cet oiseau avait été confondu par les auteurs, sous le nom de vultur aura, avec l'espèce 
suivante, dont le nom est dérivé d’une langue américaine. Azara, le premier, les sépara. 
Vieillot adopta cette division; mais sans tenir aucun compte de l’opinion de ces deux 
bons observateurs, on a, pendant long-temps encore, réuni, sous un même nom, les 
deux espèces. Dernièrement, enfin, on a reconnu la justesse de l'observation, et l’on y a 
fait droit. Il est singulier qu’on ait confondu dans la même espèce deux oiseaux des plus 


(32 ) 


Oiseaux communs de l'Amérique méridionale, et les plus anciennement décrits par les auteurs 


proie. 


espagnols, quand il ne s'agissait que de les voir une seule fois sur les lieux pour les 
distinguer toujours, en raison de la dissemblance de leur vol, de leurs mœurs, de la 
couleur de leurs parties charnues, ainsi que des caractères de leur bec et de leurs ailes, 
caractères par lesquels, plus tard, Cuvier s’est cru suffisamment autorisé à placer lun 
parmi les cathartes et l’autre parmi les percnoptères. 

Nous n'avons pas conservé le nom de jota que Cuvier donne à l’urubu, d’après 
Charles Bonaparte, parce que ce nom, emprunté à Molina, dans son Histoire naturelle 
du Chili, n’était pas destiné à l'oiseau dont nous nous occupons, ainsi qu’il est facile 
de le reconnaître par sa description, mais bien aux cathartes aura; et nous croyons 
devoir conserver à cette espèce, comme l’a fait Lesson!, le nom de cathartes urubu, 
que lui avait imposé Vieillot, d’après son nom guarani. 

L’urubu est un des oiseaux les plus anciennement décrits; mais nous pensons que 
les descriptions en ayant toujours été faites sur des sujets empaillés et déformés, on 
n’a pas assez insisté sur la forme des parties nues. Ces parties se composent d’un grand 
nombre de protubérances charnues, régulières, oblongues, courtes sur le cou, mais 
présentant de longues lignes transversales sur le dessus de la tête. Il y en a plusieurs 
petites autour des yeux, surtout en avant; fermes pendant la vie de l’animal, mais peu 
visibles; dès qu’on alonge le cou, elles s’effacent, excepté celles qui forment la paupière, 
et celles-ci même disparaissent entièrement dans le sujet empaillé. 

Comme toutes les autres espèces, l’urubu naît avec un duvet blanc, long et frisé, qui, 
contrastant avec la noirceur de sa face, lui donne une physionomie des plus originales. 
Le duvet se recouvre peu à peu de plumes noires, qui ont encore, pendant quelque 
temps, une teinte brune; teinte qui ne disparaît entièrement que la troisième année. 
La première année, l’urubu a quelque peu de duvet sur le cou, sur lequel les rides de 
l'oiseau adulte ne se dessinent qu’à la troisième mue. 

Indépendamment de l’odeur cadavéreuse de l’urubu, il exhale aussi une très-forte 
odeur de musc, ce qui a fait prendre cette odeur en aversion par tous les habitans du 
Pérou et de la Bolivia... Avis aux commerçans qui expédient pour ces contrées de la 
parfumerie européenne. Les auteurs, même les plus anciens, qui ont traité de l'Amérique, 
parlent déjà de cette odeur. Ainsi Oviedo, dans son Histoire naturelle des Indes?, dédiée à 
l'empereur Charles V, décrit parfaitement l’urubu sous le nom de gallina olorosa (poule 
odorante), en disant de cet oiseau : Auelen como almizcle (il sent le musc). Cela est si 
vrai que, dans les lieux où des troupes d’urubus ont coutume de se poser, cette odeur 
se répand au loin, avec une force qui la rend insupportable. 

Nous n’avons pas reconnu pour l’urubu de zone distincte d’habitation; car nous 
l'avons rencontré depuis les parties les plus australes de l'Amérique méridionale jusqu’à 
la ligne, et nous savons qu'il se trouve dans une partie de l'hémisphère nord. Nous 
1 it ES 

1. Traité d’ornithologie, pag. 27. 

2. Barcia, Historiadores primitivos de Indias, tom. I, pag. 30. 


(35) 


l'avons vu également depuis les plaines ou les rivages de la mer jusqu'aux régions les Oiseaux 
de 


plus élevées. Il est vrai qu’il ne se trouve dans ces dernières localités qu’accidentellement ie. 


et de passage, n’en faisant jamais son séjour habituel. Nous dirons donc que nous avons 
rencontré l’urubu dans tout le Brésil, dans la république de l’'Uruguay, en Patagonie, 
au Paraguay, au Chili, au Pérou, dans la Bolivia; et nous savons, de science certaine, 
qu’il se trouve dans toute la Colombie et au Mexique. Nous savons aussi qu’il pousse 
ses migrations beaucoup plus au nord, jusqu'aux États-Unis. Peut-être même serait-il 
plus logique de substituer au nom des lieux qu’il habite celui des lieux qu’il n’habite pas. 
Commun, par exemple, à Maldonado, dans la Banda oriental de la Plata, on s'étonne de ne 
plus le trouver à Buenos-Ayres, où leremplacent, pendant une saison de l’année, des troupes 
innombrables de mouettes. Il ne commence à redevenir commun qu’en Patagonie, ce qui 
a fait dire à Don Félix d’Azara qu’il ne se trouve pas au sud du Rio de la Plata. Nous 
croyons pouvoir attribuer sa disparition au défaut d’arbres ou de buissons dans les 
Pampas; car il reparaît en nombre aux approches de la Cordillière des Andes. Il disparait 
également et se montre peu dans les régions élevées de cette Cordillière. Nous l'avons 
rencontré, le plus souvent et en plus grandes troupes, en Patagonie, sur les rives du Rio 
Negro, près des villes du Chili, et, surtout, sur les côtes maritimes du Pérou, ainsi que 
dans l’intérieur des plaines de la Bolivia; mais il est rare dans les montagnes. 

IL est à remarquer que des familles d’urubus sont quelquefois dispersées à de grandes 
distances les unes des autres, comme nous l'avons reconnu dans toute la partie sud de 
l'Amérique méridionale, depuis le 32.° degré de latitude, et dans toutes les régions élevées 
des montagnes, où les attire soit le voisinage d’habitations et de troupeaux, soit le voi- 
sinage de bois, qui manquent en d’autres localités, tandis qu’il est des régions où l’on 
ne saurait faire un quart de lieue sans les trouver partout. Il nous est démontré que 
l’urubu ne fréquente point les déserts ou les grandes forêts, dont il n'aime même les 
lisières que lorsqu'elles sont voisines de plaines; mais, dans les campagnes habitées, on 
le rencontre partout, particulièrement autour des maisons, où il habite en troupes 
nombreuses. Rien de plus curieux que de le voir suivre les migrations des indigènes, en 
s’arrêtant et se remettant en marche avec eux; fait qui peut expliquer la présence de 
quelques-unes de ses colonies isolées en des lieux qu’il n’habitait pas avant, comme le 
dit Azara!, d’après le témoignage duquel il ne serait venu à Montevideo que long-temps 
après la conquête, ce que nous croyons sans peine; car, avant cette époque, il n’aurait 
pu trouver en ces lieux ni arbres pour se percher, ni habitations entourées de bestiaux 
pour se nourrir. 

L’urubu est, sans contredit, le plus commun de tous les oiseaux de proie, pour ne 
pas dire de tous les oiseaux américains. IL n’est pas rare d’en voir des centaines réunies 
sur un seul cadavre. Sa familiarité et les services qu’il rend aux villes l’y font regarder, 
en quelque sorte, comme partie intégrante de la population; et comme, d’ailleurs, sa 
chair infecte n’est pas mangeable, comme il est dégoûtant au point de faire craindre 


1. Tome III, page 20. 
IV. ois. 5 


(34) 


Oiseaux de le toucher, ce qui fait qu’on ne peut tirer aucun parti ni de sa peau ni de ses 


proie, 


plumes , il est rare de voir les habitans, même dans les villes où les lois ne le pro- 
tègent pas, chercher à lui faire du mal; aussi multiplie-t-il à l'infini partout, tandis 
que le condor et le roi des vautours deviennent de plus en plus rares. 

Pour faire mieux connaître la vie privée de l’urubu, nous allons tenter de le suivre 
dans l'emploi de ses journées. 

L’urubu passe la nuit soit sur les branches inférieures des gros arbres, soit sur les 
assises des rochers ou des falaises des côtes, soit sur le faîte des maisons, soit même sur les 
buissons, lorsqu'il ne trouve pas d’arbres. Comme il aime la société, il est rare de le voir 
seul. On le voit, le plus souvent, en nombre sur le même arbre ou sur le même toit. Il 
revient toujours au même gîte, et les arbres sur lesquels il perche se reconnaissent facile- 
ment , tout couverts qu’ils sont d’une fiente blanchätre, qui les fait promptement périr. 
Dans l'attitude du repos, on le voit, la tête rentrée dans les épaules, le bec horizontal, les 
pattes verticales et les ailes légèrement pendantes, position qui lui donne un air stupide et 
disgracieux. L’urubu, de tous les oiseaux celui qui se couche le plus tard , car il vole encore 
au crépuscule, est aussi le plus matinal de tous. En cas de mauvais temps et de pluie, il 
reste au gîte quelques momens de plus, secouant la tête par intervalles; et, si la farm ne le 
presse pas, il s’y tient toute la journée; mais, quand il fait beau, c’est au crépuscule du 
matin qu'il prend son essor. A-t-il en réserve, quelque part, une proie entamée de la 
veille, il s’y rend à l'instant et déjeüne. N’a-t-il, au contraire, aucune provende assurée, 
il parcourt, d’un vol circonspect, les environs de sa demeure, s’élevant quelquefois 
très-haut, comme pour s'assurer s’il n’apercevra pas, au loin, quelque réunion de ses 
congénères. S'il ne voit ou ne rencontre rien, il va, de suite, s’abattre sur une muraille, 
sur une barrière, sur un poteau, sur l’arbre le plus voisin de quelque habitation; 
d’où, la tête enfoncée entre les épaules, il regarde attentivement autour de lui, restant 
ainsi quelquefois des heures entières à ce poste, pour ne s’envoler que lorsqu'un autre 
urubu plus fort vient l’en débusquer; ou, s’il y a quelque proie aux environs, il passe 
toute la journée près des habitations, et couche däns les bois voisins. 

L’urubu est incontestablement l’oiseau qui peut rester le plus long-temps sans manger; 
mais s’il arrive qu’à portée de l'observatoire qu'il s’est choisi, on tue un bœuf ou un 
mouton, il descendra soudain, et viendra disputer aux chiens du logis les intestins de 
l'animal, jetés au loin dans la campagne, suivi bientôt de quelques-uns des siens, et 
de quelques caracaras, à la piste dans le voisinage, de sorte qu’en moins de rien, il 
n’en restera pas vestige. On le voit même souvent attendre que quelque besoin fasse 
sortir les habitans de la maison, les suivre à l’écart, et se repaître de leurs déjections. 
C’est ainsi, comme nous l’avons dit, que, dans les villes du Pérou, il remplace avanta- 
geusement, pour les habitans, le percnoptère des Égyptiens, en purgeant les rues des 
immondices de toute sorte que laissent s’y accumuler l’indolence et la paresse des citoyens, 
complices, à cet égard, de la négligence des autorités. Les Espagnols ont si bien senti 
la nécessité de protéger les urubus, que, dans les villes de Lima et d’Arequipa, qui- 
conque en tue un, est passible d’une amende de cinquante piastres (250 francs); aussi 


(55) 


les y voit-on, toute l’année, descendre, sans crainte, des toits des maisons, dans les Oiseaux 
de 


cours et dans les rues. Comme le condor, ils suivent, sur les côtes maritimes, les troupes 


d’otaries ou de phoques, ou les innombrables volées d'oiseaux de mer qui couvrent quel- 
quefois de grandes portions de la côte. Lors de la descente sur le Paraguay et sur le 
Parana jusqu’à Buenos-Ayres, de ces immenses radeaux (angadas), mis en mouvement 
par plus de trente rameurs, et qui portent assez de bestiaux pour la nourriture de 
leurs équipages, l’urubu suit, en troupes nombreuses, ces caravanes fluviatiles, et 
s'arrête avec elles, dans l'espoir de saisir au passage quelques morceaux de chair, ou 
les restes des repas de leurs conducteurs, qui couchent habituellement à terre. 

Lorsqu'un urubu aperçoit dans la campagne le cadavre d’un animal, il se met de 
suite en devoir de l’entamer par les yeux, par la bouche, ou par les autres orifices; 
mais il n’est pas long-temps seul. Un grand nombre des siens se joignent à lui, avec 
les caracaras, leurs fidèles compagnons de fortune. Une journée suffit pour en assembler 
des milliers. Alors, acharnement égal entre tous et rixes de tous les momens, les plus 
affamés poussant les autres et cherchant à les chasser à coups de bec. Leurs luttes pré- 
sentent un spectacle assez singulier; ils sautent continuellement les uns contre les autres; 
et, de loin, on les croirait en danse. Quand ils sont parvenus à détacher un morceau 
trop gros pour être avalé, deux d’entr’eux se mettent à le tirer, chacun de son côté, 
espèce de joûte, à laquelle se joint quelquefois, en tiers, un caracara. Ils font entendre, 
alors, mais alors seulement, une espèce de croassement rauque, assez semblable à celui 
des corbeaux d'Europe. On les voit aussi, sans motifs apparens, s'élever, tous à la fois, de 
quelques pieds, puis retomber, de nouveau, l'instant d’après, sur leur proie. Quand ils 
sont très-nombreux, les plus avides s’acharnent sur l’animal, occupés à en arracher des 
lambeaux; les autres, en bien plus grand nombre, se promènent à une certaine distance, 
perchent sur les arbres des environs ou tournoient, à diverses hauteurs, dans les airs, 
au-dessus, ceux-ci digérant le repas déjà fait, ceux-là se préparant au repas à faire, en 
attendant leur tour d’y être admis. 

Le tournoiement dont nous venons de parler est, pour l'habitant des campagnes, un 
signe infaillible qu’il va trouver, au-dessous, le cheval ou la vache qui lui manque. 
Il ne saurait rendre un plus grand service aux urubus que de dépouiller de sa peau le 
cadavre de l'animal; car ces oiseaux ne peuvent en entamer les parties dures; aussi les 
voit-on s’écarter de la bête, dès que le propriétaire s’en approche pour l’écorcher; mais, 
l'opération terminée, ils se rassemblent de nouveau, toujours plus nombreux, autour. 
des chairs dénudées, et les réduisent, en un jour ou deux, à l’état de squelette parfait, 
n’y laissant que les tendons les plus durs, auxquels même ils reviennent bientôt, s'ils 
ne trouvent pas de meilleure nourriture. Ces festins des urubus les réunissent tant qu’il 
reste quelque chose à manger. Les mieux repus demeurent encore un jour aux environs, 
puis ils se dispersent, et vont, de nouveau, chercher fortune ailleurs. 

Quand les urubus sont poursuivis immédiatement après leur repas, ils ont peine à 
s'envoler, et dégorgent la nourriture qu’ils viennent de prendre, non pas tant, peut-être, 
pour accélérer leur fuite, en allégeant le poids de leur corps, que pour obéir à l'instinct 


(36) 


Oiseaux qui les porte à vomir leur manger devant les caracaras qui les poursuivent, afin de 


de 
proie. 


leur échapper, en retardant leur poursuite. 

L’urubu n’attaque jamais un animal vivant : il se contente de ceux qu’il trouve morts 
dans la campagne. Nous avons vu en Patagonie des réunions d’urubus des plus nom- 
breuses. On avait tué, dans un seul établissement, douze mille têtes de bétail, pour les 
saler, dans l’intérêt d’une opération commerciale. Pendant cette boucherie de quelques 
mois, les os, encore assez charnus, avaient été entassés au bord du Rio Negro, ce 
qui ne cessa d'y attirer des urubus et des caracaras, que devait séduire une si riche 
et si facile curée; aussi les carcasses en étaient-elles incessamment couvertes, et nous ne 
croyons pas exagérer en évaluant à plus de dix mille le nombre d’urubus alors agglo- 
mérés sur ce point. 

La familiarité des urubus est extrême. Nous en avons vu, dans la province de Mojos, 
lors des distributions de viande faites aux Indiens, leur en enlever des morceaux, au moment 
même où ils venaient de les recevoir. À Concepcion de Mojos, au moment d’une de ces 
distributions, un Indien nous prévint que nous allions voir un urubu des plus effrontés, 
connu des habitans, parce qu’il avait une patte de moins. Nous ne tardames pas, en 
effet, à le voir arriver, et montrer toute l’effronterie annoncée. On nous assura qu’il 
connaissait parfaitement l’époque de la distribution, qui a lieu tous les quinze jours, 
dans chaque mission; et, la semaine suivante, étant à la mission de Magdalena, distante 
de vingt lieues de celle de Concepcion, à l'heure même d’une distribution semblable, 
nous entendimes crier les Indiens, et reconnûmes l’urubu boiteux, qui venait d’arriver. 
Les curés des deux missions nous ont garanti que cet urubu ne manquait jamais de se 
trouver, aux jours fixés, dans l’une et dans l’autre, ce qui dénoterait, dans l’urubu, 
un instinct très-élevé, joint à un genre de mémoire rare chez les oiseaux. 

Un autre fait, s’il faut l’admettre, prouverait que l’urubu n’est pas moins audacieux 
que familier. On nous à donné pour certain qu’il ne craint pas de disputer sa proie, 
même au terrible jaguar. 

La marche de l’urubu est grave et lente; il alonge beaucoup les jambes pour faire de 
grands pas; mais, quand il est pressé d’arriver sur une proie ou de se sauver, il saute 
des deux pieds à la fois, surtout s’il veut s'envoler. En général, il marche peu. 

Son vol est quelquefois élevé, lorsqu'il cherche pâture ou qu’il sent l'approche de 
l'orage; mais ordinairement il est bas et se fait entendre de loin. L’urubu diffère beaucoup 
de l'aura pour son vol; car il plane rarement et ne peut parcourir un grand espace sans 
mouvoir ses ailes, tandis que l'aura plane tout à fait comme la buse. Lorsque le temps 
est à l'orage, l’urubu s'élève en tournoyant, en troupes nombreuses, à une grande hauteur, 
et se perd alors au sein des nuages, d’où quelquefois il se laisse tomber comme une 
flèche, avec bruit, jusqu’auprès du sol, puis reprend tranquillement son vol ordinaire, 
ou recommence à monter, en tournoyant, pour aller rejoindre ses compagnons, qui 
l’attendent dans les airs. Il vole contre le vent avec une extrême facilité; mais sil com- 
mence à pleuvoir, il se pose sur les branches inférieures des arbres, et cherche à se 
préserver de la pluie. Les ailes basses, la tête enfoncée entre les épaules, il attend le 


(37) 
retour du beau temps; va se placer, alors, au faite d’un arbre, sur le pignon d’une Oiseaux 
maison, se tourne du côté du vent, et étend ses ailes, qu’il tient, des heures entières, 3 
à demi ouvertes, sans se fatiguer. Rien de plus singulier que de voir, après un orage, 
un grand nombre d’urubus rangés en ligne sur une maison, tous les ailes ouvertes, pour 
les faire sécher; et quand, au contraire, il fait grand chaud, on les voit également 
ouvrir les ailes, pour recueillir le peu de fraîcheur qui circule dans l'air. 

Au temps des amours, qui ont lieu de Novembre en Février, l’urubu se réunit par 
couple. IL s'éloigne alors des lieux qu’il habite ordinairement et cherche un endroit 
écarté, propre à recevoir ses œufs. Le plus souvent il les dépose dans un trou de rocher, 
ou dans les anfractuosités des hautes falaises qui bordent souvent les grandes rivières 
en Amérique. On nous à garanti qu’au sud, dans les parties froides, il fait son nid sur 
les saules du bord des fleuves ou sur les buissons, et qu’il le compose alors d’épines et 
de petites branches; mais, dans les parties chaudes, nous pouvons assurer qu’il ne fait 
aucun nid, se contentant de déposer ses deux œufs sur la terre. Ces œufs ont, sur leur grand 
diamètre, 7 / centimètres, et, sur le petit, 5 centimètres. Ils sont d’un blanc sale, légèrement 
verdàtre, semés de taches d’un brun violet, irrégulières, de grandeur variable, le plus 
souvent arrondies, en plus grand nombre sur le gros bout que sur l’autre. Le couple 
donne à sa nichée et aux jeunes des soins assez attentifs. Nous avons vu l’urubu se 
baigner, mais seulement au temps des amours, sans pouvoir nous expliquer ce qui le 
fait aimer l’eau à cette époque plutôt qu’à telle autre. 

IL serait facile de faire contracter à cet oiseau les habitudes de la domesticité, mais il 
est rare que les habitans veuillent s’en donner la peine, d’autant plus qu’ils l’ont en 
horreur, à cause de son odeur forte et nauséabonde. Cependant nous en avons vu de 
domestiques dans quelques maisons. Azara nous cite plusieurs urubus qui avaient même 
pris de l’attachement pour leurs maîtres et qui répondaient à leur appel. Nous le croyons 
en tout, à cet égard; et nous ajouterons qu'un habitant digne de foi nous a dit qu’un 
urubu qu'il avait élevé l’aimait au point de l’accompagner partout, et devint très-triste 
en voyant son maître tomber malade. Le narrateur ajoutait qu’un jour la chambre où 
il était couché s'étant ouverte, l'oiseau vola avec empressement auprès du malade, pour 
lui témoigner la joie de le revoir. 

Les Guaranis appliquent la graisse de l’urubu à divers usages médicaux. Ils l’emploient 
en frictions contre les rhumatismes chroniques. Ils croient aussi guérir les fous de leur 
folie, en leur frottant les épaules de cette graisse. 

L’urubu étant très-commun dans toute l'Amérique méridionale et dans une partie 
de l'Amérique du nord, nous allons présenter, avec assez d'extension, sa synonymie 
américaine, qui donnera une idée des dérivés des langues 1. Nous commencerons par le 
sud, en marchant toujours au nord. Les Tehuelches ou Patagons le nomment £ebel-tebel, 


1. Il nous semble qu’on a, jusqu'ici, attaché trop peu d’importance à l'orthographe des noms 
américains. Nous les trouvons tronqués ou dénaturés outre mesure dans tous les auteurs. Nous 
pensons qu’on ne saurait apporter trop de soin à les rectifier, ces rectifications pouvant n’être pas 


(38) 


Oiseaux qui est aussi son nom dans la langue des Puelches. Les Araucanos des Pampas du sud le 


proie. 


nomment kelhui ou canin. Les Guaranis, la nation la plus répandue sur le sol de l’Amé- 


rique, le nomment sribu (pron. urubou), au. Paraguay, et urubu (pron. ouroubou), 


soit au Brésil soit chez les Guarayos de Bolivia, l’un de leurs rameaux. Le nom de 
couroumou, que lui donnent les Oyampis de la Guyane, lesquels sont également une 
section des Guaranis, n’est, sans doute, qu’une corruption de son nom propre dans cette 
langue. Les Bocobis du Chaco, entre Santa-Fe et Corrientes, le nomment oïc; les Tobas 
du Chaco, mbotagni; les Matacos, à l’est de Salta, cheguoo (pron. tchégouoo) ; les Incas 
ou Quichuas, suyuntu (souyountou); les Chiquitos de Bolivia, pachpakich. Les autres 
Indiens de la même province ont aussi leur manière particulière de le désigner. Par 
exemple, les Guarañocas, les Samucus, les Poturero et les Morotocas le nomment cohaboto 
ou comoto, dérivé, sans doute, du même nom; les Otukès le nomment asenavo; les 
Saravecas, acasso; les Quitemocas, mutojo; les Cucikia, pénoki; les Paunacas, séhuma 
(séhouma) ; les Paiconecas, chachiré (tchatchiré). Les indigènes de la province de Moxos 
lui donnent aussi un nom propre, chacun dans sa langue. Ainsi les Chapacuras le nom- 
ment motojo; les Muchojeones et les Baures, han ou ijan; les Itonamas, séréman; les 
Cayuvava, bado; les Iten, také; les Pacaguaras, poico; les Moyimas, tuspa; les Cani- 
chanas, néréch; les Moxos, chupuki (pron. tchoupouki); les Yuracarès du versant 
oriental des Andes, suné (pron. souné). 

Les Espagnols ne lui donnent pas le même nom dans toute l'Amérique. Quelquefois 
les mots par lesquels ils le désignent sont analogues à ceux qui désignent des oiseaux 
d'Europe, et lui ont été appliqués à cause de ses mœurs; d’autres fois, ils dérivent de 
quelques langues indiennes. Dans toute la république Argentine, on le nomme cuervo 
(corbeau). Au Chili, les Espagnols lui ont conservé son nom araucano; sur toute la côte 
du Pérou et en Bolivia, on le nomme gallinazo , à cause de sa forme si analogue à celle 
des poules. À Santa-Cruz de la Sierra, on le nomme sucha; en Colombie, zamuro; les 
Mexicains l’appellent zopilote, nom qu’il conserve jusqu’à l’isthme du Panama. 


CATHARTE AURA, Cathartes aura, Ilig. 


Vuliur aura, Lin., Lath., Sp. 8; Jota, Molina, Chili, pag. 245; Cathartes Jota, Ch. Bonap., 
Syn., esp. 5; Vuliur atratus, Wils, Ornith. am., tom. IX, pl. 75, fig. 2; Cathartista aura, 
Vieillot, Gal., pl. 4; Cuvier, Règn. anim., p. 317; Prince Max. de Neuwied, p. 64. 


Cathartes toto nigro-brunneo , trunco remigium nigro; capite, collo nudis , purpureis ; 
rostro roseo; caudd elongatd, graduatd; tarsis roseis. 


Il est impossible de s'expliquer par quelle préoccupation des ornithologistes habiles 
ont pu confondre, un seul moment, cet oiseau avec celui dont nous venons de nous 


moins utiles à l'historien qu’au naturaliste. Nous avons eu déjà, et nous aurons souvent encore 
l’occasion de faire cette remarque, dont l'application constante nous semble être un devoir pour 
l’observateur consciencieux. 


(39) 


occuper. En les comparant, en effet, avec la moindre attention, ils auraient vu, de suite, Oiseaux 
de 


combien les formes en sont différentes. Ils auraient vu que la queue de l'aura est toujours ne. 


élagée, tandis que celle de l’urubu est coupée carrément; que le premier a le bec com- 
parativement plus gros, les ailes plus aiguës et se rapprochant beaucoup plus de celles 
des falconidées, et qu’il diffère aussi beaucoup par la couleur. Dans l'aura, le bec, la 
tête entière sont rouges, et le tarse est rosé; tandis que, dans l’urubu, ces mêmes parties 
sont noires. Son plumage, d’ailleurs, est toujours moins noir que celui de l’urubu. 
Enfin, quiconque le verra voler ne pourra le confondre avec son congénère. Son vol, 
comme l’a judicieusement fait remarquer Azara!, ressemble beaucoup à celui de la 
buse des champs ou busard des auteurs; car, ainsi que les busards, il tient les ailes 
plus élevées que le corps, plane, ainsi qu'eux, plus près du sol, des heures entières; et, 
souvent, il nous est arrivé de le confondre, de loin, avec les falconidées en général; 
d'autant plus que les pennes de ses ailes, loin d’être écartées les unes des autres, dans 
le vol, comme chez les sarcoramphes et chez l’urubu, sont, au contraire, pour ainsi 
dire, réunies. 

Azara est l’auteur qui a le mieux décrit laura; néanmoins, il indique le jaune-paille 
comme couleur de l'iris de l'œil, tandis que nous l'avons toujours vu rouge de carmin, 
avec un liséré bleu autour de la prunelle. La tête est d’un rouge plus ou moins violet, 
passant au jaunâtre, à la base de la commissure des mandibules. Sur la tête sont quatre 
rides profondes qui circonscrivent quatre sillons élevés d’une teinte jaunâtre. On en 
remarque encore six à huit de la même couleur, sur le derrière de la tête; le reste de 
la peau est lisse ou légèrement verruqueux au col. Le tour de l’oreille est garni de poils 
noirs, et une touffe des mêmes poils se voit en avant des yeux. Ses pieds sont rosés, 
mais cette teinte est toujours altérée par les corps étrangers qui les recouvrent. Le bec 
est rose très-pàle. Quant au reste de l'animal, il est trop connu pour que nous ayons à 
nous en occuper davantage. 

L’aura répand une forte odeur de putréfaction, plus supportable toutefois que celle 
que répand l’urubu. L’odeur du musc ne s’y mêle en rien, et l’on peut la comparer tout 
à fait à celle du roi des vautours. 

L’aura habite toutes les zones, depuis les pays les plus froids jusqu'aux pays les plus 
chauds de l'Amérique. Il vit aussi dans les plaines brûlantes de la zone torride, jusqu’à 
la hauteur de 2,000 toises au-dessus du niveau de la mer. Nous ne croyons pas qu'il 
aille plus haut, et encore ne l’y avons-nous vu qu’accidentellement. Il habite, comme 
l’urubu, toute l'Amérique méridionale, et s’étend même dans l’Amérique du nord; mais 
il est généralement moins répandu que ce dernier; et, commun nulle part, ne l’est que 
par familles sédentaires dans des localités spéciales; aussi cesse-t-on souvent de le trouver 
sur une surface de terrain de plusieurs degrés de largeur, qui en séparent les diverses 
familles. Par exemple, après l'avoir perdu de vueau 28.‘degré delatitude sud, dans la province 


1. Voyages, tom. III, pag. 24. 


( 40 ) 


Oiseaux de Corrientes, nous ne l'avons plus retrouvé que dans la Patagonie, au 41. degré; d’où il 


proie. 


résulte qu’une distance de treize degrés sépare, là, des familles d’une même espèce. On 
pourrait se demander comment cette petite colonie, ainsi que celle que MM. Lesson 
et Garnot nous disent avoir rencontrée aux îles Malouines, ont gagné des lieux aussi 
éloignés de la demeure habituelle du reste de leur espèce? On peut supposer que les 
auras de Patagonie y sont venus par le sud, ou en suivant les Indiens qui descendent 
le Rio Negro, depuis la Cordillière; mais il n’est pas aussi facile d'expliquer l’émigration 
des auras des îles Malouines. L’aura est commun sur toute la côte de l’océan Pacifique, 
depuis Chiloé jusqu’à Guayaquil; c’est même là que les familles sont plus rapprochées 
les unes des autres; c’est là que nous l’avons rencontré plus nombreux et plus familier 
que partout ailleurs. 

On ne voit jamais l’aura par troupes, comme l’urubu. Le plus souvent il vit ou par 
couple ou dans l'isolement. Il couche aussi également partout, sur les rochers, sur les 
branches inférieures des arbres à la lisière des bois, ou même encore sur les maisons, 
à la côte du Pérou, principalement à Arica, où nous l'avons vu, avec l’urubu, percher 
sur les mâts ou sur les vergues même des bâtimens qui transportent le fumier du pays 
(guaneros). Le plus souvent, un couple, tout au plus, reste aux environs d’une habitation, 
dans la campagne, se posant, comme l’urubu, sur les barrières, sur les palmiers, lors- 
qu'il y en a autour des maisons, mais jamais avec autant de familiarité, et toujours 
pour peu de temps; car les mœurs de l’aura sont plus inquiètes. Sa posture diffère 
peu de celle de l’urubu; seulement il laisse moins tomber ses ailes et tient la tête plus 
droite. Il est beaucoup moins paresseux que l’urubu. On le voit bien plus souvent 
voler. Il est très-matinal, et presque crépusculaire. Tous les matins, l’aura parcourt 
les environs de sa demeure, en planant, à la manière des buses, pour chercher de la 
päture. Son vol, nous l’avons dit, ne ressemble pas à celui de l’urubu. Il parcourt plus 
fréquemment, au ras de terre, les détours de la lisière des bois, ou les environs des 
lieux habités par les hommes, les ailes comparativement plus élevées que le reste du 
corps. À peine une légère oscillation annonce-t-elle qu’il les remue, quand, des heures 
entières, on le voit décrire, avec aisance, des cercles pleins de grâce et de majesté, sans 
jamais, comme l’urubu, s'élever à de grandes hauteurs, toujours prêt, en apparence, 
à prendre pied sur terre; mais, plus grave que l’urubu dans sa marche, ne s’y posant 
guère que pour manger. 

Les auras ont la vue très-perçante, caractère qui leur est, au reste, commun avec 
tous les oiseaux de proie. Nous ne les avons jamais entendus pousser aucun cri. Leurs 
habitudes sont celles de tous les cathartes, dégoûtantes, mais un peu moins sales que 
celles des urubus. Ils se nourrissent également d’animaux morts, qu’ils mangent de la 
même manière, et des immondices des villes, se rendant en cela non moins utiles aux 
habitans du Pérou; mais ils sont moins voraces, et chassent quelquefois aux reptiles, 
aux coquilles et aux insectes, ce que les urubus ne font pas. Il est rare d’en voir plus 
d’un couple auprès de chaque animal mort. Ils se mêlent quelquefois aux urubus et 
aux caracaras, pour manger une proie, mais jamais avec cet instinct d’avide fraternité 


(2K) 


qu'on remarque entre l’urubu et les caracaras. On ne le voit jamais se familiariser Oiseaux 
de 


proie. 


avec les habitans, et même, dans certains lieux, il s’en éloigne et les fuit. 

Les amours de l’aura commencent au mois de Septembre ou d'Octobre, suivant la 
latitude où il se trouve, ou plus tard, dans les régions australes. Il marche alors par 
paires et cherche plus particulièrement le voisinage des bois. C’est ainsi que nous l'avons 
vu au milieu des bouquets de bois isolés et déserts de la fameuse laguna d’Ybera, au 27. 
degré, et dans les bois de saules des rives du Rio Negro, en Patagonie. Souvent il construit, 
au milieu d’un fourré très-épais, son nid, composé de büûchettes. C’est du moins ce que 
les Indiens nous ont dit, ajoutant qu’il bouche avec des épines l'entrée du buisson 
qui communique au nid, et que, lorsqu'un des deux couve, l’autre à soin de fermer en 
dedans, pour dérober l'asile commun aux regards indiscrets. Les Indiens disent aussi que, 
souvent, lorsqu'il est pressé, ou peut-être par paresse, l’aura ne se donne pas la peine 
de construire un nid, se contentant de pondre entre les broussailles sèches, sur le sol, 
ou même entre les pierres. Sa ponte se compose invariablement de deux œufs oblongs, 
acuminés à l’une de leurs extrémités, et longs de 83 millimètres sur 54 de diamètre. Ces 
œufs sont d’un blanc bleuâtre, agréablement marqués de larges taches d’un rouge brun, 
plus ou moins foncées, très-distantes les unes des autres, et bien plus rapprochées du 
gros bout que du bout opposé. Indépendamment de ces grandes taches, toute la surface 
est couverte de taches également espacées et très-peu apparentes, d’un beau violet. Tant 
que dure l’incubation, le mäle et la femelle couvent alternativement et s’éloignent peu 
de leur nichée. Les petits naissent couverts d’un duvet blanc, et sont plus d’un mois 
avant de sortir du nid; après quoi ils suivent leurs parens, quelque temps encore, avant 
de se hasarder à vivre sans appuis et sans guides. 

L’aura paraît, comme l’urubu, susceptible de se plier aux habitudes de la domesticité; 
mais, pour des raisons analogues à celles qui les éloignent de s’occuper de l’urubu, les 
habitans songent rarement à élever des auras. Nous en avons cependant vu plusieurs 
chez des particuliers de la province de Corrientes, où ils nous ont paru plus farouches 
que les urubus. 

La synonymie américaine de l’aura n’est pas moins étendue que celle de l’urubu. Les 
naturels du pays, meilleurs observateurs que les premiers historiens, ont le plus souvent 
distingué par un nom différent, l'aura de l’urubu, et nous ne trouvons même de noms 
semblables que chez les peuples les plus méridionaux de l'Amérique, les Patagons ou 
Tehuelches, les Puelches et les Araucanos, qui l’appellent sebel-tebel, ces derniers lui 
donnant aussi le nom de canin et de jote, selon Molina. La nation Guarani, qui a con- 
sacré le nom sribu ou urubu comme nom générique, donne à cette espèce le nom d’iribu 
(pron. urubou) acäpirai?, qui veut dire téte pelée par la lèpre, ou seulement éribu 
pirai (iribu lépreux), à cause de sa tête rouge. Les Guarayos, qui habitent l’intérieur de 
la Bolivia, au 16." degré de latitude sud, le nomment, dans leur guarani corrompu, urubu 


1. Essai sur l’histoire naturelle du Chili, pag. 245. 
2. Piraï veut dire nu ou pelé, dénudé ou pelé par la lèpre. 
IV. Oïs. 6 


(4) 


Oiseaux bébué (ouroubou béboué). Nous lui trouvons une grande variété de noms chez les 


de 
proie. 


nations du grand Chaco; par exemple, la nation Bocobis, du 31° degré, le nomme oùc; 
les Tobas, du 27. degré, le nomment ndatéésa. Si nous pénétrons dans l'immense 
province de Chiquitos, à l’est de la république de Bolivia (centre de l'Amérique méri- 
dionale), nous trouvons aussi que les Chiquitos l’appellent okechoropès ; les Guarañocas, 
sugnaégno ; les Samucus, sonahagno; ces deux derniers noms évidemment corrompus 
du même. Les Otukès, de l’est de Chiquitos, le nomment chokétoné éméséra; les Sara- 
vecas, du centre de la province, maripihuré; les nations du nord-ouest, comme la 
Quitémoca, chétu (pron. tchétou); la Cucikia, manunakich ; la Paunaca, isichéti; la 
Paiconeca, ésovi. Au milieu des immenses plaines de la province de Moxos, nous retrouvons 
encore l’aura avec son nom propre chez toutes les nations; par exemple, les Muchojeones 
et les Baures du nord-est de la province le connaissent sous le nom de iochéré; les Ito- 
namas, du centre nord, sous celui de oochi (pron. ootchi); les Cayuvara, du nord- 
ouest, le nomment dakéé-bado; les Itès, du centre nord, chakiyé; les Pacaguaras, des 
rives du Rio de Madeiras, canapoico; les Movimas, du centre ouest, talatalo; les Cani- 
chanas, du centre, niketso; les Moxos, du sud, ojoro. 

À Corrientes, les colons le confondent avec l’urubu , sous le nom de cuervo (corbeau), 
ou l’appellent cabeza pelada (tête pelée). Au Pérou, on le nomme gallinazo. Son nom 
d’aura où aoura vient, dit-on, d’une langue de la Guyane. 


II FAMILLE. 


FALCONIDÉES. 


Genre FALCO, Lin.; Faucons, Cuv.; Accipitrini, Ilig.; Accipitrins, Vieill.; Falconées, Lesson. 


Nous ne pourrions insister sur les caractères qui distinguent les falconidées 
des vulturidées, sans sortir du cadre que nous nous sommes tracé; car l'élève 
le plus novice les reconnaïîtrait sans peine à la première vue. 

Il serait difhicile d'établir des généralités de distribution et même de mœurs 
parmi les falconidées. Nous nous étendrons sur ce sujet dans chacune des 
trois grandes divisions que nous croyons pouvoir adopter pour cette série, 
savoir : 1.” celle des caracarides, composée d’oiseaux de proie mangeurs 
d'animaux morts, et aussi dégoûtans que les cathartes ; 2.” celle des aguiléides, 
comprenant les aigles et les buses, ou pour mieux dire, tous les oiseaux de 
proie zgnobles de Cuvier; tous chasseurs, mangeant des reptiles, des insectes 


et même des coquilles, mais, du moins en Amérique, jamais de charognes, 


1. Nous n’avons pas conservé le nom de Falconces, pour établir, avec celui de Fulturidées, 
une sorte de symétrie grammaticale, qui nous parait plus logique. 


(45) 
comme le dit M. Lesson, dans son Traité d’ornithologie'; et 3.” celle des oiseaux 
falconides , oiseaux essentiellement carnassiers, aux habitudes pétulantes, D 
ne mangeant que des oiseaux ou de petits mammifères, qu'ils dédaignent le 
plus souvent, quand ils sont morts. 

La famille entière des falconidées n’a pas de limite propre d'habitation ; 
cependant nous croyons pouvoir aflirmer, comme nous lavons démontré 
dans nos généralités sur l’ordre, que les espèces de ces oiseaux varient bien 
plus dans les régions chaudes, surtout parsemées de bois, que dans les parties 
australes ou montueuses. Îls sont, à quelques exceptions près, sauvages, 
méfians et peu sociables. Leur première sous-famille toute entière (les caraca- 
rides) se distingue des deux autres par ses habitudes de familiarité avec 
homme, qu’elle accompagne partout, tandis que les aquiléides et les falco- 
nides s’en éloignent. Si les cathartes sont méprisés et regardés avec indiffé- 
rence, il n’en est pas de même des falconidées, redoutés, en général, par les 
dégâts que quelques-unes de leurs espèces font dans les couvées de jeunes 
poulets; aussi les habitans les poursuivent-ils par leurs cris, et emploient-ils 
toutes les ruses possibles pour les détruire. 

Leur vol, quoique généralement plus rapide que celui des vulturidées, 
varie beaucoup, etnous croyons qu’il serait difficile de lui assigner des caractères 
généraux, propres à la famille; car il est tantôt très-élevé, comme chez les 
aigles, tantôt bas, comme chez les busards; rapide chez les faucons; lent et 
majestueux chez les buses. Excepté les caracarides, que leur genre de vie attache 
à la terre, les falconidées ne sont pas marcheurs. [ls ne font jamais que sauter, 
sans pouvoir bien déployer leurs doigts, ce à quoi s’oppose la forme de leurs 
ongles crochus, qu'ils doivent tenir à ne pas émousser, puisque ces ongles 
sont leurs armes. Les falconidées sont, sans contredit, de tous les OISEAUX , 
ceux dont la vue est la plus perçante. On les voit, au milieu d’une course, 
le plus souvent rapide, s'arrêter tout à coup pour un objet très-éloigné d’eux, 
et fondre sur leur proie, soit du haut des airs, comme quelques faucons, 
soit de près de terre, comme les buses. Ce sont aussi les plus criards de tous 
les oiseaux de proie, surtout les caracaras, et certaines espèces d’aigles qui, 
du sein de l’espace, épouvantent de leur cri de guerre toute la gent ailée; 
mais il arrive aussi quelquefois qu'avertis par ces bruyantes clameurs, de 
petits oiseaux, ligués contr’eux, les poursuivent à coups de bec et les con- 
traignent à fuir, compensant par leur nombre l’infériorité de leurs forces. 


1. Page 31. 


(44) 


Oisux Les falconidées ne sont pas tous, comme les vulturidées, réduits à pondre 
de . 
voi. Seulement deux œufs; leur ponte est plus variable, et nous croyons que, 


le plus souvent, elle est de quatre œufs, quoiqu’elle s'élève quelquefois jus- 
qu'à six. Ce sont les oiseaux dont le plumage varie le plus ses teintes, en 
raison de la différence d'âge et de sexe; variété poussée au point que, le 
plus souvent, le jeune ne ressemble en aucune manière à l'adulte, ce qui 
explique comment, pendant long-temps, on en a indéfiniment multiplié les 
espèces. 

Nous avons déjà eu loccasion de reconnaître avec quelle rectitude de 
jugement les indigènes, naturalistes par instinct, désignent, le plus souvent, 
par des noms collectifs, une série d'animaux identiques pour la forme ou pour 
le genre de vie. Les noms qu’ils ont imposés aux oiseaux de proie, en général, 
nous en offrent une nouvelle preuve. Nous trouvons, par exemple, que les 
Patagons ou Puelches les nomment guineguil; les Araucanos des Pampas 
du sud de Buenos-Ayres, culfu (pron. coulfou). En marchant vers le nord, 
nous voyons les Tobas, qui habitent le grand Chaco, du 27.° au 16.° degré de 
latitude sud, les nommer cagnardi, tandis que les Botocudos, qui vivent bien 
loin d'eux, au milieu des forêts du Brésil, et dont la langue est différente, leur 
donnent le nom de cagnard, évidemment venu de la même source. Selon 
Azara, la grande nation Guarani les nomme faguato; mais nous croyons 
que ce nom désigne plus spécialement les éperviers et les buses’; tandis que 
nous avons souvent entendu désigner cette série sous le nom de gwra-poru”, 
‘qui vient de guira, oiseau, et de poru, mangeur de viande; et nous croyons 
pouvoir assurer que tel est bien le véritable nom collectif. 


L® SOUS-FAMILLE. 
CARACARIDES, Caracaridæ, Nob. 


Caracaras, Azara; genre Caracara, Cuvier, Lesson; Gymnops, Spix. 


Nous croyons qu’on peut séparer du reste des falconidées des oiseaux que 
leurs mœurs et leurs principaux caractères doivent nécessairement réunir 
dans un même groupe, comme l'avait bien senti D. Félix d’Azara, mais 
dispersés, néanmoins, par d’autres auteurs en des genres tout à fait distincts. 
Nous voyons, par exemple, Cuvier, tout en conservant le polyborus vul- 


1. Tesoro de la lengua guarani, du Père Antonio Rues (1639), page 351. 
2. Même dictionnaire, page 133. 


(45 ) 

garis, Vieillot, comme type de ses caracaras, en séparer le fa/co degener', oiseaux 
Illig., ou chimachima d'Azara, pour le placer avec les aigles-pêcheurs; et Se 
Lesson, après avoir, dans son Traité d’ornithologie, formé une tribu pour les 
caracaras, et y avoir aussi placé le polyborus vulgaris, renvoyer de même, 
très-loin de là, les autres espèces d’Azara, le chimachima et le chimango, 
pour les placer dans le genre pygargue*, tout en disant qu’elles sont anomales. 
Quelques rapports de forme avec les aigles-pêcheurs ont pu déterminer à 
faire ces rapprochemens; mais aucune de ces espèces ne peut être regardée 
comme appartenant aux aigles-pêcheurs, puisqu’aucune d’elles ne pêche, et 
que toutes ont des caractères de mœurs qui leur sont spéciaux , comme ceux 
de ne jamais chasser les animaux adultes vivans, ou ne le faisant que pour 
de jeunes poulets; de vivre, ainsi que les cathartes, de charognes, et même 
d’excrémens; de marcher beaucoup à terre, d’être fort criards, et surtout, 
les plus familiers de tous les oiseaux de proie. Nous voyons que les indigènes 
américains eux-mêmes les ont réunis sous un seul nom générique, sans jamais 
les confondre avec les aigles. Quand viendra donc l’époque où, tenant un 
compte plus exact des mœurs des animaux, enfin mieux connus, nos natu- 
ralistes sentiront l'indispensable nécessité de réunir dans un même groupe 
les espèces que rapproche leur genre de vie; et, sans plus s’'abandonner à 
l'esprit de système, réunir par coupes naturelles des êtres presque identiques, 
et qui vivent, en quelque sorte, ensemble? Nous sommes loin de nier lavan- 
tage des systèmes; mais nous croyons fermement qu’ils ne doivent pas être 
exclusifs, et qu'il faut surtout y faire entrer pour beaucoup les rapprochemens 
de mœurs, traités, jusqu’à ce Jour, avec trop d’indifférence, et qui, dans notre 
conviction intime, doivent devenir, tôt ou tard, la base première de l’histoire 
naturelle, la dépouillant dès-lors de l'aridité qu'on lui reproche avec tant 
de raison, pour en faire une des sciences les plus agréables, comme elle est 
déjà l’une des plus utiles. 

Nous caractérisons donc les caracaras ainsi qu'il suit : bec fortement com- 
primé, non courbé dès sa base, sans aucunes dents, muni quelquefois d’un 
simple sinus; cirrhe alongé, communiquant avec une partie nue, plus ou 
moins large, qui entoure les yeux; le dessus des orbites non saillant, comme 
chez les aigles; tarses longs et nus, souvent entièrement écussonnés, plus 
ou moins régulièrement; doigts, en général, plus longs que dans tous les 


1. Règne animal, page 327. 
2. Lesson, Traité d’ornithologie, page 43. 


(46 ) 


Oiseaux autres falconidées, l'intermédiaire très-long comparativement aux latéraux; 
d ù 
proie. des proportions bien plus grandes que chez les autres oiseaux de proie; tous 


les doigts sont terminés par des ongles peu arqués, permettant une marche 
facile, et, le plus souvent, usés ou émoussés à leur extrémité; la troisième 
rémige des ailes la plus longue de toutes; les deuxième, troisième, quatrième 
et cinquième presque égales en longueur, donnant à l'aile ouverte une forme 
tronquée et oblongue. Caractères de mœurs : oiseaux essentiellement marcheurs. 

Plus amis de l’homme que les autres falconidées, les caracarides ont néces- 
sairement dû le suivre partout dans ses migrations lointaines; aussi les trouvons- 
nous à toutes les zones de latitude et de hauteur. Ainsi nous avons vu des 
caracarides depuis les terres les plus australes jusqu’à la ligne, et depuis le 
niveau de la mer jusqu'aux sommets les plus élevés des Andes; mais tous 
ne sont pas de même espèce, et chacune de ces espèces, bien qu'ayant une 
large limite d’habitation, n’en a pas moins sa zone propre. Le caracara ordi- 
naire vit partout, depuis la zone glaciale, en passant par la zone tempérée, 
jusqu’à la zone brûlante des tropiques; mais on ne le voit jamais s'élever 
sur les hautes sommités, où il est remplacé par notre phalcobène montagnard, 
qui, bien différent du premier, vit seulement dans les régions élevées, sèches 
et arides, tandis que le caracara chimango, fidèle imitateur du caracara 
ordinaire, l'accompagne partout au milieu des plaines, et suit ses habitudes 
demi-domestiques, sans oser jamais gravir la cime des montagnes, dont il 
n’habite guère que le pied ou les coteaux les plus bas. Le caracara chima- 
chima, au contraire, quoique de mœurs non moins paisibles, ne se voit 
qu'isolé près des maisons voisines des bois, et seulement dans les plaines 
chaudes, où il reste, pour ainsi dire, circonscrit entre les tropiques, car il 
ne s’en éloigne au sud que de quatre degrés. 

Les caracaras sont, en général, les parasites importuns de l’homme dans 
les divers degrés de sa civilisation. Compagnon fidèle du sauvage voyageur, 
le caracara l'accompagne de la lisière d’un bois à celle d’un autre, ou sur le 
bord des rivières, ou dans les plaines, transportant son domicile accidentel 
partout où l’homme veut s'établir. Que l’homme se fixe quelque part, et s’y 
construise une cabane, le caracara vient se percher dessus, comme pour en 
prendre possession le premier, et séjourne aux alentours, prêt à profiter 
des restes d’alimens rejetés par le colon isolé. Si l'homme bâtit un hameau, 
le caracara l'y suit encore, campé dans le voisinage, et rôdant sans cesse 
autour des maisons, qui lui promettent alors une nourriture plus abondante 
et plus facile. Que l’homme, enfin, plus entreprenant, vienne à former de 


(47 ) 

vastes établissemens agricoles, ou s’entoure d’un grand nombre d'animaux oiseaux 
domestiques, l’avide assiduité du caracara croît plus active, en raison de ae 
l'espoir mieux fondé qu'il conçoit de trouver, dans une riche ferme, une 
pâture encore et toujours mieux assurée. Stimulé par cet appât, lintrépide 
oiseau ne craindra pas même de s’abattre au milieu des villes ou des basses- 
cours, enlevant de jeunes poulets, et profitant de la négligence des habitans, 
pour leur ravir le morceau de viande qu'ils font sécher au soleil, suivant 
Vusage du pays, ou toute autre partie de leur approvisionnement animal. 
Comme les cathartes, les caracaras remédient à l’incurie des villageois et 
des citadins, en dévorant les animaux morts et les immondices des campagnes 
et des villes, alors véritables cathartes à serres; ou changés souvent en vau- 
tours à forme d'aigle, on les voit disputer, avec acharnement, à leurs dégoûtans 
rivaux, la possession d’un lambeau de chair; mais les caracaras sont plus ou 
moins familiers, selon les espèces. 

Le caracara commun et le caracara chimango sont toujours à portée des 
habitations, au milieu des plaines et près des bois. Le phalcobène montagnard, 
quoique menant en tout le même genre de vie, n’habiteque lesmontagnes culti- 
vées par l’homme, et couche sur les rochers ; tandis que le chimachima, plus 
sauvage, se montre seulement par intervalle, pour dévorer des restes d’ani- 
maux, Où pour attaquer de pauvres bêtes de somme blessées par leur bât, 
et qui n’ont d'autre moyen de défense que de se rouler par terre. 

Les caracarides sont, de tous les falconidées, les plus disposés à la socia- 
bilité, se rapprochant en cela des cathartes, autant qu'ils s’'éloignent, sous ce 
rapport, des aquiléides; et, comme nous l'avons dit ailleurs, soit esprit de 
société, soit pluiôt calcul d'intérêt, un de leurs caractères distinctifs est de 
se réunir sur la même pâture, sauf à s’en disputer ensuite, à chaque instant, 
le moindre lambeau. Ce sont enfin des oiseaux criards et querelleurs au der- 
mier point. Îls sont doués d’une extrême sagacité. 

Les habitans n’ont pas moins de haine pour les caracarides que d’indiffé- 
rence pour les cathartes. Ils les poursuivent à outrance par tous les moyens 
possibles; mais les légers et rusés caracaras se rient, le plus souvent, de leurs 
piéges et de leurs efforts, sans en devenir plus sauvages ; car on les prendrait 
plutôt pour des oiseaux domestiques appartenant au propriétaire d’une ferme, 
que pour des oiseaux de proie, défians, d'ordinaire, et surtout peu habitués 
à vivre avec l’homme. Si un animal mort au milieu de la campagne attire 
les caracarides, on verra le polyborus vulgaris, le chimachima, le chimango 
et le phalcobænus montanus prendre part au festin, les trois premiers chacun 


(48 ) 


Oisaux dans les plaines, et le dernier sur les montagnes. Le caracara vulsanis est 


de 


prie. Inuni de cette poche saillante du col qu’on remarque chez les vautours; et, 
- seul de tous les caracaras, présente ce caractere, qui le rapproche des vautours. 


Les caracarides ont tous un vol qui les fait reconnaître de très-loin. Leur 
aile est coupée carrément à son extrémité, et ouverte, de manière à présenter 
une forme oblongue, égale en largeur. Les rémiges en sont écartées dans 
l’action du vol. Cette aile, ainsi faite, est, dans les quatre espèces que nous 
décrivons, de couleur blanchâtre à sa base, ce qui la rend plus facile à re- 
connaître. Le vol des caracaras est, en général, rapide, quand Poiseau le 
veut; mais, le plus souvent, il n’est que léger. Le caracara plane, ou, pour 
mieux dire, parcourt lentement la lisière des bois ou les alentours des maisons; 
il se repose très-souvent, et n’embrasse jamais une grande surface de terrain, 
comme les buses. Si, tout en volant, il aperçoit une proie, il pousse des 
cris désagréables et souvent répétés, qui sont, sans doute, des cris de joie. 
Le caracara commun a aussi un chant d'amour qui lui a valu le nom qu'il 
porte. Comme, en volant, ces oiseaux regardent partout au-dessous d'eux 
pour découvrir pâture, la vivacité de leurs mouvemens de tête atteste assez 
qu'ils ont la vue très-perçante; et, en effet, tout en passant rapidement, ils 
voient tout ce qui peut les intéresser. 

Leur marche les distingue de tous les autres falconidées. On les voit se 
promener, à pas lents, par terre, et y séjourner long-temps. Un de leurs 
genres même ne se perche Jamais sur les branches des arbres, et ses ongles 
usés à leur extrémité, sont encore un caractère qui le rapproche des vautours. 
Ce genre, pour cette raison, préfère les rochers ou les pics les plus escarpés, 
voisins des habitations. 

Ces oiseaux nichent également à terre; mais, le plus souvent, sur des 
buissons. Leurs œufs ont la forme arrondie des œufs de la cresserelle d'Europe, 
et les taches même qui les recouvrent ont le plus grand rapport avec celles 
de cet oiseau. Leur ponte est variable, suivant les espèces. Ils sont attentifs 
pour leurs petits. 

Les Guaranis donnent à cet oiseau le nom de cardcarà, par analogie avec 
le chant d’amour du polyborus vulgaris, qui reproduit, en effet, assez distinc- 
tement, les syllabes dont ce mot se compose. Ce même nom, adopté d’abord 
par Azara, l’a été, depuis, par Vieillot, par Cuvier, par Lesson, etc. Nous 
en formons aujourd'hui le mot caracarides, destiné à désigner les oiseaux 
que leur forme rapproche des caracaras, et dont on ne devra chercher léty- 
mologie ni dans le grec ni dans le latin, puisqu'il est tout américain. Les 


(49 ) 
Guaranis du Paraguay ont aussi le genre caräcarä; mais, comme ils n’en Oiseaux 
possèdent que deux espèces, ils désignent la seconde, qui est le chimachima, | proie. 
par le mot de caräcara-f (f, contracté de mfrf ou mini, petit), petit card- 
card, quoique ce dernier n’ait pas le chant de l’autre, mais seulement parce 
qu'il lui est analogue pour la forme et pour les mœurs. 

Les Guaranis de l’intérieur du haut Pérou, moins jaloux des contractions 
euphoniques, le nomment caräcar& mint. En d’autres langues américaines 
nous retrouvons encore ces noms collectifs. Par exemple, les Samucus du 
sud-est de la province de Chiquitos (république de Bolivia) ont le nom 
générique alor, qui s'applique au polyborus vulgaris, tandis que la petite 
espèce, ou chimachima, est nommée par eux alor-énap. Les Indiens Chapa- 
curas du sud-est de la province de Moxos ont aussi évidemment un nom 
générique, chuc; car ils appèlent chuc-tara, le caräcarä ordinaire, et chuc- 
an, le chimachima. 

Autant que nous pouvons en juger par les formes, la marche et les mœurs 
du secrétaire ou messager (falco serpentarius, Lin.), cet oiseau doit appar- 
tenir à notre série des caracarides, plutôt qu’à toute autre. Il constituerait 
alors un genre voisin de celui du caräcarä, caractérisé également par la 
forme de son bec sans dents, de la partie nue du tour des yeux, et même 
de la huppe, remplacée, chez certains caräcaräs, par des plumes frisées ; 
chez certains autres, par la faculté qu’ils ont de relever, à volonté, les plumes 
du derrière de leur tête. Nous lui trouvons un rapport de plus avec les cara- 
caràäs dans la nudité de son tarse; et, enfin, il est, avec les caräcaräs, le seul 
oiseau marcheur, et plutôt omnivore que carnassier. Ce serait lanalogue, 
en Afrique, des caräcaräs américains, qui habitent également les hauteurs 
ou les terrains secs et arides; car la longueur proportionnelle du tarse ne peut 
suffire, à notre avis, ce à l'égard de quoi nous ne partageons pas celui de 
M. Lesson, pour autoriser la formation d’une famille; et nous sommes persuadé 
qu'on adoptera notre opinion, dès qu’on attachera quelque prix aux indica- 
tions de mœurs, comme caractères accessoires venant à l'appui des caractères 
extérieurs que nous présente le messager. Il n’est pas jusqu’à sa manière de 
tuer les serpens, en les laissant tomber de haut, qui ne lui soit commune 
avec les caräcaräs, ainsi que nous Pavons reconnu plusieurs fois. 

Nous réunissons aussi aux caracarides le genre zbycter de Vieillot, que 
nous croyons appartenir aux caracarides proprement dits. 


IV. oi. 


I 


Oiseaux 
de 
proie. 


(50 ) 
Gexre RANCANCA, Zbycter, Vieillot. 


Ce genre nous paraît devoir appartenir encore à notre groupe de caraca- 
rides. Ce sont des oiseaux que leurs habitudes rapprochent des aigles-pêcheurs, 
en ce qu'ils suivent les rives des fleuves, se perchant plus volontiers que les 
caracaräs proprement dits; mais ce sont encore des oiseaux qui n’attaquent 
aucune proie vivante, se contentant des animaux morts, ou, le plus souvent, 
d'insectes. 


RANCANCA GYMNOCÉPHALE, Zbycter gymnocephalus, Nob. 


Dans un de nos voyages de découvertes, fait en descendant de la Cordillère orientale 
de Cochabamba, en Bolivia, aux plaines inondées de la province de Moxos, pendant une 
navigation sur le Rio Securi et autres, nous avons souvent aperçu, sans jamais pouvoir 
nous le procurer, un oiseau de la taille du caräcarä ordinaire, entièrement noir, les pieds 
jaunes, la tête tout à fait nue et d’une belle couleur rouge. Son cri et ses allures nous 
font croire qu’il doit appartenir aux caracarides; et, sans doute, au genre rancanca. 


. Gewae PHALCOBÈNE:, Phalcobænus, Nob. 


Caractères. — Bec fortement comprimé, sans aucune dent ni sinus, à com- 
missure très-arquée à son extrémité; cire alongée et droite; un large espace 
nu entourant la partie antérieure et inférieure de l'œil, et s'étendant sur toute 
la mandibule inférieure; tarses emplumés sur un tiers de leur longueur, le 
reste réticulé; doigts longs, semblables à ceux des gallinacés, terminés par 
des ongles longs, déprimés et élargis, très-peu arqués, toujours à extrémité 
obtuse ou fortement usée; ailes de la famille, la troisième penne plus longue 
que les autres. 

Nous formons ce genre, afin d'y placer une espèce qui fait le passage des 
vulturidées aux falconidées et aux caräcaräs ordinaires, dont elle diffère, ce- 
pendant, par des tarses réticulés et par des doigts proportionnellement bien 
plus longs. Cette espèce ne se perche jamais sur les arbres; ses pieds, analogues 
à ceux des cathartes, ne peuvent servir que très-imparfaitement à saisir une 
proie quelconque. Elle appartient aux terrains arides du sommet des Andes. 
Îl est curieux de rencontrer, parmi les falconidées américains, des oiseaux 
spécialement marcheurs, qui ne se perchent jamais sur les arbres, leur pré- 
férant les rochers nus. C’est une anomalie assez singulière au milieu d'oiseaux 
qui peuvent à peine marcher à terre. On a déjà remarqué, chez le secrétaire , 
une certaine analogie de forme avec quelques gallinacés; mais aucun cara- 


1. De gxaxor, faucon, et de Guivw, je marche : Faucon marcheur. 


(51) 
caride ne nous paraît présenter un aspect plus frappant que l'espèce que oiseaux 


. ae 
nous rapportons à ce genre; le port, la démarche, les habitudes même en proie. 
étant celles des coqs et des poules. 


PHALCOBÈNE MONTAGNARD, Phalcobænus montanus, Nob. 
Oiseaux, pl. Il, fig. 1, 2. 


* Mas et foœm. : Rostro cærulescente; vertice pennis crispatis ornato; regione ophtal- 

morum aureo; pileo , cervice, dorso , alis et pectore nigre coruscantibus ; partibus 

| alarum , crissi ventrisque inferioribus albis, nec non extremis tectricibus remigi- 

“. busque; caudd nigrd, in extremä parte albd; tarsis flavis. Jun. : Toto corpore 
rufo-brunescente, et partibus posterioribus maculis bruneis variatis. 


CaracTÈres. — Formes. Toutes les plumes de la tête frisées, celles du cou effilées et ter- 
minées en pointe; les ailes longues, mais beaucoup plus courtes que la queue; les rémiges 


x 
e 


au nombre de douze et larges, la première plus courte de deux pouces que la seconde 
et égale à la sixième, la seconde presque égale à la troisième, quoiqu'un peu moins 
longue, la quatrième seulement un peu plus courte que la troisième, et toutes les autres 
allant en diminuant brusquement de longueur; les plumes du haut du tarse longues et 
soyeuses, sa base marquée de quatre squamelles; tout le reste réticulé par de larges 
écailles irrégulières. Le doigt médius est couvert de seize à dix-sept squamelles onguéales ; 
les autres en ont beaucoup moins, quoiqu’en ayant sur toute leur longueur. Ongles 
longs, fortement déprimés, larges et un peu tranchans à leur côté interne, très-usés à 
leur extrémité. Tout l’espace compris entre le bec et l'œil, nu, et muni seulement de 
quelques poils; le haut de la gorge également nu. Les narines petites, arrondies et placées 
au bord antérieur de la cire. Les oreilles couvertes de petites plumes rondes. 
Dimensions. Longueur totale, du bout du bec au bout de la queue, 55 centimètres : 
envergure ou vol, { mètre 18 centimètres; longueur du pli de laile à son extrémité, 
36 centimètres; longueur de la queue, 20 centimètres; circonférence du corps sur les 
ailes, 33 centimètres; développement du bec, 3 centimètres; du tarse au bout des doigts, 
12 centimètres; du doigt du milieu, 5 centimètres; de l’ongle du pouce, 22 millimètres. 


Couleurs. Le bec, bleu verdàtre; la cire et les parties nues de la tête sont du plus 
bel orangé; les yeux bruns; les tarses ont une teinte de jaune-orangé qui s'étend sur les 
ongles; la tête, le cou, la poitrine, le dos, les flancs, le dessus des ailes et la queue 
sont noirs, à reflets métalliques peu apparens ; tout le dessus de l'aile, le ventre, les 
cuisses et les couvertures supérieures et inférieures de la queue sont blancs; l'extrémité 
et la base de chaque tectrice sont blanches sur un pouce de largeur; une petite bordure 
blanche termine aussi les rémiges et les tectrices : les premières sont transversalement 
rayées de blanc à leur base. 

Le plumage que nous venons de décrire est celui des adultes, mâle et femelle. Celui 
des jeunes est si différent qu’on serait tenté de les prendre pour des espèces distinctes. 


" L. 
OT ñ . Ds 
y : 


(52) 


Oiseaux Dans les jeunes, en effet, les teintes vives des parties nues de la tête sont remplacées 


de 
proie. 


par des teintes beaucoup plus pâles; les tarses sont jaune-verdâtre; la couleur générale 
est roux-brun assez clair, avec une bordure plus pàle à chaque plume, et la tige 


noirâtre; les rémiges sont brunes; les grandes ont du jaune-roux à leur base, avec | 


quelques raies irrégulières brunes; le dessous de chacune est d’un beau roux vif, surtout ä LE 
au milieu; le croupion et les couvertures supérieures et inférieures de la queue sont 


d’un jaune sale, avec quelques lignes irrégulières transversales d’un brun pâle; les cuisses # 
ont les-mêmes raies; les tectrices sont toutes terminées par une tache jaune, excepté les 
deux médianes, qui sont brunes; les autres n’ont que le côté externe de cette couleur, 
et le reste, ainsi que la base, est d’un jaune sale; le dessous est jaune avec une tache 
oblique brune, placée près de l'extrémité interne de chaque tectrice. Tel est le plumage 
d’un individu d’une année; car ces teintes sont peu à peu remplacées par les couleurs 


tranchées des adultes; et, la troisième année, l'oiseau a revêtu toutes celles qu'il doit 7 
conserver toute sa vie, 

Cette espèce, par une antinomie assez remarquable dans la distribution géographique 
des oiseaux, se montre où disparaît le polyborus vulgaris ; aussi n’avons-nous jamais ren- 
contré ensemble ce dernier et notre phalcobène; et, s’ils se réunissent, c’est seulement aux 
confins de leurs zones respectives d'habitation. Nous avons vu, pour la première fois, bi 
notre espèce, en gravissant les contreforts occidentaux de la chaîne des Andes, sur le 
chemin de Tacna, du Pérou, à la Paz (Bolivia). Nous l’avons vue encore sur le plateau | 
particulier des Andes, et notamment sur le grand plateau des Cordillères, qui conserve 
une élévation de 4000 mètres au-dessus du niveau de la mer. À notre descente sur le 
versant est de la Cordillère orientale, elle disparut entièrement, et nous ne la retrouvames 
ensuite que sur le sommet de la chaîne orientale, à Cochabamba, sur la chaîne de Potosi, 
et sur tous les points qui correspondent à notre troisième zone d’élévation (la zone au- 4 
dessus de 11,000 pieds), ou dans toute la zone élevée que les habitans du Pérou nomment 
puna. Nous concluons de nos observations que cette espèce habite du 12.° au 20.° degré 
de latitude sud, seulement sur les montagnes de notre troisième zone. Elle descend 
cependant quelquefois jusque près de la mer, sur la côte du Pérou, mais ce n’est que 
pour peu de temps, et peut-être afin d’y chercher momentanément une nourriture qui 
lui manque dans son séjour habituel; peut-être aussi la nature du sol l’y attire-t-elle; 
car elle y trouve les terrains arides qui lui sont propres; au contraire, elle ne descend 
jamais sur le versant oriental des Andes, où une végétation active et une chaleur humide 


ne conviennent pas, à ce qu'il paraît, à son genre de vie. Elle aime les terrains secs t 
et dépourvus de grands végétaux, qui lui seraient inutiles; car il nous est prouvé qu’elle 
ne se perche pas sur les branches; au moins ne l’avons-nous jamais vue ailleurs qu’à L 


terre ou perchée soit sur les pics, soit sur les points culminans des rochers, Elle s'élève 
très-haut sur les montagnes, où l’on peut la voir, le plus souvent, à terre, ou planer, 
par intervalle, comme les caräcaräs; elle s'élève ainsi de rochers en rochers jusqu’au 
niveau des neiges, mais très-rarement, parce que ses habitudes et son genre de vie 
lui rendent nécessaire le voisinage de l’homme; aussi n'est-elle sédentaire qu'aux lieux 


: 


$ 


(55 ) 
où l’homme lui-même est fixé. Si donc elle le suit quelquefois dans ses voyages, c’est Oiseaux 
x d 
seulement parce qu’elle espère profiter des restes de ses repas. Nous ne croyons pas A 


qu’elle passe à l’est de Cochabamba, à cause des bois, qui commencent promptement à 
couvrir les ravins, et de l’abaissement graduel des montagnes. 
Nos montagnards ne se réunissent jamais en troupes, comme les caräcaräs ordinaires, 
_— lorsqu'il se présente une proie à exploiter en commun. Nous les avons vus sédentaires, 
dans les mêmes lieux, parcourir, le plus souvent, à deux, la campagne, et s’y partageant, 
mais non pas toujours sans querelles, le butin qu’ils rencontrent ensemble. Il est rare 
d'en voir plus de trois ou quatre réunis; mais, alors même, leur caractère querelleur 
des porte à jeter des cris désagréables, en se poursuivant mutuellement pour se ravir 
leur proie. Ils ne se mêlent jamais aux cathartes ni aux condors, pour partager avec 
eux une päture, attendant, le plus souvent, sur les pics voisins, que leur tour soit 
venu de prendre part au repas. Quoique répandus sur une surface de terrain immense, 
ils sont peu communs, et, sans doute, les moins nombreux de tous les caracarides. 11 
nous est arrivé souvent de n’en voir aucun pendant toute la journée; mais, à peine nous 
étions-nous arrêté dans un ravin ou sur les coteaux des Andes, afin d’y passer la 
nuit, que nous en voyions paraître deux ou trois sur le haut des montagnes voisines. 
Ils y restaient en sentinelle jusqu’au lendemain; et, le lendemain, à peine étions-nous 
à quelques centaines de pas de notre halte de la veille, qu’ils y descendaient au plus tôt 
et y cherchaient avec empressement, à terre, en se promenant avec gravité, les restes 
de nos repas. Nous avons remarqué que chaque groupe de cabanes d’Indiens pasteurs 
du sommet des Andes a son couple de notre espèce vivant aux dépens des habitans ou 
des troupeaux; car, également aux aguets des Ilamas femelles qui mettent bas, on les 
voit en disputer le placenta au fidèle chien berger, ou causer la mort des petits, en 
les déchirant par le cordon ombilical, à la manière du condor et des cathartes, mais 
avec une extrème facilité, en raison de la force de leur bec. Quoique peu craintifs, ils 
sont défians, comme tous les oiseaux de proie, et ne se laissent pas approcher aussi 
volontiers que les caräcaräs ordinaires ; ce qui vient, sans doute, de ce que les bergers 
des Andes ne cessent de leur donner la chasse à coups de pierres, au moyen de la 
fronde, leur arme habituelle, dont ils se servent assez adroitement. 

Le vol du phalcobène montagnard est, en tout, celui de la famille des caracarides, 
et, en particulier, celui du polyborus vulgaris, quoique plus aisé et plus prolongé. 
Ses ailes aussi déploient, dans cet exercice, un carré long; il y est agile, rapide et 
léger à la fois. Il ne saute pas à la manière des faucons. Il est, de tous les caracarides, 
le plus essentiellement marcheur; il marche, réellement, d’un pas grave et mesuré, 
comme les coqs, tenant le corps horizontal et non pas incliné, ainsi qu’on représente 
toujours les oiseaux de proie. Il ne se pose que sur les rochers, lorsqu'il est au repos, 
au lieu de se percher sur les arbres, comme les autres caracarides; aussi ses ongles 
sont-ils tout usés, et le voit-on toujours à terre. Sa vue est aussi perçante que celle 
des autres espèces, et son cri, quoique très-fort et très-désagréable, est tout à fait différent 
de celui du polyborus vulgaris. On ne le voit jamais, comme ce dernier, replier sa 


(54) 


Oiseaux tête sur le dos, pour faire entendre ce chant d'amour qu’exprime le mot caracara. 


de 


proie. 


Nous n’avons jamais vu notre espèce chasser aux animaux vivans. Il serait cependant 
possible qu’elle chassät les cobayes, qui couvrent, en grand nombre, tout le plateau des 
Andes. Elle vit ordinairement des restes d'animaux morts, rejetés des maisons des Indiens, 
ou par les voyageurs; et l’on nous a même assuré qu’elle ne dédaigne pas les excrémens. 
Quoi qu’il en soit, il est certain qu’elle ne chasse pas aux oiseaux, et même que ces derniers 
la regardent sans crainte. Elle ne poursuit pas, non plus, les jeunes poulets, comme le 
caräcara ordinaire, et se montre, en cela, moins carnassière. Nous n’avons jamais vu son 
nid. Elle s’accouple au mois de Novembre. Les Indiens disent qu’elle couve dans les 
anfractuosités des rochers abruptes, ce que nous croyons sans peine; car elle paraît aimer 
les rochers, vivant toujours dans leurs parties les plus déchirées. 

Les Indiens Aymaras et Quichuas des Andes nomment cet oiseau, quand il est adulte, 
allcamari*, et suamari, quand il est jeune. Les Espagnols le nomment dominico (domi- 
nicain), à cause des couleurs noire et blanche de son plumage. 


Genre CARACARA, Polyborus, Vieillot. 


Caräcart, Marg., Azara, Cuvier, Lesson; Falco, Lin., Lath., Temm. 


CaracrTÈères. — Bec comprimé, muni d’un indice de dent près de l'extrémité 
de la mandibule supérieure, ou, quelquefois, d’un simple feston, à commis- 
sure droite, arquée seulement à son extrémité; cire large et couverte de 
poils; un espace nu, plus ou moins large, entourant l'œil, et s'étendant 
jusqu’au bec; tarses entièrement nus, ou montrant quelques plumes soyeuses 
à la partie supérieure; le reste écussonné par des lignes de squamelles, dont 
deux antérieures et deux postérieures, et, d’ailleurs, réticulé; doigts plus longs 
que dans les aigles ordinaires, et plus courts que chez les phalcobènes, munis 
d'ongles peu arqués, permettant encore au sujet une marche facile, tous 
comprimés et bicarénés en dessous; le médius seul élargi à son côté interne; 
tous plus où moins émoussés à leur extrémité; aile longue, oblongue, la 
quatrième penne la plus longue de toutes. | 

Nous réunissons, dans ce genre, non-seulement le caräcarä ordinaire ou 
polyborus vulgaris de Vieillot, mais encore les polyborus chimango et chi- 
machima du même auteur, que Cuvier et Lesson ont placés parmi les aigles- 
pêcheurs, quoiqu'il soit bien difficile de les séparer, pour peu que lon 


1. Allca-mari a la même signification dans les deux langues. 4llca veut dire de deux couleurs, 
et mari est la radicale du verbe fuir et ses dérivés. L'oiseau se trouve ainsi désigné, tout à la 
fois, avec une précision remarquable, au propre, par l’un de ses caractères extérieurs, et au 
figuré, par l’une de ses habitudes. 


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L 


L. 


(55 ) 
connaisse leurs mœurs; ou, même indépendamment de cette connaissance, Oiseaux 
À PETER d 
les caractères de leurs formes les liant intimement les uns aux autres. A 


Tous sont aussi des oiseaux marcheurs, quoiqu’ils ne le soient pas autant —— 
que les phalcobènes, puisqu'ils se perchent sur les maisons et sur les arbres ; 
mais ce sont, parmi les falconidées, les seuls oiseaux qui aient encore une 
marche réelle et les mœurs des cathartes; aussi sont-ils toujours, comme ces 

erniers, les voisins peu agréables de l’homme civilisé et de l’homme sauvage 
r d ,l s peu agréables de l} lisé et de lh , 
aux dépens desquels ils vivent. Ce qui les distingue des phalcobènes, cest 

2e A Q «A ° e 
qu'ils enlèvent leur proie avec leurs serres, et sont très-friands de reptiles, 
s, surtout, comme le secrétaire d'Afrique. Ils habitent tou 

de serpens, surtout, le secrét d'Afrique. Ils habitent toutes les 
latitudes et tous les terrains, depuis la ligne jusqu'aux régions méridionales 
froides, et les montagnes aussi bien que les plaines chaudes. 


[.° SECTION. 
Caräcaràs à jabot saillant et nu. 


Nous ne retrouvons ce caractère que parmi les vulturidées; et le polyborus 
vulgaris nous en présente seul un exemple parmi les falconidées. 


Son œuf; Oiseaux, pl. I, fig. 5. 
Cuvier, Règne animal, tom. I, pag. 328; Falco brasiliensis, Gmel.; le Busard du Brésil, Briss. 


_ Polyborus pileo nigro-bruneo; genis rubris; gutture albicante; pectore dorsoque 
nigro- et squalido-albo transverse lineatis ; ventre et hypochondrio nigricantibus ; 
caudd albidd, griseo-radiatd , extremd nigrä; remigium basi albo variatd. 


Ca 
L. CARACARA COMMUN, Polyborus vulgaris, Vieill., Gal. pl. 7, 4 Juin; Spix, pl. 1. 
a 
4 
w 
k 


CaracrÈres. — Bec, bleuàtre; yeux, jaune-roux; tarses, jaune-foncé; parties nues du 
tour des yeux, aurore; mêmes teintes pour l'adulte, mâle et femellé; mais dans le jeune, 
les lignes transversales de la poitrine sont remplacées par des plumes brunes, au milieu 
de chacune desquelles s'étend, en longueur, une tache longitudinale blanchâtre; queue 
bien plus longue que chez l'adulte, et teintes des parties nues beaucoup plus pâles. 
Tous ont une odeur de putréfaction due à la nature de leurs alimens, mais beaucoup 
moins forte que chez les cathartes. 

Ce caräcarà , indiqué par Margrave 1, d’une manière incomplète, mais très-bien décrit 

F par Azara?, est, sans contredit, le plus commun de tous les falconidées américains; et 
nous répéterons même, avec l’observateur espagnol, qu’il l’est autant à lui tout seul que 
tous les autres falconidées ensemble. Nous l'avons rencontré dans toutes les parties froides, 
tempérées et chaudes de l'Amérique méridionale, sur les montagnes peu élevées, comme 


1. Hist. Brasil., page 211. — 2. Tome II, page 32, n° IV. 


Oiseaux 
de 
proie. 


(567.8 

dans l’immensité des plaines. Nous l'avons vu, tour à tour, sur les collines de la Banda 
oriental et de la Plata; au milieu des Pampas de Buenos-Ayres et des marais de la 
frontière du Paraguay; sur les côtes arides de la Patagonie; dans toutes les parties 
montagneuses et buissonneuses du Chili; dans les déserts de la côte du Pérou; sur les 
montagnes de second ordre de la Bolivia, ainsi que dans toutes les plaines boisées et 
sur les collines du centre de l'Amérique méridionale; mais nous ne l’avons pas trouvé 
sur les Andes, sur les montagnes qui atteignent une hauteur de 4,000 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, ou dans les forêts humides et chaudes au milieu desquelles on 
ne voit plus de plaines; encore vit-il sur le bord des rivières qui les traversent, si, déjà, 
le bord de ces rivières est habité par l’homme sauvage. En effet, le caracarä suit l’homme, 
soit dans la civilisation des villes, soit dans la simplicité de sa vie pastorale, au sein des 
plaines; il le suit, parcourant par hordes dévastatrices les immenses Pampas du sud, 
ou se fixant, enfin, et commençant à cultiver le sol si fécond des contrées chaudes. De 
même que le catharte, le caracarä ne trouverait pas assez de nourriture s’il ne s’associait 
à l’homme, dont il partage alternativement les privations et l’abondance, souffrant, 
comme lui, la faim, sans se plaindre, ou consommant, en un seul jour, les provisions 
d’une quinzaine. Sobre ou vorace, tour à tour, il sait se faire à tout, sans jamais 
abandonner l’homme, qui est quelquefois, malgré lui, son protecteur, mais, bien plus 
souvent, son persécuteur volontaire. 

Le caräcarä n’a donc pas d’asyle qu’il affectionne particulièrement ; et, comme le chien 
chez les mammifères, et la poule chez les oiseaux, il habite tous les lieux où l’homme 
peut habiter, puisque celui-ci lui devient indispensable; c’est, en un mot, un animal 
parasite, vivant, ainsi que tous les êtres de son espèce, aux dépens de ceux-là même 
qu’il craint le plus, et qui ne cessent de lui faire la guerre. 

Le caracara se couche bien avant les cathartes. Il passe ordinairement la nuit à côté 
de sa fidèle compagne, sur les branches inférieures d’un vieil arbre adopté par lui. 
Dans les lieux où les arbres sont éloignés, sa journée s'achève bien plus tôt, un trajet 
de cinq à six lieues ne l’effrayant pas pour aller retrouver son gîte habituel ; et, cet espace, 
il le franchit en un instant. Cest particulièrement en Patagonie que nous avons pu 
remarquer ce manège des caracaräs qui, chaque soir, allaient dormir sur les saules du 
haut du Rio negro, et descendaient, tous les matins, autour des différentes fermes 
où l’on élève les bestiaux. Dans les lieux où les arbres manquent, le caräcara choisit, 
pour domicile, le point le plus élevé des buissons; ou, à défaut de buissons voisins, 
un tertre; mais cela, très-rarement ; car il aime beaucoup à se percher. Le matin, 
sans jamais devancer l’aurore, comme l’urubu, pour commencer sa chasse, il se lève 
avec le soleil, et commence sa journée. Planant d’abord ou plutôt volant avec assez de 
rapidité, en regardant tout sur sa route, il se dirige tout droit sur des fermes qu'il a 
choisies pour son terrain de chasse ordinaire, ou sur la maison dont il sait qu’il doit 
attendre la nourriture la plus abondante. Il se pose habituellement sur les arbres des 
environs, sur les barrières, sur le toit même des maisons, ou bien il parcourt les alentours 
à pas lents, visitant avec soin les ossemens répandus sur le sol pour en arracher le 


” 


LE 


(57) 

moindre lambeau de chair; souvent par paires, mais, le plus souvent, en troupes nom- Oiseaux 
breuses, dans lesquelles se perdent et se confondent les individus de chaque couple, En 
pour ne plus se retrouver et se reconnaître que le soir, en regagnant la retraite com- 
mune. Toute la journée, ils se mêlent avec les chimangos, avec les deux espèces de 
cathartes; et, en d’autres saisons, avec les innombrables cohortes de mouettes et de 
goëlands qui viennent, comme eux, vivre, quelques mois, aux dépens de l’homme. Leur 
caractère querelleur devrait leur faire préférer la solitude; et nul doute que l'intérêt 

seul les rassemble; car ils ne montrent jamais entr'eux cet esprit de vigilance qui 
caractérise les oiseaux vivant en grandes familles; aussi ces réunions ne sont-elles que 
fortuites, et chacun n’y est-il que pour soi. Autour des établissemens où l’on sale la 
viande, et desquels on rejette souvent des centaines de carcasses, encore couvertes de 
chair, on voit quelquefois réunis des milliers de cathartes et de caracaräs qu’attire de 

loin cette pàture; car le caräcara, sans jamais quitter le pays, le parcourt dans un 
rayon de cinquante lieues et plus, en suivant la marche des voyageurs et des Indiens, 

ou quand le manque d’alimens le force à pousser au loin ses migrations. Les ressources 
épuisées , les caräcaras se dispersent, et chacun va, de son côté, chercher, de nouveau, 
fortune ailleurs. 

Les caräcaräs sont, peut-être, les plus familiers des falconidées. Ils sont si peu sauvages, 
dans certaines parties de l'Amérique méridionale, où les bestiaux abondent, qu’à peine 
se dérangent-ils au passage du voyageur; ou, s'ils se croient trop près, ils s’en éloignent 
seulement de quelques pas, soit en marchant, soit en sautant, pour se poser à peu de 
distance. Généralement querelleurs, ils se livrent sans cesse des combats sanglans, soit 
pour un perchoir, soit, et bien plus souvent encore, pour une proie. Alors, comme 
toujours et partout dans le monde, le plus faible doit céder. Impertinent et se fiant, sans 
doute, à la force de son bec, le caräcarà s'attaque non-seulement aux siens, mais encore 
aux autres espèces de caräcaräs, aux cathartes, aux mouettes, ou à tel autre oiseau qui 
le gène ou dont il est jaloux. A-t-il vu, par exemple, une mouette ou un catharte avaler 
un bon morceau? Soudain il s’acharne à sa poursuite, le presse, le harcèle, jusqu’à ce 
qu'il l'ait contraint à dégorger, pour s’en nourrir lui-même, cet aliment qu’il lui envie; 
et, nouveau stercoraire, vil ainsi, fort souvent, des déjections des autres oiseaux. Les 
mouettes, peu belliqueuses, dégorgent facilement, parce qu’elles sont accoutumées à le 
faire, quand, à la mer, elles sont poursuivies par les stercoraires et par les puffins : 
mais les cathartes osent quelquefois résister; et, alors, bataille sanglante, où les carà- 
caras obtiennent toujours la victoire, qu'ils doivent à la supériorité de leurs armes. 
Nous n'avons jamais vu plusieurs caräcaräs ensemble sans être témoin de quelques 
différens et de quelques coups de bec. Le caräcarä, sans nul doute, est le plus bruyant 
et le plus effronté de tous les oiseaux de proie d'Amérique. Il est très-vif dans ses manières; 
il marche le corps horizontal, la tête élevée, en regardant fièrement autour de lui. Si 
quelque chose linquiète, il dresse les plumes qu’il porte sur l’occiput, et qui, alors, 
dessinent une espèce de capuchon. S'il attend, perché sur un arbre ou sur tout autre 
objet, il rentre la tête entre les épaules, et ses ailes sont alors un peu pendantes, 


IV: 0. S 


(56) 


Oiseaux surtout lorsqu'il a froid. Dans sa marche lente et composée, pendant laquelle il retourne 


de 
proie. 


de temps en temps la tête, pour ne rien laisser échapper de ce qui peut mériter son 
attention, il forme des pas assez alongés, en avançant alternativement les jambes l’une’ 
devant l’autre, et cela, des heures entières, sans jamais sauter”, à la manière des aquiléides 
et des falconides. Il aime aussi beaucoup à percher, et c’est toujours sur les branches 
des arbres ou sur les maisons qu’il établit son observatoire de jour. 

Sa vue est très-perçante, et ses cris sont des plus désagréables. Ceux qu’il fait entendre 
lorsqu'il poursuit un autre oiseau ou dans les combats, sont bien différens de celui 
qu’'exprime son nom guarani de caracard, et le nom que lui donnent beaucoup d’autres 
nations américaines. Îl ne fait entendre ce dernier cri que dans le repos, et seulement 
à terre, tout en retournant la tête en arrière, de manière à ramener le sinciput sur le 
dos. Ce cri, quand un caräcara le profère, est répété, bientôt, à plusieurs reprises, 
et comme à l’envi, par son compagnon et par tous les caracaras du voisinage. C’est 
principalement au temps des amours qu’il le fait entendre; et, pourtant, il est difficile 
de le prendre pour un chant d'amour, surtout en se rappelant les mélodieux accens 
de notre rossignol. Le vol du caräcara est toujours horizontal, très-rapide, et ses ailes 
forment alors un angle droit avec le corps. Il ne plane pas, comme la buse, et n’a 
pas de manière particulière de voler, quand il chasse. Quelquefois, après la pluie, :l 
étend ses ailes, pour les faire sécher; mais une forme distincte de vol n’annonce jamais 
chez lui, comme chez les urubus, l'approche du mauvais temps. 

Le caräcarä est omnivore, et se nourrit de toute substance animale, putréfiée ou 
non; mais il préfère les animaux vertébrés, et, parmi ces derniers, les reptiles ophidiens, 
remplaçant , à cet égard, en Amérique, le secrétaire du cap de Bonne-Espérance. Nous 
avons été plusieurs fois témoin de la préférence qu’il donne aux serpens. Un domestique 
à cheval ayant laissé traîner derrière lui une lanière de cuir ou courroie, un caracarä 
la prit pour un serpent, et suivit, en courant, le cavalier, jusqu’à ce qu’il eût enfin 
reconnu son erreur. Il mange quelquefois des limaçons et des insectes, mais il faut qu'il 
soit pressé par la faim. Les sauterelles lui servent plus souvent de pis-aller que les 
autres insectes. Il prend quelques petits mammifères vivans, mais préfère, en général, 
une chasse plus facile, et se contente des restes des charognes. Jamais il ne chasse aux 
oiseaux dans la campagne, quoique, dans certaines contrées, il ne puisse voler, sans se 
voir incessamment poursuivi par des troupes de gobe-mouches, surtout, qui le harcèlent 
pendant long-temps, sûrs qu’il ne cherchera pas à se défendre; mais plus hardi parmi 
les oiseaux domestiques, et vivant quelquefois près d’une couvée de poulets, on le voit 
descendre inopinément dans une basse-cour , et enlever dans ses serres, malgré la pauvre 
mère, accourue à la défense de ses poussins, un poulet qu’il va dépecer au loin. Ce corsaire 
de la gent volatile accompagne quelquefois le chasseur, sans que ce dernier s’en doute; 
et, dès que le chasseur a touché un oiseau, s’il n’est prompt à le relever, plus alerte que 
lui, le caräcarä lui enlève sa chasse avec une effronterie sans exemple. L'oiseau, blessé 
par le chasseur, est, de suite, achevé par le caräcarä, qui, pourtant, n’attaquerait jamais 
le plus petit oiseau plein de vie. Les caräcaräs se réunissent aux cathartes pour dépecer 


LE 


(59) 
un animal mort dans la campagne; et c’est alors que ces avides rivaux se livrent les plus Oiseaux 
sanglans combats. Que le berger attentif ne perde pas un instant de vue sa brebis prête ie. 
à mettre bas; car le caräcarä la guette, et la moindre négligence peut coûter la vie au — 
jeune agneau, bientôt déchiré par le cordon ombilical; aussi avons-nous vu le chien 
berger de la province de Corrientes, actif autant que judicieux, s’empressant autour 
du troupeau que, seul, il conduit, surveille et ramène, n’en laisser jamais impunément 
approcher un caräcara. Le voyageur a pu se croire entièrement seul au sein des vastes 
solitudes ... erreur; des hôtes cachés l’y accompagnent. Qu'il suspende sa marche; et, 
soudain, il verra plusieurs caracaräs paraître aux environs, se percher sur les arbres 
voisins, ou attendre, auprès, les restes de son repas. Eux repus, et le voyageur endormi, 
plus de caräcaräs, jusqu’au lendemain... mais ils partent avec lui, le suivent toujours, 
sans se montrer, et ne reparaitront de nouveau qu’à sa halte prochaine. Met-on, enfin, 
le feu à la campagne, pour renouveler les paturages? Le caräcarà, le premier, plane 
sur ce théâtre de destruction, et vient y saisir, au passage, tous les pauvres animaux 
qu’une fuite rapide allait dérober à leur perte. 

Le caräcara s’accouple toute l’année, comme les animaux domestiques, dont peut-être 
il a pris les mœurs. Les plus grands froids, même ceux du 28.° degré, comme nous en avons 
fait l'observation à Corrientes, n’y mettent pas le moindre obstacle; mais nous croyons 
pouvoir assurer qu'il ne fait qu’une ou deux couvées par an. Il commence ordinairement 
à construire son nid dans les mois d’Août et de Septembre; il le place sur les arbres 
les plus touffus et les plus enlacés de lianes, ou dans les halliers, à défaut de grands 
arbres. Ce nid se compose, à l'extérieur, de branchages secs et épineux; quelquefois il 
en tapisse de crins l’intérieur. Il y dépose deux œufs d’un rouge violet, couvert de taches 
plus foncées de la même couleur, et plus rapprochées sur le gros bout que sur Pautre. Ces 
œufs sont longs de 74 millimètres, sur un diamètre de 46 millimètres. Le diamètre en est 
un peu moins grand d’un côté que du côté opposé, sans que la forme en soit pourtant 
aussi acuminée que celui des œufs de cathartes. Les jeunes naissent avec un long duvet 
blanchâtre. Ils reçoivent de leurs parens les soins les plus tendres, tant qu’ils sont 
dans le nid; mais leurs parens les abandonnent dès qu’ils commencent à pouvoir se suffire 
à eux-inêmes. Ils sont, pendant quelques mois, d’une voracité extrême, mais aussi d’une 
imprudence égale à leur voracité; ce qui fait que les habitans en tuent beaucoup. 

Quoique le caräcarà rende de grands services aux habitans, en les débarrassant de 
leurs immondices et des animaux morts que leur indolence laisserait s’accumuler dans 
les campagnes, ceux-ci le détestent et le poursuivent partout avec acharnement, parce 
qu'il détruit leurs poulets, et les oblige à surveiller leurs troupeaux de moutons à 
l'époque où les femelles mettent bas. 

Le nom du caracard, d’origine guarani, est le même chez toutes les tribus de cette 
grande nation. Ce nom est-il formé de la réduplication de card, qui signifie adresse, 
astuce, curiosité, etc., toutes qualités que nous retrouvons chez l'oiseau qu’il désigne? 
Ou, comme nous penchons à le croire, ne serait-il pas plus naturel d'y reconnaitre 
l'expression de son chant d'amour, dont nous retrouvons l’analogue dans beaucoup 


( 60 ) 


Oiseaux de mots des dialectes ou des langues américaines, par exemple, dans le chuctara des 


de 
proie, 


Chapacuras, du sud-est de la province de Moxos; le catavora des Baurès, leurs voisins; 
le chara des Cayuvara, du nord-ouest de la même province; le palapala des Iten; 
le {ayna des Pacaguaras, du nord du pays; le taruba des Movimas, et le Auaya des 
Moxos? À Chiquitos, nous constaterons également l'influence du chant du caräcar4, 
dans les noms que lui donnent les diverses nations de cette contrée, comme les Morotocas 
et les Guarañocas, qui le nomment #trakira, et les Saravecas, du centre de la province, 
qui le nomment acachacacha. Tous les autres noms qu’il porte chez d’autres nations 
ont, sans doute, une autre étymologie que celle qu’on peut tirer de son chant. Ainsi, 
parmi les nations méridionales, les Patagons le nomment kejru (prononcez kéjrou); les 
Puelches, ckamcham (prononcez tchamtcham) , et les Araucanos des Pampas et du Chili, 
traru , laaru ou taru (prononcez trarou, taarou ou tarou); les Bocobis du Chaco, près de 
Santa-Fe, l’appèlent sréartaic, et les Tobas du même Chaco le connaissent sous le nom 
de anéaradé. Dans la province de Chiquitos, certaines nations lui donnent une appellation 
étrangère à l’analogie de son chant. Ainsi la nation Chiquita l’appèle nutuich ; les Samucas 
le nomment alor; les Otukés aravo ; les Quitemocas, tipan ; les Cucikia, nacogné ; les 
Paunacas, silla, et les Paiconecas, ketseco. Dans la province de Moxos, certaines tribus 
lui donnent encore des noms différens. Par exemple, il se nomme catavo chez les Mucho- 


jeones; catavora chez les Baurès; uhuéké chez les Itonamas; neuchararu chez les Cani- 


chanas, du centre de la province, et ajuckag chez les Matacos du Chaco. Les Espagnols 
du Rio de la Plata l’appèlent carancho (pelé ou sans plumes), mot qui paraît dérivé de 
la langue quichua, comme la parlent les habitans du sud du Haut-Pérou. À Santa-Cruz 
de la Sierra, dans l’intérieur de la Bolivia, on le nomme fui (prononcez tout). 


IL SECTION. 


Caräcaras à jabot non saillant et emplumé. 


CARACARA CHIMANGO, Polyborus Chimango, Vieillot. 
Ses œufs. Oiseaux, pl. IT, fig. 3, 4. 


Chimango , Azara; Pycargue Chimanzo1, Haliætus Chimanzo, Lesson. 


Polyborus corpore toto bruneo; pennis margine pallidioribus ; rostro livido; ventre, 
uropygio squalide flavis; cauda transverse variegata, fascia extrema fusca, albo 
margine; tectricibus majoribus albicantibus , nigricante variatis ; remigibus bruneis; 
Lectricibus inferioribus rufis. 


Le jeune et la femelle ont toujours les mêmes couleurs. Teinte générale, le roux-brun ; 
le dessus du sinciput plus pâle; les couvertures inférieures de l'aile, roux-jaune; le 


1. Nous ne savons pourquoi M. Lesson a changé le nom de Chimango en Chimanzo, ce premier 
nom étant celui que porte l'oiseau dans le pays, et le nom adopté par Vieillot. 


(61) 


dessous, jaune-sale; les rémiges brunes, variées de cette couleur sur un fond jaunâtre Oiseaux 
de 


à leur base; les grandes tectrices presque blanches, avec quelques lignes irrégulières 


transversales, brunes. Les tectrices ont une bande brune près de leur extrémité, bordée 
d’une teinte blanchâtre, le reste de leur superficie est plus ou moins marbré de brun 
sur une teinte blanchätre; ces marbrures diminuent en nombre, à mesure qu’elles se 
rapprochent de la base des pennes, et sont remplacées par des lignes irrégulières, placées 
à distance les unes des autres. Les rectrices latérales ont peu de marbrures; leurs lignes 
sont plus marquées, et leur teinte est roussâtre. Le derrière, les cuisses et le dessous 
de la queue sont jaune-sale. Bec jaune; yeux jaune-roux; tarses jaune-clair. Le mâle 
ne diffère de la femelle que par des teintes plus sombres. 

Sa longeur totale, prise sur le vivant, est de 36 à 37 centimètres; la circonférence 
de son corps, de 19 centimètres, et son vol ou envergure, de 75 centimètres. 

Il n’est pas étonnant qu’on ait long-temps confondu cette espèce avec le falco degener, 
Illiger, et qu’on lait cru de sa famille. Il est impossible de présenter plus de rapports 
de forme et surtout de couleur. Nous les avions nous-même confondus au premier 
abord; mais, en remarquant, ultérieurement, que le sujet que nous regardions comme 
le mâle ne se trouvait qu’à Corrientes, tandis qu'il y avait seulement des femelles sur 
les rives de la Plata, l'étude plus attentive des mœurs de ces oiseaux, et des localités 
respectives qu'habite chacun d’eux, ne tarda pas à nous y faire reconnaître, avec Azara, 
deux espèces vraiment très-distinctes; mais qui, depuis, ont encore été confondues, sous 
le même nom, par M. le Prince Maximilien de Neuwied. ! 

Fidèle compagnon du caräcarà ordinaire, le chimango ne l’accompagne pourtant pas 
servilement partout. Nous l'avons rencontré principalement dans toute la république 
Argentine; depuis la Patagonie jusqu'aux frontières du Paraguay; sur la côte du Chili 
et sur celle du Pérou. Au sud, il se trouve jusqu’au détroit de Magellan; et dans le 
nord , il remonte jusque près d’Arica, par le 16.° degré de latitude sud. Il préfère les plaines 
aux montagnes, et à toutes autres localités, les terrains secs et couverts de buissons. 
Il habite indifféremment à l’est ou à l’ouest des Andes; mais il est incomparablement 
plus commun dans les plaines orientales que sur les montagnes de l’occident. C'est 
surtout dans les Pampas de Buenos-Ayres et dans la Patagonie qu’il établit ses colonies 
les plus nombreuses. Il ne suit point le caräcarä dans l’intérieur des plaines chaudes de 
la Bolivia, ni sur les montagnes secondaires de cette république, ni sur celles du Pérou: 
mais, dans tous les lieux qui les retrouvent ensemble, les mœurs, les habitudes, les goûts 
du chimango sont ceux du caracara. Comme le caräcara, il s'attache à l’homme dans 
ses établissemens, dans ses migrations, dans ses voyages; il a le vol du caräcarä, ses 
manières vives et bruyantes, son esprit querelleur; mais ici, différant de son modèle, 
il ne tourmente, n’attaque, ne combat que les oiseaux de son espèce; et, sans doute 
en raison du sentiment de sa faiblesse, ne poursuit jamais les autres oiseaux pour les 
forcer à rendre leur nourriture, afin de s’en nourrir lui-même. Il se montre moins 


oo 


1. Tome III, page 162. 


Oiseaux 
de 
proie. 


a 


(62) 
fier que le caräcarä, sans lui céder en familiarité, en audace et en effronterie. Sa nourri- 
ture est celle du caräcarä, les animaux morts, les chairs rejetées des maisons indiennes, 
les reptiles, les insectes, les jeunes poulets; et, comme dévastateur des basses-cours, 
il ne mérite et ne s’attire pas moins que lui l’animadversion des fermiers. Quant aux 
détails, nous nous référons à ceux que nous avons donnés dans l’article précédent, 
pour épargner à nos lecteurs des répétitions gratuitement fastidieuses. 

Le chimango est, après le caräcarä ordinaire, l'espèce la plus commune, sans qu’on 
puisse, néanmoins, en porter le nombre même à un dixième de celui de cette première 
espèce. Plus marcheur que le caräcar4, il ne recherche pas autant les grands bois pour 
s'y coucher, se contentant, le plus souvent, du toit d’une maison, ou d’une butte 
élevée en terre ou en pierre. On le voit, comme nos poules, en été, se rouler, avec 
délices, dans la poussière des chemins. Il a une sorte de cri de guerre qu’on peut traduire 
par la syllabe chii; cri prolongé, cri aigu, répété continuellement, et de l'effet le plus 
désagréable. | 

Ses amours commencent au mois de Septembre ou d'Octobre. Le chimango s'éloigne 
alors un peu des habitations, pour déposer sa nichée sur des arbustes touffus, ou 
même sur des arbres. Il y construit un nid volumineux, composé d’épines et de racines, 
et dans lequel il pond cinq à six œufs, dont les diamètres sont de 42 sur 34 millimètres. 
La- couleur en est rougeûtre, avec des taches rouge-brun, surtout au gros bout, quoi- 
qu'il y ait quelquefois exception. La forme de ces œufs et la distribution de leurs 
taches les font ressembler beaucoup aux œufs des cresserelles de France, les plus familiers 
de tous nos oiseaux de proie, puisqu'ils nichent dans les vieilles constructions. Le 
chimango, à cette époque, perd un peu de son égoisme ordinaire. Il partage souvent, 
alors, ses alimens avec sa compagne, et prodigue aux jeunes les soins les plus tendres; 
mais, dès que ceux-ci peuvent se suffire à eux-mêmes, il les abandonne pour ne les 
reconnaître jamais, et reprend, sur-le-champ, son caractère de voracité et d’indé- 
pendance. 

Le nom que porte cette espèce lui a été donné par les Espagnols établis sur les rives 
de la Plata, lors de la conquête de l'Amérique, et s’est conservé jusqu’à nos jours. 
Nous n'avons pu savoir s’il vient de la langue des Charruas, habitans primitifs du ter- 
ritoire de la Banda oriental; mais nous sommes sûr qu’il n’appartient à aucune des autres 
langues américaines qui, dans leurs divers dialectes, désignent aussi le chimango par 
un nom particulier. Ainsi les Patagons ou Tuelches le nomment yuna; les Puelches, 
héanché (prononcez kéantché) ; les Araucanos de Patagonie, chiuco ou chiucu (prononcez 
tchiouco ou tchioucou), et ceux des Pampas, chima (prononcez {chima). Les habitans du 
Grand Chaco lui donnent aussi des noms différens. Les Bocobis, par exemple, le nomment 
acalecta. Sur toute la côte du Chili, on l’appèle tuké; et c’est aussi, comme nous l'avons 


déjà dit, le cardcara-i, ou petit caräcarä des Guaranis. 


LA 


LA 14 


(65 ) 


CARACARA CHIMACHIMA, Polyborus Chimachima , Azara. 


Falco degener , Illig., Prince Max. de Neuwied; Polyborus chimma, Viaillot, Ornith. Encycl., 
tom. IIT, pag. 1181; Milvago ochrocephalus, Spix, Brasil., pl. 1; Aigle-pêcheur de Cuvier ; 
Pycargue chimachima, Haliætus chimachima, Lesson, Traité d’ornithologie, pag. 43. 


Polyborus capite, collo , uropygio subtus albido-flavis ; superciliis nigris; alis, dorso 
atro-bruneis ; tectricibus majoribus nigris ; remigibus basi albis; rectricibus nigro- 
varialis atque in extrema parte nigra zona ornalis. 


Mâle adulte, tout entier d’un jaune-sale en dessous, mais cette couleur plus vive 
sous les ailes, et plus pale sur la tête et sur le croupion; au-dessus des yeux, un trait 
noir, qui se prolonge derrière la tête; le dos et le dessus de l'aile, noirs; les grandes 
tectrices, noires aussi, mais terminées par une teinte blanchâtre; la base des rémiges 
blanche; queue terminée en noir; le reste rayé de brun sur un fond gris-sale aux 
rectrices intermédiaires ; les autres jaunâtres, sans lignes transversales; yeux blanchâtres; 
bec plus pâle, ainsi que les tarses. Les parties nues du tour des yeux, communiquant 
avec le bec, sont d’une légère teinte rosée. 

Sa taille est de 40 centimètres. La femelle ne diffère du màle que par des indices de 
bordure plus päles aux plumes du dos et des ailes; par de nombreuses taches noires, 
irrégulières et transversales sous l'aile, à la base des rémiges et aux rectrices; par un 
grand nombre de petites taches entre les bandes noirâtres des rectrices intermédiaires. 

Jeune de l’année : le dessus de la tête noirâtre, avec une ligne jaune au milieu de 
chaque plume; une espèce de collier jaune-sale; gorge gris-sale; poitrine de même 
couleur, avec des lignes jaunes longitudinales, ressemblant à celles de la tête; derrière 
roux-pâle; tout le noir du dos de l’adulte remplacé par du brun; les plumes scapulaires 
présentant, de plus, des lignes transversales rousses; les rémiges brunes, seulement à leur 
extrémité; le reste marbré de brun sur du blanc-brun, formant des lignes transversales; 
la queue ornée de dix bandes transversales brunes sur jaune-sale, mais non terminée 
en noir, comme dans l’adulte. 

La synonymie montre combien il y a eu d’indécision sur la place que devait occuper 
le chimachima, Cuvier lui-même ayant cru pouvoir le ranger, en raison de l’analogie 
de ses formes, parmi les aigles-pêcheurs; mais, puisque les savans veulent, en zoologie 
comme en botanique, établir des groupes naturels, revenant, encore une fois, sur la 
nécessité de tenir compte du genre de vie et des mœurs des animaux, pour parvenir, 


1. Voyages dans l'Amérique méridionale, page 37. Il est fâcheux qu’Azara, si bon observateur, 
n'ait pas donné à cet oiseau un autre nom que celui-ci, adopté par Vieillot et par les autres 
auteurs; car ce nom, appliqué, sur les rives du Rio de la Plata, au chimango qui habite la pro- 
vince, ne peut l’être également à un oiseau qu’on n’y voit jamais. Nous aimons mieux cependant 
lui conserver un nom impropre, que de lui en donner un nouveau; et cela, par respect pour les 
règles que nous nous sommes prescrites. 


Oiseaux 
de 


proie. 


( 64) 


Oiseaux enfin, à une bonne classification zoologique, nous pensons qu’en cette circonstance, 


, de 
proie. 


comme en tant d’autres, ils auraient dû moins dédaigner l'opinion d’Azara, observateur 
le plus souvent très-exact et toujours consciencieux des oiseaux propres aux contrées 
qu'il a parcourues. 

Le chimachima n’a rien des mœurs des aigles-pêcheurs; et, nous le répétons, tous 
les rapprochemens qu’on pourrait tenter entre l’aigle-pècheur et le chimachima , seraient 
des plus forcés et des moins naturels. 

Nous avons vu le caracarä ordinaire et le chimango couvrir de leurs familles éparses 
une surface immense de terrain. Ainsi ne fait pas le chimachima, restreint en des limites 
bien plus étroites. Après l'avoir rencontré, pour la première fois, sur les frontières du 
Paraguay, nous ne l'avons jamais vu au sud du 28. degré, ni au Chili ni au Pérou, 
et ne l’avons retrouvé qu'au centre de la république de Bolivia. Nous en concluons 
qu'il habite seulement la zone tropicale, la passant à peine de quelques degrés, et qu'il 
ne vit dans la zone chaude du centre de l'Amérique méridionale, que sur les versans 
orientaux des Andes; car il n’a poussé aucune migration dans l’ouest. Son cercle d’habi- 
tation ne s'étend pas au-delà des lieux variés de bois et de plaines, et surtout des lieux 
habités, quoiqu'il soit le moins familier de toutes les espèces de son genre. On ne le 
voit jamais, par exemple, au milieu des immenses plaines, comme le chimango, non 
plus qu’au centre des forêts. Jamais nous ne l’avons trouvé, même sur les montagnes 
les plus basses de la chaîne des Andes, dans la république de Bolivia; tandis qu’il est 
assez commun dans les plaines boisées de Santa-Cruz de la Sierra et sur les petites 
collines de la province de Chiquitos; assez commun, disgns-nous, sans trop savoir si 
c’est bien là le mot propre; car le chimachima n’est réellement commun nulle part. On 
ne le rencontre, en effet, qu’à de longs intervalles, soit isolé, soit par paire, sans qu’il 
soit même jamais aussi répandu que beaucoup d’espèces de buses. Nous croyons donc 
pouvoir n’en porter le nombre qu’à un centième de celui des caräcaräs, et à un dixième 
de celui du chimango. 

C’est toujours à la lisière des bois que se voit le chimachima. C’est là qu’il s'établit, 
auprès d’une ferme à bestiaux; c’est là qu’il vit aux dépens de l’homme, sans néanmoins 
avoir tout à fait les mœurs des autres caräcaräs. Abandonnant, chaque matin, les bois 
qui lui ont servi de retraite pendant la nuit, il vient se percher sur les poteaux des 
pares où l’on renferme les bêtes à corne et les chevaux, et regarde aux environs, en 
poussant, de temps en temps, un cri aigu et prolongé, ressemblant assez à celui que 
répète si souvent le chimango, et qu’on peut aussi traduire par la syllabe chi. Confiant, 
par habitude, quoique moins sociable que les autres espèces, il ne craint pas l’homme, 
avec lequel il vit le plus souvent; mais ne montre jamais cette familiarité et cet esprit 
de rapine qui rassemble les autres espèces, telles que le caräcarä, le chimango et les 
cathartes. La plupart du temps il est seul, et semble se complaire dans son isolement, 
quand, près d’une maison, il peut se croire maitre de tout ce qui l'entoure, et chercher 
en liberté, à terre, ce qui tente son appétit; plus sobre, cependant, qu'aucune des 
autres espèces, et s’acharnant moins sur les animaux morts, qu’il n’approche que 


(65) 

lorsqu'il est seul. Il reste moins à terre que le chimango, mais il affecte, en tout, la eaux 
marche, le vol et les allures du caräcarä, dont il partage aussi les habitudes querel- de 
leuses; car il demeure rarement en bonne intelligence avec les siens, et plus rarement LES 
encore avec le chimango. Nourri, comme les autres caräcaräs, d’animaux morts, de 
reptiles et d'insectes, il a, de plus, une coutume qui lui est exclusivement propre, et 

qui le distingue des autres espèces. Dès qu’il aperçoit, dans un parc, un cheval blessé 

par son bât, il vole sur son dos, s’y cramponne, et déchire impitoyablement, de son 

bec, l’escarre déjà formée sur la plaie, sans s'inquiéter, le moins du monde, des bonds 

et des soubresauts du pauvre animal, qui n'échappe à son bourreau qu’en se roulant 

par terre, ou qu’en s’enfuyant au grand galop, au milieu des halliers, s’il est près 

d’un bois. 

On pourrait se demander quel était le genre de vie de cette espèce carnassière, 
avant que les Espagnols amenassent des bestiaux en Amérique; car, antérieurement à 
la conquête, aucune bête de somme n’étant employée dans les lieux chauds par les 
indigènes, les chimachimas n’avaient assurément pas cette habitude de déchirer ainsi 
les plaies des animaux domestiques. Cette observation prouverait seule combien la 
civilisation peut modifier les mœurs des animaux en général; et, en l’appliquant aux 
cathartes et aux caräcaräs, il deviendra présumable qu'avant l’introduction des 
bestiaux en Amérique, ils y devaient être beaucoup moins nombreux qu’à présent, 
faute d'y trouver la nourriture nécessaire pour multiplier autant qu'ils le font 
aujourd’hui. 

Si le chimachima est habituellement moins familier que les autres espèces, il le 
devient bien moins encore, pendant ses amours. Il s'éloigne alors des lieux habités, et 
va construire son nid à la lisière d’un bois isolé. Les Guaranis nous ont assuré qu’il le 
construit de la même manière que le chimango, et qu’il y pond à peu près le même 
nombre d'œufs. 

Le nom guarani du chimachima est, au Paraguay et dans la province de Corrientes, 
caräcard-t (petit caracarä); et chez les Guarayos, qui parlent la même langue, card- 
card-mini, même mot que ci-dessus, et présentant le même sens, mais sans con- 
traction. 

Dans la grande province de Chiquitos , au centre de l'Amérique méridionale (république 
de Bolivia), on le trouve désigné par un nom différent chez beaucoup de peuples divers. 
Par exemple, les Chiquitos l’appellent apacavahuch; les Guarañocas, du sud-est de 
la province, miagapa; les Samucus, leurs voisins, alorenap; les Otukès, caaca; les 
Paiconecas, du nord-ouest, piripiri. Dans la province de Moxos, au nord-est de la 
république de Bolivia, on lui assigne aussi des noms propres. Ainsi, les Chapacuras le 
connaissent sous celui de chucan; les Muchojeones, cachicano, évidemment dérivé du 
dernier mot; les Baurès, palasan; les Itonamas, du centre nord de la province, 


1. Voyez page 49. 


IV. ois. 9 


Oiseaux 
de 
proie. 


ee 


(66) 
huachpiriri; les Cayuvaras, tiyé; les Iten, du nord, uhuiyé; les Pacaguaras, irono- 
tetejna; les Movimas, yucamopa-chia; les Canichanas, nisia, et, enfin, les Moxos, 
chopo. 

Nous avons déjà signalé, dans le mot caräcard, une sorte d’onomatopée : il est à 
remarquer que beaucoup des mots ci-dessus rapportés en présentent une autre. En 
effet, on y trouve quelque chose qui indique cette espèce de chant flûté que nous 
avons rendu par la syllabe chi, et que les habitans de Santa-Cruz de la Sierra tra- 
duisent par chui, nom qu’ils donnent à l’oiseau même. L’onomatopée est surtout frap- 
pante dans les mots piripiri, huach-piriri, tiyé, uhuiye, chia et nisia des langues paico- 
necas, ilonamas, Cayuvaras, iten, movimas et canichanas. Nous rencontrerons souvent 
de ces appellations qui expriment, soit le cri des animaux, soit quelques singularités 
de leurs mœurs, qui, également remarqués chez tous les peuples, ont dû nécessairement 
amener à d’autres analogues pour le sens, quand ils cessent de l’être pour les sons. 


IIS SOUS-FAMILLE. 
AQUILÉIDES, Aquileidæ, Nob. 


Oiseaux de proie ignobles, Cuvier; Aigles, Lesson, R. 


Leurs caractères sont : ailes aussi longues que la queue; la quatrième 
rémige presque toujours la plus longue, la première très-courte; le dessus 
des orbites le plus souvent très-saillant; bec très-robuste, droit sur sa lon- 
sueur, arqué vers la pointe seulement ; la mandibule supérieure quelquefois 
festonnée sur le milieu de sa longueur; le plus souvent lisse, sans dent près 
de la pointe. Le tarse plus ou moins long, en partie emplumé, jamais 
entièrement nu; les doigts robustes, peu allongés, terminés par des ongles 
fortement arqués et aigus, Jamais émoussés, ne permettant pas une marche 
aisée. 

Autant les caracarides sont, pour ainsi dire, liés au sort de l’homme qu’ils 
accompagnent partout comme d’importuns parasites, autant les aquiléides 
fuient les lieux habités, ou les lieux trop fréquentés par lui, pour vivre, 
de préférence, au sein des déserts arides, sur des marais impénétrables ou au 
bord des rivières qui traversent les sombres et paisibles forêts vierges de 
Amérique ; aussi les aquiléides ont-ils dû moins se répandre sur le conti- 
nent américain, et chaque espèce occupe-t-elle des zones d'habitation plus 
restreintes et des lieux plus spéciaux, dont elle ne sort jamais, les suivant 
partout à travers l'Amérique, parce qu’elle y rencontre la nourriture qu’elle 
préfère. On ne la voit sur une grande surface de terrain qu’autant que sy 


(67) 

présentent les circonstances qu’elle recherche; ainsi donc, si tel oiseau habite 
également à l’est et à l’ouest des Andes, barrière difficile à franchir, c’est 
qu'il a pu passer d’un côté à l’autre, sans perdre de vue les terrains ana- 
logues à ceux qu'il fréquente, soit sur la côte occidentale, soit dans les plaines 
de l’est, Il en est de même pour ceux qui se trouvent sur une grande 
surface du centre de l'Amérique. S'ils habitent les marais, ils suivent les 
terrains plans ou les savanes noyées, depuis les Guyanes jusqu’au Para- 
guay; si, au contraire, ils appartiennent à la lisière des grandes forêts 
humides, on les retrouvera depuis les Guyanes jusqu’au pied des Andes 
(haut Pérou), parce que des terrains identiques paraissent couvrir tout le 
cours de l'Amazone. Nous allons étudier les oiseaux de cette série, que nous 
avons observés, suivant les divisions naturelles de la géographie américaine, 
avant de les considérer selon la distribution des espèces d’un genre sur le 
sol de l'Amérique. 

En considérant, d’abord, les espèces qui couvrent les parties chaudes de 
l'Amérique, à l’est des Andes, c’est-à-dire depuis la ligne jusqu'au 28.° degré 
de latitude, ou bien, sous la zone chaude, de 0 à 5,000 pieds de hauteur 
sur les montagnes, ce qui forme nos deux premières zones d’habitation‘ ou 
de hauteur, sur quinze espèces, qui ne s’écartent jamais des 28 degrés de lati- 
tude sud , et qui ne passent aucunement à l’ouest des Andes, nous verrons 
que : 

1. La harpyia maxima, le nisus concentricus, le nisus striatus, se 
trouvent seulement sur les rives des nombreuses rivières qui coulent au sein 
des forêts humides du pied des montagnes de la Bolivia, et, pour l’une d'elles, 
jusque sur le versant est de ces mêmes montagnes. Il est singulier de recon- 
naître que toutes ces espèces sont également propres à la Guyane, où 
s'étendent des forêts aussi épaisses et aussi humides, tandis que nous ne les 
avons jamais vues dans les lieux où des plaines et des marais entrecoupent 
les terrains. 

2. Le nisus poliogaster, Vastur magnirostris, Vastur nitidus, Vastur 
unicinctus, le macagua et lictinia plumbea, vivent seulement dans les 
terrains médiocrement boisés, entrecoupés de plaines et de petits bois, et ne 
s’enfoncent jamais dans les forêts, ni ne montent sur les montagnes, sans 
rechercher non plus spécialement le bord des eaux, comme les cinq suivans. 

3. Le buteo rutilans, le buteo busarillus, le nisus henudactylus, ainsi 


1. Voyez, page 8, le tableau des généralités sur les oiseaux de proie. 


Oiseaux 
de 
proie. 


—_—— 


( 68 ) 


Oisaux que le milvus furcatus et le rosthramus, fréquentent les eaux stagnantes, les 


e 
proie. 


trois premiers restant taciturnes et presque toujours perchés autour, tandis 


—— que les autres tournoient continuellement au-dessus. 


4° Le buteo unicolor est relégué seulement sur les montagnes boisées 
et chaudes de la Bolivia. 

Il y a des espèces qui, se trouvant dans toute la zone chaude jusque sous la 
ligne, ne s'étendent pas moins au sud. De ce nombre est le morphnus uru- 
bitinga et le circus macropterus. Le premier, surtout, se rencontre depuis 
le centre de la Bolivia jusqu’à la Plata, tandis que le second ne va pas jusqu’au 
nord du Paraguay. Tous deux aïment les marais et ne cessent d'exister vers 
le sud que lorsqu'ils n’y voient plus de grands amas d’eau. Une autre espèce, 
encore propre au versant oriental des Andes, le circaetus coronatus, se 
trouve depuis le 28.° jusqu’au 42.° degré sud, c’est-à-dire depuis le Paraguay 
jusqu’en Patagonie. 

Il est à remarquer que, dès qu’une espèce habite notre troisième zone de 
latitude, ou celle du 34. au 45.° degré, quand même elle remonterait bien 
plus au nord, elle fréquente, de suite, les deux versans des Andes, répandue 
également à l’est et à l’ouest de cette chaîne, qui divise l'Amérique en 
deux parties; tandis qu'à l’exception des caräcaräs, aucun des oiseaux des 
régions boisées et chaudes n’habite le versant occidental. Nous devons donc 
croire que c’est l'identité des terrains qui a stimulé les oiseaux à passer sur 
l'autre versant, d'abord parce qu'ils peuvent supporter une température 
beaucoup moins élevée; puis, parce qu’ils retrouvent toujours dans les 
Andes, soit celles du Chili, soit celles de la Bolivia, les terrains buissonneux, 
arides et secs de la Patagonie. Cette hypothèse nous paraît d'autant mieux 
fondée que, comme nous l'avons dit, aucune autre espèce des parties boisées 
et marécageuses ne passe à l’ouest des Andes, où d’abord elle ne pourrait 
vivre à cause de la sécheresse et du manque de plaines; puis , comment aurait- 
elle pu passer par les régions glacées des Andes, ayant l'habitude de vivre 
dans des régions chaudes? car, selon ce que nous avons été à portée d’obser- 
ver, sauf un très-petit nombre d'espèces propres, le versant occidental des 
Andes n’est peuplé que d'oiseaux des parties australes du versant oriental ; 
ce qui est vrai, du moins, de tout ce qui est au sud de Lima. Nous verrons 
que trois des quatre espèces communes aux deux versans se trouvent aussi 
au Paraguay, à la Plata, en Patagonie et au Chili. Ce sont le rnzlvus leucurus, 
le circus cinereus et l’haliætus melanoleucus ; mais ce dernier se trouve aussi 
sur les montagnes de Bolivia, à 11,000 pieds au-dessus du niveau de la mer. 


(69 ) 

La quatrième, notre buteo tricolor, ne se rencontre dans les plaines qu'au oiseaux 
sud du 34° degré et s'étend, à ce qu'il paraît, jusqu’à l'extrémité sud de PAmé- a 
rique. Elle se trouve, aussi, sur le sommet des Andes, au 15. degré, au-dessus 
de 11,000 pieds. On voit donc, comme nous l’avons établi dans les généra- 
lités, que les espèces qui habitent le sud de l'Amérique, habitent aussi le 
sommet des Andes sous les tropiques, où elles ont une température égale 
(due à l'élévation) à celle que leur présentent les régions australes. 

Considérons, maintenant, la distribution géographique des genres, ce qui 
pourra jeter quelque lumière sur les rapports de mœurs des espèces qui les 
composent. Les rosthramus sont du versant oriental, des marais, où ils vivent 
en société, et de passage, depuis les parties chaudes jusqu'aux parties tempérées; 
ils ne montent pas sur les montagnes. Les circaëtes vivent depuis les régions 
tempérées jusqu'aux plus froides , au bord des rivières, chassant les mammifères 
du versant est. L’azgle-pécheur, que nous avons vu, appartient à tout le midi 
de l'Amérique méridionale, à l’est et à l’ouest des Andes, depuis le Paraguay 
jusqu’au sud de la Patagonie, et depuis le niveau de la mer jusqu’au sommet 
des Andes. La Aarpie est des forêts humides et chaudes, seulement; Pazgle- 
autour urubitinga, du versant est, dans tous les lieux plans où se forment 
des amas assez considérables d’eau, dont les environs boisés lui permettent 
de mener son genre de vie habituel; il ne passe pas à l’ouest des Andes. 
Les éperviers sont tous du versant oriental et des régions équatoriales, 
parce qu'ils vivent plutôt à la lisière des bois ou au bord des rivières, et 
qu'ils ne trouvent que là ces circonstances nécessaires à leur existence ; à peine 
quelques-uns gravissent-ils les montagnes les plus basses. Les autours sont 
tous aussi du même versant des Andes et des régions très-chaudes; c’est tout 
au plus si lune de leurs espèces va jusqu’au Rio de la Plata , et tous vivent dans 
les terrains entrecoupés de bois et de plaines; aimant à rester posés, à atten- 
dre leur proie, et n’allant pas sur les montagnes. Le macagua vit sur le versant 
oriental, au bord des rivières. Les milans sont des deux versans. Le m7/vus 
furcatus est des régions équatoriales seulement; et, par cette même raison, du 
versant est, où il vit au bord des eaux voisines des forêts humides, tandis 
que le milous leucurus se trouve des deux côtés des Andes, et depuis le 
Paraguay jusqu’à la Plata, dans les terrains secs, montagneux ou unis. 
L'ictinie est des régions chaudes, boisées et planes du versant est; c’est, sans 
contredit, l’animal le plus sociable. Dans les buses nous voyons trois genres 
de vie différens : 4.” les buses des marais, toutes du versant est, des lieux tem- 
pérés, chauds et plans, parce que là, seulement, on trouve des amas d’eau, 


(70 ) 


Oisaux entourés de bois, leur habitation spéciale; 2.° la buse tricolore, reléguée dans 
SA les régions froides de l'Amérique, à droite et à gauche des Andes, depuis 
le niveau de la mer jusqu’au sommet des montagnes, dans les terrains secs 
et arides; et 3.°, notre buse unicolore, qui vit sur les montagnes boisées, 
chaudes et humides de l'équateur. Les busards sont des régions tempérées 
et froides ; une de leurs espèces se rencontre sur les deux versans des Andes; 
la première au Paraguay, en Patagonie et au Chili, dans les lieux unis, 
comme sur les montagnes ; mais toujours dans les lieux non boisés. On voit, 
par ce qui précède, que, si quelques genres vivent absolument dans les mêmes 
régions, comme les éperviers et les autours, la plus grande partie des autres 
sont assez bien distribués sur toute la superficie de l'Amérique méridionale, 
d'un côté et de l'autre des Andes; mais que ceux qui appartiennent au ver- 
sant occidental sont tous en petit nombre, comparativement à ceux du ver- 
sant opposé. 

Le vol n’est pas uniforme chez les aquiléides, comme chez les caracarides. 
Il est, au contraire, on ne peut plus varié. Nous l'avons vu très-élevé, sou- 
tenu et prolongé chez le pygargue aguya, qui plane majestueusement , soit 
en tournoyant, perdu au sein des nuages, soit en longeant les falaises escar- 
pées du bord de la mer; ou bien encore, en s’élevant au-dessus des sombres 
forêts, comme chez la harpie, qui, ainsi que l’aguya et le czrcaetus corona- 
tus, fait retentir les airs de ses cris aigus, surtout à l'approche de l'orage. Les 
milans tournoient aussi, même bien plus long-temps que les oiseaux que nous 
venons de citer, mais toujours au-dessus des eaux, voyageurs par excellence, 
dans toutes les parties chaudes de l'Amérique ; tandis que les busards rasent 
la terre et pendant long-temps, s’élevant très-rarement et paraissant vou- 
loir se poser à chaque minute, ce qu'ils ne font, pourtant, qu'à de longs 
intervalles. Les autours, le macagua, les aigles-autours, les ictinies et les buses 
des marais, ne volent que très-peu, encore seulement le matin ou le soir, 
pour aller d’un marais à l'autre, en suivant toujours la lisière des bois 
d’une manière lente et furtive. D’autres buses (les buteo tricolor, nob.), 
au contraire, aiment assez à voler, planant souvent au-dessus des déserts. 
Tous les oiseaux dont nous venons de parler tournent auprès des bois, mais n’y 
entrent jamais; ils ont besoin d’un air pur, d’un vaste champ pour s'exercer. 
Aux éperviers seuls est réservé de parcourir d’un vol aussi rapide que léger 
ce labyrinthe impénétrable de branches croisées en tous sens, de lianes tom- 
bantes, qui se trouvent sous la voûte formée par la cime des arbres, au 
sein de ces vastes et sombres forêts vierges des déserts; et, seuls, ils osent en 


(71) 
troubler le silence au sein duquel le timide passereau se croyait à l'abri des 
serres acérées des oiseaux de proie. Ils le saisissent au passage, et le dévorent 
ensuite, en dépit de lessaim de timides hôtes de ces bois, rassemblés pour 
tâcher de sauver leur camarade, en effrayant son ravisseur. 

Parmi les aquiléides aucune espèce n’a de marche proprement dite. Le 
besoin qu’ils éprouvent de conserver leurs ongles affilés, ainsi que la confor- 
mation particulière de ces ongles, les empêchent de marcher; aussi ne les 
voit-on à terre que pendant qu'ils dévorent leur proie. Les buses seules 
et les busards y restent plus long-temps que les autres oiseaux. Tous 
aiment à se percher. Les aigles-autours , les buses, les autours, etc., sont 
toujours juchés à la lisière des forêts, ainsi que la terrible harpie; les pre- 
miers au bord des marais et sur des arbres morts, la dernière le long des 
bois; tandis que le busard cendré, par une habitude anomale dans cette 
série, ne se pose que sur les dunes de sable ou sur les buttes de terre, et 
la buse tricolore aux sommets des buissons ou des très-petits arbres. Les éper- 
viers sont aussi perchés dans leur profondeur; et de plus au bord des forêts; 
sur les branches basses des arbres. 

La plus grande partie de ces oiseaux sont sédentaires, et nous croyons que 
sils se déplacent, c’est seulement pour parcourir les environs du lieu qu'ils ont 
choisi. Nous en avons au moins rencontré toute l’année dans la même pro- 
vince ; cependant nous avons cru remarquer que plusieurs d’entr’eux voya- 
geaient les uns en troupes, comme les rosthramus, Victinia plumbea et le 
milvus furcatus, et quelques autres isolément. | 

Tous ne mènent pas le même genre de vie et ne se nourrissent pas des 
mêmes animaux. La harpie chasse aux singes, qui ne peuvent pas lui 
résister. Le circaëte couronné, quoique ne vivant pas d’aussi grands ani- 
maux, aime aussi les mammifères, et le plus désagréable de tous, la mouf- 
fette, dont l'odeur fait fuir le plus affamé des carnassiers, lui sert exclusi- 
vement de pâture; il la tue en la laissant tomber de haut. Les busards, 
les buses et presque tous les autres aquiléides, mangent de petits mammi- 
fères, mais également les plus faibles et ceux qui offrent le moins de défense, 
comme les paisibles rongeurs. Les éperviers vivent, le plus souvent, de 
proie vivante, et seulement d’oiscaux qu’ils chassent avec beaucoup d'adresse ; 
quelques buses et quelques busards recherchent aussi particulièrement les 
gallinacés, mais non les oiseaux qu'il faut surprendre ou poursuivre long- 
temps. Presque tous les aquiléides mangent des reptiles : Purubitinga, les 
autours, les macaguas, les ictinies, les buses et les milans, en vivent presque 


Oiseaux 
de 
proie. 


ms 


(72) 


Oisx exclusivement; cependant les derniers prennent aussi des poissons, lorsqu'ils 


e 
proie. 


sont morts au bord des eaux. D’autres oiseaux de proie dévorent des mollus- 
ques et des insectes, comme les autours, les milans, les ictinies, les busards 
et quelques buses, plutôt omnivores que mangeurs de proie sanglante, comme 
le sont d'ordinaire les aquiléides d'Europe. 

Tous les oiseaux de cette sous-famille sont ordinairement confie 
ensemble, par les indigènes américains, sous un même nom, auquel ceux-ci 
en ajoutent quelquefois, pour les distinguer, un de couleur ou carac- 
téristique des mœurs. Nous commencerons leur synonymie par les parties 
plus australes, en marchant vers le nord. Les Puelches des Pampas de 
la Patagonie les appellent tataha; les Bejosos mataguayo et Matacos du 
Grand Chaco les nomment yesnag; les Chiquitos du centre de l'Amérique 
méridionale, utasikioch; les Guarañocas de la même province, aorita ; 
les Morotocas, curasuguto (courasougouto, pron. franc.), et les Guarayos, 
guira-été. Si nous passons à Moxos, province de la Bolivia centrale, nous 
leur trouverons encore des noms propres chez chaque nation, savoir : chez 
les Chapacuras du sud de la province, Auzyupt; chez les Mucheojones, piro ; 
chez les Baurès, huajé et prripiri; chez les Itonamas du centre de la pro- 
vince, kuambo, les grandes espèces, caruca, les moyennes; chez les Cayu- 
varas, kéré-kéré; chez les Iten, leurs voisins, cahur. Les Pacaguaras du bord 
du Rio de Madeiras, au nord de Moxos, les nomment tétépahua; les Movi- 
mas, /ljl; les Canichanas, nitsaha, et enfin, les Moxos, yacaha; les 
Indiens Yuracarès les appellent, selon leur taille, si1, essa, gigi. 


Genre ROSTHRAME, Rosthramus, Lesson. 


Cymindis, Cuvier, Temminck; Falco, Linn. 


La série des aquiléides s'ouvrira pour nous par un genre qui, sous le 
rapport des mœurs, de sa sociabilité et de sa manière de vivre, se rapproche 
encore un peu des caracarides ; ses espèces, en effet, au lieu de vivre isolées 
dans la campagne, comme tous les autres oiseaux de cette série, qui, en vrais 
égoïstes , s’éloignent les uns des autres, pour déchirer seuls la proie qu’ils pos- 
sèdent, se réunissent, au contraire, en troupes nombreuses, vivent en bonne intel- 
ligence et parcourent les lieux inondés, où ils cherchent avec soin les poissons 
et les reptiles aquatiques, dont la longueur démesurée de leur mandibule supé- 
rieure et de leurs ongles leur rend la capture facile. Il est bien positif que le 


(75) 

bec des autres genres ne pourrait retenir les poissons, dont le gluten super- Oiseaux 
ficiel le ferait glisser, ce qui n’a pas lieu pour les rosthrames, à cause pre. 
de leur conformation particulière. Jusqu'à présent ces oiseaux paraissent 
se restreindre aux parties tempérées et chaudes de l'Amérique méridionale, 
principalement où de petits bouquets de bois isolés au milieu de marais et 
voisins des lacs leur permettent de suivre leur genre de vie. Jamais ils ne 
vont dans les pays montueux et semblent habiter exclusivement les plaines 
marécageuses. 

De tous les oiseaux de proie ce sont, peut-être, les plus faciles à caracté- 
riser par la grande longueur de leurs ongles, la forme en croc allongé 
de leur mandibule supérieure, d’abord peu courbée et ayant, alors, beau- 
coup de rapports avec le bec des cathartes; conditions de conformation 
propres, d’ailleurs, aux oiseaux se nourrissant d'animaux couverts d’une 
viscosité qui les défendrait de l’action d’un bec différemment conformé. Il est 
évident que les rosthrames doivent être éloignés des cymindis, dont les mœurs 
sont celles des buses, et qu’il faut les placer auprès des aigles-pêcheurs. 


ROSTHRAME SOCIABLE, Rosthramus sociabilis. 


Buse sociable, Azara (jeune), n° 161; Herpetotheres sociabilis, Vieill., Encyclop., t. IT, p. 1248; 
Rosthramus niger, Less., Traité, p. 56; Falco rosthramus, Prince Max. de Neuwied, t. 3, 
p.182, n.° 21; Cymindis leucopygus, Spix, t. 2? 


Rosthramus (Mas). Nigricans, abdomine et cauda brunnescentibus; crisso et cauda 
ad basim albis. 
&Capite fusco et albido vario; corpore supra fusco, subtus sordide albido; rostro nigro; 
pedibus aurantiis (Jun. ). 


Le bec est noir et la base en est d’un jaune rosé clair ; les yeux sont d’un rouge 
carmin ; les tarses sont noirs. ? 

Longueur totale : 45 centimètres. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la province de Corrientes, au 28.° degré de 
latitude sud , à la frontière du Paraguay, et même jusque près de Buenos-Ayres, abso- 
lument dans les lieux où Azara l’a observée. M. Spix dit lavoir trouvée sur les bords 


1. Ilest étonnant que les auteurs n’aient pas reconnu, dans l'espèce d’Azara , son identité avec 
le rosthrame, et qu’ils aient demandé des renseignemens sur les mœurs de cet oiseau, quand 
l'écrivain espagnol les décrit si bien. 

2. Comme on n’a pas toujours été à portée d’observer les couleurs des parties nues, prises sur 
le vivant de lanimal, nous avons cru devoir les indiquer, afin que ces renseignemens puissent 
servir à ceux qui ne voient ces oiseaux que préparés. Nous suivrons la même méthode pour les 
dimensions des parties qui peuvent varier par la dessiccation. 

IV. Oùs. 10 


(74) 


Oiseaux de l’'Amazone; M. Auguste Saint-Hilaire, au Brésil. Nous en conclurons qu’elle habite 


de 
proie, 


une zone étendue, qu’on peut limiter de la ligne au 28.° degré, et bien plus encore; 
qu’elle a, dans cet espace, des lieux spécialement propices à son genre de vie, tels 
que des plaines marécageuses, de petits bouquets de bois et des buissons, qui lui 
permettent de se percher au bord des eaux stagnantes. Nous avons plusieurs fois ren- 
contré cette espèce, et toujours dans les mêmes circonstances, c’est-à-dire auprès des lacs 
et des marais. Elle était par troupes nombreuses , composées de plus de trente individus 
perchés sur les buissons ou sur les arbres baignés des bords des eaux; ces oiseaux sont 
tellement rapprochés les uns des autres, qu’une douzaine d’entr’eux se trouvent souvent 
réunis sur le mème buisson. Là, farouches, moitié posés, moitié volant, ils jettent des 
cris aigus, en tournoyant, un instant, au-dessus des eaux près des rives, et se reposant 
ensuite, pour s'envoler de nouveau une minute après, et chercher à découvrir des 
poissons et des reptiles aquatiques, dont ils se nourrissent. 

Ils voyagent d’un marais à l’autre, sans être, néanmoins, aussi inconstans que les 
autres oiseaux de proie; rien ne les épouvante; on les trouve quelquefois une demi- 
journée de suite dans les environs du même lieu. Quoique sociables, ils sont on ne peut 
plus craintifs , et ils prennent tant de précautions pour n’être pas surpris, que nous n’avons 
jamais pu en approcher, sans être bien favorisé par les localités. On sent que leur genre 
de vie les oblige à se tenir souvent à terre, afin d’y saisir leur proie; aussi les voit-on quel- 
quefois se jeter tout à coup, du haut de leur perchoir ou en volant, sur un poisson ou 
sur un reptile aquatique, le retenir, malgré la viscosité dont il est généralement recou- 
vert, au moyen du long croc de leur bec ou de leurs ongles, et le transporter sur un 
lieu plus sûr, à l'effet de le dépecer et de s’en repaître, puis s'envoler et revenir faire la 
digestion auprès des leurs, perchés sur une branche, où ils restent immobiles, jusqu’à ce 
qu’il plaise à la troupe de prendre son vol. Alors ils accompagnent aussi, la suivant 
partout et s’arrêtant toujours avec elle. 

Il serait bien possible que les volées que nous avons pu observer dans la provinc® 
de Corrientes, fussent celles qu’ont rencontrées M. Auguste Saint-Hilaire au Brésil, 
et M. Spix en Colombie; car nous croyons pouvoir assurer que celles que nous avons 
vues, n'étaient que de passage. Elles parurent pendant les mois de Mars, d'Avril et de 
Mai, sans doute repoussées des parties plus septentrionales par les grandes inondations 
qu'y causent les pluies continuelles de cette saison, au sud de la ligne, en dedans des 
tropiques; inondations qui, ne leur permettant plus de se procurer facilement leur nour- 
riture, les forcent à fuir et à chercher, vers le Sud, des lieux moins submergés. 

Nous serions d'autant plus disposé à le croire que, du mois de Juin au mois de Février, 
intervalle pendant lequel sont secs ces mêmes lieux naguères inondés , nous n’en rencon- 
tràmes jamais, dans la province de Corrientes; tant il est vrai que le chaud et le froid ne 
sont pas les seuls motifs des migrations des oiseaux, et que, sur le continent américain, 
les circonstances locales influent au moins autant que les variations de température. 

Lorsque les rosthrames sociables ont momentanément fixé leur domicile dans un pays, 
leur vol, quoique léger et facile, est bas et ressemble beaucoup à celui des caräcaräs, 


: (75) 
comme l’avait bien observé Azara; mais, quand ils émigrent ou changent de contrées, 
ils s’élèvent dans les airs, volent très-haut, assez rapidement et suivant une direction 
donnée. 

Les Espagnols du pays les confondent avec beaucoup d’autres oiseaux de proie sous 
le nom de gabilan. 


CIRCAËTE, Crrcaetus. 
CIRCAËTE COURONNÉ, Circaetus coronatus. 


Aigle couronné, Azara, n° 7; Falco coronatus, Temm., pl. 234; Harpiya coronata, Vieillot, 
Encyclop., t. IL, p. 1252. 


e 
Circaetus corpore fusco, cæruleo misto, delutione, subtus; occipite pennis quatuor 


elongatis cristato; tectricibus caudæ apice albis; remigibus primartüis, rectricibus 
nigricantibus; cauda alba, transversim striata; cera pedibusque flavis. 


Bec, bleu corné, à base jaune-clair; yeux, rouge-brun; pieds, jaune-foncé; longueur 
totale du bout du bec à l'extrémité de la queue, 73 centimètres; du vol, { mètre 77 cen- 
timètres; circonférence du corps, 64 centimètres. 

Cette espèce est trop connue pour que nous ayons à nous étendre sur ses caractères. 
Nous nous contenterons de donner quelques renseignemens nouveaux sur ses mœurs 
et sur ses habitudes, déjà décrites, en partie, par Azara. Assez souvent elle relève les 
plumes effilées du dessus de sa tête et en forme une huppe plus ou moins haute; les 
couleurs de ses parties dénuées de plumes sont les suivantes : l'iris est roux-brun; le 
bec, bleu-corné et jaune-clair à sa base; ses pieds sont d’un jaune foncé. C’est, du reste, 
l'espèce d'oiseau de proie qui varie le moins dans son plumage selon l’âge; car il est 
seulement plus ou moins bleuàtre ou teinté de brun sale. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la Patagonie, sur les bords du Rio negro et 
près du Paraguay, dans la province de Corrientes. M. Auguste de Saint-Hilaire l’a recueillie 
au Brésil, et Azara l’a observée au Paraguay. On pourrait en conclure que cet oiseau 
habite toute la partie sud-est de l'Amérique méridionale, en dehors du tropique du 
Capricorne ou, pour mieux dire, le sud du Brésil et l’est de la république Argentine, 
jusqu’en Patagonie. Nous l'avons constamment vue habiter les bords des rivières où 
elle pouvait trouver des perchoirs sur les arbres ou sur les hauts buissons; là, séjourner 
long-temps, en attendant sa proie; puis parcourir la campagne en suivant les bords des 
rivières ou la lisière des bois. En Patagonie, elle se repose sur les saules qui bordent le 
haut du Rio negro. Elle se nourrit particulièrement de mammifères; et, le soir ou le 
matin , elle guette le moment où de petites espèces de cette classe d'animaux sortent de 
leurs terriers, pour les surprendre et les enlever. Nous avons même été témoin d’un 
fait assez curieux : la mouffette, dont l’odeur met en fuite jusqu'aux mammifères les 
plus carnassiers, est préférée par elle; d’où vient que, sur les peaux transportées et 
conservées dans les collections, on trouve encore un reste de cette odeur, si forte, 
quand l'animal est frais, qu’elle ferait fuir la personne la moins susceptible. De tous 


Oiseaux 
de 
proie. 


a — 


(76) 


Disaux les oiseaux de proie de ces lieux, c'est la seule espèce qui veuille s’abaisser jusqu’à 


e 
proie. 


cet animal infect. Pour le saisir, elle se met en faction; dès qu’elle le voit à portée, 
elle fond dessus et l’enlève dans les airs, à ce que disent les habitans; puis le laisse 
tomber de très-haut pour le tuer et le dépecer plus facilement. Dans la petite colonie 
du Carmen, en Patagonie, on m'a aussi assuré que les tatous pichis lui servent de pâture, 
et que, pour les tuer et entamer avec moins de difficulté la carapace de ces animaux, 
elle les enlève également dans les airs et les laisse retomber ensuite. C’est le seul exemple 
de ce genre que nous ayons pu observer dans nos voyages; car aucune des autres 
espèces d'oiseaux de proie d'Amérique n’est aussi exclusivement mangeuse de mammi- 
fères ; ses voisins d'habitation, les aigles aguyas, soumis au même besoin, dans les mêmes 
circonstances, ne les recherchent pas, préférant se nourrir d’oiseaux et de poissons. 


LES PYGARGUES ou AIGLES-PÉCHEURS, ÆZabætus, Savi. 


Détachant des pygargues de Lesson le chimachima d’Azara, ainsi que son 
chimango, pour les placer plus naturellement parmi les caräcaräs, il ne nous 
reste plus en Amérique qu'une seule espèce de pygargue, dont nous allons 
décrire les mœurs, afin qu'on puisse les comparer à celles de notre pygargue 
d'Europe, et voir quelles sont les modifications qui peuvent résulter de lin- 
fluence du climat sur des oïseaux assez voisins pour les formes. Ils vivent à 
l'est et à l’ouest des Andes. 


PYGARGUE AGUYA, Æaliætus melanoleucus. 


Aigle noirätre et blanc, Azara, n° 8; Aigle à queue blanche, Azara, n° 10; Spizaetus melanoleu- 
cus, Vieïillot, Encycl., t. 3, p. 1256 ; Spizaetus leucurus, Vieillot, Encycl., t. 3, p. 1257; 
Falco aguya, Temm., pl. 304; Halietus aguya , Lesson, Traité, p. 42; Calquin, de Molina. 


Halicætus. Pennis capitis, colli superioris, corporisque supra, nigricantibus , cæruleo 
mixtis, apice sordide albis; cauda nigricante, albo punctata; tectricibus alarum 


cinereo lineatis; corpore subtus albo, rostro cæruleo, apice nigro; pedibus flavis. 
Vieillot. 


Nous croyons devoir dire, avant de décrire cette espèce, qu’il nous paraît convenable 
de lui restituer le nom que lui a donné Vieillot, d’après la description d’Azara, et de ne 
pas lui conserver celui d’aguya, qu’il a reçu postérieurement de M. Temmink; car nous 
regardons toujours comme une propriété sacrée le nom d’abord imposé. Nous croyons 


aussi devoir présenter une description complète des diverses livrées de cette espèce, selon 


son âge, pour qu'on puisse juger du changement qui s'opère dans les couleurs des 
oiseaux de proie. Nous commencerons par l’âge adulte. 

Couleurs. Le dessus de la tête, du col, du dos, de la queue et de la poitrine, noir, 
avec du blanc à la base des plumes; sur le derrière du col et de la poitrine, on remarque, 


(77) 


souvent, une très-petite tache blanche, à l’extrémité de chaque plume; l'extrémité des Oiseaux 
P À que P à 
e 


rectrices est blanc sale; la gorge bleu plombé clair; le ventre et les cuisses sont blancs, pidies 


rayés quelquefois transversalement de petites lignes noirâtres; les petites tectrices supé- 
rieures sont bleu plombé pâle, variées de lignes transversales noirâtres rapprochées, 
la tige noire; les inférieures sont seulement plus pâles; les grandes tectrices sont gris-bleu, 
rayé de noir, plus largement que les petites tectrices. Le bout de chaque plume est noir, 
avec l'extrémité blanchâtre; les rémiges sont de la même couleur; les yeux sont roux- 
brun clair; la base du bec et les tarses, jaune-foncé; le bec d’abord jaune verdâtre, puis 
noirâtre à son extrémité. Sa longueur totale est, alors, de 70 centimètres et son vol de 
1 mètre 80 centimètres. Suivant un observateur indigène, qui en avait élevé et conservé 
pendant long-temps et qui voulut bien examiner ceux que nous possédions, ce n’est 
qu’à l’âge de quatre ans que le plumage est à l’état parfait; alors il n’y a de différence 
entre les sexes que celle de la taille. 

Un individu de trois ans a le dos, le dessus de la tête et la queue noirs comme l'adulte; 
les plumes du côté du col et de la gorge sont mélangées de roux au milieu du noir, et 
cette teinte se voit encore en arrière de la commissure des mandibules. Les rémiges, les 
grandes tectrices, sont comme dans l'adulte; les petites tectrices ont du roux et du noir 
mélangé au bleu plombé; le ventre est muni de lignes transversales, beaucoup plus 
larges, sur un fond varié de roux et de brun; les tectrices inférieures et les cuisses sont 
rayées transversalement. 

La deuxième année, la gorge est déjà bleuâtre; le dos, la queue et les rémiges ont les 
couleurs de l'adulte; le dessus du col, la poitrine et le haut du ventre sont roux vif, 
avec une tache noire longitudinale sur le milieu de chaque plume. Au reste, les petites 
rectrices et les cuisses sont beaucoup plus mélangées de roux; les yeux roux; le bec 
est verdâtre à sa base; les pieds sont jaune-clair. 

La première année, la gorge n’a pas encore de bleu; elle est entièrement rousse, 
avec des flammes noires sur toutes les plumes, couleur qui couvre tout le dessus 
de la tête et du col. La poitrine est d’un beau roux, avec un petit nombre de taches 
noirâtres; la partie postérieure du dos est rousse, avec des raies noires transversales; 
le milieu du ventre, presque noir; les cuisses et le bas-ventre, roux, rayé transversalement 
de noir; les tectrices inférieures sont celles des deuxième et troisième années, mais avec 
plus de noir et du roux plus foncé; les petites tectrices supérieures sont brunes, avec 
de petites taches transversales noires; enfin, on ne voit, du plumage de l'adulte, que les 
rémiges, les grandes tectrices et l'extrémité de la queue. Tout le reste est si différent , 
qu'il serait impossible de pouvoir le rapporter à la même espèce, si l’on n'avait pas 
tous les passages sous les yeux. Sa longueur totale est de 64 centimètres; celle du vol est 
de 1 mètre 55 centimètres. 

Cet oiseau, ainsi que plusieurs autres que nous décrirons successivement, pourrait 
montrer combien Azara s’est égaré en ne tenant pas compte des modifications que l’âge 
détermine entre les individus d’une même espèce; aussi cet auteur a-t-il beaucoup 
multiplié les espèces américaines, en les décrivant à mesure qu’il obtenait les oiseaux 


(78) 


Oiseaux et les comparant ensuite, pour les classer. Il est bien évident qu’en conférant les des- 


e 
proie. 


criptions disparates entr'elles du jeune âge et de l'adulte, de l'espèce dont nous 
nous occupons, il en aurait fait deux bien distinctes; mais il nous est démontré que 
les oiseaux de proie américains sont sujets à des variations au moins aussi grandes que 
celles que subissent les oiseaux de proie d'Europe; seulement on a été plus à même 
d'observer ces derniers. 

Cette espèce, répandue sur toutes les parties sud de l'Amérique méridionale, est une 
des plus importantes du continent américain. Nous l'avons rencontrée d’abord dans 
la province de Corrientes, à la frontière du Paraguay; ensuite sur toutes les rives 
escarpées du bord du Parana, dans les provinces d’Entre-rios, de Santa-Fe et de 
Buenos-Ayres, dans la Banda oriental; puis, en force, en Patagonie, jusqu'au 42° 
degré. Nous avons appris qu’elle se trouvait jusque vers le détroit de Magellan. Nous 
l'avons revue, plus tard, sur le versant occidental des Andes, dans tout le Chili, où 
elle monte jusqu'au pied des Cordillères. Nous pouvons donc conclure de ces obser- 
vations et de celles d’Azara, qu’elle habite les plaines, depuis le tropique du Capri- 
corne jusqu'au 45.° degré de latitude sud , et s'élève jusqu’à une assez grande hauteur 
sur les montagnes chiliennes. On voit qu’elle habite des lieux assez différens; car, au 
Paraguay et à Corrientes, elle vit dans d'immenses plaines, au bord des rivières, sur- 
tout dans les lieux où il y a de hautes falaises. Il en est de même pour les provinces 
qui longent le Parana. En Patagonie, c’est également au bord des rivières ou sur les 
côtes maritimes arides et dépourvues même de buissons, mais munies de falaises d’une 
grande hauteur, qu’elle paraît se plaire; au Chili, on la rencontre dans les mon- 
tagnes, près des rivières, ou près de la mer. On voit que, si elle ne trouve pas de 
montagnes sur les rives du Parana, elle choisit, au moins, comme en Patagonie, 
les lieux garnis de hautes falaises et toujours le voisinage des eaux : elle ne se voit pas, 
comme beaucoup d’autres oiseaux de proie, près des grandes forêts; et, lorsqu'elle perche, 
elle choisit même, parmi les arbres du rivage, ceux qui sont morts et dépourvus de petites 
branches; car elle paraît, dans tous les cas, préférer les rochers. 

Elle couche ordinairement sur un arbre mort voisin des eaux, sur les branches 
les moins hautes, ou, le plus souvent, dans les anfractuosités des falaises; elle 
se réveille dès la pointe du jour; et, sur les falaises du bord de la mer, en Patagonie, 
elle s'envole presque aussitôt et suit la côte, en tournoyant dans les airs, à une 
grande hauteur, guettant les petits mammifères des plaines voisines, ou regardant 
si la mer n’a pas rejeté quelques poissons, des oiseaux aquatiques morts ou les cadavres 
de quelques otaries, qui abondent sur ces côtes; elle s’abat, alors, dessus et les dispute 
aux condors et aux cathartes; ou bien, si elle est au bord d’une rivière, elle cherche 
également à découvrir une proie, soit vivante, soit morte; car la délicatesse de son goût 
ne va pas jusqu'à manger exclusivement des animaux morts récemment; dans ce cas, elle 
s’abat et se repait; dès que son repas est terminé, elle s’envole de nouveau, regagne le faite 
d’un arbre ou la partie avancée d’une falaise, et s’y perche pour faire la digestion. Son 
attitude, dans ce moment, est stupide; la tête rentrée dans les épaules, elle reste immobile, 


(79 ) 


non sans regarder, tout autour d’elle, les objets qui peuvent lui donner des craintes; carelle Oiseaux 
de 


sg ; : , 
est si défiante, qu’elle laisse rarement approcher le chasseur d’assez près pour qu’il sé 


puisse la tirer; elle reste ainsi une partie de la journée et ne parait vouloir reprendre sa 
chasse que lorsque, le soir arrivant, elle doit, de nouveau, se remplir l'estomac; alors 
elle recommence sa tournée aérienne et fait le même manége que le matin, pour revenir, 
ensuite, se coucher sur le perchoir qu’elle s’est choisie; ce n’est que dans ce moment 
que le chasseur peut espérer de l’atteindre; car, de jour, elle se perche bien plus 
haut que la nuit. On la rencontre constamment au bord des eaux douces et salées, et 
jamais à une grande distance de ces lieux; là, le mâle et la femelle, unis toute l’année, 
vivent en bonne intelligence; et, tournoyant assez près l’un de l’autre, ils cherchent, 
sans trop d’égoiïsme, leur nourriture particulière. Il est très-rare de voir un individu 
isolé, et c’est nécessairement un jeune; car les adultes sont invariablement accouplés 
et se séparent rarement. Au Rincon de Luna, province de Corrientes, après avoir tué 
l’un des consorts, nous vimes l’autre voler, pendant plus d’une heure, au-dessus 
de nous, sans doute pour nous redemander son compagnon, ce qui prouverait même 
de l'attachement chez ces oiseaux féroces. Nous avons cru remarquer que l'espèce suit, 
en Patagonie et même à la frontière du Paraguay, ces troupes innombrables de pigeons 
qui, en hiver, couvrent toutes les rives du Rio negro et des plaines qui bordent le 
Parana ; nousavons cru remarquer aussi qu’elle y est rare l'été, tandis que, l’hiver, nous en 
avons vu jusqu’à trente, sur un bois de saules de trois lieues au plus. Nous avons du, 
tout naturellement, en conclure qu’elle venait là pour vivre plus à son aise, y trouvant 
une chasse si facile; et le grand nombre de pigeons qu’elle mange dans la campagne 
nous convainquit que notre opinion était fondée. Dès-lors nous ne pouvons pas dire 
que notre espèce soit sédentaire, puisqu'elle suit les migrations annuelles de ces pigeons, 
qui, l'été, sont disséminés, à ce qu’il paraît, sur le versant oriental des Andes, au pied 
de ses derniers contreforts, et ne se réunissent que vers les mois d'Avril et de Mai. C’est 
à cette époque qu’elle accompagne partout les nuages ambulans de ces gallinacés, qu’on 
voit en si grand nombre depuis le Paraguay jusqu’en Patagonie. Nous l'avons vue, 
souvent, se jeter au milieu d’une de ces troupes qui obscurcissent l'air à l'horizon, et 
en sortir toujours avec un de ces pauvres oiseaux dans ses serres. 

Du plus loin qu’on puisse apercevoir l’aguya, il se distingue, par son vol, de tous les 
autres oiseaux de proie américains. En effet, ses ailes sont courtes et le paraissent encore 
bien plus, en raison de la longueur démesurée des petites rémiges qui, jointes au 
corps, ne laissent dans l'aile aucune ligne de séparation, en formant de tout l’oiseau 
un rhomboïde allongé. L’extrémité des rémiges est aussi toujours relevée, et l’on croit 
reconnaître, dans l’ensemble du vol, quelque chose qui le rapproche de celui des cathartes 
urubus, ce qui n’existe dans le vol d’aucune autre espèce américaine. Son vol est le plus 
souvent élevé; et toujours très-aisé, sans être rapide. Cette espèce plane d’abord très- 
long-temps, en tournoyant, et décrit, tout en chassant, des cercles à une grande 
hauteur; puis elle se laisse tomber tout à coup sur sa proie, avec une extrême 
promptitude; mais si elle la manque, ce qui est rare, elle s'élève de nouveau, jusqu’à 


(80 ) 


Oiseaux ce qu’elle ait atteint sa portée habituelle, et continue de planer, en attendant une meil- 


de 
proie. 


leure occasion. Lorsque le temps est à l’orage, elle monte dans les airs, toujours en tour- 
nant au-dessus du même lieu, jusqu’à ce qu’elle se soit dérobée à la vue, et faisant 
entendre, seulement alors, un cri aigu qui arrive jusqu’à terre et qui pronostique aux 
habitans de la campagne l'approche du mauvais temps, présage rarement démenti; 
aussi est-elle un bon hygromètre pour le campagnard. 

On ne la voit à terre que pendant qu’elle dépèce sa proie, ce qui n’est pas long; elle 
ne marche que rarement et se contente de rester dans la même place. 

Nous avons remarqué qu’elle se nourrit de beaucoup de choses diverses ; comme nous 
l'avons déjà dit, c’est une des plus cruelles ennemies des troupes voyageuses de pigeons, 
dans la saison où ces oiseaux restent réunis; elle s’en nourrit presque exclusivement, 
les suivant à cet effet, dans leurs migrations. Le reste de l’année, elle chasse aux petits 
mammifères , tels que les coboyes et les rats, et aux oiseaux, lorsqu'ils se trouvent 
dans la campagne; car elle n’entre jamais dans les bois, afin d’y chercher sa proie. 
Néanmoins , en temps de disette, elle mange tout ce qui peut apaiser sa faim, 
comme des poissons ou même des cadavres d’animaux. Pour chasser aux pigeons, elle 
se contente de fondre sur une troupe qui couvre la terre , quelquefois sur plus de dix- 
mille mètres carrés, et s'empare sans peine d’un de ces pauvres oiseaux; ou bien elle fond 
sur une volée et saisit au vol sa victime. 

Les habitans nous ont assuré qu’elle se construit un nid volumineux au sommet des 
arbres; que ce nid est composé de nombreuses bâchettes et qu’il contient ordinairement 
deux œufs seulement, de couleur rouge-brun foncé. On nous dit aussi en Patagonie, 
qu’elle niche, quelquefois, dans les anfractuosités des falaises, ce que nous avons peine 
à croire. Cest là, au reste, tout ce que nous avons pu apprendre sur sa nichée; car, 
pour ce moment, elle s'éloigne tellement des lieux fréquentés, qu’il nous eût été difficile 
de vérifier le fait. 

Les Indiens, qui, comme nos anciens médecins, emploient toujours comme remèdes 
quelques parties de presque tous les animaux, attachent beaucoup de prix à l’aguya, 
à cause du duvet blanc du dessous de son aile, qui sert à la guérison des blessures. 
Nous avons retrouvé cette croyance chez les Guaranis, les Puelches et les Tehuelches 
ou Patagons. Les premiers appliquent le duvet sur la blessure fraîche et saignante; il s’y 
attache, étanche le sang et ne tombe que lorsque la suppuration commence. 

Nous avons recueilli le nom de cette espèce dans quelques langues américaines. Les 
Tehuelches ou Patagons l’appellent takamnété; les Puelches, leurs voisins, chactal 
(tchactal, pron. franc.) ; et les Araucanos du sud des Pampas la désignent sous le nom 
de #ramcu (ignamcou, pron. franç.). Les Guaranis paraissent la connaître sous celui de 
Jupacani, qui veut dire aigle. Lorsqu'il est jeune, cet oiseau porte, au Chili, le nom de 
guanca, et lorsqu'il est adulte, on l'appelle calquin. | 


7 


HARPIE, Æarpyia, Cuvier. 
HARPIE HUPPÉE, Æarpyia destructor, Daud. 


Grand aigle de la Guyane, Maud., Encycl.; Falco destructor, Daud., Ornith.,t. 2, p. 60; Autour 
destructeur, Temm., pl. 14; Harpyia maxima, Vieill., Encycl., t. 3, p. 1249; Uzquantzl, 


Fernandez? 


Harpyia capite pennis elongatis cristato; corpore supra nigro, candido et fuko 
mixto, subtus albo; pedibus flavis. | 


Cette espèce est trop connue pour que nous ayons à nous en occuper sous le rapport 
descriptif. Ses mœurs feront seules le sujet de cetarticle, déjà elle a été décrite très-souvent. 
Peintes de couleurs plus ou moins exagérées, notre tâche est donc de ramener la fable à 
l'histoire. On a long-temps cru que la harpie se trouvait spécialement à la Guyane; on 
y avait rapporté les espèces d’aigles indiquées, dans l'Histoire des Incas, par Garcilaso 
de la Vega, mais, selon nous, sans aucun fondement; car cet auteur ne donne aucun 
caractère qui puisse justifier ce rapprochement. On sait seulement qu’elle habite les 
Guyanes, au milieu des immenses forêts de ces contrées, et ce n’est vraiment que là que 
son existence est bien avérée. Nous dûmes donc d’abord être surpris, lorsque nous la 
rencontrâmes au pied des Andes (république de Bolivia), vers le 17.° degré de latitude 
sud; que nous la vimes, ensuite, dans une dépendance du département de Cochabamba, 
au milieu des forêts sauvages habitées par les Indiens yuracarès, et que nous la retrou- 
vàames encore dans les forêts qui avoisinent Santa-Cruz de la Sierra; mais notre étonne- 
ment cessa dès que, lisant la description des voyageurs et remarquant l’analogie de 
conformation, de végétation et d'ensemble des deux pays, nous eùmes la certitude que 
ces forêts communiquaient, par les affluens des Amazones et par le cours même de ce 
fleuve, avec celles de la Guyane, et quand nous nous fûmes aperçu que beaucoup 
d'oiseaux identiquement les mêmes, se retrouvaient dans les mêmes lieux. Dès-lors nous 
dûmes croire, d’après nos propres observations et d’après celles des autres voyageurs, que 
la harpie a pour habitation les immenses forêts humides et traversées par cette multitude 
de rivières comprises entre le pied oriental des Andes, dans la Bolivia, le Pérou à l’ouest, 
la Colombie au nord, les forêts des Guyanes colombienne, hollandaise, anglaise et 
française, ainsi que l’immense province du Para, à l’est; et au sud les bois de la province 
de Moxos, en Bolivia. Ces indications prouvent qu’une surface des plus considérable 
composée seulement de terrains inondés et couverts de forêts, et en même temps un 
grand pays voisin de la ligne ou tout au moins intertropical, et toujours humide, servent 
d'habitation à la harpie, qui ne monte jamais sur les montagnes, et se trouve, tout au 
plus, au bord des rivières voisines des derniers contreforts. Nous ne l’avons observée que 
sur les berges des rivières et jamais au sein même des forêts; là, elle se perche sur les 
branches basses d’un arbre et paraît si peu craintive, qu’on l'approche presque à la 
toucher. À la vérité, dans toutes les contrées où nous l’avons vue, elle était au milieu 


IV. Ois. 11 


Oiseaux 
de 
proie. 


— 


(8) 


Oisaux de contrées où l’homme n’apparaït que de loin en loin et où elle ne peut craindre, encore 


de 
proie. 


très-rarement, que les nations américaines, qui la recherchent pour ses plumes; alors 
elle paraît fière et attend son ennemi, habituée peut-être à tout dominer, au sein des 
vastes forêts où elle se retire. 

Les indigènes des lieux qu’elle habite, interrogés par nous sur ses mœurs, ont complété 
nos observations sur son genre de vie et nous l’ont fait positivement connaître. Le 
matin elle vole, ordinairement, en tournoyant, le long des rives des canaux naturels, 
multipliés à l'infini, qui traversent les forêts, surtout des plus larges; dans son vol, elle 
épie les cris des nombreuses troupes de singes qui peuplent les lisières; et dès qu’elle en 
a vu une, elle cherche, d’abord, à la surprendre, en s’abattant du haut des airs; 
puis, malgré les efforts des singes et leur agilité , elle saisit l’un d’eux, le tue facile- 
ment, en lui brisant le crâne à coups de bec, le dépèce et le dévore. Nous n’avons pu 
savoir si elle mange les paresseux qui se trouvent aussi sur les rives des mêmes fleuves. 
Cela pourrait bien être et n’aurait rien d'étonnant; mais, pour les singes, la chose est 
avérée. Nous avons aussi fait des questions aux indigènes sur sa force et sur ce qu’écrit 
Mauduit, qu’elle peut fendre le crane à des hommes à coups de bec; ils nous ont assuré 
que cette dernière assertion est entièrement fausse, ce que nous avons pu vérifier sur les 
sujets qu’ils gardent à l’état de captivité. Nous ne saurions croire, non plus, que cette 
espèce soit assez forte pour enlever des faons, et nous sommes convaincu que l’on a 
beaucoup exagéré sa force, comme on l’a fait pour le condor; cependant une circonstance, 
qui nous fut assez désagréable, nous a montré qu’au moins elle ne craint pas d’attaquer 
un homme, lorsqu'il s’agit de se défendre. Dans une reconnaissance géographique, nous 
naviguions sur le Rio Securi, l’une des nombreuses rivières, inconnues jusqu’à nos jours, 
qui, descendant de la Cordillère de Cochabamba, en Bolivia, viennent grossir les eaux du 
Rio Mamoré, l’un des affluens de l’'Amazone. Notre pirogue était conduite par trois 
sauvages yuracarës, grands admirateurs de la harpie; et, justement, nous en aperçûmes 
une, perchée sur les branches basses d’un arbre. Nous voulions débarquer pour la tirer; 
mais le terrain était fangeux, et nos Indiens, plus alertes, sautèrent les premiers à terre 
avec leur arc et leurs flèches, la tirèrent et la blessèrent, avant que nous eussions pu 
descendre; elle s’envola, quoique percée d’une fièche, et alla reposer à peu de distance. 
Les Indiens la tirèrent encore; elle tomba, enfin; ils l’étourdirent , en lui donnant des 
coups sur la tête, se partagèrent sur le lieu même toutes les plumes des ailes, de la 
queue et de la tête, qu'ils esument beaucoup, et commencèrent même à la dépouiller 
de son duvet; ils la rapportèrent ainsi toute mutilée, ce qui nous contraria d'autant 
plus, que c'était un sujet d’une taille extraordinaire. Regardé comme mort, l'oiseau fut 
placé dans la pirogue, en face de nous; et nous ne remarquèmes pas que, revenu de 
son élourdissement, il revivait peu à peu; nous ne nous en apercümes que lorsque, 
furieux, et voulant, sans doute, se venger, il s’élança violernment sur nous, ne pouvant, 
par bonheur, se servir avec avantage que d’une seule deses serres; pourtant, il nous traversa 
l'avant-bras de part en part, entre le cubitus et le radius, des formidables ongles du point 
de la partie intacte, tandis que de l’autre, il nous déchirait le reste du bras. En même temps 


(85 ) 


il faisait des efforts, heureusement inutiles, pour nous percer deson bec; et malgré ses bles- Oiseaux 
de 


proie. 


sures, il fallut deux personnes pour lui faire lâcher prise. Au milieu de forêts sauvages, loin 
de tout secours, et par les grandes chaleurs auxquelles nous étions exposé tout le jour, nous 


faillimes rester estropié, par suite de la forte déchirure que les tendons avaient éprouvée. 

On nous a assuré que la harpie ne chasse jamais aux oiseaux; que les mammifères 
seuls font sa nourriture; qu’elle préfère les singes à tous les autres animaux; que, 
cependant, elle mange aussi fréquemment les jeunes cabiais et même les jeunes de quelques 
autres mammifères; mais nous croirions volontiers qu’elle se trouve rarement dans la 
nécessité de faire diète, au milieu des nombreuses troupes de singes qui couvrent le 
bord des rivières dans ces impénétrables forêts. Nous avons aussi remarqué qu’elle 
n’abandonne jamais les bois pour entrer dans les plaines, sans pourtant pénétrer dans 
l'intérieur, se contentant de parcourir les bords des rivières qui les traversent; et là, 
après avoir pris son repas, elle se perche sur l’une des branches basses des arbres, afin 
d’y faire digestion. Nous n’avons pas remarqué qu’ainsi que l'espèce précédente, elle 
vive accouplée toute l’année; au contraire, elle paraît se plaire isolée, craignant sans 
doute la concurrence, comme tous les animaux carnassiers et voraces, symbole de 
l’égoïsme. Nous ne voyons pas de raison, non plus, pour la croire voyageuse, et nous 
avons aussi appris des Indiens qu’elle n’abandonne point les environs du lieu de sa nais- 
sance : sa rareté au milieu de ces forêts parait extraordinaire; il semblerait que, maïtresse 
de tout ce qui l'entoure, elle devrait multiplier beaucoup plus; mais elle est si peu 
commune, que dans une navigation de dix à douze jours, au milieu des bois qui lui 
servent d’asyle, on en voit à peine une ou deux. Il est difficile de croire que cette 
rareté vienne de la chasse qu’en font les indigènes; car ceux-ci n’habitent guère que la 
millième partie de l'étendue des forêts. 

Il nous reste à parler des motifs qui portent les Indiens yuracarès à rechercher 
avec tant de soin les dépouilles de la harpie, et des usages auxquels ils les emploient. 
D'abord c’est un grand honneur pour eux de posséder cette espèce vivante, à l’état de 
captivité, et celui qui est assez heureux pour en avoir une, est regardé comme un 
homme privilégié. Nous avons été à portée d’en examiner deux à l’état domestique. 
Pour s’en procurer, les Indiens cherchent à découvrir la retraite qu’elle se ménage au 
bord d’une rivière, sur le sommet d’un très-grand arbre; ils épient l'instant le plus 
favorable, transportent les jeunes chez eux, et les femmes mettent le plus grand zèle à 
les soigner et à les nourrir du surplus de la chasse de leurs maris. Devenus adultes, le 
martyre des harpies commence; deux fois par an leur propriétaire leur arrache les 
grandes plumes de la queue et des ailes pour empenner ses flèches; et, bien plus souvent 
encore, il leur enlève le duvet du dessous des plumes, pour s’en parer dans les grandes 
occasions. Ce qu’il y a d’incroyable, c’est que les Indiens font , pour ainsi dire, ce qu'ils 
veulent de cet oiseau, l’attachant avec facilité pour le plumer ou pour voyager d’un 
lieu à un autre; car, lorsqu'ils changent de résidence, les femmes sont obligées de 
porter tous les animaux qu’ils possèdent, et, comme on le pense bien, la harpie ne 
s’oublie jamais. Nous l’avons vue ainsi portée en voyage. 


Oiseaux 
de 


proie. 


(84) 

Les plumes de harpie sont de beaucoup préférées à toutes autres pour orner les flèches; 
et l’Indien qui n’a pas été assez heureux pour en tuer une ou pour s’en procurer des 
plumes par échange, étant obligé de se servir du plumage des autres oiseaux, ne passe 
pas pour bon chasseur. Le duvet, que les indigènes préfèrent à tout, ne leur sert que 
dans les occasions solennelles, lors d’une visite chez des parens éloignés, ou bien lors- 
qu'ils se battent en duel; leurs cheveux sont, dans ce cas, bien peignés, bien huilés, avec 
de l'huile de coco, et saupoudrés de ce duvet blanc, ce qui ferait croire qu’ils ont la tête 
couverte de neige. Nous les avons vus ainsi parés, dans une visite que nous firent les 
Indiens des environs du lieu où nous nous étions arrêté, comme au premier homme 
blanc qu'ils eussent vu sur les rives du Rio Securi. Nous remarquâmes aussi qu'ils 
suspendaient à leur cou les ongles de l'oiseau , comme un trophée dont ils étaient fiers. 

Ces Indiens connaissent la harpie sous le nom de veso. 


AIGLES-AUTOURS, Morphnus, Cuvier. 


Ce sont les buses mixtes d’Azara; ils habitent seulement à l’est des 


Andes. 
AIGLE-AUTOUR URUBITINGA, Morphnus urubitinga, Cuvier. 


L'Urubitinga , Marcg., p.214, Buff.; Falco urubitinga, Lath., Gmel.; Autour urubitinga, Temm., 
PL col., 55 (m); Falco longipes, Ilig. (jun.); Æquila picta, Spix, pl. 1, c; Buse mixte noire, 
Azara, n° 20, mâle, et Buse mixte à longues taches, n° 173 peut-être aussi la Buse mixte 
peinte, n° 18; Falco urubitinga, Pr. Max., p.196, n° 24. C'est, sans doute, aussi, l'4igle de 
Montevideo de Sonnini, Ois., t. 2, p. 81; Pandion fulvus, Vieillot, Encyclop., t. 3, p. 1200; 


Falco brasiliensis, Briss., Ornith., p. 445. 


Morphnus (mas) cira pedibusque flawis, corpore toto nigricante; alis cinereo admixto , 
rectricibus albis, apice nigricantibus , albo terminatis. 
(Jun.) Corpore rufo, cinerescente-nigro maculato. 


Le bec, noir à son extrémité, jaune-pâle à sa base; yeux, roux-foncé; pieds, jaune- 
vert; longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 68 centimètres le mâle, 73 la 
femelle; circonférence du corps, 45 centimètres. 

Cette espèce est encore une de celles qui offrent les plus grands changemens de cou- 
leurs, selon la diversité des âges. En effet, entièrement noire, avec le croupion, la base 
de la queue et son extrémité blancs, quelques fascies cendrées sur les ailes, dans 
l’âge adulte, pourrait-on y voir cet oiseau qui, très-jeune, a le dessus de la tête, 
la poitrine et le ventre roussätre maculé de noir-brun; les ailes noires, variées de 
roux et de gris; les cuisses brunes; la queue rayée transversalement de noir sur un fond 
roux? ou bien, pour être moins avancé en àge, dans un oiseau à la tête variée de noir 
et de roux; à la gorge noire, et au reste du corps presque noir, varié de roux? En un 
mot, dans sa jeunesse et dans sa vieillesse, on n’y peut trouver de semblable à l'adulte 
que les rémiges, qui conservent toujours les lignes transversales grises et noires; et ce 


( 85 ) 

n'est qu’à ce caractère que les jeunes se font reconnaître comme appartenant à cette 
espèce. C’est ce qui en à tant fait multiplier les noms, chez les auteurs; mais nous 
sommes étonné que l’on n’ait pas reconnu, d’après les bonnes descriptions d’Azara, 
l’urubitinga dans sa buse mixte noire; ainsi que dans le jeune âge, sa buse mixte à 
longues taches. Il nous semble, en général, qu’on n’a pas assez rendu justice à cet 
observateur, celui de tous pourtant, qui, en raison de l’époque à laquelle il a écrit, a 
mis le plus de conscience dans son travail. 

Nous avons vu lurubitinga sur une surface immense du continent américain; nous 
l'avons souvent rencontré à la frontière du Paraguay, dans la Banda oriental de la 
Plata (république Argentine) et entre les tropiques, au centre de l'Amérique, dans les 
immenses déserts de la province de Chiquitos (république de Bolivia). Nous croyons 
donc pouvoir assurer qu’il habite la zone torride et tempérée au sud de la ligne, jusqu’au 
32. degré de latitude; mais seulement à l’est des Cordillères, et dans les pays plats, 
entrecoupés de forêts, de marais étendus, plus encore d’eaux stagnantes et de petites 
plaines. Jamais nous ne l'avons rencontré ni sur les montagnes, ni dans les forêts épaisses, 
pas plus qu'au milieu des grandes plaines. Il est en Amérique, comme partout ailleurs, 
des accidens de terrain indispensables pour l’existence de tel ou tel animal; tandis que 
tel autre ne peut y vivre, et cherche, au contraire, des sites tout à fait différens. Aussi 
sommes-nous persuadé que, dans tous les lieux où se rencontreront les terrains néces- 
saires à la vie de l’urubitinga, joints au degré de chaleur qu’il préfère, on le trouvera 
communément. Nous savons d’une manière positive qu’il se voit dans la plus grande 
partie du Brésil, où les terrains sont si variés. Dans la province de Corrientes nous l'avons 
toujours remarqué au bord des lacs, des marais ou des rivières, perché sur le plus haut 
des arbres morts des environs, lorsqu'il chasse; ou bien sur les branches inférieures des 
gros arbres, lorsqu'il veut dormir. Taciturne, toujours seul, 1l reste immobile des heures 
entières, regardant avec attention autour de lui, pour découvrir une proie quelconque, 
un reptile, un petit mammifère ou un oiseau mort. Alors il descend avec rapidité, dévore 
sa proie et revient gravement à son poste. Bien rarement l’avons-nous vu voler; car, le 
plus souvent, il chasse tout en restant posé. Le matin, seulement, il se donne la peine de 
parcourir les environs du lieu où il a couché, pour prendre son premier repas; ou bien le 
soir, lorsqu’inutilement il a attendu tout le jour. Alors il vole lentement à une assez grande 
hauteur, se reposant souvent sur des arbres isolés, afin de mieux observer; repartant 
de nouveau, pour se reposer bientôt encore, et attendre, sans prolonger son vol. Jamais 
nous ne l'avons vu accouplé d’une manière intime; au Ltemps mème de la couvée le rap- 
prochement n’est pas aussi continu que chez certaines autres espèces. Le mâle et la 
femelle ne se réunissent alors que momentanément, et le reste de l’année ils vivent dans le 
plus grand isolement. Ce n’est bien certainement pas un oiseau voyageur. Nous le croyons 
on ne peut plus sédentaire, dans les lieux qu’il choisit pour domicile, des causes locales, 
comme des sécheresses, qui chassent ou détruisent les animaux dont il se nourrit, pou- 
vant seules le faire éloigner. Il ne faudrait néanmoins pas croire qu'il soit restreint dans 


un cercle étroit; nous voulons dire simplement qu'il reste dans la même province. 


Oiseaux 
de 
proie. 


—— 


Oiseaux 
de 


proie. 


( 86 ) 

L'urubitinga se nourrit principalement de reptiles, de petits mammifères, d’oiseaux 
morts, et peut-être de poissons; il ne paraît pas chasser aux oiseaux, et nous croyons 
qu'il n’attaque que ceux qu’il rencontre déjà blessés dans la campagne. Il reste peu sur le 
sol; cependant, lorsqu'il s’y pose, c’est de préférence dans les lieux fangeux; ce que 
nous avons supposé, d’après la terre qui couvre toujours ses pieds. 

Nous avons été à portée d’en voir à l’état domestique; il s’apprivoise assez bien; et 
vient alors, tous les jours, prendre sa nourriture, quand il a faim, passant le reste de la 
journée à voler sur les maisons et sur les arbres environnans. | 

Dans tous les pays espagnols on le nomme indifféremment gabilan ou aguila. Pour les 
Indiens guaranis c’est un guiraporu-ht, qui veut dire oiseau de proie, ou bien yapacani 
hi (aigle noir). Si nous cherchons sa synonymie dans les langues des nations du centre 
de l'Amérique, nous trouverons l’urubitinga confondu avec les autres buses sous divers 
noms, selon chaque nation. Dans la province de Moxos, au centre de l'Amérique, en 
Bolivia, on voit les Chapacuras le nommer huiyupi; les Muchojeones, piro; les Baures, 
huajé; les Itonamas, Auabo; les Cayubaba, hérékéré; les ten, tahui; les Pacaguaras, 
tétépahua; les Movimas, jt; les Canichanas, nitsaha, et les Moxos, yacaha. Si, ensuite, 
nous cherchons les autres noms de cette espèce, dans l’immense province de Chiquitos, 
même république, nous verrons les Chiquitos l’appeler utasikioch; les Guarañocas, aro- 
rita; les Morotocas, burasoguto. Pour les Guarayos, qui ne sont qu’une tribu éloignée 
des Guaranis, ils la nomment guira-été (le grand et bel oiseau). 


ÉPERVIERS , IVisus, Cuvier. 
Accipiter, Ray. 


En Amérique, les éperviers sont vifs dans leurs manières, légers dans 
leur vol, chassent aux petits oiseaux et aux mammifères, ne cherchent 
jamais à s’approcher des animaux morts et paraissent vivre exclusivement de 
proie vivante. Plus qu'aucun autre oiseau de cette famille ils habitent les 
forêts, se plaisent à voler sous lombrage des grands arbres, et restent peu 
en place, surtout sur les arbres isolés des plaines. Du reste, ils aiment, en 


A . , . 
même temps, les lieux secs et marécageux; le versant oriental des Andes; la 
zone torride. 


ÉPERVIER À DOIGT COURT, Msus hemidactylus. 


Buse mixte couleur de plomb, Azara, n° 22; Falco hemidactylus, Temm., pl. 3, Prince Maxim. 


de Neuw., t. 3, p. 97. 


Nisus supra cinereo cærulescens ; femoribus , itransversim albescente et cinereo 
infernis radiatis; remigis nigris, ad extremam partem maculatis; cauda longa, 
ternis fasciis nigris transversaliter variata ; femoribus tarsisque longis atque 
gracilibus ; digitis curtis. 


( 87 ) 


Bec noir, à base jaunâtre; yeux, jaune pâle; tarse, d’un rouge de vermillon très-vif; 
longueur totale du bout du bec à l'extrémité de la queue, de 55 à 57 centimètres; vol, 
Î mètre à centimètres; circonférence, 31 centimètres. 

Les màles diffèrent tellement des femelles pour la taille, qu’on pourrait les regarder 
comme d’une autre espèce; ils sont plus foncés en couleur. Il nous est difficile de croire 
que le Misus gracilis ou Falco gracilis de Temm., pl. 91, ne soit pas la même espèce, dif- 
férant seulement par le sexe du Visus hemidactylus ; cependant l’assertion du prince de 
Neuwied, qui l’a disséqué, porterait à croire le contraire. Ainsi donc, pour décider, 
attendons encore. 

Nous avons rencontré cet épervier vers le 29.° degré de latitude sud, dans la pro- 
vince de Corrientes. Nous l'avons retrouvé ensuite au centre de l'Amérique, dans la 
province de Chiquitos, république de Bolivia, au 18.° degré. IL a été observé au Para- 
guay, par Azara; au Brésil, par M. de Saint-Hilaire et par M. le prince de Neuwied; 
aussi croyons-nous qu'il habite presque tout le Brésil, la Bolivia et le Grand Chaco, 
depuis les plaines du sud des derniers contreforts des Andes, ce qui lui donnerait 
pour habitation une surface immense de terrain; mais, si nous en jugeons par nos 
propres observations, cette espèce choisirait seulement, au milieu de ces contrées, les 
endroits les plus marécageux et les plus retirés; car nous ne l’avons vue qu'au 
sein des marais ou à la lisière de ces immenses plaines de joncs inondées, qui occupent 
le lit des rivières dont le cours est peu sensible, ou dans les grands esteros qui caracté- 
risent toutes les plaines du centre de l'Amérique méridionale. C’est toujours sur les pal- 
miers ou sur les grands arbres de la lisière de ces lieux humides qu’elle perchait, d’abord 
le long des rives du Rio Batel, et puis dans les marais de San-Jose de Chiquitos : elle était 
par couple, même au mois de Juin, qui, dans ce pays, est comme on le sait en hiver, 
ce qui ferait croire qu’elle reste accouplée toute l’année. Ordinairement elle vole peu, 
reste perchée, en attendant sa proie; et, si elle prend son essor, ce n’est que pour se poser 
à peu de distance; son vol est aisé et assez rapide. Quant à sa nourriture, nous ne la 
connaissons pas au juste; mais l’habitude qu’elle a d’être toujours près des eaux, nous 
donnerait lieu de penser qu’elle vit de reptiles aquatiques ou même de poissons. 

Sous le rapport des mœurs cette espèce s'éloigne beaucoup des éperviers proprement 
dits; car elle n’est pas à beaucoup près aussi vive que ceux-ci, et paraît, au contraire, 
par son genre de vie et par les lieux qu’elle habite, se rapprocher des buses, des busards 
ou des aigles-autours; néanmoins, en nous attachant aux caractères généraux, nous la 
plaçons en tête des éperviers, comme formant la transition des dernières divisions des 
aigles à ceux-ci. L'on sait, au reste, que, parmi les oiseaux de proie, il est bien difficile 
d'établir des coupes dont quelques espèces ne soient pas le passage de l’une à l’autre. 
Azara avait placé celle-ci parmi ses buses mixtes, et non parmi les éperviers. Il avait donc, 
comme nous, remarqué celte anomalie de mœurs. 


1. Ici s'applique l'observation que nous avons faite sur l'importance des couleurs prises sur le 
vivant; car Lesson, dans son Traité, pag. 63, le décrit comme ayant les tarses jaunes. 


Oiseaux 
de 
proie. 


a 


Oiseaux 
de 
proie. 


(88 ) 


ÉPERVIER À QUATRE LIGNES, Misus concentricus. 


Falco concentricus, Iliger, Cuvier, 334. 


Nisus oculis circum nudis ; occipite, dorso, pallio, alis cærulescentibus ; cauda curta, 
brunnea albidaque; pectore et ventre brunneo circumlimbatis ; rostro et tarsis 


fulvis. 


Pieds, base du bec et partie nue autour des yeux, d’un beau jaune orangé; yeux, 
jaune-clair; bout du bec et ongles noirs; longueur totale du bout du bec au bout de la 
queue, 34 centimètres; du vol, 56 centimètres; circonférence du corps, 20 centimètres. 

Cette espèce a été rapportée de Cayenne au Muséum par M. Poiteau; aussi nous a-t-il 
paru assez intéressant de la retrouver au sein des montagnes boisées qui couvrent le 
versant oriental des Cordillères des Andes, dans la province de Yungas, république de 
Bolivia, contrées si éloignées de Cayenne. Nous l’avons encore rencontrée au sein des 
immenses forêts qui bordent le pied oriental des derniers contreforts des Andes, chez 
les Indiens yuracarès. En comparant l’ensemble zoologique de ces deux pays, dont la 
végétation paraît avoir les plus grands rapports, nous avons reconnu qu’un grand nombre 
des mêmes oiseaux leur sont communs. 

Nous pouvons donc supposer qu’elle occupe les forêts des Cordillères, qui commu- 
niquent, par le cours des Amazones, à celles de la Guyane. Âu reste, nous l'avons 
retrouvée sur les montagnes jusqu’à la hauteur de 2,500 mètres, et dans les parties les 
plus basses de notre seconde zone d’élévation. ! 

Elle paraît surtout aimer la lisière des bois, où elle chasse aux petits oiseaux et aux 
petits mammifères : ses manières sont pleines de vivacité; elle vole avec rapidité pres- 
qu’au rez de terre, et s'élève rarement. Elle se perche toujours sur les branches infé- 
rieures des arbres, où elle épie sa proie, lorsqu'elle ne chasse pas au vol; du reste, comme 
les éperviers ordinaires, elle se repose très-souvent. Les Aymaras de la province de Yungas 
la nomment mamanr. 


ÉPERVIER MALFINI, Visus striatus. 


Falco striatus, Vieïll., Amér. sept., pl. 143 Encycl., t. 3, p. 1265; le Malfini, Sonnini, Ois., 
t.3,p. 67; Nisus malfini, Less., Traité, p. 58. 


Nisus supra fuscus; alis caudaque transversim striatis; gula ventreque sordide albis ; 
jugulo pectoreque dilute rufis, fasciatis ; rostro nigro; pedibus flavis. Vieïllot. 


Le bec est bleuâtre; sa base, le tour des yeux et les tarses sont d’un beau jaune; lon- 
gueur totale du bout du bec au bout de la queue, 17 centimètres. 

Plus encore que la précédente, cette espèce montre que les oiseaux de proie sont 
beaucoup plus répandus que les autres sur les continens; en effet, le malfini, décrit 


1. Voyez le tableau de la distribution géographique des oiseaux, page 8. 


( 89 ) 

par Vieillot comme habitant l'ile de Saint-Domingue, se retrouve, sur le continent, à 
la Guyane française, et s’avance, ensuite, vers l'Ouest, par les forêts des rives de l’Ama- 
zone et de ses affluens, jusqu’au pied des derniers contreforts des Andes, dans les pays 
que peuplent les Yuracarès, au 16.° degré de latitude sud (république de Bolivia). C’est 
là, du moins, que nous l’avons rencontré, au bord des rivières qui traversent les immenses 
et majestueuses forêts constituant une large zone au pied même de ces montagnes. Jamais 
nous ne l’avons aperçu sur les montagnes mêmes. 

Ainsi que l’espèce précédente, celle-ci a des manières très-vives: elle vole sous les arbres 
touffus, parcourant, avec vitesse, le dessous de cette voûte épaisse, et saisissant à l’impro- 
viste le malheureux oiseau qui, tranquille au sein de ces vastes déserts, est assez impru- 
dent pour ne pas se défier d’un agresseur rusé et redoutable. Le vol du malfini est 
rapide, et ses manières le rapprochent, en tout, de nos éperviers d'Europe, si ce n’est 
qu’il aime plus les forêts que ces derniers. Les Indiens yuracarès appellent cet oiseau 
tiyutiyuti (prononcez tiyoutiyouti); nom de tous les petits oiseaux de proie à mœurs de 
faucons, comme celui-ci. 


ÉPERVIER A VENTRE GRIS, Misus poliogaster. 


Falco poliogaster, Natierer; Autour à ventre gris, Temm., pl. 264 (mâle), et 295 (fem.); 
Misus poliogaster, Lesson, Traité, pag. 62. 


Nisus supra fuscus, jugulo albido ; pectore clare cinereo , super ventrem saturatiori 
colore; genis brunneis , oculos circum nudis; cera tarsisque flavis. 


Le bec bleuâtre; sa base et les parties nues du tour des yeux, jaune verdâtre; les yeux 
jaune-vif; les paupières jaunes; longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 
45 centimètres; vol, 77 centimètres; circonférence du corps, 28 centimètres. 

Comme la plupart des oiseaux de proie, le jeune de l’année est presque roux, marqué 
de flammes brun-foncé sur le milieu de chaque plume, principalement de celles du des- 
sous du corps et du col. Les individus plus âgés ou femelles ont encore le dessous du 
col et de la poitrine blanchätre, avec une flamme noire sur la longueur de chaque plume; 
le milieu du ventre est rayé transversalement de larges bandes noirâtres, sur du blanc; 
tandis que les mâles adultes ont tout le ventre entièrement blanc. Les cuisses aussi sont 
rousses, rayées transversalement de brun, chez les femelles; blanches, teintées de roux, 
et seulement tachetées de noir à leur partie postérieure, chez les vieux mâles. Du reste, 
la queue présente toujours les cinq zones blanches et les cinq zones noires, d’égale lar- 
geur. Nous avons aussi remarqué que les adultes ont la queue un peu plus longue que 
les jeunes, ce qui est peu commun chez les oiseaux de proie. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la république de Bolivia, au milieu des im- 
menses plaines, en partie boisées, qui occupent l'intervalle compris entre les derniers 
contreforts des Andes orientales, près de Santa-Cruz de la Sierra, et les frontières du 
Brésil, dans la province de Chiquitos. Elle à aussi été rapportée du Brésil par M. Auguste 
de Saint-Hilaire; ce qui nous porterait à croire qu’elle habite également la plus grande 


1V. Ois. 12 


Oiseaux 
de 
proie. 


——— 


(90 ) 


Oiseaux partie du Brésil équatorial. Nous ne l’avons vue, en effet, que dans des régions chaudes; 


de 
proie. 


elle se tient soit à la lisière des bois, soit au milieu de taillis ou grands buissons assez 
clair-semés, qu’on nomme dans le pays chaparales. Nous ne savons pas si elle préfère les lieux 
humides; car nous l'avons rencontrée un peu partout, menant à peu près le même genre 
de vie que nos éperviers d'Europe, volant, comme eux, avec rapidité, se perchant au 
sommet des arbres, entrant quelquefois au sein des bois, qu’elle parcourt sous l’ombrage, 
et poursuivant, sans cesse, les petits oiseaux et les petits mammifères, dont elle fait sa 
nourriture habituelle. Quoique répandue sur une grande surface de terrain, elle n’est 
commune nulle part. 


ÉPERVIER CHAPERONNÉ, Misus pileatus. 
Falco pileatus, Temm., pl. 205; prince Max. de Neuw.,t. 3, n.° 7, p. 107; Lesson, Traité, 
p. 57, n. 2. 
Nisus corpore supra cinereo-brunnescente; collo antice, thoraci, ventre cinereis; 
Julvis femoribus; cauda brunnea, duabus tribusve lineis intersecta. 


Cette espèce est remarquable par sa petite tête et par le large espace nu qui entoure 
les yeux et s'étend jusqu’au bec; du reste, elle a les serres longues comme celles des 
éperviers, ainsi que leur bec court; son acrotarse est recouvert d’une seule squamelle. 
L'individu d’après lequel nous avons rédigé cette description, diffère du sujet décrit par 
Temminck, en ce que le blanc du bas-ventre et de l’anus en est tacheté de roux. 

Le bec est bleuâtre et noir à son extrémité; le tour des yeux, le tarse et les yeux sont 
jaune-foncé; le dessus de la tête noir; la gorge, la poitrine et le dessus du col, bleu- 
ardoisé clair; le dos, bleu-foncé; les ailes et les tectrices supérieures sont brunes, les 
intérieures rousses; le ventre est mélangé de roux vif, teinté de carmin; les couvertures 
inférieures de la queue sont blanches, munies de taches rousses; les rectrices sont bru- 
nâtres, marquées de quatre lignes transversales plus päles; la longueur totale du bec 
au bout de la queue, est de 40 centimètres. 

Nous n’avons vu celte espèce qu’à la frontière du Paraguay, dans la province de Cor- 
rientes, du 27. au 28.° degré de latitude sud, principalement dans les bois qui bordent 
le Parana; près du village d’Itaty et à Iribucua. Elle se tient toujours à leur lisière et 
dans l’intérieur des forêts : là, elle se perche sur un arbre près d’un sentier, et attend 
que quelques petits oiseaux ou quelques petits mammifères passent à sa portée; alors 
elle fond dessus avec la rapidité d’une flèche, et se met en devoir de les dévorer. Sou- 
vent aussi elle guette les paisibles tinamous qui, sans défense aucune, deviennent facile- 
ment sa victime : elle est si légère dans ses manières, et surtout dans son vol, qu’elle 
parait peu se défier de l’homme, par la conscience qu’elle a, sans doute, des puissans 
moyens qu’elle possède pour se soustraire à ses coups; même au milieu d’une épaisse 
forêt son vol est des plus rapide, suivant avec adresse les sinuosités sans nombre de ce 
labyrinthe naturel; aussi à peine l’a-t-on aperçue, qu’elle a déjà disparu au sein des 
bois. D'ailleurs cet épervier est si peu connu des habitans, que nous n'avons pu obtenir 
de renseignemens sur sa nichée. 


(91) 


AUTOURS, Astur, Bechst. 


Au lieu d’être vifs et fins, comme les éperviers, ces oiseaux sont assez 
lourds. En Amérique, ils vivent à la lisière des bois seulement , n’y pénè- 
trent jamais et ne volent qu’en rase campagne. Ils se perchent, le plus 
souvent, au sommet des arbres isolés dans les plaines, et y attendent long- 
temps qu'une proie vienne s'offrir à eux. Du reste ils sont omnivores, 
mangeant des insectes, des vers et des limaçons; fréquentant, de préférence, 
les marécages; en un mot, ils ne ressemblent sous aucun rapport aux éper- 
viers dans leur genre de vie. Ils habitent le versant oriental des Andes et 
les régions chaudes. 


AUTOUR A GROS BEC, Astur magnirostris. 


Falco magnirostris, Lath., Linn., Syst. nat., 3° édit., Sp. 115, Gmel.; Épervier à gros bec de 
Cayenne, Buff., Enl., 460 (mäle); Temm., pl. 86 (jeune) ; l’{ndayé, Azara, n° 30 ; Sparverius 
magnirostris, Vieillot, t. 3, p. 1265 ; Visus magnirostris, Lesson, p. 573; Falco insectivorus, 


Spix, 17, tab. VIITa; Falco magnirostris, Prince Max. de Neuwied , t. 3, p. 102; Enl. 464. 


Nisus capite gutturaque nigricantibus; pectore rufo, variegato subtus uropygioque 
rufo-brunneo radiatis ; dorso remigibusque obscuris; cauda fascüis quatuor nigris 
variegata. 


Bec noir bleuàâtre, jaune-vert à sa base; yeux, jaune-vif; tarses, jaune-foncé; les jeunes 
ont les yeux jaune-roux; longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 40 cen- 
timètres le mäle, 47 la femelle. Les jeunes ont la queue bien plus longue que les adultes. 

Il existe bien certainement, dans cette espèce, deux variétés distinctes, différenciées par 
des couleurs plus vives ou plus päles. Tous les individus qu’on voit au Muséum, venant 
du Brésil, ont les teintes si faibles que, confrontés avec ceux que nous avons rapportés 
de Corrientes et de la république de Bolivia, on les aurait pris pour des oiseaux déco- 
lorés; du reste, tous les caractères sont exactement les mêmes. De là, nous conclurons 
qu’il existe des éperviers à gros bec de deux variétés distinctes et constantes, qui pro- 
viennent, probablement, de l'influence du lieu qu’elles habitent. 

Les jeunes diffèrent des adultes en ce qu’ils n’ont pas les teintes uniformes de la poi- 
wine, du devant du col, de la tête, et qu’au contraire ces parties sont constamment 
marquées de taches longitudinales brunes, sur un fond jaunâtre ou brun. La queue a 
aussi plus de bandes transversales que chez les adultes; on en remarque jusqu’à six, au 
lieu de quatre. 

Si nous considérons cette espèce sous le rapport de ses mœurs, nous verrons qu’elle 
forme anomalie parmi les éperviers, dont elle n’a réellement aucune des habitudes; tandis 
qu’elle partage celles des macaguas et des autours proprement dits, sans être aussi criarde 
que les premiers; aussi avons-nous cru, malgré l'opinion des auteurs, devoir la ranger 


Oiseaux 
de 
proie. 


Oiseaux 
de 
proie. 


ES, 


(92) 
parmi les autours, où elle vient naturellement se placer, lorsqu'on la considère sous le 
point de vue de ses mœurs. 

Après avoir aperçu celte espèce vers le Sud, jusqu’auprès de Buenos-Ayres, sur les 
rives du Parana, nous l’avons rencontrée sur tout le cours de ce fleuve, jusqu'aux Mis- 
sions; dans les provinces de Santa-Fe, d’Entre-Rios, de Corrientes et des Missions. Nous 
savons par Azara, qu’elle se trouve dans tout le Paraguay; par M. Auguste de Saint- 
Hilaire, qu’elle habite le Brésil; par d’autres zoologistes, qu’elle est commune à la 
Guyane, et nous l'avons vue dans la république de Bolivia, dans les montagnes comme 
dans les plaines inondées; ce qui nous prouve incontestablement qu’elle a pour patrie 
une surface immense du continent américain; car elle occupe, en latitude, une zone qui 
s'étend du 6. degré de latitude nord, au 34.° degré de latitude sud; et, en longitude, 
tous les pays compris entre les derniers contreforts des Andes, de la Bolivia et du Pérou, 
à l'Est, jusques aux côtes de l'Océan atlantique. On voit, dès-lors, que c’est une des 
espèces d'oiseaux de proie le plus répandues sur le sol de l'Amérique méridionale, où 
elle est même partout commune, multipliée plus que toutes les autres, à l’exception 
de celle des caräcaräs; cependant, il nous a semblé qu’elle devenait plus rare au Sud 
sur les montagnes que dans les plaines ou vers les régions tropicales. L’autour à gros 
bec est une des espèces qui, à proprement parler, n’ont pas de lieu spécial d’habi- 
tation. Il vit dans les plaines, auprès des eaux et dans les lieux les plus secs; mais 
nous ne saurions dire laquelle de ces localités il préfère. Dans les provinces de la répu- 
blique Argentine nous l'avons presque toujours rencontré au bord des rivières, et en 
Bolivia sur les montagnes de la province de Yungas, élevées au moins de 2,500 mètres 
au-dessus du niveau de la mer; cependant, nous avons pu reconnaître que, sur l’immense 
surface de terrain que nous signalons comme sa demeure habituelle, il y a beaucoup de 
lieux où il ne se trouve jamais, par exemple, au sein des immenses forêts, ou dans les 
plaines dénuées d'arbres; et nous avons aussi remarqué que de petites familles isolées 
étaient séparées les unes des autres par d’assez grandes distances, pour qu'il leur fût 
difficile de se réunir. Cette espèce, d’ailleurs, est sédentaire, et n’émigre jamais comme 
certaines autres, restant en des cantons spéciaux, où chaque couple paraît fixé pour le 
temps de son existence, visitant toujours les mêmes endroits, se reposant souvent sur 
le même arbre et quelquefois sur la même branche. Elle habite toujours de préférence 
les points entrecoupés de petits bois et de plaines. Aussi l’avons-nous rencontrée 
dans la province de Corrientes, à la lisière des taillis peu élevés, principalement des 
bois d’espinillos ou acacias épineux , dispersés çà et là, dans la campagne. En Bolivia, 
elle s’est offerte à nous au bord des ravins ou sur les arbres qui avoisinent les petits 
bois; c’est sur les arbres morts qu’elle se repose le plus volontiers, et qu’elle vient 
attendre sa proie. Le mâle et la femelle, unis toute l’année, ne s’abandonnent jamais, 
se suivant sans cesse de très-près, se plaçant souvent sur le même arbre, quelquefois 
à côté l’un de l’autre. On ne voit pas entr’eux cet égoïsme qui caractérise, en général, 
les oiseaux de rapine; si l’un des deux consorts s'éloigne de l’autre, ils font entendre 
un sifflement de rappel assez plaintif, que tous deux répètent tour à tour; jamais 


(95) 


nous ne les avons vus se quereller; mais nous avons cru remarquer que des rixes ont Oiseaux 
lieu entre les mâles, principalement au temps des amours. Au reste, cette espèce est . 
peu craintive et ne redoute pas la rencontre de l’homme, qu’elle attend de très- près, 

en faisant entendre son sifflement habituel, pour se prévenir du danger; s’envolant, 
ensuite, pour se reposer, à une cinquantaine de pas, tout au plus, sur un autre arbre, d’où 

elle ne s'envole de nouveau qu'avec peine, après avoir sifflé, sans jamais chercher une 
retraite dans l'épaisseur des bois. 

Dans le repos, l'attitude de l’autour à gros bec est assez stupide; il rentre sa tête 
entre ses deux épaules et ne semble s'occuper de rien; mais, si quelque chose l’inquiète, 
il tourne continuellement la tête vers l’objet qui l’effraie et vers son compagnon, en 
sifflant sans cesse, ce qui le fait paraître comme fou, et lui a valu le nom espagnol de 
gabilancito bobo (petit busard fou), qu’il porte dans le Paraguay et à Corrientes. Son vol 
est peu rapide, quoiqu'’assez léger, et rarement il s'élève dans les airs, se contentant de 
voler d’un arbre à l’autre ou restant long-temps immobile, lorsqu'il n’est pas dérangé: 
il y a dans le vol de ces oiseaux quelque chose de léger qui rappelle, jusqu’à un certain 
point, celui des oiseaux nocturnes. Ils ne vont à terre que pour manger, et n’ont pas 
l'habitude de marcher; car à peine leur repas est achevé qu'ils vont se percher sur l'arbre 

le plus voisin, où ils font la digestion, en regardant si quelque proie ne passe pas à terre 
à leur portée. Ils se nourrissent principalement d’insectes, de vers, de grillons, de coquilles 
terrestres; mais lorsqu'ils rencontrent des oiseaux morts, 1ls ne les dédaignent pas. 

Nous avons tué un autour à gros bec pendant qu’il dévorait un poisson mort; mais 
Jamais nous ne l’avons vu s'approcher des grosses proies mortes. Le peu d’hostilités qu'il 
exerce envers les oiseaux vivans, explique peut-être pourquoi ceux-ci ne le poursuivent 
pas, comme ils ont coutume de le faire pour beaucoup d’autres espèces. Dans la saison des 
amours, qui commence en Septembre, et dure jusqu’en Janvier, les couples sont plus 
étroitement unis; on nous à assuré, qu'ils construisent leur nid à la lisière des bois 
sur les arbres touffus, que ce nid se compose de branches entrelacées, et qu’ils pondent 
quatre à cinq œufs, de couleur rougeàtre et presque ronds. 

Outre le nom de gabilancito bobo, que leur donnent les Espagnols, ou celui de gabilan 
de cabeza negra (busard à tête noire), qui leur vient de ce que leur tête paraît, de loin, 
entièrement noire, ils portent, chez les Guaranis, le nom d’indayé, et celui d’inkico chez 
les Aymaras du Yungas. | 


AUTOUR A QUEUE CERCLÉE, Astur unicinctus. 


Falco unicinctus, Temm., pl. 313; Buse mixte noirätre et rousse, Azara, n° 191; MWisus uni- 


cinctus , Lesson. 


Astur. Humeris viride rufis, nigro maculatis; brunneo occipite; femoribus rufis, 


1. M. Temminck n’a pas reconnu, dans la description d’Azara, cette espèce, qu’il décrit 
comme nouvelle. 


Oiseaux 
de 
proie. 


(94) 

transversaliter rufo radiatis; pennis nigris; regione anali albida; cauda subtus 

nigra, albido limbata. 

Bec noir à son extrémité, bleuâtre sur le reste; la base et le tour des yeux est jaune 
verdâtre clair; les yeux brun-roux; les tarses jaune-clair; longueur totale du bout du 
bec à l'extrémité de la queue, 55 centimètres le mâle, 60 centimètres la femelle; circon- 
férence du corps, 36 centimètres. 

Dans l’âge adulte cette espèce est, pour ainsi dire, noire, avec les épaules et les cuisses 
rousses, les premières variées de noir, les dernières rayées transversalement de roux- 
foncé; la base et l'extrémité de la queue, blanches; mais, moins elle est avancée en âge, 
plus elle est variée en couleurs, c’est-à-dire que le noir se mélange davantage de mou- 
chetures rousses ou brunes; le ventre a beaucoup plus de taches blanches et rousses; les 
cuisses sont plus fortement rayées, et les couvertures inférieures de la queue plus 
marquées; la gorge est presque blanche, avec une tache noirâtre au milieu de chaque 
plume. Si nous la prenons encore plus jeune, c’est-à-dire pourvue du plumage de la 
première année, nous trouvons sa tête presque noire, variée de taches roussätres; son 
col jaune, longitudinalement taché de brun; sa poitrine et son ventre de la même 
couleur; les couvertures de ses ailes noires, tachetées de roux; sa queue et ses ailes 
noirätres, rayées transversalement de noir plus foncé; son croupion et l’extrémité de 
sa queue, blancs; et ses cuisses jaunes, rayées de brun. 

Ses dimensions sont aussi très-variables; nous avons trouvé sa longueur totale de 55 
à 60 centimètres, selon le sexe. 

Cette espèce est encore une de celles dont les limites d'habitation sont très-étendues, 
et qui, cependant, paraissent propres aux régions chaudes et tempérées. Azara l’a 
observée au Paraguay; M. de Saint-Hilaire l’a rapportée du Brésil; pour nous, nous 
l’avons rencontrée assez fréquemment dans la province de Corrientes, au 27.° degré de 
latitude sud, et retrouvée, ensuite, dans la république de Bolivia, au 17. degré de 
latitude; ce qui nous ferait présumer qu’elle doit rester entre les tropiques ou quel- 
ques degrés en dehors. Nous la croyons bornée aux lieux formés de plaines décou- 
vertes et de petits bois, situés seulement à l’est des Andes, qu’elle ne paraît franchir 
nulle part. Nous avons remarqué qu'habitant spécialement les terrains plans dans la 
province de Corrientes, elle étendait sa demeure jusque sur les montagnes peu élevées 
des derniers contreforts des Andes, à l’est; car nous l'avons vue près de Valle grande, 
département de Santa-Cruz de la Sierra, en Bolivia, à plus de mille mètres au-dessus 
des plaines de Santa-Cruz. Notre opinion se fortifie encore de ce fait, que beaucoup 
d'espèces cherchent partout la température à laquelle elles sont habituées, ce qui les 
décide souvent à gagner les hauteurs dans les régions chaudes, parce qu’elles y ren- 
contrent le climat recherché par elles, plus au Sud, vers le pôle; tandis que d’autres 
espèces ne recherchent que des accidens de terrains semblables. Nous dirons donc 
que cette espèce est plus particulièrement propre aux plaines, et qu’elle n’habite les 
régions élevées que lorsque celles-ci, cessant de se couvrir de cette végétation active 
et épaisse des lieux humides, sont, au contraire, redevenues arides. 


(95 ) 

Nous avons rencontré cette espèce au bord des eaux, comme les buses, volant peu 
long-temps au-dessus des bosquets ou autour d'arbres épars, se reposant au sommet 
des plus élevés, et surtout sur ceux qui sont morts, à la lisière des petits bois inondés 
ou non, attendant sa proie ou chassant, en rasant la terre de son vol : elle est assez 
peu commune, et paraît néanmoins sédentaire dans le pays qu’elle choisit pour 
demeure : toute l’année elle vit dans l’isolement, et paraît même fuir son espèce; la sai- 
son des amours seule change ses dispositions, modifie son égoïsme, et seulement alors 
elle s’accouple. Ses manières sont, en tout temps, craintives; cependant sa pusillanimité 
n’est que l'effet des dangers qui l'entourent , et le résultat de l’expérience; car nous avons tué 
un jeune de l’année dans un jardin du milieu même de la ville de Corrientes; il ne parais- 
sait pas effrayé de se trouver au sein du bruit d’un lieu habité; tandis que les adultes 
cherchent les déserts les plus silencieux. Son vol, quoique rapide par momens, est ordi- 
nairement peu précipité, et surtout peu prolongé; car, lorsque la faim ne la presse pas, 
elle passe à peine d’un arbre élevé au plus voisin; mais l'appétit lui donne un peu plus 
d'activité dans sa chasse : elle fond sur sa proie du haut de son perchoir, quoiqu’avec 
beaucoup moins de vivacité que les autres oiseaux de son ordre. Elle fait souvent 
entendre une espèce de sifflement aigu, répété plusieurs fois de suite, surtout lors- 
qu’elle aperçoit quelque chose qui lintimide : sa nourriture paraît consister en oiseaux, 
en petits mammifères, en reptiles et même en poissons; lorsqu'elle vole dans la campagne, 
elle est souvent poursuivie par les petits oiseaux, qui la forcent de se percher. 

Vers les mois d'Octobre et de Novembre, les individus, qui se craignaient naguères, 
commencent à se rechercher et à s’accoupler, pour quelques mois; ils s’éloignent plus 
encore des lieux habités, et cherchent, au milieu des bois d’acacias épineux ou espinillos 
de la province de Corrientes, un arbre bien touffu, voisin des eaux, sur lequel ils cons- 
truisent un nid spacieux, composé d’épines à l’extérieur, à l’intérieur de bûchettes, dans 
lequel la femelle dépose quatre à cinq œufs entièrement blancs, dont les diamètres sont 
de 53 et 58 millimètres, de ceux du moins qu’on nous dit, dans le pays, appartenir 
à un nid que nous avions vu construire; mais nous les donnons avec doute, parce que 
celte couleur blanche n’est pas ordinaire aux œufs d'oiseaux de proie diurnes, qui sont, 
au contraire, rougeätres, et toujours tachetés de brun ou de roux. 

C'est encore un gabilan des Espagnols américains, et un taguato des Guaranis du 
Paraguay et de Corrientes. 


AUTOUR MILLE-RAIES, A4stur nitidus. 


Falco nitidus , Lath., Temm., pl. 87 (adulte), et 294 (jeune), sous le nom de Falco striolatus, 


3943 Asturina cinerea, Vieill, Gmel., pl. 20; Dædalion nitidus, Less., Traité, n. 2. 


Astur. Capite corporeque plumbeus, lineolatus ; jugulo, cauda subtus , alisque albidis ; 
cauda nigra, larga zona albida transversaliter terminata. 


Bec noirâtre, la base jaune-vif; yeux, brun-clair; tarses, jaune-clair; ongles, noirs; 


Oiseaux 
de 


proie. 


Oiseaux 


proie. 


——— 


(96) 
longueur totale du bout du bec à l'extrémité de la queue, 42 centimètres; du vol, 96 
centimètres; circonférence du corps, 33 centimètres. 

Nous croyons que cette espèce appartient plus particulièrement à la zone torride; on 
l’a toujours rencontrée à Cayenne, et nous l'avons vue assez communément au centre de 
l'Amérique méridionale, dans la province de Chiquitos, à l’est de la république de 
Bolivia; ce qui nous fait croire qu’elle doit se trouver dans toutes les contrées intermé- 
diaires, ou dans tout le Brésil équatorial, dans la Bolivia et dans les Guyanes; mais 
jamais sur les contreforts des Andes, ni dans les immenses forêts de leurs bords; elle 
est donc propre aux terrains peu élevés, mélangés de plaines et de bosquets, et non 
aux forêts, pas plus qu'aux immenses savanes. Nous l’avons toujours observée au bord 
des petites plaines environnées de bois, sur les collines ou les terrains plans; là, elle 
se montrait toujours isolée, perchée au sommet .du plus haut des arbres morts des 
environs, immobile, en attendant sa proie, sur laquelle nous l’avons vue fondre plu- 
sieurs fois, la dévorant, lorsqu'elle la saisissait, puis allant reprendre sa position 
taciturne. Son vol est lourd et peu rapide : lorsqu'elle s’élance , elle plane peu, se 
contentant d'aller chercher un arbre d’où elle puisse recommencer son observation; 
elle paraît chasser principalement aux reptiles. Au reste, quoique très-répandue, elle 
nous à paru toujours assez rare. 


MACAGUA, Macagua, Azara. 


Cette section doit nécessairement être séparée des autours ordinaires, tant 
à cause de ses caracteres singuliers, qu’en raison de ses mœurs plus singu- 
lières encore. Nous n'avons rencontré que lespèce la plus anciennement 
connue. 


MACAGUA RIEUR, Macagua cachinnans. 


Falco cachinnans, Linn., esp. 18 ; Lath., esp. 88 ; Herpetotheres cachinnans, Vieill., Gal., pl 19; 
Spix, pl. 3,4; le Macagua, Azara, n° 15. 


Macagua, cera pedibusque luteis, palpebris albis, corpore fusco albidoque vario, 
6 
annulo nigro verticem album cingente. Laith. 


Le bec est noir, sa base jaune; les yeux sont roux-foncé; les tarses jaune-sale; lon- 
sueur totale, du bout du bec au bout de la queue, 47 centimètres; du vol, 91 centi- 
mètres; circonférence du corps, 33 centimètres. 

Un individu très-jeune, que nous avons été à portée d'observer, différait de l’adulte 
par une taille bien plus petite, puisque son vol n’était que de 84 centimètres; ses cou- 
leurs étaient un peu différentes; le collier était peu marqué; la tête et le ventre étaient 
variés de longues taches noires sur le milieu de chaque plume; le dos varié de roux, en 
bordure aux plumes, qui sont noires, et les raies de la queue obscures. 

On a, sans doute, beaucoup écrit sur le macagua; mais nous croyons qu’il y aurait encore 


(97 ) 

beaucoup à dire sur ses mœurs singulières. Azara, de tous les auteurs, est celui qui l’a 
le mieux étudié; nous savons, par lui, que le macagua vit au Paraguay. On le trouve 
aussi, communément, à la Guyane; et nous l’avons, de plus, observé dans les immenses 
plaines du centre de l'Amérique méridionale (république de Bolivia). Là, nous l'avons 
rencontré depuis les forêts qui bordent les derniers contreforts des Andes à l'Est, jusqu’à 
la rivière du Paraguay, dans les provinces de Santa-Cruz de la Sierra, de Moxos et de 
Chiquitos; ce qui nous donne lieu de croire qu’il habite sur toute l’immense étendue 
comprise entre les Andes et Cayenne; car cest bien certainement dans ces lieux 
qu’existent, en Amérique, le plus de terrains unis, de marais, de canaux naturels 
et de savanes noyées, lieux où se tient exclusivement le macagua; car nous ne l'avons 
jamais vu en rase campagne, ni au plus épais des forêts, et moins encore sur les mon- 
tagnes. On est sûr de le rencontrer toujours à la lisière des bois, soit dans les plaines 
sèches, soit, plus fréquemment, sur le bord des rivières, soit, enfin, au bord des eaux 
stagnantes. Il est sédentaire et assez répandu, sans être commun; nous l'avons tou- 
jours vu seul, isolé, perché sur le haut d’un arbre sec, dans une immobilité parfaite, 
présentant, alors, par sa grosse tête enfoncée entre les épaules, la position et les formes 
d’un oiseau de proie nocturne. Il est peu craintif, ou du moins s'éloigne peu lorsqu'il 
aperçoit quelqu'un, se contentant, alors, de répéter, d’une voix sonore, à peu près l’expres- 
sion de son nom indien, tout en restant au même lieu ou dans les environs; et fatiguant 
le voyageur des cris bruyans et cadencés qui lui ont valu l’épithète de rieur, parce qu’on y 
a cru remarquer une espèce de ricanement. Les Indiens et même, par imitation, les 
Espagnols de Santa-Cruz et de Moxos, ont tiré de ce ricanement l’idée que le cri du 
macagua annonce, infailliblement, l’arrivée prochaine d’une pirogue venant des contrées 
lointaines ; aussi, sans autre indice que celui-là, se rendent-ils, de suite, au port, pour 
attendre les arrivans. Quoique souvent trompés dans leur absurde croyance, ils n’y sont 
pas moins attachés depuis des siècles. Il est à remarquer que, tant que le macagua n’est 
pas troublé par la crainte, au sein des déserts qu’il a choisis, il ne crie pas, et ne com- 
mence ses conversations joyeuses que lorsque le silence imposant des rives boisées des 
nombreuses rivières de ces régions, est interrompu par l’arrivée de quelque gros mam- 
mifère, ou d’une pirogue battant, au loin, les eaux des coups précipités des pagayes de 
ses conducteurs indiens; d’où, sans doute, l’origine de la superstition dont j'ai parlé. 

Son vol est lourd, jamais prolongé; s’il part, c'est toujours pour aller se reposer 
sur l'arbre le plus voisin, ou pour parcourir, en s’arrêtant souvent, les rives d’un 
marais ou d’une rivière. Nous ne l’avons jamais vu planer à la manière des buses : il 
va rarement à terre, si ce n’est afin d'y dépecer sa proie, lorsqu'il l’a saisie; mais, dès 
qu'il a fini, il retourne se percher sur son arbre favori. D’après ce que nous avons pu 
observer, nous sommes de l'avis de tous les auteurs, qui disent qu’il se nourrit de rep- 
üles qu’il paraît tuer à coups d’aile, comme beaucoup de buses; nous croyons aussi qu’il 
mange quelquefois des insectes, et même des poissons, quand ils sont morts au bord des 
eaux. Cest, au reste, le seul aquiléide qui ait le jabot nu et saillant, rappelant, par ce 
dernier trait, le Polyborus vulgaris, quand celui-ci a beaucoup mangé. 


IV. Où. 13 


Oiseaux 
de 
proie. 


— 


Oiseaux 
de 
proie. 


(98 ) 

Il s’établit, au dire des habitans, sur la lisière des bois, au sommet de très-hauts arbres, 
y construit un nid énorme, dans lequel il dépose de quatre à cinq œufs. Le couple, alors, 
semble devenir plus ricaneur que jamais, et poursuit long-temps les importuns, répé- 
tant avec plus de force encore ses cris aigus, sans doute pour mieux les éloigner de sa 
nichée. 

Son nom de macagua vient de la langue guarani; il est connu depuis le Paraguay 
jusqu’à Santa-Cruz de la Sierra, et adopté par tous les Espagnols du pays. Les Indiens 
yuracarès, du pied oriental des Andes, le nomment biyo. 


MILANS, Milvus, Bechst. 


Les milans, par la longueur démesurée de leurs ailes et de leur queue, sont 
des oiseaux spécialement voyageurs, faciles à distinguer par leur tête aplatie, 
leur bec court et leur bouche fortement fendue. Ils sont presque toujours 
en l'air, volant beaucoup plus long-temps sans se reposer qu'aucun autre 
oiseau de proie. Ils habitent les lieux marécageux, perchant rarement. On 
les trouve sur les deux versans des Andes. 


MILAN A QUEUE BLANCHE, Milvus leucurus, Vieillot.: 


Le Faucon blanc, Azara, n° 36; Milvus leucurus, Vieill., Dict. d'hist. nat., t. 20, p. 556; 
Elanoides leucurus, Vieill., Encycl.,t. 3, p. 1205; Milan à queue irrégulière, Falco dispar, 
Temm., pl. 319; Elanus dispar, Less., Traité, p. 72. 


E. macula nigra circum oculos; corpore supra cærulescente; subtus , capitis lateri- 
bus, rectricibus lateralibus albis, intermediis duabus cærulescentibus ; rostro nigro; 


pedibus pallide flavis. 


Nous avons reconnu , avec M. de Lafresnaye, que cette espèce, décrite depuis bien long- 
temps par Azara (Voyage dans l'Amérique méridionale, t. III, p. 96), sous le nom de 
faucon blanc (n. 36), a été reconnue comme milan, dans les notes de la traduction de 
cet ouvrage par Sonnini; plus tard, Vieillot, laborieux ornithologiste, a scrupuleuse- 
ment reproduit les excellentes descriptions d’Azara, et celle de l'oiseau qui nous occupe, 
dans le Nouveau dictionnaire d'histoire naturelle, t. XX, p. 5562, en donnant à l’espèce 
le nom latin de Mivus leucurus. Nous devons donc nous étonner de voir, dans le bel 
ouvrage du savant naturaliste, M. Temminck, faisant suite à Buffon, pl. 319, décrite et 
figurée sous le nom de milan à queue irrégulière (Falco dispar) , l'espèce même dont 


1. Nous rétablissons ici le nom le plus anciennement donné. 

2. Dans cet ouvrage, Vieillot a intercalé, suivant les genres et les familles, toutes les espèces 
d’Azara, en conservant religieusement les noms spécifiques, toutes les fois que l'application en a 
été possible. 


(99) 

parlent Azara et Vieillot, et qu'adopte M. Lesson, dans son Traité d’ornithologie, p.72. Oiseaux 
Il est fâcheux pour la science que, de nos jours, on impose des noms nouveaux à des n A 
espèces anciennement décrites par des auteurs soit français, soit étrangers; il est fächeux, 
surtout, que l’on conserve ces nouveaux noms seulement parce qu’ils sont accompagnés 
de belles planches; et, cela, au détriment de descriptions soignées. L’individu figuré 
par M. Temminck (pl. 319) est un individu femelle, qu’il décrit comme tel, et que 
M. Lesson a copié également dans son traité; mais M. Temminck copie aussi textuellement 
la description du mâle adulte dans Azara. Pourquoi n’a-t-il donc pas conservé le nom 
assigné par Vieillot ? 

Le milan à queue blanche que nous avons observé avait le bec noir; sa base, ainsi 
que les tarses, jaune pâle; l’œil était orangé; longueur totale, 43 centimètres. 

Cette espèce a les plus grands rapports avec le milan black, Falco melanopterus, Lath., 
du cap de Bonne-Espérance. Au premier aperçu, il est facile de les confondre; peut-être 
l'ont-ils été par les auteurs américains, entr'autres par Charles Bonaparte, qui la 
figurée dans le tome IT, pl. 11, n.° 1, sous le nom de black, Vaillant, Falco melanopterus, 
avec un individu qui était peut-être le milan à queue blanche d’Azara, originaire du 


nouveau monde, et dont il est ici question. On n’a aucune certitude que le black habite 
l'Amérique, et il est certain qu’il existe dans l’Inde; car il se trouve, dans les Procee- 
dings of zool. soc. of Lond., cahier 1830-1831, page 115, au nombre des espèces rap- 
portées de cette contrée par le major Franklin. Comme il serait extraordinaire, d’après 
la distribution géographique des êtres sur les continens, de le retrouver en Amérique, 
l'intérêt de la science demande qu’on fasse des recherches à cet égard. 

C’est une des espèces qui paraissent le plus répandues dans l'Amérique méridionale; en 
effet, Azara l’a observée depuis le Paraguay jusqu'aux frontières du Brésil, par 32 degrés 
de latitude sud ; nous l'avons vue près de Buenos-Ayres, au 34. degré, dans les 
Pampas; M. de Saint-Hilaire l’a rapportée du Brésil. Voilà pour le versant oriental des 
Andes, où elle paraît habiter toutes les parties tempérées au sud du tropique du Capri- 
corne, jusqu’au 34.° degré; mais, ce qui nous a paru le plus extraordinaire, ç’a été de la 
rencontrer aussi à l’ouest des Andes, au Chili, où elle n’est même pas très-rare. D’après nos 
descriptions, on a pu voir que les espèces qui se trouvent également sur les deux versans 
ne sont pas nombreuses, et qu’elles n’ont jamais que peu de lieux spéciaux d'habitation. 
Il serait plus curieux encore de constater l'existence de celle-ci dans l'Amérique septen- 
trionale; ce qui nous porterait à admettre la description du black de M. Ch. Bonaparte. 

Elle paraît habiter indistinctement tous les lieux où se présente à elle, de loin en 
loin, de quoi percher; aussi la trouve-t-on tantôt à la lisière des plaines des Pampas, 
au bord des rivières, tantôt sur les collines buissonneuses du Chili. Partout nous l'avons 
vue voler long-temps avant de se reposer et planer en tournoyant, pour saisir, à l’occa- 
sion, de petits mammifères et de petits oiseaux, dont elle paraît faire sa nourriture. Elle 
est vive dans ses mouvemens; et, comme le dit Azara, elle a beaucoup des manières des 
faucons proprement dits. 


Oiseaux 
de 
proie. 


( 100 ) 


MILAN DE LA CAROLINE, Mious furcatus, Cuv. 


Falco furcatus, Gmel., Catesby, pl. 4; Elanoides furcatus, Vieill., Encycl., t. 3, p. 1204; Mil- 
ous furcatus, Cuv., Icon., pl. 3, fig. 1; Vauclerus furcatus, Vigors, Less., Traité, p. 73. 


Milvus , cera obscura; pedibus flavescentibus; corpore supra cinereo, subtus albido ; 
cauda furcata, longissima. 


Yeux saillans, non entourés de paupières nues; bec noir, bleuâtre à sa base; yeux, 
roux-foncé; tarses bleuâtres; longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 55 
centimètres; vol, { mètre 17 centimètres; circonférence du corps, 35 centimètres. 

Cette espèce parait occuper les parties chaudes des deux Amériques. Décrite d’abord 
comme étant de la Caroline, on a dû s'étonner de la rencontrer au Brésil. Elle habite 
aussi tout le centre de l'Amérique méridionale, dans les provinces de Moxos et de Chiqui- 
os (république de Bolivia); c'est à, du moins, que, du 15° au 20.° degré, nous avons 
pu l’observer assez fréquemment. Nous ne l'avons jamais vue que près des eaux. Dans 
la province de Chiquitos elle était quelquefois par troupes, d’autres fois par paires, 
voyageant d’un lac à l’autre; restant près de l’un d’eux quelques jours; puis, laban- 
donnant pour aller en visiter un autre. Pendant tout le temps qu’elle ne donne pas aux 
amours, elle voyage ainsi, occupée des heures entières à tournoyer au-dessus des eaux, 
tantôt près de la surface, tantôt très-haut dans les airs; ouvrant parfois sa queue, 
et la refermant, comme des ciseaux; se reposant très - rarement et toujours au som- 
met des plus hauts arbres, où elle ne demeure que quelques instans, pour recom- 
mencer bientôt ses tournées aériennes. Cest surtout le matin qu’elle tournoie au 
bord des eaux : la crainte ordinairement la fait s'élever dans les airs; car elle ne com- 
mence à monter que lorsqu'on l’inquiète. Son genre de vie nous porte à croire qu’elle 
rase aussi la surface des fleuves, afin d’y saisir les poissons morts qui y surnagent; 
la longueur de ses ongles indiquerait encore ce genre de chasse. Nous croyons, 
toutefois, que les insectes sont la base de sa nourriture habituelle, surtout les ortho- 
ptères, qui abondent au bord des eaux. Vers le mois de Décembre, les couples aban- 
donnent les pays de plaines et se rapprochent des forêts, afin de s'occuper de leur nichée; 
nous les avons rencontrés, en cette saison, au milieu des forêts qui séparent les pro- 
vinces de Chiquitos et de Moxos, dans le pays des Guarayos, vivant autour des lacs de 
ces lieux ou sur les bords des rivières. Les Indiens guarayos nous ont assuré qu’ils y 
nichent au sommet d’un des plus hauts arbres; au reste, ils désignent cet oiseau par le 
nom propre de {apé, qui est, sans doute, un dérivé ou une contraction du mot guarani 
tapecuri (oiseau pêcheur). 


ICTINIES , Zctinia, Vieillot. 
Encycl., t. 3, p. 1207. 


Quoique ces oiseaux aient les plus grands rapports de forme avec les 
buses, auxquelles Cuvier a réuni l'espèce qui nous occupe, nous consi- 


\ 


(101 ) 


dérons ce groupe comme servant, tant pour ses caractères qu'en raison de ses Oiseaux 
€ 


mœurs, de transition des milans aux buses. On pourra voir, au reste, par 
ce que nous en disons, combien peu de rapports existent entre la manière de 
vivre de cet oiseau et celle des derniers nommés. Il est du versant oriental 
des Andes et des régions tempérées. 


ICTINIE BLEUATRE, Zctinia plumbea, Vieill. 


Vieillot, Encycl. méth., t. 3, p. 1208; Falco plumbeus, Linn., Syst. nat., gen. 42, sp. 117; 
Lath., Syst., gen. 2, sp. 118; Hobereau couleur de plomb, Buffon de Sonnini, t. 39, p. 237; 
Vieill., Amér. sept., pl. 10 bis; Milan cresserelle, Temm., pl. 130, jeune; Spix, pl. 86; Buteo 
plumbeus, Cuv., t. 1, p. 337; Faucon d'un bleu terreux, Azara, n° 37; ctinia plumbea, 


Less., Traité, p. 743; Falco plumbeus , prince Max. de Neuw., p.126, n.° 12. 


Ictinia , cera obscura; pedibus flawis; capite, dorso infimo abdomineque cinereis ; 
remigibus intus ferrugineis ; rectricibus lateralibus intus maculis tribus albis. Laih. 


Bec noir, sa base noir bleuâtre; yeux, rouge de carmin très-vif; tarses, jaune rou- 
geàtre foncé; longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 32 centimètres; 
vol, 83 centimètres; circonférence du corps, 24 centimètres. 

Les jeunes ont toutes les plumes du dos bordées de blanc; celles de la tête, ainsi que 
celles du ventre, variées de blanc et de plombé. 

L’ictinie plombée paraît être commune aux deux Amériques, puisqu'on la trouve 
au Mexique, au sud des États-Unis, à la Guyane, au Brésil, au Paraguay (selon Azara), 
et dans les provinces de Chiquitos et de Moxos (république de Bolivia), où elle s’est offerte 
à nous. Nous croyons pouvoir assurer que, toute répandue qu’elle soit sur une aussi 
grande surface de terrain, elle ne paraît point passer à l’ouest des Andes, ni même 
remonter les plus basses montagnes de leurs contreforts orientaux; elle semble habiter 
spécialement toute la partie légèrement accidentée, boisée ou marécageuse du centre de 
l'Amérique méridionale. Nous l'avons assez fréquemment rencontrée dans la province 
de Chiquitos; toujours observée à la lisière des bois, près des marais, sur les collines, 
ou même au bord des rivières qui traversent les immenses forêts étendues entre cette 
province et celle de Moxos. Bizarre dans ses habitudes, cette espèce paraît constituer 
une anomalie singulière au milieu des oiseaux de proie; en effet, on trouve, en elle, 
non pas une sociabilité due à des circonstances qui lui facilitent les moyens de 
trouver sa nourriture, comme nous l'avons indiqué chez les caräcaräs, qui se réunissent, 
afin de se partager une curée, et se séparent, dès qu’il n’y a plus de quoi manger; non 
pas une réunion fortuite, comme celle de tous les oiseaux de proie, lorsque le feu est à 
la campagne, mais un véritable instinct de société, comme celui que nous avons décrit 
chez les rostrames, et qui consiste dans la réunion d’un grand nombre d'individus 
voyageant de concert, se posant sur le même arbre, restant unis des mois entiers, ne se 
divisant par couples que dans la saison des amours; et encore ces couples restent -ils 


proie. 


(102 ) 


Oiseaux dans le voisinage, prêts à se rejoindre, dès que les jeunes sont assez grands pour 


de 


proie. 


accompagner les parens. C’est du moins ainsi que nous avons toujours vu se comporter 
cette espèce : chaque fois que nous en apercevions un individu, nous le suivions des 
yeux, et nous le voyions se réunir, non loin de là, à beaucoup d’autres, perchés et 
immobiles sur la partie la plus élevée d’un grand arbre mort; souvent ils étaient associés 
au moins au’ nombre de trente; alors la plupart s’envolaient en tournoyant à une grande 
hauteur; ou, séparément, parcouraient tous les environs d’une manière peu ordinaire 
aux oiseaux de proie, et analogue au vol de certains pigeons; puis, revenant se poser de 
nouveau sur le même arbre, que quelques autres abandonnaient à leur tour, où ils 
reparaissent quelque temps après. Ils ont, quelquefois, tellement l'habitude d’un arbre, 
qu'il nous est arrivé d’en tirer à plusieurs reprises, dans la même journée, sur le même, 
avant de voir la troupe renoncer à cet asyle. Ils sont, d’ailleurs, si peu sauvages que, 
dans le jardin de la Mission de San-Xavier, nos coups de fusil réitérés ne les empê- 
chaient pas de s’y poser cinq ou six fois, ne l’abandonnant que le lendemain. Comme nous 
ne les avons jamais rencontrés deux jours de suite dans les mêmes endroits, nous devons 
présumer qu’ils sont voyageurs, et ne se trouvent que de passage dans les lieux où nous 
les avons observés par troupes, suivant, en cela, la règle générale des oiseaux qui voya- 
gent toujours réunis; ce aui expliquerait, peut-être, leur répartition sur l'immense étendue 
de terrain qu’ils habitent. 

Nous ne les avons jamais vus à terre : leur vol, parfois élevé, a, dans son tournoiement, 
quelque chose d’analogue à celui des milans ; ils semblent chasser aux insectes, sans 
paraître se plaire à poursuivre les oiseaux. Ils arrivent, sans doute, dans la province de 
Chiquitos à l'approche de la saison des amours; nous les y avons aperçus, par troupes, 
de Septembre à Décembre; en Janvier, ils étaient, au milieu des forêts qui séparent les 
provinces de Chiquitos et de Moxos, sur le bord des rivières, divisés par couples, occupés 
de leur nichée, placée, à ce que nous ont assuré les Indiens guarayos, au sommet des 
plus hauts arbres des rives du Rio de San-Miguel, ou à la lisière extérieure de ces forêts. 


BUSES , Buteo, Bechst., Cuv. 


Les buses d'Amérique, comme on pourra le voir par les descriptions 
suivantes, n’ont pas toutes les mêmes mœurs. Sur quatre espèces que nous 
décrivons, les deux premières vivent aux bords des eaux stagnantes des régions 
chaudes du versant est des Andes, et appartiennent aux buses des savanes 
noyées d'Azara; assez stupides dans leurs manières ; se perchant sur un arbre et 
y attendant paisiblement leur proie, qui ne consiste qu’en reptiles aquatiques , 
insectes et mollusques. La troisième espèce, au contraire, n’habite que les 
terrains arides des deux versans; ne se perche que sur des buissons, où elle 
attend que de petits oiseaux, des mammifères et des reptiles terrestres passent 


( 103 ) 


à sa portée; ne reste pas dans les terrains chauds et humides, et on la voit Oise 
s'élever sur le sommet des plus hautes montagnes; tandis que la quatrième proie. 
espèce paraît vivre au sein des forêts montagneuses du versant oriental des 
Andes, et y mener à peu près le même genre de vie que la troisième espèce. 
On voit, dès-lors, que dans cette série, sauf quelques caractères qui leur 
sont communs, toutes les espèces ne vivent pas absolument de la même 
manière, quoiqu’elles aient les mêmes caractères. Nous ferons remarquer, 
cependant, que les deux dernières ont les ailes proportionnellement bien plus 


longues que les premieres, ce qui, au reste, s'accorde parfaitement avec leur 


manière de vivre. 


BUSE BUSERAI, Buteo busarellus. 


Falco busarellus, Shaw; le Buserai, Levaill., Afriq., pl. 20; Buse des savanes noyées à téte 
blanche, Azara, n° 13, p. 53; Falco busarellus, prince Max., t. 3,p. 213,n.° 27; le Buserai, 
Buff., Sonn., t. 36, p. 324; Circus busarellus, Vieill., Encycl., t. 3, p. 1212. C'est aussi le 
C. leucocephalus, Vieill., Encycl., t. 3, p. 1216. 


Buteo fasciatus, supra rufo-fuscus, subtus flavescens ; remigibus rostroque nigris; 


pedibus flavis. 


Son bec et sa membrane sont noirs; les yeux roux-noir; les tarses blanc-rosé; les 
ongles noirs; la longueur totale du bout du bec au bout de la queue, est de 65 centimètres. 

Le buserai parait occuper tout le centre de l'Amérique méridionale, au nord et au 
sud de la ligne : il a été rapporté de Cayenne; Azara l’a rencontré au Paraguay, et 
nous l’avons trouvé aux mêmes lieux, dans la province de Corrientes, jusqu’au 29.° 
degré de latitude sud, qu’il ne dépasse jamais. Nous avons été à portée de le revoir 
dans la république de Bolivia, à l’est des derniers contreforts orientaux des Andes, 
et dans les provinces de Chiquitos et de Moxos; ce qui nous porterait à croire qu'il 
habite toutes les plaines que couvrent des marais entremélés de bois, depuis Cayenne 
jusqu'aux Andes, et depuis les Guyanes jusqu’au sud de Corrientes, où cessent les 
terrains marécageux boisés; car il ne se rencontre que dans les endroits ainsi constitués, 
el jamais sur les collines, ni dans les terrains secs. On le voit toujours isolé, perché 
silencieusement vers le tiers inférieur des arbres (le plus souvent des arbres morts), qui 
avoisinent les eaux stagnantes : il y reste immobile des heures entières, regardant tout 
autour de lui; s’il aperçoit une proie quelconque, il descend d’un vol léger, s’en empare, 
la dévore sur place; puis vient reprendre sa place, jusqu’à ce qu’il découvre un nouvel 
aliment et qu’il l'ait saisi; ou bien, il abandonne son poste, lorsqu'il croit l'attente inutile; 
ou bien encore, si l’homme vient le troubler dans sa solitude, il s'envole, tournoie 
quelque temps, et va se reposer , non loin de là, sur un autre arbre. Cet oiseau est des 
plus farouche; il vit seul, se défiant de tout, paraissant ne jamais avoir de tranquillité 
réelle. Nous l’avons vu, quelquefois, marcher en sautant, sur les rives des marais, sur les 


( 104 ) 


Oiseaux lieux fangeux, pour chercher sa nourriture, et descendre même sur les plantes flot- 

Es tantes (camalota des habitans), afin d’y saisir les reptiles et les mollusques qu'il 
préfère; son vol n’est jamais prolongé ni très-élevé. Il parcourt aussi, le matin ; en 
tournoyant, la circonférence des marais, qu’il fréquentera le jour, volant à la hauteur 
des arbres, afin d’y chercher un perchoir d’où il puisse faire une pèche facile; il ne 
plane pas aussi souvent que les aigles pècheurs, et jamais comme les busards. IL paraît, 
de tous les oiseaux de proie, le moins propre à un vol soutenu; il est vrai que son 
genre de vie demande moins d’activité par la facilité qu’il a de se procurer les animaux 
dont il se nourrit, qui sont des reptiles aquatiques, tels que grenouilles, crapauds et 
quelques serpens; des poissons morts, des insectes, et, parfois, dans les disettes, des 
mollusques fluviatiles. On nous a assuré qu’il était doué d’une adresse toute particulière 
pour ouvrir l’opercule des ampullaires, et pour en retirer l'animal; les petits oiseaux 
ne le poursuivent jamais. 

Il niche, le plus ordinairement, dans les bois qui avoisinent les eaux : il choisit un 
arbre élevé et touffu sur lequel il construit un énorme nid, composé d’épines, dans lequel 
il pond deux à quatre œufs; son égoïsme habituel ne le quitte que dans la saison des 
amours; il s’accouple, alors, pour deux ou trois mois. Nous n’avons pas vu régner, même 
dans cette saison, une très-grande intimité entre les deux consorts. 
Les Espagnols du pays le nomment gabilan de cabeza blanca; et les Guaranis, guira 

poru pyta (oiseau de proie rouge). 


BUSE ROUSSATRE, Buteo rutilans. 


Falco rutilans, Licht., Temm., pl. 25 ; Buse des savanes noyées rousse, Azara, n° 11; Circus 
rufulus, Vieill., Encycl., t. 3, p. 12161; Buteo rutilans, Less., Traité, p. 79; Buserai ou 
Busard roux de Cayenne, Buff., Sonn.; Falco rutilans, pr. Max. de Neuw.,t. 3,p.218,n.° 28. 


Buteo pennis capitis cærulescente-rufis; marginibus rufis, cærulescente striatis ; cor- 
pore supra nigricante; subtus rufo nigricanteque striato; cauda sordide albo, 
albido striata; rostro nigro; pedibus flavis. 


Le bec est noirâtre, sa base jaune-clair; les yeux jaune-roux; les tarses jaune-clair; 
longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 53 centimètres; vol, 1 mètre 
28 centimètres; circonférence du corps, 34 centimètres. 

La buse roussètre habite sur une très-grande surface de l’Amérique méridionale 
chaude, mais non toute l’Amérique méridionale chaude, comme l’ont dit quelques 
auteurs, ce qui est trop généraliser. On devrait donc la rencontrer également sur la 
côte ouest, au Pérou; tandis que, non-seulement elle ne passe point à l’ouest des 
Andes, mais même ne remonte pas sur les moins élevés des derniers contreforts 


1. Si, comme nous le pensons, Vieillot est le premier qui ait imposé un nom latin à l’espèce 
d’Azara, il faudrait revenir à ce nom et abandonner celui de rutilans, donné par Lichtenstein 
et adopté par les auteurs. 


(105 ) 


orientaux des Andes. Nous croyons donc désigner plus exactement sa patrie, en Oiseaux 
de 


disant qu’elle occupe toutes les plaines marécageuses et boisées du centre de l'Amérique ne 


méridionale, depuis la province de Corrientes, un peu au sud du Paraguay, jusqu'aux 
Guyanes; et depuis les plaines du pied oriental des Andes jusqu’à l'Océan atlantique, 
dans le Brésil, le Paraguay, la république de Bolivia et les Guyanes. Il paraît, au reste, 
qu'on la rencontre presque partout où se voit le Buteo busarellus, sur la surface de terrain 
que nous avons indiquée comme lui étant propre: mais on ne la trouve assurément pas 
en tous lieux. Jamais, par exemple, on ne l’aperçoit ni sur les montagnes, même les plus 
basses, ni au sein des grandes plaines, pas plus qu’au milieu des forêts; il lui faut des 
terrains marécageux, couverts d’eau stagnante, de grands arbres, de petits bois, ou, au 
moins, de grands buissons, qui lui permettent de se reposer. Elle ne se voit jamais 
où ces conditions ne sont pas réunies. Nous dirons que ses mœurs, au reste, sont plus 
conformes à celles du Buteo busarellus; comme lui, elle vit sédentaire et isolée, se 
perche vers le tiers inférieur de la hauteur des arbres, au bord des eaux, et y attend 
sa proie, avec patience, des heures entières. Elle est très-craintive, et ne se tient que 
dans les déserts, d’où elle s’envole dès qu’elle aperçoit l’homme : son attitude la plus 
habituelle, lorsqu'elle est perchée, est d’avoir le col perpendiculaire aux pattes, et le 
corps presque horizontal; elle va souvent à terre, pour chercher, dans les lieux humides, 
la proie qui ne se présente pas assez vite; lorsqu'elle est aux aguets, sa démarche 
est assez grave, quoiqu'elle ne fasse jamais que quelques pas; elle porte, alors, la tête 
basse, afin de regarder à terre. Le matin, elle vole en tournoyant autour des marais, 
afin d’y découvrir sa proie; mais qu’elle soit heureuse ou non dans sa recherche, elle 
ne paraît pas prolonger sa promenade aérienne au-delà d’une heure, et vient prendre 
son poste d'observation sur l’un des arbres voisins des eaux, d’où elle ne s'envole que 
lorsqu'elle y est forcée, pour aller retrouver un autre arbre, d’où elle puisse recommencer 
son inspection, soit autour du même marais, soit autour de ceux des environs. Elle ne 
chasse jamais aux petits oiseaux, ni ne plane à la manière des busards; elle se nourrit 
de poissons morts, qu’elle prend au bord des eaux, de reptiles batraciens, et, quel- 
quefois, d'insectes et même de coquilles. Comme l’espèce précédente, elle se laisse 
tomber du haut de son arbre sur sa proie avec beaucoup de légèreté; et, quand elle l’a 
saisie, elle ne la mange qu'après avoir regardé, d’un air inquiet, tout autour d'elle, 
pour s'assurer qu’elle est bien seule; car, à la moindre apparence de danger, elle 
s'envole, et va chercher un lieu où elle puisse la dévorer sans craindre d’être déran- 
gée. Ordinairement elle ne fait entendre aucun cri; mais, blessée d’un coup de fusil, 
elle se met à crier de manière à étourdir. Lorsqu'on incendie la campagne, pour 
détruire les insectes, cette occasion fortuite de trouver une nourriture plus facile ras- 
semble, de tous les points environnans, les individus isolés dans le pays; alors, 
réunis momentanément par l’appät d’une curée commode, ils abandonnent pour un 
instant leur égoïsme ordinaire, qui se trahit, néanmoins, toujours, à la moindre occa- 
sion, dans la manière même d’épier les reptiles que les flammes et la fumée contraignent 
à quitter leur retraite. 


IV. Où. 1 4 


Oiseaux 
de 
proie. 


( 106 ) 

Vers les mois de Septembre et d'Octobre, ces oiseaux farouches changent de manière 
de vivre; au lieu de se fuir, ils se recherchent, se forment par couples, et restent unis 
jusqu’en Janvier. Leur nid est ordinairement placé sur les arbres touffus des bords des 
marais : il se compose de petites büûchettes et d’épines, et offre un diamètre de plus de 
60 centimètres; il contient, selon Azara, deux œufs rouge tanné et tachetés de cou- 
leur de sang, dont les diamètres seraient de 27 lignes 1/3, et de 21 lignes 3/4; mais, si 
l’analogie n’est pas complète entre ces œufs et ceux des Polyborus vulgaris, il pourrait 
bien y avoir confusion avec les œufs de cet oiseau, tant pour les couleurs que pour les 
diamètres. 

Nous n’avons vu nulle part le busard à ailes longues à l’état de domesticité; et la 
fureur avec laquelle se débattaient les individus que nous avions blessés, en se couchant 
sur le dos, et faisant agir, en même temps, leur bec et leurs serres acérées, nous ferait 
croire très -diflicile de garder l'oiseau vivant, à moins de l’élever. 

Les Espagnols du pays l’appellent gabilan rojo ou encanelado (buse rousse); les 
Guaranis le nomment de même taguato pytà, ou bien guira poru pyt4 (oiseau de proie 
rouge); c’est le cagnardi des Indiens tobas du Chaco. 


BUSE TRICOLORE, Buteo tricolor, Nob.1 
Oiseaux, pl. IT, fig. 1 (mâle), 2 (fem.). 


Mas. Alis longissimis; tarsis longis; cunctis quidem superioribus partibus, necnon 
capite, cærulescentibus; inferioribus vero albidis; cauda alba, nigro limbo ter- 
minala. 

Fœm. lisdem coloribus, basi posteriori, colli, dorsique virido-rufescente ; cauda 
nigris transversaliter lineis variegata. 

Jun. Rufo-pallescente, ad unamquamque plumam brunneis flammis partibus inferiori- 
bus sigillato; dorso brunneo, rufo variegato ; uropygio rufo; cauda plumbea, lineis 
brunneis crassissimis ornala. 


Le mâle, tête grise, bleuâtre en dessus; cette teinte entourant les yeux, et occupant la 
moitié postérieure du col; gorge, ventre, couvertures inférieures de la queue et cuisses, 
blanches; les côtés du ventre rayés transversalement de noirâtre; tout le dessus d’un 
brun bleuätre, avec indice de bandes transversales gris-bleu; les rémiges de la même 
couleur, terminées par du noir, et blanches à leur base; queue blanche, avec une large 
bande noire près de son extrémité, que termine du blanc; bec bleuâtre, noir à son extré- 
mité; la cire, jaune verdàtre; pieds, jaune-vif; yeux, brun-roux. 

La femelle adulte diffère du mâle, en ce qu’elle a la base du col et le dos d’un beau 
roux vif; les côtés du ventre variés de roux foncé en lignes transversales; le dessus des 
cuisses et la queue, rayés transversalement de noirâtre par lignes peu marquées. 

Passant du plumage jeune à celui de l’adulte, la femelle est très-variée. La tête et la 


1. Après la gravure et la publication de la planche, nous nous sommes aperçu que M. Meyen a 
décrit et figuré, sous le nom d’aquila braccata, un oiseau qui pourrait bien être un jeune mâle. 


RARE 


( 107 ) 

poitrine sont brunes, avec une bordure roussätre aux plumes; la gorge noirâtre, le des- Oiseaux 
sous roux, mélangé de brun; quelques plumes sont blanches, rayées transversalement de 
de brun-noir, ce sont celles de la troisième livrée, ou celles qui précèdent l’âge adulte; 

les cuisses sont rousses, avec des raies transversales plus foncées; le dos est déjà roux, 

ainsi que les petites tectrices; les rémiges ont les couleurs de l’adulte; queue blanc- 

gris, marquée en travers de petites lignes brunes; les plumes de la tête ont toutes une 
flamme noirètre au milieu. 

Les jeunes des deux sexes, avant de prendre les couleurs de l'adulte, ont tout le 
dessous varié de roux et de brun, couleur qui domine surtout sur la poitrine; la gorge 
est variée de taches longitudinales noires et blanches; le dessus est roux vif, et la queue 
comme chez les adultes. 

Dans les premières années, les teintes sont tout à fait différentes. La tête est brune, 
quelquefois mélangée de jaune; de la commissure des mandibules part une tache brune, 
qui descend sur les côtés du col, et une autre au milieu de la gorge. Ces taches sont 
peu prononcées chez quelques individus; la poitrine et le ventre sont jaune-roux, avec 
une tache brune au milieu de chaque plume; couvertures inférieures de la queue, 
jaunes, avec des taches transversales rousses; dos brun, varié de roux; croupion roux; 
queue grise, avec des indices de lignes transversales brunes rapprochées. 

Ses dimensions sont variables. La femelle adulte a de longueur totale du bout du bec 
au bout de la queue, 52 centimètres; du vol, 1 mètre 27 centimètres; circonférence du 
corps, 40 centimètres; de la queue, 22 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 

44 centimètres; du tarse au bout des doigts, 15 centimètres; du doigt du milieu, 5 cen- 
timètres. Le mâle, longueur totale, 50 centimètres; du vol, 1 mètre 20 centimètres; 
circonférence du corps, 36 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 40 centimètres; 

de la queue, 20 centimètres. Les jeunes mâles sont encore plus petits dans leur enver- 
gure; du pli de l'aile à son extrémité, nous n'avons trouvé que 16 centimètres; tandis 
que la queue est bien plus allongée chez les deux sexes, puisqu’une Jeune femelle l'avait 
de 24 centimètres de longueur. 

Cette espèce diffère de la buse polysome de MM. Quoy et Gaimard (Uranie, pl. 14, 
p. 92), parce que celle-ci a le dessous bleuâtre, et non pas blanc. 

Nous avons pu l’observer très-souvent, et sur une très-grande surface de la partie 
australe de l'Amérique méridionale. Elle nous offre l’exemple le plus frappant de ce 
que nous avons dit, aux généralités de distribution géographique, des espèces sur le sol 
américain, que, lorsque l’une d’elles habite les parties australes, où une température 
assez froide lui est habituelle, elle doit, si des habitudes de vie ou de trop grandes 
dissemblances de nature de terrain ne s’y opposent pas, se retrouver sur les hautes 
montagnes dans une zone d’élévation qui lui offre la même température et surtout 
le même aspect de pays. En effet, nous l'avons d’abord observée au-delà du 41. degré 
de latitude sud, sur toute la côte de Patagonie, près des rives du Rio negro et de la 
mer. Nous l'avons retrouvée, ensuite, du côté opposé des Andes, dans les environs de 
Santiago du Chili. Jusque-là nous devions nous y attendre, vu l’analogie de terrain, et 


( 108 ) 


Oiseaux Surtout de végétation; mais nous n’en fûmes pas moins surpris de la rencontrer encore 


de 


proie. 


à une élévation de 4,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, au 16.° degré de lati- 
tude sud, sur le sommet des Andes, près de la Paz (Bolivia), dans des terrains encore 
analogues à ceux de Patagonie. Dès-lors nous dümes rechercher si les autres oiseaux 
suivaient la même loi de distribution, et nous n’eùmes plus de doute à cet égard, en 
voyant beaucoup des mêmes oiseaux que nous avions déjà observés en Patagonie, ou au 
moins des espèces très-analogues, quand ce n’étaient pas tout à fait les mêmes. 

La buse tricolore paraît habiter toute la Patagonie, jusqu’au détroit de Magellan, si 
nous devons en croire les relations des Indiens tehuelches ou Patagons. Nous l’avons 
toujours observée dans ces contrées, soit près des rivières, soit près de la mer, en 
des terrains arides, secs, et couverts seulement de buissons; nous l’avons également 
reconnue sur des terrains analogues, au Chili et sur le sommet des Andes. Elle aime 
surtout les coteaux, les montagnes ou bien la proximité des falaises : elle va toujours 
par paire, et se pose sur les buissons des points élevés des rochers; et, quoiqu'il y eût, 
non loin de là, au bord des eaux des saules élevés, nous ne la vimes jamais s’en appro- 
cher; tandis que nous l’avons trouvée jusqu’à huit ou dix lieues de distance du Rio 
negro, au milieu de plaines sèches et arides, où de très-petits buissons couvraient 
seuls le sol. Elle plane, quelquefois, à la manière des buses des marais, d’un vol léger, 
quoique peu prolongé; car, bientôt, le couple vient se poser sur des buissons d’où il 
regarde autour de lui; et si l’un part de nouveau, l’autre le suit de près. Nous 
n'avons jamais vu les deux consorts à plus de 200 mètres l’un de l’autre : ces oiseaux 
planent toujours, de préférence, le soir et le matin. Comme ils volent peu long-temps, 
et que nous les avons vus toute l’année dans les lieux qu’ils habitent, nous devons sup- 
poser qu’ils y sont sédentaires, non pas comme certains autres qui abandonnent rare- 
ment leur canton natal; mais parcourant continuellement le même pays. Quelquefois 
très-fuyards, ils évitent l’approche de l’homme, qui ne peut se dérober à leur vue 
dans une contrée assez découverte; d’autres fois ils paraissent plus familiers, ou moins 
craintifs. Il est vrai que, dans les déserts de la Patagonie, nous sommes probablement le 
premier qui ait cherché à les tirer; car les Indiens n’ont aucun besoin de les poursuivre, 
et ne se servent que très-rarement de flèches, seules armes qu’ils pussent craindre. 

Souvent cette buse chasse en planant, et nous l'avons plusieurs fois vue s’abattre pour 
saisir sa proie, et rester à terre pendant qu’elle la dévorait; mais, bien plus fréquemment 
encore, nous l’avons vue épier sa proie du haut d’un buisson, où elle restait des heures 
entières , regardant continuellement autour d’elle, d’un air fin et avec des manières vives. 
Sa nourriture consiste principalement en reptiles ophidiens et batraciens ; mais elle chasse 
aussi aux oiseaux, aux tinamous et aux petits passereaux; car l’inspection de son estomac 
nous a montré souvent des détritus de ce genre d’alimens; elle chasse aussi probablement 
aux jeunes cobayes qui abondent dans les mêmes lieux. Elle paraît nicher sur les petits 
buissons des lieux déserts, loin de l’homme sauvage; c'est au moins ce que nous dirent les 
Indiens, qui avaient rencontré plusieurs fois leurs nids, dans leurs voyages annuels, en 
remontant le Rio negro vers la Cordillère. 


| ( 109 ) 


Les naturels des contrées qu’elle habite lui donnent des noms propres, chacun dans Oiseaux 
q Prop 


leur langue. Les Tehuelches ou Patagons et leurs voisins les Puelches l’appellent tataha. 
Les indigènes du sommet des Andes lui donnent aussi des noms différens; les Aymaras 
la connaissent sous celui de ancca ou pacapaca, et les Quichuas sous celui de £uamantu 
(4ouamantou, pron. française ). 

On voit, par ce qui précède, que cette espèce a des mœurs bien différentes de celles 
des buses des marais, que nous venons de décrire; elle est beaucoup plus terrestre que 
les premières, et, quoique s’en rapprochant par ses manières, elle ne peut être regardée 
comme ayant le même genre de vie, 


BUSE UNICOLORE, Buteo unicolor, Nob. 


Buteo. Toto corpore nigricante; basi plumarum albida; basi rostri et occipite albes- 
centibus; remigibus, rectricibusque plumbeis, transversaliter lineis distinctis ; tarsis 
squamellatis. 


Les formes de cette espèce sont celles de la précédente : son bec est assez court, courbé, 
très-aigu; une cire nue autour des narines seulement; les ailes longues, la troisième 
rémige la plus longue; queue médiocre, égale; partie supérieure et antérieure du tarse 
emplumée sur près de la moitié de sa longueur; doigts forts, ongles longs et très-aigus ; 
tarses couverts de squamelles moyennes. Elle a les yeux bistrés; le bec noirâtre à son 
extrémité et bleuâtre à sa base; la cire est verdâtre, et les tarses jaune de paille très- 
clair. Toutes les parties supérieures et inférieures sont noirâtres; la base des plumes est 
blanche; du blanc à la base du bec, au derrière de la tête et au col; les rémiges et les 
rectrices rayées transversalement de gris ardoisé; le dessous de l’aile rayé de blanchàâtre 
et de noirâtre; les lignes des rectrices plus étroites; le dessous au côté interne presque 
blanc; quelques indices de taches rousses sur les couvertures inférieures de laile et aux 
cuisses. 

Dimensions : longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 47 centimètres; 
du vol, { mètre 8 centimètres; circonférence du corps, 32 centimètres; du pli de laile 
à son extrémité, 37 centimètres; du tarse au bout des doigts, 13 centimètres; du doigt 
du milieu, 5 centimètres; de l’ongle du pouce, 2 centimètres. 

La buse unicolore, pour ses teintes, n’a réellement aucun rapport avec aucune des espèces 
connues; par sa forme et par ses caractères, elle se rapproche beaucoup de notre buse 
tricolore. Nous ne l’avons, au reste, rencontrée qu’une seule fois près de Palca, province 
d’Ayupaya, département de Cochabamba (république de Bolivia), dans les montagnes 
du versant oriental des Andes, à au moins 8,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. 
Elle était au milieu des forêts qui couvrent toutes les montagnes de ce versant, perchée, 
solitaire, sur le haut d’un arbre. Elle paraît chasser aux rats et aux reptiles, ce que nous 
avons reconnu par l'inspection de son estomac; elle semble très-rare. 


de 


proie. 


Oiseaux 
de 


proie. 


( 110 ) 


BUSARDS,, Circus, Bechst., Cuv. 


Il est étonnant que, depuis Vieillot, les ornithologistes n’aient pas reconnu, 
comme cet auteur, que les buses des champs d'Azara n'étaient autres que nos 
busards, judicieusement réunis en un groupe par ce dernier. 

Ces oiseaux, en Amérique, passent toute la journée à planer, légèrement 
et avec majesté, au-dessus des marais et des plaines; se posent très-rarement 
et le plus souvent à terre, vivant de petits mammiferes, d'oiseaux gallinacés, 
et même d'insectes et de mollusques ; ne s’approchant jamais des grandes 
forêts, cherchant ou les plaines inondées, ou les terrains arides et nus. Dans 
les deux espèces que nous avons observées, lune est purement aquatique, 
tandis que l’autre vit sur les terrains élevés, et s'étend très-loin vers les par- 
ties australes de l'Amérique méridionale; ils sont des deux versans des Andes. 


BUSARD CENDRÉ, Circus cinereus, Vieillot. 


Buse des champs cendrée, Azara , n° 30; Circus cinereus, Vieill., Dict. des sc. nat., t. 4, p. 454; 
Encycl., t. 3,p. 1213; Busard bariolé, Falco histrionicus, Quoy et Gaim., Zool. de l'Uranie, 
pl. 15 et 16, p. 93 et 94; Lesson, Traité, p. 85; Cuv., p. 337. Peut-être la Buse brune 
des champs, Azara, n° 33; Circus campestris, Vieill., Encycl., t. 3, p. 1213. 


C. supra cinereus , fusco mixtus; nucha, torque albis ; corpore subtus albo, rufoque 
transversim striato; remigibus quatuor primoribus nigris, reliquis cinereis , albo 
marginalis , versus apicem nigro striatis; rectricibus lateralibus basi albis, nec 
reliquo cinereis; uropygio, rostro cæruleis, apice albo; pedibus aurantiis. 


Bec, bleuâtre; yeux et tarses, jaunes; longueur totale du bout du bec au bout de la 
queue, 47 centimètres. 

Il est facile de reconnaître, dans la description qu'a faite Azara de sa Buse des champs cen- 
drée, et dans celle que Vieillot a faite, d’après Azara, de son busard cendré (Circus cinereus), 
l'oiseau décrit de nouveau, long-temps après, figuré sous le nom de busard bariolé, 
Falco histrionicus, par MM. Quoy et Gaimard, dans la Zoologie de l’Uranie, et donné, par 
eux, comme espèce nouvelle. Il serait donc tout à fait juste de lui rendre son premier 
nom, celui de Circus cinereus, sous lequel Vieillot l'avait déjà décrit, et qui est plus 
conforme à celui que lui avait donné Azara, le premier qui lait fait connaitre. 

IL est certain que l'individu donné comme femelle, par MM. Quoy et Gaimard, n’est 
pas une femelle adulte, mais bien le plumage du jeune des deux sexes, tous ayant éga- 
lement des mouchetures sur la poitrine, et le dessous, avec le dos, presque brun. Azara 
dit qu'il n’y a point de différence de couleur due au sexe. Il est vrai que nous n'en 
avons trouvé que dans la taille; mais cet auteur ne tient que très-rarement compte de 


(111) 


la livrée du jeune âge; aussi la Buse brune des champs (n° 33) ne nous parait -elle que 
le jeune âge de l'espèce : les dimensions sont, à la vérité, un peu plus fortes; mais 
nous avons remarqué aussi que les jeunes ont toujours la queue plus longue; d’ailleurs 
le peu de différence qu’il indique peut provenir du sexe. 

Cette espèce est encore une de celles qui paraissent se trouver dans toutes les parties 
les plus australes de l'Amérique méridionale, à l’est et à l’ouest des Andes. En effet, 
Azara l’a découverte au Paraguay et au Rio de la Plata; MM. Quoy et Gaimard l'ont 
rencontrée aux îles Malouines, et nous l'avons vue, ensuite, dans la province de Corrientes, 
à la frontière du Paraguay. Nous l'avons retrouvée à Buenos-Ayres et en Patagonie, jus- 
qu’au 42.° degré de latitude sud; sur les bords du Rio negro, et sur les côtes maritimes. 
Nous l'avons rencontrée encore au Chili, à l’ouest des Andes. Nous nous croyons, en 
conséquence, autorisé à penser qu’elle habite depuis le tropique du Capricorne jusqu’au 
52.° degré de latitude sud, à l’est et à l’ouest des Andes, dans tous les terrains non 
boisés , arides ou marécageux de toutes ces régions étendues et presque toujours désertes, 
qui couvrent l'extrémité sud de l'Amérique. Quoique répandue sur une aussi grande 
surface, elle est rare partout; et l’on n’en voit jamais que, de loin en loin, des indi- 
vidus isolés parcourir, en volant assez près de terre avec aisance et légèreté, bien 
que lentement, soit les bords des eaux stagnantes et des marais, soit les dunes des 
côtes de la mer, soit les rivages des rivières. Elle plane ainsi toute la journée, presque 
toujours en ligne droite et contre le vent, ne se repose que pour déchirer une proie, 
ne va pas sur les arbres faire la digestion, comme tous les autres aquiléides, et ne 
se repose même jamais sur ceux-ci, se couchant, le soir, au sommet d’une dune, ou 
à terre, au bord d’un ruisseau. Alors, elle a l’aspect d’un oiseau nocturne; mais, lors- 
qu’elle marche, ce qu’elle fait quelquefois, après avoir mangé ou en allant se coucher, 
elle ressemble, pour la démarche, à un caracara chimango. Il est impossible de planer 
avec plus de majesté : il semble alors que ses ailes sont sans mouvement, ou du moins 
à peine y remarque-t-on une légère oscillation; cependant elles sont presque toujours 
obliques ou rarement horizontales, l’une touchant, le plus souvent, la terre, tandis 
que l’autre est relevée, ce qui ferait croire, à chaque instant, qu’elle veut se poser. C’est 
ainsi qu’elle parcourt tous les lieux où elle croit rencontrer une proie facile. Si elle 
s'élève dans les airs, c’est pour s’y dérober aux regards, tant elle vole haut; mais elle 
descend avec la même facilité, et continue ensuite à planer. Elle chasse aux petits mam- 
mifères, aux tinamous, aux reptiles, aux mollusques et même aux insectes; dès qu’elle 
les aperçoit, dans son vol, elle s’abat vivement dessus; et, s'ils s'enfuient , elle les suit soit 
en volant, soit en courant après, les dévore sur les lieux, quand elle les a saisis, et recom- 
mence incontinent sa chasse. Cette espèce, au reste, a des manières vives et pleines de grâce: 
elle est spécialement voyageuse, et ne paraît séjourner que par saison dans les différens 
lieux; aussi supposons-nous que c’est dans les froids qu’elle s’avance vers le Nord, et 
vient jusqu’au Paraguay, tandis qu’en été elle reste en Patagonie. A l’est des Andes, elle 
ne se trouve que sur un sol plan, ou peu ondulé; tandis qu’à l’ouest elle est obligée 
de se tenir sur les pentes des montagnes, les terrains étant, là, beaucoup moins unis. 


Oiseaux 
de 
proie. 


= 


Oiseaux 
de 
proie. 


(112) 
Il est vrai de dire que ces lieux lui offrent très-peu de végétation, l'aspect sauvage 
et stérile de la Patagonie, et, par suite, sans doute, les mêmes alimens. Elle paraît 
nicher à terre, habitude qu’a seule, parmi les oiseaux de proie, la chevêèche urucurea, 
si toutefois nous en croyons les indigènes; car nous n’avons jamais été à portée de 
vérifier personnellement le fait. Ce sont des oiseaux fuyards qui se laissent difficilement 
approcher dans leur vol, mais qui ont peine à s'envoler, lorsqu'ils sont occupés à 


manger; aussi n’est-ce qu’alors qu’on peut les tuer. 


BUSARD A AILES LONGUES, Buteo macropterus, Vieill. 


Buse des champs à ailes longues, Azara, n° 31; Busard longipenne, Circus macropterus, Vieill., 
Dict., t. 4, p. 4583 Encycl., t. 3, p. 1215; Falco palustris, prince Max. de Neuw., t. 2, 
p-224,n.° 29; Temm., pl. 22; Circus superciliosus, Lesson , Traité, p. 87, pl. 3, fig. 1. 


C. fronte, superciliis mentoque albis; vertice corporeque supra plumbeis et nigri- 
cantibus; subtus albo; pectore nigro maculato; quatuor rectricibus lateralibus 
rufescentibus ; fasciis quinque nigris; rostro cæruleo, apice nigro. 


Le bec est bleuâtre, noir à son extrémité; la cire, jaune vif, ainsi que les yeux et les 
tarses : la taille est très-variable. La femelle a 65 millimètres de longueur totale; de la 
queue, 23 centimètres. Le mâle a 38 centimètres, et de la queue, 22 centimètres; ce sont 
cependant des individus identiquement les mêmes, différant seulement par le sexe. 

Nous avons reconnu, avec M. de Lafresnaye, que cette espèce a été décrite, pour la 
première fois, par Azara, sous le nom de Buse des champs à ailes longues. Comme nous 
l'avons dit, il était facile de retrouver les busards dans les buses des champs de cet 
auteur; aussi Vieillot l’y reconnut-il; et, d’après la description d’Azara, il plaça cette 
espèce dans les busards, lui donnant seulement un nom scientifique, qui n’était que 
la traduction de celui d’Azara, Circus macropterus. Plus tard, M. le prince Maximilien de 
Neuwied lappela Falco palustris, dénomination adoptée par M. Temminck dans ses 
planches coloriées, n° 22; et changée par M. Lesson, qui, dans son Traité, le nomma 
Circus superciliosus. Il est impossible de se méprendre sur l'identité de ces trois descrip- 
tions; on reconnait seulement que l'individu décrit par Azara n’était pas encore 
entièrement adulte. Ainsi donc nous croyons devoir revenir au nom le plus ancienne- 
ment imposé, ce qui n’étendra pas la synonymie, et aura l'avantage de rendre justice à 
celui qui, le premier, enrichit la science d'espèces nouvelles. Il est fächeux qu’on néglige 
autant de consulter Azara, et surtout Vieillot, qui a reproduit toutes les espèces de 
cet auteur; ce serait un moyen de simplifier la science, qu’on surcharge, au contraire, 
d’une synonymie fatigante. 

Cette espèce se trouve, selon Azara, depuis le Paraguay jusqu’au Rio de la Plata; 
M. le prince de Neuwied l’a rencontrée aussi au Brésil, et nous avons pu la voir aussi à 
la frontière du Paraguay, à Buenos-Ayres et dans l’intérieur de la Bolivia (province de 


0 


( 113 ) 
Chiquitos). Elle existe donc depuis la zone équinoxiale jusqu'au 34. degré de latitude 
sud, sur toutes les plaines ou terrains peu accidentés, qui s'étendent des derniers con- 
treforts des Andes, à l’est, à la mer. Nous croyons pouvoir affirmer que, sur cette 
étendue du sol américain, elle n’habite soit momentanément, soit toute l’année, que 
les marais, ou tous les lieux inondés; c’est là, du moins, que nous l'avons toujours ren- 
contrée, planant sans relâche, se reposant très-rarement, mais le faisant, indifférem- 
ment, soit à terre pour dévorer une proie, soit sur les branches basses des arbres 
morts du bord des eaux, où elle paraît passer la nuit. Elle a, au reste, les mêmes 
allures et le même genre de vie que l’espèce précédente, dont elle ne diffère que par 
la préférence qu’elle donne au séjour des marécages, et en ce qu’elle est plus disposée à 
percher sur les arbres; car elle chasse, vole et se nourrit absolument de même, et il 
est impossible de ne pas la reconnaître de suite comme étant de la même série. Son 
vol est moins vif, et ressemble beaucoup, de loin, à celui du cathartes aura , avec lequel, 
comme l’a bien dit Azara, il est facile de la confondre, lorsqu'on n’en distingue pas 


encore la couleur. 


III SOUS-FAMILLE. 


FALCONIDES , Falconideæ, Nob. 


Oiseaux de proie nobles, Cuvier; genre Faucon, Linn., Auteurs; ÆRapaces nobles ou 


Faucons, Lesson. 


Leurs caractères sont assez connus pour que nous n’en donnions ici que les 
principaux : ailes plus longues que la queue dans plusieurs espèces; la deuxième 
rémige la plus longue; la premiere l'est presqu'autant que la troisième; bec 
fort, courbé dès sa base, muni d’une ou de plusieurs dents robustes sur les 
côtés de la mandibule; le tarse réticulé ou scutellé, souvent emplumé, jusqu’au 
tiers supérieur; ongles très-courbes, acérés et robustes. 

IL semble que les oiseaux les plus carnassiers devraient être les plus fuyards, 
et rechercher, avec un soin particulier, les déserts les plus impénétrables, afin 
d'y vivre et d y faire une chasse plus abondante; il en est, cependant, tout 
autrement. De tous les oiseaux de proie les falconides, en Amérique, sont les 
plus familiers, après les vulturides et les caracarides; ils le sont, surtout, beau- 
coup plus que les aquiléides; et l’on pourrait même dire de quelques-unes de 
leurs espèces, qu’elles ont besoin de l’homme pour s'assurer une vie plus facile, 
et qu’elles le recherchent, vivant, pour ainsi dire, en famille avec lui, au milieu 
des villages, se montrant toujours sur les points culminans, semblant se regarder 
comme maîtresses des lieux publics, tels que les églises, et disputant même 
aux effraies la possession du lieu le plus reculé des édifices, afin d'y établir 


IV. ois. 1 5 


Oiseaux 
de 
proie. 


———— 


Oiseaux 
e 
proie, 


(14 ) 


leur domicile nocturne. Aucune d’entr’elles ne vit au sein des sombres forêts, 
et toutes celles qui ne fréquentent pas immédiatement l’homme, habitent au 
moins en des lieux variés de bois, de rochers et de plaines; encore n’ont-elles 
pas de résidences aussi exclusives que les autres séries d’oiseaux de proie. Il 
en résulte que les faucons devaient se répandre sur toute la surface du conti- 
nent américain, et vivre également partout; cest, en effet, ce que nous avons 
observé dans le peu d'espèces que possède l'Amérique; et, à l'exception de 
Vune d'elles, nous croyons qu'aucune ne préfère bien spécialement des lieux 
identiquement les mêmes, pouvant en habiter aussi qui n’ont entr’eux aucun 
rapport ni pour la température, ni pour Paspect, ni pour les accidens. De là 
vient, sans doute, qu’elles se trouvent, quelquefois, indifféremment à l’est et 
à l’ouest des Andes. 

Des trois espèces que nous décrivons, les deux premières (les faucons 
proprement dits) vivent sur une surface très-étendue de l'Amérique; tandis 
que la troisième (le diodon) n’existe qu'aux régions équatoriales, et en des 
lieux spéciaux, comme les terrains entrecoupés de bois et de plaines. Les 
faucons mêmes ne sont pas également répandus partout; nous voyons que 
le Falco femoralis ne passe pas les Andes, et reste seulement à l’est de ces 
barrières naturelles, occupant, néanmoins, une assez grande surface de terrain, 
puisqu'on le trouve depuis les régions équatoriales jusqu'au 34° degré de 
latitude sud, et qu'il remonte du bord de la mer à la hauteur de 9,000 
pieds au-dessus de son niveau, sur les montagnes du Pérou ou de la Bolivia, 
ce qui devrait lui permettre de franchir quelques points de la Cordillère 
des Andes. L’émerillon de la Caroline (Falco sparverius), au contraire, 
couvre, à peu près, toutes les Amériques des individus de son espèce, puisqu'on 
le trouve au nord et au sud de la ligne, tant dans l'Amérique septentrionale, aux 
Antilles, que dans Amérique méridionale; et, dans cette dernière, nous ’avons 
observé depuis les régions équatoriales jusqu'aux terres les plus australes du 
continent américain; ainsi que depuis les côtes maritimes jusque sur le pla- 
teau des Andes, à une hauteur qui n’était pas moindre de 4,000 mètres, ou 
12,000 pieds au-dessus du niveau de la mer; mais on pourrait croire, qu’ainsi 
que tous les oiseaux qui ont besoin de l’homme, les émerillons de la Caroline 
suivent ce dernier dans tous les lieux qu'il habite, parce qu'il porte ou amène 
avec lui toutes les circonstances favorables à leur existence. Ils sont souvent 
voyageurs et non sédentaires. 

Le vol, chez les falconides, n’est pas aussi variable que chez les aquiléides; 
cependant nous ne le trouvons pas absolument semblable, Nous pouvons dire, 


(115) 

néanmoins, qu'il n’est jamais élevé chez les premiers, qui ne tournoient jamais ei 
dans les airs, et qui n’y planent non plus jamais. Le seul vol qu’affectent les proie. 

oiseaux de cette série, est rapide, bas, très-aisé, presque toujours près de terre, | 
ou peu au-dessus de la cime des arbres ou du sommet des édifices. Parmi 
eux, les diodons ont une manière de voler plus calme et plus rapprochée de 
celle des autours; aussi se contentent-ils, le plus souvent, d'aller d’un arbre 
à l’autre; tandis que les faucons, au contraire, fatiguent les airs de leurs 
mouvemens répétés. Îls peuvent aussi long-temps battre des ailes au-dessus 
d’une proie, sans avancer ni reculer; lorsqu'ils veulent s'élever, ils sont obligés 
d'aller contre le vent. 

Ils ne marchent jamais à terre ou n’y restent, tout au plus, que pour manger. 
Tous aiment à se percher; mais ils sont moins difficiles que les aquiléides pour 
le choix de leurs perchoirs. Les diodons ne se posent que sur les branches 
inférieures des arbres; tandis que les faucons se placent partout, sur les arbres, 
sur les rochers, sur le toit des maisons, sur les clochers, et même sur les 
girouettes de ces derniers, ainsi que sur les vergues des navires, au bord des 
rivières et dans les ports, cherchant toujours les points les plus élevés. 

Les mœurs des faucons sont bien différentes de celles des aquiléides : ils 
sont voraces, aiment le carnage; et, loin d’être craintifs, sauvages, taciturnes, 
loin de vivre au fond des déserts, ils sont vifs, pétulans, chassent ouvertement 
au milieu des hommes et souvent en leur présence, semblant les braver jusqu’à 
ne pas fuir le mal qu'ils pourraient en avoir à craindre, rassurés, sans doute, 
par l'espèce d'association habituelle qu'ils ont formée avec eux. Cest au moins 
ce qui a lieu pour lune de nos espèces, quoique toutes soient aussi peu 
timides. Ils épient les petits mammifères, le soir et le matin, soit de leur 
perchoir, soit en volant rapidement, les saisissant alors, le plus souvent 
s’en $'arrêter; ils chassent aussi aux oiseaux, qui constituent le fonds de leur 
nourriture, préférant, parmi ceux-ci, les tinamous, comme plus faciles à saisir 
à terre; ils poursuivent au vol les petits oiseaux, passant au milieu d’une de 
leurs troupes ou lorsqu'ils sont posés. Plusieurs ne dédaignent même pas 
les reptiles et les insectes; mais ces deux dernières séries d'animaux ne 
sont que pour les temps de disette. Pour nicher, ils ne cherchent pas le plus 
épais des bois, ni des lieux retirés; les clochers servent à l’une de leurs 
espèces, qui paraît s'être identifiée avec l’homme; aussi celui-ci a-til dû 
chercher à se la rendre utile. Il la élevée pour chasser aux souris dans sa 
maison ; puis, lorsque les habitudes de l’ancien monde furent transportées dans 
le nouveau, les colons cherchèrent à les utiliser pour la fauconnerie, qui était 


( 146) 

OH fort à la mode chez les grands au moyen âge. Après beaucoup d'essais inutiles, 
proie. On y réussit enfin; et nous avons vu encore, près de Cochabamba, en Bolivia, 
des Indiens chasser aux petits tinamous, avec des faucons dressés à cet effet. 
Les Espagnols-Américains leur ont conservé le nom générique d’halcon 
(faucon), qu'ils portent en Europe; seulement ceux de Bolivia l'ont changé 
en celui de cernicalo (cresserelle). Les Américains ont aussi leurs déno- 
minations génériques, qui s'appliquent indifféremment aux deux espèces que 
nous décrivons. Parmi les montagnards de la Bolivia, nous voyons les 
Incas ou Quichuas les nommer Auaman ; les Aymaras, mamani; les Yura- 
carès, tiyu-tiyu (tiyou-tiyou, prononc. franc.). Parmi les nations des plaines 
centrales de la même république, celles de la province de Chiquitos, les 
Chiquitos proprement dits, les appellent ocinaus; les Guarañocas, arorama- 
mita; les Otukès, cadéchu (cadetchou); les Morotocas, tillidaté; des Gua- 
rayos, taguato-mini (petit oiseau de proie). Les Indiens de la province 
de Moxos les connaissent aussi : les Moxos proprement dits, sous le nom de 
moti; les Baures, sous celui de peri-piri; les Itonamas, sous celui de caruca 

( carouca ). 


FAUCONS, Fulco, Bechst., Cuv. 


Les faucons sont lestes, pétulans, toujours en mouvement; ce sont, sans 
contredit, les oiseaux de proie les plus vifs; leur vol est aussi incomparable- 
ment plus prompt; ils couvrent toutes les parties de l'Amérique méridionale 
de leurs espèces, quoiqu’elles soient peu nombreuses. On les rencontre depuis 
les frimas du pôle austral jusqu'aux régions brûlantes équatoriales ; et du 
niveau de la mer au sommet des Andes, à l’est et à l’ouest de la Cordillère. 


FAUCON À CULOTTE ROUSSE, Falco femoralis, Temm. 


Temm., pl. 121 et 343 (mâle adulte) ; Cuv., Zcon., pl. 2, fig. 13 Émerillon couleur de plomb, 
Azara, n° 39, t. IL, p.103 ; Falco aurantius, Gmel.? Var. Bidens femoralis, Spix, pl. 8, ou 


cinerascens ; Pe 19 


Rufiventri affinis; plumbeo niger supra, subtus plumbeus ; rostro obsolete bidentato ; 
gula et crisso albicantibus; femoribus castaneis; cauda nigra, cinereo obscure 


fasciata. Spix. 


Les seules variétés déterminées par l’âge sont des teintes plus pâles dans les jeunes. 


Bec bleuàtre; cire jaune-clair, ainsi que le tarse; parties nues du tour des yeux, jaune- 
clair; yeux, jaune-foncé, Le mâle a 35 centimètres de longueur totale du bout du bec 


(117) 


au bout de la queue; la femelle a quelquefois jusqu’à 43 centimètres. Vol, 82 centi- Oiseaux 


mètres 1/2; circonférence, 25 centimètres. 

Nous avons observé cette espèce successivement à Buenos-Ayres, dans toute la pro- 
vince de Corrientes, à la frontière du Paraguay; puis, au centre de l'Amérique, à l’est 
des provinces de Moxos et de Chiquitos (Bolivia), ainsi que sur les montagnes du versant 
oriental des Andes; aux environs de Chuquisaca, même république. Elle a été rencontrée 
au Paraguay, par Don Félix d’Azara; et au Brésil, par M. le prince Maximilien de Neu- 
wied. Nous devons en conclure qu’elle occupe tous les pays compris entre le 16.° et le 
34.° degré de latitude sud, depuis le versant oriental des Andes jusqu’à la mer; et, en 
hauteur, depuis le niveau de la mer jusqu’à près de 9,000 pieds au-dessus, dans les mon- 
tagnes de Chuquisaca, ce qui s'accorde avec les zones d’habitation relatives que nous 
avons indiquées. Nous avons été à portée de remarquer qu’elle ne se trouvait pas par- 
tout sur cette immense étendue de terrain, qu’elle ne vivait ni au sein des grandes forêts, 
ni au milieu des plaines inondées; mais que ses conditions d’existence étaient des terrains 
assez secs, recouverts de petits arbres épars et non serrés entr’eux, comme les lieux 
nommés, dans le pays, Espinillares ou Algarrobales ; ou bien encore des bois de palmiers 
yataïs ou carondaïs, toujours assez clair-semés. Aussi croyons-nous pouvoir lui assigner, 
comme habitation de choix, tout le grand Chaco, ou, pour mieux dire, tous les terrains 
compris entre le pied oriental des Andes et les bords de la rivière du Paraguay, parce 
que c’est là plus particulièrement que se trouvent les arbres épars dont nous venons de 
parler. Quoique répandue sur une vaste surface de terrain, elle n’est, à proprement 
parler, commune nulle part. On en rencontre quelquefois des individus isolés; mais, 
le plus souvent, ils vont par paires, épars dans les campagnes, et séparés les uns des 
autres par une grande distance; car ils sont des plus égoïstes. Dans la province de Cor- 
rientes nous avons été porté à croire qu'ils étaient de passage; car nous ne les y avons 
trouvés qu’au temps des froids, et jamais en été; ce qui nous a fait supposer, peut- 
être avec raison, qu'ils y viennent des régions plus australes ou des montagnes qui 
bordent le grand Chaco à l’ouest; toutefois, ailleurs, nous les avons vus toute l’année; 
il est vrai de dire que les oiseaux qui vivent dans ces lieux n’émigrent pas; tandis 
que, dans la province de Corrientes, beaucoup d’espèces de passereaux ne viennent en 
troupe que l'hiver, descendant, alors, des contreforts des Andes et des régions australes. 
Ils couchent sur le sommet des palmiers, sur les feuilles sèches, ou sur les branches 
inférieures des arbres, à la lisière des bois: là, les deux consorts sont rapprochés sur le 
mème arbre, et quelquefois sur la même branche; le matin ils s’éveillent dès le point 
du jour, et commencent leur promenade. On les voit voler avec rapidité entre les arbres 
épars, souvent au rez de terre, cherchant à découvrir leur proie, qu’ils saisissent au vol 
avec leurs serres, et qu’ils emportent assez loin de là pour la dévorer, dans un lieu qui 
leur paraît sûr; puis, ils viennent se poser sur le point culminant d’un palmier ou de 
tout autre arbre isolé; là, ils restent quelquefois des heures entières à guetter une nou- 
velle prise, ou à se reposer, perchés non loin l’un de l’autre. Si l’on s'approche assez près 
d’eux pour leur donner des craintes, ils s'envolent et vont s’abattre sur un arbre voisin, 


de 
proie. 


(118) 


Oiseaux sans paraître trop s’effrayer de l'approche de l’homme. On pourrait même dire qu'ils 


proie. 


sont insolens. Nous les avons vus, dans les campagnes, voler, souvent, en avant du 
voyageur qui traverse les hautes herbes, afin de saisir les petits oiseaux que sa marche en 
fait sortir : si l’un s'envole, l’autre le suit aussitôt, et tous deux s'occupent de la sûreté 
commune; Car ils tournent, continuellement, de tous les côtés, la tête avec pétulance et 
vivacité, comme pour observer ce qui se passe autour d’eux. Ils paraissent peu sociables, 
et nous en avons vu ne faire que passer furtivement près des lieux embrasés, afin d’y saisir 
leur pâture, puis s'éloigner pour la dévorer, tandis que d’autres oiseaux y restent toute 
la journée sur place; il est vrai que, plus alertes, ils peuvent, bien plus vite, satisfaire leur 
voracité sur le malheureux animal qui cherche à échapper aux flammes. Ils sont que- 
relleurs, et montrent toujours beaucoup de bravoure; ils combattent quelquefois entr’eux, 
le plus souvent dans la saison des amours, pour la pôssession d’une femelle; alors ils 
se poursuivent des heures entières, tandis que la femelle reste passive; cependant nous 
l'avons aussi vue prendre parti pour l’un des deux combattans; et, dans ce cas, la lutte 
n'étant plus égale, la querelle se trouve assez souvent terminée. Ils ne peuvent pas, non 
plus, demeurer en paix avec les autres oiseaux : ils attaquent les caräcaräs, et les pour- 
suivent long-temps au vol; ceux-ci, quoique bien plus gros, redoutent leur approche, 
Blessés, ils menacent encore; ils se couchent sur le dos et se défendent à coups de bec 
et d'ongles. Il paraît que les petits oiseaux cherchent à les épouvanter; car s'ils volent, 
tous les suivent en jetant des cris; les plus acharnés sont toujours les gobe-mouches 
à longue queue (Muscicapa savanha) ; mais il arrive souvent que les faucons rusés, 
tout en se dérobant à leur poursuite, saisissent un de leurs persécuteurs, qu’ils vont 
déchirer plus loin, toujours en se cachant des autres oiseaux de proie, et montrant 
beaucoup de défiance de tous. Ils ne se posent à terre que pour manger, et y marchent 
rarement, étant presque toujours perchés. Leur vol est rarement élevé, toujours 
très-rapide et le plus souvent au rez de terre, ou à la hauteur des arbres, jamais 
très-long; mais ils parcourent, en la moitié moins de temps que les autres. oiseaux de 
proie, les lieux qu'ils veulent explorer; si, en volant au rez de terre, ils aperçoivent 
une proie, souvent ils la saisissent au passage; mais, plus souvent encore, ils s'élèvent, 
de suite, à trente ou quarante pieds au-dessus, battant des ailes, sans changer de place, 
et regardant toujours à terre, comme font nos cresserelles d'Europe; puis fondant, 
comme un trait, sur leur proie, qu’ils saisissent presque toujours; car leur vue paraît 
on ne peut plus perçante, et leur coup d'œil des plus juste. Le seul cri que nous leur 
connaissions, C’est celui qu’ils poussent lorsqu’étant posés, ils veulent se prévenir mu- 
tuellement, ou se poursuivent et se battent; ce cri peut se traduire par les syllabes cricri- 
cri cri. En tout temps, ils ne vivent absolument que de proie fraiche, de mammifères et 
d'oiseaux, surtout des derniers, qu’ils préfèrent à tout, et qu'ils poursuivent avec une 
agilité et une adresse extraordinaires. 

Il paraît qu’ils nichent, vers le milieu d'Octobre ou de Novembre, sur les mêmes arbres 
isolés où ils se perchent de préférence : leur nid est construit de branchages croisés; ils 
pondent quatre ou cinq œufs presque ronds, tachetés de rouge-brun sur un fond san- 


guinolent. 


(119) 


Les Espagnols les nomment Lalcon ou kalconcito, faucon ou petit faucon, dans toute la Oiseaux 


république Argentine; mais, au Pérou, ils les appellent cernicalo (cresserelles). 


ÉMERILLON DE LA CAROLINE, Falco sparverius, Gmel. 


Émerillon de Saint-Domingue, Buff., Enl., 465; Falco dominicensis, Linn.; Wils. Amér., Orn., 
t Il, pl. 16, fig. 1, p. 117 (fem.), et t. IV, pl. 32, fig. 2, p. 57 (mâle); Ch. Bonaparte, 
Synops., esp. 10, p. 27; Malfini, Buff., Sonini, t. XXXIX, p. 245; la Cresserelle, Azara, 
n. 41,t. III, p. 107; Falco sparverius, prince Max. de Neuw., t. III, p. 116, n° 9; Falco 
sparverius, Vieill., Encycl., t IT, p. 1234. 


Falco, superne rufo-vinaceus, nigro transversim striatus, capite cinereo-cϾrules- 
cente; vertice rufo-vinaceo; tectricibus alarum superioribus cinereo-cærulescen- 
tibus (mas); rufo-vinaceis (fem.); nigro transversim striatis; rectricibus rufo-vina- 
ceis , nigro terminatis (mas), nigro transversim striatis ( fem.). 


La femelle a le dos beaucoup plus rayé de noirâtre; la queue rayée transversalement 
sur toute sa longueur. 

Les jeunes sont couverts de taches nombreuses, et ont toutes les teintes plus pâles. 

Le bec est bleuâtre; la cire et le tour des yeux sont d’un jaune très-vif, qui est aussi 
la couleur du tarse; les yeux sont jaune-päle. La longueur totale, du bout du bec au 
bout de la queue, est de 29 centimètres. 

Cet oiseau est, sans contredit, le plus répandu dans les deux Amériques; décrit d’abord 
comme habitant des Antilles, par le père Dutertre, il fut reconnu au Paraguay, par 
Azara; au Brésil, par M. de Saint-Hilaire, et dans une partie de l'Amérique septentrio- 
nale, par Wilson et par Charles Bonaparte. Nous étendrons de beaucoup les limites de 
son habitation, en annonçant que nous l'avons aussi rencontré successivement à Cor- 
rientes, dans les provinces d’Entre-rios et de Santa-Fe, sur les rives du Parana, à Buenos- 
Ayres, dans une partie de la Patagonie, jusqu'au 42.° degré; sur tous les contreforts 
orientaux des Andes, dans la Bolivia, sur les sommets élevés même de 12,000 pieds 
au-dessus du niveau de la mer, dans tout le Chili, et dans une partie du Pérou. Nous 
pouvons dire, de plus, que nous l’avons rencontré dans toute l'Amérique méridionale, 
excepté dans les plaines chaudes et humides du centre de la Bolivia, et au sein des grandes 
forêts. On pourrait donc en conclure que cet oiseau habite, dans l'Amérique méridionale, 
depuis le niveau de la mer jusqu’à la hauteur de 12,000 pieds, et depuis la ligne 
jusqu’au 42. degré de latitude sud, à l’est et à l’ouest des Andes. Il paraitrait qu'il n’est 
pas moins répandu dans l'Amérique septentrionalé; c’est, avec l’Urubu et l’Aura, l'oiseau 
de proie le plus commun sur le sol américain. Quelques auteurs ont prétendu qu’en 
hiver il passe de l'Amérique du Nord dans l'Amérique méridionale; nous croyons, nous, 
qu'il y reste toute l'année, dans les régions froides comme dans les régions tempérées ; 
car nous l’y avons toujours vu en toutes saisons. 

Quoiqu'il lui faille, pour vivre, des terrains montueux, peu humides et surtout boisés 
par intervalles, nous croyons pouvoir affirmer que cette espèce est bien plus répandue 


de 


proie. 


(120 ) 


Oiseaux el bien plus commune que le Falco femoralis ; ses convenances sont moins restreintes 


de 


proie. 


que celles de l’espèce que nous citons; et non-seulement elle vit au milieu des déserts, 
soit dans les montagnes, soit sur les falaises du bord de la mer, comme en Patagonie; 
mais elle est aussi un peu parasite de l’homme; car nous l’avons toujours rencontrée 
dans les endroits où l’homme construisait des maisons, imitant, en cela, notre cresserelle 
d'Europe, avec laquelle elle a, d’ailleurs, beaucoup d’autres points de ressemblance. Il 
lui faut, néanmoins, des lieux où des arbres épars lui permettent d’apercevoir, au loin, 
autour d'elle, ou un rocher, ou une maison; aussi est-on sûr de la rencontrer perchée 
sur la plus haute maison d’un village, sur le clocher, et même sur les croix ou les 
girouettes. Elle est si familière qu’elle vit, le plus souvent, au milieu des villes, et que, 
même en Patagonie, nous l'avons vue à bord d’un navire, à la baie de San-Blas et dans 
le Rio negro, se percher sur les vergues. On sait que les oiseaux ne viennent se 
reposer sur les navires que lorsqu'ils se trouvent à la mer et fatigués; mais que, dans 
un port, et au milieu d’un pays le plus souvent sauvage, aucun oiseau n’ose approcher 
de ces objets nouveaux pour lui. Notre espèce, au contraire, paraît les rechercher sans 
aucune crainte, sans doute comme point culminant, d’où elle peut voir de plus loin ; 
il est vrai que son genre de vie lui fait rechercher naturellement le voisinage de l’homme, 
entouré de beaucoup d'animaux qui lui servent de nourriture. De tous les oiseaux de 
proie, cette espèce est, bien certainement, la plus matinale, son genre de chasse l’exi- 
geant ; aussi la voit-on, le matin, voler, dès le point du jour; chercher, dès-lors, sa proie; 
et, le soir, ne se coucher que long-temps après que les oiseaux crépusculaires ont com- 
mencé à parcourir les campagnes. Nous croyons que sa première chasse consiste en 
chauves-souris, et en petits rongeurs, qu’elle saisit au lever de l’aurore; aussi parcourt- 
elle, d’abord, les environs des édifices dans les lieux peuplés, les vieux arbres dans les 
campagnes, les falaises ou les rochers sur les montagnes ou le bord de la mer. Lorsque 
le soleil parait, sa chasse est, souvent, faite; alors on la voit perchée sur le point le plus 
élevé des lieux, sur les clochers, sur les pointes de rochers ou sur le faîte des arbres 
morts ou isolés; là, tout en s’agitant continuellement, manifestant de l’impatience, et 
examinant tout ce qui se passe autour d’elle, elle reste long-temps; mais, le plus sou- 
vent, s’il y a un autre individu de la même espèce dans les environs, ce dernier viendra 
lui disputer son perchoir; et, alors, tous deux s’envoleront pour se poursuivre, en criant 
quelques momens, jusqu’à ce que l’un des deux revienne au premier poste; tandis que 
l'autre erre pour prendre position sur un autre point élevé du voisinage. Si cette espèce 
s'ennuie de son repos, elle vole autour du village, presque au rez de terre, à la hauteur 
du toit des maisons, le long des rochers, ou bien entre les arbres, et chasse ainsi pendant 
quelques instans; puis, elle regagne son poste, ou tel autre point élevé du lieu qu’elle 
a choisi. Nous n’avons pas pu déterminer d’une manière bien certaine si elle vivait toute 
l’année accouplée ou non; nous serions cependant porté à croire qu’elle vit par couple, 
car nous avons cru remarquer qu’il y en avait toujours deux par village, par mon- 
tagne, ou dans chaque canton, et que ces individus paraissaient assez unis. Cette espèce, 
loin d’être craintive, montre tant de familiarité, que les habitans même s’y attachent et 


(121 ) 

s'intéressent à elle; au reste, elle est d’une bravoure extraordinaire, s’inquiétant peu des 
centaines de petits oiseaux qui la harcèlent dans son vol; et, la première, elle poursuit 
les carâcaräs et les cathartes qui s’approchent de son domicile, surtout lorsqu'elle a 
son nid. Son vol est, comme celui de tous les faucons, très-rapide, mais peu prolongé; 
elle se tient immobile, en battant des ailes, au milieu des airs, et, ces momens exceptés, 
elle crie presque toujours en volant, surtout quand elle n’est pas seule. Elle ne demeure 
à terre que pour saisir une proie, ne marchant Jamais, et inactive seulement sur son 
perchoir habituel. 

Elle se nourrit de chauves-souris et de petits mammifères rongeurs, ce qui l’oblige à 
voler depuis le crépuscule du matin jusqu’à la nuit close; le jour, elle poursuit quel- 

quefois de petits oiseaux. Les tinamous sont ceux qu’elle chasse le plus souvent; et, 
dans ce cas, le couple se réunit pour les attaquer ; mais elle se nourrit, aussi, de reptiles 
sauriens, d'insectes, et principalement d’orthoptères, ce que nous avons pu recon- 
naître par l'inspection de son estomac. Elle ne s'approche jamais d’un animal mort; elle 
chasse absolument comme notre cresserelle d'Europe. Vers le mois d'Octobre ou de 
Novembre, selon les pays, elle commence à s'occuper de sa nichée. Le couple, alors, est 
plus intimement lié, cherchant un lieu propre à déposer ses œufs; s’il est en possession 
d’une église, ou de tout autre bâtiment élevé, 1l niche dans les galeries, dans les trous 
des murailles, presque tous les ans au même lieu; et les habitans ont remarqué que, si 
quelque cause que ce soit ne lui faisait pas abandonner la place une année, ou s’il 
n’était pas remplacé par un autre, il venait toujours nicher dans le même trou. Sur les 
rochers ou sur le bord des falaises, il niche dans un trou; son attention pour la sur- 
veillance de sa nichée est extrème. Jamais les deux consorts ne l’abandonnent en même 
temps. Ils déposent, selon Azara, deux œufs blancs. Les habitans nous ont assuré qu'ils 
en pondent souvent jusques à quatre; et ces derniers, dans tout le Haut-Pérou, sont 
bien à portée de le savoir, puisqu'ils les laissent vivre au milieu d’eux, sans jamais leur 
faire de mal, se contentant de les dénicher, quelquefois, quand ils veulent élever des 
jeunes, afin de les accoutumer, chez eux, à la chasse aux souris. Depuis la conquête, les 
Espagnols de Chuquisaca et de Cochabamba tenaient à honneur de les dresser pour la 
chasse aux tinamous, comme on dressait les faucons en Europe; ils y réussirent parfai- 
tement, à ce qu'il paraît, et s’en servaient avec succès. Depuis l'introduction de l'usage 
des fusils, et surtout depuis les guerres de indépendance, ce genre de chasse, réservé, 
jadis, aux premiers personnages des deux mondes, mais aujourd’hui tout à fait aban- 
donné, n’est plus mis en pratique que par quelques Indiens quichuas, de la province 
de Cochabamba. 

Notre oiseau a dû être remarqué de toutes les nations américaines, qui lui ont donné 
des noms que les Espagnols n’ont pas conservés, puisqu'ils l'ont appelé halconcilo (petit 
faucon) ; ou bien, au Pérou et en Bolivia, cernicalo (cresserelle). Dans la province de Chi- 
quitos, république de Bolivia, qu’habitent un grand nombre de nations diverses, quel- 
ques-unes lui donnent des noms particuliers. Les Chiquitos l’appellent ocinaés (okunaas, 
pron. fr.) ; les Guarañocas, aroramamita ; les Otukès, cadéchu ; les Morotocas, tididaté, et les 


IV, Où. 16 


Oiseaux 
de 
proie. 


—— 


(12 ) 


Oiseaux Guarayos, faguato-mini. Dans, la province de Moxos, où ces oiseaux sont très-rares, trois 


proie, 


nations seulement purent nous les indiquer nominalement. Les Moxos les nomment mot; 
les Baures, prri-pirr, et les Itonamas, caruca (carouca, pron. franç.). Les Aymaras du sommet 
des Andes les nomment #ili-kili, ou mieux mamant; les Incas ou Quichuas, £uaman. En 
yuracarès on les appelle #yutiyuti (tiyoutiyouti, prononc. franç.). 

Nous décrivons ici, comme une variété singulière, dont la livrée n’est pas due à l’âge, 
mais bien à un changement de couleurs, un F. sparverius, couvert des mêmes taches, 
et qui est de la même ville; mais qui, au lieu de se parer des teintes vives propres à l’es- 
pèce, présente une couleur plombée, uniformément répandue sur toutes les autres teintes. 
Nous l’avons tué dans la province de Chiquitos, en Bolivia, au milieu de beaucoup 
d’autres individus revêtus des couleurs normales. Nous avons obtenu aussi plusieurs 
individus, rapportés par M. de la Sagra, de l’ile de Cuba, et nous nous sommes assuré 


r 


que c’est cette variété qui a servi à M. Vigors pour l'établissement de son F. sparverioides. 


DIODON, Diodon. 
Sous-GENRE DIODON, Lesson, Traité, p. 95. 


Les diodons nous paraissent avoir les mœurs indolentes des autours, et 
non celles des faucons; ils sont beaucoup moins répandus et semblent appar- 
tenir aux régions chaudes, à l’est des Andes. 


DIODON BIDENTÉ, Diodon bidentatus. 


Falco bideniatus, Lath.; Daud., t. IT, p. 118 ; Temm., pl. 38 et 228 (jeune); Falco diodon, 
Temm., pl. 198 (mâle) ; Bidens rufiventer, Spix, 6, col. 38, ou Bidens albiventer, Spix ; 
7; prince Max. de Neuw., t. IT, p. 132, n.° 13. 


Diodon , rostro bidentato fusco; corpore plumbeo; pectore abdomineque rufis ; crisso 
albo; remigibus fascis plurimis, rectricibus tribus albis. Lath. 


Couleurs. Bec corné; yeux rouge pâle; partie nue de la face, jaune-vert; tarse jaune 
vif. Longueur totale, du bout du bec au bout de la queue, 33 centimètres; du vol, 68 
centimètres; circonférence du corps, 25 centimètres. 

Cette espèce avait été découverte au Brésil et à la Guyane. Nous l'avons trouvée 
près de la frontière occidentale du premier territoire, dans la province de Chiquitos, qui 
termine, à l’est, la république de Bolivia, non loin de la Mission de Santo-Corazon. Comme 
nous ne l'avons vue que rarement, nous n’en pouvons dire autre chose sinon qu’elle se 
tient à la lisière des bois, où elle chasse aux petits oiseaux. Nous ne lui avons jamais vu les 
mœurs agiles des faucons proprement dits; elle semble plutôt avoir l’apathie des autours. 
Presque toujours perchée sur les branches inférieures des arbres, elle attend long-temps 
sa proie, qui paraît consister en oiseaux, en reptiles et en mammifères. Le diodon bidenté 
est rare partout; son vol est peu prolongé, et beaucoup moins rapide que celui des 


faucons. 


(123) 


Oiseaux 
de 


IL FAMILLE. 2. 
STRIXIDÉES > STRIXIDEÆ. 


Strix, Linn.; Oiseaux de proie nocturnes, Cuv.; Strigidæ, Leach. 


On peut, même sans être naturaliste, distinguer un oiseau de proie noc- 
turne d'avec un oiseau de proie diurne; car il est impossible de se méprendre 
sur les caractères qui distinguent cette troisième famille des deux précédentes ; 
aussi nous dispenserons-nous de les retracer ici. 

Les strixidées n’ont pas tous les mêmes mœurs, ni les mêmes manières de 
vivre; quoique nocturnes ou crépusculaires, nous avons remarqué qu’en Amé- 
rique ils sont loin de l'être au même degré, ne craignant pas tous également 
l'action de la lumière du jour. Le duc barré, la chevèche à collier et le scops 
choliba s’enfoncent au plus épais des bois pour la fuir, se blottissant le long 
des grosses branches des plus grands arbres; la chevèche caburée (strix 
passerinoides, Temm.), dort, au contraire, pendant que le soleil darde ses 
rayons, sur les branches les plus extérieures des arbres de la lisière des bois; 
et, enfin, l’effraie perlée se cache dans l’intérieur des édifices ou dans les fentes 
des rochers des pays déserts. Tous ces oiseaux sont également nocturnes; et, 
quoique vivant d’une manière si différente, quand on les surprend de jour, 
ils tournoient sans savoir de quel côté se cacher, et montrent autant d’in- 
quiétude qu'un oiseau de jour qu'on réveille dans l'obscurité. Telle est, 
ordinairement, la manière de vivre des oiseaux de nuit; mais il y a plusieurs 
exceptions assez singulières. On voit, par exemple, dans PAmérique méridio- 
nale, plusieurs espèces dont les mœurs semblent participer de celles des 
oiseaux diurnes et de celles des oiseaux nocturnes. À leur tête, nous citerons 
la chevèche urucuréa, qui se promène en plein jour ou vole avec presque 
autant de facilité que les oiseaux diurnes, vivant en rase campagne. Il en est 
de même du hibou (Otus brachiotos), qui habite également les plaines, et 
plane très-long-temps le jour, à la vérité sans chasser. On voit donc que 
tous les oiseaux de proie nocturnes sont plus ou moins crépusculaires, et 
qu'ils n’ont pas tous besoin des pleines ténèbres pour voir et pour vivre. 

L'Amérique n’a point de genres particuliers de strixidées; tous ceux 
dont se compose cette famille se trouvent, au contraire, partout. Nos Che- 
vèches ont, en Amérique, leurs espèces voisines : les Scops en ont une qui 
se rapproche tellement des nôtres, qu’elle a été long-temps confondue avec 
le type européen ; et, réellement, il y a si peu de différence entr’elles 


( 124) 

Oiseaux deux, qu'on pourrait n’y voir que l'influence du climat. Par un rapproche- 
proie. ment singulier , les strixidées américains sont les seuls oiseaux de proie qui 
offrent de semblables analogies avec les oiseaux d'Europe; car, si le petit 
duc d'Amérique differe peu de celui de l’ancien monde, leffraie du nou- 
veau n’en diffère pas davantage; et l’on serait tenté de la confondre avec 
celle d'Europe; car elle a, en tout, les mêmes mœurs et vit aussi près des lieux 
habités. Le hibou chouette, identiquement le même que celui d'Europe, vit 
partout en Amérique. Nous trouvons donc trois espèces sur sept ayant leurs 
analogues, ou tout au moins des espèces tellement voisines, qu’il est facile 
de les confondre. Le duc barré n’est-il pas aussi, en Amérique, comme espèce 
distincte, le représentant de notre grand duc? Quand on trouve, sur le 
nouveau continent, des animaux entièrement différens de ceux de l'ancien, 
il est bien singulier de n’y retrouver des analogues que parmi les oiseaux 
de proie nocturnes. 

Ce qui viendrait appuyer lopinion que les espèces américaines qui ont 
beaucoup de rapports avec celles de l'ancien continent, n’en sont, souvent, 
que des variétés tenant au pays, et ne sont pas, comme on l’a pensé, des 
espèces distinctes, c’est que ces mêmes espèces, l’effraie perlée et le hibou 
chouette, n’ont pas de zone d'habitation qui leur soit propre; ainsi, nous 
les avons rencontrés, également, dans les parties australes de l'Amérique et 
sous la zone torride, à l’est et à l’ouest des Andes, barrières que franchissent 
rarement même les oiseaux, à cause de leur grande élévation et qui séparent 
deux zoologies distinctes. [1 n’y a que bien peu d’exceptions à cette règle, 
comme les deux espèces citées qui, s'accommodant de toutes les températures, 
se trouvent aussi bien dans les plaines brûlantes du centre de l'Amérique 
qu'aux sommets neigeux des Andes. Si le duc barré, et surtout celui-ci, le 
scops choliba et la chevèche caburée, ont des mœurs qui les font habiter 
des zones très-différentes de température, il n’en est pas ainsi des autres espèces; 
car la chevèche à collier est reléguée seulement sous la zone torride, tandis 
que la chevèche caburée ne vit qu'a l’est des Andes, sur une étendue de 
latitude au moins égale à celle du duc barré. 

Nous avons examiné ces oiseaux sous le point de vue de leur distribution 
géographique. Quant à la zone de température, il nous reste à les considérer 
sous le rapport des lieux qu'ils habitent. Nous avons déjà dit que leur con- 
formation et leur genre de vie doivent leur faire rechercher les bois plutôt 
que les plaines; aussi leurs espèces, à exception de deux, vivent-elles dans les 
forêts ou à leur lisière, et ne peuvent-elles vivre qu’où elles trouvent à se 


(125 ) 


percher. Ne doit-on pas, dès-lors, s’étonner de voir la Chevèche urucuréa et pe 
le Hibou-chouette ne vivre qu’en rase campagne, et, surtout la première, proie 
habiter des terriers de mammifères, et marcher, en plein jour, sur la terre 
unie, sans crainte d’émousser ses ongles ? Tous, à l'exception de l’effraie perlée, 
fuient, ordinairement, la présence de l’homme, pour rester soit au fond des 
forêts, soit dans les lieux les plus déserts; mais l’espèce citée, au contraire, 
paraît s'identifier avec l’homme, et l’accompagner partout dans ses migra- 
tions. En effet, vient-on de construire un clocher dans un nouveau village? 
bien certainement l’effraie, inconnue au pays tant qu’il est resté désert, ne 
tardera pas à s’y établir; et, dès-lors, un couple prendra toujours possession 
de ce nouveau monument, et s’y verra successivement remplacé par d’autres 
couples. 

Au reste, les strixidées ne portent, pour ainsi dire, jamais ombrage au 
cultivateur et au campagnard , ils ne leur nuisent en aucune manière; on 
pourrait même dire qu'ils leur sont utiles, en détruisant tous les animaux 
malfaisans ou incommodes, tels que les rats etles chauves-souris, qui abondent, 
partout, d’une manière effrayante. Cependant, ainsi qu'en Europe, le cri de 
l'oiseau nocturne est regardé comme de mauvais présage, et cette cause seule 
pourrait le faire craindre. 

Tout le monde connaît le vol léger des oiseaux nocturnes, et leur facilité 
à battre l'air, sans faire aucun bruit; faculté toute spéciale, due à une con- 
formation particulière des plumes, qui leur permet de s'approcher de Pani- 
mal convoité et de le saisir, avant même qu'il se doute de lapproche 
d’un ennemi si redoutable. Ils ne peuvent, au reste, parcourir, en l'air, une 
grande distance; aussi les voit-on s'envoler, se reposer un instant, s'envoler 
encore, pour aller se percher quelques minutes après. Ils ne sont pas, non 
plus, marcheurs; comme tous les oiseaux carnassiers, ils craindraient d’émous- 
ser leurs armes; ce qui fait qu'ils ne restent sur le sol que le temps voulu pour 
dépecer leur proie. On trouve, néanmoins, en Amérique une exception à cette 
manière de vivre. La chevèche urucuréa se tient presque toujours à terre, 
marche même, quelquefois, et fait anomalie, au milieu d’oiseaux dont les doigts 
ne sont pas conformés pour marcher. 

Si nous voulons, enfin, considérer leurs différens cris, nous verrons qu’ils 
en ont deux qu’on retrouve chez presque toutes leurs espèces. Ce sont les 
deux intonations si diverses qu'ils font entendre : Pune, sorte de cri aigu, 
qui annonce, dans presque tous, la surprise ou la crainte; l'autre, rou- 
coulement monotone, cadencé et prolongé, qui a valu au plus grand nombre 


( 126 ) 


Re d’entr’eux des noms à peu pres analogues dans toutes les langues américaines, 
e \ x 
proie. COmme on peut le voir aux espèces. 


CHEVÈCHE, Noctua, Sav., Cuv. 
L." Secrion. SILVICOLES. 


Les chevèches proprement dites ont les jambes plus ou moinslongues. Toutes 
habitent les bois les plus épais, vivant soit dans leur intérieur, soit à leur 
lisière, se perchant toujours sur des branches d'arbres et jamais sur les tertres. 
On ne les voit à terre que le temps indispensable pour dévorer une proie; 
d’ailleurs , elles ne savent pas marcher, et n’avancent que par sauts, comme 
tous les oiseaux qui ne sont pas marcheurs; elles sont spécialement forestières 
et des plus nocturnes, fuyant les rayons du soleil. Elles appartiennent aux 
parties chaudes et tempérées de l'Amérique méridionale, et sont toutes de 


l'est des Andes. 


CHEVÈCHE A COLLIER, Voctua torquata. 
Strix torquaia, Daud-, t. Il, p. 193 ; Levaill., Afriq., pl. 42; Vieill., Encycl., t. IE, p. 1290; 
le Vacurutu sans aïigrettes, Azara, n° XLIIT, t. II, p. 115? 
NN. veriice facieque nigris ; superciliis gulaque albis; corpore supra nigricante-fusco; 
corpore subtus rufescente-albo; collo inferiori torquato; rostro cærulescente, apice 
flavo; pedibus rufescente-albis. 


Les adultes diffèrent beaucoup des jeunes. Les premiers sont toujours munis d’une 
large ceinture brune qui manque chez les jeunes. Nous avons vu un jeune ayant la 
face entièrement noire; le reste du col’et de la tête, blanc; le ventre et les cuisses, jaune- 
roux pâle, uniforme; le dos brun, varié de quelques taches roux-jaune; les tectrices 
rayées de brun et de jaune; la queue et les ailes noirâtres, rayées de plus pâle. 

Sur le vivant le bec est toujours jaune-blanc; la cire livide; les yeux sont jaunes, les 
tarses verdâtres. Ses dimensions sont les suivantes : longueur totale du bout du bec au 
bout de la queue, 46 centimètres; du vol, { mètre 8 centimètres; circonférence du 
corps, 36 centimètres. 

Cette espèce paraît propre seulement aux régions équatoriales. Elle avait été observée 
à Cayenne et au Brésil, et nous l'avons rencontrée jusque dans les forêts qui bordent 
les derniers contreforts des Andes, près de Santa-Cruz de la Sierra, république de Boli- 
via; nous l’avons vue dans la province de Moxos. Nous croyons, en conséquence, qu’elle 
vit habituellement au milieu des forêts bordant les innombrables rivières qui sillonnent, 
en tous sens, le territoire américain, depuis le pied des Andes jusqu’à la mer; dans 
toutes les Guyanes et dans le Brésil. Si nous en jugeons par nos observations particu- 
lières, nous pourrions la croire propre aux forêts humides du bord des rivières, au 
plus épais desquelles elle se cache de jour, paraissant alors ne distinguer qu’à peine les 


(127 ) 


objets. Elle se tient tapie sur une enfourchure de branches et dort toute la journée, Oiseaux 


ne se réveillant qu’au crépuscule; alors elle parcourt, en tous sens, le dessous des voûtes 
touffues , chassant aux petits mammifères, aux chauves-souris principalement; et, à ce 
qu'il paraît, quelquefois aux oiseaux, en faisant retentir de ses lugubres accens l’écho 
des sombres forêts. Elle ne vit que dans les lieux les plus sauvages et les plus éloignés des 
habitations : elle y est fort rare, et nous ne l'avons rencontrée qu’isolée dans les bois. 
Au crépuscule, elle suit aussi, en chassant, les bords des rivières, se perchant, de temps 
en temps, sur les arbres morts, pour épier sa proie. Elle ne reste à terre que pour 


la dépecer. 
CHEVÈCHE CABURÉE, Woctua ferox, Vieillot. 


Le Caburé, Azara, n° XLIX, p. 129, t. T1; Strix ferox, Vieill., Encycl., t. IL, p. 1289; Strix 
passerinoides , Temm., PI. col., 344; Chevechette, Levaill., Hist. des Ois. d'Afr., t. I, p. 46. 


Noctua, capite nigricante fusco , albido maculato ; superciliis albis; corpore supra 
obscure-fusco; rectricibus albo maculatis; gula, jugulo, pectore fuscis ; ventre 
albido; rostro virescente; cauda brunnescente , fasciata. 


Sur le vivant : yeux d’un beau jaune; pieds jaune verdâtre; bec de même couleur. 
Longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 16 1/2 centimètres; vol, 36 cen- 
timètres; circonférence du corps, 14 centimètres. 

Nous avons eu plusieurs individus qui paraissaient femelles, différant de ceux figurés 
par Temminck, en ce qu’ils n'avaient pas quatre rangs de taches blanches espacées, 
dessinant des bandes étroites sur la queue. Ils portaient, au contraire, huit ou neuf lignes 
rousses ; la tête était aussi couverte de taches rousses et non pas blanches. Nous pour- 
rions croire que cette différence vient de l’âge et que c’est une livrée de jeune, qui 
disparaît à la seconde année. 

Azara, le premier, a fait connaître cette espèce; il l’a découverte au Paraguay et l’a 
rencontrée vers le Sud, jusqu’au 29.° degré de latitude. Elle avait aussi été observée au 
Brésil par divers naturalistes; et, en retrouvant des terrains analogues à ces derniers, 
dans la province de Chiquitos (république de Bolivia), nous n’avons pas dû nous étonner 
de l’y rencontrer, jusqu’au 17° degré de latitude, près de la Mission de San-Xavier, 
et ensuite bien plus au Nord, dans la province de Moxos; mais nous ne l'avons pas, sans 
surprise, retrouvée vers le Sud, jusqu’au 41. degré de latitude, dans la Patagonie, ce 
qui nous amène à conclure qu’elle habite des régions les plus chaudes aux pays 
tempérés, ou de la ligne au 41.° degré. Nous avons cru remarquer qu'elle se trouvait, 
surtout, à la lisière des grands bois humides qui bordent les rivières, au milieu des 
plaines; car nous ne l'avons jamais vue dans les arbres des montagnes, ni dans les lieux 
secs et arides. Le jour on la rencontre toujours dormant, non au milieu des forêts, comme 
certaines espèces, qui fuient le soleil, mais toujours à leur lisière et sur les petites branches 


1. Cette espèce a été décrite d’abord par Azara , sous le nom de caburé, que Vieillot a traduit, 
en latin, par le nom de Strix ferox. M. Temminck ne l’a décrite que bien plus tard. 


de 


proie. 


Oiseaux 
de 
proie. 


——— 


( 128 ) 

basses, mortes ou peu feuillées, les plus extérieures. Là, elle se laisse souvent balancer 
au gré des vents, dormant ainsi, sans se réveiller au bruit ; car souvent, presque tou- 
chée, elle gardait la même immobilité, ce qu'il faut attribuer à la pesanteur de son 
sommeil ou à la difficulté qu’elle éprouve d'ouvrir les yeux, de supporter les rayons 
du soleil et de voir en plein jour. Elle est peu commune et on la rencontre constamment 
seule et jamais par couples, hors le temps des amours. Le soir, elle ne commence à voler 
que lorsque le crépuscule est déjà avancé; alors elle parcourt tous les environs, sui- 
vant la lisière des bois, chassant aux insectes et aux petits rongeurs, seulement. Elle vole 
ainsi toute la nuit, faisant souvent entendre un chant lugubre, mais très-faible. Son 
vol est léger, comme celui de tous les oiseaux nocturnes : il est peu prolongé et surtout 
peu élevé; sa marche est gènée et par sauts, et non précipitée comme celle des urucuréas; 
nous croyons même qu’elle pose rarement à terre. Elle niche au sein des bois, dans les 
trous des arbres morts, sans aucune préparation. Elle dépose dans son nid deux œufs à 
peu près sphériques et entièrement blancs. Le couple n’est uni qu’alors, et toute liaison 
est rompue, dès que les petits sont assez grands pour se suflire à eux-mêmes. 

À Moxos la nation Cayuvava la nomme vadzi; les Chiquitos, okück, et les Morotocas, 
sédségué. 


IL. Secrion. MARCHEUSES. 


Nous croyons qu’on pourrait séparer des chevèches ordinaires des espèces 
qui ne vont Jamais dans les bois, comme les chevèches proprement dites. 
Elles restent toujours à terre sur le sol, se perchant sur les tertres et très- 
rarement sur de petits buissons; jamais sur les arbres. Elles marchent sur 
le sol, long-temps, avec vitesse, et non par sauts, se cachant dans des ter- 
riers de mammifères, passant, le plus souvent, toute la journée en rase 
campagne, menant presque le genre de vie des oiseaux diurnes. Elles sont 
reléguées dans les plaines ou sur les terrains les plus arides du sud de PAmé- 
rique méridionale. On les trouve à l’est comme à l’ouest des Andes, et depuis 
le niveau de la mer jusque sur les sommets des montagnes. 


CHEVÈCHE URUCURÉA, Voctua cunicularia. 


Chevèche lapin, Feuillée, Journ. des observ. phys., t. Il, p. 562; Le Pequen, Strix cunicularia, 
Molina, Chili, p. 243 ; Linn., Syst. nat., gen. 43, sp. 28; Lath., sp. 38; Chouette de Coquimbo, 
Buff., Sonn., t. XL, p. 167; l'Urucurea, Azara, t. III, p. 123, n° 47; Strix cunicularia, 
Vieill., Encycl., t. IT, p. 1293; Voctua urucurea, Less., Traité, p. 103; Strix cunicularia, 
prince Max. de Neuw., t. IT, p. 248, n° 4; Meyen, Zool., Vügel, p. 70. 


N. corpore supra fusco, subtus albo; pedibus tuberculatis, pilosis; rostro wires- 
cente-albo. 


-‘ Les jeunes sont plus chargés de couleur brune en dessous; les teintes, en eux, sont 
généralement très-sombres. 


( 129 ) 


Si on les prend avant qu’elles aient revêtu leur livrée d’adulte, elles sont toutes brunes Oiseaux 
de 


en dessus, marquées, sur le milieu du dos, de larges taches indistinctes roux pâle; le 


dessous est blanc-jaune, et le collier fortement marqué. 

Il est à remarquer que les individus que nous avons tués en Patagonie, sont beaucoup 
‘ plus blancs que ceux de Buenos-Ayres. 

L’urucuréa subit à peu près les mêmes lois de distribution géographique que la chouette 
(otus brachiotos), ce qui paraîtra d'autant plus naturel qu’elle a, presque en tout, le même 
genre de vie et les mêmes habitudes. Azara avait observé cette espèce au Paraguay; le 
père Feuillée et Molina l'avaient vue au Chili; on savait donc qu'elle était commune aux 
deux versans des Andes. Plus tard, M. de Saint-Hilaire et le prince Maximilien de Neuwied 
l'ont rapportée du Brésil; puis, nous avons pu l’observer dans toute la Banda oriental, de la 
Plata à Montevideo, à Maldonado; dans les provinces d’Entre-rios, de Santa-Fe, de Cor- 
rientes, de Buenos-Ayres; ainsi qu’en Patagonie, au Chili, et même au milieu des plaines 
de la province de Chiquitos, en Bolivia. On voit qu’elle habite toute la zone chaude, 
tempérée et froide de l'Amérique méridionale, depuis le 16.° jusqu’au 42.° degré de lati- 
tude sud, à l’est et à l’ouest des Andes. Il est cependant bon de dire que, sur cette surface 
immense de terrains, elle choisit seulement ceux qui lui plaisent et sont conformes à son 
genre de vie; aussi ne se trouve-t-elle jamais au milieu des bois, ni même des plaines 
buissonneuses, à moins que, sur ces dernières, il n’y ait des clairières étendues; encore 
faut-il que celles-ci soient arides et sèches; car ce qu’elle préfère, ce sont ces immenses 
plaines où Pampas, qui occupent tout le sud de l'Amérique méridionale, ainsi que les 
coteaux également dépourvus de bois des versans est et ouest des Andes, près de Men- 
doza ou au Chili, et les dunes côtières. 

L’urucuréa est assez commune dans les lieux que nous venons de désigner, c’est-à- 
dire qu’elle est disséminée de manière à ce qu’on n’en trouve jamais de très-voisines l’une 
de l’autre, excepté les deux consorts; car elle reste accouplée toute l’année, et paraît vivre 
ainsi constamment. Chaque couple choisit son canton, où il s'établit pour la vie, ne 
voyageant pas, et ne permettant guère aux autres de s'établir près de lui. L’urucuréa 
prend pour domicile un terrier abandonné de tatous, de biscachas, de renards ou d’au- 
tres animaux des contrées qu’elle habite, et y passe sa vie; si l’on s'approche de 
sa résidence vers le milieu du jour, heure à laquelle les autres oiseaux nocturnes sont 
plongés dans le sommeil le plus profond, on la trouve, quelquefois, dans son trou; 
mais, le plus souvent au dehors, le mäle et la femelle l’un près de l’autre. Elle voit, de 
très-loin, ceux qui viennent troubler son repos, et fait entendre alors son cri de guerre 
ou d’alarme, qu'on peut exprimer par les monosyllabes £chï-tchi-tchi-tchi long -temps 
prolongés. Elle s'envole pour aller se poser à quelques pas de là sur une butte, où, 
tout en tournant la tête avec crainte, et regardant, avec une effronterie apparente, 
limportun qui la dérange, elle se laisse approcher de très-près, puis s'envole encore, 
ainsi que sa compagne, va se percher sur un tertre voisin, au sommet d’un petit 
buisson ou d’un chardon, et recommence son cri, ne pensant à s’aller cacher au fond 
de son terrier que lorsqu'elle a grand’peur, ce qui est très-rare. Elle reste ainsi toute 


IV, où: 1 7 


Oiseaux 
de 
proie. 


— 


( 130 ) 


la journée autour de son nid, chasse même, quelquefois, pendant le jour; cependant 
c'est de préférence vers le soleil couchant, à l'heure où les petits rongeurs sortent 
de leurs terriers, qu’elle commence sa chasse, en planant, comme le font les autres 
oiseaux de proie; et nous avons cru remarquer qu'au milieu de la nuit elle se repo- 
sait de nouveau, pour chasser dès le crépuscule du matin. Il nous a semblé qu’elle 
dormait également pendant les nuïts cbscures et pendant les fortes chaleurs du jour, 
chassant plus spécialement le matin et le soir : le matin, après le soleil levé, quel- 
que temps encore; ainsi que le soir, avant la nuit. Elle vole dans la campagne, comme 
le font au crépuscule seulement les autres oiseaux de proie nocturnes. Nous pouvons 
donc dire que c’est presque un oiseau diurne, ou, tout au moins, le plus diurne de 
toute sa série : au crépuscule, elle s'éloigne davantage de sa demeure, et parcourt tous 
les environs à un quart de lieue à la ronde, en chassant; se perchant, alors, plus volon- 
tiers, sur les arbres secs, les barrières, les ruines, les maisons et les rochers. Elle fait, dans 
ce cas, entendre un chant plaintif, qu’on peut traduire par Lou-hou-ououou, visitant tous 
les lieux habités des environs avec moins de crainte que de jour, quoique ce soit, même 
alors, un oiseau assez familier qui se laisse facilement approcher. 

Sa pose habituelle, lorsqu’elle est à terre dans l’inaction, est presque perpendiculaire, 
les ailes basses, et la tête enfoncée entre les épaules; si quelque bruit vient troubler sa 
tranquillité, ou si la sentinelle des autres oiseaux des plaines, le vanneau armé, fait 
retentir les environs de son cri d'alerte, l’urucuréa dresse la tête, et son attitude, alors, 
est grotesque; elle tourne la tête de tous côtés. Perchée, son corps est également ver- 
tical; et, même lorsqu'elle marche, il ne prend pas la position horizontale, qu’il affecte 
chez presque tous les autres oiseaux de proie : elle marche vite et à pas précipités; on 
peut dire qu’elle est presque toujours à terre, se perchant seulement par occasion, et 
plus particulièrement lorsqu'elle chasse. Son vol est celui des chevèches ordinaires, léger 
et rapide; quand elle poursuit sa proie, elle vole au rez de terre, ou à quelques pieds 
au-dessus, planant, le plus souvent, en tournoyant soit sur les terriers des rongeurs, soit 
autour des buissons ou des haies. Le jour, elle ne s’envole que pour aller à vingt-cinq 
ou trente pas de distance, se reposer de nouveau, continuant ce manège tout le temps 
qu’elle est poursuivie; elle se nourrit de rats, de jeunes coboyes, de reptiles et d’in- 
sectes. 

Quelques auteurs, comme le père Feuillée et Molina, prétendent qu’elle se creuse des 
terriers profonds dans la campagne. Nous croyons pouvoir affirmer que cette assertion 
est dénuée de tout fondement; ce qu’il est facile de vérifier par la nature de ses ongles 
toujours aigus, jamais émoussés, et peu propres, d’ailleurs, à ce genre d’exercice. Il 
nous est, au contraire, démontré qu’elle s’approprie un terrier de tatou, de renard, de 
mara , et, surtout, de biscacha, plus commode à cause de ses diverses issues et de ses 
divers compartimens souterrains ; aussi est-on certain de rencontrer l’urucuréa dans les 
endroits où la campagne est infestée de cette dernière espèce de mammifère. Les habi- 


1. Tringa cayennensis, Lath. 


(451 ) 


tans nous ont assuré que, lorsqu'un couple prend possession d’un de ces terriers, les Oiseaux 
de 


véritables propriétaires sont obligés de l'abandonner, à cause de la ténacité de lurucu- ie. 


réa, et, sans doute, aussi, pour raison de propreté; car la biscacha, si soigneuse, ne peut, 
à ce qu'il paraît, supporter l'odeur désagréable que porte avec elle lurucuréa; odeur com- 
mune, au reste, à tous les oiseaux de proie nocturnes. On sent que le couple, intimement 
lié toute l’année, n’a pas besoin de se réunir pour la saison des amours, ni de chercher, 
au loin, un lieu où il puisse nicher commodément; son terrier habituel lui en offre les 
moyens. Il se contente donc de déposer, au fond, trois ou quatre œufs blancs, dont les 
diamètres sont de 31 et 34 millimètres; et c’est là qu’il couve alternativement. Les jeunes 
naissent avec un duvet blanc : ils grandissent avec promptitude, le couple leur portant 
fréquemment de la nourriture; dès qu’ils sont assez grands pour marcher, on les voit, 
tous les jours, venir, en dehors du terrier, s’exposer au soleil. Ils s’habituent ainsi, peu 
à peu, à chasser; dès qu’ils sont assez forts, les parens ne souffrent plus qu’ils rentrent 
dans le terrier paternel, et ils n’ont plus qu’à se chercher une compagne et à s’appro- 
prier dans la campagne, et toujours assez loin de leurs parens, un terrier qui devien- 
dra leur domicile pour toute la durée de leur existence. On voit, par ce qui précède, 
combien l’urucuréa empiète sur les mœurs qui n’appartiennent ordinairement qu'aux 
mammifères; c’est, en effet, une anomalie singulière que les mœurs de cet oiseau. 

On l'élève, quelquefois, à cause de sa douceur, chez les habitans de la campagne, en 
le nourrissant de viande crue; et il y peut, en quelque sorte, remplacer les chats dans les 
maisons; cependant nous dirons que les habitans s’en donnent rarement la peine. Le 
père Feuillée vante la bonté de sa chair; nous avons voulu vérifier son assertion, et nous 
avons trouvé cette chair très-dure et sans saveur. Les habitans, au reste, ne mangent nulle 
part les urucuréas, ayant une aversion marquée et fondée contre cette espèce, au moins 
comme nourriture; car ils sont tellement indifférens pour elle, qu’elle s'établit, sans se voir 
dérangée, quelquefois à moins de cent pas des habitations. Les Espagnols la confondent 
avec les autres oiseaux de proie sous le nom de /echuza. Les Patagons ou Téhuelches la 
connaissent sous le nom de kes-kes, qui est, sans doute, l'expression de son chant ; leurs 
voisins, les Puelches, la dénomment, aussi, d’après son chant, mais par un mot plus 
dur, comme tous ceux de leur langue, en l’appelant hetz-hetz. Les Araucanos du Sud 
la nomment péhé ou pékel, appellation très-voisine de celle de péquen, qui est son 
nom chilien. Les Indiens bocobis du grand Chaco la nomment huettüc, et les Gua- 
ranis wrucuréa. Il est à remarquer que tous les noms qui lui sont imposés par les nations 
du Sud , sont évidemment l’expression de son cri de jour, rendu de différentes manières, 
selon leur prononciation; son seul nom guarani est, au contraire, l'expression de son 
chant nocturne. Nous aurons souvent l’occasion de faire remarquer des noms dérivés 
des cris des animaux. 


( 132 ) 


_SCOPS, Scops, Sav., Cuv. 


Les scops sont des chevèches munies de petites aigrettes et dont les doigts 
sont nus, au lieu d’être couverts de poils. Si nous les comparons à ces der- 
nières, sous le rapport des habitudes, nous voyons que, du moins en Amé- 
rique, ce sont de véritables chevèches pour les mœurs et pour la manière 
de vivre. Ils sont des parties chaudes de l'Amérique méridionale, à l’est des 
Andes seulement. 


SCOPS CHOLIBA, Scops choliba. 


Choliba, Azara, n° XLVIIT, t. IT, p. 126 ; Strix choliba, Vieill., Encycl., t. III, p. 1279 ; Strix 
decussata, Tichtenst., Cat., p. 59, n° 615? Peut-être le Strix crucigera, Spix, & 9. 


S. pennis corporis nigricantibus, dilute fusco, nigricante punctato marginatis ; remi- 
gibus primoribus nigricantibus , maculis magnis rufescentibus ; rectricibus fuscis, 
punctatis; scapularibus albis nigrisque; rostro dilute cæruleo ; apice flavescente. 


Bec verdàtre; cire de la même couleur; yeux jaunes; tarses et doigts gris. Longueur 
totale, du bout du bec au bout de la queue, 21 centimètres; du vol, 55 centimètres; 
circonférence du corps, 20 centimètres. 

Cette espèce varie à l'infini dans ses teintes, selon les différens âges : si nous la prenons 
dans sa livrée de l’année, elle a partout, en dessus et en dessous, des lignes transver- 
sales gris pâle, sur du gris foncé; la queue participe de ces deux teintes par zones. 
L'année d’après, elle est encore grise; mais, alors, tout le dessus est agréablement varié 
de petites taches et de lignes irrégulières plus foncées; le dessous a, sur chaque plume, une 
ligne longitudinale noire assez large, et de petites lignes transversales de la même couleur 
placées irrégulièrement ; tandis que, dans l’âge adulte, l'oiseau est entièrement roux, avec 
les mêmes taches du ventre qu’on remarque à la seconde année de la livrée; et le dos, 
qui est roux vif, est muni, sur chaque plume, d’une ligne longitudinale brune. On voit, 
par ces changemens successifs, combien il est difficile de bien caractériser une espèce 
d'oiseau de proie, lorsqu'on n’en peut pas comparer tous les âges. 

Cette espèce paraît habiter toutes les parties chaudes de l'Amérique méridionale : elle 
a été désignée par Azara comme habitant le Paraguay; on l'avait aussi rencontrée à la 
Guyane; et nos propres observations sont venues étendre encore son domicile en Amé- 
rique. Nous l’avons trouvée à Corrientes jusqu’au 30. degré de latitude sud; et, de 
nouveau, dans les vastes régions de la république de Bolivia, qui bordent, à l’est, le 
Brésil, dans la province de Chiquitos; ce qui nous ferait croire qu’elle habite toute 
l'immense étendue de plaines comprise entre les derniers contreforts des Andes et la 
mer, en suivant le cours de lAmazone; et, en latitude, depuis la ligne jusqu’au 
30° degré sud. Nous ne l’avons vue que dans les lieux boisés, et surtout auprès des 
habitations et des villages; elle est sédentaire. Le jour, elle se tient d'ordinaire au 


(135) 

plus épais des bois, surtout de ceux qui avoisinent les villages, se cachant, endormie, Oiseaux 
sur les branches les plus surchargées de feuillage. Le plus souvent les consorts sont ae 
ensemble, et posés si près l’un de l’autre qu’on peut facilement les tuer tous deux 
du même coup de fusil : comme l’espèce est on ne peut plus nocturne, elle ne com- 
mence pas à voler dès le crépuscule, si ce n’est sous la feuillée la plus sombre des 
bois; on ne la voit s'approcher des lieux habités que lorsqu'il fait très-obscur. Aux 
alentours des maisons champêtres, elle passe la nuit voltigeant d’un toit à l’autre, 
visitant tous les enclos, les cours, les jardins, se posant sur les arbres du voisinage, sur les 
murailles, sur les poteaux; elle se familiarise alors, plus que jamais, avec les hommes, et 
les débarrassant de tous les animaux incommodes, comme rats, chauves-souris, blattes, 
etc.; et les hommes, en retour, ne lui font jamais de mal. Ils la protègent, au contraire, 
autant que possible, l’élevant même chez eux, pour lui faire remplacer les chats. C'est 
au milieu de leurs courses de nuit, que les cholibas font retentir les airs de leur chant 
monotone, qui a deux caractères différens; un cri de crainte ou de colère, qu'ils font 
entendre rarement, espèce de sifflement accompagné, le plus souvent, d’un claquement 
du bec, ou bien un chant de rappel ou d'habitude, qu’ils poussent lorsqu'ils sont posés, 
et qu'on peut rendre par les sons de fourourou-tou-tou, qui, comme on le verra à la 
synonymie américaine, se traduisent de bien des manières par les diverses nations; 
chant que le paisible cultivateur, ou le voyageur bivouaquant au sein des campagnes, 
entend, de temps à autre, résonner , autour de lui, dans le silence imposant des belles 
nuits des pays chauds, et qui lui fait apprécier davantage cette nature entièrement 
plongée dans le sommeil. 

Le choliba fait son nid au milieu des bois épais; il choisit le creux d’un arbre mort, 
et y dépose deux ou trois œufs entièrement blancs, des diamètres de 28 et de 32 milli- 
mètres. Le mâle et la femelle couvent alternativement pendant la nuit; le jour l’un couve, 
tandis que l’autre est perché sur une branche voisine. Les habitans les recherchent pour 
les élever, parce qu'ils se familiarisent facilement et mangent de tout; mais s'ils man- 
quent de nourriture, ils attaquent et dévorent tous les autres oiseaux domestiques. Leur 
vol est léger et peu prolongé; et leur marche un sautillement qui leur est peu habituel à 
l'état sauvage, qu'ils exécutent péniblement lorsqu'ils sont captifs déjà âgés, mais qu'ils 
apprennent, lorsqu'ils sont élevés très-jeunes. 

Des noms que donnent au choliba les indigènes américains, la plupart viennent de son 
chant de repos, et quelques autres de son chant de colère. Parmi les premiers, nous pou- 
vons citer, en Bolivia, les Chiquitos, qui le nomment nosoomo ; les Otukès, qui l’appellent 
simiurucucu (simiouroucoucou, pron. franç.); les Morotocas, gossogossoco; les Quite- 
mocas, {orococo ; les Cucikias, usupupuch (oussoupoupouche, pron. franc.) ; les Paunacas, 
turucuco (touroucouco, pron. franç.); les Paiconécas, nonomococué. Dans la province de 
Moxos, on retrouve encore la traduction littérale de son chant dans les langues suivantes : 
la cayuvava, qui le nomme niomorocoto ; la movima, orococo; celle des Moxos, qui le 
désigne par le mot curumucucu (couroumoucoucou, pron. franç.). D’autres nations n’ex- 


priment pas précisément ce chant ; mais emploient une redondance de sons analogues : à 


( 134 ) 


Oiseaux Chiquitos, chez les Samucus, néago; à Moxos, chez les Muchojeonès, macacao; chez 


de 
proie. 


les Itonamas, ococka ; chez les Pacaguaras, {éutéu (téoutéou, prononc. franç.). D’autres 
noms paraissent évidemment dérivés de son cri de colère, comme on peut le voir dans 
celui des Guaranocas, dikiriki, et des Canichanas, mikitip ; tandis que d’autres semblent 
vouloir réunir les deux expressions de chant contractées dans un seul mot, comme le 
nom des Chapacuras, chichéru (tchitchérou, prononc. franc.) ; des Baures, kiyahua 
(kiyahoua, pron. franç.), et des Sarabéca, aritia éché. Les Guaranis le nomment suinda, 
et les Guarayos urucuréa (ouroucouréa, prononc. franç.), mot où l’on retrouve encore 
l'expression de son chant. On voit, par les différens noms de cette espèce, que le chant 
des oiseaux est, le plus souvent, employé par toutes les nations, comme désignation 
spéciale et distinctive; que, selon le génie de leur langage, elles ont cherché, par une 
redondance de sons, reproduits de diverses manières, à exprimer ce qu’elles entendaient 
journellement; fait que nous aurons fréquemment occasion de prouver, surtout pour 
les oiseaux de proie nocturnes dont nous avons encore à parler. 


HIBOU, Otus, Cuvier. 
HIBOU CHOUETTE, Ofus brachyotos, Linn. 


Chouette, Buffon, Enl., 438; Strix ulula, Linn., Syst., ed. 3, gen. 43, sp. 10. 


Otus, albo rufescens, maculis longitudinalibus fuscis varia; remigibus exterius 
rufis, tænüs transversis fuscis varüs, interius albo-rufescentibus ; rectricibus 
rufescentibus fusco transversim striatis. Briss. 


Il est bien singulier que cette espèce se soit rencontrée partout en Amérique; ancien- 
nement connue en Europe, elle a été tour à tour rapportée de l'Amérique du Nord, du 
Brésil, par M. Auguste de Saint-Hilaire; des îles Marianes, des îles Sandwich, du Bengale; 
nous l’avons vue en Bolivia, au Pérou, au Chili, en Patagonie, depuis les plaines jusqu’à 
la hauteur de 14,000 pieds au-dessus de la mer, sur les Andes; de sorte qu’elle paraît 
aussi bien répandue sur les parties chaudes que sur toutes les parties les plus australes 
de l'Amérique méridionale. Nous l'avons aperçue pour la première fois, vers le 42.° degré 
de latitude sud, sur les côtes maritimes de la Patagonie, au-delà du Rio negro; nous 
l'avons retrouvée, ensuite, au Chili, sur les montagnes; et, enfin, encore au sommet 
des Andes, près du Tacora, dans la république du Pérou, et sur tout le plateau élevé 
de la Bolivia. Il paraïîtrait aussi qu’elle existe au Brésil, dans les parties australes. 
Nous devons naturellement en conclure que cet oiseau habite les parties froides, tem- 
pérées et chaudes des plaines de tous les pays qui bordent la mer sur la côte orientale 
de l'Amérique; et, sur le versant opposé des Andes, les montagnes, mais seulement 
jusqu’au 15 degré de latitude. Nous avons déjà fait remarquer que les terrains qui 
couvrent les régions élevées et glacées des Andes, sont absolument dans les mêmes 
conditions que les parties australes de la Patagonie, sous le rapport du froid, de la 
température et de l’aridité du terrain; et, enfin, de l'aspect général, à tel point 


(135 ) 


qu’une personne transportée tout à coup de la Patagonie au Tacora, croirait ne pas Oiseaux 
avoir changé de pays. La raréfaction de Pair seule lui prouverait qu’elle a changé de 
lieu; aussi n'est-il pas étonnant que l’espèce se trouve également dans les deux régions. 
Nous ne l'avons rencontrée que dans les terrains ondulés, ou dans les plaines rocailleuses, 
sablonneuses, arides ou couvertes de hautes graminées; elle se cache quelquefois, 
pendant le jour, au milieu de ces herbes. Le plus souvent, elle dort peu dans la jour- 
née; car on la voit, sans être poursuivie, s'élever du milieu des herbes, s'envoler, planer 
long-temps; puis, aller se poser sur un tertre, sur un petit buisson ou dans les herbes, 
d’où elle repart dès qu’on s’en approche, même de très-loin; et nous pouvons assurer 
qu’elle est beaucoup moins crépusculaire que les autres espèces de sa famille, puisque, 
même dans la journée, elle chasse encore lorsque le soleil n’est pas fort, et paraît y 
voir parfaitement. Elle est toujours seule dans la campagne, où elle marche au milieu 
des herbes; dès que le soleil se couche, avant même que le crépuscule soit arrivé, elle 
commence à la parcourir, faisant, parfois, entendre un chant mélancolique qui rompt 
d’une manière désagréable le silence sauvage de ces affreux déserts; et, là, se met à 
poursuivre les innombrables rongeurs qui peuplent ordinairement ces contrées, faisant 
bien facilement sa chasse habituelle; aussi, le reste de la nuit continue-t-elle à faire 
retentir les échos de ses chants lugubres. 

Ses postures ordinaires sont celles de nos individus d'Europe: son vol est le vol com- 
mun à tous les oiseaux nocturnes, quoiqu’avec plus de rapports avec celui de quelques 
oiseaux diurnes, surtout lorsqu'elle plane en tournoyant au-dessus des plaines à une 
bauteur de 15 à 20 pieds seulement. Elle se perche sur les rochers, sur les tertres, et, 
parfois, sur les grandes plantes ou les petits et rares buissons des contrées qu’elle habite; 
tournant alors continuellement la tête tout autour d'elle, avec inquiétude ou défiance, 
elle répète son cri favori. Au dire des habitans, qui parcourent plus fréquemment ces 
contrées, elle nicherait soit entre les rochers, soit dans des terriers de mammifères. 

Les Espagnols des contrées qu’elle habite, la confondent sous le nom générique de 
lechuza (chouette). 


EFFRAIE, Strix, Sav., Cuv. 


Les effraies d'Amérique ont, en tout, les manières de nos effraies d'Europe. 
Elles aiment les ruines, les églises, les roches, et se trouvent partout, sous 
toutes les latitudes et à toutes les hauteurs. 


EFFRAIE PERLÉE, Sérix perlata, Lichtenst. 
Strix perlata, Licht., Cat., p. 59, n° 613; Tindara, Marcgr., p. 205 ; Effray, d'Azara, Voy., 
vol. IT, p. 1223 Strix perlata, prince Max. de Neuw., t. IT, p. 263, n. 5. 
Valde affinis strici flammeæ, sed tarsis longioribus insignis. 


Cette espèce se trouve partout dans l'Amérique méridionale, au moins l'avons -nous 
rencontrée dans tous les lieux où nous sommes allé : elle se montra à nous à Rio de 


Oiseaux 
de 
proie. 


a ———— 


(156) 


Janeiro au Brésil, à Montevideo et à Maldonado, sur les rives de la Plata, à Buenos- 
Ayres, sur les bords du Rio negro, en Patagonie, dans les provinces riveraines du Pa- 
rana, celles de Santa-Fe, d’Entre-rios, de Corrientes, au Paraguay; nous l’avons vue, 
aussi, dans toute la république de Bolivia, sur les versans des Andes, ainsi que sur les . 
plaines brülantes du centre de cette république; au sein des provinces de Santa -Cruz, 
de la Sierra, de Chiquitos et de Moxos; enfin, en deux mots, depuis le 13.° degré de 
latitude sud jusqu’au 42° degré en longitude; depuis les Andes jusqu’à la mer; en 
hauteur, depuis le niveau de l'Océan jusqu’à 12,000 pieds sur les Andes. Nous avons 
lieu de croire qu’elle se trouve, encore, dans toutes les contrées américaines voisines de 
celles que nous avons visitées; ce qui peut s'expliquer très-facilement. L’effraie paraît ne 
vivre qu'où l’homme a commencé à bâtir des édifices; elle doit donc le suivre par- 
tout, ce qui la fait s'étendre, peu à peu, sur tout le sol américain. Une chose qui nous 
a cependant étonné dans celte espèce, c’est cette facilité même à s'établir en tous lieux; 
en effet, si dans un endroit désert, sans rochers, aux environs duquel il ne peut y avoir 
aucune effraie, endroit souvent séparé des habitations par une très-grande étendue de 
terrains sauvages; si dans un tel endroit, disons-nous, on établit une ville ou seulement 
un grand village, il ne se passera pas deux ans avant qu’un couple d’effraies ne vienne 
prendre possession des nouveaux édifices, sans qu’on sache comment il aura pu s’y 
rendre et franchir l’espace qui le séparait de son nouveau séjour. C’est surtout au milieu 
de ces immenses plaines inondées de la province de Moxos, en Bolivia, que nous avons été 
frappé de cette idée, rencontrant partout des effraies, dans des Missions modernes, sépa- 
rées souvent des autres par une traite de cinquante lieues de marais ou de terrains inondés, 
où l’effraie pouvait difficilement vivre. On doit donc supposer que la nuit elle s'éloigne 
beaucoup de sa demeure habituelle, ou qu’elle voyage plus que ne le font d'habitude les 
espèces d'oiseaux de proie ordinaires; on pourrait encore supposer que les jeunes couples, 
chassés du lieu de leur naissance par leurs parens, dès qu’ils sont en àge de pourvoir à 
leur existence, ne pouvant pas vivre dans le même édifice, ou ne trouvant pas d’édifices 
voisins, errent long-temps dans les campagnes, jusqu’à ce qu’ils aient rencontré un lieu 
habité où ils puissent se fixer. Ces faits expliqueraient peut-être cette migration jour- 
nalière; néanmoins, dans nos voyages, nous n'avons jamais rencontré l’effraie au milieu 
des bois; et, si nous l’avons aperçue loin des habitations, c’est en des endroits où des 
rochers caverneux viennent remplacer les édifices; mais ces localités sont rares, et ne 
pourraient, en rien, expliquer ce qui se passe au milieu des plaines des Pampas, non plus 
que la manière dont vivaient ces oiseaux lorsque, avant la conquête, de simples huttes 
d’Indiens ne leur permettaient pas de faire société avec l’homme, habitant primitif de 
ces contrées. 

Nous ne nous étendrons pas beaucoup sur les mœurs des effraies en Amérique; elles 
sont, en tout, les mêmes qu’en Europe, où ces oiseaux sont connus de tout le monde. De 
même ils se cachent dans les églises, dans les ruines, dans les trous de rochers; de même ils 
sont tellement nocturnes qu’ils ne sortent que lorsque le crépuscule est déjà très-sombre, 
et chassent alors aux petits mammifères, tels que les rongeurs et les chauves-souris. Ils 


( 137 ) 


saisissent aussi quelquefois les jeunes poulets dans les basses-cours. Ainsi que les effraies Oiseaux 
de 


européennes , celles d'Amérique sont craintives, sauvages et bizarres dans leurs postures. 


Elles pondent également quatre à cinq œufs blancs dans les trous de rochers et dans les 
églises; leur cri, encore, est identique; aussi, soit que les superstitions répandues en 
Europe dans la classe peu éclairée, aient été transportées en Amérique, soit que ces 
superstitions appartiennent originairement au pays, on les retrouve partout. Depuis 
l'Espagnol jusqu’à l’Indien, tous craignent d’entendre l’effraie attrister de son chant les 
environs, lorsqu'elle se pose sur leur maison; comme en Europe, ce chant est profondé- 
ment mélancolique, lorsque l’oiseau est au repos; il se change en un sifflement aigu, 
quand il s’irrite ou quand il a peur. 

L’effraie américaine porte une quantité de noms, que nous allons classer d’après leur 
dérivé du chant de crainte ou du chant habituel de l’espèce, en commençant par 
le dernier. Dans la Bolivia, les Chiquitos la nomment osupupuch (osoupoupouche, pron. 
franç.); les Guarañocas, urucoco (ouroucoco, pron. franç.); les Otukès, siniurucucu 
(simiouroucoucou, pron. franç.); les Cucikias, usupupuch. À Moxos, d’autres nations 
lui donnent encore des noms analogues à ce chant : par exemple, elle est nommée, 
chez les Iténes, coromoco ; chez les Pacaguaras, popo ; chez les Movimas, sukunta (sou- 
hounta, pron. franç.). Tous les autres noms qu’elle porte à Moxos ont rapport à son 
cri de colère, ou dérivent de quelques circonstances de sa vie. Elle est nommée, 
chez les Muchojéones, owrropiri; chez les Baures, cacharaké; chez les Itonamas, ocki; 
chez les Cayuvavas, taho; chez les Canichanas, nicha, et chez les Moxas, yusa ou 
huakirina. À Chiquitos elle est aussi nommée, par les Samucus, Airiséna ; par les Saravécas, 
siht-huaré; chez les Kitémocas, chichi (tchitchi, pron. franç.); chez les Paunacas, séku. 
Les nations des Andes ont aussi leurs noms : les Incas ou Quichuas l’appellent chhuisik ; 
et les Aymaras, cchusica, où chuseja, à Yungas. 


DUC, Bubo, Cuvier. 


Caractérisés par une tête surmontée de deux aigrettes de plumes, par le 
disque de la face, qui n’est presque pas apparent, et par les tarses emplumés 
jusqu'aux ongles. Les ducs, en Amérique, sont, pour les mœurs, de véritables 
chevêches, en ce qu'ils habitent constamment les bois épais, loin des habita- 
tions, se perchant sur les arbres seulement, n’allant pas à terre et marchant 
par sauts, lorsqu'on les force à s’y tenir. Ce sont des oiseaux très-nocturnes, 
qui habitent également les régions chaudes, tempérées et froides des deux 
Amériques , à l’est et à l’ouest des Andes. 


GRAND-DUC BARRÉ, Bubo magellanicus. 


Sirix magellanica, Gmel., Buff., Enl. 585; Strix virginiana, Gmel.; Strix punicola, Vieill., 
* Amér., pl. 193 Encycl., t, IT, p. 12282 (var.); Jacurutu, Marcg., Hist. nat. bras., p. 199; 
IV. Où. 18 


Oiseaux 
de 
proie. 


a ————— 


( 158 ) 


le Nacurutu, Azara, n.° XLIL, p. 3, pag. 113 ; Strix nacurutu, Vieill., Encycl., t. IT, p. 1281; 
Sirix nacurutu, prince Max. de Neuw., t. IT, p. 274, n° 7. 


Bubo. Corpore fusco-rufo cinereoque lineato, subtus cinerascente; striis transversis 
Juscis; remigibus rectricibusque fusco striatis. Lath. 


On a réuni, jusqu’à présent, sous la même espèce, le Strix virginiana et le Striz magel- 
lanica, quoiqu’ils soient toujours différens l’un de l’autre. Le premier, plus grand, plus 
foncé, plus tacheté de noir, la bande blanche du thorax moins large, appartient à toute 
l'Amérique septentrionale; le second, au contraire, plus petit, moins tacheté et à collier 
moins large, habite l'Amérique méridionale. 

Nous ne nous occuperons que de cette seconde variété, parce que c’est la seule que nous 
ayons observée en Amérique. Nous l'avons vue, successivement, à la frontière du Para- 
guay, sur les rives du Parana, jusqu’à Buenos-Ayres, et encore bien plus au sud, en 
Patagonie, sur les rives du Rio negro, au 41.° degré de latitude sud. Elle avait été ren- 
contrée, antérieurement, aux îles Malouines, et même près du détroit de Magellan. Azara 
l'avait vue au Paraguay; puis, nous l'avons rencontrée dans la république de Bolivia, 
dans les provinces de Chiquitos et de Moxos, jusqu’au 12.° degré sud. Nous croyons 
donc qu'elle n’habite pas seulement les régions australes, comme on l’a assuré, mais 
qu’elle vit encore depuis la zone torride jusqu'aux régions les plus australes de l'Amé- 
rique méridionale; et, sans doute, depuis le pied des Andes, à l’est, jusques aux côtes 
de l'Océan. Cet oiseau est peu commun; on ne le rencontre que dans les bois, et, 
surtout, dans ceux qui avoisinent les rivières ou les lieux humides, principalement 
dans les plus touffus, voisins de plaines ou tout au moins de clairières. Le jour on le 
voit, le plus souvent, seul, isolé, dormant sur les grosses branches les plus cachées 
des arbres touffus, dans des endroits où le soleil pénètre peu. Nous avons cru remarquer 
qu'il est sédentaire, et qu’il vient souvent au même perchoir de jour, restant ainsi 
long-temps possesseur du même bois; aussi, excepté dans la saison des amours, ren- 
contre-t-on rarement deux de ces oiseaux l’un près de l’autre. Surpris dans leur retraite 
de jour , ils cherchent peu à s'envoler, contens de siffler et de faire claquer leur 
bec, en se balançant d’un pied sur l’autre, sur leur branche; cependant, quand on 
les approche trop, ils s’envolent; mais, éblouis par la lumière du jour, ils se 
dirigent mal et cherchent promptement à se cacher dans le fourré voisin. Il n’en est 
pas ainsi quand le crépuscule est arrivé; alors, 1ls sortent de leur léthargie, s’envolent 
légèrement, et planent, sans bruit, à la lisière des bois ou au bord des marais, s’ap- 
prochant même, quelquefois, des habitations voisines de leur demeure; ils se perchent, 
à chaque instant sur les arbres morts, sur les pieux des parcs à bestiaux; et, chaque 
fois, font retentir les échos des forêts de leurs accens monotones et mélancoliques. Ils 
paraissent mème très-curieux; car nous n'avons pas dormi dans la campagne, auprès 
de leur habitation, sans les avoir vus se percher, à plusieurs reprises, sur larbre 
le plus voisin, comme pour faire retentir les environs de leur chant. Ce chant de rappel 
ou de contentement peut être exprimé ainsi : gracouroutou -tou ; les deux derniers sons 


(139 ) 


long-temps prolongés, et d’un ton nazillard et fort. Un autre de leurs cris s'entend seule- 
ment dans la crainte ou dans la colère; c’est un son aigu et cadencé. Un troisième son, 
accompagné, presque toujours, du claquement de bec, est un sifflement analogue à celui 
qu’on peut produire en serrant les dents. Ces oiseaux, lorsqu'ils sont pris, ont des pos- 
tures un peu moins ridicules que celles de l’effraie; mais ils tournent aussi leur tête 
d’une manière extraordinaire. Blessés , ils se renversent, de suite, sur le dos, comme les 
oiseaux de proie diurnes, et cherchent à se défendre avec leurs serres acérées : ils ne 
marchent pas ou sautillent, lorsqu'on les force à se tenir à terre; car, habituellement, ils 
ne se posent que pour dépecer une proie. S'ils voient peu le jour, la nuit ils paraissent 
découvrir les plus petits objets, et, alors, font une chasse abondante, d'autant plus que 
leur vol est si peu bruyant qu'ils ne réveillent pas les oiseaux qu’ils veulent saisir à l’im- 
proviste, ou qu’ils fondent plus facilement sur les petits mammifères, rongeurs et chauves- 
souris, qui constituent le fonds de leur nourriture; ils se contentent de leur briser la 
tête d’un coup de bec, et les avalent ensuite tout entiers, avec les plumes ou les poils, 
rejelant, subséquemment, en paquets, les os, les poils ou les plumes, qui ne peuvent 
pas se digérer. Ils nichent au plus épais des bois, sur les branches croisées et chargées de 
feuilles. Les naturels nous ont montré un nid voûté, qu’ils nous disaient appartenir à 
cette espèce. Les habitans prétendent qu’elle pond deux œufs blancs, et qu’alors le 
couple est très-aitentif pour la nichée. On élève facilement les petits dans les maisons; 
mais ils finissent toujours par se jeter sur les volailles; ce qui fait qu’on ne les con- 
serve pas. 

Le nom qu’Azara donne à cette espèce, est l’expression de son chant paisible, prononcé 
à l’espagnole et non à la française; car, dans ce dernier cas, il ne serait pas l'expression 
fidèle de ce chant. Nous voulons aussi donner les noms de l'oiseau selon leur dérivé du 
chant paisible, ou du premier sifflement (cri d'alarme). 


Noms dérivés du chant paisible. 


Chez les Puelches des Pampas, 040. 

— — Auraucanos des Pampas, ucutrel (oucoutrel, pron. franç.). 

— — Guaranis, ñacurutu (gnacouroutou, pron. franç.). 

— — Chiquitos de Bolivia, wtamohochich (outamohochiche, pron. franc.). 
— — Samucus de Bolivia, rigoroco. 

— — Otukès de Bolivia, cucu (coucou, pron. franç.). 

— — Morotocas de Bolivia, gogoassaga. 

— — Paunacas de Bolivia, furucuco (touroucouco, pron. franç.). 

— — Guarayos de Bolivia, Aacoroto (gnacoroto, pron. franç.). 

— — Chapacuras de Bolivia, turucoco. 

— — Muchojéonès de Bolivia, tomorokéké. 

— — Itonamas de Bolivia, churupupu (ichouroupoupou, pron. franc.). 
— — Cayuvavas de Bolivia, curuhupu (courouhoupou, pron. franç.). 
— — liénes de Bolivia, {ucu (toucou, pron. franç.). 


Oiseaux 
de 
proie. 


Oiseaux 
de 
proie. 


( 140 ) 
Chez les Pacaguaras de Bolivia, popoha. 
— — Movimas de Bolivia, {ucuco (toucouco, pron. franç.). 
— — Canichanas de Bolivia, nichupégucuru (nichoupégoucourou, pron. franç.). 


Noms dérivés du sifflement. 


Chez les Patagons ou Téhuelches, maméké. 

— — Botocudos du Brésil, kékégnocgnou. 

— — Guarañocas de Bolivia, dikérikr. 

— — Poturéros de Bolivia, #rikr. 

— — Sarabécas de Bolivia, szkr. 

— — Kitémocas de Bolivia, #huico (ïhouico, pron. franç.). 
— — Paiconécas de Bolivia, #aka. 

— — Moxos de Bolivia, chnchiri (ichinthiri, pron. franc.). 


Deux dénominations seulement ont peu de rapports avec les chants : ce sont le 
nom des Baures de Moxos, qui appellent cet oiseau bocaya; et le nom des Bocobis du 
Chaco, chez lesquels il est nommé cagnorec. Il est à remarquer que, parmi tous ces 
noms, qui expriment si bien les différentes inflexions du chant de cette espèce, celui 
que lui donnent les Chiquitos, utamohochich, et celui que lui donnent les Muchojéonès, 
tomorokéké, expriment, en même temps, ces deux chants réunis. 


( 141 ) 


SECOND ORDRE. 
PASSEREAUX, Passeres. 


Passeres, Linn., Lath.; Passereaux, Cuv., Lacép., Dumér.; 4mbulatores, Ilig.; 
Insessores, Vig. 


Nous allons nous occuper de la série la plus nombreuse des oiseaux 
américains, des passereaux, si souvent ornés de couleurs brillantes; de ces 
oiseaux dont le plumage diapré, si varié dans ses teintes, fait l’ornement des 
zones chaudes; de ces êtres sémillans et légers qui couvrent, de leurs innom- 
brables familles, les coteaux et les plaines ou font retentir les campagnes 
de leurs mélodieux accens. 

Les généralités que nous avons à présenter sont d’autant plus importantes 
qu'elles roulent sur un total de 395 espèces, nombre beaucoup plus élevé 
que celui des passereaux d'Europe; aussi pourront-elles servir de base à toute 
comparaison qu'on voudra établir entre l’hémisphère boréal et l'hémisphère 
austral, sur cette partie de l’ornithologie. Nous considérons d’abord, compa- 
rativement, le nombre des espèces que présentent les diverses localités de 
PAmérique méridionale, dans leurs différentes zones de latitude et de hauteur 
au-dessus du niveau de la mer, sans avoir égard aux distinctions de familles 
et de genres, que nous traiterons ultérieurement. 

Commençons par diviser les régions de l'Amérique méridionale, que nous 
avons visitées, À.” en trois zones de latitude”, pour lhémisphère austral : 
la L°, du 11. au 28.° degré; la IL.°, du 28.° au 34.° degré, et la LIL, du 34. 
au 45." degré; 2.” en trois zones d'élévation au-dessus du niveau de la mer, 
entre les tropiques du Capricorne et la ligne, celles-ci correspondant, en tout, 
aux zones de latitude : la L.", de 0 à 5,000 pieds; la IL°, de 5,000 à 11,000 
pieds, et la IIL.°, de toutes les hauteurs supérieures à 41,000 pieds. 

Nous allons, successivement, faire connaître le nombre des espèces propres 
à chacune de ces zones en particulier. 

Au lieu de diviser en zones d’élévation toutes les régions comprises entre 
le 11° et le 28.° degré de latitude sud (notre IL." zone en latitude), nous 
pouvions les confondre, sans tenir compte ni de la décroissance proportion- 


1. Nous avons déjà fait connaitre cette division dans nos généralités relatives aux oiseaux de 
proie. (Oiseaux, p. 4 et 5.) 


(142) 


ras nelle de la chaleur, à mesure qu’on s'élève sur les plateaux des Andes, ni 


reaux, 


des modifications qu'apporte à la végétation et aux moyens d'existence des 
êtres, cette plus ou moins grande hauteur, qui crée, sous la zone torride, 
des terrains absolument analogues à ceux des régions glacées de extrémité 
sud de l'Amérique méridionale. Dans ce cas, nous aurions dû réunir aux 
oiseaux propres aux immenses plaines boisées, les oiseaux particuliers aux 
montagnes, et, dès-lors, y faire figurer presque tous les passereaux que nous 
avons observés; car, sur nos 395 espèces, 354 y peuvent vivre, et il ne 
resterait plus, aux zones plus méridionales, que #1 espèces étrangères, au 
15.° degré de latitude, par exemple. Aussi, avant de parler des autres zones 
en latitude, croyons-nous devoir faire connaître la répartition des 354 espèces 
de la premiere, selon les zones d’élévation qu’elles habitent, et qui correspon- 
dent parfaitement aux zones en latitude. 


Des plaines du 11.° au 28.° degré sud (IL. zone de latitude). . . . . 189 espèces. 
Des montagnes élevées de 0 à 5,000 pieds (L." zone d’élévation) . . . 32  — 
Espèces qui se trouvent, en même temps, dans ces deux zones . . . 51 — 
Des montagnes élevées de 5,000 à 11,000 pieds au-dessus du niveau de 

la mer (IL. zone d’élévation) , qui correspondent, par leur tempéra- 

ture, à la IT.” zone de latitude, du 28.° au 34. degré sud. . . . . 60 — 
Des montagnes élevées de plus de 11,000 pieds au-dessus du niveau de 

la mer (IL. zone d’élévation), qui correspondent, par leur tempéra- 

ture, à la III. zone de latitude, du 34. au 45° degré sud. . . . 22 — 


Total égal . . . . . . 354 — 


1." zone de latitude (du 11.° au 28.° degré sud). 


Cette première zone offre 240 espèces. En comparant ce nombre avec celui 
de 395 (totalité des espèces observées), nous avons été étonné de le voir en 
former presque les deux tiers, ce qui est réellement énorme, mais, néanmoins, 
n'a rien de surprenant, lorsqu'on réfléchit que c’est dans cette zone que la 
nature varie le plus; que la végétation y déploie toute sa grandeur, toute 
sa force, que des myriades d'insectes y prennent naissance, comme pour ali- 
menter cette multitude d'oiseaux insectivores, formant plus des deux tiers des 
passereaux; tandis que extrême variété des graines et des fruits permet aux 
autres d'y trouver aussi une nourriture abondante. Sur les 240 espèces, DA 
vont également sur les montagnes qui n’excèdent pas en hauteur 5,000 pieds 
au-dessus du niveau de la mer, parce qu’elles y rencontrent les mêmes moyens 


(143) 


d'existence; de sorte qu’il reste 189 espèces de passereaux propres aux plaines Passe- 


reaux. 


de cette premiére zone. 


IL.° zone de latitude (du 28.° au 34.° degré sud). 


Nous avons rencontré, dans cette zone, 72 espèces, nombre qui montre 
combien elles diminuent, à mesure qu’on s’avance vers le Sud; en effet, il 
n’est, comparativement au nombre total des espèces observées, que d’un peu 
plus du cinquième, et que d’un peu plus du tiers, comparativement à celui 
de la première zone. Cette grande diminution vient du changement de la 
nature des terrains... Plus de forêts épaisses, de plaines si variées par leur 
végétation : le sol de cette zone prend un aspect uniforme; le nombre des 
plantes, et, par suite, celui des insectes qui les courtisent, a diminué d’une 
manière plus tranchée que la disproportion trouvée entre la première zone 
et celle-ci. De ces 72 espèces, 29 se rencontrent également au 15.° degré 
de latitude, sur les montagnes élevées de 5,000 à 41,000 pieds au-dessus du 
niveau de la mer (notre IL.° zone d’élévation), qui, en raison de leur tempéra- 
ture et du changement qu’elle amène dans la nature entière, correspondent, 
en tout, à la latitude de cette zone. Il ne reste donc plus que 43 espèces 
spéciales à cette latitude. 


TL. zone de latitude (du 34.° au 45.° degré sud). 


Le nombre des espèces diminue encore plus rapidement dans cette zone; 
elles ne s’y élèvent qu’à 37, et ne sont plus, comparativement au nombre 
total, que de près d’un onzième; à celui de la L." zone, que d’un peu moins 
d’un septième, et à celui de la IL.°, de la moitié. Cette diminution est encore 
une suite des changemens comparatifs qui se sont opérés dans la végétation 
sous cette latitude: un hiver rigoureux, une nature stérile, ou, du moins, 
plus uniforme encore que sous lautre....; de là, diminution de ressources 
pour tous les êtres. En général, la diminution du nombre des espèces d’oi- 
seaux passereaux, suit, dans chaque localité, celle du nombre des plantes et 
des insectes, et ces derniers gardent, toujours, dans leur quantité, une 
proportion relative à celle des végétaux; aussi les oiseaux insectivores et 
granivores doivent-ils devenir d'autant plus rares, qu'on se rapproche 
davantage des régions froides. Des 37 espèces de passereaux de cette zone, 
on s'étonne, malgré léloignement du 15.° degré, d’en rencontrer encore huit 
qui se trouvent, également, sur les montagnes élevées de plus de 11,000 
pieds au-dessus du niveau de la mer (notre IIL.° zone d’élévation); ce qui 


(144 ) 


Pae- prouve encore que les changemens qui ont eu lieu dans la nature, en mar- 


reaux. 


chant de la zone torride vers le pôle, se sont reproduits en s’élevant du niveau 
de la mer sur les montagnes, dans Îles régions équinoxiales; et que lanalogie 
de température y a créé, pour eux, des moyens d'existence analogues. Il ne 
reste donc plus que 29 espèces spéciales à cette zone. 

Nous avons vu le nombre des espèces de passereaux diminuer successive- 
ment, en marchant de la zone torride vers le pôle sud, et suivre, en cela, 
la diminution graduelle de la variété des plantes et des insectes. Nous allons, 
maintenant, examiner, comparativement avec les zones de latitude, le nombre 
d'espèces observées dans les trois zones de hauteur, qui, ainsi que nous 
l'avons dit, leur correspondent le plus exactement possible. 


L"° zone d’élévation (de 0 à 5,000 pieds au-dessus du niveau de la mer, au 
45.‘ degré de latitude sud). 


La totalité des espèces que nous y avons rencontrées ne s'élève qu’à 83’, 
qui, comparées au nombre des espèces observées, est d’un peu plus d’un 
cinquième; et à celui de la L." zone de latitude, à peu près le tiers. Ainsi, 
les montagnes boisées et chaudes n’offrent pas aux passereaux autant de moyens 
d'existence, que la grande variété de terrains qui caractérise les plaines, où 
des marais, des buissons, donnent naissance à une multitude d’insectes divers, 
auxquels la grande humidité des impénétrables forêts des montagnes n'offre 
pas autant de conditions propices. Des 83 espèces, 51 descendent également 
sur les plaines; de sorte qu’il n’en resterait plus aux montagnes des régions 
chaudes que 32, ce qui est bien peu, comparativement au 189 propres aux 
plaines des terres équatoriales. 


IL° zone d'élévation (de 5,000 à 11,000 pieds d’élévation au-dessus du niveau 
de la mer, au 15.° degré de latitude sud). 


Nous y avons rencontré 60 espèces, ce qui est, à peu près, le sixième des 
passereaux observés ; comparativement à la I." zone d’élévation, les trois 
quarts, et à la IL.° zone de latitude, qui lui correspond, moins d’un douzième. 
Ces comparaisons montrent que, sil y a peu de rapports entre la diminution 
graduelle des nombres des deux premières zones de latitude et d’élévation, il 
y en a un très-grand entre les nombres de cette zone et les nombres de la zone 


1. Ce nombre augmenterait beaucoup, si nous y réunissions les espèces de passereaux de la 
province de Chiquitos ; mais nous croyons devoir considérer celles-ci comme propres aux plaines, 
où elles se trouvent toutes. 


( 145 ) 
de latitude qui lui correspond; ce qui devait être.... Car les changemens  pase- 
indiqués dans la nature des terrains, entre la I." et la IL." zone de latitude, ont Lo 
lieu sur les montagnes, comme le prouve lexistence simultanée de 29 espèces 
sur 60, dans cette zone et dans la IL.° de latitude. IL ne reste donc plus, à 
celle-ci, que 31 espèces propres aux montagnes. 


IIL.° zone d’élévation (de plus de 11,000 pieds au-dessus du niveau de la 
mer, au 45.° degré de latitude australe). 


Cette zone nous a encore offert 22 espèces, nombre qui, comparé à celui 
des espèces observées, n’en est que la dix-huitième partie; et la IIL. zone en 
latitude, qui lui correspond, n’en présente que les quatre sixièmes. De ces 
22 espèces, 8 se rencontrent aussi du 34. au 45. degré de latitude sud , dans 
notre IT. zone en latitude; ce qui montre encore, évidemment, que, sous les 
tropiques, l'élévation fait subir, aux terrains des montagnes, des modifications 
susceptibles d'y réunir, en faveur des oiseaux, des conditions d'existence 
égales à celles de la Patagonie. En conséquence, il ne reste plus que 14 espèces 
propres aux montagnes élevées. Ts 
= Ce qui précède démontre l'unité de moyens d'existence que présentent 
nos zones de hauteur et nos zones en latitude; puisque non-seulement toutes 
les espèces qui y vivent sont voisines, entre les zones qui se correspondent, 
mais encore que plus du tiers des espèces des montagnes sont identiquement 
les mêmes que celles des latitudes plus australes. Ceci se conçoit sans peine; 
car la loi de distribution géographique des êtres sur notre globe est l’unité 
de la température, et surtout des moyens d'existence; ainsi, la plus ou moins 
grande élévation des montagnes, amenant, par la raréfaction de air, un 
changement semblable à la décroissance de chaleur qu’on remarque en mar- 
chant de la ligne vers le pôle, on devait s'attendre à trouver, dans ces loca- 
lités, la nature entière soumise à cette loi. Les plateaux des Andes, du 15.° 
au 23.° degré de latitude australe, offrent, en effet, avec la Patagonie, pour 
la végétation et pour les différentes classes d’êtres qui les habitent, une iden- 
tité d'aspect réellement remarquable. Mêmes genres de plantes, mêmes genres 
de mammiferes, d'oiseaux, de reptiles, d'insectes. Cette identité de produits 
et de température devait amener, sur les plateaux des Andes, malgré l'énorme 
distance de vingt-deux degrés en latitude, ou de 440 lieues marines, qui les 
sépare de la Patagonie, des animaux de même espèce; c’est ce que nous venons 
de démontrer pour les passereaux. 

La décroissance graduelle du nombre des espèces, en marchant des régions 


IV, Où. 19 


( 146) 


Pass chaudes vers le pôle sud, ou en montant du niveau de la mer jusqu'aux 
"7" sommets des montagnes, au 15.° degré de latitude sud, peut être comparée, 
comme nous l'avons déjà fait aux généralités sur les oiseaux de proie”, à une 
division de la totalité des espèces en trois séries : 4.” les espèces des plaines et 
des montagnes boisées et humides; 2.° les espèces des plaines buissonneuses 
ou sèches; et 3.” les espèces des montagnes élevées et sèches. 
Nos espèces ainsi divisées, la première série nous présentera le chiffre 
291, qui est près des trois quarts de la généralité des espèces observées; la 
seconde, le chiffre 109, c’est-à-dire beaucoup plus du tiers de la première, et 
la troisième, le chiffre 85, ou un peu plus du quart de la même série. 
Le tableau suivant offre, en résumé, l'échelle comparative de nos trois 
systèmes de distribution, et de diminution graduelle de nos 395 espèces de 
passereaux. ? 


A ZONES 
NUMER 
LEA L 
Ù D ELEVATI 
dE DE LATITUDE SUD FE F à + Du D’HABITATION , Nes 
€$  l'au-dessus du niveau dela mer| des : des 
ZONES. (échelle des degrés). espèces. | (au 15.€ degré de latitude sud). | espèces. selon la nature des terrains. | espèces. 
I Du 11° au 28.°........ 240 | De o à 5,000 pieds...... 83 | Plaines et montagnes boisées.| 291 
Il.‘ Du 28. au 34.%.......-. 72 | De 5,000 à 11,000 pieds. .| 60 | Plainesaridesetbuissonneuses| 109 
ITT- 1 Du 34 Pau 45e ne 37 | A plus de 11,000 pieds ...| 22 | Montagnes élevées. . ...... 85 
Total des espèces des mon- 


Total des espèces des plaines.”| 349 tagnes AE UE 165 


Ainsi, il y aurait 349 espèces des plaines, et seulement 165 espèces des 
montagnes; ce qui confirme ce que nous avons dit plus haut, que les mon- 
tagnes, en général, n’offrent pas, en Amérique, autant d’espèces distinctes 
que les plaines, surtout sous la zone torride. 

Nous avons déjà fait remarquer que l'habitation simultanée d’espèces iden- 
tiques sur les plateaux des Andes et dans les plaines australes, n’était due 
qu'a une similitude exacte de température et de terrains. Nous insistons sur 
ce fait; car l’analogie des terrains exerce la plus grande influence sur lhabi- 
tation de beaucoup d'animaux ; et nous trouvons, même parmi nos passereaux, 


1. Voyez Oiseaux, page 7. 
2. Ilest bien entendu que le nombre est augmenté de toutes les espèces qui se trouvent dans 
plusieurs zones à la fois. 


(147) 


quelques espèces qui, sans égard pour la différence des températures, suivent  Passe- 
cette analogie ‘dans les plaines, depuis la zone torride jusqu'en Patagonie; 7 
dans les montagnes du sommet des Andes, sous les tropiques, jusqu’au niveau 
de la mer; ou, encore, au sein des plaines et sur les montagnes, de toutes les 
zones, pour peu qu'ils y trouvent leurs conditions d'existence. À lappui de 
ce fait, nous pouvons citer : 1.°, pour la première série, le Fluvicola perspi- 
cillata, qui parcourt les plaines inondées, depuis les rives du Rio negro en 
Patagonie, jusqu'aux marais brûlans de la province de Moxos; le Pepouza 
polygelotta, le Furnarius rufus et V Anumbius vulgaris, qui, au contraire, 
cherchent les pays couverts de buissons, depuis la Patagonie jusqu’à la zone 
torride; 2°, pour la seconde série, le Muscisaxicola ruficeps, qui, au 15.° 
degré, habite, également, les sommets des Andes ou les rivages de la mer, pour 
peu que les terrains y soient secs et arides; et, enfin, 3.°, pour la troisième 
série, le Muscisaxicola mentalis, habitant toutes les zones de montagnes 
sous les tropiques, ainsi que les bords de la mer et la Patagonie, où ils 
recherchent les terrains secs et stériles ; lAÆnthus fulvus, marchant au bord 
des eaux, aussi bien au sommet des Andes que sur les marais de la Pata- 
gonie et sur ceux des plaines chaudes; tandis que le Certhilauda commu- 
nis, Nob., préfère, par toutes les températures de hauteur et de latitude, 
les plaines sèches, couvertes de parties stériles et de quelques graminées. 
Après avoir cité ces espèces comme indifférentes à la température, et ne 
cherchant que lanalogie des terrains, nous croyons devoir faire remarquer 
qu’elles font seulement exception à la règle générale; car le plus grand nombre 
des espèces sont circonscrites dans des limites plus ou moins larges, qui, le 
plus souvent, rentrent dans les zones fixées. Il sera facile de se convaincre 
du fait, en comparant, dans le tableau suivant, l’ensemble des espèces obser- 
vées à celui des exceptions. | 


Espèces communes à toutes les zones de température 1 . . . . . . . . . . 14 
Espèces communes à la If.° et à la II.° zone de température . . . . . . . 18 
Espèces communes à la [" et à la Il." zone de température. . . . . . . . 24 
Espèces propres à nos zones de température déterminées. . . . . . . . . 339 

Total égal au nombre d’espèces observées. . . . . . 395 


Ainsi, sur la totalité, il n’y aurait qu'un septième, à peu près, des espèces 


1. Ayant admis, en fait, la correspondance des zones d’élévation à celles de latitude, nous con- 
fondons les espèces dans ces sommes, sans tenir compte de leur habitation sur les montagnes ou 
sur les plaines. 


(18) 


Passe- observées, non circonscrit dans nos zones d’élévation ou de latitude, qui se 


reaux. 


correspondent. 

Si, maintenant, nous voulons comparer, entr’eux, les chiffres des espèces 
propres aux deux versans des Andes, sans avoir égard aux différentes zones 
de latitude ou de hauteur, nous trouverons, avec surprise, 374 espèces sur le 
versant oriental; tandis que, sur le versant occidental, nous n’en rencontrons 
que 46, nombre qui n’est que le huitième du premier. Vingt-cinq espèces pas- 
sant également des deux côtés des Andes, il n’en reste plus, à l’est, que 252, et 
20, à l’ouest. Cette énorme disproportion est encore un effet du changement 
que les vents régnans, venant du Nord-Est, arrêtés par les Andes, produisent 
dans la nature entière. À l’est, sous la zone torride, des montagnes couvertes 
d’impénétrables forêts, où des pluies bienfaisantes alimentent continuellement 
une végétation des plus active; au pied de ces montagnes, des plaines cou- 
vertes de forêts, tantôt entrecoupées de bouquets de bois et d’espaces libres, 
tantôt noyées de marais. À l’ouest, par la même latitude, quel contraste! 
les montagnes montrent à peine soit quelques buissons, soit des cactus rabou- 
gris, qui croissent entre des rochers secs et arides, où jamais il ne pleut: 
plus bas, presque plus de végétation naturelle; des torrens, dus à la fonte 
des neiges des pics élevés, et qui, divisés à linfini, font croître des plantes 
européennes transportées. On sent quelle modification cette différence si 
remarquable de terrains” doit apporter aux moyens d’existence des passe- 
reaux; néanmoins le Chili offre, sous ce rapport, moins de disproportion avec 
l'est, que n’en présente la côte du Pérou. En général, les espèces des régions 
chaudes du versant occidental ont plus de rapport avec les espèces des mon- 
tagnes ou des zones méridionales, qu'avec celles des zones chaudes qui leur 
correspondent, à l’est des Andes. | 

Nous allons, actuellement, donner le chiffrecomparatif des passereaux de 
points déterminés, et éloignés les uns des autres en latitude, à l’est et à 
Vouest des Andes, pour qu’on puisse juger des espèces propres à chaque 
localité. 


1 Nous ne doutons pas que, vers Guayaquil, l’ornithologie ne soit beaucoup plus riche, 
la végétation y étant rendue à sa vigueur tropicale; mais, comme nos observations ne vont pas 
au-delà du 11. degré, nous ne pouvons établir de généralités que de cette région vers le Sud. 


(149) 


Passe- 


VERSANT ORIENTAL. VERSANT OCCIDENTAL. Le 


Patagonie, du 40.° au 42.° degré de 


Rttude sud PP OR DIRES DOUES IR lee ee eos ee + se + ss à 
Buenos-Ayres et Montevideo , du 34.° Valparaiso , au Chili, au 34.° degré de 

au 35." degré de latitude australe. 20  — lattade Suds". 28 espèces. 
Bolivia et Corrientes, du {1.° au 28.° | 

degré de latitude australe, sans Pérou (Arica et Lima) du 11.° au 18.° 

distinction de hauteur . . . . . 354 — degré de latitude sud . . . . . . 29 — 


Prenons, parmi ces localités , les points extrêmes, à l’est et à l’ouest des 
Andes, pour établir, comparativement, l’analogie qui peut exister entre les 
espèces de passereaux qui les habitent, ainsi que celles qui appartiennent, 
également, à des zones de latitude plus chaudes, ou aux différentes zones 
d’élévation sur les montagnes. 


Patagonie, du 40° au 42° degré de latitude sud. 


Espèces qui se trouvent également à Valparaiso, au Chili. . Le. 3 
— — — à Valparaiso, au Chili, et en Bolivia (IL. zone de été) 2 
— — — à Valparaiso, au Chili,et en Bolivia (III. zone dehauteur) 3 
_ — — à Valparaiso, au Chili, eten Bolivia (III. zone de hauteur), 

ainsi qu’à Corrientes. . . . . 4 

_— —_ — à Valparaiso, au Chili, et au Pérou. . . . . . . 1 
— — — sur la Il." zone de hauteur, en Bolivia . . . dc D 
_— — — sur la Il. zone de hauteur, en Bolivia et à Buenos-Ayres. 4 
— — — sur la 1." zone de hauteur, en Bolivia et à Buenos-Ayres. 3 
— — + À DUEDOS-AYIES . on. à sue + + + à» + + + à 2 
Espèces propres seulement à la Patagonie. . . . 0 
37 


Ainsi, sur 37 espèces, 13 se trouvent également au Chili, dans la même 
zone de latitude; et 21 dans les différentes zones de hauteur correspondantes 
en Bolivia. 


Valparaiso , au Chili, au 33 degré de latitude sud. 


Espèces qui se trouvent en Patagonie. . . . ne FN TE 3 
— — — en Patagonie et en Bolivia (in zone de hauteur) . . . 4 
— — — en Patagonie et en Bolivia (1IL.° zone de hauteur) et Bue- 

HOSANEOS LS RS Nc orbes 2 
À reporter. 9 


1. Ilest bien entendu que ces chiffres sont donnés sans déduction des espèces qui se trouvent 
simultanément dans plusieurs localités, 


Passe- 
reaux. 


( 150 ) 


Report . . 9 

Espèces qui se trouvent en Patagonie et en Bolivia (II. zone de hauteur) et à 
Buenos-Ayresate AO RP Enr 3 
— — — en Patagonieiettau1Pérou.2 0e nee 1 
_ — — en Bolivia (IL. zone de hauteur). . . . . . . . . . 1 
— —— —" ‘au Péronne, DR SM NE TER 
— — + y, À BUCNOS AVES ES PU. 00) 72 RP RE 1 
Espèces propres au Chili; "2 20. 0e CN RENE 
30 


Ainsi, sur 30 espèces chiliennes, 13 se trouvent aussi en Patagonie, dans 
la même zone de latitude, et 10 dans les différentes zones de hauteur cor- 
respondantes, en Bolivia. 

Sur les 28 espèces de passereaux observées au Pérou, 10 lui sont propres, 
et ne se trouvent pas ailleurs. 

Nous allons, maintenant, passer, successivement, en revue tous les genres de 
passereaux que nous avons observés dans l'Amérique méridionale, depuis 
les zones glacées jusqu'aux plus chaudes, et depuis le niveau de la mer Jjus- 
qu'aux sommets élevés des Andes, en indiquant, pour chacun, les limites de 
latitude et d’élévation sur les montagnes, tout en cherchant à fixer, d'apres 
nos propres observations, les régions spéciales qu’ils habitent dans l'Amérique 
du Sud. 

Nous avons pensé que le meilleur moyen de faire juger, d’un seul coup 
d'œil, de la distribution géographique des passereaux sur le sol américain, 
était de présenter, dans un tableau, les limites d'habitation de chaque genre, 
ainsi que le nombre par genre et par famille des espèces que nous avons 
observées, ce qui permettra de réunir, en un seul cadre, toutes les généralités 
qui doivent précéder chaque division, dans la description des espèces, et 
pourra donner, en même temps, une idée de la classification que nos obser- 
vations sur les mœurs nous ont fait adopter, classification des plus naturelle, 
puisqu'elle repose sur l’analogie des habitudes et du genre de vie avec les 
caractères zoologiques. 


DENTIROSTRES. 


Section A. 4 bec comprimé. 


Section B. 4 bec déprimé. 


( 


151 ) 


TABLEAU COMPARATIF 


De l'habitation, en latitude et en élévation au-dessus du niveau de la mer, à l'esi 
et à l'ouest des Andes, des Passereaux que nous avons observés dans l'Amérique 
méridionale ; montrant, aussi, le nombre des espèces de chaque genre et de chaque 
famille, ainsi que la classification que l'étude de leurs mœurs nous a déterminé 


à adopter. 


CLASSIFICATION 


DES 


PASSEREAUX. 


f_ I." Famille, 
| Laniadées. 


IL.° Famille. 


IV.‘ Famille. 


V.® Famille, 
Sylviadées. 


VI.‘Famille, 


VIT. Famille. 


Pipradées. 


IT. Famille. 
Rhinomydées. 


Turdusinées. 


Tanagridées. 


VIII. Famille. 
Coracinées. 
IX.‘ Famille, 
Ampélidées. 


| 


Myothérinées. | 


l 


| 
| 
| 


Dumicoles... 


Sylvicoles.... 
Dumicoles ... 
Arundinicoles 


Sylvicoles.….. 


Dumicoles ... 


Humicoles . .. 


Sylvicoles.... 


Dumicoles . .. 


00... 


| 


NOMS 
DES GENRES 


DES SOUS - GENRES. 


ET 


se. 


Thamnophilus. . 


Formicivora.... 


Myrmothera.... 


Humicoles . | Conopophaga.… 
{ Myothera. ..... 


Rhinomya 


Synallaxis 


Pteroptochos... 
Turdus 
Orpheus. 0.7 


Donacobius . ... 


..... 


Troglodytes. ... 


Anthus 


Euphonia 


Tanagra 


es. 


Tachyphonus.. . 


see 


Pyranga 


Ramphocelus... 


Embernagra.... 


Saltator 
Phytotoma..... 


Rupicola....... 


Pipra 


0... 


HT OU CO UOOR Cephalopterus. . 


Querula 


D DOC 0 LOGE Ampelis....,.. 


res ter HÉTSINA.......- 


LIMITES D’HABITATION DES GENRES 


| des 
NT en élévation en Tres 
ou [en tetinde [picard PP 
à ouest | australe [de Joue Nes 
des Andes, tude australe. | 827765. 
E. |11°au 28°/0 à 5,000| 1 | 
E. [11° au 28°|0 à 5,000 1 
E. {11° au 32°10 à 7,000! 13 
E. |11° au 18°|0 à 6,000[ 6 
OR à LE 08 La RS Aer 3 
E. |ff°au 23°/0 à 5,000 3 
BR RIMau 25 2 
E. |41° au 45° Î | 
O0. 133” au 53°|. . . . Â 
E. et O.111° au 45°|0 à 11,000 5 
E. et O.|11° au 45°|0 à 11,000 5 | 
E. 11° au 28°). - te 2 
E. et O.[11° au 28°/0 à 5,000! 5 
1508) PETER RENE 1 
E. |f1° au 23°/0 à 5,000 4 
E. et O.111° au 45°0 à 11,000! 15 
E. et O.]11° au 45°10 à 11,000 7 
E. et O.]11° au 45°0 à 18,000 5 
E. |11° au 23°/0 à 5,000 3 
E. |{1° au 28°/0 à 5,000 6 
E. |11° au 28°/0 à 5,000 Â 
E. et O.|11° au 34°10 à 11,000! 14 
E. 11° au 28°,0 à 5,000 2 
E. {11° au 23°10 à 5,000 Î 
E. |1{1° au 43°10 à 8,000 4 
E. |{1{1° au 34°10 à 11,000 9 
E. et O.111° au 34°,5 à 11,000 3 y 
E. |11°au 18°/0 à 5,000! 1 | 
En 1APau 2870, 2 
1 0 à 5,000! 1 | 
He attaan 20) Î 
E. |11° au 28°/0 à 5,000 3 | 
Er /TiRau 252) 27 1 


Nombre | Nombre | 


des 
espèces 
des 


familles. |} 


27 | 


37 


Passe- 


rcanx. 


Passe- 
reaux. 


Nombre 


LIMITES D’HABITATION DES GENRES] Nombre 
CS des des 


à l’est 


NOMS 
DES GENRES 
ET ou 


DES SOUS-GENRES. 


CLASSIFICATION 
DES 
PASSEREAUX. 


en élévation en 
pieds au-dessus 
du niveau de la 
mer, au 15.° 
degré de lati- 
tude australe. 


Repoñe 138 
11° au 23° 


11° au 23° 
11° au 45°10 à 
11° au 28°|0 
.[11° au 34°10 à 
11° au 34°10 à 


espèces | espèces 


en latitude 


à l’ouest des des 


des Andes. 


australe. 


genres. | familles. 


Psaris 


Pachyrhynchus. 
Sylvicoles..….. D 


Hirundinea . ... 
Muscipeta...... 
Muscicapa 


: Alecturus 
X.° Famille. 


Muscicapidées . 
Dumicoles ... .[11° au 45°|0 à 11,000 
11° au 23° 
11° au 45°|0 à 11,000 
18° 
.(11° au 45°10 à 18,000 
.[11° au 45°10 à 18,000 
11° au 28° 


Gubernetes .... 

Fluvicola 

Muscigralla .... 
* | Pepoaza 


Muscisaxicola.….. 

[."° Famille. 

Caprimulgi- 
dées. 

Il.° Famille. 

Hirundinées. 


Nyctibius 
FISSI- 
ROSTRES 


Caprimulgus sit 
Hirundo 
Cypselus.......1lE. 


[11° au 45°{0 à 18,000 
[11° au 23°{0 à 18,000 


CONI- 


TÉNUI- 
ROSTRES 


TU, | 


Sturnidées. 
IL." Famille. 
Certhidées. 


IL. Famille. 
Sittadées. 


III.° Famille. 


Uppucerthi- 
dées. 


IV. Famille. 


Cæœrébidées. 
V.® Famille. 


I. Famille. 

Alaudinées. 

I1.° Famille. 

Fringillidées. 

ROSTRES 

I. Famille. | 
Corvidées. 

IV.‘ Famille. 


.Trochilidées. 


| 


Dumicoles et 


Graminicoles. 


Sylvicoles.... 


Sylvicoles.... 


Graminicoles . | 


Grimpeurs... 


Dumicoles ... 


Certhilauda . ... 


Emberiza 


Pitylus 
Pyrrhula 
Garrulus 
Cassicus 
Icterus 


Xenops 
Anabasitta 


Furnarius 


Uppucerthia..….. 


Cæœreba . 


Ornismya 
Prionites 
Alcedo 


.111° au 23°10 à 


Sturnella ...... E. 
| Dendrocolaptes . 


[11° au 45°|0 à 18,000 


11° au 34°/0 à 13,000 


[11° au 45°l0 à 18,000 


11° au 45°|0 à 11,000 
11° au 23°/0 à 11,000 
11° au 28°0 à 9,000 
5,000 
5,000 
5,000 


11° au 28°/0 à 
11° au 28°10 à 


[11° au 45°l0 à 18,000 
[11° au 45° 


11° au 28°10 
11° au 28°10 
11° au 28°10 
11° au 45° 
11° au 45°[0 
11° au 34°10 à 


.[11° au 45°10 à 18,000 


11° au 28°|/0 à 5,000 
11° au 21°/0 à 7,000 


.[11° au 34°10 à 11,000 


11° au 28°/0 à 11,000 
11° au 23°/0 à 5,000 


.[11° au 34°|0 à 8,000 


D 
ND Or © © O0 Or = 


à» ® à © À NN D 


= = 
© D 


D D 4 = © à à D 


D 


LT À 


(155) 

Nous n'avons jusqu’à présent considéré les oiseaux passereaux que d’après 
le nombre des espèces réparties dans nos diverses zones d'habitation, sans 
distinction de famille ni de genre; mais, après avoir fait connaître, dans le 
tableau, l’ensemble de ces familles et de ces genres, nous ne pouvons nous 
dispenser d’en tirer les déductions qui se présentent naturellement à nous. 

La première est la comparaison des familles que nous avons observées 
dans l'hémisphère austral, avec celles de notre Europe. Elles se divisent en 
deux séries distinctes : 4”, celles qui sont communes à l’ancien et au nouveau 
monde; et 2.°, celles qui sont spéciales à l'Amérique méridionale. 

Dans la première série, les Laniadées ou Pies-grièches nous offrent un très- 
petit nombre d’espèces. Les Turdusinées ou les Merles s’y présentent en nombre 
à peu près égal à ceux de l’Europe; mais il n’en est pas de même des Syl- 
viadées ou Becs-fins, qui, comparativement, sont bien plus variés en espèces, 
en Europe, que dans les pays que nous avons visités; tandis que le contraire 
a lieu pour les Muscicapidées ou Gobe-Mouches. Cette dernière famille, à peine 
représentée, chez nous, par quelques espèces, forme, à elle seule, en Amé- 
rique, beaucoup plus d’un cinquième de la totalité des passereaux; ce qui 
montre, évidemment, que les insectes y sont bien plus communs que dans nos 
régions tempérées. Les Caprimulgidées ou Engoulevents sont plus variés en 
espèces dans les régions chaudes que dans notre Europe; les Hirundinées ou 
Hirondelles sont à peu près en proportions relatives de nombre. On en peut 
dire autant des Alaudinées ou Alouettes et des Fringillidées ou Moineaux. 
Les Corvidées ou Corbeaux sont en minorité dans l'Amérique méridionale, 
où quelques petites espèces à mœurs de geais viennent à peine remplacer ces 
oiseaux, si communs dans nos pays tempérés. Les Sturnidées ou Étourneaux 
offrent les résultats contraires. L'Europe possède, tout au plus, deux espèces 
de ces passereaux, amis de la société; tandis qu'ils couvrent de leurs légions les 
plaines, les marais, la lisière des bois des zones tempérées, comme des zones 
brûlantes, de l'Amérique du Sud. Les Certhidées où Grimpereaux sont, dans 
le pays qui nous occupe, beaucoup plus variés qu'en Europe; il en est de 
même des Sittadées ou Sittelles; mais les Alcyonidées ou Martins - pêcheurs 
n’y sont pas très-nombreux, quoiqu'ils le soient plus que chez nous. 

Dans la seconde série (celle des familles propres seulement à l'Amérique), 
nous voyons les Rhinomydées relégués vers ses parties les plus australes, où 
leurs teintes sombres sont en harmonie avec une nature généralement aride; 
tandis que les Tanagridées, es Pipradées, les Ampélidées au plumage 
brillant, varié des couleurs les plus vives, habitent, au contraire, spéciale- 


1V. Où. 20 


Passe- 
reaux. 


reaux. 


d'espèces qu’elles renferment, elles se présenteront dans l’ordre suivant : 
Muscicapidées . 
Tanagridées . 
Fringillidées . 
Sylviacées. . 
Trochilidées . 
Myothérinées. 


Sturnidées. 
Sittadées . 


Turdusinées . 
Hirundinées . 


Certhidées. 


e e e 


° e 0 


Uppucerthidées. . 


( 154 ) 
Passe ment des régions chaudes, au sein de cette végétation active et si diverse 
de la zone torride. Il en est de même des légers Trochilidées ou Oiseaux- 
Mouches, répandus, le plus souvent, dans les seules régions chaudes et tem- 
pérées, dont ils ne sont pas le moindre ornement. 

Si nous venons, ensuite, à considérer les familles en raison du nombre 


88 
A6 
44 
37 
36 
27 
22 
16 
12 
11 
10 

7 


Caprimulgidées. . 


Ampélidées . . 


Cœrébidées 


Rhynomydées . 


Corvidées . 
Alcyonidées 
Pipradées . 
Alaudinées 
Laniadées . 
Coracinées. 
Prionites . 


= = ND © © A A Or Or Er 


Il nous reste à envisager les passereaux de notre tableau sous un dernier 
point de vue, celui de la comparaison des genres qui s’avancent le plus vers 
les parties australes de l'Amérique méridionale, ou de ceux qui s'élèvent 
davantage sur les Andes, au 45.° degré de latitude. Le tableau suivant les 


présentera sur la même ligne. 


NOMS DES GENRES. 


Ptéroptochos. 


Rhinomya. 
Turdus. 
Orphæus. 
Synallaxis. 
Troglodytes. 
Anthus. 
Culicivora. 
Fluvicola. 
Pepoaza. 


Muscisaxicola. 


Hirundo. 
Certhilauda. 
Passerina. 
Icterus. 
Sturnella. 
Uppucerthia. 


LATITUDE 


AUSTRALE: 


ÉLÉVATION 
au-dessus du niveau 
de la mer, au 15.‘ 

degré sud. 


Pieds. 


11,000 
11,000 
11,000 
11,000 
18,000 
11,000 
11,000 
18,000 
18,000 
18,000 
18,000 
18,000 
18,000 


= 


18,000 


( 155 ) 

Il est facile de juger, comme nous l'avons déjà fait remarquer, en parlant 
de nos zones de latitude et de hauteur, qu'il y a concordance parfaite entre 
les genres qui habitent les parties australes du continent américain et ceux 
qui s'élèvent le plus sur les Andes. De tous les passereaux, ceux qui nous 
ont semblé arriver à une plus grande hauteur au-dessus du niveau de la mer, 
sont principalement les Huppucerthies, les Sirlis, les Muscisaxicoles et les 
Passerines, qu'on rencontre peu au-dessous des neiges perpétuelles et sur 
tous les plateaux élevés. 

Si nous considérons les passereaux sous le rapport de leur habitation, 
de leurs mœurs et de leur division, suivant qu'ils vivent dans les forêts, 
dans les plaines buissonneuses, dans les marais, sur les rochers ou sur les 
plaines de graminées, leur étude nous présentera les résultats suivans : 


DATE te 125 | de l’extérieur des branches . . . . 67 espèces. 
de l’intérieur des branches , . . . 58 — 
: ; ; du sommet des buissons . . . . . 149 — 
Oiseaux buissonniers . . 219 pr, 
de l’intérieur des buissons . . . . 70 — 
Oiseaux des marais, sur les jones ou plantes aquatiques. . . . . . 14 — 
Oiseaux des rochers ou des maisons. . . … . . . . . . . . . . 11 — 


Oiseaux des plaines, spécialement marcheurs et non percheurs . . . 26 — 


Ces chiffres comparatifs montrent, de suite, que les lieux couverts de 
buissons recèlent le plus d'espèces; aussi, dans les régions chaudes, comme 
nous l'avons vu, le nombre des passereaux des plaines se trouve-t-il bien 
supérieur à celui des passereaux des montagnes; parce que, là, se rencon- 
trent plus de buissons que partout ailleurs; et parce qu’ils trouvent aussi, 
là, plus d'insectes et de graines propres à leur nourriture. 

La migration des passereaux, si régulière en Europe, est tout à fait diffé- 
rente dans l’hémisphère austral. Plus d’oiseaux voyageurs qui pondent dans 
une région, dans une saison déterminée, pour aller, ensuite, en faire autant 
en des régions plus chaudes en hiver, plus tempérées en été. Beaucoup de 
passereaux de l'Amérique méridionale voyagent, il est vrai, soit pour fuir les 
rigueurs du froid, soit pour chercher les alimens qui leur manquent; mais 
aucun n’émigre dans le sens que nous donnons à ce mot en Europe, et 
quoique, souvent, lune de ces causes y amène, nécessairement, l’autre, il n’en 
est pas toujours ainsi en Amérique. 

La migration des passereaux, déterminée par le froid, les force bien à se 
diriger du Sud au Nord, ainsi que le dit Azara *; mais non pas invariablement, 


1. Azara, Voy. dans l’Amér. mérid., t. II, p. 10. 


Passe- 
reaux. 


( 156 ) 


Pase- , comme le croit l’auteur espagnol, qui n’a vu que des pays de plaine; car, 


reaux. 


si les espèces des régions froides ou tempérées des pays plats suivent cette 
marche, en s’'avançant vers des zones plus chaudes, il arrive précisément le con- 
traire pour les oiseaux montagnards, lesquels descendent, alors, des sommets 
élevés dans les plaines, se dirigeant de lOuest à l'Est, sur le versant oriental 
des Andes, et sur le versant occidental, de l'Est à l'Ouest. Ce fait établi, l’on 
voit facilement que la direction des migrations, due à l’abaissement de la 
température, ne suit pas, invariablement, la marche du soleil, ni même une 
direction fixe. En effet, indépendamment des oiseaux sédentaires des parties 
froides, comme la Patagonie (du 41° au 45.° degré), et qui sont en petit 
nombre, tous les autres en partent peu après la nichée, en Mars ou en Avril, 
et savancent vers le Nord, jusqu'a Buenos-Ayres, au 34.° degré; tandis que 
ceux de ces contrées en partent à la même époque, pour aller jusqu’au 28.° 
degré de latitude, à Corrientes, au Chaco et au Brésil méridional, remplacer, 
dans ces nouvelles régions, les espèces qui s’en éloignent, afin d'aller encore 
plus vers le Nord. Ainsi, l’on voit, dans ces trois zones, des espèces distinctes 
se remplacer périodiquement, tous les ans, les unes en été, les autres en 
hiver; mais ces oiseaux, dans leurs migrations d'hiver, ne font jamais leur 
nid’, et nous les avons toujours vus, aussitôt les froids passés, en Août et en 
Septembre, repartir par troupes, comme ils sont, le plus souvent, venus, et 
retourner nicher dans les contrées qu’ils fréquentent, tous les ans, pendant les 
chaleurs. Ces migrations sont on ne peut plus régulières dans tous les pays 
au sud des tropiques, sur les plaines et sur les collines orientales des Andes, 
depuis la Patagonie jusqu’au Brésil et au Paraguay; mais, sur le versant 
occidental des Andes, nous n’en avons vu aucune du Sud au Nord, n’y ayant 
rencontré que celle d'hiver des montagnes vers les vallées. 

La migration des espèces montagnardes vers les plaines, s'opère aux mêmes 
époques et dans les mêmes conditions que celles des plaines; ces espèces 
passent aussi tout lhiver dans des régions plus tempérées; mais elles n’y font 
pas leur nid. Aïnsi presque toutes les espèces des Andes descendent les unes 
vers les plaines des Pampas, du Chaco ou même plus au Nord, dans celles 
de Santa -Cruz de la Sierra ; tandis que les espèces du versant opposé vont 
jusqu'aux rivages de la mer, au Chili, au Pérou, et retournent, ensuite, 
dans leurs montagnes, afin d’y nicher. Les genres qui exécutent, le plus régu- 


1. Le savant observateur, M. le prince de Neuwied , a fait la même observation au Brésil. Voyez 
p. 25 du 1. IT, Beiträge zur Naturg. von Brasilien. 


( 157 ) 

lièrement, ces voyages annuels, sont : les Merles, les Becs-fins, les Synallaxes, passe 
les Pipis, les Embernagres; presque toutes les divisions des Gobe-Mouches; 7 
les Engoulevents, les Hirondelles; tous les Fringillidées, les Troupiales, les 
Anabates; et, enfin, les Martins-pécheurs. On sent bien que, puisque des 
oiseaux insectivores et granivores viennent remplacer, en des contrées 
déterminées, des oiseaux ayant le même genre de vie, ce n’est pas toujours 

le manque de nourriture, mais souvent le froid, qui chasse vers le Nord 

les espèces d’une latitude méridionale. De ce que les nouvelles arrivées trou- 

vent à vivre pendant toute la saison froide, on doit conclure que labaisse- 
ment de la température a plus de part aux migrations que le manque réel 
d’alimens, à moins, toutefois, que quelques espèces n’aient besoin de graines 

ou d'animaux particuliers, qui disparaissent, momentanément, pendant les 
froids. 

Il est une seconde classe d'oiseaux émigrans, dont les voyages ne sont pas 
déterminés par l’abaissement de la température, mais bien par l’habitude ou 
par le besoin de chercher leur nourriture; ce sont ceux de la zone torride, 
quelques-uns voyageant périodiquement et d’autres continuellement, sans 
suivre des directions toujours régulières. On pourrait croire que ceux qui 
paraissent périodiquement observent la loi générale des migrations; mais 
doit-on attribuer les habitudes voyageuses de ceux qui ne paraissent pas à des 
époques fixes, à l'influence de la saison sur la maturité des graines ou sur 
l'éclosion de telles ou telles espèces d'insectes? ou lirrégularité de l’époque de 
leur apparition serait-elle due à des circonstances locales tout à fait exception- 
nelles, qui peuvent faire manquer totalement, dans tels lieux déterminés, les 
graines ou les insectes, et forcer les passereaux qui s’en nourrissent à en aller 
chercher ailleurs? Ces deux circonstances nous paraissent influer également 
sur ces voyages, que nous regardons moins comme des migrations réelles, 
que comme des changemens accidentels de localités. 

Quoi qu'il en soit, la proportion relative des passereaux voyageurs et des 
passereaux sédentaires est de 129 pour les premiers, et de 266 pour les 
seconds; ainsi, dans les parties de l'Amérique méridionale que nous avons 
parcourues, les passereaux sédentaires l’emporteraient en nombre d’un peu plus 
de la moitié sur les passereaux voyageurs. Ces derniers sont particulièrement 
des régions tempérées et froides; néanmoins, il y a des passereaux sédentaires 
par toutes les latitudes; et si, dans notre tableau, nous n’avons pas indiqué 
les genres qui suivent ces diverses lois, c’est que, très-souvent, chacun d’eux 
offre des espèces qui appartiennent aux deux catégories. 


Passe- 
reaux. 


(158 ) 

Dans un pays où les insectes sont si nombreux, il devait, nécessairement, 
y avoir plus d'oiseaux insectivores que d'oiseaux granivores ou frugivores; 
et c’est ce que nous avons observé; car, des espèces recueillies, 267 vivent 
d'insectes, tandis que 128 seulement se nourrissent de graines ou de fruits; 
ainsi les insectivores ne seraient supérieurs en nombre aux granivores que 
d’un peu plus de la moitié. Néanmoins, l'Amérique méridionale est, peut- 
être, le pays du monde où les oiseaux suivent le moins un régime régulier; 
aussi voit-on beaucoup de granivores et surtout de frugivores manger, 
selon les circonstances, des insectes et des mollusques. Il serait plus juste 
de dire qu’en hiver beaucoup d’entr’eux sont omnivores; car nous avons vu, 
souvent, dans cette saison, pres des fermes où l’on élève les bestiaux, des 
passereaux insectivores et granivores venir manger, avec plaisir, la chair 
de bœuf, qu’on étend, fréquemment, sur des cordes, pour la faire sécher. 
La pie acahé, les diverses espèces de troupiales, des tyrans et autres gobe- 
mouches, le fringille pavoare, se disputent, alors, à l’envi, des lambeaux de 
chair, qui remplacent leur nourriture habituelle. 

La sociabilité est, proportion gardée, plus rare chez les passereaux que 
parmi les gallinacés, les échassiers etles palmipèdes; non-seulement beaucoup 
d’entreux, comme les fringillidées et quelques tanagridées, se réunissent par 
troupes, aussitôt après la pariade, mais encore on voit plusieurs autres 
espèces, les caciques et les troupiales, se rapprocher davantage, en cet instant, 
qui, parmi les autres oiseaux, motive, d'ordinaire, une séparation momen- 
tanée par couples. En général, les plus sociables sont ceux des plaines, presque 
toujours les granivores, d’où provient la minorité numérique des oiseaux 
sociables; car, parmi les insectivores, nous ne rencontrons que quelques 
gobe-mouches, les hirondelles et les engoulevents, qui se réunissent seule- 
ment pour les migrations lointaines. 

Ici se termine l'exposé des généralités que nos observations nous ont permis 
de recueillir sur les passereaux. Tous les autres points de vue sous lesquels 
nous pourrions les envisager, sont trop spéciaux pour trouver place ailleurs 
qu’en tête de chaque genre en particulier. Nous renvoyons donc aux descrip- 
tions partielles pour tout ce qui se rapporte aux mœurs et aux habitudes 
des espèces, aux modes si divers de vol, de marche, de chant, et, surtout, 
de nidification, aussi variés que les oiseaux qui les composent. 


(459 ) 


L"° FAMILLE. 
LANIADÉES, Lawranx.' 


Laniadiées, Lesson. 


Nous ne laissons, parmi les vrais laniadées d'Amérique, que les genres 
Laniagre et Viréon, les seuls, entre les oiseaux insectivores à bec fort, crochu 
et denté à son extrémité, qui conservent, au nouveau monde, des mœurs 
analogues à celles des pies-grieches de l’ancien. Ce sont, en effet, les seuls 
qui soient essentiellement voyageurs, et qui se tiennent exclusivement au 
sommet des arbres et des buissons, ne pénétrant jamais dans les halliers. Ils 
habitent exclusivement à l’est des Andes dans l'Amérique méridionale. Quel- 
ques-uns se trouvent, aussi, aux Antilles et dans l'Amérique du Nord; de 
sorte qu'ils s'étendent bien plus que les myothérinées, ce qu’explique la lon- 
gueur de leurs ailes, qui leur permet de passer des zones chaudes aux zones 
tempérées et d’habiter également les continens et les îles. 


Genre LANIAGRE, Zaniagra, Nob. 


Tanagra, des auteurs; Lanius, Licht.; Thamnophilus, Temm.; Laniagra, d'Orb. et Lafr., Syn. 


Caracrères. Tête très-grosse; corps raccourci; bec trèes-élevé, fort, peu long, 
arqué, dès sa base, fortement comprimé, crochu à son extrémité, et muni, à 
cette partie, d’une légère échancrure; commissure presque droite; narines 
arrondies, placées à la base des plumes; queue longue, égale, grêle*; ailes 
courtes, la cinquième rémige la plus longue, la première très-courte; tarses 
médiocres, robustes ; doigts forts, à ongles brusquement recourbés. 

Nous formons ce nouveau genre, afin d'y placer un oiseau (le T'anagra 
guyanensis , Gmel. ) renvoyé, successivement, par les auteurs, dans plu- 
sieurs genres, auxquels on ne pouvait le rapporter en aucune manière. 
Décrit parmi les Tangaras, par Gmelin, Buffon et Azara, il y a été conservé 
par M. Lesson ; Cuvier, dans son Règne animal”, le renvoie aux pies-grièches ; 


1. Une revue sévère des espèces et de leurs mœurs nous a forcé de changer quelques-unes des 
divisions que nous avons établies, avec M. de Lafresnaye, dans notre Synopsis avium. 

2. Les pies-grièches de cette division et les viréons qui suivent, sont les seules pies-grièches 
dont la queue ne soit pas étagée, celles d'Europe, d'Afrique et les bataras d'Amérique ayant tou- 
Jours ce caractère. 

3. Seconde édition, t. 1, p. 368, notes, et p. 351. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 160 ) 


Lichtenstein le place dans le genre Lanius; M. le prince Maximilien de 


Neuwied, avec les Thamnophilus, où M. Temminck la conservé. Cepen- 


dant il est, à la première vue, facile de se convaincre que cet oiseau n’a 
que des rapports éloignés avec les bataras, qui ont, en effet, le bec tou- 
jours beaucoup plus long, le tarse plus allongé, la queue étagée. Ses mœurs 
n’y sont pas plus analogues, puisqu'il se tient au sommet des arbres, et 
non dans les halliers; d’un autre côté, comme la compression de son bec 
à l'extrémité crochue Péloignait des tangaras, nous prenons le parti d’en 
former un nouveau genre, auquel nous imposons le nom de Laniagra, 
qui rappelle, en même temps, ses ressemblances avec les deux genres aux- 
quels on la rapporté. On peut dire, en un mot, que cet oïseau est une pie- 
rièche à mœurs de tangaras. On ne l’a rencontré qu’à l’est des Andes. Le 
5 q 

sexe n’amène aucun des changemens de couleurs qu'on remarque chez les 


bataras. Ce groupe serait bien voisin des falconelles de la Nouvelle-Hollande; 
car il en a le bec. 


- LANTAGRE VERDEROUX, Laniagra guyanensis, Nob. 


Tanagra guyanensis, Linn., Gmel., Syst. nat., edit. 13, gen. 3, sp. 30 ; le Verderoux, Buff,, 
t. VIT, p. 385 ; Lath., gen. 37, sp. 24, Syn. Il, p. 231, n° 25; Lindo verte de frente de 
canela, Azara, n° XCVIT; Lanius guyanensis, Licht., n° 5273; Thamnoplilus guyanensis, 
prince Max., p. 1016 ; le Sourci-roux, Levaill., Ois. d'Afr., t. Il, p. 81, t. 76, fig. 2; Ta- 


nagra guyanensis, Desm.; Tangaras, 44, Less., Traité, t. I, p. 162. 


Laniagra. Capite supra griseo rufo; superciliaribus rufis; genis guttureque griseis ; 
supra viridi; pectore abdomineque fublvis; remigiis, rectricibusque brunneis, 
viridi limbatis. 

A l'état vivant. Bec brun, rosé à la mandibule supérieure; bleu vif à la base de l’infé- 
rieure ; yeux aurore vif; tarse rosé pâle. Longueur totale, 16 centimètres; vol, 26 centi- 
mètres; circonférence du corps, 10 1/2 centimètres. 

L'âge et le sexe amènent peu de changemens : les mâles ont constamment les couleurs 
plus vives, la tête plus bleuâtre, et le ventre roussàtre; chez les femelles ou chez les 
Jeunes, le ventre est presque blanc, et le jaune du devant du col à peine distinct du 
gris de la gorge. 

Le verderoux paraît être répandu sur presque toutes les parties chaudes du versant 
oriental des Andes. En effet, il a été observé à la Guyane, par Sonnini; au Paraguay, par 
Azara; dans la province des Mines du Brésil, par M. le prince Maximilien; tandis que, 
d’un autre côté, nous l’avons rencontré beaucoup plus au Sud, dans la province de 


1. Nous avons fait en voyage même, sur le vivant, les descriptions complètes de chaque espèce 
d'oiseaux; mais nous nous abstenons de les reproduire ici, lorsque ce sont des espèces connues. 


( 161 ) 

Corrientes, dans celle de Chiquitos (Bolivia), et sur toutes les montagnes boisées du 
versant oriental des Andes boliviennes , dans les provinces de Yungas, d’Ayupaya 
et de Rio grande. Nous pouvons en conclure qu’il habite depuis la ligne jusqu'au 
28. degré de latitude sud; et depuis les Andes jusqu’à l'Océan atlantique. S'il y a, 
pour les oiseaux, des parages préférés, où les individus d’une même espèce soient 
plus communs, cette règle n’est pas applicable à tous; car l'oiseau qui nous occupe, 
cité comme rare par Sonnini et par Azara, dans les lieux qu’ils ont visités, nous a paru 
l'être également partout. Nous l'avons pourtant trouvé moins rare dans les ravins des 
montagnes de la province de Yungas, à la hauteur d'à peu près cinq à six mille pieds 
au-dessus du niveau de la mer. 

Cet oiseau, sous beaucoup de rapports, a les mœurs des tangaras proprement dits: 
on le voit, comme ceux-ci, toujours au sommet des arbres des ravins ou des bois, sur- 
tout dans les lieux chauds et humides; rarement :il descend sur les branches basses, et 
jamais nous ne l’avons vu à terre; mais on ne le rencontre pas par troupes, ainsi qu'eux; 
il vit, au contraire, par couple ou isolé. Il mène, sur les petites branches, à peu de 
choses près, le même genre de vie que les bataras, dans les halliers; toujours en mouve- 
ment, parcourant toute la coupe d’un arbre, y poursuivant les insectes dont il se 
nourrit, tout en faisant entendre, à chaque instant, un cri assez fort, qui décèle sa 
présence avant qu’on ne l’aperçoive; mais, dans certains cas, pour saisir un insecte, 
il se cramponne aux branches, à la manière des mésanges, ce que ne font jamais 
les bataras. IL est assez familier pour s'approcher même des habitations; il ne se mêle 
pas aux autres oiseaux, ceux-ci le fuyant, sans doute parce que, souvent, il les attaque 
et même les tue. Un oiseau de cette espèce, qu’on avait mis dans une cage à Corrientes, 
pour nous l’apporter en même temps que beaucoup d’autres espèces de passereaux, 
avait mis à mort, en un jour, deux de ses compagnons de captivité, dont il avait 
mangé la cervelle. Il serait possible que, dans les contrées où nous avons rencontré le 
verderoux, il y fût seulement de passage ; car nous ne l’avons aperçu que dans les mois de 
Juillet à Septembre, qui correspondent à la fin de l'hiver et au printemps de l’hémi- 
sphère austral. 


GExre VIREON, /£reo, Vieill. 
Sylvia, Wils.; Pie-grièche, Cuv.; Tangaras, Less. 


Les viréons diffèrent essentiellement des pies-grièches proprement dites, 
par leur bec plus allongé et plus mince; ils se confondraient avecles T’am- 
nophilus, Sis n’en différaient par leur queue terminée carrément, et même 
échancrée, par leurs ailes longues, dont les deuxième, troisième et quatrième 
pennes sont égales. Leur facies est celui des fauvettes; mais leur bec est, en 
tout, celui des bataras, et non celui des tanagridées, dont Vieillot et M. Lesson 
les avaient rapprochés. Ce sont des T'hamnophilus à queue égale et allongée, 


A A A 
et à bec grêle. Le sexe n’amène, en eux, aucun changement de couleur, caractère 
IV. Ois. 21 


Passe- 
reanx. 


(162 ) 


Pase- négatif qui distingue encore les viréons des bataras. Ces oiseaux sont forestiers. 


reaux. 


Quelques-unes de leurs espèces habitent également les deux Amériques et les 
Antilles; mais, dans l'Amérique méridionale, on ne les trouve qu'a l’est des 


Andes. 
VIREON VERDATRE, Y7reo olivaceus, Nob. 


Motacilla olivacea, Linn., Gmel., Syst. nat., n° 14? Sylvia olivacea, Lath., Syn., TITI, p. 351, 
n. 52? Muscicapa olivacea, Wils., 4m. orn., t. Il, pl. 12, fig. 3; Lanius olivaceus, Licht., 
n.” 526; Wireo wirescens, Vieill., Dict., t. 36, p. 407, et Encycl. méth., p. 786; Thamno- 
philus agilis, Spix, pl. 34, fig. 1. 


Vireo. Viridi-olivaceus , pileo leucophaco, superciliis flavicantibus, gastræo albo, 
remige prima quartam æquante. 


Sur le vivant. Bec bleuätre; yeux bistrés; pieds bleus. Longueur totale, du bout du 
bec au bout de la queue, 14 centimètres. 

Les seules différences de couleur que nous ayons remarquées sont des teintes plus 
sombres chez les femelles, qui ont la tête moins bleue; et, chez les jeunes de l’année, 
le ventre quelquefois entièrement jaune. 

Cette espèce est du nombre de celles qu’on rencontre également dans les deux Amé- 
riques. Jusqu'à notre voyage, elle n'avait été trouvée que dans l'Amérique septentrionale, 
où elle parait commune; mais nous l’avons rencontrée, successivement, depuis le 30° 
degré de latitude sud, sur les rives du Parana, à Corrientes, jusque dans les plaines 
chaudes du centre de l'Amérique méridionale ( provinces de Moxos et de Chiquitos), 
ainsi que sur les montagnes boliviennes des provinces de Yungas et de Yuracarès, 
seulement jusqu’à la hauteur de trois à quatre mille pieds au-dessus de la mer, et sur 
le versant oriental des Andes; et, comme M. de la Sagra l’a aussi rapportée de l’ile de 
Cuba:, on peut dire, avec certitude, qu’elle habite toutes les parties chaudes des deux 
Amériques et des Antilles. 

Ce n’est pas exclusivement au sein des halliers, demeure habituelle des Thamnophi- 
lus, que nous avons rencontré notre viréon : il y descend bien quelquefois, lorsqu'il 
les trouve assez élevés; mais il aime plus particulièrement les bois, qu'il parcourt 
incessamment, en tous sens, sans paraître au sommet des grands arbres, ni approcher 
beaucoup des lisières. Là, commun par cantons seulement, on le voit, dès le matin, 
sautiller de branches en branches, surtout sur les plus basses, avec une extrême vivacité, 
sans jamais prendre de repos, et parcourir l’intérieur des bois, y cherchant les insectes, 
dont il se nourrit. Non-seulement les grandes forêts des plaines lui servent de demeure, 
mais encore celles des montagnes, ainsi que les ravins humides des rivières, le milieu 
des coteaux secs. Nous avons tout lieu de croire qu’il vit, toute l’année, dans les mêmes 
lieux; car nous l’avons également rencontré, chaque saison, parcourant, avec détail, 


1. Nous rappellerons cette circonstance dans le bel ouvrage que publie, en ce moment, M. de la 
PP (en LE © ) 
Sagra, sur l'ile de Cuba, et pour lequel nous nous sommes chargé de la partie ornithologique. 


( 163 ) 


le plus épais des forêts. Il est presque toujours solitaire, hors la saison de la nichée; et  Passe- 
son petit cri, qu'il fait entendre continuellement, en sautillant, avertit seul de sa pré- _—. 


sence. Cependant il ne se cache pas, et l'apparition de l’homme l’effraie rarement; son 
vol a beaucoup de rapport avec celui des bataras; il est, néanmoins, plus prolongé et 
peut fournir de bien plus longues traites. Nous ne l’avons jamais vu à terre. 


II FAMILLE. 


MYOTHÉRINÉES, MYOTHERIN #. 


Myotherine, Richards., Ménétr.; Myotheridæ, Boie; Fourmiliers, Less. 


Cette famille, dans laquelle nous réunissons les genres 7'hamnophilus, 
Fornucivora, Myrmothera, Conopophaga et Myothera, nous paraît on ne 
peut plus naturelle; car elle ne renferme que des oiseaux qui vivent, pour 
ainsi dire, ensemble, dans les mêmes lieux. Bien différens des pies-grièches 
de l’ancien monde, qui se tiennent sur les arbres ou, au moins, sur les 
buissons, des laniagres et des viréons, qui ont le même genre de vie, ils 
sont tous essentiellement buissonniers, habitant le plus épais des halliers et 
des fourrés. En comparant ces oiseaux avec les pies-grièches, on trouvera que 
les bataras s’en rapprochent par leur bec crochu et denté, par leur queue 
longue et étagée; mais qu'ils en différent essentiellement par la brièveté de 
leurs ailes arrondies, qui en fait des oiseaux sédentaires et non voyageurs, 
par leurs tarses et leurs doigts longs et grêles, qui les rapprochent des espèces à 
mœurs purement terrestres, des fourmiliers, par exemple, auxquels ils se lient 
intimement par des passages insensibles. En effet, que, de ces T’'hamnophilus 
à bec fort, comme le 7° major, on passe aux Formicivora, on trouvera, en 
tout, les mêmes mœurs, le même genre de vie; mais ils ont déjà le bec faible 
et comprimé des fourmiliers, ne ressemblent déjà plus à nos Lanius, et pré- 
sentent, au contraire, les premiers chaïnons qui unissent les bataras aux 
fourmiliers, par les myrmothères, aux mœurs semblables, encore distingués 
de ceux-ci seulement par une queue plus courte, caractère de peu d’impor- 
tance, et qui annonce pourtant, déjà, des oiseaux plus marcheurs. D'ailleurs, 
nous le répétons, toutes les espèces de cette famille, indépendamment de ce 
qu’elles mènent le même genre de vie, ont un fucies qui les rapproche les 
unes des autres. Leurs traits les plus saillans sont d’avoir les tarses et les 
doigts allongés, grêles ; le doigt externe réuni à l'intermédiaire à sa base; les 
ongles médiocres; les plumes coccygiennes longues et fines, et surtout du 
blanc, qui se montre à la base des plumes des interscapulaires, chez les mâles 


Passe- 
reaux. 


( 164 ) 

de presque toutes les espèces. Ce dernier caractère est, il est vrai, de peu d'im- 
portance en zoologie ; mais il annonce, au moins, des rapports intimes qu’on 
chercherait vainement dans beaucoup d’autres familles. Nous en concluons, 
qu'il est on ne peut plus naturel de séparer entièrement cette famille des pies- 
grièches de l’ancien monde, tant à cause de ses habitudes et de ses caractères, 
si différens, que d’une certaine unité de formes et de mœurs qui lie toutes 
les espèces que nous y plaçons. 

On voit que, par cette division, nous avons restreint, de beaucoup, les 
Laniadées américains, pour augmenter largementles Myotherinæ, en y ajoutant 
tous les véritables T’hamnophilus, qui sont, tout simplement, des Myothérinées 
à bec plus fort, mais également buissonniers. Après y avoir mûrement et 
long-temps réfléchi, nous avons été amené à changer l’ordre des idées admises. 
Huit années d'observations sur le sol américain, et, à notre retour, une revue 
des travaux de nos devanciers, nous ont tout à fait fixé à cet égard, et nous 
présentons, ici, le résultat de ces recherches. 

Pendant long-temps, le genre Myothera, créé par Illiger, était le réceptacle 
de tous les oiseaux qui avaient, parmi les passereaux dentirostres, peu de 
caractères tranchés; aussi nos ornithologistes, tels que Cuvier', Temminck?, 
Vieillot® et Lichtenstein 4, n’avaient-ils pu réussir à le débrouiller, faute 
d'observations sur les mœurs, propres à fixer les coupes à établir, et à faire 
que celles-ci fussent plus naturelles qu’artificielles. Azara ? n'avait parlé que 
des bataras; en vain M. le prince de Neuwied jeta-t-il de la lumière sur 
cette famille, dans son excellent ouvrage sur les oiseaux du Brésil; en vain, 
aussi, Swainson ? établit-il quelques coupes génériques. Il restait encore à 
faire un travail d'ensemble, qui demandait du courage, et qu’un voyageur 
ayant vu les espèces vivantes pouvait seul entreprendre. M. Ménétries vient 
enfin de combler cette lacune, en publiant sa monographie de la famille des 
Myotherinæ®, Nous ne saurions donner trop d’éloges à ce travail, pour la jus- 
tesse des coupes génériques et pour le fonds d'observations qu'il demandait. 


. Règne animal. 

. Planches coloriées et Système général. 

. Encyclopédie méthodique et Dictionnaire d’histoire naturelle. 
. Verzeichniss der Doubletten, etc. 

. Apuntamientos para la historia de los Pajaros. 

. Beiträge zur Naturgeschichte von Brasilien. 

. Zoological Journal, t. 1,n. VI. 


© OO © Cr dù CO RO 1 


. Mémoires de l’Académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. 


( 165 ) 


On verra que, dans le nôtre, nous avons adopté presque toutes les divisions D 
de ce savant, joignant seulement les bataras à la famille des Myotherinæ, 
généralisant beaucoup moins les mœurs de la famille, qui varient infiniment, 
selon les genres, et les spécialisant à chaque coupe, la seule chose que laisse 
à désirer la monographie de M. Ménétries. 

Les oiseaux que renferme cette famille, sont tous du versant oriental des 
Andes et des plaines boisées de l’est; restreints entre les tropiques, ou s’avan- 
çant à peine à quelques degrés en dehors, ils ne paraissent jamais dans les 
régions froides, ne s'élèvent pas, par la même raison, à plus de quelques 
mille pieds au-dessus du niveau de la mer, sur les montagnes; ne sont pas 
voyageurs et se tiennent toujours au sein des halliers et des forêts. 


L® Division. MYOTHÉRINÉES DUMICOLES, Dumicolæ , Nob.. 


BATARA, Thamnophilus, Vieill. 


Caractères. Bec fort, droit, arrondi en dessus, fortement courbé et denté 
à son extrémité, comprimé; mandibule inférieure concave en dessous, à sa 
base, et munie d’une échancrure à son extrémité; narines ovales, quelque- 
fois cachées en partie; tarses forts, assez courts; doigts robustes, l’externe et 
l'intermédiaire faiblement unis à leur base, ce doigt plus long que linterne; 
ailes courtes, la première rémige très-courte, la quatrième ou cinquième la 
plus longue; queue étagée, le plus souvent longue et large; plumes coccy- 
giennes longues; le plus souvent du blanc à la base des plumes interscapu- 
laires , chez les mâles; les deux sexes tout à fait différens de teintes; les mâles 
généralement avec la tête noire, et plus ou moins variés de cette teinte; les 
femelles presque toujours roussâtres. 

Les bataras sont, en Amérique, les représentans de nos pies-grièches, avec 
cette différence importante dans les mœurs, qu’au lieu d’être continuellement 
sur les buissons, ils sont, au contraire, toujours dans l’intérieur et paraissent 
rarement en dehors. Ce sont des buissonniers par excellence, qui tous vivent 
à l’est des Andes; au moins n’en connaissons-nous aucune espèce qui ait été 
apportée du versant occidental de cette grande chaîne. Ils sont circonscrits 
entre les tropiques, et peu de leurs espèces en sortent; encore restent -elles 
dans des régions tempérées. Nous ne les avons pas vus passer, vers le Sud, 
le 32.° degré de latitude, ni remonter sur les montagnes au-delà de cinq à six 
mille pieds au-dessus du niveau de la mer. Ils vivent en tous les lieux où se 
présentent des fourrés épais, soit dans les haies, autour des maisons, soit dans 


( 166 ) 

Pas les champs abandonnés, au sein des forêts, ou bien dans ces petits bois peu 

7 élevés et chargés d’épines, nommés chaparrales par les Espagnols, et qui carac- 
térisent certaines parties du centre de PÂmérique méridionale. Ils vont habi- 
tuellement isolés ou par couples; et, des plus familiers, s’'approchent des lieux 
habités, toujours en sautillant sur les branches basses des buissons, qu'ils 
parcourent, en tous sens, afin d’y chercher des insectes et leurs larves, et des 
fourmis; ils descendent très-rarement à terre, et seulement à lPeffet dy 
saisir une proie, qu'ils vont manger, ensuite, sur les branches basses des 
arbustes. [ls nous ont paru sédentaires dans les contrées où ils naissent, mais 
passant toujours d’un lieu à l’autre. Quel voyageur, au sein de ces sites 
sauvages, si communs en Amérique, n’a été frappé, surtout au printemps, 
des chansons bruyantes des bataras, de ces gammes sonores que les mâles 
font entendre, surtout au temps des amours? Tout leur corps frémit de bon- 
heur ; leur huppe se relève; ils ouvrent les ailes, et montrent tous les signes 
du plaisir, tandis que la femelle s'apprête à répondre à leurs transports, 
mais par des accens moins prononcés. Ces conversations frappent souvent 
l'oreille; cependant on cherche en vain qui les produit, les oiseaux étant 
presque toujours cachés en des fourrés si épais que les rayons du soleil y 
pénètrent à peine. C’est même là qu’ils déposent, à quelques pieds au-dessus 
de terre, leur nid, formé de bûchettes, en dehors, et, quelquefois, de crin en 
dedans; leurs œufs ont beaucoup de rapports avec ceux de nos pies-grièches ; 
de même ils sont souvent blanchâtres, tachetés de rouge-violet. 

Ce sont les Bataras des Guaranis. 


Secrion À. Queue longue et large. 


Caracrëres. Queue longue, fortement étagée, large; bec fort, comprimé, 
arrondi en dessus. Les mâles toujours d’une couleur différente des femelles. 


LE GRAND BATARA, Thamnophilus major. 


Thamnoplilus major, Vieill., Encycl., p. 7443 Batara el major, Azara, n° 211; Lanius sta- 
gurus, Licht., n° 487; Thamnophilus albiventer, Spix, p. 341; Thamnophilus stagurus, 
prince Max., p. 990; d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 1, p. 10; Mag. de zool. 


Thamnophilus. Mas. Subcristatus (pennis verticis elongatis angustis), supra ater; 
subtus albus, maculis albis ad apices tectricum et ad latera rectricum omnium. 
V'ariat adultior maculis rectricum majoribus, confertioribus, subtus confluentibus ; 
cauda subtus seplem fasciata; remigibus albo marginatis. Long. 21 cent. 


Fem. Subcristata, supra cinnamomea; subtus sordide alba; tectricibus apice cine- 
rascentibus. 


( 167 ) 

Sur le vivant. Pieds bleuàtres; yeux rouges; bec noir à son extrémité et en dessus, 
bleu ailleurs. Longueur totale, du bout du bec au bout de la queue, 21 centimètres; 
vol, 29 centimètres; circonférence du corps, 12 centimètres. 

Les males adultes ont toutes les parties supérieures noires, les inférieures blanchà- 
tres, la base des plumes du dos blanc vif. Chez les jeunes mâles, les rémiges, au lieu 
d’être bordées, extérieurement, de blanc, le sont de roux assez vif; il en est de même 
des couvertures inférieures de la queue et des tectrices supérieures des ailes. L'oiseau 
n'a pris qu'à la troisième année les teintes qu’il doit conserver. Les femelles n’offrent 
aucune variété d'age; elles ont toujours les parties supérieures rousses, les inférieures 
blanchâtres. 

Jusqu'à nous, on n’avait vu le grand batara qu’au Paraguay et au Brésil, où M. le 
prince Maximilien et Spix l'ont observé; mais nos voyages lui donnent des limites 
bien plus larges, puisque nous l'avons rencontré vers le Sud, bien au-delà des tropi- 
ques, dans la province de Corrientes, et même jusques au 32.° degré de latitude sud, 
sur les rives du Riacho de Coronda, près Santa-Fe, sur le Parana; puis, nous l'avons 
retrouvé, de nouveau, en Bolivia, à l'est des Andes, dans les provinces de Yungas, de 
Cochabamba, de Santa-Cruz de la Sierra; et, vers l'Est, dans toute celle de Chiquitos, 
jusqu’à la rivière du Paraguay. Nous croyons, en conséquence, qu’il couvre de ses indi- 
vidus le Brésil entier, le Paraguay, la république Argentine, jusqu’à Santa-Fe, tout le 
versant oriental des Andes, depuis la hauteur de cinq à six mille pieds, dans les mon- 
tagnes, jusqu'aux plaines les plus chaudes du centre de l'Amérique. 

Comme nous l’avons dit aux généralités sur le genre, cette espèce, sur la grande sur- 
face de terrain qu’elle habite, ne se trouve pas partout : il lui faut ou ces bois d’espi- 
nillos petits et rabougris, caractérisant le grand Chaco et la province de Corrientes, 
ou ces chaparrales qui, parmi les plaines du centre ‘de l'Amérique méridionale, sont for- 
més de buissons d’épines et de petits arbres seulement; ou bien, encore, les haies ou 
les halliers qui, au sein des bois, viennent toujours remplacer, dans les lieux cultivés, 
les champs momentanément soustraits, par l’homme, à l'ombre des forêts éternelles 
(les capuaires des Brésiliens); mais jamais on ne la trouve dans les forêts élevées. 
C’est invariablement au plus épais de ce tissu croisé de mille branches épineuses, que la 
vue perce à peine, qu'elle reste presque toujours, n’en sortant que quelques instans 
pour parcourir, quelquefois, l’intérieur d’un buisson isolé, sans Jamais arriver à son 
extérieur; car elle se tient, de préférence, sur les branches basses, sur lesquelles elle sautille 
continuellement, en cherchant sa nourriture, qui consiste en insectes de tous genres. 
Elle est très-commune partout, et il est rare de ne pas l'entendre, lorsqu'on est près des 
halliers épais. Si, en parcourant le branchage, elle aperçoit, à terre, un insecte, elle des- 
cend aussitôt, mais remonte immédiatemeni sur le buisson, pour le manger. Nous devons 
supposer qu’elle n’est pas de passage, parce que nous l’avons vue dans toutes les saisons, 
Toute l’année elle vit seule, excepté l'instant des amours, qui est, pour elle, une époque 
de régénérescence; car, alors, les individus se recherchent, s'unissent; leur cri devient 
plus joyeux; ce n’est plus l'habitude qui le leur fait répéter, mais peut-être le désir qu’a 


Passe- 
reaux. 


( 168 ) 


Passe- le mâle d’égayer sa femelle. Celui-ci, au milieu des épines, relève les longues plumes de 


reaux. 


sa tête, bat des ailes et articule, fréquemment, une gamme que nous avons bien souvent 
entendue, et que M. le prince Maximilien de Neuwied exprime par les notes suivantes: : 


Cette chanson est sonore et s’entend de très-loin. Le couple recherche le plus épais 
des fourrés, et la femelle y construit, assez près de terre, un nid composé de racines 
tressées à l’intérieur, protégé, à l'extérieur, par beaucoup de petites branches épineuses; 
elle y dépose deux à quatre œufs blancs, tachetés de violet?, dont les diamètres ont 


26 et 20 millimètres. Il serait difficile de peindre jusqu'où va la sollicitude des parens 


pour leurs petits : si l’on approche d'eux, ce sont des cris, des menaces, même; la tête 
hérissée, les deux époux poursuivent l’importun, jusqu’à ce qu’il se soit éloigné; mais, 
dès que les jeunes peuvent se suffire, tous les liens sont rompus, les parens ne les con- 
naissent pas plus qu’ils ne se recherchent eux-mêmes, et chacun reprend ses habitudes 
solitaires. 

Loin d’être craintif, toujours voisin des habitations, le grand batara se contente de 
s'enfoncer dans les épines, et parait peu s'inquiéter de la présence de l’homme. 
Essentiellement querelleur, il poursuit fréquemment les individus même de son espèce, 
ou les autres petits oiseaux, qui viennent le déranger dans la solitude : alors ses allures 
sont celles de l'amour; sa huppe est relevée et sa pose menaçante. Il est toujours vif 
dans ses mouyemens, empressé dans ses manières, vole, néanmoins, paisiblement et 
seulement d’un buisson à l’autre; ce qu'explique la brièveté de ses ailes. Il ne va point 
à terre, et n’y descend qu’afin d’y saisir une proie. 


BATARA RAYÉ, 7 kamnophilus doliatus. 


Mâle. Lanius doliatus, Linn., Gmel., Syst. nat., ed. 13, p. 309, n° 16; Lath., Syn., 1, p.190, 
n 443 Pie-grièche rayée de Cayenne, Buff., Sonn., v. 3, p. 360, et Enl., n° 297, fig. 1; 
Batara listado, Azara, n° 212; Lanius doliatus, Ticht., n° 492; Thamnophilus doliatus, 
prince Max., p. 995; d'Orb. et Lafr., Syn., n° 2, p. 10; T. radiosus, Spix, 4v., p. 24, 
t135-2,,et 3601: 

Fem. Lanius rubiginosus, Bechst.? Lanius ferrugineus, Act. Par.; le Rousset, Levaill., Afr., 


77, fig. 23 T'hamnophilus radiatus, Vieill., Encycl. méth., p. 746. 


Thamnophilus. Mas. Ater, albo undique confertim fasciatus. 
Fem. Supra castanea, subtus ferruginea, torque albo nigroque varia. 


Sur le vivant. Bec bleu, teinté de noirâtre à son extrémité; pieds et ongles bleu céleste; 


1. Beiträge zur Naturg., p. 994. 
2, Ces œufs, que j'ai vus à Santa-Cruz, ressemblent beaucoup à ceux de notre écorcheur. 


( 169 ) 


yeux, blanc jaunâtre. Longueur totale, du bout du bec au bout de la queue, 18 centi- 
mètres; vol, 23 centimètres; circonférence du corps, 11 centimètres. 

Les vieux mâles ont le dessus de la tête noir, avec le milieu blanc; toutes les parties 
supérieures et inférieures rayées, transversalement, de noir et de blanc bleuûtre, la pre- 
mière teinte dominant en dessus, la seconde en dessous; gorge grivelée de noir, en 
long. Chez quelques individus, les stries ne se continuent pas sur le bas-ventre, qui, 
alors, est d’un blanc teinté de bleu. Les jeunes mâles ont les mêmes distributions 
de taches noires; mais, partout, le bleuâtre est remplacé par du roux vif; le ventre 
n’a que des mouchetures noires, indiquant les stries qui doivent les remplacer, à la mue 
de la seconde année. Les femelles sont roux vif en dessus, roux très-päle en dessous, 
avec quelques-unes des mouchetures noirâtres des mâles, seulement sur la gorge et sur 
les côtés de la tête. 

Le batara rayé avait été rencontré, avant nous, seulement à la Guyane et au Brésil; 
dès-lors, il était tout naturel de le retrouver dans toutes les zones chaudes des autres 
parties de l'Amérique méridionale; aussi l’avons-nous vu, successivement, dans toutes les 
parties de la république de Bolivia qui sont à l’est des Andes, depuis les montagnes 
boisées, élevées de cinq à six mille pieds au-dessus du niveau de la mer, jusqu'aux 
plaines centrales les plus chaudes; car nous l’avons observé, d’abord, à Chulumani 
et à Irupana, province de Yungas; ensuite dans celles de Santa-Cruz de la Sierra, de 
Chiquitos et de Moxos; de sorte que, si nous en jugeons par nos observations person- 
nelles, il ne serait propre qu’aux régions comprises entre les tropiques, et seulement à 
l'est des Andes. 

Cette espèce, beaucoup plus commune que la précédente, vit absolument dans les 
mêmes conditions; et, s’il est possible, recherche, avec plus de soin encore que les 
autres, les halliers les plus épais et les fourrés les plus impénétrables, où elle se croit 
tellement à l'abri des attaques de l’homme, qu'il faut, quelquefois, frapper long-temps 
sur un buisson, pour l'en faire sortir. Jamais nous ne lavons aperçue dans les bois, ni 
même dans les fourrés des grandes forêts, où, quelquefois, le grand batara se ren- 
contre encore. Elle est toujours en mouvement, le plus souvent isolée, sautillant au 
milieu du tissu le plus épais des épines croisées, cherchant les insectes dont elle se 
nourrit, et faisant entendre un cri fort et sonore, qu’elle répète fréquemment : elle 
descend rarement à terre; et son vol est toujours court et lourd, ne s'étendant que 
d’un buisson à l’autre; nous la croyons sédentaire. À l'instant des amours, elle niche 
au sein de ces mêmes halliers; son nid, très-profond, est attaché, par des fils, aux 
branches basses de l’intérieur des buissons; le dedans du nid est composé de paille fine, 
de crin, et recèle, selon Azara:, deux œufs blancs, jaspés, rayés de violet rougeûtre, et 
dont les diamètres sont de 11 3/4 et de 8 lignes. Les deux sexes les couvent alternativement. 

Les Espagnols de la province de Yungas, en Bolivia, connaissent les mâles sous le 
nom de recolete, à cause de leur plumage, varié de noir et de blanc. 


1. Apuntamientos para la historia natural de los Pajaros del Paraguay, à. I, p. 197. 


IV. oi. 22 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


(170 ) 


BATARA ARDOISÉ, Thamnophilus schistaceus, Nob. 


Oiseaux, pl. V, fig. 1 (sous le faux nom de T. fuliginosus1), et cité sous le même nom, Sy»., 
p-10, n° 3, 
Thamnophilus. Totus schistaceus, obscurus; subtus pallidior ; remigibus posterio- 
ribus albescente limbatis; rostro pedibusque cϾruleis. 


Sur le vivant. Yeux jaune rougeätre; pieds bleus; bec ardoisé. Longueur totale, du 
bout du bec au bout de la queue, 14 centimètres; vol, 22 centimètres; circonférence 
du corps, 11 centimètres. 

Entièrement bleu ardoisé foncé, un peu plus clair en dessous; une bordure blan- 
châtre aux rémiges postérieures. 

Nous n'avons rencontré cette espèce qu’une seule fois, dans les halliers d’un champ 
abandonné, au sein des immenses forêts habitées par les Indiens yurucarès, au 
pied des derniers contreforts des Andes boliviennes, voisines de Cochabamba. Elle 
paraissait avoir les mœurs des autres oiseaux de ce genre; elle voltigeait au plus épais 
des buissons, tout en jetant un petit cri, d’instans en instans. 


BATARA TACHETÉ, Thamnophilus nœvius. 


Lanius nœvius, Linn., Gmel., Syst. nat., p. 304, n° 203; Licht., n° 496, p. 36; mas, Batara 
negro y aplomado, Az., n° 213, et fem., Batara pardo dorado, n° 214; Thamnophilus 
nævius , d'Orb. et Lafr., Syn.,p. 10, n° 4; T'hamnophilus cærulescens, Vieill., Enc., p. 743, 
et T°. auratus, id., p. 743. 


Thamnophilus. Mas. Cæsius ; vertice medio atro; alis caudaque atris, albo maculatis; 
remiges extus albo limbatcæ. 

Fem. Supra olivaceo fusca; pileo castaneo; abdomine cinerascente pictura maris, 
sed rectricibus non, nisi apice, albis; quod quoque in junioribus masculis obser- 


vamus. Licht. 


Sur le vivant. Yeux blanchâtres; bec bleu, plus foncé en dessus; pieds bleus. Lon- 
gueur totale, du bout du bec au bout de Ja queue, 14 centimètres; vol, 21 centimè- 
tres; circonférence du corps, 10 centimètres. 

Le mâle. Tête noire en dessus; la queue, les ailes et le milieu du dos noir varié de. 
blanc; une bordure blanche aux rémiges; les tectrices et les rectrices terminées de cette 
couleur ; le reste du corps ardoisé, foncé en. dessus, très-pàle en dessous. La femelle a 
les mêmes taches blanches, mais le dessus de sa tête est roux vif. Cette couleur rem- 
place aussi le noir du dos et de la queue; le reste du corps, en dessus, est brun, et fauve 
très-clair, en dessous. 

Cette espèce a été rencontrée à Cayenne et au Brésil; Azara l’a observée au Paraguay, 


1. C’est par erreur que ce nom a été donné dans la planche. 


( 171 ) 

et nous l'avons vue au milieu des halliers de la province de Chiquitos (république de 
Bolivia), au centre de l'Amérique méridionale; mais nous ne l'avons pas aperçue sur 
les montagnes du versant oriental des Andes. Elle paraitrait, alors, habiter dans la zone 
équinoxiale, le Brésil, la Guyane, la Bolivia et le Paraguay ; mais là seulement les plaines 
boisées ou les montagnes peu élevées du système brésilien. Elle est assez commune aux 
environs des Missions de San-Miguel, de Conception et de Santa-Ana de Chiquitos. On la 
rencontre toujours au plus épais des fourrés, des chaparrales, où elle vit de la même 
manière que les espèces précédentes, et plus particulièrement comme le Tamnophilus 
doliatus, dont elle a même le chant, la vivacité, les mœurs. On la voit, quelquefois, 
isolée, mais aussi par couples. Elle nous a paru sédentaire. | 


BATARA A VENTRE VARIÉ » Thamnophilus aspersiventer, Nob. 


Oiseaux, pl. IV, mâle et femelle. : 


Thamnophilus aspersiventer , d'Orb. et Lafr., Syn.; Magasin de Guérin, p. 10, n.° 5. 


Thamnophilus. Mas. Supra ater; pennis dorsi longioribus intus basi nivæis; tectri- 
cibus omnibus superis alæ caudaque maculis albis terminatis ; remigibus prima- 
ris angustissime albo marginatis; secundariis eodem colore vix conspicue, apice 
tenuissime fimbriatis; cauda cuneata, rectricibus omnibus (duabus intermediis 
exceptis) apice albo maculatis, extima laterali in medio duabus externis macu- 
lis ejusdem coloris notata; subtus, a gutture ad ventrem, aterrimus ; abdomine 
tectricibusque , caudæ inferis griseis, nigro quasi aspersis. Long. corp., 16 cent. 

Fem. Difjèrt colore griseo non atro supra , olivaceo tinto occipite nigro; tectrices 
alæ nigræ albo terminatur, ut in mare; abdomen et tectrices caudæ inferiores 
rufescunt. 


Sur le vivant. Pieds bleus; bec noir; yeux bistrés. Longueur totale, du bout du bec à 
l'extrémité de la queue, 16 centimètres; du vol, 23 centimètres; du pli de Paile à son 
extrémité, 75 millimètres; de la queue, 5 centimètres; du tarse au bout des doigts, 
4 centimètres; du doigt du milieu, 2 centimètres; de l’ongle du pouce, 6 millimètres; 
du bec, 14 millimètres; sa hauteur, 6 millimètres; sa largeur, à millimètres ; circonfé- 
rence du corps, 10 centimètres. 

Sa forme est celle du Thamnophilus nævius , avec la queue plus longue, en coin et très- 
étagée; le bec plus fort, surtout un peu plus large; la cinquième rémige la plus longue; 
la première et la seconde très-courtes. 

Couleurs. Mäle adulte. Tout noir en dessus, les plumes du dos blanches, terminées 
de noir, le croupion ardoisé; petites tectrices supérieures de l’aile blanches, les grandes 


noires, terminées de blanc; rémiges noirâtres, bordées de blanc; rectrices noires, ter- 


5 
minées de blanc, les deux intermédiaires entièrement noires; couvertures inférieures de 


2. Cest mal à propos que la figure II porte le nom de T. schistaceus ; c’est la femelle du 7 
aspersiventer, Nob. 


Passe- 
reaux., 


(172) 


Pase- l'aile blanches; cette teinte colore aussi le côté interne des rémiges; gorge et poitrine 


reaux. 


noires; le ventre en entier bleuâtre , aspergé, ou comme rayé, iransversalement, de noirâtre. 

Jeune mâle. Tout le croupion et le bas du dos ardoisés; les plumes terminées de rous- 
sàtre; cette couleur couvrant aussi le bas-ventre et les couvertures inférieures de la 
queue. Femelle. Parties supérieures ardoisées, passant au bleu sur la tête, et à l’olivatre 
sur le croupion; la base des plumes du dos blanchätre, comme chez les mâles; la gorge 
et la poitrine gris mélangé de roux; une vive couleur rousse couvre tout le reste des 
parties inférieures, sans en excepter les tectrices des ailes et de la queue; celles des 
mâles, avec beaucoup moins de blanc; il en est de même des rectrices. 

Cette espèce, au lieu de se rencontrer, comme les autres, sur une grande surface du 
sol de l'Amérique méridionale, paraît être propre, seulement, aux montagnes du versant 
oriental des Andes boliviennes, dans les provinces de Yungas, de Sicasica et d’Ayupaya; 
au moins ne l’avons-nous rencontrée que là, au 17.° degré de latitude sud; ce qui 
pourrait nous faire croire qu’elle préfère l'humidité continuelle qui caractérise ces 
contrées. Cependant, elle y mène encore le genre de vie des autres espèces; car elle ne 
se trouve que dans les halliers les plus épais, les haies, principalement au milieu 
des coteaux cultivés ou autour des habitations. Elle y est assez commune, des plus 
familière; et rarement passe-t-on une journée dans une ferme quelconque, sans qu’elle 
fasse entendre, aux environs, en sautillant au sein des broussailles, son cri, qu’on peut 
comparer à un miaulement plaintif. Elle est toujours en mouvement, cherchant les 
insectes dont elle se nourrit : elle vit, ordinairement, isolée; cependant il n’est pas rare 
d’en rencontrer plusieurs individus dans les mêmes halliers, mais non ensemble. Son 
vol est on ne peut plus court, et elle ne part d’un buisson qu’à la dernière extrémité; 
encore est-ce pour aller se poser sur les branches les plus basses du buisson voisin, 
qu’elle parcourt, de suite, en sautillant. Dans la province de Yungas, on nous montra, 
placé sur les dernières branches d’un buisson, son nid, construit de petites racines 
et contenant trois œufs blancs, teintés de taches violettes. 


BATARA TACHETÉ, Tamnophilus maculatus, Nob. 
Thamnophilus maculatus, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 7; Magas. de zool., p. 11. 


Thamnophilus. Mas. Supra griseus; pileo nigro; maculis dorsi nonnullis; cauda, 
tectricibusque alæ nigris, his macula alba terminatis; rectrices etiam, duabus 
intermediis exceptis, apice albo notantur, extima laterali pogonio externo versus 
medium macula alba. Subtus griseo pallidior ; abdomine pallide rufescenti. 

Fem. Supra rufescenti-olivacea, pileo uropygioque rufescentioribus ; alæ nigro-fuscæ, 
rufescente limbatæ; tectricibus nigris, apice albo notatis, ut in mare, caudaque 
nigro-fusca , albo terminata. 


Sur le vivant. Yeux bruns; bec bleuàtre; pieds bleus. Longueur totale, du bout du 
bec à l'extrémité de la queue, 16 centimètres; de la queue, 6 centimètres; du pli de 


(1735) 
l'aile à son extrémité, 8 centimètres; du tarse à l'extrémité des doigts, 35 millimètres; 
du bec, {{ millimètres; sa hauteur, 5 millimètres. 

Müle. Dessus de la tête noir, le reste des parties supérieures gris ardoisé, excepté 
les plumes du milieu du dos, qui sont blanches, à leur base, et marquées d’une tache 
noire, en contact avec le blanc; tectrices supérieures, grandes et petites, noires, terminées 
de blanc; rémiges brunes, bordées, extérieurement, de gris pàle; couvertures inférieures 
des ailes, ainsi que la bordure postérieure inférieure des rémiges, blanches, teintées de 
roux; gorge et côté de la tête gris-bleu pale, comme nuagé de blanchâtre, cette couleur 
couvrant la poitrine; ventre et couvertures inférieures de la queue roussätres; queue 
longue, étagée; les deux rectrices intermédiaires noirätres; les autres ont, de plus, l’ex- 
trémité terminée de blanc; les deux inférieures ont une seconde tache blanche sur le 
côté externe de la moitié de leur longueur. Femelle. Dessus de la tête et croupion roux- 
brun, le reste des parties supérieures verdätre; gorge et joues variées comme chez le 
mâle, mais avec une teinte roussätre; le dessous du corps roux, plus vif sur le derrière; 
ailes et queue noir-brun bordé de roux. 

Cette espèce a beaucoup de rapports avec le Thamnophilus nœvius ; mais elle en diffère 
par une taille bien plus grande, une queue beaucoup plus longue; par une couleur plus 
foncée en dessus, le manque de bordure blanche aux rémiges secondaires, et par le 
ventre roux. La femelle est aussi bien différente; elle n’a pas la tête rousse, ni aucune 
des couleurs de la femelle du 7! nœvius, surtout sur le ventre, qui est roux vif. Elle est 
voisine aussi du Tamnophilus albo notatus, Spix (pl. 38, fig. 2); mais elle s’en distingue 
parce qu'elle a plus de blanc aux tectrices. 

Nous n'avons rencontré cet oiseau que dans la province de Corrientes (république 
Argentine), dans les halliers de la lisière des bois des rives du Parana, près du village 
d’Itaty; c'était aux mois de Septembre et d'Octobre : nous le voyions toujours isolé, au 
plus épais, sur les branches basses, sautillant continuellement, dans toutes les direc- 
tions, inclinant le corps en tous sens, et tournant la tête de manière à apercevoir tout 
ce qui pourrait se trouver là, tout en parcourant, ainsi, même les bois peu élevés. Le 
mâle fait entendre un cri qui ressemble au miaulement d’un jeune chat, ce qui lui a 
valu des Guaranis le nom de gurira-mbaracaya (oiseau-chat). Il vole peu, seulement 
lorsqu'il y est forcé, descend très-rarement à terre, et se nourrit, principalement, d’arai- 
gnées ; on ne le voit par paires qu’au mois d'Octobre, époque à laquelle il niche, au plus 
épais des buissons. 


BATARA A COIFFE NOIRE, Thamnophilus atropileus, Nob. 


Batara encanelado, Azara, n° 215 (peut-être la femelle du nôtre); Thamnophilus atropileus, 
d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 6 ; Magas. de zool. de Guérin, p. 113; Thamnophilus rutilus, Vieill., 
Encycl., p. 747? 

Thamnophilus. Supra rufescenti-griseus; alis rufis; pileo rectricibusque nigris, his 
pogonio interno albo maculatis ; subtus griseo-albescens ; pectore nigro transver- 
sim radiato. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 174) 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, bleuâtre en dessous. Longueur totale, 17 centi- 
mètres; du pli de l’aile à son extrémité, 7 centimètres; de la queue, 5 centimètres; du 
tarse au bout des doigts, 42 millimètres; du doigt du milieu, 18 millimètres; du bec, 
13 millimètres; sa hauteur, 5 millimètres. 

Müle. Dessus de la tête noir; front, joues et dessus du corps, gris cendré, mélangé, 
sur le dos, d’un peu de roux; gorge gris-blanc, ainsi que le milieu du ventre; poitrine 
grise, rayée, transversalement, de noir; ailes et leurs couvertures supérieures, roux vif; 
les rémiges ont les barbes internes noirätres; couvertures inférieures blanc teinté de 
fauve, cette couleur couvrant aussi le côté interne du dessous des rémiges; queue longue, 
étagée, noire, marquée, sur les rectrices supérieures, de six larges taches blanches, au 
côté interne; les inférieures rayées, en travers, des deux côtés. Le batara roux d’Azara, 
n.° 215, est, sans aucun doute, la femelle de celui-ci; car il n’en diffère que par sa tête, 
qu'il a rousse, au lieu de lavoir noire, caractère distinctif de toutes les femelles : ainsi 
le batara à coiffe noire est, bien certainement, une espèce distincte, assez voisine, par ses 
formes, du 7. doliatus , mais ayant le bec plus grêle; d’ailleurs, ses couleurs l’en distin- 
guent facilement. Cest la première qui manque de plumes blanches au dos. 

Nous n'avons rencontré cette espèce qu’une seule fois, au milieu de halliers épais 
des champs abandonnés, au sein des immenses forêts qui couvrent le pays habité par 
les Indiens guarayos, au nord-ouest de la province de Chiquitos, république de Boli- 
via : elle nous a paru avoir, en tout, par son sautillement et par son cri, les mœurs des 
espèces voisines; au reste, selon Azara, elle nicherait au Paraguay à la fin d'Octobre, 
construisant son nid comme le batara rayé; et pondrait deux œufs blancs, légèrement 
tachetés de rouge. 


BATARA À MANTEAU, Thamnoplilus palliatus. 


Lanius palliatus, Licht., Doublett., p. 46, n.* 492 et 493; Thamnophilus palliatus, prince Max., 
p- 1010,n. 6; d'Orb. et Lafr., Syn., n° 8; Mag. de zool. (1837),p. 11; Tamnophilus 


lineatus, Spix. 


Thamnophilus. Mas. Castaneus, capite, gastræo toto atris, albo transversim undu- 
latis; gutture alba et nigra striata; pileo atro. 
Fem. Pileo castaneo, dilutior, fasciis abdominalibus pallidis latioribus. 


Sur le vivant. Bec bleuâtre, plus foncé, en dessus; yeux jaune pale; pieds bleus. Lon- 
gueur lotale, 15 1/2 centimètres; de la queue, 5 1/2 centimètres; vol, 23 centimètres ; 
circonférence du corps, 11 centimètres. 

Les couleurs, chez le mâle, sont très-vives; plus pâles chez la femelle, dont le ventre 
est teint de jaune roux. Cette espèce a été rencontrée au Brésil par M. le prince Maxi- 
milien, qui a été à portée de l’étudier; mais elle n’avait été indiquée par aucun natu- 
raliste comme propre aux autres parties de l'Amérique méridionale. Nous Pavons 
trouvée au centre du continent américain, dans les lieux habités par les Indiens guarayos, 
au nord de la province de Chiquitos (Bolivia) ; ainsi, nous pouvons supposer qu’elle 


(1%) 

est propre aux régions chaudes du Brésil et des pays voisins. Nous ne l'avons jamais 
vue que sur les bords des rivières, au sein du fourré formé par les branches des bam- 
bousiers; on l’entend là, bien long-temps, avant de l’apercevoir, tandis qu’elle sautille, 
en poursuivant les insectes dont elle se nourrit. C’est, sans contredit, l'espèce qui nous 
a donné le plus de peine à obtenir, quoiqu’elle ne soit pas rare, parce qu’elle se cache 
toujours au plus épais. Nous devons au savant observateur, M. le prince Maximilien de 
Neuwied, la connaissance de son chant, qu’il exprime ainsi? : 


Les Indiens guarayos la nomment Uraï pyta. 


SECTION B. Queue longue, grêle. 


Queue longue et très-grêle; bec un peu déprimé et subcariné. 


BATARA A COIFFE, Thamnophilus pileatus. 


Myothera pileata, Licht., Verz. der Doubl., p. 44, n° 4793 prince Max., p. 1078, n° 10; 
Griff. Anim. Kingd., t. VI, p.406; Formicivora pileata , Ménétr., Mon. des Myothères, p. 43; 
Thamnophilus pileatus , d'Orb. et Lafr., Syn., n° 13 ; Magas. de zool. (1837), p. 12. 


Thamnophilus. Interscapularibus basi superciliisque niveis; supra cinerea; pileo, 
regione ophthalmica et parotica atris; tectricibus rectricibusque nigris, albo ter- 
minatis ; subtus dilutior, gula ventrique albis. 


Sur le vivant. Bec corné en dessus, bleu à la mandibule inférieure; yeux bruns; tarses 
bleuätres. Longueur totale, 12 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 48 milli- 
mètres; de la queue, 48 millimètres; du bec, 12 millimètres; du tarse au bout des 
doigts, 3 centimètres. 

Cette espèce est surtout remarquable par sa queue longue, des plus grêle et fortement 
étagée; son bec est aussi haut que large; ses tarses sont grèles. Nous l’avons rencontrée 
une seule fois aux environs de la Mission de San-José, province de Chiquitos, répu- 
blique de Bolivia, au plus épais des halliers et des chaparrales qui couvrent cette 
partie de l’ancien Haut-Pérou; elle a, en tout, le genre de vie des bataras. 


BATARA A TÊTE VARIÉE, Thamnophilus affinis, Nob. 


Thamnophilus affinis, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 17; Magas. de zool. (1837), p. 12. 


Thamnophilus. Subtus griseus; capite nigro, albo striato; fronte rufescente; subtus 
sordide flavescente; remigibus nigris, griseo externe limbatis; rectricibus nigris, 


1. P. 1012. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


(176 ) 


albido terminatis ; cauda graciliore ; rectricibus quidem supernis nigris; alis albido 
terminatis ; inferioribus fere albidis; tarsis gracilibus. 


Sur le vivant. Bec bleu, yeux blanchàtres, pieds bleus. Longueur totale, 15 cen- 
timètres; du pli de l’aile à son extrémité, 45 millimètres; de la queue, 45 millimètres; 
du tarse au bout des doigts, 3 centimètres; du doigt du milieu, 15 millimètres; du 
bec, 13 millimètres; circonférence du corps, 9 centimètres. 

Bec assez robuste; ailes courtes , la quatrième penne la plus longue ; queue très-grèle, 
longue, étagée; tarse long; doigts courts. Dessus de la tête noir, moucheté de blanc 
au milieu ; front varié de roux; toutes les parties supérieures gris-bleu, passant au 
blanchätre au croupion, et au vert aux parties interscapulaires; gorge blanchâtre; le 
dessous blanc, fortement teinté de roux pâle; tectrices des ailes noires, toutes termi- 
nées de blanc; rémiges brun-noir , bordées de gris jaune; les dernières bordées de blanc; 
queue noiràtre , terminée de blanc; les rectrices inférieures presque entièrement blanches. 
Tel est le seul individu que nous ayons de cette espèce : il nous a paru adulte et mâle; 
il se rapproche un peu de l'espèce précédente; mais il en diffère par une taille plus 
forte, par le bec moins large, et par ses teintes. 

Nous l’avons rencontré isolé au milieu d’un hallier, près de la Mission de Santa-Ana 
de Chiquitos, république de Bolivia ; il paraissait avoir les mœurs des bataras, en géné- 


ral; car il sautillait sur les branches basses d’un buisson. Son estomac contenait des 
larves d'insectes hémiptères. 


BATARA À POITRINE STRIÉE, Thamnophilus striato-thoraz. 


Morothera striato-thorax, Temm., Col., 197-1-2; Lanius guttulatus, Licht., n.” 500 et 501? 
Thamnoplilus striato-thorax, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 16; Mag. de zoo. (1837), p. 12. 


Thamnophilus. Capite supra nigro, albido maculato; gutture, capitis lateribus, collo 
pectoreque albis, nigro variatis; supra brunneus ; uropygio et abdomine rufis ; 


rectricibus nigris, albo maculatis; remigibus brunneis, viridescente limbatis ; cauda 
brunnea pallidiori terminata. 


Sur le vivant. Bec noir en dessus, bleuâtre en dessous; yeux bruns; pieds livides. 
Longueur totale, 12 centimètres ; de la queue, 32 millimètres; circonférence, 8 centi- 
mètres. 

Nous avons tué cette espèce au sein des halliers des champs cultivés abandonnés des 
forêts chaudes et humides du pays habité par les Indiens yurucarès, au nord de la 
ville de Cochabamba , république de Bolivia. Elle y était peu commune et y menait le 
genre de vie des espèces précédentes. 


SECTION C. Queue courte. 


Queue très-courte, étagée; bec fort, en tout semblable au groupe 4. Mâles 
et femelles peu différens de couleur ; leurs mœurs sont celles du genre. 


( 177 ) 


BATARA MOUCHETÉ, Tamnophilus guttatus, Nob. 


Myrmothera guitata, Vieill., Gal., 155, p. 251; Thamnophilus guttatus, d'Orb. et Lafr., Syn., 
n° 19; Mag. de zool. (1837), p. 13. 


Thamnophilus. Corpore antice nigrescente, postice rufo ; pennis interscapularibus ad 
basim albidis; abdomine albescente; rectricibus rufis ; parvis remigium tectricibus 
nigrescentibus, rotunde albo maculatis; aliis rufis, nigra macula, necnon altera 
saturatius clara terminatis. 


Sur le vivant. Bec noir; yeux bruns; pieds bleuâtres. Longueur totale, 14 centi- 
mètres ; du pli de l'aile à son extrémité, 55 centimètres; de la queue, 3 centimètres; 
du bec, 13 millimètres; sa hauteur, 4 1/2 millimètres; sa largeur, 5 millimètres; cir- 
conférence, {1 centimètres. 

Toutes les parties antérieures du corps noires, bleuâtres en dessus; toutes les parties 
postérieures rousses; la base des pennes interscapulaires blanche; milieu du ventre 
blanchâtre; petites tectrices des ailes, noires, terminées d’une tache blanche; les autres, 
rousses, ornées d’une tache noire et d’un roux clair; épaules blanches. 

Nous avons obtenu cette espèce au sein des immenses forêts qui bordent le pied 
oriental des Andes boliviennes, au nord de Cochabamba, dans le pays habité par les 
Indiens yuracarès. Là, au milieu des halliers les plus épais, au bord des rivières ou 
dans les champs depuis long-temps abandonnés, on la voit sautiller, à la manière des 
autres bataras, en faisant entendre un petit cri plainüf. Elle descend souvent à terre, 
afin d'y chercher les insectes qu’elle ne trouve pas sur les branches basses des buissons, 
qu’elle parcourt incessamment. Elle est rare. 


BATARA GORGERET, Thamnophilus mentalis, Nob. 


Myothera mentalis, Temm., PI. col., 179-3; Myothera poliocephala, prince Max., p. 1098; 
Thamnophilus mentalis, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 15; Mag. de z0ol. (1837), p. 12. 


Thamnophilus. Gutture, collo pectoreque, albescentibus , cæruleo variegatis , infra 
viridescentibus ; humeris albis ; ardesiaco capite; dorso griseo-ardesiaco; uropygio 
viridescente. 


Sur le vivant. Pieds et bec bleuâtres; yeux bruns. Longueur totale, 13 centimètres ; 
vol, 21 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 64 millimètres; de la queue, 
35 millimètres; du tarse au bout des doigts, 3 centimètres; du bec, 1 centimètre; sa 
bauteur, 4 millimètres ; sa largeur, 5 millimètres; circonférence du corps, 8 centi- 
mètres. 

Tout le dessus de la tête ardoisé foncé, passant au noirâtre, sur les oreilles ; cette 
couleur s'étend , en diminuant d'intensité, sur le dessus du col et sur le dos, où elle 
prend une teinte verte, qui domine au croupion ; gorge, devant du col et poitrine 
blanchètre, nuagé de bleu, surtout sur la poitrine; ventre jaune verdâtre, vert sur les 


TV. Où. sa 


Passe- 
reaux. 


( 178 ) 


Passe- flancs; épaules blanches; les petites tectrices supérieures noires , terminées de verdätre; 


reaux. 


les autres et les rémiges brunes, bordées de verdätre; queue brun-vert, peu étagée. Le 
bleu de la poitrine s'étend plus ou moins sur le ventre, selon le sexe. 

Nous n'avons rencontré cette espèce qu’à l’est des Andes boliviennes, province de 
Yungas, au 17.° degré de latitude sud, dans les ravins boisés et humides , toujours au 
milieu des buissons épais, sautillant comme les autres Thamnophilus, en cherchant des 
insectes. Elle se tient de préférence loin des habitations, dans les champs abandonnés 
et dans les halliers des bords des rivières et des torrens, où elle fait entendre, par 
intervalle, son petit cri plaintif. 


Genre FORMICIVORE, Formicivora, Swains. 


Genus Drymophila, Pars.; Formicivora, Swains., Ménétr.; Fourmilier à longue queue, Temm., 
Licht.; Thamnoplili tenuirostres, d'Orb. et Lafr., Syn. 


Bec droit, un peu allongé, subcariné supérieurement , un peu comprimé 
vers l'extrémité, courbé et échancré vers la pointe; narines arrondies, peu 
recouvertes; langue frangée; tarses longs, minces; doigts médiocres ; externe 
réuni à l'intermédiaire, à sa base; ongle du pouce recourbé; ailes courtes, 
arrondies ; queue longue, étagée. 

Les oiseaux de cette division ont les mœurs des T’hamnophilus proprement 
dits; comme ceux-ci, ils vont seulement dans les fourrés et dans les halliers 
les plus épais, où ils sautillent continuellement, en cherchant des larves 
d'insectes; faisant, parfois, entendre soit un sifflement plaintif, soit une gamme 
chromatique, terminée par un petit gazouillement. Ils volent mal et des- 
cendent peu à terre; ils diffèrent, cependant, un peu des bataras propre- 
ment dits, en ce que quelques-unes de leurs espèces nichent encore à terre, 
tandis que les autres placent leur nid sur les troncs d'arbres et même sur 
les buissons; ils s'élèvent moins aussi que les espèces à bec fort, au sein des 
halliers, montant rarement plus haut que huit ou dix pieds. Ils sont tous 
du versant oriental des Andes. 


FORMICIVORE NOTODÈLE, Formicivora domicella. 


Lanius domicella, Licht., Doubl., p. 47, n° 502 et 503; Drymophila trifasciata, Swains., 
Zool.journ.,t.1,p.302,etn. VI,p.152; Less., Man.,t.1,p.196; Griff., Anim. Kingd., Ve 73 
p-. 283; Myothera leuconota, Spix, 4v., p. 72, fig. 2 (fem.); Formicivora domicella, Ménétr., 
Mon. des Myoth., p. 61, n° 28; Thamnophilus domicella, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 9; Mag. 
de zool. (1837), p. 11. 


Formicivora. Mas. Aterrimus, interscapularibus basi, humeris, tectricibus mediis 
majoribusque apice niveis. 


(1710) 


BATARA MOUCHETÉ, Thamnophilus guttatus, Nob. 


Myrmothera guttata, Vieill., Gal., 155, p. 251; Thamnophilus guttatus, d'Orb. et Lafr., Syn., 
n° 19; Mag. de zool. (1837), p. 13. 


Thamnophilus. Corpore antice nigrescente, postice rufo; pennis interscapularibus ad 
basim albidis; abdomine albescente; rectricibus rufis ; parvis remigium tectricibus 
nigrescentibus, rotunde albo maculatis; aliis rufis, nigra macula, necnon altera 
saturatius clara terminatis. 


Sur le vivant. Bec noir; yeux bruns; pieds bleuätres. Longueur totale, 14 centi- 
mètres; du pli de l'aile à son extrémité, 55 centimètres; de la queue, 3 centimètres; 
du bec, 13 millimètres; sa hauteur, 4 1/2 millimètres; sa largeur, 5 millimètres; cir- 
conférence, 11 centimètres. 

Toutes les parties antérieures du corps noires, bleuâtres en dessus; toutes les parties 
postérieures rousses; la base des pennes interscapulaires blanche; milieu du ventre 
blanchâtre; petites tectrices des ailes, noires, terminées d’une tache blanche; les autres, 
rousses, ornées d’une tache noire et d’un roux clair; épaules blanches. 

Nous avons obtenu cette espèce au sein des immenses forêts qui bordent le pied 
oriental des Andes boliviennes, au nord de Cochabamba, dans le pays habité par les 
Indiens yuracarès. Là, au milieu des halliers les plus épais, au bord des rivières ou 
dans les champs depuis long-temps abandonnés, on la voit sautiller, à la manière des 
autres bataras, en faisant entendre un petit cri plaintif. Elle descend souvent à terre, 
afin d’y chercher les insectes qu’elle ne trouve pas sur les branches basses des buissons, 
qu’elle parcourt incessamment. Elle est rare. 


BATARA GORGERET, Tamnoplilus mentalis , Nob. 


Myothera mentalis, Temm., PI. col., 179-3; Myothera poliocephala, prince Max., p. 1098; 
Thamnoplilus mentalis, d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 15; Mag. de zool. (1837), p. 12. 


Thamnophilus. Gutture, collo pectoreque, albescentibus , cæruleo variegatis, infra 
viridescentibus ; humeris albis ; ardesiaco capite; dorso griseo-ardesiaco; urOpy gio 
viridescente. 


Sur le vivant. Pieds et bec bleuâtres; yeux bruns. Longueur totale, 13 centimètres; 
vol, 21 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 64 millimètres; de la queue, 
35 millimètres; du tarse au bout des doigts, 3 centimètres; du bec, { centimètre; sa 
bauteur, 4 millimètres ; sa largeur, 5 millimètres; circonférence du corps, 8 centi- 
mètres. 

Tout le dessus de la tête ardoisé foncé, passant au noiràtre, sur les oreilles ; cette 
couleur s'étend , en diminuant d'intensité, sur le dessus du col et sur le dos, où elle 
prend une teinte verte, qui domine au croupion ; gorge, devant du col et poitrine 
blanchâtre, nuagé de bleu, surtout sur la poitrine; ventre jaune verdâtre, vert sur les 


IV. Ois. 23 


Passe- 
reaux. 


(178) 


Passe- flancs; épaules blanches ; les petites tectrices supérieures noires , terminées de verdâtre; 


reaux. 


les autres et les rémiges brunes, bordées de verdâtre; queue brun-vert, peu étagée. Le 
bleu de la poitrine s'étend plus ou moins sur le ventre, selon le sexe. 

Nous n'avons rencontré cette espèce qu’à l’est des Andes boliviennes, province de 
Yungas, au 17. degré de latitude sud, dans les ravins boisés et humides, toujours au 
milieu des buissons épais, sautillant comme les autres Thamnophilus, en cherchant des 
insectes. Elle se tient de préférence loin des habitations, dans les champs abandonnés 
et dans les halliers des bords des rivières et des torrens, où elle fait entendre, par 
intervalle, son petit cri plaintif. 


Gexre FORMICIVORE, Formicivora, Swains. 


Genus Drymophila, Pars.; Formicivora, Swains., Ménétr.; Fourmilier à longue queue, Temm., 
Licht.; Thamnoplili tenuirostres, d'Orb. et Lafr., Syn. 


Bec droit, un peu allongé, subcariné supérieurement , un peu comprimé 
vers l'extrémité, courbé et échancré vers la pointe; narines arrondies, peu 
recouvertes; langue frangée; tarses longs, minces; doigts médiocres ; l’externe 
réuni à l'intermédiaire, à sa base; ongle du pouce recourbé; ailes courtes, 
arrondies ; queue longue, étagée. 

Les oiseaux de cette division ont les mœurs des Thamnophilus proprement 
dits; comme ceux-ci, ils vont seulement dans les fourrés et dans les halliers 


des plus épais, où ils sautillent continuellement, en cherchant des larves 


d'insectes; faisant, parfois, entendre soit un sifflement plaintif, soit une gamme 
chromatique, terminée par un petit gazouillement. [ls volent mal et des- 
cendent peu à terre; ils diffèrent, cependant, un peu des bataras propre- 
ment dits, en ce que quelques-unes de leurs espèces nichent encore à terre, 
tandis que les autres placent leur nid sur les troncs d'arbres et même sur 
les buissons; ils s'élèvent moins aussi que les espèces à bec fort, au sein des 
halliers, montant rarement plus haut que huit ou dix pieds. Ils sont tous 
du versant oriental des Andes. 


FORMICIVORE NOTODÈLE, Formicivora domicella. 


Lanius domicella, Ticht., Doubl., p. 47, n° 502 et 503; Drymophila trifasciata, Swains., 
Zool.journ.,t.1,p.302,etn. VI,p.152; Less., Man.,t.1,p.196;Griff., Ænim. Kingd., v. 7, 
p. 283 ; Myothera leuconota, Spix, 4v., p. 72, fig. 2 (fem.); Formicivora domicella, Ménétr., 
Mon. des Myoth., p. 61, n° 28; Thamnophilus domicella, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 9; Mag. 
de zool. (1837), p. 11. 


Formicivora. Mas. Aterrimus, interscapularibus basi, humeris, tectricibus mediis 
majoribusque apice niveis. 


( 179 ) 


Fem. Fusco rufescens, subtus cinerascente et fusco-olivaceo; gastræo medio palli- 
diore; alis fuscis, rufo-marginatis ; cauda nigra. 


Sur le vivant. Bec noir, chez le mâle; noir en dessus, bleu rose à la base de la man- 
dibule inférieure, chez la femelle; pieds violets; yeux rouges. Longueur totale, 17 cen- 
ümètres; vol, 23 centimètres; de la queue, 5 1/2 centimètres; circonférence du corps, 
10 1/2 centimètres. 

Cet oiseau, que les auteurs que nous avons cités avaient observé ou reçu du Brésil, 
s’est montré à nous au centre de l'Amérique méridionale, dans la province de Chiqui- 
tos, république de Bolivia, surtout aux environs de la Mission de Santa-Ana. Nous ne 
l'avons pas rencontré au sein des forêts, où M. Ménétries! l’a observé au Brésil; mais 
bien, seulement, dans les chaparrales ou petits arbustes et buissons, qui équivalent 
aux capuaires des Brésiliens; là, il menait le genre de vie des bataras à gros bec, 
sautillant toujours au milieu des fourrés, assez près de terre, en faisant entendre un 
sifflement monotone et plaintif, et cherchant les insectes mous, tels que les larves d’hé- 
miptères et de lépidoptères. IL est plus commun sur les coteaux que partout ailleurs, 
allant par couples, isolés ou en petites troupes de quelques individus seulement. 11 des- 


cend rarement à terre. 


FORMICIVORE NOIR, Formicivora atra. 
Planche V, fig. 2.2 


Drymophila atra, Swains., Zool. journ., n° VI, p. 153; Less., Man., 1, p. 196; Formici- 
vora atra, Ménétr., Mon. des Myoth., p. 63, n° 29; T'hamnophilus aterrimus, d'Orb. et 


Lafr., Syn., n° 10; Mag. de zool. (1837), p. 11. 


Formicivora. Totus ater, interscapularibus, pennis tantummodo basi niveis , apice 
nigris. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs; yeux rouge vif de carmin. Longueur totale, 20 
centimètres; vol, 26 centimètres ; du pli de l’aile à son extrémité, 8 centimètres; queue, 
65 millimètres; du tarse au bout des doigts, 55 millimètres; du doigt du milieu, 24 
millimètres; du bec, 15 millimètres; sa hauteur, 5 1/2 millimètres; sa largeur, 5 milli- 
mètres; circonférence du corps, {1 centimètres. 

Tout noir profond; la moitié de la base des plumes interscapulaires blanche; l’ex- 
trémité noire, de manière que, lorsqu'elles sont couchées, on n’aperçoit pas le blanc. 
Cette espèce diffère du Formicivora domicella par le manque de blanc aux tectrices des 
ailes, et du ZLanius luttuosus, Licht., n° 504, par le manque de blanc à la queue 
et aux scapulaires. 

M. Swainson avait obtenu cette espèce de Bahia au Brésil; et, jusqu’à notre voyage, 
elle n'avait été reçue que de cette contrée, où même elle paraît rare; cependant le 


1. Mon. des Myoth., p. 62. 
2. Lorsqu'avec M. de Lafresnaye nous imposâmes à cette espèce le nom d’aterrimus, qu’elle 
porte dans la planche citée, nous n’avions pas connaissance du travail de M. Swainson. 


Passe- 
reaux. 


(180 ) 


Passe- Brésil n’est pas exclusivement sa patrie; car, dans la république de Bolivia, lorsque 


reaux. 


nous eûmes passé les Andes au 17° degré de latitude sud, et que nous parvinmes sur 
le versant oriental de cette chaine, aux montagnes élevées de cinq à six mille pieds 
au-dessus du niveau de la mer, nous commençämes à en rencontrer quelques indivi- 
dus près du Rio de Chajro, province de Yungas; et, de là, nous la retrouvèmes dans 
l'immense province de Chiquitos, à plus de trois cents lieues à l’est; ainsi nous pou- 
vons affirmer qu’elle habite le Brésil et la Bolivia, depuis les plaines les plus chaudes 
des tropiques , jusqu'aux montagnes peu élevées du versant oriental des Cordillères. 

À Yungas, elle paraît rare, tandis qu’elle est très-commune à Chiquitos et dans les 
bois des Guarayos. Nous l’avons rencontrée au milieu des plantations, autour des 
maisons, sur les coteaux, près des bords des rivières, mais, plus souvent, dans les 
chaparrales de Chiquitos, surtout les plus fourrés; là, elle sautille continuellement, en 
jetant, d’instans en instans, un petit cri perçant. Elle est, la plupart du temps, isolée ; 
ses mœurs sont celles des autres espèces. 


FORMICIVORE ROUX-NOIR, Formicivora rufatra, Nob. 
Thamnophilus rufater, d'Orb. et Lafresn., Syn., n° 12; Mag. de zool. (1837), p. 12. 


Formicivora. Mas. Supra fuliginoso-rufescens; capite obscuriore ; superciliaris 
tæniaque ad latera colli et pectoris alba; tectricibus alæ rectricibusque nigris, 
albo terminatis et fuliginoso limbatis, his basi fusco fuliginosis; gutture, pec- 
tore, abdomineque medio atris ; hypocondriis rufescentibus. 

Fem. Minimæ quædam longitudinalis nigræ maculæ albescente superpositæ nigræ, 
juguli pectorisque vicem implent. 


Sur le vivant. Bec noir; yeux bruns; pieds bleu clair. Longueur totale, 14 centi- 
mètres; vol, 17 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 56 millimètres; de la 
queue, 4 centimètres; du tarse, 39 millimètres; du bec, 13 millimètres; circonférence 
du corps, 8 centimètres. 

Müle. Toutes les parties supérieures roux fuligineux, plus teinté de brun sur la tête; 
gorge, poitrine et milieu du ventre seulement, noirs; un large sourcil blanc part des 
narines et circonscrit le noir; plis de l’aile blancs; les tectrices noires, terminées chacune 
d’une goutte blanche; les postérieures teintées et bordées de roux; rémiges brunes, 
bordées , des deux côtés, de roux; flancs blanchâtres, derrière et couvertures inférieures 
de la queue fauves; queue longue, étagée, brune en dessus, noire en dessous, surtout 
à l’extrémité, qui est terminée, pour toutes, par une tache blanche plus large sur les 
rectrices inférieures. 

Jeune mâle. Le noir du dessous ne s'étend pas sur le milieu du ventre; cette teinte 
y est remplacée par du blanc. | 

Femelle. Les mêmes teintes que le mâle : tout le devant du cou, de la gorge, de la 
poitrine et du haut du ventre, blanc, moucheté, en long, de taches noires, une sur 
chaque plume. 


Fem. Fusco rufescens, subtus cinerascente et fusco-olivaceo; gastræo medio palli- 
diore; alis fuscis, rufo-marginatis ; cauda nigra. 


Sur le vivant. Bec noir, chez le mâle; noir en dessus, bleu rose à la base de la man- 
dibule inférieure, chez la femelle; pieds violets; yeux rouges. Longueur totale, 17 cen- 
ümètres; vol, 23 centimètres; de la queue, 5 1/2 centimètres; circonférence du corps, 
10 1/2 centimètres. 

Cet oiseau, que les auteurs que nous avons cités avaient observé ou reçu du Brésil, 
s'est montré à nous au centre de l'Amérique méridionale, dans la province de Chiqui- 
tos, république de Bolivia, surtout aux environs de la Mission de Santa-Ana. Nous ne 
l'avons pas rencontré au sein des forêts, où M. Ménétries! l’a observé au Brésil; mais 
bien, seulement, dans les chaparrales ou petits arbustes et buissons, qui équivalent 
aux capuaires des Brésiliens; là, il menait le genre de vie des bataras à gros bec, 
sautillant toujours au milieu des fourrés, assez près de terre, en faisant entendre un 
sifflement monotone et plaintif, et cherchant les insectes mous, tels que les larves d’hé- 
miptères et de lépidoptères. IL est plus commun sur les coteaux que partout ailleurs, 
allant par couples, isolés ou en petites troupes de quelques individus seulement. Il des- 


cend rarement à terre. 


FORMICIVORE NOIR, Formicivora atra. 
Planche V, fig. 2.2 


Drymophila atra, Swains., Zool. journ., n° VI, p. 153; Less., Man., 1, p. 196; Formici- 
vora atra, Ménétr., Mon. des Myoth., p. 63, n° 29; T’hamnophilus aterrimus, d'Orb. et 
Lafr., Syn., n° 10; Mag. de zool. (1837), p. 11. 

Formicivora. Totus ater, interscapularibus, pennis tantummodo basi niveis , apice 
nigris. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs; yeux rouge vif de carmin. Longueur totale, 20 
centimètres; vol, 26 centimètres ; du pli de l’aile à son extrémité, 8 centimètres; queue, 
65 millimètres; du tarse au bout des doigts, 55 millimètres; du doigt du milieu, 24 
millimètres; du bec, 15 millimètres; sa hauteur, 5 1/2 millimètres; sa largeur, 5 milli- 
mètres; circonférence du corps, 11 centimètres. 

Tout noir profond; la moitié de la base des plumes interscapulaires blanche; l’ex- 
trémité noire, de manière que, lorsqu'elles sont couchées, on n’aperçoit pas le blanc. 
Cette espèce diffère du Formicivora domicella par le manque de blanc aux tectrices des 
ailes, et du ZLanius luttuosus, Licht., n° 504, par le manque de blanc à la queue 
et aux scapulaires. 

M. Swainson avait obtenu cette espèce de Bahia au Brésil; et, jusqu’à notre voyage, 
elle n'avait été reçue que de cette contrée, où même elle paraît rare; cependant le 


1. Mon. des Myoth., p. 62. 
2. Lorsqu'avec M. de Lafresnaÿe nous imposâmes à cette espèce le nom d’aterrimus, qu’elle 
porte dans la planche citée, nous n’avions pas connaissance du travail de M. Swainson. 


Passe- 
reaux. 


( 480 ) 


Passe- Brésil n’est pas exclusivement sa patrie; car, dans la république de Bolivia, lorsque 


reaux. 


nous eùmes passé les Andes au 17.° degré de latitude sud, et que nous parvinmes sur 
le versant oriental de cette chaine, aux montagnes élevées de cinq à six mille pieds 
au-dessus du niveau de la mer, nous commençàames à en rencontrer quelques indivi- 
dus près du Rio de Chajro, province de Yungas; et, de là, nous la retrouvames dans 
l'immense province de Chiquitos, à plus de trois cents lieues à l’est; ainsi nous pou- 
vons affirmer qu’elle habite le Brésil et la Bolivia, depuis les plaines les plus chaudes 
des tropiques , jusqu'aux montagnes peu élevées du versant oriental des Cordillères. 

À Yungas, elle paraît rare, tandis qu’elle est très-commune à Chiquitos et dans les 
bois des Guarayos. Nous l’avons rencontrée au milieu des plantations, autour des 
maisons, sur les coteaux, près des bords des rivières, mais, plus souvent, dans les 
chaparrales de Chiquitos, surtout les plus fourrés; là, elle sautille continuellement, en 
jetant, d’instans en instans, un petit cri perçant. Elle est, la plupart du temps, isolée; 
ses mœurs sont celles des autres espèces. 


FORMICIVORE ROUX-NOIR, Formicivora rufatra, Nob. 
Thamnophilus rufater, d'Orb. et Lafresn., Syn., n° 12; Mag. de zool. (1837), p. 12. 


Formicivora. Mas. Supra fuliginoso-rufescens; capite obscuriore ; superciliaris 
tæniaque ad latera colli et pectoris alba; tectricibus alæ rectricibusque nigris, 
albo terminatis et fuliginoso limbatis, his basi fusco fuliginosis; gutture, pec- 
tore, abdomineque medio atris ; hypocondriis rufescentibus. 

Fem. Minimæ quædam longitudinalis nigræ maculæ albescente superpositæ nigræ, 
juguli pectorisque vicem implent. 


Sur le vivant. Bec noir; yeux bruns; pieds bleu clair. Longueur totale, 14 centi- 
mètres; vol, 17 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 56 millimètres; de la 
queue, 4 centimètres; du tarse, 39 millimètres; du bec, 13 millimètres; circonférence 
du corps, 8 centimètres. 

Müle. Toutes les parties supérieures roux fuligineux, plus teinté de brun sur la tête; 
gorge, poitrine et milieu du ventre seulement, noirs; un large sourcil blanc part des 
narines et circonscrit le noir; plis de l'aile blancs; les tectrices noires, terminées chacune 
d’une goutte blanche; les postérieures teintées et bordées de roux; rémiges brunes, 
bordées , des deux côtés, de roux; flancs blanchâtres, derrière et couvertures inférieures 
de la queue fauves; queue longue, étagée, brune en dessus, noire en dessous, surtout 
à l'extrémité, qui est terminée, pour toutes, par une tache blanche plus large sur les 
rectrices inférieures. 

Jeune mâle. Le noir du dessous ne s'étend pas sur le milieu du ventre; cette teinte 
y est remplacée par du blanc. 

Femelle. Les mêmes teintes que le mâle : tout le devant du cou, de la gorge, de la 
poitrine et du haut du ventre, blanc, moucheté, en long, de taches noires, une sur 
chaque plume. 


(181 ) 

On voit, par la description, que cette espèce a les plus grands rapports avec le For- 
micivora nigricollis, Swains. et Ménétr.; mais ce dernier diffère de l’autre par le manque 
de bordure blanche aux rémiges postérieures, parce que les rectrices sont toutes termi- 
nées de blanc, tandis que, dans l’autre, il n’y a que les six inférieures qui le soient; 
par le manque de noir jusqu'aux couvertures de la queue, en dessous, chez les mâles; 
et, enfin, parce que sa femelle a des couleurs qui rendent toutes différentes les grivelures 
de sa poitrine; cependant il ya, d’un autre côté, tant de ressemblance, que, tout en 
lui imposant un nom nouveau, nous n'oserions pas annoncer comme positif que ce ne 
fût pas une variété de l’espèce citée. 

Nous l'avons rencontrée au centre de la république de Bolivia, principalement dans 
les provinces de Chiquitos et de Moxos, toujours au milieu des halliers des lieux cul- 
tivés, au sein des chaparrales les plus épais, et dans les haies, où elle sautillait à la 
manière des autres espèces du genre, cherchant les insectes, principalement sur les 
branches basses, tout en faisant entendre, de temps en temps, un petit cri plaintif. Elle 
va isolément. 


FORMICIVORE ALAPI, Formicivora alapi. 


Turdus alapi, Gmel., Linn., 1, 826; Lath., /nd. orn., 1, 359; l'Ælapi de Cayenne, Buf., 
Enl., 701-2; Thamnophilus alapi, Vieill., Dict., t. IT, p. 311, et Enc., p. 742; Griff., 
t. VI, p. 279; Myothera alapi, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 3; Mag. de zool. (1837), p. 14. 


Formicivora. Fusco-olivacea ; dorso macula alba notato; tectricibus minoribus mediis- 
que albo punctatis; subtus cinerea; gutture pectoreque nigris; cauda nigra. 


Sur le vivant. Bec noir; yeux bruns; pieds bleuàätres. Longueur totale, 14 1/2 centi- 
mètres; vol, 19 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 6 centimètres; de la queue, 
45 millimètres; du tarse au bout des doigts, 47 millimètres; du bec, 13 millimètres ; 
sa hauteur, 4 1/2 millimètres; sa largeur, 5 millimètres; circonférence du corps, 10 
centimètres. 

On retrouve encore, dans cette espèce, un caractère propre aux bataras : c’est d’avoir 
la base des plumes du dos blanche, comme dans beaucoup des espèces de ce genre, 
caractère de plus qui rapproche ces deux genres. Cependant l’alapi est un de ces oiseaux 
qu’on ne sait réellement où placer. Il a le bec des myrmothères ; les tarses allongés 
des fourmiliers; la queue longue et large des bataras, ainsi que les plumes longues du 
derrière de ce genre; et, avec tout cela, ses mœurs participent également des uns et 
des autres. Buissonnier comme les bataras et les myrmothères, il aime les grandes forêts 
comme les fourmiliers, et marche souvent à terre, ainsi qu'eux, sans néanmoins être 
aussi terrestre. Nous l’avons rencontré dans la république de Bolivia, dans les immenses 
forêts du pied oriental des Andes, à Yuracarès, et bien au-delà vers l'Est, dans le pays 
des Guarayos; il est partout rare, mais surtout difficile à apercevoir, par suite de son 
habitude de se cacher entre les broussailles ou sur les branches les plus basses; il se 
nourrit exclusivement d'insectes. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 182 ) 


FORMICIVORE LAFRESNAYE, Formicivora Lafresnayana, Nob. 


Oiseaux, pl. VI, fig. 1; T'hamnoplilus Lafresnayanus d'Orb. et Lafr., Syn., n° 18 ; Mag. de 
zool. (1837), p. 13. 


Formicivora. Rostro superne brunneo, inferne cærulescente; cæruleis pedibus ; 
flavescentibus oculis; supra griseo viridescente, subtus pallide rufus; alæ cauda- 
que nigricantibus et rufescente limbatis. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus, bleuâtre en dessous; pieds bleus; yeux jaunâtres. 
Longueur totale, 11 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 5 centimètres; de la 
queue, 3 centimètres ; du tarse au bout des doigts, 25 millimètres; du bec, 12 milli- 
mètres ; sa hauteur et sa largeur, 4 millimètres; circonférence du corps, 8 centimètres. 

Toutes les parties supérieures gris ardoisé, devenant verdätre au croupion; toutes 
les parties inférieures roux pâle; joues gris clair; ailes et queue noirâtres, bordées de 
roux brun; tarses faibles, ainsi que les pieds. Cet oiseau, qui, par la faiblesse de ses 
tarses, le peu de longueur de sa queue, doit faire le passage des formicivores aux 
myrmothères, se trouve au sein des halliers, des vieux champs abandonnés, des 
grandes forêts humides et chaudes du pays habité par les Indiens yuracarès, à l’est des 
Andes boliviennes, département de Cochabamba. Il nous a paru des plus rare, et avait, 
en tout, les mœurs des bataras. 


MYRMOTHERE, Myrmothera, Vieill. 
Turdus, Lath.; Fourmiliers, Bufl.; Myothera, Xlig., Licht., prince Max.; Thamnophilus, Spix ; 


Formicivora, Swains.; Myrmothera, Ménétr. 


Caractères. Bec presque droit, grêle, allongé, caréné en dessus, courbé 
brusquement et échancré à sa pointe, légèrement déprimé à sa base; man- 
dibule concave à sa base, puis relevée, insensiblement, jusqu’à l'extrémité ; 
langue concave, frangée à son extrémité; narines ovales; tarses courts et fai- 
bles ; le doigt externe réuni à l’intermédiaire, à sa base; ailes médiocres, 
souvent arrondies ; queue courte, étagée; les plumes coccygiennes longues, 
soyeuses. Peu de différences de teintes entre les deux sexes. Les espèces que 
nous connaissons manquaient de blanc à la base des interscapulaires. 

Les myrmothères sont tous des régions intertropicales, situées (dans 
l'Amérique méridionale) à l’est des Andes, et ne remontent même pas sur les 
montagnes qui forment les derniers contreforts des Cordillères; ils habitent les 
forêts vierges, mais principalement les halliers de celles-ci, et les chaparrales 
ou petits bois composés d’épines; ils vont souvent par couples, descendant 
fréquemment à terre, mais se tenant, plus souvent encore, sur les branches 


( 181 ) 

On voit, par la description, que cette espèce a les plus grands rapports avec le For- 
micivora nigricollis, Swains. et Ménétr.; mais ce dernier diffère de l’autre par le manque 
de bordure blanche aux rémiges postérieures, parce que les rectrices sont toutes termi- 
nées de blanc, tandis que, dans l’autre, il n’y a que les six inférieures qui le soient; 
par le manque de noir jusqu'aux couvertures de la queue, en dessous, chez les mâles; 
et, enfin, parce que sa femelle a des couleurs qui rendent toutes différentes les grivelures 
de sa poitrine; cependant il y a, d’un autre côté, tant de ressemblance, que, tout en 
lui imposant un nom nouveau, nous n’oserions pas annoncer comme positif que ce ne 
fût pas une variété de l’espèce citée. 

Nous l’avons rencontrée au centre de la république de Bolivia, principalement dans 
les provinces de Chiquitos et de Moxos, toujours au milieu des halliers des lieux cul- 
tivés, au sein des chaparrales les plus épais, et dans les haies, où elle sautillait à la 
manière des autres espèces du genre, cherchant les insectes, principalement sur les 
branches basses, tout en faisant entendre, de temps en temps, un petit cri plaintif. Elle 
va isolément. 


FORMICIVORE ALAPI, Formicivora alapi. 


Turdus alapi, Gme., Linn., 1, 826; Lath., Znd. orn., 1, 359; l'Alapi de Cayenne, Buf., 
Enl., 701-2 3; Thamnoplilus alapi, Vieill., Dict., t. IT, p. 311, et Enc., p. 742; Griff., 
t. VI, p. 279 ; Myothera alapi, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 3; Mag. de z00l. (1837), p. 14. 


Formicivora. Fusco-olivacea ; dorso macula alba notato; tectricibus minoribus mediis- 
que albo punctatis; subtus cinerea; gutture pectoreque nigris; cauda nigra. 


Sur le vivant. Bec noir; yeux bruns; pieds bleuätres. Longueur totale, 14 1/2 centi- 
mètres; vol, 19 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 6 centimètres; de la queue, 
45 millimètres; du tarse au bout des doigts, 47 millimètres; du bec, 13 millimètres ; 
sa hauteur, 4 1/2 millimètres; sa largeur, 5 millimètres; circonférence du corps, 10 
centimètres. | 

On retrouve encore, dans cette espèce, un caractère propre aux bataras : c’est d’avoir 
la base des plumes du dos blanche, comme dans beaucoup des espèces de ce genre, 
caractère de plus qui rapproche ces deux genres. Cependant l’alapi est un de ces oiseaux 
qu'on ne sait réellement où placer. Il a le bec des myrmothères ; les tarses allongés 
des fourmiliers; la queue longue et large des bataras, ainsi que les plumes longues du 
derrière de ce genre; et, avec tout cela, ses mœurs participent également des uns et 
des autres. Buissonnier comme les bataras et les myrmothères, 1l aime les grandes forêts 
comme les fourmiliers, et marche souvent à terre, ainsi qu'eux, sans néanmoins être 
aussi terrestre. Nous l'avons rencontré dans la république de Bolivia, dans les immenses 
forêts du pied oriental des Andes, à Yuracarès, et bien au-delà vers l'Est, dans le pays 
des Guarayos; il est partout rare, mais surtout difficile à apercevoir, par suite de son 
habitude de se cacher entre les broussailles ou sur les branches les plus basses; il se 
nourrit exclusivement d'insectes. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


(182 ) 


FORMICIVORE LAFRESNAYE, Formicivora Lafresnayana, Nob. 


Oiseaux, pl. VI, fig. 13 Thamnophilus Lafresnayanus, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 18 ; Mag. de 
zool. (1837), p. 13. 


Formicivora. Rostro superne brunneo, inferne cærulescente; cæruleis pedibus ; 

2 

flavescentibus oculis; supra griseo viridescente, subtus pallide rufus; alæ cauda- 
que nigricantibus et rufescente limbatis. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus, bleuâtre en dessous; pieds bleus; yeux jaunâtres. 
Longueur totale, 11 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 5 centimètres; de la 
queue, 3 centimètres ; du tarse au bout des doigts, 25 millimètres; du bec, 12 milli- 
mètres; sa hauteur et sa largeur, 4 millimètres; circonférence du corps, 8 centimètres. 

Toutes les parties supérieures gris ardoisé, devenant verdätre au croupion; toutes 
les parties inférieures roux pâle; joues gris clair; ailes et queue noiràtres, bordées de 
roux brun; tarses faibles, ainsi que les pieds. Cet oiseau, qui, par la faiblesse de ses 
tarses, le peu de longueur de sa queue, doit faire le passage des formicivores aux 
myrmothères, se trouve au sein des halliers, des vieux champs abandonnés, des 
grandes forêts humides et chaudes du pays habité par les Indiens yuracarès, à l’est des 
Andes boliviennes, département de Cochabamba. Il nous a paru des plus rare, et avait, 
en tout, les mœurs des bataras. 


MYRMOTHERE, Myrmothera, Vieill. 
Turdus, Lath.; Fourmiliers, Bufl.; Myothera, Ilig., Licht., prince Max.;, Thamnophilus, Spix ; 


Formicivora, Swains.; Myrmothera, Ménétr. 


Caractères. Bec presque droit, grêle, allongé, caréné en dessus, courbé 
brusquement et échancré à sa pointe, légèrement déprimé à sa base; man- 


. dibule concave à sa base, puis relevée, insensiblement, jusqu’à l'extrémité ; 


langue concave, frangée à son extrémité; narines ovales; tarses courts et fai- 
bles ; le doigt externe réuni à l’intermédiaire, à sa base; ailes médiocres, 
souvent arrondies ; queue courte, étagée; les plumes coccygiennes longues, 
soyeuses. Peu de différences de teintes entre les deux sexes. Les espèces que 
nous connaissons manquaient de blanc à la base des interscapulaires. 

Les myrmothères sont tous des régions intertropicales, situées (dans 
l'Amérique méridionale) à l’est des Andes, et ne remontent même pas sur les 
montagnes qui forment les derniers contreforts des Cordillères; ils habitent les 
forêts vierges, mais principalement les halliers de celles-ci, et les chaparrales 
ou petits bois composés d’épines; ils vont souvent par couples, descendant 
fréquemment à terre, mais se tenant, plus souvent encore, sur les branches 


( 183 ) 
basses des buissons ; ce sont, en un mot, des bataras un peu plus marcheurs 
que les grandes espèces : ils volent peu, sont assez familiers, et vivent de 
larves et de petits insectes. D’après M. Ménétries, qui, plus que personne, 
a été à portée de les observer, ils nichent à terre ou sur les troncs d'arbres. 


MYRMOTHÈRE GRISIN, Myrmotkera axillaris, Vieill. 


Le Grisin de Cayenne, Buff., Enl., 643, fig. 2; Turdus cirrhatus, Lath., Znd. orn., 1,359? Gmel., 
1, 826? Myrmothera axillaris, Vieill., Dict. des sc. nat., t. 17, p. 321; Ménétr., Mon. des 
Myoth., 1, p. 36,n.° 13; Myothera fuliginosa, Xlig., Licht., Doubl., p. 45,n.° 483 et 484; 
prince Max., t. IT, p. 1067; Formicivora brevicauda, Swains., Zool. journ., 1825, p. 148; 
Thamnophilus melanogaster, Spix, p. 3, pl. 43, fig. 1; Thamnophilus axillaris, d'Orb. et 
Lafr., Syn., n° 11, Mag. de zool. (1837 ), p. 12. 


Myrmothera. Schistacea, axillaris albis; jugulo, pectore, ventreque mediis nigris; 
abdominis lateribus albidis; remigibus secundariis, tectricibusque atris, albo ter- 
minalis. 

Sur le vivant. Bec bleuâtre, en dessous; yeux brun foncé; pieds bleus. Longueur 
totale, 10 centimètres; vol, 15 1/2 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 5 cen- 
timètres; de la queue, 2 centimètres; du tarse au bout des doigts, 27 millimètres; du 
doigt du milieu, 11 millimètres; du bec, 12 millimètres; sa hauteur, 3 millimètres; sa 
largeur, 4 millimètres ; circonférence, 9 centimètres. 

Nous avons cru nous apercevoir qu’il y avait confusion dans les caractères donnés par 
Lichtenstein pour cette espèce, lorsqu'il dit qu’elle varie beaucoup; et nous sommes 
persuadé que plusieurs espèces ont été confondues en une seule, comme on peut le voir 
par la description de l'espèce suivante, qu’il était difficile de distinguer de celle-ci; 
c’est pourquoi nous reproduisons ici les véritables caractères du Wyrmothera axillarts. 

Müle. Gris ardoisé, foncé en dessus; dessous de la même couleur, avec le milieu de 
la gorge, du col, de la poitrine et du ventre noir; les flancs sont d’un blanc brillant; et 
cette teinte entoure, postérieurement, le noir du ventre; côtés de la tête comme variés; 
couvertures inférieures de la queue noirâtres, terminées de gris-blanc; queue noire, 
terminée de blanc; toutes les épaules, ainsi que les couvertures inférieures de l'aile et 
une bordure aux rémiges postérieures, d’un blanc brillant; tectrices supérieures des ailes 
noires, terminées de blanc; les rémiges brunes. 

Femelle. Grise en dessus, roussâtre au croupion; dessous jaune ferrugineux; gorge et 
ventre blanchàtres. 

Cette espèce habite la Guyane et le Brésil, et nous l'avons rencontrée au sein des 
hautes forêts humides du pied des Andes orientales, république de Bolivia; à l’est de 
la ville de Cochabamba, dans le pays habité par les Indiens yuracarès. Là elle ne vit 
pas dans les forêts mêmes, mais au bord des ruisseaux et des rivières, et principale- 
ment dans les champs abandonnés, où des halliers touffus ont remplacé les forêts. Elle 


Passe- 
reaux. 


(184) 


Passe- se tient sur les branches basses des arbustes, sur lesquelles elle sautille continuellement, 


reaux. 


en cherchant les larves des insectes dont elle se nourrit. Son cri est monotone et sou- 
vent répété. Nous ne l'avons que bien rarement aperçue à terre. M. Ménétries nous 
apprend, dans son excellent travail sur les Myothères (p. 37), que la femelle pond 


trois ou quatre œufs, qu’elle dépose sur de petites élévations à surface plane. 


MYRMOTHÈRE DE MÉNÉTRIES, Myrmothera Menetriesi, Nob. 


Toto griseo-cærulescens, subtus pallidior; gutture et pectore supra medüs nigris ; 
regione ophthalmica albescente; humeris subtus albidis; tectricibus parvis supe- 
rioribus nigris, albido terminatis; remigibus griseo-brunneis, griseo albescente 
limbatis; cauda brevi, grisea, pallidiore terminata. 


Sur le vivant. Bec bleu en dessous, noirâtre en dessus; yeux bruns; pieds bleus. 
Longueur totale, 11 centimètres; du pli de laile à son extrémité, 47 millimètres; de 
la queue, 2 centimètres; circonférence, 9 centimètres. 

Müle. Toutes les parties supérieures gris-bleu clair, uniforme; le dessous est aussi de 
celte teinte, mais un peu moins foncée, surtout sur le derrière; bas de la gorge, haut 
du col et le haut de la poitrine, au milieu, noirs; du blanchâtre autour des yeux ; 
épaules blanches; petites tectrices des rémiges noires , terminées de blanc; les grandes 
grises, lerminées de deux taches, l’une noire et la dernière blanche; les couvertures 
inférieures de l’aile gris pâle; rémiges gris-brun, bordées de plus päle; queue gris-bleu , 
terminée de plus pâle. 

Cette espèce diffère du Myrmothera axillaris, Vieïll., par le manque de blanc sur les 
côtés du ventre; par une teinte uniforme bleuâtre bien plus claire; par le manque de 
blanc sous l'aile; parce que les tectrices des ailes, ainsi que les pennes des ailes et de la 
queue, sont bleues, au lieu d’être noires; et, enfin, par un bec plus étroit, plus long, 
et une queue moins étagée. Elle diffère aussi du Myrmothera unicolor, Ménétr., parce 
que celui-ci n’a pas de blanc aux épaules ni aux tectrices; mais, en dépit de ces dissem- 
blances, ces trois espèces ont, entr’elles, la plus grande analogie de formes et même de 
couleurs , et peut-être Lichtenstein les a-t-il regardées comme n'étant que des variétés 
l'une de l’autre; cependant , il ne nous reste aucune incertitude sur leurs caractères 
distinctifs. 


Nous avons rencontré celle-ci dans les mêmes lieux et dans les mêmes circonstances que 
le Myrmothera axillaris. 


MYRMOTHÈRE PETIT, Myrmothera minuta, Nob. 


Gobe-moucheron ou petit gobe-mouche tacheté de Cayenne, Buff., Enl., 831-23 Thamnophilus 
minutus, Syn., d'Orb. et Lafr., n° 14; Mag. de zool. (1837), p. 12. 


Myrmothera. Capite, collo, dorso superiore superne flavo-rufis, nigro maculats ; 
uropygio schistaceo, flavo terminato ; cauda brevi, brunnea, albescente terminata , 
subtus flava; pectore nigro maculato; tectricibus alarum remigiisque nigrescen- 
tibus, pallide flawo limbaiis; ala subtus flavescente. 


(185 ) 


basses des buissons ; ce sont, en un mot, des bataras un peu plus marcheurs 


que les grandes espèces : ils volent peu, sont assez familiers, et vivent de . 


larves et de petits insectes. D’après M. Ménétries, qui, plus que personne, 
a été à portée de les observer, ils nichent à terre ou sur les troncs d'arbres. 


MYRMOTHÈRE GRISIN, Myrmothera axillaris, Vieill. 


Le Grisin de Cayenne, Buff., Enl., 643, fig. 2; Turdus cirrhatus, Lath., ]nd. orn., 1, 359? Gmel., 
1, 826? Myrmothera axillaris, Vieill., Dict. des sc. nat., t. 17, p. 321; Ménétr., Mon. des 
Myoth., 1, p. 36,n.° 13; Myothera fuliginosa, Illig., Licht., Doubl., p. 45, n° 483 et 484; 
prince Max., t. IIT, p. 1067; Fôrmicivora brevicauda, Swains., Zool. journ., 1825, p. 148; 
Thamnophilus melanogaster, Spix, p. 3, pl. 43, fig. 1; Thamnophilus axillaris, d'Orb. et 
Lafr., Syn., n° 11, Mag. de zool. (1837 ), p. 12. 


Myrmothera. Schistacea, axillaris albis; jugulo, pectore, ventreque mediis nigris ; 
abdominis lateribus albidis; remigibus secundartis, tectricibusque atris, albo ter- 
minalis. 


Sur le vivant. Bec bleuâtre, en dessous; yeux brun foncé; pieds bleus. Longueur 
totale, 10 centimètres; vol, 15 1/2 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 5 cen- 
tümètres; de la queue, 2 centimètres; du tarse au bout des doigts, 27 millimètres; du 
doigt du milieu, 11 millimètres; du bec, 12 millimètres; sa hauteur, 3 millimètres; sa 
largeur, 4 millimètres ; circonférence , 9 centimètres. 

Nous avons cru nous apercevoir qu’il y avait confusion dans les caractères donnés par 
Lichtenstein pour cette espèce, lorsqu'il dit qu’elle varie beaucoup; et nous sommes 
persuadé que plusieurs espèces ont été confondues en une seule, comme on peut le voir 
par la description de l'espèce suivante, qu'il était difficile de distinguer de celle-ci; 
c'est pourquoi nous reproduisons ici les véritables caractères du Myrmothera aæillaris. 

Mäle. Gris ardoisé, foncé en dessus; dessous de la même couleur, avec le milieu de 
la gorge, du col, de la poitrine et du ventre noir; les flancs sont d’un blanc brillant; et 
cette teinte entoure, postérieurement, le noir du ventre; côtés de la tête comme variés ; 
couvertures inférieures de la queue noirâtres, terminées de gris-blanc; queue noire, 
terminée de blanc; toutes les épaules, ainsi que les couvertures inférieures de l'aile et 
une bordure aux rémiges postérieures, d’un blanc brillant; tectrices supérieures des ailes 
noires, terminées de blanc; les rémiges brunes. 

Femelle. Grise en dessus, roussètre au croupion; dessous jaune ferrugineux; gorge et 
ventre blanchâtres. 

Cette espèce habite la Guyane et le Brésil, et nous l’avons rencontrée au sein des 
hautes forêts humides du pied des Andes orientales, république de Bolivia; à l’est de 
la ville de Cochabamba, dans le pays habité par les Indiens yuracarès. Là elle ne vit 
pas dans les forêts mêmes, mais au bord des ruisseaux et des rivières, et principale- 
ment dans les champs abandonnés, où des halliers touffus ont remplacé les forêts. Elle 


Passe- 
reaux. 


( 184 ) 


Passe. se tient sur les branches basses des arbustes, sur lesquelles elle sautille continuellement, 


reaux. 


en cherchant les larves des insectes dont elle se nourrit. Son cri est monotone et sou- 


vent répété. Nous ne l'avons que bien rarement aperçue à terre. M. Ménétries nous 


apprend, dans son excellent travail sur les Myothères (p. 37), que la femelle pond 
trois ou quatre œufs, qu’elle dépose sur de petites élévations à surface plane. 


MYRMOTHÈRE DE MÉNÉTRIES, Myrmothera Menetriesit, Nob. 


Toto griseo-cærulescens, subtus pallidior; gutture et pectore supra medüs nigris ; 
regione ophthalmica albescente; humeris subtus albidis ; tectricibus parvis supe- 
rioribus nigris, albido terminatis; remigibus griseo-brunneis, griseo albescente 
limbatis; cauda brevi, grisea, pallidiore terminata. 


Sur le vivant. Bec bleu en dessous, noirâtre en dessus; yeux bruns; pieds bleus. 
Longueur totale, 11 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 47 millimètres; de 
la queue, 2 centimètres; circonférence, 9 centimètres. 

Müle. Toutes les parties supérieures gris-bleu clair, uniforme; le dessous est aussi de 
celte teinte, mais un peu moins foncée, surtout sur le derrière; bas de la gorge, haut 
du col et le haut de la poitrine, au milieu, noirs; du blanchätre autour des yeux ; 
épaules blanches; petites tectrices des rémiges noires , terminées de blanc; les grandes 
grises, terminées de deux taches, l’une noire et la dernière blanche; les couvertures 
inférieures de l’aile gris pâle; rémiges gris-brun, bordées de plus pâle; queue gris-bleu , 
terminée de plus pâle. 

Cette espèce diffère du Myrmothera aæillaris, Vieïill., par le manque de blanc sur les 
côtés du ventre; par une teinte uniforme bleuâtre bien plus claire; par le manque de 
blanc sous l’aile; parce que les tectrices des ailes, ainsi que les pennes des ailes et de la 
queue, sont bleues, au lieu d’être noires; et, enfin, par un bec plus étroit, plus long, 
et une queue moins étagée. Elle diffère aussi du Myrmothera unicolor, Ménétr., parce 
que celui-ci n’a pas de blanc aux épaules ni aux tectrices; mais, en dépit de ces dissem- 
blances, ces trois espèces ont, entr’elles, la plus grande analogie de formes et même de 
couleurs, et peut-être Lichtenstein les at-il regardées comme n'étant que des variétés 
l’une de l’autre; cependant, il ne nous reste aucune incertitude sur leurs caractères 
distinctifs. 


Nous avons rencontré celle-ci dans les mêmes lieux et dans les mêmes circonstances que 
le Myrmothera axillaris. 


MYRMOTHÈRE PETIT, Myrmothera minuta, Nob. 


Gobe-moucheron ou petit gobe-mouche tacheté de Cayenne, Buff., Enl., 831-2; Thamnophilus 
minutus, Syn., d'Orb. et Lafr., n.° 14; Mag. de zool. (1837), p. 12. 


Myrmothera. Capite, collo, dorso superiore superne flavo-rufis, nigro maculatis ; 
uropygio schistaceo, flavo terminato ; cauda brevi, brunnea, albescente terminata , 
subtus flava; pectore nigro maculato; tectricibus alarum remigiüsque nigrescen- 
tibus , pallide fluo limbatis; ala subtus flaescente. 


(185 ) 


Sur le vivant. Bec bleuâtre; yeux bruns; pieds bleus; longueur totale, 10 centimètres; 
du pli de l'aile à son extrémité, 43 millimètres; de la queue, 15 millimètres; du tarse, 
27 millimètres; du bec, 13 millimètres; sa hauteur, 3 1/2 millimètres; sa largeur, 4 1/2 
millimètres; circonférence du corps, 7 centimètres. 

Bec allongé, un peu déprimé, crochu et denté à son extrémité; dessus de la tête et 
haut du dos, tachetés de noir sur du jaune fauve; une large tache sur chaque plume; 
joues, côtés du col et de la poitrine, également mouchetés, mais moins largement sur 
la teinte jaune qui couvre ces parties, tout le dessous du corps et des ailes; toutes les 
tectrices supérieures des ailes et les rémiges noires, terminées et bordées de jaunàtre plus 
pâle sur les tectrices. Les rémiges postérieures tout à fait entourées de cette teinte; queue 
des plus courte et des plus grêle, légèrement étagée, noirâtre, terminée de jaune pâle. 

Cet oiseau, qui, par ses caractères et par ses mœurs, doit nécessairement être placé 
ici, fait le passage avec les todirostres, dont, cependant, il n’a pas le bec. Sa cinquième 
rémige est la plus longue; il a les plumes du dos longues et soyeuses des Thamnophilus. 
Nous l’avons rencontré dans les halliers des lieux habités par les Indiens yuracarès, au 
pied des derniers contreforts orientaux des Andes boliviennes , au 17.° degré de latitude 
sud, dans les mêmes circonstances et avec le Myrmothera axillaris. W est des plus rare. 


2 Division. FOURMILIERS MARCHEURS, 4mbulatores. 


CONOPOPHAGES, Conopophaga, Vieill. 
Turdus, Lath.; Fourmiliers, Buf.; Myothera, Temm., Licht.; Moucherolle, Cuv.; Myioturdus, 


prince Max.; Myiagrus , Boie, prince Max.; Conopophaga, Ménétr. 


Placé, par quelques auteurs, parmi les gobe-mouches, le genre Conopo- 
phage doit, d'autant plus naturellement, figurer dans cette série, que, 
par ses mœurs, il fait le passage entre les Myotheres et les Myrmothères. On 
le caractérise ainsi : Bec plus ou moins long, muni dune arête souvent très- 
marquée, large à sa base et déprimée; pointe courbée assez brusquement; 
mandibule inférieure arrondie en dessous ; tarses longs, ainsi que les doigts; 
les latéraux presqu'égaux; l’externe réuni jusqu’à la première articulation; 
ailes arrondies, courtes ; la quatrième ou la cinquième rémige la plus longue ; 
queue plus ou moins longue, presqu'égale. Les plumes coccygiennes longues 
et soyeuses. Peu de différence de teintes entre les mâles et les femelles. 

Tous les Conopophages connus ont été rencontrés à l'est des Andes et 
seulement dans les régions intertropicales chaudes; car jamais nous n’en avons 
vu à plus de quatre ou cinq mille pieds au-dessus du niveau de la mer, 
encore dans les bois exposés à l'Est ou au Nord-Est et continuellement échauffés 
par les rayons du soleil. Ils vivent tantôt au sein des immenses forêts vierges, 


tantôt dans les halliers. Nous les avons rencontrés soit dans les bois les plus 
IV, Ois. e 24 


Passe- 
reaux. 


( 186) 


Passe chauds et les plus humides, soit dans les bois constamment secs et peu 


reaux. 


feuillés. Ils voyagent toujours isolés ou deux ou trois ensemble, se tenant 
tantôt à terre, tantôt sur les branches basses des halliers ou même se per- 
chant sur les arbres. Beaucoup moins terrestres que les fourmiliers, ils se 
perchent aussitôt qu'ils éprouvent des craintes. Ils courent avec agilité à 
terre et volent peu; ils se tiennent, le plus souvent, dans les lieux sauvages, 
loin des habitations, sifflant là d’une manière assez monotone; ils vivent 
d'insectes et de leurs larves. M. le prince de Neuwied a rencontré un nid 
d’une des espèces du genre (Conop. nigrogenys, Less.), placé à trois pieds 
au-dessus du sol et contenant trois œufs ponctués.* 


1. Section. Conopophages pie-grièches, Nob. 


À queue assez longue; tête petite; formes élancées; bec assez long, forte- 
ment déprimé; tarses et jambes médiocres en longueur. Quelques-uns mon- 
trent encore la base des plumes interscapulaires blanche des T'hamnophilus. 
Ils sont plus buissonniers que les autres et beaucoup plus agiles. 


CONOPOPHAGE TACHETÉ, Conopophaga nœvia, Vieill. 


Pipra nævia, Lath., Syn., 11, p. 527, n° 12; Gmel., Syst. nat., ed. 13, p. 1003, n° 18; 
Fourmilier tacheté de Cayenne, Buff., Enl., 823, fig. 2 ; Dict. des sc. nat., t. 17, p. 321; Cono- 
pophaga nœvia, Vieill., Dict., v. 7, p. 458; d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 1 ; Mag. de zool. (1837), 
p- 13. 

Conopophaga. Suprà fusca; subtus alba; tectricibus nigris rectricibusque albo ter- 
minatis; gul& colloque atris; pectore maculis elongatis nigris signato; abdomine 
crissoque rufo aurantiacis ; pennis interscapulariis basi niveis. 

Sur le vivant. Bec noir; yeux bleu-noir; pieds blancs. Longueur totale, 13 centimètres; 
du vol, 20 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 6 centimètres; de la queue, 
34 millimètres; du tarse au bout des doigts, 32 millimètres; du bec, 11 millimètres; 
sa hauteur, 4 millimètres; sa largeur, 6 millimètres; circonférence du corps, 11 cen- 
timètres. 

La femelle diffère du mâle par une teinte plus sombre en dessus, par le manque de 
plumes noires, ornées d’une goutte blanchätre sur les interscapulaires, celles-ci n’étant 
pas non plus blanches à leur base, comme celles du mâle. Sa gorge est blanchâtre, au 
lieu d’être noire; la poitrine est rousse, sans taches noires, et cette couleur couvre aussi 
tout le haut du ventre. 

Cette espèce fait, en tout, le passage des genres précédens aux véritables Conopophages; 
mais elle ne peut, en aucune manière, entrer dans le groupe des espèces à bec court, 


1. Beitr. zur Naturg. von Brasil., à. WI, p. 1045. 


( 187 ) 

par lesquelles nous terminons ce genre : c’est, en un mot, un Myrmothère à queue 
moins courte et à bec plus déprimé. On retrouve encore, dans cette espèce, la base des 
interscapulaires blanche; caractère qui ne se retrouve que dans les oiseaux de la famille 
des Myothéridées. Nous l'avons rencontrée au sein des forêts du pied oriental des Andes 
boliviennes, dans le lieu habité par les Indiens yuracarès. Là on ne la voit, comme les 
Thamnophilus, qu’au plus épais des halliers , dans les champs abandonnés; elle descend 
souvent à terre, mais remonte aussitôt sur les buissons, sur lesquels elle cherche les 
insectes dont elle se nourrit. Elle y est assez commune et les Indiens l’y connaissent sous 
le nom de churu, venu, probablement, de son chant. Comme on ne l’a rapportée que 
de la Guyane, où des forêts humides et chaudes couvrent le sol, et qu’à Yuracarès les 
bois sont dans le même cas, on pourrait croire que c’est une condition nécessaire à 
son existence; car on ne la trouve pas dans les lieux plus secs du Brésil. 


CONOPOPHAGE À CEINTURE NOIRE, Conopophaga nigro cincta, Nob. 
Oiseaux, pl. VI, fig. 2. 


Conopophaga nigro cincta, d'Orb. et Lafresn., n° 3, Mag. de z0ol. (1837), p. 13. 


Conopophaga. Suprà fusco-olivacea, pileo paululum grisescente; subtüs alba; pec- 
tore maculis magnis nigris confluentibus quasi cincto; aliis minoribus concolori- 
bus; medio abdomine et lateribus sparsis; rostro elongato, corneo, mandibula 
albä; pedibus violaceis ; tarsis valdè elongatis. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus, jaunâätre en dessous; yeux bruns; pieds violet 
noiràtre. Longueur totale, 14 centimètres; vol, 20 centimètres; du pli de l'aile à son 
extrémité, 65 millimètres ; de la queue, 45 millimètres; du tarse au bout des doigts, 4 
centimètres; du doigt du milieu, 15 millimètres; du bec, 11 millimètres; sa hauteur, 
5 millimètres; sa largeur, 5 millimètres; circonférence du corps, 9 1/2 centimètres. 

Toutes les parties supérieures vert sombre olivätre; gorge blanc jaunàtre; ventre 
blanc; poitrine couverte de larges taches noires, qui forment une ceinture, en se con- 
fondant entrelles ; quelques mouchetures de cette couleur sur les côtés; rémiges, rec- 
trices et leurs couvertures supérieures brunes, bordées de la teinte du dessus; queue 
presqu'égale, longue. 

Nous avons tué cette espèce dans les ravias de la province de Chiquitos, aux envi- 
rons de la Mission de Santa-Ana (république de Bolivia). Elle se tenait sur les branches 
basses des arbres, sautillant à la manière des Bataras, descendant souvent à terre, mais 
remontant sur les branches, dès qu’elle était effrayée. Elle se nourrit d'insectes et parait 
rare. Nous ne l'avons vue qu'isolée. 


2. SECTION. Conopophages proprement dits. 


Queue courte, faible; tête grosse, souvent munie, sur les côtés, de plumes 
allongées, roides et blanches; formes raccourcies; bec court et déprimé; 


Passe- 
reaux. 


( 188 ) 


fase farses et jambes longs. [ls sont plus terrestres et moins agiles que les pré- 


Treaux. 


cédens. 


CONOPOPHAGE A POITRINE ARDOISÉE, Conopophaga ardesiaca, Nob. 
Conopophaga ardesiaca, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 2; Mag. de zool. (1837), p. 13. 


C. suprä tota fusco-olivacea ; subtüs lateribusque colli ardesiacis ; abdomine medio 
albicante; hypocondriis parum olivascentibus; fasciculo plumarum nivearum lon- 
giorum utrinque pone oculos, tarsis longioribus; rostrum nigrum, mandibula rosea; 


pedes plumbei. 


Sur le vivant. Bec noir en dessus, rosé en dessous; yeux brun-roux; pieds livides. 
Longueur totale, 14 centimètres; vol, 24 centimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 
68 millimètres; de la queue, 33 millimètres ; du tarse au bout des doigts, 55 milli- 
mètres; du doigt du milieu, 23 millimètres; du bec, 1 centimètre; sa longueur, 7 milli- 
mètres; sa hauteur, 4 millimètres; longueur des plumes blanches des joues, 15 milli- 
mètres; circonférence du corps, 11 centimètres. 

Dessus de la tête et du corps brun olive, un peu plus intense sur la tête : deux fais- 
ceaux de plumes longues, roides, blanches, partant du dessus des yeux, forment comme 
deux cornes; côtés de la tête, gorge, poitrine et les côtés du corps, bleu ardoisé foncé; 
le milieu du ventre blanc; les flancs et le bas-ventre brun-roux clair; rémiges et rec- 
trices, ainsi que leurs couvertures supérieures, brunes, bordées de brun olive; tectrices 
inférieures des ailes bleuàtres. Cette espèce a, par les taches blanches des côtés de la 
tête, les plus grands rapports de formes avec le Conopophaga leucotis (Turdus auritus, 
Less.), et le C. vulgaris, Ménétr.; mais elle en diffère essentiellement par des couleurs 
ardoisées sur la poitrine et par d’autres détails de teinte que peuvent signaler les 
descriptions comparatives. 

Nous avons rencontré cette espèce à l’est des Cordillères boliviennes, sur les mon- 
tagnes boisées du versant oriental des Andes, dans la province de Yungas, département 
de la Paz, principalement aux environs du Rio Meguilla et du village de Carcuata. Elle 
se tient toujours au sein des forêts humides des coteaux escarpés, où elle est très-rare, 
se cachant dans les fourrés élevés et épais de la lisière des bois, sautillant, quelquefois, 
au milieu des arbres et des hauts buissons, descendant souvent à terre, afin d’y courir 
et d'y chercher les insectes dont elle se nourrit; mais se perchant, aussitôt qu’elle éprouve 
la moindre crainte. Elle n’est pas, à beaucoup près, aussi vive que les Bataras; elle est 
moins légère dans les broussailles ; son vol est bas, lourd et surtout des plus court. 


MYOTHERES, Myothera, Ilig. 
Myothera, Wlig., Cuv., Temm.; Myrmecophaga, Lacép.; Fourmilier, Buff.; Turdus, Lath.; 


Grallaria, Vieill.; Myioturdus, Boie, prince Max., Ménétr. 
De ce grand nombre d’espèces dont se compose le genre Myothera des 
auteurs, nous ne conservons, sous cette dénomination, que les véritables 


( 189 ) 

Fourmiliers de Buffon, ceux dont Vieillot a fait son genre Grallaria, et que Passe- 
M. Boie a nommé Myioturdus, genre adopté par MM. le prince Maximilien _— 
et Ménétries. Nous voulons parler des espèces dont le bec est droit, fort, 
convexe, souvent subcariné en dessus, comprimé et légèrement courbé à son 
extrémité; des espèces dont la mandibule inférieure est droite sur la moitié 

de la longueur; de celles qui ont les narines ovales, souvent cachées par les 
plumes; une langue bifide cornée, un peu frangée; les tarses longs, forts; 

les doigts peu longs, l'intermédiaire réuni, par sa base, à l’externe, les autres 
séparés ; l’externe et l’interne presqu'égaux; les ailes courtes, arrondies; la 
première rémige trèes-courte, la quatrième ou cinquième la plus longue; la 
queue courte, peu étagée; les plumes coccygiennes (au moins pour nos deux 
espèces), courtes et non touffues, comme dans tous les autres oiseaux voisins; 

des teintes peu variées entre les sexes, et jamais de blanc à la base des inter- 
scapulaires. En un mot, ce sont des oiseaux seulement marcheurs, qui repré- 
sentent, en Amérique, les Brèves de l’ancien monde; et, dans les régions 
chaudes, ce sont les représentans des Leptonyx, propres aux parties froides 

du versant oriental des Andes. 

Ces véritables myothères sont aussi différens des genres précédens par 
leurs mœurs que par leurs caractères. Tous ceux qu’on connaît jusqu’à ce 
jour ont été rencontrés à l’est des Andes et seulement dans les régions chaudes 
et boisées du Brésil, de la Guyane, de la Bolivia. Nous ne les avons 
jamais aperçus sur les montagnes un peu élevées; mais dans les forêts des 
plaines, encore dans les plus étendues, le plus souvent humides et chaudes, 
bien qu'ils entrent aussi dans les halliers. Seuls dans leur série, ils pré- 
férent les forêts vierges aux fourrés, quoique leurs mœurs soient tout à fait 
terrestres. On les voit d'ordinaire parcourir, isolés, l’intérieur des bois, 
toujours marchant, sautillant avec une rapidité extrême, entre les brous- 
sailles ; se blottissant, lorsque quelque objet les épouvante. Ils ne se 
perchent que très-rarement; ils voyagent d’un lieu à l’autre, parcourant 
toute l'étendue des contrées qui se trouvent dans les mêmes conditions, sans 
jamais émigrer, comme beaucoup d’autres passereaux; d’ailleurs, la brièveté 
de leurs ailes S’opposerait, en eux, à un vol prolongé. Ils se tiennent, 
de préférence, au milieu des lieux sauvages, où ils sont peu troublés dans 
leur manière de vivre. C’est là principalement qu'ils font entendre, Île 
matin, un chant sonore, répété par l'écho; mais ils se taisent aussitôt 
qu'ils ont peur. Leur nourriture consiste en insectes, qu'ils cherchent à 
terre, entre les feuilles mortes. Ils préfèrent les fourmis. Selon M. Méné- 


( 190 ) 
Passe tries”, qui a le mieux étudié ces oiseaux, ils nichent vers le mois de Septembre, 
se déposent à terre, sans apprêts, deux ou trois œufs blanchâtres, variés de rous- 
sâtre; leurs petits courent à terre peu après leur naissance et suivent leur 
mère presqu’à la manière des gallinacés. Au Brésil on les nomme perdix ou 
galinha do mato (poules de bois). Les Espagnols les connaissent aussi sous 

le nom vague de gallineta (petite poule). 


MYOTHÈRE TACHETÉ DE NOIR, Myothera nigro maculata, Nob. 
Oiseaux, pl. VI bis, fig. 2. 


Myothera nigro maculata, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 23 Mag. de zool. (1837), p. 14. 


Myothera. Pennis dorsi et scapularibus, tectricibus superis alæ, caudd, remigibus- 
que secundariis totis, latè nigro maculatis ac terminatis distinguitur; caput, col- 
lum, pectusque atra ; tectrices remigisque primariæ, pogonio externo cinnamomecæ ; 
illis antè apicem maculis minutis hastatis nigris notatis ; circuitu oculorum et spatio 
postoculari nudis. 


Sur le vivant. Un très-grand espace nu, d’un beau rouge carmin vif, entoure l'œil 
et se prolonge en arrière; yeux bruns; bec et pieds noirs. Longueur totale, 18 centi- 
mètres; vol, 27 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 9 centimètres; de la 
queue, 5 centimètres; du tarse au bout des doigts, 54 millimètres; du doigt du 
milieu, 25 millimètres; du bec, 17 millimètres; sa hauteur, 6 millimètres; sa largeur, 
5 millimètres; circonférence du corps, 10 centimètres. 

Bec assez long et fort, cariné en dessus; les plumes de la tête petites et comme vil- 
leuses; ailes courtes; tarses longs et forts. Tête, haut du col et le dessous du corps, 
noir vif, tout le dos et le dessus des ailes, brun; chaque plume, à son extrémité, 
munie d’une grande tache noire; rémiges rousses, les secondaires ayant une large tache 
noire à leur extrémité; les tectrices supérieures des ailes rousses, avec une tache noire 
au milieu ; de petites taches blanches au pli de l’aile; rectrices roux vif, chacune munie, 
devant son extrémité, d’une petite tache noire, en forme de fer de lance. 

Cest du Palikour ou Turdus formicvorus, Gmel., que se rapproche le plus cette 
espèce. Mêmes formes de corps et de pieds, seulement ses ongles sont plus forts et 
plus courbés; même espace nu derrière les yeux; même réunion du doigt externe 
avec l'intermédiaire, sur leurs deux premières articulations; mais il suffit de jeter les 
yeux sur leurs descriptions pour voir combien ils diffèrent spécifiquement. Nous 
avons découvert cette espèce remarquable au sein des immenses forêts qui couvrent 


1. Monogr. des Myoth., p. 21. 


( 1H ) 


les plaines centrales de l'Amérique méridionale, dans le nord-est de la république de  Passe- 
Bolivia et au nord de la province de Chiquitos, au pays habité par les Indiens gua- En 
rayos. Elle se tient presque toujours à terre, y courant avec légèreté, surtout sous les 
fourrés des champs abandonnés. On a de la peine à la faire s'envoler, et son vol, alors, 

est court et lourd. Nous avons souvent entendu l’écho des forêts répéter son chant 
sonore, auquel nous en devons la possession. Elle se pose quelquefois sur les branches 
basses des buissons. 


MYOTHÈRE À DERRIÈRE ROUX, Myothera analis, Nob. 
Oiseaux, pl. VI Lis, fig. 1. 
Myothera analis, d'Orb. et Lafr., n° 1; Mag. de zool. (1837), p. 14. 


Myothera. Supra brunneo-olivacea; subiüs grisea; gutture, collo anteriore, cauda- 
que nigris; tectrices, alæ inferæ remigisque infra basi pallide rufæ, his nigro 
varis ; tectricibus caudcæ inferis intensè cinnamomeis. 


Sur le vivant. Un large espace nu, blanchàtre, autour des yeux; yeux roux; pieds 
violets. Longueur totale, 19 centimètres; vol, 31 centimètres; du pli de l’aile à son 
extrémité, 9 centimètres; de la queue, 4 centimètres ; du tarse au bout des doigts, 55 
millimètres ; du doigt du milieu, 25 millimètres; de l’ongle du pouce, 10 millimètres; 
circonférence, 13 centimètres. 

Mâle. Toutes les parties supérieures brun olivätre, plus foncé sur la tête, passant au 
roux, au croupion; dessous cendré bleuàtre; gorge et devant du col, noir; milieu du 
ventre blanchâtre; rémiges noiràtres, bordées de verdàtre; base des rémiges en dessous 
et couvertures inférieures de l’aile roux clair, tacheté de noirâätre; couvertures inférieures 
de la queue, roux vif; bec droit, comprimé, crochu à son extrémité; narines dans une 
petite fosse; ailes très-courtes; queue courte, légèrement étagée. 

La femelle diffère du mâle par le manque de noir sous la gorge, sous le col et par 
des couleurs plus blanchâtres en dessous. 

Cette espèce a les plus grands rapports avec le Turdus colma, Gmel., Myrothera 
tetema, Wig.; mais elle s’en distingue par le manque de roux sur la tête, par les cou- 
vertures inférieures de la queue, qui sont constamment roux vif dans les deux sexes; 
et par un bec plus élevé en dessus. 

Nous n'avons vu cette espèce qu'au centre de la république de Bolivia, au 
milieu des immenses forêts qui séparent Santa-Cruz de la Sierra de la province de 
Chiquitos ou dans celles du pied oriental des Andes, à Yuracarès. Elle se tient tou- 
jours dans les forêts vierges, y vit continuellement à terre, en retournant les feuilles pour 
chercher les insectes dont elle se nourrit; son chant sonore se fait entendre surtout 
lorsqu'elle change de place; elle est si peu farouche, qu'on peut facilement s'en 


approcher sans qu’elle s’en inquiète. 


Passe- 
reaux, 


(192 ) 


III FAMILLE. 


RHINOMYDÉES, Rarvomrpæz, Nob. 


IL est impossible de ne pas reconnaître les caractères qui rapprochent les 
Leptonyx et les Rhinomyes des Myothéridées : ensemble de leurs formes, 
la brièveté de leurs ailes, la grandeur de leurs tarses et de leurs doigts, en 
rapport avec leurs habitudes buissonnières et terrestres, les unissent plus 
intimement encore à cette dernière famille. S'ils paraissent s’en éloigner 
par le peu de longueur et par la configuration de leur bec, ce ne sera que 
dans l'ensemble ; car nous trouvons que, chez les Myothéridées, cette partie 
subit aussi de grandes modifications, se trouvant assez élevée chez les uns, 
allongée chez les autres; ainsi, le bec un peu plus arqué chez les Rhinomy- 
dées ne doit pas empêcher de les grouper tout auprès. 

M. Lesson, d'après la longueur des ongles des Leptonyx (Megalonyx, 
Less.), rapprochait ces derniers des Mégapodes et des Ménures ; mais ceux-ci 
n’ont pas les ongles semblables : ils les ont longs, déprimés, élargis à leur 
base, aigus à leur extrémité, semblant destinés à assurer leur marche sur 
les sables mouvans; tandis que ceux des Rhinomydées, comprimés plutôt que 
déprimés et usés à leur extrémité, annoncent des oiseaux marcheurs, grattant 
la terre ou vivant sur des terrains rocailleux. Cette différence, ainsi que des 
mœurs toujours très-distinctes, nous font penser que tous les rapprochemens 
avec les Mégapodes ne seraient que forcés et peu naturels. 

Le caractere le plus essentiel des oiseaux de cette famille est la forme des 
narines, toujours recouvertes d’un opercule cartilagmeux bombé, de sorte que 
louverture est au-dessous, comme une fente longitudinale. Leur plumage est 
lîche et de couleurs sombres, roux et blanchâtre. 

Ils sont, en général, spécialement marcheurs et buissonniers, ne se 
perchent presque jamais, courent à terre avec vitesse, y grattent et volent 
très-peu ; tous relégués, dans PAmérique méridionale, sur les parties situées 
au sud du 54° degré de latitude, à l'est et à l’ouest des Andes; ainsi, non- 
seulement leurs caractères, mais encore leurs mœurs et leur distribution 
géographique, en font le groupe le plus naturel. 


(195 ) 


Gex RHINOMIE, RAinomya, Isid. Geoffr. 
Rhinomya, Xsid. Geoffr., Mag. de zool. (1832), cl. 2, pl. 3. 


Caracrères. Bec médiocre, assez court, comprimé, arrondi et arqué en 
dessus, légèrement denté, près de l'extrémité de la mandibule supérieure ; 
mandibule inférieure droite, non échancrée à son extrémité. Narines placées 
dans une cavité profonde de la base du bec, formant une fente longitudinale, 
recouverte par un opercule ovale, fortement convexe. Tarses forts et longs ; 
doigts trèes-robustes, à ongles assez longs et peu arqués. Ailes très-courtes, la 
première rémige trèes-courte, la quatrième la plus longue : toutes n’arrivant 
qu'a la base de la queue. Cette dernière partie assez longue et étagée, com- 
posée de douze rectrices. Plumes coccygiennes lâches et longues. 

Nous avons, de Patagonie, adressé cet oiseau à ML. fsidore Geoffroy, en l'ac- 
compagnant de nos observations personnelles. Ce savant, dans ses intéressantes 
considérations sur les rapports de la Rhinomie*, la rapproche des Geais, avec 
lesquels il lui trouve de lanalogie, et indique ensuite sa place entre les Mainates 
et les Martins. Nous reconnaissons la précision de son travail et lidentité des 
rapports constatés par lui; mais les caractères et les mœurs de la Rhinomie 
nous conduisent à la placer de préférence près des Fourmiliers , avec lesquels 
elle en a de plus immédiats encore. Quand on compare les Leptonyx aux 
Rhinomies, il est impossible de ne pas reconnaitre que ce sont des animaux 
on ne peut plus voisins, qui ne différent qu'en ce que le bec de la Rhino- 
mie et son ongle du pouce, qui n’est pas arqué , sont un peu plus courts. 
Nous retrouvons d’ailleurs ce dernier caractère dans les Leptonyx pittoïdes, 
tandis que toutes les autres parties sont absolument semblables. La brièveté 
des ailes, la force des tarses, la longueur des doigts, dénotent, pour les uns et 
pour les autres, des oiseaux spécialement marcheurs ; aussi les Rhinomies et 
les Leptonyx ne se perchent-ils presque jamais et mènent-ils, au contraire, 
absolument le genre de vie des Myotheres, dont tous leurs caractères et 
leurs mœurs les rapprochent intimement, ainsi qu’on peut le reconnaître 
par la comparaison des formes. 

Nous ne connaissons, jusqu'à présent, que lespèce que nous avons décou- 
verte : elle est des côtes de la Patagonie. 


1. De éses, narines, et de uw, je ferme. 
2. Mag. de zool., 1832, pl. 3. 


IV. Gis. 


[8] 
Qt 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


(194) 


RHINOMIE LANCÉOLÉE, Rkinomya lanceolata, Isid. Geoffr. et d'Orb. 
Oiseaux, pl. VIE, fig. 1, 2. 
Rhinomya lanceolata, Xsid. Geoffr. et d'Orb., Mag. de zool. (1832), cl. 2, pl. 3. 


R. gutture pectoreque cinereis, hypocondriüs rufis; ventre albescente; capite supra, 
pennis elongatis, brunneo-rufis, albo striatis ; supra brunneo olivascens ; remigüs 
brunneis, griseo-rufo limbatis ; caudä nigrescente. 


Sur le vivant.’ Yeux bruns; bec corné; pieds noirs. Longueur totale, 22 cent.; du vol, 
25 cent.; de la queue, 6 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 8 cent.; circonférence 
du corps, 11 cent. 

Müle. Dessus de la tête couvert de longues plumes effilées, que l’oiseau tient tou- 
jours relevées en huppe. Le dessus de la tête, la huppe, le dessus du cou, brun-roux 
fauve; chaque plume ayant, au milieu, une ligne blanche longitudinale, circonscrite de 
brun foncé; gorge et poitrine gris ardoisé; dos et toutes les parties supérieures olive 
foncé; milieu du ventre blanc, ses côtés roux vif; queue noirâtre, légèrement olive à sa 
base et au bord des rectrices. 

Les jeunes ont les couleurs moins vives. 

Nous n’avons rencontré cette espèce que sur les rives du Rio negro en Patagonie. 
Elle se tient toujours à terre, dans les buissons les plus épais, d’où elle ne sort que 
pour courir aux environs, et y rentre au moindre bruit; aussi est-il difficile de se la 
procurer, quoiqu’on l’entende souvent. Lorsqu'elle n’éprouve aucune crainte, elle répète 
deux fois par minute, tout en marchant au pied des buissons, un petit cri que rendent 
assez bien les syllabes clot, clot. L'inquiète-t-on ? Elle se taît aussitôt, se cache dans les 
buissons, et attend en silence, pour reparaître, que la tranquillité renaisse autour 
d'elle; mais, si l’on s'approche de sa retraite, il est on ne peut plus difficile de l’en 
faire sortir, même en frappant sur le buisson. À peine s’est-elle assurée de la cessation 
du danger, qu’elle avance la tête entre les branches, regarde de tous côtés, puis sort en 
sautillant, tenant sa huppe très-relevée et la queue perpendiculaire, comme les Lepto- 
nyx, démarche qui lui à fait donner, par les habitans espagnols du pays, le nom de 
gallito, peut coq. 

Tous ses mouvemens sont pleins de vivacité : elle court autour des buissons, toujours 
sautillant, toujours regardant autour d’elle; sa marche est rapide et elle l’accélère encore 
en s’aidant de ses ailes, comme certains râles; alors, moitié marchant, moitié volant, elle 
arrive avec promptitude au buisson voisin. Elle ne vole que très-rarement et très-mal, 
seulement pour franchir une très-courte distance, sans jamais s'élever à plus de deux 
mètres au-dessus du sol. 

La Rhinomie lancéolée est sédentaire sur les rives du Rio negro; elle vit d'ordinaire 
isolée; mais plusieurs individus dans ie même canton se répondent les uns aux autres 
par leur chant. Nous ne l'avons jamais rencontrée loin de la rivière; elle aime néanmoins 
les coteaux arides, couverts de buissons et les haies sèches. On ne la trouve point à 


( 195 ) 


l'embouchure du Rio negro; elle est rare près du Carmen et devient commune en remon- 
tant ce fleuve, près de la Salina d’Andres Paz. 

Elle se nourrit principalement d'insectes, d'araignées, peut-être de petites graines, 
ce dont nous ne sommes pas bien certain; car il y en avait très-peu dans son estomac. 
Elle niche dans les buissons presqu’à terre; son nid est composé de plusieurs couches 
d'herbes sèches. 


Genre LEPTONYX, ZLeptonyx, Swainson. 


Genre Leptonyx, Swains., 1821, Zool. illust., 24 série, n°26, pl. 117; Pteroptochos, Kittlitz, 
1830, Mém. prés. à l'Acad. impér. des sc. de S. Pétersb., t. 1, p. 175; Hylaetes, King, 1830, 
Proc. zool. soc. of Lond., p. 15; Megalonyx, Less., 1830, Cent., p. 200, pl. 66. 


M. Swainson, dès 1821, a bien décrit et bien figuré, sous le nom de Lep- 
tonyx, l'espèce la plus commune de ce genre. Nous devons donc nous éton- 
ner que, neuf ans après, presque simultanément, en Russie, en France et 
surtout en Angleterre, patrie du naturaliste qui en a donné la description, 
on lui ait imposé de nouvelles dénominations génériques; ce qui montre 
d’abord que les caractères de cet oiseau sont assez marqués pour avoir frappé 
tous ces auteurs à la fois; et prouve ensuite que, pour ne pas surcharger la 
science d’une synonymie tout à fait gratuite, on ne saurait mettre trop de 
soin à s'assurer si le nouveau groupe qu'on veut former ne Pa pas été déjà. 

IL est peu de genres mieux caractérisés, disons-nous, que celui des Leptonyx: 
en effet, leur bec médiocre, mais fort, comprimé sur les côtés; leurs narines 
protégées par un large opercule ovale ou allongé, leur grosse tête, leurs plumes 
coccygiennes très-longues et soyeuses, leurs ailes courtes, très-concaves; leur 
queue médiocre, étagée; mais surtout leurs tarses forts, leurs doigts robustes, 
leurs ongles souvent longs et peu arqués, en font des oiseaux assez distincts 
des autres passereaux décrits, pour qu'on ne balance pas à les en séparer 
entierement. 

Les Leptonyx, par leur distribution géographique, doivent encore être 
placés ensemble; car tous sont relégués, surtout sur les parties les plus méri- 
dionales du continent américain, à l'est et à l’ouest des Andes, s’'avançant à peine 
vers le nord, encore du côté des montagnes, jusqu'au 34.° degré. Comme on 
Va vu aux caractères de la famille, tous sont buissonniers, constamment sur 
le sol, où ils vivent sédentaires, courant avec vitesse, volant peu. Chaque 
espèce se cantonne dans une région qui lui est propre. 

Nous divisons les Leptonyx en deux groupes : le premier, celui qui se rap- 
proche le plus des Rhinomies, se composera des espèces qui ont les tarses et 


Passe- 
reaux. 


( 196 ) 
Pase- Îes pieds robustes, mais qui n’ont pas les ongles allongés et droits, comme 
Les véritables Leptonyx, n’en différant, du reste, que par ce caractère. Nous 
les nommerons : 


* LEPTONYX A FORME DE BRÈVE, Leptonyx pittoides. 


LEPTONYX À COL BLANC, Zeptonyx albicollis, Nob. 
Oiseaux, pl. VII, fig. 2. 


Pieroptochos albicollis, Kitilitz, 1830, Mém. prés. à l'Acad. impér. des sc. de S. Pétersb., t I, 
p. 180, pl. 3; Megalonyx medius, Less., 1834, Ilust., pl. 60; Megalonyx albicollis, d'Orb. 
et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 15, n.° 3. 


L. suprà rufescenti-olivaceus ; fronte, vertice, uropygio, rectricibus remigibusque rufis, 
harum duabus primarüs limbo externo dilutioribus ; vitt4 superciliari à fronte ad 
cervicis fossam ductd ; gult, collo antice pectoreque medio albis; colli pectorisque 
lateribus diluté rufescentibus ; abdomen totum, tectricesque infere caudæ rufescentes, 
striis fuscis, transversis, flexuosis notantur. Quædam tectrices alæ superæ, maculis 
nigro alboque variis terminantur; lora nigra ; rostrum nigrum, corneum. 


Sur le vivant. Yeux bruns; bec corné noirâtre; pieds plombés. Longueur totale, 20 
cent. ; du pli de l'aile à son extrémité, 80 mill.; de la queue, 74 mill.; du bec, 18 mill.; 
sa largeur , 6 mill.; du haut du tarse au bout des doigts, 58 mill.; de l’ongle du pouce, 
7 mill. 

Cette espèce est surtout très-commune dans le sud du Chili, principalement à Con- 
cepcion et à Valdivia, d’où elle nous a été communiquée par M. Fontaine. Elle vit autour 
des buissons et y court à terre, comme les autres espèces, sans cesser de relever sa 
queue verticalement, comme les Troglodytes. 


LEPTONYX RUBÉCULE, Leptonyz rubecula, Nob. 
Oiseaux, pl. VIT, fig. 3, 4. 


Pieroptochos rubecula, Kitlitz, Mém. prés. à l'Acad. impér. de S. Pétersb., t. I, p. 179, pl. 2; 
Megalonyx rubecula, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de z0ol. (1835), p. 16, n° 4. 


L. suprà brunneo-rufescens, vitt& superciliari, à naribus ad regionem paroticam 
ductä; gutture, collo anticé, pectoreque intensive rufis, pectoris inferis abdominisque 
lateribus griseis, eorum medio vittis nigris et albis transversis notato, abdomine uno 
pallide rufescente. Caudä rectricibus mollioribus et gradatioribus. Pedes digitis, inter- 
medio præcipue, longioribus, ungulis anticis brevibus ac debilibus, hallucis vero 
mullo fortiore. | 
Bec brun, pieds brun pâle. Longueur totale, 16 1/3 cent. 

Cette espèce vient de Valdivia , au sud du Chili, d’où elle nous a été rapportée par M. 

Fontaine. Nous ne l'avons point vue vivante; mais M, Fontaine nous a appris qu’elle mène 


le même genre de vie que l’espèce précédente. 


( 497 ) 
Nous croyons qu'on peut encore rapporter à ce genre le Troglodytes Pise 
paradoæus de M. Kittlitz (Mém. prés. à l'Acad. impér. de S. Pétersb., 1850, 
t. I, p. 184, pl. 5); alors ce serait le 


Leptonyx paradoxus, Nob., 


caractérisé par sa taille plus petite; le dessus et les côtés de la poitrine gris ardoisé; 
les ailes et la queue brun noirâtre; les rémiges secondaires terminées par une 
petite tache rousse et noire; le devant du col et le milieu de la poitrme 
blancs ; flancs et bas-ventre roussâtres, rayés en travers de noirâtre; le bec 
conique, à narines operculées. 


** LEPTONYX PROPREMENT DITS. 


Tarses longs, très-robustes; doigts très-longs et forts, terminés par des ongles 
presque droits, légèrement comprimés, très-longs, constamment usés à leur 
extrémité. ‘ 


LEPTONYX À GRANDS PIEDS, Leptonyx macropus, Swains. 


Leptonyx macropus , Swains., 1821, Zool. illust., 2 série, pl. 1173 Pteroptochos megapodius, 
Kittlitz, Mém. de Acad. de S. Pétersb., 1830, t.1, p. 182, pl. 4; Megalonyx rufus , Less. 
1830, Cent., p. 200, pl. 66; id., d'Orb. et Lafresn., Syn., Mag. de zo0l. (1836), p. 16,n.° 1. 


L. suprä brunneo-olivascens ; pennis griseo limbatis, uropygio rufescente, striis trans- 
versis albidis radiatis ; vittd superciliari, guld, latere colloque albescentibus; pectore 
brunneo-rufescente; ventre albescente, brunneo transversim radiato; uropygio 
rufo-brunneo, rufo transversim radiato ; caudd brunneä ; remigüs brunneo-fulo 
limbatis. 


Longueur totale, 25 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 92 cent.; de la queue, 
70 mill.; du bec, 19 mill.; sa hauteur, 8 mill.; du tarse au bout des doigts, 80 mil. ; 
de l’ongle du pouce, 18 mill. 

Cette espèce est bien caractérisée par sa couleur brun grisätre, plus foncée sur le 
milieu de chaque plume en dessus, par ses sourcils blancs, par sa gorge, et par 
deux lignes de chaque côté de son cou, de la même couleur; par le haut de la poitrine 
roux-brun; par son ventre blanc, avec une tache en croissant brun-noir et roux sur 
chaque plume; par son croupion et par les couvertures inférieures et supérieures roux 
rayé de blanc en travers. Ses teintes la distinguent essentiellement du Leptonyx Tarnü. 

Un jeune individu , qui n’avait pas encore pris sa livrée complète, offre les différences 
suivantes avec les adultes : les parties supérieures à peu près les mêmes, avec une teinte 


1. On à, tout à fait à tort, rapproché ces oiseaux des Mégapodes, avec lesquels ils n’auraient 
d’autres rapports que la longueur de leurs ongles; car, du reste, ils en sont très-éloignés, par 
les mœurs et par les autres caractères. 


( 198 ) 


Passe roussâtre répandue partout; le croupion roux uniforme, sans stries transverses; le ventre 


reaux. 


et la poitrine roux pâle, marqué seulement, au bas-ventre, de quelques lignes trans- 
versales ; les tectrices de la queue d’un roux päle uniforme; ses ongles sont longs, mais 
crochus à leur extrémité, ce qui prouve évidemment que c’est l’action continue de gratter 
la terre, qui, dans les adultes, en use l'extrémité. 

Nous avons souvent aperçu cet oiseau aux environs de Valparaiso, Chili; néan- 
moins il paraît plus commun vers les régions plus australes de cette république. Il se 
üent au milieu des ravins, dans les lieux couverts de buissons, y court continuellement 
à terre, avec une grande vivacité, se cache dans les broussailles, reparaît un instant 
après, en sautillant, gai, agitant sa tête, tenant sa queue droite et ayant, en tout, les 
allures de la Rhinomya lanceolata, à Yarticle de laquelle on peut voir, avec plus de détails, 
l'exposé de ses mœurs. Nous l’avons vu souvent gratter à terre, pour chèrcher les 
insectes, dont il paraît se nourrir exclusivement; car nous n’avons jamais rencontré de 
graines dans son estomac. 

Les Chiliens l’appellent Tapa-culo. 


LEPTONYX DE TARN, Leptonyx Tarnü, Nob. 
Oiseaux, pl. VIIT, fig. 21. 


Hylactes Tarn, King, Proc. zool. soc. of Lond., 1830, p. 15; Megalonyx ruficeps 1, d'Orh. 
et Lafresn., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 16,n. 2. 


L. brunneo-rufescens; pileo, uropygio, pectore hypocondriisque cinnamomeis, ultimd 
parte nigro laté squamosis; tectricibus superis alæ fuscis, apice rufescentibus, 
lineäque nigrd tenuissimd terminatis; tectricibus superis ac inferis caudæ rufes- 
centibus, nigro vittatis; caudd nigrd ; tectricibus basi pogonio externo rufescentibus. 


Longueur totale, 24 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 110 mill.; de la queue, 
80 mill.; du bec, 17 mill.; sa hauteur, 7 mill.; du tarse au bout des doigts, 92 mill.; 
de l’ongle du pouce, 19 mill. 

_ Son bec est étroit, allongé, comme celui du Leptonyx macropus, conique, mais 
un peu plus étroit; ses pieds sont au moins aussi forts; ses ongles longs et aussi peu 
arqués, surtout celui du pouce. Couleur brun foncé, passant au roux sur plusieurs 
parues; le front et la poitrine roux vif; cette même teinte, ornée, sur chaque plume, 
d’un croissant noir, couvre les flancs et le ventre; le croupion et les couvertures supé- 


1. Nous reproduisons ici la courte phrase de M. King, pour qu’on voie s’il est possible de recon- 
naitre une espèce avec aussi peu de détails : Hyl. saturatè fusco-brunneus ; fronte, dorso , abdomi- 
neque rufis, hoc fusco fasciato. Réellement, il vaudrait mieux ne rien dire que de dire aussi peu; 
car un pareil procédé conduit à des doubles emplois, auxquels il est impossible de remédier. C’est, 
dans notre siècle, une triste innovation, qui pouvait être bonne au temps de Linné, mais qui, vu 
la multiplicité toujours croissante des espèces, devient une véritable calamité pour ceux qui 
s'occupent de science. 


( 499 ) 


rieures et inférieures de la queue, roux, avec des indices de bandes transversales noi-  Passe- 


râtres; ailes et queue noirâtres, bordées d'olive roussâtre; les couvertures supérieures "7" 


des ailes brun olivätre, bordées extérieurement de roux; derrière de la tête, gorge et 
devant du cou, noirâtres. Bec brun en dessus, rose à la mandibule inférieure; pieds 
violacés. 

La description démontre que cette espèce est, par son plumage, tout à fait distincte 
de l'espèce la première connue (Leptonyæ macropus), quoiqu’elle ait la même taille et 
la même forme. 

Elle habite les environs de Valdivia , au sud du Chili, où elle a été tuée par M. Fon- 
taine, chirurgien-major du brick le Griffon, commandé par M. du Petit-Thouars. Il 
paraîtrait qu’elle y est assez commune et y mène le même genre de vie que ses congé- 
nères. 


AUX 


Son nom est aussi, au Chili, Zapa-culo (qui se couvre le derrière), dù à son habi- 
tude de relever la queue perpendiculairement. 


IV FAMILLE. 
TURDIDÉES, Z'unp1Dx. 


Nous n'avons rencontré, en Amérique, que trois genres de cette famille, 
des Merles, des Moqueurs, des Danacobius. Les deux premiers sont de l’est 
et de l’ouest des Andes, tandis que le troisième reste toujours à l'est et dans 
les régions chaudes; aussi trouve-t-on les deux premiers sur une surface beau- 
coup plus étendue en latitude et en élévation sur les montagnes. Ce sont, au 
reste, des oiseaux tous plus ou moins buissonniers. 


*TURDIDÉES SYLVICOLES, Turdidæ sybicolæ, Nob. 


Nous réunissons, sous cette dénomination, les espèces qui entrent, plus 
volontiers, dans les bois, par opposition avec la division suivante, qui se tient, 
au contraire, seulement sur les buissons. 


GEexre MERLE, Turdus, Linn. 


Les caractères de ce genre sont trop vulgaires pour que nous les reprodui- 
sions ici. Nous nous bornerons à quelques généralités relatives à la distribu- 
tion des espèces sur le sol américain. Si nous voulons examiner comparative- 
ment le nombre des Merles que nous avons rencontrés en Amérique avec celui 
de nos espèces d'Europe, nous verrons de suite que l'Europe est, pour la 
quantité de ces oiseaux, beaucoup plus favorisée que le continent américain, 
puisque, sur l'immense surface que nous en avons visitée, nous n’avons trouvé 


( 200 ) : 


Pase- que quatre espèces de Merles proprement dits. De ces quatre espèces, l’une 


reaux. 


(le Turdus Falklandiæ) est reléguée sur les parties les plus froides de la 
partie méridionale; autre (le Turdus chiguanco) ne se trouve qu'a l’ouest 
des Andes, dans les régions chaudes; la troisième ne se rencontre que sur les 
parties élevées des Andes, au 16.° degré de latitude, tandis que la quatrième 
habite toutes les régions chaudes et tempérées des vastes plaines orientales 
de PAmérique. I est curieux de voir chacune de ces espèces circonscrite dans 
son canton particulier, sans se mêler Jamais aux autres. De ces faits nous 
pouvons conclure que les Merles sont de toutes les régions américaines, depuis 
les parties glacées jusqu'aux plus chaudes, et depuis le niveau des mers jus- 
qu’à 11,000 pieds (près de 3,700 mètres ), au-dessus, sur les montagnes. Du 
reste, ils ont le même genre de vie que nos Merles européens. 


MERLE NOIRATRE, Turdus fascater, Nob. 
Oiseaux, pl. IX, fig. 5. 


Turdus fuscater, d'Oxb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p.16, n° 1. 


T° suprä totus fusco-ater; dorso pauld brunneo olivaceo cincto; capite, alis cauddque 
parum gradat& saturatioribus, Jerè nigris, subtüs dilutioribus; ano grisescente; 
rostro pedibusque flavis. 


Sur le vivant. Yeux brun-roux; paupières, bec et pattes jaune vif. Longueur totale, 
29 cent.; queue, 11 cent.; vol, 45 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 10 cent.; du 
bec, 25 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 8 mill.; du tarse au bout des doigts, 
7 cent.; circonférence du corps, 14 cent. 

Formes de notre merle ordinaire; bec long, droit, légèrement denté à son extrémité; 
ailes longues, la quatrième penne la plus longue; queue allongée, les deux rectrices 
inférieures un peu plus courtes que les autres; tarses longs; acrotarse muni d’une seule 
squamelle; une paupière charnue. 

Couleurs : Partout en dessus noirâtre, un peu brun, comme teinté d’olivatre; la tête, 
les ailes, la queue, un peu plus foncées; chaque plume noirâtre, bordée de plus pâle, 
dessous plus pâle, passant au grisätre; toujours chaque plume bordée de plus pâle; le 
derrière entièrement gris. Les seules différences apportées par le sexe sont des teintes 
plus roussâtres en dessus et plus grises en dessous. 

Variété accidentelle. Nous avons tué un individu ayant un grand nombre de plumes 
blanches sur les parties supérieures du cou; le tour des yeux entièrement blanc, ainsi 
que la gorge; du reste, aucune autre différence. 

Cette espèce habite toute notre IL.° zone d’élévation, sur les montagnes de la république 
de Bolivia, c’est-à-dire de 1,700 à 3,700 mètres au-dessus du niveau de la mer. Nous 


, ë É A . « 
l'avons successivement rencontrée aux environs de la ville de la Paz; puis à l’est de la 


( 201 ) 


Cordillère orientale , à Enquisivi, dans la vallée de Cochabamba , à Mezque, Valle grande, 
et à Chuquisaca. Elle se tient ordinairement dans les ravins couverts de buissons , sur- 
tout près des lieux habités, entre volontiers dans les jardins; quelquefois même, en 
hiver, elle se montre assez familière pour pénétrer dans l’intérieur des maisons. On la 
voit tantôt seule, tantôt en compagnie de deux ou trois individus de son espèce, sau- 
tiller auprès des haies, des buissons, retourner les feuilles sèches, afin d’y chercher sa 
nourriture ; relever fréquemment la queue, surtout lorsqu'elle s'arrête; entrer dans les 
buissons, s’y enfoncer, en sortir ensuite pour parcourir, de nouveau, d’un air gai, les 
environs. Poursuivie, ses mœurs, si peu craintives, la portent à ne s'envoler qu’à la 
dernière extrémité, et encore est-ce pour ne se porter qu’à peu de distance. Sédentaire 
dans le pays, elle y est très-commune, ne se mêlant jamais aux autres espèces d’oiseaux; 
mais, du reste, y menant, à peu de choses près, le genre de vie du Merle ordinaire 
d'Europe. Son chant même, au temps des amours, a beaucoup des accens mélodieux 
de celui-ci. 

Elle se nourrit de petites graines et d’insectes. Au mois d’Août et de Septembre, elle 
construit, dans les buissons, qu’elle fréquente habituellement , un nid qui ressemble à 
celui du Merle commun, excepté qu’il n’est pas extérieurement enduit d’une couche de 
terre. Souvent on l'élève dans le pays, où les Aymaras lui appliquent la dénomination 
de Chiguanco, générique pour les Merles. 


MERLE CHIGUANCO, Turdus chiguanco, Nob. 


Oiseaux, pl. IX, fig. 2. 
Turdus chiguanco, d'Orb. et Lafresn. (1835), Syn., Mag. de zool., p. 16, n.° 2. 


T°. suprà totus griseo-marinus , alæ caudæque pennis pauld saturatioribus ; subits 
pallidior; gutture albo-rufescente, striis longitudinalibus fuscis ; ano albescente ; 
tectricibus caudæ inferis margine scapoque albis; tectricibus alæ inferis, rufo 
limbatis; rostro pedibusque flavis. 


Sur le vivant. Bec et pieds jaune vif; yeux bruns. Longueur totale, 27 cent.; du vol, 
38 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 13 cent.; de la queue, 9 cent.; du haut 
du tarse au bout des doigts, 7 1/2 mill.; circonférence du corps, 16 cent. 

Formes. Bec fort; tarses robustes et longs; ailes longues; la quatrième rectrice la 
plus longue; queue allongée, presqu’égale. 

Couleurs. Toutes les parties supérieures gris-brun ; les ailes et la queue un peu plus 
foncées, mais bordées de la même teinte; le dessous gris très-päle; la gorge couverte 
de taches allongées, brun très-clair, sur le milieu de chaque plume; le derrière presque 
blanc ; les couvertures inférieures de la queue gris bordé de blanchâtre; les tectrices 
inférieures de l'aile roux pâle. 

Cette espèce, quoique peu différente de la précédente, s’en distingue par une taille 
moindre, par les grivelures de sa gorge, par des teintes beaucoup plus pâles. Il y a aussi 


IV, Où. 206 


Passe- 
reaux. 


( 202 ) 


Pase- un caractère plus tranché, celui des tectrices inférieures de l'aile, qui sont d’un beau 


reaux. 


roux pâle, ce qu’on ne voit point dans l’autre espèce. Elle est aussi voisine du Griveroux. 

Nous n’avons rencontré ce Merle que sur le versant occidental des Andes péruviennes, 
du niveau de la mer à 2,000 mètres au-dessus, c’est-à-dire aux environs de la ville 
de Tacna; et de là, en remontant la Cordillère, jusqu’au village de Palca. Dans tous 
ces lieux, il est très-commun au fond des ravins, et en général, sur tous les points où se 
montrent soit des buissons, soit des arbres fruitiers, soit des haies, qu’il n’abandonne 
jamais. Souvent par couples, souvent isolé, on le voit, surtout autour des lieux habités, 
y vivre sans crainte et avec beaucoup de familiarité, comme s’il était chez lui. Il gratte 
souvent la terre, retourne les feuilles mortes, se perche toujours sur les branches basses 
des buissons, courtavec vivacité, en relevant fréquemment la queue; en un mot, pour les 
allures et pour le vol, nous ne pouvons mieux le comparer qu’à notre espèce commune 
d'Europe. 

Il est sédentaire, se nourrit de graines et d'insectes. Nous avons voulu en manger; 
mais sa chair est dure, désagréable , et les habitans la méprisent. On nous a assuré qu’au 
temps des amours son chant est harmonieux, ce qui a déterminé quelques personnes 
à en élever; chose très-facile. Les Indiens Aymaras le nomment aussi Chiguanco , nom 
que nous avons pris Comme spécifique. 


MERLE DES MALOUINES, Zurdus Falklandiæ, Quoy et Gaim. 


Turdus Falklandiæ, Quoy et Gaim., Zool. de l'Uranie, p. 1043; Pernetti, Hist. d'un voy. aux 
îles Malouines, t. 2, p. 20; Turdus magellanicus, cap. King, Proc. zool. soc. of Lond. (1830), 


p. 143; Turdus magellanicus , d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1835), p. 16, n.° 3. 


T. suprà griseo-rufescens; capite, remigibus primariis cauddque fusco-atris, subius 
pallidè rufus; guld albo-flavicante, fusco-atrd, guttatd. 


Sur le vivant. Bec et pieds jaune aurore; yeux roux-brun. Longueur totale, 27 cent. ; 
de la queue, 8 cent.; du vol, 44 cent.; du pli de Paile à son extrémité, 14 cent.; cir- 
conférence du corps, 16 cent. Paupières charnues, jaunes. 

Remarquable par le dessus de sa tête noir, par ses ailes et par sa queue noirâtres, 
par ses parties supérieures gris-brun, par sa poitrine brun-roux, par son ventre roux, 
par sa gorge très-agréablement mouchetée, en long, de grivelures noires. Ce Merle, indi- 
qué, dès 1770, dans Pernetti, comme propre aux Malouines, a été décrit ensuite, zoolo- 
giquement, dans la Zoologie de l'expédition de l’Uranie, par MM. Quoy et Gaimard, 
qui lui ont imposé le nom de Turdus Falklandiæ. I paraîtrait que M. King n’a pas con- 
sulté cet intéressant ouvrage; car nous trouvons plusieurs des mêmes espèces reproduites 
par lui sous de nouveaux noms, et notamment celle-ci, qu'il décrit sous la dénomi- 
nation de Turdus magellanicus. 

La femelle a la tête beaucoup moins noire, et quelquefois des taches blanches sur les 
côtés du col et sur le tour des yeux. 


( 205 ) 

Comme on l’a vu par les deux noms que porte cette espèce, elle habite, en même 
temps, le détroit de Magellan et les îles Malouines, d’où il paraïtrait qu’elle émigre à 
l'instant des grands froids, pour aller s'établir momentanément en des régions plus 
tempérées; c’est au moins ce que nous pouvons inférer de sa présence en hiver sur les 
rives du Rio negro, dans la partie septentrionale de la Patagonie, où nous l'avons 
trouvée assez abondante. Elle vit dans l’intérieur des bois de saules des îles du Rio 
negro, à douze ou quinze lieues au-dessus de son embouchure, surtout dans les lieux 
marécageux; sautille d’une branche à l’autre des arbres, principalement sur les basses 
branches; descend souvent à terre; et là, gratte et retourne les feuilles tombées, afin 
d'y chercher sa nourriture. Rarement isolée, elle va plus ordinairement par couple, 
mais jamais par troupes, et fuit la société des autres oiseaux. Chose assez remarquable 
pour un oiseau peu inquiété par l’homme, elle est des plus sauvage. Ses mœurs sont 
celles de nos grives; son vol est court, saccadé, peu prolongé, jamais élevé; vive dans 
ses mouvemens, elle marche avec vitesse et fait souvent entendre une espèce de siffle- 
ment de rappel entre les différens individus. Nous croyons l’avoir retrouvée à Valparaiso, 
au Chili; mais les individus différaient en ce que la tête n’était pas noire, ce qui pour- 
rait indiquer une livrée du jeune âge. 

Les habitans nous ont assuré que quelques couples nichent dans les bois de saules. 


MERLE BRUN ET ROUX, Zurdus rufiventris, Vieil]. 
Oiseaux, pl. X, fig. 1, son œuf. 


Mas. Zorzal obscuro y rojo, Azara, Æpunt. de los Paj.,t. 1,p. 336, n° 79; Turdus chocki, 
Vieill., Dict. d'hist. nat., t. 20, p. 226, et Encycl., t. 2, p. 639 (d'après Azara); Turdus 
rufiventris, Vieill., Encycl., t. 2, p. 639 ? Turdus rufiventris, Licht., Doubl., p. 38 ,n.° 435 ; 
id., prince Max., Beitr. zur Naturg. von Bras., WI, p. 639; id., Spix, 4v.,t. 1,p. 68. 

Fem. Zorzal obscuro y blanco, Azara, Apunt., t. 1, p. 341,n.° 60; T'urdus leucomelas, Vieill., 
Dict. d'hist. nat., t. 20, et Enc. méth., t 2, p. 644 (d'après Azara); Turdus crotopezus, 
Licht., Doubl., n° 436, p. 38; Turdus albiventer, Spix, Av.,t. 1,p. 70, t. 693; Turdus 
crotopezus, Illig., prince Max., t. IT, p. 646. 


T. Mas. Suprà brunneo-olivascens ; gul& juguloque albis, brunneo striolatis ; pectore 
ventreque rufis; palpebris fuscis. 

Fem. Suprà brunneo-olivascens; guld juguloque albis, brunneo striolatis ; pectore 
brunneo-pallescente; ventre griseo-albido. 


Sur le vivant. Yeux bruns, le tour pourvu de bourrelets jaunes ; bec jaunâtre dans 
le mâle, quelquefois noiràtre chez la femelle et chez les jeunes mâles; pieds bruns. 
Longueur totale, 27 cent.; femelle, 24 cent. 

Une circonstance favorable, celle de la nichée, nous ayant mis à portée d'étudier 
les deux espèces de Merle d’Azara (les n.”° 79 et 80), nous nous sommes bientôt con- 
vaincu que l’une était la femelle de l’autre, et qu’il devenait indispensable de les réunir 


Passe- 
reaux. 


— 


( 204 ) 


Passe en une seule, quoique plusieurs ornithologistes célèbres, ainsi qu’on a pu le voir à la 


F£AUX, 


synonymie, aient suivi et suivent encore l’auteur espagnol. Nous nous étonnions de 
rencontrer constamment ces deux espèces ensemble, et nous soupçonnions que le couple 
devait se composer d'individus des deux sexes. L’instant de la nichée est venu fixer 
tout à fait nos idées à cet égard. Les jeunes Indiens que nous stimulions à nous cher- 
cher des nids, nous annoncèrent qu'ils en avaient rencontré un de cette espèce ; nous 
vimes effectivement, dans les environs, le mâle et la femelle, et les tirâmes même près 
de leur nid; dès-lors nous n’eûmes plus d'incertitude, à moins qu’un hasard bien sin- 
gulier n’eût rassemblé, dans le même lieu, deux individus de sexes différens, ce qui nous 
eût paru d'autant plus extraordinaire que partout nous avions rencontré les deux espèces 
volant et voyageant de concert, et que l’inspection de leur intérieur nous avait toujours 
montré des mâles dans les individus roux, et des femelles dans ceux à ventre blanchitre. 

Nous avons trouvé cette espèce, des environs de Buenos-Ayres aux plaines brûlantes 
de Santa-Cruz de la Sierra, en Bolivia, où, sans être commune, elle est assez répandue, 
mais selon la saison; car, dans les mêmes lieux, il s’est écoulé de longs intervalles de 
temps, sans que nous l’aperçussions; ce qui dénoterait un oiseau voyageur. Elle ne 
vient qu’en hiver à Buenos-Ayres. Elle se tient plus particulièrement dans les lieux buis- 
sonneux ou boisés; mais, l'été, fréquente la lisière des bois. On la rencontre isolée ou par 
petites troupes; sa timidité est extrême. Quoiqu’elle préfère les environs des lieux 
habités, elle se cache au plus épais des buissons, lorsqu'elle est effrayée, et c’est là 
qu'elle passe ordinairement la nuit; le Jour, elle se tient constamment sur le tiers infé- 
rieur des arbres ou dans les buissons, ne se perchant jamais au sommet des premiers. 
Ses allures sont celles de nos Merles : elle vole au rez de terre, le matin principalement’; 
se tient à terre près des haies, des buissons, à la lisière des bois; y sautille, s'arrête, afin 
de retourner les feuilles sèches, où elle cherche les graines et les insectes dont elle se 
nourrit. 

En hiver, son chant peut être exprimé par la syllabe cof ou pot, que répètent souvent 
les individus mâles ou femelles d’une même troupe, ce qui vient encore appuyer notre 
opinion qu’elle ne forme qu’une seule espèce; mais, au temps des amours, quand les 
couples sont formés et séparés pour la nichée, commencent de nouvelles chan- 
sons, variées, quoique souvent mélancoliques. Le jour, leurs couplets sont différens, 
préludant souvent par choché, comme l’a dit Azara, puis continuant d’une manière 
agréable; le soir, c’est un miaulement plaintif assez monotone. En Octobre , le couple 
s'occupe de sa nichée : il construit alors au centre d’un buisson épais, un nid de 25 à 
30 centimètres de diamètre, composé, à l'extérieur, d’une grande quantité de bran- 
chages , formant un tissu serré, qui protège un lit de plantes sèches, principalement 
d’une espèce d’immortelle, dont les tiges sont très-serrées, souvent de deux centimètres 
d'épaisseur, sur lequel est une garniture de crin bien contourné. La forme en est profonde 
(7 centimètres de diamètre intérieur, 4 de profondeur). Les œufs, au nombre de quatre 
à cinq, sont verts, lachetés de rougeûtre; mais les taches y sont plus rapprochées sur le 
gros bout; les diamètres sont 31 et 22 millimètres. Le mâle et la femelle paraissent 


( 205 ) 

couver tour à tour et avoir le plus grand soin de leurs petits. On les élève avec facilité 
à l’état domestique. 

Les Guaranis connaissent ces oiseaux sous le nom générique d’Aabia, et en raison 
de l'harmonie de leur chant, quelques Espagnols leur appliquent celui de Calandria. 

Nous avons, dans notre Synopsis, p. 17, n° 5, donné, sous le nom de Turdus oli- 
saceus, des Merles rencontrés, province de Yungas (république de Bolivia), au sein 
des bois épais et humides du versant oriental des Andes. Nous n’en avons vu, alors, 
que des individus à plumage de femelles; mais, comme aucun caractère ne peut les dis- 
ünguer des femelles du Zurdus rufiventris, nous pensons qu’on doit les y réunir. Néan- 
moins nous avons souvent cherché à nous expliquer pourquoi, dans ce dernier lieu, nous 
ne rencontrions aucun mâle, tandis que, partout ailleurs, il y avait à peu près nombre 
égal d'individus des deux sexes. Il faudrait peut-être admettre que, dans ces montagnes, 
il existe une espèce en tout semblable à la femelle du 7. rufiventris, et différente 
- spécifiquement. | 


* TURDIDÉES DUMICOLES, Turdidæ dumicolcæ. 


Au lieu de fréquenter les bois, de chercher lombrage, d'entrer dans les 
buissons, cette division des Turdidées se tient surtout dans les plaines cou- 
vertes de quelques broussailles, sur le point le plus élevé desquelles elle se 
perche constamment. 


Gexre MOQUEUR, Orpheus, Swains. 


Les Moqueurs se distinguent des Merles principalement par un bec plus 
grêle, plus convexe, par une queue longue, par des plumes souvent usées 
sur le front, tout en ayant les autres caractères de ce genre; mais ils s’en 
distinguent, plus nettement encore, par leurs mœurs: ce ne sont plus ces oiseaux 
craintifs, amis de lombrage, toujours cachés sous les arbres ou dans Pinté- 
rieur des buissons. Les Moqueurs, au contraire, sont familiers, vivent près 
de l’homme et souvent à ses dépens, se perchent sur sa demeure ou sur les 
buissons qui Penvironnent et semblent toujours vouloir qu'on les apercoive; 
car non-seulement ils se posent sur les points culminans, mais encore ils font 
entendre leurs mélodieux accens, si justement vantés chez tous les peuples, 
ges ; accens qui, variables au dernier point, ont été 
souvent regardés comme une imitation de ceux des autres oiseaux, ce qui 
leur à valu, sans doute, le nom de Moqueur. Les Merles ne chantent, pour 
ainsi dire, qu'au temps des amours; les Moqueurs chantent toute l'année. 

Nous décrivons cinq espèces d'Orpheus, dont, sur le sol américain, chacune 


même chez les plus sauva 


a une région déterminée qui lui est propre, sans que jamais aucune d’elles 


Passe- 
Teaux. 


( 206 ) 

Passe- empiète sur le territoire de lautre. L’Orpheus patagonicus est confiné à l’est 
“= des Andes, dans les régions les plus méridionales; lOrpheus thenca habite 
une latitude un peu plus septentrionale, seulement à l’ouest des Andes du 
Chili. L’Orpheus calandria se montre où cesse de se montrer l'O. patagoni- 
cus, et il est très-commun du 34.° au 28.° degré. Au lieu qu’il cesse d’habiter 
vers le nord, paraît l'Orpheus triurus, qui vit au sein des plaines les plus 
chaudes de la Bolivia, tandis que notre Orpheus dorsalis se tient spéciale- 
ment sur les montagnes élevées de plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau 
des mers, mais à l’ouest des Andes; ainsi les Orpheus, allant au sud jusqu’au 
45. degré, s'étendent de là jusqu'aux régions les plus chaudes; et, en élévation, 
du niveau des mers à 3,500 mètres au-dessus. [ls ont donc, sous ce rapport, 
les mêmes limites d'habitation que les Merles; et, comme les Merles amé- 
ricains , sont des oiseaux sédentaires. 

Ce genre est encore peu connu, quant aux espèces qui le composent, sou- 
vent confondues ensemble; et, quoique nous n’ayons rien négligé de tout ce 
qui pouvait Jeter quelque jour sur l’histoire de celles que nous avons été à 
portée d'observer, nous signalons aux ornithologistes le genre entier, comme 
ayant besoin d’une monographie complète. 


MOQUEUR CALANDRIA, Orpheus calandria, Nob. 
Oiseaux, pl. X, fig. 2. 


La Calandria, Azara, Apunt. de los Paj., t. I, p. 231, n° 223; Turdus thenca, Vieill., Dict. 
d'hist. nat.,t. XX, p. 297; Encycl., t Il, p. 679; Turdus Orpheus, Spix, 4v.,tI,t. 71, 
fig. 1; Mimus saturninus, prince Max., Beitr., p. 658? Orpheus calandria, d'Orb. et Lafr., 
Syn. (1835); p. 17, n. 1. 


Mas. Suprà fusco-fuliginosus, pennis disco obscurioribus; tectricibus alæ, remigi- 
busque secundariis, apice sordide albescentibus ; remigiis primariis angustissimé 
albo marginatis; flexurd alæ albd; vitt& latd superciliari, corpore subtüsque sor- 
dide albescentibus ; caud& fusco -nigrd, quatuor lateralibus tectricibus utrinque 
apice maculd magn& albd. 

Junior. Staturd minore, gutture hypocondriisque fusco striolatis. 


Sur le vivant. Yeux bruns; bec et tarses noirs. Longueur totale, 25 cent.; du pli de 
l'aile à son extrémité, 11 cent.; de la queue, {1 cent.; du doigt du milieu, 3 cent.; du 
bec, 15 mill. 

Müle. Toutes les parties supérieures brun fuligineux, uniforme; chaque plume légè- 
rement bordée de plus pale. Grandes et petites tectrices supérieures de l'aile, ainsi que 
les rémiges secondaires, de la même couleur que le dessus du corps, terminées de 


( 207 ) 

blanc sale; rémiges primaires bordées extérieurement d’une ligne étroite blanche; le 
pli de l’aile blanc, ainsi que les couvertures inférieures. Parties inférieures blanc sale, 
légèrement cendré; queue noirâtre, les quatre rectrices extérieures de chaque côté ter- 
minées de blanc : cette teinte est plus étendue sur la plus extérieure, et diminue gra- 
duellement sur les autres; une bordure blanche à la rectrice intérieure; un large sourcil 
blanc passe au-dessus des yeux, et une ligne brune prend à la base du bec et traverse 
les yeux. 

Jeune. 1 diffère des adultes en ce que toutes ses parties postérieures en dessus, les 
rémiges secondaires et leurs couvertures, sont terminées de roussätre. La gorge, la poi- 
trine et les flancs sont couverts de taches brunes assez marquées. 

Cette espèce, bien décrite par Azara, a été confondue, par Vieillot, avec le Turdus 
thenca de Molina, quoique ces deux espèces soient on ne peut plus distinctes : il est 
vrai que la simple phrase de Molina lui rendait la distinction difficile. Quelques années 
après, M. Lichtenstein donna, de son Turdus saturninus, une très-courte description, qui 
nous montre clairement que c’est une espèce voisine de lOrpheus calandria, sans qu’on 
puisse toutefois l’y rapporter avec certitude, puisqu'il ne parle pas du nombre de rec- 
trices terminées de blanc, caractère général chez toutes les espèces; et puisque, d’ail- 
leurs , les taches indiquées sur les flancs annoncent un individu jeune et non pas un 
adulte. Néanmoins, M. le prince de Neuwied , dans son intéressant ouvrage sur les oiseaux 
du Brésil, rapporte la Calandria d’Azara au Turdus saturninus de Lichtenstein, et 
donne, pour synonyme, le Turdus thenca de Molina. Il y a toute probabilité que c’est avec 
raison; mais, dans la crainte d’embrouiller davantage le genre Orpheus, bien assuré que 
notre Orpheus calandria est l'espèce décrite par Azara, puisque nous l'avons trouvé dans 
les mêmes lieux, nous conservons à l'oiseau le nom que cet auteur lui a donné, sans 
adopter celui de M. Lichtenstein, appartenant peut-être à une espèce différente. 

Cette espèce s’est montrée à nous dans toute la Banda oriental de la Plata, aux envi- 
rons de Maldonado, de Montevideo , près de Buenos-Ayres; et de là jusqu'aux frontières 
du Paraguay : elle est partout commune et se rencontre dans les lieux couverts de buis- 
sons, par intervalles; jamais elle ne se montre dans les bois, ni au sein des plaines entiè- 
rement dénuées d'arbres ou d’arbustes. C’est peut-être l'oiseau le plus familier de ces 
contrées; on l’y voit, sans cesse, aux alentours des lieux habités, sur les haies, sur les 
barrières; et, l'hiver surtout, il ne craint pas d'entrer dans les fermes et autres habita- 
üons des campagnes, afin d’y manger la viande ou les fromages qu’on y fait sécher. On 
ue le voit jamais se cacher, comme les Merles.... au contraire; comme les Pepoaza, il 
se tient sur les buissons et toujours sur les points élevés des environs. Il ne chante pas en 
hiver; mais, au mois de Septembre, les couples s'unissent : alors commence pour 
eux une nouvelle vie. Cest en ce moment que le mâle se perche sur les points culmi- 
nans, s'envole de là, s'élève verticalement à quelques pieds seulement du sol, et se 
met à chanter, en se laissant tomber doucement, le corps horizontal, les ailes ouvertes, 
sur le point d’où il était parti, où il continue et achève sa chanson Joyeuse, pour 


reprendre, un instant après, le même manége. Posé, il chante tout à fait immobile; 


Passe- 
reaux, 


( 208 ) 


Passe- son chant est on ne peut plus varié et des plus harmonieux. Il nous est arrivé de l’en- 


reaux. 


tendre des heures entières sans qu’il reproduisit jamais les mêmes sons. Ce chant, prover- 
bial dans le pays, mérite bien la réputation acquise à l'artiste ailé. 

Nous avons été assez heureux pour rencontrer plusieurs nids de Calandria : ils étaient 
toujours placés sur des buissons ou sur des cactus et peu élevés de terre, peu cachés. 
Ces nids sont composés d’herbes sèches, tressées, à l'extérieur et à l’intérieur, de petites 
racines contournées avec art. Leur diamètre intérieur est de 7 centimètres; leur diamètre 
extérieur de 15. Les œufs (voy. pl. X, fig. 2, a), au nombre de trois, sont bleu ver- 
dâtre très-pàle, avec des taches rougeàtres assez grandes, formant une large couronne 
à l’extrémité du petit côté; leurs diamètres sont 25 et 18 millimètres. Les parens sont 
des plus attentifs à défendre leur nichée : ils veillent continuellement autour et ne per- 
mettent pas aux autres oiseaux de s’en approcher; les poursuivant même à outrance, 
pour peu qu'ils paraissent insister. 

Les colons espagnols nomment l'espèce Calandria, par allusion à son chant. Les 
Indiens bocobis du Chaco, non loin de Santa-Fe, lui donnent le nom d’Actonuc. 


MOQUEUR A TROIS QUEUES, Orpheus triurus, Nob. 


Calandria de tres colas, Azara, Apunt. de los Paj., t. I, p. 237, n° 224; Turdus triurus, 
Vieill., Dict., t. XX, p. 276; Enc., t. IT, p. 668 (d'après Azara) ; Orpheus tricaudatus, d'Orb. 
et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1835), p.18, n.° 4. 


O. suprà anticè brunneo-griseus, uropygio rufescente; alis nigris ; remigibus prima- 
ris totis nigris, externo apice albescentibus ; secundariarum sex prioribus ferè totis 
albis, scapo nigro, tribus aut quatuor maculis ante apicem nigro notatis, tribus 
ultimis nigris, margine rufescentibus. Caudd medid nigrd, rectricibus tribus late- 
ralibus totis albis, quartd albd lateraliter laté nigro limbatd; subtus cinerascens ; 
gulä abdomineque medio albescentibus; hypocondriüs pectorisque lateribus rufes- 
centibus ; rostro pedibusque nigris. 


Sur le vivant. Yeux bruns; pieds et bec noirs. Longueur totale, 24 cent.; du pli de 
l'aile à son extrémité, 10 cent.; de la queue, 9 cent. 

En dessus, les parties antérieures gris-brun assez clair; le bas du dos, le croupion 
et les couvertures supérieures de la queue roux sale; rémiges primaires noirâtres, bor- 
dées, très-légèrement , de blanchätre à leur extrémité ; les six premières rémiges secondaires 
presqu’entièrement blanches, avec la tige noire; les trois premières marquées, en outre, 
d’une tache noire, près de leur extrémité; les trois dernières noires, bordées de rous- 
sâtre. Queue longue, les quatre pennes médianes noires, les deux extérieures de chaque 
côté blanches , à tige noire; la troisième, blanche aussi, avec une ligne longitudinale 
noire à son côté externe; la quatrième, noire, avec une ligne blanche longitudinale 
oblique, commençant au côté externe à la base, passant au côté interne vers la moitié 
de sa longueur, en s’élargissant jusqu’à l'extrémité. Le dessous du corps gris, presque 
blanc sur la gorge et au milieu du bas-ventre, passant au roux pâle sur les flancs. 


( 209 ) 


Nous avons observé cette espèce au centre de l'Amérique méridionale, dans la pro- 
vince de Chiquitos, principalement près de la Mission de San-José. De ce qu’Azara l’a 
aussi rencontrée au Paraguay, nous pouvons conclure qu’elle habite les plaines chaudes, 
depuis le 15.° degré jusqu’au 26.° de latitude australe; mais, comme Azara, nous avons 
la certitude qu’elle ne passe pas les régions chaudes et qu’elle ne s’approche point du 
Rio de la Plata. 

Cet oiseau , assez rare, a les mœurs de l’espèce précédente : il se tient de même dans 
les lieux buissonneux et peu couverts, au sommet des arbustes et des arbres; mais il 
est très-farouche. Nous ne l’avons pas entendu exécuter les chants joyeux de la Calandria. 
Azara l’a nommé de tres colas, à trois queues, parce que, lorsqu'il vole , sa queue-s’ouvre; 
et comme le milieu en est noir et que les deux côtés en sont blancs, il paraït, en 
effet, avoir trois queues distinctes. 


MOQUEUR THENCA, Orpheus thenca, Nob. 
Oiseaux, pl. X, fig. 3. 


Turdus thenca, Molina, Hist. nat. du Chili, trad., p. 231; Lath., /nd., Merle thenca, n° 46; 
Turdus thenca, Vieill., Dict., t. XX, p. 297, et Enc., t. Il, p. 679. 


O. supra fusco-brunnescens ; capitis pennis disco obscurioribus ; remigibus primariis 
nigris, angustè albo marginatis ; tectricibus remigibusque secundariis nigris, rufo 
marginalis, albo terminatis ; rectricibus nigris, lateribus maculä cuneatd, terminalr, 
albä, versus intermedium sensim minore. Subtus, præcipue ad pectus, tectricibus 
caudæ hypocondriisque maculis elongatis nigris striolatis, sordide rufescens ; 
vittd superciliari post oculos multo latiore sordide albä ; vitt& inferiore, per oculos 
transeunte, fusco-nigrd ; gutture longitudinaliter albo, utrinque vitté nigrä circum- 
dato ; lateralibus capitis infrà oculos collique maculis minutis, nigro variegatis. 


Sur le vivant. Yeux bruns; bec et pieds noirs. Longueur totale, 26 cent.; de la queue, 
10 cent.; du vol, 34 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 12 cent. ; du tarse au bout 
des doigts, 7 cent.; circonférence du corps, 16 cent. 

Parties supérieures brunes, un peu fauves; dessus de la tête couvert de plumes longues, 
étroites, ornées d’une tache plus foncée au milieu; rémiges primaires noires, bordées 
d’une ligne étroite blanche; rémiges secondaires et tectrices supérieures des ailes noi- 
râtres, bordées de brun roussâtre et terminées de blanc. Queue étagée; les deux rectrices 
médianes noires, bordées et terminées de plus pâle; les autres terminées par une tache 
blanche plus longue sur les plus externes, qui ont aussi leur côté extérieur blanc. Les 
parties inférieures sont roux-brun pâle, légèrement striées en travers de plus päle sur 
la poitrine, passant au roux sur les flancs, où l’on remarque de longues taches longitu- 
dinales noires, passant au blanchâtre sur le derrière. Un très-large sourcil blanc jaunâtre 
s'étend sur chaque œil ; une bande brune le traverse et se prolonge sur les côtés du cou; 
les joues sont roussâtres, légèrement variées de plus foncé; la gorge est blanchàtre : de 


IV. oi. DT 


Passe- 
reaux. 


(210 ) 


Pass chaque côté part, de la base de la mandibule inférieure, une tache noire qui s'élargit 


reaux. 


en descendant sur les côtés du col, et se divise en un assez grand nombre de petites 
mouchetures de cette couleur. 

Les jeunes manquent entièrement des moustaches et des grivelures des côtés du cou. 

Cette espèce, indiquée seulement par Molina, avait été confondue, par Vieillot, avec 
la Calandria d’Azara; mais nous nous sommes assuré que c’étaient bien deux espèces 
distinctes : celle-ci a surtout comme caractère qui la distingue de tous les autres Mo- 
queurs, les moustaches des côtés de sa gorge, ainsi que les longues plumes du dessus de 
sa tête. 

Nous ne l’avons rencontrée qu’aux environs de Valparaiso, au Chili, où elle est très- 
commune. Elle se tient principalement près des lieux habités, dans les vallées ou dans 
les plaines couvertes de buissons; et nos observations nous ont prouvé qu’elle a les mêmes 
mœurs que l’'Orpheus calandria, occupant de préférence les points élevés des buissons 
et des parcs à bestiaux. Le chant de cet oiseau est très-célèbre dans tout le Chili. Non- 
seulement on lui attribue lavantage de varier à l’infini ses intonations, mais encore 
celui d’imiter le chant d’un oiseau quelconque. Tout en retranchant ce qu'il y aura 
d’exagéré dans cette croyance, nous ne craignons pas d’assurer que la réputation dont 


jouit le Moqueur dont il s’agit, et mème celle de tous les Moqueurs que nous décrivons, 


restent de peu au-dessous de la vérité; car ils peuvent tous prendre toutes les inflexions, 
rendre toutes les gammes. 

Molina ! s’est trompé dans la description du nid de cette espèce, celui qu’il indique 
appartenant à l’'Anumbi et non pas au Thenca. 


MOQUEUR DE PATAGONIE, Orpheus patagonicus, Nob. 
Oiseaux, pl. IE, fig. 2. 
Orpheus patagonicus, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 19,n. 5. 


O. suprä fusco-cinereus, viltä superciliari angustä, albicante ; tergo parüm rufescente ; 
alæ nigræ, remigibus primaris angusté, secundariis tectricibusque latè albo mar- 
ginatis; rectricibus nigris, lateralibus maculd cuneat&, terminali, albä; caud& pro 
mole breviori, subtus cinerascens; gulä abdomineque medio albis, hypocondriis 
rufescentibus, fusco striolatis ; gutturis albidine maculis minutis, fuscis, lateralibus 
quasi limbatis. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs; yeux bruns. Longueur totale, 235 cent.; du vol, 
31 cent.; circonférence du corps, 12 cent. 

Mâle. Dessus gris-brun clair, passant au gris fauve sur le croupion ; plumes de la 
tête longues, plus foncées au milieu; dessous gris très-pàle, passant au blanc pur sur 
la gorge, et au roussàtre sur le ventre; tout le milieu plus pâle. La poitrine a chaque 
plume légèrement terminée de plus pâle ou même de blanchätre, ce qui rend cette partie 


1. Molina, Hist. nat. du Chili, trad., p. 231. $ 


( 214 } 
comme nuagée. Sourcil étroit, blanc; joues variées de gris et de blanchâtre; ailes noires; 
les rémiges primaires bordées d’une ligne étroite, blanche; les tectrices largement bor- 
dées et terminées de blanc, ainsi que les rectrices secondaires, dont la bordure est un peu 
roussätre. Queue noire, un peu étagée; chaque rectrice terminée d’une tache en coin, 
d’un beau blanc; les deux supérieures terminées de gris. 

Jeune. La taille est beaucoup moindre; les teintes en dessus sont plus fauves; la poi- 
trine et les flancs maculés de brun fauve; du roussätre remplace les bordures blanches 
des tectrices, des ailes et des rémiges secondaires. 

Cette espèce diffère essentiellement de l’'Orpheus thenca par le manque de moustaches 
et des grivelures constantes de la gorge et des flancs, par ses rémiges plus largement 
terminées de blanc. Elle diffère aussi des autres espèces par des caractères tranchés : 
par sa queue, de l’'Orpheus triurus, et de l'Orpheus calandria, par ses rémiges et par leurs 
rectrices, largement terminées de blanc. 

Nous avons observé et recueilli cette espèce sur les bords du Rio negro, en Patago- 
nie : elle y est commune l'été, mais beaucoup plus encore l'hiver, parce qu’un grand 
nombre d'individus viennent, dans les froids, des parties plus méridionales ou du ver- 
sant oriental des Andes. On la voit toujours sur les petits buissons, sur les haies, dans 
les parcs où l’on renferme les bestiaux et sur les maisons; car c’est une espèce on ne 
peut plus familière, qui fréquente surtout les lieux habités. En tout temps et même au 
milieu de l'hiver, elle fait entendre ses harmonieux concerts. Nous ne connaissons 
aucun oiseau qui ait un chant aussi varié; il en change d’un moment à l’autre: 
tantôt ce sont des cadences suivies ; tantôt c’est un gazouillement doux ou des 
gammes chromatiques; en un mot, dans chacune des occasions où nous l’avons entendu, 
nous avons cru entendre un nouvel oiseau, quoique ce fût Loujours le même; et si la 
mélodie n’est pas aussi riche que celle du Rossignol, elle est du moins bien plus variée. 

Cette espèce vit comme les Merles, marche avec vivacité, relève sa queue, de 
temps en temps, en cherchant les insectes dont elle se nourrit. Elle à été distinguée par 
tous les sauvages des contrées méridionales : les Patagons la nomment Zÿé, les Puelches 
Ocansoa, et quelques Araucanos, pour la distinguer du Thenca du Chili, lui donnent 
le nom de Teca ou Thenca tehuelcha, C'est-à-dire Thenca du sud ou de la terre des 


Patagons. 


MOQUEUR A DOS ROUX, Orpheus dorsalis, Nob. 
Oiseaux, pl. XI, fig. 1. 
Orpheus dorsalis, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 18, n° 3. 


O. suprà totus rufescens, capite anticè pallidè rufescente ; subtüs totus albescens ; 
pectore et hypocondriis parum grisescentibus ; caud& albd, quatuor exceptis rectri- 
cibus mediüs, quarum duabus intermediis totis nigris, duabus sequentibus nigro 
et albo variatis, his quatuor basi rufescentibus ; alis nigris, duabus primo- 
ribus remigibus subtilissimé albo fimbriatis, secundariüs eodem colore marginatis 


Passe- 
reaux 


Passe- 
T'ÉAUX 


(212) 


ac terminatis; omnibus remigibus basi, primariis usque ad medium, secundariis 
basi tantummodd, albis, coloreque dorsali rufo. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs; yeux verdätre pàle. Longueur totale, 25 cent.; du 
vol, 34 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 11 1/2 cent.; de la queue, 10 cent.; 
circonférence du corps, 13 cent. 

Parties supérieures roux-brun, passant de la tête, qui est brun pâle, avec une tache 
plus foncée au milieu de chaque plume, au roux-brun sur le dos, et au fauve ou roux 
clair au croupion et sur les couvertures supérieures de la queue. Parties inférieures 
entièrement blanches, colorées de gris-fauve très-päle, sur la poitrine et sur les flancs. À 
la queue, les deux rectrices intermédiaires noires, terminées et bordées de plus pâle; 
celles qui les suivent, de chaque côté, noires, terminées de blanc; les huit autres rec- 
trices externes blanches , excepté la quatrième, qui a du noir aux côtés internes et externes; 
les quatre supérieures roussâtres à leur base. Aïles noires; les deux premières rémiges 
légèrement bordées de blanc; les autres primaires, noires, blanches à leur base, et un 
liséré de cette couleur à leur extrémité; les rémiges secondaires également blanches à 
leur base, bordées et terminées de blanc; les grandes et les petites tectrices terminées 
de blanc. Un sourcil blanc assez large. se 

Cette espèce, à l'extérieur de laquelle le sexe et l’âge apportent peu de modifications, 
se distingue facilement de toutes celles que nous venons de décrire, par ses huit rectrices 
inférieures entièrement blanches et par la teinte rousse de ses parties supérieures. 

Nous avons rencontré ce Moqueur dans la république de Bolivia, sur toutes les parties 
montagneuses, sèches et arides du versant oriental, entre la Paz, Cochabamba et Chu- 
quisaca, c’est-à-dire sur tous les points élevés de 2,000 à 3,700 mètres au-dessus du 
niveau de la mer, seulement dans les lieux couverts de buissons, jamais dans les lieux 
boisés et humides, ni dans les plaines chaudes. Très -répandu, sans être éommun, 
sédentaire, il vit souvent par couples, et se distingue de tous les autres oiseaux de ces 
contrées par son caractère querelleur. Au reste, il mène le même genre de vie que les 
autres espèces. Toujours perché sur le point le plus élevé des buissons, il fait entendre 
un chant des plus mélodieux et tellement varié, qu’il nous est toujours arrivé de le 
prendre pour une tout autre espèce : tantôt c’est un gazouillement doux et agréable; 
tantôt ce sont des sifflemens qui s'entendent de loin. 

À Cochabamba, les habitans lui ont donné le nom de Corejidor, juge, sans doute 
parce qu’il se perche sur les lieux élevés, d’où il paraît dominer et commander, par ses 
accens , à tous les autres oiseaux. 


** TURDIDÉES ARUNDINICOLES, Turdidæ arundinicolæ. 


\ 


Cette division, en Amérique, ne comprend que des oiseaux qui ne 
sortent pas des endroits couverts de roseaux ou des autres lieux maréca- 
geux. 


( 215 ) 
Gexre DONACOBIE, Donacobius, Swains. 


Ce genre peut être regardé comme le passage des Merles aux Becs-fins; en 
effet, par son bec allongé et grêle, il nous représente, en grand, celui de notre 
Rousserolle, T'urdus arundinaceus, qui de même vit toujours au bord des 
eaux, dans le plus épais des roseaux. Il est remarquable par les côtés nus 
de sa gorge, par sa tête petite et étroite, par les plumes serrées qui la recou- 
vrent, par sa queue longue et étagée, par ses tarses et par ses doigts longs et 
grêles. Nous ne Pavons rencontré que dans les régions chaudes des plaines 
situées à l’est des Andes. 


DONACOBIE JACAPANI, Donacobius brasiliensis, Nob. 


Jacapani, Marcgr., p. 212; Turdus brasiliensis, Linn., Gmel., Syst. nat., ed. 13, gen. 107, 
sp. 1113 Lath., Syn. ornith., gen. 32, sp. 49 ; Oriolus jacapani , Lath., Gmel.,t. 1, p. 385, 
n° 26; Jcterus jacapani, Daud., vol. Il, p. 343 ; Briss., Æppendix, p. 47, n° 66; Merle à 
téte noire du cap de Bonne-Esperance, Buff., Ois., t. IT, p. 388; Enl. 3923; Merle du Brésil, 
Sonnini, t. 46, p. 265, et Merle des Savanes, Sonnini, t. 46 ,p. 266 ; Batara agallas peladas, 
Azara, Apunt. de los Pax.,t. Il, p. 214,n. 219; Turdus pratensis, Vieill., Dict., t. XX, 
p- 286, et Enc., t. IT, p. 672; T'roupiale jacapani, Vieill., Enc. méth., t. Il, p. 717; Mimus 
brasiliensis , prince Max., Beitr., t. IL, p. 662, n°3; Donacobius vociferans, Swains., Zool. 


illust. , pl. 72, new ser. ; id., d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 19, n.° 1. 


D. suprà nigricans, subtus ferrugineo-flavescens ; capite nigro, uropygio ferrugineo; 
caudä subcuneatd; rectricibus extimis totis, cæteris apice albis ; hypocondriis nigro 
striatis; rostro nigro. Long. 21 cent. 


Nous avons rencontré un seul couple de cette espèce dans les parties les plus septen- 
trionales de la province de Corrientes, au milieu des marais les plus couverts de joncs. 
Nous entendions, depuis long-temps, les deux oiseaux qui faisaient retentir écho de leur 
cri de rappel souvent répété, tout en changeant de place au sein des joncs, sans néan- 
moins se montrer au dehors; et ce n’est qu'après une longue attente que nous avons pu 
les apercevoir et les tirer. Il parait qu’ils ne quittent jamais les lieux noyés, si ce n’est 
momentanément le matin. 

D’après ce qu’en disent les auteurs, cet oiseau serait répandu depuis le 28.° degré 
jusqu’à la ligne, sur tout le Paraguay, au Brésil, dans les Guyanes. Il avait déjà fixé 
l'attention des premiers voyageurs, puisque Marcgrave l’a décrit en 1648. 


DONACOBIE À BANDELETTE BLANCHE, Donacobius albo vittatus, Nob. 
Oiseaux, pl. XIE, fig. 1. 
Donacobius albo vittatus, d'Orb. et Lafr.; Syn., Mag. de zool. (1836), p. 19, n° 2. 


D. Mas. Capite niger ; suprà brunneo-nigrescens ; uropygio ferrugineo; subtus ferru- 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 214 ) 

gineo-flavescens ; vittd superciliari albä, ad nucham per latere capitis ductä; caudä 

subcuneatd, rectricibus apice albis, albo terminatis, duabus superioribus exceptis ; 

hypocondriis nigro striatis. 

Sur le vivant. Yeux jaune vif; pieds bleuätres; bec noir; partie nue de la gorge jaune 
vif. Longueur totale, 22 cent.; du vol, 25 1/2 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 
82 mill.; de la queue, 80 cent.; du bec, 19 mill.; circonférence du corps, 14 cent. 

Mäle. Tête en dessus et sur les côtés noir velouté, cette teinte s'étendant sur le haut 
du cou; le reste des parties supérieures brun noirâtre, passant au ferrugineux vif, sur 
le croupion. Une large ligne blanche prend derrière l’œil et s'étend sur les côtés du cou; 
parties inférieures jaune-roux uniforme; quelques stries transversales noires sur les flancs. 
Ailes et couvertures supérieures noirätres; huit des grandes rémiges blanches à leur 
base, sur près de la moitié de leur longueur. Queue étagée, noire, terminée de blane, les 
deux supérieures exceptées. 

Les jeunes et les femelles diffèrent en ce qu’ils n’ont pas le dessus de la tête noir, 
mais brun, comme le reste du dessus. 

Cette espèce ne diffère de la précédente qu’en ce qu’elle a toujours deux lignes 
blanches aux côtés de la tête; elle présente les mêmes couleurs. La présence de ces 
lignes blanches ne peut être un accident, puisque nous avons indistinctement ren- 
contré ce caractère sur tous les individus que nous avons tués au centre de l'Amérique, 
tandis que ceux que nous avons vus à Corrientes et tous ceux que les auteurs ont décrits, 
en étaient dépourvus. Azara seul avait vu, parmi un très-grand nombre de l’autre espèce, 
deux individus de celle-ci, qu’il regarde comme le jeune âge du Donacobius brasiliensis ; 
mais, comme nous avons rencontré des mâles et des femelles au mois de Septembre, 
époque de la nichée, et qu’ils pouvaient alors n'être qu’adultes, nous sommes autorisé 
à penser que le Donacobius albo vittatus forme bien une espèce distincte. 

Nous avons rencontré cette espèce dans les marais des environs de San-José, Mis- 
sion de la province de Chiquitos, en Bolivia, et au sein des lacs entourés de forèts, 
au lieu qu'habitent les sauvages Guarayos. Il est rare qu’il y en ait plus d’un couple: 
par lac; mais chacun paraît avoir le sien. Toujours au plus épais des roseaux et des 
joncs, on entend plutôt qu’on ne voit les deux consorts se répondre à la distance d’une 
trentaine de pas l’un de l’autre. Au temps des amours, leurs chants redoublent de 
force : ils en font alors retenür au loin le marais; 1ls semblent vouloir couvrir à eux 
seuls le chant des autres oiseaux. Jamais nous ne les avons entendus ailleurs que dans 
les lieux inondés, où ils vivent d'insectes; ce que nous avons pu reconnaître par l’ins- 


pection de leur estomac. 
V: FAMILLE. 
SYLVIDÉES, Srsripx. 


Les caracteres généraux de cette famille sont assez connus pour que nous 
soyons dispensé de les reproduire ici : nous nous bornerons à dire que 


(215) 


nous y réunissons les genres Syloia, Hylophilus, Dacnis, comme Sy7 
vidées sylvicoles; le genre ÆAnthus, comme Sylvidées humicoles'; puis 
les genres Troglodytes, Synallaxis, Anabates et Anumbius, comme Syt- 
vidées dumicoles. Ces oiseaux, ayant du reste, suivant leurs genres respec- 
üifs, des caractères bien tranchés de formes, de mœurs, de lieu d'habitation, 
nous ne pouvons établir de faits généraux; aussi renverrons-nous, pour 
les caractères d'ensemble, aux têtes de chaque genre. 


+ SYLVIDÉES SYLVICOLES, Sykidæ sybicolæ, Nob. 


Les oiseaux de cette division se tiennent, presque toujours, au sommet des 
arbres des bois épais; et, en Amérique, ne sortent pas des régions chaudes ; 
à peine s’étendent-ils dans les plaines, à quelques degrés en dehors des tropiques, 
et toujours on les trouve au pied des montagnes ou, tout au plus, sur les 
plus basses de la zone torride, à l’est comme à l’ouest des Andes. 


Gexre BEC-FIN, Sywia, Auctor. 


Ce genre, si riche en espèces en Europe, qu'il y forme la plus grande masse 
des Passereaux, n’est, dans l'Amérique méridionale, représenté que par un 
petit nombre; on le croirait même remplacé, au nouveau monde, par les 
Muscicapidés, aussi nombreux là qu’ils sont rares en Europe, et y formant la 
plus grande partie des oiseaux insectivores. Îl semble aussi qu’au lieu de mener 
le genre de vie de nos gracieuses fauvettes, qui, tout en se trouvant quelque- 
fois dans les bois, ne dédaignent pas les buissons, les haies, les fourrés, les 
Becs-fins d'Amérique craignent de descendre jusqu’à terre; aussi les trouve-t- 
on, presque toujours , au sommet des arbres les plus élevés et seulement dans 
les bois. On s'étonne aussi de les voir, dans l'Amérique du Sud, ne pas sortir 
des régions chaudes, tandis que le plus grand nombre, en Europe, vit au 
sein des pays tempérés et même très-froids; aussi nos espèces n’émigrent-elles 
jamais, sur le nouveau continent; tandis que sur l'ancien les Becs-fins sont cons- 
tamment en voyage. Nous les avons rencontrés à Pest et à l’ouest des Andes. 


Sous-cENRE BEC-FIN, Syoza. 


Nous n'avons observé que trois espèces de ce groupe sur une surface 
presque aussi étendue que notre Europe. Elles habitent les deux versans des 
Andes boliviennes. 


1. On pourrait joindre à cette division les Alouettes proprement dites. 


Passe- 
reaux. 


(216) 


BEC-FIN UNIFORME, Sybia concolor, Nob. 
Oiseaux, pl. XVIII, fig. 1. 
Sylvia concolor, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 20, n.° 5. 


S. suprà tota schistacea, fronte lorisque nigrescentibus; alis brevioribus, apice obtusis ; 
tectricibus fusco-nigris, margine extüs cinerascente; caudd elongatä, cuneatd ; rec- 
tricibus fuscis, margine angustè cinerascente; subtüs tota cinerascens, abdomine 
medio pallidiore; rostro pedibusque flavis. 


Sur le vivant. Yeux brun clair; bec et pieds jaune vif. Longueur totale, 18 cent.; 
du vol, 21 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 7 cent.; de la queue, 6 1/2 cent.; du 
tarse au bout des doigts, 4 cent.; du bec, 11 mill.; circonférence du corps, 10 cent. 

Toutes les parties supérieures sont bleu schisteux; le front, le lorum noirûtres; ailes 
courtes, la troisième rémige la plus longue; elles sont noirâtres, bordées de bleu-gris; 
queue longue, étagée, noirâtre, bordée de gris-bleu. Les parties inférieures gris-bleuàtre 
pâle, moins foncé au milieu du ventre et sous la queue. 

Cette espèce, par son bec conique, un peu arqué, légèrement caréné en dessus, nous 
paraît indiquer le passage aux Némosies; elle est, du reste, très-grande pour le genre 
Sylvia. Sa teinte uniforme, ses pieds, son bec, jaunes, la distinguent facilement des 
autres espèces connues. 

Nous n’avons rencontré ce Bec-fin que sur la côte occidentale de l'Amérique méri- 
dionale, dans la vallée d’Arica, au Pérou, et il ne s’en est offert à nos yeux qu’un indi- 
vidu, qui, toujours en mouvement, perché sur un figuier, sautait d’une branche à 
l’autre, et paraissait rechercher des insectes. 11 s’envola, en jetant de grands cris et s’alla 
reposer sur un arbre voisin, où nous l’avons tué. 


BEC-FIN CONTRE-MAITRE, Sykia leucoblephara, Vieill. 
Oiseaux, pl. XII, fig. 2. 


ET Contramaestre, Azara, Apunt. de los Pax., t. I, p.40, n° 153; Sylvia leucoblephara, 
Vieill., Dict., t. Il, p. 206 , et Enc., t. Il, p. 459; id., d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de z00l. 
(2836), p. 20, n. 3. 


S. capite ardesiaco , corpore suprà obscurè viridi, flo mixto, subtüs albo grises- 
cente; crisso flavescente ; palpebris albis ; vitt& superciliari albd; rostro nigricante ; 
pedibus flavis. 


Sur le vivant. Bec noir; pieds jaunes; yeux roux vif. Longueur totale, 14 cent.; de la 
queue, 4 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, G 1/2 cent.; du tarse au bout des doigts, 
35 mill.; du bec, 9 mill. 

Tête ardoisé foncé; toutes les parties supérieures , ainsi que la queue, vert-jaune bril- 
lant; gorge et ventre blancs; poitrine et flancs blancs, nuagés de gris ardoisé; dessous 


(217 ) 
de l'aile gris perlé; pli de l'aile jaune pur, ainsi que les couvertures inférieures de la 
queue et les cuisses ; rémiges noirâtres, bordées de vert jaunàtre; les paupières blanches; 
les deux côtés du front blancs. 

Cette espèce, que Don Félix d’Azara décrit bien, a été rencontrée par nous, province 
de Corrientes, dans les lieux où cette province confine au Paraguay, et dans les grands 
bois qui bordent les affluens du Parana , en face de Corrientes (grand Chaco). Nous ne 
l'avons vue qu’au milieu des grands bois épais, où elle paraît être sédentaire et vivre on 
ne peut plus isolée; peu craintive, néanmoins, les chasseurs sauvages de ces contrées 
n'ayant jamais songé à l’inquiéter. Son vol est court, mais rapide; elle ne fait que passer 
d’un arbre à l’autre; on ne la voit jamais à plus de dix pieds au-dessus du sol, se tenant 
toujours sur les branches inférieures des arbres, où elle saute d’une première à la sui- 
vante, sans jamais déployer beaucoup d’agilité, cherchant partout les petits insectes dont 
elle se nourrit et faisant entendre, à chaque instant, un léger sifflement doux et expres- 
sif, peu varié, qui ne sort pas de l’octave. Elle descend toujours, en sautant dans les 
branchages, jusqu’à ce qu’elle arrive à terre, se tait alors et se met à retourner les 
feuilles sèches. Nous avons remarqué qu’elle était plus souvent à terre que perchée. 
M. d’Azara nomme cette espèce Contre-maitre, pour la distinguer de son Gabrer, celui-ci 
se tenant toujours au sommet des arbres, comme les Gabiers se tiennent dans les hunes 
d'un navire, tandis qu’à l’exemple du Contre-maître, qui reste sur le pont, celui-là est 
plus souvent à terre que perché. Cette comparaison est très-juste, ainsi que ce que dit 
l’auteur cité, que ces deux espèces se sont partagé les forêts par étages; l’une restant à 
la partie supérieure, l’autre à la partie inférieure des arbres. 


BEC-FIN VOILÉ, Sylvia velata, Vicill. 
Sylvia velata, Vieill., Ois. de l'Amér. sept., t. Il, p. 22, pl. 74, Dict., t. IT, p. 232; Enc., t. II, 


p+ 434; Contramaestre verde pecho de oro, Azara, Æpunt., t. Il, p. 54,n.° 155; Tanagra 

canicapilla, Swains., Zool. illust., v. IT; Sylvia canicapillu, prince Max., Beütr.,t HI, p. 701; 

Sylvia velata, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 20, n° 2. 

S. fronte genisque nigris, vertice ardesiaco; corpore suprà viridi- cærulescente , 
subius flavo. 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, rose en dessous; yeux bruns; pieds rosés. Lon- 
gueur totale, 14 1/2 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 58 mill.; de la queue, 4 
cent.; circonférence du corps, 9 cent. 

Les jeunes n’ont point de noir aux côtés de la tête et le dessus de cette partie est 
verdâtre. 

Nous avons rencontré cette espèce successivement à Rio de Janeiro, au Brésil , à Cor- 
rientes, sur la frontière du Paraguay et au centre de l'Amérique méridionale, au sein 
de la province de Chiquitos. Plusieurs naturalistes l'ont observée en d’autres parties du 
même continent el dans l’Amérique septentrionale; ce serait donc une espèce des plus 
répandue. Nous l'avons toujours vue se tenir dans les halliers ou sur les arbres de 
moyenne hauteur, jamais dans les grands bois; et là, par paire au printemps, isolée 


IV. Ois. 28 


Passe- 
eaux. 


Passe- 
reaux, 


(218) 
le reste de l’année, elle sautille de branche en branche, en faisant entendre un petit 
cri de rappel et cherchant les insectes dont elle se nourrit. Son chant, dans la saison 
des amours, est mélodieux, mais peu fort et ressemble beaucoup à celui de notre 
Fauvette. 


FAUVETTE MIGNONNE, Sylvia venusta , Temm. 


Pico de punzon celeste pecho de oro, Azara, Æpunt., t. T, p. 421, n° 109 ; Sylvia petiayumi, 
Vieill., Dict., t. IT, p. 276 ; Enc. méth., t. If, p. 479 ; Sylvia venusta, Temm., PI. col. 293, 
fig. 11; id, Prince Max., t. IT, p. 705, n.° 2; Sylvia plumbea, Swains., Zool. illust., 
v. IT, pl 139; Sylvia venusta, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 20, n.° 1. 


S. corpore suprà saturatè cæruleo, dorso viridescente ; subtüus aurato; ventre 
crissoque albescente, tectricibus alæ albo terminatis. 


Sur le vivant. Bec jaune en dessous, noir en dessus; yeux bruns; pieds brun violacé. 
Longueur totale, 12 cent. Les jeunes diffèrent des adultes par le manque de noir entre 
le bec et l'œil. 

Nous avons fréquemment rencontré cette charmante espèce aux environs de Corrientes, 
à la frontière du Paraguay, au sein des plaines de la province de Chiquitos, au centre 
de l'Amérique méridionale, ainsi que sur les montagnes élevées de cinq à six mille pieds 
au-dessus du niveau de la mer, au versant oriental des Andes, dans les provinces de 
Yungas, de Sicasica, de Valle grande. Partout nous l'avons vue se tenir au sommet 
des buissons, des grands arbres, surtout sur ceux qui étaient couverts de fleurs, mais 
toujours aux parties les plus hautes, sans qu’elle descendit jamais jusqu’à terre. Elle est 
sédentaire et ne voyage que pour chercher sa nourriture, vivant seule ou par paires, 
selon les saisons, et si peu craintive, qu’elle vient jusque dans les jardins, sur les arbres 
fruitiers; là, continuellement en mouvement, sautillant d’une branche à l’autre, se 
glissant sous les feuilles, sous les fleurs, paraissant et disparaissant tour à tour, elle fait 
entendre, par intervalles, un léger sifflement, tout en poursuivant les petits insectes, 
surtout les petites araignées, dont elle se nourrit presque exclusivement. Lorsqu'elle se 
pose sur la cime d’un arbre, elle ne l’abandonne qu'après en avoir visité toutes les 
parties. Elle ne s'envole jamais que pour passer à l'arbre le plus voisin, mais d’un vol 
rapide et droit. 

Vers le mois d'Octobre, elle abandonne les buissons, s'enfonce dans les forêts, y 
choisit un grand arbre, couvert de lianes ou de ces lichens qui pendent en chevelure; 
et là, construit un nid composé de coton à l'intérieur, couvert extérieurement de lichens 
et bien caché; nous ne l’avons découvert que par hasard. Ayant fait abattre un arbre, 
afin de nous procurer des lichens, que nous voulions employer en guise de l’étoupe qui 
nous manquait, à préparer des oiseaux, nous rencontrames le nid au milieu; il con- 


1. Nous avons adopté le nom de M. Temminck ; mais, si celui de M. Vieillot est plus ancien , nous 
croyons qu’en bonne justice on y devra revenir. 


(219) 
tenait quatre œufs blanc verdàtre, marqués de points rouges, plus rapprochés sur le  Passe- 
QE A Treaux. 
gros bout; leurs diamètres sont 17 et 20 millimètres. 


Sous-cexre HYLOPHILE, ÆZylophilus, Temm. 


Ils ont en tout les mœurs des Becs-fins ordinaires. Nous n’en avons ren- 
contré qu'à l’est des Andes. 


HYLOPHILE RUFICEPS, Æylophilus ruficeps, Prince Max. 
Oiseaux, pl. XIIT, fig. 1. 


Hylophilus ruficeps, Prince Max., Beitr., t. UT, p. 7251; Sylvia ruficeps, d'Orb. et Lafr., 
Syn., Mag. de zool. (1836), p. 20, n.° 4. 


H. supra wiridi-olivascens, capite cinnamomeo ; subtus flavus, hypocondriis olivascen- 
tibus. Color cinnamomeus, genarum sensim ad gutturis latera in flavum; rostro 
pedibusque plumbeis. 


Sur le vivant. Bec bleuâtre; yeux bruns; pieds bleuâtres. Longueur totale, 13 1/2 
cent.; du vol., 21 cent.; du pli de laile à son extrémité, 64 mill.; de la queue, 5 cent.; 
du haut du tarse au bout des doigts, 38 mill.; du bec, 8 mill.; sa hauteur, 4 1/2 mill.; 
circonférence du corps, 9 cent. 

Bec médiocre, assez court, presque conique, un peu caréné en dessus ; tête roux-jau- 
nâtre vif, passant à l’aurore sur les joues et aux côtés de la gorge; gorge et les parties 
médianes inférieures jaunes, passant au jaune verdätre sur la poitrine, et au verdâtre 
sur les flancs; parties supérieures vert-olive vif; ailes courtes, la quatrième rémige la 
plus longue; elles sont noiràtres, bordées de vert; queue un peu fourchue, verdätre, 
bordée extérieurement de vert tendre. 

Nous avons recueilli cette charmante espèce sur le versant nord-est de la Cordillère 
orientale de Bolivia, dans la province d’Ayupaya, aux environs de Palca. Elle paraît y 
être rare, et se tient dans les ravins humides et boisés , au sommet des grands arbres, 
où elle cherche les insectes dont elle se nourrit. Nous ne l’avons aperçue que dans les 
lieux les plus sauvages et les plus escarpés des montagnes boisées et chaudes. 


Gexre PITPIT, Dacnis, Cuv. 


Sous-genre Dacnis, Cuv.; Sylvia, Vieill., Temm. 


Les Dacnis sont, comme les Hylophiles, remarquables, parmi les Becs-fins, 

par leur bec droit, conique, fort, à peine échancré à son extrémité; par leurs 
, q , , Ï ? P 

pieds courts, mais robustes, dénotant des oiseaux qui s’accrochent aux branches, 


1. Lorsque nous avons choisi le nom de ruficeps, nous ne connaissions pas la description de 
M. le prince Maximilien; mais les caractères tranchés de cette espèce nous ont fait lui imposer le 
même nom que ce savant voyageur, 


( 220 ) 


Passe ainsi que les Mésanges, habitude qu’en effet l'étude de leurs mœurs nous a 


l'eaUx. 


-__— dévoilée. Is ne sont qu'américains, faisant réellement par les caractères de 
leurs mœurs, le passage entre les Becs-fins et les Mésanges. On leur reconnait 
facilement au bec la légère échancrure que n’ont pas les Mésanges; et d’ailleurs, 
quant à leur genre de vie, bien qu'ils s’accrochent aux arbres, ils ne le font 
qu'afin de saisir les petits insectes, ainsi que presque tous les Sylvidées syl- 
vicoles. Îls se tiennent au sommet des arbres, sans jamais descendre plus bas. 
Nous n'avons rencontré de Dacnis qu’à l’est des Andes et seulement encore 
dans les parties les plus chaudes et les plus humides, naturellement toujours 
les plus boisées. À peine ces oiseaux s’élèvent-ils sur les montagnes à quatre 
ou cinq mille pieds au-dessus du niveau des mers. 


PITPIT À VENTRE JAUNE, Dacnis flaviventer, Nob. 
Oiseaux, pl. XIIE, fig. 2. | 
Dacnis flaviventer, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 21, n.° 3. 


D. Mas. Capite suprà obscure viridescente; fronte, oculorum circuitu, dorso superiori, 
alis, caudd, gutture et antero collo, nigris ; corpore et alis infrà, tectricibus, infero 
dorso uropygioque splendide flavescentibus ; pectore nigrescentibus maculis varie- 
galo. 

Fem. Supra obscurè viridescens, infrà griseo-brunneo variata ; alis caudäque brun- 
neis pallidiore limbatis. 


Sur le vivant. Müäle. Bec noir; yeux rouges; pieds noir bleuàtre. 

Femelle. Bec corné; yeux bruns; pieds bleus. Longueur totale, 12 cent.; du vol, 20 
cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 6 1/2 cent.; de la queue, 35 mill.; du haut du 
tarse au bout des doigts, 24 mill.; du bec, 1 cent.; circonférence du corps, 10 cent. 

Mäle. Bec droit, pointu, aussi large que haut, muni, près de son extrémité, d’un 
indice de dent; dessus de la tête vert foncé; tour des yeux, front, oreilles, gorge, ailes, 
queue et haut du dos noirs. Toutes les parties inférieures d’un beau jaune, ainsi que 
les côtés de la gorge; à partir de la mandibule inférieure, les couvertures supérieures 
des ailes et la partie postérieure du dos, verdätres; le noir du milieu de la gorge, en 
descendant sur le devant du cou, forme de petites taches comme ondées. 

Femelle. Tout le dessus du corps verdàtre obscur, uniforme, plus clair sur le crou- 
pion; le dessous gris Jaunâtre, passant au jaune roux sur les couvertures inférieures 
des rectrices; rémiges et rectrices brun foncé, bordées de plus clair. 

Cette charmante espèce diffère beaucoup de ses congénères par ses teintes brillantes 
de jaune; nous l’avons rencontrée au milieu des forêts chaudes et humides du pied 
oriental des Cordillères boliviennes, dans la partie habitée par les Indiens yuracarès. 
On la voit, au bord des rivières, se tenir constamment par paires, au sommet des plus 


(221 ) 
hauts arbres et des palmiers, s’y cramponner, afin d’y chercher sa nourriture, qui con- 
siste en petits insectes. Elle est assez rare, mais le paraît plus encore par l'extrême 
difficulté qu’on éprouve à l’atteindre sur la coupe élevée des arbres, où le plomb n’ar- 
rive qu’avec peine. 


PITPIT BLEU, Dacnis cayanus. 


Motacilla cayana, Linn., ed. 12,p. 336, et Gmel., Syst. nat., ed. 13, sp. 40 ; Sylvia cayana, 
Lath., Syst. ornith., gen. 43, sp. 143; Pitpit bleu, Buff., t. X, p. 14, Enl. 669; Sylvia 
cayana, Vieill., Enc., t. Il, p. 478, etc.; Sylvia cayanensis cærulea, Buff., Orn., t. II, 
p- 534, pl. 28, fig. 1; Dacnis cayanus, d'Orb. et Lafresn., Syn., Mag. de zool. (1836), 


P: 20, n. 1. 


D. totus cœæruleus, fronte, capistro, humeris, alis caudäque nigris; abdomine 
crissoque albis; rostro nigricante, pedibus cærulescentibus. 


Sur le vivant. Bec bleu noiràtre; pieds bleuàtres ; yeux rougeûtres. Longueur totale, 
12 cent.; du vol, 22 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 6 cent.; du bec, 9 mill.; 
circonférence du corps, 8 cent. 

Les nombreuses recherches que nous avons faites pour découvrir si cette espèce 
est bien une des livrées de sexe du Pétpit vert, Buff., et du SyWia cyanocephala, 
Linn., nous ont démontré jusqu’à Tévidence qu’elle en diffère essentiellement; il ne 
s’agit que de les confronter pour reconnaître, au premier coup d'œil, que le bec 
de celle-ci est toujours beaucoup plus court, moins arqué, plus robuste, ce que nous 
avons aperçu sur tous les individus sans distinction. Les pieds, qui varient peu de 
couleurs , selon les espèces, sont aussi toujours de couleurs différentes; dans celle-ci 
ils sont bleuàtres , presque noirs; dans l’autre, ils sont toujours rosés, à tous les âges; 
d’ailleurs nous ne l'avons rencontrée que sur un seul point, tandis que l’autre, avec ses 
livrées d'âge, se trouve sur une grande étendue, toujours par troupes et Jamais avec 
les autres. Nous croyons qu’on n’a pas besoin de plus de preuves pour se ranger à 
notre opinion, d'autant plus qu’à l’espèce suivante on verra que nous en avons suivi 
les changemens de livrée sur un très-grand nombre d'individus, au temps des amours 
comme après. 

" Nous avons rencontré cette charmante espèce au pays des Yuracarès, en des forêts 
chaudes et humides, aussi belles que celles de la Guyane, et qui leur ressemblent beau- 
coup. Elle y est très-rare et se üent sur la coupe la plus élevée des grands arbres. 

Les Yuracarès la connaissent sous le nom de Chuspr. 


PITPIT A TÊTE BLEUE, Dacnis cyanocephalus, Nob. 


Mâle. Manakin bleu, Edw., Glan., pl. 263; Dacnis cyanater, Less., Traité, p. 458; id., d'Orb. 
et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p.21, n° 2; Pico de punzon celeste y negro, Azara, 
Æpunt,, t. II[, p. 408, n° 103. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux, 


( 222 ) 


Femelle. Motacilla cyanocephala, Linn., Syst. nat., gen. 114, sp. 163; Sylvia cyanocephala, 
Lath., Syst. orn., gen. 43, sp. 1443 Püpit vert, Bufl., t. X, p. 13; Sylvia wiridis, Briss. , 
Orn., t. II, p. 531, pl. 28, fig. 4. 


D. Mas. Totus cæruleus, fronte, humeris, gutture cauddque nigris; remigiis nigris, 
cæruleo limbatis ; rostro cæruleo ; pedibus roseis. 

Fem. Viridis, capite suprä, humerisque cæruleis; alis caudäque nigris, viridescenti 
limbatis ; gutture griseo-cærulescente 


Sur le vivant. Bec noirätre en dessus, bleuâtre en dessous ; pieds rosés; yeux rouges. 
Longueur totale, 13 cent.; du bec, 11 mill.; circonférence du corps, 8 1/2 cent. 

Mile adulte. Bleu de ciel; une tache entre l'œil et le bec, la gorge, le haut du dos, 
la queue, les ailes noires; cette dernière partie bordée de bleu. 

Femelle. Entièrement vert vif; le dessus de la tête et l'épaule bleu de ciel, la gorge 
gris bleuâtre. C’est seulement à la seconde année que les jeunes mâles, en tout sembla- 
bles à la femelle, prennent les teintes bleues et noires. 

Cette espèce diffère essentiellement de la précédente par son bec toujours de deux 
millimètres plus long, par les teintes que nous venons d'indiquer, par ses pieds 
constamment rosés. Nous ne doutons pas de cette séparation comme espèce : nous avons 
en effet trouvé, plusieurs fois, le male et la femelle, au temps des amours, près de 
leur nid, en des contrées où jamais l’autre espèce n’a paru; car, tandis que le Dacnis 
cayanus ne se trouve que dans les forêts les plus humides et les plus chaudes des vingt 
premiers degrés de chaque côté de la ligne, et seulement dans les plaines, on voit celle-ci 
s'étendre bien au-delà, jusqu’au Paraguay, où elle a été rencontrée par Azara, et s’élève 
par la même raison sur les montagnes, jusqu’à cinq ou six mille pieds au-dessus du 
niveau de la mer. 

Nous l’avons communément rencontrée dans la république de Bolivia, au Rio Tamam- 
paya, province de Yungas; aux environs de Santa-Cruz de la Sierra, et dans les forêts 
habitées par les Indiens yuracarès et guarayos. Elle se tient toujours au sommet des 
plus hauts arbres, principalement de ceux qui sont en fleurs, et par conséquent, ne se 
rencontre que dans les lieux boisés, habités ou non, toujours par paire et même par 
troupe ; au mois d'Octobre, elle fait son nid au sommet des arbres isolés, et nous 
avons été assez heureux pour en suivre un de près; ce qui nous a entièrement fixé 
sur ce que nous avons dit relativement aux caractères distinctifs d’espèces. 


++ SYLVIDÉES HUMICOLES, Sykidæ humicolæ , Nob. 


Les espèces de cette série vivent constamment à terre. Non-seulement elles 
n’abandonnent jamais les plaines, les terrains unis, mais encore elles ne se 
perchent que très-rarement sur les buissons les moins élevés. On les rencontre 
à l'est et à l’ouest des Andes à toutes les latitudes comme à toutes les 
hauteurs. 


(25) 


Gexre PIPI, Anthus, Bechst. 


Les caractères de ce genre peuvent être décrits en quelques mots de manière 
à ce qu'on les reconnaisse facilement : ce sont des Alouettes dont le bec est 
grêle et marqué d'une dent, dont les habitudes sont un peu moins ter- 
restres; ils se perchent quelquefois. Quoique ce caractère de dent ait fait on 
ne peut plus éloigner ces genres lun de l'autre, nous croyons qu'ils doivent 
être réunis. Si nous ne le faisons pas ici, c’est pour ne pas intervertir l’ordre 
de nos planches; car, du reste, nous sommes intimement persuadé qu'il 
n'y a pas lieu de les séparer. Peut-être ne présentent-ils pas même des 
caractères suflisans pour qu'on en fasse plus que des sous-genres d’un même 
genre. 

Les Anthus sont de toutes les latitudes, de toutes les régions, de toutes les 
zones d'élévation au-dessus du niveau de la mer. L’AÆnthus fulvus et l'A. 
furcatus se trouvent, en même temps, sur les plaines glacées de la Patagonie, 
sur les plateaux élevés des Andes; P4. correndera paraît se borner aux 
plaines chaudes et tempérées situées à l’est des Andes; tandis que l'4. rufescens 
est relégué sur les montagnes encore assez chaudes de la zone torride. Ainsi 
les uns semblent fixés en des contrées distinctes, et les autres, au contraire, 
se trouvent simultanément dans les plaines méridionales et sur les montagnes 
élevées de la zone torride, où ils retrouvent la température qu'apporte léléva- 
tion. En résumé, les Anthus vivent en latitude depuis la zone torride jusqu’au 
50.° degré, et, en élévation, depuis le niveau de la mer jusqu’à 6,000 mètres 
au-dessus, sous la zone torride, à l’est comme à l’ouest des Andes. 

En Amérique, ils mènent le même genre de vie qu’en Europe, tout en 
étant peut-être plus terrestres; sous ce point de vue, ils se rapprochent 
beaucoup plus des vraies Alouettes, et sont moins disposés aux voyages ou 
du moins ne se réunissent point par troupes pour émigrer, comme quelques- 
unes de nos espèces. Nous pourrions dire aussi qu’ils sont, en général, moins 
communs, moins répandus. 

Le sol du nouveau monde en nourrit à peu près autant d'espèces que 
celui de l'Europe. 


PIPI À DOS FAUVE, Anthus fulvus, Vieill. 


Alouette noire à dos fauve, Buff., Ois., t. IX, pl. 33; Enl. 738, fig. 1; Ælondra de espalda 
roja, Azara, Apunt. de los Paj., t. I, p. 15, n° 149; lauda rufa, Linn., Gmel., Syst. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux, 


( 224 ) 
nat., ed. 13, gen. 105, sp. 75 Alauda fulva, Lath., Syst orn., gen. 41, sp. 2; Alauda 
Julva, Vieill., Enc. méth., t. I, p. 309; Ænthus fulvus, id., loc. cit., p. 328, et Dict. de 
Déterv., t. 26, p. 502; Alauda rufa, Less., Traité; Anthus variegatus, Gerv. et Eydoux, 
Voy. de la Favor., p. 38, pl. 15; Ænthus fulvus, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), 
p-26,n. 1.1 


A. Mas. Totus niger, dorso scapularibusque fulis. 
Junior. Coloribus suprà pallidioribus, rufescens, subtus fulvo alboque variatis ; guld 
albd. 


Sur le vivant. Bec, yeux et pieds noirs. Longueur totale, 12 cent.; de la queue, 3 
cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 7 cent.; du bec, 8 mill. 

Cette espèce habite, en été, les parties les plus méridionales de l'Amérique du Sud, 
c’est-à-dire au-delà du 41. degré de latitude australe; mais, lorsque l'hiver la chasse 
de ces régions froides, elle s’avance sur toutes les Pampas de Buenos-Ayres, et même 
jusqu’à la province de Corrientes, au 28° degré de latitude. Nous l’avons retrouvée à 
l’ouest des Andes, dans la république du Chili, et sur toutes les Andes boliviennes, 
au milieu des plaines, des plateaux élevés au-dessus de 4,000 et 5,000 mètres. En 
résumé, dans les plaines orientales des Andes, cette espèce habite depuis le 27.° jus- 
qu’au 43." degré de latitude sud; et, en élévation, dans la zone tropicale, depuis le niveau 
de la mer jusqu’à 6,000 mètres au-dessus. Sans être, nulle part, bien commune, elle est 
on ne peut plus répandue. On la voit, par petites troupes composées d’un très- petit 
nombre de mâles et de beaucoup de femelles ou de jeunes, se tenir principalement 
dans les plaines, surtout dans les plaines inondées, ou du moins très- humides, ou 
au bord des ruisseaux et des rivières, comme les Alouettes, dont elle a les mœurs: 
elle préfère soit les sentiers battus, soit les ornières, où tantôt elle court avec vitesse, 
tantôt marche gravement, sans jamais s'inquiéter des personnes qui s’approchent 
d'elle, recherchant les petits vers et les graines dont elle se nourrit. Jamais nous ne 
l'avons vue perchée. Son vol est léger, rapide, souvent prolongé. En Octobre et en 
Novembre elle fait son nid dans les plaines ou au bord des eaux et le cache entre les 
herbes. Nous n'avons été à portée de la suivre, à cet instant, que sur les rives du Rio 
negro, en Patagonie; car elle ne niche pas dans les plaines situées au nord du 46° degré 
de latitude. 


1. Nous ne rapportons pas, comme synonymie, la Variole de Buffon, Ois., 1. 9, p. 99; 4nthus 
variegatus , Vieill., Encycl., t. 1, p. 317, parce qu’elle nous laisse du doute sur son identité avec 
cette espèce, pouvant bien être la Correndera d’'Azara, n.° 145. 


( 295 ) 


PIPI CORRENDERA, Anthus correndera, Vieill. 


Alondra correndera, Azara, Apunt. de los Pax., t. Il, p. 2, n° 145; Anthus correndera, 
Vieil., Dict. d'hist. nat., t. 26, p. 4913; Enc. méth., t I, p. 325.1 


A. corpore suprà plumis nigricantibus, albo auratoque marginatis vestito; subtüs 
aurato, maculis nigricantibus lateralibus ornato; pectore aurato, nigro maculato ; 
guld albidescente, tectricibus minoribus alarum aurato-rufescentibus ; remigibus 
Juscis, albo limbatis ; caudé nigricante, rectricibus extimis albis. 


Sur le vivant. Bec brun à son extrémité, rosé ailleurs; yeux bruns; pieds rosés. 
Longueur totale, 17 centimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 75 mill.; de la queue, 
43 mill.; du bec, 10 millim.; de l’ongle du pouce, 21 mill. 

Cette espèce, bien décrite par Azara, s’est montrée à nous principalement aux envi- 
rons de Buenos-Ayres et jusqu’en Patagonie; Azara l’a rencontrée au Paraguay ; ainsi, 
l’on doit supposer que sa patrie d'adoption est au sein des plaines, depuis le tropique 
du Capricorne jusqu’au 41.° degré de latitude sud. L'auteur espagnol en a parfaitement 
observé les mœurs; car, ainsi que lui, nous l’avons rencontrée dans les plaines, suivant 
les sentiers, la tête levée et marchant gravement: par paires, pendant la saison des amours, 
elle est, presque toujours, par petites troupes, le reste de l’année. Elle se tient le plus sou- 
vent à terre et ne se pose que sur les petits buissons, et cela encore très-rarement. Silen- 
cieuse presque toute l’année, en Septembre et Octobre, saison de la nichée, elle rompt 
le silence et commence ses chants, mais seulement aux instans où, s’élevant presque 
verticalement dans les airs, elle se laisse ensuite, tout en gazouillant, tomber perpen- 
diculairement jusqu’à la moitié de son ascension; puis remonte un instant après, s’éle- 
vant ainsi, par saccades, à une telle hauteur, qu’on finit par la perdre de vue; enfin , elle 
termine ce manége en se laissant tomber jusqu’à terre. Son nid, artistement tissé avec 
de la paille, est placé sur le sol et attaché à une touffe d'herbes qui le cache; ses œufs, 
au nombre de quatre, sont blancs, pointillés de roux, surtout au gros bout. 


PIPI CHIT, Anthus chi, Vieill. 


Alondra chi, Azara, Apunt. de los Pax., t. Il, p. 6, n° 146; Anthus chi, Vieill., Dict. 
d'hist. nat.,t. 26, p. 490; id., Enc. méth., t. I, p. 326; Licht., Verz., p. 37 ; Prince Max. 
de Neuw., Beitr., Vügel, p. 631; d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool., p. 26. 


A. corpore suprà fusco, maculis nigrescente fuscis ornato; subtüs albescente; pec- 
tore guläque nigro-fusco maculatis; caud& nigricante; rectricibus intermediis fus- 
cis, albido marginatis ; tectricibus lateralibus albis. 


1. Les traits de la description de l’Æouetlte variole ou de Buenos - Ayres, tels que les donne 
Buffon, ne sont pas assez précis pour que nous osions prononcer sur l'identité du Pipi correndera 
avec cette espèce; néanmoins il serait possible que la Correndera füt cette espèce et non lAnthus 
fulvus, auquel on l’a rapportée. 


IV, Oùis. 29 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 226 ) 

Sur le vivant. Bec brun en dessus, jaunâtre à la mandibule inférieure; yeux brun- 
roux; pieds gris. Longueur totale, 14 1/2 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 8 cent. ; 
de la queue, 5 cent.; du bec, 11 millim. 

Cette espèce, décrite pour la première fois par Azara, sous le nom de CA, fut placée, 
par Vieillot, dans le genre Anthus, avec le nom spécifique imposé par l’auteur espa- 
gnol, et le docteur Lichtenstein, qui lui a conservé ce nom, ne l’a donné qu’après 
Vieillot. 

Elle diffère de la précédente par une taille beaucoup moindre, par des taches beau- 
coup plus nombreuses, et enfin, parce qu’elle n’a que très-rarement un peu de jaune 
mélangé au blanc grisätre qui forme le fond de sa couleur. 

Nous l’avons rencontrée surtout dans les plaines de la Banda oriental, à l'embouchure 
de la Plata, aux environs de Maldonado et de Montevideo; puis nous l’avons revue près 
de Corrientes, à la frontière du Paraguay. Elle se tient dans les lieux humides et secs, 
particulièrement sur les pelouses, et court avec rapidité ou se faufile entre les her- 
bages, faisant alors entendre, de temps en temps, un petit sifflement qui exprime son 
nom; mais, si quelque chose l’inquiète, elle se tapit à terre, se réfugie derrière une 
touffe de plantes, et se croit tout à fait en sûreté, dès qu’elle ne peut voir l’objet qui 
l’a effrayée. Au mois de Novembre, saison de ses amours, elle vit par couples, s'envole, 
plane, en battant des ailes, et se laisse tomber à peu près comme l'espèce précédente, 
sans jamais s'élever aussi haut. Son nid, composé de tiges de graminées contournées en 
cerele et caché au milieu des herbes, contient cinq à six œufs bruns, tachetés de plus 
foncé, à peu près comme ceux de notre Alouette commune de France. Elle se nourrit 


de graines. 
PIPI BRUNATRE, Anthus rufescens, Nob. 
Anthus rufescens, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 27, n° 5. 


A. suprà rufescens, pennis totis disco nigro ornatis; alis nigris ; tectricibus remigi- 
busque rufo marginatis ; caudd nigrd, rectricibus utrinquè extimis limbo extus et 
apice pallidè rufescentibus, duabus mediis margine æquè pallidè rufescentibus ; 
subis totus rufescens, medio abdomine pallidiore, hÿpocondriis obscurioribus; collo 
lateribus, punctis vix conspicuis, pectore rufo maculis parvis, fusco-nigris notatis. 


Sur le vivant. Bec corné en dessus, rosé en dessous; pieds blanc-jaunâtre sale; yeux 
bruns. Longueur totale, du bout du bec à l'extrémité de la queue, 16 cent.; du vol, 
26 1/2 cent.; du pli de aile à son extrémité, 75 cent.; de la queue, 5 cent.; du tarse 
au bout des doigts, 44 mill.; de l’ongle du pouce, 1 cent.; du bec, 12 mill.; sa hau- 
teur, 4 1/2 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence du corps, 10 cent. 

Les parties supérieures de la tête et du corps brun noirätre, chaque plume bordée de 
roux jaunâtre; gorge jaune sale; les côtés du col et de la poitrine jaunâtre roux, varié 
de petites taches brun noirètre; ventre et couvertures inférieures de la queue jaune-roux; 
flancs variés de roux; ailes et leurs tectrices noir-brun, bordées de roux-jaune sale; cou- 


( 227 ) 
vertures inférieures jaunâtres. Queue noire, bordée en dehors de jaune pâle, les deux 
rectrices extérieures brun sur la barbe externe, blanc jaunâtre sur l’autre. 

Cette espèce diffère essentiellement des espèces précédentes par ses teintes beaucoup 
plus foncées, plus rousses, et en ce qu’au lieu d’être entièrement blanche, la rectrice 
externe de chaque côté n’a de cette couleur que son côté externe; encore est-il teinté de 
jaune. 

Nous n’avons rencontré qu’une seule fois cette espèce, sur le sommet de la montagne 
dite du Biscachal, non loin du village de Carcuata, dans la province de Yungas , départe- 
ment de la Paz (Bolivia), c’est-à-dire sur les contreforts orientaux de la chaîne des 
Andes orientales, à peu près à la hauteur de 3,000 mètres au-dessus du niveau de la 
mer. Elle se tenait sur les plateaux couverts de graminées qui forment le sommet de cette 
montagne, sy cachant si soigneusement, qu'il nous était difficile de la faire partir; elle 
faisait alors entendre un sifflement de rappel analogue à celui de lAnthus arboreus, et 
allait se cacher de nouveau, à peu de distance. 


PIPI À QUEUE FOURCHUE, Anthus furcatus, Nob. 
Anthus furcatus, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 27, n.° 4. 


A. suprä Jfuscus, plumis totis grisescente rufo marginatis; alarum eddem picturd , 
remigibus prümariis angustè albo marginatis ; caudd nigro-fuscd, rectricibus utrin- 
que duabus extimis albis, primd basi tantüm margine, secund& margine toto intüs 
nigris ; subtus non rufescens ; pectore maculis minoribus fuscis, hypocondriis longio- 
ribus notatis. 


Sur le vivant. Bec corné à la mandibule supérieure, jaunâtre à la base de l’inférieure; 
pieds rosés; yeux bruns. Longueur totale, du bout du bec à l’extrémité de la queue, 
16 cent.; du vol, 26 cent.; du pli de Paile à son extrémité, 8 cent.; de la queue, 
47 mill.; du tarse au bout des doigts, 4 cent.; de l’ongle du pouce, 9 mill.; du bec, 
10 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 4 mill.; circonférence du corps, 10 cent. 

Queue légèrement fourchue; dessus du corps et de la tète orné de plumes brun- 
gris clair, bordées de roux-jaunâtre très-clair; gorge blanche; côtés du cou variés de 
blane et de noirâtre; poitrine jaune-roux, avec une tache noirâtre au côté interne de 
chaque plume; ventre et couvertures inférieures de la queue blancs; flancs jaunâtres, 
avec quelques indices de mouchetures brun pale; rémiges et leurs tectrices supérieures 
brunes, bordées largement de jaune-roux très-pâle ; le côté externe des pennes primaires 
presque blanc; les deux rectrices médianes brun-roux, largement bordées de jaunâtre; 
les autres noirätres, excepté les deux latérales, dont le côté externe et une partie de 
l’autre sont blancs. 

Plus grande, beaucoup plus forte que l’Anthus correndera , cette espèce en diffère 
encore par sa tête plus grosse, par ses ongles toujours moins longs, par son plumage, 
dont les taches en dessus sont moins vives, plus nombreuses, moins distinctes; par son 
ventre blanc, par sa queue plus large. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
TEaUux. 


( 228 } : 

Nous l'avons d’abord rencontrée aux environs du Carmen, en Patagonie, au 41. 
degré de latitude sud; puis dans la vallée tempérée de Cochabamba (république de 
Bolivia), sur les plateaux élevés de 2,500 mètres au-dessus du niveau de la mer, au 
17.° degré de latitude ou par une température à peu près égale à celle de Patagonie. 
Voilà donc une espèce qui habite, en même temps, au 41.° et au 17.° degré de latitude, 
sans s'être montrée à nous sur tous les points intermédiaires. Elle se tient, à Cocha- 
bamba, dans les champs cultivés, sur les chemins et reproduit, en tout, les mœurs 
de notre Alouette des champs en France; mais elle est moins commune et ne se réunit 
pas en grandes troupes, comme cette dernière, vivant presque toujours isolée ou par 
paires, comme notre Cochevis. 


ttt SYLVIDÉES DUMICOLES, Sylvidæ dumicolæ , Nob. 


Les oiseaux de ce groupe ne vont jamais au sommet des arbres : ils se 
tiennent constamment au sein des halliers les plus épais, des buissons isolés, 
et même des grandes plantes. Îls descendent souvent à terre, sans jamais y 
rester long-temps. Îls habitent toutes les latitudes, toutes les zones d’éléva- 
tion, sur les montagnes, à l’est et à l’ouest des Andes. 


GEexre TROGLODYTE, Zroglodytes, Cuv. 


Tout le monde connaît les caractères généraux des Troglodytes ou, tout 
au moins, leurs manières vives, leur sautillement autour des habitations, dans 
lesquelles, en Amérique comme en Europe, ils entrent même pour nicher. 
Tout le monde a remarqué leur petit bec grêle et allongé, leurs ailes courtes 
et concaves, leur queue à chaque instant relevée; mais tout le monde n’a pas 
été à portée de les étudier sur le continent américain; aussi nous reste-t-il 
à parler des espèces que nous y avons rencontrées. Notre premier sous-genre 
(Thryothorus) est seulement des pays chauds et boisés et des forêts situées à 
l'est des Andes. Les Troglodytes proprement dits ne nous offrent pas, à 
beaucoup près, la même distribution géographique : tous oiseaux buissonniers 
et sédentaires, ils sont également répartis dans toutes les régions; ainsi le 
T'roglodytes platensis se trouve dans notre seconde zone de latitude et de 
hauteur, c’est-à-dire du 28.° au 34.° degré à l’est et à l’ouest des Andes, et 
sur les montagnes, dans la zone torride, de 1,000 à 3,700 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, tandis que, des trois autres espèces, la première est 
de l'ouest des Cordillères, dans la zone torride; la seconde, des mêmes 
régions, mais seulement à l’est; la troisième, reléguée sur les parties les plus 
méridionales du continent américain. De ces faits nous tirons la conséquence 


( 229 ) 


que les Troglodytes habitent depuis le niveau de la mer jusqu’à près de 4,000 
mètres au-dessus, sur les montagnes de la zone torride, et en latitude, depuis 
la ligne jusqu'au #1.° degré de latitude. 


Sous-cENRE THRYOTHORE, TAryothorus, Vieill. 


Nous ne concevons cette subdivision des Troglodytes qu'autant qu’on n’y 
mettra que les espèces ayant pour caractère un bec assez long, comprimé, 
plus large verticalement à la base qu'au milieu, ou, pour mieux dire, les 
espèces dans lesquelles cette partie conique diminue graduellement de la base 
à l’extrémité, d’une manière égale; avec les espèces ayant de plus les tarses et 
les doigts robustes. Tels sont les caractères distinctifs des véritables Troglo- 
dytes; mais, sinous voulons considérer leurs mœurs, nous trouverons, de suite, 
des oiseaux bien différens ; les Thryothores se tenant seulement dans les pays 
chauds et sur les arbres près de leur coupe, tandis que les Troglodytes ne 
sont que buissonniers. Ce sont encore les oiseaux chanteurs par excellence, 
parmi les américains, et ceux qu’on peut, à plus juste titre, comparer au 
Rossignol; car, s'ils lui cèdent par la variété, ils le dépassent par la force, 
par la pureté, par lharmonie de leurs hymnes. 


THRYOTHORE CORAYA, Zzryothorus coraya, Vieill. 


Le Coraya, Buff. ,t. IV, p. 484, Enl.n.° 701, fig. 1; Turdus coraya, Lath., Syst. orn., gen. 22, 
Sp. 1173 Linn., Gmel., Syst. nat., ed. 13, gen. 107, sp. 88; Myothera coraya, Spix, 
pl. 73, fig. 2. 


T. capite suprà brunneo -viridescente, corpore suprä rufo-fuscus, subtus dilutior; 
supercilis albis, capitis lateribus nigro maculatis, gutture albo ; caudd grised, 
lineis nigricantibus transversim vari. 


Sur le vivant. Bec noir en dessus, bleuâtre en dessous; yeux rouge de carmin vif; 
pieds brun-violet. Longueur totale, 16 cent.; du vol, 21 cent.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 7 cent.; de la queue, 56 mill.; du bec, 24 mill.; sa hauteur , 5 mull.; sa lar- 
geur , 5 mill.; circonférence du corps, 10 cent. 

Cette espèce ne s’est montrée à nous que dans les régions chaudes et boisées de la 
zone torride, tant sur les montagnes peu élevées qu’au milieu des plaines; ainsi, nous 
l'avons rencontrée dans la province de Yungas, aux environs du village de Carcuata 
(Bolivia); puis dans la province de Chiquitos, près de Concepcion; et enfin, au milieu 
des forêts humides habitées par les Indiens guarayos. Partout elle est assez rare, quoi- 
que très-répandue. Nous l’avons toujours vue sur les branches basses des arbres de 
moyenne hauteur, entre les feuilles ou les lianes enlacées, sautillant et cherchant les 


Passe- 
reaux. 


( 250 ) 


Pase- insectes, qu’elle préfère à toute autre nourriture. Son vol est lourd et jamais prolongé. 


Sa voix est assez agréable, sans pouvoir être comparée à celle de l’espèce suivante. 


THRYOTHORE CHANTEUR, Zryothorus modulator, Nob.1 


T. suprà brunneo-fuscescente, fronte, supercilis, gutture, pectoreque rufis ; subtus 
brunneo-fuscescente dilutior ; remigiüis nigrescentibus, pogonio externo rufo, nigro- 
que transversim maculatis; caud& brevi, brunneo-fuscescente, nigro transversim 
radiatd; rostro compresso. 


Sur le vivant. Yeux bruns; bec noirätre; pieds bruns. Longueur totale, 15 cent. ; 
du vol., 22 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 63 mill.; de la queue, 30 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 43 mill.; du bec, 13 mill.; sa largeur et sa hauteur, 
51/2 mill.; circonférence du corps, 12 cent. 

Toutes les parties supérieures brun-roussâtre foncé et uniforme; le front, un large 
sourcil, qui s'étend jusque derrière la tête, la gorge, le devant et les côtés du cou, le 
haut de la poitrine, d’un beau roux uniforme foncé; parties inférieures d’une teinte 
semblable à celle du dessus, mais beaucoup plus pâle; les rémiges et leurs tectrices 
supérieures brun noirâtre, rousses et tachetées, transversalement, de noir sur leur côté 
externe. Queue de la teinte générale supérieure, avec de petites bandes noirâtres, inter- 
rompues et en travers. 

Dès le premier coup d’æil, il est facile de s’apercevoir que cette espèce diffère essen- 
üellement de l’Arada, Turdus cantans, Linn., par sa teinte uniforme supérieure, par 
le manque de collier et de taches noires et blanchätres des parties antérieures du haut 
du dos, ainsi que par une taille toujours beaucoup plus forte. Toutes ces différences, 
constantes chez tous les individus que nous avons vus, nous ont déterminé à les séparer 
entièrement. 

Nous n'avons rencontré cette espèce que sur les montagnes basses et boisées du pied 
oriental de la chaîne des Andes boliviennes, principalement dans la province de Yungas 
et dans le pays habité par les Indiens yuracarès, toujours dans les ravins des lieux les 
plus escarpés, au sein des précipices les plus affreux, pour peu qu'ils soient couverts 
d’une végétation active. C’est là que, perchée sur les branches basses des arbres suspen- 
dus au bord des torrens, son chant sonore et mélodieux vient contraster avec le triste 
aspect des environs : ses accens, que nous ne pouvons comparer à rien de ce que nous 
connaissons en Europe, sont beaucoup plus forts que ceux du Rossignol; et, sans en avoir 
peut-être toute la flexibilité, ils sont bien plus sonores, bien plus clairs; ils sont beau- 
coup plus remplis d'effet. Souvent ce sont des gammes chromatiques rendues par des 
notes flütées, qui s'entendent à une grande distance; d’autres fois, des cadences variées, 
interrompues par des éclats de voix, par les plus belles basses, ou, enfin, une musique 


1. C’est par erreur que, dans notre Synopsis, nous avons rapporté cette espèce au Zurdus arada , 
Lath., qui en est bien différent. 


( 231 ) 


grave, formée des sons les plus purs. En un mot, nous n’avons réellement aucun terme 
assez fort pour rendre l'impression que ce chant nous à faite, au milieu de cette nature si 
active, mais en même temps si accidentée, des montagnes déchirées des lieux solitaires 
qu'il habite. 

Connu de tous les habitans des montagnes, le Thryothore chanteur reçoit d’eux le 
nom d’Organito (petit orgue) : 1l est, pour eux, le sujet de beaucoup de contes 
absurdes. Comme on l'entend aussi souvent qu'il est rare qu’on l’aperçoive, les habi- 
tans de la province de Yungas croient, pour la plupart, que lanimal qui produit 
de si beaux accords n’est pas un oiseau, mais bien un insecte, caché sous l'écorce des 
arbres; aussi assurent-ils qu'on chercherait vainement à le voir. Nous en devons la 
découverte et la capture aux Indiens yuracarès, meilleurs observateurs, qui nous ont 
dit le nommer Bijubiju. 


Sous-GExRE TROGLODYTE, Troglodytes, Cuv. 


Les Troglodytes diffèrent des Myothères par un bec plus mince, moins 
conique , par une taille beaucoup moindre, par des mœurs tout à fait buis- 
sonnières et familières. 


TROGLODYTE DE BUENOS-AYRES, Troglodytes platensis. 


Troglodyte de Buenos-Ayres, Buff., Enl., n° 780, fig. 2; Troglodyto basacaraguay, Azara, 
Apunt., t Il, p. 17, n° 150; T'roglodytes platensis, Prince Max., Beitr., t. II, p. 742, 
n° 13 Sylvia platensis, Vieill., Dict., t. 34, p. 510, et Enc. méth., t. Il, p. 472; Troglo- 
dytes hyemalis et Troglodytes fulvus, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 26, 
nr Get 7e 


T. suprà brunneo-rufescente, uropygio rufo; subtüs fulvo-albescente; remigibus, rec- 
tricibus nigrescentibus, pogonio externo rufo nigroque maculato; rectricibus rufes- 
cente-nigro transversim radiatis ; rostro tenui, subarcuato. 


Sur le vivant. Bec noiràtre en dessus, jaune à la base de la mandibule inférieure ; 
yeux bruns; pieds roses. Longueur totale, 14 cent.; du vol, 19 cent.; circonférence du 
corps, 8 cent. 

Parties supérieures du corps brun-roussätre uniforme ou portant quelquefois de 
très-légers indices de stries transversales fines, plus foncées. La teinte roussätre passe 
graduellement au roux au croupion; mais cette teinte est plus où moins vive, selon 
les individus. On remarque aussi que les plumes coccygiennes sont terminées de roux, 
que la base en est blanche, et qu’une légère bande noire transversale sépare ces deux 
couleurs sur certains individus, tandis que d’autres montrent seulement un indice du 
blanc. Gorge, devant du col et poitrine fauves; couleur de tourterelle, passant au roux, 
sur les flancs et sur les couvertures inférieures de la queue; rémiges noirâtres, dont le 
côté externe est rayé transversalement de noirâtre et de brun-roux plus ou moins vif; 


Passe- 
reaux. 


( 232 ) 


Passe- queue roux-brun, rayée en travers de noiràtre, par bandes souvent interrompues. 
re C’est une variété 4. 

Une variété 2, constante et locale des montagnes du Haut-Pérou, que nous ne pou- 
vons réellement pas distinguer comme espèce, car les caractères n’en sont pas assez dis- 
tinets, ne diffère de celle-ci qu’en ce que les couleurs des parties inférieures en sont uni- 
formément roux très-pàle, sur la poitrine et sur la gorge, sans qu’on y remarque cette 
teinte fauve, couleur de tourterelle; elle est aussi généralement plus rousse au bas- 
ventre et au croupion. 

Nous avons rencontré la variété 4 dans les environs de Buenos-Ayres, à Corrientes, 
frontière du Paraguay, et près de Valparaiso, au Chili. Nous avons vu la variété B non 
loin de Rio de Janeiro, au Brésil et en Bolivia, depuis l'élévation de 3,500 mètres 
au-dessus du niveau de la mer, en descendant presque jusqu'aux plaines chaudes 
du centre de l'Amérique méridionale, aux environs de la ville de la Paz, de l’autre côté 
de la chaîne orientale, provinces de Yungas, de Sicasica, de Valle grande; ainsi, voilà 
un oiseau qui se trouve du 34.° au 28.° degré de latitude à l’est et à l’ouest des Andes, 
et au 16.° degré seulement sur le versant oriental, mais du niveau de la mer jusqu’à près 
de 4,000 mètres au-dessus. 

Quant à ses mœurs, elles sont bien décrites par Azara, notre illustre devancier; nous 
nous bornerons donc à confirmer quelques-unes de ses observations, en y en ajou- 
tant de nouvelles. Un des plus familiers parmi les oiseaux américains, ce Troglodyte vit 
toujours près de l’homme dans les haies, dans les jardins, dans les buissons voisins 
des habitations, dont, en hiver, il se rapproche encore davantage; car alors il entre 
dans les maisons, sous les hangars, probablement afin d’y chercher la nourriture plus 
facile que lui offrent les espèces d'araignées si abondantes aux pays chauds. Sans être 
très-commun, on le voit partout sautiller légèrement sur la terre ou dans les halliers, 
en relevant constamment la queue, et se faufilant, en tous lieux, comme une souris, 
ce qui lui a valu le nom de Aaloncito (petit rat), qu'il porte à Buenos-Ayres. 

Son chant ressemble à celui des Fauvettes : agréable sans être fort, varié sans être 
continu, il est remarquable, surtout dans la saison des amours. Ce Troglodyte niche 
sous les poutres des maisons et dans les trous des murailles. Son nid, composé de 
quelques plumes et de paille, est, en dedans, tapissé de crins; sa ponte, de quatre 
œufs rosés , tachetés de rouge, de 13 et 17 millimètres de diamètre, a lieu en Septembre 
et en Octobre. 

Les Guaranis du Paraguay le nomment Basacaraguay. Au Chili, on le connaît sous 
la dénomination de Czrrcan. 


TROGLODYTE À QUEUE EN DAMIER, 7roglodytes tecellata, Nob. 
Troglodytes tecellata, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836); p. 25, n° 4. 


T°. suprà omnind brunneo clarè tincta, et transversim obscuré brunneo striata, striis 


in dorso largioribus ; uropygio paulatim rufo; remigibus nigrescentibus, extrinsecus 


( 255 ) 


griseis maculis parvis limbatis ; rectricibus nigrescentibus, lineis rufescentibus inter- 

ruptis ornatis ; subtüs griseo-fulvo, hypocondriis rufescentibus; crisso rufo, nigro- 

que variegalo. 

Sur le vivant. Bec brun au bout, jaune à sa base; yeux roux; pieds brun rosé. Lon- 
gueur totale, 11 1/2 cent.; du bec, 12 mill.; de la queue, 30 mill.; du tarse au bout 
des doigts, 30 mill.; du vol., 465 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 55 mill. 

Tout le dessus du corps brun-gris, légèrement teinté de roux sur le dos, et passant 
au roux sur le croupion, avec des stries transversales noirätres, beaucoup plus larges 
au milieu du dos; du jaune roux au-dessus des yeux; rémiges primaires noirâtres, 
avec une série de taches jaune pâle sur le côté extérieur; rémiges secondaires noirâtres, 
rayées transversalement de gris-fauve; rectrices rayées transversalement aussi de très-larges 
bandes noirâtres et roux-gris; mais ces lignes sont interrompues et représentent des 
taches ressemblant aux carrés d’un jeu de dames. Couvertures inférieures de la queue 
roux clair , tachetées, en travers, de brun; dessous du corps gris-fauve, passant au roux 
sur les flancs; couvertures inférieures des ailes blanchàtres. 

Cette espèce diffère de la précédente par une teinte supérieure beaucoup plus grise; 
par les stries toujours très-prononcées de cette partie; par sa queue plus courte, beau- 
coup plus large, ayant les lignes transversales du double plus larges et toujours brus- 
quement interrompues; par les couvertures inférieures des ailes blanchàtres. 

Nous l’avons rencontrée seulement à l’ouest des Andes boliviennes, dans la vallée 
de Tacna (Pérou), au milieu des haies et des buissons, où , du reste, elle mène le même 
genre de vie que l’espèce précédente. 


TROGLODYTE DE GUARAYOS, Troglodytes guarayanus, Nob. 
Troglodytes guarayanus , d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836),p. 24, n.° 5. 


T. supra obscure brunneo-rufescente ad uropygium rufescens ; vittd, superciliis, gut- 
tureque albescentibus; pectore, ventreque rufis ; remigibus brunneo-nigris, pogonio 
externo rufo maculato ; remigibus secundariis rufis, nigro irregulariter zonatis ; 
caudä gracili, elongatd, rectricibus rufis, nigro irregulariter zonat& et variegatd. 


Sur le vivant. Bec corné en dessus, jaune en dessous; yeux roux; tarses violets. Lon- 
gueur totale, 13 cent.; du pli de aile à son extrémité, 50 mill.; de la queue, 40 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 37 mill.; du bec, 15 mill.; sa hauteur et sa largeur, 4 mill.; 
circonférence du corps, 80 mill. 

Dessus de la tête gris-brun, passant sur le dos au brun-roux, et au roux foncé au 
croupion ; un large sourcil blanchätre passe sur l'œil; oreilles et joues variées de gris 
et de blanchâtre; gorge et devant du cou blanc grisätre, le reste du dessous du corps 
et des ailes roux foncé; tectrices des ailes et rémiges primaires noirâtres, bordées exté- 
rieurement de petites taches rousses; les dernières rémiges secondaires rousses, rayées 
et variées irrégulièrement, surtout à leur extrémité, par des bandes noiràtres en zig- 


O 
zag. Queue longue, très-grêle, rousse, avec des raies noires espacées, d’abord par 


IV Où 30 


Passe- 
reaux. 


—_—__—_— 


(254) 


Passe- bandes irrégulières transversales, à la base des rectrices; mais ensuite elles sont dispo- 


reaux. 


sées irrégulièrement par zigzags, suivant, à leur extrémité, la forme de la plume. 

Cette espèce se distingue de suite des précédentes par sa gorge et par ses sourcils 
blanchâtres; par la couleur roux foncé qui colore ses parties inférieures; par sa queue 
longue et grêle, et surtout par les zigzags que forment les taches noirâtres de la queue 
et des dernières rémiges , lesquelles, au lieu de présenter des bandes transversales, suivent 
le contour de l'extrémité des pennes. 

Nous ne l’avons rencontrée que dans les halliers épais qui entourent les habitations 
des sauvages Guarayos, au sein des forêts chaudes et humides qui séparent la province 
de Chiquitos de celle de Moxos (république de Bolivia); ses mœurs sont les mêmes que 
celles de l'espèce précédente , et elle n’est pas moins rare. 


TROGLODYTE PALE , Troglodytes pallidus , Nob. 
Troglodytes pallidus, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 25, n.° 3. 


T. capite suprà, colloque griseo-cinerescens; dorso griseo-rufescente; uropygio rufo- 
pallidissimo, subtüs griseo-flwo pallidiore; remigiis brunneo-pallescentibus, pogo- 
nio externo griseo maculatis ; rectricibus angustatis, rufescentibus, brunneo trans- 
ersun Sirialis. 

Sur le vivant. Yeux bruns; bec corné; pieds rosés. Longueur totale, 10 cent.; du 
pli de l'aile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 39 mill.; du bec, 12 mill. 

Dessus de la tête, du col et haut du dos gris cendré pâle, passant au gris-roux pâle 
sur le dos et au fauve très-pàle, au croupion; parties inférieures uniformes, fauve- 
gris très-pàle ; les couvertures inférieures de la queue roussätres; rémiges brun-gris, 
bordées extérieurement de roussätre, et rayées, en travers, sur cette partie, de brun 
päle; queue longue, grèle, légèrement roussâtre, rayée transversalement de bandelettes 
non interrompues et rapprochées, d’un brun très-pâle. 

Ce Troglodyte se distingue, au premier aperçu, de toutes les autres espèces par ses 
teintes infiniment plus pàles sur toutes les parties, tout en offrant, du reste, à peu près 
la même distribution de couleurs que le Troglodytes platensis : en lui c’est le gris qui 
domine, tandis que c’est le brun dans les autres. 

Nous ne l’avons rencontré qu’en Patagonie, sur les coteaux buissonneux des rives 
du Rio negro, au 41. degré de latitude sud : il y est peu commun, et par ses mœurs 
ressemble aux autres espèces du genre. 


Genre SYNALLAXE, Synallaxis, Vieill. 


Le genre Synallaxe est trop connu pour que nous en reproduisions ici les 
caractères. Comme on le verra par les mœurs de chaque espèce en particu- 
lier, ce sont des oiseaux essentiellement buissonniers ou graminicoles; car ils 
ne sortent des halliers, des grandes herbes, que pour marcher aux environs, 


(255 ) 


en relevant la queue d’instans en instans, en sautillant avec gaîté, mais $en- Passe- 
3 9 


fonçant immédiatement au milieu du fourré, dès qu'ils éprouvent la moindre 
crainte. Il est impossible de ne pas voir, dans les Synallaxes, pour beaucoup 
de leurs espèces, indépendamment des caractères de bec et de pieds, qui les 
rapprochent des Anabates et des Anumbius, des mœurs tout à fait identiques à 
celles des oiseaux appartenant à ces genres. D’un autre côté, sauf le bec beau- 
coup moins long, quelques-uns ont les manières des Huppucerthies, tandis 
que d’autres font évidemment le passage aux Becs-fins par les Troglodytes 
et les Anthus; ainsi, considérant séparément les espèces qui ont des rapports 
certains avec ces différens groupes, placés, par les auteurs, plus ou moins près 
les uns des autres, nous trouvons : 1.” que le Synallaxis dorso maculatus 
et le S. maluroides se rapprochent, quant aux mœurs, du Donacobius, dont 
ils ont les habitudes marécageuses, tandis que, jusqu’à un certain point, leur 
queue aiguë leur sert, comme aux Dendrocolaptes, de point d'appui pour 
grimper sur les arbres; 2.” que le Synallaxis torquatus, le $. Maximiliani, 
le S. phryganophilus et le S. ruficauda, par leur ongle du pouce assez 
allongé et droit, qui en fait des oiseaux plus spécialement marcheurs dans 
les grandes herbes, se rapprochent des Anthus ; 5.° que le Synallaxis r'uufi- 
ceps, le S. hunucola, le $. fuliginiceps et le S. striaticeps, buissonniers et 
marcheurs à la fois, par leur queue longue, étagée, souvent usée, par leurs 
tarses longs, par leur coutume de marcher autour des buissons, en relevant 
constamment leur queue, par leurs mouvemens toujours craintifs et empressés, 
ressemblent, on ne peut plus, à quelques Huppucerthies et aux Furnarius ; 
et4.”, enfin, que le Synallaxis albiceps, le S. ægythaloides, le S. leucocepha- 
lus, le $. patagonicus, par la manière dont ils se cramponnent aux branches, 
qu'ils abandonnent peu, par leur bec court, quelquefois sans dent marquée, 
par leur queue usée, par leurs jambes fortes, nous offrent un passage évident 
aux Anabates, aux Anumbius et aux autres oiseaux buissonniers. 

Malgré tous ces rapprochemens, qui démontrent la difliculté de grouper 
naturellement certaines séries de passereaux, il nous paraît évident qu’on ne 
peut séparer les Synallaxes des Sylvidées, avec lesquels ils ont, du reste, 
tant de rapports intimes, ni placer, près d'eux, tous les genres que nous avons 
signalés comme s’en rapprochant par quelques traits de ressemblance. IT est 
vrai que les genres Ænabates et Anumbius, que nous croyons cependant 
devoir plus particulièrement leur adjoindre, sont eux-mêmes intimement unis 
aux Sittines, qui conduisent aux Dendrocolaptes, dont on ne peut les éloigner. 
Dans cet embarras, que faire? Nous laissons les Synallaxes avec les Sy/vidées ; 


TeEaux, 


( 256 ) 


Pas. nous.y adjoignons, contrairement au tableau placé en tête des Passereaux, 


reaux. 


les Anabates et les Anumbius; et nous renvoyons les deux derniers genres 
aux Ténuirostres. 

La distribution géographique des Synallaxes n’est pas moins singulière, par 
les exceptions qu’elle présente : les uns sont sédentaires en des contrées spé- 
ciales, comme nos cinq premières espèces et quelques autres encore; mais 
par des latitudes différentes, depuis la Patagonie jusqu'aux régions les plus 
chaudes, sur les plaines et sur les montagnes, tandis que d’autres, au con- 
traire, viennent parfaitement confirmer nos observations sur la concordance 
d'habitation, selon la latitude ou selon Pélévation sur les montagnes de la 
zone torride. Par exemple, le Synallaxis striaticeps, les $. humicola, S. rufi- 
ceps, se sont montrés à nous au milieu des plaines, seulement dans notre 
seconde zone d'habitation, c’est-à-dire du 28. au 34° degré de latitude. Sur 
les montagnes de la zone torride, ils ont dû chercher une température ana- 
logue, et, dès-lors, nous ne les avons retrouvés que dans notre IL.° zone 
d'élévation, c’est-à-dire de 1,700 à 3,700 mètres (11,000 pieds) au-dessus de 
la mer. Le Synallaxis ægithaloides nous a montré la même concordance, 
mais, entre les troisièmes zones, se trouvant en Patagonie et à pres de 
4,000 mètres sur les Andes boliviennes. En résumé, les Synallaxes habitent, 
en latitude, depuis la zone torride jusqu’au 45.° degré de latitude, et, en 
élévation, depuis le niveau des mers jusqu’à 4,000 mètres au-dessus. Trois 
espèces sont, en même temps, des deux versans des Andes, tandis que 12 
appartiennent seulement au versant oriental. 


+ SYNALLAXES ARUNDINICOLES, Synallaxes arundinicolæ , Nob. 


-Ce groupe de Synallaxes ne comprend que les espèces que nous avons ren- 
contrées parmi les roseaux et parmi les joncs des marais, sans qu’ils paraissent 
jamais se poser sur les buissons : ils ont tous le bec plus long, plus grêle que 
les autres Synallaxes, les doigts plus longs, les ongles beaucoup plus pointus ; 
du reste, les mêmes caractères d'ailes et de queue. Nous ne les avons ren- 
contrés qu'au sud des tropiques, et de là jusqu'au 41.° degré de latitude aus- 
trale, seulement à l’est des Andes, au sein des marais des Pampas ou de la 
Patagonie et jamais sur les montagnes. 


(257 ) 


SYNALLAXE À DOS TACHETÉ, Synallaxis dorso maculatus, Nob. 
Oiseaux, pl. XIV, fig. 1, 2. 


’ola aguda de escapulario chorreado, Az., Apunt. de los Pax.,t. U, p.260, n. 232; Sylvia 
melanops, Vieill., Dict., t. IT, p. 232, et Enc. méth., t. Il, p. 434 (copié d'Azara 1); Synal- 
laxis dorso maculatu , d'Orb. et Lafresn., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 21,n. 1. 


S. suprà rufo nigro, cinereo, albidoque variegatus; pileo nigro-fusco subtilissimé rufo- 
striato, maculis dorsalibus nigris, albo striatis; alis fusco-nigris; vittis duabus 
longitudinalibus cinnamomets ; caudd valdè gradatd, rectricibus nigris apice maculd 
grised, duabus intermediis rufis; supercilüs à naribus ad nucham, gutture, collo 
anteriore medioque abdomine albis ; lateribus collis et pectoris, hypocondriis, ano- 
que, olivaceo rufescentibus. 


Sur le vivant. Bec noirâtre en dessus, jaunâtre à la base de la mandibule inférieure; 
pieds brun noirâtre; yeux bleuâtres. Longueur totale, 12 cent. 7 mill.; de la queue, 
3 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 55 mill.; du haut du tarse au bout des doigts, 
40 mill.; du bec, 13 mill.; du vol, 16 cent. 

Bec très-allongé, grêle, un peu arqué, comprimé et caréné en dessus; dessus de la tête 
brun noirâtre, la tige des plumes plus pâle; un large sourcil jaune blanchâtre part de 
la base des narines et va se perdre sur les côtés du cou; toutes les parties inférieures blanc 
roussâtre, plus foncé sur la poitrine et plus brun sur les flancs; dessus du cou roux, 
avec une tache brune au milieu de chaque plume; sur le dos, chaque plume a sa moitié 
extérieure gris ardoisé; l’autre noire, séparées par une ligne blanche; queue en coin, 
étagée , les rectrices les plus supérieures terminées par une pointe; croupion et les deux 
rectrices médianes roux-brun, les autres noirâtres; petites tectrices supérieures des 
ailes rousses, les grandes de la même teinte, avec une tache noire ovale, sur sa longueur ; 
rémiges brun noirâtre, avec la moitié inférieure d’un beau roux vif; . couvertures 
inférieures de l’aile de la même couleur. 

Chez les jeunes individus la tête est variée de roux, les pennes scapulaires posté- 
rieures sont variées de roux, mais avec des teintes moins vives, moins distinctes. 

Nous n’avons rencontré cette charmante espèce qu'aux environs de Buenos-Ayres, et 
seulement dans les jones inondés des marais de la Plata, du côté de Barracas. Nous 
avons souvent entendu son sifflement aigu et de rappel, sans apercevoir l'oiseau, 
qui sautillait en se cramponnant aux joncs et ne se montrant jamais au dehors. 
Ses mouvemens sont vifs et légers, son vol court. L’inspection de son estomac nous 
a démontré qu'il se nourrit de petits moucherons. Comme nous ne l'avons jamais 
aperçu l'été aux environs de Buenos-Ayres, nous devons supposer qu'il y est de pas- 
sage, et vit, sans doute, dans les marais des Pampas. 


1. Nous n’avons pas conservé le nom imposé par M. Vieillot, parce que l'espèce qui nous occupe 
n’a pas les yeux noirs. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 258 ) 


SYNALLAXE MALUROÏDE, Synallaxis maluroides, Nob. 
Oiseaux, pl. XIV, fig. 3, 4. 


S. capite subtus rufus; occipite dorsoque nonnullis nigris longitudinalibus maculis 
signatis ; oculorum circuitu, gutture antero, collo, medioque ventre albicantibus ; 
lateribus colli griseo-brunneis; caud& elongaid, acutd, rufescente ad inferiores 
rectrices, scapis albescentibus ; remigibus brunneis, externè griseo pallidiore lim- 
batis, basi rufis ; interne medio nigris. 


Sur le vivant. Yeux bruns; bec brun en dessus, jaunâtre en dessous; pieds jaunâtres. 
Longueur totale, 15 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 54 mill.; du bec, 9 mill.; de 
la queue, 55 mill. 

Bec long, grêle, fortement comprimé sur les côtés, caréné en dessus; doigts et ongles 
longs; rectrices longues, étagées, pointues à leur extrémité; dessus de la tête roux vif; 
quelques petites taches noires se mélent à cette teinte, sur le derrière de l’occiput; dessus 
du col et toutes les parties supérieures roux-gris pale, chaque plume ornée d’une longue 
tache médiane, longitudinale. Côtés du col et flancs roux-gris uniforme; tour des yeux, 
gorge et milieu du ventre blanchâtires; rémiges rousses à leur base; deux rectrices supé- 
rieures noirâtres, bordées de roux, toutes les autres rousses, avec une tache noirâtre à 
leur base. 

Cette espèce, dont les individus ne nous ont montré aucune différence entr’eux, s’est 
présentée à nous absolument dans les mêmes circonstances que l'espèce précédente , 
seulement aux environs de Buenos-Ayres, en hiver, parmi les joncs qui bordent la 
Plata, du côté de la Boca. De même, elle ne sort jamais des jones, qu’elle parcourt en 
tous sens, sautillant d’une tige à l’autre, en poursuivant les petites espèces de diptères 
dont elle se nourrit. Elle est assez rare. 


SYNALLAXE TROGLODYTOÏDE, Synallaxis troglodytoides, Nob. 


$. capite dorsoque subtüs flavicantibus nigroque striatis; dorso brunneo-rufescente ; 
caudd elongat&, gracili, transversim nigro griseoque rufescente radiatd, inferius 
griseo rufescente ; remigibus brunneis, pallidè rufo limbatis. 


Sur le vivant. Bec brun au bout, jaunàtre à la base; yeux bistrés; pieds rosés. Lon- 
gueur totale, 11 cent.; de la queue, 4 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 45 mill.; 
du bec, 10 mill.; du tarse à l'extrémité des doigts, 3 cent.; circonférence du corps, 7 cent. 

Dessus de la tête brun noirâtre, avec une tache jaunâtre au milieu de chaque plume; 
col en dessus de la même couleur, la tache jaunâtre beaucoup plus grande; gorge et 
ventre d’un blanc teinté de roux-jaune pâle ; dos roux très-clair; tectrices supérieures de 
l'aile tachetées, par lignes irrégulières transversales, de brun foncé sur du jaune-roux ; 
tectrices inférieures blanches; rémiges brunes , la barbe externe marquée alternativement, 
sur sa longueur, d’une tache brune et d’une tache jaune-roux; queue longue, étagée, 
grêle, faible, d’une teinte roux-jaune clair, avec dix bandes transversales noiràtres sur 
les plus grandes rectrices. 


( 239 ) 


Nous avons rencontré celte espèce en Patagonie, mais seulement aux environs de 
la Bahia de San-Blas, au 40° degré de latitude sud. Un matin, une troupe de dix à 
douze de ces oiseaux voltigeait sur les plantes maritimes, et chaque individu restait 
à peine deux minutes en place, toujours en mouvement, en parcourant chaque tige, 
montant et descendant toujours et sans s’effrayer. La troupe s’envolait tout à coup, 
pour aller se poser à peu de distance. Un coup de fusil, qui coucha l’un d’eux par terre, 
fit disparaître le reste de la famille ambulante, dont jamais nous n’avons depuis revu 
d’autres membres. C'était au mois de Janvier. 


ft SYNALLAXES BUISSONNIERS ET MARCHEURS, Synallaxes dumicolæ, Nob. 


Nous avons séparé, des espèces qui précèdent, celles qui, au lieu d'entrer 
au sein des marais et de ne vivre qu'au-dessus des eaux, sur les jones, se 
tiennent sur les buissons et sur les grandes plantes, quelquefois assez près des 
eaux, mais aussi souvent sur les coteaux les plus arides; c’est parmi ceux-ci 
que se rencontrent les plus marcheurs du genre, qui même, par cette manière 
de vivre, font, par le caractère de leur ongle du pouce allongé et souvent 
peu arqué, le passage entre les Synallaxes et les Anthus. Ces espèces sont 
plus répandues que les autres : elles occupent les régions froides, tempérées 
et chaudes du continent américain, et s'élèvent sur les montagnes jusqu’à 
4,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. 

Quelques-unes des espèces de ce groupe font évidemment le passage aux 
Anabates et aux Anumbius. 


SYNALLAXE À GORGE TRICOLORE, Synallaxis phryganophilus, Nob. 


Cola aguda de horqueta tricolor, Azara, Apunt.,t. IL, p. 255, n° 229; Sylvia phryganoplila, 
Vieill., Dict., 1810, t. Il, p. 207, et Encycl., t. IT, p. 460 (d'après Azara); Synallaxis tecel- 
lata1, Temm., Col., tab. 311, fig 1; Synallaxis phryganophila, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. 
de zool. (1836), p. 22, n.° 4. 


S. vertice humerisque rufis; plumis colli superioris, dorsi anterioris, brunnescentibus, 
in medio fulvo marginatis; dorso uropygioque fusco-fulvescentibus ; gutture 
albescente, in medio flavo nigrogue pectore fusco; ventre albescente, caudä elon- 
gatissimd, acutd, brunnescente. 


Sur le vivant. Bec bleu; pieds rosés; yeux rouge-aurore. Longueur totale, 22 cent.; 
de la queue, 12 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 6 cent.; du bec, 9 mill. 
Cette charmante espèce, bien caractérisée par sa longue queue et par sa gorge trico- 


1. M. Temminck n’a décrit cet oiseau qu'après le retour de M. Saint-Hilaire. Il est, dès-lors, 
évident que Vieillot l'avait décrit au moins cinq ans avant lui. 


Passe- 
reaux. 


( 240 ) 


Passe- lore, s’est offerte à nous, principalement en hiver, dans toute la province de Corrientes 
FF (république Argentine), où elle est très-rare. Nous l'avons toujours vue dans les lieux 
marécageux, dans les petits buissons, dans les grandes herbes, surtout les plus sau- 
vages, où elle paraît vivre sédentaire et presque toujours par couples. On la voit se 
poser constamment à la partie moyenne de la hauteur des buissons ou même sur les 
branches les plus basses. De là, elle descend, en sautant d’une branche à l’autre, 
s’enfonçant, de plus en plus, vers le centre, jusqu’au sol, où elle cherche, le plus souvent, 
les insectes dont elle se nourrit; d’autres fois, elle s'enfonce de suite, dans une touffe 
d'herbes et s’y cache si bien, qu’il nous est arrivé de la poursuivre long-temps, sans 
pouvoir l’apercevoir où elle s'était posée, tandis qu’elle s’envolait de dessous nos pieds. 
Son vol est saccadé, pesant; sa marche assez agile à terre, ce qui s'annonce par le peu 
de courbure et la longueur des ongles du pouce; mais alors on la voit exclusivement 
parmi les grandes herbes; elle fait entendre un léger cri, lorsqu'elle s'envole. Nous 
n'avons rien appris touchant sa reproduction. 


SYNALLAXE À QUEUE ROUSSE, Synallaxis ruficauda, Vieill. 


Cola aguda anegadizos, Azara, Apunt. de los Pax., t. Il, p. 262; Sylvia russeola, Vieïll., Dict., 
t. IT, p. 217, et Enc. méth.,t. IT, p. 463 (d'après Azara) ; Synallaxis ruficauda, Vieill., Dict., 
tr XXXIT, p. 310; Enc. méth., t. II, p. 623; Opetiorynchus inundatus, Temm.; Synallaxis 
ruficauda, Spix, Av., t. LXXXV, fig. 2; Synallaxis caudacutus, Prince Max., Beitr., t. IT, 
p. 692, n° 3; Synallaxis ruficauda, d'Orb. et Lafresn., Syn., Mag. de zool. (1836), 
p. 22,0. 5. 


S. suprà rufo-fuscus, subtüs albescens ; guld flavd; fronte, caudd alisque rufis; remi- 
gibus nigrescente terminatis ; caudd acutissimd. 


Sur le vivant. Yeux brun pâle; bec brun; pieds bleus. Longueur totale, 17 cent.; 
de la queue, 5 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 6 cent.; du bec, 11 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 6 cent. 

Ce-Synallaxe, remarquable par sa gorge jaune, par ses parties supérieures brun-roux, 
par son front, ses ailes, sa queue roux vif, ainsi que par ses parties inférieures blan- 
châtres, ne s’est offert à nous que dans les parties méridionales de la province de Cor- 
rientes , dans les plaines marécageuses du Rincon de Luna et seulement en hiver. Il est 
rare, se tient près des maisons, sur les buissons, dans lesquels il n’entre pas, perché 
sur les grandes plantes, ou marche à terre avec rapidité, cherchant les insectes et les 
petites graines dont il se nourrit. Peu craintif, il s'inquiète peu de la présence de 
l'homme, vient dans les jardins, sur les haies sèches, toujours par petites troupes, 
composées de couples; il vole par saccades et assez lourdement, tout en faisant entendre, 
par instans, un léger cri de rappel. 


( 24 ) 


SYNALLAXE À TÊTE STRIÉE, Synallaæis striaticeps, Nob. 
Oiseaux, pl. XVI, fig. 1. 


Synallaxis striaticeps, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p.22, n° 6. 


S. suprà rufescenti-griseus; tectricibus alæ, rectricibusque acuminatis, totis cinna- 
momeis ; remigibus fuscis, margine exteriore rufescentibus ; frontis et verticis pen- 
nis elongatis, acuminatis, rufescente-albis, in medio longitudinaliter nigro striatis ; 
superciliis ad nucham intensis ; guld pectoreque albescentibus ; hypocondriis abdo- 
mineque rufescente-grisescentibus. 


Sur le vivant. Yeux rouge carmin; bec noirâtre en dessus, rose violet à sa base; pieds 
gris. Longueur totale, 16 centimètres; du vol, 21 1/2 cent.; du pli de l’aile à son extré- 
mité, 68 mill.; de la queue, 6 cent.; du tarse au bout des. doigts, 33 mill.; du bec, 
13 mill.; sa hauteur, 3 1/2 mill.; circonférence du corps, 8 cent. 

Mäle. Sur la tête des plumes longues, effilées, jaunâtres, dont chacune est pourvue, 
sur sa longueur, d’une tache noire; dessus gris roussätre, passant au brun sur le der- 
rière du col, et au roux au bas du dos; gorge et devant du cou blancs; poitrine, ventre 
et flancs gris-brun. Tectrices supérieures de l’aile, de la queue et rectrices d’un beau 
roux vif, tectrices inférieures de l'aile blanchàâtres; un large sourcil blanc sur chaque 
œil; une ligne grisàtre prend à la commissure du bec, traverse les yeux et se prolonge 
sur les oreilles, qui sont variées de roux et de brun; rémiges noirâtres, bordées exté- 
rieurement de brun clair. 

Le jeune ne diffère du mâle adulte qu’en ce qu'il a le dessus de la tête brun, les 
taches longitudinales à peine marquées et les plumes de cette partie moins allongées. 

Nous avons rencontré cette espèce d’abord au sud de la province de Corrientes (répu- 
blique Argentine), en hiver; puis sur les vallées du Haut-Pérou, aux environs de Cocha- 
bamba et à Valle grande, à une hauteur de plus de 2,000 mètres au-dessus du niveau de la 
mer, ce qui amenait une température à peu près semblable à celle du 29. degré de latitude 
sud , où nous l’avions observée primitivement. Partout elle paraïit très-rare, se tient près 
des buissons et des grandes plantes qui avoisinent les petits cours d’eau. Presque tou- 
jours isolée, on la voit s’enfoncer dans l’intérieur des buissons ou courir autour; mais, 
entend-elle quelque bruit ? elle s’y cache de suite et ne reparait que lorsque ses craintes 
sont calmées. En marchant, elle relève constamment la queue et montre beaucoup de 
vivacité. Elle se nourrit de petits insectes. 


SYNALLAXE À COIFFE BLANCHE, Synallaxis albiceps, Nob. 
Oiseaux, pl. XVI, fig. 2. 
Synallaxis albiceps, d'Orb. et Lafresn., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 23,n. 7. 


$. suprà cinnamomeus; uropygio olivascente; pileo albo, albidine super collum extensä; 
collo fusco-grisescente; genis superciliisque usque ad nucham nigrescentibus ; alis 


IV: Où. LS 1 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
Teaux. 


(242 ) 
caudäque rufis ; remigibus pogonio externo fusco nigris; subtüs totus fusco-griseus, 
hypocondriis parum rufescentibus; caud& mediocri, rectricibus gradatis. 


Sur le vivant. Bec noiratre en dessus, bleuâtre en dessous; yeux rouge carmin; pieds 
verdâtres, pointe des ongles jaune. Longueur totale, 16 cent.; du vol, 20 1/2 cent.; du 
pli de l’aile à son extrémité, 63 mill.; de la queue, 60 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 40 mill.; du doigt du milieu, 20 mill.; du bec, 13 mill.; sa hauteur, 4 mill.; 
circonférence du corps, 9 1/2 cent. 

Dessus de la tête blanc, quelquefois teinté d’un peu de roux au front, mais d’une 
couleur pure, en s'étendant sur la nuque; du noirâtre circonscrit le blanc, entoure les 
yeux et couvre les oreilles; gorge, col et poitrine gris-bleuâtre foncé; ventre, flancs et 
derrière brun-verdätre pale; haut du dos, couvertures supérieures de l'aile et queue 
d’un beau roux vif; rémiges noirätres à la barbe interne, bordées, des deux côtés, de 
roux clair; tectrices inférieures de l'aile roux-jaunâtre clair; rectrices très-étagées, usées 
à leur extrémité; leur tige noire à sa base; ailes courtes, la quatrième rémige la plus 
longue; bec long, arqué, comprimé sur les côtés, sans carène supérieure; narines en 
fentes longitudinales et comme operculées ; tarses forts et courts; doigts robustes, longs, 
à ongles fortement crochus. 

Nous avons rencontré cette charmante espèce dans les ravins boisés des environs du 
village de Capiñata, province de Sicasica , sur le versant oriental des Andes boliviennes, 
à une élévation d'à peu près 2,000 mètres au-dessus du niveau de la mer. Nous l'avons 
toujours aperçue dans les halliers élevés et les plus épais des ravins, se tenant dans le 
fourré et surtout près de terre, sautillant d’une branche à l’autre, restant peu en place, 
et cherchant les insectes dont elle se nourrit. Quelquefois par couples, d’autres fois 
isolée, elle parait préférer les lieux sauvages et éloignés des habitations, et là même 
elle est très-rare. 


SYNALLAXE A COIFFE ENFUMÉE, Synallaxis fuliginiceps, Nob. 
Oiseaux, pl. XVII, fig. 1. 
Synallaxis fuliginiceps , d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 23, n.° 8. 


S. suprà rufescente-griseus; uropygio pallidè rufescenti; pileo cristato, fumigato ; 
remigibus nigris, primaris basi ad medium tantummodd, secundaris toto extüs 
margine Cinnamomets. Caudä elongat, apice acutd ; rectricibus rufis, SCapo nigro 
valdè gradatis, duabus intermediis apice angustatis, in medio nigro striatis; subtus 
totus pallidè murinus; guld albescente; ano rufescente ; rostro minuto. 


Sur le vivant. Bec corné; pieds vert jaunâtre; yeux brun-roux. Longueur totale, 
17 cent.; du vol, 20 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 64 mill.; de la queue, 
9 cent.; du tarse au bout des doigts, 35 mill.; du bec, 8 mill.; sa hauteur 21/2 mill.; 
circonférence du corps, 8 1/2 cent. 

Adulte. Dessus de la tête couvert de plumes longues, sans être effilées, d’une couleur 


(243) 

enfumée, brun-roux; les parties supérieures, d’abord grisätres, teintées de roux sur le 
cou, se teintent, de plus en plus, de la mème couleur, jusqu’au croupion, qui est 
d’un roux très-pur; dessous gris, plus saturé de roussätre vers le bas-ventre et 
vers les couvertures inférieures des rectrices; queue très-longue, fortement étagée, 
roux pâle; les rectrices inférieures très-courtes , les deux intermédiaires très-longues, 
aiguës, rousses, leurs tiges noires; yeux entourés d’une teinte gris blanchâtre; tectrices 
supérieures des rémiges brunes, bordées de roux, les inférieures roux päle; rémiges 
primaires noiratres, bordées de roux à leur base interne et externe; rémiges secondaires 
rousses, ayant sur le milieu une large tache noiràtre, qui continue jusqu’à l'extrémité. 
Bec très-court, comprimé, grêle, légèrement arqué; tarses et doigts médiocres; ongles 
arqués, de moyenne force. 

Cette espèce ne nous a montré aucune variété d'age ni de sexe; seulement les jeunes 
de l’année sont d’une couleur beaucoup plus terne. Nous l’avons rencontrée sur le ver- 
sant oriental des Andes boliviennes, au 16.° degré de latitude sud , tant aux environs 
du bourg d’Enquisivi (province de Sicasica), que près de Valle grande, toujours dans 
une limite de hauteur comprise entre 1,700 à 2,700 mètres au-dessus du niveau de la 
mer. Elle est assez rare et se tient dans les ravins couverts de buissons épars, voisins 
des eaux. On la voit sautiller avec vitesse aux environs, en relevant souvent, presque 
perpendiculairement , la queue; mais, à la moindre crainte, s’allant cacher au plus épais 
des halliers, d’où il est bien difficile de la faire sortir; alors elle vole au rez de terre, 
jusqu’au buisson voisin. Elle se nourrit d'insectes. 


SYNALLAXE ÆGYTHALOÏDE, Synallaxis ægythaloides, Kititz. 


Synallaxis ægythaloides, Kittlitz, Mém. des sc. de S. Pétersb. (1830), pl. 7; id., d'Orb. et 
Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 23, n. 9. 


S. suprà rufescente-griseus; pileo rufo nigro striato, striisque albis post nucham torque, 
Jormibus; alis fusco-nigris ; tectricibus ferè totis, remigibus primariüs basi usque 
ad medium margine cinnamomeis; caud& nigrd, valdè gradatd, rectricibus apice 
acutis, margine extüs albo, griseis, primd laterali brevissimd duabus intermediis 
longè cæteras superantibus ; supercilis à naribus ad nucham extensis, gutture 
albis ; genis collique lateribus maculis albis fuscisque variatis ; pectore abdomineque 
medio griseis; hypocondriis anoque parum rufescentibus ; rostro breviore quam in 
omnibus cæteris, recto compressiusculo ; digitis unguiculisque brevibus et fortibus. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs; yeux bruns. Longueur totale, 16 cent.; vol, 18 cent.; 
du pli de l'aile à son extrémité, 6 cent.; queue, 8 à 10 cent.; du bec, 7 mill.; circon- 
férence du corps, 7 cent. 

Cette petite espèce, comme les autres Synallaxes, ne nous a pas offert de variétés 
d’âge ni de sexe, mais seulement des variétés locales. Les individus recueillis en Pata- 
gonie, au Chili et sur la côte du Pérou, sont constamment plus petits, d’une teinte très- 
claire, tandis que les individus pris sur les Andes chiliennes et ceux des Andes boli- 


Passe- 
reaux. 


(24) 


Pase- viennes sont toujours plus grands et fortement saturés d’une teinte roussâtre, répandue 


Treaux. 


sur toutes les parties du corps et principalement sous le corps; ils montrent néanmoins 
les mêmes distributions de teintes et les mêmes caractères de formes. 

Cette jolie petite espèce se rencontre sur une surface immense de l'Amérique méridio- 
nale : nous l'avons d’abord vue sur les rives du Rio negro en Patagonie, au 41.° degré 
de latitude sud. Nous l'avons retrouvée sur le versant opposé des Andes, tant aux envi- 
rons de Valparaiso au Chili, que sur les montagnes jusqu’à Santiago; elle s’est montrée 
encore à nous aux environs du port de Cobija; puis, et même très-commune, au 15 
degré de latitude, sur les plateaux des Andes boliviennes, jusqu’à la hauteur de 4,000 
mètres au-dessus du niveau de la mer; ainsi l’on doit supposer que, sur le versant 
oriental des Andes, elle suit, de la Patagonie jusqu'aux environs de la Paz en Bolivia, 
la zone d’élévation qui amène les mêmes circonstances locales, en s’élevant, de plus en 
plus, jusqu’à la zone torride; ce qu’elle fait encore à peu près sur le versant opposé, 
circonstance parfaitement d'accord avec ce que nous avons dit, aux généralités, des modi- 
fications apportées par l'élévation dans toute la nature animée. 

Sédentaire en tous les lieux qu’elle habite, on la voit, toute l’année, sur les petits 
buissons des coteaux arides et secs, sautiller d’une branche à l’autre, avec une extrême 
agilité, les parcourant ainsi en tous sens; puis les abandonner, pour voler, non sans 
peine, à cause de sa longue queue, jusqu’au buisson le plus voisin, où elle recommence, 
tout en cherchant les petits insectes dont elle se nourrit, et faisant entendre un sifflement 
perçant, qui paraît être plutôt d'habitude que de rappel, entre les divers individus 
répandus dans la même contrée. Toujours seule, elle parcourt ainsi tout le pays, en 
changeant, à chaque instant, de place, sans jamais paraître s'inquiéter de ce qui l’en- 
toure. Elle se tient particulièrement dans l'intérieur des arbustes, même les plus bas, 
s’y cramponnant comme les Mésanges, avec lesquelles elle a beaucoup d’analogie pour les 
mœurs. Elle ne descend pas à terre dans les lieux où il y a des buissons; mais à Cobija, 
où nous l'avons aussi rencontrée, comme il n’y a pas du tout de végétation, elle suit 
le bord de la mer, entre les rochers. 

En Patagonie, elle s’accouple au mois de Septembre et niche au milieu des buissons, 
qu’elle fréquente le reste de l’année; son nid, construit de mousse et de petites racines, 
est placé au plus épais des halliers. 


SYNALLAXE À TÈTE BLANCHE, Synallaxis leucocephalus, Nob. 
Synallaxis leucocephala, d'Orb., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 24, n.° 10. 
$. subiüs rufus, infrà brunneo-rufescens; capite suprà albido ; caudd elongatä. 


Dans les environs du Carmen en Patagonie, sur les coteaux du Rio negro, à l'instant 
des plus grands froids de l'hiver, nous avons vu, sur les buissons, deux individus d’une 
charmante espèce de Synallaxe, facile à distinguer, par ses teintes, des espèces voisines; 
mais, comme dans le moment où nous l’avons aperçue, nous n’étions point armé, force 
nous fut de les suivre long-temps des yeux et de très-près, tandis qu'ils sauüllaient au 


(245) 
sein des buissons, comme ceux de l'espèce précédente, sans pouvoir toutefois les joindre 
à notre collection. La taille de cette espèce est un peu plus’ grande que celle du Synal- 
laxis ægythaloides ; dont elle se rapproche aussi par ses formes et par sa longue queue; 
sa couleur est rousse, un peu teintée de brun en dessus et sa tête d’un beau blanc. 


SYNALLAXE HUMICOLE, Synallaxis humicola , Kittlitz. 
Oiseaux, pl. XVII, fig. 2. 


Synallaxis humicola, Kitlitz, Mém. des sav. de S. Pétersb. (1830), pl. 6; id., d'Orb. et Lafr., 
Syn., Mag. de zool. (1836), p. 24. 


S. suprà griseo-rufescens; pileo obscuriore, uropygio cinnamomeo; alis nigris, tec- 
tricibus remigibusque secundariis margine latè rufis; caudd atrd, rectricibus omni- 
bus basi, lateribus margine extüs cinnamomeis; subtüs sordidè albus, hypocon- 
driis anoque rufis ; pennis gularibus, basi cinnamomeis, apice tantummodo albis ; 


TOSirO COrre0. 


Sur le vivant. Bec bleuàtre; yeux brun-roux; pieds bleus. Longueur totale, 16 1/2 cent.; 
de la queue, 6 cent.; du vol, 21 1/2 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 6 cent.; du 
bec, 1 cent.; sa hauteur, 4 mill.; du tarse au bout des doigts, 4 cent.; circonférence 
du corps, 10 cent. 

Cette espèce est encore du nombre de celles qui se trouvent sur une grande surface 
du continent américain, et qui suivent en tout les lois de distribution que nous avons 
établies aux généralités sur les Passereaux. Nous l’avons rencontrée, en hiver seule- 
ment, aux environs de Corrientes. Cette circonstance nous a fait penser qu’elle descen- 
dait alors des montagnes du versant oriental des Andes; elle se trouve aussi au Chili, 
dans les environs de Valparaiso, au 33.° degré de latitude sud; et là, habite le niveau 
de la mer. La loi des vraisemblances devait nous la faire rencontrer sur les Andes, dans 
notre seconde zone d'habitation ou dans Ja zone comprise entre 1,700 et 3,700 mètres 
au-dessus du niveau des mers, au 16° degré de latitude, ce qui est arrivé; car elle 
est, en effet, très-commune dans le ravin de la Paz, dans la vallée de Cochabamba, 
aux environs de Palca, province d’Ayupaya, dans la république de Bolivia; ainsi, en 
latitude, elle paraît habiter du 27. au 33.° degré, et en hauteur, de 5,000 à 11,000 
pieds (ou de 1,700 à 3,700 mètres) au-dessus du niveau des mers, sous la zone torride. 

Elle est buissonnière par excellence et ne va jamais dans les bois, tandis qu’elle se 
trouve à sa convenance dans les lieux où les coteaux sont couverts seulement de petits 
buissons, et principalement près des ruisseaux. Là, tantôt enfoncée au plus épais des 
fourrés, elle sautille, de branche en branche, surtout sur les plus basses, cherchant les 
insectes qui font la base de sa nourriture; tantôt elle court rapidement autour de ces 
mêmes buissons, relevant, de temps en temps, sa queue dans la direction perpendi- 
culaire; mais, entend-elle du bruit? elle va se cacher dans un buisson ou s'envole au 
rez de terre, d’une manière lourde, fournissant à peine une carrière d’une cinquan- 


taine de pas, pour se réfugier dans un autre fourré. Nous l'avons toujours vue isolée. 


Passe- 
Teaux. 


Passe- 
reaux. 


( 246 ) 


SYNALLAXE CHICLI, Synallaxis ruficapilla, Vieill. 


Cola aguda chicli, Azara, Apunt. de los Pax., t. W, p. 266, n° 236; Synallaxis ruficapilla, 
Vieill., Dict.,t. 32, p. 810; Enc. méth., t. 2, p. 622 ; Synallaxis albescens, Temm., PI. col., 
227, fig. 2; Sphænura ruficeps, Licht., Doubl.,p. 42,n.° 463; Parulus ruficeps, Spix, pl. 86; 
Synallaxis cinereus, Prince Max., Beitr., t. TT, p. 686 , n° 13 Vieill., Dict., t. 28, p. 474, 
et Encycl., t. IT, p. 497 ; d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 24, n°11. 


S. fronte fuscus ; vertice, tectricibus alarum superioribus cinnamomeis; caudd cas- 
taneo-cinnamomed ; corpore suprà fusco-rufescente, abdomine schistaceo ; hypo- 
condriis olivaceis ; gutture nigro, albo punctato; cauda elongatd, gradatd, dilutiore. 


Sur le vivant. Bec noir en dessus, bleuâtre à la base; yeux gris-roux; pieds verdà- 
tres. Longueur totale, 15 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 
73 mill.; du bec, 10 mill. ; sa hauteur, 4 mill. 

Nous avons été à portée d'examiner et de comparer entr'eux un très-grand nombre 
d'individus de cette espèce, et jamais nous n'avons remarqué que la gorge fût, comme 
le dit M. Lichtenstein, entièrement blanche; elle est toujours noir bleuâtre, avec l’extré- 
mité des plumes blanchâtre, mais seulement l'extrémité; et, bien loin que les jeunes 
aient plus de noir, nous croyons, au contraire, que les adultes en ont davantage; car, 
d’après l'inspection de leur intérieur, nous les avons toujours reconnus comme mäles, 
tandis que les femelles avaient beaucoup plus de blanc. Les jeunes de l’année ont toutes 
les parties supérieures uniformes, olivätres et la gorge presque blanche. Ils ne prennent 
qu’à la première année les plumes rousses du dessus de la tête et des couvertures supé- 
rieures de l'aile. 

Un individu, que nous avons tué dans la république de Bolivia, est d’une taille 
beaucoup plus grande (longueur totale, 20 1/2 centimètres, et 9 centimètres pour la 
queue). IL présente la même distribution de teinte, et diffère des autres : 1.° en ce que 
le roux de sa tête est beaucoup plus vif et s'étend sur les parties supérieures du cou; 
2. par le roux plus pâle des tectrices des ailes; 3.° par la queue également roux clair 
et beaucoup plus longue que chez les autres. Représenterait-il une race plus grande? 
une espèce distincte ? Nous pencherions pour cette hypothèse; et si notre opinion paraît 
fondée, nous nommerions cette espèce Synallaxis Azaræ, a dédiant à l’illustre observateur, 
à qui la science doit tant. 

Nous avons rencontré cette espèce, en hiver, aux environs de Corrientes, au 28. 
degré sud; puis toujours sur le versant oriental des Andes boliviennes, dans les limites 
inférieures de notre IL. zone d’élévation, c’est-à-dire de 2,700 à 3,000 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, aux environs de Carcuata (Yungas), d’'Enquisivi (province de 
Sicasica), à Chaluani, province de Mizqué; mais nous l’avons aussi rencontrée dans les 
plaines de la province de Moxos, ce qui lui donnerait des limites d'habitation très-éten- 
dues. Elle se tient toujours dans les petits buissons, et s’y fait entendre plutôt qu’aper- 
cevoir; car, tout en sautillant au plus épais des halliers, sur les branches les plus 


(247) 


rapprochées de terre, elle profère souvent un petit sifflement qu’Azara traduit par 
chicli; elle abandonne pourtant quelquefois son asile; et, dans ces occasions, on la voit 
mener à lerre le même genre de vie que l'espèce précédente. Vive à l'excès, à peine les 
yeux peuvent-ils la suivre dans ses mouvemens; aussi, quoiqu’elle soit partout com- 
mune, a-t-on beaucoup de peine à se la procurer. 


SYNALLAXIS DE MAXIMILIEN, Synallaxis Maximiliant, Nob.1 
Oiseaux, pl. XV, fig. 1. 


Cola aguda pardo de collar negro, Azara, Apunt. de los Pax., t. ,p. 264,n. 235; Vieill., 
Dict., t. 28, p. 474, et Encycl. méth., t. Il, p. 4973 Synallaxis torquata, d'Orb. et Lafr., 
Syn., Mag. de zool. (1836),p. 26, n.° 14. 


S. superciliis albo-flavescentibus, capitis lateribus nigris; gutture flavescente ; corpore 
suprà brunneo-viridescente ; interscapulariis basi albis ; subtüs rufus ; torque nigro. 


Sur le vivant. Bec noirâtre en dessus, bleu à sa base; yeux bleuâtres; pieds rose 
clair. Longueur totale, 16 cent.; vol, 17 cent.; du pli de Paile à son extrémité, 5 cent.; 
de la queue, 54 mill.; du tarse au bout des doigts, 4 cent.; du bec, 1 cent.; sa hau- 
teur, 3 mill.; circonférence du corps, 8 cent.; narines comme operculées. 

Toutes les parties supérieures sont d’un gris-verdätre foncé; la base des plumes inter- 
scapulaires blanche, comme dans les Thamnophilus , et cette teinte bordée de noir; un 
large sourcil blanc, légèrement jaunätre, prend à la narine et s'étend jusqu’au-dessus 
de l’oreille; la gorge et le devant du cou sont de la même teinte; les côtés de la tête 
compris entre le sourcil et la gorge, sont d’un beau noir velouté; un large demi-collier, 
placé à la partie supérieure de la poitrine, sépare le jaune de la gorge du roux foncé 
qui colore toutes les parties inférieures; pli de Paile varié de noir et de gris, les deux 
plumes du point de l'aile noires, extérieurement bordées de blanc. 

Cette charmante espèce a été rencontrée, par Azara, au Paraguay; nous ne l’avons 
vue qu'au sommet d’une montagne (celle du Biscachal), aux environs du village de 
Carcuata, province de Yungas, sur le versant oriental des Andes boliviennes, à 2,000 
mètres environ au-dessus du niveau de la mer. Elle se tient sur les parties dépourvues 
de bois, sur les grandes herbes, où elle sautillait de branche en branche, se cachant 
souvent au rez de terre. 

IL est évident que cette espèce, ainsi que la suivante, tout en ayant réellement les 
mœurs des Synallaxes, a aussi beaucoup de rapports avec certaines petites espèces de 


1. Nous avions désigné cette espèce sous le nom de $. torquata, ne ayant pas reconnue dans 
celle qui porte ce nom, dans l’ouvrage du Prince Maximilien de Neuwied ; mais, après nous être 
aperçu que C’élait l’espèce suivante que décrivait ce savant, nous avons rétabli là dénomination 
de celle-ci, décrite par Azara et que le Prince rapporte, avec doute, à son espèce, dont elle est 
différente, nous nous empressons de la lui dédier, comme une marque de la haute estime que 


nous professons pour ses utiles travaux. 


Passe- 
Taux. 


Passe- 
reaux. 


( 248 ) 
Thamnophiles, par la base blanche de ses plumes interscapulaires, par ses plumes coccy- 


giennes lâches, et même par son bec légèrement crochu, plus fort que chez les autres 
Synallaxes. 


SYNALLAXE À COLLIER, Synallaxis torquatus, Prince Max. 
Oiseaux, pl. XV, fig. 2. 


Synallaxis torquatus, prince Max., Beitr., t. TT, p. 697; Synallaxis bitorquata, d'Orb. et 
Lafr., Syn., Mag. de zool. (1836), p. 24, n° 12. 


S. capite suprà brunneo, superciliis albido-flavis, subtüs nigro marginatis ; hocce colore 
auribus circuituque oculorum maculatis ; gutture et parte inferiori rufis; duplici 
torque albido nigroque; rectricibus, remigiis et dorso brunneis; uropygio atque 
collo superiore rufis. 

Sur le vivant. Bec bleuâtre; yeux rouges; tarse rose-jaune. Longueur totale, 16 1/2 
cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 62 mill.; du tarse au bout 


des doigts, 38 mill.; du bec, {1 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 3 1/2 mill.; cir- 


conférence du corps, 9 cent. 

Dessus de la tête et du corps, gris-brun; un sourcil blanc passe sur l'œil et s'étend 
sur les côtés et sur le dessus du col, où il est formé de taches de cette couleur, cir- 
conscrites de noir, comme une ligne qui l'accompagne supérieurement. Une large bande 
noir velouté prend à la base de la mandibule, traverse les yeux et couvre les oreilles; 
gorge, devant du col et parties inférieures roux très-clair; sur le devant du col un 
double collier blanc en dessus et noir sur le côté; un large collier roux vif; queue 
longue, grèle, roux-brun; rémiges brun-roux, bordées extérieurement de roux; les 
petites couvertures noires, bordées de blanc; la base des plumes du haut du dos blanc 
brillant; le croupion roux. 

Nous avions d’abord considéré cette espèce comme une variété de la précédente; mais 
une comparaison scrupuleuse nous a, pour ainsi dire, convaincu que ce devait être une 
espèce différente; car, non-seulement elle en diffère par des teintes toujours distinctes, 
comme le double collier, la teinte uniforme et beaucoup plus pâle des parties inférieures, 
au lieu des teintes tranchées de l’autre espèce; par le collier roux supérieur, qui n'existe 
point dans la première espèce; par son croupion roux, au lieu d’être brun-gris; ainsi 
que par bien d’autres détails; mais elle en diffère encore par sa queue longue, grêle, 
tandis qu’elle est large dans le $. orquatus, et par son bec, qui, bien que de la même 
forme, nous a toujours paru plus petit. On voit donc que, malgré les rapports de forme 
qui existent entre cette espèce et la précédente, nous pouvons les considérer comme 
n'étant pas du tout les mêmes. 

Nous avons rencontré ce Synallaxe au centre de l'Amérique méridionale, dans la pro- 
vince de Chiquitos en Bolivia, principalement aux environs de la Mission de Concepcion. 
Il se tient presque toujours dans la campagne découverte, au sein des grandes plantes 
et même à terre, où il est d'autant plus difficile de l’apercevoir, qu’il s’y cache constam- 
ment au milieu des fourrés. Il y est toujours rare. 


ANA 


(249 ) 


N° 128. SYNALLAXE PATAGON, Synallaxis patagonica , Nob. 


S. suprà griseo-fuliginescente; capite suprà brunneo; gutture et antice collo, griseo- 
albescente ; abdomine crissoque rufescentibus; rectricibus fuscis, fuligine limbatis ; 
caud@ nigrd, gradatä; rectricibus rufo-limbatis. 


Sur le vivant. Yeux brun-vert pale; bec noir en dessus, bleu en dessous; pieds bruns. 
Longueur totale, 15 cent.; de la queue, 5 cent.; du vol, 19 cent.; du pli de laile à son 
extrémité, 55 mill.; du tarse au bout des doigts, 34 mill.; du doigt du milieu, 26 
mill.; du bec, 9 mill.; sa hauteur, 5 mill.; sa largeur à la base, 2 1/2 mill.; circonfé- 
rence du corps, 8 cent. 

Bec droit, court, un peu courbé , fortement comprimé, sans dents bien marquées ; 
ailes courtes, la troisième rémige la plus longue; queue large, assez longue, un peu 
étagée, fortement usée à son extrémité, qui forme une pointe arrondie. Dessus de la 
tête brun-roux; toutes les parties supérieures gris fuligineux uniforme; gorge et devant 
du cou gris blanchâtre ; la base des plumes noirâtre, ce qui ne s’aperçoit qu’en les rele- 
vant; poitrine gris-roux, passant par gradation au roux vif, qui colore le bas-ventre 
et les tectrices inférieures de la queue; cette mème couleur se remarque sur les cou- 
vertures inférieures des rémiges. Ailes brun noirâtre; la barbe extérieure de chaque 
penne bordée de roussâtre. Queue noire; les deux rectrices supérieures brun-roux à leur 
base; les rectrices latérales bordées extérieurement de roux vif. 

Nous n’avons rencontré cette espèce que sur les coteaux des rives du Rio Negro en 
Patagonie, où, quoique très-rare, elle séjourne toute l’année; isolée, elle se tient 
sur les buissons, même sur ceux qui avoisinent les habitations; et là, sautille conti- 
nuellement d’une branche à l’autre, cherchant les petits insectes dont elle se nourrit, 
sans descendre à terre; du moins ne l’y avons-nous jamais vue. Son vol est court, et 
ses manières, quoique vives, le sont beaucoup moins que celles des espèces précé- 
dentes. 


Gexre FOURNIER, Furnarius, Vielll. 
Opetiorkynchos, Temm.; Figulus, Spix; Merops, Linn. 


Dans ce genre nous ne réunissons point, comme Vieillot, le véritable 
Fournier, qui fait son nid en terre, aux Ænumbius, plus buissonniers, qui 
construisent le leur avec des épines; nous sommes loin aussi d'y joindre, 
comme le font MM. Temminck et Lesson, des oiseaux purement marcheurs, 
dont les habitudes, si différentes des Fourniers, nous ont déterminé à former 
le genre Æuppucerthia. En effet, les mœurs de loiseau qui nous occupe ne 
permettent, en aucune manière, ainsi que nous le prouverons plus tard, de le 
placer avec ceux-ci. Nous ne classons dans le genre Furnarius que la seule 


IV. Ois. 


[ea] 


2 


Passe- 
reaux. 


( 250 ) 


Passe espèce qui se construit un nid en terre, espèce caractérisée, en outre, par son 


reaux, 


bec assez long, courbé, un peu élargi à sa base, comprimé, à bords lisses, 
à arête arrondie; par ses ailes médiocres, sa queue peu longue, presqu’égale; 
par les plumes de sa tête allongées ou acuminées; par ses habitudes mar- 
cheuses et percheuses à la fois; par son chant composé de gammes chro- 
matiques sonores, par sa grande familiarité; caractères que nous rencontrons 
en partie chez les Ænumbius, mais qu'on ne trouve point chez les Æup- 
pucerthia aux mœurs sauvages, aux habitudes purement marcheuses, et 
auxquelles tout chant harmonieux est étranger. | 


N.° 129. FOURNIER ROUX, Furnarius rufus, Vieill. 
Oiseaux, pl. LV, fig. 2 (son nid). 

Merops rufus, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 465, n° 20; Fournier, Buff., Enl., 739; Hornero, 
Az., 1805, Apunt. para la hist. de los Paxar., t. 2, p. 221, n° 221; Furnarius rufus, 
Vieill., 1823, Enc., t. 2, p. 513; Turdus badius, Licht., 1823, Doubl., p. 40, n° 451; 
Figulus albogularis, Spix, 1824, Av., t. 78; Opetiorhynchus rufus, Prince Max., 1831,t.3, 
p. 667; Furnarius rufus, d'Orb. et Lafresn., Synopsis. 


F° cauda, remigibusque secundariis cinnamomeis, primoribus fuscis, subtùs diluté 
ferrugineis ; guld et flexurd alæ albis. ‘ 


Sur le vivant. Bec brun-jaune; yeux aurore, pieds jaunâtres. 

Nous avons rencontré successivement cet oiseau à l'embouchure de la Plata, à Buenos- 
Ayres, à Corrientes, à la frontière du Paraguay; à Chiquitos, à Santa-Cruz de la Sierra, 
dans les plaines du centre de la Bolivia, à Cochabamba, à Valle Grande, sur les contre- 
forts des Andes boliviennes au-dessous de 3,000 mètres d’élévation au-dessus du niveau 
des mers. Comme il a été trouvé au Brésil par MM. Spix, Martius et le prince Maximilien 
de Neuwied , nous croyons pouvoir lui assigner, pour habitation, l’espace compris entre 
les 25 et 35. degrés de latitude sud, nos deux premières zones d’élévation et de 
latitude. 

Depuis les importantes descriptions d’Azara, de M. Spix et du prince Maximilien de 
Neuwied, il reste peu à dire sur les mœurs de cet intéressant animal. Nous devons 
donc nous borner à aflirmer ce que ces savans en ont dit. Le Fournier vit par 
paires dans les environs des lieux habités, au sein même des villes, des villages, plaçant 
son singulier nid sur les églises, sur les barrières et sur les arbres : ce nid, bâti en terre, 
décrit dans l’intérieur deux tours d’une spire, au milieu de laquelle est un lit de plumes 
et d’herbe sèche, où sont déposés des œufs blancs, dont les diamètres sont de 23 et de 
34 millimètres. L'entrée de ce nid étant, comme celle des limaçons, sur le côté, il est 
impossible de toucher les œufs sans le rompre; mais les Fourniers sont amis des 
habitans, et l’on respecte partout leur asile; ce qui ne contribue pas peu à les rendre des 


plus familiers. 


( 251 ) 


Marcheurs et percheurs, on les voit à terre mener le même genre de vie que les 
merles, y courir, y gratter pour y chercher des insectes et des graines; perchés, ils 
sont vifs, gais, aimant autant les murailles que les arbres, et faisant entendre ces 
gammes chromatiques si particulières, que nous ne retrouvons que chez les Anumbis, 
dans lesquelles le mâle chante avec force, en baissant par demi-ton, tandis que, le plus 
souvent, sa femelle répète les mêmes sons à la tierce et bien plus bas. Rien de plus 
curieux que ce couple uni, défendant l'approche de son nid par ses cris, par ses postures 
menaçantes; rien de plus comique que ces petites scènes de jalousie entre le mâle et la 
femelle, lorsque le premier la voit s'approcher des autres oiseaux; ce qui ne les empêche 
pas de faire bon ménage. 

Remarquable par ses habitudes, le Fournier est partout connu des habitans; c’est le 
Casero (faiseur de case) des habitans de Santa-Fe, république Argentine; lÆornero 
(le Fournier) des Espagnols; le Fornero des Brésiliens; l’Æoncito garsia des Correntinos; 
le Ziluchi des habitans de Santa-Cruz de la Sierra. Il a aussi des dénominations propres 
dans les langues indigènes. C’est en mbocobi, Sotare-conec; en chiquito, Poychch; en 
guarañdca, Asabio; en samucu, Tochihuap; en otukè, Xekihi; en morotoca, Xichabeta ; 
en saraveca, Caanapare; en kitemoca, Tucham; en cuciquia, Ofauma (Otaouma); en 
paunaca, Mocha; en païconéca, Moseren; en guarayo, Ayumbi; en chapacura, Chucchure ; 
en muchojéone, /sisi; en itonama, 70k1; en cayuvava, Tutu (Toutou); en iten, Capare ; 
en pacaguara, /sapistia ; en movima, Tititi; en moxo, Chikeo ; en canichana, Michinichijle. 
Plusieurs de ces dénominations sont des imitations de son chant. 


Gevre ANUÜMBI, Ænumbius, Nob. 


Anumbi, Azara; Furnarius, Viaillot; Anabates, Spix; Sphænura, Licht.; Malurus, Swains. 


Nous réunissons sous ce nom des oiseaux ayant le chant par gammes 
des Fourniers, leurs habitudes sédentaires, leur démarche, leur vol, leur 
forme de bec, quoique moins long; mais s’en distinguant par ce qu'ils sont 
plus percheurs, qu'ils pénètrent plus dans les halliers, et que leur nid 
non moins remarquable, suspendu aux branches des arbres, est composé d’un 
très-grand amas d’épines, artistement enlacées, qui laissent dans l’intérieur 
deux compartimens communiquant entr’eux par un corridor tortueux. Ils 
different encore zoologiquement par une queue longue, très-étagée, comme 
celle de certains synallaxes ; par des ailes plus courtes, des tarses plus robustes, 
moins longs; par les plumes du front plus effilées encore; par les ongles plus 
aigus. 

On peut dire, en résumé, que les Ænumbius sont des Fourniers plus buis- 
sonniers, ayant un nid différent, nous représentant les coutumes des Synal- 
laxes et des Anabates surtout, dont ils se distinguent néanmoins par quelques 


Passe- 
Teaux. 


PS 


( 252 ) 


Passe différences zoologiques, par leur mode de nidification et par leur chant. Les 


T€AUX. 


analogies de leurs mœurs avec celles des Synallaxis, et leur voix sonore 
comme celle des Triothorus, nous ont déterminé à les placer à la suite des 
Sylvidées, en les enlevant aux Ténuirostres, parmi lesquels on ne trouve 
aucun oiseau chanteur. 

Comme on le verra par les espèces, les Ænumbius sont des oiseaux propres, 
dans l'Amérique méridionale, à toutes les régions, à toutes les zones de 
hauteur, puisque nous en trouvons depuis le 11° jusqu’au 41. degré sud, 
et depuis le niveau de la mer jusqu'aux plateaux élevés des Andes. 

Nous en connaissons déjà six espèces, réunissant tous les caractères géné- 
raux que nous avons indiqués. 


N.° 130. ANUMBI ANTHOÏDE, Anumbius anthoides, Nob. 


Añumbi, Azara, 1805, Apunt. de los Pax.,t. 2, p. 226, n° 222; Furnarius Anumbi, Vieill., 
Dict. d'hist. nat., t. 12, p. 117, et 1823, Enc., t. 2, p. 514; Ænthus acuticaudatus ? Less., 
1831, Trait., p. 4243 Anumbius anthoides, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. 


A. suprà murino rufescens, pileo brunneo, pennis verticis et dorsi supremi in medio 
nigro-fuscis ; loris vittäque superciliari à naribus ad nucham, ochraceo albescen- 
tibus , infräque maculd paroticd brunned. Alæ rufescentes, remigibus intus fusco- 
nigris , extüs pallidé rufis. Caud& angustd, valdè gradaitd; rectricibus apice intus 
angustatis et parum acuminatis, omnibus, duabus intermediis exceptis, basi fusco- 
nigris, apice albis ; intermediis rufescenté-fuscis. Subtüs totus ochraceo albescens, 
pectore et hypocondriis parum obscurioribus; mento guttureque pure albis, hoc 
albid& lineä punctis nigris à rictu ad pectus protensd lateraliter circumdato. 


Sur le vivant. Bec brun-roux, pieds rosés, yeux roux. Longueur totale, 18 à 19 cent.; 
de la queue, 8 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 9 cent.; du bec, 13 mill.; circon- 
férence du corps, 12 cent. 

Les seules variétés que nous ayons vues se bornent à une teinte plus ou moins 
claire en dessus et en dessous, ce que nous croyons pouvoir attribuer à l'instant plus 
ou moins éloigné de la mue; il en est de même d’une teinte plus ou moins rousse du 
front; du reste, on ne remarque aucune variété d'âge ni de sexe. 

Nous avons observé cette espèce sur les rives du Rio Negro et près de la baie 
San-Blas en Patagonie. On la rencontre fréquemment dans toute la Banda oriental de 
la Plata, aux environs de Montevideo et de Maldonado, et de là jusqu’à la frontière 
du Paraguay, c'est-à-dire du 28.° au 41.° degré de latitude sud, où partout elle est 
également commune et sédentaire. 

Azara le premier a parfaitement décrit ses mœurs remarquables, que nous avons 
également observées avec soin. On la trouve toujours par paires au sein des bois de 


( 253 ) 

mimoses ou à la lisière des halliers; là, toute l’année elle se perche non loin de son 
énorme nid , sa demeure habituelle, et ne s’en éloigne que pour chercher sa nourriture 
el y revenir ensuite, défendant avec courage l'approche de cette demeure contre les 
autres oiseaux, qu'elle attaque alors sans réserve et sans s'inquiéter de leur grosseur. 
On ne peut plus familiers, les Anumbis anthoïdes vivent souvent tout près des mai- 
sons champêtres, et même on aurait lieu de croire qu'ils préfèrent ce voisinage ; 
néanmoins nous en avons quelquefois trouvé près des eaux, en des lieux sauvages. 

Perchés, leur posture est menaçante et animée comme celle des Fourniers : c’est 
alors que le màle commence une gamme chromatique des plus sonore et baissant d’un 
demi-ton ; chant dont la femelle répète les dernières syllabes, à peu près comme 
le Fournier. Lorsqu'ils volent, ce n’est que pour aller d’un buisson à l’autre et par sac- 
cades, se poser sur le point le plus élevé. Souvent on les voit à terre marcher d’un pas 
grave et chercher les petits insectes, les vers et les mollusques terrestres, dont ils se 
nourrissent. 

Leur habitation, à laquelle ils travaillent constamment, est placée à l'extrémité des 
branches inclinées des arbres épineux, ou au milieu des buissons isolés. Dans le premier 
cas, ils la construisent souvent au-dessus des eaux , et il n’est pas rare d’en voir deux réunies 
ensemble. Ce domicile ou nid, dans lequel tous les soirs le couple vient dormir, est 
réellement extraordinaire, pour la taille des constructeurs, en ce qu’il a jusqu'à 40 
centimètres de longueur, représentant un ovale allongé, dont la plus grande largeur est 
en bas; son extérieur est protégé par beaucoup de grandes branches d’épines, croisées 
avec un tel art, qu’on ne peut les arracher sans les rompre; l’intérieur, tapissé de 
chiffons, de plumes, de crins et de paille, se compose de deux chambres, dont l’une, 
assez spacieuse, s'ouvre latéralement; dans cette première chambre existe un corridor 
qui, montant d’abord, descend ensuite dans un second appartement, mieux tapissé 
que le premier. Au mois d'Octobre commencent les amours; alors les chansons 
redoublent, et l’on répare mieux encore la demeure, dans laquelle la femelle dépose 
quatre à cinq œufs blancs, dont les diamètres sont 26 et 17 millimètres. Les parens, 
qui ont un soin tout particulier de leur nichée, chassent pourtant leurs petits des envi- 
rons de leur demeure, dès que ceux-ci sont assez forts pour se suffire. 

On ne les élève pas à l’état domestique. Les Guaranis les nomment 4ñumbi ou Guira 
añumbi; mais à Corrientes on les connaît sous le nom de #onzito cercobe. 


N° 131. ANUMBI ROUGE, Anumbius ruber, Nob. 


Aumbi roxo, Azara, 1805; Apunt. de los Pax., t. 2, p. 217, n° 220; Furnarius ruber, 
Vieill., Nouv. Dict. d’hist. nat., t. 12, p. 118, et Tableau encycl., 1823, t. 2, p. 514; 
Anumbius ruber, d'Orb. et Lafr., Syn., Mag. de zool. 


A. suprà totus brunnescens aut rufescente-brunneus; pileo, alis caudäque rufo- 
cinnamomeis ; frontis pileique plumis rigidis apice angustatis et acuminalis , 


Passe- 
Teaux. 


Passe- 
reaux. 


( 254 ) 
illarum scapis lævibus, nitidis ultra apicem earum protensis. Alæ brevissimæ, 
obtusæ, remigibus intus fusco-nigris, apiceque fuscescentibus. Cauda elongata, 
lateribus expansa, laté rufa, rectricum pogoniis utrinque dilatatis, apice latè 
rotundatis. Subtus pallide rufescens, gutture abdomineque medio griseo albescen- 
tibus; pectore hypocondriisque pauld obscurioribus. 


Sur le vivant. Bec brun; pieds rosés; yeux jaune aurore. Longueur totale, 20 à 22 
centimètres; de la queue, 7 centimètres; du bec, 15 millimètres. 

Les seules différences que nous ont présentées les divers individus, consistent en des 
teintes plus ou moins vives, ce qui dépend de l’âge. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la province de Corrientes, république Argen- 
tine, et dans celle de Moxos en Bolivia; Azara l’a observée dans tout le Paraguay; ainsi 
elle habiterait les plaines du 12.° au 28.° degré de latitude sud; nulle part elle n’est 
très-commune. 

Ayant en tout les mœurs de l'espèce précédente, elle vit également par paires et dans 
les mêmes lieux, y est sédentaire, a des mœurs inquiètes pour les autres oiseaux; tout 
en se montrant moins familière avec l’homme, elle a les mêmes allures, le même genre 
de chant cadencé et en gammes, se nourrit de la même manière, pénètre davantage 
dans l’intérieur des buissons et reste peu à terre. Son nid, un peu plus grand, est 
identique, sur les mêmes lieux; et ces oiseaux mettent le même soin dans sa con- 
struction; seulement plusieurs couples vivent souvent les uns près des autres sur la 
même branche, les nids se confondant en une seule masse d’épines. De mème, ils 
nichent aux mois d’Août et de Septembre; leurs œufs, blancs et au nombre de quatre 
à cinq dans les deux espèces, ont 27 et 18 millimètres de diamètre. Leur vol ressem- 
ble un peu à celui des grimpereaux. 

Ils portent, au Paraguay, les mêmes noms que l’espèce précédente. 

Celle-ci se distingue de l’autre par l’absence de stries à la poitrine, par son front, 
qui seul est rouge, au lieu du dessus de la tête tout entier, par sa teinte brune géné- 
rale, et par son bec plus large à l’extrémité. 

Commun au Brésil, où il a été observé par M. Spix et par le prince Maximilien de Neu- 
wied, l'Anumbi rouge se rencontre encore jusque dans la province de Chiquitos, répu- 
blique de Bolivia, où nous l’avons recueilli, quoiqu'il y soit rare : il habiterait ainsi 
toute la largeur du Brésil dans les régions chaudes. IL se tient dans les buissons par 
paires, et y fait entendre ses cadences sonores et souvent répétées, propres à toutes les 
espèces du genre. 


N° 132. ANUMBI À COIFFE STRIÉE, Anumbius striaticeps, Nob. 


Anumbius striaticeps, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 8. 


A. suprà fusco-brunnescenti; uropygio, alæ medio, illius flexurd, caudäque exceptis, 
duabus rectricibus intermediüs rufis ; frontis verticisque plumis acuminatis , rufts, 


( 255 ) 


sed apice puncto minimo argenteo notatis; loris superciliüsque rufescente-albis. 
Subtus sordidè albescens; hypocondriis anoque rufescentibus. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus; yeux rougeàtres, pieds violacés. Longueur totale, 
170 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 72 mill.; de la queue, 61 mill.; du bec, 
13 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 4 mill. 

Parties supérieures, brun foncé olivätre, passant graduellement au roux vif sur le 
croupion; cette dernière couleur colore les rectrices (excepté les deux médianes), et 
l'extrémité de quelques-unes des plus longues, se montre à la base et en bordure aux 
rémiges, ainsi qu'aux petites couvertures supérieures et aux inférieures des ailes. Le 
front et le dessus de la tête sont couverts de plumes étroites, raides, acuminées, rousses, 
terminées thacune par un petit point blanc argenté; joues rousses; sourcils roux, très- 
pales; dessous du corps, blanc grisätre, passant au roux päle sur les flancs et aux 
tectrices inférieures des rectrices. 

Cette espèce diffère des deux précédentes, avec lesquelles elle a beaucoup de rap- 
ports, par les points de sa coiffe, et par une teinte plus foncée en dessus; elle se distingue 
de VA. striaticollis par le manque de stries et par la teinte inférieure toute différente; 
de V4. frontalis, par le roux de sa queue, ainsi que par d’autres détails que fait 
ressortir la comparaison immédiate. 


N° 133. ANUMBI À COU STRIÉ, Anumbius striaticollis, Nob. 
Anumbius striaticollis, d'Orb. et Lafr., Synopsis, 1. 3 


A. pectore toto hypocondriisque rufis, illorum collique plumarum scapis albidis nitidis, 
striam albidam angustissimam formantibus ; alis caudäque, rectricibus duabus 
intermediis fusco-rufescentibus ; pileo rufo-cinnamomeo. 


Sur le vivant. Bec jaunâtre, la mandibule supérieure brune; yeux jaunes, pieds rosés. 
Longueur totale, 85 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 57 mill.; de la queue, 
74 mill.; du bec, 14 mill. 

Dessus de la tête roux vif, chaque plume effilée, ferme et luisante sur son milieu; 
dessus du corps et les deux rectrices supérieures d’un brun-roussàtre uniforme; gorge 
bleu roussâtre, devenant roux clair sur la poitrine et passant au roux-brun sur le 
ventre et les flancs. Chaque plume de la poitrine est marquée, sur le milieu et en long, 
d’une teinte plus claire et brillante, ce qui rend cette partie comme striée; ailes brunes, 
bordées en dedans et en dehors de roux clair; rectrices inférieures roussâtres. 

Cette espèce, bien différente de la précédente par les stries de la poitrine, par moins 
de roux sur la tête, et la queue brune au lieu d’être rousse, s’en distingue encore par 
une taille bien moins grande, par la queue plus arrondie. 

Nous l’avons rencontrée en assez grande abondance aux environs de Montevideo, de 
Maldonado et de Buenos-Ayres, dans les lieux humides, sur les buissons et les arbustes, 
où elle se cache sous les feuilles et vit par paires. Elle a en tout, pour la nidification, 
les mœurs des espèces précédentes. 


Passe_ 
TEAUXe 


—_——_——_ 


Passe- 
reaux. 


( 256 } 


N° 134. ANUMBI À FRONT ROUX, Anumbius frontalis, d'Orb. 


Sphænura frontalis, Licht., 1823, Doubl., p. 42, n° 460; Malurus garrulus, Swains., Zool. 
illust., pl. 138; Anabates rufifrons ? Spix, 1823 , pl. 85-13; Prince Max., 1831, Beitr. von 
Bras., 1. 3,p. 1191; Ænumbius rufifrons , d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 4. 


A. Suprà totus fusco-olivascente unicolor ; fronte rufo-cinnamomeo, plumis rigidis, 
angustatis, acuminatis; stria ante oculos alba, posique vix conspicua, sordide 
pallescente. Subtus griseo-albescens , hypocondris anoque rufescentibus; cauda 
gradata, fusca. 


Sur le vivant. Bec corné, pieds bruns, yeux rougeätres. Longueur totale, 18 cent. ; 
du pli de l'aile à son extrémité, 63 mill.; de la queue, 60 mill.; du bec, 12 mill.; cir- 
conférence du corps, 11 cent. 

Nous avons rencontré cette espèce sur les plateaux des Andes boliviennes, dans la pro- 
vince de Sicasica , à près de 4,000 mètres d’élévation au-dessus du niveau de la mer; elle y 
est rare, s’y lient principalement dans les ravins, seuls endroits où elle trouve les halliers 
ou les buissons nécessaires à sa nidification. Elle a, du reste, les mêmes allures, les 
mêmes habitudes générales, le même chant, le même nid que les autres espèces. Elle 
est toujours rare. 


N.° 135. ANUMBI DES BOIS, Anumbius scolopaceus , Nob. 


Turdus scolopaceus, Licht., 1623, Doubl., p. 39,n.° 444 ; Campylorhynchus scolopaceus, Spix, 
1823, Av., pl. 79, fig. 1; Picolaptes scolopaceus, Lafr., Mag. de zool., p. 46. 


A. suprà fusco-cinereus , pennis margine albo punctatis, vilt& superciliari utrinque 
clbd; subtus albescens ; pectore maculis cordatis ; hypocondriis , femoribus crisso- 
que fasciis fuscis. 


Sur le vivant. Bec corné pâle, yeux rouges ou roux vif; pieds bleuâtres. Longueur 
totale, 20 cent.; du vol, 27 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 85 mill.; de la 
queue, 70 mill.; du bec, 18 mill.; circonférence du corps, 11 cent. 

Les jeunes de l’année manquent des taches de la poitrine, des flancs et des zones 
des couvertures inférieures de la queue; les rémiges et les rectrices sont largement 
bordées de roux clair. 

Cette espèce démontre l'abus des coupes basées sur la seule inspection des caractères 
extérieurs. Il est certain que son bec se rapproche de celui des Picolaptes; mais, en la 
confrontant avec les Fourniers, on y trouve encore plus de rapports, et sa place ne 
peut être pourtant parmi des oiseaux grimpeurs, puisqu'elle ne grimpe jamais (ce dont 
on peut s'assurer par l'inspection des ongles, toujours usés, indiquant un oiseau mar- 
cheur). On doit la placer parmi les 4numbius, dont elle a les mœurs. 


( 257 ) 

Nous l’avons rencontrée au centre de la Bolivia, dans les provinces de Chiquitos, de is 
Santa-Cruz et au pays des Guarayos et des Yuracarès, toujours au sein des bois, mais un 
seulement près des habitations, et par paires unies et sédentaires; elle vit, comme 
les autres, très-familièrement près de l’homme, tout en cherchant souvent querelle 
aux oiseaux qui veulent s'approcher de son domicile. De même si l’un s'envole, l’autre le 
suit. Le mâle, perché toujours sur les grosses branches des arbres, fait entendre ses gammes 
chromatiques; la femelle, non loin de lui, prend l’octave au-dessous, comme les Four- 
niers, pour l'accompagner; et alors, tout à sa chanson favorite, il bat des ailes, mani- 
festant une joie extrême, une incessante vivacité. 

Ces oiseaux se perchent rarement sur les petites branches; ils restent sur les enfour- 
chures des troncs ou sur les grosses branches, ce qui explique pourquoi leurs ongles 
sont usés; car ils ne descendent que très-peu à terre, cherchant sur les arbres leur 
nourriture, qui consiste en insectes. Leur nid est absolument semblable à celui de 
l’Anumbius anthoides, et de mème souvent plusieurs sont réunis. 

Ce qui précède démontre que loiseau qui nous occupe n’a rien des oiseaux grim- 
peurs, tels que les Picucules, les Grimpereaux, les Sittines, etc., tandis qu’au contraire 
il ne peut être séparé des Anumbius. 


Gexre ANABATE, Anabates, Temm. 


Nous ne gardons parmi les Anabates que les oiseaux qui ne grimpent 
pas, renvoyant aux Sittines tous ceux qui y ont été classés d’après la forme 
seule du bec, caractère souvent bien insuflisant et qu’on ne doit jamais employer 
exclusivement; ainsi les oiseaux que nous plaçons dans ce genre tel que 
nous lenvisageons, ont en tout les mœurs des Synallaxis buissonniers et 
des Anumbius, sans rien avoir de commun, dans leurs habitudes, avec les 
Sittines ni avec les Picucules. [ls n’entrent jamais dans les bois et sont essen- 
tiellement buissonniers. Leur bec est long, comprimé, la mandibule supérieure 
plus longue que linférieure; les narines sont en fente et presqu’operculées ; 
les tarses robustes; la queue faible, la troisième penne de Paile la plus longue. 

Nous avons recueilli trois espèces de ce genre, depuis les régions froides 
de la Patagonie jusqu'aux parties les plus chaudes; mais seulement dans les 
plaines et jamais sur les montagnes. 


N° 136. ANABATE A GORGE BICOLORE, A4nabates gutturalis, Nob. 
PLV, fige 3. 
Anabates gutturalis, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 6. 


A. suprà fusco-cinereus , remigibus rectricibusque obscurioribus , pallido marginalis ; 
subtus dorso concolor, sed pallidior; mento gulaque niveis, jugulo schistaceo , 
crisso pulyescente, apice albo. 

IV. oùi:. 


(ei 
ON 


Passe- 
reaux, 


(258 ) 

Sur le vivant. Yeux noir-bleu, bec noir en dessus, bleu à la base en dessous; pieds 
bleus. Longueur totale, 25 cent.; du vol, 34 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 
10 à 11 cent.; de la queue, 9 cent.; du tarse au bout des doigts, 6 cent.; du doigt du 
milieu, 22 mill.; du bec, 23 mill.; sa hauteur à la base, 8 mill.; sa largeur, 6 mill.; 
circonférence du corps, 4 cent. 

Toutes les parties supérieures brun-cendré, beaucoup plus clair en dessous; gorge 
blanche; au-dessous une large tache bleu ardoisé noiràtre; ailes et queue plus foncées 
que le corps, bordées de plus päle; couvertures inférieures de la queue roussâtres, 
terminées de blanc. Formes robustes, tête grosse, couverte de plumes longues, effilées, 
se relevant en huppe; queue longue, peu étagée, chaque rectrice formant une pointe 
sur le côté externe, les barbes étant très-inégales. Aucune variété de sexe. 

Nous avons rencontré cette espèce non loin des rives du Rio Negro en Patagonie, 
dans les lieux couverts de buissons, où elle est sédentaire. Nous avons remarqué qu’elle 
est plus commune dans les environs de la rivière qu'ailleurs, sans doute parce qu’elle 
y trouve plus de buissons épineux, qu’elle paraît préférer aux autres. Sans s’ap- 
procher beaucoup des habitations, elle est néanmoins peu craintive; constamment en 
mouvement, sautant de branche en branche dans l’intérieur des fourrés; descendant 
quelquefois à terre, et y marchant en sautant autour des arbustes, elle ne vole que 
pour franchir un court espace. Elle paraît se nourrir d’insectes et peut-être aussi de 
quelques graines. On la rencontre le plus souvent par troupes de dix à douze individus 
dispersés sur des arbustes voisins, et s’appelant sans cesse par un petit cri; mais, lors- 
qu’elle s’est posée, on la voit relever sa huppe et faire entendre un chant très-sonore, 
assez varié, composé d’un sifflement assez agréable ou de gammes cadencées analogues 
à celles que nous avons signalées parmi les 4numbius et les Furnarius. Des plus que- 
relleuse, elle est également criarde et peu endurante pour les autres oiseaux. 

En résumé, nous ne trouvons rien dans ses mœurs qui rappelle celles des Sittines, 
tandis que tout, au contraire, y est analogue à ce que nous avons dit de quelques 
Synallaxes et des Ænumbius. 


N° 137. ANABATE HUPPÉ, Anabates cristatus, Spix. 
Anabaies crisiatus, Spix, 18, pl. LXXXIV. 


A. suprà cinnamomeus, subtüs uropygioque fusco-rufescens. Capite suprà fusco- 
nigricante. 

Sur le vivant. Les plumes de la tête se relevant en huppe; yeux jaune pâle, pieds 
bruns, bec rembruni. Longueur totale, 27 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 13 
cent.; de la queue, 10 cent. 

Nous avons rencontré une seule fois cette espèce dans les bois d’Espenillards (mimoses 
épineux) des rives du Parana, près de San-Lorenzo, province de Santa-Fe, république 
Argentine; elle sautait de branche en branche, sans rester en place un instant, dans 
les buissons et dans les arbustes, ayant en tout les allures de l’espèce précédente. 


( 259 ) 


N.° 138. ANABATE ROUX, Anabates unirufus, Nob. 
PI. LV, fig. 1. 
A. suprà subtüsque rufus, unicolor; remigibus totis (tertiariis prope dorsum excep- 

Lis) pogonio interno nigris. 

Bec corné, pieds bleuâtres. Longueur totale, 23 cent.; du pli de l'aile à son extré- 
mité, 88 mill.; de la queue, 93 mill.; du bec, 16 mill.; sa largeur, 5 mill.; sa hauteur, 
6 mill. 

Teinte uniforme d’un roux assez vif, plus intense sur la queue et les ailes, plus pâle 
en dessous; teintée de brun au milieu des plumes du dessus de la tête; rémiges noirâtres 
au côté interne et à leur extrémité; les trois secondaires, les plus près du dos exceptées, 
ont la teinte rousse générale. Les plumes du dessus de la tête peuvent se relever en 
huppe; elles sont effilées, mais moins longues que chez les espèces précédentes. Queue 
longue, étagée, large et faible; cependant l'extrémité de chaque rectrice est un peu 
acuminée. 

Nous n’avons rencontré cette espèce qu’une seule fois, sur un arbre épineux, dans 
les plaines de la province de Moxos (Bolivia), près de la mission de Magdalena. Elle nous 
a paru avoir les habitudes des espèces précédentes. 


VI FAMILLE. 
TANAGRIDÉES, T'w4criDx. 


Nous nous dispenserons de rappeler les caractères si connus qui distinguent 
les Tanagridées des familles voisines. Nous ne donnerons pas non plus de 
généralités sur la famille, les mœurs disparates des genres nous obligeant 
à les donner en tête de chaque division. Nous dirons seulement que nos 
observations immédiates sur les habitudes des oiseaux de ce groupe nous les 


ont fait classer ainsi qu'il suit: _. 
des espèces. 

NME Le se Ces «à». 3 

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Phytotoma 4 = +. .". 3 


Passe- 
reaux. 


——— 


Passe- 
reaux, 


( 260 ) 


Sur ce nombre de quarante-huit espèces, que nous avons recueillies dans 
nos voyages, trente-trois sont de notre première zone de latitude ou des 
régions les plus chaudes, situées à l’est des Andes boliviennes; Auit appar- 
tiennent à la deuxième zone de latitude : de ces dernières, une seule est 
propre au versant occidental des Andes, et une seule s’'avance jusqu’à notre 
troisième zone de latitude. 

Presque toutes les espèces de la première zone de latitude se trouvent égale- 
ment dans notre premiere zone d’élévation, tandis que cinq seulement sont 
spéciales à la deuxième zone. Dès-lors il est facile de juger que les régions 
chaudes sont celles que préfèrent en général les Tanagridées; quelques Sa 
tator et les Phytotoma paraissent seuls rechercher les régions tempérées. 


+ TANAGRIDÉES SYLVICOLES, Tanagridæ sybicolæ, Nob. 


Non-seulement tous les oiseaux de cette division sont des plus épaisses 
forêts de l'Amérique, mais encore ils ne se tiennent habituellement qu'au 
sommet des arbres, sans descendre sur les petites branches inférieures. Ils ne 
sortent jamais des régions chaudes, et n’habitent que le versant oriental des 


Andes. 
Gexre 1. NÉMOSIE, Wemosia, Vieill. 


Tanagra, Lath., Gmel., Temm.; Vemosia, Vieill. 


Les Némosies, par leur bec étroit, assez long, par leurs formes élancées, 
établissent le passage entre les Sylvidées et les Tanagridées. Elles n’habitent 
que les forêts chaudes. Nous avons dù renvoyer dans les autres séries quel- 
ques espèces que Vieillot avait données comme Némosies. 


N.° 139. NÉMOSIE À GORGE NOIRE, Wemosia nigricollis, Vieill. 


Tangara à gorge noire, Buff., Ois. 4, p. 283; idem, enl. 720; fig. 1; Black troated, Lath., 
1783; Syn., 11, p. 337, n° 33; T'angara nigricollis, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 694, 
n° 31; Pico de punzon amarillo de barba negra, Azara, 1802, t. 1, p.400, n. 102; Vemosia 
nigricollis, Vieill., 18183 Dict., t. 22, p. 4913 idem, Enc. méth., 1823,t. 2, p. 788; d'Orb.. 
et Lafr., Syn., n.° 1. 


N. suprà olivacea, subtus flava; guld nigrd; pectore uropygioque aurantiüs; super- 
ciliis flavis ; remigibus rectricibusque fuscis, margine olivaceis. 


Sur le vivant. Bec jaune, brun en dessus, pieds bleuâtres, yeux jaunes. Longueur 
totale, 14 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 68 mill.; de la queue, 50 mill.; du 
bec, 11 mill. 


( 261 ) 


La femelle manque du noir à la gorge, et de l'aurore à la poitrine et au croupion,  Passe- 
ces couleurs étant remplacées par du jaune-verdâtre plus ou moins foncé; le reste 
des teintes, seulement un peu plus pàle, est en tout semblable. Les individus qu’Azara 
regarde comme femelles, nous paraissent être des jeunes de l’année; car nous n’avons 
jamais vu de taches aux femelles. 

Nous avons rencontré cette espèce en Bolivia, près du Rio Tamampaya, province de 
Yungas; près de San-Xavier, province de Chiquitos, et aux pays des Guarayos et des 
Yuracarès. Gmelin la dite de la Guyane, Azara du Paraguay; ainsi nous pourrions 
croire qu'elle habite toutes les régions chaudes et boisées situées à l’est des Andes, 
remontant sur les premiers contreforts de cette chaîne. Comme les Tangaras sylvains, 
elle se tient par troupes au sommet des grands arbres, sans jamais sortir des bois ni 
des forêts; elle se nourrit de petites graines, de bourgeons et peut-être même d’insectes. 

Des plus vive, elle est toujours en mouvement et vole avec rapidité. Elle n’est com- 
mune nulle part. 


N° 140. NÉMOSIE YURACARÈS, Wemosia sordida, Nob. 
PL XVIII, fig. 2. 
Nemosia sordida, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 2, p. 28. 


N. suprà olivascente-grisea; fronte, lateribus capitis stramineis; gutture, collo 
antico pectoreque pallidé stramineis; abdomine medio albescente; hypocondriis 
anoque rufescentibus. 


Sur le vivant. Bec rosé, yeux jaunes, pieds bleuàtres. Longueur totale, 14 cent.; du 
vol, 23 cent.; du pli de laile à son extrémité, 65 mill.; de la queue, 50 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 33 mill.; du doigt du milieu, 13 mill.; du bec, 9 mill.; 
sa hauteur, 4 1/2 mill.; sa largeur égale; circonférence du corps, 80 mill. 

Le front, le tour des yeux, la gorge et la poitrine d’un beau jaune d’or, passant au 
roux sur les sourcils; la tête jaune verdâtre; toutes les parties supérieures verdâtres ; 
ailes et queue noirâtres, les plumes bordées de verdâtre; il en est de même des petites 
rectrices supérieures des rémiges; le pli de l’aile jaune, ainsi que les couvertures infé- 
rieures; ventre blanc au milieu, roussàtre sur les flancs et les couvertures inférieures 
de la queue. 

Cette espèce, voisine de la précédente par la taille, s’en distingue tout à fait par les 
couleurs. Nous l’avons rencontrée au sein des immenses forêts qui couvrent le pied 
oriental des Andes boliviennes, au pays des Yuracarès; elle se tient au sommet des arbres 
et des palmiers, où elle ne paraît pas commune. 


N° 141. NÉMOSIE À COIFFE NOIRE, Wemosia pileata. 


Tangara à coiffe noire, Buff., Ois., 4, p. 284; enl. n° 720, fig. 2; T'anagra pileata, Lath., 
1783,p. 223, n.° 11;idem, Gmel., 1789, p. 698, n° 40; Pico de punzon negro, azul y 


Passe- 
reaux. 


( 262 ) 
blanco, Azara, 1802; Apunt. para la hist. de los Pax.,t. 1,p. 414, n° 105; Pico de pun- 
zon azul y blanco, Azara; ibid., p. 423, n°110; Nemosia pileata, Vieill., Dict., 1818, t. 22, 
pe 4903 Enc. méth., t. 2, p. 787. | 
N. suprà cœærulescente-cinerea, subtus albida; vertice, temporibus collique lateribus 
nigris ; maculd oculari albd; rostro atro; pedibus flavis. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus, jaunâtre en dessous; yeux jaune vif; pieds d’un 
beau jaune. Longueur totale, 14 cent.; du vol, 24 cent.; du pli de l'aile à son extré- 
mité, 75 mill.; circonférence du corps, 9 cent. 

La femelle manque de noir; ses parties inférieures sont roussätres au lieu d’être 
blanches. 

Nous avons rencontré cette espèce à San-Miguel et à San-Jose, province de Chi- 
quitos en Bolivia; peu commune, elle se tient souvent par paires au sommet des arbres, 
dont elle parcourt la cime avec vivacité, afin d’y chercher sa nourriture. Ses mœurs 
sont, du reste, identiques à celles des autres espèces. 


Gexre 2. PYRANGA, Pyranga, Vieill. 


Tanagra, Linn., Lath., Gmel.; Tangaras cardinals, Cuv. 


Nous ne plaçons dans ce genre que les espèces dont le bec, bien carac- 
téristique, allongé et renflé, a le bord de la mandibule supérieure pourvu 
d’une dent ou d’une saillie vers le milieu de sa longueur ; dont les ailes 
sont longues, la queue allongée, souvent fourchue; aussi n’aurons- nous 
que des oiseaux forestiers assez remarquables par les livrées si différentes 
qu'affectent les deux sexes dans toutes les espèces. Dans ce genre, une seule, 
le Pyranga Azaræ, Savance jusqu'au 34.° degré de latitude sud ; toutes 
les autres sont des régions chaudes. 


N° 142. PYRANGA VERSICOLOR, Pyranga versicolor, Nob. 
PI. XIX, fig. 1. 


Tachyphonus versicolor, d'Orb. et Lafr., Syn. n° 1, p. 28, Mag. de zool. 


P. capite guläque olivaceo-nigris ; remigibus tectricibusque nigris, subtus dorsoque 
flavis; dorso anticè pectoreque aurantio-castaneis; tectricibus alarum albis. 


Sur le vivant. Bec noir, pieds bleus, yeux bruns. Longueur totale, 140 mill.; vol, 
240 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 80 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 25 mill.; du doigt du milieu, 14 mill.; du bec, 12 mill.; circon- 
férence du corps, 120 mill. 

Mâle. Dessus de la tête, les ailes et la queue d’un beau noir; front, tour des yeux, 
la gorge et une bordure aux rémiges, brun verdâtre; toutes les parties inférieures, le 
dos et le croupion jaune vif : cette teinte passe à l'aurore sur le haut du dos et un 


( 265 ) 
peu sur la poitrine; tectrices des ailes blanches; cette couleur forme une ligne trans- 
versale sur laile; bec assez long, courbé, aigu, comprimé à son extrémité, pourvu 
d’une dent à son extrémité, et d’une autre très-grande à la moitié de sa longueur; de 
fortes moustaches; queue longue, égale, tarses et doigts médiocres, grèles. 

Femelle. Entièrement vert-roux en dessus, passant au vert foncé sur la tête; gorge, 
cou, poitrine, aurore verdàtre, passant au jaune vif sur le milieu du ventre, et au roux 
sur les flancs et les couvertures inférieures de la queue. 

Son bec étroit et ses teintes, nous ont fait, dans notre Synopsis, ranger celte espèce 
parmi les Tachyphones ; mais la dent du milieu du bec, ainsi que ses mœurs forestières, 
bien distinctes des mœurs buissonnières des Tachyphones, la font évidemment rentrer, 
d’après nos observations, dans le genre Pyranga de Vieillot, où nous la plaçons 
aujourd’hui. 

Nous l'avons rencontrée au sein des forêts chaudes, humides et des plus épaisses du 
pied des Andes boliviennes, au pays des Yuracarès. De même que d’autres Tangaras, 
elle voyageait par petites troupes, toujours sautillant au sommet des plus hauts arbres 
et des palmiers, cherchant là les petites graines et les bourgeons, dont elle se nourrit. 
Elle est peu commune et surtout très-difficile à obtenir, par suite de la grande éléva- 


üon où elle se place. 


N.° 143. PYRANGA EN DEUIL, Pyranga luctuosa, Nob. 
PI. XX, fig. 1-2: 
Tachyphonus luctuosus, d'Orb. et Lafr., Syn. n° 4, p. 29, Mag. de zool. 


P. totus niger, tectricibus alæ superis minoribus ac mediis totis niveis; rostro nigro; 


basi infrà cæruled. 


Sur le vivant. Bec noir, bleuâtre à sa base inférieure; pieds bleus, yeux bruns. Lon- 
gueur totale, 132 mill.; du vol, 190 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 60 mill.; 
de la queue, 45 mill.; du tarse au bout des doigts, 30 mill.; du doigt du milieu, 
13 mill.; du bec, 11 mill.; sa hauteur, 51/2 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence 
du corps, 80 mill. 

Müle. Entièrement noir lustré foncé; les couvertures supérieures de laile d’un 
beau blanc argenté; bec assez long, arqué; la mandibule supérieure à bords arqués et 
marqués, dans le milieu de leur longueur, d’une dent ou renflement peu marqué; la 
troisième rectrice la plus longue; queue longue, égale, un peu fourchue, grêle. 

Femelle. Tête gris foncé en dessus; gorge gris pale; parties supérieures vertes, dimi- 
nuant d'intensité du cou au croupion, où cette teinte est fortement mélangée de jaune; 
parties inférieures jaunes; rémiges noiràtres, bordées de vert; queue verte. 

Dans notre Synopsis, cette espèce a été placée parmi les Tachyphones; mais, pour 
les motifs exposés à l’article précédent, il est évident qu’elle doit appartenir aux Pyranga, 
tant en raison de l'indice de dent de la commissure de son bec, que de ses mœurs 


purement forestières. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 264 ) 

Nous l'avons observée au pays des Indiens guarayos, entre les provinces de Moxos et 
de Chiquitos, république de Bolivia, ainsi que dans les immenses forêts humides et 
chaudes qui couvrent ces plaines; nous l’avons retrouvée encore au pays des Yuracarès, 
au pied oriental des Andes boliviennes, dans les mêmes circonstances. Elle va par paires, 
et sautille continuellement au sommet des plus hauts arbres, tout en faisant entendre 
un petit cri de rappel. 


N° 144. PYRANGA D’AZARA, Pyranga Azaræ, Nob. 


Habia punzo, Azar., 1802; Æpunt. de los Pax. t.1,p. 359, n. 88 (mâle); Habia amarilla, 
id., n° 87, p. 358 (fem.); Saltator ruber, Vieill., 1823, Enc. méth., p. 792 (d'après Azara, 
n. 88); Saltator flavus, Vieill., ibid., p. 791 (d'après Azara, 87); Tanagra mississipensis , 
Licht., 1823, Doubl., p. 30, n° 333,334; Pyranga mississipensis, d'Orb. et Lafr., Syn.,n. 1. 


P. supercilüs corporeque subtus rubro-miniatis, suprà rubro-fusco mixto; remigibus 
Juscis rubro limbatis ; rostro obscurè cyaneo. 


Sur le vivant. Bec corné, noirätre ou bleuâtre; yeux rouges; pieds bleuàtres. Longueur 
totale, 21 cent.; du vol, 29 cent.; du pli de l’aile à son extrémité, 85 mill.; de la 
queue, 65 mill.; du bec, 16 mill.; sa hauteur, 9 mill.; sa largeur, 10 mill.; circonfé- 
rence du corps, 11 cent. 

Cette espèce diffère du Pyranga æstiva par une taille un peu plus forte, par son bec 
plus foncé, ainsi que par sa teinte générale toujours d’un rouge de minium et non 
couleur de carmin. La femelle est jaune en dessous, verdàtre en dessus; les jeunes mâles 
tiennent souvent des deux teintes propres aux deux sexes, et sont aussi fréquemment 
bigarrés. 

Azara, n'ayant pas reconnu les sexes, a décrit le mâle et la femelle sous deux noms 
différens, en les plaçant dans ses Habias; de là Vieillot a donné deux noms latins à 
ces mêmes descriptions d’Azara, en les plaçant dans son genre Saltator. Quoiqu'il ait 
l’antériorité, nous ne pouvons conserver sa dénomination de Auber, déjà prise pour 
une autre espèce du même genre. Nous ne croyons pas non plus pouvoir prendre le 
nom de Wississipensis, de M. Lichtenstein; dans la conviction où nous sommes que le 
Tanagra nussissipensis de Gmelin est le Pyranga æstiva des auteurs, et non pas notre 
Pyranga. D'ailleurs, le nom de Mississipensis ne peut être conservé à un oiseau can- 
tonné seulement dans l'hémisphère méridional. Ces raisons nous ont déterminé à le 
dédier à l’auteur espagnol, qui le premier en a donné une bonne description. 

Nous avons rencontré cette espèce jusqu'aux environs de Buenos-Ayres, où néan- 
moins elle n’arrive qu’accidentellement; elle est, suivant Azara, assez commune au Para- 
guay. Nous l’avons ensuite retrouvée en Bolivia, dans les provinces de Chiquitos, de 
Yungas et de Valle Grande, c’est-à-dire en latitude depuis le 15.° jusqu’au 34.° degré 
sud , et depuis le niveau de la mer jusqu’à près de 2,000 mètres au-dessus dans les 
Andes, sur leur versant oriental seulement. Elle se tient au sommet des grands buissons 


( 265 ) 


et même des petits arbres; elle y mène le genre de vie des autres espèces, c’est-à- Passe 
dire qu’elle est criarde, toujours en mouvement, se nourrissant de bourgeons, de graines 


et peut-être d'insectes. 


N° 145. PYRANGA A GORGE BLANCHE, Pyranga albicollis, Nob. 
PL XXVI, fig. 2. 
Pyranga albicollis, d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 2, p. 33. 


P. suprà oliwacea; uropygio flavescente; capite colloque sordidè griseis; subtis 
flava; collo antico latè albo; mandibul& pallidd, maxilld corned; pedibus roseis. 


Sur le vivant. Bec corné, yeux bruns, pieds rosés. Longueur totale, 180 mill.; du 
vol, 290 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 90 mill.; de la queue, 60 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 37 mill.; du bec, 13 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 
8 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Dessus de la tête gris-verdàtre päle; gorge et devant du cou blancs; toutes les 
parties inférieures jaune très-vif; toutes les supérieures vert-olive, plus teinté de jaune 
au croupion; rémiges brunes, bordées extérieurement de vert; du jaune au pli de Paile 
et aux tectrices inférieures de l'aile; queue verdâtre. Son bec est renflé à la mandibule 
supérieure, comme celui des autres Pyrangas, sans avoir cependant la dent du milieu 
du bec; la queue est longue, un peu étagée; en un mot, elle a tous les autres carac- 
tères du genre. 

Elle est voisine de la femelle de l'espèce précédente, tout en s’en distinguant par sa 
gorge blanche et quelques autres différences de teintes; son bec est aussi très-différent. 

Nous avons observé ce Pyranga dans la province de Chiquitos en Bolivia, près de 
la mission de Santa-Ana et au pays des Guarayos, toujours au sommet des arbres 
moyens, où il paraissait avoir les habitudes de l’espèce précédente. 


N° 146. PYRANGA ROUGEATRE, Pyranga rubicus, Nob. 


Habia roxisa, Azar., 1802; Apunt., t. 1, p. 351, n.° 85; Saltator rubicus, Vieill., 1817, 
Dict. d'hist. nat., t. 14, p. 1807 et 1823; Enc. méth., t. 2, p.792 (d'après Azara); T'anagra 
porphyrio, Licht., 1823, Doubl., p. 31, n° 335,336; Tanagra flammiceps , Prince Max., 
1830, p. 497, n° 13; Temm., pl. col. 177; Saliator rubicus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 36, 
n. 6. 

P. crist& ignicolore, suprà fusco-rubra; gutture, crissoque rubris; ventre sordidè 
rubro; remigibus fuscis, rubro limbatis, rectricibus fusco-rubris. 


Sur le vivant. Bec corné, yeux bleu noirâtre, pieds livides. Longueur totale, 180 
mill.; du vol, 290 mill.; de la queue, 70 mill.; circonférence du corps, 120 mill. 

Cette espèce, dont la femelle est brune en dessus, grisàtre en dessous, porte beau- 
coup de noms, comme on le voit par la synonymie; néanmoins celui de Vieillot étant, 
sans aucun doute, le plus ancien, nous avons dû le conserver, tout en plaçant loiseau 


[ei] 


IV. Ois. 4 


( 266 ) 


Pase- non parmi les Sultator, mais bien avec les Pyrangas, dont il a les mœurs, les habitudes, 


reaux, 


tous les caractères zoologiques de bec, de queue, et jusqu'aux couleurs si disparates du 
mâle et de la femelle, que nous retrouvons dans toutes les espèces du genre. Nous avons 
rencontré ces Pyrangas aux pays des Guarayos et des Yuracarès, au milieu des plus 
épaisses forêts; Azara nous dit avoir recueilli les siens également dans les forêts; ainsi, 
indépendamment des caractères, voilà déjà une habitude tout à fait contraire à celles 
des Habias purement buissonniers. Comme tous les autres Pyrangas, celui-ci se tient 
en effet au sommet ou au moins près de la coupe des arbres, sans descendre près de 
terre, et ne diffère en rien, pour les habitudes, des Tangaras qui précèdent et qui suivent. 


Gexre 3. EUPHONE, £Euphonia, Desm. 


Tanagra, Linn., Lath., Gmel.; Euphones, Desm.; Tangaras Bouvreuils, Cuv. 


Faciles à distinguer des autres Tanagridées par leur bec court, bombé, 
convexe, fortement denté, crochu et un peu comprimé sur les côtés; par 
leurs ailes courtes, leur queue médiocre, les Euphones diffèrent davantage 
des Pyrangas par leurs mœurs; néanmoins ils sont encore plus forestiers, 
plus pétulans, et le plus souvent vivent par petites troupes. On les rencontre, 
dans l'Amérique méridionale, seulement au milieu des régions chaudes situées 
à l'est des Andes. 


N° 147. EUPHONE À BEC DE PIE-GRIÈCHE, Æuphonia laniürostris, Nob. 
PI. XXII, fig. 2. 


Euphonia lanürostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. Soin. 


E. supra nigro-violaceo nitens ; remigibus rectricibusque nigris , violaceo marginatis ; 
maculd frontali, posticé rotundat& subtüsque aureo-flavd. 


Sur le vivant. Bec et yeux noirs; pieds bleus. Longueur totale, 130 mill.; du pli de 
l'aile à son extrémité, 60 mill.; de la queue, 30 mill.; du bec, 7 mill.; sa hauteur, 
6 mill.; sa largeur, 6 mill.; circonférence du corps, 90 mill. 

Mäle. Au front une large tache arrondie et élargie sur le dessus de la tête, d’un 
beau jaune doré : la même couleur couvre, depuis le menton jusqu'aux couvertures 
inférieures des rectrices, toutes les parties inférieures, la gorge comprise; la tête, le 
dos, le croupion et les tectrices supérieures des ailes et de la queue, d’un beau noir à 
reflets bleu-violet; rémiges et rectrices noires; la base des rémiges, et une tache sur 
la rectrice externe, blanches. Bec court, très-épais, fortement crochu, avec une carène 
peu marquée en dessus. 

Femelle. Verdâtre olive en dessus, plus mélangé de jaune au croupion; les parties 
inférieures jaune verdâtre; les jeunes mâles ressemblent aux femelles, et ne prennent 
la livrée du mâle qu’à la seconde année; alors ils sont tachetés. 


( 267 ) 

Voisine de l’Euphonia violacea par sa teinte générale, cette espèce s’en distingue par  Passe- 
une taille plus grande, par un bec beaucoup plus gros et ressemblant à celui des Pies- "7" 
Grièches et par la tache du front beaucoup plus arrondie en arrière. Nous l'avons 
rencontrée dans les immenses forêts du pied oriental des Andes boliviennes, dans les 
provinces de Yungas et de Santa-Cruz de la Sierra, et aux pays des Yuracarès et des 
Guarayos, toujours en petites troupes au sommet des arbres, surtout de ceux qui avoi- 
sinent les clairières ou le bord des rivières. Des plus vive, des plus pétulante dans ses 
mouvemens, elle change continuellement de place. 


N° 148. EUPHONE A TÈTE BLEUE, Æuphonia aureata, Nob. 


Lindo azul y oro cabeza celeste, Azara, 1802, Apunt., t. 1, p. 290, n° 98; Tanagra aureata, 
Vieill., 1823, Enc. méth, t. 2, p. 782 (d'après Azara); Euphonia nigricollis, Vieill., d'Orb. et 
Lafr., Syn., n° 2, p. 30. 

E. fronte, genis, mento, dorso, tectricibus alarum nigro-cæruleo nitens, remigibus 
rectricibusque nigris, capile suprà Cyaneo; pectore, ventre, uropygio crissoque 


flavis. 


Sur le vivant. Bec noir, yeux bruns, pieds bleus. Longueur totale, 110 mill.; de la 
queue, 10 mill.; du pli de laile à son extrémité, 60 mill.; du tarse, 25 mill.; du bec, 
6 mill.; sa largeur, 5 mill. 

Bien différente par son front noir et bleu, au lieu d’être jaune, par son bec à trois 
dents à son extrémité, de l’Organiste avec lequel elle a été confondue, cette espèce, 
observée par Azara au Paraguay, s’est également montrée à nous dans la province de 
Corrientes, où elle paraît rare. Le mois de Juin, époque où nous l’avons tuée dans le 
Rincon de Luna, est celui où Azara dit lavoir rencontrée; comme c’est l'hiver, on pour- 
rait croire qu'elle n’y est alors que de passage. Nous l’avons vue au sommet des mimoses, 
dans un bois près du Rio Batel. 


N° 149. EUPHONE A BEC EN SCIE, £uphonia serrirostris, Nob. 
PLIS. 
Euphonia serrirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., n.° 3, p. 30. 


Æ. suprà olivacea, cæruleo-grisea, remigibus rectricibusque nigris olivaceo limbatis, 
subius aureo-flavis; collo olivaceo; maxilld quatuor minutis dentibus. 


Sur le vivant. Bec bleuâtre, yeux roux, pieds bleus. Longueur totale, 110 mill.; du 
pli de l'aile à son extrémité, 57 mill.; de la queue, 24 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 26 mill.; du doigt du milieu, 15 mill.; du bec, 7 mill.; circonférence du corps, 
50 mill. 

Partie supérieure olivatre, passant au bleu-gris sur le derrière de la tête; rémiges 
et rectrices noirâtres, bordées de vert olivàtre; partie inférieure jaune, passant au vert 
sur les flancs. Bec court, conique, arqué, un peu caréné en dessus, renflé à sa base, 


( 268 ) 


Passe pourvu de quatre dents à la mandibule supérieure, près de son extrémité. D’autres 


reaux. 


individus, qui peuvent être femelles, ont le front jaune, passant au vert sur le dessus 
du corps; gorge, flancs jaune vif; devant du cou et milieu du ventre cendré blanchàtre. 

Nous avons considéré cet Euphone comme espèce distincte des précédentes. Il en 
diffère essentiellement par son bec plus mince, plus long et muni de quatre dents; par 
sa tête plus petite et par ses couleurs. Pendant quelque temps nous avons cru que ce 
pouvaient être les jeunes de l’Euphone à bec de Pie-Grièche, parce qu’ils sont du même 
pays; mais alors il faudrait supposer que le bec pourvu de dents à cet âge, deviendrait 
lisse et bien plus volumineux chez les adultes, changement que nous ne trouvons dans 
aucun Tangara. Nous croyons donc que c’est bien une autre espèce. 

Nous avons rencontré celle-ci en petites troupes dans les clairières des forêts qui bordent 
le Rio Grande, au hameau de Pacu, province de Santa-Cruz de la Sierra (Bolivia). 
Avec les allures des espèces précédentes, elle se posait sur les arbres isolés, tout en 
faisant entendre un léger sifflement. 


N° 150. EUPHONE CHICANA, Æuphonia ruficeps, Nob. 
PI. XXIL, fig. 2. 


Euphonia ruficeps, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 30, n.° 4. 


E. suprà toto gutture colloque nigro-violacea; fronte castaneo; infrà flava; pectore, 
abdomine mediüis, crissoque rufescentibus ; remigibus , rectricibus nigris. Duabus 
rectricibus lateralibus intus macul& albä notatis. 


Sur le vivant. Bec noir, bleu à sa base; pieds noirätres; yeux bruns. Longueur totale, 
120 mill.; du vol, 300 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 65 mill.; de la queue, 
30 mill.; du tarse au bout des doigts, 33 mill.; du doigt du milieu, 15 mill.; du bec, 
12 mill.; circonférence du corps, 100 mill. 

Mäle. Front et la moitié antérieure de la tète en dessus, d’un beau marron foncé; 
toutes les parties supérieures, la gorge et le devant du cou, noir à reflets bleus métal- 
liques; tout le dessous jaune, passant au roussätre sur la poitrine, au milieu du ventre 
et sur les couvertures inférieures de la queue; ailes et queue noires; une tache blanche 
aux côtés internes des deux rectrices latérales. Bec court, gros, pourvu de trois dents. 

Femelle. Front roux-brun, mélangé de vert; le haut du cou en dessus bleuâtre, le 
reste des parties supérieures olivätre; gorge verdàtre; poitrine gris-cendré foncé; ventre 
et couvertures inférieures de la queue roux pâle; flancs vert-olive; point de taches à la 
queue. 

Par ses teintes bien tranchées, cette espèce se distingue des autres Euphones con- 
nus. Nous l'avons rencontrée seulement dans ces immenses forêts sombres et humides 
du pied oriental des Andes boliviennes, au pays des Yuracarès, où les indigènes la 
nomment Cicana. Elle vit par petites troupes et se tient au sommet des grands 
arbres. Sans être très-commune, elle est peu rare. 


( 269 ) 


Gene 4. BÉTHYLE, Bethylus, Cuv. 


Lanius, Lath., Gmel.; Cissopis, Vieill. 


Ce genre, établi par Cuvier dès 1816, appelé ensuite Céssopis par Vieillot, 
comprend une seule espèce d'oiseaux classée parmi les Zanius par Latham 
et Gmelin. Cuvier, dans sa classification, place, ainsi que Vieillot, ce genre 
dans la grande série des Pies-Grièches; mais, en examinant avec soin ses 
caractères de bec, en consultant ses mœurs, nous le croyons infiniment 
mieux parmi les Tanagridées, dont il a le bec et les habitudes. Illiger avait 
déjà senti ces rapprochemens, puisqu'il le range parmi les Tangaras. 


N° 151. BÉTHYLE PIE, Bethylus picatus. 


Lanius picatus, Lath., 1781, Syn., t. 1, p.192, n° 49; Lanius leverianus, Gmel., 1789, 
Syst. nat., p. 302, n° 31. Genre Bethyle, Cuv., 1816, Règne anim., t. 1; Cissopis bicolor, 
Vieill., 1818, Nouv. Dict., t. 26, p. 417, et Enc. méth., 1823, t. 2, p. 750. 


B. capite, collo , pectore, rectricibus , remigibusque nigris; dorso, tectricibus alarum 
minoribus, remigium secundariarum margine, corpore subtus, rectricibus late- 
ralibus apice albis; rostro pedibusque nigris. 


Sur le vivant. Bec, pieds et yeux noirs. Longueur totale, 260 mill.; du vol, 390 
mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 110 mill.; de la queue, 130 mill.; du bec, 13 
mill.; sa hauteur, 10 mill.; sa largeur, 9 mill.; circonférence du corps, 140 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce dans les immenses forêts qui couvrent le pied 
oriental des Andes boliviennes, au nord de Cochabamba, pays habité par les sau- 
vages Yuracarès. Comme tous les autres Tangaras sylvains, elle se tient au sommet des 
plus hauts arbres, et paraît y vivre de bourgeons et de fruits. Elle est rare. 


Genre 5. TANGARA, Tanagra, Linn. 


Tanagra et Aglaia, SW. 


Les vrais Tangaras se distinguent facilement des autres Tanagridées, par 
leur bec court, un peu plus long néanmoins que celui des Euphones, con- 
vexe en dessus, à pointe recourbée, à mandibules un peu renflées sur leurs 
bords; leurs ailes sont assez courtes et pointues; leur queue est médiocre. Ils 
ont en tout les habitudes des Euphones, voyagent par petites troupes et se 
tiennent au sommet des arbres. Tous sont des régions chaudes. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 270 ) 


N.° 152. TANGARA YENI, Tanagra yent, Nob. 
PI. XXIV, fig. 2. 
Aglaia chilensis, Vigors, 1832, Proceedings, p. 3; ÆAglaia yeni, d'Orb. et Lafr., Syn. n° 1, 

pe 31. 

T. dorso, caud& crissoque nigris; uropygio rubro; capite wiridi; gutture , alisque 
violaceis ; pectore hypocondriisque cæruleis. | 

Sur le vivant. Bec et yeux noirs; pieds violet-bleu. Longueur totale, 150 mill., du 
vol, 245 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 80 mill.; de la queue, 50 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 32 mill.; du doigt du milieu, 9 mill.; du bec, 8 mill.; cir- 
conférence du corps, 120 mill. 

Plumes du dessus de la tête et des joues, écailleuses, vert tendre brillant; gorge, 
cou en avant, une ligne sur les tectrices de l'aile et une bordure aux rémiges d’un 
beau bleu de cobalt violacé; la poitrine, les flancs, d’un bleu céleste d'outre-mer; le 
croupion rouge de feu; tout le reste d’un beau noir velouté. 

Cette espèce, voisine du Tanagra tatao, en diffère par une taille plus forte, par son 
croupion rouge au lieu d’être jaune, ainsi que par quelques autres petits détails. M. 
Vigors l’a nommée Aglaia chilensis ; mais nous ne pouvons conserver ce nom à un oiseau 
qui, loin d’habiter aucun point du Chili, ne se trouve qu’à plus de cent lieues de 
ses parties les plus septentrionales, sur le versant opposé des Andes et seulement dans 
les forêts chaudes et humides des Yungas et des Yuracarès, en Bolivia. Cette circon- 
stance montre combien il importe de s'abstenir de donner des noms locaux, lorsqu'on est 
peu sûr de l'habitat des espèces. Comme tous les Tangaras proprement dits, celui-ci se 
tient au sommet des grands arbres et des palmiers, par troupes isolées ou mélangées 
avec quelques-unes des espèces suivantes. Les Indiens yuracarès le nomment Yeni yeni, 
de son petit cri de rappel, entre les différens individus. Il est peu commun. 


N.° 153. TANGARA SEPTICOLOR, Tanagra tatao, Linn. 
Tanagra prima, Marg., 1648, Hist. nat. Bras., p.214; Briss., Orn., t. 3, p. 3; Tanagra tatao, 
Gmel., 1789, Syst. nat., éd. 13, sp. 113 Buff., Ois., 4, p. 379, Enl. 7, fig. 1, etc. 
T. violacea; dorso nigro; uropygio fulvo, capite viridi; pectore alisque violacers. 
Nous avons trouvé cette espèce aux environs de Saint-Christophe, près de Rio de 
Janeiro au Brésil; nous ne l'avons revue nulle autre part dans nos voyages. 


N.° 154. TANGARA DE SCHRANK, Tanagra Schranki, Spix. 
PL. XXIV, fig. 1. 
Tanagra Schrankü, Spix, Aves, pl. 51; Aglaia Schrankü, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 3, p. 31. 


T. fronte, regione paroticd , dorso, alis caudäque atris ; vertice, uropygio, pectore, 
ventreque mediis flavis; pennis omnibus collaribus et dorsalibus, tectricibus viridi- 
aureo limbatis ; remigibus rectricibusque cæruleo marginatis; hypocondriis viridibus. 


( 274 ) 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, bleuâtre en dessous; pieds bleus. Longueur totale, 
130 mill.; du vol, 180 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 65 mill.; de la queue, 34 
mill.; du tarse au bout des doigts, 32 mill.; du doigt du milieu, 13 mill.; du bec, 
8 mill.; sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 6 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

La femelle ne diffère que par des couleurs moins vives. Nous avons rencontré cette 
espèce en grandes troupes, mélangées souvent avec le Tangara yeni, parcourant le som- 
met des arbres et se posant sur les grappes des palmiers en fleurs, dans les forêts 
humides et chaudes du pied des Andes boliviennes, au pays des Yuaracarès. Constamment 
en mouvement, nous ne lui avons entendu proférer qu'un petit cri de rappel. 

Voisine du 7! thoracica, Tem., cette espèce en diffère beaucoup par ses couleurs. 


N° 155. TANGARA À CHAPERON BLEU, Tanagra cyanicollis, Nob. 
PL XXV, fig. 1. 
Aglaia cyanicollis, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 33, n° 11. 


T. atra; capite colloque totis nitide cœæruleis ; remigibus, rectricibus viridi-cæruleo 
limbatis; tectricibus minoribus wviridi-stramineo splendentibus ; uropygio viridi- 
stramineo; hypocondriis violaceis. 


Sur le vivant. Yeux bistrés; bec et pieds noirs. Longueur totale, 140 mill.; du vol, 
230 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 40 mill.; du tarse au 
bout des doigts, 31 mill.; du doigt du milieu, 15 mill.; du bec, 9 mill.; circonférence 
du corps, 110 mill. 

Mâle. Front et l’espace compris entre le bec et l'œil, le dos, la poitrine, le ventre, 
les ailes et la queue, d’un beau noir velouté; toute la tête et le cou entier d’un beau 
bleu céleste brillant; le croupion et les tectrices supérieures, les rémiges, vert doré 
métallique, plus vert sur le croupion; derrière et flancs bleu de cobalt; les rémiges et 
rectrices bordées de bleu en dehors. La Femelle a seulement les teintes moins vives. 

Cette jolie espèce, une des plus brillantes du genre par son chaperon bleu céleste, 
vit, avec les Tangaras yenis et les Tangaras de Schrank, dans les forêts habitées par 
les Indiens yuracarès, qui la nomment Pisuta. Elle se trouve aussi en petites troupes, 


constamment perchées au sommet des arbres et des palmiers. 


N° 156. TANGARA DIABLE ENRHUMÉ, 7 anagra flaviventris, Vieill. 


Tanagra mexicana, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 893, n° 103 Lath., Index, n.° 23; T'anagra 
Diable enrhumé, Buff., Ois., 4, p. 270; Enc., 290, fig. 2; Tanagra flaviventris, Vieill., 
Dict. d'hist. nat., t. 32, p. 4103 Enc. méth., t. 2, p. 774; Æglaia mexicana, d'Orb. et 
Lafr., Syn., p..32,.n.19. 


T. nigra, sublus flavicans ; pectore, uropygio, fronte, gutture, collo, tectricibusque 
alarum cœæruleis ; remigibus nigris cœæruleo limbatis; rectricibus nigris, cæruleo- 
viridi marginatis; hypocondriüs cæruleo nigroque maculatis. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 272 ) 

Sur le vivant. Bec et pieds noir bleuàtre. Longueur totale, 125 mill.; du vol, 220 
mill.;, du pli de l’aile à son extrémité, 65 mill.; de la queue, 40 mill.; circonférence 
du corps, 100 mill. 

Nous n’avons pas conservé à cette espèce le nom de 7! mexicana, pensant qu’elle 
n’est pas du Mexique, et que la description de Fernandez, qui a donné lieu à ce nom, 
s'applique à un tout autre oiseau; c’est probablement même ce motif qui avait déjà 
déterminé Vieillot à lui donner une nouvelle dénomination, que nous adoptons. Nous 
ne l'avons rencontrée que dans les forêts humides du pays des Yuracarès et des Gua- 


rayos en Bolivia, où elle est peu commune, se tenant toujours au sommet des arbres, 
comme les espèces précédentes. 


N° 157. TANGARA ROUVERDIN, Tanagra gyrola, Gmel. 


Fringilla gyrola, Linn., 10 édit., Syst. nat., sp. 12; Tangara, Briss., Orn., t. IT, p. 23, pl. 4, 
fig. 1; Tanagra gyrola, Gmel., 1789, Syst. nat., id., 13, p. 891, n° 7; Vieill., Encycl., 
t.2,p. 7783; Rouverdin, Buff., Ois., t. 4, p. 286; ASS gyrola, d'Orb. et Lafr., Syn., 
p. 32, n° 10; Prince Max. NH CBS IpA TS 


T. viridis; infernè uropygioque cæruleis; capite castaneo-rubro ; collari maculä 
in alis lute&; remigibus rectricibusque fuscis, viridi limbatis. 


Sur le vivant. Yeux bruns, pieds bleus, bec corné. Longueur totale, 140 mill.; du 
vol, 240 mill.; du pli de laile à son extrémité, 75 mill.; de la queue, 40 mill.; du 
bec, 10 mill.; circonférence du corps, 110 mill. Les femelles manquent de bleu au 
croupion, du collier jaune, et le reste des teintes est beaucoup moins vif. 

Cet oiseau, connu des Indiens yuracarès du pied oriental des Andes boliviennes sous 
le nom de Chachindala, est aussi commun dans ces lieux que les espèces précédentes, et 
en présente absolument les mœurs. 


N.° 158. TANGARA DE CAYENNE, Tanagra Cayana, Gmel. 


Tangara cayennensis, Briss., Av., 3, p. 213; Passe-vert, Buff., Ois., t. 3, p. 494, Enl., 290; 
Tanagra cayana, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 892, n° 8; Lindo precioso, Azar., 1802, 
Apunt.,t.1,p.281,n. 95; Vieill., 1823, Enc. méth., t. 2, p. 777. 


T. capite rufo; tectricibus alarum uropygioque aureo-viridibus ; remigibus rectri- 
cibusque nigris, viridi limbatis ; genis, pedibus, rostroque nigris. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs. Longueur, 125 mill. 

Nous avons rencontré ce charmant oiseau au mois de Juillet, dans les jardins de la 
ville de Corrientes, sur les orangers. Azara dit qu'il se montre au mois d'Octobre, 
ce qui ferait supposer deux passages annuels de cette espèce. 


(275) 


N.° 159. TANGARA ONGLET, Tanagra striata, Gmel. 
L'œuf, pl. LXIL fig. 3. 


Tanagra striata, Gmel., 1789, Syst. nat., ed. 13, p. 899, n° 44; Lath., Syn., 11, p. 224, 
n.° 14; l'Onglet, Buff., Ois., 4, p. 256; Lindo celeste, oro y negro, Azar., 1802, Apunt. 
de los Paxar., it. 1, p. 377,n. 94; Vieill., 1823, Enc. méth., t. 2, p. 776. 


T. Mas. Subtüs uropygioque aurantio-flawis, capite, collo, tectricibus alarumque 
cæruleis; dorso superiori nigro; caudd remigibusque nigris, cæruleo-limbatis. 
Fom. Dorso viridis. Jun. Suprà fusco-olivascente; uropygio viridi; subtus griseo- 
Julvus; remigibus rectricibusque fuscis , griseo-cæruleo-marginatis. 


Sur le vivant. Bec noiratre en dessus, corné ailleurs; yeux brun-roux assez vif; pieds 
bruns. Longueur totale, 180 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 90 mill.; de la 
queue, 55 mill.; du bec, 12 mill. 

Cette espèce des plus connue, rapportée pour la première fois en Europe par Com- 
merson , est peut-être, de toutes, celle qui occupe le plus grand espace sur le continent 
américain. Nous l’avons d’abord rencontrée dans la Banda oriental près de Montevideo, 
à Buenos-Ayres, à Corrientes; nous l’avons ensuite retrouvée à l’ouest des Andes dans 
le ravin de Palca, au Pérou; puis près de la Paz et dans les provinces de Yungas, de 
Sicasica, de Cochabamba, de Valle Grande, de Chiquisaca, dans la Bolivia; ainsi son 
habitation serait en latitude du 24. au 34° degré sud, et en élévation toute notre 
seconde zone d'habitation, à l’est et à l’ouest des Andes. 

Très - commune partout où elle se trouve, cette espèce paraît sédentaire; car 
toute l’année nous l’avons rencontrée par petites troupes, dont les membres sont 
dispersés sur des arbres voisins ou sur le même arbre. Des plus familière, nous ne 
l'avons vue qu’auprès des lieux habités, principalement dans les vergers, les jardins, 
où elle devient la terreur des cultivateurs par les dégàits qu’elle exerce sur les 
bourgeons des arbres, et sur leurs fruits, qu’elle préfère comme nourriture. Constam- 
ment en mouvement, sautant d’une branche à l’autre, surtout vers la coupe des 
arbres, elle sy mêle aux autres Tangaras et aux Habias, auxquels elle dispute fré- 
quemment la possession de leurs alimens. Elle descend rarement à terre, ne vole que 
par saccades, et seulement en franchissant de petites distances. Son cri, assez perçant, 
assez désagréable, n’est qu'un rappel entre les individus d’une même troupe. A la Paz 
et dans les autres lieux de la Bolivia, elle fréquente surtout les pommiers, les poi- 
riers, les cerisiers; mais à Corrientes et à Buenos-Ayres, c’est sur les pêchers et les 
orangers qu’elle semble surtout élire son domicile. 

Vers le mois d'Octobre, les Tangaras onglets s’accouplent, choisissent un oranger 
touffu ou tout autre arbre et y construisent un nid, de paille et de petites branches 
à l'extérieur, de foin fin à l’intérieur. Ils y déposent ensuite trois à quatre œufs verdätres, 
marqués de petits points irréguliers violet foncé, de taches peu apparentes violettes, 


CT 


IV. Ois. 3 


Passe- 
reaux. 


mm 


(274) 


Passe et de taches allongées irrégulières noires; leurs diamètres sont 27 et 16 millimètres. 


T€eaux. 


La femelle seule couve; mais le père et la mère se partagent la surveillance de leurs petits. 
À Corrientes on nomme cette espèce Santa Lucia ; à VArroyo de la China, Srete colores 
(les sept couleurs); à Buenos-Ayres, Sete vestidos ; les Guaranis l’appellent Czobi. 


N.° 160. TANGARA ÉVÊQUE, Tanagra episcopus, Licht. 
L'œuf, pl. XXII, fig. 3. 


Episcopus avis, Briss., 4v., 3, p. 40, n° 23, t. 1.", fig. 23 Bluet, Buf., Ois., 4, p. 265; 
Évéque, id., Enl., n° 198; Tanagra episcopus, Lath., Syn., 11,p. 226, n° 18; id., Gmel., 
1789; Syt. nat., p. 896, n° 19; Vieill., 1823, Encyc., t. 2, p. 775, Tanagra sayaca, 
Gmel., n° 20; Lindo Saihobi, Azar., 1802, Apunt., t. 1°, p. 370, n° 92; Licht., 1823, 
n.” 360; Prince Max., Beit., t. 3, p. 484. 


T. griseo-cærulea, alis caudäque cæruleis. 


Sur le vivant. Bec et pieds brun clair; longueur totale, 190 millimètres. 

Nous avons rencontré successivement cette espèce dans tous les lieux où se trouve 
la précédente, avec laquelle elle se mêle souvent ; ainsi elle habite toute notre 
seconde zone d'habitation, depuis la Plata jusqu’en Bolivia, seulement sur le versant 
oriental des Andes, à Cochabamba, Valle Grande, Yungas, etc. Elle a en tout les mœurs 
du Tanagra striata; elle va de mème par troupes, fréquente les vergers, les jardins, où 
elle se montre des plus familière, et se nourrit aussi de bourgeons, de fruits et d’insectes, 
faisant de grands dégàts dans les plantations. Son cri se borne à l'articulation d’un 
rappel monotone, qu'on peut exprimer par cui cui-cui-cui cui. Au mois d'Octobre, une 
fois accouplés, ces Tangaras construisent sur les orangers ou tel autre arbre voisin des 
habitations, un nid composé de branches sèches à l'extérieur, et à l’intérieur de crin 
artistement contourné. Le diamètre extérieur en est de 15 centimètres, et en dedans 
de 8 centimètres. Ils y déposent deux à trois œufs bleuâtres, tachetés de brun bistré, 
principalement sur le gros bout, et en outre de taches noires, larges et arrondies; leurs 
diamètres sont de 19 et 25 millimètres. 

Aux missions on nomme ces oiseaux Piririquiti, dénomination dérivée de leur cri 
habituel. 


N° 161. TANGARA OLIVATRE, Tanagra olivascens, Licht. 
Tanagra Sayaca, fem., Auct.; Tanagra olivascens, Licht., 1823, Doubl., p. 32, n° 351. 


T. lucido-olivacea, vertice virescente; alis caudäque fuscis, olivascente limbatis ; 
tectricibus alarum viridi-cyaneis. 


Sur le vivant. Yeux bruns, bec noir corné, ainsi que les pieds. Longueur totale, 
200 millimètres; vol, 290 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 100 mill.; de la 
queue, 55 mill.; du bec, 13 mill.; circonférence du corps, 125 mill. 

Cette espèce, confondue bien à tort avec la femelle du Tanagra episcopus ou T. 
sayaca des auteurs, en diffère par des caractères bien tranchés, par sa tête vert-pomme, 


( 275 ) 
par son plumage lustré et de teinte distincte, ainsi que par une plus grande taille. 
D'ailleurs, nous n’avons jamais rencontré cette espèce en des lieux où l’autre était très- 
commune; et si le Tangara évêque est largement répandu sur le continent américain, 
il n’en est pas ainsi de ce dernier, que nous avons rencontré dans les provinces de Santa- 
Cruz de la Sierra, à Guarayos et à Yuracarès, dans la Bolivia, ou seulement dans les 
régions chaudes des plaines situées à l’est des Andes. À Santa-Cruz il venait jusque dans 
le jardin de la maison que nous occupions, sur des orangers, dont il recherchait les 
fruits et les fleurs, paraissant avoir les mêmes habitudes que les deux précédentes espèces. 


N.° 162. TANGARA DE MONTAGNE, Tanagra montana, Nob. 
PL XXII, fig. 2. 
Aglaia montana, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 32, n.° 4. 


T. capite, gul&, colloque atris; suprà nitide cærulea, ad nucham pallidior; dorso 
intensiore; tectricibus alarum minoribus, superis cauddque cæruleis; subtüs flava. 
Sur le vivant. Yeux rouges; bec corné en dessus, rosé en dessous; pieds noirâtres. 

Longueur totale, 240 millimètres; vol, 400 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 

130 mill.; de la queue, 80 mill.; du tarse au bout des doigts, 55 mill.; du doigt du 

milieu, 28 mill.; du bec, 13 mill.; sa hauteur, 11 mill.; sa largeur, 10 mill.; circon- 

férence du corps, 160 mill. 

Toute la tête, la gorge et le devant du cou, noir foncé; dessus du cou en contact 
avec le noir, d’un beau bleu céleste päle, passant au bleu céleste foncé et au bleu de 
cobalt foncé sur le dos et sur les parties supérieures; ce bleu descend de chaque côté 
du cou en avant et est alors bordé de noirätre. Toutes les parties inférieures sont d’un 
beau jaune très-vif; tectrices supérieures des rémiges et des rectrices, bleu de cobalt; 
couvertures inférieures bleuâtres; grandes couvertures supérieures de l'aile, rectrices et 
rémiges noirtres, bordées extérieurement de bleu vif. 

Cette magnifique espèce, sans doute la plus grande du genre, s’est montrée une seule 
fois à nous, au sommet de la montagne dite del Biscachal, près du village de Carcuata, 
province de Yungas, sur le versant oriental des Andes boliviennes; elle formait une 
troupe composée de quatre individus, voltigeant au sommet des arbres d’un petit 
bouquet de bois. Comme elle était très-sauvage, et se posait sur les points très-élevés 
des arbres, nous ne pümes nous procurer que l'individu qui a servi à cette description. 
Nous n’en avons jamais vu d’autres pendant nos nombreuses excursions dans la Bolivia. 


N° 163. TANGARA À VENTRE ROUGE, Tanagra igniwentris, Nob. 
PI. XXV, fig. 2. 
Aglaia igniventris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 32, n.° 5. 
T. suprà nigro cærulea, capite colloque nigris ; uropygio tectricibusque alarum cæ- 
ruleis; alis caudäque nigris, cæruleo limbatis; subtus maculäque oculari rubro 
mminialo. 


Passe- 
Teaux. 


Passe- 
reaux, 


(276 ) 

Bec et pieds noirs. Longueur totale, 200 millimètres; du pli de laile à son extrémité, 
88 mill.; de la queue, 70 mill.; du tarse au bout des doigts, 37 mill.; du doigt du 
milieu, 20 mill.; du bec, 11 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 6 mill.; circon- 
férence du corps, 120 mill. 

Tête et cou noirs; dos et parties supérieures noir un peu bleuâtre; poitrine, ventre, 
derrière, couvertures inférieures de la queue et une tache derrière l’œil, d’un beau 
rouge aurore; petites couvertures des ailes et croupion d’un beau bleu de cobalt 
brillant; rémiges et rectrices noires, bordées extérieurement de bleu verdätre. 

Cette espèce, bien distincte par ses teintes de toutes celles connues, habite la pro- 
vince d’Apolobamba, au nord de la Paz, république de Bolivia; elle y est assez rare. 


N° 164. TANGARA A TÊTE BLEUE, Tanagra Maximiliani, d'Orb. 
PL XXII, fig. 2. 


Aglaia cyanocephala, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 32, n.° 6. 


T°. Lined interoculari nigrä, auribus nigrescentibus; capite colloque suprà cœæruleis ; 
jugulo, pectore, ventre griseo-cæruleis ; suprä viridescentibus ; caudä alisque 
nigrescentibus, viridi marginatis. 


Sur le vivant. Bec noir en-dessus, bleuâtre à la base de la mandibule inférieure; 
pieds bleuàtres teintés de vert; yeux brun-roux. Longueur totale, 200 millimètres; du 
vol, 270 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 90 mill.; de la queue, 72 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 40 mill.; du doigt du milieu, 18 mill.; du bec, 11 mill.; 
sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 8 mill.; circonférence du corps, 120 mill. 

Un trait noir entre l’œil et le bec; oreilles noirâtres; dessus de la tête et cou bleu 
vif, gorge, poitrine et le milieu du ventre gris bleuàtre; toutes les parties supérieures, 
les flancs et la queue d’un beau vert tendre; tectrices inférieures de la queue, les cuisses 
et les couvertures inférieures des rémiges, jaune clair; rémiges noirâtres, bordées 
extérieurement de vert tendre. 

Au nord de la Cordillère qui s'étend de la Paz à Cochabamba (Bolivia), sur les 
montagnes dominant le village d'Enquisivi, province de Sicasica, nous avons rencontré, 
sur les haies d’un champ de blé, deux oiseaux de cette espèce; ils s’'envolèrent et allèrent 
se poser sur un arbre voisin, où nous avons tué lindividu qui a servi à cette 
description. 

Nous n’avons pas conservé le nom de Cyanocephala, donné à cette espèce dans 
notre Synopsis, parce que Vieillot l’a employé pour une autre espèce, dans l’Encyclo- 
pédie méthodique, p. 780. Nous l'avons alors dédiée à M. le prince Maximilien de 


Neuwied. 


tt TANAGRIDÉES DUMICOLES, Tanagridæ dumicolæ , Nob. 


Les oiseaux de cette division habitent les lieux plus découverts, les buis- 
sons, les halliers; au lieu de se tenir dessus, ils pénètrent toujours dans 


( 277 ) 


l’intérieur, et descendent quelquefois à terre, ce que ne font point ceux de Passe- 
reaux. 


la première division ; Cest parmi eux que se trouvent les espèces qui s’avancent 
le plus avant vers les régions méridionales. 


Gex 6. TACHVPHONE, Tachyphonus, Vielll. 


Tanagra, Auct.; Tangaras-Loriots, Cuv. 


Les Tachyphones ont le bec allongé, convexe, presque droit, à peine denté 
\ Lé ” Lé bd lé A 1£ St V4 Q 
à son extrémité, comprimé sur les côtés, à bords rentrés aux mandibules; 
les ailes courtes, la queue longue, large. Ce sont des buissonniers par excel- 
lence, mais qui habitent plus particulièrement l’intérieur des halliers. 


N° 165. TACHYPHONE NOIR, Tachyphonus leucopterus, Vieill. 
L'œuf, pl. LXII, fig. 4. 
Tanagra nigerrima, Gmel., 1789, Syst. nat., éd. 13, p. 899, sp. 45; Oriolus leucopterus, 
ibid, p. 392,1. 40; Lath., Syr., 1, 1, p. 440, n 29, et Syn., 2,1; p. 225, n° 15; 
Tangara noir d'Amérique et Tangara roux de Cayenne, Buff, Enl., n° 179, f. 2 et 
n.” 711; Tordo de Monte negro cobijas blancas, Azar., 1802, Æpunt., t. 1.7, p. 326, 
n° 76; T'achyphonus leucopterus, Vieill., 1823, Encycl. t. 2, p. 803; Tanagra nigerrima, 


Prince Max, 1830, p. 534, n. 22. 


T. Nigra, maculd ad alas albd. Fœm. rufa. 


Sur le vivant. Yeux et pieds noirs, bec bleuàtre. Longueur, 210 millimètres. 

Nous n'avons vu cette espèce que dans la province de Corrientes, à la frontière du 
Paraguay. Elle se tient dans l’intérieur des bois et des halliers, d’où elle ne parait 
sortir que pour se promener très-rarement à terre; elle est peu craintive, et peu active 
dans ses mouvemens. On nous a vendu à Corrientes un nid qu’on nous a dit appar- 
tenir à cette espèce : il est composé de foin à l’intérieur, et à l'extérieur de petites 
racines; les œufs, au nombre de trois, sont verdätres, marqués de quelques grandes 
taches rares d’un noir brun; au gros bout se remarquent encore quelques taches vio- 
lettes peu apparentes. Leurs diamètres sont de 16 et 22 millimètres. À Corrientes on 


nomme ces oiseaux Guira hu (oiseau noir). 


N° 166. TACHYPHONE À GORGE ROUSSE, Tachyphonus ruficollis, Nob. 


Tanagra ruficollis, Licht., 1823, Doubl., p. 30, n° 330; Tachyphonus ruficollis, d'Orb. et 
Lafr., Syn., p. 28, n° 6. 


T. Nigra, gutture rufo, versus pectus sensim dilutiore ; abdomine , crisso uropygioque 
albidis ; maculd alarum duplici et tergo albis; rostro pedibusque nigris. 


Passe- 
Teaux. 


(2180 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 180 millimètres; 
vol, 280 mill.; du pli de l'aile, 80 mill.; de la queue, 50 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 46 mill.; du doigt du milieu, 20 mill.; du bec, 13 mill.; sa hauteur, 7 mill.; 
circonférence, { 10 mill. 

Cette espèce, qui évidemment se rapproche autant des Fringilles que des Tangaras, 
est remarquable par sa couleur noire, sa gorge rousse, dont la teinte diminue gra- 
duellement sur la poitrine; par ses parties inférieures et son croupion blanchàtres; par 
la base des tectrices, des ailes et des rémiges d’un beau blanc. La femelle, au lieu de 
noir, a partout du brun. 

Nous l'avons rencontrée seulement dans la province de Chiquitos, république de 
Bolivia, auprès des missions de Concepcion et de Santiago. Elle voyageait par petites 
troupes composées de quatre à six individus, voltigeant de buissons en buissons sur 
les coteaux peu boisés, restant peu en place, et jetant continuellement des cris aigus, 
en se rappelant les uns les autres. Elle paraissait se nourrir de graines et de bourgeons. 


N° 167. TACHYPHONE CAPITA, Tachyphonus capitatus, Nob. 
PIEXEXS He 2. 


Chipiu capita, Azara, 1802, Apunt. para la hist. de los Pax., t. 1”, p. 509, n° 137; 
Tachyphonus capitatus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 29, n° 5. 


T° suprà nigra, subtus alba; capite rubro; gutture colloque anticé nigris; remigibus 
nigris; rostro pedibusque roseis. | 

Sur le vivant. Bec et pieds rouges chez les mâles; mandibule supérieure noirâtre chez 
les femelles; yeux carmin vif. Longueur totale, 170 millimètres; du pli de l'aile à son 
extrémité, 80 mill.; de la queue, 54 mill., du bec, 10 mill. 

Mle. Tète entièrement d’un beau rouge cramoisi; gorge et devant du cou noir-brun; 
un collier et toutes les parties inférieures blanches ; toutes les parties supérieures, 
les ailes et la queue, noires. 

Jeune de l’année. Noirâtre en dessus, blanc en dessous, dessus de la tête brun 
päle; côtés de la tête, gorge et devant du cou, roux très-clair. 

Cette espèce, confondue avec le Tachyphonus gularis (Rouge - cap, Buffon) par 
Vieillot (Encyclopédie méthodique, t. II, p. 788), s’en distingue par une taille beau- 
coup moindre, par son bec entièrement rougetre, au lieu d’être noir en dessus et 
jaune en dessous, et par ses pieds rosés, au lieu d’être noirs; le rouge de la tête est 
aussi moins foncé; car, du reste, ces deux oiseaux ont absolument la même distribu- 
tion de couleurs. 

Nous avons souvent rencontré cette espèce, mais seulement dans les provinces de 
Santa-Fe, d’Entre-Rios et de Corrientes, république Argentine, c’est-à-dire du 28.° au 
32. degré de latitude sud, principalement sur les rives du Parana; car, amie des 
lieux humides et boisés, elle se tient dans le voisinage des fleuves et des rivières, par 
petites troupes composées d’un assez grand nombre d'individus. Tout l'été, au prin- 


(279 ) 


temps et enautomne, ces oiseaux se montrent en grand nombre par 30 et 32° de latitude 
sud, et alors manquent, pour ainsi dire, au 28.° degré, ou ne s’y trouvent que rare- 
ment et seulement dans les bois de saules des îles du Parana; mais, aussitôt que 
les froids se font sentir, ils gagnent le nord, et deviennent très-communs à Cor- 
rientes et au Paraguay; ils se dispersent ensuite dans les campagnes, recherchent le 
voisinage des maisons, les jardins, vont mème jusque sous les corridors, pour y manger 
la viande qu’on y fait sécher, en se mêlant aux Habias et aux Fringilles, ayant soin 
néanmoins de se rendre, tous les soirs, ‘dans es lieux couverts de grands buissons ou 
dans les bois de saules, pour s’y coucher. Plus rarement à terre que perchés, ils se 
tiennent de préférence sur les buissons qui bordent les eaux, et là sautent avec vivacité 
d’une branche à l’autre, cherchant les graines et les bourgeons dont ils se nourrissent. 
Leur vol est rapide, interrompu et assez lourd. Leur cri habituel est un sifflement 
aigu dépourvu de tout charme. Au mois de Novembre ils s’accouplent et se dispersent 
par paires. 

On les élève quelquefois à Corrientes, en leur donnant toute espèce de nourriture. 
Les Guaranis de cette province les nomment Camyté ou Capytä, qui veut dire téte 
rouge. 

N.° 168. TACHYPHONE ROUGE-CAP, Tachyphonus gularis, Nob. 
Cardinalis americanus, Briss., Aves. app., p. 67, n° 34; Rouge-cap, Buff., Oiseaux, 4, 

p. 267, Enl., 155; Tanagra guluris, Lath., 1783, Syn., 2, 1, p. 228, n° 21; Tanagra 

gularis, Gmel., 1789, Syst. nat., éd. 13, t. 2, p. 894, n° 13; Vemosia gularis, Vieill., 

1823, Encycl. méth., t. 2, p. 788. 

T. suprà nigra, subtüus alba; capite rubro; gutture colloque anticè fusco-rubes- 
cente; rostro suprà nigro, subtüus aurantio; pedibus fuscis. 


Sur le vivant. Bec noir en dessus, jaune-orange en dessous, pieds bruns. Longueur 
totale, 190 millimètres; du pli de l’aile à son extrémité, 87 mill.; de la queue, 70 mill.; 
du bec, 11 mill. 

Cette espèce bien connue, dont nous avons décrit les différences à l’article de espèce 
précédente, s’est montrée à nous seulement dans les provinces de Chiquitos et de 
Moxos, république de Bolivia, c’est-à-dire au centre du continent américain, du 12° 
au 18." degré de latitude sud, où elle mène, à peu de chose près, le même genre de 
vie que le Tachyphonus capitatus, tout en étant moins riveraine que celle-ci et plus 
buissonnière, Elle nous paraît dès-lors spéciale aux régions chaudes, où elle est assez 
commune. 


N° 169. TACHYPHONE MAGNIFIQUE, Zachkyphonus flavinucha, Nob. 
PL XXI, fig. 1. 
Tachyphonus flavinucha, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 29, n° 2. 
T. supra sericeoater , subtüs maculäque longitudinali nuchæ flavis; axillis, dorso 
imo, uropygioque cæruleis; remigibus primaris quinis, primd exceptd, bast, 
viridi-cæruleo marginatis. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 280 ) 

Sur le vivant. Yeux rouge foncé, bec noirâtre, pieds noirätres en dessus, jaunâtres en 
dessous. Longueur totale, 190 millimètres; vol, 280 mill.; du pli de l’aile à son extré- 
mité, 90 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 
15 mill.; sa hauteur, 71/2 mill.; sa largeur, 8 mill.; circonférence du corps, 120 mil. 

D'un beau noir velouté en dessus; sur le derrière de la tête est une large tache 
allongée jaune brillant, s'étendant au-dessus du cou; toutes les parties inférieures de 
la même couleur; de larges épaulettes, le bas du dos et le croupion d’un beau bleu de 
ciel vif; des rémiges primaires cinq, la première exceptée, sont, à leur base, largement 
bordées en dehors, de bleu verdätre brillant; queue noire, bordée extérieurement de 
bleu terne; dessous de l'aile d’un beau jaune. 

Ce bel oiseau, l’un des plus brillans du genre, s’est offert à nous dans la province 
de Yungas, seulement dans les ravins des parties élevées des montagnes du versant 
oriental des Andes boliviennes de la Paz; principalement auprès des villages de Chupé, 
d’Irupana et de Suri. Ne descendant pas dans les régions chaudes de ces mêmes mon- 
tagnes, il se tient sur les grands buissons et même sur les arbres, où il paraît (en 
hiver) vivre isolé et solitaire, tout en étant très-rare. Il ne va pas à terre, sautillant 
constamment de branche en branche pour chercher les bourgeons et les graines dont 
il se nourrit. 


Gexre 7. RAMPTHOCÈLE, Ramphocelus, Vieill. 


Tanagra, Auct.; Tangaras ramphocèles, Cuv. 


Le bec des Ramphocèles est robuste, comprimé sur les côtés, épais, les 
bords de la mandibule inférieure recouverts par la supérieure; les branches 
de la mandibule inférieure se prolongent fortement sur les côtés, sont ren- 
flées et entament les plumes; leurs ailes sont courtes, leur queue médiocre; 
leurs tarses sont grêles. Plus buissonniers encore que les précédens, ils se 
tiennent toujours au plus épais des halliers et des buissons, où ils sont tristes 
et taciturnes, sans Jamais montrer beaucoup d'activité. Nous ne les avons 
vus que dans les régions chaudes. 


N.° 170. RAMPHOCÈLE NOIR VELOUTÉ, Ramphocelus atrosericeus, Nob. 
PL. XXVI, fig. 1. 
Ramphocelus atrosericeus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 34, n° 1. 


R. sericeo-aterrimus; capite suprà ad nucham tantummodd lateribusque nigro 
obscuré purpureis; mento, guld pectoreque supero obscuré coccineis. 


Sur le vivant. Yeux brun-roux clair, pieds noirs, mandibule supérieure et extrémité 
de l’inférieure noires; élargissement de la mandibule inférieure bleu blanchâtre. Lon- 
gueur totale, 190 mill.; du vol, 260 mill.; du pli de laile à son extrémité, 809 mill.; 


(281 ) 


de la queue, 70 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du doigt du milieu, 
17 mill.; de la mandibule supérieure du bec, 12 mill.; de linférieure, 18 mill.; hau- 
teur du bec, 71/2 mill.; sa largeur, 7 mill.; circonférence du corps, 100 mil. 

Vieux mâle. D'un beau noir velouté uniforme; le dessus et les côtés de la tête et du 
cou, d’un noir cramoisi obscur; gorge, devant du cou et poitrine, d’un beau cramoisi 
foncé brillant. 

Jeune mâle, entièrement noir terne ou même brunûtre. 

Femelle, noirätre; le croupion, la poitrine, le ventre et les couvertures inférieures 
de la queue, roux-brun rougeàtre; l'élargissement de la mandibule inférieure beaucoup 
moins marqué. 

Cette espèce est voisine du Ramphocelus jacapa; néanmoins elle en diffère par son 
bec, ses doigts beaucoup plus courts, par sa couleur cramoisie, infiniment plus 
foncée sur la tête. Nous l’avons rencontrée dans presque toutes les parties chaudes 
des plaines et des montagnes de la Bolivia, à Chupé, province de Yungas; sur le versant 
oriental des Andes de la Paz, au pays des Yuracarès, dans les forêts habitées par les 
Guarayos, et dans les provinces de Moxos et de Chiquitos. On la voit toujours au sein 
des halliers les plus épais et dans les haies, les parcourant sans cesse, sans descendre 
à terre. Cest, en un mot, le plus buissonnier de tous les Tanagridées que nous ayons 
décrits jusqu’à présent. Les Indiens aymaras de Yungas les appellent Cuitiro. 


Gexre 8. ARRÉMON, Arremon, Vieill. 


Tanagra, Auct. 


Le genre Arrémon, établi par Vieillot pour le T'anagra silens des auteurs, 
nous parait constituer une coupe on ne peut plus naturelle; telle que nous 
la concevons, elle renfermerait seulement les espèces dont le bec est sem- 
blable à celui du Ramphocelus, moins le prolongement postérieur de la 
mandibule inférieure, dont les ailes et la queue ont aussi la forme de celle 
du Ramphocele. Leurs mœurs sont, du reste, identiques aux siennes, et en 
un mot, on peut dire que ce sont des Ramphocèles à bec sans prolongement 
postérieur. 


N° 171. ARRÉMON À COLLIER, A4rremon silens, Nob. 


Tanagra silens, Lath., 1783, Syst. ornithol., sp. 42; Oiseau silencieux, Buff., Oise, 
p- 429, Enl., 742; Tordos de monte torquato, Azar., 1802, Æpunt.,t. 1°, p. 331,n.° 78; 
Aremon torquatus, Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 794; T'anagra silens, Prince 
Max., 1831, Beür., t. 3,p. 507, n° 16; Embernagra silens, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 34, 


nou? 
À. suprà viridis , subius albescente; capite suprà incane; supercilis albis; vittd ocu- 
lari, fasciäque jugulari nigris; rostro suprà nigro; mandibuld flava. 
IV. Oùis. 36 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
Teaux. 


( 282 ) 

Sur le vivant. Bec jaune aurore, une ligne noire à la partie supérieure; tarses violet 
clair; yeux bruns. Longueur totale, 170 millimètres; du vol, 220 mill.; du pli de l'aile 
à son extrémité, 72 mill.; de la queue, 55 mill.; du bec, 11 mill.; sa hauteur, 6 mill.; 
sa largeur, 5 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Mâle, sans raie grise sur la tête; les parties supérieures gris ardoisé. 

Femelle, les parties supérieures vertes. 

Nous avons successivement rencontré cette espèce à Corrientes, république Argentine; 
dans les provinces de Yungas, de Chiquitos et de Valle grande, république de Bolivia. 
Ainsi, d’après nos seules observations, elle habiterait du 15.° au 28.° degré de latitude 
sud, dans les plaines, comme sur la seconde zone de hauteur, dans les montagnes du 
versant oriental des Andes boliviennes. Nous l'avons toujours trouvée dans les halliers, 
au plus épais des buissons, sur les branches basses seulement, où sans crainte elle se 
laissait toujours approcher; tandis qu’elle sautait en silence d’une branche à l’autre, ou 
qu’elle restait perchée triste et taciturne. Nous l'avons vue par couple, isolée au temps 
des amours, et ne chantant pas; d’autres fois par petites troupes. L’assertion de Sonnini, 
qui en fait un oiseau marcheur, est erronée, puisque, de même qu'Azara, nous ne 
l'avons jamais vue à terre. 


N.° 172. ARRÉMON VOISIN, Arremon affinis, Nob.: 
PL XXVII, fig. 2. 
Embernagra torquata, d'Oxb. et Lafr., Syn., p. 34, n° 3. 

A. suprà viridi-olivascens ; capite colloque suprà griseis; superciliis albis, capite 
laterali, fascidque pectorali, nigris; remigibus, rectricibusque nigrescente-viridi 
limbatis; hypocondrüs, crissoque obscurè viridibus; gutture, ventreque mediis, 
albescentibus ; rostro nigro:. 


Sur le vivant. Bec noir, pieds brun-violet, yeux brun-roux foncé. Longueur totale, 
190 millimètres; du vol, 245 mill.; de la queue, 60 mill.; du pli de l'aile à son extré- 
mité, 78 mill.; du tarse au bout des doigts, 60 mill.; du doigt du milieu, 25 mill.; 
du bec, 13 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 6 mill.; circonférence du corps, 
120 mill. 

Sur la tête sont, de chaque côté, deux larges bandes noires qui partent du front, passent 
au-dessus des yeux et s'étendent sur les côtés du cou; au milieu est une ligne cendré 
clair; les côtés du cou sont de cette couleur; de larges sourcils blancs surmontent les 
yeux; côtés de la tête, joues, et un très-large hausse-col sur le haut de la poitrine, d’un 
beau noir; gorge et milieu du ventre blancs; toutes les parties supérieures vert-olive 
foncé; le pli de l’aile jaune; rémiges et rectrices noirûtres, bordées extérieurement de 
verdätre : cette dernière teinte, mélangée d’ardoisé, couvre les flancs, mais est pure 
sur le derrière, les couvertures inférieures de la queue et les cuisses. 


1. Nous avons changé le nom de Torquata pour celui d’Affinis, le premier ayant déjà été 
employé par Vieillot pour lA4rremon silens. Voyez Particle précédent. 


( 283 ) 

Cette espèce diffère de la précédente par une taille d’un quart plus grande, par un 
bec bien plus long, plus droit, et noir au lieu d’être orangé; par des pieds du double 
de force; par un hausse-col bien plus large; par les bandes noires de la tête prolongées 
sur les côtés du cou; par les flancs verdâtres et non gris; par le derrière, les cuisses 
et les couvertures inférieures de la queue, d’un beau vert-olive et non blancs. Enfin, 
quoique cette espèce ait, jusqu’à un certain point, les mêmes distributions de couleurs 
que la précédente, il suffit de les examiner toutes deux comparativement, pour recon- 
naître les différences qui les caractérisent. 

Nous l’avons rencontrée seulement en Septembre dans les halliers des ravins voisins 
du village de Circuata, province de Yungas, république de Bolivia, c’est-à-dire au 17.° 
degré de latitude sud, sur le versant oriental des Andes. De même que l'espèce précé- 
dente, elle était silencieuse et triste. 


N° 173. ARRÉMON À NUQUE ROUSSE, Arremon rufinucha, Nob. 
PI. XXVII, fig. 2. 
Embernagra rufinucha, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 34, n° 4. 


A. suprà nigra; subiùs, macult ante oculos sulfurescente; pileo, nuchä, colloque 
superis rufis; fascid oculari, vitté angust&, utrinque ad latera gutturis, nigris; 
remigibus albo marginatis; rostro nigro. 

Sur le vivant. Bec noir, pieds brun-violet, yeux roux. Longueur totale, 170 milli- 
mètres; vol, 215 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 60 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 45 mill.; du doigt du milieu, 22 mill.; du bec, 10 mill.; 
sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence du corps, 100 mill. 

Du roux vif couvre tout le dessus de la tête et du haut du cou, formé de plumes 
larges pouvant se relever en huppe; du noir profond entoure largement l'œil, en 
revêtant les côtés de la tête, se prolonge sur ceux du cou, et forme, sur les côtés 
de la gorge, une ligne qui descend de la mandibule inférieure et entoure le bec en 
dessus. Du jaune vif dessine, en avant de lœil, près de la narine, une petite tache, 
et s'étend sur toutes les parties inférieures du corps, devenant plus verdàtre sur les 
flancs; toutes les parties supérieures sont d’un noir qui prend une teinte verdätre au 
croupion; rémiges courtes, noires, la première bordée extérieurement de blanc, les 
autres de la même couleur à leur base au côté interne; queue longue, terminée en pointe. 

Cette charmante espèce, tout à fait différente par ses teintes de toutes celles du genre, 
est encore remarquable par la brièveté de ses ailes, par sa queue longue, étagée et acu- 
minée. Nous l’avons rencontrée très-rarement et seulement au 17. degré de latitude 
sud, sur les montagnes boisées et humides du versant oriental des Andes boliviennes, 
à notre seconde zone de hauteur, dans les lieux tempérés, sans jamais la voir dans 
les régions chaudes. Nous l'avons observée aux environs de Yanacaché et de Carcuata, 
province de Yungas, et au nord de Cochabamba. Elle se tient toujours au plus épais 
des fourrés dans les ravins, loin des habitations; elle est néanmoins peu craintive, 


Passe- 
reaux. 


( 284 ) 


Passe Vivant isolée, sans descendre à terre, sautillant sans cesse et avec activité de branche 


Treaux. 


en branche, ne s’envolant qu’à la dernière extrémité et pour aller se cacher dans le 
buisson le plus voisin. De temps en temps elle fait entendre un petit cri peu prolongé, 
ressemblant à un rappel. 


Gexre 9. EMBERNAGRE, ƣmbernagra, Less. 


Ce genre a le bec conique, allongé, presque droit, pointu, à bords renflés, à 
narines ouvertes, rondes; les ailes courtes, la queue longue, souvent étagée ; 
les tarses longs, forts et robustes. Bien différent des genres précédens, celui-ci 
s’en distingue par les caractères que nous venons d'indiquer, autant que par 
ses mœurs; en effet, les oiseaux dont il se compose sont, de tous les Tana- 
gridées, les plus marcheurs, et ceux qui préfèrent les petits buissons, les herbes 
même et les lieux marécageux. Nos observations locales nous ont obligé d’ap- 
porter quelques changemens à ce que nous avons publié dans notre Synopsis, 
relativement aux espèces de cette division, qui seules s’'avancent jusque dans 
notre troisième zone de latitude, vers les régions froides du continent. 


N° 174. EMBERNAGRE DES BUISSONS, Æmnbernagra platensis, Nob. 
L'œuf, pl. XXI, fig. 3. 


Emberiza bonariensis, Comm.; Æmberiza platensis, Lath., 1783, Syn., t 2, p. 201, n. 58; 
Embérise de cinq couleurs, Bufl., Ois., t. 4, p. 364; ÆEmberiza platensis, Gmel., 1789, 
Syst. nat.,t. 1-2, p. 886, n° 68; Habia de Banado, Azar., 1802, t. 1°, p. 363, n° 90; 
Embernagra dumetorum, Less., 1831, Traité, p. 465; ÆEmbernagra platensis, d'Orb. et 


Lafr.,"Syn.51n. #17 


ÆE. suprà virescente-fusca; dorso longitudinaliter nigro striato; subiüs cinereo- 
albo; remigibus fuscis olivaceo-viridi limbatis ; capite colloque griseo-cærulescente 
fuscis; rostro flavo, subtüs fusco. 


Sur le vivant. Yeux gris, pieds roses, bec aurore, noir en dessus. Longueur totale, 
210 millimèires. 

Nous avons rencontré cette espèce depuis la frontière du Paraguay jusqu’en Pata- 
gonie, dans les provinces de Montevideo, de Buenos-Ayres, de Santa-Fe, d’Entre-Rios 
et de Corrientes; néanmoins nous avons remarqué que ces oiseaux sont infiniment plus 
communs du 30.° au 36. degré de latitude, que plus au nord, où ils n'arrivent 
que l’hiver, lorsque les froids les chassent des régions méridionales. Ils sont également 
rares au 41." degré sud, où ils ne viennent que pour nicher. Nous les avons toujours 
rencontrés dans les marais, dans les joncs des lacs, et jamais ailleurs; là ils se perchent 
sur les plantes aquatiques, tout en se tenant le plus souvent à terre pour y chercher 


(285 ) 


leur nourriture, qui consiste en graines. Aux mois d'Octobre et de Novembre nous avons 
rencontré, aux environs de Montevideo, au milieu des grandes touffes d'herbes des 
marais, plusieurs de leurs nids, formés de graminées sèches, artistement contournées, 
et dans lesquels étaient déposés cinq à six œufs bleuâtres, marqués irrégalièrement de 
grandes taches violet foncé, de petites de la même couleur, sur un fond légèrement 
nuagé de brun violacé; leurs diamètres sont de 16 et de 24 millimètres. Nous avons 
remarqué que, tandis que la femelle couve, le mâle, placé à peu de distance, la pré- 
vient par des cris de l'approche du danger. 


N.° 175. EMBERNAGRE OLIVATRE, Embernagra olivascens, Nob. 


£. capite, collo, pectoreque ardesiaco-fuscis; suprà olivascens, uropygio griseo- 
virescens ; ventre albo; crisso pallide rufescente; remigibus nigrescentibus , viridi 
limbauis. 


Sur le vivant. Bec orange vif, une ligne brune en dessus, yeux brun-jaune, pieds 
jaunàtres. Longueur totale, 330 millimètres; du vol, 311 muill.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 101 mill.; de la queue, 95 mill.; du bec, 15 mill.; sa hauteur, 11 mill.; 
sa largeur, 8 mill.; circonférence du corps, 140 mill. 

Dessus de la tête noirâtre, passant au gris-ardoisé foncé sur le cou, les joues, la 
gorge et la poitrine, où celte teinte va en diminuant jusqu’à passer au blanc sur le 
milieu du ventre, au gris verdàtre sur les flancs; dos verdätre sans taches, devenant 
gris verdâtre au croupion; tectrices des rémiges vert jaunâtre, ainsi qu'une bordure 
extérieure aux rémiges; le pli de l'aile jaune vif, queue brun verdâtre; couvertures 
inférieures et cuisses roux très-clair. 

Cette espèce, qui réunit presque toutes les teintes de la précédente, s’en distingue 
néanmoins par une taille toujours plus forte, par le manque constant de taches 
noires sur le dos, par toutes les couleurs plus foncées, et surtout par des mœurs on 
ne peut plus dissemblables, ce qui nous fait croire que ce sont bien deux espèces diffé- 
rentes. En effet, l’'Enbernagra platensis ne vit que dans les marais des plaines du sud de 
la république Argentine, tandis que celle-ci n’habite que les montagnes, les coteaux 
escarpés et secs de la Bolivia. Nous l'avons rencontrée très-communément à Enquisivi, 
province de Sicasica; à Palca, province d’Ayupaya, et dans la vallée de Cochabamba, 
sur les coteaux cultivés et couverts seulement de petits buissons. Ces oiseaux y sont 
isolés ou par petites troupes de cinq à six au plus, mêlés aux Habias. Aussi familiers 
que ceux-ci, ils parcourent les jardins avec vivacité, et descendent souvent à terre pour 
chercher les graines dont ils se nourrissent. Leurs cris sont perçans. 


N° 176. EMBERNAGRE MACROURE, Æmbernagra macroura, Nob. 


Fringilla macroura, Lath., Syn., 11, 1, p. 310, n° 80; Gmel., 1789, Syst. nat., éd. 13, 
p+ 918; n.° 723 Cola aguda de encuentro amarillo, Azara, 1805, Æpunt. de los Pax., 


Passe- 
Teaux. 


Passe- 
reaux. 


( 286 ) 


t. 2,p. 259, n.° 230; Emberizoides marginalis, Temm., pl. col. 114; Sphænura fringillaris, 
Licht., 1823, Doubl., p. 42, n° 466; Passerina sphænura, Vieillot, Dict., t. 25, p- 25. 


E. suprà wiridi-olivacea, maculis elongatis nigris ornata; flexura alæ flava; remi- 
gibus, tectricibusque alarum fuscis, virescente marginatis, subtus albo; rectri- 
cibus elongatis acutis, fuscis, medio obscuris. 


Sur le vivant. Yeux bruns, bec jaune, vif brun en dessus de la mandibule supérieure; 
pieds jaunes. Longueur totale, 230 millimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 75 
mill.; de la queue, 105 mill.; du tarse au bout des doigts, 55 mill.; du doigt du 
milieu, 28 mill.; de l’ongle du pouce, 9 mill.; du bec, 12 mill.; circonférence du corps, 
120 mill. 

Cette espèce, tour à tour placée parmi les Fringilles, dans un nouveau genre des 
Conirostres par M. Temminck; dans les Sphœnura par M. Lichtenstein; avec les Passe- 
rina par Vieillot, nous parait toujours avoir été méconnue, quant à sa véritable place. 
Il est évident qu’elle a en tout le bec des Tangaras, par sa forte dent; qu’elle a, jusqu’à 
un certain point, les couleurs des deux espèces précédentes; que, par son bec, ses 
ailes, ses pieds et par ses mœurs, elle leur ressemble encore beaucoup. Seulement un 
peu plus terrestre, nous croyons dès-lors qu’on ne saurait mieux la placer que parmi 
les Embernagres. 

Azara l’a rencontrée au Paraguay; nous l’avons souvent vue dans la province de 
Santa-Cruz de la Sierra, république de Bolivia; au sein des plaines du centre de 
l'Amérique méridionale. Nous l'avons aperçue dans les plaines marécageuses, dans les 
lieux où de très-grandes herbes ou des buissons couvrent le sol. Là, toujours cachée 
au plus épais, elle n’en sort que lorsqu'elle y est contrainte par l'approche des chiens: 
elle vole alors l’espace de quelques toises, se pose de nouveau, et il est difficile de 
la faire partir. Elle parait rare; vit isolée; sa marche est assez rapide, son vol très- 
lourd : elle se nourrit de graines. 


Genre 10. HABIA, Azara; SALTATOR, Vieill. 


Tanagra, Auct.; Tangaras gros becs, Cuv. 


Le bec des Habias est très-gros, très-élevé, robuste, comprimé sur les côtés, à 
bords lisses, l'intérieur de la mandibule supérieure pourvu de crêtes élevées ; 
leurs ailes sont courtes, leurs tarses robustes, allongés; leur queue large, 
un peu échancrée. De tous les Tanagridées, ces oiseaux sont les plus forts, 
les plus agiles parmi les buissonniers, et ceux qu’on voit toujours dessus 
ou dans les buissons, dans les vergers, où, comme les Phytotomes, ils 
vivent de fruits, de bourgeons, en dévastant les jardins; ils avancent tous 
vers le sud, et paraissent aimer les régions tempérées. 


( 287 ) 


N° 177. HABIA À SOURCILS BLANCS, Saltator cærulescens, Vieill. 
L'œuf, pl. XXVIIL, fig. 4, et pl. LIV, fig. 4. 

Habia de ceja blanca, Azar., 1802, Apunt., t. 1.7, ps 344, n° 81; Sallator cærulescens, 
Vieill., 1818, Dict., t. 14, p. 105; id., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 791; Tanagra 
superciliaris, Spix, 4v.,t. 57; Prince Max., Beiütr., t. 3, p. 518, n° 18. 

$. capite corporeque suprà nigricante-cærulescentibus; subtus griseo-rufa; gulä 
albä; utrinque strid nigrd; crisso rufo. 

Sur le vivant. Yeux bruns, pieds plombés, bec noirätre. Longueur totale, 240 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce, dans la province de Corrientes, république Argen- 
une, jusqu'au 30. degré de latitude sud, où partout elle est on ne peut plus 
commune et répandue dans les haies, les buissons, sans jamais entrer dans les bois 
épais; elle y paraît sédentaire, vivant par paires ou par petites troupes mélées aux 
autres espèces d’Habias, et s’approchant volontiers des habitations rurales. Toujours 
dans l’intérieur des buissons, vers le milieu de leur hauteur, ces oiseaux ne font qu'y 
sautiller avec vivacité, y cherchant leur nourriture, qui consiste en graines, en bour- 
geons, en insectes et en hélices, sans qu'ils dédaignent la viande sèche près des habita- 
tions : ils descendent rarement à terre; mais, lorsqu'ils y sont, ils y marchent avec 
mauvaise grace en sautant les deux pieds à la fois. Quelquelois criards, ils font 
entendre un, cri de rappel souvent proféré. Leur vol est peu rapide, interrompu 
et lourd. Au mois de Novembre, ils construisent, près du sommet des buissons, dans 
la partie la plus fourrée, un nid spacieux composé de racines de diverses grosseurs, 
arrangées sans beaucoup d'ordre; ils y déposent deux ou trois œufs d’un beau bleu- 
vert, marqués, au gros bout seulement, d’une foule de petites lignes noires, très- 
déliées en zigzag, qui y forment une espèce de cercle; d’autres ont des taches au lieu 
de lignes; leurs diamètres sont de 19 et de 28 millimètres. À Corrientes on les nomme 

Juan chito chibiro; les Guaranis les appellent Æabia ou Capr. 


N.° 178. HABIA D’AZARA, Saltator Azaræ, Nob. 


Nous avons rencontré, dans les provinces de Moxos et de Santa-Cruz de la Sierra 
en Bolivia, des individus qui doivent peut-être constituer une espèce différente. Ils 
sont tout à fait noiràtre foncé en dessus, au lieu d’être brun verdàtre; leur queue 
et leurs ailes sont noires, au lieu d’être brunes; et les rémiges en sont bordées de bleu 
blanchätre, au lieu de vert. La longueur est de 250 millimètres, c’est-à-dire de 10 milli- 
mètres plus grande; leur bec est noir au lieu d’être obscur; sa forme est plus allongée, 
beaucoup plus aiguë à son extrémité; du reste, les autres teintes sont les mêmes. Si, 
comme nous le croyons, ces différences, que nous avons trouvées sur tous les individus 
sans exception, suffisent pour en faire une espèce distincte, nous proposons de la 
nommer Saltator Azaræ. Ces oiseaux ont les mêmes habitudes que le Saltator cærulescens. 

La femelle est un peu plus terne de teintes. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 288 ) 


N.° 179. HABIA À BEC ORANGÉ, Saltator aurantit rostris, Vieill. 
L'œuf, pl. XXVIIL, fig. 3. 


Habia de pico naranjado, Azar., 1802, Æpunit. de los Pax., t. 1, p. 349, n° 83; Saltator 
auranti rostris, Vicill., 1817, Dict., t. 14, p. 103; Encycl. méth., t. 2, p. 789; ibid., 
d'Oxb: et Lafr., 1Syr% up. 35,tn%2. 


S. vertice, regione paroticd, jugulo, nigris; gutture rufescente-flavo ; superciliis 
albis; corpore suprà plumbeo; subtus rufescente; remigibus nigris; cærulescente 
limbatis; caud4 nigr&, rectricibus lateralibus albo terminatis; rostro aurantio. 


Sur le vivant. Bec orangé, noir avec des lignes jaunes, ou jaune avec des lignes 
noires; yeux bruns, pieds noiratres ou bleuätres. Longueur totale, 230 millimètres ; 
du vol, 310 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 105 mill.; du bec, 15 mul. 

La femelle a toutes les parties supérieures verdâtres, ainsi que le noir du cou, qui 
n’est qu'indiqué; les sourcils sont jaunes, au lieu d’être blancs; toutes les autres teintes 
comme chez les mâles. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la province de Corrientes jusqu’au 30. 
degré de latitude sud; et, dans la république de Bolivia, aux provinces de Sicasica, 
de Cochabamba, de Mizque, de Valle grande, d’Ayupaya, de Chuquisaca, de la Paz, 
où elle fréquente toute l’année les lieux élevés à l’est de la Cordillère des Andes, les 
ravins tempérés et cultivés, et enfin tous les lieux habités et plantés d'arbres fruitiers. 
Des plus familière, on la trouve toujours auprès des maisons, dépouillant les vergers 
de leurs fruits, de leurs fleurs ou de leurs bourgeons, sautant de branche en branche, 
et y menant le même genre de vie que l'espèce précédente. À Corrientes, vers le mois 
de Novembre, les Habias à bec orangé construisent, au milieu des buissons, un nid 
composé de petites racines de lianes, entrelacées sans beaucoup de soin, dont les plus 
minces sont à l’intérieur; c’est sur ce lit que la femelle dépose deux ou trois œufs bleu 
verdätre, marqués sur le gros bout de taches peu nombreuses, noirâtres et rouges, en 
zigzag, et quelques petites ailleurs; sur le gros bout on remarque en outre une ligne fine 
noire, entourant cette partie. Les diamètres de ces œufs sont de 29 et de 19 millimètres. 

Cette espèce porte à Corrientes les mêmes noms que le Saltator cærulescens; aux 
environs de la Paz en Bolivia, les Aymaras la nomment Cucki-chuchi. 


N° 180. HABIA À GORGE NOIRE, Salator atricollis, Vieill. 


Habia de gola negra, Azara, 1802, Æpunt. para la hist. de los Pax.,t. 1.*,p. 348,n.° 82; 
Habia robustona, ibid., p. 350 , n° 84; Saliator atricollis, Viall., 1817, Nouv. Dict. d'hist. 
pat., p. 106, et Encycl. méth., t. 2, p. 790 (d'après Azara, n° 82); Saltator validus, 
Vieill., 1817, Nouv. Dict., t. 14, p. 106 ; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 792 (d’après Azar., 
n. 84); Tanagra atricollis, Spix, 1824, pl. 56, f. 2; Saltator validus, d'Orb. et Lafr., 
Syr. NME 


eu 
| 


( 289 ) 


S. suprà fuscus; gutture nigro, corpore subtus albido-rufescente ; crisso rufescente, 
rostro aurantio, Suprà nigro. 


Sur le vivant. Bec orangé vif, avec une ligne noire à la carène supérieure, yeux roux- 
brun, pieds brun-rosé. Longueur totale, 230 millimètres; du pli de Paile à son extré- 
mité, 95 mill.; de la queue, 80 mill.; du tarse au bout des doigts, 53 mill.; du bec, 
15 mill.; sa hauteur, {1 mill.; sa largeur, 81/2 mill.; circonférence du corps, 140 mill. 

Azara, du reste si bon observateur, a décrit deux fois cette espèce sous les n.” 82 
et 84; Vieillot a reproduit les deux sous les noms de Saltator atricollis et de S. validus, 
sans reconnaître leur identité; et donné, par une faute grave de traduction , des teintes 
qui ne sont pas dans l’ouvrage d'Azara, et qui peuvent perpéluer à jamais cette division 
inutile. 

Azara a rencontré ces oiseaux dans la province de Paraguay; nous les avons retrouvés 
dans la province de Chiquitos en Bolivia, au 17.° degré de latitude sud : ainsi cette espèce 
habiterait les plaines et les collines du centre de l'Amérique; aux environs de Santa-Ana 
de Chiquitos, dans les lieux isolés, sur les arbres et les buissons; elle est peu com- 
mune, va par paires, et du reste a les mêmes mœurs que les espèces précédentes. 


N.° 181. HABIA A VENTRE ROUX, Saltator rufiventris, Nob. 
Pl. XXVII, fig. 1. 
Saltator rufiventris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 35, n° 4. 


S. totus schistaceus ; superciliis albis; abdomine crissoque rufo -cinnamomeis , remi- 
gibus rectricibusque fusco-atris, schistaceo marginatis ; rostro corneo. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus, blanc sale en dessous; yeux roux vif; pieds brun- 
violet. Longueur totale, 240 mill.; vol, 360 mill.; du pli de laile à son extrémité, 
95 mill.; de la queue, 85 mill.; du tarse au bout des doigts, 55 mill.; du doigt du 
milieu, 27 mill.; du bec, 15 mill.; sa hauteur, 11 mill.; sa largeur, 8 mill.; circon- 
férence du corps, 140 mill. 

Müle. D'une belle couleur bleu ardoisé sur les parties supérieures et la moitié anté- 
nieure du corps; un large sourcil blanc s'étend du front à l’occiput; le ventre et les 
couvertures inférieures de la queue sont roux vif foncé; les rémiges et les rectrices noires, 
bordées de bleu-ardoisé. 

Femelle et jeunes. Du verdätre mélangé au bleu des parties supérieures et à la moitié 
antérieure du corps; un peu de blanchàtre à la gorge; le roux plus pale et mélangé au bleu 
verdätre sur la poitrine. 

Nous avons rencontré celte espèce au nord de la Cordillère orientale des Andes 
boliviennes, au 18.° degré de latitude sud, seulement aux environs d’Enquisivi, pro- 
vince de Sicasica, et de Palca, province d’Ayupaya; elle y est très-commune. On la 
voit dans les ravins tempérés des montagnes, près des lieux cultivés, et dans les villages 
même, sur tous les points couverts de buissons, où, par petites troupes, elle se méle 


IV, Où. $ 


_ 


Passe- 
reaux. 


( 290 ) 


Passe aux autres Habias et aux Phytotomes, elle ÿ est sédentaire et pousse un cri sonore 


eaux. 


d'appel. Ses habitudes sont celles des autres espèces décrites. 


N.° 182. HABIA VOISIN, Saltator similis, Nob. 
PI. XVIII, fig. 2. 


Saltator similis, d'Orb. et Lafr., Syr, p. 36, n.° 5. 


S. suprà fusco-cinereus ; dorso alisque ocraceis; caudd plumbed; vittd superciliari, 
gutture colloque anticé niveis; vittd utrinque à mento ad collum nigrd; abdo- 
mine crissoque pallidè rufescentibus. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus, jaunâtre en dessous; pieds violets; yeux bruns. 
Longueur totale, 230 millimètres; de la queue, 80 mill.; du tarse au bout des doigts, 
45 mill.; du pli de laile à son extrémité, 100 mill.; du bec, 13 mill.; sa largeur, 
10 mill.; sa hauteur, 14 mill. 

Parties supérieures cendrées, passant à l’olive sur la tête, le dos et les ailes, et au vert 
aux bordures des rémiges secondaires, un large sourcil s'étendant jusqu’à la nuque; la 
gorge et le haut de la poitrine blanc de neige; une ligne noire descendant de chaque 
côté de la gorge; milieu du ventre et couvertures inférieures de la queue roux très-pâle; 
rectrices plombées. 

Voisine du Saltator magnus, cette espèce en diffère néanmoins par son bec beaucoup 
plus court et non de la même forme, par le devant du cou blanc, au lieu d’être roux; 
par sa queue plombée, au lieu d’être verte; par ses sourcils prolongés en arrière de 
l'œil. Elle constitue dès-lors une espèce bien distincte. 

Elle ne s’est offerte à nous qu’au Rincon de Luna, au sud de la province de Cor- 
rientes, république Argentine, au 29.° degré de latitude sud; elle a les mêmes habi- 
tudes que les espèces précédentes. 


N.° 185. HABIA GRIVERT, Saltator cayana, Nob. 


Grivert ou Rolle de Cayenne, Buff., 1775, Ois., t. 3, p. 134. Enl. n° 616; Coracias cayana, 
Lath., 12781, Syn., t. 1.7, part. 1°, p. 415, n° 15; Coracias cayennensis, Gmel., 1789, 
Syst. nat., p. 381, n.° 12; Saltaior virescens, Vieill., 1823, Enc. méth., t. 2, p. 790. 


S. suprà viridis; subtus sordidè-albus, gutture superciliisque albis, collo antice 
rufescente, guld striatd, utrinque nigrd; crisso rufo ; caudd viridi, remigibus nigres- 
centibus, viridi limbatis; rostro nigro. 


Nous avons rencontré cette espèce au sein des forêts épaisses qui couvrent le pied 
oriental des Andes boliviennes au nord de Cochabamba, au pays des Yuracarès; dans 
les halliers épais remplaçant les autres arbres aux lieux défrichés et abandonnés 
ensuite; elle y est peu commune, et y mène le même genre de vie que les précédentes. 


( 291 ) 


N.° 184. HABIA A CAMAIL, Sa/tator melanopis, Vieill. 

Le Camail, Buff., Ois., t. 4, p. 254. Enl. n° 714; fig. 2; Tanagra melanopis, Lath., 1783, 
Syn., t. Il, 1, p.222, n.° 10; T'anagra aira, Gmel., 1789, t. 1", p. 898, n.° 39; Tanagra 
melanopis, prince Max., 1831, Beitr., t. 3, p. 504; Saltator atra, d'Orb. et Lafr., Syn., 
p. 36, n. 7. | 

S. suprà cæruleo-cinereus ; fascie, mento, guttureque nigris; rectricibus remigibusque 
Juscis, cæruleo limbatis. 

Sur le vivant. Bec noir à son extrémité, bleuâtre ailleurs; yeux roux vif; pieds noirs. 
Longueur totale, 180 mill.; vol, 250 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 85 mill.; 
de la queue, 75 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 14 mill.; sa 
hauteur, 9 mill.; sa largeur, 8 mill.; circonférence du corps, 115 mill. 

Cette espèce, commune à la Guyane et au Brésil, habite aussi, dans la Bolivia, les 
provinces de Moxos et de Chiquitos. Nous l’avons rencontrée surtout près de Concep- 
cion et de San-Jose de Chiquitos, par petites troupes, sur les coteaux, au sein des 
halliers; ses mœurs sont celles des Habias ordinaires. 


GENRE 11. PHYTOTOME, PAytotoma, Molina. 
Phytotoma, Molina, Gmel., Vieill., etc. 


Ce genre singulier, bien caractérisé par les nombreuses dents des com- 
missures, des mandibules et de Pintérieur de la mandibule supérieure, porte 
en outre, comme les Saltators, une forte dent près de l'extrémité du bec; 
ses ailes sont courtes, sa queue égale assez longue. Par ses caractères zoolo- 
giques, il ne peut être éloigné des Habias, chez lesquels on retrouve, non les 
dents du bec, mais les crêtes saillantes de la mandibule supérieure; ses pieds 
sont robustes comme ceux des Saltators, et ses ailes sont semblables aux leurs. 
Par les mœurs, les Phytotomes s’en rapprochent encore davantage; car non- 
seulement ils vivent dans les buissons, les halliers, s'y nourrissent de fruits, 
de baies, de bourgeons, comme les Habias, mais encore font constamment 
société avec eux. En conséquence, nous avons cru devoir les ranger dans la 
famille des Tanagridées et à la suite des Saltators, place qui nous parait 
la plus convenable de celles qu'on peut leur assigner. 

Nous en avons rapporté trois espèces : lune, la plus anciennement con- 
nue , habite seulement le versant occidental des Andes au Chili; Pautre, décrite 
par Azara, rencontrée par nous au sud de la province de Corrientes, 
au 29.° degré de latitude sud, et la troisième, sur le versant oriental des 
Andes boliviennes, assez près des plateaux ; ainsi ces oiseaux paraissent être 
spéciaux aux pays tempérés et non à la zone torride. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 292 ) 


N.° 185. PHYTOTOME DE BOLIVIA, Phytotoma angustirostris, Nob. 
PI. XXIX, fig. 2. 
Phytotoma angustirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 37, n.° 2. 


P. suprà plumbea, maculis fuscis nebulosa; fronte, gutture, collo anticè, pectore, 
ventre, crissoque rufis; remigibus nigro-fuscis plumbeo limbatis; caudd nigres- 
cente-fuscä; tectricibus minoribus albo terminatis, duas obliquas vittas forman- 
tibus ; rectricibus albo terminatis. 


Sur le vivant. Bec corné, yeux orangés, pieds bruns. Longueur totale, 210 mill.; du 
vol, 305 mill.; de la queue, 70 mill.; du pli de laile à son extrémité, 95 mill.; du 
bec, 10 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 10 mill.; du tarse au bout des doigts, 
40 mill.; du doigt du milieu, 20 mill.; de l’ongle du pouce, 6 mill.; circonférence du 
corps, 120 mill. La femelle a, longueur totale, 185 mill.; du vol, 270 mill. 

Mâle. Front d’un beau roux vif : cette teinte couvre aussi toutes les parties inférieures, 
beaucoup plus intenses sur la poitrine, plus päles au derrière et sur les couvertures 
inférieures de la queue; flancs gris plombé; parties supérieures plombées, avec des 
taches nébuleuses noirâtres au milieu des plumes; ongles et queue noiràtres; les rémiges 
bordées extérieurement de gris bleuâtre; les rectrices terminées de blanc; les tectrices 
des rémiges bordées et terminées de blanc, ce qui forme sur l'aile comme deux raies 
blanches; dessous de l'aile varié de blanc, de roux et de gris. Les jeunes mâles sont 
plus grivelés en dessus et d’une teinte brun livide; le rouge de la tête mélangé de gris; 
la gorge, le haut du cou et les couvertures inférieures de la queue rouges; la poitrine 
blanchâtre, grivelée de noir; très-peu de blanc sur les ailes, dont les tectrices et les 
rémiges sont bordées de gris-roux. La femelle n’a pas de rouge sur la tête, cette partie 
et le dessus du cou est gris-blanc, chaque plume ayant une large tache noirâtre lon- 
situdinale au milieu; le dessus du corps est bleuätre avec de larges taches noirâtres; 
la gorge et la poitrine sont gris un peu lavé de roux, avec des grivelures brunes, 
marquées également sur les flancs; ventre roux très-pâle; le reste comme chez le mâle. 

Nous avons rencontré celte espèce sur le versant oriental des Andes boliviennes, dans 
le ravin de la Paz, aux environs de Cavari, d’Enquisivi, de Palca, provinces de Sicasica 
et d’Ayupaya; dans celles de Cochabamba, de Mizque, de Chuquisaca, etc., toujours 
dans les lieux tempérés secs et arides des coteaux et des plaines, sans jamais descendre 
dans les vallées chaudes, boisées et humides. On dirait que la température qu’elle 
préfère est celle où le blé peut pousser; car nous ne l’avons jamais vue ni au-dessus 
ni au-dessous de cette limite, qui est notre seconde zone de hauteur. Elle se tient 
toujours aux environs des lieux habités et cultivés, et est très-commune. On la voit 
toute l’année seule, par paires ou par petites troupes, parcourir les vergers, les jardins 
des villes, mélangée aux Habias, et dévaster les plantations, en coupant les bourgeons, 
en entamant les fruits, et cela sans danger, puisque jusqu’à présent, on s’est contenté 
de se plaindre de ce parasite incommode, sans chercher les moyens de s’en défaire. Son 


ei 


= 


(.295:) 


vol est court et bas, jamais prolongé; ses mœurs sont celles des Habias; néanmoins nous  Passe- 
ne l'avons jamais vue à terre. Son cri souvent répété est on ne peut plus désagréable; 
c'est un bruit semblable aux grincemens que produiraient des dents de scie frottées 
les unes contre les autres. À la saison, le Phytotome est friand du fruit d’un Solanum, 


qui lui colore le bec en violet. 


N.° 186. PHYTOTOME D’AZARA, Phytotoma rutila, Vieill. 
PI. XXIX, fig. 1. 


Habia dentudo, Azara, 1802, Æpunt. de los Pax., t. 1°, p. 366, n° 91; Phytotoma rutila, 
Vieill., 12818, Nouv. Dict. d'hist. nat., t. 26, p. 64. 


P. suprà griseo-fusca; fronte, gutture, pectore, crissoque rufis ; remigibus nigro- 
Juscis, albo limbatis ; caudä nigrescente albo terminatd; tectricibus alarum nigris, 
albo limbatis. 


Sur le vivant. Yeux jaunes, bec couleur de plomb, pieds violet brun. Longueur 
totale, 190 mill.; de la queue, 70 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 85 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 45 mill. 

Cette espèce diffère de la précédente par une taille beaucoup moindre, par ses parties 
supérieures d’un gris-brun mélangé de verdâtre, uniforme au lieu d’être bleu et tacheté 
de brun; par sa queue à proportion beaucoup plus longue, par ses grandes couver- 
tures bordées de blanc, au lieu d’être bordées de gris-roux; pour tout le reste, les 
dispositions sont les mêmes. 

Nous l’avons rencontrée au sud de la province de Corrientes, au 29.° degré de latitude 
australe, dans les lieux les plus sauvages des fourrés du Rincon de Luna, près du Rio 
Batel. Elle était silencieuse et isolée dans l’intérieur d’un buisson. Son estomac conte- 
nait des graines, des bourgeons et des débris d’insectes. 


N.° 187. PHYTOTOME RARA, Phytotoma rara, Molina. 


Phytotoma rara, Molina, Hist. nat. du Chili, p. 235; id., Gmel., 1789, Syst. nat., éd. 13, 
pe 926, n° 13 Phytotoma Bloxhami, Children, Williams Jardine Z{lustrations. Phyto- 
toma silens, Kittlitz, 1827, Ueber einige Vügel von Chili, pl. 1, fig. 1-2; Lafr., 1832, 
Mag. de zool., cl. 11, pl. 5. 


P. suprà rufescente-grisea, maculis nigris notata; pileo, subtus rectricibus (duabus 
mediis exceplis), pogonio externo, basi, cinnamomeis, maculd ante oculos, vittd 
post oculari alidque paroticd rufescente-albis; alis nigris, tectricibus mediis albo 
terminatis; caudd nigrd, apice fuscescente. 


Sur le vivant. Pieds bruns, bec bleuàtre-noir, yeux rouge vermillon. Longueur 
totale, 210 mill.; de la queue, 75 mill.; du tarse au bout des doigts, 50 mill.; du 
bec, 12 mill.; sa hauteur, 9 mill.; sa largeur, 10 mill.; vol, 270 mil. 


Passe- 
reaux. 


( 294 ) 

On reconnait sans peine, en lisant la description du Rara dans Molina, qu’elle n’a 
été faite que de souvenir; car elle est remplie d’inexactitudes de dimensions et de teinte; 
ce qu’il dit des mœurs est bien plus exact. Comme ses habitudes sont les mêmes que 
celles du Phytotoma angustirostris, les dégâts qu’il cause le font poursuivre par les Chi- 
liens; et sa voix, quoique M. Kittlitz lait appelé Sens, est en effet l'expression de son 
nom, et ressemble beaucoup à celui de notre espèce bolivienne. Nous l'avons rencontré 
dans les ravins des environs de Valparaiso au Chili, où il est assez commun. 


VII FAMILLE. 
PIPRADÉES, Prpr41Dx. 


Dans cette famille, composée seulement d'oiseaux américains, nous ne 
possédons que trois espèces, toutes trois des forêts chaudes situées à l’est 
des Andes dans la Bolivia. 


Gexre 1.7 COQ DE ROCHE, Rupicola, Briss. 


N.° 188. COQ DE ROCHE DU PÉROU, Rupicola peruviana. 


Coq de roche du Pérou, Buff., Ois., t. 4, p.437, Enl. 945; Pipra peruviana, Lath.; Pipra rupi- 
cola, var. (, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 998, n° 13 Rupicola peruviana, Vieill., 1823, 
Encyc. méth., 1823,1t.1.°, p: 266. 


R. corpore croceo-rubro; tectricibus alarum majoribus cinereis, remigibus caudäque 
nigTis , Lectricibus rectricum non truncatis. 


Nous avons rencontré cet oiseau, mais très-rarement, sur le versant oriental des 
Andes boliviennes, province de Yungas, et sur les montagnes à l’est de Cochabamba, 
toujours à mi-hauteur des coteaux les plus boisés et les plus humides. Là il se tient 
constamment dans les bois épais, par couples, et le soir et le matin, il fait entendre une 
espèce de croassement rauque qui n’a rien d’agréable, mais qui seul annonce sa pré- 
sence; car, autrement, on ne l’apercevrait que très-difficilement, tant il est sauvage et 
fuit les environs des lieux habités. En le rapprochant des Gallinacés, et faisant un crime 
aux Péruviens de ne l'avoir pas élevé comme oiseau domestique, Buffon se trompe 
entièrement sur ses mœurs. À la Yunga de Cochabamba on le nomme Czapeton. 


Genre 2. MANAKIN, Pipra, Linn. 
Nous avons deux espèces de ce genre, toutes deux des parties chaudes et 


boisées de la Bolivia, situées à l’est des Andes. 


N.° 189. MANAKIN A TÈËTE ROUGE, Pipra rubrocapilla. 
Manacus rubrocapillus, Briss., Orn., t. 4, p. 450; Pipra erythrocephala, Gmel., 1789, var. @, 


Syst. nat., p. 1001,n. 6; Vieill., 1818, Nouv. Dict., t. 19, p.185 ; Temm., pl. col. 54, fig. 3. 


( 295 ) 


P. Nigro chalybeus, capite suprà coccineo; cruribus flavescens externis, in infimd 
parte coccineis, rectricibus lateralibus nigricantibus. 


Sur le vivant. Yeux jaunes, bec corné, pieds rosés. Longueur totale, 120 millimètres; 
du pli de laile à son extrémité, 60 mill.; de la queue, 20 mill. 

La femelle est vert foncé en dessus, plus pâle en dessous, passant au blanchâtre sur le 
ventre. 

Nous n’avons rencontré cette jolie espèce qu’au sein des forêts humides et chaudes 
du pied oriental des Andes boliviennes au pays des Yuracarès. Elle se tient au milieu 
des bois, sur les branches des arbres; elle y est peu commune et des plus sauvage. 


N.° 190. MANAKIN À QUEUE RAYÉE, Pipra fasciata, Nob. 
PI. XXX, fig. 1. 
Pipra fasciata, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 38, n.° 2. 


P. suprà à rostro ad dorsi medium aurantio-coccineus ; fronte, gutture, pectore, 
flexurdque alæ, aureo-coccineis ; abdomine, vittd latd ad medium caudæ fasciatd , 
crissoque flavis ; dorso, uropygio , alis, cauddque nigTIS. 


Sur le vivant. Bec bleuàtre, pieds violets, yeux blancs. Longueur totale, 110 mill.; 
du vol, 220 mill.; du pli de laile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 30 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 30 mill.; du bec, 8 mill.; sa hauteur, 3 mill.; circon- 
férence du corps, 100 mill. 

Müle. Toute la moitié antérieure du corps et la tête d’un bel orangé vif, passant au 
rouge sur le derrière de la tête et sur la poitrine; le pli de laile, le ventre, les cou- 
vertures inférieures de la queue et une large fascie en travers de la queue, d’un jaune 
pale; ailes, dos, croupion, base et extrémité de la queue, d’un beau noir. Une tache 
blanche sur le milieu de la longueur des rémiges à leur côté interne. La femelle et les 
Jeunes mâles sont verdàtre uniforme. 

Cette charmante espèce est voisine du Pipra aureola, maïs s’en distingue par ses 
pieds plus forts, plus foncés, et par sa queue fasciée. Nous l’avons rencontrée successive- 
ment aux environs de Santa-Cruz de la Sierra et au pays des Guarayos, république de 
Bolivia, au centre de l'Amérique méridionale. Quoique toujours rare, elle est peu crain- 
tive et se tient sur les branches basses des grands arbres, dans les bois les plus épais. 


VIII FAMILLE. 


CORACINIDÉES, ConaciniD#. 


Les oiseaux de cette famille sont tous des régions chaudes et humides 
situées à l’est des Andes. 


Passe- 
reaux, 


Passe- 
TeEAaUX:. 


( 296 ) 


Gevre CÉPHALOPTÈRE, Cephalopterus, Geoff. Saint-Hil. 


N.° 191. CÉPHALOPTÈRE ORNÉ, Cephalopterus ornatus, Geoff. 


Cephalopterus ornatus, Geoff., Ann. du Museum, t. 13, pl. 15; Coracina cephaloptera, Vieill., 
Gal., pl. 114; Temm., col., 255; Coracina ornata, Spix, 59. 


C. Totus niger, nitens; crist& concolore et albd; lateribus colli glabris, cyaneis ; 
rostro pedibusque nigris. 
Nous n’avons pas vu cet oiseau vivant; mais on nous en à montré une peau en mau- 
vais état, rapportée de la province d’Apolobamba, au nord de la république de Bolivia, 


et prise sur les rives du Rio Béni; fait que nous n’indiquons que comme pouvant 
déterminer son habitat. 


IX FAMILLE. 
AMPÉLIDÉES, AP£L1DE. 


Famille composée d'oiseaux propres aux forêts chaudes de la zone tropicale 
situées à l’est des Andes, et n’habitant que les bois. 


Gex 1. PIAUHAU, Querula, Vieill. 
Ampelis, Muscicapa, Auct. 


Nous n'avons rencontré qu’une seule espèce de ce genre. 


N.° 192. PIAUHAU GRIS, Querula cineracea, Nob. 


Ampels cineracea, Vieïll., 1817, Nouv. Dict., t. 8, p. 162; Muscicapa plumbea, Licht., 1823, 
Doub., n° 553; Querula cinerea, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 39. 


Q. cinereo-fusca , subtus cinerea, rostro nigrescente, pedibus cærulescentibus. 


Sur le vivant. Bec noirätre, pieds bleuâtres, yeux bruns. Longueur totale, 280 mill.; 
du pli de l’aile à son extrémité, 125 mill.; de la queue, 110; circonférence du corps, 
180 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce dans les jardins de la mission de Magdalena, pro- 
vince de Moxos, république de Bolivia, c’est-à-dire dans les plaines chaudes situées à 
l’est des Andes; elle sautillait sur les branches d’un arbre. 


Gex 2. COTINGA, Ampelis, Linn. 


Cotinga, Brisson. 


Nous ne possédons que trois espèces de ce genre, dont deux nouvelles, des contre- 
forts orientaux des Andes boliviennes. | 


(297 ) 


N° 193. COTINGA QUEREIVA, 4mpelis cayennensis, Nob. 


Cotinga cayennensis, Briss., 1760, Orn., t. 2, p. 344, n° 3; t. 34, fig. 3; Quereiva, Buff., 
Ois., t. 4,p. 444, Enl., 624; Æmpelis cayana, Lath., 1783, Syn., 2, t. 1”, p. 95, n° 3; 
id. Gmel., 1789, Syst. nat., p. 840, n° 6; ÆAmpelis cayana, d'Orb. et Lafr., $yn., p. 40, 


LL 


n. 2. 


A. nitida, cærulea, collo subtùs violaceo; remigibus rectricibusque nigris, cæruleo 
marginalis ; rostro pedibusque nigris. 


Nous avons rencontré ce bel oiseau dans les immenses forêts chaudes et humides 
qui couvrent le pied oriental des Andes boliviennes au pays des Yuracarès. 11 se tenait 
au milieu des bois sur les branches des arbres touffus. Il y est rare, et les indigènes, 
lorsqu'ils parviennent à le tuer à coups de flèche, en conservent la peau comme une 
chose précieuse. 


N.° 194. COTINGA À HUPPE ROUGE, Ampelis rubrocristata, Nob. 
PL XXXI, fig. 1. 


Æmpelis rubrocristata, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 39, n.° 1. 


A. suprä cinereo-Cærulea; uropygio albo variegato; crist& elongatd splendide cinna- 
momed, loris, alis cauddque nigris; subtüus cinerea, abdomine, crissoque albo 
variegalis , rectricibus (duabus mediis exceptis) maculd quadratd alba. 


Sur le vivant. Pieds noirätres, bec noir à son extrémité, bleu pâle à sa base; yeux 
rouge vif. Longueur totale, 210 millimètres; du vol, 350 mill.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 111 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse au bout des doigts, 48 mill.; du 
doigt du milieu, 24 mill.; du bec, 12 mill.; sa largeur, 9 mill.; sa hauteur, 6 mill.; 
circonférence du corps, 140 mill. 

Mäle. Toutes les parties supérieures d’un gris ardoisé, uniforme sur les'parties anté- 
rieures du corps, variées de blanchätre au croupion; les parties inférieures gris foncé 
sur le cou, plus pale en arrière, variées de blanc au milieu du ventre et sur les cou- 
vertures inférieures de la queue; sur le derrière de la tête un faisceau de plumes longues 
el étroites, acuminées, d’un beau roux foncé vif, et pouvant se relever en huppe, accom- 
pagnées, en dessus, de quelques-unes qui sont grises; rémiges et leurs couvertures, 
rectrices, noires; les dernières, les deux supérieures exceptées, marquées sur leur côté 
interne, au milieu de leur longueur, d’une tache blanche carrée. 

Femelle où jeune sans huppe, le dessus de la tête noiratre, les parties supérieures 
brunes, variées d’un peu de roux aux plumes scapulaires, et de jaune au croupion; 
devant du cou gris-brun, très-peu varié de jaunàtre; le ventre et les couvertures infé- 
rieures de la queue marqués de longues taches noires sur un fond jaune clair; les ailes 
et la queue comme dans le mäle. 


O1 
Co 


IV. Oùis. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
EAUX. 


( 298 ) 

Cette charmante espèce habite les montagnes boisées chaudes et humides du versant 
oriental des Andes boliviennes, au nord de la Paz, dans la province de Yungas et 
d’Ayupaya, où elle parait très-rare. Nous l'avons rencontrée près de Chupé et de Palca, 
seulement dans les lieux élevés, voyageant par paires au sein des bois touffus, d’où elle 
ne sort jamais. Elle est des plus sauvage, et lorsqu'on l’inquiète, elle relève de suite la 
huppe dont sa tête est ornée; dans le repos les plumes tombent sur le cou. Nous ne 
lui avons entendu proférer aucun cri. 


N° 195. COTINGA VERT, 4mpelis wiridis, Nob. 
PL XXX, fig. 2. 
Ampelis viridis, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 40, n.° 3. 


A. suprà pectoreque prasino-viridis; oculis parvis plumis cilüformibus, luteis cir- 
cumdatis ; gutture, ventro crissoque luteis, viridi variatis ; remigibus nigris, viridi 
limbatis, secundariis, albo terminatis ; caudd suprà viridi; rectricibus, pogonio 
interno nigro, macul& magnd nigr& ante apicem albescente terminatis ; rostro 
pedibusque rubris. 


Sur le vivant. Bec et pieds rouge de vermillon vif, yeux jaunes. Longueur totale, 
210 millimètres, du vol, 310 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 95 mill.; de la 
queue, 75 mill.; du tarse au bout des doigts, 47 mill.; du doigt du milieu, 17 mill.; 
du bec, 11 mill.; sa hauteur, 5 mill.; sa largeur, 7 mill.; circonférence du corps, 
150 mill. 

D'un beau vert foncé vif; le tour des yeux jaune, cette couleur variant le haut de la 
gorge, le milieu du ventre et les couvertures inférieures de la queue, où elle est écaillée 
de vert; rémiges noirätres, bordées de vert, toutes les secondaires terminées de blanc; 
les trois postérieures ornées en outre, près de leur extrémité et du côté interne, d’une 
tache noire; les deux rectrices supérieures vertes, les autres noirâtres du côté interne; 
elles sont, de plus, marquées d’une tache noire près de leur extrémité, et terminées 
d’un peu de blanc en bordure; dessous de la queue noirätre; queue longue, arrondie, 
les pennes terminées un peu en pointe; ailes courtes, la quatrième rémige la plus longue, 
les rémiges secondaires terminées en pointe. 

Nous devons au hasard la connaissance de cette espèce, qui figure aujourd’hui dans 
les collections du Muséum. Étant à Chulumani, capitale de la province de Yungas, à 
l’est des Andes boliviennes de la Paz, un habitant vint nous prévenir que, dans une 
église en construction, il y avait un oiseau étranger; nous nous y rendimes, et rencon- 
trames celte espèce, qui volait d’une poutre à l’autre, sans chercher à sortir; nous la 
tirâmes pour ne pas la perdre, et jamais depuis nous n’en avons rencontré d’autres 
individus. C’était sans doute un oiseau égaré; car les habitans nous assurèrent tous ne 
lavoir pas encore vu dans le pays. 


( 299 ) 


Passe- 
réaux. 


Gevre. 3. TERSINE, Tersina, Vielll. a 


Nous n’en connaissons qu’une espèce. 


N.° 196. TERSINE BLEUE, Zersina tersa. 


Ampels tersa, Linn., Lath., 1783, Syn. Il, 1, p. 95; n° 4; Gmel., 1789, Syst. nat., p.841, 
n. 75; da Tersine, Buff., Ois., 4, p. 446; Procnia ventralis, Ilig.; Tersina cϾrulea, Vieill., 


1819, Nouv. Dict., t. 33, p. 401; Procnia ventralis, Prince Max., Beitr., t. 3, p. 385. 


T. capistro guttureque nigris, corpore suprà, pectore, hypocondriüs, tectricibus 
alarum nuünoribus dilutè cœæruleis; ventre medio albo; rostro pedibusque nigris. 


Nous avons rencontré cette espèce dans les bois qui bordent le Rio Pyray, non loin 
de Santa-Cruz de la Sierra en Bolivia; ainsi elle habiterait tout le Brésil, ou pour mieux 
dire, toutes les parties chaudes situées à l’est des Andes et de leurs contreforts. Elle va 
par troupes nombreuses, comme les Tangaras, et tout nous ferait croire qu’elle doit être . 
rapprochée des Tanagridées. j 


X.° FAMILLE. 
MUSCICAPIDÉES, Moscrcarrpr. 


Cette famille, bien facile à reconnaître par les longs poils roides qui ornent 
la base de son bec, est du reste trop connue pour que nous en décrivions 
les caractères. La grande disparité dans les mœurs et les habitudes des 
oiseaux qui la composent, ne nous permettant pas non plus d'établir des 
généralités, nous nous bornerons à dire que nos observations immédiates 
sur les habitudes de ceux que nous y réunissons, nous ont déterminé à la 
diviser ainsi qu'il suit" : 


1. C’est après avoir discuté tous les caractères zoologiques et les mœurs des espèces, après 
avoir revu avec critique nos descriptions écrites sur les lieux, que nous avons donné celte divi- 
sion, qui nous paraît infiniment plus naturelle que celle que, d'accord avec M. de Lafresnaye, 
nous avions présentée dans notre Synopsis. 


Passe- 
reaux. 


( 300 ) 


Nombre 
des espèces, 


Psaris 2 eme ee 
SYLVIGOLES., + + «1. lee - < + +. + Pachyrhynchus. 0 M 


ES re et A 
Hirundinea . .... 1 
Todirostrum. . . . .' 4 
Muscipeta . . . . . . 11 


DUMICOLES proprement dits, se tenant 


ns : Muscicapara. . . . . 13 
dans l’intérieur des fourrés et ne se 


perchant pas au dehors. Setophaga see e 20 


MUSCICAPIDÉES . Culicivora . . . . .. 


Dumicozes. . Tachuris. . : . . 


Arundinicola . . .. 


AT LE dde 


Alecturus . ..... 


DUMICOLES PERCHEURS, n’entrant Suiriri. «4... .. 
jamais dans les fourrés et se perchant 


toujours au dehors. 


Fluvicola. . . .. .. 


Co 1 © © © D D Co 


nd 


Pepoaza : 1.1, rem 
HOMICOLES . 0 0 tr. 1. til 


Muscigralla . . . .. 
‘ Muscisaccicola. . . . 


Fr 


89 


Sur ce nombre de quatre-vingt-neuf espèces, que nous avons observées 
dans nos voyages, 1.” quarante-sept, ou plus de la moitié, sont de notre 
première zone de latitude, dans les plaines, ou des régions chaudes situées 
à l’est des Andes; dans ce nombre, six sont également de la première zone 
de hauteur, six se trouvent simultanément dans la première et la seconde 
zone, et deux (le Tyrannus savana et V Ada perspicillata) habitent en 
même temps les trois zones de latitude. 2.” Douze, ou plus du huitième, 
appartiennent à notre seconde zone de latitude; de celles-ci trois se trouvent 
encore dans notre seconde zone de hauteur en Bolivia. 3° Quatre sont 
spéciales à notre troisième zone de latitude, sur lesquelles la moitié se rencontre 
simultanément dans notre troisième zone de hauteur, au sommet des Andes. 

Après les distinctions que nous venons de faire et le nombre simultané 
des espèces qu'on rencontre dans Îles deux séries de zones, il nous reste 
encore, pour les zones d’élévation au-dessus du niveau de la mer, sur les 
Andes, 1. douze espèces dans la première zone; 2.° six dans la seconde, et 
5. six dans la troisième. 

De toutes les espèces, dix seulement se trouvent à l’ouest des Andes, toutes 
les autres sont de lest; encore parmi les premières y en a-t-il quatre qu’on 
rencontre simultanément à lest et à l’ouest. 


( 501 ) 
1° DIVISION. 
MUSCICAPIDÉES SYLVICOLES, Muscicapidæ sykicolæ, Nob. 


Tous habitent les forêts ou se perchent au moins sur les arbres. Par cette 
même raison ils sont presque tous des régions chaudes et tempérées. 


Gexre 1. BÉCARDE, Psaris, Cuv. 
Lanius, Linn., Gmel., Lath.; Tityra, Vieill. 

Ce sont, parmi les Muscicapidées, les oiseaux qui se tiennent le plus volon- 
tiers au sommet des grands arbres des forêts, tout en ayant là les mêmes 
habitudes que les Tyrans sur les buissons. Toutes les espèces que nous con- 
naissons appartiennent aux régions chaudes et boisées des plaines du centre 
de Amérique méridionale. | 


N.° 197. BÉCARDE ORDINAIRE, Paris cayanus. 

Lanius cayanus, Linn., Gmel., 1789, Syst. nat., édit. 13, p. 304, n.° 20; Lath., 1781, Syn., 
1,1,p.181,n. 413 Lanius nœvius, Lath., Gmel., n° 20, (3; Bécarde, Bufl., 1970, Ois., 
1", p. 311, Enl., 304; Tityra cinerea, Vieill., 1823, Enc. méth., t. 2, p. 859; Caracte- 
risado blanco cabos negros, Azara, 1805, Æpunt., t. 2, p. 176, n° 207; d'Orb. et Lafr., 
Sÿn., pe 41, n°13 Pachyrhynchus cayanus , Spix, pl. 44. 

P. suprà cinerea, subiüs alba; capite, remigibus rectricibusque nigris; rostro basi 
rubro, apice nigro. 

Sur le vivant. Bec rougeàtre à sa base, noir à son extrémité, partie nue du tour des 
yeux rouge; pieds bleuàtres. Longueur totale, 245 millimètres; vol, 390 mill.; du 
pli de l'aile à son extrémité, 125 mill.; circonférence du corps, 150 mill. 

Nous avons rencontré les oiseaux de cette espèce dans les grandes forêts qui séparent 
Santa-Cruz de la Sierra de Chiquitos, et au pays des Guarayos, entre les provinces 
de Chiquitos et de Moxos, république de Bolivia, toujours par paires, se perchant au 
sommet des plus hauts arbres, y restant immobiles, sans montrer de crainte. Ils sont 


peu répandus et même rares. 


N° 198. BÉCARDE À QUEUE BARRÉE, Psaris semifasciatus, Nob. 
Pachkyrhynchus semifusciatus, Spix, Aves, pl. 44, fig. 23 Psaris Cuvieri, Sw.; Psaris semi- 
J'asciatus, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 2. 

P. suprà subtüusque cinerea, capite antice, remigibus rectricibusque apice nigris; 

caud& basi albd; rostro roseo, pedibus nigris. 

Sur le vivant. Bec rosé à la base, corné à son extrémité; yeux roux, partie nue du 
tour des yeux rouge vif, pieds noirs. Longueur totale, 230 millimètres; du pli de Paile 
à son extrémité, {30 mill.; de la queue, 65 mill.; du bec, 23 mill.; sa hauteur, 
121/2 mill.; circonférence du corps, 150 mill. 


Passe- 
reaux, 


Passe- 
reaux. 


( 302 ) 

La femelle manque de noir à la tête; cette partie, ainsi que le dessus, est en elle 
cendré sale, tirant sur le brun. 

Nous avons aperçu plusieurs fois cette espèce aux environs de Santa-Cruz de la Sierra, 
près Santo-Corazon de Chiquitos, en Bolivia. Elle y est très-peu commune, et se tient 
sur les grands buissons et sur les arbres à la lisière des bois; souvent elle reste immo- 
bile sur une branche, comme les Tyrans. Elle se nourrit d'insectes. 


N.° 199. BÉCARDE INQUISITEUR, Paris inquisitor, Nob. 


Lanius inquisitor, Licht., 1823, Doub., n° 530, 531; Psaris erythrogenis, Selby, Zool. Journ., 
cah. 8, p. 483 (fem.); Psaris inquisitor, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 3. 
L. Mas. Loris plumatis, capite suprà, remigibus rectricibusque nigris; dorso 
cinereo, subtüs albo; rostro pedibusque cæruleis. 


Fem. Fronte, regione ophtalmic& et paroticd rufescentibus; dorso nigro notato, 
subiüus cinerascente. 


Sur le vivant. Bec et pieds bleu foncé, yeux rougeàtres. Longueur totale, 210 milli- 
mètres; du pli de l'aile à son extrémité, 110 mill.; de la queue, 60 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 20 mill.; sa hauteur, 9 mill.; sa largeur, 14 
mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Cette Bécarde, que la différence de livrée entre les sexes avait fait mal à propos 
diviser en deux espèces, habite les provinces de Santa-Cruz de la Sierra et de Chiquitos 
en Bolivia, seulement dans les plaines chaudes; elle se tient sur le haut des arbres 
comme les Tyrans, et y attend les insectes dont elle se saisit. Elle est peu craintive. Nous 
pouvons d'autant mieux affirmer que le Psaris erythrogenis de Selby n’est que la femelle 
du Psaris inquisitor, que nous avons tué près de leur nid des individus des deux sexes. 


N.° 200. BÉCARDE À GORGE ROSE, Paris roseicollis, Nob. 


Jun. Caracterisado canela y corona de Pizarra, Azar., 1805, Apunt. de los Pax., t. 2, p. 181, 
n. 208; Tityra rufa, Vieill., 1816, Nouv. Dict. d’hist. nat., t. 3, p. 347; id. Enc. méth., 
t. 2, p. 859 (d'après Azara, n° 108); Lanius validus, Licht., 1828, Doub., p. 50, n.° 532. 
Fem. Caracterisado canela y cabeza negra, Azara, ibid., p. 182,n.°109; Tityra atricapilla, 
Vieill., 1816, Nouv. Dict., p. 348, Enc., p. 859 (d'après Azara, n°109); Lanius validus, 
Licht., n° 532; Psaris atricapillus, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 4. Mas. Psaris roseicollis, 
d'Orb. et Lafr., Syz. n° 5. 


P. suprà ater aut fusco-niger; capite nigro; subtüs schistaceus, collo anticè pecto- 
reque roseis, scapularibus basi albis. 
Sur le vivant (mâle). Pieds noirätres, yeux bruns, bec noir. 
Femelle. Bec bleuätre en dessus, olivètre en dessous; yeux bruns, pieds bleuâtre 
foncé. Longueur totale, 200 mill.; du vol, 31 mill.; circonférence du corps, 130 mill.; 


du pli de laile à son extrémité, 95 mill.; de la queue, 65 mill.; du bec, 16 mill.; sa 
hauteur, 7 mill.; sa largeur, 81/2 mill. 


( 305 ) 

Le mâle est noirâtre sur le corps, sa tête est noir foncé, le dessous ardoisé, la base 
des scapulaires blanche. La femelle a également la tête noire en dessus, le dos brun, le 
croupion verdâtre, teinté de roux, les parties inférieures d’un roux gris, plus foncé 
sur la poitrine; sur le devant du cou une tache plus pâle, presque blanche, remplace 
le rose du mâle; la base des scapulaires est également blanche. Les jeunes ont les parties 
inférieures roussàtres: celte dernière teinte est plus généralement répandue en dessus. 

Ces trois âges différens, comme on le voit par la synonymie, ont motivé pour les 
auteurs quatre noms distincts; néanmoins nous pouvons assurer qu'ils appartiennent 
bien au même oiseau, auquel nous avons conservé la dénomination qui caractérise le 
male en plumage d'amour, toutes les autres ayant été données sur des oiseaux non 
parfaits. Nous avons rencontré cette jolie Bécarde dans les immenses forêts humides 
et chaudes du pays des Guarayos et des Yuaracarès en Bolivia, ainsi que dans la pro- 
vince de Chiquitos, où elle a le genre de vie des espèces précédentes. Elle n’est jamais 
commune et sa livrée parfaite est rare. 


Genre 2. PACHYRHYNQUE, Pachyrhynchus, Sw. 


Ce genre, dont nous ne connaissons qu'une espèce américaine, vit dans 
les mêmes lieux et a les mêmes habitudes que les Psaris. 


N.° 201. PACHYRHYNQUE A BORDURES, Pachyrhynchus marginatus, Nob. 
PI. XXXI, fig. 2, 3, 4. 
Todus marginatus, Licht., 1823, Doub., p. 51, n° 539; Pachyrhynchus marginatus, d'Oxb. 
et Lafr., Syn., n° 1. 

P. capite suprà rufescente; dorso wiridi; alis nigris, tectricibus remigibusque secun- 
dariis ferrugineo limbatis; caudd gradatd, rufescente; rectricibus intermediis 
olivaceis. 

Sur le vivant. Bec bleu, pieds bleuâtres, yeux jaunes. Longueur totale, 140 mill.; 
du pli de l'aile à son extrémité, 60 mill.; de la queue, 45 mill.; du bec, 9 mill.; sa 
largeur, 8 mill.; circonférence du corps, 90 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce dans les immenses forêts chaudes et humides du 
pied oriental des Andes boliviennes, au pays des Yuracarès. Elle se tient sur les petits 
arbustes du bord des rivières. 


Genre 5. TYRAN, Tyrannus, Vieill. 
Suiriri, Azara. 
Remarquables, parmi les Muscicapidées, par leur taille et par leurs mœurs, 


les Tyrans ont le bec fort allongé, crochu à son extrémité, renflé sur les 
côtés. Ce sont des oiseaux voyageurs qui vivent dans les savanes, les cam- 


Passe- 
realix. 


( 504 ) 


Passe- pagnes habitées ou à la lisière des bois, se tiennent sur le sommet des buis- 


reaux. 


sons et des petits arbres, poursuivent les insectes qui passent à leur portée, 
descendent rarement à terre, ne pénétrant pas dans Pintérieur des bois; ils 
sont courageux, criards et disputent les approches de leur nichée à tous les 
oiseaux de proie. 


1. SECTION. À. 


TYRANS A BEC FORT, Tyranni fortirostres, Nob. 


Ailes médiocres, à extrémité entière; queue égale, pieds courts, bec très- 
fort, peu déprimé. Ils se tiennent dans les lieux boisés, sauvages ou habités. 
Ils habitent toutes les régions situées à lest des Andes, surtout les plaines. 


N.° 202. TYRAN BELLIQUEUX, Tyrannus sulfuratus. 
L'œuf, pl. XXXIX, fig. 3; XLIX, fig. 3. 


Bécarde à ventre jaune, Buff., 1770, Ois., t. 1°, p. 312, Enl., 296; Geai à ventre jaune de 
Cayenne, Buff., 1775, Ois., t. 3, p. 119, Enl.249; Lanius cayanensis luteus, Briss., 4v., 2, 
p.176; Lanius sulfuratus, Lath.,1781,Syn., 1, p.188, n° 403 Corvus flavus ,id.,1,p. 392; 
Lanius sulfuratus, Gmel., 1789, Syst, n° 19, p. 304; Corvus flavus, id., n° 38, p. 373; 
Suiriri bienteveo où Puilanga, Azara, 1805, Apunt. par. los Pax., t. 2, p. 157, n° 200; 
Tyrannus bellicosus, Vieil., 1819, Dict.,t. 35, p. 743 id. Enc. méth., t. 2, p. 846 (d'après 
Azara); Tyrannus magnanimus, Vieill., 1823, Enc., t. 2, p. 850 (d'après les auteurs); 
Tyrannus sulfuratus, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 1. 


T°. supernè fuscus, infernè sulfureus; capite nigricante , medio flwo; fronte, super- 
ciliis guttureque albis ; remigibus rectricibusque fuscis, rufo externè limbatis. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. 

Comme on le voit par la synonymie, cette espèce porte un grand nombre de noms 
dans les auteurs qui se sont copiés les uns les autres sans critique; confusion provenue, 
sans doute, de ce que, sous le nom de Bïenteveo (sa dénomination espagnole), elle a 
été confondue avec le Pitanga (Tyran bec en cuiller), qui en est bien différent; et 
cela, parce que le nom guarani Pitanga est le même pour les deux. Nous avons cru 
dès-lors devoir revenir au nom le plus ancien pour désigner celle-ci. 

Nous avons trouvé ce Tyran depuis Buenos-Ayres, Montevideo, Corrientes, jusque 
dans presque toute la Bolivia, au moins à Chiquitos et sur tout le versant oriental des 
Andes, à Cochabamba, Chuquisaca, etc. Il habite donc simultanément nos deux pre- 
mières zones de latitude et de hauteur. On le voit partout, des plus familier, vivre non 
loin des habitations, dans les vergers ou sur les arbres qui bordent les rivières. Là, 
perché sur le point culminant ou sur les grosses branches des arbres, il reste immo- 
bile, ne s’envolant subitement qu’afin de poursuivre un insecte qui passe à sa portée. 
\u bord des eaux nous l’avons vu prendre son essor, planer comme les Martins-pècheurs, 


( 505 ) 

fondre, de même que les oiseaux de proie, sur l’insecte qu’il convoitait, puis revenir 
se poser à la place qu'il avait quittée. Il n’émigre pas; et quand Phiver il manque 
d'insectes, on le voit s'approcher encore davantage des habitations, pour manger la 
viande qu’on y met sécher; c’est alors aussi qu’il suit les Urubus et autres cathartes, 
pour se saisir des petits lambeaux de chair que ceux-ci détachent du cadavre des animaux 
morts. Nous les avons vus se réunir par paires au printemps (Septembre et Octobre). 
À celte époque ils choisissent un arbre isolé de moyenne hauteur ou un buisson, et y 
construisent leur nid, à la bifurcation des branches supérieures. Ce nid volumineux 
est mélangé de branchages et de plumes, formant une masse sphérique, sur le 
côté de laquelle est pratiquée une petite ouverture par où l'oiseau peut pénétrer au 
centre, lapissé de duvet très-fin : c’est là que la femelle dépose quatre à cinq œufs de 
trente millimètres de diamètre, allongés, d’un blanc sale, tachetés de points violets 
arrondis, rares, excepté sur le gros bout, où ils forment une couronne. Tant que les 
amours durent, le mâle et la femelle, des plus unis, se tiennent aux environs de leur 
nid, qu'ils défendent avec courage contre les oiseaux de proie et les autres oiseaux, 
les poursuivant à coups de bec en jetant des cris; ce qu'ils font également, quand 
quelqu'un s'approche de leur nichée. Leur cri habituel rend assez bien ces paroles 
espagnoles Bien te veo (je te vois bien), qui est leur nom à Montevideo et Buenos-Ayres; 
et cette habitude de crier les à fait appeler Testigos (témoins) à Cochabamba; ils 
portent encore dans les langues indigènes des noms propres plus où moins imitaüfs de 
leurs cris ou de leurs habitudes. Les Guaranis les nomment Pitagua; les Mbocobis du 
Chaco, Coalac; les Cayuvavas de Moxos, Daquirilr. 


N.° 203. TYRAN CAUDEC, Tyrannus audax, Vieill. 


Caudec, Buff., Ois., t 4, p. 582, Enl., 453, fig. 2; Muscicapa audax, Lath., 1783, Syn., 
H,1,p. 353,n. 64; id., Gmei., 1789, Syst. nat., p. 934, n° 34; Suiriri chorreado todo, 
Azara, 1805, Apunt.,t. 2,p.145,n. 196; Tyrannus solitarius, Vieill., 1816, Nouv. Dict., 
t.3,p. 88; Encycl. méth., t. 2, p. 853 (d'après Azara, n° 196); Tyrannus audax, Vieill., 
1823, Encycl. méth., t. 2, p. 846; id., Prince Max., 1831, Beitr., t. 3, p. 880. 


I”. vertice pennis intus flavis, extus nigricantibus ; loris, circum oculos, auribusque 
nigris; suprà fusco, pennis flavescente marginatis ; uropygio caudäque margine 
rüfis; subtus flavescente nigro maculato , gutture albescente; remigibus , tectrici- 
busque nigris luteo marginatis. 


Sur le vivant. Bec noirâtre en dessus, corné à sa base; pieds bleus, yeux roux. Lon- 
gueur totale, 225 millimètres; du vol, 365 mill.; du pli de laile à son extrémité, 110 
mill.; circonférence du corps, 130 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce d’abord au 28.° degré de latitude sud dans la 
province de Corrientes; nous lavons retrouvée vers le 15.° degré dans celles de Santa- 
Cruz de la Sierra et de Chiquitos, en Bolivia, toujours dans notre première zone de 
latitude. Elle se tient près des eaux, sur le sommet des buissons et des petits arbres, 


IV. Où. 39 


Passe- 
reaux. 


FF a 
( 506 ) 
Passe d’où elle s'envole pour saisir sa proie. Elle est peu commune et paraît constamment 
eaux, , = ee 
pr voyager. Son cri Pa fait confondre avec tous les autres Tyrans sous le nom de Srriri ou 


Souiriri, dont il est Pexpression. 


N.° 204. TYRAN COLÉRIQUE, Tyrannus crinitus, Nob. 


Turdus crinitus, Linn., Syst. nat., éd. 10, sp. 10; Muscicapa virginiana cristata, Briss., Orn., 
tu 2,p. 412,0. 28; Moucherolle de Virginie à huppe verte, Buff., Ois., t. 4, p. 565, 
Enl. 569, fig. 1; Tyran de la Louisiane, Buff., Ois., t. 4, p. 583; Catesby, Car., t. 1, p. 52; 
Muscicapa crinita, Lath., Syn., I, 1783, p. 357, n° 61; Muscicapa ludoviciana , id., 
Syn., p. 358,n.° 63; Muscicapa crinita, Gmel., 1789, Syst. nat., éd. 13, p.934, n° 6; 
Muscicapa ludoviciana, id., n° 33; Suiriri pardo y rojo, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p.143, 
n°195; T'yrannus irritabilis, Vieïill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 847; Tyrannus crinitus, 
d'Orb. et Lafr., Syn., p. 43, n.° 3, 

T. capite, dorso colloque suprà fusco virescens; gutture cærulescens, abdomine 
flavescente, remigibus fuscis, externè rufo limbatis, rectricibus nigrescentibus, 
uuts rufescentibus. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bistrés. Longueur totale, 200 millimètres; 
du vol, 280 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Cette espèce, confondue sous plusieurs noms par les auteurs et décrite comme appar- 
tenant exclusivement à l'Amérique septentrionale, s’est montrée à nous à Corrientes, 
république Argentine, au 28.° degré de latitude sud, et dans la province de Yungas, en 
Bolivia, sur les contreforts boisés et chauds des Andes. Loin d’avoir les mœurs familières 
de l'espèce précédente, celle-ci se tient toujours au sein des bois ou loin des habita- 
tions. On la voit perchée solitairement et sans crainte au sommet des branches, y rester 
immobile, la tête rentrée dans les épaules d’un air mélancolique, guettant les insectes; 
mais en aperçoit-elle un? les plumes de la tête se redressent subitement, elle s’envole, 
le saisit et revient le dépecer sur sa branche, en le frappant plusieurs fois. Nous ne 
l’avons jamais vue à terre. À Corrientes, ces oiseaux sont de passage; néanmoins on 
nous a assuré qu'ils nichent dans les lianes, au sommet des arbres. Dans tous les cas 
ils arrivent aux mois de Mai et de Juin; cest à la mème époque que nous les avons 
vus dans la province de Yungas. Moins criards que les autres espèces, leur cri est encore 


analogue à celui de l'espèce précédente. 


N° 205. TYRAN FÉROCE, 7 yrannus feroæ, Vieill. 


Tyrannus cayennensis, Briss., 4v., 2, p. 398, n° 21; Tyran de Cayenne, Buff., Ois., t. 4, 
p. 582, Enl. 591, fig. 13 Muscicapa ferox, Lath., 1783, Syn., t. IT, 1, p. 357, n° 62; 
idem, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 934, n° 32; Suiriri pardo amarillo mayor y menor, 
Azara, 1805, Apunt., t.2,p.140 et138, n° 194 et 193; Tyrannus ferox, Vieill., 1823, 
Encyc. méth., t. 2, p. 848; Muscicapa ferox, prince Max., 1831, Beitr., t. 3, p. 855; 
Tyrannus ferox, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 43, n.° 4. 


( 507 ) 

T°. suprà saturatè fuscus, subtus dilutè sulphureus, gul& pectoreque cinereo-cæruleis,  Passe- 
remigibus nigris, margine fusco-olivaceis; rectricibus nigrescentibus, externé albes- ee . 
cente marginalis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 180 mill.; du pli de 

l'aile à son extrémité, 80 mill.; de la queue, 70 mill.; circonférence du corps, 120 mill. 
Les mâles sont beaucoup plus foncés en dessus que les femelles, et leurs couleurs 

sont plus vives. Cette espèce, que nous croyons reconnaitre parfaitement dans les 

n.* 193 et 194 d’Azara, avait été confondue par Vieillot avec le n.° 195 de l’auteur 

espagnol, qui est véritablement le Tyrannus crinitus; ce sera l’une des nombreuses 

erreurs que nous aurons rectifiées dans les auteurs qui ont cité Azara. 
Nous avons assez fréquemment rencontré cette espèce dans la république de Bolivia, 

au sein des provinces de Yungas, de Moxos, de Chiquitos et de Santa-Cruz de la Sierra, 

ou, pour mieux dire, dans toute notre première zone de latitude et de hauteur. Elle se 

tient familièrement à la lisière des bois, et a les habitudes du Tyrannus sulphuratus, 


sans néanmoins se percher aussi haut sur les branches. 


N° 206. TYRAN À AILE ARMÉE, Tyrannus tuberculifer, Nob. 
PL XXXII, fig. 1-2. 
Tyrannus tuberculifer, d'Oxb. et Lafr., Syn., n° 6. 


T' suprà olivascens, vertice alarum caudäque fumosis ; collo antico pallidè cinereo, 
pectore, abdomine pallidé sulphureis; alis intus et prope flexuram tuberculis 
duobus minutis corneis armatis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bistrés. Longueur totale, 190 millimètres: 
du vol, 250 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 78 mill.; de la queue, 60 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 30 mill.; du doigt du milieu, 15 mill.; du bec, 16 mill.; 
sa largeur, 9 mill.; sa hauteur, 41/2 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Tout le dessus du corps olivatre, passant au noirâtre sur la tête et au vert sur le 
croupion; gorge et devant du cou gris ardoisé très-clair; ventre et couvertures inférieures 
des ailes et de la queue jaune pâle; ailes et ses couvertures brun noirâtre, légèrement 
bordées de plus pale; queue égale, longue, brune, bordée de verdûtre; les deux pennes 
extérieures limbées de plus pale; deux tubercules cornés au pli de laile. 

Cette espèce, voisine de la précédente, s’en distingue par une taille plus petite et par 
le manque de bordure blanchâtre aux plumes scapulaires. Nous l’avons rencontrée dans 
les bois du centre de l'Amérique méridionale, entre les provinces de Chiquitos et de 
Moxos, au pays des sauvages Guarayos; elle a en tout les mœurs de lespèce n.° 205. 


N° 207. TYRAN ARDOISE, Tyrannus fumigatus, Nob. 
Tyrannus fumigatus, d'Orb. et Lafr., Sy., p. 43, n° 7. 
Suprà totus fusco-ardesiacus, pileo paululüm obscuriore, alis caudäque fusco-nigris, 
remigibus lœviter apice emarginalis; tectricibus remigibusque secundariüs griseo 
limbatis; subtus obscurè cinerascens, abdomine medio anoque pallidioribus. 


Passe- 
reaux. 


=——— 


( 508 ) 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, brun en dessous; pieds noirs, yeux bruns. Lon- 
gueur totale, 185 millimètres; du vol, 300 mill.; du pli de laile à son extrémité, 
95 mill.; de la queue, 70 mill.; du tarse au bout des doigts, 30 mill.; du bec, 13 mill.; 
sa largeur, 8 mill.; sa hauteur, 5 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Toutes les parties supérieures brun ardoisé, plus foncé sur la tête; toutes les parties 
inférieures gris ardoisé, passant au blanchâtre sous la gorge et au derrière; du blan- 
chätre autour des yeux; ailes et queue noirâtres, les premières secondaires bordées de 
plus pale. 

Nous avons tué cette espèce sur la crête des montagnes boisées voisines du village 
d'Irupana, province de Yungas, sur le versant oriental des Andes boliviennes. Elle était, 
dans un bois humide, perchée sur le haut d’un arbre, où, tout en chantant, elle relevait 
les plumes du dessus de la tête. Nous ne l'avons pas revue depuis. 


2. SECTION. B. 
TYRANS A BEC DROIT, Tyranni rectirostres, Nob. 


Bec droit en dessus, extrémité courbée subitement et crochue; tarses longs, 
ailes courtes, entières; queue médiocre, égale; couleurs rousses ou roussâtres. 
Îls vivent principalement dans les bois, près des eaux, préférant les buissons 
aux grands arbres. Tous sont de l'est des Andes et des régions chaudes. 


N.° 208. TYRAN ROUSSATRE, Tyrannus rufescens, Nob. 

T. suprà rufescens, capile parüm grisescente, uropygio caudäque intense rufis; 
remigibus nigrescentibus, primariis margine externo, secundariis interno et externo, 
horumque tribus ultimis totis rufis; subtus rufescens; abdomine pallidiore; rostro 
Jusco , elongato. 

Sur le vivant. Bec brun en dessus, rosé à la base; yeux jaune clair, pieds bleu violacé. 
Longueur totale, 220 millimètres; du vol, 330 mill.; de la queue, 75 mill.; du pli de 
l’aile à son extrémité, 100 mill.; du tarse au bout des doigts, 45 mill.; du bec, 20 mill.; 
sa hauteur et sa largeur, 8 mill.; circonférence du corps, 140 mill. 

Cette espèce, voisine du Tyrannus cinereus (Muscicapa cinerea, Gmel.), en diffère par 
son bec moins long, par sa base plus large et par le manque de cendré au cou. Nous 
l'avons recueillie au sein des immenses forêts chaudes et humides habitées par les sau- 
vages Guarayos, entre les provinces de Moxos et de Chiquitos, en Bolivia. Elle se tient 
sur les hauts arbres, tout en ayant les habitudes ordinaires aux Tyrans; comme eux, elle 
saisit les insectes au vol, et les frappe sur les branches, avant de les avaler. Elle est rare. 


N° 209. TYRAN ROUX, Tyrannus tamnophiloides, Nob. 


Suiriri roxo, Azara, 1805, Apunt. para la hist. de los Pax.,t. 2, p. 128, n° 188; Batara 


roxo, Azara, idem, t. 2, p. 212, n° 218; Muscicapa rubra, Vieill., Nouv. Dict., t. 21, 


( 309 ) 
pe 4573 Encycl. méth., t. 2, p. 831 (d'après Azara, n° 188); Tamnophilus rufus, Vieill., 
1816, Nouv. Dict., t. 3, p. 316; Muscicapa tamnopliloides, Spix, pl. xxvr; Tyrannus rufus, 
d'Orb. et Lafr., Syn., n° 9, p. 44. 


T' supra rufus ; pileo, alis caudäque saturatioribus; remigibus nigris, pogonio externo 
rufo, apice nigro; subtus diluté rufescens, gutture pallido; abdomine medio 
ochroleuco. 


Sur le vivant. Bec brun en dessus et à son extrémité, rosé ailleurs; pieds noir bleuàtre, 
yeux brun-roux. Longueur totale, 190 millimètres; du vol, 280 mill.; du pli de l’aile 
à son extrémité, 80 mill.; de la queue, 80 mill.; du tarse au bout des doigts, 32 mill.; 
du bec, 13 mill.; sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 7 mill.; circonférence du corps, 100 mill. 

Comme Azara ne faisait pas de collections, qu’il se bornait à décrire les oiseaux qu’il 
chassait, il n’est pas étonnant de trouver l'espèce qui nous occupe deux fois et sous 
deux noms différens, dans ses Bataras et ses Souiriris ; ce qui a fait donner deux noms 
latins par Vieillot; mais une circonstance plus fàächeuse, source d'erreurs graves, c’est 
l'emploi qu'a toujours fait Azara, pour tous les oiseaux roux, du mot espagnol désignant 
la couleur. Il à constamment dit color de bermellon ou roxo, ce qu’on a traduit, avec 
raison, par cramoisi ou rouge de vermillon. C’est ainsi que son Suiriri roxo est devenu le 


Muscicapa rubra, et qu'il est décrit comme cramoisi; et, sans aucun doute, si nous 


n'avions pas étudié Azara sur les lieux et avec soin, nous nous serions également trompé à 


cet égard. L'oiseau n'étant pas rouge, nous n'avons pu conserver la dénomination de 
rubra , et celle de rufus ayant été imposée par Vieillott à une autre espèce de Tyran, nous 
avons élé obligé de donner à celle-ci le seul nom qu’elle puisse conserver. 

Nous l'avons rencontrée en Bolivia, dans les provinces de Yungas et de Chiquitos, 
c’est-à-dire dans notre première zone de hauteur et de latitude, dans les lieux boisés 


et chauds, où elle à en tout les habitudes de l'espèce précédente. 


N.° 210. TYRAN PLOMBEÉ, Tyrannus cæsius, Nob. 


Gobe-mouches plombé, Tem. et Lang., Col. 17, fig. 1; Lanius cœæsius, Licht., 1823, Doubl., 


>. 46, n° 498,499; Muscicapa cæsia, Prince Max., 1831, Beitr., t. 3, p. 826, n° 12. 
I ; 490,499; / ) ; ) ; sn ) 


T. Masc. Totus cæsius. — Fem. suprä C@sia, pectore ardesiaco, albescente punctato ; 
remigibus TUOTLS, Nargine interno, Lectricibus inferioribus abdomineque ferrugineis. 
Sur le vivant. Bec noirâtre en dessus, bleu en dessous; pieds bleus, yeux rougeâtres. 

Longueur totale, 150 mill.; voi, 230 mill.; de le queue, 15 mill.; du pli de laile à 

son extrémité, 65 mill.; du bec, 11 mill.; circonférence du corps, 120 mill. 

M. Temminck a figuré comme femelle un jeune male de cette espèce, et M. Lichten- 
siein a donné évidemment comme femelle adulte une jeune femelle, Presque tous les 


individus de ce sexe que nous avons examinés à l’état parfait, avaient en tout le bleu 


1. Encycl. méth., & IL, p. 852. 


Passe- 
reaux. 


(310 ) 


Passe ardoisé foncé des mâles, avec le dessous de Paile et le ventre roux foncé. Cette espèce 


reaux, 


fait évidemment un chaïnon entre les Laniadées et les Muscicapidées, se rapprochant 
un peu des Bataras, quoiqu'elle soit un véritable Tyran. 

Nous l’avons recueillie dans les forêts sombres et humides du pays des Yuracarès, 
au pied oriental des Andes boliviennes, où elle est rare. Ses mœurs sont celles des 
Tyrans ordinaires; seulement, elle nous a paru plus buissonnière que les autres, sans 
néanmoins pénétrer dans l’intérieur des buissons, comme les Bataras. 


3. SECTION C. 
TYRANS HIRUNDINACÉS, Tyranni hirundinacei, Nob. 


Bec médiocre, déprimé; pieds courts; queue ample, longue, fourchue; 
ailes longues; les trois où quatre rémiges primaires échancrées à leur barbe 
interne et étroites à leur extrémité. Ces oiseaux vivent plus particulièrement 
dans les lieux boisés près des eaux, où ils planent comme les hirondelles. 
On les rencontre à l’est et à l’ouest des Andes, dans les régions tempérées 
et chaudes. 

N° 211. TYRAN SAVANA, 7yrannus Tyrannus, Nob. 


L'œuf, pl. XLIV, fig. 3. 


Tyrannus cauda bifurcata, Briss., 1760, Av.,2,p. 395,n.°20,t. 39, fig. 3; Savana, Buff., 
Ois.,t 4, p.557, Enl. 571, fig. 2; Muscicapa tyrannus, Lath., 1783, Syn., Il, 1, p. 355, 
n." 59; idem, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 931, n° 4; Suiriri tixereta, Azara, 1805, Apunt., 
t 2, p. 130, n° 190; Tyrannus savana, Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 853; 
Muscicapa tyrannus, Prince Max., 1831, Beür., t. 3, p. 834, n° 15; Tyrannus savana, 


d'Orb. et Lafr., Syn. n° 10. 


T. capite suprà nigro, medio flawescente, suprà cinereo, subtüs albo; remigibus 
nigrescentibus , dilutiore marginatis ; caudd elongatissimd, bifurcatä ; nigrd ; rec- 
tricibus primariis albo marginatis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns; les deux premières rémiges légèrement 
échancrées. 

Cette espèce habite une immense surface de l'Amérique méridionale : nous lavons 
trouvée vers le sud, dans les provinces de Corrientes, d’Entre-Rios, de Buenos-Ayres, 
de Montevideo, et jusqu’au 41.° degré sur les bords du Rio Negro en Patagonie. Nous 
l'avons revue ensuite dans toutes les plaines du centre du continent à Santa-Cruz, 
dans les provinces de Chiquitos et de Moxos en Bolivia; ainsi, indifférente à la tempé- 
rature, elle habite seulement les plaines, par toutes les latitudes; mais sur cette surface 
elle est partout de passage. Au printemps, elle part des régions chaudes, s’avance 
plus ou moins vers le sud pour nicher, et, en automne, revient vers ces mêmes 
régions, afin d'y passer l'hiver. Dans ces migrations annuelles elle s’avance vers la 


( 511 ) 

Patagonie. Peu de temps après son arrivée, elle choisit un lieu propice, et place sur 
des arbustes de moyenne taille un nid de six à sept centimètres de diamètre, composé 
de racines, de plumes, de jaine et de coton entremêlés, dans lequel la femelle dépose 
trois à quatre œufs, très-pointus à une extrémité, blancs et marqués de taches rouges 
rares, formant une couronne sur le gros bout; leurs diamètres sont de seize et vingt- 
huit millimètres. C’est à linstant de la nichée que, plus acharnée encore contre toute 
la gent ailée, elle poursuit à outrance les oiseaux de ‘proie et surtout les Caracaras, se 
précipitant sur eux à coups de bec, lorsqu'ils volent et même lorsqu'ils se posent. Apres 
la nichée, la famille entière, quand elle est en état de voler, accompagne les parens 
dans cette poursuile contre les autres oiseaux. Le Tyran savana se tient non loin des 
habitations, dans les lieux où quelques buissons ou des vergers lui permettent de 
s'arrêter, surtout aux environs des eaux; 1l se perche sur les points élevés, et à ouvre et 
ferme souvent son énorme queue; s'il s'envole, il exécute le même mouvement, ce qui 
l’a fait appeler par les Espagnols Tixera ou Tijereta (petits ciseaux), et Fetapa par les 
Guaranis. Quelquefois il plane au-dessus des eaux ou de la terre, comme les hirondelles, 
pour saisir des insectes, et va aussi les chercher à terre, tout en allant ensuite se percher 
sur les plantes élevées les plus voisines. 

Remarqué de tous les indigènes, cet oiseau porte différens noms dans chaque nation. 
Les Patagons l’appellent Techaga; les Araucanos, Pichi-anchu; les Puelches, 4bilrabake. 


N.° 212. TYRAN MÉLANCOLIQUE, Tyrannus melancholicus, Vieill. 
L'œuf, pl. LE, fig. 33. 

Suiriri guazu, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p. 152, n° 198; T'yrannus melancholicus, Vieill., 
1819, Nouv. Dict., t. 35, p.48; idem, Enc. méth., 1823,t.2, p. 851; Muscicapa despotes, 
junior , Licht., 1823, Doubl., n° 567; Muscicapa furcata, Spix, pl 19; Tyrannus melan- 
cholicus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 44, n.° 11. 


T. capite suprà cinereo, medio rubro; gutture juguloque cinereis ; pectore virides- 
cente; corpore sublüs saturatè flavo, supra olivascente; remigibus rectricibusque 


nigrescente-fuscis , pallidè limbatis. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 240 millimètres; vol, 
350 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 120 mill.; de la queue, 100 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 33 mill.; du doigt du milieu, 13 mill.; du bec, 33 mill.; sa hau- 
teur, 8 mill.; sa largeur, {1 mill.; circonférence du corps, 130 mill. 

Le Tyran dont nous nous occupons est encore répandu depuis le 34° degré de lati- 
tude sud, à l'embouchure de la Plata, jusqu'aux régions équinoxiales; car nous Favons 
rencontré à Montevideo, dans les provinces de Buenos-Ayres, de Corrientes, république 
Argentine, et dans celles de Santa-Cruz de la Sierra, de Chiquitos et de Moxos en 
Bolivia, toujours au milieu des plaines peu boisées. Il recherche néanmoins les lieux 
où il peut se fixer, et y montre les mêmes habitudes que l'espèce précédente; toujours 
perché près des habitations, quelquefois au bord des eaux, il est des plus familier, 


Passe- 
reaux, 


Passe- 
realix. 


( 512 ) 

se posant sur les maisons, sur les poteaux, et y restant mélancolique et triste, en atten- 
dant les insectes, qu’il aperçoit même à une grande hauteur; alors il s'envole, les 
poursuit et revient à sa place. On le voit aussi battre des ailes comme le faucon, et 
planer, de même que l’hirondelle, au-dessus des eaux. L'hiver il se tient dans les régions 
chaudes; mais au printemps il s’avance en dehors des tropiques, où il niche. Nous en 
avons vu le nid à Corrientes, au mois d'Octobre : ce nid, placé en évidence sur un 
pêcher, un oranger ou tel autre arbre, est composé, à l'extérieur, de branchages, à lin- 
térieur de crin et d'herbes fines enlacées; il contient trois à quatre œufs de vingt-cinq 
el vingt-sept millimètres de diamètre, d’un blanc rose, couverts de taches oblongues 
rouge-brun foncé, plus rapprochées sur le gros bout. Les parens défendent avec acharne- 
ment l'approche de ce nid, comme le font tous les autres Tyrans. 


N.° 213. TYRAN À VENTRE ROUX, Tyrannus rufiventris, Nob. 
PI. XXXII, fig. 3, 4. 
Tyrannus rufiventris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 45, n.° 12. 

T. supra griseo-fuscus ; superciliis pallidioribus; macul& ante oculos nigrä; uro- 
pygio parum rufescente; gutture albo, fusco striato; infrà totus rufescens ; caudt 
nigrd; rectrice extimd laterali, pogonio externo, rufis; alis nigris, remigibus , 
pogonio inlerno , apice exceplo , r'ufis. | 
Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux brun clair. Longueur totale, 240 millimètres; 

du vol, 430 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 140 mill.; de la queue, 90 mill.; 

du tarse au bout des doigts, 43 mill.; du bec, 18 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 

9 mill.; circonférence du corps, 150 mill. 

Tout le dessus cendré brun assez foncé, passant au roux au croupion, et chaque 
plume du dessus de la tête plus foncée au milieu; gorge blanchàtre, striée en long de 
noiràtre; cette couleur passe graduellement au brun sur les côtés du cou; toutes les 
parties inférieures du corps, des ailes et de la queue d’un beau roux; rémiges noires, 
échancrées à l'extrémité des deux premières, toutes rousses à leur base, sur chacune 
des barbes internes; les deux rectrices supérieures noires, les autres noires avec le côté 
interne de la base roux; les deux externes rousses, terminées de noir. 

Nous avons rencontré cet oiseau dans les ravins boisés de la province de Yungas en 
Bolivia, près des rives du Rio de Meguella, à l’est des Cordillères orientales de la Paz; 
il a, tout en étant sauvage et solitaire, les mœurs des Tyrans ordinaires et en particulier 
de l'espèce précédente. 


N° 214. TYRAN GRIS A HUPPE D'OR, Tyrannus aurantio-atro-cristatus, Nob. 
Tyrannus aurantio-atro-cristatus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 45, n° 13. 
T. suprà cinereo-fuscescens, remigibus nigrescente-cinereo limbatis; rectricibus fuscis; 
pileo toto cristato; cristæ pennis elongatis, nigro mediis aurantio splendide flavis ; 


remigibus tribus primis ante apicem semi-truncatis et angustatis; subtus cinereus, 
abdomine anoque griseo-flavescentibus. 


|: 
j 


(515) 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux roux-brun. Longueur totale, 200 millimètres; 
du pli de l'aile à son extrémité, 100 mill.; de la queue, 80 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 24 mill.; du doigt du milieu, 7? mill.; du bec, 12 mill., sa largeur, 7 mill.; sa 
hauteur, 6 mill.; circonférence du corps, 70 mill. 

Tout le dessus du corps gris ardoisé brunätre; tête ornée d’une huppe noire sur les 
côtés, d’un beau jaune doré au milieu, cette teinte entièrement cachée par le noir, dans 
le repos; gorge et dessous du corps cendré pur, passant au jaunàtre au ventre et aux 
couvertures inférieures de la queue; tectrices des ailes grises; rémiges noiratres, bordées 
de plus pâle; queue gris-brun. Les trois premières rémiges comme tronquées, et terminées 
par une partie très-étroite et aiguë, les autres pennes un peu arquées en dehors. 

Cette espèce, dont l'aile est échancrée comme chez les espèces précédentes, a le bec 
plus faible, et forme dès-lors le passage aux Moucherolles. Nous l'avons rencontrée 
dans la province de Corrientes, à la frontière du Paraguay, et dans celle de Valle grande 
en Bolivia; elle se tient au bord des eaux, au fond des ravins, sur les buissons, et paraît 
y vivre comme notre 7'yrannus rufiventris : elle est rare. 


N° 215. TYRAN PIPIRI, Tyrannus intrepidus, Vieill. ; 
Tyran de la Caroline, Buff., Ois., t. 4, p. 577, Enl. n° 676; Muscicapa tyrannus, var. (2, 


Dominicensis et Carolinensis, Lath., 1781, 1, 1, p. 185, 186, n.° 37; Lanius tyrannus, 
Gmel., 1789, Syst. nat., idem, 13, p. 302, n° 13 B. C.; Tyran of Carolina, Catesh., 
Carol. 1, p. 55, t. 55; Tyrannus intrepidus, Vieïll., 1819, Dict., t. 35, p. 79, et Encycl., 
1823,t 2,p. 849; Muscicapa animosa, Licht., 1823, Doubl., p. 54, n° 558; Tyrannus 
animosus , d'Orb. et Lafr., Syn., n° 14, p. 45. 


T. suprà cinereo-fuscus ; remigibus rectricibusque nigrescente-albescente marginatlis ; 
caudä nigr& albo terminatd; capite suprà nigro, strid longitudinali fuled; subtis 
cinereo-albus. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 211 millimètres; du 
vol, 350 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 122 mill.; de la queue, 72 mill.; du bec, 
15 mill.; circonférence du corps, 120 mul. 

Cet oiseau, dont l'adulte a les trois premières rémiges échancrées à leur extrémité, 
comme dans les espèces précédentes, offre des variétés d’âge assez remarquables. Le jeune 
a les rémiges toutes arrondies à leur extrémité et sans échancrure; 1l manque du jaune 
de la tête, et cette partie, au lieu d’être noire, est gris-brun pâle. 

Nous avons rencontré cette espèce à Santa-Cruz de la Sierra en Bolivia, c’est-à-dire 
dans les plaines du centre de l'Amérique méridionale; elle n’y est que de passage, el 
arrive au mois de Décembre par troupes innombrables, composées d'adultes et de 
jeunes. Autour de la ville et dans la ville même on voit ces troupes se poser un instant 
sur les arbres des jardins, sur les maisons, qu’elles couvrent quelquefois entièrement. 
puis repartir en volant rapidement et jetant des cris aigus. Nous avons remarqué que, 
dans la campagne, ces oiseaux se posaient de préférence au bord des eaux; là, de même 


TV. (CO! 40 


Passe- 
reaux. 


(514 ) 


Passe- que les hirondelles, ils planent au-dessus des eaux stagnantes, en parcourent la surface 


reaux. 


avec vilesse, y saisissent les insectes en volant, continuent cet exercice assez longtemps, 
puis reviennent se percher en jetant de grands cris. Le soir ils volent dans l'air, en 
se poursuivant et criant, comme nos martinets. 


2° DIVISION. 
MUSCICAPIDÉES DUMICOLEFS, Muscicapidæ dumicolæ, Nob. 


Tous vivent dans ou sur les buissons, sans se percher sur les arbres. Nous 
en formons deux groupes, suivant qu'ils se tiennent dans l’intérieur ou au 
dehors des buissons. 


A. DUMICOLES proprement dits. 


Ils habitent seulement lintérieur des fourrés, sans jamais se percher au 
dehors. Ils sautillent continuellement, en cherchant les insectes sur les 
branches ou sous les feuilles. 


Gexre 4. HIRUNDINÉE, Zirundinea, Nob. 


Ailes longues, aiguës, la seconde rémige la plus longue, toutes à extrémité 
entière non échancrée; queue longue, égale, non fourchue; bec très-large, 
très-déprimé, crochu à son extrémité, à narines très-petites, étroites; pieds 
très-faibles, excessivement courts; tarses et doigts très-courts. 

Nous avons entièrement séparé des autres Gobe-mouches loiseau qui 
nous occupe, remarquable par ses caractères et par son habitude de nicher 
sous les toits, dans les nids de fourniers, et de ne vivre que sur les maisons. 


N° 216. HIRUNDINÉE BELLIQUEUSE, Æirundinea bellicosa, Nob. 


Suiriri roxo obscuro, Azar., 1805, Æpunt.,t. 2, p.129,n. 189; Tyrannus bellicosus, Vieill., 
1819, Dict., t. 35, p. 94 (d'après Azara); Platyrhynchos hirundinæus, Spix, 1824, pl. 13, 
fig. 1; Hirundinea bellicosa, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 46, n.° 1. 


H. vertice dorso colloque suprà rufescente-fuscis; tectricibus alarum nigris rufo 
marginalis; uropygio, corpore subiis, alis caudäque rufis, remigibus rectricibusque 


nioro Lerminalis. 
(æ 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 180 millimètres; du 
vol, 325 mill.; circonférence du corps, 100 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 
110 mill.; de la queue, 70 mill.; du tarse au bout des doigts, 25 mill.; du doigt du 
milieu, {3 mill.; du bec, 15 mill.; sa largeur, 9 mill.; sa hauteur, 41/2 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce sur le versant oriental des Andes boliviennes à 
Cochabamba, Chuquisaca, Challuani; puis nous l’avons retrouvée dans la province de 
Chiquitos, à la mission de Santiago; ainsi elle habite notre première et notre seconde 


TES 


(515 ) 

zone de hauteur dans les régions chaudes. On ne la trouve qu’au sein des villes, des 
bourgs et des villages, où elle se tient aussi familièrement qu’un oiseau domestique, 
restant toujours dans les cours, dans les rues, sur les toits, sur les balustrades des 
corridors; c’est même là qu’elle cherche sa nourriture, y saisissant les araignées et les 
insectes. Pour nicher, elle s’approprie le nid d’un fournier ou d’une hirondelle, après 
en avoir chassé les propriétaires, et mème y vient coucher toute l’année. D'une humeur 
querelleuse, comme tous les muscicapidées, elle s’acharne surtout contre les hirondelles 
et les fourniers, qui, par habitude, fréquentent les mêmes lieux. Son vol est horizontal 
comme celui des hirondelles, et tout, dans ses mœurs, rappelle celles de ces oiseaux. 


Gexre D. TODIROSTRE, Todrostrum, Less. 


Remarquable par son bec large, long et aplati comme celui des Todiers, 
avec lesquels il avait été confondu, ce genre en différe par les pieds et par ses 
habitudes. Ses caractères en font un véritable Muscicapidée, et ses mœurs 
sont celles des Moucherolles proprement dites, c’est-à-dire que, buissonnier 
par excellence, on le trouve au sein des halliers, près des habitations et dans 
les forêts. Il habite le versant oriental des Andes et seulement les régions 


chaudes. 
N° 217. TODIROSTRE TICTIC, Zodirostrum cinereum, Nob. 
Todus cinereus, Briss., 1760, Av., app:, p. 134; Tictie, Buñl., Ois., t. 7, p. 223, Enl. 585, 
fig. 33; idem, Lath., 1782; Syn., 1,2; p. 658, n° 2; idem, Gmel., 1789, Syst, p. 443, 


5 


n° 2; Todus cinereus, Desm., Vieill., 1819, Dict., t. 34, p. 148; Todus melanocephalus 
Spix, 1824, pl. 93 Todirostrum cinereum, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 46, n.° 1. 

T. suprà cinereo-virescens, subtus luteus; capite suprà nigro ; remigibus tectricibusque 
alarum nigris, luteo marginatis; caudd nigrd, rectricibus inferioribus albo terminatis. 
Sur le vivant. Bec noir à son extrémité et aux côtés de la mandibule inférieure, le 

milieu rosé; yeux jaunes, pieds bleuàtres. Longueur totale, 120 millimètres; du pli de 

l'aile à son extrémité, 45 mill.; de la queue, 35 mill.; du bec, 10 mill.; sa largeur, 4 mill. 
Cette espèce s’est montrée à nous au mois de Janvier à la mission de Concepcion de 

Moxos en Bolivia; elle se tient dans les jardins au milieu des buissons, où, tout en 

sautillant continuellement entre les branches, elle fait sans cesse entendre un léger cri 

imitatif de son nom. 


N.° 218. TODIROSTRE GORGERET, Zodirostrum gulare, Nob. 


Tachuri cabeza de plomo, Azara, 5805, Æpunt., t. 2, p. 86, n° 169; Muscicapa guluris, 


Natterer, Temm., pl. col. 167, Todirostrum gulare, d'Oxb. et Lafr., Syn., p. 46, n.° 2. 


T. mas. Suprà olivascens; subtüs albo-lutescens ; capite supra cinereo; regione paro- 
ticd guläque rufis; remigibus rectricibusque nigris; viridi-lutescente marginatis; 
caudä fuscescente. — Foem. Pileo brunescente; gutture albicante; tectricibus mino- 


ribus alarum aurantio-rufis. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 


reaux. 


( 316 ) 

Sur le vivant. Bec noir, pieds bleu clair, yeux roux clair. Longueur totale, 105 mill.; 
vol, 150 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 45 mill.; de la queue, 30 mill.; du 
doigt du milieu, 12 mill.; du bec, 10 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence du corps, 
70 mill. 

Cette jolie petite espèce, rencontrée au Paraguay par Azara, s’est montrée à nous en 
Bolivia, à Cireuata, province de Yungas, sur le versant oriental des Andes et à Santo- 
Corazon de Chiquitos, toujours au sein des halliers épais, dans les ravins sombres et 
humides, sautillant de branche en branche, à l’intérieur des buissons, et cherchant là 
les insectes dont elle se nourrit. 


N° 219. TODIROSTRE GRIS DE PERLE, Todirostrum margaritacei-venter, Nob. 
PL. XXXIIT, fig. 3, 4. 
Tachuris pardo vientre de perla, Azar., 1805, Apunt.,t. 2, p. 90, n° 175; Vieill., 1819, 


Dict., t. 32, p. 354; Todirostrum margaritacei-venter, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 46, n.° 3. 


T. supràä fusco-olivascens ; subtus albo margaritaceus; capite suprà cinereo ; 
pectore hypochondriisque cinereo-lutescentibus; tectricibus alarum fuscis, cinereo 
limbatis, remigibus rectricibusque fuscis, viridi-olivascente marginatis. 


Sur le vivant. Bec noiratre, yeux jaunes, pieds rosés. Longueur totale, 110 mill.; du 
pli de l'aile à son extrémité, 50 mill.; de la queue, 30 mill.; du bec, 11 mill.; circon- 
férence du corps, 70 mill. 

Nous avons rencontré celte espèce à Corrientes, dans les jardins de la ville; nous 
l’avons retrouvée ensuite, dans les mêmes circonstances, à Santo-Corazon de Chiquitos 
en Bolivia; ainsi elle paraït habiter toutes les plaines du centre du continent méridional. 
Ses mœurs sont celles des espèces précédentes. 


N.° 220. TODIROSTRE À COURTE QUEUE, Todirostrum ecaudatum, Nob. 
PI. XXXIIT, fig. 1, 2. 


T' supra flavo-olivaceum; pileo cinereo, subius albicans ; pectore hypochondrisque 
virescentibus, alis nigris, remigibus primariis angustissimis, secundariis tectri- 
cibusque latè flavo-viridi limbatis ; caud& minutissimd, brevissimd, rectricibus nigris 
flavo-viridi marginatis. 

Sur le vivant. Bec corné en dessus, bleuàtre en dessous; yeux jaunes, pieds jaunes. 
Longueur totale, 70 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 30 mill.; de la queue, 
7 mill.; du tarse au bout des doigts, 20 mill.; du doigt du milieu, 8 mill.; du bec, 
8 mill.; sa largeur, 41/2 mill.; circonférence du corps, 45 mill. 

Dessus de la tête gris ardoisé; dessus du corps vert tendre, plus pâle au croupion; 
parties inférieures blanchâtres, teintées de jaune-vert sur le ventre et les flancs; dessous 
de l'aile jaune vif; ailes noirâtres, avec une bordure étroite d’un jaune verdâtre aux 
rémiges primaires, et une large aux secondaires et aux tectrices; queue des plus courte, 
très-faible, brune, bordée de vert tendre. 


(317) 


Ce passereau est, sans contredit, celui de tous qui porte la queue la plus courte; 
caractère qui, joint à la très-pelite taille de l'espèce, la distingue nettement de toutes 
les autres. Nous l’avons vu seulement au pied oriental des Andes boliviennes, au pays 
habité par les Indiens Yuracarès; il se tient au sein des forêts, dans les halliers des 
lieux cultivés auprès des habitations. 


Gevre 6. MOUCHEROLLE, Muscipeta, Cuv. 


Caractérisées par leur bec large et déprimé, ainsi que par leurs moustaches, 
les Moucherolles se distinguent des Gobe-mouches proprement dits, en ce qu'au 
lieu de se tenir sur les branches élevées des arbustes et des arbres pour y 
attendre leur proie, elles s’enfoncent dans les buissons, dans les halliers, 
pénètrent dans les fourrés des forêts, sans se percher au dehors. Continuelle- 
ment en mouvement, elles sautillent, en faisant entendre un léger cri de 
rappel. On les trouve seulement dans les régions chaudes, à Pest et à l'ouest 


des Andes, 


N° 221. MOUCHEROLLE COURONNÉE, Muscipeta regia. 


Le Roi des Gobe-mouches, Buff., Ois., t. 4, p. 852, Enl. 289, Todus regius, Lath., 1783, 
Syn., t.2,p. 662, n°10; idem, Gmel., 1789, Syst., p. 448, n°10; Platyrhynchus regius, 
Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 843; Muscicapa regia, Prince Max., 1832, Beitr., 
t 3, pe 944: 

M. atro-fuscus, subtus rufescens; cristä spadiced apice nigro maculatä; mento, 
superciliis pectoreque albis; rostro obscurè fusco; pedibus incarnatis. 


Cette charmante espèce, recherchée par les amateurs comme l’une des plus brillantes, 
n’a pourtant pas toute la beauté que lui prêtent les peintres, d’après la fausse position 
des plumes de la huppe que lui ont donnée les préparateurs, afin d’en faire ressortir 
l'éclat. Cette huppe, au lieu d’être transversale, est au contraire, à l’état naturel, 
longitudinale, et jamais l'oiseau ne l’étale latéralement; il se contente de la relever, 
comme le font les autres Muscicapidées. Nous l'avons trouvé au sein des forêts du 
pied oriental des Andes boliviennes, au pays des Yuracarès; il y est rare, et y vit à la 
manière des autres Moucherolles. 


N° 222. MOUCHEROLLE À VENTRE JAUNE, Muscipeta cayennensis, Nob. 


Muscicapa cayennensis, Briss., Aves, 2, p. 404, n° 24, t. 38, fig. 4; Gobe-mouche à ventre 
jaune, Buff., Ois., t. 4, p. 550, Enl. n° 569, fig. 2; M. cayanensis, Lath., 1783, Syn., 
[,1,p. 355,n. 58; idem, Gmel., 1789, p. 937, n°12; M. flava, Vieill., 1819, Dict., 
t. 32, p. 21; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 827; M. cayennensis, Prince Max., 1832, Beitr., 


t. 3,B,p. 846, n.° 17; M. cayennensis, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 1, p. 47. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 318) 

M. suprà fusco-olivascens ; subtüs lutea; gutture colloque anticè albis ; capite suprà 
nigro; pennis verticis flavo-aurantiis; vittd supra oculos albd ; remigibus rectrici- 
busque Juscis, latè rufo marginatis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 190 mill.; du pli de 
l’aile à son extrémité, 85 mill.; de la queue, 65 mill.; du bec, 13 mill.; circonférence 
du corps, 110 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce sur les rives du Rio Blanco et du Rio Itonama, 
dans la province de Moxos, en Bolivia; elle y est assez commune et se tient sur les 
branches des buissons, où elle épie les insectes qui passent à sa portée. 


N° 223. MOUCHEROLLE À COL BLANC , Muscipeta albicollis, Nob. 

Suiriri chorreado sin roxo, Azar., 1805, Apunt.,t. 2,p. 123,n. 186; Tyrannus albicollis, 
Vieill., 1819, Dict., t. 35, p. 89; idem, 1823, Enc. méth., t. 2,p. 854 (d'après Azara); 
Muscicapa legatus, Licht., 1823, Doubl., n° 574, p. 56? Muscipeta albicollis, d'Oxb. et 
Lafr., Syn., n° 2, p. 47. 

M. pennis verticis nigricantibus, intüs flavis; strigä alb& à medio oculi ad occiput ; 
corpore suprà fusco; subtus flavescente, nigro maculato; gutture albescente, 
strigd laterali nigrescente; remigibus Juscis, pallidèe limbaiis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs; yeux bruns. Longueur totale, 160 millimètres; du 
pli de l'aile à son extrémité, 73 mill.; du tarse au bout des doigts, 27 mill.; de la 
queue, 50 mill.; du bec, 9 mill.; sa largeur, 7 mill.; sa hauteur, 4 mill.; circonférence 
du corps, 95 mill. 

Cette espèce ne s’est offerte à nous qu’au bord de la rivière de San-Miguel, au pays 
des Guarayos, en Bolivia, sur les buissons qui la bordent; elle y mène, du reste, le 
même genre de vie que les Moucherolles ordinaires. 


N.° 224. MOUCHEROLLE VERDOYANTE, Muscipeta acadica, Nob. 


Lesser crested fly-catcher, Arct. zool., t. 2, p. 386, n° 268; Muscicapa acadica, Gmel., 
1789, Syst. nat., p.947, n° 82; Muscicapa querula, Wils., mer. Orn., pl. xni, fig. 2; 
Platyrhynchus virescens , Vieïll., 1818, Nouv. Dict., t. 27, p. 22; idem, Encyc. méth., 1823, 
t.2,p. 844; Muscipeta querula, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 47, n° 4. 


M. supra oliaceo-viridis; subtus virescente-flava; alis saturatè fuscis; binis fascis 
flavescente-albis. 

Sur le vivant. Bec brun en dessus, jaune en dessous; yeux bruns. Longueur totale, 
145 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 65 mill.; de la queue, 55 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 32 mill.; du bec, 12 mill.; sa largeur, 8 mill.; circonférence du 
corps, 90 mill. 

Cette espèce, propre à l'Amérique septentrionale, s’est montrée à nous dans les grands 
bois des environs de la mission de Santo-Corazon de Chiquitos, en Bolivia; elle y 


parait rare. 


( 319 ) 


N° 225. MOUCHEROLLE À TÈTE BLANCHE, Muscipeta albiceps, Nob. 
Muscipeta albiceps, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 47, n° 5. 


M. suprà fusco-olivacea, pileo obscuriore, pennis verticis basi albis; remigibus 
Jusco-nigris, viridi-albescente marginatis; tectricibus alarum sordidè albescentibus 
vittasque duas formantibus; gulture pectoreque cinerascentibus ; abdomen albescens. 


Sur le vivant. Bec corné en dessus et à son extrémité, jaunàtre à la base de la man- 
dibule inférieure; yeux bruns. Longueur totale, 160 millimètres; du vol, 250 mill.; 
du pli de l'aile à son extrémité, 80 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 34 mill.; du bec, 10 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence 
du corps, 90 mill. 

Dessus du corps brun verdätre, un peu plus foncé sur la tête; les plumes du milieu 
de la tête sont blanches, brunes à leur extrémité; gorge et poitrine gris bleuätre pâle; 
le milieu du ventre et les couvertures inférieures de la queue blancs, teintés de jaune- 
vert; flancs gris verdatre; rémiges et leurs tectrices brunes, les rémiges bordées de 
blanc sale, les tectrices terminées de blanc gris, ce qui forme deux lignes transversales 
de cette couleur sur l'aile; couvertures inférieures jaune verdâtre très-pàle; queue brune. 

Cette espèce habite les deux versans des Andes; nous l'avons observée à Rio de Janeiro 
au Brésil, à Tacna au Pérou, sur le versant occidental des Cordillères, puis sur le 
versant oriental des Andes, dans la province de Yungas; ainsi elle occuperat notre 
première zone de hauteur et de latitude. Elle se tient dans les jardins, les vergers, près 
des habitations ou dans les halliers des ravins, dans les bois, où elle sautiile de branche 
en branche, poursuivant les insectes. 


N° 226. MOUCHEROLLE VERDATRE, Muscipeta Guillemini, Nob. 
Muscipeta obscura?, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 48, n° 6. 


M. suprà fusco-olivacea; remigibus nigrescentibus viridi marginatis; tectricibus ala- 
rum concoloribus, sordidè albescente limbatis, gutture pectoreque pallide olivas- 
centibus; abdomine medio et flexurd alæ sulphureiïs ; caudd fuscd, viridi marginatu. 
Sur le vivant. Bec corné à son extrémité, rosé à sa base; yeux bistrés, pieds bruns. 

Longueur totale, 175 mill.; vol, 270 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 80 mill.; 

de la queue, 73 mill.; du tarse au bout des doigts, 35 mill.; du doigt du milieu, 

17 mill.; de l’ongle du pouce, 7 mill.; du bec, 9 mill.; sa hauteur, 5 mill.; sa largeur, 

6 mill.; circonférence du corps, 110 mill. 

Toutes les parties supérieures du corps olive foncé, plus intense sur la tête; parties 
inférieures vert olive très-pèle, passant au jaune, sur le milieu du ventre; une teinte 
plus pâle entoure les yeux; rémiges et leurs rectrices noirâtres, les premières bordées 


1. Ce nom ayant déjà été employé par Vieillot, Encycl. méth., t. IT, p. 826, pour une autre 
espèce de Moucherolle, nous avons été obligé de le changer. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 


reaux, 


( 320 ) 


de verdâtre, les secondes largement terminées de la même couleur, ce qui figure deux 
larges bandes transversales; queue brune, bordée de vert; couvertures inférieures et 
fouet de l’aile jaunes. 

Cette espèce, voisine de la précédente, mais de plus grande taille, et en différant 
encore par son bec plus petit, par le manque de blanc sur la tête, par la poitrine 
verdètre, par son ventre jaune, habite communément le versant oriental des Andes 
boliviennes, dans la province de Yungas; elle se tient au sein des halliers qui entourent 
les villages, sur les coteaux boisés et humides; et là, sautillant sans cesse, en faisant 
entendre de temps en temps un léger sifflement plaintif, elle y poursuit les insectes 
dont elle se nourrit. 


N° 227. MOUCHEROLLE BIMACULÉE, Muscipeta bimaculata, Nob. 


Muscipeta bimaculata, d'Oxb. et Lafr., Syn., p. 48, n° 7. 


M. suprà fusco-olivacea; maculä utrinque ante oculos albescente, alter infra nigrd; 
tectricibus alarum nigrescentibus , apice rufescentibus, duas vittas obliquas alæ 
formantibus ; infra pallidè sulfurescens. 


Sur:le vivant. Bec corné en dessus, bleuâtre en dessous; pieds bleuätres, yeux bruns. 
Longueur totale, 170 muill.; du pli de Paile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 
55 mill.; du tarse au bout des doigts, 28 mill.; du bec, {1 mill.; sa hauteur, 5 mill.; 
sa largeur, 6 mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

Un sourcil peu large, jaune pâle, passe en avant et au-dessus des yeux; une tache 
noirâtre entre l'œil et la base du bec; parties supérieures du corps brun olive, passant 
au verdètre foncé sur la tête et au roussàtre au croupion; parties inférieures verdàtre 
pàle, passant à l’olive sur la poitrine et au jaune pâle sur le milieu du ventre, les 
tectrices inférieures de l'aile et la queue; rémiges noirätres, bordées de verdètre roux; 
iectrices de l'aile noirâtres, terminées de roux clair, formant, dans leur ensemble, deux 
lignes transversales; queue noirâtre. 

Différente des deux précédentes par ses teintes, par la largeur de son bec, cette 
espèce habite les fourrés épais de la province de Yungas, où elle a les mêmes habitudes. 


N° 228. MOUCHEROLLE TACHETÉE, Muscipeta virgata, Nob. 


Gobe-mouche tacheté de Cayenne, Buff., Ois., t. 4, p. 545, Enl. 573, fig. 3; Muscicapa vir- 
gata, Lath., 1783, Syn., 11, 1, p. 360, n.° 67; idem, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 948, 
n° 893 idem, Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 820; Muscipeta virgata, d'Orb. et Lafr., 
Syn.,.pe 49, n° 10. 

M. Mas. Suprà fusco-rufescens; crist& cinnamomed; gutture pectoreque sordidè 
fusco maculatis; abdomine albescente-flao, tectricibus alarum rufescente termi- 
natis, fasciis duabus formantibus.— Foem. Cristd flavescente.— Jun. Capite supra 
non cristato, fusco-cinereo. 


( 321 ) 

Sur le vivant. Bec brun en dessus, pâle en dessous; yeux brun-roux, pieds noirs. 
Longueur totale, 135 mill.; du vol, 195 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 57 mill.; 
de la queue, 45 mill.; du bec, 9 mill.; sa largeur, 6 mill.; sa hauteur, 4 mill.; circon- 
férence du corps, 80 mill. 

Nous croyons que cette espèce habite toutes les parties chaudes de l'Amérique méri- 
dionale; nous l'avons vue successivement à Rio de Janeiro, au Brésil; dans les provinces 
de Moxos, de Chiquitos et de Yungas, en Bolivia; toujours au sein des lieux boisés, 
humides et chauds, où elle se tient dans les bois et les halliers, y manifestant, avec des 
manières pleines de vivacité, les mêmes habitudes que lespèce précédente, à laquelle 


elle se mêle souvent. 


N.° 229. MOUCHEROLLE À CROUPION BARRÉ, Muscipeta Vieilloti, Nob. 
PI. XXXIV, fig. 1, 2 (sous le nom de Muscipeta cinnamomea). 
Muscipeta cinnamomea?, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 49, n.° 11. 

M. suprà fusco-rufescens, pileo obscuriore; uropygio transversim pallidè rufo; crist 
nitidè flavä; remigibus primariis basi intus et extus apiceque tectricibus cinnamo- 
meis, rectricibus nigrescente apice rufescentibus; subtus tota cinnamomea. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 135 mill.; du vol, 
230 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 50 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 22 mill.; du doigt du milieu, 11 mill.; du bec, 9 mill.; sa largeur, 
71/2 mill.; sa hauteur, 4 mill.; circonférence du corps, 75 mill. 

Dessus brun-roussätre, la tête plus foncée; en ouvrant les plumes de cette dernière 
partie, on voit une huppe d'un beau jaune. Dessous roux, plus päle à l'abdomen; 
rémiges primaires noiratres, bordées de roux à leur base interne; rémiges secondaires 
entièrement rousses à leur base; tectrices, grandes et petites, terminées de roux foncé 
et formant deux lignes sur l'aile; sur le croupion, une large bande transversale roux 
pâle; rectrices et leurs couvertures supérieures noirâtres, terminées de roux; bec large, 
triangulaire, déprimé. 

Nous avons vu rarement celte espèce dans la province de Yungas, sur le versant 
oriental des Andes boliviennes, toujours au sommet des arbres des coteaux boisés et 
humides, où elle sautille continuellement, cachée au milieu des branches, tout en faisant 
entendre un léger cri de rappel et cherchant les insectes dont elle se nourrit. Elle ne 


descend jamais à terre. 


N° 230. MOUCHEROLLE À BEC COURT, Muscipela brevirostris, Nob. 
Muscipeta brevirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 49, n.° 9. 
M. suprà cinerea, fronte vittäque angust& superciliari albis; alis caudäque fuscis , 
remigibus margine angustissimè , tectricibus apice albis; his tres vittas obliquas 
formantibus; subtüs pallidè sulphurescens; gutture pectoreque albo-cinereis. 


1. Nous avons été obligé de changer le nom que M. de Lafresnaye et nous avions donné à cette 
espèce dans notre Synopsis, celle dénomination de Cinnamomea étant déjà employée par Vieillot, 
Encycl. méth., & IT, p. 826, pour une autre Moucherolle. 


/ 


IV. Où. 41 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
eaux, 


( 322 ) 

Sur le vivant. Bec noir, pieds noirâtres, yeux bistrés. Longueur totale, 150 mill.; 
du pli de l'aile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 60 mill.; du bec, 7 mill.; sa 
hauteur, 31/2 mill.; sa largeur, 7 mill. 

Parties supérieures gris, plus foncé et un peu roussâtre sur la tête; gorge cendré 
blanchâtre, plus prononcé sur la poitrine, passant au jaune très-clair sur le ventre et le 
dessous des ailes; ailes brunes, les rémiges légèrement bordées de plus pâle, les tectrices 
terminées de blanchätre et formant trois lignes obliques sur aile; queue très-longue, 
égale, brune; bec triangulaire, très-court, aussi large que long, fortement crochu à son 
extrémité. 

Nous avons observé cette espèce, remarquable par son bec court et sa longue queue, 
dans la province de Corrientes, à la frontière du Paraguay, où elle arrive à la saison 
des amours; elle se tient alors au sein des buissons, qu’elle parcourt en sautillant de 
branche en branche, ne paraissant pas au sommet. Elle est peu craintive, s'envole diffi- 
cilement, et ce n’est que pour regagner le buisson le plus voisin. Elle à un léger cri 
de rappel. 


N° 231. MOUCHEROLLE RALLOIDE, Muscipeta ralloides, Nob. 
Muscipeta armillata ? Vieill.; d'Orb. et Lafr., Syn., p. 48, n.° 8. 


M. suprà fusco-rufescens, uropygio rufo; fronte cinerascens; gutture, pectore, ven- 
treque cinereo-plumbeis ; hypocondriis olivascentibus, remigibus, tectricibusque 
nigris brunneo. limbatis; remigibus basi albis, caudü gradatd nigrescente fuscis , 
rectricibus lateralibus albo terminatis. 


Sur le vivant. Bec noir, pieds jaune roux; yeux bruns. Longueur totale, 180 mill.; 
du vol, 280 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 85 mill.; de la queue, 60 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 35 mill.; du doigt du milieu, 20 mill.; du bec, 9 mill.; 
sa hauteur, 31/2 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence du corps, 120 mill. 

Dessus de la tête brun-noirâtre; dessus du corps brun olivätre, passant au roux au 
croupion; dessous du corps bleu ardoisé foncé; les flancs brun roussàtre; tectrices 
des rémiges noiràtres, bordées de roussàtre; rémiges noirâtres, bordées de brun roux, 
blanches à leur base : celte teinte formant une large bande transversale à la base des 
pennes, les deux premières entièrement noirtres; rectrices supérieures brunes, les 
intermédiaires noires, les deux latérales de chaque côté terminées de blanc, la plus 
exiérieure bordée de cette teinte; bec court, médiocre. 

Cette espèce diffère essentiellement du #7. armillata (Vieill., Enc. méth., t. IT, p.824) 
par le manque de bracelet, de tache blanche aux côtés de la gorge et autour de l'œil, 
et par la teinte supérieure brun roux et non pas bleu ardoisé; aussi, après une com- 
paraison minulieuse, nous sommes-nous convaincu que c’est bien une espèce distincte 
et non pas une variété de sexe, et, d’après sa couleur, analogue à celle des Ralles, nous 
l'avons nommée Aalloides. — Nous l'avons rencontrée une seule fois dans les halliers des 
coteaux escarpés des environs de Chulumani, province de Yungas, à l’est des Cordillères 
orientales de la Bolivia, au 17.° degré de latitude méridionale. 


(323) 


Gexre 7. GOBE-MOUCHES PAROÏDES, Muscicapara, Nob. 


Ce sont, en général, de petites espèces à bec assez faible, court, peu déprimé, 
la tête petite, les ailes longues, les doigts longs et forts, la queue courte. 
Toutes sont forestières ou buissonnières, se tiennent cachées dans l'intérieur 
des fourrés, qu’elles parcourent continuellement en y chassant les insectes, 
se cramponnant aux branches comme les Mésanges, sans jamais descendre 
à terre. On les trouve dans les régions chaudes et tempérées situées à Pest 


des Andes. 


N.° 232. GOBE-MOUCHE PAROÏDE VERT, Muscicapara oleaginea, Nob. 
Muscicapa oleaginea, Licht., 1823, Doubl., p.55, n° 565? M. chloronotus, Less.? d'Orb. et 
Lars Sy, pe 51, 122, 

M. supra tota viridis, subtüs ferruginea; gutture colloque antico viridi indutis ; 
alis nigris; remigibus viridi marginatis; tectricibus remigibusque  secundariis 
ultimis, apice rufescentibus; rectricibus fuscis, viridi limbauis. 

Sur le vivant. Bec noirâtre, jaune à la base de la mandibule inférieure, yeux roux, 
pieds gris. Longueur totale, 140 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 60 mill.; de la 
queue, 40 mill.; du tarse au bout des doigts, 28 mill.; du doigt du milieu, 12 mill.; 
du bec, 10 mill.; sa largeur, 6 mill.; sa hauteur, 4 mill.; circonférence du corps, 
70 mill. | 

Cette espèce, qui nous paraît bien être celle que M. Lichtenstein a décrite, habite 
les bois du pied oriental des Andes boliviennes au pays des Yuracarès; elle nous à 
semblé avoir des mœurs très-forestières. 


N° 233. GOBE-MOUCHE PAROÏDE À COU STRIÉ, Mascicapara striaticollis, Nob. 
PI. XXXV, fig. 2 (sous le nom de Muscicapa striaticollis). 
Muscicapa striaticollis, d'Oxrb. et Lafr., Synopsis, n° 3, p. 51. 

M. suprà viridis, capite colloque supero obscurè plumbeis; ald nigrä, remigibus 
tectricibusque viridi limbatis; rectricibus fuscis, viridi marginatis; gutture, collo 
antico pectoreque griseis, longitudinaliter albo striatis ; abdomine viridi-sulphureo, 
strits olivaceis notato. 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, blanc à la base de la mandibule inférieure; yeux 
noirâtres, pieds plombés. Longueur totale, 130 mill.; du vol, 210 mill.; du pli de laile 
à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 43 mill.; du tarse au bout des doigts, 30 mill.; 
du doigt du milieu, 15 mill.; du bec, 9 mill.; sa largeur, 6 mill.; sa hauteur, 3 mill.; 
circonférence du corps, 90 mili. 

Dessus de la tête et du cou bleu ardoisé foncé; gorge et poitrine gris ardoisé, avec 


une tache blanche longitudinale au milieu de chaque plume; parties supérieures vert 


Passe- 
reaux. 


(324) 


Passe clair, ventre jaune verdâtre, grivelé de vert bleuätre; ailes et leurs couvertures noirâtres, 


reaux. 


bordées de vert; le pli de laile jaune, les rémiges bordées intérieurement de roussàtre; 
queue brune, bordée de verdätre. 

Ce joli petit oiseau habite les montagnes du versant oriental des Andes boliviennes 
dans la province de Yungas et dans les forêts du pied des Cordillères, au pays des 
Yuracarès; il se tient dessus et dans les halliers, où il est peu craintif. 


N.° 234. GOBE-MOUCHE PAROÏDE MANGEUR DE VERS, Muscicapara vermivora, Nob. 

Ficedula pensylvanica, Briss., Av., t. 6, Sup., p. 102; le demi-fin Mangeur de vers, Buff., Ois., 
t.5,p. 325; Sybia vermivora, Lath., 1785, Syn., Il, 2, p. 499, n° 133; Motacilla 
vermivora, Gmel., 1789, Syst, 951, n° 55; Contramaestre coronado, Azara, 1805, Apunt., 
t 2, p. 44, n° 1543 Sylvia vermivora, Vieill., Dict., t. 2, p. 278, Encycl. méth., t. 2; 
Muscicapa vermivora, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 51, n° 4. 


M. suprà wviridi-olivacea , subtüus flava; capite aurantio; duabus utrinque fasciis, 
una per oculos, altera supra oculos ; remigibus tectricibusque fuscis, viridi lim- 
batis; caud& olivascente. 


Sur le vivant. Bec corné, yeux bruns, pieds jaune vif. Longueur totale, 145 mill.; 
du vol, 212 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 55 mill., de la queue, 44 mill.; 
du bec, 10 mill.; circonférence du corps, 90 mill. 

Cette espèce habite les grandes forêts du centre de l'Amérique méridionale et une 
partie de l'Amérique septentrionale. Nous l'avons rencontrée à Corrientes, à la fron- 
tière du Paraguay, et dans le Monte grande (grande forêt) qui sépare Santa-Cruz de 
la Sierra de Chiquitos, en Bolivia; solitaire et peu craintive, elle s’y tient néanmoins 
isolée au tiers supérieur des arbres, sautillant de branche en branche, s’y cramponnant 
pour chercher les insectes dont elle se nourrit : elle a un léger cri de rappel monotone. 


N.° 235. GOBE-MOUCHE PAROÏDE À DOUBLE BANDEAU, Muscicapara bivittata, Nob. 
Muscicapa bivittata, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 5, p. 51. 


M. suprà olivacea, subtüs flava; pileo tribus vittis latis notato, quarum media flavo 
et rufo variegata, duabus lateralibus nigris, et infrà altera superciliaris flavo- 
viridi; hypocondris olivascentibus. 

Sur le vivant. Bec noir, yeux bruns, pieds jaune sale, Longueur totale, 150 mill.; 
du vol, 220 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 70 mill.; de la queue, 55 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 10 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 
1/2 mill.; circonférence du corps, 85 mill. 

Sur la tête trois bandes longitudinales, ‘une médiane jaune, chaque plume ter- 
minée de roux; de chaque côté une ligne noire prend au front et se perd sur le 
cou; sourcils et tour des yeux jaunes; une tache noire entre l'œil et le bec; parties 
supérieures vert-olive, plus clair au croupion; parles inférieures jaunes, passant à l’olive 
sur les flancs; rémiges et leurs couvertures noirâtres, bordées d'olive; queue verdàtre. 


Dee 
NV 


(1325) 

Cette espèce, voisine de la précédente par ses teintes, mais s’en distinguant par une 
taille plus grande, par le jaune du tour des yeux et ses sourcils, s’est montrée à nous 
près du village de Carcuata, province de Yungas, à l’est de la Cordillère orientale de 
la Paz, en Bolivia; elle se tient dans les ravins boisés, au sommet des hauts buissons; 
elle y a, comme le Muscicapa vermivora, Yhabitude de se cramponner aux branches, à 
la manière des mésanges. 


N.° 236. GOBE - MOUCHE PAROÏDE BRUN VERDATRE , Muscicapa viridicata, Nob. 


Contramaestre pardo verdoso de corona amarilla, Azara, 1805, Apunt.,t. 2, p. 52, n°156; 
Sylvia viridicata, Vieill., 1817, Dict., t. 2, p.171; Encycl. méth., t. 2, p. 433 (d'après Azara); 
Muscicapa elegans, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 52, n° 6. 

M. suprà griseo-olivacea, pileo nigrescente; vertice aurantio-flaso, alis caudäque 
nigro-fuscis, remigibus, tectricibus, rectricibusque margine viridi-flavis; gutture 
colloque antico cinerascentibus; subtus pallidè sulphurascens. 

Sur le vivant. Bec corné, pieds bleuàtres, yeux bruns. Longueur totale, 145 mill.; 
du pli de Paile à son extrémité, 63 mill.; de la queue, 53 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 27 mill.; du doigt du milieu, 13 mill.; du bec, 8 mill.; sa largeur, 4 mill. 

Dessus de la tête brun noirätre, le milieu jaune vif; du gris entre Pæil et le bec; 
gorge gris-cendré verdätre; ventre et tectrices inférieures des ailes et de la queue jaune 
pèle; parties supérieures vert-olive très-pàle; rémiges, leurs tectrices supérieures et 
les rectrices brun noirâtre, bordées de jaune verdâtre. : 

Cette espèce, assez voisine des précédentes, mais distincte par ses teintes, habite les 
environs de Santo-Corazon, la dernière mission à l’est de Bolivia, dans la province de 
Chiquitos; elle se tient sur le haut des grands arbres et y voltige de branche en branche. 
Elle parait rare. 


N.° 237. GOBE-MOUCHE PAROÏDE À BEC ÉTROIT, Muscicapara angustirostris, Nob. 
Muscicapa angustirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 52, n° 7. 

M. suprà viridi-olivacea, remigibus , rectricibusque nigris, viridi-olivaceis margi- 
natis; tectricibus alæ nigris, apice flavo-viridibus, duas vittas formantibus ; 
subtüs sulphurascens, gutture colloque parüum griseo-albescentibus. 

Sur le vivant. Bec corné, teinté de bleu en dessous; yeux jaune-gris elair, pieds 
noir bleuâtre. Longueur totale, 125 millimètres; vol, 200 mill.; du pli de Paile à son 
extrémité, 57 mill.; de la queue, 50 mill.; du tarse au bout des doigts, 30 mill., du 
doigt du milieu, 10 mill.; du bec, 7 mill.; sa hauteur, 2 mill.; sa largeur, 5 mill.; 
circonférence du corps, 80 mill. 

Toutes les parties supérieures vert obscur uniforme, toutes les parties inférieures 
jaune verdàtre très-pâle, plus clair sur le derrière et passant au gris sur la poitrine; 
rémiges et rectrices brun-noiràtre, bordées d’olive-jaunàtre; tectrices supérieures des 
ailes terminées de jaunâtre formant deux lignes obliques sur l'aile; queue longue, grêle ; 
bec étroit, droit, orné à la base de poils droits; tarses grêèles. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 326 ) 

Nous avons trouvé celte espèce assez communément dans la province de Yungas, à 
l'est de la Cordillère orientale de la Paz en Bolivia, au sein des bois et des halliers des 
coteaux humides et des haies, près des lieux cultivés, toujours enfoncée au plus épais 
et en parcourant avec agilité l’intérieur. Elle sautait de branche en branche, en cher- 
chant les insectes, et faisant entendre un léger sifflement. 


N° 238. GOBE-MOUCHE PAROÏDE DE GAIMARD, Muscicapara Gaimardi, Nob. 
Muscicapa albicella? Vieill., 4ff.; d'Orb. et Lafr., Syn., n° 8, p. 52. 


M. supra olivascente, grisea; pileo nigrescente, pennis verticis sulphurascente-albis, 
apice fusco-nigris; alis nigris, remigibus secundariis margine, tectricibus majo- 
ribus et mediis apice flavo-albescentibus ; rectricibus fusco marginatis; subtus 
sulphurascens, gutture albescente; lateribus capitis albo fuscoque variatis. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirâtres, yeux bruns. Longueur totale, 130 millimètres; 
du pli de l'aile à son extrémité, 60 mill.; du tarse au bout des dogits, 30 mill.; du 
bec, 8 mill.; sa largeur, 5 mill; sa hauteur, 4 mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

Nous n'avons pas conservé le nom d’#lbicella à cette espèce, n'ayant pas la certitude 
que ce soit celle de Vieillot. Nous l'avons trouvée au pays des Yuracarès, au sein des 
vastes forêts du pied oriental des Andes boliviennes, où elle a les habitudes du Musci- 
capa vermivora. 


N° 239. GOBE-MOUCHE PAROÏDE À TOUPET, Muscicapara subcristata, Nob. 


Contramaestre copetillo ordinario, Azara, 1805, Apunt.,t. 2, p. 66, n° 160; Sylvia subcristata, 
Vieill., 1817, Nouv. Dict., t. 2, p. 229; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 443 (d’après Azara); 
Muscicapa straminea, Temm., col., 167-2; Muscicapa cristata, d'Orb. et Lafr., Synopsis, 
De 10 0 


M. supra vertice griseo-nigricante; corpore suprà griseo-virescente; pectore gultureque 
griseo-albescente; abdomine flavo; caudd fuscd, griseo marginatd, remigibus mar- 
gine albescentibus; tectricibus alarum extimis albis, duas vittas formantibus. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 105 mill.; du vol, 
150 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 48 mill.; de la queue, 33 mill.; du tarse au 
bout des doigts, 26 mill.; du bec, 7 mill.; circonférence du corps, 65 mill. 

Cette espèce, dont la femelle a le ventre presque blanc, vit en nombre dans la pro- 
vince de Corrientes, au Paraguay et dans la province de Chiquitos en Bolivia, ou, pour 
mieux dire, dans toutes les plaines du centre de l'Amérique méridionale. On la voit au 
sein des halliers, des buissons, sur les arbres fruitiers des jardins, sautiller familièrement 
de branche en branche, au plus épais, tout en jetant un léger cri et poursuivant les 
insectes. Souvent elle bat des ailes, à la manière d’un oiseau-mouche, pour saisir une 
proie dans un endroit où elle ne peut se poser. Au mois d'Octobre, elle niche au sein 


des bois; son nid est ouvert en dessus et couvert de lichen. À Corrientes on la nomme 
Saquecito. 


( 327 ) 


N.° 240. GOBE-MOUCHE PAROÏDE À SOURCIL BLANC , Muscicapara leucophrys, Nob. 
Muscicapa leucophrys, d'Orb. et Lafr., Syn.,n. 10, p. 53. 


M. suprà fusca, uropygio dilutiore, superciliis albescentibus; gutture albo , pecto- 
reque cinerascentibus; sublüs sulphurascens, tectricibus alarum nigris, apice 
albescentibus, his duas vittas-formantibus; remigibus fuscis albo lutescente- 
limbatis; caud& nigro-fuscd, sordidè flas4 marginatd. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bistrés. Longueur totale, 135 mill.; du vol, 
190 mill.; du pli de laile à son extrémité, 60 mill.; de la queue, 57 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 22 mill.; du bec, 7 mill.; sa largeur, 31/2 mill.; sa hauteur, 21/2 
mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

Dessus de la tête brun-olivätre foncé; cette teinte, moins prononcée, couvre les parties 
supérieures, en devenant plus pale et olivètre au croupion; un large sourcil blanc; 
gorge blanchàtre, passant au gris-bleuàtre sur le devant du cou, au jaunätre sur la 
poitrine; le ventre est jaune clair, les flancs sont teints de bleuàtre; rémiges brunes, 
bordées, excepté les deux premières, de jaune clair; leurs tectrices sont noires, terminées 
de jaune sale, cette teinte formant deux raies sur l'aile; pli de l'aile et les tectrices 
inférieures jaunes; rectrices brun-verdâtre, bordées de jaunàtre. 

Ce Gobe-mouche habite le versant oriental des Andes boliviennes dans la province 
de Yungas, près du village de Yanacaché. On le voit sautiller sans crainte au milieu des 
bois, des halliers épais ou des haies, d’où il sort rarement. Il est très-vif, son vol est 


léger, mais très-court. 


N° 241. GOBE- MOUCHE PAROÏDE À VENTRE PAILLE, Muscicapara stramineo- 


ventris, Nob. 


Muscicapa stramineoventris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 53, n°11. 


M. suprà fusco-rufescens , pileo obscuriore, uropygio dilutè rufo; alis fusco-brun- 
neis, remigibus margine, tectricibusque apice, pallidè rufescentibus ; caudd fuscä ; 
subtüs pallidè stramined; pectore parüm rufescente. 


Sur le vivant. Bec corné, yeux et pieds bruns. Longueur totale, 110 millimètres ; du 
pli de l'aile à son extrémité, 44 mill.; de la queue, 35 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 30 mill.; du bec, 9 mill.; sa hauteur, 3 mill.; circonférence du corps, 75 mill. 

Dessus de la tête brun sale, la base des plumes bleuâtre, le corps en dessus plus 
pâle, passant au jaune roux sur le croupion; parties inférieures jaune-paille très-clair, 
un trait de cette couleur entre les narines et l'œil; aile brune, les rémiges bordées 
légèrement, et les tectrices terminées et bordées de jaune-paille; queue brun pale, 
dessous de l’aile jaune. 

Assez rare aux environs de Santa-Ana, province de Chiquitos en Bolivia, cette espèce 


s'enfonce dans les buissons et y fait entendre un cri de rappel plamtüf. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 328 ) 


N° 242. GOBE-MOUCHE PAROÏDE PASSEGRIS, Muscicapara obsoleta, Nob. 


Muscicapa obsoleta, Natterer, Temm., col., 275-1 (Gobe-moucheron passegris); Muscicapa 
obsoleta, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 52, n°12. 


M. suprà cinerea, pileo obscuriore; gutture pectoreque griseis, abdomine albo- 
lutescente; caudä nigr&, tectricibus alarum fuscis, rufescente marginatis. 

Sur le vivant. Bec noir, yeux bruns, pieds bleuàtres. Longueur totale, 120 mill.; 
du pli de l'aile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 30 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 22 mill.; du bec, 7 mill. 

Avec la même taille, la même distribution de couleurs, nous avons remarqué qu'un 
individu, tué à Cochabamba, manque de verdàtre au croupion; l’extrémité des tectrices, 
des rémiges est roussàtre et non pas blanchâtre; le ventre blanc et non pas jaunètre, 
comme l'était un autre individu tué dans la province de Chiquitos. Nous les avons 
vus dans les jardins et les halliers des environs des habitations, où ils ont les habi- 
tudes des espèces précédentes. 


N.° 243. GOBE-MOUCHE PAROÏDE A VENTRE JAUNE, Mascicapara ventralis, Nob. 

Muscicapa ventralis, Natterer, Temm., col., 275-2; idem, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 53, n°13. 

M. supra olivacea; subtus lutea; remigibus nigris, luteo-viridi marginatis, tectricibus 
alarum fuscis, luteo apice maculatis ; caudä elongatd, gradatd, fuscd, luteo-viridi 
limbatd. 

Sur le vivant. Bec noir, pieds bleuàtres, yeux roux. Longueur totale, 125 mill.; du 
pli de laile à son extrémité, 47 mill.; de la queue, 47 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 26 mill.; du doigt du milieu, 11 mill.; du bec, 8 mill.; circonférence du corps, 
75 null. 

Nous avons rencontré cette espèce au sein des halliers des lieux cultivés, au pays 
habité par les indiens Guarayos. Elle est rare et ses habitudes sont celles des espèces 


précédentes. 


N° 244. GOBE-MOUCHE PAROIDE BOLIVIEN, Muscicapara boliviana, Nob. 
Muscicapa olivacea*, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 54, n°14. 
M. suprä tota intense viridi-olivacea; alis nigris, remigibus secundariis, tectrici- 
busque majoribus, angustè flavo marginatis; rectricibus nigrescentibus, margine 
extus virescentibus; subtus pallidé flavescens, gutture parüm cinerascente. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 128 mill.; du pli de 
l'aile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 44 mill.; du bec, 8 mill.; sa hauteur, 


3 mill.; sa largeur, 4 mill. 


1. Ce nom ayant dejà été employé par Vieillot (Encyel. méth., t IT, p. 817) et ses devanciers 


pour une autre espèce, nous sommes forcé de le changer. 


(329 ) 


Toutes les parties supérieures vert olivatre foncé, plus intense sur la tête, moins  Passe- 
foncé au croupion; parties inférieures jaune päle un peu verdâtre, mélangé de gris à 
la gorge et à la poitrine. Ailes noires, rémiges primaires presque sans bordures, les 
secondaires et les tectrices bordées d’une ligne fine d’un beau jaune. Queue brune, 
bordée de vert olive. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la province de Yungas, sur le versant oriental 
des Andes boliviennes, au sein des halliers et des buissons élevés des ravins; elle y est 


peu commune, et a les mêmes habitudes que le Muscicapa angustirostris, Nob. 


Gare 8. SÉTOPHAGE, Setophaga, Swains. 


Cette division, que caractérisent son bec étroit et néanmoins comprimé, 
ses ailes courtes, sa longue queue étagée et grêle, ses tarses longs et faibles, 
diffère des autres Muscicapidées par l'habitude de se tenir en dehors des buis- 
sons, et de s’y cramponner à la manière des mésanges, pour en parcourir 
toutes les parties, en y cherchant sa nourriture. 


N° 245. SÉTOPHAGE A COIFFE BRUNE, Setophaga brunniceps, Nob. 
PL XXXIV, fig. 3-4. 
Setophaga brunniceps, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 50, n.’1. 


$. suprà cinereo-olivacea; pileo cinnamomeo; superciliis palpebräque albis; subtus 
flava ; remigibus Lectricibusque nigris, Cinereo Mmarginatis; caudé elongatä » £ra- 
datd, rectricibus nigris, quatuor lateralibus apice albis, duabus pennis totis albis. 

Sur le vivant. Bec noir, pieds violacés, yeux bruns. Longueur totale, 140 mill.; du 
pli de l'aile à son extrémité, 64 mill.; de la queue, 60 mill.; du bec, 9 mill.; sa 
hauteur, 3 mill.; sa largeur, 4 mill. 

Parties supérieures bleu ardoisé; passant à l’olive sur le milieu du dos; parties infé- 
rieures d’un beau jaune vif; le tour des yeux blanc, et cette teinte se prolongeant Jusqu'à 
la commissure du bec en un sourcil marqué; tout le dessus de la tête d’un beau roux 
vif, rémiges et leurs rectrices noirâtres, bordées de cendré; queue longue, étagée, 
grêle, noire; les deux rectrices latérales blanches, les deux suivantes blanches à l’extré- 
mité et sur leur milieu, les côtés noirâtres; bec étroit, caréné en dessus, allongé, - 
conique, peu déprimé; tarses longs et grêèles. 

Cette charmante espèce s’est montrée à nous à l’est des Andes boliviennes, dans la 
province de Yungas, sur les contreforts encore élevés des Cordillères, toujours au sein 
des lieux les plus boisés et humides, où elle se tient sur les parties extérieures des 
buissons et des fourrés, sans jamais pénétrer dans leur intérieur. Elle se contente d’en 
parcourir avec vivacité les branches extérieures, y cherchant les insectes dont elle se 
nourrit, se cramponnant en lout sens à la manière des mésanges; elle vole peu, et ne 
fait entendre qu’un sifflement monotone et triste. 


IV. Ois. 42 


Passe- 
reaux, 


(350 ) 


N° 246. SÉTOPHAGE ARDOISÉ JAUNE ET ROUX, Setophaga verticalis, Nob. 
PI. XXXV, fig. 1. 
Setophaga verticalis, d'Oxb. et Lafr., ST, pe 50, M2: 

S. supra schistacea; pennis verticis cinnamomeis, apice nigris , remigibus , Lectrici- 
busque nigris, Cinereo fimbriatis; gutture pectoreque nigro-schistaceis; subtus 
aurantio-flava; caudä nigrd, gradatd , rectricibus duobus lateralibus albis, terti& 
maculd longitudinali apiciali albd. 


Sur le vivant. Bec noir, pieds bruns, yeux bistrés. Longueur totale, 130 millimètres; 
du vol, 200 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 63 mill.; de la queue, 45 mill.; 
du tarse au bout des doigts, 30 mill.; du doigt du milieu, 14 mill.; du bec, 7 mill.; 
sa hauteur, 3 mill.; sa largeur 5 mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

La tête et les parties supérieures bleu ardoisé foncé, une huppe roux foncé sur le 
milieu du vertex; cou et poitrine bleu ardoisé très-foncé; dessous du corps jaune orange, 
plus foncé au bas de la poitrine, passant au vert sur les flancs; rémiges et leurs tectrices 
noires, bordées de cendré bleu; queue longue, étagée, noire, les deux rectrices latérales 
blanches, la troisième blanche au milieu et à son extrémité. 

Nous avons trouvé cette espèce au même lieu et dans les mêmes circonstances que 
l'espèce précédente; et, sil n’y avait eu de grandes dissemblances de taille, le manque 
de blanc à Poil, la gorge bleue au lieu d’être jaune, la tête ardoisée et non pas rousse, 
nous aurions pu regarder les deux espèces comme n’en faisant qu’une. 


N° 247. SÉTOPHAGE BUDYTOÏIDE, Setophaga budytoides, Nob. 
PL XXXVI, fig. 2 (sous le nom de Culicivora budytoides). 
Culicivora budytoides, d'Orb. et Lafr., Synopsis, p. 56, n.° 2.1 
$. suprà fusco-murina; subius fronte supercilisque pallidè flavis ; alis nigris, remi- 
gibus angustissimè, tectricibus mediis et majoribus laté albo marginatis, vittam 
latam obliquam Jormantibus ; cauda Jusco-nigrdä, longissimd gradat&, maculis 
duabus albis notatd. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 150 mill.; du vol, 
190 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 65 mill.; du tarse au bout des doigts, 
33 mill.; du doigt du milieu, 17 mill.; de la queue, 80 mill.; du bec, 7 mill.; sa hau- 
teur, 2 mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

Parties supérieures gris ardoisé, plus foncé sur la tête; parties inférieures jaune pâle, 
passant au cendré sur les flancs; front et sourcils jaunes, ailes noirâtres, les rémiges 
faiblement bordées en dehors de gris pâle; les grandes tectrices terminées de blanc; 


1. Ayant reconnu que cet oiseau était beaucoup mieux avec les espèces précédentes, nous 
n’avons pas balancé à l’ôter des Culicivora, où M. de Lafresnaye et nous Pavions d’abord placé 


dans notre Synopsis. 


NI 
À 


( 551 ) 
cette teinte formant une bande sur l'aile; queue très-longue, étroite à sa base; les deux  Passe- 
rectrices supérieures brun noiràtre, les deux inférieures blanches, avec une grande er 
tache carrée noire au côté interne, près de son extrémité; les autres sont noires, avec 
une tache blanche à l'extrémité et une autre au milieu de sa longueur au côté interne. 

Peu communs, ces oiseaux se sont montrés à nous dans la vallée de Chaluani, pro- 
vince de Mizque, république de Bolivia, sur le haut des mimoses en fleurs. Ils par- 
couraient en tout sens les branches du sommet, sans jamais descendre à terre, s’y 
cramponnaient comme les mésanges ou voltigeaient, en cherchant les petits insectes 
dont ils se nourrissent; ils vont deux ou trois ensemble sur le même buisson et font 


entendre un petit sifflement aigu de rappel, en relevant souvent leur longue queue. 


Genre 9. CULICIVORE, Cukcivora, Swains. 


Nous ne séparons ce petit groupe des Setophaga qu’en raison de la forme 
[ [ CO PRASE 

plus étroite et plus eflilée du bec; car, du reste, mêmes ailes courtes, queue 

également longue, tarses longs et grêles, doigts courts, et mœurs absolu- 


ment identiques. 
CULICIVORES PROPRES. 


ESPÈCES NON HUPPÉES. 


N.° 248. CULICIVORE BLEU, Culiciwora dunucola, Nob. 

Contramaestre azuladillo, Azara, 1805, Æpunt.,t.2,p. 60, n°158; Sylvia dumicola, Vieill., 
1817, Nouv. Dict. d'hist. nat., t.11, p. 170; idem, 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 433 (d'après 
Azara); Sylvia bivitata, Licht., 1823, Doubl., n° 393, p. 35; Culicivora bivittata, d'Orb. 
et Lan, Sy7, pe o60 mia. 

C. suprà cœærulea, subtus cærulescente albd; remigibus nigris, cæruleo marginatis ; 
rectricibus superioribus atris, inferioribus albis ; fasci& oculari nigrd. 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, blanc dessous; yeux bruns, pieds livides. Longueur 
totale, 125 mill.; du vol, 175 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 50 mill.; de la queue, 
50 mill.; du bec, 8 mill.; du tarse au bout des doigts, 27 mill.; circonférence du 
corps, 130 mill. 

Ce charmant petit oiseau habite toutes les régions chaudes et tempérées du continent 
américain situées à l’est des Andes; car nous l’avons successivement rencontré à Buenos- 
Ayres, à Corrientes, république Argentine; puis nous l'avons retrouvé dans les vastes 
provinces de Chiquitos et de Moxos en Bolivia. Partout des plus familier, il se tient 
de préférence non loin des eaux, sur les petits arbres ou arbustes isolés; on le voit 
voltiger'et sauter avec vivacité, en tous sens el sans repos, aux parties les plus élevées 
des branches, s’y glissant en furetant partout, afin d’y chercher des insectes, et répé- 
tant souvent un pelit cri aigu de rappel. Son vol est court et rapide; mais il ne s'envole 
que pour aller sur larbre le plus voisin. Néanmoins nous croyons qu’il voyage, l'ayant 
vu à Buenos-Ayres en été et jamais en hiver. Il ne descend pas à terre. Au mois de 


(532) 


4 


Passe Novembre il se construit, au sommet des mimoses, un nid composé à l’intérieur de 


reaux. 


coton et garni en dehors de lichen artistement appliqué, de manière à former corps 
avec la branche. 


CULICIVORES ROITELETS, Culicioræ reguloides, Nob. 


ESPÈCES POURVUES D’UNE LONGUE HUPPE RELEVÉE. 


N.° 249. CULICIVORE TORITO, Culicivora parulus, Nob. 

Muscicapa parulus, Kittlitz, 1830, Ueber einige Vügel von Chili, t. 9; Culicivora parulus, 

d'Orb. et Lafr., Syn., p. 57, n°1. 

C. suprà cinereo-olivacea, pileo nigro, plumis werticis valdé elongatis, linearibus , 
recurvis, frontalibus albo marginatis ; maculd ante oculos regioneque paroticä nigris; 
capitis collique lateribus griseo nigroque variegatis ; alis fuscis, remigibus mar- 
gine, tectricibus apice griseis; caudd fuscd, extim& laterali albo marginatis ; 
subtùs pallidè sulphurascens; gutture colloque antico albescentibus, plumis omni- 
bus in medio nigro striatis. 

Sur le vivant. Bec mince, noir; tarses longs, noirs; doigts médiocres, yeux jaune clair. 
Longueur totale, 110 mill.; de la queue, 40 mill.; de la huppe, 20 mill.; du pli de 
l'aile à son extrémité, 52 mill.; du tarse au bout des doigts, 25 mill.; du doigt du 
milieu, 9 mill.; du bec, 6 mill.; du vol, 150 mill.; circonférence du corps, 60 mill. 

Cette petite espèce habite toute notre troisième zone de latitude et de hauteur. 
Nous l’avons d’abord rencontrée en Patagonie, au 41° degré sud, non loin du Rio 
Negro; nous l'avons retrouvée ensuite à Valparaiso, au Chili, puis sur le versant 
oriental des Andes, au 16.° degré, à une hauteur moyenne de 3,000 mètres au-dessus 
du niveau de la mer, par une température égale à celle de la Patagonie. On la rencontre 
toujours par couples, dans tous les lieux couverts de buissons épineux et épais, près 
des ravins et sur les coteaux, où elle est sédentaire; elle sautille avec vivacité et gentil- 
lesse des basses branches aux branches supérieures des buissons, en s’y cramponnant, 
en inclinant son corps dans tous les sens, et paraissant se replier comme un serpent pour 
en parcourir toutes les parties, tandis qu’elle cherche les petits insectes dont elle se nourrit. 
Ses mœurs sont familières; elle s'approche des habitations, et se dérange rarement lors- 
qu'on passe près d'elle; et si elle s’envole, c’est d’un vol court, léger et saccadé, pour 
aller se poser tout au plus à vingt mètres de là, sans jamais s'élever au-dessus du sol. 
Toujours par couples, les deux Culicivores, qui s’éloignent peu, se répondent constam- 
ment par un pelit cri et paraissent on ne peut plus unis. Au Chili les habitans 
appellent cet oiseau Torito (petit taureau), de la forme de sa huppe. 


N° 250. CULICIVORE ROITELET, Culicivora reguloides, Nob. 
PI. XXXVIL, fig. 1. 
Culicivora reguloides, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 57, n.° 2. 
C. fronte, gutture fasciäque nigris, suprà nigra, maculis magnis albis; pileo albo, 
crisiä elongatä albd, nigroque variegatis ; alis nigris, tectricibus apice albis; 


nt 


(555 ) 

pectore hypocondriisque maculis oblongis nigris alboque striatis; abdomine albo 

lævier sulphureo induto; caud& nigrä, rectricibus lateralibus albo marginatis. 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, jaune à sa base; yeux bistrés, pieds noirs. Longueur 
totale, 110 millimètres; du vol, 165 mill.; de la queue, 41 mill.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 55 mill.; du bec, 8 mill.; sa largeur, 4 mill.; du tarse au bout des doigts, 
33 mill.; du doigt du milieu, 12 mill.; circonférence du corps, 70 mill. 

La face noire, c’est-à-dire le front, le tour des yeux, les joues et la gorge; la huppe 
très-longue, retroussée, composée en avant de quelques plumes longues, noires, bordées 
de blanc, et en arrière de plumes blanches ; sur la poitrine, les flancs et le dos les 
plumes sont noires, bordées de blanc; ventre blanc-jaunâtre; ailes noires, les grandes 
et petites tectrices, les dernières rémiges, sont noires, terminées de blanc, ce qui forme 
deux lignes transversales; queue noirâtre, l'extrémité blanchâtre, les deux rectrices exté- 
rieures bordées extérieurement de blanc. — La femelle n’a pas la face noire, cette partie 
est variée comme la poitrine; son ventre est plus jaune. 

Cette jolie petite espèce, distincte de la précédente par ses teintes, tout en ayant 
les mêmes caractères, la même taille et les mêmes habitudes, s’est montrée à nous à 
Tacna (Pérou), sur le versant occidental des Andes, près de la ville, dans les jardins, 
sur les oliviers, les grenadiers. Elle est assez peu commune. 


Genre 10. TACHURIS, Tachuris, Nob. 
Tachuris, Azara. 

Bec très-mince, comprimé; queue arrondie, ailes très-courtes, arrondies. 
Ce sont de petits oiseaux vivant toujours au sein des roseaux au-dessus des 
eaux, se cramponnant aux tiges pour chercher les insectes dont ils se nour- 
rissent, et descendant quelquefois à terre pour les y saisir; ils sont des régions 
tempérées situées à l’est des Andes, et seulement des plaines. Tous leurs 
caractères sont ceux des Roitelets, tout en étant muscivores, et ayant les 


moustaches des Muscicapidées. 


N° 251. TACHURIS ROI, Tachuris rubrigastra, Nob. 

Tachuris rey, Azara, 1805, Apunt., 1. 2, p. 72, n° 161; Sylvia rubrigastra, Vieill., 1817, 
Nouv. Dict., t. 11, p. 227; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 481; ARegulus omnicolor, Vieill., 
Galerie, pl. 166; Tachuris omnicolor ?, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 55, n.° 1. 

T'. corpore suprà viridescente, subtüs flavo; abdomine vertice in medio ignicoloribus ; 
strigd suboculari flavd. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, le dessus des pieds brun-jaune; yeux bleu clair. 

Longueur totale, 110 millimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 50 mill.; de la queue, 


35 mill.; du bec, 8 mill. 


1. Le nom spécifique de Rubrigastra ayant été le premier imposé, nous le conservons. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 554) 

Nous avons rencontré cette charmante espèce, au mois de Septembre, aux environs 
de Buenos-Ayres, sur les bords de la Plata du côté de la Boca, dans les jones des lieux 
inondés, d’où elle ne sort jamais, sautillant seule, sans crainte, d’une tige à l’autre avec 
vivacité et légèreté, y cherchant les petits insectes dont elle se nourrit, ne volant que 
très-peu. Elle nous a paru de passage, ne se trouvant pas l'été dans les mêmes parages. 


N° 252. TACHURIS OBSCUR, Tachuris nigricans, Nob. 
Tachuris obscurito minor, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p. 83, n°167; Sylvia nigricans, Vieill., 
1817, Nouv. Dict.,t. 11, p. 204; idem, 1823, Encycl. méth.,t. 2, p. 458; Tachuris nigricans, 


d'Orb. et Lafr., Syn., P. 2550-02; 


T. suprà fusco-brunnescens, pileo colloque ardesiacis, pennis verticis basi niveis ; 
alis fuscis, remigibus secundariis margine, tectricibusque apice rufo-cinerascen- 
tibus; caudü nigrd; subis cinereus, gutture ventrique medio albescentibus ; rostro 
minuto , elongalo, conico. 


Cette petite espèce s’est montrée à nous aux environs de Maldonado, près de l’em- 
bouchure de la Plata, et à Buenos-Ayres, dans les jones ou dans les roseaux du bord 
des rivières et des lacs, où elle vole de tige en tige au-dessus de l’eau, et se jetant sur 
l’eau même pour saisir les petits insectes dont elle se nourrit. Son vol est interrompu. 


Gexre 11. ARUNDINICOLE, Æ{rundinicola, Nob. 


Caractérisé par son bec très-long, très-fort en raison de la taille, déprimé, 
à dos arrondi; par sa queue un peu étagée, plus ou moins longue, en coin; 
par ses ailes courtes, arrondies, les premières rémiges étroites et aiguës; par 
ses pieds et ses tarses longs, à doigts tres-allongés, armés d'ongles longs et 
très-peu arqués. Ces oiseaux se tiennent exclusivement aux bords des eaux, 
dans les jones et dessus, et se posent peu à terre. Ils sont tous des régions 
chaudes et tempérées situées à l'est des Andes.— Nous les avons, dans notre 
Synopsis, placés avec les Ælecturus; mais ils en diffèrent par le bec beau- 
coup plus long et parce qu’ils pénètrent dans Pintérieur des Jones, au lieu 
de rester toujours en dehors. 


N° 253. ARUNDINICOLE À TÊTE BLANCHE, Arundinicola leucocephala, Nob. 
Pallas, Spicil., 6, p.19,t. 3, fig. 2; Todus leucocephalus, Lath., 1782, Syn., t. 1”, p. 66, 


n.” 6; idem, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 444, n° 63; Suiriri de cabeza blanca, Azara, 1805, 
Apunt.,t. 2, p.103,n. 176; Platyrhynchus leucocephalus, Vieill., 1818, Nouv. Dict., t. 27, 
p-+ 21; idem, Encycl. méth., t. 2,p. 842; Muscicapa dominicana, Spix, Æv., p. 21, tab. 29, 
fig. 2; Muscicapa leucocephala, Prince Max., 1831, Beitr., t. 3 B, p. 822, n°11, Alecturus 
leucocephalus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 54, n° 3. 


( 355 ) 


A. Mas. Nisra, capite subcristato, guldque lacteis; rostro suprà nigro, subtus  Passe- 
reaux. 


flavo; pedibus atris. — Foœm. Fronte subtüsque albis, capite posticé supra, alis 


caudäque fuscis. 


Sur le vivant. Pieds noir-brun, yeux brun-roux, bec noir en dessus, jaunàtre en 
dessous. Longueur totale, 120 à 130 millimètres, 

Nous avons rencontré cette espèce successivement à Rio de Janeiro, à Corrientes et 
dans les provinces de Moxos et de Chiquitos, ce qui nous porterait à croire qu’elle 
habite toutes les régions chaudes de l'Amérique méridionale. Néanmoins elle n’est com- 
mune nulle part; elle se tient toujours parmi les joncs des lacs et des marais; là, par 
paires toute l’année, et sédentaire dans le même lac ou le même marais, on est presque 
certain de l’y trouver, ne s’en éloignant que d’une centaine de pas tout au plus. Le 
matin et le soir on la voit perchée sur la sommité des jones, d’où elle épie les insectes, 
qu’elle saisit au vol, revenant ensuite à sa place; elle descend aussi sur les plantes 
flottantes pour les chercher, ou bat des ailes au-dessus de l’eau pour saisir les insectes 
aquatiques. Posée, elle balance continuellement sa queue de haut en bas d’un air 
gai, mais assez farouche; si on l’inquiète, elle se cache au milieu des jones et ne reparaît 
que long-temps après; ce qu’elle fait aussi sans motifs à l'instant des fortes chaleurs du 
jour. Au temps des amours elle construit un nid en forme de grotte, garni à l’exté- 
rieur de graminées fines et à l’intérieur seulement de plumes blanches; ce nid est attaché 
par des fils à cinq ou six joncs à la moitié de leur hauteur au-dessus des eaux, et 
contient quatre œufs d’un blanc rosé, tacheté de rouge. 


N° 254. ARUNDINICOLE À VENTRE JAUNE, Arundinicola flaviventris, Nob. 
PI. XXX VE, fig. 1 (sous le nom d’Ælecturus flaviventris). 


T'achuris de vientre amarillo, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p. 89, n°171; Vieill., Nouv. Dict., 
t. 32, p. 355, et Encycl. méth., t. 2, p. 446; Ælecturus flaviventris, d'Orb. et Lafr., Syn., 


p. 55, n.° 4. 


A. suprà olivaceo-fusca, pileo pauld obscuriore, rufo induto; alis fuscis, remigibus 
secundariis margine, tectricibus apice albido-rufescentibus , caud& pallidè fuscu , 
rectricibus mediis juncorum collisu sæpe detritis, subtus tota flavescens, gutture 
pallidiore. 

Sur le vivant. Bec noir; la femelle la brun en dessus, plus pale en dessous; tarses 
noirs, yeux roux. Longueur totale, 125 mill.; de la queue, 40 mill.; du pli de l'aile 
à son extrémité, 40 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 7 mill.; de 
l’ongle du pouce, 6 mill. 

Cette espèce et la précédente, par la grande longueur de leurs ongles et surtout de 
celui du pouce, par la longueur des doigts, par la brièveté des ailes et la queue conique, 
rappellent entièrement la forme des Roussollies; aussi habitent-elles les mêmes lieux. 
Nous avons trouvé la Fuvicola flaviventris à Montevideo et à Corrientes, et seulement 


( 356) 


Passe- dans les jones des lacs et des marais, où, tout en ayant les mêmes habitudes que l'espèce 


reaux. 


précédente, elle se tient de préférence dans l’intérieur des joncs et moins au dehors; 


4 


pourtant elle descend quelquefois à terre. 


B. DUMICOLES PERCHEURS. 


Ils w’entrent jamais dans les fourrés, se perchent toujours au dehors, d’où 
ils chassent aux insectes qui passent à leur portée. 


Gexre 12. SUIRIRI, Sueriri, Nob. 

Le genre Suiriri se compose d'espèces fortes, dont le bec est long, robuste, 
caréné en dessus et très-légèrement déprimé, la tête grosse, les ailes longues, 
la queue longue, les doigts courts et robustes. Elles n’entrent jamais ni dans 
les fourrés, ni dans les bois, se tiennent toujours sur le point le plus élevé 
des arbres ou des buissons, d’où elles chassent aux insectes, en les pour- 
suivant au vol. Elles ne descendent pas à terre. Elles sont des deux versans 
des Andes, dans les régions tempérées et chaudes. 


N° 255. SUIRIRI-SUIRIRI, Surriri-Suiriri, Nob. 

Suiriri ordinario, Azara, 1805, Apunt., t. 2, peri1, n°1793; Muscicapa suiriri, Vieill., 1818, 
Nouv. Dict., t. 21, p. 287; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 820 (d'après Azara); idem, d'Orb. 
et Lafr., Syz., p.51, n°1. 

S. corpore suprà griseo-plumbeo; dorso, uropygio viridi dilutè mixtis; subtus 
albo ; pectore diluté plumbeo; remigibus tectricibusque nigris, albo marginatis, 
caudd nigr&, rectricibus exterioribus albo limbatis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux roux-brun. Longueur totale, 150 millimètres; 
du pli de l’aile à son extrémité, 77 mill.; de la queue, 55 mill.; du bec, 11 mill.; sa 
largeur, 6 mill.; sa hauteur, 4 mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

Cette espèce, bien décrite par Azara et nommée par Vieillot d’après l’auteur espagnol, 
s’est montrée à nous à Corrientes, à la frontière du Paraguay, et dans les provinces de 
Moxos et de Chiquitos, en Bolivia. Elle paraît alors habiter toutes les plaines du centre 
du continent méridional du 12. au 28.° degré de latitude sud; elle se tient au sommet 
des arbres et des grands buissons, d’où elle chasse aux insectes, comme les Pepoaza. 
On la rencontre en troupes au mois de Juillet. Cest sans doute alors qu’elle fait ses 
peuts voyages annuels. Elle est très-peu craintive. 


N.° 256. SUIRIRI RUBIN, Suiriré coronata, Nob. 

Rubin ou Gobe-mouche huppé, Buff., Ois., t 4, p. 547, Enl. 675, fig. 1; Muscicapa coronata, 
Lath., 1783; Syn., Il, 1,p. 362, n° 72; idem, Gmel., 1789, Syst. nat., p. 932,0. 25; 
Suiriri churinche, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p.105, n°177; Platyrhynchus coronatus, 

Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 840; Muscicapa coronata, Prince Max., 1831, Beitr., 


t. 3 B,p. 880; Muscicapa coronata, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 3, p. 47. 


(55) 


S. Mas. Corpore suprà, alis cauddque nigrescente-fuscis; cristd capitis rotundat , 
temporibus corporeque subius rubris. — Mas. jun. Capite corporeque supra, fusco- 
cinereis; alis nigrescentibus pallidè limbatis caudd nigrescente, rectricibus exte- 
rioribus albo limbatis; gutture albo, pectore albo, fusco maculato; abdomine 
crissoque rubescente-flavis. — Fom. Capite corporeque suprà fusco-cinereis, fusco 
maculatis, remigibus tectricibusque fuscis, albo marginatis; gutture, pectore, 
abdomine albescente-fusco maculatis; ano crissoque flavescentibus. 


Sur le vivant. Bec, pieds et yeux noirs. Longueur totale, 160 millimètres; du vol, 
270 mill.; du pli de laile à son extrémité, 80 mill. ;-circonférence du corps, 100 mill. 

Cette espèce, décrite à tort par Azara et par Vieillot comme ne variant point de teinte 
suivant l’âge et le sexe, est au contraire sujette à des différences telles qu’il serait facile d’en 
faire deux ou trois espèces distinctes. En effet, dans le jeune àge elle est entièrement 
gris-brun en dessus, blanc grivelé en dessous; le rouge commence d’abord à paraitre 
sous le ventre; celui de la tête ne vient que long-temps après. Nous l’avons rencontrée 
successivement à Maldonado, à Montevideo, à Buenos-Ayres et à Corrientes; nous 
l'avons revue à Chiquitos, en Bolivia, puis à Tacna, Arica et Lima, au Pérou; ainsi 
elle habite toutes les plaines de l'est des Andes, depuis les régions chaudes jusqu’au 
36. degré, et le versant occidental des Andes sur la côte du Pérou. Elle est sédentaire 
dans ce dernier endroit, tandis qu’elle voyage dans les plaines, n’arrivant qu’en hiver 
dans les régions chaudes, où elle niche en grand nombre près de l'embouchure de la 
Plata. Très-commune auprès de tous les lieux habités de Montevideo, de Maldonado 
et du Pérou, elle paraît préférer les vergers, les bois de pêchers, de grenadiers ou de 
tout autre arbre fruitier, servant ainsi d'ornement aux maisons de campagne. On la 
voit toujours, isolée et familière, perchée sur les branches les plus élevées des arbustes 
ou sur les grandes plantes; elle y reste immobile, puis tout à coup elle s'envole, se 
met à planer au-dessus des arbres, en battant des ailes, sans avancer ni reculer, faisant 
entendre un chant assez agréable, et ensuite se laisse tomber comme une flèche sur 
un autre lieu élevé, où elle se perche. Ses mouvemens sont vifs et enjoués; rarement 
la voit-on à terre, et seulement pour y saisir un insecte et reprendre son poste: 
souvent aussi elle poursuit au vol les insectes qui passent à sa portée. — Nous avons 
trouvé plusieurs nids de cette espèce dans les bois de pêchers des environs de Maldo- 
nado; ils sont placés sur les branches horizontales ou inclinées des pêchers, ouverts 
en dessus, et composés de plumes et de mousses, à peu près comme celui de notre 
pinson de France. Ils contiennent quatre à cinq œufs grisätres, tachetés de rouge et 
de brun. Au temps de la nichée le mâle et la femelle couvent alternativement, et tandis 
que l’un est occupé de l’incubation, l’autre se tient aux environs, perché sur le buisson 
voisin, prévenant par un cri son consort au moindre danger. 

Remarqué de tous les habitans par son habitude de se mettre toujours en évidence, 
et généralement aimé à cause de son joli plumage et de sa gentillesse, cet oiseau porte 


différens noms et a motivé plusieurs croyances populaires. À Maldonado et à Buenos- 


4 


IV. Ois. 49 


Passe- 
reaux. 


( 558 ) 


Passe Ayres on le nomme Colorado (rouge), et il est regardé comme l’embléme de la liberté, 


reaux 


parce qu’il préfère la mort à l'esclavage. À Corrientes, les Guaranis le connaissent sous 
le nom de Guira pyta et de Guira cayera (oiseau rouge); mais sa belle teinte le fait 
désigner encore sous le nom poétique de Quarahi rakï (fils du soleil), allusion à l'éclat 
de sa parure. À Tacna et à Arica il est appelé Saca-tu-real (ôte ton royal'), nom imitatif 
de son chant, et les habitans croient qu'il faut être sorcier pour pouvoir le tuer; aussi 
nous prirent-ils pour tel, lorsqu'ils nous en virent tuer plusieurs devant eux. À Lima 
on l'appelle Putilla, mot dont nous nous dispenserons de donner l'explication. Les 
Araucanos le désignent sous le nom de Czurrincho. 


N° 257. SUIRIRI À SOURCILS JAUNES, Suiriri icterophrys, Nob. 
L'œuf, pl. XLV, fig. 3. 

Suiriré obscuro y amarillo, Azara, 1805, Æpunt., t.2,p.118;n°183; Muscicapa icterophrys, 
Vieill., 1818, Nouv. Dict., t. 21, p. 458; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 832; Fluvicola 
icterophrys, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 59, n° 5. 

S. suprà saturaté viridis, supercilis corporeque subtüs flavis; alis nigris, remigi- 
bus tectricibusque albescente marginatis ; caudä nigrescente. 

Cette espèce est du nombre de celles que nous avons rencontrées en abondance aux 
environs de Montevideo, de Buenos-Ayres et jusqu’à Corrientes, dans notre seconde 
zone de latitude, et qu’ensuite nous avons retrouvées sur les parties élevées des Andes 
y correspondant par la température (notre seconde zone d’élévation au-dessus du niveau 
de la mer), dans la province de Chuquisaca et de Sicasica, en Bolivia. On la voit 
toujours dans les mêmes circonstances que les deux espèces précédentes, dont elle a 
en tout les habitudes percheuses. Au mois d'Octobre nous avons pu observer sa nichée : 
son nid, composé à l'extérieur de branchages tissés avec du coton et du lichen, et 
à l'extérieur de plumes ou de foin, contourné en rond, est placé au sommet des buis- 
sons eten vue; il contient trois à quatre œufs, de 17 et 24 millimètres de diamètre, 
blancs, tachetés de rouge, les taches plus grandes sur le gros bout et rares ailleurs. 
Le mâle et la femelle couvent chacun à leur tour. 

Cette espèce se distingue des deux précédentes par sa tête plus petite, par son bec 
plus effilé, mais caréné en dessus, et par ses tarses plus longs; néanmoins, attendu qu’elle 
diffère encore plus des Adas par son bec caréné en dessus, par le manque de change- 
ment de plumage suivant les sexes, puis, enfin, parce qu’elle ne descend jamais à terre, 
nous avons dû la placer ici comme établissant un passage entre les deux sous-genres. 


Sous-Gexre 15. ADA, Ada, Less. 


Comme nous l’entendons, cette division devrait, par les mœurs des espèces 
qui la composent, rentrer entièrement dans la précédente; mais les caractères 
qui les distinguent nous ont empêché d'opérer cette réunion. Leur bec est 


1. Le Real espagnol est une monnaie d'argent qui vaut à peu près 63 centimes. 


( 339 ) 


allongé, triangulaire, très-peu déprimé, arrondi en dessus, peu crochu à 
son extrémité; les tarses longs, ainsi que les doigts; l'aile longue, la queue 
médiocre, égale. Ce sont des oiseaux essentiellement percheurs, qu'on voit 
toujours au sommet des grandes herbes et des buissons, d’où ils chassent 
aux insectes, descendant rarement à terre. [ls sont des régions froides, tempé- 
rées et chaudes de l'Amérique, à l’est des Andes. Les deux sexes ont des livrées 
entièrement différentes, ce qu'on ne trouve pas habituellement dans les 
Muscicapidées. 


N.° 258. ADA CLIGNOT, 4da perspicillata, Nob. 


Mâle. Le Clignot, Commerson; le Clignot où Traquet à lunette, Buff., Ois., t 5, p. 231; 
Sylvia perspicillata, Lath., 1783, Syn., I, 2, p. 452, n.° 503 Motacilla perspicillata, 
Gmel., 1789, Syst, p. 969, n°103; Colas raras, pico de plata, Azara, 1805, Apunt., 
t.2,p.250,n.° 228; Œnanthe perspiallata, Vieill., Nouv. Dict., 1818 ,t. 21, p.433; Sylvia 
perspicillata, Vieïill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 4903; Muscicapa Commersoni, Less., 
Traité, p. 388, n° 48; Fluvicola perspicillata, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 58, n° 2.— Femelle. 
Suiriri chorreado, Azara, 1805 , Apunt.,t. 2, p.117,n. 182; Muscicapa nigricans, Vieill., 


1818, Nouv. Dict., t. 21, p. 454; Encycl. méth., t. 2, p. 818. 


A. Mas. Niger, gutture remigibusque alarum macul& albd notatus; rostro, circulo 
orbitæ nudis, flavicantibus. — Fom. Superciliis albidis; corpore suprà fusco, pennis 
rufo marginatis; tectricibus alarum nigris, rufo limbatis; remigibus rufis, apice 
nigris; gullure ventreque albis, diluté rufis, pectore unicolore, longitudinaliter 
fusco maculato. 


Sur le vivant. Bec, yeux, une rosette découpée en crête de coq, libre autour des 
yeux, d’un beau jaune; pieds noirs. La femelle a le bec noirâtre à son extremité, jaune 
ailleurs; les jeunes ont le bec noir, avec les couleurs de la femelle. Longueur totale, 
160 millimètres; du vol, 250 mill.; circonférence du corps, 100 mill. 

Connue depuis Commerson et remarquable par ses paupières en crêtes, celte espèce, 
comme nous l'avons établi dans la Synonymie, avait néanmoins motivé deux espèces 
basées sur les variétés de sexe, erreur dans laquelle il était facile de tomber en raison 
de la dissemblance totale qui existe du male à la femelle. Nous avons reconnu qu’elle 
est sujette à des migrations annuelles. L'hiver (en Mai et Juin) elle s’avance à Corrientes, 
et dans les provinces de Chiquitos et de Moxos, en Bolivia, jusqu'au 14° degré de 
latitude, tandis qu’au printemps (en Septembre et Octobre) elle se dirige vers le sud, 
et niche en très-grand nombre près de l'embouchure de la Plata à Montevideo et Buenos- 
Ayres, et va même en pelit nombre jusqu'au Rio Negro en Patagonie, au 41.° degré; 
ainsi son centre d'habitation, le lieu où elle niche de préférence, serait du 30.° au 35. 
degré sud. On la voit toujours dans les lieux humides qui avoisinent les marais, où il 
y a de grandes herbes et de petits buissons. Là, toujours perchée sur le point culmi- 
nant, elle y reste quelquefois immobile; mais, le plus souvent, y bat des ailes, fait 


Passe- 
Teaux. 


(340 ) 


Passe- le balancier avec sa queue et relève les plumes de la tête en forme de huppe, dilatant 


reaux, 


et épanouissant plus ou moins, suivant qu’elle est tranquille ou inquiète, la rosette 
qui entoure ses yeux. Passe-t-il un insecte à sa portée? elle s'envole pour le poursuivre, 
et descend même quelquefois à terre pour le saisir, puis revient à son poste. Son vol 
est saccadé; le soir elle va se coucher dans les buissons. Dans la saison des amours le 
màle et la femelle se séparent peu : l’un se tient toujours perché non loin du lieu où 
l’autre couve, et le prévient du danger. Nous avons même remarqué que le mâle ne 
s’envolait que lorsqu'il avait vu se sauver la femelle. Leur nid, placé dans les marais 
au sommet d’une grande plante ou d’un buisson, est énorme, composé d’herbe fine 
et de crin, protégé en dehors par des épines; la forme en est arrondie, et il n’a qu’une 
petite ouverture qui donne entrée dans son intérieur; les œufs, au nombre de quatre 
ou cinq, sont d’un beau blanc, de forme arrondie, et du diamètre de 19 et 24 milli- 
mètres. À Buenos-Ayres on nomme cet oiseau Pico de plata (bec d'argent), et à Cor- 
rientes Jiudita (petite veuve), de sa teinte noire. 


N.° 259. ADA A BEC BLEU, Zda cyantrostris, Nob. 

Mas. Suiriri negro pico celeste, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p. 116, n° 1813; Muscicapa 
cyanirostris, Vieill., 1818, Nouv. Dict., t. 21, p. 447; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 823 
(d'après Azara). — Fœm. Suiriri de cabeza y rabadilla de canela, Azara, t. 2, p.109,n.°178; 
Muscicapa ruficapilla, Vieill., 1818, Nouv. Dict., t. 21, p. 4593 idem, Encycl. méth., t. 2, 
pe 833; Fluvicola cyanirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 59, n° 4. 

A. Mas. Miger; rostro cyaneo, apice nigro. — Foœm. Suprà fusco-brunnea, capite 
nigricante , uropygio rufo; alis nigris; remigibus omnibus basi, secundariüs mar- 
gine, tectricibus mediis et majoribus late apice rufescentibus ; caudd nigr4&, basi 
usque ad medium rufd, rectrice externd laterali, pogonio externo pallidè rufes- 
centibus, subius sordidè rufescens; gutture, collo antico medioque abdomine palli- 
dioribus. 

Sur le vivant. Bec bleu de ciel, l’extrémité supérieure noire. Longueur totale, 170 

mill.; de la queue, 55 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 70 mill.; du bec, 10 mill. 
Nous avons rencontré celte espèce depuis le 31.° degré sud jusqu’à Corrientes, à la 

frontière du Paraguay. Peu commune et vivant isolée, elle se tient à la lisière des bois, 

dans les marais, où, perchée sur les buissons élevés, elle attend les insectes, qu’elle 
saisit au vol; elle descend aussi rarement à terre, mais y reste peu : ses manières sont 


peu craintives, et nous la croyons sédentaire. 


N° 260. ADA NOIR, Ada nigerrima, Nob. 
Fluvicola nigerrima, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 59, n° 3. 

A. Mas. Niger, remigibus basi, pogonio interno albis; rositro cæruleo, apice nigro; 
pedibus nigris. — Fom. Suprà fusca, uropygio rufo; subiüs sordidè rufescens ; 
gutture medioque abdomine albescentibus; caud& nigr&, basi rufd; alis nigres- 
centibus , tectricibus apice albo-rufescentibus. 


(341 ) 


Sur le vivant. Bec bleu de ciel, terminé de noir; yeux bruns, pieds noirs. Longueur 


Passe- 
reaux, 


totale, 165 millimètres; du vol, 360 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 68 mil; 7" 


de la queue, 57 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du doigt du milieu, 18 
mill.; du bec, 12 mill.; sa largeur, 6 mill.; sa hauteur, 5 mill.; circonférence du corps, 
105 mill. 

Müle adulte, entièrement d’un beau noir brillant, les rémiges noir terne, le côté 
interne de la moitié de leur longueur blanc. 

Femelle. Dessus du corps brun foncé, plus intense sur la tête, passant au roux vif 
au croupion; du blanc jaunâtre autour de la base du bec; parties inférieures roussàtre 
très-clair, passant au blanc sous la gorge et le milieu du ventre; ailes noirâtres, les 
rémiges bordées de roux en dedans et en dehors, les petites tectrices terminées de 
roussätre, les grandes de blanc, ce qui fait deux bandes sur l'aile; queue noirâtre, les 
deux rectrices exceptées, toutes rousses à leur base, à leur côté interne; les deux latérales 
bordées extérieurement de blanc. 

Cette espèce, différant de la précédente par le blanc de la base des rémiges, ainsi 
que par son bec plus étroit, habite tout le versant oriental des Andes boliviennes dans 
les provinces de Yungas, d’Ayupaya, de Cochabamba, de Chuquisaca; et, par consé- 
quent, ne s’écarte pas de notre seconde zone de hauteur, au-dessus du niveau de la 
mer. Partout elle est commune sur les coteaux, dans les plaines, où, toujours perchée 
au sommet des petits buissons, elle a en tout les habitudes des espèces précédentes. 


Genre 14. ALECTURE, Ælecturus, Vieill. 


Les Alccturus ont le bec fort, large, aplati et fortement crochu; la tête 
s . : PA = e : e. s " di e 
grosse; les ailes allongées, pointues; les doigts et les ongles longs et forts; 
la queue singulièrement ornée d’une sorte de rectrices, les rectrices ordinaires 

le) o] 

et d’autres verticales. Ils se tiennent dans les plaines, dans les marais, au 
sommet des plantes les plus élevées, d'où ils chassent sans descendre à terre. 
Tous sont des régions chaudes et tempérées situées à lest des Andes. 


N.° 261. ALECTURE PETIT COQ, Æ4lecturus tricolor, Vieill. 
Cola rara gallito, Azara, 1805, Apunt.,t. 2, p.240,n.° 228; Alecturus tricolor, Vieill., 1 81 7, 
Nouv. Dict., t. 12, p. 402, Gal., pl. 131; Encycl. méth., t. 2, p. 860; Muscicapa Alector, 
Temm., Col., 155; Muscicapa alector, Prince Max., 1831, Beür., t. 3 B, p. 874. 


A. fronte albo nigroque varid; capite, lateribus, corpore subtüsque albis; vertice, 
collo caudäque nigris; tectricibus alarum minoribus albis, majoribus remigibusque 
nigricantibus, albo marginatis; caudd transversali latd. 

Bec brun en dessus, jaunâtre en dessous; yeux bruns, tarses noirs. Longueur totale, 

145 millimètres. 

Nous avons rencontré cette espèce aux environs de Corrientes, république Argentine, 
près de Guarayos, et dans la province de Moxos en Bolivia, c’est-à-dire dans les plaines 


Passe- 


reaux. 


( 342 ) 
du centre de l'Amérique méridionale, seulement au milieu des marais et des lieux 
inondés couverts de graminées, où elle voyage continuellement. Elle se tient toujours 
aux sommités des grandes tiges des plantes, et là remue souvent la queue, s'envole 
quelquefois, papillonne en Pair au-dessus, et se laisse tomber ensuite à la même place, 
d’où elle épie les insectes, qu’elle saisit le plus souvent au vol. Quelquefois cependant 
nous l'avons vue saisir des insectes à terre, mais sans s’y poser, et revenir à son poste. 
Elle est des moins craintive, se laisse approcher de très-près, et lorsqu'elle s’envole, c’est 
pour aller à peu de distance, d’un vol gèné et interrompu, se replacer sur le sommet 
de quelqu’autre plante. Nous ne lui avons entendu proférer aucun cri. Azara dit qu’il 
y a beaucoup plus de femelles que de mäles; mais il a pris pour femelles les jeunes 
mäles qui n’ont pas encore la queue prononcée. 


N.° 262. ALECTURE GUIRAYETAPA, Æecturus guirayetapa, Vieill. 


Cola rara pardo y blanco, Azara, 1805, Æpunt., t. 2, p. 244, n° 226; Alecturus guiraye- 
tapa, Vieill., 1817, Nouv. Dict., t. 12, p.409; Enc. méth., 1823,t. 2, p. 861 (d'après Azara); 
Tyrannus bellulus, Vieill., 1819, Nouv. Dict., t. 35, p. 75; Encycl. méth., t. 2, p. 846; 
Muscicapa risoria, Vieill., Gal., pl. 131; Muscicapa psalura, Temm., Col., 286, 296; 
idem, Prince Max., Beitr., t. 3 B, p. 877; Alecturus guirayetapa, d'Orb. et Lafr., Syn., 


Ps 0400. 2 


A. subtüs fusca, pallidè marginata; uropygio cinerea; remigibus fuscis, albo mar- 
ginatis; tectricibus nigris, albo limbatis; gutture subtüusque albis; pectore nigro. 


Sur le vivant. Bec jaunâtre, pieds noiratres, yeux bruns. Dans la saison des amours, 
toute la gorge est nue, d’un bel orangé, et comme gonflée par des glandes graisseuses. 

Nous avons rencontré ce singulier oiseau, l'hiver, à Corrientes, où il arrive l’automne, 
disparaissant au printemps pour aller s'établir vers le 34° degré sud, dans la Banda 
oriental de l’Uruguay et près de Maldonado. Elle a en tout les habitudes de l'espèce 
précédente, recherche les plaines inondées ou humides, et sy perche sur les plantes, 
en agilant incessamment sa longue queue. Nous croyons qu’elle niche au milieu des 
grandes herbes et près de terre, dans les marais; car elle s’y tient continuellement à 
l’époque des amours. 


N° 263. ALECTURE YIPÉRU, #ecturus yetapa, Vicill. 


Viperu, Azara, 1802, Apunt., 1. 17, p. 322, n° 763; Muscicapa yetapa, Vieill., 1818, Nouv. 
Dict., t. 21, p. 460; idem, Enc. méth., t. 2, p. 834 (d'après Azara); Muscicapa yiperu, 
Licht., 1823, Doubl., n° 547, p. 52; Gubernetes Cunnighami, Such, Zoo. Journ., t. 2, 
pl. 4; Muscicapa longicauda, Spix, pl. 17 ; Gubernetes yiperu, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 58, 


ne 


A. cinerea; gul4d alb4, arcu castaneo è regione parotica versus jugulum descen- 
dente cinctd. 


(545) 

Vicillot ayant cinq années d’antériorité de nom sur M. Lichtenstein, nous avons dû 
tout naturellement y revenir. Quant à considérer cet oiseau comme type d’un genre, 
nous croyons aussi que ce serait vouloir trop les multiplier, et qu’il rentre parfaitement, 
par ses mœurs et par ses caractères, dans le genre #lecturus de Vieillot, où nous le pla- 
cons aujourd'hui. 

Cette espèce habite la province de Chiquitos, où elle est rare; elle a les mêmes habi- 
tudes que l’4ecturus guirayelapa, tout en se montrant plus sociale entre les indi- 
vidus de son espèce, ce qui l’a fait ranger à tort par Azara parmi les Troupiales. 


3° DIVISION. 
MUSCICAPIDÉES HUMICOLES , Muscicapidæ humicolæ. 


Quelques-uns des Muscicapidées de cette division se perchent encore; mais 
tous chassent, le plus souvent, les insectes à terre, y courent avec vitesse et 
sont d’excellens marcheurs. La longueur de leurs tarses, la force de leurs 
doigts et leurs ongles usés les font facilement reconnaître. Ils balancent leur 
queue comme les Motacilles et les Saxicoles. Ce sont entre les Muscicapidées 
ceux qui s’'avancent le plus vers le sud. 


Gexre 15. FLU VICOLE, FZuvicola, Swains. 


Les Fluvicoles ont le bec assez long, grêle, un peu comprimé, à arête 
peu vive; leurs tarses sont longs, comprimés ; leurs doigts longs, leurs ongles 
souvent usés, peu courbés; leur queue égale, assez longue. 

Toutes nos espèces, au moins, ont les caractères qui précèdent et leurs 
mœurs sont identiques; elles ne se perchent jamais au sommet des buissons, 
se tiennent au bord des eaux, courent à terre et se perchent sur les branches 
basses des fourrés. Nous les avons trouvées dans les régions chaudes, mais 
souvent à une très-grande élévation sur les Andes. 


N.° 264. FLUVICOLE GILLIT, Æuvrcola bicolor, Nob. 
L'œuf, pl. LVIT, fig. 3. 

Gillit où Gobe-mouche-pie de Cayenne, Buff., Ois., t 4, p. 542, Enl., 695, fig. 1; Muscicapa 
bicolor, Lath., 1783, Syn., Il, 1, p. 327, n° 4; idem, Gmel., 1789, Syst., p. 946, n° 78; 
Suiriri dominico, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p.100, n°195; Platyrhynchos bicolor, Vieill., 
1818, t. 27, p. 13; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 837; Muscicapa albiventris, Spix, pl. 30, 
fig. 1; Æluvicola bicolor, d'Oxb. et Lafr., Syn., p. 58, n°1. 


F. supra alis caudäque nigris ; subtüs, fronte, ared oculorum , uropygio, tectricibus 
alarum , rectricibus apice albis; rostro pedibusque nigris. 
Nous avons rencontré cette espèce à Corrientes, république Argentine, et dans la 
province de Chiquitos, république de Bolivia; aussi croyons-nous qu'elle habite toutes 


Passe- 
reaux, 
% 


(344) 


Passe les plaines du centre de l'Amérique méridionale du 15.° au 28.° degré de latitude sud. 


reaux. 


Elle se tient familièrement dans les lieux humides et momentanément inondés par les 
pluies, où se trouvent des buissons, des halliers et de hautes herbes. Là elle parcourt 
incessamment les branches basses et descend fréquemment à terre, où elle marche en 
sautillant, poursuivant les insectes dont elle se nourrit; si elle s'envole, c’est très-bas 
el pour passer au buisson le plus voisin. Nous ne l’avons jamais vue sur les branches 
élevées des buissons. Son chant est un sifflement peu étendu. Au mois d'Octobre nous 
avons trouvé son nid placé en vue sur le bord d’un buisson touffu : il a la forme d’une 
bourse, dont l'entrée est latérale et couverte, et construit de petites branches de lianes, 
de foin, de plumes et de chiffons entrelacés à l’extérieur, de duvet à l’intérieur. Son 
diamètre est de 10 centimètres, sa hauteur de 15; il contient trois à quatre œufs, de 
15 et 20 millimètres de diamètre, blancs, avec quelques taches arrondies rougeàtres, 
placées seulement au gros bout. 

Connue à Corrientes sous le nom de Viudita (petite veuve), cette espèce n’y est que 
de passage; elle y arrive au printemps et s’en va aussitôt après la ponte. 


N° 265. FLUVICOLE OENANTHOIÏDE, Æuvicola œnanthoides, Nob. 
PI. XXXVIIL, fig. 2. 
Fluvicola œnanthoides, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 60, n° 8. 

F° suprà murina vel fumosa, uropygio partum rufescente; fronte, superciliis albis ; 
alis nigro-fuscis , remigibus secundariis margine, tectricibus majoribus apice pal- 
lide rufescentibus ; caud& nigro-fuscä, gutture cinereo, pectore ventreque rufis. 
Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 160 millimètres; de 

la queue, 50 mill.; du vol, 250 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 80 mill.; du tarse 

au bout des doigts, 33 mill.; du doigt du milieu, 16 mill.; de l’ongle du pouce, 

6 mill.; du bec, {f mill.; sa hauteur, 3 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence du 

corps, 100 mill. 

Dessus du corps couvert de plumes longues, làches, cendré brun, passant au roussätre 
au croupion; gorge et devant du cou gris sale; poitrine et toutes les parties inférieures 
roux-jaunàtre; de très-larges sourcils blancs, réunis au front, se prolongent sur le cou; 
une tache noire commence à la commissure du bec, traverse les yeux et se perd aux oreilles; 
couvertures de la queue blanches; ailes noirâtres, les rémiges bordées et les tectrices 
terminées de roux pàle; queue brune, les rectrices latérales bordées de blanc. 

Cette espèce, dont le plumage rappelle celui de la femelle du Saxicola œnanthe, 
habite notre troisième zone d’élévation, sur les parties élevées du plateau des Andes 
boliviennes, dans la vallée de la Paz; elle se tient dans les ravins près des eaux, et, 
toujours isolée, se montre si peu craintive, qu’elle s'approche des habitations, marchant, 
le plus souvent, autour des buissons ou sautillant sur les branches basses, sans jamais se 
percher au sommet. Sa nourriture consiste en insectes, surtout en insectes aquatiques, 
qu’elle cherche en marchant au bord des eaux; son cri est un sifflement léger; son 
vol est court et toujours bas. 


( 345 ) 


N° 266. FLUVICOLE À SOURCILS BLANCS, Æuvicola leucophrys, Nob. 
PI. XXXVIIL, fig. 1. 
Fluvicola leucophrys, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 60, n.° 6. 

F°! suprà fusco-brunnea, uropygio rufescente; subtüs cinerea, fronte superciliisque 
niveis; alis nigris, remigibus secundariis angustè albescentibus; tectricibus apice 
cinnamomeis, duas vittas formantibus ; caudd nigrd, rectricibus lateralibus pogonio 
externo albo. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 160 millimètres; du 
pli de Paile à son extrémité, 75 mill.; de la queue, 57 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 33 mill.; du doigt du milieu, 15 mill.; du bec, 10 mill.; sa hauteur, 3 mill.; 
sa largeur, 4 mill.; circonférence du corps, 90 mill. 

Toutes les parties supérieures brunes, plus noiratres à la tête, passant au roussätre 
au croupion; toutes les parties inférieures gris ardoisé, passant au blanchâtre au ventre 
et aux tectrices inférieures de la queue; un large sourcil blanc prenant au front, passant 
au-dessus des yeux et se terminant derrière la tête; les joues variées de noirätre et de 
blanc; ailes noirätres, les rémiges secondaires faiblement bordées de blanc roussâtre, 
les tectrices terminées d’une tache rousse formant deux lignes transversales sur Paile, 
l’inférieure la plus large; queue noirätre, les deux rectrices latérales bordées extérieure- 
ment de blanc. 

Différente de la précédente par une taille plus petite, par le manque de roux aux 
parties inférieures et par d’autres détails de teintes, cette espèce a néanmoins beaucoup 
de rapports avec elle, pour la distribution des couleurs; elle en a encore plus dans les 
mœurs, qui sont en tout identiques; seulement, au lieu d’habiter les environs de la Paz, 
celle-ci se trouve sur le versant opposé des Andes, à peu près à la même hauteur (3,600 
mètres au-dessus de l’océan), aux environs d'Enquisivi, province de Sicasica, en Bolivia, 
où elle n’est pas commune. 


N° 267. FLUVICOLE À POITRINE ROUSSE, Æuvicola rufipectoralis, Nob. 
PI. XXXVII, fig. 2. 
Fluvicola rufipectoralis, d'Orb. et Lafr., Syr., p. 60, n.° 7. 

F. suprà fusco-fumigata, subiüs cinereo-albida; mento cinerascente; collo antico, 
pectoreque rufo-badiis; capite nigro-schistaceo; fronte superciliisque totis albis; 
alis nigris, remigibus albo fimbriatis ; caudä nigrä, rectricibus lateralibus externe 
albo limbatis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. Longueur totale, 130 millimètres; du 
vol, 210 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 65 mill.; de la queue, 45 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 34 mill.; du doigt du milieu, {3 mill.; du bec, 8 mill.; sa hauteur, 
4 mill.; sa largeur, 5 mill.; circonférence du corps, 80 mill. 

Dessus de la tête noirâtre ardoisé foncé, teinte qui, moins intense, couvre toutes les 
parties supérieures; menton cendré-roux, devant du cou et poitrine roux assez vif; 


IV. oùis. 44 


Passe- 
reaux. 


(346) 


Passe ventre, dessous de la queue et des ailes gris-ardoisé très-clair; un très-large sourcil blanc 


reaux. 


prend au front et s'étend jusque derrière la tête; les côtés de la tête et les oreilles noirâtres; 
ailes noires, les grandes tectrices, avec un indice de tache, rousses à leur extrémité; 
une petite bordure presqu’imperceptible aux rémiges; queue noirätre, les deux rémiges 
inférieures blanches au côté externe. 

De la même taille que la Æuvicola leucophrys, celle-ci s’en distingue par sa poitrine 
rousse, par sa teinte ardoisée et par son bec plus caréné. Nous l’avons trouvée dans les 
mêmes circonstances aux environs de Palca, province d’Ayupaya, en Bolivia; peu mar- 
cheuse, néanmoins elle nous a paru préférer les lieux plus ombragés. 


Gexre 16. PÉPOAZA, Pepoaza, Nob. 


71 1 Û 
Pepoaza , Azara. 


Azara avait parfaitement distingué, par suite de leurs habitudes marcheuses, 
les Muscicapidées que nous plaçons dans cette division, en les séparant entière- 
ment des Tyrannus, où les auteurs les ont placés. En effet, au lieu de vivre, 
comme les Tyrans, dans les lieux boisés, ceux-ci se tiennent dans les plaines, 
et, comme les Ada, se perchent sur les points culminans des plantes et des 
arbustes, d’où ils descendent à terre pour prendre leur nourriture. Ce sont 
des oiseaux percheurs et marcheurs, dont la queue, égale, est constamment 
en mouvement, et dont les manières sont vives et pétulantes. Ils appar- 
tiennent aux plaines tempérées et chaudes. 


A. PEPOAZÆ GENUINÆ. 


Bec médiocre, allongé et conique, déprimé à la base, comprimé vers 
l'extrémité; couleurs blanche et noire ou variées par grandes plaques. 


N° 268. PÉPOAZA ORDINAIRE, Pepoaza polyglotta, Nob. 
L’œuf, pl. XXXIX, fig. 4. 

Pepoaza, Azara, 1806, Apunt., t. 2, p. 166, n° 201; Vieill., 1819, Nouv. Dict., t. 35, 
p- 91; Tyrannus pepoaza, Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2,p. 855 ; Muscicapa polyglotta, 
Licht., 1823, Doubl., n° 554, p. 54; idem, Prince Max., 1831, Beitr., t. 3 B,n. 22; 
Pepoaza polyglotta, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 62, n.° 1. 


P. suprà cinerea, subiüs alba, pectore cinereo; vittä duplici, quarum una ante ocu- 
dos, altera sub oculo albis; remigibus primariis nigris, basi albis, rectricibus 
nigris, apice sordidé albis. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux orangés. Longueur totale, 230 millimètres; 

vol, 310 mill.; circonférence du corps, 120 mill. 


1. Pepoaza vient du mot guarani pepo, aile, et de aza, rayé, traversé : aile rayée. 


( 347 ) 

Nous avons observé ces oiseaux à Corrientes, république Argentine, et dans la pro- 
vince de Chiquitos, en Bolivia, où ils sont cependant peu communs. Sédentaires, ils 
se répandent familièrement dans les champs et dans la campagne, près des habitations, 
aux lieux où se trouvent de petits buissons isolés ou de grandes plantes. On les voit 
toujours seuls, perchés sur les points les plus élevés, y montrer beaucoup de vivacité, 
descendre fréquemment à terre, y courir pour chercher des insectes, puis s'envoler 
légèrement, et, avant de se poser, balancer leurs ailes comme en se jouant, et se 
laisser ensuite tomber sur leur perchoir. Nous ne leur avons entendu jeter aucun cri; 
aussi croyons-nous fort impropre le nom de Polyglotta que leur a donné M. Lichten- 
stein; il ne leur vient sans doute que de leur ressemblance extérieure avec l’Orphœus 
polyglottus. Jamais ils ne sautillent de branche en branche; encore moins pénètrent-ils 
dans l’intérieur des buissons ; ils sont aussi loin d’être querelleurs. 


N.° 269. PÉPOAZA DOMINICAIN, Pepoaza dominicana, Azara. 


Pepoaza dominicana, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p.170, n° 203; Tyrannus dominicanus, 
Vieill., 1819, Nouv. Dict., t. 35, p. 92; idem, 1823, Encyc. méth., t. 2, p. 856; Muscicapa 
dominicana, Licht., 1823, Doubl., p. 54, Pepoaza dominicana, d'Orb. et Lafr., Syn., 
p. 62,n. 2. 

P. alba, alis cauddque nigris; remigibus apice albis, primd remige tantummodo 
apice intus et exlüs emarginatd, acuminatd. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns. 

Peu commune, cette espèce habite les environs de Montevideo, de Maldonado et de 
Buenos-Ayres, mais disparait entièrement au nord, vers le 30.° degré; elle est ainsi 
reléguée entre les 30.° et 38. degrés de latitude, seulement dans les plaines, où, du 
reste, elle montre en tout les mêmes habitudes et la même manière de vivre. À Cor- 
rientes on l'appelle petite Veuve, de son plumage noir et blanc. 


N° 270. PÉPOAZA VOILÉ, Pepoaza velata, Nob. 

Muscicapa velaia, Licht., 1823, Doubl., n° 555; p. 54; idem, Spix, Æv.,t. 11, p.19, pl. 22; 
idem, Prince Max., 1831, Beitr., t. 3 B, p. 859; Pepoaza velata, d'Orb. et Lafr., Syn., 
p. 62, n. 3. 

P. fronte albida, pileo cinerascente; dorso cinereo; abdomine toto, uropygio caudäque 
dimidid albis, caudæ parte apicali remigibusque primariis nigris, secundariis 
extus albis. 

Sur le vivant. Bee et pieds noirs, yeux roux. Longueur totale, 220 millimètres; du 
vol, 390 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 120 mill.; de la queue, 75 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 50 mill.; du bec, 16 mill.; sa largeur, 7 mill.; sa hauteur, 
5 mill.; circonférence du corps, 130 mil. 

Ce Pépoaza s'est montré à nous dans les plaines qui environnent Santa-Cruz de la 
Sierra , en Bolivia, où il est peu commun. Il a en tout les habitudes du Pepoaza polyglotta. 


Passe- 
reau x. 


Passe- 
reaux, 


(35148) 


N.° 271. PÉPOAZA IRUPÉRO, Pepoaza irupero, Azara. 


Pepoaza irupero, Azara, 1805, Æpunt., t. 2, p.171, n° 204 ; idem, Vieill., 1819, Nouv. Dict., 
tu. 35,p. 92; Tyrannus irupero; Vieill., 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 856 (d'après Azara); 
Muscicapa mæsta, Licht., 1823, Doubl., p.54,n 557; Muscicapa nivea, Spix, pl. 29-1; 
Pepoaza niveau, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 4, p. 62. 


P. nivea; caudd apice, remigibus quatuor primoribus, rostro pedibusque nigris; 
duabus primis remigibus apice subitd valdè emarginatis et angustatis, in filum 
desinentibus. 


C’est surtout par le parallèle du 30.° au 34° degré, près de la Plata et de ses affluens, 
que nous avons trouvé cette espèce; néanmoins elle s’avance vers le nord, jusqu’à la 
province de Chiquitos, en Bolivia. Ses mœurs ressemblent en tout à celles du Pepoaza 
polyglotta ; elle est si familière que souvent elle se perche sur les maisons; d’instans 
en instans elle s'envole, bat des ailes et revient au même lieu; nous l’avons vue répéter 
dix à douze fois de suite ce manège. Au mois d'Octobre, elle s’approprie un vieux nid 
d’Hornero (Fournier) et y dépose trois à quatre œufs jaunàtres, tachetés de quelques 
mouchelures brunes; leurs diamètres sont 18 et 24 millimètres. On l'appelle Frudita ; 
les Guaranis la nomment Guira ty ou Guira moroty (oiseau blanc). 


N° 272. PÉPOAZA YUCON, Pepoaza pyrope, Nob. 


Muscicapa pyrope, Kitlitz, 1830, Ueber einige Vügel von Chili, pl. 10; Pepoaza pyrope, 
d'Orb. et Lafr., Syr, p. 63, n°6. 


P. suprà cinerea, subtus albescens, remigibus nigris cinereo limbatis, duabus pri- 


mis remigibus ante apicem subito valdè emarginatis et angustatis, in filum desi- 


nentibus; rectricibus nigrescentibus, albido laté marginatis; rostro pedibusque 
nigris, tectricibus infrà alarum fuscescentibus. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux rouge de vermillon. Longueur totale, 210 
mill.; du pli de laile à son extrémité, 112 mill.; de la queue, 83 mill.; du tarse au bout 
des doigts, 45 mill.; du vol, 340 mill. 

Cette espèce, connue des Chiliens sous le nom de Fucon, se tient dans les ravins 
buissonneux de cette république, surtout aux environs de Valparaiso, où nous l'avons 
rencontrée rarement; elle a les mœurs des espèces précédentes. 


N° 273. PEPOAZA BRUN, Pepoaza murina, Nob. 

Pepoaza murina, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 63, n° 7. 
P. suprà cinereo-murina; maculd ante oculos albescente; alis nigris, remigibus rec- 
tricibusque margine apiceque albescentibus ; caudd nigrä, margine apiceque mar- 


ginatis ; subtüs pallidè rufescente-cinerascens ; abdomine medio anogue pallidio- 
ribus; gutture albido, fusco striato. 


( 549 ) 

Sur le vivant. Bec corné, yeux roux vif, pieds noirs. Longueur totale, 200 millimètres; 
vol, 310 mill.; du pli de laile à son extrémité, 100 mill.; de la queue, 60 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 45 mill.; du pouce, 15 mill.; du bec, 16 mill.; sa largeur, 
6 mill.; sa hauteur, 5 mill. 

Tête et parties supérieures brun-gris foncé; gorge blanche, légèrement mouchetée de 
brun; parties inférieures gris-roux clair, plus rousses au derrière, et aux couvertures 
inférieures des ailes et de la queue; ailes noirâtres, les tectrices et les rémiges postérieures 
largement bordées et terminées de gris-blanc; queue noire, bordée et terminée de gris 
foncé, les pennes latérales bordées de blanc en dehors; les deux pennes externes de 
l'aile échancrées à leur extrémité, absolument comme dans l'espèce précédente. 

Nous avons tué cette espèce près du Rio Negro en Patagonie, où elle se montre 
seulement en hiver; elle marche souvent à terre et a les mœurs des espèces précédentes. 
Elle vient sans doute des régions plus australes. 


N° 274. PÉPOAZA VARIÉ, Pepoaza variegata, Nob. 
PI. XXXIX, fig. 2. 
Pepoaza variegata, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 63, n° 8. 

P. suprà murino-cinerea; capite suprà, pennis margine obscurioribus; uropygio 
parüm rufescente; subtus rufescens, cinereo maculatd, pectore cinereo; alis nigris, 
remigibus secundariis, tribus ultimis exceptis, castaneis, apice albis, tectricibus 
albis, disco fuscescentibus. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bistrés. Longueur totale, 250 millimètres; du 
pli de l’aile à son extrémité, 150 mill.; de la queue, 70 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 60 mill.; du doigt du milieu, 22 mill.; du bec, 16 mill.; sa largeur, 7 mill.; 
sa hauteur, 6 mill. 

Dessus de la tête brun-bleuâtre, chaque plume bordée de brun à son extrémité; 
dessus du corps gris-ardoisé, une teinte roussätre aux sourcils, une tache brune sur 
l'oreille et à l’angle antérieur de l'œil; gorge roux clair; sur les côtés du cou, le gris 
se mêle au roux par mouchetures; ventre roux clair, queue brune, les rectrices bordées 
de blanchätre; tectrices supérieures de laile blanches, avec du gris clair au milieu de 
chaque plume; petites tectrices entièrement noires, les six premières rémiges noires, 
les deux suivantes noires au bord externe, roux foncé sur l’interne, les huit qui suivent 
entièrement roux marron vif, les trois dernières presque brunes; toutes, excepté les 
quatre rémiges primaires, terminées de blanc. 

Cette belle espèce, qui se distingue de toutes les autres par la variété de ses teintes, 
s'est montrée à nous sur les cailloux et sur les dunes du bord de la mer, dans lile 
de los Jabalis, à la baie de San-Blas, en Patagonie. Ses habitudes nous parurent analogues 
à celles des Moteux : elle relevait la queue chaque fois qu'elle se posait et qu’elle s’en- 
volait. Comme il n’y a pas de buissons dans le lieu qu’elle habite, elle se perche sur 
les points culminans, tout en étant bien plus marcheuse que les espèces précédentes, 
dont pourtant elle a le vol et les allures. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 350 ) 


N° 275. PÉPOAZA COURONNÉ, Pepoaza coronata, Nob. 


Pepoaza coronada, Azara, 1805, Apunt.,t. 2,p.168, n° 202; Tyrannus coronatus, Vieill., 
1819, Nouv. Dict., t. 35, p. 92; idem, 1823, Encycl. méth., t. 2, p. 855 (d’après Azara); 
Muscicapa vütigera, Licht., 1823, Doub., p. 54 (d'après Azara). 


P. vertice nigro; fronte genisque albis; corpore suprà fuscescente-cinereo, subtus 
albo; caud& nigrd, albo marginata. 

Sur le vivant. Bec, pieds et yeux noirs. Longueur totale, 230 mill.; du pli de l'aile à 
son extrémité, 130 mill.; de la queue, 75 mill.; du tarse au bout des doigts, 24 mill.; 
du pouce, 15 mill.; du bec, 15 mill. 

Le Pépoaza couronné habite au sud du 26.° degré; nous l'avons rencontré, mais très- 
rarement, à Corrientes et à Buenos-Ayres, autour des lieux cultivés, où ses habitudes 
sont en tout identiques à celles du Pepoaza polyglotta. 


N° 276. PEPOAZA SUIRIRI, Pepoaza rixosa, Nob. 
L'œuf, pl. LI, fig. 4. 

Suiriri, Azara, 1805, Apunt., t. 2, p. 148, n°197; Tyrannus rixosus, Vieill., 1819, Nouv. 
Dict., t. 35, p. 85; idem, Encycl. méth., t. 2, p. 852; Tyrannus ambulans, Swains.; Mus- 
cicapa joazeiro, Spix, 1824, Aves, pl. 23; Pepoaza rixosa, d'Orb. et Lafr., Syn., p.62,n.5. 

P. suprà olivascens; capite cinereo; verticis pennis coccineis, apice fuscis, subtus 
Jlavis; caudä alisque fuscis; gutture albescente. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux rouge de vermillon. 

Cette espèce, l’une des plus remarquables par ses habitudes, paraît habiter toutes 
les plaines du centre de l'Amérique méridionale, dans les régions chaudes et tempérées. 
Nous l’avons vue successivement à Buenos-Ayres et à Corrientes, république Argentine, 
et nous l'avons retrouvée ensuite dans les provinces de Santa-Cruz de la Sierra, de 
Chiquitos et de Moxos, en Bolivia. Elle semble néanmoins préférer, dans ces lieux, les 
plaines, et surtout celles qui avoisinent les habitations. On la voit par paires ou par 
petites troupes composées de paires, vivre familièrement avec les hommes et les bestiaux, 
se poser sur les toits des maisons, sur les poteaux, entrer dans les cours et les jardins, 
marcher autour des bœufs et des chevaux, et se laisser transporter sur leur dos, pendant 
des heures entières. Plus querelleurs que tous les autres, malgré leur petite taille, ces 
oiseaux attaquent les Caräcaräs et les Urubus, en se cramponnant sur le dos de ceux-ci et 
leur donnant des coups de bec. C’est alors surtout qu’ils font entendre le cri de suiriri, 
commun à beaucoup de Muscicapidées. Leur vol est rapide, bas et léger; ils marchent 
aussi avec rapidité, en poursuivant les insectes; ils sont même plus souvent à terre que 
perchés; là ils accompagnent les bestiaux, se placent à moins d’un mètre de distance 
en avant de la tête, pour saisir les insectes que ceux-ci font lever en paissant. Leur 
habitude de se percher sur les bestiaux a sans doute déterminé pour eux le choix d’un 
genre de nourriture qu'ils ne pouvaient connaître avant la conquête de l'Amérique. Non- 


( 551 ) 

seulement ils se nourrissent d'insectes, mais ils paraissent aimer les croûtes qui se forment 
sur le dos des chevaux blessés, ce qui les à fait nommer Matadura par les Correntinos, 
du nom même de ces blessures. Sédentaires dans le pays, ils vivent avec les hommes, 
qui les protègent, et le contact de ceux-ci a changé leurs habitudes. Indépendamment 
de ce que nous venons de dire, ils viennent sous les corridors manger la viande qu’on 
y met sécher. — Au mois d'Octobre ils s’approprient un nid d’Anumbius, et y pondent 
quatre à cinq œufs, de 18 et 24 millimètres de diamètre, blanc rosé très-pàle, marqués 
de taches longitudinales irrégulières d’un rouge-brun foncé, plus grandes au gros bout’; 
entre ces taches il y en a quelques autres petites de la même couleur.— Le mâle et la 
femelle couvent alternativement, tandis que l’autre veille au dehors à la sûreté commune; 
et après la sortie du nid, les parens conduisent encore les petits pendant quelque 
temps. Nous avons trouvé dans un nid quatre petits couverts de pustules très-grandes, 
formées par des larves d'Œstre. Les Mbocobis du Chaco les nomment Cologgo. 


B. PEPOAZÆ RECTIROSTRES, Nob. 


Bec allongé, comprimé, cylindrique, tres-droit, crochu subitement à son 
extrémité; ailes courtes, pieds très-forts: leur couleur est sombre, brunâtre et 
tachetée. 

N.° 277. PÉPOAZA À GORGE VARIÉE, Pepoaza livida, Nob. 


T'hamnophilus lividus, Kitlitz, Mémoire présenté à l'académie de Saint-Pétersbourg, t. 11, p. 465, 


pl. 1; Tyrannus gutturalis, Eydoux et Gervais, Voyage de la Favorite, Ois., pl. 11. 


P. supràä saturatè fusca, subtüs fusco-rufescens; crisso rufo; gutture albescente, 
maculis nigris longitudinaliter ornato; tectricibus alarum, remigibus, nigro- 
fuscis, cinereo limbatis ; caud& nigro-fuscd, rectricibus exterioribus cinereo mar- 
ginatis; capite supràä fusco maculato. 

Sur le vivant. Bec brun en dessus, rosé en dessous; yeux bruns, tarses noirätres. 
Longueur totale, 280 millimètres; de la queue, 90 mill.; du vol, 390 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 70 mill.; du doigt du milieu, 32 mill.; du pli de l'aile à son extré- 
mité, 120 mill.; longueur du bec, 25 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 9 mill.; 
circonférence du corps, 150 mill. 

Cette espèce, la plus grande de la série, est excessivement commune aux environs 
de Valparaiso, où elle a les habitudes des espèces suivantes. 


N.° 278. PÉPOAZA DES ANDES, Pepoaza andecola, Nob. 
Pepoaza gutturalis, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 9, p. 64. 

P. suprà murina, unicolor, subtùs pallidé cinereo-rufescens; crisso pallidé ochraceo; 
superciliis rufescentibus; alis nigro-fuscis, remigibus tectricibusque  albescente 
marginatis; caudd fusco-nigrd ;rectrice laterali pogonio externo, omnibus externo 
apice albescentibus ; gutture albescente, maculis nigris striato. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


(352 ) 

Sur le vivant. Bec corné en dessus, rosé en dessous; pieds noirs, yeux bruns. Lon- 
gueur totale, 160 millimètres; du pli de laile à son extrémité, 120 mill.; de la queue, 
90 mill.; du bec, 22 mill.; sa hauteur, 81/2 mill.; sa largeur, 7 mill.; du tarse au bout 
des doigts, 55 mill.; du doigt du milieu, 25 mill.; circonférence du corps, 140 mil. 

Parties supérieures brun uniforme, gorge blanchätre, grivelée de brun foncé à ses 
parties latérales; un sourcil jaune prend à la base des narines et entoure les yeux; les 
parties inférieures cendré-roussätre clair, passant au jaunàtre aux couvertures infé- 
rieures de la queue; rémiges et tectrices noiràtres, bordées de blanchätre; queue noire, 
les rectrices latérales largement bordées à leur côté externe et toutes les autres seule- 
ment terminées de blanchâtre. 

Cette espèce diffère de la précédente, dont elle a les distributions de teintes, par 
une taille moindre, par le manque de taches sur la tête, par ses parties inférieures 
Jaunätres et non pas rousses, par ses teintes plus claires et par le tour des yeux jaunàtre. 

Nous l’avons rencontrée seulement sur les parties les plus élevées du plateau des 
Andes, dans les plaines élevées de près de cinq mille mètres au-dessus du niveau de 
la mer. Elle se tient de préférence dans les plaines, où elle se pose sur le sommet des 
herbes, descend souvent à terre pour chasser aux insectes, et revient ensuite à son 
perchoir. Elle est si peu farouche, qu’en ayant manqué un individu d’un premier coup 


de fusil, il nous laissa l’approcher de nouveau pour le tuer. Son estomac contient 
toujours beaucoup d'insectes. 


N° 279. PÉPOAZA DES MONTAGNES, Pepoaza montana, Nob. 
Pepoaza montana, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 10, p. 64. 


P. suprà saturaté fusco-fumosa, unicolor ; superciliis albido-rufescentibus, gutture 
albescente, maculis oblongis, fuscis ornato; pectore rufo, cinereo mixto; abdomine 
crissoque albescentibus; alis nigris, pallidè limbatis; caud& fusco-nigrd; tertià 
parte apicali (duabus rectricibus mediüis exceptis) albd. 

Sur le vivant. Bec noir en dessus, jaune en dessous; pieds noirs, yeux bruns. Lon- 
gueur totale, 250 millimètres; du pli de l'aile à son extrémité, 133 mill.; de la queue, 
100 mill., du bec, 18 mill.; sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 7 mill. 

Toutes les parties supérieures uniforme brun, un peu roussätre; gorge blanchâtre, 
nuagée de grivelures brunes; un sourcil jaunâtre, poitrine roux-brun; le ventre, le 
dessous des ailes et les couvertures inférieures de la queue blanc roussätre très-clair; 
ailes noirätres, bordées de plus pâle et terminées de la même teinte; queue noirâtre; 
toutes les rectrices, les deux médianes exceptées, ont le tiers à leur extrémité d’un beau 
blanc : cette teinte colore aussi le côté externe de la rectrice latérale de chaque côté. 

Le Pépoaza des montagnes se distingue facilement des deux espèces précédentes par 
le blanc de l'extrémité de la queue. 

IL habite les montagnes des Andes, dans les ravins rocailleux à la Paz, à Enquisivi, 
province de Sicasica, et près de Palca, toujours sur les rochers des coteaux les plus 
déserts et les plus arides, et n’est commun nulle part; on ne le voit que dans les 


(365 ) 
lieux découverts, où elle vit isolée et très-craintive, se perche seulement sur les rochers 
et jamais sur les buissons, court à terre avec vivacité et paraît s’y plaire; €’est là même 
qu’elle cherche les insectes dont elle se nourrit. Son vol est bas et droit. Les Aymaras 
de la Paz la nomment, dans leur langue, Guaichu. 


N.° 280. PÉPOAZA MARITIME, Pepoazi maritima, Nob. 
Pepoaza maritima, d'Orb. et Lafr., Syn., n° 9, p. 65. 

P. suprà fuscescente-cinereo unicolor; gutture albicante, submaculato; pectore 
hypocondrisque rufescenti-cinerascens ; abdomine crissoque albis; alis nigrescens, 
albo marginatis; caudü albd, rectricibus duabus mediis fusco-nigris, extimo apice 
albicante, omnibus basi nigris ; duabus primis remigibus subito emarginatis, in filum 
desinentibus. 

Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux gris-blanc. Longueur totale, 240 millimètres; 
du pli de Paile à son extrémité, 130 mill.; de la queue, 75 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 50 mill.; du doigt du milieu, 20 mull.; du bec, 22 mill.; sa hauteur, 7 muill.; 
sa largeur, 3 mill.; du vol, 410 mill. 

Toutes les parties supérieures brun ardoisé uniforme; gorge blanc-bleuâtre, avec 
quelques indices de grivelures; du gris cendré sur la poitrine et les flancs, passant au 
blane au ventre et aux couvertures inférieures de la queue; ailes noirâtres, les rémiges 
bordées et terminées de blanc; à la queue les deux pennes supérieures brunes, terminées 
de blanc, toutes les autres blanches, avec le côté interne noirâtre sur les deux tiers de 
leur longueur; un sourceil jaunâtre; les deux premières rémiges de chaque côté tout 
d’un coup échancrées près de leur extrémité, et terminées par une partie très-étroile. 

Ce Pépoaza, tout en ayant beaucoup d’analogie avec la précédente espèce, s’en distingue 
par l’échancrure de ses rémiges; par une taille plus petite et par quelques différences 
de teintes; le premier caractère le fait aussi différer de tous les autres de la mème 
section. 

Nous l'avons rencontré sur les rochers qui bordent la mer à Cobija, en Bolivia, à la 
côte du désert d’Atacama, où il ne croît aucun arbre n1 arbuste, pas même de plantes 
maritimes sur lesquelles il puisse se percher; il est très-vif dans ses mouvemens et vole 


avec rapidité. Il nous à paru très-rare. 


Genre 17. MUSCIGRALLE, Muscigralla, Nob. 


Jambes très-longues, le bas de la cuisse et le tarse nus et couverts d'écailles ; 
bec long, conique, déprimé, courbé à son extrémité; ailes courtes, à extrémité 
arrondie; les secondes, troisièmes et quatrièmes rémiges égales entr’elles ; 
queue très-courte, égale, Les habitudes de ces oiseaux sont aussi singulières 
que leurs caractères zoologiques; ils marchent presque continuellement, ne 
se perchaut jamais au sommet des buissons. 


(Es y À 


IV. Ois 4 


Passe- 
reaux. 


Passe- 


TCAUX. 


N.° 281. MUSCIGRALLE À QUEUE COURTE, Muscigralla brevicauda, Nob. 
Muscigralla brevicauda, d'Oxb. et Lafr., Syn., p. 61. 


M. suprà cinerea; subtüus albescens; pennis verticis basi flavo-ranunculaceis , apice 
fuscis; uropygio rufescens; remigibus tectricibusque fusco nigris albo limbatis ; 
caudd nigrd, apice rufescens. 

Sur le vivant. Bec noir, pieds livides, yeux bruns. Longueur totale, 120 millimètres; 
de la queue, 30 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 58 mill.; du vol, 215 mill.; 
du bec, 10 mill.; sa hauteur, 31/2 mill.; sa largeur, 5 mill.; longueur de la partie 
écussonnée de la jambe, 10 mill.; du tarse au bout des doigts, 12 mill. 

Dessus du corps gris ardoisé. En ouvrant les plumes du dessus de la tête on aperçoit 
une large tache jaune pale; un trait blanchâtre part des narines et passe au-dessus des 
yeux; une lache noirâtre à la base de la mandibule supérieure; gorge blanche, poitrine 
et flancs un peu teintés de gris; ventre et couvertures inférieures de la queue jaunes; 
tectrices des rémiges noirâtres, largement bordées de blanc à leur extrémité, rémiges 
également bordées de la même couleur; croupion roux pâle; tectrices supérieures des 
rectrices et l’extrémité de celles-ci roux vif; queue noire. 

Nous avons rencontré cette charmante espèce aux environs de la ville de Tacna 
(Pérou), dans les environs des lieux cultivés et couverts d’arbustes, où elle est rare; 
on la voit dans les haies, dans les champs de patates ou d’autres légumes, toujours 
isolée, sautillant autour, en courant dans les sillons. Elle est très-cramntive et rarement 
on peut la lirer. Son vol est court et interrompu; elle vole rarement, peu long-temps, 
et seulement pour aller se cacher à quelques pas, d’où il est difficile de la faire partir. 
Ses mouvemens sont vifs; sa marche précipitée. Elle se nourrit d'insectes. 


Gexre 18. MUSCISAXICOLE, Muscisaxicola, Nob. 


Pieds fongs, grêles; les ongles des doigts antérieurs courts, usés, celui du 
pouce long, peu arqué; aile longue, pointue; queue médiocre, tronquée 
carrément à son extrémité; bec mince, comprimé, allongé. Les Muscisaxicoles 
sont des oiseaux purement marcheurs, dont les habitudes sont identiques à 
celles des Motteux. 


N° 282. MUSCISAXICOLE À COIFFE ROUSSE, Muscisazicola rufivertex, Nob. 
PL XD, he 
Muscisaxicola rufivertex, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 66, n.°1. 
M. supra pallidè cinerea; subtus albescens; vertice cinnamomea; uropygio nigres- 
cente; superciliis albis; remigibus nigro fuscis, cinereo limbatis; caud& nigré , 
extimo rectrice laterali, pogonio externo albescente. 


( 555 ) 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, veux bruns. Longueur totale, 170 millimètres; du 
pli de l'aile à son extrémité, 110 mill.; du tarse au bout des doigts, 50 mill.; du doigt 
du milieu, 9 mill.; de Pongle du pouce, 5 mill.; de la queue, 60 muill.; du bec, 14 mill.; 
sa largeur, 9 mill.; du vol, 350 null. 

Toutes les parties supérieures grises, les inférieures blanchâtres, une large tache 
rousse, composée de plumes longues, sur le vertex; grandes rémiges noires, les autres 
et les tectrices noirätres, bordées de gris; queue noire, les deux pennes latérales bordées 
extérieurement de blanc; un large sourcil blanc au-dessus des yeux. La femelle et les 
jeunes ont moins de roux sur la tête, et leurs couleurs sont plus pales. Les individus 
de la Paz et du sommet des Andes ont la queue brune et les couleurs plus sombres. 

Nous avons successivement rencontré celte espèce au bord de la mer à Cobija, sur 
la côte du désert d’Atacama, et sur les plateaux les plus élevés des Andes (à 4600 mètres 
au-dessus du niveau de la mer), dans les terrains salés ou couverts d’efflorescences 
salines. Au bord de la mer, où elle est des plus communes, on la rencontre sur les 
rochers ou sur les galets de la plage. Elle s’y pose sur les points culminans, en agitant 
sa queue de haut en bas, à divers reprises et relevant la tête; ses mouvemens sont 
brusques, pleins d’agilité, et lorsqu’etle s'envole, elle fait entendre un léger cri, el va peu 
loin chercher une autre sommité, faisant le trajet d’un vol léger; en marchant elle 
saute, cherche à terre les insectes et les petits crustacés maritimes, qui abondent, et 
doit se contenter de boire de l’eau salée, puisqu'il n’y en a pas d'autre à huit où dix 
lieues à la ronde. Sur les montagnes, elle se tient sur les rochers au bord des eaux, et 


y mène le même genre de vie. 


N.° 283. MUSCISAXICOLE À MENTON BRUN, Muscisaæicola mentalis, Nob. 
PhEXET, Gé 
Muscisaxicola mentalis, d'Oxrb. et Lafr., Syn., p. 66, n.° 2. 


M. suprä fusco-murina, subiüs pallidè cinerea, uropygio nigrescente; pileo brunneo- 
rufescente ; remigibus tectricibusque nigris cinereo marginatis ; caud& atrd, mento 


fuliginoso; crisso albo. 


Sur le vivant. Bec, yeux et pieds noirs. Longueur totale, 165 nullimètres; du vol, 
275 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 100 mill.; de la queue, 50 mill.; du tarse 
au bout des doigts, 50 mill.; du doigt du milieu, {7 mill.; de l’ongle du pouce, 7 mill.; 
du bec, 11 mill.; circonférence du corps, 100 mul. 

Dessus de la tête brun-roux foncé, le reste des parties supérieures gris sombre; tour 
des yeux noir, menton brun, les parties inférieures gris pâle, passant au blanc au 
ventre et aux couvertures inférieures de la queue; ailes noirâtres, les rémiges et les 
tectrices bordées légèrement de gris; queue noire, frangée de plus pale à son extrémité, 
le côté extérieur des rectrices latérales blanchätre. 

Cette espèce est encore du nombre de celles qui paraissent habiter, l'été, les régions 
les plus méridionales du continent américain; car l'été nous n’en avons aperçu aucun 


Passe- 


Teaux. 


( 356 ) 


Passe individu, même en Patagonie, tandis que l’hiver elle vient en petites troupes sur les 


TCAUXe 


bords du Rio Negro. Il est probable qu’elle habite les deux côtes de l'Amérique, puis 
qu'elle suit la côte jusqu'à Cobija, en Bolivia, et même jusqu'à Arica, au Pérou, 
où nous l'avons également rencontrée. Sur la côte du Pérou, cette espèce a les mêmes 
habitudes que la précédente, sans néanmoins se trouver sur les plateaux des Andes; 
en Patagonie elle arrive en Juin et y reste jusqu’en Septembre, se tenant sur le haut des 
coteaux dans les lieux sablonneux, autour des murailles du fort; elle y est par troupes 
de trois à quinze individus, vit familièrement avec l’homme, saute à terre sur les 
points élevés, les murailles, les mottes de terre, reste long-temps à la même place et 
fait souvent balancer sa queue, puis court à terre avec vivacité, cherchant les insectes 
dont elle se nourrit. 


N° 284. MUSCISAXICOLE À BEC TACHETÉ, Muscisaxicola maculirostris, Nob. 
Pl, XLL, ge 2. 


Muscisaxicola maculirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 66, n° 3. 


M. supràä murina; subtus rufescente-albicans , gutture superciliisque albescentibus, 
caudd nigrd; remigibus tectricibusque Jusco-cinereis, rufo-ochraceo marginatis, 
rostro nigro, mandibuld basi flavd. 


Sur le vivant. Bec noir, la base de la mandibule inférieure jaune, pieds noirs, veux 
bruns. Longueur totale, 150 millimètres; de la queue, 45 mill.; du vol, 270 mill.; 
du pli de l'aile à son extrémité, 85 mill.; du bec, 11 mull.; sa largeur, 5 mill.; sa hau- 
teur, 31/2 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du doigt du milieu, 20 mill.; 
de l’ongle du pouce, 6 mill.; circonférence du corps, 90 mill. 

Toutes les parties supérieures gris-brun clair uniforme, tour des yeux et gorge 
blanchätres, une ligne obscure entre l'œil et le bec; toutes les parties inférieures gris- 
blanc, un peu teinté de roux; ailes et leurs tectrices brun pale, toutes les scapulaires 
et les couvertures bordées, les rémiges de plus pale; queue noire, terminée d’un peu 
de roussàtre; les pennes latérales bordées en dehors de roussâtre. 

Cette espèce habite les plateaux des Andes boliviennes aux environs de la ville de 
la Paz, c’est-à-dire à la hauteur moyenne de 3609 mètres au-dessus du niveau de la 
mer; nous l'avons vue, l'hiver, dans les champs en chaumes ou sur les coteaux des 


montagnes, où elle a les mêmes habitudes terrestres que les espèces précédentes. 


N. 285. MUSCISAXICOLE À TÈTE STRIÉE, Muscisaxicola striaticeps, Nob. 
PI. XLI, fig. 1. 
Muscisaxicola striaticeps, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 66, n. 4. 


M. capite suprà rufo nigro striato; uropygio caudäque basi rufis; dorso cinereo ; 
alis fusco-nigris, remigibus tectricibusque albescente-marginatis ; subtüs sordide 
albescens, pectore et gutture striatis. 


( 557 ) 

Sur le vivant. Bec brun, pieds livides, yeux bistrés. Longueur totale, 145 mill.; du 
ph de laile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 47 mill.; du tarse au bout des 
doigts, 30 mill.; du doigt du milieu, 14 mill.; du bec, 12 mill.; sa hauteur, 4 mill. 

Dessus de la tête et croupion roux, la première partie ornée de grivelures noirûtres; 
parties inférieures gris sale, la gorge et la poitrine légèrement striées de plus foncé; 
couvertures inférieures de la queue rousses : cette couleur couvre les rectrices à leur côté 
interne, excepté l'extrémité de chacune et les deux pennes supérieures, qui sont brunes; 
le côté externe des deux rectrices latérales est blanc; ailes brun-noirûtre, les tectrices 
terminées de blanchâtre, cette teinte formant, dans l’ensemble, comme deux bandes 
sur l'aile; les rémiges simplement bordées de gris clair. 

Nous avons rencontré cette espèce sur les plateaux des Cordillères de Bolivia et près 
de la Paz, à près de 4000 mètres au-dessus des Océans. Elle se tient isolée dans les 
champs et sur le bord des ruisseaux, y est peu craintive, s’y perche sur les mottelettes 
comme notre Motteux d'Europe, ou y court avec vitesse. Nous la croyons de passage. 


FISSIROSTRES, Cuvicr. 


XI FAMILLE. HIRUDINÆ. 
Gexre MARTINET, Cypcelus. 


N.” 286. CYPCELUS MONTIVAGUS, Nob. 
Pl: XI, fie. =. 
Cypcelus montivagus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 70, n.° 1. 


C. supra Jusco-niger, tectricum alis majorum quatuor aut quinque tantummodo 
dorso proximis apice margine albis, rectricibusque (primd laterali excepté) apice 
pogonio externo pallidè rufescentibus, duabus mediis apice albescentibus. Maculü 
parvd ante et suprà oculos albd ; subtüs fusco-niger; gutture colloque antico usque 
ad pectus fasciäque anali albis; tectricibus caudæ inferis, pectore ventreque 
nigris, alis plicatis lineas octo caudd longioribus; rostrum minutum, breve, supra 
valde curvatum. 


Sur le vivant. Bec noir, yeux bruns, pieds rosés. Longueur totale, 150 millimètres ; 
circonférence, 80 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 125 mill.; de la queue, 40 mil. ; 
du tarse au bout des doigts, 18 mill.; du bec, 5 mill. 


1. Jusqu'ici nous avons pu donner nos observations sur toutes les espèces de chaque genre, 
de manière à présenter le cadre complet de nos recherches ornithologiques, et des considérations 
générales qu’on peut en déduire; mais forcé, faute de place, d'abandonner cette marche, nous 
devons nous borner à quelques notes relatives aux espèces figurées, afin de ne pas tronquer tout 
à fait cette partie importante de nos investigations lointaines. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 358 ) 

Nous avons rencontré cette espèce sur le versant et aux confins des derniers contre- 
forts orientaux de la Cordillère bolivienne, entre Samaypata et Santa-Cruz de la Sierra, 
au sommet des montagnes dites de las Habras. Elle vole en grandes troupes avec une 
extrême vitesse. 


N.° 287. CYPCELUS ANDECOLUS, Nob. 
Cypcelus Andecolus, d'Oxrb. et Lafr., Syn., p. 70, n.° 2. 


C. suprà fuscus, vittd lat& uropygiali et torque in medio nuchæ interrupto albis ; 
alæ longissimæ, angustæ , acutæ prope dorsum cinerascentes ; rectrices superæ 
caudæ caudaque satis profunde emarginata nigræ; rectricibus lateralibus septem 
lineas intermediis longioribus ; subtus sordidè albus vel pallidè cinerascens , colli 
albidine usque ad mediam nucham ascendente torqueformi; primä laterali rectrice 
basi præsertim pogonio externo cinerascente. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirs, yeux bruns, tarses emplumés rosés. Longueur totale, 
145 millimètres; de la queue, 60 mill.; du vol, 340 mill.; du pli de l’aile à son extré- 
mité, 150 mill.; du bec, 4 mill.; du tarse au bout des doigts, 19 mill.; circonférence 
du corps, 90 mill. 

Cette espèce, voisine de la précédente, en diffère par sa queue non’ rigide. 

Nous l’avons vue au nord et au sud de la Cordillère orientale, dans les ravins secs et 
élevés de plus de 3000 mètres au-dessus du niveau des mers, aux environs de la Paz, 
de Cavari et d’'Inquisivi (Bolivia). Elle parcourt le fond des vallons, en troupes, et se 
pose au sommet des montagnes sur les rochers, où les habitans disent qu’elle niche 
dans des trous. Son vol est plus rapide que celui de notre Martinet; ses cris sont bien 
plus faibles. 


CONIROSTRES, Cuv. (Cowrrosrres Humicozrs). 
XIL° FAMILLE. 4LAUDIDÆ. 


Gexre CERTHILAUDA, Swains. 


N° 288. CERTHILAUDA CUNICULARIA, Nob. 
PL. XL, fig. 1. 


Alouette mineuse, Azara, n° 148; Ælauda cunicularia, Vieil., Dict., t. I, p. 3609. 


C. suprà fusco-brunnea , vitt superaliari a naribus ad occiput pallide rufescente, 
alæ dorso concolores, tectricibus pallidioribus in medio Juscis ; remigibus prima- 
rüs, pogonio externo et apice fusco-nigris, pogonio interno rufo-castaneis ; 
secundaris basi et apice hujusce coloris, tribus ultimis nigro-fuscis , pallido- 
marginatis; caudd brevi fusco-nigrd, rectricibus totis bast rufis, ultümd laterali 
extus albd; subtus pallidior, gutture colloque antico sordidé albescentibus ; pectore 
quibusdam maculis nigris aut fuscis variegato , illo abdomine crissoque rufescen- 
tibus; alæ subtüs fere totæ rufescunt. 


PO: ‘ 


( 559 ) 


Sur le vivant. Bec long, grêle, arqué, noirätre en dessus à son extrémité, blanchätre 
à la base. Yeux bistrés, pieds noiratres. Longueur totale, 165 millimètres; vol, 330 
mill.; circonférence du corps, 110 mill.; du tarse au bout des doigts, 34 mill.; du 
bec, 18 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 4 null. 

Cette espèce s’est montrée à nous dans la république Argentine, aux environs de 
Buenos-Ayres, de San-Pedro , de Maldonado; en Patagonie, sur les bords du Rio Negro, 
et ensuite, sous les tropiques, sur les plateaux des Cordillères, qui correspondent, par 
leur élévation, près de la Paz, à Cochabamba, et au sommet des Cordillères en Bolivia; 
c’est-à-dire en latitude, du 33. au 43.° degré, et en élévation, sous les tropiques, de 
3500 à 4500 mètres au-dessus du niveau de la mer. Elle se tient dans les plaines, y 
mène le même genre de vie que l'Alauda cristata en Europe, auprès des habitations et 
des lieux cuitivés, y est familière, et a, jusqu’à un certain point, le même chant. Elle 
se perche quelquefois sur les maisons. 

Elle niche à terre; son nid est formé de tiges de graminés artistement contournées. 


N.° 289. CERTHILAUDA TENUIROSTRIS, Nob. 
PL XL, fig. 2. 
Certhilauda tenuirostris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 72, n° 2. 


C. suprà fusco-brunneus, pilei pennis totis in disco parüm obscurioribus loris, vittd- 
que superciliari rufescenti albidis ; alæ nigro-fuscæ , tectricibus totis rufo-pallido 
late marginatis, remige primd fusco-nigrä, limbo interno basi tantüum rufo, 
secund& , tertid , quartd, quintäque pogonio interno r'UJLS ; pogonio externo apice- 
que fusco-nigris, sequentibus secundariisque totis rufis, apice intüs tantüum nigro- 
Juscis, tertiariis basi intus tantum rufis; pogonio externo apiceque fuscis, limbo 
externo pallide rufescentibus ; caudd& brevi, rectricibus totis, duabus mediis fuscis 
exceplis, rufis, apice tantum nigris; primd laterali apice vix nigro punctatà ; 
subtlüs pallidior, gutture albicante; pectore abdomineque rufescenti-albescentibus, 


pennis pectoralibus Jusco margunralis. 


Sur le vivant. Bec très-long, grèle, arqué, comprimé, corné; yeux bruns, pieds noirs. 
Longueur totale, 185 millimètres; vol, 350 mill. Circonférence du corps, 110 mill.; 
du pli de Paile à son extrémité, 110 mill.; de la queue, 50 mill.; de l’ongle du pouce, 
10 mill.; du bec, 30 mill. Sa largeur, 4 mill.; sa hauteur, 4 mill. 

Nous avons observé cette charmante espèce aux environs de Cavari, province de Sica- 
sica et près de Cochabamba (Bolivia), sur le sommet découvert des montagnes de la 
Cordillère orientale, à 3500 mètres environ au-dessus des Océans, dans la zone du blé. 
Elle se tient dans les champs cultivés et y montre les mêmes habitudes que l#auda 
cristata. On la voit par paires, grattant la terre et y fouissant avec son bec. Ses habi- 
tudes sont sauvages, sa marche très-rapide; au moindre bruit, elle se tapit à terre et 


reste sans mouvement. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 360 ) 


N.° 290. CERTHILAUDA MARITIMA, Nob. 
PI. XLIV, fig. 4. 
Certhilauda maritima, d'Orb. et Lafr., $yn., p. 72. 


C. suprà parüum rufescenti-cinerascens ; vitt& superciliari rufescenti-albdä ; alæ dorso 
concolores, tectricibus pallido-marginatis; remigibus nigro-fuscis, basi intus 
apiceque parum rufescentibus ; caudd fusco-nigrä, rectricibus totis, apice extimd- 
que laterali pogonio extus rufo-albescentibus; subtüs pallidior, gutture colloque 
antico albis, pectore abdomineque parüum rufescenti-albescentibus ; alæ subtus roseo 
rujescurit. 


Sur le vivant. Pieds noirs, bec brun à l'extrémité, rosé à sa base; yeux brun-bistré 
pale. Longueur totale, 150 millimètres; du pli de aile à son extrémité, 85 mill.; de la 
queue, 40 mill.; de l’ongle du pouce, 6 mill.; du bec, 12 mill.; sa hauteur, 3 mill. 

Nous avons rencontré rarement cette espèce à Cobija, port de Bolivia, sur la côte 
d’Atacama : elle a les mœurs de l’Alouette huppée, se tenant de préférence sur les terrains 
sablonueux et secs, ou dans la poussière. Son vol est court et son chant assez agréable. 


(CONIROSTRES DUMICOLES OÙ GRAMINICOLES.) 
XIII FAMILLE. FRINGELLIDÆ, 


Gexre EMBERIZA, Linn. 
N.° 291. EMBERIZA LUTEO-CEPHALA, Nob. 
PI. XLIV, fig. 2. 
Emberiza luteo-cephala, d'Oxrb. et Lafr., Syn., p. 74, n° 4. 


ÆE. supra tota fusco-cinerea, pileo flavo-olivascente, loris aurantiacis, genis capi- 
Lisque lateribus pileis concoloribus , prope rostrum flavis ; alæ dorso concolores , 
tectricibus minoribus totis, mediis margine tantum, extus flavo-olivascentibus ; 
remigibus nigris, primariis totis, apice excepto, margine extus late flavis, secun- 
dariis cinereo-marginatis; caud& fusco-nigrä, rectricibus totis, extimo apice 
exceplo, exlus flavo marginatd. Subtüus gutture, collo antico, pectore abdomine- 
que medüs, caudæque tectricibus inferis splendente flavis; colli pectorisque late- 
ribus et hypocondriis cinereis ; fomina aut junior suprà tota olivascenti brunnea, 
plumis totis in disco nigro-fuscis, tectricibus alæ minoribus, remigibusque pri- 
mariis margine extüs olivascentibus; caud& nigro-fuscd, rectricibus basi margine 
extus olivascentibus. Subtus sordidé albescens , pectore paululum olivascente, hoc, 
hypocondriis , tectricibusque caudæ inferis fusco-striatis ; alæ subtus sulphuras- 
centes. Long. 14 centim. 


Sur le vivant. Bec et pieds noirätres ; yeux bistrés. Longueur totale, 160 millimètres ; 
vol, 250 mill.; circonférence du corps, 110 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 
85 mill.; de la queue, 50 mill.; du bec, 9 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 6 mill. 


(361) 

Cette espèce est commune sur toutes les montagnes du versant oriental de la Cor- 
dillère, depuis Cochabamba et Vallé Grandé, jusqu’à Chuquisaca (Bolivia). Elle vit, au 
mois de Novembre, en troupes nombreuses, qui ont les mœurs de notre Linotte d'Europe. 


N.° 292. EMBERIZA HYPOCHONDRIA, Nob. 
PI. XLV, fig. 1. 
Emberiza hypochondria, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 80. 


E. supràä griseo-murina; pileo obscuriore, vittd superciliari albä à naribus ad 
nucham ductà; alis cauddque fusco-nigris, remigibus tectricibusque griseo-rufes- 
cente late marginalis ; rectricibus quatuor utrinque lateralibus , pogonio interno , 
maculä oblongä albi notatis, extimd laterali æque pogonio externo albo mar- 
ginatd; subtus, gutture colloque antico albis, capitis et colli lateribus, pecto- 
ralique vitt latd lineäque mystaciformi à mandibuld descendente plumbeis; ventre 
abdomineque mediis late albis ; hypocondriis rufo-badiis. 


Sur le vivant. Bec corné, yeux bruns, pieds noirätres. Longueur totale, 150 millim.; 
vol, 230 mill.; circonférence du corps, 100 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 
70 mill.; de la queue, 50 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 10 mill. 
Sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 5 mil. 

Cette charmante espèce est Lrès-commune sur toutes les montagnes situées au nord 
de la Cordillère orientale de Bolivia, principalement aux environs d’Inquisivi, province 
de Sicasica , et de Palca, province d’Ayupaya. Elle se tient près des lieux habités, dans 
les ravins entourés de buissons; on la voit seule ou par petites troupes, avoir les habi- 
tudes de notre Moineau ordinaire, avec autant de familiarité. Elle entre dans les jardins, 


dans les cours, et se pose souvent sur les maisons, où l’on dit qu’elle niche. 


N° 293. EMBERIZA CARBONARIA, Nob. 
PI. XLV, fig. 2. 


Emberiza carbonaria, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 79, n. 17. 


ÆE. suprà obscure schistacea, ambitu rostri fere nigro, plumis colli et dorsi in 
medio obscurioribus; alæ caudaque nigræ, remigibus tectricibusque cinereo mar- 
ginatis ; rectricibus nigris unicoloribus; subtüs tota nigra schistacea, crisst plumis 
cinereo vix conspicue terminalis; rostrum flavo-albidum, pedesque pallescentes. 


Sur le vivant. Yeux noirs, pieds et bec jaune brillant. Longueur totale, 145 millim. ; 
du vol, 120 mill.; circonférence du corps, 90 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 
75 mill.; de la queue, 55 mill.; du bec, 8 mill.; sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 
5 mill. ;'du tarse au bout des doigts, 36 mill. 

Je n'ai vu cette fringille qu'une seule fois sur les coteaux qui bordent le Rio Negro, en 
Patagonie. Elle sautillait isolément au milieu des buissons épineux dans le fort de l'été. 


Je la crois de passage. 


IV. Ois. 40 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 362) 


N.° 294. EMBERIZA SPECULIFERA, Nob. 
PI. XLVI, fig. 1. 
Emberiza speculifera, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 82. 


Æ. subtus griseo cœrulea, maculi parvä infrà oculos albd ; remigibus primariis 
primd except4& à basi ad medium extus niveis, vittam obliquam et marginatam 
albam formantibus, rectricibus nigris fere unicoloribus extimä tantum extus albis, 
cæteris angustissime griseo-fimbriatis ; crissum totum album non rufo-maculatum ; 
rostrum totum nigrum, pedesque fusco-nigri. 


Sur le vivant. Bec et pieds couleur de corne, yeux rouge de vermillon. Longueur 
totale, 200 millimètres; vol, 376 mill.; circonférence du corps, 160 mill.; du pli de 
l'aile à son extrémité, 125 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse au bout des doigts, 
50 mill.; du bec, 12 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 6 mill. 


Au milieu de l'hiver (mois de Juin) étant près du sommet de la Cordillère orientale | 


qui sépare la ville de la Paz de la province de Yungas, en Bolivia, à la hauteur de plus 
de 4500 mètres au-dessus des Océans, j'ai rencontré un grand nombre d'individus de 
cette espèce. Ils étaient sur le versant occidental par petites troupes, sur les prairies et 
dans les champs qui dépendent du canton de Palca. Ils venaient familièrement autour 
de nous, sans s'inquiéter de notre présence. Ils grattaient la terre et ressemblaient 
à nos Moineaux d'Europe, dont ils sont les représentans sur ces montagnes glacées. 


N.° 295. EMBERIZA FULVICEPS, Nob. 
PÉUXEVI, fes: 
Emberiza fulviceps , d'Orb. et Lafr., Syn., p. 77. 


E. suprà nitide olivaceo-viridis, capite colloque suprà et lateribus rufo-fulvis, ante 
oculos macul& semilunari aliäque infra oblique descendente flavo-ranunculaceis ; 
alæ caudagque Jusco-nigreæ, illarum tectricibus remigibusque secundariis oliwaceo, 
primaris cinereo-marginatis; rectricibus æque fusco-olivaceo fimbriatis ; subtus 
gutture, collo antico abdomineque mediüis flavis, pectoris abdominisque lateribus 
olivaceo-viridibus ; rostrum nigrum mazxillä intus lævi, pedesque fusci. 


Sur le vivant. Yeux bruns, bec noir, pieds bruns rosés. Longueur totale, 180 milli- 
inètres ; du vol, 255 mill.; circonférence du corps, 120 mill.; du pli de laile à son 
extrémité, 80 mill.; du tarse au bout des doigts, 47 mill.; du bec, 11 mill.; sa hau- 
teur, 7 mill.; sa largeur, 7 mil. 

J'ai rencontré cette espèce dans un ravin boisé aux environs de Totora, province 
de Mizqué, république de Bolivia, sur le revers oriental des Cordillères. Elle sautillait 
sur les branches d’un arbre où je la tuai. Elle paraît y être rare. 


TOR | 


( 363 ) 


N° 296. EMBERIZA GRISEO-CRISTATA, Nob. 
PL LX VIT, fig x. 
Emberiza griseo-cristata, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 79, n.° 15. 


E. suprà plumbea unicolor, plumis verticis elongatis, angustis,in medio paulo obscurio- 
ribus, cristam apice subrecurvam formantibus ; alæ caudaque fusco-nigræ ; remigi- 
bus cinereo-marginatis , rectricibus (quatuor mediis exceplis), a medio ad apicem 
pogonio interno albis, infräque vittam latam albam formantibus ; subius tota 
cinerea, abdomine medio crissoque albis, rostrum corneum, mandibulà lavo- 
albidä, pedes fuscescentes. Junior differt colore supero et infero brunnescente, 
tectricibus alæ cinereo-terminatis cristäque breviore. 


Sur le vivant. Yeux bistrés, pieds bleus, bec noiràtre en dessus, bleu rosé en dessous. 
Longueur totale, {60 millimètres; du vol, 245 mill.; circonférence du corps, 90 mill. ; 
du pli de l'aile à son extrémité, 75 mill.; de la queue, 55 miil.; du tarse au bout des 
doigts, 32 mill.; du bec, 10 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 5 mil. 

Cette espèce habite tout le versant oriental de la Cordillère de Bolivia, dans les pro- 
vinces de Cochabamba, de Mizqué et de Vallé Grandé, surtout aux environs des lieux 
habités. Elle vit sur les coteaux des rivières de cette région sèche et aride si bien earac- 
térisée, se tient sur les buissons et les arbustes, où elle mène une vie active. Elle 


tient sa huppe verticale et a les mœurs de notre Moineau. 


N.° 297. EMBERIZA ATRICEPS, Nob. 
PI. XLVII, fig. 2. 
Emberiza atriceps, d'Orb. et Lafr., Syr., p. 82. 

E. supra rufo brunnea, uropygio flavescente, capite toto, nuchd, genis, gutture 
colloque antico usque ad pectus aterrimis; alæ caudaque nigræ , illarum hujusque 
tectricibus nigris, cinereo-marginatis, remigibus rectricibusque angustissime extüs 
cinereis, subtus pectore, colli abdominisque lateribus , rufo-flavescentibus, abdo- 
mine medio flavo, ano caudæque tectricibus inferis albis; rostrum valde elon- 
galo-conicum, lateribus compressum. Junior aut potius pullus valde difjért; 
suprà fere unicolor fusco-brunneus, capite fusco, obscuriore; subtüs sordidé 
rufescens, abdomine medio pallidé flavescente, gutture colloque antico rufescen- 
tibus, fusco-striatis. 

Sur le vivant. Yeux bruns, bec corné, pieds bruns. Longueur totale, 170 millimètres ; 
des plis de l’aile à son extrémité, 90 mill.; de la queue, 60 mill.; du bec, 13 mill.; sa 
hauteur, 7 mill.; sa largeur, 6 mill.; circonférence du corps, 90 mill. 

Cette espèce se trouve à la fois sur le grand plateau bolivien, sur le plateau occi- 
dental, et même à l’ouest de la Cordillère, depuis le 15° degré jusqu'au 22° Elle est 
surtout commune aux environs d'Oruro et de Potosi (Bolivia) et se tient dans les lieux 
couverts de buissons; ses habitudes sont celles de notre Pinçon d'Europe. Nulle part 
elle n’est commune. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


(564 ) 


Genre LINARIA. 


N.° 298. LINARIA ANALIS, Nob. 
PI. XLVIIT, fig. 1. 
Linaria analis, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 83, n° 1. 


L. suprä tota plumbea, capitis, colli, dorsique medii plumis apice rufescentibus, 
uropygio plumbeo; alæ nigræ; remigibus primaris, duabus externis exceptis, 
basi albis, maculamque mediam alæ formantibus,præterea griseo extus angustissime 
limbatis, secundariis Lectricibusque medliis et majoribus late cinereo rufoque mar- 
ginatis; caud& nigrd, rectricibus extus et apice cinereo fimbriatis, omnibusque, 
duabus mediis exceptis, maculi magnä quadratä albä ad medium caudæ notatis; 
subtus tota plumbea, crisso cinnamomeo, abdomine imo albicante plumisque 
pectoris et hyÿpochondriorum extimo apice parum rufescentibus. Foœmina suprà 
iota brunneo-rufescens, plumis in medio nigricantibus, uropygio cinerascente, aiis 
eddem picturd ut in mare, sed pennis totis rufo non cinereo marginalis ; Caud 
huic maris simili. 

Sur le vivant. Yeux bruns, pieds bleuâtres, bec corné. Longueur totale, 130 millim.; 
vol, 210 mill.: circonférence du corps, 80 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 
65 mill.; de la queue, 40 mill.; du tarse au bout des doigts, 32 mill.; du bec, 6 mill.; 
sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 55 mill. 

Cette espèce est répandue sur tout le plateau bolivien des Cordillères et sur leur 
versant oriental, mais seulement dans les régions élevées. Nous l'avons successivement 
rencontrée à la Paz, à Inquisivi, à Cochabamba, à Totora et à Chuquisaca, république 
de Bolivia. Partout elle est commune, dans les lieux peu boisés et secs, sur les coteaux 
et y mène le genre de vie de notre Linotte d'Europe. Elle marche à terre, se perche 


sur les buissons, y vil isolée ou en troupes, et n’est pas du tout sauvage. 


Gexvre CA RDUELIS. 


N.° 299. CARDUELIS ATRATUS, Nob. 
PI. XLVIII, fig. 2. 
Carduelis atratus, d'Oxb. et Lafr., p. 83,n.° 2. 

C. totus intense ater absque nitore, remigibus rectricibusque, harum duabus mediis 
exceptis, basi flavo-ranunculaceis, hoc colore super alas et vittam, alæ caudaque 
Juscæ, albo-maculatæ ut in mare; subtus tota flava, gutture, collo, pectore hypo- 
chondriisque Jusco-striatis, maxillä cornet, mandibulä albicante. 

Sur le vivant. Yeux bruns, bec corné, pieds noirs. Longueur totale, 135 millimètres ; 

de la queue, 35 mill.; du vol, 250 mill.; des plis de l’aile à son extrémité, 35 mill.; 

du bec, 8 mill.; sa hauteur, 7 mill.; sa largeur, 6 mill. Circonférence du corps, 90 mill. 


( 365) 

Ce Chardonneret est propre seulement au grand ravin de la Paz (Bolivia), à la hau- 
teur de 3700 mètres au-dessus du niveau de la mer, au 17.° degré de latitude sud. Il 
se tient sur les buissons, vole par petites troupes, surtout en hiver, y est très-familier 
et a les mœurs de notre Chardonneret d'Europe. Ses habitudes sont vives, son vol léger 
et court. On l'élève en cage pour entendre son chant très-agréable : les Espagnols le 
nomment Gilguero et les Aymaras Chaïjña. I est probable qu'il nicherait dans les 


volières. 


Genre PITYLUS, Cuv. 


N.° 300. PITYLUS AUREO-VENTRIS, Nob. 
PI. XLIX. fig. 1, 2. 
Piylus aureo-ventris, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 84, n.° 1. 

P. caput, collum, pectorisque supremum dorsum noltœumque Lotum sericeo-alerrima ; 
alæ atræ, tectricibus minoribus aureo-flavis, mediis majoribusque atris, large albo 
terminatis duasque latas vittas alæ formantibus; remiges primariæ, præterea 
basi, albæ, vittam tertiam cum secundd irregulariter conjunctam  constituunt ; 
remiges secundariæ punctis minutissimis albis vix conspicuis apice notantur ; 
caudd nigrd, rectricibus utrinque tribus aut quinque apice albis; subtüs à pectore 
Lotus aureo-flasus, hypochondriis nigro-maculalis, tectricibus caudæ inferis, lon- 
gissimis, albis, nigro punctatis; rostrum forte elongatum, arcuatum , lateraliter 
compressum, maæxilld tomiis prope basim late marginatis intusque curvatis. 
Sur le vivant. Yeux bleuätres, bec corné en dessus, rosé en dessous; pieds bleuätres. 

Longueur totale, 230 millimètres; vol, 340 mill.; circonférence du corps, 130 mill.; 

du pli de laile à son extrémité, 115 mill.; de la queue, 80 mill.; du tarse au bout des 

doigts, 50 mill.; de l’ongle du pouce, 6 mill.; du bec, 20 mill.; sa hauteur, 15 mill.; 

sa largeur, 12 mill. 

J'ai successivement rencontré celte espèce en Bolivia, dans la province de Yungas, 
d'Ayupaya, de Mizqué, de Chuquisaca et de Chiquitos, c’est-à-dire, sur le versant 
oriental de la Cordillère et sur les collines de l'intérieur. Elle vit auprès des habita- 
ions et des lieux cultivés, sur les buissons, sur les arbres, elle y est très-commune 
et des plus familières, sans descendre à terre. Son vol est lourd, court et jamais élevé, 


son cri aigu et souvent répété. Les Aymaras la nomment Cantero. 


CONIROSTRES SYLVICOLES. 
XIV FAMILLE. STURNIDÆ. 


Gexre CASSICUS, Auct. 
N.° 301. CASSICUS YURACARES, Nob. 
PL. LI, fig. 1. 
Cassicus yuracares, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 7, n° 3. 
C. rostro, ejusque casside frontali latd elevatü nigris, fasci& apicali aurantid, alterd 


basali mandibulæ rubicundä, verticis crist& è plumis quatuor longissimis , 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
Teaux. 


( 366) 


linearibus , recumbentibus ; capite, cristd, collo toto, pectore ventreque summo et 
medio olivascenti-flavis ; tergo , uropygio, alis totis, caudæ tectricibus longissimis 
superis ac inferis; hypochondriis, ventre imo, crisso, tibüsque totis saturate 
et late castaneis unicoloribus; caud& cuneat&, rectricibus duabus intermediis 
totis olivaceis , reliquis unicoloribus latissime  citrino- flavis ; pedes valide 
nLgTL. 

Sur le vivant. Bec noir, rouge à son extrémité, partie nue de la mandibule inférieure 
Jaune, pieds noirs. Longueur totale, 600 millimètres; circonférence, 360 mill.; du pli 
de l’aile à son extrémité, 250 mill.; de la queue, 200 mill.; du tarse au bout des doigts, 
100 mill.; du bec, 65 mill.; sa hauteur, 36 mill.; sa largeur, 20 mill. 

Cette espèce se rencontre au milieu des plus belles forêts du monde, au sein de la 
végétation la plus active, au pied oriental des Cordillères boliviennes, au nord de Co- 
chabamba, dans les pays habités par les sauvages Yuracarès. Elle y vit au sommet des 
arbres, par petites troupes ou par couples, et n’y est que de passage. 


N.° 302. CASSICUS ATROVIRENS, Nob. 
PLU, Gen; 
Cassicus atrovirens, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 1, n.° 1. 


C. caput, collum corpusque totum suprà et infrà fusco-olivacea aut nigro-viridia , 
pennis gutturis, nec non colli, basi niveis; alæ dorsi concolores ; remigibus atris, 
primaris angustissime, secundariis late viridi-olivaceo marginalis, tergo, urOpygi0, 
caudæ tectricibus superis ac inferis ferrugineis, rectricibus caudæ quatuor inter- 
mediis totis obscure olivascentibus, extimd laterali tot& secundd pogonio externo 
apiceque ejusdem coloris, illius pogonio interno reliquisque duabus rectricibus 
citrino-flavis, apice externo tantum obscure-olivaceis; pennæ occipitalis parum 
elongatæ cristam brevem et non filiformem formant. 


Sur le vivant. Yeux bruns, bec jaune verdätre, pieds noirs. Longueur totale, 420 
millimètres; du vol, 690 mill.; circonférence du corps, 240 mill.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 250 mill.; de la queue, 180 mill.; du tarse au bout des doigts, 95 mill.; 
du doigt du milieu, 40 mill.; du bec, 50 mill.; sa hauteur, 24 mill.; sa largeur, 
14 mill. 

Cette espèce est propre à la province de Yungas, république de Bolivia, sur le revers 
oriental de la Cordillère des Andes. Elle se tient spécialement sur les montagnes boisées 
et chaudes, au milieu de lactive végétation des environs de Yanacaché, de Chulumani, 
d’Irupana et de Cajuata, préférant les lieux cultivés et plantés de bananiers. Sédentaire 
toute l’année, elle vit par troupes, dans les champs, mais laissant toujours une 
sentinelle pour la prévenir des dangers, tandis qu’elle dévaste les plantations, ce qui 
la fait redouter des habitans, qui la nomment Uchi, en aymara. Ses cris sont perçans, 
aigus et par fois étourdissans. 


( 567 ) 


N.° 303. CASSICUS CHRYSONOTUS, Nob. 
PI. LIL, fig. 1. 
Cassicus chrysonotus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 3, n°5. 


C. rostrum in exuvid flavo-albidum , in vivd basi obscure-cæruleo nebulatum , apice 
depressiusculum; casside frontali angustd tereti, quamvis posterius rotundatd; supra 
et subtus totus niger, dorso postico et uropygio tantüum flavo-aurantiis ; tectricibus 
caudeæ superis ac inferis nigris; alæ his Cassici icteronoti longitudine æquales, sed 
caud& multo longiore , maris nigridine suprà nitente, fæminæ obscurd; hujus non- 
nullæ alarum tectrices mediæ puncto aut strid minimis aurantiis terminantur. 
Sur le vivant. Bec jaunätre à son extrémité, bleuâtre à sa base, pieds noirs. Lon- 

gueur totale, 320 millimètres; circonférence, 160 mill.; du pli de Paile à son extré- 

mité, 150 mill.; de la queue, 120 mill.; du tarse au bout des doigts, 60 mill.; du bec, 

35 mill. 

Nous n'avons vu cette espèce que deux fois sur le versant oriental des Cordillères 
de Bolivia à Charapaccé, entre Suri et Inquisivi, province de Yungas, à Morochata, 
province d’Ayupaya, et toujours dans les régions élevées des montagnes. Elle est rare, 
des plus fuyardes et très-diflicile à se procurer. Elle vit par petites troupes. 


Gexre ICTERUS. 


N° 304. ICTERUS MAXILLARIS, Nob. 
PLUIE, Ge 2, 3. 
Icterus maxillaris, d'Oxb. et Lafr., Syn., p. 4, n° 10. 


L caput, collum, dorsumque totum, pectus et abdomen, violaceo-purpurino splen- 
dent, alis caudäque virescentibus, maxillä basi, tantummodo tomiis intüs, constrictd, 
deinque usque ad apicem rect&; caput, collum, pectusque tandummodo violaceo- 
cæœrulea, dorso abdomineque ad viridem colorem vergentibus, maxillä suprà 
perfecte rectä, nullo modo curvatd, basi tomiis constrictä quasi late emarginatt , 
deinque sinuosd, apice iterum angustatd. 


Sur le vivant. Yeux, bec et pieds noirs. Longueur totale, 225 millimètres; du vol, 
360 mill.; circonférence du corps, 130 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 120 mill.; 
de la queue, 70 mill.; du tarse au bout des doigts, 50 mill.; du bec, 20 mill.; sa 
hauteur, 9 mill.; sa largeur, 7 mill. 

Cette espèce est très-commune dans toute la vallée de Cochabamba (Bolivia), où 
elle a les mœurs de nos Élourneaux. Elle vit sans défiance aucune en petites troupes 
auprès des bestiaux, en chassant les insectes qui s’envolent sous leurs pas. Souvent 
elle se perche sur le dos des vaches et des chevaux. Ses sociétés sont bruyantes: elle 
marche avec vitesse à terre et son vol est horizontal. 

Les Indiens aymaras l’appellent Burrumichr. 


( 368 ) 


Passe- 
reaux. 


Fave Des COR VIDÆ. 


Gexre GARRULUS. 


N° 305. GARRULUS VIRIDI-CYANEUS, Nob. 
Pl. LIIL, fig. 1. 


Garrulus viridi-cyaneus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 9, n° 4. 


G. totus obscure cæruleus aut quodam luminis projectu thalassino-viridis; capistrum, 
mentum, genæque atræ, gutture colloque antico supremo obscure nigro-cœrules- 
centibus aut viridescentibus, hoc colore suprà pectus terminato ibique lined semi- 
circulari angust& albd circumdato; post vittam capistri atram , alid frontali albä 
erect& suprà oculos superciliariforme, adque latera capitis protensd; caudü cu- 
neatd , remigibus intus nigris; rectricibus suprà obscure-cyaneis aut viridescentibus, 
sicut dorsum unicoloribus in räque nigris; rostrum satis forte, culmine elevato 
arcuato, naribus, ut in pleribusque corvis, plumis setiformibus appressis , obtectis. 
Sur le vivant. Yeux noirâtres, bec et pieds noirs. Longueur totale, 340 millimètres ; 

du vol, 410 mill.; circonférence du corps, 160 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 

150 mill.; de la queue, 145 mill.; du tarse au bout des doigts, 70 mill.; du bec, 

24 mill.; sa hauteur, 11 mill.; sa largeur, 12 mill. 

Eu descendant à l’est de la Paz (Bolivia) sur le versant oriental des Cordillères, j'ai rencontré 
celte espèce près de Cajapi, c’est-à-dire, à la limite supérieure de la végétation ligneuse, 
dans les lieux les plus escarpés du monde. Elle passait en hiver, par troupes d’une dizaine, 
se montrait farouche, jetait des cris perçans et menait le genre de vie de notre Geai. 

Les Indiens aymaras la nomment Oquéhué de son chant. 


TÉNUIROSTRES. Cuv. 


(TÉNUIROSTRES GRIMPEURS.) 
L FAMILLE. CERTHIDÆ. 


Gevre DENDROCOLAPTES. 


N° 306. DENDROCOLAPTES LAFRESNAYANUS, Nob. 
Pl. LIL, fig. 2. 
Dendrocolaptes procurvus, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 12, n° 6. 
D. suprà tota rubiginosa, pileo rufescente fusco, gutture strüs pallidis, angustiort- 


bus, irregulariter dispositis, pectoris et colli antici numerosioribus, guld plumis 
le) 
squamiformibus vestitd, rostro pallidè rubescente. 


Sur le vivant. Bec rosé, yeux bruns, pieds verdâtres. Longueur totale, 280 millim. ; 
du bec, 50 mill.; vol, 310 mill.; circonférence du corps, 140 mill. 


( 569 ) 
Cette espèce diffère du D. procurvus, Tem., par sa tête plus grosse, par le bec moins  Passe- 
arqué et rosé, au lieu d’être noir, et par beaucoup d’autres détails. pus 
Nous l’avons rencontrée dans les îles du Rio Parana, près de Goya, au 29." degré de 


latitude. Elle grimpait sur un saule à la manière des Grimpereaux. Nous l'avons retrouvée 


ensuite dans la province de Chiquitos (Bolivia) où elle est rare. 


N.° 307. DENDROCOLAPTES ATRIROSTRIS, Nob. 
PI LIN, Gr... 
Dendrocolaptes atrirostris, d'Orb. et Lafr., SFR D AL2e Ur 7e 


D. rostro atro, suprà paulo curvatiore, apice non subitd deflexo, mandibul& albi- 
cante. Suprà totus rufo-olivaceus, alis caudüque cinnamomeis , pilei nuchæque 
plumis in medio angustissime rufo-striolatis ; vittd superciliari, sed taritum post 
oculari concolore. Subtus dorso concolor, gutture colloque antico parum grisescerr- 
tibus, pallidè ut caput striolatis; tarsi breves ut digiti debiles. 

Sur le vivant. Pieds bleus, yeux bleu päle. Longueur totale, 210 millimètres; du vol, 
310 mill.; circonférence du corps, 120 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 106 mill., 
de la queue, 80 mill.; du bec, 20 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 8 mill. 

Cette espèce s’est montrée à nous au milieu des forêts épaisses, humides et chaudes 
qui séparent les provinces de Chiquitos et de Moxos, sur les lieux habités par les 


sauvages Guarayos (Bolivia). Elle y est rare et montre les habitudes ordinaires des Picucules. 


IIS FAMILLE. S/TTIDÆ. 
Gexre ANABATES. 


N.° 308. ANABATES SQUAMIGER, Nob. 
PI. LIV, fig. 2. 


. , ji à USE ’ Q 
Ænabates squamiger, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 14, n.° 1. 


A. suprä, pileo, dorso, alis caudäque intensè rubiginoso-cinnamomeis ; remigibus 
rugris, primariarium Lertid , quartä quintäque margine exlerno, sequentibus basi 
tantum obscure rufis, ibique vittam obliquam alæ formantibus, secundariis margine 
extlerno, tertiariis ere LOUIS cinnamomeo-rubiginosis ; caudd intense rubiginosd ; 
subtus rufo-olivascens, tænid superciliari à naribus, gutture, guläque tot læte 
Jlavis, genarum, colli, laterum usque ad nucham, pectoris, ventris, Crissique 
mediüis plumis totis lœte flavis, nigro-cinctis, squamæformibus ; rostrum debile 
altenuatum syliæ, maxill& corned, mandibuld albicante; pedes pallidé fusci, 
halluce ungueque valde elongatis, ut in scansoriis avibus. 

Sur le vivant. Yeux brun-noir, bec brun, rose-violet à sa base, pieds violet-brun. 
Longueur totale, 165 millimètres; vol, 230 mill.; circonférence du corps, 95 mill.; du 
pli de laile à son extrémité, 75 mill.; de la queue, 70 mill.; du bec, {0 mill.; sa 
largeur, 37 mill.; sa hauteur, 3 mill. 


IV. ois. 47 


Passe- 
reaux. 


( 370 ) 

Nous avons rencontré celte jolie espèce dans les environs du bourg de Palca, pro- 
vince d’Ayupaya (Bolivia), c’est-à-dire sur le versant oriental des Cordillères, au milieu 
d’un bois épais. Elle grimpe sur les arbres comme les Grimpereaux ordinaires. Cette 
habitude la distingue nettement des autres Anabates. 


N° 509. ANABATES UNIRUFUS, Nob. 
PI EN, "ho 
Anabates unirufus, d'Orb. et Lafr., Syn., p.16, n° 7. 


Æ. suprà et subtus totus læte rufus unicolor, plumis capitis ut in præcedente parüm 
elongatis, acuminatis cristamque mediocrem formantibus, remigibus totis (tertiarüs 
prope dorsum exceptis) pogonio interno nigris; rectricibus totis rufo-cinnamo- 
meis, apice acuminalis sed vix rigidis; pedes robusti, plumbei, halluce ejusque 
ungue ut in præcedente fortibus, elongatis. 


Nous avons rencontré celle espèce dans la province de Moxos (Bolivia). Elle se tenait 
dans l’intérieur d’un bois et s’y perchait sur les branches basses des arbres. Elle y est 


peu commune. 


N.° 310. ANABATES GUTTURALIS, Nob. 
PL LV, fig. 3. 
Anabates gutturalis, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 15, n.° 5. 


A. suprà lotus fusco-rufescente-cinereus, pilei plumis totis angustatis, elongaiis, 
cristam formantibus; remigibus obscurioribus, pallido-marginatis; rectricibus æqué 
obscuris, apice acuminatis ut in dendrocolaptibus, sed vix rigidis; subtüs dorso 
coricolor sed pallidior, sordide cinerascens ; mento, gulüque niveis, jugulo schistaceo, 
tectricibus caudcæ inferis parüum fulsescentibus, apice albis, rostrum turdi sed for- 
tius, corneum, mandibuld basi pallidä; tarsi plumbeiï ita ut digiti valde robusti. 


Sur le vivant. Yeux noirs, bec noir en dessus, bleu à la base en dessous; pieds 
bleus. Longueur totale, 250 millimètres; du vol, 340 mill.; circonférence du corps, 
140 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 105 mill.; de la queue, 90 mill.; du bec, 
23 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 6 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce près du Rio Negro, en Patagonie, où elle est assez 
commune et reste toute l’année. Elle se tient en troupes de dix à douze ou isolée dans 
les buissons ou sur l’arbuste nommé chañar, dans le pays. Lorsqu'elle est en troupe, 
tous les individus font entendre un cri de rappel souvent répété, ou une chanson ca- 
dencée, formée en descendant de gammes chromatiques. Très-criarde, il y a souvent des 
rixes entre les individus d’une troupe, pour la possession d’un fruit. On la voit toujours 


au plus épais des buissons, relever sa huppe, et faire entendre son chant. 


1: F ANT 


(571 ) 


Passe- 
reaux. 


TÉNUIROSTRES HUMICOLES. Lu 
IIIe FAMILLE. UPPUCERTHIDÆ, Nob. 


Gexre UPPUCERTHIA, Isid. Geoff. et d'Orb. 


N° 311. UPPUCERTHIA MONTANA, Nob. 
PL LVI, fig. 2. 
Uppucerthia montana, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 22, n° 4. 
Caudd nigro-rufd, rectricibus pogonio interno apiceque nigris, superciliis pure albis, 
plumisque pectoralibus et abdominalibus sordidè rufescentibus, in medio longitu- 
dinaliter albis. 


Sur le vivant. Yeux bruns, bec noir, tarses bruns. Longueur totale, 190 millimètres ; 
de la queue, 60 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 80 mill.; du bec, 22 mill.; sa 
hauteur, 4 mill.; sa largeur, 45 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce du 15.° au 17. degré de latitude sud, sur les 
crêtes et sur les plateaux de la Cordillère de Bolivia et du Pérou, principalement aux 
environs de la Paz, à la hauteur de 3500 à 4500 mètres au-dessus du niveau de la mer. 
Elle se tient isolée, ou par couples, dans les lieux rocailleux, où elle court d’une pierre 
à l’autre, y reste quelques secondes et continue sa chasse aux insectes. Très-craintive, 
elle se cache derrière les rochers, au moindre bruit. Ses mouvemens sont remplis de 
vivacité : elle tourne à chaque instant la tête en tous sens et relève sa queue perpen- 
diculairement, chaque fois qu’elle s'arrête. Son vol est bas et court, et sa marche 
rapide, même sur des rochers très-inclinés. 


N° 312. UPPUCERTHIA ANDECOELA, Nob. 
PL DVI, fe: 2 
Uppucerthia andecola , d'Orb- et Lait, Sy, pr 221,003. 


Ü. suprà tota rufescente-fumosa, uropygio caudäque rufo-cinnamomeis, alæ dorso 
concolores ; remigibus intus fusco-nigris, extus basique (quatuor externis primariis 
exceplis) obscur rufis; vittd superciliari à naribus ad occiput ochraceo-albà ; 
regione paroticd fusco-brunned; gutture, collo antico albidis, lateribus pallidè 
ochraceis; pectore abdomineque mediis albescentibus, leviter ochraceo tinctis; 
pectoris abdominisque lateribus concoloribus, sed pennis totis fusco-marginatis , 
longitudinaliter squamæformibus; tectricibus caudæ  inferis rufescentibus ; tarsis 
digitisque nigro-fuscis, tenuibus , ungulisque parum arcuatis. 

Sur le vivant. Yeux bruns, bec et pieds noirätres. Longueur totale, 200 millimètres ; 

de la queue, 70 mill.; du vol, 280 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 90 mill.; 

du bec, 24 mill.; sa hauteur, 5 mill.; sa largeur, 4 mill.; circonférence du corps, 


110 mill. 


Passe- 
reaux. 


(: 472 ) 

Cette espèce, qui a beaucoup des mœurs de VU. montana, habite à peu près les 
mêmes régions sans s'élever aussi haut. Nous l’avons rencontrée du 17.° au 19° degré 
de latitude et de 3000 à 4900 mètres au-dessus des Océans, dans les ravins rocailleux 
près de la Paz, d’Inquisivi, de Totora et de Vallé Grandé (Bolivia). Elle se tient près 
des eaux, dans les lieux solitaires, où elle n’est pas du tout craintive. Elle marche avec 
rapidité au bord des ruisseaux, relevant sa queue chaque fois qu’elle s'arrête. Elle vole 
peu, toujours au ras de terre et fait souvent entendre un petit sifflement. Sa nour- 
riture se compose d'insectes. 

Les Aymaras la nomment chrucliru. 


N° 313. UPPUCERTHIA VULGARIS, Nob. 
Pl. LVII, fig. 2. 
Uppucerthia vulgaris, d'Orb, et Late, pe 220. 0: 

U. supra fusco-fumosa , aut brunnescenti-fumosa unicolor; remigibus fusco-nigris, 
basi rufo - pailidis, vittam obliquam alæ formantibus, exceptis tantum tribus 
primarts extlernis; tectricibus majoribus quatuor externis rufo-pallidis, extus 
limbatis , striamque secundam minorem alcæ Jormantibus ; caudà Jusco-nigrd , 
exceptis duabus rectricibus mediis dorso concoloribus, tribus lateralibus utrinque 
apice et extus sordidè rufo-pallidis; vitt& superciliari ut in congeneribus albo- 
rufescente; gutture toto albo, plumis totis apice transversèque fusco - notatis ; 
lateribus colli rufo-pallido variegatis; pectore,abdomine,crissoque pallidé fumigatis, 
in medio albescentibus, hypochondriis obscurioribus ; rostrum debile, rectum, com- 
pressum, acuminatum, nigro-corneum , mandibulä paulo pallidiore; tarsi debiles 
sed ita ut digiti elongati, unguibus anticis brevibus, postico elongato, omnibus 
paucissimè curvatis ul in avibus graminicolis et ambulatoriis. 

Sur le vivant. Yeux brun-noir , bec et pieds noirs. Longueur totale, 160 millimètres ; 
du vol, 300 mill.; circonférence du corps, 110 mill.; du pli de Paile à son extrémité, 
100 mill.; de la queue, 60 mill.; du bec, 16 mill.; sa hauteur, 4 mill.; sa largeur, 4 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce dans les plaines, au 34. degré, près de Buenos- 
Ayres, et dans les montagnes du 16. au 20. degré, à la hauteur de 3000 à 4500 
mètres d’élévation au-dessus des Océans. Elle est surtout commune aux environs 
de Potosi, d'Oruro, de la Paz et de Chuquisaca, où elle mène le même genre de vie 
que lespèce précédente. Elle vient souvent au milieu des villages et s'y montre partout 
très-commune. Jamais elle ne se perche sur les arbres. 


Les Aymaras la nomment Lahuayo agualirr. 


N. 314. UPPUCERTHIA NIGRO-FUMOSA, Nob. 
PL LVIL, fig. 2. 
Uppucerthia nigro-fumosa, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 23, n° 6. 
U. suprà tota fumigato-nigra; remigibus nigris basi (secundum morem in alüs spe- 
ciebus) rufescente et vittam obliquam formante; caudä nigrd, rectricibus tribus 


(375 ) 


externis æque apice et exlus pallidè rufis; regione paroticä dorso concolore, 

plumis albo-striatis; vitt& superciliari albä, parum nigro-variegatd; gutture toto 

albo, plumis apice fusco-punctatis; subtüs totd fumigatä dorso paulo pallidiore, 
pennis tolis strid medii longitudinali alb& notatis; rostrum elongatum, parum 
arcualum, compressum, aCuminatum, nigrum ; tarsi digitique robustiores, nigro- 

Jusci. 

Sur le vivant. Yeux, bec et pieds noirs. Longueur totale, 250 millimètres; vol, 360 
mill.; circonférence du corps, 150 mill.; longueur de la queue, 70 mill.; du bec, 25 
mill.; sa hauteur, 6 mill.; sa largeur, 6 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 110 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce seulement sur le versant occidental des Cordillères, 
à Valparaiso (Chili), à Cobija (Bolivia) et à Arica (Pérou), toujours sur le littoral 
maritime où elle est partout commune. Elle vit par couples qui se rappellent par un 


peut cri et y suit les mœurs des espèces précédentes. 


TÉNUIROSTRES MELLIPHAGES. 
Genre SERRIROSTRUM, Nob. 


’aldé affine generi Coœreba hoc novum genus. Formd pedum etenim , digitis ungu- 
lisque fortibus, atque lingud bifid& apice penicillat&, cum Coœrebis flaveola et 
atricapilla, etc., omnino congruit, sed multd diffèrt rostri formé insolitü, mazxillä 
valdé sinuosd, basi parum depressä, posteà ascendente, apiceque tandem uncinato- 
curvatd; tomiis arte uncum duobus aut tribus dentibus obliquis notatis ; mandibuldi 
autem per totam longitudinem sursum curvatd, maxill& breviore ut in genere 
Xenope, /{ligerr. 

Ce genre, bien caractérisé par son bec singulier, vit, comme les oiseaux-mouches, 


principalement de petits insectes. 


N° 315. SERRIROSTRUM CARBONARIUM, Nob. 
PI. LVIIT, fig. 1 et 2. 
Serrirostrum carbonarium, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 25, n.° 1. 


S. capite, collo pectoreque totis, dorsi interscapulio , uropygio, alis, caudd tibiisque 
aterrünis ; tectricibus alæ minoribus, tergo, abdomineque cinereis, tergo obscuriore, 
ano rufo; rostrum nigro-plumbeum. 

Sur le vivant. Yeux bistrés, bec noir, pieds bruns. Longueur totale, 140 millimètres ; 
du vol, 210 mill.; circonférence du corps, 80 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 
75 mill.; de la queue, 50 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du bec, 8 mill.; 
sa largeur, 3 mill. 

Nous avons découvert cet intéressant oiseau sur le versant oriental de la Cordilière 
bolivienne au 17. degré de latitude sud, principalement aux environs de Cajapi, pro- 
vince de Yungas, d’Inquisivi, province de Sicasica, et de Palca, province d’Ayupaya 


Passe- 
reaux. 


( 374) 


Passe- (Bolivia). Elle se tient dans les lieux boisés et chauds, voltige sur les petites branches 


reaux. 


des buissons et des arbres, y faisant la chasse aux petits insectes avec une activité de 
mouvement très-remarquable, jetant de temps en temps un petit sifflement de rappel. 


N.° 316. SERRIROSTRUM SITTOIDES, Nob. 
PL LVUI, fig. 3. 
Serrirostrum sittoides, d'Orb. et Lafr., Syn. MD 25 ne. 


S. suprä totum cyaneo-ardesiacum; remigibus rectricibusque nigris, ardesiaco colore 
marginatis; subtüs totum pallidè rufum; rostrum maxilld corneä, mandibula 
pallidiore. 

Sur le vivant. Yeux brun-roux vifs, bec brun en dessus, rose à la base de la man- 
dibule inférieure; pieds brun-rosé. Longueur totale, 130 millim.; du vol, 180 mill.; 
circonférence du corps, 90 mill.; du pli de laile à son extrémité, 60 mill.; de la queue, 
40 mill.; du tarse au bout des doigts, 30 mill.; du bec, 9 mill.; sa hauteur, 47 mill.; 
sa largeur, 27 mill. 

Cette espèce, qui mène le même genre de vie que la précédente, habite aussi les 
mêmes lieux; nous l'avons rencontrée successivement à Chupé, province de Yungas, à 
Chuquisaca et à Vallé Grandé (Bolivia), toujours à l’est de la Cordillère. Elle se tient 
dans les lieux boisés et humides, sur les arbres fleuris et surtout sur les orangers, où, 
sans s'arrêter, elle parcourt avec une vitesse extrême toutes les branches fleuries, en 


suçant les fleurs ou cherchant les petits insectes. 


Gexre CONIROSTRUM, Nob. 


Hoc nosum genus à duobus præcedentibus, rostro rectissimo, conico, compresso , 
valde discrepans, attamen pedibus, alis, moribusque mellivoris illis afjine vide- 
{ur, generisque Dacnis æqué vicinum est. 


N° 317. CONIROSTRUM CINEREUM, Nob. 
Pl DIX "82 
Conirostrum cinereum, d'Orb. et Lafr., Syn., paiab, noi 


C. suprà totum schistaceo-cinereum; pileo, alis, caudäque nigris ; remigibus, tectri- 
cibus rectricibusque griseo - albescente marginatis ; maculä medid alæ  albä ; 
remigum basi albä, exceptis tribus primis, formatd ; superciliis latis, albis, à naribus 
ad nucham ductis; subtüs totum pallidèe cinerascente; abdomine medio anoque 
pallide. 

Sur le vivant. Yeux bruns, pieds bleuâtres, bec noirâtre. Longueur totale, 120 milli- 
mètres; de la queue, 40 mill.; du bec, 70 mill.; sa hauteur, 3 mill.; longueur du vol, 

160 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 60 mill.; du tarse au bout des doigts, 32 


mill.; circonférence du corps, 60 mill. 


(375) 


Nous avons rencontré cette espèce à l’est et à l’ouest des Cordillères à Tacna (Pérou) 


et à Inquisivi, province de Sicasica (Bolivia), dans les lieux fourrés ou aux alentours 


des habitations, où elle préfère les arbres fleuris. On la voit sautiller sans cesse, par- 
courant en tous sens les petites branches, où elle nous a paru sucer le suc des fleurs, 
tout en chassant les petits insectes. Son sifflement est faible, ses mouvemens sont des 
plus vifs. 


Faune Des TROCHILID Æ. 


Gex ORTHORHYNOHUS, Lacép. 
N° 318. ORTHORHYNCHUS SMARAGDINICOLLIS , Nob. 
PI. LIX, fig. 2. 
Orthorhynchus smaragdinicollis, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 31, n° 23. 


O. capite supra dorsoque aureo-viridibus; alis fuscis; guld colloque antico saturatè 
smaragdino-splendentibus; subtus viridi-aureo parum micante; caudä ferè rectt, 
lat, suprà aureo-infrà violaceo-purpureä; rostro gracili. Junior difjèrt colore 
subis pallidè ochraceo; gutturis et colli aliquot tantum pennis apice smaragdinis, 
alis aurato-viridibus. 

Sur le vivant. Bec, pieds et yeux noirs. Longueur totale, 90 millimètres ; du vol, 
130 mill.; circonférence du corps, 50 mill.; du pli de laile à son extrémité, 47 mill.; 
de la queue, 28 mill.; du bec, 12 mill. 

Cette espèce habite les montagnes boisées et un peu chaudes du versant oriental de 
la Cordillère, du 17.° au 18.° degré de latitude sud, principalement aux environs du 
hameau de Cajapi, près de Yanacaché, province de Yungas, et à Palca, province d’Ayu- 
paya (Bolivia) : nulle part elle n’est commune. Comme toutes les espèces de ces régions 
elle vit plus des larves et des nymphes des petites espèces d’hémiptères que du pollen 
des fleurs. 

N° 319. ORTHORHYNCHUS PAMELA, Nob. 
PL LX, fig. 2. 
Orthorkynchus pamela, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 29, n.° 14. 

O. suprà lota nigro-fuliginosa; capite nigro; pennis uropygialibus apice, tectricibusque 
caudæ  superis metallicé cyano-viridibus ; alæ fuliginosæ , primariis violaceo , 
secundariis et tectricibus olivaceo tinctis; remige primd basi, pogonio externo, 
cinnamomeo; rectricibus cinnamomeis, lateribus anguste , apice late olivaceo- 
marginalis; subtus aterrima; ventre et abdomine parüm fuliginoso-tinctis ; pectore 
maculä medid nived, e plumis elongatis basi nigris apice albis formatd, notato ; 
tectricibus caudæ inferis cinnamomeis, parum fusco-adumbratis ; rostrum rectissi- 
mum, mediocre. 

Sur le vivant. Bec, pieds et yeux noirs. Longueur totale, 120 millimètres; du vol, 
175 mill.; circonférence du corps, 70 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 70 mill.; 
du bec, 19 mill.; de la queue, 35 mill. 


Passe- 
reaux. 


Passe - 
reaux 


(376) 

Nous avons vu cette espèce au 17° degré de latitude sud, à l’est de la Cordillère de 
la Paz (Bolivia), province de Yungas, mais seulement à la limite supérieure de la végé- 
tation ligneuse, près du hameau de Tajési. Nous l'avons retrouvée ensuite dans la 
province d'Ayupaya, près de Palca-Grande, encore au sommet des montagnes. Nous croyons 
pouvoir en conclure qu’elle est propre à ces régions montagneuses, élevées d'environ 
3500 mètres au-dessus des Océans. Nous n’en avons jamais aperçu que deux individus, 
ce qui nous porterait à croire qu’elle est très-rare : il est vrai de dire qu’on ne peut 
séjourner sur les lieux qu’elle habite. 


N° 320. ORTHORYNCHUS AMETHYSTICOLLIS, Nob. 
PL UX, C8, 02 
Orihorhynchus amethysticollis, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 31, n° 24. 


O. suprà totus viridis, uropygio parum aurato; fronte smaragdino; alis fuscis, pur- 
pureo tinctis ; caudi latä, rectd, cyano-nigrd, pennis duabus intermediis viridibus, 
tribus utrinque ultimis extremo apice albo-notatis; subtus guld colloque antico 
amethystino -pulchré  splendentibus ; pectorali semicollare abdomineque medio 
pallidè ochraceis; colli, pectoris et abdominis lateribus aureo-viridibus; ano 
caudæque tectricibus inferis albescentibus. 


Sur le vivant. Bec, yeux et pieds noirs. Longueur totale, 120 millimètres; circon- 
férence, 70 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 55 mill.; de la queue, 36 mill.; du 
bec, 17 mill. 

En remontant le versant oriental de la Cordillère, du pays des Yuracarès vers Cocha- 
bamba, à la limite supérieure de la végétation ligneuse, sur les montagnes les plus 
accidentées du monde, nous avons aperçu le seul individu de cette espèce que nous 
ayons pu nous procurer. Îl avait dans son estomac beaucoup de pucerons et de larves 
d'hémiptères. 


Gex TROCHILUS. 
N° 321. TROCHILUS ESTELEA, d’Orb. 
Pl. LXI, fig. 2. 
Trochilus Estelle, d'Orb. et Lafr., Syn., p. 32, n° 31. 


T! caudä cuneat& et rigidiusculä, suprä brunneo-griseus; collo dorsogue wviridi 
cupreo paucissime relucentibus , hujus plumis rufo-pallido marginatis, caudæ 
cectricibus cupreo-aurato viridibus ; alis fuscis, apice chalibeo-nigris, caudä cuneat&, 
rigidd,albä, pennis apice rotundato-acutis, duabus mediis cyaneo-viridibus, extimä 
laterali nigrd, basi tantum et intus alb&, tribus sequentibus totis albis, margine 
externo tantum angustissime nigro, subtus , guld et collo antico viridi-smaragdino 
resplendentibus, hoc colore colli maculd pectorali, triangulari, nigro-chalibæä ter- 
minatis, dein pectore ventreque albis, hypochondriis et ano rufo-fuscis, vittd mediä 


(577 ) 


longitudinali castaned pectoris et abdominis; rostrum breve, parum curvatum ,  Passe- 


realixX. 


nigrum. J unior difjèrt guld et collo antico non viridibus sed albis, maculisque 


minutis, rotundatis, fusco notatis, pectore abdomineque absque colore cinnamomeo. 

Sur le vivant. Bec, pieds et yeux noirs. Longueur totale, 150 millimètres; du voi, 
180 mill.; circonférence du corps, 70 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 70 mil. ; 
de la queue, 50 mill.; du bec, 22 mill. 

Nous n'avons rencontré celte charmante espèce que dans le ravin où est situé 
la ville de la Paz en Bolivia, au pied occidental de la Cordillère orientale. Elle se tient 
dans les lieux élevés et secs, à plus de 3000 mètres au-dessus des Océans. Elle va isolé- 
ment, voltigeant de fleurs en fleurs et se posant très-souvent sur les buissons ou sur 
les grandes plantes. Elle se nourrit principalement de pucerons. 


N° 322. TROCHILUS ADELA, d'Orb. 
PI. LXI, fig. 2. 
Trochilus adela, d'Orb. et Lafr., Sym D 33.0: 32 
F. suprà totus griseo obscuré viridis, alis fuscis, apice parum purpureo tinctis; 
caudä cuneatd, rigidd, fusco-nigrd, purpureo-tinctd;rectricibus totis(duabus mediis 
exceptis) pogonio interno, sordidè rufo-pallido albescentibus ; subtus gul& colloque 
antico viridi-smaragdino resplenderitibus, pectore ventreque mediis nigro-chali- 
bæis, lateribus cinnamomeis; rostrum mediocre, nIgrum , pArum arcualum. 

Sur le vivant. Yeux, bec et pieds noirs. Longueur totale, 140 millimètres; du vol, 
160 mill.; circonférence du corps, 80 mill.; du pli de l’aile à son extrémité, 65 mill.; 
de la queue, 43 mill.; du bec, 25 mill. 

Nous avons rencontré cette espèce une seule fois sur les montagnes sèches et arides 


des environs de Chuquisaca (Bolivia). Elle voltigeait entre les rochers, en se posant sur 
les plantes les plus élevées. 


OrDre pes OISEAUX GRIMPEURS, Cuv. 
[7 FAMILLE. PICIDÆ. 


Gexre COLAPTES. 


N.° 323. COLAPTES RUPICOLA, Nob. 
PL LXII, fig. 1. 


C. supra pallidè ochraceus: pileo toto à naribus nuchäque sericeo-plumbeis, collo 
supero, dorso toto à nuchd, alis cauddque, tectricibus, vittis flexuosis, nigris, lineatis, 
rectricum nigrarum Scapis aureo-flavicantibus; caudd nigr&, rectrice utrinque extremä 
duabusque mediis strictis, vittis, pallidé ochraceis, capitis collique lateribus, gutture, 
collo antico, pectore et abdomine, caudæque tectricibus inferis ochraceo-albis, 
hoc colore medio abdomine paululum flawicante; vitt& malari, nigro -plumbe , 
rubro mixtd, collo infimo guttis minimis, nigris, pectoreque majoribus conspersis. 

IVe (Ois. 48 


Passe- 
reaux. 


(378) 


Sur le vivant. Yeux jaune-vert, bec noir, pieds bruns. Longueur totale, 340 milli- 
mètres; du vol, 540 mill.; circonférence du corps, 200 mill.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 170 mill.; du bec, 47 mill.; sa hauteur, 11 mill.; sa largeur, 11 mill.; de 
la queue, 90 mill.; du tarse au bout des doigts, 60 mill.; du grand doigt, 30 mill. 

Cette espèce habite le plateau bolivien et le plateau occidental de la Cordillère boli- 
vienne, depuis le 16. jusqu'au 20. degré de latitude sud, et les régions élevées du 
versant oriental de la Cordillère dans les régions sèches de plus de 3000 à 4500 mètres 
d’élévation seulement. Nous lavons effectivement rencontrée près de la Paz, de Chu- 
quisaca, de Cochabamba et de Potosi (Bolivia). Elle vit par paires au milieu des rochers, 
dans les lieux dénués de buissons, se perche sur les rochers, et y mène une vie très- 
sauvage. Ses mouvemens sont vifs dans la recherche des insectes qu’elle poursuit entre 
les pierres; sa marche est rapide à terre, son vol lourd; son cri désagréable et fort, se 
fait entendre chaque fois qu’elle se perche. Les Indiens aymaras la nomment Facayaca. 


Gexre PICUS, Linn. 


N° 324. PICUS CACTORUM, Nob. 
Pl. LXII, fig. 2. 


P. suprà ater, maculd lat4 frontali ponè rotundatà et ad verticem extensd; maculd 
alid verticali triqueträ, coccined; nuchd transverse sordidè grised; dorso medio 
lineä albi; uropygio nigro alboque æque variegato ; alis caudiüique nigris, maculis 
albis, vitatis; subtüus totus sordidè griseus ; gul& tot& ranunculaced. 

Sur le vivant. Tour des yeux et bec noir, yeux bistrés, pieds gris. Longueur totale, 
190 millimètres; circonférence du corps, 120 mill.; vol, 370 mill.; du pli de Paile à 
son extrémité, {15 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse au bout des doigts, 38 mill.; 
du bec, 18 mill.; sa hauteur, 5 mill.; sa largeur, 6 mill. 

La femelle manque de tache rouge sur la tête. 

Nous n'avons rencontré celte espèce que dans les grandes vallées sèches et arides qui 
sillonnent , de l’est à l’ouest, le versant oriental des Cordillères, près de Chaluani et de 
Chilon , province de Mizqué (Bolivia). Elle vit par paires au milieu des cactus arborescens, 
et ne se perche que sur ces végétaux. Elle se pose aux parties inférieures et gravit ensuite 


jusqu'au sommet, en y cherchant des araignées, dont elle paraît se nourrir exclusive- 


ment. Ce sont des oiseaux familiers, très-communs, et qui se montrent très-attachés 
les uns aux autres. 


N° 325. PICUS ATRIVENTRIS, Nob. 
PI. LXIIT, fig. 1. 
P. ventre atro, non lineato; capite cristato colloque supremo rubris, macul& au- 
rium tantum nigrd, deorsum albo marginatä; supra totus ater; collo supero 


dorsoque medio vittä latä pallidè stramined notatis; flexurd alæ remigibusque 
intus ochraceis; rostro albo. 


(679) 

Sur le vivant. Yeux et bec blancs, pieds noirs. Longueur totale, 330 millimètres. 

Nous avons rencontré cette espèce dans la province de Corrientes et dans les îles du 
Parana, du 28.° au 32. degré de latitude sud; nous l’avons ensuite retrouvée dans la 
province de Chiquitos et de Vallé Grandé, république de Bolivia. Elle se tient dans 
l’intérieur des grands bois, où du mois de Février en Mars elle vit en troupes, tandis 
qu’elle est par paires le reste de l’année. Ses cris sont perçans, et le bruit qu’elle fait 
en frappant les arbres morts de son bec, pour en faire sortir les insectes, est réelle- 
ment remarquable. Lorsqu'elle voit quelqu'un, elle se retire toujours du côté opposé 
d’un arbre, de manière à ne pas être aperçue; mais la curiosité la porte à venir, d’instans 
en instans, regarder si l’on est toujours à la même place. Ce sont des oiseaux ceriaras , 


querelleurs, très-actifs. 


N.° 326. PICUS CANIPILEUS, Nob. 
PI. LXIIL, fig. 2. 


P. suprà olivaceus, uropygio leviter flaso striato; alis extüs parum.  aurulentis, 
remigium pogonis intûs nigro-fuscis, rectricibus fusco-olivaceis, apice nigris, harum 
scapis suprà nigris, tllarum brunneis, omnium subius luteis; fronte pileogque 
plumbeis, occipite et nuchd coccineis, regione ophthalmicä et paroicä sordide 
albescentibus ; guld tot et collo antico nigris, punclis minulis, griseis CONSPErSES ; 
subtus pallide olivaceo-flarescens, viridi-fusco striatus; alis subtüs pallidè ochraceis. 


Sur le vivant. Yeux bruns, pieds bleuàtres, bec noir. Longueur totale, 250 milli- 
mètres; vol, 440 mill.; circonférence du corps, 160 mill.; du pli de laile à son 
extrémité, 130 mill.; de la queue, 75 mill.; du tarse au bout des doigts, 50 mill.; du 
bec, 24 mill.; sa hauteur, 8 mill.; sa largeur, 10 mill. 

Cette espèce s’est montrée à nous sur le versant oriental des Cordillères, aux environs 
du bourg de Chupé, province de Yungas (Bolivia), au plus épais des bois qui couvrent 
le fond de tous les ravins de ces contrées humides et chaudes. Nous ne l'avons vue 
qu'une fois. 


N° 327. PICUS PUNCTICEPS, Nob. 
PL LXIV, fig. 1. 


P. suprä totus brunneo-niger, undique albo transversè vittatus; pileo toto nigro- 
brunneo, striis minimis albis consperso, nuchd coccined, utringue tæniis duabus, 
und supra, alterd infra oculos, albis, spatio inter eas oculum includente nigTO ; 
subtus sordidè albus; gutture, collo antico, ventreque nigro striatis. Fomina 
pileo loto, nuchäque unicoloribus , brunneo-nigris. 

Sur le vivant. Yeux rouge-carmin, bec corné, pieds gris. Longueur totale, 180 milli- 
mètres; du vol, 300 mill.; circonférence du corps, 115 mill.; du pli de Paile à sou 
extrémité, 90 mill.; de la queue, 60 mill.; du tarse au bout des doigts, 37 mill.; du 
bec, 20 mill.; sa hauteur et sa largeur, 6 mill. 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 380 ) 

Cette espèce se trouve dans les mêmes régions que le P. cactorum, c’est-à-dire dans 
les vallées sèches et arides de Chaluani et de Cochabamba, république de Bolivia. Elle 
se tient sur les coteaux, au fond des ravins, et dans les jardins mêmes de la ville de 
Cochabamba, mais elle est bien plus commune dans la vallée du Rio Chaluani, pro- 
vince de Mizqué. Elle grimpe aux petits arbres et aux cactus, n’est nullement craintive, 
vit par paires et sautille avec vitesse. Elle se nourrit principalement d’araignées et ne 
pique pas les écorces, comme les autres espèces de Pics. 


N° 328. PICUS FUMIGATUS, Nob. 
PI. LXV, fig. 2. 


P. suprà totus fumigatus; pileo toto nigro, striis rubris consperso; caudd fumigato- 
nigrd; subtus capitis collique lateribus fumigatus unicolor; ano pallidiore. 


Sur le vvant. Yeux couleur de bistre pàle, bec et pieds noirâtres. Longueur totale, 
170 millimètres; de la queue, 50 mill.; du pli de l'aile à son extrémité, 100 mill.; du 
tarse au bout des doigts, 35 mill.; du bec, 20 mill. 

Cette espèce paraît propre au centre du continent américain, car nous l’avons ren- 
contrée d’abord dans la province de Corrientes, république Argentine, au 28.° degré de 
latitude, et ensuite à Santa-Cruz de la Sierra et dans la province de Chiquitos, en Bo- 
livia, vers le 18.° degré. Elle se tient dans les grands bois et principalement à la lisière 
de ceux-ci, dont elle parcourt tous les points, le plus souvent isolée et silencieuse. Les 
Indiens guaranis la nomment /pecu-min', et les Indiens tobas du Chaco Comironac. 


N.° 329. PICUS NIGRICEPS, Nob. 
PI LXV, is 


P. suprà totus aurulento-olivaceus ; pileo toto nigro, nuchæ et dorsi plumis aliquot 
apice rubiginosis; strid à naribus ad nucham flav& nigro mixtd; subtus olivaceo- 
nigro et pallido vittatus. 

Sur le vivant. Yeux rouges, bec corné, pieds brun-bleuàtre. Longueur totale, 200 
millimètres; vol, 320 mill.; circonférence du corps, 110 mill.; du pli de l'aile à son 
extrémité, 90 mill.; de la queue, 65 mill.; du tarse au bout des doigts, 40 mill.; du 
bec, 21 mill.; sa hauteur et sa largeur, 8 mill. 

Nous n'avons vu celte espèce qu’une seule fois dans les grands bois des coteaux qui 
avoisinent le bourg de Palca Grande, capitale de la province d’Ayupaya, république 
de Bolivia. 


Gexre PICUMNUS, Tem. 
N.° 330. PICUMNUS ALBOSQUAMATUS, Nob. 
PL LXIV, fig. :2. 


P. pennis totis gutturis, colli antici, pectoris et abdominis albis, subtiliter nigro- 
marginatis, squamæformibus; capite suprà nigro, antrorsum strüis parvis rubris, 
posteà punctis minimis albis consperso. 


( 581 ) 

Sur le vivant. Yeux gris, pieds et bec bleuätres. Longueur totale, 150 millimètres ; 
du vol, 180 mill.; circonférence du corps, 70 mill.; du pli de laile à son extrémité, 
54 mill.; de la queue, 25 mill.; du tarse au bout des doigts, 25 mill.; du bec, 9 mill.; 
sa largeur, 5 mill.; sa hauteur, 5 mill. 

Nous avons rencontré celte jolie petite espèce dans la province de Yungas, près des 
rives du Rio de Tamanipaya, république de Bolivia, sur le versant oriental de la Cor- 


dillère. Elle menait sur les petits arbustes le genre de vie des Pics ordinaires. 


FAMILLE DES TROGONIDÆ. 
Gexre TROGON, Linn. 


N° 331. TROGON ANTISIENSIS, d'Orb. 
PI LXVL, fi 2. 
Trogon antisiensis, d'Orb., 1837, Magasin de zoologie, classe 2°, pl. rxxxv. 


Caractères. Bec assez fort, déprimé à la base, arqué, comprimé vers son extrémité, 
lisse sur la longueur des commissures, marqué seulement d’une dent près de lextré- 
imité de la mandibule supérieure; ailes longues, les rémiges acuminées à leur extrémité, 
la quatrième la plus longue ; tarses courts, emplumés sur la moitié de leur longueur. 
Des plumes relevées verticalement de chaque côté, forment une huppe en crête qui 
couvre seulement les parties antérieures aux yeux; ces plumes sont dirigées en haut et 
en avant, sans néanmoins descendre plus bas que la mandibule supérieure. Indépen- 
damment de cette huppe, la tête, jusqu’à l'occiput, est couverte de plumes un peu 
plus longues que celles du cou, mais non susceptibles de se relever. Les tectrices supé- 
rieures des ailes sont làches, comme celles des Autruches, longues, étroites, aiguës et 
tombent de chaque côté; les couvertures supérieures de la queue sont de même 
nature que les couvertures des ailes, mais plus longues que la queue et tombent 
par-dessus les rectrices; douze rectrices étagées, les plus longues en dessus. 

Dimensions. Longueur totale du bout du bec au bout de la queue, 29 centimètres; 
circonférence du corps, 24 cent.; du pli de l'aile à son extrémité, 19 cent. ; de la queue, 
12 cent.; du bec, {5 millim. 

Couleurs. Bec jaunätre, yeux rougeätres; pieds brun-noir; une petite partie de la 
gorge noire; celle même teinte forme une tache à la base de la commissure du bec; 
rémiges el scapulaires entièrement noires; la huppe est, en dehors, du plus beau vert 
jaunètre métallique; les barbes, surtout les plus antérieures et les plus inférieures, 
sont terminées de rougeñtre métallique; le côté interne des plumes de cette huppe est 
bleu-verdàtre très-foncé; les plumes qui recouvrent la tète sont absolument de la même 
teinte que celles de la huppe, mais avec moins de reflets rougeätres; le devant du cou 
el le commencement de la poitrine sont vert brillant; cette teinte est coupée carrément 
un peu au-dessus du pli de l'aile dans le repos; tout le dos, les couvertures tombantes 


des rémiges et des rectrices et le croupion d’un beau vert métallique très-brillant; les 


Passe- 
reaux. 


Passe- 
reaux. 


( 382 ) 
petites tectrices inférieures des rémiges vert doré, les grandes noires; toutes les parties 
inférieures du rouge le plus éclatant. La queue se compose : 1.° de six rectrices intermé- 
diaires noires; 2.° de deux latérales noires sur la moitié de leur longueur et sur la tige; 
le reste blanc; 3.° de quatre pennes extérieures blanches, la tige et la base noires, 
plumes des tarses noires, terminées de vert métallique. 

Cette magnifique espèce a beaucoup de rapports de formes avec le Couroucou pavonin ; 
mais elle s'en distingue par les caractères suivans : 1° par une taille moins grande de 
près d’un huitième; 2.° par ce que les plumes relevées en crêtes du Couroucou antisien 
ne couvrent que la partie de la tête antérieure aux yeux, et ne descendent pas sur la partie 
inférieure du bec, tandis que, chez le Pavonin, la crête couvre toute la tête, et ses 
plumes en avant tombent de chaque côté sur la mandibule inférieure du bec; 3.” en 
ce que le vert de la poitrine ne descend pas jusqu’à la hauteur du pli de Paile dans 
notre espèce, tandis qu’il descend beaucoup plus bas chez le Pavonin; 4.° par ce que 
les rectrices inférieures des ailes sont vert doré dans le Couroucou antisien et vert bleu 
dans l'espèce à laquelle nous le comparons; 5.” enfin, par les tarses, emplumés sur 
plus de la moitié de leur longueur dans notre espèce, et presque nus chez le Pavonin. 
Malgré ces différences qui distinguent parfaitement le Trogon antisiensis du Trogon 
pavoninus, beaucoup de traits de ressemblance en font des espèces très-voisines : l’allonge- 
ment et la nature des couvertures des ailes et de la queue, la huppe, ainsi que beaucoup 
d’autres détails de couleur. 

Nous l'avons rencontrée dans la république de Bolivia, à l’est des Andes, au sein des 
forêts humides et chaudes de la province de Yungas; elle y est constamment rare et se 
tient presque toujours près des torrents, au plus épais des bois, où ses mœurs, comme 
celles du genre auquel elle appartient, sont mélancoliques et sauvages. On entend sou- 
vent, le soir et le matin, son chant monotone, presque imitatif du nom de Couroucou ; 
mais combien de difficultés à vaincre pour arriver jusqu’à l'oiseau, au milieu du pays 


peut-être le plus accidenté du monde! 


FAMILLE DES RAMPHASTIDÆ. 


Gexre AULACORHYNOCHUS, Gould. 


N° 332. AULACORHYNCHUS COERULEO-CINCTUS, Nob. 
PL. LXVI, fig. 2. 


A. suprà totus prasinus unicolor, maculd tantummodd uropygiali rubrä, rectrici- 
busque duabus intermediüs apice castaneis ; subtüs pallidior, gult tot& albi; vittä 
superciliari et postoculari, genarum parte suboculart, zondque subpectorali azu- 
reis; rectricibus sublüs cyano-glaucescentibus; rostrum cœruleo-plumbeum apice, 


albescens. 


Sur le vivant. Yeux jaune-clair; tour des yeux noiratre, avec une tache jaune à la 
paupière inférieure; bec bleu foncé, rosé à son extrémité, pieds bleus. Longueur totale, 


( 583 ) 
370 millimètres; du vol, 480 mill.; circonférence du corps, 230 mill.; du pli de l'aile 
à son extrémilé, 140 mill.; de la queue, 140 mill.; du tarse au bout des doigts, 75 
mill.; du bec, 65 mill.; sa hauteur, 25 mill.; sa largeur, 23 mill. 

Le bec est pourvu de chaque côté d’une rainure assez profonde qui part des narines 
et se perd à la moitié de la longueur. Entre ces deux sillons est une surface plane 
carrée. 

Cette rare espèce paraît appartenir exclusivement aux grandes forêts humides et 
chaudes qui couvrent le versant oriental des Cordillères, à l’est de la ville de la Paz, en 
Bolivia. Nous l'avons effectivement rencontrée seulement aux environs de Yanacaché, 
de Chupé et d’Irupana, province de Yungas. Elle se tient au plus épais des bois, dans 
les ravins, où son cri la fait découvrir, car son plumage la confondait avec le 
feuillage. Elle se nourrit de fruits qu'elle jette en Pair pour les recevoir ensuite. Son 
cri, souvent répété, lui a fait, par imitation, donner par les Espagnols le nom de Dros 
dara (Dieu vous donnera). 


Passe- 
reaux. 


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TABLE ALPHABÉTIQUE ET SYNONYMIQUE DES 


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perspicillata, Nob. . . . . . . . 
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chilensis, Vigors. Voy. Tanagra yeni. 
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anti CR MEN NT ER 0 + 
gyrola. Voy. Tanagra gyrola + . . 
igniventris. Voy. Tanagra igniventris . 
Mexicana. Voy. Tanagra flaviventris . 
montana. Voy. Tanagra montana 
Schrankii. Voy. Tanagra Schranki . 
yéni. Voy. Tanagra yeni. .+ . . . 
Alauda Chi. Voy. pos Ch SE, 
fulva, Lion. Voy. Anthus fulvus . . 
rufa, Less. Voy. Anthus fulvus. 
ATECTURUS, VIE in 
flaviventris. Voy. Arundinicola flavi- 
VENINIS A Er Ce TU Re 
guirayelapa, Vieill, . . . . . : 
leucocephalus, nob. Voy. Pr 
cola leucocephala. . . . . . . 
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Ameeunzæ. Famille . . . . . . . . . 
2npelis, HN 4247202057 ete 
cayana, Lath.Voy. Ampeliscayennensis 
COMERNENSIS ee D 
cinerea , Vieill. Voy. Querula cinerea. 
NODSE El + Es US 
Linn. Voy. Tersina tersa . . 
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Anabates, Temm. . . . . . . . 
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gutturalis, Nob. PI. 55, bg. 3 +. 
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Arundinicola, Nob.. . . . . 
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Bubo, Cuv. . . 
Magellanicus + + + + + . 
Buüteo, Bechst.s + + + + se . sn » 
busarellus . 
macropterus, Vieïll. 
plumbeus, Cuv. Voy. . anbede 
TUULIQNS ee DSL. 
tricolor, nob. . . . . . 
uURICOlOr; Ob. e  05. mé 
Campylorhynchus scolopaceus, She Voy. 
Anumbius scolopaceus . 
Caracarinæ. Sous-famille, nob. . . + 
Caracterisado blanco , cabos negros, Azara. 
Voy. Psaris cayanus… + 
Cardinalis americanus, Briss. Voy. TA 
phonus gularis . PR 
PI. 48, fig. 203 
Cassicus atrovirens, nob. PI. 51, fig. 2 . 
chrysonotus, nob. PI. 52, fig. 1 . 
yuracares, nob. PI. 51, fig. 1 
Chartes US RSR ET 
aura, Ilig. : 
jota, Ch. Bonap. Voy. Co aura 
jota, Ch. Bonap. Voy. Cathartes urubu 
urubu, Vieill. : 2e. 
Cathartista aura, Vieill. Voy. Chante Les aura 
urubu, Vieill. Voy. Cathartes urubu. 
Cepnazoprterus, Geoff. Saint-Hil. . 
ornalus, Geof. . RO LT : 
Certhilauda cunicularia, nob. PI. 43, fig. Î 
mariima, nob. Voy. PL. 44, fig. 1 ; 
tenuirostris, nob. PI. 43, (a Die 
Chimango, Azara.Voy. Polyborus chimango 
Chipiu capita, Azara. Voy. ne 


Carduelis atratus, nob. 


capitatus - À 
Choliba, Azara. Voy. Le one 
Circaetus . Mes ie. 
coronalus + + + + + 

Circus, Bechst. 
busarellus, Vieill. Voy. os AD 
campestris, Vieill. Voy. Circus cinereus 
cinereus, Vieill. . A 
macropterus, Vieill. Voy. Buteo macro- 

pterus. See + 

rufulus, Vieill. Voy. Fe Pi 
superciliosus,Less.V.Buteo macropterus 
Cissopis bicolor. Vieiil. V. Bethylus picatus 
Cola agouda anegadizos, Azara. Voy. Sy- 
nallaxis ruficauda. 


( 386 ) 


Pag. 
137 
137 
102 
103 
112 
101 
104 
106 
109 


256 
44 


301 


279 
364 
366 
367 
365 
31 
38 
38 
31 
31 
38 
31 
296 
296 
359 
360 
39 
60 


278 
132 

75 

75 
110 
103 
110 
110 


112 


104 | 


112 
269 


Cola aguda chicli, Azara. Voy. Synallaxis 
rfosus ARE DR | - 
aguda de encuandro amarillo, Azara. 
Voy. Embernagra macroura . 
aguda de hote tricolor, Azara. Voy. 
Synallaxis phrrganophilus. 
aguda pardo de collar negro, Azara. 
Voy. Synallaxis Maximiliani . 
rara gallita, Azara. V. Alecturus tricolor 
rara pardo y blanco, Azara. Voy. Alec- 
lurus guirayelapa . ° . 
Colaptes rupicola, nob. PI. 62, fig 1. 
Conapophaga, Vieill. . . . . . ‘ 
ardestata,) nob,. 4, En 50: 
nævia, Vieill. 
nigro cincla, nob. 
Ba cinereum, nob. PI. 89, fig. 1. 
Contramaestre azuladillo, Azara. Voy. 1 
licivora, dumucola + + + + + .. 
copetillo ordinario, Azara. Voy. Muci- 
capara subcristata. . + . . 
coronado, Azara. Voy. d ver- 
mivora . 2€ es de 
pardo verdoso de corona nn Az. 
Voy. Muscicapa viridicata . 

Coracias cayana, Lath. V. Saltator cayana 
Coracina cephaloptera, Vieill. Voy. Cepha- 
lopterus ornatus. . . . . . 
Coracina ornata, Spix. Voy. Cphalpens 

OPNAUS ee ne 
CoracaniDæ. Famille. 
Corvus flavus, Gmel. V. na ions 
Culicivora, Swains. . . « . . . . … . 
bivittata, nob. V. Culicivora dumicola.. 
budytoides, nob. "os ds bu- 
dytoides. . . nada 
dumicola, nob.. . . . . . 
parulus, mob. . . . . . 
reguloides, me VU ; : 
Cons, Spix. Voy. nos 
mus soctabilis. + + + . Fe 
Cypselus Andecolus, nob. PI. 2, fig. 
montivagus, nob. PI. 42, fig. 1. 
Dacnis, nes ; 18 2006 
cayanus. DA AR ENIONE 
cyanaler, Less. V.Dacniscyanocephalus 
cyanocephalus, nob. . 


flaviventer, nob. 


240 | Dœdalion nitidus, Less. Voy. Astur ni 


Pag. 


246 


285 


239 


247 
341 


342 
377 
185 
188 
186 
187 
374 


331 


326 


324 


325 
290 


296 


296 
295 
304 
331 
331 


330 
331 
332 
332 


13 
358 
357 
219 
221 
221 
221 
220 

95 


Dendrocolaptes atrirostris, nob. PL. 54, fig. 1 
procurvus, Temm. PL 53, fig. 2 . . 
INOUONS Se SN 0 
bidentatus . 


Donacobius, Swains. . . . + . . « . 
albo=-vitalus, nôb 24 TS 
brasiliensis, mob = 0 


vociferans, Sw. V. Donacob. brasiliensis 
Drymophila atra, Sw. Voy. Formicivora atra 
trifasciata, Sw.N oy. Formiciv. domicella 
Elanoïides furcatus, Vieill. V. Mileus furcatus 
 leucurus, Vieill, Voy. Milvus leucurus . 
Elanus dispar, Less. Voy. Mileus leucurus . 
Emberiza atriceps, nob. PI. 47, fig. 2. . 
bonariensis, Comm. Voy. Embernagra 
plalensis. + + + + «+ + ie + 
carbonaria, nob. PI 45, fig. 2. . . 
fulviceps, nob. PI. 46, fig. 2 . . . 
griseo-cristata, nob. PI, 47, fig. 1. 
hypochondria, nob. PI. 45, fig. 1. . 
luteo-cephala, nob. PI. 44, fig. 2. . 
platensis, Lath. V.Emberiza bonariensis 
speculifera, nob. PI. 46, fig. 1. . 
Emberizoiles marginalis, Femm.Voy. Em- 
bernagra macroura + + + + . 
Embernagra, Less. . . . . . . . . . 
dumetorum , Less. V. Émbern. platensis 
macroura , noob. «+ 5 à. à: à … . 
olivascens, nob. . . . . . . . . 
platensis, nob.'. . . . . . . . . 
rufinucha,nob.V. Ærremonrufinucha . 
silens, nob. Voy. Arremon silens . . 
torquala, nob. Voy. Arremon affinis . 
Episcopus avis, Briss. V. Tanagra episcopus 
Euphonia, Desm.. . + . . . . . . . 
OUT NOD ne Re CR 
lantinostris, NOD RO 


nigricollis, Vieill. V. Euphonia aureata 
TUNCOPS, NOD,.+ 1 4 0 Ci 
SÉTPINOS ITS S AO DE Le à, s LOU, 
Falcon Bec Re 
arguya, Temm. Voy. Halictus melano- 
leucus. . . + . 
aurantius, Gmel. Voy. Falco femoralis 
bidentatus, Lath. V. Diodon bidentatus 


brasiliensis, Briss. Voy. Morphnus uru- 


bind + + + + anse CN 
brasiliensis, Gm. V. Polyborus vulgaris 
busarellus, Azara. Voy. Buteo busarellus 


( 387 ) 


Pag. 
368 
369 
122 
122 
213 
219 
213 
213 
179 
178 
100 

98 
98 


IN 19 
DO 1 © © O0 Oo Co OÙ OÙ Co O0 
[en] 


[ep] 


19 9 19 19 19 
SD À Or Or À 


Lo] 
= © = 


A] 
ET 


= D ND EE LD D D 1 © 
em OO OO OO Oo 
OO Ni © 1 


51 
103 


Falco cachinnans, Linn. Voy. Macagua ca- 
GIURRENSS 0 à se 
concentricus, ig.V. Nisus concentricus 
coronatus, Temm.V.Circaetus coronatus 
degener, Ilig. V. Polyboruschimachima 
destructor, Daud. V. Harpyia destructor 
diodon , Temm. Voy. Diodon bidentatus 
dispar, Temm. Voy. Milous leucurus . 
dominicensis, Linn. V. Falco sparverius 
Jfemoralis, Temm.. . . . . . . . 
furcatus, Gmel. Voy. Milvus furcatus . 
hemidactylus, Temm. Voy. Nisus hemi- 
daciiluss OMC, din 
hüstrionicus, Quoy.Voy. Circus cinereus 
insectivorus, Spix. V. Astur magnirostris 
longipes, Hlig. V. Morphnus urubitinga 
magnirostris, Lath.V.A4stur magnirostris 
nitidus, Lath. Voy. Æstur nitidus . 
palustris, Vieïll. Voy.Buteo macropterus 
pileatus, Temm. Voy. Msus pileatus . 
plumbeus, prince Max. de Neuw. Voy. 
Ictinia plumbea . . . . . . . 
plumbeus, Linn. Voy. Zctinia plumbea. 
poliogaster, Natt. Voy. isus poliogaster 
rosthramus, prince Max. de Neuw. Voy. 
Rosthramus sociabilis . . . . . 
rulilans, Licht. Voy. Buteo rutilans. . 
sparveriuss Giméls etes 24i% so + 
striatus, Vieill, Voy. Nisus striatus 
striolatus. Voy. Astur nitidus. . . . 
unicinctus, Tewmm.Voy.Astur unicinctus 
urubiüinga,Lath.V.Morphnus urubitinga 
Farconinæ. Sous-famille. Nob.. . . . . 
Fazconinées. Famille . . . . . . . . 
Ficedula pensylvanica, Briss. Voy. Muscica- 
para vermivora . . . . . 
Figulus albogularis, Spix.V. Furnarius rufus 
Fluvicola, Swains. . +. . . . . . . . 
ænanthoides, nob. . . . * . . 
GÉNIE PO EL Ce LE à 
cyanirostris, nob. V. Ada cyanirostris . 
icterophris, nob.V. Suiriri icterophrys. 
leubop his hob RS EE.e. a 
mgerrima, nob. Voy. Ada nigerrima . 
perspicillata ,nob.V. 4da perspicillata . 
rUfnpecloruls no. 2 5 
Formicivora, Swains. . . . . . . . . 
UP Et CAE as 
(UIOREEERC CURT 


ma Co CO Co Co Co Co C0 Go CO RO Co 
NDS ER À CC D À EN Où O7 HO 
© © Or &© = © à © À 


© 


© 


179 


Formicivora brevicauda, SwN.Myrmothera 
axillaris 
domicella + + + + + . 
Lafresnay ana , NOD es 
pileata, Ménét. V.Thamnophilus Dates 
rufatra, nob.. . . . . . . . : 
Fringilla gyrola, Linn.Voy.Tanagragyrola 
macroura, Lath. V. Embern.macroura 
Vie Rs De 
anumbti, Vieill. V. 4Anumbius anthoides 
ruber, Vieill. Voy. Anumbius ruber . 
rufus, Vieill.. 
Garrulus viridicyanus, nob. PI. 53, ft 1. 
Généralités sur les oiseaux de proie. 
Généralités sur les passereaux. 
GRIMPEURS . : s 
Gubernetes C unninghami, Such. Voy re 
lurus Yelapas + + + + + + + 
yiperu, nob. Voy. Alecturus yetapa. 
Gypagus papa, Vieill.V.Sarcoramphus papa 
Habia de Bañado, Azara. Voy. EÉmbernagra 
platensis. DS ss RENE 
de cejablanca, Azara. Voy. Saltator cœ- 


Furnarius , 


rulescens LS se 
de gola negra, Az. V. Saltator atricollis 
de pico raranjado, Azara. Voy. Saltator 
aurantit roslris . 0. 
punzo, Azara. Voy. Pyranga Azaræ . 
robustona. Voy. Saltator atricollis . 
rojica, Azara. Voy. Pyranga rubicus . 

Halictus, Savi. 5 
aguya, Less. V.Haliætus melanoleucus . 
chimachima, Less. Voy. Polyborus chi- 

machima + . . ER CNE NE 
chimanzo, Less. V. Polyborus chimango 
melanoleucus . 

Harpya, Cuv.. . Nes 
coronala, Vieïll. V. Circaetus coronatus 
destrucior, Daud. . . . . . . : 
mazima, Vieill. V. Harpiya destructor. 

Herpetotheres cachinnans, Vieill. Voy. Ma- 

cagua cachinnans . SR 
sociabilis,Vieill.V.Rosthramus sociabilis 

Hirundinea, nob. 
bellicosa , nob. . 

Hornero , Azara. Voy. Furnarius rufus . 

Hylactes Tarni, King. V. Leptony x Tarnii 

Hylophilus, Temm.. 
ruficeps, prince Max. . 


( 588 ) 


Pag. 
Porcter; Malle 1468 
183 de DOD: (EEE LAS 
178 | Icterus. . . 
182 maxillaris, rs PL 52. te. 
175 | lctinia, Vieill.. 
180 plumbea, Vieill.. 
272 | Jribu, Azara. Voy. Cathartes M. 
285 rubicha, Azara. V. Sar coramphus papa 


249 | Jacapani, Marcgr. V. Donacob. brasiliensis 


252 | Jacurutu, Marcgr. Voy. Bubo magellanicus 
263 | Laniasra "nb AN Eee 
250 guyanensis, mob: à 5 41,0% 
368 | Lanmx. Famille. Less. . . . . . . . 
1 | Lanius cæsius, Licht. Voy. Tyrannus cæsius 
141 cayanensis luteus, Briss. Voy. Tyrannus 
3717 sulfuratus + + + 4: à 2... 10, 
cayanus, Linn. Voy. Psaris cayanus 
349 doliatus, Linn.V. Thamnophilus doliatus 
342 domicella, Licht. Voy. Formicivora do- 
28 INICCUGER ET DONNE 
gutlulatus, Licht. Voy. Marnonhihe 
284 strialo- nl LES 
guyanensis, Licht. Voy. Laniagra guy a- 
9287 THEN TN FE ee 
288 inquisitor, Licht. Voy. Psaris inquisitor 
leverianus, Gel. Voy. Bethylus picatus 
288 nœvius, Lath. Voy. Psaris cayanus. . 
264 nævius, Linn.V.T hamnophilus nœvius 
288 palliatus,Licht.V. Thamnoph. palliatus 
265 picatus, Lath. Voy. Bethylus picatus 
76 stagurus, Licht.V. Thamnophilus major 
76 tyrannus,Gmel.V. Tyrannus intrepidus 
validus, Licht. Voy. Psaris roseicollis . 
63 | Zepionya}Swaimss 2h LR 
60 HIDICOLS, MOD, 2, . Ne 1e 
76 rRACrOpUS ; SWAÏNS: + Line 
81 paradoxus, nob. 
75 DUIOITOS SERRE, 
81 rubecula mobs 0" 
si Tarnii, nob. . rs ne 
Lesser rot Îly-catcher. Von M Des 
96 acadica. . . NE 
73 | Linaria analis, nob. PL 28. 1. 1 AR 
314 | Lindo azul yoro no Azara. Voy. 
514 Euphonia aureata . . 
250 celeste , oro y negro, Azara. Voy. Ta- 
198 nagra striala . 
219 precioso, Azara. Voy. Tanagra cayana. 
219 | Saihobi, Azara. Voy. Tanagra episcopus 


Macagunis: Arataie. à 6. 4 a, 
COCRIRNORS ME AE MEN ENT EN 
Malurus garrulus, Swains. Voy. Anumbius 
JroRtARS, 2. ‘ 
Manacus rubrocapillus, rise, Ve Pipe 
PUDTOCApUIE +. ES OU 
Megalonyx medius, Less. Voy. Leptonyx 
GbOUOUS LE EE: 
rubecula, nob. V. Leptonyx rubecula . 
ruficeps, nob. Voy. Leptonyx Tarnii . 
rufus, Less. Voy. Leptonyx macropus. 
Merops rufus, Gmel. Voy. Furnarius rufus 
Milvago ochrocephalus, Spix. Voy. Polrbo- 
rus chimachima. . . . . . . . 
Mileus Bet 2,00, Cu, 0 
funoalus Cuve 2 MT en 0e 
leucurus Niels es 4e 0 002) 
Mimus Saturninus, prince Max. Voy. Or- 
pheus calandria. . . . . . . . 
Morphaus Cuve. ne 
urubitingua, Ouv. . + . . . . . . 
Motacilla cayana, Linn. V. Dacnis cayanus 
olivacea, Linn. Voy. Vireo olivaceus 
perspicillata, Gmel. V. Ada perspicillata 
vermivora, Gmel. Voy. Muscicapara 
VETMIVOTE - ae ©. : Le 
Muscicapa albiventris, Spix. V OY. os 
DICOLOT NES NRC PRE 
alector, Temm. V. Alecturus tricolor . 
animosa, Licht.V. Tyrannusintrepidus 
audax, Lath. Voy. Tyrannus audax 
bicolor, Lath. Voy. Fluvicola bicolor. 
cæsia, prince Max. V. Tyrannus cœæsius 
cayennensis , Briss. Voy. Muscipeta 
CAVENRENSIE LS Ve 40 LE SEEN 
Commersoni, Less. V. Ada perspicillata 
coronala, Lath. Voy. Suiriri coronata 
crinita, Lath. Voy. Tyrannus crinitus . 
cristata, nob. Voy. Muscicapara sub- 
CHISICIO SNS DR NE ETS 
cyanirostris, Vieill. V. Ada cyanirostris 
despotes, Licht. Voy. Tyrannus melan- 
Chou SE RO 
dominicana, Spix. Voy. 4rundinicola 
leucocephalas 4 mi 
dominicana, Licht. Voy. Pepoaza do- 
MANCHE CIS, NRC 
elegans, nob. V. Muscicapa viridicata . 


Jerox, Lath. Voy. Tyrannus ferox . 


( 589 ) 


Pag. 
96 


96 


Muscicapa furcata, Spix. Voy. Tyrannus me- 
lancholieus 4... 
gulare, Natt. Voy. Todirostrum gulare. 
joazciro, Spix. Voy. Pepoaza rixosa. 
legatus, Licht. Voy. Muscipeta albicollis 
leucocephala, prince Max. Voy. 4run- 
dinicola leucocephala. . . . . . 
ludoviciana, Lath. V. Tyrannus crinitus 
mæsla, Licht. Voy. Pepoaza irupero 
nigricans, Vieill. Voy. 4da perspicillata 
nivea, Spix. Voy. Pepoaza irupero . 
obsoleta, nob.V. Muscicapara obsoleta 
olivacea , nob. Voy. Muscicapara bo- 
HCIANC EAU CENTER 
olivacea, Wils. Voy. Vireo olivaceus 
parulus, Kiulitz. V. Culicivora parulus 
plumbea, Licht. Voy. Querula cinerea 
polyglotta, Licht. Voy. Pepoaza poly- 
DOG. en LE ae men 
psalura, Temm. Voy. Alecturus gui- 
rayelapa + + + + 
prrope, Kittlitz. Voy. Ps prrope 
querula, Wils. Voy. Muscipeta acadica 
risoria, Vieill. V. Alecturus guirayetapa 
rubra, Vieill. Voy. Tyrannus tamno- 
Poe TR nos 
ruficapilla,;Vieill. V. Ada cyanirostris 
straminea, Temm. Voy. Muscicapara 
SUOCIISAlD eee ee 
suirirt, Vieill. Voy. Suiriri-Suiriri … 
tyrannus, Lath. V. Tyrannus intrepidus 
tyrannus, Lath. V. Tyrannus tyrannus 
velata, Licht. Voy. Pepoaza velata. 
virginia cristata, Briss. Voy. Tyrannus 
CrINLIUSE Me ee +. Cle re 
viIrLiedta ; MOD, LT RE 
villigera, Licht. V. Pepoaza coronala 
yetapa, Vieill. Voy. Alecturus yetapa. 
Muscicapara, nob. . . . . . 


angustiroslris, nob. . . . 


bivittata, nob. . 

boliviana,; mob...» +: ...,.n, 
Gaimardi, nob. . 

leucophrys, nob. . . . . . . . 


oleagina, nob. . 

obsoletas. noob, “4. 1 * 
stramineo-ventris, nob.. 

HO + 4: RS 
nob. 


striaticollis , 
subcrislala , 


Muscicapara ventralis, nob. 
vermivora, nob. 3 
Muscicarinz. Famille. . . ; 
Muscigralla brevicauda, nob. PI. 39, fig. 1 
Muscipeta, Guy. . . + . . . ... . 
acadica, nob. 
albiceps, nob. . . 
albicollis , 
armillata, Vieill. V. Muscipeta AU des 


bimaculata, nob. . . 


nObs ANR UE 


brevirostris, nob. . 
nob-e, br, 
cinnamomea, mob. Voy. Muscipela 
AQU NO MEME EN N 
flava, Vieill. Voy.Muscipelacayennensis 
Giliemini nob: 0. Vie EN 
obscura, nob. V.Muscipela Guillemini. 


cayennensis , 


ralloides , nob. . 
regia. 
Vieilloti, a 
virgula, nob.. : 
strabteals maculirostris , _. PI. 41, 
fig. 2. : : 
mentalis, nob. PI. 40, fig. 1. 
rufivertex, nob. PI. 40, fig. 2. 
striaticeps, mob. PI 41, fig. 1 
Myothera, Hg. . Mr 
alapi, nob. Voy. Ho alapr. 
analis, nob. . ete 
coraya, Spix. V. Thryathorus coraya. 
fuliginosa,Wig.V.Myrmothera axillaris 
leuconota, Spix. Voy. Formicivora do- 
muCellt el ER TERRE: 
Term. Voy. Thamnophilus 


mentalis , 
MENLALIS, ee UE e 
nigro-maculata, nob.. . . . . : 


pileata, Licht. V. no Eden 
poliocephala, prince Max. Voy.Thamno- 
philus mentalis … . . . . . . . 
striato-thorax, Temm. Voy. Thamno- 
philus striato-thorax . +. . . 
Myorarrinz. Famille. 


Myrmothera, Vieill. . . . . . . . 
axillaris, Vieill. + . . . ‘ À 
gullata, Vieill. V. Thamnopiie outlatus 


Hener test, nob. . 
UNE, DOS SUN 
Nacurutu, Azara. Voy. Bubo magellanicus 


Nauclerus furcatus, Vig. V. Milvus furcatus 


( 390 ) 


Pag. 
328 
324 
299 
34 
317 
318 
319 
318 
322 
320 
321 
317 


321 
317 
319 
319 
322 
317 
321 
320 


390 
3 
304 
36 
188 
181 
191 
229 
183 


178 


177 
190 
179 


177 


176 
163 
182 
103 
177 
184 
184 
138 
100 


Nemosia, Vieill. . , . . . : 
gularis, Vicill. V. Tachyphontel DiUtie 
nigricollis, Vieill.. . ... . : 


NS re 
sordidæ, mob, 04.03, 
IMSUSS OUNes M EN, 2 PO 
GONCENIFICUS" . À 
hemidactylus .  . 
magnirostris, Less.V.Astur magnirostris 
malfini, Less. Voy. Nisus striatus. 
piledlus see 2.00 
poliogasler. . n + .:. 
strialus « - DÉMO OR 
unicinctus, Less. Voy. ur unicinclus. 
HNoclua SAN: 4 ANT, 
cunicularia. . 
Jerox, Vieill.. 
lorquata. D 
urucurea, Less. Voy. Noclua cunicularia 
Œnanthe perspicillata , Vieill. di Ada 
perspicillata 5 
OISEAUX DE PROIE. mi ï 4 
Opetiorynchus inundatus , Temm. Voy. Sy- 
nallaxis ruficauda . du: 
rufus, prince Max. Voy. Furnarius rufus 
Oriolus leucopterus, Gmel. Voy. ni Re 
nus leucoplerus . 


Orpheus, Swains. 


calandrit,:mob. 0m 
dorsalis Mn0Dine.sr et lents 
patagonicus, nob.. 

thenca, nob. . 


tricaudatus, nob. V. Obs triurus . 
lriurus , UE REA 

Orthorhynchus. 
amethysticollis, nob. PI. 60, fig. DE 
pamela, nob. PI. 60, fig. 1. 
smaragdinicollis, nob. PL 59, fig. 2. 

Ots Cure lens 
brachyotos, Linn.. 

Pachyrhynehus, Sws. su 
cayanus, Spix. Voy. Psaris cayanus . 
marginalus, mob. « «+ . . . . . 
semi-fasciatus, Spix. Voy. Psaris semi- 

Jascratus 1"; : ROLE 

Pallas, Spice. V. 4r ne Do chine 

Pandion fulvus,Vieill.V.Morphn.urubitinga 

Parulus ruficeps, Spix. Voy. Srnallas 

ruficapilla . +. . . . ., . 


Pag. 
226 
279 
260 
261 
261 


PASSEREAUX. Ordre... . . . . . 
PASSERES. Ordre.. . . . . . 
Pepoaza, nob. . . z 
Pepoaza, Azara. no Pose pol 
andecola, nob. . . . . star de 
coronala, nob. +. + . . 
dominicana, Azara. . & 
gutturalis, nob. V. Pepoaza andecola. 
trupero , Azara . . . + . . 
livida, nob. . 
montana. + + + + 
montana, nob.. + . . . 
murina, nob. Voy. Pepoaza pyrope. 
polyglotta, nob. . . . 


Pyrope, nob.. 

TIXOSG DO Dse.. + ; 

variegata, nob. PI. 39, fig. 2 

velata, nob. . . . . . . 
Phalcobænus, Le 

montanus, mob. 


Phytotoma, Molina. . . . . 
anguslirostris, nob. + . 
Blu. Children. V. Ph bre 
TATAs MONA ee 
rulila, Vieill.. + 
silens, Kiul. Voy. Phytotoma rara . 

PICDE + 2. : = : 

Picolaptes D Lafr. Ver. Anum- 

bius scolopaceus. + . . . . . 

Picumnus albo-squamatus,nob. PI. 64, fig. 2 

Picus atriventris, nob, PI. 63, fig. 1. 
cactorum, nob. PI. 62, fig. 2. 
canipileus, nob. PI. 63, fig. 2 . 
fumigatus, nob. PI. 65, fig. 1 
nigriceps , nob. PI. 65, fig. 2 . 
puncticeps , nob. PI. 64, fig. 1 . 

Pipra, Linn. . . . . . . : 
erythrocephala, Gmel. . Pire ru- 

brocapilla . UE Ce sos 
Jasciata, nob. . Lu HS 
nœvia, Lath. Voy. Conophaga nævia 
peruviana, Lath. V. Rupicola peruviana 
rubrocapilla . see 
rupicola, Gmel. V. Rupicola ous 

Pirranæ. Famille . : 

Pitylus aureo-ventris ,nob. PI. 49. fl, 1.2 

Platyrhynchos bicolor, Vieill. Voy. Fluvi- 

cola bicolor . UE: 
coronatus, Vieill. Voy. Suiriri coronata 


( 391 ) 


Pag. 


141 
141 
346 
346 
301 
350 
347 
351 
348 
31 
353 
325 
348 
346 
348 
361 
349 
347 

50 

51 
291 
292 
293 
293 
293 
273 
377 


256 
380 
378 
378 
379 
380 
380 
379 
294 


294 
295 
186 
294 
294 
294 
294 
365 


343 
336 


Platyrhynchos hirundinœus, Spix. Voy. 
Hirundinea bellicosa . .« . 
leucocephalus, Vieill. V. onde 
leucocephala . . . . . . : 
regius, Vieill. Voy. Muscipeta regia . 
virescens, Vieill. V. Muscipeta acadica 
Polyborus, Vieill + . . .+ . + 
chimachina, Araras 0 000 0 0 
chimango , Vieill. x 
bre Vieill. Tor Polyborus ne 
CHINA ee ee 
vulgaris, Vieill.. . + . . Le 
Procnia ventralis, Wlig. V. Tersina tersa . 
RSURIS CU Re RCE CEE À 
atricapillus , nob. V. A 0 
Cayanuse «+ + + de 
Cuvieri, Sw. Voy. Put fetes 
erythrogenis, Selby.V. Psarisinquisttor 
inquisitor, nob.. . 
roseicollis , nob. 
nd nob. . : 
Pleroplochos albicollis, Kiul. Nes nn 
nyx albicolis, + + + + » à : 
megapodius, Kit. Voy. A ma- 


cropus + : ? 

rubecula, Kiul. Y. Leptonrs Mec 

Pyranga, Vieill.. . . . . ; 2 
albicollis, nob. . 


D ÉTUDE CU 
luctuosa, nob. . 
TUDICUS, NODIL: MER Sn, 0, 
versicolor, nob.. 
Querula, Viaill. . 
cinerea, nob. . 
Ramphocelus, Vieill. . 
atrosericeus, nob. . ee 
Regulus omnicolor, Vieill. Voy. Tachuris 
rubrigastra. ; 
Rhinomidæ. Famille. Nob. . 
Fhinomya, Isid. Geoff. . 
lanceolata, Ysid. Geoff. . 
Rosthramus, Less. EE : 
niger, Less. Voy. Rosthramus 
ne 
Rupicola, Briss. . 
peruviana . 
Saltator, Vieill. gun : 
atra, nob. Voy. Saltator ad 
atricollis, Vieill. 


299 
301 
302 
301 
301 
302 
302 
302 
301 


196 


197 
196 
262 
265 
264 
263 
265 
262 
296 
296 
280 
280 


333 
192 
193 
194 

72 

13 

73 
294 
294 
286 
291 
288 


Saltator auranti rostris, Vieill. . . . . 
Aeare;Mobe: » ME. Ve 
cærulescens, Vieill. . . . . . . 
cayana, nob. +. . EM ENVI 
flavus, Vieill. Voy. Pyranga Azaræ. 
melanopis, Vieill. . . . . . . . . 
ruber, Vieill. Voy. Pyranga Azaræ.… . 
rubicus, Vieill. Voy. Pyranga rubicus. 
rufitentris, Mob. 40 4-0 
SUNILE MODEL ES EURE : 
validus, Vieill. Voy. Saltator dot 
uirescens , Vieill. Voy. Saltator cayana. 

Sarcoramphus , Dumér. . . + . . . . 
SIMDRUS INN, + +40 7. Ur. 
papas + + . : ; FA 
vultur, Dum. . S gry 7 

Scops, Sav. ÉD EEE 2 
Choltbans URSS ER, - 

Serrirostrum carbonarium, nob. PI. 58, fig 1 
sioides, mob. PI.58, 8,930 00. 

Selaphasa, SWalns: De + ee 
brunniceps, nob. . . . . . . . . 
budytoides, nob. . 
verliealis, nob. . 4 +. . ee 

Sparverius magnirostris, Vieill. Voy. 4stur 


MASNITOSUTIS + + + . 
he fringillaris, Lioht VW Ember- 
NAGrA MUCTOUTA + + ee ; 


on Licht. V. bond 
ruficeps, Licht.V. Synallaxis ruficapilla 
Spizaetus leucurus, Vieill. Voy. Haliætus 
INCLANOLELCUS RE RC 
melanoleucus, Vieill. Voy. Halictus me- 
lanoleucus CN 
Série, Sav: 404 le 6 7 
choliba, Vieill. Voy. re. choliba ; 
cunicularia, Mol. V. Noctua cunicularia 
decussata, Licht. Voy. Scops choliba . 
ferox, Vieill. Voy. Noctua ferox 
magellanica, Gm.V.Bubo magellanicus 
ñacurutu, Vieill. V. Bubo magellanicus 
passerinoïides, Term. V. Noctua Jerox 
perlti@;ieht es Us EE 
punicolu, Vieill. Voy. Bubo magellanicus 
torquala, Daub. Voy. d lorquala. 
ulula, Linn. Voy. Otus brachyotos. . 
virginiana, Gm. V. Bubo magellanicus. 
SrRixipæ. Famille. . . . . . 
OUIFITI,-RODet ee 2 MR ES ce = 


( 592 ) 


Pag. 
288 
287 
287 
290 
264 
291 
264 
265 
289 
290 
288 
290 


16; 


128 
132 
127 
137 
138 
127 
135 
137 
126 
154 
137 
123 
336 


135 
132 


Suiriri, Azara. Voy. Pepoaza rixosa + . 


chorreado, Azara.V. Ada perspicillata. 
chorreado sin-roxo, Azara. V. Musci- 
petañalbicollis- ren se ce 
chorreado todo, Az. V. Tyrannus audax 
churinche, Azara. Voy. Suiriri coronata 
COPOnGIQ, DOb: ee Re ee de 
decabeza blanca, Azara.Voy. Arundini- 
cola leucocephala .… à «=. Qu 
de cabeza y rabadilla de canela. Azara. 
Voy. Ada cyanirostris. «+ + . . . 
dominico, Azara. Voy. Fluvicola bicolor 
guazu, Àz. V, Tyrannus melancholicus. 
icterophrys, nob. + . . + . . . . 
negro pico celeste, Azara. Voy. Ada cya- 
NIFOSIRISs 1e à er 0e 
ordinario, Azara. Voy. Suiriri-Suiriri . 
pardo amarillo mayor y menor, Azara. 
Voy. Tyrannus ferox. . . . . 
pardo y rojo, Az. V. Tyrannus crinitus 
rojo , Az. V. Tyrannus tamnophyloides. 
rojo obscuro, Az.V .Hirundineabellicosa. 
Sutriri, nob.e te moe 2 


SYTVIA + + es 4 st 


bivittata, Licht. V.Culicivora dumicola. 
canicapilla, prince Max. V. Sylvia velata 
cayana, Lath. + + + « . . . 
concolor, mob. 2261 Mn: Acte 
dumicola, Vieill. V. Culicivora ur 
leucoblephara, Vieaill. . . . . . . 
melanops, Vieill. + . . . . . . . 
olivacea, Lath. Voy. Vireo olivaceus 
perspicillata, Lath. V. Ada perspicillata 
perspicillata, Vieill. V. Ada perspicillata 
phryganophila, Vieill. Voy. Synallaxtis 
phryganophilus . : JR: 
platensis, Vieill.V. Troglody Pe 
plumbea, Swains. Voy. Sylvia venusla 
rubrigastra, Vieill. Voy. Tachuris rubri- 
gastra . 
Rens nob. V. Hope néfene 
russeolu, Vieill.V. Synallaxis ruficauda 
velata, Vieill. 
venusta, Temm. 
viridicata, Vieill. V. Muscicapaviridicata 
viridis, Briss. V. Dacnis cyanocephalus.: 


Syzvinx. Famille . 
Synallaxis, Vieill. 


ægythaloides, Kituitz 


Pag. 
380 
339 


133 
305 
336 
336 


334 


340 
343 
311 
338 


340 
336 


306 
306 
308 
314 
336 
215 
331 
217 
221 
216 
391 
217 
237 
162 
339 
339 


239 
231 
218 


339 
219 
240 
217 
218 
325 
222 
215 
234 


243 


da, à! 


Synallaxis albescens , Temm.. . . . . 


albiceps, nob. + . . + + + + . . 
caudacutus, pr. Max. V. Syn. ruficauda 
cinereus, pr. Max. Voy. Syn.ruficapilla 
dorso maculatus , nob. . . . . . . 
fuliginiceps, nob. . . . . . . . . 
humicola, Kiulitz . . . . . . . . 
leucocephalus, nob. . . . . . . . 
maluroides , nob. . . . . . . . . 
Maximiliant, nob.. . . . . . . . 
patagonica, nob. . . . . . . . . 
phryganophilus, nob. . . . . . . 
ruficapilla, Vieill. . . . . . . . 
ruficauda , Vieill. . . . . . . . . 
SIriQiceps MODE" + NME 
tecellata,;Femm.V.Syn.phrrganophilus 
torquata, nob. V. Sÿnall. Maximiliant 
torquatus, prince Max. . . . . . . 
troglodytoides, nob.. . . . . . . 


Tachurs MOD. RM CN 


cabeza de plomo, Azara. Voy. Todiros- 
trum gulare +... +. . . . 
de vientre amarillo, Azara. Voy. Arun- 
dinicola flaviventris … . . . . . 
nigricans, nob.. . . . . . . . . 
obscurito minor, Azara. Voy. Tachuris 
nigricans « + + + + + + + + 
omnicolor, nob. V. Tach. rubrigastra 
rubrigastra, nob.. . . . . . . . 


Tachyphonus, Vieill. . . . . . . . . 


capitatus, nob. . . . . . . . . . 
Jlavinucha, nob. . . . . . . . . 
gularis, nob.. . + . . . . . . * 
leucopterus, Vieill. . . . . . . . 
luctuosus , nob. V. Pyranga luctuosa 
ruficollis, nos MR N 
versicolor, nob. V. Pyranga versicolor 


Tanasra, Liane 4505 © A2 ENGUME 
Tanagra, Less. Voy. Laniagra guyanensis 


atra, Gmel. Voy. Saltator melanopis . 
atricollis, Spix. Voy. Sale. atricollis . 
aureala, Vieill. Voy. Euphonia aureata 
canicapilla, Swains. Voy. Sylvia velata 
Cayana,; Gels . 5 20 
cayanensis , Briss. Voy. Tan. Cayana 
CaNICOUIS AMOPLS ENT EN. 
episcopus, Licht. . . . .. +... 
flammiceps, pr.Max.V.Pyrangarubicus 
Hiavtentrss Nil PSE 
IV. Oùis. 


( 595 ) 


CO 2 À 2 Co 
in Or 19 


= à 
© “4 © 


NS 


D 
© mm © © 


19 19 9 9 9 NO 19 19 © © 1 © 
5 À 


19 
D 2 
D 


Co 
Le] 


Thamnophilus, Vieill. 


Tanagra gularis, Gmel. V. Tach. gularis 


guyanensis, Linn. V. Laniagra guya- 

FENTE Ce stat ere rate 
gyrola, Gmel. . . . . . + . . . 
igniventris, nob. + + + + + + . 
Maximiliant, mob: +: 4. 2 5 
melanopis, prince Max. Voy. Saltator 

melanopis 6e CS D Ce 
mexicana, Gm.V. Tanagra flaviventris 
mississipensis, Licht.V.Pyranga Azaræ 
montana, (noob. es LENS 5, 
nigerrima, Gm.V.Tachyph.leucopterus 
nigricollis, Gm. V. Nemosia nigricollis 
ohivascens , Licht 2 ne MONET 
pileata, Lath. Voy. Nemosia pileata . 
porphyro, Licht. Voy.Pyrangarubicus 
prima, Marcgr.. . . . . . . . . 
ruficollis, Licht. V. Tachy ph. ruficollis. 
Sayaca. Voy. Tanagra olivascens 
Sayaca, Gmel. Voy. Tanagra episcopus 
SCRTANCHIN SIL ss 0 Te Le 


silens, Lath. Voy. Arremon silens. . 


SITIAIR, (GMEl 
superciliaris, Spix.V. Saltat.cærulescens 
(AGO IINN. . en  U. 
PERL CNODENETES PRE ne, 
Tanasridæ" Famille: + 2°: 006. 5 fe 
DESIRE, NICE ER RE D 


cærulea, Vieill. Voy. Tersina tersa . 
TCTSCON RER EU TRE le de 
CUS TRE es nr nr De 
agilis, Spix. Voy. Vireo olivaceus 
alapi, Vieill. V. Formicivora alapi. 
albiventer, Spix. V. Thamn. major. 
HSPELIPERMERS OD,EEee e e R 
aterrimus. Voy. Formicivora aira … 
airopiieus ;" mobs... NN, 
axillaris, nob. V. Myrmothera axillaris 
cærulescens, Vial, V. Thamn. nævius. 
TOUS NS SR CAR ON 
doniicella, Mén. V. Formiciv. domicella 
gultatus, nob. + . . . . . . . . 
guyanensis, prince Max. Voy. Laniagra 

gUVANENSIS. + à + «à + + + « 
Lafresnayanus, nob. V. Formicivora 

LOFEPARARSS 2 0 MES 
lineatus, Spix. Voy. Thamn. palliatus . 
lividus, Kiltlitz. Voy. Pepoaza livida 

bo 


nd 
+ 


KW D 19 WW NW © WW 
NN 3 
NS 


OO "{ © 4 


Thamnophilus maculatus, nob. 
major, Vieill.. + + + + . 
melanogaster, Spix. Voy. Myr olere 
ALILIANIS. ee ee ie 
Ménialiss HOD.e. se. nt. 
minutus,nob. Voy. Myrmoth. minuta . 
NŒEUIUS Me se le 0 se 
palliatus. + . . . . . . . 
pileatus +... : dorée FRE 
radiosus, Spix. Vo. ne re : 
rufater, nob. Voy. Formicie. rufatra . 
rufus, Vieill. V. Tyrann.tamnophiloides 
rutilus, Vieïll. Voy. Thamn. atropileus. 
schistaceus, nob. Med: 
stagurus, pr. Max. Voy. Thamn.major 
sirimto-thordze. + à à + » « 
Thryothorus, Vieill. . . . . . 
coraya, Vieill. . . . 
modulator, nob.. . . : 
Tindara, Maregr. Voy. Strix per Li. 
Tityraatricapilla, Vieill.V. Psaris roseicollis 
cinerea, Vieïll. Voy. Psaris cayanus. 
rufa, Vieill. Voy. Psaris roseicoilis. 
Less NEO CN 
HO: 7e ee 
HOD: del = 


Todirostrum, 
cinereum , 
ecaudatum , 

nODis + ue Le 

NO: se 


gulare , 
margarttacei venter, 
Todus cinereus, Briss. V. Todirost. cinereum 
Lath. V. 4rundinicola 
leucocephala . . . . + +. +. 
marginatus, Lich£.Voy. Pachyrhynchos 


marginalus. 0: - 


melanocephalus, Spix. V. oo. 


leucocephalus , 


CINCLEUME > is + 4 es: 
regius, Lath. V. Muscipeta regia. 
Tordo de monte negro cobijas blancas, Az. 
Voy. Tachyphonus leucopterus . 
de monte torquato, Azara. Voy. Arre- 
mon silens. + . 
Trochiidés De Es Art 
Trochilus, Linn.. 


d'Orb. . . . . 


adela , : 
éstellæ\ d'Orb..: «© 
Troglodytes, Cuv. . . . . ie 


fulvus, nob. Voy. Troglod. ere 
guarayanus, nob.. . « + . . . . 
pallidus, nob. . . . . . . . . 

platensis. 


(5% ) 


Pag. 
172 
166 


177 
184 
170 
174 
175 
168 
180 
309 
173 
170 
166 
176 
229 
229 
230 
135 
302 
301 
302 
315 
315 
316 
315 
316 
315 


334 


303 


315 
317 


277 


281 
375 
376 
377 
376 
228 
231 
233 
234 
231 


Tuornipx. Famille . 
183 | Turdus, 


Troglodytes tecellata, nob.. . . . . . 
Trogon antisianus, nob. PI. 66, fig. 1. . 
Éinne se cote RSC he 
alapi, Gmel. V. oo alapr. 
albiventer, Spix. V. Turdus rufiventris 
badius, Licht. Voy. Furnarius rufus 
brasiliensis, nob. Voy. Donacobius bra- 
STLEnNSIs 
chiguanco, nob. À ’ 
oe Vieill. Voy. Turdus fic is. 
cirrhatus, Lath. V. Myrmoth. axillaris. 
coraya, Lath. Voy. Thryothorus coraya 
crinitus, Linn. V. Tyrannus crinitus . 
crotopezus, Licht. V. Turdus rufiventris 
Falklandiæ, Quoy. «+ » + : . : : 
fuscater, nob. . + . . . PA 
leucomelas, Vieill. V. Tur a on is 
magellanicus,King.V.Turd, Falklandiæ 
orpheus, Spix. V. Orpheus calandria 
pratensis, Vieill. V.Donacob. brasiliensis 
rufiventris, Niels hu. 40 
scolopaceus , nob. Voy. Anumbius sco- 
lupaceus. 
thenca, Vial. V. Or Fous un 
thenca, Vieill. Voy. Orpheus calandria 
triurus , Vieill. Voy. Orpheus triurus 
Tyrannus, Vieill. . 
albicollis, Vieill. V. Macon cheob 
ambulans, Swains. V. Pepoaza rixosa . 
animosus,nob.V. Tyrann.intrepidus . 
audax, Vieill. 
auranliaco-atro-cristatus , nob. ; . . 
bellicosus, Vieill.V. Hirundinea bellicosa 
bellicosus, Vieill. V. Tyrann. sulfuratus 
bellulus,Vieill. V. Alecturus guirayetapa 
bifurcatus, Briss. V. Tyrannus tyrannus 
cæsius, nob. . DE : 
cayennensis, Briss. V. Tyrannus rez: 
coronatus, Vieill. V. Pepoaza coronata. 
CrINUUSS (NOPA mis Dee ie ste 
dominicanus , Vieill. V. Pepoaza domi- 
RICONT Sale, à LOUE De Re 
LEA CIE CE 
fumigatus, nob. . . 
gulturalis, Eydoux. Voy. Hopoust Fe 
à Nieill.… + 00, | 
irritabilis, Vieill. V. Tyrannus crinilus 
irupero, Vieill. V. Pepoaza irupero 


Pag. 
232 
381 
199 
199 
181 
203 
250 


213 
201 
203 
183 
229 
307 
203 
202 
200 
203 
202 
206 
213 
203 


256 
209 
206 
208 
303 
318 
350 
313 
305 
312 
314 
304 
342 
310 
309 
306 
30 
306 


347 
306 
307 
351 
313 
306 
348 


Tyrannus magnanimus, Vieill. Voy. Tyran- 
nus sulfuralus . . + . . . . : 
Miel... , 
pepoaza, Vieill. V. Pepoaza poly glotta. 
rixosus, Vieill. V. Pepoaza rixosa. 
rufescens , nob.. . . . . . . . . 
rufiventris, 
rufus, nob. Voy. 
plhiloides. . . . 


melancholicus, 


MOD: 7 SN ES 
Tyrannus tamno- 


savana, Vieill. Voy. Tyrannus tyrannus 

solitarius, Vieill. V. Tyrannus audax. 

SUIUTAIUS eV Ne 5 ha ie 

tamnophiloides, nob.. . . 

tuberculifer, nob. 

trannus,.N0b. 0. +. - 
Uppucerthia andecola, nob. PI. 56, fig. 2. 
PI. 56, fig. 1. 


montana, nob. 


FIN DE LA PARTIE 


( 395 ) 


Pag. 


304 
311 
346 
380 
308 
312 


309 
310 
305 
304 
308 
307 
310 
371 
371 


Uppucerthianigro-fumosa,nob.PI.57,fig.2 
Pho1 ho Le. 


Urucurea, Azara. Voy. Noctua cunicularia 


vulæaris, nob. 


Uzquantzli, Fernand. V. Harpya destructor 

Pireo Niels sms 
OUVACEUS ADD ee ee 0 
virescens, Vieill. Voy. Vireo olivaceus 

Vultur atratus, Wils. Voy. Cathartes aura . 
aura, Linn. Voy. Cathartes aura. 
aura, Wils. V. Cathartes urubu. 
brasiliensis, Lath. V.Cathartes urubu . 
elegans, Gerini. V. Sarcoramphus papa 
gryphus, 


gryphus. + . . + . . SRE 


Humb. Voy. Sarcoramphus 
papa, Linn. Voy. Surcoranphus pape 


ue Famille. . . . . ; 
Fiperu, Azara. Voy. Aleclurus re 


DES OISEAUX. 


Pag. 
372 
372 
128 

81 
161 
162 
162 


to 


NAS 


CLS 


UP 
LEA 
aura à 


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2% 
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